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Full text of "Le Népal, étude historique d'un royaume hindou"

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MINISTËIIE  nH  I.ISSTHIICTION  fiiiii.ioui: 


ANNALES 


^MUSÉE  GUIMET 


TOHE  DIX-HUITIÈME 


LE  NÉPAL 


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LE  NÉPAL 


ÉTUDE   HISTORIQUE  D'UN  ROYAUME  HINDOU 


PAR 


SYLVAIN  LEVI 

PROFESSEUR  AU  COLLÈGE  DB  FRANCE 


OUVRAGE  ILLUSTRÉ  D'HÉLIOGRAVURES 


VOLUME   II 


PARIS 

ERNEST  LEROUX,   ÉDITEUR 

28,    RUE    BONAPARTE,    28 

1903 


Privtoé  in    Franc«« 


LE  NEPAL 


ÉTUDE   HISTORIQUE  D'UN  ROYAUME  HINDOU 


PAR 


SYLVAIN  LEVI 

PROFESSEUR   AU   COLLÈGE  DE  FRANCE 


OUVRAGE  ILLUSTRÉ  D'HÉLIOGRAVURES 


VOLUME   II 


PARIS 

ERNEST  LEROUX,  ÉDITEUR 

28,    RUE    BONAPARTE,    28 

1905 


LE  NÉPAL 


Paon  de  bronze.  —  Ouvrage  népalaîi. 

LE  CULTE 

MONUMENTS    ET    FÊTES 

Les  monuments.  —  L'architecture  del'Inde commence 
avec  le  règne  de  l'empereur  Açoka  qui  fit  élever,  selon  la 
légende  bouddhique,  84000  édifices  religieux.  C'est  au 
souvenir  d'Açoka  que  le  Népal  rattache  aussi  ses  monu- 
ments les  plus  anciens.  Pendant  son  séjour  dans  la  vallée, 
l'auguste  pèlerin  aurait  érif^é  cinq  l-aityas,  l'un  au  centre 
de  Patan,  les  autres  aux  quatre  points  cardinaux  ii  l'entour 
de  la  ville.  Açoka  aurait  voulu  commémorer,  par  chacun 
de  ces  quatre  éailyas,  la  date  initiale  de  chacun  des  quatre 
âges  {yuyas)  du  monde.  Si  peu  fondée  que  soit  la  légende. 

II.  -  1 


0 


LE    NEPAL 


elle  justifie  du  moins  la  désignation  appliquée  à  ces  monu- 
ments :  ce  ne  sont  pas  des  stupas,  puisqu'ils  ne  recouvrent 
pas  de  saintes  reliques,  mais  simplement  des  caityas,  des 
monuments,  au  sens  rigoureux  du  mol,  destinés  à  évo- 
quer de  pieuses  pensées.  Ces  caityas  des  quatre  points 
cardinaux  subsistent  encore,  intacts  dans  leurs  grandes 
lignes,  et  leur  aspect  général  ne  contredit  pas  la  tradition  ^  : 
un  hémisphère  massif  de  terre,  garni  d'un  revêtement  de 
briques,  bordé  d'une  plinthe  également  en  briques,  qui 
pose  sur  un  trottoir  circulaire.  Quatre  chapelles,  disposées 
aux  quatre  points  de  Tespace,  s'adossent  à  la  calotte  sphé- 
rique  et  s'y  encastrent  ;  chacune  d'elles  contient  l'image 
d'un  des  quatre  Bouddhas  a  cardinaux  ».  L'hémisphère 
est  couronné  par  un  cube  de  maçonnerie  peu  élevé  qui 
supporte  une  pyramide  massive  de  briques,  élagée  en 
treize  sections.  Une  tige  de  pierre  se  dresse  au  faîte.  Tn 
échafaudage  de  bois,  fixé  au  sommet,  sert  à  soutenir  pen- 
dant la  saison  des  pluies  un  appareil  de  nattes  employé 
comme  défense  contre  l'infiltration  des  eaux.  Au  retour  de 
la  saison  sèche,  cet  appareil  est  remplacé  durant  une 
semaine  par  un  parasol  de  bois  et  d'étoffe.  Les  caityas 
d'A(;oka  ont  préservé  la  forme  des  monuments  les  plus 
anciens  du  bouddhisme  indien  :  ils  rappellent  directement 
et  le  célèbre  stilpa  de  Sanchi,  et  les  a  topes  «  également 
fameux  du  (landhAra.  La  plinthe  est  le  seul  enjolivement, 
bien  rudimentaire  encore,  qui  soit  venu  modifier  les  lignes 
brutes  du  stApa  primitif.  Mais  le  couronnement  de  maçon- 
nerie et  de  briques  {cûclAmani)  marque  une  évolution  en 
train  de  s'accomplir  :  le  parasol,  qu'il  supporte  aujourd'hui 
pendant  une  période  si  courte,  est  pour  ainsi  dire  l'attribut 
naturel  du  stûpa  ;  il  est  le  symbole  de  la  souveraineté,  et 
le  Bouddha  y  a  droit  comme  l-ûkravartin  et  comme  dhar- 

1.   V.  les  photographies,  I,  263  <'l  :i3L 


LE    CULTE  ^ 

marâja  «  monarque  universel  el  roi  de  la  loi  ».  Le  nom 
même  de  dharma-râjikâ  affecté  aux  84000  fondations 
d'Açoka  exprime  bien  cette  union  de  la  souveraineté  avec 
la  religion.  Les  représentations  les  plus  anciennes  figurées 
sur  les  monuments  montrent  le  stûpa  couvert  du  parasol. 
On  en  vint  naturellement  à  doubler,  à  tripler  Temblème, 
pour  honorer  mieux  le  saint  ;  le  nombre  des  parasols 
superposés  s'éleva  jusqu'à  treize,  et  quelle  que  fût  la  raison 
de  ce  choix,  le  nombre  de  treize  resta  consacré  par  Tusage. 
Sur  le  grand  stûpa  du  Loriot,  élevé  k  Péchaver  par  Kaniska, 
le  pèlerin  chinois  Song-yun  compte  également  treize  dis- 
ques enfilés  sur  un  pilier  de  fer^  Une  raison  de  stabilité 
autant  que  d'esthétique  obligeait  de  donner  aux  parasols 
étages  des  dimensions  décroissantes.  En  même  temps,  pour 
asseoir  la  tige  qui  les  supportait,  il  fallait  installer  en  haut 
du  stûpa  une  fondation  de  maçonnerie.  Aux  parasols  réels 
se  substituèrent  naturellement  des  disques  faits  de  maté- 
riaux plus  résistants,  pierre  ou  métal  ;  ces  disques  se 
rapprochèrent,  se  soudèrent  en  masse  compacte,  en  tronc 
de  cône.  On  avait  perdu  de  vue  leur  destination  initiale  ; 
on  transforma  le  cône  en  pyramide.  Tel  est  le  stage  que 
représentent,  sous  leur  forme  actuelle  au  moins,  lescaityas 
attribués  à  Açoka.  Les  réparations  qui  se  sont  succédé  au 
cours  des  siècles,  et  qui  se  sont  répétées  jusqu'à  une  date 
récente,  comme  l'attestent  des  inscriptions  modernes,  sont 
peut-être  responsables  du  couronnement  de  maçonnerie  et 
de  briques  qui  termine  les  caityas  ;  elles  n'ont  pas  modifié 
la  structure  simple  et  robuste  de  l'hémisphère  primitif. 

Comparé  à  ces  monuments,  le  caitya  de  Svayambhû 
Nàtha'  (vulgairement  Syambu-Nàth)  montre  la  transfor- 


1.  C'est  du  moins  le  chiffre  fourni  par  plusieurs  recensions.  D'autres 
donnent  quinze  ou  même  vingt-cinq.  Cf.  Chavannes,  Bull.  Ec.  Franc. 
Eœtr.'Or.,  1903,  420  sqq. 

2.  V.  la  photographie,  1,  173. 


4  LE   NÉPAL 

mation  qui  s'est  introduite  dans  les  proportions  essen- 
tielles de  Tédifice.  L'hémisphère  ancien  s'étrécit  de  la 
base,  s'allonge  en  hauteur  et  s'écrase  du  sommet.  La 
plinthe  se  détache  en  saillie  et  forme  autour  de  la  base  une 
sorte  de  table  circulaire,  large  de  deux  pieds,  bâtie  en 
dalles  de  pierre  et  portée  sur  de  petits  piliers  de  pierre. 
Le  couronnement,  indépendamment  des  ornements  posti- 
ches, a  la  même  hauteur  que  le  caitya  lui-même,  tandis 
que  dans  les  caityas  de  Patan  il  est  quatre  fois  plus  petit. 
En  se  développant  ainsi,  il  a  pris  une  importance  archi- 
tecturale :  la  base  de  la  flèche  a  une  corniche  en  saillie  ; 
elle  est  ornée  de  plaques  de  cuivre  doré  et  porte,  comme 
tous  les  monuments  lamaïques,  sur  chacune  des  quatre 
faces,  deux  yeux  grands  ouverts  peints  en  rouge,  blanc  et 
noir  ;  c'est  l'emblème  d'Àdi-Buddha,  le  Bouddha  primor- 
dial. Les  treize  sections  de  la  flèche  sont  formées  de 
treize  parasols  séparés,  treize  disques  de  bois,  plaqués  de 
cuivre,  dorés  sur  leur  rebord,  étages  à  des  espaces  régu- 
Hers  autour  d'un  mât  de  bois.  Sur  le  plus  élevé  des  disques 
s'appuie  un  châssis  de  bois  doré  qui  soutient  à  son  tour  un 
cercle  de  métal  artistement  travaillé  ;  une  sorte  de  trépied 
fixé  sur  ce  cercle  porte  enfin  un  clocheton  de  cuivre  doré 
avec  une  cloche. 

La  sainteté  incomparable  du  caitya  de  Svayambhû  le 
condamnait  à  subir  des  réparations  fréquentes.  Élevé  sur 
le  site  même  où  s'épanouissait  jadis  la  fleur  de  lotus  mer- 
veilleuse qui  portait  la  divinité  (I,  333),  le  caitya  primitif 
passe  pour  Tœuvre  de  Pracanda  deva  ;  roi  du  pays  de 
Gauda  (Bengale),  il  avait  abdiqué  pour  entrer  dans  les 
ordres  ;  sous  le  nom  de  Çântikara  bhiksu,  qu'il  avait  adopté 
désormais,  il  vint  au  Népal  adorer  Svayambhû.  Par-dessus 
la  pierre  qui  recouvrait  l'image  miraculeuse,  il  installa 
un  immense  joyau,  et  le  divin  Vajrasattva  y  fora  treize 
conduits  pour  amener  jusqu'à  la  divinité  les  ofiTrandes  de 


LE    CULTE  5 

ses  adorateurs.  Le  bhiksu  royal  s'adressa  ensuite  à  Tar- 
chitecte  des  dieux,  Viçvakarman,  et  lui  demanda  d'édifier 
un  caitya.  En  ce  lemps-là,  le  prédécesseur  du  Bouddha 
Çâkyamuni,  le  Bouddha  Kàçyapa  vivait  encore  sur  la  terre. 
Le  nom  du  bhiksu  Çântikara  se  retrouve  dans  un  autre 
récit  du  Svayambhû-Purâna,  associé  à  Tinstitution  des 
rites  en  l'honneur  des  Nâgas,  sous  le  roi  Gunakâma  (v. 
Slip.  1,  322).  Mais  je  ne  voudrais  pas  serrer  de  trop  près 
cette  indication,  et  moins  encore  m'en  autoriser  pour 
dater  la  fondation  du  caitya  de  Svayambhû.  11  ne  subsiste 
pas  d'inscriptions  antérieures  à  la  fin  du  xvi®  siècle  ;  la 
première  commémore  une  réparation  exécutée  en  1593, 
sous  Çiva  Simha  Malla.  Depuis  longtemps  le  zèle  religieux 
des  Tibétains  semble  avoir  pris  à  sa  charge  l'entretien  du 
monument.  En  1639  un  Lama  de  Lhasa  fit  plaquer  de 
cuivre  doré  le  clocheton  avec  son  soubassement,  et  fit 
installer  au  faîte  un  parasol  doré.  En  1751  «  année  871 
du  Nepâla-Samvat,  du  nom  de  Prajâpati  [dans  le  cycle  de 
Jupiter],  année  Kedà  pour  les  Tibétains,  année  Simu-u 
pour  les  Chinois  »  un  Lama  nommé  Karmapa  a  qui  avait 
l'esprit  aussi  lumineux  que  le  soleil  et  la  lune,  vint  du  Nord 
pour  assurer  le  bonheur  du  roi,  des  fonctionnaires  et  du 
peuple  »,  et  «  à  un  jour  d'heureux  augure,  il  commença  la 
réparation  du  caitya  que  le  mal  du  Kali-Yuga  avait  rendu 
inhabitable  ».  Une  longue  inscription  bilingue,  encore 
dressée  sur  la  plate-forme  de  Svayambhû,  commémore 
les  détails  de  cette  réparation,  entreprise  avec  le  concours 
des  dieux  Mahâdeva,  Ganapati,  Kumâra,  Visnu,  et  aussi 
des  ràjas  népalais.  Le  roi  de  Katmandou,  Jaya  Prakàça, 
avait  pris  à  son  compte  les  réparations  ;  le  roi  de  (îourkha, 
le  futur  conquérant  du  Népal,  Prthvî  Nâràyana,  avait 
promis  de  faire  hâler  jusqu'à  pied  d'œuvre  la  poutre  maî- 
tresse. Une  guerre  interrompit  le  travail  qui  fut  achevé 
seulement  en  1758.  Il  avait  fallu  changer  la  forte  pièce  de 


6  LE    NÉPAL 

bois  qui  partait  de  la  base,  traversait  toute  la  masse  du 
caitya  et  dépassait  le  faîte.  La  dépense  à  cette  occasion 
fut  considérable  ;  on  y  employa  39  kilogrammes  d'or  (soit 
une  valeur  de  120  000  francs  en  monnaie  actuelle)  et 
presque  3  500  kilogrammes  de  cuivre.  La  quantité  de  musc 
consommée  dans  les  cérémonies  valait  1 000  roupies, 
somme  énorme  chez  un  peuple  où  la  vie  moyenne  coûte 
environ  une  roupie  par  semaine.  Kn  1816,  un  violent 
ouragan  jeta  bas  tout  le  couronnement  du  caitya,  et  brisa 
la  grande  poutre  verticale  si  laborieusement  installée  en 
1758.  Les  temps  du  bouddhisme  népalais  étaient  passés. 
Il  fallut  attendre  jusqu'à  1825  pour  recueillir  les  fonds 
nécessaires  aux  réparations.  L'importance  du  désastre 
imposait  une  restauration  complète  ;  on  dut  éventrer  Thé- 
misphère  du  caitya,  ouvrir  la  chambre  centrale  pour  en 
arracher  les  débris  de  Taxe  brisé.  L'occasion  était  unique 
pour  un  archéologue  ;  l'inspection  des  menus  objets  ren- 
fermés dans  le  reliquaire  aurait  fixé  la  date  de  la  construc- 
tion primitive.  Personne  ne  se  rencontra  qui  sût  en  profiter. 
Les  destinées  du  caitya  de  Svayambhû  au  cours  des 
derniers  siècles  montrent  bien  les  transformations  fré- 
quentes que  les  monuments  du  même  genre  ont  dû  subir 
au  Népal  ;  seules,  les  proportions  du  slûpa  lui-même  et, 
le  cas  échéant,  les  substructures  méritent  d'être  considérées 
comme  des  indices  authentiques  de  la  construction  primi- 
tive. Jugé  sur  ces  caractères,  le  caitya  de  Budh-nàth' 
(Buddha-nàtha)  le  cède  en  antiquité  aux  deux  précédents. 
Il  passe  dans  la  tradition  populaire  pour  avoir  été  construit 
en  expiation  d'un  parricide  ;  mais  le  nom  des  personnages 
varie  d'un  récit  à  l'autre.  Tantôt  le  coupable  est  le  prince 
Bhûpa-Kesari,  qui  tua  son  père  sans  le  savoir.  La  fontaine 
de  JalaçayanaNàràyana  étant  venue  soudain  à  se  tarir,  le 

\.  V.  la  plïolom*a[>lni',  I,  L')l. 


LK  i:n:\K  7 

vieux  roi  ViUrama  -Kesari,  inquiet,  consulta  les  astrologues  ; 
ils  lui  prescrivirent  de  sacrifier  un  être  humain  marqué  des 
trente-deux  signes  (lahana).  Le  roi  manda  son  fils  :  Dans 
quatre  jours,  lui  dit-il,  tu  trouveras  couché  sur  la  source 
un  homme  ;  frappe-le  à  mort,  sans  le  regarder.  Le  prince 
obéit,  et  le  meurtre  accompli,  il  va  se  laver  les  mains  dans 
le  ruisseau  Iksumatî  :  à  sa  surprise,  des  masses  de  vers 
flottaient  à  la  surface.  Bientôt  il  connut  son  crime,  et  pris 
d'horreur  il  confia  la  royauté  h  sa  mère:  puis  il  s'en  alla 
prier  Mani-Yoginî,  la  déesse  de  Sankou.  Elle  lui  ordonna, 
en  guise  d'expiation,  de  construire,  sur  le  site  où  il  verrait 
se  percher  une  grue,  un  caitya  de  deux  yojanas  de  tour, 
avec  quatre  cercles  de  dieux.  Tantôt  le  prince  s'appelle 
Màna  deva,  et  son  père  Vikmanlî;  la  tête  de  la  victime 
reste  attachée  aux  mains  du  parricide  involontaire,  et 
c'est  encore  la  déesse  Mani-Yoginî  qui  révèle  le  procédé 
d'expiation.  La  déesse  Vàràhî  en  personne  surveille  la 
construction  du  caitya,  et  pour  la  remercier  Màna  deva 
installe  sa  statue  h  l'entrée  du  temple,  tandis  qu'il  place  h 
l'intérieur  toutes  les  divinités.  L'hymne  au  Bouddha,  com- 
posé par  Màna  deva  pour  les  fêtes  de  l'inauguration,  est 
encore  populaire  chez  les  Bouddhistes  népalais  '. 

1.  Les  Tibétains,  qui  fréquentent  particulièrenienl  le  caitya  de  Rudh- 
nàth  et  qui  le  considèrent  comme  leur  temple  national  au  Népal,  rap- 
portent d'une  autre  manière  Torij^'inedu  monument.  Une  larme  de  pitié, 
jaillie  des  yeux  d'Avalokilervara,  donna  naissance  dans  le  ciel  à  une 
vierge  divine.  Mais  la  jeune  fille  se  laissa  entraîner  à  voler  des  fleurs  au 
paradis  ;  frappée  de  déchéance,  elle  alla  nailre  sur  terre,  au  Népal,  dans 
une  famille  de  porchers.  Devenue  grande,  on  la  maria:  elle  se  mit  à 
élever  des  oies,  s'enrichit  à  ce  métier,  et  décida  de  consacrer  sa  foitune 
à  bâtir  un  caitya.  Elle  vint  trouver  le  roi  et  lui  demanda  autant  de  ter 
rain  qu'une  peau  en  couvrirait  (Taurino  quantum  posset  circumdare 
tergo,  Enéide,  I,  368).  Le  roi  consentit.  Elle  i)rit  alors  une  peau,  la 
découpa  en  lanières  minces,  et  s'en  .servit  pour  circonscrire  une  surface 
considérable.  Les  ministres  inquiets  pressèrent  le  roi  d'intervenir:  mais, 
respectueux  de  la  parole  donnée,  il  laissa  faire.  La  fondatrice  mourut 
avant  l'achèvement  de  son  œuvre  :  mais  ses  fils  ])urent  terminer  la  con- 
struction ;  ils  déposèrent  à  Tintérieurdu  stùpa  un  boisseau  de  relicjues 


8  LE    NÉPAL 

Bhûpa-Kesari  et  Vikrama-Kesari  sont  des  personnages 
de  fantaisie  ;  mais  Màna  deva  est  un  nom  historique.  Le 
premier  roi  de  ce  nom  ouvre  la  série  des  textes  épigra- 
pbiques  du  Népal  ;  ses  inscriptions  espacées  de  386  à  414 
d'une  ère  incertaine  se  sont  retrouvées  à  Katmandou  et  à 
Changu  Narayan  ;  il  est  antérieur  à  Amçuvarman  qui  men- 
tionne, dans  une  inscription  de  Harigaon,  «  le  monastère 
de  çrî-Màna  ».  Le  fondateur  légendaire  du  caitya  de  Budh- 
Nâth  est  étroitement  associé  au  souvenir  de  sa  mère,  une 
Blanche  de  Castille  népalaise,  personne  avisée  et  pieuse, 
aussi  adroite  à  gouverner  les  hommes  qu'à  se  concilier  les 
dieux  ;  «  elle  bâtit  nombre  de  monuments,  et  en  dernier 
lieu  consacra  une  image  de  Nava-Sàgara-Bhagavatî,  faite 
par  le  même  artiste  que  la  Bhagavatî  de  Palanchauk  et  la 
Çobhà-Bhagavatî  ».  L'inscription  de  Changu-Narayan 
montre  Màna  deva  suppliant  sa  mère  Hàjyavatî  de  diriger 
les  affaires  après  la  mort  du  roi  Dharma  deva  ;  et  l'inscrip- 
tion de  Lajanpat  accompagne  une  de  ces  pieuses  images 
qu'avait  multipliées,  paraît-il,  la  piété  de  Râjyavatî,  mère 
de  Màna  deva.  Si  la  tradition  qui  rattache  à  ce  monument 
le  nom  de  Màna  deva  est  exacte,  le  caitya  de  Budh-Nàth 
date  du  vi*  siècle  de  l'ère  chrétienne. 

Le  caitya  de  Budh-Nàth  est  d'une  remarquable  com- 
plexité ;  rhistoire  du  parricide  doit  peut-être  son  ori- 
gine aux  proportions  inusitées  de  Tédifice  ;  une   œuvre 

du  Bouddha  Kàçyapa.  En  récompense,  ils  naquirent  plus  tard  au  Tibet, 
un  d'entre  eux  fut  Thon-mi  Sambhota,  qui  créa  l'alphabet  tibétain  ;  un 
autre  fut  Çântaraksila,  le  premier  abbé  du  Tibet.  L'éléphant  qui  avait 
transporté  les  matériaux,  furieux  qu'on  n'eût  pas  demandé  de  récom- 
pense pour  lui,  se  promit  une  vengeance  ;  il  fut  le  roi  Gian  dar-ma, 
radvei*saire  fanatique  du  bouddhisme.  Mais  le  dernier  des  trois  frères 
obtint  en  revanche  d'être  un  jour  l'assassin  de  Glan  dar-ma  (Waddell, 
Proceed.  As.  Soc.  Bengale  1892,  p.  186-189).  Tout  ce  récit  est  fondé  sur 
une  série  d'étymologies  populaires.  —  Une  autre  légende  tibétaine  en 
cours  au  Népal  considère  le  roi  Màna  deva  comme  l'incarnation  d'un 
lama  tibétain  nommé  Khâsà  ;  de  là  viendrait  le  nom  de  Khàsâ-caitva, 
souvent  appliqué  au  temple  de  Bndhnàth. 


LE    CULTE  9 

aussi  rare  supposait  un  motif  extraordinaire.  Le  caitya 
consiste  en  trois  parties  équilibrées  avec  une  symétrie 
surprenante  :  la  base,  Thémisphère,  le  couronnement.  Le 
stûpa  de  Svayambhû  nous  a  déjà  montré  le  couronnement 
primitif  transformé  par  un  développement  technique  et 
traité  comme  un  des  éléments  essentiels  ;  au  caitya  de 
Budh-Nàth,  la  base  a  pris  un  développement  analogue. 
Le  terre-plein,  métamorphosé,  forme  trois  larges  terrasses 
étagées  ;  ce  socle,  Thémisphère  et  le  couronnement  ont 
chacun  exactement  la  même  hauteur,  do  quinze  mètres 
environ.  Les  trois  terrasses  ne  sont  ni  circulaires,  ni  carrées; 
les  arêtes  sont  rectangulaires  ;  mais,  sur  chacune  des 
quatre  faces,  la  partie  centrale  se  projette  en  saillie  comme 
un  triple  gradin  colossal  encadrant  lui-même  un  escalier 
à  larges  degrés.  La  première  terrasse  porte  sur  la  face 
Nord  deux  petits  stupas  enduits  de  stuc.  A  la  base  de  Tédi- 
fîce,  un  mur  rectangulaire  abrite  une  longue  file  de  petites 
niches  où  sont  montés  sur  des  axes  transversaux  des  mou- 
lins à  prières.  A  la  base  de  la  calotte  sphérique,  une  plinthe 
symétrique  loge  dans  ses  niches  une  légion  d'Amitâbhas. 
Le  couronnement  est  en  trois  parties  :  un  socle  cubique 
avec  deux  yeux  peints  sur  chaque  face  ;  au-dessus  une 
pyramide  à  quatre  faces,  taillée  en  treize  tranches,  et 
plaquée  de  cuivre  doré  ;  au  sommet,  le  parasol  et  la 
flèche,  comme  à  Svayambhû. 

La  multitude  des  caityas  disséminés  dans  la  vallée  du 
Népal  procède  par  des  combinaisons  diversesdes  types  que 
je  viens  de  décrire.  La  calotte  hémisphérique,  qui  consti- 
tuait d'abord  à  elle  seule  le  monument  tout  entier,  se 
réduit  et  s'atténue  progressivement  tandis  que  le  soubasse- 
ment grandit  en  importance  et  finit  par  absorber  toute 
l'attention.  Les  dimensions  de  ces  caityas  varient  à  l'infini 
entre  le  type  monumental  et  les  menus  édicules  qui  déco- 
rent et  souvent  encombrent  les  cours  des  vihàras. 


10  LE    NÉPAL 

Le  Népal  présente  encore  un  autre  genre  d'édifices  reli- 
gieux disparu  do  Tlnde  actuelle,  mais  répandu  dans  tout 
rExtrême-Orient  et  populaire  aujourd'hui  dans  l'Occident: 
la  pagode.  La  pagode  a  pour  caractère  essentiel  une  enfi- 
lade de  toits  qui  se  superposent  d'étage  en  étage,  le  long 
d'une  construction  rectangulaire,  le  plus  souvent  disposée 
en  retrait  graduel.  11  est  rare  que  la  pagode  s'élève  direc- 
tement du  sol  ;  elle  est  en  général  posée  sur  une  terrasse 
carrée  ;  on  y  accède  par  quatre  escaliers  gardés  chacun 
par  une  paire  de  dragons.  La  salle  inférieure,  la  plus 
grande,  est  le  principal  sanctuaire  ;  elle  abrite  la  statue  du 
dieu,  tantôt  offerte  à  la  vénération  des  fidèles,  tantôt 
soustraite  aux  regards  profanes.  La  porte  d'accès  est 
presque  toujours  surmontée  d'un  panneau  en  écusson  où 
sont  sculptés  les  attributs  de  la  divinité  :  la  porte  et  le 
panneau  sont  en  bois,  ou  en  métal  ;  mais  quels  que  soient 
les  matériaux  employés,  ils  attestent  par  la  richesse  et  la 
souplesse  du  travail  les  dons  de  fantaisie,  de  goût  et  d'in- 
vention qui  rendent  encore  fameux  les  sculpteurs  et  les 
orfèvres  népalais.  Des  panneaux  de  bois  délicatement 
ajourés  tamisent  la  lumière  qui  pénètre  dans  les  salles,  en 
même  temps  qu'ils  allègent  la  masse  de  l'édifice.  Les  toits, 
hardiment  inclinés,  reposent  sur  un  système  de  poutres 
en  contre-pente  décorées  à  Tenvi  par  le  peintre  et  le 
sculpteur.  Le  toit  inférieur  est  ordinairement  couvert  de 
tuiles  rouges;  les  toits  au-dessus,  plaqués  de  cuivre  doré, 
resplendissent  sous  le  soleil.  Les  coins  sont  retroussés 
((  à  la  chinoise  »  et,  le  long  des  rebords,  pendent  des 
banderoles  et  des  sonnettes  qui  frémissent  et  chantent 
à  la  moindre  brise.  Au  faîte  s'élève  comme  sur  les 
caityas  un  clocheton  (ciVjàmani)  en  forme  de  cloche 
allongée,  terminé  par  un  lotus,  un  parasol,  un  soleil  ou 
une  lune.  La  plus  riche  des  pagodes  népalaises  est  sans 
aucun  doute  Changu  iNarayan,  merveille  de  ciselure,  de 


LE    CULTE  1  1 

sculpture  et  de  coloris  \  La  plus  monumentale  est  le 
Temple  aux  Cinq  Etages  (Nyatpola  Deval),  construit  en 
1703  àBhatgaon  par  le  roi  Bhùpalîndra  Malla^;  le  temple 
lui-même  s'élève  sur  une  terrasse  de  cinq  élages  disposée 
en  gradins  ;  le  long  de  Tescalier  s'échelonnent  cinq  paires 
de  gardiens  colossaux  :  en  bas  deux  géants,  Jaya  Malla  et 
Pliattà,  athlètes  au  service  du  roi  et  qui  passent  pour  avoir 
eu  la  force  de  dix  hommes;  au-dessus  deux  éléphants, 
dix  fois  plus  forts  encore  ;  puis,  en  suivant  cette  progres- 
sion décimale  de  vigueur  musculaire,  deux  lions,  deux 
tigres,  et  les  deux  déesses  Singhini  et  Vyàghrinî.  Des  gra- 
dations analogues  se  retrouvent  dans  Tornementation 
d'autres  temples,  soit  au  Népal,  soit  dans  l'hide  propre. 
Le  premier  étage  de  la  construction  est  entouré  d'une 
élégante  colonnade  en  bois  sculptée  et  fouillée  à  plaisir. 
Enlin  le  temple  le  plus  populaire  dans  ce  style  est  le 
temple  de  Matsyendra  Nàtha  à  Patan,  dédié  à  la  divinité 
patronale  du  Népal;  il  est  reproduit  en  réduction  à  Kat- 
mandou sous  le  vocable  du  ((  Petit  Matsyendra  Nàtha  ». 
Les  pagodes  ne  peuvent  pas  prétendre  à  rivaliser  d'an- 
tiquité avec  les  caityas  ;  aucune  d'elles  ne  paraît  remonter 
au  delà  du  xv"  siècle.  Mais  leur  architecture  reproduit 
sans  doute  des  formes  de  date  immémoriale;  peut-être  se 
rattachent-elles  directement  à  la  primitive  architecture  en 
bois  qui  précéda  dans  l'Inde  et  qui  inspira  même  les  plus 
anciens  monuments  de  pierre.  Une  construction  du  même 
type  i^e  retrouve  figurée  sur  la  plaque  de  Sohgaura,  qui 
remonte  à  l'époque  d'Açoka  *.    Parmi   les   divers  objets 


1.  V.  la  pliotographie,  L  231. 

2.  V.  la  photographie,  I,  37.*}. 

3.  V.  Ri  HIER,  ^Xien.  Ze'its.  Kuncle  des  Morg.,  X,  138  s(|q.  Des  édi 
lires  d'un  style  analogue  sont  aussi  représentés  sur  les  anciennes  mon 
naies  des  Ldumbaras;  mais  ils  n'ont  qu'un  seul  toit.  Cependant  M.  Vin- 
r«*ul  Smith  a  vu,  entre  leî>  mains  de  Si.  Kodgers,  une  pièce  de  bronze 


12  LE    NÉPAL 

représentés  en  tête  de  Tinscription,  on  reconnaît,  de  part  et 
d'autre  d'un  caitya,  deux  pavillons  identiques,  chacun  à 
deux  étages,  avec  deux  toits  inclinés,  en  retrait  progressif, 
portés  sur  une  ceinture  de  piliers.  Le  Kondô  et  la  pagode 
du  temple  d'Horiuji  au  Japon,  élevés  sous  le  règne  de 
Shôtoku  Taishi  (593-621),  attestent  que  dès  la  fin  du  vi* 
siècle  le  type  consacré  de  la  pagode  en  bois,  tel  qu'il  existe 
encore  au  Népal,  s'était  propagé  par  l'intermédiaire  du 
bouddhisme  chinois  jusqu'à  la  Corée,  qui  fut  l'initiatrice 
des  artistes  japonais.  La  tour  à  neuf  étages,  qui  provoquait 
l'admiration  des  envoyés  chinois  au  Népal,  vers  le  milieu 
du  \ïV  siècle  {v.  sup.  I,  159),  appartenait  probablement 
au  même  style  de  constructions.  Le  Népal,  ici  encore,  est 
l'image  authentique  d'une  Inde  disparue. 

Sans  abandonner  les  formes  consacrées  par  la  tradition, 
le  Népal  n'a  pas  négligé  d'emprunter  à  l'Inde  les  types 
nouveaux  qu'elle  élaborait.  Parfois  il  a  essayé  de  repro- 
duire fidèlement  un  modèle  illustre  ;  c'est  ainsi  que  le 
Mahàbuddha-vihàra  de  Patan  prétend  copier'le  temple  de 
Mahàbodhi,  élevé  à  Gayâ,  sur  le  site  saint  entre  tous  où 
Çàkyamuni  trouva  l'illumination.  Sous  le  règne  d'Amara 
Malla,  au  début  du  xvi°  siècle,  un  âcàrya  nommé  Abhaya 
Ràja  partit  en  pèlerinage  avec  sa  jeune  femme  à  Gayà  ;  là 
il  eut  un  fils  qu'il  appela  Bauddhaju.  Un  jour  il  apprit  par 
une  voix  surnaturelle  que  Mahâ-buddha  était  satisfait  de 
ses  hommages  et  l'engageait  à  retourner  au  Népal  pour  y 
recueillir  une  juste  récompense.  Abhaya  Ràja  eut  soin 
d'emporter  une  image  du  temple  de  Gayâ  ;  rentré  dans  sa 
patrie  il  fit  construire  sur  ce  modèle  un  temple  à  trois  étages, 
qui  fut  achevé  seulement  par  son  petit-fils.  Ce  temple 
existe  encore,  en  parfait  état,  préservé  par  la  ceinture  de 


des  Udnmbaras  qui  portait  une  construction  à  deux  étages  (J.  As.  Soc. 
Beng.y  1897,  p.  9). 


LE   CULTE  13 

maisons  qui  le  presse  et  qui  laisse  à  peine  à  Tentour 
un  étroit  passage.  Il  est  partagé  en  cinq  étages  ;  dans 
la  chapelle  du  rez-de-chaussée  se  trouve,  comme  à  Gayâ, 
une  grande  statue  de  Çâkyamuni.  Amitâbha  est  le  patron 
du  premier  étage,  puis  viennent  successivement  un  caitya 
de  pierre,  un  dharmadhàtu-mandala  et  un  vajra-dhâtu- 
mandala  qui  président  respectivement  aux  étages  supé- 
rieurs. Un  cûdâmani  doré,  en  forme  de  caitya,  couronne 
rédifice\  En  d'autres  cas,  les  architectes  népalais  s'in- 
spirent des  formes  hindoues  sans  s'y  asservir  :  le  spécimen 
le  plus  heureux  de  ces  adaptations  est  le  joli  temple  de 
Râdhà-Krsna  qui  s'élève  sur  la  place  du  Darbar  à  Patan  ^  ; 
encadré  dans  des  constructions  de  style  purement  népa- 
lais, il  mêle  harmonieusement  à  cet  ensemble  ses  lignes 
élégantes  et  nobles.  Fergusson,  le  plus  compétent  des 
juges,  n'hésite  pas  à  y  reconnaître,  malgré  la  disposition 
originale  des  pavillons,  «  une  influence  bengalie  à  laquelle 
on  ne  peut  se  méprendre^  ». 

Outre  les  monuments  religieux  en  terre,  en  briques,  en 
plâtre,  en  bois,  en  pierre,  il  est  encore  des  temples,  et  non 
des  moins  réputés,  qui  ne  comportent  guère  d'autre  con- 
struction qu'un  enclos  ;  l'image  de  la  divinité  y  est  offerte 
à  l'adoration  des  fidèles  en  plein  air  ou  sous  une  sorte  de 
hangar  léger  :  tel  le  sanctuaire  de  Daksina-Kâlî  à  Phirphing, 
ou  de  Sûrya-Vinâyaka  auprès  de  Bhatgaon.  Mais  quelle 
que  soit  la  nature  de  la  construction,  et  quelle  qu'en  soit 


1.  V.  les  photographies,  1,  195  et  287.  Il  est  particulièrement  intéres- 
sant de  comparer  ces  photographies  avec  le  temple  de  Mahâbodhi,  mal- 
heureusement altéré  par  un  ensemble  de  prétendues  restaurations.  Cf. 
CuNMNGHAM,  Mdhâbodhl,  London,  1892,  spéciahmieiit  la  planche  XVI. 

2.  Le  P.  Giuseppe  on  avait  été  déjà  frappé  :  «  Je  pense  que  si  les  Euro- 
péens allaient  jamais  dans  le  Népal,  ils  pourraient  prendre  modèle  sur 
ces  petits  temples,  principalement  sur  deux  qui  sont  dans  la  grande 
COUP  de  Lélit  Pattan,  devant  le  palais  du  roi.  »  Rec?i.  Asiat.,  II,  352. 

3.  Fergusson,  History  of  Indian  and  Eastem  architecture^  London, 
1876,  p.  305. 


14  LE    NÉPAL 

rimportance,  le  temple  n'est  pour  ainsi  dire  jamais  réduit 
à  un  simple  monument  ;  à  l'entour  s'épanouit,  avec  plus  ou 
moins  d'abondance  ou  de  richesse,  un  petit  monde  de 
chapelles,  d'annexés  et  de  décors  qui  justifie  le  nom  de 
a  ville  »  (pura)  appliqué  parfois  dans  la  nomenclature  reli- 
gieuse à  ces  enclos  sacrés.  Les  groupes  les  plus  compacts 
sont  les  deux  fovers  relierieux  de  la  vallée  :  Svavambhù  et 
Paçupati.  Les  innombrables  caityas  égrenés  sur  les  flancs 
de  la  colline  de  Syambunalh  ou  pressés  sur  le  double 
sommet  qui  la  couronne,  les  pavillons  qui  peuplent  Ten- 
ceinte  de  Paçupati  et  qui  couvrent  la  berge  de  la  Bagmati 
ne  réclament  pas  de  description  :  ils  reproduisent,  à  des 
échelles  diverses,  les  types  que  j'ai  déjà  énumérés. 

Ln  des  accessoires  les  plus  répandus  au  Népal,  égale- 
ment fréquent  dans  les  temples  du  bouddhisme  et  dans 
ceux  du  çivaisme,  est  le  pilier  indépendant,  dressé  devant 
la  façade,  tantôt  arrondi,  tantôt  carré,  tantôt  avec  les  arêtes 
en  biseau,  parfois  planté  à  même  dans  le  sol,  parfois  cerclé 
d'un  anneau  à  la  base,  ou  porté  sur  le  dos  d'une  tortue,  et 
couronné  presque  toujours  d'un  lotus  épanoui  qui  sert  de 
chapiteau  en  même  temps  que  de  socle  pour  une  image. 
L'usage  en  est  très  ancien  ;  le  premier  monument  daté  du 
Népal  est  le  pilier  érigé  par  Màna  deva  devant  le  temple  de 
Changu-Narayan,  en  386  samvat;  ce  pilier,  carré  du  bas. 
devient  octogonal,  puis  se  taille  à  seize  faces,  enfin  s'ar- 
rondit h  la  partie  supérieure  :  il  était  originellement 
surmonté  d'un  Garuda  sous  les  traits  d'un  homme  ailé  flé- 
chissant sur  un  genou.  Le  Garuda  est  tombé  il  y  a  un 
demi-siècle  seulement,  et  ses  débris  sont  conservés  dans  la 
cour  du  temple.  Un  médecin  royal  fil  installer  à  ses  frais 
un  chapiteau  neuf  avec  un  ca/^ra,  le  disque  de  Visnu.  Le 
vieux  pilier  de  Harigaon,  sur  lequel  est  gravé  l'hymne  à 
Krsna  Dvaipàyana,  a  conservé  son  couronnement  primitif: 
Garuda  agenouillé  sur  un  lotus.  Ku  d'autres  cas  la  figure 


LE    CULTE  15 

du  sommet  représente  le  donateur,  comme  sur  la  place  du 
Darbar  à  Patan,  ou  le  vâhana  du  dieu,  son  compagnon  et 
sa  monture  à  la  fois:  telle  la  souris  devant  le  temple  de 
Vinâyaka;  parfois  même,  comme  au  Matsyendra  Nâtha  de 
Patan,  une  allée  de  petits  piliers  porte  toute  une  galerie 
d'animaux  minuscules  :  éléphants,  chevaux,  lions,  grif- 
fons, etc. 

Le  pilier  voisine  souvent  avec  un  portique  de  pierre  où 
pend  une  grande  cloche.  Le  visiteur,  prêtre  ou  laïque,  qui 
veut  s'en  servir  pour  chasser  les  démons,  heurte  avec  le 
marteau  les  parois  de  la  cloche  ;  la  cloche  elle-même  est 
fixe  et  immuable.  Les  habiles  fondeurs  du  Népal  excellent 
depuis  longtemps  h  fabriquer  les  cloches  de  grande  dimen- 
sion, aussi  bien  que  les  clocheltcs  en  usage  dans  le  service 
sacré  ou  les  sonnettes  joyeuses  qui  tintent  tout  le  jour  aux 
toitures  des  pagodes.  C'est  a  leur  habileté  que  les  temples 
doivent  aussi  ces  bannières  de  métal  qui  pendent  parfois 
de  la  flèche  jusqu'au  portail,  et  ces  drapeaux  de  métal 
doré  fixés  à  des  hampes  de  fer.  En  concurrence  avec  ces 
accessoires  résistants,  ou  bien  h  leur  défaut,  on  dresse  sur 
le  sol  consacré  de  hautes  perches  de  bambou  qu'on  garnit 
d'étoffes  multicolores  en  manière  d'oriflamines.  On  voit 
souvent  aussi  au  sommet  des  caityas  des  fils  où  pendent  de 
petits  drapeaux  et  qui  vont  s'accrocher  aux  maisons  voi- 
sines ;  les  Tibétains  en  particuher  suivent  cet  usage 
dans  leurs  temples,  à  Budhnâth,  k  Budhmandal  ;  j'ai  déjà 
cité  des  exemples  do  la  môme  pratique  empruntés  h  l'his- 
toire du  Népal.  Le  moulin  à  prières  est  réservé  aux  boud- 
dhistes tibétains.  Les  Névars  qui  le  fabriquent  ne  s'en 
servent  pas  ;  on  ne  trouve  qu'à  Svayambhû  et  à  Budhnâth 
ces  cylindres  de  métal  où  sont  empreintes  les  lettres 
toutes-puissantes  :  Ont  niani  padme  hum  !  Une  longue 
bande  de  papier,  enroulée  et  pressée  à  l'intérieur  du 
cylindn»,  répète  à  l'infini  les  mêmes  caractères,  tracés  par 


16  LE   NÉPAL 

la  main  infatigable  des  copistes  ;  le  fidèle  qui  met  en  branle 
le  moulin  sur  son  axe  de  métal  murmure  aussi  entre  ses 
lèvres  la  môme  formule  sanctifiante,  l'alpha  et  l'oméga  de 
la  dévotion  tibétaine.  Amusant  exemple  de  la  puissance  des 
mots  !  Par  une  sorte  de  calembour,  le  fidèle  peut  «  tourner 
la  roue  de  la  Loi  »  comme  fit  jadis  le  Bouddha,  quand  il 
prêchait  son  premier  sermon  dans  la  campagne  de  Bénarès. 
Parmi  les  emblèmes  communs  du  bouddhisme  et  du 
civaïsme  népalais,  se  placent  au  premier  rang  le  lihga  et 
\diyoni,  les  deux  symboles  sexuels  qui  expriment  parleur 
union  la  puissance  fécondante  de  la  nature  inépuisable. 
Malgré  les  préjugés  courants,  les  formes  stylisées  en  usage 
dans  rinde  entière  ne  sauraient  offenser  la  pudeur  la  plus 
chatouilleuse  ;  l'œille  plus  complaisant  n'y  reconnaît  qu'un 
cylindre  ou  un  cône  de  pierre  emboîté  dans  un  disque  de 
pierre.  Les  lingas  les  plus  soignés  portent  sculptés  les  cinq 
visages  de  Çiva  :  quatre  disposés  symétriquement  en 
anneau,  et  le  cinquième  au  faîte.  Le  linga  de  Paçupati,  le 
plus  saint  de  tous,  a  trois  pieds  et  demi  environ  de  haut  ; 
il  est  fait  en  grès  dur  ;  du  fût  se  détachent  en  relief  quatre 
visages  et  quatre  paires  de  mains  ;  les  mains  droites  portent 
chacune  un  chapelet  de  rudrâksa,  les  mains  gauches  un 
pot  à  eau  (kamandalu)\  D'ordinaire  le  linga  est  caché  sous 
une  masse  d'ornements  d'or  et  d'argent,  qu'on  enlève  au 
moment  du  service  religieux.  Le  bouddhisme  a  pu  adopter 
sans  effort  un  symbole  si  populaire  et  si  anodin  ;  il  en  a 
été  quitte  pour  inventer  une  interprétation  nouvelle  :  le 
hiïga  bouddhique  représente  le  lotus  primordial  ;  la  yoni 
figure  la  source  d'où  il  jaillit.  Un  serpent  enroulé  sur  le 
rebord  de  la  yoni  rappelle  le  NâgaKarkolaka  caché  au  sein 
des  eaux.  Le  haut  du  linga,  façonné  en  coupole  sur  le 
modèle  des  caityas,  traduit  avec  les  ressources  de  la  matière 

1.  V.  la  représentation  de  ce  linga  au  frontispice  du  volume  1. 


LE    CULTE  17 

la  flamme  immatérielle  où  se  manifestait  Àdi-Buddha. 
Les  visages  de  Ci  va  et  les  emblèmes  civaïtes  sont  remplacés 
par  des  figures  de  Bouddhas  ou  de  Bodhisattvas  et  par  des 
emblèmes  bouddhiques.  Guhyeçvarî,  la  déesse  commune 
aux  Tantras  du  bouddhisme  et  du  çivaïsme,  a  un  emblème 
propre  :  le  triangle  {trikond),  qu'on  retrouve  fréquemment 
tracé  sur  des  pierres  consacrées  dans  le  voisinage  des 
temples. 

Le  vajra  est  un  emblème  hindou  ;  mais  le  bouddhisme 
Ta  accaparé  jusqu'à  l'adopter  comme  son  symbole  par 
excellence.  C'est  Indra,  le  souverain  du  panthéon  védique, 
qui  possédait  jadis  et  qui  brandissait  cette  arme  puissante; 
mais  le  dieu  humihé  a  dû  céder  au  Bouddha  l'insigne  de 
son  pouvoir.  Comme  Indra  s'en  servit  autrefois  pour  anéan- 
tir les  démons,  ses  rivaux,  le  prêtre  bouddhiste  manie  à 
son  tour  le  foudre  contre  la  multitude  des  esprits  mauvais. 
Réduit  à  ses  lignes  élémentaires,  le  vajra  consiste  en  une 
tige  renflée  du  miheu,  pour  donner  plus  solidement  prise 
à  la  main,  garnie  à  ses  deux  bouts  de  quatre  ou  huit  fers 
de  lance  recourbés,  avec  leurs  pointes  reployées  vers  les 
extrémités  de  l'axe  transversal.  Le  plus  beau  spécimen  de 
vajra  qui  se  rencontre  au  Népal  est  sans  contredit  le  vajra 
doré,  long  de  cinq  pieds,  que  le  roi  Pratâpa  Malla  fit 
installer  au  xvii'  siècle  sur  la  terrasse  de  Svayambhû 
Nàtha,  au  débouché  du  long  escalier  qui  gravit  la  colline 
et  mène  à  la  plate-forme.  Mais  le  vajra  se  retrouve  partout 
dans  les  monuments  du  bouddhisme,  depuis  la  flèche  des 
caityas  jusqu'à  la  clochette  du  prêtre.  Le  vajra  et  la  cloche 
forment  un  couple  organique,  comme  le  linga  et  la  yoni  : 
le  vajra,  mâle,  représente  le  Bouddha  ;  la  cloche  {gkantâ)^ 
élément  féminin,  représente  la  Sagesse  (Prajfiâ). 

Les  pieds  divins  (carana)  sont  encore  un  emblème 
commun  aux  deux  grands  cultes.  Avant  l'influence  des  arts 
grecs,  l'Inde  ancienne  semble  avoir  éprouvé  de  la  répu- 

II.  —  2 


18  LE   NÉPAL 

gnance  à  représenter  ses  divinités  sous  la  forme  humaine  ; 
c'est  ainsi  que  les  sculpteurs  de  Bharhut,  pour  montrer 
«  Ajâtaçatru  en  adoration  devant  Bhagavat  »  ont  figuré  le 
roi  agenouillé  devant  un  trône  qui  porte  Tempreinte  de 
deux  pieds\  La  langue  reflète  la  même  idée;  un  inférieur 
parle  humblement  des  «  pieds  du  roi  »,  des  «  pieds  du 
maître  »,  comme  si  son  attitude  prosternée  Tempêchait  de 
connaître  rien  de  plus  sans  manquer  au  respect.  Les  Népa- 
lais représentent  à  profusion  les  pieds  du  Bouddha  sculptés 
sur  la  pierre  ou  peints  en  couleur,  reconnaissables  aux 
huit  porte-bonheur  {mahgald)  qui  les  ornent  :  le  çrîvatsa, 
le  lotus  plat  ipadma),  le  drapeau  {dhvaja),  l'aiguière  {ka- 
laça)^  le  parasol  (cAa//ra),  rémouchoir(cflm^rû),  le  poisson 
{matsya)^  la  conque  {çahkhd).  En  outre  une  série  de  cercles 
concentriques  figurent  le  cakra,  «  le  disque  »  qui  est  par 
métaphore  un  symbole  de  la  souveraineté  universelle.  Les 
même  signes  se  retrouvent  sur  les  empreintes  de  Visnu 
adorées  dans  Tlnde,  en  particulier  sur  l'empreinte  mira- 
culeuse que  les  pèlerins  ne  cessent  d'adorer  à  Gayà.  Comme 
pour  traduire  l'étroite  relation  des  deux  divinités,  c'est 
Visnu  qui  a  succédé  au  Bouddha  sur  la  scène  même  de  la 
Bodhi. 

Outre  les  pieds  du  Bouddha,  le  bouddhisme  népalais 
adore  aussi  les  empreintes  de  Manjuçrî  :  elles  portent  un 
œil  tracé  en  travers  du  pied,  pareil  à  celui  qu'on  peint  sur 
le  socle  des  flèches  de  cailyas.  L'empreinte  la  plus  vénérée 
se  trouve  sur  la  plate-forme  occidentale  de  Syambunâth, 
qu'une  légère  dépression  sépare  de  la  terrasse  principale. 

Lesrf/i^î/w-A;2a(i(/a/«5appartiennent  exclusivement  au  boud- 
dhisme. Ils  consistent  dans  un  cylindre  de  pierre  ou  de 
maçonnerie  avec  une  cavité  réservée  à  l'intérieur  ;    elle 


1.  CuNNiNGiiAM,  The  stûpa  of  Bharhul,  London,  1879,  p.  136,  n»  63, 
el  planche  XVI,  fi^.  3  ;  et  cf.  ib.,  n"  66  et  planche  XV^I,  fig.  2. 


correspond  kla  chambre  aux  reliques  du  stûpa  ;  mais  cette 
cavité  doit  demeurer  vide  pour  loger  l'espritde  la  divinité. 
Une  pierre  circulaire  couvre  et  ferme  le  cylindre  ;  elle  est 
ornée  de  diagrammes  savamment  compliqués  (mandalas)  où 
s'enchevêtrent  dans  un  ordre  fixe  des  emblèmes  et  des 


W  bit  VpW  ■  ^IF-x'  ri 


Coiir  d'un  viliira  (NâU-bil.ar)  À  Kalmaiidou. 

figures  de  toute  nature.  Si  le  dhiltu-maijdala  est  consacré  à 
Maîljuçrî.  il  est  orni^  de  222  dessins  et  reçoit  le  nom  de 
dharma-dhâtu-mandala  ;  s'il  est  consacré  à  Vairocana,  le 
plus  sublime  des  Bouddhas,  on  le  décore  seulement  de  50 
ou  60  dessins,  et  c'est  alors  un  vajra-àhâtii-mandala. 

(.'emblème  préféré  de  Visnu  dans  l'Inde,  le  çftlagrâma, 
est  de  provenance  exclusivement  népalaise;  le  çitlagrflma 


20  LE    NÉPAL 

est  une  concrétion  agglomérée  autour  d'une  ammonite  et 
douée  de  propriétés  magnétiques.  Il  ne  se  rencontre  que 
dans  le  lit  de  la  Kâlî-Gandakî.  Cependant,  malgré  le  voi- 
sinage du  gisement,  malgré  le  haut  prix  qu'attachent  à  ces 
coquillages  les  Hindous  vichnouites,  le  çâlagrâma  n'a  été 
introduit  dans  Tusage  au  Népal  que  sous  le  dernier  des  rois 
Mallas  de  Katmandou,  Jaya-prakâça. 

Parmi  les  accessoires  qui  contribuent  à  la  décoration 
extérieure,  il  faut  mentionner  à  part  les  inscriptions.  La 
vanité  pieuse  des  donateurs,  servie  par  un  goût  instinctif  de 
Fart,  a  multiplié  les  textes  épigraphiques  au  détriment  de 
Tarchéologie  ;  les  vieux  documents  ont  dû  laisser  la  place 
aux  nouveaux  venus;  parfois  même  la  pierre  antique, 
laborieusement  grattée,  s'est  vue  transformer  en  palimp- 
seste. La  fantaisie  des  lapicides,  en  variant  les  caractères, 
a  su  les  rendre  élégants  et  décoratifs  comme  des  ara- 
besques, soit  qu'ils  couvrent  de  hautes  tablettes,  soit  qu'ils 
égaient  la  nudité  des  faces  d'un  pilier,  soit  qu'ils  courent 
enfin  sur  les  lignes  mêmes  du  monument  ;  sur  la  place  du 
Darbar,  à  Katmandou,  les  marches  du  temple  élevé 
par  Pratâpa  iMalla  portent  gravées  les  élucubrations  de  ce 
poète  trop  fécond.  L'insipide  orn  mani  padme  hurn  !  ne 
paraît  que  dans  les  sanctuaires  des  Tibétains,  obstinément 
reproduit  avec  une  surprenante  habileté  de  main  ;  la  calli- 
graphie tibétaine,  exercée  sans  doute  par  une  pratique 
continue,  excelle  à  tirer  parti  des  matériaux  les  plus  réfrac- 
laires  pour  étaler  aux  yeux  la  formule  bénie. 

Je  no  puis  que  signaler  sans  m'y  arrêter  la  multitude  des 
sculptures,  reliefs  ou  statues,  qui  abondent  dans  la  cour 
des  temples.  L'inépuisable  panthéon  du  bouddhisme  ou  du 
çivaisme  y  défile  à  décourager  l'énumération  ;  il  faudrait 
une  mythologie  entière,  et  double  encore,  pour  tracer  l'in- 
ventaire de  cet  énorme  personnel  divin.  Les  animaux  même 
y  tiennent  une  large  place,  témoin  le  taureau  colossal  en 


LE   CULTE  21 

cuivre  doré  qui  garde  Tentrée  de  Paçupati,  la  face  tournée 
vers  la  porte  du  sanctuaire  \  Je  dois  mentionner  toutefois 
une  singularité  locale  :  les  panneaux  de  bois  sculpté  qui 
se  développent  comme  une  frise  autour  des  pagodes  illus- 
trent, avec  une  science  où  la  fantaisie  ne  dédaigne  pas  de 
sourire,  les  enseignements  érudits  du  Kâma-çâstra.  Les 
combinaisons  sexuelles  les  plus  inattendues  sont  exposées 
à  Tœil  indifférent  des  fidèles  ;  Tintervention  d'animaux 
savants,  comme  le  singe  et  Téléphant,  complique  encore 
parfois  le  jeu  des  figures.  On  voit  aussi  des  maisons  parti- 
culières ornées  de  frises  de  ce  style.  L'explication  que  j'en 
ai  recueillie  est  uniforme  :  Ces  scènes  passent  pour  avoir  la 
vertu  d'écarter  la  foudre. 

D'autres  ornements  non  moins  bi/arres  viennent  encore 
garnir  la  façade  des  temples.  Certains  d'entre  eux  reçoivent, 
en  vertu  d'un  usage  immémorial,  les  ustensiles  de  cuisine 
et  de  ménage  laissés  en  déshérence  ;  les  parois  dispa- 
raissent alors  sous  le  bric-à-brac  et  la  ferraille  suspendus 
au  hasard  (tel  le  temple  de  Çàkyasimha  dans  le  Chaubahal, 
a  Chobbar).  Souvent  aussi  les  cornes  des  buffles  sacrifiés 
restent  acquises  au  temple,  et  ces  trophées  de  boucherie 
finissent  par  recouvrir  les  murs.  Des  chromolithographies 
européennes  et  des  estampes  chinoises,  venues  par  quels 
détours?  complètent  cet  aspect  de  bazar  hétéroclite. 

Les  monuments  religieux,  à  quelque  église  qu'ils  appar- 
tiennent, ont  presque  toujours  pour  annexe  ime  d/ianna- 
çâlâ  destinée  à  loger  les  visiteurs,  les  pèlerins  et  les  voya- 
geurs. La  dharma-çâlâ  la  plus  rudimentaire  consiste  en 
un  kiosque  de  bois  sur  un  socle  de  maçonnerie  :  quatre 
piliers  soutiennent  la  toiture  de  tuiles  ;  plus  confortable, 
elle  est  fermée  sur  trois  côtés  par  des  murs  de  briques  ; 
les  plus  grandes  ont  les  dimensions  d'une  véritable  maison 

l,  V.  la  photographie,  l,  359. 


22  LE    NÉPAL 

à  étage,  avec  une  cour  par  derrière  que  bordent  les  bâti- 
ments de  service;  sur  la  façade,  une  véranda  au  rez-de- 
chaussée  et  un  balcon  à  Tétage.  La  plupart  des  dharma- 
çâlâs  présentent  de  magnifiques  spécimens  de  la  sculpture 
sur  bois.  Une  inscription  sur  métal,  fixée  au  mur  du  fond, 
commémore  le  nom  du  fondateur  et  la  date  de  la  fondation. 

Une  autre  catégorie  de  fondations  pieuses  n'est  pas 
moins  répandue  au  Népal  :  ce  sont  les  dkdrâs  (ou  hithis)  et 
les  pranâlîs.  Les  pranàlîs  sont  de  simples  fontaines  publi- 
ques :  une  conduite  amène  Teau  d'une  source  voisine  ; 
l'orifice,  de  pierre,  figure  généralement  une  gueule  d'ani- 
mal fantastique  comme  les  gargouilles  des  églises  gothi- 
ques. Une  pranâlî  de  Katmandou  montre  encore  une  inscrip- 
tion commémorative  tracée  sous  le  règne  d'Amçuvarman, 
dans  la  première  moitié  du  \\f  siècle.  «  Vibhuvarman  a 
fait  faire  cette  excellente  conduite  d'eau  pour  augmenter 
les  mérites  spirituels  de  son  père  »  (Inscr.  Bhagvanlal, 
n"  8).  La  dhârà  ou  hithi  est  une  fosse  à  ciel  ouvert  creusée 
dans  le  sol  et  bordée  d'un  parapet  ;  on  y  descend  par  un 
escalier;  et  parfois  le  pourtour  entier  est  disposé  en  gra- 
dins. L'eau  ruisselle  au  fond  par  plusieurs  ouvertures. 
C'est  dans  une  hithi  ruinée  que  j'ai  trouvé  mon  inscription 
du  Tulacchi-Tol,  à  Bhatgaon,  datée  du  règne  de.Çivadeva, 
vers  la  fin  du  vi"  siècle.  La  dhârà  la  plus  magnifique  de 
Katmandou,  et  du  Népal  entier,  est  sans  contredit  celle 
que  le  général  Hhlmasena  fit  construire,  vers  1825,  au 
Sud-Ouest  du  Tudi-Khel,  à  l'occasion  d'un  phénomène 
astronomique  (mahâ-vârunî)  ;  elle  rivalise  de  splendeur  et 
de  luxe  avec  la  pranAli  monumentale  à  21  bouches  d'eau 
établie  h  Bàla-Nîlakantha  (Bàlajî)  par  le  roi  Jaya-prakâça 
de  Katmandou,  vers  le  milieu  du  xvni*'  siècle. 

La  dhàrâ  participe  à  la  fois  du  ghat  {ghatta)  et  du  bassin 
{talâ/m,  talfio)^  communs  à  l'Inde  entière.  Le  ghat  est  un 
escalier  de  bains,  installé  dans  un  site  consacré  {iîrt/ia), 


LE    CULTE  23 

qui  descend  de  la  berge  jusque  dans  la  rivière  ;  les  ghats 
sont  innombrables,  comme  les  tîrthas  eux-mêmes.  A  Paçu- 
pati,  la  Bagmati  coule  entre  deux  rangées  de  ghats. 
Le  bassin  est,  en  principe,  un  réservoir  creusé  pour 
remédier  à  la  rareté  des  eaux  de  source  ou  des  eaux  de 
pluie  ;  il  sert  aux  usages  les  plus  variés,  à  la  fois  citerne, 
abreuvoir  et  cuvette  d'ablutions  ;  parfois  encore  on  l'établit 
sans  besoin  réel,  par  goût  du  pittoresque,  comme  un  acces- 
soire de  paysage,  ou  par  goût  du  confort,  comme  un  coin 
de  fraîcheur  :  tel  le  bassin  de  Rânî-pokhrî,  à  Katmandou, 
sur  la  lisière  du  champ  de  manœuvres  ;  une  chaussée 
s'avance  jusqu'au  milieu  de  l'étang  et  aboutit  à  un  pavillon 
élégant  d'où  la  vue  embrasse  le  panorama  des  glaciers 
himalayens.  Le  roi  Pratâpa  Malla  fît  creuser  ce  bassin  en 
mémoire  de  son  fils  enlevé  par  une  mort  précoce,  et  pour 
tâcher  d'arracher  la  reine  à  son  deuil  inconsolable  ;  raffiné 
dans  ses  pratiques  religieuses  comme  dans  son  pédan- 
lisme,  il  prit  soin  de  faire  remplir  le  bassin  avec  des  eaux 
recueillies  à  tous  les  tîrthas. 

Après  les  temples  affectés  à  la  demeure  des  dieux,  les 
édifices  assignés  aux  communautés  religieuses.  Le  boud- 
dhisme népalais  a  hérité  de  l'antique  vihâra,  la  maison 
commune  où  les  moines  d'autrefois  se  retiraient  pour  passer 
la  saison  des  pluies,  étudier  et  méditer.  La  ville  de  Patan, 
la  vieille  métropole  de  la  foi,  se  flatte  de  posséder  quinze 
grands  vihâras,  avec  une  centaine  de  succursales  subor- 
données aux  maisons-mères  ;  Katmandou  compte  huit 
grands  vihâras,  avec  quatre-vingt-huit  moindres.  Les  traits 
essentiels  se  retrouvent  partout  identiques  :  le  vihâra 
{bihai'y  bahal,  bihï)  consiste  dans  un  carré  de  maisons  à 
deux  étages,  construites  en  bordure  d'une  cour  intérieure 
où  se  dresse  un  caitya  central,  souvent  entouré  de  monu- 
ments plus  petits  ;  on  y  accède  par  une  porte  étroite  et 


24  LE    NÉPAL 

basse,  décorée  h  Textérieur  d'une  paire  d'yeux  et  d'ai- 
guières ;  rentrée  est  gardée  à  droite  par  Ganeça,  à  gauche 
par  Mahâkâla  ;  Tun,  reconnaissable  à  sa  tête  d'éléphant, 
l'autre  à  ses  trois  yeux  rouges,  à  ses  dents  saillantes  et  à  sa 
guirlande  de  crânes.  Face  à  l'entrée,  dans  le  corps  de  logis 
opposé,  s'ouvre  une  chapelle  consacrée  à  Çâkyamuni  avec 
la  statue  du  Bouddha  escortée  d'un  personnel  innombrable 
de  dieux,  de  génies  et  de  Bodhisattvas  peints  ou  sculptés. 
Les  trois  autres  côtés  du  pourtour  au  rez-de-chaussée  for- 
ment un  cloître  qui  sert  à  la  fois  de  promenoir  et  de 
débarras  ;  là  s'entassent  sans  honneur  les  accessoires  qui 
concourent  au  culte  et  aux  fêtes  périodiques.  Les  colonnes, 
les  fenêtres,  les  portes,  les  panneaux  attestent  la  triom- 
phante habileté  du  ciseau  népalais  dans  la  sculpture  du  bois. 
Plusieurs  des  vihàras  qui  subsistent  aujourd'hui  pré- 
tendent rattacher  leur  origine  au  passé  le  plus  lointain  du 
Népal.  Le  vihàrade  Cârumalî  {vulgo:  Chabahil),  au  Nord 
de  Deo  Patan  devrait  son  nom  et  son  existence  à  une  fille 
d'Açoka  ;  elle  avait  accompagné  l'empereur  en  pèlerinage  ; 
arrivée  au  Népal,  elle  y  fut  témoin  d'un  prodige  qui  la 
décida  à  s'y  fixer:  une  fièche  de  fer  s'était  soudainement 
métamorphosée  en  pierre.  Açoka  maria  sa  fille  à  un  ksa- 
triya  du  pays,  Deva  Pâla.  Le  jeune  ménage  s'étabHt  à  Deo 
Patan,  crût  et  multipHa;  enfin  Cârumatî  devenue  vieille 
éleva  le  monastère  qui  porta  désormais  son  nom,  s'y  retira 
et  y  mourut.  Le  Cakra-vihàra,  à  Patan,  passe  pour  une 
création  du  roi  Mànadeva  le  Sûryavamçi,  le  Mânadevadu 
pilier  de  (^hangu  Narayan  et  de  plusieurs  autres  inscrip- 
tions ;  c'est  sans  doute  ce  couvent  qu'une  inscription 
d'Ainçuvarman  désigne  comme  le  (;rî-Màna-vihâra,  car 
le  Cakra-vihàra  porte  encore  aujourd'hui  dans  l'usage 
littéraire  le  titre  de  Mànadeva-samskàrita-cakra-mahà- 
vihàra.  D'autres  vihàras  également  nommés  dans  les 
inscriptions  d'Arn(;uvarman  ont  disparu  maintenant  :  tels  le 


LE   CULTE  25 

Kharjurikà-vihâra,  le  Gum-vihâra,  etc.  Le  témoignage  des 
textes  épigraphiques  atteste  du  moins  le  grand  nombre  des 
couvents  du  Népal  dès  le  vu*  siècle  ;  un  d'entre  eux,  le 
Gum-vihâra,  est  désigné  par  un  nom  tiré  du  parler  local,  au 
lieu  des  appellations  sanscrites  usuelles.  Le  casse  reproduit 
à  une  époque  presque  aussi  ancienne  pour  le  Hlam-vihàra 
qu'un  manuscrit  du  xi''  (?)  siècle  '  exalte  comme  a  une 
fondation  des  dynasties  anciennes,  faite  pour  parer  digne- 
ment la  terre  du  Népal,  et  où  brille  pour  Téternité  la  parole 
du  Sugata  ».  Le  Chinois  l-tsing"  mentionne  à  la  fin  du  vu'' 
siècle  le  couvent  népalais  du  Roi-des-Dieux  {Tien-wang- 
seu).  Un  fils  de  la  nourrice  qui  avait  accompagné  la  prin- 
cesse chinoise  mariée  à  Srong-tsan-gam-po  résidait  alors 
dans  ce  vihàra.  <(  Ce  religieux,  ajoute  l-tsing,  connaît  très 
bien  la  langue  sanscrite  et  s'est  assimilé  tous  les  livres 
sanscrits.  »  Ainsi  la  culture  sanscrite  était  alors  florissante 
dans  les  monastères  népalais,  et  les  gens  du  Tibet  qui  se 
sentaient  la  vocation  monastique  passaient  au  Népal.  L'ori- 
ginal sanscrit  du  nom  chinois  rapporté  par  l-tsing  est  pro- 
blématique ;  T'ien-wang  a  Roi  des  Dieux  »  est  une  des 
désignations  de  Maheçvara,  autrement  dit  de  Çiva  ;  il  est 
donc  permis  de  supposer  avec  M.  Chavannes  une  forme 
telle  que  Çiva-vihàra.  Mais  un  couvent  de  ce  nom  ne  s'est 
pas  encore  rencontré  dans  les  documents  népalais  ;  nous 
connaissons  au  contraire  de  source  certaine  un  Çivadeva- 
vihàra.  Une  inscription  datée  de  143  samvat  (Bhagvanlàl, 
n**  13)  porte  une  donation  en  faveur  du  Çivadeva-vihâra  ; 
elle  émane  du  roi  Çivadeva  le  Thàkuri,  qui  règne  un  demi- 
siècle  après  le  voyage  d'1-tsing;  mais  le  monastère  ou  un 
monastère  du  même  nom  pouvait  avoir  pour  fondateur  et 
pour  épouyme  un  autre  Çivadeva  plus  ancien.  La  Vamçà- 

1.  (^.arnbridge  llniversity   Library,  Add.   1643.  V.   le  Catalogue  de 
M.  Bendall,  et  Koccher,  Études  d'iconographie  houddhifjne,  p.  16. 

2.  Les  religieux  éminenls...,  trad.  (Chavannes,  §  18  et  l\). 


26  LE    NÉPAL 

valî  raconte  précisément  que  Çivadeva  le  Sûryavamçi,  pré- 
décesseur d'Amçuvarman,  bâtit  un  vihàra  pour  s'y  retirer 
après  son  abdication.  Ce  monastère,  réparé  d'abord  par  le 
roi  Rudra  deva  après  son  abdication,  puis  restauré  par  un 
Névar  pieux  en  1653,  subsiste  encore  à  Patan,  au  S.-E.  du 
Darbar.  On  lui  donne  en  sanscrit  le  nom  de  Rudravarna- 
vihâra,  en  névar  le  nom  d'Onkulî-bahal. 

Il  faut  aussi  mentionner,  parmi  les  anciens  couvents  qui 
subsistent  aujourd'hui,  le  Yampi-bihar  de  Patan,  dans  le 
voisinage  du  caitya  d'Açoka,  situé  au  Nord  de  la  ville.  La 
tradition  lui  attribue  comme  fondateur  un  brahmane  de 
Kapilavastu,  Sunaya  Çrî  Mitra,  qui  s'était  rendu  au  Tibet 
pour  y  recevoir  les  enseignements  des  Lamas  sous  le  règne 
de  Rudradeva  le  Sûryavamçi;  deux  de  ses  disciples, 
Govardhana  Miçra  et  Kàçyapa  Miçra,  vinrent  de  Kapila- 
vastu le  rejoindre  au  Népal  et  fondèrent  l'un  le  Dunta-bihàr, 
l'autre  le  Lalibana-bihàr.  A  une  époque  plus  reculée 
encore,  une  reine  du  Marvar,  Pingalà,  aurait  fondé  un 
couvent  célèbre,  qui  n'abritait  pas  moins  de  six  cents  reli- 
gieux au  temps  de  Narendra  Deva  le  Thâkuri. 

La  population  des  vihâras  a  tristement  changé  ;  l'an- 
tique communauté  des  moines  célibataires,  instruits  et 
studieux,  a  disparu  ;  elle  a  cédé  la  place  à  des  héritiers 
indignes,  les  banras.  Si  les  monastères  ont  été  l'asile  du 
recueillement  et  de  la  prière,  ils  servent  maintenant  de 
logis  à  une  multitude  grouillante  et  tapageuse  d'hommes, 
de  femmes,  d'enfants  entassés  au  défi  de  l'hygiène  dans 
des  chambres  étroites  et  basses  où  s'exercent  des  profes- 
sions toutes  mondaines,  l'orfèvrerie,  la  sculpture,  les  arts 
décoratifs  ;  d'autres  parmi  les  banras  s'emploient  au  dehors 
comme  charpentiers,  comme  fondeurs,  comme  plâtriers. 
La  science  se  meurt,  ou  plutôt  elle  est  morte  :  un  misérable 
prtjârî,  chargé  par  la  communauté  du  culte  quotidien,  vient 
marmonner  chaque  jour  devant  la  statue  de  Çàkyamuni 


LE    CULTE  27 

des  hymnes  (s/o/rai)  en  sanscrit  barbare  qu'il  ne  comprend 
pas,  ou  réciter  une  section  de  la  Prajfiâ-pâramiiâ  en  Huit 
Mille  stances  (Asta-sdhasrikd)  qu'il  comprend  moins 
encore  ;  c'est  lui  qui  délient  les  vieux  manuscrits  Iracés 
jadis  par  de  pieux  copistes  et  qui  laisse  avec  une  indiffé- 
rence ahurie  le  temps  et  les  insectes  consommer  sur  ces 
reliques  leur  œuvre  de  destruction.  La  tradition  du  vieux 
savoir  disparaît  ;  au  début  du  xix*  siècle  Hodgson  trouvait 
encore  de  véritables  érudits  pour  l'instruire.  Amrlânanda, 
le  pandit  qui  lui  servit  d'initiateur  et  de  guide,  maniait  le 
sanscrit  avec  aisance  ;  ses  cahiers,  conservés  par  ses  descen- 
dants au  couvent  de  Mahàbuddha,  à  Patan,  montrent  à 
son  honneur  tout  ce  que  Hodgson  lui  dut.  Son  petit-fils, 
son  arrière-pelit-fils  ont  dû  pour  vivre  s'engager  comme 
traducteurs  à  la  Résidence  britannique.  Le  vieux  pandit 
Kulamàna,  de  Patan,  gagne  sa  vie  à  enseigner  des  rudi- 
ments de  catéchisme  et  à  copier  des  manuscrits.  Derrière 
eux  on  ne  voit  plus  même  ponidre  un  successeur. 

Ces  hôtes  singuliers  des  couvents  bouddhiques,  ces 
charpentiers,  ces  forgerons,  ces  scribes,  ces  sacristains 
sont  redevables  de  leur  privilège  à  l'esprit  brahmanique  ; 
c'est  au  nom  de  la  caste  qu'ils  s'arrogent  un  logement  dans 
le  vihâra,  une  part  sur  les  revenus  du  vihàra.  Les  pères  de 
famille,  chefs  d'une  progéniture  nombreuse,  descendent 
par  une  filiation  légitime  des  moines  révolutionnaires  qui 
rejetèrent  jadis  le  vœu  de  chasteté  et  se  créèrent  dans  leur 
cellule  un  foyer  conjugal.  A  quel  moment  éclata  la  crise? 
La  tradition  bouddhique  du  Népal  impute  cette  déchéance 
au  champion  légendaire  du  brahmanisme  moderne,  Çankara 
Acàrya  ;  ce  formidable  controversiste,  qui  marque  encore 
après  douze  siècles  son  empreinte  sur  la  pensée  hindoue, 
aurait  au  cours  de  ses  tournées  triomphales  visité  la  vallée 
népalaise.  Plusieurs  des  rois  du  Népal  ont  porté  justement 
le  nom  de  Çankara  (deva)  ;  la  légende  en  a  profité  pour 


28  LE    NÉPAX. 

introduire  plus  commodément  râcârya  dans  la  chronologie 
du  Népal.  Elle  le  fait  paraître  sous  le  père  de  Çankara 
deva  le  Sùryavamçi  ;  et  quelques  siècles  plus  tard,  elle  le 
ramène  sans  scrupule  au  Népal,  sous  le  père  de  Çankara 
deva  le  Thâkuri.  Le  système  des  transmigrations  tire 
si  aisément  d'embarras  la  chronologie  !  A  son  premier 
passage,  les  bhiksus  et  les  çrâvakas  établis  dans  les 
monastères  n'essaient  pas  même  de  lui  tenir  tête  ;  des 
maîtres  de  maison  {grhasthas),  plus  braves,  appellent  à  leur 
aide  Sarasvatî,  la  déesse  de  Téloquence  ;  mais  Çankara  la 
détourne  d'eux  par  la  supériorité  de  ses  moyens  magiques. 
Les  uns  s'enfuient  :  d'autres  sont  massacrés  ;  d'autres 
encore  s'avouent  vaincus  et  se  convertissent.  Il  leur  impose 
la  pratique  des  sacrifices  sanglants,  qu'avait  interdits  le 
Bouddha;  il  force  les  religieuses  (AAiAs?/(i2.v)  à  se  marier; 
il  oblige  les  maîtres  de  maison  à  se  raser  entièrement  la 
tête  comme  les  ermites,  sans  laisser  sur  le  crâne  un  toupet 
de  cheveux  {cûdd)  à  la  mode  brahmanique  ;  il  leur  retire 
le  cordon  brahmanique  ;  il  détruit  les  84  000  ouvrages 
canoniques  du  bouddhisme,  et  introduit  la  religion  de  Çiva 
à  la  place  du  culte  vaincu.  Cependant  il  dut  laisser  les 
bouddhistes  en  possession  de  quelques  temples,  faute  de 
remplaçants  capables  de  rendre  propices  les  divinités. 
Alors  il  retourna  vers  la  mer,  sans  essayer  de  conquérir  les 
régions  septentrionales  du  monde. 

Quand  Çankara  reparut,  au  temps  du  roi  Varadeva,  sous 
une  nouvelle  incarnation,  il  se  contenta  de  constater  au 
Népal  le  maintien  des  observances  qu'il  avait  introduites, 
puis  il  poursuivit  sa  route  vers  le  Nord  et  entra  au  Tibet  ; 
mais  ce  fut  sa  perte.  Le  lama  du  Tibet,  qu'il  accusait  de 
malpropreté,  s'ouvrit  le  ventre  avec  un  couteau  '  pour  étaler 

1.  Sur  cette  «  opération  diabolique  »  encore  en  usage  chez  les  Lamas 
modernes,  v.  Hue,  Souvenirs  d'un  voyage  dans  la  Tartarie,  le  Thibet 
et  la  Chine,  Paris,  1850,  1,  p.  307  scj. 


LE   CULTE  29 

au  grand  jour  la  purelé  de  son  cœur;  Çankara  effrayé 
voulut  s'enfuir,  mais  le  lama  perça  son  ombre  avec  un  fer 
de  lance,  et  Çankara  tomba  mort. 

Le  nom  de  Çankara  Âcàrya  n'est,  dans  ces  récits,  qu'un 
symbole  ;  il  représente  la  lutte  heureuse  entreprise  par  le 
brahmanisme  contre  son  rival  affaibli.  En  fait  la  décadence 
du  bouddhisme  fut  moins  la  conséquence  que  la  cause 
même  des  succès  du  brahmanisme.  La  discipline  antique 
s'était  bien  relâchée.  La  piété  des  pèlerins  chinois  a  pu 
chercher  à  dissimuler  le  mal  ;  mais  le  témoignage  impartial 
de  la  chronique  cachemirienne  montre  qu'aux  environs  du 
VI*  siècle  une  partie  du  clergé  au  Cachemire  était  mariée. 
Une  des  femmes  du  roi  Megha  vàhana  construisit  en  effet 
un  grand  vihàra  ;  a  une  moitié  en  fut  réservée  aux  bhiksus 
dont  la  conduite  se  conformait  aux  saints  préceptes 
{çiksâcâra),  l'autre  moitié,  à  ceux  qui  avaient  femmes, 
enfants,  bétail,  propriété,  et  qui  méritaient  le  blâme  pour 
avoir  adopté  la  vie  domestique  {gnrhasthya-garhya  *).  Des 
influences  nombreuses  s'étaient  combinées  pour  amener  ce 
relâchement,  entre  autres  la  propagation  de  méthodes  de 
salut  simplifiées,  réduites  h  la  récitation  d'une  formule  ou 
d'un  nom.  C'est  ainsi  qu'au  Japon  la  secte  Shin-shou, 
fondée  sur  l'adoration  continue  d'Amitàbha,  a  fini  par 
supprimer  le  célibat  des  prêtres  et  les  prescriptions  d'absti- 
nence. La  transformation  s'accomplit  par  degrés,  gagnant 
lentement  de  proche  en  proche.  Au  xy\f  siècle  le  royaume 
de  Patan,  plus  fidèle  au  bouddhisme  que  les  royaumes  de 
Katmandou  et  de  Bhatgaon,  comptait  encore  vingt-cinq 
vihàras  «  nirvânikas  »  où  les  moines  observaient  le  vœu 
du  célibat.  Le  pouvoir  politique  ne  put  pas  assister  avec 
indifférence  à  une  réforme  qui  diminuait  fatalement  la 
force  du  clergé:  dépouillés  du  prestige  de  la  chasteté, 

1.  mjataranginî,  111,  12. 


30  LE   NÉPAL 

entrés  dans  les  cadres  de  la  vie  civile,  les  moines  cessaient 
de  former  un  organisme  invincible  ;  ils  se  scindaient  fatale- 
ment en  des  associations  d'intérêts  instables,  que  la  royauté 
pouvait  exploiter  ou  paralyser  en  les  opposant. 

En  dépit  d'une  révolution  si  profonde,  les  formes  ont  en 
partie  survécu  àTesprit  du  passé.  Marié,  père  de  famille, 
artisan,  le  banra  n'en  est  pas  moins  ordonné  moine  ;  il  n'en 
reçoit  pas  moins  les  défenses  que  prescrit  le  Vinaya  ortho- 
doxe. Une  solution  ingénieuse  a  permis  de  concilier  le 
respect  de  la  tradition  et  les  exigences  des  temps  nouveaux. 
Le  candidat  s'adresse  à  son  directeur  spirituel  {gyru)  ;  il 
lui  exprime  le  désir  d'entrer  dans  les  ordres,  de  devenir 
«  bandya  »  {hanra),  A  grand  renfort  de  diagrammes 
magiques  et  d'ustensiles  consacrés,  le  Guru  assure  d'abord 
à  son  disciple  les  trois  protections,  du  foudre  {vajra-raksa) 
au  moyen  d'un  foudre  qu'il  manie  ;  du  fer  {loha-raksâ)  au 
moyen  d'une  cloche  qu'il  agite  ;  du  feu  {agni-rakso)  au 
moyen  d'une  coupe  d'alcool;  puis  il  le  baptise  avec  de 
l'eau  bénite  {kalaça-athiseka).  Deux  jours  après,  le  Guru 
assisté  du  supérieur  {nâyakd)  du  vihâra  et  des  supérieurs 
de  quatre  vihàras  voisins  confère  l'ordination  ;  c'est  le  vœu 
d'ordination  {pravrajyâ'Vratà)  qui  sépare  définitivement  le 
novice  du  monde.  Le  novice  reçoit  d'abord  les  cinq  défenses 
{vairamani)  :  pas  d'attentat  à  la  vie  ;  pas  d'appropriation 
illicite  ;  pas  d'incontinence  ;  pas  de  mensonge  ;  pas  d'al- 
cool. On  lui  rase  les  cheveux,  on  l'asperge  d'eau  bénite, 
on  lui  donne  un  nom  de  religion  ;  puis  il  reçoit  les  dix 
préceptes  (çihnpada)  qui  interdisent  le  meurtre,  le  vol, 
l'entraînement  des  passions,  le  mensonge,  la  boisson,  la 
danse,  la  parure,  les  lits  élevés,  la  nourriture  hors  temps, 
l'or  et  l'argent.  On  lui  remet  alors  un  équipement  complet 
de  religieux  :  les  vêtements  de  dessus  et  de  dessous  (cîvara 
et  nivâsa)^  la  sébile  à  aumônes  (pinda-pâtra)^  le  bâton  de 
route  {khikkharï)^   une   paire  do   sandales  en   bois,   une 


LE    CULTE  31 

aiguière  el  un  parasol.  Le  rite  orthodoxe  de  Tordinalion 
est  achevé  ;  mais  Tintrusion  des  doctrines  tantriques  a 
surchargé  ce  rituel  de  cérémonies  supplémentaires  en 
rhonneur  de  divinités  étrangères  au  bouddhisme  :  Bhai- 
rava,  Mahâkâla,  Vasundharâ,  etc.  Quatre  jours  durant,  le 
novice  est  tenu  de  jouer  sérieusement  son  rôle  ;  puis  ce 
temps  écoulé,  il  retourne  à  son  Guru  et  lui  dit  :  «  Mon 
maître,  je  ne  puis  rester  ascète  ;  reprends-moi  le  costume 
et  les  autres  insignes  du  moine  ;  retire-moi  de  la  pratique 
des  Çrâvakas  et  enseigne-moi  la  pratique  du  Grand  Véhi- 
cule. »  Le  Guru  répond  :  «  En  vérité,  dans  ces  jours  de 
décadence  il  est  difficile  de  pratiquer  l'observance  de  la 
pravrajyà  ;  adopte  donc  celle  du  Grand  Véhicule.  Mais  si 
tu  renonces  à  la  pravrajyà,  tu  ne  peux  être  relevé  des  cinq 
interdictions  :  pas  d'attentat  h  la  vie  ;  pas  de  vol  ;  pas 
d'adultère  ;  pas  de  médisance  ;  pas  d'alcool.  »  Le  tour  est 
joué  ;  l'ascète  d'hier  rentre  dans  ses  foyers  *. 

Les  banras  ne  sont  pas  tous  indistinctement  aptes  au 
service  sacerdotal  ;  les  fonctions  de  prêtres  sont  réservées 
exclusivement  à  deux  des  groupes  de  la  communauté  :  les 
Gubharjus  et  les  Bhiksus  ;  encore  est-ce  à  des  titres  iné- 
gaux. Les  Gubharjus  seuls  peuvent  prétendre  à  la  dignité 
de  vajrâcdrya  «  maître  du  foudre  ».  Le  Gubharju  doit,  pour 
se  maintenir  au  rang  où  l'a  placé  sa  naissance,  subir  avant 
d'être  père  de  famille  une  initiation  qui  prouve  ses  capa- 
cités rituelles  ;  il  faut  qu'il  soit  en  état  d'officier  à  la  céré- 
monie quotidienne  du  homa  où  la  flamme  reçoit,  pour 
la  porter  aux  dieux,  une  offrande  de  beurre  fondu  et  de 
grains.  S'il  néglige  de  s'assurer  à  temps  ce  diplôme,  il 
descend  au  rang  de  bhiksu  et  il  entraîne  dans  sa  chute  tous 
les  descendants  à  naître.  S'il  étend  ses  connaissances  au 


1.  HoDGSON,  Essays,  139-145:  et  cf.  Minayeff,  Recherches  sur  le  boud- 
dhisme, trad.  A.  de  Pompignan,  Annales  du  Musée  Giiimet,  BibL 
d'études,  vol.  IV,  296-299. 


32  LE    NÉPAL 

delà  du  rituel  du  homa,  le  Gubharju  prend  alors  le  titre  de 
vajrâcârya,  ou,  plus  pompeusement:  vajrâcârya-arhat- 
bhikm-buddha.  Il  résume  en  lui  la  sainteté  totale.  Il  est  le 
seul  prêtre  autorisé  pour  célébrer  les  cérémonies  du  culte, 
soit  privées,  soit  publiques,  et  pour  conférer  les  sacrements 
réguliers  du  mariage,  de  la  naissance  et  de  la  mort.  En 
tenue  sacerdotale,  il  porte  sur  la  tête  une  mitre  de  cuivre 
doré  {mifkifta)^  richement  sculptée,  décorée  d'une  double 
rangée  d'écussons  où  sont  enchâssées  les  figures  des  Boud- 
dhas et  des  Taras,  couronnée  d'un  foudre  transversal  avec 
un  écusson  par-dessus  ;  il  lient  dans  la  main  le  foudre  et 
la  cloche  ;  de  son  cou  tombe  jusqu'à  sa  ceinture  un  cha- 
pelet de  108  grains,  avec  un  foudre  et  une  cloche  enfilés 
de  part  et  d'autre,  et  à  l'extrémité  du  chapelet  pend  encore 
un  autre  vajra.  Il  porte  un  costume  rouge  foncé  {kasâyà) 
qui  consiste  dans  une  jaquette  collante  (civara)  et  une  jupe 
ramassée  en  plis  à  la  ceinture  {nivàsd).  11  a,  pour  l'assister, 
un  lévite:  le  bhiksu.  Le  bhiksu  porte  le  même  costume, 
mais  avec  des  insignes  différents  ;  il  est  coiffé  d'un  bonnet 
de  couleur,  en  étofl'e,  terminé  par  un  boulon  doré  ou  par 
un  vajra  ;  le  chapelet  qui  lui  pend  au  cou  n'a  pas  d'orne- 
ments ;  enfin  il  tient  à  la  main  le  bâton  de  religieux  {khik- 
khari)  et  la  sébile  à  aumônes  {pinda-pâtra). 

Les  couvents  sous  l'ancien  régime  possédaient  des  biens 
considérables;  rois  et  particuliers  rivalisaient  de  charités 
et  de  largesses.  Plusieurs  des  inscriptions  les  plus  anciennes 
commémorent  des  donations  en  faveur  des  couvents  ;  j'en 
ai  déjà  cité  plus  haut.  A  partir  de  Vrsadeva  le  Sùryavamçi 
la  Chronique  enregistre  presque  sous  chaque  règne  des 
fondations  nouvelles.  La  propagande  brahmanique  et  la 
conquête  du  Népal  par  des  dynasties  hindoues  portèrent  un 
coup  fatal  à  la  prospérité  des  vihâras.  La  lutte  s'engagea, 
masquée  et  sourde.  Le  règne  de  Siddhi  Narasimha  marque 
un  dos  moments  les  plus  nets  de  la  crise  (d'environ  1620 


LR    CV\.TK  33 

à  1657).  Siddhi  Narasimlia  appartenait  à  la  dynastie  de 
Harisimha  qui  se  targuait  d'une  origine  brahmanique  ;  il 
avait  voué  au  dieu  Krsna  une  dévotion  exaltée,  comme  ce 
dieu  sensuel  et  tendre  peut  en  inspirer  ;  il  pratiquait  des 
austérités  incessantes,  jeûnait  suivant  la  méthode  sévère  du 
candrâyana  qui  règle  les  rations  de  nourriture  sur  le  cours 
de  la  lune,  passait  le  jour  à  prier,  dormait  sur  un  lit  de 
pierre,  et  finit  par  disparaître  un  jour  sous  le  costume  d'un 
faquir.  F^atan,  sa  capitale,  étaitla  forteresse  du  Bouddhisme 
avec  ses  quinze  grands  couvents,  toujours  prêts  à  s'orga- 
niser en  foyers  de  résistance  contre  le  pouvoir  royal.  Sans 
violence,  sans  autres  armes  que  des  mesures  légales,  Siddhi 
Narasimha  entreprit  d'assujétir  à  l'autorité  civile  les  com- 
munautés religieuses.  Il  commença  par  détruire  l'apparence 
d'anarchie  qui  sauvegardait  leur  indépendance  ;  il  les  rendit 
solidaires  devant  la  couronne,  avec  des  représentants  régu- 
hers  qui  répondaient  de  chaque  groupement.  Les  couvents 
de  Patan,  de  Kirtipur,  et  de  Chobahal,  subirent  un  classe- 
ment hiérarchique  qui  se  fondait  en  partie  sur  les  droits 
d'ancienneté,  en  partie  sur  des  considérations  de  hasard, 
comme  pour    mieux   marquer  l'indifférence   royale.  Les 
plus   importants  avaient  chacun  pour  représentant  leur 
supérieur  {^nâyaka)^  officiellement  désigné  sous  le  titre  de 
Tathàgata  ;  les   maisons  secondaires  n'avaient  pour  les 
représenter  qu'un  délégué,  choisi  entre  leurs  supérieurs 
au  bénéfice  de  l'âge.  Une  ordonnance  régla  le  détail  des 
élections.  Investis  ainsi  d'une  fonction  administrative,  les 
supérieurs  perdirent  la  charge  du  culte,  qui  fut  transférée 
à  d'autres  rehgieux.  Jusque-là,  les  dix  anciens  de  chaque 
couvent  recevaient  aux  jours  de  fête  l'adoration  des  fidèles, 
qui  les  vénéraient  comme  Tincarnation  des  dix  perfections 
cardinales  {pâramitds)^   leur  lavaient  les  pieds   et  leur 
offraient  du  riz  au  lait.  Pour  ménager  les  ressources  du 
peuple,  Siddhi  iNarasimba  réduisit  le  nombre  des  bénéfî- 

11.  —  3 


34  LE    NÉPAL 

claires  à  deux  ;  seuls  eurent  droit  à  cet  hommage  les  doyens 
des  couvents  situés  aux  deux  bouts  de  la  route  que  suivait 
le  char  de  Matsyendra  Nâtha.  Transformés  en  pères  de 
famille,  les  prêtres  durent  se  pher  aux  règles  de  pureté 
prescrites  par  l'hindouisme,  célébrer,  par  exemple,  un  homa 
(sacrifice  à  libation)  en  cas  de  décès  dans  la  famille,  sous 
peine  d'impureté  légale.  Une  cérémonie  de  purification  fut 
imposée  auxNévars  bouddhistes  qui  avaient  voyagé  ou  ré- 
sidé au  Tibet;  la  cérémonie  était  confiée  à  cinq  supérieurs 
de  couvent,  mais  la  rétribution  exigée  revenait  au  roi.  Les 
couvents  où  le  célibat  était  encore  observé  essayèrent  de 
se  dérober  aux  règlements;  convoqués  pour  entendre  l'or- 
donnance royale,  dix  sur  vingl-cinq  n'envoyèrent  pas  de 
délégués.  Siddhi  Narasimha  désigna  d'office  des  adminis- 
trateurs, pour  remplacer  les  mandataires  qu'on  refusait 
d'élire,  et  soumit  à  des  règlements  spéciaux  les  maisons 
réfractaires. 

Un  siècle  après  Siddhi  Narasimha,  la  conquête  Gourkha 
précipitait  le  dénouement.  La  malveillance  systématique 
poussée  jusqu'à  l'hostilité,  la  confiscation  des  biens  de 
communautés,  le  refus  obstiné  de  la  moindre  subvention 
ont  réduit  les  vihâras  à  la  décrépitude  et  à  la  misère. 

Les  têtes.  —  Les  religions  passent,  les  fêtes  demeu- 
rent. Le  Népal  d'autrefois  survit  encore  dans  les  yâtrâs.  La 
yâird  est  proprement  une  procession,  une  pompe  solen- 
nelle, avec  un  déploiement  de  danse  et  de  musique,  et 
sous  l'aspect  d'un  sacrifice  une  ripaille  liturgique.  Le  goût 
des  Névars  s'est  trouvé  d'accord  avec  leur  superstition  pour 
multiplier  ces  fêles  ;  le  pouvoir  royal  les  a  en  partie  créées, 
en  partie  adoptées,  et  les  a  sanctionnées  comme  des 
institutions  d'étal.  Des  règlements  exprès,  émanés  de  l'au- 
torité souveraine,  répartissent  l'organisation  des  yàtrâs 
entre  des  groupements  fixes  et  stipulent  la  part  de  contri- 


LE    CULTE  35 

butioD  qui  leur  incombe  respectivement.  En  retour  de  ces 
charges  pécuniaires,  l'ancien  régime  accordait  des  privi- 
lèges, des  indemnités,  des  donations.  Le  gouvernement 
Gourkha  a  supprimé  les  subventions,  directes  ou  indirectes, 
et  par  ses  confiscations  il  a  tari  une  des  sources  qui  alimen- 
taient le  budget  des  yàtrâs.  Néanmoins,  les  yâtràs  sub- 
sistent, maintenues  par  la  coutume  et  par  la  loi.  Qui  tente 
de  se  dérober  à  une  des  obligations  héréditaires  est  puni 
d'une  amende  et  frappé  par  la  caste.  Bon  gré  mal  gré,  les 
uns  doivent  fabriquer  le  char  de  procession  ;  d'autres 
façonner  les  masques;  d'autres  encore,  colorier,  danser, 
officier.  C'est  un  service  d'Etat,  et  qui  tire  à  conséquence, 
car  la  solennité  constitue  un  rite  magique,  laborieusement 
combiné  à  son  origine  en  vue  d'un  objet  précis.  La  pro- 
cession de  Matsyendra  Nâtha,  qui  passe  pour  la  plus 
ancienne,  amène  la  pluie  de  printemps  ;  sans  son  action 
efficace,  le  ciel  refuserait  ses  eaux  à  la  culture.  La  yâtrâ 
de  Devî,  à  Nayakot,  a  pour  but  de  chasser  V  a  aoul  »,  la 
malaria,  dans  les  terres  basses,  loin  du  Népal.  Le  roi 
Çankara  deva  de  la  dynastie  Vaiçya  institua  une  yâtrâ 
annuelle  en  l'honneur  de  Nava-Sâgara-Bhagavatî  pour 
apaiser  cette  déesse  effroyable.  La  forme  de  la  yâtrâ  n'esl 
pas  immuable  ;  mais  il  n'y  faut  toucher  qu'avec  précaution. 
Au  xvr  siècle,  Amara  Malla  de  Katmandou  rétablit  la  danse 
de  Harasiddhi,  introduite  jadis  par  Vikramâdityad'Ujjayinî, 
renouvelée  par  Vara  deva  le  Thâkuri,  et  tombée  plus  tard 
en  désuétude  ;  mais  un  des  personnages  de  la  danse,  l'élé- 
phant, risquait  par  sa  vertu  magique  do  causer  une  pénurie 
de  grains;  afin  de  neutraliser  cette  influence  fâcheuse, 
Amara  Malla  importa  la  danse  de  Mahà-Laksmî  de  Khok  hna . 
La  danse  de  Kankeçvarî  a  disparu,  par  une  mesure  de  pru- 
dence analogue  :  un  jour,  un  des  danseurs  déguisé  en  bête 
fut  mangé  par  Kankeçvarî;  pour  déférer  au  goût  que 
témoignait  ainsi  la  déesse,  il  aurait  fallu  désormais  lui 


36  LE    NÉPAL 

offrir  régulièrement  une  victime  humaine  ;  il  parut  plus 
sage  de  suspendre  nne  die  la  pratique  du  rite. 

L'idée  d'un  sacrifice  humain  n'avait  pas  de  quoi  sur- 
prendre ou  révolter  le  Népal  ;  ces  étranges  disciples  du 
plus  doux  des  maîtres  n'ont  jamais  répugné  à  verser  le 
sang,  même  le  sang  humain.  Dès  l'époque  des  Sûrya- 
vamçis,  avant  Amçuvarman  (vu*  siècle),  le  pieux  roi  Çiva- 
deva  institue,  comme  rite  annuel,  un  sacrifice  humain  en 
l'honneur  de  Vatsalà  Devî,  à  la  date  du  12  caitra  badi.  Son 
arrière-neveu,  Viçvadeva,  veut  supprimer  cet  usage  bar- 
bare; la  déesse  vient  en  personne  réclamer  son  dû.  Guna- 
kàma  deva  le  Thàkuri,  fondateur  de  Katmandou,  institue 
la  Sitikhastî,  une  bataille  de  pierres  qui  se  termine  parle 
sacrifice  à  Kankeçvarî  des  prisonniers  retenus  dans  chaque 
camp.  Vers  1750,  le  roi  de  Katmandou,  Jaya-prakàça, 
prohibe  ce  rite  bizarre  ;  un  bruit  surnaturel  entendu  dans 
la  nuit  décide  le  roi  à  respecter  la  tradition.  En  1660,  le 
roi  de  Bhatgaon,  Jagat-prakùça  Malla,  en  lutle  avec  ses 
voisins  de  Katmandou  et  de  Fatan,  surprend  un  poste 
ennemi,  ramène  vingt  et  un  prisonniers  et  les  sacrifie  aux 
dieux.  On  dit  que  Prilhi  Narayan,  maîlre  de  Katmandou, 
offrit  dans  le  temple  royal  de  Taleju  (Tulasî)  des  sacrifices 
humains  ;  mais  la  déesse  lui  apparut  en  songe  pour  lui 
exprimer  son  mécontentement*.  Le  P.  Marco  délia  Tomba 
rapporte  comme  un  fait  assuré  que  «  les  gens  de  la  mon- 
tagne n'ont  pas  horreur  de  sacrifier  à  leurs  idoles  des 
viclimes  humaines,  et  particulièrement  les  prisonniers  de 
guerre,  quand  ils  ont  h  demander  dans  un  besoin  pressant 
l'aide  de  leurs  dieux  ;  ainsi,  en  préparant  leurs  canons 
pour  la  guerre,  ils  les  teignent  avec  le  sang  d'une  fillette 
tuée  sur  les  canons  mômes  ^  ».  Hamilton,  au  début  du  xix* 


1.  Hamilton,  p.  211. 

2.  Gli  Scritti,  p.  52. 


siècle,  rapporte  que  le  roi  Goiirklia  offre  Ions  les  douze  ans 
un  sacrifice  solennel  où  sont  immolés,  entre  autres  vic- 


times, deux  hommes  dun  rang  à  porter  le  cordon  sacré. 
«  On  les  enivre,  on  les  porte  dans  le  sanctuaire,  (m  leur 
coupe  le  cou  et  on  dirige  le  jcl  de  sang  sur  les  idoles.  Puis, 


38  LE    NÉPAL 

avec  leurs  crânes,  on  fait  des  coupes  pour  s'en  servir  dans 
ces  horribles  rites  \  » 

L'homme  n'est  qu'une  victime  d'exception  ;  les  victimes 
ordinaires  sont  le  buffle,  le  bélier,  le  coq  et  le  canard. 
Dans  rinde,  convertie  au  respect  de  la  vie  (ahimsâ)  par  les 
hérétiques,  bouddhistes  et  jainas,  une  chapelle  ensan- 
glantée est  un  spectacle  rare,  qu'on  signale  à  la  curiosité 
des  touristes  ;  au  Népal,  le  temple  est  une  manière  de  bou- 
cherie. Les  cornes,  les  têtes  de  buffles  accrochées  aux 
murailles,  les  taches  de  sang  sur  le  sol  et  sur  les  idoles, 
l'odeur  d'abattoir  qu'on  respire  alentour  indiquent  assez  la 
prodigalité  sanguinaire  des  fidèles.  Le  sacrifice  du  buffle, 
en  particulier,  est  un  cauchemar  inoubliable  :  la  bête  vigou- 
reuse est  liée  solidement  des  quatre  pieds,  la  tête  ren- 
versée en  arrière  pour  dégager  et  tendre  le  cou  ;  en  cet 
étal  on  la  traîne  à  distance  convenable  de  l'idole.  Le  prêtre 
pratique  deux  incisions  symétriques  à  droite  et  à  gauche 
du  cou  ;  sans  hâte,  sans  émotion,  il  passe  ses  doigts  dans 
les  plaies  béantes,  écarte  et  fouille  les  chairs  pour  atteindre 
les  veines  jugulaires  ;  il  les  détache  par  des  secousses 
savantes  des  tissus  qui  les  enveloppent,  et  les  amène  lente- 
ment au  bord  de  la  plaie,  en  évitant  avec  soin  de  les 
entamer.  La  bête,  à  demi  asphyxiée,  se  contracte  et  bat 
douloureusement  des  flancs  ;  autour  d'elle  les  assistants 
discutent  à  tête  reposée  la  manœuvre  du  prêtre.  Enfin  le 
moment  critique  est  venu  ;  une  incision  pratiquée  simulta- 
nément dans  les  deux  veines  laisse  échapper  un  flot  de  sang 
qui  jaillit  vers  l'idole.  Est-elle  inondée  de  sang,  elle  et  le 
riz  déposé  en  ofi*rande  devant  elle?  La  divinité  a  agréé 
l'hommage.  Sinon,  quand  la  maladresse  des  opérateurs  a 
mal  calculé  les  distances,  les  angles,  l'ouverture  des  inci- 
sions, tout  est  h  refaire.  Le  sacrifice  consommé,  la  tête  est 

1.  IIamilto.n,  p.  35. 


LE    CULTE  39 

détachée,  déposée  devant  la  divinité,  et  la  chair  grossière- 
ment dépecée,  partagée  entre  le  prêtre  et  le  sacrifiant,  sert 
à  de  plantureuses  agapes. 

Le  méthode  Gourkha  est  moins  barbare,  et  plus  expé- 
dilive  ;  le  kukhri,  manié  avec  adresse,  tranche  â'iin  seul 
coup,  rarement  de  deux,  le  col  puissant  de  la  bête.  En  cer- 
taines occasions,  le  sacrifice  tourne  à  Torgic  de  sang;  il 
y  a  cinquante  ans,  au  témoignage  de  Jang  Bahadur,  le 
total  des  buffles  égorgés  s'élevait  h  neuf  mille  pour  les 
dix  jours  de  la  Durgâ-pûjà, 

Outre  les  sacrifices,  la  promenade  du  char  (ratka-t/àlrà) 
est  un  article  régulier  du  programme  des  fêtes.  Le  char, 
destiné  à  transporter  le  dieu  et  ses  acolytes,  ou  ses  repré- 
sentants humains,  est  une  énorme  construction  massive  en 
bois.  Un  assemblage  de  fortes  poutres,  longues  de  trente  à 
quarante  pieds,  est  monté  en  plate-forme  sur  des  roues  de 
bois  épaisses  et  larges.  La  plate-forme  supporte  un  écha- 
faudage de  dix  à  quinze  mètres.  L'ensemble  rappelle  assez 
nos  chars  de  mi-carême.  L'appareil  est  traîné  à  force  de 
bras,  sans  attelage  d'animaux  ;  sur  le  long  parcours  qu'il 
fournit,  il  doit  résister  aux  secousses  les  plus  formidables  ; 
le  sol  alluvial  de  la  vallée  est  haché  de  ruisseaux  et  de 
rigoles  que  ne  traverse  aucun  pont,  et,  à  la  montée  comme 
à  la  descente,  les  berges  s'écrasent  ou  s'éboulent  sous  le 
poids  du  char.  Le  moindre  accroc  menace  la  procession 
d'un  jour  de  retard,  car  le  char  et  la  divinité  doivent  néces- 
sairement passer  une  nuit  à  des  étapes  fixes  :  le  soleil 
vient-il  à  se  coucher  sans  qu'on  ait  atteint  la  halte  prescrite, 
la  course  du  lendemain  ne  dépassera  pas  l'étape  manquée, 
si  proche  qu'elle  puisse  être.  La  foule  guette  avec  anxiété 
les  incidents  du  parcours,  prompte  à  les  interpréter  comme 
des  présages.  Après  deux  siècles  et  demi,  on  raconte  encore 
les  aventures  de  la  procession  du  char,  en  l'an  1654,  sous 
le  règne  du  mystérieux  Siddhi  Narasimha,  h  Patan.  Mis  en 


40  LE    NÉPAL 

branle  sous  de  fâcheux  auspices,  le  char  de  Matsyendra 
Nàtha  n'avança  le  premier  jour  que  d'une  porté  de  flèche  ; 
le  lendemain,  la  marche  resta  aussi  lente.  Le  septième 
jour,  les  roues  s'enlisèrent  encore  ;  le  huitième,  un  cahot 
brusque 'brisa  l'avant.  Cinq  semaines  plus  lard,  le  char 
poursuivait  encore  les  étapes  de  son  pénible  itinéraire, 
quand  la  roue  droite  s'enlisa  ;  un  jour  après,  l'autre  roue 
se  brisa.  On  procéda  toute  une  journée  aux  réparations  ; 
le  trajet,  à  peine  repris,  les  deux  roues  craquèrent  en  même 
temps  ;  nouveau  retard.  Le  char  réparé  traverse  le  ruisseau 
de  Nikhu  ;  la  roue  droite  reste  engagée  dans  le  sable  ; 
ensuite,  le  timon  casse.  On  se  décida  douloureusement  à 
retirer  du  char  l'image  divine,  et  on  la  transporta  sur  un 
brancard  pour  la  ramener  à  son  domicile.  L'inquiétude 
s'aggrava  encore  quand  on  vit  transpirer  la  face  d'un  des 
Ganeças.  Un  sacrifice  spécial  fut  alors  offert  en  vue  d'écarter 
les  dangers  menaçants. 

La  yàtrà,  qui  commémore  un  épisode  de  l'histoire  reli- 
gieuse ou  légendaire,  et  qui  prétend  l'évoquer  h  l'imagina- 
tion des  fidèles,  portait  un  embryon  d'art  dramatique,  que 
les  croyances  du  tantrisme  ont  vivifié.  Les  Tantras,  où  le 
Bouddhisme  et  le  Çivaïsme  communient,  prescrivent  des 
cérémonies  brutalement  réalistes  où  les  fidèles  assemblés 
adorent  un  des  couples  divins  sous  la  figure  d'un  garçonnet 
et  d'une  fillette,  consacrés  par  des  opérations  préalables. 
Le  mysticisme  sexuel  qui  préside  à  ces  rites  équivoques 
aime  à  s'exprimer  dans  les  visions  troublantes  de  la  chair 
divinisée.  Sous  cette  inspiration,  les  yâtrâs  ont  provoqué 
au  Bengale  un  renouveau  du  théâtre  indien.  Au  Népal  aussi, 
elles  paraissent  s'être  transformées  de  bonne  heure  en 
tableaux  vivants  :  laLàkhyâ-yàtrâ,  instituée  par  Gunakàma 
deva  le  Thâkuri  pour  fêter  la  victoire  du  Bouddha  sur  le 
tentateur  Mâra,  représentait  les  dieux  en  adoration  devant 
Çâkyamuni  triomphant.  Aujourd'hui  encore,  sur  l'écha- 


LE    CITLTE  41 

faudage  du  char  de  la  Mâghî  Pûrnimâ,  des  personnages 
truculents  figurent  les  aventures  du  démon  Hiranya  kaçipu 
et  de  son  fils  Prahlâda,  Tun  ennemi,  Tautre  dévot  de  Visnu. 
De  bonne  heure  aussi,  les  Kumàrîs,  les  Vierges  qui  incar- 
nent  les  Energies  {çakti)  du  ïantrisme,  ont  été  représentées 
par  des  fillettes,  laborieusement  choisies  pour  ce  rôle 
glorieux.  A  les  voir  siéger  sur  leurs  trônes,  hiératiques  ot 
graves,  le  regard  fixe,  les  trails  fardés,  chargées  de  joyaux 
et  d'accoutrements  somptueux,  la  narine  enfiée  d'un  orgueil 
surhumain,  belles  comme  des  idoles,  enfants  par  la  grâce 
frêle,  femmes  par  le  charme  fascinant,  on  ne  s'étonne  pas 
qu'un  peuple  entier  les  adore.  La  charge  n'est  pas  sans 
profit.  La  kumârî  qui  figure  h  la  procession  de  TJndra- 
yàtrà  est  logée  plusieurs  années  dans  un  édifice  spécial,  et 
reçoit  une  donation  importante.  Mais  aussi  quelle  épreuve 
il  lui  faut  d'abord  subir  !  On  ramasse  dans  une  salle  mal 
éclairée,  à  la  fin  du  Daçâhra,  les  têtes  sanguinolentes  des 
buffles  sacrifiés.  C'est  là  qu'on  introduit  et  qu'on  enferme 
les  petites  concurrentes,  âgées  de  six  à  sept  ans,  et  recru- 
tées dans  un  petit  groupe  de  familles  banras.  Du  dehors 
on  épie  leur  attitude.  La  moindre  expression  de  crainte 
élimine  Tenfant;  la  vraie  kumàrî,  qui  chevauche  sur  un 
tigre  et  fréquente  les  cimetières,  n'a  pas  peur  du  sang  ni 
du  charnier.  La  fillette  qui  lient  bon  mérite  bien  de  rece- 
voir l'hommage  du  roi,  comme  la  déesse  en  personne,  et 
d'être  escortée  par  le  sabre  de  l'État.  A  l'occasion,  Kumàrî 
se  sert  d'une  de  ces  figurantes  pour  manifester  ses  volontés  : 
quand  Prithi  Narayan,  jeune  homme  encore,  vivait  en  hôte 
à  la  cour  de  Bhatgaon,  chez  le  roi  Ranajit  iMalla,  les  deux 
princes  s'assirent  côte  à  côte  pour  voir  défiler  la  pro- 
cession de  la  Vijaya-dacjamî.  La  kumàrî,  qui  devait  remettre 
une  fleur  au  roi,  la  tendit  à  Prithi  Narayan;  le  Bhairava 
qui  l'assistait  fit  de  même.  Le  suffrage  divin  désignait  les 
Gourkhas  à  l'empire. 


42  LE    NÉPAL 

Les  danses  et  les  cortèges  de  masques  complètent  d'or- 
dinaire la  procession  ;  la  fantaisie  baroque  et  plutôt 
effrayante  des  travestissements  rappelle  de  près  les  danses 
diaboliques  du  chamanisme  et  du  bouddhisme  lamaïque. 
Les  acteurs,  coiffés  de  têtes  de  tigres,  d'ours,  de  lions  avec 
d'abondantes  crinières  trépignent,  bondissent,  et  crient. 
Des  plates-formes  permanentes,  construites  en  maçonnerie 
et  en  briques,  sur  les  grandes  places,  servent  de  scène  à  ces 
divertissements.  Un  témoin  qui  connut  ces  spectacles  au 
temps  de  leur  splendeur,  sous  les  derniers  Mallas,  en  a 
laissé  une  description  détaillée'.  «  Les  gens  du  pays  ont 
rhabitude,  à  leurs  fêtes,  de  représenter  une  histoire  tirée 
de  leurs  livres  sacrés  ou  une  comédie  satirique,  dans 
laquelle  ils  tournent  en  ridicule  les  manières  d'être  d'une 
certaine  personne.  On  représente  ces  pièces  sur  une  des 
places  publiques  ;  à  cet  effet  on  y  a  élevé  des  plates-formes 
carrées  de  vingt  pieds  environ,  et  hautes  d'environ  trois 
pieds.  Les  spectateurs  s'installent  sur  des  nattes  qu'ils  éten- 
dent sur  la  terre  nue  des  places  ou  des  rues.  Ils  n'ont  ni 
théâtre,  ni  mise  en  scène;  mais  si  la  pièce  doit  se  passer  près 
d'une  rivière,  ils  étendent  sur  la  plate-forme  où  jouent  les 
acteurs  une  étoffe  où  est  peinte  une  rivière  :  si  elle  se  passe 
dans  l'intérieur  d'une  (barcareccia),  quelques-uns  tiennent 
alors  avec  leurs  mains  quatre  ou  six  branches  d'un  arbre 
quelconque  ;  si  elle  se  passe  dans  un  temple,  on  pose  au 
milieu  une  idole  ;  et  ainsi  du  reste  pour  le  changement  de 
scène.  Les  acteurs  de  ces  comédies-là  ont  très  peu  de  réci- 
tatif, et  au  contraire  énormément  d'action,  tellement  que  le 
principal  acteur  ne  récite  pas,  dans  une  comédie  de  deux  ou 


1.  Relazione...  du  P.  Cassien,  dans  la  Rivisla  Geografica  Ilaliana^ 
1901,  p.  621.  La  description  que  donne  le  P.  Cassien  n'intéresse  pas 
seulement  le  Népal  et  ses  fêtes  religieuses  ;  elle  apporte  un  précieux 
document  à  l'histoire  du  théâtre  indien;  elle  éclaire  particulièrement  la 
question  encore  si  obscure  du  décor. 


LE    CULTE  43 

trois  heures,  huit  ou  dix  phrases  en  diverses  scènes  ;  mais 
ce  sont  des  chœurs  qui  chantent  le  tout,  comme  dans  les 
comédies  grecques  ;  les  Népalais  onlau  moins  deux  chœurs 
dans  chaque  pièce,  et  le  troisième  chœur  est  formé  par  le 
chœur  au  complet,  c'est-à-dire  par  les  deux  chœurs 
ensemble.  L'acteur,  en  deux  ou  trois  vers  qu'il  récite, 
exprime,  par  exemple,  une  extrême  douleur  où  il  se  trouve  ; 
les  chœurs,  alternativement,  chantent  tristement  l'amer- 
tume de  la  douleur,  les  diverses  passions  qui  sont  déter- 
minées par  une  telle  douleur  au  cœur  du  personnage, 
comme  d'espérance,  d'abandon,  de  crainte,  etc.,  et  ainsi 
de  toutes  les  autres  passions  ;  et  dans  le  même  temps  que 
le  chœur  chante,  l'acteur,  du  visage,  des  pieds,  des  mains, 
comme  en  dansant  constamment,  accorde  ses  gestes  au 
sens  des  paroles  qui  sont  chantées.  L'orchestre  de  ces 
comédies  est  formé  de  quelques  petits  tambours,  de  trom- 
pettes et  d'un  instrument  qui  consiste  en  deux  petits  vases 
de  métal,  qu'on  bat  l'un  contre  l'autre  selon  la  note  qu'ils 
donnent,  et  dans  chaque  comédie  il  y  a  au  moins  huit  paires 
de  ces  instruments  lesquels  bien  touchés  font  un  harmo- 
nieux carillon  :  quatre  trompettes  et  trois  tambours  com- 
posent l'orchestre.  Le  tambour  dirige  la  symphonie,  et  on 
le  bat  avec  les  mains.   » 

Tant  de  divinités  et  tant  de  sanctuaires  ne  laissent  pas 
que  d'encombrer  la  vie  du  fidèle.  Le  calendrier  népalais 
semble  consister  dans  une  suite  de  jours  fériés.  Pèlerinages, 
processions,  jeûnes  alternent,  avec  une  régularité  mono- 
tone, agrémentés  des  repos  forcés  qu'imposent  les  céré- 
monies de  la  vie  domestique,  et  des  arrêts  accidentels  que 
prescrivent  les  astrologues.  L'astrologie,  qui  joue  un  rôle 
si  considérable  dans  la  vie  hindoue,  est  maîtresse  souve- 
raine au  Népal  ;  les  voyageurs  chinois  du  vu*  siècle  en 
étaient  déjà  frappés.  Le  cours  des  planètes,  les  éclipses, 
les  conjonctions  règlent  la  vie  du  foyer  comme  la  politique 


44  LE    NÉPAL 

royale.  L'astrologue  lire  Fhoroscope  des  noiiveaii-n^^?, 
calcule  la  date  favorable  aux  mariages,  aux  traités,  à  ren- 
trée en  campagne,  interprète  les  signes  et  les  prodiges,  et 
dénonce  les  heures  néfastes  qui  relardent  le  dépari,  inter- 
rompent le  trafic,  suspendenlles  entreprises.  Je  n'essaierai 
point  ici  d'analyser  jour  par  jour  le  calendrier  religieux  ; 
fidèle  au  plan  que  je  me  suis  tracé,  je  me  bornerai  h 
signaler  les  fêtes  caractéristiques  du  Népal.  Dans  le  calen- 
drier (jourkha\  l'année  —  qu'elle  soit  comptée  dans  l'ère 
çaka  (78  ap.  J.-C.)ou  dans  l'ère  samval  (57  av.  J.-C.)  — 
commence  le  premier  jour  de  vaiçàkha  (avril)  badi,  quinze 
jours  plus  tard  que  dans  l'Inde  où  le  1"  de  caitra  sudi  est 
le  jour  de  l'an.  L'année  du  comput  névar  (880  ap.  J.-C.) 
commençait  en  kàrtika.  La  procession  de  Malsyendra 
Nàtha  {Matsyendra  Nàtha  yâtrâ  ou  Bttgayâtrâ)  ouvre 
solennellement  Tannée  religieuse.  Elle  commémore  Tintro- 
duction  du  nouveau  dieu  sous  Narendra  deva  le  Thâkuri. 
Les  Névars  des  deux  confessions  la  célèbrent  avec  un  égal 
entrain  ;  les  (îourkhas,  sans  l'admettre  comme  une  fête 
religieuse,  y  participent  néanmoins  comme  à  une  fêle 
nationale.  Matsyendra  NAlha  est  un  trop  gros  personnage 
pour  qu'on  risque  de  provoquer  ses  rancunes.  Une  compa- 
gnie, sous  les  ordres  d'un  sardar,  fait  escorte  au  dieu  pen- 
dant toute  sa  promenade,  et  contient  aussi  les  entraîne- 
ments suspects  de  la  foule.  Le  premier  jour  de  vai(;àkha 
badi,  les  Nikhus  de  Palan  vont  retirer  du  temple  Tidole 
rouge,  haute  de  trois  pieds,  consacrée  parla  vénération  des 


\.  Sans  entrer  dans  les  complications  du  calendrier  hindou,  il  est 
nécessaire  d'indiquer  ici  que  Tannée  y  est  partagée  en  douze  mois,  el 
chaque  mois  en  deux  quinzaines  correspondant  respectivement  au  cours 
croissant  de  la  lune,  sudi,  de  la  nouvelle  lune  à  la  pleine  lune,  et  au 
cours  décroissant,  badi^  de  la  pleine  lune  à  la  nouvelle  lune.  Le  mois 
commence,  selon  la  diversité  des  usages  locaux,  soit  à  la  pleine  lune, 
soit  à  la  nouvelle  lune.  Au  Népal,  il  commence  actuellement  à  la  pleine 
lune. 


LE    CULTE  45 

siècles,  et  la  transportent  au  Sud  de  la  ville,  sous  Tarbre 
même  où  Narendra  deva  et  ses  compagnons  s'arrêtèrent, 
à  leur  retour  du  mont  Kapotala  ;  la  terrasse  de  pierre 
abritée  sous  Tarbre  passe  pour  dater  de  Narendra  deva. 
Les  Nikhus  y  déposent  la  statue;  ils  la  déshabillent,  la 
lavent  (sauf  la  tête  qu'ils  n'ont  pas  le  droit  de  toucher)  ; 
c'est  le  bain  {snânà)  de  Matsyendra.  Le  sabre  du  roi,  Téqui- 
valent  du  sceptre  au  Népal,  est  alors  présenté  à  la  divinité. 
Puis  on  ramène  Matsyendra  à  son  temple  ;  on  le  peint,  on 
l'habille,  et  le  8  on  l'expose  au  soleil.  Les  Nikhus,  qui  sont 
des  çivaïtes,  passent  désormais  la  main  aux  banras.  Le  12 
et  le  13,  les  banras  célèbrent  les  dix  cérémonies  {daça- 
karma)  qui,  partant  de  la  conception,  introduisent  le  dieu 
comme  un  enfant  à  naître  dans  les  cadres  réguliers  de  la 
société.  Le  !•'  de  vaigâkha  sudi,  la  procession  du  char 
commence.  On  a  préalablement  construit  deux  chars  : 
l'un,  le  plus  grand,  dans  le  faubourg  Ouest  de  Patan,  près 
du  caitya  d'Açoka  ;  Tautre  à  Palan  même,  dans  la  cour  du 
temple  de  Matsyendra  nàtha.  Le  grand  char  porte,  sur  une 
vaste  plate-forme  en  bois,  une  chapelle  carrée  plaquée  de 
dorures  ;  à  l'entour  un  trottoir  permet  de  circuler  ;  le  toit 
de  la  chapelle  soutient  une  pyramide  de  branchages,  de 
perches  et  de  cordes  entrelacées,  avec  des  Hots  de  rubans  ; 
sur  le  faîte,  à  vingt  ou  vingt-cinq  mètres  de  hauteur,  est 
juchée  une  image  dorée  de  Vajrasattva,  que  couronne 
encore  un  bouquet  de  feuillage.  Les  quatre  roues  du  char 
ont  pour  ornement  les  yeux  de  Bhairava  ;  posée  sur  les 
essieux,  une  longue  perche  mince  et  recourbée  à  l'avant 
porte  à  son  extrémité  une  tête  de  Bhairava.  L'autre  char 
n'est  qu'une  réduction  du  premier,  mais  la  poupée  de  vingt 
centimètres  qu'il  transporte  est  l'image  authentique  du 
dieu.  Une  foule  de  fidèles,  constamment  renouvelée, 
s'attelle  aux  chars  et  les  traîne.  Le  trajet  à  parcourir  est 
réparti,  abstraction  faite  des  retards  accidentels,  en  trois 


46  LE    NÉPAL 

étapes  très  courtes,  entre  un  demi-kilomètre  et  un  kilo- 
mètre ;  chacune  a  son  programme  régulier  de  sacrifices  et 
d'offrandes.  L'étape  la  plus  importante  est  la  dernière,  de 
la  Suvarna-dhârâ  (Fontaine  d'or)  à  Tarbre  de  Narendra. 
Toute  la  population  névare  de  Patan  prend  part  à  la  fête, 
et  le  roi,  suivi  du  premier  ministre  et  des  grands,  montés 
tous  sur  des  éléphants  de  cérémonie,  vient  assister  en  per- 
sonne au  défilé.  Les  chars  décrivent  un  tour  à  la  droite  de 
l'arbre  (pradaksina),  puis  ils  restent  slationnaires  deux 
nuils,  ensuite  ils  vont  à  peu  de  distance  attendre,  de  dix  à 
vingt  jours,  une  date  propice  pour  la  Gudri-yâtrâ.  Quand 
les  astrologues  ont  reconnu  le  jour  favorable,  la  procession 
s'ébranle  de  nouveau,  et  les  chars  sont  traînés  sur  le  champ 
de  manœuvres,  au  Sud-Ouest  de  la  ville  ;  ils  y  demeurent 
trois  nuits.  Enfin  la  grande  journée  arrive,  saluée  par  tout 
un  peuple  impatient  d'assister  au  déshabillage  du  dieu.  Les 
Banras  en  grande  tenue,  vêtus  d'une  robe  rouge,  la  tête 
fraîchement  rasée,  accotent  le  petit  char  au  grand  ;  ils 
sortent  de  la  niche  l'image  sacrée,  et  lui  retirent  pièce  à 
pièce  son  accoutrement  d'oripeaux  pailletés.  Mais  c'est  la 
chemise  qu'on  attend,  qu'on  veut  voir.  Elle  paraît  ;  les 
prêtres  l'exhibent  solennellement  à  la  foule  qui  s'inchne, 
adore  et  se  prosterne.  Matsyendra  peut  dès  lors  quitter 
Palan,  il  n'emporte  rien  au  préjudice  de  ses  fidèles;  sa 
pauvreté  suffit  à  son  bonheur.  La  statuette  dévêlue  est 
transférée,  sous  une  pluie  de  fleurs  et  d'offrandes,  dans 
une  sorte  d'arche  sainte  que  les  Banras  chargent  sur  leurs 
épaules  ;  un  cortège  de  fleurs  et  d'illuminalions  l'accom- 
pagne à  Bogmati,   cinq  kilomètres   au  Sud  de  Patan*  ; 

1.  C'est  sans  doute  le  temple  de  Bogmati  qui  est  décrit  dans  ce  pas- 
sage de  la  Notice  du  P.  Giuseppe.  «  On  trouve  à  l'Ouest  de  Lélit  Pattan, 
à  la  distance  de  trois  milles,  un  château  appelé  Hanga,  qui  renferme  un 
temple  magnifique.  Aucun  missionnaire  n'est  jamais  entré  dans  ce  châ- 
teau :  ceux  qui  en  prennent  soin  ont  pour  le  temple  une  vénération  si 
scrupuleuse  qu'il  n'est  permis  ù  personne  d'y  entrer  avec  ses  souliers  ; 


LE    CULTE  47 

c'est  là  Tantique  Amarâpura,  que  raboiemenl  miraculeux 
d'un  chien  désigna  comme  le  lieu  de  la  naissance  de 
Matsyendra  nâtha.  Malsyendra  doit  y  résider  six  mois  dans 
son  temple,  au  centre  du  village;  Tannée  à  demi  écoulée, 
il  reprendra  le  chemin  de  Patan.  Mais,  une  fois  tous  les 
douze  ans,  Matsyendra  ne  se  contente  pas  du  tabernacle 
pour  parcourir  la  route  de  Bogmati  à  Patan  et  de  Patan  à 
Bogmali  ;  il  faut  alors  construire  h  Bogmali  même  un  char 
solide  qui  puisse  emmener  et  ramener  le  dieu  à  travers  une 
campagne  sillonnée  de  ruisseaux  capricieux,  creusée  pro- 
fondément par  les  eaux,  et  sans  routes. 

La  procession  de  Matsyendra  iMâtha  passe  pour  amener 
infailliblement  la  pluie  ;  la  population  du  iNépal,  qui  vit 
presque  uniquement  de  la  culture,  attend  de  Tinlervention 
efficace  du  dieu  les  ondées  bienfaisantes,  nécessaires  au 
gohya  (riz  des  hautes  terres)  et  au  maïs.  Le  printemps 
épanoui  se  déploie  alors  dans  sa  splendeur  gracieuse  ; 
Toranger,  le  citronnier,  le  lilas,  le  rosier,  les  buissons 
lleuris  parfument  Tair  de  leurs  senteurs. 

Tandis  que  Matsyendra  Nàlha  est  fêté  à  Patan,  la  ville 
de  Bhatgaon  célèbre  avec  moins  d'éclat  la  procession  de 
Bhairava,  son  patron.  C'est  Jagaj-jyotir  Malla  qui  passe 
pour  avoir  introduit,  au  xvr  siècle,  la  coutume  de  promener 
le  char  d'Àdi-Bhairavalejour  de  la  Mesa-samkrânti  (entrée 

• 

et  les  missionnaires  n'ont  pas  voulu  donner  cette  marque  de  respect  aux 
fausses  divinités  qu'on  y  adore.  Mais,  pendant  mon  séjour  à  iNépal,  ce 
château  se  trouvant  dans  la  possession  des  habitants  de  Gôrch'à,  le 
commandant  du  château  et  des  deux  forts  qui  bordent  le  chemin,  ami  des 
missionnaires,  me  lit  prier  de  passer  chez  lui  parce  qu'il  avait  besoin  de 
quelques  médicaments...  les  gardes  n'osèrent  pas  me  contraindre  d'ôter 
mes  souliers...  il  m'appela  dans  le  varanda,  situé  au  fond  de  la  grande 
cour  qui  est  en  face  du  temple  ;  on  y  avait  rassemblé  les  richesses  du 
temple.  Je  dus  à  cet  incident  l'avantage  de  voir  le  temple  ;  je  traversai 
ensuite  la  grande  cour  qui  était  en  face  :  elle  est  entièrement  pavée  d'un 
marbre  presque  bleu,  mais  entremêlé  de  grandes  fleurs  de  bronze  artis- 
temenl  disposées.  La  magnificence  de  ce  pavé  m'étonna,  et  je  ne  crois 
pas  qu'il  ait  son  égal  en  Europe.  »  Rech.  Asial,,  II,  353  sq. 


48  LE    NÉPAL 

du  Soleil  dans  le  Bélier).  Actuellement  la  yâlrâ  se  célèbre 
le  1"  jour  de  vaiçâkha  badi  ;  elle  dure  deux  jours.  Deux 
chars  qui  portent  l'un  Bhairava,  Tautre  Bhairavî  sont  traînés 
à  travers  la  ville  ;  devant  le  temple  de  Bhairava,  on  érige 
un  mât  (lihffà),  et  on  y  amène  les  chars  ;  on  procède  au 
culte,  aux  sacrifices,  et,  la  fête  achevée,  on  abat  le  màt  et 
Ton  rentre  les  chars. 

Dans  le  même  temps  aussi,  Devî  est  honorée  de  deux 
grandes  fêtes  :  Tune,  purement  locale,  à  Katmandou  ;  c'est 
la  Neta-Devî-yâirâ;  Tautre  en  dehors  du  Népal  propre,  h 
Nayakot,  mais  commune  au  Népal  entier  :  la  Devî-yâtrd , 
La  procession  qui  va  de  Nayakot  à  Devî-Ghat  a  conservé 
plus  fidèlement  que  toutes  les  autres  son  caractère  primitif 
de  rudesse  et  de  sorcellerie.  Le  centre  des  rites  delà  yâtrà 
est  un  simple  amas  de  pierres  brutes  au  confluent  de  la 
Triçûla-Gangà  et  de  la  Sûryavatî  {vidy,  Tadi),  descendues 
Tune  et  l'autre  du  Gosainthan.  Le  courant,  à  la  fonte  des 
neiges,  est  si  impétueux  qu'il  emporte  toutes  les  construc- 
tions élevées  sur  les  rives  ;  aussi  malgré  la  sainteté  du  lieu, 
malgré  les  vœux  et  le  zèle  de  nombreux  rois,  il  a  fallu  se 
passer  d'un  temple  régulier.    L'idole  divine  reste  toute 
Tannée  à  Nayakot,  abritée  dans  un  sanctuaire;  au  début  du 
mois  de  vaiçâkha,  on  la  transporte  solennellement  au  tas 
de  pierres  de  Devt-Ghat;  on  dresse  à  l'entourunepaUssade 
de  bois,  et  les  rites  commencent.  Les  Banras  font  l'office; 
ils  récitent  les  formules,  psalmodient  les  hymnes,  décorent 
la  statue  ;  mais  les  opérations  du  sacrifice  ne  leur  incom- 
bent point.  Il  fautdes  bouchers  professionnels  (kasâis)  pour 
égorger  les  innombrables  buffles  qui  viennent,  cinq  jours 
durant,  ensanglanter  cette  chapelle  barbare.  La  classe  des 
paysans  joue  aussi  son  rôle;  deuxJyapus  (cultivateurs) 
déguisés  Tunen  Bhairava,  Tautre  en  Bhairavî,  reçoivent  les 
hommages  unanimes  des  Gourkhas  e t  des  Névars  empressés, 
ef  boivent  à  même  le  sang  chaud  qui  ruisselle  des  cadavres 


LE    CULTE  49 

paDtelaoU.  On  les  voit,  entraînés  par  leur  dévote  gour- 
mandise ou  par  leurs  transports  exaltés,  s'emplir,  se  tendre, 
enfler,  étouffer,  éclater  enfin  en  hoquets  et  rejeter  une 
vomissure  rougeâtre  que  les  fidèles  se  disputent  avi- 
dement, comme  les  restes  du  repas  des  dieux.  Après  cinq 
jours  de  tuerie  et  d'orgie,  la  statue  retourne  au  sanctuaire 
de  Nayakot,  et  Tesprit  de  la  déesse  se  déchaîne,  impla- 
cable, contre  les  impies  qui  lui  ont  refusé  Toffrande.  Ils 
succomberont  victimes  de  V  «  aoul  »,  la  fièvre  meurtrière 
qui  se  met  à  rôder  dans  les  bas-fonds  dès  Theure  où  sont 
achevés  les  rites  de  Devî-Ghat. 

La  Neia  Devî-yâtrâ  de  Katmandou  répèle,  mais  en 
réduction,  les  mêmes  scènes  d'horreur  et  de  dégoût.  Elle 
se  célèbre  de  nuit,  devant  le  temple  de  Neta-Devî,  le  14  de 
Vaiçâkha  sudi.  Les  Jyapus  seuls  y  font  office  de  prêtres  et 
de  sacrificateurs  ;  douze  d'entre  eux,  déguisés  en  divinités, 
sont  chargés  de  boire  le  sang.  Tous  les  douze  ans,  la  fête 
se  célèbre  par  exception  en  plein  jour. 

Enfin  la  ville  de  Sankou  honore,  le  3  de  Vaiçàkha  badi, 
une  autre  forme  de  Devi,  commune  aux  Bouddhistes  et  aux 
Çivaïtes,  Vajrayogini,  qui  a  son  temple  sur  le  mont  Mani- 
chur.  L'image  de  la  déesse  est  promenée  dans  un  taber- 
nacle (Ahat). 

La  grande  fête  du  mois  de  Jyaistha  (mai-juin),  la  Siti- 
yâirâ  «  la  Fêle  du  Lance-pierres  »,  est  en  train  de  dispa- 
raître. Elle  remonte,  comme  tant  d'institutions,  à  Guna- 
kâma  deva  le  Thâkuri.  Skanda,  le  fils  de  Çiva,  lui  apparut 
une  nuit  et  lui  demanda  de  rassembler  tous  les  garçons  de 
Katmandou,  la  nouvelle  capitale,  près  d'un  lieu  consacré  à 
Kâlî  Kaiikeçvarî,  sur  les  bords  de  la  Bitsnumati,  entre  la 
ville  et  Syambunath  ;  il  écarterait  ainsi  loule  menace  de 
révolte  et  de  plus  il  assurerait  la  perte  de  ses  ennemis.  Le 
jeune  dieu  ajoutait  que  ses  augustes  parents  l'avaient  exercé 
depuis  l'enfance  à  jeter  des  pierres  pendant  les  six  premiers 

U.  —  4 


50  LE    NÉPAL 

jours  de  Jyaistha.  Gunakama  comprit  Tavis  ;  il  convoqua 
régulièremeul  ses  sujets  le  6  de  Jyaistha  sudi,  sur  les  bords 
de  la  rivière,  au  lieu  prescrit.  Le  peuple  se  divisait  en  deux 
camps  et  se  battait  à  coups  de  pierres  ;  les  prisonniers  des 
deux  partis  étaient  immolés  en  sacrifice.  On  ne  leur  permit 
de  se  racheter  qu'à  une  époque  tardive.  Enfin,  il  y  a  un 
demi-siècle,  le  Résident  anglais  M.  Colvin  qui  assistait  à  ce 
spectacle  reçut  une  pierre  et  fut  blessé  ;  Jang  Bahadur 
profita  de  l'occasion  pour  abolir  ce  qui  restait  de  la  fête. 
Les  petits  enfants  seuls  continuent  encore  à  se  bombarder 
de  cailloux  le  jour  de  la  Siti-yàtrâ. 

En  Çrâvana  (juillet-août)  au  moment  où  les  pluies  torren- 
tielles chassent  les  serpents  de  leurs  trous  et  les  rendent 
plus  que  jamais  redoutables,  le  Népal,  comme  Tlnde 
entière,  célèbre  la  Fête  des  Serpents  {Nâga-paficamî)  le 
5  badi.  L'exégèse  locale  prétend  rattacher  celte  fête  au 
souvenir  d'une  grande  lutte  entre  Garuda  et  les  Nâgas;  la 
statue  de  Garuda  h  Changu-Narayan  transpire  encore  régu- 
lièrement, àTanniversaire  d'un  combat  si  rude.  Les  prêtres 
essuient  cette  sueur  avec  un  mouchoir  qu'on  envoie  au  roi. 
Un  fil  de  ce  linge,  trempé  dans  l'eau,  suffit  à  la  transfor- 
mer en  remède  infaillible  contre  les  morsures  de  reptiles  ! 
Le  rite  proprement  dit  se  célèbre  à  un  confluent  ;  c'est  un 
Névar  qui  officie.  Après  une  ablution  matinale  entourée  de 
cérémonies,  il  dépose  sur  un  plat  du  riz,  du  vermillon,  du 
lait,  de  l'eau,  de  la  farine  de  riz  mouillée,  des  fleurs,  du 
beurre  fondu  (ffhi)^  des  épices,  du  santal,  de  l'encens, 
allume  l'encens,  et  psalmodie  une  bénédiction  aux  Nâga- 
ràjas  pour  les  prier  de  bénir  les  moissons. 

Le  14  badi,  les  enfants  névars  promènent  h  travers  les 
rues  un  bonhomme  de  paille  baptisé  Ghantâ  karna,  en 
souvenir  d'un  Ràksasa  qui  fut  expulsé  du  Népal  ;  après 
l'avoir  battu  à  tour  de  bras,  ils  le  brûlent  le  soir. 

Le  mois  de  Bhàdrapada  (août-septembre)  s'ouvre  par  la 


LE    CULTE  51 

fêle  des  Vaches  (Go-yatrâ).  Le  1  badi  une  procession  de 
masques,  portant  tous  une  tête  de  vache  enguirlandée 
d'herbe,  défile  dans  les  rues  en  dansant  et  en  chantant; 
chaque  famille  névare  qui  a  subi  un  deuil  dans  le  cours  de 
Tannée  est  tenue  de  se  faire  représenter  par  un  masque  ; 
derrière  ces  singuliers  figurants  on  traîne  une  image  gros- 
sière de  vache,  et  une  Kumàrî  ferme  le  défilé.  Le  lende- 
main, la  même  procession  recommence,  mais  le  tigre  y 
remplace  la  vache  ;  c'est  la  Vyâghra-yâtrâ, 

Du  5  Bhâdrapada  badi  au  10  sudi,  les  Bouddhistes  de 
Patan  visitent  successivement  tous  les  monastères  de  la 
ville  et  portent  leurs  menues  offrandes  à  toutes  les  cha- 
pelles. Tous  les  jours  se  forme  une  procession  de  banras 
portant  de  petits  arbres  de  cire  avec  des  fleurs  de  papier 
blanc  ;  à  l'occasion  de  ces  visites,  les  vihàras  exhibent 
leurs  peintures,  images  de  dieux,  de  saints,  de  bouddhas, 
de  bodhisattvas,  scènes  religieuses  ou  légendaires,  et  aussi 
les  curiosités  tenues  pour  sacrées  :  telle  la  poêle  h  frire  où 
Vikramàjil  se  fit  cuire  lui-même  ;  tels  encore  les  grains  de 
riz  «  préhistoriques  »  conservés  au  Pinla-vihara,  et  qui 
sont  gros  comme  des  muscades. 

Le  8  badi  les  Hindous  célèbrent  la  naissance  de  Krsna 

•  •   • 

{Krma-janmâstamî),  C'est  une  des  deux  fêles  (avec  le 
Dasàin)  où  le  jeu  est  officiellement  autorisé;  encore  celle» 
autorisation  est-elle  forl  n^streinte.  Les  amateurs  de  jeu 
ne  peuvent  se  livrer  à  leur  passion  que  sur  un  emplacement 
déterminé,  au  ghatde  la  Bagmati,  devant  Thapatali,  proche 
du  pont  qui  relie  Katmandou  à  Palan. 

La  procession  des  Banras  (banrà-yatrâ)  n'est  pas  à  pro- 
prement parler  une  fêle  religieuse,  puisqu'elle  n'implique 
pas  de  cérémonies  spéciales  en  l'honneur  d'une  divinité  : 
mais  c'est  une  institution  pieuse  qui  doit  se  répéter  au 
moins  deux  fois  par  an,  en  Çrâvana,  le  8  badi  et  en  Bhâdra- 
pada, le  13  badi;  mais  elle  peut  se  renouveler  en  tout 


52  LE   NÉPAL 

temps  s'il  se  rencontre  une  bourse  charitable  pour  en  faire 
les  frais.  Elle  consiste  essentiellement  dans  une  distribu- 
tion d'argent  et  de  nourriture  aux  banras,  et  rappelle  le 
temps  où  les  résidents  des  vihâras,  en  véritables  bhiksus, 
vivaient  d'aumônes.  Si  c'est  un  particulier  qui  offre  la 
yâtrâ,  il  convoque  par  invitations  individuelles  les  banras 
de  la  ville  ou  même  de  la  vallée  entière  à  un  samyak- 
sambhojana  (repas  de  corps)  ;  la  dépense  peut  être  très 
lourde,  car  le  nombre  des  assistants  monte  parfois  à  une 
dizaine  de  milliers.  En  outre,  la  fête  comprend  des  amu- 
sements, des  illuminations  ;  le  roi  doit  y  assister  ou  s'y 
faire  représenter,  et  c'est  encore  un  honneur  qui  coûte, 
car  on  doit  lui  offrir  un  trône  d'argent,  un  parasol  et  de  la 
batterie  de  cuisine.  On  élève,  vis-à-vis  de  la  maison  du 
donateur,  une  estrade  de  bois  avec  un  hangar  ouvert  sur 
la  rue  ;  l'ensemble  est  décoré  de  tentures  et  illuminé  à 
profusion.  On  apporte  la  mitre  de  l'Amitâbha  de  Syam- 
bunath,  que  les  vajrâcâryas  viennent  honorer.  Puis  la 
procession  commence  :  on  a  élabh  au  préalable,  le  long 
des  maisons  que  le  cortège  des  banras  doit  suivre,  un 
chemin  couvert,  séparé  de  la  chaussée  par  une  barrière  de 
bois,  et  qui  traverse  en  passerelle  chaque  croisement  de 
rue.  Les  femmes  des  Bouddhistes  qui  veulent  s'associer  à 
la  fête  sont  venues  d'avance,  en  grande  toilette,  des  fleurs 
piquées  dans  la  chevelure,  s'installer  sur  le  chemin  de  la 
procession  avec  des  paniers  remplis  de  victuailles  ;  chaque 
banra  du  défllé  reçoit  au  passage  des  fruits,  ou  du  grain, 
ou  de  l'argent.  Les  paniers  une  fois  épuisés,  c'est  au  dona- 
teur de  combler  les  vides.  Çà  et  là,  des  groupes  d'hommes 
mûrs  ou  déjeunes  gens  versent  respectueusement  de  l'eau 
sur  les  pieds  des  banras.  Les  murs  sont  ornés  de  pein- 
tures, ime  commission  de  banras  passe  au  préalable  en 
contrôler  la  décence.  La  nuit  venue,  les  illuminations 
éclairent  tout  le  chemin.  Enfin,  le  lendemain,  la  mitre, 


LE   CULTE  53 

escoiiée  par  des  chœurs  de  jeunes  filles,  retourne  solen- 
nellement à  Syambunath. 

Le  mois  de  Bhâdrapada  s'achève  dans  les  orgies  de 
V Indra-yâtrâ .  C'est  à  Katmandou  qu'elle  a  le  plus  d'éclat. 
Indra  est  le  patron  de  la  ville,  et  les  Gourkhas  aiment  les 
souvenirs  que  cette  fêle  leur  rappelle.  C'est  encore  Guna- 
kâma,  le  fondateur  de  Katmandou,  qui  passe  pour  le  créa- 
teur de  rindra-yàlrâ.  Elle  dure  huit  jours,  du  \\  Bhâdra- 
pada sudi  au  4  âçvina  badi.  La  journée  se  passe  à  visiter 
les  temples  et  à  faire  ripaille  ;  le  soir,  les  maisons  sont 
illuminées  ;  les  danseurs  de  caste  se  rassemblent  devant  le 
palais,  déguisés  en  femmes,  en  démons,  en  bêtes,  et 
dansent  jusqu'à  une  heure  avancée  ;  la  foule  accourt  pour 
assistera  ce  spectacle,  coupé  de  farces  et  de  bouffonneries. 
Les  danseurs  reçoivent  du  gouvernement  une  indemnité, 
plutôt  dérisoire.  Dans  toute  la  ville  on  voit  des  figures 
d'Indra,  avec  les  bras  étendus,  marquées  au  front,  aux 
mains,  aux  pieds  de  signes  religieux  (/i/«X:a5)  :  les  capucins 
du  xvni*  siècle  pensaient  y  reconnaître  un  travestissement 
(naturellement  manichéen)  du  Christ  en  croix  '.  Ces 
figures,  élevées  sur  des  tréteaux  ou  sous  des  abris  provi- 
soires, sont  consacrées  à  la  mémoire  des  ancêtres  défunts, 
et  on  les  invoque  à  ce  titre.  La  procession  proprement 
dite  part  du  temple  d'Indra,  surl'Indra-Than,  à  l'extrémité 
occidentale  de  la  vallée,  et  elle  se  rend  au  temple  de  Bâla- 
Kumàrî,  dans  la  ville  de  Timi  (entre  Katmandou  et  Bhal- 
gaon),  en  visitant  sur  la  route  un  grand  nombre  de  sanc- 
tuaires. 

Une  autre  procession,  greffée  au  xviu*'  siècle  sur  la  fêle 
d'Indra,  a  fini  par  faire  corps  avec  elle.  Vers  1750,  une 
fillette  de  sept  ans,  de  famille  baura,  déclara  dans  une  crise 

1.  CiEORGi,  \lph.  Tibet,  p.  203.  Georgi  reproduit  deux  dessins  qui 
figurent,  avec  un  parti  pris  manifeste,  ces  prétendues  contrefaçons  de 
la  Croix. 


54  LR    NÉPAL 

de  possession  qu'elle  était  Kumârî  en  personne.  Le  roi 
Jaya  Prakâça  Malla,  informé,  ne  se  laissa  pas  convaincre; 
il  bannit  Tenfant  et  sa  famille,  pour  imposture.  Le  soir  de 
la  condamnation,  la  reine  est  prise  des  mêmes  transports 
que  Tonfant  ;  elle  se  met  à  crier  que  Tesprit  de  Kumârî  la 
possède.  Jaya  Prakâça,  terrifié,  se  hâte  de  rappeler  la 
petite  exilée,  sollicite  son  pardon.  Pour  racheter  sa  faute, 
il  institua  une  procession  ;  on  bâtit  un  char  en  pagode,  h 
trois  étages,  et  dans  la  niche  du  bas,  la  Kumârî  recevait 
rhommage  de  ses  adorateurs.  Près  d'elle,  sur  la  plate-forme 
du  char,  des  prêtres,  et  un  général  qui  tenait  le  sabre 
royal.  Le  roi  en  personne,  assis  sur  son  trône,  Tattendit 
devant  la  porte  du  palais  pour  la  saluer  et  lui  présenter  son 
offrande.  La  cérémonie  so  renouvela  les  années  suivantes. 
En  1768,  le  jour  où  la  procession  devait  défiler  devant  le 
palais  (le  quatorzième  jour  sudi,  qui  est  TAnanta-catur- 
daçî),  le  l'oi  de  (Jourkha,  Prithi  Narayan,  profita  de  la 
confusion  pour  pénétrer  nuitamment  dans  la  ville,  aidé 
par  la  trahison  des  brahmanes  ;  le  peuple  et  les  soldats, 
tous  engourdis  par  l'ivresse,  n'essayèrent  pas  même  de 
résister.  Jaya  Prakâça  eut  à  peine  le  temps  de  s'échapper 
et  de  fuir  jusqu'à  Bhatgaon.  Prithi  Narayan  s'installa  sur 
le  trône  dressé  à  la  porte  du  Darbar,  salua  la  Kumârî,  reçut 
son  hommage  {prasâdà)  et  donna  l'ordre  de  continuer  la 
fête.  Encore  aujourd'hui,  le  soir  de  l'Ananta-caturdaçl,  on 
érige  sur  la  place  du  Darbar  im  grand  mât  où  Ton  suspend 
un  oriflamme  décoré  d'emblèmes  religieux  ;  une  salve 
d'artillerie  salue  le  drapeau,  aussitôt  hissé,  et  commémore 
l'heure  précise  où  les  Gourkhas  occupèrent  Katmandou. 

Le  Dasâin  n'est  pas  moins  populaire  au  Népal  qu'il  l'est 
au  Bengale,  où  il  porte  le  nom  de  hurgâ-Pùjâ  ;  on  l'appelle 
encore  DaçavMy  les  Uix-Journées,  ou  Narardtri,  les  Neuf- 
Nuits.  Il  dure,  en  elîet,  du  I  au  lOAçvina  (septembre- 
octobre),  sudi.  II  tombe  au  moment  où  Ton  comnieuce,  au 


LE    CULTE  55 

Népal,  à  moissonner  le  riz  transplanté,  et  prend  ainsi  le 
caractère  d'une  fête  agraire.  Le  premier  jour,  les  brahmanes 
sèment  de  Torge  à  un  endroit  pur,  et  Tarrosent  avec  de 
Teau  consacrée  ;  le  dixième  jour,  ils  arrachent  les  jeunes 
pousses  et  les  disposent  en  petits  bouquets  que  les  fidèles 
leur  paient  en  menues  offrandes.  C'est  alors  seulement 
que  la  moisson  commence  dans  toute  la  vallée.  Le  Dasâtn 
pourtant  commémore  en  principe  un  exploit  guerrier:  la 
victoire  de  Durgâ  sur  son  formidable  adversaire,  le  démon 
Mahisa  (Asura).  Aussi  est-ce  en  même  temps  une  fête 
militaire  :  le  septième  jour,  le  roi  escorté  du  premier 
ministre  et  des  hauts  fonctionnaires,  assiste  à  une  grande 
parade  de  la  garnison  sur  le  Tundi-khel  ;  la  canonnade  et 
la  fusillade  alternent  sans  interruption.  Le  9,  chaque  régi- 
ment offre  des  sacrifices  à  son  drapeau,  décoré  pour  la 
circonstance  de  fleurs  et  de  banderoles  :  des  buffles,  les 
cornes  peinturlurées,  des  guirlandes  au  cou,  sont  amenés 
devant  le  drapeau  et  décapités  d'un  coup  de  kukhri.  Les 
enfants  de  troupe,  pour  se  faire  la  main,  s'essaient  sur  de 
simples  boucs.  Chaque  officier  se  pique  d'offrir  au  moins 
un  buffle,  sans  préjudice  des  victimes  qu'il  sacrifie  chez 
lui.  A  la  caserne  du  Kot,  voisine  du  palais,  le  roi  et  les 
généraux  viennent  ordinairenrient  savourer  le  carnage,  au 
bruit  de  la  poudre  et  de  la  musique  ;  on  y  égorge  coup  sur 
coup  cent  à  cent  cinquante  buffles,  sans  prendre  le  temps 
d'éloigner  les  cadavres.  Tous  les  temples  du  pays  ont  leur 
part  de  boucherie.  Le  Dasâîn  est,  de  plus,  le  commence- 
ment de  l'année  administrative  et  domestique  ;  la  réparti- 
tion annuelle  des  emplois  est  définitivement  arrêtée  le 
premier  jour  du  Dasâîn.  C'est  aussi  le  jour  de  louée  des 
serviteurs,  et  le  jour  de  leurs  étrennes.  A  la  fin  de  la  dizaine 
fériée,  le  roi  donne  une  grande  réception  {darhar)^  et  les 
fonctionnaires  maintenus  ou  nouveaux  vont  présenter  leurs 
hommages,  avec  leurs  oliVandes,  à  leurs  chefs  respectifs. 


56  LE   NÉPAL 

Les  tribunaux  vaquent  durant  tout  le  Dasâîn,  et  les  détenus 
sont  transférés  hors  des  murs, 

La  Svayambkùr-mâlâ  est  une  fête  exclusivement  boud- 
dhique qui  se  célèbre  à  la  pleine  luned'Àçvina  ;  elle  marque 
la  fin  de  la  saison  des  pluies.  On  retire  les  nattes  qui  abri- 
taient les  clochers  des  caityas,  et  on  érige  des  parasols  sur 
les  antiques  monuments  d'Açoka  à  Patan. 

La  Dîvâlî  (Dîpâvali)  est  une  fête  officielle  en  même 
temps  qu'une  période  de  réjouissances  populaires.  Elle 
dure  cinq  jours,  du  1"  au  5  Kârtika  (octobre-novembre), 
sudi.  Elle  rappelle  la  victoire  de  Visnu  sur  le  démon  Naraka, 
et  son  entrée  triomphale  dans  la  ville  conquise.  Les  mai- 
sons sont  pavoisées  et  splendidement  illuminées  ;  Tépouse 
de  Visnu,  Laksmî,  déesse  de  la  Fortune,  préside  à  ces 
réjouissances.  Le  premier  jour,  on  passe  au  cou  de  tous 
les  chiens  des  guirlandes  de  fleurs,  et  on  leur  rend  un 
culte.  Les  parias  du  Népal,  par  une  extension  humiliante, 
profitent  de  cette  bienveillance  exceptionnelle,  et  passent 
ce  jour-là  sans  subir  d'avanie.  Le  second  jour  {vrsabha- 
pûjà)^  c'est  le  tour  des  vaches  et  des  buffles,  qui  reçoivent 
les  mêmes  honneurs.  Le  troisième  jour,  chacun  fait  Tin- 
ventaire  de  sa  caisse  et  adore  Laksmî.  Le  quatrième  jour, 
chaque  chef  de  famille  adore  comme  des  divinités  les  per- 
sonnes de  sa  famille  et  de  sa  maison,  et  leur  offre  une  fête. 
Le  cinquième  jour,  c'est  la  «  fête  des  frères  »  {bhrâtr- 
pûjâ)  ;  la  sœur  rend  visite  à  son  frère,  lui  pose  une  marque 
de  respect  {tîkà)  au  front,  une  guirlande  au  cou,  lui  lave 
les  pieds  et  lui  offre  des  douceurs  ;  elle  reçoit  en  retour  un 
petit  cadeau.  Mais  c'est  le  jeu  surtout  qui  rend  la  Dîvâlt 
populaire  au  Népal  ;  le  gouvernement  {\\^  une  période 
variable,  en  général  d'une  semaine,  où  le  jeu  cesse  d'être 
interdit  ;  chacun  est  libre  de  jouer,  n'importe  quand  et 
n'importe  où,  chez  soi  comme  dans  la  rue.  Le  jeu  à  décou- 
vert est  seul  prohibé  ;  les  joueurs  sont  tenus  de  déposer 


LE    CULTE  57 

leur  mise  avant  la  partie.  La  précaution  a  paru  nécessaire 
pour  imposer  un  frein  aux  entraînements  d'une  passion 
irrésistible  ;  il  circule  à  ce  sujet  d'étranges  histoires,  telle 
celle  du  joueur  qui,  de  perte  en  perte,  finit  par  se  couper 
la  main  gauche,  l'enveloppa  dans  une  toile  et  somma  son 
adversaire  de  tenir  l'enjeu  ou  de  rendre  l'argent  gagné. 

Pendant  toute  la  durée  du  mois  de  Kârtika,  les  dévotes 
les  plus  zélées  s'installent  au  temple  de  Paçupati  et  ne 
prennent,  dit-on,  comme  nourriture  que  l'eau  versée  en 
lustration  sur  le  linga.  Le  soir  de  la  pleine  lune,  à  la  fin  du 
mois,  le  temple  est  illuminé  ;  il  s'y  tient  une  grande  fête, 
et  le  lendemain  malin  une  joyeuse  procession  ramène  chez 
elles  les  héroïnes  de  ce  long  jeûne. 

Le  4  du  mois  de  Mâgha  (janvier- février)  badi,  est  con- 
sacré à  Ganeça  ;  la  journée  de  jeûne  est  naturellement 
suivie  d'une  nuit  de  fête. 

Le  5  sudi  porte  le  nom  de  Vasanta-paticarnî  en  souvenir 
du  temps  où  il  marquait  l'entrée  du  printemps  ;  il  est  dési- 
gné plus  communément  comme  la  ÇrUpaficamî,  quoique  la 
journée  soit  en  fait  consacrée  à  Sarasvatî.  Le  matin,  on 
rassemble  sur  une  planche  les  livres,  les  cahiers,  les 
encriers,  les  kalams  de  la  maison  ;  on  les  parsème  de  fleurs 
toutes  blanches  et  on  adresse  un  culte  (joû/a)  à  Sarasvatî. 
L'écritoire  a  congé  toute  la  journée  ;  en  cas  de  besoin 
pressant,  on  écrit  à  la  craie  ou  au  charbon. 

Le  mois  de  Mâgha  s'achève  par  une  grande  procession 
on  l'honneur  des  baigneurs  courageux  qui  ont  continué, 
malgré  le  froid,  à  se  plonger  le  matin  dans  les  eaux  saintes 
de  la  Bagmali.  Un  cortège  va  les  prendre  suighat  ;  on  les 
transporte  jusqu'aux  temples  dans  des  Htières,  avec  des 
lampes  sur  la  poitrine,  sur  les  bras  et  sur  les  genoux,  les 
yeux  garnis  de  lunettes  pour  les  préserver  des  étincelles  ; 
d'autres  baigneurs  suivent,  qui  portent  sur  la  tête  des  pots 
de  terre  remplis  d'eau,  percés  de  trous  minuscules  ;  les 


S8 


LE   NÉPAL 


Spectateurs  recueillent  les  gouttes  qui  tombent  et  s'en 
mouillent  le  front. 

La  Çiva-râlri,  qui  se  célèbre  la  nuit  de  la  nouvelle  lune 
de  Phâlguna  (février-mars),  est  considérée  par  lesÇivaïtes 


Bord  do  la  Bagmsti.  !x  V 


comme  la  plus  imporlante  des  fêtes  de  l^-iva.  Les  df-vols  de 
Çiva  visitent  à  cette  occasion  les  liiifras  les  plus  réputés  ;  la 
notoriété  de  Parupali  attire  au  Népal  des  adorateurs  éloi- 
gnés ;  il  en  vieni  tnémc  des  régions  les  plus  méridionales 
de  l'Inde.  L'accès  du  pays,  par  la  voie  de  Sisagarlii.  csl 
ouvert  alors  sans  foi'malîtés  el  sans  droits.  La  roule  esl 
couverte  de  yogis  exaltés,  rie  fa(|uirs  charlalanesnues,  et  de 
dévots  naïfs  attarliés  à  leurs  pas,  l'éternel  cortège  des 
dupeurs  et  des  dupi's.  Les  Névars,  eux,  se  préparent  à  la 


LE    CULTE  5fl 

fêle  par  une  tournée  circulaire  autour  de  la  vallée,  en 
soixante-quatre  étapes  :  la  Cattih-sasti  yâtrà.  Toute  la 
journée  de  la  Çiva-râtri,  Paçupati  est  encombré  d'une 
mnllilude  grouillanle,  avide  d'adorer  le  linga  aux  quatre 
faces,  d'y  répandre  les  feuilles  rafraîchissantes  du  bilva 
pour  calmer  l'érection  douloureuse  du  dieu  générateur,  et 
de  se  baigner  dans  la  Bagmati.  Le  roi  lui-même  ne  manque 
pas  de  s'y  rendre.  L'après-midi,  entouré  du  haut  personnel 
d'Etal,  il  passe  une  revue  sur  le  champ  de  manœuvres  de 
Katmandou. 

Le  holï  (pleine  lune  de  l^hàlguna)  est  la  véritable  fête  du 
printemps;  les  brahmanes,  par  une  invention  de  fantaisie, 
Font  mis  en  rapport  avec  le  culte  de  Krsna;  mais  le  peuple 
se  contente  de  célébrer  le  carnaval  ;  chacun  prétend 
enterrer  joyeusement  l'année  mourante,  dont  le  cadavre 
symbolique  pend  à  la  porte  du  palais:  le  soir  venu,  les 
loques  multicolores  qui  Hguraient  les  jours  passés  sont 
jetées  à  bas  et  lancées  dans  un  grand  brasier.  Les  confetti 
même  ne  manquent  pas  à  la  fête;  chacun  se  munit  d'un  sac 
de  poudre  rouge  et  c'est  à  qui  saura  le  mieux  bombarder  les 
passants,  soit  à  pleines  poignées,  soit  au  moyen  d'un  tube. 

L'année  religieuse,  qui  s'ouvre  avec  la  yâtrà  de  Matsyen- 
dra  Nâtha  de  Fatan,  s'achève  par  la  yâtrà  du  Petit 
Matsyendra NâthaAe.  Katmandou.  Le  Petit  (Sànu)  Matsyen- 
dra  est  fort  différent  du  grand  ;  il  n'est  point  rouge,  mais 
blanc  ;  ce  n'est  point  une  forme  de  Padmapàni,  mais  de 
Samantabhadra.  Son  origine  remonte  au  temps  de  Yaksa 
Malla  (vers  le  milieu  du  xv  siècle).  Des  potiers  qui  cher- 
chaient de  l'argile  exhumèrent  une  statue  qui  datait  du 
règne  de  Gunakâma  deva,  et  qui  n'était  autre  que  Sânu 
Matsyendra  Nâtha.  Le  roi  la  fit  réparer  et  lui  éleva  un 
temple.  Au  xvir  siècle,  Pratâpa  Malla  établit  en  son  honneur 
une  rat ha-yât?'â,  qui  s'est  perpétuée.  Elle  dure,  saufinci- 
dents,  quatre  jours,  du  8  au  11  Caitra,  sudi.  Les  iNévars 


60  LE   NÉPAL 

seuls  la  célèbrent  ;  mais  le  9  esl  une  journée  de  fêle  uni- 
verselle, car  les  Gourkhas  célèbrent  à  cette  dale  la  fête 
hindoue  en  l'honneur  de  Râma  {Bâma-nammt). 


I.  Ouvrage  népelali 


HISTOIRE  DL   NÉPAL 


Le  Népal  n'entre  dans  l'histoire  authentique  et  positive 
qu'au  iv°  siècle  de  Fère  chrétienne.  Le  premier  document 
daté  qui  cite  le  nom  du  Népal  est  le  panégyrique  de  l'em- 
pereur Samudra  Gupta,  sur  le  pilier  d'Allahabad;  Tinscrip- 
lion  dénombre  les  peuples  soumis  en  qualité  de  tributaires, 
de  vassaux  ou  de  sujets  directs  à  l'autorité  du  puissant 
souverain,  qui  donna  un  instant  à  l'Inde  l'unité  impériale. 
Le  roi  du  Népal  {Nepâla-rirpatï)  y  est  classé,  à  Tavant- 
dernier  rang,  parmi  les  princes  qui  «  payaient  le  tribut, 
obéissaient  aux  ordres,  et  venaient  se  prosterner  pour 
satisfaire  à  la  volonté  impérieuse  du  maître*  »;  il  est 
placé  entre  le  prince  du  Kàmarûpa,  d'une  part  et  le  prince 
du  Karlrpura  de  l'autre.  Le  nom  du  Karlrpura  n'a  pas 
encore  été  rencontré  ailleurs  et  demeure  énigmatique  ;  le 
nom  du  Kàmarûpa  s'est  perpétué,  il  continue  à  désigner 
officiellement  le  district  Nord-Ouest  de  TAssam,  sur  la 
frontière  méridionale  du  Bhoutan.  Les  noms  du  Népal  et 
du  Kàmarûpa  sont  fréquemment  rapprochés  dans  la 
littérature,  comme  ils  le  sont  sur  le  pilier  d'Allahabad. 

La  littérature  sanscrite  dans  son  ensemble  pose  trop  de 
problèmes  à  la  chronologie  pour  venir  efficacement  à  son 

1 .  Samau^-pavâka-KâmarQpa-Nepâla-Kamrpurâdi-pratyanu-nrpatibhir. . . . 
sarvvakaradânâjfiâ  -  karaça  -  praoâmâgamana  -  paritosita  -  pracanda  -  çôsanasya 
(Flekt,  Corp.  Inscr.  Ind.j  III,  p.  8). 


62  LE    NÉPAL 

aide.  Les  j^^raiides  épopées  elles  Purànas,  en  particulier, 
flottent  encore  presque  au  hasard  dans  le  chaos  du  passé 
hindou.  Quelle  qu'en  soit  toutefois  la  date,  il  est  néces- 
saire d'observer  que  le  nom  du  Népal  ne  se  trouve  pas, 
autant  que  je  sache,  dans  le  Mahâbhàrata,  ni  dans  le 
Ràmâyana,  ni  dans  les  principaux  Furânas,  malgré  la 
place  considérable  que  rHimàlaya  occupe  dans  leurs  récits 
et  leurs  légendes.  Le  silence  unanime  des  grandes  compi- 
lations épiques  et  mythologiques  porte  à  croire  que  le  nom 
du  Népal  était  encore  inconnu  ou  n'existait  pas  encore  à 
l'époque  des  diascévastes.  Tandis  que  le  Kâmarûpa  voisin, 
sous  la  désignation  archaïque  de  Prâgjyotisa,  était  admis 
dans  le  cycle  des  rhapsodies  consacrées,  le  Népal  restait 
Tasile  anonyme  des  Kirâtas  barbares,  inaccessibles  dans 
leurs  montagnes  et  redoutés  de  la  plaine. 

Un  prétendu  texte  de  littérature  védique,  TAtharva- 
pariçista,  cite,  il  est  vrai,  le  Népal  avec  le  Kâmarûpa*;  mais 
l'ouvrage,  en  dépit  de  ses  prétentions,  est  un  supplément 
postiche  de  TAtharva-Veda,  rédigé  h  une  époque  tardive  ; 
certaines  de  ses  doctrines  astrologiques  semblent  y  déce- 
ler jusqu'à  l'évidence  l'influence  des  idées  helléniques. 
En  fait,  c'est  avec  la  littérature  personnelle  que  le  nom  du 
Népal  apparaît  dans  l'Inde.  Un  des  vingt-cinq  Contes  du 
Vampire,  insérés  dansla  Brhatkathâpaiçâcî  de  Gunàdhya. 
a  pour  héros  un  roi  du  Népal  ;  les  deux  versions  sanscrites 
s'accordent  à  le  nommer  Yaçahketu.  Ce  conte  appartient 
au  cycle  populaire  de  Mrtladeva,  le  roi  des  fripons;  le  nom 
du  Népal,  loin  d'être  essentiel  au  récit,  n'y  est  introduit 
que  par  hasard  ;  mais  l'accord  des  deux  versions  atteste 
que  ce  choix  purement  arbitraire  remonte  du  moins  au 


1.  Nepàlaip  Kàmarûpaqi  Videhodumbarani  tathâ  I  tathàvantyab  Kaikayaç 
ca  utwrapûrve  hâte  hanyàt  |  .  Seclion  du  kûrnia  vibhâgade  l'Alharva-pari- 
çisça  dans  Weber,  Verzeich.  der  Hss.  der  Kôn.  Bibl.  Berlin,  L  p.  93. 
—  El  cf.  Weber,  Ind.  Sludien.  Vlll,  413:  X,  319. 


HISTOIRE    DU    NÉPAL  63 

compilateur  de  l'original  prâcrit,  vers  le  second  siècle  de 
Tère  chrétienne*.  Vers  la  même  époque,  un  peu  plus  tard 
peut-être,  le  Traité  d'art  dramatique  de  Bharata  nomme 
«  les  gens  du  Népal  »  parmi  les  habitants  et  les  voisins 
des  montagnes  ^ 

Au  VI*  siècle,  l'astronome  Varâha-Mihira  mentionne  le 
Népal  dans  le  groupe  des  peuples  que  menace,  comme  un 
fâcheux  présage,  l'intersection  des  orbites  de  Vénus  et  de 
la  Lune  ;  mais  son  texte  reproduit  en  fait  une  doctrine  anté- 
rieure qui  remonte  à  son  devancier  Parâça^a^. 

La  littérature  du  bouddhisme  présente  plusieurs  men- 
tions du  Népal  :  mais  il  est  difficile  de  leur  assigner  une 
date  expresse.  Le  Mûla-sarvàstivâda-vinaya-samgraha, 
compilé  par  Jinamitra,  et  traduit  par  I-tsing,  en700J.-C., 
montre  dans  un  épisode  relatif  au  port  de  la  laine,  une 
troupe  de  bhiksus  en  route  vers  le  Népal  (Ni-po-lo)^  tandis 
que  le  Bouddha  résidait  à  Çrâvastî\  L'auteur  de  ce  recueil 
est  sans  doute  identique  à  un  docteur  du  même  nom  que 
Hiouen-tsang  exalte  comme  une  des  gloires  de  la  science 
bouddhique,  à  la  suite  de  Sthiramati  qui  florissait  vers  550^  ; 

1.  Abhûn  Nepàlavisaye  nâmnà  Çivapuram  puram  | 
yathàrthanàmâ  tatrâsTd  yaçahketuh  purà  iirpab  || 

SoMADEVA,  Ka Ihâ-sarit-sâgara,  Xll,  22,  v.  3. 
Nepàlavisaye  çrlniân  yaçabketur  abhûn  nrpah  | 

KsEMENDRA,  Brhat-liathdrnanjarî,  IX,  v.  728. 
Somadeva,  comme   on  voit,  met  de  plus  le  Népal  en  rapport  avec 
Çiva. 

2.  Angâ  Vafigâh  Kalifigâç  ca  Vatsàç  caivodra-Màgadhâb  | 
Paundrâ  Naipâlikâç  caiva  antargiri-bahirgirâb  || 

Nâtyaçâstra^  XHI,  32. 

3.  Varâha-Mihira,  Brhat-Samhitdy  IV,  22.  Le  passage  correspondant 
de  Paràçara  est  cité  par  Kern  dans  une  note  de  sa  traduction,  Journ. 
Roy.  As.  Soc,  n.  s.,  [V,  p.  454.  i— ■  Varâha-Mihira  nomme  encore  le 
Népal,  V,  65. 

4.  TripUaka  chinois,  éd.  japonaise,  XVII,  vol.  6,  p.  32s(=Nanjio, 
1127). 

5.  Mémoires,  II,  47.  Sur  la  date  de  Sthiramati,  cf.  mes  Donations 
religieuses  des  rois  de  Fa^a&/iî  dans  le  VU®  vol.  de  la  Bibliothèque  de 
l'École  des  hautes  études,  sciences  religieuses.  Paris,  1896,  p.  97. 


64  LE   NÉPAL 

justement  le  Tibétain  Bu-ston  désigne  Jinamitra  comme 
le  disciple  d'un  disciple  de  Sthiramali\  Le  Vinaya- 
samgraha  serait  alors  du  vi'-vn*  siècle,  et  Jinamitra  en 
empruntant  un  épisode  aux  textes  canoniques  a  pu  y 
introduire  un  nom  de  date  plus  récente.  Le  nom  du  Népal 
se  trouve  même  dans  le  texte  d'un  sûlra,  le  Candragarbha- 
sûtra,  traduit  en  chinois  par  Narendrayaças  entre  550 
et  557  J.-C;  il  y  figure  dans  une  longue  et  intéressante 
liste  de  peuples,  qui  trahil,  soit  une  fabrication,  soit  un 
remaniemei^t  de  date  tardive,  à  peine  antérieurs  au  tra- 
ducteur lui-même  ^  Au  cours  du  vu*  siècle,  TÉIoge  des 
Huit  Grands  Caityas,  attribué  au  roi  Harsa  Çîlâditya,  place 
le  Népal,  en  compagnie  du  Kâmarûpa  parmi  les  pays  posses- 
seurs de  saintes  reliques  ^  La  littérature  des  Tantras,  rédi- 
gée à  une  époque  assez  basse,  est  naturellement  familière 
avec  le  Népal  où  les  Tantras  étaient  en  honneur.  Le 
Mafijuçrî-mûla-tantra,  traduit  en  chinois  entre  980  et 
1000  J.-C,  désigne  le  Népal  avec  le  Cachemire,  le  Kapiça 
(Kia-wei-chi)^  la  petite  Chine  et  la  grande  Chine  (iMahâcîna) 
parmi  les  royaumes  de  Tlnde  du  Nord  où  se  rencontrent 
des  asiles  propices  pour  parfaire  la  pratique  ^  ;  dans  un 
autre  passage,  il  enseigne  les  signes  funestes  qui  présa- 
gent un  malheur  au  Népal  :  «  Quand,  aux  jours  des  naksa- 
tras  Hasta,  Citrâ,  Svâti,  Viçâkhâ,  Anurâdhâ,  Jyesthâ,  il 
y  aura  un  tremblement  de  terre,  alors  dans  le  royaume  du 
xNépal  (Ni'pO'lo)  les  petits  rois  du  dedans  et  d'alentour 
s'envahiront,  se  pilleront,  se  tueront  mutuellement '^  ».  Le 


1.  Tàranâtha,  p.  320. 

2.  Éd.  japonaise,  IH,  4,  61«  (=  Nanjio,  63).  Le  Népal  est  inséré  dans 
cette  liste  entre  les  Têtes-de-chien  (Çvamukhas)et  les  Kiuna-so^Gonâ- 
sas?). 

3.  Une  poésie  inconnue  du  roi  Harsa  Çîlâditya,  par  Sylvain  Lévi, 
dans  les  acles  du  X»  Congrès  des  orient.  Genève,  1895,  v.  3. 

'*.  Éd.  japon.,  XXVII,  9,  p.  'f8«  (=  Nanjio,  1056). 
5.   Ib.,  63«. 


HISTOIRE   W   NÉPAL  G5 

Sarva-lalhàgala-maliâ-guliya-ràjâdbliutâiiuUara-praçasta- 
iiiahà-mandala-sûlra  nonnne  aussi  le  Népal,  pêle-mêle 
avec  le  Magadha,  la  Chine,  le  Samatata,  le  Làta,  etc., 
parmi  les  royaumes  où  rt'îsident  des  disciples  de  Vajra- 
pâni'. 

Le  premier  personnage  authentique  qui  se  trouve  mis 
eu  rapport  avec  le  Népal  est  le  célèbre  docteur  Vasubandhu 
qui  florissait  aux  confins  du  v'^  et  du  vi''  siècle^  ;  selon  le 
récit  de  Tàranâtha,  Vasubandhu  déjà  vieux  s'en  alla  au 
Népal  accompagné  de  500  élèves  ;  il  y  fonda  des  écoles 
religieuses,  et  le  nombre  des  moines  s'accrut  de  beau- 
coup. Mais  un  jour  il  vit  un  guru.  revêtu  de  son  costume 
ecclésiastique,  qui  labourait  un  champ;  à  la  vue  de  cette 
transgression  inexpiable,  il  comprit  que  la  décadence  de  la 
doctrine  était  proche  ;  il  récita  trois  fois  la  formule  de 
TLsnîsavijaya  dhâranî,  et  mourut.  Ses  disciples  lui  élevè- 
rent un  caitya  sur  la  place.  ^ 

La  tradition  jaina  rapporte,  de  son  côté,  que  le  patriar- 
che Bhadrabâhu  étaiten  route  pourle  Népal  au  moment  où 
le  concile  de  Pàtaliputra  se  réunit  pour  recueillir  le  texte  des 
Angasqui  allait  se  perdre  *.  La  mort  de  Bhadrabâhu  (lotte, 
selon  les  diverses  écoles,  entre  357  et  365  av.  J.-C,  mais 
le  Pari(;ista-parvan,  où  se  trouve  l'indication  de  son  voyage 
au  Népal,  est  l'œuvre  de  Hemacandra,  le  grand  doc- 
teur jaina  qui  vivait  à  la  cour  du  roi  Kumàra-Fàla  au 
XII'  siècle. 


1.  Éd.  japon.,  \XVll,  3,  p.  82i»  (-r.  Nanjio,  1018). 

2.  Tàranâtha,  p.  125. 

3.  C(.  Tkkakvsv,  A  study...  and  the  date  of  Vasubandhu,  dans  le 
Journ.  Roy.  As.  Soc,  1905,  1. 

4.  Nepâla-deça-màrga-slha.  Paririsiaparvan,  1.  IX:  cf.  sup..  vol.  l, 
225.  —  Hemacandra,  dans  un  passage  intéressant  de  son  connnentaire 
sur  le  Kâvyànuçâsana(if«t;t/a-iir^i^^î,  1900,  p.  128),  cite  le  Népal  dans  les 
pays  situés  à  l'Orient  de  Bénarès  (oVideha-Nepâla-Puodra-Prâgjyotisa" 
Vàrapâsyâb  paratab  pûrvadeçab)  et  encore  parmi  les  montagnes  de  cette 
légion  ("Dardura-Nepâla-Kamarupadayal.1  parvaiàb). 

n.  -  5 


66  LE    NÉPAL 

Le  nom  du  Népal,  Nepâla,  malgré  sa  physionomie 
sanscrite,  n'offre  pas  à  l'élymologie  d'explication  satis- 
faisante. Lassen*  proposait  de  l'interpréter,  par  analogie 
avec  les  mots  Himâla,  Pancâla,  etc.,  comme  un  composé 

A 

de  deux  termes  :  nîpa  et  âla.  Ala  serait,  comme  dans  les 
autres  mots  de  ce  type,  une  abréviation  ^V/Zayû  «  demeure  » 
nîpa^  renforcé  en  nepa^  signifierait  :  le  pied  d'une  mon- 
tagne. Mais,  même  à  supposer  légitime  la  modification  de 
nîpa  en  nepa,  le  sens  attribué  ici  à  ce  mot  n'a  pas  d'autre 
garant  qu'une  glose  de  scoliaste^;  en  outre,  il  s'applique 
assez  mal  à  un  pays  situé  dans  la  montagne  même  :  le 
Népal  n'est  au  propre  que  la  grande  vallée  intérieure.  Le 
mot  nîpa  désigne  surtout  une  variété  d'açoka  (le  nauclea 
cadamba  des  botanistes)  qui  est  loin  de  caractériser  la 
région  népalaise.  On  pourrait  encore  faire  intervenir  les 
Nîpas,  race  princière  du  cycle  des  Pândavas,  qui  régnaient 
à  Kâmpilya,  dans  le  Pancâla. 

L'interprétation  locale  préfère  une  autre  analyse  ;  elle 
partage  le  mot  en  ne-hpd/a;  ce  dernier  élément  signifie 
en  sanscrit  :  «  le  protecteur  ».  La  fantaisie  des  exégètes  a 
pu  s'exercer  sur  la  syllabe  initiale  ne  qui  n'a  pas  d'exis- 
tence réelle  en  sanscrit.  Les  Bouddhistes  v  voient  une 
formation  tirée  de  la  racine  w?,  «  conduire  »  ;  Ne  serait 
«  le  conducteur  qui  mène  au  Paradis  »,  Svayambhrt  Àdi- 
buddha.  Ne-pdla  signifierait  :  «  (le  pays)  qui  a  pour  pro- 
tecteur Svayambhù  psychopompe  '  ».  D'après  les  brahma- 
nes, Ne  serait  le  nom  réel  ou  abrégé  d'un  saint  qui  vécut 
jadis  au  Népal.  Dans  le  Paçupati-puràna  (XXI)  Sanat- 
Kumâra  s'écrie  :  ((  Un  saint  nommé  iVe  l'a  protégé  jadis  par 
ses  œuvres   méritoires;    aussi  le  pays   dans    le  sein  de 


\.  Incl.  A//..  1^  76,  n.  3. 

2.  MAMioHAKA  sur  la  Vàj.  Sanih.,  XVI, 37 

3.  IloDGsoN,  Essays,  51,  note. 


mSTOIRE    DU   NÉPAL  67 

r Himalaya  s'appelle  iVe/?(î/«\)).  Le  Nepâla-mâhâlmya  (XII), 
nomme  le  même  saint  Nemi.  a  0  Nemi,  lui  dit  Paçupati, 
marche  en  tête  des  saints  de  ce  domaine  sacré  ;  c'est  toi 
qui  dois,  ô  trésor  d'austérités,  proléger  ce  pays,  sur  ma 
parole  !  »  Et  depuis  lors  le  pays  a  pris  le  nom  de  ^îepâla^ 
Au  lieu  de  Nemi,  l'éponyme  est  aussi  appelé  quelquefois 
Niyama\  Dans  ce  système  d'interprétation,  le  Népal  fait 
exactement  pendant  au  Gourkha  ;  le  Gourkha,  en  effet, 
tire  son  nom  du  saint  patronal  (Goraksa  Nâtha)  qui  proté- 
geait la  ville  et  le  pays. 

Le  saint  Ne  ou  Nemi  passe  pour  le  fondateur  de  la 
dynastie  mythique  des  Guptas  ;  la  dynastie  lunaire  (Soma- 
vamça),  la  première  dynastie  hindoue  qui  semble  appar- 
tenir h  l'histoire,  a  pour  fondateur  un  prince  appelé 
Nimisa  :  Nemi  et  Nimisa  ne  sont  sans  doute  que  deux 
variantes  de  la  même  tradition  ou  de  la  même  légende. 
C'est  encore  le  même  ancêtre  éponyme  qui  reparaît,  sous 
une  troisième  transformation,  dans  le  roi  Nemita  que  les 
sources  de  Târanàtlia  désignent  comme  le  père  d'Açoka. 
((  Dans  le  royaume  de  Campârna,  qui  appartient  au  peuple 
des  Tharus,  Nemita,  assisté  de  cinq  cents  ministres  comman- 
dait à  tous  les  pays  du  Nord...  Les  montagnards  du  Népal 
et  les  Khaçyas  se  soulevèrent  contre  lui.  Açoka,  son  fils,  les 
réduisit  sans  difficulté*.  »  Gampàrna  est  manifestement  le 

1.  Nenâmnâ  muninâ  pûrvani  pâlanàt  punyakarmanâ  | 
idaip  hi  Himavat-kuksau  Nepâla  iti  cocyate  || 

La  Vaiîiçàvall  bouddhique  lui  donne  également  le  nom  de  Ne-nmni 
(Wright,  107). 

2.  Neme  tvam  asya  ksetrasya  munînâm  agranîr  bhava  | 
pâlanïyaip  tvayâ  ksetrani  vacanân  me  tapodhana 
tatabprabhrti  taj  jâtam  ksetraip  Nepâlasamjfiakam 

3.  Hamilton,  187.  —  Hodgson,  loc.  cit.  —  Oldfield,  il,  189.  —  Un  pas- 
sage du  Harsacarita  de  Bàna  rapproche  justement  dans  un  jeu  de 
mots  nemi  et  niyama.  Le  religieux  bouddhiste  Divàkara  Mitra  y  est 
appelé  :  janma  yamasya,  nemiip  niyamasya,  tattvam  tapasah  »  (éd. 
Bombay,  266). 

4.  Târanâtii.\,  p.  26  et  27.  —  Schiefner  traduit  le  tibétain  tharu-i 


68  LE   NÉPAL 

sanscrit  Gampâranya,  le  moderne  Champaran,  situé  aux 
confins  du  Népal,  sur  la  grande  route  de  Palna  à  Katman- 
dou; les  Tharus  continuent  à  peupler  de  leurs  tribus  plus 
qu'à  demi  sauvages  les  bas-fonds  marécageux  du  Téraï, 
au  Nord  du  Champaran,  sur  la  lisière  du  Népal. 

L'époque  de  Nemi  ou  Ne-muni  marque,  dans  la  Chro- 
nique locale,  la  transition  entre  la  période  divine  et  la 
période  légendaire  ;  elle  tombe  600  ans  ou  900  ans  avant 
le  commencement  du  Kah-yuga(3  101  av.  J.-C),  dans  le 
quatrième  millénaire  avant  Tère  chrétienne.  La  période 
divine  remonte  jusqu'aux  origines  du  monde;  la  période 
légendaire  descend  jusqu'à  l'avènement  d'Amçuvarman, 
fondateur  de  la  dynastie  Thâkuri.  C'est  à  partir  de  son 
règne  que  «  les  dieux  cessèrent  de  se  montrer  au  Népal 
sous  leur  forme  corporelle  aux  regards  des  humains  ».  Un 
vers  du  Bhavisya-Purâna  prédit  en  effet  que  :  «  Visnu  doit 
résider  dix  mille  ans  sur  la  terre  :  la  Gangâ,  deux  fois 
moins;  les  Grâma-Devatàs  (divinités  locales)  deux  fois 
moins  encore  ».  Mais  le  Népal  étant  le  pays  des  dieux,  les 
Devatâs  consentirent  à  y  prolonger  de  trois  cents  ans  leur 

brgyud  par  «  die  Reihe  der  Erdgranze  «.  Mais,  d'après  le  témoignage 
même  de  Wassilief  (cité  ib.  Introd.,  p.  9).  «  Samba  Khuluktu  entend 
Tharu  comme  le  nom  d'une  peuplade  (d'où  est  issu  Açoka)  ».  L'exacti- 
tude de  cette  information  fait  honneur  à  la  tradition  tibétaine.  Il  est  cer- 
tain, en  effet,  qu'il  faut  traduire  tharu-l  brgyud  «  le  pays  des  Tharus  ». 
La  forme  tibétaine  du  nom  du  Népal,  Balpo,  semble  confirmer  l'ana- 
lyse traditionnelle  qui  isole  la  syllabe  initiale  ne.  L'élément  po  est  la 
particule  subslantive  qui  s'attache  aux  termes  concrets;  la  partie  signifi- 
cative se  réduit  à  Bal  (=:pdla,  ou  plutôt  une  forme  affaiblie  bâla, 
intermédiaire  entre  le  sanscrit  Ne)pâla  et  la  désignation  moderne  de 
Ne)vâra,  névai"s.  Le  mol  bal  signifie  de  plus,  en  tibétain,  «  laine  ».  Le 
Népal  est  souvent  désigné  aussi  par  «  Rinpochel-glin  »  qui  correspond 
au  sanscrit  Ratna-dvipa  «  pays  des  joyaux  »  et  par  extension  «  pays  des 
bienheureux  »,  on  l'appelle  aussi  Klu  (i)-yul  «  le  pays  des  Nàgas  », 
comme  étant  leur  résidence  favorite.  Les  Chinois,  à  l'époque  des  T  ang, 
disent  .Vi-;>o-/o;  à  l'époque  des  Ming  iV/pa-/a;  les  formes  modernes 
Pa-lo-pou,  Pa-eul-pou,  Paï-pou  sont  des  transcriptions  du  nom  tibétain 
Bal-po.  Cf.  sup.,  vol.  1,  p.  186;  et  1,  223,  n.  1,  pour  une  autre  étymo- 
logie  de  Népal  proposée  par  .M.  Waddell. 


HISTOIRE    DU    NÉPAL  69 

séjour.  L'avènement  d'Amçuvarman  tombait,  dans  ce 
système  en  2  800  C^^-f-  300)  du  Kali-yuga;  par  goût  des 
chiffres  ronds  on  le  transporta  en  3  000  K.-Y.  =  101 
av.  J.-C.  Un  heureux  hasard  nous  permet  de  corriger  avec 
assurance  les  chiffres  de  la  Vamçâvalî  ;  la  confrontation  de 
Tépigraphie  et  des  voyageurs  chinois  fixe  indubitablement 
le  règne  d'Amçuvarman  au  début  du  vu*  siècle  J.-C. 
(595  J.-C.  =  3  696  K.-Y.).  L'écart  est  de  huit  cents  ans. 
A  se  fonder  sur  le  système  de  la  Vamçàvalî,  on  se  serait 
cru  en  droit  d'affirmer  que  l'histoire  positive  s'ouvrait  au 
Népal  vers  Tan  600  J.-C,  après  la  disparition  des  dieux, 
toujours  suspects  àl'historien.  Mais,  à  l'encontre  de  cette 
prévention,  l'épigraphie  rend  dès  maintenant  h  l'histoire 
une  suite  de  rois  de  la  dynastie  Sûryavamçi,  à  partir  du 
pieux  Vrsa  deva  qui  visita  Tcnfer  et  en  revint.  Si  le  règne 
de  Mâna  deva  (!)  date,  comme  nous  croyons  l'établir,  de 
la  fin  du  V*  siècle,  Vrsa  deva,  son  bisaïeul,  doit  remonter 
aux  environs  de  l'an  450  J.-C,  moins  d'un  demi-siècle 
après  l'inscription  de  Samudra  Gupta  où  se  rencontre  la 
première  mention  authentique  du  royaume  de  Népal.  Au 
delà,  la  critique  dispute  péniblement  les  faits  à  la  tradition. 

L'histoire  divine  du  Népal  consiste  surtout  dans  les 
légendes  que  j'ai  déjà  rapportées  d'api'ès  les  compilations 
brahmaniques  et  bouddhiques.  Il  serait  oiseux  de  chercher 
à  établir  un  enchaînement  dans  ces  contes.  Je  rappelle 
seulement  le  rôle  attribué  à  Manjuçrî,  qui  vint  de  la  Chine 
à  Svayambhii,  lira  le  Népal  des  eaux,  et  y  fonda  la  ville 
de  Manjupattana',  entre  la  Bitsnumati  àl'O.,  la  Bagmati 

1.  Wright,  79:  «  De  la  colline  de  Padma  (=  Svayambhù)  à  Guhye- 
rvari  ».  Le  Svay.  P.  (éd.  Bibl.  Ind.,  p.  246)  indique  d'autres  limites, 
mais  équivalentes  : 

çankhaparvatopatyakad  à  cintâmanitirthakam 
keçâvatyâm  pùrvatîre  çankhaparvatadaksine  | 
paçcime  ràjamanjaryà  vâgmatyâ  uttare  diçi  |j 


70  LE    NÉPAL 

à  TE.  et  au  S.,  et  le  Sheopuri  au  N.  La  ville  actuelle  de 
Katmandou  forme  Tangle  S.-O.  de  cet  emplacement  légen- 
daire. Il  y  installa  comme  roi  Dharmâkara,  un  roi  de  la 
Grande  Chine  (Mahà-Cina)  qui  Tavait  accompagné  dans 
son  pèlerinage  et  qui  justifiait  par  ses  vertus  et  sa  piété 
son  nom  :  a  Trésor  de  la  Loi  ».  Dharmâkara  organisa  le 
Népal  sur  le  modèle  de  la  Chine  ;  sciences,  connaissances, 
métiers,  culture,  manières,  commerce,  tout  copiait  les 
modèles  chinois*.  II  éleva  même  un  édifice  religieux  à 
étages,  à  la  façon  chinoise  ^  II  laissa  le  trône  k  Dharma 
pâla,  qui  était  venu  de  Tlnde  avec  le  Bouddha  Krakuc- 
chanda.  La  dynastie  de  Dharma  pâla  dura  jusqu'à  la  fin 
de  Tâge  Tretâ. 

Sudhanvan  qui  régnait  à  ce  moment  critique  transporta 
la  capitale  à  Sânkâsyâ  sur  les  bords  de  riksumatî  (le  ruis- 
seau Tukhucha,  à  TE.  de  la  Résidence  Britannique);  mais 
il  encourut  la  colère  de  Janaka,  le  beau-père  du  glorieux 
Bàma  ;  Janaka  le  fit  mettre  à  mort  et  donna  le  trône 
vacant  à  son  propre  frère  Kuçadhvaja,  qui  fonda  une  nou- 
velle dynastie.  L'épisode  de  Sudhanvan  a  été  emprunté 
d'un  seul  bloc  au  Râmâyana  (I,  70*  et  71'  adhy.)  et  trahit 
l'intention  arrêtée  de  rattacher  l'antiquité  népalaise  au 
cycle  de  Râma,  où  elle  n'avait  pas  trouvé  de  place  authen- 
tique. Au  temps  du  Bouddha  Kâçyapa,  le  Népal  reçoit  la 
visite  d'un  roi  de  Gauda  (Bengale),  Pracanda  deva,  entré 
en  religion  sous  le  nom  de  Çântaçrî  ou  Çântikara.  Les 
descendants  de  son  fils,  Çakti  deva,  viennent  ensuite  du 


1.  Svay.  P.,  p.  248: 

tathâ  Cinavad  rajyai]!  ca  sarvavidyatanmandalam  | 
aksaram  sarvavidyâpi  çilpavidyàbhib  çastrakaih  || 
krsi  âdibhib  bhâvaiç  ca  vàriijy^ib  sarvakarmabhih  | 
yathâ  Cïnapradcçc  'sti  tathâ  Nepâlamandale  'I 
Cf.  sup.,  I,  332,  n.  2. 

2.  Svay.  P.,  ms.  de  la  Bibi.  Nation.,  I).  78,  p.  26*». 

yadvan  mahâcînakùtâgàram  tadvan  manoharam 


HISTOIRE    DU    NÉPAL  71 

Bengale  occuper  le  trône  resté  libre;  un  d'entre  eux,  Guna 
kâma  deva,  apprend  de  son  aïeul  Çântikara  les  rites  qui 
rendent  les  Nâgas  propices.  La  légende  a  ici  dédoublé, 
pour  les  transporter  dans  le  passé  le  plus  reculé,  Guna 
kâma  deva  le  Thàkuri  et  son  maître  spirituel,  que  recom- 
mandait aux  inventions  des  conteurs  leur  prestige  surna- 
turel. Le  héros  d'un  jâtaka  célèbre,  Simhala,  est  introduit 
ensuite  dans  la  descendance  de  Guna  kàma  deva  ;  il  vient 
fonder  au  Népal  le  couvent  de  Vikramaçîla,  contrefaçon 
misérable  d'un  couvent  illustre  élevé  en  Magadha  par 
Dharmapâla,  roi  de  Gauda,  au  ix®  siècle  J.-C. 

Le  procédé  de  dédoublement  et  de  report,  appliqué  à  la 
dynastie  des  Kiràtas,  fournit  une  lignée  de  princes  qui  rem- 
plit un  intervalle  de  mille  ans.  Le  dernier  de  ces  prétendus 
Kirâtas,  Sankù,  est  renversé  par  un  prince  hindou, 
Dharma  datta,  venu  de  Kâficî  (Conjeveram,  près  de 
Madras),  pour  adorer  Paçupati  ;  il  abandonne  Suprabhà 
(Thankot,  au  S.-O.  de  la  vallée)  que  les  Kirâtas  avaient 
adoptée  pour  capitale,  et  fonde  Viçâla-nagara  sur  Taxe 
longitudinal  de  la  vallée,  entre  Budha-Nilkanth  et  Kotwal 
(la  brèche  de  Mafijuçrt).  Il  y  établit  des  Hindous  des  quatre 
castes,  et  règne  mille  années  ;  il  bâtit  le  temple  de  Paçu- 
pati, Tenrichit  de  donations  et  construit  au  N.-O.  de 
Paçupati  un  caitya  qui  porte  son  nom  ;  ce  caitya  subsistait 
encore  au  temps  de  Vrsadeva  le  Sûryavamçi  qui  le  répara. 
Le  démon  Dânâsura  s'empare  alors  du  pays,  inonde  la 
vallée  pour  en  faire  un  lac  de  plaisance;  mais  il  est  vaincu 
et  tué  par  Visnu-Krsna.  Les  anciennes  villes  ont  disparu  sous 
l'inondation  ;  Brahma,  Visnu  et  Çiva  associés  fondent  une 
nouvelle  ville  entre  le  cours  supérieur  de  la  Bagmati 
(Çankha-mùla)  et  Budha-iNilkanth,  et  y  instituent  roi  un 
kselri,  Svayamvrata,  fils  d'un  saint  ermite  (m).  Les  rois 
des  contes  populaires,  Vikramâjît  (Vikramâditya),  son  fils 
Vikrama-Kesari,   son  rival  Bhoja  qui  s'assied  sur  un  trône 


72  LE   NÉPAL 

porté  par  trente-deux  statues  parlantes  se  succèdent  ensuite 
au  Népal.  La  population  augmente  ;  des  villes  se  fondent  çà 
et  là:  Matirâjya,  [rsyàràjya,  Padma-kâstha-giri  (Kirtipur). 
Mille  ans  après,  une  reine  du  Marvar,  Pingalà,  négligée 
par  son  époux,  le  roi  Sudatta,  se  rend  au  Népal,  gagne  par 
son  zèle  la  faveur  de  Paçupati  ;  l'intervention  des  dieux 
réconcilie  le  ménage  et  Pingalà  fonde  en  souvenir  de  son 
séjour  le  Pingalâ-vihàra.  Il  restait  encore  950  ans  à  courir 
de  Tâge  Dvàpara  quand  les  dieux  décidèrent  de  rétablir  au 
Népal  Tautorité  d'un  roi. 

Le  sage  Ne-muni  était  alors  installé  au  confluent  de  la 
Bagmati  et  de  la  Bitsnumati  ;  il  édifiait  et  instruisait  le 
peuple  ;  on  Técoutait  comme  un  oracle.  Il  déclara  que 
riieure  était  venue  de  consacrer  un  nouveau  prince.  Comme 
il  ne  restait  plus  de  ksatriyas,  son  choix  s'arrêta  sur  un 
berger  de  Kirtipur,  qui  descendait  d'un  compagnon  de 
Krsna  venu  jadis  s'installer  à  la  suite  du  dieu.  Le  père 
même  de  ce  berger  avait  péri  d'une  mort  surnaturelle, 
consumé  par  le  feu  de  Paçupati  au  moment  où  il  tirait 
des  décombres  l'emblème  divin  longtemps  enfoui.  La 
dynastie  des  Bergers  (Gopâlas)  compta  huit  princes  '  : 

1.     Bhiiktamàna  \V.  (Bhiiklamànagata^  B.  ;  Bhuktamànv 
gâta  V.)  88  ans. 

Bhoorimahagah  K.  48  ans  3  mois. 

72  ans.  VV.  B. 


2.    Jaya  Giipta 
Jye  (iupt 


73  ans  3  mois.  K. 
92  ans.  V. 
3.     Parama  Gupta  80  ans.  VV.  B.  V. 


P(»rma  (riipl  01  ans.  K. 

,1,         /•      »  (93  ans.  W.  B. 

'  95  ans.  \  . 
Srp('  Hurkh  [  67  ans.  K. 

I.  \V.  (h'signo  la  Varriràvall  de  Wrighl  :  B.  rcllo  <!»»  Bhagvanlal  (5o;/if 
('onsidrrfffio?îs  on  fhf  Histort/  ofXf'pnf):  K.  les  listes  do  Kirkpatrirk  : 
\'.  mon  e\em|)laire  de  la  Varpnivali  brahmanique. 

1.  Bhagvanlal  suppose  (jue  ce  nom  est  une  corruption  de  la  formule  : 
«  l)lmklamàna-«;ala-varsa  =  en  l'année  «lu  rèjumede...  » 


HISTOIRE    DU   NÉPAL  73 

5.  Bhlma  Gupta  (Bheem  GupQ     \  l^  ^^^'  )^  *  ^'  ^• 

t  85  ans.  v. 

6.  Mani  Gupla(Munni  Gupt)         t  37  ans.  W.  B.  K. 
Mali  Gupta  (  88  ans.  V. 

7.  Visriu  Gupta  /  42  ans.  W.  B. 

"         ^  1  92  ans.  V. 

Bishen  Gupt  '  66  ans.  K. 

8.  Yaksa  Gupta  /  71  ans.  W. 

Jye  Gupt  )  71  ans  1  mois.  K. 

72  ans.  B. 


( 


85  ans.  V. 


Au  total  :  521  ans.  W.  —322  ans.  B.  —  705  ans.  V.  — 
491  ans  et  4  mois.  K. 

Leur  capitale  était  à  Màtà-tirtlia,  au  S.-O.  de  la  vallée, 
entre  Kirtipur  ot  Thankot. 

Sans  se  laisser  séduire  k  l'accord  des  noms  et  à  la  pré- 
cision des  chiffres,  il  est  juste  de  reconnaître  au  moins  la 
vraisemblance  de  la  tradition,  prise  dans  son  ensemble. 
Avant  d'être  le  siège  d'un  état  policé  et  d'une  nation  orga- 
nisée, le  Népal  a  dû  abriter  les  tribus  pastorales  qui  pro- 
menaient leurs  troupeaux  vagabonds  parmi  les  pâturages 
de  THimalaya.  Tandis  que  les  bergers  de  l'Hindoustan 
continuent  à  mener  leur  bétail,  pendant  la  saison  propice, 
dans  les  herbages  drus  du  Téraï,  les  clans  montagnards 
dispersés  dans  les  hautes  vallées,  en  lutte  contre  un  sol 
âpre  et  un  climat  rigoureux,  n'ont  pas  d'autre  ressource 
que  la  vie  pastorale.  Du  berger  à  Krsna,  l'amant  des 
pastourelles,  la  pensée  hindoue  noue  un  hen  fatal  ;  les 
Goâls  {Gopdlas)  du  Bengale  actuel  prétendent  naturelle- 
ment se  rattacher  à  Krsna,  comme  le  chroniqueur  népalais 
lui  rattache  les  bergers  primitifs  do  son  pays. 

Les  premières  rivalités  politiques  ne  sont  que  des  que- 
relles de  pasteur  se  disputant  les  meilleurs  herbages.  Un 
Ahlr  {Ahhîra)^  venu  de  l'Hindoustan,  supplante  les  Gopâ- 
las.  Les  Ahîrs  sont  encore  dans  l'Inde  actuelle  une  simple 


74  LE    NÉPAL 

subdivision  des  Goâls  ;  souvent  même  les  deux  noms  se 
substituent  l'un  à  l'autre  au  hasard  des  préférences  locales; 
Goâl  est  plus  employé  au  Bengale  ;  Ahîr,  au  Béhar. 
Manu  (X,  15)  tient  les  Abhîras  pour  le  produit  d'un  croise- 
ment irrégulier  entre  Brahmane  et  fille  d'Ambastha, 
TAmbastha  étant  lui-même  né  du  croisement  d'un  Brah- 
mane et  d'une  fille  de  Vaiçya.  Les  Abhîras  dominaient, 
par  le  nombre  ou  la  puissance,  dans  la  région  entre 
rindus  et  la  Narmadâ,  aux  premiers  temps  de  Tère  chré- 
tienne ;  témoin  les  textes  grecs  (AjSvipia  du  Périple,  §  41  ; 
Aêetpta  de  Ptolémée,  VII,  1 ,  55)  et  les  inscriptions  (iNasik, 
n*"  10).  La  liste  de  Kirkpatrick  transforme  le  premier 
Abhîra  en  Bajpout  ;  descendu  des  Gopâlas  par  un  lignage 
étrange,  il  aurait  levé  une  armée  dans  le  Téraï,  entre 
Simroun  Garh  et  Janakpur.  Les  rois  Ahîrs  (Abhîras)  sont  : 

1. 

2. 
3. 


Vara  Sirpha 

(  75  ans.  V. 

Bhul  Singh 

1  49  ans.  K. 

Jayamati  Sirpha 

(  75  ans.  V. 

Jye  Singh 

/  21  ans  7  mois.  K. 

Bhuvana  Sirpha 

( 

Bhavana    — 

<  45  ans.  V. 

Bhowany  Singh 

(  41  ans.  K. 

Au  total  :  195  ans.  V.  —  111  ans  et  7  mois.  K. 

La  vallée,  enrichie  par  rétablissement  d'une  population 
sédentaire  offrait  aux  barbares  des  montagnes  voisines 
une  proie  séduisante.  La  tradition,  d'accord  une  fois  de 
plus  avec  la  vraisemblance,  introduit  à  ce  moment  une 
invasion  des  Kiràtas  ;  ils  arrivent  de  TEst  et  s'emparent  du 
pays. 

Les  Kirâtassontde  longue  date  un  nom  familier  à  Tlnde. 
Une  formule  védique  {Vdjasaneyi  Samhitd^  XXX,  16), 
associée  aux  lointains  souvenirs  du  sacrifice  humain,  ren- 
voie ((  le  Kirâta  h  ses  cavernes  ».  La  montagne  est  en 
effet  son  domaine;  c'est  là  qu'il  continue  à  vivre  et  à  domi- 


HISTOIRE    DU    NÉPAL  75 

ner  pendant  la  période  épique  :  Bhîma  rencontre  les  Kiràtas 
en  partant  du  Videha,  dans  sa  marche  victorieuse  vers  les 
régions  orientales  (Mahà-Bhârata  II,  1089);  Nakula  les 
trouve  aussi  sur  sa  route,  quand  il  conquiert  l'Ouest  (II, 
il 99)  ;  Arjuna,  tandis  qu'il  gravit  THimalaya  vers  le  Nord, 
est  arrêté  et  défié  par  un  Kirâla,  ou  plutôt  par  Çiva  sous 
les  traits  d'un  Kirâta  ([[I,  adhy.  38-41);  c'est  l'épisode 
célèbre  que  Bhâravi  a  repris  et  traité  avec  toutes  les  res- 
sources de  la  poésie  savante  dans  le  classique  Kirâtàrju- 
nîya.  Souventles  Kirâtas  figurent  dans  les  dénombrements 
du  Mahâ-Bhârata,  en  compagnie  des  peuples  étrangers 
qui  bordent  les  frontières  de  l'Inde  :  Yavanas,  Çakas, 
Pahlavas,  etc.;  c'est  surtout  aux  Cînas  qu'ils  sont  associés. 
Kirâtas  et  Cinas  fraternisent  sous  les  bannières  du  glo- 
rieux Bhagadatta,  empereur  du  Prâgjyotisa  (Kâmarùpa)  ; 
ils  forment  le  contingent  des  Jaunes  :  «  Les  soldats  Cînas 
et  Kirâtas  semblaient  être  en  or;  leurs  troupes  avaient 
Tair  d'une  forêt  de  karnikàras  [aux  fleurs  jaunes]  »  (V, 
o84).  Le  Bàmâyana  (IV,  40,  26  êd,  Bombay)  note  aussi  la 
<(  couleur  d'or  »  des  Kiràtas.  Leurs  tribus  n'étaient  pas 
organisées  en  nalion  et  formaient  plusieurs  royaumes; 
Bhîma  soumet  «  les  sept  rois  des  Kirâtas  »  (II,  1089)  ;  le 
chiffre  est  en  harmonie  avec  la  nomenclature  usuelle  des 
«  Sept  Gandakis»  et  des  a  Sept  Kosis  »  dans  THimalaya 
népalais.  Plusieurs  de  ces  rois  sont  désignés  nommément: 
Subàhu  (III,  10  863),  qui  commande  aux  Kiràtas  et  aux 
Tanganas,  et  qui  reçoit  en  ami  les  Pàndavas  errants 
(»!,  12351);  Pulinda  (II,  1 19),  Sumanas  (II,  120).  Les 
mœurs  des  Kirâtas  sont  simples  ;  ils  vivent  de  fruits  et  de 
racines,  s'habillent  de  peaux  de  bêtes  (II,  1865),  relè- 
vent leurs  cheveux  en  chignon  pointu;  ils  ont  néanmoins 
Tair  aimable  {Rdniày.,  IV,  40,  26)  ;  leur  couteau,  comme  le 
kukhri  népalais,  est  une  arme  redoutable  (J/.  BhA\^  1865). 
Tels  sont,  du  moins,  les  clans  Kirâtas  qui   vivent  dans  la 


76  LE    NÉPAL 

partie  la  plus  reculée  de  l'Himalaya,  vers  la  montagne  où 
le  soleil  se  lève,  dans  le  Kârusa  qui  est  au  bout  de  TOcéan 
et  dans  la  région  du  Lauhitya  {Brahmapoutre), 

D'autres  Kirâtas,  qui  vivent  avec  les  populations  du  lit- 
toral (II,  1  002)  et  qui  habitent  dans  les  îles,  sont  farou- 
ches; ils  se  nourrissent  de  poissons  crus,  circulent  dans 
reau;onlesappelledeshommes-tigres(iî«/wrf^.,IY,  40,26). 
Ce  portrait  s'applique  parfaitement  aux  KtppaJat  du  Péri- 
ple (§  62),  pepples  situés  au  Nord  de  la  Dosarênê,  proche 
des  bouches  du  Gange  ;  «  cette  espèce  d'hommes  a  le  nez 
aplati  sur  le  visage;  ils  sont  barbares  ».  Leurs  voisins 
immédiats,  les  Têtes-de-Cheval  et  les  Longues-Têtes, 
passent  même  pour  anthropophages'.  Ptolémée  place  le 
pays  des  Kirâtas  (Kip^aJia)  aux  bouches  du  Gange,  à  l'Est 
de  l'embouchure  la  plus  importante  (VII,  2,  2);  c'est  chez 
eux  qu'on  se  procure  la  meilleure  qualité  de  malabathron. 
Mais  ils  ne  sont  que  les  intermédiaires;  nous  savons 
par  le  Périple  (§  65)  que  le  malabathron  vient  du  pays  des 
0tv«i  (Cîna)  ;  les  Qivoa  le  vendent  aux  Sr,<TaJ«i,  qui  sont  une 
race  de  petite  taille,  la  face  large,  le  caractère  doux  et 
tout  pareils  aux  bêtes;  ces  S-/;<t«(Ϋi  sont  évidemment  iden- 
tiques aux  Br,<Ta(î«i  que  Plolémée  (Vd,  2, 15)  décrit  presque 
exactement  dans  les  mêmes  termes,  empruntés  à  une 
source  commune,  et  qu*il  place  juste  aux  confins  de  la 
Kipp«5t«  (V[I,  2,  16).  Le  commerce  reliait  ainsi  les 
Ktpp3f<î«t  et  les  0tyat,  les  Kiràlas  et  les  Cinas.  Dans  l'épopée, 
les  Kirâtas  apportent  en  don  de  joyeux  avènement  à 
Yudhisfhira  les  objets  les  plus  variés  :  des  charges  de  bois 
de  santal  et  d'agalloque,  et  du  bois  noir  odorant  (kàlîyaka, 
bois  d'aigle?),  des  peaux  de  bêtes,  des  pierreries,  de  l'or, 
des  parfums  en  tas,  une  myriade  de  filles  de  Kirâtas  comme 

I .  De  mémo  dans  les  catalogues  jainas  de  peuples  barbares  (miecchas) 
lc>  Kirùyu  (Kirâtas)  précèdent  innnédiatcFnenl  les  Ilayaniuha(Flayainu- 
khas,  Tùtes-de-cheval).  Ind.  Stud.,  XVI,  :]97. 


HISTOIRE    DU    NÉPAL  77 

esclaves,  el  encore  d'autres  choses  charmanles,  des  bêtes 
et  des  oiseaux  étrangers,  et  de  Tor  splendide,  tiré  des 
montagnes  (11,  1866-1869).  Dans  sa  fameuse  liste  des 
64  écritures,  le  Lalita-Vistara  attribue  aux  Kirâtas  une 
écriture  spéciale'.  Dans  l'organisation  théorique  du  brah- 
manisme, telle  que  la  règlent  les  Lois  de  iManu,  les  Kirâtas 
sont  considérés  comme  des  ksatriyas  d'origine,  déchus 
au  rang  de  Çûdras  par  leur  négligence  des  rites  et  leur 
dédain  des  brahmanes  {Mdnava-dh.  ç,,  X,  43-44). 

De  l'ensemble  des  témoignages,  il  apparaît  qu'aux 
temps  anciens,  les  Hindous  désignaient  sous  le  nom  de 
Kirâtas  toutes  les  populations  de  famille  tibéto-birmane 
qui  s'échelonnaient  entre  les  hauts  plateaux  de  l'Himalaya, 
les  bouches  du  Gange  et  le  littoral  voisin.  Refoulés  ou 
absorbés  par  la  poussée  hindoue,  les  Kirâtas  n'ont  subsisté 
que  dans  les  montagnes,  h  l'Est  du  Népal.  Au  moment  de 
la  conquête  Gourkha,  en  1768,  les  Kirâtas  formaient 
encore  «  une  nation  indépendante,  limitrophe  à  l'Est  du 
royaume  de  Bhatgaon,  à  cinq  ou  six  journées  de  cette  capi- 
tale ;  ils  ne  professaient  aucune  religion*  ».  Mais,  la  con- 
quête du  Népal  une  fois  achevée,  les  Gourkhas  s'emparè- 
rent bientôt  du  pays  des  Kirâtas ^  Aujourd'hui,  l'usage 
népalais  désigne   encore  sous   le  nom   de  Kirâta   (vulg. 


1.  En  fait  les  Kirâtas  attribuent  à  leur  héros  Srijanga  l'invention 
d'une  écriture  spéciale  (Sarat  Chandra  DAScité  dans  Vansittart,  p.  135). 
Les  listes  parallèles  dans  les  versions  chinoises  valent  d'être  citées;  la 
plus  ancienne  (P^oti  yao  king,  traduit  en  308)  remplace  le  nom  des 
Kirâtas  par  yiti-saiy  expression  qui  désigne  du  point  de  vue  chinois  les 
«  barbares  limitrophes  du  Nord  »  ;  c'est  un  équivalent  exact  par  trans- 
position. La  seconde  (Fo-penhing-tsi  klng,  traduit  en  587)  transcrit 
Ki'loto  et  ajoute  comme  glose  «  les  hommes  nus  ».  La  troisième  (Fan^- 
koang  ta  tchoang  yen  king^  traduit  en  683)  donne  simplement  la 
transcription  Kiloto.  V.  la  note  finale  de  mon  article  :  Le  Pays  di^ 
Kharos{ra  et  V écriture  kharostrh  dans  le  Bulletin  Éc.  fr.  Extr.-Or., 
1904. 

2.  Description,  p.  350. 

3.  Ib.,  362. 


78  LE   NÉPAL 

Kiranta)  le  pays  compris  entre  la  Dudh-kosi  etTArun.  Mais 
la  nation  des  Kirâlas  occupe  un  territoire  plus  étendu,  qui 
atteint  à  peu  près  les  frontières  orientales  du  Népal  :  elle 
comprend  les  clans  des  Khambus,  des  Limbus,  des  Yakhas; 
et  de  plus  les  Danuars,  les  Hayus  et  les  Thamis  prétendent 
plus  ou  moins  légitimement  s'y  rattacher.  L'indifférence 
religieuse  que  le  P.  Giuseppe  signalait  chez  les  Kiràtas  ne 
s'est  point  altérée  :  en  pays  bouddhiste  ils  marmonnent  le 
Om  maux  padme  hum  !  et  font  des  cadeaux  aux  lamas  ;  en 
pays  hindou,  ils  se  donnent  pour  givaïtes  et  adorent  Mahà- 
deva  et  Gaurî.  Comme  toutes  les  peuplades  de  race  tibé- 
taine, les  Kirâtas  actuels  sont  friands  de  viande  de  bœuf,  et 
c'est  par  la  force  des  armes  que  les  Gourkhas  ont  introduit 
chez  eux  le  respect  obligatoire  de  la  vache.  Les  Limbus 
ont  sur  leur^origine  une  légende  expressive  ;  ils  prétendent 
descendre  d'une  famille  de  dix  frères  qui  émigrèrentde  Bé- 
narès  (Kâçî),  leur  patrie,  et  qui  vinrent  s'installer  les  uns 
au  Népal,  les  autres  au  Tibet  ;  les  frères  établis  au  Tibet  allè- 
rent ensuite  rejoindre  ceux  du  Népal;  mais  leur  postérité 
maintint  la  division  nominale  en  Kàçî-gotra  et  Lâsa-gotra. 
La  dynastie  des  Kirâtas  compte  26  ou  29  princes  : 

I.^  Yalainbani  13  ans.  >V. 

Yalamva  50  ans.  V. 

Yellung  90  ans  3  mois.  K. 

2.  (  Pabi 
/  Parpvi  35  ans.  V.  (manque  à  K.). 

3.  C  Skandhara  \V.  B. 
'  Dhaskam  36  ans.  V. 

Duskham  37  ans.  K. 

Balamba  W. 

Valarpva  21  ans.  V.  II. 

Ballancha  31  ans  6  mois.  K. 

Hrti  19  ans.  V.  (W.  B.). 

Kingly  41  ans  1  mois.  K. 

6.  \  Humati  21  ans.  V.  (\V.  B.). 

(5.)  \  Hunnanler  50  ans.  K.  ^'''^'  ^«^  *^- 

6.  Tiiskhah         41  ans  8  mois  (=  9). 


HISTOIRE   DU   NÉPAL 


79 


7.  Jitedàsti 

8.  î  Gali 

(  Galimja 

9.  I  Puska 
l  Tuska 

10.  ^  Suyarma 

'  Suyasya 

11.  Parba 

12.  {  Thunka 
Bunka 
Pamca 

[12'>»»Reipke 

13.  Svananda 

14.  \  Sthunko 
l  Thuipko 

15.  Gighri 

16.  Nane 

17.  (  Luk 

(  Luke 

18.  Thor 

19.  Thoko 

20.  Varma 

21.  1  Guja 

(  Gurpja 

22.  (  Puska 

<  Puskara 
(  Purpska 

23.  Kesu 

24.  {  Suga 
Sunsa 
Suipgu 

25. .  Sansa 

<  Sammu 
(  Çaipça 

26.  /  Gunan 

^  Gunana 
(  Guipnaipja 

27.  \  Khimbu 
/  Simbu 

28.  Patuka 

29.  (;asti 


9  ans.  V.  (VV.  B.). 
W.  B. 
61  ans.  V. 
VV.  B. 
69  ans.  V. 
W.  B. 


7.  Sroopust  38  ans  6  mois  (=  10?) 

8.  Jetydastry  60  ans  (=  7). 

9.  Punchem  71  ans  (^  12). 
10. 


45  ans.  V. 

45  ans.  V.  (VV.  B.).     11. 

B.  12. 

VV. 

37  ans.  V. 

38  ans.  V.  (manque 

à  VV.  et  B.).] 
41  ans.  V.  (W.  B.).     13. 
VV.  B.  14. 

59  ans.  V. 

71  ans.  V.  (W.  B.).  15. 
59  ans.  V.  (W.  B.).  16. 
VV.  B.  17. 

53  ans.  V. 

39  ans.  V.  (VV.  B.).  18. 
50  ans.  V.  (VV.  B.).  19. 
41  ans.  V.  (VV.  B.).  20. 
W.  B.  21. 
39  ans.  V. 

W.  22. 

B. 

35  ans.  V. 

31  ans.  V.  (W\  B.).  23. 
VV.  24. 
B. 

29  ans.  V. 

VV.  25. 

B. 

32  ans.  V. 

VV.  26. 

B. 

35  ans.  V. 

W.  B. 

37  ans.  V. 

VV.  B.  (manque  à  V.). 

41  ans.  V.  (VV.  B.). 


Ring  -  king- 

king  56  ans  (—12  bis). 

Soonund         50  ans  8  mois  (-=  13). 
Thoomoo        58  ans  (  -  14). 


Jaighree 
Jenneo 

Suenkeh 

Thoor 

Thamoo 


60  ans  1  mois  (—  15). 
73  ans  2  mois  (=  16). 

60  ans  1  mois  (=  17). 
71  ans  (=  18). 
83  ans  (=  19). 


Burmah  73  ans  6  mois  (= 

Gunjeh  72  ans  7  mois  (- 

Kush  Koon  durée  inconn.  (: 

Teeshoo  56  ans  (=  23). 

Soogmeea  59  ans  (=  24). 


20). 
21). 
22). 


Joosha 
Gontho 


63  ans  (=  ?  ). 
74  ans  (=  26). 


Khembhoom  74  ans  (—  27). 


Gully  Jung    81  ans  (=  29). 


80  LE   NÉPAL 

La  durée  lolale  de  la  dynastie  d'après  K.  (en  comp- 
tant pour  zéro  le  règne  de  20.  Kush  Koon)  est 
de  1  581  ans  et  1  mois;  d'après  B.  et  V.,  de  1  118  ans 
(mais  la  somme  des  règnes  indiquée  dans  V.  donne 
1  178  ans).  Les  trois  nombres,  tout  différents  qu'ils  sont, 
présentent  en  commun  les  trois  chiffres  1,1,8,  combinés 
diversement  :  avec  un  5  dans  K.,  un  1  dans  B.  et  V.,  un  7 
dans  le  calcul  par  addition  de  V.  Il  est  peu  probable  que 
le  hasard  seul  ait  pu  déterminer  dans  trois  nombres  de 
quatre  chiffres  chacun  une  identité  de  trois  chiffres.  Les 
trois  chiffres  1,1,8,  résidu  commun  des  trois  nombres 
divergents,  représentent  sans  doute  l'élément  stable  et 
fixe  de  la  tradition  ;  chacun  des  chroniqueurs  l'a  ensuite 
accommodé  à  sa  guise. 

Les  noms  donnés  aux  rois  Kirâtas  sont  nettement  bar- 
bares ;  c'est  assez  pour  exclure  l'hypothèse  d'une  fabrica- 
tion  savante.  Etrangers  au  goût  de  la  couleur  locale,  les 
chroniqueurs  hindous,  s'ils  ont  l'occasion  d'introduire 
dans  leurs  fantaisies  romanesques  des  personnages  étran- 
gers, les  affublent  de  noms  franchement  hindous.  Je  viens 
de  citer  les  rois  Kirâlas  qui  paraissent  dans  le  Mahâ- 
Bhârata;  ils  s'appellent  Subâliu,  Sumanas,  comme  les 
héros  aryens  les  plus  authentiques.  Je  ne  prétends  pas, 
toutefois,  que  la  dynastie  népalaise  des  Kirâlas  conserve  le 
souvenir  précis  des  princes  barbares  qui  ont  pu  régner 
dans  l'Himalaya  au  commencement  du  Kali-Yuga,  ou 
même  de  l'ère  chrétienne.  La  tradition  rapportait  sans 
doute  qu'avant  les  dynasties  hindoues  des  temps  histori- 
ques, le  pays  avait  été  peuplé  de  bergers,  puis  dominé  par 
les  Kirâtas.  Les  bergers  étaient  des  êtres  vagues,  sans  per- 
sonnalité, qu'on  pouvait  baptiser  au  gré  de  l'imagination. 
Une  famille  réelle  de  rois  Abhîras,  installés  sur  le  trône 
vers  l'époque  d'Amçuvarman,  avait  porté  des  noms  com- 
posés avec  le  mot  Gupta;  les  Gopàlas  primordiaux  reçurent 


HISTOIRE    DU   NÉPAL 


81 


des  ooms  taillés  sur  te  même  patron.  Mais  les  Kirâlas,  au 
temps  des  premières  Vamçâvalls  comme  au  temps  des 
plus  récentes,  étaient  des  personnages  parfaitement  réels 
et  familiers,  en  contact  suivi  avec  les  gens  du  Népal.  Les 
Kirâtas,  comme  tous  les  peuples  de  l'Himalaya,  avaient 


Caitf*  cenlraldc  PaUri 


sans  aucun  doute  leurs  généalogies  royales  ;  les  compila- 
teurs avaient  di^,  suivant  l'usage,  It's  metti'c  en  rapport  avec 
trois  données  capitales  :  les  iiéros  du  Malià-llhdrata,  le 
(touddlia,  et  le  plus  glorieux  patron  du  bouddliisiue,  AçoUa. 
Les  chroniqueurs  népalais  uuroul  fait  passer  en  bloc  dans 
leur  histoire  la  preinièri'  dynastie  légendaire  des  Kirdlas. 
Le  nom  même  du  premier  de:s  Kiràlus  :   Vellung  (K.), 


82  LE    NÉPAL 

Yalainba,  Yalambar  semble  se  rattacher  à  la  légende  qui 
place  sur  les  bords  de  la  rivière  Ya-loung  (Yar-loung)  le 
berceau  de  la  race  tibétaine  et  le  séjour  de  son  premier 
roi*.  Yalang  (Yalambaou  Yalambar)  règne  exactement  à  la 
fin  du  Dvâpara-yuga.  Sous  son  fils  el  successeur  Pabi 
(Pamvi),  les  astrologues  annoncent  la  victoire  de  l'injus- 
tice sur  la  justice  déjà  boiteuse,  et  le  commencement  du 
Kali-yuga.  A  rencontre  des  doctrines  pouraniques  qui  font 
courir  le  Kali-yuga  du  jour  où  Visnu-Krsna  remonta  au  Ciel, 
après  le  triomphe  définitif  des  Pândavas  sur  leurs  adversai- 
res, les  chroniques  placent  l'origine  du  Kali-yuga  avant  les 
guerres  épiques  de  Yudhisthira  et  ses  frères.  Les  chiffres 
de  Kirkpatrick  portent  le   règne   de    Jitedâsti,    qui  fut 

l'auxiliaire  des  Pândavas  à  la  bataille  de  Kuruksetra,  entre 

•  •  •        » 

272  et  332  du  Kali-yuga;  la  Vamçâvalî  brahmanique  le 
place  entre  132  et  141  de  la  même  ère.  De  plus,  Sthunko, 
désigné  comme  le  contemporain  d'Açoka,  règne,  d'après 
Kirkpatrick,  de  509  à  567  K.  Y.,  d'après  la  Vamçâ- 
valî brahmanique  de  476  à  535  K.  Y. ,  et  les  Purânas  sont  k 
peu  près  d'accord  pour  placer  Açoka  douze  siècles  envi- 
ron après  le  règne  de  Pariksit  qui  inaugura  le  Kali-yuga.  Il 
y  a  donc  un  écart  de  sept  siècles  entre  le  système  des 
Purânas  et  celui  des  Vamçàvalîs.  11  est  inutile  d'en  déter- 
miner les  rapports  avec  la  chronologie  réelle  ;  elle  n'a  rien 
de  commun  avec  ces  inventions. 

Sous  Humati  (6)  Arjunaauraitvisitél'Himalayaet  combattu 
avec  Mahâ-deva  déguisé  en  Kirâta.  Le  successeur  de  Hu- 
mati, Jitedâsti,  se  rendit  avec  ses  troupes  h  Kuruksetra, 
sur  l'ordre  d'Arjuna,  et  participa  à  la  victoire  finale;  c'est  à 
ce  moment  que  Çâkyamuni  serait  venu  au  Népal  prêcher 
la  doctrine  et  adorer  les  lieux  saints  :  Svayambhû,  Guhyeç- 
vari,  le  mont  iNamobuddha.  Sthunko  (4)  régnait  quand  Açoka 

1.  Hue,  II,  508.  —  KÔPPEN,  II,  46  sqq.  —  Georgi,  296. 


HISTOIRE   DU   NÉPAL  83 

entreprit,  sur  les  conseils  de  son  directeur  spirituel  Upa- 
gupla,  un  pèlerinage  au  Népal  ;  il  y  éleva  divers  monu- 
ments, y  maria  sa  fille  Cârumatî  à  un  ksatriya,  Deva  pâla, 
qui  fonda  Deo  Patan.  Les  deux  époux  devenus  vieux  voulu- 
rent construire  chacun  un  couvent  pour  s'y  retirer;  Câru- 
matî seule  put  faire  le  sien. 

La  capitale  des  Kiràtas  était  située  dans  les  jungles  de 
Gokarna,  au  N.-E.  de  Paçupati.  L'invasion  des  conquérants 
hindous  obligea  Patuka  (28)  h  se  retirer  au  Sud,  par  delà 
le  Çaiikha-mûla  tîrtha  ;  son  fils  Gasti  (29)  ne  réussit  pas  à 
arrêter  les  envahisseurs  et  dut  leur  abandonner  le  pays. 

Les  nouveaux  maîtres  du  Népal  appartenaient,  selon  les 
uns  (W.  V.  B.)  h  la  famille  Lunaire,  issue  de  Kuru;  selon 
d'autres  (K.),  îi  la  famille  Solaire,  issue  de  Rftma;  leur 
dynastie  compta  cinq  princes. 


1. 

(  Niiuikha  W. 

<  Ni  misa  B.  V. 

1                     ■ 

40  ans. 

(  Nevesil  K. 

50  ans. 

2. 

(  Matàksa  W.  V. 

<  Manâksa  B. 

1 

61  ans. 

(  Multa  Ratio  K. 

91  ans. 

3. 

\  Kàkavarman  W.  B.  V. 

76  ans. 

(  Kaick  burinah  K. 

76  ans. 

4. 

(  Paçupreksa  deva  B. 
\  Paçuprekha  deva  W. 

j  Pa<;uprasa  V. 

86  ans. 

\  Pussoopûsh  Deo  K. 

56  ans. 

5. 

Bhàskara  varman  W.  B.  V. 

88  ans. 

Bhosker  Burmah  K. 

74  ans. 

Durée  totale  :  351  ans  V.  —  347  ans  K. 

Les  deux  sommes  sont  d'accord,  h  quatre  unités  près. 

La  nouvelle  dynastie  transporta  sa  capitale  k  Texlrémité 
S.-E.  de  la  vallée,  h  (îodâvarî  ;  c'est  sous  le  règne  de 
Nimisa  qu'un  miracle  manifesta  dans  cette  localité  les  eaux 
lointaines  de  la  Godâvarî,  amenées  du  Dekkhan  par  un 
souterrain    mystérieux.    Nimisa    semble   être    apparenté 


84  LE   NÉPAL 

d'origine  avec  Nemi,  Téponyme  du  Népal.  Avec  Paçu- 
preksa,  la  chronique  semble  entrer  enfin  dans  le  domaine 
des  traditions  plus  précises  ;  le  nom  même  de  ce  roi 
«  celui  qui  a  vu  Paçu  [pati]  »  semble  se  rattacher  à 
une  légende  sur  l'invention  du  dieu  népalais.  Il  passe 
dans  toutes  les  Vamçâvalîs  pour  avoir  introduit  l'organi- 
sation de  la  société  hindoue  au  Népal,  soit  qu'il  ait  a  divisé 
les  habitants  en  quatre  castes  ))(Kirkpatrick,  189),  soit  qu'il 
ait  ((  peuplé  le  pays  des  quatre  castes  »  (Wright,  113).  Le 
premier  fait  daté  de  la  chronologie  népalaise  associe  le 
souvenir  du  roi  Paçupreksa  au  dieu  Paçupati  :  il  aurait 
((  bâti  »  (Kirkpatrick)  ou  «  rebâti  »  (Wright)  le  temple  de 
Paçupati,  l'aurait  couronné  d'un  toit  doré  en  l'an  1234  (W.) 
ou  1239(V.)du  Kali-yuga.  Un  aulre  souvenir  également 
précis  et  positif  se  rattache  au  fils  de  Paçupreksa,  Bhâs- 
kara  varmanV  Rentré  au  Népal  après  une  campagne 
triomphante  dans  l'Inde,  il  consacra  tout  l'or  de  son  butin 
à  Paçupati,  donna  en  propriété  au  temple  la  ville  de 
Deo  Patan  qu'il  avait  agrandie,  enrichie,  et  dénommée 
Ville-d'Or  (Suvarna-purï)^  confia  le  service  du  dieu  aux 
Acâryas  bouddhistes,  et  régla  tous  les  détails  du  culte  par 
une  charte  inscrite  sur  une  plaque  de  cuivre  qu'il  déposa 
au  couvent  de  Gârumatî. 

La  dynastie  qui  continue  ou  qui  remplace,  suivant  les 
diverses  traditions,  la  famille  de  Nimisa  ouvre  enfin  l'his- 
toire authentique.  Ces  princes  prétendent  se  rattacher  au 
Sûrya-vamça,  à  la  famille  du  Soleil  qui  a  pour  héros  ftâma. 
D'après  la  Vamçâvalî  bouddhique,  l'héritier  adoplif  de 
Bhâskara  varman,  Bhûmi  varman,  était  un  ksatriya 
Sûryavamçi  rattaché  au  clan  brahmanique  (f/otra)  des 
Gautamas;  il  était  venu  de  Kapilavastu  au  Népal,  avec  le 

1.  11  est  à  noter  que  le  nom  de  Bhâskara- varman  est  porté  par  le 
prince  (À' i^m^ra)  qui  régnait  sur  le  Kàmarûpa,  limitrophe  du  Népal,  au 
temps  de  Harsa  et  de  Hiouen-tsang  (vii«  siècle). 


HISTOIRE    DU    NÉPAL  85 

Bouddha,  et  il  s'était  établi  définitivement  dans  le  pays. 
L'inscription  de  Jayadeva  à  Paçupati  donne  la  généalogie 
mythique  de  la  famille  Solaire  du  Népal ,  qu'elle  expose  ainsi  : 

Brahma  eut  pour  arrière-petit-fils  Sûrya  (le  Soleil)  qui 
engendra  Manu,  qui  engendra  Iksvâku,  qui  engendra 
Vikuksi.  Vikuksi  eut  un  fils  (Kakutstha)  qui  eut  pour  fils 
Visvagaçva.  Dans  sa  postérité,  vingt-huit  générations  plus 
tard,  naquit  Sagara,  qui  engendra  Asamanjasa,  qui  engen- 
dra Amçumat,  qui  engendra  Dilîpa,  qui  eut  pour  fils  Bhagî- 
ratha.  De  celui-ci  descendirent  Baghu,  Aja,  Daçaratha. 
Huit  générations  plus  tard,  la  race  Solaire  produisit 
Licrhavi .  De  Licchavi  sortit  «  une  race  qui  est  l'unique  parure 
de  la  terre,  célèbre  dans  le  monde,  digne  du  respect  des 
plus  puissants  et  des  dieux  mêmes,  et  qui  porte  en  surplus 
le  nom  très  pur  de  Licchavi,  triomphante,  blanche  comme 
un  faisceau  de  croissants  de  lune,  pareille  au  cours  de  la 
Gangâ*  ».  Dans  la  suite  des  temps  cette  race  enfanta  à 
Puspapura  (Pâtaliputra)  le  vertueux  roi  Supuspa.  Sans 
s'arrêter  à  vingt-trois  rois  dans  l'intervalle,  on  arrive  à 
Jayadeva  le  victorieux,  séparé  par  onze  générations  de 
Vrsadeva. 

La  généalogie  rapportée  ici  n'est  pas  entièrement  d'ac- 
cord, dans  ses  parties  héroïques,  avec  les  Purânas. 
Visvagaçva  n'est  pas,  dans  le  Visnu-Purâna  par  exemple, 
le  petit-fils  de  Vikuksi,  mais  le  fils  de  son  arrière-petit- 
fils.  Entre  Visvagaçva  et  Sagara  s'écoulent,  non  pas  vingt- 
huit  générations,  mais  trente-deux,  d'après  le  même 
Purâna.  A  partir  de  Daçaratha,  la  bifurcation  est  définitive 
entre  la  tradition  pouranique  et  la  généalogie  officielle  du 


1.  Une  copie  de  cette  inscription  que  je  me  suis  procurée  au  Népal 
porte  clairement  aparam  au  vers  6  (svaccham  Licchavinâma  bibhrad  aparam 
vaqiçab)  au  lieu  d'aparo  que  Bhagvanlal  a  adopté.  —  La  blancheur  est 
la  couleur  de  la  gloire  :  d*où  les  comparaisons  avec  la  lune  et  avec  la 
Gangà,  qui  passe  pour  être  blanche,  elle  aussi. 


86  LE    NÉPAL 

Népal.  Râma  et  sa  postérité  sont  trop  populaires  sans 
doute  pour  que  Ton  ose  greffer  franchement  sur  leur 
rameau  une  branche  adventice.  La  chancellerie  complai- 
sante préfère  se  séparer  de  la  tige  principale  avec  Daça- 
ratha  et  sauter  hardiment  dans  Tinconnu  pour  aller  se 
raccrocher  après  un  intervalle  arbitraire  de  huit  généra- 
tions àLicchavi,  surgi  brusquement  on  ne  sait  d'où. 

Les  Purânas  brahmaniques  n'ont  pas  enregistré  le  nom 
de  Licchavi  ni  sa  filiation.  Ils  ont  à  Tenvi  organisé  le 
silence  autour  d'un  souvenir  trop  populaire  chez  les  héréti- 
ques pour  n'être  pas  compromis.  Mais  les  textes  bouddhi- 
ques et  jainas,  ont,  en  dépit  des  brahmanes,  sauvé  de 
Toubli  le  nom  de  la  famille  illustre  qui  gouvernait  Vaiçàli, 
la  plus  opulente  cité  de  Flnde,  au  temps  du  Bouddha  et  du 
Jina.  Les  Licchavis  y  avaient  établi  une  constitution 
qui  rappelle  un  peu  les  institutions  consulaires  de  Rome  ; 
le  roi,  secondé  par  un  vice-roi  et  par  un  général  en  chef, 
était  en  outre  assisté  par  les  Anciens  du  clan,  réunis  en 
assemblée  générale.  Située  entre  le  iMagadha  et  le  pays 
des  Mallas,  la  Vaiçâlî  des  Licchavis  combinait  harmonieu- 
sement les  institutions  de  ses  voisins,  monarchiques  au 
Sud,  oligarchiques  au  Nord.  Bouddhistes  et  Jainas  se  sont 
disputé,  dans  leurs  légendes  comme  dans  leur  activité 
réelle,  l'honneur  de  compter  les  Licchavis  au  nombre  de 
leurs  patrons  et  de  leurs  zélateurs.  Les  Licchavis  sollici- 
tent et  re(;oivent  des  reliques  du  Bouddha  après  la  cré- 
mation ;  d'autre  part,  en  apprenant  la  mort  du  Jina,  ils 
expriment  leur  deuil  par  une  illumination,  comme  un 
hommage  symbolique  à  «  la  lumière  de  l'intelligence  qui 
était  partie'  ».  Le  canon  jaina  énumère  les  Licchavis 
parmi  «  les ^o/r^^^  (familles)  renommés^  »  au  même  rang 

1.  Kalpa-Sûtra,  trad.  Jacobi  (Sacr.  Boohs  of  the  East,  XXll,  p.  266). 

2.  Sûtra-kriàngay  trad.    Jacobi  {Sacr.  Books  of  the   East,  XLV, 
p.  321). 


HISTOIRE    DU   NÉPAL  87 

que  le  clan  même  du  Jina,  que  les  Brahmanes,  que  les 
descendants  de  Kuru  et  d'iksvâku,  la  race  Lunaire  et  la 
race  Solaire  *.  Les  documents  ne  permettent  pas  de  suivre 
en  détail  les  vicissitudes  du  clan  Licchavi;  mais  au  iv*  siècle 
de  Tère  chrétienne,  la  famille  reparaît  brusquement  dans 
rhistoire  sans  avoir  rien  perdu  de  son  prestige.  Gandra 
Gupta  f,  le  fondateur  de  la  dynastie  impériale  des  Guptas, 
le  prédécesseur  et  le  père  du  glorieux  empereur  Samudra 
Ciupta,  obtient  une  épouse  du  clan  des  Licchavis,  et  tout 
puissant  qu'il  est,  il  tire  de  cette  alliance  un  orgueil  qu'il 
étale  à  plaisir  :  ses  monnaies  d'or  représentent  le  roi  et  la 
reine  côte  à  côte,  désignés  chacun  nommément  par  la 
légende  :  Candra  Gupta,  Kumâra-Devi^  et  au  revers  la 
légende,  qui  accompagne  une  figure  de  la  Fortune  assise, 
porte  :  Licchavayah  a  les  Licchavis  ».  Samudra  Gupta  à 
son  tour  se  glorifie  d'être  «  le  fils  d'une  fille  des  Liccha- 
vis »  {lÀcchavï'dauhiivd) ^  et  cette  mention  est  scrupuleuse- 
ment ajoutée  au  nom  de  Samudra  Gupta  dans  le  protocole 
épigraphique  de  toute  la  dynastie.  M.  Fleet,  suivi  par 
M.  Vincent  Smith,  avait  cru  que  les  Licchavis  alliés  aux 
Guptas  étaient  les  rois  Licchavis  du  Népal  ;  il  partait  de  là 
pour  supposer  que  l'ère  des  Guptas  était  d'origine  népa- 
laise. Rien  n'autorise  une  pareille  conjecture,  ni  du  côté 
népalais,  ni  du  côté  hindou  ^ 

Malgré  la  notoriété  du  clan  Licchavi,  malgré  son  pres- 
tige consacré  par  les  siècles,  la  rancune  tenace  des 
brahmanes  lui  assigne  dans  la  société  orthodoxe  un  rang 
infime.  Le  code  de  Manu  classe  les  IJcchavis  (X,  22)  avec 


1.  Ib.,  p.  339. 

2.  Tàranâthacite  un  prince  du  clan  Licchavi,  «  le  Lion  »(iSew5re) qui  pos- 
sédait un  grand  empire  dans  l'Inde  orientale  au  temps  où  naquit  Can- 
dra^omin,  donc  au  début  du  vn*^  siècle  (p.  146).  Le  petit-fils  de  ce  prince, 
Pancama-Sitpha,  fils  de  Bharsa,  commandait  dans  le  Nord  jusqu'au  Tibet 
(p.  158).  Cf.  peut-être  rÀdi-Siipha  du  Magadha  cité  dans  l'inscription 
de  Dudhpani,  Ep.  Ind,,  11,  344. 


88  LE    NÉPAL 

les  Mallas  et  les  Khaças,  justement  les  trois  noms  domi- 
nants de  Fhistoire  népalaise,  comme  les  tribus  issues  de 
ksatriyas  excommuniés  {vrâtyas)^  indignes  de  l'initiation 
par  la  Sàvitrî  '.  Nous  voilà  loin  de  la  généalogie  qu'étalait 
pompeusement  l'inscription  de  Jayadeva.  Les  textes 
bouddhiques  rapportent  une  légende  particulière  sur 
l'origine  de  la  famille  :  L'épouse  du  roi  de  Bénarès  accou- 
cha d'une  boule  de  chair,  rouge  comme  la  Heur  kin 
(hibiscus),  qu'elle  s'empressa  d'abandonner  au  courant  du 
Gange;  un  ermite  la  recueillit;  quinze  jours  après,  la 
boule  se  divisa  en  deux  ;  après  une  autre  quinzaine,  chaque 
moitié  produisit  cinq  placentas.  Quinze  jours  se  passèrent 
encore  ;  l'un  des  morceaux  devint  alors  un  garçon,  l'autre 
une  fille.  Le  garçon  était  de  couleur  jaune  comme  l'or;  la 
fille  était  blanche  comme  l'argent.  Par  la  force  de  la  com- 
passion, les  doigts  de  l'ermite  se  métamorphosèrent  en 
seins,  et  le  lait  pénétrait  à  l'intérieur  des  enfants  comme 
une  eau  limpide  dans  un  joyau  Mani;  comme  au  dedans  et 
au  dehors  l'éclat  était  égal,  l'ermite  donna  aux  enfants  le 
nom  de  Licchavi^.  D'autres  exégètes  interprétaient  ce  nom 

1.  BiJHLER  (r/ie  Laws  of  Manu,  1.  1.)  rétablit  avec  raison,  comme 
Lassen  avait  déjà  fait  avant  lui  (2nd.  AU.,  f^,  170,  note),  la  lecture 
Licchivi,  et  subsidiairement  Licchavi  au  lieu  de  NiHhivi  donné  par  la 
vulgate.  Au  reste,  les  commentateurs  se  partagent  entre  les  lectures 
LUchivij  Licchavi,  Licchakhi,  Nicchivi.  M.  Jolly  a  admis  dans  le  texte 
de  son  édition  la  lecture  Licchivi. 

2.  La  légende  est  ainsi  rapportée  dans  le  dictionnaire  d'Ekkô  s.  v.  Li- 
tche,  Li-tche-pi,  d'après  le  Cheu-lsoung-hi  (ou  plus  exactement  le  Seu- 
fan'liuchou-cheutsoung-i-hl)  glose  sur  le  commentaire  (chou)  du 
Dharmaguplavinaya  (Seu-fan-liu),  en  dix  ou  vingt  chapitres,  par  Ting- 
pin.  Le  Sin-tsitsang-hing  inisoci  han  Ion  de  K'o-houng,  conservé 
dans  la  collection  coréenne  et  imprimé  dans  l'édition  japonaise  du  Tri- 
pitaka  (XXXIX,  1-5)  donne  la  mémo  légende  en  résumé.  Une  légende 
analogue,  tirée  des  textes  du  Sud.  se  retrouve  dans  Spence  Hardy,  Mantial 
of  Budhism,  p.  2'i2,  n.  —  L'histoire  racontée  par  Fa-hien  à  propos  de 
la  «  Tour  dos  arcs  et  des  armes  déposés  »,  à  Vaiçâll,  n'est  évidemment 
qu'une  variante  de  la  même  tradition  :  une  des  femmes  du  roi  accouche 
sur  les  bords  du  Gange  d'une  boule  de  chair,  que  sa  rivale,  la  première 
reine,  fait  jeter  à  l'eau,  enfermée  dans  un  coffre.  Un  roi  recueille  le 


HISTOIRE   DU   NÉPAL  89 

par  ((  peau  mince  »  ou  encore  a  dans  la  même  peau  »,  en 
souvenir  de  l'origine  des  deux  enfants.  Toutes  ces  expli- 
cations se  fondent  sur  une  prétendue  étymologie,  popu- 
laire ou  savante,  qui  pensait  retrouver  dans  le  nom  des 
Licchavis,  le  mot  chavi  qui  signifie  à  la  fois  a  peau  », 
«  couleur  »  et  a  éclat  ».  F^e  conte  lui-même  met  en  œuvre 
un  thème  assez  banal  :  c'est  ainsi  que  dans  le  Mahâ-Bhârata 
(f,  115)  les  cent  (ils  de  Dhrtarâstra  naissent  d'une  boule 
de  chair  que  Gândhârî  par  impatience  a  prématurément 
expulsée. 

La  complaisance  et  l'adresse  des  généalogistes  évitèrent 
à  la  dynastie  des  Licchavis  népalais  un  choix  difficile 
entre  des  traditions  discordantes  :  Licchavi  Téponyme 
reste  suspendu  dans  le  vide,  entre  huit  rois  anonymes 
issus  de  Daçaratha  et  la  lignée  imprécise  de  rois  anonymes 
qui  aboutit  à  Supuspa  ;  ce  personnage,  inconnu  par  ail- 
leurs, semble  être  emprunté  aux  annales  légendaires  de 
Puspapura  «  la  Ville-aux-Fleurs  »,  autrement  dit  Pâtali- 
putra,  la  Palibothra  de  Mégasthène  et  des  Grecs.  Une  nou- 
velle série  de  vingt-trois  rois  anonymes  s'étend  de  Su- 
puspa à  Jayadeva,  qui  semble  considéré  comme  le 
fondateur  de  la  branche  népalaise.  Le  détour  est  assez 
compliqué  et  les  étapes  assez  obscures  pour  éveiller  la 
méfiance;  une  fiHation  authentique  aurait  mieux  jalonné 
ses  repères.  Après  les  Licchavis  du  Népal,  en  plein 
vu''  siècle  de  l'ère  chrétienne,  la  dynastie  tibétaine  que 
Srong-tsan  Gam-po  venait  de  fonder  et  qui  portait  encore  la 


coffre,  l'ouvre,  y  trouve  mille  enfants  ;  il  les  élève.  Devenus  grands,  ils 
envahirent  le  royaume  de  leur  père.  Mais  leur  mère,  pour  se  faire  recon- 
naître d'eux  et  pour  arrêter  leur  invasion,  monte  sur  un  pavillon,  presse 
ses  mamelles,  et  en  fait  jaillir  mille  jets  de  lait  qui  vont  tomber  dans  la 
bouche  de  ses  mille  fils  (trad.  Hémusat,  ch.  xxv).  —  D'après  la  Tlbe- 
tische  Lebensbeschreibung  Çâkyamunis  de  Schiefner,  citée  dans  Kern 
(Buddhismus,  trad.  Jacobi,  p.  312),  Tancètre  des  Licchavis  aussi  bien 
que  des  Mallas  était  un  petit-fils  de  Virûdhaka,  nommé  Vasi^tha. 


90  LE    NÉPAL 

marque  évidente  de  ses  origines  barbares  ne  prétendait 
pas  moins  se  rattacher  au  clan  des  Licchavis,  spécialement 
aux  Çàkyas  des  montagnes.  L'Eglise  bouddhique,  en  ser- 
vant leur  vanité  de  parvenus,  récompensait  leur  zèle  et  se 
les  attachait  plus  étroitement.  Déjà,  parle  même  procédé, 
elle  avait  fourni  aux  Mauryas  triomphants  une  généalogie 
qui  les  rattachait  aux  Çâkyas,  réfugiés  après  leur  dis- 
persion dans  THimalaya.  Le  Constantin  de  Tlnde  et  le 
Charlemagne  du  Tibet  cousinaient  dans  une  noblesse  de 
fantaisie  avec  les  Licchavis  du  Népal  ^ 

Les  prétentions  Solaires  des  rois  népalais  étaient  proba- 
blement plus  suspectes  encore  ;  elles  devaient  valoir  celles 
du  roi  de  Gourkha,  que  le  ràna  d'IIdaypur  refusa  de 
sanctionner  ^  Malgré  cet  échec  fâcheux,  les  rois  Gourkhas 
du  Népal  continuent  à  se  donner  pour  «  la  lignée  du 
Soleil  »  Surajbânsis  (forme  vulgaire  de  Sùrya-vamcis)  ;  les 
Surajbânsis  marchent  en  tète  du  clan  Sâhi,  le  premier  des 
clans  nobles  ou  Thâkurs.  Les  Gurungs  de  Darjiling,  qui 
sont  à  peine  hindouisés,  ont  un  clan  solaire  (Suraj-bânsi). 
Il  n'est  pas  jusqu'aux  tribus  mongoloïdes  du  Bengale  orien- 
tal qui  ne  réclament  ce  titre;  des  brahmanes  de  rencontre 
leur  ont  révélé,  moyennant  salaire,  leurs  lointaines  et 
brillantes  origines  :  leurs  ancêtres  étaient  des  ksatriyas 
authentiques;  mais  quand  Visnu,  sous  la  forme  de  Paraçu- 
Râma  vint  massacrer  à  vingt  et  une  reprises  les 
ksatriyas,  pour  venger  Thonneurde  la  caste  brahmanique, 
ils  se  sont  débarrassés  du  cordon  sacré  qui  les  désignait 
aux  fureurs  du  héros  divin.  En  1871 ,  ils  allèrent  demander 
à  leur  Zamindar  (propriétaire  et  administrateur  respon- 


1.  M.  Vincent  Smith  {Tibet an  Affinities  of  thc  LichchhainSy  dans 
Ind.  Antiq.,  XXXll,  1903,233  sqq.)asur  des  indices  bien  faibles  supposé 
que  les  Licèhavis  «  étaient  en  réalité  une  tribu  tibétaine,  qui  s'était  éta- 
blie dans  les  plaines  durant  les  temps  préhistoriques  ». 

2.  V.  sup.,  vol.  l,  p.  256  sq. 


HISTOIRE    DU    NÉPAL  91 

sable)  de  leur  restituer  le  cordon  brahmanique;  repoussés 
avec  nïépris,  ils  ne  se  rebutèrent  pas  ;  ils  appuyèrent  leur 
seconde  demande  d'une  offre  de  500  roupies  ;  la  troisième 
de  2  000  roupies,  et  ils  se  virent  exaucés.  Ils  se  sont  dès 
lors  organisés  en  tvohffotraSy  séparés  par  les  règles  d'exclu- 
sion matrimoniale,  ont  interdit  le  mariage  aux  veuves,  ont 
adopté  Tusage  des  mariages  précoces,  et  tendent,  par  un 
effort  continu,  à  se  rendre  dignes  de  cette  race  Solaire  oii 
le  bakchich  et  leur  persévérance  les  ont  introduits*. 

En  approchant  de  Thistoire  positive,  les  comphcations  et 
les  incertitudes  de  la  critique  viennent  troubler  la  belle  et 
simple  ordonnance  des  chroniques  de  fantaisie.  L'accord 
se  maintient  à  peu  près  entre  les  Vamçâvalis  jusqu'au  28** 
(ou  29')  prince  de  la  dynastie  Licchavi  : 

1.  Bhûmivarman  61  ans.  V.  (\V.  B.). 
Bhooiny  Burmah        41  ans.  K. 

2.  Candravannan  61  ans.  B.  V.  (W.). 
Chunder  Burmah        21  ans.  K. 

3.  Jayavarman  82  ans.  V.  B. 
Jay  Burmah  62  ans.  K. 
(«andravarman  (VV.  probablement  par  erreur). 

'i.     Varsavarman  61  ans.  V.  B. 

Barkhabarma  VV. 

Breesh-Burmah  57  ans.  K. 

5.  Sarvavarman  78  ans.  V.  B.  (W.). 
Surbo  Burmah  'i9  ans.  K. 

6.  Prthvivarman  76  ans.  V.  B.  (VV.). 
Puthi  Burmah  56  ans.  K. 

7.  Jyesthavarman  75  ans.  V.  B.  (W.). 
Jeest  Burmah  48  ans.  K. 

8.  liarivarman  76  ans.  V.  B.  (VV.). 

(9.)    Hurry  Burmah  —     K.  (mais  interverti  avec 

le  suivant.) 

9.  Kuveravarman  88  ans.  V.  B. 
(8.)    Koober  Burmah  76  ans.  K. 

10.     Siddhivarman  61  ans.  Y.  B.  (VV.). 

Sidhe  Burmah  —     K. 

1.  RiSLCY,  THbes  and  Castes  of  Bengal,  s.  v.  Surajbansis. 


92  LE    NÉPAL 

11.  Haridattavarman        81  ans.  V.  B.  (W.). 
Hurry  Dutt  Burmah    39  ans.  K. 

12.  Vasudatta  varman      83  ans.  V.  63  ans.  B.  (W.). 
Basso  Dutt  Rhurmah  33  ans.  K. 


13. 

Pativannan 

53  ans.  B.  (W.). 

Pativarsavaniian 

V. 

Sreeputtry 

3  ans.  R. 

14. 

Çivavrddhivarrnan 

54  ans.  B.  65  ans.  V. 

(W.). 

Seobreddy 

77  ans.  K. 

15. 

Vasantavannan 

61  ans.  B.  V.  (W.). 

Bussunt  Deo 

K. 

16. 

Çivavannan 

62  ans.  B.  (W.). 

Çivadevavarnian 

67  ans.  V. 

- 

Deo 

57  ans.  K. 

(lÔbis.) 

R  udrade  vavannan 

66  ans.  B.  (W.). 

17. 

Vrsadevavarman 

61  ans.  B.  V.  (W.). 

Brikh  Deo 

57  ans.  K. 

18. 

Çahkaradeva 

65  ans.  B.  V.  (W.). 

Sunker  Deo 

50  ans.  K. 

19. 

Dhariiiadeva 

59  ans.  B.  51  ans.  V 

•  (W.) 

Bhiirma  Deo 

51  ans.  K. 

20. 

Mànadeva 

49  ans.  B.  V.  (W.). 

iMaun  Deo 

39  ans.  K. 

21. 

Mahldeva 

51  ans.  B. 

Mahàdeva 

36  ans.  V.  (W.). 

Mahe  Deo 

51  ans.  K. 

22. 

Vasantadeva 

36  ans.  B.  V.  (W.). 

Bussunt  Deo 

56  ans.  K. 

23. 

IJdayadevavarinan 

35  ans.  B.  37  ans.  V. 

(W.). 

Oodey  Deo 

47  ans.  K. 

Vi. 

Mànadeva  (11) 

35  ans.  B.  V.  (W.). 

Maun  Deo  (11) 

45  ans.  K. 

25. 

Guoakàmadeva 

30  ans.  B.  (W.). 

Sunakâmadeva 

20  ans.  V. 

Sookauni 

50  ans.  K. 

26. 

Çivadevavarman 

51  ans.  B.  V.  (W.). 

Seo  Deo 

41  ans  6  mois.  K. 

27.  Narendradevavarman  42  ans.  B.  V.  (W.). 
Nurrender  Deo  34  ans.  K. 

28.  Bhlmadevavarman      36  ans.  B.  V.  (W.). 
Bhein  Deo  Burmah      16  ans.  K. 

Durée    totale  :    B.    1779  ans.  —    V.    1698    ans.   — 
K.  1  428  ans,  6  mois. 


HISTOIRE    DU   NÉPAL  93 

Le  premier  prince  de  la  dynastie  Sûryavamçi  ou  Licchavi 
(ou,  selon  la  Vamçâvalîde  Kirkpatrick,  Théritier  direct  de 
la  lignée  de  Nimisa),  Bhûmivarman  monta  sur  le  trône 
en  1389  du  Kali-yuga  (B.  V.  W.).  Cette  date,  qui  corres- 
pond à  Tan  1712  av.  J.-C,  ne  cadre  pas  exactement  avec 
les  indications  des  Vamçâvalîs  sur  la  durée  des  dynasties 
antérieures,  mais  il  faut  reconnaître  aussi  qu'elle  s'en 
écarte  de  peu.  Les  années  des  Kirâtas  et  des  Somavamçis 
additionnées  donnent  1  118-f-3ol  =  1469  (d'après  B. 
et  V.),  et  de  ce  total  il  faut  déduire  le  règne  du  premier 
Kirâta,  Yalamba(ra)  qui  précède  le  Kali-yuga;  reste  en  gros 
1  450  ans,  avec  un  excédent  de  60  ans  environ  sur  la  date 
assignée  à  Bhûmivarman.  11  n'entre  pas  dans  ma  pensée 
(je  tiens  à  préciser  ce  point)  de  traiter  ces  dates  comme 
des  chiffres  authentiques  ;  il  s'agit  de  suivre  h  la  piste  les 
procédés  des  auteurs  de  Vamçâvalîs  dans  leurs  construc- 
tions chronologiques.  La  date  de  l'avènement  de  Bhûmi- 
varman est  sohdaire  de  la  date  assignée  à  l'établissement 
ou  à  la  restauration  de  Paçupati  sous  Paçupreksa  deva, 
en  1234  K.  Y.  (B.  W.),  ou  1239  (V.),  encore  que  Tune 
s'agence  assez  mal  avec  l'autre.  L'intervalle  entre  elles  est 
de  155  (ou  150,  V.)  ans  ;  et  cependant  Paçupreksa  deva  et 
Bhûmivarman  sont  séparés  par  un  seul  règne,  long,  il  est 
vrai,  de  88  (V.)  ou  74  (K.)  ans!  Sans  doute  les  Hindous 
sont  trop  peu  soucieux  de  la  chronologie  pour  se  piquer 
d'y  introduire,  même  quand  ils  l'inventent,  la  vraisem- 
blance et  la  logique  ;  mais  ces  deux  dates,  rapprochées 
l'une  de  l'autre  et  surgissant  en  contours  précis  au 
milieu  des  siècles  nébuleux  qui  les  enveloppent,  semblent 
se  fonder  sur  des  faits  positifs  ;  elles  représentent  la  tra- 
duction inintelligente  ou  infidèle,  en  années  du  Kali-yuga, 
de  dates  exprimées  originellement  dans  une  autre  ère.  J'ai 
déjà  montré,  par  des  exemples  authentiques,  comment  les 
dates  réelles  risquaient  de  se  transformer  par  des  inter- 


94  LE   NÉPAL 

versions  de  chiffres,  et  comment  les  dates  traditionnelles 
représentaient  des  combinaisons  arbitraires  de  chiffres 
réels.  On  pourrait  être  tenté  —  mais  c'est  une  hypothèse 
qui  exige  les  plus  prudentes  réserves  —  d'observer  ainsi 
que  les  nombres  1 234  et  \  389  présentent  comme  éléments 
communs  les  chiffres  3  et  1  :  et  on  pourrait  restituer  en 
leur  place  3124  et  3189  K.  Y.,  par  exemple,  qui  corres- 
pondraient à  23  et  88  de  Tère  chrétienne  et  qui  s'harmoni- 
seraient fort  bien  avec  Tépoque  de  l'ère  Licchavi  telle  que 
j'ai  cru  pouvoir  la  calculer.  L'installation  de  la  première 
dynastie  hindoue  au  Népal  rappellerait  alors  par  une 
analogie  séduisante  l'installation  ultérieure  des  autres 
dynasties  hindoues  dans  le  pays.  Comme  la  conquête  mu- 
sulmane rejeta  dans  l'Himalaya  les  rois  brahmaniques  du 
Téraï  et  les  Rajpoutes  insoumis  qui  préparèrent  la  gran- 
deur de  Gourkha,  l'invasion  des  tribus  scythiques  dans  la 
vallée  du  Gange,  aux  environs  de  l'ère  chrétienne,  dut 
refouler  dans  la  montagne  encore  h  demi  barbare  les  prin- 
ces dépossédés  avec  leur  cortège  d'aventuriers  valeureux. 
Les  inscriptions  attestent  que  Mathurâ  était  au  pouvoir  des 
Kouchans;  les  Murundas,  venus  aussi  des  steppes  loin- 
taines, régnaient  dans  la  glorieuse  capitale  de  l'Inde,  à 
Pâtalipulra\  Et  c'est  de  Pâtaliputra  que  la  tradition  offi- 
cielle fait  venir  au  Népal  Jayadeva,  le  descendant  de 
Licchavi.  Ce  Jayadeva,  séparé  de  Vrsadeva  par  onze  règnes 
d'après  l'inscription  de  Paçupati,  est  probablement  le 
Jayavarman  des  Vamcjâvalîs,  le  troisième  des  Sûryavamçis 
et  le  petit-fils  de  BhAmivarman,  séparé  de  Vrsadeva  par 
un  intervalle  de  treize  règnes.  Les  chiffres,  de  part  et 
d'autre,  sont  en  rapport  étroit  :  les  Vamçàvalts  ont  pu  intro- 
duire dans  leurs  listes,  qui  se  présentent  toujours  comme 


1.  V.  Sylvain  Lévi,  Deif.v  peuples  7néconnus,  dans  les  Mémoires 
en  Vhonneur  de  Ch.  de  Hurlez,  176  sqq. 


HISTOIRE   DU   NÉPA.L  95 

le  tableau  d'une  filiation  continue,  les  noms  de  deux  prin- 
ces qui  n'ont  pas  régné,  mais  qu'il  fallait  rappeler  pour 
garantir  la  transmission  légitime  du  pouvoir. 

La  plupart  des  rois  mentionnés  jusqu'à  Vrsadeva  ne 
sont  guère  plus  que  des  noms.  Bhûmivarmau  (1)  aurait 
transporté  la  résidence  royale  à  Bâneçvara.  Jayavar- 
man  (3)  ou  Jayadeva  (varman  ;  cf.  pour  cette  alternance 
de  formes  le  nom  de  (16)  Çivavarman  ou  Çivadevavarman) 
est  désigné  dans  l'inscription  de  Paçupati  comme  «  le  Vic- 
torieux »  {vijaytri),  soit  par  allusion  à  son  nom,  soit  pour 
rappeler  la  victoire  qui  aurait  valu  le  trône  à  la  race  des 
Licchavis.  Haridatta  varman  (H)  semble  avoir  seul  laissé 
des  souvenirs  précis  ;  le  témoignage  unanime  des  Vamçâ- 
valîs  le  représente  comme  le  zélateur  de  Nàrâyana  ;  il  a 
fondé  le  temple  de  Çikhara-Nârâyana  (K.),  ou  encore  il  a 
déterré  et  remis  au  jour  l'image  de  Jalaçayana-Nâràyana 
(W.),  ou  bien  il  a  édifié  les  quatre  temples  les  plus  illus- 
très  consacrés  à  Nàrâyana  :  Cangu,  Caifiju,  Icangu, 
Çikhara  (B.  V.).  L'épigraphie  vient  à  l'appui  de  la  tradition  : 
une  inscription  d'Amçu varman,  à  Harigaon\  attribuant 
une  donation  à  Jalaçayana,  prouve  que  ce  culte  est  anté- 
rieur auxTliâkuris. 

Immédiatement  avant  Vrsadeva,  les  Vamçâvalîs  de 
Wright  et  de  Bhagvanlal  insèrent  un  roi  Rudradeva  varman 
qui  manque  aux  autres  documents.  Sous  ce  prince,  un 
natif  de  Kapilavastu,  Sunayaçrî  Miçra,  se  serait  rendu  à 
Lhasa  pour  s'instruire  auprès  des  Lamas  ;  puis  il  aurait 
passé  du  Tibet  au  Népal,  se  serait  établi  à  Palan,  et  y 
aurait  fondé  le  Yampi  bihàr  au  Nord  de  la  ville,  près  du 
caitya  d'Açoka:  deux  de  ses  disciples,  Govardhana  Miçra 
et  Kàçyapa  Miçra,  seraient  venus  de  Kapilavastu  pour  le 
rejoindre,  et  auraient  à  leur  tour  fondé   chacun  un  cou- 

1.  V.  inf. 


96  LE    NÉPAL 

vent  :  le  Kontî  bihâr  et  le  Pintâ  bihâr.  La  mention  de 
Lhasa  trahit  Tanachronisme.  Lhasa  ne  fut  fondée  qu'au 
vil*  siècle  ;  le  Tibet  au  temps  de  Vrsadeva  était  encore 
barbare  et  fermé  au  bouddhisme.  Le  roi  Rudradeva  a  été 
introduit  ici  par  confusion  ;  si  la  tradition  qui  met  Su- 
nayaçrî  Miçra  en  rapport  avec  Rudradeva  contient  une  part 
de  vérité,  il  s'agit  peut-être  du  Rudradeva  qui  dans  les 
Vamçâvalîs  précède  les  premiers  Mallas  auxquels  il  est 
apparenté  et  qui  a  laissé  une  réputation  de  bouddhiste 
fervent. 

((  Vrsadeva  était  très  pieux  ;  tous  les  jours  il  nourrissait 
Vajra-yoginî  avant  de  prendre  ses  repas.  Il  répara  le  caitya 
de  Dharmadatta,  au  coin  N.-O.  de  Paçupati  et  bâtit  plu- 
sieurs vihâras  pour  servir  de  résidence  aux  bhiksus  » 
(Wright,  il 7).  L'épigraphie  est  d'accord  avec  la  Vamçâ- 
valî.  L'arrière-petit-fils  de  Vrsadeva,  Mânadeva,  dans  son 
inscription  de  Ghangu  Narayan,  célèbre  son  aïeul  en  ces 
termes  :  «  Le  roi  incomparable  qu'on  appelait  Vrsadeva, 
majestueux  et  puissant,  était  fidèle  à  sa  parole  ;  on  l'aurait 
pris  pour  le  Soleil  {Savitar)  avec  ses  rayons  lumineux,  à  le 
voir  entouré  de  ses  fils  éminemment  nobles,  savants,  fins, 
constants,  l'àme  instruite  au  devoir  ».  Jayadeva,  à  Paçu- 
pati, dit  de  même  :  «  C'était  un  roi  célèbre  que  Vrsadeva, 
un  prince  excellent  ;  il  aimait  avant  toul  la  doctrine  du 
Sugata  (Bouddha)  ».  Il  dut  à  sa  piét(^  de  revenir  miracu- 
leusemenl  h  la  vie  et  Yama,  Timpitoyable,  alla  même 
jusqu'il  blâmer  ses  pourvoyeurs  trop  zélés  d'avoir  pris 
dans  leurs  lacs  un  homme  si  vertueux.  Après  sa  résur- 
rection, il  éleva  une  image  de  Dharmarâja  Lokeçvara 
près  du  Matirâjya-caitya,  àPatan,  et  dressa  un  Pafica- 
buddha  près  de  Godâvarî.  Le  culte  de  Balbala,  qui  le  pre- 
mier ouvrit  le  sol  à  la  culture,  date  de  cette  époque.  Le 
frère  de  Vrsadeva,  Bâlârcana,  était  son  émule  en  piété  et 
en  vertu  ;  mais,  moins  heureux  que  lui,  il  vécut  assez  pour 


HISTOIRE    pr    NÉPAL  97 

assister  au  triomphe  de  Çankarâcârya  et  à  la  ruine  du 
bouddhisme;  il  dut  se  laisser  raser  la  tête,  perdit  le  cordon 
brahmanique,  et  fut  marié  de  force  à  une  religieuse.  La 
légende,  je  Tai  déjà  indiqué,  n'a  pas  d'autre  motif  que  le 
nom  porté  par  le  successeur  de  Vrsadeva  :  Çarikara  deva. 
Mais  le  nom  de  Çankara  deva,  comme  le  nom  de  Vrsadeva 
et  tant  d'autres  noms  royaux,  est  simplement  une  des 
appellations  sectaires  où  s'exprime  le  zèle  du  Népal  pour 
le  culte  de  Çiva. 

Çankaradeva  I  a  laissé  un  souvenir  assez  pâle.  L'inscrip- 
tion de  Paçupati  se  contente  de  le  nommer  comme  le 
fils  de  Vrsadeva  ;  la  s  tance  qui  lui  est  consacrée  dans 
l'inscription  de  Changu  Narayan  est  très  vague  :  «  Le  fils 
de  Vrsadeva,  qui  s'appelait  Çankaradeva,  gouvernait  un 
empire  prospère  ;  il  était  invincible  à  ses  ennemis  dans 
les  combats,  libéral,  sincère;  son  courage,  sa  libéralité, 
sa  dignité,  lui  valurent  une  gloire  abondante.  Il  surveillait 
la  terre,  tel  qu'un  lion  ».  Le  temple  de  Paçupati  reçut  de 
ce  prince  d'importantes  donations  :  un  triçûla  de  fer, 
dressé  à  la  porte  Nord  ;  un  linga,  le  Virâteçvara,  au  Sud, 
près  de  la  rivière  ;  une  image  de  Nandi  à  la  porte  Ouest. 
Tous  ces  monuments  subsistent  encore,  malheureusement 
sans  inscription  commémorative.  Le  couvent  de  Mayûra- 
varna,  à  Patan,  fut  aussi  fondé  par  Çankaradeva,  en 
faveur  du  brahmane  Jayaçrî. 

Dharmadeva,  fils  de  Çankaradeva,  a  était  un  prince  res- 
pectueux de  la  loi  ;  ses  actes  se  conformaient  à  la  loi  ;  la 
loi  était  sa  propre  personne  ;  il  cherchait  à  discipliner  son 
àme;  ses  mérites  étaient  excellents;  il  avait  hérité  légitime- 
ment d'un  puissant  royaume,  transmis  par  une  suite  d'an- 
cêtres, et  il  retendit  légitimement  par  sa  sagesse  politique. 
Il  brillait  avec  les  rayons  de  son  énergie,  qui  avaient  la 
puissance  des  formules  magiques;  son  cœur  était  pur 
comme  son  corps;  ce  prince  de  la  terre  avait  l'éclat  de  la 

U.  —  : 


08  LE    NÉPAL 

Lune  »  {Inscr,  de  Changu  Narayan),  Ce  panégyrique  n'est 
qu'une  paraphrase  du  nom  de  Dharma-deva,  formé  de 
dharma  «  la  loi  ».  D'après  Kirkpatrick,  c'esl  Dharmadeva 
qui  a  dédié  à  Façupati  la  grande  statue  dorée  du  taureau 
Nandi,  installée  devant  la  porte  d'entrée  du  temple;  il  passe 
également  dans  certaines  légendes  pour  le  fondateur  de 
SyambunathV 

Dharmadeva  eut  pour  successeur  son  fils,  Mânadeva. 
Mânadeva  le  Sûryavamçi  fait  assez  maigre  figure  dans  la 
Vamçâvalî.  ((  On  dit  qu'il  bâtit  le  Khâsâ-caitya  (Budhnath). 
11  bâtit  le  Cakra-vihâra,  près  du  Matirâjya-caitya,  à  Patan  ; 
le  nom  complet  de  ce  monastère  est  :  Mànadeva-samskâ- 
rita-cakra-mahâ-vihâra  ».  La  Vamçâvalî  de  Kirkpatrick 
ajoute  ((  qu'il  eut  une  entrevue,  dit-on,  avec  le  dieu  Sum- 
bhoo  (Svayambhû)  auquel  il  éleva  un  temple  ».  Ici  déjà  la 
légende  envahit  l'histoire  ;  elle  s'est  si  bien  développée 
qu'elle  a  fini  par  dédoubler  Mânadeva.  Elle  a  inventé  un 
autre  prince  du  même  nom,  fils  du  roi  mythique  Vikmântî; 
ce  prince,  parricide  par  obéissance,  édifia  le  temple  de 
Budhnath  pour  expier  son  crime  involontaire  ;  il  composa 
en  outre  un  hymne,  resté  populaire,  en  l'honneur  des 
Trois  Joyaux  bouddhiques.  Sa  mère,  cependant,  avait  gou- 
verné le  peuple  avec  une  grande  justice,  si  bien  que  tout 
était  rempli  de  ses  louanges.  Elle  bâtit  nombre  de  monu- 
ments, et  en  dernier  lieu  consacra  une  image  de  Nava- 
Sâgara  Bhagavati,  due  h  l'artiste  qui  avait  déjà  fait  la  Bha- 
gavatî  de  Palanchauk  et  la  Sobhâ-Bhagavatî.  Plus  tard, 
sous  Çankara-deva  (11)  le  Thâkuri,  le  peuple,  effrayé  par 
l'aspect  terrible  de  cette  image,  l'enfouit  et  la  couvrit  de 
pierres. 

Les  documents,  en  assez  grand  nombre,  permettent 
d'analyser  au  moins  en  partie  la  légende.  La  mère  de 

1.  Kirkpatrick.  p.  189. 


HISTOIRE    DU    NÉPAL  90 

Mânadeva,  qui  s'est  imposée  au  souvenir  capricieux  des 
annalistes,  tranche,  par  sa  personnalité  vigoureuse,  sur  ce 
long  défilé  de  personnages  sans  relief.  L'inscription  du 
pilier  de  Cliangu  Narayan,  gravée  par  ordre  de  Mânadeva, 
est  presque  tout  entière  consacrée  à  la  gloire  de  la  reine- 
mère  :  «  Dharmadeva  eut  une  épouse  de  race  pure  et  do 
pure  dignité,  la  très  excellente  Râjyavatî;  on  aurait  dit  la 
Laksmî  (Fortune)  de  cet  autre  Hari  (Visnu).  Quand  il  eut 
illuminé  Tunivers  des  rayons  de  sa  gloire,  ce  souverain 
s'en  alla  au  triple  ciel,  comme  s'il  fût  allé  dans  un  jardin 
de  plaisance.  Et  elle  resta  alors  abattue,  consumée,  agi- 
tée, ...  languissante,  elle  qui  se  plaisait  avant  son  veuvage 
;i  nourrir  les  dieux  en  des  rites  réguliers.  Cette  reine 
Kâjyavatî,  qu'on  appelle  la  femme  du  monarque,  ne  sera 
en  fait  que  Çrî,  attachée  h  lui  pour  le  suivre  fidèlement 
sous  cet  autre  aspect*,  elle,  en  qui  est  né  ici-bas  le  héros 
irréprochable,  Mânadeva  le  roi,  de  qui  le  charme  ne  cesse 
point  de  rafraîchir  le  monde,  pareil  h  la  lune  d'automne. 
S'en  étant  retournée,  la  voix  entrecoupée  de  sanglots,  sou- 
pirant longuement,  le  visage  en  larmes,  elle  dit  tendre- 
ment à  son  fils  :  ((  Ton  père  est  parti  au  Ciel.  Ah!  mon 
fils  !  maintenant  que  ton  père  a  disparu,  qu'ai-je  besoin  de 
respirer?  Exerce  la  royauté,  mon  cher  fils  !  moi,  je  vais 
suivre  la  voie  de  mon  époux  !  Qu'ai-je  h  faire  des  chaînes 
de  l'espérance,  qui  sont  faites  des  mille  manières  de  goû- 
ter le  plaisir,  pour  vivre  sans  mon  époux,  puisque  le  temps 
d'être  ensemble  passe  comme  un  songe  illusoire  !  Je  vais 
partir,  dit-elle  ».  Alors,  son  fils,  affligé  de  la  voir  ainsi,  ap- 
puyant tendrement  sa  tête  sur  les  pieds  de  sa  mère,  lui 
adressa  cette  prière  :  «  Qu'ai-je  à  faire  des  plaisirs,  qu'ai-je 
à  faire  des  joies  de  la  vie,  si  je  suis  séparé  de  toi  ?  C'est  moi 


l.  Lire  tadâlokântarâ"  au  lieu  de  tadâ  lokàntarà'^  comme  fait  Bhag- 
vanlai,  au  vers  7. 


100  LK    NÉPAL 

qui  mourrai  le  premier,  et  lu  partiras  ensuite  au  Ciel.  »  Posé 
dans  le  lotus  de  sa  bouche,  mêlé  aux  larmes  de  ses  yeux, 
le  lacs  de  ces  paroles  filiales  la  retint  enchaînée  comme  une 
oiselle  prise  au  filet.  Et  avec  son  fils  vertueux  elle  s'occupa 
en  personne  des  cérémonies  des  funérailles,  Tesprit  tout 
purifié  parla  vertu,  Taumône,  la  mortification,  le  jeûne,  les 
pratiques  volontaires,  et  distribuant  toute  sa  fortune  aux 
brahmanes  pour  augmenter  les  mérites  de  son  époux,  elle 
semblait  au  milieu  de?  rites,  —  tant  elle  l'avait  au  cœur  — 
être  Arundhatî  elle-même.  Et  son  fils,  vigoureux  d'énergie, 
d'héroïsme, de  constance, patient,  affectueux  pour  ses  sujets, 
qui  agit  et  ne  se  vante  pas,  qui  sourit  en  parlant,  qui  toujours 
le  premier  adresse  la  parole,  valeureux  sans  orgueil,  par- 
venu au  comble  de  la  connaissance  du  monde,  ami  des  pau- 
vres et  des  orphelins,  accueillant  aux  hôtes,  dissipant  la 
retenue  chez  ceux  qui  le  sollicitent,  manifestant  sa  réelle 
virilité  par  son  adresse  méritoire  à  se  servir  des  armes 
d'attaque  et  de  défense,  aux  bras  puissants  et  gracieux,  la 
peau  tendre  et  lisse  comme  de  l'or  travaillé,  les  épaules 
charnues,  rivahsant  par  ses  yeux,  avec  l'épanouissement 
des  lotus  en  fleur,  est  comme  l'Amour  incarné  ;  il  est  une 
fête  pour  les  coquetteries  des  aimées.  «  Mon  père,  se  dit-il, 
a  paré  la  terre  opulente  de  beaux  piliers  dressés;  j'ai 
reçu  l'initiation  à  la  mode  des  ksalriyas,  par  les  combats 
et  les  batailles  ;  je  vais  partir  bien  vite  en  campagne  vers 
la  région  orientale  pour  détruire  mes  ennemis,  et  j'instal- 
lerai des  rois  qui  soient  dociles  h  mes  ordres  ».  Et  s'incli- 
nant  devant  sa  mère  dont  la  tristesse  se  dissipait,  il  lui 
[)arla  ainsi  :  «  0  manière,  je  ne  puis  pas  m'acquitter  envers 
mon  père  par  des  austérités  sans  tache  ;  je  ne  puis  que 
servir  humblement  ses  pieds  par  les  rites  des  armes  où  je 
suis  compétent.  Je  vais  partir  !  »  Et  la  mère  du  roi,  toute 
joyeuse,  lui  donna  congé.  11  s'en  alla  parla  route  de  l'Est; 
l«»s  vassaux  félons  qui  commandaient  h  l'Esl  s(»  prosterné- 


HISTDIRtC    Dr    NÉPAI 


reni,  courbèrent  la  tête  el  laissèrent  glisser  les  guirlandes 
de  leur  front;  il  les  réduisit  au  respect  de  son  autorité  sou- 


Vi^im  taluLnl  lus  trois  pas.  —  image  consacrée  jxir  le  roi  Mai» 
en  l'honneur  de  sa  miire  Hijj'avall.  (Hameau  de  LBJaii[iat.) 


veraine.  l'uis,  sans  petir,  comme  un  lion  <|ui  porte  une 
crinière  épaisse  et  formidable,  il  s'en  alla  vers  la  terre  occi- 
dentale. Il  apprit  que  son  vassal  s'\  conduisait  niai:  alors 


102  LE    NÉPAL 

remuant  la  têle,  el  touchant  lentement  son  bras  qui  sem- 
blait une  trompe  d'éléphant,  il  dit  résolument  :  «  S'il  ne 
vient  pas  à  mon  appel,  mon  héroïsme  saura  l'amener  à 
l'obéissance.  Mais  à  quoi  bon  de  longues  phrases  qui  ne 
servent  h  rien? Peu  de  mots  suffisent.  Aujourd'hui,  même, 
ô  mon  oncle,  frère  chéri  de  ma  mère,  traverse  la  Gandakî, 
émule  do  l'Océan  en  largeur,  en  accidents  de  surface,  en 
agitation,  où  l'eau  roule  en  vagues  dans  d'affreux  tourbil- 
lons. Avec  des  centaines  de  chevaux  et  d'éléphants  capa- 
raçonnés, je  traverse  la  rivière  et  je  suis  ton  armée  ».  Sa 
décision  prise,  le  souverain  tint  jusqu'au  bout  sa  promesse. 
11  conquit  la  ville  du  Malla,  puis  retourna  lentement  dans 
son  pays,  l'âme  joyeuse,  et  donna  une  richesse  inépuisable 
aux  brahmanes.  Et  Râjyavatî,  la  reine  vertueuse,  enten- 
dit son  fils  lui  dire  d'une  voix  ferme  :  «  Et  toi  aussi,  ma 
mère,  si  lu  as  le  cœur  heureux,  fais  de  dévotes  dona- 
tions !  » 

La  mère  de  Mânadeva,  Hâjyavalî,  ne  cesse  point  d'être 
au  premier  plan  dans  le  cours  de  cette  longue  inscription. 
Son  panégyrique  rejette  dans  l'ombre  l'éloge  funèbre  de 
son  époux  défunt  el  balance  le  panégyrique  du  roi  régnant. 
A  la  mort  de  Dharmadeva,  c'est  elle  qui  appelle,  comme 
par  un  choix  personnel,  Mânadeva,  son  fils,  au  trône  et 
qui  lui  remet  le  pouvoir,  L'entrevue  de  la  mère  et  du  fils 
rappelle  la  scène,  dépeinte  avec  une  concision  pittores- 
que dans  l'inscription  du  pilier  d'Allahabad,  où  Candra 
(iuplal  désigne  en  présence  de  ses  courtisans,  agités  d'émo- 
tions diverses,  Samudra  Oupta  comme  l'héritier  de  la  cou- 
ronne. ((  r/est  un  noble,  dit-il  en  l'embrassant,  son 
émotion  trahie  par  un  duvet  hérissé  ;  la  cour  respirait 
d'aise,  et  ses  égaux  de  naissance  levaient  sur  lui  des  re- 
gards fanés  ;  l'œil  frissonnant  d'émotion,  alourdi  de  larmes, 
perspicace,  son  père  le  regardait  et  il  lui  dit  :  Gouverne 
donc  lu  terre  entière!  »  (1.  7).  Mais  '\c'\  la  mère  et  le  fils  oc- 


HISTOIRE    !)['    NÉPAL  103 

cupent  seuls  la  scène,  et  leurs  discours  se  poursuivent  avec 
une  abondance  extrêmement  rare  dans  Tépigraphie  hin- 
doue. La  mère,  — Agrippine  ou  Blanche  de  Castille? — veut 
suivre  son  époux  dans  la  mort  et  ne  renonce  au  bûcher 
que  devant  les  objurgations  de  son  fils.  Elle  vit  pour  être 
le  conseiller  vénéré  et  avisé  du  nouveau  roi  ;  associée  au 
pouvoir,  elle  approuve  les  entreprises  militaires  de  son 
fils  ;  elle  désigne  son  propre  frère,  comme  général  en 
chef;  Mànadeva  n'échappe  à  sa  mère  que  pour  passer  sous 
la  tutelle  de  son  oncle  maternel.  Et  quand  il  revient 
victorieux  de  ses  campagnes,  Ràjyavalî  n'entend  pas  con- 
fondre ses  donations  pieuses  avec  les  donations  de  son 
fils.  Elle  a  ses  brahmanes  et  ses  temples,  ses  pauvres  et 
surtout  ses  obligés. 

Le  pilier  de  Changu  Narayan  est  daté  du  mois  de  jyaistha 
386.  Onze  mois  plus  tard,  en  vaiçàkha  387,  une  image  de 
Visnu  est  dédiée  en  faveur  delà  reine-mère  Ràjyavatî  «  en 
vue  d'accroître  ses  mérites  ».  La  formule  a  un  caractère 
plutôt  funéraire;  elle  donne  h  croire,  mais  sans  l'établir 
sûrement,  que  Ràjyavatî  était  morte  dans  l'intervalle.  Le 
monument  qui  lui  est  consacré  est  un  bas-relief  qui  repré- 
sente VisnU  sous  son  aspect  de  Trivikrama  quand  il  couvrit 
le  monde  en  trois  enjambées;  autour  de  lui  «  dieuv  et 
saints  adorent  l'unique  protecteur  du  monde  des  créatu- 
res ».  Le  style  de  l'œuvre  est  violent,  presque  brutal;  les 
Népalais  d'aujourd'hui  croient  y  reconnaître  Vajrayoginî, 
une  des  formes  tantriques  de  la  déesse  Devî.  La  Vam('âvalî 
rapporte  de  son  côté  qu'une  image  due  à  la  mère  de  Màna- 
deva, la  Nava-Sâgara  Bhagavatî  inspirait  aux  passants  une 
terreur  insupportable. 

L'affection  filiale,  qui  semble  être  un  trait  essentiel  du 
caractère  de  Mànadeva,  a  également  produit  la  longue 
inscription,  fâcheusement  anonyme,  du  pilier  de  Harigaon. 
L'auteur,  inconnu,  s'adresse  au  saint  l)vaipâyana,    plus 


104  LE    NÉPAL 

populaire  sous  le  nom  de  Veda-Vyâsa;  il  exalte  sa 
science,  sa  sagesse,  ses  mérites,  les  services  rendus  au 
monde  qu'il  a  instruit  dans  la  pratique  des  devoirs,  puis 
son  hymne  achevé,  il  sVcrie  :  «  J'arrange  comme  je  puis 
une  parole  bien  frêle.  Toi,  veuille  impartir  ici  le  bonheur 
à  mon  père  !  »  L'analogie  du  sentiment,  de  la  langue,  du 
caractère,  du  monument  même  rapproche  le  pilier  de 
Harigaon  du  pilier  de  Changu  Narayan.  Le  pilier  de  Ha- 
rigaon  porte  précisément  une  statue  de  Garuda,  le  Gbangu 
népalais,  la  monture  de  Visçu  associée  à  son  culte  sur  la 
colline  de  Changu-Narayan.  C'est  aussi  une  image  de 
Visnu  que  iMânadeva  consacre  h  l'accroissement  des  méri- 
tes de  sa  mère  Râjyavatî.  Ainsi  Mânadeva  semble  témoi- 
gner une  réelle  prédilection  en  faveur  du  vichnouisme, 
comme  Haridatta  avait  fait  déjà,  plusieurs  générations 
avant  lui.  Mais  les  traditions  qui  lui  attribuent  une  entre- 
vue avec  Svayambhû  et  l'édification  du  temple  de  Budh- 
nath  donnent  à  penser  que  sa  dévotion  n'avait  rien  de 
sectaire  ni  d'exclusif. 

Le  nom  même  de  Mânadeva  évoque  un  culte  d'une 
nature  énigmatique.  Chez  les  rois  népalais,  et  spéciale- 
ment parmi  les  Licchavis,  les  noms  sont  souvent  emprun- 
tés aux  mille  vocables  du  dieu  Çiva  ;  Vrsadeva,  Çankara- 
deva,  Çivadeva,  Rudradeva,  etc.  D'autres  ont  un  caractère 
vichnouite  :  Harivarman,  Haridatta  ;  d'autres  dérivent  des 
divinités  secondaires  :  Vasanta,  Kàma,  etc.  Mais  le  mot 
màna^  dans  le  nom  de  Mânadeva,  semble  être  complète- 
ment étranger  au  lexique  religieux  ;  le  sanscrit  possède 
bien  le  mot  mâna  ;  il  a  même  sous  cette  rubrique  deux 
homonymes,  différents  d'origine  et  de  sens;  l'un  tiré  de 
la  racine  ma  «  mesurer  »  signifie  :  la  mesure;  l'autre,  de 
\h  v'AQÀiKi  rnan  <(  penser  »  signifie  :  la  haute  estime  de  soi. 
Ces  deux  notions  n'ont  aucun  rôle  personnel  dans  le  pan- 
théon hindou.  Faut-il  inter|)nHer  ainsi  :  (le  roi)  qui  a  pour 


HISTOIRE    DU    NÉPAL  1 0o 

dieu  le  sentiment  de  sa  valeur  ?  Si  le  mot  mâna  paraît 
dans  les  noms  royaux,  il  entre  aussi  dans  des  noms  de 
saints  ou  de  savants*;  les  Jainas  comptent  parmi  leurs 
docteurs  Mânatunga  Suri,  Mânalunga  Àcàrya;  un  hymne 
célèbre  de  cet  âcàrya,  le  Bhaklâmara-stotra,  s'achève 
sur  un  calembour  qui  semble  éclairer  la  valeur  de  mdna 
dans  Tonomastique  : 


tam  mânatuhgam  atmçd  samupaiti  Iaksmîh, 

«  Qui  s'exalte  dans  le  sentiment  de  sa  personne  {on  :  ce 
Mânatunga),  la  Fortune  le  suit,  qu'elle  le  veuille  ou  non  !  » 
Peut-être  est-ce  la  devise  qui  convient  comme  paraphrase 
au  nom  de  Mânadeva.  Quoi  qu'il  en  soit,  lancé  par  le  roi 
Mànadeva  ou  recueilli  par  lui,  le  mot  mdna  laisse  une 
longue  empreinte  dans  le  passé  du  Népal.  Après  Mâna- 
deva 1",  le  Licchavi,  le  nom  de  Mânadeva  reparaît  encore 
deux  fois  dans  les  listes  dynastiques  :  une  fois  chez  les 
Licchavis,  quatre  générations  plus  tard  ;  une  autre  fois, 
chez  les  seconds  Thâkuris,  peu  de  temps  avant  les  Mallas. 
Longtemps  après  les  Licchavis,  au  xiv*  et  au  xv'  siècle  de 
Fère  chrétienne,  les  Mallas  continuent  à  vénérer  comme  une 
divinité  tutélaire,  en  l'associant  au  glorieux  Façupati, 
une  déesse  mystérieuse  a  qui  leur  a  accordé  la  faveur  de 
sa  protection  »,  et  cette  déesse  est  Mdneçvarî,  la  Notre- 
Dame  de  Mâna*.  La  formule   s'éclaire   plus   nettement 


1.  Au  iNépal  même,  un  gomin,  ancêtre  du  roi  Jisnugupta,  porte  le 
nom  de  Mànagupta. 

2.  çrî  Mdneçvarîvaralabdhapraidpa...  (Jayaslhiti  Mal  la,  Nev.  S., 
506);  ms.  (Cambridge,  Add.,  1698;  —  ""varalabdhaprasddila...  (Jyoti- 
malla,  Nev.  S.,  533);  Inscr..  n"  16  de  Bhagvanlal.  —  rrimanmànecva- 
ris(a  devatd-vara-labdha-prasâda  (charte  de  Jayaprakàra  Mal  la  Nev. 
862  en  faveur  des  Capucins;  v.  sup.,  vol.  L  p.  110,  note.  —  rri  Ganda- 
kii:aralabdfcaprnx(ida...  Nev.  S.,  512;  ms.  Cambridge,  .Vdd.,  1108. 


106  LE    NÉPAL 

encore,  quand  on  voit  un  Thâkuri  de  Nayakot  à  la  même 
époque  se  présenter,  dans  les  mêmes  termes,  comme  le 
protégé  de  Gandaki.  La  Gandakî,  qui  baigne  de  ses  flots 
Nayakot,  est  naturellement  la  suzeraine  de  la  vallée  qu'elle 
donne  en  fief  aux  princes  de  son  choix  ;  Màneçvarî  dis- 
pose de  la  vallée  du  Népal. 

Le  mot  Mâna  se  retrouve  aussi  dans  le  nom  du  palais 
qui  sert  de  résidence  à  la  dynastie  Licchavi  :  Mâna- 
grha  «  la  maison  de  Màna  »,  soit  que  MânadevaTait  fon- 
dée, soit  que  Màneçvari  la  protège.  Une  inscription  d'Am- 
çuvarman  à  Harigaon  mentionne  le  couvent  de  Mâna 
{çrl-Mdna-vihârà)  et  le  linga  de  Mâneçvara^  auxquels  le 
roi  attribue  des  donations.  Le  successeur  d'Amçuvarman, 
Jisnugupta,  a  pour  aïeul  un  certain  Mâna-gupia,  Enfin, 
une  série  de  monnaies  anciennes  du  Népal,  en  cuivre, 
portent  comme  légende  :  Mândhka  «  (monnaie)  à  la 
marque  de  Màna  ».  Elles  représentent  à  la  face  une  divi- 
nité assise  sur  un  trône  de  lotus,  la  main  gauche  posée 
sur  la  hanche,  la  droite  levée  avec  les  doigts  étendus; 
l'attitude  suggère  une  figure  bouddhique,  comme  Ta  indi- 
qué M.  Bendall.  Au-dessus,  en  beaux  caractères  Guptas  : 
Çrî  Bhogini  (Cunningham)  ou  Çrî  Bhagïni  (Bendall).  Le 
revers  montre  un  lion  en  marche  vers  sa  droite,  avec  un 
pied  de  lotus,  une  fleur  et  un  oiseau  sur  le  champ.  La 
légende,  en  caractères  Guptas,  porte  :  Çrî  Mânâhka\ 
M.  Cunningham  n'a  pas  essayé  d'expliquer  ces  légendes; 
M.  Bendall  signale  le  rapport  de  la  formule  Mânânka 
avec  Mànadeva  et  Mànagrha,  mais  d'une  manière  assez 
inattendue  il  interprète  çrt  hliaf/ini  comme  une  inscription 
commémorative,  destinée  à  rappeler  la  dédicace  d'un 
linga  par  Bhogadevî,  sœur  {hhaginï)  du  roi  Amçuvarman. 


1.  (IrNMMiiuM,  Coins  of'Xncient  India,  p.  116  et  planche  XIU,  fig.  1  ; 

—  r>KM»Au,,  z.  1).  M.  a..  XXXVI,  p.  gôi. 


HISTOIRE    D[T    NÉPAL  107 

C'est  grossir  démesurément  rimporlance  d'une  fondation 
fort  qanale;  on  est  en  droit  d'être  surpris  que  le  roi 
Amçuvarman,  qui  frappe  ordinairement  h  son  nom,  se  soit 
effacé  dans  la  circonstance,  et  n'ait  pas  même  mentionné 
le  nom  de  sa  sœur,  comme  il  l'a  fait  dans  l'inscription 
commémoralive.  En  fait  la  lecture  fW  hhoginl  semble  cer- 
taine. Bhoyini  appartient  bien  h  la  langue  des  cours  ; 
d'après  les  lexiques  d'Amara  ef  de  Hemacandra,  il  désigne 
les  épouses  du  roi,  à  l'exception  de  celle  qui  a  reçu  le 
sacre;  celle-ci  s'appelle  mahisL  D'après  Bharata,  la  bhoginî 
est  une  épouse  de  second  rang  qui  a  bon  caractère,  peu 
d'orgueil,  point  de  fierté,  de  la  douceur,  de  la  modestie 
et  de  la  patience  \  Mais  on  s'attend  peu  à  voir  figurer  ce 
titre  sur  une  monnaie  et  moins  encore  sans  un  nom  de 
personne.  Bhoginî  a  grande  chance  d'être  le  nom  d'une 
divinité ^  qui  serait  justement  la  figure  représentée.  Le 
Hon  à  droite,  en  marche,  avec  la  queue  retroussée,  se 
retrouve  sur  d'autres  monnaies  népalaises,  d'Amçuvarman, 
de  Jisnugupta. 

Les  numismates  (Cunningham,  Rapson)  sont  d'accord 
pour  signaler  dans  la  facture  générale  des  monnaies  ancien- 
nes du  Népal  un  rapport  avec  le  monnayage  de  cuivre  des 
Yaudheyas,  qui  formaientlonglemps  une  confédération  puis- 
sante de  tribus  ksatriyas  dans  le  Màlava  et  que  le  puissant 
Rudradàman,  roi  Ksatrapa  du  Suràstra,  se  glorifie  d'avoir 
vaincus  (vers  150  de  J.-C).  L'un  et  l'autre  monnayage  est 
indépendant  du  monnayage  des  Guptas,  et  sort  directe- 
ment du  monnayage  de  cuivre  des  Kouchans.  La  formule 
Mànânka  semble  attester  au  contraire  une  influence 
Gupta.  Ce  sont  les  Guptas  qui  paraissent  avoir  mis  à  la 
mode  les  appellations  de  ce  type  :  Samudra  Gupta  marque 

1.  Nâd/a-çâslra,  éd.  Kàvyamâlâ,  XXIV,  28  (=llall,  XXXIV,  29). 

2.  Pput-être  en  rapport  avec  le  clan  des  Mankharis,  d'après  l'analogie 
des  noms  :  Bliugavannan,  lUiogadevî. 


108  LE    NÉPAL 

sa  monnaie  du  mot  parâkrama  «  marche  triomphante  », 
et  dans  son  inscription  d'Allahabad  il  prend  (1.  17).  le 
titre  de  parâkramdhka  a  (le  roi)  qui  a  pour  marque  parâ- 
krama ».  Son  successeur  Candra  Gupta  U  afifecte  une 
prédilection  pour  le  mot  vikrama  a  héroïsme  »  et  frappe 
sur  une  série  de  ses  monnaies  la  légende  :  vikramâhka 
((  (le  roi)  qui  a  pour  marque  vikrama'  ».  Le  procédé  a 
trouvé  au  Népal  d'autres  imitateurs  :  une  série  de  mon- 
naies analogues  aux  Mânànka  portent  la  légende  Gundhka^. 
La  face  présente  une  divinité  assise  dans  la  même  attitude 
que  sur  les  Mânànka  ;  au  revers,  un  éléphant  tourné  vers 
sa  gauche  propre.  Les  Gunânka  sont  manifestement  la 
frappe  d'un  Gunadeva,  comme  les  Mânànkas  de  Mànadeva; 
les  Vamçâvalis  placent  justement  un  Guna(kàma)  deva 
cinq  règnes  après  Mànadeva  1",  et  le  nom  du  roi  Gana 
(Guna)  deva  se  lit  sur  une  inscription  du  v'  siècle  samvat, 
à  Kisipidi. 

Puisque  le  roi  Mànadeva  m'a  amené  à  parler  des  ancien- 
nes monnaies  du  Népal,  je  signalerai  ici  aussi  les  mon- 
naies à  la  marque  de  Paçupati  qui  sont  de  beaucoup  les 
plus  abondantes  puisqu'elles  forment  à  elles  seules  la 
moitié  des  anciennes  monnaies  du  Népal  actuellement 
connues.  Une  de  ces  pièces  a  été  trouvée  à  Mahâbodhi, 
dans  la  statue  du  Bouddha  du  nouveau  Vajràsana;  une 
autre  a  été  trouvée  dans  un  petit  stûpa  voisin  ^  ;  d'autres 
encore,  soustraites  par  des  ouvriers  au  cours  des  excava- 
tions, ont  été  acquises  au  bazar  de  Gaya,  voisin  de  Mahâ- 
bodhi. Ce  sont  évidemment  des  pèlerins  néj)alais  qui  les 
avaient  apportées  et  laissées  en  offrande  au  temple.  Les 


1.  (îf.  encore  VQ.\\)v^^s\otigarut7nad-ah){a  dans  i'ins<Tip.  de  Samudra 
Gupta  à  Allahabad,  l.  '1\. 

2.  Pour  ces  nrîonnaies,  et  aussi  pour  relies  de  Paçupati,  rf.  Cr!SM\r,îî\M. 
loc.  Laud. 

3.  (lr\M>r.iivM,  Mahâbodhi.  p.  2'i. 


HISTOIRE   nn   NÉPAL  109 

autres  pièces  anciennes  du  Népal  entrées  aujourd'hui  dans 
les  collections  publiques  ou  privées  viennent  d'un  vieux 
temple  écroulé  à  Katmandou;  on  les  a  tirées  des  décom- 
bres ;  les  manuscrits  les  plus  anciens  du  Népal  ont  la  même 
provenance.  Que  d'occasions  analogues  ont  été  perdues! 
Les  Capucins  du  xvni^  siècle  laissèrent,  entre  autres, 
échapper  une  chance  unique.  Le  P.  Giuseppe  rapporte  en 
détail  Tévénement  : 

((  A  Test  de  Cathmandou,  à  la  distance  d'environ  deux 
ou  trois  milles,  il  y  a  un  endroit  nommé  Tolou,  baigné  par 
une  petite  rivière  dont  la  superstition  a  consacré  les  eaux. 
On  y  porte  les  gens  d'une  condition  élevée,  lorsqu'on  les 
croit  en  danger  de  mourir.  Ce  lieu  renferme  un  temple  qui 
ne  le  cède  en  rien  aux  plus  riches  de  ceux  qu'on  voit  dans 
les  capitales.  La  tradition  rapporte  qu'en  deux  ou  trois 
endroits  du  royaume  du  Népal,  des  trésors  précieux  sont 
enfouis  dans  la  terre;  les  habitants  sont  persuadés  que 
Tolou  est  de  ce  nombre,  mais  à  Texception  du  roi,  il  n'est 
permis  à  personne  de  faire  usage  de  ces  trésors  et  le  roi 
lui-même  ne  peut  s'en  servir  que  dans  une  nécessité 
urgente.  Voici  la  manière  dont  on  dit  qu'ils  ont  été  accu- 
mulés :  Lorsque  les  offrandes  avaient  enrichi  un  temple, 
on  le  détruisait  et  on  creusait  sous  terre  des  caveaux  pro- 
fonds, les  uns  au-dessous  des  autres,  où  Ton  déposait  l'or, 
l'argent,  le  cuivre  doré,  et  tous  les  objets  précieux.  Pen- 
dant mon  séjour  dans  le  royaume  du  Népal,  Gainpréjas 
(Jaya  Prakâça),  roi  de  Cathmandou,  ayant  le  plus  pressant 
besoin  d'argent  pour  payer  ses  troupes,  afin  de  résister  à 
Prithivînàràyan,  ordonna  de  chercher  les  trésors  de  Tolou. 
Après  avoir  creusé  à  une  grande  profondeur,  on  parvint  à 
la  première  voûte,  d'où  l'on  tira  la  valeur  d'un  lak  de 
roupies  en  cuivre  doré.  Gainpréjas  solda  ses  troupes  avec 
cette  somme.  On  trouva  aussi  quantité  de  petites  figures 
en  or  ou   en  cuivre  doré,    que   les  ouvriers  chargés  de 


1  10  LE    NÉPAL 

l'excavation  emportèrent  secrètement.  J'ai  la  certitude 
positive  de  ce  fait.  Un  soir  que  je  me  promenais  seul  dans 
la  campagne,  un  pauvre  que  je  rencontrai  m'offrit  la  figure 
d'une  idole  en  or  ou  en  cuivre  doré  qui  pouvait  peser  cinq  ou 
six  roupies  sikkahs,  et  qu'il  tenait  sous  son  bras  avec  précau- 
tion :  mais  jela  refusai.  Les  agents  de  Gainpréjas  n'avaient 
pas  encore  tout  à  fait  vidé  le  premier  caveau  quand  l'ar- 
mée de  Prithivînâràyan  arriva  à  Tolou,  s'empara  du  lieu 
où  le  trésor  était  déposé  et  ferma  la  porte  du  caveau  après 
avoir  remis  en  place  tout  le  cuivre  qu'on  avait  enlevé  à 
l'extérieur.  »  Pendant  la  même  guerre,  des  soldats  de 
Prithi  Narayan  qui  s'étaient  retranchés  sur  la  colline  de 
Syambunath  «  en  creusant  les  fossés  qui  avoisinent  les 
tombeaux,  trouvèrent  de  grands  morceaux  d'or,  les  grands 
du  Tibet  ayant  l'usage  de  se  faire  enterrer  avec  une  grande 
quantité  de  ce  métaP  ».  Les  vieilles  pièces  de  monnaie 
rentrées  en  circulation  clandestine  ou  publique  n'y  restè- 
rent pas  longtemps;  Prithi  Narayan,  une  fois  maître  du 
pays,  fit  verser  de  force  au  Trésor  la  monnaie  d'or  et 
d'argent  et  la  refrappa  tout  entière,  si  bien  que  trente  ans 
plus  tard,  Hamilton  ne  put  pas  se  procurer  à  Katmandou 
des  pièces  antérieures  aux  Gourkhas^ 

Les  monnaies  au  nom  de  Paçupati  présentent  des  types 
très  variés  ;  leur  module,  de  21  à  22  millimètres,  est  infé- 
rieur de  peu  aux  Màuâniva  (24""")  et  aux  Gunànka  (23"""); 
leur  poids  va  de  G«',15  à  9«',85,  en  passant  par  les  intermé- 
diaires 7«^40,  8«%20,  8«^30,  9«^72,  tandis  que  les  Mà- 
nànka  pèsent  i2«%76,  et  les  Gunànka  12^63  et  9^46. 
Toutes  ces  monnaies  sont  de  bronze.  Le  caractère  essen- 
tiel des  Paçupati,  comparés  aux  frappes  personnelles 
(iVlànànka,  Gunànka,  monnaies  d'Amçuvarman,  de  Jisnu- 


1.  Description,  p.  352  sq.  et  p.  355. 

2.  Hamilton,  p.  214. 


HISTOIRE    DU    NÉPAL  i  1  1 

gupta,  de  Vaiçravana)  est  qu'ils  représentent  une  unité  de 
valeur  moindre,  environ  les  trois  quarts  des  autres.  Us 
répondent  à  peu  près  exactement  aux  paisâs  actuels  du 
Népal.  La  face  des  Paçupati  montre  fréquemment  le  tau- 
reau de  Çiva,  iNandi,  soit  accroupi,  soit  debout  ;  parfois  il 
est  remplacé  par  le  trident  de  Çiva,  le  triçùla^  dressé  et 
traversé  en  croix  par  une  hache;  souvent  aussi,  on  y  voit 
figurer  un  personnage  assis,  en  des  attitudes  variées,  et  qui 
porte  une  couronne.  Au  revers  tantôt  le  disque  du  soleil 
avec  des  rayons  étoiles,  tantôt  un  vase  d'où  s'élève  une 
branche  fleurie.  La  légende,  Paçupati,  en  caractères  G uplas, 
est  tantôt  disposée  sur  une  ligne  horizontale,  tantôt  répartie 
en  syllabes  symétriques  autour  du  motif  central,  trident 

ou  vase  de  fleurs  :  —  — . 

PA  TI 

Le  nom  de  Mâna  survit  eucore  actuellement  au  Népal  ; 
il  désigne  un  des  clans  Thakurs,  autrement  dit  un  clan 
reconnu  de  sang  royal'.  Il  y  voisine  avec  les  Mallas, 
héritiers  d'un  autre  titre  dynastique  que  nous  trouve- 
rons dans  la  suite  de  l'histoire  népalaise.  Peut-être  le 
nom  de  Mànadeva  est-il  emprunté  à  Téponyme  du  clan 
Mâna. 

Outre  les  deux  inscriptions  de  Mànadeva  que  j'ai  déjà 
étudiées,  et  qui  datent  de  386  et  387,  il  existe  encore  deux 
dédicaces  particulières  qui  remontent  à  son  règne  :  Tune 
découverte  par  Bhagvanlal  (n"  2)  est  gravée  sur  une  pierre 
carrée,  qui  formait  jadis  la  base  d'un  linga,  à  Paçupati,  et 
qui  sert  aujourd'hui  de  base  au  trident  érigé  par  Çankara- 
deva  I".  ((  Jayavarman  à  l'âme  pure  a,  grâce  à  la  faveur 
des  pieds  du  souverain.  Sa  Majesté  Mànadeva,  en  l'an  413, 
dressé  avec  dévotion  un  linga  dénommé  Jayeçvara,  pour  le 


t.  Vansittart,  p.  81:  Hodgson  le  mentionne,  Essays,  part.  H.  p.  'i3, 
sous  la  forme  Maun  (=  Màna  :  cf.  Nepaul  --  Nepâla). 


1 1 2  LE    NÉPAL 

bien  du  monde  avec  le  souverain  et  il  a  fondé  une  rente 
perpétuelle  pour  le  culte  de  ce  vénérable  linga.  »  La 
dédicace  s'ouvre  par  un  vers,  en  mètre  vasanta-tilakâ. 
L'autre  inscription,  que  j'ai  trouvée  à  Katmandou,  est 
tracée  sur  le  socle  d'une  statue  disparue,  et  remplacée 
depuis  par  un  Mahâkâla  :  a  En  l'an  402,  tandis  que  le  roi 
iMànadeva  gouverne  sagement  la  terre,  le  quinzième  jour 
de  la  quinzaine  claire,  au  mois  d'Asâdha,  le  chef  d'une 
compagnie  de  marchands  Guhamitra  a  érigé  par  dévotion 
un  saint  Divâkara  sous  le  nom  d'Indra  —  un  champ  dans 
la  localité  de  Yathâgûmpadçum,  et  une  terre  de  la  mesure 
d'un  pindaka.  »  Sauf  l'indication  du  terrain  donné,  l'ins- 
cription est  en  vers  anustubh.  La  dédicace  du  Visnu- 
I  •  •  •  • 

Trivikrama  de  Râjyavatî  forme  une  stance  sragdharâ; 
l'inscription  du  pilier  de  Changu  Narayan  est  un  véritable 
poème  en  çârdûla-vikrîdita;  l'inscription  du  pilier  de 
Harigaon  combine  les  mètres  les  plus  comphqués.  La 
culture  du  sanscrit  est  donc  très  florissante  au  Népal  sous 
Mânadeva;  le  roi  donne  brillamment  l'exemple,  et  les  par- 
ticuliers s'efforcent  de  le  suivre.  Le  panégyrique  de  Changu 
Narayan  est  vraiment  classique  de  style;  l'expression  n'y 
est  jamais  ampoulée  ;  le  lexique  en  est  simple  et  sain  ;  les 
composés  les  plus  longs  ne  dépassent  pas  six  termes,  et 
atteignent  rarement  ce  nombre.  Si  la  httérature  est  en 
honneur  au  Népal  sous  Mânadeva,  le  commerce  y  pros- 
père aussi.  Guhamitra,  qui  dédie  le  Bhagavat  Indra- 
Divâkara,  porte  le  titre  de  banijdni  sûrthavâha,  chef  d'une 
compagnie  de  marchands  et  directeur  de  caravanes.  Les 
échanges  entre  Tlnde  et  le  Tibet  enrichissaient  le  royaume 
et  alimentaient  un  trafic  régulier.  L'histoire  des  T'ang, 
dans  sa  notice  sur  le  Népal  rédigée  sur  des  documents 
chinois  du  vu''  siècle,  note  que  h  les  marchands  tant 
ambulants  qu'établis,  y  sont  nombreux  ».  L'influence  hin- 
doue est   assez   profonde  pour   s'exercer  jusque  sur  les 


HISTOIRE    DU    NÉPAL  113 

noms  des  marchands  :  le  nom  du  sârlhavâha  Guhamitra 
est  formé,  comme  le  nom  du  sârlhavâha  Dhanamih'a,  par 
exemple,  dans  Çakuntalâ  (acl^  VI),  avec  le  mol  mitra 
c(  ami  »;  le  nom  du  dieu  Guha,  lout  belliqueux  qu'il 
est  à  Torigine,  n'en  est  pas  moins  associé  plus  d'une  fois 
à  des  noms  de  marchands,  témoin  Guhacandra  el  Guha- 
sena  dans  la  Brhalkathâ  (Somadeva  et  Ksemendra).  Le 
culte  de  Visnu  Nârâyana  est  en  faveur  dans  la  famille 
royale  (ChanguNarayan,  Visnu-Trivikrama,  piHer  de  Hari- 
gaon?),  mais  Paçupati  n'est  pas  négligé  (linga  de  Jaya- 
varman).  La  divinité  composite  érigée  et  adorée  par  Guha- 
mitra est  d'un  syncrétisme  embarrassant  :  Divftkara,  le 
Soleil,  occupe  sans  doute  une  place  éminente  dans  la  reli- 
gion oflîcielle  ;  son  image  paraît  sur  un  grand  nombre  de 
monnaies.  Indra,  de  son  côté,  est  un  des  protecteurs  du 
Népal. 

Le  royaume  des  Licchavis,  au  temps  de  Mânadeva, 
s'étend  au  dehors  de  la  vallée,  vers  l'Est  et  vers  TOuest; 
à  l'Ouest  il  dépasse  même  le  cours  de  la  Gandaki  el  en- 
globe la  forteresse  des  Mallas.  L'organisation  du  royaume 
est  toute  féodale  :  le  domaine  royal,  confiné  sans  doute 
dans  la  vallée,  est  entouré  de  vassaux  indociles,  qui  préten- 
dent échapper  à  l'autorité  souveraine,  et  qui  la  reconnais- 
sent seulement  lorsqu'elle  s'impose  parla  force  des  armes. 
On  avait  pu,  sur  la  foi  de  documents  incomplets,  s'imagi- 
ner qu'à  l'époque  de  Mânadeva  le  royaume  népalais  était 
partagé  entre  deux  dynasties  parallèles,  les  Licchavis  à 
l'Est,  les  Thakuris  à  l'Ouest  ;  les  derniers  vers  du  pilier  de 
Changu  Narayan,  rendus  à  la  science  par  le  zèle  éclairé 
du  Maharaja  Bir  Sham  Sher,  ruinent  définitivement  cette 
opinion.  Mânadeva  était  bien  le  maître  unique  de  tout  Je 
Népal.  Les  dates  connues  de  son  règne  sont  comprises,,  si 
mon  hypothèse  sur  l'ère  des  Licchavis  est  exacte,  entre 
497  et  524  J.-C;  ou,  si  on  préfère  les  interpréter   par 

II.  —  8 


\  i 4  LE    NÉPAL 

Tère  Çaka,  entre  464  et  49i  J.-C.  Dans  les  deux  cas, 
Mànadeva  règne  à  la  fin  du  v*  siècle,  au  moment  où  l'em- 
pire des  Guptas  s'effondre,  ébranlé  par  la  poussée  victo- 
rieuse des  Huns  Blancs. 

Le  Népal  n'eut  pas  à  subir  le  contre-coup  de  celte 
crise  ;  Tempire  des  Guptas  n'avait  pas  réussi  à  l'absorber 
ni  à  l'entamer.  Le  panégyrique  de  Samudra  Gupta  classe 
le  Népal,  avec  son  voisin  ordinaire  le  Kâmarûpa,  avec  le 
Samatata  (Bouches-du-Gange)  et  les  pays  énigmatiques 
de  Davâka  et  de  Karlrpura,  dans  le  groupe  des  royau- 
mes frontières  {pratyantà)  «  qui  payaient  le  tribut  en 
totalité,  exécutaient  les  ordres  et  venaient  se  prosterner 
devant  le  souverain  pour  satisfaire  son  autorité  impé- 
rieuse ».  C'est  un  groupe  à  part,  distinct  des  rois  qui 
furent  «  pris  et  relâchés  »,  des  rois  qui  furent  «  vigoureu- 
sement exterminés  »,  et  des  princes  étrangers  ou  barbares 
qui  échangèrent  des  ambassades  avec  l'empereur  Gupta. 
Le  rang  attribué  aux  royaumes  «  frontières  »  dans  la  classi- 
fication impériale  marque  un  hen  de  vassalité  très  lâche, 
une  soumission  amiable  consentie  sans  résistance,  qui 
laisse  l'autonomie  intacte.  Au  temps  des  Grands  iMogols, 
les  mômes  conditions  établirent  des  relations  du  même 
genre  entre  le  darbar  népalais  et  la  cour  de  Delhi.  Le  roi 
(le  Katmandou  donnait  tous  les  ans  un  éléphant  comme 
tribut  h  l'empereur;  il  lui  offrait  à  l'occasion  de  menus 
préH(»nls,  allait  même  parfois  jusqu'à  lui  rendre  visite. 
L'iMnpereur,  en  retour,  autorisait  la  frappe  d'une  monnaie 
d'iirf^enl  népalaise;  mais  l'action  du  Mogol  ne  s'exerça  jamais 
Hur  In  torriloirodu  Népal.  Les  Gourkhas,  à  leur  tour,  entre- 
liunrHMit  aujourd'hui  avec  l'empire  de  Chine  des  relations 
aUdloguos  ;  leurs  ambassades  vont  tous  les  cinq  ans  porter 
If  tribut  (Ml  Kilsdu  Ciel;  chaque  nouveau  souverain  solli- 
rlln  n*Hpnctueusoment  de  son  suzerain  chinois  une  inves- 
liliiK'   ntHninalc;   la  Cour  de  Pékin  expédie  en  retour  de 


HISTOIRE    DU    NÉPAL  115 

politesse  des  brevets  et  des  titres  d'honneur;  mais  un  fonc- 
tionnaire chinois  serait  mal  venu  s'il  prétendait  s'immiscer 
dans  les  affaires  du  pays.  Les  Licchavisne  se  comportèrent 
pas  autrement  avec  les  Guptas:  ils  se  prêtèrent  à  des 
formantes  vaines,  mais  ils  ne  cédèrent  rien.  11  aurait 
fallu  d'autres  circonstances  pour  introduire  au  Népal 
l'ère  des  Guptas;  l'adoption  d'une  ère  étrangère  exprime 
pour  l'Hindou  la  soumission  définitive  et  la  perte  de  la 
liberté. 

Au  reste,  le  terme  de  a  royaumes-frontières  »  {pratijanUi) 
employé  dans  le  panégyrique  do  Samudra  Gupta  est  une 
expression  consacrée,  qui  définit  avec  précision  des  rap- 
ports officiels.  xM.  Fleet  a  tort  de  dire  que  le  mot  peut 
s'appliquer  «  soit  aux  rois  à  l'intérieur  des  frontières  du 
Népal,  etc.,  c'est-à-dire  aux  rois  de  ces  pays,  qui  sont  voi- 
sins; soit  aux  rois  en  dehors  des  frontières  de  ces  pays;  et 
alors  selon  l'interprétation  qu'on  adopte,  on  décidera  si 
l'empire  de  Samudra  Gupta  comprenait  ces  pays,  ou  bien 
s'il  s'étendait  jusque  là  et  s'il  les  avait  pour  limites*  ». 
Déjà  l'empereur  Açoka  emploie  dans  un  de  ses  édits  (Gir- 
nar.  II,  2)  la  même  expression,  et  il  en  définit  clairement 
la  valeur  :  il  oppose  au  domaine  impérial  (vijitd)  les  pays 
frontières  {pracamta^=i pratyantà)  parmi  lesquels  il  cite  les 
Godas,  les  Pândyas  et  Antiochus,  roi  des  Grecs,  qui  n'était 
assurément  pas  le  vassal  d'Açoka;  M.  Senart  observe 
justement  que  la  catégorie  des  pracamtas  «  représente  les 
peuples  étrangers,  complètement  indépendants  de  Piya- 
dasi  »  (II,  254).  A  l'époque  classique,  le  dictionnaire 
dVVmara  (II,  1,  7)  (i\\A\(\uQ^  pratyanta  par  Mleccha-deça 
((  les  pays  barbares»,  en  contraste  avec  ilSfarfAyarf^pac  l'Em- 
pire du  Milieu »,rHindoustan. L'astronome Varâha-Mihira^ 
au  Vi*  siècle,  énumère  comme  les  populations  pr«/ya/i/âfi 

l.  Gupta  Inscrips.,p.  14,  n.  1. 


H  6  LE    NÉPAL 

(Brhat-Samhilâ,  XVI,  38)  les  Pahlavas  ou  Sassanides,  les 
Çvela-Hûnas  ou  Huns  Blancs,  les  Avagâna  ou  Afghans,  le 
Maru  ou  d('?serl,  les  Cînas  ou  Chinois  ;  dans  deux  autres 
passages  (V,  31;  IX,  17)  le  coninienlateur  glose  pra- 
tyantâh  par  gahvara'Vdsinah,  les  Troglodytes.  Ainsi,  au 
point  de  vue  brahmanique  \es  prait/anias  sont  les  peuples 
restés  en  dehors  des  frontières  de  la  civilisation,  comme 
au  point  de  vue  politique  les  pralyantas  sont  situés  en 
dehors  du  domaine  impérial,  au  delà  des  frontières.  Le 
Népal  n'avait  donc  pas  été  absorbé  dans  l'empire  de 
Samudra  Gupta;  la  chute  des  Guptas  put  le  laisser  indif- 
férent. 

Le  successeur  de  Mîlnadeva  n'est  connu  que  de  nom: 
l'inscription  de  Pa(:upali  l'appelle  Mahideva:  Kirkpatrick 
le  nomme  Mahe  Deo  et  lui  donne  un  règne  de  51  ans;  les 
autres  Vamçâvalîs  l'appellenl,  par  confusion,  Mahàdeva  au 
lieu  de  Mahîdeva,  et  lui  donnent  un  règne  de  51  ans  ou 
de  36  ans.  Les  deux  chitTres  sont  certainement  erronés  ; 
Mânadeva  régnait  encore  en  413,  et  Vasantasena  règne 
en  435.  L'intervalle  entre  ces  deux  dates  est  de  ii  ans,  le 
règne  de  Mahîdeva  n'a  pu  dépasser  ce  chiffre  d'années,  et 
lui  est  probablement  inférieur.  Mahideva  était  le  fils  de 
Mânadeva;  il  eut  pour  successeur  son  fils  Vasantadeva  ou 
Vasantasena. 

Ce  prince  au  nom  idyllique  n'en  sut  pas  moins  imposer 
le  respect  et  la  crainte.  «  Aimé  du  monde  à  l'égal  du 
printemps  (vasania)^  il  apaisa  les  discordes  hostiles  ;  ses 
vassaux  domptés  l'adoraient  »  {Inscr.  de  Jayadevaà  Paçii- 
patï).  Les  Vamçâvalîs,  à  l'exception  de  Kirkpatrick,  pré- 
tendent enregistrer  la  date  de  son  avènement,  mais  elles 
ne  sont  pas  d'accord.  Wright  et  Bhagvanlal  indiquent 
2  800  du  Kali-Yuga;  la  Vamçâvali  brahmanique  2  785.  Les 
deux  chiffres  sont  également  impossibles;  ils  placent 
Vasantadeva  en  301  ou  en  316   avant  l'ère   chrétienne. 


HISTOIRE    DU    NÉPAL  1  1  7 

D'autre  part,  à  calculer  sur  les  données  mêmes  des 
Vamçàvalîs,  la  durée  assignée  aux  règnes  intermédiaires 
depuis  Bhûmivarman,  qui  monta  sur  le  trône  en  1389  du 
Kali-Yuga,  ramène  Tavènement  de  Vasanladeva  en  2  883 
(Bhagvanlal)  ou  en  2  830  (V.)  du  Kali-Yuga.  L'indication 
fournie  par  les  Vamçàvalîs  est  donc  indépendante  de  leur 
teneur  chronologique  ;  si  elle  n'exprime  qu'une  approxi- 
mation, il  est  difficile  de  concevoir  pourquoi  Vasantadeva, 
de  préférence  à  tous  les  autres  rois  Licchavis,  a  obtenu  le 
privilège  d'être  pris  pour  repère.  En  fait,  le  sacre  de 
Vasantadeva  ne  saurait  coïncider  avec  un  changement  de 
siècle  du  Kali-Yuga;  le  xxxvn*  siècle  s'ouvre  en  499  J.-C, 
le  xxviir,  en  599,  et  le  règne  de  Vasantadeva  tombe  au 
cours  de  cette  période.  Une  inscription  do  ce  prince  est 
datée  de  samvat  435  qui  répond,  en  ère  Licchavi,  h  546/7 
de  J.-C.  Je  serais  tenté  de  croire  que  la  prétendue  date 
en  Kali-Yuga  est  la  transposition  fantaisiste  d'une  date 
réelle.  Vasantasena  serait  monté  sur  le  trône  en  428  sam- 

• 

vat,  et  les  deux  derniers  chiffres  isolés  de  la  centaine 
encombrante  auraient  été  garnis  de  deux  zéros  :  4/28  ; 
2  800. 

Vasantadeva  est  Fauteur  de  hi  première  charte  de  dona- 
tion qui  ait  été  trouvée  au  Népal;  les  inscriptions  anté- 
rieures, gravées  sous  le  règne  de  Mânadeva,  sont  les  unes 
des  dédicaces,  l'autre  un  panégyrique.  Mais  le  premier 
spécimen  marque  déjà  les  caractères  définitifs  du  genre, 
tels  qu'ils  se  maintiennent  ensuite  h  travers  les  siè- 
cles. La  charte  est  gravée  sur  une  dalle  de  pierre 
dressée  avec  soin,  arrondie  du  haut,  et  décorée  en  guise 
de  vignettes  de  figures  sacrées  ou  propices;  ici,  par  exem- 
ple, un  disque  (cakra)  entre  deux  conques  (çankhas).  Le 
texte  s'ouvre  par  des  formules  de  bénédiction  ;  puis  le  roi 
décline  ses  titres  et  qualités,  et  s'adressant  directement 
aux  intéressés,  qu'il  spécifie,  il  les  salue  poliment  et  leur 


H  8  LE    NÉPAL 

communique  sa  volonté  ;  il  stipule  la  nature,  les  condi- 
tions, le  bénéficiaire  delà  donation,  invite  ses  successeurs 
à  la  respecter,  menace  de  peines  sévères  les  contreve- 
nants. A  partir  de  Çivadeva  II,  les  vers  célèbres  de  Veda- 
Vyàsa  sur  les  donations  sont  régulièrement  rappelés  et 
cités.  La  charte  s'achève  par  la  date  et  par  la  désignation 
du  fonctionnaire  chargé  d'en  surveiller  Texécution  {dù- 
taka).  Ce  formulaire  est  emprunté  à  la  chancellerie  de 
rinde;  il  a  été  créé  probablement  parles  scribes  des  der- 
niers empereurs  Guptas;  les  rois  de  Valabhî  l'ont,  eux 
aussi,  adopté  et  reproduit  à  de  nombreux  exemplaires 
depuis  le  début  du  vf  siècle  jusqu'au  cours  du  vni*  siècle 
de  J.-C.  Il  apparaît  pour  la  première  fois,  et  déjà  h  peu 
près  complet,  dans  une  charte  du  maharaja  Pàrivràjaka 
Ilastin,  datée  de  Gupta  156  (=  473/6  J.-C),  dans  hî 
Bundelkhand;  on  le  retrouve  ensuite  dans  une  charte  du 
même  prince  datée  de  163  (iupta  {^=^  482/3  J.-C).  dans 
la  charte  d'un  |)rince  voisin,  le  maharaja  Jayauàtha 
d'IJccakalpa,  datée  de  177  (iupta  (496/7  J.-C.j,  dans  une 
*harte  du  maharaja  Laksmana  de  138  Gupta  (477/8  J.-C). 
Mais  tous  ces  documents,  à  la  différence  des  chartes  népa- 
laises, sont  gravés  sur  des  plaques  de  cuivre.  Cependant 
le  piher  sans  date,  de  Bihar,  laisse  entrevoir  à  travers  ses 
fragments  sans  suite  les  restes  d'un  édil  de  l'empereur 
Skanda  (jupla  (entre  136  et  146  Gupta  =  453-463  J.-C) 
qui  employait  aussi  le  même  formulaire'.  La  date  de 
Vasantadeva  coirespoiul  bien  à  la  diffusion  de  ce  type 
(lipIomati(iue  (|ui  prend  naissance  vers  le  milieu  du  v*  siè- 
cle sur  h'  cours  moyen  du  (iange. 

L(»   loi  ne  porl(*  pas  dans   son   inscription   le  nom  de 


I.  V.  pour  les  «'liarles  de  \'alablii  iiioii  mémoire  sur  les  iJortiUlons 
rrlif/iru.sf^s  des  rois  de  Valdhhi  :  pour  les  charles  de  liastin  et  Jayanà- 
lliH  le  f'oriJHs  Insrr.  Ind..  vol.  111:  |>onr  la  charle  de  l^aksmana,  VEpi- 
iirnphiti  indir/t.  M,  :»6'i  ;  pour  \v  pilier  dr  lliliar,  le  CorptiSj  \\\j  n"  l'I. 


{ 


HISTOIRE    DU   .NEPAL 


Vasantadeva  que  l'inscriptioD  de  Paçupati  lui  doiiue  et  que 
les  Vamçilvalis  ont  perpétué:  il  s'appelle  Vasantasena.  Il  a 


le  liire  de  ùhatUirakn-makdrnja,  qui  semble  être  le  titre 
ofliciel  des  rois  Licchavis  ;  Vasantadeva  rapi)liqiie  à  son 


120  LE   NÉPAL 

propre  père,  et  Çivadeva  I"  le  prend  aussi  dans  ses 
inscriptions.  Le  tilre  emphatique  de  parama  bhalidraka 
mahârâjâdhirdja  que  portent  les  empereurs  Guplas  ne  se 
constate  au  Népal  qu'à  partir  de  Çivadeva  11.  Vasantadeva 
réside  à  Mânagrha,  d'où  sa  charte  est  donnée.  A  l'en 
croire,  ((  sa  science,  sa  sagesse  pratique,  sa  compassion, 
sa  générosité,  son  urbanité,  sa  piété,  sa  majesté  ont  fait 
éclore  la  blancheur  de  sa  gloire  ».  Tout  le  détail  de  la 
donation  est  perdu.  Le  fonctionnaire  chargé  de  l'exécu- 
tion (diUaka)  est  Ravigupta,  général  en  chef  et  grand 
huissier,  qui  exerce  ses  fonctions  à  Brâhmun  iMahîçîla. 
Date  :  le  premier  jour  du  mois  Açvayuja  (ou  Açvina), 
quinzaine  claire,  sarnval  435. 

Le  même  Ravigupta,  titulaire  des  mêmes  fonctions,  est 
délégué  à  l'exécution  d'un  autre  édit  que  j'ai  trouvé  à 
Kisipidi,  près  de  Thankot,  dans  le  voisinage  immédiat  de 
Mâtà-tîrtha,  vers  l'Ouest  de  la  vallée;  cet  édit  est  daté 
de  449,  10''  jour  de  la  quinzaine  claire  du  premier  mois 
d'Asâdha.  Le  nom  du  roi  a  malheureusement  disparu  avec 
tout  le  formulaire  d'introduction;  mais  il  s'agit  sans  aucun 
doute  de  Vasantadeva  ou  de  son  successeur.  Quel  est  le 
successeur  de  Vasantadeva?  Les  Vamçàvalis  l'appellent 
IJdayadeva  ;  l'inscription  de  Paçupati  nomme  aussi  à  la 
suite  de  Vasantadeva  un  roi  Udayadeva,  mais  en  les  ratta- 
chant l'un  à  l'autre  par  un  lien  énigmatique.  En  fait  une 
inscription  à  peu  près  illisible  que  j'ai  trouvée  à  Kisipidi, 
près  de  ledit  de  449,  et  qui  présente  extérieurement  des 
caractères  identiques,  permet  de  déchiffier  en  partie  à  la 
lin  le  nom  du  fonctionnaire  délégué  :  c'est  le  yuvaràjoda... 
La  restitution  qui  s'offre  d'elle-même  est  :  yurarnjodai/a- 
(levfi/j^  <(  l'héritier  présomptif  Udayadeva  ».  (jiayadeva 
aurait  été  probablement  le  fils  dr  \  asantadeva  el  son  suc- 
cesseur désigné.  Mais  le  successeur  désigné  fut-il  aussi  le 
sucress(Hir  réel,  l'héritier  effectif  du  pouvoir?  Le  désaccord 


HISTOIRE    DU   NÉPAL  121 

des  Iradilions,  Tobscurilé  voulue  de  l'inscription  de  Paçu- 
pati  décèlent  une  crise  politique  et  dynastique.  LVpigra- 
phie  donne  des  lueurs  incertaines  et  fuyantes.  Une  inscrip- 
tion de  Kisipidi,  datée  du  v*"  siècle  des  Licchavis  porte 
clairement  le  nom  du  roi  Ganadeva  qui  réside  àMânagrha; 
mais  les  dizaines  elles  unités  de  la  date  sont  iudéchifirà- 
bles.  Je  crois  permis  et  presque  légitime  de  reconnaître 
dans  ce  roi  Ganadeva,  le  roi  Gunakâmadeva  des  Vamçà- 
valîs,  petit-fils  dUdayadeva  et  arrière  petit-fils  de 
Vasantadeva.  La  similitude  des  noms  a  pu  porter  les 
chroniqueurs  à  une  confusion  facile  ;  Tobscur  Ganadeva 
rappelait  de  trop  près  un  nom  glorieux  pour  défendre  son 
humble  souvenir  contre  des  syllabes  familières  qu'il  avait 
le  tort  d'évoquer.  [1  faut  observer  au  surplus  que  les  noms 
ou  les  surnoms  formés  avec  le  mot  kdma  n'apparaissent 
que  chez  les  Tliàkuris  au  viif  siècle;  Ganadeva,  au  con- 
traire, entre  régulièrement  dans  la  série  des  Licchavis  où 
tant  de  noms  sont  seulement  des  épitlièles  de  Çiva.  Gana- 
deva est  le  dieu  des  Ganas,  serviteurs  de  Çiva;  il  peut, 
comme  Ganapati,  par  exemple,  s'appliquer,  soit  à  Çiva 
lui-même,  soit  à  Ganeça,  fils  de  Çiva  et  piince  des  Ganas. 
Le  délégué  de  Ganadeva  est  Prasàdagupta.  Entre  L  daya- 
deva  et  Ganadeva  (=  Gunakâmadeva)  les  Vamçàvalîs 
placent  Mànadeva  IL  u  Sous  ce  règne  le  Népal  souffrit 
pendant  trois  ans  d'une  sécheresse  eflroyable  ;  Màna- 
deva  II  la  fit  cesser  en  offrant  à  Pacupati  toutes  ses  riches- 
ses ».  La  Vamçàvalî  de  Kirkpalrick  seule  enregistre  cette 
tradition.  Après  Ganadeva  (Gunakâmadeva)  les  Vamçà- 
valîs  sont  d'accord  pour  placer  successivement  Çivadeva, 
Narendradeva  et  Bhîmadeva,  à  qui  elles  accordent  un  total 
de  91  ans  (K.)  ou  1 29  ans  (B.  V.)  de  règne.  A  partir  de  ce 
point,  elles  se  séparent  profondément.  Avant  de  discuter 
leur  témoignage,  il  me  semble  utile  de  présenter  dans  des 
colonnes  parallèles  un  tableau  de  leurs  divergences. 


122  LE    NÉPAL 


|28.    Bhimadevavarman 
Rhem  Deo  Burmah.) 

W.  V.  R.  K. 

29.  Visnudevavarman    47  ans.  Pendant  le  règne  de  28,  les 

Ahirs,  qui  étaient  originel- 

30.  Viçvadevavarman   51  ans  (W.  B.).  lement  les  souverains  du 

Viçva  gupta  deva       —      V.  Népal,   recouvrèrent    leur 

Le  30  marie  sa  fille  à  Amçuvarman,  domaine  : 

fondateur  de  la  dynastie  Thàkuri.       ^  .     », 

Dynastie  Ahlr  ou  Abhira 

restaurée. 

29.  Bishen  Gupt  74  ans. 
(Visnu  Gupta) 

30.  Kishnoo  Gupt  61  ans. 
(Kisnu  Gupta) 

31.  Bhoomy  Gupt  40  ans. 
(Bhûmi  Gupta) 

Seo  deo  Burmah  (Çivadeva- 
varman)  de  la  postérité  de 
Nevesit(Nimisa),  expulse 
les  Guptees  (Guptas)  et 
soumet  à  nouveau  le  Né- 
pal. 
Restauration  des  Sùrva- 
varpçis. 
32.  Seo  deo  Burmah  41  ans. 

(Ci  vade  vavarman) 
Il  est  suivi  par  Tnghoo 

Burmah  42  ans. 

(Âipçuvarman) 


L'inscription  de  Paçupafi  n'est  plus  ici  d'aucun  secours 
positif.  Après  Vasanladeva  elle  saule  par  rinterniédiaire 
d'Udayadeva  jusqu'à  Narendradeva,  père  du  roi  Çivadeva 
qui  règne  un  siècle  après  Aniçuvarrnan,  et  grand-père  du 
roi  Jayadeva,  auteur  de  cette  inscription,  datée  de  153,  un 
siècle  et  demi  après  Amçuvarman.  La  partie  du  vers  qui 
énon<;ait  la  filiation  de  Narendradeva  s'ouvre  par  une 
expression  obscure  et  se  continue  par  une  lacune.  Le  seul 


HISTOIRE    DU    NÉPAL  123 

fait  certain,  c'est  que  de  Vasautadeva  à  .Narendradeva,  le 
pouvoir  s'est  transmis  en  ligne  brisée,  et  que  la  dynastie 
légitime  a  subi  une  éclipse  pendant  un  intervalle  qui  n'est 
pas  précisé.  Les  mots  asyàntare  qui  servent  à  relier 
Narendradeva  à  Vasantadeva  trahissent  par  leur  embarras 
la  gêne  du  panégyriste  officiel,  on  peut  essayer  de  les 
interpréter  par  :  asya  (vamçasyaj  antare  «  dans  un  intervalle 
de  cette  race  »,  ou  «  dans  une  lacune  de  celte  race  »,  ou 
même  «  dans  une  autre  [branche]  de  cette  race  »,  et 
autrement  encore,  car  chacun  de  ces  deux  mots  est  suscep- 
tible de  traductions  infiniment  variées.  L'avènement 
d'Amçuvarman,  fondateur  de  la  dynastie  Thàkuri,  est  un 
fait  authentique  et  incontestable;  mais  la  chute  des 
Licchavis  paraît  être  le  résultat  d'une  crise  qui  s'est  com- 
pliquée d'autres  accidents:  la  Vamçàvalî  de  Kirkpatrick, 
qui  donne  Amçuvarman  pour  le  successeur  direct  et 
légitime  de  Çivadeva,  garde  le  souvenir  d'une  conquête 
Abhîra  sous  le  règne  de  Bhimadevavarman  ;  la  dynastie 
pastorale  qui  passait  |)our  une  des  plus  anciennes  dynas- 
ties du  royaume  aurait  tenté  une  restauration;  trois  souve- 
rains Abhîras  auraient  exercé  le  pouvoir  pendant  175  ans; 
mais  le  prédécesseur  d' Amçuvarman,  Çivadeva,  ramène 
la  dynastie  solaire  sur  le  trône. 

C'estdéjà  sur  un  prince  du  même  nom  (26)  Çivadeva,  que 
je  me  suis  séparé  des  listes  dynastiques,  aussitôt  après  le 
règne  d'un  Gunakàma  deva  (25).  Ce  premier  Çivadeva  est, 
dans  trois  des  Vamçàvalis  (W.  V.  B.),  un  personnage 
considérable,  héros  de  nombreuses  légendes  et  consacré 
par  une  multitude  d'œuvres  pies.  Ses  successeurs,  Naren- 
dradeva (27),  Bhimadeva  (28),  Visnudeva  (29),  ne  sont 
connus  que  de  nom;  Viçva  Gupta  deva  ou  Viçvadeva  (30), 
qui  les  suit,  est  associé  comme  Çivadeva  à  des  souvenirs 
religieux.  Le  Çivadeva  des  inscriptions,  le  prédécesseui* 
authentique  d'Ainruvarman,  est  l'auteur  de  donations  et  de 


124  LE    NÉPAL 

fondations  nombreuses  ;  aucun  roi  n'est  représenté  dans 
Tépigraphie  népalaise  par  un  plus  grand  nombre  de  docu- 
ments. Peut-être  les  deux  Çivadeva  de  la  liste  de  Kirkpa- 
trick  (26  et  32),  le  Çivadeva  (26)  et  le  Viçvadeva  (30)  des 
autres  Vamçàvalîs  doivent-ils  se  réduire  h  un  seul  person- 
nage, identique  au  Çivadeva  des  inscriptions.  Narendra- 
deva  et  Bhîmadeva  joueraient  alors  les  Louis  XVII  et  les 
Napoléon  II,  ils  seraient  les  intermédiaires  nécessaires 
pour  garantir  la  transmission  légitime  du  pouvoir  au 
travers  des  révolutions  et  des  crises  dynastiques,  depuis 
les  prédécesseurs  Licchavis  dWmçuvarman  jusqu'aux  suc- 
cesseurs officiels  de  ce  prince. 

Avec  Çivadeva,  la  dynastie  se  déplace  ;  elle  abandonne 
son  ancienne  résidence  de  Bàneçvara  où  elle  s'était  main- 
tenue depuis  Tavènement  de  son  fondateur  Bhûmivarman, 
et  elle  se  transporte  à  Deva-Pattana  (Deo  Patan)  la  ville 
conligu^î  au  temple  de  Paçupati,  fondée  au  temps  d'Açoka, 
embellie  et  enrichie  par  Bhàskaravarman,  successeur  de 
l'antique  Paçupreksa  deva.  Çivadeva  y  élève  un  palais  de 
neuf  étages;  il  y  fonde  une  porte,  deux  puits,  trois  fon- 
taines, quatre  images  de  Nrtya  NAtha,  cinq  plates-formes  a 
danser,  six  quartiers  {tolas)^  sept  I<;varîs,  huit  Agamas, 
neuf  Ganeças;  puis,  en  raison  de  la  forme  arrondie  de  la 
ville,  il  lui  donne  le  nom  de  Gola  a  la  boule  ».  Il  fonde 
aussi  Nava-tola,  y  établit  quatre  Ganeças,  quatre  Bhairavas, 
quatre  Nrtya-Nàthas,  quatre  Mahàdevas,  quatre  Kumârîs, 
quatre  Buddhas,  quatre  Khambas,  quatre  Gaganacâris,  et 
quatre  carrefours  avec  des  images  de  Bhùtas.  U  est  aussi 
le  fondateur  de  Mahànagara,  et  d'autres  localités  encore. 
La  religion  surtout  l'intéresse,  il  institue  et  réglemente 
sans  se  lasser.  Il  installe  aux  côtés  de  Paçupati  Nrtya 
Nàtha  du  mont  Çatarudra  et  Kàmeçvara  Bhîmasena  ;  il 
érige  un  Vacana  Vinâyaka.  Il  reconnaît  Vatsalâ  Devî  pour 
la  divinité  principale  du  Népal,  lui   accorde  un  sacrifice 


\ 


HISTOIRE   DU   NÉPAL  125 

humain  par  an,  crée  une  procession  de  char  en  son  hon- 
neur. 11  restaure  le  culte  de  Bhuvaneçvarî,  de  Jayavâgîç- 
varî,  de  Râjeçvarî,  etc.  Il  décide  que  la  Vajrayoginî  (de 
Sanku)  sera  repeinte  tous  les  douze  ans  seulement.  Doci- 
lement attaché  à  un  yogi  qu'il  tient  pour  une  incarna- 
tion de  Firascible  IJurvâsas,  et  qu'il  adopte  pour  guru,  il 
abdique,  laisse  le  trône  h  son  frère  Narendradeva,  et  va 
vivre  en  humble  disciple  auprès  du  yogi.  Le  yogi  mort,  il 
s'altache  à  un  bhiksu  qu'il  prend  pourguru,  entre  dans  les 
ordres  bouddhiques,  construit  un  couvout  où  il  se  retire; 
mais  au  bout  de  quatre  jours  de  vie  monastique,  il  recon- 
naît qu'il  s'est  mépris  sur  sa  vocation,  demande  à  rentrer 
danslcmonde,  quitte  la  robe  jaune  du  bhiksu,  reçoit  le  sacre- 
ment d'âcàrya,  et  construit  dans  le  voisinage  du  premier 
couvent  un  autre  couvent  où  il  va  vivre  en  famille:  c'est  le 
couvent  aujourd'hui  connu  sous  le  nom  d'Onkulî  Bihîlr,  h 
Patan.  Un  jour,  tandis  qu'il  se  livre  àla  méditation,  son  crâne 
éclate,  et  tandis  que  ITime  s'en  échappe,  il  en  jaillit  une 
pierrerie  mystérieuse,  énigmatique  de  forme  et  de  taille. 
Punyadeva,  un  fils  né  de  Çivadeva  quand  il  était  déjà 
devenu  vajràcârya,  accomplit  les  rites  funéraires,  et 
Narendradeva  continue  h  occuper  le  trône,  qu'il  lègue  h 
son  fils,  Bhimadeva.  Visnudeva  règne  ensuite,  puis  Viçva- 
deva  ou  Viçva  Gupta  (leva.  Ce  roi  veut  supprimer  le 
sacrifice  humain  qu'on  offrait  h  Vatsala,  mais  une  mani- 
festation divine  le  détourne  de  son  intention.  Il  fait  exécu- 
ter une  grande  image  de  Visnu,  en  pierre,  sur  le  côté 
Nord  de  la  Bagmali  et  de  la  Bitsnumati  (c'est  le  Visnu- 
nathà,  fondé  d'après  Kirkpatrick  par  Visnu  Gupta  l'Abhîra); 
il  élève  aussi,  pour  gagner  la  faveur  de  Jayavàgîçvarî,  une 
image  des  Navadurgâs  et  des  Kumârîs.  N'ayant  point  de 
fils,  il  donne  sa  fille  en  mariage  h  un  Vaiçya  Thâkuri  de 
caste  pure,  nommé  Amçuvarman,  qui  hérite  du  trône. 
Mais,  avant  qu'Amçuvarman  recueille  le   pouvoir,  Vikra- 


126  LE    NÉPAL 

rnâditya  d'Ujjayinî  arrive  au  iNépal  pour  imposer  h  ce 
royaume  l'ère  qu'il  vient  de  fonder,  grâce  à  des  richesses 
fabuleuses  qui  lui  ont  permis  de  solder  partout  toutes  les 
dettes  ;  c'est  h  ce  prix  qu'un  monarque  peut  et  doit  fonder 
une  ère.  Il  institue  de  plus  au  village  de  Harasiddhi  une 
représentation  dramatique,  qui  se  répète  depuis  à  des 
périodes  fixes;  puis  il  reprend  la  route  de  l'FIindoustan,  et 
laisse  Amçuvarman  régner  enfin  sur  le  pays. 

Trois  inscriptions  portent  expressément  le  nom  du  roi 
Çivadeva comme  leur  auteur:  l'une  trouvée  parBhagvanlal 
àBudha  Nilkanth  (Jalaçayana).  est  sans  date  ;  une  autre, 
découverte  par  iM.  Bendall  h  Bhatgaon,  au  Golmadhi-tol,  est 
datée  de  51 6  ou  51 8  (etnon316ou  318);  la  dernière,  que  j'ai 
trouvée  moi-même  à  Bhatgaon,  au  Tulacchi-tol,  ne  laisse 
lire  clairement  de  sa  date  que  le  chiffre  des  centaines  5, 
suivi  probablement  du  signe  de  la  première  dizaine.  La 
première,  l'inscription  de  Budha  Nilkanth,  est  tronquée; 
il  n'en  subsiste  que  le  formulaire  d'introduction,  mais  ce 
fragment  suffit  pour  constater  l'identité  du  protocole  dans 
nos  trois  textes.  Çivadeva  réside  au  palais  de  Mânagrha, 
il  n'a  pas  changé  de  a  darbar  »,  quoi  que  disent  les 
Vamçâvalîs  ;  il  est  «  la  bannière  de  la  race  des  Licchavis  », 
le  successeur  régulier  de  son  père  {bappa-pâdânudhyâta) 
qui  continue  à  le  suivre  de  sa  pensée.  Comme  ses  ancêtres 
Licchavis,  comme  Vasantadeva  ou  Ganadeva,  il  se  con- 
tente du  titre  de  hkattâraka-maharâja ,  qui  paraît  bien 
modeste  en  comparaison  des  titres  royaux  usités  au 
vu*"  siècle,  mais  que  la  tradition  consacrait  comme 
l'expression  de  l'antiquité  de  la  dynastie.  L'inscription  de 
Budha  Nilkanth  déclare  que  Çivadeva  est  a  instruit,  poli- 
tique, bien  élevé,  héroïque,  constant,  et  que  c'est  là 
seulement  le  commencement  de  ses  mérites  où  rien  ne 
manque  ».  Les  deux  chartes  de  Bhatgaon  renoncent  même 
à  cel  essai  d'énumération.  «  Innombrable,  l'ensemble  de 


HISTOIRE   DU    NÉPAL  127 

ses  vertus  développe  sa  gloire.  »  L'une  et  l'autre  formule 
attestent  la  persistance  des  usages  de  chancellerie  ;  elles 
reprennent  chacune  à  part  les  éléments  de  la  formule 
employée  un  siècle  plus  tôt  par  Vasantadeva  :  «  Instruit, 
politique,  compatissant,  libéral,  courtois,  pieux,  majes- 
tueux, il  épanouissait  la  blancheur  de  sa  gloire  ».  Après 
ce  préambule,  le  roi  s'adresse  aux  intéressés  directement  : 
il  les  informe  de  sa  santé,  leur  souhaite  le  bonjour  et  leur 
communique  sa  décision  ;  mais  il  prend  soin  chaque  fois  d'en 
reporter  rinitiative,  et  par  suite  le  mérite  h  son  conseiller 
le  ((  grand  marquis  »  (mahâ-sd mania)  Amçuvarman  ;  par  un 
renversement  inattendu  de  situations,  le  vassal  est  plus 
pompeusement  loué  que  le  souverain  :  «  Le  grand  marquis 
Amçuvarman  a  une  renommée  illustre,  immaculée,  éten- 
due ;  sa  vaillance  active  a  réduit  au  calme  la  puissance 
d'innombrables  adversaires  »  (Bhatgaon);  ou  encore  «  la 
multitude  des  larges  batailles  qu'il  a  gagnées  vaut  à  son 
héroïsme  un  lustre  qui  abat  la  puissance  de  tous  ses  adver- 
saires ;  la  peine  qu'il  prend  à  bien  veiller  sur  le  peuple 
lui  a  mérité  une  gloire  splendide  qui  remplit  le  disque  de 
la  terre  »  (Budha  Nilkanlh).  Sur  sa  requête  {vi/'ndpiiena), 
le  roi,  par  considération  pour  lui  et  par  miséricorde  pour 
les  intéressés,  confère  des  privilèges  en  quelque  sorte 
classiques  :  les  officiers  de  la  couronne  ne  sont  autorisés 
à  pénétrer  sur  le  territoire  énoncé  que  pour  percevoir 
les  trois  contributions  ;  il  leur  est  interdit  d'y  pénétrer, 
soit  pour  remettre  des  notes  écrites  (citations  à  compa- 
raître, avis  de  paiement?),  soit  à  l'occasion  des  cinq  fautes 
réservées  d'ordinaire  à  la  juridiction  royale.  Les  localités 
favorisées  portent  des  noms  nettement  barbares,  autre- 
ment dit  névars  :  Khrpun  (Bhatgaon),  Màkhostam-Salsara 
{^ib,,  Golmadhi-lol).  Le  même  délégué  (dûta/ca)  est  chargé 
de  veiller  à  l'exécution  des  deux  chartes  de  Bhatgaon  ; 
c'est  Bhogavarma-liomin. 


128  LE    NÉPAL 

Deux  autres  inscriptions,  très  mutilées,  doivent  aussi 
être  rapportées  h  Çivadeva  en  raison  de  leur  date,  de  leur 
écriture  et  de  leur  formulaire;  elles  se  trouvent  dans  deux 
localités  voisines,  à  Dharampur  et  à  Thoka,  au  Nord  de 
Katmandou  et  au  Sud-Ouest  de  Budha  Nilkanth.  La  stèle  de 
Dharampur  est  datée  de  520;  la  fin  seule  en  est  déchif- 
frable ;  elle  énonçait  un  double  privilège  concédé  par  le 
roi  ;  mais  le  détail  manque  ;  les  fragments  mentionnent  un 
Malla-kara  qui  reparaît  dans  une  inscription  de  Jisnu 
Gupta,  et  indiquent  Temploi  du  pana  de  cuivre  comme 
unité  monétaire.  La  stèle  de  Thoka  est  datée  de  519;  c'est 
une  charte  de  donation,  qui  fixe  avec  la  minutie  ordinaire 
les  tenants  et  aboutissants  du  terrain  donné.  Le  dùtaka 
de  Dharampur  est  Bhogavarma-(iomin  ;  celui  de  Thoka, 
Vârtta-Bhogacandra. 

Ainsi,  trois  fois  sur  quatre,  c'est  le  même  personnage, 
Bhogavarma-Gomin  qui  est  délégué  comme  le  repré- 
sentant du  pouvoir  royal.  1/ autre  délégué,  Bhogacandra, 
porte  un  nom  fort  voisin  du  premier,  également  formé  du 
mot  bhoça  en  combinaison.  Or,  les  noms  de  ce  type  sont 
loin  d'être  ordinaires  :  le  Corpus  n'en  cite  pas,  pour  la 
période  des  Guptas,  d'exemple  en  dehors  du  Népal  ;  les 
Listes  de  M.  Kielhorn  qui  couvrent  presque  toute  l'his- 
toire du  moyen  âge  et  des  temps  modernes  dans  l'Inde, 
n'y  ajoutent  qu'un  seul  exemple,  Bhogabhata.  Mais  au 
Népal,  outre  Bhogavarman  et  Bhogacandra,  les  dûtakas  du 
roi  Çivadeva,  les  inscriptions  mentionnent  Bhogadevî, 
sœur  de  cet  Amçuvarman  qui  fut  le  conseiller  de  Çivadeva 
avant  d'usurper  son  trône;  Bhogadevî  a  un  fils,  neveu 
d'Amçuvarman,  et  qui  se  nomme  Bhogavarman.  Un  siècle 
après  Ainçuvarman,  un  nouveau  Çivadeva,  roi  du  Népal, 
épouse  une  princesse  née  dans  la  race  des  Maukharis, 
dans  la  famille  des  Varmans,  fille  d'un  Bhogavarman  qui 
avait  épousé    la  fille    d'un    roi  puissant,   Àdilyasena  de 


ttlStOIRK    t)U    NÉPAL  129 

Magadha.  La  race  des  Maukharis  valait  pour  Tanciennelé 
les  Licchavis,  et  les  surpassait  en  pureté  ;  au  vu*  siècle,  un 
contemporain  d'Amçuvarman,  Hàna,  dans  son  histoire 
romanesque  de  l'empereur  Ilarsa,  n'hésitait  pas  à  déclarer 
que  ((  pareille  à  l'empreinte  du  pied  de  Maheçvara,  la  race 
des  Maukharis  est  au  sommet  des  supports  de  la  terre 
[rois  ou  montagnes]  et  que  le  monde  entier  Tadore  reli- 
gieusement*. »  La  sœur  même  de  l'empereur  Ilarsa, 
Ràjyaçrî,  avait  épousé  un  prince  Maukhari,  tirahavarman. 
Les  noms  de  Bhogavanna((fOmin),  Bhogacandra,  Bhoga- 
devî,  rapprochés  du  nom  de  Bliogavarman  le  Maukhari, 
semblent  dénoter  l'origine  Maukhari  de  ces  trois  person- 
nages. Si  un  Maukhari  authentique  consentait  à  donner  sa 
fille  en  mariage  à  un  descendant  d'Ainçuvarman  (Çiva- 
deva),  un  Licchavi  du  Népal  devait,  h  plus  forte  raison, 
accepter  volontiers  pour  gendre  Ami^uvarman  lui-même. 
En  fait  d'alliances,  les  IJcchavis  de  la  montagne  ne  pou- 
vaient pas  être  plus  exigeants  que  les  Maukharis  de  THin- 
doustan. 

Bhogavarman,  dùtaka  de  la  charte  du  Golmadhi-tol,  est 
sans  aucun  doute  identique  au  neveu  d'Amcjuvarman,  qui 
porte  le  même  nom.  La  charte,  datée  de  sainvat  518,  n'est 
antérieure  que  de  cinq  ans  h  la  charte  d'Ainçuvarman 
(sainvat  39),  où  Bhogadevî,  sœur  irAnK^uvarman,  est 
désignée  comme  la  mère  (jui  a  enfanté  «  le  noble  (rri) 
Bhogavarman  »;  celte  désignation  semble  indiquer  que 
Bhogavarman  occupait  une  hautes  situation.  Bhogavarma- 
Gomin  est  certainement  le  même  personnage  que  Bhoga- 
varman. froinin,  en  elfet,  n'est  qu'un  titre  accolé  au  nom. 
Les  lexiques  ne  permettent  pas  d'en  définir  exactement  la 
valeur,  mais  ils  sont  du  moins  en  accord  avec  les  autres 
documents  pour  lui  donner  une  signification  spécialement 

1.  Harsa-carita,  éd.  Bombay,  p.  156. 

II.  -  y 


130  LE    NÉPAL 

bouddhique.  Le  Gomin  est  un  updmkay  un  fidèle  laïque  qui 
fait  vœu  d'observer  les  cinq  abstentions  essentielles  et  de 
venir  en  aide  aux  religieux*.  Mais  tous  les  upâsakas  ne 
sont  pas  des  Gomins.  Le  plus  illustre  des  Goniins,  Candra- 
Gomin,  poète,  grammairien  et  théologien,  s'appelait  sim- 
plement Candra,  et  le  système  grammatical  dont  il  est  le 
créateur  est  resté  connu  sous  le  nom  de  grammaire   de 
Candra,  Cdndra  vyàkarana  ;  il  était  primitivement  upâsaka; 
mais  il  devint  upâsaka-gomin    sur  l'indication   expresse 
d'Avalokiteçvara,  quand  la  déesse  Tara  l'eut  transporté 
par  miracle  dans  une  île  de  l'Océan,  déserte  encore,  mais 
qui  se  peupla  bientôt,  grâce   à  lui.  «  Dès  lors,  Candra 
reçut  le  nom  de  Candra  Gomin  '.  »  L'historien  tibétain  du 
bouddhisme  indien  nomme  encore  :  V  Kamala  Gomin,  un 
autre  dévot  d'Avalokiteçvara,  qui  était    connaisseur  du 
Tripitaka,  upusaka,    serviteur  des  religieux  qui   vivaient 
dans  la  contemplation  du  Mahàyâna^  Ce  Kamala  Gomin 
était  contemporain  de  Dharmakîrti  qui  vivait  au  temps  du 
roi  Srong-btsan  sgam-po,  le  gendre  même  d'Amçuvarman. 
2°  Mudgara  (le   nom  est  douteux)   Gomin,  auteur  d'un 
hymne  célèbre,  mais  connu  surtout  pour  avoir  agrandi  le 
monastère  de  Nùlanda;  c'était  un  brahmane   d'origine, 
mais  qui  observait  «  les  vœux  de  bhadanta  d'un  upàsaka*  ». 
3"  Kumârananda,  un  upàsaka-gomin  des  pays  du  Sud  qui 
instruisit  5  000  upâsakas  et  leur  fit  comprendre  la  Prajnâ- 
pâramilâ,    tandis    qu'un    autre     upâsaka,     Matikumâra, 
(îugagé  dans  la  vie  domestique,  popularisait  le  Dhyâna  du 
iVfahâyâna".  La  littérature  singhalaise  compte  parmi  ses 
illustrations  un  Gomin,  Gurulu  Gomi,  auteur  de  l'Amavâ- 

V 

1.  V.  iiioM  nrliclc:  La  clair  dv  Candragomiiiy  dans  le  Bull.  Ec.  fr. 
li.rlr,  (h'.,  lyoa,  s|M'M'ialtMiu'nt  p.  15  sq. 

2.  TAiunAtiu,  |).  151. 

;r  ih..  I».  vrA. 
u   Ih  ,  (»,  'im  Mi(. 


HISTOIRE   DU    NÉPAL  131 

tura  et  du  Dharmapradîpikàva,  que  la  tradition  place  sous 
le  règne  d'Aggabodhi  I",  à  la  fin  du  vi^  siècle  (564-598)*. 
D'Indra  Gomin,  le  grammairien,  il  n'a  survécu  que  le  nom 
seuP.  Les  Tibétains  traduisent  régulièrement  Gomin  par 
htsun-pa  qui  signifie  respectable,  noble,  vénérable,  fidèle 
à  Tobservance  des  devoirs  religieux.  La  Mahâvyutpalti, 
qui  cite  le  nom  de  Candra  Gomin  dans  les  cinq  langues 
canoniques  (§  177)  fonde  toutes  ses  traductions  sur 
rinterprétation  tibétaine,  par  exemple  en  chinois,  miao- 
y  ne  a  parfaite  lune  ».  Cette  interprétation  se  base  sur  le 
témoignage  de  Gandragomin  lui-même,  qui  dans  sa  gram- 
maire (IV,  2,  144)  explique  gomin  par  ptijya  «hono- 
rable ». 

Le  vàrtta  Bhogacandra,  l'autre  délégué  de  Çivadeva, 
porte  le  litre  de  vdrita  ;  le  terme  vàrtta  est  un  dérivé  régulier 
du  mot  vvtti^  subsistance.  Le  mrtta  correspondrait  exac- 
tement, pour  la  forme  comme  pour  la  valeur  réelle,  aux 
Vrttiyas  du  Népal  moderne;  les  Vrlliyas  sont  les  vassaux 
qui  ont  reçu  en  donation  perpétuelle  un  fief  libre  de  char- 
ges, mais  sans  aucun  droit  de  juridiction  \ 

LES  ROIS  Dli  NIÎPAL  DEPUIS  AMCUVAUMAN  JliSÛl]  AUX  MALLAS* 

|l)ynasli(iThàkuri.  \V.  V.  n.| 

1.  (  Aip(;uvarman  68  ans.  B.  V.  (W.). 
f  Unghoo  Bunnah  V2  ans.  K. 

2.  i  Krtavannaii  87  ans.  B.  V.  (NV.). 
\  Kirtoo  Bunnah  18  ans.  K. 

3.  \  Bhhnàrjuna  93  ans.  B.  V.  (\V.). 
(  Rheem  Arjoon  Doo  39  ans.  K. 

t.  Geiger,  Lucratif r  und  Sprache  drr  Sinf/halcsm,  p.  ^. 

'1.  KiELiioKN.  Ind.  Aniiq.,  \V,  181. 

3.  Hamilton,  p.  107. 

•  W.  Vani(:àvali  honddhicjno  <le  Wriglil.  —  I».  Vamràvalî  de*  Bliag- 
vanlal.  —  V.  Vaniràvall  brahinaniciuo  (mon  nianuscril).  —  K.  Kirkpa- 
trick.  —  Bd.  Vann.àvalls  do  Bendall  (Jovrn.  Ak.  Soc.  Beng.,  1903). 


132 


LE    NÉPAL 


4.  C  Nanda  de  va 


5. 
6. 

7. 

[6] 
8. 


» 
Nund  Deo 
Vira  de va 
Candraketu  de  va 
Narendra  deva 

» 
Nurrender  Deo 
Vara  deva 
Vala  deva 
Bul  Deo 
Çafikara  deva 
Sunker  Deo 
Vardhamâna  deva 
Bali  deva 

» 
Sree  Bull  Deo 
Jaya  deva 
Jye  Deo 


13. 

[15] 


(  Bdlàrjuna  deva 
/  Ballunjoon  Deo 


25  ans.  B. 

95  ans.  V.  (W.). 

13  ans.  K. 

95ans.B.V.(W.).  [5]  Seo  Deo  16  ans.  K. 

B.  W. 

98  ans.  V. 

7  ans.  W.  B. 
37  ans.  K. 

8  ans.  W.  B. 
23  ans.  V. 

17  ans.  K. 
12ans.  B.V.W. 

12  ans.  K. 

13  ans.  B.V.W.  [9)Bhem  ArjoonDeo(the2J)l6an8.K. 
13  ans.  W.  B. 

12  ans.  V. 
16  ans.  K. 
15  ans.W.B.V. 
19  ans.  K. 

fl2]  Condur  Deo         27  ans.  K. 

[13J  Jye  Deo(the  2*»)  42  ans  7  m.  K. 

[14]  Bul  Deo(the  3^)   Il  ans.  K. 


17  ans.  B.  W.  V. 
36  ans  7  ni.  K. 


Jaya  deva  10  ans.  Bd.  { 


14.  [  Vikrama  deva 


» 


19|  (  Bickrum  Deo 


15.  /  Gunakânia  deva 


\ 


)) 


21 1 


Gunadeva 
Goonakam  Deo 


12  ans.  B.  W.  V. 
8  ans  9  m.  Bd. 
1  an.  K. 


51  ans.  W.  B. 
65  ans  5  ni.  Bd. 
51  ans.  V. 
85  ans  6  m.  K. 


[16]  (  Ragheeb  Deo  63  ans.  K. 

\  Râghava  deva  46  ans  3  m.  Bd. 
[17]  Seeker  Deo  88  ans  6  m.  K. 
[18]  Soho  Deo      33  ans  9  m.  K. 


[20]  ^  Nurrender  Deo  1  an  6  m.  K. 
(  Narendra  deva  1  an  6  m.  Bd. 


16. 

|24) 
17. 


(  Bhojadeva 
\  BImj  Deo  Budro 
Laksinikdnia  deva 


» 


8  ans.W.B.V. 

9  ans  7  m.  K. 
22  ans.  W.  B.  V 
21  ans.  Bd. 


[22]  (  Oodoy  Deo 
\  Udaya  deva 
[23]  Nurbhoy  Deo 


6  ans.  K 

5  ans  5  m.  Bd. 

7  ans.  K. 


|25J  (  LetchmiCamdeoDutl21  ans.  K. 


HISTOIRE    DU   NÉPAL  133 


18.  (  Jayakâma  deva         20  ans.  \Y.  B.  V. 
[26]  I  Jye  Deb  20  ans.  K.' 

Vijaya  31  ans.  Bd. 


[Thàkurisde  Nayakot.  \V.  B.  V.] 

1.  C  Bhâskara  deva  W.  B.  V.    13  ans.  V.  3  ans.  Bd. 
1  Bhaskur  Deo  K. 

|2]  Oodoy  Deo  7  ans  1  mois.  K. 

2.  ;  Bala  deva  W.  B.  V.  12  ans.  V.  Bd. 
[3J  j  Bul  Deo  K.  12  ans.  V.  Bd. 

3.  }  Padina  deva  W.  B.  V.  11  ans.  V. 

<  Puddiem  Deo  K.  6  ans. 
[4]  (  PradyumnakàmadevaBd.  ? 

4.  I  Nâgàrjuna  deva  W.  B.  V.  3  ans.  V.  2  ans.  Bd. 
[5J  (  Naug  Arjoon.  K,  3  ans. 

6.  (  Çankara  deva  W.  B.  V.      11  ans.  V.  15  ans.  Bd. 
[6]  (  Sunker  Deo  K.  17  ans. 

[Thàkurisde  Patan,  de  la  famille  d'Aipc-uvarman.  W.  B.  V.] 

6.  [  Vàma  deva  W.  B.  V.  3  ans.  V.  Bd. 
l  Bam  Deo  K.  3  ans. 

7.  l  Harsa  deva  W.  B.  V.  15  ans.  V.  Ti  ans.  Bd 
(  Sree  Hurkh  Deo  K.  16  ans. 

8.  C  Sadâ  Çiva  deva  W.  B.  V.  21  ans.  V. 

<  Seo  Deo  K.  27  ans  7  mois. 
(  Çiva  deva  Bd.  27  ans  5  mois. 

[9]  (  Indro  deo  K.  12  ans. 

f  Indra  deva  Bd.  12  ans. 

9.  j  Màna  deva  W.  B.  V.  Bd.  10  ans.  i  ans  7  mois.  Bd. 
[10]  (  Maun  Deo  K.  i  ans  7  mois. 

10.  [  NarasimhadevaW.  B.  V.   22  ans. 

[11]  I  Nurrender  Deo  K.  6  ans  4  mois. 

11.  Nanda  deva  W.  B.  V.         21  ans. 
f  Ananda  deva  Bd.  20  ans. 

12.  J  Rudra  deva  W.  B.  V.  Bd.  19  ans.  B.  V.  7  ans.  W.  8  ans  1  mois.  Bd. 
/  Rudro  Deo  K.  80  ans. 

13.  C  Mitra  deva  W.  B.  V.  21  ans. 
Amrta  deva  Bd.  3  ans  11  mois. 
Omret  Deo  K.  3  ans  11  mois. 

(Rudra  deva.) 
[14]  \  Someçvara  deva  Bd.  4  ans  3  mois. 

/  Soomeesur  Deo  K.  6  ans  3  mois. 


134  LE   NÉPAL 

[15]    Gunakâma  deva  Bd.  3  ans. 

(Laksmîkàma  deva) 

[16]  (  Vijaya  kâma  deva  Bd.  17  ans. 

}  Buz  Caum  Dec  ? 

Le  successeur  de  Çivadeva,  Am(^*uvarman,  est  parmi  les 
rois  anciens  du  Népal  l'enfant  gâté  de  la  fortune.  Il  est 
monté  sur  le  trône  sans  y  êlre  appelé  par  la  naissance  ;  il  a 
fondé  une  dynastie,  il  a  introduit  une  ère  nouvelle;  les 
Chinois  ont  enregistré  son  nom,  les  Tibétains  Tout  associé 
à  leurs  légendes.  Au  témoignage  des  Vamçâvalîs  (sauf 
Kirkpatrick),  Amguvarman  était  le  gendre  de  son  prédé- 
cesseur; il  quitta  le  palais  de  Deo  Patan  que  Çivadeva  le 
Licchavi  avait  élevé,  et  transporta  sa  résidence  à  Madhja- 
lakhu,  un  peu  plus  au  Sud;  il  y  éleva  un  grand  «  darbar  » 
avec  des  cours  {cai(ka)  ravissantes  ;  il  y  fit  aussi  construire 
des  maisons  pour  ses  ministres  et  ses  fonctionnaires.  Il 
était  vigoureux,  actif,  redouté,  infatigable  à  la  poursuite 
des  fins  humaines*.  Il  s'en  fut  à  Prayâga-tirtha,  et  décida 
le  Bhairava  local,  Prayàga-Bhairava,  à  le  suivre  et  à  de- 
meurer auprès  de  son  palais  ;  en  récompense  il  lui  attribua 
une  offrande  de  viande  par  an.  Les  dieux,  qui  jusqu'alors 
se  montraient  aux  yeux  des  mortels,  cessèrent  après  son 
règne  de  se  manifester  sous  leur  forme  réelle.  Les  Vamçâ- 
valîs de  Wright  et  de  Bhagvanlal  placent  son  avènement 
en  Tan  3  000  du  Kaliyuga  (101  av.  J.-C). 

L'épigraphie  nous  permet  de  suivre  la  carrière  d'Amçu- 
varman.  Il  paraît  d'abord  dansles  inscriptions  de  Çivadeva, 
en  518,  519,  et  520  S.,  comme.  «  le  grand  marquis  »  con- 
seiller privilégié  et  dispensateur  unique  des  faveurs  royales  ; 
le  panégyrique  des  mâles  vertus  du  ministre,  savamment 
greffé  sur  l'éloge  officiel  du  roi,  y  prend  un  air  de  menace. 

1.  Le  texte  parbatiya  de  la  Vamràvali  de  Bhagvanlal,  lel  qu'il  est  cité 
dans  son  article  (p.  'l'i,  n.  35)  est  exactement  identique  au  texte  de  ma 
Vaniçàvatl  brahmanique  (V.)  sur  Ani<;uvannan. 


HISTOIRE    DU   NÉPAL  135 

Sous  le  maire  du  palais,  Tusurpateur  perce  déjà:  Amçu- 
varman  a  vaincu  d'innombrables  ennemis:  il  est  le  héros; 
il  B,\e  pratâpa^  ce  rayonnement  éblouissant  de  majesté  qui 
est  la  marque  de  la  personne  royale.  Avec  les  inscriptions 
de  Harigaon,  la  révolution  est  accomplie.  Çivadeva  a  dis- 
paru; Amçuvarman  seul  occupe  la  scène.    Il  a  déserté, 
comme  l'indiquent  exactement  les  Vamçàvalis,  le  vieux 
palais  de  Mânagrha  consacré  par  le  souvenir  des  Licchavis  ; 
il  s'est  établi  àKailâsa-kûta,  le  Madhya-lakhu  des  chroni- 
queurs, et  c'est  là  qu'il  organise  sa  cour.  Cependant  il  n'a  pas 
pris  encore  le  titre  royal;  il  continue  à  se  désigner  comme 
le  grand  marquis  ;  c'est  seulement  en  Tan  39  qu'il  laisse 
tomber  ce  tilre,  mais  sans  oser  s'en  attribuer  un  autre;  il 
est  simplement  Çry-Amçuvarman,  avec  la  plus  banale  des 
appellations  honorifiques  (çrî).  H  reçoit  pour  la  première 
fois,  dans  les  documents  qui  nous  sont  connus,  le  titre 
majestueux  de  mahdrâjddhiraja  dans  une  inscription  du 
roi  Jisnugupta  datée  de  l'an  48.  La  gêne  d'une  position  mal 
définie  se  trahit  encore  à  d'autres  délails  de  protocole. 
Çivadeva,  comme  ses  prédécesseurs,  déclarait  au  début  de 
ses  inscriptions  que  «  son  père  adoré  le  suivait  de  sa  pen- 
sée »  et  affirmait  par  cette  formule  ses  droits  de  naissance 
sur  le  trône  qu'il  occupait.  Amçuvarman  n'ose  pas  tout 
d'abord  employer  cette   formule,  quand  le    souvenir  du 
coup  d'état  est  encore  trop  proche,  mais  il  l'adapte  par  une 
légère  modification.  Il  substitue  au  père  dont  il  ne  peut  se 
réclamer  un  personnage  plus  considérable  et  dont  l'auto- 
rité suffit  à  couvrir  tout  :  a  le  saint  Paçupati,  le  souverain  », 
c'est  ce  dieu  qui  veille  sur  Amçuvarman.  Le  père  n'inter- 
vient qu'au  second  plan,  dans  l'expression:  bappa-pâda- 
parigrhita  »  remarquable  par  la  précision  de  la  nuance. 
Le  verbe  pari-grah^  tiré  de  la  racine  grah  a  prendre  »  s'appli- 
que à  l'introduction  solennelle  et  légale  d'une  personne 
étrangère  dans  la  famille,  dans  la  maison,  etc..  Si  Amçu- 


136  LE   NÉPAL 

varmana,  comme  Tindiquenl  les  Vamçâvalîs,  épousé  la  fille 
de  Çivadeva  qui  n'avait  point  de  fils,  il  est  entré  par  une 
sorte  d'adoption  en  qualité  de  beau-fils  dans  la  famille 
royale.  Tandis  que  la  femme  suit  d'ordinaire  le  mari,  ici 
le  mari  a  suivi  la  femme  pour  s'élever  au  trône.  Au 
reste  Amcuvarman  se  débarrasse  bien  vite  de  cette  formule 
compromettante  ;  à  partir  de  l'an  32  peut-être,  de  lan  34 
certainement,  il  n'emploie  plus  que  le  libellé  banal,  repro- 
duit fidèlement  dans  la  suite  par  tous  ses  successeurs: 
bhagavat' Pampa  ti-bhaUdraka-pâdd)i  ugrhita  happa-pndnn  ml- 
dhyâta.  a  Le  saint  Paçupati  le  favorise;  son  père  adoré  le 
suit  de  sa  pensée.  »  Un  exercice  assez  long  du  pouvoir  a, 
dès  l'an  34,  transformé  l'occupation  en  possession  légi- 
time. 

Le  panégyrique  d'Amçuvarman  subit  à  travers  ses  inscrip- 
tions des  oscillations  du  même  genre.  Maire  du  palais,  il 
étale  pompeusement  ses  louanges  en  concurrence  avec  le 
roi,  et  il  exalte  par  l'office  des  scribes  ses  vertus  militaires 
et  ses  victoires  éclatantes;  maître  du  pouvoir  il  change  de 
ton  et  proclame  que  le  nouveau  régime,  c'est  la  paix: 
«  Son  activité  ne  se  plaît  qu'au  bien  d'autrui  ».  Passé  l'an 
30,  l'éloge  disparaît  du  protocole  ;  mais,  encore  en  l'an  32, 
dans  un  vers  postiche  attaché  en  queue  h  l'inscription, 
Amçuvarman  proteste  à  nouveau  de  ses  préoccupations 
sociales:  «  Mon  cœur  purifié  n'a  d'autre  ambition  que  le 
bien  du  peuple...  Comment  mon  peuple  pourrait-il  être  heu- 
reux? me  dis-je...  »  L'éloge  ne  reparaît  plus  à  sa  place  pro- 
pre qu'en  39  ;  mais  le  personnage  a  une  fois  encore  changé 
de  peau.  Ami'uvarman  se  présente  à  la  postérité  comme 
un  érudit  et  comme  un  philosophe:  «  Il  a  passé  ses  jours 
et  ses  nuits  sur  un  grand  nombre  de  traités  techniques 
(cf/stras),  il  a  réfléchi  sur  leur  sens,  et  il  a  ruiné  les  doc- 
trines d'erreur.  »  L'éloge,  pour  inattendu  qu'il  est,  semble 
mérité  cependant.  Miouen-tsang,  qui  passa  près  du  Népal 


HISTOIRE    DU   NÉPAL  137 

au  temps  d'Amçuvarman,  avait  entendu  vanter  ce  prince 
((  qui  se  distinguait  par  la  solidité  de  son  savoir  et  la  saga- 
cité de  son  esprit.  Il  avait  composé  lui-même  un  Traité  sur 
la  connaissance  des  sons  {Çabdavidyâçâstrd)\  il  estimait 
la  science  et  respectait  la  vertu.  Sa  réputation  s'était  ré- 
pandue en  tous  lieux*  ».  Les  pandits  de  Bhatgaon,  au 
temps  de  Kirkpatrick,  conservaient  encore  une  tradition  qui 
((  datait  Tinlroduclion  de  la  première  grammaire  sanscrite 
au  Népal  du  temps  iïJJnghoo  Biirmah\\m(y\x\diVmmi)  delà 
postérité  de  Piissoopûsk  Deo  ))^  Les  recherches  que  j'ai 
poursuivies  pour  retrouver  la  Grammaire  d'Amçuvarman 
sont  restées  jusqu'ici  sans  résultat;  la  tradition  même 
consignée  en  1793  par  Kirkpatrick  semble  entièrement 
tombée  dans  l'oubli.  Les  inscriptions  d'Amçuvarman  sem- 
blent porter  la  trace  manifeste  des  préoccupations  gramma- 
ticales du  roi.  Avant  Amçuvarman,  les  Licchavis  ont  pour 
pratique  constante  de  redoubler  la  consonne  qui  suit 
immédiatement  la  lettre  ;•  soit  à  l'intérieur  du  même 
mot,  soit  à  la  rencontre  de  deux  mots.  Pânini  (VIII,  4, 
46)  enseigne  que  cette  pratique  est  facultative;  elle  est 
cependant  suivie  le  plus  souvent  dans  les  textes  épigraphi- 
ques.  Amçuvarman,  au  contraire,  s'abstient  constamment 
dans  ce  cas  de  redoubler  la  consonne  en  combinaison.  Le 
changement  apparaît  dans  son  nom  même.  Çivadeva  le 
Licchavi  écrit  Amcuvarmman  avec  une  m  redoublée  :  Amcu- 


•  0 


1.  Mémoires^  I,  408.  —  La  niontiori  du  Çahda-vidyâ-sûtra  d'Amçu- 
varman dans  Vie  et  Voi/ages  de  Hioucn-Thsang,  p.  50,  est  une  addi- 
tion purement  arbitraire  de  St.  Julien;  le  texte  désigne  simplement 
le  Çabda-vidyà  ràslra  en  général,  çàstra  et  non  pas  :  sûtray  qui  est  une 
faute  d'inadvertance;  Julien  transcrit  lui-même  l'expression  chinoise 
Ching  minglun. 

2.  Kirkpatrick,  p.  220.  —  La  graphie  Unghoo  Bunnah  de  Kirkpatrick 
prouve  que  ses  informateurs  se  fondaient  sur  une  tradition  écrite,  et  de 
date  ancienne.  La  confusion  des  lettres  çu  et  git,  impossible  dans  l'écri- 
ture népalaise  moderne,  est  au  contraire  difficile  à  éviter  dans  l'écriture 
ancienne.  (Cf.  l'erreur  exactement  parallèle  que  j'ai  dénoncée  :  gomin 
lu  çvdmin  par  M.  Bendall). 


138  LE    NÉPAL 

varman,  dans  ses  chartes,  écrit  Amçuvarman  avec  une  m 
simple.  Son  successeur,  Jisnu  Gupla  demeure  fidèle  à  celte 
graphie  ;  mais  les  simples  particuliers  restent  attachés  par 
négligence  ou  par  routine  à  l'usage  ancien.  Dans  une  inscrip- 
tion datée  des  dernières  années  d'Amçuvarman,  mais  qui 
commémore  une  fondation  privée,  le  nom  du  roi  est  écrit 
Amçuvarmman  avec  Vm  double,  comme  aussi  le  nom  du 
donateur,  Vibhuvarmman. 

La  première  inscription  personnelle  d'Amc^-u varman,  en 
Tan  30,  le  montre  sans  doute  au  lendemain  de  son  avène- 
ment, réclamé  par  l'organisation  de  sa  cour  ;  c'est  le 
moment  où  il  installe  son  personnnel  à  l'entour  du  palais 
neuf.  Le  site,  que  les  Vamçâvalîs  appellent  Madhyalakhu, 
porte  dans  les  inscriptions  le  nom  de  Kailàsa-kûtaa  lacime 
du  Kailàsa  »  par  allusion  à  la  montagne  où  Çiva  aime  à 
résider,  sur  le  haut  plateau  tibétain,  vers  les  sources  de 
rindus.  Ce  nom  de  Kailâsa-kûta  reste  encore  attaché  à  une 
butte  située  au  Nord  et  juste  au-dessus  du  temple  de  Paçu- 
pati.  Harigaon,  où  j'ai  trouvé  celte  inscription  dressée 
contre  une  chapelle,  avec  l'inscription  de  l'an  32  qui  lui 
fait  pendant,  est  situé  à  l'Ouest  de  Paçupali,  séparé  parle 
«  Ruisseau  des  Blanchisseurs  »  {DhobiKhola)  du  plateau  qui 
porte  Deo  Patan,  la  ville  de  Paçupati,  et  qui  retombe  en 
pente  abrupte  à  l'Est  sur  la  Bagmali.  Madhyalakhu,  d'après 
Wright,  est  situé  sur  la  route  au  Sud  de  Deo  Patan  ;  pour 
ma  part,  je  n'ai  pas  réussi  à  m'en  faire  désigner  l'empla- 
cement. Dans  tous  les  cas,  la  nouvelle  résidence  rovale 
était,  soit  au  Nord,  soit  au  Sud,  soit  à  TOuest,  dans  le  voi- 
sinage immédiat  de  Deo  Patan,  la  capitale  de  Çivadeva  et 
dans  le  voisinage  immédiat  du  palais  des  Licchavis,  Màna- 
gl'ha,  puiscprune  des  portes  indiquées  dans  la  répartition 
d'AiiH^u varman  est  appelée  «  la  porte  de  Màna-grha  ». 

L'inncription,  (în  assez  bon  état,  a  cependant  souffert  un 
peu  :   ellr  règle  un  certain  nombre  de  donations,   mais 


HISTOIRE   DU   NÉPAL  139 

renoncé  des  circonstances  manque.  Il  apparaît  qu'Amçu-^ 
varman  institue  des  jagirs  en  faveur  de  ceux  qui  ont  à 
des  litres  divers  concouru  à  son  sacre  :  le  temple  de  la 
déesse  Sasthî,  une  des  formes  de  Durgà,  Tinspecteur  géné- 
ral des  armées,  le  préfet  des  donations,  les  éléphants  du 
sacre,  le  cheval  du  sacre,  le  porteur  de  Témouchoir,  le 
porte-bannière,  l'ouvrier  de  Teau,  le  surveillant  des  pîthas, 
le  porteur  du  Puspapalàka,  le  sonneur  de  conque,  la 
balayeuse  même,  les  portes,  la  grande  rue  reçoivent  une 
somme,  à  litre  de  rente  sans  doute,  évaluée  en  pu  et  pa^ 
probablement  en  purânas  et  en  panas. 

La  seconde  charte,  de  l'an  32,  attribue  des  donations  à 
des  institutions  et  des  organisations  religieuses,  et  aussi  à 
des  individus.  Elle  présente  un  tableau  intéressant  du 
Népal  religieux  au  cours  du  vu''  siècle  quand  le  Çivaïsme  et 
le  bouddhisme  se  partageaient  sans  se  les  disputer  les 
faveurs  royales.  Pagupali  occupe  la  place  d'honneur,  mais 
son  jagir  ne  dépasse  point  les  autres  ;  derrière  lui  vient 
Dolà-çekhara-svàmin,  le  dieu  de  Changu  Narayan.  Puis 
les  couvents  bouddhiques,  en  tête  le  Gum-vihâra,  nom 
névar  du  Mani-caitva  situé  à  Textérieur  de  la  ville  de 
Sanku  ;  le  iMâna-viliàra,  probablement  le  couvent  fondé 
parMànadeva;  le  Kharjurikà-vihàra,  et  à  leur  suite  les 
couvents  de  moindre  importance,  qui  ne  sont  pas  désignés 
nommément  et  qui  reçoivent  trois  fois  moins  que  les  pre- 
miers. Les  temples  secondaires  viennent  après  les  vihàras 
de  second  ordre  et  sont  traités  comme  eux  :  le  Ràme- 
çvara,  le  Hamsagrhadeva,  le  Mâneçvara,  le  Sâmbapura, 
le  Vâgvatî-pâra-deva,  le  Parvateçvara,  le  Narasimhadeva, 
le  Kailâseçvara,  le  Jalaçayana  de  Bhurnlakkikà  reçoivent 
chacun  3  pu(rànas)  et  1  pa(na).  Les  autres  temples  des 
dieux  {devakuld)  ne  reçoivent  que  2  purânas  et  2  panas. 
Enfin  Tédil  se  termine  par  quelques  attributions  peu 
claires  :    Bhattàraka-pâdâh,    la    confrérie    (Pàncàlî)    de 


140  LE   NÉPAL 

SapelâÇ?),  la  confrérie  en  général,  un   des  serviteurs  du 
palais,  les  gausthikas,  les  serviteurs  en  général. 

De  Tan  34,  il  reste  deux  chartes;  Tune  du  mois  de 
jyaistha  (Bendall,  2),  se  trouve  à  Palan;  elle  attribue  à 
la  confrérie  {pdncAUkàs)  du  village  de  Matin  les  revenus  de 
plusieurs  terrains  pour  être  affectés  à  l'entretien  d'un 
édifice,  un  temple,  sans  doute,  qu'Amçuvarman  a  fait 
restaurer  et  qui  étail  construit  en  briques  et  en  bois;  il  avait 
fallu  en  remplacer  les  portes,  les  panneaux,  les  fenêtres. 
Amçuvarman  confie  l'exécution  de  son  ordre  à  Viudu- 
svàmin,  l'inspecteur  général  de  l'armée.  L'autre  inscrip- 
tion de  l'an  34  est  datée  du  mois  de  pausa  (Bhagv.  6); 
elle  a  été  trouvée  à  Bugmati,  la  petite  bourgade  qui  passe 
pour  le  berceau  de  Matsyendra  Nàtha  (en  névar  :  Bug)  et 
qui  garde  six  mois  par  an  l'image  du  dieu  en  dépôt.  La 
teneur  de  l'édit  est  à  peu  près  indéchiffrable.  Le  délégué 
du  roi  paraît  être  un  fonctionnaire  du  nom  de  Vikrama- 
sena.  Un  ksatriya  (râjapulra)  de  ce  nom  est  désigné 
comme  délégué  royal  dans  une  charte  mutilée  de  l'an  535, 
postérieure  de  dix-sept  ans  à  la  charte  de  Bugmati. 

La  première  des  deux  inscriptions  de  l'an  34  marque  un 
nouveau  progrès  de  l'autorité  d' Amçuvarman.  Çivadeva, 
son  prédécesseur,  introduisait,  selon  l'usage  consacré,  à 
la  fin  de  ses  donations  une  prière  et  une  menace  :  «  Qu'on 
le  sache  et  que  désormais  personne  entre  ceux  qui  vivent 
de  mes  faveurs  ou  tout  autre  n'agisse  autrement.  El  si 
quelqu'un  au  mépris  de  cet  ordre  agit  ou  fait  agir  autre- 
ment, jo  ne  le  supporterai  absolument  pas.  Et  les  rois  qui 
viendront  après  moi,  respectueux  de  la  loi  et  attachés  aux 
favcMus  accordées  par  leurs  prédécesseurs  royaux  devront 
obst'rvproxactemcnt  cet  ordre  »(  Bendall,  1).  Amçuvarman, 
dans  son  prtMuier  (klit  de  l'aii  30  se  contente  de  faire  appel 
h  la  lidniité  do  ses  fonctionnaires  et  des  rois  à  venir;  en  32, 
il  Kupprime  môme  cet  appel.  Mais  en  34  il  reprend  avec  des 


HISTOIRE    Du   NÉPAL  141 

variations  insignifiantes  de  détail  la  formule  de  conclusion 
deÇivadeva;  la  seule  différence  qui  vaille  d'être  signalée 


Mahilrdja  Kir  Sl<am  Slier  Jang 


est  la  substitution  de  la  première  personne  du  pluriel 
«  Nous  »  (rayam)  au  singulier  «  Moi  »  (a/iam)  qu'employait 
Çivadeva. 

Le  dernier  édit  d'AipçuvarmaD  daté  de  l'an  39  (Bliugv.  7) 


142  LE    NÉPAL 

étend  et  développe  celte  formule.  Cet  édit,  qui  se  trouve 
à  Deo  Patan,  près  du  temple  de  Paçupati,  confie  à  la 
confrérie  d'Adhahçâlâ  {AdhahçiUd-pAncâlikebhyah)  la  sur- 
veillance de  trois  liiigas,  le  Çûrabhogeçvara  dédié  à 
Paçupati  par  Bhogadevî,  sœur  d'Amçuvarman  et  mère  de 
Bhogavarman,  au  profit  des  mérites  de  Çûrasena,  époux 
de  Bhogadevî;  le  Laditamaheçvara  fondé  par  Bhâgyadevî, 
fille  de  Bhogadevî  et  nièce  d'Amçuvarman;  le  Daksineç- 
vara  fondé  par  les  ancêtres  de  Bhogadevî.  L'édit  s'adresse 
aux  vriiibhujah,  tant  présents  qu'à  venir,  du  paçcimâdhika- 
rana,  Yadhikarana  ou  le  ressort  de  TOuest;  les  vrtûbhujah 
sont  probablement  les  propriétaires  féodaux  qui  jouissent 
{bhuj)  des  revenus  du  territoire  donné  en  fief,  identiques 
aux  vârttas  et  aussi  aux  vrttiyas  du  Népal  moderne.  Enfin 
le  délégué  royal  est  le  yuvarâja,  l'héritier  présomptif, 
Udayadeva. 

La  dernière  inscription  du  temps  d'Amguvarman  émane 
d'un  particulier;  elle  se  trouve  à  Katmandou  (Bhagv.  8). 
La  date  en  est  douteuse  ;  le  signe  de  40  y  est  net,  mais 
l'unité  qui  suit  est  indistincte.  Bhagvanlal  l'interprétait 
conjecturalement  comme  un  5;  M.  Fleet  est  tenté  d'y  voir 
un  4.  «  Par  la  faveur  de  Çry-Amçuvarman,  le  vârtta 
Vibhuvarman  a  fait  faire  cette  conduite  d'eau  au  profit 
des  mérites  de  son  père.  » 

Comme  les  inscriptions,  les  monnaies  attestent  la  puis- 
sance d'Ainçuvarman.  Le  premier  des  rois  du  Népal,  il 
marque  à  son  nom  les  pièces  qu'il  frappe.  Il  en  subsiste 
plusieurs  types,  décrits  par  Cunningham.  Le  diamètre 
est  d'environ  0,025  millimètres;  le  poids,  très  irrégulier, 
(le  11  grammes  à  16,20.  L'emblème,  constant,  est  une 
sorte  d(»  griffon  ailé,  tourné  à  sa  droite  propre,  une  patte; 
d'avant  relevée  dans  l'attitude  de  la  marche;  sur  le  champ, 
la  légende  Cry-Amçuvarma  ou  Çry-Amçoh.  Au  revers, 
tantôt  le  niènïe  lion  avec  un  croissant  de  lune  au-dessus 


HISTOIRE    DU   NÉPAL  143 

de  la  tête  ;  tantôt  un  soleil  radié  avec  la  légende  :  mahârâ- 
jâdhirâjasya.  Peut-être  convient-il  de  voir  ici  une  allusion 
au  nom  du  roi,  qui  contient  le  moi  amçu  a  rayon  ».  En 
fait  la  légende,  sur  cette  monnaie,  occupe  exactement 
autour  du  disque  solaire  la  place  qui,  sur  certains  coins 
de  Paçupati,  est  occupée  parle  prolongement  des  rayons 
solaires.  Sur  une  autre  série,  le  revers  porte  une  vache 
tournée  à  sa  droite  propre  avec  une  légende  qui  a  été  lue 
jusqu'ici  :  kâma  dehi  ou  (Bendall  :)  kâmam  dehi.  xMais, 
d'une  part  Tanusvâra  manque  nettement  sur  les  fac- 
similés  publiés,  et  cette  sorte  de  prière  :  «  donne  le 
désir!  »  n'est  guère  justifiable  ni  par  des  analogies  ni  par 
des  raisons.  Il  paraît  plus  naturel  d'y  chercher  une  dési- 
gnation de  la  vache  d'abondance,  couramment  appelée 
Kâma-dugh,  «  qui  se  laisse  traire  tout  ce  qu'on  sou- 
haite *  ». 

La  distribution  des  inscriptions  d'Amçuvarman,  à  Kat- 
mandou, à  Patan,  à  Deo  Palan,  à  Bugmati  démontre  que 
ce  prince  exerçait  sa  souveraineté  sur  le  centre  même  du 
Népal  ;  la  charte  qui  réglemente  l'entretien  des  lingas 
élevés  par  sa  sœur  et  sa  nièce  à  Paçupati,  et  qui  est 
adressée  aux  vrttibhujah  du  ressort  occidental  donne  à 
croire  que  le  pouvoir  d'Amçuvarman  s'étendait  assez  loin 
à  l'Est;  du  point  de  vue  de  la  vallée  même,  Paçupati  est 
certainement  situé  plutôt  dans  la  partie  orientale  du  Népal. 
Une  indication  de  la  Vumçâvali  semble  bien  confirmer 
cette  supposition  :  «  Amçuvarman  s'en  fut  à  Prayâga-tîrtha 
et  persuada  à  Prayâga-Bhairava  de  l'accompagner  au 
Népal  ».  Wright  ajoute,  à  tort,  que  le  Prayâga-tîrtha  est 

1.  M.  Rapsun  {Indian  Coins,  pi.  V)  lit  kâmadehl,  qui  pourrait  être  un 
féminin  (irrégulier)  de  hàyria-deha,  composé  susceptible  de  plusieurs 
sens,  entre  autres:  «  qui  est  le  corps  du  désir  »,  «  qui  a  dans  son  corps 
tous  les  désirs  | réalisés!  »,  une  très  légère  modification  donnerait  la 
lecture  hâmadohl,  fonnation  parallèle  à  Kâmadugh,  *^doh~t  étant  un 
féminin  irrégulier  de  doha  en  conjposilion. 


144  LE    NÉPAL 

le  confluent  du  Gange,  de  la  Jumna  et  de  la  Sarasvall, 
Prayàga  étant  le  nom  hindou  de  la  moderne  Allahabad.  En 
fait,  le  Népal  possède  un  lîrtha  du  nom  de  Prayâga;  il  est 
situé  à  TE.-S.-E.  de  la  grande  vallée,  près  de  la  ville  de 
Panàvatî,  dans  une  vallée  écartée,  h  deux  lieues  S.  de 
Banepa,  h  trois  lieues  S.-E.-  de  Bliatgaon.  Le  mont  Namo- 
buddha,  que  la  légende  locale  désigne  comme  la  scène  du 
Vyâghrî-jâtaka,  est  au-dessus  de  Panâvatî.  D'après  la  tra- 
dition, l'ancien  nom  de  cette  région  était  Pâncâla-de(;a,  le 
pays  de  PâncâlaV  Amçuvarman  aurait  donc  soumis  à  son 
pouvoir  celle  région  reculée,  et  pour  la  rattacher  plus 
étroitement  au  Népal  propre,  il  aurait  transporté  dans  son 
palais  la  divinité  locale  ;  c'est  la  méthode  romaine  renou- 
velée dans  rilimalaya. 

Immédiatement  avant  le  règne  d'Amçuvarman,  les 
Vamçàvalîs  indiquent  une  époque  de  troubles  :  Vikramâ- 
ditya  d'Ujjayinî  conquiert  le  Népal  et  y  introduit  son  ère. 
Les  chroniqueurs  népalais  interprètent  donc  les  dates 
d'Amçuvarman  à  l'aide  du  Vikrama-samval  ;  d'après  leur 
système,  Am(;uvarman  aurail  régné  vers  l'an  30  et  40  de 
cette  ère,  soit  une  dizaine  d'années  avant  la  naissance  du 
Christ.  L'ne  autre  doctrine  parait  avoir  interprété  les  dates 
de  ses  édils  d'après  la  méthoch^  du  Loka-kî\la,  qui  omet 
les  chiirres  supérieurs  aux  dizaines  et  se  contente  de 
dénombrer  les  années  h  Tintérieur  de  chaque  siècle  ;  le  0 
de  l'ère  employée»  par  Ainçuvarman  a  été  tenu  pour  identique 
avec  le  0  du  xxx*"  siècle  du  Kali-Yuga.  Aini^uvarman  serait 
monté  sur  le  Irone  en  3  000  K.Y.,  soit  en  101  avant 
J.-(l.  Entre  deux  systèmes  qui  comportent  un  écart  d'un 
siècle,  Taccord  semble  étrcî  plus  que  suffisant  à  des 
chronologistr's  hindous.  Sans  parler  de*  toutes  les  relisons 
qui  s'opposent  à  ces  fantaisies,  le  témoignage  de  Hiouen- 

l.  \VRit;nT,  p.  163. 


HISTOIRE    DU    NÉPAL  145 

tsang  est  décisif  ;  Amçuvarman  appartient,  à  peu  de  chose 
près,  à  la  même  époque  que  le  voyageur  chinois,  c'est-à- 
dire  à  la  première  moitié  du  vn*  siècle.  Justement,  au 
début  de  ce  siècle,  l'empereur  de  THindoustan  Harsa 
Vardhana  Çîlàditya  fonde  une  ère  qui  part  de  605/606  J.-C. 
Il  a  paru  naturel  et  nécessaire  à  Bhagvanlal  de  ramener 
les  dates  d'Amçuvarman  à  Tère  de  Harsa.  M.  Biihler  a 
cru  trouver  une  preuve  positive  à  l'appui  de  cette  thèse 
dans  un  passage  du  Ilarsa-carila  où  Bâna,  jouant  sur  les 
mérites  divins  de  son  héros,  s'exprime  ainsi  :  atra  para- 
tneccarena  tusâracailabhuvo  duroâud  urhîtah  karah.  La 
phrase,  comme  il  convient,  a  un  double  sens  ;  elle  signifie  : 
1**  ((  En  lui  le  seigneur  suprême  (Çiva)  a  pris  la  main  de 
Durgà  (son  épouse)  fille  du  Mont-aux-Neiges  (Himalaya).  » 
—  2"  ((  En  lui  un  seigneur  suzerain  a  pris  Timpôt  de  la 
région  inaccessible  des  montagnes  neigeuses.  »  M.  Buhler, 
avec  son  ingéniosité  de  pandit,  reconnaissait  dans  ce  trait 
une  allusion  évidente  h  la  conquête  du  Népal  par  Harsa  \ 
J'avoue  que  l'allusion  me  paraît  manquer  de  transparence; 
un  artiste  en  équivoque  tel  que  Bâna  aurait  su  marquer 
son  intention  par  des  traits  moins  vagues  ;  aucun  détail 
n'évoque  ici  le  Népal.  Le  terme  tmâra  me  semble  au 
contraire  introduit  ici  àdessein  pour  préciser  lejeu  d'esprit  ; 
tusdra  est  identique  à  lukhâra  ;  les  deux  lettres  m  et  kha 
s'emploient  constamment  l'une  pour  l'autre,  et  les  théori- 
ciens posent  en  principe  leur  identité  absolue  dans  les 
jeux  de  mots.  Au  second  sens,  la  phrase  signifie  donc  que 
Harsa  a  re(;u  l'impôt  de  la  terre  montagneuse  et  inacces- 
sible où  vivent  les  ïukhâras,  les  Turcs,  autrement  dit  de 
rilindou-Kouch.  LesTukhàras  avaient  fondé  des  royaumes 
durables  surla  froutièn»  Nord-Ouest  de  l'Inde;  les  religieux 


1.  Ind.  Anliq.f  XIX,  p.   40.  Le  passage  se  trouve  dans  l'édition  du 
Nirnaya-Sagar,  p.  101  :  cf.  trad.  Thomas,  j).  76. 

n.  —  10 


146  LE   NÉPAL 

du  Tukhâra  avaient,  au  vu''  siècle,  un  couvent  particulier 
dans  le  voisinage  de  Mahâbodhi,  au  cœur  des  états  de 
Harsa^  Une  concession  de  ce  genre,  accordée  à  un  état 
étranger,  n'allait  pas  sans  une  sorte  de  redevance  que  les 
panégyristes  avaient  beau  jeu  de  transformer  en  tribut.  J'ai 
déjà  signalé  un  cas  analogue  dans  l'histoire  de  Tlnde; 
quand  le  roi  de  Ceylan  obtintdeSaraudra  Guptaun  terrain, 
à  Mahâbodhi  également,  pour  élever  un  couvent  destiné 
aux  moines  singhalais,  Ceylan  fut  enregistré  parmi  les 
tributaires  de  Tempire  Gupta^ 

Tandis  que  Harsa  Vardhana  tenu  en  échec  au  Nord-Ouest 
par  les  barbares  que  Tlnde  désignait  sous  le  nom  collectif 
de  Hûnas,  au  Sud  par  le  Calukya  Pulikeçi,  souverain  du 
Dekkhan,  fondait  dans  THindoustan,  du  Guzerate  au  Ben- 
gale, un  empire  éphémère  qui  ne  devait  pas  même  lui 
survivre,  une  nation  nouvelle  se  constituait  soudainement 
sur  les  hauts  plateaux  adossés  au  Nord  de  THimalaya,  sur 
la  frontière  même  du  Népal,  et  du  même  coup  Téquilibre 
séculaire  de  TAsie  Orientale  était  ébranlé  et  rompu.  Tour- 
nés vers  rinde  depuis  leur  migration  dans  les  vallées 
méridionales,  instruits,  organisés,  policés  par  Tlnde,  à 
demi  introduits  dans  le  monde  hindou,  les  Névars  du  pays 
népalais  avaient  oublié  sans  doute  leurs  frères  lointains, 
restés  fidèles  aux  alpages  rudes  d'outre-monts,  à  la  vie 
nomade  des  pasteurs  dans  les  solitudes  glacées,  au  culte 
des  esprits  malveillants  et  des  fétiches  grossiers.  Deux 
barbares  de  génie  suffirent  pour  tirer  en  cinquante  ans  de 
ce  bétail  humain  une  armée  formidable  qui  mit  en  péril 
rinde  et  la  Chine,  et  un  clergé  instruit  qui  devait  offrir  à 
la  science  bouddhique  un  suprême  asile.  Les  Chinois  qui 
eurent  en  particulier  tant  h  souffrir  de  ces  nouveaux-venus 

1.  I-tsim;.  Lrs  Religieuv  É7ninenLs,  p   80. 

2.  Les  missions  dr  Wang  Hiunnts'e,  tians  le  Journ.  Asiat,,  1900, 
I.  p.  *Ofi. 


HISTOIRE   DU   NÉPAL  147 

ont  noté  avec  soin  les  étapes  de  leur  formation  *.  Sous  la 
dynastie  des  Soei,  dans  la  période  nommée  K'ai-hoang, 
entre  581  et  600\  un  chef  du  nom  de  Loun-tsanso-loung-lsan 
(Srong  tsan)  qui  habitait  à  l'Ouest  du  Tsang-ko  (partie  du 
Sse-lclî'oan,  du  Koei-tcheou,  du  Koang-si  et  du  Hou-koang) 
réunit  en  un  royaume  les  clans  dispersés,  fixa  la  popula- 
tion dans  des  villes,  et  donna  à  ses  sujets  le  nom  de  Tou- 
p'o,  transformé  plus  tard  en  Tou-fan  par  une  ftmsse 
prononciation.  Dans  la  langue  indigène,  toutefois,  le  nom 
du  pays  est  Bod-{f/iil)  «  (pays  de)  Bod  »  et  c'est  ce  nom 
que  le  sanscrit  reproduit  sous  la  forme  Bhola  ou  Bhotta, 
qui  se  rencontre  pour  la  première  fois  dans  une  inscription 
deÇivadeva  datée  samvat  119  (Bhagv.  nM2, 1.  16).  Par  une 
ligne  d'intermédiaires  encore  douteux,  les  Européens  ont 
altéré  ce  nom  en  Tibet.  Le  premier  roi  du  Tibet  étendit 
son  pouvoir  vers  le  Sud-Ouest  jusqu'au  pays  de  Po-lo-men, 
le  pays  des  Brahmanes  ou  Tlnde;  au  commencement  de 
la  dynastie  des  T'ang  (vers  620),  il  disposait  de  100000 
soldats. 

La  tradition  tibétaine^  donne  à  ce  personnage  le  nom 
de  (jNam-rl  Srong-blsan\  ce  prince  aurait  conquis  le  pays 
de  Gru-yu  qui  touche  à  Tlnde  et  aussi  le  yNa-zliur  occiden- 
tal; dès  son  règne,  le  Tibet  aurait  reçu  de  la  Chine  les 
rudiments  de  la  médecine  et  de  l'astrologie.  Mais  si  grand 
qu'eût  été  le  fondateur  de  l'empire  tibétain,  sa  gloire  allait 


1.  Ma  Toan-i.in,  chap.  334.  —  Annales  des  Tang,  ch.  256  et  257.  Cette 
section  des  Annales  a  été  traduite  et  annotée  excellemment  par  M.  Bushell 
dans  le  Journ.  Roy.  As.  Soc,  new  ser.,  XII,  435  sqq.  —  Descriplion 
du  Tubet,  traduite  par  Klaproth  dans  le  Nouveau  Journ.  Asiat.,  1829, 
2,  81-158;  241-324. 

2.  Klaproth,  dans  l'article  cité,  donne  par  erreur  comme  date  «  vers 
630  ». 

3.  Emil  ScHLAGiNTvsEiT,  Die  Kônige  von  Tibet  (traduction  du  Rgyal- 
rabs)  dans  Abluindl.  d.  K.  bayer.  Ahad.  d.  Wm.,  1866.  —  Koppen, 
Buddhlsmiis,  H,  47  sqq.  —  Cf.  aussi  Alphabetum  Tibetanum,  p.  298 
sqq. 


148  LE   NÉPAL 

être  éclipsée  ;  son  fils  el  son  héritier  devait  êlre  le  Clovis 
et  le  Charlemagne  du  Tibet.  Les  Chinois  l'appellent  Tch'i- 
Isoung  loung-tsan  ;  les  Tibétains  Srong-btsan  sgam-po.h^^ 
chroniques  tibétaines  s'accordent  à  fixer  sa  naissance  en 
018,  son  avènement  en  029  et  sa  mort  en  098;  mais  les 
annales  des  T'ang,  sur  la  foi  des  documents  officiels,  enre- 
gistrent sa  mort  en  Tan  050.  L'exactitude  ordinaire  des 
historiens  chinois  est  encore  ici  confirmée  par  le  témoi- 
gnage d'I-tsing  et  par  d'autres  preuves  ;  les  dates  tibétaines 
sont  à  rejeter.  Srong-btsan  sgam-po  passe  pour  une 
incarnation  du  Bodhisattva  Padmapàni.  Dès  le  début  de 
son  règne  il  envoya  dans  l'Inde  une  mission  de  seize  per- 
sonnes sous  les  ordres  de  Thon-mi  a-nu,  pour  y  étudier 
les  secrets  de  l'écriture  ;  la  mission  se  rendit  au  Cache- 
mire, y  reçut  les  leçons  du  brahmane  Li-byin  {Lipikâra? 
«  le  scribe  »  )  et  du  Pandit  Lha-rig-pa  seng-ge-sgra  {Deva- 
vidyâ'Shnha-nâdat)  et  rapporta  au  Tibet  comme  le  plus 
précieux  des  butins  un  alphabet  qui  reproduisait  à  peu  près 
récriture  en  cours  dans  l'Inde  du  Nord  et  qui  s'adaptait 
cependant  à  la  notation  la  plus  délicate  des  sons  tibétains. 
Une  fois  maître  de  l'écriture,  le  barbare  se  crut  le  maître 
du  monde,  et  l'événement  sembla  confirmer  sa  confiance 
naïve.  11  conquit  tour  à  tour  le  rTsa  el  le  Shing  àl'Est,  le  bLo- 
voetleZhang-zhung  au  Sud,  le  Hor  au  Nord  ;  ses  domaines 
couvraient  le  Tibet  entier,  le  bassin  du  Koukou-nor,  les 
marches  occidentales  de  la  Chine,  l'Assam  et  le  Népal. 
((  Il  dominait  sur  la  moitié  du  Jambudvîpa.  '  »  Il  résolut  de 
consolider  son  pouvoir  par  des  alliances  de  haut  rang  ;  il 
brigua  la  main,  dans  l'Inde,  d'une  princesse  népalaise,  en 


1.  (rvsrhichtf  ilcr  Oat-Mongolon  und  ihrcs  Fursfenhauses  verfasst 
i^on  Saanang  ssctsen(Jhun(jt(ndschicîrv()rdHS,  tradiiil  parJJ.-.  Sr.HMiDT, 
PfhMsboiirj,',  1829,  p.  :>28  :  «  Ses  nïinislres  enln'iTiil  en  n'Ialions  à  l'Est 
aver  les  (Ihinois  el  les  Minak  (Tanj^oiiles),  au  Sud  avec  Tllindoustan,  à 
rOuesl  avec  Uaibo  (Népal)  el  au  Nord  avec  les  llnr  el  les  Gugi  ». 


HISTOIRE   DU    NÉPAL  149 

Chine  d'une  princesse  impi^riale.  Thon-mi  a-nu,  surnommé 
Sambhota,  qui  avait  déjà  fait  ses  preuves,  fut  chargé  de  se 
rendre  auprès  du  roi  du  Népal,  qui  portait  le  titre  de 
Devahla,  et  le  nom  de  ce  Rayon-armure».  J*ai  déjà  démon- 
tré, dans  un  travail  précédent,  que  ce  prince  est  indubita- 
blement Amc^uvarman  ' .  Le  Bodhimor  mongol  ajoute  que 
la  résidence  de  ce  prince  s'appelait  Krdcnin  Dvlp,  qui 
équivaut  au  sanscrit  Ratna-dvîpa,  et  que  le  palais  portait 
le  nom  de  Ku  kum  gLui^  L'envoyé  de  Srong-btsan  sgam- 
po  apportait  en  présent  au  roi  du  Népal  «  un  casque  mer- 
veilleux orné  de  pierres  précieuses  »  qui  semble  faire  allu- 
sion au  sensdu  nomdWmçuvarman  «  le  casque  de  lumière  ))\ 
La  princesse  qu'il  venait  demander  en  mariage  avait  alors 
seize  ans  *  ;  «  son  teint  était  pur,  les  traits  de  son  visage 
annonçaient  une  destinée  merveilleuse  ;  elle  était  d'une 
vertu  parfaite  et  d'une  grande  beauté  ;  la  correction  de 
toute  sa  personne  ne  laissait  rien  à  désirer  ;  sa  bouche 
exhalait  le  parfum  du  lotus  bleu;  elle  dominait  par  sa 
gravité  etsa  grâce'.  »  Son  nom  était  Lha-gcig  (la  princesse) 
Bribtsun\  Sa  naissance  môme  était  miraculeuse.  «  Quand 
Chutuktu  Niduler  Usektschi  reconnut  que  le  temps  était 
venu  où  les  créatures  ([ui  respiraient  dans  le  royaume  des 
Neiges,  au  Tobot,  allaient  seconvertir,  il  émit  de  sa  per- 
sonne quatre  rayons.  Le  rayon  sorti  de  son  œil  droit  alla 
au  royaume  de  Balbo  (Népal)  et  il  remplit  tout  ce  royaume 

1.  Note  sur  la  Chronologie  du  Népal,  p.  12.  --  Ssanang-sselsen  rend 
ce  nom  par  Gerelun-Chiijak  [(jerel  =^  luniièrej. 

2.  .I.-.I.  ScHMiDT,  p.  335.  Le  mot  gLii  traduit  régulièrement  le  sanscrit 
Ndga;  cf.  sup.  I,  54. 

3.  Telle  est  la  traduction  qu'en  donne  Jlioucn-tsang. 

'i.  Elle  était  née  en  62'i  d'après  la  tradition  tibétaine,  qui  place  son 
mariage  en  639. 

5.  Je  donne  ici  la  traduction  du  passage  de  Ssanang-ssetsen  d'après 
une  version  chinoise  de  cet  auteur  que  feu  M.  Devkri.v  avait  eu  la  bonté 
de  me  communiquer. 

6.  Georgi  (p.  298)  l'appelle  «  Lha-ci-lhrit-zuna,  filiam  Sama-briscio 
régis  Jangbu  tibetice,  Kathynandu  indostanice  ». 


150  LE   NÉPAL 

d'une  lumière  qui  illumina  par-dessus  tout  le  roi  de  ce 
royaume  appelé  Devahla  et  aussi  son  palais.  Et  là-dessus 
réponse  du  roi  devint  enceinte  \  »  Srong-btsan  sgam-po 
était  né,  lui  aussi,  d'un  de  ces  rayons  ;  et  les  deux  autres 
s'incarnèrent  dans  Thon-mi  Sambhota  et  dans  la  prin- 
cesse chinoise. 

Le  Tibétain  avait  au  service  de  sa  diplomatie  matrimo- 
niale des  arguments  trop  pressants  pour  craindre  un  refus. 
Amçuvarman  accueillit  sa  demande  et  lui  accorda  sa  fille; 
il  n'avait  pas  l'intransigeance  farouche  des  Rajpoutes  de 
Chitor,  si  chers  aux  légendes  hindoues,  et  qui  aimèrent 
mieux  s'ensevelir  sous  les  ruines  de  leur  ville  plutôt  que  de 
céder  une  fille  de  leur  caste  à  un  prince  étranger.  Pour 
adoucir  l'amertume  de  cette  mésalliance,  il  put  tout  au 
moins  feindre  de  croire  aux  inventions  complaisantes  des 
généalogistes  qui  rattachaient  la  dynastie  tibétaine  soit 
aux  Licchavis,  soit  aux  Çâkyas  des  montagnes,  soit  encore 
aux  rois  deMagadhaetde  Pancâla^  Les Licchavisdu  Népal, 
et  leur  allié  Amçuvarman,  auraient  eu  mauvaise  grâce  à 
protester  contre  la  greffe  d'un  nouveau  rameau  sur  un 
tronc  chargé  déjà  de  tant  de  branches  suspectes. 

Au  reste,  si  les  brahmanes  maugréaient,  le  bouddhisme 
exultait.  La  jeune  reine  ouvrait  à  la  Loi  un  immense 
domaine.  Elle  emportait  dans  sa  nouvelle  patrie  trois 
images  surnaturelles  (^rû^awîMw),  l'une  d'Aksobhyavajra, 
une  autre  de  Maitreya,  une  enfin  de  Tara  la  blanche,  faite 
en  santal  de  goçîrsa  ;  et  de  plus  une  collection  complète 
des  textes  sacrés  du  Népal.  Les  grands  de  la  cour  népa- 
laise l'accompagnèrent  jusqu'à  la  ville  de  «  Dschirgha- 
langtu  »  du  pays  de  Mangjul  (où  se  trouve  la  passe  de 

1.  D'après  un  document  rapporté  par  Bogie  et  publié  par  M.  CI.  Markham 
{Tibet,  p.  343)  «  la  Rani  du  Haja  Niwar  du  Népal  »  s'appelait  «  Dewa- 
Ihaha-  Maho-ye-ser  »  (peut-être  Moho-ye-scs  =  Mahâprajnà  =  Tara) 
et  la  princesse  «  Pàhnosàthi-chun  ». 

2.  KôppE.>,  il,  47. 


HISTOIRE   DU   NÉPAL  151 

Kirong)  ;  une  escorte  tibétaine  la  conduisit  de  là  au  palais 
de  son  époux. 

Deux  ans  plus  tard,  au  dire  des  Tibétains,  mais  certai- 
nement en  Tan  641,  une  autre  princesse  venait  Ty  rejoin- 
dre, également  à  tilre  d'épouse,  aussi  pieuse,  aussi  dévole, 
mais  de  sang  plus  noble  encore  et  d'origine  plus  lointaine. 
De  634  à  641 ,  Srong-btsan  sgam-po  à  la  tête  de  ses  hordes 
irrésistibles  avait  envahi  et  pillé  le  territoire  chinois  en 
poussant  jusqu'à  Soung-tchou  (Soung-pan-fing  du  Sse- 
tch'oan)  ;  pour  conclure  la  paix,  il  exigeait  la  main  d'une 
princesse  de  la  famille  impériale.  Indigné  d'une  prétention 
si  exorbitante,  l'empereurT'ai-tsoung,  alors  au  faîte  de  sa 
puissance,  refusait  de  céder.  Les  armes  tibétaines  finirent 
cependant  par  triompher  des  scrupules  de  l'étiquette  chi- 
noise, comme  elles  avaient  fait  des  préventions  de  caste  au 
Népal.  La  princesse  Wen-tch'eng,  parenle  de  l'empereur, 
dut  se  résigner  tristement  à  partir  par  une  route  longue  et 
dure  vers  les  contrées  glacées  où  la  réclamait  le  caprice 
politique  d'un  conquérant.  Elle  apportait,  elle  aussi,  ses 
images  et  ses  livres  de  piété  bouddhique.  Ferventes  des 
mêmes  dieux,  les  deux  reines  n'en  comptaient  pas  moins 
les  mettre  au  service  de  leur  influence  et  de  leurs  intérêts 
respectifs  ;  les  nobles,  qu'avait  trop  souvent  blessés  la  mor- 
gue chinoise,  refusèrent  de  reconnaître  Wen-tch'eng  comme 
la  première  reine,  et  la  princesse  népalaise  conserva  son 
rang.  iMais  Srong-btsan  sgam-po  n'en  subit  pas  moins  pro- 
fondément l'influence  de  la  Chine  :  dès  641,  il  sollicitait 
l'admission  de  jeunes  Tibétains  aux  cours  de  l'Ecole  impé- 
riale {Koiio  hio).  Il  se  mit  à  porter  un  vêtement  de  soie, 
demanda  des  savants  chinois  pour  apprendre  à  composer 
des  vers,  puis  des  ouvriers  capables  d'enseigner  aux  indi- 
gènes la  fabrication  du  vin,  des  moulins,  du  papier,  de 
l'encre.  La  civilisation  de  la  Chine  s'installait  ainsi  sur  les 
confins  du  Népal.  L'Inde,  d'autre  part,  lui  envoyait  ses 


152  LE   XÉPAL 

docteurs  :  Kumàra  vint  de  Tlnde  centrale,  Çilamanju  du 
iNépal,  Tabula  et  Ganula  (?)  du  Cachemire.  Des  vihàras 
s'élevèrent;  sous  la  direction  de  Thon-mi  Sambhota.  la 
traduction  des  Écritures  bouddhiques  fut  entreprise.  Le 
bouddhisme,  adopté  par  le  roi,  se  propagea  chez  ses  sujets, 
et  rÉglise  reconnaissante  divinisa  les  deux  princesses 
comme  deux  incarnations  de  Tara  :  unies  dans  la  même 
vénération,  on  leur  assigna  des  images  identiques  :  assises 
sur  un  trône  de  lotus  avec  la  jambe  gauche  repliée  et  la 
droite  seule  posée  à  terre,  elles  tiennent  dans  la  main 
droite,  qui  s'appuie  au  genou,  un  lotus  bleu.  Seule,  la  cou- 
leur de  leur  corps  les  distingue  :  la  princesse  népalaise 
est  blanche  ;  la  chinoise,  verte*. 

Beau-père  de  Srong-btsan  sgam-po  qu'il  n'aurait  pas 
choisi  spontanément  pour  gendre,  Amçuvarman  passait 
dans  la  sphère  d'influence  du  Tibet.  Le  Népal  n'était  qu'une 
dépendance  de  Lhasa  :  il  en  était  encore  vassal  au  début 
du  vui'  siècle,  d'après  le  témoignage  formel  des  Chinois.  Il 
faut  évidemment  goûter  le  paradoxe  pour  croire  que  ce 
même  Amçuvarman  ait  adopté  l'ère  de  Harsa  Çilàditya  : 
j'ai  dans  ma  Sote  sur  la  Chronolofjie  du  Népal  montré  les 
difficultés  de  calendrier  où  se  heurte  cette  thèse;  l'impos- 
sibilité historique  en  apparaît  ici  éclatante.  L'ère  inaugurée 
par  Amçuvarman  ne  peut  pas  venir  de  l'Inde,  puisqu'il  en 
est  détaché  par  la  politique  ;  elle  doit  avoir  pour  point  de 
départ,  comme  je  l'ai  cru  d'abord,  l'avènement  d'Amçu- 
varman,  ou  elle  a  son  origine  au  Tibet  et  marque  par  son 
adoption  même  la  soumission  du  Népal  à  son  nouveau 
suzerain.  Si  Amçuvarman  l'a  fondée,  il  est  surprenant 
qu'aucune  des  inscriptions  de  ce  roi  ne  soit  antérieure  à 
Tan  30  ;  au  contraire,  l'inscription  de  Tan  30  que  j'ai 


1.  VA.  Godefroy  de  Blonw,  Matériaux  pour  servir  à  Vctude  de  la 
déesse  Tdrdj  Paris,  1895. 


HISTOIRE    DU    NÉPAL  153 

découverte  à  Ilarigaon  semble  bien  se  rattacher  aux  céré- 
monies du  sacre.  Pour  des  raisons  d'ordre  astronomique 
que  j\ii  discutées  ailleurs,  Tan  34  de  cette  ère  ne  peut 
correspondre  qu'à  629  J.-r4.  ;  Tan  30  correspond  alors  à 
625  J.-C.  Les  inscriptions  au  nom  de  Çivadeva  comme  roi 
et  d'Am<;uvarman  comme  maire  du  palais,  datées  dans  l'ère 
traditionnelle  des  Licchavis,  descendent  jusqu'à  l'an  520 
qui  répond,  d'après  mes  calculs,  à  631  J.-C.  Il  faut  en  ce 
cas  admettre  l'existence  d'une  période  intermédiaire  où 
les  deux  ères  auraient  été  employées  parallèlement,  l'au- 
torité personnelle  d'Amçuvarman  n'étant  pas  encore 
reconnue  par  tous.  Amçuvarman  aurait  adopté  Tère  di^s 
Tibétains  pour  leur  faire  la  cour,  comme  s'il  se  déclarait 
spontanément  leur  vassal.  Les  incursions  triomphantes  de 
Loun-tsan-so-loung-tsan,  qui  avaient  atteint  l'Inde  centrale 
(P'o  lo-me?})  avaient  appris  par  expérience  au  Népal  quel 
pouvoir  se  formait  au  INord,  et  les  premières  victoires  de 
Srong-btsan  sgam-po  avaient  prouvé  la  vitalité  du  nouvel 
empire. 

Il  n'est  pas  possible,  je  l'avoue,  de  démontrer  positive- 
ment l'origine  tibétaine  de  l'ère  d'Am(;uvarman  et  des 
Thâkuris;  mais  des  indices  assez  nombreux  semblent 
corroborer  cette  opinion.  L'encyclopédiste  Ma  Toan-lin,  se 
fondant  sur  des  documents  chinois,  fixe  le  début  de  l'em- 
pire tibétain  dans  la  période  K'ai-hoang,  entre  581  (4  601. 
Le  savant  historien  des  Huns,  de  (luignes,  conclut  de  son 
côté  que  le  Tibet  a  a  été  soumis  à  différents  rois  jusque 
vers  l'an  589  de  J.-C.  '.  »  Le  Dalai-Lama,  dans  sa  corres- 
pondance diplomatique  avec  lord  Cornwallis,  date  succes- 
sivement de  1203  et  de  1206  deux  lettres  écrites  res])ective- 
ment  en  1789  et  1792  J.-C.  ^  Le  point  de  départ  de  cette 

1.  Histoire  des  Huns^  livre  III,  Tableaux  chronologi(|ues  des  nations 
tibétaines. 

2.  KiRKPATRiCK,  Appendice  n*»  II,  B. 


154  LE    NÉPAL 

ère  serait  donc  586  J.-C.  Une  ère  dont  l'emploi  est  limité 
actuellement  au  Bengale,  el  qui  y  porte  le  nom  de  San, 
part  de  593  J.-C.  comme  sa  première  année  ;  aucune  infor- 
mation ne  subsiste  sur  l'origine  de  cette  ère,  qui  est  pure- 
ment traditionnelle.  L'époque  initiale  est,  à  deux  ans  près, 
identique  à  celle  d'Amçuvarman  ;  et  pour  qui  connaît  les 
complications  du  calendrier  hindou,  la  confusion  fréquente 
des  années  présentes  et  des  années  écoulées,  une  erreur 
de  deux  ans  sur  un  espace  de  i  300  ans  semble  négli- 
geable. Enfin  les  Tibétains  eux-mêmes  enseignent  qu'avant 
rintroduction  (en  1025-6  J.-C.)  du  système  appelé  kâla- 
cakra,  et  fondé  sur  le  cycle  de  Jupiter,  se  place  une  période 
nommée  Me-kha-gya-tsho.  Ce  mot  est  un  composé  de 
symboles  numériques  :  me,  le  feu,  exprime  3  ;  kha,  l'es- 
pace, 0  ;  (jya'tsho,  les  lacs,  4  '.  Lu  d'après  la  méthode  indo- 
tibétaine,  me-kha-fjya  tsho  signifie  403.  Le  point  de  départ  de 
cette  période,  antérieure  de  403  ans  à  1025  J.-C,  serait  donc 
622  J.-C,  Mais  j'ai  déjà  plus  d'une  fois  signalé  combien  ces 
expressions  en  symboles  numériques  se  prêtent  aisément  à 
des  inversions  de  chiffres.  Si  on  rétablit  par  hypothèse 
Kha-me-gya-lsho,  on  lira  430  au  lieu  de  403,  et  l'époque 
initiale  (1025-430)  correspondra  à  595  J.-C.  C'est  la  date 
même  où  m'avait  conduit  le  calcul  astronomique  de  l'ère 
ïhâkuri.  L'année  595  peut  marquer  soit  l'avènement  du 
premier  roi  du  Tibet,  Loun-lsang  so-loung-tsan,  soit  la 
naissance  de  Srong-lsan  sgam-po.  Ce  prince  meurt  en  650, 
laissant  le  trône  à  un  petit-fils  en  bas-àge.  S'il  était  né 
en  595,  il  avait  alors  en  effet  cinquante-cinq  ans. 

Les  chroniques  népalaises  donnent  à  la  dynastie  d'Amçu- 
varman le  titre  de  Vaiçya-Thâkuri.  Les  Thàkurs,  encore 
à  l'heure  présente,  sont  tous  les  individus  qui  appartiennent 


1.  CsoMA,  Joffrn.  As.  Soc.  Bcngal,  Ul,  p.  6;  reproduit  dans  Pri>sep, 
Uaeful  Tables,  U,  162. 


HISTOIRE   DU    NÉPAL  155 

au  clan  royal,  quelle  que  soil  leur  situation  de  fait,  de  for- 
tune, etc.  ;  ils  doivent  à  leur  naissance  certaines  exemp- 
tions de  charges,  certains  revenus,  et  même  un  droit  posi- 
tif à  intervenir  dans  les  affaires  de  TÉlat  si  le  royaume  leur 
semble  en  péril.  Vaiçya,  d'autre  part,  est  le  nom  du  clan 
rajpoute  d'où  sortait  Amçuvarman.  11  ne  peut  s'agir  ici  de 
la  désignation  appliquée  par  les  codes  à  la  troisième  caste 
de  la  société  brahmanique  idéale,  la  caste  marchande. 
D'ailleurs,  au  même  moment,  l'empereur  de  rinde  llarsa 
est  aussi  un  Vaiçya,  d'après  l'indication  précise  et  sûre  de 
Iliouen-tsangqui  a  fréquenté  sa  cour.  Le  général  Cunning- 
ham  a  cru  retrouver  les  descendants  de  ce  clan  dans  les 
Hajputs  Bais  (Vaiçya)  qui  habitent  le  sud  de  hi  province 
d'Aoudh,  et  qui  prétendent  avoir  régné  jadis  sur  le  terri- 
toire entre  Delhi  et  Allahabad. 

Après  Amçuvarman,  l'histoire  du  Népal  entre  dans  une 
période  de  confusion.  Les  listes  dynastiques  continuent  à 
donner  des  noms  et  des  dates;  mais  l'épigraphie,  toute 
fragmentaire  qu'elle  est,  suffit  pour  les  convaincre  d'erreur. 
Je  rapporterai  d'abord  les  faits  solides  établis  par  les 
inscriptions  ou  par  le  témoignage  des  documents  chinois. 

Amçuvarman  était  mort  vers  639-640.  Le  premier  prince 
qui  semble  régner  après  lui  est  Jisnu  gui)ta.  11  subsiste 
de  ce  prince  quatre  inscriptions,  à  Patan,  h  Katmandou,  à 
Paçupati,  à  Thankot  ;  leur  dispersion  atteste  que  Jisnu 
gupta  dominait  sur  la  vallée  entière.  Une  seule  (Bh.  9)  porte 
une  date  intacte  ;  elle  est  de  l'an  48,  postérieure  de  trois 
ou  quatre  ans  à  la  dernière  du  règne  d'Ainçuvarman 
(481=643  J.-C).  L'inscription  de  Thankot,  mutilée,  laisse 
entrevoir  le  signe  500  ;  les  dizaines  et  les  unités  ont  tota- 
lement disparu.  Si  ma  lecture  est  exacte,  Jisnu  gupta  a 
employé  parallèlement,  ou  bien  à  des  époques  différentes, 
l'ère  d'Amçuvarman  et  l'ère  des  IJcchavis.  Le  fait  serait 
en  accord  avec  le  récit  des  Vamçâvalîs  qui  mentionnent 


156  LE    NÉPAL 

entre  Amçuvarman  el  Narendra  deva  l'emploi  de  deux  ères 
en  concurrence.  «  Le  roi  Nanda  deva,  ayanl  appris  que 
Tère  de  Çàlivâhana  (la  Vamçâvail  brahmanique  dit  :  de 
Vikrama)  était  en  usage  dans  d'autres  pays,  Tinlroduisil 
au  Népal.  Mais  certaines  gens  par  reconnaissance  pour 
Vikramâjit  (Vikramâditya)  qui  avait  payé  les  dettes  du 
royaumene voulurentpasrenonceràrèrequ'ilavait fondée  ; 
et  les  deux  ères  se  maintinrent  en  usage  côte  à  côte.  »  L'em- 
ploi deTèreLicchavi  s'expliquerait  d'autant  mieux  que  Jisnu 
gupta  semble  affecter  de  se  présenter  comme  le  restaura- 
teur et  riiomme-lige  de  l'ancienne  dynastie,  il  réside  à 
Kailâsa-krtta,  dans  le  palais  d'Am(;uvarman,  et  c'est  de  là 
qu'il  date  ses  édits  ;  mais  il  nomme  tout  d'abord,  en  tête 
de  son  protocole,  un  roi  de  la  famille  Licchavi,  résidant 
au  vieux  palais  de  Mànagrha.  Les  titres  qu'il  confère  à  ce 
fantoche  d'apparat  manifestent  au  surplus  des  variations 
significatives.  Dhruva  deva,  le  suzerain  fictif,  est  dans  les 
inscriptions  (Bh.  9  et  10)  BhaUnraka  mah/trâja  çri  Dhnt- 
vadeva  ;  Mânadeva  qui  remplace  Dliruvadeva  sur  l'inscrip- 
tion de  Thankot,  n'y  reçoit  que  le  titre  de  Bhatlârakarrl 
Mànadem.  Les  relations  entre  suzerain  et  vassal  restent  obs- 
cures, par  la  faute  des  pierres  qui  n'offrent  point  de  lecture 
certaine,  et  par  la  volonté  des  scribes  officiels  qui  ne  se 
souciaient  pas  de  préciser  une  situation  délicate. 

Il  est  évident  que  Jisnu  gupta  n'était  pas  le  souverain 
légitime  ;  son  nom,  formé  avec  le  participe  y?//^//?^  le  sépare 
h  la  fois  et  des  Licchavis  et  de  la  lignée  d'Amçuvarman. 
Les  noms  royaux  en  gftpta  ne  se  rencontrent  au  Népal  que 
dans  la  dynastie  mythique  des  (îopâlas  (Jayagupta,  Para- 
magupla,  etc.),  qui  reçut  le  trône  de  Ne  muni.  Ils  reparais- 
sent h)ul(»f()is,  à  l'époque  historique,  et  tout  près  d'Amçu- 
varman,  dans  une  dynastie  d'usurpateurs  que  mentionne 
Kirkpalrick.  «  Sous  le  règne  de  Bhem  Deo  Burmah  (Bhî- 
madeva  varma),  les  Alteers  (Abhiras)  qui  avaient  été   à 


HISTOIRE    DU    NÉPAL  157 

Torigine  les  souverains  du  Népal  recouvrèrent  leurs  domai- 
nes :  Bishen  Oupt,  le  conquérant,  régna  74  ans'  ;  puis 
Kishnoo  Gupt,  61  ans;  Dhoomy  Gupt^  40  ans.  Alors  Seo 
Deo  Durmali  (Çiva  deva  varraa)  de  la  postérité  de  Nevesit 
(Nimisa)  soumit  à  nouveau  le  Népal,  expulsa  les  GupteeSy 
régna  41  ans  ;  puis  il  laissa  le  trône  à  Unghoo  linrmah 
(Amgu  varma).  »  Bishen  Gupt,  dans  la  graphie  de  Kirkpa- 
irick,  représente  Visnu  (lupta  ;  Kishnoo  Gupt,  qui  n'est 
pas  un  nom  possible,  dissimule  sous  une  faute  de  copie  ou 
d'impression  (le  cas  estfréquenl),/?V/w6»o  Gupt,  c'est-à-dire 
Jisnu  gupta.  Le  nom  de  Bishen  Gupt  (Visnu  gupla)  donné 
par  Kirkpatrickau  premier  roi  de  cette  série,  est  porté  dans 
les  inscriptions  de  Jisnu  gupta  par  Tliéritier  présomptif  du 
trône.  Ces  rois  Abhîras  manquent  aux  Vain(;civalîs  de  Wright 
et  de  Bhagvanlal;  mais  ils  semblent  avoir  laissé  une  trace 
légère  dans  la  Vain(;i\valî  brahmanique  :  le  successeur 
de  Visnu  deva  varman  et  le  prédécesseur  d'Am(;uvarman 
y  porte  le  nom  de  Viçva  gupta  deva.  On  a  donc  : 

KIRKPATBICK  VAVÇÂVALÎ  ORAHMANigUli  ^VRIGIIT    ET   BHAGVANLAL 

Bliem  Deo  Burniali   FUiima  (leva  varman    Bhiniadeva  varman 
.»  I»   •    i  Bishen  Ou  pi 

o     liOlS    1 

.,       '  <  Kishnoo  Gunl  \'isnu  (leva  varman    Visnu  deva  varman 

Aheei-s  >  ^  ' 

\  Bhoomy  dupl 

Seo  (ieo  Biinnah         Vi(;va  gupta  deva        \'i(;va  deva  \arman  • 

llnghoo  Burmah         Aniruvarman  Amruvarman 

Visnudeva,àlasuitedeBhhnadeva,  est  identique  à  Bishen 
Gupt  ;  Viçva  gupta  devaconfond  dans  une  personnalité  unique 
la  dynastie  des  (juptas  et  Çivadeva,  leur  vainqueur.  Lesouve- 

1.  Tne  Iradilion  indépendanle,  recueillie  également  par  Kirkpatrick, 
attribue  la  fondation  de  Visnu  Nàtha  (N.  de  Katmandou,  sur  la  rive  0. 
de  la  Bagmati)  à  liUhn  Gifpt  (Visnu  gupta),  un  Ashcrr  (corr.  Ahheer. 
se.  Abhlra)  de  la  race  des  premiers  souverains  du  Népal  qui  dépouilla 
les  successeui-s  de  Durrhum  Deo  (Dharma  deva,  le  prédécesseur  de 
Màna  deva  1)  de  leur  royaume,  que  d'ailleurs  ils  recouvrèrent  bientôt  ». 

KlRKPATRlCk,  p.    191. 


158  LE    NÉPAL 

nir  d'une  usurpation  a  été  préservé;  mais  Tordre  chronolo- 
gique  a  été  bouleversé.  Jisnu  gupta  serait  un  Aheer,  un 
Abhîra  ;  il  est  issu  d'une  famille  indigène  qui  prétendait 
peut-être  avoir  donné  des  rois  au  pays  ;  en  fait  ses  ancêtres 
sont  de  rang  médiocre  ;  son  arrière-grand-père,  qu'il  rap- 
pelle dans  rinscriplion  de  Thankot,  porte  le  nom  de  Mâna 
gupla  gomin  ;    il   n'ose   pas  même  lui  décerner  un  titre 
d'honneur  aussi  banal  que  le  mot  çrî  placé  devant  le  nom. 
(^e  nom  du  reste  a  bien  un  goût  de  terroir  ;  il  rappelle  les 
désignations  de  Màna  deva,  Mûna  grha,  qui  nous  ont  frap- 
pés déjà  par  leur  caractère  local.  Il  est  possible,  à  se  fon- 
der sur  l'analogie  des  noms,  qu'il  convienne  aussi  de  ratta- 
cher à  la  même  famille  le  Ravi  gupta  qui  paraît  dans  les 
inscriptions  de  Vasanta  deva,  au  vi*  siècle,  comme  grand 
huissier  {mahâ-pratlhârd)  et  généralissime  {mrva  danda 
ndyaka).  Aussi  Jisnu  gupta,  à  défaut  de  litres  formels,  se 
targue-t-il  d'être  «  arrivé  au  pouvoir  en  suite  d'une  lignée 
pur(»  (jjunt/ânrai/ad  Cif/atarùjyasampal ,  Bh.  9).  Cette  lignée, 
d'après  l'inscription  deïhankot,  est  celle  de  Soma(5o/wâ«- 
V(iyahlmsanah)^  la  Hace  Lunaire.  Les  chroniques  d'autre  pari 
chissont  la  dynastie  Lirrhavi  dans  la  Hace  Solaire  (Sùrya- 
vainçi).  A  l'instar  des  rois  les  plus  légitimes,  il  déclare  que 
((  le  saint  Pa(;upali,  souverain  adoré,  l'a  pour  favori  »  et 
que  a  son  père  adoré  le  suit  de  sa  pensée?  ».  Il  se  contente 
du  nom  de  Jisnu  gupla,  sauf  à  Thankot  où  il  y  joint  orgueil- 
leusement le  moidera,  Sa  dévotion  à  Visnu,  indiquée  par 
son  nom,  s'exprime  aussi  dans  les  symboles  qui  décorent 
ses  stèles  :  le  poisson  (Palan),  ou  le  cakra  (Katmandou) 
entre  deux  conques  (Thankot). 

Succ(»sseur  irrégulier  d'Ainçuvarman,  Jisnu  gupla  ne 
s'en  donne  pas  moins  comme  son  héritier  et  son  continua- 
teur. Tandis  qu'Ain(;uvarman  avait  hésité  à  prendre,  avec 
le  pouvoir,  le  litre  royal,  Jisnu  gupla  le  désigne  expressé- 
ment comme  inahdvdjddiùvdja.  Il  reproduit  son  formulaire 


HISTOIRE   DU   NÉPAL  159 

et  il  reproduit  aussi  sa  frappe.  Les  monnaies  de  Jisnu  gupla 
portent  à  la  face  le  lion  en  marche  qu'Amçuvarman  avait 
adopté  comme  coin  ;  au  revers  elles  sont  décorées  d'une 
sorte  de  vajra.  Leur  légende,  également  imitée  d'Amçuvar- 
man,  donne  simplement  le  nom  du  roi  au  génitif,  précédé 
de  rhonorifique  çri  :  cri  Jisnu  guptasya,  Leurdiamèlreest 
de  0,025  millimètres  et  leur  poids  de  ^2«^37. 

Il  semble,  en  somme,  qu'à  la  mort  d'Amçuvarman  la  suc- 
cession a  été  une  fois  de  plus  troublée.  L'héritier  présomp- 
tif, Udaya  deva,  mentionné  dans  une  inscription  de  Tan  39, 
disparaît,  soit  qu'une  mort  prématurée  Tait  enlevé,  soit 
qu'un  rival  plus  entreprenant  Tait  supprimé.  Jisnu  gupta, 
maître  du  pouvoir,  ressuscite  à  son  profit  la  fiction  politique 
qui  avait  si  bien  réussi  à  Amçuvarman.  Il  installe  surle  trône 
comme  souverain  nominal,  un  prince  de  la  famille  Licchavi, 
et  sous  ce  couvert,  il  exerce  une  autorité  absolue,  séparé 
de  la  royauté  par  des  nuances  à  peine  perceptibles,  qu'il 
s'efforce  toujours  de  rendre  plus  fuyantes.  On  peut  s'éton- 
ner que  le  suzerain  du  Népal,  Srong-btsan  sgam-po,  ait 
laissé  dépouiller  les  héritiers  d'Amçuvarman  qui  étaient  ses 
parents,  ses  neveux  sans  doute  ;  mais  les  armées  tibétaines 
étaient  à  ce  moment  même  engagées  dans  de  lointaines 
campagnes,  vers  le  Koukounor  ou  la  frontière  de  Chine, 
hors  d'état  d'intervenir.  Dès  qu'il  eut  les  bras  hbres,  le  roi 
du  Tibet  s'empressa  de  rétablir  l'ordre  au  Népal  :  Jisnu 
gupta  dut  céder  la  place  à  Narendra  deva. 

Les  chartes  de  Jisnu  gupla  ont  trait  à  de  menues  ques- 
tions d'administration.  Celle  de  Patan,  datée  desamvat  48, 
s'ouvre  par  une  mention  de  Dhruvadeva  le  Licchavi, 
aussitôt  suivie  d'un  éloge  en  vers  de  Jisnu  gupta.  Le  pre- 
mier quart  de  la  stance  manque  ;  le  reste  nous  apprend 
que  «  Jisnu  gupta  désire  le  bien  des  sujets,  a  une  con- 
duite irréprochable,  sort  d'une  race  pure  qui  l'a  fait  arriver 
à  la  plénitude  de  la  royauté,  et  tous  les  habitants  des  villes 


160  LE    NÉPAL 

se  laissent  guider  par  ses  ordres  ».  Un  marquis  (sâmanta) 
du  nom  de  Candravarman  Ta  informé  qu'une  conduite 
d'eau  installée  au  profit  de  trois  \illiige^  (T/iambû,  Gdhgul, 
Mùlacôtl/aï)  par  l'empereur  {mahdrâjâdhirâja)  Amçuvar- 
man  était  endommagée,  faute  de  réparations  ;  il  Ta  fait 
restaurer,  et  maintenant  il  accorde  en  don  aux  trois 
villages  un  certain  nombre  de  champs  irrigués  pour  que 
les  revenus  soient  affectés  à  Tenlretiendela  conduite  d'eau. 
En  foi  de  quoi  il  leur  octroie  une  charte  sur  pierre  {çild- 
patlakd'Çnsaim).  L'hérilier  ()résomptif,  Visnu  gupta,  est 
chargé  de  l'exécution  de  Tordre*. 

Les  deux  autres  chartes  intéressent  le  village  de  Daksina- 
koli  ;  Tune  et  l'autre,  de  formulaire  analogue,  débutent  par 
une  invocation  en  vers,  et  dans  un  mètre  compliqué  :  la 
littérature,  au  Népal  comme  dans  le  reste  de  Flnde,  s'est 
annexé  Tépigraphie.  Dans  l'une  (Thankot),  datée,  semble- 
t-il,  en  ère  Licchavi,  Jisnu  gupta  paraît  confirmer  une 
donation  faite  jadis  par  son  arrière -grand-père,  Mâna 
gupta  gomin  ;  les  limites  de  la  donation  sont  tracées  avec 
la  minutie  ordinaire;  puis  le  village  reçoit,  par  surcroît, 
une  nouvelle  faveur  :  certains  impôts  de  nature  foncière 
sont  réduits  de  moitié  ;  on  y  voit  figurer  un  impôt  Malla 
{Malla-kara),  qui  a  déjà  paru  dans  une  inscription  de 
Çivadeva.  Le  délégué  royal  est  encore  Visnu  gupta,  l'hé- 
ritier présomptif,  l^a  troisième  charte  (Katmandou)  règle 
à  nouveau  une  question  d'irrigation  ;  le  texte  en  est  très 
mutilé  ;  il  était  fait  mention  d'un  grand  mar(|uis  {^inahâ- 
saNumta)  dont  le  nom  se  terminait  en  -deva.  Les  revenus 
fournis  par  l'irrigation  sont  affectés  aux  réparations  du 
canal,  au  culte  d'une  divinité  {..Jrçrara  sviimin)  et  à  l'en- 
tretiiMi  d'une  pàncàll  aux  fonctions  n^ligieuses  et  admi- 
nistratives, conipagnie  et  confrérie  à  la  fois. 

I.  Parmi  h's  lroi<;  villau'os.  r«'liii  <lr  (làniriil  rapp»*!!**  l'anrii'ii  nnin  d<» 
Kalinaihiii.  (lonjjjool  pallaii.  cilc  par  Kirkpatrirk:  v.  sup.  I.  ."i'i. 


HISTOIRE   DO    NÉPAL 


161 


La  qualrièmc  inscription  commémore  une  fondation 
privée]:  elle  est  tracée  sur  une  pierre  qui  supporte  un 
parasol  [au-dessus  d'une  image  de  Candeçvara,  dans  le 
temple  de  Paçupati.  Elle  débute  par  une  stance  compliquée 
en  l'honneur  de  Ùhattra-candeçvara,  «  CandeQvara  au  para- 
sol » .  Suit  l'énoncé  fragmentaire  d'une  donation  de  terrains 


Cour  liélabrée  d'un  viliàra  (\san  toi)  à  Katmandou. 


consentie  «  sous  le  règne  triomphant  {vijaya-rAj ye)  de 
Jisnu  gupta,  par  l'acàrya  Bliagavat-pranardana  PrAna- 
kauçiktt,  au  profit  de  Chattra-Candegvara  et  d'une  con- 
duite d'eau  du  village  de  Krt,  en  vue  de  payer  les  restaura- 
tions et  les  réparations.  L'administration  des  revenus  est 
remise  à  plusieurs  communautés  religieuses  :  Munda- 
çrAkhalika  Pài.upala-acàryas,  Sonia-khaddukas...  )> 


162  LE   NÉPAL 

L'héritier  présomptif  de  Jisnu  gupta,  Visnu  gupta,  ne 
recueillit  pas  le  Irùne,  ou  il  n'en  jouit  que  peu  de  temps, 
car  vers  645  la  dynastie  légitime  avait  recouvré  le  pouvoir: 
Narendra  deva  régnait  sur  le  Népal.  Narendra  deva  figure 
au  premier  plan  dans  la  légende  etdansThistoire  du  Népal. 

Son  souvenir  est  indissoluhlemenl  lié  au  culte  de  Matsven- 

ml 

dra  Nàllia,  le  patron  de  la  vallée,  qu'il  alla  chercher  au 
loin  en  compagnie  du  saint  Bandhudatla;  il  a  vécu  en  exil 
à  la  cour  du  Tibet,  il  a  envoyé  des  ambassades  à  l'Empe- 
reur de  Chine  ;  il  a  reçu  la  visite  de  prêtres,  de  pèlerins  et 
d'ambassadeurs  chinois.  Et  pourtant  il  ne  nous  reste  rien 
de  lui,  ni  charte,  ni  monnaie,  ni  aucun  autre  document 
direct.  I/épigraphie  ancienne  n'a  conservé  qu'une  seule 
mention  do  ce  prince  :  elle  est  insérée  dans  cette  généalogie 
de  Jaya  deva  (Bhag.  15)  que  j'ai  déjà  citée  et  discutée  plus 
d'une  fois  à  propos  des  Licchavis.  Après  Vasanta  deva,  la 
généalogie  passe  brusquement,  par  une  transition  décon- 
certante, h  rdayadeva,  suivi  lui-même  par  Narendra  deva. 
Bhagvanlal  avait  cru  lire,  dans  l'intervalle  qui  sépare  ces 
deux  noms  à  l'intérieur  du  même  vers,  un  rappel  collectif 
de  treize  rois  anonymes  destinés  à  garantir  la  filiation 
légitime  de  Narendra  deva.  Mais  en  fait  la  syllabe  finale  du 
mot  Jfiia.s'  ((  né  »  n'a  pas  la  voyelle  longue  indiquée  par 
Bhagvanlal,  et  qui  servirait  à  soutenir  son  interprétation; 
V(t  i»sl  manifestement  bref,  et  par  conséquent  exclut  l'idée 
(In  pluriel.  M.  Kleel  l'a  reconnu  sur  l'estampage  même  de 
Bhagvuular:  une  copie  de  ce  texte,  exécutée  àvued'œil, 
que  je  dois  à  la  bienveillance  du  maharaja  DebSham  Sher, 
piM'Ie  aussi  la  leclure  jfitàs,  suivie  de  deux  syllabes  dou- 
Inusrs  ri  d'une  lacune  de  quatre  syllabes,  correspondant 
MU\  uu»ls  tnifftnhtra  lattis  u  treize  ensuite  »  de  Bhagvanlal. 
Il  Hrinblr   donc  nécessaire  dt»  construire  et  de  traduire 


^ 


> 


mSTOIRE   DU   NÉPAL  163 

ainsi:  ce  du  roi  Udaya  deva  naquit...  Narendra  deva  ». 
Udaya  deva  est  désigné  dans  la  dernière  inscription  per- 
sonnelle d'Amçuvarman  (samvat  39)  comme  Théritier 
présom\)l\{  {y uvarâja).  Cet  Udaya  deva  était-il  fds  d'Amçu- 
varman?  On  s'attendrait  dans  ce  cas  à  retrouver  dans  son 
nom  Télémenl  varman,  qui  équivaut  à  un  nom  de  famille  ; 
d'autre  part,  on  s'étonne  de  voir  paraître  à  sa  place  le  mol 
deva^  qui  caractérise  surtout  les  Licchavis  en  contraste  avec 
Amçuvarman.  Udaya  deva  serait-il  un  prince  Licchavi 
choisi  comme  héritier  par  Amçuvarman,  afin  d'écarter 
toute  opposition  à  son  autorité?  On  s'expliquerait  alors  que 
Jayadeva  reprenne  à  partir  d'Udaya  deva  le  fil  de  sa  généa- 
logie. Les  Annales  chinoises,  bien  informées  sur  cette 
époque  de  l'histoire  népalaise,  rapportent  que  «  le  père  de 
Narendra  deva  fut  renversé  du  trône  par  son  frère  puîné  ; 
Narendra  deva  s'enfuit  au  Tibet  pour  échapper  à  son 
oncle'  ».  L'usurpateur  ne  peut  pas  être  Jisnu  gupta  lui- 
même,  pour  les  raisons  que  j'ai  marquées  ;  c'est  peut-être 
un  de  ces  Licchavis  que  Jisnu  gupta  avait  hissés  sur  le  trône 
pour  exercer  en  leur  nom  le  pouvoir. 

«  Narendra  deva  avait  un  sentiment  exalté  de  l'honneur 
(mâîia);  tous  les  rois  se  prosternaient  devant  lui,  et  la 
guirlande  de  leurs  diadèmes  faisait  comme  une  poussière 
sur  l'escabeau  de  ses  pieds.  »  Voilà  tout  ce  que  Jaya  deva 
sait  ou  rapporte  de  son  grand-père.  La  Varnçâvalî  brahma- 
nique, aussi  bien  que  la  Vamçâvalî  bouddhique,  associent 
Narendra  deva  à  l'introduction  du  dieu  Matsyendra  Nàtha, 
et  toutes  deux  s'accordent  sur  la  date  de  cet  événement, 
consignée  dans  un  vers  nmémonique  :  l'an  3623  du  Kali 
yuga,  soit  522  de  J.-C.  Celte  date  est  inadmissible,  mais 
une  correction  s'offre  d'elle-même.  Les  annalistes,  pour 
bâtir  leur  chronologie,  opéraient  sur  des  données  expri- 

1.  Annales  des  Tang,  ancienne  rédaction,  ch.  221  ;  cf.  ma  Note  sur 
la  chronologie  du  Népal  dans  le  Joum.  Asiai.j  1895,  2,  68. 


164  LE   NÉPAL 

mées  tantôt  en  ère  Vikrama,  tantôt  en  ère  Çaka  puisque 
Tune  et  l'autre  étaient  simultanément  en  usage  au  Népal  ; 
avec  la  sereine  indifférence  des  historiens  hindous,  ils  ont 
brouillé  les  deux  computs.  L'introduction  de  Matsyendra 
Nâtha  avait  peut-être  été  portée,  par  une  première  réduc- 
tion, à  Tan  579  çaka  qui  correspond  à  657  de  J.-C.  et  à 
3758  du  Kali  yuga.  Ce  chiffre  de  579,  transféré  par  substi- 
tution au  Vikrama  samvat,  donnait  3623  du  Kali  yuga 
(=z522  de  J.-C).  La  date  primitive,  à  la  base  de  ces 
calculs,  serait  Tan  62  de  Tère  Thakuri.  L'an  657  de  J.-C. 
tombe  dans  le  règne  de  Narendra  deva. 

J'ai  déjà  conté  tout  au  long  (I,  348)  l'histoire  de  Naren- 
dra deva,  de  Bandhudatta,  de  Goraksa  Nâtha  et  de  Matsyen- 
dra Nâtha,  telle  qu'elle  est  relatée  dans  la  Vamçàvall  boud- 
dhique. La  Vamçâvalî  brahmanique  est  moins  prodigue 
de  détails;  elle  met  au  premier  rang,  comme  il  fallait  s'y 
attendre,  Goraksa  Nâtha  et  laisse  dans  l'ombre  Bandhu 
datta.  Elle  place  l'introduction  du  nouveau  dieu  sous  le  roi 
Narendra  deva,  qui  occupe  le  trône  pendant  98  ans  ;  la 
Vamçâvalî  bouddhique  transporte  l'épisode  entier  sous  le 
règne  de  Vara  deva,  fils  et  successeur  de  Narendra  deva. 
D'après  son  récit,  Narendra  deva  ne  garde  que  sept  ans  le 
pouvoir  royal,  juste  assez  pour  bâtir  quelques  vihàras  ; 
puis,  s'étant  détaché  des  choses  du  monde,  il  abdique  et 
entre  au  couvent.  Son  fils  aîné  Padma  deva  et  son  puîné 
Ratna  deva  l'y  avaient  précédé.  C'est  là  que  Vara  deva 
vient  le  supplier  de  sauver  le  Népal  que  la  sécheresse 
dévore.  Narendra  deva  en  mourant  lègue  h  ses  deux  filles 
sa  couronne,  avec  une  copie  de  la  Prajnâ-pâramilâ,  et  son 
âme  passe  dans  le  pied  gauche  de  Matsyendra  Nâtha. 

C'est  sous  le  règne  de  Narendra  deva  qu'une  mission 
chinoise  visita  le  Népal  pour  la  première  fois,  en  643.  Le 
roi  accueillit  avec  déférence  Li  I-piao  et  sa  suite  qui  se 
rendaient  dans   l'Inde  auprès   de  l'empereur   llarsa.   En 


HISTOIRE    DU    NÉPAL  1 6o 

647/648,  une  nouvelle  ambassade  conduite  par  Wang 
lliuen-ts'e  traverse  le  pays  ;  elle  y  retourne  bientôt,  presque 
anéantie  :  assaillis  par  Tusurpateur  qui  s'est  emparé  du 
trône  de  Harsa,  Wang  Hiuen-ls'e  et  son  second  ont  perdu 
leur  escorte  ;  ils  demandent  des  secours  aux  alliés  de  la 
Chine.  Le  Népal  donne  7  000  cavaliers  ;  le  Tibet  où  Srong- 
btsan  sgam-po  règne  encore,  fournil  1  200  soldats.  Avec 
ces  contingents  montagnards,  Wang  Hiuen-ts'e  inflige  aux 
Hindous  une  sanglante  défaite  et  s'empare  du  roi  qui 
l'avait  outragé.  Le  Népal  prouvait  déjà,  comme  il  fit  en 
1837,  son  loyalisme  aux  dépens  de  Tlnde.  En  637,  Wang 
Hiuen-ls'e  passe  encore  une  fois  au  Népal.  Et  pendant  tout 
le  règne  de  Narendra  deva,  les  pèlerins  chinois  attirés  sans 
doute  par  sa  réputation  de  piété  visitent  le  pays.  J'ai  déjà 
cité  leurs  noms  (I,  136-166).  Narendra  deva,  de  son  côté, 
avait  envoyé  en  631  une  mission  au  Fils  du  Ciel  pour  lui 
porter  ses  hommages  et  ses  présents. 

Le  Népal  de  Narendra  deva,  tel  que  le  représentent  les 
documents  chinois,  est  un  pays  prospère,  d'une  civilisation 
avancée.  Hiouen-tsang,  qui  n'avait  pas  visité  le  pays  et  qui 
le  décrivait  sur  la  foi  de  ses  informateurs  hindous,  s'était 
fait  l'écho  des  préventions  malveillantes  de  la  plaine  contre 
la  montagne  :  <(  Un  climat  glacial,  des  mœurs  empreintes 
de  fausseté  et  de  perfidie  ;  les  habitants  d'un  naturel  dur 
et  farouche,  qui  ne  font  aucun  cas  de  la  bonne  foi  et  de  la 
justice,  dépourvus  do  toutes  connaissances  littéraires,  avec 
un  corps  Inid  et  une  ligure  ignoble.  »  Vn  pandit  de  Béna- 
rès  ne  parlerait  pas  autrement  aujourd'hui  des  Pahdris 
(les  gens  de  hi  montagne).  D'autre  part  Hiouen-tsang  ne 
sait  rien  sur  Télat  réel  du  bouddhisme,  ni  sur  le  grand 
nombre  des  vihàras,  que  l'épigraphie  vient  pourtant  nous 
attester.  Au  moment  même  oii  Hiouen-tsang  trace  de  loin 
sur  des  on-dit  im  tableau  si  fâcheux  du  Népal,  Wang 
Hiuen-ts'e  visite  le  pays  en  personne  et  note  ses  obser- 


166  LE   NÉPAL 

valions.  Aidés  de  ces  documents,  que  le  témoignage  des 
ambassadeurs  népalais  à  la  cour  de  Chine  (651)  a  permis 
de  contrôler  el  de  compléter,  les  historiens  des  Tang  com- 
pilent h  une  date  tardive  (x*"  siècle)  une  notice  officielle  sur 
le  Népal  qui  se  rapporte  en  réalité  h  l'époque  de  Narendra 
deva.  La  description,  dans  son  ensemble,  est  si  juste  qu'elle 
se  vérifie  encore  dans  le  Népal  d'aujourd'hui  :  maisons  de 
bois  aux  murs  sculptés  et  peints  ;  goût  des  bains,  des  re- 
présentations dramatiques,  de  Tastrologie,  du  calendrier; 
pratique  des  sacrifices  sanglants.  Narendra  deva,  tel 
que  cette  notice  le  représente,  a  le  prestige  el  la  pompe 
d'un  souverain  oriental  ;  toute  sa  personne  est  décorée 
de  joyaux;  il  siège  sur  un  trône,  parmi  les  fleurs  et  les 
parfums,  entouré  de  nobles  et  de  soldats.  Sa  dévotion 
se  marque  à  l'image  du  Bouddha  qu'il  porte  en  breloque. 
Les  pavillons  de  son  palais  sont  ouvragés  avec  autant  de 
déhcatesse  que  de  luxe  ;  au  milieu  s'élève  une  tour,  haute 
de  sept  étages,  dont  la  hardiesse,  la  grandeur  et  la  richesse 
émerveillent  les  Chinois. 

Les  données  des  inscriptions  ne  démentent  pas  ce  ta- 
bleau :  le  grand  nombre  des  villages  nommés  dans  les  chartes 
prouve  la  densité  de  la  population  dans  la  vallée  ;  l'irriga- 
tion, largement  pratiquée,  minutieusement  réglementée, 
met  en  valeur  tout  le  sol  ;  rois,  fonctionnaires,  simples 
particuliers  rivalisent  de  zèle  h  multiplier  les  canaux  et 
les  fontaines.  Le  bouddhisme  et  le  brahmanisme  possè- 
dent des  temples  importants,  enrichis  de  biens-fonds  ;  des 
conseils  de  confrérie,  laïques  et  religieux,  en  administrent 
les  revenus.  Des  couvents  nombreux  abritent  le  clergé 
bouddhique.  Le  commerce  est  (lorissant;  les  marchands 
sont  organisés  en  corporations  dirigées  par  des  syndics. 
L'ini|)ôt  n'est  pas  un  prélèvement  arbitraire,  mais  une  taxe 
proportionnelle  nettement  définie.  Le  sanscrit  est  en  hon- 
neur ;   les  scribes    de  la  chancellerie  royale  le  manient 


HISTOIRE   DU    NÉPAL  167 

avec  aisance,  et  savent  même  se  servir  des  mètres  les  plus 
compliqués  ;  l'orthographe  réfléchit  dans  ses  flucluations 
les  discussions  académiques  de  la  cour.  Le  Népal  de  Tan 
650  soutient  la  comparaison  avec  les  états  les  plus  policés 
deTInde.  ^|Kj^  .'     ' 

Après  Narendra  deva,  les  chroniques  n'ont  plus  de  point 
de  contact  avec  Tépigraphie  ;  il  est  inutile  de  tenter  un 
semblant  d'accord  entre  des  données  trop  divergentes.  La 
généalogie  de  Jaya  deva  (à  Paçupati)  place  à  la  suite  de 
Narendra  deva  son  fils  Civadeva,  et  consacre  à  ce  roi  un 
panégyrique  étendu  :  «  De  Narendra  deva  naquit  Çiva 
deva  ;  il  distribuait  un  argent  vertueux  ;  ses  richesses 
étaient  abondantes  ;  il  triomphait  des  coalitions  ennemies; 
il  réjouissait  ses  parents  ;  comme  Yama,  il  protégeait  les 
créatures  ;  il  savait  délivrer  de  toutes  les  misères  la  multi- 
tude des  gens  de  bien  réfugiés  près  de  lui  ;  sa  parole  était 
véridique  ;  aimé  du  monde,  il  était  le  soutien  de  la  terre. 
Il  y  avait  une  princesse  de  cette  noble  race  des  Maukharis 
qui  a  pour  fortune  la  vigueur  de  son  bras  ;  son  père,  célè- 
bre comme  le  diadème  dos  Varmans,  humiliait  de  sa  gloire 
la  foule  des  rois  ennemis  ;  il  s'appelait  Bhoga  varman  ;  la 
princesse  était  en  outre  la  pelite-fille  d'Aditya  sena,  empe- 
reur du  Magadha  ;  son  nom  élait  Vatsa  dovî.  Le  roi  Civa- 
deva la  prit  respectueusement  pour  épouse,  comme  une 
autre  Çrt.  »  J'ai  déjà  signalé,  h  propos  du  nom  de  Bhoga 
varman,  le  rang  éminent  occupé  par  la  famille  des  Mau- 
kharis dans  la  noblesse  hindoue.  Quant  à  l'empereur 
Aditya  sena  du  Magadha,  son  nom  et  son  règne  sont  con- 
nus par  plusieurs  inscriptions*,  dont  une  est  datée  de 
samvat  66  ;  cette  date,  exprimée  dans  l'ère  de  Harsa, 
correspond  à  672-73  de  J.-C.  Le  Chinois  !-tsing,  qui  vi- 
site l'Inde  de  673  à  685,  cite  une  fondation  pieuse  de  ce 

1.  V,  Fleet,  Gupta  Inscript. y  inscrps.  42-46, 


168  LE    NÉPAL 

prince*.  Çivadeva,  épouse  de  la  pelile-fiUe  d'Àditya  sena, 
date  une  de  ses  inscriplions  de  Tan  H 9.  L'an  H9,  en  ère 
d'Amçuvarmau,  répond  à  714  de  J.-C.  Les  données  chro- 
nologiques sont  donc  ici  en  parfaite  harmonie.  L'alliance 
d'un  Licchavi  népalais  avec  une  princesse  de  noblesse  si 
haule  atteste  que  l'Inde  avait  admis  la  dynastie  monta- 
gnaixle  dans  le  groupe  des  ksatriyas  authentiques. 

L'inscription  de  119  (à  Katmandou,  Bh.  12),  séparée 
par  une  soixantaine  d'années  des  inscriptions  de  Jisnu 
gupta,  montre  Tépigraphie  népalaise  en  voie  de  transfor- 
mation. Le  cadre  reste  immuable  ;  les  formules  sont  con- 
sacrées par  Tusage  :  le  sujet  est  uniforme  ;  et  pourtant, 
dans  Tonsemble,  le  ton  a  changé.  La  littérature  envahit  : 
une  rhétorique  prétentieuse  tend  à  remplacer  la  simplicité 
des  chartes  anciennes.  L'appel  aux  rois  futurs  estampoul.é, 
ainsi  que  les  menaces  en  cas  de  violation,  et  les  stances 
citées  sous  le  nom  de  Vyàsa  s'allongent  comme  une  pérorai- 
son de  rhéteur.  En  fait,  Çivadeva  informe  simplement  les 
villageois  de  Vaidyaka  qu'il  a  octroyé  leur  village  en  don 
aux  àoàryas  de  Paçupati  pour  défrayer  l'entretien  duÇiva- 
devo^vara  qu'il  a  fondé.  Le  village  devra  toutefois  fournir 
cinq  |HMieui*s  |>ar.  an  pour  la  corvée  du  Tibet  {Bhoita- 
ris^fi).  Le  délégué  royal  est  le  prince  (nija-putra)  Jaya 
dova. 

Le  même  formulaire  lînaL  avet*  la  désignation  du  même 
ilélèguê.  se  lit  encoiv  sur  un  fragment  d'inscription  que 
j'ai  livu\ê  à  Timi.  Los  suuMes  numériques  de  la  date 
ont  dis|Kiru.  mais  il  m  est  (»as  ilouleux  que  ce  fragment 
apparlieiuie  s^u>.<i  à  1^  i\ade\a.  Bhagvanlal  rapporte  éga- 
lenuMil  c^  ce  ivi  deux  ias^TÎplions  douteuses  :  l'une  (à 
l'avH^vilK  lUt  Kî^  est  Irt^x  mutilée:  le  nom  du  roi  est 
»lh^»bU\   et  vUun    U  date  te  svmMe  des  dizaines  est  à 


HISTOIRE    DU   NÉPAL  169 

peu  près  indéchiffrable.  Bhagvanlal  déclare  qu'on  peut  lire 
à  volonté  123,  133,  ou  143.  Le  délégué  rayai  est  bh^ttâ- 
raka-çrî-Çivadeva.  11  est  peu  probable  que  le  roi  se  soit 
désigné  lui-même  comme  sou  propre  délégué  ;  et  cepen- 
dant le  litre  de  hhatUiraka  semble  bien  être  dans  les  in- 
scriptions  réservé  au  roi.  On  peut  supposer  que  Çiva  deva 
a  volontairement  abdiqué  en  faveur  de  son  fils  Jaya  deva, 
et  que  Jaya  deva  une  fois  roi  a  confié  à  son  père  Texécu- 
tion  d'un  de  ses  ordres.  La  donation  enregistrée  a  juste- 
ment pour  bénéficiaire  un  monastère  qui  porte  le  nom  de 
Çivadeva  {Çivadeva'Vihâra'Cntitrdig-ârya-bhikm-sahghâya^  ; 
c'était  peut-être  un  monastère  fondé  par  Çiva  deva  et  où 
ce  Charles-Quint  népalais  s'était  retiré  après  l'abdication. 
L'autre  inscription  (à  Patan,  Bh.  14)  est  datée  de  145; 
mais  l'introduction  avec  le  nom  du  roi  manque.  Le  délé- 
gué royal  est  l'héritier  présomptif  Vijaya  deva.  Le  texte 
très  mutilé  laisse  deviner  qu'il  s'agit  cette  fois  encore  d'une 
question  d'eau  conduite  et  distribuée. 

L'identité  des  caractères  et  du  formulaire  rapproche 
étroitement  de  ces  deux  inscriptions  une  inscription  que 
j'ai  trouvée  à  Nangsal  (E.  de  Katmandou);  les  dernières 
lignes  et  la  date  sont  entièrement  illisibles;  le  reste  est  en 
assez  bon  état  de  conservation.  Malheureusement  le  nom 
du  roi  est  obscur;  je  crois  lire  Puspa  deva  ou  Pusya  deva  ; 
c'est  en  tout  cas  un  Licchavi  {Licchain-kula-ketu),  La 
communauté  du  Civadeva-vihàra  recueille  une  nouvelle 
donation,  avec  les  mêmes  clauses  que  dans  l'autre  charle  ; 
l'intérêt  particulier  de  ce  document  réside  surtout  dans  le 
nombre  des  couvents  qu'il  mentionne  à  propos  du  bor- 
nage des  terrains  concédés  :  le  Mànadeva-vihâra,  le  Khar- 
jurikà-vihâra,  le  ...yapa-vihàra,  l'Abkaya-kavii?)  vihàra, 
le  Gupta-vihàra,  le  Bâja-vihàra,  le  Saciva-vihâra.  Evidem- 
ment les  couvents  avaient  fini  par  occuper  une  grande 
partie  du  sol  de  la  vallée. 


170  LE    NÉPAL 

L'inscription  de  Jayadeva  k  Paçupati  (Bh.  15)  clôt  pour 
un  long  temps  Thisloire  épigraphique.  J'ai  déjà  eu  fré- 
quemment l'occasion  de  citer  la  généalogie  si  importante, 
qui  lui  sert  de  préambule.  L'inscription  est  datée  de  153 
samval,  soit  748  de  J.-C.  Elle  est  tout  entière  en  vers.  Fier 
de  son  œuvre,  le  poète  a  eu  soin  de  la  signer  :  il  s'appelait 
Buddha-kîrti;  c'est  dire  qu'il  était  bouddhiste.  Mais  le 
poème  ne  décèle  pas  un  esprit  sectaire;  Buddha-kîrti 
célèbre  comme  un  brahmane  orthodoxe  le  dieu  Paçupati 
«  qui  a  pour  essence  impérissable  les  trois  Védas  ».  Le 
roi  Jaya  deva  avait  offert  un  lotus  d'argent  doré  à  sa  mère 
Vatsa  devî,  veuve  de  Çivadeva,  et  Vatsa  devî  à  son  tour 
en  avait  fait  hommage  à  Paçupati;  le  poète  de  la  cour 
s'évertue  h  exalter  sur  tous  les  tons,  avec  une  incontes- 
table adresse*,  et  l'offrande  et  l'œuvre  pie.  Au  reste,  il 
avait  dû  se  piquer  d'honneur:  le  roi  lui-même  était  entré 


1.  Une  de  ses  stances  en  particulier  roule  sur  une  série  de  calembours 
classiques  que  ni  Bhagvanlal  ni  Buhler  n'ont  signalés  dans  leur  traduc- 
tion ;  comme  une  variation  sur  un  thème  connu,  elle  peut  par  sa  bana- 
lité même  donner  à  l'étude  de  l'alanikâra  un  point  de  repère  intéressant  : 

angaçriyâ  parigato  jitakâmarûpah 
kâncîgunàdhyavanitâbhir  upâsyamànah  | 
kurvan  suràstraparipâlanakâryacintàni 
yali  sârvabhaumacaritam  prakatikaroti  j|   (16). 

«  Doué  de  la  beauté  des  membres,  vainqueur  de  l'amour  en  beauté, 
adoré  par  les  belles  qu'enrichit  le  cordon  de  leur  ceinture,  préoccupé 
d'assurer  la  protection  de  son  beau  royaume,  toute  sa  conduite  manifeste 
un  empereur  du  monde.  » 

La  pointe,  inattendue,  prend  tout  son  sens  si  on  adople  la  seconde 
interprétation  possible: 

«  Il  est  paré  du  diadème  de  Bengale  ;  il  a  vaincu  le  Kâmarûpa(Assam); 
les  belles  délicieuses  de  Kâiici  ((if)njeveram)  le  servent  ;  il  est  préoccupé 
d'assurer  la  protection  du  Surâstra  (Kathiavar)  ;  toute  sa  conduite...  » 

Le  Kàvyàlamhàra  de  Hudrata(X,  10;  éd.  Kavyamala,  p.  134)  contient 
une  stance  très  analogue  : 

âkramya  madhyadeçam  vidadhat  sanivâhanam  tathângânâm 
patali  karali  kâflcyâm  api  tava  nirjitakâmarùpasya 


HISTOIRE    DU   NÉPAL  171 

en  lice;  pour  célébrer  le  chef-d'œuvre  de  mêlai,  il  avait 
composé  cinq  vers  que  Buddha-kîrli  a  enchâssés  dans  son 
panégyrique;  une  indication  expresse  sauvegarde  les 
droits  d'auteur  du  poète  couronné.  Il  est  juste  de  recon- 
naître que  ces  cinq  stances  dénotent  une  réelle  habilité  de 
facture  et,  qualité  plus  rare,  un  goût  assez  pur.  Au  reste, 
si  Buddha-kîrti  qui  est  bouddhiste  chante  Paçupati,  le  roi 
Jaya  deva  qui  est  çivaïle  salue  avec  respect  Avalokiteg- 
vara  :  çivaisme  et  bouddhisme  se  pénètrent  au  point  de 
se  confondre. 

Le  panégyrique  donne  sur  le  roi  Jaya  deva  lui-même 
quelques  informations  précises  :  fils  de  Çiva  deva  et  de 
Vatsa  devî  la  Maukhari,  il  avait,  comme  son  père,  con- 
tracté une  alliance  de  haute  noblesse  :  il  avait  épousé 
Râjyamati,  fille  de  çrî  Harsa  deva,  roi  de  Gauda,  Odra, 
Kahnga,  Kosala  et  autres  lieux,  issu  de  la  race  de  Bhaga- 
datta.  L'ancêtre  de  la  race,  Bhaga  datta  figure  avec 
honneur  dans  les  rhapsodies  épiques  du  Mahà  Bhàrata; 
ses  descendants  continuèrent  h  régner  sur  le  Kâma- 
rûpa'.  Une  inscription  trouvée  à  ïejpur,  qui  relate  les 
vicissitudes  du  royaume  d'Assam,  semble  désigner  un 
roi  çrî  Marisa  comme  le  dernier  prince  d'une  dynastie 
montée  sur  le  trône  après  la  chute  des  descendants  de 
Bhaga  datta;  on  a  pensé  à  identifier  ce  crî  Ilarisa  avec  le 
beau-frère  de  Jayadeva,  malgré  l'évidente  contradiction 
des  textes  ^  Jaya  deva  avait  reçu  ou  pris  le  litre  {hiruda)  de 
Para-cakra-kfhna  «  désireux  du  domaine  de  ses  ennemis  » 
qu'il  devait  à  son  héroïsme  et  à  ses  victoires,  si  on  en 
croit  le  poète  Buddha-kîrli.  Il  inaugure  ainsi  dans  l'ono- 
mastique royale  du  Népal  l'usage  du  mot  kàma  qui  paraît 

1.  Bhagadatta  est  nommé  en  tête  des  ancêtres  de?  rois  du  Kàmariipa 
dans  le  Harsacariln^  p.  217  de  la  Irad.  Thomas. 

2.  Cf.  K\?AÀ\oï{^,Jortrnnl Roy .  As.  Soc,  1898,  384-5;  Hoernle,  Journ. 
Roy.  As.  Soc.  Beng.,  LVI,  113-32  ;  285-97  ;  LVII,  99-125. 


172  LE   NÉPAL 

plus  tard  dans  le  nom  personnel  de  plusieurs  souverains  : 
Gunakàma  deva,  Laksmî  kâraa  deva. 

Après  Jaya  deva,  Tépigraphie  et  du  même  coup  Thisloire 
positive  s'interrompent  brusquement.  Les  Vamçàvalîs, 
il  est  vrai,  offrent  bien  un  exposé  continu;  mais  leurs 
tableaux  dynastiques  pour  cette  époque  embarrassent  la 
critique  plus  qu'elles  ne  la  servent  ou  la  guident,  l'armi 
les  princes  qu'elles  énumèrent  à  la  suite  d'Amçuvarman, 
on  retrouve  bien  les  noms  de  Narendra  deva,  de  Çiva  deva, 
de  Jaya  deva.  Mais  Narendra  deva  est  séparé  d'Amçuvar- 
man par  quatre  (K.)  ou  cinq  règnes,  qui  couvrent  86  ans 
(K.)  ou  300  ans  (W.)  ou  370  ans  (B.).  Çiva  deva  ne  paraît 
que  sur  la  liste  de  K.  (Seo  Deo  5);  mais  il  y  précède 
Narendra  deva,  au  lieu  de  le  suivre.  Jaya  deva  n'est  que 
le  cinquième  successeur  de  Narendra  deva,  il  monte  sur  le 
trône  45  ans  (\^)  ou  61  ans  (K.  W.  B.)  après  la  fin  du 
règne  de  Narendra  deva.  Les  souvenirs  associés  à  tous  ces 
princes  sont  d'ordre  légendaire  ou  religieux.  Krtavarman 
(2)  n'est  qu'un  nom;  Bhîmârjuna  (3)  de  même.  Nanda 
deva  (4)  a  introduit  dans  l'usage  local  une  des  ères  de 
l'Inde,  soit  celle  de  Çàlivâhana  (W.  Bh.),  soit  celle  de 
Vikrama(V.).  Vira  deva  (5)  qui  manque  h  K.,  semble  un 
doublet  de  Vara  deva  (8)  ;  il  monte  sur  le  trône  en  3400 
K.Y.  (W.  B.;  =299  J.-C.)  ou  en  3600  K.  Y.(V.;  =  499 
J.-C.)  et  fonde  Patan.  Candraketu  deva  (6),  qui  manque 
aussi  à  K.,  règne  h  une  époque  de  troubles;  des  ennemis 
attaquent  le  pays  de  toutes  parts  et  pillent  le  peuple. 
Accablé  de  douleur,  le  roi  s'enferme  avec  ses  deux  épou- 
ses et  passe  douze  ans  à  gémir  sur  son  infortune. 
Un  secours  surnaturel,  dû  h  l'intervention  du  vajrruàrya 
Bandhudatta  rend  la  prospérité  au  pays;  les  rois  qui 
avaient  dévasté  le  Népal  restituent  leur  butin.  Parvenu  à 
la  vieillesse,  Candraketu  deva  passe  la  couronne  à  son  fils 
Narendra  deva,  et  monte  au  ciel.  Après  Narendra  deva  (7), 


HISTOIRE    nu    NÉPAL  173 

Vara  deva  (8)  transporte  sa  résidence  de  Madhyalakhu 
à  Patan.  Le  nom  de  Çankara  deva  (9)  amène  par  un  lien 
fatal  Çankara  âcârya  sur  la  scène.  Le  terrible  adversaire 
des  hérésies  visite  le  Népal  sous  Vara  deva,  et  pour 
commémorer  un  si  grand  événement,  Vara  deva  donne  à 
son  fils  le  nom  de  Çankara.  C'est  sans  doute  un  rapport 
du  même  genre  qui  vaut  à  Çankara  deva  de  passer 
pour  le  fondateur  de  la  ville  de  Sanku;  au  reste  son  suc- 
cesseur Vardhamâna  deva  (10)  lui  dispute  cet  honneur. 
C'est  aussi  Çankara  deva  qui  a  fondé,  dit-on,  le  village  de 
Changu  Narayan,  près  du  célèbre  sanctuaire.  Sous  Bali 
deva  (H),  la  vallée  de  Banepa  est  annexée  au  royaume  du 
Népal*.  Après  Jaya  deva  (12),  K.  énumère  Irois  rois  qui 
manquent  aux  autres  listes  :  Condur  Deo  [12]  ;  Jye  Deo  II 
[13];  Bul  Deo  III  [14].  L'accord  unanime  se  rétablit  avec 
Bàlàrjuna  deva  (13),  qui  du  reste  n'a  point  d'histoire. 

L'histoire  des  étals  voisins  ne  réfléchit  guère  de  clarté 
sur  cette  période  obscure  de  l'histoire  népalaise.  L'em- 
pire de  Harsa,  démembré,  émietté,  semble  se  reconstituer 
pendant  le  vm*  siècle  autour  des  souverains  de  Canoge  ; 
mais  les  documents,  fort  rares,  laissent  place  aux  inter- 
prétations les  plus  variées.  Aucun,  du  reste,  ne  met 
THindoustan  en  contact  avec  le  Népal.  Le  Tibet,  au  con- 
traire, intervient  certainement  dans  les  affaires  népalaises; 
h  défaut  d'informations  indigènes,  les  notices  des  Annales 
chinoises  laissent  entrevoir  le  Népal  à  Tarrière-plan  du 
Tibet,  comme  un  facteur  lointain  de  perturbations  sen- 
sibles. 

Après  la  mort  de  Srong-btsan  sgam-po  (650),  son  petit- 
fils,  K'i-li-pa-pou  (650-679)  avait  conduit  une  armée  de 
200000  hommes  dans  la  province  du  Sse-tch'oan,  soumis 
h  l'autre  extrémité  du  plateau  central  Khotan,  Kachgar, 

1.    KiRKPATRICK,   p.  267. 


174  LE    NÉPAL 

les  riverains  de  rissyk-koul,  les  Tou-kou-houn  du 
Kouoku-iior,  envahi  et  pillé  le  Ivan-sou,  et  entraîné  dans 
son  alliance  les  Tou-kiue  occidentaux.  «  Au  Sud.  ses 
domaines  s'étendaient  jusqu'à  Tlnde  centrale  (Po-lo-men), 
Son  empire  couvrait  plus  de  10000  li;  depuis  le  temps  des 
Han  et  des  Wei  aucun  peuple  parmi  les  nations  de  TOuest 
n'avait  été  si  puissîuil.  » 

Les  Chinois  profitèrent  de  la  minorité  de  K'i-nou-chi- 
loung  et  des  Irouhles  qui  accompagnèrent  la  régence  de 
K'in-ling,  pour  reconquérir  les  «  quatre  gouvernements  »  : 
Koutcha,  Kachgar,  Khotan  (ît  rissyk-koul  (692);  mais 
Ki-nou-chi-loungà  son  tour  prit  ToHensive  ;  il  parut  devant 
Liang-lcheou  en  090  et  en  702,  et  réclama  la  main  d'une 
princesse  impériale  qu'on  n'osa  pas  lui  refuser.  Mais  «  à 
ce  moment  les  états  soumis  h  la  frontière  sud  du  Tibet,  le 
Népal  (Ni-po-lo)  et  l'hide  centrale  (Po-lo-men)  se  révoltè- 
rent à  la  fois;  le  tsan-pou  partit  en  personne  les  punir, 
mais  il  mourut  pendant  la  guerre  ».  La  révolte  échoua 
cependant,  et  le  nouveau  roi  du  Tibet,  K'i-li-so-tsan,  sut 
maintenir  sa  suzeraineté.  Kn  fait,  la  charte  de  Çivadeva 
datée  de  714  J.-C,  qui  concède  un  village  hbre  de 
charge,  stipule  néanmoins  l'obligation  de  fournir  cinq 
porteurs  pour  ((  la  corvée  tibétaine  »  (IJ/ioUa-visli). 
(i'est  à  cette  occasion  que  le  nom  donné  en  sanscrit 
aux  Tibétains  paraît  pour  la  première  fois.  La  «  corvée 
tibétaine  »  consistait  probablement  h  transporter  à  travers 
la  montagne  soit  les  articles  payés  en  tribut  au  Tibet,  soil 
les  hauts  personnages  tibétains  envoyés  au  Népal.  C'est 
une  corvée  du  même  genre  que  l'autre  inscription  de 
Çiva  deva  indique  par  une  allusion  discrète,  en  stipulant 
l'obligation  d'aller  a  dans  les  pays  du  deliors  {hahir-deça' 
(/(tmana).  L'hide  centrale  elle-même,  si  elle  ne  payait  pas 
au  Tilx'l  un  li'il)ul  réguli(M',  nr  resta  pas  à  l'abri  des  dépré- 
dations :  dans  la  période  K'ai-juen  (713-741)  une  ambas- 


HISTOIRE    DU   NÉPAL  175 

sade  de  l'inde  centrale  vint  demander  au  Fils  du  Ciel  une 
armée  de  secours  pour  punir  et  les  Tibétains  et  un  autre 
ennemi,  plus  formidable  encore,  qui  venait  de  faire  son 
apparition  :  les  Arabes  (Ta-chi).  L'empereur  Hiuen-lsong, 
qui  avait  grand  mal  à  défendre  son  propre  territoire,  se 
contenta  d'octroyer  par  décret  un  titre  d'honneur  à  l'ar- 
mée indienne;  il  la  nomma  a  l'armée  qui  aime  la  vertu  » 
{hoai'te-kiun) . 

L'ambassade  envoyée  h  la  Chine  par  le  roi  du  Cache- 
mire, Muktàpida,  entre  736  et  747  n'eul  pas  plus  de  résul- 
tats, et  cependant  Muktàpîda  se  faisait  fort  d'entretenir 
une  armée  auxiliaire  de  200000  hommes;  il  représentait 
que,  de  concert  avec  le  roi  de  Tlnde  centrale,  il  avait 
bloqué  les  cinq  routes  du  Tibel  et  remporté  plusieurs 
victoires  sur  les  Tibétains.  «  Les  Tibétains  en  auraient 
pâli,  si  leur  teint  blême  n'avait  dissimulé  leur  souci.  Quand 
les  singes  sont  en  colère,  peut-on  distinguer  la  rougeur  sur 
leur  face*?  » 

Vers  760,  la  perte  du  pays  de  Ko-long  sépare  définiti- 
vement les  Chinois  de  l'Inde.  La  puissance  tibétaine  con- 
tinue toujours  à  croître.  En  763,  So-si-loung-lie-tsan  réussit 
même  à  s'emparer  de  Tch'ang-an,  la  capitale  de  l'Empire; 
mais  il  est  aussitôt  obligé  de  se  retirer.  L'apparition  des 
Hoei'ho  (Ouigours)  sur  la  frontière  du  Nord,  relarde  un 
instant  l'élan  des  infatigables  envahisseurs,  mais  n'arrive 
point  à  le  briser.  En  786,  les  Tibétains  sont  les  maîtres 
du  Chen-si  jusqu'à  la  (irande-Muraille  ;  en  790  ils  pren- 
nent Pei-t'ing  (Ouroumlsi)  et  An-si  (Koutcha). 

Le  Cachemire,  qui  fait  cause  commune  avec  l'Inde 
contre  le  Tibet,  et  (ju'une  ardeur  inquiète  d'expansion 
pousse  depuis  le  début  du  vui*'  siècle  tantôt  vers  le  Gange 


1.  Rdja-tarangini,  IV,  168  :  et  cf.  Itinéraire  iVOuICony  par  Sylvain 
Lévi  et  Kdouard  Ciiavannes,  p.  350,  n.  1. 


176  LE   NÉPAL 

et  lanlAl  vers  l'Asie  Centrale,  essaie  à  ce  moment  d'arra- 
cher le  Népal  aux  Tibétains.  Jayàpîda  qui  y  règne  est  un 
bel  esprit,  ami  des  poètes  qu'il  rassemble  à  sa  cour  et 
qu'il  prend  pour  minisires;  exalté  par  leurs  flatteries,  il  se 
croit  destiné  à  la  conquête  du  monde  et  se  jette  à  l'étour- 
die dans  les  aventures  les  plus  téméraires,  souvent  les 
plus  désastreuses.  La  légende,  complice  des  poètes  de 
cour,  a  tout  pardonné  h  ce  Richard  Cœur-de-Lion  ;  elle  l'a 
même  doté  d'un  autre  Blondel.  Jayàpîda,  qui  a  déjà  poussé 
jusqu'au  Bengale  et  réduit  en  route  Kanyâkubja,  et  qui  a 
déjà  connu  la  captivité  chez  Bhlma  sena,  roi  de  l'Est, 
envahit  brusquement  le  Népal  à  la  tête  d'une  forte  armée. 
Aramudi,  roi  du  Népal,  accourt  lui  barrer  le  chemin;  la 
bataille  s'engage  ;  l'armée  de  Jayàpîda  est  taillée  en 
pièces;  Jayàpîda  lui-même  tombe  aux  mains  de  son 
adversaire  qui  l'enferme  «  dans  une  tour  obscure  »  au 
bord  de  la  Kàla  gandikà.  Les  ordres  sévères  d'Aramudi 
assurent  le  secret  inviolable  de  la  prison  qui  recèle  le 
captif  royal.  Mais  la  poésie  et  le  chant  triomphent  de  la 
force  brutale  ;  un  ministre  de  Jayàpîda  errant  à  la  recher- 
che de  son  roi  prête  l'oreille  aux  plaintes  que  module  le 
prisonnier,  reconnaît  sa  voix,  pénètre  par  un  artifice  auprès 
de  lui  et  sacrifie  joyeusement  sa  propre  vie  pour  per- 
mettre à  Jayàpîda  de  s'échapper*. 

M.  Stein  considère,  sans  doute  avec  raison,  cet  épisode 
connue  un  (*onlc  populaire  :  mais  le  fond  peut  en  être  exact. 
Aramudi  ne  figure  pas,  il  est  vrai,  parmi  les  rois  du  Népal, 
et  \i'  tour  barbare  de  son  nom  détonne  parmi  les  noms 
sanscrits  d(»s  rois  authentiques.  Mais  la  singularité  même 
d«'  (*e  nom  le  recommande  à  l'attention;  un  conteur  en 
veine  d'invention  aurait  forgé  le  nom  du  roi  népalais  sur  le 
type*  courant;  ainsi  procède,  par  exemple,  le  poète  de  la 

I.   Rnja-taranyinl,  IV,  530  sqq. 


HISTOIRE    DU    iNÉPAL  177 

Brhal  Kalhà.  La  consonance  étrange  du  mot  Aramudi  peut 
cacher  un  nom  tibétain.  Les  Tibétains,  protecteurs  du 
Népal,  et  intéressés  à  couvrir  leur  frontière  méridionale 
contre  les  entreprises  renouvelées  du  Cachemire,  avaient 
peut-être  assumé  la  défense  du  territoire  vassal  et  opposé 
à  Jayàpîda  un  de  leurs  propres  généraux.  En  tout  cas,  il 
est  impossible  de  ne  pas  reconnaître  dans  la  rivière  Kâla 
gandikâ  du  récit  le  nom  de  la  Kàla  (ou  Kâli)  Gandakî,  la 
Gandakî  noire,  la  plus  occidentale  des  sept  Gandakîs  ; 
c'est,  en  effet,  la  première  barrière  où  une  armée  népa- 
laise doit  tenter  d'arrêter  un  envahisseur  venu  de  TOuest 
par  les  montagnes. 

Le  Népal  resta  donc  sous  le  joug  du  Tibet.  Khri  Ide  srong 
btsan  (816-838),  appelé  aussi  Rai  pa  éan  (les  Chinois  le 
nomment  K'o  li  k'o  tsou  et  I-laï),  était  le  suzerain,  au 
Nord,  de  la  Mongolie  ;  k  TOuest,  des  territoires  qui  con- 
finent à  la  F^erse  ;  au  Sud  «  des  pays  de  Tlnde  bLo  Mon  Li 
et  Zahora  (c'est-à-dire  du  Népal  et  de  TFIindoustan)  jus- 
qu'au lit  majestueux  de  la  Gangâ*  ».  Mais  une  crise  reli- 
gieuse allait  soudain  amener  et  précipiter  la  décadence. 

Tandis  que  la  puissance  politique  du  Tibet  se  développait, 
le  bouddhisme  avait  fuit  des  progrès  énormes.  Introduit  par 
l'induencc  simultanée  de  l'Inde  et  de  la  Chine,  sous  les 
auspices  de  deux  princesses  gracieuses,  il  avait  reçu  bien- 
tôt de  puissants  renforts,  dus  au  malheur  des  temps. 
L'Islam  était  né  (hégire  :  622  de  J.-C);  une  expansion 
irrésistible  l'avait  porté  en  triomphateur  jusqu'au  Pamir 
et  jusqu'aux  passes  de  ITnde  en  moins  d'un  siècle.  Les 
moines  à  la  robe  jaune  fuyaient,  éperdus,  devant  ces  sin- 
guliers apôtres  qui  pillaient  les  temples  et  brûlaient  les 
couvents.  L'Inde  effarée  se  resserrait  autour  des  brahmanes 
qui  représentaient  cet  ordre  antique  des   choses,  qu'on 

1.  Rgyal  vabSy  Iraduct.  Emil  Schlagintweit,  loc.  laud. 

H.  —  12 


178  LE    NÉPAL 

avait  trop  longtemps  cru  immuable  ;  elle  se  détachait  du 
bouddhisme,  suspect  d'indulgence  et  de  tendresse  aux  bar- 
bares. Les  successeurs  de  Srong  btsan  sgam  po  virent 
qu'ils  pouvaient  tirer  parti  de  la  situation  :  ils  accueillirent 
à  bras  ouverts  les  exilés,  les  expulsés  qui  apportaient  au 
Tibet  les  sciences  humaines  et  les  connaissances  surna- 
turelles et  qui  mettaient  de  plus  au  service  des  ambitions 
tibétaines  leurs  anciens  fidèles,  apostats  par  peur  ou  par 
entraînement,  mais  tout  prêts  à  rentrer  dans  le  giron  de 
rÉglisc  au  jour  de  sa  victoire.  Les  couvents  se  multi- 
plièrent ;  sous  la  direction  de  savants  venus  de  Tlnde  et  du 
Népal,  on  commença  à  traduire  les  livres  saints.  En  824, 
une  ambassade  tibétaine  vint  demander  à  la  cour  de  Chine 
une  image  de  la  montagne  Ou-t'ai  {Pafïca  çlrsn)  où  réside 
Manjuçrî. 

Lue  réaction  formidable  suivit  ces  progrès  trop  rapides. 
En  838,  I  t\'iï  mourait;  le  trône  passait  à  son  frère  qui 
portait,  par  Tironie  du  sort,  le  nom  de  I)(h)arma  (Glan 
Darma  ;  en  chinois  Ta-mo).  Les  écrivains  bouddhistes  ont 
traité  Darma  comme  les  chrétiens  Néron  ;  il  est,  dans 
rhisloire  ecclésiastique,  le  monstre  complet,  Tabomination 
de  la  désolation.  Les  Annales  mêmes  des  T'ang,  rédigées 
sous  rinfluence  bouddhiste,  le  représentent  comme  un 
ivrogne,  amateur  d'exercices  violents,  adonné  aux  femmes, 
cruel,  tyrannique.  Il  fit  murer  les  couvents,  dispersa  les 
moines,  livra  aux  flammes  les  textes  sacrés,  entassa  les 
impiétés  sur  les  horreurs,  jusqu'au  jour  oii  un  Jacques 
Clément  Tabatlit  d'une  llèche  (842).  Darma  ne  laissait  pas 
d'héritiers;  on  lui  supposa  des  fils  posthumes  qui  servirent 
de  ralliement  à  chacun  des  partis.  La  guerre  civile  s'en- 
gagea ;  ON  app(*la  réiranger  h  Taide.  La  Chine  qui  avait 
longtemps  attendu  profita  de  l'occasion  pour  recouvrer 
une  partie  des  territoires  perdus  (849)  ;  Chang  k'oung, 
qui  avait  pris  le  litre  de  lsan-pou,allase  faire  tuer  dans  une 


HISTOIRE    DU    NÉPAL  17Ô 

bataille  contre  les  Oiiigours  (866).  Le  royaume,  scindé,  eut 
deux  capitales  :  Lliasa  et  Chigatze;  il  en  eut  bientôt  une 
troisième  ;  c'en  était  fait  de  Tempire  de  Srong  btsan 
sgam  po. 

Ce  bouleversement  politique,  qui  change  tout  à  coup  la 
face  de  TAsie  intérieure,  correspond,  dans  les  fastes  du 
Népal  à  une  véritable  révolution.  Le  jeudi  20  octobre  879 
(1"  kârttika  çudideVik.  936  courant)  est  le  point  de  départ 
d'une  ère  nouvelle  qui  porte  le  nom  d'  «  ère  népalaise  » 
Nepâla-sarrivat.  La  fondation  d'une  ère  est,  même  aux  yeux 
des  Hindous  qui  en  ont  abusé,  un  événement  considé- 
rable ;  le  prince  qui  y  prétend  doit  avoir  tué  par  millions 
des  Çakas  (envahisseurs  scy thiques),  ou  tout  au  moins  payé 
sans  exception  les  dettes  du  royaume.  Les  chroniques 
népalaises  ne  savent  rien  du  fait  réel  qui  créa  le  Nepâla- 
samvat;  elles  rapportent  (W.  V.  B.)  un  conte  populaire  oti 
rien  n'est  authentique.  Un  savant  astrologue  révèle  au  roi 
de  Bhatgaon,  Ananda  Malla,  un  secret  merveilleux;  sous 
l'influence  mirifique  du  ciel,  le  sable  ramassé  au  confluent 
de  la  Bhadràvalî  et  de  la  Bitsnumati  doit  se  transmuer 
spontanément  en  or.  Le  roi  envoie  des  coolies  recueillir  au 
lieu  dit,  h  Theure  dite,  le  sable  à  pleins  sacs.  Leur  lAche 
accomplie,  les  coolies  s'en  retournent  avec  leur  charge  vers 
Bhatgaon.  Mais  un  marchand  de  Katmandou,  nommé 
Sakhvà\  les  rencontre;  il  leur  demande  de  lui  livrer  les 
sacs  à  domicile  ;  ils  n'auront  qu'à  prendre  ensuite  une 
autre  charge  pour  le  roi  sur  le  chemin  du  retour.  Les 
coolies,  sans  méfiance,  acceptent  l'arrangement.  Ils  ren- 
trent enfin  h  Bhatgaon;  Ananda  Malla  qui  s'impatiente 
ouvre  vite  les  sacs;  ils  ne  sont  remplis  que  de  sable.  Le 
roi  déçu  court  chez  l'astrologue,  l'accable  d'injures,  tourne 

1.  La  forme  sanscrite  est  Çankhadhara.  L'almanach  népalais  de  1902 
(Népal a  deçîya  Paficànga  1959  vik  )  appelle  l'ère  népalaise  :  çri  Çankha- 
dhara krta  Nepàla  sarnval). 


180  LE   NÉPAL 

sa  sciencf?  on  rl^îrinion,  et  Tastrologue  saisi  de  dépit  jette 
au  feii  son  grimoire  magique.  Ananda  Malla,  rentré  dans 
son  palais,  découvre  au  fond  des  sacs  quelques  grains  d'or 
pur  ;  il  s'enquiert,  et  comprend  le  tour  joué  à  son  détri- 
ment. I*osîiesseur  d'une  fortune  immense,  Sakhvà  demande 
au  roi  de  Katmandou,  Jaya  deva  Malla,  Tautorisation  de 
payer  toutes  les  dettes;  il  l'obtient,  et  inaugure  une  ère  nou- 
velle. En  témoignage  de  gratitude,  il  dresse  sa  propre  statue 
en  pierre  à  la  porte  de  Paçupali,  où  on  la  montre  encore. 
La  légende  n'est  évidemment  qu'une  malice  des  gens  de 
Katmandou  aux  frais  des  gens  de  Bhatgaon.  Les  rois  mêlés 
au  récit  datent  en  réalité  du  iv*  siècle  du  Nepâla-samvat  ;  le 
conte  ne  laisse  donc  pas  de  résidu  à  l'histoire.  Mais  la  Vamçà- 
valî  de  Kirkpatrick  introduit,  h  la  suite  de  Bâlàrjuna  deva 
(13,  Ballunjoon  Deo  [15])  un  prince  appelé  Ràghava  deva 
(Ragheeb  Deo  [16j),  absent  des  autres  listes  et  K.  ajoute: 
«  Ce  prince  introduisit  l'ère  Tambul  [corr.  Sambut^ 
Samvat]  ou  ère  de  Bickermajeet,  au  Népaul,  où  le  com- 
put  le  plus  employé  aujourd'hui  est  pourtant  chez  les 
Purbutties  l'ère  Çaka.  Les  Névars,  d'autre  part,  ont  un 
style  propre  sur  l'origine  duquel  je  ne  sais  rien  de  certain, 
sauf  qu'il  apparaît  avoir  été  institué  il  y  a  neuf  siècles  envi- 
ron, l'an  914  de  leur  comput  commen(;ant  le  15  de  kar- 
teck  ou  28  octobre  1793.  Peut-être  le  commencement  de 
ce  comput  serait-il  en  rapport  avec  la  période  du  premier 
établissement  de  la  dynastie  de  Semroun  au  Népaul.  »  La 
dynastie  de  Semroun  est  celle  de  llari  simha  deva,  qui 
envahit  le  Népal  en  1324  ;  le  «  premier  établissement  »  à 
((  Scunroun  »  (Simangarh)  est  attribué  par  Kirkpatrick 
même»  à  «  Nan  Deo  »  (Nànya  deva)  en  l'an  w  de  Bicker- 
majeet »  901  (844  J.-C).  Kirkpatrick  sépare  formellement 
Hilghava  deva  et  l'ère  du  Népal.  Prinsep*,  en  a  ajustant  n 

1.  Uaef'iil  Tahlrn,  éd.  É(L  Thomas.  London,  Î858,  p.  269. 


HISTOIRE    DU    NÉPAL  181 

la  chronologie  népalaise,  substitue  le  Népâla-samvat  au 
samvatde  Vikramàditya,  et  porte  l'avènement  de  Râghava 
deva  h  Fan  880  J.-C.  ;  il  en  fait  ainsi  le  point  de  départ  de 
Tère  nouvelle.  Cunningham*  reprend  à  son  compte,  comme 
un  fait  acquis,  Tassertion  de  Prinsep;  et  M.  Bendall, 
qui  accuse  à  tort  Kirkpalrick  d'avoir  omis  Râghava  deva, 
s'autorise  de  Cunningliam  pour  représenter  Râghava  deva 
comme  <(  le  fondateur  traditionnel  de  Tère  du  NépaP  ».  Il 
observe  de  plus  que  la  durée  des  règnes  assignés  à  ce  prince 
et  à  ses  successeurs  jusqu'à  l'avènement  de  Laksmî  kàma 
deva  donne  environ  un  total  de  135  ans.  La  première  date 
connue  du  règne  de  Laksmî  kâma  deva  est  justement 
l'an  135.  La  combinaison  de  Cunningham,  ou  plus  exac- 
tement de  Prinsep,  a  donc  chance  d'être  exacte. 

Il  ne  faut  pas  perdre  de  vue  pourtant  qu'il  n'existe  pas 
un  seul  texte  qui  rapporte  expressément  à  Râghava  deva 
la  fondation  du  Nepâla-samvat.  Le  seul  document  publié 
jusqu'ici  (K.)  lui  attribue  simplement  l'introduction  du 
Vikrama-samvat.  D'autres  Vamçàvalîs,  qui  ignorent  Râ- 
ghava deva,  rapportent  h  un  de  ses  prédécesseurs  un  fait 
analogue.  Nanda  deva  (4)  introduit  au  Népal  soit  l'ère  de 
Çàlivâhana  (W.  B.),  soit  l'ère  Vikraraa  (V.).  Et  c'est  ainsi 
peut-être  qu'il  convient  d'expliquer  l'origine  de  l'ère  népa- 
laise. L'an  879-880  qui  est  la  première  année  courante  de 
celte  ère  est  la  première  année  écoulée  du  ix"  siècle  (;aka. 
Nous  savons  avec  certitude  que  l'ère  çaka  avait  à  cette  épo- 
que pénétré  dans  les  régions  himalayennes  do  l'Inde.  La 
praçasti  de  Baijnâth^  datée  de  a  l'année  écoulée  7[26?]  de 
Tère  çaka  »  prouve  que  cette  ère  était  alors  en  usage  dans 
la  haute  vallée  de  Kangra,  entre  le  Cachemire  elle  Népal. 
Elle  se  trouve  justement  associée  dans  cette  inscription  à 

1.  Indian  Eras,  p.  74. 

2.  Journ.  As.  Soc.  Beng.,  1903,  p.  5. 

3.  Épigr.  Ind.,  1,  112. 


182  LE    NÉPAL 

une  date  de  nature  indéterminée,  «  l'an  80  ».  On  v  a 
reconnu  sans  hésitation  le  roniput  Saptarsi  ou  Loka-kàla 
qui  part  de  307;)  avanl  J.-C,  mais  qui  laisse  de  coté  dans 
Tusage  réel  les  chifîres  des  centaines  et  des  milliers,  (-e 
fçenre  de  comput  était  très  répandu  au  Cachemire,  et  sa 
commodité  avait  dû  en  propager  Temploi.  L'originalité  du 
NepcUa-sainvat  semble»  consister  essentiellement  dans  ra|)- 
plication  à  l'ère  (;al\a  des  pro(*édés  propres  au  l^olia-kàla. 
Au  lieu  de  compter  801,  802  etc.,  on  compte  1,  2,  etc. 
Pointant  l'année  du  calendrier  névar  ne  copie  pas  servile- 
ment l'année  çaka  ;  celle-ci  en  efîet  commence  au  mois  de 
caitra  (mars-avril),  dans  l'Inde  du  moins'.  L'année  névare 
commence  en  kàrlika  (octobre-novembre),  comme  fait 
l'année  vikrama.  L'année  névare  combinant  ainsi  les  traits 
des  deux  calendriers,  on  comprend  que  la  tradition  puisse 
en  représenter  la  fondation  comme  Tinlroduction  de  Tun 
ou  l'autre  comput,  (;aka  ou  vikrama. 

Si  l'ère  névare  n'est  qu'une  adaptation  de  l'ère  (;aka,  il 
est  légitime  de  se  demander  pourquoi  cette  substitution 
s'est  opérée.  L(^  pûle  Haghava  (leva  n'a  pas  la  figure  d'un 
fondateiu-  d'ère.  Je  ne  puis  m'empe(!her  de  croire  que  le 
Népal,  délivré  du  joug  tibétain  parle  meurtre  de  Glan  Dar- 
ma  et  l'anarchie  qui  suivit,  salua  le  nouveau  siècle  comme 
une  période  nouvelle  de  son  histoire  ;  nous  savons  quelle 
attente  superstitieuse  s'attache,  en  Europe  môme,  à  la 
naissance  d'un  siècle  nouveau.  Ihie  croyance  astrologique, 
répan<lu(»  au  iNépal,  put  contribuer  aussi  h  la  création  du 
nouveau  comput.  Les  Névars,  que  les  voyageurs  chinois  du 
vu'^  siècle  dépeigntMit  déjà  comme  a  entendus  au  calcul  des 
(lesliné(»s,  (*l  habiles  dans  Fart  du  calendrier'  »,  croient  à 
l'inlluence  funeste  du  chiffre  S.  «  Toute  année  où  se  ren- 


2.   \  .  sdp.,  I,  \^)\. 


HISTOIHE    OU   KKPAL  183 

contra  un  8  eut  niie  aiiin^e  de  malheur'.  »  I,e  plus  piquant 
c'est  que  le  deslJn  <t  voulu  donner  raison  au  prt'-jugé.  C'est 


Temple  de  Loinri  Mli,  prËs  de  Kitmandoii. 

en  l'anni'ie  888  du  Nepâla-samvnl  (=  1768  J.-C.)  que  les 
Gourkha?  ont  conquis  le  Ni'^pal  !  La  peur  de  vivre  pendant 
cent  ans  sous  une  menace  aussi  Formidable  aurait  s^ufïi 


184  LE    NÉÏ»AL 

peut-être  pour  provoquer  une  révolution  du  calendrier  chez 
un  peuple  si  préoccupé  d'astrologie. 

Les  premiers  successeurs  de  Ràghava  deva  ne  sont  que 
des  noms  et  des  noms  assez  mal  établis.  La  liste  de  K. 
énumère  Seeker  Deo  [\  7]  avec  un  règne  de  88  ans  et  6  mois, 
puis  Solio  Deo  [18]  avec  un  règne  de  33  ans  et  9  mois.  La 
liste  de  Bd.'  substitue  à  ces  deux  princes  un  nouveau  Jaya 
deva,  avec  10  ans  de  règne  seulement,  en  regard  d'une 
période  de  121  ans  chez  K.  Pour  expliquer  et  corriger  un 
écart  aussi  grave  entre  des  documents  si  étroitement  unis 
d'ordinaire,  on  est  tenté  de  considérer  les  deux  nombres 
de  K.,  88  et  33,  formés  Tun  et  Fautre  d'un  chiffre  répété, 
comme  une  dittographîe,  imputable  soit  à  Tinformaleur  de 
K.,  soit  à  K.  lui-même,  soit  fi  son  éditeur.  Les  deux  règnes 
se  trouveraient  ramenés  à  un  total  de  12  ans  et  3  mois. 
L'accord  unanime  des  Vamçâvalis,  interrompu  après  Bàlàr- 
juna  deva(13),  se  rétablit  avec  Vikramadeva(14),  encore 
que  la  durée  de  son  règne  soit  assez  flottante  :  1  an  (K.), 
8  ans  9  mois(Bd.),  12  ans  (B.  W.  V.).  Après  lui  K.  et  Bd. 
insèrent  Narendra  deva  [20],  qui  règne  1  an  et  6  mois. 

Gunakâma  deva (15)  se  laisse  entrevoir  comme  une  per- 
sonnalité assez  vigoureuse  dans  celle  longue  série  de  rois- 
fantômes.  Son  règne  se  prolonge  plus  d'un  demi-siècle:  51 
ans  (B,  W.  V.),  65  ans  5  mois  (Bd.),  85  ans  6  mois  (K.). 
La  légende,  à  défaut  de  Thistoire  positive,  s'est  plu  h  le 
représenter  comme  un  monarque  puissant  et  somptueux. 
Il  passe  pour  le  fondateur  de  Katmandou.  Cependant  la 
tradition  qui  associe  k  ce  souvenir  le  nom  de  (lunakAma 
date  la  fondation  de  Tan  3824  écoulé  ou  3825  présent  du 
Kali-yuga,  soit  723-724  J.-C.  Je  n'ai  pas  pu,  malgré  des 
recherches  opiniâtres,  recueillir  une  date  plus  détaillée. 


1.  A  partir  d'ici,  je  dési^jnerai  par  ces  lettres  Bd.  les  nouveaux  maté- 
riaux signalés  et  analysés  par  Rendait  (v.  sup.y  I,  198  et  note). 


HlSTOinE    DU    NÉPAL  185 

qui  fùl  susceptible  d'ôlre  vérifiée  par  le  calcul.  En  fait,  la 
date  exclut  le  roi,  et  réciproquement.  Prise  en  elle-même, 
la  date  semble  acceptable  ;  elle  est  assez  basse  pour  écar- 
ter les  soupçons.  Un  annaliste  en  veine  d'invention  aurait 
gratuitement  reculé  dans  le  passé  le  plus  lointain,  jusqu'au 
premier  des  Gunakâma  deva,  Torigine  de  la  capitale.  De 
plus,  c'est  vers  la  même  époque  que  les  chroniques  placent 
la  fondation  de  Patan  et  de  Sanku.  La  naissance  de  ces 
trois  grandes  villes  correspond  logiquement  à  la  transfor- 
mation de  la  vie  économique  au  Népal.  Les  inscriptions  de 
la  période  antérieure  ne  mentionnentjamaisquede  simples 
communautés  rurales  (yrama)  ;  la  population  dispersée 
•dans  les  champs  vivait  surtout  de  la  culture.  Deo  Patan, 
appuyée  au  temple  de  Paçupati,  était  encore  la  seule  ville 
(pailana).  Le  roi  y  résidait  près  de  la  divinité  qui  le  proté- 
geait ;  la  cour  et  les  pèlerins  assuraient  au  bazar  une  clien- 
tèle suffisante.  Mais  peu  à  peu  les  relations  régulières  avec 
rinde  développent  le  commerce  d'échange  ;  la  constitution 
du  royaume  tibétain  ouvre  un  nouveau  marché  qui  s'étend 
sans  cesse.  Gardien  des  passes  qui  relient  à  longue  distance 
rindedes  ràjas  et  la  Chine  des  empereurs,  le  Népal  se  voit 
promu  brusquement  courtier  de  deux  mondes.  On  déserte 
la  terre  trop  peu  lucrative  pour  se  jeter  dans  le  négoce. 
((  Les  marchands,  tant  ambulants  qu'établis,  y  sont  nom- 
breux; les  cultivateurs  rares»  dit  la  notice  des  T'ang'.  Les 
arts  manuels,  où  triomphent  l'ingéniosité  et  l'adresse  des 
Névars,  promettent  un  gain  facile  ;  orfèvres,  fondeurs, 
peintres,  enlumineurs  se  multiplient  sans  encombrer  le 
marché.  Les  exigences  des  professions  nouvelles  favorisent 
la  vie  de  société,  naturellement  chère  aux  Névars.  La  puis- 
sance croissante  des  rois  tend  aussi  à  grouper  autour  d'eux 
une  population  plus  nombreuse.  Les  villes  surgissent.  Il  ne 

1.  V.  sup.y  1, 164. 


186  LE    iNÉPAL 

s'agit  pas  d'une  création  de  toutes  pièces  ;  les  inscriptions 
anciennes  encore  conservées  dans  leur  enceinte  montrent 
qu'elles  se  formèrent  par  la  réunion  de  plusieurs  villages, 
progressivement  agrandis  et  rapprochés  au  pointdese  con- 
fondre. Il  se  peut  toutefois  que  Gunakàma  deva  ait  mérité, 
par  les  travaux  d'embellissement  qu'il  y  exécuta,  d'être 
considéré  comme  un  autre  fondateur  de  Katmandou.  Il  y 
avait,  entre  autres,  construit  une  fontaine  en  or,  dont  le  nom 
seulement  s'est  perpétué;  c  esl\aSon'd\\àvêi(Siwarna'dhr}râ) 
entre  leDarbaret  le  vieux  pont  de  la  Bitsnumati.  L'ancien 
nom  de  Katmandou,  Kântipura,  a  pu  conduire  d'autre  part 
à  un  rapprochement  avec  Gunakàma;  kdnli  et  /lâma  sont 
deux  formations  apparentées,  tirées  l'une  et  l'autre  de  hi. 
racine  kam  «  aimer  ».  Parmi  les  institutions  religieuses  que 
la  tradition  rapporte  h  Gunakàma  deva,  et  que  j'ai  déjà 
signalées  en  étudiant  le  culte,  je  rappellerai  ici  Vdyâlrâ  en 
l'honneur  de  Khasarpa  Lokeçvara  (cf.  I,  334)  clairement 
destinée  à  battre  eu  brèche,  au  profit  de  Katmandou,  la 
yàtrâ  de  Matsyendra  Nâtha  de  Patan.  Paçupati  bénéficia 
aussi  de  sa  munificence  fabuleuse  :  il  fit  verser  pendant 
quinze  jours  sur  le  linga  de  feau  d'or,  qui  s'échappait  de 
deux  fontaines  d'or,  et  couvrit  le  temple  d'un  toit  doré. 
Malgré  tant  de  prodigalités,  il  put  encore  mettre  en  réserve 
une  somme  de  cinq  cent  vingt  millions  qu'il  confia  au  Nàga 
Vàsuki  dans  les  creux  du  mont  Indrâcala.  Sa  puissance 
s'étendait  au  dehors  de  la  vallée  vers  l'Est  ;  c'est  de  là  qu'il 
amena  la  déesse  Candeçvarl,  comme  Amçuvarman  en  avait 
amené  déjà  Prayàga  Bhairava. 

Par  un  contraste  déconcertant,  les  documents  directs 
reprennent  au  lendemain  même  de  ce  long  règne,  alors 
qu'on  n'a  signalé  encore  ni  inscriptions  ni  manuscrits  du 
temps  de  Gunakàma  deva.  IJdaya  deva  [22]  figure  sur  les 
listes  de  K.  (6  ans)  et  de  Bd.  (5 ans  5  mois).  Nirbhaya  deva 
[23J  n'est  nommé  que  par  K.  (7  ans)  ;  mais  l'accord  se 


HISTOIRE    DU   NÉPAL  187 

rétablit  sur  les  noms  suivants.  Ici  encore,  la  liste  de  K.  est 
la  plus  exacte.  En  regard  de  Bhojadeva  {i  6),  elle  insère  Bhaj 
Deo  Budro  [24].  Nous  avons  clairement  affaire  ici  h  une 
confusion  graphique  de  Tédileur,  qui  a  lu  ou  transcrit  B 
pour  R.  Nous  devons  lire  Hudro,  qui  revient  h  Rudra  dans 
la  transcription  usuelle.  Rudra  ne  paraîl'  sur  aucune  autre 
liste  ;  mais  deux  signatures  de  manuscrits  garantissent 
Tauthenticilé  de  son  nom  et  de  son  existence.  La  collection 
de  Cambridge  possède  une  copie  (AdcL  866)  de  la  Prajnà- 
pâramilâ  en  huit  mille  stances  écrite  en  samvat  128  (1  008 
J.-C.)\  sous  la  «double  royauté  »  {dvi-rdji/a/ta)de  Nirbhaya 
deva  et  de  Rudra  deva,  souverain  de  la  terre. 

L'expression  dvirâjykâ  semble  bien  désigner,  comme  Ta 
supposé  M.  Rendait,  un  gouvernement  exercé  par  deux 
rois.  Un  drame  de  Kàlidàsa,  Màlavikàgnimitra,  offre  un 
terme  presque  identique,  dvairâjrja,  et  le  contexte  permet 
d'en  fixer  sûrement  le  sens.  Le  roi  Agnimitra,  informé 
d'une  victoire  remportée  par  ses  troupes,  règle  les  desti- 
nées de  l'état  conquis  (Acte  V,  vers  13  et  14).  «  J'aiTinten- 

1.  La  dale  est  assez  détaillée  pour  se  prêter  à  un  calcul  de  vérification. 

Abde  çaté  sâstakavimçatigate  mâse  çubhe  phâlgunâçuklapakse  somavâre 
naksatraramyottarabhadrasaipjne. 

An  128,  Phâlf^'una,  quinzaine  claire,  lundi,  naksatra  l'ttara-Hliadra. 
Le  quantième  de  la  tilhi  n'est  pas  indiqué  :  mais,  sur  les  données  four- 
nies, on  obtient  les  résultats  suivants:  en  128  N.  S.  [Nepala-samvatJ, 
écoulé^  soit  1007-8  J.-C,  deux  lundis  tombent  en  Phâl«;una,  quinzaine 
claire;  7»  tithi,  le  naksatra  est  Rohinî  (IV)  ;  15'"  tithi,  le  nks.  est  Pûrva- 
Phàlgunî  (XI). 

En  128  N.  S.,  calculé  comme  année  présente,  contre  l'usage,  soit 
1006-7  J.-C,  le  lundi  tombe  enphâlguna  rudi  :  5^'  t.,  nks.  Bharanî  (li)  ; 
12e  t,^  nks.  Âçlesâ  (IX). 

Aucun  des  deux  résultats  ne  convient. 

Calculé  d'autre  part  en  ère  d'Amçuvarman,  la  date  donnerait  pour 
128  écoulé  =  72'i-5  J.-C,  le  lundi  2  phàlguna  cudi,  nks.  l'ttara-Bhadra- 
pada(XXVl)  =  19  février  725  J.-C 

(Ici,  comme  dans  toutes  les  dates  que  j'ai  essayé  de  vérifier,  mes  cal- 
culs sont  faits  sur  les  éléments  fournis  par  les  Tables  de  R.  Sewell  et 
Ç.  B.  DiKSHiT  dans  The  IndianCalendar.  London,  1896.) 


188  LE    NÉPAL 

lion  d'installer  les  deux  princes  Yajna  senaelMàdhava  sena 
sur  un  double  trône  {dvnirâjya).  Que  tous  deux  à  part,  ils 
gouvernent  les  rives  de  la  Varadâ,  au  Nord  et  au  Sud, 
comme  Tastre  froid  et  Tastre  brûlant  se  partagent  la  nuit 
et  le  jour  !  »  Le  roi  envoie  consulter  sur  ce  projet  le  con- 
seil des  ministres,  et  le  chambellan  lui  rapporte  leur 
réponse  :  «  Le  conseil  des  ministres  a  les  mêmes  vues. 
Partageons  entre  eux  deux  la  charge  du  pouvoir,  comme 
le  timon  entre  les  chevaux  du  char,  tenus  par  la  même 
main  ;  ils  resteront,  Sire,  sous  ton  autorité,  sans  en  venir 
jamais  à  se  nuire  entre  eux  ».  Le  régime  de  «  double- 
royauté  »  n'est  donc  point  exactement  un  consortium, 
comme  le  donne  à  entendre  la  traduction  de  M.  Bendall  : 
((  joint-regency  ».  C'est  un  régime  bien  défini  dansla  poli- 
tique hindoue,  où  deux  princes  se  partagent  par  moitié  un 
seul  état,  sans  en  détruire  pourtant  l'unité  organique.  Ce 
régime  semble  supposer,  comme  dans  le  cas  de  Màlavikà- 
gnimitra,  un  pouvoir  étranger  qui  se  superpose  en  modéra- 
teur et  en  suzerain  au-dessus  des  deux  princes.  L'hégémo- 
nie tibétaine  ne  saurait  plus  être  en  question  à  cette  époque  ; 
d'autre  part  l'histoire  de  l'Hindoustan  nous  est  mal  connue. 
Il  n'est  pas  impossible  que  la  dynastie  des  Pâlas,  arrivée 
vers  ce  moment  à  son  apogée,  maîtresse  du  Gange  entre 
Bénarès  et  la  mer,  ait  rangé  le  Népal  sous  son  autorité  tout 
au  moins  nominale.  On  s'expliquerait  mieux  ainsi  la  pré- 
sence dans  les  collections  népalaises  de  manuscrits  copiés 
sous  le  règne  des  Pàlas,  spécialement  do  Mahl  p<\la  et  de 
Naya  pàla  (pii  occupent  la  première  moitié  du  xi'  siècle.  La 
religion  avait  dû  nouer  des  rapports  étroits  et  fréquents 
entre  le  royaume  montagnard  et  l'empire  des  plaines.  Les 
Pâlas  possédaient  la  Terre  sainte  du  bouddhisme  ;  les  deux 
sites  saints  entre  tous,  Bodhi-Gayà  et  Sarnath  (près  Béna- 
rès) ont  conservé  des  inscriptions  de  Maht  pâla.  Le  couvent 
de  Vikrama  çila,   qui  avait  remplacé  Nàlanda  comme  le 


s 
s 


HISTOIRE    DU    NÉPAL  189 

foyer  du  savoir  et  de  la  piété  bouddhique,  s'élevait  au 
milieu  du  domaine  des  Pâlas;  parmi  les  maîtres  qui  y  bril- 
laient au  début  du  xi*  siècle,  Târanâtha  nomme  trois  Népa- 
lais :  Ratna  kîrli,  Vairocana  Pandila  el  Kanaka  çrî.  La 
mission  chinoise  dite  a  des  trois  cents  samanéens  »  (cf.  I, 
166,  note),  après  avoir  visité  le  Magadha  soumis  aux  Pàlas, 
s'en  retourne  parle  Népal.  La  mission  tibétaine  envoyée  à 
Vikrama  çîla,  vers  1040  J.C.,  pour  en  ramener  le  savant 
Atîça,  rencontre  à  la  frontière  de  Tlnde  la  compagnie  d'un 
prince  népalais  qui  se  rendait  au  même  monastère,  et  fait 
route  avec  elle.  D'autre  part,  les  savants,  de  Tlnde  montent 
volontiers  au  Népal  :  sous  Deva  pàla  (x*  siècle),  c'est  Vajra 
deva  ;  arrivé  au  Népal,  il  y  voit  une  sorte  de  mauvaise  fée 
{tîf'thya-tjog'uu)  qui  commettait  des  actes  irréguliers  ; 
il  compose  contre  elle  un  poème  de  blâme.  En  retour  elle 
le  maudit  et  il  attrape  la  lèpre  ;  mais  un  hymne  qu'il  écrit 
en  l'honneur  d'Avalokiteçvara,  le  Lokeçvara  gataka,  le 
délivre  de  cette  hideuse  maladie*.  Un  contemporain  d'Atîça, 
Vâg  îçvara  Kîrti,  magicien  et  sorcier,  passe  au  Népal  la 
seconde  moitié  de  sa  vie,  occupé  surtout  de  rites  magiques 
{siddhi)\  Sous  les  successeurs  immédiats  de  Naya  Pàla, 
Pham-mthin  avec  son  frère  et  Jnàna  vajra  travaillejit  au 
salut  des  créatures  dans  h?  Népal  \  Enfin,  quand  les  Musul- 
mans renversent  (jovinda  I^âla  et  s'emparent  du  pays  de 
Magadha,  en  H  97,  Buddha  grî  du  Népal  qui  avait  été  le 
président  {sthavira)  des  Mahà-sàinghikas  au  couvent  de 
Vikrama  (;îla  et  qui  avait  publié  au  Népal  beaucoup  de 
Pâramitàs  et  de  Mantras,  reprend  le  chemin  de  sa  patrie, 
escorté  de  ses  disciples;  et  Italna  raksila  l'ancien  vient 
bientôt  l'y  rejoindre  \ 

1.  Târanâtha,  p.  21'i.  Le  cataka  ♦îxisle  encore  ;  dans  la  signature,  l'au- 
teur est  appelé  Vajradatla  ie  grand  archiviste  (muhdksupataUka). 

2.  /ô.,  237. 

3.  /6.,  249. 

4.  Ib.,  253  et  255. 


190  LE    NÉPAL 

Rudra  deva,  associé  en  double  royauté  avec  Nirbhaya 
deva  en  samvat  128,  réparait  sept  ans  plus  tard  dans  la 
signature  d'un  autre  exemplaire  de  la  Prajnâ-pâramifâ 
{Cambridge,  Add,  164S),  écriten  samvat  135  (1015  J.  C.)*. 

Les  deux  manuscrits,  de  128  et  de  135,  proviennent  du 

1.  Les  données  admettent  une  vérification.  Je  reproduis  le  texte  du 
colophon  tel  qu'il  a  été  rétabli  par  M.  Foucher  (iï'/î/de*  d* Iconographie 
Bouddhique,  p.  16). 

pancatrimçâdhike  'bde  çatatamapragate  caitramâse  himâbhe  |  vikhyâte'smin 
daçamyân  ditijaripuguror  vâsare  sampraçaste  || 

Au  lieu  de  pragate,  l'original  porte  praçate  ;  mais  la  ressemblance 
des  deux  caractères  ça  et  ga  dans  la  graphie  népalaise  est  si  forte  que 
la  correction  s'offre  d'elle-même.  AL  Bendall  l'a  proposée  dans  son  Cata- 
logue, et  M.  Foucher  l'a  admise.  Cependant  M.  Bendall  indique  que 
pragate,  comme  praçate,  qui  lui  équivaut  en  scansion,  pèche  contre 
la  métrique  ;  1'^  tinal  de  çatatarna,  placé  devant  le  groupe  pr,  devrait 
s'allonger  par  position.  L'usage  classique,  en  effet,  n'admet  pas  le  main- 
tien d'une  brève  devant  le  groupe  :  muette  -f  liquide.  Mais  le  scribe, 
auteur  des  stances  de  signature  de  ce  ms.,  laisse  en  pareil  cas  la  quan- 
tité facultative.  A  l'intérieur  du  vers  suivant,  il  scande  successivement 

râjhi  çrl° ,  et  ^lahdha  çrl  .yj^.  L'auteur  de  rAdikarmapradipa(LAVAL- 

LKK-PoiissiN,  Bouddhisme,  Études  et 'matériaux,  p.  204),  dans  la  stance 
de  signature  de  son  œuvre,  scande  de  même  cirabrahma^  sj^^yj.  Cette 
pratique  était  donc  tolérée  au  Népal,  tout  au  moins  dans  les  parties  les 
moins  soignées  d'une  œuvre  littéraire.  J'en  puis  même  signaler  un 
exemple  épigraphique,  de  la  belle  époque  classique.  Une  inscription  fu- 
néraire d'Eran  (Gupia  Inscrps.,  p.  93)  datée  de  191  (Gupta=  510-11 
J.-(i.)  scande  dans  une  indravajrâ  :  bhaktânuraktâ  câ  priyâ  ca  kântâ. 

Mais  une  autre  difficulté,  plus  grave,  se  présente.  En  Tan  135  N.  S. 
écoulé  (comme  le  texte  le  spécitie:  pragata),  la  10»=  titlii  de  caitra  çudi 
(himàOha)  tombe  un  jeudi  en  effet  (3  mars  1015  J. C),  si  on  admet  que 
le  calendrier  népalais  suit  à  cette  époque  le  système  des  inlercalalions 
vraies.  Mais  alors,  le  mois  de  caitra  est  intercalaire  cette  même  année, 
et  dans  ce  cas  on  ne  manque  pas  de  spécifier  si  le  mois  en  cours  est  le 
premier  ou  le  second  des  mois  doublés  par  intercalalion.  M.  Kielhorn 
(Ind.  Antiq.,  XVll,  248)  substitue  hardiment  a  praçate  le  mot  itare  (|ui 
désignerait  le  mois  intercalaire.  Mais  c'est  là  faire  violence  aux  textes. 

Le  système  des  intercalations  moyennes,  d'aulre  pari,  fait  toniber  le 
mois  intercalaire  dans  le  courant  de  l'année  précédente.  L'année  135 
commence  alors,  au  lieu  du  mardi  22  féviier,  le  mercredi  23  mars,  et  la 
10*"  tithi  de  cailia  coriespond  non  plus  à  jeudi,  mais  à  un  vendredi, 
1"  avril  1015. 

Dans  ce  cas-ci  encore,  en  partant  de  l'ère  d'Aniçuvarman,  nous  aNons 
un  résultat  satisfaisant.  135  écoulé  =rr  731-2  J.-C.  la  10«'  tithi  de  cailra 
rudi  tombe  le  jeudi  22  mars  731. 


HISTOIRE   DU   NÉPAL  191 

même  couvent  :  le  (çri)  Hlam  vihdra;  le  plus  récent  glori- 
fie pompeusement  ce  monastère  :  «  Les  dynasties  d'autre- 
fois Tont  fondé  avec  joie  pour  la  parure  du  pays  de  Népal; 
il  est  la  passion  de  toutes  les  créatures  ;  la  parole  du 
Bouddha  y  brille  perpétuellement  ».  H/am  n'est  point  un 
mot  sanscrit;  c'est  évidemment  une  désignation  indigène; 
actuellement  encore,  les  vihàras  sont  connus  sous  deux 
noms  ;  Fun,  sanscrit,  n'est  employé  que  dans  la  littéra- 
ture ;  l'autre,  névar,  est  seul  en  usage  dans  la  vie  courante. 
Mais  il  arriva  de  bonne  heure  que  la  notoriété  du  nom  réel 
fit  tort  au  nom  savant  ;  une  inscription  d'Amcjuvarman 
mentionne,  dans  une  liste  de  temples  et  de  couvents  au 
nom  sanscrit,  le  Gum-vihàra  sous  son  appellation  indigène. 
Les  miniatures  qui  ornent  le  manuscrit  de  l'an  135  ont  été 
finement  étudiées  par  M.  Foucher  ;  elles  attestent  le  degré 
d'habileté  où  les  peintres  du  Népal  étaient  parvenus  à 
cette  époque. 

En  135  comme  en  128,  lUidra  deva  n'est  point  installé 
seul  au  pouvoir  ;  mais  il  a  changé  de  compagnie.  Il  est 
associé  cette  fois  h  Bhoja  deva  (16)  et  à  Laksmîkûma  deva 
(17),  ou  plutôt  il  est  mentionné  avec  eux,  sans  qu'on  puisse 
déterminer  avec  précision  les  relations  de  ces  trois  per- 
sonnages. Il  semble  que  Bhojadeva,  désigné  comme  le  roi 
{ràjni)^  a  gagné  Budra  deva  parla  mullitude  de  ses  innom- 
brables mérites,  cependant  que  Laksmîkàma  deva  jouit 
de  la  demi-royauté  {firilharajya).  M.  Bendall  en  déduit 
que  Budra  deva  conservait  la  moitié  du  royaume,  tandis 
que  Bhojadeva  et  Laksmîkàma  deva  se  partageaient  entre 
eux  l'autre  moitié.  J'incline  à  penser,  avec  M.  Foucher  \ 
que  Bhojadeva  est  en  réalité  le  successeur  de  Budra  deva. 
Le  scribe  semble  avoir  péniblement  machiné  un  jeu  de 
mots  sur  (jana  qui  signifie  à  la  fois  a  multitude  »  et  ((  les 

1.  Élndns  d* iconographie  bouddhique,  p.  17. 


192  LE   NÉPAL 

génies  au  service  de  Rudra  (Civa)  ».  Le  mol  âlabdha  qui 
caraclérise  les  rapports  de  Bhojadeva  avec  Rudradeva  est 
interprété  par  Çrîdhara  svâmin,  dans  son  commentaire  sur 
le  Bliâgavata-Puràna  (X,  57,  40)  comme  ((  interpellé  »  ou 
((  touché  au  cœur,  »  et  c'est  ce  dernier  sens  qu'adopte 
Hauvette-Besnaull  dans  la  traduction  du  passage*.  Bhoja- 
deva n'aurait  pas  succédé  à  Rudra  deva comme  son  héritier 
naturel,  mais  en  vertu  d'un  choix  mérité.  Laksmîkâma 
deva  ((  foudre  du  monde  de  ses  ennemis  »  dispose  d'une 
((  demi-royauté  ».  La  même  expression  reparaît  précisé- 
ment dans  la  scène  deiMâlavikâgnimitra  quej'ai  déjà  citée. 
Une  servante  entend  la  décision  du  roi  et  félicite  aussitôt 
Mâlavikà,  sœur  de  Tun  des  princes  à  qui  le  pouvoir  va  être 
confié.  ((  Princesse,  quelle  chance!  Le  prince  va  être 
installé  à  la  demi-royauté  (en  prûcrit  :  addharajje)  !  »  Le 
terme  a  donc  une  valeur  consacrée  :  il  s'applique  exacte- 
ment au  pouvoir  d'un  des  deux  membres  du  dmrâjyaka 
ou  du  doairâjya. 

Bhojadeva  qui  occupe  le  trône  vers  1015  est  exactement 
le  contemporain  d'un  autre  Bhoja  deva  qui  régnait  à 
Dhàr  et  à  IJjjayinî  et  qui  a  laissé  dans  l'histoire  littéraire 
de  rinde  une  réputation  incomparable  à  la  fois  comme 
écrivain,  comme  savant,  et  comme  protecteur  des  gens 
de  lettres.  Le  roi  népalais  n'a  pas  pu  prendre,  par  esprit 
d'imitalion,  le  nom  du  roi  de  Dhâr;  les  dates  des  deux 
princes  excluent  formellement  celte  hypothèse.  La  mode, 
qui  avait  répandu  ce  nom  dans  l'Inde  depuis  le  vnT  siècle, 
s'était  élendu  jusqu'au  Népal.  La  signature  d'un  manu- 
scrit qui  ne  porle  plus  de  date  {(Jamb.  Add.  "-2191)  désigne 
Bhoja  deva  comme  seul  roi. 

Kn  159,  Laksmi  kàma  deva  parait  à  son  tour  comme 
seul  roi  {Cr/m/f.  Add.  KiSS)  ;  la  dale  indiquée  {tamikha, 

I.  «  Séduit  par  ces  paroles  coiicilianles...,  etc.  » 


HISTOIRE   DU   NÉPAL  193 

çudiy  3 y  Çu/cradine)  répond  exactement  au  vendredi  30  mars 
1039.  L'intervalle  écoulé  depuis  Tan  135,  où  Laksmî  kâma 
est  mentionné  pour  la  première  fois,  dépasse  légèrement 
la  durée  de  règne  que  les  chroniques  lui  attribuent  (22  ans, 
B.  W.  V.  ;  21  ans,  K.  Bd.).  11  passe  pour  le  petit-fils  de 
Gunakâma  deva  ;  Tanalogie  des  noms  semble  déceler  en 
effet  un  rapport  de  parenté.  Convaincu  que  son  grand-père 
devait  à  la  faveur  des  Kumârîs  ses  triomphes  et  ses  trésors, 
il  voua  à  ces  divinités  un  culte  passionné.  Il  construisit, 
dit-on,  le  Laksmî  varma  vihâra,  appelé  en  névar  Hatkô, 
que  Siddhi  Nara  simha  fit  abattre  vers  le  milieu  du  xvii* 
siècle,  pour  le  reconstruire  sur  un  autre  emplacement. 

Le  successeur  de  Laksmî  kâma  deva  est  appelé  Jaya, 
Vijaya  (Bd.),  Jaya  kâma  deva  (W.  B.  V.),  Jaya  deva  (K.)  ; 
son  règne  dure  20  ans.  (Bd.  seul  le  porte  à  31  ans.)  Il 
restaura  le  culte  du  Nâga  Vâsuki  et  lui  fit  hommage  d'instru- 
ments de  musique,  en  vue  d'assurer  la  protection  des 
richesses  et  le  respect  des  lois  ;  à  en  croire  la  chronique 
(W.),  le  moyen  eut  un  succès  complet.  L'état  du  pays 
justifiait  cependant  les  préoccupations  du  roi.  Jayadeva  ne 
régnait  que  sur  la  moitié  du  royaume,  à  Patan  (Bd.)  ;  un 
vassal  puissant,  Bhâskara  deva,  osa  refuser  l'hommage  et 
revendiquer  la  couronne.  Jaya  deva  mourut  sans  enfants  ; 
le  clan  des  Thâkuris  de  Nayakol  élut,  pour  lui  succéder, 
Bhâskara  deva  (W.).  Manifestement,  c'est  la  féodahté  qui 
dispose  alors  du  pouvoir  royal.  Si  le  récit  de  la  Vainçàvalî 
est  exact,  la  vallée  du  Népal  a  perdu  son  indépendance  ; 
les  burgraves  nichés  dans  les  montagnes  voisines  lui  impo- 
sent un  maître.  C'est  l'époque  oii  le  Maujuçrî-mAla-tantra 
montre  «  dans  le  royaume  du  Népal,  les  petits  rois  du 
dedans  et  du  dehors  qui  s'envahissent,  se  pillent,  se  tuent 
l'un  l'autre  *  ».  C'est  au  même  moment  qu'Atîga,  traver- 

1.  V.  sup.  p.  64. 

11.  -  13 


194  LE   NÉPAL 

sanl  le  Népal  pour  aller  de  Tlnde  au  Tibet  (vers  1040),  va 
d'abord  saluer  le  caitya  de  Svayambhû,  où  le  râja  local 
Faccueille  daus  son  palais,  et  s'impose  ensuite  un  long 
voyage  vers  TOuesl,  jusqu'à  Palpa,  pour  y  rencontrer  le 
roi  souverain  du  Népal,  Anantakirti  (?en  tibétain,  Grags-pa 
mtha-yas  «  gloire  infinie  »)  '.  Affaiblis  par  les  rivalités  qui 
accompagnent  leur  croissance,  Patan  et  Katmandou  ont 
cessé  d'exercer  l'hégémonie. 

Les  chroniques  (W.  Bh.  V.)  considèrent  Bhàskara  deva 
comme  le  fondateur  d'une  dynastie  ;  un  texte,  malheureu- 
sement obscur  (Bd.),  mentionne  pourtant  ((  la  couronne  de 
son  père  ».  La  tradition  lui  attribue  la  fondation  du 
monastère  d'or  (Hïranya-vamamcihâ-vihâra  ou  Hema- 
varna'')  à  Patan  ;  il  l'aurait  construit  pour  y  abriter  la  divi- 
nité du  Pingalà-vihâra,  qui  venait  de  s'écrouler.  Un  ma- 
nuscrit ^  daté  de  samvat  167  (1046  J.-C.)  donne  à  Bhàskara 
deva  les  titres  impériaux  «  souverain  seigneur,  roi  au-dessus 
des  grands  rois,  maître  suprême  »  {parama  hhaiiârakay 
mahârajadhirâja,  parameçmra),  A  la  suite  de  Bhàskara 
deva,  K.  seul  nomme  Udaya  deva  [2],  qui  aurait  régné 
7  ans  et  1  mois.  La  suite  de  la  liste  ne  présente  aucune 
divergence.  Bala  deva  fonde  la  ville  de  Haripur;  deux 
manuscrits,  datés  de  l'an  180  (1059-60  J.-C),  le  nomment 
comme  le  roi  régnant'.  Padma  deva  (3),  appelé  aussi 
Pradyumna  kàma  deva,  reçoit  un  des  titres  souverains 
{jmrama  bhaUârakà)  dans  la  signature  d'un  manuscrit 
{Canib,  Add,  1684)  du  Saddharma  punclarika  daté  de  l'an 


1.  V.  !iup.  I,  166  sq. 

2.  Mahâniahopâdhyâya  Haraprasad  Shâstri,  Report  on  the  search  of 
sanahrit  ina  nu  scripts,  (ialculla,  1901,  p.  5;  cf.  du  môme,  Joxirn.  of 
tke  Roy.  As.  Soc.  Bengal,  LXVl,  p.  312;  et  Bendall,  ib.,  LXXII,  p.  6. 
C'est  une  copie  du  V'isnu-dharmoltara. 

3.  Haraprasad,  loc.  laud,,  p.  5,  et  Bendalk,  toc.  latid,,  p.  6.  L'un  des 
deux  mss.  est  le  iNiçvàsàkhya  Mahàtantra,  l'autre,  l'Upàkarma  vidhi. 


HISTOIRE   DU   NÉPAL  19^ 

185  (1064  J.-C.)\  Ce  prince  rétablit  Tusage  de  porter  des 
couronnes,  qui  s'était  perdu  depuis  le  temps  de  Bâlàrjuna 
deva  (K.).  Nâgàrjuna  deva  rappelle  par  son  nom  de  grands 
souvenirs;  mais  de  son  règne,  nous  ne  savons  rien  que  la 
durée:  3  ans  (2  ans,  Bd.).  Çankara  deva  nous  est  mieux 
connu  ;  il  subsiste  trois  manuscrits  datés  de  son  règne  : 
Tun  (Dharma-putrikà)  de  Fan  189  (1068  J.-C.)  ;  un  autre 
(Asta-sâhasrikâ)  de  Tan  1 91 ,  un  autre  encore  (commentaire 
de  Prajnàkara  sur  le  Bodhicaryâvatâra)  de  Tan  ^98^  Le 
second  de  ces  manuscrits  est  orné  de  miniatures  intéres- 
santes pour  Tart  et  l'histoire  du  bouddhisme  ^  ;  le  scribe 
résidait  à  Patan  «  la  charmante  »  {Lalità-pure  "^amyé)  dans 
le  couvent  de  Yaçodhara.  Justement  les  chroniques  racon- 
tent comment  le  couvent  prit  ce  nom  sous  le  règne  même 
de  Çankara  deva;  jusque-là,  on  le  désignait  comme  le 
couvent  de  Vidyàdhara-varman,  et  c'est  encore  sous  ce 
nom  qu'il  est  désigné  dans  la  signature  de  TÀdikarma  pra- 
dîpa  datée  de  318  (1197-98  J.-C);  mais  une  veuve  de 
brahmane,  Yaçodharâ,  vint  s'y  réfugier  avec  son  jeune  fils, 
Yaçodhara,   qu'elle  y   fit  ordonner  bonze   par  des  rites 


1.  Bendall,  loc.  laiid.,  p.  22  cite  un  aiitie  ms.  ÇCamb.  Add.,  2197) 
également  daté  du  règne  de  Pradyumna  kània  deva,  an  186  (1065-66 

J.-C). 

2.  La  signature  du  premier  de  ces  trois  manuscrits  n'a  pas  encore  été 
intégralement  publiée  ;  j'ignore  si  elle  comporte  une  vérilication.  Les 
dates  des  deux  autres  sont  détaillées  avec  une  grande  précision,  et  c'est 
une  rencontre  singulière  que  les  doimées  de  l'un  et  de  l'autre  soient  en 
désaccord  avec  le  résultat  des  calculs  de  vérification.  Le  ms.  de  191 
(A .s/a^ic  ^Sode^?/,  Calcutta,  A.  15)  porte  :  an  191  écoulé,  10  Phàlguna 
çudi,  nks.  Rohinî,  yoga  Çobhana,  jeudi.  Or  en  191  écoulé,  la  10^'  titliide 
Phàlguna  tombe  le  samedi  12  février  1071  ;  le  nks.  est  Àrdrà,  h»  yoga 
Ayusmat.  Au  surplus,  le  nks.  Rohinî  exclut  le  yoga  Çobhana,  et  réci- 
proquement. La  date  exprimée  impli(pie  donc  certainement  une  erreur. 

Le  ms.  de  198  (La vallée-Poussin,  Bouddhisme^  p.  388)  donne  :  an  198 
présent,  5  çrâvana  badi,  mardi.  Dans  le  système  Amànta,  qui  est  en 
usage  avec  le  Népal  a  sarpvat,  le  5  çrâvana  de  198  présent  tombe  le  ven- 
dredi 11  août  1077. 

3.  V.  FoucHER,  Éludes  d'iconographie  bouddhique,  p.  28. 


196  LE   NÉPAL 

irréguliers.  Comme  les  bonzes  du  couvenl  s'étaient  prêtés 
à  cette  violation  des  rites,  on  appela  dès  lors  ce  vihâra 
«  le  vihâra  de  Yaçodhara  ». 

Çankara  deva  établit  une  yâtrâ  annuelle  en  Thonneur  de 
Nava  Sàgara  Bhagavatî,  éleva  le  Çânteçvara  afin  d'apaiser 
les  âmes  turbulentes  de  cinq  cents  veuves  brahmaniques 
qui  s'étaient  brûlées  sur  le  bûcher  pour  vouer  aux  malé- 
dictions les  meurtriers  de  leurs  maris.  Il  institua  Tâna- 
devatâ  en  qualité  de  déesse  de  famille  {kula  devatâ)  à 
Katmandou,  et  interdit  d'élever  aucun  toit  plus  haut  que 
le  faîte  de  son  temple. 

Après  Çankara  deva,  les  chroniques  (W.  V.  Bh.)  indi- 
quent un  nouveau  changement  de  dynastie.  Un  descendant 
en  ligne  collatérale  d'Amçuvarman,  Vàma  deva,  soutenu 
par  les  Thâkuris  de  Putan  et  de  Katmandou,  chasse  du 
pouvoir  les  Thàkuris  de  Nayakot  et  se  proclame  roi.  11  ne 
règne  que  3  ans.  Cependant  il  subsiste  un  manuscrit  (Seka- 
nirdeça-pafijikà  *)  écrit  sous  son  règne  ;  il  est  daté  de  Tan 
200  (1080-81)  ;  Vàmadeva  y  reçoit  le  titre  très  modeste  de 
raja . 

Une  inscription  de  Patan^  datée  de  l'an  203  ^  commé- 
more l'érection  d'une  image  du  Soleil  due  à  Vàna  deva, 
fils  du  bhùnâihd  (prince  ou  ksatriya)  Yaçonàtha.  Séduit 
par  l'analogie  étroite  des  noms  et  le  voisinage  des  dates, 
iM.  Bendull  avait  proposé  d'abord  d'identifier  Vàna  deva 
et  Vàma  deva  ;  mais  en  fait  Vana  deva  et  Vàma  deva  sont 
des  noms  tout  différents  ;  de  plus,  Vàna  deva  est  simple- 
menl  gratifié  du  titre  çrl,  le  plus  modeste  et  le  plus  banal 


1.  s.  D'Oi.DENBnvRG,  Joum.  lioj/.  As.  Soc,  1891,  p.  687. 

2.  Bkmuij.,  Jovrney,  p.  80. 

^.  M.  Ki(^lhoi*n  a  examiné  les  détails  de  celledate  {Ind.  Antiq.,  XVII, 
248)  v{  i\  donné  ««nnnie  é«juivalent  le  mercredi  26  avril  1083.  Mais  il 
faut  hiefi  observer  «pie  ce  résultai  ne  satisfait  pas  à  une  des  conditions 
données:  l'inscription  doime  :  7  vaiçâklia  çudi,  mercredi,  et  la  7*^  lithi 
tombe  en  réalité  le  jeudi  27  avril. 


HISTOIRE    DU    NÉPAL  19 


"f 


des  litres.  11  s'agit  probablement  d'un  petit  seigneur 
local. 

Harsa  deva,  successeur  de  Vàma  deva,  règne  environ 
15  ans  (14,  Bd.  ;  16,  K.).  Une  signature  de  manuscrit 
(Visnu  dharma  *),  datée  de  Tan  210  (1 090  J.-C),  le  nomme 
avec  le  simple  titre  de  nrpa  «  roi  »  ;  il  paraît  encore  dans 
la  signature  d'un  autre  manuscrit  (Sad  dharma  pundarîka  ") 
datée  de  213  (1093  J.-C).  La  nouvelle  Vamçàvalî  de  Ben- 
dall  l'enregistre  avec  la  date  de  219  courant  (1098  J.-C), 
sans  spécifier  aucun  événement  particulier  ;  c'est  sans  doute 
la  fin  du  règne. 

Entre  la  dernière  date  connue  de  Ilarsa  deva  et  la  pre- 
mière de  son  successeur  (Sadà-)Çiva  deva  s'étend  un  inter- 
valle de  vingt  années  (219-239)  ;  en  outre  Çiva  deva  est, 
d'après  la  généalogie  de  Bd.,  un  fils  de  Çankara  deva,  né 
au  mois  d'àsàdha  177  (1056-57  J.-C);  le  pouvoir  revient 
à  l'ancienne  dynastie.  Ces  perturbations  ont  leur  origine 
en  dehors  du  Népal,  au  pied  des  montagnes.  En  1097,  le 
samedi  18  juillet  ^  —  la  tradition  se  pique  d'être  très  pré- 


1.  Haraprasad,  Report...,  p.  5. 

2.  Bendall,  Journey,  p.  ^6  ^rzzCconb.  Add.j  2197. 

3.  En  apparence  la  date  varie  avec  chacun  des  documents.  La  Vam- 
("àvall  brahmanique  rapporte  un  vers  traditionnel,  en  sanscrit,  qui  note 
les  détails  de  la  date,  mois,  tithi,  naksatra,  jour  de  la  semaine  : 

induç  ca  somavasusammitaçâkavarse 

lin' 

tacchrâvanasya  dhavale  munitithyadhastât  | 
svâtau  çanaiçcaradine  ripumardalagne 
çrî  Nânyadevanrpatir  vidadhîta  râjyam  || 

«  En  Tannée  çâka  811,  au  moisdeçrâvana,  la  (juinzaine  claire,  la  partie 
inférieure  de  la  septième  tithi,  le  naksatra  étant  Svâti,  un  samedi,  au 
moment  favorable  pour  écraser  l'ennemi,  Nànya  deva  le  roi  disposa  du 
royaume.  » 

En  811  çàka  écoulé  (=889-90),  la  7«  tithi  de  çràvana  clair  tombe  le 
mercredi  9  juillet  889.  En  811  çàka  courant  (=888-89)  la  7«  tithi  de  çrâ- 
vaoa  clair  tombe  le  vendredi  19  juillet  888.  L'une  ou  l'autre  solution 
n'est  pas  satisfaisante. 

Kirkpatrick  donne  à  l'avènement  de  Nan  dev  (=  Nànya  deva)  la  date 


198  LE   NÉPAL 

cise  !  —  un  Rajpoute  du  Dekkhan,  Nânya  deva,  s'empare 
du  pouvoir  royal.  Les  listes  de  Bendall  ignorent  ce  per- 
de samvat  901  -  843  ,\.-C.  Il  (vs(  vraisciiiblablo  que»  Kirkpatrick,  ou  l'au- 
torilé  qu'il  siii\ait,  a  substitué  par  erreur'ou  par  distraction  le  saîpvat  de 
Vikrama  au  comput  en  ère  (Jàka,  uniformément  employé  dans  toutes 
les  autres  souires  ;  il  faut  sans  doute  rétablir  901  çâka  (=  978  ou  979 
J.-C).  Ilamilton,  sur  la  foi  d'un  fjarant  «  de  qui  les  ancèti'es  avaient  été 
archivistes  [regish'ars]  du  Tirhoul,  »  indique  encore  une  autre  date: 
Nanyop  dev  (NanyUpa  ou  Nànya  deva),  d'une  famille  ksatriya,  conquit 
la  souveraineté  du  Tirhout  et  fonda  une  dvnastie  en  l'an  496  de  l'ère 
[bengali  1089  J.-(i.  La  date  donnée  par  Uodj^on  diffère  à  son  tour,  mais 
sans  s'écarter  beaucoup  de  llamilton  :  Nànyupadeva  fonde  en  1097  J.-C. 
la  ville  de  Siniraun  où  ses  descendants  continuent  à  ré|j:ner  jusqu'à 
llari  simha  deva.  1097  LC.  —  1019  écoulé  ou  1020  courant  çAka.  Et  c'est 
celte  date  que  nous  retrouvons  dans  un  document  népalais,  d'origine 
officielle,  et  antérieur  à  toutes  les  autorités  que  je  viens  de  citer.  Lc^ 
Muditakuvalayàçva,  drame  composé  par  le  roi  de  Rhatgaon  Jagaj  jyolir 
Malla  en  1628,  trace  dans  son  prologue  la  généalogie  du  royal  auteur 
jusqu'à  Nànya  deva,  dont  il  place  l'avènement  en  çàka  1019  : 

navendukhacandrayukte  çâkc. 

H  tôt 

Récapitulons  les  diverses  dates,  a>ec  leurs  garants  : 

Çàka    811  (=888ou  889  J.-C.)^  Vanirâvalis  (W.  V.  R.). 
«        901  (—^978  ou  979  .l.-(ll.).  Kirkiwtrick  (rectifié  par  substitution 
de  (;âka  à  vikrama). 

Çàka  [1012  ou  1011]^  1089  J.-C.  r-.  496  Rengali.  IIamu.ton. 
«      1019  (:=3i097  J.-C.).  MudHaknvalayfh'va  ;  Hodc.son. 

Les  particularités  de  la  date,  nous  l'avons  déjà  constaté,  ne  se  véri- 
fient pas  en  811  (;àka,  soit  présent,  soit  écoulé.  De  même  en  901  çàka  où 
la  7c  tilbi  de  cràvana  tondx;  soit  le  lundi  14  juillet  978  J.-C.  au  cas  de 
l'année  courante,  soit  le  vendredi  4  juillet  979  J.-C.  au  cas  de  Tannée 
écoulée.  De  même  encore^  en  1012  ràka  présent,  où,  dans  le  système  des 
intercalations  vraies,  cràvana  est  doublé  par  intercalation  et  se  trouve 
par  conséquent  exclus  ici,  et  dans  W  système  des  intercalations 
moyennes,  la  7''  titlii  de  (;ràvana  clair  est  une  ksaya-titbi,  annulée  et 
comprise  à  l'intérieur  du  lundi  IG  juillet  1089.  Deux  dates  seulement 
répondent  aux  conditions  exigées  : 

901   Vikrama  samvat  présent  =^3  samedi  7  juillet  843,  naks.  Svâti. 

1019  Càka  écoulé  ^  samedi  18  juillet  1097,  naks.  Svàti. 

Laissons  d«»  coté  désormais  la  date  de  llafuilton.  qu'on  peut  considé- 
rer comine  une  variante  accidentidle  de  la  date  1019  çàka.  Si  nouscom- 
f>an)ns  à  cett^»  dernière  date  les  deu\  autres,  il  apparaît  qu'elles  se  com- 
posent d'éléments  identicpies  :  1019et  901  sont  des  combinaisons  diverses 
où  tigurent  les  trois  chiffres  1,  0,  9.  l'n  des  deux  chilTres  1  qui  entrent 
dans  le  nombre  1019  inafique  à  901.  La  date  de  811,  compai'ée  à  1019, 
montre  un  8  substitué  à  un  9  en  apparence  ;  mais  le  flottement  des  deux 
dates,   en  année  prés«*nle  et  en  année  écoulée,  permet  toujours   au 


HISTOIRE   DU   NÉPAL  199 

sonaage;  Kirkpatrick  (qui  Tappelle  Nan  Deo)  el  Hamillon 
(qui  rappelle  Nanyop  Dev)  bornent  ses  conquêtes  au 
Tirhout  ;  il  y  prend  pour  capi taie  Simraun  ;  d'après  Hodgson 
(qui  rappelle  Nànyupa  deva)  il  est  môme  le  fondateur  de 
cette  ville.  Les  chroniques  modernes,  tant  brahmaniques 
que  bouddhiques  (W.  B.  V.),  le  représentent  comme  le 
conquérant  du  Népal  entier.  Il  délrône  les  deux  rois  Mallas 
qui  régnent  Tun  à  Palan  et  à  Katmandou  (Jaya  deva  Malla), 

chiffre  final  l'oscillation  d'une  unité.  Les  dates  de  la  Vamçàvalî  boud- 
dhique (\V.),  comparées  aux  dates  de  la  Vamçàvalî  brahmanique  (V.), 
préscmtent  cette  différence  réj^ulièrement.  La  date  de  1019  suppose 
donc,  comme  une  sorte  de  nécessité  falah»,  la  date  paraUèle  de  1018. 
Établie  entre  ces  deux  termes,  la  comparaison  montre  de  part  et  d'autre 
trois  éléments  identiques,  1,  1,  8  ;  c'est  le  0  qui  manque  à  811.  Compa- 
rons maintenant  les  énoncés  de  ces  dates  : 

navendukhacandra 

Il  I  0  I 

induç  ca  somavasu 

I  I  H 

qui  se  hsent  selon  la  méthode  indienne  de  droite  à  j^^auche  :  «  ankasya 
vâmà  galih  ».  Par  une  bizarrerie  qui  ne  manque  pas  de  surprendre,  le 
premier  mot  symbolique  de  la  seconde  date  est  isolé,  fléchi,  et  suivi  de 
la  copulative  enclitique  cn^  totalement  inattendue  à  cette  place.  Pour- 
quoi ce  ca  1  Le  rapprochement  de  la  première  date  explique  cette  sin«;u- 
larité;  indu  répond  à  indu  (lune  -—=  1)  ;  so?Na  (lune)  répond  à  son  syno- 
nyme candra  ;7;r'/.si/ (8) correspond  à  ymva  (9)  ;  et  le  reste,  l'injustifiable 
c«,  s'est  simplement  substitué  à  A// ^^  (l'espace  ^^  0).  Le  monosyllabe 
étant  ainsi  travesti,  la  date  devait  se  liie:  118  càka  (196-97  J.-C),  elle 
devenait  inadmissible.  11  ne  restait  d'autre  ressource  ((ue  de  lire  le  nom- 
bre à  l'envers,  de  gauche  à  droite,  comme  il  peut  arriver  par  exception. 
(Cf.  Epigr.  Ind.j  l,  332,  n.  «  L'inscription  [d(î  Nâna  ministre  de  Bhoja- 
varman  le  Candella]  fut  composée  par  le  poète  Amara  en  Vik.  1345, 
nombre  exprimé  en  chiffres  et  efi  mots;  les  mots,  contrairement  à 
l'usage  qui  énonce  les  unités  au  premicîr  rang,  sont  : 

ksanadeçeksanagataçrutibhùtasamanvite  samvatsare) 

1  à     '  4  5 

On  a  successivement  : 

9  10  1  *8  1  0  1  8  11  811 

La  date  recueillie  par  Kirkpatrick  montre  la  méthode  d'altération  à 
l'œuvre  ;  un  des  deux  mots  qui  désignaient  la  lune  (=-.  l)aélé  supprimé 
soit  par  distraction,  soit  comme  une  répétition  fautive,  et  le  nombre 
restant  a  été  de  même  manière  rétabli  à  l'envers  : 

9  10  1  9    0  1  9  0  1 


200  LE   NÉPAL 

Taulre  h  Bhatgaon  (Ànanda  Malla),  les  obligea  s'enfuir  au 
Tirhout,  établit  sa  cour  à  Bhatgaon  et  règne  sur  les  trois 
capitales  ;  il  introduit  l'ère  (^àka,  et  aussi  les  deux  divinités 
nommées  Màju  et  Svekhû,  et  installe  au  Népal  une  colonie 
de  soldats  venus  avec  lui  du  pays  de  Nayera,  et  qui  sont  la 
souche  des  Névars.  J'ai  déjà  signalé  (I,  219)  les  inventions 
tendancieuses  qui  prétendent  se  fonder  sur  des  ressem- 
blances de  nom  et  d'usages  pour  rattacher  à  une  commune 
origine  les  Névars  du  Népal  et  les  Nairs  (Nayera)  du 
Malabar.  Nûnya  deva,  dans  tous  les  récils,  est  originaire 
du  Karnàtaka\  dans  le  voisinage  des  Nairs  ;  la  légende,  en 
l'acceptant  comme  le  conquérant  du  Népal,  donne  du 
même  coup  un  appui  solide  en  apparence  à  ses  prétentions. 
Dès  le  xvn*  siècle,  les  Mallas  (qu'il  aurait  pourtant  expul- 
sés) ramenaient  officiellement  leur  origine  à  Nànya  deva  ; 
il  figure  comme  l'ancêtre  de  la  dynastie  dans  le  prologue 
d'un  drame,  le  Mudita  kuvalayàçva,  composé  en  1628 
par  le  roi  de  Bhalgaon  Jagaj  jyotir  Malla,  et  dans  une 
inscription  de  Pratàpa  Malla,  roi  de  Katmandou,  écrite 
en  1648. 

Le  conquérant  du  Tirhout  n'a  guère  laissé  de  trace  posi- 
tive dans  l'histoire  ;  on  a  cru  toutefois,  avec  assez  de 
vraisemblance,  reconnaître  son  nom  dans  une  inscription 
qui  exalte  les  victoires  do  Vijaya  sena,  roi  du  Bengale. 
Vijaya  sena  était  le  grand-père  du  célèbre  Laksmana  sena, 
fondateur  d'um;  inc  (1 1 19  J.-C.)  qui  n'est  pas  encore  entiè- 
rement oubliée;  l'autour  du  panégyrique,  Umâpati  dhara, 
est  un  poète  do  talent  et  d'esprit;  il  sait  vanter  son  héros 


1.  (]\}s{  \v  i)ays  de  <iarnalic|ue,  dont  le  nom  revient  si  souvent  dans 
notre  histoin'  au  cours  dv  nos  «guerres  contre  les  Anglais  pendant  le 
xvui'"  siècle.  Le  pays  de  Kainâtaka  a  pour  limites  précises:  au  Nord, 
Ridar,  au  centre  des  Klats  du  Nizam,  d'où  la  frontière  descend  dmit  au 
Sud  vers  Uanj^alore  (.Mysr»re)el  (!oiml)alore(près  du  Malabar);  elle  suit 
alors  les  Ghals  occidentales  juscjuaux  sources  de  la  Kistna,  vers  Pouna, 
d'où  elle  rejoint  Bidar. 


HISTOIRE   DU   NÉPAL  201 

par  de  subtils  détours.  «  Tu  as  vaincu  Nânya,  Vira  ;  — 
ainsi  chantaient  ks  poètes,  et,  par  méprise,  la  colère  qu'il 
cachait  éclata.  Il  courut  sus  au  roi  Gauda,  il  renversa  le 
prince  de  Kâmarùpa,  et  triompha  soudainement  du  Ka- 
linga.  —  Tu  te  prends  pour  un  héros,  Nânya  !  —  Pour- 
quoi le  vanter,  Râghava?  —  Cesse  d'être  jaloux,  Vîra  !  ton 
orgueil  n'est  donc  pas  encore  mort  !  Les  querelles  des 
princes  qui  se  prolongeaient  ainsi  nuit  et  jour  aidaient  les 
gardiens  de  ses  prisons  à  lutter  contre  le  sommeil*.  » 

La  tradition  qui  représente  Nânya  deva  comme  un 
Rajpoute  du  Dekkhan  est  acceptable;  sonnom  même,  mal 
explicable  en  sanscrit,  semble  être  une  transcription  du 
mot  canarais /i«wmy«  «affectionné,  véridique,  bon  ».  Une 
inscription  (suspecte)  du  x''  siècle  donne  à  un  prince  Ganga 
du  Karnâtaka  le  titre  de  Nanniya  Ganga  «  le  fidèle  Ganga  »  ^ 
On  ne  peut  pas  cependant  s'imaginer  Nânya  deva  à  la  tête 
d'une  bande  armée  parlant  du  fond  du  Dekkhan  pour 
s'élancer  à  l'assaut  de  l'Himalaya.  L'étal  politique  de 
l'Inde  se  prêtait  mal  à  une  razzia  aussi  audacieuse.  Le 
Dekkhan  était  soumis  à  un  empereur  puissant,  Vikramâ- 
ditya  VI  le  Càlukya,  qui  réussit  à  fonder  une  ère  datée  de 
son  avènement  (1076  J.-C.)  ;  sa  capitale  était  Kalyàna,  au 
Sud-Ouesl  et  non  loin  de  la  moderne  Bidar,  dans  les  Etats 
du  Nizam.  Le  Mysore,  le  Madouré,  Goa,  le  Konkan,  le 
Coromandel avaient  dû  reconnaître  sa  suzeraineté.  Au  Sud 
du  Gange,  deux  souverains  puissants,  Karna  le  Kalacuri 
de  Cedi  et  Kîrlivarman  le  Candella  de  Kalanjar  se  dispu- 
taient la  suprématie.  Sur  le  cours  inférieur  du  fleuve,  les 
Pàlas  affaiblis  luttaient  contre  les  Senas  grandissants.  Si 

1.  Epigr.  Ind.,  i,  309  (Kieijiorn).  La  méprise  dont  il  est  question  au 
premier  vers  consiste  dans  une  fausse  analyse  du  composé  Nâny aviva- 
vijayî  que  le  roi  partage  en  :  na-\-  anya^  ;  il  comprend  alors  :  «  Tu 
n'as  pas  vaincu  d'autre  héros  !  »  d'où  sa  colère  et  ses  nouvelles  expédi- 
tions. 

2.  Epigr.  Ind.,  lll,  183. 


202  LE   NÉPAL 

Nânya  deva  était  réellement  originaire  du  Karnâtaka,  il 
était  sans  doute  venu  chercher  fortune  dans  le  Nord  ; 
comme  tant  d'aventuriers  qui  fondèrent  des  dynasties,  il 
s'était  engagé  au  service  d'un  prince  local,  et  soutenu  par 
les  soldats  qu'il  avait  menés  à  des  campagnes  heureuses,  il 
avait  renversé  son  maître  ^  Maître  du  Tirhoutet  des  voies 
qui  mènent  au  Népal,  il  avait  pu  contraindre  les  rois  de 
la  vallée  à  se  déclarer  ses  vassaux. 

Des  documents,  même  ofliciels,  confirment,  nous  l'avons 
vu,  l'intervention  de  Nânya  deva  dans  l'histoire  du  Népal. 
Cependant  les  Vam(;âva]îs  les  plus  anciennes  (Bd.)  pas- 
sent sous   silence  Nànya  deva  et  ses  successeurs  ;   en 


1.  M.  Benda]\(Journ.  As.  Soc.  Beng.,  1903,  p.  18)  a  signalé  un  nou- 
veau manuscrit  daté  de  sain  val  1076,  «  le  Tirhut  ayant  pour  roi  Gangeya 
deva  Punyâvaioka  Somavamrodbhava  Gaudadlivaja  (mahâràjàdhiràja 
panyâvaloha  somavdvirodbhava  gamjadhvaja  çrnnad  Gangeya  deva 
hhujyaynàna  Tlrabliuhiati).  Kn  a(Te|)tant  1076  comme  date  en  ère 
Vikraina(=1019  J.-G.),  M.  Bondall  conclulavec  certitude  que  ce  prince 
est  identique  au  Gangeya  deva  le  Kalacuri  de  Gedi,  qui  règne  en  1030 
J.-C.  au  témoignage  d'Albirouni.  Les  Kalacuris  sont  bien  du  Somavaipça; 
mais  Gangeya  deva  est  un  roi  bien  effaré  ;  le  seul  document  qui  sub- 
siste de  lui  (daté  de  Kalacuri  789?  ~  1038  J.-(i.  ?)  est  tout  près  de  Rêva 
(Piavan  Rock  inscrip.,  dans  Arvh.  Survey.XW^  113)  au  Sud  du  Gange, 
et  loin  du  Tirlioul.  Les  titres  du  roi  sont  étrangers  au  protocole  des 
Kalacuris  :  les  titres  formés  avec  ^avaloka  semblent  caractériser  les 
Râstrakutas  (cf.  Fleet,  Epigr.  Ind.,  Vi,  188).  Gaudadhvaja,  si  la  lecture 
en  est  exacte  (?  cf.  les  expressions  Hanumad-dbvaja,  pâli-dbvaja,  etc.) 
indiquerait  un  pouvoir  (pii  aurait  eu  pour  centre  leGauda  ;  Gedi  en  était 
bien  loin,  et  si  Karna  deva,  le  belliqueux  successeur  de  Gangeya  deva, 
est  mis  en  rapport  avec  le  Gauda  dans  un  panégyrique  posthume  (t  160- 
1180  J.-(i.  ;  inscr.  de  Jayasimhadevaà  Karambel),  c*est  dans  une  stance 
de  jeux  littéraires  sans  portée  réelle,  du  même  type  que  les  vers  cités 
sup.  p  170.  Même  nom  et  même  date  ne  font  pas  même  personne  ;  cf. 
par  exemple,  mon  observation  sur  Blioja  deva,  siip.  p  192.  Il  faut  d'autres 
preuves  pour  supposer  que  le  Tirhout  ait  été  incorporé  dans  le  royaume 
de  Odi  sous  Gangeya  deva.  Peut-être  il  s'agit  d'une  branche  locale  des 
Kalacuris,  comme  celle  (h»  Gorakhpur  dont  nous  avons  une  inscription 
datée  du  24  février  1079  (inscr.  de  Sodhadeva,  Epigr,  Ind.,  Vil,  85). 
In  des  princes  de  celte  petite  dynastie,  (jankara  gana,  avait  justement 
remporté  une  grande  victoire  sur  le  roi  de  Gauda  (yena...  àhrtà  GaU" 
ânlaksmVp):  un  autre  porte  un  titre  du  type  Ràstrakûta:  Mugdha- 
tunga. 


HISTOIRE    DU   NÉPAL 


203 


outre  aucun  des  manuscrits  retrouvés  jusqu'ici  au  Népal 
n'est  daté  de  son  règne  ou  des  autres  princes  de  la  dynas- 
tie. On  pourrait  être  ameni^  par  prudence  à  révoquer  pro- 
visoirement en  doute  la  tradition.  .Mais  la  soumission,  ne 


Tcm|ile  de  Siddlii  Vinijak».  près  clo  Doo  PaUn. 


frtt-ce  que  nominale,  du  pays  à  des  conquérants  Karçâta- 
kiis  vers  la  fin  du  xi'  siècle  trouve  sa  {rarantie  dans  les  do- 
cuments du  l>ekklian  même.  Nànya  devacst  le  contempo- 
rain de  Vikramiïditya  VI  le  CAlukya  :  le  successeur  de 
Vikramâditvjt  VI,  Someçvara  III  Rlullokamalla  «  le  cham- 
pion du  monde  terrestre  »  «  pose  les  lotus  de  ses  pieds 
sur  la  tête  des  rois  d'Andhra,  de  Dravida,  de  .Magadha,  de 
Nepâla  i).  L'auteur  de  ce  panégyrique  posthume,  daté  de 


204  LE    NÉPAL 

1162  J.-C\  n'hésile  pas  h  énumérer  le  Népal  lointain 
parmi  les  vassaux  de  l'empereur  Gàlukya.  Après  Some- 
r^vara  l'empire  s'écroule  ;  son  fils  Tailapa  III  Trailokya 
malla  a  le  champion  des  trois  mondes  »  est  détrôné  en 
1161  par  Bijjahi  ou  Fîijjana  de  la  famille  Kalacuri.  Bijjala 
meurt  assassiné  en  1167  ;  un  panégyrique  posthume,  daté 
d'environ  12()0J.-C.  Texalte  pour  avoir  «  écrasé  le  Cola, 
abaissé  le  Làta,  privé  le  Népal  de  stabilité  {sthitihinam 
Nepâlam),  pulvérisé  TAndhra,  pris  le  Gurjara,  humilié  le 
Cedi,  moulu  le  Vanga,  tué  les  rois  de  Bangàla,  Kalinga, 
Mâgadha,  Patasvara,  et  Mâlava^  ».  La  liste  est  trop  longue 
pour  inspirer  confiance,  mais  la  mention  du  Népal  n'en  est 
peut-être  que  plus  intéressante.  Le  Népal  est  entré  déci- 
dément dans  la  poétique  officielle  ;  il  y  a  rejoint  le  Cache- 
mire, le  Bengale,  familiers  de  longue  date  aux  chantres  des 
grandeurs  royales.  La  renaissance  du  çivaïsme  avait  pu 
multiplier  h  cette  époque  les  rapports  réels  entre  l'Inde 
du  Sud  et  le  Népal  ;  le  ministre  de  Bijjala,  et  son  meur- 
trier, Bàsava,  est  le  fondateur  d'une  secte  nombreuse,  les 
Lingàyats,  voués  à  l'adoration  fanatique  du  linga  divin. 
Que  Bijjala  ait  élevé  au  Népal,  sur  la  route  du  Gosainthan, 
un  caravansérail  {dharma-çalâ)  à  l'usage  des  pèlerins  venus 
du  Dekkhan  ;  c'était  assez  pour  transformer  dans  un  pané- 
gyrique cette  œuvre  pie  en  acte  de  suzeraineté. 

Bijjala  mort,  l'hégémonie  du  Dekkhan  passe  aux  Yâda- 
vas,  établis  h  Devagiri  (prèsd'KUora,  E.  de  Bombay).  Le 
second  roi  de  la  nouvelle  dynastie,  Jaitugi  deva  I  (1191- 
1210)  c(  soumet  le  Gurjara,  le  Pàndya,  le  Cola,  le  Làta,  le 
Gauda,  tandis  que  son  ^kï\kY\i\{dan()anâtha)  Sahade va  défait 
les  forces  de  Mrdava,  Kalinga,  Pancàla,  Turuska  et  Ne- 
pàhr*  ».  Kl  le  Népal,  désormais  consacré  comme  un  orne- 

1.  Jof/rnaf  liombai/  lir.  Roy.  \s.  .Soc,  XI,  268. 

2.  Iriser.  d'Ablur  (Flket).  dans  Kp'ufr.  Ind..  V,  2'i9  ot  257. 

3.  iiiscr.  dt^  Maiia^a)li  (Kieet),  dans  Epifjr.  IncL^  \\  p.  28-31. 


HISTOIRE    DU  NÉPAL  205 

ment  littéraire,  revient  pour  la  seule  joie  de  Tallitération 
dans  le  panégyrique  du  petit-fils  de  Jaitugi,  Mahà  deva. 
Le  roi  lui-même  se  flatte  simplement  dans  ses  inscriptions 
d'avoir  vaincu  le  Telinga,  leKonkan,  le  Karnâta,  le  Lâta 
et  d'avoir  inspiré  la  terreur  aux  Andhras.  Mais  son  mi- 
nistre, Térudit  Hemàdri,  ne  se  contente  pas  à  si  bon 
compte.  En  tête  d'une  des  sections  (Dânakhanda)  de 
son  énorme  compilation,  le  Galur  varga  cinlAmani,  il 
chante  en  ces  termes  la  puissance  de  son  maître  :  «  Sa 
gloire  enseigne  de  sages  conseils  aux  souverains  des  Sept 
Iles  :  Hé  !  dit-elle,  Gurjara!  gagne  sa  bienveillance  !  Prince 
du  Népal  !  {Nepâlapâlay  apprends  à  tout  endurer  !  Ob- 
serve ses  ordres,  roi  du  Mâlava  !  Andhra!  rappelle-toi  que 
le  péril  est  sans  issue!  »  (v.  8).  Évidemment,  le  grave 
Flemâdri  aurait  souri  cette  fois  de  se  voir  pris  au  sérieux. 

Des  successeurs  de  Nânya  deva,  la  tradition  n'a  retenu 
que  les  noms  ;  ils  servent  à  relier  par  une  généalogie  au- 
thentique Nânya  deva  à  Harisimha  deva,  le  premier  con- 
quérant du  Népal  au  second.  Pendant  cette  longue  période, 
les  signatures  de  scribes  népalais  nous  font  connaître  une 
série  continue  de  princes  locaux. 

(Sadâ)  Çiva  deva  reçoit,  dans  un  manuscrit  (Sphotikâ 
vaidya)  "  de  l'an  240  (1 1 20)  les  titres  impériaux  {rôjâdhmtja 


1.  Le  premier  exemple  de  celle  allilération  (|ue  je  connaisse  se  ren- 
conlre  dans  le  Vacas  lilaka  de  Soma  deva,  composé  en  959  J.(l.  Knu- 
mérant  les  ambassadeurs  envoyés  au  roi  Varodliara.  il  menlionne  : 

—  kâçmîraih  Kiranâthah  ksitipa  mpgamadair  esa  Nepâlapàlali... 

(3«  àçvâsa,  p.  470  de  l'éd.  de  la  KAvyamâlà). 

2.  Ind.  Ofî.  73».  La  dale,  1res  précise  {prathamâsàdha  kYsnadvirtyâyàm 
somadine)  est  déconce riante.  Qu'on  ait  recours  aux  intercalations 
moyennes  ou  vraies,  il  n'y  a  pas  d'intercalation  d'àsàdha  en  240  N.  S. 
présent  ou  écoulé.  S'il  n'y  a  poinl  erreur  de  la  part  du  scribe,  nous 
sommes  en  présence  d'un  système  aslmnomique  4|ui  reste  à  expliquer. 
--  M.  Hendall  a  dans  son  second  voyage  au  Népal  acquis  un  manuscrit 
daté  de  l'an  243,  sous  le  règne  de  Çivadeva  ;  il  est  classé  maintenant 
Canib.  Or. y  142. 


206  LE    NÉPAL 

parameçvarà).  En  239  (Bd.),  il  inaugure  un  étang  appelé 
Madana-saras,  ou  encore  Mahendra-saras,  du  nom  de  Théri- 
tier  présomptif  Mahâ-lndra  deva.  Les  chroniques  modernes 
(W.  B.  V.)  racontent  que  Çiva  deva  conquit  tous  les  pays 
aux  quatre  coins  de  Fliorizon,  autrement  dit  qu'il  réduisit 
sous  son  autorité  toute  Tétendue  du  Népal  ;  il  rapporta  de 
ses  guerres  un  riche  butin,  qu'il  employa  en  partie  à  cou- 
vrir d'un  loit  neuf  le  temple  de  Paçupati.  W.  indique 
comme  date  de  ce  travail  Tan  3851  du  Kah-yuga(750J.-C.); 
V.  donne  4015  du  Kali-yuga  (914  J.-C).  Les  deux  dates, 
également  inacceptables,  et  si  discordantes,  semblent  l'in- 
terprétation d'une  donnée  commune  qui  fournissait  les 
deux  chiffres  1  et  5 (..51,  ..15),  accommodée  tant  bien  que 
mal  à  des  systèmes  de  fantaisie.  Les  mêmes  sources  (W. 
V.  B.)  rapportent  à  Çiva  deva  la  fondation  de  Kirtipur,  et 
la  première  émission  des  siiki,  monnaies  en  alliage  de 
cuivre  et  de  fer,  portant  l'image  d'un  Mon,  qui  continuè- 
rent d'être  frappées  jusqu'au  début  du  xvi*  siècle. 

Indra  deva,  qui  succède  à  Çiva  deva,  est  sans  doute  son 
fils,  né  en  Tan  199  (Bd.)  ;  il  est  aussi  désigné  comme  râjâ- 
dhb'dja parameçvara  dans  un  manuscrit*  d'astrologie  (Jà- 
taka)  copié  en  249  (1128-9).  Mânadeva,  qui  porte  un  nom 
glorieux,  parait  sur  toutes  les  listes.  Il  régna  dix  ans,  puis 
abdiqua  en  faveur  de  son  fils  aîné  et  se  retira  dans  le  mo- 
nastère  de  Gakra  vihàra  (W.  V.  B.),  que  l'ancien  Mâna- 
deva avait  fondé.  Bd.  ne  lui  donne  que  4  ans  et  7  mois  de 
règne.  Il  reste  deux  documents  datés  de  ce  prince,  mais 
l'un  et  l'autre  sont  par  hasard  de  la  même  année.  Le  ma- 
nuscrit de  l'Asta  sàhasrikâ  {Camb.  Add.  164S)  de  l'an  135, 
qui  nous  a  déjà  fourni  do  précieuses  informations  pour 
l'époque  antérieure,  porte  une  note  additionnelle  datée  de 
l'an  259  lundi,  5  kiirtika  (10  octobre  1138)  a  sous  le  règne 

1.  Ind.  Otr.,  2928. 


HISTOIRE   DU   NÉPAL  207 

victorieux  du  roi  (nrpatz)  Mânadeva  »  ;  en  ce  jour,  un 
pieux  bouddhiste  du  nom  de  Karunâ  vajra  se  félicite 
d'avoir  acquis  quelque  mérite  en  «  sauvant  {uddhrta)  la 
mère  de  i'omnîscienl  (la  Prajfiâ  Pâramilâ)  tombée  aux 
mains  d'un  infidèle  {çraddhci-hina-janay ,  Une  inscription 
trouvée  à  Katmandou  (Bendall,  n" 6),  rédigée  en  sanscrit 
macaronique,  à  peine  intelligible,  et  qui  se  rapporte  à  une 
question  d'eau,  est  datée  également  de  259,7  bhâdrapada 
badi,  sous  le  règne  victorieux  de  Mânadeva  râjâdhirâja 
parameçmra  paramabhattaraka . 

Narendra  deva  (Narasiinha  deva  W.  V.  Bh.)  «  accom- 
plit des  rites  magiques  qui  firent  tomber  pour  la  première 
fois  la  neige  au  Népal  »  (K.).  Il  est  le  successeur  de  Màna 
deva,  car  nous  avons  un  manuscrit  ^  (Pafica  raksâ)  daté 
de  Tan  261,  lundi  13  pausa  çudi  (23  décembre  1140) 
((  sous  le  règne  victorieux  de  Narendra  deva  râjâdhirâja 
parameçvara  ».  Mais  on  a  signalé  ^  un  autre  manuscrit, 
récemment  découvert,  et  daté  du  règne  de  Narenda  deva 
en  Tan  254  écoulé  (1134),  cinq  ans  avant  les  deux  docu- 
ments de  Mâna  deva.  On  serait  tenté  de  croire  que  Mâna 
deva,  après  avoir  abdiqué  comme  le  racontent  les  Vamçâ- 
valîs  ,  aurait  gardé  ou  repris  ensuite  un  pouvoir  tout  au 
moins  nominal. 

Ànanda  deva  (Nanda  deva  W.  V.  Bh.),  «  fils  de  Slha  deva, 
né  en  219  »  (Bd.)  règne  vingt  ans.  «  Après  consultation 
avec  Sunandàcarya  de  Patan,  il  construisit  pour  la  déesse 
Bhuvaneçvarî  trois  logements  emboîtés  Tun  dans  l'autre, 
où  les  initiés  seuls  pouvaient  entrer  »  (W.).    Plusieurs 


1.  Cf.  FouciiER,  Iconopjytphie  bouddhique,  p.  19. 

2.  Bibi.  Nationale,  Paris,  D.  286.  Tous  les  détails  de  la  date  se  vérifient, 
y  compris  le  naksatra,  qui  qui  est  Mrgaçiras. 

3.  Bendall,  Journ.  A.ç.  Soc.  Beng.,  1903,  p.  7  (où  Mahàdeva  est  un 
lapsus  pour  Mânadeva). 


208  LE   NÉPAL 

manuscrits  sont  datés  de  son  règne  :  en  275*  {Camb. 
Or.  130),  en  278  {Camb,  Add.  S833),  en  284',  en  285% 
en  286*. 

Rudra  deva  «  confia  le  gouvernement  à  son  fils,  se  fit 
bouddhiste,  et  s'adonna  à  Télude  des  éléments  {tativa- 
jnâna),.,.  il  pratiqua  d'abord  la  Bauddhacaryà,  puis  la 
Mahàyànika-caryâ,  enfin  la  Trividhl  bodhi.  Il  répara  le 
vieux  monastère  d'Onkulî,  buli  par  Çiva  deva,  y  reçut  la 
tonsure,  et  s'y  installa  comme  bandya.  Une  fois,  il  envoya 
à  sa  place  une  image  du  Bouddha  Dîpamkara  pour  men- 
dier sa  nourriture.  Il  conserva  au  profit  de  son  monastère 
une  terre  donnée  en  toute  propriété  au  nom  de  ses  ancêtres 
Vâma  deva,  Harsa  deva,  Sadâ  Çiva  deva,  Mâna  deva, 
Narasimha  (iNarendra)  deva,  (A)nanda  deva  et  en  son  nom 
propre  »  (W.). 

Amrta  deva  (Mitra  deva)  a  attaché  son  nom  au  souvenir 
d'une  famine  désastreuse  (Bd.  K.).  Un  manuscrit  (Ca- 
raka)  copié  sous  son  règne  porte  la  date  de  296  (1 176).  Un 
manuscrit  de  303  (1183)  est  daté  du  règne  de  Rudra  deva% 

1.  /6.,  p.  23. 

2.  Ib,,  il).  La  date  :  màgha  çukla  8  àdityavàra  [dimanche]  ne  se  vérifie 
pas,  ni  en  28'i  écoulé  (sainedi  3  janvier  116'i),  ni  en  28'«  présent  (^zmdf* 
14  janvier  1163). 

3.  1"  Asta  sàliasrika,  éd.  Raj.  Mitra.  Préface,  p.  xxiv,  n.  (lecture  réta- 
blie par  M.  Bendall).  Yâte  'bde  madanâHranâganayane  |285|  mâse 
site  phàlf/une  saplamydm  lihrgurâsarc.  Mais  en  285  écoulé  \yâlé\  le  7 
Phâl^oina  rudi  au  lieu  de  vendredi  \hhrgifvâsare\  tombe  un  mardi,  le 
14  février  1165.  Si  ou  |)rend,  contrairement  au  texte.  Tannée  comme 
coulante,  on  a  pour  correspondance  vendredi  27  février  1164. 

2o  Canih.  Add.,  1693.  Samvat  285  r.ràvana  ruklds(amyûm  âditya- 
dîne.  La  corres|)ondance  exacte  est  le  dimanche  18  |et  non  8,  Bd.] 
juillet  1165. 

'i.  Ms.  de  la  Noy.  As.  Soc.  de  Londres,  .samvat  286  Pfiâlgnna  sudi 
ekâdnri/iun  lidityftvdre.  La  date  corres|)ondaute  est  en  année  écoulée: 
dimanche  12  fé>ri«'r  1166. 

5.  nKM>Ai.L.  /or.  laud.,  p.  2'i.  .M.  Beudall  se  demande  si  la  date  de  ce 
uis.  est  «'Xprimée  dans  l'ère  du  Néfuil.  La  \érilication  écarte  toute  incer- 
titude; sffmvat  303  cailvd  sud}  paùvainyàm  soniadine,  en  ère  du  Népal, 
correspond  fxaclenient  au  lundi  28  féviier  1183. 


HISTOIRE   DU    NÉPAL  209 

qu'aucune  des  listes  découvertes  jusqu'ici  ne  mentionne. 
Someçvara  deva  «  fils  de  Mahendra  [[ndni  deva?],  né 
en  240  »  (Bd.)  porte  un  nom  isolé  dans  l'onomastique 
royale  du  Népal;  il  évoque  par  une  rencontre  frappante  le 
souvenir  de  Someçvara  III  le  Câlukya  que  Tépigraphie 
officielle  célèbre  comme  le  suzerain  du  Népal  {mp,  p.  203). 
Someçvara  deva  est  né  au  moment  où  Someçvara  III  régnait 
encore  ;  il  a  peut-être  reçu  le  nom  du  prince  lointain  qui 
prétendait  étendre  son  influence  jusqu'au  cœur  de  l'Hima- 
laya. 

Les  trois  princes  qui  se  succèdent  ensuite  reproduisent 
avec  une  régularité  qui  exclut  Tidée  du  hasard  des  noms 
empruntés  au  passé  de  leur  dynastie  ;  après  l'anormal 
Someçvara,  Gunakàma  deva,  Laksmî  kâma  deva,  Vijaya 
kàma  devasemblent  déceler  une  intention  arrêtée  de  ren- 
trer officiellement  dans  la  tradition  locale.  Ces  trois  Kàma- 
deva  ont  laissé  peu  de  souvenirs.  Un  manuscrit  de  307  est 
daté  du  règne  de  Gunakàma  deva'.  Laksmîkàma  deva  n'est 
enregistré  sur  aucune  liste;  un  manuscrit  de  l'an  313  ^  est 
la  seule  attestation  de  son  existence.  Ce  manuscrit  a  un 
intérêt  de  plus;  il  est  le  premier  h  désigner  Katmandou, 
sous  le  nom  de  Yambu  kramà'.  Deux  manuscrits  sont 
datés  du  règne  de  Vijaya kâma  deva;  run,en  316  \  l'autre 
en  31 7  \ 


1.  Ib.,  p.  24. 

2.  British  Musemn,  Or.  2279  =  Bendall,  Catalogne,  .^)50.  La  <lal«î  : 
313  dviràçâillia paaruamâsl  rrâvatta  naksatra  fjrhaftpalirfisare  srmbU* 
absolument  fautive,  qu'on  prenne  raniiée  courante  ou  i'anné(»  écoulée: 
il  n'y  a  pas  d'intcrcalation  d'àsàdlia  en  313.  aussi  bien  dans  le  système 
de  l'inlercalation  vraie  (|ue  dans  celui  de  l'intercalation  moyenne. 

3.  (If.  sup.  I,  p.  .5i,  n.  2. 

'i.  British  Muséum,  Or.  33'ir)  =  Bendail,  Catalogue^  5'i2.  La  date 
est  fort  embarrassante  :  elle  comporte  un  àsàdha  intercalaire  que  le 
calcul  ne  justifie  pas.  M.  Kielhorn  Cad.  loc  /a?/rf.^  [iropose  comm(î  équi- 
valent le  jeudi  11  juillet  1196. 

5.  Bendalk,  Jou7*n.  Beng...,  p.  24. 

IL  —  14 


210  LE    NÉPAL 

Après  la  résurrection  de  ces  noms  historiques,  un  type 
nouveau  de  nom  royal  paraît  sur  les  listes  népalaises,  où 
il  est  destiné  à  prendre  bientôt  la  prépondérance.    Le 
successeur  de  Vijayakâma  deva  n'est  pas  fils  de  ce  prince  ; 
il  est  fils  d'un  personnage  inconnu  :  Jayaçi  (?)  malla  deva, 
et    s'appelle  Ari  malla  deva.  Les  chroniques  modernes 
(W.  Bh.  V.)  le  nomment  Ari  deva,  et  réservent  à  son  fils 
le  titre  de  malla,  a  Comme  Ari  deva  était  en  train  de  s'amu- 
ser au  pugilat,  un  fils  lui  na(^uit  auquel  il  donna  le  nom  de 
Malla,  y>  L'histoire  se  reproduit  presque  uniformément,  à 
de  légères  variantes  près,  dans  le  monde  hindou  chaque 
fois  que  la  tradition  rencontre  un  Malla  \  Une  des  princi- 
pautés du  Népal  féodal,  située  au  pied  du  Dhaulagiri,  au 
confluent  delaMarsyangdi  etdelaNarayani,  portaitle  nom 
de  Malla  bhûmi  (vulg.  Malebhum)  «  terre  des  Mallas  ».  On 
raconte  que  le  râja  du  pays,  Nag  Bamba,  triompha  par 
sa  force  et  son  courage  d'un  champion  (malla)  de  Delhi 
qui  avait  battu  jusque-là  tous  ses  adversaires;  en  souvenir 
de  cette  victoire,  le  Padishah  lui  conféra  le  litre  de  Malla, 
qu'il  légua  ensuite  h  ses  descendants  ^  C'est  qu'en  effet 
mal  la  sign'iRe  en  sanscrite  boxeur,  athlète,  champion  ». 
Mais  le  mot  a  de  plus  une  fonction  elhnique,  consacrée 
de  vieille  date,  et  lié  peut-être  par  un  rapport  direct  avec 
sa  valeur  professionnelle.  Dès  l'époque  du  Bouddha,  les 
Mallas  forment  une  confédération  dans  le  voisinage   de 
Vai(;âlî,  lu  ville  des  Licchavis;   c'est  sur  le  territoire  des 
Mallas  que  viennent  mourir  les  fondateurs  des  deux  grandes 
héi'ésies,  le  Bouddha  ÇAkyamuni  à  Kuçi  nagara,   le  Jina 
Mahîïvîra  à  Pàvà.  Les  traducteurs  chinois  des  textes  boud- 
dhiques rendent  régulièrement  le   nom  des   Mallas  par 
Li-cheti  «  les  athlètes  ».  Le   MahiV-Bhàrata  nomme   les 


1.  Cf.  p.  t»\.  Atkinson,  Himalai/an  Gazetteer,  voL  II,  s.  v.  Malla. 

2.    HVMILTON,  p.  271. 


HISTOIRE    DU    NÉPAL  211 

Mallas  avec  le  Kosala  (le  pays  d'Aoudh)  dans  le  récit  des 
conquêtes  {digvijaya)  de  Bhîma  (FI,  v.  1077).  Un  millier 
d'années  après  le  Bouddha,  Tastronome  Varâha-mihira 
enregistre  les  Mallas  dans  son  catalogue  des  peuples, 
entre  les  Abhîras,  les  Çabaras,  les  Pahlavas,  d'une  part,  et 
d'autre  part  les  Matsyas,  les  Kurus  et  les  Pancâlas  (Hindous- 
tan  central)  ^  ;  le  scoliaste  ne  manque  pas  de  gloser  leur 
nom  par  «  les  boxeurs  »  {bdhu  yuddha  jfïân).  Le  Màrkan- 
deya  Purâna  énumère  aussi  les  Mallas,  comme  un  peuple 
de  l'Inde  orientale,  avec  le  Videha  (Tirliout),  le  Tàmrali- 
ptaka  (Tamluk,  bouches  du  Gange)  et  le  Magadha  (LVIF, 
V.  44).  La  liste  des  Yaksas  locaux  insérée  dans  la  xMahà 
mayrtrî  vidyà  ràjnî  désigne  Haripiiïgala  comme  le  Yaksa 
patronal  des  Mallas,  et  le  range  avec  les  Yaksas  patronaux 
de  Çrâvaslî,  de  Sakota,  de  Vaiçâlî,  de  Vàranâsî  et  de 
Campa ^  Un  ouvrage  brahmanique  de  basse  époque,  le 
Hasika  ramana  nomme  encore  au  milieu  du  xvi*"  siècle  la 
ville  des  Mallas  {Malla  para)  en  compagnie  du  Kâmarûpa, 
du  Tirhout  et  de  la  Bagmati  \  Une  tradition  persistante  les 
localise  donc  à  la  lisière  du  Népal.  Le  code  de  Manu  a 
recueilli  et  préservé  le  nom  des  Mallas  dans  son  organisa- 
tion sociale  ;  il  les  classe  à  côté  des  Licchavrs  et  tout  près 
des  Khasas,  parmi  les  castes  issues  de  ksatriyas  déchus 
(\,22)\ 

C'est  à  coté  des  Licchavis  encore  que  les  Mallas  sur- 
gissent dans  l'histoire  du  Népal.  Le  pilier  de  Changu- 
Narayan  commémore  la  campagne  victorieuse  conduite 
par  le  Licchavi  Màna  deva  contre  la  ville  des  Mallas 
{Mallapur))^  à  TOuest  de  la  vallée,  par  delà  la  Gandaki.  11 
est  peu  vraisemblable  qu'une  vainc  fantaisie  ait  transporté 


1.  Brhal-sanjhitây  V,  38. 

2.  Ms.  de  la  Bibl.  Nat.,  D  286,  p.  59. 

3.  AuFRECHT,  Catal.  Codd.  O.von.,  148'»  et  149. 

4.  Cf.  sup.,  p.  87  sq. 


212  LE    NÉPAL 

les  noms  anlicines  des  deux  clans  à  l'intérieur  de  THima- 
laya.  In  même  goiU  d'avenlurcs,  une  même  passion  de 
liberté  avaient  sans  doute  entraîné  les  rejetons,  authen- 
tiques ou  suspects,  des  vieux  Licchavis  et  des  vieux  .Mallas 
I  hors  de  leur  territoire,  absorbé  désormais  dans  de  grands 

[  empires  ;  retirés  dans  la  montagne  indépendante  et  fière, 

I  ils  s'y  étaient  taillé  des  principautés,  comme  firent  plus 

tard   les  Hajpoutes.  Favorisés  par  le   sort,  les  Licchavis 
!  eurent  la  vallée  centrale;  mais  les  Mallas  continuèrent  à 

l  leur    disputer    ce   sol    privilégié  ;    des   inscriptions    du 

vir  siècle,  sous  Çiva  deva  et  sous  Jisnu  gupta,  comptent 
parmi  les  charges  permanentes  imposées  aux  titulaires 
des  donations  c(  Timpot  Malla  »  {Malla  karà)  destiné  soit  à 
acquitter  un  tribut,  soit  à  préparer  la  défense  *. 

La  révolution  du  calendrier  qui  introduisit  au  Népal  uue 
ère  nouvelle  en  880  paraît  intéresser  Thistoire  pi»pre  des 
Mallas.  Après  cette  date  nous  les  voyons  paraître  en  effet 
dans  le  Népal  même.  La  Vami^àvalî  bouddhique  iW.^ 
signale  à  la  date  de  Tan  111  N.  S.,  le  6  phâlgunaoudîi  lundi 
23  février  991)  la  fondation  du  village  de  Cha|>;i£raîHi  ou 
Campàpurî,  au  Sud  de  Patan,  par  Hàja  Malla  deva  et  Ka- 
thya  Malla,  de  Patan.  La  chronologie  de  celle  Vamçàiali 
est  généralement  trop  suspecte  pour  mériter  la  contiaiK^e^ : 
mais  un  document  indépendant  vient  ici  la  contîrniK-r.  In 
manuscrit  (Uevî  Mâhûtmva)  récemment  découver!  T-?4«4àlê 
du  règne  d'un  IMiarma  Malla,  en  Fan  118'.  La  fi>èo^  Vj»»- 
cavalî  raconte  que  Nànya  deva,  maître  du  NefOu  ttj^r&i 
con(|uête.  chassa  les  rois  Mallas  au  TirlK^iiî.  Lf  îtî^rt^ 
d'Acoka  à  Nij:liva  |Kirlerail  encore  la  traot-  ai  \k  Ofnjsnitr- 


licuiiif' parmi  W  l^f^*»  ♦.^n;*  «^Kr-mf»*!'-!:  *!k;-^  *"r   ji>*  r*iH:«iiiî^  if   -«n-iiint. 
(faudra  d»*  <^*i.ti»»i".*  4  i"  •*T>«j»f «>*  «i»*^  ta',  t*.- es  "ff^iMuliitui»»*^      »••*-    ..-  .   * 


HISTOIRE    DU   NÉPAL  213 

lion  Malla  dans  cette  région,  s'il  est  vrai  qu'une  sorle  de 
sgraffilo,  tracé  sur  ce  monument*  vénérable  se  lise  ainsi  : 
Sri  Tapu  Malla  jai/astu  srnnbaf  1^234,  Quatre-vingts  ans 
après  Nànya  deva,  en  H  77  J.-C,  un  prince  Malla  aurait 
donc  régné  sur  cette  portion  duT-irhout.  Malheureusement 
cette  lecture  repose  sur  un  témoignage  notoirement  insuf- 
fisant. 

Avant  d'appartenir  aux  souverains  du  Népal,  le  titre  de 
Malla  avait  été  déjà  illustré  par  des  rois  de  l'Inde.  Les 
premiers  à  l'adopter  semblent  être  les  I^allavas  de  Kàncî 
(Conjeveram)  :  au  cours  du  \\f  siècle  Narasiiidia  [VisnuJ 
(Uajasimha)  porte,  entre  autres  bïrudm  (noms  de  pané- 
gyrique), les  titres  do  Maliâ  malla  et  d'Amitra  malla"; 
Maliendra  Varman  s'appelle  Çalru  malla  ^  ;  Nandivarman 
est  I^illava  malla,  Ksatriya  malla  ^  Les  Calukyas  do  Ba- 
dami,  adversaires  acharnés  des  Pallavas,  consacrent  leurs 
victoires  en  s'appropriant  le  titre  des  vaincus.  Le  rival 
heureux  de  Narasirnha,  Vikramâditya  I,  devient  ainsi  à 
son  tour  Ràja  malla"  ;  au  vm*'  siècle,  le  titre  aémigré  chez 
les  Calukyas  duGu/erate:  un  d'entre  eux  se  nomme  Yud- 
dhamalIa^  Les  Calukyas  postérieurs  ressuscitent  ce  titre  ; 
le  fondateur  de  la  dynastie,  Tailapa,  prend  le  nom  d'Ahava 
malla  (973)  ;  Vikramâditya  VI  est  Tribhuvana  malla  ;  So- 
meçvara  III  (le  prétendu  suzerain  du  Népal)  est  Bhûloka 


1.  P.  C.  MiKiiERJEA.  A  Report...  on  the  Anliguities  in  Tarai,  Nopal. 
CaiciiUa,  1901,  p.  34.  O  travail  destiné  à  «  exôciitei"  »  le  Dr.  Fuhn*r 
réussit  [»lutot  à  le  faire  regretter.  Le  prétendu  dessin  de  la  planche  XVI 
ne  laisse  rien  voir  qui  ressemble  à  l'insniption  f)ubliée. 

2.  Inscr.  du  Uàjasimheçvara  (11i:ltzsch),  Soulh-lnd.  Inscrp.s.,  I,  12. 

3.  Ib.,  I,  29. 

4.  Ih.,  Il,  342. 

5.  Plaques  de  Haidarabad  (Pleet),  Ind.  Ant.,  VI,  75  :  XXX,  219.  Leur 
authenticité  absolue  est  douteuse  ;  M.  Fleet  les  considère  plutôt  comme 
la  copie  ancienne  d'un  original  authentique  ;  M.  Kielliorn  {Gôlting, 
Nachr.j  1900,  p.  345)  penche  à  les  tenir  pour  authentiques. 

6.  Balsar  grant.  Ind.  An^/Xlll,  75. 


214  LE    NÉPAL 

malla.  La  mode  en  passa  jusqu'à  Ceyian,  où  rèfj^nent  au 
xu*  siècle  Kitli  Nissanka  malla  el  Sàhasa  malla.  Devenu 
banal  à  ce  point,  le  mot  malla  n'éveillait  plus  sans  doute 
aucune  notion  précise  ;  à  peine  s'il  évoquait  encore  l'art 
du  pugiliste,  pratiqué  comme  un  exercice  noble  à  la  cour 
des  rois.  Mais  les  premiers  qui  l'employèrent  durent  y  atta- 
cher une  valeur  plus  nette.  Les  Guptas  impériaux,  au  faîte 
de  la  puissance,  aimaient  à  rappeler  leur  alliance  de  sang 
avec  les  Licchavis  ;  d'autres  clans  pouvaient  mettre  leur 
orgueil  à  tirer  leur  noblesse  des  Mallas.  Il  est  singulier, 
en  tous  cas,  que  le  Népal  ici  encore  ait  pour  pendant  l'Inde 
du  Sud  ;  les  premiers  Mallas  de  l'Inde  ont  justement  pour 
capitale  cette  ville  de  Kanci,  d'où  la  légende  népalaise  fait 
venir  un  de  ses  premiers  rois,  Dharmadatta. 

Trois  manuscrits  copiés  sous  le  règne  d'Arimalla  deva 
{j'âjâdhmija  paramecvard)  donnent  les  dates  de  322  (1 201 , 
dimanche  27  mai),  326  et  336  \  Comme  pour  attester  l'in- 
stabilité du  régime  Malla  à  ses  débuts,  un  manuscrit  (Bri- 
tish  Muséum,  Or.  2208;  Cat.  512)  de  342  est  daté  du 
règne  d'un  Hanaçûra,  complètement  inconnu  de  toutes 
les  listes,  et  qui  reçoit  pourtant  les  plus  hauts  titres  impé- 
riaux[:  parama  bhallâraka  mahàrâjàdhïràja  parameçmra. 
Mais  le  pouvoir  revient  aussitôt  après  à  Abhaya  malla.  Le 
règne  d'Abhaya  Malla  (19  ans,  V.;  48  ans,  2  mois,  K.  ; 
42  ans,  6  mois,  Bd.)  est  marqué  par  toutes  sortes  de  cala- 
mités :  grande  famine,  tremblements  de  terre  fréquents. 
Déjà  sous  Arimalla,  la  famine  avait  dévasté  le  Népal 
(K.  Bd.).  Les  dates  des  manuscrits  copiés  sous  son  règne 


1.  Rend.vll,  loc.  Ia7fd.,  p.  24.  En  fait,  la  «lernière  dos  trois  datossclil 
|)osilivoin«'nt  sur  le  manuscrit  (Cainb.  Add.  1648):  226,  au  témoignage 
de  ForcHKR,  Etude  sur  l'Iconographie  houddhique,  Paris,  1905,  p.  6. 
Mais  il  s'agit  sans  doute  d'une  forme  particulière  du  3,  car  la  vérifica- 
lion  du  calcul  justifie  tous  les  éléments  de  la  date,  naksatra  (Viçàkhâ) 
compris,  pour  l'année  336=  1216,  jeudi  l4  janvier. 


HISTOIRE    DU   NÉPAL  215 

s'échelonnent  sur  une  durée  d'environ  trente  ans  :  344, 
351  (1231)\  358,  367  (1247),  373 ^ 

Les  chroniques  modernes  (V.  W.  Bh.)  racontent  que 
Abhaya  malia  eut  deux  fils:  Jaya  deva  Malla  et  Ànanda 
Malla.  Ananda  Malla,  le  cadet,  laissa  son  aîné  régner  sur 
Katmandou  et  Patan,  et  fonda  pour  son  propre  compte 
Bhatgaon  et  sept  autres  villes:  Banepur,  Panavati,  Nala, 
Dhaukhel,  Khadpu,  Chaukot  et  Sanga.  Toutes  ces  villes 
sont  situées  à  l'Est  de  Bhatgaon,  en  dehors  de  la  vallée. 
C'est  lui  aussi  qui  élabUt  Tère  du  Népal  ;  enfin,  c'est  sous 
son  règne  que  Nànya  deva  aurait  envahi  et  conquis  le  Né- 
pal. Il  est  difficile  de  comprendre  pourquoi  la  légende  a 
ainsi  attaché  au  souvenir  d'Ànanda  Malla  des  événements 
qui  se  sont  passés,  Tun  quatre  cents  ans,  l'autre  deux  cents 
ans  avant  lui.  Son  nom  même  a  été  faussé  ;  il  s'appelle  en 
réalité  Ananla  Malla;  nous  ne  savons  pas  enfin  si  Jayadeva 
était  son  frère.  Jayadeva  eut  un  règne  court  (2  ans  8  mois, 
Bd.  ;  2  ans  7  mois,  K.).  Un  manuscrit  de  son  règne  est  daté 
de  377  (1257).  Le  pays  souffrit  à  cette  époque  de  trem- 
blements de  terre  qui  se  prolongèrent  pendant  quatre  mois 
à  partir  du  7  juin  1255.  Jayabhîma  deva  n'est  classé  que 
sur  la  liste  de  Bd.,  avec  un  règne  de  13  ans  et  3  mois;  un 
manuscrit  de  son  règne  est  daté  de  380  (mercredi  2  avril 
1260).  Jayaçâha  (ou  sîha)  deva,  fils  de  Jagadaneka  Malla, 

1.  La  date  de  351  m'est  fournie  par  un  manuscrit  du  Kalyàna  sam- 
graha  que  j'ai  rapporté  du  Népal.  Samvat  351  vaiçàkha  çukla  8  ruhra 
dîne  Abhayarnàla  devasya.  Cette  date coriespond  exactement  au  ven- 
dredi, 11  avril  1231.  —  Pour  les  autres  dates,  je  renvoie  au  tableau  de 
Bendall. 

2.  Cette  date  publiée  par  d'Oldenbourg,  Journ.  Roy.  As,  Soc,  1891, 
p.  687,  est  fort  suspecte.  Elle  donne  :  Samvat  373  rmrgaçira  çukla  di- 
viltyâydm  çukravàsare  svàtinaksatreÇl  màrgaçiraçudi,  vendredi,  naks. 
Svàti).  Calculée  en  année  écoulée  selon  l'usage,  la  date  du  2  màrgaçira 
çudi  373  équivaut  à  :  mardi  5  novembre  1252,  avec  Jyesthà  pour  naks. 
En  année  courante  (contre  l'usage),  le  résultat  est  aussi  discordant  .jeudi 
16  novembre  1251.  et  naks.  Mûla.  De  plus  le  naksatra  Svâti  est  absolu- 
ment impossible  à  la  date  indiquée. 


216  LE   NÉPAL 

règne  2  ansel  7  mois  (Bd.).  Pois  vient  Ananta  Malla,  fils 
de  Râjadeva,  né  en  366  (Bd.);  son  règne  dura  une  trentaine 
d'années  (33  ans  10  mois,  K.  ;  32  ans  10  mois  ou  35  ans 
11  mois,  Bd.).  Les  dates  des  manuscrits  copiés  sous  son 
règne  sont:  399,  400,  405,406',  422'.  Bd.  enregistre  une 
donation  à  Pa(;upali  en  417  (mercredi  26  juin  1297),  el 
peut-être  une  autre  en  427.  K.  rapporte  que  a  sous  le  rè- 
gne de  ce  prince,  enrannévar408,  ou  samvat  1344  [1287- 
88  J.-C]  un  grand  nombre  de  Khassias  (tribu  occidentale) 
émigrèrenl  au  Népal  et  s'y  établirent  ;  et  trois  ans  après, 
en  névar  411,  un  nombre  considérable  de  familles  du  Tir- 
hout  s\  installèrent  aussi  ».  Bd.  précise  brutalement  la 
nature  de  cette  prétendue  immigration,  a  Le  roi  Khasiya 
JayatAri  envahit  le  pays,  en  408,  au  mois  de  Pansa.  Les 
Khasiyas  furent  massacrés  ;  ce  qui  en  restait  se  retira  et  le 
pays  reprit  son  état  ordinaire.  La  même  année,  le  13  Phâl- 
gunn,  quinzaine  claire  [le  second  mois  après  Pansa]  Jaya- 
tàri  revint  sous  des  dehors  amicaux,  incendia  des  villages; 
il  visita  (?)  le  caitya  de  Syemgu  [Syambu?  Svayambhû], 
vit  l'image  de  Lokeçvara  [Matsyendra  Nàtha]  à  Bugamael 
Pa(;upati.  11  retourna  sain  et  sauf  dans  son  royaume.  Sam- 
vat 411.  Ensuite  le  [roi]  de  Tirhout  entra  [au  Népal],  en 
sainvat  409,  au  mois  de  Màgha.  »  Les  Vanu^àvalls  modernes 
content  à  peu  près  la  même  histoire,  à  peu  près  vers  la 


1.  iWiU'  dalo,  donnée  |>ar  un  rns.  du  British  Muséum  (Or.  1439  ;  Cat. 
'i40)  est  en  désaccoid  avec  le  ealrul  de  vérilication.  Samvat  406  cailra 
cif/ihf  irtif/tii/iim  r((/intriisarr  hrtlikànahsdtre  râjarâjâdhirâjaparafneÇ' 
vara  rri  2  Anant<uNallador(is}fa  vijdyaràjyo.  Donc  406,  caitra  çudi  3, 
vendredi,  naks.  KriHkà.  Or,  pour  l'année  écoulée,  le  jour  correspondant 
est  :  jeudi  28  lévrier  1286,  naks.  AçvinI  ;  pour  Tannée  présente,  c'est: 
diniaiiclie  11  mars  1285,  naks.  Krltikâ. 

2.  La  date  (Cainh.  Add.  1306)  se  vérifie  coniplèlemenl.we^r<7Af//a6d/ii- 
}/t(((ih(f(tke  en  saniaijc  nuUtn  rilr  paksakn  |  àçàj/àm  ca  tiUiau  divàha- 
radine  vâhadrlsaddaksakc,  \  râj}fernmad  Ananta7naUanrpaleh'  Donc 
422,  vai(;àkha  çudi  10  dimanche.  Le  jour  correspondant  est:  dimanche 
8  avril  1302. 


HISTOIRE   DU   NÉPAL  217 

même  époque,  mais  en  changeant  les  noms  des  person- 
nages. ((  Sous  le  règne  de  Hari  deva,  un  Magar  attaché  au 
service  du  roi  fut  renvoyé  par  Tefifet  des  machinalions  des 
ministres.  Le  Magar  retourna  dans  son  pays,  et  s'y  mit  à 
vanter  le  Népal  comme  un  pays  où  les  maisons  avaient  des 
toits  d'or  et  des  conduites  d'eau  en  or.  Le  roi  Mukunda 
sena,  qui  était  brave  et  puissant,  excité  par  ce  récit,  vint 
de  rOuest  au  Népal  avec  une  quantité  de  troupes  montées, 
et  il  soumit  llarideva.  Des  soldats  népalais,  les  uns  furent 
tués,  les  autres  s'enfuirent.  Les  trois  capitales  étaient  bou- 
leversées. Par  crainte  des  troupes,  les  gens  enfouirent 
leurs  radis  en  terre,  coupèrent  le  riz,  l'empilèrent  et  le 
couvrirent  de  terre.  Les  vainqueurs  brisèrent  et  défigurè- 
rent les  images  des  dieuTc  et  envoyèrent  le  Bliairava  placé 
en  avant  de  INIatsyendra  Nàlha  dans  leur  pays,  h  Palpa 
et  à  Butawal.  Le  jour  où  Mukunda  sena  arriva  h  Patan,  les 
prêtres  étaient  en  train  de  célébrer  la  Snànayàtrà  do,  Mat- 
syendra  Nâtha.  A  la  vue  des  ennemis,  ils  se  sauvèrent  en 
laissant  le  dieu  dans  sa  baignoire.  A  ce  moment,  les 
cinq  Nâgas  placés  dans  le  baldaquin  doré  au-dessus  de 
Matsyendra  Nàlha  répandirent  cinq  jets  d'eau  sur  la  tête 
du  dieu.  Mukunda  sena,  sîiisi  de  respect,  jeta  sur  l'image 
la  chaîne  d'or  qui  décoraillecol  de  son  cheval.  Matsyendra 
la  prit  lui-même,  se  la  passa  autour  du  cou  ;  elle  y  est  tou- 
jours restée  depuis. 

Avec  ce  roi,  les  castes  Khas  et  Magar  vinrent  au  Népal. 
Ces  gens  sans  pitié  commirent  de  grands  péchés,  et  la  face 
Sud  (aghorà  mrtrti)  de  Paçupati  montra  ses  dents  formida- 
bles, et  elle  envoya  une  divinité  du  nom  de  Mahà-màrî 
(peste)  qui  débarrassa  le  pays,  en  quinze  jours,  des  sol- 
dats de  Mukunda  sena.  Le  roi  s'échappa  tout  seul  vers 
TEst,  sous  le  costume  d'un  Samnyâsi  ;  de  là  il  prit  le  che- 
min de  son  pays,  mais  en  arrivant  à  Devi-ghat  (près  Naya- 
kot),  il  mourut.  C'est  de  ce  temps-là  que  les  Khas  et  les 


218  LE   NÉPAL 

Magars  sont  venus  dans  ce  pays,  el  aussi  qu'on  prépare  le 
sinki  (radis  fermenté)  et  le  riz  hakuwà  »  (W.). 

Le  roi  Hari  deva  est,  dans  le  système  de  \V.  etdeBh.,  le 
dernier  descendant  direct  de  Nânya  deva;  il  ne  figure  dans 
aucune  des  autres  généalogies  de  la  dynastie  Karnâtaka. 
V.  qui  raconte  aussi  l'invasion  de  Mukunda  sena,  la  place 
sous  le  règne  de  Kàma  simha  deva  (de  qui  Harideva  serait 
le  fils  selon  W.  et  Bh.).  Le  nom  de  Mukunda  sena  ne  four- 
nil pas  de  repère  plus  solide.  La  chronique  de  Palpa,  re- 
cueillie par  Hamilton  ',  ne  remonte  pas  si  haut  ;  et  dans  les 
temps  historiques,  plusieurs  des  rois  de  Palpa  portent  ce 
nom.  Mais  quelle  que  soit  l'authenticité  ou  la  solidité  du 
cadre  chronologique,  les  détails  du  récit  gardent  toute 
leur  valeur  ;  nous  avons  sous  les  yeux  comme  une  image 
stylisée  de  ces  invasions  qui  désolent  alors  le  Népal,  avec 
leur  soudaineté,  leur  sauvagerie,  et  Tépouvatite  ahurie  des 
Névars  affinés  en  présence  des  barbares  grossiers  vomis 
par  la  montagne  occidentale,  et  la  terreur  superstitieuse 
des  vainqueurs  en  face  des  divinités  consacrées,  les  désor- 
dres, les  pillages  et  Técrasement  final  des  envahisseurs 
affaiblis.  La  date  même  est  conforme  aux  faits  connus. 
La  snàna-yàtrà  se  célèbre  le  1  caitra  (mars-avril)  badi 
(vai(;àkha  badi  dans  le  comput  actuel,  qui  est  pùrni- 
mànta)  ;  c'est  ce  jour-là  que  Mukunda  sena  entre  à  Patan. 
JayalAri,  en  408,  tente  sa  première  invasion  en  pansa  (no- 
vembre-décembre), et  la  renouvelle  en  phiilguna  (février- 
mars)  ;  en  448,  Aditya  Malla  envahit  le  Népal  en  phàlguna. 

Les  razzias  des  Khas  et  des  Magars  présageaient  les 
calamités  encore  lointaines  ;  c'est  seulement  quatre  siècles 
el  (hîini  plus  tard  que  Prithi  Narayan  devait  mener  par  la 
menu»  route  ses  (îourkhas  h  la  conquête  du  Népal.  L'inva- 
sion du  roi  du  Tirhoul  en  411  anuon(;ait  un   péril  immi- 

1.  IIamm.ton,  I».  170. 


HISTOIRE   DU    NÉPAL  219 

nenl.  Ananla  inalla,  toutefois,  ue  le  vit  passe  réaliser.  Les 
temps  troublés  qui  suivirent  son  règne  sont  presque  impé- 
nétrables à  Thistoire  ;  seuls,  les  documents  de  Bd.  et  les 
signatures  des  manuscrits  y  portent  un  peu  de  lumière.  En 
438  (vendredi  13  mars  1318),  le  jour  où  un  scribe  de  Patan 
achève  sa  besogne  de  copiste  au  couvent  de  Mânigala,  le 
roi  esl  Jayànanda  deva.  Il  a  pour  successeur  Java  rudra 
Malla,  qui  a  pour  c(  associé  au  trône  »  {samrâja)  Jayàri 
malla.  Après  la  mort  de  Jayarudra  Malla,  ses  quatre  épouses 
montent  sur  le  bûcher  des  veuves,  à  la  date  de  446,  àsâ- 
dha,  jour  de  la  pleine  lune.  Le  Népal  venait  d'échoir  à  un 
nouveau  maître  :  llarisimha  deva. 

Les  descendants  de  iNânya  deva  continuaient  depuis  la 
fin  du  xr  siècle,  de  régner  sur  le  Tirhoul.  Maîtres  des 
voies  d'accès  qui  mènent  au  Népal,  ils  prétendaient  main- 
tenir sur  le  pays  une  suzeraineté  au  moins  nominale.  Leur 
histoire  n'est  pas  connue,  mais  leurs  noms  ont  été  conser- 
vés. La  dynastie  des  Mallas,  après  la  restauration  de  Jaya- 
sthiti  (vers  1380),  les  reconnut  pour  ses  ancêtres  authen- 
tiques, à  l'exclusion  des  rois  indigènes.  J'ai  déjà  signalé, 
à  propos  de  Nânya  deva,  deux  documents  du  xvir  siècle, 
œuvres  personnelles  de  deux  rois  Mallas,  qui  contiennent 
une  généalogie  continue  de  la  dynastie  à  partir  de  Nànya 
deva.  Les  Vamçâvalîs  modernes,  héritières  des  mêmes 
tendances,  ont  représenté  de  la  même  manière  la  trans- 
mission du  pouvoir  légitime.  Pour  accommoder  cette 
conception  aux  faits,  il  leur  a  fallu  bouleverser  la  chrono- 
logie réelle  ;  c'est  un  scrupule  qui  n'arrête  pas  un  Hindou. 
Les  princes  indigènes,  contemporains  des  Karnâtakas  du 
Tirhout,  ont  été  transportés  en  arrière,  dans  le  passé  indé- 
finiment élastique.  Ananta  malla,  le  dernier  des  princes 
qui  aient  laissé  un  souvenir  persistant  avant  l'invasion  de 
Harisimha  deva,  est  devenu  le  contemporain  de  la  pre- 
mière invasion  Karnâtaka,  sous  Nànya  deva.  Une  combi- 


220  LE   NÉPAL 

naison  frauduleuse  des  chiffres  réels  a  permis  de  porter 
ensuite  Ananta  (Ananda)  malla  et  Nânya  deva  jusqu'à  Torî- 
gine  de  Tère  népalaise,  vers  880.  l 'ne  tradition  que  j'aurai 
bientôt  h  examiner  fixait  l'invasion  de  Harisimlia  deva  h 
Tan  1245  çaka,  ou  444  névar  (1324  J.-C..).  Nî\nyadeva,  dans 
ce  nouveau  système,  avait  envahi  le  Népal  en  811  çaka. 
Entre  NAnya  deva  el  Harisimhadeva,  s'étendait  par  suite  un 
intervalle  de  4114  ans.  Dans  cet  intervalle,  les  chroniques  mo- 
dernes disposent  les  cinq  successeurs  de  Nânya  deva;  sous 
le  dernier  d'entre  eux  (llari  deva  ou  Kàmasimhadeva),  l'in- 
vasion des  Khas,  conduits  par  Mukunda  sena,  renverse  la 
dynastie  lép:ilime.  Le  Népal  se  débat  dans  l'anarchie  pen- 
dant sept  ou  huit  ans.  Puis  une  féochdité  morcelée  à  l'infini 
domine  le  pays;  h  Patan,  chaque  fol  (îlot  de  maisons)  avait 
son  roi  ;  Katmandou  était  partagée  entre  douze  rois.  Bhal- 
gaon  avait  un  prince  Tliàkuri.  Ce  régime  dure  225  ans. 

DYNASTIE  DK  NÀNYA  DKVA: 

IL  Hainillori.  —  P.  Inscription  de   PralApa  nialia  (Bh.  18).   —  M.  Mii- 

dita  Kuvalayàrva. 

L  (  iNànya  deva  W.  I».  V.         50  ans.  i.  Nànya  deva  P.  M. 

iNan  F)eo  K. 
Nan>op  l)(*v  H.  36  ans. 

2.  /  (lan^'a  deva  W.  B.  V.  'il  ans.  2.  (ianga  deva  P.  M. 
)  Kanuck  Deo  K. 

(  Gan«;<5'a  dev  II.  14  ans. 

3.  {  Njn*a  sinilia  devaW.  B.  V.  31  an.s.  3.  Nrsiniha  P. 

<  Nei-sinj^ii  \)v.n  K.  Nara  simlia  deva  M. 

(  Naïasingha  dev  II.  52  ans.  ...  (lacune  dans  M.  1) 

4.  (  (Jakii  simha  deva  V.  39  ans.  'i.  fUnia  siniha  P.  M. 
/  Cakii  de\a  W.  Bh.  39  ans. 

5.  f  Bàina  siniha  deva  W.  B  V.  58  ans.  5.  Çakti  sin\ha  P. 

|i|<  Bani  Singh  Deo  K.  5.  Bhàva  siqiha  deva  M. 

|'»|(  Kainsingha  dev  II.  92  ans. 

6.  Ilari  deva  W.  Bh.  6.  Bhùpàla  siipha  P. 
|5|     Bliad  Singh  Deo  K. 

[o]    Sakiasingha  dev  II.  12  ans. 

|6J    Kuiin  Sing  Deo  K.  6.  Karma  simha  deva  M. 


HISTOIRE    DU   NÉPAL  221 

Les  noms  des  successeurs  de  Nânya  devasont  assez  soli- 
dement établis  ;  leur  ordre  est  moins  sûr  ;  enfin  les  années 
de  règne  qui  sont  attribuées  h  chacun  d'eux  varient  au 
hasard  avec  les  documents.  Leur  divergence  irréductible 
ne  laisse  pas  de  surprendre.  La  surprise  change  de  nature, 
si  on  les  additionne.  Les  nombres  de  V.  donnent  au  total 
219  ans  ;  ceux  de  H.,  226  ans.  La  différence  apparente  se 
réduit  h  zéro,  car  V.  seul  ajoute  7  années  d'anarchie  qui 
complètent  le  total  :  219  h-  7  V.  =  226  H.  Et  ce  total  lui- 
même  donne  un  pendant  par  trop  symétrique  à  la  période 
féodale  de  225  ans.  Nous  saisissons  ici  sur  le  fait,  une  fois 
de  plus,  les  procédés  des  annalistes.  Les  Karnàtakas  du 
Tirhout  avaient  régné  226  ans;  en  même  temps  qu'eux  des 
princes  indigènes  avaient  régné  sur  le  Népal.  On  dédoubla 
les  deux  séries  parallèles,  et  on  les  plaça  bout  à  bout.  Des 
raisons  d'ordre  positif  nous  ont  déterminé  plus  haut  à 
choisir  entre  les  dates  divergentes  la  date  de  1097  J.-C. 
pour  l'invasion  de  Nânya  deva.  Notre  choix  trouve  ici  une 
nouvelle  justification.  De  1097,  invasion  de  Nànya  deva,  à 
1324,  invasion  de  Harisimhadeva  l'intervalle  est  de  227  ans. 

Toutes  les  généalogies  sont  d'accord  pour  rattacher 
par  une  filiation  conlinue  llarisimha  deva  à  Nànya 
deva.  Pratâpa  Malla  (Bhagv.  18)  l'appelle  «  le  diadème 
du  Karnàla  »  ;  Candeçvara  qui  fut  le  ministre  de  Hari- 
simha  deva,  désigne  son  maître  comme  <(  le  rejeton  de 
la  dynastie  Kainàia  »  dans  ses  deux  grands  ouvrages,  le 
Krtya-ratnàkara  et  le  Kilya-cintâmaniV  Kirkpatrick  enre- 

1.  Kârmta  vamrodhhavah.  Introd.  au  Krlya  ratnàkara,  v.  4,  cité  dans 
E(;(;em>(;,  Calai.  Inclia  Office,  III,  p.  'ilO.  —  KavmUâdhipa.  Inlrod.  au 
Krtya  cinlà  inani,  v.  11,  cité  ib.,  p.  fill.  Candervaia  écrit  régulièrement 
Harasimlia  (et  non  Hari").  Le  Cat.des  mss  du  Maharaja  de  Bikanir(Raj. 
MiTRv,  Tûilcutta,  1880)  indique  sous  le  n'»  1072  (p.  500)  un  ouvrage  de 
jurisprudence  religieuse,  le  Vratasaingraha,  composé  par  un  protégé  du 
roi  llarisiniha  «  rejeton  de  la  tige  Karnàta  »  (Karnà(a-vamçûnkurah), 
.J'ignore  s'il  s'agit  de  notre  Harisimha  ou  d'un  de  ses  descendants. 


222  LE    NÉPAL 

gislro  une  tradition  qui  rattachait  aussi  ce  prince  à  un 
ancêtre  nommé  «  Bamdeb(Vâma  deva),  des  princes  Sûrya- 
vamçi  d'Ayodliyâ  ».  S'agit-il  de  Vàma  deva,  roi  du  Népal 
vers  1080,  que  W.  désigne  comme  «  un  descendant  d'une 
branche  collatérale  de  la  Hace  Solaire  {Sùrya  vamçd)  de 
l'ancien  roi  Amçuvarman?  On  croirait  en  ce  cas  que 
Harisimha  cherchai!  à  passer  pour  l'héritier  légitime  des 
dynasties  indigènes.  Très  informés  sur  les  aïeux  de  Hari- 
simha,  les  généalogistes  le  sont  moins  sur  son  père  même; 
llamilton  le  fait  fds  de  Çakrasimha;  Kirkpatrick  et  Jagaj- 
jyotir  Malla  (prologue  du  Mudita  kuvalayâçva),  de  Karma- 
simha  ;  Pratàpa  iMalla,  de  Bhùpàla  simha  ;  Miçaru  miçra 
(qui  vivait  sous  un  petit-fils  de  Harisimha),  de  Bhaveça 
(identique  peut-être  au  Bhàva  simha  de  iM)*. 

Harisimha  régnait  sur  le  Tirhout;  sa  capitale  était 
Simraun.  Les  grands  empires  brahmaniques  des  alentours 
avaient  disparu,  submergés  par  la  marée  musulmane. 
Prthvî  râja,  le  héros  des  Hajpoufes  et  le  dernier  rempart 
de  l'Hindoustan,  avait  succombé  en  11 92  ;  un  an  plus  tard, 
Delhi,  Kalanjar,  Bénarès,  la  ville  sainte,  tombaient  au 
pouvoir  du  sultan  ;  avant  1200,  le  Bengale  était  réduit  en 
province  de  l'Islam.  A  l'écart  des  grandes  routes,  le  Tirhout 
avait  sauvé  son  indépendance  ;  adossé  h  la  montagne  héré- 
tique, il  gardait  en  un  suprême  asile  les  vieilles  tradi- 
tions du  savoir  orthodoxe.  Le  ministre  de  Harisiinha, 
Candeçvara,  présidait  à  la  rédaction  de  deux  Digestes  delà 
loi  hindoue  ;  il  poussait  la  dévotion  jusqu'à  offrir  son  pesant 
d'or  aux  dieux,  dans  un  rite  solennel,  sur  le  bord  de  la 
Bagmati  sacrée,  en  (;aka  1236  (1314  J.-C).  Mais  en  1321 , 
une  insurrection  militaire  renverse  les  Khiljis  du  trône  de 
Delhi;  le  nouveau  sulUm,  Glieyàs  u  dîn  Tughlak,  parcourt 
ses  immenses  domaines  pour  y  faire  reconnaître  la  nou- 

1.  IritrocL  au  Vivàdacamlracilé  par  AïKREr.iiT.  Catal.  mss.  Ox.,  p.  296. 


HISTOIRE   DU   NÉPAL  223 

velle  dynastie.  Un  hasard  de  route  Ir  ramène  du  Bengale 
par  le  Tirliout'.  Incapable  de  résister,  plutôt  que  de  se 


^^U^^  ^^s^^  --*^ 

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m^K^S^^^M 

ip^É 

TcmiJp  ilu  pclit  Mat'vfnilra  ?iSllia,  «  Kalmaiidou. 

soumettre  à  un  mattre  nuisulman,  Ilarisimtia  s'enfuit  au 

1.  KirkpalrJck  noinnit!  parrrreur,  h(i  lieu  ili;  Ghnyds  ii  illn  Tnghiak, 
Sikandar  Lodi  (1488-1516).  UVar)içAvall  biiuiliJhiquo  (W.  177)  introduit 
ici  l'empereur  Akliai'! 


224  LE   NÉPAL 

Népal.  La  tradition  a  enregistré  le  souvenir  précis  de  Tévé- 
nennenl.  a  Kn  râka  1245,  la  neuvième  tithi  du  mois  de 
l*ausa,  quinzaine  claire,  un  samedi,  Harisimha  deva  déser- 
tant sa  capitale  pénétra  dans  la  montagne'.  »  1245  çâka, 
s'il  s'agit  de  Tannée  écoulée,  répond  à  1323-24  (et  Kirkpa- 
trick  dit  en  efifet  :  «  ou  vers  le  mois  de  décembre  1323  »)  ; 
s'il  s'agit  de  Tannée  courante,  à  1322-23  J.-C.  Mais  ces 
deux  dates  sont  Tune  et  Tautre  impossibles  ;  le  9  pansa 
clair  tomberait  dans  le  premier  cas  un  mercredi  (7  décem- 
bre 1 323),  dans  le  second  un  vendredi  (1 7  décembre  1 322). 
Autre  impossibilité  de  fait;  Glieyâs  udîn  visite  le  Bengale, 
au  témoignage  formel  des  historiens  musulmans,  en  724- 
25  de  Thégire,  soit  1324  25  J.-C.  ;  il  meurt  par  accident 
au  moment  de  son  entrée  triomphale  h  Delhi  en  février 
1325.  Son  passage  au  ïirhout  se  place  donc  avec  certitude 
dans  Thiver  de  1324-25.  Faut-il  alors  substituer,  dans  la 
stance  traditionnelle  sur  Harisimha,  Tan  1246  çaka  écoulé 
ti  1245?  La  vérification  ne  donne  pas  un  meilleur  résultat; 
le  9  pausa  gudi  tombe  un  mardi  (25  décembre  1324).  Il  faut 
descendre  jusqu'à  1247  (;aka  écoulé  pour  obtenir  la  concor- 
dance nécessaire  ;  le  9  pausa  çudi  tombe  un  samedi  (1 4  dé- 
cembre 1325).  En  ce  cas,  deux  annéesdedistanceséparentla 
date  exprimée  en  èreçakadeladate réelle.  Le  mêmeécartse 
constate  dans  une  autre  date  enregistrée  par  les  chroniques, 
un  siècle  plus  tard,  sous  Çyâmasimha  deva.  L'ordre  des  faits 
semble  donc  se  rétablir  ainsi  :  Vers  la  fin  de  Thiver  1324, 
Gheyâs  u  dîn  traverse  le  Tirhout;  Harisimha  s'enfuit;  le 
sultan  charge  Ahmed  Khan  de  gouverner  le  petit  Etat. 
Harisiinha  profit*»  de  la  saison  chaïide  pour  rassembler  une 

1.  banâbdhiyugmaçaçi  samvat  çâkavarse 


pausyasya  çuklanavaniï  ravisunuvâre 
tyaktvâ  svapattanapurîm  Harisimhadevo 
durgeva  daivaviparitagirirn  pravcça  II 


(V.). 


HISTOIRE   DU   NÉPAL  225 

bande  de  partisans,  el  l'hiver  venu  il  envahit  le  Népal. 
Y  avait-il  exercé  déjà  un  pouvoir  réel?  Avait-il  revendiqué 
déjà  des  droits  sur  le  pays,  comme  héritier  de  Nânya  deva? 
Candeçvara,  son  ministre,  se  vante  d'avoir  «  vaincu  tous 
les  rois  du  Népal  »  ;  mais  nous  ne  savons  pas  si  Touvrage 
est  antérieur  à  Tan  1325\  Le  Népal  se  soumit  sans  rési- 
stance, subjugué  moins  par  les  armes  de  Harisimha  deva 
que  par  sa  divine  patronne,  la  déesse  Tulajâ,  venue  avec 
toutes  sortes  d'aventures  du  Paradis  à  Lanka,  de  Lanka  à 
Ayodhyà,  d'Ayodhyâ  à  Simraun.  «  Telle  était  son  influence 

1.  La  date  de  1236  çaka,  exprimée  dans  la  stance  de  signature  du 
Vivâda-ratnâkara (6«  section  duKrtya  ratnâkara,  Ca/.  Ind.  0/f.,p. 413), 
se  rapporte  exclusivement  à  la  cérémonie  où  Candeçvara  donna  son 
pesant  d'or,  comme  l'a  bien  indiqué  M.  Eggeling  ;  c'est  à  tort  qu'on  a 
appliqué  cette  date  à  la  rédaction  de  l'ouvrage  lui-même.  La  comparai- 
son avec  la  stance  parallèle  du  Krtya  cinlàmani  (i6.,  p.  511)  le  montre 
jusqu'à  l'évidence.  Au  sujet  du  Népal,  la  même  stance  présente  dans  les 
deux  ouvrages  une  variante  qu'il  importe  de  signaler,  le  K»  ratn®  (2«  sec- 
tion, Dâna»,  V.  3;  loc,  laicd.j  p.  412)  écrit: 

Nepàlâkhilabhûmipàlâjâyinâ    dharniendudugdhâbdhinâ. 

«[Candeçvara]  a  vaincu  tous  les  rois  du  Népal;  il  est  un  océan  de  lait 
qui  donne  pour  Lune  la  Loi.  » 
Le  K»  cinto  {loc.  Imcd.)  écrit  : 

Nepâlâkhilabhûmipâlâ/'an^/'âdharnicndudugdhâbdhinâ. 

«  Il  est  l'océan  de  lait  qui  donne  pour  Lune  la  Loi,  fossé  de  protection 
contre  les  rois  du  Népal.  » 

Si  la  variante  est  intentionnelle,  comme  elle  parait  l'être,  la  situation 
politique  aurait  changé  d'un  texte  à  l'autre.  Le  Kr»  c»  indiquerait  une 
attitude  purement  défensive  ;  le  Kr**  r®  njarquerait  une  offensive  victo- 
rieuse. 

Le  Népal  reparaît  dans  une  autre  stance  de  l'introduction  du  Kr° 
tint»  ;  mais  cette  stance  est  un  simple  jeu  littéraire  du  type  que  j'ai 
déjà  mentionné  plus  haut  (p.  170)  ;  en  outre,  le  passage  relatif  au  Népal 
semble  fautif  : 

Vangâli  saipjâtabhangâç  cakitavighat[it]àh  Kâmarùpâ  virùpâç 
Cînâb  kunjâdilîiiàh  pramuditavilasatkimkarotàh  | 
Nepâlâd  bhûmipâlâd  bhujabaladalitàs  te  calâtâç  ca  Lâtâh 
Karnâtâb  kena  dûstâh  [sic]  prasarati  samare  mantriratnâkarasya. 

il  faut  enfin  observer  que,  dans  les  deux  ouvrages,  Candeçvara  désigne 
son  maître  uniquement  comme  «  le  roi  de  Mithilâ  »  (Tirhoul). 

IL  —  15 


226  LE   NÉPAL 

que  les  nobles  et  le  peuple  de  Bhatgaon  remirent  paisible- 
ment le  palais  à  Harisimha.  »  (W.)  Une  des  vamçâvalts  de 
fid.,  qui  passe  sous  silence  Harisimha  et  son  expédition, 
enregistre  pourtant  la  mort  du  roi  local,  Jayarudra  Malta, 
et  le  suicide  de  ses  veuves  en  juin  1326.  «  La  déesse  Dvi- 
màju  donna  en  cadeau  à  Harisimha  toutes  les  richesses 
qu'elle  avait  amassées  depuis  le  temps  de  Nànya  deva  ; 
pour  Ten  récompenser,  le  roi  institua  en  son  honneur  une 
cérémonie  annuelle,  la  Devâlî  pùjà  »  (\V). 

La  conquête  de  Harisiipba  ne  réussit  pas  à  assurer  au 
Népal  un  régime  stable  et  paisible.  Dès  Thiver  de  448 
(1328  J.-C),  un  roi  des  Khasiyas  Àdil(y)a  Malla,  pénétrait 
au  Népal  en  envahisseur  (Bd.).  Déjà  peut-être  Harasimha 
était  retourné  au  Tirhout,  où  des  dynasties  locales  issues 
de  lui  continuèrent  longtemps  à  régner  sur  des  princi- 
pautés prospères,  et  protégèrent  avec  succès  la  littérature 
et  le  droit*. 

Les  descendants  directs  de  Harisimha  sont  énumérés 
diins  les  chroniques  modernes  comme  les  souverains  légi- 
times du  Népal:  ils  y  forment,  avec  Harisimha  lui-même, 
ta  dynastie  Sùryavarnçi  de  Bhatgaon  : 

1.  Harisiqiha  deva     28  ans.  W.  V. 

2.  Matisirpha  deva      15  ans.  W.  V.  Bh. 

3.  Çaklisimha  deva     22  ans.  W.  27  ans.  V.  33  ans.  Bh. 

4.  Çyàmasiiphadeva  15  ans.  W.  V.  Bh. 

Les  généalogies  officielles  deTépigraphie  Malla  ignorent 
celle  hgnée;  elles  passent  directement  de  Harisimha  à 
Vaksii  Malla,  qui  règne  un  siècle  après  lui.  Kirkpalrick,  les 
listes  de  Bendall  n'en  tiennent  pas  compte  davantage. 
Kalîn,  jmrmi  les  manuscrits  copiés  durant  cette  période,  il 

r  Sur  ces  dynasties  du  Tirhout,  v.  :  Grierson,  Vidyâpati  and  his 
c^^UfHpontriesl  dans  Ind.  Antiq.,  XIV,  182-196  et  On  sonie  mediœval 
kim^  of  MiihiUK  ib.,  XXVHI,  57  sq  ;  et  Bendall,  Journ.  As.  Soc.  Ben- 
$^L  lîHKJ,  p.  lî<  sqq  :  Jolly,  Recht  und  Sitle,  p.  36. 


HISTOIRE   DU   NÉPAL  227 

n'en  est  pas  un  seul  qui,  dans  la  signature  du  scribe, 
mentionne  un  de  ces  rois.  Et  cependant,  les  chroniques 
modernes  ne  se  contentent  pas  d'enregistrer  leurs  noms; 
elles  prétendent  y  associer  des  souvenirs  de  faits.  Elles 
racontent  de  Çaktisimha  (3)  qu'  «  il  abdiqua  en  faveur  de 
son  fils  Çyâmasimha  (4),  qu'il  s'établit  alors  à  Palamchok, 
[en  dehors  et  à  TEst  de  la  vallée,  par  delà  Banépa]  ;  de  là 
il  envoya  des  présents  à  la  Chine;  TEmpereur  en  fut  si 
content  qu'il  lui  adressa  en  retour  un  sceau,  qui  portait 
gravé  le  nom  de  Çaktisimha  suivi  du  titre  de  Râma,  une 
lettre  officielle  accompagnait  l'envoi,  en  l'an  de  Chine 
(cînâbda)  535  ».  Sous  Çyâmasimha,  un  formidable  trem- 
blement de  terre  désola  le  Népal  ;  le  temple  de  Matsyendra 
Nàlha  et  d'autres  édifices  s'écroulèrent;  un  nombre 
énorme  d'habitants  périt.  Le  désastre  se  produisit  le  lundi 
12adhika-bhâdrapada  çudi,  naksatraUttarâ,  en  N.  S.  528*. 

1.  C'est  la  date  donnée  par  V.  Mais  l'année  528  duNepàla-sanivat,soit 
courante,  soit  écoulée,  n'a  pas  d'intercalation  de  bhâdrapada,  quel  que 
soit  le  système  d'intercalations,  moyennes  ou  réelles.  11  y  a  un  bhâdra- 
pada intercalaire  en  531  N.  S.  écoulé-- 1409-10  J.-C;  cette  année-là,  la 
12e  tiiiii  de  bhâdrapadasupplémentaire(adhika),  quinzaineclaire,  tombe 
le  lundi  11  août  1410.  La  lune  entre  dans  le  naksatra  Lttara-Asâdhâ 

•  •       • 

3  h.  36'  après  le  lever  du  soleil  (temps  de  Katmandou).  La  correspon- 
dance est  donc  parfaite. 

L'écart  qui  sépare  la  date  donnée  de  la  date  réelle  est  donc  ici  de  3 
ans.  Pour  l'invasion  de  Harisiipha  j'ai  déjà  si^^nalé  un  écart  de  2  ans. 
La  différence  de  ces  deux  écarts  tient  sans  doute  à  la  place  des  mois 
considérés  dans  le  calendrier  névar.  L'année  névare  commence  avec  le 
mois  de  kârtika,  qui  est  le  8"*  mois  de  l'année  hindoue  caitràdi;  pour  les 
mois  compris  entre  caitra  et  kârtika  (bhâdrapada  est  dans  ce  cas), 
l'écart  avec  l'année  caitràdi  s'augmente  donc  d'une  unité.  Autrement 
dit,  on  a  : 

kârtika.  .     .      caitra.   .     .     bhâdrapada.  .     .    kârtika 

*.^  •      O  •  «X/  •  •  •  •  t-/.'  •     •  •  •  v/-  ■        •  •  •  •  •A/        I         M. 

çaka  y.  .     .     .       y-hl.   .     .  y-\-\.    .     .     .     (?/-M). 

Le  flottement  du  comput,  entre  l'année  courante  et  l'année  écoulée, 
aboutit  aisément  à  une  confusion  de  ce  genre  si  on  passe  d'une  ère  à 
l'autre.  Kirkpalrick  signale  le  même  flottement  de  deux  unités  pour  une 
date  antérieure  seulement  de  vingt-cinq  ans  à  son  passage.  Il  donne  en 
effet  pour  1793,  année  de  son  voyage  au  Népal,  l'équivalence:  N.  S. 914, 


228  LE    NÉPAL 

Çyâmasimha  n'avait  pas  d'enfant  mâle,  mais  seulement 
une  fille  qu'il  donna  en  mariage  à  un  descendant  des  rois 
Mallas,  et  il  laissa  le  trône  à  son  gendre. 

Dès  que  la  Chine  entre  en  scène,  le  contrôle  est  facile. 
Les  Annales  des  Ming,  dans  un  extrait  que  j'ai  déjà 
rapporté  (I,  168),  signalent  en  efifet  la  reprise  des  relations 
entre  l'Empire  du  Milieu  et  le  royaume  himalayen  dans  le 
cours  du  XIV*  siècle.  La  Chine  avait  fait  les  premiers  pas  ; 
l'empereur  Hong-wou  avait  envoyé  en  1384  un  bonze  au 
Népal  pour  remettre  au  roi  un  sceau  qui  lui  conférait  l'in- 
vestiture officielle.  Le  roi  du  Népal  en  retour  dépêche  un 
ambassadeur  qui  va  porter  à  la  Cour  a  des  petites  pagodes 
d'or,  des  livres  sacrés  du  Bouddha,  des  chevaux  renommés 
et  des  productions  du  pays  »  ;  l'ambassadeur  arrive  à  la 
capitale  en  1387.  Le  roi  du  Népal  s'appelait  i/a-/«-/2û/o-w(?. 
En  1390  nouvelle  ambassade  du  Népal  ;  une  autre  encore 
avant  1399.  Le  successeur  de  Hong-wou,  Young-lo,  imite 
son  exemple,  et  provoque  spontanément  la  reprise  des 
relations.  En  1409,  une  ambassade  du  Népal  vient  apporter 
le  tribut.  En  1413,  l'Empereur  envoie  des  cadeaux  «  au 
nouveau  roi  du  Népal ,  Cha-ko-sin-ti  »,  qui  rend  la  pareille 
en  1414.  L'Empereur  lui  confère  le  titre  de  a  roi  du 
Népal  »,  et  lui  fait  remettre  un  diplôme  contenant  cette 
investiture,  plus  un  sceau  en  or  et  un  sceau  en  argent. 
Nouvel  échange  de  cadeaux  en  1418.  En  1427,  l'empereur 
Hiuen-te  essaie  de  renouer  la  tradition  ;  mais  ses  avances 
restent  sans  efifet.  Nul  ambassadeur  ne  vint  plus  dès  lors  à 
la  Cour. 

Le  roi  Ma-ta-na  lo-mo  qui  règne  sur  le  Népal  en  1 387 
ne  peut  être  que  le  Matisimha  des  Vamçàvalls  modernes. 


commençant  le  28  octobre  1793  ;  et  d'autre  part  il  place  la  conquête  du 
Népal  par  Prithi  Narayan  «  dans  l'année  névare  890,  ou  888,  selon  une 
autre  computation  »  (p.  268),  c'est-à-dire,  selon  son  propre  rapport,  «  en 
1768  A.  D.  »  (p.  270). 


HISTOIRE   DU   NÉPAL  229 

Ma-'ta-na  suppose,  il  est  vrai,  un  original  Madana  plutôt 
que  Mati  ;  en  sanscrit,  Madana  sîmha  est,  si  Ton  peut  dire, 
plus  vraisemblable  aussi  que  Matisimha  ;  la  forme  Mali" 
semble  être  amenée  sur  les  listes  par  l'analogie  et  le  voisi- 
nage de  Çakti\  La  même  alternance,  Madana  Simha  deva 
et  Çakti  simha  deva,  se  retrouve  dans  une  autre  branche 
de  la  même  famille,  vers  le  milieu  du  xv*  siècle*.  Les 
syllabes  lo-mo  accolées  au  nom  de  Ma-ta-na  transcrivent 
le  titre  que  les  Vamçàvalîs  (W.  Bh.)  rendent  par  Ràma 
dans  leur  notice  sur  Çaktisimha.  Dans  les  deux  cas,  c'est 
Lama  qu'il  faut  rétablir  en  regard.  J'ai  signalé,  dans  mon 
étude  des  documents  chinois  et  tibétains,  les  raisons  poli- 
tiques qui  poussaient  la  dynastie  des  Ming  à  prodiguer  ce 
titre.  Les  empereurs  de  Chine  essayaient  à  ce  moment  de 
mettre  le  bouddhisme  universel  au  service  de  leurs  inté- 
rêts; ils  croyaient  sur  la  foi  des  informations  recueillies 
que  «  les  souverains  du  Népal  étaient  tous  des  bonzes  » 
(seng)  ;  ils  espéraient  flatter  leur  vanité  en  les  qualifiant  de 
Lama,  La  politesse  ne  fut  pas  perdue  ;  les  Hindous  crurent 
entendre  Rama  et  s'honorèrent  d'un  nom  qui  rappelait  tant 
de  souvenirs  héroïques  et  pieux. 

La  première  ambassade  de  Ma-ta-na  lo-mo  arrive  en 
1387,  soixante-deux  ans  après  l'invasion  de  Harisimha  au 
Népal.  En  1414,  Cha-ko-sin-ti  est  «  le  nouveau  roi  »  ; 
quatre-vingt-neuf  ans  étaient  écoulés  depuis  cette  invasion. 
Or  les  Vamçàvalîs  (W.  V.  Bh.)  donnent  à  Harisimha  un 
règne  de  28  ans  ;  Matisimha,  qui  lui  succède,  règne  15  ans 
(i  325  J.-C.  -f-  28  =  1 353),  donc  entre  i  353  et  1 368  ;  Çakti- 
simha monte  alors  sur  le  trône;  il  y  reste  jusqu'à  1390 
(W.),  1395  (V.)  ou  1401  (Bh.).  Le  désaccord  est  mani- 
feste  ;  mais  une  critique  sérieuse  ne  saurait  hésiter  entre 

1.  Bendall,  Joiirn,  As.  Soc.  Beng.,  1903,  p.  20.  Ces  princes  régnent 
à  Champaran,  dans  leTirhout;  l'ordre  de  succession  des  noms  y  est 
inverse.  Çaktisiipha  deva  est  le  père,  et  Madanasitpha  deva  le  fils. 


230  LE   NÉPAL 

les  Vamçïivalîs  el  les  Annales  chinoises.  Les  Vamçàvalls 
elles-mêmes  trahissent  rarlifîciel  de  leur  chronologie  ; 
elles  interprètent  comme  une  prétendue  «  année  chinoise  » 
la  date  de  535,  investiture  de  Çaktisimha  par  l'Empereur 
de  Chine.  Le  calendrier  chinois  serait  fort  embarrassé 
d'expliquer  cette  date  h  cette  époque  ;  le  calendrier  du 
Népal  est  seul  en  cause.  535-h880  J.-C.  =  1415  J.-C.  La 
date  ainsi  obtenue  concorde  absolument  avec  les  Annales 
des  Ming.  C'est  en  1414  que  Çaktisimha  annonce  son  avè- 
nement par  un  tribut  ;  l'ambassade  chinoise  qui  va  lui 
porter  son  diplôme  royal  ne  peut  pas  arriver  au  Népal 
avant  Tannée  suivante,  1415  J.-C.  Une  fois  de  plus  nous 
saisissons  sur  le  fait  les  procédés  simplistes  des  Vamçâvalîs  : 
la  date  de  535  N.  S.  recule  trop  bas  pour  leur  système  le 
règne  de  Çaktisirnha;  son  avènement  viendrait  tomber 
après  le  tremblement  de  terre  de  528  N.  S.,  qu'elles 
placent  sous  son  successeur  Çyàma  simha.  On  rapporte 
la  date  gênante  à  une  ère  spéciale,  et  tout  s'arrange 
aussitôt. 

Un  fait  subsiste,  positif  et  certain.  Entre  1387  et  1418, 
les  Chinois  ne  connaissent  pas  d'autres  rois  du  Népal  que 
les  descendants  de  Harisimha.  C'est  pourtant,  en  partie  au 
moins,  l'époque  où  règne  Jaya  Sthiti  Malla,  un  des  plus 
glorieux  entre  les  princes  indigènes.  On  ne  saurait  dire  que 
les  Chinois  se  sont  laissé  abuser  par  les  prétentions  men- 
songères des  envoyés  des  Simha  ;  des  fonctionnaires  chi- 
nois sont  venus  en  personne  visiter  le  Népal,  et  c'est  sur 
leur  initiative  qjie  les  relations  se  sont  ouvertes  et  se  sont 
maintenues.  Si  étrange  que  la  combinaison  puisse  paraître, 
il  faut  admettre  que  les  Simha  exerçaient  au  Népal  une 
autorité  effective,  h  coté  des  princes  indigènes.  Peut-être 
ils  résidaient  à  Bhatgaon,  comme  l'indiquent  les  Vamçà- 
valls, en  laissant  à  leurs  vassaux  les  deux  autres  capitales. 
En  tout  cas,  ces  Vamçàvalls  modernes,  qu'on  exclut  volon- 


HISTOIRE    DU   NÉPAL  231 

tiers  aujourd'hui  comme  une  quantité  négligeable,  mon- 
trent ici  la  valeur  sérieuse  et  originale  des  matériaux  dont 
elles  se  sont  formées. 

Après  le  passage  de  Harisimha,  Thistoire  intérieure  du 
Népal  est  une  suite  obscure  de  dissensions  et  de  rivalités. 
Jaya-rudra  Malla,  mort  au  moment  de  Tinvasion,  avait 
laissé  une  fille,  Salî  NAyaka-devî,  qui  fut  confiée  à  la  garde 
de  sagrand'mère  Padumalladevî.  Elle  fut  couronnée  reine, 
et  mariée  à  Haricandra  deva,  roi  de  Bénarès(K.),  ou  sim- 
plement apparenté  au  roi  de  Bénarès  (Ed.).  Dans  les  deux 
cas,  Tunion  était  honorable  ;  elle  alliait  les  Mallas  à  des 
Rajpoutes  de  Tlnde,  et  spécialement  de  la  ville  sainte  et 
sacrée  entre  tous  aux  yeux  des  Hindous.  Haricandra  mourut 
empoisonné  après  quelques  années  de  mariage.  Sa  veuve 
se  mit  à  courir  une  carrière  accidentée,  comme  la  fiancée 
du  roi  de  Garbe.  Elle  tomba  d'abord  au  pouvoir  de  Gopàla 
deva,  frère  de  son  mari.  Gopala  avait  pour  allié  un  prince 
Simha  du  Tirhout,  du  clan  Kilrnâta  {Kârnâta  vamça  ja)^ 
Jagatsimhakumàra.GopiilaetJagatsimha  prirent  ensemble 
Bhatgaon  et  Patan  ;  le  trône  échut  à  Gopàla  ;  mais  le  nou- 
veau roi  eut  la  tète  tranchée  par  un  serviteur,  sans  doute 
trop  zélé,  de  Jagat  simha  ;  Jagat  simha  recueillit  tout 
ensemble  la  couronne  et  la  veuve  de  son  allié.  Il  n'en  jouit 
pas  longtemps,  et  alla  finir  sa  vie  en  prison.  Il  avait  eu  de 
Nàyaka  devî  une  fille,  Ràjalla  devî  ;  la  mère  était  morte  en 
couches,  et  la  jeune  princesse  fut  élevée  sous  la  tutelle  de 
sa  grand'mère  Dévala  devî,  mère  de  Jagat  simha.  En  467 
(1347  J.-C.)  ((  le  consentement  des  deux  familles  royales, 
ratifié  par  l'assentiment  général  »  (Bd.),  appela  au  trône 
Jaya  ràja  deva.  Les  deux  familles  royales  signifient  sans 
doute  les  Simha  et  les  Malla,  qui  se  disputaient  le  pouvoir. 
Jaya  raja  était  le  fils  de  Jayânanda  deva,  le  successeur 
d'Ananta  malla  ;  né  le  jeudi  10  mars  1317,  il  avait  alors 
trente  ans.  Les  manuscrits  montrent  qu'il  régnait  encore 


232  LE    NÉPAL 

en  474  (1353-54)  et  en  476  (-56)*.  Il  eut  pour  suc- 
cesseur son  fils,  Jayàrjuna  Malla,  que  les  scribes  dési- 
gnent comme  prince  régnant  à  partir  de  484  (1363) 
jusquà  çaka  1297  (1376  J.-C,  vendredi  22  février). 
Vers  503  (1383  J.-C.)  «  la  volonté  des  dieux  le  préci- 
pitait du  (rône  ».  Vaincu,  il  cédait  la  place  à  un  rival 
plus  heureux,  Jaya  Sthiti  Malla.  Avec  ce  prince  s'ouvre 
une  phase  nouvelle  de  Thistoire  népalaise.  L'époque  de 
l'anarchie  féodale  est  achevée  ;  une  succession  régu- 
lière de  princes  légitimes  va  désormais  gouverner  les  trois 
capitales. 

La  généalogie  réelle  de  Jaya  Sthiti  a  été  falsifiée  systé- 
matiquement par  ses  descendants,  en  vue  de  la  rattacher 
par  une  filiation  directe  à  la  famille  des  Simha.  Jaya  Sthiti 
devient  ainsi  l'héritier  légitime  du  pouvoir,  et  surtout  le 
rejeton  authentique  d'une  dynastie  brahmanique,  aussi 
réputée  pour  sa  pureté  que  pour  son  orthodoxie.  Le  pro- 
logue du  Mudita-kuvalayàçva  et  Kirkpatrick  rapportent  la 
même  généalogie  : 

1.  Harisirpha  deva        (Hurr  singh  Deva  K.) 

2.  VallàrasitTiha  deva  (Bullàl  singh  K.) 

3.  Deva  malla  deva      (Sri  Deo  Mull  K.) 

4.  Nàga  malla  deva      (Này  muU  K.) 

5.  Açoka  malla  deva    (Assoke  mull  K.) 

Les  chroniques  modernes  (W.  V.  Bh.)  adoptent  une 
autre  combinaison.  Elles  prennent  pour  point  de  départ  le 
dernier  descendant  de  Harisimha  au  Népal,  Çyàma  Simha 
deva,  qui  est  postérieur  en  fait  à  Jaya  Sthiti  ;  et  elles  repré- 
sentent le  premier  ancêtre  connu  de  Jaya  Sthiti  comme  le 


1.  LiEBiCH,  Gôtting.  Nachr.,  1895,  p.  313.  Ms.  du  Càndra-vyàkarana  : 
sarpvat  476  phâlguna  çukla  daçamyàip  çukravâsare  ârdrâ  naksatrc  râjâ- 
dhirâja  paramervaraparamabhattâraka  çrï  çrî  Jayarâjadevasya  vijarâje. 
La  date  correspond,  naks.  compris,  au  vendredi  12  février  1356. 


HISTOIRE    DU   NÉPAL  233 

gendre  de  Çyàma  Simha.  Elles  établissent  ainsi  la  filiation 
de  Jaya  Sthili  : 

1.  Harisimha  deva 


4.  Çyàma  sitpha  deva 

I 

une  fille  mariée  à  5.  Jayabhadra  malla  15  ans. 


6. 

Nàga  malla 

15  ans. 

7. 

Jayajagat  malla 

11  ans. 

8. 

Nàgendra  malla 

10  ans. 

9. 

Ugra  malla 

15  ans. 

10. 

Açoka  malla 

19  ans. 

Réels  OU  fictifs,  ces  ancêtres  sont  pratiquement  inconnus. 
La  première  liste,  plus  vraisemblable,  tourne  court  après 
Vallàra  Simha,  et  substitue  brusquement  les  Mallas  aux 
Sirnhas.  Le  nom  de  Ballàra  ou  Vallàra  peut  être  authen- 
tique ;  sous  la  forme  dialectale  de  Ballàla,  il  est  fort  à  la 
mode  dans  les  familles  royales  du  Dekkhan  (Yàdavas, 
Çilàhàras,  Hoysalas)  au  cours  du  xn*  et  du  xni*  siècle  ;  le 
transport  de  ce  nom  au  Népal  ne  serait  qu'un  indice  de 
plus  des  rapports  déjà  signalés  entre  le  Népal  etTInde  du 
Sud.  Nâga  malla  et  Açoka  malla  paraissent  sur  les  deux 
listes.  Açoka  Malla  passe  pour  avoir  régné  sur  Patan  et 
Bhatgaon. 

En  fait  Jaya  Sthiti  était  bien  alhé  aux  Simha,  mais  seule- 
ment par  le  mariage.  Il  avait  épousé  Ràjalla  devî,  la  fille  de 
Nâyaka  devî  et  de  Jagat  Sirnha,  et  cette  union,  rappelée 
plusieurs  fois  avec  une  sorte  d'orgueil  \  le  désignait  comme, 
Fhéritier  légitime  des  deux  grandes  familles  royales.  Les 
chroniques  lui  donnent  43  ans  de  règne  ;  mais  les  docu- 
ments positifs,  inscriptions  et  manuscrits,  ne  couvrent 
qu'un  intervalle  de  14  ans,  depuis  500  N.  S.  (1380  J.-C.) 

1.  «  Ràjalla  devî  pâli  »,  Inscrp.  16  de  Bhagvanlal,  et  aussi  dans  un 
ms.  daté  de  500  (1380),  d'après  Bendall,  Journ.  As,  Soc.  Beng.,  1903, 
p.  14. 


234  LE    NÉPAL 

jusqu'à  514  (1394);  c'est  la  période  même  où  la  cour  de 
Chine  échange  une  série  de  politesses  diplomatiques  avec 
Ma-la-na  lo-mo.  L'œuvre  accomplie  par  Jaya  Sthili  atteste 
pourtant  la  réalité  et  l'étendue  de  son  pouvoir  :  digne 
continuateur  de  Harisimha,  il  organisa  définitivement  la 
société  sur  le  type  brahmanique  ;  assisté  de  pandits  hindous, 
il  fixa  dans  des  cadres  durables  les  castes  et  les  classes  (I, 
229  sqq.).  C'est  lui  aussi  qui  dota  le  Népal  d'un  système 
de  poids  et  de  mesures  (I,  298).  Longtemps  déchiré  par 
des  guerres  civiles,  le  royaume  semble  renaître  sous  la. 
tutelle  intelligente  de  ce  prince.  Il  avait  voué  à  Râma  un 
culte  passionné  ;  il  lui  éleva  une  statue,  ainsi  qu'à  Kuça  et 
Lava,  les  fils  du  héros.  A  l'occasion  de  la  naissance  de  son 
premier  fils,  il  fit  représenter  les  Aventures  de  Ràma  (Bàla- 
Râmàyana)  ;  pour  une  autre  cérémonie  en  l'honneur  de 
l'héritier  présomptif,  un  poète  de  sa  cour  composa  un 
drame  consacré  à  Râma*.  Dans  le  prologue  de  ce  drame, 
JayaSthiti  reçoit  le  titre  de  Daitya-Nàrâyana  ;  une  inscrip- 
tion de  512  (1492  J.-C.)*  y  substitue  la  variante:  Asura- 
Nàràyana.  Le  second  fils  de  JayaSthiti,  Jyotir  Malla,  porte 
dans  le  même  prologue  le  titre  de  Râla  Nâràyana  ;  plus 
tard,  parvenu  au  pouvoir  impérial,  il  reprend  à  son  compte 
le  titre  paternel  :  DaityaNàrâyana  (Bhagv.  Inscr.  16).  Cette 
évocation  de  Nâràyana  peut  sembler  naturelle  au  Népal, 
où  Visnu  est  surtout  honoré  sous  ce  nom  (1,  366);  mais  à 
la  même  époque,  les  appellations  de  ce  type  foisonnent  à 
Tentour  de  la  vallée.  A  Nayakot,  un  ràja  local  se  qualifie 
de  Vira  Nàrâyana-avalamsa  (Camb.  Add.  1 1 08).  Au  Tirhout, 
les  descendants  de  Harisimha  joignent  presque  tous  à  leur 
nom  le  nom  de  Nâràyana  :  Narasimha  s'intitule  Darpa- 
Nàràyana  ;    Dhira   Simha,    Hrdaya  Nâràyana  ;    Rhairava 


1.  Abliinava   Uà^havànanda  par  Manika.  Cambridge,  Add.    1658. 

2.  BtNDALL,  Journejjy  Inscr.  IX. 


HISTOIRE    DU    NÉPAL  235 

Simha,  Hari  Nârâyana.  La  petite  dynastie  des  Simha  de 
Champaran  suit  la  même  pratique  ;  Madana  Simha,  en 
1453,  s'intitule  Daitya  Nârâyaria,  tout  comme  Jaya  Sthiti 
lui-même.  Au  xvi*  et  au  xvn*  siècle,  la  famille  royale  de 
Bihar  est  une  succession  continue  de  Nùrâyanas  :  Nara- 
Nârâyana,  Laksmî-Nâràyana,  Vîra-Nârâyana,  etc.  (Bhagv. 
Inscr.  18).  Toutes  ces  dynasties  rayonnent  autour  de  Hari- 
simha  ;  la  communauté  des/y//W«^^marquaitla  communauté 
d'origine  ;  Jaya  Sthiti  n'a  pas  manqué  celte  occasion  d'affir- 
mer une  parenté  qui  lui  faisait  honneur.  Son  culte  à  Ràma 
s'inspirait  sans  doute  des  mêmes  prétentions.  En  outre, 
Jaya  Sthiti  est  le  premier  à  se  donner  pour  le  protégé  de 
la  déesse  Mâneçvarî',  qui  reste  après  lui  la  protectrice 
officielle  des  Mallas. 

Jaya  Sthiti  eut  de  Ràjalla  devî  trois  fils^  :  Dharma  Malla, 
Jyotir  Malla  et  Kîrti  Malla.  ils  exercèrent  le  pouvoir  en- 
semble de  1398  h  1400.  Mais  entre  la  mort  de  leur  père  et 
leur  commun  avènement,  la  signature  d'un  manuscrit  ré- 
vèle en  N.  S.  516  (1395-96)  le  règne  ou  la  régence  d'un 
personnage  nommé  Jayasimha  Ràma.  in  des  documents 
de  Bendall  (V^  Bd.)  mentionne  trente  ans  plus  tôt,  à  la  date 
de  N.  S.  486,  un  personnage  du  même  nom  à  côté  du  roi 
Jayârjuna.  En  507  (1387),  un  Jayasimha  Râma  accom- 
pagne Jaya  Sthiti  et  sa  famille  h  la  procession  de  Matsyen- 
dra  Nàtha,  à  Bugama.  Le  terme  Jaj/a  n'est  qu'un  titre, 
analogue  à  fW  par  exemple,  devant  le  nom  personnel.  Les 
éléments  simha  elmma  rappellent  nécessairement  les  rois 
Simha  de  l'époque,  décorés  l'un  et  l'autre  du  titre  de  Râma 
(Lama)  :  Madana  Sirnha  Râma  et  Çakti  Simha  Râma.  Les 
textes  chinois  montrent  que  ces   princes  exerçaient  un 


1.  Id,,  ib. 

2.  Ils  sont  oxallés  tous  les  trois  dans  une  inscription  (date  effacée) 
que  j'ai  relevée  à  Deo  l^atan,  et  qui  commémore  l'établissement  d'une 
fontaine  en  souvenir  de  leur  mère. 


236  LE    NÉPAL 

pouvoir  effectif  au  Népal  ;  on  ne  saurait  donc  s'étonner  de 
les  voir  paraître  dans  des  cérémonies  officielles  à  côté  des 
rois  indigènes,  ni  de  voir  l'un  d'eux  occuper  le  trône  dans 
une  période  de  transition. 

Les  trois  fils  de  Jaya  Sthili  résidaient  à  Bhatgaon  ;  ils  ne 
s'étaient  donc  pas  partagé  le  royaume  ;  ils  le  gouvernaient 
de  compagnie.  Dharma  Malla  est  pourtant  nommé  seul 
dans  une  inscription  de  Palan,  qui  lui  donne  à  la  fois  le 
titre  d'héritier  présomptif  {yuvarâjà)  et  la  fonction  de 
prince  régnant  {mjaya'râjyè)  en  N.  S.  523  (1403)*.  Huit 
ans  plus  tard,  le  cadet,  Jyotir  IVIalla,  est  nommé  seul  dans 
une  signature  de  scribe  (Camb.  Add.  1649)  et  il  y  reçoit 
les  titres  impériaux.  Une  inscription  officielle  (à  Paçupati, 
Bhagv.  16)  de  l'année  suivante  (15  janvier  1413)  montre 
en  effet  Jyotir  Malla  seul  maître  de  l'empire. 

Ses  mérites  justifiaient  son  succès,  si  l'on  en  croit  le 
panégyriste  à  gages  :  «  Les  princes  de  la  terre,  prosternés 
par  myriades,  illuminaient  ses  pieds  roses  comme  déjeunes 
pousses  ;  l'étude  des  maîtres  tels  que  Cânakya  [le  Machia- 
vel hindou]  l'avait  purifié  ;  les  sciences  politiques  étaient 
déposées  en  lui,  perles  dans  un  océan  ;  il  était  passé  maî- 
tre dans  l'art  musical  ;  Çiva  n'avait  pas  de  dévot  plus  ar- 
dent ;  la  race  de  Raghu  épanouissait  sa  forêt  de  lotus  sous 
les  rayons  de  cet  unique  soleil  ;  toute  sa  nature  allait  à 
propitier  les  dieux,  les  brahmanes,  les  gurus  ;  tout  son 
esprit,  à  acquérir  les  six  doctrines  philosophiques  ;  tous 
les  nécessiteux  trouvaient  chez  lui  l'Arbre-aux-Souhaits.  » 
Il  rappelait  si  bien  les  mérites  de  son  père  qu'il  a  fini  par 
se  confondre  avec  lui.  Kirkpatrick,  qui  ne  connaît  de  Jaya 


1.  Bemull,  Journ.  As.  Soc.  Beng.,  1903,  p.  15.  Le  texte  dévanagari 
imprimé  à  la  note  2  donne  513,  et  non  523.  Mais  la  vérification  montre 
qu'il  s'agit  bien  du  «  mercredi  18  mai  1403  »  qui  donne  la  correspon- 
dance exacte  du  jour  de  la  semaine,  du  naksatra  (Revatl)  et  du  yoga 
(Âyusmat)  de  vaiçàkha  badi  10,  N.  S.  523. 


HISTOIRE    DU   NÉPAL  237 

Sthiti  Malla  que  le  nom  (altéré  par  Timpression  en  Jestily 
MuU),  raconte  que  «  Jeit  MuU  (Jyotir  Malla)  son  fils  oom- 
mença  par  distribuer  des  domaines  entre  ses  soldats  pour 
subvenir  à  Fentrelien  de  Tarmée  ;  puis  il  partagea  tout  le 
reste  des  terres  de  son  royaume  entre  ses  sujets,  et  par  un 
surcroît  de  bonté  il  les  déchargea  de  la  taxe  foncière  qu'on 
levait  avant  lui.  Il  établit  des  mesures  et  des  poids  régle- 
mentaires, et  agrandit  considérablement  la  ville  de  Bhat- 
gaon  où  il  résidait.  »  Inversement,  les  chroniques  (W.  V. 
Bh.)  ne  nomment  pas  Jyotir  Malla  ;  mais  elles  donnent  à 
Jaya  Sthiti  43  ans  de  règne,  englobant  ainsi  dans  un  seul 
total  les  années  du  père  et  celles  du  fils.  Elles  rapportent 
en  outre  que  JayaSthili  offritàPaçupati  unkalaça,  accom- 
pagné d'une  offrande  de  dix  mille  oblations  {koty  âhutï) 
le  10  mâgha  clair,  515.  L'inscription  de  Jyotir  Malla 
commémore  la  dédicace  à  Paçupati  d'un  kalaça  d'or, 
accompagné  d'une  offrande  de  cent  mille  oblations,  le 
13  mâgha  clair  533.  Le  fils  avait-il  suivi  l'exemple  du  père 
ou  les  Vamçâvalîs  ont-elles  dépouillé  le  fils  au  profit  du 
père? 

Tout  zélé  qu'il  était  pour  Çiva,  Jyotir  Malla  se  vante 
néanmoins  (Bhagv.  16)  d'avoir  restauré  le  cailya  de  Sva- 
yambhû  et  l'image  de  Dliarmadhâlu  Vàg  îçvarasurlemont 
Padmâcala,  à  côté  de  Syambu  Nath. 

Il  reste  un  monument  des  études  de  Jyotir  Malla,  le  Sid- 
dhi  sâra  (Camb.  Add.  1649).  C'est  un  ouvrage  «  qui  traite 
de  l'astrologie  et  des  saisons  favorables  »  d'après  l'analyse 
sommaire  de  M.  Bendall.  Outre  le  goût  ordinaire  des  Né- 
palais pour  ces  connaissances,  si  importantes  dans  la  pra- 
tique de  leur  vie,  une  sorte  d'harmonie  préétablie,  de  pré- 
destination semblait  y  vouer  Jyotir  Malla. /yo^w,  en  sanscrit, 
désigne  les  luminaires  célestes.  Dans  les  premiers  vers  de 
son  traité,  Jyotir  Malla  ne  manque  pas  de  souligner  le 
rapport  entre  son  nom  et  le  sujet  qu'il  a  choisi  :  «  Le  roi 


238  LE   NÉPAL 

JyoiUy  prince  Malla,  sage,  compose  le  Siddhi  sâra  pour 
développer  la  connaissance  desjt/oâs.  » 

Jyolir  Malla  fut  le  contemporain  des  derniers  descen- 
dants de  Hari  simhaau  Népal  :  Çakli  sirnlia  deva  et  Çyàma 
simlia  deva.  Ces  princes  lui  avaient  sans  doute  abandonné 
le  Népal  entier,  puisque  c'est  de  Palamchok,  à  l'Est  et  on 
dehors  de  la  vallée,  que  Çakti  simha  deva  envoyait  ses 
présents  à  l'Empereur  de  Chine. 

Jyotir  Malla  mourut  entre  1426  et  1428;  il  eut  pour 
successeur  son  fils  aîné.  Yaksa  Malla,  à  qui  il  avait  confié 
déjà  de  son  vivant  le  gouvernementdeBhatgaon(Bhagv.  16). 
Yaksa  Malla  semble  avoir  été  le  plus  puissant  de  tous  les 
rois  Mallas*  ;  d'après  Kirkpatrick  (qui  le  nomme  Ekshali 
Mull  ou  Kush  Mull)  «  il  annexa  h  ses  domaines  Morung, 
au  pied  des  montagnes,  leTirhoul,  et  mêmeGayâ;  à  TOuest 
il  conquit  Gourklia,  et  au  Nord  il  prit  Sikharjong  ou  Digar- 
chi  aux  Tibétains.  En  outre  il  soumit  les  ràjas  rebelles  de 
Patan  et  de  Katmandou  ».  Ainsi,  même  après  Jaya  Sthiti 
et  Jyotir  Malla,  deux  des  trois  capitales  du  Népal  restaient 
encore  à  peu  près  indépendantes.  Favorable  aux  brah- 
manes comme  l'avaient  été  son  père  et  son  grand-père,  il 
confia  le  culte  de  Paçupati  à  des  Bhallas  venus  du  Sud  de 
rinde.  FI  éleva  le  temple  de  Dallàtreya,  à  Bhatgaon,  et  en- 
toura cette  ville  d'un  mur.  11  mourut  vers  1480,  après  un 
règne  d'environ  50  ans  (43  ans  W.  V.). 

Avant  de  mourir,  une  bonté  malencontreuse  ou  une  sa- 
gesse illusoire  l'avait  décidé  à  opérer  lui-même  le  démem- 
brement de  son  empire  ;  il  en  forma  quatre  royaumes, 
destinés  h  s'entre-dévorer.  RAya  (ou  Râma)  Malla,  l'aîné 
dos  fils,  reçut  Bhatgaon  avec  un  territoire  que  bornait  à 
l'Ouest  la  Bagmati,  h  l'Est  la  ville  de  Sanga,  au  Nord,  la 

1.  Rkndall,  loc.  laud.y  p.  16,  menlionne  un  ouvrage  d'après  lequel 
a  Ynksa  Malla  poussa  jusqu'au  Majjadha,  en  conquérant  Mithilâ,  et 
parilia  tout  le  Népal  «'ii  subjuguant  les  ràjas  des  montagnes  ». 


HISTOIRE    DU   NÉPAL  239 

ville  et  la  passe  de  Kuli,  au  Sud  la  forêt  de  Medini  Mail. 
Rana  Malla,  le  second,  eut  la  principauté  de  Banepa,  limi- 
tée au  Nord  par  Sangachok,  à  TOuest  par  Sanga,  au  Sud 
par  la  forêt  de  Medini  Mail,  à  TEst  par  la  rivière  Dudh  Kusi. 
Mais  cette  principauté  n'eut  qu'une  existence  éphémère;  au 
bout  de  deux  ou  trois  générations,  la  maison  de  Bhalgaon 
s'empara  de  Banepa,  qu'elle  dut  céder  ensuite  à  la  maison 
de  Katmandou. 

Ratna  Malla,  le  troisième  fils,  reçut  Katmandou,  avec 
une  principauté  bornée  à  TEst  par  la  Bagmati,  à  l'Ouest 
par  laTirsul  (îanga,  au  Nord  par  les  montagnes  de  Nil- 
kantli,  au  Sud  par  les  domaines  de  Patan. 

Patan  aurait  été,  d'après  certains  récits,  donné  par 
Yaksa  Malla  a  sa  fille,  avec  un  territoire  limité  au  Sud  par 
la  forêt  de  Medini  Mail,  à  l'Ouesl  par  les  monts  de  Lama- 
danda,  à  l'Est  par  la  Bagmali  et  au  Nord  parle  royaume  de 
Katmandou.  Mais  Patan  et  son  territoire  revinrent  bientôt 
à  la  maison  de  Katmandou,  et  n'en  furent  détachés  à  nou- 
veau qu'au  début  du  xvii'  siècle  pour  former  un  royaume  à 
part. 

Royaume  de  bhatgaon. 

L'histoire  des  premiers  rois  de  Bhatgaon  n'est  connue 
que  par  le  maigre  récit  des  Vamçâvalîs.  Raya  Malla  (ou 
Râma)  régna  15  ans  ;  mais  ce  chiffre,  régulièrement  attri- 
bué à  chacun  des  successeurs  de  Raya  Malla  jusqu'à  Na- 
rendra  Malla,  est  de  pure  fantaisie  ;  des  synchronismes 
positifs  en  démontrent  la  fausseté. 

Suvarna  Malla  (ou  Bhuvana  Malla)  prit  Banepa.  Outre 
Bhatgaon,  il  possédait  dans  la  vallée  Timi,  Nakdés,  Budé, 
Sanku  et  Châgu. 

Prâna  Malla  (1 5  ans  ;  21  ans,  V.)  règne  d'abord  en  com- 


240  LE    NÉPAL 

pagnie  de  Jila  iMalla  enlre  1524  et  1533;  puis  il  exerce 
seul  le  pouvoir. 

Viçva  Malla  (Visnu  Malla.  V.  ;  Bessou  Mull,  K.)  inslalla 
des  Nârâyanas  autour  de  Paçupati,  après  en  avoir  référé 
au  roi  de  Katmandou  ;  il  éleva  un  temple  de  trois  étages  à 
Datlâtreya,  lui  donna  des  terres,  et  le  remit  aux  Samnyà- 
sis,  pour  lesquels  il  bâtit  un  collège  {malha).  Icangu  Nârà- 
yana  fut  enseveli  sous  un  éboulemenl  de  rochers. 

Trailokya  Malla,  appelé  aussi  Tribhuvana  Malla,  fils  de 
Viçva  Malla  et  de  Gaiigadevî,  annexa  à  son  royaume  les 
possessions  de  la  maison  de  Banepa.  Les  inscriptions  de 
son  règne  vont  de  1572  à  1585. 

Jagaj  jyotir  Malla  institua  la  procession  du  char  d\\di 
Bhairava  à  Khatgaon  et  à  Timi  ;  un  jour  qu'il  jouait  aux 
dés  avec  la  déesse  Tulajà,  il  lui  passa  par  l'esprit  une  pen- 
sée impure,  et  la  déesse  disparut,  il  arriva  aussi  sous  son 
règne  que  du  grain  de  maïs  fut  introduit  de  TEst  dans  le 
pays,  mêlé  avec  des  pois  chiches.  Les  sages  du  royaume 
consultés  déclarèrent  que  ce  grain-là  amènerait  la  famine, 
et  qu'il  valait  mieux  le  renvoyer  d'où  il  venait.  Puis,  pour 
conjurer  le  mauvais  présage,  on  rendit  hommage  aux  dieux 
et  on  donna  à  manger  à  des  brahmanes  (W.)\ 

Les  manuscrits,  en  même  temps  qu'ils  donnent  des  dates 

1.  (îo  m*il  de  la  Vaniçàvall  bouddhique  est  le  pendant  saisissant  d*un 
r^ril  do  lliouen-lsang.  Le  pèlerin  chinois,  pour  traverser  l'Indus  en  re- 
tournanl  vers  la  (4hine,  avait  chargé  sur  un  bateau  les  manuscrits  et 
leM  graines  de  tleurs  rares  qu'il  rapportait  de  Tlnde.  Mais  une  tempête 
N'éleva,  el  le  bateau  fut  si  violenmient  secoué  que  cinquante  manuscrits 
Ne  piM'direnl  el  toutes  les  graines  de  fleui"s.  «  Le  i-oi  de.Kapiça...  alla 
lui  MH>nie  au  devanl  de  lliouen-tsang  sur  le  bord  du  fleuve,  et  il  lui  dit: 
M  J'ai  appris,  vént^rable  maître,  qu'au  milieu  du  fleuve  vous  avez  perdu 
lieauct»up  de  livres  sacrés.  N'apporlez-vous  pas  aussi  des  graines  de 
IhMir?*  el  de  fruils  de  l'Inde?  »  —  «  J'en  apportais  en  efl'el  »,  répondit-il. 
l^'a  élé,  ajo»l»  \^  i'^»i.  Itt  ^'«"^e  unique  du  malheur  qui  vous  est  arrivé. 
hepuiH  l'antiquilé  jusqu'à  nos  jours,  lel  a  été  le  sort  des  personnes  qui 
*ml  voulu  Iravei-ser  le  fleuve  avec  une  collection  de  graines  de  fleurs  et 
k\ks  fruiU,  »(!'•('  de  Hiouen-lstang,  trad.  St.  Julien,  p.  263.) 


HISTOIRE   DU   NÉPAL  îii 

précises  (1617-1633)  pour  ce  prince,  nous  le  font  aussi  con- 
naître plus  intimement  \  Jagaj  jyotir  Malla,  en  véritable 
Népalais,  était  épris  de  musique,  de  danse  et  de  théâtre. 
Il  multiplia  ses  efforts  pour  se  procurer  dans  le  Sud  de 
rinde  un  exemplaire  du  Samgîla  candra  qui  traitait  de 
toutes  les  questions  relatives  à  Tart  dramatique  ;  il  Tétudia 
laborieusement,  en  compagnie  d'un  pandit  du  Tirhout, 
Vanga  mani,  et  avec  Taide  de  ce  savant  collaborateur,  il 
en  composa  un  commentaire,  le  Samgîta  bhâskara  «  le  So- 
leil des  arts  musicaux  ».  11  étudia  aussi  Touvrage  classique 
de  Bharata  sur  Tart  théâtral,  les  chapitres  de  TAgni  Pu- 
râna,  le  traité  (inconnu)  de  Vipra  dâsa  et  résuma  ses  lec- 
tures dans  le  Samgîta  sâra  samgraha  «  la  Quintessence 
des  Arts  musicaux  en  abrégé  ».  La  musique  était,  au  reste, 
une  passion  de  famille.  Le  fils  d'une  fille  de  Jagaj  jyotir 
Malla,  Ananta,  fit  composer  par  Ghana  çyâma  un  commen- 
taire sur  la  Hasta  muktâvalî  «  le  Collier  de  Pierreries  des 
mains  »  qui  traite  des  attitudes  expressives  ;  le  commen- 
taire de  Ghana  çyâma  était  destiné  à  l'instruction  du  fils 
d'Ananla. 

Jagaj  jyotir  Malla  ne  négligea  pas  non  plus  Tart  erotique 
si  important  dans  la  littérature  sanscrite  ;  il  choisit  comme 
texte  d'études  le  Nâgaraka  sarvasva  «  le  Trésor  d'urba- 
nité »  composé  par  un  moine  bouddhiste,  Padmaçrîjnâna, 
qui  avait  reçu  les  leçons  du  brahmane  Vâsudeva  ;  pour 
compléter  l'enseignement  légué  par  ces  deux  véné- 
rables maîtres,  le  roi  composa  un  commentaire  de  l'ou- 
vrage. 

Mais  Jagaj  jyotir  Malla  ne  se  contenta  pas  d'étudier  la 
théorie  du  théâtre  ;  il  prétendit  mettre  en  œuvre  les  con- 
naissances qu'il  avait  péniblement  acquises.  En  1628,  il 


1.  Sur  ces  ouvrages  de  Jagaj  jyotir  Malla,  v.   Haraprasad,  Report, 
1901,  p.  10  et  11. 

II.  —  16 


242  LE    iNÉPAL 

composa  un  drame,  le  Mudila  Kuvalayâçva  \  que  j'ai  déjà 
cité  plusieurs  fois  pour  les  renseignements  historiques  du 
prologue.  La  pièce  ne  reproduit  pas  le  type  classique  delà 
comédie  héroïque  {ndtaka)  consacré  par  Kfilidâsa  et  Bha- 
vabhûti  ;  c'est  une  sorte  d'opéra  où  les  vers  seuls  sont  fixés  ; 
les  parties  de  prose  sont  abandonnées  à  Timprovisation  des 
acteurs.  La  langue  n'en  est  ni  le  sanscrit,  ni  le  pràcrit  des 
grammairiens,  mais  la  langue  populaire  relevée  de  mots 
sanscrits.  L'élément  principal  est,  comme  on  pouvait  s'y 
attendre,  le  chant  et  la  mélodie.  L'année  suivante,  en 
1629,  à  l'occasion  d'une  éclipse  qui  se  produisit  le  21  juil- 
let, le  royal  écrivain  fit  jouer  un  autre  drame  de  sa  façon, 
le  Hara  gaurî  vivâha  ^  «  le  mariage  de  Çiva  et  de  Devî  »  ; 
c'est  également  une  espèce  d'opéra,  du  même  caractère 
que  le  Mudita  Kuvalayâçva. 

Narendra  Malla  (21  ans)  manque  à  V. 

Jagat  prakâça  Malla  (21  ans)  se  piquait  de  littérature, 
comme  son  contemporain  le  roi  de  Katmandou  Pratâpa 
Malla.  11  composa  cinq  hymnes  en  l'honneur  de  Bhavânt  et 
les  fit  graver  sur  une  pierre,  en  1662.  11  composa  aussi  des 
hymnes  en  l'honneur  de  Garuda  dhvaja  «  le  dieu  qui  a  Ga- 
ruda  pour  étendard  »,  Visnu.  Il  se  qualifie  lui-même  dans 
une  inscription  datée  de  1667,  de  «  maître  es  arts  et  es 
sciences  ».  Il  construisit  un  ghat  sur  la  rivière  Hanumali, 
à  l'Kst  de  Bhatgaon,  et  éleva  divers  monuments.  C'est  lui 
que  le  P.  Grueber  {stip.  I,  84  et  88)  désigne  dans  sa  rela- 
tion sous  le  nom  de  Varkam. 

Jilàmitra  Malla  (21  ans)  fut  un  grand  constructeur  de 
temples  et  d'édifices  religieux.  Une  monnaie  frappée  à  son 
nom  porte  la  date  de  1663,  du  vivant  de  son  père;  les 
chroniques  relatent  des  fondations  pieuses  de  ce  roi  en 

1.  Analysé  <lans  h»  Katalog  der  Bibliothek  der  Deutschcn  Morgen- 
làndischcn  (rescUschafl,  vol.  U;  ins.  n®  6. 

2.  Cambridge,  Add.  i695. 


HISTOIRE    DU   NÉPAL  243 

1682  et  1683.  Jilâmitra  Malla  avait  composé  un  drame, 
TAçva  medha  nàtaka,  dont  il  avait  emprunté  le  sujet  au 
Jaimini  Bhârata\ 

Bhûpatîndra  Malla  (34  ans)  est  Fauteur  des  deux  monu- 
ments les  plus  beaux  de  Bhatgaon  :  le  Darbar  (Palais  Royal) 
et  le  Temple  à  Cinq  Étages.  Le  darbar,  qui  subsiste  encore, 
a  99  cours  ;  la  cour  principale  a  une  porte  dorée,  que  tous 
les  voyageurs  ont  célébrée  pour  sa  richesse  et  sa  beauté.  A 
Tune  des  55  fenêtres  du  palais,  le  roi  avait  fait  enchâsser 
comme  une  curiosité  exposée  à  l'admiration  de  ses  sujets, 
un  morceau  de  verre  qu'un  Hindou  de  la  plaine  lui  avait 
offert  en  présent.  Le  darbar  fut  achevé  en  1697.  Le  Tem- 
ple aux  Cinq  Étages^  était  destiné  à  loger  une  divinité  se- 
crète du  Tantrisme,  qu'aujourd'hui  encore  on  ne  montre  à 
personne.  Pour  stimuler  le  zèle  des  ouvriers,  le  roi  donna 
l'exemple  en  apportant  lui-même  trois  briques;  et  l'entrain 
fut  tel  que  dans  l'espace  de  cinq  jours  tous  les  matériaux 
furent  rassemblés.  Le  couronnement  {cùdâ  manï)  du  tem- 
ple fut  posé  en  1703.  Le  règne  de  Bhûpatîndra  Malla  sem- 
ble se  terminer  en  1721  ;  au  cours  de  cette  année  il  dédie 
encore  une  cloche  à  Vatsalâ  Devî  ;  en  1722,  une  monnaie 
porte  déjà  le  nom  de  Rana  jit  Malla. 

Le  nom  de  Rana  jit  Malla  est  si  étroitement  mêlé  aux 
événements  qui  amenèrent  l'invasion  et  la  conquête 
Gourkha,  qu'il  est  préférable  de  réserver  le  récit  de  son 
règne. 

Royaume  de  Katmandou. 

Ratna  Malla,  le  troisième  fils  de  Yaksa  Malla,  qui  reçut 
pour  sa  part  le  royaume  de  Katmandou,  était  actif,  re- 
muant, ambitieux,   sans   scrupules.    La  légende  raconte 

1.  Haraprasai),  Reporlj  1901,  p.  18. 

2.  V.  la  photographie,  l,  p.  373. 


^44  LE   NÉPAL 

qu'il  ourdit  une  ruse  savante  pour  recevoir  de  son  père 
mourant  la  formule  mystérieuse  d'invocation  à  Tulajâ  devî, 
réservée  légalement  à  Taîné  de  la  famille.  Désigné  pour 
régner  sur  Katmandou,  il  lui  restait  encore  à  prendre  pos- 
session de  son  trône  ;  si  la  ville  avait  reconnu  Yaksa  Malla 
pour  suzerain,  douze  Thakuris  en  étaient  les  maîtres  effec- 
tifs, comme  au  temps  de  Hari  Simha  deva.  Ratna  Malla 
s'en  débarrassa  par  le  poison.  Les  Thakuris  de  Nayakot, 
pour  affirmer  leur  indépendance,  donnèrent  Tordre  de 
repeindre  la  statue  de  la  déesse  Râjyeçvarî  sans  lui  en  de- 
mander l'autorisation  préalable  ;  il  leur  déclara  la  guerre 
et  les  battit  en  1491,  et  pour  consacrer  son  triomphe  il 
rapporta  de  Nayakot  un  monceau  de  fleurs  et  de  fruits 
qu'il  offrit  à  Pagupati.  Les  Tibétains  appelés  Kuku,  et  d'au- 
tres encore  du  pays  de  Deva  dharma  (Bhoutan)  l'attaquè- 
rent à  leur  tour  ;  mais  quatre  brahmanes  du  Tirhout  déci- 
dèrent le  roi  de  Palpa,  leur  disciple,  à  secourir  Ratna 
Malla  ;  les  Tibétains  furent  mis  en  déroute  à  Kuku-syânâ- 
jor.  Les  brahmanes  furent  récompensés  par  des  donations 
de  terres.  Allié  avec  les  brahmanes  contre  l'aristocratie 
qui  s'appuyait  sur  le  bouddhisme  indigène,  il  nomma  prê- 
tre de  Paçupati  un  svàmin  venu  du  Dekkhan  et  nommé 
Soma  Çekharânanda.  Les  Névars  furent  relégués  à  des 
emplois  secondaires  dans  l'administration  du  temple. 
Poursuivant  le  travail  de  fusion  hindoue  qui  s'opérait  de- 
puis l'invasion  Karnàtaka,  Ratna  Malla,  sur  les  avis  du 
svàmin  qu'il  avait  pris  pour  guru,  prétendit  reconnaître  et 
montrer  dans  Adi-Buddha  une  forme  de  Devî. 

Possesseur  des  mines  de  cuivre  de  Tàmbâ  Khànî,  dans 
la  vallée  de  Chitlong  au  Sud  du  Népal,  Ratna  Malla  fit  frap- 
per des  «  paisàs  »  pour  remplacer  les  anciennes  pièces 
dénommées  suki  ou  sukicàs  qui  valaient  huit  fois  plus. 
L'accroissement  des  transactions  imposait  sans  doute  la 
création  d'une  petite  monnaie. 


HISTOIHE    DU   NÉPAL 


C'est  SOUS  le  règne  de  Halna  Malla  qu'on  vit    paraître 
pour  la  première  fois  des  Musulmans  au  Ni^pal. 


Ratna  Malla  monrtit  aprfes  un  long  règne  (71  ans,  W. 
V.  B.).  Ileut  pour  successeur  Amara  Malla  (47  ans,  ib.). 
Araara  Malla  était  le  suzerain  de  26  villes  ou  bourgs  :  Pa- 
lan, Bandegaon,  Thecho,  Harsiddhi,  Lubliu,  Chapagaon, 


246  LE    NÉPAL 

Phirphing,  Bogmali,  Khokhna,  Panga,  Kirtipur,  Thankot, 
Balambu,  Salangal,  Halchok,  Phutum,  Dharmaslhali,  To- 
kha,  Chapaligaon,  Lelegram,  Chukgram,  Gokarn,  Deo  Pa- 
lan, Nandigram,  Namsal,  Maligram.  Sa  résidence  était 
à  Katmandou.  Il  possédait  donc  toute  la  moitié  occiden- 
tale de  la  vallée.  Intéressé  au  passé,  il  voulut  connaître 
l'origine  des  villes  dont  il  était  maître,  et  ordonna  de  re- 
cueillir les  traditions  courantes;  malheureusement  le  dos- 
sier de  l'enquête  n'est  pas  parvenu  jusqu'à  nous. 

Amara  Malla  paraît  avoir  été  grand  amateur  de  danses. 
Il  en  institua  ou  en  réforma  un  grand  nombre,  dans  toute 
l'étendue  de  ses  domaines.  Il  créa  aussi  de  nouvelles  pro- 
cessions de  char. 

Sûrya  Malla  (8  ans)  prit  Changu  NarayanetSanku  au  roi 
de  Bhatgaon.  Adorateur  dévot  de  Vajra  yoginî  de  Sanku, 
il  alla  s'installer  près  d'elle,  dans  sa  ville,  et  institua 
une  procession  en  son  honneur.  Il  resta  six  ans  à  Sanku, 
puis  rentra  à  Katmandou,  où  il  mourut. 

Narendra  Malla  (5  ans)  ;  deux  documents  tracés  sous 
son  règne  portent  la  date  de  653  (1533  J.-C.)  et  de  671 
(1551).  Les  quatre  premiers  règnes  couvrent  donc  en  réa- 
lité un  peu  plus  d'un  demi-siècle. 

Mahendra  Malla  (21  ans)  a  perpétué  son  nom  par  sa 
monnaie  dans  le  Népal  et  les  pays  voisins.  Les  Vamçàvalîs 
racontent  qu'il  alla  lui-même  rendre  hommage  à  l'Empe- 
reur de  rinde  (Padshah)  h  Delhi,  et  qu'il  lui  apporta  en 
présent  un  cygne  tout  blanc  et  des  faucons.  L'Empereur 
en  fut  si  content  qu'il  lui  donna  l'autorisation  de  frapper  à 
son  nom  des  pièces  appelées  mohar  et  pesant  six  màsas. 
L'histoire  est  au  moins  suspecte.  Le  règne  de  Mahendra 
Malla  tombe  en  elTel  entre  1550  et  1570,  dans  une  période 
011  le  trùne  de  Delhi  est  violemment  ébranlé.  Le  Mogol 
Houmayoun,  battu  à  IJaxar  par  l'Afghan  Sher  Khan  (1539) 
s'enfuit  de  l'Inde  ;  et  son  vainqueur  prend  la  couronne 


HISTOIRE    DU    NÉPAL  247 

impériale  sous  le  nom  de  Sher  Shah  (1540-1545)  ;  les  suc- 
cesseurs de  Sher  Shah  s'épuisent  à  des  guerres  intestines  ; 
Houmayoun  revient,  reprend  Delhi  (1555)  et  meurt  six 
mois  après.  Son  fils  Akbar  est  mineur;  il  n'exerce  person- 
nellement le  pouvoir  qu'à  partir  de  1560,  et  passe  d'abord 
sept  ans  à  réduire  les  séditions  qui  éclatent  de  toutes  parts. 
Les  mohars  d'argent  frappés  par  Mahcndra  Malla  reçu- 
rent le  nom  de  Mahendra  Mallly  et  les  pièces  que  tous  les 
souverains  du  Népal  continuèrent  ensuite  à  frapper  sur  ce 
type  conservèrent  ce  nom.  La  valeur  en  est  de  huit  annas  ; 
elles  reproduisent  exactement  la  demi-roupie  musulmane. 
L'argent  dont  on  les  fabrique  vient  de  Chine  en  lingots 
timbrés.  La  mahendra  mallî  constituait  une  monnaie 
d'usage  facile,  dans  les  transactions  entre  l'Inde  et  le  Né- 
pal, puisqu'elle  empruntait  l'étalon  monétaire  des  musul- 
mans, accepté  déjà  dans  toute  l'Inde.  Mais  elle  dut  sur- 
tout son  succès  à  son  adoption  par  les  Tibétains  ;  le  Tibet 
qui  n'avait  pas  de  monnaie,  sauf  celle  qui  lui  venait  de  la 
Chine,  accueillit  avec  faveur  les  mohars  népalais,  qui  res- 
tent encore  la  monnaie  courante  du  pays  ;  ils  circulent  soit 
entiers  et  intacts,  soit  en  fractions  soigneusement  décou- 
pées, par  moitiés,  par  quarts  ou  parhuitièmes\  Mahendra 
Malla,  qui  avait  vu  clairement  quel  profit  il  pouvait  tirer  de 
sa  monnaie,  lui  donna  un  caractère  à  demi  népalais,  à 
demi  tibétain.  Au  dire  de  Kirkpatrick,  les  anciennes  ma- 
hendra malHs  portaient  à  la  face  une  représentation  de 
Lhasa,  et  au  revers  le  nom,  le  titre  et  les  emblèmes  du 
souverain  de  Katmandou  '\  Mais  une  monnaie  figurée  dans 
la  Missio  Apostohca  porte  simplement  à  la  face  l'effigie  du 
roi,  et  au  revers  un  cheval  tourné  vers  sa  gauche  et  retour- 


1.  Markham,  Tibety  p.  129  n.  et  cf.  Grenart,  Le  Tibet,  Paris,   1904, 
p.  307. 

2.  Kirkpatrick,  p.  217  sq.  ;  cf.  Hamilton,  p.  215, 


248  LE   NÉPAL 

nant  la  tête  *.  Le  roi  de  Katmandou  avait,  comme  emblème 
monétaire,  le  sabre  ;  celui  de  Patan,  le  trident;  celui  de 
Bhatgaon,  la  conque. 

Mahendra  Malla  rendit  visite  h  Trailokya  Malla,  roi  de 
Bhatgaon,  et  pendant  son  séjour  un  désir  le  hantait  d'élever 
à  Tulajâ  dovî  dans  sa  capitale  un  temple  aussi  beau  que 
celui  de  Bhatgaon.  Le  choix  d'un  plan  convenable  Tarrêta 
longtemps;  enfin  un  Samnyàsi  vint  au  secours  des  archi- 
tectes, et  le  temple  fut  achevé  en  1549".  C'est  à  partir  de 
ce  moment-là  qu'il  fut  permis  de  construire  h  Katmandou 
des  maisons  élevées.  Mahendra  Malla  s'eflbrga  d'attirer  de 
nombreuses  familles  à  Katmandou  en  leur  donnant  des 
maisons  et  du  terrain. 

Le  fils  de  Mahendra  Malla,  Sadâ  çiva  Malla  (10  ans)  se 
rendit  intolérable  par  sa  luxure  et  sa  tyrannie.  Passionné 
de  chevaux,  il  laissait  tranquillement  les  bêtes  de  son  écurie 
paître  les  récoltes  de  ses  sujets  ;  s'il  voyait  à  une  procession 
une  jolie  fille,  il  s'en  emparait.  Le  peuple  finit  parle  chasser 
h  coups  de  bâtons  et  de  marteaux,  et  il  dut  se  réfugier  h 
Bhatgaon.  Le  roi  de  Bhatgaon,  cpii  était  au  courant  de  ses 
méfaits,  le  retint  prisonnier.  Ln  beau  jour,  il  disparut.  Avec 
lui  s'éteignit  la  dynastie  légitime  des  Sûrya  vamçis  à 
Katmandou. 

Après  l'expulsion  de  Sadà  Çiva  Malla,  Çiva  simha  Malla 
(23  ans)  fut  choisi  pour  roi.  Les  Vamçûvalls  qui  déclarent 
la  dynastie  des  Sùrya  varn(;is  éteinte  avec  Sadà  Çiva,  n'en 
font  pas  moins  de  Çiva  siinha  un  frère  de  Sadà  Çiva. 
Cependant  la  Vamçàvali  brahmanique  lui  donne  le  nom  de 
Çiva  Siinha  Mîdla  le  Thakuri;  il  est  probable  en  effet  que 
le  nouveau  roi  fut  choisi  parmi  lesThakuris  de  Katmandou 


1.  ^ffssio  ApORloliiui  fhihoffino-^eraphicM..,,  p.  202. 

2.  La  dah»  foiirnio  par  W.  et  V.  est  (loublcmenl  impossible.  Mahendra 
MaUa  monte  sur  h»  trône  après  1551,  et  de  plus  pour  15'â9  le  5  m&gha 
clair  donnerait  le  vendredi  (el  non  le  lundi)  'i  janvier. 


HISTOIRE   DU    NÉPAL  249 

qui  (étaient,  an  moins  en  partie,  des  Mallas;  témoin  le 
Bhâskara  Malla  père  de  Keça  candra  qui  fonda  le  Couvenl- 
du-Pigeon.  Çiva  simha  était  marié  à  Oangà  Hânî  qui  a 
laissé  le  souvenir  d'une  dévotion  ardente;  c'est  elle  qui 
paraît  avoir  dirigé  réellement  les  affaires.  Elle  répara  le 
temple  de  Pa(;upati  et  y  installa  comme  prêtre  un  svàmin 
du  Sud  de  l'Inde,  Nityânanda.  Elle  fit,  dit-on,  relier  par 
une  étoffe  le  faîte  de  Paçupati  au  faîte  du  palais  de  Katman- 
dou. Çiva  Siinha,  de  son  côté,  avait  pris  pour  directeur 
spirituel  un  brahmane  du  Mahà  ràstra  (pays  Mahratte).  Les 
dates  connues  de  (liva  simha  Malla  vont  de  1585  h  1614'. 

De  son  vivant  même,  le  royaume  de  Katmandou  s'était 
scindé.  Le  second  de  ses  fils,  Hari  hara  simha,  violent  et 
emporté,  avait  chassé  du  palais  royal  l'aîné,  Laksmî  Nara 
siniha  Malla,  qui  dut  se  cacher  à  Deo  Patan,  dans  la  maison 
d'un  blanchisseur.  Hari  hara  simha  s'établit  à  Patan,  et 
prit  le  titre  de  roi.  II  y  régnait  dès  1603  ^ 

Le  pauvre  Laksmî  Nara  sirnha  Malla  régnait  à  Katmandou , 
du  vivant  même  de  son  père,  s'il  est  vrai  qu'il  construisit 
le  vaste  hangar  en  bois  qui  valut  à  l'ancienne  Kàntipura 
son  nom  moderne  {kdsiha  mandapa,  kMhmamhio,  Katman- 
dou). La  construction  de  ce  hangar  est  datée  de  715 
(lo9o  J.-C). 

Heureusement  pour  lui,  Laksmî  Nara  simha  Malla  avait 
à  son  service  un  ministre  intelligent  et  dévoué,  le  kàjî 
Bhîma  Malla.  Bhîma  Malla  s'efforça  de  resserrer  et  de  mul- 
tiplier les  relations  avec  le  Tibet  où  les  guerres  civiles, 
déchaînées  par  les  haines  religieuses,  offraient  au  Népal 


1.  Inscr.  à  Patan. 

2.  La  suscTiption  d'un  maniisciit  de  l'Asta  sàhasrikâ  en  leUres  d'or 
conservé  au  couvent  de  Hiranya  varna  à  Patan  porte  :  Samval  723  ^râ- 
vana  çuhla  pratipadi  tithau  )nàghd  nahsatre  parighayoge  çuhlavd- 
sare  tasyyiin  dinc  çrl  S  jai/a  Çird  simha  deva  putra  Thàhula  Simha 
deva  vijaya  ràji/e.  La  date  correspondante  est  le  vendredi  29  juillet 
1603  où  le  naksalra  et  le  yoga  sont  parfaitement  exacts. 


250  LE   NÉPAL 

une  occasion  propice  pour  étendre  son  influence.  Il  alla  en 
personne  h  Lhasa,  décida  des  marchands  névars  à  s'y  éta- 
blir e(  conclut  une  sorte  de  traité  de  commerce  avec  le 
Lama  ;  les  biens  des  sujets  népalais  mourant  dans  la  capi- 
tale du  Tibet,  au  lieu  d'être  confisqués  parTautorité  tibé- 
taine, devaient  faire  retour  au  gouvernement  du  Népal.  La 
légende,  plus  éprise  de  la  gloire  militaire  que  des  succès 
économiques,  a  travesti  le  souvenir  de  Bhîma  Malla.  Sur  la 
route  qui  mène  de  Nayakotau  Oosain  Than,  près  du  village 
de  Taria,  on  montre  un  abri  naturel  formé  par  une  énorme 
roche  qui  surplombe;  c'est  le  Bhimal  Gupha,  la  grotte  de 
de  Hhlma  Malla.  (lomme  Bhîma  Malla  conduisait  une  armée 
à  la  conqu6l(»  du  Tibet,  un  lama  détacha  au  moyen  d'un 
charme  puissant  une  roche  de  la  montagne  et  la  laissa 
rouler  sur  la  troupe  népalaise;  mais  Bhtma  Malla  n'eut 
qu'à  lever  la  main  pour  arrêter  d'un  seul  coup  la  chute  du 
rocher'.  Le  roi  de  Katmandou  dut  encore  au  zèle  et  à 
l'adresse  de  son  ministre  l'acquisition  de  Kuti  qui  le  rendait 
maître  de  la  passe  la  plus  fréquentée.  Mais  l'envie  et  la 
calomnie  arrachèrent  sans  difficulté  au  débile  Laksml  Nara 
simha  une  sentence  de  mort  ;  eu  récompense  de  ses  ser- 
vices, Bhîma  Malla  fut  livré  au  bourreau.  Sa  veuve  monta 
sur  le  bûcher  et  avant  de  disparaître  dans  les  flammes  elle 
lança  une  malédiction  formidable:  «  Puisse  la  sagesse, 
s'écria-t-elle,  n'habiter  jamais  dans  ce  Darbar  !  »>  Peu  de 
temps  après,  le  voi  tomba  en  démence  ;  on  y  reconnut  l'effet 
de  la  malédiction.  C'était  en  1639;  Laksmî  Nara  simha 
vécut  encore  jusqu'à  1657. 

Son  fils,  l^'atàpa  Malla,  appelé  à  le  remplacer,  exerça  le 
pouvoir  pendant  50  ans  (1639-1689).  Les  Vamçàvalîs  énu- 
mèrent  avec  une  complaisance  infatigable  les  innombrables 
fondations  religieuses  de  ce  long  règne  ;  mais  Pratàpa  Malla 

1.  Olwield,  I,  164. 


HISTOIRE    DU   NÉPAL  251 

a  tenu  à  instruire  directement  la  postérité  de  sa  gloire  et 
de  ses  mérites.  Malgré  les  ravages  du  temps,  son  nom 
arrête  Tœil  à  tous  les  temples,  à  tous  les  carrefours  de 
Katmandou  et  de  sa  banlieue,  enchâssé  dans  de  savants 
panégyriques  composés  par  le  roi  lui-même.  Si  la  poésie 
qu'il  courtisa  pendant  un  demi-siècle  s'obstina  h  lui  faire 
grise  mine,  il  réussit  du  moins  à  forcer  les  faveurs  de  la 
métrique;  au  demeurant,  esprit  curieux,  éveillé,  fureteur, 
et  qui  mérita  bien  de  laisser  dans  le  peuple  la  réputation 
d'un  magicien.  On  raconte  encore  qu'il  sut  faire  sourire  la 
statue  d'un  Bhairava  placée  devant  le  palais  et  qu'il  parvint 
même  à  lui  faire  branler  la  tête.  Une  pierre  oblongue 
encastrée  dans  la  plinthe  de  la  fac^adc  étale  encore  aux 
passants  l'érudition  de  ce  singulier  prince  et  pose  à  la 
curiosité  déconcertée  une  énigme  puérile  que  la  légende 
n'a  pas  manqué  de  grossir.  Dans  les  sept  lignes  de  ce  docu- 
ment, Pratàpa  Malla  a  donné  des  spécimens  de  quinze  écri- 
tures qu'il  avait  apprises  et  dont  il  énumère  avec  orgueil 
la  liste  :  golmoly  pârsi,  tirahuïi,  rafïja,  rnâghapat,  devanâ- 
(jarn,  seyadajana,  goiviya,  ârbïy  kayathi  nâgara,  kata,  snyâ 
Hmetciy  nevâra,  kdspiri,  phnriiigi.  L'écriture  golmol  est  une 
modification  décorative  de  l'écriture  nâgarî  ;  la  pârsi  est 
l'écriture  perso-arabe;  la  tirahutiy  celle  du  Tirhout;  le 
raiïja  est  une  variété  népalaise  de  la  iiAgarî.  J'ignore  ce 
qu'est  le  mâghnpat,  et  l'aspect  des  caractères  n'est  pas  fait 
pour  éclaircir  le  problème  ;  le  deva  nâgara  est  l'écriture 
commune  de  l'ilindoustan  ;  seyada  est  le  nom  du  Tibet  en 
langue  névare  ;  le  seyàifn  jnna  (âkhar)  est  l'écriture  tibé- 
taine; le  gofriya  est  encore  une  autre  modification  de  la 
nàgarî;  Ydrhï  est  l'écriture  arabe  ; /ï7^«/Ai  w%«;'«  désigne 
sans  doute  la  nàgarî  employée  par  les  scribes  {kâyastha, 
knith)  ;  kata  est  l'écriture  de  TOrissa  ;  sayâ  umela  est  un 
nom  aussi  mystérieux  que  l'écriture  correspondante  ;  nevâra 
est  l'écriture  névare  ;  kâspiri,  celle  du  Cachemire  ;  phirihgî^ 


252  LE   NÉPAL 

l'écriture  européenne  {Phmhga,  Franc).  Les  spécimens 
de  récriture  phiringî,  tracés  en  belles  capitales  du 
XVII*  siècle \  sont  les  mois:  Automne,  Wlnter,  L'Hiver, 
que  la  coupure  de  la  ligne  et  les  irrégularités  de  Fortho- 
graphe  dissimulent  au  premier  coup  d'œil  (aviom-newin- 
terlhiert).  Deux  de  ces  trois  mots  sont  français.  L'alle- 
mand et  l'anglais  peuvent  h  titre  égal  réclamer  le  troisième, 
bizarrement  encadré  entre  les  deux  autres.  La  solution  de 
ce  petit  problème  restera  incertaine,  tant  qu'on  ne  saura 
rien  des  informateurs  de  Pratàpa  Malla.  L'inscription  est 
datée  du  5  màgha  clair  774  (vendredi  14  janvier  1654); 
elle  est  (à  cinq  jours  près)  exactement  antérieure  de  huit 
années  au  passage  des  PP.  Grueber  et  Dorville  ;  avant  eux, 
on  ne  connaît  aucun  Européen  qui  ait  visité  le  Népal. 

L'inscription  s'ouvre  par  une  invocation  à  Kàlikâ,  suivie 
d'un  vers  écrit  au  moyen  des  quatorze  premières  sortes 
d'écritures.  Seule  la  phiringî  n'y  a  pas  été  employée  ;  elle  a 
été  rejetée  au  bout  de  l'inscription,  soit  mépris,  soit  faute 
d'en  connaître  l'usage.  Le  pieux  Pratàpa  Malla  a  pu  éprouver 
des  scrupules  à  transcrire  avec  les  caractères  des  plus  vils 
barbares  les  mots  sacrés  d'une  prière  à  la  déesse  Kâlikà  : 
peut-être  aussi  était-il  fort  embarrassé  de  les  accommoder 
à  la  transcription  du  sanscrit  ;  les  modèles  manquaient 
encore.  Cependant  les  mots  européens  employés  ne  sem- 
blent pas  ramassés  au  hasard  ;  l'inscription  est  gravée  en 
décembre-janvier;  l'aspect  équivoque  de  janvier  au  Népal 
suggérait  assez  naturellement  les  mots:  «  automne  »  et 
«  hiver  ».  Les  particularités  de  la  date  astronomique  sont 
minutieusement  énoncées  deux  fois,  en  sanscrit  littéraire 
et  en  névar-sanscrit.  «  C'est  en  samvat  774  névar,  au  mois 
de  màgha,  à  la  quinzaine  claire,  le  cinq,  jour  de  Çukra 
(Vénus),  dans  le  yoga  nommé  Çiva,  l'astérisme  étant  Utta- 

1.  V.  la  photographie,  1,  p.  89. 


HISTOIRE    DU   NÉPAL  253 

râbhâdra,  que  rornement  de  la  race  des  poètes,  le  joyau 
qui  couronne  son  chignon,  le  noble  Pratâpa,  le  roi,  a  écrit 
celte  phrase  incomparable  ».  Cette  phrase  incomparable, 
je  dois  m'avouer  incapable  de  la  déchiffrer.  Et  pourtant, 
quelle  humiliation!  «  Le  prince  des  poètes  »,  «  le  diadème 
de  la  famille  littéraire  »,  ((  Tempereur  roi  des  rois  Pratâpa 
Malla  »  le  déclare  par  deux  fois,  en  langue  névare,  comme 
si  le  sanscrit  se  refusait  à  tant  de  brutalité:  «  Qui  peut 
comprendre  le  sens  de  ce  çloka,  celui-là  est  un  docteur; 
qui  n'est  pas  en  état  de  l'expliquer,  sa  naissance  est  inu- 
tile ;  qui  ne  peut  le  commenter,  ses  parents  en  vieilliront  ! . . . 
Qui  comprend  le  sens  de  ces  lettres,  sa  naissance  est  vrai- 
ment utile  ;  qui  échoue  n'est  qu'une  bête  !  »  J'ai  radicalement 
échoué  à  déchiffrer  ce  grimoire,  compliqué  certainement 
par  la  gaucherie  du  scribe  et  coupé  d'écritures  inconnues. 
Un  autre  aura  la  gloire,  et  le  profit,  d'y  lire  l'indication 
exacte  du  lieu  o£i  Pratâpa  Malla  a  enterré  quatre  kolis  de 
roupies,  sous  la  cour  de  Mohan-chok,  dans  le  darbar  ;  car 
ce  grimoire  de  sorcier  ne  peut  avoir  trait,  naturellement, 
qu'à  un  trésor  caché. 

Pratâpa  Malla  multiplia  avec  une  libéralité  impartiale 
ses  hymnes  gravés  sur  pierre.  En  1650,  il  en  dédia  un  à 
Svayambhû,  la  stèle  y  est  encore  intacte  ;  en  1654,  un  autre 
à  la  déesse  Guhyeçvarî  qu'il  avait  fini  par  découvrir,  sur 
les  indications  d'un  sorcier,  en  faisant  creuser  un  puits 
profond.  Les  marches  du  temple  élevé  en  face  du  Darbar 
portent  aussi  des  hymnes  dus  à  l'inspiration  royale.  Fier 
de  son  talent,  il  prit  officiellement  le  titre  de  Kavîndra 
«  prince  des  poètes  »  et  l'accola  partout  à  son  nom,  sur  les 
inscriptions  et  sur  les  monnaies. 

La  poésie  n'était  chez  lui  qu'une  autre  forme  de  l'exal- 
tation religieuse.  Il  passa  tout  le  temps  de  son  long  règne 
à  des  combinaisons  de  divinités  et  à  des  machinations  de 
culte  ;  il  jouait  avec  les  dieux  comme  avec  les  écritures  ;  son 


254  LE   NÉPAL 

syncrétisme  bon  enfant  s'accommodait  de  quatre  directeurs 
spirituels,  un  svàmin  tantriste,  un  fakir  brahmane,  un  ma- 
gicien et  un  prêtre  bouddhique.  Le  svàmin  était  un  Hindou 
du  Dekkhan,  Jnânânanda,  qui  fut  nommé  prêtre  de  Paçu- 
pati  et  qui  se  fît  construire  par  le  roi  une  maison  à  Deo 
Patan.  Le  fakir  était  un  brahmane  du  Mahàrâstra,  Lamba 
karna  bhatta,  qui  obtint  du  roi  autant  de  terrain  qu'il  en 
pourrait  couvrir  dans  sept  jours.  La  promesse  faite,  on 
s'empressa  d'en  annuler  autant  que  possible  l'effet:  on  fil 
monter  Lamba  karna  en  palanquin  et  on  lui  donna  comme 
porteurs  et  comme  domestiques  des  boiteux,  des  aveugles 
et  des  paralytiques.  Le  magicien,  Narasimha  Thâkura,  était 
un  brahmane  du  Tirhout  qui  connaissait  la  formule  avec 
laquelle  on  maîtrise  Nara  simha.  Enfin  le  prêtre  bouddhique 
s'appelait  Jàmana. 

En  proie  à  ces  influences,  le  roi  répandit  une  pluie  d'au- 
mônes sur  toutes  les  confessions.  Jeune  homme,  il  avait 
donné  dans  le  libertinage  et  ses  concubines  s'élevaient  alors 
au  nombre  de  trois  mille  ;  il  alla  même  jusqu'à  violenter 
une  fillette  toute  jeune,  qui  en  mourut.  Pris  d'horreur  pour 
son  crime,  il  se  retira  au  temple  de  Paçupati  et  y  passa 
trois  mois  à  façonner  de  ses  propres  mains  des  liiigas  par 
myriades.  Puis,  en  758  (Bhagv.  19),  il  accomplit  le  rite  du 
tulà-dâna  qui  consiste  à  présenter  en  offrande  une  masse 
d'argent,  de  pierreries,  d'or  et  de  perles  égale  au  poids  du 
donateur,  et  il  y  ajouta  encore  un  don  de  cent  chevaux.  H 
fit  dresser  tout  le  long  de  la  route  entre  Katmandou  et 
Paçupali  des  lingas  de  pas  en  pas,  et  fit  comme  jadis  sa 
grand'  mère  (langâ  Hânî  rattacher  par  un  fil  le  faîte  du 
temple  au  palais,  l^our  écarter  les  mauvais  esprits,  les  sor- 
cières, les  é|)idéniies,  surtout  la  |)elile  vérole,  toujours  si 
redoutée,  il  éleva  à  la  porte  du  darbar  une  statue  de  Hanu- 
mat,  le  singe  épique.  Il  amena  Teau  de  Budha-Nilkanth  à 
un  étang  dans  Tintérieur  du  palais  et  prescrivit  que  les  rois 


HISTOIRE    DU    NÉPAL  255 

du  Népal  ne  devraient  plus  jamais  porter  en  personne  leurs 
hommages  à  Budha-Nilkanth  ;  autrement  leur  mort  était 
assurée.  Il  creusa  en  l'honneur  d'une  Rânî  le  joli  bassin  du 
Rânî  Pokhri,  à  TEst  de  Katmandou  et  construisit  au  milieu 
un  temple  où  il  logea  la  divinité  de  sa  famille.  Vers  1670, 
il  offrit  à  Svayambhû  Nàtha  le  grand  vajra  qu'on  voit  à 
l'entrée  du  plateau  sacré. 

Ce  râja  pacifique  et  studieux  dul  pourtant  faire  la  guerre. 
Avant  1649  il  avait  pris  ou  repris  aux  Tibétains  Kuti,  Khâ- 
sâkira  (?),  obligé  le  roi  de  Bhatgaon;  Narendra  Malla,  à  lui 
offrir  en  tribut  un  éléphant,  vaincu  le  roi  de  Gorkhâ 
Dambara  Çâha  (1633-1642),  enlevé  à  Siddhi  Nrsimha  de 
Patan  plusieurs  de  ses  forteresses  (Bhagv.  18).  En  1658  il 
eut  à  soutenir  l'attaque  des  rois  de  Patan  et  de  Bhatgaon 
alliés  contre  lui  ;  en  1660,  la  guerre  reprit;  mais  le  roi  de 
Patan,  Çri  Nivâsa  iMalla,  avait  changé  de  camp  et  soutenait 
Pratâpa  Malla.  Vaincu  dans  une  série  de  rencontres,  Jagat 
prakâça  de  Bhatgaon  dut  solliciter  la  paix  en  janvier  1662. 
Les  deux  jésuites  Grueber  et  Dorville  traversaient  à  ce 
moment  le  Népal  ;  ils  assistèrent  à  l'un  des  derniers  enga- 
gements et  leur  intervention  contribua  même  au  succès  :  la 
lunette  d'approche  qu'ils  prêtèrent  au  roi  de  Patan  lui  per- 
mit de  reconnaître  les  positions  où  le  roi  de  Bhatgaon 
s'était  dissimulé. 

Pratâpa  Malla  avait  pris  deux  épouses  royales:  l'une, 
Rùpamatî,  était  de  la  famille  des  rois  du  Bihar;  elle  était 
fille  de  Vira  Nâràyana,  petite-fille  de  Laksmî  Nârâyana, 
arrière-petite-fille  de  Nara  Nârâyana,  et  sœur  de  Prâna 
Nârâyana.  La  formation  de  ces  noms  dénote  des  descen- 
dants authentiques  ou  prétendus  de  Hari  simha  deva. 
L'autre  reine,  Bâjamatî,  était  do  la  famille  Kârnâta,  larace 
de  Nânya  deva  et  de  Hari  simha  deva  \ 

1.  Une  inscription  datée  de  N.  S.  777  ==:  1657  J.-C,  et  qui  commémore 
Tinstallation  d'un   Viçvampa  par  Pratâpa   Malla,  nomme  la  seconde 


256  LE    NÉPAL 

De  ces  deux  épouses,  il  eul  quatre  fils:  Pârthivendra, 
Nrpendra,  Mahîpatîndra  et  Cakravartîndra.  Sur  le  conseil 
du  svâmin  Jnânânanda,  il  leur  confia  successivement  la 
royauté  pendant  un  an,  à  partir  de  1 666.  Mais  le  quatrième, 
Cakravartîndra,  mourut  après  un  seul  jour  de  règne  (1669); 
on  incrimina  le  svàmin  qui  avait  choisi  pour  les  monnaies 
de  ce  prince  une  combinaison  de  mauvais  augure;  il  avait 
eu  le  tort  d'y  associer  au  câmara  (émouchoir),  au  kamala 
(lotus),  à  Xahkuça  (croc  de  cornac),  au /?flm  (nœud),  Tare 
et  la  fièche  {bânâstra),  qui  présagent  la  mort*.  L'alternance 
dut  se  poursuivre  entre  les  trois  aulres:  une  monnaie  au 
nom  de  Nrpendra  porte  la  date  de  1679;  une  au  nom  de 
Bhûpàlendra  la  date  de  1682'. 

Pratàpa  iMalla  eut  pour  successeur  son  troisième  fils 
Mahîndra  (Mahîpatîndra)  Malla  (1689-1694)  qui  nomma  le 
svàmin  Vimalânanda  prêtre  de  Paçupati,  et  institua  la 
procession  de  Çveta  Vinâyaka,  dont  il  confia  l'organisation 
et  les  fonds  aux  Banras  de  Chabahil. 

Bhâskara  Malla  (1694-1702)  n'avait  que  quatorze  ans 
quand  il  devint  roi.  Gâté  par  la  société  des  femmes  o£i  il  se 
renfermait,  il  ne  craignit  pas,  en  l'année  1700  (o£i  le  mois 
âçvina  élait  redoublé  par  intercalation),  de  célébrer  la  fête 
du  Dasàîn  pendant  le  mois  intercalaire.  Pour  le  punir  de 
cette  dérogation,  la  peste  éclata.  Le  symptôme  du  mal, 
c'était  une  douleur  dans  la  tête,  près  de  l'oreille  ;  et  la  mort 
arrivait  sur-le-champ.  Le  nombre  des  morts  finit  par  s'é- 

t'poiiso  Làlaniall,  ol  rapporte  ainsi  sa  généal()j,'ie  :  Sirpha  Nàràyana,  roi 
de  niiaiîavall  puia -►  Vàgha  Nàràyana -►  Padnia  Nàràyana  -►Laksml 
Nàràyana -►  lihavana  Nàràyana -*- Jî va  Nàràyana -►  Kirti  Nàràyana, 
père  dt>  Làlainati. 

1.  D'après  \Vkm;iit  (220,  n.  1)  on  recherche  ci»s  monnaies,  devenues 
fort  rares,  pour  un  usaj^^e  de  médecine  maj^nque  ;  l'eau  où  on  lésa  trem- 
pées passe  pour  assurer  un  accouchement  rapide.  Ihi  attribue  la  même 
\(M'tu  au  sabre  (|ui  a  tué  un  houune. 

2.  Le  ms.  Add  r»75  écrit  en  IG82  donne  comme  roi  Prthivindra 
iMalhi. 


HISTOIRE   DU    NÉPAL  257 

lever  à  80  et  100  par  jour.  Par  précaution,  le  roi  était  tenu 
enfermé  avec  ses  deux  femmes,  un  domestique  et  les  pro- 
visions. Au  bout  de  six  mois,  impatient  de  cette  claustra- 
tion, le  jeune  roi  sauta  par  la  fenêtre  et  courut  au  darbar. 
Il  y  mourut  dans  la  même  nuit. 

Le  roi  ne  laissait  pas  d'héritier.  Les  reines,  avant  de 
monter  sur  le  bûcher,  donnèrent  la  couronne  à  un  parent 
éloigné  de  la  famille  royale,  Jagaj  jaya  Malla,  qui  prit  le 
titre  de  Mahîpalîndra.  Jagaj  jaya  avait  déjà  deux  fils, 
Râjendra  prakàça  et  Jaya  prakâça.  Devenu  roi,  il  lui  en 
naquit  trois  autres,  Bâjya  prakâça,  Narendra  prakâça  et 
Gandra  prakàça.  En  1711,  l'aîné,  Râjendra  prakàça,  mou- 
rut. Jagaj  jaya  voulut  désigner  comme  son  héritier  le  second, 
Jaya  prakàça  ;  mais  les  soldats  Khas  qu'il  employait  à  son 
service  repoussèrent  ce  choix  et  prétendirent  imposer 
Ràjya  prakâça,  parce  qu'il  était  l'aîné  des  fils  nés  au  palais. 
Ces  discordes  de  cour  favorisaient  les  progrès  des  Gourkhas 
qui  poussaient  alors  leurs  conquêtes  vers  le  Népal.  Le 
royaume  Malla  de  Katmandou  n'avait  plus  longtemps  à 
vivre  quand  Jagaj  jaya  Malla  mourut  en  1732. 


ROYAUME    DE    PATAN 

Le  fondateur  de  la  dynastie  de  Patan  est  Hari  hara  simha 
Malla,  fils  de  Çiva  simha  Malla,  roi  de  Katmandou  ;  Hari 
hara  simha,  du  vivant  de  son  père,  occupa  le  trône  de 
Patan;  il  y  était  installé  dès  1603.  Il  affecta  de  devoir  son 
élévation  à  la  protection  du  Bhairava  Panca  linga. 

Son  fils  Siddhi  Nara  simha  (ou  Nr  simha)  Malla  régna 
à  peu  près  quarante  ans  (d'environ  1620  à  1657).  Sa  per- 
sonne et  son  règne  sont  enveloppés  par  la  tradition  d'un 
nuage  de  mystère  mélancohque  et  divin.  On  disait  qu'il 
avait  été  conçu  tandis  que  son  père  vivait  dans  une  pieuse 

U.  —  17 


258  LE  NÉPAL 

retraite  à  Paçupati,  et  qu'il  était  né  à  une  heure  propice. 
Son  père,  pour  fêler  sa  naissance,  avait  dédié  le  village  de 
Bhulu  et  avait  fait  graver  en  commémoration  une  inscrip- 
tion sur  cuivre.  Siddhi  Nara  simha  s'était  voué  au  culte  de 
Krsna  ;  mais  pour  honorer  ce  dieu  de  grâce  et  d'amour,  il 
s'imposait  les  plus  formidables  austérités.  Il  dormait  sur  la 
pierre,  passait  ses  journées  à  prier,  et  s'astreignait  à  la 
diète  du  cândrâyana,  réglée  sur  le  cours  de  la  lune  ;  au  jour 
de  la  nouvelle  lune,  il  ne  prenait  comme  aliment  qu'une 
poignée  de  riz,  augmentait  graduellement  jusqu'à  la  pleine 
lune,  puis  diminuait  par  degrés  sa  portion.  En  1652,  il 
confia  les  affaires  publiques  à  un  régent  et  partit  en  pèleri- 
nage, mais  les  événements  le  rappelèrent  bientôt.  Dès  lors 
les  présages  inquiétants  se  multiplient;  la  procession  du 
char  de  Matsyendra  Nâtha  en  1654  est  restée  célèbre  par 
les  accidents  qui  la  retardèrent;  le  trajet  se  prolongea  près 
de  trois  mois  et  il  fallut  renoncer  à  l'achever  régulièrement. 
A  la  même  époque,  la  sueur  coula  quinze  jours  sur  le  visage 
de  Ganeça  ;  en  1656,  la  foudre  tomba  sur  le  temple  de 
Matsyendra  Nâtha  ;  quelque  temps  après,  pendant  la  pro- 
cession de  la  divinité,  un  enfant  de  six  mois  s'assit  sur  le 
char  et  prononça  ces  mots  :  «  Viens,  roi  Siddhi  Nara  simha  ! 
Je  ne  suis  pas  content  de  le  voir  construire  un  temple  si 
haut!  »  Le  roi  ne  vint  pas  à  l'appel.  «  C'est  bien,  ajouta 
l'enfant,  je  ne  parlerai  plus  !  »  En  1657,  Siddhi  Nara  simha 
disparut;  on  crut  qu'il  était  parti  à  Bénarès  en  religieux 
errant.  Les  brahmanes  célèbrent  sa  mémoire  par  ces  vers  : 
((  Siddhi  Nara  simha,  Tomniscient,  est  parvenu  vivant  àla 
délivrance,  car  il  avait  triomphé  des  sens;  il  était  Tami  de 
Mâdhava  (Krsna),  le  dévot  de  Çrî  (Râdhâ),  le  prince  des 
yogis,  le  prince  des  poètes,  libéral  et  désintéressé,  ce  fils  de 
Hari  simha.  Qui  récite  cet  éloge  est  libéré  de  tout  péché  '.  » 

1.  Je  reproduis  ces  vers,  conservés  dans  les  Vatpçâvalls  (VV.  V.),  et 


hlSTOlRE   DU   NÉPAL  259 

Ce  prince  mystique  ne  négligea  pas  pourtant  Tadminis- 
tration  des  aCfaires  publiques.  II  paraît  avoir  employé  une 
bonne  part  de  ses  efforts  à  introduire  Tordre  dans  Tanar- 
chie  dangereuse  des  couvents  bouddhiques.  Pour  faire 
échec  à  leurs  prétentions  rivales,  il  leur  distribua  des 
rangs  de  préséance  ;  il  leur  imposa  une  organisation  cen- 
trale, une  représentation  commune,  des  règles  de  disci- 
pline civile.  Comme  les  relations  avec  le  Tibet  se  multi- 
pliaient, il  se  préoccupa  d'instituer  des  rites  de  purification 
pour  les  marchands  qui  revenaient  de  Lhasa.  La  popula- 
tion de  Patan  avait  décru  ;  il  y  attira  de  nouveaux  habi- 
tants. II  ouvrit  aux  banras  des  professions  nouvelles. 

Les  brahmanes  éprouvèrent  à  maintes  reprises  la  fer- 
veur profitable  de  sa  dévotion  :  en  1637,  pour  l'inaugura- 
tion du  temple  de  Krsna  et  Râdhâ  à  Patan,  il  offrit  aux  prê- 
tres deux  cents  mohars  d'or  par  jour  pendant  quarante 
jours,  aux  brahmanes  «  une  montagne  de  riz  »,  un  «  arbre- 
à-souhait  »,  de  la  nourriture  et  d'autres  dons.  En  1647,  à 
l'occasion  d'une  restauration  du  temps  de  Degutale,  il  dis- 
tribua à  chaque  brahmane  un  mohar  ;  et  dans  la  même 
année,  à  propos  d'une  autre  cérémonie,  il  renouvela  celte 
largesse.  En  1649,  il  distribua  250  000  livres  de  riz  aux 
brahmanes  Névars  et  aux  mendiants  venus  de  partout  à 
l'aubaine. 

Il  eut  à  lutter  contre  ses  voisins  de  Bhatgaon  et  de  Kat- 
mandou ;  en  1637,  il  remporta  un  succès  sur  ses  ennemis 
le  jour  même  oii  il  dédiait  à  Krsna  et  Râdhà  un  temple  ;  en 
1652  les  hostilités  s'étaient  encore  rallumées. 

Le  fils  de  Siddhi  Nara  simha,  Çrî  NivàsaMalla  continua  à 

qui  montrent  sur  quel  genre  de  documents  se  fondaient  les  auteurs  de 
ces  chroniques  : 

Siddhi  Narasitphah  sarvajflo  jivanmukto  jitendriyah  | 
mâdhavapriyah  çrïbhakto  yogîçvarab  kavïçvarab  || 
virakto  bhavati  tyâgl  Harisiiphasya  nandanah  | 
ity  âkhyànai}!  pa^han  nicyaip  sarvaiti  pâpaiti  pramucyate  |{ 


260  LE    NÉPAL 

guerroyer,  d'abord  (1658)  en  qualité  d'allié  du  roi  de  Bhat- 
gaon  Jagat  prakâça  Malla  contre  le  roi  de  Katmandou, 
Pratâpa  iMalla  ;  puis,  par  un  revirement  brusque,  Pralâpa 
Malla  et  son  adversaire  de  la  veille  Çri  Nivâsa  se  réconci- 
lièrent ;  ils  échangèrent  un  serment  d'amitié  sur  le  Hari- 
vamça,  sur  le  Kâli  purâna,  sur  un  couteau  népalais  {Kii- 
khrî).  En  décembre  1659,  Jagat  prakâça  surprit  un  poste 
ennemi  au  pied  de  Changu,  décapita  huit  hommes,  emmena 
vingt  et  un  prisonniers,  et  le  lendemain  il  les  sacrifia  aux 
divinités.  Les  troupes  de  Katmandou  et  de  Patan  réunies 
vengèrent  ce  désastre  ;  elles  prirent  Bundegram,  Champa, 
Chorpuri,  Nadesgaon  ;  le  19  janvier  1662,  Timi  fut  occupé. 
Les  PP.  Grueber  et  Dorville  étaient  alors  au  camp  de  Çrî 
Nivâsa  «  qui  était  un  jeune  prince  bien  fait  »  ;  ils  le  prirent 
pour  un  frère  de  Pratâpa  Malla.  Le  20  janvier,  Çrl  Nivâsa 
rentra  en  vainqueur  dans  sa  capitale.  En  1667  il  bâtit  plu- 
sieurs temples  dans  l'inlérieur  du  darbar  ;  en  1681,  il  bâ- 
tit le  grand  temple  de  Bhîma  sena  et  répara  le  temple  de 
Matsyendra  nâtha. 

La  piété  exaltée  et  triste  de  Yoga  narendra  Malla  (1680? 
—  1700  ?)  et  aussi  sa  fin  mystérieuse  rappellent  son  grand- 
père  Siddhi  Nara  simha.  Il  témoigna  beaucoup  de  zèle  à 
Matsyendra  Nâtha,  éleva  en  son  honneur  le  Mani  mandapa, 
lui  donna  des  terres.  Mais  il  eut  l'imprudence  d'autoriser 
le  roi  de  Bhatgaon  Bhûpatîndra  Malla,  cet  infatigable  cons- 
tructeur, à  élever  un  temple  dans  Patan,  au  Sud  du  darbar; 
c'était  une  ruse  perfide  du  roi  de  Bhatgaon,  qui  comptait 
par  ce  moyen  détruire  la  postérité  de  son  voisin.  Il  y  réussit. 
Siddhi  Nara  simha,  l'héritier  présomptif  du  trône  de  Pa- 
tan, mourut  en  bas-âge,  et  Yoga  narendra,  accablé  de  cha- 
grin, quitta  le  monde.  Avant  de  disparaître,  il  donna  ses 
instructions  suprêmes  à  son  ministre  :  tant  que  le  visage 
de  sa  statue  resterait  clair  et  brillant,  tant  que  Toiseau 
sur  sa  tête  ne  se  serait  pas  envolé,  on  connaîtrait  à  ces 


HISTOIRE    DU    NÉPAL  461 

signes  qu'il  était  encore  vivant  ;  aussi  tous  les  soirs  on 
continue  à  placer  un  matelas  dans  une  salle  sur  la  façade 
du  darbar,  et  on  laisse  la  fenêtre  ouverte,  dansTattenle  du 
retour  de  Yoga  narendra.  Mais  une  inscription  de  Yoga- 
matî,  fille  de  Yoganarendra(Bhagv.  22),  datéede  1723,  fait 
tort  à  la  légende;  d'après  ce  témoignage  digne  de  foi,  Yoga 
narendra  s'était  retiré  au  temple  de  Changu  Narayan  où  il 
mourut,  suivi  sur  le  bûcher  par  ses  vingt  et  une  femmes. 

La  Vamçâvalî  bouddhique  place  à  sa  suite  Mahîpatîn- 
draou  Mahîndra  simhaMalla,  roi  de  Katmandou,  qui  aurait 
réuni  les  deux  couronnes  jusqu'à  sa  mort,  en  1722.  La 
Vamçâvalî  brahmanique  ne  le  nomme  pas.  Une  monnaie 
datée  de  1709  porte,  en  fait,  le  nom  de  Jaya  Vira  Mahîn- 
dra ;  deux  pièces  de  1 71 1  et  1 71 5  sont  frappées  au  nom  de 
Mahîndra  simhadeva.  Mais  Mahîndra  Malla  de  Katmandou 
était  mort  en  1694,  et  Jagaj  jaya  Malla  de  Katmandou,  qui 
prit  le  litre  de  Mahîpatîndra,  meurt  en  1732.  Mahîpa- 
tîndra  est  suivi  (dans  la  Vamçâvalî  bouddhique  seulement) 
par  Jaya  Yoga  prakâça,  dont  le  nom  se  lit  sur  une  mon- 
naie de  date  douteuse,  peut-être  de  1722.  En  1723  Jaya 
Yoga  prakâça  fit  Toffrande  des  dix  mille  oblations. 

Ensuite  Visnu  Malla,  fils  d'une  fille  de  Yoga  narendra, 
fut  élu  roi.  Son  règne  dura  19  ans,  selon  la  Vamçâvalî 
brahmanique  (1723-1742?)  Il  construisit  un  nouveau  dar- 
bar, écarta  une  sécheresse  menaçante  par  les  rites  que 
Çànli  kara  avait  enseignés  jadis  à  Guna  kâma  deva,  offrit 
en  1737  une  grande  cloche  à  la  déesse  Tulajà,  adopta  des 
brahmanes  pour  ses  fils,  leur  distribua  des  terres,  et  dési- 
gna comme  son  successeur  Râjya  prakâça,  fils  de  Jagaj 
jaya  Malla  roi  de  Katmandou. 

PRITHI    NARAYAN    ET    LA    DYNASTIE   GOURKHA. 

Quand  Prithi  Narayan  (Prthvî  Nàràyana)  monta  sur  le 


262  LE   NÉPAL 

trône  de  Gourkha  en  1742,  â  l'âge  de  douze  ans,  sa  petite 
principauté  faisait  médiocre  figure  dans  Fétendue  de  l'em- 
pire népalais.  Sa  capitale  était  une  bourgade,  de  huit  à  dix 
mille  âmes,  à  soixante  kilomètres  environ  de  Katmandou, 
sur  la  route  à  peine  tracée  qui  mène  de  la  vallée  centrale  à 
la  frontière  de  TOuest.  Le  souverain  de  Gourkha  était 
un  des  vingt-quatre  roitelets,  soi-disant  Rajpoutes  d'ori- 
gine, qui  formaient  dans  le  bassin  des  Sept  Gandakis,  une 
sorte  de  confédération,  présidée  par  le  râja  de  Yumila: 
chacun  d'eux  adressait  tous  les  ans  à  ce  râja  une  ambas- 
sade avec  des  présents  ;  chaque  nouveau  prince  lui  deman- 
dait l'investiture,  symbolisée  par  Tempreinte  du  doigt  sur 
le  îvouiQikd)  ;  enfin  dans  les  cas  de  conflit  le  rôle  de  média- 
teur lui  était  naturellement  dévolu. 

Les  rois  de  Gourkha,  comme  toutes  les  bonnes  familles 
de  la  montagne,  se  piquaient  d'avoir  pour  ancêtre  un  Baj- 
poute  de  Chitor,  échappé  du  désastre  où  tant  de  nobles 
hindous  avaient  péri.  J'ai  déjà  raconté  (I,  254)  leurs  ori- 
gines jusqu'à  Dravya  Sâh  (1559-1570).  Parmi  les  succes- 
seurs de  ce  roi,  Ràma  Sâh  (1606-1633)  a  laissé  le  souvenir 
d'un  législateur  ;  son  héritier  Dambara  Sâh  (1633-1642) 
eut  maille  à  partir  avec  le  roi  de  Katmandou  Pratâpa  Malla 
qui  se  vante  de  l'avoir  vaincu.  Le  père  de  Prithi  Narayan, 
Nara  bhûpâla  Sâh  (1716-1742)  essaya  sans  succès  Tentre- 
prise  où  son  fils  était  destiné  à  réussir.  Il  pensa  profiter 
des  rivalités  et  des  dissensions  qui  déchiraient  le  Népal 
pour  s'emparer  du  pays,  et  passa  la  Tirsul  Gandak  ;  mais 
les  Thakurs  autonomes  de  Nayakot,  les  Vaiçya  râjas,  lui 
barrèrent  la  route  ;  il  dut  battre  en  retraite. 

Nara  bhûpâla  Sâh  avait  deux  femmes  ;  l'aînée  devint  en- 
ceinte. La  cadette,  une  nuit,  rêva  qu'elle  avalait  le  soleil; 
sitôt  réveillée,  elle  le  raconta  au  roi.  Il  ne  lui  répondit  que 
par  des  duretés,  tant  qu'elle  ne  put  se  rendormir  jusqu'au 
matin.  Le  soleil  une  fois  levé,  le  roi  donna  l'explication  de 


HISTOIRE    DU    NÉPAL  263 

sa  conduite  brutale  ;  un  pareil  rêve  présageait  certaine- 
ment la  grandeur  du  royaume  ;  mais  suivi  d'un  nouveau 
somme  il  aurait  perdu  son  efficacité.  De  fait,  la  jeune 
reine  conçut  à  son  tour,  et  sept  mois  après  elle  mit  au 
monde  un  fils  qui  fut  Prithi  Narayan. 

La  légende  a  entouré  d'une  auréole  miraculeuse  la  nais- 
sance et  les  premiers  ans  du  héros  Gourkha*  ;  elle  raconte 
encore,  par  exemple,  le  songe  de  ce  paysan  névar  (I,  352) 
à  qui  Matsyendra  Nâtha  annonça  en  rêve  l'arrivée  prochaine 
des  conquérants  gourkhas.  En  fait,  des  signes  évidents 
présageaient  la  fin  imminente  des  trois  royaumes  Mallas. 
Les  souverains  régnants,  Rana  jil  k  Bhatgaon,  Jaya  prakâça 
à  Katmandou,  n'étaient  certes  pas  sans  mérite.  Rana  jit 
était  entendu  et  économe  ;  il  tirait  un  gros  bénéfice  de  la 
monnaie  qu'il  fournissait  au  Tibet;  il  aimait  les  raretés, 
les  curiosités.  Jaya  prakâça  était  actif,  courageux,  éner- 
gique. Mais  leur  volonté  s'usait  à  de  misérables  zizanies. 
Rana  jit  apprend  que  Jaya  prakâça  a  élevé  dans  sa  capitale 
un  pilier  monolithe  ;  il  lui  demande  ses  ouvriers  pour  en 
dresser  un  pareil  à  Bhatgaon.  Jaya  prakâça  ne  refuse  pas, 
mais,  à  son  instigation,  les  ouvriers  s'arrangent  pour  que 
l'ouvrage  tourne  mal  ;  ils  laissent  tomber  le  piHer  qui  se 
brise  en  trois  morceaux.  Une  autre  fois,  c'est  Rana  jit  qui 
manifeste  sa  joie  d'apprendre  que  Jaya  prakâça  a  perdu 
son  fils;  il  retient  prisonniers  des  gens  de  Katmandou, 
venus  à  Bhatgaon  pour  assister  à  une  procession,  «  parce 
qu'ils  sont  trop  fiers  de  leurs  habits  ».  Jaya  prakâça,  en 
revanche,  emprisonne  des  sujets  de  Rana  jit  venus  à  Paçu- 
pati. 

A  l'intérieur  de  chaque  darbar,  les  intrigues  se  croisent 


1.  L'épopée  sanscrite  s'en  est  emparée.  H  existe  à  la  Bibliothèque  du 
Darbar,  à  Katmandou,  un  poème  de  Lalitâ  vallabha,  le  Bhakta  vijaya 
kâvya  qui  a  pour  sujet  les  conquêtes  de  Prithi  Narayan.  (Har.\prasad, 
Report,  1901,  p.  18.) 


264  LE   NÉPAL 

dans  Tombre,  et  se  dénouent  par  des  crimes.  Les  sept  fils 
illégitimes  de  Rana  jit,  les  Sât  BâhalyaSy  complotent  contre 
le  prince  Vira  Nara  simha,  héritier  présomptif  de  la  cou- 
ronne, et  provoquent  sa  mort  par  une  sorte  de  messe  noire. 
A  Katmandou,  Jaya  prakàça  prend  la  couronne  que  son 
père  lui  a  léguée,  malgré  l'opposition  des  soldats  Khas 
qui  soutiennent  les  prétentions  de  Rftjya  prakâça  ;  il  exile 
son  père,  qui  va  régner  et  mourir  à  Patan;  mais  sa  morgue 
indispose  les  fonctionnaires  du  Darbar  (Tharîs)  ;  ils  enlè- 
vent Narendra  prakâça,  le  dernier  des  trois  frères,  le  trans- 
portent à  Deo  Patan,  et  le  proclament  roi  des  cinq  villes  : 
Sanku,  Changu,  Gokarn,  Nandigram  et  Deo  Patan.  Au 
bout  de  quatre  mois,  Jaya  prakâça  soumet  les  rebelles,  et 
le  petit  roi  déchu  va  mourir  à  Bhatgaon.  Les  Tharîs  humi- 
hés  et  cruellement  punis  prennent  leur  revanche  ;  avec  la 
complicité'de  la  reine  Dayâvatî,  ils  proclament  roi  le  fils  de 
Jaya  prakâça,  Jyotih  prakâça,  un  enfant  de  dix-huit  mois, 
lui  prêtent  serment  de  fidéhté;  Jaya  prakâça  est  obligé 
de  s'enfuir,  toujours  traqué  de  gîte  en  gîte,  de  Katmandou 
à  Mâtà  tîrlha,  de  iMâtâ  ttrtha  à  Godàvarî,  de  Godâvarî  à 
Gokarneçvara,  et  enfin  à  Guhyeçvarî.  Après  deux  ans  et 
demi  de  courses  inquiètes,  un  dévot  lui  remet  un  sabre 
miraculeux.  Il  s'élance  sur  Katmandou,  défait  les  partisans 
de  son  fils,  reprend  le  pouvoir  et  se  venge  par  des  supplices. 
Sa  rancune  patiente  épie  ses  adversaires;  il  attend  huit 
ans  pour  se  venger  d'un  Thâpâ  qu'il  accuse  d'avoir  voulu 
livrer  iNayakot  à  Prithi  Xarayan,  et  se  voue  à  la  haine  de 
cette  puissante  famille. 

A  Palan,  les  luttes  séculaires  de  l'aristocratie  et  du 
pouvoir  royal  aboutissent  à  l'anarchie  permanente.  Visnu 
Malla  adopte  pour  héritier  Râjya  prakâça,  le  frère  et  le 
concurrent  malheureux  de  Jaya  prakâça.  Mais  Râjya  pra- 
kàça est  un  dévot  bénin,  qui  passe  ses  journées  à  adorer 
Visnu  manifesté  dans  le  coquillage  çâligrâma.  Les  six  éche- 


HISTOIRE    DU   NÉPAL  265 

vins  (pradhânas)  lui  font  crever  les  yeux  (1754);  bientôt 
après  il  meurt.  Ranajit  de  Bhatgaon  est  invité  à  prendre 
la  couronne,  mais  il  déplaît  à  ses  électeurs  qui  le  con- 
gédient rudement  au  bout  d'une  année  (1754-1755). 
On  s'adresse  à  Jaya  prakâça  (1755-1757)  ;  mais  son 
caractère  autoritaire  le  rend  intolérable;  après  un  an, 
Patan  se  sépare  à  nouveau  de  Katmandou.  Les  échevins 
sacrent  un  petit-fils  de  Visnu  Malla,  Viçvajit  Malla  (1757- 
1761);  il  se  maintient  quatre  ans.  Ses  électeurs  le  trouvent 
alors  encombrant;  ils  Taccusent  d'adultère  et  le  tuent  à 
la  porte  du  palais.  La  reine  qui  assiste  au  meurtre  appelle 
en  vain  à  l'aide;  elle  demande  aux  dieux  de  laisser,  k 
l'heure  de  détresse,  les  appels  de  Patan  sans  écho. 

Les  échevins  jettent  alors  leur  choix  sur  Prithi  Narayan, 
qui  s'est  déjà  rendu  célèbre  par  ses  guerres,  et  qui  semble 
peu  dangereux  à  cause  de  son  éloignement.  Prithi  Narayan 
se  réserve;  il  refuse,  mais  propose  pour  le  remplacer  son 
propre  frère,  Dala  mardana  Sâh  (1761-1765).  Data  mar- 
dana  Sâh  d'abord  accepté  comme  lieutenant  du  roi  de 
Gourkha,  est  ensuite  proclamé  roi  de  Patan  pour  faire 
échec  à  l'ambition  croissante  de  Prithi  Narayan.  Au  bout 
de  quatre  ans  il  est  déposé,  et  les  nobles  élisent  «  un 
pauvre  homme  de  Patan,  qui  descendait  de  la  famille 
royale  »  Tejo  Nara  simha  Malla,  le  dernier  des  rois  de 
Patan  (1765-1768). 

Une  sorte  de  fermentation  religieuse  accompagne,  comme 
d'ordinaire,  ces  troubles  politiques.  La  Vamçâvali  boud- 
dhique raconte  l'histoire  singulière  d'un  bouddhiste,  le 
gubharji  Çodhana  du  couvent  de  Bu  bahal  qui  tenta  d'ac- 
complir une  véritable  révolution  :  Il  allait  chaque  matin 
au  temple  de  Vaisnavî,  escorté  de  vingt  ou  trente  compa- 
gnons. Un  beau  jour  il  y  surprend  un  Samnyàsi  qui  venait 
d'immoler  une  victime  humaine,  et  s'occupait  à  préparer 
l'onguent  magique.  A  la  vue  de  la  troupe,  le  Samnyâs 


266  LE   NÉPAL 

s'enfuit  ;  Çodhana  prend  sa  place;  il  continue  Topération. 
Fachève,  et  dir^tribue  à  ses  compagnons  Tonguent  magique 
qui  les  asservit  à  son  empire.  Ils  vont  tous  ensemble  s'in 
staller  dans  une  maison  du  Nakavihàra  ;  Çodhana,  par  h 
suggestion,  transforme  chacun  de  ses  acolytes  en  un  dieu  ; 
puis  il  engage  le  peuple  h  déserter  les  temples  et  à  honorei 
les  dieux  manifestés  chez  lui.  11  pousse  Taudace  jusqu'J 
se  faire  apporter  des  temples  les  attributs  des  divinités 
Enfin  Java  prakAça  intervient  ;  il  fait  arrêter  les  sacrilèges  ei 
ordonne  de  les  offrir  un  h  un  en  sacrifice  aux  divinités 
qu'ils  prétendaient  respectivement  incarner. 

Faut-il  voir  dans  ce  récit,  avec  M.  Wright,  le  souvenii 
travesti  d'une  persécution  contrôles  Chrétiens  de  Patan* 
L'hypothèse  est  peu  vraisemblable,  car  les  missionnaires  ne 
font  aucune  allusion  ;i  des  violences  exercées  contre  eux 
Je  crois  plutôt  à  un  contre-coup  de  la  prédication  des  Capu- 
cins ;  à  les  voir  gagner  des  prosélytes,  Çodhana  et  ses 
compagnons  avaicml  pu  comprendre  que  la  carrière  étaii 
lucrative.  Depuis  1713(1,  101  sqq.)  les  Capucins  étaien 
établis  à  demeure  au  Népal  ;  ils  avaient  d'abord  fondé  ur 
hospice  à  Katmandou  ;  puis,  pour  échapper  aux  vexationî 
des  brahmanes,  ils  avaient  passé  à  Bhatgaon,  qu'ils  priren 
pour  siège  central  en  1722.  Bientôt  ils  eurent  aussi  um 
maison  à  Patan.  En  1754,  le  pauvre  Ràjya  prakiiça,  ai 
cours  de  son  règne  éphémère,  leur  y  concédait  un  terrain 
en  1742,  Jaya  prakàça  leur  en  avait  octroyé  un  à  Katman 
dou,  et  en  1 741 ,  Ranajit  avait  rendu  un  édit  en  leur  fiiveur 
Los  prosélytes  ne  venaient  guère  ;  mais  la  présence  de  cei 
étrangers,  qui  parlaient  de  peuples,  de  dogmes  et  de  dieuî 
inconnus,  éveillait  dans  les  esprits  le  goût  et  Tattente  de! 
nouveautés. 

Prilhi  Narayan  était  homme  h  tirer  parti  des  circon- 
Hlauces.  Il  joignait  à  une  ambition  insatiable  une  obstina 
lion  qno  rien  ne  lassait  ;  il  voyait  net,  décidait  vite,  agis- 


HISTOIRE  DU  NÉPAL 


267 


sait  de  sang-froid  ;  il  récompensait  largement  les  services 
rendus,  et  punissait  les  résistances  avec  une  cruauté  sau- 
vage ;  la  religion,  les  dieux,  les  prêtres  n'étaient  à  ses 
yeux  que  des  instruments  de  domination  mis  au  service  de 
sa  volonté. 


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Temple  de  Guhjeçvari.  près  Patupali. 


Ses  premiers  actes  firent  éclater  îa  vigueur  de  son  tem- 
pérament. Tout  jeune  encore,  il  va  pieusement  à  Bénarfes 
faire  ses  dévolions.  Aux  portes  de  la  ville,  les  receveurs 
de  l'octroi  {chauki)  lui  manquent  d'égards  ;  il  les  tue.  La 
police,  avisée,  se  met  à  ses  trousses;  il  se  cache,  gagne 
par  des  cajoleries  et  des  promesses  un  religieux  mendiant 
{Vairàgï);  déguisé  en  disciple,  il  sort  de  la  ville  avec  le 


268  LE   NÉPAL 

saint  homme  qui  le  conduit  à  Palpa^  où  règne  un  cousin 
du  prince  Gourkha,  Mukunda  Sena.  Mukunda  Sena  accueille 
le  jeune  prince  avec  affection  ef  le  fait  reconduire  à  Gour- 
kha. Prithi  Narayan,  une  fois  installé  sur  le  trône,  n'eut 
rien  de  plus  pressé  que  de  conquérir  et  de  s'annexer  trois 
petites  principautés,  jusque-là  vassales  de  Palpa.  Le  Vai- 
râgi,  plus  tard,  connut  aussi  par  expérience  l'ingratitude 
de  son  obligé  :  instruit  des  succès  de  Prithi  Narayan  au 
Népal,  il  y  accourt  à  la  tête  d'une  bande  de  500  hommes, 
tous  mendiants  et  vagabonds  religieux,  empressés  à  la  cu- 
rée, et  il  réclame  son  dû.  Prithi  Narayan  reconnaît  les 
promesses  faites,  mais  les  déclare  nulles,  comme  extor- 
quées par  le  danger.  Le  Vairâgi,  qui  n'entend  pas  être 
dupe,  appelle  sa  compagnie  à  son  secours  et  prétend  se 
payer  de  force  ;  Prithi  Narayan  les  fait  appréhender,  et 
livre  au  supplice  le  chef  et  les  acolytes.  Observateur  sagace 
et  patient,  il  n'hésite  pas  à  venir  se  présenter  en  hôte  chez 
ceux  qu'il  a  déjà  choisis  pour  victimes.  C'est  ainsi  qu'il  se 
rend  à  Bhalgaon,  où  Bana  jit  Malla  le  reçoit  avec  une  bonté 
paternelle,  et  l'installe  en  ami  intime  près  de  son  fils  Vira 
Narasimha.  Prithi  Narayan  sème  sournoisement  la  zizanie, 
excite  les  Sàt  bàhalyas  contre  leur  père  et  contre  l'héritier 
légitime  de  la  couronne,  et  machine  les  intrigues  qui  abou- 
tiront à  la  ruine  de  Bana  jit. 

Prithi  Narayan  pour  entraîner  ses  troupes  guerroie 
d'abord  autour  de  son  château  féodal.  Les  succès  de  la 
Compagnie  au  Bengale  lui  ont  appris  la  valeur  des  armes 
à  feu  et  l'utilité  de  la  discipline  militaire.  Bientôt  il  se  croit 
assez  fort  pour  mettre  la  main  sur  Nayakot,  clef  de  la  route 
qui  mène  au  Népal.  Jaya  prakàça  accourt  de  Katmandou  et 
le  repousse.  Il  attend  une  heure  plus  favorable,  et  tourne 
la  vallée  ;  il  a  épousé  la  fille  d'un  roitelet  du  môme  sang 
que  lui,  mais  installé  sur  les  confins  du  pays  Kiràta, 
à  TKst  du  Népal,  entre  la  Kusi  et  la  Karnala.  Son  beau-père 


HISTOIRE   DU   NÉPAL  269 

meurt,  laissant  ses  domaines  à  un  fils  insignifiant.  Prithi 
Narayan  gagne  sous  main  Tarmée,  paraît  un  beau  jour, 
confisque  le  pouvoir,  et  emmène  son  beau-frère  en  capti- 
vité (1761).  Le  P.  Giuseppe,  qui  assista  à  la  conquête  du 
Népal  et  qui  suivit  les  menées  du  Gourkha  depuis  1764,  a 
bien  montré  les  manœuvres  qui  préparèrent  son  triomphe  : 
«Le  roi  de  Gorch'a (Gourkha),  autrefois  sujet  de  Gainpréjas 
(Jaya  prakâça),  mettant  à  profil  les  dissensions  des  autres 
rois  du  Népal,  attira  dans  son  parti  plusieurs  chefs  monta- 
gnards, leur  promettant  de  leur  conserver  leurs  possessions 
et  d'augmenter  ainsi  leur  importance  et  leur  autorité. 
Lorsque  quelques-uns  d'entre  eux  manquaient  à  leurs  enga- 
gements, il  s'emparait  de  leurs  domaines,  comme  il  s'était 
emparé  de  ceux  des  rois  de  Marécadjis,  quoiqu'il  fût  leur 
parent.  » 

Le  roi  de  Bhatgaou,  exaspéré  contre  son  rivalJayapra- 
kàça,  roi  de  Katmandou,  appelle  à  son  secours  Prithi 
Narayan.  Prithi  Narayan  saisit  l'occasion  d'intervenir:  Il 
prend  Nayakot,  et  passe  dans  la  grande  vallée,  où  il  va 
mettre  le  siège  devant  Kirlipur,  à  une  lieue  Sud-Ouest  de 
Katmandou.  Il  voulait  mesurer  sa  force  avant  de  s'attaquer 
aux  capitales.  Kirtipur  avait  «  huit  mille  maisons  »  (Giu- 
seppe), un  peu  moins  que  la  moitié  de  Katmandou.  Juchée 
sur  un  plateau  presque  à  pic,  elle  se  croyait  inexpugnable. 
Le  roi  de  Palan,  suzerain  de  Kirlipur,  ne  bouge  pas;  mais 
Jaya  prakâça  accourt  avec  son  impétuosité  ordinaire,  livre 
bataille  et  remporte  une  victoire  complète.  Un  frère  du 
roi  de  Gourkha  fut  tué  sur  le  champ  de  bataille  ;  Prithi 
Narayan  vit  la  mort  de  près.  Un  soldat  de  Jaya  prakâça 
levait  déjà  son  sabre  sur  lui  quand  un  camarade,  trop 
imbu  des  doctrines  hindoues,  s'écria  :  «  C'est  un  roi  !  On 
ne  doit  pas  le  tuer  ».  11  dut  son  salut  à  deux  individus 
de  basse  caste,  un  Duân  et  un  Kasâi,  qui  le  portèrent  en 
une  nuit  jusqu'à  Nayakot. 


270  Le  NÉPAL 

Le  caractère  soupçonneux  et  brutal  de  Jaya  prakâça 
l'empêcha  de  recueillir  le  fruit  de  sa  victoire.  Les  gens  de 
Kirtipur  lui  demandèrent  d'être  leur  roi  ;  les  nobles,  chargés 
de  régler  avec  lui  l'affaire,  se  réunirent  sur  son  invitation. 
Il  les  fit  arrêter  par  ses  soldats,  et  en  livra  plusieurs  au 
bourreau,  pour  humilier  ou  abattre  définitivement  celte 
aristocratie  turbulente  et  brouillonne  qui  le  tenait  en  échec 
à  Patan.  Un  noble  appelé  Danuvanta  fut  promené  dans  la 
ville  en  habits  de  femme  avec  plusieurs  autres  vêtus  d'un 
accoutrement  ridicule  ;  ils  furent  tenus  ensuite  dans  une 
longue  captivité. 

La  noblesse  se  vengea  par  la  trahison.  Les  Tharîs  livrè- 
rent à  Prithi  Narayan  plusieurs  des  places  du  Népal  qui 
dépendaient  de  Katmandou.  Le  roi  de  Gourkha,  convaincu 
maintenant  de  Tinsuffisance  de  ses  forces,  se  flatta  de 
réussir  au  moyen  de  la  famine.  11  posta  des  troupes  à  tous 
les  défilés  des  montagnes,  pour  intercepter  toutes  les 
communications  du  dehors  ;  ses  ordres  furent  exécutés  à 
la  rigueur.  Quiconque  élait  trouvé  en  chemin  avec  un 
peu  de  sel  ou  de  coton  était  pendu  à  un  arbre.  11  fit  mettre  à 
mort  de  la  façon  la  plus  cruelle  tous  les  habitants  d'un  vil- 
lage, coupables  d'avoir  fourni  un  peu  de  coton  aux  habi- 
tants du  Népal  ;  les  femmes  mêmes  et  les  enfants  ne  furent 
pas  épargnés...  on  ne  pouvait  voir  sans  horreur  tant 
d'hommes  pendus  aux  arbres  sur  le  chemin.  En  même 
temps,  l'intrigue  faisait  son  œuvre  ;  deux  mille  brahmanes 
au  service  du  roi  de  Gourkha  couraient  librement  le  pays 
eu  achclnnl  les  conscienres.  Knfin  Prithi  Narayan  reparut 
(lovanl  Kirlipur  ;  après  un  siège  de  plusieurs  mois,  il  somma 
la  ville  de  se  rendre.  Le  commandant  de  la  ville,  secondé 
par  1  approbation  des  habitants,  lui  transmit  au  bout  d'une 
llèrhe  une  réponse  injurieuse  et  insolente.  11  en  fut  si 
courroucé  qu'il  ordonna  un  assaut  général  ;  mais  les  habi- 
tants se  défendirent  avec  courage  et  tous  les  efforts  de  ses 


HISTOIRE   DU   NÉPAL  271 

soldats  n'aboutirent  à  rien.  Surûpa  Ratna,  frère  de  Prithi 
Narayan,  fut  blessé  d'un  coup  de  flèche.  Il  fallut  lever  le 
siège  une  seconde  fois. 

Incapable  de  repos,  Prithi  Narayan  n'en  laisse  pas  à  ses 
troupes  ;  il  tourne  sa  colère  contre  le  roi  de  Lamji,  un  des 
vingt-quatre  rois  confédérés  des  Sept-Gandakis,  lui  livre 
phisieurs  batailles  sanglantes,  conclut  un  accommodement, 
et  retourne  devant  Kirtipur.  Le  péril  trop  clair  rapproche 
les  trois  rois  Mallas  qui  s'assemblent  à  Katmandou  et  ten- 
tent une  attaque  combinée  contre  les  Gourkhas.  La  trahi- 
son déjoue  leurs  efforts  ;  plusieurs  des  nobles  avaient  juré 
de  se  sacrifier  pour  la  ruine  de  Jaya  prakâça.  Après  un 
siège  de  six  mois,  le  noble  Danuvanta  de  Patan,  qui  avait 
été  si  cruellement  offensé,  livre  Kirtipur  à  Prithi  Narayan. 
Les  habitants  pouvaient  encore  se  retirer  dans  la  ville 
haute,  qui  était  fortifiée  ;  mais  les  Gourkhas  publièrent 
une  amnistie  générale,  et  les  courages  lassés  cédèrent. 
((  Deux  jours  après,  Prithi  Narayan  envoyait  de  Nayakot 
l'ordre  de  faire  couper  le  nez  et  les  lèvres  à  tous,  même 
aux  enfants  qui  n'étaient  plus  à  la  mamelle.  L'ordre  por- 
tait aussi  de  garderie  nez  et  les  lèvres  qui  seraient  coupés 
pour  constater  le  nombre  des  habitants,  et  de  changer  le 
nom  de  la  ville  en  celui  de  Naskatpur,  qui  signifie  la  ville 
des  nez  coupés.  Cet  ordre  fut  exécuté  avec  la  plus  horrible 
barbarie.  On  n'épargna  que  les  individus  qui  savaient  jouer 
des  instruments  à  vent.  C'était  une  chose  horrible  à  voir 
que  tant  d'hommes  vivants  dont  les  visages  ressemblaient 
à  des  têtes  de  morts  »  (Giuseppe). 

Aussitôt  après,  Prithi  Narayan  investit  Patan.  Les  habi- 
tants font  mine  de  se  préparer  à  la  résistance.  Les  Gourkhas 
les  menacent  de  leur  couper,  outre  les  lèvres  et  le  nez,  le 
poignet  droit  s'ils  ne  se  rendent  pas  au  bout  de  cinq  jours. 
Une  diversion  sauve  la  ville  de  ces  horreurs.  La  Compa- 
gnie Britannique,  sollicitée  par  les  trois  Mallas  et  inquiète 


272  LE   NÉPAL 

des  progrès  de  Prithi  Narayan,  croit  Toccasion  venue 
d'étendre  son  influence  dans  la  montagne.  Mais  le  pays  est 
encore  mal  connu.  Le  capitaine  Kinloch,  qui  commande 
le  détachement  anglo-indien,  pénètrejusqu'àHariharpur; 
les  ruisseaux  enflés  par  la  saison  des  pluies  rarrêlenl, 
emportent  les  ponts  qu'il  a  bâtis  ;  la  malaria  ravage  ses 
troupes  ;  les  communications  lui  manquent  pour  se  ravi- 
tailler (octobre  !7G7).  Il  est  obligé  de  battre  en  retraite  au 
début  de  décembre.  La  chronique  Gourkha  représente 
naturellement  Técliec  de  Kinloch  comme  une  victoire  posi- 
tive des  Gourkhas  sur  les  Anglais. 

Affranchi  d'inquiétude,  Prithi  Narayan  ramène  ses 
troupes  au  Népal  et  assiège  Katmandou,  tandis  que  des  Brah- 
manes h  sa  solde  y  gagnent  les  principaux  habitants.  Enfin, 
le  29  septembre  17G8,  tandis  que  la  population  de  Kat- 
mandou célébrait  l'Indra-yAlrà  par  des  ripailles  et  des 
orgies,  les  (Jourkhas  pénètrent  le  soir  dans  la  ville  sans 
rencontrer  la  moindre  résistance.  Jaya  prakâ(;a,  qui  était 
alors  dans  le  temple  de  Tulajà,  répand  de  la  poudre  sur 
les  marches,  s'enfuit  à  Palan,  entraîne  avec  lui  le  roi  Tejo 
Nara  simha,  et  tous  deux  se  sauvent  ensemble  à  Bhatgaon. 
Au  moment  oii  les  (iourkhas  entrent  dans  le  temple  aban- 
donné, la  poudre  fait  explosion  et  tue  un  grand  nombre 
des  vainqueurs.  Prithi  Narayan  ordonne  de  continuer  la 
fête  et  reçoit  à  litre  de  roi  le  présent  (prasdda)  de  la  Ku- 
niAri. 

11  envoie  dès  le  lendemain  un  messager  à  Palan,  promet 
îi  la  noblesse  de  lui  laisser  ses  |)ropriétés,  et  même  de  les 
accroître.  Pour  dissiper  l(»s  méfiances,  il  déclare  par  Por- 
gane  de  son  prêtre  ([uc,  s'il  vient  h  se  parjurer,  il  appelle 
lui-mémo  les  mnlédiclions  des  dieux  sur  ses  descendants 
jusqu'à  la  cinquième  génération.  La  noblesse  l'acclame. 
Pendant  plusieurs  mois  il  la  ménage,  lui  propose  môme  de 
choisir  dans  son  sein  un  vice-roi.  Avant  d'entrer  solennel- 


HISTOIRE    DU   NÉPAL  273 

lement  dans  la  ville,  il  se  fait  remetlre  la  plupart  des  en- 
fants nobles,  pour  les  attacher  à  sa  cour,  dit-il  ;  en  réalité 
il  les  garde  en  otages.  Le  jour  de  la  cérémonie  venu,  il  fait 
arrêter  les  nobles  réunis  en  corps,  les  livre  au  bourreau, 
et  donne  Tordre  de  mutiler  les  cadavres. 

Bhatgaon  tenait  encore  ;  les  trois  Mallas,  réunis  par  Tin- 
fortune,  restaient  encore  menaçants.  11  fallait  s'attendre  à 
une  résistance  désespérée  ;  une  bourgade,  Dhulkhel  (Dhau- 
khel),  dans  la  montagne,  h  TEst  de  Bhatgaon,  avait  arrêté 
six  mois  les  Gourkhas.  La  résistance  de  Chaukot,  voisin  de 
Dhulkhel,  a  danslaVamgâvalîla  beauté  d'une  ballade  épique: 
Les  Gourkhas  investirent  Chaukot.  Les  gens  s'enfuirent;  qui 
à  Pyuthana,  qui  ailleurs.  Nam  Simha  Uàt  alla  trouver  Mahtn- 
dra  Siniha  Ràî,  et  lui  dit  :  Nous  ne  pouvons  pas  tenir  tête  aux 
Gourkhas,  avec  cinquante  maisons  seulement.  Le  reste  de 
la  population  a  fui  ;  je  viens  te  le  dire.  Ne  tarde  pas;  fuis 
bien  vite.  MahîndraSirnhale  traita  de  couard  :  Ne  reste  pas 
pour  moi  ;  sauve  ta  vie.  Moi  je  repousserai  les  Gourkhas, 
je  gagnerai  une  grande  renommée  et  je  jouirai  en  paix  de 
mes  biens.  Si  je  ne  réussis  pas,  je  laisserai  mon  corps  sur 
le  champ  de  bataille,  j'obtiendrai  une  place  au  ciel,  et 
j'assurerai  le  bonheur  de  mes  (ils  et  de  mes  petits-fils.  Il 
réunit  alors  ses  fidèles  compagnons,  qui  voulaient  aussi  le 
bonheur  de  Tautre  monde,  et  il  les  encouragea.  (La  ba- 
taille se  livre  ;  les  Gourkhas  sont  repoussés).  Enfin  un  sol- 
dat, passant  derrière  Mahîndra  Simha,  le  tua  d'un  coup 
de  lance  ;  il  blessa  Nam  Simha  à  l'épaule  gauche  d'un 
coup  de  couteau,  et  Nam  Sirnha  tomba  sans  conscience 
sur  le  sol.  Les  gens  de  Chaukot  à  cette  vue  s'enfuirent,  et 
le  village  fut  livré  aux  flammes.  Dans  cette  bataille  les 
Gourkhas  perdirent  201  hommes  ;  la  veille,  ils  en  avaient 
perdu  déjà  131.  Nam  Simha  Ràî,  revenu  de  son  évanouisse- 
ment, ne  vit  plus  de  Gourkhas  près  de  lui  ;  il  pansa  sa  bles- 
sure avec  son  costume  et  s'enfuit  à  Pyuthana  par  Basdol. 

U.  —  18 


274  LE   NÉPAL 

Il  vit  Mahîndra  Simha  Rât  élendu  sur  le  sol,  inanimé,  percé 
par  derrière  d'un  coup  de  lance,  mais  il  n'avait  pas  le 
temps  de  s'arrêter. 

Le  lendemain  matin,  Prillii  Narayan  inspecta  le  chîimp 
de  bataille,  et  voyant  le  corps  de  Mahîndra  Simha  Râî 
inanimé,  percé  de  coups,  il  loua  sa  bravoure,  fil  chercher 
ses  parents  et  leur  déclara  qu'il  prenait  sous  sa  protection 
la  famille  d'un  homme  si  brave.  Il  les  fit  nourrir  matin  et 
soir  par  la  cuisine  royale.  Après  cela  il  prit  aisément  les 
cinq  bourgades  de  Panauli,  Banepa,  Nala,  Khadpu,  Sanga 
et  retourna  à  Nayakot. 

Huit  mois  plus  tard,  il  arrivait  devant  Bhatgaon.  Il  avait 
gagné  par  de  belles  promesses  les  Sàt  bàhàlyas  (les  sept 
fils  illégitimes  de  Ranajit  Malla)  ;  il  leur  laisserait  le  trône, 
les  revenus,  et  se  contenterait  d'une  souveraineté  nomi- 
nale. Les  troupes  des  Sàt  bàhàlyas  tirèrent  à  blanc,  laissè- 
rent approcher  les  Gourkhas  jusque  dans  l'enceinte  des 
murs,  et  leur  passèrent  même  des  munitions.  Introduits 
sans  obstacle  dans  la  ville,  les  Gourkhas  coururent  au  pa- 
lais. Jaya  prakà(;a,  toujours  énergique  et  vaillant,  fit  front 
k  l'ennemi  ;  mais  il  reçut  une  balle  au  pied  qui  le  mil  hors 
de  combat.  Ranajit  Malla  avait  pris  h  son  service  des  mer- 
cenaires tibétains  ;  mais,  soupçonnant  leur  fidélité,  il  les 
fil  brûler  vifs  dans  leurs  casernements. 

Prithi  Narayan  entra  dans  le  palais,  suivi  de  ses  compa- 
gnons. A  la  vue  des  Irois  Mallas,  ils  éclatèrent  de  rire. 
Grave,  Jaya  prakàça  leur  dit  :  C'est  la  trahison  de  nos  ser- 
viteurs qui  a  tout  fait  ;  autrement  vous  n'auriez  pas  de 
quoi  rire.  Les  (iourkhas  se  tinrent  alors  silencieux.  Prithi 
Narayan  s'approcha  respectueusement  de  Rana  jil  Malla  et 
le  priîi  de  garder  son  royaume.  Rana  jit  répondit  qu'il 
(levai!  céder  à  la  volonté  des  dieux  et  qu'il  demandait  seu- 
lement d'élre  autorisé  h  partit'  à  Rénarès  ;  la  trahison  des 
SiU  bàhàlyas  l'avait  définitivement  guéri  du  monde.  11  prit 


HISTOIRE    DU   NÉPAL  275 

la  route  deTlnde,  et,  sur  la  passe  de  Chandragiri,  il  tourna 
une  dernière  fois  les  yeux  vers  son  royaume,  et  prononça 
contre  les  Sât  bâhàlyas  et  leur  postérité  de  formidables 
imprécations.  Puis  il  dit  adieu  à  Tulajà,  à  Paçupati,  à 
Guhyeçvarî  et  descendit  vers  le  Gange. 

Prithi  Narayan  fit  alors  venir  les  se'pt  traîtres,  leur  re- 
procha publiquement  leur  infamie,  leur  fit  couper  le  nez 
et  confisqua  leurs  biens.  Puis  il  s'informa  des  intentions 
de  Jaya  prakâça.  Le  roi  de  Katmandou  demandait  seule- 
ment d'être  porté  à  Paçupati,  au  terrain  de  crémation  des 
rois,  pour  y  mourir.  Sa  requête  fut  exaucée  ;  un  message 
du  vainqueur  mit  même  à  sa  disposition  tout  ce  qu'il  vou- 
drait donner  en  aumônes.  Jaya  prakâça  ne  demanda  qu'un 
parasol  et  une  paire  de  chaussures.  A  cette  demande,  qui 
surprit  la  cour,  Prithi  Narayan  devint  pensif  :  il  avait  bien 
compris  que  Jaya  prakâça  souhaitait  par  ces  symboles  de 
renaître  roi,  car  le  parasol  marque  la  dignité  royale,  et  les 
chaussures  représentent  la  terre,  épouse  des  rois.  Il  monta 
à  cheval,  courut  à  Paçupati,  remit  à  Jaya  prakâça  le  pa- 
rasol et  les  chaussures,  en  ajoutant  :  Je  te  donne  ce  que  tu 
veux  ;  n'en  jouis  pas  de  mon  vivant,  mais  sous  mon  petit- 
fils.  Jaya  prakâça  y  consentit.  Bientôt  après  il  mourut. 

Tejo  Nara  simha,  le  roi  de  Patan,  s'obstina  à  garder  le 
silence.  Rien  ne  put  le  décider  h  parler  ;  on  l'enferma  en 
prison,  et  il  mourut  dans  les  fers. 

La  vieille  mère  de  Jaya  prakâça,  que  l'âge  avait  rendue 
presque  aveugle,  demanda,  comme  Rana  jit,  h  finir  ses 
jours  à  Bénarès.  On  lui  permit  de  partir,  mais  au  préala- 
ble on  la  dépouilla  d'un  collier  de  pierreries  qu'elle  por- 
tait ;  elle  alla  s'éteindre  dans  la  misère  au  bord  du  fleuve 
sacré. 

Maître  du  Népal,  Prithi  Narayan  établit  la  capitale  du 
royaume  Gourkha  à  Katmandou.  Mais  il  ne  se  laissa  pas 
endormir  par  le  succès.  A  peine  Bhatgaon  soumis,  il  reprit 


276  LE   NÉPAL 

la  campagne  contre  les  Vingt-quatre  rois  confédérés  des 
Sept-Gandakis,  qu'il  voulait  éliminer  Ton  après  l'autre, 
comme  il  avait  fait  au  Népal.  Il  réussit  d'abord,  au  moyen 
de  ses  deux  instruments  favoris,  la  guerre  et  l'intrigue.  Mais 
le  roi  de  Tanahung  lui  infligea  un  revers  sanglant.  Fidèle  à 
sa  méthode,  il  alla  réparer  et  essayer  ses  forces  ailleurs  ; 
il  se  dirigea  vers  l'Est  du  Népal,  envahit  le  pays  des  Kirâ- 
tas  qui  avaient  maintenu  Jusque-là  leur  indépendance 
presque  intacte  et  menaça  même  le  Sikkim.  Ses  troupes 
sous  la  conduite  du  Kîljî  Kahar  Simha  soumirent  le  Nord 
du  pays  jusqu'aux  passes  de  Kirong  et  de  Kuti,  le  Sud  jus- 
qu'au Téraï.  Obligé  d'entretenir  une  armée  énorme  sur  les 
revenus  d'un  royaume  assez  pauvre,  il  pressura  le  peuple 
et  surtout  les  marchands  qui  désertèrent  le  Népal.  Il  pensa 
chercher  des  compensations  du  côté  du  Tibet  :  il  écrivit 
au  Lama  mut  lettre  '  pour  lui  demander  d'établir  des  mar- 
chés d'échange  sur  la  frontière  des  deux  pays  ;  il  était  dis- 
posé à  permettre  le  transport  des  marchandises  indiennes, 
mais  décidé  à  prohiber  l'importation  du  verre  et  des  curio- 
sités de  ce  genre.  Il  demandait  au  Tibet  de  décliner  toutes 
relations  avec  les  Fringhis  (Européens)  ou  les  Mongols,  et 
de  leur  refuser  l'entrée  du  pays,  comme  il  faisait  lui-même. 
Enfin  il  entendait  rester,  comme  les  Mallas  avant  lui,  le 
fournisseur  d'argent  monnayé  du  Tibet,  et  il  adressait  un 
premier  envoi  de  2  000  roupies  frappées  à  son  nom. 

Celle  lettre  datée  des  derniers  jours  de  Prilhi  Narayan 
met  bien  en  lumière  un  aspect  essentiel  de  son  caractère: 
la  haine  et  la  méfiance  de  l'Européen  ;  il  étendait  sa  sus- 
picion jusqu'aux  marchandises  d'Europe,  qu'il  refusait  de 
laisser  passer  par  son  territoire.  Il  craignait  de  voir  le 
niar(*hand  suivre  de  près  la  marchandise.  Prilhi  Narayan 
mourut  à  Mohan  Tirlha,  sur  la  (iandaki,  dans  les  premiers 

1.  Lfllrc  aimlysô(>  par  Uo^'Ie,  dans  Markham.  Tibet, \}.  158.  Cette  leUre 
|)uniiit  un  Tibet  eu  jan\ier  1775. 


HISTOIRE   DU   NÉPAL  277 

jours  de  1775  ;  trois  de  ses  femmes  et  deux  de  ses  concu- 
bines montèrent  sur  le  bûcher*. 

Il  eut  pour  successeur  son  fils,  Simha  Pralàpa  Sâh,  qui 
régna  trois  ans  ^  (1775-1778).  Simha  Pratàpa  se  montra 
plus  généreux  envers  les  dieux  que  son  père,  qui  avait  fait 
pendant  toute  sa  vie  un  seul  don  à  Paçupati.  Il  s'engagea 
à  offrir  en  sacrifice  à  Guhyeçvarî,  patronne  du  Népal, 
125  000  animaux.  Il  honora  aussi  la  déesse  Tulajà  ;  enfin 
il  fit  apporter  au  darbar  le  linga  de  Nayakot.  Il  aimait  à 
résider  en  hiver  dans  leTéraï,  et  se  préoccupa  d'améliorer 
cette  partie  trop  négligée  de  ses  domaines  \  A  sa  mort,  il 
laissait  comme  hérilier  un  enfant  au  berceau,  Rana  Bahà- 
dur  Sàh.  Le  désastreux  régime  des  longues  minorités  et 
des  régences  disputées  h  coups  de  poignard  commençait 
avec  le  petit-fils  de  Prithi  Narayan  pour  se  continuer  dé- 
sormais sans  interruption.  Le  P.  Giuseppe,  qui  écrivait  sa 
notice  sur  le  Népal  au  moment  où  éclataient  les  premières 
rivalités  de  cour,  après  la  mort  de  Pratâpa  Simha,  et  qui 
ne  pardonnait  pas  aux  Gourkhas  l'expulsion  des  missions 
franciscaines,  voyait  avec  une  joie  mal  contenue  poindre 
déjà  la  vengeance  divine.  «  Peut-être  le  serment  que  Prithi 
Narayan  ne  craignit  pas  de  violer  (le  serment  prêté  aux 
nobles  de  Patan  et  qui  vouait  en  cas  de  parjure  le  roi  et 
cinq  générations  derrière  lui  à  l'enfer)  aura  son  effet  avec 
le  temps.  »  Si  sa  vie  s'était  prolongée  par  miracle,  le 


1.  Bor.LE,  iô.,  159. —  La  date  de  1775  est  également  donnée  parla 
Varnçàvali  ;  cependant  on  donne  couramment  la  date  de  1771.  >L  Mar- 
KHAM,  l'éditeur  de  Bogie,  répète  lui-même  cette  erreur,  p.  107  de  son 
ouvrage.  A  la  page  159  où  Bogie  mentionne  l'arrivée  à  Lhasa  en  mars 
1775  d'un  message  annon<:ant  la  mort  de  Prithi  Narayan  et  l'avènement 
de  son  successeur  Simha  Pratàpa  (Sing  Pertab),  M.  Markham  imprime 
en  note  que  le  roi  Pertab  Sing  mourut  en  1775.  —  La  date  de  1775  pour 
la  mort  de  Prithi  Narayan  est  encore  confirmée  par  deux  autres  passages 
du  même  livre,  p.  197  et  p.  205. 

2.  Le  P.  OiusEPPE  dit  :  «  deux  ans  tout  au  plus  ». 

3.  Hamilton,  p.  196. 


278  LE    NÉPAL 

P.  (iiusoppfî  aurait  pu  (Y*liciler  la  Providence  de  sa  ponc- 
tnalilé  dans  la  rétribution  des  fautes. 

Le  frère  puîné  de  Pratàpa  Sirnha  Sàb,  Bahâdur  Sâh,  qui 
vivait  alors  à  Bettia,  en  territoire  britannique,  sur  la  lisière 
du  Népal  avec  son  oncle  Dala  mardana  Sàh,  Tancien  roi 
de  Patan,  se  hâta  d'accourir  à  Katmandou  pour  prendre 
possession  de  la  régence.  C'était  un  prince  actif  et  entre- 
prenant ;  mais  il  trouva  en  face  de  lui  un  adversaire  de  sa 
trempe,  la  reine  Ràjendra  Laksmi,  mère  du  jeune  roi,  qui 
prétendait  exercer  le  pouvoir  au  nom  de  son  fils.  Depuis 
ce  moment  jusqu'à  la  mort  de  la  reine  en  1795,  les  deux 
concurrents  se  livrèrent  une  guerre  acharnée,  coupée  par 
de  courtes  réconciliations,  et  marquée  à  chaque  nouvel 
éclat  par  une  série  de  massacres.  Le  vainqueur  frappait 
sans  pitié  sur  les  partisans  du  vaincu.  Un  mariage  secret, 
conclu,  dit-on,  entre  la  reine  et  le  régent,  et  inspiré 
des  deux  côtés  par  la  même  ambition,  ne  mit  pas  de  trêve 
aux  hostilités. 

Cependant  Télan  donné  aux  Gourkhas  par  Prithi  Nara- 
yan  ne  s'était  pas  encore  ralenti.  Le  nouveau  régime  ne 
manquait  ni  de  forces  ni  d'hommes  ;  la  conquête  se  pour- 
suivit avec  des  succès  qui  surpassaient  l'attente.  A  TOuest, 
Palpa  gardait  son  indépendance,  défendue  par  une  cein- 
ture de  principautés  tributaires.  Bahâdur  Sàh  demanda  et 
obtint  en  mariage  une  fille  de  Mahâ  dalta,  roi  de  Palpa  ; 
sous  le  couvert  de  cette  alliance  matrimoniale,  le  régent 
proposa  à  son  beau-père  une  alliance  politique,  dirigée 
contre  les  derniers  chefs  qui  restaient  indépendants.  Le 
butin  devait  être  partagé  par  moitié.  Mahà  datla  donna 
dans  le  piège:  les  troupes  népalaises  arrivèrent,  conduites 
|Kir  un  i^flicier  Klias  aussi  brave  que  rusé,  Damodar  Panre 
(^hàmodara  Pà^d^'"^.  Trahis  pr  le  roi  de  Palpa,  le  seul  chef 
qui  frtl  «sso/  fort  pour  les  protéger,  les  princes  des  Vingt- 
quahv  lU^yaiuuos.  dans  le  domaine  des  Sept-Gandakis,  et 


HISTOIRE    DU    NÉPAL  279 

les  princes  des  Vingt-Deux  Koyaumes  dans  le  bassin  de 
la  Kali  furent  en  grande  partie  dépouillés.  Les  Gourkhas 
se  réservèrent  la  part  du  lion  ;  Mahà  datta  reçut  trois  petits 
états,  enlevés  h  ses  anciens  alliés,  et  qu'il  ne  devait  pas 
conserver  longtemps.  Poursuivant  sa  marche  victorieuse, 
Damodar  franchit  les  limites  traditionnelles  de  l'empire 
népalais,  et  pénétra  dans  le  Kumaon,  qu'il  soumit. 

A  l'Est,  l'expansion  des  Gourkhas  débordait  aussi  les 
vieilles  frontières.  Déjà  les  KinUas  étaient  assujettis;  en 
septembre  1788,  une  force  de  6  000  hommes  pénètre  au 
Sikkim.  Un  mois  après,  la  capitale  était  occupée.  Le  Bhou- 
lan  était  menacé;  le  Tibet  voyait  ses  frontières  violées  ;  la 
province  tibétaine  de  Kuli  était  envahie.  Un  habile  mouve- 
ment des  Tibétains  rappela  les  Gourkhas  en  arrière  ;  mais 
le  mouvement  s'arrêta  trop  tôt.  Les  Gourkhas,  sûrs  de 
leurs  communications,  reprirent  leur  marche  offensive  sur 
le  Sikkim,  l'occupèrent  une  seconde  fois,  et  le  déclarèrent 
annexé  (1789). 

Le  Tibet,  avec  ses  monastères  enrichis  par  la  piété  de 
l'Asie,  semblait  offrir  une  proie  aisée.  Sous  des  prétextes 
insignifiants,  les  Gourkhas  se  ruèrent  a  l'assaut  des  lama- 
series, franchirent  les  passes,  pillèrent  Shikar  jong  (I)i- 
garchi)  (1790);  mais  ils  se  laissèrent  berner  par  les  pro- 
messes magnifiques  des  Chinois  et  des  Tibétains.  Bientôt, 
exaspérés  par  la  duplicité  des  lamas  et  des  mandarins, 
ils  reparurent  au  Tibet,  impatients  de  vengeance  et  de  pil- 
lage (1791).  L'empereur  de  Chine  K'ien  long  leur  adressa 
en  vain  un  message  de  menaces  ;  l'envoyé  chinois  fut  in- 
sulté. Le  Tibet  était  en  péril.  K'ien  long,  sans  retard,  assem- 
bla des  forces  importantes  qu'il  confia  au  général  Fou- 
K'ang.  Devant  le  nombre,  les  Gourkhas  durent  battre  en 
retraite  ;  les  Chinois  vainqueurs  s'élancèrent  sur  leurs 
traces  et  les  poursuivirent  jusqu'au  cœur  du  Népal,  à  une 
journée  seulement  de  Katmandou  (1792).  Ledarbar  épou- 


280  LE   iNÉPAL 

vaille  demanda  la  paix,  leconniilla  suzerainelé  de  la  Chine 
et  s'engagea  à  payer  un  Iribul  régulier'. 

Au  plus  forf  de  ses  terreurs,  le  darbar,  infidèle  aux 
leçons  de  Prilhi  Narayan,  avait  sollicité  Tintervention  des 
Anglais.  Lord  Cornwallis  se  décida  trop  tard.  Les  Gour- 
khas  s'élaient  ravisés;  ils  avaient  préféré  sagement  un  su- 
zerain lointain  à  un  protecteur  Irop  proche.  Cependant 
Lord  Cornwallis  insista  pour  envoyer  au  Népal  une  mission 
chargée  de  régler  sur  place  les  difficultés  courantes,  et 
surtout  de  réclamer  la  mise  en  vigueur  loyale  d'un  traité 
de  commerce  signé  en  mars  1792,  à  Bénarès,  entre  le 
iNépal  et  la  Compagnie.  Ce  traité  stipulait  des  droits  fixes 
d'importation  et  d'exportation  (2,5  pour  cent  ad  valorem) 
sur  les  marchandises  transportées  d'un  territoire  à  l'autre  ; 
mais  le  Népal  a  toujours  su  l'éluder  en  substituant  à  la 
douane  de  frontière  des  perceptions  partielles  réparties  aux 
étapes  successives  de  la  pénétration.  Le  colonel  Kirkpa- 
Irick  monta  au  Népal  (mars-avril  1793);  s'il  ne  rapporta 
point  de  ce  séjour  Irop  court  des  avantages  politiques  ou 
commerciaux,  il  y  recueillit  les  matériaux  d'un  ouvrage 
excellent  (I,  133  sq.). 

La  guerre  chinoise  n'avait  suspendu  qu'un  instant  les 
opérations  dans  l'Ouest.  Jagaj  jit  Pànde  y  continuait  les 
conquêtes  de  son  frère  Damodar.  Après  le  Kumaon,  le 
(Iharwal  à  son  tour  devint  une  province  népalaise  (1794). 
Le  xNépal  s'étendait  à  présent  du  Bhoutan  au  Cachemire. 

Soudain  un  drame  de  palais  termine  brusquement  la 
régence.  Hana  Balladur  avait  grandi  comme  grandissent  les 
rois  mineurs  sous  la  tutelle  de  régents  ambitieux,  enfermé 
dans  son  palais,  livré  à  une  débauche  précoce  qui  absor- 
bait toute  sa  vigueur.  En  179.'),  il  veut  tout  h  coup  régner, 
par  caprice,  il  fait  arrêter  son  oncle  Balladur  Sâh,  qu'il 

1.  Pour  h»s  alîairos  du  Tibet  el  de  la  Chine,  v.  I,  17'i-181. 


HISTOIRE    DU   NÉPAL  281 

garde  en  prison  pendant  doux  ans,  jusqu'à  sa  mort.  Alors 
s'ouvre  une  ère  de  violences,  de  fureurs,  de  désordres  tels 
que  le  Népal  n'en  avait  pas  connus.  Kana  Bahàdur  est  un 
impulsif,  un  Néron  de  petite  taille  :  il  aime  la  musique  ;  il 
règle  les  airs  qu'on  doit  jouer  dans  tous  les  grands  temples, 
à  Guhyeçvarî,  à  Changu  Narayan,  à  Vajra  Yoginî,  à  Dak- 
sina  kàlî,  àTulajâ.  Aux  bonnes  heures,  il  donne  sans  comp- 
ter; aux  grands  jours  il  distribue  mille  vaches  en  aumônes; 
il  nourrit  des  troupes  de  brahmanes  et  de  faquirs  ;  mais  à 
la  première  contrariété,  il  blasphème  les  dieux,  il  dépouille 
les  brahmanes.  Les  Népalais  reconnaissaient  en  lui  le  roi 
de  Katmandou  Jaya  prakàça,  qui  devait  revenir  au  monde 
dans  la  postérité  de  Prithi  Narayan. 

Son  premier  acte,  c'est  de  confisquer  la  principauté  de 
Yumila,  sauvée  jusque-là  par  le  prestige  de  son  ancienne 
préséance.  Rana  Balladur  avait  épouïié  la  fille  du  râja  de 
Gulmi,  Lalita  Tripura  Sundarî,  princesse  inlelhgente  et 
dévouée  à  son  époux  ;  mais  elle  ne  lui  donna  pas  de  fils. 
Il  la  délaissa  d'abord  pour  une  simple  esclave,  dont  il  eut 
un  fils  illégitime,  puis  pour  la  fille  d'un  brahmane  qui  fut 
la  mère  du  roi  Gîrvâna  Yuddha  Vikrama  Sàh.  (^e  prince 
était  donc  de  naissance  illégitime,  car  la  loi  interdit  le 
mariage  entre  un  ksalriya  et  une  femme  de  sang  brahma- 
nique. Les  brahmanes  furent  scandalisés  de  cette  union 
qui  leur  semblait  incestueuse.  Pour  mettre  un  terme  ra- 
pide à  l'abomination,  les  Brahmanes  firent  publier  une 
prophétie  fondée  sur  l'astrologie  et  qui  annon(;ait  à  bref 
délai  la  maladie  de  la  favorite  et  la  mort  du  roi.  De  fait,  la 
favorite  tomba  bientôt  gravement  malade.  Le  roi,  anxieux 
par  amour  et  tourmenté  par  la  part  de  prophétie  qui  le 
concernait,  consulta  les  brahmanes  sur  les  mesures  à 
prendre;  ils  indiquèrent  des  cérémonies  coûteuses,  qui 
devaient  leur  rapporter  cent  mille  roupies.  Rana  Balladur 
se  laissa  faire;  mais,  en  dépit  des  rites,  la  jeune  femme 


282  LK    NÉPAL 

moiirul  en  peu  de  jours.  Furieux  d'être  alleinl  au  cœur 
et  h  la  bourse,  le  roi  somme  les  brahmanes  de  rendre 
Targenl,  sous  la  menace  de  terribles  supplices;  il  se  fait 
livrer  Tidole  de  ïulajà  qu'ils  ont  adorée,  la  souille  d'excré- 
ments, la  brise  en  pièces,  fait  transporter  les  débris  au 
cimetière  de  Karavira,  avec  un  cortège  funéraire  d'àcàryas 
en  larmes,  aux  sons  des  trompettes  ;  les  restes  sont  brûlés 
sur  le  bûcher  et  les  cendres  jetées  à  la  rivière. 

C'en  était  trop  ;  le  peuple  épouvanté  du  sacrilège  crai- 
gnait d'en  payer  les  suites.  Rana  Bahàdur  comprit  qu'un 
sacrifice  opportun  pouvait  sauver  la  dynastie  et  lui  ména- 
ger personnellement  des  chances  de  retour.  Il  prétexta 
que  son  deuil  l'avait  détaché  du  monde,  entra  en  religion, 
prit  le  nom  de  Nirgunànanda  Svâmi,  et  annonça  son  inten- 
tion d'aller  mourir  saintement  à  Bénarès.  Il  désigna  pour 
lui  succéder  son  fils  Gîrviïna  Yuddha  Vikraraa,  malgré  sa 
naissance  irrégulière  ;  et,  pour  dissiper  toutes  les  préven- 
tions, il  pria  le  roi  de  Palpa,  Prthivî  pâla,  de  venir  comme 
le  plus  authentique  des  Rajpoutes  népalais  poser  au  front 
de  l'enfant  la  marque  royale.  L'armée  et  le  peuple  prêtè- 
rent serment  d'obéir  à  leur  nouveau  maître.  Au  moment 
de  partir,  le  SvAmi  sentit  sa  vocation  déjà  ébranlée  ;  il  alla 
s'installer  dans  Patan,  s'y  fortifia,  recruta  des  partisans. 
iMais  l'opposition  des  brahmanes  le  condamnait  à  échouer; 
il  s'en  rendit  compte,  et  se  décida.  La  reine  Tripura  Sun- 
(lari  avait  refusé  la  régence  |)Our  suivre  son  mari  ;  il  dési- 
gna comme  régente  l'esclave  qu'il  avait  aimée.  Damodar 
Panre,  le  conquérant  de  l'Ouest,  devait  exercer  les  fonc- 
tions de  premier  ministre  (1800). 

A  Bénarès,  Hana  Balladur  no.  larda  pas  h  s'éprendre 
d'une  nouvelle  beauté,  et  pour  satisfaire  aux  exigences 
de  sa  i)assion  il  commença  par  enlever  à  la  reine  tous 
ses  bijoux,  puis  il  contracta  des  emprunts  avec  la  Compa- 
gnie. Le  DarbareutpeurqueBana  Balladur  mit  les  Anglais 


HISTOmE    DO   NÉPAL  283 

dans  son  jeu,  ou  (|ur  la  Compagnie  pour  se  couvrir  vouliH 
intervenir  dans  les  affaires  du  Népal  ;  il  offrit  de  renouveler 
le  traité  de  commerce  reslé  en  suspens  depuis  sa  signature, 
et  de  recevoir  au  Népal  un  résident  britannique.  Le  capi- 
taine Knox  fut  chargé  de  remplir  le  poste,  et  il  arriva  à 


pa  Kâli.  prf5  lie  PhLrphing. 


Katmandou  en  avril  18U2.  Mais  fatigué  des  tergiversations 
incessantes  du  Darbar,  qui  ne  ci^dait  jamais  que  pour  se 
rétracter  aussitôt,  Knox.  accompagné  do  son  assistant 
Buchanan  Hamillon  (I,  t30  sq.),  retourna  définitivement 
dans  l'Inde  en  mars  1803. 

Dansl'intervalle,  dos  événements  considérables  s'étaient 
passés.  La  reine  Tripura  Sundarl,  lasse  des  mauvais  trat- 


284  LE   NÉPAL 

lements  «ie  -on  époux,  avaif  quille  Bénarès  et  guellail  sur 
In  tVonlièn^  une  h«^ure  favorable  pour  rentrer  au  Népal  ; 
t^lle  y  rrii^nail  riio^lililé  «le  son  ancienne  rivale.  Quand  la 
-aison  «les  pluies  rendit  le  Téraï  inhabilable  (avril  1802), 
nlle  -r*  «lérida  à  ri>quer  un  coup  d'audace,  encouragée 
p«^iit-*^tre  -ous  main  [>ar  fK-imodar  Panre  qui  avail  accepté 
à  «nnhv-i'ipur  une  ancienne  esclave  comme  régente.  Lue 
hiMipe  «le  -oldals  f^nvoyée  contre  elle  n'osa  point  agir  ;  le 
♦•het'  ilu  lorf  d«^  Sisajrarhi  s'enferma  avec  ses  hommes  der- 
rièn»  les  murailles  pour  n'avoir  pas  à  l'arrêter.  Un  dernier 
tletarhemenl  lut  envoyé  contre  elle.  Elle  tira  un  poignard, 
•*n  [ïorla  un  coup  à  l'ofticier  qui  se  relira  honteux  de  sa 
bes4»i:ue,  ot  les  soldats  se  débandèrent.  Dès  qu'elle  fut 
des4'iMiduf'  au  Népal,  Hamodar  Panre  vint  au-devant  d'elle 
ol  la  <alua  :  la  multitude  l'acclama  el  la  conduisit  au  palais, 
tamiis  quf^  la  réjizeute  e>clave  fuyait  dans  un  temple  avec 
<on  propre  tils.  le  jeune  roi,  les  trésors  et  les  joyaux  de  la 
roumuno. 

La  rt'iue  Uiisj>a  le  jH>uvoir  à  IKimodar  Panre  ;  mais  elle 
M*  hàla  de  ren>o>er  à  Palpa  le  roi  Prlhivî  pàla  qui  était 
rt»xb»  fi  Katmandou  depuis  l'avènement  de  Girvàna  Yuddlia 
\  ikrama,  cl  qu'on  s»ni^H;onnail  d'aspirer  à  la  couronne  du 
\t*pal  Uana  liahùdur.  qui  se  savait  en  droit  de  compter 
xui  le  iU»\«»uemenl  ile  sa  femme,  partit  de  Bénarès  à  la 
piruiuMv  tit»u>ello  des  événements,  fnforméde  son  arrivée, 
iKiuituKn  Panre  se  mit  à  la  tète  des  troupes  pour  le  rece- 
\on  .  .  (  pour  le  <ur\eiller  au  besoin.  Mais  Bhim  Sen  (Bhl- 
iiia  M  ua"^  I  lulfvl.  qui  s'était  |>oussé  dans  l'intimité  de  Rana 
Uahavlur  .1  lÙMurès.  et  qu'une  vieille  haine  de  famille  e\ci- 
Ktil  ,iiii,iul  que  Tambilion  personnelle,  contre  le  chef  du 
.  îau  Wiinw  s\Hx>K^y\l\  au  roi  de  brusquer  les  événements. 
V^o.  vtvKv»xbMi  cxmtumière,  Kana  Balladur  s'avança  vers 
li\x  xoUlalx  ot  leur  cria  :  v^  Kh  bien,  mes  braves  Gourkhas  ! 
v|4u  i  xi  |sHn  le  N\h.qui  est  pour  le  Panre?  ».  Les  soldats 


HISTOIRE    DU    NÉPAL  285 

répondirent  par  des  acclamations,  et  Rana  Bahâdur  entra 
triomphalement  à  Katmandou,  suivi  de  Damodar  Panre  et 
son  fils  enchaînés.  Peu  après,  l'ancien  ministre  fut,  avec 
son  fils,  hvré  au  hourreau.  Il  mourut  avec  courage,  sans 
vouloir  faire  appel  à  ses  partisans,  par  crainte  de  provoquer 
la  ruine  complète  de  sa  maison. 

Bhim  Sen  Thâpà  devint  alors  ministre.  Il  devait  conser- 
ver le  pouvoir  pendant  trente-trois  «ins,  sous  une  suite  de 
rois.  Il  s'empressa  de  l'cndre  à  son  maître  le  prestige  né- 
cessaire, par  de  nouvelles  conquêtes.  Prthivî  pàla  paya 
d'abord  ses  manœuvres  louches  ;  attiré  malgré  lui  h  Kat- 
mandou sous  prétexte  d'un  projet  de  mariage  entre  sa  sœur 
et  Rana  Bahàdur,  il  fut  massacré  avec  ses  officiers.  Puis 
Amara  Simha  Thàpà,  le  père  du  ministre  Bhim  Sen,  fut 
chargé,  avec  le  litre  anglais  de  a  général  »,  de  réduire 
Palpa.  Il  n'eut  qu'à  prendre  possession  de  la  ville  (août 
1804).  Le  dernier  des  états  indépendants  avait  vécu;  le 
Népal  était  tout  entier  aux  Gourkhas.  Amara  Simha  con- 
tinua sa  marche  vers  l'Ouest,  occupa  de  nouveau  le  Garh- 
val,  et  menaça  le  Kangra;  mais  il  dut  s'arrêter  devant  un 
autre  conquérant,  qui  travaillait  à  se  tailler  un  empire  dans 
l'Himalaya  occidental,  comme  Prithi  Narayan  avait  fait 
dans  l'Himalaya  central  :  le  fameux  Ranjit  Singh  (Rana  jit 
Simha)  avait  groupé  les  clans  Sikhs,  entraînés  à  la  guerre 
par  une  lutte  séculaire  contre  les  Musulmans,  et  les  avait 
lancés  à  la  conquête  du  Penjab  et  du  Cachemire.  Le  Kangra 
n'échapi)a  aux  (jourkhas  que  pour  tomber  au  pouvoir  des 


Rana  Bahàdur  ne  craignit  pas  de  s'attaquer  à  des  enne- 
mis plus  dangereux  :  les  brahmanes.  Devenu  maître  de 
Palpa,  il  déclara  que  les  brahmanes  du  pays  avaient  for- 
fait, par  l'indignité  de  leur  conduite  et  par  l'abomination 
de  leurs  pratiques,  aux  lois  de  la  caste  ;  en  conséquence 
tous  leurs  domaines  devaient  revenir  à  la  couronne.  Les 


286  LE    NÉPAL 

brahmanes  furent  atterrés  de  cette  audace.  Ils  vinrent  à 
Katmandou  réclamer  justice,  et  récitèrent  le  vers  connu  : 
((  0  roi,  le  poison  n'est  pas  du  poison,  les  biens  des  brah- 
manes, voilà  le  poison  ;  le  poison  tue  la  personne  ;  mais 
les  biens  des  brahmanes  tuent  les  fils  et  les  petits-fils  *  ». 
Le  roi  resta  sourd,  mais  un  présage  indiqua  que  le  ciel 
avait  entendu:  le  7  de  vuiçAkha  clair,  en  927  (1807)  un 
grand  chacal  entra  en  ville,  passa  par  le  bazar,  et  sortit  de 
la  ville  par  la  porte  du  Nord.  C'était  la  conséquence  des 
fautes  de  Hana  Balladur,  qui  avait  repris  aux  brahmanes 
leurs  terres,  fermé  les  grandes  routes,  mal  traité  les  enfants, 
commis  le  sacrilège  et  Tinceste.  Rana  Balladur,  instruit 
d'un  complot  que  son  frère  illégitime  Sher  Bahftdur  avait 
formé  contre  lui,  mande  Sher  Balladur,  lui  ordonne  de 
quitler  la  capilale  et  do  rejoindre  Tannée  dans  les  pro- 
vinces de  rOuest.  Sher  Bahâdur  réplique  par  une  insulte  ; 
le  roi  crie  de  le  mettre  h  mort.  Shor  Balladur  tire  son  sabre, 
blesse  mortelh^ment  le  roi,  et  tombe  lui-même  sous  Tépée 
de  BAla  Nara  siiiiha  Konvar,  un  Thâpù  qui  devait  avoir 
pour  fils  Jang  BahAdur,  le  grand  ministre  (1807).  Bhim 
SenïhApâ,  resté  le  premier  ministre  de  (lirvàna  Yuddha 
Vikrama,  oblige  la  plus  jeune  épouse  royale,  qui  lui  était 
hostile,  à  monter  sur  le  bûcher,  donne  Tordre  de  mettre  à 
mort  la  plupart  des  chefs  qu'il  craint,  comme  les  complices 
de  Sh(îr  Balladur,  et  partage  le  pouvoir  réel  avec  la  reine 
régente  Tri|)ura  Sundarî.  l/histoire  du  Népal  est  dès  lors 
pendant  trente  ans  Thistoire  du  ministère  de  Bhiiii  Sen. 

Le  roi  (ilivàna  Yuddha  Vikrama  Sàh,  qui  portait  le  titre 
royal  depuis  Tabdicalion  de  son  père  en  1800,  ne  possède 
aucun  pouvoii'  et  n\»\erc(»  auiuuie  action  jusqu'à  sa  mort'. 
II  avait  deux  ans  quand  une  combinaison  poHtique  deRaçia 


n.i  visim  visani  iiy  àliur  braliinasvani  visam  ucyatc  | 
vis;ini  ckakini)  lianti  brahniasvaiiî  putrapautrakani  il 


HISTOIRE    DU    NÉPAL  287 

Bahâdur  Tavait  porté  sur  le  trône,  neuf  ans  quand  la  mort 
de  son  père  Tavail  laissé  comme  un  jouet  aux  mains  de  la 
reine  et  du  premier  ministre,  dix-huit  ans  quand  il  fut  enlevé 
par  la  petite  vérole  en  1816.  La  Chronique  le  représente 
avec  assez  de  vraisemblance  comme  pieux,  dévot,  paci- 
fique, adorateur  de  Visnu.  11  respectait  profondément  les 
Brahmanes  el  les  Saints  Knseignements  (castras).  Il  se  fit 
expliquer  le  chapitre  de  l'Himavat  Khanda  qui  exalte  les 
lieux  sacrés  du  Népal  (JSepâla  mâhdtmya)^  jeûna  le  jour  et 
la  nuit  de  laÇivaràtri  suivante,  el  dédia  la  ville  de  Deo  Patan 
à  Paçupali,  le  1  i  pluYlguna  sombre  de  Tan  vikrama  1870 
(1813  J.-C).  Kn  1810,  un  tremblement  de  terre  violent 
secoua  le  Népal,  et  causa  nombre  de  morts  à  Bhatgaon  ; 
c'était  un  présage  funesh^  Enfin,  sous  son  règne,  une 
guerre  éclata  dans  le  Téraï  avec  les  Anglais;  mais  le  roi  les 
affola  et  sauva  le  pays.  Alors  il  manda  les  Anglais,  fit  la 
paix  avec  eux,  et  leur  permit  de  vivre  près  de  Thambahil 
(faubourg  de  Katmandou). 

Tel  est  le  récit  indigène  et  officiel  de  la  guerre  anglo- 
népalaise  qui  aboutit  au  traité  de  Segowlie  el  qui  paralysa 
définitivement  la  conquête  gourkha.  Les  empiétements 
obstinés  des  (iourkhas  sur  la  frontière  méridionale  avaient 
fini  par  lasser  la  patience  de  la  Compagnie  et  rendu  néces- 
saire un  recours  aux  armes.  De  1787  à  1813,  plus  de  deux 
cents  villages  avaient  été  saisis  par  les  Népalais  sous  des 
prét(*xtes  injustifiables.  Lord  Haslings,  décidé  à  agir,  en 
réchima  l'évacuation  dans  le  délai  de  vingl-cinq  jours. 
Bhim  Sen  répondit  à  ruitimatum  par  une  déclaration  de 
guerre. 

Commencée  le  l'^'  novembre  1814,  la  guerre  se  pro- 
longea jusqu'au  4  mars  1816.  Les  Gourkhas  n'avaient  que 
12  000  hommes  de  troupes  à  opposer  aux  30  000  soldats 
et  aux  60  canons  que  les  Anglais  mirent  en  ligne  dès  Tou- 
verture  de  la  campagne  ;  mais  leurs  vertus  militaires,  leur 


288  LE   NÉPAL 

bravoure,  leur  t(^nacité,  leur  souplesse  faillirent  contre- 
balancer leur  infériorité  numérique,  et  leur  résistancemérila 
resliuio  el  Tadiniration  de  leurs  vainqueurs.  L'incapacité 
des  commandants  britanniques  amena  d'abord  une  série 
de  désastres:  le  général  Gillespie,  venant  de  Meerut,  passe 
les  Sivalikhs,  pénètre  dans  le  Dehra  Dun,  et  se  laisse  arrê- 
ter un  mois  par  le  fort  de  Kalanga  (ou  Nalapani).  tenu  par 
600  (iourkhas  sous  les  ordres  de  Bala  bliadra  ;  le  corps 
anglais  y  perd  ;M  officiers,  718  hommes,  et  son  chef  lui- 
même  blessé  morlellement.  Quand  le  poste  n'est  plus  te- 
nable,  Halabhadra  se  fraie  une  issue  à  la  tête  de  90  hommes 
qui  lui  restent  encore.  Le  général  xMarlindell,  qui  a  rem- 
placé (ililles|)ie,  mène  ses  troupes  devant  Jylhak,  mais  il 
subit  un  grave  échec  ;  il  perd  12  officiers  et  450  hommes. 
En  février  181  i)  une  compagnie  de  200  (jourkhas  met  en 
déroule  2  000  irréguliers  au  service  de  TAngleterre.  Le 
général  Marley,  chargé  de  marcher  sur  Katmandou  par 
Hichakoh  et  Iletaura,  se  laisse  surprendre  par  rennenii 
qui  lui  tue  ou  lui  met  hois  de  combal  îJOO  hommes.  Le 
major  Ih^irsey  qui  opère  vers  Almorah,  est  défait,  blessé 
elpris.  Mais  \o  colonel  Nicolls  investit  Almorah  qui  capitule, 
elles  (iourkhas  perdent  le  Kumaon.  La  lactique  prudente 
(rOchhM-lony  ré|)are  tous  les  désastres.  Opposé  a  Amara 
Sirnha,  le  père  d(»  Hhim  S(mi  (»t  le  plus  redoutable  des 
généraux  gourkhas,  il  le  fatigue,  il  Tust»  par  de  [)etites 
manuMivres,  leforc(;de  se  retirera  Malaon,  où  il  est  réduit  à 
ca|)iluler.  Ochlerlony,  généi*eu\  dans  la  victoire,  lui  per- 
met (le  sortir  avec  armes  et  bagages  ce  considérant  la  bra- 
voure, riiabileté,  la  fidélité  av(*c  l(»squ(»lles  il  a  défendu  le 
pays  confié  à  ses  soins  ». 

Inlerrompue  par  la  saison  (h»s  pluies  et  par  les  négocia- 
tions (|U(*  le  Darbar  Iraint»  en  longueur,  la  campagne  rouvre 
en  février  1810.  Ochlerlony,  <|ui  n'a  pu  forcer  la  passe  de 
Dichakoh,  la  tourne  et  parait  devant  Makwanpur.  Les  forts 


HISTOIRE   DU    NÉPAL  289 

gourkhas  opposent  une  résistance  désespérée,  mais  Tartil- 
lerie  finit  par  en  avoir  raison.  La  route  de  Katmandou  est 
ouverte.  Le  Uarbar  demande  la  paix.  Le  4  mars.  1816,  un 
traité  signé  à  Segowlie  consacre  la  défaite  du  Népal,  qui 
perd  le  Sikkim,  le  Kumaon,  le  Garlnval,  tout  le  Téraï  à 
rOuest  de  la  Gandaki,  et  qui  se  résigne  à  accepter  un  rési- 
dent britannique.  Lord  Ilastings  avait  fait  de  celte  clause 
la  condition  fondamentale  de  la  paix,  et  avait  repoussé 
d'avance  toute  discussion  sur  ce  point.  Edward  Gardner 
fut  nommé  résident  au  Népal,  où  Hodgson  vint  le  rejoindre 
comme  assistant  en  1820  *. 

Le  Népal  comprit  la  leçon  et  en  profita  ;  jamais  les 
Gourkhas  ne  se  risquèrent  plus  à  attaquer  l'Angleterre.  Le 
gouvernement  de  l'Inde  montra  d'autre  part  sa  sagesse  ;  il 
se  garda  prudemment  de  provoquer  un  adversaire  dont 
il  avait  éprouvé  le  mérite.  Le  général  Ocliterlony  décla- 
rait confidentiellement  à  Lord  Ilastings  que  a  les  soldats 
hindous  de  la  Compagnie  ne  seraient  jamais  en  état  de  ré- 
sister au  choc  de  ces  montagnards  énergiques  surleur  pro- 
pre sol  ».  En  conséquence  Lord  Hastings  donnait  comme 
instructions  à  Edward  Gardner  de  travailler  à  transformer 
le  voisin  turbulent  en  allié  amical  ou  tout  au  moins  tran- 
quille. Pour  mieux  marquer  «on  intention,  il  consentit  dès 
la  fin  de  1816  à  modifier  une  clause  du  traité,  conformé- 
ment aux  plus  chers  désirs  du  roi.  La  Compagnie  s'était 
engagée  par  le  traité  à  payer  une  indemnité  de  200  000  rou- 
pies par  an  pour  compenser  la  perte  des  revenus  que  la 
cession  du  Téraï  causait  aux  détenteurs  antérieurs  de  ces 
fiefs  ;  par  un  nouvel  arrangement,  une  partie  du  Téraï  fut 


1.  Pour  la  période  qui  correspond  au  séjour  de  Hodgson,  j*ai  utilisé  la 
biographie  écrite  par  Sir  \V.  W.  Hunter  :  Life  of  Brian  Houghton 
Hodgson,  London,  1896.  Hunter  a  utilisé  un  grand  nombre  de  docu- 
ments à  demi  confidentiels  qui  se  trouvent  à  l'india  Office,  et  dont  on 
verra  l'indication  précise  dans  les  notes  de  son  excellent  livre. 

II.  —  19 


290  LE   NÉPAL 

rétrocédée  au  Népal  comme  équivalant  à  200000  roupies 
de  revenus  par  an.  Les  Anglais  s'aperçurent  trop  tard  du 
mauvais  marché  qu'ils  avaient  conclu.  En  1834,  Hodgson 
estimait  à  991  000  roupies  les  revenus  annuels  des  terrains 
rétrocédés. 

Aussitôt  après  la  guerre,  le  roi  Gîrvâna  Yuddha  Vikrama 
était  mort.  Il  fut  remplacé  par  son  fils  en  bas-âge,  Ràjen- 
dra  Vikrama  Sâh  (1816).  Le  changement  de  princes, 
qui  ouvrait  une  nouvelle  minorité  à  long  terme,  conso- 
lidait le  pouvoir  du  premier  ministre  Bhim  Sen,  et  de  la 
reine  Tripura  Sundari,  grand'mère  de  Râjendra  Vikrama 
Sâh. 

Bhim  Sen  devait  faire   face  h  une  situation  difficile. 
Les  Gourkhas  étaient  une  nation  militaire,  incapable  de 
vivre  autrement  que  de  guerres  et  de  conquêtes.  Les  re- 
venus du  sol  népalais  ne  pouvaient  suffire  à  Tentretien 
d'une  population  oisive,  et  la  guerre  avec  TAngleterre  avait 
démontré  aux  Gourkhas  que  Tère  des  razzias  était  passée. 
Bhim  Sen  s'efforça  d'encourager  le  trafic  entre  le  Népal  et 
ses  deux  voisins  :  Inde  et  Tibet.  Les  revenus  des  douanes, 
évalués  à  80000  roupies  en  1816,  s'élevaient  en  1833  à 
250  000  roupies.  Mais  la  défaite  avait  imposé  aux  vaincus 
de  nouvelles  charges  ;  les  Gourkhas  avaient  compris  que 
pour  échapper  h  la  puissance  envahissante  qui  absorbait, 
peu  à  peu  l'Inde  entière,  le  rempart  des  montagnes  ne 
suffirait  pas  sans  les  armées  et  les  canons.  Bhim  Sen  in- 
stalla des  fonderies  de  canons,  des  arsenaux,   éleva  de 
grandes  casernes,  maintint  et  développa  la  discipline  et 
l'instruction  militaires.  L'argent  manquait  ;  Bhim  Sen  fit 
appel,  au  nom  du  patriotisme  hindou,  aux  brahmanes  et 
aux  temples  qui  possédaient  par  donation  des  biens  libres 
de  charges.  Peu  répondirent  à  l'appel.  Trop  sûr  de  sa 
force,  il  ne  craignit  pas  alors  d'annuler  ces  donations  et 
d'exiger  la  remise  des  chartes  et  diplômes  qui  les  sanc- 


HISTOIRE   DU   NÉPAL  291 

lionnaient.  Il  avait  déchaîné  contre  lui  des  adversaires  qui 
ne  pardonnent  pas. 

En  1832  la  vieille  reine  Tripura  Sundarî  mourut.  Bhim 
Sen  vit  disparaître  sans  regret  une  autorité  qui  lui  faisait 
contrepoids.  En  fait  il  restait  dès  lors  à  découvert,  seul 
responsable  d'un  régime  paradoxal  qui  laissait  depuis  vingt- 
huit  ans  le  pouvoir  absolu  aux  mains  d'un  simple  serviteur 
de  la  couronne.  Un  de  ses  frères  Rana  Vira  Simha  Thâpâ 
s'était  poussé  dans  Tamitié  du  jeune  roi  qu'il  avait  sous  sa 
surveillance  et  Texcitait  par  ambition  à  ressaisir  l'autorité. 
Au  sérail  la  vieille  rivalité  des  Thàpàs  et  des  Panres  pré- 
parait un  nouvel  éclat  ;  la  première  épouse  de  Hâjendra 
Vikrama  était  affiliée  aux  Panres  ;  la  seconde,  par  sa  nais- 
sance et  par  ses  intérêts,  était  attachée  aux  ïhàpàs.  Dès 
1833  (l'année  même  où  Hodgson  fut  nommé  résident  au 
Népal),  il  apparut  que  l'autorité  du  premier  ministre  était 
minée  ;  à  la  cérémonie  annuelle  de  la  paijnî,  où  tous  les 
fonctionnaires  sont  soumis  à  une  nomination  nouvelle, 
Bhim  Sen  ne  fut  pas  confirmé  dans  son  poste,  qui  resta 
sans  titulaire  ;  ses  partisans,  auxquels  il  avait  confié  sans 
discrétion  tous  les  emplois  de  l'état,  furent  remplacés  par 
des  adversaires.  Quelques  jours  après,  Bhim  Sen  fut  rap- 
pelé au  ministère  ;  mais  cette  péripétie  annonçait  une  pro- 
chaine catastrophe.  Les  dieux  mêmes  se  tournaient  contre 
lui.  Un  tremblement  de  terre  formidable  ébranla  tout  le 
pays  dans  la  nuit  du  12  bhàdrapada  intercalaire,  quinzaine 
claire  (25  septembre  1833);  quatre  secousses  se  succé- 
dèrent qui  jetèrent  bas  ou  endommagèrent  à  Katmandou 
643  constructions,  à  Patan  824,  à  Bhatgaon  2747,  à  San- 
ku  257,  à  Banepa  269.  Depuis  le  règne  de  Çyàma  simha 
deva  on  n'avait  vu  pareil  désastre  au  Népal.  En  1834,  le 
6  d'àsâdha  sombre,  la  foudre  tomba  sur  la  poudrière  de 
Timiqui  fit  explosion.  Quatorze  jours  plus  tard,  nouvelles 
secousses  de  tremblements  de  terre,  pluies  diluviennes  ;  la 


292  LE    NÉPAL 

Bagmali  déborde.  En  1836,  une  femme  de  Patan  met  au 
monde  deux  enfants  soudés  ensemble.  Tant  de  prodiges 
ne  parlaient  que  trop  clairement. 

Au  printemps  de  1837,  le  neveu  de  Bliim  Sen,  Matabar 
Singh,  le  chef  le  plus  populaire  de  Tarmée,  est  révoqué  du 
gouvernement  de  Gourkha,  et  sa  place  est  donnée  à  un 
fils  de  ce  Damodar  Panre  qui  avait  été  le  prédécesseur  et 
la  victime  de  Bhim  Sen.  En  juin,  le  fils  aîné  de  Damodar, 
Ran  Jang  Panre  (Rana  Janga  Pànde)  est  remis  en  posses- 
sion des  titres  et  biens  qu'avait  possédés  le  père.  Quel- 
ques jours  plus  tard,  le  plus  jeune  fils  de  la  première  reine 
meurt  brusquement  ;  on  accrédite  le  bruit  que  Bhim  Sen 
a  voulu  empoisonner  la  reine,  et  que  l'enfant  est  victime 
de  ses  manœuvres  coupables  ;  il  est  arrêté,  jeté  en  prison, 
avec  Matabar  Singh  et  tout  le  reste  de  sa  famille.  Les 
médecins  du  palais,  qui  étaient  des  créatures  de  Bhim  Sen, 
sont  aussi  incarcérés.  Tous  sont  rayés  de  la  caste,  mis  à 
la  torture  ;  leurs  biens  sont  confisqués.  Ran  Jang  Panre 
remplace  Bhim  Sen  au  ministère.  Mais  le  retour  brusque 
des  Panres  inquiète  les  autres  partis.  Les  Chauntrias,  col- 
latéraux de  la  famille  royale,  que  Bhim  Sen  a  tenus  à 
Técart  depuis  1804,  les  Brahmanes  qui  ont  perdu  le  plus 
clair  de  leurs  revenus  par  des  spoliations  successives,  ré- 
clament leur  part  de  la  curée.  Les  ambitions  rivales  qui 
épuisent  toutes  leurs  forces  à  se  neutraliser  provoquent 
un  semblant  de  réconciliation  générale.  Bhim  Sen  s'hu- 
milie aux  pieds  du  roi  qui  lui  octroie  son  pardon  ;  les  pri- 
sonniers sont  relâchés  et  rentrent  en  gn\ce  ;  l'armée  fait 
à  son  vieux  chef  et  à  son  jeune  favori  une  conduite  triom- 
phale. Han  Jang  descend  du  pouvoir  où  il  vient  de  se  hisser, 
et  laisse  la  place  au  chef  du  parti  brahmanique,  Raghu  nà- 
tha  PaiHJila,  qui  cherche  à  ménager  tout  le  monde,  mais 
que  l'arniée  regarde  avec  antipathie  comme  le  représen- 
tant d'une  concurrence  dangereuse.  Ran  Jang,   nommé 


HISTOIRE    DU   NÉPAL  293 

commandant  en  chef,  cultive  h  son  profil  cette  désaffection 
de  la  soldatesque  ;  il  prend  avantage  du  départ  des  officiers 
attachés  à  Bhim  San,  et  qui  ont  donné  leur  démission  pour 
le  suivre  dans  sa  retraite  forcée. 


Darbar,  i.  Patan. 


Au  palais,  les  deux  reines  se  disputent  l'influence  au 
profil  de  leurs  partis.  La  première  reine,  qui  s'était  crue 
triomphante  à  la  chute  de  Bhim  Sen  et  qui  avait  vu  avec 
rage  les  brahmanes  escamoter  la  victoire,  se  décide  h  un 
scandale.  Elle  quitte  le  darbar  et  s'insialle  à  Paçupati,  sous 
la  garde  de  son  fidèle  Han  Jang.  Le  misérable  roi  vient 
tous  les  jours  l'y  rejoindre  sans  arriver  à  la  calmer  ;  elle 
exige  que  Ran  Jang  soit  ministre.  Matabar  Singh,  qui  sent 


294  LE    NÉPAL 

approcher  une  nouvelle  tempête,  s'en  va  chasser  les  élé- 
phants au  Téraï,  franchit  prudemment  la  frontière,  se  retire 
chez  le  vieux  Ranjit  Singh  à  Lahore.  Raghu  nâtha  Pandita 
donne  sa  démission  de  premier  minisire  ;  un  Chauntria  est 
appelé  à  constituer  le  cabinet,  où  Ran  Jang  est  tout-puis- 
sant ;  bientôt  il  jette  le  masque,  renvoie  ses  collègues,  et 
garde  seul  tous  les  pouvoirs,  au  commencement  de  1839. 
L'accusation  d'empoisonnement  lancée  contre  Bhim  Sen 
en  1837  est  aussitôt  reprise,  étayée  par  un  arsenal  de  faux 
qui  ne  trompent  personne,  mais  qui  donnent  à  la  comédie 
judiciaire  un  air  de  dignité.  Le  vieux  ministre,  accusé  de 
trahison  parle  roi,  est  jeté  en  prison,  menacé,  poussé  au 
suicide,  car  nul  n'ose  encourir  la  responsabilité  de  sa 
mort.  On  va,  lui  dit-on,  le  plonger  jusqu'au  cou  dans  une 
fosse  d'excréments,  promener  sa  femme  à  travers  la  ville, 
toute  nue.  Epouvanté,  le  vieillard  se  frappe  de  son  couteau 
(kukhri)  et  meurt  de  sa  blessure  neuf  jours  après.  Son 
corps  est  démembré,  les  tronçons  exposés  en  public  sont 
ensuite  jetés  aux  bêtes.  Le  médecin  qui  avait  soigné  le 
petit  prince,  un  brahmane  que  la  loi  interdit  d'exécuter, 
est  brûlé  au  front  et  sur  les  joues  tant  que  le  crâne  et  les 
mâchoires  se  montrent  ;  son  collègue,  un  Névar,  est  em- 
palé, et,  tout  vivant,  on  lui  arrache  le  cœur.  Un  décret 
royal  exclut  les  Thâpàs  de  tous  les  emplois  pour  sept  géné- 
rations (juillet  1839). 

Pour  pallier  ces  horreurs  et  pour  capter  la  faveur 
publique,  le  parti  des  Panres  exploita  le  chauvinisme 
des  Gourkhas,  que  Bhim  Sen  avait  eu  tant  de  peine  à 
contenir  depuis  la  paix  de  Segowlie.  On  lit  répandre  des 
prophéties  qui  annon(;aient  la  chute  prochaine  des  Anglais  ; 
on  fondit  des  canons,  des  fusils,  on  commanda  800  000  li- 
vres de  poudre,  des  balles,  des  boulets  ;  on  envoya  des 
officiers  préparer  des  travaux  de  défense  ;  on  fit  un  recen- 
sement militaire  qui  donna  400  000  hommes  en  état  de 


HISTOIRE   DU   NÉPAL  295 

porter  les  armes.  On  noua  des  relations  secrètes  avec  les 
états  rajpoutes,  Gwalior,  Satara,  Baroda,  Jodhpur,  Jay- 
pur,  Kotah,  Bundi,  Rêva,  Panna;  avec  le  débile  héritier  de 
Ranjit  Singhqui  venait  de  mourir,  avec  la  Birmanie,  avec 
la  Perse,  avec  l'Afghanistan,  avec  la  Chine.  Mais  cette  po- 
litique coûtait  cher  et  Targent  manquait.  Han  Jang  feignit 
de  restituer  à  l'Etat  tous  les  biens  qu'il  avait  reçus  libres 
de  charges,  et  il  exigea  le  même  sacrifice  de  tous  ceux  qui 
avaient  reçu  des  donations  royales  depuis  la  chute  de  son 
père  ;  de  lourdes  amendes  s'abattaient  tout  à  coup  sans 
raison.  On  voulut  môme  rogner  la  solde  de  l'armée,  sous 
prétexte  que  le  roi  n'avait  pas  de  ressources  pour  élever 
ses  six  enfants.  Les  troupes  se  mutinèrent,  réclamèrent  une 
guerre  contre  Tlnde  ;  le  roi  dut  paraître  devant  elles  pour 
les  apaiser. 

Le  mécontentement  universel  servait  les  fins  de  la  pre- 
mière reine.  Pour  posséder  plus  sûrement  le  pouvoir  et  le 
partager  avec  Ban  Jang,  elle  travaillait  à  discréditer  le  roi 
dans  l'espoir  qu'un  soulèvement  le  déciderait  h  abdiquer 
en  faveur  de  son  fils,  et  à  la  désigner  pour  régente.  La 
mort  déjoua  ses  calculs  ;  elle  fut  emportée  par  la  fièvre  en 
octobre  1841.  Déjà  depuis  un  an  la  chute  des  Panres 
était  consommée.  L'Angleterre,  lasse  de  provocations  ridi- 
cules, avait  imposé  un  arrangement  au  Népal  en  1839; 
puis,  à  la  suite  d'un  mouvement  des  soldats  contre  la  Rési- 
dence, elle  avait  exigé  la  démission  du  ministre  Ban 
Jang;  un  Chauntria,  Fateli  Jang,  avait  été  chargé  de  former 
un  cabinet  de  concentration. 

La  disparition  de  la  première  reine  ne  simplifiait  guère 
la  politique  intérieure  du  Népal; la  seconde  reine,  qui  avait 
supporté  impatiemment  la  suprématie  de  sa  rivale,  aspirait 
à  prendre  le  pouvoir;  par  l'élimination  successive  du  roi  et 
de  l'héritier  présomptif,  elle  assurait  le  trône  à  sa  progéni- 
ture, et  s'assurait  la  régence.  L'héritier  présomptif,  alors  âgé 


296  LE    NÉPAL 

de  douze  ans,  étail  une  espèce  de  fou  sanguinaire,  qui  se 
délectait  à  voir  torturer  et  mutiler  des  animaux  et  des 
hommes  ;  il  lui  tardait  de  régner  et  de  mettre  à  l'écart  son 
père  qui  s'obstinait  h  durer.  Enfin  le  roi  Hàjendra  Vikrama, 
ahuri,  imbécile,  passait  d'une  influence  àTaulresans  s'arrê- 
ter jamais;  il  fuyail  devant  les  querelles  et  ne  demandait 
que  la  paix  ;  mais  personne  autour  de  lui  n'était  disposé  à 
la  lui  laisser  goûter. 

La  situation  devint  si  grave  que  la  noblesse,  jugeant 
l'Etat  en  péril,  oublia  un  instant  les  compétitions  de  partis. 
Une  réunion  générale,  tenue  en  décembre  1842,  nomma 
un  comité  chargé  de  demander  et  de  proposer  au  roi  des 
mesures  pour  la  proleclion  de  la  vie,  des  propriétés,  et  des 
droits  .légitimes,  publics  ot  personnels,  de  tous  les  sujets 
de  la  couronne.  La  pétition  fut  successivement  soumise 
aux  ministres,  aux  chefs,  aux  autorités  municipales  des 
villes  de  la  vaUée,  aux  officiers,  approuvée,  signée  et 
portée  par  une  immense  députation  au  darbar  royal,  le 
7  décembre.  Le  roi  la  reçut,  la  signa  et  la  ratifia.  La  crise 
avait  duré  douze  jours. 

La  reine,  qui  devait  .à  cette  sorte  de  charte  un  surcroit 
de  puissance,  destiné  h  conlre-balancer  Taction  du  prince 
héritier,  s'empressa  de  rappeler  les  Thâpàs  au  pouvoir. 
Malabar  Singh,  qui  vivait  depuis  quatre  tins  hors  du  Népal, 
est  rap|)elé.  Il  réclame  el  obtient  la  réhabilitation  publique 
de  Hhim  Son,  le  chAliment  de  ses  accusateurs;  enfin  il 
esl  nommé  premi(»r  ministre  en  décembre  1843.  Maintenu 
malgré  lui  au  pouvoir,  il  perd  Tappui  de  la  reine,  qu'il 
a  refusé  de  seconder  dans  ses  de^^seins  criminels  ;  le 
17  mai  ISi;i,  dans  ht  nuit,  il  est  mandé  au  pakis,  s'y 
présenta  dova!»!  le  roi  et  la  reine  ;  trois  coups  de  fusil  le 
bless(»nl  ;  il  demande  grAcre  pour  sa  mère  et  ses  enfants, 
étend  l(»s  muins  vers  le  trône;  un  serviteur  lui  tranche  le 
poignet  ;  le  cadavre  pantelaut  est  descendu  par  une  fenêtre. 


HISTOIRE   DU   NÉPAL  297 

L'assassin  qui  avait  abattu  Malabar  était  son  propre  neveu, 
Jang  Bahadur. 

Le  personnage  qui  entrait  en  scène  avec  un  si  fâcheux 
exploit  était  voué  aux  tragédies  de  palais.  Son  père,  Bâla 
Narasimha,  avail  assisté  jadis  au  meurtre  de  Rana  Bahâdur 
et  avait  de  sa  propre  main  abattu  le  meuririer,  qui  était 
frère  du  roi.  Petit-neveu  de  Bhim  Sen,  il  avait  obtenu  de 
bonne  heure  un  grade  élevé;  mais,  fatigué  de  la  caserne, 
il  avait  déserté,  franchi  la  Kah,  visité  les  provinces  de-la 
Compagnie,  et  songé  à  s'enrôler  sous  HanjitSingh;  ramené 
au  Népal  par  des  parents,  il  obtint  son  pardon.  Bientôt  la 
chute  de  Bhim  Sen  TobUgeait  h  se  cacher  ;  il  parcourut  le 
Népal  en  observateur  discret,  s'initiant  aux  coutumes,  aux 
mœurs,  aux  langages  de  toutes  les  races,  assouplissant  son 
corps  aux  plus  rudes  fatigues.  Rentré  à  Katmandou,  il  s'y 
manifeste  par  un  coup  d'éclat;  un  éléphant  affolé  boule- 
versait la  ville  et  personne  n'osait  l'arrêter.  Jang  se  laisse 
glisser  d'un  toit  sur  le  dos  de  l'animal,  lui  jette  sur  les  yeux 
une  étoffe  qui  l'aveugle,  et  s'en  rend  maître.  Le  dkrbar  lui 
offre  un  costume  d'honneur  et  une  somme  d'argent  qu'il 
refuse;  il  rentre  dans  l'armée  comme  capitaine,  est  em- 
ployé à  une  mission  secrète  près  du  râja  de  Bénarès, 
arrêté  par  les  Anglais  qui  le  ramènent  à  la  frontière.  l\  à* 
déjà  des  envieux  qui  essaient  de  le  perdre;  il  les  confond 
par  son  audace.  On  en  cite  des  traits  nombreux.  Un  jour, 
tandis  qu'il  traverse  à  cheval  un  torrent  furieux  sur  une 
passerelle  de  deux  planches,  h  une  hauteur  vertigineuse 
au-dessus  de  l'abîme,  le  prince  héritier  le  rappelle.  Sans 
hésiter,  il  fait,  dans  un  bond  hardi,  tourner  sa  monture  et 
rejoint  le  bord.  Un  autre  jour,  pour  échapper  à  lai  férocité 
du  même  prince,  il  se  jette  dans  un  puits,  s'y  maintient 
jusqu'à  la  nuit  ;  quand  ses  amis  viennent  l'en  tirer,  il  a  lés 
ongles  entièrement  usés  de  s'accrocher  aux  briques  des 
parois.  Ouand  Malabar  Singh,  rentré  en  grâce,  revint  de 


298  LE   NÉPAL 

rinde,  Jang  fut  le  premier  à  saluer  le  retour  du  nouveau 
favori.  En  le  choisissant  pour  être  Tinstrumenl  du  crime, 
la  reine  Tavait  bien  jugé  :  c'était  un  homme  à  tout  faire. 
Elle  s'en  aperçut  plus  tard  à  ses  dépens. 

Après  le  meurtre,  Jang  Bahâdur  nommé  général  avec  le 
commandement  de  trois  régiments  fut  chargé  du  minis- 
tère à  titre  provisoire,  puis  il  céda  la  place  au  Chauntria 
Fateh  Jang,  et  resta  en  dehors  du  nouveau  cabinet  ;  mais 
les  trois  régiments  qu'il  commandait  garantissaient  son 
influence.  Le  véritable  pouvoir  appartenait  au  général 
Gagana  Simha,  ancien  domestique  du  harem,  devenu 
l'amant  de  la  reine.  Le  roi,  menacé  d'être  sacrifié  à  cet 
amour  adultère,  loua  les  services  d'un  bandit  de  profession 
qui  abattit  d'un  coup  de  fusil  Gagana  Simha,  tandis  qu'il 
priait  dans  sa  chambre  (septembre  1846). 

Folle  de  douleur  h  cette  nouvelle,  la  reine  saisit  dans  ses 
mains  le  sabre  royal,  emblème  de  l'autorité  suprême,  que 
le  roi  l'avait  autorisée  à  porter  depuis  janvier  1843;  elle 
donne  l'ordre  aux  trompettes  d'appeler  les  soldats,  et 
convoque  tous  les  fonctionnaires  civils  et  mihtaires  de 
l'Etat.  Le  roi,  embarrassé,  s'esquive  sous  prétexte  d'in- 
former la  Résidence.  Les  nobles  accourent,  sans  prendre 
le  temps  fie  s'armer.  «  Qui  de  vous  a  tué  mon  fidèle  ami?  » 
leur  crie  la  reine,  elle  bondit  sur  un  des  Panres  qu'elle 
soupçonne  du  crime,  et  qu'elle  veut  tuer  de  ses  mains. 
On  la  retient.  Elle  s'échappe,  se  précipite  vers  l'escalier 
qui  conduit  à  l'étage  supérieur  où  est  son  appartement  ; 
trois  des  ministres  s'élancent  à  sa  suite  quand  des  coups 
de  fusil,  partis  on  ne  sait  d'où,  les  étendent  morts  à  terre. 
En  tombant,  Abhimana  Simha  désigne  Jang  Bahâdur 
comme  son  assassin.  Le  filsd'Abhinii\na  se  jette  sur  un  des 
frères  de  Jang  et  le  frappe  de  son  épée  :  il  va  en  frapper 
un  autre  quand  Jang  apparaît  sur  l'escalier  et  l'abat  d'un 
coup  de  fusil.  Dans  l'obscurité  de  la  salle  et  des  couloirs,  à 


HISTOIRE    DU   NÉPAL  299 

peine  trouée  par  la  lumière  tremblante  des  veilleuses,  un 
duel  meurtrier  s'engage  à  l'aveugle  entre  les  partisans  de 
Jang,  ralliés  autour  de  lui,  et  ses  adversaires;  on  frappe, 
on  égorge,  on  massacre  sans  connaître  les  victimes.  Au 
dehors,  les  régiments  de  Jang  gardent  les  issues;  leurs 
couteaux  s'abattent  sans  pitié  sur  les  ennemis  ou  les 
suspects  qui  croient  trouver  le  salut  dans  la  fuite.  La 
reine,  d'une  fenêtre,  les  excile  à  la  venger.  Le  roi,  qui 
revient  de  la  Résidence,  est  épouvanté  par  les  ruisseaux  de 
sang  qui  coulent  du  palais,  et  se  sauve  vers  Patan  pour 
gagner  Bénarès.  On  le  ramène  malgré  lui.  La  reine  donne 
l'ordre  d'expulser  les  femmes  et  les  enfants  de  fous  ceux 
qu'elle  a  fait  tuer,  et  de  tenir  sous  une  étroite  surveillance 
le  prince  héritier  et  son  frère. 

Jang,  en  apparence  docile  à  Tordre,  installe  auprès  des 
deux  princes  des  gardiens  chargés  en  réalité  de  les  défen- 
dre contre  les  fureurs  de  la  reine.  Déçue,  la  reine  orga- 
nise un  nouveau  complot,  contre  Jang  cette  fois.  Mais, 
averti  à  temps,  le  ministre  la  devance,  saisit  et  met  à  mort 
les  conspirateurs,  qui  appartenaient  au  clan  des  Bashniats, 
paraît  devant  le  roi  et  l'héritier  présomptif,  leur  déclare 
que  la  sûreté  de  lElat  exige  le  départ  de  la  reine.  Celle-ci, 
qui  se  sent  vaincue,  se  soumet;  elle  réussit  cependant  à 
entraîner  avec  elle  son  époux  imbécile.  Le  prince  héritier 
est  chargé  de  la  régence,  et  Jang  des  fonctions  de  premier 
ministre. 

Le  couple  royal,  retiré  à  Bénarès,  intrigue  avec  tous  les 
mécontents  et  les  exilés  du  Népal  qui  se  donnent  rendez- 
vous  dans  la  cité  sainte  ;  la  reine  étale  publiquement  le 
scandale  de  ses  amours  adultères.  Le  pauvre  roi  Râjendra 
Vikrama  Sàh,  trompé  par  tout  le  monde,  prend  le  chemin 
du  Népal  sur  la  foi  de  rapports  mensongers  qui  lui  pro- 
mettent un  soulèvement  tout  prêt  en  sa  faveur.  La  petite 
bande  qui  lui  fait  cortège  se  disperse  à  la  première  atta- 


300  LE   NÉPAL 

que,  et  le  roi  rentre  en  prisonnier  dans  sa  capitale  (1847). 
11  est  déposé  sans  qu'une  voix  s'élève  en  sa  faveur,  et  le 
prince  héritier  Surendra  Vikrama  Sàh  monte  sur  le  trône. 
La  politique  de  Jang  (end  dès  lors  à  se  concilier  la 
faveur  des  Anglais,  peut-être  en  vue  d'une  éventualité  que 
son  ambition  et  ses  talents  lui  permettent  d'envisager.  En 
1848  il  offre  au  gouvernement  de  l'Inde  le  concours  des 
troupes  Gourkhas  pour  réduire  les  derniers  défenseurs  de 
l'indépendance  Sikh;  il  est  poliment  éconduit.  En  1850, 
après  de  longues  négociations,  il  part  pour  l'Angleterre 
comme  le  chef  d'une  mission  chargée  «  de  portera  la  reine 
les  respects  du  roi  et  les  assurances  de  son  amitié  ;  de  voir 
la  grandeur  et  la  prospérité  du  pays,  et  l'état  du  peuple  ; 
d'examiner  h  quel  point  les  applications  des  arts  et  des 
sciences  sont  utilesauconforlet  àla commodité  de  la  vie  ». 
De  fait,  il  espère  doubler  son  prestige  au  Népal  par  ses 
relations  avec  les  puissants  de  l'Europe,  gagner  par  sa 
séduction  le  gouvernement  anglais  h  ses  intérêts  person- 
nels; il  veut  aussi,  en  homme  d'état  positif,  connaître 
exactement  ces  maîtres  mystérieux  de  l'Inde  qui  font  sen- 
tir leur  puissance  sans  la  montrera  leurs  sujets.  A  Londres, 
à  Paris,  où  il  se  rend  ensuite,  il  est  le  lion  de  la  saison  ; 
l'étrangeté  de  son  costume,  la  richesse  de  ses  parures,  les 
légendes  qui  courent  la  presse,  le  prestige  d'une  contrée 
qui  reste  impénétrable  le  signalent  à  l'attention  ;  on  lui 
donne  des  bals,  des  fêtes,  des  représentations.  A  Paris,  le 
ministre  des  Affaires  étrangères  vient  lui  rendre  visite  ;  on 
le  promène  officiellement  au  Musée  du  Louvre  ;  il  donne 
un  bracelet  de  diamants  à  la  Cérilo  qui  l'a  ébloui  par  ses 
pirouettes  dans  le  ballet  à  la  mode  :  le  Violon  du  Diable. 
()n  chuchote  des  bruits  étranges  sur  la  cuisine  de  l'ambas- 
sade, qui  prépare  sa  nourriture  dans  un  coin  de  l'hôtel 
Sinet.  Heniré  dans  l'hide  en  janvier  1851,  Jang  et  ses  com- 
pagnons (Jagat  Shamsher  et  Dhir  Shamsher,  ses  deux 


HISTOIRE    DU   NÉPAL  301 

frères,  des  officiers,  un  médecin,  un  peintre,  deux  cuisi- 
niers et  des  serviteurs)  s'arrêtent  à  Bénarès  pour  accom- 
plir à  grands  frais  sur  les  bords  du  Gange  les  cérémo- 
nies de  purification  imposées  à  tout  Hindou  qui  sort  du 
pays  ;  le  grand-prêtre  des  Gourkhas,  le  Kàjya  guru,  vient 
lui-même  présider  à  ces  rites,  pour  dissiper  toutes  les  pré- 
ventions. 

La  précaution  n'était  pas  superflue  :  dix  jours  après  le 
retour  de  Jang  au  Népal,  une  conspiration  éclate  ;  elle  a 
pour  chefs  un  frère  de  Jang  et  l'aîné  de  ses  cousins  ;  ces 
vengeurs  de  la  pureté  brahmanique  déclarent  que  Jang  a 
irrémédiablement  perdu  sa  caste  en  mangeant  et  en  buvant 
avec  des  étrangers  ;  le  frère  du  roi  est  entré  dans  le  com- 
plot. La  fortune  de  Jang  le  sert  encore  ;  averti  à  temps,  il 
s'empare  des  coupables,  mais  refuse  de  leur  appliquer  la 
peine  de  mort  ou  la  perte  de  la  vue  que  le  roi  veut  leur 
imposer  comme  châtiment  ;  politique  avisé,  il  se  contente 
de  remellre  les  prisonniers  au  gouvernement  de  l'Inde  qui 
accepte  de  les  garder  dans  une  forteresse  pour  les  sauver 
d'une  peine  plus  grave.  Dès  lors  Jang  est  tout-puissant  ;  il 
marie  ses  fils  et  ses  filles  avec  les  filles  et  les  fils  du  roi. 

Les  insolences  et  les  violences  commises  sur  le  terri- 
toire tibétain  contre  les  ambassadeurs  népalais  envoyés 
à  Pékin  amenèrent  une  nouvelle  guerre  entre  le  Tibet  et  le 
Népal  en  1854.  Malgré  les  efforts  énormes  accomphs  par 
le  Népal,  les  hostilités  se  prolongent  plus  de  deux  ans  sans 
avantage  marqué,  paralysées  sans  cesse  par  les  difficultés 
insurmontables  d'une  région  diabolique  où  les  tempêtes 
de  neige,  les  avalanches,  les  précipices,  la  stérilité  du  sol 
défient  les  plus  rudes  courages.  Les  passes  de  Kuti  et  de 
Kirong,  occupées  d'abord  par  les  (Jourkhas,  sont  perdues, 
puis  reprises.  Dhir  Shamsher,  frère  puîné  de  Jang  et  père 
du  maharaja  présent,  sauve  l'honneur  du  Népal  par  son 
énergie  infatigable;  les  Tibétains,  épouvantés  de  le  voir  par- 


302  LE    NÉPAL 

tout  reparaître,  l'appelaient  «  le  Kaji  volant  ».  Le  25  mars 
1856,  le  Tibet  se  décide  à  signer  la  paix  :  les  Gourkhas 
évacuent  les  territoires  qu'ils  ont  occupés,  mais  en  com- 
pensation, le  Tibet  paie  au  Népal  une  indemnité  annuelle 
de  10.000  roupies;  il  renonce  à  percevoir  des  droits  de 
douane  sur  les  marchandises  népalaises  ;  il  autorise  le 
Népal  à  entretenir  à  Lhasa  un  résident  chargé  de  défendre 
les  intérêts  des  marchands  népalais. 

En  août  1856,  Jang  feint  de  renoncer  inopinément  au 
pouvoir,  passe  le  ministère  à  son  frère  Bâm  Babâdur,  et 
veut  se  contenter  d'une  sorte  de  dictature  occulte.  Le  roi, 
à  cette  occasion,  lui  confère  le  titre  de  Maharaja  pour  lui- 
même  et  pour  ses  héritiers,  et  lui  cède  avec  tous  les  droits 
souverains  les  deux  principautés  de  Kashki  etdeLamjang, 
dans  l'ancien  territoire  des  Vingt-Quatre  royautés.  La 
charge  de  premier  ministre  doit  se  transmettre  perpétuel- 
lement dans  sa  famille,  à  ses  frères  d'abord,  à  ses  fils 
ensuite.  Enfin  Jang  doit  exercer  un  pouvoir  de  contrôle 
absolu  sur  les  relations  du  Népal  avec  l'Angleterre  et  la 
Chiiie. 

L'Angleterre  refuse  d'adhérer  à  cette  combinaison,  qui 
interposerait  un  tiers  entre  elle  et  le  roi,  seule  autorité 
officiellement  reconnue  au  dehors.  Jang  reprend  le  pouvoir 
en  1857,  au  moment  de  la  mutinerie  des  Ci  payes  ;  quand 
l'Hindoustan  se  demandait  s'il  allait  changer  de  maîtres, 
Jang  offre  à  plusieurs  reprises  de  s'unir  aux  troupes  britan- 
niques pour  combattre  la  rébellion.  L'Angleterre,  qui  ne 
veutpasd'uu  sauveur,  attend  d'avoir  repris  Delhi  et  dégagé 
Lucknow,  et  elle  accepte  alors  la  coopération  des  Gourkhas. 
Jang  envoie  d'abord  3  000  hommes,  puis  il  part  en  personne 
H  la  tête  de  8000  hommes.  Pour  récompenser  ces  services, 
TAngleterre  restitue  au  Népal  par  le  traité  de  1860(1*^  no- 
vembre) la  partie  du  Téraï  limitrophe  du  paysd'Aoudh  qui 
lui  avait  été  enlevée  par  le  traité  de  Segowlie. 


HISTOIRE    DU   NÉPAL  303 

Jang  cependant  n'entend  pas  s'inféoder  à  TAngleterre  ; 
pour  marquer  son  indépendance  et  pour  réserver  l'avenir 
il  ouvre  discrètement  le  Népal  aux  vaincus  ;  le  fameux  chef 
de  la  rébellion,  Nànà  Sahib,  avec  une  cinquantaine  de  ses 
principaux  lieutenants,  trouve  un  asile  complaisant  dans 
rinextricable  Téraï  où  il  disparaît,  emporté  par  la  fièvre, 
ou  peut-être  recueilli  au  Népal.  Le  Népal  accorde  une  hos- 
pitalité officielle  aux  femmes  deNânà  Sahib  et  à  la  begam 
de  Lucknow. 

Jang  Bahâdur,  créé  G.  C.  B.,  mourut  en  1878,  soit  de  la 
fièvre,  soit  d'une  blessure  reçue  en  luttant  avec  un  tigre. 
Jang  avail  en  effet  gardé  la  passion  de  la  chasse  aux  bêtes 
fauves  ;  il  aimait  à  les  poursuivre  et  à  les  forcer  tout  seul, 
souvent  sans  aulre  arme  que  le  couleau  népalais  ;  ces  dis- 
tractions périlleuses  plaisaient  h  son  courage  indomptable, 
à  son  infaillible  présence  d'esprit,  à  sa  connaissance  intime 
de  la  nature  et  des  êtres  vivants.  Il  donnait  volontiers  le 
spectacle  de  sa  vigueur  et  de  son  sang-froid  aux  prises 
avec  le  tigre  ou  le  léopard  pour  s'épargner  l'ennui  de  les 
exercer  plus  souvent  contre  ses  adversaires,  aux  dépens 
de  rhumanité.  Après  avoir  débuté  par  l'assassinat  d'un 
oncle  et  conquis  le  pouvoir  par  un  effroyable  massacre, 
Jang  eut  l'honneur  de  reviser  et  d'adoucir  la  sévérité  féroce 
du  code  et  des  coutumes  gourkhas  ;  il  abolitla  peine  capi- 
tale pour  tous  les  crimes,  sauf  le  meurtre  ;  il  réserva  la 
mutilation,  employée  jusqu'alors  sans  scrupule,  au  châti- 
ment des  fautes  les  plus  rares  ;  il  essaya  même  discrètement 
de  restreindre  les  suicides  plus  ou  moins  volontaires  des 
veuves  sur  le  bûcher  conjugal. 

A  sa  mort  Hanoddîpa  Simha,  son  frère,  devint  premier 
ministre,  en  attendant  que  son  fils  aîné  fût  en  état  de 
recueillir  la  charge.  En  1881  le  roi  Surendra  Vikrama  Sâh 
mourut  après  trente-quatre  ans  de  règne  purement 
nominal.    Son  petit-fils   Prthivî  Vîra  Vikrama  Sàh,   né 


304  LE   NÉPAL 

en  1875,  monta  sur  le  trône  qu'il  occupe  encore  aujour- 
d'hui. 

Le  22  novembre  1885,  un  nouveau  drame   de  famille 
amenait  au  pouvoir  les  neveux  de  Jang  Balladur,  les  fils 
de  son  frère  Dhir  Shamsher.  Ranoddîpa  Simha  fut  assas- 
siné ;  des  fils  de  Jang,  les  uns  subirent  le  même  sort,  les 
autres  disparurent  dans  Texil.  Vira  Çama  Sher  (Bir  Sham 
Sher)  Jang  Rana  Balladur  devint  premier  ministre.  11  eul  à 
déjouer  d'abord  un  complot   de   son  frère  cadet  Kliadga 
Çama  Sher  (Kharga  Sham  Sher)  qui  fut  pour  tout  châti- 
ment déporté  à  Palpa  comme  gouverneur  du  district  (1 886)  ; 
puis  un  coup  de  main  organisé  par  un  fils  de  Jang  Balla- 
dur, Rana  Vira  (Ranbir)  Jang  (1888);  enfin  une  nouvelle 
conspiration  dirigée  contre  sa  vie  en  1888.  Renouvelant  un 
exploit  de  son  oncle  Jang,  il  accourut  à  cheval  sans  débri- 
der jusqu'à  Katmandou   et  punit  de  mort  les  coupables. 
Dans  l'administration  des  affaires  il  s'est  aussi  montré  le 
digne  continuateur  de  Jang  :  il  a  par  de  coûteux  travaux 
(fadduction  et  par  la  construction  d'un  réservoir  fourni  à 
Katmandou  une  eau  potable  et  saine  ;  il  a  élevé  un  hôpital, 
une  grande  école  {Durbar  School)^  fondé  une  collection 
de  manuscrits  sans  rivale  pour  l'importance  et  l'antiquité 
des  textes.  Les  indianistes  ne  peuvent  pas  oubher  que  la 
scicMice  doit  à  sa  bienveillance  éclairée  la  première  recon- 
naissance archéologique  du  Téraï  népalais  si  féconde  en 
découvertes  éclatantes  (pihers  d'Açoka,  site  de  Kapila- 
vaslu)  :  enfin  ceux  qui  ont  eu  le  privilège  d'être  admis  au 
Népal  sous  son  gouvernement  peuvent  attester  sa  hauteur 
(lospril,  sa  largeur  de  vues,  sa  conception  nette  et  précise 
dos  questions  scientifiques.  Le  maharaja  Bir  Sham  Sher 
Jang  Balladur  a  été  enlevé  par  une  mort  soudaine  le  5  mars 
lUOI.  Son  frère  Deva  Çauia  Sher  (Deb  Sham  Sher)  Jang 
Balladur,   qui  exerçait  les  fonctions  de  commandant  en 
chef,  appelé  ii  recueillir  son  héritage  dut  l'abandonner 


HISTOIRE   DU   NÉPAL  305 

presque  aussitôt  (mai  1901).  Il  a  été  remplacé  par  un  de 
ses  frères.He  mahilràja  Gandra  Çama  Sher  (Chander  Sham 
Sher)  .lang  Hana  Bahadur,  qui  porte  les  titres  de  «  Maha- 
raja, Premier  Ministre  et  Maréchal  du  Népal  ». 


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•iu>.  ùj  ->*  uiouieal  iiièuie  il  sollicite 


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DEUX    MOIS   AU    NÉPAL  307 

officiellement  une  autorisation  en  faveur  d'un  gentleman 
et  d'une  lady  qui  voudraient  aller  chasser  le  tigre  dans  le 
Téraï  népalais.  Début  alléchant,  n'est-ce  pas? 

Le  matin  les  chevaux  et  la  calèche  du  ràja  de  Bettiah 
me  ramènent  h  Scgowlie  où  mon  escorte  m'attend:  palan- 
quin, dooly  [chaise  de  montagne],  16  porteurs  pour  moi, 
8  pour  mon  boy  Francesco,  7  pour  les  bagages,  plus  le 
cipaye  chargé  de  faire  manœuvrer  ce  monde.  L'entreprise 
n'est  pas  toujours  aisée  ;  parfois  les  coulies  plantent  là 
leur  client,  en  pleine  jungle,  et  prennent  la  clef  des  champs: 
\]me  \YyiiQ  elle-même  a  connu  celle  mésaventure.  Le 
sort  me  l'a  épargnée.  Les  cipayes  du  colonel  Wylie,  de 
beaux  Hindous  avec  des  colliers  de  barbe  noire,  ont  tous 
rivalisé  de  soins,  de  complaisance,  d'attentions,  et  si  je  me 
ruine  eu  bakchichs,  au  moins  suis-je  bien  servi.  Le  voyage 
au  Népal  est  plutôt  ruineux  ;  je  compte  qu'il  me  coûtera 
au  moins  400  roupies,  650  francs,  autant  que  de  Marseille 
h  Bombay,  avec  un  peu  moins  de  confort.  Les  por- 
teurs sont  prodigieux  de  force  et  de  vitesse  ;  le  palan- 
quin est  une  vraie  chambre  en  bois;  avec  la  literie,  les 
provisions,  l'ameublement  et  le  localaire,  la  charge  est 
bien  de  100  kilogrammes,  et,  h  quatre  hommes  pour  la 
porter,  ils  font  aisément  leurs  8  kilomètres  à  l'heure. 
Impossible  de  marcher  avec  eux  ;  il  faut  courir,  ou  s'empa- 
lanquiner.  La  résultante  des  forces  est  représentée  exac- 
tement par  les  mouvements  éperdus  du  pendule  quand  on 
tire  violemment  une  horloge  5  soi  ;  oscillation  de  droite  à 
gauche  el  projection  violente  en  avant  et  en  arrière.  En 
outre,  la  consigne  est  de  ronfler,  ou  tout  au  moins  d'être 
immobile.  Le  moindre  geste  rompt  Téquilibrc  de  la  charge 
et  l'effort  des  porteurs  ;  on  se  sent  peu  à  peu  et  bien  vite 
craqué  jusqu'au  plus  profond  des  os. 

A  une  heure,  halte  à  Hardia,  la  dernière  factorerie  an- 
glaise sur  la  route.  Le  propriétaire,  iM.  F...,  avisé  par  le 


308  LE   NÉPAL 

colonel  Wylie,  m'attend  pour  déjeuner  et  dîner.  11  vit  là, 
tout  seul,  à  une  lieue  du  Népal,  à  deux  du  Teraï,  exploitant 
l'indigo  ;  un  fusil  toujours  chargé  lui  tient  partout  compa- 
gnie ;  avis  aux  indigènes  et  aux  fauves  de  mauvaise  compo- 
sition. Mon  hôte  est  ravi  ;  les  visites  sont  rares  sur  la  route 
de  Katmandou  ;  et  il  essaie  de  me  retenir  par  les  meilleures 
et  les  pires  des  raisons.  Je  visite  sa  factorerie.  L'année  a  été 
désastreuse  :  famine  d'indigo  comme  de  grains,  et  la  con- 
currence des  indigos  de  laboratoire  a  fait  tomber  les  prix. 
Là  encore  (à  quoi  sert  de  se  boucher  les  yeux?),  c'est  l'Al- 
lemagne qui  l'emporte.  Les  acheteurs  d'indigo  à  Calcutta 
sont  des  Allemands  ;  ils  y  viennent  d'octobre  à  janvier, 
règlent  les  prix  et  rentrent  ensuite  chez  eux. 

Mais  les  Wylie  m'ont  bien  recommandé  d'éviter  le 
moindre  relard.  A  5  heures  je  demande  à  dîner;  puis  en 
roule.  Le  cortège  se  reforme.  La  nuit  tombe  ;  l'expédition 
s'est  enrichie  d'un  moussalji,  un  éclaireur  qui  brandit  une 
longue  torche  constamment  arrosée  d'huile.  La  précaution 
n'est  pas  superflue  ;  la  route,  déjà  mauvaise,  empire,  cou- 
pée de  fondrières  et  de  marécages  où  le  palanquin  frise  la 
surface  de  l'eau.  A  Raksaul,  nous  quittons  le  territoire 
britannique  et  le  Népal  commence  avec  Gahawa.  Des 
ordres  ont  été  envoyés  partout  ;  nulle  part  on  ne  m'arrête. 
En  passant  devant  les  postes  de  surveillance,  mes  coureurs 
jettent  le  mot  magique  «  Sarkar  »,  et  c'est  assez.  Sarkar, 
c'est  le  gouvernement,  et  tout  ce  qui  y  touche,  et  tous  les 
blancs  et  même  les  domestiques  des  blancs.  Et  toujours 
la  longue  bande  de  poussière  blanche  entre  les  champs 
tout  plats,  tout  de  poussière  blanche  eux  aussi  ;  et  tout  ce 
blanc  commence  à  s'illuminer,  éblouissant,  sous  le  lever 
de  la  lune  tardive.  Le  froid  vient,  le  froid  humide  et  péné- 
trant du  Téraï  qui  glace  les  os  avant  la  peau,  je  m'enfonce 
entre  mes  rézaïs  et  renonce  aux  séductions  du  paysage 
lunaire.  Je  ferme  mes  portes  et  ne  les  entrouvre  que  de 


DEUX    MOIS    AU    NÉPAL  309 

temps  en  temps  pour  observer  la  roule.  Toujours  le  pas 
de  charge,  rhylmé  par  le  halètement  scandé  des  porteurs 
où  paraît  gémir  une  longue  servitude  de  peines,  avec  par- 
fois des  syllabes  attendrissantes  comme  notre  «  dodo, 
enfant  do!  »  C'est:  «  babou,  dors!  babou,  dors!  »  Pau- 
vres gens  qui  triment  si  dur  et  qui  endorment  encore  de 
leur  chant  cadencé  leur  oppresseur. 

Nous  voilà  dans  la  jungle,  la  jungle  redoutable,  étran- 
gement mystérieuse  sous  celte  claire  lune  qui  illumine  les 
contours  sans  entamer  les  ombres  épaisses.  A  minuit  il 
fait  si  froid  que  mes  coulies  s'arrêtent.  Ils  allument 
des  feux  sur  la  route  et  se  rôtissent  voluptueusement. 
J'en  profite  pour  me  secouer.  A  droite,  à  gauche,  deux 
éléphants  attachés  aux  arbres  continuent  bruyamment 
dans  la  nuit  grelottante  leur  incessante  mastication  des 
branchages,  silhouettes  surnaturelles  qu'entoure  un  fré- 
missement de  feuilles  arrachées.  Nous  sommes  chez  les 
ïharus,  les  énigmatiques  Tharus.  Derrière  une  clôture 
de  paille,  qui  symbolise  le  mur  de  la  vie  privée,  une 
femme  chante  une  mélodie  sans  fin  et  s'accompagne  d'un 
tambourin.  A  minuit!  par  ce  froid!  que  fait-elle?  Une 
adoration,  une  incantation?  Comment  le  savoir?  Enfermés 
dans  leur  retraite  que  nul  ne  peut  leur  disputer,  ces  Tha- 
rus ne  s'engagent  jamais  dans  les  factoreries  voisines.  Ils 
vivent  entre  eux,  cachant  jusqu'au  secret  de  leur  langue, 
ne  s'adressant  aux  étrangers  qu'en  hindoustani.  Soudain, 
sans  rien  qui  l'annonce,  sans  un  soulèvement  du  sol,  sans 
une  roche  perdue,  sans  un  caillou  dans  cette  poussière 
fine,  nous  sommes  au  pied  de  l'Himalaya.  C'est  Bhichakoh, 
mon  premier  relai.  Il  est  3  heures  et  demie  du  matin. 

Katmandou  y  13  janvier  1898,  8  heures  soir.  —  Décidé- 
ment on  arrive  à  tout,  même  à  Katmandou  ;  il  ne  faut  qu'y 
mettre  le  temps.  Mais  je  reprends  mon  récit  oii  je  l'ai 
laissé,  à  Bhichakoh.  Donc,  àBhichakoh,  c'est  la  montagne 


310  LE   NÉPAL 

qui  s'ouvre  loul  h  coup,  comme  en  un  changement  à  vue  ; 
la  passe  s'engage  enlre  de»  collines  hautes  déjà,  au  profil 
de  montagnes  et  qui  dévalent  en  pentes  raides  couvertes 
de  forêts.  Le  sol  disparait  sous  les  cailloux  et  sous  les 
roches  éboulées  des  flancs  ou  descendues  avec  les  torrents 
h  la  saison  des  pluies,  saison  formidable  ici.  Le  chemin,  ou 
plutùt  l'itinéraire,  car  il  n'y  a  plus  trace  de  roule,  traverse 
une  large  étendue  d'eau,  rivière  ou  étang,  je  l'ignore;  la 
nuit  m'en  dérobe  les  aspects  lointains.  La  passe  se  resserre, 
s'étrangle  enlre  des  pentes  grandioses,  ruisselantes  de 
rosée  ;  entre  les  vastes  cirques  de  pierres  qui  s'élagent  en 
gradins  successifs,  le  senlier  monte  abrupt  sur  un  sol  glis- 
sant de  sable  humide  ;  des  huttes  isolées  s'accrochent  çà 
et  la  aux  flancs  des  hauteurs,  pauvres  abris  de  branchages 
où  les  bergers  se  réchauffent  auprès  de  grands  feux.  Sur  ce 
sentier,  qui  s'effrite  et  s'émiette  sous  les  pas,  se  dévelop- 
pent des  processions  de  chars  traînés  par  des  buffles  ; 
presque  tous  apportent  des  «  lins  »  de  pétrole.  Décidément 
je  pourrai  m'éclairer  à  Katmandou.  Le  jour  se  lève  si  blanc 
qu'il  se  confond  avec  la  clarté  de  la  lune,  mais  il  grandit 
vile  et  pénètre  en  vainqueur  les  dessous  et  les  fourrés  qui 
arrêtaient  la  lune. 

J'ai  mis  pied  à  terre  pour  soulager  mes  porteurs.  Passé 
les  quelques  cabanes  de  Cliiriya,  la  vallée  s'ouvre  et  je  che- 
min, large,  aisé,  sablonneux  à  souhait,  semble  une  allée 
de  parc  ombragée  de  hauts  arbres  avec  pour  fond  des  hau- 
teurs qui  vont  de  1  500  à  2  000  mètres.  Nous  passons  sur 
un  pont  un  joli  torrent  limpide  el  sonore  que  mes  coulies 
ap|)i»lleiit  le  Kori  ;  le  pont  n'est  qu'une  légère  passerelle  de 
bois;  les  buffles  passent  à  gué.  Nous  atteignons  la  rf^a/v/i- 
sf//a(i\\)\'i)  (Ir  llelaura,  où  un  autre  cipaye  vient  relayer  le 
r;ifii;ini<b'  (|ui  nous  accompagne  depuis  Uhichakoh  ;  les 
couliivH  iilluuioiit  bien  vite  un  feu  do  paille,  tout  glacés  de 
roHé<»,  <»l  eu  route.  Le  chemin  traverse  maintenant  la  Hapti 


DEUX    MOIS   AU   NÉPAL  31  i 

et  suit  le  milieu  d'une  énorme  combe  que  les  hauteurs 
boisées  semblent  enfermer  sans  issue  ;  tout  au  long,  à 
droite  et  à  gauche,  transformant  la  route  en  grande  rue, 
les  boutiques  de  Hetaura,  marchands  de  grains,  de  bois- 
soins,  de  houkkas,  d'étoffes,  de  mercerie,  de  poterie.  Le 
banyan  hindou  a  disparu  ;  c'est  bien  fini  de  l'Inde.  Les 
hommes  sont  des  montagnards  petits,  trapus,  les  yeux 
bridés  et  retroussés,  les  lèvres  épaisses,  largement  écar- 
tées, découvrant  de  grosses  dents  jaunes  ;  les  cheveux 
noirs  et  presque  ras;  la  face  plate,  large,  aux  pommettes 
saillantes  ;  au  menton  un  peu  de  poil  hirsute;  la  moustache 
assez  forte,  rude  et  tombant  au  coin  des  lèvres  ;  les  femmes 
plus  petites  encore,  plus  jaunes  encore,  les  bras  et  les 
jambes  massifs,  la  poitrine  splendidement  opulente,  la  tête 
sans  voiles,  la  chevelure  d'ébène,  grasse  d'huile,  soigneu- 
sement Hssée,  tombant  en  longue  natte  ou  relevée  en  chi- 
gnon sur  le  sommet  de  la  tête,  étrangement  japonaises,  et 
si  près  encore  des  Màyàdevî,  des  Sîtà  et  des  Damayantî. 
On  sort  du  cirque  par  le  défilé  où  la  Rapti  s'écoule,  et 
le  chemin  suit  le  cours  du  torrent,  accroché  aux  flancs  des 
montagnes  —  c'est  bien  les  montagnes  maintenant  —  épou- 
sant toutes  leurs  sinuosités.  Halte  au  bord  de  la  Samri, 
que  traverse  encore  une  jolie  passerelle  ;  nous  nous  espa- 
çons sur  un  large  replat  et  tout  au  long  du  ruisseau,  nous 
faisons  tous  une  toilette  sommaire.  Je  déjeune  en  hâte,  et 
h  10  heures,  encore  en  route.  Le  torrent  réduit  à  son 
minimum  gronde  pourtant  et  mène  encore  beau  tapage 
au  fond  du  ravin.  Nousavons  déjà  monté  ;  Bhichakoh  n'est 
qu'à  990  pieds,  330  mètres  ;  le  pont  de  la  Samri  est  à  1  600 
pieds,  plus  de  500  mètres.  Des  hameaux  sont  installés  au 
bord  de  la  route,  lapis  entre  les  roches,  sur  tous  les  re- 
plats ;  quand  les  pentes  s'allongent,  des  villages  se  pres- 
sent, riants,  entourés  de  cultures,  et  qui  grimpent  bien 
haut,  bien  haut,  vers  les  2  000  mètres.  Et  toujours  le  tor- 


312  LE    NÉPAL 

rent  qui  gronde,  et  qui  écume,  et  qufse  brise  contre  les 
hautes  roches  éboulées.  Le  soleil  est  maintenant  haut,  il 
descend  dans  les  ravins.  Oh  !  la  divine,  l'incomparable  lu- 
mière, plus  belle  encore  que  sur  les  plaines  poudreuses  et 
sèches,  dans  cet  air  si  pur,  où  Teau  flotte  en  vapeur  très 
légère,  estompant  la  crudité  des  contours  sans  rien  ravir 
à  la  netteté  des  horizons,  illuminé  jusque  dans  les  ombres 
par  le  resplendissement  de  l'azur  le  plus  glorieux.  J'ai 
retrouvé  là,  sous  d'autres  formes,  les  joies  enivrantes  de 
la  couleur  que  la  mer  Rouge  m'avait  fait  connaître. 

La  route  aboutit  à  Bhimpedi(3  660pieds,  1  200  mètres) 
dans  un  cul-de-sac  ;  les  hauteurs  tombent  partout  à 
plomb.  Adieu  les  palanquins,  je  hquide  avec  des  bakchihs 
mes  kahars  (porteurs  de  palanquin)  et  mes  coulies  et  mon 
cipaye  et  je  passe  aux  mains  des  Népalais.  Des  kahars, 
des  coulies  et  un  cipaye  sont  venus  de  Katmandou  avec  une 
dandi  pour  moi  et  une  autre  dandi  moins  somptueuse  à 
l'usage  de  Francesco.  xMa  dandi,  une  dandi  de  luxe,  est 
très  exactement  un  canot  ;  à  la  proue  et  à  la  poupe  on 
passe  des  perches,  deux  hommes  à  l'avant,  deux  à  l'ar- 
rière et  comptons  pour  le  reste  sur  les  lois  de  l'équilibre 
stable  ;  mon  Francesco  a  une  simple  pirogue,  et  encore 
une  pirogue  en  toile,  à  la  façon  d'un  hamac  ou  d'un  linceul, 
avec  le  même  système  de  suspension.  Ici  on  est  hindou, 
hindou  de  culte,  s'entend.  Les  bénédictions  tracées  au 
minium  sur  les  murs  des  maisons  et  dans  les  boutiques 
sont  des  adorations  h  Gancça,  à  Krsna,  à  Sarasvatî.  J'ap- 
prends —  depuis  deux  jours  je  n'ai  parlé  que  l'hindoustani  — 
que  Bhimpcdi  doit  son  nom  à  Bhîma.  Le  temple  du  village, 
simple  carré  enclos  de  murs,  décoré  d'un  linga  et  d'une 
cloche,  est  dédié  k  Bhîmasena.  Outre  le  temple  de  Bhlma- 
sena,  Bhimpedi  a  une  toute  petite  chapelle  avec  une  sta- 
tue certainement  ancienne  de  Laksmî-Nàrâyana.  Le  dieu 
et  la  déesse  se  tiennent  amoureusement  et  Garuda  est  à 


DEUX    MOIS    AU   NÉPAL  313 

leurs  pieds.  Je  prends  un  repas  sommaire  dans  une  bou- 
tique vide,  et  toute  clôturée  —  heureux  présage  —  avec 
les  planches  des  caisses  où  Ton  expédie  d'Amérique 
(New-York,  U.  S.)  le  précieux  et  économique  pétrole.  Du 
reste  Bhimpedi  est  à  moitié  construit  avec  ces  planches. 
Les  porteurs  qui  remplacent  à  partir  d'ici  les  chariots  à 
buffles  ne  se  soucient  pas  de  traîner  une  charge  inutile. 
D'ici  à  Sisagarhi,  une  dure  escalade  sur  un  chemin  ru- 
gueux, rocailleux,  constamment  à  pic.  En  2  milles,  soit 
3  forts  kilomètres,  on  passe  de  3  660  pieds  à  5  875,  de 
1  200  mètres  à  1  900  mètres  et  sous  un  soleil  de  35°  sans 
une  apparence  d'ombre.  Mes  porteurs  ne  se  fatigueront 
pas,  je  fais  le  chemin  à  pied.  Francesco,  qui  fait  Tappren- 
tissage  de  la  montagne,  gît  dolent  en  son  linceul,  pleurant 
la  fièvre.  Et  tout  le  long  de  cette  rude  escalade,  les  porte- 
faix se  succèdent:  des  groupes  de  quarante,  cinquante 
hommes  traînent  péniblement  des  tuyaux  de  canalisation 
destinés  à  Katmandou.  Si  c'est  là  la  seule  route  vers  Kat- 
mandou, comme  les  Népalais  prétendent  le  faire  croire,  ils 
peuvent  dormir  tranquilles.  On  grimpe  sous  les  canons  du 
fort  de  Sisagarhi  qui  domine  la  vallée  de  Bhimpedi  et  com- 
mande la  passe.  Dans  Tenceinte  du  fort,  un  petit  bangalow 
a  été  installé  à  l'usage  du  résident,  bien  primitif  au  reste: 
comme  lit  une  planche  ;  en  fait  d'autres  meubles,  une  table 
et  deux  chaises.  Sur  la  demande  expresse  du  colonel  Wy- 
lie,  le  bangalow  m'est  ouvert  ;  la  sentinelle  gourkha  me 
présente  les  armes  ;  les  officiers,  la  plaque  en  diadème, 
s'alignent,  et  je  prends  possession  de  ma  chambre,  ma  cage 
ou  ma  prison.  Le  colonel  Wylie  m'a  bien  recommandé  de 
rester  contre  le  mur  du  bangalow,  il  y  est  tenu  lui-même  : 
la  moindre  curiosité,  le  moindre  pas  à  l'écart  vous  ferait 
crier  à  l'espion. 

U  est  4  heures  et  demie,  le  soleil  descend  au  fond  de  la 
vallée,  disparaît  derrière  les  hauteurs  ;  des  nuages,  des  nuées 


3ii  LE    NÉPAL 

légères  descendent  aussi  sur  les  sommets  et  s'étirent  aux 
branches.  La  forêt  monte  jusqu'au  faîte  ;  contre  le  banga- 
low  un  bananier  épanouit  son  feuillage  ample  et  fragile. 
La  nuit  arrive,  scintillante  d'étoiles,  mais  fraîche.  Ce  matin 
h  7  heures,  mon  thermomètre  marque  +  3"  et  j'ai  l'onglée 
en  cueillant  des  fleurs.  Encore  une  nuit  réduite  à  sa  plus 
simple  expression.  Ce  matin,  réveil  aux  lumières.  Déjeu- 
ner hâtif;  chacun  prend  sa  charge  et  soufflant  sur  mes 
doigts  tout  rouges,  j'escalade  au  galop  la  passe  de  Sisa- 
garhi  :  6  500  pieds,  2  500  mètres.  0  spectacle  inoubliable 
et  soudain  !  Devant  moi,  la  paroi  descend  à  pic  dans  le 
feuillage  ;  en  face,  des  pentes  grillées  (les  pentes  qui 
s'ouvrent  au  Sud,  brrtlées  et  desséchées  par  le  soleil,  sont 
ici  sans  verdure)  ;  au  fond  le  torrent  large  et  sombre  en- 
core, et  quelle  ligne  d'horizon  !  Une  bande  énorme  de  pics 
glacés.  Une  descente  précipiteuse  enlevée  au  galop  nous 
amène  au  bord  du  torrent,  la  Panoni  ;  le  chemin  suit  la 
rive  du  torrent,  tournant  et  contournant  toutes  les  parois; 
les  cultures  gravissent  les  pentes,  et  les  hameaux  ont  des 
maisons  charmantes  à  un,  deux  ou  même  trois  étages, 
avec  des  toits  en  courbe  et  des  châssis  de  portes  et  de 
fenêtres  en  bois  ouvragé.  Je  vois  des  pièces  qui  feraient 
l'honneur  d'un  musée,  perdues  en  ces  recoins  de  mon- 
tagnes. 

Vers  10  heures,  le  chemin  quitte  le  torrent,  monte  en 
pente  raide  le  long  du  Chandragiri  et  va  aboutir  au  cul-de- 
saiMJe  Chillong,  à  6  125  pieds,  2000  mètres.  Arrêta  la 
dhannsala.  Tne  caravane  de  ïibélains.  Tibétains  du  Tibet, 
passe,  en  route  pour  Calcutta,  image  vivante  et  parlante  de 
ces  pénéhalions  continues  que  l'histoire  n'enregistre  pas. 
(hi  les  remarquerait  à  peine  parmi  les  (îourkhas  sans  leurs 
chapeaux  de  finilre  thvssêsen  ci>ne,  tout  ronds,  aux  bords 
petits  et  retroussés  ;  les  femmes  sont  presque  identiques 
ficelles  d  loi.  traits,  allure,  opulence  des  chairs,  cheve- 


DEUX    MOIS    AU   NÉPAL  315 

lure,  coiffure,  parures,  mais  le  teint  est  d'un  jaune  plus 
foncé,  plus  franc,  moins  bruni.  Arrivés  àChillong  à  H  heu- 
res et  demie,  nous  n'y  restons  qu'une  heure,  et  en  route 
pour  la  passe  de'Chandragiri.  1  600  pieds,  500  mètres  à 
monter  sur  une  pente  à  pic,  mais  dans  la  forêt.  A  2  heures 
nous  sommes  en  haut  :  7  700  pieds,  plus  de  2  500  mètres 
avec -h  35°  au  soleil  et  une  magnifique  forêt  verdoyante. 
Toute  la  vallée  du  Népal  esta  mes  pieds:  Katmandou,  Pa- 
tan,  Bhatgaon  occupent  TEst;  partout,  au  fond  et  sur  les 
pentes,  des  villages  et  des  cultures,  et  de  l'Est  à  TOuest, 
par-dessus  les  montagnes  d'enceinte,  une  ligne  continue, 
ininterrompue,  sans  lacune,  de  cimes  blanches,  neiges  ou 
glaces  qui  ferment  entièrement  l'horizon.  Les  voilà  tout 
près,  trois  ou  quatre  vallées  à  franchir,  et  par  delà,  l'autre 
revers,  c'est  le  Tibet,  un  morceau  de  la  Chine. 

La  descente  sur  le  Népal  serait  impraticable  sans  un 
escalier  ;  il  a  fallu  du  haut  en  bas,  sur  une  hauteur  de  700 
mètres,  établir  des  marches  grossières.  Francesco,  le  pau- 
vre Francesco  lui-même  doit  mettre  pied  à  terre.  On  atteint 
la  vallée  à  Thankot  et  14  kilomètres  de  route  plate  mè- 
nent à  Katmandou.  Je  m'installe  en  dandi,  et  mes  por- 
teurs m'enlèvent  au  galop.  Je  traverse  la  Bilsnumali,  et 
dédaignant  la  route  du  résident  qui  contourne  la  ville,  je 
traverse  le  ba/ar,  les  porteurs  criant,  gesticulant,  pous- 
sant, renversantdans  les  rues  étroites.  A  4  heures  et  quart 
je  suis  au  bangalow. 

Vendredi^  14  janvier.  —  Aujourd'hui,  recueillement 
obligatoire.  J'ai  vu  tout  juste  de  Katmandou  les  quatre 
murs  du  jardin  qui  entoure  le  bangalow.  Le  guillotiné  par 
j)orsuasion  était  déjà  connu  ;  je  suis  le  prisonnier  par  per- 
suasion. Ce  matin,  vers  9  heures,  le  Captain  Sahib  Bliai- 
rab  Balladur  m'envoie  demander  par  un  havildar  à  quelle 
heure  je  puis  le  recevoir.  Le  Captain  Sahib  est  par  droit 
d'héritage,  comme  son  père  et  son  grand-père  le  furent, 


316  LE   NÉPAL 

le  messager  régulier  entre  la  Résidence  et  le  Darbar.  Je  lui 
propose  10  heures,  il  arrive  à  11 .  Matinée  perdue  à  l'atten- 
dre. Manières  charmantes,  presque  onctueuses,  de  beau 
soldat.  ((  Comment  donc  !  Tout  à  votre  service  !  Vous  vou- 
lez? Mais  ne  vous  gênez  donc  pas!  Et  quoi  encore?  »  Et  je 
lui  répète  ce  qu'il  sait  déjà  par  ma  première  demande  de 
passe,  puis  parle  colonel  Wylie,  puis  encore  par  lalettre  que 
le  colonel  Wylie  m'a  donnée  pour  lui  etque  je  lui  ai  adressée 
dès  mon  arrivée,  mes  intentions,  mes  travaux,  la  hâte  où 
je  suis  de  commencer,  a  Mais  certainement,  je  vous  prie 
de  me  considérer  comme  un  ami.  Un  poney?  Vous  l'aurez. 
Et  aussi  deux  cipayes  pour  vous  guider  et  vous  aider  (le 
joli  déguisement  que  prend  ici  la  police!).  Et  je  vais  trou- 
ver le  maharaja  intérimaire  et  arranger  une  entrevue  entre 
lui  cl  vous.  Vous  êtes  fatigué  du  voyage,  il  est  si  pénible  ! 
—  Mais  non  !  —  Oh  si,  on  a  besoin  de  repos,  reposez-vous 
aujourd'hui  ;  demain,  j'arrangerai  tout  ».  Demain,  rélernel 
demain  de  TOrient.  Il  ne  faut  pas  moins  que  rélernelle 
transmigration  pour  garantir  tant  de  lendemains.  A  bon 
entendeur  salut.  Je  n'ai  qu'à  me  résigner  à  faire  les  cent 
pas  dans  ma  maisonnette  et  mon  jardinet. 

Heureusement  j'ai  un  compagnon  de  captivité,  le  babou 
S.  Mitra,  qui  représente  à  lui  tout  seul  en  ce  moment  tout 
le  personnel  de  la  Résidence,  un  Bengali  ventru,  joufflu, 
chevelu  et  barbu,  membre  du  Sadharan  Brahmo  Somaj, 
célibataire,  dégagé  des  préjugés  de  caste,  instruit  à  l'an- 
glaise, nourri  des  «  Quotations  from  Shakespere  »  et  qui 
par  délégation  représente  ici  ma  Providence  au  nom  des 
Wylie.  Il  m'a,  par  ordre  et  aussi  par  amabilité  person- 
nelle, ménagé  un  charmant  chez  moi  :  petite  salle  à  man- 
ger, bureau-salon,  une  table  bureau  avec  tout  ce  qu'il  faut 
pour  écrire  ;  chambre  à  coucher  :  une  toile  tendue  sur 
quatre  pieds  de  bois,  le  lit  réduit  à  sa  plus  simple  expres- 
sion ;  salle  de   bain.   C'est  encore  Mitra  qui  m'envoie 


DEUX    MOIS    AU   NÉPAL  317 

les  légumes  et  les  conserves  delà  résidence  que  M^'Wylie 
a  mis  fi  ma  disposition.  Il  n'y  a,  paraîl-il,  que  les  montagnes 
qui  ne  se  rencontrent  pas  ;  je  finis  par  douter  même  de 
l'exception.  En  cette  demi-captivité,  à  4  700  pieds  d'alti- 
tude, au  fond  d'une  vallée  qu'enferme  THimalaya,  isolé 
entre  Tlnde  et  la  Chine,  unique  représentant  de  l'Europe, 
je  rencontre  une  connaissance.  Mitra  me  connaît,  sait 
que  je  fais  du  sanscrit,  que  je  suis  marié,  que  j'ai  au  moins 
un  fils,  et  que  ne  sait-il  pas  ?  Quoi  !  tant  de  gloire  et  de 
renommée  !  Tout  simplement  ceci  :  Mitra  a  été  pendant 
six  ou  sept  ans  Tagenl  de  Protap  Chandra  Roy  ;  tandis  que 
ce  brave  homme  courait  Tlnde  et  remuait  l'univers  pour 
mener  à  bout  sa  grande  œuvre  de  relèvement  moral  et 
proposait  comme  idéal  aux  générations  nouvelles  la  vieille 
épopée  sanscrite  du  Mahà-Bhârata,  Mitra  écrivait  les  lettres 
que  signait  Protap;  il  m'a  écrit  a  moi,  comme  à  tant  d'au- 
tres, et  il  a  lu  naturellement  les  réponses.  Il  passerait 
volontiers  la  journée  à  causer.  Très  curieux  de  l'Occident 
qu'il  rêve  de  visiter,  bon  observateur,  bien  informé  sur  le 
Népal  011  il  est  depuis  cinq  ou  six  ans,  il  a  fait  sous  le  cos- 
tume du  pèlerin  le  voyage  de  Muklinath  que  je  ne  pourrai 
pas  faire  ;  je  suis  trop  blanc. 

Le  fils  du  pandit  de  la  Résidence  vient  ensuite;  il 
m'amène  un  vieux  pandit,  Todàrânanda;  tous  deux  vrais 
Névars,  petits,  tout  petits,  face  plate  et  nez  plat.  Ils  sont 
absolument,  totalement,  radicalement  ignorants.  Ces  pau- 
vres pandits  bouddhiques  ne  savent  rien,  rien  de  la  httéra- 
ture  bouddhique,  pas  même  les  titres,  en  dehors  des  neuf 
((  Dharmas  »  qu'ils  n'ont  pas  lus  au  reste.  Ils  me  promet- 
tent de  se  mettre  en  quête  de  manuscrits  et  de  m'amener 
un  vrai  pandit  qui  demeure  à  Palan.  La  renommée  a  volé  ; 
arrive  dare-dare  lejemadar,  l'officier  factotum  de  la  Rési- 
dence, un  Hindou  du  Madhyadeça,  ^vichnouïte  dévot  qui 
sait  autant  de  sanscrit  que  moi  d'hébreu.  Je  lui  récite  la 


318  LE   NÉPAL 

Gâyatrî  et  son  admiration  ne  connaît  plus  de  bornes,  puis 
des  mantras  à  Krsna,  Keçava  et  toute  la  litanie.  Voilà  un 
homme  qui  tomberait  à  mes  pieds.  Il  est  vraiment  louchant 
de  voir  son  émotion  en  présence  d'un  sahib  qui  connaît  la 
langue  sacrée.  Bref,  il  se  met  pieds  el  poings  liés  à  mon 
service,  et  Mitra  m'avertit  que  c'est  le  plus  utile  des  auxi- 
liaires :  depuis  vingt  ans  il  est  atlaché  à  la  Résidence. 

J'ai  passé  le  reste  de  ma  journée  à  soigner  mon  pauvre 
Francesco,  bien  abattu,  bien  fiévreux,  grelottant;  il  a 
changé  en  quelques  jours  de  manière  effrayante.  11  est 
désolé,  et  moi  aussi.  J'ai  dû  pour  le  remplacer  provisoire- 
ment prendre  un  cuisinier  de  rencontre  qui  a  juré  de  me 
délabrer  l'estomac  et  pour  le  seconder  il  a  fallu  un  khid- 
matgar,  un  serveur,  un  poème  de  crasse,  une  épopée  d'or- 
dures. Le  pays  est  froid  ;  si  les  Névars  ne  se  lavent  guère, 
lui  ne  se  lave  certainement  pas.  Les  infâmes  guenilles 
qui  couvrent  sa  peau  enrichissent  encore  sa  saleté  d'une 
annexe  repoussante.  Je  ferme  les  yeux  ou  détourne  la 
tête  quand  il  apporte  le  plat  ou  fait  mine  d'essuyer  une 
assiette. 

Samediy  15  janvier.  —  Je  serais  entièrement  satisfait  si 
je  n'avais  appris  à  me  méfier  des  Népalais.  J'ai  passé  une 
matinée  à  attendre  sous  l'orme,  ou  plus  exactement  sous 
l'oranger,  car  mon  jardin  est  planté  d'orangers,  et  d'oran- 
gers chargés  d'oranges.  Il  n'y  fait  pas  chaud  le  matin,  au 
pays  où  fleurit  l'oranger.  A  7  heures,  le  thermomètre 
oscille  entre  -h  3"  et -h  5°  el,  jusqu'à  10  heures,  on  y  vit 
dans  une  brume  fine,  une  vraie  brume  de  vendanges.  Le 
soleil  ne  la  dissipe  que  vers  10  heures  et  demie  ;  il  la 
chauffe  tout  de  suite,  23%  28%  30%  32%  vers  deux  heures; 
mais  l'ombre  est  tiède  et  rien  de  plus  ;  le  thermomètre  n'y 
dépasse  guère  15*"  aux  heures  chaudes.  C'est  le  froid  pour 
un  vieil  Hindou  ;  je  me  suis  commandé  un  costume  népa- 
lais, (Milotte  (M)llante  aux  jambes  à  fond  très  ample,  tunique 


DEUX    MOIS    AU   NÉPAL  319 

à  pans  très  amples  serrée  à  la  laille  par  une  ceinture,  le 
tout  en  une  sorte  de  lustrine  couleur  lie  de  vin  et  bourrée 
d'ouate. 

Décidément  les  Népalais  ont  raison  de  fermer  la  porte  ; 
s'ils  l'entr'ouvraient  on  laferail  vite  sauter.  Il  ferait  si  bon 
vivre  ici  :  Un  paysage  divin  —  la  vallée  du  Grésivaudan 
avec  Grenoble  et  son  cirque  d'Alpes,  mais  des  Alpes  qui  s'ap- 
pellent r Himalaya.  Le  pic  de  TOuest  est  le  Dhaulagiri  ;  le 
pic  de  l'Est  est  le  Gaurisankar.  Un  éternel  printemps  sous 
un  ciel  toujours  bleu,  la  caresse  douce  d'une  vapeur  lumi- 
neuse, les  pins  côte  à  côte  avec  les  orangers  et  les  bana- 
niers ;  les  oiseaux,  muets  en  bas,  sont  jaseurs,  chanteurs, 
roucouleurs,  un  concert  sur  tous  les  arbres  ;  au  lieu  de 
l'isolement  qui  sent  son  lazaret,  on  vit  ici,  même  dans  les 
limites  de  la  Résidence,  avec  les  indigènes.  Le  Post-Office 
est  mitoyen  avec  le  bangalow  et  grouille  d'enfants  qui 
chantent,  rient,  jouent,  se  battent,  piaillent,  font  la  vie. 
Et  la  ville  est  une  merveille  de  pittoresque  avec  ses  pa- 
godes à  toits  étages,  ses  maisons  multicolores,  les  ravis- 
sants encadrements  des  fenêtres  et  des  portes  où  le  bois 
se  plie  à  tous  les  caprices  d'une  imagination  féconde  et 
combien  libre  î  les  bazars  où  les  Tibétains  huileux  et 
jaunes  et  sales  se  croisent  avec  les  Palhans  farouches, 
presque  blancs  et  parfaitement  sales  eux  aussi.  Une  infinie 
variété  de  types  allant  de  l'Aryen  hindou  aux  longs  yeux, 
au  nez  fort  et  régulier,  et  au  teint  clair  jusqu'au  Mongol 
tout  jaune,  trapu,  massif,  les  yeux  bridés  et  obliques.  En 
traversant  les  villages,  on  voit  assis  au  seuil  monsieur  vêtu 
d'une  ficelle,  madame  vêtue  d'un  jupon,  et  la  tribu  des 
enfants  vêtus  d'innocence. 

Et,  comme  dans  les  pièces  mihtaires,  un  parfum  de 
poudre  flotte  sur  tout  cela.  A  trois  heures  du  matin  un  coup 
de  canon  annonce  l'ouverture  des  portes  ;  à  neuf  heures  du 
soir,  un  autre  coup  de  canon  annonce  la  clôture,  et  mal- 


320  LE   NÉPAL 

heur  à  qui  se  laisse  surprendre  plus  tard  dans  les  rues.  La 
police  népalaise  se  charge  de  le  passer...  à  opium.  Et  tout 
le  long  du  jour  on  entend  les  clairons,  les  coups  de  fusil 
de  la  parade  ;  les  rayons  lumineux  des  liélios  danseut  sur 
le  haut  des  montagnes  d'alentour. 

Francesco  se  réiabht.  J'ai  pris  à  mon  service  un  aide  de 
cuisine,  8  roupies;  un  balayeur  à  tout  faire,  5  roupies  ; 
un  dhobi  (blanchisseur),  6  roupies  ;  j'ai  un  cipaye  népalais 
qui  me  garde,  et  un  cipaye  de  la  Résidence  qui  me  sert  de 
courrier.  Bref  la  maison  est  montée,  et  sur  quel  pied  !  à 
Téchelle  de  THimalaya.  Tout  ce  monde  grouille  dans  mon 
compound  sans  étouffer  la  voix  mélodieuse  des  oiseaux. 
11  y  a  même  des  moineaux  au  Népal  ! 

Le  Captain  Sahib  m'a  fait  demander  un  rendez-vous.  A 
rheure  dite  il  arrive  el  m'annonce  que  le  commandant  en 
chef,  maharaja  par  intérim,  Deb  Sliam  Sher,  serait  heu- 
reux de  me  recevoir  à  3  heures.  A  3  heures  la  calèche 
royale  vient  me  prendre  ;  Captain  Bhairab  a  passé  la  grande 
tenue,  un  beau  costume  sévère  bleu  noir  avec  quelques 
brandebourgs  d'or,  et  sa  calotte  est  bordée  d'un  filigrane 
d'or  et  couronnée  d'une  plaque  d'or.  Je  mets  mes  gants  de 
cérémonie  qui  symboliseront  le  «  full-dress  »,  l'étiquette 
n'imposant  pas  l'habit.  Fort  belle  calèche  somptueuse  et 
confortable  ;  les  Gourkhas  ébahis  me  regardent  passer. 
Deb  Sham  Sher  vit  au  coin  S.-E.  de  Katmandou,  le  bangalow 
est  au  coin  N.-E.,  nous  longeons  la  ville,  le  Champ-de- 
Mars,  et  voici  le  palais  :  un  enchevêtrement  de  bâtisses 
toutes  modernes,  œuvre  d'un  architecte  des  écoles 
anglaises,  sans  caractère,  avec  des  portiques  grecs,  mais 
dans  un  cadre  admirable.  Entrée  qui  serpente,  porte  sur 
porte,  sentinelle  sur  sentinelle,  il  me  semble  retrouver  les 
darbars  du  Kattiavar.  Une  foule  de  serviteurs  qui  ne  ser- 
vent à  rien,  de  courtisans  qui  font  acte  de  présence,  de 
fonctionnaires,  d'employés,  de  babous,  sous  les  galeries, 


DEUX    MOIS    AU    NÉPAL  321 

sur  les  maiclies,  aux  fenêtres.  Je  suis  i'évéïiemeul,  le  cri 
du  jour,  on  m'altend. 


Dcii  Sham  Slior  Jaiig  Dana  Balladur,  cominandant  ei 
(et  plus  Urd  Mahdrija). 


Caplain  Bhairabm'inlrodiiit  dans  un  salon  énorme,  qua- 
rante ou  cinquante  mètres  de  long,  qui  occupe  toute  la 
11.  —  ai 


322  LE   NÉPAL 

façade  du  premier  élage,  farci  du  bric-à-brac  obligatoire 
de  canapés,  chaises,  consoles,  tables,  fauteuils,  lustres, 
miroirs  dorés  ;  aux  murs,  les  portraits  peints  par  des 
artistes  anglais  et  par  des  artistes  indigènes  du  maharaja 
présent  et  de  ses  devanciers:  JangBahadur,  BhimSen,  etc., 
grandeur  nature,  en  des  cadres  tout  dorés,  et  partout  des 
œuvres  d'art  en  bronze  doré,  l'industrie  par  excellence  du 
Népal.  Enfin,  pressé  par  la  poussée  d'un  entourage  trop 
curieux,  le  Commandant  en  chef  entre,  petit,  large,  coiffé 
d'une   toque    dorée,    enveloppé    d'une    longue    robe  de 
chambre,   la  bouche  ensanglantée  de  bétel,  au  front  le 
santal  et  le  minium,  restes  de  la  pûjâ  quotidienne.  Il  m'in- 
vite h  prendre  place  à  ses  côtés  sur  un  canapé,  et  fait 
amener  son  fils,  un  bambin  de  dix  ou  onze  ans  qui  apprend 
l'anglais,  physionomie  intelligente  et  énergique  comme  le 
papa.  Tuniques  blanches  de  brahmanes,  uniformes    de 
chefs,  soutanes  de  babous  tout  h  l'entour.  Deb  Sham  Sher 
est  au  courant  et  va  droit  au  fait.  Le  tournoi  s'engage.  Un 
pandit  ou  soi-disant  tel  m'adresse  la  parole  en  sanscrit, 
péniblement,  incorrectement;  un  second  pandit  survient, 
mon  succès  est  facile.  Deb  Sham  Sher  essaie  d'articuler 
quelques  syllabes  en  sanscrit:  Pûrvasmin...  kâle...  Yudhi- 
sthira...  king...  was...  then...  sanskrit  bhâkhâ...  in  use..., 
et  s'effondre  sous  l'effort.  Il  me  parle  de  la  représentation 
de  Çakuntalâ  à  Paris  ;  il  me  demande  si  je  crois  aux  devas, 
si   à  mon  avis  les  prophéties  du  Bhavisyal-Purâna  sont 
exactes;  puis  si  on  imprime  du  sanscrit  à  Paris.  Je  lui 
parle  du  Bhàgavata  de  Burnouf.  Le  nom  de  Burnouf  nedoit 
pas  rester  ignoré  au  pays  des  manuscrits  d'Hodgson.  Il 
mo  demande  de  lui  lire  la  légende  en  français  qui  accom- 
pagne une  gravure  anglaise  :  la  mort  de  Tipou-Sahib,  et 
s'exclame  sur  la  mélodie  du  français  (ah!    si  j'avais  la 
((  voix  d'or  »  !).  Je  mets  fin  à  l'entretien  qui  n'en  finirait 
pas,  et  Deb  Sham  Sher  me  déclare  qu'il  est  à  mon  service, 


DEUX    MOIS    AU    NÉPAL  323 

que  je  puis  aller  où  je  voudrai,  qu'il  m'aidera  à  la  recherche 
des  manuscrits  et  des  inscriptions.  «  Un  tel  savant,  venu 
de  si  loin,  n'est-ce  pas  notre  devoir?  »  Assurément,  iMon- 
seigneur,  mais  nous  verrons  ce  qu'en  vaut  l'aune  népalaise. 
Liberté  d'entrer,  de  travailler,  de  lire,  de  faire  copier  les 
manuscrits  recueillis  h  la  Bibliothèque  du  Darbar,  pas 
demain,  naturellement,  après-demain;  il  faut  mettre  en 
ordre,  —  toujours  le  même  système.  Et  il  donne  l'ordre  à 
Captain  Bhairab  de  me  «  drive  »  à  travers  Katmandou  par 
les  deux  ou  trois  rues  où  peut  passer  une  voiture. 

En  rentrant  je  fais  mes  comptes  de  ménage  ;  2  volailles, 
8  armas  ;  \  douzaine  d'œufs,  3  aiinas  1/2  ;'l  balai,  \  anna; 
1  pot  à  eau,  1  anna  ;  sucre,  2  annas  1/2  ;  beurre,  3  annas; 
1  bidon  à  pétrole  pour  mettre  l'eau,  2  amias  ;  légumes, 
1  anna;  oranges,  1/2  anna\  farine,  2  annas.  Et  enfin  la 
puissante  intervention  du  Captain  Saliibet  subséquemment 
de  la  police  m'ont  rendu  possible  l'achat  d'un  mouton.  Il 
est  vrai  que  je  l'ai  payé  cher:  2  roupies.  Tant  il  est  vrai 
qu'au  Népal  on  exploite  les  étrangers. 

Dimanche  16  janvier,  —  Enfin  j'ai  commencé  à  travailler. 
A  midi  le  mukhya,  simple  soldat  en  dépit  du  nom  ambi- 
tieux qu'on  lui  donne,  est  venu  m'informer  de  la  part  du 
Captain  Sahib  Bhairab  Balladur  que  le  cheval  promis  ne 
viendrait  pas  avant  deux  ou  trois  jours,  le  maharaja  ayant 
emmené  dans  sa  tournée  d'hiver  tous  les  chevaux  dispo- 
nibles ;  en  même  temps  il  se  mettait  à  mes  ordres.  Le 
cipaye  que  m'octroie  la  Bésidence  m'attendait  à  la  porte. 
Je  me  mets  donc  en  marche  avec,  pour  avant-garde,  le 
mukhya,  un  Gourkha  petit,  trapu,  dépenaillé  et  puant,  et 
pour  arrière-garde  le  cipaye,  grand,  barbu,  truculent  et 
bonasse,  une  bonne  d'enfant  en  uniforme.  Je  tombe  sur 
Mitrànanda,  le  fils  du  Pandit  de  la  Bésidence,  qui  m'amène 
son  oncle  Bhuvanànanda,  un  petit  vieux  au  visage  fripé 
quiruminele  bétel.  Sera-t-il  le  pandit  souhaité?  Je  l'aborde 


324  LE   NÉPAL 

en  sanscril  ;  il  bafouille  indignement,  mais  en  y  mêlant 
cinquante  pour  cent  dliindoustani,  il  arrive  h  s'expliquer. 
Sa  science  des  textes  bouddiques  ne  dépasse  pas  le  Lalila- 
vistara.  Je  lui  énumère  les  titres  d'ouvrages  traduits  en 
chinois  et  que  je  veux  retrouver  en  original  ;  il  n'en  connaît 
pas  un,  il  ne  comprend  même  pas.  Knlin,  faute  de  grives... 
je  lui  propose  de  m'accompagner  dans  mes  tournées, 
moyennant  salaire;  il  me  servira  de  couverture  et  d'intro- 
duction auprès  des  bouddhistes  d'ici.  Il  a  un  rhumatisme, 
marche  h  peine,  demeure  h  Patan;  enfin,  il  compte  être 
guéri  jeudi  et  viendra  me  trouver.  Tant  vaut  le  pandit,  tant 
vaut  le  fidèle.  J'ai  fait  connaissance  avec  les  fidèles  de 
Çàkyamuni.  0  tempora  !  o  mores  ! 

Mon  mukhya  est  un  assez  brave  homme,  tout  ébloui  de 
voir  un  sahib  qui  sait  du  sanscrit:  il  faut  entendre  le  ton 
donl  il  parle  de  moi  h  la  foule.  J'ai  traîné  l'après-midi  à 
mes  trousses  la  moitié  de  la  population,  et  encore  je  n'ai 
ni  photographié  ni  estampé;  que  sera-ce  alors?  Le  mukhya 
tapait  dans  le  tas  eu  avant,  et  le  cipaye  sur  les  côtés.  Au 
temple  (h»  NAnlyana,  je  rencontre  un  brahmane  qui  parle 
assez  bien  U)  sanscril  juste  au  moment  oii  la  foule  choquée 
crie:  juthi!  jftllà !  comme  on  crierait  chez  nous:  r/ia- 
pcfiu  !  i'hnitcau  !  Mes  chaussures  de  cuir  souillent  le  sol  du 
temple.  Je  fais  face  h  forage,  offrant  à  haute  voix  un  dia- 
logue en  sanscrit.  Le  brahmane  répond,  et  voilà  la  conver- 
sation enj<agée  ;  joute  publique.  Plus  de  protestations,  le 
Ilot  grossit,  s'avance,  m'entoure  et  quand  je  quitte  le 
temple,  le  brahmane  m'accompagne  et  me  signale  les 
inscriptions  du  voisinage  ;  mon  cortège  suspend  la  circu- 
lation. J  ai  visité  ainsi  tous  les  temples  de  Katmandou, 
Çiva,  Visnu,  h)  Houddba,  (ianeça,  Bhimasena,  sans 
aucunes  préférence,  drc^ssant  l'inventaire  de  toutes  les 
pitMTrs  inscrites  (jue  je  rencontrais.  Elles  sont  légion.  Je 
n'ai  rien  trouvé  d'extrêmement  ancien,  mais  à  dater  du 


DEUX    MOIS    AU   NÉPAL  325 

quinzième  siècle,  que  de  stèles,  et  de  stèles  admirable- 
ment gravées  !  Il  faudra  des  kilomètres  et  des  kilogrammes 
de  papier.  Je  voudrais  prendre  tout  indistinctement  sans 
choix  ni  méthode  ;  le  tri  et  la  classification  se  feraient  plus 
tard  aisément.  Impossible  au  reste,  sous  la  poussée  de  la 
foule,  de  déchiffrer  ligne  à  ligne  et  de  séparer  Tivraie  du 
bon  grain.  Le  mukhya  a  certainement  reçu  Tordre  de 
m'aider,  et  c'est  un  spectacle  piquant  de  voir  le  petit 
Gourkha  et  le  grand  cipaye  tournant  autour  des  temples 
et  s'évertuant  à  découvrir  des  inscriptions. 

J'ai  fait  des  bouddhistes  du  Népal  une  triste  expérience. 
De  la  rue  je  vois  ou  j'entrevois  par  la  porte  basse,  dans 
la  cour  rectangulaire  d'une  maison,  une  façon  de  stûpa. 
J'entre,  on  m'arrête.  C'est  ici  un  vihâra,  cela  promet  des 
pandits,  des  moines,  une  bibliothèque.  Allez  y  voir.  Les 
vihàras  d'ici  servent  de  logement  à  des  pères  de  famille 
entourés  de  leur  progéniture  et  qui  y  exercent  un  métier 
ou  n'y  font  rien  du  tout.  Ils  ne  savent  rien  que  les  seuls 
noms  des  neuf  dharmas  népalais.  Il  y  a  dans  la  cour  deux 
inscriptions.  Je  reviendrai  avec  mon  vieux  perclus  de 
Bhuvanânanda  et,  si  on  m'arrête,  il  prendra  les  estampages. 
Le  bouddhisme  se  meurt  ici;  stupas  et  caityas  se  rencon- 
trent partout  encore,  mais  à  l'intérieur  de  la  ville  ils  sont 
abandonnés  et  à  demi  ruinés.  Les  seuls  fidèles  qui  leur 
restent  sont  les  basses  classes  rejetées  dans  les  faubourgs, 
et  les  Tibétains  malpropres.  Oh!  être  porté  dans  un  flot 
de  Tibétains  mâles  et  femelles,  avec  leurs  peaux  de  chèvre, 
leurs  nattes  huileuses,  leurs  cheveux  épais  et  tombants! 
C'est  à  souhaiter  de  perdre  l'odorat. 

Au  reste,  c'est  ici  le  domaine  de  l'ordure.  Le  sol  est 
empoisonné.  Bénarès  est  propre,  le  Calcutta  des  indigènes 
est  un  paradis  si  on  les  compare  à  Katmandou.  Si  on 
n'était  pas  ici  à  \  200  mètres  d'altitude,  si  on  n'avait  pas 
le  vent  des  glaciers,  Katmandou  serait  un  cimetière.  Les 


326  LE   NÉPAL 

rues  étroites,  serrées,  laissent  au  passant  une  chaussée 
inégale  entre  deux  fondrières  de  boues  accumulées,  et 
c'est  là  le  champ  clos  des  buffles.  Tète  énorme,  œil 
torve,  ils  circulent  librement  dans  les  rues.  Bénarès  a 
ses  vaches  ;  la  ville  des  Gourkhas  devait  avoir  ses  buffles. 
Pas  de  fauve  qui  soit  plus  redoutable  avec  ses  accès  vio- 
lents de  colère  brute,  et  ces  aimables  quadrupèdes  ont 
autant  de  sympathie  pour  TEuropéen  que  le  cheval  pour 
Téléphant.  Jeudi,  en  traversant  le  bazar  au  galop  de  ma 
dandi,  nous  sommes,  porteurs  et  dandi,  rejetés  brusque- 
ment par  un  remous  intense;  des  cris  s'élèvent  de  par- 
tout. Deux  buffles  se  sont  pris  aux  cornes  et  c'est  un 
sauve-qui-pcut.  Nous  esquivons  par  une  rueUe  où  la  d^andi 
heurte  les  murs.  Aujourd'hui,  je  dresse  paisiblement  mon 
inventaire  au  pied  d'un  temple.  Nouveaux  cris,  nouveaux 
remous;  encore  un  combat  de  buffles.  Dès  qu'on  en  voit 
un  à  l'horizon,  le  mukhya  prend  ma  droite,  le  cipaye 
prend  ma  gauche,  tous  deux  le  bâton  menaçant. 

Demain  matin,  distraction  pacifique,  j'irai  examiner  la 
collection  de  manuscrits  du  maharaja.  Et  j'aurai  peut-être 
mon  complet  népalais  bourré  d'ouate  que  j'attends  avec 
impatience.  Le  darji  qui  m'a  pris  mesure  dédaigne  les 
œuvres  de  la  Révolution  française,  fi  du  centimètre!  Un 
bout  de  ficelle  qu'il  rapporte  comme  unité  de  mesure  à 
son  avant-bras  et  à  ses  doigts,  voilà  le  système  des  men- 
surations népalaises. 

Lundi  17 janvier.  —  Encore  un  délai.  Le  mukhyam'ap- 
porte  une  lettre  du  Captain  Sahib,  toujours  très  aimable. 
J'aurai  mon  poney  aujourd'hui  ;  mais  la  bibliothèque  est 
fermée  :  «  le  gardien  de  la  bibliothèque  a  une  cérémonie 
r(»ligirMise  (pu/à)  tlans  sa  famille.  »  Je  prendrai  donc  des 
estampages,  et  le  cortège  s'allongera  d'un  coulie  qui  por- 
tera l'appareil  photographique,  le  papier,  les  brosses,  le 
pot  à  eau.  Mon  Dieu!  que  de  bandobastl 


DEUX    MOIS    AU    NÉPAL  327 

Katmandou^  18  janvier,  —  Çàkyamuni,  par  loi  j'ai 
vaincu  !  Toutes  les  portes  des  vihâras  se  sont  grandes 
ouvertes,  et  pour  en  profiter  je  m'empresse  d'en  faire  le 
tour,  la  brosse  à  la  main,  avant  de  visiter  les  temples  hin- 
dous dont  j'ai  dressé  l'inventaire.  J'ai  engagé  comme  auxi- 
liaire Mitrânanda,  et  maintenant  c'est  tous  les  jours  une 
procession  solennelle  qui  défile  à  travers  les  vastes  boule- 
vards de  Katmandou.  Le  mukhya  ouvre  la  marche,  bâton 
à  la  main,  bousculant  comme  il  sied  la  foule  pacifique, 
mais  compacte;  puis,  mon  poney,  un  poney  du  maharaja, 
s'il  vous  plaît,  une  bêle  trapue  et  lourde,  race  du  Tibet, 
forte  et  sûre  du  pied,  qualité  précieuse  sur  ce  sol  raboteux  ; 
sur  le  poney,  moi,  casque  en  tête,  saluant  du  geste  les 
rares  indigènes  qui  saluent;  le  plus  grand  nombre  vous 
regardent  d'un  air  de  mépris  et  de  soupçon.  A  la  tête  du 
cheval,  un  sais;  en  arrière,  mon  beau  el  bon  cipaye,  ma 
bonne  d'enfant,  aux  petits  soins  tendres  et  délicats;  puis 
le  petit  pandit,  petit,  petit,  drapé  dans  ses  vêlements 
blancs  ;  et  enfin  le  coulie  portant  sur  l'épaule,  suspendues 
aux  deux  bouts  d'une  perche  comme  les  plateaux  d'une 
balance,  les  deux  corbeilles  qui  contiennent  papier, 
brosse,  etc.  Je  dois  dire  que  tout  semble  réussir,  je  me 
sens  devenir  populaire  grâce  à  quelques  saluls,  et  surtout 
aux  quelques /j^?^  distribués  aux  gamins  et  aux  mendiants. 
Les  petits  bonshommes  me  font  des  salams  de  grand  slyle 
et  même  hier  l'un  d'eux  est  venu  dévotement  toucher  le 
bord  de  mon  chapeau.  Le  premier  vihâra  où  j'ai  tenté 
d'entrer  hier,  le  Tyekam-bahal,  à  l'entrée  de  la  ville  en 
arrivant  par  l'Est,  était  plutôt  réservé  ;  il  a  fallu  discuter, 
puis  se  débrouiller  sans  aide,  el  enfin  faire  étalage,  sans 
la  moindre  modestie,  des  plus  vastes  connaissances  (ils 
sont  d'une  ignorance  navrante);  el  alors  loulela  population 
du  Vihàra,  hommes,  femmes,  enfants,  sort  de  ses  cham- 
bres infectes,  m'entoure,  me  guide,  m'aide,  nettoie  les 


328  LE    NÉPAL 

pierres,  cherche  l'eau,  el  le  pûjârî  du  Vihâra  qui  est  un 
Udas  (la  seconde  caste  des  Bouddhistes  Névars)  va  jusqu'à 
m'apporter  son  livre  de  manlras,  une  compilation  bien 
anodine  de  stances  en  Thonneur  du  Bouddha.  On  ouvre  la 
chapelle  el  on  m'exhibe  les  slalues,  Çàkyamuni  entre 
Lokeçvara  et  Mailreya  ;  au-dessus  de  la  porte  un  superbe 
panneau  de  bois  sculpté  porte  au  centre  Mahâ-Vairocana 
qui  tient  en  ses  mains  multiples  la  japamillà  (rosaire),  le 
Khadga  (6p6e),  le  khatvânga  (massue),  un  pustaka  (hvre), 
plus  deux  mains  réunies  en  prières  au-dessus  delà  tête; 
au-dessus  de  lui,  on  un  petit  cadre  également  sculpté  en 
plein  bois,  Nânia  Sanigiti  portant  un  livre  et  — je  crois  — 
un  rosaire  ;  enfin  un  petit  triptyque  de  bois  figure  le  Tri- 
ralna  :  le  Bouddha  au  centre,  Dharma  et  Samgha  à  ses 
cotés.  Les  vihAras  sont  simplemenl  les  bâtiments  élevés 
autour  d'une  courreclangulaire  où  vivent  en  famille  et  dans 
la  pourriture  les  Bouddhistes  N«»palais  ;  au  centre  de  la 
cour  est  un  caitya,  décoré  (h»s  quatre  images  d'Aniogha- 
siddhi,  Aksobhya,  Hatnasainbhava  et  Padmapàni  sur  les 
quatre  faces  du  bloc  carré  (|ui  porte  la  coupole,  chacun 
dans  sa  niche  ;  plusieurs  de  ces  caityas,  même  les  plus 
modernes,  sont  entourés  d'une  balustrade,  un  «  railing  » 
(|ui  reproduit  exaclement  en  ses  dispositions  les  railings 
d'Ac^oka,  h  Mahnbodbi,  à  Sanchi  ;  mais  je  n'en  ai  pas  vu 
qui  porte  des  mé(hiillons  sculptés.  Souvent  des  caityas  de 
moinch'o  taille  sont  éparpillés  autour  du  caitya  central,  el 
pjirfois  aussi,  comme  h  Matsyendra  NAtha,  à  Lagan-bahal, 
des  pilitîrs  sont  (hessés,  des  làts  quadrangulaires,  où  sont 
gravées  des  inscriptions.  J'en  ai  estampé  de  splendides  du 
règne  do  Nrpendramalla,  chefs-d'œuvre  d'épigraphie  lapi- 
daire. Kntin,  face  à  la  porte  d'entrée,  s'ouvre  aux  fidèles 
une  chapelle  où  la  statue  di^  Çakyamuni  reçoit  les  hom- 
mages (il  l(»s  hyuHH^s.  La  vue  intérieure  de  ces  cours  est 
un  ravissement  ;  toutes   les   fenêtres  sont  des  panneaux 


DEUX    MOIS    AU    NÉPAL  329 

sculptés  qui  ofifrent  une  étonnante  variété  de  décors.  L'art 
de  sculpter  le  bois  qui  fit  la  gloire  du  Népal  y  disparaît 
vite;  mais  il  se  conserve  encore  dans  les  vihàras.  On  m'a 
montré  aujourd'hui  au  Çrînaka-bahal  un  panneau  repré- 
sentant Çâkyamuni  au  centre  avec  un  éventail  de  dieux,  de 
déesses,  d'animaux  et  de  fleurs  développé  autour  de  lui, 
qui  doit  êlre  expédié  ces  jours-ci  en  guise  d'hommage  au 
temple  de  Mahàbodhi  ;  le  musée  des  Arts  décoratifs  le 
couvrirait  d'or. 

xVIais  si  on  ouvre  les  yeux,  il  faut  se  boucher  le  nez. 
Katmandou  substitue  au  Tout-à-Fégout  le  Tout-à-la-cDurî 
La  saison  des  pluies  se  charge  du  lavage;  les  ordures 
s'écoulent  alors  dans  la  rue  et  s'y  déposent  en  fumier  pes- 
tilentiel. Babou  Mitra  qui  a  voyagé  dans  l'hide  entière 
m'affirme  qu'il  n'a  rien  vu  de  si  sale  que  Katmandou. 
Heureusement  l'air  y  est  vif;  aujourd'hui,  hors  du  soleil 
qui  grille,  l'ombre  était  à  peine  tiède  ;  ce  soir  il  fait  6"  ;  la 
nuit  dernière,  à  quatre  heures,  3**  seulement.  Tandis  que 
j'opérais  hier  dans  la  cour  du  Matsyendra  Nâtha,  vaste 
cour  où  s'élève  un  beau  temple  à  toits  décroissants,  entouré 
de  caityas  innombrables,  je  m'entends  apostropher  en 
sanscrit.  C'est  un  Yogi  établi  au  temple  de  Tripureçvara 
sur  la  lîagmati.  La  renommée  lui  a  appris  mon  arrivée  et 
il  est  accouru.  11  parle  admirablement  le  sanscrit,  comme 
les  bons  pandits  de  Bénarès,  et  il  prétend  me  convertir  au 
Yoga.  Juché  sur  un  caitya,  il  déclame  ou  prêche  avec  un 
flux  de  paroles  à  la  Bengalie,  proclame  l'inutilité  des  estam- 
pages et  de  l'histoire,  et  exalte  les  pratiques  de  l'ascétisme. 
Je  lui  promets  que  j'irai  le  voir  en  son  temple  ;  on  peut 
imaginer  si  la  foule  s'était  amassée  compacte  et  pressante. 
Aujourd'hui  bonne  fortune  :  un  officier  népalais,  que  mes 
visites  aux  vihàras  ont  touché,  vient  à  moi  en  pleine  rue, 
m'aborde  en  sanscrit  assez  convenable,  s'offre  à  me  guider, 
et  à  m'aider,  m'accompagne  de  pierre  en  pierre,  de  cour 


330  LE   NÉPAL 

en  cour  (il  est  des  vihâras  comme  le  Lagan  bahal  ayant 
quatre  cours  en  enfilade  communiquant  par  des  portes 
étroites  et  surbaissées)  et  la  séance  terminée  il  m'offre 
encore  ses  services  pour  demain.  Voilà  mon  bataillon 
accru  d'une  unité. 

Il  faut  d'ailleurs  avouer  et  proclamer  que  ces  Népalais, 
si  décriés,  font  mentir  la  renommée  ;  je  les  trouve  aimables 
et  complaisants  au  possible.  Babou  iVlitra  Tattribue  à  mon 
influence  personnelle,  mais  il  est  babou  !  Il  faut  plutôt  en 
remercier  le  Commandant  en  chef  Deb  Sham  Sher,  qui  a 
donné  les  ordres  les  plus  propres  à  faciliter  ma  tâche  ;  il 
est  défendu  maintenant  de  vendre  les  anciens  manuscrits 
sans  les  offrir  d'abord  à  la  Bibliothèque  du  Darbar  qui  se 
réserve  un  droit  de  préemption.  La  règle  est  suspendue  en 
ma  faveur.  Je  n'ai  à  payer  pour  les  copies  de  manuscrits 
que  le  tarif  du  gouvernement,  et  non  le  tarif  privé,  c'est- 
à-dire  uniquement  les  journées  de  copistes  ;  l'encre,  le  pa- 
pier, les  plumes  (!  !)  ne  sont  pas  à  mon  compte. 

Ce  matin,  le  Captain  Sahib  Bhairab  Balladur  m'a  en- 
voyé une  corbeille  de  citrons  ;  il  m'a  aussi  accompagné  à 
la  Bibliothèque  installée  dans  les  nouveaux  bâtiments  du 
Darbar  School.  Tout  le  personnel  m'attendait  en  pompe, 
et  les  quatre  pandits  qui  font  office  de  bibliothécaires  et  de 
copistes,  et  l'armée  des  auxiliaires,  et  même  un  Tibétain 
employé  à  classer  les  quelques  textes  tibétains.  Les  ma- 
nuscrits sont  bien  classés,  couchés  sur  des  rayons,  soi- 
gneusement enveloppés  et  étiquetés.  Le  Bauddha-Çàstra  a 
été  plutôt  une  déception  ;  quelques  manuscrits  anciens, 
d'autres  enluminés  avec  art  ou  serrés  entre  des  plaques  de 
bron/e  merveilleusemeut  travaillées,  mais  assez  peu  de 
manuscrits  et  tous,  ou  presque,  déjà  connus.  Je  n'ai  trouvé 
(le  neuf  que  rAhhisamayàlamkàra,  un  commentaire  de 
rAstasAhasrikà  par  llaribhadraen  164  pages;  j'en  ai  com- 
mandé une  copie  qui  doit  couler  une  trentaine  de  roupies. 


DEUX    MOIS   AU   NÉPAL  331 

et  aussi  du  Nepâla-Màhàtmya.  Enfin  j'ai  commandé  une 
copie  du  Yavana-jâtaka  ;  je  n'ai  pas  sous  la  main  d'ouvrage 
de  référence  et  n'en  trouverai  pas  ici,  mais  je  ne  crois  pas 
me  rappeler  que  ce  Yavana-jâtaka  soit  connu  par  ailleurs 
ou  publié;  le  manuscrit  est  ancien,  sur  feuilles  de  palmier, 
complet,  mais  beaucoup  de  feuillets  sont  en  partie  détruits. 
Du  reste,  je  Tai  fait  mettre  de  côté  pour  en  reprendre 
Texamen. 

La  chasse  aux  manuscrits  n'a  pas  encore  rendu.  Mitrâ- 
nanda  m'a  apporté  un  manuscrit  ancien  et  enluminé  de 
rAstasâhasrikâ  et  la  Pancaraksâ  (Mahâ-mayûrî-vidyâ- 
ràjnî,  etc.)  et  d'autre  part  on  m'a  offert  généreusement  un 
manuscrit  ancien  (feuilles  de  palmier)  et  très  fragmentaire 
et  très  endommagé  de  ladite  Aslasàhasrikà  et  un  autre  de 
la  Pancaraksâ.  Je  veux  du  plus  nouveau,  de  l'inédit  ou  au 
moins  du  rare.  On  m'a  aussi  offert  un  manuscrit  libétain 
en  lettres  blanches  sur  fond  noir;  c'est  tout  simplement  la 
traduction  de  la  Vajrachedikâ.  Comme  le  manuscrit  est 
d'une  belle  paléographie,  je  le  prendrai  si  je  puis  l'obtenir 
h  bon  compte,  car  chaque  possesseur  de  manuscrit  se  croit 
en  principe  possesseur  d'un  trésor. 

Mercredi  19  janvier,  —  La  nuit  tombe;  le  soleil  ici  se 
couche  de  bonne  heure,  vers  4  heures  et  demie  derrière 
le  Chandragiri,  et  le  soleil  emporte  la  bonne  chaleur.  Jour- 
née splendidfe  au  reste,  d'une  limpidité  qui  découvrait  tous 
les  plis  des  énormes  glaciers  à  l'horizon,  du  Dhaulagiri  au 
Gaurisankar,  très  douce  aussi,  tiède  même  après  une 
nuit  de  gelée  blanche  ;  l'herbe  était  ce  matin  toute  sau- 
poudrée et  une  légère  croûte  de  glace  recouvrait  le  pot  à 
eau.  J'ai  profité  d'une  matinée  de  loisir  forcé  pour  visiter 
la  Résidence.  Les  a  Lignes  »  occupent  le  sommet  d'un 
plateau  au  N.-E.  de  Katmandou,  séparé  de  la  ville  par  une 
vaste  prairie  où  les  Gourkhas  font  de  l'équitation  et  où 
somnolent  des  troupeaux   de  vaches  ;  le  plateau  tombe 


332  LE   NÉPAL 

brusquemeni  vers  le  N.-O.,  en  face  du  monl  Nagarjun,  sur 
la  large  vallée  où  la  Bilsnumati,  Irop  pelile  pour  son  lit, 
arrose  de  riches  cultures.  Une  route,  large  seulement  de 
5  à6  mètres,  dessertie  territoire  de  la  Résidence,  enfer- 
mée tout  au  long  entre  des  murs  ou  des  haies,  et  surveillée 
à  l'entrée  par  un  poste  népalais.  Toute  l'obligeance  très 
réelle  que  je  rencontre  ici  ne  suffit  pas  h  dissiper  cet  ar- 
rière-gortt  de  prison.  La  Résidence,  un  cottage  fort  mo- 
deste, bâti  au  milieu  d'un  parc  anglais  ;  puis  la  maison  du 
docteur,  plus  modeste  encore,  et  presque  attenant  l'hôpi- 
tal de  la  résidence,  bien  modeste  aussi,  fait  pour  8  ou  10 
malades  et  moins  encombré  maintenant  depuis  que  le 
Darbar  a  fait  élever,  h  l'Est  de  la  ville,  un  vaste  hôpital.  Le 
D'Armstrong  étant  lui  aussi  en  congé,  l'hôpital  est  aux  mains 
d'un  assistant  bengali,  chargé  en  outre  de  relever  les  ob- 
servations météorologiques  communiquées  mensuellement 
à  Calcutta.  J'ai  feuilleté  ses  cahiers  et  constaté  que  la 
pression  moy(»nne  de  Katmandou  est  de  25  inches  650 
(641,35);  dans  la  saison  sèche  elle  se  maintient  à  peu 
près  constamment  à  25  inchos  700  (642,50);  pendant  les 
pluies  elle  passe  h  25  inchos  550  (637,50).  La  moyenne 
des  pluies  est  de  56  inchos  (1,40).  Le  chiffre  le  plus 
haut  que  j'ai  trouvé  est  do  74  i.  51  (1,862)  en  1893;  le 
plus  bas,  47  inchos  (1,175)  on  1896,  année  de  la  famine. 
Une  bande  do  Tibétains  étalait  devant  Thôpital  sa  puante 
saloto;  ils  attendaient  la  vaccine.  Ils  en  sont,  paratt-il, 
adeptes  fort  zélés  ot  il  en  vient  presque  tous  les  jours, 
ménicî  (le  Lhasa.  J'en  ai  photographié  un  groupe.  Au  reste 
l(»s  Tibétains  surabondent  ici,  on  les  rencontre  partout,  et 
on  les  sont  avant  do  h»s  voir.  Ils  amènent  des  troupeaux 
démontons  ot  do  ohovros  doslinés  à  la  boucherie,  caries 
Gourkhas  (à  r(î\<*o|)tion  des  brahmanes)  mangent  la 
chair  do  oos  botos;  la  cnsto  inlinio  mange  môme  la  viande 
du  bufllc  ;  mais  personne  naturellement  n'ose  goûter  de 


DEUX    MOIS   AU    NÉPAL  333 

la  viande  de  vache.  Je  rcDdais  du  même  coup  ma  visite  au 
docteur. 


'^^t!' 

.^^È^     ^ 


"^^-\ 


Vaikunllia  Nàlha  Çarm«n 
Pandil  brahmanique  au  lervice  de  Mahàrïja  Deb  Sham  Sber. 


Hier  soir  j'ai  tenu  un  petit  darbar  ;  les  fonctionnaires  de 
la  Résidence  :  post-master,  docteur  et  y^marfar  sont  venus 
me  présenter  leurs  salams.  A  midi  j'ai  repris  ma  tournée 


334  LE   NÉPAL 

encadré  de  mon  cortège.  Les  débuts  ontété  froids.  Entré 
par  le  Nord  de  Katmandou,  j'arrive  au  Thomaï-bahal 
(=  Vikrama  simha  Vihâra).  Refus  énergique  de  me  lais- 
ser entrer  ;  pas  un  pandit,  pas  un  pûjârî.  Des  femmes 
ignobles  et  des  hommes  abrutis  ;  Tintolérance  est  bien  la 
sœur  de  Tignorance.  Je  députe  Mitrânanda  qui  prend  l'es- 
tampage d'une  inscription  ;  elle  est  de  Pârthivendra  malla, 
comme  aussi  le  panneau  sculpté  au-dessus  de  Tentrée  ; 
même  accueil  au  Gunâkâra-Vihàra  où  des  vieilles  parche- 
minées et  de  grosses  filles  toutes  jaunes,  aux  guenilles 
béantes,  étalent  du  grain  à  sécher  dans  la  cour.  Mais  au 
temple  de  Kathisambu  il  y  a  progrès.  Les  hommes  sortent 
des  maisons  qui  encadrent  le  caitya,  et  le  charme  opère  ; 
je  n'obtiens  pas  encore  de  monter  sur  le  promenoir,  à  la 
base  delà  coupole  ;  mais  ailleurs  libre  circulation.  Le  cai- 
tya est  très  grand,  il  dresse  sa  flèche  dorée  à  une  ving- 
taine de  mètres,  il  est  tout  blanc  de  stuc  frais  ;  de  la  flèche 
descendent  vers  quatre  petits  caityas  qui  Tenlourent  des 
ficelles  où  flotte  une  longue  rangée  de  chiffons  multico- 
lores. Un  embryon  de  balustrade,  juste  au  pied  de  l'esca- 
lier qui  mène  au  promenoir;  en  avant  de  l'escalier  un  pi- 
lier tout  récent  daté  de  1010  (=1890)  couronné  d'une 
statue  en  cuivre  de  Vajrasattva.  L'inscription  qui  y  est  gra- 
vée consiste  surtout  en  un  stotra  du  Bouddha.  Au  coin 
N.-O.  du  caitya,  une  pagode  népalaise,  en  bois  fouillé  pa- 
tiemment, enguirlandée  de  petits  drapeaux,  de  clochettes, 
de  miroirs.  Le  miroir  semble  une  offrande  très  appréciée, 
on  en  trouve  suspendus  aux  murs  des  temples  hindous 
aussi  bien  que  bouddhiques.  Le  Kathisambu  est  très  vé- 
néré ;  aussi  la  cour  alentour  est  entourée  de  petits  monu- 
ments tous  récents;  rien  d'ancien  comme  inscription,  là 
non  plus  ;  deux  stèles  de  Pratàpa  malla  et  de  Nrpendra 
malla.  Un  petit  vihàra  est  conligu  au  grand  vihâra,  côté 
Sud;  là  une  petite  slèlc  de  Pârthivendra  mafla  datée  805. 


DEUX    MOIS   AU   NÉPAL  335 

Un  peu  plus  loin  au  Sud,  dans  un  vasle  carré  de  boue 
et  de  fumier  entouré  par  des  maisons,  un  pilier  daté  de 
932,  portant  au  sommet  deux  petites  statues  en  adoration 
qui  représentent  les  donateurs,  et  sur  la  face  iNord  un  Devî- 
stotra.  En  continuant  vers  le  Sud,  un  grand  carré  couvert 
de  temples  tous  en  ruines  (carré  Thamri)  ;  en  avant  d'un 
de  ces  temples,  un  pilier  porte  Timagede  Nàrâyaça  monté 
sur  Garuda  et  un  hymne  à  Nârâyana,  date  783,  sans  nom 
de  roi  ;  inscription  fort  endommagée. 

Depuis  le  Kathisambhu,  plus  de  difficulté  nulle  part;  le 
flot  qui  me  porte  porte  aussi  ma  renommée.  Au  Karnakot- 
tama  maliàvihâra,  une  stèle,  un  fragment  de  stèle  encas- 
tré dans  le  mur,  comme  presqu'en  tous  les  cas,  porte  le 
nom  de  Kavîndra  Pratâpa  malla  avec  une  simple  liste  de 
dânapatis,  mais  Tannée  manque.  Au  Harsacaitya-Mahà- 
vihâra,  inscriptions  de  905  et  de  931  ;  le  pùjâri déclare  que 
le  monastère  doit  son  nom  au  roi  Harsa  qui  Ta  fondé, 
mais  rien  d'ancien.  Il  me  promet  de  me  faire  voir  —  un 
de  ces  jours  —  les  manuscrits  qu'il  a.  Il  ignore  ce  que 
c'est;  j'attends  encore  une  Pancaraksâ.  Enfin  je  finis  ma 
journée  au  Dhokabahal  (=Henâkra)  Mahàvihâra  où  une 
stèle  encastrée  est  datée  812,  règne  de  Bhûp<\lendra  malla. 

Luîidi  W  janoier,  —  J'ai  commencé  ma  journée  par  une 
course  à  Svayambhûnâth;  l'herbe  était  encore  blanche  de 
gelée.  Le  thermomètre  est  descendu  ce  matin  au  lever  du 
soleil  à  —  2%  à  8  heures  et  demie  il  montait  à  -f-  3*,  et  au 
retour  j'ai  risqué  un  coup  de  soleil  à  11  heures  et  demie. 
Simple  reconnaissance  tentée  à  la  hâte,  flanqué  seulement 
du  mukhya  et  du  cipaye.  Svayambhûnâth,  Syambunath 
comme  on  dit  ici,  esta  l'E.-N.-E.  de  la  ville,  à  TE. -S. -E  de 
la  Résidence,  par  delà  la  Bitsnumati,  sur  une  cofline  coni- 
que, aux  flancs  abrupts,  jetée  en  avant  des  montagnes  et 
toute  vêtue  de  verdure.  La  haute  flèche  de  cuivre  émerge 
seule  du  feuillage.  Le  chemin  contourne  la  ville,  traverse 


336  LE    NÉPAL 

la  Bitsnumali  sur  un  pont  et  coupe  à  travers  les  champs, 
échelonnés  en  terrasses  pour  défendre  la  terre  contre  le 
ravinement  des  pluies.  Tout  au  long  de  la  voie  sacrée,  les 
caityas  succèdent  aux  caityas.  Au  pied  de  la  colline,  la 
route  se  change  en  escalier  ;  mais  quel  escalier  !  Marches 
rugueuses,  inégales,  ruineuses,  branlantes,  étroites,  glis- 
santes. Les  singes  sarcastiqùes  se  jouent  sur  les  degrés, 
paraissent  et  disparaissent,  regardent  d'un  air  de  pitié 
méchante  leurs  confrères  humains  qui  suent  à  la  montée; 
des  caravanes  de  Tibétains  montent  et  descendent,  plus 
laids,  plus  sales  et  moins  adroits  que  les  singes.  Entre 
deux  lignes  de  stupas,  sous  une  véritable  charmille,  on 
atteint  enfin  la  plate-forme;  un  vajra  (foudre) colossal,  tout 
doré,  couché  sur  un  socle  colossal,  décore  Tentrée.  Le 
raitya,  vasle  hémisphère  de  stuc  que  surmonte  un  cloche- 
ton (le  cuivre  avec  une  flèche,  ouvre,  aux  quatre  points  de 
riiori/.oii  les  chapelles  toutes  dorées  des  quatre  Bodhi- 
saltvas.  L'émotion,  une  émotion  d'église,  saisit  au  premier 
pas  ;  les  cloches  tintent,  les  clochettes  chantent  des  caril- 
lons, (les  voix  h  demi  étouffées  sous  les  voûtes  des  cha- 
p(*llt*schantiMit  des  hymnes,  et  des  flûtes  discrètes  soutien- 
nent les  voix.  L'esprit  a  bien  changé  sans  doute,  mais 
ras|)ect  extérieur  de  Svayambhù  ne  doit  guère  différer  des 
ttMUples  que  connut  Açoka.  Sur  la  plate-forme  au  sommet 
(le  la  colline,  aux  cotés  et  en  arrière  du  cailya,  c'est  un 
véritable  chaos  de  petits  monuments,  caityas,  stèles,  sta- 
tut^s,  (les  Bouddhas  colossaux  tout  noirs,  ou  tout  blancs,  ou 
loul  rouges.  J'ai  beau  chercher,  pas  une  inscription  qui 
date.  Ici  encore,  ce  sont  les  Maflas,  avec  Pratàpa  mafla  le 
lva\ Indra  en  It^te,  qui  ouvrent  l'histoire  ;  h  l'entrée  Pratâpa 
uialla  a  t'ait  graver  sur  une  haute  stèle  un  siotra  (hymne) 
(K^sa  Uwow.  Tue  stèle  énorme  gravée  au  xvni*  siècle  est 
bilingue  :  sanscrit  d'aboril,  tibétain  au  bas.  Au  reste  le 
\\W{  balance  el  éclipse  presque  Tlnde.  Le  Onimani  padme 


DEUX    MOIS    AU    NÉPAL  337 

hurn  esl  laborieusement  inscrit  partout  en  lettres  tibétaines  ; 
des  bandes  de  Tibétains,  aux  longs  cheveux  graisseux, 
parés  d'un  cercle  qui  encadre  leur  tête  d'une  auréole,  font 
le  tour  du  grand  caitya  avec  une  piété  aussi  enthousiaste 
que  singulière  :  ils  se  laissent  tomber  tout  du  long  sur  la 
pierre,  les  bras  en  avant,  en  murmurant  quelque  dhâranî, 
tracent  à  bout  de  bras  une  ligne  de  craie  sur  la  pierre,  se 
relèvent,  et  les  pieds  sur  la  ligne  de  craie  qu'ils  viennent 
de  tracer  se  prosternent  encore  pour  recommencer  le  même 
exercice.  En  passant  devant  les  quatre  chapelles  cardi- 
nales, ils  s'arrêtent  el  adressent  au  Bodhisattvaune  ardente 
prière,  transfigurés  par  une  foi  mystique  qui  les  embellit 
presque.  Les  Névars  se  conlentent  d'apporter  des  fleurs, 
du  minium,  du  santal  comme  on  ferait  à  Civa  ou  Visnu. 
I*as  un  pandit  à  Svayambhû,  pas  un  «  sanskrit-bol  ef  val  a  ». 
J'aurais  voulu  me  renseigner  sur  les  antiquités,  sur  les 
livresque  garde  le  temple.  Personne!  Et  que  de  siècles 
pourtant  ont  écrit  ici  leur  histoire  !  Où  dort-elle?  Sous  le 
sol  ou  dans  les  temples? 

Je  reprends  le  chemin  de  la  maison  un  peu  déçu  par  ce 
résultat  négatif,  et  après  déjeuner  je  poursuis  avec  ma 
pompe  habituelle  ma  tournée  de  vihâras.  J'entre  au  Mahâ- 
buddha  Vihara,  ancien  à  coup  sûr;  tout  juste  une  stèle  de 
ce  siècle-ci  dans  la  cour  que  décorent  un  strtpa  de  stuc  et 
deux  de  pierre.  Soudain  on  m'interpelle  en  sanscrit,  en 
sanscril  élégant.  Je  réponds,  le  dialogue  s'engage.  J'ap- 
prends que  le  stiipa  de  stuc  a  été,  selon  la  tradition,  élevé 
par  Açoka,  que  le  vihàra  a  des  inscriptions,  des  plaques  de 
cuivre,  des  manuscrits,  mais  qu'il  est  impossible  d'y  jeter 
les  yeux.  Ces  ignorants  défendent  avec  passion  les  trésors 
qu'ils  ne  savent  pas  employer.  On  lit  ici,  en  guise  de  texte, 
la  Çatasâhasrikà  Prajnà  pâramitâ;  la  lecture  de  l'ouvrage, 
divisé  en  sections  journalières,  dure  exactement  l'espace 
d'une  année.  Mon  interlocuteur  se  nomme  :  c'est  Damaru 

11.   —    22 


338  LE    NÉPAL 

vallabha,  Thonneur  du  Népal,  un  pandit  que  Haraprasâd 
Saslri  me  désignait  comme  supérieur.  11  me  donne  rendez- 
vous  domain  à  la  Bibliothèque  du  Maharaja  ;  il  me  promet 
que,  si  je  reste  ici  un  mois  et  demi  ou  deux  mois,  toutes 
les  portes  s'ouvriront.  Je  le  quitte,  et  guidé  par  mon  pseudo- 
pandit (un  gouffre  d'ignorance),  je  me  dirige  vers  le  Toho- 
bahal. 

Tout  contre  la  muraille  de  la  ville,  dans  un  amas  de 
décombres,  je  vois  une  de  ces  stèles  qui  abondent  ici  par 
milliers,  au  point  de  décourager  la  curiosité;  je  m'en 
approche  pour  lire  la  date,  elle  est  de  Narendra  malla. 
Une  statue  de  Mahàkâla  est  tout  contre  ;  à  fleur  de  terre, 
sur  le  socle,  il  me  semble  déchiffrer  des  caractères  ar- 
chaïques. Voilà  de  l'antique  !  Mitrànanda  flegmatiquement 
affirme  que  c'est  du  névar  moderne.  Je  me  mets  à  nettoyer 
la  pierre.  Eh  bien,  |)andit,  lis  ton  névar.  Mitrànanda  est 
coi.  L'inscription  est  une  dédicace  et  les  premiers  mots 
sont:  Samvat  412  râjnah  Çrï  Mânadevasya:  la  date  et  le 
nom  sont  absolument  sûrs  et  clairs.  Encore  une  fois  la 
foule  s'assemble,  assez  hostile  à  me  voir  manipuler  la 
statue,  où  des  taches  de  minium  attestent  une  pùjà  récente. 
Le  mukhva  se  met  h  exalter  ma  science  et  lance  en  défi  : 
Qui  veut  parler  sanscrit  avec  le  Sahib  ?  Personne  ne 
répond,  et  pour  cause.  Je  veux  prendre  une  photographie 
de  la  statue.  Guignon  !  l'obturateur  refuse  de  fonctionner. 
Je  l'arrange,  le  visse,  le  dévisse,  et  quand  je  braque  la  sta- 
tue tout  se  démolit.  Mauvaise  affaire.  J'entends  fort  clai- 
rement dans  la  foule  (jui  me  serre  dire  que  le  dieu  se 
défend  contre  moi.  Pour  couper  court,  j'opère  n'importe 
comment,  mais  d'un  air  triomphant,  quitte  à  revenir  une 
autrefois,  et  je  déclare  avec  satisfaction  que  c'est  tout  à 
fait  l'éussi.  INiis  ji»  fais  appi^ler  le  |>ùj(\ri  qui  rend  à  la  statue 
le  culte  quotidien  ;  je  lui  donne  une  demi-roupie  pour  faire 
une  pùjà  en  mon  nom  ;  et,  ainsi  amadoué,  je  lui  révèle 


DEUX    MOIS    AU   NÉPAL  339 

l'âge  de  sa  statue  qui  dépasse  en  antiquité  tout  co  que  j'ai 
vu  h  Katmandou.  Changement  à  vue  :  mon  bonhomme  se 
fait  préciser  les  exphcalions  et  s'enfle  d'orgueil.  Sa  statue, 
antérieure  au  Nepâla  Samvat  !  Et  voici  maintenant  qu'on 
me  traite  avec  déférence,  et  déjà  le  groupe  qui  entoure  le 
pûjàrî  parle  d^élever  une  chapelle  sur  la  statue.  Pauvre 
Mahâkâla!  Est-ce  à  moi  qu'il  devra  le  renouveau  de  son 
culte?  Et  toujours  la  même  question  :  tu  es  Allemand?  Je 
reprends  mon  éternel  speech:  je  suis  Français,  la  France 
est  un  grand  pays  et  Paris  ma  ville  est  grande  comme 
l'Ayodliyà  du  roi  Daçaratha.  Enfin,  une  petite  trouvaille 
épigraphique  ! 

Samedi  ^'i  janvier,  —  Aujourd'hui  congé  pour  cause 
d'éclipsé.  Le  Caplain  Sahib  m'a  fait  dire  qu'il  valait  mieux 
renoncer  aujourd'hui  à  mes  occupations  journalières; 
j'avais  pris  les  devants  en  donnant  hier  au  soir  campos  à 
tout  mon  personnel.  Je  commençais  à  sentir  aussi  quelque 
besoin  de  repos.  Le  matin,  toujours  en  grand  cortège,  je 
pars  à  Harigaon,  un  village  situé  à  deux  milles  E.  de  Kat- 
mandou et  où  Damaru  vallabha  m'avait  signalé  des  ruines 
antiques.  J'explore  les  chapelles,  je  remue  les  détritus  d'oti 
émergent  des  pierres  brisées.  Toujours  des  iVIallas.  Une 
stèle  appuyée  contre  une  chapelle  date  de  Narendra  malla 
samvat  653  (=1533).  Une  autre  stèle  est  datée  de  Bhûpâ- 
lendra,  samvat  819  (==  1699).  Mais  un  homme  du  village 
s'offre  à  me  montrer  une  vieille  ruine.  Je  descends  avec  lui 
un  escalier  fort  rustique  qui  mène  à  un  petit  étang,  au  pied 
du  plateau  où  Harigaon  est  construit,  vers  l'Est.  Au  milieu  de 
l'étang  un  pilier  se  dresse  avec  une  statue  de  Garuda,  et  du 
bord  apparaît  sur  le  pilier  une  longue  inscription  en  carac- 
tères manifestement  archaïques.  L'estampage  n'en  est  pas 
aisé,  l'eau  est  assez  profonde,  le  fond  vaseux  et  le  ^ocle 
du  pilier  est  juste  assez  large  pour  y  poser  les  pieds.  Les 
villageois  jettent  des  pierres  et  des  cailloux  pour  me  faire 


.'^40  LE    NÉPAL 

un  embryon  de  chaussée,  et  le  pandit,  le  cipaye  et  moi, 
cramponnés  au  pilier,  sous  un  soleil  aveuglant,  nous  pre- 
nons un  double  estampage.  L'inscription  se  compose  d'une 
trentaine  de  lignes  gravées  avec  soin,  mais  les  premières 
lignes  ont  disparu  et  la  date  manque.  Le  caractère  de 
récriture  en  tout  cas  ne  laisse  pas  de  doute  :  impossible -de 
prendre  une  photographie  à  une  distance  convenable,  au 
beau  milieu  de  Teau  ;  j'ai  dû  m'installer  sur  une  sorte  de 
terre-plein  qui  fait  face  au  pilier  et  qui  porte  un  petit 
temple  ruiné  dédié  h  Satya  Nàràyana,  les  fragments  ne 
portent  pas  d'inscriptions.  Le  pilier  me  semble  d'un  haut 
intérêt  par  sa  date  ;  l'inscription  touche  la  chronologie  lit- 
téraire, lepiher  et  la  statue  touchent  la  chronologie  de 
l'art.  Je  n'ai  pu  que  jeter  les  yeux  sur  une  autre  inscrip- 
tion, au  pied  d'une  image  de  Laksmî-xNârâyana  encastrée 
dans  le  rebord  oriental  de  l'étang,  et  qui  porte  la  date  de 
139  (=1019)  sans  nom  de  roi.  L'inscription  était  enfouie, 
je  l'ai  fait  déblayer,  et  je  compte  l'estamper  quand  je  re- 
tournerai à  llarigaon. 

Après-midi  je  suis  retourné  à  la  Bibliothèque  du  Darbar 
ou  m'attendait  Damaru  vallabha  h  la  tête  de  tout  le  person- 
nel. Trois  heures  durant  j'ai  examiné  les  manuscrits.  Eniin, 
pour  me  distraire,  j'ai  observé  l'éclipsé.  Elle  était  ici  pres- 
que totale,  nous  étions  à  moins  de  100  kilomètres  de  la 
ligue  de  totalité,  et  a  2  heures  8  minutes,  temps  moyen 
(1  heure  o6  minutes,  temps  astronomique)  il  ne  restait 
plus  du  soleil  qu'un  mince  croissant,  délié  comme  la  lune 
nouvelle;  mais  ce  peu  suffisait  à  détruire  l'impression  si 
grandiose,  parait-il,  de  la  totalité.  Les  enfants  criaient  de 
tons  cotés  :  «  HAhu,  lAche  le  soleil  !  »  ;  les  chiens  aboyaient 
aux  cris  des  enfants  ;  mais  les  buflles  ont  continué  de 
pAturer  sans  manifester  la  moindre  inquiétude.  Étrange 
pourtant,  sinon  grandiose,  cette  atténuation  progressive  de 
la  lumière  sous  un  ciel  toujours  sans  nuage  :  un  paysage 


DEUX    MOIS   AU   NÉPAL  341 

de  soleil  regardé  à  travers  un  verre  fumé  ;  point  d'irradia- 
tion, point  de  resplendissement;  une  clarté  mate,  blafarde, 
morne,  avec  des  ombres  opaques,  une  sensation  d'irréel. 
L'instant  de  la  presque  totalité  est  saisissant.  Des  filets 
d'ombre  chevauchent  sur  le  sol  comme  ces  frissons  d'air 
chaud  qui  montent  des  champs  aux  jours  d'été  ;  un  coup  de 
vent  frais,  unique  et  brusque,  secoue  les  branches.  Le 
thermomètre  qui  marquait  20''  à  midi,  descendu  à  17°  à 
la  demi-éclipse,  tombe  tout  d'un  coup  à  13%  tandis  qu'à 
quatre  heures  il  s'était  relevé  à  28\  Ici  le  printemps  vient  ; 
tandis  que  les  orangers  du  jardin  sont  encore  chargés  de 
fruits,  voici  que  les  abricoliers  se  garnissent  d'une  déli- 
cieuse floraison  blanche.  Mon  jardin  d'ailleurs  se  change 
en  basse-cour  ;  deux  moutons  y  broutent,  un  dindon  y 
glousse.  Le  bangalow  de  Lucullus. 

Dimanche  ^23  janvier,  —  Retour  de  Patan.  Une  heure  de 
marche  de  la  Résidence,  trois  petits  quarts  d'heure  de 
Katmandou.  Le  chemin  longe  la  muraille  E.  de  la  ville  et 
le  lerrain  de  manœuvres,  passe  par  le  faubourg  de  Trilo- 
keçvar,  longe  le  temple  tout  récent  de  Laksmî  Nàrâyana 
et  les  jardins  oîi  s'élèvent  un  tas  de  Dharmaçâlâs  peuplées 
de  Sddhus  (religieux)  ;  et  en  face  de  Thapathali  (le  palais 
du  commandant  en  chef)  tourne  vers  l'O.  brusquement 
pour  franchir  la  Bagmati  sur  un  pont  de  briques.  Perdue 
dans  sou  vaste  lit  de  sable,  la  Bagmati  ne  suffirait  pas, 
pendant  la  saison  sèche,  à  la  piété  des  fidèles  impatients 
de  s'y  baigner  ;  on  en  a  canalisé  un  tout  petit  bras  qui 
longe  les  ghats  au  pied  du  temple  de  Laksmî  Nàrâyana. 
Passé  la  rivière,  le  chemin  tourne  de  nouveau  à  angle  droit 
vers  le  Sud. 

Patan  est  une  vision  de  féerie  plus  charmante  encore 
que  la  trop  uniforme  Jeypore.  Les  rues  plus  larges  que 
celles  de  Katmandou,  souvent  pavées  de  larges  dalles,  sont 
des  chemins  couverts  qu'abritent  en  se  rapprochant  de 


3i2  LE    NÉPAL 

pari  et  d'autre  les  larges  toits  népalais  ;  pas  une  maison 
sans  sculptures  et  sans  couleurs  ;  les  poutres,  les  poutrelles, 
les  linteaux,  les  châssis  sont  fouillés  avec  une  sorte  de 
verve  endiablée.  Kt  partout  des  temples,  des  pagodes,  des 
cailyas,  tous  les  types  de  rarchilecture  de  Tlnde  adaptés 
par  le  goût  le  plus  pittoresque,  briques  rouges,  briques 
vertes,  cuivre  doré,  bois  brun  jouent  délicieusement  îi  la 
lumière.  La  place  du  palais,  lieu  commun  des  photogra- 
phies et  de  l'imagerie,  surpasse  loute  attente.  Le  Darbar 
étale  sa  longue  façade  de  l)riques  décorée  h  profusion  de 
bois  sculptés  et  couronuée  d'une  sorte  de  pavillon  chinois 
aux  toits  étages  en  gradins  ;  et  sur  la  place  se  groupent  dans 
le  désordre  le  plus  amusant  les  pagodes  h  clochettes  et  les 
temples  h  colonnades  et  les  hauts  piliers  biseautés  que 
surmontent  des  iuiages  de  cuivre. 

Ma  première  visite  a  naturellement  été  pour  le  pandit 
Kulamàna  qu'Indrànanda  m'avait  signalé  comme  la  gloire 
de  la  scienc(»  bouddhique.  Oh  !  le  royaume  des  aveugles. 
Le  brave  KulamAna  m'attendait  en  grande  tenue,  chemise 
jaune  avec  une  sorte  de  |)ar(lessus  noir;  on  avait  étalé  des 
tapis  sur  le  sol  de  la  cour,  h  coté  d'un  cailya,  et  là  lu 
conversalion  s'est  engagée.  Il  uï'a  fallu  avaler  d'abord  la 
lecture  d'un  ÇAkyasindia  stoira  composé  par  Indra  avec 
le  connn(»ntaire  du  pandit ,  puis  un  Triratna  stoira  avec  sa 
glose.  J'ai  re|)ris  l(»s  mêmes  textes,  lui  ai  donné  un  com- 
menlairi»  de  uja  façon  et  du  coup  me  voilà  passé  grand 
savanl.  Le  terrain  ainsi  préparé,  jt»  le  prie  de  m'exhiber  ses 
manus(M'ils.  Il  m'apporte  un  (îandavyrtha,  un  Rodhiéaryft- 
valAra,  mw  Panéaiaksà.  Je  lui  dé<*lar(^  que  nous  autres  en 
lMn()|)(»  n(Mis  (-(ninaissons  cela  sur  le  bout  des  ongles  ;  il 
me  faut  du  nouveau,  do  l'inédit,  d(*  l'imprévu.  Je  lui 
lévèle  —  il  ne  s'(»n  doulail  pas!  —  tout  ce  que  la  littérature 
bnuddiiique  a  produit,  ol  perdu,  (»l  il  me  donne  l'assurance 
forni(»lle  qu'il  se  mettra  à  la  recherche  et  m'apportera  ce 


DEUX    MOIS    AU   NÉPAL  343 

qu'il  trouvera.  Il  m'accompagne  ensuite  au  Hiranyavarna 
Vihâra,  le  plus  coDsidérable  de  Palan.  Mais  ici,  portes 
closes;  malgré  le  pandit,  je  me  heurte  à  un  refus  formel, 
et  le  bon  pandit,  un  peu  vexé,  m'explique  alors  que  les 
Bouddhistes  ne  sont  pas  les  maîtres,  ils  partagent  le  vihâra 
avec  des  Çaivas  qui  sont  intraitables.  Mitrànanda,  le 
mukhya  et  le  cipaye  vont  alors  prendre  les  estampages 
des  stèles  h  l'intérieur.  Rien  que  des  Mallas  !  Ces  miséra- 
bles cachent  leurs  antiquités.  Je  prends  en  cours  de  roule 
l'inscription  gravée  sur  le  trône  royal  et  qui  dale  de  Naren- 
dra  malla  ;  je  relève  sur  un  des  temples  de  la  place  du 
Darbar  une  inscription  de  Siddhi  Narendra  simlia,  757 
(n"  17  de  Bhagvanlal).  Mitrànanda  me  désigne  sur  la  place 
au  Sud  du  Darbar  un  petit  caitya  en  briques,  revelu  de 
stuc,  cl  qui  passe  pour  un  monument  d'Açoka;  mais  j'ai 
beau  remuer  et  retourner  les  débris  alentour,  rien,  rien. 
Enfin  au  coin  d'une  rue  je  vois  une  stèle  qui  passe  la  lete 
par-dessus  les  briques  de  la  chaussée  et  où  je  crois  distin- 
guer des  lettres  archaïques.  A  l'œuvre  !  nous  défonçons, 
arrachons,  creusons  un  trou  .de  cinquante  centimètres 
sans  nul  respect  des  Ponts  et  Chaussées,  et  je  me  trouve 
en  face  de  l'inscription  n"  3  de  iîendall,  maintenant  enfouie. 
Et  je  présente  mes  excuses  aux  Népalais  injustement 
décriés.  J'ai  reçu  ce  malin  la  visite  du  Captain  Sahib  qui 
m'apportait  delà  part  de  J)eb  Sham  Sher  les  deux  volumes 
de  VIsis  U/ireileddo  M'"''  Hlavatslvv  !  et  un  nâtaka  (drame), 
Ku(;alavodaya,  publié  en  1897  et  composé  par  le  pandit 
Chubi  Lai  Socri  protégé  de  Bhim  Sham  Slier,  général  en 
chef  et  frère  de  Deb  Sham  Sher.  De  plus,  comme  je  lui 
exprime  le  désir  d'examiner  à  loisir  Bhatgaon,  il  me  pro- 
pose d'y  mettre  à  ma  disposition  une  maison,  afin  de 
m'éviter  une  perte  de  temps  excessive,  Bhatgaon,  étant  à 
7  milles  d'ici.  Enfin  il  m'annonce  que  le  gouvernement 
népalais  compte  m'offrir  à  mon  départ  un  complet  népa- 


344  LE    NÉPAL 

lais  y  compris  la  ceinture  et  le  coutelas.  Ils  semblent  se 
piquer  de  montrer  en  Tabsence  du  Résident  la  spontanéité 
de  leur  hospitalité. 

Mardi  S5  janvier.  —  Encore  une  bonne  journée.  Mah- 
gai  vâry  Maiicjal-kâ-din ,  ai-je  eu  soin  de  faire  remar- 
quer à  mon  escorte;  mardi  (mangal  vâr),  c'est  un  jour  de 
bonne  chance  (mangal)  et  on  peut  être  sftr  que,  si  je  plai- 
santais en  le  disant,  ils  Tont  pris  au  sérieux.  Leur  super- 
stition va  de  pair  avec  leur  naïveté.  Maintenant  que  j'ai 
endossé  le  costume  népalais,  j'ai  mes  lettres  patentes 
d'hindouisation.  Je  ne  puis  me  défendre  d'un  sentiment 
d'affection  à  les  voir  tous,  pandit,  mukhya,  cipaye,  et 
jusqu'à  mon  humble  coulie,  explorer  les  murailles, 
remuer  les  pierres,  interroger  les  habitants,  les  intéresser 
à  la  chasse,  leur  exalter  ma  science  brahmanique  (oh  !  le 
brahmararl-as^  je  sais  maintenant  ce  que  c'est  !)  et  leur 
figure  s'illuminer  joyeusement  quand  le  cri  fatidique  sort 
de  ma  bouche  :  «  Voilà  de  l'ancien  »  !  Et  c'est  alors  des 
questions  sur  la  date,  sur  l'antiquité,  sur  les  rois  du  passé, 
sur  les  valeurs  des  lettres,  et  le  bon  roi  Vikramàditya  sert 
de  point  de  départ  à  cette  chronologie. 

Hier,  nouvelle  course  à  travers  Palan  ;  je  n'en  avais  vu 
que  les  splendeurs  ou  tout  au  moins  les  charmes  pittores- 
ques. Quel  revers  à  la  médaille  !  Le  sac  de  la  ville  par 
les  Gourkhas,  qui  date  d'un  siècle,  semble  être  d'hier  : 
masures  délabrées,  temples  en  ruines,  rues  où  la  chaus- 
sée disparaît  sous  l'amoncellement  des  ordures,  physiono- 
mies inquiètes  ou  hébétées,  et  la  puanteur  de  la  pourri- 
ture dans  l'air.  Ma  première  visite  va  au  Zimpi  Taudu,  un 
(les  quatre  grands  slûpas  élevés  aux  angles  de  la  ville  et 
ath'ibués  à  Açoka.  i^a  tradition  ne  doit  pas  se  tromper  de 
beaucouj).  Sur  un  soubassement  de  briques  circulaire  haut 
d'environ  un  mètre  s'élève  une  coupole  de  briques  recou- 
verte (le  terre  cl  de  gazon,  sans  aucun  ornement.  Ausom- 


DEUX    MOIS    AU    NÉPAL  345 

met  une  sorte  d'échafaud  de  bois  qui  supporte  aux  jours 
de  fête  le  parasol  symbolique.  Rien  de  plus.  Le  diamètre 
est  d'environ  1 2  mètres.  Tout  alentour,  là  comme  partout, 
de  petits  cailyas  en  pierre  ou  en"  stuc  surmontés  comme 
toujours  du  clocheton  au  toit  pointu  et  décorés  des  quatre 
Bodhisattvas.  11  n'y  a  pas  de  vihâra  élevé  autour  de  ce 
stûpa:  le  viluira  du  Zimpi  Taudu  est  bâti  de  Tautre  côté 
de  la  rue;  le  stûpa  commande  ainsi  une  vue  admirable 
sur  les  bords  de  la  Bagmati  et  sur  les  montagnes.  Patan 
la  pittoresque  est  adossée  à  la  bordure  S.  de  la  vallée  et  la 
longue  masse  blanche  de  THimalaya  ferme  auN.  l'horizon, 
tandis  que  Katmandou,  au  milieu  de  la  vallée,  n'entrevoit 
les  glaciers  que  par  les  passes  des  premières  montagnes. 
Malgré  le  nom  d'Açoka,  malgré  l'évidence  de  sa  construc- 
tion antique,  le  stûpa  n'a  pas  de  vieille  inscription.  La 
pierre  la  plus  ancienne  date  du  règne  de  Çiva  Simha  734 
(1614)  et  rien  h  tirer  de  ces  lamentables  ignorants,  tristes 
dégénérés  d'une  religion  mourante.  On  m'amène  le  pan- 
dit du  lieu.  Il  ne  sait  littéralement  rien,  n'a  rien  lu  et  je 
lui  prédis  —  c'est  son  vyâkarana  —  qu'il  tombera  en 
enfer.  Ont-ils  en  leur  sottise  laissé  se  perdre  leurs  anti- 
quités? Les  cachent-ils  par  un  sentiment  de  jalousie 
aveugle?  Le  problème  esf  à  résoudre.  L'inscription  de 
Çiva  simha,  en  névar,  donne  au  caitya  le  nom  de  Sthùla- 
Caitya,  et  le  pandit  me  déclare  que  c'est  le  nom  sanscrit 
du  Zimpi-Taudu.  Et  dans  celte  cour  oîi  le  sol  couvre  et 
dissimule  sans  doute  des  trésors  épigraphiques,  des  habi- 
tants du  vihâra  voisin,  en  guenilles,  étalent  au  soleil  et 
font  sécher  une  herbe  fétide  à  défailHr  et  qui  sert  à  leur 
nourriture.  Qui  donc  a  dit  :  Dis-moi  ce  que  tu  manges,  je 
te  dirai  ce  que  lu  es. 

Tout  près,  au  N.,  esl  un  temple  de  Ganeça  où  des  stèles 
donnent  les  dates  de  772,  789,  829,  930,  mais  sans  nom 
royal.  Nous  passons  au  Vihâra  voisin,  l'AIoku-Vihâra  ;  là 


346  LE   NÉPAL 

un  de  ces  lavoirs  qui  abondent  h  Katmandou  et  à  Palan, 
une  fosse  assez  profonde  où  des  conduites  de  pierre  déver- 
sent Teau  des  sources  prochaines.  11  faut  rendre  justice 
aux  Névars,  j'en  aurai  vu  qui  se  lavent,  au  moins  une  fois 
dans  leur  vie.  Hommes  et  femmes  et  enfants,  tous  vêtus 
d'un  costume  embryonnaire,  se  douchent,  se  frottent,  se 
tordent  les  cheveux,  et  ma  présence  ne  les  trouble  guère. 
Je  fais  là  ma  première  rencontre  de  serpent.  Devant  moi 
se  lève  un  beau  pelit  reptile  d'un  mètre  cinquante  qui  tire 
très  joliment  sa  langue  fourchue  et  qui  s'éjouit  dans  la 
mousse  de  la  fontaine.  Une  femme  appuie  son  dos  nu  sur 
la  muraille  où  il  commence  à  grimper.  Je  crois  utile  de 
crier  en  ma  naïveté  :  Samp  !  Un  serpent.  Point  d'échos, 
j'ai  manqué  mon  effet.  J'interroge  le  pandit  :  Est-il  veni- 
meux ?  Oh  !  beaucoup,  mais  de  mémoire  d'homme  ils  n'ont 
piqué  personne  et  la  place  en  regorge.  Merci  de  Tavis. 
Une  grande  statue  de  Çàkyamuni  dans  Tattitude  classique, 
les  jambes  croisées,  préside  à  la  baignade.  Sur  un  tout 
petit  strtpa  je  lis  la  date  535  (1415).  A  travers  les  rues 
désertes  et  immondes  nous  rejoignons  un  autre  pelit  stûpa, 
briques  et  stuc,  de  2™  50  environ,  attribué  à  Açoka.  Hien 
que  des  stèles  modernes. 

A  côté,  vers  l'Ouest,  se  creuse  une  autre  fosse,  mais 
al)andonnée,  où  croupit  une  eau  saumàtre  et  répugnante. 
Une  stèle  s'y  dresse  qui  laisse  entrevoir  des  lettres  an- 
ciennes. Nous  installons  une  petite  chaussée  sur  la  vase 
méphitique,  et  marche  la  brosse.  La  foule  s'amasse  à  ce 
speclacle  insolite  et  la  voix  publique  m'annonce  l'arrivée 
d'un  pandit  :  IJo  pfnulita  !  Et  le  dialogue  s'engage  en  pré- 
scMire  d'un  audiloire  attentif  et  intrigué.  Allons,  encore  un 
pauvie  |)an(iit.  11  n'a  pas,  dit-il,  l'habilude  de  parler  san- 
scrit ;  il  se  sert  plutôt  (le  la  hliimi.  Et  croyez-vous  donc, 
Monsioui'h»  Pandit-ji,  qu'on  cause  couramment  le  sanscrit 
en  France?  Impossible  de  lui  faire  comprendre  le  genre 


DEUX    MOIS    AU    NÉPAL  347 

de  curiosité  qui  me  pousse  à  venir  de  si  loin  au  Népal  pour 
ramasser  des  bouts  d'inscription  et  des  manuscrits.  11  con- 
clut :  Tathâ  smdeçe  svagunaprakâço  bhavisyati.  C'est  le  «  ut 
declamatio  fias  »  traduit  en  sanscrit.  Et  dire  qu'au  fond  il 
a  peut-être  raison?  Je  lui  répondrai  avec  MdLUu:  jadaval loka 
âcareL  a  II  faut  vivre  dans  le  monde  comme  une  brute.  » 
En  suivant  la  rue  de  Sangal  toi,  j'aperçois  au  passage  une 
pierre  à  conduite  d'eau  désaffectée  portant  aussi  des  traces 
d'inscription  ancienne.  Et  j'arrive  au  Mahàbuddlia-Vihâra 
où  demeure  l'oncle  de  mon  pandit,  Bhuvanânanda.  Le  pau- 
vre bonhomme  est  atteint  d'un  rhumatisme  qui  l'empêche 
de  marcher  et  de  me  guider.  Le  temple  du  Mahàbuddha 
vihâra  tranche  sur  les  pagodes  et  les  caityas,  il  est  de  pur 
style  hindou,  coiffé  d'un  petit  vimâna  très  ouvragé  et  rap- 
pelle assez  le  temple  de  Mahabodhi.  La  tradition  rapporte 
qu'il  fut  élevé  par  un  Névar,  après  un  pèlerinage  à  Gayâ 
et  je  pense  que  le  nom  véritable  est  Mahabodhi  vihàra* 
11  mérite  une  attention  particuhère;  par  malheur,  il  est  si 
étroitement  enserré  dans  les  maisons  du  vihàra  qu'il  laisse 
à  peine  un  passage  de  deux  mètres.  Impossible  de  l'em- 
brasser d'un  coup  d'œil.  Le  pauvre  Bhuvanânanda  grelotte 
de  fièvre,  il  vaudra  mieux  revenir.  Je  finis  la  journée  par 
le  vihàra  voisin  :  Unko  Vihar  (=  Rudravarna-vihâra)  au 
Sud  du  Mahabodhi,  un  beau  vihâra  à  deux  cours  en  pro- 
fondeur, propre,  bien  lenu,  soigné,  avec  les  piliers,  les 
caityas,  les  chapelles  ordinaires,  mais  rien  que  des  stèles 
récentes. 

Ce  matin,  je  retourne  à  llarigaon.  Malgré  la  complai- 
sance véritablement  touchante  de  mes  auxihaires,  vihâras 
et  temples  ne  rendent  rien  et  je  commence  à  perdre  l'es- 
poir, quand  en  arrivant  à  l'escalier  rustique  qui  mène  à 
l'étang  du  pilier  je  vois  une  stèle  enfouie  passant  tout  juste 
le  bout  du  ne/  au-dessus  d'une  plate-forme  qui  porte  un 
temple  ruiné  et  désaffecté.  Je  distingue  des  traces  de  lettres 


348  LE   NÉPAL 

anciennes.  Mon  mukhya  —  et  on  a  pu  médire  du  gouver- 
nement népalais  !  —  fouille  le  sol  avec  son  large  couteau» 
le  couteau  que  tous  les  Népalais  portent  à  la  ceinture  ;  le 
cipaye  Çrî  Ràm  Singh  qui  couve  tendrement  le  Mleccha 
(barbare),  non!  le  Sahib  Pandit  comme  ils  disent,  retire 
les  briques,  élargit  le  trou  ;  le  pandit  lave  la  pierre  et  une 
inscription  d'Amçuvarman  revoit  le  jour  en  très  bel  état 
de  conservation  :  samvat  32.  A  l'autre  coin  une  autre  pierre 
presque  engloutie  ne  montre  plus  que  sa  lêle.  Le  coulie 
fouit  et  fouille,  et  c'est  une  nouvelle  inscription  d'Amçu- 
varman, samvat  30.  Je  désire  en  prendre  la  photographie  : 
le  mukhya  va  quérir  ou  plutôt  requérir  au  nom  de  la  loi 
des  cordes,  des  bambous  ;  noushélons  lalourde  stèle  hors 
de  son  trou,  la  portons  à  la  lumière  et  l'opération  accom- 
plie —  rinde  ne  doit  pas  perdre  ses  droits —  avec  le  même 
cérémonial  et  la  même  pompe  nous  reportons  la  pierre 
dans  le  trou  où  elle  devra  attendre  une  nouvelle  résurrec- 
tion. Mais  Dieu  sait  quelles  pûjùs  elles  vont  maintenant 
recevoir  après  les  explications  données  à  la  foule  des  vil- 
lageois, explications  commentées  et  amplifiées  par  le 
mukhya. 

Après  déjeuner,  nouvelle  séance  de  Pustakâlaya  (Bi- 
bliothèque). Tout  ce  qui  parle  sanscrit  à  Katmandou  vient 
voir  la  bête  curieuse,  et  si  cet  empressement  est  flatteur, 
il  a  le  tort  de  gêner  la  lecture  des  manuscrits.  Ces  braves 
gens,  confinés  dans  leur  Çàstra,  s'émerveillent  surtout  de 
la  variété  de  nos  lectures.  J'ai  eu  le  plaisir  de  leur  révéler 
le  nom  et  l'ceuvre  de  Bergaigne  et  la  révélation  de  ses 
connaissances  védiques  les  a  remplis  d'admiration. 

Jeudi  "27 janvier,  —  Aujourd'liui,  Çrî  Pancamî  ;  l'hiver 
est  liai.  Une  volée  d'artillerie  (qu'est-ce  qui  se  passe  ici 
sans  |)()U(lre?  les  changements  de  ministère  et  les  change- 
ments (le  siiison  suivent  le  même  programme).  Une  volée 
d'artillerie  k  10  heures  ce  matin  nous  a  annoncé  l'entrée 


DEUX   MOIS    AU   NÉPAL  349 

du  prinlemps.  Vasanta  sera  le  bienvenu,  il  s'est  ménagé 
au  reste  une  entrée  à  sensation,  un  joli  coup  de  théâtre. 


Hier  nous  avions  justement  la  journée  la  plus  maussade 
que  j'aie  vue  dans  l'Inde  ;  le  soleil  n'a  pas  paru  un  instant, 
et  la  masse  épaisse  des  nuages  noirs  descendait  et  descen- 


350  LE    NÉPAL 

dail  sur  la  vallée  comme  un  plafond  truqué,  tandis  que  le 
veni  distribuait  généreusement  des  tourbillons  de  pous- 
sière. Et  quelle  bise!  Les  mains  fourrées  au  fond  des 
poches,  j'avais  une  onglée  cuisante  et  j'ai  dû  renoncer  à 
prendre  la  moindre  photographie,  faute  de  lumière  et  faute 
de  stabilité.  Le  thermomètre  n'a  pas  dépassé  -h  8".  J'ai 
eu  beau  courir  Patan  sous  cette  bise  mordante,  je  n'ai  rien 
trouvé  qui  valût  même  une  note  à  prendre.  Et  la  soirée 
était  si  froide  que  je  me  suis  frileusement  fourré  au  lit! 
Mon  pauvre  lit  !  J'ai  eu  la  curiosité  d'en  mesurer  Tépais- 
seur:  7  centimètres  en  forçant  le  chiffre  ;  des  lanières  de 
toile  entre-croisées  sur  un  châssis  de  bois,  unrézaï  dessus, 
et  pour  me  couvrir,  ma  couverture  de  voyage  et  un  autre 
rézaï.  Voilà  quinze  jours  que  je  dors  sur  cette  couche  moel- 
leuse. Ah  !  ce  n'est  pas  par  plaisir  que  je  reste  ici  !  L'étrange 
plaisir  que  C(»t  isolement  formidable  et  ce  froid  glacial 
quand  l'Inde  offre  partout  une  hospitalité  confortable  avec 
une  tempénilure  paradisiaque.  Mais,  depuis  que  je  suis  ici, 
je  me  réjouis  d'y  avoir  été  envoyé.  L'Inde  est  trop  grande 
pour  l'embrasser  d'un  coup  d'œil  et  trop  fermée  pour  en- 
tr'ouvrir  sa  porte  au  premier  coup  de  marteau.  L'Européen 
ne  peut  vivre  que  près  des  Européens  et  par  suite  en  dehors 
des  natifs.  Un  souci  légitime  de  l'hygiène  a  partout  établi 
la  résidence  des  sahibs  loin  des  grouillements  indigènes. 
Tenter  une  recherche  personnelle  en  quelques  mois,  c'est 
pcMxlre  son  temps.  Les  fonctionnaires  anglo-indiens  sont 
seuls  en  état  d'y  faire  une  besogne  utile,  ils  ont  qualité 
officielhs  on  les  craint  et  on  recherche  leur  faveur,  ils  ont 
la  longue  pralicpie  du  pays  et  de  la  langue,  ('hercher  des 
manusnits  derrière  Pelerson  ou  Hhandarkar  ou  llara- 
prasad  Sashi,  des  inscriptions  derrière  Fi'dn'er,  c'est  jouer 
son  temps  sur  un  billet  de  loterie.  \j(i  Népal  contraste  heu- 
reusement avec  ces  désavantages  :  l'étendue  en  est  limitée 
élroittMiient,  Iroj)  étroilemenl  uiTmiic,  car  en  dehors  de  la 


DEUX    MOIS    AU    NÉPAL  351 

vallée  le  reste  du  pays  est  juste  aussi  connu  que  le  Pôle 
Nord.  Hodgson  el  Wrighl  en  ont  à  coup  sûr  drainé  les 
manuscrits;  Bhagvanlal  etBendall  en  ont  recueilli  les  in- 
scriptions ;  mais  derrière  Hodgson  et  Wright,  il  est  permis 
de  chercher  h  glaner  encore.  De  tout  le  Tripitaka,  combien 
de  textes  restent  encore  h  découvrir?  De  plus,  comme 
Français,  je  suis  peu  suspect  ;  les  Gourkhas  ne  peuvent 
au  pis-aller  prêter  h  la  France  que  des  visées  fort  loin- 
taines sur  le  Népal.  Enfin,  c'est  la  dernière  région  encore 
appartenant  h  Tlndc  où  le  bouddhisme  survive,  et  déjà  bien 
près  de  s'éteindre,  ou  plutôt  de  se  fondre  dans  Thin- 
douisme,  comme  il  a  fait  ailleurs.  Au  point  de  vue  de  Tar- 
chéologie  bouddhique,  la  vallée  est  un  Musée  complet 
depuis  les  slùpas  d'Açoka  jusqu'aux  temples  hindous  et 
aux  cailyas  tibétains.  Fnfin,  particulièrement  intéressé  par 
mes  recherches  aux  relations  de  Thide  avec  le  monde  chi- 
nois, je  suis  ici  au  véritable  carrefour  de  ces  deux  mondes  : 
le  Népal  est  vassal  de  la  Chine  et  lui  envoie  un  tribut  pé- 
riodique ;  un  lama  est  h  demeure  ici  et  un  résident  népalais 
h  Lhasa.  Les  communications  entre  l'Inde  el  la  Chine  sont 
ici  un  fait  palpable,  évident,  matériel;  les  estampes  chi- 
noises se  mêlent  dans  les  processions  aux  chromolitho- 
graphies de  l'Kurope. 

La  bienveillance  des  autorités,  tout  inattendue  qu'elle 
peut  être,  se  maintient  ou  plutôt  elle  augmente.  Le  com- 
mandant en  chef  Deb  Sham  Sher,  Maharaja  par  intérim, 
m'a  fait  annoncer  hier  qu'il  avait  donné  l'ordre  de  me  ser- 
vir quotidiennement  le  Pioneer ^  un  des  meilleurs  journaux 
de  l'Inde,  et  j'ai  reçu  ce  matin  une  corbeille  d'oranges  et 
de  citrons.  La  parcimonie  proverbiale  des  Gourkhas  rend 
le  cadeau  précieux .  Deb  Sham  Sher  a  également  exprimé  le 
désir  de  voir  mes  estampages  et  d'avoir  mes  explications. 
Curiosité  archéologique?  C'est  mal  les  connaître.  Il  m'a 
prié  d'estamper  et  d'expliquer  si  possible  une  inscription 


352  LE    NÉPAL 

placée  sur  le  mur  du  Darbar  et  qui  a,  paraît-il,  résisté  jus- 
qu'ici aux  efforts  des  savants.  Je  lui  ai  fait  demander  une 
indication  précise,  mais  il  s'agit  certainement  de  rinscrip- 
lion  polygrapliique  que  le  bon  pédant  Pratàpa  mal  la  a  fait 
tracer  sur  le  mur  du  Darbar  et  où  le  mot  français  HIVER 
côtoie  le  tibétain  et  Tarabe.  «  C'est,  m'a-t-il  fait  dire,  que 
les  gens  d'ici  affirment  que  l'inscription  signale  un  trésor 
caché.  »  Teneo  lupum  !  C'est  ainsi  que  Khadga  Sham 
Sher,  le  frère,  a  bouleversé  le  grand  stiipa  de  Kapilavastu 
pour  y  dénicher  la  grosse  somme.  Et  on  me  laisse  allerdans 
l't^spoir  que  tout  ce  trésor  épigraphique  aboutira  à  des  tré- 
sors en  espèces  sonnantes.  Impossible  deleur  faire  compren- 
dre notre  curiosité.  Les  deux  facteurs  essentiels  de  nos 
recherches  :  religion  et  histoire,  n'ont  point  d'équivalent 
en  sanscrit.  Hier  matin  le  Jemadar  m'a  amené  un  Yogi  de 
Hardwar,  en  tournée  de  pèlerinage,  sachant  bien  le  san- 
scrit, connaissant  bien  son  Yoga  et  maudissant  les  faux 
Yogis,  professionnels  de  la  mendicité.  Encore  un  aussi  qui 
m'a  posé  la  question  fondamentale,  que  de  fois  entendue  ! 
«  A  votre  avis,  quelle  religion  vaut  le  mieux?  »  Singulier 
besoin  de  déprécier  la  croyance  d'autrui  pour  exalter  la 
sienne.  Je  lui  ai  fait  ma  constante  réponse  :  Sarvatra  satûm 
âcârah  sfuUwh,  dtfslânfun  df/slah.  «  Partout  les  braves  gens 
se  conduisent  bien,  et  les  méchants,  mal.  »  11  m'a  demandé 
fort  naturellement  s'il  y  avait  des  yogis  en  France;  il  était 
convaincu  (il  l'est  sans  doule  encore)  qu'il  y  a  des  yogis 
en  Germauy.  Double  effel  du  séjourau  loin  (mais  la  nature 
n'est-elle  pas  un  jeu  d'apparentes  contradictions?)  :  le  chau- 
vinisme s'éveille  en  même  temps  que  se  développe  un  sen- 
timent profond  de  la  solidarité  humaine.  A  voir  enjeu  les 
aulnes  Iractions  de  l'humanité,  on  prend  conscience  du  rôle 
propre  qui  revient  h  la  patrie. 

Aujourd'hui,  vacances;  la  ville  fait  un  tam-tam  d^enfer 
ave(!  s(»s  processions  et  ses  musiques  et  ses  chœurs,  qui 


DEUX    MOIS    AU    NÉPAL  353 

s'en  vont  de  temple  en  temple.  La  Çrî  pancamî,  c'est  la 
Sarasvatî-pûjâ,  la  fête  de  la  plume  et  de  rencrier.  J'ai  ce 
matin^  sous  la  conduite  et  Tescorte  de  mon  trop  fidèle  mu- 
khya  (Achates  en  fut  le  prototype),  fait  mon  pèlerinage  à 
Bâlajî  au  Nord  de  Katmandou,  au  pied  du  Nagarjun.  On  y 
vient  en  foule  adorer  la  statue  de  Jalaçayana,  Nârâyana 
flottant  sur  les.eaux,  étendu  sur  Çesa  qui  redresse  ses  têtes. 
Statue  colossale,  au  milieu  d'un  étang,  de  facture  toute  mo- 
derne ;  le  vrai  Jalaçayana  est  à  Budha  Nilkanth,  5  milles 
de  Katmandou.  Pas  de  temple  au  dieu  ;  un  petit  temple 
népalais,  h  la  chinoise,  consacré  h  Durgà.  On  vient  de  lui 
immoler  le  bouc  quotidien  et  la  tête  est  tombée  dans  le 
panier  tandis  que  le  corps  palpite  encore  dans  les  mains  du 
sacrificateur.  lilt  déjà  la  foule  se  presse,  des  femmes  sur- 
tout, et  c'est  un  tintement  continu  de  la  cloche  :  chaque 
visiteur  annonce  son  passage  h  la  déesse.  Le  site  est  ra- 
vissant, ombragé  de  grands  arbres  ;  des  sources  limpides 
alimentent  une  série  d'étangs  où  la  piété  des  fidèles  nour- 
rit des  légions  de  grosses  carpes,  et  s'épanchent  par  une 
vingtaine  de  gargouilles  sur  les  amateurs  de  douches  dé- 
votes. Les  Tibétains,  avec  leurs  grosses  bottes  de  laine  ou 
de  cuir  et  leur  face  ahurie,  éclatent  en  gros  rires  à  ce  spec- 
tacle :  ils  s'étonnent  évidemment  delà  propreté  desNévars. 
Comme  tout  est  relatif  !  L'échelle  des  altitudes  marque  ici 
les  degrés  de  la  saleté  humaine. 

Après-midi  j'ai  fait  ma  façon  de  prtjâ  à  Sarasvatî.  J'ai 
préparé  une  transcription  complète  d'une  des  stèles  d'Am- 
çuvarman  et  écrit  une  lettre  en  sanscrit  au  Pandit  Kula 
mànade  Patan  pour  l'exciter  à  chercher  des  manuscrits. 

Dimajiche  30  janvier,  —  Après-midi  de  congé  ;  mon  Pan- 
dit a  même  pris  toute  la  journée.  C'est  Vastamî  (le  8)  et  de 
plus  il  y  a  uposadha  (jeûne)  aujourd'hui  en  l'honneur 
d'Avalokiteçvara.  Je  suis  retourné  vendredi  à  Patan  voir  le 
respectable  Kula  màna  que  ma  lettre  semble  avoir  touché. 

II.  —  23 


.1  i 


I  * 


iii-Mi  ii:-.   »*     il  -riiii^*  lin  pantiit. 

•i'— ^..-     iL.ja- ■.::»-- '.il-     iiiii*'  -î    '■•rinii*    >.ir    i*^>  tr:i«luo- 

'i-r     iiii    -'--       -     11    ii'iiiaiiMt-   iiiji'r'i  i^  ne  Toijver  le 

-••    ■  :  iiiiA .  •>        -.'.uiH'-.    ini.     i    -îi    ii«"î"    i  ■r-iv».Ts  la 

-î>'.   1     '.lii — »-     ii'-î'^ — -  <    Hî"'*  "i::!! lii   iitt-nnir- rf.  i'hi^ 

■  I--  .i-    -   •:\[>t    iiiu-  i    îi  ■•"ïiiiiiit  .e 'itr*^.  Pui< 

■  -f:..::!  ..        •.  i.  im;ii  irvi;il%i.'f.i    le   \  .i-»iijjiQ«lIiu  «{ll^r  j  ai  la- 

■tu-,  niMitii.iii'-  -;îii«-«f'il    II' \  arMjiiilni  :  puis  ti'Ute 

i     :      .    .;•  «iMiPiii.-n'Tiia  .  .lnaiiu|ii"i>Miàna.  Prajûap- 

:i«,i.  :.!.  :  - -ii    if     •■*•  ■»'\h**.  »'t  Jf -iiis  im  h«>tunio 

*i.!:'  ;\.      .    .'.i     i"!!!^    m  '■••v.ii^Hui- Ih'iipmjx.  En  ijiiiltant 

\,.:.,     î::  ,        -.il-  ■.lit-    le-    M'UM'Jiu  .LU  .Maliàlioillii  BihaF  : 

.,...-        =.    ■l^■M^ll■^-    Ml'"  j ilii •! M:^ri-;qj|iii*,  |,.  tniuple  étant 

iii.,.,.         -.  .j  ^'  !itt^    iii  ^^■|'al  :  mais  il  <*-l  '-i   nfrùitemenl 

M>^  i-     .i!'^  -.M    an»'  'i«"  inai'iiin*'  i|Uf'  j  ai  t\ù  ri><[iiur  moi 

I     1.  ii     l'iiaiîii   -ur   '•'    li»i(    t^tlMiHlrt»   «riin**    masuïv   f^n 

.,,.!<  ^   ;     Il      11    'li  ia>MMliv   1111  |Miiiil   «•ara«;lrri.>tiqut*.  K.»> 

.,  i  il  -  .    u   ir'^  niaii'r  |M'lil>  \iuiàna>  t'*l*?vr»-  sur  la  Itérasse 

:.,  -o.i«  •  LUI»'.   iu\  >|iiatrf  aiiu^U,'<  du  irrantl   vimdna  «Itint 

;>    ..  i»n'.nii^i  lU  ia  ^Umlm»'.  ^'.lie/  Milrilnanda  j'ai  Irouvé 

i.i.  ^,  iMi.ii.u.iiuKii.  uuo  aiitlminuit*  àlafaron  <ie  la  Subhù- 

.::.Mj.i     11  :>îu(<>i  l'ucon'  <lu  >ul)]iàsitara(nal>li(ln(l<ii(àra  car 

«  .  \,  i^  \  mmiI  iiilnuluils  <aus  nom  <i'auleur  ;  longue  col- 

r,  ,i.Mi  mi:  lruilK'l>i  cv)ui|iosôo  par  Ja^Mnuàlha  mi4;ra,  Yu- 

^^  ti.nn ji»i>aiulvli\a   \alsiiv   i  _-  lO.'i 4  J.-C ).    Lt»  manu- 

..  ..;     .i  >i<    la  uiaiii  d'  \inrli\uanila.  Jr  n'ai  pas  eu  le  temps 

I.    .'.M  \.»n  .  I  \  it^lnuriu'rai.  Mais  je  ne  nrallt'n<is  pas  à 

1  '..v.  t  .hiiiN  la  laniille  qui  rournil  à  la  Uésidrnre  ses  pan- 

ii:        i-.i  A  dut'  l«uil  siuiplenieiil  un  Iraiiucteur  charp'^  lie 

Mi>  iii«-  l'ii  luihlnu^laiii  le<  pièces  en  névar  qui  sont  adres- 

'■.  .  .1  l.i  IJj'>idt'iii*r^dt*-iou\raj:es  nouveaux  et  importants. 


DEUX    MOIS    AU   NÉPAL  355 

Hier  visite  à  Harigaon,  et  de  là  à  Deo  Patan  où  j'ai  pris, 
près  du  temple  de  Vâgîçvarî,  dans  un  hithi  (un  de  ces 
creux  où  Teau  arrive  par  des  conduites)  abandonné,  Tes- 
tampage  d'une  inscription  de  Jaya  Sthiti  Malla.  A  Paçu- 
pati  j'ai  trouvé  deux  interlocuteurs  assez  distingués  qui 
m'ont  raconté  avec  un  sérieux  imperturbable,  au  milieu  de 
la  foule  accourue  et  ébahie,  aussi  sérieusement  que  nous 
énonçons  nos  systèmes  de  chronologie,  Torigine  du  tem- 
ple selon  le  Nepâla-màhâtmya,  la  fuite  de  Çiva  sous  forme 
de  gazelle,  les  vaines  recherches  des  dieux  et  qu'enfin  on 
le  découvrit  dans  le  Clesmântaka  vana.  Le  temple  est  situé 
sur  le  bord  de  la  Bagmati,  resserrée  entre  deux  plateaux, 
dans  une  gorge  pittoresque  et  bordée  deghats  où  les  fidèles 
ne  cessent  de  se  presser.  Les  Bhotiyas  (Tibétains)  et  leurs 
confrères  les  singes  s'y  rencontrent  en  foule.  Comme  je  ne 
suis  ni  Hindou,  ni  Bhotiya,  ni  singe,  j'ai  dû  me  contenter 
de  contempler  le  temple  du  dehors.  Au  miheu  de  la  cour 
d'entrée,  face  au  temple,  à  la  place  régulière,  se  dresse 
une  statue  colossale  de  Nandi,  grande  comme  le  Lion  de 
Belfort,  et  toute  dorée.  Le  temple  principal,  de  style  né- 
palais (toits  étages),  est  entouré  de  temples  et  de  chapelles 
plus  petites  et  qui  couvrent  une  vaste  étendue.  En  face  sur 
la  rive  gauche  de  la  Bagmati,  Jang  Bahâdur  a  fait  élever 
des  g/iats  que  couronne  une  rangée  uniforme  de  chapelles 
sans  caractère,  assez  pareilles  à  nos  monuments  de  cime- 
tières. Un  bois  assez  touffu,  reste  du  Clesmântaka  vana, 
encadre  les  temples.  La  fraternelle  concorde  des  dieux  se 
marque  à  un  simple  trait  :  le  long  des  g/iats  de  la  rive  droite 
une  inscription  peinte  en  grosses  lettres  porte  :  Çrî  Krsna. 
Au  fond,  malgré  la  popularité  de  Paçupati,  la  vraie  divinité 
du  Népal  et  de  l'Inde,  autant  que  j'en  ai  vu  —  c'est  Durgâ, 
la  déesse  monstrueuse  et  sanguinaire. 

Lundi  soir  31  janvier,  —  Le  Commandant-en-chef  m'^a 
adressé  ce  malin  des  informations  précises  sur  l'inscrip- 


356  LE   NÉPAL 

lion  qu'il  me  demande  d'étudier.  C'est  bien  Tinscriplion 
tracée  sur  le  mur  du  Darbar  par  le  bon  pédant  Pratàpa 
malla,  collectionneur  d'alphabets.  Je  me  suis  donc  rendu 
en  ville,  mais  l'inscription  est  si  énorme  (elle  couvre  au 
moins  4  mètres  de  muraille)  que  j'ai  renoncé  à  prendre 
l'estampage,  le  papier  à  estamper  étant  ici  rare  et  fort 
coûteux.  Tout  ce  qui  n'est  pas  produit  indigène  subit  un 
renchérissement  énorme,  car  le  transport  à  dos  d'homme 
deSegowlie  ici  se  paie  3  roupies  les  23  kilogrammes.  Pour 
le  coup,  à  me  voir  photographier  la  mystérieuse  inscrip- 
tion, la  foule  s'est  précipitée,  attendant  l'apparition  du  tré- 
sor. Le  plus  cocasse,  c'est  que  les  soldats  du  Darbar,  éga- 
lement convaincus  du  sens  caché  de  l'inscription,  se  sont 
mis  à  repousser  la  foule  à  coups  de  poing  comme  si  c'eût 
été  une  bande  de  voleurs.  Latin  delà  journée  me  réservait 
au  reste  un  commentaire  plus  vivant  de  la  scène.  J'ai  passé 
deux  heures  h  la  bibliothèque  du  Darbar  School  et  j'ai  eu 
communication  du  catalogue  provisoire  de  la  section  Tan- 
tra.  On  ne  trouverait  certainement  nulle  part  dans  l'Inde 
une  collection  aussi  riche  ;  plus  de  300  numéros  et  la  moi- 
tié me  sont  inconnus.  Quand  le  tour  des  études  tantriques 
viendra,  il  faudra  s'adresser  au  Népal.  Je  rentrais  au  petit 
galop  de  mon  poney  quand  j'entends  un  cyclone  qui  se 
déchaîne  derrière  moi  ;  dans  un  flot  de  poussière  une  cen- 
taine de  brutes,  au  pas  de  course,  dessinent  un  arc  de 
cercle,  refoulent  violemment  les  malheureux  passants; 
coups  de  poings,  hurlements.  Le  Népal  se  civilise,  il  sait 
se  servir  de  la  police.  Une  voiture  encadrée  de  gardes  à 
cheval,  et,  derrière,  une  autre  vague  humaine.  C'est  le 
Connnandanten  chef,  iMahâràja intérimaire,  qui  fait  un  petit 
tour  d(»  promenade.  Je  me  range  pour  le  saluer.  11  m'en- 
voie un  a  good  evening  w  et  m'invite  c^  caracoler  près  de  sa 
voiture.  La  troupe  des  sbires  s'ouvre,  non  sans  méfiance. 
Ôii  a-t-on  pu  ramass(»r  une  si  belle  collection  de  bêtes  hu- 


DEUX    MOIS    AU    NÉPAL  357 

maines?En  ce  charmant  pays,  le  Maharaja  ne  donne  au- 
dience à  ses  frères  que  bien  entouréde  gardes  tenant  Tépée 
nue  à  la  main.  Ce  bon  pelit  Deb  Sham  Sher,  si  aimable, 
qui  se  pique  de  bonnes  manières,  qui  m'envoie  le  journal, 
des  oranges  et  autres  menus  présents,  Deb  Sham  Sher  a, 
en  compagnie  de  ses  deux  aînés,  tué  de  sa  petite  main  son 
vieux  bonhomme  d'oncle  qui  avait  le  tort  de  montrer  une 
bienveillance  excessive  en  faveur  des  fils  de  Sir  Jang  Ba- 
lladur. Puis  la  même  petite  main  sans  le  moindre  scrupule 
a  occis  autant  qu'elle  l'a  pu  delà  trop  nombreuse  postérité 
laissée  par  le  même  Jang.  Et  l'aîné  des  Sham  Sher  s'est 
attribué  la  fonction  de  Maharaja  elle  reste  des  Sham  Sher 
(ils  sont  une  quinzaine  de  frères)  s'est  distribué  par  rang 
de  primogéniture  tous  les  hauts  emplois.  Khadga  Sham 
Sher,  le  second  de  la  famille,  semblait  disposé  h  se  don- 
ner de  l'avancement.  Le  coup  fut  vite  paré.  Khadga  alors 
commandant  en  chef  vient  au  palais  du  Maharaja  faire  son 
rapport  ;  quaire  hommes  se  jettent  sur  lui,  le  prennent  aux 
poignets,  et  le  Maharaja  annonce  h  son  puîné  que  par  excès 
d'affection  il  le  crée  gouverneur  de  Tansen,  le  district 
Ouest  du  Népal.  Voih\  une  jolie  variante  de  la  fameuse 
scène  :  Kh  bien,  seyez-vous  donc,  marquis  de  Castellane, 
etc..  Un  palanquin  est  tout  prêt;  donnez-vous  donc  la 
peine.. .  —  Kt  mes  femmes  ?  Kt  mes  enfants  ?  —  On  y  pour- 
voira. Et  sous  bonne  escorte,  à  travers  cols  et  défilés,  on 
conduit  h  Palpa  le  gouverneur  malgré  lui.  La  caravane  des 
épouses  avec  les  petits  Sham  Sher  suivit  à  quelques  jours 
de  distance.  Et  le  jour  viendra,  demain,  dans  un  mois,  dans 
un  an,  où  une  autre  petite  main  abattra  d'un  bon  coup  le 
Maharaja  et  ce  ne  sera  qu'un  changement  de  ministère. 
Le  pauvre  Dhiràj,  comme  on  dit  ici,  le  Mahàrâjâdhirâja  au 
nom  duquel  tout  se  passe,  vit  étroitement  confiné  en  son 
palais,  parmi  les  femmes  et  les  fleurs,  sans  autre  dis- 
traction que  de  quitter  un  pavillon  peint  en  bleu  pour 


358  LE   NÉPAL 

s'installer  dans  un  pavillon  peinl  en  jaune,  marionnette 
sacrée  toujours  prête  à  faire  les  gestes  sans  demander  qui 
tire  la  ficelle. 

Donc  nous  longeons  Télang  de  Rani  Pokhri,  énorme 
pièce  d'eau  rectangulaire  que  Jang  Bahâdur  a  fait  clore 
d'une  vilaine  muraille  blanche  ;  une  chaussée  étroite  mène 
à  un  petit  pavillon  élevé  au  milieu  de  Tcau.  Le  lieu  est  sûr, 
la  garde  occupant  toute  la  muraille.  «  Nous  serions  mieux 
à  terre  pour  causer.  —  A  la  disposition  de  Votre  Excel- 
lence. »  Soucieux  d'être  poli  sans  me  laisser  ravaler,  j'ai 
soin  de  mettre  pied  à  terre  juste  au  même  moment  que  lui 
et  côte  à  côte  nous  nous  engageons  sur  l'étroite  chaussée. 
«  Avez-vous  vu  les  poissons  de  l'étang?  Non  ?  Vous  allez 
les  voir.  »  On  apporte  un  tas  de  sauterelles  sèches,  et  c'est 
l'étang  de  Fontainebleau.  Il  me  demande  des  nouvelles  de 
l'inscription,  de  mes  recherches.  «  On  a  trouvé  à  Kapila- 
vastu  un  cercueil  avec  quelques  bribes  d'or.  —  Ah  !  félici- 
tations !  —  J'ai  bien  peur  qu'on  n'y  trouve  rien  de  sérieux! 
Croyez-vous  que  cet  or-là  ait  une  grande  valeur?  — 
Attendez.  Kapilavastu  était  une  ville  de  temples,  il  y  vint 
(les  pèlerins  de  TAsie  entière.  —  Alors  vous  croyez  qu'on 
pourra  y  trouver  un  trésor?  —  Je  lui  réponds  que  le  vrai 
trésor,  c'est  les  inscriptions,  c'est  ce  qui  rattache  l'homme 
h  son  passé  et  lui  explique  son  présent.  Un  peuple  sans 
histoire  esl  un  arbre  sans  racines.  Les  rois  ont  leur  généa- 
logie*, l'hisloire  est  la  généalogie  de  l'humanité.  »  Ces  consi- 
dérai ions,  développées  en  un  anglais  que  l'enthousiasme 
fait  élo(|uonl,  louchent  le  petit  Gourkha  qui  me  demande 
de»  venir  lui  causer  au  palais  demain  après-midi.  Nous 
allons  lAf'her  de  le  secouer. 

Mf/n/i  /••  /('trier.  —  Encore  un  Mangal-Vàr.  Refusez 
nininlrnaiil  de  croire  au  Jyoùsa  (astrologie),  doublé  du 
Nninllan)stni  (science»  des  signes).  Une  stance  adressée 
à  Kula  niAua  a  porté.  On  ne  prend  pas  les  mouches  avec 


DEUX    MOIS    AU    xN'ÉPAL  359 

du  vinaigre  ni  les  pandits  avec  des  durbhâsitas  (mauvaises 
paroles).  L'excellent  Kula  mâna  m'envoie  une  réponse  que 
je  transcris  à  cause  de  Theureuse  nouvelle  qu'elle  donne 
et  parce  qu'elle  montre  où  en  est  la  connaissance  du 
sanscrit  chez  les  Bouddhistes  du  Népal,  dont  Kula  mâna  est 
le  cùdâmani  (diadème)  : 

Çrikulamânapanditena  bhavatâm  çrîmatâm  pranâmapurahsarcna  prârthanâ 
krtam  bhavatâm  uktam  pustakam  mahâyânasùtrillamkàra  atra  nepâle  atidurla- 
bhani  eva  tathâpi  bhavatâm  àjiiàni  cire  dhrtvâ  aham  Hkhitvâ  samarppayâmi 
aham  tu  ekam  eva  baddhanikâryyo  sti  (??)  tathâpi  bhavatâm  çevâ  karisyâmi 
ane  sadrço  na  kartum  arhasi  ràjagfhe  pustakalikhitasamaye  dinam  praii  eko 
mohara  datto  sti  tathâpi  bhavatâm  avalokya  dàtum  arhasi  iti  çubhani 


Ce  qui  signifie  en  bon  français  qu'il  s'est  procuré  à 
grand*peine  un  manuscrit  du  Sûtralamkàra  et  qu'il  m'en 
fait  la  copie.  Décidément  il  faut  bien  croire  que  le  Népal 
n'est  pas  encore  épuisé  par  tant  de  recherches.  Un  rapide 
et  très  sommaire  examen  me  permet  de  constater  que  ce 
n'est  pas  le  Sûtralamkàra  d'Açvaghosa,  mais  un  autre 
ouvrage  connu  sous  le  même  titre  et  qui  a  pour  auteur  le 
Bodhisattva  Asanga  contemporain  de  Vasubandhu  (v-vi* 
siècle).  N'est-ce  encore  qu'un  préambule  etdois-je  attendre 
mieux?  Vexé  du  refus  du  pseudo-Pandit  du  Zimpi-taudu  h 
Patan  (le  Zimpi-taudu  passe  pour  être  très  riche  en  manu- 
scrits), j'ai  encore  eu  recours  à  la  divine  Sarasvatî  et  j'ai 
foudroyé  mon  homme  de  cette  virulente  apostrophe  : 

bubhuksitàm  vyàghrim  drstvâ  svaçarîram  ayâcitah  | 
paçâv  api  karunârdro  bodhisatvali  purâ  dadau  || 
âgatam  atithirn  çrutvà  çrutvâ  dharmârthinarn  tathâ  | 
pustakânâni  panditena  dïyate  naiva  darçanam  1| 
krtapâramitâbhyàsati  svargani  yâti  na  saipçayah  | 
dânapàramitâm  tyaktvâ  punyalâbhah  katharii  bhavet  || 

J'avais  trouvé  la  corde  sensible.  Dare-dare  je  reçois  la 
réponse  suivante  (encore  un  échantillon  du  sanscrit  boud- 
dhique local)  : 

bhavatâm  çrîmatâm  pranamya  bhavatâm  âjnàpita  pustakànâm  madgrhe  asti 


360  LK    NÉPAL 

va  na  asti  maya  na  jnâtam  bhavatàrp  krpâ  cet  tarhi  likhitvâ  anyagrhe  maya 
gantum  anyatpustakam  bhavatâm  agre  yab  pustakâni  samarpayàmi. 

Voilà  encore  une  promesse  de  collaboration  utile.  J'irai 
demain  h  Palan  t'^cliauifer  ce  zèle  qui  s'éveille.  Il  faut  si 
longtemps  en  ce  pays  de  Tlnde  pour  aboutir  à  un  résultat. 
Mais  je  ne  voudrais  pas  quitter  le  Népal  sans  y  avoir  épuisé 
toutes  les  chances  possibles:  je  comiais  les  hommes  main- 
tenant, ma  veine  de  (;]okas  n'est  pas  encore  tarie.  Ce 
matin,  déjà  sous  un  soh^'l  brûlant  (brusquement,  comme 
c'est  son  habitude  ici,  paraît-il,  la  chaIcMir  est  survenue, 
une  chaleur  d'été  parisien),  le  cortège  se  met  en  route  pour 
le  mont  Nîigarjun  (jui  domine  Katmandou  vers  le  Nord  et 
dresse  à  plus  de  1  000  mètres  au-d(?ssus  de  la  vallée  ses 
flancs  abrupts  et  richement  boisés,  rebondissant  vers  le 
S.-S.-K.  en  deux  vngues  (la  dermère  porte  Svayambhù 
Nàtha)  et  vers  le  S.-K.  en  un  mamelon  qui  surplombe 
Bàlajî.  Je  tenais  à  visiter  la  cave  associée  par  la  tradition 
an  souvenir  de  Nàgàrjuna  (|ui  y  aurait  demeuré  et  composé 
les  taninis  (n'(^st-ce  pas  ici  le  domaine  par  ex<îellence  du 
Tantra?).  Ih»sterait-il  là  (juchiue  vic^lh»  inscription  comme 
<Mi  ont  rendu  par  exemple  les  caves  de  Barabar  ?  Le  Captain 
Sahib  et  le  CommandanI  en  chef  m'avaient  mis  sur  mes 
gardes  ;  b»  llnnc!  du  Nagaijun  (»st  la  rés<»rve  de  fauves  pour 
h»s  chasses  du  Maharaja.  Ils  n'avaient  pas  menti.  J'ai  eu  le 
plaisir  de  rencontrer  un  tigre  (jui  venait  justement  d'ôtrc 
lire  el  (|ui  saignait  c^ncore  sur  le  sol.  Mais  c'est  tout  ce  que 
j'ai  nmconiré.  Lagrolle  largement  ouverte  et  peu  profonde 
Hagarde  h»  plein  Midi:  elle  abrile  une  stalue  plus  grande 
(pie  nature*  el  assez  délabrée»  d(»  (.'Akyanmni  ;  des  stèles 
comme  partout  ici  <*hrz  ce  peuple  passionné  d'épigraphie 
(Irop  passionné,  hélas!  car  <'eci  tu(»  cela  <»t  pour  fabriquer 
des  slèh\<  ncMives  on  se  contenle  dt»  gratt(îr  etde  polir  les 
ancieimes),  mais  rien  d'anci(»n  ;  la  plus  vieille  date  du 
commencement  du  xvm'  siècle.  iJeux  vieux  cailyas  delà- 


DEUX    MOIS    AU    xNÉPAL  361 

brés  se  dressent  h  peu  de  distance,  envahis  par  la  végéta- 
tion ;  là  encore  des  stèles  de  100  à  150  ans,  rien  de  plus. 
Plus  bas,  à  l'entrée  de  la  réserve,  est  un  petit  temple  de 
Çiva  desservi  par  un  Sannyàsi  classique  tout  barbouillé  de 
cendres,  le  front  décoré  des  marques  sacramentelles,  vêtu 
d'un  collier  de  rudràksamâlàs,  et  qui  vit  là  en  compagnie 
des  bêtes.  J'ai  rencontré  en  route  un  autre  type  de  yogi  : 
vêtu  d'un  manteau  qu'il  portail  sous  son  bras,  grimaçant, 
gambadant  et  sans  cesse  éclatant  de  rire.  Je  n'ai  pas  eu  le 
temps  de  gravir  la  montagne  jusqu'au  sommet  où  les  Boud- 
dhistes brûlent  leurs  cadavres  pour  en  disperser  ensuite 
les  cendres  aux  vents;  j'ai  dû  redescendre  assez  pénible- 
ment au  reste  sur  ces  pentes  raides  d'herbes  desséchées 
où  les  chaussures  glissent  désespérément.  Le  Commandant 
en  chef  m'avait  donné  rendez-vous.  Je  suis  maintenant  plus 
(\u(}persona  grala.  l  ne  heure  et  demie  d'entretien  aujour- 
d'hui, et  sur  quel  ton  !  Encore  ai-je  dû  y  mettre  fin  moi- 
môme.  Le  Captain  Sahib  vient  me  prendre  en  voiture  de 
cour  et  me  remet  au  nom  du  Commandant  en  chef  un 
superbe  kukhri,  le  yatagan  cpie  tout  ^Népalais  porte  à  la 
ceinture,  avec  une  gaine  plaquée  d'argent;  deux  petits 
couteaux  courts  y  sont  adjoints  pour  les  besognes  moindres 
et  un  étui  pour  la  pierre  à  feu  et  l'amadou.  Les  allumettes 
ne  sont  pas  encore  ici  un  objet  courant  de  consommation. 
Aussi  une  lettre  en  français  venue  de  Paris  et  qu'on  me 
prie  de  traduire.  Un  monsieur  K,  C.  écrit  à  «  Monsieur  le 
Maharaj  Dliiraj  »  pour  lui  demander  la  collecl  ion  des  timbres 
népalais.  Saayi  famés  !  Je  me  suis  oiiert  à  les  lui  faire  par- 
venir, mais  Del)  Sham  Sher,  en  veine  de  bienveillance, 
prétcmd  les  lui  envoyer  lui-même. 

Au  palais,  la  réception  traditionnelle  :  la  foule  des  cour- 
tisans empressée  à  ne  rien  faire  et  distraite  par  l'arrivée 
du  Sahib.  (^ne  compagnie  me  rend  les  honneurs.  Il  vaut 
mieux  ici  avoir  la  peau  blanche  que  le  ruban  rouge.  Deb 


362  LE   NÉPAL 

Sham  Sher  a  fait  dresser  une  tente  dans  le  jardin,  mais  il 
a  changé  d'idée  et  m'attend  dans  un  petit  pavillon  élevé 
autour  d'un  bassin  où  l'eau  joue  de  tous  côtés.  Je  me  rap- 
pelle ces  châteaux  d'eau  qui  émerveillèrent  les  voyageurs 
chinois  de  passage  au  Népal  ;  des  verres  de  couleur  répan- 
dent une  lumière  amusante  et  les  jets  d'eau  surtout  distri- 
buent une  bienfaisante  fraîcheur.  Il  vient  au-devant  de 
moi,  fait  venir  ses  deux  fils,  de  douze  et  dix  ans.  Je  leur 
|)arle  de  la  France,  de  sa  grandeur,  de  Paris  surtout  et  de 
l'exposition  prochaine.  Quel  prestige  a  ce  seul  nom  de 
Paris  même  en  cette  vallée  retirée  de  l'Himalaya!  Je  m'of- 
fre à  donner  des  leçons  de  français  aux  bambins  qui  ont 
Tair  fort  intelligents.  Puis  Deb  Sham  Sher  me  demande 
de  lui  montrer  la  photographie  de  mes  enfants.  En  homme 
au  courant  do  l'Europe,  il  me  demande:  Sans  doute  leur 
mère  s'occupe  d'eux.  Combien  y  a-t-il  de  Madames  Deb? 
Le  (laptain  Sahib,  simple  subordonné,  ayant  deux  mai- 
sons, une  h  la  porte  de  la  Hésidence  et  l'autre  en  ville, 
soit  à  quclqu(îs  cents  mètres  de  dislance,  a  deux  collec- 
tions do  femmes  pour  embellir  ses  deux  foyers.  Et  ce  n'est. 
pas  une  maison  ni  deux  que  Thapatali,  la  résidence  de 
Deb,  c'est  une  petile  ville  (jui,  certainement,  abrite  plu- 
sieurs milliers  d'habitants  oi  d'habilantes.  Quels  amis 
j)ourraiont  ôlre  nos  (ils,  me  dit  le  Commandant  en  chef. 
Ne  sorait-ce  pas  une  idée  séduisante  que  de  les  faire  cor- 
rospondre  do  Paris  h  Katmandou?  Que  les  vôtres  viennent 
un  jour  ici,  ils  seront  les  hôtes  dos  miens;  que  les  miens 
aillent  on  Europe,  vos  lils  seront  leurs  guides  à  Paris. 

Et  j'aurai  leurs  portraits,  ot  celui  du  papa,  et  celui  du 
.Maharaja  et  celui  du  Dhiràj,  et  mes  enfants  enverront 
leurs  poi'Iraits  et  ce  sera  délicieux.  Le  terrain  étant  bien 
proparo,  je  jetle  la  somon<:e.  L'autorité  pourrait-elle  se- 
conder mos  recherches  d'inscriplions  et  de  manuscrits?  — 
Si  ollo  le  pourra!  Faites  venir  mes  pandits!  Entrent  les 


DEUX    MOIS    Al-    NÉPAL  363 

deux  pandits  domestiques  de  Deb  Sham  Sher,  tous  deux 
habitués  à  parler  sanscrit,  et  la  conversation  va  de  l'an- 
glais au  sanscrit  sous  les  regards  ahuris  des  intimes  du 
petit  lever  présents  à  Tentretien.  J'expose  mes  désirs, 
j'énonce  les  ouvrages  que  je  désire  me  procurer  ;  les  deux 
pandits,  brahmanes,  mais  cependant  mieux  informés  que 
leurs  confrères  bouddhistes,  affirment  que  plusieurs  de  ces 
ouvrages  existent  et  qu'ils  vont  se  mettre  à  la  recherche. 
((  Si  on  les  trouve,  dit  Deb,  je  les  achète;  si  on  refuse  de 
les  vendre,  j'en  fais  faire  des  copies  dont  je  ferai  hommage 
h  la  République  frau(;aise  pour  l'amour  devons.  ))(0h!  oh! 
hâtons-nous,  le  Maharaja  revient  dans  quinze  jours  repren- 
dre ses  fonctions  et  la  bienveillance  de  l'un  pourrait  bien 
provoquer  la  malveillance  de  Tautre  !)  Et  quand  je  me  lève 
pour  partir,  Tun  des  deux  pandits  donne  lecture  de  deux 
vers  qu'il  vient  d'improviser  en  mon  honneur  : 

naniâmi  tam  vidhini  nityarp  yena  deçântarasthayoh  | 

âvayor  îdrçî  pritih  kàritâ  sukhakârinï  || 
màdhuryam  vacasi  namratâ  svabhâve  câturyam  sakalaçâstrapàram  etum  | 
yad  drstam  bluvati  tat  kadâpi  mitra  nânyasmin  pùrvani  api  drstavân  aham  || 

Je  me  dispense  de  Irnduire  |)our  ménager  les  derniers 
restes  de  ma  modestie  déjà  si  ébréchée. 

Vendredi  4  février.  —  Trois  journées  sans  résultat. 
Avant-hier  j'ai  été  à  Patan,  mais  Pandit  Kula  mAna  ne 
m'a  rien  trouvé  d'autre,  et  de  la  longue  liste  que  je  lui  ai 
soumise  il  ne  connaît  même  pas  les  litres.  Il  avait  reçu  le 
matin  même  la  visite  des  deux  pandits  de  Deb  Sham 
Sher  venus  pour  se  renseigner  sur  les  manuscrits  qu'il 
possède.  En  vérité,  mon  prince,  vous  comblez  la  mesure  ; 
promesse  donnée  la  veille,  tenue  le  lendemain,  allez  donc 
accuser  la  bonne  foi  des  Népalais.  De  là  je  me  suis  rendu 
chez  Mitrânanda  au  iMahàbodhi  Vihar  examiner  ses  ma- 
nuscrits de  famille.  J'ai  vu  les  cahiers,  de  grandes  feuilles 
jaunes  où  le  premier  en  date  comme  en  valeur  des  Pan- 


364  LE    NÉPAL 

(iilsfle  la  Résidence,  Amrtânanda,  a  recueilli  ses  noies  sur 
le  Bouddhisme  à  l'usage  d'Hodgson  qui  y  a  largement 
puisé.  La  collection  des  Ànandas  est  fort  riche  et  très 
éclectique  :  les  Tantras  y  dominent  comme  partout  au  Né- 
pal ;  aussi  une  belle  collection  d'Avadànas  et  les  Dharmas 
népalais...;  à  signaler  aussi  un  manuscrit  du  Bhàraliya 
nâtya  çàstra  daté  Sam.  1884  (=1827). 

Jeudi  j'ai  visité  le  temple  d'Ichangu  Narayan,  un  des 
quatre  grands  Narayans  du  Népal,  au  N.-N.-O.  de  Kat- 
mandou, dans  une  petite  vallée  secondaire  que  forment 
deux  promontoires  du  Xagarjun  ;  le  chemin  est  assez  pé- 
nible; il  contourne  la  colline  de  Svayambhù,  puis  escalade 
successivement  deux  contreforts  de  la  montagne  appelés 
l'un  Hallsok,  l'autre  Ichangu.  La  culture  couvre  le  fond 
des  vallées  aussi  bien  que  les  pentes,  toutes  taillées  en  ter- 
rasses élagées  comme  c'est  Tusage  ici  :  les  parois  infé- 
rieures des  montagnes  présentent  Taspect  d'escaliers.  En 
dépit  de  sa  haute  sainteté,  le  temple  dichangu  Narayan 
est  assez  misérable  ;  temple  de  style  népalais,  sans  luxe, 
sîins  grandeur,  mal  entretenu  même  ;  les  dharmsalas  h 
l'enlour  tombent  en  ruines.  En  dépit  de  son  antiquité  pré- 
tendue, rien  d'ancien.  Les  stèb»s  de  la  cour  ne  remontent 
pas  à  plus  de  deux  siècles  ;  sur  la  plate-forme  de  briques 
<pii  sert  (le  base  au  temple,  une  stèle  d'aspect  plus  ancien 
montre  ses  prennères  lignes.  La  forme  des  lettres  semble 
indiqu(»r  h»  \i'  ou  le  \\V  siècle,  mais  refus  formel  de  la 
laisstM'  t*\traire  du  lit  de  briqueterie  où  elle  est  encastrée. 
En  revtMiiint  je  fais  l'ascension  du  Svayanibhrt  Nâth  une 
fnis  (lo  pins  (»t  visite  le  temple  et  le  vihàra  de  Sarasvatî 
consiniils  en  arrière  de  Svavanibhrt,  sur  l'autre  cime  de 
hi  colline,  mais  toutes  nos  recherches  sous  buis  dans  le 
chiio»*  (bw  pi(»rn*s  i\o  servent  à  rien. 

N  endredi  j'ai  passé  la  journée  entière  h  battre  Kirtipur, 
•Il   llèrement   as>ise  sur  sa  colline  abrupte,  en  avant  du 


DEUX   MOIS   AU   NÉPAL  365 

Chandragiri,  à  trois  milles  S.-S.-O.  de  Katmandou.  La 
«  ville  aux  nez  coupés  »  ne  s'est  pas  relevée  du  coup  ter- 
rible porté  par  les  (jourklias  :  elle  pourrit  dans  ses  ruines 
puantes.  J'ai  soigneusement  visité  le  grand  temple  de 
Bàgh  lihairab,  Bhairava  au  tigre,  paré  du  haut  en  bas  et 
sur  toutes  ses  faces  de  cornes  de  buffles,  dépouilles  des 
victimes  journellement  immolées.  Dans  la  cour  une  quan- 
tité considérable^  de  chapelles  secondaires.  Le  couvent  de 
iMahàbuddh  n'a  pas  d'inscription  antérieure  h  700  du  sam- 
vat  népaliiis  ;  le  grand  caitya  central,  tout  blanc  de  chaux, 
se  dresse  sur  une  vaste  terrasse  à  deux  étages  dominant 
les  maisons  du  vihàra.  L(>s  gens  de  ce  vihàra  sont  d'une 
ignorance  qui  dépasse  même  l'ignorance  ordinaire  des 
Bouddhistes  népalais  ;  impossible  de  rien  savoir  sur  les 
manuscrits  qu'ils  possèdent.  Au  retour  j'ai  parcouru  la 
longue  série  de  tenq)les  échelonnés  sur  les  bords  de  la 
Bagmati,  près  du  confluent  de  la  Bitsnumati. 

Dimanche  0  fccrier.  —  Hier  une  pluie  torrentielle  avec 
foudre  à  feu  roulant,  puis  la  neige  a  blanchi  les  pentes 
d'alentour.  Ce  malin,  par  une  brume  glaciale  qui  arrêtait 
l'horizon  à  dix  pas,  je  me  suis  mis  en  route  pour  Chobbar. 
C'est  aujourd'hui  la  Mcir/M  pcufrnainasly\Q  l'ai  su  trop  tard 
pour  ménager  les  croyances  de  mon  escorte.  Kn  débou- 
chant sur  la  prairie  qui  sépare  la  Bésidence  de  la  ville, 
m'arrivent  soudain  de  je  ne  sais  où  des  symphonies  étouf- 
fées et  des  clueurs  ouatés  et  je  devine  dans  le  brouillard 
opaque  des  processions  de  fantômes.  C'est  la  fête  de  la 
pleine  lune.  Il  fait  froid  à  grelotter  et  les  Névars  peu  fri- 
leux se  couvrent  pourtant  le  visage  comme  des  dames  mu- 
sulmanes. Kt  cependant  les  brahmanes  pieux  sont  là  tout 
nus  aux  fontaines,  aux  lavoirs,  au  bord  de  la  Bagmati,  ac- 
complissant avec  une  |)onctualité  minutieuse  tous  les  dé- 
tails des  rites,  gestes  des  mains,  aspersions,  médita- 
tions,   etc..   Tout(*s  ces   formes   vagues   que   je   croise 


366  LE    NÉPAL 

portent  en  mains  des  plateaux  de  cuivre  où  sont  soigneu- 
sement rangées  les  offrandes  de  fleurs  et  de  parfums  ;  les 
cloches  des  temples  sonnent  ;  les  images  saintes  ont  déjà 
le  front  décoré  d'une  vraie  bosse  de  santal  ou  de  minium 
et  sur  le  front  des  fidèles  les  restes  de  l'offrande  dessinent 
des  lignes  toutes  fraîches  blanches,  jaunes,  rouges.  Au 
temple  de  Laksmî  Nàrâyana,  sur  la  Bagmati,  les  yogis 
groupés  autour  de  leur  chapelle  (chaque  confrérie  y  a  sa 
dharmsala,  sa  chapelle,  sa  cour,  son  ghat,  son  eau,  son 
drapeau  :  Vairàgis,.  Sàdhus,  Sannyâsis,  etc..)  font  un  tin- 
tamarre d'enfer  ;  les  uns  battent  le  tambour,  d'autres  agi- 
tent les  cymbales,  un  autre  souffle  la  trompe  ;  un  autre  va 
brûler  de  Tencens  aux  quatre  coins  de  la  plate-forme. 

Chobbar  est  au  Sud  de  Katmandou  sur  un  mamelon  ar- 
rondi aux  pentes  escarpées  ;  la  Bagmati  pour  se  frayer  une 
issue  a  violemment  séparé  le  mamelon  du  mont  Phulchok 
et  s'est  creusé  une  gorge  profonde  par  où  elle  s'écoule 
vers  le  Sud.  Au  débouché  de  la  gorge  se  dresse  le  temple  de 
Bighna-Binaik  (Vighna  Vinâyaka),  autrement  dit  Ganeça, 
un  des  quatre  temples  sacro-saints  de  Vinàyaka  au  Népal. 
Le  temple  actuel  est  tout  h  fait  moderne,  de  style  népalais, 
sans  aucun  caractère  ;  Ganeça  est  couvert  d'un  voile  qui 
laisse  le  front  du  dieu  seul  exposé  à  l'adoration  des  fidèles 
qui  viennent  l'oindre.  En  haut  du  mamelon,  dominant  sans 
aucun  doute  une  admirable  vue  sur  Katmandou  au  Nord, 
Patan  h  l'Est,  Bhalgaon  au  Nord-Est  et  Kirtipur  à  l'Ouest 
(mais  le  brouillard  encore  mal  dissipé  ne  m'a  laissé  rien 
voir),  le  vieux  bihar  de  Chobahal  ;  au  milieu  de  la  cour,  à 
la  place  ordinaire  du  caitya,  un  temple  de  Mahâdeva  de 
style  hindou,  avec  colonnes  et  vimûnas.  Le  sanctuaire  de 
Çàkyamuni  au  lieu  d'être  simplement  inséré  dans  le  pour- 
tour du  vihara  forme  ici  un  temple  ayant  son  développe- 
ment propn»,  en  slyle  népalais  ;  un  trait  curieux  est  l'abon- 
dan(*e  des  ustensih^s  <le  cuivre»,  vases,  pots,  |)lats,  poêles  à 


DEUX   MOIS   AU    NÉPAL 


367 


frire,  accrochés  du  haut  en  bas  du  lemple.  Dans  une  cour 
contiguë  au  vihâra  se  dresse  une  stèle  rongée  parle  temps, 
mais  où  paraissent  encore  des  restes  de  lettres  anciennes. 
Retour  à  travers  champs  et  celle  fois  sous  un  soleil  ardent 
par  le  Pulchu-Bihàr  élevé  sur  un  petit  monticule  à  l'Ouest 


11  (fo^sc  J'ai. 


de  Patan  et  tout  près  de  la  ville  ;  c"est  k  ce  bihar  qu'ap- 
partient celui  des  quatre  slûpas  d'Açoka  qui  est  construit 
à  l'Ouest  de  la  ville,  mais  le  slûpa  est  assez  loin.  Dans  le 
bihar  même,  rie»,  et  les  caityas  de  plâtre  et  de  briques 
élevés  en  avant  du  bihar  tombent  en  ruines. 

En  rentranlà  Katmandou  je  trouve  la  route  bordée  d'une 
haie  de  spectateurs  comme  à  nos  jours  de  mi-carême  ;  les 


368  LE   NÉPAL 

femmes  ont  fait  toilette,  vêtues  de  jupes  démesurées,  qui 
se  gonflent  comme  des  ballons.  On  attend  le  passage  de  la 
Mâglia-Yàtrà.  Et  moi  aussi  je  la  verrai.  En  ville,  la  pluie 
d'hier  a  mariné  les  immondices  tout  au  long  des  chaussées, 
et  dans  la  poussée  de  la  foule  la  puanteur  esl  intolérable. 
Heureusement  il  suffit  au  mukhya,  pour  me  frayor  un  pas- 
sage, de  crier  :  Ho  !  saliib  pandit!  et  les  rangs  s'écartent. 
J'arrive  à  nrinslaller  sur  une  terrasse  en  avant  du  temple 
d'Annapûrnâ  et  du  coup  je  deviens  moi-même  la  yàtrâ,  le 
spectacle,  le  point  de  mire  universel.  Un  groupe  de  brah- 
manes s'approche,  entame  la  conversation  en  sanscrit,  et 
une  joute  aimable  s'engage  que  la  foule  suit  amusée.  Voilà 
le  défilé  !  Des  enfants  nus  portant  un  bâton  couronné  d'une 
grosse  boule  hérissée  de  pailles  dorées,  le  soleil  peut-être? 
au-dessous  une  orange.  Dans  des  palanquins,  des  adoles- 
cents nus  assis;  sur  leurs  genoux  des  lampes  où  brûle  l'en- 
cens ;  sur  une  grande  plate-forme,  un  garçonnet  peintur- 
luré de  vert,  vêtu  d'oripeaux  pailletés,  les  yeux  cerclés  de 
noir,  immobile  et  grave,  fait  Hâma  ;  à  sa  gauche  une  déli- 
cieuse Sîtâ,  un  type  idéal  de  beauté  enfantine,  les  yeux  en 
extase.  Devant  eux  un  éphèbe  nu,  élégant  et  harmonieux 
comme  une  sculpture  antique,  l'arc  en  bandoulière,  c'est 
Laksmana.  Du  grand  sabre  nu  qu'il  tient  k  la  main,  il  coupe 
le  nez  à  une  poupée  colossale,  hideuse,  les  cheveux  dé- 
noués et  tombants,  la  face  d'un  oiseau  de  proie  ;  c'est  Çûr- 
panakhft.  Puis  sur  une  autre  estrade  ambulante  Hiranya- 
Kagipu,  avec  une  tête  do  sanglier,  déroule  les  ficelles 
rouges  qui  symbolisent  ses  entrailles  arrachées,  tandis 
qu'en  face  de  lui  un  enfant  immobile,  les  mains  jointes, 
représente  Prahlàda.  Et  puis  c'est  une  foule  de  petites  cha- 
pelles avec  (le  petites  stalues  portées  sur  des  brancards, 
(4  des  clneurs  d'hommes  et  d'enfants,  et  des  vînîls  et  des 
trompettes  el  des  flûtes  et  des  tambours.  Tout  était  bien 
fini,  lorsque  mon  ami  Deb  Sham  Sher  s'oiîre  aux  acclama- 


DEUX    MOIS    AU    NÉPAL  369 

lions  du  populaire.  Il  me  voit,  donne  ordre  de  me  faire 
place,  el  la  terrasse  où  je  suis  se  vide  en  un  clin  d'œil  ; 
nous  nous  mettons  à  causer,  et  de  quoi  ?  De  mes  manu- 
scrits. Il  doit  m'en  envoyer  cinq  àTexamen  et  il  sera  heu- 
reux de  faire  hommage  de  celui  que  j'aurai  choisi  à  moi 
et  à  la  République  française. 

Lundi  7  février,  —  J'ai  vu  aujourd'hui  une  leçon  de 
choses  étrangement  expressive.  J'ai  été  visiter  Budhnâth, 
à  l'E.-N.-E.  de  Katmandou,  entre  la  Bagmati  et  le  mont 
Sivapuri,  non  loin  de  Paçupati.  Budhnâth  est  le  plus 
grand  des  stupas  bouddhiques  du  Népal,  plus  grand  que  les 
quatre  stupas  d'Açoka  à  Patan.  La  base  circulaire  de  bri- 
ques plâtrées  est  tout  au  long  percée  de  niches  régulières 
où  sont  fixées  des  barres  verticales  autour  desquelles  tour- 
nent les  moulins  à  prières  portant  inscrit  Om  mani  padme 
hum.  Quatre  terrasses  circulaires  de  briques  s'étagent  de 
la  base  jusqu'à  l'hémisphère  du  slûpa;  le  stûpa  est  cou- 
ronné par  une  sorte  de  clocheton  rectangulaire  où  sont 
peints  sur  chaque  face  deux  grands  yeux,  et  l'édifice  se 
termine  par  un  dais  rouge  supporté  par  des  tringles  de 
cuivre.  Tout  autour  du  stûpa,  dessinant  un  rectangle  irré- 
guher,  des  maisons  d'un  étage  où  résident  quelques  Névars, 
mais  qui  servent  surtout  d'abri  aux  pèlerins  tibétains.  Budh- 
nâth est  le  sanctuaire  des  Tibétains  ;  la  Vamçâvalt  en  attri- 
bue la  construction  à  Mâna  deva,  mais  les  reliques  qui  y 
sont  déposées  sont  les  reliques  d'un  saint  tibétain.  Un 
lama  y  réside  et  y  fait  les  cérémonies.  Budhnâth  est  sans 
contredit  le  chef-heu  de  la  pourriture  humaine.  Le  sol  n  y 
est  fait  que  de  fumier,  et  quel  fumier!  et  les  Tibétains  y 
grouillent,  répandant  au  loin  une  puanteur  de  suint  à  dé- 
goûter les  moutons,  un  parfum  de  bouc  à  faire  fuir  les  chè- 
vres, étalant  dans  les  entre-bâillements  de  leurs  loques  im- 
mondes des  chairs  huileuses  qui  n'ontjamais  souillé  l'eau. 

Interdiction  de  pénétrer  dans  l'enceinte  du  stûpa  ;  j'en- 

n.  —  24 


370  LE   NÉPAL 

voie  mon  pandit,  le  mukhya  et  le  coulie  qui  est  un  Boud- 
dhiste explorer  les  terrasses  et  je  m'installe  pour  prendre 
une  photographie.  Le  mukhya  et  le  pandit  me  rejoignent, 
ils  ont  trouvé  deux  inscriptions  d'apparence  ancienne, 
mais  en  langue  bhotiya.  Va  pour  le  bhotiya  et  prenez  l'es- 
tampage. Cette  fois  le  cipaye,  excellent  «  impressionniste  », 
accompagne  le  pandit,  et  le  mukhya  reste  près  de  moi.  Un 
pohcier  Gourkha  vient  le  seconder  et  ce  n'est  pas  mince 
besogne,  car  les  Bhotiyas idiots  m'étouffentdans  leur  pous- 
sée crasseuse  et  viennent  se  coller  contre  l'objectif  même  : 
tout  ce  mécanisme  les  éblouit;  un  d'eux  m'interpelle  :  Bud- 
dhâvatâra!  un  autre  vient  m'offrir  humblement  un  pais 
pour  me  faire  pûjà.  Il  me  faut  subir  les  adorations  indis- 
crètes de  celte  horde  qui  touche  hélas  !  avec  vénération 
mes  manches,  mes  culottes.  Je  me  sens  même  touché  à  la 
main.  C'est  un  lama  de  Darjiling;  il  porte  de  gros  gants, 
des  moufles.  Dissimule-t-il  quelque  lèpre  ?  En  qualité  de 
confrère  il  ne  me  lâche  pas,  s'évertuant  h  me  convaincre 
qu'il  n'y  a  ici  d'inscription  ni  dessus  ni  dessous.  Rendez- 
moi  Katmandou,  ville  des  puanteurs,  on  y  respire  encore 
un  peu  !  Enfin  mon  mukhya  et  son  confrère  se  décident  h 
me  dégager  à  la  Gourkha  ;  ils  envoient  leurs  poings  de 
côté  et  d'autre,  lorsqu'une  énorme  brute  de  Tibétain  bon- 
dit la  poitrine  h  demi  nue,  la  tête  encadrée  d'une  longue 
cheveUu'c  ;  il  lève  son  bras  comme  une  massue  sur  le  mu- 
khya en  criant  :  Eh  toi,  le  Gourkha  !  Et  le  farouche  Gour- 
kha  devant  qui  l'Inde  tremble,  l'envahisseur  éventuel 
de  THindoustan  si  l'Angleterre  disparaissait,  le  Gourkha 
se  fait  tout  petit  et  file  doux. 

Ma  photographie  faite,  j'assiste  à  un  spectacle  tibétain. 
Un  grand  vieillard  ressemblant  étrangement  aux  statues 
d'Homère,  drapé  dans  une  tunique  qui  découvre  son  bras 
et  son  épaule  gauche,  fait  grincer  sous  un  archet  en  forme 
d'arc  une  sorte  de  mandoline  h  trois  cordes   et  chante 


DEUX    MOIS    AU    NÉPAL  371 

Dieu  sait  quoi.  Deux  jeunes  beautés  tibétaines  raccompa- 
gnent, deux  grosses  dondons  à  la  face  toute  plate  avec  des 
pommettes  toutes  roses  et  des  dents  accidentées,  la  tête 
cerclée  d'un  disque  où  sont  enchâssées  toutes  sortes  de 
pierres  rouges,  bleues,  vertes,  la  chevelure  étonnamment 
noire  et  plus  grasse  encore  que  noire,  nattée  en  deux 
tresses  serrées  et  raides  qui  se  collent  à  chaque  épaule  ; 
elles  abattent  et  font  frissonner  entre  leurs  doigts  les  revers 
de  leurs  larges  manches  ;  des  chaînettes  d'argent  ornent 
leur  ceinture.  Le  vieillard  et  les  deux  bayadères  portent 
aux  oreilles  des  anneaux  dont  nous  ferions  des  bracelets. 
Elles  chantent,  roulent  des  yeux  pâmés,  battent  une  sorte 
de  gigue  ou  de  bourrée,  tourbillonnent  en  cadence,  tandis 
que  le  vieillard  continue  à  faire  grincer  son  crincrin. 

Enfin  le  pandit  et  le  cipaye  reviennent,  étalant  leurs 
estampages  ;  j'en  prends  un,  l'examine  au  soleil.  Une  autre 
brute  de  Tibétain  me  l'arrache  des  mains  et  s'en  saisit;  je 
crois  aune  curiosité  indiscrète,  comme  j'ai  l'habitude  d'en 
rencontrer  ici.  Enfin  le  mukliya  ordonne  :  «  Rends-moi 
cela.  »  Le  Bholiya  alors  avec  une  effrayante  expression  de 
fanatisme  imbécile  froisse  entre  ses  mains  le  papier,  le 
rejette  par-dessus  l'enceinte  du  stûpa,  bondit  devant  lemu- 
khya,  lui  adresse  un  salut  ironique  en  tombant  sur  les 
cuisses,  la  langue  pendante,  la  jupe  retroussée,  achève  sa 
démonstration  par  un  geste  à  la  Mouquette  ;  puis,  faisant  le 
simulacre  de  brandir  une  arme  part  en  courant  vers  sa  ta- 
nière. Le  lama  s'approche  et  dit  doucement:  ce  Croyez-moi, 
partez  vite.  »  Le  bon  vieillard  homérique,  avec  l'amabilité 
d'un  homme  quia  reçu  deuxannas,  insiste  :  «  Partez  vite, 
partez  vite  !  »  Et  le  mukhya  inquiet  me  dit  :  «  Montez  à 
cheval  et  partons  !  »  Et  le  pandit  blême  me  dit  :  ((  Ah  !  ces 
Bhotiyas  !  »  Notre  caravane  fuit,  c'est  le  terme  propre;  j'ai 
vu  le  Gourkha  mis  en  déroute  par  le  Tibétain.  Et  nous 
sommes  au  Népal ,  à  une  heure  de  Katmandou  !  Que  serait-ce 


372  LE    NÉPAL 

au  Tibet  !  Voilà  qui  n'encourage  guère  à  visiter  Lhasa.  El, 
en  fin  de  compte,  c'est  pour  ces  gens-là  que  Çâkyamuni  a 
fait  tourner  la  roue  de  la  loi  !  Ils  ont  bien  réalisé  le  type  de 
l'ignorance  crasse.  Que  se  passerait-il  si  ces  hordes-là  pre- 
naient le  chemin  de  l'Inde  ou  de  l'Occident? 

Bhatgaon,  —  Le  maharaja  me  donne  une  maison,  et 
c'est  bien  aimable  à  lui,  mais  pour  être  une  maison  de 
maharaja,  ce  n'est  pas  une  maison  confortable.  Du  dehors 
c'est  tout  à  fait  gentil  ;  un  peu  en  dehors  de  la  ville,  au 
beau  milieu  d'un  pré,  tout  à  côté  du  bel  étang  de  Siddha- 
pokhri,  dans  un  cadre  merveilleux,  contre  le  fond  de  la 
vallée.  Des  premiers  plans  tout  riants  avec  des  maisons  de 
plaisance  et  des  jardins;  au-dessus  les  forêts  épaisses  et 
pour  couronnement  les  masses  inconcevables  des  glaciers. 
Oh  !  la  jolie  maison  pour  s'y  mettre  à  la  fenêtre  !  Pour  y 
résider  elle  a  dos  charmes  moins  séduisants.  L'architecte 
qui  l'a  bâtie,  un  Bengali  certainement,  a  voulu  la  faire  à 
l'européenne  ;  il  a  pratiqué  partout  de  grandes  fenêtres 
vitrées  avec  des  persiennes  authentiques  ;  mais  l'archi- 
tecte est  parti,  le  temps  a  passé  ;  les  vitres  se  sont 
cassées,  brisées,  émiettées,  une  à  une  ;  les  châssis  des 
fenêtres  se  sont  disjoints,  les  pauvres  persiennes  ont 
perdu  leurs  palettes,  et  le  vent  qui  souffle  à  travers 
la  montagne  souffle  à  travers  la  chambre  tout  chargé 
de  coryzas  et  d'odontalgies.  Et  voilà  que  le  temps  s'est 
rafraîchi,  ou  du  moins  il  fait  plus  froid  à  Bhatgaon  ; 
Katmandou  proche  du  Nagarjun  y  perd  en  pittoresque, 
mais  y  gagne  un  abri  contre  le  vent  glacial  du  Nord. 
Hliatgaon-ville  est  assez  heureusement  blottie  dans  un  pli 
de  t<!rrain  au  pied  du  Mahadeo  Pokhri,  mais  ma  maison 
construite  sur  un  plateau  largement  découvert  s'offre  avec 
une  (»x(M»ssive  générosité  aux  caresses  indiscrètes  de  la  bise. 
De  Kalinandou  à  Bhatgaon,  trois  fortes  lieues,  par  une 
a?^si'/  bonne  roule  où  les  voitures  qui  n'ont  pas  peur  des 


DEUX    MOIS    AU   NÉPAL  373 

ornières  ni  des  fondrières  peuvent  circuler  ;  le  chemin  tra- 
verse tour  à  tour  la  Dhobikola,  la  Bagmati  et  la  Manhaura 
descendue  du  mont  Manichur.  Les  trois  rivières  encore 
gonflées  de  la  pluie  récente  coulent  toutes  trois  dans  des 
sortes  de  tranchées  profondes,  tantôt  élargies,  tantôt  res- 
serrées, formant  de  véritables  gorges  oti  le  riz  vient  à 
plaisir  dans  un  sol  gras  et  détrempé  ;  les  deux  rebords  de  la 
tranchée  se  dressent  généralement  presque  à  pic  et  por- 
tent de  larges  plateaux  où  les  villes  se  sont  établies.  Rien 
ne  donne  plus  nettement  le  sentiment  de  la  densité  extra- 
ordinaire de  la  population  au  Népal  que  l'aspect  des  routes 
qui  joignent  Katmandou  au  reste  de  la  vallée;  c'est  tout  au 
long,  sur  des  kilomètres  et  des  lieues  un  défilé  ininter- 
rompu de  passants.  Mon  cortège  s'est  encore  accru  en 
l'honneur  de  Bhalgaon.  Le  Darbar  a  jugé  utile  de  m'ad- 
joindre  un  second  mukhya  chargé  de  me  procurer  les 
provisions  ;  et  ce  soir  dans  l'espèce  de  vestibule  qui  fait  le 
rez-de-chaussée  de  la  maison  reposent  côte  à  côte  les  deux 
mukhyas,  le  cipaye,  le  boy,  le  cuisinier,  le  balayeur,  mon 
coulie  personnel,  le  sais  et  le  poney. 

Mercredi  9.  —  Et  mon  cortège  grandissait  toujours.  Le 
gouvernement  népalais  a  estimé  que  je  n'étais  pas  encore 
assez  gardé  et  il  m'a,  ou  plutôt  la  «  place  »  de  Bhatgaon 
m'a  adressé  un  a  pulis  »,  un  gardien  de  la  paix.  Si  cela 
continue,  je  finirai  par  entretenir  toute  la  population  du 
Népal,  car  il  va  sans  dire  que  tout  ce  monde-là  attend  son 
bakchich.  Après-midi  le  nombre  des  «  pulis  »  a  doublé, 
mais  ce  soir  me  voilà  ramené  à  l'unité.  Et  j'ai  ainsi  pro- 
mené à  travers  les  rues  de  Bhatgaon  un  cortège  impérial. 
Cette  procession  imposante  a  fait  même  un  tort  considé- 
rable aux  cortèges  de  Kâçî-Jagannâtha  qu'on  a  pûjait  » 
aujourd'hui  àgrands  sons  de  tambours  et  de  flûtes  ;  j'ai  attiré 
autant  de  monde  que  mon  divin  concurrent.  Les  Népalais 
étant  fort  prolifiques,  les  rues  sont  encombrées  de  gamins 


.'{74  LE   NÉPAL 

oisifs,  trop  heureux  d'emboîter  le  pas  à  la  procession  ;  il  en 
traînait  bien  encore  une  cinquantaine  derrière  moi  quand 
je  suis  rentré.  Sur  la  foi  de  ma  réputation,  le  «  tout  Bhat- 
gaon  »  s'élait  répandu  dans  les  rues  pour  me  voir.  Seul  le 
soleil  n'a  pas  eu  la  curiosité  de  me  regarder  ;  il  s'est 
obstiné  à  cacher  sa  face  derrière  un  voile  épais  de  brouil- 
lards glacés,  et  pour  rendre  mon  bangalow  tolérable,  j'ai 
dû  panser  mes  fenêtres  avec  des  feuilles  de  papier. 

Ma  première  journée  a  été  heureuse,  j  ai  trouvé  une 
inscription  de  Çivadeva  en  bel  état  de  préservation  dans 
un  vieil  (c  hithi  »  ruiné  du  Tulacchi  Toi.  Plus  encore  qu'à 
Katmandou,  plus  encore  qu'à  Patan,  l'épigraphie  s'étale  à 
Bhatgaon  ;  de  magnifiques  stèles  gravées  avec  soin  donnent 
la  chronologie  des  Mallas.  La  ville  est  remplie  de  temples, 
la  plupart  délabrés  et  ruineux  ;  le  bazar  est  encore  impor- 
tant, mais  on  a  la  sensation  d'une  vie  qui  se  retire  comme 
elle  a  fait  à  Patan.  La  centralisation  fait  son  œuvre  même 
au  Népal;  Katmandou  absorbe  la  vallée.  Les  principaux 
temples  sont  ceux  de  Bhairava  et  de  Kâlî  et  de  Dattâlreya. 
Très  peu  de  caityas  et  pas  un  qui  soit  monumental  ;  je  n'ai 
pas  encore  vu  les  vihâras.  Ici  comme  dans  le  reste  du 
Népal,  le  culte  de  Devî  triomphe  sous  toutes  ses  formes  : 
Kâl!,  Bhagavatî,  Guhyeçvarî.  Mahâ-Laksmî  a  aussi  un 
assez  beau  temple.  Le  Darbar  plus  petit  que  celui  de  Patan 
n'est  pas  moins  pittoresque  en  son  groupement  de  piliers, 
de  toits  étages  et  de  couleurs;  il  a  comme  celui  de  Kat- 
mandou sa  ((  porte  d'or  ». 

lihatgaon,  1S  février.  —  La  bise  glaciale  m'a  tenu 
onformé  à  la  maison,  vainement  emmitoufflé  pour  me 
défiMidre  contre  les  moi^sures  du  vent  qui  balaye  ma 
rhunibro.  QueUe  phiie  !  les  nuages  s'accrochaient  aux 
arhrv^^,  so  dénouaient,  se  ramassaient  en  masses  compactes 
ot  fitndaionl  eu  lorivuls.  Toute  mon  escorte  tassée  à 
Tabri  muis  Io  vosiibulo  se  réchauffait  comme  elle  pouvait 


DEUX    MOIS   AU    NÉPAL  375 

cepeudanl  que  les  buffles  se  prenaient  aux  cornes  dans  le 
pré  voisin.  Bhatgaon  est  la  ville  aux  buffles,  il  y  en  a  autant 
que  d'habitants.  Hier  un  d'eux  a  foncé  sur  notre  cortège 
et  cela  a  été  un  sauve-qui-peut  réjouissant.  Et  malgré  cette 
pluie  infernale,  les  processions  se  sont    succédé   et  les 
clochettes  n'ont  cessé  de  tinter.  Matin  et  soir  depuis  la 
pleine  lune,  un  cortège  précédé  de  fifres,  de  hautbois,  de 
cymbales,  s'en  va  au  temple  de  Jagannâth,  chante  des 
chœurs,  fait  la  pûjà  et  retourne  en  ville.  Un  Névar  porte 
sur  un  plateau  dans  une  burette  Teau  qui  a  lavé  le  dieu;  et 
les  bonnes  gens  au  passage  déposent  sur  le  plateau  la 
modeste  offrande  d'un  pais  pour  recevoir  dans  le  creux 
de  la  main  un  peu  de  l'eau  bénite  ;  ils  en  avalent  un  peu  et 
du  reste  se  touchent  les  points  sacrés  du  corps.  Hier  matin 
une  pieuse  procession  d'enfants,  garçons  et  fillettes  défi- 
lait aussi  sur  le    chemin;  deux  petits  en  tête   portaient 
également  sur  un  plateau  de  cuivre  des  fleurs,  et  la  pro- 
cession enfantine  s'en  allait  chantant  un  hymne  à  Sarasvatî, 
s'il  vous  plaît,  avant  le  commencement  de  la  classe.  Au 
bord  de  la  Hanumatî,  autre  cortège  moins  gai.  Entête 
quatre  hommes  portant  sur  leurs  épaules  deux  perches 
soutenant  un  corps  de  femme  recouvert  d'une  étoffe  ;  der- 
rière un  homme  soutenu  par  deux  amis  pousse  des  cris 
fous;  un  groupe  de  parents  le  suit  gémissant  à  l'unisson. 
On  arrive  au  bord  de  la  rivière,  le  bois  est  prêt,  le  feu 
s'allume  et  le  pauvre  cadavre  grille  tandis  que  la  famille 
accomplit  les  ablutions  lustrales. 

Enfin  hier  matin  j'ai  pu  reprendre  le  cours  de  mes  expé- 
ditions ;  j'ai  visité  le  bourg  de  Timi  qui  s'étend  sur  un  pla- 
teau entre  la  Manohara  et  la  Bagmati  à  mi-chemin  entre 
Katmandou  et  Bhatgaon.  Le  bourg  est  fort  peuplé  et 
contraste  par  sa  propreté  relative  avec  les  villes  du  Népal. 
J'ai  battu  tous  les  temples  et  les  caityas  et  les  vihàras. 
C'est  encore  Kàlî  sous  toutes  ses  formes  qui  l'emporte  ici  : 


376  LE    NÉPAL 

le  principal  temple  est  Bâla  Kumàrî.  Avec  Kâlî  el  Laksmt, 
Ganeça  surtout  est  populaire  ;  ses  chapelles  empuanties 
par  le  sang  caillé  et  décorées  de  cornes  de  buffles  disent 
assez  les  sacrifices  sanglants  dont  on  honore  le  dieu  au 
Népal.  Ici  aussi  abondent  les  petites  stèles  généralement 
sans  aucune  inscription,mais  décorées  d'un  rehef  de  masque 
grimaçant  au  sommet,  avec  de  part  et  d'autre  un  long 
corps  de  serpent  déroulant  ses  anneaux.  Les  Névars  leur 
donnent  le  nom  de  Brhaspati  et  leur  rendent  une  pûjâ 
journalière  ;  les  Gourkhas  n'en  tiennent  point  compte. 

Je  sortais  désappointé  de  ma  course  quand  j'avise  un 
chemin  défoncé.  C'est  la  vieille  route,  me  dit  le  pulis-ji  ;  la 
vieille  route  esl  mon  affaire.  Et  à  cent  mètres  sur  la  droite 
je  trouve  un  hithi  en  ruines  avec  une  stèle  à  demi  effacée; 
le  haut  a  disparu,  mais  le  bas  est  fort  lisible.  La  forme  des 
lettres,  les  formules,  la  disposition  extérieure  indiquent 
clairement  une  stèle  de  Çivadcva  H.  J'avise  un  autre 
hithi  à  gauche  de  la  route,  j'y  cours  à  travers  le  dépotoir 
qui  orne  toujours  les  environs  d'un  village  indien.  Ktendu 
sur  le  sol,  un  fragment  de  stèle  admirablement  tracé  avec 
des  caractères  du  temps  de  Màna  deva  et  qui  porte  la 
marque  d'une  cassure  toute  fraîche.  On  vient  de  réparer 
le  hithi  on  question  et  au  cours  du  travail  on  a  brisé  la 
pierre  :  et  dans  la  foule  (|ui  m'entoure  personne  ne  sait  où 
le  fragment  a  passé  ;  un  Timien  affirme  toutefois  qu'il  a  été 
employé  à  la  réfection  (hi  hithi.  Mes  puhs-ji  (car  le  pulis 
de  Tinn*  n'a  pas  voulu  manquer  Toccasion  et  mon  cortège 
a  fait  boule  de  neige)  les  pulis-ji  essaient  d'extraire  ladite 
|)ierre  de  son  encastrement;  mais  le  seul  résultat  est  qu'un 
des  pulis  tombe  h  la  renverse  dans  une  sorte  de  mare  qui 
envierait  la  propreté  de  nos  fosses  à  purin. 

J'ai  visité  aussi  le  village  voisin  de  iNagdes  au  Nord  de 
Timi,  mais  sans  résultat.  Ge  malin,  traînant  toujours  der- 
rière moi  la  multitude  encombrante  de  mes  collaborateurs, 


DEUX    MOIS    AU   NÉPAL  377 

iii|)é  SOUS  un  soleil  de  feu,  qui  lenail  manifestement 

iper  d'un  coup  ses  trois  jours  d'éclipsé,  les  pentes 

(|ui  mènent  par  environ  2000  mètres   d'altitude 

les  terrasses  où  s'étage  la  culture,  jusqu'au  lemple 

MJuçrî-Sarasvatî.  En  arrivant  du  Mahûcîna,  disent  les 

illistes  du  Népal,  Maujucrî  éleva  ce  temple.  Malheu- 

ment  si  Manjuçrî  éleva  un  temple,  il  n'en  reste  plus 

:  la  construction  actuelle  est  toute  moderne,  du  com- 

t^ement  de  ce  siècle.  Simple  chapelle  de  hriques  ac- 

■e  au  rocher,  abritée  sous  une  énorme  pierre  ([ui  sur- 

uibe  et  qui  porte  h  son  sommet  un  petit  cailya.  Le 

lier  s'insère  dans  la  toiture  et  fait  plafond.  Les  boud- 

istes  vénèrent  le  sanctuaire  en  l'honneur  de  iManjucjri, 

>  Hindous  y  adorent  avec  une  égale  dévotion  Sarasvatî, 

le  les  bouddhistes  donnent  pour  femme  h  !VIanju(;rî.  Mes 

lîukhyas,  deux  Gourkhas,  et  aussi  le  pulis-ji  se  prosler- 

!Hmt  devant  l'image  et  touchent  du  front  le  sol  et  sonnent 

la  cloche  des  visiteurs  ;  mon  pandit  et  mon  coulie,  bons 

bouddhistes,  accomplissent  les  mêmes  rites  avec  la  même 

ardeur. 

Après  midi  j'attendais  une  visite  :  le  mahant  duMatli  de 
Valacchi-Tol  s'était  fait  annoncer  et  m'avait  envoyé  h  exa- 
miner un  manuscrit  que  personne  du  monastère  ne  peut 
déchiffrer;  il  pensait  que  l'ouvrage  était  bouddhique  parce 
qu'au  début  on  lisait  :  muno  hifddhaya,  La  lecture  est 
exacte,  mais  le  bouddhisme  du  texte  s'arrête  là.  C/esl  un 
commentaire  fort  long  et  fort  ennuyeux  sur  Mâlatî-Mâdhava 
d'un  certain  Daçaratha.  Et  voilà  que  le  mahant  me  fait  dire 
qu'il  est  souffrant  et  ne  peut  venir.  Mais  puisqu'il  a  en- 
tr'ouverl  sa  porte,  j'arriverai  peut-êtn»  à  la  faire  sauter,  et 
je  lui  mande  que  puisqu'il  est  souffrant  c'est  moi  qui  lui 
rendrai  visite.  El  je  pars  au  couvent  :  c'est  un  Math  de 
Jangamas  qui  ferme  rigoureusement  ses  portes.  Longs 
pourparlers.  Enfin  le  mahant  m'informe  qu'il  viendra  me 


378  LE   NÉPAL 

rejoindre  sur  la  chaussée,  en  dehors  du  monastère.  Pen- 
dant Tatlenle,  une  distraction  s'offre.  Sur  une  plate-forme 
voisine,  en  avant  du  temple  de  Kâlî  et  en  face  du  temple 
de  Bhairava,  une  de  ces  plates-formes  rectangulaires  en 
briques  qui  encombrent  les  rues  et  les  places  ;  une  foule 
compacte  assiste  h  la  représentation  d'un  nâtaka  ou  soi- 
disant  tel.  Des  hommes,  des  femmes,  des  enfants  couverts 
d'anneaux  de  cuivre,  tout  fleuris  de  soucis,  avec  des  col- 
liers de  grosses  oranges  ;  la  tête  est  dissimulée  sous  un 
masque  fantastique,  yeux  énormes  et  tout  ronds,  nez  plat, 
bouche  en  grouin  ;  à  hauteur  des  oreilles  se  détachent  deux 
tiges  obliques  supportant  de  grands  losanges  dorés  ;  pour 
coiffure,  des  mitres  et  des  couronnes  énormes,  d'où  re- 
tombe une  toison  touffue  et  grasse  h  la  tibétaine.  Les  per- 
sonnages sont  Kâlî,  Bhairava,  etc..  Les  acteurs  masqués 
commencent  par  présenter  des  salutations  grotesques  au 
cercle  des  assistants,  puis  expriment  en  dansant  les  senti- 
ments qui  les  possèdent.  Enfin  il  arrive,  le  mahant!  un 
grand  vieillard  à  la  longue  barbe  blanche,  drapé  dans  la 
robe  jaune  des  sannyâsis.  Je  Taborde  en  sanscrit  ;  il  doit 
m'avouer  qu'il  ne  le  sait  pas.  L'espèce  de  novice  qui  l'es- 
corte n'en  sait  pas  davantage.  iMe  voilà  réduit  à  l'hindous- 
tani  et  dame  !  mon  hindouslani  ne  vaut  pas  mon  sanscrit. 
Je  demande  à  voir  les  «  pustaks  ».  L'estimable  mahant  me 
répond  avec  aplomb  qu'il  n'en  a  pas.  Et  il  m'en  a  envoyé 
un  à  l'examen  !  Le  péché  de  mensonge  ne  les  embarrasse 
pas,  au  moins  à  l'égard  des  Mlecchas.  Enfin  il  consent  à  me 
dire  que  le  pandit  du  couvent,  absent,  revient  demain  et 
on  verra.  L'éternel  demain  ! 

A  Timi,  un  pandit  d'un  des  vihâras  possède,  parait-il, 
une  riche  collection,  mais  il  est  en  route  et  ne  reviendra 
que  la  semaine  prochaine.  Quel  nouvel  obstacle  la  semaine 
prochaine  va-t-elle  susciter?  Tout  ce  que  j'ai  pu  racolera 
Timi  se  réduit  à  une  encyclopédie  médicale  qui  ne  m'est 


DEUX   MOIS   AU    NÉPAL  379 

pas  connue  par  ailleurs  :  le  Kalyâna  Samgraha,  bourré  de 
citations  de  Caraka,  Kaçyapa,  Harîta,  etc..  Mon  brave 
garçon  de  pandit  qui  m'a  suivi  à  Bhatgaon  emploie  ses 
loisirs  de  pluie  à  courir  les  vihàras  et  j'ai  même  trouvé  un 
auxiliaire  bénévole,  un  petit  pûjârî d'une  douzaine  d'années  H 

qui  dessert  avec  son  père  le  temple  de  Suraj  Binaik  (Sûrya 
Vinàyaka).  Sa  physionomie  intelligente  m'a  frappé  dans 
la  rue,  je  lui  ai  demandé  de  se  joindre  à  mon  escorte,  ce 
qui  ne  l'a  pas  rendu  médiocrement  fier,  et  tout  à  l'heure 
il  m'a  amené  un  camarade  dont  le  père  est  un  pandit  par- 
lant le  sanscrit  et  propriétaire  d'anciens  manuscrits.  Je 
compte  bientôt  visiter  ladite  collection. 

Bhatgaon,  14  février,  —  Vingt-six  kilomètres  de  mon- 
tagnes dans  les  jambes  et  par  quels  chemins  !  J'ai  visité 
d'un  seul  coup  Changu  Narayan  et  Sanku.  J'avais,  il  est 
vrai,  mon  cheval,  mais  simplement  pour  compagnon,  et 
mes  jambes  seules  m'ont  servi  de  monture.  Le  maharaja 
rentre  lundi  de  sa  tournée  d'hiver,  et  du  coup  mon  ami 
Deb  Sham  Sher  va  résigner  ses  pouvoirs  intérimaires. 
Trouverai-je  chez  l'autre  la  même  complaisance  ?  Pour 
parer  aux  éventualités,  je  vais  demander  sans  doute  à  aller 
le  saluer  au  passage  lors  de  son  entrée  en  ville  ;  tout  soup- 
çonneux qu'ils  sont  à  Tégard  des  Européens,  ils  aiment  à 
étaler  en  public  leurs  relations  «  blanches  ».  Les  nécessités 
du  service  m'ont  privé  de  mon  poney  ordinaire,  on  a  dû 
l'envoyer  au-devant  du  maharaja  qui  se  trouvait  à  court  de 
cavalerie.  C'était  un  excellent  cheval  Bhotiya  rapide  et  sûr  ; 
avec  lui  pas  de  danger,  plusieurs  fois  en  cheminant  sur  les 
étroits  remblais  de  terre  qui  servent  à  la  fois  de  clôture 
aux  champs  inondés  et  de  sentier  aux  piétons,  nous  avons 
fait  de  brusques  plongeons,  dévalant  avec  une  motte  de 
terre  brusquement  effritée.  L'équilibre  brutalement  détruit 
se  rétablissait  en  cours  de  chute.  Mon  intérimaire  n'est  pas 
Bhotiya,  et  c'est  son  défaut.  Hier,  sur  un  sentier  un  peu 


380  LE    NÉPAL 

raboteux,  il  s'est  bel  et  bien  étalé,  et  j'ai  eu  tout  juste  le 
temps  de  lâcher  les  étriers.  J'ai  cru  plus  sage  de  me  fier 
h  mes  seules  jambes  aujourd'hui,  sur  l'incroyable  route  qui 
joint  la  ville  de  Bhatgaon  à  la  ville  de  Sanku. 

Le  chemin,  d'abord  pavé  de  briques,  inégal,  creusé  de 
Irous  et  d'ornières,  se  perd  au  bout  d'un  kilomètre  au  pied 
de  la  première  colline  dans  un  misérable  sentier.  Le  temple 
de  Changu  Narayan  se  dresse  au  Nord  de  Bhatgaon  sur  le 
faîte  d'un  haut  promontoire  que  le  Mahadeo  Pokhri  lance 
vers  l'Ouest;  mais  pour  y  atteindre,  il  faut  d'abord  passer 
dans  un  énorme  massif  de  sable  alluvial,  creusé,  rongé, 
ravagé,  disloqué  par  les  pluies,  coupé  en  tous  sens  de  tis- 
sures abruptes,  et  qui  force  à  monter,  descendre,  remonter, 
sauter,  grimper.  Le  village  de  Changu  Narayan  s'allonge 
sur  un  plateau  étroit  au  pied  du  mamelon  qui  porte  le 
temple  :  une  longue  suite  de  marches  irrégulières  mène 
de  là  au  temple.  J'espérais  grâce  h  la  complaisance  démon 
personnel  dégager  du  sol  le  pilier  de  Mâna  deva  et  com- 
pléter l'estampage  fragmentaire  de  Bhagvanlal.  Depuis  son 
exploration,  la  situation  s'est  modifiée  ;  le  pilier  était  alors 
simplement  enfoncé  dans  le  sol  et  ne  cachait  que  ses  neuf 
dernières  lignes  de  chaque  côté.  La  piété  d'un  fidèle  a 
maintenant  entouré  la  base  de  Nàgas  en  pierre  qu'on  ne 
peut  songer  à  déplacer,  et  du  coup  trois  lignes  de  plus  sont 
perdues.  Tn  «  pandit  »  idiot,  conservateur  du  mandir 
(loniple),  s'est  vengé  de  son  ignorance  en  me  consignant  à 
la  porte  (lu  temple.  Je  n'ai  pu  que  prendre  à  distance  la 
pholographi«»  du  |)ili(M'  avec  la  fa(;ade  inférieure  du  temple 
(|ue  décon»  une  a<imirable  porte  de  bronze  doré.  Le  temple 
<»sl  faraud,  à  deux  étages,  avec  des  chapelles  élevées  irré- 
l^ulièreuMMit  à  ['(Mitonr,  enfermé  dans  un  rectangle  continu 
{\v  (Iharmsalas.  Les  poutrelles  d'étai  aussi  bien  que  les 
murs  vont  fouillés  av(M*  autant  de  patience  que  d'imagi- 
uutiou  ;  dieux,  délasses,  monstres,  animaux,  fleurs  et  sur- 


DEUX    MOIS    AU   NÉPAL  381 

tout  représentations  des  pratiques  du  Kâmasûtra  s'y  déve- 
loppent rehaussés  de  couleurs  vives  où  dominent  le  bleu 
et  le  rouge  et  qui  forment  un  ensemble  harmonieux  et  gai. 
Mon  pandit  Mitrânanda,  bouddhiste  zélé  et  des  plus  in- 
struits pour  un  Népalais,  demande  au  pùjârt  d'ouvrir  le 
sanctuaire  pour  y  faire  sa  pûjà;  les  deux  mukhyas  et  le 
couhe  le  suivent;  tous  se  dépouillent  de  leur  coiffure,  les 
mukhyas  déposent  leur  inséparable  kukhri.  Mon  mukhya 
ordinaire,  qui  est  un  brahmane  Kànyakubjîya,  chante  des 
mantras  et  des  stotras  en  gravissant  les  degrés  ;  avant 
d'entrer,  ils  se  prosternent  et  touchent  du  front  le  seuil. 
La  pûjà  finie,  à  grands  sons  de  cloche,  ils  sortent  tous,  les 
mains  humides  de  Teau  bénite  que  le  pûjârî  leur  a  distri- 
buée et  dont  ils  se  signent  ;  ils  projettent  les  gouttelettes 
pendant  aux  bouts  de  leurs  doigts  contre  les  statues  éparses 
dans  la  cour  et  placent  sur  leurs  tôles  les  feuilles  vertes 
que  le  pûjârî  leur  a  distribuées  après  les  avoir  présentées 
au  dieu. 

La  Manaura  (Manohara)  descendue  du  mont  Manichur 
sépare  la  coUine  de  Changu  Narayan  du  plateau  qui  porte 
Sanku  ;  en  amont  la  rivière  prend  même  le  nom  de  Sanku. 
Klle  s'étale  assez  abondante  dans  une  large  vallée  qu'on 
prendrait  pour  un  lac  ;  les  champs  de  riz  y  disparaissent 
sous  l'eau  d'irrigation.  Les  pentes  tout  alentour  sont  touf- 
fues de  forets,  et  partout  descendent  avec  fracas  de  petits 
torrents  qui  cascadent.  La  vallée  du  Népal  s'arrête  là  ;  en 
zigzags  sur  les  pentes  du  Manichur  grimpe  à  travers  la 
forêt  le  chemin  du  Tibet  par  la  passe  de  Kuti.  La  belle 
pelouse  entre  la  rivière  et  la  ville  est  un  vrai  campement 
tibétain;  ils  s'arrêtent  là  en  caravanes  avant  de  gravir  la 
première  pente.  Hommes  et  femmes,  robustes  comme  des 
bêtes  de  somme,  portent  sur  le  dos,  empilées  en  des  hottes, 
des  charges  écrasantes  d'où  émerge  souvent  un  bébé  joufflu 
et  gras,  véritable  défi  jeté  à  toutes  les  lois  de  l'hygiène. 


382  LE    NÉPAL 

Une  lanière  de  cuir  qui  leur  emboîte  le  front  porte  toute 
la  charge.  Sanku  doit  à  ces  Bhotiyas  ambulants  toute  son 
importance.  La  ville,  petite,  est  construite  avec  soin  elles 
rues  en  sont  remarquablement  propres  ;  partout,  le  long 
de  la  chaussée,  roule  un  ruisseau  d'eau  limpide.  Les  tem- 
ples, sans  importance,  sont  délabrés  ou  en  ruines.  Je  n'ai 
trouvé  qu'un  débris  d'inscription  sur  une  conduite  d'eau 
brisée,  déposée  contre  un  petit  temple  de  Çiva. 

Katmandou,  mercredi  16.  —  Me  voilà  rentré  chez  moi,  à 
mon  bangalow  familier.  Le  printemps  m'y  avait  devancé. 
Après  huit  jours  d'absence,  j'ai  trouvé  le  jardin  mer- 
veilleusement fleuri  de  rose  et  de  blanc.  On  ne  peut 
imaginer  la  divine  harmonie  du  paysage  ;  un  ciel  tout 
bleu,  immaculé,  splendide;  un  soleil  ardent,  mais  tem- 
péré par  une  aimable  brise  qui  sent  encore  le  glacier, 
l'ombre  tiède,  les  jeunes  pousses  verdoyantes  dans  la 
verdure  assombrie  des  feuilles  qui  ont  traversé  l'hiver  ; 
une  floraison  embaumée  qui  pare  les  buissons  et  les  grands 
arbres,  la  gaieté  des  voix  s'épandant  dans  l'air  tranquille, 
les  chants  des  oiseaux  familiers  voltigeant  à  travers  la  mai- 
son, les  appels  sonores  des  coqs  voisins,  les  montagnes 
bleues  ou  lilas  entrevues  à  travers  les  feuillages,  la  silhouette 
des  cimes  découpée  sans  crudité  dans  l'azur,  l'horizon  assez 
limité  pour  soutenir  le  regard,  assez  vaste  pour  lui  laisser 
libre  champ,  les  massifs  transparents,  les  ombres  baignées 
(le  lumière  ;  depuis  avant-hier  le  Népal  est  un  paradis.  La 
chaleur  de  la  journée  après  ces  jours  pénibles  était  si  forte, 
que  je  me  suis  senti  friser  l'insolation  au  cours  de  la  lon- 
gue route.  Laissant  les  douze  coulies  avec  mon  domes- 
tiijue  ordinaire,  j'ai  tenu  à  visiter,  au  prix  d'un  petit  crochet, 
\i\  site  de  iVIadhyalakhu  où  d'après  la  Vam(;àvaIîlesThàkuris 
Inmsporlèrenl  leur  capitale.  J'ai  eu  assez  de  peine  à  déter- 
rer \i\  site;  ni  Ir  paiidil  ni  le  niukhya  ni  le  couhe  n'en 
hiLvaicnl  le  nom.  Heureusement  mon  cipaye  que  sa  piété 


DEUX    MOIS   AU    NÉPAL 


383 


fervente  a  familiarisé  avec  tous  les  temples  du  Népal  a  pu 
me  fournir  le  renseignement.  Madhyalakhu  est  sur  la  rive 
droite  de  la  Dhobikola,  affluent  de  la  Bagmali;  malgré  la 
note  de  la  Vamçàvall  il  ne  s'y  trouve  pas  trace  de  ruines. 
Elles  ont  pu  disparaître  récemment,  car  le  général  Bbim 


Sliam  Sher  a  élevé  sur  l'emplacement  de  Madhyalakliu  un 
vaslc  palais  qu'entoure  un  grand  parc;  il  paraît  que  le 
Mahûrâja  Bir  Sham  Slier  voyait  avec  inquiétude  l'amitié 
fraternelle  de  Bhim  et  de  Cbandra  Sham  Sher,  il  a  «  engagé  » 
son  frère  Bhim  à  quitter  Thapathali  et  à  s'installer  un  peu 
plus  loin. 
J'avais  au  préalable  exploré  le  village  de  Bolo  (Bude) 


384  LE    NÉPAL      » 

au  N.  de  Timi.  Le  temple  de  Mahà  Laksmt  y  a  sa  façade 
décorée  de  chromos  où  figure  la  brune  Italienne  classique 
et  aussi  une  Madone  avec  Tenfanl  Jésus.  Est-elle  là  pour 
figurer  Devakî  et  Krsna?  mais  je  n'ai  rien  rencontré  d'an- 
cien, malgré  les  prières  de  mon  escorte.  La  chasse  aux 
inscriptions  les  passionne;  le  soir  à  Bhatgaon  je  les  enten- 
dais causer  sous  la  vérandah  au-dessous  de  ma  chambre, 
et  de  ((  pulis  »  h  «  mukhya  »  et  de  ((  coulie  »  à  «  sipahi  » 
c'était  à  qui  réclamerait  l'honneur  d'avoir  trouvé  ou 
estampé  le  mieux  le  «  çilàpattra  ».  Mon  brave  coulie  avait 
adressé  hier  une  prière  fervente  à  Suraj  Binaik  (Sûrya 
Vinâyaka)on  ma  faveur;  il  s'était  imposé  un  jeûne  préala- 
ble ;  sur  son  pauvre  salaire,  il  avait  acheté  des  grains  el 
des  fleurs  destinés  au  dieu,  el  il  avait  eu  soin  de  recueillir 
une  des  fleurs  de  la  pûjà  et  de  me  la  remettre  comme  une 
garantie  de  «  parsad  »,  de  faveur  divine.  VinAyaka  n'a  pas 
tenu  parole.  Ce  matin  en  traversant  Bole,  moncipaye  avise 
une  chapelle  de  Bhîmasena,  excellent  patron  des  militaires, 
et  de  toute  la  ferveur  de  son  cœur  il  lui  adresse  cette 
simple  et  sans  doute  peu  usuelle  prière  :  OBhimsen  maha- 
raj,  donne-nous  un  çiinpattra  !  Bhîmsen  n'a  pas  mieux  réussi 
que  Ganesh.  Les  dieux  s'en  vont. 

Et  j'avais  pourtant  fait,  moi  aussi,  le  pèlerinage  de  Suraj 
Binaik  hier.  Le  sanctuaire  de  Sùrya  Vinâyaka,  un  des 
quatre  Binaik  du  Népal,  se  cache  dans  la  forêt,  au  S. 
de  Bhatgaon,  sur  les  premières  peintes  du  Pulchok.  Le 
chemin  s'élève  en  pente  rapide  et  s'achève  en  escalier.  Au 
pied  des  marches  une  pelile  chapelle  que  dessert  une 
femme.  Sur  la  route,  de  Bhatgaon  jusqu'au  temple,  un 
défilé  ininterrompu  de  dévots  et  plus  encore  de  dévotes  en 
tralala  ;  on  fait  toilette  pour  rendre  visite  à  Ganesh  Maharaj 
et  les  dévotes,  les  jeunes  surtout,  se  drapent  dans  une 
jupe  à  falbalas  que  semble  soutenir  une  crinoline  ou  qui 
rappelle  encore  les  robes  à  panier.  Sur  leurs  cheveux  noir 


DEUX    MOIS    AU    NÉPAL  385 

d'ébène  (quelques-unes  teignent  au  henné  la  tresse  dressée 
toute  raide  au  sommet  du  crâne)  toutes  piquent  avec  une 
coquetterie  fort  consciente  des  soucis  jaune  d'or.  Le  temple 
est  tout  petit,  juste  un  abri  au-dessus  de  l'idole,  mais  il 
est  tout  plaqué  de  cuivre  sculpté.  Face  au  dieu  un  pilier 
porte  une  grande  souris  d'airain.  D'inscriptions,  rien; 
mais  une  vue  éblouissante  sur  la  ligne  des  glaciers  qui 
semble  h  chaque  stage  de  Tascension  descendre  plus  pro- 
fondément dans  la  vallée  voisine,  insoutenables  d'éclat, 
dans  Tencadremontde  ce  ciel  lumineux.  A  défaut  d'inscrip- 
tions, j'ai  trouvé  un  manuscrit.  Le  chota  pandit,  le  petit 
bonhomme  h  mine  futée  que  j'avais  embauché  comme 
guide  ne  fait  que  trop  d'honneur  h  ma  perspicacité  ;  il  est 
la  plus  franche  petite  canaille  que  lîhatgaon  ait  enfantée. 
Son  père  a  (il  me  l'affirme  et  j'en  ai  les  preuves)  une 
énorme  collection  de  manuscrits  ;  le  papa  a  le  tort  de  s'ab- 
senter et  de  mal  fermer  la  porte  ;  mon  bonhomme  sollicite 
la  serrure  et  emprunte  discrètement  aux  rayons  paternels. 
Il  m'a  apporté  un  Parâ(;ara  dharma  çâstra  et  un  Yama 
dharma  gàstra  écrits  sur  feuilles  de  palmier.  L'épisode  de 
Gunàdhya  inséré  dans  le  Nepàla  màliAtmya  m'a  donné  à 
penser  que  la  Brhatkathà  se  trouverait  ici.  Je  lui  demande 
s'il  l'a  et  lui  promets,  outre  le  prix  et  le  pourboire,  de  faire 
sa  photographie.  Il  m'apporte  ce  matin  un  manuscrit 
incomplet  du  Brhatkathà-çloka-samgraha.  Je  vais  tâcher 
de  lui  soutirer  le  reste.  Il  m'a  amené  un  acolyte  également 
recommandable  et  qui  ne  demande  qu'à  avoir  de  l'argent. 
Le  diable  est  que,  faute  de  savoir  exactement  les  manu- 
scrits en  leur  possession,  il  faut  aller  à  l'aveuglette.  Ils 
m'ont  apporté  un  Kâla  cakra  tantra,  un  Hariçcandropâ- 
khyàna  sur  tàlapattras  que  j'ai  refusés  leur  donnant  la  hste 
de  mes  desiderata  bouddhiques  et  leur  ai  promis  un  canif 
comme  le  mien  (ce  canif  les  fascine),  s'ils  m'en  appor- 
taient cinq.  Que  n'ai-je  avec  moi   un  approvisionnement 

11.  -  25 


386  Î.E   NÉPAL 

d'articles  de  Paris  !  La  bibliothèque  du  papa  y  passerait 
tout  entière.  Le  frère  dudit  chota  pandit  avec  lequel 
j'ai  eu  le  plaisir  de  causer  en  sanscrit  m'a  affirmé  avec 
une  candeur  parfaite  qu'il  n'avait  pas  de  manuscrits.  Et 
l'opération  (je  crains  de  la  qualifier,  mais  ad  majorem 
sdentiœ  gloriam  !)  se  passe  sour  les  regards  bienveillants 
de  l'autorité.  Mon  mukhya  assiste  aux  transactions,  les 
roupies  passent  de  moi  au  chota  pandit  par  ses  mains,  et 
j'imagine  qu'il  en  reste  un  peu  h  ses  doigts.  «  Le  Captain 
Sahib,  me  dit-il  gravement,  m'a  ordonné  de  vous  aidera 
acquérir  des  manuscrits  ».  C'est  égal,  une  fois  en  posses- 
sion d'un  lot  suffisant  je  m'empresserai  de  déguerpir,  je 
jouirai  plus  paisiblement  de  mon  forfait  de  l'autre  côté  de 
la  frontière.  Si  la  Belgique  n'était  pas  si  loin  d'ici  ! 

Vendredi  18  février.  —  Hier  sous  un  soleil  de  feu  (les 
pluies  nous  ont  amené  la  chaleur)  je  suis  allé  à  cheval  à 
Patan.  Ma  vieille  rosse  de  Bhatgaon  a  été  mise  au  ran- 
cart et  le  Maharaja  m'a  envoyé  une  bête  superbe.  Le  pan- 
dit m'avait  annoncé  solennellement  que  je  serais  admis  à 
voir  l'inscription  de  Narendradeva  dans  le  temple  de 
Matsyendra  Nàlh,  à  condition  de  venir  avant  midi.  A  la 
porte  de  Patan  je  trouve  mon  Mitrànanda  déconfit;  il 
m'avait  informé  de  travers;  l'inscription  à  Tintérieur  du 
temple  est  du  ix**  siècle  ère  népalaise  (xvin*  siècle).  Toute 
ma  course,  toute  ma  hâte,  loute  ma  cuisson  pour  ce  résul- 
tat. J'ai  dii  pratiquer  la  Ksântipdramifa  et  faire  contre 
mauvaise  fortune  bon  cœur.  J'ai  été  au  temple  de  Malsyea- 
(Ira  Nâth  et  j'y  ai  du  moins  assisté  à  un  curieux  spectacle  ; 
un  clneurde  vieillards  eschyléens,  en  de  belles  draperies 
blanches,  cassés,  courbés,  brisés,  édentés,  ratatinés, 
accroupis  sui*  les  dalles  en  avant  du  temple,  chantaient 
sur  des  rythmes  endiablés  la  gloire  de  Matsyendra  N&lh, 
eu  s'accompaguant  d'un  charivari  cadencé  de  cymbales, 
d(î  gongs,  (le  r()n(|ucs.  (»l  ces  vitMllards  cadavériques  ont 


DKCX    MOIS    AU    NÉPAL  387 

continué  près  d'une  heure  cet  exercice  musical.  Le  temple 
grand  et  haut  est  entouré  d'un  rectangle  de  bâtiments,  le 
vihâra  ordinaire,  mais  un  passage  public  traverse  la  cour 
et  personne  ne  longeait  le  temple  sans  s'arrêter  dévote- 
ment au  seuil  et  saluer  le  dieu,  les  mains  jointes,  la  tête 
inclinée.  J'ai  photographié  un'des  stupas  d'Açoka,  le  Lagam 
Tho  situé  au  Sud  de  la  ville,  puis  je  suis  rentré  au  galop. 
Le  Caplain  Sahib  m'avait  annoncé  l'envoi  des  manuscrits 
recueillis  par  ordre  du  commandant  en  chef.  Hélas  ! 
Ilélas!  déception!  Abhidharmakoça  vyàkhyâ,  Gandavyûha, 
Vidagdha  mukhamandana,  Bhadrakalpàvadâna,  Dvâvim- 
çalyavadâna,  Jàtakamàlà  :  voilà  où  ont  abouti  quinze  jours 
de  recherches  officielles.  Pourtant  je  ne  désespère  pas. 
Le  Maharaja  a  exprimé  le  désir  de  me  voir  après-midi,  et 
je  compte  rentrelcnir  du  pilier  de  Changu  Narayan  qu'il 
faudrait  déterrer  pourtant,  et  de  l'inscription  de  Narendra 
deva  qui,  au  dire  des  gens  du  vihâra  de  Matsyendra  Nàlh, 
est  dans  l'intérieur  du  Darbar  h  Bhatgaon.  Le  Captain 
Sahib  m'a  appris  hier  que  en  ville  je  suis  connu  sous  le 
nom  de  Bouddha  Sahib  ;  cette  semaine  un  prêtre  qui  arri- 
vait de  Lhasa  est  allé  directement  au  bureau  du  Captain 
demander  s'il  était  vrai  qu'il  y  avait  à  la  Résidence  un 
Bouddha  Sahib.  Ah!  que  ne  suis-je  Résident  !  Au  bout  d'un 
an  j'aurais  libre  accès  dans  toutes  les  collections  de  manu- 
scrits et  dans  tous  les  temples. 

Samedi  19  février,  —  Je  sors  d'une  féerie  ou  plutôt  j'y 
vis  en  plein.  Je  ne  puis  m'empêcher  de  songer  sans  cesse 
à  ce  pauvre  Jacquemont  qui  connut  les  mêmes  satisfac- 
tions, les  mêmes  éblouissements.  Hier  le  maharaja  Bir 
Sham  Sher  m'a  fait  exprimer  le  désir  de  me  voir.  Je  me 
suis  empressé  d'y  répondre.  Le  Captain  Sahib,  selon  le 
protocole,  est  venu  en  grand  uniforme  me  chercher  à 
domicile  ;  pas  de  voiture  cette  fois.  Nous  avons  caracolé  de 
compagnie  ou  plutôt  à  part. 


388  LE   NÉPAL 

Ici  rien  de  Thapatali,  la  maison  annonce  la  différence 
des  caractères.  La  première  cour  est  sans  doute  affairée, 
traversée  d'ordres  et  de  sous-ordres  et  d'uniformes  et  de 
brahmanes,  mais  passé  la  grille  de  clôture,  silence  absolu. 
Plus  personne  ;  tout  juste  un  domestique  qui  sort  au  bruit 
de  mon  galop  et  m'introduit  dans  la  salle  de  justice  au 
rez-de-chaussée.  C'est  là  que  Sa  Hautesse,  assis  sur  un 
matelas,  accoudé  sur  un  coussin,  décide  les  cas  graves  qui 
échappent  h  la  compétence  de  la  cour  ou  du  Commandant 
en  chef.  Un  tigre  monstrueux,  abattu  parle  Maharaja  dans 
le  Téraï  et  fort  habilement  empaillé,  est  chargé  peut-être 
de  symboliser  la  Justice.  D'un  pas  discret,  qui  ne  sonne 
même  pas  sur  les  dalles,  suivi  seulement  d'un  général,  Sa 
Hautesse  entre  ;  plutôt  petit,  mince,  le  front  soucieux,  Tair 
intelligent  ;  il  porte  aussi  une  sorte  de  robe  de  chambre. 
Salutations,  puis  sans  aucun  appareil,  du  même  pas  discret, 
cortège  assez  morne,  nous  montons  au  salon  du  premier, 
une  galerie  énorme  meublée  h  l'anglaise  et  toute  jonchée 
de  peaux  de  tigies.  C'est  le  leitmotiv  ici.  11  ne  comprend 
pas  l'intérêt  que  présente  le  Népal  ;  je  le  lui  explique  :  je 
suis  venu  chercher  les  inscriptions  et  les  restes  du  boud- 
dhisme ;  le  IVépal  estle  trait  d'union  entre  les  deux  mondes 
de  la  pensée  orientale,  il  nous  garde  peut-être  encore  en 
réserve  les  trésors  de  la  littérature  sanscrite.  La  pensée  de 
l'Inde  appartient  à  l'humanité  comme  un  commun  trésor. 
Conclusion  :  il  faudrait  sortir  du  sol  le  pilier  de  Changu 
Narayan,  estamper  l'inscription  de  Narendra  deva  si  elle 
est  à  Bhatgaon,  et  inviter  les  vihâras  à  ouvrir  leurs  trésors. 
En  finissant  le  Maharaja  m'invite  à  assister  demain  à  la 
grande  revue  de  la  Çivaràtri. 

Donc,  aujourd'hui  c'est  la  Çivarâtri,  et  bon  Népalais 
comme  je  le  suis,  j'ai  commencé  ma  journée  par  un  pèle- 
rinage îï  Paçupati.  En  année  normale,  les  pèlerins  y  arri- 
vent par  myriadcîs  :  il  en  vient  de  Madras,  de  Travaucore 


DEUX    MOIS    AU    NÉPAL  389 

comme  de  Bombay  et  de  Calcutta.  Mais  la  pesle,  cette 
effroyable  peste  qui  va  toujours  se  développant,  a  décidé 
le  Gouvernement  du  Népal  à  fermer  l'accès  du  pays  aux 
pèlerins.  Il  n'y  a  donc  que  les  Népalais  avenir,  et  du  moins 
ils  viennent  en  masse.  Tout  le  long  des  degrés  qui  descen- 
dent à  la  Bagmati  ils  montent  et  descendent,  hommes  et 
femmes  se  déshabillant  tranquillement  sur  la  berge  et 
s'ébattant  dans  cette  eau  qui  doit  être  glaciale;  chacun 
cependant  dessine  de  ses  doigts  les  mudràs  réglementaires 
et  marmonne  les  mantras.  Mon  «  thrtla  babn  »  le  petit 
pandit  de  Paçupati  a  vite  appris  mon  arrivée  ;  il  vient  me 
tenir  compagnie  et  nous  causons  sanscrit  sous  les  regards 
delà  foule  étonnée.  Délicieuse  fraternité  !  Les  vaches  puri- 
fiantes circulent  dans  la  foule  ;  les  singes  grimpent  le  long 
des  chapelles,  guettent  les  offrandes  et  les  saisissent;  un 
d'eux  traverse  la  rivière  en  portant  sur  son  dos,  tout  h  fait 
à  notre  instar,  un  bébé  singe  trop  faible  pour  résister  au 
courant.  Les  chiens,  tout  impurs  qu'ils  sont,  viennent  aussi 
h  la  fête  et  lèchent  sans  façon  les  membres  graisseux  des 
idoles,  tandis  que  les  poules  picorent  librement  les  grains. 
Les  belles  dames  étalent  des  pyjamas  somptueux,  des 
culottes  à  la  zouave  si  larges  qu'elles  les  empêchent  de 
marcher.  11  serait  indigne  d'ailleurs  d'une  personne  distin- 
guée de  marcher  comme  les  simples  mortels  ;  on  les  voit 
aux  jours  de  fête  passer  par  les  rues  et  arriver  au  temple 
sur  le  dos  des  porteurs.  Un  paurânika  lit  ou  psalmodie 
avec  onction  un  texte  qu'il  ne  comprend  pas,  et  les  Yogis 
plus  ou  moins  professionnels  étalent  leurs  austérités,  souf- 
flent leurs  grosses  conques  et  secouent  leurs  sonnettes 
pour  attirer  la  foule.  Après  midi,  mon  cheval  vient  me 
prendre,  et  toujours  en  compagnie  du  Captain  Sahib 
je  débouche  h  Tundi  khel,  le  champ  de  manœuvres 
énorme  qui  borde  Katmandou  (mur  oriental)  et  le  palais 
du    Maharaja.  Un   magnifique   Longchamps,    dans  quel 


390  LE   NÉPA?. 

merveilleux  cadre  de  montagnes  verdoyantes  et  de  gla- 
ciers  lointains   que   commande  à  TO.  le  Dhaulagiri,  à 
TE.  le  double  trône  de  Gaurî-Çankara  colossal  et  har- 
monieux, dressé  dans  Tazur  sans  tache,  et  si  haut  qu'il 
écrase  les  pics  voisins,  malgré  leurs   six  et  sept  mille 
mètres.  Au  milieu  du  champ,  un  gros  arbre  isolé  entouré 
d'une  terrasse  circulaire  h  deux  étages.  Je  croise  la  voiture 
du  MahàrAja  qui  passe  sur  le  front  des  troupes  escorté  de 
lanciers  et  suivi  d'un  brillant  état-major,  et  je  file  à  l'arbre 
central  où  le  Maharaja  me  rejoint  presque  aussitôt  avec  un 
tas  de  généraux   tout  chamarrés  d'or.  Musique,    saints 
militaires,  et  dans  ce  cadre  guerrier  et  cette  odeur  de 
poudre,  le  Maharaja  m'informe  qu'il  a  donné  l'ordre  de 
déterrer  le  pilier  de  Changu  Narayan  et  que  je  puis  y 
envoyer  quand  bon  me  semble  (l'accès  m'en  étant  interdit) 
mon  pandit  et  mon  mukhya  avec  brosses  et  papiers.  II  a 
aussi  donné  l'ordre  de  chercher  la  pierre  à  Bhatgaon.  Vive 
le  Népal  !  Et  ce  n'est  pas  tout  :  il  a  prescrit  de  rechercher 
les  manuscrits  que  je  désire,  et  qui  ne  voudra  pas  les  céder 
—  au  moins  pour  les  copier  —  on  les  lui  empruntera  de 
force.  Ça,  c'est  tout  à  fait  le  bon  tyran.  Pour  attester  la 
solidité  de  ses  promesses,  j'ai  eu  la  visite  du  Pandit  délégué 
(lia recherche,  M.Çàkyamuni,  s'il  vous  plaît.  Quel  meilleur 
présage  pour  trouver  des  manuscrits  bouddhiques?  ÇiUya- 
rmuilprasaddijoyât /l'un  im  labhjieta't  Le  bon  Çàkyamuni  sait 
le  sanscrit  comme  moi  le  turc;  j'ai  l'autorisation  de  lui 
adjoindre  Mitrûnanda  et  les  deux  copains  dûment  stylés 
et  admonestés  vont  entreprendre    demain  une  série  de 
recherches.  Mais  ce  monde  oriental  est  si  long  à  mettre 
en  branle!  Je  pense  souvent  à  Thisloire  que  Hi'ihler  me 
contait  un  soir  :  les  longues  journées  de  conversation  sur 
la  pluie  et  le  beau  temps  avant  d'aborder  l'achat  d*une 
simple  monnaies  nncienne.  Et  je  vois  à  regret  le  dépari 
maintenant  prochain,  deux  semaines  et  demie  au  plus  à 


DEUX    MOIS    AU    NÉPAL  391 

passer  ici,  quand  la  semence  est  si  près  de  lever.  —  Tandis 
que  Sa  Hautesse  me  donne  ces  heureuses  nouvelles,  le 
Dhirâj  arrive  en  voiture,  beau  jeune  homme  de  23  ou  24 
ans,  grand,  robuste,  élégant,  plaqué  de  diamants,  la  phy- 
sionomie insignifiante.  Il  ne  parle  pas  l'anglais,  ou  plutôt 
il  ne  parle  pas  du  tout.  Le  Maharaja  me  présente,  explique 
Tobjet  de  ma  visite,  célèbre  mes  connaissances  sanscrites, 
et  les  canons  tonnent  à  la  ronde  et  les  coups  de  fusil 
éclatent  par  milliers.  Le  roi  s'en  va  dans  une  calèche  où 
montent  le  Maharaja  et  le  Commandant  en  chef,  et  je  reste 
avec  le  général  Chandra  Sham  Sher,  figure  à  poils  rudes 
et  grosses  dents  proéminentes,  mais  la  bonté  dans  le  regard 
et  dans  le  geste.  Il  me  dit  sa  satisfaction  de  voir  un  Fran- 
çais, me  parle  de  TAlsace-Lorraine  avec  une  délicatesse 
charmante,  et  m'invite  à  choisir  moi-même  les  manœuvres 
à  exécuter.  Etilse  passe  ce  phénomène  invraisemblable,  fou, 
que  c'est  moi  qui  passe  la  revue  !  Les  admirables  troupes, 
du  reste  !  Les  soldats  sont  si  merveilleusement  stylés 
à  parader  comme  des  automates  que,  sans  commandement, 
sur  un  rythme  qu'ils  battent  eux-mêmes  en  frappant  tour 
k  tour  des  deux  pieds  le  sol,  ils  font  toute  la  manœuvre  du 
fusil,  avec  la  précision  d'une  machine.  Obtenir  dans  la 
même  journée  un  ordre  officiel  pour  la  recherche  des  manu- 
scrits, une  autorisation  de  déterrer  le  pilier  de  Changu 
Narayan,  et  passer  la  revue  des  soldats  Gourkhas  :  voilà 
qui  date  dans  l'existence. 

Lundi  Si  février,  —  Hier  pour  la  première  fois  j'ai  pu 
rentrer  seul  à  la  résidence.  J'avais  quitté  la  maison  dès  le 
matin  pour  aller  h  Thankot  ;  à  cinq  heures  de  l'après-midi, 
je  n'avais  encore  ni  bu  ni  mangé,  aussi  avec  le  consente- 
ment formel  du  mukhya,  laissant  là  mon  escorte,  j'ai 
piqué  des  deux  et  suis  parti  en  avant.  Sur  la  route  comme 
en  ville,  la  foule  compacte  s'écartait  avec  bienveillance 
sans  m'obliger  à  un  seul  appel  de  voix  ;  j'ai  traversé  le 


nOi  LE    XÉPAL 

mardi/*,  -iiivi  Ut  ba/ar  ^an-r  «lifficiill»^.  ces  braves  gens 
chassaient  même  les  biifHe>  ou  les  taureaux  trop  voisins 
pour  ma  -♦'•curité.  La  journt^e  a  été  très  bonne  :  je  n'ai  pas 
relevé  moins  «le  -ix  'tél*^^  anci«*nnes:  deux  malheureuse- 
ment  sont  indéchififrables.  tant  la  pierre  s'est  écaillée,  mais 
quatre  sont  bonne:?  et  trois  importantes.  J'en  ai  trouvé 
deux  à  Tliankot  et  «piatre  «lans  un  petit  villajre  nommé 
Kisipidi.  Thankot  est  à  re\tn'»mité  ocridentale  delà  vallée, 
au  pied  <lelaui*)ntée  à  pic  qui  conduit  à  là  passe  de  Chandra- 
tiiv\  et  qui  Tait  couiuiuni(|uer  le  Népal  avec  l'Inde,  à  16  kilo- 
mètres de  Katmandou.  Tliankot  a  comui  des  jours  plus 
Horissauts  :  il  a  eu  son  darbar  dont  il  ne  reste  rien.  Le  seul 
temple,  en  llionneur  de  Malià  Laksml,  est  insignifiant; 
les  cornes  d<»s  but'tles  sacrifiés  le  tapissent  au  dedans  et 
au  dehors.  Dressée  contre  une  maison  particulière,  séparée 
par  la  chaussée  dun  grou|)e  de  petits  caityas  en  briques 
et  plâtre  tombant  en  ruines,  J'ai  trouvé  une  stèle  en  bon 
état  de  préservation  ;  au  N.  de  c<»s  caityas,  dans  un  vieux 
hithi  abandonné,  j'ai  trouvé  uni»  autre  stèle  de  la  même 
époque,  mais  qui  montre  seulement  des  traces  de  carac- 
tères. De  Thankot  j'ai  longé  la  base  du  Chandragiri  pour 
visiter  Màlà  llrtha,  à  un  mille  environ  S.-E.  de  Thankot  ; 
la  Vainçàvalî  place  dans  le  voisinage  de  Maiàtirlha,  la 
capitale  des  rois  bergers,  les  (Juptas  consacrés  par  Ne 
Muni.  Màlà  tîrtha  est  un  enclos  rectangulaire  qu'entoure 
la  Ibrèt.  Au  pied  d'une  terrasse  qui  porto  im  petit  sanc- 
luaire,  cinq  ou  six  gouttières  de  pierre  versent  Teau  des 
sources  voisines  ;  mais  une  seule  dentre  elles  a  le  titre  et 
la  valeur  de  tîrtha  ;  l'eau  qui  s'en  échappe,  admirablement 
linq)ide,  remplit  un  bassin  rectangulaire.  T/estlà  qu'on  va 
rendre»  hommage  aux  mânes  d'une  mère  décédée.  Une 
KiMedelafin  du  xvn*  siècle,  et  c'est  tout.  Le  sentier  qui 
de  .M»\lAtlrtha  rejoint  la  route  de  Katmandu  traverse  le 
village  de  Kisipidi,  à  oOO  mètres  N.  environ  du  tirtha. 


DEUX    MOIS    AU    NÉPAL  393 

Dans  le  petit  enclos  d'un  petit  temple  de  Ganeça,  première 
inscription;  sur  une  petite  place,  à  ÏE,,  autre  stèle  très 
grande,  mais  entièrement  écaillée  ;  contre  un  groupe  de 
petites  chapelles  en  Thonneur  de  BlmgavaU,  deux  autres 
stèles.  Je  n'ai  pas  eu  le  temps  de  les  examiner,  j'ai  tout 
juste  eu  le  temps  d'estamper  et  photographier  sur  place. 

Jeudi  î?-/  février,  —  J'ai  terminé  lundi  ma  journée  au 
Darbar  de  Katmandou  ;  j'ai  commencé  à  prendre  l'estam- 
page de  l'inscription  polygraphique  de  Pratâpa  Malla  qui 
éveille  ici  tant  de  curiosités  et  de  convoitises.  Elle  est  gra- 
vée sur  une  pierre  encastrée  dans  le  mur  occidental  du  j)a- 
lais  ;  sur  le  temple  qui  lui  fait  face  toutes  les  marches  sont 
également  décorées  d'inscriptions  polygraphiques  ;  moins 
en  vue,  elles  sont  demeurées  inditrérentes  et  je  me  suis 
bien  gardé  d'appeler  l'attention  sur  elles.  Ce  bon  toqué 
de  Pratâpa  malla  me  coûte  quarante  feuilles  de  papier  à 
estamper  pour  cette  seule  inscription.  Plus  que  partout 
ailleurs,  ma  présence  devant  l'énigmatique  inscription  a 
ramassé  la  foule  ;  policiers,  soldats,  coups  de  poing  et 
coups  de  crosse  ne  l'empêchaient  pas  de  déborder  les  bar- 
rières et  de  me  presser  fiévreusement.  Mystérieuse,  l'in- 
scription ne  l'est  qu'en  partie  ;  chacun  sait  ici  de  source 
certaine  qu'elle  signale  l'emplacement  d'un  trésor  fabu- 
leux. Où  est  le  trésor?  Voilà  le  hic!  Et  on  m'envie,  moi 
qui  puis  exphquer,  car  une  récompense  de  dix  lakhs  de 
roupies,  soit  plus  d'un  million  et  demi  de  francs  est  assu- 
rée à  qui  donnera  la  traduction.  Voilà  qui  humilie  les 
prix  les  plus  somptueux  de  l'Institut  !  Hélas  !  il  faudra  en 
déchanter.  Le  pédant  couronné  qui  fut  Pratâpa  Malla  s'est 
contenté  pour  autant  que  j'ai  pu  hre  d'indiquer  en  diver- 
ses écritures  ses  titres  royaux  et  littéraires,  et  la  date  de 
la  gravure  ;  il  a  ajouté  les  noms  des  écritures  employées. 
Malheureusement  le  bas  de  la  pierre  est  assez  délabré,  les 
noms  se  déchiffrent  assez  malaisément  et  lorsqu'ils  sont 


394  LE   NÉPAL 

lisibles  ils  ne  son!  pas  toujours  intelligibles.  L'indication 
serait  pourtant  utile,  indispensable  dans  certains  cas  ;  il  y 
a  là  des  caractères  qui  ne  me  rappellent  rien  de  connu. 
Je  n'ai  pu  en  estamper  qu'un  tiers,  mais  mes  hommes 
feront  le  reste  sans  moi. 

Avant-hier  j'ai  visité  le  temple  de  Budha  Nilkanth  au 
pied  du  Çivapuri.  En  dépit  du  nom,  la  divinité  du  lieu  est 
Visnu  Nàràyana.  Entouré  comme  à  l'ordinaire  d'un  rec- 
tangle de  dharmsalas,  un  bassin  également  rectangulaire, 
bordé  d'un  promenoir  étroit  et  d'un  parapet.  Un  Nàràyana 
colossal  en  pierre  est  étendu  à  la  surface  de  l'eau,  abrité 
sous  un  dais  de  serpents  ;  le  feuillage  léger  des  bambous, 
inclinés  sur  la  statue  divine,  fait  trembler  la  lumière  sur 
ces  membres  de  pierre  qui  semblent  frissonner  de  vie. 
L'impression  est  saisissante.  Dans  la  cour,  des  femmes  et 
des  enfants  Bhotiyas  sollicitent  sans  la  moindre  pudeur  un 
bakchich;  un  petit  groupe  de  Yogis  frottés  de  cendres, 
à  peu  près  nus,  lit  le  Yoga  Vasislha  sans  en  comprendre 
un  mot.  Tout  comme  dans  les  temples  bouddhiques,  un 
portique  de  pierre  porte  une  grosse  cloche  ;  contre  ce  por- 
tique une  maçonnerie  basse  où  sont  encastrées  quelques 
inscriptions.  La  seule  ancienne  a  été  recueillie,  et  heu- 
reusement, par  Bhagvanlal  ;  elle  n'est  plus  lisible.  Budha 
Nilkanth  est  à  deux  bonnes  lieues  N.-N.-E.  de  Katmandou, 
immédiatement  au  pied  de  la  montagne  ;  la  route  qui  y 
mène  est  assez  bonne  ;  elle  recouvre  le  canal  souterrain 
qui  amène  les  eaux  du  Çivapuri  au  réservoir  de  Kat- 
mandou. 

Do  Budha  Nilkanth  je  vais  visiter  le  village  de  Tsapali- 
gnon,  (|ui  borde  la  route,  h  1  kilomètre  environ  au  S.  de 
Budha  Nilkanth,  direction  de  Katmandou.  Contre  le  petit 
h-niplo  do  Narayan  se  dresse  une  stèle  dont  le  haut  s'est 
odVilé,  nniis  lo  bas  en  est  clair  et  la  date  nette.  De  là  en 
rovoMiinl  ysuv  Katmandou,  à  droite  de  la  roule,  mais  à  peu 


DECJX    MOIS    AU   NÉPAL  395 

de  distance,  sur  un  plateau  assez  étroit  que  la  Bitsnumati 
ronge,  le  vieux  village  de  Dharampur  avec  quelques  ha- 
meaux détachés  alentour.  Là,  encore  une  stèle  à  demi  en- 
fouie, mais  que  je  dégage.  Le  sol  a  heureusement  pré- 
servé la  pierre,  la  date  se  lit  clairement.  La  pierre  fait 
face  à  une  chapelle  de  Ganeça  ;  le  village  a  de  plus  un 
pauvre  petit  caitya  de  plâtre  et  de  briques. 

Hier  nouvelle  course  dans  la  même  direction  :  j'ai  visité 
le  village  de  Thoka  iN.  de  Katmandu  et  bâti  sur  un  plateau 
qui  fait  face  h  Dharampur.  Le  sol  de  la  vallée  est  entière- 
ment constitué  par  le  même  sable  alluvial  que  la  vallée  du 
Gange  ;  Tépaisseur  de  la  couche  est  considérable.  Les 
menus  cours  d'eau  qui  descendent  des  montagnes,  furieu- 
sement grossis  h  la  saison  des  pluies,  creusent  et  déchi- 
quettent leur  lit,  et  finissent  tous  par  couler  dans  une  sorte 
de  gorge  continue  de  sable.  Villes  et  villages  se  perchent 
sur  les  plateaux  ainsi  découpés  dans  la  masse  de  sable,  et 
pour  passer  d'une  rive  à  l'autre,  s'agît-il  même  d'une  ri- 
vière comme  la  Bitsnumati  qui,  à  cette  époque  de  l'année, 
roule  à  peu  près  autant  d'eau  que  le  Man/anarès,  il  faut 
descendre  et  monter  des  sentiers  qui  s'effritent  sous  les 
pas.  Thoka  aussi  m'a  donné  une  inscription,  une  stèle  éga- 
lement décorée  de  la  conque  et  du  cakra  ;  le  haut  s'est 
entièrement  effacé  ;  le  bas  préservé  dans  le  sol  est  net  et 
donne  la  date  ;  malheureusement  sur  les  trois  signes  nu- 
mériques le  second  est  noyé  dans  la  pierre  :  la  photogra- 
phie révélera  peut-être  ce  que  le  papier  et  mes  doigts  et 
mes  yeux  combinés  n'ont  pu  voir.  Enfin,  aujourd'hui, 
nouvelle  séance  h  la  salle  des  manuscrits  du  Darbar  School, 
j'ai  vu  les  Nâlakas,  les  Kàvyas,  le  Nyâya,  mais  toute  cette 
portion  du  catalogue  ou  plus  modestement  de  la  liste  four- 
mille si  bien  d'erreurs  qu'il  est  impossible  de  s'y  orienter 
à  première  vue.  Je  tiens  à  signaler  un  excellent  manuscrit 
du  Bhàratiya  Nàtyaçàstra  du  siècle  dernier:  de  plus  Da- 


396  LE    NÉPAL 

maruvallabha  me  signale  un  commentaire  du  Bhâratiya, 
composé  par  je  ne  sais  plus  quel  râja  népalais,  et  dont  il 
doit  me  communiquer  le  manuscrit.  — Moncipaye  et  mon 
mukhya  viennent  de  rentrer  avec  l'estampage  de  Tinscrip- 
tion  du  Darbar  :  ils  sont  tout  (iers,  car  ils  me  rapportent 
aussi  Testampage  de  deux  anciennes  inscriptions  qu'ils  ont 
((  découvertes  »  h  Katmandou.  Je  me  suis  bien  gardé,  par 
peur  de  refroidir  leur  zèle,  de  leur  révéler  que  Tune  et 
l'autre  sont  déjà  publiées.  Les  voilà  passés  épigraphistes  ! 
En  tout  cas  ils  ont  su  reconnaître  dans  le  tas  deux  inscrip- 
tions vraiment  très  anciennes,  ce  sont  les  n**  3  et  4  de 
Bbagvanlal.  Ils  ont  même  reconnu  la  marque  du  «  Sam- 
val  >).  Décidément  je  suis  né  professeur,  j'ai  fait  des  élè- 
ves arcbéologues  à  Katmandou,  et  quels  élèves  encore  ! 
Deux  pioupious.  Il  ne  faut  pas  trouver  cela  si  ridicule,  di- 
rait le  poète  François  Coppée.  Après  mon  départ,  mes 
(1  élèves  >>  pourront  continuer  mon  œuvre. 

('e  matin  même,  le  ('aptain  Sahib  est  venu  m'apporter 
(les  éclaircissements  sur  la  source  d'eau  chaude  mention- 
née par  les  (Illinois  ;  il  parait  que  comme  Wang  Hiuen 
Ts'e  le  (il,  tous  les  Chinois  et  Tibétains  qui  descendent  au 
Népal  et  dans  l'Inde  par  la  passe  de  Kirong,  la  voie  ordi- 
naire (le  Taller,  s'arrêtent  à  cette  source  chaude  et  y  cui- 
sent buMs  repas.  Kt  tous  les  détails  du  voyageur  chinois 
sont  (l'une  exactitude  à  faire  pâlir  les  modernes  géogra- 
ph(*s  «*l  l(ïpoj;raphes.  Il  parait  que,  près  de  celle  source, 
il  N  a  (b*s  inscriptions  chinoises,  le  Captain  Sahib  m'a 
promis  (I^MiVïïyer  le  mukhya  en  prendre  les  estampages. 
.Ir  \ondnu*i  av(Mr  encore  par  le  même  moyen  Tépigraphie 
dr  ^a^ul\(ït  (|ui  doit  avoir  aussi  d'anciennes  inscriptions. 
\  (|ueU  résultats  n'arriverais-je  pas  si  mon  séjour  ici  pou- 
\ail  ^e  prolonger?  \.v  maliArAja  a  envoyé  aujourd'hui  qua- 
In^  Mobhts  à  t  lian^u  Narayan  déterrer  le  pilier  et  le  Com- 
hniMilanl  rn  i  lief  ii  ordonné  aux  scribes  de  la  salle  des 


DEUX   MOIS    AU   NÉPAL  397 

manuscrits  de  lui  faire  porter  les  copies  que  j'ai  comman- 
dées pour  en  vérifier  lui-même  la  correction  avant  de  me 
les  remettre.  Est-ce  là  vraiment  le  pays  décrit  par  les  con- 
teurs de  voyages  ? 

Samedi  S6  février,  —  Brusquement  la  chaleur  est  surve- 
nue et  du  coup  les  journées  ont  raccourci.  Impossible  de 
quitter  la  maison  avant  trois  heures;  j'ai  même  dû  renoncer 
à  travailler  Taprès-midi  sous  la  véranda  au  N.-E.,  la  cha- 
leur rayonnante  me  mettait  du  plomb  sur  la  tête,  et  j'ai  dû 
chercher  l'abri  des  murs  épais  du  bangalow.  Hier  j'ai  fait 
encore  une  bonne  cueillette  épigraphique.  J'ai  dit  qu'un 
brahmane  était  venu  informer  le  Caplain  Sahib  de  l'existence 
d'un  pilier  avec  une  vieille  inscription.  Le  brave  Captain 
m'a  conduit  lui-même  h  Nangsal,  un  faubourg  de  Katman- 
dou, juste  vis-à-vis  du  palais  du  Dhiràj  ;  entre  les  deux  une 
large  dépression  où  coule  un  filet  d'eau  canalisé  et  oti 
s'étendent  les  cultures  de  riz.  Le  village  se  développe  entre 
le  chemin  de  Harigaon  et  la  route  de  Paçupati  par  Deo 
Patan.  Au  centre,  une  butte  assez  haute  semblant  un  stûpa 
marque,  paraît-il,  le  site  de  l'ancien  temple  de  Narayan; 
contre  la  butte,  deux  stèles  anciennes,  l'une  à  peu  près 
complètement  effacée,  l'autre  en  assez  bel  étal  de  préser- 
vation, sauf  le  haut.  J'ai  donc  estampé  et  photographié. 
Nous  sommes  rentrés  à  la  Résidence  par  Lajampat,  un 
simple  lieu-dit  avec  une  petite  chapelle  à  linga.  Près  de  la 
chapelle  une  image  de  Visnu  dans  une  pose  de  disloqué,  la 
jambe  gauche  relevée  vers  l'épaule,  et  au-dessous  une 
inscription  votive  à  la  façon  de  celle  du  Mahankal,  mais 
en  moins  bel  état.  Ici,  la  pierre  est  absolument  nue  et 
l'image  est  contemporaine  de  l'inscription  qui  paraît  être 
du  vi*-vu*'  siècle.  Aujourd'hui  Pandit  Çàkyamuni  m'a 
apporté  son  butin.  11  n'est  pas  sans  intérêt.  Tout  d'abord 
un  excellent  manuscrit  du  Càndravyâkarana  obtenu  à 
Bhatgaon  et  qui  a  l'avantage  de  fournir  une  utile  donnée 


;i98  LK    NÉPAL 

liisforiqne.  Le  colophon  porte:  nepâlâbdagate  mrgânkara- 
sayncchâya  (?)  pancabânâyiiclha..  (561).  çrïçrïpacupali- 
caranâravindârcanaparayanaripurâjadaityatripurâsuramâ  - 
navinirjjitaçrïsainsâralânnïgaurïçvaraçrïmaheçvarâvalâra- 
çnlaksmïnârâyanaçrïçrïjayayaksamalladevaanujaçnçnjaya- 
jïvamalladevasahe vavij  ayârâ j  ye . . .  ( Jîvamalla  manque  à 
loules  les  listes).  Un  bon  manuscrit  de  la  PrâkrtasarnjtvJDt 
(grammaire  pracri te).  Ln  manuscrit  de  la  MadhyamakavrtU 
(appelé  ici  comme  toujours  Vinayasùlra).  Un  commentaire 
considi'Mabh'  du  KAlacakratantra,  la  Vimalaprabhâ, ouvrage 
fort  rare  et  dont  il  sera  peut-être  désirable  d'avoir  une 
copi(i  :  iti  (^rinuilalanlrânusârinyâm  dvâda(;asâliasrikâyâin 
lai^luiknlacakralanlrarâjatîkâyâin  vimalaprabhâyâm  saka- 
lamriravighriavinâ(:atah  paramsladevatâsanmârganiyamo- 
d(l(M;iih  prathamah...  et  ainsi  de  suite.  Le  manuscrit  a  plus 
(h»  HOO  piiges  ;  il  me  parait  indispensable  à  IVHude  de  la 
doclrim»  tanlriipie.  Un  manuscrit  d'un  autre  texte  nouveau, 
écril  sous  h»  n>gne  de  Rudradeva.  Ouvrage  traduit  en  chi- 
nois par  Ka-l'i(Mi  x'-xi*  siècle  (Nanjio  864).  Il  est  intéres- 
snnl  dr  conslal«»r  h  riionneur  de  Texactitude  chinoise  que 
Ir  litre  chinois  Irachiit  exaclement  ratna-guna  {pao-te)  tan- 
dis {\\w  \i\  lilr«»  donué  dans  Nanjio  porte  simplement;  Pra- 
jriiipi\rauiih\sain('(iyagAth(\.  Kniin  un  manuscrit  portant 
pour  cnli»|)lion  :  ili  pâramilâparikathâ,  subhâsitaratnaka^ 
raiM.lukr  snniri|)la  |  krlir  âi^ârya  (;ûrasya  granthapramâ- 
i.iani...  asya  catam.  Il  ne  me  semble  pas  douteux  qu*il  faut 
réiablir  Arya-cfira.  Knlin  un  manuscrit  du  Caturvargasam- 
^ralia.  La  chassi»  u\s|  pas  lînie  J'espère  encore  du  gibier. 
A  |Mnpns  tlf  ^il)i<'r,  mi  tigre  (»sl  descendu  hier  de  la  mon- 
\\\\:\u*  fi  s'rsj  prouiené  à  Iravers  les  rues  de  Patan,  quœ- 
mis  t/itrtftf/rrurrf:  mtui  ami  l)eb  Sham  Sher  est  allé  brave- 
Nitiil  l'aballrt»  lui  nn^nu'.  T/a  été  Tévéuement  du  jour. 

hufftm/n/nu  'J  nmrs.     -  J\ii  fait  mardi  une  lointaine  et 
prnilili'  niui -»!•  piNqu'à  jMiirphing,  et  sans  résultat.  Phir- 


DEUX   MOIS   AU   NÉPAL  399 

phing  est  au  Midi  de  Katmaodou  k  16  ou  18  kilomètres, 
adossé  aux  moutagnesqui  fermeut  la  vallée,  sur  un  plateau 
élevé  d'environ  300  mètres,  soit  une  altitude  réelle  d'envi- 
ron 1  500  mètres.  En  fait  Pliirpliiiig  appartient  à  peine  au 


Népal  proprement  dit  ;  il  faut  pour  y  parvenir  s'élever  par 
une  ascension  assez  raide  sur  le  flanc  de  la  montagne  et 
contourner  ensuite  une  combe  profonde  où  s'élagent  des 
cultures  et  des  maisons  rustiques,  tandis  que  les  pentes 
supérieures  contrastent  par  leur  àpreté  dénudée  avec  les 
sommets  boisés  des  autres  massifs.  La  route  de  Phirphing 


400  LE   NÉPAL 

se  (lélache  de  la  grande  roule  entre  Katmandou  et  Patan 
presque  à  la  porte  même  de  Patan ,  oblique  vers  le  Sud-Ouest, 
passe  devant  le  stûpa  occidental  d'Açoka,  traverse  deux 
kolas  (on  nomme  ainsi  des  ruisseaux  au  vasle  lit  avec  un 
maigre  filet  d'eau  qui  s\  perd)  se  poursuit  sur  un  plateau 
presque  entièrement  uni  ;  puis,  un  peu  avant  d'atteindre 
Bogmati,  il  fléchit  encore  à  l'Ouest,  descend  vers  la  Bag- 
mali  et  traverse  un  gros  bourg,  Kokona,  où  se  trouvent  un 
assez  grand  temple  et  un  caitya,  sans  intérêt  et  sans  épi- 
graphie;  puis  il  atteint  la  Bagmati,  un  peu  avant  sa  sortie 
du  Népal  officiel.  La  rivière  en  effet  coude  presque  aussitôt 
vers  ITi.-S.-E.  et  longeant  la  falaise  qui  porte  Bogmati 
s'engage  dans  une  passe  aussi  myslérieuse  que  le  Pôle 
Nord.  La  Bagmali,  descendant  directement  au  Gange,  doit 
ouvrir  une  voie  d'accès  directe  entre  llnde  et  le  Népal;  les 
Népalais  ne  se  soucient  pas  d'ouvrir  à.  leurs  voisins  enva- 
hissants une  porte  qui  n'a  ni  verrou  ni  serrure.  Au  débou- 
ché de  la  gorge,  sur  un  vaste  replat,  le  Darbar  a  établi  un 
asile  de  lépreux,  comme  une  sorte  d'épouvantail.  Kn  guise 
de  pont  entre  les  deux  rives,  une  lign(^  de  poutrelles  larges 
tout  juste  comme  le  pied  et  comme  le  pied  sans  chaussures 
encore  ;  et  aussitôt  après,  le  chemin  se  met  à  grimper 
raide.  Phirphing  semblait  promettre  plus  de  résultats  ; 
assez  h  l'écart  pour  échapper  aux  bouleversements,  rare- 
ment visité,  si  jamais  il  Ta  été,  par  un  voyageur,  il  a  les 
ruines  d'un  darbar  et  deux  temples  fort  populaires:  Çesa 
NArayana  et  Daksina  Kàlî.  Çesa  Nârihana  (Sikh  Nara^yan 
comme  on  dit  ici)  n'atlire  pas  scellement  les  Népalais;  les 
Bholivas  y  viiMiiienl;  h  mon  arrivée  un  groupe  des  leurs  est 
inshiiié  dans  uni*  (i(»s(lharmsalaset  une  pierre  porte  inscrite 
en  relief  à  la  manièie  tibétaine  h»  Om  mani  padme  hum 
assr/  inaUendu  ici.  Pas  dr  construction  luxueuse  comme  à 
Changu  Narayiin  ;  (piehpii's  pauvres  petites  chapelles,  cl 
coiié(»  au  rocher  même,  accessibhî  sruh^ment  pai*  un  esca- 


DEUX    MOIS    AU   NÉPAL  401 

lier  à  pic,  Timage  sacro-sainte.  Une  fissure  ouverte  au- 
dessus  dans  la  roche  laisse  échapper  pendant  quatre  mois 
de  Tannée  une  cascade  toute  blanche.  En  Suisse  on  dirait 
Pissevache,  ici  c'est  Kâmadhenu,  une  simple  nuance;  mais 
il  s'agit  bien  de  la  Kâmadhenu  réelle,  de  la  vache  divine, 
et  on  Fadore  fort  sérieusement.  Du  reste  Teau  ici  jaillit  de 
partout;  limpide  et  gaie  elle  courl  de  palier  en  palier  dans 
des  bassins  où  la  piété  des  fidèles  nourrit  des  bandes  de 
poissons.  Dans  le  village,  situé  à  TEsl  du  temple,  j'ai 
estampé  une  inscription  de  Jyotir  malla,  une  de  Çrî  Nivâsa 
malla  et  une  de  Yama  malla  dont  le  nom  m'est  par  ailleurs 
inconnu. 

A  FEst  du  village,  au  fond  d'une  gorge  étroite  et  pro- 
fonde, aux  pentes  boisées,  se  trouve  le  temple  de  Dak- 
sina-Kàlî.  La  popularité  de  la  déesse  se  marque  à  ce  détail 
qu'elle  porte,  paraît-il,  une  valeur  de  cinq  lakhs  de  bijoux, 
et  l'idole  est  haute  de  cinquante  ou  soixante  centimètres. 
Là,  pas  même  de  chapelle  :  un  enclos  carré,  des  dharmsa- 
las  sur  trois  côtés,  le  quatrième  un  simple  mur  où  est  en- 
castrée l'image  de  la  déesse,  abritée  sous  une  sorte  de 
chapeau  chinois  en  cuivre  décoré  de  chiffons  multicolores 
et  de  clochettes.  On  achève  justement  le  sacrifice  du  buffle 
quotidien  ;  le  sang  gicle  selon  les  règles  de  Fart,  sur  Fidole; 
la  tête  lentement  détachée  est  déposée  aux  pieds  de  la 
déesse  et  le  gros  corps  décapité  se  convulsé  encore  du  col, 
des  jambes,  de  la  queue,  tout  pantelant.  On  le  traîne 
dehors,  on  le  flambe  comme  un  poulet  sous  un  feu  de 
paille  et  on  Féventre  pour  distribuer  les  parts  au  person- 
nel. D'inscription,  rien  qu'une  stèle  moderne.  Il  faut  que 
je  me  console  avec  le  site  qui  est  ravissant.  Un  petit  tor- 
rent, le  Kâlî  Kola,  encaissé  entre  les  forêts  à  pic  roule  à 
travers  les  roches  qui  encombrent  son  lit  sinueux  ;  tamisée 
par  les  feuillages  touffus,  adoucie  par  la  brise  du  ruisseau, 
la  chaleur  éblouissante  de  midi  n'est  plus  qu'une  caresse 

II.  —  26 


402  LE    NÉPAL 

attiédie.  Kâlî  n'est  pas  près  crêlre  désertée  par  ses  adora- 
teurs. Hier  soir  je  causais  avec  le  petit  frère  deBabu  Mi- 
tra, un  garçonnet  de  quinze  à  seize  ans  émancipé  par  une 
éducation  àTanglaise.  Moi,  disait-il,  je  ne  crois  à  rien  en 
fait  de  dieux  et  de  surnaturel  ;  fout  cela  c'est  des  contes  à 
dormir  debout.  Et  après  cette  profession  de  foi  parfaite- 
ment sceptique,  sans  pause  ni  pose,  sans  contraste  voulu, 
sans  un  changement  de  ton  il  ajoute  :  Je  fais  pourtant  une 
exception  pour  la  déesse  Kâlî,  parce  que  là  j'ai  des  preuves 
indiscutables.  Et  il  me  raconte  des  apparitions  miracu- 
leuses de  Kâli  qu'il  n'a  pas  vues  lui-même  de  ses  yeux, 
mais  il  a  vu  les  gens  qui  les  ont  vues,  et  dans  quel  étal  ils 
étaient  !  Allez  donc  en  douter.  11  m'a  semblé  un  instant  que 
je  n'étais  plus  au  Népal. 

Aujourd'hui  une  pluie  torrentielle  et  toute  froide  qui 
nous  présage  une  nouvelle  hausse  du  thermomètre. 

Vendredi  f  mars.  —  J'étais  à  la  maison  enfoui  dans  mes 
manuscrits  lorsqu'on  est  venu  me  prier  d'assister  à  un 
spectacle  de  Ifoh.  Lo  Iloli  est  la  grande  fête  printanière  de 
l'Inde,  mardi-gras  ou  mi-carême,  et  c'est  pitié  de  voir 
comme  au  fond  Timagination  humaine  est  restreinte: 
rinde  a  jusqu'à  ses  confettis  ;  pendant  huit  jours  les  gens 
se  promèueni  à  travers  les  rues  portant  en  des  sacs  ou  en 
de  petits  tubes  une  poudre  rouge,  et,  fftt-il  le  Mahâr&ja, 
quiconque  passe  en  vêtiMuents  blancs  est  impitoyablement 
aspergé.  C/esl  ici  aussi  (tout  n'est-il  pas  dans  tout?)  la 
fête  des  blanchisseurs,  disons  des  dhohis.  Le  hnge  taché 
de  rouge  qui  résiste  à  la  lessive,  si  précieux  qu'il  puisse 
être,  îip]Kirtient  de  droit  au  dhobi.  Et  c'est,  dans  ces  ruelles 
étioiles  et  grouillaules  une  curieuse  poussée  défoule  toute 
i'oiig(»nyanl<\  \\\  poudre  se  lixanl  aux  cbeveux,  à  la  barbe, 
tout  comme  aux  vêtements,  (le  peuple  du  Népal  est  si 
épris  (le  rnusi(|ue  et  de  Ihéàtn»  que  la  fête  est  un  spectacle 
pei'péhiel;  tel  j('  l'ai  vu  dans  h^s  «  Lines  »  aujourd'hui,  tel 


DEUX    MOIS    AU    NÉPAL  403 

je  Tai  remarqué  partout  h  Katmandou.  Un  groupe  de  bri- 
quetiers  s'était  accroupi  sur  une  longue  natte  ;  ils  chan- 
taient des  chœurs,  ces  chœurs  indéfinis  de  TOrient  où  la 
gaieté  se  fond  avec  la  mélancolie,  tout  en  demi-teintes, 
onduleux  et  fuyants,  évocation  simple  et  puissante  de  Tin- 
fini.   Au  centre  un   petit  groupe  d'instrumentistes  :  tim- 
bales, cymbales,  gongs,  clochettes,  tambourins;  h  lourde 
rôle  deux  ou  trois  se  levaient,  jouaient  et  dansaient  avec 
des   contorsions  de    singes,   entièrement  barbouillés  de 
rouge  ;  les  acteurs  de  Thespis.  Le  chœur  cesse,  trois  des 
briquetiers  vont  dans  un  coin  se  déguiser.  Musique.  Entre 
une  bergère  drapée  en  un  long  voile  rose,  les  bras  et  les 
jambes    chargés   d'anneaux,   parée   de  colhers  à  larges 
plaques,  une  bergère  du  Téraï,  paraît-il.  J'ai  retrouvé  mes 
Tharunis.  La  Tharuni  en  question  est  tout  simplement  un 
des  trois  briquetiers  qui  cette  fois  a  barbouillé  sa  figure  de 
cendres  pour  en  adoucirl'éclat  bronzé  et  qui  s'est  maquillé 
les  yeux  comme  on  fait  même  aux  toutes  petites  fillettes; 
un  grand  cerne  noir  donne  au  regard  une  séduction  énig- 
matique  et  voluptueuse.  La  bergère  sollicite  l'indulgence 
du  pubUc  ;  elle  chantera  et  dansera  pour  honorer  la  divi- 
nité. Un  berger  arrive,   vêtu  d'une  couverture  grossière 
nouée  sur  sa  tête  et  qui  vaguement  simule  une  peau  de 
bête;  il  fait  la  cour  à  la  bergère,  mêlant  h  ses  appels  pas- 
sionnés des  gestes  et  des  calembredaines  grotesques.  Arri- 
vée d'un  rival.  Bref  une  pastorale,  la  classique  et  l'éter- 
nelle pastorale  de  l'amour,  et  je  retrouvais  là,  vivantes  et 
réelles,  mes  hypothèses  sur  l'origine  du  drame  indien;  eh 
oui,  en  ce  pays  idyllique  caressé  de  soleil  et  baigné  de  lu- 
mière, la  pastorale  aimable  et  souriante  y  est  vieille  comme 
le  monde.  El  sous  ce  climat  heureux  qui  laisse  à  la  forme 
humaine  son  libre  jeu,  le  corps  est  si  souple,  si  aisément 
gracieux,  que  ces  rudes  ouvriers  de  la  brique  tenaient  à 
s'y  méprendre  leurs  rôles  de  femmes.  J'ai  dû  quitter  la 


404  LE   NÉPAL 

représentation  pour  monter  sur  la  Darara,  la  colonne  éle- 
vée par  Bhimsen  ïhapa  à  TEst  de  Katmandou,  tout  contre 
Tenceinte  où  elle  s'insère  et  le  champ  de  manœuvres  ;  une 
construction  hideuse,  une  colonne  de  charcutier  faite  en 
saindoux  et  qui  jure  avec  le  goût  du  pays.  Mais  c'est,  il 
est  vrai,  une  fantaisie  de  Gourkha.  Du  sommet,  à  40  et 
quelques  mètres,  on  domine  naturellement  toute  la  vallée  ; 
mais  aujourd'hui  encore  l'horizon  était  laiteux  et  l'admi- 
rable rangée  des  glaciers  était  évanouie. 

Ce  malin  le  Captain  Sahib  m'a  amené  en  visite  son  fils 
de  onze  ans,  sa  fillette  de  dix  ans  et  un  neveu  de  sept  ans, 
orphelin  qu'il  a  recueilli.  Ils  étaient  en  leurs  atours,  les  gar- 
çons dans  une  combinaison  de  collégien  et  de  militaire  avec 
une  capote  et  une  haute  casquette  à  visière  galonnée  d'or; 
la  fillette  qu'un  porteur  avait  amenée,  en  vastes  jupes  et 
la  tête  ornée  de  la  plaque  d'or  de  cérémonie.  Je  me  déso- 
lais de  n'avoir  rien  à  donner  ou  à  montrer  à  ce  petit 
monde,  mais  les  photos  des  miens  ont  été  pour  eux  de 
hautes  curiosités. 

Lundi  7  mars,  —  Le  Darbar  népalais  a  tenu  sa  parole. 
J'ai  un  estampage  complet  du  pilier  de  Changu  Narayan. 
Il  n'a  pas  fallu  moins  de  quatre  soldats  et  de  trois  journées 
pour  arriver  à  ce  résultat.  Le  pilier  est  maintenant  engagé 
dans  une  sorte  d'anneau  de  pierre  sculptée  qui  lui  donne 
une  apparence  de  base  ;  il  a  fallu  tout  d'abord  soulever  cet 
anneau  fort  lourd,  et  édifier  une  charpente  de  bois  pour 
le  maintenir,  un  système  d'étais  qui  permît  d'approcher  la 
pierre  et  d'estamper.  Je  laisse  ici  une  liste  des  anciens  ou- 
'  vrages  bouddhiques  connus  par  les  traductions  chinoises 
et  le  Darbar  m'a  promis  de  continuer  les  recherches.  Mes 
rabalteurs  m'ont  signalé  deux  textes  très  importants;  à 
toutes  les  réquisitions,  môme  officielles,  les  détenteurs  ont 
répondu  qu'il  y  avait  erreur  et  qu'ils  ne  possédaient  pas 
les  manuscrits  en  question.  Mais  la  moindre  pratique  de 


DEUX    MOIS    AU    NÉPAL  405 

rinde  enseigne  ce  que  valent  ces  réponses  catégoriques  qui 
d'un  non  formel  s'acheminent  tout  doucement,  par  lentes 
étapes,  au  oui  final.  Les  possesseurs  de  ces  manuscrits  sont 
brahmanes,  et  c'est  pour  eux  un  cas  de  conscience  de  faire 
connaître  un  ouvrage  hérétique.  J'attends  aussi  une  ré- 
ponse au  sujet  d'un  vieux  texte  que  détient  un  vieux  brah- 
mane habitant  une  maison  de  la  montagne,  et  qui  sans 
refuser  de  le  communiquer  répond  à  toutes  les  sommations 
par  l'éternelle  inertie  orientale.  Le  Commandant  en  chef 
lui  a  envoyé  un  pandit,  le  Captain  Sahib  lui  a  envoyé  un 
mukhya:  il  est  sorti,  il  est  malade,  il  l'apportera  lui- 
même  et  j'enrage  à  voir  venir  l'échéance  de  mon  départ  et 
ce  pendard  de  brahmane  qui  ne  bouge  pas.  Je  lui  ai  fait 
promettre  hier  soir  par  un  message  5  roupies  comme  ré- 
compense s'il  arrive  demain.  Cinq  roupies!  cela  sent  la 
fantaisie  de  milliardaire  américain.  Il  y  a  gros  à  parier 
pourtant  que  la  résistance  par  inertie  l'emportera  sur  l'es- 
prit de  lucre. 

A  défautde  nouveaux  textes  bouddhiques.  Pandit  Çàlîya- 
muni  m'a  apporté  un  traité  d'art  vétérinaire:  iti  çrï  Rû- 
panârâyanetyâdimahârâjâdhirâjaçrïman  Madanendrasena 
krlau  Sârasamgrahe  Çâlihotram  samâptam.  Au  premier 
çloka,  nom  différent  : 

çrîmatsûryam  namaskrtya  revantam  turagâdhipam  | 
çrîmad  Devendrasenena  kriyate  Sârasamgrahah  ||  (chaque 
çloka  est  accompagné  d'une  traduction  en  vernaculaire) 
vers  2  :  uddhrtya  çâlihotrâni  bâiânâm  bodhahetave  |  man- 
darendrendrasenena  kriyate  sugamo  vidhih  ||  .  —  Le 
Vidagdhavismâpana,  une  collection  de  charades,  énigmes, 
etc.  en  vers  avec  traduction  partielle  en  parbatiya. 

Le  soir  j'étais  invité  dans  les  «  Lines  »  des  Cipayes  à 

assister  à  un  nautch  offert  par  le  Jemadar.  Sur  la  pelouse 

de  manœuvres  on  dresse  quelques  perches  et  on  tend  un 

vélum  par-dessus.   Tout  autour,  des  bancs    et  quelques 

II.  —  26. 


406  LE   NÉPAL 

chaises  pour  les  j^ens  d'importance.  Pas  de  nautchgirls: 
Tespèce  en  est  rare  au  Népal,  et  en  cette  semaine  du  Holi 
elles  sont  demandées  et  réclamées  partout.  Et  puis  le  corps 
de  ballet  a  eu  des  malheurs.  La  reine  des  naulch-girls 
expie  en  une  prison  la  faute  d'avoir  trop  plu  ;  elle  a  été 
convaincue  d'avoir  accordé  ses  faveurs  h  pas  mal  de  petits 
jeunes  gens  brahmanes  ou  ksatriyasetdelesavoirentrahiés 
à  perdre  leur  caste.  La  loi  hindoue  punit  sévèrement  ce 
délit:  elle  a  eu  quinze  ans  de  prison  et  les  petits  jeunes 
gens  en  ont  eu  pour  un  an.  C'a  été  le  gros  scandale  du 
iNépal.  A  défaut  de  nautch-girls  on  a  eu  des  nautch-boys: 
le  plus  grand,  un  garçon  de  seize  ou  dix-sept  ans  repré- 
sentant Krsna,  une  haute  mitre  sur  la  tôte,  sur  les  épaules 
une  façon  de  pèlerine,  une  longue  blouse  d'un  beau  bleu 
serrée  à  la  ceinture.  Un  autre  garçon  plus  petit  faisait 
Hàdhà,  l'amante  de  Krsna;  entln  des  enfants  dehuitàdouze 
ans  représentaient  les  bergères  compagnes  de  Hàdhâ.  Au 
début,  chœur  et  symphonie  d'orchestre;  on  développe  un 
grand  rideau  qui  porte  les  images  de  Krsna  et  de  Ràdhâ, 
on  brûle  l'encens,  balance  les  lampes,  chante  les  hymnes. 
Puis  le  spectacle  propre  commence.  De  neuf  heures  du 
soir  à  (juatre  heures  du  matin  toujours  le  même  sujet: 
Hàdhîi  chante  sa  passion  éperdue  et  gémit  sur  son  aban- 
don: Krsna  ne  pense  qu'à  jouer  de  la  (lùte.  Les  amies  de 
Hîidhft  viennent  la  consoler  ;  une  d'elles  va  prier  Krsna  de 
satisfaire  son  amante.  De  guerre  lasse,  il  cède  un  instant; 
les  bergères  accourent,  et  Krsna  mène  une  ronde,  la  lias 
Lllc\.  Puis  il  n?tourne  h  sa  tlùte  et  tout  recommence.  La 
monolonie  de  ce  thème  est  mi  peu  variée  par  les  fantaisies 
du  Vidùsaka,  vêtu  h  la  Népalaise  parmi  tous  ces  person- 
nag(*s  (h»  fniitiMsie;  on  se  le  renvoie  comme  une  balle, 
bafoué,  raillé,  ballu,  criblé  de  coups  de  poing,  trébuchant, 
quémandant  drs  l)akchiclis  qu'on  lui  paie  sur  le  derrière. 
Les  cipayes  en  buinous  et  turban  blanc,  immobiles,  écla- 


DEUX   MOIS    AU   NÉPAL  407 

tent  de  rire  à  ces  f^osses  farces  ;  mais  il  regardent  avec 
une  intense  émotion  religieuse  les  jeux  de  Krsna  et  des 
bergères.  C'est  une  chose  si  sacrée,  me  dit  le  Captain 
Sahib!  Sacrée  ou  non,  à  minuit,  j'avais  sommeil  et  je  ren- 
trais au  bangalow. 

Mardi  8  mars.  —  Ce  matin,  visite  du  Captain  Sahib  pour 
mes  arrangements  dedéparl.U  faut  régler  protocolairement 
mes  visites  d'adieux  au  Maharaja  et  à  tous  les  Sham  Sher: 
Deb  Sham  Sher,  commandant  en  chef;  Chander  Sham 
Sher,  le  vrai  généralissime;  Bhim  Sham  Sher,  général. 
Je  les  ai  faites  dans  la  voiture  du  maharaja  mise  à  mon 
service  :  parti  du  bangalow  à  une  heure,  je  n'y  rentrais 
qu'à  cinq,  c'est  dire  que  les  visites  n'étaient  pas  un  simple 
échange  de  formules  banales.  J'ai  tenté  de  décider  le  Ma- 
haraja à  créer  un  musée  d'archéologie  népalaise  ;  il  a  été 
frappé  et  séduit  par  cette  idée  et  a  sur-le-champ  réclamé 
tous  les  renseignements  nécessaires.  Deb  Sham  Sher  m'a 
offert  pour  la  République  française  un  manuscrit  de  la 
Prajnâpâramitàen  admirable  conservation,  décoré  de  pein- 
tures et  écrit  sous  le  règne  de  Vigrahapâla,  donc  vieux 
d'environ  un  millier  d'années  et  pour  moi  personnellement 
un  manuscrit,  un  commentaire  du  Vidgadhavismàpana 
écrit  au  iv*  siècle  de  l'ère  népalaise,  soit  au  xin*-xiv*  siècle. 
Il  m'a  demandé  les  photographies  de  mes  enfants  que  je 
lui  ai  laissées  en  échange  de  la  sienne.  Et  tous  les  Sham 
Sher  se  sont  prodigués  en  amabilités  et  en  promesses,  se 
mettant  à  mon  service  pour  toutes  les  recherches  qui  pour- 
raient m'intéresser.  En  rentrant  au  bangalow,  je  trouve 
le  jardin  encombré  par  la  foule  :  les  cipayes,  les  musiciens, 
les  danseurs  viennent  me  faire  le  charivari  du  holi  :  sym- 
phonies, chansons  et  danses.  J'avais  encore  une  provision 
de  poudre  rouge,  je  leur  en  jette,  j'en  reçois,  c'est  une 
véritable  bataille  de  confettis. 

Mercredi 9.  —  Veille  du  départ;  chacun  vient  me  faire 


408  LE   NÉPAL 

ses  adieux:  mon  pandit  qui  m'apporte  un  moulin  à  prières 
et  un  peigne  d'ivoire  :  pandit  Çàkyamuni  qui  m'apporte  une 
lettre  de  Vaikuntha  Nàth  Çarman,  pandit  du  commandant 
en  chef  lequel  m'adresse  une  canne  en  noix  d'arec  avec 
poignée  d'ivoire  (la  noix  d'arec  est  selon  les  Castras  une 
garantie  de  bonheur)  et  Mitrânanda  me  remet  quelques 
peintures  népalaises.  Enfin,  le  Caplain  Sahib  arrive,  et  au 
nom  du  Maharaja  il  me  remet  un  costume  népalais,  un 
kukhri,  un  petit  bonnet,  des  baguettes  d'encens  venues  de 
Lhasa,  réservées  aux  cérémonies  du  culte,  et  enfin  la  rareté 
suprême,  le  porte-bonheur  par  excellence,  une  pièce  d'or. 
11  m'annonce  aussi  que  le  Maharaja,  par  une  faveur  toute 
particulière,  met  à  madisposition  sa  calèche  pour  me  con- 
duire jusqu'à  Thankot  où  cesse  la  route  carrossable. 

Enfin,  le  jeudi  iO,  je  quittais  le  Népal.  Mon  mukhya,  mon 
soldat  népalais,  qui  m'a  servi  si  longtemps  de  guide  et  de 
compagnon,  après  avoir  été  mon  pion  ou  mon  geôlier, 
Lalitbdm  le  Oourkha  a  voulu  me  reconduire  en  compa- 
gnie do  mon  oipaye  résidentiel,  Siri  Ràm  Singh,  jusqu'à 
Hhimpodi,  au  pied  des  montagnes,  par  delà  la  passe  du 
(«liandrugiri  et  la  passe  de  ^  Sisagarhi,  et  quand  je  leur 
ai  serré  la  main  à  4  l'heure;  du  départ, 
sur  la  place  do  Bhim-  ^L  pedi,  encombrée  par 
uuv^  coulios,  mes  ka-  ^f^  hars,  mes  dhuliwa- 
lus,  mes  palkiwalas  ^^^^  et  la  foule  des  villa- 
geois accourus  pour  ^^1^  voir  le  Sahib,  Lalit- 
U\\\\\  cl  Siri  \\{\\\\  ^^^^^^  Singh  pleuraient 
des  ^^BS^V  fantsetje  mesuis 

fourro  Imcu  \  île  ^^^^^  dans  mon  palan- 

quin, car  jiMue  J^^^  sentais      les 

vou\  hunu  ^^^^L  des. 


*\%v  ism><M^*lo  ou  forme  de  ttùpt. 


TABLE  DES   MATIÈRES 


DU  SECOND  VOLUME 


l.  Le  culte  ;  monuments  et  fêtes. 

V 

Les  monuments  :  Caityas  ;  pagodes  ;  enclos  sacrés.  Piliers  ; 
linga,  yoni  ;  vajra  ;  pieds  sacrés  ;  dhâtu-mandala  ;  acces- 
soires décoratifs.  Dharmaçàlà  ;  dhârà(hithi),  pranâli  ;  ghat. 
Vi haras.  Habitants  des  vihàras  ;  les  héritiers  des  anciens 
bhiksus. 

Les  fêtes.  Yàtràs.  Sacrifices  humains.  Autres  victimes.  Batha- 
yâlrà.  Représentations  dramatiques.  Procession  de  Mat- 
syendra  Nàtha  ;  de  Bhairava  ;  de  Devl.  Siti-yâtrà.  Nàga- 
pancami.  Go-yàtrà.Vyàghra-yâtrà.  Krsna-janmàsiamî.  Bànrà- 
yàtrà.  Indra-yàtrà.  Dasâin.  Divàli.  Çri-paiicamî.  Çivaràtri. 
Holi.   Procession  du  petit  Matsyendra  Nâtha 

IL  Histoire  du  Népal. 

Premières  mentions  du  Népal  ;  témoignages  épigraphiques  et 
littéraires.  Origine  légendaire  du  nom  du  Népal. 

La  période  divine.  Manjurrl  ;ses  successeurs  ;  dynasties  fabu- 
leuses. La  période  épique.  Les  Gopdlas.  Les  Abhîras.  Les 
Kiràtas.  La  dynastie  hindoue  de  Nimisa.  La  période  histo- 
rique. Dynastie  solaire  des  Lièèhavis.  Airiçuvarman  et  ses 
descendants  (lesThâkurls).  Rapports  avec  l'Inde,  la  Chine, 
le  Tibet,  le  Cachemire.  Fondation  du  Nepâla-saipvat  :  879. 
Les  premiers  rois  du  nouveau  comput.  Invasion  de  Nànya 


Pages. 


410  TABLE   DES    MATIÈRES 

deva  (1097).  Népal  cît  Dekkhan.  Suite  des  princes  locaux. 
Les  Mallas.  Nouvelles  invasions  :  les  Khas  ;  llarisiipha 
deva.  Les  successeurs  de  Harisirpha.  Suprématie  des  Mal- 
las  :  .laya  stliiti,  Jyotir  Malla,  Yaksa  Malla.  Partage  du 
Népal. 

Royaume  de  Bhatgaon.  —  Royaume  de  Katmandou.  — 
Royaume  de  Palan. 

ln\asion  des  Gourkhas.  Prithi  Narayan  ;  conquête  du  Népal. 
La  dynastie  Oourkha.  Les  grands  ministres  :  Bhim  San 
Thùpîi  ;  Jang  Balladur.  Les  successeurs  de  .lang.     ...         61 

lil.  Deux  mois  au  Népal  (janvier-mars  1898).  Carnet  de  séjour.  .      306 


TABLE  DES  ILLUSTRATIONS 


Pagei. 

Paon  de  bronze  ;  ouvrage  népalais 1 

Cour  d'un  vihàra  (Nàka-bihar)  à  Katmandou 19 

Image  colossale  de  Bhairava  près  du  palais  (Hanuman-dhok),  à 

Katmandou 37 

Bord  de  la  Bagmati,  à  Paçupati,  le  jour  de  la  Çivarâtri.     ...  58 

Colonne  de  bronze  surmontée  d'un  Ganeça  ;  ouvrage  népalais.  .  60 

Caitya  central  de  Patan  attribué  à  Açoka 81 

Visnu  faisant  les  trois  pas;  image  consacrée  par  le  roi  Mànadeva 

en  l'honneur  de  sa  mère  Râjyavatl.  (Hameau  de  Lajanpat.).     .  101 

Pilier  couronné  d'un  Garuda,  à  Harigaon 119 

Maharaja  Bir  Sham  Sher  Jang  Rana  Balladur 141 

Cour  délabrée  d'un  vihàra  (Asan  toi)  à  Katmandou 161 

Temple  de  Lomri  Mai,  près  de  Katmandou 183 

Temple  de  Siddhi  Vinâyaka,  près  de  i)eo  Patan 203 

Temple  du  petit  Matsyendra  Nàtha,  à  Katmandou 223 

image  de  Narasimha,  à  Patan 245 

Temple  de  Guhyeçvarl,  près  Paçupati 267 

Sanctuaire  de  Daksina  Kàlî,  près  de  Phirphing 283 

Temple  de  Krsna  et  Ràdhà,  sur  la  place  du  Darbar,  à  Patan.  .     .  293 

Bronze  népalais 305 

Deb  Sham  Sher  Jang  Rana  Bahadur,  commandant  en  chef  (et  plus 

tard  xMahâràja) 321 

Vaikuntha  Nâlha  Çarman,  pandit  brahmanique  au  service  de  Ma- 
haraja Deb  Sham  Sher 333 

Un  capitaine  Gourkha 349 

llithi  (fosse  d'ablutions)  à  Patan 367 

Porte  occidentale  de  Bhatgaon 383 

Mon  personnel  à  Bhatgaon 399 

Vase  népalais  avec  couvercle  en  forme  de  stùpa 408 


CHARTRES.    —   IMPRIMERIE   DURAM),   RUE   FULBERT. 


ANIVALES 


MUSÉE  GUIMET 

niniJOTHÊQUE  D'ÉTt'DES 

TOME  mX-NEUVlÈME 


LE  NEPAL 

itTimn  iiiSToiiiniK  ii'i  '\  /('/)  uwfc'  hi.\dou 
SYLVAIN   LÊVI 


PARIS 
BHSESÏ  LKIUUJX.  ÉDITEUR 

r.lU8 


MINISTÉHB  DE  t*WWItt'WrOS  PUBLIOCK 


ANNALES 


MUSÉE  GUI  MET 


BÏBLÏÛTHÊOLï  D'ÉnJDES 

TOMR   DIX-HEUVIÊME 


LE  NÉPAL 

f:Ti  iJK  iiinToniijii;  o-iin  hoyauub  uixoov 

SYLVAIN  I.fiVI 


yoli'me:  III 


PARIS 
BIINEST  LEROUX,  ÈDITKLII 

38,  >it  Dqnti'iiire.  iS 


IW8 


ANNALES  Dl  MUSÉE  GUIMËT 


BIIUJOTlIKQrE   I)  ÉTUDES 

TOME  \I\ 


LE  NÉPAL 


PAK 

SYLVAIN  LKVl 


VOLIME  III 


LE  NEPAL 


ÉTIDË  HISTORIQUE  D'UN  ROYAUME  HINDOU 


PAR 


SYLVAIN  LÉVI 

PROFESSEUR  AU  COLLÈGE  DE  FRANCE 


GIVRAGE  ILLUSTRÉ  D'HÉLIOGRAVVIŒS 


VOLUME  III 


PARIS 

ERNEST  LEROUX,   ÉDITEUR 

28,     RHK    BONAPARTE,    28 

1908 


LE  NEPAL 


ÉTVDE  HISTORIQUE  D'UN  ROYAUME  HINDOU 


PAR 


SYLVAIN  LÉVI 

PROFESSEUR   AU   COLLÈGE  DE   FRANCE 


OLVHAGE  ILLUSTRÉ  D'HÊLIOGBAVVIŒS 


VOLUME  m 


PARIS 

ERNKST  LEROUX,   ÉDITEUR 

28,     RIK    BONAPARTE,    28 

1908 


LE  NÉPAL 


I.   —  INSCRIPTION   DU  PILIER   DE  CHANGU 

NARAYAN 


Le  pilier  de  Changu  Narayan  a  élé  découvert  par  Bhag- 
vanlal  Indraji  qui  a  estampé  et  publié  en  partie  Tinscrip- 
tion.  Malheureusement  le  prêtre  du  temple  où  ce  pilier  est 
conservé  ne  permit  pas  au  pandit  de  dégager  la  partie  in- 
férieure, qui  était  enfoncée  dans  le  sol.  Rhagvanlal  ne  put 
donc  relever  que  les  17  premières  lignes  de  la  face  I,  17 
de  la  face  II,  et  20  de  la  face  III.  Avant  mon  départ  pour 
rinde,  Georges  Billiler,  qui  devait  périr  tragiquement  un 
peii  plus  tard,  recommanda  tout  particulièrement  à  mon 
attention  l'inscription  incomplète;  il  m'engagea,  si  j'ob- 
tenais d'entrer  au  Népal,  à  multiplier  les  démarches  afin  de 
rapporter  un  estampage  complet.  J'ai  déjà  raconté  (vol. 
II,  388  ;  404)  comment  la  bienveillance  du  Darbar  me  faci- 
lita la  tâche  ;  le  zèle  éclairé  du  Maharaja  Rîr  Sham  Sher 
sut  triompher  des  refus  et  des  menaces  du  prêtre  de 
Changu  Narayan.  L'accès  du  temple,  il  est  vrai,  me  resta 
interdit  par  une  mesure  de  rancune  puérile  ;  mais  les 
soldats  Gourkhas  que  j'avais  dressés  réussirent  à  déterrer 
la  base  du  pilier  sans  l'endommager,  et  à  prendre  plusieur 
estampages  de  l'inscription  totale. 

m.  —  i 


2  LE   NÉPAL 

.rai  pu,  de  l'onclos  du  temple, regarder  le  pilier  qu'il  no 
mVitait  pas  donné  (Kapprocher  ;  je  Tai  indiqué  sur  la  pho- 
tographie reproduite  1,  2IM  .  La  description  fournie  par 
Bhagvanlal  est  parfaitement  exacte  :  il  est  situé  à  gauche 
(pour  le  spectateur)  de  la  porte  du  temple  de  Changu 
Narayan;  la  moitié  inférieure  est  carrée;  le  haut  est 
d'ahord  octogone,  puis  chacun  des  pans  se  dédouble,  el 
le  sommet  est  circulaire.  Les  débris  du  chapiteau  ancien 
et  du  (laruda  qui  le  couronnait  sont  encore  conservés  dans 
une  sorte  de  cage  à  claire-voie  au  milieu  de  la  cour  d'en- 
trée; le  lotus  et  le  cakra  qui  ont  remplacé  le  couronne- 
ment primitif,  depuis  ime  cinquantaine  damnées  niainle- 
nant,  stî  voient  sur  la  photographie.  L'archileclurc  du 
pilier  rappelle  de  tr?;s  près  le  pilier  de  llarigaon  (cf.  la 
photographie  II,  119);  la  paléographie  rap]>roche  de 
même  les  deux  inscriptions. 

L'inscription  de  Changu  Narayan  est  gravée  avec  l)eau- 
(!Oup  de  soin  sur  trois  des  quatre  faces.  La  partie  inscrite 
couvre  sur  la  face  I  une  hauteur  de  (r,80;  sur  la  face  II, 
de  (r,S(l  ;  sur  la  face  II!  de?  0'",92,  divisée  respeclivenienl 
en  2G  lignes  (I),  2i  lignes  (H),  28  lignes  (III).  La  largeur 
des  lignes  sur  les  trois  faces  est  unilormémenl  de  O",!?'!. 
Les  <"aractères  ont  en  movrnne  uih>  hauteur  de  0,012  sur 
la  face  I,  de  0,01 1  sur  les  deux  antrc^s  ;  Tespacemenl  des 
lignes  est  d'einiron  0,22  sur  les  deux  premièr(»s  faros; 
sur  la  il!',  il  rst  irrégulier  et  va  en  croissant  vers  la  lui. 
avec  un  écart  de  0,01  S  à  0,020. 

L'écriture  <.*st,  nettement  et  sans  hésitation  possible,  du 
Ivpe  <!uplîi.  Les  observations  de  détail  ne  feraient  guère 
(pie  doubler  celh^s  (pie  je  présenterai  au  sujet  du  pilier  de 
llarigaon.  Parmi  les  lettres  les  plus  caractéristiques,  je  me 
c(»nleiilerai  de  ciler  Vi  initial  (IL  L'i  ;  III,  4  ;  9  ;  16)  formé 
de  deux  points  disposés  vertical(Min»nt  (*t  d'une  barre  ver- 
ticîilt»  à  la  (Irt)ilt*;  1(»  /fff,  terme  h  la  droite  du  scribe,  le  sa 


INSCRIPTION   DU    PILIER    DE   CHANGU   NARAYAN  3 

avec  sa  large  boucle,  le  dha  ovale,  le  tha  complètement 
arrondi,  le  bha  avec  Tangle  largement  ouvert.  Bhagvanlal 
(et  Buhler  qui  a  traduit  sou  article)  avait  déjà  constaté 
que  ((  la  forme  des  lettres  concorde  exactement  avec  celle 
des  inscriptions  Gupta».  Cependant  M.  Fleet  n'a  point 
hésité  à  descendre  la  date  de  cette  inscription  jusqu'au 
début  du  viif  siècle  (705  J.-C),  aussitôt  avant  Çivadeva 
(n)et  Jayadeva  ;  Téminent  épigraphiste  s'est  trouvé,  dans 
celte  occasion,  entraîné  k  dénier  Tévidence  du  témoignage 
paléographique  pour  soutenir  une  combinaison  chronolo- 
gique abandonnée  aujourd'hui.  C'est  aux  environs  du 
v^  siècle  que  la  paléographie  tendrait  à  ranger  Mànadeva, 
comme  avaient  fait  Bhagvanlal  et  Buhler  qui  interprétaient 
la  date  de  l'inscription  par  Tère  vikrama  (386  samvat 
:r^  ;{29  J  -C),  à  l'époque  même  de  Samudragupta  «  dont 
les  édits  sur  piliers  ressemblent  totalement  aux  inscrip- 
lions  de  Mi\nadeva))  {Some  consideratiom  on  the  History 
of  Népal,  p.  50  du  tirage  à  part).  Nous  aurons  à  discuter 
tout  à  l'heure  les  détails  de  la  date. 

L'inscription  est  en  sanscrit,  et  à  l'exception  des  deux 
premières  lignes  où  est  énoncée  la  date,  elle  est  en  vers. 
Chacune  des  stances  porte  h  la  marge  son  numéro  d'ordre 
indiqué  en  lettres  numérales.  Le  mètre  employé  d'un  bout 
à  l'autre  est  le  çàrdùlavikrîdila,  que  le  poète  manie  avec 
une  réelle  aisance.  A  défaut  d'une  imagination  originale  ou 
brillante,  l'auteur  possède  à  fond  son  métier  de  versifica- 
teur ;  sa  langue  est  pure  et  simple  ;  il  n'abuse  pas  des  longs 
composés;  il  atteint  rarement  et  ne  dépasse  pas  un  grou- 
pement de  sept  mots.  Son  lexique  est  classique.  Le  mot 
nirhhi  (III,  16)  manque,  il  est  vrai  à  P.W.;  mais  P. W.^  cite 
le  mol  avec  une  référence  à  Caraka.  Le  mot  apdsira  «  arme 
de  défense»  (III,  i)  n'est  point  relevé  dans  P.  W.'  Bhag- 
vanlal note  comme  une  impropriété  l'emploi  du  causalif 
/iiirat/a  pour  le  simple  (II,  8:  râjyftm  putraka  kâraya);  mais 


4  LE    NÉPAL 

sa  critique  porte  à  faux.  L'expression  râjyarn  kâraïf  est 
consacrée  tout  au  moins  par  le  vers  traditionnel  sur  le 
règne  de  Ràma,  attesté  à  la  fois  en  sanscrit  parle  Râmâyana 
VI,  130, 104:1e  Mahà  Bhàrala  VII,  2244  (et  cf.  III,  11219); 
le  Ilarivamca  2354  : 

liâmo  râjyarn  akârayal 

et  en  pâli  parleJàtaka  461  (l)a<;aratlia  j"): 

Râmo  rajjam  akârayi. 

Le  Râmâyana  emploie  ailleurs  encore  la  même  expres- 
sion, p.  ex.  à  propos  de  Dillpa  (I,  42,  8  éd.  Bombay)  : 

rnjâ  rnjy  a  m  a  kârny  a  l . 

La  graphie,  dansTensemble,  est  extrêmement  correcte; 
les  fautes  relevées  par  Bhagvanlalsonl  des  lapsus  du  pandit 
lui-même.  La  prétendue  correction  abhidhânât  sali  (II,  1) 
est  fondée  sur  un  faux  sens;  la  consiruction  est  littérale- 
ment: «  La  reino  Ràjyavatl  sera  Çrî  en  personne,  étant 
ayant-désignation  d'épouse  du  roi».  Saii,  qui  suit  W>Ai- 
dlnmùy  n'est  pas  une  simple  platitude,  mais  marque  bien, 
conformément  à  Tusage,  la  fonction  d'épithète  du  terme 
précédent.  Le  b/ia  de  bhnrttuh  II,  17  est  très  clairement 
Iracé  et  ne  ressemble  pas  à  un  hi.  La  correction  indiquée 
sur  II,  14  pninan  est  sans  raison  ;  le  texte  aussi  bien  que 
l(î  fac-similé  et  la  transcription  de  Hhagvanlal,  écrivenl 
(•(>rr(Ml(»ment  ce  mot.  La  correction  ''satvo^  ribhih  pour  pra- 
jnniasairnru  [hliih]  souligne  seulement  une  erreur  de  lec- 
hin*  niL  1  );le  texte  porte  clairement  "*tf//MW7/Wi  qui  est 
Ire-^  v.i}vviH'\.  Knfin  (111,  19)  il  est  inutile  de  substituer 
ni/ttif  â  cri/ati/",  car  l(i  texte  porte  r-'f/za/y*  nettement  tracé. 
.!<•  Il  «iilrrids  pas  au  reste  diminuer  parces  constatations  le 
iii/'iih-  bif'ii  roiiiiu  <le  Hhagvanlal  qui  fut  un  déchiffreur 
;idiiiiiiibh'dr  -agacité  et  de  science. 


/ 


INSCRIPTION    DU   PILIER   DE    CHANGU   NARAYAN  5 

Il  convient  d'observer  que  Tinscription  de  Changii 
Narayan  redouble  soigneusement  la  muette  après  r^  et  se 
range  ainsi  dans  la  série  antérieure  à  Amçuvarman.  Elle 
note  la  finale  absolue  par  un  caractère  de  dimension  moindre 
tracé  au-dessous  du  niveau  de  la  ligne,  tandis  qu'avec 
Çivadeva  (1)  et  Amçuvarman  on  voit  paraître  le  trait  du 
virâma  tracé  soit  au-dessus,  soit  au-dessous  de  la  lettre/ 

L'inscription  commémore  une  donation  au  dieu  de 
Changu  Narayan  {Hari,  1,  0)  faite  par  la  reine  Râjyavatî, 
sur  le  conseil  de  son  fils  le  roi  Mànadeva,  h  la  suite  d'une 
campagne  victorieuse  qui  avait  conduit  ce  prince  à  l'Ouest 
du  Népal  propre,  par  delà  la  Gandaliî,  jusque  dans  la  cita- 
delle (puri)  du  Malla  indocile.  J'ai  déjà  commenté  du  point 
de  vue  historique  cette  inscription  (11,  99  sqq.).  L'objet  de 
la  donation  n'est  pas  clairement  énoncé  ;  il  s'agit  sans  doute 
du  pilier  lui-même,  indiqué  parle  démonstratif/^/  «  ceci  » 
à  la  fin  de  l'inscription.  L'usage  d'élever  des  piliers  com- 
inémoratifs  remonte  dans  l'Inde  jusqu'à  l'empereur  Açoka. 
Les  Guptas,  leurs  voisins,  et  leurs  successeurs  ont  renou- 
velé ou  perpétué  cette  pratique.  L'exemple  le  plus  frappant 
en  est  la  praçasti  de  Samudragupta  à  Allahabad,  gravée 
sur  un  pilier  d'Açolîa  même.  La  désignation  la  plus  usuelle 
de  ces  piliers  est  le  mot  stambha  ;  on  trouve  aussi  ya^ii 
(:=/ff()  appliqué  dans  une  inscription  de  Hastin  et  Çarva- 
nàlha  (Fleet,  Gupta  Inscr.,  p.  111)  à  un  pilier  de  délimi- 
tation {rala\yn?^'ynsli)^  et  yûpa  spécialement  appliqué  aux 
piliers  qui  commémorent  un  rite  (pilier  de  Visnuvardhana 
à  Bijayagadh,  Fleet,  ih.,  2o!î  ;  Skandagupta  ?  à  Bihar; 
Mànadeva  lui-même  emploie  ce  mot  pour  désigner  les 
piliers  érigés  par  son  père,  le  pieux  Oharmadeva  ;  111,  5). 
L'usage  est  aussi  bien  çivaite  (Mangaleça  à  Badami)  que 
vichnouîte  (Candra  à  Mehrauli;  Budhagupta  à  Eran),  ou 
jaina  (Kahaun,  temps  de  Skandagupta),  ou  bouddhique 
(Simhavarman  à  Amarâvatî).  Dans  le  culte  vichnouîte  tout 


6  LE   NÉPAL 

au  moins,  le  pilier  est  comparé  h  un  étendard  du  dieu 
(Visnor  dhvajah  sthâpitah,  h  Mehrauli  ;  Jnnârdanasya  dhvn- 
jmtamhhah,  a  Eran).  L'érection  du  pilier  est  généralement 
désignée,  comme  dans  la  présente  inscription  {Kcchritaih, 
ni,  5)  par  le  verbe  ucchray'\  Par  une  rencontre,  qui  n'est 
pas  due  seulement  au  hasard  peut-être,  Tinscriplion  de 
Cliangu  Narayan  rappelle  deux  inscriptions  sur  pilier  de 
Skandagupta.  L'une,  à  Bhitari,  célèbre  ce  prince  «  lui  qui, 
après  que  son  père  fut  parti  au  ciel,  rétablit  la  Laksml  de 
sa  race  submergée,  subjugua  son  ennemi,  et  s'écriant  : 
((  Me  voici  le  maître  !  »  alla  tout  joyeux  trouver  sa  mère 
qui  avait  les  yeux  pleins  de   larmes,  comme  Krsna  avec 
Devakl  »  (1.  12-14:  pitari  divam  iipete  viplutùm  vaiiçalaks- 
inlTïi  bhujahalavijitârir  yyah  prathihâpya  bhûyah  [I]  jitani 
iti  paritosân  mùtaram  sâsranettrCini    haiaripur   iva  Krmo 
Devakun  abhyupetah  [il].  Le  tableau  et  les   expressions 
môme  évoquent  Tentrevue   de  Mànadeva  avec  sa  mère 
Hî\jyavatî  et  dénotent  sans  doute  l'imitation   du  même 
modèle.  L'autre  inscription  très  mutilée  (à  Bihar)  laisse 
transparaître  la  personne  de  la  mère  du  roi  (1.  12).  Ces 
deux  inscriptions  se  placent  dans   la  seconde  moitié  du 
v*"  siècle.   l'H  siècle  après,  l'inscription  de  Mangaleça  à 
Hadami  présente  une  analogie  un  peu  plus  lointaine  avec 
rinscri[)lion   de  Changu  Narayan.  Le  roi  Mangale(;a,  au 
relour  d'une  grande  victoire  remportée  sur  le  Kalalsûri 
Hud(llinrî\ja,fait  une  offrande  à  (Çiva)  Makuleçvara  et  grave 
s/i  (lonalion  sur  un  pilier  commémoratif.  L'inscription, 
iv(|j^r(»    dans    une   prose    savante,   célèbre   d'abord  les 
iinct'^li'cs  (lu  roi,  comme  fait  Mànadeva  à  Cliangu  Narayan; 
pHÎH  virni  Télogci  du  roi,  onliu  le  narrateur  passe  au  récit 
di'H  rirrnnsJniuM^sde  ladouatiou  par  un  mouvement  presque 
Ml<'iilM|ur  d«'  part  et  d'autre  (kitn  bahumi,  BadamiJ.  10. — 
/////  riihpnr  hhnliuhhih,  Changu  111,  20).  «  Le  roi,  qui  avait 
MM  nriir  rinipiilience  de  dresser  un  pilier  commémoratif 


INSCRIPTION   DU   PILIER   DE   CHANGU   NARAYAN  7 

de  la  victoire  de  sa  puh^^ance  {ça/if?Jfri/aslamôkrf) ^  considéra 
qu'il  fallait  d'abord  dresser  le  javelot  d'un  pilier  en  com- 
mémoration du  triomphe  de  la  piété  {dharmmajayastam- 
bhaçakti),..  11  manda  l'épouse  de  son  père,  la  reine  Durla- 
bhadevî  et  lui  dit:  Que  ceci  soit  ton  affaire!  Présentez  en 
offrande  à  MakuleçvaraNâtha  ces  choses...  (l'énumération 
suit).  » 

L'inscription  de  Changu  Narayan  est  datée  de  «  samvat 
386,  au  mois  de  jyaistha,  quinzaine  claire,  premier  jour 
de  la  lune,  1 ,  la  lune  étant  associée  à  l'astérisme  Rohinî, 
au  temps  favorable  d'Abhijit  ».  Bhagvanlal,  sans  s'arrêter 
aux  détails  de  la  date,  avait  examiné  l'interprétation  de 
l'année  au  point  de  vue  de  la  chronologie  fournie  par  les 
Vam(;àvalîs.  Il  avait  réduit  d'une  part  à  l'ère  (;aka  (=  464 
J.-C),  de  l'autre  à  l'ère  vikrama  (=:329  J.-C.)  ;puis  trou- 
vant que  la  moyenne  des  règnes  entre  Mànadeva  et  Jaya- 
deva  était  plus  vraisemblable  dans  le  second  système  que 
dans  le  premier,  il  avait  préféré  l'ère  vikrama.  Le  procédé 
est  toujours  délicat  ;  appliqué  aux  Vaïp(;âvalîs  du  Népal,  si 
fantaisistes  dans  leurs  spéculations  chronologiques,  il  était 
voué  d'avance  à  l'échec.  M.  Fleetaplus  tard  repris  l'examen 
de  la  chronologie  ancienne  du  Népal  en  se  fondant  sur  la 
date  316  de  Çivadeva  (I)  donnée  par  l'inscription  du  Gol- 
madhitol  que  M.  Bendall  avait  récemment  découverte  et 
publiée.  Je  laisse  de  côté  la  discussion  de  ce  système  que 
j'ai  déjà  critiqué  dans  un  article  du  Journal  asiatique,  eu 
1894.  M.  Fleet,  admettant  que  les  inscriptions  du  Népal  se 
divisent  en  deux  séries  parallèles  usant  d'ères  différentes, 
rapporte  l'inscription  de  Changu  Narayan  à  l'ère  Gupta; 
il  obtient  ainsi  386  Gupta^  705-706  J.-C.  =  628  (;aka cou- 
rant,   soit  627  çaka  expiré.    Partant   de  cette  donnée, 
Sh.  B.  Dikshit  a  vérifié  pour  M.  Fleet  les  détails  de  la  date  ; 
il  a  trouvé  que  a  la  tithi  donnée  finissait  le  mardi  28  avril 
705  J.-C,  h  57  ghalîs  12  palas  après  le  lever  du  soleil  ;  que 


8  LE   NÉPAL 

le  naksatra  Krtlikà  durait  jusqu'à  11  ghafis  3  palas  après 
h;  lever  du  soleil,  que  le  naksatra  Rohinl  venait  ensuite  et 
continuait  jusqu'à  11  ghatis  18  palas  après  le  lever  du 
soleil  le  lendemain  mercredi,  et  que,  conséquemment,  le 
muhùrla  Abhijit,  qui  est  le  huitième  dans  la  série  des  mu- 
hûrlas,  et  qui  commence  donc  avec  la  io'  ghatl  comptée 
depuis  le  lever  du  soleil,  s'est  produit,  comme  le  veut  le 
texte  de  Tinscription,  tandis  que  le  naksatra  Rohinl  était 
courant  »  {Gftpta  Imcr.^  Introd.  93-95). 

Comme  il  arrive  souvent  des  prétendus  arguments  scien- 
tiiiques  introduits  dans  les  recherches  d'histoire  et  de 
philologie,  la  preuve  ne  prouve  rien.  Les  détails  de  la 
date,  malgré  leur  nombre,  ne  laissent  rien  de  précis  à  la 
vérification.  La  position  donnée,  loin  d'être  accidentelle, 
est  presque  régulière,  ou  du  moins  très  fréquente.  En  effet 
le  mois  de  jyaislha  est  le  mois  où  la  lune  doit  être  pleine 
dans  la  constellation  de  Jyesthâ  ;  donc,  à  la  nouvelle  lune 
qui  précède,  la  longitude  de  la  lune  doit  être  de  180"  de 
moins.  L'intervalle  entre  Jyesthâ  et  Rohinl  étant  de  187", 
elle  déplacement  de  la  lune  étant  de  12"  par  tilhi,  il  y  a 
de  fortes  chances  pour  que  la  lune  passe  en  Rohinl  dans  le 
courant  de  la  première  lithi  (pralipad)  de  jyaislha.  De  plus, 
le  muhùrta  Abhijit  (=Vidhi"  ou  Brahma")  est  le  huitième 
des  quinze  muhùrtas  de  la  journée,  ou  des  trente  muhûrtas 
qui  vont  du  lever  du  soleil  au  lever  suivant  ;  chaque 
muhrtrla  dure  48  minutes.  Donc,  au  moment  où  commence 
Abhijil,  7x4(>'  =  336  minutes  =  5  heures  et  36  minutes 
se  sont  écoulées  depuis  le  lever  ;  la  distance  de  la  lune  à 
Jyesllia  s'est  ainsi  réduite  d'un  peu  moins  de  3",  et  sa  posi- 
lioii  il  plus  (le  chances  encore  d'être  dans  la  région  du 
naksaliH  Rohini.  Au  reste,  s'il  s'agit  d'arguments  astrono- 
nii(|u«'s,  il  fuul  observer  que  la  solution  calculée  par 
hikshil  ('[  adoptée  par  Fleet  est  inconciliable  avec  l'inter- 
ralalion  d'AsAdlia  en  410  fournie  par  une  de  nos  inscrip- 


INSCRIPTION   DU   PILIER    DE   CHANGU   NARAYAN  9 

lions.  Si  386  samval  équivaut  à  628  çaka  courant,  449 
équivaut  alors  à  691  (;aka  courant  ;  or  cette  année-là,  il  y 
a  une  inlercalation  de  jyaislha  dans  le  système  vrai,  de 
vaiçâkha  dans  le  système  moyen,  mais  non  pas  d'âsâdha. 
Si,  comme  je  le  crois,  449  avec  son  âsàdha  intercalaire 
correspond  à  482  çaka  courant,  3S6  samvat  répondrait  h 
419  çaka  courant.  Or  le  premier  jyaistlia  de  419  caka  cou- 
rant, au  moment  où  le  soleil  se  lève,  la  lune  se  trouve  en 
Hohinî,  et  il  lui  reste  à  parcourir  ^,  de  lunaison  dans  ce 
naksatra,  autremenl  dit  elle  doit  y  rester  encore  pen- 
dant 12  heures  23  minutes.  Puisque  le  muhùrta  Abhijit 
commence  5  heures  36'  après  le  lever,  la  lune  est  encore  en 
Rohini  pendant  ce  muhiîrta.  La  date  du  pilier  de  Chanf2:u 
Narayan  correspond  dans  celle  hypothèse  au  mardi 
V'  mai496J.-C. 

Cette  date  ne  satisfait  pas  seulement  aux  données  astro- 
nomiques de  rinscription;  elle  est  aussi  en  harmonie  avec 
les  caractères  paléographiques.  D'ailleurs,  en  dehors  des 
considérations  particulières  que  j'ai  fait  déjà  valoir  ou  que 
j'aurai  à  signaler  dans  la  suite,  à  |)ropos  d'autres  inscrip- 
tions, un  fait  seul  suffit  à  classer  définitivement  Mànadeva 
avant  Am(;uvarman  ;  grâce  au  contrôle  oifert  par  Tinscrip- 
tion  du  Yag  bahal,  nous  sommes  assurés  maintenant  que 
le  (;rî  Màna  vihàra  compris  dans  la  liste  des  libéralités  d'Am- 
('uvarman  (Harigaon,  an  32)  est  bien  le  Mànadeva  vihâra, 
le  monastère  fondé  par  Màna  deva  à  Patan.  La  même 
inscription  désigne  aussi  un  Màneçvara,  un  Dhàrâ  Mâ- 
ne(;vara  qui  sont  probablement  des  fondations  pieuses  de 
Màna  deva.  Le  Mànagrha,  d'où  les  rois  Licchavis  après 
Màna  deva  datent  leurs  ordonnances,  et  ([ui  se  trouve  aussi 
mentionné  chez  Amçuvarman  (Marigaon,  an  30;  1.  10)  est 
sans  doute  le  palais  élevé  par  Mànadeva. 

Nota.  —  Dans  la  transcription  de  cette  inscription  comme 


10  LE   NÉPAL 

aussi  des  sui\anlcs,  j'indique  par  des  lettres  grasses  les  carac- 
tères qui  dans  1  écriture  originale  sont  tracés  au-<lessou8  de 
la  ligne  et  réduils  de  dimension;  ce  procédé  graphique  éc[ui- 
vaut  à  l'emploi  du  virama  dans  les  alphabets  modernes. 
L'ilaliquc  marque  les  lettres  douteuses. 


Te 


XTE. 


I 


I.   Sarnvait  386  jvaislliamâse  çuklapakse  pralipadi  i 
1^.   [Rojhinînaksattravukle   candramasi  muhûrttc  praçaste 
bhijiti 

3.  |(;rî]\atsânkila(lïplacâruvîpu[la]prodvrllava|k»a]slhalah 

4.  7  vaksahslanapadmabnhu[rucirahj  sma-pravrddhotsavah 

5.  [lrai]lokyabhrama\anlravarlti  TTT  vvâsanganilyo  vvayah 

6.  [dojlâdrau  niviisan  javalv  ani[mi|sair  abliNarccyamâno 

Harih  (i) 
"],    ::  tsâ  ::  Napratâpaviblia[vair  v\vri|\âmasaiiikscpakrt 
8.    |rnjâbhri|d  Vrsadcxa  \[\  [anupamah  saJtNapralijnodavah 
().      .  :  sa\ilc\a(lïplakira[naih{  samyîigdhr[laih]  svaihsutaih 
iD.   vidxadbhir bbahugarv\ilairaca[palaih  ::]  vinîtâtmabhih 

(■>■) 

I  I .    [la|sNâbhrit  taïuiNab  sainrddha[visaj\ah  sankhyesv  ajeyo 
ribbib 

L.  "1.  r>ha^\anlal  Iraiisrril  à  t<»r(  nnksittin. 

L.  i.  La  syllahe  stn  v^[  lisible  sur  rcslainpaj^e  après  raksnlj.  La  con- 
jp(*liin>  .s///^/|///r|  (le  Biia^vanlal  me  parait  impossible  à  concilier  avec  les 
traces  visi!»les  sur  j'eslaiiipa^'e. 

L.  .*».  La  s\llab(*  /7//se  lit  assez  rlairenienl  après  ynntrani. 
L.  <>.  Lr  far  siinile  de  r>lia^'\aiilal  redouble  bien  lecde  "arccya^  ;  mais 
sa  (ranscriplion  en  dévanai^ari  poile  par  erreur  "rn///". 

L.  H).  La  ((mjtM'hne  d<' Uba^'vanlal  khyâtair  vinltâ"  est  inacceptable, 
rar  nn  aurait  eu  ///;//'»  avee  redoublenienl  du  r  après  r. 


INSCRIPTION   DU   PILIER    DE   GHANGU    NARÂYAN  1  1 

12.    [râjûj  Çankaradeva  ity  apa  Ttt  llpradah  salyadhîh 

i3.    77  vikramadânamânavi[bhavai]r  llabdhvâ  yaçah  puska- 

lam 
i^-    777^  raraksa  gîîm  ablii[niatalr  blii]t\al[r  inrgcjndropa- 

rnah  (3) 
i5.    [lasyâjpy  uUamadharmmakarmmaya  "777T  vid  dhârm- 

mikah 
i6.    [dha]rmmâ[lmâ]  vinayepsurutla[magunah  çrî  Dhajrm- 

madevo  nrpah 

17.  [dha]rmmenaiva  kulakramâgata  V777t  râjyani  mahat 

18.  s[pin]tïkrlya  navair  nnrparsicari  77  bhâvya  ccto  nrnâm 

(_4)  ■ 

19.  [rejje    sa[tlvâni]çiibhih    surânu    7T7  h   sampan naman- 

trarddliibliih 

« 

20.  7  mâvâ  7  viçuddhadehahrdayaç  candradyutihpârtthivah 

21.  [pa]tnï  lasya   viçuddhavaiiiçavibhavâ  çrï  Râjyavaly  ul- 

tamâ 

22.  7  nâ  7Y  bhaval  7  kulaçu  7  r  llaksmïr  i[vâ]gryâ  Hareli  (5) 

23.  777T  rater  yyaçomçubhlr  Idam  [vjyâbhâsya  krlsnan  ja- 

gat 

24.  yâti  sma  Iridivâlayan  narapalâv  udvânavâtrâm  iva 
!«5.    pramlânâ  jvaravilivalâ  kulaja  77  nekamandâ  tadâ 

2().    dcvâlmravidhikriyâsv  abhiralâ  ladviprayogât  piirâ  (6) 


II 


1.  devï  Uâjyavalï  tu  tasya  nrpatcr  bhâryyâbhidhânâ  salï 

2.  çrîr  evânugatâ  bhavisyati  tadâlokânlarâsanginï 

3.  yasyiln  jâta  Ihânavadyacaritali  çrï  Mânadcvo  nrpah 

4.  kântyâ  çâradacandramâ  iva  jagat  prahlâdayan  sarvvadâ 

(7) 

5.  pratyâgatya  sagadgadâksaram  idan  dïrgghain  vlniçvasya 

ca 


12  LE   NÉPAL 

G.   premnâ  putram  uvâca  sâçruvadanâ  yâtah  pila  le  divam 

7.  hâ  pulrâslamite  tavâdya  pitari  prânair  vrilla  kim  marna 

8.  râjyam  pulraka  kârayâham  anuyâmy  adyaiva  bharttur 

ggalim  (8) 

9.  kim  me  bhogavidhânavistarakrtair  âçâmayair  bbandha- 

naih 

10.  mâyâsvapnanibhe  samâgamavidliau  bharllrâ  vînâjïvilum 

1 1 .  yâmîty  evam  avastliitâ  khalu  tadâ  dïmllmanâ  sûnunâ 
13.   pâdau  bhaklivaçân  nlpïdya  çirasâ  vijnâpilâ  yalnalah  (g) 
i3.   kim  bhogair  mmama  kini  lii  jïvitasukhaislvadviprayoge 

sali 
i/|.   prânân  pQrvvam  alian  jahâmi  paralas  Ivam    yâsyasïlo 

divam 
i5.   ilycvam     mukhapankajânlaragalair     nnelrâmbumîçrair 

dnlliain 

16.  vâkyapâçair  vvihagïva  pâçavaçagâ  baddhâ  lalas  laslhusï 

(10) 

17.  salpulrena  saliamddhvadehikavidhim  bliarlluh  prakrly- 

îîtmanâ 

18.  çïlalyâgadamopavâsaniyamair  ekântaçuddhâçayâ 

i().    [vij|)rebhy()  pi  ca  sarvvadâ  pradadalî  ladpunyavrddhyai 

dlianam 
20.    tasiliaii  laddlirdavâ  salï  vralavidhau  sâksâd  ivârundhatï 

(■■) 

^n .   pulro   py  rirjjilasallvavikramadhrtih   ki^^ânlah  prajâval- 

salali 
\>.9..    karllâ   naiva    vikatllianali   smilakalhali   pûrvvâbliibhâsî 

sadâ 
'2-^.   lejasvï  lia  ca  garvvito  na  ca  parâm  lokajnalân  nâçrilah 

L.  <i.  \a'  tn  final  de  (limm  est  claiieiiicnl  tracé:  c'est  par  erreur  que 
Klia^^vanlal  lit  ot  Iraiiscrit  divnw. 

L.  Ii).  Hlia^xaiilal  Iranscril  en  dévanagari  hhotjnir  marna  sans  redou- 
bler le  m  après  le  r:  mais  son  facsirnilé  corrige  lui-même  cette  inexac- 
litud(>. 

L.  17.  La  lecture  "atmatiah,  chez  Bhag\anlal,  est  certainement  fautive. 


INSCRIPTION   DU   PILIER   DE   CHANGU    NARAYAN  13 

24.   dïnanâthasuhrt  priyâtithijanali  pratyarlthinâm  mânanut 

(12) 


III 


1 .  asirâpâstravidhânakauçalaganaih  prajnâtasatpaurusali 

2.  çrïmaccârubhujah  pramrstakanakaçlaksnâvadâtacchavih 

3.  pînâmso  vikacâsilotpaladalaprasparddliamâncksanah 

/|.   sâksât  kâma  ivângavân  narapalih  kânlâvilâsotsavali  (i3) 
f).   yûpaiç  cârubliir  ucchritair  vvasurnatî  pitrâ  inamâlanki  ta 

6.  ksâltrenâjimakliâçrayena  vidhinâ  dîksâçrito  ham  sthitah 

7.  yâlrâni   praty  arisanksayâya   tarasâ  gacchânii   pQrvvâii 

diçam 

8.  ye    câjnâvaçavartllno    marna   nrpSh    samsliiâpayisyâmi 

iân  (i^) 

9.  ilyevan  jananîm  apctakalusâm  râjâ  pranamyocivân 

10.  nâinbâniriyam  ahan  lapobhir  arnalaili   çaknomi  yâluin 

pitub 

1 1.  kin  tv  âptena  yathâvad  asliavidhinâ  talpâdasainsevayâ 

12.  Aâsyâmïti  tato    inbayâlimudayâ  daliâbhyanujno  nrpah 

(.5) 

1 3.  prâyât  pQrvvapatbena  lalraca  çathâ  ye  pQrvvadcçâçrayâli 
I  fi.  sâmantâli pranipâtabandhuraçirahprabbrastamaulisrajah 
1 5.  Iân  âjûâvaçavartlino  narapatib  samsthâpya  lasmât  punali 
iG.   nirbhîh  siinbaivâkulolkatasalahpaççâdbhuvanjagniivân 

(16) 

17.  sâmantasya  ca  latra  dustacarilam  çrulvâ  çirah  kampayan 

18.  bâliuin  hastikaropamain  saçanakaili  sprstvâbravïdgarv- 

vilam 


L.  i.  L*estampage  porte  très  clairement  saipaurusah  au  lieu  du  mtvo- 
ru\bhih]  de  Bhagvanlal. 

1^.  48.  Les  deux  syllabes  portées  au-dessus  de  la  ligne  18  sur  le  fac- 
similé  de  Bhagvanlal  ne  correspondent  à  rien  dans  Toriginal. 


14  LE   NÉPAL 

i<).   âhnto  >adi  naili  vikrainavavâd  esyaly  asau  me  vaçam 

20.  kiiii   vâkyair  bbahubhir  vrlhûtra  gadiiaih  samksepatah 

kaltliyalo  (17) 

2 1 .  adyaiva  priyamâtuloruvisamaksobhârnnavasparddhinîin 
9.'j>.  bbîmûvarttalarangacaricalajalân  tvan  gandakîni  utlara 
2.S.  sannaddbair  vvaravâjikurijaraçalairanvemitïrltvânadïin 
2/1.  Ivalsenâmiti  niççayân  narapaiis  lïrnnapralîjnas  tadâ(i8) 
^5.  jitvâ  Mallapurîn  tatas  tu  çanakair  abbyâjagânia  svakam 
2(i.  deçain  prîtamanâs  tadâ  khalu  dbanam  prâdâd  dvijebhyo 

ksavam 
27.    râjnï  Ilâjyavatï  ca  sâdliuinatlnâ  proklâdrdbain  srinu[nâ] 
:;.8.   bbaklyâniba  Ivain  api  prasannabrdayâ  dânam  prayac- 

chasva  l[al]  (19) 


Thaduction. 


1 

(1-2).  An  38G,  mois  de  Jyaislba,  quinzaine  claire,  premier 
jour  de  la  lunaison,  i,  la  lune  élanl  associée  au  naksatra 
Hohinî,  au  temps  favorable  d'Abhljil'. 

L.  lî).  L'estampage  porle  claireiiu'nl  la  forme  correcle  esyâty,  au  lieu 
de  la  liM'lurc  t'ryaty  de  niiagvanlal. 

L.  "IH.  niiagvanlal  lit  à  tort  vridhJtruaditaih.  Les  caractère»*  irtfuUra 
sont  très  nets. 

l.  L'épitluHe  de  prantsta  «  vanté,  recommandé  >>  a|)|di(|uée  à  Abhijit 
n'est  point  un  simple  orn«»ment  littéraire,  l^n  vers  du  Malsya  Purâ^a, 
cité  par  le  Çabdakalpa  druma  où  (loldstiicker  l'a  emprunté,  recoin- 
manch*  «'xpressément  l'heure  d'Ahhijit  |K)ur  les  donations  : 

apnrâhuc  tu  sanipràitti'  Ahhijidlinuhhmlnye 
ydd  (itni  dh/atr  jtmtoa  lad  nkuiyam  udâhrUim. 

«  Quand  l'aprés midi  arrive,  si  Abhijit  se  produit  en  Rohinl.  le  don  qu'on 
fait  alors  est  déclaré  injpérissable.  » 


INSCRIPTION   DU   PILIER   DE   CH\NGU   NARAYÀN  15 

I.  Le  Çrîvatsa  est  empreint  sur  Téclat  gracieux  de  sa  large 
et  vaste  poitrine;  sa  poitrine,  ses  seins,  ses  bras  (des  lotus  I) 
resplendissent;  il  met  en  fête...  ;  les  trois  mondes  sont  la 
machine  à  rotation  qu'(il)  fait  tourner.,  pour  sa  distraction 
continuelle,  lui,  l'Inipérissahle.  Le  Doladri  est  sa  résidence. 
Vive  celui  qu'adorent,  les  yeux  toujours  ouverts,  [les 
dieux],  Ilari! 

2 par  sa   majesté,  par  ses  richesses,  il  réduisait  ses 

efforls  ;  tel  était  le  roi  Visadeva,  Tincomparable  ;  sa  pro- 
messe se  vérifiait  dans  ses  efTels;  comme  le  soleil  Test  de 
rayons  éclatants,  il  était...  de  ses  fils  Lien  maintenus, 
savants,  très  fiers,  sans  caprices,  soumis  à  la  discipline. 

3.  Son  fils,  maître  d'un  empire  prospère,  invincible  à  ses 
ennemis  dans  les  combats,  fut  le  roi  nommé  Çankaradeva,.. 
très  libéral,  cœur  sincère...  par  sa  vaillance,  sa  charité, 
son  honneur,  ses  richesses,  il  acquit  une  pleine  gloire;.,  il 
protégea  la  terre  par  des  lieutenants  estimés,  pareil  au  roi 
des  fauves. 

4.  Son  (fils),  excellent  en  vertus,  en  actes ,  savant,  sou- 
mis à  la  Loi,  ou  plutôt  la  Loi  môme,  aspirantà  la  sagesse, 
excellent  en  qualités,  fut  le  roi  Dharmadeva.  La  loi  même 
Tavait  désigné  pour  hériter  d'un  grand  royaume  ;  sa 
sagesse  enrichit  1  histoire  des  saints  royaux,  en  réjouissant 
le  cœur  des  hommes. 

0.   Il  rayonnait  le  bien  ;  ...  aux  dieux,  ses  desseins,  ses  succès 

étaient  parfaits  ;   il  avait  la  pureté  du  corps  et  du 

cœur;  ce  prince  brillait  comme  la  lune.  Son  épouse  qui 
avait  la  pureté  de  la  race  et  des  richesses,  était  Texcellente 
Hajyavatî comme  la  Laksmî  excellente  de  Ilari. 

G.  Après  avoir...  des  rayons  de  sa  gloire  illuminé  le  monde 
entier,  le  roi  des  hommes  partit  au  séjour  du  ciel,  comme 
à  une  promenade  de  parc  ;  défaite,  agitée  de  fièvre...  elle 
s'alanguit,  elle  qui  se  plaisait  aux  rites,  nourriciers  des 
dieux,  avant  qu'elle  fut  séparée  de  lui. 


16  LE   NÉPAL 


II 


7.  La  reine  Râjyavalî,  qui  porte  le  nom  d*épouse  de  ce 
roi,  sera  en  réalité  Çrî  en  personne  venue  à  sa  suite  en 
clierchanl  une  occasion  de  le  regarder,  elle  en  qui  est  né 
le  héros  irréprochable,  le  roi  Mûnadeva,  qui  —  tel  l'astre 
lunaire  en  automne  —  rafraîchi!  le  monde  en  tout  temps. 

8.  Klle  \inl  le  trouver,  dos  sanglots  dans  la  voix,  avec  de 
longs  soupirs,  le  \isage  plein  de  larmes,  et  elle  dit  h  son 
nis  avec  tendresse  :  «  Ton  père  est  parti  au  ciel  !  Ahl  mon 
(ils  I  maintenant  que  ton  pore  s'en  est  allé,  qu'ai-je  à  faire 
de  la  vie  ':)  Exerce,  mon  cher  fds,  la  royauté  I  Moi,  dès 
aujourd'hui,  je  vais  suivre  ton  père. 

<).  Qu'ai-je  à  faire  des  chaînes  de  Tespéranco.  fabriquées 
par  riniinio  variélo  des  plaisirs,  pour  vivre  sans  mon 
opoux,  dans  ce  mondoon  la  rencontre  a  l'air  d'une  illusion 
ou  d'un  ro\c.  Je  m'en  \ais  !  »  Ainsi  résolue,  son  fils 
allristé  lui  pressa  les  pieds  de  sa  tote,  par  alToctlon,  et 
l'avisa  ainsi,  non  sans  poino  : 

10.  ((  Qu'ai-je  à  faire  dos  plaisirs?  qu'ai-jc  a  faire  des  joies 
d(»  la  vie,  si  je  suis  séparé  do  toi.^  Je  >eux  otre  le  premier 
à  cesser  do  vivre  ;  après  moi  tu  partiras  au  ciel.  »  Ainsi 
|)arlant,  los  lacets  de  ses  paroles,  tendus  à  Tintérieur  du 
lotus  de  sa  bouche,  et  mtMés  avec  l'eau  des  larmes,  Tenvc- 
loppalont  comme  une  oisolle  qui  reste  prise  au  filet. 

1 1 .  Ku  oompagnio  de  son  (ils,  elle  accomplit  en  personne 
les  rites  funéraires  pour  son  époux  ;  la  vertu,  la  charité,  la 
chasteté,  los  jeunes,  los  saintes  abstinences  avaient  purifié 
le  fond  do  son  ocour  ;  elle  distribua  totalement  aux 
brahmanos  sa  fortune  pour  accroître  les  mentes  de  son 
époux  :  elle  n'a>alt  (|ue  lui  au C(our  pendant  les  cérémonies 
sacrées  :  t(*lle  Arundhatl  incarnée. 


INSCRIPTION   Dtl    PILIER   DE   CltANGll  NARAYAN  1  7 

12.  Et  son  fils,  trésor  de  vertu,  de  valeur,  de  noblesse, 
patient,  chéri  de  ses  sujets,  il  agit  sans  phrases,  il  sourit 
en  parlant,  il  est  le  premier  toujours  à  saluer,  il  est  éner- 
gique sans  orgueil;  on  ne  saurait  dire  qu'il  n  a  pas  atteint 
la  plus  haute  connaissance  du  monde  :  il  est  Tami  des 
affligés  et  des  orpheHns  ;  il  aime  ses  hules  ;  il  fait  oublier 
aux  solhciteurs  leur  susceplibilité. 


III 


i3.  Les  armes  de  jet  et  de  défense  qu'il  manie  avec  adresse 
font  connaître  sa  réelle  bravoure  ;  ses  bras  sont  majes- 
tueux et  gracieux  ;  Tor  poli  n'est  pas  plus  lisse  ni  plus 
clair  que  son  teint  ;  ses  épaules  sont  larges  ;  l'épanouisse- 
ment des  péiales  du  lolus  sombre  rivalise  avec  ses  yeux. 
On  croirait  qu'il  est  l'Amour  visible  et  incarné,  ce  roi  qui 
met  en  fête  la  coquetterie  des  aimées. 

i4.  c(  Mon  père  a  décoré  la  terre  des  piliers  élégants  qu'il  a 
dressés  ;  j'ai  reçu  moi-même  le  baptême  des  ksatriyas  dans 
la  pratique  des  batailles  ;  je  pars  en  procession  pour  détruire 
mes  ennemis  vers  la  terre  orientale,  bien  vite,  et  les  princes 
qui  reconnaîtront  mon  autorité  suzeraine,  je  les  installerai 
rois.  » 

i5.  C'est  en  ces  termes  que  le  roi  parla  à  sa  mère  sortie 
de  son  deuil,  incliné  devant  elle,  a  Non,  ma  mère  !  je 
ne  puis  m'acquilter  envers  mon  père  par  des  mortifi- 
cations sans  tache  ;  c'est  par  la  pratique  des  armes,  où 
je  suis  destiné,  que  je  pourrai  faire  honneur  à  sa  sainte 
mémoire.  »  Sa  mère,  toute  joyeuse,  lui  donna  son 
consentement. 

i6.  Le  roi  partit  alors  par  la  route  de  l'Est.  Et  là  tout  ce 
qu'il  y  avait  de  marquis  déloyaux  dans  les  provinces  de 
l'Est  dut  s'incliner  et  courber  devant  lui  la  tête  en  laissant 

m.  -  2 


18  LE   NÉPAL 

tomber  guirlandes  cl  diadèmes  ;  il  les  rendit  dociles  à  ses 
ordres.  Puis,  étranger  à  la  crainte,  comme  un  lion  qui 
agile  sa  massive  crinière,  il  s'en  alla  vers  la  terre  d'Ouest. 

17.  Apprenant  que  le  marquis  de  là  se  comportait  mal,  il 
agita  la  tôte,  toucha  lentement  son  bras  *  qui  semblait  une 
trompe  d'éléphant,  et  dit  fièrement  :  «  S'il  ne  vient  pas  à 
ma  sommation,  il  faudra  bien  qu'il  se  rende  à  ma  valeur. 
A  quoi  bon  de  longs  discours  ?  Je  le  dis  en  bref. 

18.  ((  Aujourd'hui  même,  ô  frère  de  ma  mère,  toi  qui  m'es 
cher,  traverse  la  Gandakî,  si  large,  si  agitée  qu'elle  rivalise 
avec  l'Océan,  avec  ses  tourbillons  formidables  et  ses  vagues 
ondoyantes.  Escorté  de  chevaux  et  d'éléphants  par  cen- 
taines, excellents,  caparaçonnés,  je  suis  ton  armée  en 
franchissant  la  rivière.  »  Sa  décision  prise,  le  roi  tint 
parole. 

19.  Ayant  conquis  la  ville  du  Malla,  il  s'en  retourna  par 
étapes  dans  son  pays;  et  alors,  le  cœur  joyeux,  il  donna 
aux  brahmanes  des  richesses  inépuisables.  Et  la  reine 
Râjyavalî  fut  ainsi  interpellée,  d'une  voix  ferme,  par  son 
fils  vertueux  :  «  D'un  cœur  serein,  ô  ma  mère,  donne, 
toi  aussi,  dévotement  ceci  en  oflrandc!  » 

i.  Le  preste  indiqué  a  sans  doute  la  valeur  d'une  attestation.  C'est 
ainsi  que  le  Bouddha,  à  l'heure  de  la  crise  suprême,  touche  la  terre 
pour  la  prendre  à  témoin  (J)hïimi  spaira  mudrà).  Manu  (Vlll,  413) 
enseigne  ((ue  le  juj^'c  «  doit  faire  prêter  sernient  au  ksalriya  sursa  mon- 
ture ou  sur  ses  armes  »  et  les  connnentateui*s,  cités  par  Bi'ihler  ad  loc. 
expliquent  que  «  le  ksatriya  doit  toucher  les  objets  indiqués  en  disant: 
«  ^Ui'ilîs  me  deviennent  hors  d'usage  si  je  mens!  » 


II.  —  INSCRIPTION  DE  LAJANPAT 


Lajanpat  est  un  hameau  situé  à  TEst  de  Katmandou. 
L'inscription  est  tracée  au  bas  d'une  sorte  de  tablette  de 
pierre  qui  se  dresse  encore  au  milieu  des  champs.  La  table, 
qui  mesure  environ  0'",65  de  large  sur  0"",70  de  haut,  porte 
une  composition  en  relief,  où  les  gens  du  pays  croient 
Teconnaître  et  vénèrent  une  Yoginî.  En  fait  l'image  repré- 
sente, comme  en  fait  foi  la  dédicace,  un  «  Visnu  Vikrân- 
tamûrti,  adoré  par  les  dieux  et  les  sages  ».  Le  dieu,  cou- 
ronné d'une  mitre  (mukutii)  possède,  contre  l'usage 
ordinaire,  quatre  paires  de  bras;  un  des  bras  de  droite 
porte  le  disque,  un  autre  la  massue  (gadâ)  ;  un  autre  vient 
s'appuyer  sur  la  cuisse.  Les  jambes  s'ouvrent  h  grand 
écart,  comme  il  convient  au  dieu  qui  couvrit  le  monde  en 
trois  pas;  un  des  pieds  pose  sur  la  base  du  tableau,  l'autre 
s'élance  vers  le  ciel  y.  la  photo.  II,  101), 

Dans  l'angle  inférieur  de  droite  se  déroule  le  ])rologue 
du  miracle.  Le  roi  Bali  verse  l'eau  qui  consacre  la  dona- 
tion sur  les  mains  d'un  nain  (vàmana);  derrière  le  roi,  sa 
femme  et  deux  serviteurs,  dont  l'un  conduit  un  cheval, 
tandis  que  l'autre  est  accroupi.  Au-dessus,  un  personnage 
qui  se  renverse  dans  une  attitude  expressive  de  chute  est 
sans  doute  encore  Bali,  précipité  du  pouvoir.  D'autre  part^ 
sous  les  bras  droits  du  dieu,  Laksmî,  portée  sur  un  lotus 


20  LE  NÉPAL 

rond  (padma),  et  tenant  dans  sa  main  un  lotus  en  pinceau 
(utpala).  Derrière  elle,  Garuda,  les  ailes  éployées,  age- 
nouillé, les  mains  jointes  en  adoration  sur  la  poitrine.  Un 
Nâga,  dont  la  longue  aigrette  se  reploie,  soutient  sur  son 
bras  les  doigts  de  pied  du  dieu'. 

Tout  le  morceau,  enlevé  avec  une  véritable  bravoure, 
montre  Thabilelé  des  sculpteurs  népalais  vers  Tan  500  de 
l'ère  chrétienne.  Dans  la  pénurie  générale  des  données 
chronologiques  relatives  à  Tlnde,  cette  pierre  datée  fournil 
un  utile  repère  à  Thisloire  de  la  sculpture  indienne  et  de 
ses  écoles. 

L'inscription  de  la  dédicace,  en  deux  lignes,  occupe 
toute  la  largeur  de  la  base  ;  les  caractères  ont  une  hauteur 
moyenne  de  0'",007.  L'écrilure  est  identique  à  celle  des 
autres  inscriptions  de  Mânadcva.  L'inscription  est  rédigée 
en  sanscrit  correct.  Elle  est  disposée  sur  le  type  des  autres 
dédicaces  du  règne  :  en  tête  la  date  ;  puis  une  stance,  ici 
dans  le  mètre  compliqué  de  la  sragdharà.  L'indication  du 
mois  et  du  quantième  est  rejetée  en  dehors  du  vers,  à  la 
fin.  Le  nom  du  roi  Mânadeva  est  associé  à  celui  de 
sa  mère,  Hâjyavatî,  comme  sur  le  pilier  de  Changu- 
Narayan,  qui  est  daté  de  Tannée  précédente  (ou  de  trois 
ans  plus  tôt);  c'est  au  profit  de  la  reine-mère  que  la 
sculpture  est  étabhe. 

L'image  est  sans  doute  une  de  celles  que  la  tradition, 
consignée  dans  la  Vamçàvalî,  assigne  à  la  piété  de  Râjya- 
vatî  (IL  98). 

La  date  est  figurée  en  lettres  numérales,  très  nettes  sur 
la  pierre,  sauf  le  chiffre  des  unités,  qui  peut  être  lu:  9. 


i.  La  l«'^'en<lo  de  Bali  et  du  Nain  est  incontestablement  vichnouîte; 
mais  clli»  n'est  pas  étrangère  au  bouddhisme,  tout  au  moins  au  boud- 
dhisme népahiis,  si  hirj^emenl  syncrélitjue.  Elle  est  contée  tout  au  long 
dans  le  Kàranda  vyûha  (manuscrit  de  la  Bib.  Nat.,  Burnouf  9i,  p.  23»  sqq.) 


INSCRIPTIOiN   DE    LAJANPAÏ  21 


Texte.  ■ 

Samvat  3oo  80  7  mâtuh  çrï   Râjyavalyâ  "TTTT   nadeh  1 

sarvvadâ  punyavrddhyai  râjâ   çrï    Mânadevaç   çubha 

vimalamatih   (Ymbhâ)  Ytt  (|)   ^âtadi ,  iâmhlvdvûbhuh 
TTTdâYyitvâ    natrham   ilia   gliaTsthâTyâm   âsa  samyak 

visnum  vikrânlamQrllimsuramunimahilam  satvalokai- 

■   •  •  •  • 

kanâthain  (||)  vaiçâkha  çukla  .77 


Traduction. 

I.  Samvat  387.  Pour  l'accroissement  des  mérites  de  Râjya- 

vatî,  sa  mère le  roi  Manadeva  à  la  pensée  bonne 

et  pure 

2 (a  élevé)  un  Yisnu  dans  Tattitude  des  (trois)  pas, 

exalté  par  les  dieux  et  les  sages,  l'unique  protecteur 
du  monde  des  créatures.  Quinzaine  claire  de  vaiçâkha, 
le 


L.  2.  C'est  à  M.  Thomas  que  je  dois  la  lecture,  presque  certaine, 
sth4i[pa]yâm  usa  au  lieu  de  sthd  ^  nam  apa  que  j'avais  donné  dans  le 
Journ.  As. 


I 


m.  —  INSCniPTION  DU  TO-BAHAL  A  KATMANDOU 


L'inscription  du  To-bahal  csl  gravée  sur  un  socle  à  demi 
enfoui  dans  le  sol,  àrintérieur  de  Katmandou,  tout  près  de 
la  porte  orientale.  Le  socle  porte  aujourd'hui  une  statue 
de  Mahfikàla  (vulg.  Mahenkal)  reconnaissable  à  sa  cou- 
ronne de  têtes  de  mort,  à  son  sceptre  que  surmonte  le 
vajra,  surtout  h  la  pochette  (bourse  ou  demi-citron)  qu'il 
tient  à  la  main,  et  au  serpent  qui  lui  entoure  le  cou  et  lui 
cercle  les  reins.  On  ne  peut  admettre  que  ce  soit  là  la  sta- 
tue originale,  puisque  la  dédicace  mentionne  Timage  d'un 
Indra  Divàkara.  Au  reste  j'ignore  quelle  divinité  a  pu  être 
désignée  sous  ce  nom,  et  s'il  s'agit  d'un  dieu  hybride,  à 
caractère  double,  tel  que  le  Sûrya-Vinàyaka  du  Népal  mo- 
derne. 

L'inscription  est  tracée  sur  trois  lignes,  la  dernière  in- 
complète ;  les  deux  premières  ont  une  longueur  de  0"',60  ; 
les  lettres  ont  une  hauteur  moyenne  de  0'",01.  Dans  son 
ensemble,  elle  rappelle  étroitement  l'inscription  n"  2  de 
Bhagvanlal,  qui  date  de  on/c  ans  plus  tard.  Le  caractère 
paléographique  est  exactement  le  même  et  ne  provoque 
|)as  de  romîiniue.  Klle  est  également  en  sanscrit,  et  aussi 
disposée  de  la  même  manière  :  Kn  tête  la  date  ((samval 
402»;  puis  la  dédicace  en  deux(;lokas;  entin,  en  prose, 
l'indication  du  bien-fonds  attribué  à  la  donation.  La  date 
est  expi'imée  en  lettres-numérales.   La  mention  complé- 


INSCFUPTIOiN    DU    TO   lUIlAL   A    KATMANDOU  2.3 

mentaire  du  mois  et  du  jour,  contenue  dans  le  premier 
vers,  ne  fournit  pas  de  données  qui  permettent  la  vérifica- 
tion. 

Le  fondaleur  de  la  statue  est  un  marchand,  chef  de  cor- 
poration, Guhamitra.  Le  terrain  cédé  se  trouve  dans  une 
localité  {prtfdeça)  qui  porte  un  nom  purement  névar,  d'une 
lecture  assez  incertaine.  Les  indications  relativesau terrain, 
énoncées  en  prose,  contrastent  par  leur  gaucherie  et  leur 
incorrection  avec  le  style  aisé  et  pur  des  vers  de  la  dédi- 
cace. 


T 


EXTE. 


1.  [saiiivajt  /|(K)  2  (l|)  nljnah  çrï  Mânadcvasya  samyak  pâla- 

jato  niahïm  (|)   âsâdhaçuklasya  litliau  pancadaçyâm 
çubhârllhiiiâ  (i) 

2.  vanijâin   sârtlhavâhena  duhamltrena  bhaktllali  (|)  sam- 

slhâpilo  Ira  hhagavân  Iiidro  nâma  dîvâkarah  (2)  kse- 
Iraiii  yalhâgrunpadçuin-pradeçe 

3.  çatasya  bliûmili  piiidakamâni  ca 


L.  '2.  \a'  nom  de  la  localité  est  doiiloiix.  Le  second  caraclère  du  nom 
peul  èln»  //«»/,  ou  nu'me  Uhâ  ou  Uhu.  Le  troisième  est  certainement 
un  f/  ;  uuiis  du  |>ied  de  la  liarufx'  se  détache  un  trait  ol)li(|ue,  à  an^de 
ni;:u,  lr*o|>  net  pour  élre  considéré  comme  une  cassure,  et  qui  donne 
au  f/  la  \aleur  f//i  dans  l'inscription  de  Bilsad  ((if.  Bi  iu.f.r,  Pfilco(jr., 
lahie  IV  ;  l.  9,  col.  IV).  Mais,  à  la  li^nu^  1^  de  notre  inscription,  le  même 
Irait  est  combiné  avec  ïii  de  bh  pour  marcjuer  l'allonj^ement  dans 
hhûmlh. 

L.  3.  Le  «;roup(;  s//^/,  dans  ratast/a  est  douteu.x.  —  LU  bref  final  de 
"luJni  est  probablement  à  corripM*  en  f.  —  Le  mot  ca  est  tracé  à  un  in- 
Icrvalle  d«*  0'".0-i  de  la  leltre  précédente. 

l*our  l'i'xpression  iiiuthikniuiiui,  cf.  inscription  Bhaj^v.  n**  11,  de  .lisnu- 
^'upla,  1.  1K:  arUijtiuihnuJniUàuàm  Ithûh  \  et  aussi  Hba'^v.  n"  î).  aussi  de 
Jisnu^Mipla,  1.  11  \'l  iiiiujiilnnu  i/iHistifnlirtya  où  Bba};vanlal  nu*t  en  note  : 
npiuiinlid,  w  hicli  isa  s\non\  m  of  the  more  counnon  tjràs  .semés  to  dénote 
a  sliare  of  tlie  product?  of  llie  lield  ». 


2i  LE   NÉPAL 


Traduction. 

L'an  /|02.  (Au  temps)  où  le  roi  Mânadeva  gouverne  juste- 
ment la  terre,  le  quinzième  jour  du  mois  asâdha,  quinzaine 
claire,  par  désir  du  bien,  Guhamilra,  chef  d'une  corporation 
marchande,  a  dévotement  élevé  ici  sous  le  nom  d'Indra  un 
saint  Divâkara. 

(Il  lui  a  assigné  comme  revenu)  un  champ  dans  la  localité 
de  Yathagûmpadçum (?),  de  (la  valeur  de)  cent  (panas?)  et 
une  terre  d'une  mesure  de  pindaka. 


IV.  —  INSCHIPTION  DU  PIUEH  DE  IIARIGAON 


llarigaon  esl  un  village  situé  à  une  lieue  Est  de  Kat- 
mandou. Le  site,  qu'aucune  légende  locale  ne  consacre  (à 
ma  connaissance,  du  moins)  a  dû  cependant  connaître 
autrefois  des  jours  glorieux.  J'y  ai  recueilli  en  effet,  outre 
l'inscription  du  pilier,  deux  stèles  du  roi  Ainçuvarman.  Le 
pilier  (y.  la})hotographie,  //,  p,  119)  est  situéiiTEstet  en 
dehors  du  village,  au  pied  du  talus  qui  porte  Ifarigaon  et 
qui  descend  en  pente  rapide.  En  janvier  et  en  février,  je 
trouvai  ce  pilier  entouré  d'une  flaque  d'eau  qui  en  rendait 
Taccès  difficile  et  qui  compliqua  fâcheusemetitla  tâche  de 
Testampage;  il  fallait  se  cramponner  d'un  bras  au  pilier 
pour  étendre  et  battre  le  papier  de  l'autre  bras.  Un  petit 
tertre,  qui  borde  la  flaque  d'eau,  porte  une  chapelle  rudi- 
mentaire  où  gisent  des  débris  mutilés  de  sculptures  an- 
ciennes, recueillis  dans  les  champs  voisins.  Le  prêtre 
(pûjclrî)  qui  en  a  la  garde  ne  sait  rien  de  leur  provenance 
réelle  ni  de  leur  histoire. 

Le  pilier  dans  l'ensemble  est  en  bon  étal,  mais  l'inscrip- 
tion a  souffert.  Elle  n'occupe  pas  moins  de  73  lignes,  mais 
les  vingt  dernières  lignes  sont  seules  intactes  ;  les  trente 
lignes  qui  précèdent  (24-54)  sont  tronquées,  et  souvent 
des  deux  extrémités.  Le  reste  a  disparu  en  grande  partie, 
à  tel  point  même  que  des  dix-sept  premières  lignes  il  sub- 
siste à  peine  les  syllabes  finales.  L'écriture  couvre  au  total 


20  LE   NÉPAL 

iino  haulourde  r",0o  sur  une  largeur  de  0'",28  ;  la  hauteur 
movenne  des  lettres  est  de  0'",008,  et  riiilervalle  uiovcu 
des  li};n(\s  de  0'",01G. 

Les  caraclères,  Iraeés  et  f^M'avés  avec  soin,  sont  du  type 
(iupla.  A  défaut  d'une  date  |)récîse  que  rinscriplion  ne 
fournit  pas,  les  doiniées  paléojifraphiques  fournissent  uu 
repère  solide  à  l'intérieur  d'une  série  bien  connue.  Parmi 
les  inseri|)tions  des  Guplas,  c'esl  au  type  oriental,  comme 
il  fallait  s'y  all(*ndre,  que  se  rattachent  les  caractères  de 
l'inscription  :  ils  sont  analofi;ues  et  presque  identiques  h 
ceux  du  piher  de  Kahàum,  dans  le  district  de  Oorakhpur, 
daté  (hi  rèjçne  de  Skanda  (lupta  et  de  l'an  141  (=400/1 
J.-C).  Dans  la  série  népalaise,  ils  se  rangent  avec  le 
};rou|)(î  de  Màna  (leva  (IlSii  j  ,  ère  locale  =  497 -f- J.-C, 
d'après  mon  hy[)olhèse)  et  de  Vasanta  deva  (435-1-,  ère 
locale — :5i0-i- J.-C,  /V/.),  en  coniraste  avec  le  groupe  de 
(;ivadeva(:J10  |et  non  ;n()|-f-ère  locale  =  027 -4- J.-C), 
d'Ani(;uvannan  et  de  ses  successeurs.  La  lettre  la  plus 
caractéi'isti([ue  est  la  ha,  frécpient  dans  notre  inscriplion 
(I.  !{,  2i,  20,  29,  ;{;{,  elc.)  et  qui  es!  toujours  ouvert  vers 
la  gauche  du  scribe,  tandis  qu'à  partir  d(»  Tivadeva  il  se 
retourne»  sur  son  a\(*  et  |)résente  régulièrement  son  ouver- 
ture* adroite.  Dans  le  la  (1.  57,  01,  etc.),  la  courbe  infé- 
rieine  se  rallache  direcleinenl  h  la  tige  verticale,  lundis 
([u'à  [)arlir  d'Ainçuvarnian  celle  courbe  se  relie  secondui- 
renuMit  [)ar  un  trait  fornianl  angle  droit  ou  angle  aigu  avec 
la  lig(».  Le  7/^/  porhî  sur  une  basi»  h  \)C\\  près  hori/onlale  el 
forme  à  gau(*he  une  boucle  entièrement  fermée,  tandis 
(|ue,  dans  les  iuscri|)lions  de  (jivadeva,  la  base  se  sépare 
en  deu\  parlies,  Tune  arrondie,  l'aulre  droite,  an  pied  du 
(rail  médian,  el  qu'à  parlir  d'AiiKinvarman  elle  s'urrondil 
en  deux  ciMM'bes  de  ni\(siu  diirérenl.  Le  f/ia,  le  dha  ila^si- 
neni  des  ovales  léguliers,  tandis  (pi'à  partir  de  Çivadeva 
la  ligne  de  d  roi  le  se  ledresse  verticalement  el  que  ces  deux 


INSCRIPTION   DU   PILIER   DE    HARIGAON  27 

lettres  prennent  ainsi  un  aspect  de  plus  en  plus  anguleux. 
Le  gha  (1.  72)  a  un  tracé  nettement  anguleux,  au  lieu  de  la 
forme  arrondie  qu'il  présente  chez  Çivadeva(inscr.  de  Dlia- 
rampur,  dernière  ligne).  Le  va  a  encore  les  trois  colés 
courbes,  et  surtout  le  trait  de  droite,  qui  s'est  transformé 
en  tige  verticale  dès  le  règne  de  Çivadeva.  Notre  inscrip- 
tion appartient  donc  certainement  au  vf  siècle  de  Tère 
chrétienne. 

Elle  est  rédigée  tout  entière  en  sanscrit,  et,  à  Texception 
de  la  dernière  ligne,  qui  forme  colophon,  en  vers.  Elle 
contient  trente-quatre  stances  en  mètres  variés  qui  attestent 
une  réelle  maîtrise.  Les  six  premières  (1-6),  à  en  juger 
sur  les  syllabes  finales,  seules  conservées,  sont  des  çlokas 
épiques  ;  puis  treize  en  upajàli  (7-20)  ;  une  en  rucirâ  (21)  ; 
deux  en  cikharinî  (22-23)  ;  deux  en  praharsanî  (24  25); 
une  en  manjubliâsinî  (26)  ;  deux  en  màlinî  (27-28);  deux 
en  sragdharâ  (29-30)  ;  une  autre  en  rucirà  (31);  trois 
autres  en  niâlinî  (32-34).  Le  style  porte  la  marque  de  la 
bonne  époque.  L'inscription  enrichit  notre  lexique  de 
quelques  mots  nouveaux,  d'une  formation  irrréprochable  : 
{du.y)prat'fp(idam y  1.  39  ;  npambandlut ,  au  sens  de  «  com- 
|)Osition  verbale  »  (ïb.^  ;  prapalif  (49)  ;  tnjalnianâ  (?  56)  ; 
niramhasani y  duritabhidcun,  lamoniumm  (()3)  ;  aparajasa  (66)  ; 
L'Hùjjiml  (65)  ;  hmijahena  (67)  ;  samvivehi  (69).  L'aoriste 
asrkmt  (37)  est  irrégulier,  sans  être  complètement  in- 
correct. 

La  graphie  est,  dans  l'ensemble,  1res  correcte.  Je  ne 
vois  guère  à  noter  que  l'omission  du  d  redoublé  dans 
sauknmtjâdurbodham  (57)  pour  sati/ismyCid  dur'\  et  b/iâvan 
(54)  pour  b/iavân.  Il  convient  aussi  de  remarquer  que  la 
muette  est  régulièrement  redoublée  après  un  /*,  comme 
c'est  l'usage  régulier  sous  les  Licchavis  jusqu'à  l'avène- 
ment d'Amçuvarman. 

A  la  suite  des  trente-quatre   stances,  un  colophon  en 


28  LE   NÉPAL 

prose,  d'une  seule  ligne,  désigne  rinscription  comme  un 
hymne  (stolra)  en  Thonneur  du  bienheureux  Dvaipàyana. 
DvaipAyana  est  un  des  noms  donnés  à  Tauleur  du  Mahâ- 
Bhc\rala.  Le  Mahd-Bhàrala,  qui  le  mentionne  à  maintes 
reprises,  en  donne  Texplication  étymologique  : 

evani  Dvaipùyano  jcijne  Satyavatyâm  Parùçaràt 
nyasto  dvipe  sa  ycid  hàlas  lasniâd  Dvaipâyanah  smrlah 
(i,  24i5). 

((  C'esl  ainsi  que  Dvaipàyana  naquit  de  Satyavatî  unie  à 
Pan\(;ara.  Comme  il  fut,  en  bîis  Age,  déposé  sur  une  Ile 
(dvîpa),  on  Tappela  pour  cette  raison  rEnfant-dc-rile 
(Dvaipàyana).  »  Le  nom  complet  est  Krsna  Dvaipàyana, 
avec  le  surnom  de  VyAsa  «  le  diascévasle  ». 

vh'yùsavcdùn yasmâl  sa  lasmâd  Vyâsa  ili  smrlah  (i,  2/117). 

((  Parce  qu'il  a  compilé  les  Vedas,  on  Tappelle  Vyàsa  ». 
Le  Mahâ-Iîliârata  |)arait  employer  indiiféremmcnl  ces 
noms  ;  cependant,  au  cours  du  récit  (car  le  poète  est  en 
môme  lemps  un  des  acteurs  de  Tépopée),  Tappellalion 
((  Vyâsa  »  semble  être  la  |)lus  communément  employée. 
Comme  auleur  du  poème,  le  personnage  reçoit  plutôt  la 
désignation  de  Krsna-Dvaipâyana,  témoin: 

KrsnaDvalj>(lyanapro/dah  sujnujya   vividhâh  kal/iâh 
(i,  10). 

anukramah\ 

panyidiliyànasya    vaklavyak    KrmaDvaipâyanerilah 

(l,   9.'M)[\)* 

KrmaDvaipâyaaenrdam    krtam  punyam  cikirsunû  (i, 
a3()9). 

Krsna Dvaipàyano  munih  \ 
intyoithilah   çucih    raklo  Mahdlihâralam    âdilah    (i, 

Les  deux  noms  ainsi   rapprochés  prennent  une  sorte 


INSCniPTION   DU   PILIER   OË   HAHIGAÔN  29 

d'uDÎlé  organique  où  le  premier  terme  perd  pour  ainsi  dire 
sa  faculté  de  flexion  indépendante.  Le  nom  de  Krsna  est 
très  rarement  employé  seul  pour  désigner  le  poète,  afin 
d'éviter  sans  doute  une  confusion  trop  facile  avec  le  dieu 
Krsna.  Je  Fai  ronconlré  pour  ma  part,  i,  o7  : 

anujMto  'tha  Krsnas  lu  Bralimanû.,, 

^  •  •   •  • 

dans  reloge  final  du  poème,  xvui,  183  : 

Krsnena  maninci  vipva  uirmitam  salyavâdinâ, 

(Je  rappelle  aussi  la  désignation  de  Kûrsna  Veda  donnée 
au  Mahâ-Bliàrata,  i,  268  =  2299.) 

Le  nom  de  Dvaipâyana,  au  contraire,  est  fréquemment 
employé  seul,  p.  ex.  i,  2105,  2415,  2443,  3802  (passage 
en  prose),  4235,  elc.  Je  ne  rapporterai  ici  que  des  pas- 
sages oii  Dvaipâyana  désigne  l'auteur  de  Tépopée  : 

Dvaipâyanena  yal  pvoldam  purânam  paramar.ùnd 

(i,  17).  ^ 

tad  ùkliyânam  varisl/iani  s(i  Icrlvâ  Ihmipâyanah  pra- 

Ùni/j  (i.  55). 
Dxmip(iy(utos{li(ipii{(iidhsrl(ini    cunrlain    nprameyani.. , 

(wni,  21 1). 

Et  c'est  aussi  sous  ce  nom  seul  que  le  poète  népalais 
glorifie  le  diantre  des  Pândavas.  11  n'est  pas  sans  intérêt 
dénoter,  au  point  de  vue  de  l'histoire  littéraire,  que  tous 
les  passages  du  Tantra-vàrttika  de  Kumàrila  cités  par 
Uiïlîler  (dans  son  mémoire  fondamental  Sur  l'histoire  du 
Mahâ-lJharata,  Vienne,  1892)  désignent  Tauleur  du  MahA- 
Blîîïrata  sous  le  nom  seul  de  Dvaipâyana  : 

VfdinlkiDvaipâycuuiprahhrtibhih, , ,  (p.  6). 
yalhû   M(dt(llihOr(d(iidnKtcnn(hiv(l/c/ty('uie  Dvnipùyane- 
noktam,,.  (p.  9). 


30  LE  NÉPAL 

Dvaipâyanâdayaç  câ/iuh,..  (p.  ii.)  [suit  une  citation 

du  Mahâ-Bharala]. 
yad  api  Dvaipdyanenoktam,,.  (p.  17)  [id,]. 

Lo  passage  d'un  commentaire  versifié  que  Kumârila 
rapporte  fait  de  même  : 

yâ  câpi  PCinduputrâm'un  ekapalnlviruddhalâ 

sâpi Dvaipâyaneiiaivavyulpâdyapralipâditâ. . .  (p.  12). 

La  particularité  frappe  d'autant  plus  que,  dans  les  deux 
passages  où  Kumârila  mentionne  le  môme  personnage 
comme  acteur  de  Tintrigue  épique,  il  le  désigne  sous  le 
nom  de  Krsna  Dvaipâyana  (p.  13)  et  de  Vyâsa  (p.  20).  U 
est  difficile  de  croire  à  un  simple  hasard.  L'auteur  de  notre 
inscription  a  sans  doute  choisi  de  propos  délibéré,  comme 
Tappellalion  la  mieux  appropriée,  le  nom  de  Dvaipâyana 
pour  célébrer  Tauleur  du  Mahâ-Bhàrala. 

Le  poète  népalais,  ou  du  moins  le  client  qui  paie  ses 
services,  n'adresse  pas  h  Dvaipâyana  un  hommage  désin- 
téressé. C'est  un  fils  qui  désire  la  réussite  pour  son  père 
et  qui  demande  à  cet  effet  la  protection  efficace  du  chantre 
épique.  Dvaipâyana  n'est  pas  invoqué  comme  un  dieu  ; 
c'est  plutôt  comme  un  saint  qu'il  est  sollicité  ici.  Nous 
ignorons  encore,  nous  ignorerons  toujours  peut-être,  quel 
genre  de  secours  ou  attendait  de  lui,  quelle  entreprise 
venait  ainsi  se  placer  sous  son  patronage.  Mais  ce  culte 
adressé  h  Dvaipâyaua  vers  le  vi"  siècle,  en  plein  Himalaya^ 
sur[)ren(l  par  son  caractère  singulier. 

Le  Mahâ-lîhâralalui-mème,  il  est  vrai,  divinise  son  propre 
auteur  : 

hrsndiJval/xiyaiiain]  yâsrmi  viddhi  ^ârdynnam  hhuvi 
/.o  /ly  atiyfdj  /turiisdryâfj/ini  M(diâli/iâralakrd  hhcivel 

(XII,  ïlV|î>,S)[adh>.  :i/i()j. 
((  KisnaDvaipâyana  est,  sache-le,  Nârâyana  (Visnu)  sur 


INSCRIPTION   DU   PILIER    DE    HARIGAON  31 

la  terre.  Quel  autre  en  effet,  ô  tigre  des  hommes,  pourrait 
être  Tauleur  du  Mahâ-Bhârata  ?  » 

Le  Visnu-Purâna,  m,  4,  5,  répèle  le  même  vers  avec 
une  variante  peu  importante: 

ko  hy  anyah  Pundarikâksâd  MaliâBhâratakrd  bhavei. 

Mais  l'apothéose  ici  semble  être  purement  littéraire.  Au 
XI*"  siècle  encore,  le  Cachemirien  Ksemendra,  qui  compose 
un  abrégé  du  Mahâ-Bhârata  et  achève  son  œuvre  par  un 
huitain  h  Vyâsa  ((  Vyâsâstaka  »  ne  célèbre  son  modèle  que 
comme  un  poète  de  génie.  C'est  au  \uf  siècle,  et  chez 
un  poète  jaina,  Amara  Candra,  que  Vyàsa  s'identifie 
à  Visnu.  Parmi  les  stances  liminaires  en  Thonneur  de 
KrsnaDvaipâyana  Vyâsa  qui  ouvrent  chaque  section  du 
Bî\la-Bh<\rata,  plusieurs  proclament  formellement  cette 
identité  : 

çamâmrte  viçramadhlr  viveça  yak  sa  pâiu  Pdrâçara- 

v'ujralio  Harili{\,  [\y  i). 
vaktum  jagatlâranakârancna  VyâsiUiavan  pâtu  sa  va 

Murdri/i  (viii,  i). 
PârCiçara/i  pnlu  sa  inâni  kimâlaçilidyutir  Daityahhido 

valârah  (\in,  i), 

Vyâsa  est  devenu  un  avatar  de  Visnu  ;  c'est  Visnu  lui- 
même.  Mais  cette  exaltation  suprême  est  le  couronnement 
logique  et  fatal  de  notre  liymne  népalais.  Dvaipâyana,  au 
regard  de  son  dévot,  n'est  pas  le  prince  de  la  httérature  ; 
c'est  un  véritable  prophète  qui  est  venu  découvrir  à  l'hu- 
manité les  secrets  essentiels  et  montrer  le  chemin  du  salut. 
((  Manu,  Yama,  Brhaspati,  Uçanas  ont  donné,  il  est  vrai, 
des  codes  de  lois  (v.  23),  mais  Dvaipâyana  a  étudié  l'his- 
toire des  rois  pour  en  tirer  des  exemples,  et  il  a  fait  le 
(Mahâ-)Bhârata  comme  un  livre  d'enseignement  (v.  24). 
Il  a  fait,  et  si  bien  !  le  (Mahâ-)Bhârata  pour  le  salut  du 


'M  LE   NÉPAL 

monde  (v.  26).  Comment  le  Veda  aurail-il  été  ici-bas,  sans 
le  (MahcV)Bl)ara[aqui  est  son  principe  (v.  12)?  Dvaipâyana 
est  radveisîiire  du  vice  ;  il  a  triomphé  des  faux  raison- 
neurs {h'Htârkika^  v.  14  et  21)  qui  combattaient  les  trois 
Vedas,  en  [)articulier  des  Bouddhistes  {Saugaia,  v.  11  et 
21).  11  a  tracé  la  roule  de  la  délivrance  (v.  25)  en  révélant 
rKtre  en  soi  (v.  27  et  suiv.),  TAtman  (v.  29).  » 

Le  pilier  de  Harigaon  vient  ainsi  confirmer  par  un  docu- 
ment authentique,  et  qui  remonte  deux  siècles  phis  haut 
que  Kuniclrila,  la  thèse  soutenue  avec  autorité  par  Biihler 
et  reprise  h  sa  suite  |)ar  Dahlmann.  L(î  ]\Iahâ-l{hA,rata  n'est 
|)as  une  épopée  ;  c'est  une  smrti,  un  traité  didactique  de 
morale  illustré  par  une  intrigue  épique  ;  guidé  par  son 
instinct,  ou  plutcM  par  la  vertu  des  traditions  inconscientes, 
le  génie  hindou  proclamait  réccîmment  encore  la  valeur 
éducative  (Ui  Mulul-Bhàrata.  Prolap  (Ihandra  Boy,  ce 
lîengali  enthousiaste  qui  consacra  sîi  vie  à  la  diffusion  du 
vieux  poènu»,  appelait  avec  raison  son  œuvre  de  propa- 
gande :  hûtavya-BhArala-Kâryàlaya;  pour  lui  comme 
pour  le  poète  népalais,  pour  Kumîlrila,  pour  les  doc- 
hMH's  et  les  lettrés  de  Hude  ancienne,  le  Mahft-Bhàrata 
devait  (Miseiguer  aux  Hindous  leurs  devoirs.  T/étaît  au 
resh»  la  préhMiliou  avouée  du  diascévaste  qui  compila 
ces  rhapsodies  épiques  ;  l(»s  témoignages  surabondent 
dans  loul  le  |)oème,  el  si  j\Mi  cile  quelques-uns,  c'est 
[)our  monhTr  surtout  à  quel  point  notre  stotras'en  inspire 
directemenl. 

Au  livre  I,  1,  v.  îi7  sqcj.,  VyAsa  fait  connaître  au  dieu 
Brahma  le  poème  qu'il  vient  de  composer;  il  le  repré- 
s(»nle  comme*  la  substance  des  Vedas,  des  Uihdsas  et  des 
Purànas : 

jfirûmrfyiihhayavyâfUtih/iârâlJiâvnvinircayah 
«  Virilh»ss(',  mort,  dangers,  maladie,  existence  el  non- 


INSCRIPTION   t>U   PlLlER  t)Ë   HARÎGAON  33 

existence  y  sont  nettement  définis.  »  (Cf.  v.   32  :  çamita- 
bhavabhayena,,.) 

On  y  trouve  toutes  les  sciences  pratiques,  et,  pour  les 
couronner  : 

yac  câpi  sarvagam  vasta  tac  caiva  pratipâdilam 

((  La  réalité  universelle  s'y  trouve  également  expliquée.  » 
(Cf.  V.  30  :  sarvagam  vyCipibhàvât  caitanyam,,.) 

I,  2299  : 

asminn  arthaç  ca  kâmaç  ca  nikhilenopadiçyate 
itiliâse  mahâpunye  buddhiç  ca  paranaisthiki 

((  En  ce  légendaire  de  grande  sainteté,  Tinlérêt  et  le 
désir  sont  pleinement  enseignés,  etaussilaraison transcen- 
dante. » 

1,  2305  : 

dharmaçdstram  idampanyam  arthaçâstram  idam  parant 
rnoksaçdstrani  idam  punyam 

«  C'est  ici  un  traité  du  devoir  fort  saint  ;  c'est  ici  le 
suprême  traité  de  l'intérêt;  c'est  un  traité  fort  saint  de 
délivrance.  »  (Cf.  v.  24,  25.) 

xvni,  211  : 

Dvaipâyanosthapulani/isrlam  amrtam  aprameyam 
panyam  pavitram  atha  pâpaharam  çivam  ca 

((  Des  livres  de  Dvaipàyana  a  jailli  Tambroisie  sans 
mesure,  sanctifiante,  purifiante,  destructrice  du  péché, 
propice.  »  (Cf.  v.  19.) 

XH,  13439: 
dkarmCui  nânâvidhâmç  caiva  ko  bràyât  tam  rte  vibhum 

«  Les  devoirs  de  toutes  sortes,  qui  pourrait  les  énoncer, 
sauf  ce  maître  .^  »  (Cf.  v.  27,  29,  30.) 

111.  —  3 


3i  LE  NÉPAL 

fi'aulre  part,  après  l'époque  du  pilier  de  Harigaon,  rimi- 
lation  der^  mème:iï  modèles  et  la  communauté  des  mêmes 
AenttmeDl.<^  provoquent  chez  le>  poètes  qui  célèbrent  Vyàsa 
des  rencontres  frappantes  avec  le  poète  népalais.  L'auteur 
du  Venl-sarnliîira  ••xalte  en  ces  termes,  dans  le  prologue 
de  son  drame,  le  chantre  du  Mahà-Bhàrala  : 

rravnnnfijaliputafteyam  viracitavân  hhâraiùkhyam  amr- 

lam  yah 
lam  aham  arîiijam  atrmam  KrxnaDraiftâyanam  vande 

(v.  4). 

c<  L'oreille  se  creuse  comme  la  main  qui  salue,  pour 
boire  lambroisie  qu'il  a  créée  sous  le  nom  de  (Mahû-) 
Bhârala  :  il  est  sans  passion,  sans  assoiffemenl,  Krsna- 
Uvaipàyana  !  c'est  lui  que  j'adore.  »  (Cf.  sup.  Mh.-Bh., 
XVIII,  211,  et  inscr.  v.  17,  19  et  31.) 

Ksemendra,  dans  le  huilain  à  Vyàsa  que  j'ai  déjà  men- 
tionné, s'écrie  : 

{namah)j trailokyatimirocchedadipapraiimacakmse 

(v.  3). 

((  Les  ténèbres  des  trois  mondes  s'ouvrent  à  la  lampe 
de  ton  regard  !  »  (Cf.  v.  27  et  32.) 

(nama/i) Vyâsâya  dhCunne  tapasâni  samsârâyàsa" 

hârine  (v.  8). 

((  Hommage  à  Vyûsa,  en  qui  résident  les  pieuses  mor- 
liliralions,  qui  délruil  les  lourmenls  delà  transmigration  !  » 
(Cf.  V.  3i.) 

Knliii  l(»s  slancos  liminaires  dos  43  sargas  du  Bâla- 
HliAnihi  foiirniraicnl,  elles  aussi,  de  nombreux  rappro- 
cbrîmcnls.  si  Ténuméialion  ne  risquait  de  devenir  fasti- 
dieuse. 


INSCRIPTION   DU   PILIER  DE  IIARIGAON  35 

Ainsi  r inscription  du  pilier  do  Harigaon  intéresse  direc- 
tement rhîsloire  littéraire;  elle  lui  apporte  un  document 
utile,  et  môme  assez  précieux.  A  Thistoire  religieuse  elle 
pose  un  problème  qu'elle  n'aide  guère  à  résoudre.  Elle 
atteste  un  culte  rendu  à  Dvaipàyana  (=  Vyâsa)  dès  le  vi* 
siècle,  et  que  rien  n'atteste  ailleurs,  au  Népal  ou  dans 
rinde  même.  Je  ne  puis  me  défendre  de  croire  que  nous 
avons  ici  un  monument  de  la  secte  Bhâgavata,  si  peu  con- 
nue encore  malgré  le  grand  rôle  qu'elle  a  joué:  un  grand 
nombre  de  rois  se  désignent  dans  leurs  inscriptions  comme 
de  ((  très  dévots  Bhàgavatas  ^) pa?'ama'Bhâffavata  (cf.  p.  ex. 
Fieel,  Giiptalnscr.,  p.  28,  note).  La  vénération  de  Vyàsa 
est  un  des  traits  qui  caractérisent  celte  secte;  Ksemendra, 
né  dans  une  famille  çivaïle,  mais  converti  à  la  doctrine 
des  IJhûgavalas,  prend  le  surnom  de  VyAsa  dàsa  «  Tesclave 
de  Vyàsa  ».  Le  culte  spécial  de  Nàràyana  est  un  autre  trait 
de  cette. secte  :  l'invocation  :  NârCujanani  namashvtya,  etc., 
qui  se  trouve  en  tôle  de  chaque  grande  division  du  MaluV 
Bhàrata  suffit,  au  jugement  de  Biihler  (mémoire  cité,  p.  4 
et  5)  ((  pour  démontrer  que  le  poème  est  une  smrti  des 
anciens  Bhàgavatas  »,  car  «  elle  se  trouve  invariablement 
en  tête  des  ouvrages  dcî  l'ancienne  secte  Bhâgavata  »,  et 
Vyàsa  s'y  trouve  généralement  associé  à  Nàràyana,  Nara 
et  Sarasvatî,  dans  un  commun  hommage.  Justement  le 
culte  de  Nàrâyana  est  très  répandu  au  Népal  ;  la  vallée  a 
encore  quatre  Nàràyanas  fameux,  et  l'un  d'eux  au  moins, 
Cangu-Nàràyana,  est  certainement  antérieur  à  notre 
inscription,  car  c'est  là  que  s'élève  le  pilier  —  analogue  au 
pilier  de  Harigaon  —  où  Mànadeva  a  tracé  en  samvat  380 
sa  longue  inscription  en  vers,  digne  de  faire  pendant  à  la 
nôtre  pour  sa  valeur  littéraire.  Nous  sommes  donc  auto- 
risés à  supposer  sans  trop  de  témérité  que  notre  stotra  de 
Dvaipàyana  nous  offre  un  hymne  authentique  du  culte 
Bhâgavata. 


36 


LE  NÉPAL 


TEXTE 


1 sa  yalûlmanc 

2 dinyaisa  te  nainah 

3 pratidchani  mr,,. 

Il vikîrnnabllânunâ 

5 sarvvam  ûtmani 

6 çinïvakântar. 

7 yena  tejasû 

8 viteva  bhâsatc 

9 patiicna  saugalah 

lo Ipalir  bhavaih 

II \â 

12 rvyata 

i3 (na)  vârane 

i/| darugnam 

i5 sa  prabuddhya 

i6 jeyuh 

17 


18. 

20. 
21. 

22. 

2/1. 


Il 


(0 

(3) 
(4) 
(5) 
(6) 
(7) 
(8) 
(9) 


rave mittha 

(ka)rana-gcna  nityam 

fT  kiinihr^  sraslivâcyaçesa   ...    kathitanna.      .  [||]   (10) 
";;   paiân  nâstikatûm   prapannais    trayïnirodh- 

ibblr  f::  nâh 
Tt  vya  77    syata    iiâdya  loke  dharmmâbha^/a/iyo  yadî 

(n)âbliavis\ah  [||]  (11) 

777  vcdaiii  pralikïrniiavâktvâdanâ(/niislbam  YTtTt  /ra  ca 
':  kalhain  veda  ihâbbavisyat  Ivain  bhâratâdim  yadi  nS 

racjisyah  [||J(i2) 


\'.  \^1.  (/'  v(M's  scitilile.  lotit  fra<:in(Milairc  qiril  est,  faire  allusion  aux 
])assii^Mvs  du  Mulià  lUiàrala  qui  tout  du  {km>iiio  un  auliH*  Vcda.  Cf.  l'ex- 


INSCRIPTION    DU   PILIER    DE    HARIGAON  37 

25.  [prajmanaçuddhyâ  vidilârtthalalvah  prakampyamânam 

rrrr:  stha 

26.  :  (dha)rmmam  ittha(m)  jagato  hitaisï   na  prâtanisyad 

Yadi:r7Th[||](i3) 

27.  77  smyamâtrâçrayanâdabhîksnam  kutârkkikais  l  tïTtVt 

na 

28.  :~  vyacaisïn  na  prlhak  pramânam  kathan  tad  asthâtum 

ilia:-  pa/i  [||i(i/i) 

29.  f  7  pi  ca  piânaviyogahetur  nna  pratyavOya  TÏ7V  thaisâ 

30.  î^7  tvam  eva  pialivetsi  samyan  na  vedilânyo  bhuvi  kaç- 

ci[d]TT[|l](l5) 

,3i.    7  7  stuti  syâd  anuvâdato  va  slutyesu  vâcâm  dvitaryâ]  V77 

32.  [stu]tir  gunânâm  vidhinâ  na  satvân  na  cânuvâdas  Ivayi 

7r:T[l|](i6) 

33.  77  nadharmmam  sakalam  nyahimsïs  Ivan  naiva  râgâdi- 

rayam  nya  77 

34.  ^"7  inïin  vaisayikïn  ca  Irsnâm  vîdliûya  çuddhas  tvam  i(ti 

:t[II](i7).  . 

35.  -.'"".  kâmâdyaviviktaiTipam  yadi  vyavârisya(la) 

36.  77  smrlïnâm    agateh  çrutînâm  tad  adya  loke    niyalam 

vyaçak.  [\\]  (18) 

37.  [vijpâtya  mohân   amrtam  vyasrksal  svayan  ca  dharm- 

mâdi  jagaty  atisthatjl] 

38.  7V  tvayâgîlj  jagati  pratislhân   tvam  eva  dharmmam  vi- 

dhinûnvatistha(li)  [||]  (19) 

pression  do  «  Kârsna  Vcda  »  citée  dans  rintroduclion,  p.  et  Texpres- 
sion  de  «  Vcdil...MahàUhârntapancamâny>  dans  le  Mh.  Bh.  l,  "2418. 

V.  45.  Le  Dirt.  d(î  Pétersbourg  ne  donne,  pour  prativid âu  simple, 
que  des  exemples  védiques.  La  langue  classique  emploie  le  causatif. 

V.  47.  Le  verbe  ni-hims  manque  au  Dict.  de  Pélersbourg. 

V.  19.  La  forme  ryasrksat  est  irrégulière,  sans  être  incorrecte  abso- 
lument. Elle  est  due  à  l'analogie  des  formes  comme  adiksat,  etc.,  où  les 
racines  en  <;,  /,  h  final  substituent  le  k  devant  Vs  de  l'aoriste.  La  troi- 
sième personne  suppose  sans  aucun  doute  le  sujet  bhavàn  comme  au 
vers  suivant,  et  équivaut  à  la  seconde.  —  Je  dois  à  M.  Kielhorn  la  lec- 
ture dharmiuam  vi(l/unclnratis(lia(h)  au  lieu  de  dharmmam  vividhân  atis- 
ihi  que  j'avais  imprimé  dans  le  Journ.  As. 


38  LE   NÉPAL 

39.  ^77  van  duspralipâdam   état    svarggâdi  çabdopaniban- 

dhaniâ[tram] 

40.  77Y  dastïti  jano  grahïsyad  hhavân  ihaivam  yadi  na  vya- 

iiaksya[t]  [|!]  (20) 
4i.   ^7V  tri  kumatibliir   ainhasâvrtaih   kulârkkikaih  kalham 

*  •  •  •  • 

api  saugatair  a  1 
/l2.   V7  [tjvayi  pratliitagiri  prabhâv  iyam  payonidbau  sarid 

iva  vindatc  stbilim  [||]  (21) 
/l3.   Y77777  d  viniyatapadârtthâdyanugamâl  tava  çrutvâ  kâ- 

vyam  sapadi  inanusâgamya  VTT 
44 •    T777    (rlthatvâdaha/îa)    paramârtthânusarane     dadbâty 

uccair  minoham  sapadi  galavidye.s/ani  T7  [||]  (22) 
45.   Y777  çâstrc     manuyamabrbaspatyuçanasâm    vidbânam 

krlyânâmaça  TT  padâni  loka  ^'l: 
40.    T777  naivani   pralivisayam  âdbûya  nipunorm  plialcnai- 

vâçesam  Ivam  idam  ama  77TTT7  [||J  (23) 


V.  20.  Lo  mol  prntipâda  maïKiuo  au  Dict.  de  Pét.  —  [*o\\t  vpanihan 
dhn,  IU)litlinj;k  n'a  ronu'illi  ce  mol  que»  dans  le  suppl.  3  du  Dict.  Abrégé, 
et  avec  le  sens  (!e  «serinent».  Il  faut  évidemment  lui  assij^ner  ici  le 
sens  de  «composition,  arranj,'(Mnent  vei'l)al  »  qui  se  retrouve  dans  un 
j^rand  nomlire  de  mois  ap|)arenlés.  M.  Thomas  m'a  signalé  le  même 
emj)loi  dans  le  Ulre  du  MahCiyânamiiKjmhopanibandlmna  (Journ.  Hoy. 
As,  Soc,  1903,  p.  riSfi).  —  Je  n(»  sais  à  quelle  racine  exactement  ratta- 
cher le  conditionne!  ri/aiinksyat. 

V.  "21.  La  mention  des  Saugalas,  ici  comme  au  vers  5,  montre  que, 
tout  au  moins  au  jugement  du  poète  népalais,  le  Mahà-Bhàrata  com- 
ballait  |)osilivement  les  Rouddhisles.  Il  avait  sans  doute  en  vue  les  pas- 
sages tels  (|U(î  XII,  l\i)i)  : 

parirvdjanti  dânCirtham  mundilh  Uâsâynvâmnàh... 

ou  Dahimann  se  refuse  à  reconnaître  les  disciples  du  Bouddha. 

V.  "iW.  Des  quatre  autorités  mentioiméc's  ici,  trois  sont  positivement 
désignées  dans  le  Mahà-Dhàrata  connue  des  auteurs  de  ràstras  : 

l'iftfhi  rrdd  yiir  châslnini  yac  va  rciht  lir  h  a  a  pati  h  {WW,  2:239). 
Mfnnnhihhihiltini  nistiffin  (XIII,  253 i). 

,]v  ne  coinniis  pas  de  rétérences  à  un  ràstra  de  Yama,  mais  le  Mh.  Bh. 
cite  connnd  une  autorité  (U's  gàthàs  sous  son  nom  : 

nira  (jatha  Ydmod'jituh  kirtuyanli  puvàvidiih  (Xlll,  2177). 


INSCRIPTION    DU   PILIER   DE    IIARIGAON  39 

47 .  777 11  nrpacaritânuvâdibhâvâlpâtIiâdeA pratiniyalan  tataç 

ca  kâvya[in] 

48.  77  (te)r  anukalhanâd  apîha  çâslram  tvam  çakter  idam 

api  bhâralâdy  akârsî[h]  [||]  (a^) 

49.  777  bhavajaladhau  vivarttamânân  râgâdiprapatadhiyah 

pragâdhamo  [hân  ] 

50.  77  yastam  iti  vidhâya  muktimârggam  yâcînâm  bhuvi 

purusân  karosi  mantr[aih]  [||]  (25) 
5i .   W7  viviktavacasâ  tvayâ satâkrpayâparârllhaviniveçibud- 

dhinâ 
53.  ja(ga)to  hitâya  sukrtc  ha  bhârate  bhuvi  vânmayam  sa- 

kalam  eva  darççilam  [||]  (26) 

53.  (v)iditavividhadharmmo  vedilâ  vâfimayânân  niravadhi- 

kam  ami///iyâr'âfigarâgâdidos(am) 

54.  ^rr  ravaparârtthas  tad  bhâvân  mohajâlan  tlmiram  iva  vi- 

vasvân  amçubhih  praksinoti  [||]  (27) 

55.  prativisavaniyogâl  pâlakalvâc  ca  lâsân  nipunatadavabo- 

dhât  tadvivckâd  ados[âjt 

56.  (ja)gali   tadupadeçât   tvarn    mithasladvibhâgâd  upacita 

iva  mûritis  Iryâtmanâ  manlravâcâm  [||]  (28) 

57.  sauksinyâdurbbodham  îçam  sthilam  api  sakalam  lokam 

âvî  tya  tanvâ  vâgbuddhyor  apy  atïtâ 

58.  karam  api  munibhih  svâgamâd  yâtalalvam  vidyârûpain 

viçuddhe  padam  analiçaya 


y.  '25.  Prapata  manque  au  Die.  de  Pét.  —  M.  Kielhorn  propose  de 
rorripT  en  :  prahata. 

V.  "il.  Le  mètre  et  le  sens  imposent  la  correction:  bhâvân.  —  La  lec- 
ture du  composé  qui  leimine  le  premier  vers  est  embarrassante,  mais 
il  semble  pourtant  contenir  une  série  de  mots  à  double  entente  :  dosa 
V  péché  »  et  (f  nuit  »  (dosd);  râtja  «  passion  »  et  «  rougeur  »  (du  crépus- 
cule)»; ùrCi  «es|>érance»  et  «horizon  ». 

V.  28.  Tryàtmanà,  si  la  lecture  en  est  exacte,  est  un  mot  nouveau  qui 
semble  si^çnifier  «  celui  qui  a  pour  essence  les  trois  :  Brahma,  Visnu, 
Çiva,  ou  la  trayï».  —  M.  Rarth  me  suggère  la  correction  tryàtmanàni 
mantravàcàm  «  le  triple  Veda  ». 


40  LE   NÉPAL 

59.   ksinasarnsûrabandham  s\âcl  âtmûnan  na  jâtu  tvam  iva 

katliayitâ  kaçcîd  anvo  dvitîyah  [i|J  (29) 
Go.   pratyâdhâraslhllatvâl  prthag  api  na  prthak  tatsvarûpâ- 

viçosîit  rillyam  dharmmair  ayogâ 
61 .   l  punar  api  na  tathû  sarvvakâlâpralîteh  nârotpâdâdyayo- 

gât  sthitam  api 
O2.  jagatas  sarvvagani  vyâpibliâvât  caitanyam  rûpapaksas- 

thitam  api  kathaye 
63.   t  ko  nu  loke  tvadanyah  [|  ]  (3o)  niramhasam  duritabhi- 

dam  vivekinam  lamomusam  çami 
6/|.   labhavam  vipaçcitam  girâm  palim  sudhiyam  asaiigice- 

tasam  mavodi 
•         « 

65.  lam  vacanam  upohalo  sadiî  [  |](3i)çainilabbavabbayena 

ksâyiniijriânarâçeh 

66.  svayamupahitadbâmnâ  vedyapârangalena  jagad  aparaja- 

sedam  lat  Iva 

67.  yâ  sarvvam  ârâd  viyad  iva  limirânâm  ksâyakenâvabbâti 

[:ll(3^-)        _ 

68.  gunapurusavivckajnânasambbinnajanmâ  vyaliyulavisa- 

Vilnâm  Ivani 

69.  girâm    sanivivokï  jagalî    ghanavirridhavyâpisammoha- 

bhcdî  cyutajaga 

70.  danirodhali  kho  çaçïva   cakâhsi  [||]  (33)  lad  abam   iti 

nunûsad  bhinnasamsâra 

71 .  bandham  vitainasam  arajaskain  Ivan  garïyâmsam  ûdyam 

katbani  api  para 


V.  *20.  (>)rriji^(T:  mnksnn/â<l  durhodham  ;  riniddJirb, 

V.  30.  Lacorreclion  .sv/rrjv/AJ/J/îmf/fr/;  soinblo  s'imposer  pour  le  sens; 
\o  rnôlre  iialnrelleincnt  n'en  est  pas  afTocU». 

V.  M.  S/ranihas,  (Inritdhhid,  tamomus  ne  sont  point  donnés  dans  le 
Dirl.  de  IVl. 

V.  H'I.  K/iyiji,  hfnjnha,  ajmnijtia  manquent  au  Dict.  de  Pél.  — 
M.  Kiclliorii  m'iM(li(|U(>  avec  raison  (|u'il  faudrait  ks*iynh'effa,  avec  la  na- 
sal** iiii;:nah'. 

V.  33.  Sdffirircliin  maiiquc  au  Dicl.  de  Pét. 


INSCRIPTION   DU   IMLIEU    DE   HARIGAON  41 

72.  laghvïm  svân  nibadhiiâmi  vâcam  tad  ilia  pilari  me  Ivam 

sarnpadas  sainvidiiatsva  [||]  (34) 

73.  bhagavalo  dvaipâyanasya  stolraii  krtam  anuparamena 


TRADUCTION 

(i) a  l'âme  réfrénée. 

hommage  à  toi. 
(3)   ....     par  corps.      .,      .      .  par  l'éclat  répandu 

(3)  .      .      .     tout  en  soi,      ....    comme. 

(4)  .      .      .     parTéclat.      .      .,      .      .belle  comme. 

(5)  .      .     par  le  chemin  le  Saugata,.      .  par  les  existences. 

(6) • 

(7) sans  maladie. 

(8) s'éveillant     .      .      .      .ils  vaincraient. 

(9) 

(10)  ................. 

(11).  .  .  entrés  à  fond  dans  l'hérésie,  opposés  aux  trois 
Vedas.  .  .  il  n'y  aurait  pas  aujourd'hui  dans  le 
monde,  si  tu  n'avais  pas  été     ...     du  Devoir. 

(12)   .      .      .      .     le  Veda,  dont  les  paroles  étaient  éparses, 

sans  commencement  ni  lin ,   comment 

le  Veda  aurait-il  été  ici-bas,  si  tu  ne  lui  avais  donné 
pour  commencement  le  (Mahâ-)Bharata. 

(i3)  Par  la  pureté  des  preuves  connaissant  la  réalité  exacte, 
tu le.  .  .  frémissant  ;  ainsi  dési- 
rant le  bien  du  monde,  s'il  n'avait  pas  étendu  au 
long. 

(i/i)  Ne  s'appuyant  que  sur  le.  .  .  .  les  faux  logiciens 
sur  le  champ.      ...;..     il  n'a  pas  examiné 

V.  34.  Nunftsad,  formation  fautive  pour  imnïisan.  —  Au  lieu  à^para 
laghvlfn  lire  plutôt  parilaghv'irn.  —  Je  dois  ces  deux  observations  à 
M.  Kielhorn. 


42  LE   NÉPAL 

à  part  la  preuve,  comment  cela.  ...  se  tenir 
debout } 

(i5)  ....     au<si  la  cause  de  séparation  des  souffles 

vitaux,  pas  de  contrariété ;  toi  seul  tu 

sais  tout  exactement  en  détail,  et  il  n'y  a  personne 
autre  que  toi  qui  sache  dans  le  monde. 

(i6)  .  .  l'éloge  peut  être,  ou  par  suite  de  la  répétition  : 

entre  les  choses  à  louer.  .  .  des  paroles.  .  .  ; 
l'éloge  des  vertus  selon  la  règle,  et  non  par  suite 
du  bon  caractère,  et  nulle  répétition  en  toi. 

(17)  Tu  as  abattu  à  mort  le  Vice  tout  entier,  mais  tu  n  as 

pas.  .  .  le  torrent  de  la  passion,  etc.  .  .  ; 
ayant  secoué  la  concupiscence.  et  sensuelle, 

tu  es  pur. 

(18)  Si  le.      .      .    qui  ne  se  distingue  pas.  quant  à  la  forme, 

du  désir.  n'avait   pas  été  dévoilé, 

des  Smrtis,  faute  des  Çrutis,    le  monde  aujourd'hui 

fatalement 

(19)  Faisant  éclater  en  pièces  les  égarements,  il  a  répandu 

ramrla,  et  de  soi-même  le  Devoir  et  ce  qui  s'ensuit 

s'est  dressé  dans  le  monde.  Le par  toi 

a  trouvé  une  assiette  solide  en  ce  monde  ;  c'est  toi 
qui  as  accompli  le  Devoir  selon  la  règle. 

(^•u)) celle  chose  difficile  à  comprendre,  le 

paradis,  etc.,  n'est  que  fiction  de  mots  ;  .  .  . 
e\isle.  <^l^«omment)  le  monde  l'aurait-il  saisi,  si  tu 
ne  l'avais  pas,  toi,  découvert  ici-bas.»^ 

(•n)  (^Mallrailéo?)  par  les  faux  penseurs  que  l'étreinte  du 
mal  oiisiMMT,  par  les  faux  logiciens  et  aussi  par  les 
(lisriplos  du  Siigala  (Bouddha),  (la  parole .î^)  trouve 
nn  asile  on  loi,  son  niaitic  au  verbe  étendu,  comme 
une  rixièir  dans  l'Océan. 

^ri)   .  ,      naïve  qu'il  a  acquis  le  sens  précis  en  enten- 

ilanl  Ion  poème,  aussitôt.     .      .     .     inaccessible  à 


INSCRIPTION    DU    PILIER   DE   HARIGAON  43 

riiomme  ; à  rechercher  Tobjcl 

suprême,  il  dresse  haut  son  égarement  aussitôt,  per- 
dant.     .      .     de  la  science. 

(28) dans  le    trailc   de  Manu,    de    Yama, 

de  Brhaspati,  d'Uçanas,  le  règlement  des  devoirs 
.  ;  .  .  .  secouant  objet  par  objet,  habi- 
lement tu  Tas.      .      .      .     tout  entier  avec  le  fruit. 

(2 4) en  répétant  l'histoire  des  rois,   dès  le 

début  de  ton  étude,  tu  te  proposais  de  l'appliquer 
cas  à  cas  dans  un  poème  ;  et.  .  .  en  la  répétant, 
tu  as  fait  ici-bas,  de  toutes  tes  forces,  le(Mahâ-)Blia- 
rata,  etc.      .      .     pour  servir  d'enseignement. 

(26)  Les  hommes  agités  surTocéan  de  l'existence,  la  pensée 
entraînée  par  le  poids  des  passions,  plongés  dans 
l'égarement,  tu.  .  .  leur  as  indiqué  la  voie 
du  salut,  et  tu  les  rends  en  ce  monde,  par  tes 
conseils,  des. 

(26)  Tu  as  la  parole  distincte  ;  par  refTet  de  la  compassion, 

ton  intelhgence  s'applique  au  bien  d'autrui.  Une 
fois  que  pour  le  salut  du  monde  tu  as  eu  fait  —  et 
si  bien  —  le  (Maha-)Bharata,  tu  as  fait  voir  sur  la 
terre  toute  l'œuvre  de  parole. 

(27)  Tu  connais  les  diverses  lois  ;  tu  es  le  connaisseur  des 

œuvres  de  parole.  Le  réseau  de  l'égarement  est  sans 
limites  ;  il  s'y  trouve  véritablement  l'attente,  la  pas- 
sion physique  et  les  autres  défauts  ;  (mais  toi  qui.  .) 
l'intérêt  d'autrui,  tu  dissipes  ce  réseau  comme  le 
soleil  avec  ses  rayons  dissipe  l'obscurité. 

(28)  Tu  sais  les  employer  chacune  en  son  cas  ;  tu  en  as  été 

le  gardien;  tu  en  as  rintelligence  nette;  tu  en  as  le 
discernement  infaillible  ;  tu  les  as  enseignées  au 
monde;  tu  les  as  réparties  entre  elles;  on  dirait 
qu'en  toi  a  voulu  incarner  la  somme  totale  de  la 
triade  des  paroles  sacrées  ! 


4i  LK   NÉPAL 


i'jtc))  Sa  suhlilité  le  rond  diflicilc  à  concevoir,  cl  pourtant  il 
cn\clop|)c  le  monde  entier  dans  son  corps  :  la  parole 
et  Tentendenient  n'atteif^nent  pas  son  origine,  et 
pourtant  les  saji^es,  en  partant  de  leur  tradition,  arri- 
vent a  sa  nature  réelle.  La  science  est  sa  fonne;  la 
pureté  absolue  réside  en  lui  ;  il  a  épuisé  sans  laisser 
de  reste  les  liens  des  transmigrations.  LMtman,  nul 
autre  que  toi  ne  pourrait  l'énoncer. 

(3o)  Substrat  à  substrat,  il  est  disséminé,  et  pourtant  il  n'est 
pas  disséminé,  puisque  leur  nature  réelle  est  exemple 
de  difTérenciation  :  il  est  permanent,  puisqu'il  n'est 
pas  uni  aux  attributs  do  la  substance,  et  pourtant  il 
no  Test  pas,  fante  do  notion  du  temps  complet  ; 
])uis({u'il  n'est  associé  ni  à  la  destruction  ni  à  la  pro- 
duction du  monde,  il  est  (hu*able  ;  et  pourtant  il  est 
partout,  par  la  vertu  de  son  extension.  Il  est  intel- 
lect, ot  pourtant  il  se  trouve  dans  la  catégorie  de 
l'orme.  Qui  donc  au  monde,  autre  que  toi,  pourrait 
énoncer  (cela  ?) 

(3i)  Dégagé  du  pécbé,  pourfendeur  du  mal,  discerneur, 
ravisseur  dos  ténèbres,  anéantissour  de  Texistcnce, 
maître  du  parler,  esprit  excellent,  cœur  libre  d'at- 
tacbos,  la  parole  que  j'énonce  (te)  suit  respectueuse- 
ment sans  cesse. 

Çx^'a)  Tu  as  anéanti  la  crainte  des  renaissances  (ou  :  des 
otres)  :  tu  as  détruit  la  masse  de  Tignorance  ;  tu  as 
tiré  do  toi-Hjomo  ton  propre  éclat;  tu  es  allé  jusqu'au 
bout  de  ce  qu'on  peut  connaître.  Tu  as  écarté  la 
|)()ussioro,  vl  grâce  a  toi,  le  monde  entier  brille  au 
loin,  comme  le  ciel  brille  grâce  au  destructeur  des 
tonobrcs  ! 

(,'{.'{)  Los  modalités  ot  l'otro  on  soi,  tu  as  su  les  distinguer, 
ot  tii  as  brisé  ainsi  les  naissances  (successives)  ;  lu  as 
le  discernomont  complet  des  paroles  qui  ont  un  objet 


INSCRIPTlOiN   DC   PILIER   DE  HARlGAOïN  45 

confus.  En  nuage  compact  s'élève  et  s'étend  partout 
l'aveuglement  ;  mais  tu  le  dissipes.  La  déchéance 
du  monde  n'est  pas  un  obstacle  pour  toi  ;  tu  res- 
plendis comme  la  lune  dans  l'espace. 
(34)  El  moi  aussi  j'ai  voulu  te  célébrer,  toi  qui  as  brisé  les 
chaînes  de  la  transmigration,  qui  es  sorti  du  téné- 
breux, qui  n'a  rien  de  poussiéreux,  très  vénérable, 
primitif!  Tant  bien  que  mal,  je  mets  en  œuvre  ma 
voix  trop  faible.  Ainsi  donc  dispose  les  prospérités 
en  faveur  de  mon  pcre  ici-bas  ! 
L'hymne  du  bienheureux  Dvaipayana  a  été  fait  sans 
arrêt.  * 


I.  M.  Thomas  ponse  que  anuparamcmi  désigne  Tauleur  de  rinscription 
et  qu'il  convient  de  traduire  :  «...  a  été  fait  par  Anuparama  ». 


V.  —  INSCRIPTION  DE  TIMI 


Ce  court  fragment  provient  de  Timi,  entre  Katmandou 
et  Bhatgaon.  J'ai  raconté  ailleurs  (II,  p.  376)  les  circon- 
slances  où  je  Tai  trouvé.  11  ne  subsiste  plus  de  la  stèle 
qu'une  bande  étroite  de  la  partie  inférieure.  Le  peu  de 
caraclères  conservés  est  d'un  tracé  remarquablement  nel. 
Les  caractères  ont  une  hauteur  moyenne  de  0",0I  au-dessus 
de  la  ligne;  Tespacement  moyen  des  lignes  est  de  0"',02. 

Le  texte  est  un  édit  royal,  comme  il  ressort  de  la  der- 
nière ligne;  mais  Tobjet  en  est  impossible  à  préciser.  La 
dale,  à  juger  sur  le  tracé  large  et  simple  des  lettres,  sem- 
blerait remonter  à  Tépoque  de  Vasantadeva.  La  question 
serait  à  peu  près  résolue  si  Tinscription  nous  offrait  un  cas 
lout  à  fait  net  du  groupe  r-f-muetle,  puisque  le  redou- 
blement de  la  muette,  régulier  avant  Amçuvarman,  cesse 
avec  lui.  Mais,  k  la  troisième  ligne,  un  éclat  de  la  pierre 
rond  la  lecture  incertaine  au-dessous  de  ;t«;  la  première 
syllabe  de  la  quatrième  est  (loue  et  h  la  cinquième  ligne  le 
raraclère  qui  suit  m  est  endommagé  ;  on  hésite  entre  rvai^ 
(ît  m?  Ce  ([ui  reste  du  nom  du  dùtaka  h  la  dernière  ligne  ne 
suggère»  aucune  hypothèse. 


INSCRIPTION   DE  TlMl  47 


Texte. 
I.  yanâ 
9..   m  açesanai 
3.   guror  V(v)âsudevasya 
^.   rtthe  bhûyâd  ity  asmâ[bh]i 

5.  nânusmaranam  i 

•  • 

6.  dbhili  sa  ca  rangasamamsa(m)e 

7.  s  tâvad  âkrastavyo  yam 

8.  vâsau  na  sampannâtika 

9.  lik  ..  dhânyamâni 

[Lacune  de  plusieurs  lignes.] 

10.  dbhir  api 

11.  [sva|yam  âjnâ  dri[takaç  Cîi]t[ra]  dovapa 


VI.  —  INSCRIPTION  DE  KISIPIDI 

[Sarpvat  449.] 


Kisipicli  est  un  petit  hameau  situé  dans  le  voisinage  de 
Thankot,  h  TOuest  de  la  vallée  (v.  11,  392).  La  stèle,  en 
partie  enfoncée  dans  le  sol,  est  complètement  effritée  du 
haut  ;  les  six  lignes  inférieures,  protégées  contre  les  in- 
tempéries parle  sol,  sont  seules  lisibles,  et  même  en  as- 
sez bon  état  de  préservation.  La  largeur  est  de  0,35  ;  les 
caractères  ont  environ  0,013  de  hauteur  entre  lignes;  les 
interhgnes  sont  de  0,04  environ.  Les  lettres  sont  grandes, 
fortement  tracées,  identiques  à  Tinscription  3  de  Bhagvan- 
lai,  datée  de  samvat  435,  à  laquelle  celle-ci  est  postérieure 
de  onze  années;  le  même  dûlaka  figure  de  part  et  d'autre 
avec  les  mêmes  litres  :  sarvadanda  nâyakay  mahdpratihâra, 
Havigupta.  Le  titre  de  ;?2^^//^7>/y///A^/v/((  grand  huissier»  est 
fréquent  dans  Tépigraphie  de  Tlnde;  celui  Aq  sarvadanda- 
luujaka  «généralissime»  est  une  variété,  jusqu'ici  pure- 
ment népalaise,  d'un  titre  en  usage  dans  l'Inde  entière: 
dandannyaka.  Il  n'est  pas  sans  intérêt  de  constater  que, 
vers  Tépoque  même  de  notre  incription,  un  des  premiers 
rois  de  la  dynastie  de  Valabhî,  Dhruvasena  I,  joint  à  son 
litre  de  vuthârâju  ceux  de  mnh()pralili()ra(t{  de  mahàdandor- 
mtijnkn  (en  526  J.-C).  Ainsi  ces  titres  se  cumulaient  assez 
naturellemenl,  el  complaionl  parmi  les  plus  hauts  de  la 
hiérarchie  ini[)ériale. 


INSCRIPTION    DE  KISIPIDl  49 

L'intérêt  capital   de   cette    inscription,   toute  mutilée 
qu'elle  est,  réside  dans  sa  date.  La  donation  est  faite  au 
cours  d'un  mois  doublé  par  intercalation  «  en  samvat  449, 
le  premier  mois  âsâdha,  la  quinzaine  claire,  le  10».  La 
mention  d'un  mois  intercalaire  est  une  bonne  fortune  pour 
les  chronologistes  ;  l'intercalation  est  réglée  par  des  con- 
sidérations d'astronomie  théorique  qu'il  est  assez  facile  de 
calculer.  Un  mois  lunaire  dans  le  cours  duquel  le  soleil  ne 
change  pas  de  signe  (dans  le  Zodiaque)  est  redoublé  ;  le 
principe  est  net.  L'application  comporte  des  divergences 
assez  graves  :  1**  le  calcul  peut  être  fondé  soit  sur  le  mou- 
vement moyen  des  deux  astres,  soit  sur  le  mouvement 
apparent;  2Me  mois  intercalé  peut,  soit  recevoir  par  an- 
ticipation le  nom   du    mois  normalement  attendu,  mais 
refardé  par  exception,  soit  répéter  le  nom  du  mois  au 
cours  duquel  il  se  produit;  ainsi,  selon  le  système  en  vi- 
gueur, le  mois  supplémentaire  amorcé  dans  le  cours  du 
mois  de  jyaistha  pourra  être  appelé   soit  âsàdha  I,    soit 
jyaistha  II.   Heureusement  ces  difficultés  sont  en  partie 
dissipées  dans  le  cas  du  Népal  ancien.  La  mention  d'un 
pausa  I  (prathama  pausa)  dans  une  inscription  d'Amçu- 
varman,  an  34,  suffit  à  établir  que  les  astronomes  népa- 
lais calculaient  les  intercalations  sur  le  mouvement  moyen  ; 
car,  dans  le  système  du  mouvement  apparent,  pausa  n'est 
jamais  intercalaire.  D'autre  part,  la  désignation  appliquée 
dans  ce  même  cas  au  mois  supplémentaire  montre  bien  que 
l'intercalation  reçoit  le  nom  du  mois  normalement  attendu, 
et  non  du  mois  en  cours.  Donc  le  mois  mentionné  ici  doit 
se  rencontrer  dans  une  année  où,  d'après  un  calcul  fondé 
sur  le  mouvement  moyen  du  soleil  et  de  la  lune,  il  s'est 
écoulé  à  la  suite  du  mois  normal  de  jyaistha  un  mois  lu- 
naire commencé  quand  le  soleil  avait  déjà  passé  dans  le 
signe  de  Mithuna,  et  fini  avant  que  le  soleil  soit    entré 
dans  le  signe  de  Karka.  Le  phénomène  se  reproduit  irrégu- 

m.  —  4 


50  LE  NÉPxVL 

lièremenl  à  chaque  siècle.  De  400  à  499  J.-C,  quatre  fois; 
de  500  à  599  J.-C,  trois  fois;  de  600  à  699  J.-C,  une 
fois;  de  700  à  799  J.-C,  quatre  fois.  Si  Tannée  386  sam- 
vat  de  Mânadeva  correspondait  réellement,  comme  le  vou- 
lait M.  Fleet,  à  628  çaka  courant,  Tannée  449  devrait  né- 
cessairement correspondre  à  628  -H  63  =  691  çaka  courant 
(=768-769  J.-C);  or  aucune  méthode  ne  donne  d'âsàdha 
supplémentaire  à  cette  date.  La  combinaison  proposée  par 
le  savant  épigraphiste  est  donc  à  rejeter  absolument. 

D'autre  pai  t,  j'ai  montré  depuis  longtemps  que  Tannée 
34  d'Aipçuvarman,   avec  son  pausa   intercalaire,  devait 
correspondre  à  629-630  J.-C.  {Journal  asiatique ^  1894,  II, 
55,  sqq.)  Amçuvarman  est  d'abord  le  ministre,  puis  le 
successeur  de  Çivadeva  dont  les  inscriptions  se  prolongent 
jusqu'au  delà  de  520  samvat.  La  date  de  449  samvat  est 
antérieure  à  ce  terme  d'environ  70  ans  ;   elle  doit  donc 
tomber  vers  le  milieu  du  vi*  siècle  de  J.-C  Or,  pour  toute 
la  durée  du  vi*  siècle  de  J.-C,  le  système  du  mouvement 
moyen  ne  donne  que  trois  intercalations  d'âsadha:  en  482 
çaka  courant  (=559-60  J.-C),   en    501   çaka  courant 
(=578-9  J.-C),  en  520  çaka  courant  (=597-8  J.-C). 
[Mes  résultats  personnels  concordent  pour  ce  siècle  avec 
les  Tables  de  Sewell  et  Dikshit.]  Les  deux  derniers  résul- 
tats sont  à  écarter,  puisqu'ils  rejetteraient  la  fin  du  règne 
de  Çivadeva  jusque  sous  les    successeurs  d'Amçuvarman 
(578  -f-  70  =  648  J.-C  ;  597  -f-  70  =  667  J.-C.  ).  Le  premier 
seul  est  à  considérer,  puisqu'il  mène  Çivcideva,  en  samvat 
520,  à  l'époque  même  d'Amçuvarman  (559  H- 71  =630 
J.-C.)  et  que  les  deux  règnes  doivent  justement  coïncider 
en  partie.  La  date  du  pilier  de  Changu  Narayan  nous  donne 
un  autre  moyen  de  contrôle  ;  or  nous  avons  vu  qu'en  pre- 
nant pour  point  de  départ  l'équivalence  :  samvat  449  =  482 
çaka  courant,  les  détails  de  la  date  inscrite  sur  le  pilier 
se  vérifiaient  complètement  pour  386  samvat  =:  419  çaka 


LNSCRIPTION   DE  KISIPIDI  51 

courant.  Nous  obtenons  ainsi  pour  le  point  de  départ  de 
Tère  des  Licchavis  419-386=:33  çaka  courant=:110 
J.-C.  J'ignore  à  quel  événement  peut  se  rattacher  celte 
ère,  si  voisine  de  l'ère  çaka  ;  le  nombre  des  règnes  écoulés, 
qui  est  de  19  depuis  l'origine  des  Licchavis  jusqu'à  l'avè- 
nement de  Mànadeva  (d'après  l'accord  unanime  des  tradi- 
tions, cf.  II,  91  sq.)  est  à  coup  sûr  bien  étroit  pour  couvrir 
près  de  quatre  siècles.  Peut-être  les  Licchavis  avaient  ap- 
porté de  leur  berceau  indien  une  ère  propre  ;  peut-être 
ont-ils  perpétué  une  ère  locale  du  Népal,  qui  remontait  à 
l'expulsion  des  KinUas. 


Texte. 

[Tout  le  haut  de  Vinscription  manque.^ 

I yûyam  adyâgrena  ce. 

2.   mu(c)itakaram  dadantah  sarvvakrtyesv  âjîiâvidheyâ 

3 manaso  loke  sukham  prativa. 

4 dûtakaç  câtra  sarvvadandanâyakamahâprati 

liâra. 

5.  Ravigupta  iti  samvat  4oo  4o  g  prathamâs5[dha] 

6.  çukladaçamyâm  ][ 


Traduction. 

(i-3.)  .      .  Vous  aujourd'hui.      .      .      .  payant  Fimpôt 

ordinaire.      .      .    dociles  à  Tordre  pour  tous  les  devoirs 
.l'esprit.      .      .  dans  le  monde  (.^)  vous  demeurerez 

heureusement. 
(4-6.)  Et  le  délégué  est  ici  le  généralissime,  grand-huissier, 

Ravigupta.  Samvat  4^9»  premier  âsâdha,  quinzaine  claire, 

le  lo. 


vu.  —  INSCRIPTION  DE  GANADEVA  A  KISIPIPI 

An  4.. 


La  stèle  qui  porte  cette  inscription  se  trouve  dans  le 
voisinage  immédiat  de  la  stèle  datée  449  à  Kisipidi.  Elle 
est  décorée  d'un  fronton  très  analogue  à  celui  de  la  stèle 
de  Vasantadeva  an  435  (Bhag.  n""  3)  et  tout  à  fait  identique 
à  celui  de  la  stèle  de  Tsapaligaon  an  489  :  un  cakra  (jante, 
rayons,  moyeu)  représenté  de  trois  quarts  en  tracé  oblong, 
et  deux  coquillages  (çahkha)  disposés  Tun  à  droite,  l'autre 
à  gauche.  L'inscription  proprement  dite  couvre  0",50  en 
hauteur,  0",3d  en  largeur;  le  corps  des  caractères  a  une 
hauteur  moyenne  de  0",01 1  ;  Técarlement  des  Ugnes  est  de 
0™,02.  La  gauche  de  la  pierre  est  en  bon  état;  la  moitié 
droite  est  presque  complètement  effritée. 

La  graphie  est  exactement  celle  de  Vasantasena  ;  le  tracé 
des  lettres  est  large,  net,  élégamment  arrondi;  Tangle  ne 
s'est  pas  encore  substitué  à  la  courbe  :  témoin  la  boucle  du 
na,  Tovale  du  iha^  etc.  Le  ha  continue  à  présenter  l'ouver- 
ture de  sa  concavité  à  la  gauche  du  scribe.  Le  redouble- 
ment de  la  muette  après  r  est  constant.  L'exécution  est 
excellente;  à  la  dernière  ligne,  Taksara  final  du  mot  çrâ- 
vana^  omis  d'abord  par  le  graveur,  a  été  ajouté  au-dessous 
de  la  ligne. 

L'objet  de  la  charte  est  une  faveur  octroyée  aux  villa- 
geois de  Kicapricih  ;  c'est  manifestement  la  forme  ancienne 
du  nom  prononcé  aujourd'hui  Kisipidi  (tel  que  l'ai  recueilli 


INSCRIPTION    DE   GANADEVA  A  KISIPIDI  53 

de  vive  voix  ;  j'igore  la  graphie  en  usage).  La  persistance 
des  noms  anciens  au  Népal  se  trouve  ainsi  attestée  par  un 
nouvel  exemple.  La  nature  de  la  faveur  concédée  reste 
énigmatique  ;  il  semble  que  le  roi  se  contente  de  renouveler 
un  privilège  accordé  par  ses  prédécesseurs. 

Le  nom  du  roi  est  Ganadeva.  Ce  nom  manque  à  toutes 
les  listes.  J'ai  déjà  eu  l'occasion  de  proposer  une  explica- 
tion à  ce  sujet  (II,  121).  De  la  date  il  ne  subsiste  que  le 
chiffre  des  centaines,  nettement  reconnaissable  sur  l'estam- 
page et  sur  la  photographie  que  j'ai  prise  directement  de 
la  pierre  ;  les  signes  des  dizaines  et  des  unités,  placés  à 
l'extrémité  de  la  ligne,  ont  complètement  disparu.  L'ins- 
cription appartient  donc  avec  assurance  au  v*  siècle  de 
l'ère  népalaise.  Je  viens  de  signaler  l'étroite  ressemblance 
de  sa  graphie  avec  celle  de  Vasantadeva,  qui  règne  dans 
le  second  quart  du  v""  siècle  népalais.  La  même  parenté  se 
manifeste  dans  le  protocole  employé  de  part  et  d'autre. 
Ganadeva,  comme  Vasantadeva,  réside  au  palais  de  Màna- 
grha  ;  il  porte  le  titre   assez  modeste  de  {bhatlâraka?") 
mahârâja\  il  emploie  comme  délégué  royal  Prasâdagupla, 
comme  Vasantadeva  emploie  Ravigupta;  son  favori,  sans 
doute  son  premier  ministre,  sur  le  rapport  duquel  il  agit, 
exerce  les  fonctions  cumulées  de  sarvadandanâyaka  et  de 
ynahâpratihdra ,  comme  fait  Ravigupta  sous  Vasantadeva. 
Enfin  le  nom  du  délégué  royal  est  accompagné  d'une  men- 
tion qui  se  retrouve  chez  Vasantadeva  et  ne  se  retrouve 
que  chez  lui  :  ...  te  vyavaharatiti ,  «  Il  est  en  exercice  à...  ». 

De  part  et  d'autre  se  retrouvent  aussi  des  fragments 
d'une  formule  analogue,  que  des  parallèles  épigraphiques 
permettent  de  compléter  : 

.  tya  yûyam  adyàgrena  çe(sa)samacilakaram  dadan- 
lah  sarvvakrtyesv  âjndvidheyà.  .  .  .  manaso  loke  sukham 
prativa.     .      .  (Kisipidi,  an  449). 


54  LE  NÉPAL 

tadyùyam çravanavidheyâs  iathaiva.     .     .     . 

sukham  prativaftsya;tha,  (Ganadeva,  I,  lo-ii.) 

Celle  formule  n*a  pas  réussi  au  Népal  ;  elle  esl  loujours 
remplacée  plus  lard  par  une  formule  de  caractère  plus 
impérieux  et  plus  menaçauL  Dans  l'Inde,  au  contraire,  des 
rédactions  diverses  s'en  rencontrent.  Au  vm*  siècle,  Tîvara 
deva  de  kosala  (Gupta  inscr.,  p.  294, 1.  25)  écrit  : 

ity  avagamra  hhavadhhir  yathocitam  asmai  hliogahhâgam 
upanayadbhih  sukham  pralivaslavyam  iti. 

Mahà  Sudevaràja  {ib,,  197, 1.  13),  Mahâ  Jayaràja(p.  193, 
1,  II): 

teyùyam  evam  upalabhyâsyâjMçravanavidheyâbhûtvàyalho- 
citam  bhogabhâgam  upanayantah  sukham  pralivatsyatha. 

Bhojadeva,  en  Tan  100  du  llarsa  samvat  (Ep.  Ind.,  V, 
211,  1.  15): 

praiivâsibhir  apy  âjflâçravanavidheyair  bbhûlvâ  sarvvâyâ 
esàm  samupaneyùh. 

Ilai-sa  vardhana  (ÇUàditya)  (£>.  Ind.,  VII,  157,  1.  15)  : 

pnitiiHisijimapadair  apy  âjMçravanavidheyair  bhûtvâ  yathâ- 
Simnicitalutyameyitbhàga/thogakarahiranyâdipratyayâh  anayor 
eiH^fHint^yâh^ 

JaNHuÂtha  el  ÇarvanAtha,  dont  le  protocole  rappelle  si 
souvont  celui  du  Néj>aK  dans  la  série  de  leurs  inscriptions 
oHpaoôos  eutiv  177  el  214  iUipta  {Gupta  Inscr.,  118-136, 
uvoc  queUiuos  xarianles'^  : 

k'  s'iiyam  i'i\>patiibhyitjt\it*:nnHin(widheyâ  bhûtvâ  samucita- 
bhuijabhotjiikunthinuiyKulipnityiiyiin  upanesyaiha . 

Kuliu  lo  uiuh;\i\\ju  Luk^s^rnav»^  ^1^»^^  ^a  charte  de  samvat 


INSCRIPTION   DE    GANADEYA  A   KISIPIDI  55 

158,  si  voisine  du  formulaire  népalais  {Ep.  Ind.,  Il,  364, 
1.6): 

tad  yusmâbhir  asyâjMçravanavidheyair  bbhavitavyam  samu- 
citâç  ca  pratyayâh  meyahiranyâdayo  deyâh. 

La  chancellerie  du  Népal  est  donc,  au  temps  de  Vasan- 
tadeva  et  Ganadeva,  sous  l'influence  d'une  chancellerie 
hindoue  qui,  bientôt  après,  cesse  d'exercer  son  action.  Un 
autre  mot  de  la  charte  de  Ganadeva  fournit  un  indice  ana- 
logue. L'envoi  adressé  aux  intéressés  ne  se  termine  pas  par 
le  mot  usuel  :  samdjflâpai/ati,  mais  (à  la  suite  d'une  phrase 
mutilée),  par  mânayaii  qui  correspond  assez  bien  à  notre 
expression  :  «  avoir  l'honneur  de...  »  et  qui  décèle  une 
autorité  plus  courtoise  ou  plus  timide.  J'ai  retrouvé  la  même 
expression  dans  la  formule  d'envoi  d'une  charte  datée  de 
l'an  300  Gupta,  sous  le  règne  de  Çaçànka  ràja,  et  sortie 
d'une  chancellerie  voisine  du  Sud  des  bouches  du  Gange 
(£>;. /;irf.,  VI,  144, 1.  20): 

""gvCimevavtamânabhnvhyatkumârâmâtyoparikatadâyaktakân 
(inydnircayal/idrhampâjayali  mânayatica  \  vidilamastu,    .     . 


Texte. 

1.  (svasti)  Mîinagrhâd  bappapâdânuddhyâta. 

2.  .     .  maliârâjaçrîGanadevali  kuçalî.      .     . 

3.  .     .     .  kicapricingrâme  yathâ 

/|.   (purassaram)  sarvvân  cva  kutum(bi).  .     . 

5.  mânayaii  pûrvvarâjabhir  yy .  s 

6.  nâbhyân  na  pravesfavyam  ity  anu..     .     . 

7.  sarvvadan(janâyakamahâpratihâ(ra).     .     . 

8.  pltena  (linga)pârica.      .      .  dhi 

9.  rena  catus.      .  yadhikarane 


56  LE  NÉPAL 

10.  (le)na  prasâdah  krtas  tad  yûya 

11.  çravanavidheyâs  tathaiva 

12.  sukham  prativatsyalha  ye  câ 

i3.   r  api  dharmmagurubhir  gguru(kr)ta 

i4.  jnâ  pratipâlanîyeti  dûtakaç  câlra 

i5.  Prasâdagupta   .     .  (rite)  vyavaliaratîti  ][  samvat  4oo. 
16.   çrâvana  çuklaprati(padi) 


Trad 


UCTION. 


(i-5.)  Salut  de  Managrha.  Son  père  adoré  le  suit  de  sa  pen- 
sée ;  le  (souverain)  le  grand  roi  Ganadeva  en  bonne  santé 
a  rhonneur  de  (s'adresser),  en  suivant  (l'ordre)  à  com- 
mencer par  .  .  .,  à  tous  les  maîtres  de  maison  dans  le 
village  de  Kicapricin. 

(5-9.)  Les  rois  avant  moi  avaient  .  .  .  disant  :  ni  .  .  . 
ni  .  .  .ne  devront  y  pénétrer.  Et  (sur  le  rapport  .î^)  du 
généralissime,  grand-huissier     ...   la  province   . 

(io-i5.)  Voilà  la  laveur  que  je  vous  fais.  Et  vous  donc, 
dociles  à  écouter  mes  ordres  et  aussi     .      .      .    vous  res- 
terez à  demeurer  là  heureusement.  Et  ceux  qui 
respectueux  de  la  loi,  respectant.  .      .,  ils  maintien- 

dront ma  prescription. 

Le  délégué  royal  est  ici  .     .  Prasâdagupta  ;  il  exerce  à.  . 

(i5-i6.)  Année  4  •      .,  çravana,  quinzaine  claire,  le  i". 


vin.  —  INSCRIPTION  DE  TSAPALIGAON 


Tsapaligaon  est  un  petit  village  situé  environ  à  1  kilo- 
mètre (le  Budha  Nilkanlh  (vol.  II,  394).  La  stèle  qui  porte 
l'inscription  est  dressée  contre  le  petit  temple  de  Narayan. 
Elle  est  décorée  au  fronton  d'un  cakra  entre  deux  conques 
(çankha).  La  disposition  de  l'ensemble  et  le  tracé  des 
conques  reproduit  exactement  le  décor  d'une  stèle  de  Va- 
santadeva  publiée  par  Bhagvanlal  (n**  3).  L'inscription  est 
en  grande  partie  effacée,  mais  il  subsiste  des  traces  de 
toutes  les  lignes,  au  nombre  do  23.  La  partie  inscrite 
couvre  environ  70  centimètres  de  hauteur,  sur  une  largeur 
d'environ  26  centimètres.  Ce  format  allongé  rappelle  par 
un  trait  de  plus  la  stèle  de  Vasantadeva.  Les  caractères, 
d'un  dessin  élégant,  mesurent  en  moyenne  0'",014  de  hau- 
teur ;  les  interlignes  sont  de  0™,02  environ. 

La  stèle  portait  sans  doute  une  donation,  comme  l'indi- 
quent les  lignes  finales,  seules  bien  conservées.  Mais  le 
nom  du  roi,  le  nom  du  bénéficiaire  et  l'objet  de  la  dona- 
tion ont  disparu.  Toutefois  le  début  de  la  première  ligne, 
lisible  encore  sur  la  photographie,  montre  que  le  roi  rési- 
dait au  palais  de  Mànagrha  ;  il  appartenait  donc  presque 
certainement  à  la  dynastie  des  Licchavis.  Il  suit  d'ailleurs 
leur  usage  graphique,  en  redoublant  la  muette  après  r 
(1.  22  Vrsavarmma), 

La  date  de  l'inscription,  mal  venue  sur  l'estampage,  très 


58  LE   NÉPAL 

nette  sur  la  pierre  et  sur  la  photographie,  est  de  489  sam- 
vat,  un  siècle  après  Tinscription  de  Changu  Narayan,  un  peu 
avant  le  règne  de  Çivadeva  I.  Les  caractères  épigraphiques 
marquent  bienenefifet  une  phase  intermédiaire,  voisine  des 
inscriptions  de  Çivadeva.  Les  deux  traits  que  Bhagvanlal 
avait  notés  comme  essentiels  à  Tépoque  de  Çivadeva  s'y  ren- 
contrent déjà,  à  un  degré  légèrement  moindre  :  ïi  en  fin 
d'aksara,  qui  descendait  à  peine  au-dessous  du  niveau  su- 
périeur de  la  ligne  avec  Mànadeva,  s'allonge  graduellement 
de  Vasantadeva  à  Çivadeva;  le  trait  gauche  du  va  est  en 
voie  de  s'arrondir.  Le  t/a  continue  à  développer  sa  boucle 
initiale,  portée  à  la  hauteur  du  niveau  supérieur  de  laligne. 
D'autre  part  le  ha  n'a  pas  encore  tourné  son  axe  et  pré- 
sente son  ouverture  h  la  gauche  du  scribe.  L'intérêt  de 
l'inscription  consiste  surtout  en  ce  qu'elle  relie  par  une 
étape  certaine  la  série  Mànadeva-Vasantadeva  à  la  série 
Çivadeva,  qu'on  avait  voulu  en  séparer. 

Le  diUaka,  Vrsavarman,  appartient  déjà  par  son  nom  à 
la  série  des  Varman  ;  Bhogavarman,  Amçuvarman,  Can- 
(Iravarman,  qui  occupent  une  situation  prépondérante  à  la 
(ni  (le  la  dynastie  Licchavi.  11  porte  le  titre  énigmatique  de 
hhaIjArnka'pMiyny  que  je  n'ai  pas  rencontré  ailleurs.  Le 
Dictionnaire  de  Pétersbourg  ne  donne  pas  le  moi  pâdtya, 
mais  l'expression  est  formée  régulièrement  au  moyen  du 
sufllxe  '7////  qui  marque  en  général  une  fonction  de  subor- 
dination, lihaiidraka-padnh  est  l'expression  consacrée  pour 
désif^ncM'  respectueusement  le  bhaftâraka,  seigneur  royal 
nu  s(Mj;n(un*  divin.  L'épigraphie  népalaise  fournit  deux  cas 
oi'i  Ir  dùlaka  est  un  hhattAraka  :  L'inscription  du  Chasal- 
Inl.Miiinvul  i;J7;  drttaka:  bhattAraka  çri  Vijayadeva;  l'in- 
tirriplinM  i;i  de  liliagvanlal,  samvat  1[4J3;  dûtaka:  bhattâ- 
nilui  rrl  llÎMideva.  Le  hhattAraka-pàdîya  doit  être  un  per- 
tsiMiiiMHn  nn  rapport  de  subordination  avec  le  bhattàraka 
lui  MiOinn    S'agit -il  dès  ce  moment  d'une  sorte  de  maire 


INSCRIPTION   DE   TSAPALIGAON  59 

du  palais?  Une  charte  qui  peut  être  du  vu*  siècle  fournit 
une  désignation  assez  analogue.  Çântilla,  général  {balâ- 
dhikrta)  au  service  du  bhogikapâla  et  mahâpalupatiKwWwû- 
laka,  qui  lui-même  est  le /«/pdrfd/îwrfAyd/a de  Çamkaragana, 
communique  une  donation  qu'il  institue  «  aux  paramapâ- 
diyas  et  aux  siens  propres  »  {sarvvân  eva  paramapâdiyân 
svâmç  câvedayati.  Ep.  Ind.  II,  23, 1.  5).  L'opposition  d^svân 
h*para)napâdiyân  précise  assez  bien  le  sens  :  d'une  part  ses 
ressortissants  propres,  d'autre  part  les  ressortissants  de 
l'autorité  souveraine. 


Texte. 


I. 


...  Mânagrhât  pa 


2.  rakamahârâja 

3.  ...  pa...  nava 

4.  ...  manu 

5.  ...  jnâpayati  viditam  astu 

6.  ...  mâna 

7.  ...  guptavijnap..  na 
[8-17  effacés.] 

18.  . . . d  api 

19.  grena  na  kena(cid  a)  nyalliâ  karan 

20.  nyatliâ  kuryyât  kârayed  va  lasyâliam  akrtyakâ 

21.  rino  bâdham  na  marsayisyâmïti  bhatiâraka 

22.  pâdîyo  py  alra  dûtako  Vrsavarmmâ  ||  samvat 

23.  4oo.  80.  9  çrâvana  çukladivâ  dvâdaçyâ(m) 


ÏUADUCTION. 


(1-18.)  De  Mânagrha     .      .      .  le  grand  roi     .      .      .      . 
fait  savoir  :  sachez  ceci     .      .      .  lavis  de   .      .  gupia. 


00  LE    NÉPAL 

(19-21.)  Personne  ne  doit  y  rien  changer;  et  si  quelqu'un 
le  fausse,  en  personne  ou  par  intermédiaire,  je  ne  tolé- 
rerai pas  un  pareil  méfait  *. 

(22-23.)  Et  le  délégué  ici  est  Vrsavarman  qui  tient  à  la 
sainte  personne  du  seigneur. 

(24-)  Année  ^89,  mois  de  çravana,  quinzaine  claire,  le  12. 

i.  A  partir  de  Çivadeva(l).  le  verbe  marsay,  quand  il  est  employé  dans 
les  formules  analogues,  gouverne  régulièrement  le  nom  de  la  personne 
à  raccu$a(if  :  par  exemple  dans  mon  inscription  du  Tulacchitol,  1.  14: 
tam  aham  atitaràn  ua  marsayitJiimi  ;  dans  Bhag.  7  (Aipçuvarman,  saip- 
vat  39)  I.  19:  tam  vayan  na  marsayisyàmah.  Le  génitif,  en  tout  état  de 
cause,  n'est  pas  incorrect.  Le  dictionnaire  de  Pétersbourg*  (supplément 
au  vol.  V)  iviivoie  à  deux  stances  du  Mahà  Bhàrata,  construites  sur  un 
type  identique  et  qui  ont  le  nom  de  personne  régi  par  marso  au  gé- 
nitif: 

trdyate  ht  yaiU  aarvam  rJeJ  kJyena  dharmam 

pittrasy^ipi  tut  mrsyec  ca  sa  râjfto  liharma  ucyatc.  xu,  3434. 

Ihtpam  kicarato  yatra  karma fù  vyâhrtena  va 

pviyaayjpi  na  mrsycta  sa  rJjno  dharma  ucyatc.  xii,  3437. 

Au  sm*plus.  la  mémo  construction  semble  se  retrouver  dans  l'inscrip- 
tiou  do  Vasanladeva,  samvat  535:  le  fac-similc  de  Bhagvanlal  donne 

uu\  II.  \S> 'i^S  \  ">{(  xÀ  tasyàham  drJham  aryya inlti.  <>m7/{  contient  sans 

douto  lu  tiualo  de  marsayisyJmi\  que  le  sens  ctTusage  amènent  nalurei- 
lommit  ici. 


IX.  —  INSCRIPTION  DU  TULACCHl-TOL, 

A  BHATGAON 


Cette  inscription,  que  j'ai  trouvée  encastrée  dans  la 
muraille  d'une  vieille  fosse  à  ablutions,  au  Tulacchi-tol,  à 
Bhalgaon  (cf.  II,  374)  reproduit  presque  intégralement 
rinscription  du  Golmadlii-tol  découverte  et  publiée  par 
Bendall  (n°  1)  et  qui  servit  de  base  h  son  système  chrono- 
logique. La  partie  inscrite  de  la  stèle  couvre  h  peu  près 
0'",70  de  hauteur;  la  hauteur  moyenne  des  caractères  au- 
dessus  de  la  ligne  est  d'environ  0'",012;  Tespacemenl  des 
lignes,  de  0'",023  environ. 

Le  texte  est  en  sanscrit,  et  en  prose.  La  graphie  est  cor- 
recte. II  convient  d'observer  que  la  muette  après;*  est  con- 
stamment redoublée,  selon  l'usage  des  Licchavis;  il  en  est 
de  même  dans  les  inscriptions  de  Çivadeva  publiées  par 
Bhagvanlal  (5)  et  par  Bendall  (1),  malgré  les  inconsé- 
quences des  transcriptions  données  par  les  deux  éditeurs. 
Ainsi  Bhagvanlal  transcrit  à  la  ligne  1  :  çauryavairyya\  le 
fac-similé  porte  çauryyavairyya  ;  à  la  ligne  2,  la  transcrip- 
tion et  le  fac-similé  donnent  à  tort  ""ketur  bhailà''  ;  le  texte 
du  Tulacchi-tol  montre  clairement  qu'il  faut  lire  ""ketu- 
bhaUd",  Dans  Bendall,  1.  10,  anyair  va\  la  partie  corres- 
pondante du  fac-similé  ne  permet  pas  de  vérification  ;  L 
1 2-13  Bendall  :  ""smadû — dûrdhvam  bhô!"  ;  le  fac-similé  porte 
clairement,  comme  le  texte  du  Tulacchi-tol,  pi  madû(\.  13) 
rdd/iva?n  b/m"  ;    1.14    Bendall:    ""ânuvartibhir \  fac-similé 


62  LE   NÉPAL 

""ânuvarttïhhir.  Je  note  immédiatement  que  Tinscription  4 
(le  Bhagvanlal^  dont  a  les  caractères  ressemblent  étroite- 
ment à  ceux  de  la  précédente  »  et  qui  est  datée  de  535 
samvat,  se  conforme  à  la  nouvelle  orthographe  et  ne  redou- 
ble pas  la  muette  après  r.  Ex.  1.  i:  pûrva  ;  1.  12  parvata  ; 
1.  {T'vartibhir  et  non  varttibhir  comme  Bhagvanlal  tran- 
scrit à  tort. 

L'inscription  contient  une  charte  royale,  octroyée  par 
Çivadeva  le  Licchavi  sur  le  rapport  du  mahâ-sâmauta 
Amçuvarman,  en  faveur  des  habitants  du  bourgdeKhrpun, 
probablement  situé  sur  la  partie  occidentale  du  site  actuel 
de  Bhatgaon,  où  se  trouve  aujourd'hui  le  Tulacchi-tol.  La 
date,  ilHsible  sur  la  reproduction,  tant  le  relief  en  est  faible, 
se  laisse  déchiffrer  au  moins  en  partie  sur  Teslampage,  au 
commencement  de  la  dernière  ligne.  On  reconnaît  le  sym- 
bole des  centaines  et  celui  des  dizaines  ;  le  symbole  des 
unités  est  complètement  effacé.  L'inscription  se  place  donc 
entre  510  et  519  samvat;  elle  est  sans  doute  exactement 
contemporaine  de  l'inscription  du  Golmadhi-tol,  puisqu'elle 
lui  est  identique,  sauf  la  désignation  du  bourg  privilégié. 
Le  nouveau  texte  permet  ainsi  de  rectifier  quelques  lec- 
tures fausses  de  Bendall.  L.  1 ,  lire  ""yaçâ  au  lieu  de  ""diço  ; 
1.  2,  ketu,  non  hetar  \  \.  ''çamiiâmittrapaksa!',  non  ""çamitâ- 
ynitavipaksa!' \  1.  10,  asmatpâdaprasàdo'' {comme  l'indique 
aussi  le  fac-similé),  non  asmatprasâdo''  ;  1.  12,  marsayUâs- 
mi,  non  marsayisyâmi  :  yepi  mad^,  non  ye  vâsmad. 

Le  dûtaka  est,  comme  au  Golmadhi-tol,  Bhogavarma- 
gomin  (non  fOTmt,  comme  lit  Bendall). 

Texte. 

i .   Svasli  Mânagrhâd  aparimilagunasamudayodbhâsi 

'À.   lajaçâ  happapâdânuddhynto  Licchavikulaketubha 

.'{.    [ttâjraka  maharaja  çrïÇivadevah  kuçalï  Khrpungrâme 


INSCRIPTION    DE   TULACCHI-TOL,    A  BHATGAON  63 

4.  joratibad.  grâm.  nivâsinah  pradhânapurassarân  grâma 

5.  kutumbinah    kuçalaparipraçnapûrvvam    samâjfiâpayaii 

vidi 

6.  tam  bhavatu  bha[vatâin]      .      .      .     na  prakhyâtâmala- 

vipulayaçasâ 

7.  svaparâkra     .      .      .    tâmittrapaksaprabhâvena  çrîmahâ 

8.  sâmantâmç[uvarmmanâ]  vljnâpitena  mayaitadgauravâd 

yusma 

9.  danukampa     .      .      .   (kû)th.  rvr     ...  m  atra  sa- 

mucita(s  tri)ka 

10.  ramâltrasâdhanâ[yai]va  prave[ço]  lekhyadânapaficâparâ- 

dhâ 

1 1 .  dyarlthan  tv  apraveça  iti  prasâdo  vah  krtas  tad  evamve- 

dibhi 

12.  r  asmatpâdaprasâdopajïvibhir  anyair  vvâ  na  kaiçcid  ayam 

anya 
i3.   thâ  karanîyo  yas  tv   ctâm  âjfiâin  vilaiighyânyathâ  ku- 

ryyât  kâraye 
i4.  d  va  tam  aham  atitaran  na  marsayitâsmi  ye  pi  madûrd- 

dhvam  bliQ 
i5.   bhujo  bhavilâras  lair  api  dharmmagurubhi[r  asjmatkr- 

taprasâdâ 
16.   nuvarttibhir  iyam  âjfiâ  sa     .      .      .  ripâlanîyeti  samâ 

4.  La  lecture  des  premières  syllabes  est  très  douteuse.  —  Rétablir 
aussi  pradhânapurassarân  au  lieu  de  pradhânajanapu^  ôslïi^  la  partie  cor- 
respondante de  Bendall  1,  1.  3. 

6.  Rétablir,  d'après  Bd.  1,  5  :  hhavatâm  yathânena  pra^ 

7.  Rétablir:  svaparâkrainopaçamitâmittrapaksa^ 

9.  Rétablir:  anukampayâ  ca.  Mais  la  lecture  des  syllabes  suivantes 
chez  Bendall  est  manifestement  fausse.  Le  prétendu  redoublement  du 
V  après  r  dans  kubervvaiya^  est  inadmissible  dans  le  système  graphique 
de  l'inscription;  au  reste,  sur  la  photographie  de  Bendall  comme  sur 
mon  estan>page,  le  groupe  se  lit  clairement  :  rvr  et  la  lettre  qui  précède 
ne  peut  être  un  6a,  car  un  trait  horizontal  bien  gravé  coupe  à  mi-hau- 
teur le  caractère.  Il  convient  donc  de  restituer  provisoirement:  (Jiu)th.- 
rvr  tyadhikr  tânâm . 

46.  Rétablir  :  samyak  paripâlantyeti.  —  Le  mot  samâjMpanâ  manque 
au  P.'W.*et  K 


64  LE  NÉPAL 

17.  jnûpanu     ....  (Bho)gavarinmagoinî  samvat 

18.  5oo.  10 kla mvâm 


Traduction. 

(i-o.)  Salut.  De  Managrha.  Ses  innonibral)lcs  vertus,  grou- 
pées, illuminent  sa  gloire  :  son  père  adoré  le  suit  de  sa 
pensée  ;  la  race  des  Licchavis  l'a  pour  bannière  ;  le  souve- 
rain, le  grand  roi  Çivadeva  en  bonne  santé,  aux  habitants 
du  villa^^e  de  kbrpun,  notables  en  tète,  chefs  de  famille 
dudit  village     .      .  souhaite  le  bonjour  et  fait  savoir  ceci  : 

(6-1 1 .)  Sacbez  ceci  :  im  personnage  illustre,  de  gloire  imma- 
culée et  vaste,  cpii  a  par  sa  valeur  héroïque  anéanti  le 
pouvoir  de  mes  adversaires,  le  grand  marquis  Amçuvar- 
man  ma  fait  rapport  ;  et  moi,  par  considération  pour  lui 
et  par  compassion  pour  vous,  je  n'autorise  les  ...  . 
à  pénétrer  dans  le  village,  selon  Tusage,  que  pour  perce- 
voir les  trois  impôts  :  mais,  pour  la  remise  des  pièces 
écrites,  pour  les  cinq  crimes,  etc.,  défense  d'entrer.  Tel 
est  le  privilège  cpie  je  vous  octroie. 

(ii-i().)  Kt  maintenant  qu'on  le  sait,  personne,  ni  des  gens 
attachés  u  mon  service,  ni  des  autres,  ne  doit  rien  y 
changer.  Et  quiconque,  enfreignant  mon  ordre,  le  ren- 
drait vain,  soit  on  personne,  soit  par  instigation,  je  ne  le 
tolérerai  absolument  pas.  Kt  les  rois  à  venir,  eux  aussi, 
par  respect  d(î  la  loi,  en  conformité  du  privilège  que  j'ai 
octroyé,  devront  maintenir  mon  ordonnance.  Voilà  ce  que 
j'avais  a  faire  savoir. 

(17-18.)  Le  délégué  ici  est  Bhogavarma-gomin.  Année 
5i.      ,      .      .  quinzaine  claire,      .      .      .  ième  jour. 

17.  H(''lal)Iir  :  dutahaç  cûtra. 


X.  —  INSCRIPTION  DE  THOKA 


Thoka  est  un  hameau  en  face  de  Dharampur  (II,  394). 
La  slèle  qui  porte  Tinscription  est  toute  effritée  et  ne  se 
prête  pas  à  un  déchiffrement.  Le  fronton  est  décoré  du 
cakra  entre  deux  conques  renversées  Ja  pointe  en  haut. 
On  reconnaît  les  traces  des  vingt-neuf  lignes  qui  la  consti- 
tuaient; l'objet  en  était  sans  doute  une  donation  de  ter- 
rain ;  les  limites  en  étaient  indiquées  avec  le  détail  ordi- 
naire. L.  9:  sang  amas  tatas  ta\  1.  10,  setu.,  ;  H,  pûrvva-s 
tato  mârggam  anusrtya  \  12,  ""lacrksas  iasya  câdhas  ii\  13, 
"^svtya.Jasmâd  utiara\  14,  ""niyapâtas  tasmCul  iittara  ]  15, 
tato  daksinanusâra  ;  16,  °//2  anusrtya  ;  \1  ^"sya  daksinatojâti- 
khrnnadi.  Puis  viennent  les  débris  des  menaces  et  des 
recommandations  usuelles:  18,  parikseptâ\  19,  ''nyair 
iwd...  ;  20,marsayisy''  ;^l^  prasdddmwa''  ;  ^Q,tadyaçca,,,,m 
apaha  ;  27,  apaha"". 

En  fait  tout  l'intérêt  de  l'inscription  tient  pour  nous  dans 
les  indications  des  deux  dernières  hgnes  : 

28.  dûtakaç  câtra  Vipravarmmagomï  samvat  619 

29.  —  çukladivâ  daçamyâm  || 

(28-29.)  ^^  délégué  ici  est  Vipravarma-gomin.  Année   619 
.  quinzaine  claire,  le  10. 

L'inscription,  par  sa  date,  se  place  donc  entre  celle  du 

111.  —  5 


66  LE   NÉPAL 

Golmadhi-tol  et  celle  de  Dharampur  qui  en  est,  localement 
aussi,  voisine.  Elle  émane  manifestement,  comme  les  deux 
autres,  du  roi  Çivadeva,  et  le  dûlaka  est  une  fois  de  plus 
un  ffomin  (cf.  II,  129  sqq.). 


XI.  —  INSCRIPTION  DE  DHARAMPUR 


Dharampur  est  un  vieux  village  situé  entre  Katmandou 
etBudha  Nilkanth  (II,  394),  en  face  de  Thoka  qui  m'a 
donné  une  stèle  de  la  même  époque.  La  stèle  qui  porte 
rinscription  est  dressée  en  face  d'une  chapelle  de  Ganeça. 
Il  n'en  subsiste  que  la  partie  inférieure  :  les  huit  dernières 
lignes  sont  seules  bien  préservées  ;  il  reste  des  traces  de 
vingt  lignes,  mais  un  énorme  éclat  en  a  emporté  la  plus 
grande  partie. 

La  partie  inscrite  couvre  environ  0'",60  en  hauteur,  0™,2o 
en  largeur;  les  caractères  mesurent  en  moyenne  0'",015; 
les  interlignes,  0™,02.  L'écriture  a  Taspect  ordinaire  des 
inscriptions  de  Çivadeva:  les  lettres  sont  grandes,  nettes, 
bien  taillées  ;  la  seule  différence  caractéristique  avec  Am- 
çuvarman  (exception  faite  du  h  qui  ne  se  rencontre  pas 
ici)  consiste  dans  le  redoublement  des  muettes  après  r.  Il 
faut  signaler  toutefois  comme  une  innovation  le  procédé 
pour  noter  la  consonne  en  finale  absolue  ;  au  lieu  d'être 
tracée  en  format  réduit  au-dessous  de  la  ligne,  elle  est 
écrite  au  niveau  normal,  en  format  normal,  mais  elle  est 
soulignée  d'un  trait  bouclé  qui  ressemble  àl'û  sanscrit  du 
dévanagari,  retourné  sur  son  axe. 

La  charte  a  pour  objet  un  double  privilège  (1.  13)  dont 
les  détails  manquent;  pourtant  on  voit  encore  que  l'entrée 


68  '  LE   NÉPAL 

du  village  était  interdite  h  perpétuilé  à  la  force  armée, 
régulière  ou  irréguiière  ;  Tautre  privilège  consiste,  sem- 
ble-t-il,  dans  une  remise  de  taxe,  en  rapport  avec  leMalla- 
kara  (c  Timpôt  Malla  ».  Le  même  impôt  est  mentionné, 
également  à  propos  d'une  remise  de  taxe,  dans  inscrip- 
tion de  Jisnugupla  à  Thankot  (1.  24),  et  dans  les  deux  pas- 
sages il  est  question  de  quatre  pana  {panacatmtaya)\  mais 
la  stèle  de  Dharampur  précise  qu'il  s'agit  de  panas  de 
(i\\\yve{tâmrapana)  et  ajoute  expressément  «  selon  Tusage» 
(iicila).  J'ai  déjà  rappelé,  à  propos  du  iMallakara  (II,  2H 
sq.),  la  campagne  victorieuse  de  Mànadeva  contre  Malla- 
purî,  la  ville  des  Mallas,  et  j'ai  indiqué  l'analogie  du  Tu- 
ruska  danda,  fréquemment  nommé  dans  les  inscriptions 
de  Govinda  candra  de  Canoge.  Il  est  probable  que  les  Mal- 
las,  précurseurs  des  Gourkhas  qui  devaient  les  renverser 
un  jour,  exerçaienl  à  ce  moment,  de  la  vallée  occidentale 
où  ils  étaient  installés,  une  sorte  de  suzeraineté  onéreuse 
sur  le  Népal. 

Le  formulaire  de  recommandation  aux  rois  futurs  est 
en  grande  partie  identique  à  celui  des  inscriptions  de  Çiva- 
deva;  de  même  la  formule  iti  samâjnapanâ^  qui  disparaît 
avec  Çivadeva  pour  être  remplacée  par  svayam  âjnd.  La 
date  confirme  tous  ces  indices  ;  elle  se  lit  clairement 
500  20.  L'élément  5  de  500  est  exactement  pareil  à  celui 
de  l'inscription  de  Khopasi  ;  le  signe  de  la  centaine  a  ici, 
au  lieu  de  la  double  boucle  (en  manière  de  3)  de  Khopasi 
et  de  Bhag.  4,  une  sorte  d'S  retourné  sur  son  axe. 

Le  dùtaka  est  le  Vârta  Bhogacandra;  j'ai  déjà  traité  du 
personnage  et  du  titre  (I,  282).  Uu  personnage,  nous  ne 
savons  rien  ;  son  nom  présente  l'élément  bhoga  que  j'ai 
déjà  signalé  à  l'attention  (il,  128). 


1.  Le  mot  samûjFiâpanâ  manque  au  dictionnaire  de  Bohtlingk-Roth, 
et  à  l'Abrégé. 


INSCRIPTION    DE   DHARAMPUR  69 


EXTE. 


Les  1 1  premières  lignes  sont  presque  entièrement  effacées, 

sauf  à  la  4*  :  tabhatâpraveçyah  sarvvakâlam  a 

à  la  5*  le  second  caractère  est  si  ;  à  la  7'  on  lit  haças  ;  à  la  8*, 
lân  na  ;  à  la  9%  pûrvvapra\  à  la  10*,  rnnâç  car. 

12..  .   bhyaç  ca  Mallakara 

i3.    .      .   citatâmrapanacatustayâd  ûrddhva 

i4.    .   m  iti  prasâdadvayam  samadhikan  dattam  tad  e 

i5.   vamvedibliir  nna  kaiçcid  idam  apramânan  kâryyam 

16.  ye  py  asmadûrddhvam  bhûbhujo  bhavitâras  taira 

17.  pi  dharmmagurubhir  ggurukrtaprasâdânu 

18.  rodhibhir  eva  bhâvyam  iti  samâjfiâpanâ 

19.  dûtakaç  câtra  vârttabhogacandrah  samvat 

20.  5oo  20  mâgha  çukla  dvâdaçyâm 


Traduction. 

(4.)  Entrée  interdite  aux  réguliers  et  irréguliers  . 

(i2-i3.).  .  .  de  ceux-ci,  TimpôtMalla  .  .  .  .au- 
dessus  de  quatre  panas  de  cuivre  selon  Tusage. 

(i4-i8.)  Ce  double  privilège  considérable  vous  a  été  accordé. 
Sachant  ainsi,  personne  ne  doit  manquer  à  ce  règlement. 
Et  les  rois  qui  viendront  après  nous,  eux  aussi,  ils  devront 
par  respect  de  la  loi  respecter  ce  privilège  et  le  maintenir. 
Tel  est  Tordre. 

(19-20.)  Le  délégué  est  ici  le  vârta  Bhogacandra. 

Samvat  620,  mois  de  mâgha,  quinzaine  claire,  le  12. 


XII.  —  INSCRIPTION  DE  (JVADEVA  A  KHOPASI 


L'estampage  de  cette  inscription  m'a  été  envoyé  du 
Népal  en  1902  par  les  soins  du  maharaja  Chander  Sham 
Sher  Jang.  La  localité  de  Khopasi  (écrit  aussi  Sopasi)  où 
se  trouve  la  slèle  est  en  dehors  des  limites  de  la  vallée,  à 
TEst  de  Bhatgaon.  L'inscription  est  en  magnifique  état  de 
conservation  ;  c'est  un  privilège  réservé  singulièrement  aux 
chartes  de  Çivadeva,  à  Khopasi  comme  à  Bhatgaon  et  à 
Patan.  Il  est  difficile  de  croire  que  le  nom  seul  de  leur 
auteur  les  ait  sauvegardées  :  Çivadeva  n'a  pas  de  relief, 
ni  dans  l'histoire,  ni  dans  la  légende.  Çivadeva  a  eu  plutôt 
la  bonne  fortune  de  régner  au  moment  où  l'art  épigraphi- 
que  atteignait  sa  perfection  au  Népal  :  la  pierre,  choisie 
avec  soin,  a  élé  laborieusement  polie  ;  les  caractères,  d'une 
élégance  sobre  et  harmonieuse,  sont  gravés  d'un  ciseau 
précis  et  sûr. 

L'inscription  couvre  0'",47  en  hauteur,  0",34  en  lar- 
geur ;  le  corps  des  caractères  mesure  environ  0",009,  et 
les  interlignes  sont  de  0'",()15.  L'écriture  a  subi  des  trans- 
formations caractéristiques  et  prend  un  aspect  nette- 
ment original.  La  courbe  se  substitue  partout  à  l'angle  ou 
à  la  ligne  droite  ;  la  hampe  du  ça,  du  ga,  du  repha  se  renfle 
du  milieu  :  1'/  final  d'aksara  atteint  régulièrement  la  ligne 
de  niveau  inférieur  des  lettres.  La  boucle  du  ga  s'est  con- 


INSCRIPTION   DE   ÇIVADEVA    A   KHOPASI  71 

sidérablemenl  développée  et  elle  constitue  Télément  essen- 
tiel du  tracé;  le  na  au  contraire  a  réduit  et  presque  anni- 
hilé les  boucles  de  sa  base,  mais  il  a  prolongé  jusqu'à  la 
ligne  inférieure  les  courbures  supérieures  de  ses  deux 
tiges.  Le  la  s'est  retroussé,  et  Taxe  de  sa  courbure  est  de- 
venu parallèle  à  la  hampe.  Le  ha  a  tourné  sur  son  axe  ;  il 
présente  maintenant  à  la  droite  du  scribe  l'ouverture  de 
sa  concavité  ;  de  plus  sa  hampe  a  subi  une  inflexion  mar- 
quée, et  sa  courbure  inférieure  s'est  retroussée  comme 
celle  du  la.  Lepa  dessine  maintenant  une  panse;  le  ma  a 
creusé  ses  contours  en  lignes  concaves;  le  da^  au  lieu 
d'accrocher  directement  la  tige  supérieure  de  son  angle  à 
la  ligne  du  haut,  l'amorce  maintenant  sur  une  courte  per- 
pendiculaire abaissée  de  cette  ligne  même. 

Au  point  de  vue  du  système  orthographique,  j'observe 
que  la  muette  est  régulièrement  doublée  après  r,  selon  la 
tradition  des  Licchavis.  La  consonne  finale  est  encore  tra- 
cée au-dessous  du  niveau  de  la  ligne,  mais  elle  est  sur- 
montée d'un  trait  horizontal  qui  fait  fonction  de  virâma. 

L'inscription  consiste  dans  une  charte  de  franchise 
octroyée  par  Çivadeva  aux  habitants  de  Kurpâsï;  c'est 
clairement  le  village  actuel  de  Khopasi,où  se  trouve  cette 
stèle,  et  dont  le  nom  s'est  à  peine  altéré  après  un  espace 
de  treize  siècles.  L'entrée  du  village  est  interdite  aux  re- 
présentants de  Tautorité  centrale  ;  les  affaires  locales  seront 
jugées  par  le  svatalasvàmin ^  personnage  de  nature  énig- 
matique.  L'expression  svatala  revient  à  plusieurs  reprises 
dans  l'épigraphie  de  Valabhî  :  Valabhisvatala,  dans  une 
charte  de  Çîlâditya  I,  an  286  ;  Valapadrasvatala  sannivista^ 
dans  une  charte  du  même  roi,  an  290  ;  Valabhlsvatalasan- 
îuvisla  Trisahgamakasvatale  pratisthita,  dans  des  chartes  de 
Dhruvasena,  an  310.  L'expression  appartient  à  la  langue 
administrative,  et  semble  bien  désigner  le  territoire  com- 
munal. Mais  qu'est-ce  que  le  svâmin,  le  propriétaire  de  ce 


72  LE   NÉPAL 

terrain  communal?  Est-ce  une   sorle  de  seigneur  local? 
Les  clauses  et  restriclions  sont  plus  obscures  encore:  «  En 
toutes  affaires,  il  n'y  a  pour  vous  qu'une  porte,  et  de  plus, 
lors  des  deux  processions  de  Touverture  de  la  porte  el  du 
Kailâsakûta,  vous  devrez  donner  chacun  cinquante  mrlli- 
kàs  nalurellemenl  blanches  ».  Je  suis  tenté  de  croire  que 
le  village,  pour  mieux  assurer  son  autonomie,  est  autorisé 
à  s'enfermer  dans   un    enclos  percé  d'une  seule    porte 
(comme  on  le  voit  encore  dans  les  régions  écartées  du 
Kalliawar,  par  exemple).  La  mention  des  deux  yâtrâs  est 
intéressante  pour  l'histoire  religieuse  du  Népal;  Tinscrip- 
tion  d'Aniçuvarman,  an  30,  à  Harigaon  semble  J)ien  aussi 
en  mentionner  une  (1.  19)  mais  le  texte  est  douteux.  Une 
dos  yâtrâs  est  celle  du  Kailâsakûta,  la  résidence  d'Amçu- 
varman  qui  doit  devenir  le  palais  de  la  dynastie  nouvelle 
après  la  mort  de  Çivadeva.  J'ignore  aussi  ce  qu'il  faut  en- 
tendre par  ((  cinquante  mrttikâs  ».  Le  mot  mrttikA  désigne 
l'argile  ;  les  composés  pandumrttikâ,  dhavalamrttikâ  dési- 
gnent la  craie  {W   ex.    Hâmâyana  11,  71,  20;  Ayodhyà 
drçyate  durât  sârathe  pCindumrttikâ,  où    le  commentaire 
glose  :  sudhiidhavalitatvât  ;  lesmaisonsstuquées  lui  donnent 
l'air  d'être  en  craie).  Le  chiffre  de  cinquante  s'applique- 
rait alors  à  une  mesure  qui  n'est  pas  spécifiée  ou  s'agît-il 
d'objets  en  terre  blanche? 

Le  document  lui-même  est  désigné  dans  l'inscription 
sous  le  nom  de  çilfipaiiaka  «  tablette  de  pierre  »;  c'est  le 
mot  dont  se  sert  un  peu  plus  tard  Jisnugupta  (Bhag.  13, 
1. 14  ;  inf.  Thankot,  1.  13),  en  empruntant  la  formule  même 
de  Çivadeva  (Çiv".  cirasthitaye  râsya  prasàdasya  çilâpatta-- 
kenaprasùdah  krtnh,  Jisnu".  asya  ca  prasàdasya  cirasthitaye 
çilùpaitakaçùsaiiam  idan  dattam). 

Çivadeva  ici  comme  dans  toutes  ses  chartes  joue  un  rôle 
fort  effacé;  il  est  nommé  on  tête,  îivec  un  panégyrique 
fort  raccourci;  il  ne  porte  môme  pas  le  litre  debappapd- 


INSCRIPTION   DE   ÇIVADEVA   A   KKOPASI  73 

dànndhyâta  qui  garantit,  pour  ainsi  dire,  la  possession  lé- 
gitime du  pouvoir,  titre  qui  lui  esl  conféré  dans  Tinscrip- 
tion  du  Golmadhi-tol  (mais  qui  est  également  omis  au 
Tulacchi-tol).  Il  agit  sur  le  rapport  du  mahâsâmanta  Am- 
çuvarman,  qui  est  célébré  en  termes  pompeux  (cf.  sup.  II, 
126  sq.).  Parmi  les  épithètes  qui  lui  sont  décernées  il  en 
est  une  qui  reparaît  sous  des  formes  diverses  dans  toutes 
les  inscriptions  de  Çivadeva  :  svabhujabalotkhâtâkhtlavai- 
rivarggena,  1.  6-7  ;  Tulacchi-tol  et  Golmadhi-tol,  1.  6  :  sva- 
paràkramopaçamitâmittrapaksa  —  [Bendall  lit  :  amitavipaksa , 
contrairement  à  la  photographie  même  qu'il  reproduit;] 
—  prabhâvena\  Bhag.  5,  1.  6-8:  ""çatiryyàpratâpâpahatasa- 
kalaçatrupaksaprabhâvena  ;  s'agit-il  d'un  simple  exercice 
de  variations  littéraires,  ou  bien  de  traductions  différentes 
faites  sur  un  original  commun?  Une  autre  épi thète  vante 
Amçuvarman  comme  un  adorateur  fervent  de  Çiva,  sous 
le  vocable  de  Bhava  (1.  3  :  bhagavadBhavapâdapahkajapra- 
nâmânmlhânatâtparyya^)  ;  elle  amorce  pour  ainsi  dire  un 
nouvel  élément  du  protocole,  introduit  par  Amçuvarman  et 
perpétué  jusqu'à  nos  jours  :  bhagavatPaçupatibhattâraka- 
pddânugrhUa,  Le  formulaire  de  conclusion  est,  avec  quel- 
ques légères  variantes,  celui  qui  se  rencontre  toujours 
dans  les  inscriptions  de  Çivadeva.  Le  délégué  royal,  Deça- 
varman,  appartient  au  groupe  des  Varman  et  porte  le  titre 
de  Gomin;  j'ai  étudié  déjà  ce  groupe  et  ce  titre  (II, 
128-131). 

L'intérêt  capital  de  Tinscription  consiste  dans  sa  date  ; 
elle  dégage  en  effet  l'ancienne  chronologie  du  Népal  d'une 
combinaison  inexacte  fondée  sur  une  lecture  fautive. 
Bhagvanlal  avait  publié  une  inscription  de  Çivadeva  I  (rf  5), 
malheureusement  incomplète  et  sans  date.  Il  avait  rap- 
proché, il  est  vrai,  de  cette  inscription  une  autre  (n°  4), 
également  mutilée,  mais  assez  bien  conservée  dans  sa  par- 
tie inférieure,  et  datée  clairement  de  samvat  535  çrâvana 


74  LE    NÉPAL 

çukla  divâ  daçamyâm.  Bhagvanlal  n'avait  pas  négligé  d'ob- 
server que  ((  les  caractères  du  u**  5  ressemblaient  étroite- 
ment {closely  resemble)  à  ceux  du  n**  4  ».  Le  dûtaka  de 
rinscription  n"4,  en  samvat  535,  est  le  rAjaputra  Vikra- 
masena.  D'autre  part  une  inscription  d'Amçuvarman, 
samvat  34,  a  pour  dûtaka  le  maliâ  .  .  yaka  Vikra  .  .  . 
(n**  6).  Bhagvanlal  n'avait  pas  hésité,  en  raison  de  la  lon- 
gueur bien  définie  de  la  lacune,  à  restituer  dans  sa  tra- 
duction le  nom  de  Vikra(masena). 

En  1884-85,  M.  Bendall  découvrait  au  Népal,  à  Bliat- 
gaon  (Golmâdhi-tol],  une  nouvelle  inscription  de  Çivadeva, 
qu'il  publiait  dès  le  mois  d'avril  1885  dans  VIndinn  Anti- 
quary  (XIV,  97).  Sans  un  mot  d'explication  ni  de  justifi- 
cation, sans  même  signaler  l'énorme  divergence  entre  sa 
lecture  et  la  date  de  535  fournie  par  Bliagvanlal,  il  inter- 
prétait les  signes  de  la  date  par  Samvat  318,  et  il  en  con- 
cluait sans  autre  débat:  ((La  date  de  celle  inscription  peut 
contribuera  la  solution  des  questions  si  embarrassantes  des 
ères  entre  l'ère  Çaka  et  celle  de  Cri  llarsa.  Contenant  trois 
signes  numériques,  dont  le  premier  est  le  symbole  pour 
300,  elle  ne  peut  guère  se  rapporter  qu'à  l'ère  commen- 
çant en  319  J.-C.,que  certaines  personnes  regardent  en- 
core comme  l'ère  Cupla-Valabhi  ».  L'nc  de  ces((  personnes» 
M.  Floet,  qui  allait  justement  démontrer  une  fois  pour  toutes 
l'identité  de  l'ère  319  cl  de  l'ère  (îupta,  s'empressa  de 
saluer  cette  inscri|)tion  nouvelle  comme  la  ((  note  fonda- 
mentale »  {key-note)  de  la  chronologie  népalaise.  Partant 
de  celte  donnée:  samvat  318=1  Ciupta  318=(318-h319/ 
320  J.-C.)=  637/38  J.-C,  il  agença  tout  un  système  nou- 
veau de  chronologie  {The  Chronology  of  the  Early  Rulers 
of^lSepal y  dans  Ind,  Ant.  XiV,  342-351  ;  publié  à  nouveau 
dans  le  volume  III  du  Corpus:  The  imcnpiions  of  the  Early 
(ritptff  Kings,  Appendix  IV,  p.  177-1 91).  M.  Bendall  publia 
de  nouveau  Tinscriplion,  celle  fois  avec  un  fac-similé  pho- 


INSCRIPTION   DR   ÇIVADEVA   A   KHOPASI  75 

tographique  dans  son  rapport  :  A  Journey,,.  in  NepaL,,^ 
Cambridge  1886,  p.  72,  Appendix  I;  il  ajou lai l  celle  fois 
une  réserve  sur  le  chiffre  des  unités,  qui  pouvait  être  un  6 
aussi  bien  qu'un  8.  Dans  le  texte  même  du  Rapport 
(p.  13-14)  il  insistait  sur  «  Tadmirable  concordance  »  de 
la  date  interprétée  par  l'ère  Gupta  et  des  autres  données 
touchant  Amçuvarman. 

Dès  1 894  {Note  sur  la  Chronologie  du  Népal ,  dans  Journ, 
Asiai.  IV,  55-72)  j'ai  eu  l'occasion  de  protester  contre  la 
prétendue  chronologie  rectifiée  que  M.Bendall  et  M.  Fleet 
avaient  mise  en  circulation.  L'inscription  de  Khopasi, cor- 
roborée par  les  inscriptions  fragmentaires  de  Thoka  et  de 
Dharampur,  fait  décidément  justice  de  ces  combinaisons. 
Le  chiffre  des  centaines,  chez  Çivadeva,  est  500  et  non 
pas  300.  C'est  à  tort  que  Biihler  a,  dans  la  Table  IX  de  sa 
Paléographie  Indienne,  réuni  sous  la  même  rubrique  de 
300  les  deux  signes  empruntés,  l'un  à  l'inscription  de 
Mânadeva  à  Changu  Narayan,  l'autre  à  l'inscription  de 
Çivadeva  au  Golmadhi-tol  ;  c'est  à  tort  aussi  qu'il  a  omis, 
sous  la  rubrique  500,  le  signe  fourni  par  l'inscription  4  de 
Bhagvanlal.  On  pourrait  être  tenté  de  penser  que  Biihler 
a  voulu,  par  cette  omission,  indiquer  qu'il  rejetait  l'inter- 
prétation du  Pandit;  mais  il  ne  faut  pas  oubher  que  c'est 
Biihler  lui-même  qui  a  traduit  et  publié  le  mémoire  de 
Bhagvanlal,  écrit  originellement  en  Gujarâti,  et  qu'il  en 
revendique  expressément  sa  part  de  responsabilité  dans  la 
préface.  La  différence  des  deux  signes  300  et  500  éclate 
d'ailleurs  si  on  les  rapproche,  comme  fait  Biihler  dans  sa 
Table.  Le  signe  de  300  est  régulièrement  constitué  par  le 
signe  de  la  centaine  (quel  qu'en  soit  le  tracé)  avec  l'addi- 
tion de  deux  traits  atlachés  à  la  hampe  de  la  centaine,  et 
qui  fléchissent  en  s'écartant  de  leur  attache;  c'est 
là  une  forme  régulière,  constante  et  qui  se  constate 
au   Népal    même  dans    les    inscriptions    de    Mânadeva 


76  LE  NÉPAL 

à  Changu  Narayan  et  à  Lajanpal.  A  partir  de  400, 
comme  Tobserve  Biihler  (p.  74)  les  symboles  sont 
constitués  par  des  ligatures  de  la  centaine  avec  les  traits 
caractéristiques  des  nombres  4  à  9.  La  ligature  de  100  est 
figurée,  dans  le  500  de  Çivadeva,  par  un  signe  très  ana- 
logue à  notre  3  ;  ce  signe  est  rattaché  par  un  trait  horizon- 
tal à  une  hampe  verticale  d'où  partent  vers  la  gauche  deux 
traits  netlement  horizontaux  ;  le  trait  supérieur,  attaché  à 
l'extrémité  de  la  hampe,  est  le  plus  long;  Tautre,  inséré 
au-dessous  du  point  d'attache  du  trait  qui  va  relier  en  sens 
inverse  la  hampe  à  la  ligature  du  100,  s'infléchit  à  son 
extrémité  et  finit  en  boucle.  Il  suffit  de  se  reporter  sur  le 
tableau  même  de  Biihler  à  la  série  des  unités  pour  y  trou- 
ver le  signe  correspondant  avec  la  valeur  5,  spécialement 
le  signe  de  la  colonne  VII,  emprunté  aux  Kusanas.  Bhag- 
vanlal,  dans  son  étude  sur  les  Anciens  signes  numériques 
en  nâgarî  {Ind.  Antiq.,  VI,  42  sqq.)  reproduit  la  même 
forme  d'après  les  inscriptions  des  Guptas,  mais  sans  réfé- 
rence précise.  Le  signe  de  500  est  donc  bien  régulière- 
ment formé  par  la  combinaison  de  la  centaine  avec  son 
unité  particulière,  tout  comme  dans  le  cas  de  400,  de  600, 
de  700. 

Il  faut  donc  lire,  dans  l'inscription  du  Golmadhi-tol, 
comme  dans  les  autres  inscriptions  de  Çivadeva  et  comme 
dans  l'inscription  4  de  Bhagvanlal,  pour  le  chiffre  des  cen- 
taines :  500. 

Les  inscriptions  de  Çivadeva  sontde  518  (Golmadhi-tol) 
et  520  (Khopasi).  Elles  continuent  ainsi  la  série  ouverte 
par  l'inscription  de  Changu  Narayan  (386)  et  prolongée 
par  Lajanpat  (387),  To-Bahal  (402),  Bhag.  2  (412),  Bhag. 
3  (435),  Kisipidi  (449),  Tsapaligaon  (489),  et  close  par 
Bhag.  4  (535).  Si  je  prends  pour  origine  de  l'ère  l'an  33 
çaka  courant,  en  fondant  mon  calcul  sur  le  mois  supplé- 
mentaire fourni  par  l'inscription  de  Kisipidi  (449  samvat), 


INSCRIPTION  DE  ÇIVADEVA  A   KHOPASI  77 

Tan  520  samvat  correspond  à  553  çaka courant  =  631  J.-C. 
J'ai  déjà  montré,  d'une  manière  indépendante,  dans  une 
Note  sur  la  Chronologie  {Journ.  As.^  1894,  II,  55  sqq.), 
que  Tan  34  d'Amçuvarman  doit  correspondre  à  629  J.-C. 
La  première  inscription  d'Amçuvarman  date  de  Tan  30  de 
la  nouvelle  ère  (Harigaon  I);  la  dernière  date  de  4(4?); 
j'ai  essayé  de  marquer  les  progrès  de  son  autorité  dans 
le  libellé  même  de  ses  chartes  (II,  138  sqq.)  entre  ces  deux 
dates  extrêmes  ;  la  première  doit  correspondre  à  625  J.-C. 
Si  mes  calculs  sont  exacts  de  part  et  d'autre,  les  deux 
règnes  chevauchent  ainsi  l'un  sur  l'aulre  ;  cette  apparente 
confusion  n'est  sans  doute  que  le  reflet  authentique  d'une 
réalité  assez  trouble.  Toutes  les  chartes  de  Çivadeva  que 
nous  possédons  sont  rendues  sur  le  rapport  du  mahâ- 
sàmanta  Amçuvarman,  de  qui  l'éloge  éclipse  entièrement 
la  personne  du  souverain.  On  peut  aisément  imaginer  des 
hypothèses  assez  variées  pour  rendre  raison  des  faits: 
Çivadeva  aurait  pu  conserver  une  autorité  nominale  dans 
un  ressort  restreint  de  compétence  ou  de  territoire,  tout 
en  restant  sous  la  tutelle  de  son  maire  du  palais  ;  en  dehors 
de  ce  ressort,  Amçuvarman  aurait  exercé  l'autorité  su- 
prême. Si  on  observe  que  les  inscriptions  actuellement 
connues  d'Amçuvarman  laissent  une  lacune  entre  l'an 
34  =  629  J.-C.  et  l'an  39  =  634  J.-C,  et  que  d'autre  part 
les  inscriptions  actuellement  connues  de  Çivadeva  se 
placent  justement  dans  ce  court  intervalle  (518  samvat 
=  629  J.-C.  ;  520  samvat  =  631  J.-C),  on  peut  supposer 
encore  qu'Amçuvarman  a  dû,  pour  des  raisons  de  politi- 
que étrangère  ou  intérieure,  accepter  ou  restaurer  un 
souverain  de  la  dynastie  légitime,  le  Licchavi  Çivadeva. 

Du  même  coup,  une  difficulté  qui  gênait  la  combinai- 
son de  M.  Fleet  s'éclaircit  et  se  résout.  Je  rappelle  que 
l'inscription  de  535  (Bhag.  4)  a  pour  dùtaka  le  râjaputra 
Vikramasena,  et  que  l'inscription  d'Amçuvarman,  samvat 


78  LE  NÉPAL 

34  (Bhag.  0)  a  pour  dùlaka  le  mahà  .  .  yaka  Vikra  .  .  ., 
nom  restauré  par  Bhagvanlal  en  Vikramasena.  M.  Fleet, 
en  citant  celle  inscription  (Gw/>/tf  Inscr.,  p.  178,  n.  2)  a 
bien  soin  d'ajouter  :  n  Si  nous  acceptons  la.  restitution  de 
Bhaf^vanlal,  nous  devons  prendre  bien  garde  de  ne  pas 
confondre  ce  personnage  avec  le  ràjaputra  Vikramasena 
qui  est  le  di)(aka  de  Tinscription  de  sarnvat  536,  deux  cents 
et  quelques  années  plus  tard.  »  Mais  le  ràjaputra  Vikrama- 
sena reparaît  maintenant  dans  une  nouvelle  inscription 
d'Amçuvarman,  à  Sanga,  an  32  avec  le  titre  de  sarvadan- 
(landyaka.  Ici  la  lecture  est  certaine  et  Tidentité  du  per- 
sonnage devient  évidente.  D'une  part,  une  inscription 
datée  de  535  et  que  la  ressemblance  étroite  des  caractères 
range,  au  témoignage  de  son  premier  éditeur,  à  côté  d'une 
inscription  de  Çivadeva,  contemporain  et  suzerain  nomi- 
nal d'Amçuvarman  ;  d'autre  pari  un  personnage  identique 
de  nom  et  de  litre  paraît  dans  celle  inscription  et  dans  une 
inscription  d'Ainçuvarman.  Est-il  raisonnable  de  le  dédou- 
bler et  de  creuser  un  intervalle  de  deux  cents  ans  et  plus 
entre  les  deux  moitiés  du  personnage? 

La  date  de  535  semble,  il  est  vrai,  soulèvera  son  tour 
une  nouvelle  difficulté.  Compléedel'an  110  J.-C.=0  pour 
origine,  l'année  535  correspond  à  646  J.-C;  à  ce  mo- 
menl  Am(;uvarman  est  mort.  N'cst-on  pas  en  droit  de 
s'attendre  à  trouver  exclusivement  en  emploi  l'ère  nou- 
velle inlroduile  par  Amçuvarman  et  continuée  au  moins 
pendant  un  siècle  et  demi  par  ses  successeurs?  Mais  j'ai 
déjà  décrit  (II,  155)  la  période  de  troubles  qui  suivit  la 
mort  d'Amçuvarman  ;  Jisnugupta,  héritier  irrégulier  du 
pouvoir,  reconnail  pour  suzerain  un  Licchavi  ;  s'il  se  sert 
en  sarnvat  48  de  l'ère  d'Ainçuvarman,  il  semble  àTliankot 
revenir  à  l'ère  des  Licchavis.  Or,  rinscription  de  535  pré- 
sente la  même  parlieularilé  décisive  que  Finscription  de 
Thankol:  tandis  que  Çivadeva,   iîilMe  à  la  pratique  des 


INSCRIPTION  DE   ÇIVADEVA  A   KHOPASI  79 

Licchavis,  redouble  constamment  la  muette  après  )\  Tin- 
scriplion  de  535  ne  fait  pas  le  redoublement  ;  elle  écrit 
pûrva  (4,7),  bhûmer  daksina  (9),  parvaia  (H,  12),  ""varti- 
bhir  (17,  et  non  ''varttibhir  comme  Bhagvanlal  transcrit  à 
tort.  Elle  adopte  le  système  orthographique  inauguré  par 
Amçuvarman  et  continué  par  ses  successeurs  ;  elle  se 
range  ainsi  en  dehors  et  à  la  suite  de  la  série  Çivadeva. 
C'est,  il  me  paraît,  une  vérification  et  une  garantie  de 
plus  au  bénéfice  du  système  chronologique  que  j'ai  pro- 
posé. 

Texte. 

1.  Svasti   Mânagrhâd  aparimitagunasampal  Licchavikulâ- 

nandakaro 

2.  [bhaJUârakamaliârâjaçrîÇivadevah  kuçalï  Kurppâsîgrâ- 

manivâ 

3.  sinah   pradhânapurassarân  kutumbinah  kuçalam  abhi- 

dliâya  samâjnâ 

4.  [pajyati  viditam  astu  vo  yathânena  svagunamanimayù- 

khâloka 

5.  [dhvajstâj  flâna timirena  bhagavadBhavapâdapankajapra- 

nâmânusthâ 

6.  natâtparyyopâttâyallhitaçreyasâ  svablmjayugabalotkhâtâ 

7 .  [khijlavairivarggena         çrïmahâsâmantâmçuvarmmanâ 

mâin  vijnapya  madanu 

8.  [jnâjlena  satâ  yusmâkam  sai'vvâdhikaranâpraveçenapra- 

sâdah  krlah 

•     •     • 

9.  [sajmupasthilavicâranïyakâryyesu  svatalasvâminaiva  yQ- 

yam  vicâ 

10.  ranîyâh  sarvvakâryyesu  caikam  eva  vo  dvâram  dvârod- 

ghûianaKailâsa 

1 1 .  (kùla)yâtrayoç  ca  bhavadhih  pralyekam  paficâçaj  jâti- 

çuklainrttikâ  deyâ 


80  LE  NÉPAL 

12.  (ç  cira)slhitaye  câsva  praaâdasya  çilâpaUakena  prasâdah 

krlas  ta 
i3.  devamvedibhir  asmatpâdaprasâdopajîvibhir  anyair  vvâ 

nâyam  prasâdo 
i4.  nyalhâ  karanïyo   yas  Iv  elâm  âjiiâin  utkramyânyathâ 

kuryyât  kârayed  va  la 
i5.   m  aham  maryyâdâbhaiigakârinam  atitarân  na  marsayi- 

syâmi  bhâvibhir  a 
i6.  pi  bhûpatibhir  ddliarmmagurubhir  ggurukrtaprasâdâ- 

nuvarilibhir  iya 

17.  m  âjnâ  samyag  anupâlanîyeti    samâjnâpanâ  ||  dûtakaç 

câtra 

18.  Deçavarmmagomï   samvat  520  caitrakrsnapaksatithau 

pancamyâm 


Traduction. 

(i-4).  Salut  de  Mânagrha.  Ses  innombrables  vertus,  par- 
faites, font  la  joie  de  la  race  des  Licchavis;  le  souverain, 
le  grand  roi  Çivadeva,  en  bonne  santé,  aux  babitants  du 
village  de  Kurpâsî,  notables  en  tête,  chefs  de  famille,  sou- 
haite le  bonjour  et  fait  savoir  : 

(4-12).  Sachez  ceci  :  Ce  personnage  de  qui  les  vertus,  pier- 
reries, irradient,  éclairent,  et  dissipent  les  ténèbres  de 
rignorance,  qui,  toujours  prosterné  aux  pieds,  lotus,  du 
saint  Bhava,  a  pris  sur  lui  d'assurer  à  Tavenir  le  salut  et 
le  bonheur,  de  qui  les  bras,  couple  puissant,  ont  déraciné 
tous  les  ennemis  coalisés,  le  grand  marquis  Amçuvarman 
m'a  fait  rapport,  et,  autorisé  par  moi,  il  vous  a  accordé  la 
faveur  d'interdire  Feutrée  à  tous  les  ressorts  (de  justice). 
Dans  toutes  les  affaires  qui  viendront  à  être  débattues, 
c'est  le  propriétaire  local  qui  devra  vous  soumettre  à  son 
examen.  Et  pour  toutes  les  aflaires  vous  n'aurez  qu'une 


INSCRIPTION  DE  ÇlVADEVA  A   KHOPASI  81 

seule  porte.  El  lors  de  Touverture  de  la  porte  et  de  la  pro- 
cession du  Kailâsa  kûta,  vous  aurez  à  donner  un  à  un  cin- 
quante  craies  naturellement  blanches. 

Et  pour  la  longue  durée  de  ce  privilège,  le  privilège  a 
été  mis  sur  une  tablette  de  pierre. 

(i3-i7).  Et  maintenant  qu  on  le  sait,  personne,  ni  des  gens 
attachés  à  mon  service,  ni  des  autres,  ne  doit  rien  changer 
à  ce  privilège.  Et  quiconque,  transgressant  mon  ordre,  le 
rendrait  vain,  soit  en  personne,  soit  par  instigation,  je  ne 
tolérerai  absolument  pas  qu'il  viole  les  stipulations  fixées. 
Et  les  rois  à  venir,  eux  aussi,  par  respect  de  la  loi,  en 
conformité  du  privilège  que  j'impose  à  leur  respect,  devront 
bien  maintenir  cette  ordonnance. 

(17-18).  Le  délégué  ici  est  Deçavarma-gomin.  Année  520, 
mois  de  caitra,  quinzaine  noire,  cinquième  jour. 


lil.  -  6 


XIII.  —  STÈLE  I  DE  HARIGAON 


Les  deux  inscriptions  [d'Aihçuvarman  à  Harigaon  sont 
dressées  symétriquement  aux  deux  coins  d'une  plate-forme 
qui  porte  une  chapelle,  du  côté  qui  regarde  le  Nord,  au 
milieu  de  la  chaussée  qui  traverse  le  village  du  Nord  au 
Sud,  et  près  de  la  descente  rapide  qui  mène  au  pilier  déjà 
décrit.  L'inscription  I  couvre  environ  0'",55  en  hauteur  et 
0",30  en  largeur;  la  hauteur  des  caractères  est  de  0"',01 1 
environ.  La  stèle  porte  un  fronton  arrondi  et  soigneuse- 
ment décoré.  Au  milieu,  deux  rinceaux  affrontés,  portés 
sur  un  socle  bas  ;  la  tête  du  socle  soutient  une  tige,  renflée 
à  mi-hauteur,  qui  sépare  les  rinceaux  et  qui  s'épanouit  en 
un  cahce  allongé,  servant  de  support  à  une  espèce  de  cha- 
piteau carré,  sillonné  de  cannelures  évasées  et  flanqué  sur 
les  côtés  de  figures  en  saillie.  Sous  ce  dessin  stylisé,  on 
reconnaît  toutefois  les  lignes  essentielles  du  vase  au  col 
allongé,  garni  de  fleurs.  A  droite,  un  coquillage  {çahkha); 
k  gauche,  une  ammonite  (çâlif/rdma)  ;  l'un  et  l'autre,  em- 
blèmes de  Visnu,  sont  assis  sur  des  pétales  recourbés  qui 
les  encadrent.  Le  fronton  est  séparé  du  texte  par  un  filet 
semé  de  perles. 

L'inscription  est  tout  entière  en  sanscrit  et  en  prose. 
L'orthographe  en  est  assez  régulière.  Il  faut  observer  tou- 
tefois que,  dès  son  premier  édit,  Amçuvarman  rompt  avec 


STÈLE   I   DE   HARIGAON  83 

la  graphie  traditionnelle  des  Licchavis,  qui  doublait  la 
consonne  après  r  ;  il  écrit  varman,  et  non  varmmariy  etc.  Le 
détail  vaut  d'autant  plus  d'être  relevé  qu'il  concorde  avec 
la  tradition  (Hiouen-tsang,  Kirkpatrick)  qui  fait  d'Amçu- 
varman  un  roi  grammairien.  Le  caractère  est  le  même  que 
dans  les  inscriptions  d'Amçuvarman  déjà  connues.  Amçu- 
varman,  en  qualité  de  mahâ-sâmanta^  institue  un  assez 
grand  nombre  de  donations  (/^ra^^cfe)  affectées  à  des  béné- 
ficiaires de  genres  divers  :  divinités,  temples,  fonction- 
naires, animaux,  portes,  rues.  Ces  donations  se  rattachent 
évidemment  à  une  cérémonie  ;  la  mention  du  cheval  du 
sacre  et  de  Téléphant  du  sacre  donne  à  croire  que  l'occa- 
sion en  est  Yabhiseka,  le  sacre  d'Amçuvarman.  Les  détails 
semblent  bien  cadrer  avec  celte  hypothèse.  Nous  ne  pos- 
sédons pas,  il  est  vrai,  de  description  authentique  d'un 
abhiseka  historique.  Les  textes  védiques,  quelle  que  soit 
la  date  à  leur  assigner,  ne  décrivent  la  cérémonie  qu'au 
point  de  vue  du  rituel.  Les  épopées  ne  donnent  pas  non 
plus  un  tableau  d'ensemble.  Le  Mahà-Bhârata,  qui  décrit 
longuement  le  râjasûya  de  Yudhisthira  au  Sabhà-parvan 
retrace  sommairement  le  sacre  du  même  roi  au  xli*  adhyâya 
du  Çânti-parvan.  Le  Râmâyana  conte  avec  plus  d'ampleur 
les  préparatifs  du  sacre  de  Râma  II,  1 3.  Enfin  l'Agni-Purâna 
traite  du  sacre  royal  dans  son  ccxvui*  adhyâya*.  Gold- 
stùcker,  dans  son  Dictionnaire  avorté,  a  donné  une  admi- 
rable monographie  de  Tabhiseka  (s.  v.)  et  Weber  a  repris 
le  sujet  dans  son  mémoire  :  Die  Kônigsweihe  {râjasûya)^ 
dans  les  Abh,  Ak.  Wiss.  de  Berlin,  1893.  Je  me  suis  appli- 
qué dans  les  notes  de  l'inscription  à  marquer  les  rapports 
entre  les  données  de  l'inscription  elle-même  et  les  textes 
que  je  viens  de  citer. 

4.  Le  Pancatantra,  111,  fable  4,  décrit  avec  quelques  détails  intéres- 
sants le  sacre  du  hibou  comme  roi  ;  mais  ce  développement  manque  à 
la  recension  du  Sud  publiée  par  M.  Hertel. 


84  LE   NEPAL 

Les  donations  sont  évaluées  en  pu  el  en  pa.  La  mention 
du  pamtf/rahana  k  la  1.  4  el  l'analogie  de  plusieurs  autres 
inscriptions,  publiées  ou  encore  inédites,  montre  claire- 
ment qu'il  s'agit  de  panas  {pa)  el  de  purànas  {pu).  Le  puràna 
est  une  monnaie  d'argent,  désignée  aussi  sous  le  nom  d(* 
iiârsàpana  (p.  ex.  inscr.  de  Jisnugupla  à  ïhankot,  inf.). 
Hapson  {Indian  Coins,  p.  2)  fixe  le  poids  et  la  valeur  du 
puràna  h  \V'%li)  d'argent,  el  celui  du  pana  h  9*',48  de  cuivre. 
L'inscription  n'indique  que  le  nionlanl  des  sommes;  mais 
il  esl  évident  qu'il  ne  s'agit  pas  d'un  versement  unique; 
AiTi(;uvarnian  n  aurail  pas  eu  besoin  de  faire  graver  son 
édit,  ni  d'en  recommander  Texéculion  ponctuelle  aux  rois 
d(»  l'avenir.  On  peut  dès  lors  se  demander  s'il  s'agit  d'un 
paiement  quotidien,  mensuel  ou  annuel.  Mais  la  littérature 
sanscrite  est  si  pauvre  d'informations  réelles  qu'il  est  diffi- 
cile de  décider.  Le  seul  texte,  h  ma  connaissance,  qui  Iraile 
des  salaires  h  la  cour  du  roi  se  trouve  dans  Manu,  VII, 
125  et  12()  : 

rùjakannnsn  ynktanâni  slruuim  presyajanasya  ca 
pralydhatn  hulpaycd  viitinj  sihânahtrmùnurûpalah  \\ 
pano  (Irvo  'valirsifisya  sail  ufhrsiftsya  vetanam 
siuundsikna  talhucchado  dhnnyadromr  ru  mâsikah  \\ 

a  Aux  IVmmrs  (employées  dans  l(»s  services  royaux  et  aux 
(lonu»sli(iues,  le  roi  doit  assurer  rcMitrelien  quotidien,  en 
ra|)porl  avc^c  le  rangel  le  travail  di^  chacun.  Il  faut  donner 
aux  plus  infimes  un  pana,  aux  |)lus  élevés  six  panas  comme 
salaire,  el  de  plus  tous  les  six  mois  de  quoi  se  couvrir  el 
tous  les  ni(»is  un  boisseau  (dronn)  dr  grain  ».  Le  commen- 
tateur Kullùka  s|)écili(^  (pie  le  salaire  indicpié  est  le  salaire 
(piolidirn  el  il  donne  comme  excMuple  de  fonctions  infimes 
le  balayeur  (.s7///////^//;/(//y/)  el  le  \M)r  [ciir  dcdii  (udaAavd/ia). 
L'unel  raulivse  rr'lrouvent  dans  la  (*liarte  d'Ainçuvarman; 
l(i  porteur  d'isiu  {itnniya-h'fnnHintika)  y  reçoit  2  puràçaset 


STÈLE   I    DE   HARIGAON  85 

2  panas,  soit  34  panas  ;  la  balayeuse  (sammarjayitrî) 
\  puràna  el  4  panas,  soit  20  panas.  Il  s'agit  vraisembla- 
blement d'une  rente  annuelle  à  servira  tous  les  auxiliaires 
du  sacre. 

L'inscription  est  datée  de  samvat  30,  correspondant 
à  625  J.-C.  Je  dois  me  contenter  ici  de  renvoyer  a  mon 
chapitre  sur  l'histoire  et  à  ma  Note  sur  la  chronologie 
pour  justifier  l'équivalence  proposée.  Je  puis  cependant 
indiquer  que  la  difficulté  qui  embarrassait,  après  moi, 
M.  Kielhorn  {List  of  North.  Inscrps.,  n**  530  et  note)  se 
trouve  définitivement  écartée.  La  date  de  l'abhiseka,  en 
samvat  30,  montre  bien  qu'Amçuvarman  n'a  pas  fondé, 
mais  emprunté  l'ère  dont  il  se  sert;  mais  ce  n'est  point  h 
Harsa  qu'il  a  emprunté,  plus  ou  moins  volontairement, 
son  ère. 

On  peut  observer  que  le  formulaire  de  conclusion 
contraste  par  sa  réserve  modeste  avec  les  menaces  rigou- 
reuses qu'emploie  Çivadeva,  et  qu'Arnçuvarman  lui-même 
y  introduit  plus  tard.  Arnçuvarman  s'essaie  encore  timi- 
dement à  l'exercice  du  pouvoir  personnel. 


rii 


Texte. 

1 .  [svasti    kailâsakûjtabliavanât   parahitaniratapravrtlitayâ 

krtayuga 

2.  .      .    pari.ânakarï   bhagavatPaçupalibhaltârakapâdânu- 

dhyâto 


2.  Le  mot  anndhydta  remplace  ici,  à  la  fin  de  la  formule  Bhagavat- 
Pfiçupati...y  le  terme  usuel  nnugrklta  qui  se  lit  dans  les  incriptions 
d'Aniçuvarman  datées  3i  (Bliag.  6)  et  39  (Bhag.  7).  Les  inscriptions  de 
samvat  3'2  et  3i  (Bend.,  p.  74)  sont  mutilées  dans  la  parUe  correspon- 
dante. C'est  aussi  anwjihltaqw'x  est  employé  régulièrement  dans  la  même 
formule  par  Jisçugupta  (Bhag.  9  et  iO  ;  et  ijiscription  de  Thankot.) 


86  LE  NÉPAL 

3.  [ba]ppapâdaparigrhïtah  çrîmahâsâmanlâmçuvarmâ  ku- 

çalî  karisyamâ 

4.  naprasâdânns  lanmaryâdâpanagrahanâdhikrtâmç  ca  var- 

tamânân  bhavi 

5.  syataç  ca  samajfiâpayati  viditam  bhavatu  bhavatâm  sar- 

vatra  ra/â  prasâ 

6.  desu  kxtaprasâdair  maryâdânimillam  yena  st. 

7.  yathocitadânena  ma  bhûd  ut/iâya  sa  .   .    .    ï  .   .  maya 

purvarâjânuvr 

8.  tlyâ  yathocitapradânâya     ....  likhito  yo  tra 

9.  çrideyyâih  pu  3  pa  i  aroh  pu  3  pa pa 

1  sasthîde 


3.  La  formule  bappapàdaparigrhlta  est  une  anomalie  expressive.  La 
formule   régulière    et  constante   est  bappapâdânudhyàta.  Sans  multi- 
plier trop  facilement  les  exemples  en  dehors  de  Té pigraphie  népalaise, 
je  me  contenterai  de  mentionner  que  cette  dernière  formule  se  trouve 
seule  dans  les  autres  inscriptions  d'Amçuvarman  actuellement  connues; 
il  remprunte  lui-même  au  formulaire  de  son  prédécesseur  Çivadeva 
(cf.  inscr.  Golmadhi-tol,  dans  Bendall,  mon   inscr.  de  Bhatgaon,  etc.) 
qui  l'avait  lui  aussi  re(;ue  de  ses   prédécesseurs  (Vasantadeva,  inscr. 
Bhag.  3;  moninscr.de  Kisipidi,  etc.);  et  après  Arpcuvarman,  c'est 
encore  cette  seule  foruïule  qu'emploient  ses  successeurs.  La  dérogation 
présente  est  donc  en  soi  un  fait  qui  appelle  l'attention.  Déjà  dans  la 
note  précédente  j'ai  signalé  une  autre  anomalie  en  rapport  avec  celle-ci, 
le  transport  du  mot  anudhyàta  dans  une  formule  où  sa  présence  était 
inattendue,  et  où  il  était  substitué  à  l'ordinaire  anugrhlta,  Parigrhtta 
rappelle  extérieurement  ce  dernier  mot,  comme  s'il  devait  donner  le 
change  ;  on  fait  il  a  un  sens  tout  différent  et  très  précis.  Le  mot  pari- 
qraha  désigne  l'admission  dans  la  famille,  et  par  suite  il  s'applique  à 
l'épouse  et  à  la  «  familia  )>.  Le  Pravaràdhyàya  (Weber,  Cai,  Berlin.  Hss., 
1,  59),  l'applique  même  expressément  à  l'adoption  :  atha  dattaka-krltaka- 
krtrima  pntrihâh  parapariffrahetia  nânârseyeua  jâtâh...,  et  il  oppose  le 
père  qui  a  engendré  iitpâdayitar  au  père  qui  a  adopté  pangrahltar^pûr* 
rah  pravarn   utpàdnyitur  uttarah  parigrahHrth).  Kullûka,  commentant 
Manu  IX,  168,  sin-  Tadoption,  appelle  également  le  père  adoptif  pari- 
grahltfir  (mutupitaiau   pnrnsparam  anujMya  yam  putram  parigrahituff 
snmânajàtiyam...).  Dans  la  dynastie  des  Guptas  impériaux,  Candragupta 
11  se  désigne  comme  (ils  parigrhlta  de  Samudragupta,  et  celte  qualifica- 
tion spéciale  lui  est  régulièrement  affectée  par  ses  successeurs  :  Samu^ 
dragtfptasya  putras   tatparigrhUo  mahddcvyâni  Dattadeiyâm  utpannaff. 


STÈLE   I   DE   HARIGAON  87 

10.  vakulasya  pu  3  pa*  i  çrïbhaitârakapâdânâm  pralyekam 

pu  .  pa  .  mahâbalâdhyaksa 

1 1 .  sya  pu  20  5  prasâdâdhikrtasya  pu  20  5  abhlsekahasli- 

[nah]  pu  3  pa  i  abhîse 

12.  kâçvasya  pu  3  pa  i  dhâyakagecchim.âkasya  pu  3  pa  . 

bhânda     .      .      .      .     pu  2  pa  2 


M.  Fleet  (Gupta  Inscript.,  p.  4*2,  n.  4)  interprèle  ce  mot  par:  «accepté 
(comme  fils  favori  et  successeur  par  choix)».  Cette  interprétation  ne  me 
parait  pas  cadrer  avec  le  sens  de  parigrKita,  et  elle  ne  convient  pas 
dans  le  cas  d'Aipçuvarman,  puisque  Arnçuvarman  était  le  gendre,  et 
non  le  fils  de  son  prédécesseur  Çivadeva.  Je  traduis  dans  l'un  et  Tautre 
cas  :  ((  admis  par  adoption  dans  la  famille  ». 

9.  Le  mot  çr't  devant  dcvyàh  est  très  douteux.  Peut-être  il  s'agit  d'une 
désignation  locale.  —  Aroh  est  au  contraire  la  lecture  presque  certaine. 
Il  est  peu  probable  qu'il  s'agisse  d'Arw,  donné  par  un  lexicographe 
comme  un  nom  du  soleil.  —  Sas(hl  est  proprement  le  nom  du  sixième 
jour  qui  suit  la  naissance  et  qui  clôt  la  période  critique  des  nouveau- 
nés  ;  Sasthî  devï  y  préside,  et  à  ce  tilre  elle  est  l'objet  d'un  culte  spé- 
cial. Mais  Sasthl,  au  témoignage  des  lexiques,  est  devenue  une  appel- 
lation de  Durgà  ou  Devi.  Peut-être  Arnruvarman  Ta-t-il  choisie  ici  parce 
qu'elle  présidait  au  jour  de  la  donation,  qui  est  datée  de  la  Sasthl,  la 
6«  tithi  claire  de  Jyaistha. 

40.  Hhattàraka  est  sans  doute  Parupati,  qui  reçoit  régulièrement  ce 
titre,  par  exemple  ici  mémo,  1.  2.  —  Mahâbalâdhyaksa  est  un  titre  qui 
semble  jusqu'ici  particulier  au  Népal.  L'Inde  ne  donne  que  l'équivalent 
mahâhalâdhikrta  (Inscr.  de  Hastin,  Gup.  (?)  404  dans  Fleet,  Gupta 
//isc/ps.,  408;  ihscr.  de  Buddharàja  le  Kalacuri,  E/)<V/r.  Jnrf.,  VI,  300  ; 
cf.  halâdhikrta,  inscr.  deÇàntilla,  \assal  des  Kalacuris,  16.,  Il,  23).  Manu 
mentionne  le  haLîdhyaksa  à  côté  du  senàpati,  VU,  489.  Une  autre  in- 
scription d'Amçuvarman  samvat  34  (fiend.,  p.  74)  nous  donne  le  nom 
de  son  mahâbalâdhyaksa  :  Vindusvàmin. 

41.  Prasâdâdhikrta  est  un  litre  que  je  n'ai  pas  rencontré  ailleurs; 
mais  il  est  exactement  symétrique  à  balâdhikrta  que  je  viens  de  mçn- 
{'\onnei\  ^  Abhisckahastin.  La  cérémonie  du  sacre  exigeait  en  effet  un 
éléphant  (Kâmàyana  II,  45,  sacre  de  Itàma:  mattaç  ca  varavâratjah, 
n.  8  (=  matlo  gajararah,  Gorr.)  aussi  bien  qu'un  cheval  blanc,  Ib., 
V.  44.  pâtujurârvar  ca  samsthitah  :  de  même  l'Agni-Purària,  Bibl.  Ind., 
ch.  248  :  arvam  âruhya  nâgani  ca  pfijayet  tant  samârohct, 

42.  Dhâvaka^.  La  lecture  de  ce  mot  est  dans  l'ensemble  fort  nette;  la 
seconde  lettre  est  dout<»use  ;  la  boucle  n'en  est  pas  fermée,  et  l'aspect 
est  plutôt  celui  d'un  r  avec  un  trait  recourbé  vers  la  gauche  au  pied  de 
la  tige.  Je  ne  saiR  comment  interpréter  le  signe  au-dessous  du  ma,  et 
l'interprétation  du  mot  reste  entièrement  énigmatique. 


88  LE   NÉPAL 

i3.  câmaradharasya  pu  2  pa  2  dhvajamanusyasya  pu  2  paa 

de     ...      .     nâm  pu  2 
i4.  pa  2  pânîyakarmântikasya  pu  2  pa  2  pîlhâdhyaksasya 

pu  2  pa  2  .ran.âm  pu  . 
i5.   pa  2  puspapatâkavâhasya  pu  2  pa  2  nandîçankhavSdayoh 

pu  .  bha.tânâ 

16.  yakasya  pu  2  pa  2  açvasyârghe  pu  .  pa  2  daksinadvS- 

rasya  pu  i  pa  4 

17.  .sya  pu  I  pa  4  pratolyâh  pu  i  pa  4  paçcimadvârasya  pu 

I  pa  4     .      .      .     pu. 

18.  pa  4  mânagrhadvârasya  pu  i   pa  4  madhyamadvârasya 

pu  I  pa  4  uttaradvârasya  pu  i  pa  4 


13.  Câmaradhara.  La  queue  d'yak  (chowrie)  est  un  insigne  royal  et 
figure  régulièrement  au  sacre  (Ràmày.,  v.  iO:  vâlavyajanam=^  câmara, 
Gorr.) 

44.  Pàntyakarmântika.  Le  commentateur  du  Ràmàyaoa  sur  11,  80,  i, 
explique  bien  karmântika  par  vctanajlvin  «  qui  vit  d'un  salaire  ». 
Le  travail  du  karmântika  s'oppose  à  la  vis(i  u  la  corvée  non-rélribuée  ». 
Il  s'agit  peut-être  de  Teau  nécessaire  au  sacre,  et  la  tâche  en  ce  cas  était 
plutôt  ardue  ;  les  Rrâhmanas  réclament  de  Teaude  pluie  recueillie  avant 
de  toucher  terre,  et  lorsque  le  soleil  brille;  leRâmâyaça  mentionne  pour 
le  sacre  de  Hâma  des  eaux  prises  au  confluent  du  Gange  et  de  la  Ya- 
munâ  et  toutes  sortes  d'eaux  spéciales. 

Pt(hâdhyaksa,  Pitha  est  le  terme  même  que  le  Râmâyaoa  emploie 
pour  le  Irùne  royal,  v.  4  :  hha(lrapl(ham  svalantkrtam.  Le  P.  \f\  renvoie 
pour  le  terme  pl(h(kihyaksa  à  un  passage  du  Çankaravijaya  d'Ananda- 
giri  cité  par  AutVecht,  Cat.  Mss.  Oxon.  "ïtyV*;  Çankara  fonde  une  sorte 
d'académie  sur  le  bord  de  la  Tiingabhadrâ  et  y  laisse  Surecvara  comme 
jn(/iâdhyaksa.  Aufrecht  traduite'  schohe  magister»,  sens  fort  suspect. 
J^i(h(i  désign<^  fort  bien  les  lieux  sacrés,  et  spécialement  au  Népal  les 
lieux  consacrés  par  les  reliques  de  Devl. 

15.  Pvspapatuka,  qui  manque  au  P.  W.,  est  un  synonyme  de  Pu^pa- 
ketu  qui  désigne  par  périphrase  l'Amour.  J'ignore  ici  de  quelle  fonction 
particulière  il  s'agit. 

yandl  est  donné  dans  P.  W.^  comme  le  nom  d'un  instrument  de  mu- 
sique indéterminé. 

4().  \j(ir(fha  est  un  présent  de  choix  donné  à  rocrasion  du  sacre. 
Vudhisthira,  en  offrant  Targha  à  Krsoa  (Mahâ-^Rhârata  11,  adhy.  36-38) 
dérhaine  la  jalousie  furieuse  de  Çirupàla,  lors  de  son  ràjasûya. 

i8.  Mànagiha  est  le  palais  des  rois  Licchavis. 


STÈLE  I   DE  HARIGAON  89 

19.  sammarjayitryâh  pu  i  pa  4  yadi  yatrâySm  viçvâsikanâ- 

yakayoh  pu  20 

20.  20  lad  evamvedibhir  asmaipâdaprasâdapratibaddhajîva- 

nair  anyair  va  na  kaiçci 

21.  d  ayam  prasâdo  nyalhâ  karanïyo  bhavisyadbhir  api  bhû- 

patibhir  gurukrta 

22.  prasâdânuvartibhir  eva  bhâvyam  iti  svayam  âjnâ  samvat 

3o  jyaistha  çuklasasthyâm 


Traduction. 

(i-5).  Salut.  Du  palais  de  Kailâsa-kûta.  Le  bien  d'aulrui 
plaît  à  Texercice  de  son  activité.  L*âge  d*or  trouve  en  lui 
(sa  résurrection .►^).  Le  saint  Paçupati,  le  seigneur  adoré, 
le  suit  de  sa  pensée.  Son  père  adoré  Ta  choisi  par  adoption. 
Le  grand  marquis  Amçuvarman  en  bonne  santé  s'adresse 
à  ceux  qui  vont  recevoir  ses  faveurs  et  qui  sont  qualifiés 
pour  percevoir  la  solde  dans  les  limites  prescrites,  tant 
présents  qu'à  venir,  et  leur  fait  savoir.  Que  ceci  soit  connu 
de  vous  : 

(5-8).  Pour  éviter  que  (des  contestations)  se  produisent 
entre  ceux  qui  reçoivent  les  faveurs  royales  ...  au 
sujet  de  la  limitation  ....  par  reflet  d'une  dona- 
tion dans  les  formes  usuelles,  j'ai,  suivant  l'exemple  des 
rois  mes  prédécesseurs  donné  dans  les  formes    usuelles 

ce  qui  est  inscrit  ici  : 

(9-19).  A  la  vénérable  Devî  3  pu,  i  pa  ;  a  Aru  (?)  3  pu,, 
pa  ;  a     .      .      .      .     pa  ;  au  temple  de  Sasthî  3  pu,  i  pa  ; 

i9.  Sammarjayitrl  manque  à  P.  W.  Pour  l'importance  de  sa  fonction 
à  la  cour,  cf.  par  exemple,  Çakuntalà,  acte  V  (éd.  Ni  maya- Saga  r,  p.  459: 
ahinavasammajjattasaslrio...  aggisaramlindo.  —  Yadiyatràyâm  est  très 
net  sur  la  pierre,  mais  l'interprétation  en  est  très  embarrassante.  11 
faut  probablement  corriger  :  yâtràyâtit  ;  mais  yadi  est  encore  bien  ob- 
scur. 


90  LE   NÉPAL 

au  Seigneur  adorable,  un  a  un,  .  pu,  .  pa;  au  grand  ins- 
pecteur de  Tarmée  2  5  pu  ;  au  préfet  des  donations  28  pu  ; 
à  l'éléphant  du  sacre  3  pu,  i  pa  ;  au  cheval  du  sacre  3  pu, 

1  pa  ;  au   dhâvakagecchim-âka  3  pu,    i   pa  ;  au  bhânda 

2  pu,  2  pa;  au  porteur  d'émouchoir  2  pu,  2  pa; 
au  porte-étendard  2  pu,  2  pa;  aux  ...  2  pu,  2  pa; 
k  l'ouvrier  de  Teau  2  pu,  2  pa  ;  au  surveillant  du  siège 

2  pu,  2  pa;  aux  .  .  pu,  2  pa  ;  à  celui  qui  trans- 
porte Puspapataka  2  pu,  2  pa;  aux  sonneurs  de  tambour 
et  de  conque  .  pu  ;  au  chef  des  .  .  2  pu,  2  pa  ;  au 
cheval,  en  guise  de  cadeau  .  pu,  2  pa  ;  à  la  porte  du  Sud 
1  pu,  4  pa  ;  à  •  •  •  •  I  pu,  4  pa;  à  la  grand  porte* 
I  pu,  /j  pa  ;  h  la  porte  de  l'Ouest  i  pu,  f\  pa  ;   . 

à  la  porte  de  Mânagrha  i  pu,  /|  pa  ;  à  la  porte  du  milieu 
I  pu,  4  pa  :  à  la  porte  du  Nord  i  pu,  4  pa  ;  à  la  balayeuse 
I  pu,  4  pa  ;  à  l'homme  de  confiance  et  au  conducteur  lors 
de  la  procession  (?     .      .      .),  20  pu 
(20-22).   Sachant  que  c'est  ainsi,  qu'il  s'agisse  de  gens  atta- 
chés à  notre  personne  de  par  notre  grâce  ou  bien  de  tous 
autres,    personne  ne  doit  changer  celte  donation  ;  et  les 
rois  à  venir  devront  se  conformer  à  cette  donation  et  la 
respecter. 
Ordre  direct. 
Samvat  3o,  le  6  de  la  quinzaine  claire  de  Jyaislha. 

i.  Pour  ce  sens  de  pratoll;  v.  Vogel  dans  V  Album  Kern,  p.  i35i37. 


XIV.  —  STÈLE  II  DE  HARIGAON. 


La  seconde  inscription  d'Amçuvarman  à  Harigaon  fait 
exactement  pendant  à  la  première.  Elle  est  dressée  contre 
la  même  plate-forme,  à  Tautre  coin  de  la  face  septentrio- 
nale. Elle  a  les  mêmes  dimensions,  la  même  disposition; 
•  Taspect  et  le  contenu  en  sont  analogues.  Elle  est  surmontée 
d'un  fronton  où  sont  représentés  au  centre  un  cakra,  vu 
de  trois  quarts  (comme  surTinscr.  10  de  Bhagv.),  à  gauche 
un  çankha;  le  motif  de  droite  a  complètement  disparu.  Un 
simple  filet  sépare  le  fronton  du  texte.  La  partie  inscrite 
de  la  stèle  couvre  environ  0'",68  en  hauteur  sur  0'",37  en 
largeur;  le  caractère  a  une  hauteur  moyenne  de  0'",014. 
Un  accident  qui  ne  semble  pas  dû  au  hasard  seul  a  fait 
disparaître  la  partie  supérieure  de  la  pierre  à  droite;  le 
milieu  des  lignes  inférieures  et  le  rebord  droit  ont  aussi 
subi  une  mutilation.  Le  reste  est  en  excellent  état  de  pré- 
servation, récriture  est  nette  et  bien  tracée.  La  graphie  est 
naturellement  la  même  que  dans  l'inscription  précédente  ; 
je  signale  toutefois  l'emploi  de  la  minuscule  au-dessus  de 
la  ligne  pour  les  consonnes  finales  :  kulânâm  1. 15  ;  pâdânâm 
1.  16;  gauslhikânâm  1.  18,  parallèlement  à  Tanusvâra  dans 
vihârânâm  1.  10;  manusyânâm  1.  19.  Un  des  signes  numé- 
riques les  plus  fréquents  dans  Tinscription  a  une  valeur 
douteuse  (v.  la  note  1.  7). 

L'inscription  est  tout  entière  en  sanscrit,  et  presque  toute 


92  LE   NÉPAL 

en  prose.  Elle  se  termine  par  une  slance  en  vamçasthà, 
placée  immédiatement  avant  la  date,  et  où  Amçuvarman 
s'adresse  directement  au  lecteur.  L'objet  de  Finscription 
est  un  marYàdâbandha(l.  6  et  20),  c'est-à-dire  un  engage- 
ment bilatéral  (v.  la  note  sur  le  vers  6)  ;  et,  de  fait,  Amçu- 
varman n'y  fait  point  acte  de  souveraineté;  aucun  terme 
n'évoque  l'idée  d'un  ordre.  La  situation  officielle  d'Amçu- 
varman  n'a  donc  pas  changé  depuis  l'inscription  de  samval 
30.  Il  s'agit  d'une  répartition  de  taxes;  les  bénéficiaires 
sont  des  temples,  des  établissements  ou  des  personnes 
appartenant  à  toutes  les  religions  du  Népal.  Commenter 
chacun  des  noms  mentionnés,  ce  serait  écrire  un  chapitre 
considérable  de  l'histoire  religieuse  au  Népal.  Je  renvoie 
aux  chapitres  spéciaux  de  mon  ouvrage  et  me  contente  de 
dresser  ici  un  inventaire  classé  selon  les  confessions  reli- 
gieuses. 

ÇivAÏSME  :  Paçupati  7,2  ;  Râmeçvara  3,i  ;  Mâneçvara3,i  ; 
Dhiirâ-Mâneçvara  3,i  ;  Parvateçvara  3,i  ;  Kailâseçvara  3,i  ; 
Bhattârakapâdâh  7,2. 

VicHNOuisME.  Dolâçikhara  svâmin  7,2  (^  Changu  Nara- 
van)  ;  Sâmbapura  3,i  ;  Narasimha  deva  3,i  ;  Bhûmbhuk- 
kikâJalaçayana  (de  Budh  Nilkanlh.^^)  3,i. 

Bouddhisme.  Gum  viliâra  7,2  {[/uni  mol  névari,  =  mon- 
tagne. Gum-vihâra  est  un  nom  encore  en  usage  pour  le 
Mani(crKla)-cailYa,  au  Nord  de  Sankou)  :  —  çrï  Mâna  vihâra 
'],'A  (Mânavihâra  est  aujourd'hui  encore  un  autre  nom  du 
Cakra-vihtlra,à  Patan)  ;  çrïUa-vihâra  7,2  ;  Kliarjurikâ  vihâra 
7,2  ;  Ma(dhyai*)  ma  vihâra  3,i  ;  sâmânya  vihârâh  3,i. 

Indéterminés.  IIanisagiliade\a  3,1  ;  Vâgvalîpâradeva3,i  : 
ladanyadevakulâlî  2,2  ;  sapelâpâfirâlï  7,2  :  sâmânyapâncâlî 
3,1:  râjakula...  niyuktamanus\a  2,2  ;  gausthikâh  2,2: 
krtaprasâda  1  ;  brâhmanâh  1  ;  sâinânvamanusyâh  — . 


STÈLE  DE   HARIGAON  93 

Les  donations  sont  évaluées  ici  comme  dans  Tinscription 
précédente  en  /)u  =  purânas  et  /)a=:  panas. 

La  date  est  :  samvat  82,  mois  âsâdha,  quinzaine  claire,  la 
iSnithi. 


Texte. 

1 .  svasti  kailâsakQtabhavanâd     .... 

2.  no  bhagavatPaçupatibhatlâraka     .... 

3.  tah  çrïmahâsâmantâmçuvarmâ  ku[çalî]      .... 

4.  grhiksetrikâdikulumbino  ya     .      .      .      syânu    . 

5.  ditambhavatu  bhavatâii  grhaksetrâdiçrâvanikâdâna/î/.  . 

6.  bhir  ayam  maryâdâbandhah  krta  etena  bhavadbhir  vya- 

vahartavyam  yatra 

\.  La  fin  de  la  première  ligne  contenait  une  épithète  d'Amçuvarman, 
encore  attestée  par  la  finale  no  de  la  seconde  ligne. 

2.  La  lacune  qui  suit  bha((âraka  rend  impossible  de  déterminer  si  le 
formulaire  employait  ici  anugrhtta  ou  aniidhyâta,  et  si  le  tah  de  la  troi- 
sième ligne  suppose  bappapàdaparigrhJtah  comme  ci-dessus. 

4.  La  spécification  des  grhiksetrikàdi  manque  aux  autres  inscriptions 
du  Népal.  La  lacune  doit  se  combler  par  une  formule  telle  que  yafthà- 
pradhânân  dbhàjsydnufdiçati  vijditam. 

5.  nàvamkd  est  une  formation  secondaire  tirée  de  ç.ravaua  «  l'audi- 
tion »  ou  plutôt  de  çrdvana,  le  5^  mois  de  l'année  caitràdi,  répondant  à 
juillet-août.  Peut-être  la  taxe  était-elle  pendue  à  ce  moment. 

6.  maryddâbandha  est  cité  aux  Nachtrâge  du  P.  W.^  avec  une  seule 
référence  au  Divyàvadàna  29,  26.  Le  passage  se  trouve  dans  Tavadâna 
de  Pùrna.  Piirna  a  trois  frères  ;  l'alné  le  défend,  les  deux  autres  sont 
ligués  contre  lui  et  le  méprisent  pai*ce  qu'il  est  né  d'une  esclave.  Us 
décident  entre  eux  de  proposer  à  leur  frère  aîné  un  partage  du  patri- 
moine. «  Réfléchissons  comment  nous  partagerons.  Us  se  mirent  à  ré- 
fléchir là-dessus  (tau  svabuddhyà  vicdrayatah).  L'un  aura  ce  qui  est  à 
la  maison  (grha-gata)  et  ce  qui  est  aux  champs  (ksetra-gata)\  un  autre, 
ce  qui  est  dans  laboutiqueetce  qui  est  à  l'étranger  ;  un  autre  auraPûrpa. 
Si  notre  aîné  prend  ce  qui  est  à  la  maison  et  ce  qui  est  aux  champs, 
nous  pouvons  nous  entretenir  avec  ce  qui  est  dans  la  boutique  et  ce  qui 
est  à  l'étranger.  Et  s'il  prend  ce  qui  est  dans  la  boutique  et  ce  qui  est  à 
l'étranger,  alors  encore  nous  pouvons  nous  entretenir  avec  ce  qui  est  à 
la  maison  et  ce  qui  est  aux  champs  ».  Et  ils  ajoutent:  Pûrnakasya  ca 
maryâdàbandhatft  kartuvi  (çaknumah).  Burnouf  (Introd.  p.  242)  rend  ce 


94  LE  NÉPAL 

7.  tàh  Pâçupatèh  pu  7   pa  2  Dolâçikharasvaminah  pu  7 

pa  2     . 

8.  Gum  vihârasya  pu  7  pa  2  çrî  Mânavihârasya  pu  7  pa  2 

çrïra  . 


membre  de  phrase  par  :  «  Et  [nous  pourrons]  garder  Pûrpa  [pour  le 
faire  travailler]».  Toutefois  il  ajoute  en  note  :  «  Je  traduis  ainsi  conjec- 
turalement  la  phrase  du  texte  qui  me  parait  obscure  :  et  Pûrnam  intra 
limites  cohibere.  Le  tibétain  traduit  :  «  et  faire  souffrir  Pûrna  ».  Yi-lsing, 
dans  sa  traduction  chinoise  du  Mûla  Sarvâstivâda  Vinaya,  Ksudrakavastu, 
chap.  2  (éd.  jap.  XVIi,  4,  p  8»,  col.  7)  adopte  la  même  traduction  que 
le  tibétain.  Les  éditeui^  du  Divyâvadâna,  MM.  Coweil  et  Neil,  adoptent 
dans  leur  Index  ofwords  le  sens  donné  par  Burnouf  ;  ils  y  rendent  ma- 
ryàdâbandha  (s.  v.)  par:  keeping  in  control.  Et  Bôhtlingk  dans  ses  iVacA- 
trûije  adopte  la  môme  interprétation  :  das  in  den  Schranken  Halten. 
Mais  à  défaut  de  l'expression  maryâddbandham  kar,  la  langue  classique 
offre  un  équivalent  parfait  de  l'expression.  Dans  le  Râmàya^a  IV,  5.  i-l, 
(=  4,  i3  éd.  Gorresio),  quand  Sugriva  contracte  alliance  avec  R&ma,  il 
lui  dit: 

rocate  yadi  me  sakhyam  bâhur  esa  prasâritah 
grhyatàtn  pàtiinà  pânir  maryàdà  badhyatâtn  dhruvâ 

(c  Si  mon  amitié  te  fait  plaisir,  voici  mon  bras  allongé.  Que  la  main 
prenne  la  main  ;  qu'un  pacte  ferme  soit  conclu  ».  Et  le  commentateur 
glose  ainsi  :  maryàdâ  anyonyakàryasampâdanavisayo  niçcaya}?]  badhyatàtp 
buddhyà  vicârya  pratijîiàyatâm,  a  Maryàdà,  c'est  une  détermination  qui  a 
pour  objet  un  service  mutuel  à  se  rendre.  Badhyatâm  veut  dire  :  après 
mûre  réflexion,  engager  sa  parole».  Il  est  intéressant  de  retrouver  dans 
cette  glose  comme  un  élément  essentiel  du  maryàdàbandha  la  réflexion 
préalable  énoncée  dans  les  mômes  termes  qu'employait  le  récit  du  Di- 
vyâvadàna  (svabuddhyâ  vicàrayatah)  Maryàdàbandha  implique  donc  un 
engagement  bilatéral,  mûrement  élaboré  par  les  parties  contractantes. 
(11  faut  donc  dans  le  récit  du  Divyàvadàna  traduire  ainsi  :  «  Et  nous  fe- 
rons de  Pûrna  l'objet  d'une  convention  spéciale  entre  nous  deux»).  L'ex- 
pression est  très  importante,  puisqu'elle  exclut  l'idée  d'un  ordre  imposé 
par  une  autorité  supérieure.  Elle  est  en  harmonie  avec  tout  le  reste  da 
document,  qui  ne  contient  aucune  formule  d'injonction,  et  qui  se  défi- 
nit lui-même  comme  un  «  arrangement»  {vyavasthà,  1.  2i). 

7.  Le  chiffre  que  je  rends  par  7  est  très  douteux.  Il  ne  se  retrouve  pas, 
à  ma  connaissance,  dans  les  autres  inscriptions  du  Népal,  et  ne  fîgure  pas 
parmi  les  signes  numériques  recueillis  par  Buhler  dans  sa  Paléographie 
de  l'Inde.  Le  signe  le  plus  analogue  est  celui  que  Buhler  donne  avec  la 
valeur  de  7  (planche  IX,  col.  xiii),  et  comme  emprunté  aux  inscriptions 
du  Népal  (je  ne  sais  de  quelle  inscription  exactement)  ;  c'est  le  même 
signe,  mais  retourné  sur  son  axe,  tout  comme  a  fait  le  h  entre  Màna- 
deva  et  Aq^'^i^^i'i^^^i^- 


STÈLE   DE  HARIGAON  95 

9.   vihârasva  pu  7  pa  2  Kharjurikâvihârasya  pu  7  pa  2  ma. 

10.  maviliârasya  pu   7  pa  2  sâmânyavihârânâm  pu  3  pa  i 

Râmeçva 

1 1 .  rasya  pu  3  pa  i  liamsagrhadevasya  pu  3  pa  i  Mâneçva- 

rasya  pu  3 

12.  pa  I  Sâmbapurasya  pu  3  pa  i  Vâgvalïpâradevasya  pu  3 

pa  I   Dlmrâ 
i3.   Mâneçvarasya  pu  3  pa  i  Parvaleçvaradevasya  pu  3  pa  i 

Narasimha 
i4.   devasya  pu  3   pa   i    Kailâseçvarasya  pu  3  pa  i  BhQm- 

bhukkikâ  Jalaça 
i5.   yanasya  pu  3  pa  1  ladanyadevakulânâm  pu  2  pa  2  çri 

lihallâraka 

16.  pâdânâm  pu  7  pa  2  Sapelâpâncâlyâh  pu  7  pa  2  sâmânya 

17.  pâficâlyâh  pu   3  pa    i    râjakulava5/anâniyukla[ma]nu- 

syasya    . 

18.  pu  2  pa  2  gausthikânâm  pu  2  pa  2  krtaprasâdasya  pu  i 

brâhman 
ig.  pu  I  sâmânyarnanusyânâm  pu     .      .      .  i  .      .      .  yam 
vyavahârap      .      .      . 

20.  na  câyam  maryâdâbandhah  kaiçci yo  yatah 

2 1 .  prajâhitârtliodyalaçuddhacelas(â)    :  7 : 7  :     kalahâbhimâ- 

ninâ 

22.  katliam  prajâ  me  sukbitâ  bhavediT7  yâ  vyavastlieyam 

akâri  dhîmalâ 

23.  samvat  32  âsâdhaçuklatrayodaçyâm 

16.  Le  mot  pâhcàû  et  son  dérivé  pâhcâlika  ont  été  exactement  inter- 
prétés par  Bhagvanlal  (7,  L  i3  et  i5  ;  iO,  L  i6);  il  désigne  le  conseil  de 
paroisse-,  la  fabrique. 

18.  Le  mot  gausthika  est  analogue  à  pàncâlika.  L'ancienne  désignation 
goaihi  appliquée  au  conseil  de  paroisse  survit  dans  le  nom  actuel  : 
gutthi. 

J'ignore  le  sens  précis  du  mot  krta-prasâda,  malgré  la  clarté  des  ter- 
mes dont  il  est  composé.  --  A  la  fin  delà  ligne  il  faut  évidemment  réta 
bl  i  r  •  brâhmanànâtii. 

itl  et  23.  Stance  en  varpçasthà. 


96  LE  NÉPAL 


Traduction. 


(i-5).  Salut.  Du  palais  de  kailâsa-kûta  .  .  .  .Le  saint 
Paçupati,  le  seigneur  adoré,  le  .  .  .  .Le  grand  mar- 
quis Amçuvarman  en  bonne  santé  .  .  .  aux  proprié- 
taires de  maison,  de  champ,  et  autres  chefs  de  famille 
.  Que  ceci  soit  connu  de  vous. 

(5-6).  La  perception  des  taxes  sur  les  maisons,  les  champs,  etc. 
.  voici  comment  la  répartition  en  est  réglée,  et  ce 
sera  désormais  la  pratique  à  suivre  : 

(7-19).  A  Paçupati  9  pu,  2  pa  ;  à  Dolâçikhara-svâmin  9  pu, 
2  pa;  au Gum-vihâra  9  pu,  2  pa;  auçrî-Mâna-vihSragpu, 

2  pa;  au  çrî-Ra.-vihâra  9  pu,  2  pa  ;  au  Kharjurikâ-vihâra 
9  pu,  2  pa;  au  Ma-ma-vihâra  9  pu,  2  pa  ;  aux  vihâras  en 
général  3  pu,  i  pa;  au  Râmeçvara  3  pu,  i  pa;  au  Ham- 
sagrhadeva  3  pu.  i  pa  ;  au  Mâneçvara  3  pu,  i  pa;  au 
Sâmbapura  3  pu,  i  pa;  au  Vâgvatîpâradeva  3  pu,  i  pa; 
au  Dhârâ-Mâneçvara  3  pu,    i   pa  ;  au  Parvateçvara  deva 

3  pu,  I  pa;  au  Narasirnha  deva  3  pu,  i  pa:  au  Kailâseç- 
vara  3pu,  i  pa  ;  au  Bhûmbhukkikâ-Jalaçayana3  pu,  i  pa  ; 
aux  autres  temples,  2  pu,  2  pa;  aux çri-BIiattâraka-pâdâs 
9  pu,  2  pa  ;  à  la  Sapelâpâficâll  9  pu,  2  pa  ;  à  la  pâficâll  en 
général  3  pu,  i  pa  ;  au  fonctionnaire  chargé  de  .  .  . 
le  palais  royal  2  pu,  2  pa  ;  aux  gausthikas  2  pu,  a  pa;  à 
celui  qui  a  fait  la  donation  i  pu  ;  aux  brahmanes  i  pu  ; 
au  personnel  en  général  .  pu     .      .      . 

(19-20).  Tel  est  l'arrangement  ;  et  cette  répartition,  per- 
sonne ne  devra  la     .      .      .  car  : 

(21-22).  Le  bonheur  de  mes  sujets  occupe  mon  cœur  pu- 
rifié ;  .  .  .  .  mon  orgueil,  c'est  d'avoir  ...  les 
discordes.  Commentmes  sujets  pourraient-ils  être  heureux? 
Voilà  ce  que  je  me  suis  dit,  et  j'ai  dans  ma  sagesse  établi 
cet  arrangement. 

(23).  Samvat  32,  mois  d'âsâdha,  quinzaine  claire,  le  i3. 


XV.  —  liNSCRIPTION  DE  SANGA 


Sanga  est  une  petite  localité  située  en  dehors  de  la  vallée, 
à  TEst  de  Bhatgaon.  La  stèle  qui  porte  cette  inscription  se 
trouve  dans  le  temple  de  Nàràyana  Vikateçvara.  L'estam- 
page m'a  été  envoyé  en  décembre  1902  par  le  maMrâja 
Chander  Sham  Sher  Jang  ;  il  est  assez  défectueux  ;  heureu- 
sement il  est  accompagné  d'une  copie  h  la  main  qui  faci- 
lite le  déchiffrement.  Il  subsiste  toutefois  des  obscurités 
qu'un  meilleur  estampage  ou  Tinspection  de  la  pierre  ne 
manquerait  pas  d'éclaircir. 

La  partie  inscrite  couvre  0'",67  en  hauteur  et  0'",38  en 
largeur.  Le  caractère  mesure  en  moyenne  0'",0i5  ;  l'inter- 
ligne, 0™,020.  La  graphie  n'appelle  pas  d'observation  par- 
ticulière ;  il  n'est  pas  superflu  toutefois  de  constater  une 
fois  de  plus  le  nouvel  usage  introduit  par  Amçuvarman: 
contrairement  à  l'usage  des  Licchavis,  la  muette  n'est  pas 
redoublée  après  r.  L'inscription  est  en  prose  avec  une 
stance  d'introduction.  Elle  a  pour  objet  une  remise  de 
redevances  consentie  par  Amçuvarman  en  faveur  des  habi- 
tants de  Çangà,  la  localité  même  où  la  stèle  se  trouve  ;  le 
nom  moderne  Sangà,  Sâgâ,  Samgâ,  ne  diffère  de  l'ancien 
que  parla  qualité  de  la  sifflante.  Les  redevances  consis- 
taient en  cinq  articles  ;  les  deux  premiers  sont  entièrement 
effacés;  les  trois  autres  sont:  douze  pots  d'huile,  puis 
deux  objets  difficiles  à  préciser.  La  lecture  du  premier, 

m.  -  7 


98  LE   NÉPAL 

kahbam,  somblo  certaine,  mais  elle  ne  donne  aucun  sens, 
le  mot  vastu  qui  suit  est  un  terme  aussi  vague  que  «  chose  » 
en  français  ;  et  c'est  justement  ce  même  mot  qui  est  répété 
avec  taila  «  l'huile  »  à  la  Hgne  14. 

Le  hbellé  de  l'inscription  piésente  plusieurs  particula- 
rités intéressantes.  La  charte  proprementdite  est  précédée 
d'une  stance  d'invocation,  en  mètre  sragdharà  ;  Tépigra- 
phie  népalaise  actuellement  connue  n'olTre  pas  d'exemple 
de  cette  disposition  avant  Ainçuvarman,  ni  même  sous 
Amçuvarman  ;  immédiatement  uprès  lui,  Jisnugupla  imite 
et  développe  cette  pratique.  Les  inscriptions  10  et  H  de 
Bhagvanlal,  mon  inscription  de  Thankot  débutent  aussi 
par  une  stance  d'introduction,  également  en  sragdharà. 
La  rencontre  n'est  pas  de  pur  hasard. 

La  charte  est  régulièrement  datée  du  palais  de  Kailâsa- 
kûta;  mais,  par  une  exception  jusqu'ici  isolée,  le  nouveau 
palais  royal  est  célébré  avec  emphase  dans  un  long  com- 
posé qui  précède  le  nom  :  il  est  le  point  de  mire  des  regards 
curieux  de  tout  l'univers.  Le  nouveau  régime  ne  dédaigne 
pas  d'affirmer  sa  popularité.  Ainçuvarman  se  déclare 
((  occupé  et  préoccupé  du  bien  de  ses  sujets  ».  C'est  un 
compliment  qu'il  ne  manque  pas  de  s'adresser  :  témoin 
llarigaon  I,  1.  1  ;  H,  1.  il.  11  se  proclame  «l'adorateur 
favori  de  Paçupali,  et  l'objet  continu  des  pensées  de  son 
père  adoré  »  {Bhafjfa'atPaçuiiatihhattdrakapâdânugrhito 
hfipimpndânudhydtah).  Vax  l'an  30  (Harigaon  1,  1.  2),  au  len- 
demain (le  son  usurpation,  il  combinait  différemment  les 
termes;  il  était  alors  «  l'objet  continu  des  pensées  du  Sei- 
gneur adoré,  Paçupali  ;  et  l'adopté  de  son  père  adoré 
(hk'  P(f(f  ù/iaff" p(u/a/tf/(//if/âfo  h(tppapudapar'if/rhHali)\  Tins- 
rription  (ràsadha  Wi,  à  llarigaon  (II,  1.  ±-X)  a  une  lacune 
dans  le  passafie  c<)rres[)()n(lant  ;  mais  notre  inscription 
prouve  (jue,  dès  celte*  année-là,  est  constituée  la  formule 
définitive^  (jui  s(^  continuera  désormais  dans  le  protocole 


INSCniPTION   DE   SANGA  99 

(Beadall,  an  34, 1.  1-2  ;  Bliag.  6,  au  34,  1.  1-2  ;  Bhag.  7, 
an  39, 1.  4-5). 

J'ai  déjà  signalé,  à  propos  d'une  autre  inscription,  Tira- 
portance  de  Ja  mention  du  dûtaka  Vikramasena,  au  titre 
de  sarvadandanâyaka  et  de  râjaputra.  Le  même  person- 
nage figurait  avec  le  premier  de  ces  titres  dans 
Bhag.  6,  daté  samvat  34,  et  avec  le  second  dans  Bhag.  4, 
samvat  535.  Il  apparaît  bien  qu'on  ne  peut  pas  séparer  ces 
inscriptions,  ni  dédoubler  ce  personnage. 

L'inscription  est  datée  de  samvat  32,  au  mois  de  bhâ- 
drapada;  elle  est  donc  postérieure  de  deux  mois  à  Hari- 
gaon  11.  La  date  est  immédiatement  suivie  d'une  indication 
que  je  ne  puis  expliquer.  L'estampage  semble  porter 
tasya  gandaç  ca  karanlyam,  mais  le  dernier  mot  seul  est 
absolument  srtr  ;  la  copie  à  la  main  porte  ûsya  gatâga- 
karanlyam.  Les  mots  tisya  (tiganda^  si  la  lecture  est  exacte, 
suggèrent  une  interprétation  d'ordre  astronomique,  mais 
la  construction  grammaticale  avec  le  neutre  karanlyam  est 
impossible.  La  copie  trace  une  ponctuation  après  kara- 
nîyam,  mais  le  tracé  de  l'estampage  évoque  plutôt  un  sym- 
bole significatif,  et  Tanusvara  de  ""yam  ne  se  justifierait  pas 
en  position  de  finale  absolue.  J'ai  emprunté  à  la  copie  les 
deux  lettres  viji{i\w  mot  vïjitânï)  dont  rien  ne  subsiste  sur 
Testampage. 


Texte. 


1.  k.  7  lankâra  7  dreçvara    ""."".  pavanavyasta 

2.  pralya  77^77':'^^:'  raçiromaulabhâ  .  ai  T77 

3.  uccair  muktânkahâ  7"^':":'^  dasrnnâgacarmottarï  7 
A.  payât  ladrûpame  7  himagirltanayâ  7  titâ  ~^.~~ 

5.  svasti  ksititalatilakabliûtât  kulQhalijanatânimesa 

6.  nayanâvalokyamânât  Kailâsakûtabhavanât  prajâhita 


100  LE    NÉPAL 

7 .  samâdhânatatparo  hhagavatPaçupatibhatlârakapâdâ 

8.  nugrliîto     bappapâdânudhjâtah     çrïmahâsâmanlârnçu- 

varmâ 
g.  kuçalï  çangâgrâmanivâsinah  kutumhinah  pradhânapu 

10.  rassarân  kuçalam  âbhâsya  samâjuâpayall  vidltam  bhava 

11.  tu  bbavatâm   asmâbhiii     .      .      .  dvâdaça    tailaghatâh 

kûbbam 

12.  vastu  ca  pafica  bbavatâm  pïdâkaram  ity  avagamya  yus- 

malpï 
i3.  (lâpanodârtbam  adyâgrena  pratimuktâs  tad  evam  ava- 

sâya 
i^.  nâtab  parenaitad    vastutailaû    kasyacid   deyaip   bhavi- 

syadbbir  api 
i5.   bbQpatibhili  pûrvarâjakrtaprasâdânuvartibhir  eva 
i6.   bbavitavyam  iti  svayam  âjnâ  dûtakaç  câtra  sarvadanda- 

nâyaka 

17.  râjaputraVlkramascnah  samvat  3o  2  bhâdrapadaçukia- 

divâ  I 

18.  tasya  gamlaç  ca  karanïyam  ||  iba  çangâdhikaranaviji 

19.  tâni 


Traduction. 

(i-4)     ...    les  ornements     .      .      .   seigneur 

dispersés  par  le  vent le  diadème  de  sa 

tête  .  .  .  rejeté  bien  baut  de  son  giron  ...  du 
sang,  une  peau  d'élépbant  comme  tunique,  qu'elle  vous 
protège  sous  celte  forme,  la  fille  du  Mont-des-Neiges  .   .  ! 

(5-11).  Salut.  Tel  qu'un  grain  de  beauté  sur  la  face  de  la 
lerre,  la  multitude  curieuse  ne  laisse  pas  les  yeux  cligner 
(Ml  regardant  le  palais  de  Kailasakùla.  C'est  de  là  que, 
toujours  occupé  ot  préoccupé  du  bien  de  ses  sujets,  celui 
que  le  saint  Paçupali,  Seigneur  adoré,  favorise,  celui  que 


LNSGRIPTIOiN   DE   SANGA  101 

son  père  adoré  suit  de  sa  pensée,  le  grand  marquis  Amçu- 
varman  en  bonne  santé  s'adresse  aux  maîtres  de  maison 
résidant  au  village  de  Çangâ,  selon  Tordre  hiérarchique, 
et  leur  dit  le  bonjour.  Sachez  ceci  : 

(ii-i/j).  Le  .  .  .,  le  .  .  .,  les  douze  pots  d'huile, 
les  matériaux  (?),  ces  cinq  j'ai  appris  que  vous  en  souffrez, 
el,  pour  écarter  de  vous  ce  sujet  de  souffrance,  à  dater 
d'aujourd'hui  je  vous  en  fais  remise.  En  vertu  de  cette 
décision,  vous  n'aurez  donc  plus  à  donner  à  qui  que  ce 
soit  ni  matériaux  ni  huile. 

(i/i-i6).  El  les  rois  à  venir   devront  respecter  le  privilège 
élabh  par  leur  royal  devancier. 
Ordre  direct. 

Le  délégué  ici  est  le  général  en  chef,  le  rajaputra  Vikra- 
masena. 

(17-19).   Samvat  82,  mois  de  bhâdrapada,  quinzaine  claire. 
Et  le     .      .      .  est  l'affaire. 
C'est  ici  le  ressort  de  la  juridiction  de  Çangâ. 


XVI.  —     INSCRIPTION  DE  TIIANKOT 


Thankot  est  uq  bourg  situé  au  Sud-Ouest  de  la  vallée,  à 
la  descente  de  la  passe  de  Caudragiri.  La  stèle  qui  porte 
rinscription  est  actuellement  dressée  contre  un  mur  bas 
de  grosses  pierres  non  équarries  qui  soutient  une  plate- 
forme où  se  dresse  une  construction  insignifiante.  Le  haut 
de  la  stèle  est  décoré  au  centre  d'un  cakra  vu  de  trois 
quarts,  figuré  exactement  comme  sur  Tinscription  10  de 
Bliagvanlal,  due  au  même  prince.  Le  cakra  est  flanqué  à 
droite  et  à  gauche  de  deux  autres  objets;  celui  de  droite 
est  certainement  un  (;arilvlia,  la  conque  de  Visnu.  Le  fron- 
ton est  donc  clairement  viclinouite. 

L'inscription  qui  occupe  en  longueur  et  en  largeur  toute 
la  stèle  au-dessous  du  fronlon  arrondi,  couvre  au  toUil 
trente  lignes.  Ses  dimensions  sont  d'environ  0'",9;i  de  haut, 
i)"\[i8  d(î  larg(î  ;  le  caractère  mesure  en  moyenne  0"',0I. 
L'écriture  est  exactement  lîi  même  (jue  sur  les  inscriptions 
0,  10,  11  (le  IJhagvanlal,  émanant  du  même  roi.  La  langue 
employée  est  le  sanscrit.  Sauf  une  stance  d'introduction  en 
mètre  sragdhînâ,  l'inscription  (^st  en  prose.  La  graphie  est 
g^'^néralement  correcte  ;  il  convient  de  noter  que  la  con- 
sonne n'est  pas  redoublée*  a|)rès  /*,  contrairement  h  l'usage 
ancien. 

L'invocation  liminaire,  mutilée,  rappelle  sans  être  iden- 
ti(pi(»  l'invocation  émalement  mutilée  qui  ouvre  Tinscr.  10 


INSCRIPTION   DE   TIIANKOT  103 

de  Bhagvanlal.  Elle  est  écrite  dans  le  même  mètre  et 
adressée  aux  mômes  divinités  :  Visnu  et  Çrî  accouplés. 
L'esprit  vichnouite  du  document  est  du  reste  attesté  par  les 
décors  du  fronton  et  il  s'harmonise  d'autre  part  avec  le 
nom  du  roi  (Jisnu  =  Visnu)  et  de  son  héritier  présomptif 
Visnu  Gupta. 

La  charte  a  un  double  objet  :  1"  Elle  renouvelle  et  con- 
firme, en  faveur  des  habitants  du  village  de  Kàcannasta  (?) 
une  donation  faite  antérieurement  par  Tarrière-grand-père 
du  roi  régnant,  Màna  gupta  gomin.  Ce  personnage,  men- 
tionné sans  aucun  préfixe  honorifique,  était  certainement 
un  simple  particulier  ;  le  titre  de  gomin  qu'il  porte  à  la 
suite  de  son  nom  le  désigne  comme  un  laïque  bouddhiste. 
L\arrière-grand-pèrc  de  Jisnu  Gupta  se  place  probablement 
un  siècle  avant  lui,  vers  le  milieu  du  vf  siècle;  son  nom 
montre  par  un  exemple  de  plus  la  large  diffusion  du  titre 
de  gomin  à  cette  époque  (cf.  mon  article  sur  Candragomin, 
B.  E,  F.J?.  O.,1903,p.  16sq.  etsup.  H,  ISOsqOetspécia- 
lemenl  au  Népal.  2'' L'autre  concession  porte  sur  une  remise 
de  taxes;  la  nature  mémo  de  ces  taxes  est  assez  énigma- 
tique,  mais  elles  sont  réparties  en  trois  catégories  :  l'une 
frappe  sur  chaque  labour  pris  comme  uuité;  une  autre  est 
appelée  ((  l'impôt  Malla  ».  (Cf.  sup.  Inscription  de  Dharam- 
pur  XI,  p.  67  sq.  et  vol.  K,  p.  212).  Le  villagede  Daksinako- 
li,  qui  se  trouve  mentionné  à  l'occasion  de  la  première  taxe, 
est  également  désigné  dans  l'inscription  10  de  Bhagvanlal, 
011  Jisnu  Gupta  s'adresse  aux  GilâpAncàlikasde  Daksinakoli. 
Ce  village  semble  être  le  centre  d'un  culte  populaire  et 
jouir  en  cette  qualité  de  privilèges  particuliers. 

Le  formulaire  d'envoi  montre  le  môme  régime  politique 
que  les  inscriptions  9  et  10  de  Bhagvanlal.  Le  roi  Jisnu 
Gupta  réside  à  Kailàsa-kùta,  le  palais  {bhavand)  où  s'était 
installé  son  prédécesseur  Amçuvarman  ;  le  vieux  palais  des 
Licchavis,  Mànagrha,  abrite  encore  un  représentant  de 


104  LE    NÉPAL 

Tancienne  dynastie,  qui  lient  hiérarchiquement  le  premier 
rang  (juar/hara)  ;  mais  ici  le  nom  du  personnage  et  le 
personnage  lui-même  ont  changé.  Les  inscrip.  9  et  10  rap- 
pellent Dhruvadeva;  ici  c'est  Mânadeva.  11  semble  même 
qu'on  assiste  à  la  déchéance  graduelle  de  ces  princes  de 
parade  :  Dhruvadeva  est  qualifié  de  bhatlàraka-mahârâja- 
rrî  dans  Tinscr.  9  ;  il  n'est  plus  que  bhatlàraka-n\ja-çrt 
dans  rinscr.  10;  Mânadeva  est  seulement  bhaltAraka-çrî. 
Et  dans  Tinscr.  11  de  Bhagvanlal,  il  n'est  question  que  de 
Jisnugupta  seul. 

Le  délégué  de  Jisnugupta,  le  Yuvarâja  Visnu  gupta, 
figure  au  même  titre  dans  Tinscr.  9  (Bh.)  datée  de  samvat 
48. 

La  date  a  complètement  disparu.  Le  mot  samvat  est 
encore  nettement  lisible  sur  la  pierre  au  début  de  la  der- 
nière ligne;  k  la  suite  on  voit  aussi  très  clairement  une 
ligne  courbe  re|)liée  de  droite  h  gauche,  et  deux  traits  pa- 
rallèles dirigés  en  sens  inverse  de  cette  ligne,  légèrement 
inclinés  à  l'extrémité  et  qui  semblent  presque  évidemment 
constituer  la  partie  supérieure  du  symbole  500.  On  se  trouve 
donc  porté  à  penser  que  cette  fois  Jisnu  Gupta  a  employé 
l'ère  de  l'ancienne  dynastie  Licchavi. 


Te 


XTE. 


1.  rtjriâ/K/karnakanlha  TTTTT  suklie  .  ï  .  i:7T7T 

9. .  çrïnilisvongopagri(lhastanakalaçaYugaA\çâgaro  7T  77 

3.  777.T77Tt  jaladhijalaksjllitâûgasvf/  gop. 

/|.  :777T.7  sthagitasukhagali  çrevasâin  jrmbhiiam  va[h] 


l-i.  MMre  sra^'dharà. 

"1.  An  lien  <lt'  tiihsrttfujti^  Vivo  plulAt  nlsntù{/n.  Les  deux  mots  m&n- 
(jinMil  aux  I<v\i(|uos  ;  mais  uisvantja  convient  mieux,  et  il  est  en  rapport 
avec  le  verbe  ni-bratij  mentionné  par  Pànini  Vlll,  3,  70. 


INSCRIPTION    DE    THANKOT  105 

5.  svasti  Mânagrhât  singliâsanâdhyâsikulakclu  bliatiâraka 

çrï  Mil 

6.  nadcvas  latpurassarah  Kailâsakûlabhavanât  Somânvaya- 

hhfisano 

7.  bliagavatPaçupalihhallârakapâdânugrliïlo       vappapâdâ- 

iiuddliyâlali  çrï 

8.  Jisnuguptadevah  kuçalï  li(tcannasfani\T\s\n'i\h  kufumvino 

va 

9.  ihâ  .  na  ku^alain  âbhâsya  samâjnâpayati  viditam  bhavatu 

l)havalîîiu 
T o.   adya  svaprapilâmaliaMânagiiplagomikârilapus/iiniiïm. 

1 1 .  cfujhru  grâinasyotlarcna  panv//^/bliûmiç  çâ/v/mram  nârna 

vârelak. 

12.  pralimucya  dalla  lasvâç  ca  killâiitare  çâsanan  lad   lula- 

nmsty  alla 
i3.    .lya  prapilâmahakrlajrialayjismâbhir  idani  çilâpallaka- 
râsa 

■a 

i/|.    [nam]  drualarakrdaslhilayc  dallain  sïmâ    câsya  uttara- 

pûrvam  âprirva[m] 
1 5.   çikharopary  adhogomikbâtakam  anusrlya  pancapânïya 


T).  Sh'KjhiiJinna^  correspond  à  Licchavihnlaketn  do  Bh.  -10,  1.  i. 

7.  rappapâdânuddhyOtnh,  sur  cetto  expression,  cf.  Kleet,  Guptn  Inscr. 
p.  17,  n.  La  graphie  nnuddhyfltn,  pour  arnid/ii/ntn,  est  presque  con- 
stante: elle  n'est  pas  du  reste  incorrecte,  puiscpie  PAnini  l'autorise  V'Ui, 
1,  47.  l^lle  n'est  donc  (|ue  l'application  sporadique  d'une  rè^:le  ou  la  sur- 
vivance dans  une  fornuile  spéciale  d'un  usage  antérieur.  M.  Meet  tra- 
duit «qui  médite  sur  les  pieds  de...»,  et  c'est  la  traduction  générale- 
nu'ul  adoptée.  Mais  les  nombreux  exemples  du  participe  (Mj//i/^,  seul  ou 
coml)iné  avec  des  préfixes,  que  fournit  le  P.  \V.  montrent  tous  sans 
exception  le  mot  employé  avec  lavaleurdu  passif.  Mallinâtha,  commen- 
tant Ra(jhur.  XVII,  36  glose  amidtidhyith  par  afwjaifrhub  el  elle  à  l'appui 
le  dictionnaire  d'I'tpala,  Utpala  mâlà,  qui  dit  :  anudhyânnm  anugrahah. 
Ainsi  anudhyâta  fait  exactement  pendant  à  aniujrhita  de  la  formule  pré- 
cédente et  sans  doute  a  la  même  valeur.  D'ailleurs  cf.  sup.  p.  85  (inscr. 
d'Amçuvarman  à  Harigaon  l,  1.  2  et  note). 

liM4.  (If.  Bh.  9,  l.  ii:  prnsàdasya  cirasthitayc  çildpaUakaçâsanam 
idan  dattam. 


100  LE   NÉPAL 

i(i.    m  utiili  i>rirviidjk^iiieria  \cl)raraLharodak>iriena(^iar/V//t. 
rnndnl  lato  nu.^rt\a 

17.  daksineriaivâ^târi.siiiivatlï  daLsinena  nadî  daLsinapaççi- 

mena  ca 

18.  lankliâ  parcirriena   Lliâtakas  tato  nusrlva  pahafico  tato 

lariipanco  utlare 
If),    na  tu  parvatarikliaramQrdhani  kliâtaLas  tato  vâvat  ^ara- 
votlarapfirxa 

20.  kliîilaka  ni    an\aç    câsniâliliili    pravojanântarârâdhitair 

lîhavalâ  'rrâiiia 

21.  riivâsinâiii  kiilumhinârn  prasâdaviceso  datto  daksinako- 

ligrn[in.] 

22.  iroxucMlie  j^ohale  whale  \ad    devain    âsït  tasvârdiiam 

praliinuktaiii  siin[haj 


!20.  hharnln  :  Wrf^hharutflnt. 

"ii.  tiiiy'tsf'iif'tm:  lire  nirf/sinr/m. 

'H.  La  lectun»  «lu  mol  tjnywifllu*  est  certaine  :  le  sens  du  mol  pris  en 
soi  n'offre  pas  de  difticulté.  Mais  iri  l'interprétation  m'en  semble  hasar- 
deuse. Je  ne  crois  pas  que  les  looatiCs  tjnyuddhe  et  fjohalo  soient  sur  le 
même  plan:  I«»  premier  semble  plutôt  sijrnitier  «  en  cas  de  combat»,  et 
le  se<ontl  w  par  chatpu'  unité  de  labour  ».  —  Je  n'ai  trouvé  Texpression 
[joliiih  que  dans  la  donation  du  Pallava  (Jivaskandavarman,  très  anté- 
rieine  en  date  à  celle-ci,  Epiijr.  Iml.  I,  p.  6;  le  roi  est  vanté  comme 
anrkahii(iiiiiliihfitnihahisit(iistilutsstfftpfnfnyfno  (I.  i-l).  Biibler  traduit  «  a 
jziNcr  t)f  mauy  crores  oï  j;old  and  (d'one  buiulred  thousand  ox-ploughs». 
.Mais  le  mot  hohi,  chariue,  revient  si'ul  assez  frécpiemment  dans  les 
le\lt»s  épiirraphiques  de  dt>uation  :  ^A/A7*///*//A/,  iNasik  3;  Karle  19  (cf. 
SiMiarl.  /'.'///f/r.  Ind.  \  11,  ()(>);  futhnithahliù,  Kaijnath  Pra<;asti  I,  v.  H3  ; 
tlans  Kpitjv,  Ind.  1,  p.  107  ;  l'hnhulivdhnn'tyâ  hhînui,  th..  Il,  v.  3i,  p.  44 i; 
ijntnir  fnihnlnrankc,  Insir.  de  Madanavarmadeva  le  Candella,  Ind.  Ant., 
\NI,  "2()H,  I.  7  ;  rntmtjnnt  hiliimnu  h/iumi,  Inscr.  de  Bhimadeva  ledaulu- 
KvM.  th..  M,  7*2.  I.  "it»  ;  vnhthnhttht,  llarsa  stone  inscr.,  I.  *0,  Epitj.  Ind, 
II.  \'ïi\.  \\\\\n\  dans  \v  llacNa  carila.  p.  :2:2S,  raconte  que  llarsa  partant  en 
t'Npctlilion  donne  anv  bralimanes  sinisuhnsinsatniiiittishnnfhfi  (jramânthn 
iitiiiiii  \:ni  est  >\  iioiiMiie  de  A*////.  Kullûka,  sur  Manu  Vil,  4 19  cite  pour 
pin  lu'i  II'  •«i'ii>du  mot  A»//*/  un  sersd*'  la  llAritasmrti  :  ns(tiijitram  dhar- 
iniifiiihim  .Il  hini  iii'/  jii  itft i  thiiKuti  cttf  m 'j'irotti  tjihasthfiudtn  trujartim  bmh- 
iniUlliiiliiiitiu  ri  il  ajout*':///  Uni itosnifinituit  stiihjdvant  madhyamnni 
hithnii  ih  litthiii  nlhiihiihiilmi/rna  yarnlt  hhutnlr  vâhtjntc  Uit  kuhm  iti  vu- 
tliilt     \lii<:l   un   li<ihi  inoNen  correspondrait   à   une  exploitation  de  six 


INSCRIPTION   DE   THANKOT  107 

23.   kare  ca  yena  kârsâpanan  deyan  tenâsiau  pana  deyâ  yc- 

nâstau 
2/4.   pana  deyaip  tena  panacaluslayam  mallakare  ca  panaca- 

tusla 

25.  yan  deyam  ili  yas  tv  elâin  âjnâm  uUaghyâsmatpra&âdo- 

26.  vy  an\o  va  kaçcid  anyathâ  kur\ât  kâraycd  va  tam  bayan 

na  ma 

27.  rsayisyâmo  bliavisyadbhir  api  bhûpatibliih  pûrvarâjâ 

28.  jfiâlayâ  dharinâpcksayâ  cedam  çâsanam  pratipâlanî 

29.  yairi  dfitakaç  câtra  yuvarâja  çrï  Visnuguptah 

30.  sanivat500?     .      .      .      .  = 


bœufs,  et  une  famille  (kula)  supposerait  deux  de  ces  halas  pour  son  en- 
tretien. 

In  passa<re  de  Kirkpatrick  (p.  iOl)  atteste  la  persistance  de  cette 
unité  aj^naiie.  «  Les  Purhutlies  \PinTatlya\  ou  paysans  du  pays  inonta- 
j^nenx  sont  divisés  en  (juatre  classes  :  Oswol,  Doem,  Sroom  et  Chnurem, 
(mots  persans  qui  signifient  :  premier,  second,  troisième,  quatrième). 
I^a  chose  est  d'autant  plus  curieuse  que  pareille  division  de  la  classe 
a«;ric()le  ne  semble  avoir  jamais  été  prali(|uée  au  temps  du  gouverne- 
mt'ut  mojîol.  Les  Oswals  sont  les  paysans  qui  possèdent  cin(|  charrues 
|hala|et  plus:  les  D(»ems  sont  ceux  qui  ont  de  une  à  cin(|  charrues; 
les  Seooms  sont  ci'u.v  qui,  sans  être  propriétaires  de  charrue,  sont  con- 
sidérés comme  des  chefs  d*ouvi-iers  des  cliamps;  les  Chaurems  sont  les 
simples  ouvriei-s  des  champs». 

La  syllabe  siw  est  abs<dument  n<*tle  au  bout  de  la  lij:ne;  mais  la  syl- 
labe (pii  suivait  a  <lisparu  pres(|ue  entièrement,  sauf  la  partie  inférieure 
qui  montre  que  celte  syllabe  était  formée  d'un  group<'  de  consonnes. 
Faut  il  penser  à  une  graphit;  fautive  simiujha  par  confusion  entre  les 
graphies  simha  et  si?'njh(i1  (If.  siùtjlulsana,  I.  5.  L'impôt  du  sithj ha  ou. 
sit{ih(i,  l'impôt  du  lion,  désignerait  par  abréviation  l'impôt  du  trône? 
La  syllabe  initiale  sini  ne  laisse  pas  que  je  sache,  d'aulit»  choix  possible 
en  sanscrit. 

^23.  L'écjuivalence  /  knrsàpitva  --  10  panaa  est  garantie  pour  le  Népal, 
au  temps  de  Jisnugupla,  par  ce  texte.  Ànan<lagiri,  glosant  le  commen- 
taire de  Çankara  sur  Màndûkyopanisad,  4  (cité  dans  P.W.  s.  v.  kûrsâpami) 
écrit  :  devavircsc  kârsâjuutavahdnh  sodarapav.ânfim  sitmjhâ . 

•25  :28.  La  formule  de  recommandation,  toujours  composée  des  mêmes 
éléments,  varie  cependant  de  rédaction  dans  les  éditsdu  même  roi: 


108  LE   NÉPAL 


Traduction. 

1-4   .      .      .      .   l'oreille,   la  gorge.      .      .   le  plaisir. 

rcmhrassemcnt  de  Çrî  recouvre  ses  seins,   deux  coupes  ! 

rOcéan,  de  ses  eaux,  a  lavé  ses  membres 

.  paralysant  la  marche  de  sa  volupté,  le  bâille- 
ment (qu'il)  vous  (donne  la  plénitude)  du  bonheur! 

5-9.  Salut  de  Mânagrha.  Des  lions  portent  le  trône  où  s'as- 
seoit la  race  qui  a  pour  bannière  le  souverain  {bhaiiârakà) 
Manadeva.  C'est  lui  qui  vient  en  tête.  Ensuite,  du  palais 
de  Kailasa  kûfa,  —  la  Race  Lunaire  Ta  pour  parure;  le 
saint  Paçupati,  souverain  adoré,  Ta  pour  favori  ;  son  père 
adoré  le  suit  de  sa  pensée  ;  Jisnugupta  deva  en  bonne 
santé  s'adresse  aux  maîtres  de  maison  résidant  à  Kacan- 
nasta(?)  selon  (l'ordre  hiérarchique),  leur  dit  le  bonjour 
et  leur  fait  savoir  ainsi  :  Sachez  ceci  : 

(lo-i/i).  Mon  arricre-grand-père  Managupta  gomin  avait  fait 
faire  un  (étang. ^)  au  nord  du  village  de.  .  .  et  il  avait 
donné  en  libéralité  un  terrain  de  montagne.  .  .  ;  mais 
aujourd'hui,  avec  le  temps,  cette  donation  se  trouve  (con- 
testée.^) et,  aussitôt  que  je  l'ai  appris,  j'ai,  par  reconnais- 
sance pour  mon  arrière-grand-père,  donné  cette  charte 
sur  pierre  pour  qu'elle  dure  plus  longtemps. 

(1/1-20).  Et  en  voici  la  délimitation  :  au  Nord-Est  jusqu^à 
l'Est,  par  dessus  le  sommet,  en  longeant  par  en  bas  la 
fosse  du  Gomin,  les  Cinq-Eaux;  de  là,  au  Sud-Est,  Ye- 
hrainkharo  ;  au  Sud,  Dharighmadul  (?)  :  puis  en  conti- 
nuant, au  Sud.  .  .  .  ;  au  Sud  la  rivière;  et  au  Sud- 
Ouest  Lankha  ;  à  l'Ouest,  la  fosse  ;  puis  en  longeant, 
Pahanco,  puis  Lainpanco  ;  et  au  Nord  sur  le  sommet  du 
haut  de  la  montagne,  la  fosse  :  puis  jusqu\  .  .  au  Nord- 
Est  la  fosse.  J'ai  dit. 


INSCRIPTION  DE   TIÎANKOT  109 

(20-25).  Et  de  plus,  gagné  par  un  autre  motif,  je  vous  con- 
cède encore,  maîtres  de  maison  qui  résidez  au  village,  une 
autre  faveur.  Au  village  de  Daksinakoli,  en  cas  de  combat 
de  vaches  (.^)  il  fallait  payer  tant  par  labour  de  vache:  je 
vous  en  remets  la  moitié,  comme  aussi  sur  Timpot  du 
.  ;  qui  devait  donner  un  karsâpana  devra  donner 
huit  panas  ;  qui  devait  donner  huit  panas  devra  en  donner 
quatre,  et  quatre  aussi  sur  l'impôt  Malla. 

(25-28).  Et  quiconque  transgressera  cet  ordre,  qu'il  subsiste 
de  ma  faveur  ou  quelque  autre  qu'il  soit,  qui  rendrait  mon 
ordre  vain  en  personne  ou  par  intermédiaire,  je  ne  le 
tolérerai  pas.  Et  les  rois  à  venir,  parce  que  c'est  l'ordre 
d'un  roi  qui  les  aura  précédés,  et  aussi  par  considération 
du  devoir,  auront  à  maintenir  cette  charte. 

(29-80).  Le  délégué  ici  est  l'héritier  présomptif  Visnu  Gupta. 
Année. 


XVII.  —  INSCItlPTlON  DK  SANKU 


Sankii  osl  une  polilo  ville  siliuio  k  l'oxlrémilé  Nord-Esl 
do  la  vallro.  L'inscription  fraynionlairo  que  j'y  ai  rL*cueillic 
est  gravùe  sur  un  dél)ris  dcî  rifjole,  déposé  pùlc-nielo  avec 
un  tas  de  décoml)ros  contre  un  petit  temple  de  Ci  va. 

Le  texte  formait  deux  lif,^n(»s,  de  lonj^ueur  incertaine;  il 
n'en  subsiste  que  la  partie  initiale,  mesurant  0"',20.  D'une 
li^jne  àraulre,  les  cara(*lères  vari(»nt  considérahlenienl  de 
dimcînsion  ;  ceux  de  la  |)r(Mnière  ligne  sont  petits  et  serrés  : 
(r,0 1 0  de  hauteur,  ()"\0()7  (récartement  ;  ceux  de  la  seconde 
sont  amples  et  (espaces  :  i)"\i)l  4  de  hauteur,  0™,020  d'écar- 
tement.  La  différence  saute  aux  yeux,  maisTélaldn  texte 
ne  permet  pas  de  (lét(Mininer  si  elle  est  intentionnelle  cl 
calculée  |)our  allircr  1  atlcntion  sur  la  |)artie  la  plus  impor- 
tante de  rinscription,  ou  si  1(î  graveur  a  simplement  essayé 
de  couvrir  tout  Tespace  libre  av(T.  un  nombre  insuflisant 
de  cai'aclères. 

La  date  man(|ue,  mais  Técrilure  indique  avec  assez  de 
|)récrsion  r(f|)0(pie.  L(»  Mf/  (deux  fois  à  la  ligne  1)  est  fran- 
chement arrondi,  connue  dans  la  pra(;asti  de  Samudra 
gu|)ta  ;  à  partir  du  v'"  siècb»,  h»  coté  droit  tend  h  se  raidir 
en  manièie  i\r  \\'d\\\\u\  h  la  façon  d'un  h  retourné.  Le  ya, 
d'autre  piut  (ligne  I).  \i  une  forme  tardive  qui  se  manifeste 
seulemeni  à  partir  de  lu  lin  du  vr  siècle  (insrrps.  de 
Mahanamau.  puisa  Lakkhamandal  (*l  à  Aplisa<L  cf.  Itiihler, 


INSCniPTION   DE   SANKU  111 

Paleogr.y  l.  IV).  La  forme  du  sa  est  celle  qui  paraît  dans 
les  inscriptions  des  Maukharis  au  vi*  siècle  et  qui  figure 
constamment  chez  Amçuvarman.  Enfin  la  consonne  n'est 
pas  redoublée  après  r,  conlrairement  à  Tusage  ancien  ;  la 
réforme  semble  dater  du  temps  d'Amçuvarman.  L'inscrip- 
tion semble  donc  se  placer  dans  la  première  moitié  du 
vu*  siècle. 

L'objet  en  est  une  donation,  instituée  sans  doule  par  un 
fonctionnaire  préposé  aux  monuments  bouddhiques,  en 
faveur  des  religieux  de  l'école  [Mahàjsâmghika.  Aucun 
document  jusqu'ici  ne  signalait  la  présence  d'une  commu- 
nauté iMahàsamghika  au  Népal.  Des  témoignages  épars 
montrent  toutefois  les  adeptes  de  cette  école  dans  des 
régions  fort  diverses  de  l'Inde.  Deux  des  inscriptions  de 
Karle  (Senart,  Ep.  Ind.,  Vil,  p.  64,  n"  19,  1.  2,  et  p.  71, 
n"  20,  1.  3),  vers  le  contin  du  i"  et  du  n"'  siècle  ap.  J.-C, 
commémorent  des  œuvres  pies  au  profit  du  «  corps  des 
Mahùsâmghikas  »  {jyivajitfma  hkikimna  nikciyasa  Mahâsa- 
ghiyCuiQ)  dans  la  montagne  en  arrière  de  Bombay.  L'ins- 
cription l\  du  Pilier  au  lion  de  Matliuni  (J.  R.  A.  S.,  1 894, 
525-540)  célèbre  le  bhiksu  Hudhila  de  l'école  SarvàstivAdin, 
qui  a  mis  en  lumière  la  Prajna  des  Mahâsàmghikas.  J'ai 
déjà  proposé  (./.  As.,  1896,  2,  p.  450  n.)  de  reconnaître 
dans  ce  peri^onnage  le  Fo-ti-lo  désigné  par  Iliuen-tsang 
comme  un  maître  des  (;àslras  qui  composa  un  traité  spécial 
{2'si  tchen  loen)  à  l'usage  de  l'école  des  Mahàsâmghikas,  et 
qui  résidait  dans  un  couvent  du  Cachemire  on  son  souvenir 
se  perpétuait  encore  au  temps  du  voyageur  chinois  {Mém,, 
I,  186).  C'est  à  Patna  que  Fa-hien  se  procure  le  Vinaya 
des  Mahàsâmghikas.  La  préservation  du  Mahflvastu  dans  la 
collection  népalaise  seml)le  apporter  une  autre  preuve  de 
l'existence  des  MahàsAmghikas  au  Népal,  car  l'ouvrage  se 
présente  lui-même,  et  ajuste  titre,  comme  «  une  partie 
du  Vinayapitaka  de  la  recension  de  la  branche  des  Mahà- 


112  LE   NÉPAL 

sàmghikas  dile  les  Lokollaravîidins  du  Madhyadeça  »  ([,  2, 
13).  Hiuen-lsang  ne  signale  un  couvent  de  celle  branche 
qu'en  dehors  de  Tlnde  propre,  dans  le  pays  de  Bamyan 
{Mém,,  f,  37). 

Texte. 

I.  dcyadharmo    vain     çrïdhârmarâiikâinâtvasu. 

'2,   sâiiighikahliiksusaingliasya 


Traduction. 

Ceci  est  la  donation  pieuse ministre  des  fon- 
dations religieuses.  .  .  la  communauté  des  mendiants 
[Mahâ]  sàmghikas. 

1.  Deyadhnrma.  Expression  consacrée  pour  les  donations  bouddhi- 
ques. CA.  BrRNouF,  Iiitrod.y  p.  -i'i,  note;  Fi.eet,  Gupla  Inscrip.,  p.  25, 
n.  5.  Les  donations  brahmaniques  renversent  l'ordre  des  termes  et  enfi- 
ph)ient  dharmadeya  ou  dharmadOya  ('^stlutyâ).  I^'une  et  l'autre  expres- 
sion impliquent  sans  doute  l'idée  d'une  donation  désintéressée,  en  vue 
seulement  d'obéir  à  la  loi.  [Pour  dharmadeya,  ^^ddya,  cf.  mas  Donations 
licUçiievsea...  do  Valahhi,  p.  87 1. 

Dhâ nnard nkdmâ (ya .  Je  ne  connais  pas  d'auh'e  exemple  de  ce  titre. 
Amâtya,  qui  sij^nilie  au  propre  «  une  personne  de  la  maison  (domesli- 
cus)  »  semble  indiquer  les  hauts  fonctionnaires  parmi  lesquels  le  roi 
choisit  ses  conseillers  (tnnntiin).  (if.  l'article  substantiel  du  dictionnaire 
de  (lOLnsTCCKKR,  s.  V.  Amalva.  —  DhOvmarnjiha,  avec  une  voyelle  hm^iie 
à  la  première  syllabe,  est  une  forme  nouvelle.  Le  terme  dharmarâjikâ 
est  appliqué  par  excellence  aux  SiOOO  fondations  pieuses  du  roi 
Acoka.  On  est  surpris  de  retrouver  dans  l'index  du  Divyàvadâna,  éd. 
(lo^^ell-Neil,  la  traduction  :  a  édit  royal  sur  la  Loi  »,  adoptée  autrefois 
par  Ihniiouf  et  critiquée  avec  raison  par  St.  Julien  (Uioucn-Thnang, 
Mém.  I,  M7  II.).  La  jj:rapliie  employée  dans  noire  inscription  parait 
s\\\)\)os(n'  {\UQ  d lui nnaiflji lift  est  une  dérivation  i\v  dhannaiâja  «\c  Ho\ 
de  la  Loi  »  c'est-à-dire  le  Bouddha.  Le  mot  serait  proprement  un  adjec- 
tif, signitiant  :  «  relatif  a\i  Hoi  de  la  Loi»,  (if.  Mhhh.  Vil,  7i,  i'.âkhyâ- 
nani...  Sikjaravâjikam  «  Thisloire  relative  aux  seize  rois.  « 

"1.  La  forme  sânnjfn'fin  ne  laisse  pas  de  place  à  une  autre  restitution 
(jue  {inaftà\sftnnfhika. 


XVIII.  —  INSCRIPTION  DU  CHASAL-TOL,  A  PATAN 


Celte  slèle,  très  mutilée,  se  dresse  dans  une  vieille  fosse 
à  ablutions  du  Chasal  Toi,  près  d'un  slûpa  insignifiant 
attribué  à  Açoka  (v.  II,  346).  La  partie  inscrite  couvre  une 
hauteur  d'environ  (r,45;  la  largeur  en  est  de  0'",55.  La 
hauteur  moyenne  des  caractères  est  d'environ  0'",01  ;  l'es- 
pacement des  hgnes,  de  0™,015.  L'orthographe  est  con- 
forme h  la  pratique  introduite  par  Amçuvarman  ;  la  muette 
après  r  n'est  pas  redoublée.  Le  caractère  est  sensiblement 
le  même  que  dans  les  inscriptions  datées  de  l'an  143  (Bh. 
13)  et  145  (Bh.  14).  L'inscription,  au  moins  dans  ce  qui  en 
subsiste,  est  en  prose  ;  elle  n'introduit  ni  vers  traditionnel, 
ni  stance  originale  d'appel  k  l'avenir.  C'est  une  charte  de 
donation;  le  protocole  initial  a  disparu,  avec  le  nom  du 
roi.  Les  19  dernières  lignes,  seules  conservées,  contiennent 
une  description  minutieuse  des  limites  de  la  donation  (1-1 3), 
puis  les  recommandations  usuelles  (13-18),  enfin  la  men- 
tion de  Tordre  personnel,  le  nom  du  délégué  royal  et  la 
date  (18-19). 

Le  bornage  va  du  Nord  au  Sud,  de  l'Est  à  l'Ouest  et 
remonte  au  Nord.  Il  atteste,  comme  les  autres  documents 
de  la  même  époque,  la  civihsation  florissante  du  pays  et  le 
développement  énorme  de  la  propriété  ecclésiastique.  Tous 
les  terrains  mentionnés,  jardins  {vâtikâ)  ou  champs  (Xw/ra) 

lit.  -  8 


114  LE  NEPAL 

appartiennent  à  des  confréries  religieuses,  pâiïcâli  et  gosthL 
Nous  ne  savons  pas  ce  qui  distinguait  Tune  de  Taulre.  Le 
terme  de  paficâlî  ne  se  retrouve  pas,  h  ma  connaissance, 
en  dehors  do  Tépigraphie  népalaise.  Déjà  Bliagyanlal  (note 
26  sur  son  incrip.  8)  a  rapproché  le  mot  du  Pàncakulika 
méridional  et  du  Pànch  moderne  ;  il  a  indiqué  aussi  que  les 
biens  des  temples  sont  présentement  encore  administrés  au 
Népal  par  des  comités  nommée  ffidfhi  {:=  gost/iî).  Le  village 
de  Loprim  a  une  pâncàlî  et  une  goslhî  ;  la  pâncàlî  possède 
un  jardin  (9)  dans  le  voisinage  de  Dolàçikhara,  c'est-à-dire 
de  Changu  Narayan  (cf.  stèle  de  Harigaon,  an  32, 1.  7),  et 
au  Nord-Ouest  de  ce  terrain,  à  quelque  distance,  un  champ 
(10).  La  goslhî  de  Loprim,  qui  semble  porter  le   nom 
d'Indragoslliî,  possède  un  pou  plus  loin  au  Nord,  un  champ 
(12).  La  limite  du  terrain  concédé  par  Tinscription  de  Fan 
143  (IJhag.  13)  rencontre  aussi  les  biens  de  la  gostht  de 
Lopriin  {LopnhgvCimagamthikftkseirayny  1.  19,  et  Lopri... 
iaksotrmn,  1.  24).  Le  peu  que  nous  savons  des  goslhts  par 
d'autres  documents  ne  nous  permet  guère  de  reconnaître 
ce  qui  les  dislingue  dos  pûncâlîs.  L'inscription  de  Pehoa, 
de  Tan  882  J.-C,  qui  institue  une  fondation  religieuse,  en 
confie  la  gestion  à  des  gosthikas,  à  qui  incombe  le  soin  de 
recueillir  les  fonds  et  do  les  répartir  (BiniLER,  Ep.  Ind.,  I, 
180);  une  autre  inscription,  datée  du  règne  de  Bhojadeva 
de  Kanauj,  comme  colle  de  Pehoa,  et  antérieure  de  vingt 
ans  (862  J.-C.),  mentionne  un  gosthika  (Deogadh  IMIlar; 
KiKLuoHN,  Ep,  Ind.,  IV,  309).  he  même  une  charte  Câ- 
lukya  do  1207  J.-C.  (IIiltzsch,  Ind.  Ant,,  M,  338).  Il  n'est 
pas  sans  intérêt  d'obsorver  que  la  gosthî  du  temple  de 
NArilyana  (1.  Il)  porto  un  numéro  d'ordre  :  «  la  dixième 
gosthî  »  {dacffmigosl/ii),  L'inscri|)tion  de  Nangsal,  qui  men- 
tionne* aussi  phisiours  bions  do  gosthî  dans  un  passage  très 
mutilé,  a  préservé  du  moins  le  nom  de  «  la  septième 
goslhî  »  {sapiamtg(istlublm7n(r,  1.  48).  Le  cas  de  «  la  gos|ht 


INSCRIPTION   DU   CHASAL-TOL,    A    PATAN  115 

du  temple  de  Nàràyana  »  {Ndrâyanadevakuladaçamîgosthî, 
1.  11),  de  la  gosthî  d'Indra  (Lo/?nm^7Yi/?i^nrfra^osf^?,  1.  12), 
peut-être  aussi  de  la  [Çamjkaragosthî  (Nangsal,  48)  donne 
lieu  de  supposer  que  les  gosthîs  étaient  plutôt  de  culte 
brahmanique  et  les  pâncàlîs  de  culte  bouddhique;  mais 
rhypothèse  est  encore  très  hasardeuse. 

Je  relève  encore  la  mention  de  la  Pûnkapâncâlî  (?1.  10), 
du  vihàra  de  Puspavàtikà  (13),  du  Mànîyaksetra  qui  est 
sans  doute  un  bien  de  Mànadeva  (12).  Enfin  je  signale  le 
«  pont  de  pierre  »  {çilâsamkrama,  1.  8). 

La  date  de  Tinscription,  nettement  lisible  à  la  dernière 
ligne,  est  le  cinq  de  la  quinzaine  de  Jyestha,  an  137.  Le 
dûtaka  chargé  de  Tordre  est  bhatlâraka  çrî  Vijayadeva,  Un 
personnage  du  même  nom  Qgure  comme  dûtaka  dans  une 
charte  très  mutilée  (Bhag.  14)  datée  de  l'an  145  ;  mais  il  y 
reçoit  le  titre  de  yuvarâja  çrî  Vijayadeva  «  l'héritier  pré- 
somptif ».  Une  charte  antérieure  de  deux  ans  (Bhag.  13)  a 
pour  dûtaka  le  bhaltàraka  çrî  Çivadeva.  Bhagvanlal  observe 
à  ce  propos  que  l'épithète  de  bhaltàraka  ne  se  donne  qu'à 
un  roi  ou  à  un  grand-prêtre.  «  11  n'y  a  point  de  cas,  ajoute- 
t-il,  où  un  prêtre  ait  fait  fonction  de  dûtaka,  tandis  qu'en 
plusieurs  circonstances  le  roi  est  son  propre  dûtaka  ». 
L'alternance  de  bhatlâraka  et  yuvarâja  appliquée  succes- 
sivement, à  huit  ans  de  distance,  au  même  personnage, 
infirme  l'explication  donnée  par  Bhagvanlal.  En  fait,  nous 
trouvons  successivement:  en  119,  dûtaka,  le  râjapulra 
Jayadeva;  en  137,  le  bhattàraka  çrî  Vijayadeva;  en  143 
(dizaine  douteuse),  le  bhaltàraka  çrî  (Jivadcva;  en  145,  le 
yuvarâja  çrî  Vijayadeva  ;  enfin,  en  153,  le  roi  régnant  est 
Jayadeva.  Un  autre  indice  semble  trahir  un  changement 
pohtique  dans  la  même  période.  L'inscription  de  143  (?)  et 
celle  de...  deva  sont  datées,  non  pas  deKailisakûta,  comme 
l'inscription  authentique  de  Çivadeva  en  119,  mais  d'un 
nouveau  palais,  le  Bhadràdhivàsa-bhavana,  et  le  roi  de  ce 


116  LE   NÉPAL 

palais  reprend  le  vieux  titre  de  Licchavi-kula-ketu,  aban- 
donné depuis  Tavènement  d'Amçuvarman,  et  Jayadeva, 
dans  rinscription  de  Paçupati,  se  donne  bien  pour  un 
rejeton  authentique  des  Licchavis,  en  sautant  par-dessus 
Amçuvarman  qu'il  omet.  C'est  une  réaction,  ou  une  révo- 
lution. Justement  dans  des  circonstances  politiques  analo- 
gues, après  la  mort  d'Amçuvarman,  les  inscriptions  de 
Jisnugupta  montrent  le  même  flottement  de  la  titulature, 
passant  de  bbattâraka-mahàrâja-çr^  à  bliatlàraka-râja-çrt* 
et  à  bhattàraka-çrî%  pour  désigner,  à  côté  âe  Tusurpaleur, 
rhéritierlégitimedutrône(v.  Inscr.deThankot5^//?.p.  104). 


pa 


Texte. 

I daksinena.      .      .      .  rtavâtikâ 

•  •  • 

2 

3.  .      .      .  daksin.      .      .  srt/ia5ra-(vâ)tik.      .      .  na  tn, 

4.  .      .      .  na.      .      .      rya  yâvac  chahka .  ça^ra  .  paçcima  . 

mânîya  mâr/àçi. 
0.  rvam  anusrtyâ/ra.      .      .  pikâpaçcime  sa.     .      .  ma  kifi- 
cid  daksinena  paçcime  çankara 

6.  .      .  tavaiçira  .  paçcim  .  tat/wttaran  gatvâ  apau.  .      .la. 

yi  .  nadagrhamandalaki. 

7.  .      .  cottaran  gatvâ  mahâ.      .      .  paçcimam  gatvâ  çilâ- 

sankramasya  paçcimena  refâ  pâncâlî 

8.  .      .  ca  pûrvottaram  gatvâ  loprimpâncâlîvâtikâyâ  paçci- 

mottaram  gatvâ  dolâçikhara  .  ai. 

9.  .      .  pûrvenoltaran   gatvâ   pû/iA*apâncâlikaksetrasya   ca 

paçcimottarain  gatvâ  loprimpâncâlikaksetra. 
10.   sya  paçcimottarain  gatvâ   Nârâyanadevakuladaçamîgos- 

Ihikaksetrasyâpy  uttararn  gatvâ 
1  1 .   lopriingrâmendragausthikaksetrasyottaram  gatvâ  mânî- 

yaksetrasya  collaram  gatvâ  tato  yâvat.    . 


INSCRIPTION   Dr   CHASAL-TOL,    A    PATAN  117 

1 2 .   puspavâtikâvihâraksetrasya  sîmâvf  dhir  ity  anar .  e  paçci- 

menottar.  .  ma. 

i3.   laprâsâdamandalâny.      .      .  kottamaryâdâsmâbhih  pra- 

sâdaka. 
ï5.  dbhir  asmatpâdaprasâdapratibandhasamarthairanyairvâ 

na  kaiçcid  ayam  prasâdo  vyatikramanîyo  .  ce 

1 6.  .      .  nâm  asmadîyâm  âjnâm  evoliaghya  kurvîta .  kâraye- 

yur  \â  te  smâbhir  na. 

«/ 

17.  .      .      .  narâdhipatibhihpûrvamahîpâlakrtaprasâdasmâ- 

ribhir  loka. 

18.  .  titarâm  na  marsanïyâh  |  8vayam  âjnâ  dûtako  py  atra 

bhattârakaçrî  Vijayadevah  |  samvat 

19.  100.  3o  7  jyestha  çukla  pancamyâm  || 


Tbaductiox. 

(i).    .      .      .  au  Sud.      .      .  le  jardin.      .      .  (3).  .  au 

Sud.      .      .  le  jardin.      .        (4).      .      .jusqu'à. 
rOuest.      .      .  de  Mftna.      .      .  (5)  en  longeant.    . 
à  rOuest.      .      .  un  peu  au  Sud,  à  TOuest.      .      .  de  Çan- 
kara.      .      .  (6).      .      .  à  l'Ouest.      .      .,  en  allant   de  là 
au  Nord.      .  le  cercle  de  maisons.      .      .  (7)  .      .  et  en 
allant  au  Nord,  le  grand.      .      .      .,   en  allant  à  l'Ouest, 
par  rOuest,  par  TOuest  du  Pont  de  Pierre,  .      .      .  de  la 
pâncâlî  de  Rela  (8-12),  et  en  allant  au  Nord-Est,  en  allant 
au  Nord-Ouest  du  jardin  de  la  pâncâli  de  Loprim,. 
du  Dolâçikhara,  en  allant  au  Nord-Est,  en  allant  au  Nord- 
Ouest  du  champ  de  la  pâncâlî  de  Pûiika  (?),  en  allant  au 
Nord-Ouest  du  champ  de  la  pâncâlî  de  Loprim,  en  allant 


L.  46.  Le  singulier  kiirvlta  a  été  introduit  ici  par  erreur  ou  par  confu- 
sion. La  formule  ordinaire  est  :  kiiryu^  kdrayeyur  vd,  par  exemple,  Bhag. 
12,  1.  17  ;  44,  1.  43.  On  trouve  aussi  le  singulier  kuryât  kârayed  va,  par 
exemple,  Bhag.,  43,  1.  32;  mais  Toptatif  moyen  est  une  rareté. 


118  LE   NÉPAL 

au  Nord  du  cliamp  de  la  X*  gosthî  du  temple  de  Nârâyana, 
en  allant  au  Nord  du  champ  de  la  gosthî  d^Indra  du  village 
de  Loprim,  en  allant  au  Nord  du  champ  de  Mâna,  de  là 
jusqu'à.  .  .  telle  est  la  limitation  de  hornage  du  champ 
du  couvent  de  Puspavatikâ. 

(12-18).  .  .à  rOuest,  au  Nord.  .  .  .les  palais,  les 
cercles.  .  .  limite  de  fort  a  été  concédée  par  nous.  Et 
personne,  qu'il  soit  en  état  de  faire  échec  à  ma  volonté 
gracieuse  ou  quelqu'autre  que  ce  soit,  ne  doit  enfreindre 
cette  prescription  de  ma  volonté.  Et  quiconque,  au  mépris 
de  mon  ordre,  agirait  en  personne  ou  par  intermédiaire, 
je  ne  le.  .  .  .  Et  les  monarques  à  venir,  se  rappelant 
les  concessions  gracieuses  des  souverains  antérieurs, .  .  . 
ne  devront  absolument  pas  le  tolérer. 

(18-Ï9).  Ordre  direct.  -=-  Le  mandataire  royal  est  ici  bhal- 
târaka-çrî-Vijayadcva.  An  i37,jyeslha,  quinzaine  claire, 
cinquième  tithi. 


XI\.  —  LNSCHIPTION  DE  TIMI 


ïimi  est  une  bourgade  située  entre  Katmandou  et 
Bhatgaon.  La  stèle  qui  porte  cette  inscription  se  Irouve 
dans  une  vieille  fosse  à  ablutions  (///M/),  ((^f.  vol.  11,  p.  376). 

La  partie  supérieure  de  l'inscription  a  presque  entière- 
ment disparu;  il  n'en  subsiste  que  quelques  caractères. 
Les  neuf  dernières  lignes  seules  offrent  un  texte  à  peu  près 
continu.  La  largeur  est  d'environ  0'",40  ;  la  hauteur 
moyenne  des  lellres  est  d'environ  0™,01  et  les  interlignes 
de  0'",02.  Les  caractères  de  la  dernière  ligne  sont,  comme 
il  arrive  souvent,  largement  espacés. 

Le  chiffre  des  années,  à  la  fin  de  l'avant-dernière  ligne, 
est  effacé.  Il  subsiste  à  peine  une  trace  du  symbole  qui 
figure  100.  Mais  il  n'en  est  pas  moins  certain  que  l'inscrip- 
tion date  de  Çivadeva  II.  Les  caractères  sont  exactement 
identiques  à  ceux  des  inscriptions  de  ce  roi  recueillies  et 
publiées  par  Bhagvanlal,  et  spécialement  au  nM2,  daté  de 
samvat  119.  La  coïncidence  du  tracé  est  si  parfaite  qu'elle 
dispense  de  toute  démonstration.  Je  me  contenterai  de 
signaler  h  la  ligne  7  l'apparition  du  f/a  renflé,  à  deux  jam- 
bages, immédiatement  à  côté  du  y^^  usuel  à  trois  jambages, 
dans  la  formule  /lUf/u  /iilrai/ef/u(r  vâj.  La  forme  fautive  /cuj/u 
pour  kuryuh  provient  peut-être  de  l'embarras  du  graveur 
qui  ne  reconnaissait  pas  le  mot  sous  cet  aspect  nouveau. 
Mais  plus  expressif  encore  que  le  tracé  des  caractères  est 


120  LE    NÉPAL 

le  formulaire  de  rinscription,  spécialement  la  citation  de 
deux  vers  à  Tappui  des  recommandations  et  des  impréca- 
tions Qnales  : 


purvadallàm  dvijalibhyo  yatnâd  raksa  Yudhisthira 
mahimmahihhujàmçreslhadânâcchreyo  'nupàlanam  \\ 

et 

sastim  varsasahasrûni  svarqe  modali  bhùmidah  1 
âkseptâ  cânumantâ  ca  tâvanti  narake  vaset  \\ 

Ces  vers,  à  ma  connaissance,  apparaissent  pour  la  pre- 
mière fois  dans  Tépigraphie  népalaise  avec  Çivadeva  H.  Ils 
se  lisent  à  la  fin  de  l'inscription  de  samvat  119  (Bh.  12) 
aux  lignes  20-22  et  ils  y  sont  introduits,  comme  dans  le 
texte  de  Timi,  par  la  formule  :  tathâ  coktam.  Mais  l'usage 
en  est  fréquent,  avant  Tépoque  de  Çivadeva  même,  dans  le 
protocole  de  Tlnde.  Le  premier  vers  se  présente  dans  deux 
recensions  ;  Tune,  celle  qu'emploie  Çivadeva,  se  trouve  pour 
la  première  fois  dans  une  charte  du  roi  Hastin  datée  de 
156  Gupta  (475  J.-C),  originaire  de  la  région  de  Bundel- 
khand,  ou  plus  tôt  encore,  dans  une  charte  de  la  même 
région,  octroyée  parle  roi  Çarvanâtha,  si  la  date  de  214  est 
à  interpréter  (avec  Kielhorn)  comme  exprimée  en  ère  de 
Cedi  (249-1-214  =  463  J.-C).  Elle  se  retrouve  au  pays  de 
Valabhî,  en  253  Gupla  (572  J.-C.)  dans  une  charte  de 
Dharasena  II  ;  au  pays  d'Anandapura,  voisin  de  Valabhî,  en 
361  Cedi  (600  J.-C.)  dans  une  charte  de  Buddharâja,  au 
Dekkan,  dans  une  charte  du  Calukya  Pulakeçin  II  (Chiplun 
plates),  qui  règne  pendant  la  première  moitié  du  vu*  siècle  ; 
aux  bouches  de  la  Godavari  dans  une  charte  du  frère 
même  de  Pulakeçin  11,  le  Calukya  oriental  Visnuvardhana  I 
(Satara  plates). 

L'autre  recension  ht  le  premier  pâda  différemment  : 

svadattâni  pavadnttâm  va  yatnâd  raksa  Yudhisthira  1 


INSCRIPTION   DE    TIMI  121 

Les  deux  recensions  coexistent  manifestement  dans  les 
mêmes  chancelleries.  Sous  la  forme  svadattâniy  etc.,  le  vers 
paraît  également  dans  des  chartes  du  roi  Çarvanâtha  d'Uc- 
cakalpa,  datées  de  193  et  197  (Cedi?  en  ce  cas=  442  et 
446  J.-C.)  et  avant  lui,  dans  les  chartes  de  son  père  Jaya- 
nâtha,  de  174  et  177  (=  423  et  426  J.-C.  ?),  un  peu  plus 
tard,  dans  la  même  région,  Mahâjayaràja  et  Mahàsudevaràja 
(de  Çarabhapura,  Central  Provinces),  et  plus  tard  encore 
Mahâçiva  Tivararàja  (de  Çrîpura,  Central  Provinces)  rem- 
ploient à  leur  tour.  Pulakeçin  H  s'en  sert  dans  sa  charte  de 
Haidarabad. 

J'observe  que  la  rédaction  adoptée  par  Çivadeva  intro- 
duit une  nouvelle  variante.  Au  3*'  pàda,  le  mot  malubhujàm 
est  substitué  au  terme  consacré  maliimnlâm.  Est-ce  par 
scrupule  de  puriste?  En  fait,  ce  mot  mnhlmat  garanti  par 
tant  de  textes  épigraphiques  semble  étranger  à  la  littéra- 
ture, car  il  ne  figure  pas  dans  \o.  Dictionnaire  de  Pétersbourg 
ni  dans  ses  suppléments. 

Le  second  vers  :  mstim  varsasahasnun  n  est  pas  moins 
usuel  que  le  premier.  11  ne  conjporte  qu'un  flottement  dans 
sa  rédaction  :  au  commencement  du  3*^  pâda,  les  uns  écri- 
vent, comme  Çivadeva,  «  â/isepfd  »  ;  les  autres,  «  âr/iettà  ». 
Mais,  ici  encore,  les  deux  formes  coexistent  dîins  la  même 
série  de  documents.  Hastin  écrit  OcheU'i  dans  sa  charte  de 
156  Gupta  (475  J.-C.)  et  dans  celle  de  163  (482  J.-C);  il 
écrit  (ihej)ta  dans  sa  charte  de  191  (510  J.-C).  Le  vers 
parait  dès  Jayanàlha  et  Çarvanâtha  {Cicheltâ)  ;  il  (igure 
régulièrement  dans  Tépigraphie  de  Valabhî  {âcliettâ)  ;  il  est 
cité  par  Mahâjayaràja,  Mahàsudevaràja  (Cichetta),  Mahâçiva 
Tivararàja  {ûksepta),  par  Pravarasena  le  Vâkâtaka,  et,  au 
Penjab  {\\f  siècle?),  par  Samudrasena,  par  Laksmana  de 
Jayapura  (158  Gupta?  =  477  J.-C?),  par  le  Gurjara  de 
Broach  Dadda  II,  par  Buddharâja,  par  le  Traikûtaka 
Dahrasena  (i07  Cedi  =  456  J.-C),  par  les  Calukyas  Man- 


m  LE   NÉPAL 

*^iiUu''d  <'t  Pulak^^rifi  II  [{ou<  :  W/e//<i«,  jiar  h*  Oilukya 
off'iefilal  ViVr/uvanJli<iua  I  (qui  em\Aoi(i  à/:hel/â  dans  le  Satara 
^raut.  o/i»e/^/à  daui^  K'  Clii|>uruf>all<'  ^^rant  i.  par  Çaçàôkaràja 
du  lUfWyiiiUt  i*u  'ÎOO  Oufila  =^  019  J.4j.  ifd'*efjf^J\.  en  Orksa 
par  le^  ^olflavarll(;i^  Maliâ  BliavagupLa  I  et  11  et  Mahâ  Çi%a- 

Çivadeva  II  ne  eite  <jue  res  deux  vers  •  mais  l'épigraphie 
de  rinde  ijou?î  fait  eoiiualtre  un  ^^rand  nombre  de  vers  Ira- 
dilionnHrf  rjni  ont  tous  pour  eonimun  objet  de  ;:araulir  à  la 
donation,  par  promesse  ou  (>ar  nienaee,  son  plein  objet  à 
per|>^*tuilé.  On  mexeusera  d  en  donner  iei  un  relevé  aussi 
complet  (jiie  j  ai  |iu  le  faire.  Les  ^rroiipements  dynastiques 
ainsi  ronstilu/*s  peuvent  fournir  un  élmient  de  classification 
qui  n^>t  pas  â  d^^^daigner  :  il  r>l  difficile,  ou  trop  commode 
peut-être,  de  croire  que  chaque  chancellerie  royale  prenait 
au  hasard  dans  la  niasse  des  vers  en  circulation;  les  rela- 
tions politiques,  le?>  modes  littéraires  devaient  inlluer  sur 
le  prolocob*.  Tne  étude  parallèle  de  tous  les  éléments  qui 
le  conq)osent,  titulature,  vocabulaire,  style,  etc.,  laisserait 
un  résidu  précieux  d(;  données  positives  au  service  de 
l'histoire.  Je  disposerai  ici  la  série  des  vers  dans  Tordre 
al|ihahélique  : 

I .      Ay/irr  aj)afyf/fn  /frn/fiftmnni  savnrnnm 
h/itir  raisnfivi  surynsiiUu;  ca  fjarah 
dallas  I rayas  Irna  h/iavanli  lohali 
y  ait  haCicauain  qa/it  ca  ma/nm  ca  datlyâL 

MaliAjayarAja,  MaliasudcvarAja,  MahA(;iva  Tivararâja, 
S(niiav;nncis  (i'( hissa. 

•      * 

•>,.      (ulhhir  ilallain  Irihhir  h/m/,' la  ni  sadh/iir  ca  paripâlUam 
i'Iaai  /!((  nivavlanir  pnrvavuja/irtaid  ca 

Kadainba  Krsnavariuau  II;  Kadamba  Itavivarman. 


INSCRIPTION  DE   TIMI  123 

3.      apûnlye.w  aranyem  çuskakofaravâsiiiah 

krsnâhayo  'bhij ayante  pûrvadâyam  haranti  ye. 

Ce  vers  comporle  de  nombreuses  variantes;  la  plus  fré- 
quente présente  au  premier  pâda  :  Vindhijàlaviu\,.  (v.  inf., 
20).  Sons  la  forme  que  j'ai  transcrite,  le  vers  se  rencontre 
chez  Ilastin  (191  Gupta  =  210  J.-C).  ÇarvaniUha  (214 
Cedi  ?)  a  au  troisième  pàda  hi  au  lieu  de  'bhi.  Les  inscrip- 
tions de  Valabhî  portent  :  anudakew  aranyesu,,. 

k'      Adityo  \arimo  Visnur  Bra/unâ  Somo  Hutàçnnah 
Çulapdnir  ca  h/iagavdn  (d)huifindan(i  bhûmidain, 

Somavamris  d'Orissa. 


•     ;> 


5.  asphotayanti  pitarah  pravalyrui/i  pitanudiâh 
bkùinido  *sni(dkale  jûlah  sa  nas  Irâtâ  bliavisyali, 

Jayanàtha  (1 74  Cedi?)  ;  Somavamçis  d'Orissa (avec  var. 
bhïwndâtâ  hde,,,) 

6.  ///  kamaladalâmbaJnndalolûm 
çriyam  anucirUya  ma/iusyajivitani  ca 
sakalani  idam  udâlivlam  ca  baddhmi 

m  m 

na  lii  purusaili  parakirtayo  vilopyâh. 
Somavaniçis  d'Orissa. 

7.  tadùgûnCun  sahasrârii  viïjapeyaçatdtn  ca 
r/avdm  kofipraddnena  bhùmihartd  na  çud/iyaii 

Somavamçis  d'Orissa. 

8.  tâdrk  piinyam  na  dadatdm  jdyate  no  dharâhhujdm 
bhuvam  anyapralistlidm  ta  Jddrg  bhavati  raksatdm, 

Calukya  or'  Visnuvardhana  I  (Satara  granl). 

S'*''    dattâni  yâniha  para  narendrair. 

Voir  m/ra,  17. 


124  LE   NÉPAL 

9.      pùrvafinffilm  ilvijâfihhyo. 
Voir  sffprff  p.  120. 

9*'"    pùnuiih  pûrvalaraiç  caiva  daffcim  bhûmim  haret  tuyah 
sa  nifyavvasanr  mmjno  nnrake  ca  vasei  punah. 

KuinAravisnu  lo  Pallava. 

10.  praycna  ht  mtrendrânâm  vidyate  nâçubhâ  gaiih 
puyanfe  te  tn  satulam  prayacchanio  vasundharâm. 

JayanAlha  {iH.  m)  :  Çarvanàlha  (193,  197,  214). 

1 1 .  hahubhir  vasudhâ  daftâ  mjahhih  Sagarâdibhih 
\iis\a  \as\n  vada  bhùmis  (asva  iasva  iadâ  phalam. 

(Tosl  ioi  le  vers  lo  plus  employé:  il  se  rencontre,  dans 
répij^raphio  mémo  ilii  Népal,  à  la  fin  d'une  inscription  de 
Çivadeva  daléo  samval  142  (?:  Bhag.  13).  Il  figure  dans 
prosquo  loulo  Tépigraphio  de  l'Inde,  parfois  avec  bhukiâ 
subslilué  à  (////Al  dans  le  premier  pàda.  Ilaslin  (156  Gup.); 
JaxauAlha  y\l\.  I77K  ÇarvanAlha(l93,  197,  214):  les  rois 
de  Valabhi:  MaliAjaxaràja  :  Mahàsudevaiàja  :  Samudra- 
seua  :  Laksmana:  Hadda  II:  r.ai;ànkaràja:les  Somavamçis 
d'Orissa  :  le  Pallava  Simhavarman:  les  kadambas  Civa- 

nK\ndhAh\annan.  Krsna\armau  II.  kakulshavarman.  Ravi- 

«  ... 

\arman.  Ilari\arman  :  lesCalukyasMani:alet;a,  Pulakeçinll, 
VikrauK\dil\a  I  iKarnul  s;ranlV.  lo  (.alukva  or"  Visnuvar- 
dhana  l  v>alara  i^rant  »  qui  emploie  eu  outre  dans  une  autre 
rharle  ^(.hipm upalle^  la  \arianle  ^égalemenl  employée  par 
le  l\dla\a  Kumàra\isnu^  : 

iiihrJ'hir  vr.sii*fh*\  d*itt*\  ^^iiluibbô;  cômi/ndilâ. 

I  •  » .       •"':'<••!■:>'?>*  " j ' :  "j •  : '; "i  k '/r\ ' ih  pnin* ùh  hinfhngaiair  api 
;  r  ^;  :  ;  1  :*  '  ;  ■.  '*  'V.  :  •(  i  'y^hr':^  i  i  n  .•  't  r?»  •  >  /*  r»/ A  «  im  /fi  rohafi 

\  i>\,ui\vndhana  I  •Salara». 


INSCRIPTION   DE    TIMI  125 

1 3       bhùmim  y  ah  pratiyrhnâti  yaç  ca  bhûmirn  prayacchati 
ubhau  tau panyakarmânau  niyatam  svargagâminau. 

Somavamçis  d'Orissa. 

i4.      bhûmidânàl parant  dânam  na  bhûtam  na  bhavisyati 

tasyaiva  haranapâpànfharanât  pdpan  K.J  na  bhûtam  na 
bhavisyati 

Visnugopavarman,  Simhavarman,  Kiiraàravisnu,  tous 
trois  Pallavas. 

i5.      bhûmipradânân  na  pararn pradânam 
dânâd  viçistam  paripâlanam  ca 
sarve  'tisrstâm  paripàlya  bhûmirn 
nrpâ  Nrgâdyàs  tridivam  prapannâh 

Samksobha  (209  Gupta). 

1 6 .  ma  bhûd  aphalaçahkâ  vah  paradatteti  pârthivûh 
svadCmât  phalam  ânantyam  paradânânapcdane , 

Somavamçis  d'Orissa;  Çaçànkarâja  (var.  ?nci  bhûta  ph""), 

1 7 .  yciniha  dâridryahhayân  narendralr 
dhanâni  dharmCiyatan  ikrtûni 
nirmûlyavàntapratimùfd  tùni 

ko  nâma  sûdhuh  punar  âdadita, 

Hois  de  Valabhî,  avec  diverses  variantes;  Çîlâditya  H 
(352)  :  yânlha  daitûni  purâ  narendrair..  .  .  Çîlâditya  VI 
(iil)  inirôhi/ktamùli/aprati'*;  aussi  \)<idd'd\l  (38o  Cedi)  et 
Buddharâja(361  Cedi)  tous  deux  avec  la  variante  :(//iammi 
dharmûrthayaçaskarâni ;  et  Pulakeçin  H  qui  adopte  cette 
dernière  rédaction,  mais  qui,  au  troisième  pâda,  hésite 
entre  nirmâlyavântaprati''  (Haidarabad)  et  nirbhukiamâlya- 
wali''  (Chiplun). 


120  LE   NKPAL 

1 8 .  ye  prâ/ctanâvanihhujâni  jagatihitânâm 
dhdvmynm  slldtim  stliUiUrUun  anupfdaycyur 
IdLsrnyù  sainetya  snciram  nijaUuiryayaiva 
pretyùpi  vâsavasama  divi  te  vaseyuh. 

Ce  vers  no  purnll  que  dans  une  inscription  du  Nopal, 
datée  de  145  î?ainvat  (Hhag.  14),  et  presque  cerlaineinenl 
de  Çivadcva.  Au  reste,  le  roi  lui-niènie  semble  èlre  Tauteiir 
de  ce  vers,  qui  est  iulruduit  par  la  formule  yathâ  cîiha 
c(  Aussi  bien,  comme  il  (le  roi)  Ta  dit  lui-même  :...  » 

i8'*'*    ye  çU(crnruk(irfiV(idà((icarila/j  samyakprajâpâlane 

'djrh  priUluimdvœnçviirah'vtàin    vakmnti   dharmyâni 

slhitim 
"jftâ  vijitùricakrarucirâm  sarphhuj'ya  râjyaçriyfun 
tiâke  rcdinisaniânatnnudvihhfœâs  lisUiatdi  diumyah  slln- 

v(un 

Inscription  anonyme  de  Nan{i:sal. 

1 9.  lahwiunkctaimm  yadapârrnyena 
prâplo  \si  T  :  ko  ^Uiinudani  nrparf/iarn 
làny  eva  punyârti  vivardliayelliâ 

im  hiipaniyti  hy  npnhtviiudi.ydi, 

(luhasena  (tW  (iu|).)  et  Dharasena  II  (209  Tiup.)  de 
Valablii. 

20.  \  in(diy(t/(fvisr  (dnvdsu  rtishakohiravâsina/i 
hrsnalmyo  hi  jnynnte  h/nunidâyaharâ  iiarah. 

Variante  1res  répandue  du  vers  stfp.  n"  3.  Celle  rédaction 
même,  (pii  se  renronire  chez  Dharasena  II  (2.H2  (iiip.)  el 
Dadda  II  (ilH.'i  Cedi),  c()m|)orle  aussi  des  variantes  sceon- 
<laiios,  au  (pialrièmc»  pàda  :  hlmmidiinam  haranti ye,  Pula- 
kerin  II  (llaidarabad)  ;  hhninhUujam  haranti  f/€y  Çlh\dilya  Yl 
(iî7  <lu|).),  Uuddliaràja  CMW  {\hV\)  : /f/tûmidànûpa/târinah, 
\  isiiuvai'dhana  I  (Salaia). 


INSCRIPTION   DE   TiMl  127 

21.  sastifiiii  varsasahasrâni. 
V.  sup,  p.  120-122. 

21**''    sarvasasyasamrdilliùm  lu  yo  hareta  vasundharâm. 
Variante  de  24,  infra, 

22.  sûmânyo  'yam  dharmasetur  nrpûnâm 
kâlc  kâle  pàlaniyo  bhavadbhih 
sat^vàn  etdii  bhdviiiah  pârlhivendrân 
hhCiyo  hhûyo  yâcate  Uûmacandrah 

Somavamcis  d'Orissa. 

23.  svadaiiâm  paradai tdm  vcl  yat/nld  raksa  Yiidliislhira.    . 
Variante  du  vers  9,  sifp. 

2 II.      svadallàm  paradallùm  va  yo  havela  vasundharâm 
sa  vislhdyâm  krmir  hhûlvd  pilrbhih  saha  pacyale. 

Ce  vers,  très  populaire,  comporte  un  nombre  considé- 
rable de  variantes.  Ilastin  (163  (iup.),  Çaçânkaràja,  les 
Somavamçis  d'Orissa  le  citent  sous  la  forme  que  je  viens 
de  transcrire;  mais  on  191  (îup.,  Hastin  écrit  :  saha  ntaj- 
jate\  Laksinana,  en  lo8  :  saha  mœjjali]  Çarvanàlha  qui 
adopte  la  même  recension  que  Laksmana  en  214  (mais 
var.  çvavisthdydm)^  suit  dans  ses  chartes  de  193  et  197 
l'autre  lecture  :  sarvasasyasamrddhdrri  tu  yo  (sup.  21''*')  ; 
avant  lui,  Jayanâtha  l'emploie  également  en  174  et  177. 
Pulakeçin  II  (Cliiplun)  suit  la  première  rédaction,  avec  la 
variante  çvavislhdydm.  Le  premier  hémistiche  entre  dans 
des  combinaisons  diverses,  chez  Dharasena  II  (232  Gup.) 
et  chez  Kumâravisnu  le  Pallava  : 

gavant  çalasahasrasya  lianluh prâpnoli  {pibali  Kum.)  kilbisam 

et  chez  le  Vàkàtaka  Pravarasena  (var.  :  harati  duskrlam)^ 


128  LK   NÉPAL 

chez  les  Pallavas  Visnugopavarmaii  et  Siinhavaruian(var.  : 
pibfffi).  Ou  encore  : 

.sasiivarsasahasrâni  visthâyilm  jâyate  krmih 

rhe/  SamucJrasena,  Maùgaleça  (Nerur),  Vikramftdilya  I 
(Kanuil),  avec  variantes  au  dernier  pâda  :  narake  pacyaie 
tu  sali,  chez  les  Kadambas  (livamândhAIrvarman,  Harivar- 
nian,  Kakutslhavarinan  ;  narake  pacyate  bhrçam,  chez  le 
Kadaniba  Ravivarnian;  yluyre  tamnsi  pncynte,  chez  le  Ka- 
daniba  Krsnavarnian  II:  kumhhipàke  tu  pacyate,  chez  le 
Kadaniba  Mrge(;avarman,  kumhlûpùkesu  chez  Visnuvar- 
dliana  I. 

25.      sv(un  data  m  sumahac  vhnkyam  dahkham  anyârlhapûla- 
nain 
dûnnni  va  pâlanam  vefl  dànâc  clireyo'  nupâlanam 

Kadambas  Krsnavarnian  il  et  Mrgeçavarinan  ;  Calukya 
Mangaleça  (Nerur).  Le  dernier  pàda  esl  comninn  avec  le 
vers  0  :  pnrradattam  dvijat'ihhyo,,, 

2().      haralr  Itfirnyah*  yas  lu  mandahuddhis  tamovrlah 

sa  haddho  Vâraïuà/i  parais  tiryaf/yoaim  en  gacc/ialL 

Soniavanicis  d'Orissa. 

•      * 

IVir  un  contraste  qui  ne  va  pas  sans  raisons  positives, 
IV»|)igraphie  <le  rindo-Cbine  ignore  Tusage  des  stances 
<'OusiHrées.  La  [duparl  des  chartes  de  donalion  en  con- 
tiennent l)ien  r(^(|uivalent,  mais  sous  une  forme  qui  change 
de  <lncument  à  dn<*ument.  (lha(|ue  poète  de  bureau  tourne 
à  sa  manière  les  recommandations  et  les  imprécations 
régulièies.  On  (»st  tenté  de  penser  que  dans  Tlndo  ces 
stancrs  ciuisacrées  prennient  un  caractère  sacré,  reconnu 
de  tous,  <>t  assuraient  réenemenl,  par  une  évocation  salu- 
taire, le  i'es|)ert  de  la  donation,  tandis  qu'en  Indo^Chine, 
où  le  sanscril  él.iil  une  langue  étrangère,  profondément 


INSCRIPTION   DE   TlMl  129 

séparée  des  idiomes  courants,  ni  ces  stances,  ni  les  noms 
qui  les  couvraient  n'avaient  d'utilité  pratique.  Je  n'y  ai 
rencontré,  et  une  fois  seulement,  que  le  vers  24  :  svadattâm 
parait^  et  sous  la  forme  même  où  il  paraît  chez  Pulakeçin  II 
(Chiplun),  dans  une  inscription  contemporaine  de  ce  roi, 
datée  de  550  çaka  (^=  620  J.-C).  C'est  l'inscription  d'Ang 
Chumnik,  dans  Bartii,  Inscriptions  du  Cambodge^  p.  56, 
B.  IX,  V.  4.  Encore  n'est-ce  pas  une  charte  royale,  mais  un 
acte  privé,  une  donation  à  un  Çivaliiiga  par  Acârya  Vidyâ- 
vinaya. 

Comparée  aux  documents  analogues,  l'inscription  de 
Çivadeva  (et  aussi  celle  du  Cambodge)  présente  ce  carac- 
tère particulier  d'être  tracée  sur  la  pierre.  De  tous  les 
textes  que  je  viens  de  citer  à  propos  des  vers  impréca- 
toires, l'inscription  de  Maiigaleça  au  Mahâkûta  de  Badami 
esl  la  seule  qui  ne  soit  pas  écrite  sur  des  plaques  de  cuivre  ; 
encore  le  pilier  qui  la  porle  offre  cette  étrangeté  que  le 
texte  se  lit  de  bas  en  haut,  h  l'inverse  du  sens  ordinaire. 
Le  Népal  (comme  les  royaumes  hindous  de  l'Indo-Chine), 
en  empruntant  à  l'Inde  le  formulaire  des  donations,  a 
changé  la  matière  des  actes.  On  ne  saurait  mettre  en  cause 
l'habileté  des  artisans  népalais  ;  les  relations  chinoises 
montrent  qu'à  cette  époque  même  leur  adresse  savait  tirer 
du  métal  des  chefs-d'œuvre.  Le  métal  ne  manquait  pas  au 
pays  ;  les  mines  étaient  connues  et  exploitées.  Mais 
l'extrême  abondance  do  la  pierre  au  cœur  de  l'Himalaya 
explique  sans  doute  que  l'usage  en  ait  été  étendu  à  tous 
les  documents  épigraphiques. 

La  forme  et  la  combinaison  des  vers  ne  sont  pas  les 
seules  variables  qui  donnent  une  base  de  classification.  La 
désignation  de  l'autorité  alléguée  comme  référence  varie 
aussi  de  série  à  série  :  tantôt  c'est  Vyâsa,  tantôt  c'est  Manu, 
tantôt  l'autorité  reste  anonyme  ou  impersonnelle.  M.  Hop- 
KiNS  a  déjà  étudié  dans  un  article  du  Journal  of  the  Ame- 

m.  -  9 


130  LE  NÉPAL 

rican  Oriental  Society,  vol.  XF,  1885,  p.  243  sqq.  Manu 
in  the  Mahâbhârata,  les  citations  données  sous  le  nom  de 
iManu  dans  les  inscriptions.  Mais  son  enquête  n'a  pas  été 
exhaustive;  des  documents  nouveaux  sont  venus  en  assez 
grand  nombre  ;  des  textes  admis  pour  authentiques  ont  été 
reconnus  comme  des  faux.  Il  ne  sera  pas  inutile  de 
reprendre  cette  recherche,  môme  quand  ce  ne  serait  pas 
pour  la  pousser  a  fond. 

I^es  formules  qui  désignent  VyAsa  comme  l'auteur  des 
vers  cités  (les  numéros  renvoient  au  chissement  ci-dessus, 
p.  122  à  128)  sont: 

Kktam  ca  bhagacatâ  Vyâsena  —  chez  Dahrasena  le  Trai- 
kûlaka  (mi  207  Cedi  (=  456  J.-C).  —  Vers  21. 

uktam  en  bhagacatfi  Vedavyùsena  Vyâsena  —  en  Valabht 
(vers  9,  1 1 ,  17,  19,  20,  21 ,  24)  ;  chez  Dadda  II  (vers  20,  1 1 , 
17,  21);  chez  Buddhanlja  (vers  20,  23,  17,  21);  chezPula- 
ke(;in  II  (Ilaidarabad,  vers  23,  1 1,  S'"\  21);  chez  Visnuvar- 
dhana  I  (Satara,  vers  20,  8,  9,  11,  12,  21,  24). 

u/ktmn  ca  bhagavatù  paramaninn  Vedacyùsena  —  chez 
Hastin  (vers  3,  9,  21,  24)  ;  Samksobha  (vers  15). 

atni  Vyiisaj/ilan  —  chez  Visnuvardhana  I  (Chipurupalle, 
vers  11,  21). 

Vyâsagitau  cuira  r/o/v/?/  pramûnlkfiriavyftu  —  chez  Pra- 
varasena  le  Vàkàlaka  (vers  21,  24). 

api  câsminn  arlhe  Vt/âsa/niâh  rio/m  bhnrmiti  —  chez 
Laksmana  de  Jayapura  (vers  11,  21,  24). 

VynsagUiimç  vâtra  riokàn  udù/tarant't  —  chez  Mahâjaya- 
làja  (vers  1,  23,  11,  21);  MahAsudevarâja  {id,)\  Mahàçiva 
Tivaradeva  (/V/.). 

Quelquefois  la  réfônMice,  plus  complèle,  indique  comme 
source  le  MahA-nhàrata  : 

uktam  va  Mahidjhnrale  bhagacatâ  Vyâsena  —  chez  Jaya- 
nalha  (vers  ii,  l'A,  10,  1 1  ). 

uktam  ca  Makabkâra te  bhagacatâ  Vedaryâsena  Vyâsena  — 


INSCniPTION   DE  TlMl  131 

chez  Jayanàtha  (vers  5,  23,  10,  H,  21,  24);  Çarvanâtba 
(vers  3,9,23,  10,  11,21,  24). 

nktam  ça  Maliâbhârate  çatasâhmryâm  samhitâyâm  para- 
marsinâ  Parùçanisiitena  Vcdavfjnsena  Vyâsena  —  chez  Çar- 
vanàlha  en  214  (mêmes  vers). 

Les  références  à  Manu  se  localisent  toutes  dans  le  Midi 
de  rinde,  spécialement  chez  les  Kadambas,  qui  sont  «  Ma- 
navyasagotra  ». 

api  coktam  Mfmunfi  —  chez  le  Kadamba  Ravivarman  (vers 
M,  24). 

uktam  ca  Manunfi  —  chez  le  Calukya  Vikramâditya  I 
(Karnul  :  vers  11,  24). 

atra  Manuqlfdc  clokCi  bUananti —  chez  le  Kadamba  Krsna- 
varman  II  (vers  11,  25,  24,  2). 

Le  Pallava  Kumùravisnu  les  rapporte  à  Brahma  : 

apicâtra  lirahmai/ifnli  çlokùh  (vers  9'"',  11,  14,  24). 

Parfois,  le  tcxle  invo([ué  est  «  un  traité  de  la  Loi  »  sans 
nom  d'auteur;  c'est  à  cctic  série  que  se  rattache  Çiva- 
deva. 

ttktam  ca  smrliçâstre  —  chez  Çaçànkaràja  (vers  H,  16, 
21,  24). 

nktani  ca  dharmaçOstre  —  chez  Mangaleça  (Mahàkûta  : 
vers  11,  21,  24). 

dharmaçûstresv  apy  i(klam  —  cIk^z  Mangaleça  (Nerur  : 
vers  id,  -i-  25). 

tathn  coktam  dharmamstre  —  chez  les  Somavainçis  d'O- 
rissa(vers  1,  4,  5,  6,  7,  11,  13,  16,  21,  22,  24,  26). 

yathà  dharmaçCistravacanam  —  chez  Çivadeva,  samvat 
143;  Bhag.  n"  13  (vers  11). 

Une  dernière  série  de  documents  se  contente  de  rap- 
porter ces  vers  comme  des  «  dictons  ».  Çivadeva  emploie 
également  ce  procédé. 

nktam  ca  —  chez  Samudrasena  (vers  11,  21,  24);  les 
Kadambas  Çivamândhàirvarman  (vers  1 1 ,  24),  Harivarman 


132  LE  NÉPAL 

(id.),  Ravivarnian  (id,-\-2')\  le  Calukya  Pulakeçin  II  (Chî- 
plun  :  vers  9,  il,  17,  21,  24). 

api  co/kiam —  chez  les  Kadambas  KakiitsUiavarman  (vers 
11)  et  Mifïeçavarinaii  (vers  24,  25). 

fal/in  cohtam  —  chez  Çivadeva  en  1 19  sanival;  Bhag.,  12 
(vers  9,  21). 

apicâpi  çloh'ih  —  chez  le  Pallava  Visniif^opavarman  (vers 
14,  2V). 

api  râirnrsâh  rloknh  —  chez  le  Pallava  Simhavarmaii 
(vers  11,  14,  24). 

LN'^pijfiaphie  de  rindo-dhine,  loul  ignorante  qu'elle  est 
des  stances  traditionnelles,  reflète  pourtant  la  double  tra- 
dition de  Manu  et  VyAsa  comme  autorités.  Une  inscription 
du  règne  de  Jayavarman,  en  908  J.-fl.  (  {{artii,  \1V,  B.  30  ; 
inscr.  d(»  Prea  Kynkosey  )  atteste  comme  garantie  la  paroli^ 
d(î  Manu  : 

Lrtirar  çfdhâliluhdhâ  yc  p(ivailh(tvtnnvilopnkùli 
(r  yfuiti  pilrhhis  savdhmn  mirahun  Manur  ahravît 

(ne  autn;  inscription,  des  environs  de  Tan  900  J.-C. 
(lîicnciAKiNK,  LWI,  (11.  8),  cil(*  Manu  il,  llUi,  comme  règle 
d(i  conduite»  av(M'.  la  référ(Micc  :  ///  Mnnamim,  Mais  la  iiiéiiiP 
inscription  en  a|)|)eli(*  aussi  au  «  chant  de  VyAsa  »  : 

sa  Iti  rlrranthhfintd/iirns  sarvalohifjftnih  smriah 
yad  Isfam  tnsyn  Inl  kuryad  l  yaHiuntmn  idam  ynihâ. 

Les  rcfércnces  à  VyAsîi  v\  au  MaliAbhûrala  d'une  pari,  à 
Manu  cl  au  hharma<:àstra  (nu  Smiii")  de  Taulre  peuvent 
send)lei' contradictoires.  V.u  l'ail,  nous  savons  que  Tépopee 
et  le  codr  voisinent  de  près  cl  <|ue  des  ('déments  identiques 
sont  entrés  dan<  les  deux  lecucils.  l/inscription  du  pilier 
de  llarii;aon  m'a  déjà  donné  Toci^asion  d'v  insister.  Mais 
le  plus  siuprenauL  c'est  (pie  de»  toutes  ces  références, 
aucune  ne  se  relioine  dans  notre  Manu  actuel,  une  seule 


INSCRIPTION   DE   TIMI  133 

se  retrouve  clans  notre  Mahà-Bhârala.  Encore  s'agit-il  d'un 
vers  exceptionnel,  rapporté  par  les  Somavamçis  d'Orissa, 
c'est  le  vers  4  :  Adiiyo  Varuna..,,  qui  se  lit  dans  le  Mahà- 
Bhàrala,  Anuçàsanaparvan  (XIIl),  section  62,  v.  3150.  Et 
pourtant  le  Mahâ-Bhàrata  contient  une  longue  section 
(XIII,  62)  qui  exalte  en  cent  (;lokas  les  mérites  d'une  dona- 
tion de  terrain  et,  d'autre  part,  un  des  vers  les  plus  usuels 
(9  et  23)  est  adressé  nommément  à  Yudhisthira,  le  héros 
du  Mahà-Bhârata. 

Mais  la  question  se  complique  encore.  Le  compilateur 
Hemâdri,  traitant  dans  le  Caturvargacintâmani  des  dona- 
tions en  général,  rapporte  à  propos  des  donations  de  ter- 
rain plusieurs  passages  empruntés  à  diverses  sources,  entre 
autres  (p.  495-o02)  un  long  extrait  du  chapitre  du  Mahâ- 
Bhàrata  queje  viens  de  mentionner  (XIII,  62,  v.  3104  sqq.). 
Son  texte  comporte  nombre  de  variantes;  c'est  ainsi  que, 
h  la  suite  du  vers  3177,  il  insère  deux  vers  qui  manquent 
à  l'édition  de  Calcutta;  de  ces  deux  vers,  le  premier  est 
justement  le  vers  Vhul/iyùinviw...  (20)  si  fréquemment  cité 
dans  les  inscriptions.  Tn  peu  plus  loin  (p.  507-508),  He- 
mâdri cite  un  autre  passage  du  Mahà-Bhàrata  qui  com- 
mence par  les  trois  vers  XIII,  66,. v.  3335-3337,  en  mètre 
anustubh;  mais  immédiatement  à  la  suite,  viennent  deux 
stances  en  vasantatilakâ,  et,  aussitôt  après, le  çloka  :  svadat- 
tâm  paradattâm  va  yo  (24),  un  des  plus  usuels  parmi  les 
vers  consacrés,  et  aussi  un  des  moins  solidement  établis. 
La  lecture  de  Hemàdri  est  identique  àlarecension  adoptée 
par  Laksmana  de  Jayapura  {^'àw[  havec  ca  pour  haretd).  Les 
deux  hémistiches  de  ce  vers  se  retrouvent  séparément,  et 
quelque  peu  altérés,  dans  un  autre  extrait  rapporté  par 
Hemàdri  (p.  504)  et  emprunté  au  Visnudharmottara  : 

svadattûm  paradât (ûm  va  yo  harec  ca  vasundharâ/n. 
visthayCim  krmilâm  eti  pitrbhih  sahitas  talhâ 


134  LE   NÉPAL 

Dans  le  même  extrait  se  retrouve  aussi  le  célèbre  vers 
saslim  yar5«**  (21)  avec  la  lecture  âchettâ.  Il  est  vraisemblable 
que  d'autres  encore,  parmi  les  vers  consacrés,  doivent  se 
retrouver  dans  le  chapitre  du  Yisnudharmottara  qui  traite 
des  donations  de  terrain  (Weber,  1738;  ch.  36  :  bhùmi- 
dânaphalam\  Raj.  L.  Mitra,  2293;  hhîimidCmamâhâimyakiT'- 
ianam)]  l'ouvrage  se  rattache  au  cycle  du  Mahû-Bhàraia. 
L'étude  historique  et  crilique  des  recensions  du  Mahâ- 
Bhàrata  trouve  ainsi,  dans  les  documents  épigraphiques, 
la  base  positive  qui  lui  manque  trop  souvent. 

Un  autre  encore  des  vers  traditionnels  :  âspholayanti... 
(5),  cité  expressément  comme  un  vers  du  Mahà-Bhàrala 
par  Jayanâtha  d'UccaUalpa,  se  retrouve  dans  les  extraits 
d'Hemàdri  (p.  307),  où  il  est  allribuc  à  Brhaspati,  c'est-à- 
dire  évidemment  à  la  Brhaspati-smrli,  qui  contient  une 
section  des  donations.  La  condition  flottante  des  matériaux 
incorporés  dans  la  «  Sanihitâ  en  cent  mille  vers  »  ressort 
clairement  de  cet  inventaire  particulier. 

Si  c'est  réellement  avec  Çivadeva  II  que  les  vers  tradi- 
tionnels sur  les  donations  paraissent  pour  la  première  fois 
dans  les  chartes  népalaises,  il  est  permis  de  rechercher 
l'origine  de  cette  innova.tion.  Le  type  de  la  donation  royale 
au  Népal  est  arrêté  dès  les  plus  anciens  documents;  il 
transparaît  dès  le  fragment  daté  de  Yasantadeva,  samvat 
433  (Bhag.  3)  et  se  montre  clairement  identique  dans  toute 
la  suite  :  1"  lieu  d'origine;  2"  panégyrique  du  roi;  3**  indi- 
cation des  destinataires;  4"  message  direct  du  roi  «  bien 
portant  »  aux  destinataires;  3"  indication  des  bénéficiaires 
et  clauses;  6**  recommandations  et  imprécations  pour  l'a- 
venir; 7"  désignation  du  mandataire  royal;  8"  date.  C'estle 
type  ordinaire  de  la  donation  dans  l'Inde  (cf.  spécialement: 
Burnell,  South-Indian  Pcihrograplnj,  chap.  vi)  telle  qu'on  la 
devine  déjà  dans  le  texte  fragmentaire  du  pilier  de  Bihar, 
sous  le  règne  de  Skandagupta,  entre  1 36  et  1 46  Gupta  (455- 


INSCRIPTION    DE   TIMI  135 

iGo  J.-C),  telle  qirelle  se  montre  (lîiiis  les  plaques  de 
Visnugopavarman  le  Pallava,  vers  le  v*  siècle?,  el  surtout 
dans  les  donations  du  Parivràjaka  Haslin,  et  chez  les  sei- 
gneurs d'Uccakalpa,  tout  particulièrement  enfin  chez 
Laksmai.ia  de  Jayapura  en  lo8  ((llupla?=  477  J.-C).  La 
charte  de  ce  prince  coïncide  pour  ainsi  dire  exactement 
avec  le  protocole  du  Népal,  sauf  qu'il  insère  à  la  manière 
hindoue  des  vers  traditionnels  avant  l'indication  du  man- 
dataire. C'est  donc  aux  chancelleries  du  Tiange  moyen, 
soit  aux  (iuptas  directement,  soit  à  leurs  vassjiux  que  les 
Licchavis  du  N6pal  semblent  avoir  emprunté  leur  proto- 
cole ;  le  fait  est  d'accord  av(M:  les  vraisemblances  historiques 
et  aussi  avec  la  tradition  (pii  fait  venir  de  IVilaliputra  Tan- 
cètredes  Licchavis.  Çivadeva  II  renoue  et  rrsseire  les  liens 
de  la  dynastie  népalaise  avec  l'Inde  gangétique;  il  épouse 
la  petite-fille  d'un  empereur  du  Magadha,  la  fille  d'un  noble 
Mauldiari,  ol  cette  alliance  de  haute  lignée  introduit  sans 
doute  au  Népal  une  nouvelb*  |)Oussée  de  culture  sanscrite  ; 
les  ((  bureaux  »  s'enrichissent  d'Hindous  de  la  plaine,  et 
leur  activité  se  révèle  aussitôt  par  l'emploi  des  vers  usuels, 
qui  réduit  le  protocole  local  au  type  commun  de  l'Inde. 

L'inscription  (îst  en  prose,  saufles  vers  consacrés.  L'or- 
thographe en  est  régulière,  saul  /v/y;/  \)ouv  kuri/if/j  que  j'ai 
déjà  signalé.  Selon  l'usage  nouveau  introduit  par  Ain(;u- 
varman,  la  muette  n'est  pus  redoublée  après  r.  La  charte 
réglait  les  clauses  d'une  <lonation  d(*  terre  et  traçait  avec 
précision  les  limites  du  terrain  concédé,  mais  il  n'en  reste 
([ue  la  conclusion,  d'un  caractère  général. 

Le  mandataire  {dùta/ai)  du  roi  est  le  ràjaputra  Jayadeva 
({ui  paraît  au  même  titre  dans  la  charte  de  Çivadeva  datée 
samvat  1 19  (Bhag.  12). 


136  LE  NÉPAL 


Texte. 

I rayâdipra 

2 paçcime  ni 

2 

4 me  pra 

5 yam  eta 

6 laç  ca  paçcimena  ca  tadc 

•y d  antarenâpi  te.  mâpra 

8 khâtam  pallï  tato  yâva 

g.    .      .      .  gra.ka.      .      .  vistimanusyasambandhena  pra- 

livarsam  yat  purânaçata. 
lo.    .      .      .  bhya  eva  grâmïnair  dâtavyam  râjakulïyavyava- 

sâyibhis  lu  na  kadâcid. 

t. 

II..      .  vyam  yc  tu  kecid  asmatpâdaprasâdopajîvino  pare 
cânyathâ  kuyu  kârayeyuTr  val 

V  %■  t.  V  L  J 

12.   .      .      .  taran  na  ksamvantc  bhavisvadbhir  api  vasudhâ- 

dhipatibhir  âtnianah  karunâtiçayam. 
i3.  pQrvapârtbivapranïlo  jani  dânadliarmasetur  ili  tadgau- 

ravât  samyag  evânupâleyas  tathâ  [coktam] 


9-40.  (if.  Bhafç.,  4:2,  I.  46  :  liho((ai:is(ihetoh  prativarsam  bhdrikajandi 
paiïca  5  vyavasâyibhir  ijrahUavyOh.  11  s'agit  évidemment  d'une  corvée 
analogue,  sinon  identique.  Malheureusement  les  caractères  qui  précè- 
dent risii  sur  notre  inscription  me  sont  restés  indéchi (Trahies.  —  Les 
ryavasâyin  mentionnés  dans  le  passaj^^e  queje  viens  de  citer  .se  retrouvent 
également  <lans  notre  texte.  Le  P.  \V.  ne  connaît  ce  mot  que  comme 
adjectif,  dans  le  sens  de  «  résolu  ».  Ici  il  désigne  clairement  une  autorité 
(et  Bhagvanlal  le  traduit  :  «the  authorities»),  et  sansdoute  d'ordre  judi- 
ciaire. Je  ne  l'ai  |>as  relevé  avec  cette  valeur  dans  d'autres  documents 
épigraphiques. 

Hfljakuhya  manque  aux  dictionnaires,  mais  est  un  dérivé  régulier  du 
suhstautif  râjakulft. 

43.  L'expression  (lâiuidharwasftn  raj>pelle  le  vers  traditionnel  :  uimà- 
nyo  yam  (llnninasetHv...  (!2"2),  fréquement  paraphrasé  du  reste  dans  les 
inscriptions. 


INSCRIPTION   DE   TIMI  137 

i4.  pûrvadattâmdvijâlibhyoyatnâdraksaYudhistliira  |  ma- 
hïm  mahïbhujâm  çrestha  dânâc  chreyo  [nupâ] 

i5.  lanam  ||  sastim  varsasahasrâni  svarge  modati  bhûmidah 
âkseplâ  cânumantâ  calâ[vanli] 

i6.  narake  vaset  ||  iti  svayam  âjnâ  dûtakaç  câlra  râjaputra 
Jayadevah  ||  sam.      .      .  ■ 

17.   âçvayuje  krsna  sasthyâ[m] 

Traduction. 

(1-8).  .  .  .à  rOuest.  .  .  et  de  là  à  TOiiest.  .  .  et 
dans  rintervalle.  .  .  la  fosse,  le  hameau  ensuite  jus- 
qu'à. 

(9-1 1).  Par  rapport  aux  hommes  de  la  corvée,  la  centaine 
de  purânas  qui.  .  annuellement,  doit  être  donnée  par 

les  gens  du  village  aux.      .      .  mêmes.  Les  autorités  du 
palais  royal  ne  doivent  pas. 

(i  i-i3).  Et  quiconque,  soit  des  gens  attachés  à  notre  service 
de  par  notre  grâce,  soit  des  autres,  ferait  autrement  ou 
pousserait  un  autre  à  faire  autrement,  nous  ne  le  tolérons 
pas.  Et  les  princes  à  venir  devront  respecter  et  protéger 
ceci  en  se  disant  :  C'est  ici  une  donation  inspirée  à  un 
prince  d'autrefois  par(:^)  l'excès  de  sa  compassion  et  pour 
se  conformer  à  la  loi. 

(i3-i6).  Et  il  est  dit  ainsi  :  ((  La  terre  qui  a  été  donnée  aux 
J)rahmanes  par  un  de  tes  prédécesseurs,  Yudhisthira  ! 
protège-la  bien,  cette  terre,  ô  le  plus  excellent  des  maîtres 
de  la  terre  !  Maintenir  est  encore  mieux  que  donner.  — 
Soixante  milliers  d'années  de  jouissances  dans  le  paradis 
à  qui  donne  de  la  terre.  Qui  usurpe  et  qui  l'approuve 
restent  autant  dans  l'enfer. 

(16-17).  Ordre  direct.  Le  délégué  ici  est  le  râjaputra  Jaya- 
deva.  Année.  .      .    mois  âçvayuja,  quinzaine  noire, 

sixième  (titlii). 


XX.  —  INSCRIPTION  DU  YAG  BAHAL 


L'eslampagc  de  celle  inscriplion  m'a  élé  envoyé  du 
Népal  en  1902  par  le  maharaja  Deb  Sham  Sher,  dans  la 
cpurle  période  de  son  adrainislralion.  Aucune  indication 
d'origine  n'étail  jointe  à  Tenvoi  ;  mais  une  noie  encursive, 
tracée  sur  le  côté  et  au  bas  de  Testampage,  porte  :  Yag 
bahal.  J'ignore  présentement  où  est  situé  ce  bahal^  ou 
monastère  ;  mais  je  suis  porté  à  croire  que  la  stèle  se  trouve 
dans  la  région  de  Palan,  comme  les  inscriptions  qui  lui  sont 
apparentées. 

L'inscription  est  incomplète  ;  les  dernières  lignes  man- 
quent. Les  29  lignes  conservées,  en  tout  ou  en  partie, 
couvrent  une  hauteur  totale  de  0™,72  sur  une  largeur  de 
0'",40.  Le  corps  des  caractères  mesure  en  moyenne  0",01  ; 
l'espacement  moyen  des  lignes  est  de  0'",0I5.  La  graphie 
est  généralement  correcte;  la  muelte,  selon  Tusage  qui 
date  d'Amçuvarman,  n'est  pas  doublée  après  r.  La  partie 
du  texte  conservée  esl  toute  en  prose.  C'est  une  charte  du 
type  usuel,  qui  a  pour  objet  la  concession  d'un  village  avec 
ses  dépendances  à  la  communauté  bouddhique  ;  elle  est 
adressée  aux  intéressés,  les  habitants  du  village  de  GuUa- 
langa.  Le  territoire  concédé  faisait  probablement  partie 
du  domaine  de  Pa(;upali  (L  4  el  cf.  Bhag.  13, 1.  o  :  Paçu- 
patau).  Le  bornage  esl  tracé  avec  la  précision  méticuleuse 
dos  inscriptions  tardives,  en  allant  du  Nord  au  Sud  et  de 


INSCRIPTION   DU   YAG   BAHAL  139 

TEst  à  rOuest.  Les  repères  indiqués  marquent  par  un 
exemple  de  plus  la  civilisation  avancée  du  Népal  et  aussi 
la  richesse  foncière  de  FÉglise  bouddhique.  11  n'y  a  pas 
moins  de  sept  monastères  contigus  au  terrain  concédé  :  le 
Mànadeva  vihâra,  le  Kharjùrikâ  vibiira  (1.  13),  le  ...yama 
vihâra  (15),  TAbhaya  ruci  vihàra  (17),  le  Varia  Kalyâna- 
gupta  vihâra  (17-18),  le  Caturbhà-lankâsana  vihâra  (18- 
19),  le  Çrîràja  vihàra  (21).  Le  Mànadeva  vihàra  est  claire- 
ment identique  au  Màna  vihàra,  mentionné  déjà  dans  une 
inscription  d'Amçuvarman  (an  32)  h  côlé  du  Kharjùrikâ 
vihâra  (1.  8  et  9)  ;  du  môme  coup,  le  vihâra  au  nom  tron- 
qué :  ...yama  vihâra  est  presque  certainement  identique 
au  Ma-ma  vihàra,  c'est-à-dire  au  Madhyama  vihâra, 
désigné  dans  la  mêmeinscriplion  d'Arnçuvarman  immédia- 
tement à  la  suite  du  Màna  v"  et  du  Kharjùrikâ  v".  Les  autres 
noms  de  couvents  n'ont  pas  encore  été  rencontrés  ailleurs  ; 
le  Vàrta  Kalyànagupta  est  un  nouveau  venu  dans  la  liste 
des  personnages  décorés  de  ce  titre  (sup.  IF,  131).  On  ren- 
contre en  outre  sur  le  parcours  trois  villages  :  Gomibhù- 
danco  (12),  Dhorevàlgauco  (14),  Kambîlamprà  (20).  On 
croise  ou  on  longe  deux  grandes  routes  {mahâpatha,  16  ; 
vrhatpatha,  20)  et  un  grand  chemin  {vrhanmnrga  22). 
Enfin  la  Vâgvatî  borde  une  partie  du  terrain  au  Sud  (12). 

Les  stipulations  particulières  de  la  concession  (4-11)  sont 
énoncées  avec  une  précision  de  détails  qui  tranche  sur  le 
formulaire  ordinairement  assez  vague  des  chartes  népa- 
laises; elles  n'ont,  à  ma  connaissance,  de  pendants  que 
dans  l'inscription  13  de  Bhagvanlal  datée  de  1(4  ?)3.  Cette 
inscription,  trouvée  à  la  porte  Sud  de  l'enclos  de  Paçupati, 
est  extrêmement  mutilée,  spécialement  dans  le  passage 
qui  contient  les  stipulations  (5-10);  mais  les  caractères 
conservés  suffisent  à  garantir  la  parfaite  concordance  des 
deux  textes,  en  rectifiant  parfois  les  lectures  de  Bhagvanlal 
(5  :  lia  sarve  vinâ,  corr.  '''*nasarvetika[rtavy'']  ;  7  :  hyaparahy 


140  LE    NÉPAL 

corr.  [ïnaryàdo\papawiah\  9:  bhayaca^  covv,'' gâpacù\rè\\ 
10:  knlpatrâ"*,  corr.  kalatrn''].  Le  village  concédé  «  est 
soijmis  aux  slipulations  porlanl  sur  les  personnes  ou  sur 
les  places  fortes  »  içcninflioUamaryùdopapannah  1.  6).  La 
même  expression  se  retrouve,  dans  une  charte  de  Çiva- 
(leva,  an  1 19  (Bhag.  12  ;  1.  .ï,  où  Bhag.  restaure  \^payuktà\ 
au  lieu  de  yaponna)  ;  mais  je  ne  puis  voir  dans  la  traduc- 
lion  du  pandil  comment  il  entend  cette  formule,  à  moins 
qu'elle  ne  réponde  h  :  u  y  conjpris  le  sol,  le  ciel  el  le  sous- 
sol  »  ;  j'avoue  que  dans  ce  cas  le  rapport  m'échappe. 
L'inscriplion  du  Chasal-tol,  datée  de  Tan  137,  conserve 
aussi  une  trace  de  celte  formule  (1.  13;  *'koiJamaryiut). 
L'exclusion  de  a  la  corvée  d'aller  en  pays  étranger»  (1.  7  î 
hah'irderafjaniatiâdisarvaiiHljrahito)  a  pour  pendant,  dans 
la  charte  de  Çivadeva  an  119,  Tohligation  de  fournir  «  cinq 
porteurs  annuellement  pour  la  corvée  du  Tibet  ».  Quelques 
fautes  d'ordre  spécial,  qui  exigeaient  sans  doute  dans  les 
cas  ordinaires  l'intervention  de  la  justice  royale,  sont 
réglées  au  profit  des  donataires  :  le  meurtre  d'une  femme 
enceinte  (7),  les  pratiques  abortives  (7)  sont  punis  d'une 
amende  de  cent  (pa)nas  ;  les  mauvais  traitements  àTégard 
d'une  bète  blessée,  si  elle  est  d(»  l'espèce  bovine,  sont  punis 
d'une  amende  de  trois  panapurànas(8).  Enfin,  dans  le  cas 
d'une  des  cinq  offenses  mortelles,  de  vol,  d'adultère,  de 
meurtre  ou  de  complicité,  la  justice  royale  n'a  de  prise  que 
sur  la  personne  du  coupable;  tout  ce  qui  lui  appartient, 
famille  et  biens,  revient  au  clergé  du  couvent  de  Çivadeva. 
Le  nom  du  roi  qui  octroie  la  charte  est  mutilé  ;  il  n'en 
subsiste  (3)  ([ue  la  finale  indilîérente  :  dt*rft  ;  les  traces  qui 
subsislent  de  caractères  précédents  écartent  définitivement 
la  reslilution  introduite  par  lîhagvanlal  dans  son  inscrip- 
tion (1.  3):  l(^s  deux  aksaras  ne  sauraient  en  tout  étal  de 
cause  étie  n  m.  La  b^clure  la  plus  vraisendjlable  est,  à 
mon  sens,  Puspadeva;   maisj(»  n'ose,  sur  la  foi  d'une  Icc- 


INSCRIPTION   DU   YAG    BAFlAL  141 

lure  incertaine,  introduire  dans  Thistoire  du  Népal  un  nom 
que  rien  ne  garantit  par  ailleurs.  Les  autres  indices  écartent 
aussi  l'attribution  de  cette  charte  et  de  la  charte  simihiire 
(Bhag.  13)  h  Çivadeva.  Çivadeva  réside  au  palais  de  Kailà- 
sakrtfa,  qui  a  remplacé  le  palais  de  MAnagrha  depuis  l'avè- 
nement d'Aincuvarman.  Le  roi  ...deva  date  ses  chartes 
du  palais  de  Bhadràdhivflsa  ;  le  changement  de  palais 
marque  d'ordinaire  un  (rouble  dans  la  succession  au  h^one. 
Le  roi  ...deva  se  Ihitte  sans  doule  d'être  l'héritier  légiliuK* 
du  pouvoir  {[ha^ppapâilOnutlhyâio,  2),  mais  à  titre  de  Lic- 
chavi.  Il  est  ((  l'étendard  do  la  race  Licchavi  »  (Lirc/fari- 
h'uldketuh^  IV),  titre  disparu  de  l'usage  depuis  Tavènement 
(l'AnK^uvarman,  el  ce  retour  des  Licchavis  au  pouvoir  est 
atleslé  par  son  successeur  Jayadeva  qui  ramène  l'origine 
de  sa  race  à  l'éponyme  Licchavi  (Bhag.  lii,  0).  Ce  roi 
...deva  est  de  plus  le  premier,  et  jusqu'ici  le  seul,  dans  la 
série  népalaise  à  prendre  le  titre  de  parama-mùfiecvara 
«  fervent  adorateur  de  Çiva  »  (1.  2  et  Bhag.  13,  2),  si  fré- 
([uent  dans  le  protocole  de  l'Inde  propre  où  il  semble 
remonter  jusqu'aux  Indo-Scythes.  Enfin  le  formulaire  de 
conclusion,  identique  dans  les  deux  chartes  jumelles  (24-29 
:::ir  Bhag.  13,  29-35),  diffère  des  autres  chartes  connues  ; 
les  vers  traditionnels  y  sont  introduits  au  moyen  de  la 
forme  nouvelle  :  xjaio  dharmavmlravacanam  (Bhag.  13,  34- 
35  =  29  \ya\to  (Uia\vnmçdstra''\,  Ln  somme  la  charte  du 
Vag  bahal  est  du  même»  personnage  et  de  la  même  époque 
(pie  l'inscription  1 3  de  Bhagvanlal,  datée  d(»  samvat  1  [4  ?j3, 
le  chiffre  des  dizaines  restant  douteux  ;  le  pandit  reconnaît 
qu'on  [)eut  aussi  bien  lire  123  ou  133. 


Te 


EXTE. 


I.  bhadrâdhivasabliavanîîd   apratihataçasano   bhagavatPa- 
çupatibhaltârakapâdânugrhï. 


142  LE   NÉPAL 

2.  .  ppapâdûnudhvâto    Liccliavikulaketuh    paramamâheç- 

varaparamahhatIârakamaliârâjOdhirû. 

3.  .  .  dcvahkuçalî  Gullataiigagrâmanivâsinahpradhâ- 

napurassarân  sarvakutumliinah. 
f\,   .  lam  âhhâsya  samsijriâpavati  viditam  bhavatu  bhava- 

lîiin  vatliâ  sa  grâiiio  hliagaval  Paçupal. 
5.    .  rilur  mahâpranâlïnâin  açâllivena  sarvetikartavYÛnûm 

anusthîînârtliarn  vislvâjriânuv.dh. 
G.    .  câlablialânOm  aprâveryena  çarîrakottamaryûdopapan- 

nah  çarïrasarvakaranïyaprati 

7.  //iaA'/^//i  A'«/«mbibahirdeçagamanridisarvavislirahito  gur- 

vinîmarane  ffarbhoddharana. 

8.  .  naçatainâtradcyena  sa  ksatagorQpamrgâpacâre  sa  pa- 

napurânatrayamâtradeyena 

9 .  muA'taç    cauraparadârabalyâsambandbâdipancâparâdha- 

kârinîîin  çarîramâtrain  râjakulâ. 

10.  .  tadgrhakseirakalatiâdisarvadravyâny  âryasangbasyety 

ancna  ca  sampannab  çrïÇivadevavihâ 

11.  .  caiurdiçâryabbiksusangbâyâsmâbbir  atisrstab  sîmû  câ- 

sya  prirvollarena  vibârâ. 
I  â.    .  pranâlîbhramas  tato  daksinam  anusriya gomibbOdhafi- 

copradeçe  vâgvatï  nadï  bhâ. 
i3.    .  nusrtya  tilarnakasai'igamas  tata  ultaran  galvâ çrîMâna- 

devavihflraRharjririkâvi 
i/|.    .  raksclrayoh  sandbis  lalah  paçcimaû  gatvâ  dborevâl- 

gafico  lalali  paçcimain  anusrUa 
i5.    .      .  yamaviliârasya  pQrvadaksiiiakonapârçve    limârge- 

noltarai'i  galvâ  prariâlyâh  pu. 
lO.    .  rruiusârona  kuualaksoliasva  daksinapûrvakonc  mahû- 

|)alhas  lalo  mârgâmisâ. 
I-.   nottaran    f^atvâbhayarucivibârasya    pQrvaprâkâras  tala 

iitturani  aiiusrlva  vârlaka 
18.  lyânagiiplavihârasya  daksinapûrvaprâkârau   tatah  pQr- 

voltaraiii  aiiusrha  caliirbhâ. 


IiNSCRlPTION  DU  YAG  BAHAL  143 

19.  /a/i/iâsanavihârasya    pQrvadaksinakonas    tata    uttaram 

paçciman  cânusrtyoitarapa 

20.  çcimakone  vrhalpalhas  tatpQrvottaran  gatvâ  kambîlam- 

prâ  tata  uttarapûrvam  anusrtva 

2 1 .  çrïrâjavihâreiidramrilakayoh  pâmyamârgasaiiglifitakhâ- 

takas  tasyottaraprirvcna 

22.  vrhanmârfirasyadaksinavâlikâyâ dakslnâlvanusârena  pur- 

vadaksinaû  cânusiivapa 

23.  .  tlias  talo  yâvat.      .      .   lya  parigr^^pallîpârçve  mârgas 

lalas  tam  eva  mâr<'aii  daksln. 
2/1.    .  nusrtya  sa  eva  viliâras  talah  pranâlïbhrama  ity  etatsî- 

mapariksipte  sminn  âgrahû 
20.    .      .  di  kadâcid   âryasanghasyârthakyam  kâryam  ulpa- 

dyela  ladâ  paramâsanena  vicâra. 
20.    .  ily   avagalârthair  asmatpâdopajïvibhir    anyair  vâyam 

prasâdo  nyalhâ  na  ka 
27 tliâ  kuryât  kârayed  va  30  smâbhis  suta- 

rân  na  marsanîvo 
28 pâlâs    tair  apy  ubbayalokanîravadvasu- 

kliârthibhih  pu 

2(} ti  prayatn 

.  to  dba 


Traduction. 

(1-/4).  Du  palais  de  Rbadradbivasa.  Rien  ne  résiste  à  ses 
ordres  ;  le  saint  Paçupati,  souverain  adoré,  Ta  pourfavori; 
son  père  adoré  le  suit  de  sa  pensée  ;  la  race  de  Licchavi 
l'a  pour  parure  ;  il  est  par  excellence  le  dévot  de  Maheç- 
vara,  le  souverain  par  excellence,  le  roi  des  rois, 
deva  en  bonne  santé  s'adresse  à  tous  les  maîtres  de  maison 
résidant  au  village  de  Gullatanga,  notables  en  tête,  et 
leur  fait  savoir  :  sacliez  ceci  : 


144  LE  NÉPAL 

(5-1 1).  Ce  village  (sur  le  domaine)  du  saint  Paçupati.  ., 
pour  l'excculion,  sans  aucune  fraude,  des  travaux  exigés 
par  les  grands  canaux,  et  pour  la  remise  des  ordres  de 
corvée,  —  mais  avec  défense  d'entrer  aux  soldats  tant 
réguliers  cprirréguliers  —  (\si  soumis  aux  stipulations 
portant  sur  les  personnes  et  sur  les  places  fortes  ;  toutes 
les  cor\ées  corporelles  lui  sont  remises;  les  maîtres  de 
maison  sont  dispensés  de  toute  corvée  telle  que  d'aller 
en  pa\s  étranger,  etc.  En  cas  de  mort  d'une  femme 
enceinte  ou  de  suppression  d'embryon,  il  sera  quitte  au 
prix  de  cent  (pa)nas  seulement;  en  cas  de  mauvais  traite- 
ments à  regard  de  bètes  blessées  (?)  du  genre  bovin,  au 
prix  de  trois  panapurânas  seulement.  En  cas  de  vol, 
d'adultère,  de  meurtre,  de  complicité,  etc.,  les  cinq 
crimes  cîîpitaux,  la  personne  seule  du  délinquant  revien- 
dra aux  fonctionnaires  ro>aux  ;  sa  maison,  ses  champs, 
ses  femmes,  tous  ses  biens  enfin  reviendront  au  vénérable 
clergé.  Telles  sont  les  conditions  sous  lesquelles  nous 
avons  octroyé  ce  village  au  \énérable  clergé  des  moines 
des  quatre  régions  dans  le  (Jivadeva  viliura. 

(11-24).  El  en  voici  la  délimitation:  au  Nord-Est,  la  con- 
duite du  canal.  .  du  couvent  :  ensuite,  en  allant  au 
Sud,  dans  la  région  de  (iomibbùdanco,  en  suivant  une 
partie  du  cours  de  la  \agvatî,  le  confluent  du  misselet; 
de  là,  en  allant  au  iVord,  le  joint  du  Mànadeva  vihftra  et 
du  Kliarjùrika  \ilu\ra  :  de  \i\,  en  allant  à  l'Ouest,  Dliore- 
xàlganco  ;  de  là,  en  suivant  à  TOuest,  sur  le  coté  de 
Tangh^  Sud-Est  du  [Madlijvama  viliara,  en  allant  au  Nord 
par  le  cliemin  de  la  chaussée,  en  continuant  à  longer 
le.  .  du  canal,  à  l'angle  Sud-Est  du  champ  de  Kunala, 
le  grand  chemin  ;  de  là  en  continuant  par  la  route,  en 
allant  au  Nord,  le  mur  oriental  de  l'Abliayaruci  vihftra; 
de  là,  <Mi  continuant  au  Nord,  le  mur  Sud  et  le  mur  Est 
du  Varia   Kalyànagupta  vihàra  :  de  là,  en  continuant  au 


INSCRIPTION   DU  YAG   BAHAL  145 

Nord-Est,  Tangle  Sud-Est  du  Caturbhâ-lankâsana  vihâra  : 
de  là,  continuant  au  Nord  et  à  TOuest,  dans  Tangle  Nord- 
Ouest,  le  grand  chemin  :  en  allant  au  Nord-Est,  Kambî- 
lamprâ  ;  delà,  en   continuant  au  Nord-Est,  le  réservoir 
qui   arrête   récoulement  des  eaux  du  Raja  vihâra  et  de 
rindra  mûlaka  ;  de  là,  par  le  Nord-Est,  en  longeant  la 
chaussée  Sud  du  jardin  Sud  du  grand  chemin,  et  en  con- 
tinuant au  Sud-Est,  le  chemin  :  de  là,  jusqu'à.      .  à  côté 
de  Parigespallî  (P),  la  route;  de  là,  ensuivant  cette  route 
par  le  Sud,  le  vihâra  même  ;  de  là  la  conduite  du  canal. 
(24-29).   Dans  la  concession  ainsi  déhmitée,  s'il  vient  jamais 
à  se  produire  une  affaire  touchant  aux  intérêts  du  véné- 
rable clergé,  ce  sera  alors  au  Tribunal  suprême  (du  Trône) 
à  Texaminer.  Que  ce  soit  bien  entendu.  Et  personne,  que 
ce  soit  de  nos  gens  ou  tout  autre,   ne  doit  rendre  vaine 
cette  faveur  que  nous  octroyons.      .      .      .Et  celui  qui  la 
rendrait  vaine,  personnellement  ou  par  intermédiaire,  nous 
ne  le  tolérerons  absolument  pas.      .  .  Quant  aux  rois 

|à  venir]  s'ils  désirent  le  bonheur  vertueux  en  ce  monde 
et  dans  l'autre  [ils  devront  se  rappeler  que  la  faveur  con- 
cédée par  un  royal  devancier  s'impose  au  respect],  car  le 
livre  de  la  Loi  [dit. 


m.  —  10 


XXI.  —  INSCRIPTION  DE  NANGSAL 


Nangsal  est  une  petite  localité  immédiatement  à  TEsl  de 
Katmandou  (v.  II,  397).  La  stèle  qui  porte  cette  inscription 
se  dresse  contre  une  butte  qui  couvre,  dit-on,  les  ruines 
d'un  temple  de  Nàràyana.  Elle  est  en  mauvais  état  et  j'ai 
longtemps  désespéré  de  la  déchiffrer.  Les  52  lignes  que 
j'ai  transcrites  ici  couvrent  une  hauteur  de  0",85  :  mais  il 
subsiste  encore  des  traces  de  !o  lignes  en  tète,  et  le  texte 
se  prolongeait  également  d'un  certain  nombre  de  lignes  au 
bas.  Lt^  formulaire  d'introduction  et  la  conclusion  ont 
disparu.  La  largeur  de  la  stèle  est  de  O^.SS.  La  hauteur 
moyenne  des  lettres  au-dessus  de  la  ligne  est  de  0",005. 
l/espacement  entre  les  lignes  est  de  Tr.ol. 

Coniparée  aux  inscriptions  d'Ainçuvarman  et  de  Jisnu- 
gupta,  l'écriture  montre  des  changements  considérables. 
L'allure  géiièrale  se  rapproche  <le  la  cursive  :  le  tracé  se 
simplilie  et  se  raccourcit.  V.  ex.  le  ///  réunit  par  une 
courbe  ses  deux  traits  transversaux  et  forme  la  boucle  qui 
dexieul  sa  caraclêristicpie  en  dévanagari.  Le  d/ia  se  réduit 
à  un  îuv  de  cercle  lixé  sur  la  gauche  de  la  hampe.  Le  aa 
perd  sa  forme  ancieime,  presque  identique  avec  le  X*tf 
HOUX  eau»  et  se  forme  d'un  renllement  relié  à  la  hampe  par 
un  IraiU  connue  dans  la  dévanaf^ari.  Le  ra  ajoute  au  simple 
Irail  \crlual  qui  le  consliUiait  une  saillie  vers  la  gauche, 
au  ba^  de  la  hauipe.  Le  /</  se  resserre  et  roule  son  dernier 


INSCRIPTIOiN    DE   NANGSAL  147 

trait  à  gauche  pour  le  ramener  vers  la  hampe.  Le  y  a  a 
définitivement  perdu  ses  trois  montants,  et  ne  se  diffé- 
rencie du  pa  que  par  la  panse,  comme  en  dévanagari. 
Toutes  ces  innovations  se  retrouvent  dans  Tinscription  de 
Jayadeva  à  Paçupati  (Bh.  15),  datée  de  samvat  153,  et 
s'amorcent  dans  les  inscriptions  datées  de  samvat  143 
(?Bh.  13)etl45(Bh.l4).  D'autre  part  elles  se  manifestent 
toutes  ensemble,  dans  Tlnde  propre,  avec  les  inscriptions 
d'Àdityasena.  Nous  savons  que  Çivadeva,  le  père  et  le  pré- 
décesseur de  Jayadeva,  avait  épousé  la  petite-fille  d'Adi- 
tyasena.  11  est  permis  de  croire  que  les  rapports  politiques 
ouverts  par  cette  alliance  ont  exercé  leur  influence  sur  la 
graphie  de  la  chancellerie  népalaise. 

Le  système  orthographique  de  l'inscription  présente  une 
particularité  frappante,  dans  le  traitement  de  la  muette 
après  )\  Les  Licchavis  avant  Ainçuvarmau  redoublent  en 
ce  cas  la  muette  régulièrement.  Amçuvarman  supprime 
d'une  manière  absolue  le  redoublement  et  la  pratique  se 
maintient,  rigoureusement,  semble-t-il,  jusqu'à  l'inscrip- 
tion de  Tan  145.  Avec  l'inscription  de  Jayadeva,  le  redou- 
blement reparaît,  mais  sans  rigueur  absolue.  Il  écrit 
varnmta,  nirvvibandhay\,  \  ;  cdhramrltly  3  ;  sârvvabhnuma, 
4,  16  ;  pati?'  Jjdtahy  8\  dhamima,  9;  karttù,  M;  harttâ, 
bharttCiy  varnima,  12;  varfjga,  13;  kurvvan,  16;  rarjjiia, 
1 7  ;  mûrili,  18,  1 9  ;  etc. . .  Mais,  d'autre  part,  miirdha^  1,2; 
prddurbabhcwa ^  8  ;  kida'iryena,  IG  ;  kuryât^  32  ;  pùjdrtham, 
29  ;  sadbhir  mukhaih^  27  ;  nirvrtim^  29. 

L'inscription  de  Nangsal  hésite  également  entre  les  deux 
systèmes.  Elle  redouble  d'une  manière  constante  dans  les 
mo{?i pûrvva  elsarvva  qui  s'y  rencontrent  fréquemment,  et 
supprime  le  redoublement  avec  la  même  régularité  dans  le 
mot  mârga  qui  revient  à  denombreusesreprises.  Elle  écrit 
d'une  part  kârya,  14  ;  ariha^  16,  23  ;  dharmya,  27  :  —  et 
d'autre  part  nirnnetr,  1 1  ;  karttavya,  24. 


148  LE   NÉPAL 

Ces  divers  indices,  à  défaut  d'une  date  précise,  classent 
donc  rinscription  vers  le  règne  de  Jayadeva,  un  peu  après 
la  stèle  de  Çivadeva  qui  Tavoisine.  Au  reste,  la  stance 
adressée  aux  rois  à  venir  (I.  27-28)  est  clairement  une 
simple  variante  de  la  stance  insérée  àla  fin  de  rinscription 
de  samval  145,  qui  a  pour  dûtnka  «  Théritier  présomptif 
Vijayadeva  ». 

I.e  document  énonce  une  série  de  privilèges  conférés 
((  au  vénérable  saingha  etc.  »  (l-2;j)  ;  viennent  ensuite  les 
imprécations  et  les  recommandations  usuelles  23-28)  ;  puis, 
rompant  avec  Tordre  consacré,  la  limitation  du  terrain 
privilégié.  Le  détail  du  bornage  atteste  déjà  cette  précision 
méticuleuse  des  arpenteurs  népalais  qui  provoquait  encore 
au  xlV  siècle  Tadmiralion  de  llodgson.  Les  lacunes  du 
texte  ne  permettent  point  de  suivre  pas  à  pas  le  tracé  capri- 
cieux des  limites  ;  on  en  suit  aisémentle  mouvement  géné- 
ral du  N.-K.  au  N.-O.,  c'est-à-dire  sur  la  moitié  du  circuit 
Sur  cr    parcours,  la  limite  rencontre  ou   coui)e  un  cou- 
vent (Ajikà?  vibàra),  un  temple  (Valasaikkidevakula),  une 
grande  propriété,  |)lusieurs  villagesethameaux,  une  grande 
route  (ma/tâpatha),  un  chemin  de  voitures  {mahàrathya), 
plusieurs  sentiers  {piàrya).  C'est  un  témoignage  de  plus 
du  haut  (bîgré  de  prospéiilé  et  de  civilisation  où  le  Népal 
était  alors  parvemi.  11  n'est  guère  possible,  étant  donné 
Tétatdu  texte,  de  présenter  une  traduction  suivie  de  l'in- 
scription. Je  crois  préférable  de  l'analyser,  en  traduisant 
les  passages  les  micuix  conservés.  Les  privilèges  concédés 
dans  la  [)remièi*e  partie  consistent  essentiellement  dans  des 
revcMius,  tournis,  semble-t-il,  par  des  taxes  spéciales.  La 
somme  est  évaluée  tantôt  en  panas  (20  p.,  1.  8;  100  p., 
1.  9;   ]()U  p.,  1.  1o;  4()<)  \).,   1.  8),  tantôt  en  pa^apuràças 
(1.  1  ;  4  |)p.,l.  7;  10  pp.,  1.  lO;  20  pp.,  I.  12;  6pp.-+-dvi- 
pana,  I.  10  et  I.  1!)  ;  :{  pp.,  1.  17  ;  80  pp.,  1.  18  et  19;  5 
pp.,  1.  20;  1000  pp.,  1.  ±\).  Le  pana  et  le  puràqia  sont 


liNSCRIPTION   f)E  NANGSAL  149 

parfaitement  connus  ;  le  pana  est  Tunilé  monétaire  du 
cuivre,  le  purâna  celle  de  l'argent;  Tun  et  Tautre  sont 
mentionnés  plusieurs  fois  dans  nos  inscriptions,  spéciale- 
ment dans  rinscription  d'Amçuvarman,  samvat  30.  Mais 
Texpression  panapurâna  m'est  totalement  inconnue.  Le 
composé  n'est  pas  formé  par  juxtaposition,  dans  le  sens  de 
pana-hpurâna,  puisqu'on  a  des  valeurs  supérieures  à  16, 
et  jusqu'à  1  000  panapurànas.  1  000  panas,  h  16  panas  au 
puràna,  donneraient  62  purânas  1/2.  Peut-être  il  s'agit  de 
spécifier  nettement  la  valeur  du  puràna,  ((  le  purâna  aux 
(16)  panas  »,  et  d'empêcher  la  confusion  avec  la  désigna- 
tion de  «  puràna  »  appliquée  aux  vieilles  monnaies,  spé- 
cialement aux  «  punch-coins  »  de  forme  oblongue.  La 
formule  de  la  ligne  11  :  sa  panatrayena  purânatraijam, 
énoncée  comme  une  décision  juridique  {iii  tiirnnetrvyavahâ- 
ratas)  était  peut-être  de  nature  à  fournir  les  éléments  delà 
solution  ;  mais  le  contexte  nécessaire  manque. 

Les  taxes  spéciales  constituées  en  faveur  des  bénéficiaires 
de  la  charte  sont  perçues  à  l'occasion  de  circonstances 
diverses,  qu'il  est  presque  toujours  malaisé  de   définir, 
même  quand  le  texte  se  laisse  déchiffrer  avec  assez  de 
netteté:  p.  ex.  à  la  ligne  8,  les  20  panas  attribués  aux 
témoins  (sâÂsin)  qui   sont  vetropasthita  lors  du  pradrayâ 
(jhaiiana\  puis  le  cas  d'entente  {sampratipaitï)  est  prévu. 
L.  11  sqq.,  il  semble  bien  s'agir  d'affaires  judiciaires,   et 
d'une  proportion  à  établira  au  puràna  le  pana  »,  comme 
nous  disons  :  (c  au  marc  le  franc  ».  L'argent  ou  l'objet  qui 
fait  le  litige  doit  être  remisa  l'autorité  compétente  ;  sinon, 
l'affaire  doit  être  évoquée  au  tribunal  royal.  La  mort  d'une 
femme  enceinte  donne  lieu  à  un  versement  de  cent  panas  ; 
un  suicide  amène  également  l'intervention  de  l'autorité, 
qui  fait  toujours  payer  ses  dérangements.  Les  taxes  qui 
suivent  paraissent  se  rattacher  à  ces  processions  de  chars 
qui  tiennent  une  si  grande  place  dans  la  vie  religieuse  du 


loO  LE    NÉPAL 

Nippai.  1/ expression  prfhnthi  rntlia  «  char  à  terrasse  » 
conviendrait  à  merveille  pour  ces  conslruclions  monlées 
sur  rones  dont  la  planche  II  du  premier  volume  montre  un 
excellent  spécimen.  \a\  versement  de  80  panapurâna  est 
institué  pour  «  la  peinture  du  char»;  c'est  ainsi  que  je 
crois  nécessaire  <le  lraduir<*le  mot  cUranai\\i\  manque  aux 
dictionnaires.  Aulre  versement  d'une  somme  égale  pour  le 
ratlioiiahnin^  qui  peut  êlre  le  montage  des  charpentes  du 
char,  et  pom*  le  prâmdamm^hnra  «  Tinslallation  de  la 
terrasse  supérieure  ».  0  pHna])uràna  avec  1  double  pana 
{dc'tpanfi)  pour  le  celahira  «  celui  qui  fait  les  habillements  » 
probablemeni  des  poupées  installées  sur  le  char.  Deux  de 
ces  versemiMits,  l'un  de  80  panapurâna  (1.  18),  Tau  Ire  de 
1  000  |)anapurAna  (I.  20)  sont  annuels  (/îrâ^Z/'yarsA^/w). 

L(^  pei'sonnag<»  ordinairement  désigné  à  Tocîcasion  de 
ces  laxes  est  le  ihvuvdrikiu  littéralement:  «  Thomme  de  la 
porte  »  (1.  3,  i:{,  16,  17,  IS,  19,  20).  Il  s'agit  en  réalité 
de  plusieui's  dauvàrikas,  puis(|u'ils  sont  distingués  par  des 
litres   attachés    à  leur  fonction  :   Si.pnradauvânkft  (17), 
Vctradauvnrihi  (J8),  JSlânadanvdrilHt  (20).  A  la  ligne  3, 
mulilée,  la  mention  du  dauv<h'ik<i  est  immédiatement  suivie 
de  l'expression  i\{}.  i/nthdrâstrdrutgfifa  «  agissant  en  confor- 
milé  avec  les  çMsIras  »  qui  s^Muhle  bien  marquer  le  carac- 
lère  admimslralif  de  ce  fonctionnaire.  T/est  lui  qu'on  doit 
avisiM'  {drrdfnitj/fi,  I.  j  i,  nrvdi/fi^  1.  1(V)  en  cas  d'irrégularité 
ou  <ra<*cid('r!l,  el  c'est  par  son  intermédiaire  que  TaiTaire 
est|>orlé('  s'il  va  lieu  drvanlla  jinidiclion  s(q)réme(f;'/;wa/- 
padn/otftirdsanahnniu*  t/athnnutsffm  rnpuniyah,  I.  ii-lo).  En 
cas  <le  snii'i(l<',  il  r(M:oil  un  i'a|)port  visant  la  purification  du 
mori  (ntvfftrndlidnfi  \  |)('ut-étre  :  Tenquéte  sur  le  mort)  el 
doit  se  rrndre  sui'plac<':  (i  panapin*<\na  avec  1  double  pana 
lui  son!  alliihués  poui'  son  dérangement.  (Test  encore  lui 
qui  reciieilir  l<'s  divei'srs  laxes  du  char  de  procession. 

hii  dmtrnriht  n'est  pas  un  fonctionnaire  inconnu.  Le 


INSCRIPTION   DE   NANGSAL  151 

Panca  tanlra  (IFF,  50  éd.  Bombay,  h  la  suite  du  vers  69) 
le  classe  dans  Télile  des  ofticiers  de  la  couronne,  les  lîrtlias, 
immédiatement  à  la  suite  du  ministre  {ynantnn),  du  cha- 
pelain {purohUd)^  du  général  en  Q\\{tî{camùpntî)  et  de  Thé- 
ritier  présomptif  (y?/î;^my«).  H  paraît  au  même  rang  et  àla 
suite  des  mêmes  personnages  dans  un  texte  de  Nîtiçâstra 
cité  par  Nllakantha  sur  le  Mahâ-Bliàrata  II,  168,  et  aussi 
dans  le  commentaire  sur  le  vers  FF,  100,  36  du  Râmàyana 
(éd.  Bombay),  dette  classification  reparaît,  cette  fois  avec 
Tapparence  d'une  donnée  réelle  et  officielle,  dans  le  for- 
mulaire d'une  charte  de  Bàjaràja  I  le  Câlukya  oriental, 
datée  de  1053  J. -G.  (Nandamapundi  grant,  1.  67:)  mantri- 
pi(roh\ta'SefiOpati-yiœar(ija'd(nicCiri/m-pradh(inn-sam 
itthum  ûjnâpnyati.  Le  dauv<\rika  est  également  nommé  dans 
la  Mahâvyutpatli  §  186,  n"  68,  au  cours  d'une  longue  et 
curieuse  liste  d'officiers  royaux,  à  côté  et  à  la  suite  du 
dvârapàla.  La  fonction  du  dauvàrika  àla  cour  est  claire- 
ment indiquée  dansÇakuntalà,  acte  IL  C'est  lui  qui  répond  à 
l'appel  du  roi  réclamant:  Ilolà!  quelqu'un!  lui  qui  annonce 
et  qui  introduit  le  général  d'abord,  puis  les  deux  ascètes 
novices  auprès  du  roi.  11  faut  noter  qu'il  parle,  non  pas 
sanscrit  comme  le  roi  et  le  général,  mais  prâcrit  comme 
le  bouffon,  et  Bàghavabhatta  observe  à  ce  propos:  «  Les 
personnages  inférieurs  parlent  le  pràcrit  ;  en  vertu  de  cette 
prescription  le  dauvririka  doit  parler  prâcrit  »  {nlcesu 
prù/irtem  hharet  xtij  ukter  daiwârikasya  prâlirtam  pâthyam). 
Le  poste  valait  donc  comme  poste  de  confiance,  mais  il 
n'était  pas  occupé  par  un  noble.  Le  titulaire  n'en  faisait 
pas  moins  assez  grande  figure  :  un  râjadaiwnrika,  au  ser- 
vice, non  pas  du  roi  lui-même,  mais  de  son  frère  favori, 
fonde  un  temple  de  Visnu  et  y  établit  comme  vyâkhyâtar 
un  grammairien  de  renom  (Bàja-taranginî  V,  28)*. 

i.  Le  rùle  du  ifpvàrika  dans  le  Jâtaka  (Richard  Fick,  Die  Sociale  Glie- 


152  LE   NÉPAL 

On  pourrait  être  tenté  crallribiior  ici  au  dauvàrika  une 
autre  fonction  toute  différente  LaRâjataranginî  mentionne 
fréquemraenl  «  le  chef  {adliipa,  îçvara,  et  autres  syno- 
nymes) de  la  porte  {dvàra)  »  et  M.  Slein  a  établi  par  une 
discussion  lumineuse  (note  sin-  V,  21  4)  qu'il  ne  s'agit  pas 
d'un  «  grand  chambellan  »,  comme  on  avait  traduit  avant 
lui,  mais  de  Tofficier  chargé   de  garder  les  passes  qui 
mènent  dans  le  Cachemire.  Les  conditions  géographiques 
étant  analogues,  au  Népal,  le  dauvàrika  pourrait  y  exercer 
une  fonction  du  même  genre.  Mais  l'inscription  d'Amçu- 
varman,   an  30,  paraît  bien  exclure  cette  interprétation. 
Parmi  les  nombreuses  libéralités  qu'elle  institue  en  faveur 
des  gens  du  palais,  elle  attribue  une  somme  de  1  purâna 
4  panas  h  chacune  des  portes  (dvâra)^  porte  de  l'Ouest 
(paçcimadvdra),  porte  de  Mûnagrha  {Mnnayrhadvârd),  porte 
du  milieu  (madhf/amadvâra) ^poric  du  Nord  {yttaradvdrd)^ 
porte  du  Sud  (dahinadvâra)^  et  probablement  porte  de  l'Est 
{[prdcînadvâyd),  enfin  grande  porte  (pratolî).  Parmi  les 
dauvàrikas  de  l'inscription  de  Nangsal  figure  le  Màna  dau- 
vàrika, qu'il    paraît  difficile  d'isoler  du   Mânagrhadvàra 
mentionné  par  Amçuvarman.  Il  n'est  pas  impossible  que 
le  fonctionnaire  préposé  h  chacune  de  ces  portes  ait  eu 
dans  son  ressort  le  district  correspondant.  L'inscription  de 
Nangsal  nomme  le  district  de  l'Kst  (rripurvvâdhikarana, 
1.  2),  et  l'inscription  d'Amçuvarman,  an   39,  nomme  le 
district  de  l'Ouest  {paçcimôdh'diarana ,  1.  o). 

Après  les  textes  octroyés  aux  dauvàrikas,  la  charte 
énonce  un  autre  privilège.  Tu  certain  nombre  de  villages 
{(/rdmn),  les  uns  désignés  par  des  noms  indigènes  et  formés 

dermiQ  im  y ordosl lichen  Inciini  zu  liuddha'sï.cit...^  Kiel,  1897,  p.  104  sq.) 
est  assez  nuMleste,  pres(nie  humble  II  expulse  à  coups  de  bàlon  les  pa- 
rias eulrés  dans  le  palais,  et  il  reçoit  lui-inc^inc  des  coups  de  poing  du 
roi  <|uan<i  le  roi  passe  devant  lui.  il  ^arde  la  porte  de  la  ville,  qu'il  est 
chargé  de  feiiner  le  soir,  et  renseif^ne  les  étrangers  à  leur  entrée  en 
ville. 


INSCRIPTION  DE  NANGSAL  153 

sans  doute  spontanément,  les  autres  groupés  autour  des 
temples,  le  Mâneçvara,  le  Sàmbapiira  mentionnés  déjà 
dansrinscriptiond'Amçuvarman,  an  32  (1.  12  et  13),  sont 
promus  au  rang  de  drahga.  Le  mot  drahga  manque  àTAma- 
rakoça;  Hemacandrale  donne  (971)  parmi  les  synonymes 
de  nagarîa  ville  »  ;  mais  Vâcaspati  (cité  parle  scholiaste 
sur  ce  vers,  éd.  Bôhllingk)  range  le  drahga  au-dessous  du 
karvata  et  au-dessus  du  patiana..  Stein  (sur  Râja-taranginî, 
[I,  291)  établit  que,  dans  la  chronique  cachemirienne  tout 
au  moins,  ^/r«//^rt  désigne  «  une  station  de  garde  établie 
près  des  passes  de  montagne  pour  garder  les  approches 
de  la  vallée  et  pour  recueillir  les  droits  de  douane  »,  et  il 
cite  un  commentateur  du  iMankhakoça  qui  explique  rfrâr/\^a 
par  raksâsthâna.  Les  inscriptions  mentionnent  fréquem- 
ment, dans  lalistedcs  fonctionnaires  à  qui  s'adresse  le  roi, 
les  drangika  «  chefs  de  poste  militaire  ».  En  tout  cas  la 
promotion  d'un  grdma  au  rang  de  drahga  est  une  faveur 
royale  {prasâdikrtam,  1.  22). 

La  charte  conclut  ainsi  la  liste  des  donations  (1.  22-28): 
«  Telles  sont  les  faveurs  diverses  accordées  à  la  commu- 
nauté bouddhique  et  autres.  Sachant  ce  qui  en  est,  les 
autorités  compétentes  chargées  des  prescriptions  énoncées 
ci-dessus  ne  devront  pas,  sous  prétexte  d'exercer  leur 
fonction,  tenter  même  en  pensée  de  violer  les  privilèges 
concédés.  Qu'on  le  sache:  si  on  agit  autrement, je  laisserai 
tomber  sur  le  coupable  tout  le  poids  de  mon  sceptre.  Et 
les  rois  à  venir,  protecteurs  par  excellence  des  privilèges 
octroyés  parleurs  prédécesseurs,  s'ils  veulent  assurer  la 
joie  de  leurs  sujets,  ne  devront  pas  non  plus  le  tolérer.  Et 
il  est  dit  à  propos  du  devoir  de  protéger  les  donations  : 

Les  princes  qui  ont  dans  leur  conduite  la  pureté  des 
rayons  de  l'astre  à  la  froide  clarté,  qui  protègent  comme  il 
convient  leurs  sujets,  et  qui  gardent  les  fondations  légales 
instituées  par  les  souverains  anciens,  ces  princes,  après 


154  LE  NÉPAL 

avoir  joui  de  la  majesté  royale  illuminée  par  la  foule  des 
ennemis  vaincus,  demeurent  solidement  dans  la  béatitude 
du  ciel,  aussi  honorés,  aussi  puissants  que  Çakra.  » 

Texte. 

1.  .      .      .  nasa.      .  naf/rz/iapanapurâna-kâmavyaka. 

2.  .      .      .  lakonasya  çrîprirvvâdhikarana 

3.  .      .      .  y?^/rodauvârike/iâpl  yathâçâslrânMjrrtla. 

^4.    .  .  m/erakasyâtl-rana//î  kârat/)alâ  kâraprablirtïnasi- 

c/(//2âdhikaranapra. 

5.  ^iriii  sama.      .      .  Aâpâs  .  sâre  kàre,      .      .      .  nârn  .  sa- 

mam.      .      .  kânâm  eva  vyâya. 

6.  na .  ryakât  pari .  bhiyâ   ku.pa.      .      .      .    to.      .      .      . 

hâre .  au  pane. 

7.  kâdalane  panapurânâh  pa  .  niyakâla.      .  panapurânaca- 

tuslayam  |  ajall-sepâ. 

8.  deyam  târ-  |  pradrayâghallane  vimçati  pana  vetropaslhi- 

tasâksinâm  dattâh  pana  çatacatustayam  — kâna  — 

9.  âvane  panaçatam  |  sampratipatiau  panapurânâ.      .  di . 

nâli  I  prï-çrâvane  pana  purtânâh  p. 

10.  ratih  I  ayattikânkâ  daça  panapurânâ  ^mâryâ  uttamakâre 

I  .      .  vyâmavara  .  â  vya-vama-panapurâna 

1 1 .  sali  panâh  sa  panatrayena  purânalrayam  iti  nir(î(ie/rvya- 

vahâ ratas  lasva  pa.      .      .      .  na  su  fam  and, 

12.  ra  viinçalir  capanapurân.  -sya  lair  dattâli  |  vyavaliâra- 

parinislhitaiâtain  dravva/fva  bahu  sampâdanïfvam).    . 

1 3.  vas  lu  dravvain  napravacchcl  svasthânavâslavvasyânvas- 

Ihânnasya  ca  dhâranakasya  lo//r/  rodhoparodho(sa)m- 

vat.âvas  la. 
1^1.   Uini  iti  kârxain  as\a  tal/)f/n>-niâvaudauvârikasyâvedanî- 

yani  tenâpi  (  rïinalpâdîyoltarâsanakarane  yalh(â) 
10.   mâsain     ropanïxali    |   sagarl)hanârïmarane     panaçatam 

ekain  1  âtina«^hâlakâs\a-visahr//«.sakala-vam. 


INSCRIPTION   DR   NANGSAL  155 

i6.  dauvârikasyâvedyam  mrlaçodhanam  |  tadartham  âga- 
tasya  lasya  sadvipanâh  sat  panapurânâ  deyâh  |  sa 
lirtago-pari 

17.  vârya  sapanapurânatrayam  yathâdhikârinâm    deyarn  | 

prâsâdaralhacittrane   si  .  paradauvârikasyâçîtih  pana 

18.  purânâ  deyâh  |  rathottolanc  prâsâdasarnskâre  ca  sarv- 

xapanskalane     prativarsani     velradauvcârikasyâçîtih 
pana 

19.  purânâli  |  cvain  celakarasya  ca  sat  panapurânâh  sadvi- 

panâh I  20   2  ghatikâkrayc   dauvârike//o   pancabhih 

20.  panapurânâh  deyâh  |  âropeyâ  va  yâsâni  celapallayugam 

uttama-pancâbharanakani  |  prativarsani    mânadauvâ 
31.   rikasya  panapurânasahasrain  ekani   pâ^orik.   deyani  | 
tâmrakullaçâlâ    |    mâneçvara    |   sârnbapura    |    lidas- 
prifja  I 

22.  yathampringâjamaya-  |  p.â-grâmânâni       drangatvamâ- 

tram  eva  piasâdïkrtani  -luçilâpankakai.e-çrîsa 

23.  nghâdiprasâdaviçesâh  samâdislâ  iti  |  parigatârlhair  ya- 

thopariUkhitaniyogâdhikrtais  tadadhi 
2^.   kâribhih    svavyâpâravyapadeçena    manasâpi  prasâdâti- 

kramasâliasâdhvavasâvo  na  karttavva  ilxâdiinâ 
20.   \e  nvalhâkârinas  tcsâm  alidâru(nain)   daiulam  pâtavis- 

Nânio  bhâvibhir  api  narâdhinâlhaih  pûrvvanrpakr 

26.  taprasâdapâlanaparaili  prajâprarnodadân.s.ais.tarâni  na 

marsanïyâs  tathâ  ca  pâlanânuças.  crû 

27.  yate  |  ye  çîtâinçukarâvadâtacaivVâif/   samyakprajâpâlane 

râjl.âli  prathamâvanlçvara/.v'/âin  raksanti  dharmyâm 
sthitiin  I 

28.  .      .  jnâ    vijilâricakrarucirâm   sanibhujya    râjyaçriyam 

nâke     çakrasainânamânavibhavâs    tisthanti     dhanvâ 
sthirain  |  sïmâ 

29.  câsya    sthânasyottarapûrvva-diçi  ay/kâvihârapQrvvadvâ- 

râd.      .  kâslhakâ  tato  daksinâbhimukhena  mahâpa- 
thânu 


156  LE   NÉPAL 

3o.  srtva  maninâgâhikâsyottarato  vrhadgrâma  yâvat.-tolta- 
rapaçcimâbhimukhena  valasaikkidevakulasya  daksi 

3i.  nâ  tighri  anusrtva  voddavisaya aragha.  tasyoUarena mâr- 
gânusrtya  paçcibhimukhena  lamkliulam  udenï  latas 
ta 

32.  .      .  nâkâm  anusrtya  na-pattavâtikâm  anusrtya  paçci- 

mâbhimukhena  mahâpralîhârabhas.âgrhamandalasya 
da 

33.  ksi-s\a    kanihânusârena   mahârathyâyâin    stabhitaçilâs 

lafas     lena    ral/«jâmwlasyâya-dvâra    praviçya   pQrv- 
vaffrbottarâ 

34.  rdhabbâgam     âkramya     daksinâgrhâgralah    paçcimam 

anusrtya  grhamandalam  praviçya  daksinagrhamîîdâya 
paçcimena 

35.  ca  laghayitvâ  yovigrâmamadhyena  la-ce vânusârena  paç- 

cimâbhimukbena  mârgas  tatas  tanmârgena    utlarâ- 
mukbâ 

36.  nusârena  kumudvatïmârgas  tatah  paçcimâbhimukhena 

parikramvottaramukham   anusrtva    vo  n/ima.    . 
pikâ. 

37.  dhana.-ne-ça-sane  paçcimam   avatïrva  tâmrakuttaçâlâ- 

gamanamârgânusârenay^.ipQsakam  abhimukhena 
3S.   tâmrakuttaçâlâlakhumakas  tato  bbimukhena  mâneçva- 

rarfîiânsfanâMaksinena      -ksanamrttâmi      prsthatah 

pQrvvo 
39.  tiare gatvâ  pQrvvadvârena  praviçya  râjânganamadhyena 

paçcimadvârena  -syâ   -galvâ  pravarddhamâneçvaraç 

câgral. 
/|0.   paçcimamârgam    anusrtya    vâvat.      .     âbh.-çâkâritapr. 

.  dhy.-samastâ  lad  daksinena  sâmbnpura 
'li.   vâtikâ.rdlia.      .      .      .  mârgasya.      .      .  paçcima. 

nâ  daksinam  anusrtva  daksina 

•  •  •  «  •  • 

L.  1^1.  La  syllabe  ma  a  été  omise  dans  parcimâbhimw. 


INSCRIPTION  DE  NANGSAL 


157 


42.   gâmï  pa.i.      .      .      .    vihârasya.      .      .      .    kadvâtikâyâ 

daksinâlî 

paçcim.      .      .      .  âd  ultarapaçcimena.      .      .      .m  anu 

srha  kanihâyampri 

.  rakaprativardhas  tatra  kharo 

vihârabliQmeh  pa 

nadïmadhva 

mâna  -libhihaitibhûmadiiva 

•  •  «. 

lîpekâ  —  talo  daksinamârg 

griïmagrâmaniârga 

.  nusâre  pi.      .      .      .  paçciitie  yakus  la.  . 

.  karagosthlbhumel.i   pQrvvan.-latraiva   saptamî- 


43. 

Mx. 
45, 
46. 

47. 
48. 

49. 

5o, 

5i 


gosthîbhumeit.      .      .      .  vihârabhûmeh 

O       •  •  •  • 

.  mâlî.      .      .   lapramâlîbhrimev  ca  pQrvvâlï  |  tanu- 

sârena  çrîtuka. 

.  elirïsa.      .   gostliïbluimer   jâ.i  mâlï   ladanusâ- 

rena. 
ttamâ.      .  apra.      .  rlta.ga.      .  pQrvvânusârena  ca.âvatî. 
—  mârgas  tato  nadï  palla-vârta-dipQrvvapa.i.ï 


:\OTE  SLR  LES  DIÎUX  PLAiNCHES  ANNEXÉES 

AU  PREMIER  VOLUME 


Les  deux  planches  que  j'ai  données  à  la  fin  du  premier 
volume  :  La  Procession  de  Matsyendra  JSAiha  et  La  Légende 
sacrée  du  Népal  n^produiscnl  deux  des  pièces  de  la  collec- 
lionB.  IL  llodgson  fihiBibliollièquede  rinslilutde  France. 
(iClle  colloclion,  sifçnalée  par  une  notice  de  Barthélémy 
Saint-Hilaire  dans  le  Journal  des  Savants  en  1863,  a  élé 
soigneusement  étudiée  et  cataloguée  par  M.  Foucher  {Mé^ 
moires  présentés  par  divers  savants  à  ï Académie  des  Inscrip- 
tions  et  Belles- Lettres,  P"  série,  tome  XI,  V* partie j  1897).  La 
Légende  sacrée  y  i)orte  le  n"  îi,  Nép.  C'est  «  un  grand  rou- 
leau de  toile  crenviron  l"',8o  de  hauteur  sur  2", 15  de  largo, 
divisé  en  six  bandes  d'environ  0"',2[)  de  hauteur;  les  inter- 
valles blancs  (h»  ces  bandes  sonl  remplis  d'inscriptions 
numérotées  cl  correspondani  d'abord,  comme  dans  les 
images  (rÉ|)inal,  aux  scènes  figurées  au-dessus  d'elles, 
puis,  à  parlir  de  rinicrvalle  du  milieu,  tantôt  à  celles  du 
dessus,  lanlot  à  celles  du  dessous;  des  numéros  nous 
servent  d'ailleurs  de  guid(*s  à  cet  égard.  Notons  encore, 
à  parlir  d(^  la  deuxième  bande,  des  inscriptions  sur  les 
scèn(»s  mêmes  ou  en  uïari^e  :  loules  sont  en  un  sanscrit  for- 
lignent  mêlé  ou  leinlé  de  névari  Les  scènes  qui  se  dérou- 
lent sonl  peinles  de  couleurs  vives  et  bien  conservées,  sauf 
sur  la  lisière  gauche  de  la  loile  »  (^Foucher). 


NOTE  SUR  LES  DEUX  PLANCHES  DU  PREMIER  VOLUME   159 

M.  Foucher  a  donné  une  liste  sommaire  des  scènes  repré- 
sentées ;  ses  numéros,  comme  on  pourra  s'en  rendre 
compte,  ne  concordent  pas  avec  les  miens.  Il  a  suivi  fidè- 
lement Toriginal  dans  son  désordre  ;  j'ai  cru  préférable  de 
rétablir  une  suite  continue.  Pour  la  description  des  scènes, 
j'avais  à  ma  disposition,  oulre  les  notices  tracées  sous  les 
bandes,  deux  rédactions  développées  composées  par  des 
pandits  h  la  demande  de  Hodgson;  l'une,  écrite  dans  un 
sanscrit  invraisemblable,  étranger  aux  règles  les  plus  élé- 
mentaires de  la  grammaire  ;  l'autre,  en  bindoustani,  presque 
identique  aux  notices  du  tableau.  L'une  et  l'autre  sont  très 
voisines,  sans  se  copier  toutefois.  La  rédaction  bindou- 
stanie  est  divisée  rigoureusement  en  [)ortions  correspon- 
dant aux  trancbes  numérotées  de  la  peinture;  le  sanscrit 
n'indique  les  divisions  que  par  accident;  mais  comme  le 
récit  s'y  trouve  en  général  plus  développé,  je  l'ai  pris  pour 
base,  en  le  complétant  ou  en  l'éclaircissant  à  l'occasion 
par  riiindoustani. 

l^a  peinture,  comme  l'indiquent  formellement  les  deux 
notices  jointes,  est  une  illustration  continue  du  Svayam- 
bbùpuràna,  ou  plus  exactement  du  SvAyambbuva  purûna, 
comme  l'indique  expressément  le  titre.  M.  Foucher  avait 
bien  compris  que  celte  peinture  pouvait  jeter  quelque  lu- 
mière sur  la  question  des  diverses  recensions  du  Puràna. 
Le  ])eintre  a,  (^n  elfel,  fondé  son  illustration  sar  la  recen- 
sion  sanscrite  encore  inédile  et  dont  j'ai  signalé  la  valeur 
(1,  208  et  212,  noies),  il  a,  p.  ex.,  développé  avec  com- 
plaisance les  aventures  de  Kotikarna  (n"*  75-80)  que  le 
Svàyambhuva  raconte  à  ])ropos  du  Cintâmani  tirtha,  et 
qui  manquent  complètement  au  Vrhat-Svayambhû-p. 
de  la  Bihliodiera  Indka.  L'œuvre  est  incontestablement 
récente  et  a  sans  doute  été  exécutée  pour  Hodgson  pen- 
dant son  séjour  au  Népal  ;  mais  il  est  probable  qu'elle 
reproduit  un  modèle  connu  et  sensiblement  plus  ancien; 


-Ma,         1  I.  L 


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•     \  r  -  (  .  . 

tl'  lu- 
:  tâtour 

:  II.  a 


NOTE  SUR  LKS  DF.UX  PLANCHES  DU  PREMIER  VOLUME   161 

sqq.)  l'imporlancc  religieuse  de  la  Malsyencira  nâlha  yâlrâ. 
La  notice  explicative  dont  je  donne  la  traduction  est  écrite 
en  sanscrit  barbare. 


La  LégKxNDe  SACRÉE  DU  Népal. 
(Notice  explicative  traduite  du  sanscrit^ 

\ .  (Image  de  Ganeca).  Le  Puissant  qui  a  publié  dans  les 
trois  mondes  la  bonne  Loi,  le  grand  Bouddha,  masse 
de  splendeur,  je  l'adore  et  je  prends  en  lui  mon 
refuge. 

Ayant  adoré  le  Seigneur  des  trois  mondes,  le  prin- 
cipe des  principes,  réceplacle  des  Buddhas,  je  vais 
énoncer  l'abrégé  du  Svayambhuvapurana.  Ecoute/avec 
respect.  Qui  écoute  avec  foi  ce  récit  de  Torigine  de 
Svayambhù,  il  aura  les  trois  corps  purifiés  et  il  de- 
viendra certainement  un  Bodhisattva. 

2.  Voici  comment  il  arriva  jadis  :  un  sage,  un  fils  du 
Sugata,  nommé  Jaya(;rî,  demeurait  dans  le  couvent 
(lu  lîodlii-manda  (à  Gayà)  avec  une  troupe  de  moines. 
In  Bodhisattva  du  nom  de  Jiuaçrî,  un  roi,  y  vint  par 
esprit  (l(î  dévotion  [)rendre  refuge  et  sollicita  l'aide  de 
Jayaçiî.  Porlanl  une  tunique,  les  mains  jointes,  il  alla 
le  trouver,  se  mit  à  genoux  sur  le  sol  et  les  yeux  atta- 
chés sur  lui,  il  lui  dit  :  Vénérable  !  Je  désire  entendre 
riiistoire  de  l'origine  de  Svayambhiï  ;  que  Ta  Sainteté 
veuille  bien  m'inslruire.  Alors  le  fils  du  Sugata,  Jayaçrî, 
sollicité  (*n  ces  termes,  salua  ce  grand  prince  et  lui 
enseigna  ceci  : 

3.  Dans  le  Kukkuiàrâma,  assis,  Upagupta  en  qui  s'incar- 
nait en  partie  le  Bouddha,  saluant  le  roi  Açoka,  l'ins- 
truisit ainsi.  Bralima,  Çakra  et  tous  les  dieux  répandus 

m.  —  Il 


162  LI-:    NÉPAL 

aux  dix  points  de  Tespace,  venus  des  dix-huit  lakhs 
de  mondes,  à  Ions  il  leur  enseigna  la  Loi  excellenle  el 
il  leur  apprit  Torigine  de  Svayambhù. 

4.  Bhagaval  résidait  dans  le  parc  de  J(»taavec  une  Iroupc 
de  moines  ;  adorant  rc^lui  cpii  est  un  bloc  de  splendeur, 
Ananda  lui  adressa  ces  |)aroles  :  liliagavat  !  je  désire 
entendre  la  sainteté  du  Népal  !  Bhagaval  dit  :  Ananda! 
j'ai  déjà  sauvé  les  gens  de  Pàtalîputra  et  autres  villes; 
aujourd'hui  je  vais  sauver  les  gens  du  Né|)al,  el  visiter 
Svayambhù  ;  nous  irons  tous  au  Népal  ! 

o.  l^e  lion  des  Çakyas,  le  saint,  se  dirigea  vers  le 
Népal;  Ananda  et  les  autres  bhiksus  montés  sur  leur 
monture:  lion,  etc.,  y  arrivèrent.  Quant  à  Hhagavat, 
il  s'y  rendit  à  pied.  Alors  le  NAga  (jesa  vint  le  trouver 
et  lui  adn^ssa  celle  prière  :  Hliagavat,  ô  toi  qui  brilles 
d<»  ton  éclat  propre,  viens  sur  mon  dos  !  Vive  le 
Bouddha!  .Moi  aussi,  je  vais  là-bas.  Il  rinslalla  donc 
sur  son  dos  et  se  mit  en  loute. 

0.  Arrivés  au  mont  Sàhmcngu,  un  singe  nommé  Dliar* 
niAKara  oilVit  en  nrést^nt  à  (lakvasimha  et  aux  bhiksus 
un  l'ruit  de  panasa. 

7.  Alors  r.Akvasindia,  le  saint,  iiarvenu  au  railva  de 
PucchAgra,  souhaita  un  nharmAsana  (siège  pour  la 
Loi)  ;  alors  Viçvakarmau  en  apporta  un  et  le  lui  offrit. 
Ithagaval  s'installa  sur  le  hharmAsana.  Alors  Ithaga val 
brilla  UKMvcilleusement  :  il  était  de  couleur  rouge;  sur 
sa  face  unique,  ses  yeux  élai(»nt  comme  «les  feuilles 
d<^  lotus;  sa  chcv(*lm*c,  bouclée»  sur  la  droite,  élaîl 
sr)ud)re;  sur  sa  bosse  crAnitMme  {iismsa)  resplendis- 
sait une  loull'e  d'or;  les  doigts  de  ses  deux  mains 
intiMprélaient  les  sigih\>  mystiques  {inudra)\  il  élail 
>élu  d'uni»  luni(iue  jauuAtn^  (hamyà);  les  trente-deux 
signes  i'\  les  ipiatre-viugts  marques  brillaient  sur  lui; 
les  lavons  émanés  d(»s  poils  de  son  corps  ré|Hmdaienl 


NOTE  SUR  LES  DEUX  PLANCHES  DU  PREMIER  VOLUME   163 

la  lumière.  Les  dieux,  Indra,  Bralima,  elc,  et  les 
moines,  Ananda,  etc.,  et  tous  les  gens  du  Népal 
accoururent  au  caitva  de  Pucchàûrra  et  v  formèrent 

m)  O  W 

une  assemblée.  Kt  il  leur  enseigna  le  Svayambbrt- 
Purâna  et  la  sainteté  du  Népal. 

8.  Dans  le  Népal  est  un  étang,  long  et  large  de  quatre 
kos  ;  c'est  la  résidence  du  Nàga  Karkolaka  ;  on  l'ap- 
pelle Dbanàdaba. 

9.  Alors,  sur  le  mont  Jàla  mâtrocca,  un  Bouddha  du  nom 
de  Vipa(;vi  parut;  l'éclat  qu'il  répandait  de  l'espace 
illuminait;  il  jeta  dans  cet  étang  une  graine  de  lotus 
mystiquement  consacrée.  «  Plus  tard,  déclara-t-il, 
dans  les  temps  à  venir,  Svayambbù  naîtra  spontané- 
ment en  cet  étang;  h  cette  époque-là,  la  montagne 
s'appellera  Jàta  màlrocca. 

10.  Et  ensuite  le  saint  du  nom  de  Cikhin,  entouré  de 
moines,  médita  sur  le  mont  appelé  Dlixana  mâtrocca  ; 
il  rendit  les  honneurs  réguliers  h  Svayambhû,  le  visita, 
pénétra  dans  l'eau  peu  profonde,  toucha  la  tige  du 
lotus  et  s'évanouit  dans  ses  rayons. 

11.  Et  ensuite  le  saint  du  nom  de  Viçvabhû  séjourna  sur 
le  mont  Phullocca  et  répandit  sur  Svayambhû  cpii  était 
tout  lumière  cent  mille  pots  d'herbe  dûrvA,  le  visita, 
en  fit  le  tour  par  la  droite. 

12.  La  déesse  Vasundhani  qui  réside  sur  le  mont  Phul- 
locca lit  couler,  par  sa  puissance,  la  rivière  I^*abhàvatî 
et  la  rivière  Godûvari  et  la  Godûvarî  dhàrà. 

13.  Le  Bodhisaltva  Manju(;rî  demeurait  en  Mahàcina,  sur 
le  mentaux  Cinq-Sommets  (Pancaçirsa)  ;  il  a  un  visage 
unique,  la  couleur  du  safran  et  quatre  bras  qui  por- 
tent le  glaive,  la  flèche,  le  livre,  l'arc.  Plongé  dans  la 
contemplation  qui  porte  le  nom  de  Revue-du-monde 
{Loka-samdarçana) ,  il  s'aperçut  de  la  naissance  de 
Svayambhû.  Je  vais  aller  voir  Svayambhû,  se  dit-il  ;  en 


IGi  LK   NÉPAL 

roin|)ajinic  do  Varadà  ol  Moksadà,  ses  divines  l'pouses, 
il  se  dirigea  sur  le  Nr^pal. 

14.  II  alleifi^nit  le  l)ord  dr  rtManp;;  puis,  de  inoiilap:ne  h 
inoiilaj<iie,  de  bord  à  bord,  il  fil  trois  fois  le  tour  par 
la  droile,  visita  Svavainbliù. 

15.  Alors,  installé  sur  la  droite  de  Tétang,  sur  le  nionl 
Kàpotala,  il  fendit  la  nionlagne  avee  son  glaive  Candra- 
liàsa,  el  ouviit  passage  à  IV»au.  Partout  où  sYlevail  un 
obstnrli»,  il  le  Iranrlia;  A  Teau  libre  de  couler  joignil 
le  (lange»,  joignit  la  nier  el  la  sanriifia. 

10.  Alors  Karkolaka  avec  son  entourage  s'écria:  Je  no 
peux  [)ourlanl  |)as  parlir  avec  Teau  !  el  bien  vile,  bien 
vib',  il  alla  trouver  Manjuçrî  tout  rn  retenant  les  Nft- 
gas,  (»l  il  lui  (il  tout  savoir.  Les  iNàgas  criaienl  :  Oue 
lair(*?sans  (»au,  le  NAga  prrd  tout!  si  nous  n'avons 
plus  de  denïeun»,  roinnuMd  i'csIcm*? 

17-IS.  Alois Manjuçrî  lit  voii' la  lig(»  de»  lotus  de  Svayam- 
Uhù  qui  venait  de  (iuliyeçvarî.  Puis  il  prit  toutes  les 
ricbi»sses  ([ui  se  h'ouvaient  dans  Peau  sur  le  mont 
Salnn^angu,  1rs  jeta  dans  Télang  de  IHianàbrada,  et 
il  v  inslnlla  KarkolnUa  en  lui  donnaid  trois  ])oignées 
d  eau.  he  là  d<il<'  le  nom  fanirux  de  IHianàdalia.  Ces! 
au  mois  de  innrgarirsa.  (piin/aine  claire,  nenviènit; 
lillii  (lue  la  d<'M>sse  tiulivecvarl  l\ba&:i\nan<\  se  mani- 
lesta. 

I!).  Klle  n  la  couleur  du  safran,  ni^uf  visages,  trois  yeux 
pHi'  face,  dix-liuil  bras:  ses  deux  prenii(4's  liras  licn- 
nenl  le  bindii  i^t  le  pàlra:  les  seconds,  le  tambour  cl 
la  massu<»;  les  lioisièmes,  l'épée  (d  le  bouclier;  les 
(|uali'ièmes,  la  IK'clie  el  le  can[Uois:  les  ciiiqniènios. 
le  di-cpie  el  la  masse;  les  sixièmes,  le  croc...;  les 
septièmes,  la  fnudie  el  le  ineud  ;  les  huilièmcs,  le  Iri- 
deiil  el  le  |»ilo!i  :  les  neinièiiies  l'on l  le  geste  de  faveur 
el  (le  sérmilé.  Mlle  porte  un  diadème  resplendissant 


NOTE  SUR  LES  DEUX  PLANCHES  DU  PREMIER  VOLUME    165 

(le  toutes  sortes  (le  pierreries  et  fait  d'or;  elle  a  aux 
oreilles  des  pendants  de  pierreries.  Sa  tunique  est  bigar- 
rée ;  son  collier  est  fait  de  crânes  ;  son  corps  brille  de 
flamme  ;  elle  est  sur  le  dos  d'un  lion  ;  dans  la  posture 
dite  pratyâlhlha, 

20.  Alors  Manjuçrî  fonda  la  ville  de  Manjupatlana,  et  il 
sacra  roi  de  celte  ville  un  roi  du  nom  de  Dliarmâkara, 
en  lui  disant  :  (larde  les  sujets  el  ton  royaume  selon 
la  loi. 

21.  Le  roi  Dliarmâkara  adora  Svayambhil  ({ui  se  mani- 
feste dans  la  flamme,  et  Guhyeçvarî  qui  se  manifeste 
dans  Teau. 

22.  Manjuçrî,  après  avoir  fait  entendre  l'avenir  à  Dliarmâ- 
kara et  aux  moines  el  aux  disciples,  disparut  à  la 
porte  orientale  de  Svayambhiï.  Les  moines  élevèrent 
là  un  cailya  dédié  à  Manjuçri;  c'est  ce  qu'on  appefle 
le  iManjuçrî  cailya. 

23.  Et  ensuite,  dans  la  ville  de  Ksamàvalî,  dans  le  couvent 
de  Ksamàkara,  le  saint  Krakutsanda  était  dans  une 
salle,  où  il  enseifi:nait  la  bonne  Loi  au  roi  de  Silkela, 
Dharmapâla,  au  brahmane  Gunadhvaja,  au    ksatriya 
Abliayamdada  el  à  d'autres.  Or  le  saint,  le  maître, 
Krakucclianda  voulait,  pour  le  bien  du  monde,  pro- 
paf^er  la  boune  Loi  à  travers  les  pays.  Accompagné 
de  troupes  de  moines,  répandant  partout  la  bénédic- 
tion et  laclarté,  le  maître  allait  partout  enseignant  la 
Loi.  Que  tous  ceux,  disait-il,  qui,  dans  le  cycle  des 
transmigrations,  aspirent  à  la  béatitude,  quittent  le 
le  monde  el  suivent  la  règle  de  Boudha!   Ainsi  ins- 
truits par  le  prince  des  sages,  ô  prince  des  hommes  ! 
les  auditeurs,  nobles  créatures,  désirèrent  entrer  en 
religion.  RI  alors  Gunadhvaja  et  d'autres  brahmanes, 
au  nombre  de  quatre  cents,  et  Abhayamdada  et  d'au- 
tres Ksatriyas  au  nombre  de  trois  cents,  et  d'autres 


166  LE   NÉPAL 

nobles  créatures,  Vaiçyas  et  Çùdras,  l'esprit  rasséréné 
par  la  foi,  désirèrent  entrer  en  religion.  Si  vous  vou- 
lez, leur  dit-il,  entrer  en  religion  dans  la  Loi  des  Su- 
gatas,  pratique/  les  rites  de  l'entrée  en  religion  selon 
les  Sugatas.  Sur  ces  paroles,  il  leur  toucha  la  lêle 
avec  sa  main  et  il  les  introduisit  solennellement  dans 
la  Loi  des  Saugatas.  Alors,  laissant  tomber  leurs  che- 
veux, vêtus  de  haillons  rougeâtres,  portant  le  bâton  el 
la  sébile,  ils  devinrent  tous  moines. 

24.  Pour  leur  donner  Fonction,  le  Bouddha  Krakucchanda 
monta  sur  le  mont  Çankha,  et  de  sa  parole  naquit  une 
eau  toute  pure  (la  Vàgvati). 

25.  La  moitié  de  leur  chevelure  rasée  resta  sur  la  roche; 
l'autre  moitié,  jetée,  donna  naissance  à  la  rivière 
Keçàvatî.  11  se  servit  de  cette  eau  pour  leur  donner 
l'onction. 

26.  Dans  la  ville  de  Sàketa,  il  y  avait  le  roi  Brahmadatla  ; 
son  minisire  s'appelait  Subâhu;  Tépouse  royale,  Kân- 
timatî;  le  chapelain,  Brahmaratha. 

27.  Or  la  reine  Kûntimatî  sortit  de  sa  maison  pour  aller 
dans  la  forêt.  Comme  Kàntimati  était  devenue  enceinte, 
on  donna  cont-vingt  mesures  d'or  en  aumônes.  Kânti- 
malî  restait  dans  sa  maison,  avec  son  amie  qui  la 
soignait. 

28.  Brahmadalla  obtint  miraculeusement,  de  l'eau  qui 
avait  lavé  le  [)rinco  Manicûda  et  sa  pierrerie  {mani)^ 
une  (|uantité  d'or  qu'il  distribua  aux  pauvres.  Des 
(landhiu'vas  apportèrent  au  prince  Manicùda  une  guir- 
lande (\i)  Heurs  merveilleuses.  Manicrtda  apprit  à  lire 
el  à  écrire. 

29.  Manicnda  avait  ro(;u  du  roi  Brahmadatta  un  éléphant 
nommé  Bliadragiri  et  un  cheval  nommé  Ajaneya  qui 
assnrîniMil  tous  les  succès  ;  il  n'hésita  pas  cepen- 
dant à  les  donner. 


NOTE  SUR  LES  DEUX  PLANCHES  DU  PREMIER  VOLUME   167 

30.  Un  rsi  du  nom  de  Bbavabhâti  demeurait  dans  THimâ- 
laya  ;  il  y  Irouva  sur  un  lotus  une  fillette  qui  venait  d'y 
naître  et  qu'il  appela  Padmftvatî.  Le  rsi  Bhavabhûti, 
pour  amener  un  mariage,  parlait  à  Padmâvatl  des 
mérites  de  Manicûda  :  Il  est  énergique,  vertueux,  sa- 
vant, riche.  Épouse-le.  —  Soit,  répondit-elle. 

31-34.  Alors  le  rsi  s'en  va  seul  trouver  Manicûda  et  lui 
expose  sa  demande  :  Tu  aimes  à  donner,  tu  es  puis- 
sant. Eh  bien  !  je  te  demande  quelque  chose,  donne-le 
moi.  Et  alors  il  lui  parle  de  Padmftvatî.  Alors  il  fait 
amener  Padmâvatî  par  le  rsi  Vàlhîka,  et,  dans  la  ville 
de  Sàketa,  elle  est  remise  par  lui  entre  les  mains  de 
la  reine-mère  Kftntimati.  Et  celle-ci,  à  son  tour,  la 
remet  a  son  fils  Manicûda. 

35.  Le  mariage  est  célébré  selon  les  rites. 

36.  Ensuite,  montés  sur  un  char  que  traîne  un  cheval, 
Manicûda,  Padmâvatî,  Rayanavatî,  le  rsi  Vâhlîka  par- 
tent pour  la  ville  de  Sâketa.  La  ville  entière  est  en  fête. 

37-38.  Alors  le  roi  Brahmadatta,  entouré  de  son  chapelain 
et  de  ses  ministres,  fait  sacrer  roi  son  fils  Manicûda. 
Hientol  Padmâvatî  devient  enceinte;  le  terme  venu, 
elle  met  au  monde  un  fils,  le  prince  Padmottara.  Ses 
amies  la  soignent.  Puis  les  deux  époux  royaux,  Brah- 
madalla  et  Kilnlimatî,  se  retirent  comme  ermites  dans 
une  forêt. 

39.  Manicûda  devenu  roi  fait  observer  les  saintes  pratiques 
de  TAstamt  dans  sa  capitale  et  tout  son  royaume  ;  il  fait 
élever  une  salle  de  charité  et  distribue  des  aumônes, 
il  gouverne  selon  la  justice.  En  compagnie  de  Padmft- 
valî  et  de  Bayanavalî,  il  honore  les  Pratyekabuddhas 
et  la  communauté  des  moines.  A  ce  moment-là,  les 
quatre  dieux,  inspecteurs  du  monde,  passent  dans  Tair 
au-dessus  du  palais  et  se  sentent  empêchés  d'aller  plus 
loin. 


168  LK  NÉPAL 

40-41.  Tous  les  quatre  :  lîiahma,  Hudra,  Visnn,  Yama, 
vout  en  faire  lapport  à  Çakra.  Çakra  leur  dit  :  C'est 
la  force  de  son  acélisme  qui  vous  empêche  de 
passer  plus  loin.  Dans  ce  lenïps-là,  le  roi  .ManicAda 
appelle  son  chapelain  llrahmaralha  el  lui  dit  de  pré- 
parer le  sarrifi(M.'  Nirarj^ada.  Çakra  se  transforme  en 
IJàksasa  el  sori  de  l'aulel  sous  cet  aspect;  il  dévore  la 
chair  el  le  san^  de  Manicùda  ;  puis,  le  sacrifice  une 
fois  ache\Y^,  il  guérit  ses  blessures. 

42.    Alors  le  roi  Manicrtda  cède  au  rsi  IthavabhiMi  le  fruit 

•  •  •  • 

méritoire  du  sacrifice  qu'il  a  offert. 

43-44.  In  jour  le  roi  Duhprasaha  envoie  un  messager  à 
iManicùda  pour  lui  réclamer  rélé[)hant  Uhadragiri .  — 
Ktsi  je  ne  le  donne  pas?  —  Si  lu  ne  le  donnes  pas^,  nous 
ferons  la  guerre.  Allons!  qu'on  s'équipe!  Kt  Farniée 
de  Duhprasaha  investit  la  ville  de  Sàkela. 

45-40.  Le  rsi  Vrdhîka  vient  demander  h  .Manicrtda  de  lui 
faire  don  du  princ(î  Padmollaia  et  de  la  reine  PadmA- 
valî  [)nur  payer  ses  honoraii'es  à  son  malin*  le  rsi  Mû- 
rira. Manicùda  lui  accorde  loul  ce  qu'il  demande. 
Plus  taj'd  Manicùda  s(»  lendil  à  l'ermitage  de  Màrica, 
solli(*ila  el  ohlint  la  restitution  du  prince  et  de  la  reine 
([u'il  ramena  dans  son  palais,  et  il  lit  sacrer  Padmot- 
tara. 

47.  Padmoltara  une  fois  sacré  roi,  le  roi  Duhprasaha  lui 
livra  une  grande  bataille,  où  périrent  beaucoup  des 
soldats  de  Duhprasaha. 

48.  nu(d(pie  lenqjs  après,  Manicùdaeul  un  entretien  avec 
le  rsi  (lautama.  0  roi,  dit  le  rsi,  pourquoi  demouros-lu 
dans  la  forél  ici  ?  —  (l'est  «pie  je  cherche  à  obtenir 
labodhi!  Le  rsi  (lautama  dit  :  (lomment  arriver  à  la 
|{o<lhi  ?  Où  prendre  un  bain?  A  qui  rendre  un  culte? 

49-o().  Manicùda  émit  alors  h»s  neuf  Mff  qui  sonl  :  1*  le 
moni  Manicùda  ;  2"  l'étang  Manitadàga  ;  3*  le  Manicai- 


NOTE  SUR  LES  DEUX  PLANCHES  DU  PREMIER  VOLUME   1  69 

tya;  4MaManiyoginî;  5^  le  Maninàga;  ô^laMaijidhârâ; 
7**  le  Mahâliàla  ;  8^  le  Manilinga  ;  la  Manirohinî. 
51-52.  Une  fois  Indra,  métamorphosé  en  brahmane,  vint 
demander  à  Manicûda  la  pierrerie  de  soncrdne.  Mani- 
cùda  lui  répondit  :  h]nlève-la  toi-même;  et  il  s'inclina 
pour  laisser  prendre  la  pierrerie.  11  faut  la  laver,  dit-il, 
pour  la  prendre  ;  ainsi  son  éclat  prit  la  forme  du  Çrî- 
vatsa  et  pénétra  dans  le  linga  nommée  iVIanilingeçvara. 
Aussitôt  la  pierrerie  enlevée,  elle  reparut.  Indra  et  les 
dieux,  et  Fîhavabhûti  et  Gautama  les  rsis,  sont  au  com- 
ble de  la  surprise.  De  la  blessure  le  sang  qui  s'échappe 
forme  une  rivière. 

53.  Tout  le  monde  s'en  retourne  k  Sàkela. 

54.  Padmollara  est  sacré  roi;  Manicrtda  se  retire  avec 
Padmâvalî  dans  la  forêt  ;  tous  deux  se  livrent  à  l'ascé- 
tisme. Par  la  puissance  de  leurs  austérités,  Manicûda 
et  Padmâvalî  demeurent  dans  le  monde  Dharma- 
meghc\. 

55.  Un  jour  le  roi  du  Panciila,  Vrsakarna,  a  une  discus- 
sion avec  son  (ils  Gokarna;  il  le  chasse  du  palais.  Go- 
karna  va  s'établir  en  ascète  au  bord  de  la  Vagmatî. 

5G.  Une  fois  Gokarna  s'en  va  à  la  localité  de  Gokarna 
faire  des  offrandes  funéraires  ;  par  là  il  lire  de  l'enfer 
le  roi  Vrsakarna.  ...  Le  prince  Gokarna,  très 
affligé,  voit  dans  un  nuage  PadmapAni  Lokeçvara  rési- 
dant à  Sukhàvalî  qui  causait  avec  Gaganaganja  et  qui 
lui  disait  :  Hé!  Gaganaganja  Bodhisattva !  va-t-en  en 
Pancàla,  prends-y  (iokarna  le  prince,  et  reviens.  .  .  . 
A  cet  ordre  d'Arya  Avalokileçvara,  le  Bodhisattva 
Gaganaganja  monte  sur  un  lion,vaprendreGokarnale 
prince  en  Pancàla,  et  retourne  à  Sukhàvalî.  C'est  le 
fameux  linga  de  Gokarna.  Or,  une  fois,  quand  Vrsa- 
karna était  parti  dans  l'autre  monde,  son  chapelain, 
ses  ministres,  son  peuple  tinrent  conseil,  et  ils  sacré- 


170  LK    NÉPAL 

rent  roi  dokarnu.  El  (lokarna  gouverna  selon  la  justice 
le  pays  de  Fancàla. 

57.  Dans  la  suite  des  temps,  un  NAgarâja  du  nom  de  Ku- 
lika  irrité  jura  de  remplir  d'eau  tout  le  Népal;  alors, 
h  partir  de  la  rivière  Kauriki,  tous  les  Nàgas  sorlireiit 
du  Na^aloka,  arrivèrent  au  Népal  et  Tinondèrenl.  Les 
créatures  se  mirent  à  pousser  des  gémissements.  Arya 
Avalokiteevara  cpii  réside»  à  Sukliàvatî  envoya  Saman- 
tahhadra,  qui  enfonra  dans  le  corps  de  Kulika  le  fa- 
meux lifiga  de  Kilervara;  c'est  le  mont  Càrugiri. 

.ïS.  (In  AcArya  de  Maujupura,  nommé  Sarvapàda,  possé- 
dait les  six  magies;  l'orgueil  l'incita  à  la  colère,  el  il 
baltit  s(»s  serviteurs;  ensuite*,  etlrayé  de  lui-même, 
altiMul  de  folie,  il  se  mit  h  errer  en  prenant  avec  lui  un 
|)ot  d«î  terre;  arrivé  au  bord  de  la  VAgmati,  il  y  installa 
son  pot,  commença  des  o|)érations  magiques.  Avalo- 
kileçvara  envoya  alors  le  Hodliisattva  VajrapAni.  C'est 
là  Torigiui»  du  lûnnbheçvara.  Érection  du  caitya. 

oO-OO.  Vu  saue  du  pays  de  PAncAla,  Buddhipàda,  avait  un 
iils,  Manjugai'la,  (pii  était  complètement  idiot.  Bnddhi- 
pAda,  se  reconnaissant  incapable  de  l'instruire,  l'en- 
voya au  Né|)al  adorer  Mafiju<;rl.  Arrivé  au  mont  du 
Sud,  il  y  rencontra  uiH»  jolie  fille  qui  gardait  une  plan- 
tation de  cannes  à  sucn\  et  s'amusa  avec  elle.  Il  sem- 
blait h  jamais  perdu;  mais  le  dieu  Manju<;ri  pris  de 
pitié  ciccomul  vers  Manjugarta;  il  lui  toucha  la  tête 
Hvec  sa  main  en  lui  disant  :  Deviens  sage!  Et  par 
Ti^Het  d<*  Ci»! te  bénédiction  Manjugarta  devint  poète, 
rt  sr  mil  à  cbauter  un  liymne  devant  Manjuçrl.  De  là 
le  fameux  linga  de  Mîinjugaileçvara. 

01.  i  II  maiire  dOdiNioia,  iiistnllé  sur  le  mont  (iaganâ- 
ksepîï.  sollicite  les  faveurs  de  la  Vache  d'abondance; 
il  fîiit  im  sacrilice  où  il  lui  otïre  du  poisson  et  de  la 
viande.  La  Vache  lui  donne  son  lait  merveilleux;  il 


NOTE  SUR  LES  DEUX  PLANCHES  DU  PREMIER  VOLUME   171 

s'en  sert  pour  faire  une  oblation.  Alors  la  yoginî  Gaga- 
nâksepà  lui  accorde  une  faveur.  C'est  Torigine  du  fa- 
meux liûga  Phanikeçvara.  Le  Bodhisaltva  Sarvaniva- 
ranaviskambin  sous  forme  do  poisson. 

62.  Le  même  maîlre  d'Odiyâna,  pour  constater  le  pouvoir 
des  huit  forces  magiques,  s'installe  au  bord  de  la  Vàg- 
malî,  assis  sur  une  peau  d'éléphant  et  commence  ses 
enchantements.  Ganeça,  qui  était  venu  s'amuser  dans 
les  eaux  delà  Vàgmalî,  s'irrite  de  voir  un  magicien 
assis  sur  une  peau  d'élépliant  ;  il  appelle  h  son  aide  les 
Pùlanas  et  les  KaiapiTitanas,  et  lui  jette  le  mauvais 
sort.  Alors  le  maître  d'Odiyàna  appelle  à  son  secours 
Sadaksari;  celle-ci  amène  les  l)a(;akrodlias,  et  Ganeça 
se  laisse  adoucir.  Alors  le  Lokeçvara,  Ananda,  etc., 
fondent  sur  le  mont  Kaccha[)a  le  fameux  linga  de  Gan- 
dhocvara. 

O;?.  Après  cela,  un  antre  jour,  le  maître  d'Odiyâna,  élant 
passé  du  bord  de  la  Vàgmatî  dans  le  voisinage  de 
Svayambhû,  y  sonue  de  la  conque  ;  il  pose  sa  conque 
au  lieu  dit  Vikramasthala,  etenlio  dans  une  médita- 
tion  magiciue.  Alors  Arya  Avalokiteçvara  qui  réside  à 
Sukhàvatï,  appelle  le  Hodhisattva  Khagarbha,  et  lui 
dit  :  Ohé!  Hodhisattva  Khagarbha!  va-t-en  au  lieu  dit 
Vikramaslhala!  Tu  y  verras  le  maître  d'Odiyâna  en 
extase  magique  ;  veille  sur  lui  en  inslallant  un  em- 
blème en  forme  de  conque.  Installe  le  linga  qui  sera 
fameux  connue  le  Vikrameçvara.  A  cet  ordre,  Kha- 
garbha Hodhisattva  monte  sur  un  lion  et  s'en  va  au 
^  ikramasthala.  Au  même»  moment  (iaruda  se  trouve 
pris  dausics  nœuds  d'un  nAga;  il  appelle  aussitôt  par 
la  pensée  Visiui  qui  accourt  et  le  délivre  des  nœuds 
du  nàga.  (l'était  le  moment  où  le  Hodhisattva  Khagar- 
bha venait  d'arriver.  Ah!  dit  Visnu,  quelle  chance! 
que  je  suis  heureux  de  te  voir!  Et  il  lui  rend  hom- 


172  LE   NÉPAL 

mage,  ol  tourne  respeclueuseineiil  h  sa  droite.  C'est 
toi  qui  m'enseignes  la  Bonne  Loi  !  monte  sur  mon 
épaule,  r/est  là  l'origine  du  fameux  Harihariharivâ- 
hana. 

04.  l^irame(;vara  et  PArvall  s'entretiennent  au  confluent 
de  la  Vàgmatî  et  de  la  Manimati  ;  ils  y  pratiquent  la  p^»ni- 
tence  ;  par  la  force  de  sa  pénitence,  (luhyeçvarl  satis- 
faite leur  accorde  une  faveur  du  haut  du  ciel. 

0;J-t)f).  Un  IxNiu  jour,  un  berger  parti  h  la  recliercho  d'ime 
vache,  allait  (h>  monlagne  en  montagne.  Il  voit  un 
arhre  fintini,  (»l  V(Mit  grimper  sur  Tarhre  pour  manger 
un  fruit;  mais  il  tombe  sur  le  sol.  \]n  singe  nommé 
Kapiràja  voit  sa  chute,  accourt,  et  le  prend  sur  ses 
épaules.  Le  berger  (mi  retour  tui*  le  singe  d'un  cou|i 
d(î  pierre;  en  punition  de  sa  faute,  il  attrape  la  lèpre; 
il  n'est  plus  (pie  pus,  sang  caillé,  puanteur.  Sa  femme. 
ses  parents  le  chassent  de  la  maison,  il  erre  on  vaga- 
bond. Le  roi  du  IVincrda,  Visakarna,  le  rencontre;  il 
lui  fournit  une  monture,  de  l'argent,  et  Tengage  h 
s'en  aller  faire  pénilence  au  confluent  de  la  VAgnialtct 
de  la  .Manimati.  Le  berger  y  reste  douze  ans;  ensuite 
il  meurt,  el  va  trmt  droit  au  paradis. 

07.  I)ans  la  ville  di' Handhumati  demeurait  le  riche  mar- 
chand Varna;  sa  fcMume,  Varnalaksml  devint  enceinte 
et  mit  au  monde  un  eidant.  Le  marchand  Varna  par- 
lit  au  pays  d(»s  joyaux  avec  cinq  cents  marchands. 

08.  Varnalaksml,  restée  h  la  maison,  remit  h  son  enfant 
uno  écuelle  d«î  bois  et  l'envoya  demander  à  manger  : 
les  gtîus  lui  cassèrent  son  écuelle  el  le  renvoyèrent 
aver  desinsidtes,  tant  il  était  laid.  Le  pauvre  disgracié 
s(»  nnt  à  ïix'w'i'  pénitence  au  lîrtha,  et  parla  force  de  sa 
pénitence,  le  voilà  (|ui  devient  admirablement  beau. 
Son  père,  (pii  l'avait  cherché  partout  sans  le  rencon- 
trer, le  trouve  au  tlrtha  el  le  ramène  en  ville.  Juste- 


NOTE  SUR  LES  DEUX  PLANCHES  DU  PREMIER  VOLUME   173 

menl  dans  le  pays,  il  n'y  avait  pas  de  roi,  et  les  minis- 
tres avaient  convoqué  le  peuple  pour  délibérer. 

69-71.  A  ce  moment  même,  le  beau  jeune  homme  arrive; 
on  rinslalle  sur  le  dos  d'un  éléphant  et  on  décide  de 
le  sacrer  roi.  A  Theure  favorable  indiquée  par  les  as- 
trologues, il  reçoit  Tonclion  royale.  II  règne  sous  le 
nom  de  Mahâ  Sundara,  pratique  la  justice,  et  vit  heu- 
reux. 

li.  In  roi  passe  ses  journées  à  tuer  sans  raison  les  pau- 
vres gazelles.  IMus  tard,  dans  une  autre  existence,  il 
estga/elle,  et  sous  cette  forme  il  est  tué  au  tîrtha  par 
un  chasseur. 

7;{.  Puis  encore,  dans  une  autre  existence,  la  ga/elle  est  un 
liirre,  le  chasseur  un  sanglier;  tous  les  deux  se  ren- 


(M:uitrentau  Maiioratha  tîrtha;  le  tigre  reçoit  un  coup 
de  boutoir  du  sanglier,  il  en  meurt;  le  sanglier  meurt 
aussi.  Tous  les  deux,  pour  être  morts  au  tîrtha,  vont 
tout  droit  au  ciel. 

74.  Kl  ensuite,  dans  le  pays  de  Pancàla,  il  y  avait  un  savant 
du  nom  de  Vajrapàda;  il  connaissait  à  fond  Tastro- 
iogir',  la  médecine,  la  (lialecti([ue,  (»t  toutes  les  sciences 
en  général.  VA  pourtant  il  n'arrivait  pas  à  se  faire  une 
réputation.  II  se  demandait  comment  faire  |)Our  y 
arriver.  Il  s'en  alla  au  confluent  de  la  Keçâvatî  et  de 
la  lUiadranadl,  où  est  le  Nirmala  tîrtha;  il  y  prit  un 
bain,  apporta  journellement  des  feuilles  d'açvattha, 
prati^iua  la  pénitence  dans  le  cimetière.  Une  VidyA- 
(lliari  le  prit  eii  faveur,  vint  le  visiter  tous  les  jours, 
et  il  airiva  à  la  gloire. 

7.').  Dans  le  village  de  V  àsavagnïma,  il  y  avait  un  gros  per- 
sonnage appelé  Sena,  qui  était  riche  comme  Kuvera. 
PomianI,  par  l'eflel  de  ses  fautes,  il  cultivait  la  terre. 
Il  avait  un  (ils  nommé  Kolikarna  qui  lui  disait  tous  les 
jours  :  ne  laboure  pas   la  terre!  .Mais  il    n'eu  avait 


174  LK   NÉPAL 

ciii'O,  el  coiilinuail  h  travailler  la  terre.  Le  père  dît 
au  joiiiie  homme  :  Mets-toi  donc  au  commerce  el  lâche 
de  gagner  des  mille  et  dos  cent.  Kt  il  envoya  son  fils 
trafiquer.  Kolikarna  le  marchand  alla  trouver  sa  mère 
el  lui  dit  :  Ma  more,  je  m'en  vais  trafiquer.  Heponds- 
moi.  Kilo  ne  répondit  pas.  11  lui  adressa  alors  des  pa- 
roles violentes. 
70.  11  se  mit  on  route  avec  une  voiture  el  un  âne.  Ses 
compagnons  partironi  avec  lui.  Mais  au  relour,  en 
punition  d'avoir  insulte  sa  mère,  il  perdit  sa  caravane 
et  resta  seul. 

77.  Il  arriva  à  une  \'\\lr  do  for  et  demanda  trois  fois  de 
Foau  aux  gardiens  do  la  porte  ;  mais  on  ne  lui  en  donna 
pas.  Furieux,  il  entra  dans  la  ville  et  rencontra  cinq 
cents  Prelas  cpii  lui  demandèrent  de  Teau-ll  se  sauva. 

78.  Kt  il  arriva  dans  une  seconde  ville  de  fer,  et  il  de- 
manda deux  lois  (»t  cinc}  fois  do  Teau  ;  mais  les  gardes 
dos  portes  noro<*outorontnH>nie  pas.  Furieux,  il  entra 
dans  la  ville,  et  rencontra  quinze  Prêtas  qui  lui  dirent: 
l)epuis  douze  ans  nous  n'avons  même  pas  entendu  le 
nomd(»roau!  Nous  brrtlons  de  soif!  Donne-nous  de 
Toau  !  Kt  il  s(i  sauva.  Kt  ensuilo,  le  soir  venu,  quatre 
Apsaras,  monlotîs  sur  un  char  céleste,  carrivèrent.  Le 
gardo  do  la  |)orh^  s'amusa  avec  elles  toute  la  nuit,  puis 
au  lovor  du  soloil  elles  (iront  descendre  duchar  quatre 
chions,  elle  lourdonnoroni  à  manger. Kotikarijia resta 
immohihî  h  regarder. 

70.  HoAonn  do  l'autre  monde,  Kolikarna  le  marchand  ar- 
ri\a  tout  près  do  Vâsavagràma.  Il  vit  un  temple,  el 
tourna  rrs|»ocluousomont  à  sa  droite.  Il  vit  quelque 
rhoso  d'écrit  ;  il  roganla  :  Kt  c'était  son  nom  !  Il  se  pril 
à  réilérhir  ot  s(^  dit  :  Je  vais  entrer  en  religion.  El  il 
alla  trouver  lo  hhiksu  KàlvAvana. 

80.    Sur  l'ordn'  du   hhiksu  KAtyAyana,  il  rentra  dans  sa 


NOTE  SUU  LES  DEllX  PLANCHES  DU  PREMIER  VOLUME      175 

ville  natale,  publia  ce  qu'il  avait  vu  dans  Taulre  monde, 
se  baigna  au  Cinlùmani  lîrlha,  fil  les  offrandes  funé- 
raires, entendit  la  voix  de  son  père  et  de  sa  mère, 
pratiqua  la  pénitence  au  Cintàmani  tîrtha,  devint bhiksu 
et  obtint  la  délivrance.  Le  Cintàmani  tîrtha  est  au  con- 
tinent de  la  Vâgmatî  et  de  la  Keçàvatî. 
81.    Le  Dailya  Dânâsura  ayant  pillé  trésors  et  joyaux  du 
monde  des  Nàgas  les  emporta  au  courant  d'une  rivière. 
C'est  l'origine  de  la  rivière  Uatnàvatî.  Son  confluent 
avec  la  V'àgmatî  forme  le  Pramoda  lîrtha. 
Eiisînte  vient  la  bande  inférieure,  sans  divisions  marquées  :) 
Le  lîrtha  Sulaksana,  au  confluent  de  la  Cûrumatî  et  de 
la  Vîlgmatî.  Un  homme  qui  n'a  pas  les  bonnes  marques  les 
oblionl,  s'il  y  fait  pénitence. 

Une  tille  de  Dailya,  par  l'effet  de  la  colère  d'un  Dailya  et 
par  désir  d'avoir  un  fils,  pratiqua  la  pénitence  au  bord  de 
la  Vàgmalî.  La  déesse  VasundharA,  satisfaite,  se  manifesta 
devant  elle.  C'est  l'origine  de  la  Frabhûvali.  Son  confluent 
avec  la  VàgmatI  est  le  Jaya  lîrtha. 

Par  la  vertu  du  Jaya  lîrlha,  le  Dailya  Hala  obtint  l'empire 
des  trois  mondes;  il  obtint  Téléphanl  Airî\vala  pour  mon- 
ture. 

l'uis  vienn(*nl  des  noms  de  lîrlhas  : 

Anàlinga  thiha  —  Manicilà  —  (iodàvarî  —  Nadîkostha 

—  .Mc\tt\  —  Matsyamukha —  Nuli  —  Navaliiïga —  Agaslya 

—  KAg(»(;vara  —  TecApa  —  V'Agîgvara  —  Tara  —  Arya- 
tArA  —  KAlî  —  Ananta —  AnantanAga  —  Sahasra  sundari 

—  Agastya  —  Kapolala. 

Sur  le  mont  KApotala,  le  Compatissant  (KarunAmaya)  et 
deux  NAgas. 

Viennent  ensuite  les  huit  ÇmaçAnas  du  Népal  avec  l(»urs 
divinités  : 

1.  AsitAnga  lihairava,  BrahmAyanî,  KacchapapAda.  Le 
CandoiiracmacAiia. 


DEUX  PLANCHES  DU  PREMIER  VOLUME   177 

r\\()  ici?  et   pourquoi?  Mafiju(;rî  répond: 

TtIo,  c'est  Dharmaçrî  milradu  monastère  de 

i|;i  ;  il  a  pu  interpréter  la  Nàma  Samf^iti;  mais 

■'-  I*' ennimentaire  des  Douze  syllabes.  Varadâ 

îiiiiicnt  peut-on  connaître  le  commentaire  des 

?  Ilccite-le  moi.  Mariju(;rîleluirécile.  Dhar- 

>'iitend  tout,   prosterné  devant  la  porte.  Le 

!à  et  Moksadà  viennent  pour  ouvrir  la  porte  ; 

hharmaçrî  mitra,  elles  sont  prises  de  peur  et 

lois  Manjuçrî  arrive  :  Lèv(^-toi,lui  dit-il.  Il  le 

il  main,  le  relève,  lui  donne  l'onction  du  Vajra, 

ifiue  le  commentaire  des  Douze  syllabes.  Dhar- 

ira  se  prosterne  aux  pieds  de  son  maître.  Je  ne 

.  lui  dit-il,  o  mon  maîlre,  te  payer  les  honoraires 

•  blés.  Aie  pilié  de  moi!  viens  me  voir.  Là-dessus 

icrî  mitra  retourne  à   Vikramagîla,    y  instruit  les 

.  A  ce  moment  Manjuçrî  se  présente  sous  les  traits 

«land  vieillard  tenant  un  lotus;  il  enlre  dans  le  mo- 

n».  Dharmaçrî  mitra  le  voit,  mais  feint  de  ne  pas  le 

La  leçon  finie,  les  auditeurs  sortent.  Dharmaçrî  mitra 

iépêche  d'aller  saluer  son  maître,  mais  celui-ci  se  retire 

is  le  regarder.  0  mon  maître,  pardonne-moi  ma  faute! 

crie-t-il,  et  il  tombe  à  ses  pieds.  Par  l'effet  de  sa  faute, 

•s  yeux  tombent.  F^e  guru  lui  dit  alors  :  A  partir  d'aujour- 

i  hui,  ton  nom  sera  Jnânaçil  milra,  et  tu  verras  comme  si 

lu  avais  des  yeux.  Puis  il  disparaît. 

Ensuite  c'est  ràcclrya  ÇAntaçrl.  L'àcArya  avait  recouvert 
d'une  pierre  la  sainte  manifeslation  de  la  lumière;  il  avait 
élevé  par-dessus  un  «aitya  de  biiques,  dressé  un  clocheton 
d'or,  un  bourrelet  d'or,  un  parasol  d'or.  Il  fait  ensuite  l'en- 
chantement des  iNAgas  pour  faire  tomber  la  pluie  en  saison. 
Tous  les  Nàgas  arrivent,  sauf  Karkotaka.  Alors  Çàntaçrî 
l'âcârya  appelle  (Junakùma  deva  et  lui  dit  :  Va  au  DhanA- 
hrada,  appelle  Karkotaka  et  reviens!  Et  il  remet  à  Guna- 

lll.  —  12 


NOTE  SUR  LES  DEUX  PLANCHES  DU  PREMIER  VOLUME  i  70 


La  Procession  de  Matsyendra  Natha. 
(Notice  explicative  traduite  du  sanscrit.) 

D'abord  [en  partant  de  la  gauche]  le  caityade  Svayam- 
bhû,  portant  en  avant  l'image  d'Aksobhya,  et  à  sa  droite 
celle  de  Vairocana.  Par-dessus,  le  clocheton  plaqué  d'or; 
au-dessus  encore,  le  parasol  d'or.  A  droite  et  à  gauche, 
deux  temples  des  dieux. 

Au-dessous,  un  temple  de  dieu,  construit  en  briques  et 
crépi. 

A  la  gauche  une  maison  toute  décorée,  avec  trois  fenêtres 
et  des  arceaux  ;  h  chacune  des  fenêtres  une  personne  qui 
tient  des  offrandes  religieuses  pour  les  présenter. 

A  gauche,  un  temple  de  dieu  à  trois  étages,  chacun  cou- 
vert de  plaques  d'or  ;  à  chaque  toit  une  guirlande^l e  sonnettes 
qui  sonnent  au  vent;  en  haut  un  clocheton  doré.  En  bas, 
le  temple  porte  sur  trois  terrasses,  et  la  porte  est  peinte  en 
couleurs  vives. 

A  gauche,  une  grosso  maison  à  trois  étages;  en  bas,  sur 
la  terrasse,  un  homme  et  trois  femmes  ;  une  porte  un  en- 
faul;  un  joime  garçon  est  grimpé  sur  le  mur  pour  regarder; 
au  second  étage,  à  une  fenêtre  peinte,  un  homme  joint  les 
mains  en  adoration  ;  à  droite  et  à  gauche,  des  femmes  dans 
la  même  attitude;  au  troisième  étage,  un  homme,  les 
mains  jointes,  regarde  la  procession  d'AryaAvalokileçvara. 

Puis  une  grande  maison  h  trois  étages;  à  chaque  étage 
une  fenêtre  en  bois  ouvragé  et  peint,  avec  un  personnage 
qui  regarde;  ;  tous  ont  les  mains  jointes  ;  des  personnages 
regardent  aussi  par-dessus  le  mur  de  clôture. 

Procession   d'Arya  Avalokiteçvara  appelée  Bug-yftt.  A 


180  LK   NÉPAL 

droite  clàj?auche  de  la  divinil('»,  deux  vieillards  debout. 
En  dehors  de  la  chapelle,  le  n»i>résenlanl  du  roi,  son  perle- 
émoiichoir;  au-dessous,  doux  gardes  du  corps;  en  avant, 
deux  upAdhyAyas  ;  à  droite  el  à  gauche,  deux  taillouri^  de 
hois  (BArnhl).  Deux  à  trois  cents  personnes  tirent  sur  les 
cordes  jmur  anieni^r  \o  chîir.  Kn  avant  du  char,  des  ban- 
nièn\s,  des  lami)es,  des  torches,  des  encensoirs,  une  cloche, 
des  musiciens  qui  jouent  toutes  sortes  d'instruments,  tam- 
bours, tand)ourins,  timbales,  cynd)ales,  trompettes.  Par- 
tout des  speclatiMU's,  moulés  sur  des  ékiphants.  Au  fond 
des  marchands  el  des  marchandes  de  bétel,  d'arec,  clc, 

(.'ne  jolie  nuiison,  une  maison  à  trois  étages,  avec  dos 
fenêtres,  des  balcons,  des  piliers  décorés. 

\n  lemple  de  dé(»sse  à  h'ois  étages,  très  joli. 

Une  maison  pittoresque,  aux  fenêtres  ouvragées. 

l'ne  maison  h  trois  étages,  i)einte  en  couleurs,  avec  des 
feur»trcs  et  d(*s  balcons  décorés. 

V\w  dhiinna(;AlA  à  deux  étages,  très  jolie. 

L'u  p(Mi  partout,  dos  g<Mis  vi^mis  des  villages  d'alentour, 
en  costume  do  fête  pour  voii'  la  |)rocession  h  Lalita-paltana, 
et  (|ui  s'(Mi  retournent  ensuit(». 


APPENDICE 


I 


LE  NÉPAL  DANS  LE  VLNAYA  DES  MILA  SARVASTIVADINS 


J'ai  déjà  cilé  dans  mon  second  volume,  à  la  page  63,  un 
passage  du  Mûla  Sarvâslivàda  Vinaya  Samgraha,  de  Jina- 
milra,  où  le  Xépal  est  mentionné.  J'ai  retrouvé  depuis, 
dans  le  texte  môme  du  Vinaya,  le  passage  correspondant; 
il  se  rencontre  dans  la  liste  des  naihmrg'ika  (correspondant 
aux  nissaggif/a  pâli).  Le  seizième  —  qui  correspond  au 
seizième  de  la  liste  pâlie,  —  a  trait  au  transport  délictueux 
de  la  laine.  La  même  règle,  au  reste,  se  retrouve  dans  tous 
les  Vinayas,  à  quelque  école  qu'ils  appartiennent  ;  mais  le 
Vinaya  des  Mûla  Sarvàstivàdins  est  le  seul  qui  mentionne 
le  Népal  dans  Fincident  qui  amène  le  Bouddha  à  promul- 
guer ce  çiksàpada.  Je  ne  traduis  ici  de  ce  très  long  récit 
que  la  porlion  relative  au  Népal. 

MùlasanmtiviUhwlnaya,  chap.  21  (lô*"  naihsargika),  éd. 
deTôkyô,  \VI,  8,  p.  100'\ 

((  Le  Bouddha  résidait  à  Çnlvastî,  dans  le  Jetavana,  le 

parc  dWnâtliapindika Lesbhiksus,  voyant  une  troupe 

d'hommes  qui  se  dirigeait  vers  le  Népal  (Ni-po-lo)^  leur 


182  LE    NÉPAL 

deniandiircnl  :  «  Qui  eles-vous?  »  Ils  répoudireul:  «  Nous 
nous  dirigeons  vers  le  Népal.  »  Les  bhiksus  leur  dirent  : 
«  Nous  désirons  suivre  \o.  même  chemin.  »  Les  marchands 
dirent:  «  Vénérables,  au  Népal,  le  sol  est  tout  pierreux  ; 
c'est  comme  le  dos  d'un  chameau.  Vous  ne  devez  pas  sans 
doute  vous  réjouir  d'y  aller.  »  Les  bhiksus  répondirent: 
((  Nous  allons  de  com|)agnie  |)our  essayer  de  ce  pays.  »  — 
((  Vénérables,  s'il  eii  est  ainsi,  vous  |)ouve/  venir  avec 
nous.  »  Ils  firent  donc  route  av(*c  les  marchands,  et  îi  la 
fin  ils  arrivèrent  à  ce  royaume.  Les  bhiksus  n'y  Irouvèrent 
pas  de  plaisir.  Dès  h»  lendemain  ils  s'en  allèrent  au  marché 
rejoindre  les  marchands  cl  ils  leurdi^numdèrenl  :  «  Quand 
est-ce  que  vous  voulez  n^lourner  dans  votre  pays  ?  »  Les 
marchands  répondirent:  «  Pounpioi  donc?  Fîst-ce  que 
vous  ne  vous  plaise/ donc  pas  ici?  »  Les  bhiksus  répondi- 
rent: ((  Nous  sommes  d(»s  nouveau-venus,  et  aujourd'hui 
nous  ne  nous  senlons  pas  bien.  »  Les  marchands  répondi- 
rent: ((  Tant  que  nous  n'avons  \ms  échangé  nos  marchan- 
dises, nous  ne  pouvons  j^as  parler  de  relour.  Nous  avons 
des  connaissances  qui  veulent  n^tourner  dans  le  Pays  du 
Milieu  (Madhyadeca).  Nous  n'avons  cpi'à  les  en  prier,  et 
ils  feront  roule  av(M^  vous.  »  Les  bhiksus  dirent  :  «  Parfait! 
lionne  affaire  !  »  Au  Népal  il  y  a  deux  espèces  de  marchan- 
dises h  bon  nuirché  ;  la  laine  et  Torpimcnt  (?  /nomif/- 
hoanfi).  VA  alors  l(\s  ujai'chands  ayant  acheté  de  la  laine 
en  grande  (pian  li lé  (mi  (*hai'gèrenl  leurs  chars  et  s'en  allèrent. 
Kt  la  troupe  des  bhiksus  lit  roule  avec  eux...  » 

l'ne  autre  srclion  du  nuMur  Vinava,  le  Carma-vastu, 
fournit  aussi  une  menlion  du  Népal. 

Mnlasnrvnsticwlavinof/ii  Wll,  i,  p.  1 1  T  col.  9. 

((  Ln  ce  lemps-l;i  \i\  (ils  de  roi  .Mal-né  (Virûdhaka),  par 
retlet  de  s(ui  alVoliMnent,  massa(*ra  la  race  des  Çâkvas  de 
Kapilavaslu.  Kl  alors,  de  la  vilbî,  les  uns  se  retirèrent  vers 
rOuest  :  d'autres  se  retirèrent  dans  le  Népal.  Ceux  qui 


APPENDICE  1 83 

entrèrent  au  Népal  étaient  tous  des  parents  de  Tàynsmat 
Ananda.  Et,  plus  lard,  des  marchands  de  Çrâvastî,  ayant 
pris  des  marchandises,  se  dirigèrent  vers  le  Népal.  Les 
Çâkyas  ayant  vu  les  marchands  leur  demandèrent  :  a  Nous 
souffrons  maintenant  mal  de  mort  !  L'âyusmat  Ananda, 
pourquoi  ne  vient-il  pas  voir  où  nous  en  sommes?  »  Les 
marchands  y  pensèrent  tous,  cl  ayant  fini  leurs  affaires  ils 
s'en  retournèrent  h  Çrâvastî,  et  ils  dirent  à  Ananda  :  «  Les 
parents  du  Vénérable  qui  sont  établis  au  Népal  le  font 
dire  ceci.  »  Et  le  vénérable  Ananda  ayant  entendu  les 
paroles  que  lui  rapportaient  les  marchands,  en  fut  touché 
et  affligé,  et  il  s'en  alla  au  royaume  de  Népal.  Ce  royaume 
est  froid  et  neigeux.  Ananda  eut  des  crevasses  aux  mains 
cl  aux  pieds.   El  quand  il  revint  à  Çnivastî  les   bhiksus 
rayant  vu  lui  demandèrent  :  a  0  Ananda  !  tu  avais  aupara 
vaut  les  mains  lisses  et  unies  comme  la  langue.  Pourquoi 
donc  sont-elles  rugueuses  et  crevassées?»  11  répondit: 
((  Au  royaume  de  Népal,  la  terre  est  voisine  de  FHimàlaya. 
Par  suite  du  vent  et  de  la  neige,  j'ai  les  pieds  et  les  mains 
en  cet  état.  »  Ils  lui  demandèrent  alors  :  a  Tes  parents, 
là-bas,  comment  soutiennent-ils  la  vie?  »  Il  répondit  :  «  Ils 
portent  de^  pou-la  (pula).  »  Ils  lui  demandèrent  :  «  Et  toi, 
pourquoi  n'en  portes-tu  pas  ?  »  Il  répondit  :  «  Le  Bouddha 
n'a  pas  encore  permis  d'en  porter.  »  El  alors  les  bhiksus 
allèrent  interroger  le  Bouddha.  Le    Bouddha  leur  dit: 
((  Dans  les  endroits  froids  et  neigeux,  on  peut  porter  des 
pou-la  * .  » 


l.  Le  moi  pou-la  se  rencontre  (sous  la  transcription  fou-lo)  dans  le 
Chan-kicn  p'i-po-cha,  traduction  abrégée  du  commentaire  de  Buddha- 
ghosa  sur  le  Suttavibhanga  du  Vinaya  pâli  (éd.  jap.  XVll,  8,  p.  89^, 
col.  !20).  Traitant  des  Sokhiya,  l'auteur  ajoute  deux  règles.  «  Elles  man- 
quent, dit-il,  à  l'original  indien.  »  La  première  a  trait  aux  stupas.  C*est 
que,  quand  le  Bouddha  était  dans  le  monde,  il  n'y  avait  pas  encore  de 
stupas.  Mais  le  Bouddha,  quand  il  était  dans  le  monde,  a  prescrit  cette 
règle.  Par  suite  de  quoi  on  ne  doit  pas  porter  de  sandales  en  entrant 


184  LE    NÉPAL 

Récemment  j'ai  i\iil  étal  du  second  de  ces  textes,  dans 
mon  article  sur  les  Eléments  de  Formation  du  Divyàva- 
(\àua{T'oiinff-pao,  19(17,  p.  H5),  à  propos  de  Tépoque  où 
le  Vinaya  de  Técolo  Mrtla-sarvastivAda  a  pu  î^tre  compilé. 
Je  n'avais  ])as  osr  alors  faire  fond  trop  solidement  sur  celte 
donnée  ;  insérée  à  la  lin  d'une  section  du  Vinaya,  elle  ris- 
quait de  passer  ])Our  une  addition  tardive,  introduite  par 
des  moines  intéressés  dans  la  rédaction  traduite  par  Yi- 
tsin},^  Mais  ré|)isodo  relatif  au  transport  de  la  laine  ne  peut 
prêter  h  d(î  pan^ils  soupesons;  il  fait  corps  avec  une  des 
pj'escriplions  fondamentales  :  il  se  rencontre  au  cœur 
môme  du  volume  (|ui  constitue  le  Vinaya  par  excellence. 
Donc,  tant  qu'on  n'aura  jwis  sif^malé  de  document  antérieur 
aux  (iuptas  où  se  lira  le  nom  du  Népal,  il  sera  permis  de 
croin?  ([ue  l(»  Vinaya  en  question  n'a  reçu  sa  rédaction 
délinitive  qu'après  h;  nr  siècle.  Je  n(*  suis  pas  loin  do 
croire  que  le  travail  a  été  exécuté  au  Népal  même  ;  un 
moine  de  la  plaine  n'aurait  pn)l)ablement  pas  admis  volon- 
tiers que  les  f^ens  de  la  montagne  appartenaient  à  la  famille 

dans  uiislnpa  du  Itouddlia  :  il  i'niil  les  pivndn»  ù  la  main  si  on  f»iitn> 
dans  un  stûpa  du  !>ou<ldha.  Kl  un  ne  doit  pas  piulor  dr  fou-lo  on  outrant 
dans  un  slùpa  du  Uouddha  ;  il  faut  prendre  à  la  main  ses  fou-h  (|iiand 
on  enlre  dans  un  stûpa  du  Uouddlia.  » 

Yi-tsinj;  mentionne  h^s  pn-hi  eu  lappelanl  celle  rè^'le  dans  son  A'/in-A/rt 
l:i-l:nuri...,  à  la  fin  du  chapitre  u  (i\\\  Tvkvki  sr.  .t  li''roi(/ttf  hmhthÎHt  prac- 
tiri's,  p.  "H  et  la  note  p.  :21S). 

Le  Yi-fsi'ir  liin'j  yin-iji  de  Iliuen  llin^^  au  cliap.  17.  commente  l«  mot 
fau-hi.  ((  On  dit  encoi'c  ftnt-lo.  La  forme  exacte  est  iinit-h.  ('.ela  si^nilîn 
«  des  hollines  cinule^  ». 

L«'  tenue  sau'^cril  ori^^nnal  imhi  se  retrouve  dans  le  Itudrùyai.iaavndAna 
(hiri/àrfK/timi  WWIhipii  est  emprunté  au  Mûla  Sarvâslivàda  Vinaya. 
Mahà  Kàl\àyaua.  de  retour  d'une  tournée  dans  le  Nord-Ouest,  arrive  au 
bord  d<?  riiidu^.  «  Il  ohscMva  :  l>lia;:a\al  a  dit  (ine  dans  le  Madliva«loca  il 
uv  faut  pa^  portci'di»  /»»///.  Je  m'en  vais  1rs  donner  (à  laflivinil«*  «tu  NonI 
qui  demande  un(>  r<'li(pie).  Il  les  lui  domia.  !']lh*  les  installa  sur  un  lieu 
él(»\é  \\v  mol  sfhfniilihi  e>l  traduit  piu*  A///  rhoutnj  tehrit  //.  «  lieu  élevé 
et  découveil  -^l  cl  éle\a  un  mal  (hii-frhi  yasti)  appelé  Pu layasti (pofi-/o 
hii-fchi)  ».  iVv^i  ainsi  qu'il  faut  donc  n'Iahlir  le  texte,  corrompu  dans 
t<ms  les  mauu-crils(l)ivyàv.,  p.  :;«!.  1.  \) .  -jap.  XVI,  î>,  98»»,  col.  i»-20). 


APPENDICE  185 

d'Ânanda,  au  sang  des  Çàkyas.  Le  choix  du  Vinaya  des 
Mùla  SarvàsUvàdins,  introduit  de  préférence  aux  Vinayas 
des  autres  écoles  dans  la  collection  tibétaine,  semble 
aussi  attester  la  faveur  spéciale  dont  ce  Vinaya  jouissait 
dans  les  régions  himalayennes.  En  tout  cas,  les  deux 
épisodes  se  rapportent  à  une  époque  où  le  Népal  était  mis 
en  relations  régulières  avec  la  plaine  par  des  échanges 
commerciaux. 


Il 


UN  ARTISTE  NÉPALAIS  A  LA  COUR  DE  KOIBÏLAI  KHAN 


Pendant  mon  séjour  au  Japon,  le  Hév.  Akamatzu  me  fit 
(Nideau  d'un  exemplaire  du  Tsao-siang-toii-leang  king 
((  Sillra  sur  les  proportions  des  statues  ».  Ce  sùtra,  publié 
en  Chine  |)ar  Yang  Wen-hoei  ',  il  y  a  une  trentaine  d'an- 
nées, est  accompagné  d'un  commentaire  intéressant  et  de 
planrh(»s  importantes.  Il  représente  la  tradition  introduite 
en  Chine  par  un  artiste  népalais,  A-Jii-ko,  La  biographie 
de  (^el  artiste  a  été  conservée  par  les  Annales  des  Yuan 
(chap.  203,  (in)  qui  rappellent  A-r-ni-ko^,  Elle  contribue 
à  jeter  un  p(ui  de  lumière  sur  une  période  très  obscure  de 
l'histoire  du  Né])al.  Né  en  1243  (par  conséquent  sous  le 
règne  désastreux  d'Abhaya  Malla  ;  cf.   Il,  p.  214  sq.),  il 

I.  Sjiirj'  pop'ionnape  inléressanl  c|iii  fut  altarhé  à  la  légation  de  Lon- 
(In's.  cf.  Max  Miillt'r.  inlrod.  à  Tédilion  duSukhàvali  vyiiha  {Anecdola 
li.ronirnsid.  Aryan  séries,  vol.  1,  part.  IL  p.  x). 

û.  (ii'lle  bio}.Maphie  a  été  |)iil)lit'e  et  étudiée  [lar  le  prélre  Ranjin  dans 
la  revue  japonaise  Kokkd,  n"  i()i,  janvier  iOOi.  L'article,  écrit  en  japo- 
nais, poi'le  dans  le  sommaire  en  anglais,  ce  titre  :  «  On  A-ni-ko,  a  cele- 
hialed  Nepaulese  maker  of  Buddhist  ligures,  and  his  Chinese  pupil  Lia 
(Ihengfeng,  logelher  with  a  référence  on  a  sacred  bock  showing  the 
mesuremenls  for  Uie  making  of  Buddhist  images.  » 


186  LE   NÉPAL 

quitta  le  Népal  avant  le  règne  dWnanta  Malla,  pour  aller 
travailler  au  Tibet  avec  une  équipe  de  sculpteurs  et  de 
peintres  religieux.  Le  récit  des  Annales  n'indique  pas 
expressément  que  le  Népal  ait  été  vassal  du  Tibet  k  celte 
époque  ;  mais  il  garantit  tout  au  moins  la  persistance  cl 
rimportauce  des  relalions  entre  les  deux  pays  dans  la 
seconde  moitié  du  xnr  siècle,  àc(*tte  époque  particulière- 
mcMit  agitée  et  féconde  où  la  dynastie  mongole  des  Yuan 
dispute  et  arrache  l'empire  i\o  ladhineaux  derniers  princes 
de  la  branche  méridionale  des  Soung,  où  Koubilai-klian 
réunit  à  sa  cour  des  bouddhisles,  des  taoïstes,  des  chré- 
tiens nestoriens  (»l  romains,  et  des  musulmans.  A-/-/</-Xo, 
qui  arriva  vers  1203  h  la  cour  Mongole,  n'y  rencontra 
plus  Tambassadeur  de  Saint-I^ouis,  le  cordelier  Hnbruquis, 
qui  y  avait  séjourné  entre  12îJ3  et  12;)i,  mais  il  y  retrouva 
des  représentants  d(î  toutes  les  grandes  confessions  du 
monde  ;  il  put  même  y  coudoyer  un  glorieux  représentant 
de  FEuiope,  Marco  Polo.  La  biographie  d'A-r-m-/o  intro- 
duit uji  fait  nouveau  dans  Tliisloire  du  bouddhisme  népa- 
lais ;  la  constatation  formelle  des  relations  régulières  entre 
le  Népal  et  le  Tibet,  sous  les  auspices  de  IMiîigs-pa,  au 
début  de  la  carrière  de  ce  moine  illustre,  implique  que  le 
Népal  ne  resta  pas  étranger  au  mouvement  puissant  qui 
créa  et  organisa  le  Lamaïsme  ;  on  ne  pcmt  plus  (comme  je 
Tai  fait  h  tort,  sup.  1,  p.  1()7)  isoler  le  Népal  du  Tibeldans 
le  cours  du  xnr  siècle. 

Kiifni  le  rôle  considérable  attribué,  par  le  témoignage 
mémcMles  Annales,  à  rintluence  d'un  artiste  népalais  sur 
Tart  en  (Ihiue  rend  plus  vraisemblable  encore  Thypothèse 
que  j'ai  présejitée  sur  l'origine  népalaise  du  style  «pagode  9 
en  (Ihinc  et  au  Japon  (11,  1 1  sq.).  Le  Népal  a  pu  donner 
au  bouddhisme  chinois  des  modèles  d'architecture  et  des 
andiitectes  avant  de  lui  fournir,  jivec  un  sculpteur  de 
génie,  nu  canon  de  |)roportions  nouveau. 


APPENDICE  187 


Annales  des  Yuan,  chap.  203,  fin. 

«  A-r-ni-ko  était  originaire  du  Népal.  Les  gens  de  ce 
royaume  le  nomment  Pa-le-pou.  Tout  jeune,  il  montra  une 
intelligence  éveillée  bien  au  delà  des  enfants  ordinaires. 
Un  peu  plus  grand,  il  pouvait  réciter  par  cœur  les  textes 
bouddhiques,  et  au  bout  d'un  an  il  en  saisissait  tout  le 
sens.  Parmi  ses  condisciples,  il  y  en  avait  un  qui  était  des- 
sinateur, peintre,  modeleur,  décorateur,  et  qui  récitait  le 
Canon  des  Proportions.  Dès  qu'il  l'eut  entendu  une  fois, 
A-r-ni'ko  fut  en  état  de  le  répéter.  Devenu  plus  grand,  il 
excella  lui-même  à  dessiner,  modeler  et  fondre  en  métal 
les  images.  La  première  année  Tchong-t'ong  (1260  J.-C), 
ordre  fut  donné  au  Maître  de  l'Empereur  (Ti-cke)  Pa-k'ù- 
se-pa  (Thags-pa)  d'élever  au  Tibet  une  pagode  en  or; 
cent  artistes  choisis  au  Népal  devaient  aller  exécuter  le 
travail.  On  en  trouva  quatre-vingts  ;  il  fallait  un  chef 
d'équipe,  mais  on  n'en  trouvait  pas  pour  conduire  cette 
troupe.  A-r-ni-ko^  qui  avait  alors  dix-sept  ans,  demanda  à 
partir.  On  lui  (itdes  difficultés  à  cause  de  son  âge;  mais 
il  répondit:  «Je  suis  jeune,  mais  mon  esprit  ne  l'est  pas.  )) 
On  le  laissa  donc  partir.  Le  Maître  de  l'Empereur,  à  le 
voir,  s'émerveilla  ;  il  le  chargea  de  surveiller  le  travail. 
L'an  suivant,  la  pagode  était  achevée  ;  A-r-ni-ko  demanda 
la  permission  de  s'en  retourner.  Le  Maître  de  l'Empereur 
le  pressa  d'aller  se  présenter  c^  la  cour  impériale  ;  de  plus, 
il  lui  donna  la  tonsure  et  l'ordination  et  l'accepta  comme 
disciple.  A  la  suite  du  Maître  de  l'Empereur,  A-r-ni-ko  alla 
donc  se  présenter  à  la  cour.  L'Empereur,  l'ayant  observé 
longuement,  l'interrogea  :  «  Vous  arrivez  dans  un  grand 
royaume.  N'éprouvez-vous  pas  de  frayeur?  »  11  répondit  : 
((  Votre  Majesté  traite  comme  des  fils  les  dix  mille  pays. 


188  LE    NÉPAL 

In  fils, en  arrivaiil  (l(*vanl  son  prn»,  quelle  raison  aurait-il 
de  craindre?  »  l/Kmp(»renr  lui  demanda  encore  :  a  Pour- 
quoi venez-vous?  »  11  répondit  :  ce  Ma  patrie  est  dans  les 
pays  d'Occident  ;  j'ai  ro(;u  du  souverain  Tordre  de  faire  un 
slrtpa  au  Tibet.  Kn  doux  ans  j'ai  exécuté  cet  ordre.  Là- 
[)as  j'ai  vu  les  désordres  de  hi  guerre,  le  peuple  incapable 
de  soutenir  sa  vie.  Souhaitant  que  Votre  Majesté  établisse 
la  paix,  sans  cojn[)ter  la  longueur  de»  la  distance,  pour  le 
bonheur  des  êtres,  je  suis  venu  ici.  »  Il  lui  demanda: 
((  Ouest-ce  que  vous  savez  l'aire?  »  Il  répondit:  «  Je  sais 
assez  bien,  ri  d'inspiration,  dessiner,  modeler,  fondre  en 
métal.  ))  L'Knipereur  ordonna  de  prendre  dans  le  palais 
une  statue  de  cuivre  pour  l'acupuncture  et  le  cautère  du 
Ming-l'ang,  et  la  lui  mimlrant,  il  lui  dit  :  «  Voici  une  statue 
([ui  a  été  présentée  h  l'occasion  de  l'ambassade  du  Ngîin- 
fou  Wang  tsi  chezIesSoung  ;  elle  a  soidfertdu  temps,  et  il 
n'y  a  personne  cpii  |)uisse  la  riMuettre  en  état.  Vous,  sau- 
riez-vous  la  remettre  à  neuf?  »  Il  répondit  :  «  Votre  sujet 
n'en  a  pas  la  ])ratique  :  ce|)ejidant,  je  demande  à  essayer.  » 
La  deuxième  année  Trlte-yHun  (  I2().'i  J.-(l.)la  statue,  toute 
neuve,  élait  achevée  ;  les  ouvertures,  les  pleins,  les  veines, 
les  canaux,  rien  n'y  man(|uait.  Les  artistes  en  métal  furent 
émerveillés  de  son  taliMil  surnaturel  ;  il  n'v  en  avait  aucun 
(pii  ne  se  s<^ntit  honteux  A  humilié.  Dans  tous  les  mo- 
nastères i\{'<s  deux  capitales,  la  ])lupart  des  statues  sont 
sorties  de  sa  main  :  une  Houe  de  la  Loi  en  fer  avec  les  Sept 
Joyaux  :  (piand  rKmpereurse(lépla(;ait,  on  la  faisait  passer 
devant  pour  ouvrir  la  route,  —  aussi  les  portraits  des 
divers  Lmpereurs,  (|u'il  lit  sur  lissu  de  soie  ;  aucune  pein- 
ture» n(^  pouvait  atteindre  à  celle  j)erfection.  La  dixième 
amiée  7V//r- ////////  (I27t  J.-d.)  on  lui  donna  pour  la  pre- 
mif'rc  l'ois  l'aulorilésupréinr  sur  tous  les  artistes  en  métal, 
aver  le  scrau  «l'argent  manpu'»  du  tigre.  La  quinzième 
auné<'  [\il\)  J.-d.)  un  décret  lui   prescrivit  de  revenir  à 


APl>ÉNDICË  i  â9 

son  ancienne  lenue  [de  laïque]  ;  il  reçut  alors  les  charges 
de  koan-lon-ta-fou,  ta-seu-fou,  contrôleur  de  la  cour  des 
manufactures  impériales  ;  il  jouit  de  faveurs  et  de  cadeaux 
incomparables.  Après  sa  mort,  il  fut  pourvu  des  titres 
posthumes  de  fai-che,  k^ai-foti'yi-fong-san'Se,  duc  du 
royaume  de  Leang,  chang -tchoii-kouo ^  et  du  nom  posthume 
de  Min-hoei  (Intelligence  Prompte). 


m 


A  PROPOS  DES  SYMBOLES  SUR  LE  FRONTON  DES  STÈLES 


J'ai  pris  soin  d'indiquer,  chaque  fois  que  je  Tai  pu,  le 
dessin  qui  orne  le  fronton  des  stèles  étudiées.  Bhagvanlal 
avait  fait  do  même  ;  Bendall  a  malheureusement  négligé 
ce  détail.  Il  est  probable  que  ces  ornements  n'avaient  pas 
seulement  une  valeur  décorative  ;  ils  avaient  une  valeur 
d'expression  positive  aussi  nette  que  nos  emblèmes.  Le 
Vinaya  di^s  Mûla  Sarvâstivâdins  nous  permet  de  le  constater 
avec  assurance  pour  un  d'entre-eux.  L'inscription  n'  6  de 
Bhagvanlal  |)orle  au  fronton  la  roue  de  la  loi  entre  deux 
antilopes  ;  c'est  une  charte  octroyée  par  Aniçuvarman, 
mais  il  n'en  subsiste  guère  que  le  formulaire  ;  la  tradition 
la  met  toutefois  en  rapport  avec  la  yùtrâ  de  Matsyendra 
nî\lha.  Je  n\ii  pas  retrouvé  ce  motif  sur  d'autres  stèles  ; 
mais  la  plupart  portent  un  motif  très  analogue  :  la  roue 
(cakrà)  entre  deux  conques  (çafikha).  La  roue  avec  les  deux 
antilopes  accotées  se  retrouve  sur  plusieurs  sceaux  de  cou- 
vent découverts  àKasia  et  publiés  récemment  par  M.  Vogel 
{So/Ne  seah  from  Kasia  dans  le  Joum.  Roy.  As.   Sac., 


190  LE   NÉPAL 

1907,  p.  365  :  Tun,  clos  onvirons  de  Tan  600,  porle  p'ï 
handhanamuhcwihâreàryabhikmsamghasya  ;  un  autre,  d'en- 
viron 730,  çri  mahùpannivvCinamahùvihârlfjâryabhikm^ 
ghasya.  Le  Viiiaya  des  Mûla  Sarvâslivàdins  prescrit  jusle- 
meut  remploi  de  ce  sceau  (Ksudraka  vaslu,  éd.  de  Tôkyô, 
Wll,  1,2'',  col.  19: 

«  Ije  Bouddha  dit  :  DansTeusemble,  il  y  a  deux  espèces 
de  sceaux  :  1"  le  sceau  de  la  communauté;  2"*  le  sceau 
individuel. 

Pour  le  sceau  de  laconnnunauté,  il  faut  y  graver  Ti/wa^^ 
Je  la  Roue  de  la  Loi  et,  des  deux  côf(^s,  des  daims  accroupis 
st/r  leurs  gejioux,  tranciuilles,  et  au-dessous  il  faut  écrire  le 
nom  du  bienfaiteur  qui  a  fondé  le  couvent. 

Pour  le  sceau  individuel,  il  doit  porter  une  chaîne  d'os- 
sements, ou  bien  l'image  d'un  crâne,  jmur  que  celte  vue 
iuvit(;  au  détachement.  » 

La  description  correspond  exactement  avec  la  réalité. 
J'ignore  encore  si  la  prescription  est  spéciale  h  Técole  des 
xMùlaSarvàstivàdins  ;  s'il  en  était  ainsi,  nous  aurions  dans 
la  stèle  d'Ainçuvarman  un  témoignage  formel  de  leur  pré- 
sence au  Népal  pendant  la  première  moitié  du  vn'  siècle. 


IV 


CAFPYA  I)K  SAVYAMRHU 


Le  cailya  de  Svayambhû  es(  exalté  k  deux  reprises  dans 
une  <M)mpilation  versifiée  encore  inédite,  le  BbadrakalpA- 
vadAna.  M.  ScMge  d'Oldenbourg  a  donné  une  analyse  déve- 
lo[)pée  d(»  c(ît  ouvrage,  fabriqué  avec  des  légendes  em- 


APPENDICE  191 

prunlées  à  des  sources  diverses  :  BuddiUkia  Legendi,  cast 
vervaia  ;  S*-Pélersbourg,  1894.  Le  XXXI*  récit  est  un  rema- 
niement du  Supriyâvadâna,  conservé  dans  la  collection  du 
Divyàvadâna  (Vlll).  Le  marchand  Supriya,  fils  de  Priya- 
sena,  demeure  h  Bénarès  ;  à  la  lète  d'une  compagnie  de 
marchands,  il  part  pour  Tlle  des  Joyaux.  Mais  le  rédacteur 
népalais  du  Bhadrakalpa"  ajoute  ici  h  son  modèle  un  épi- 
sode qui  trahit  Tesprit  de  clocher,  a  Avant  de  se  mettre 
en  roule  pour  Tlle  des  Joyaux,  Supriya  se  dirigea  vers  le 
Népal  ;  il  alla  au  sanctuaire  de  Svayambhû  présenter  une 
offrande  de  pierres  précieuses,  et  prier  pour  le  succès  de 
son  entreprise.  » 

Le  dernier  récit  (XXXVIIP)  du  Bhadrakalpa"  se  termine 
sur  un  épisode  plus  flatteur  encore  pour  le  Népal.  Le 
Bouddha,  ayant  fini  d'instruire  Çuddhodana,  se  retire  de 
Kapilavastu  avec  ses  disciples  Çàriputra,  yVnanda,  et  Mud- 
gala,  etc.  ;  il  se  rend  au  Népal  pour  visiter  Svayambhû  et 
pour  conduire  vers  la  Voie  les  gens  de  la  contrée. 


MANUSCRITS  DU  BUDDHA  PUR  AN  A 


En  traitant  du  Buddha-Purâna(I,  372),  j'ai  constaté  que 
le  manuscrit  de  (c  cet  ouvrage  rare  et  précieux  »  n'est  entré 
dans  la  collection  des  manuscrits  de  Fort- William  que 
pour  y  disparaître.  Le  savant  bibliothécaire  de  Flndia 
Office,  M.  Thomas,  a  bien  voulu  m'informer  que  le  ma- 
nuscrit si  longtemps  égaré  se  trouve  maintenant  à  Tlndia 
Office  Library  ;  il  est  orné  de  nombreuses  miniatures  com- 


1&2  LE    NÉPAL 

prenant  même  un  portrail  du  capilaine  NaJcs^  c'esl-à-dire 
Knox  lui-même  ;  la  bibliothèque  en  possède  aussi  deux 
copies  exécutées  Tune  pour  Colebrooke,  Tautre  pour  Ley- 
den,  —  et  de  plus,  Tabrégé  dû  à  un  Pandit  de  Colebrooke, 
sous  le  titre  de  Laghu  Buddha  Purâna.  On  peut  donc  main- 
tenant entreprendre  l'étude  de  ce  texte  curieux. 


VI 


NUMISMATIQUE  DU   NÉPAL 

Aux  indications  que  j'ai  données  (vol.  Il,  107-111),  il 
faut  ajouter  maintenant  la  description  des  monnaies  népa- 
laises du  iMuséc  de  Calcutta  dans  le  Catalogue  ofthe  Coins 
in  the  Indian  miiseiimy  par  M.  Vincent  Smilh,  vol.  I, 
p.  280  sqq.  et  pi.  XXVIII.  Plusieurs  monnaies  du  Népal 
se  trouv(»nt  au  Cabinet  des  médailles  de  la  Bibliothèque 
Nationale,  h  Paris. 


INDEX 


Abhaya  Malla,  II,  !2i4  sq. 
Abhayamdada  (ksatriya),  III,  163. 
Abhaya  Hâja  (âcârya),  II,  1:2. 
Abhaya  ruci  viliâra  (v.  Abhayaka- 

vi  v'O,  III,  139,  lU. 
Abhini;inaSimha(niinisli*e),  llj'iOH. 
Abhiras(Alnrs).  197,  ±11  :  II,  73  sq; 

!")()  sq. 
Abhisamayâiamkâra,  II,  330. 
nhhiseka,  III,  H3. 
(lithisckfihastin,  III,  87  il. 
Abhayakavi  vihâra  (corr.  Abhaya- 

ruci  v»),  II,  l()9. 
Aràpûrervara,  389. 
Acàr  (caste),  v.  Acâryas. 
Acarya  (caste),  ^2-i8,  ^39.. 
Ao>ka,  07,  :213,  ±1\,  316,  335;  11,  1 

sqq.  (cailya),  -il,  oH,  «i7,  8-i,  33(»: 

m  1()1. 
Açoka  .Malla.  II,  «233. 
.Xroka  -  Vinayaka     (Assii  -  Binaik), 

38;. 
Arvanuulha  nataka.  II,  "2i3. 
A(Ihah(;âlâ  (confrérie).  II,  14:2 
adhiharam,  -28^2:  III.  15'2. 


adhikrta,  282. 

Xdi  Bhairava,  II,  240. 

Xdi  Buddha,  316,  331,  349,381  ; 

4,  6(),  244. 
Xditya  Malla,  II,  218,  220. 
Sditya  séria,  II,  107  :  III,  i47. 
Àgania-devalâ,  383;  II,  124. 
Apaslya,  203  sq. 
Agaslya  tirtha,  206;  III,  175. 
Aghora  (Paçupati),  262,  361. 
Agni,  320,  350. 
Agiii  Piirâna,  11,  241. 
Ajaneya  (cheval),  III,  166. 
Ajikâ  vihâra,  III,  148. 
A-ki-po-li  (A'ki-pomi),  158,  165. 
Aksobhya,  11,  328;  ill,  179. 
Almorah,  il,  288. 
Aloku-Vihâra,  11,  345. 
Alphabelum  Brahmanicum,  113  n. 
Alphabetum   Tihetanum,   107,   108, 

114  n..  117,377. 
Amaduzio,  113  n. 
Amara  Malla,  II,  12,  35,  245  sq. 
Amarâ  pura,  351  ;  II,  47. 
Amara  Sirpha  Thâpâ,  II,  285,  288. 
Amarâvalî,  358. 
Aipçuvarman,  54, 155,  280 sq.,  284, 

III.  —  13 


194 


LK    NÉPAL 


3()7,  383,  384;  II,  «,  H«  sq.,  iO(» 

sq.,  1^5,  134  à  ioo,  163,  196  ;  III, 

6*2,  80,  8-2  à  9(). 
Amilâblia,  319:  II,  13.  ,V>,  328. 
Âinughasiddlii,  II,  3*28. 
Amogha-vajra,  339. 
Amrta  (leva  (Mitra  (leva),  II.  208 

sq. 
Ainrlânanda,  200;  II,  27,  354,  364. 
Anâlinga  llrllia,  III,  ITo. 
Anaiula  (Âyusinal),  III,  183. 
Âiianda  deva  (Naiida  deva),  II,  207 

sq. 
Anaiida  Malla  (Aiiaiila  .Malla),  (i3; 

H,  179  scj.,  200,  2U),  220. 
Ananta  (prince).  11,  241. 
Ananta  ralunlac;!.  Il,  o4. 
.\nanlakliii,  11,  194. 
AnaïUa-linga,  390. 
Ananta  Malla,  264;  II,  216,  219. 
Ananta(Nriga),  323,  391. 
Anantanàga  hrtlia,  III,  175. 
Anantullrtlia,  327:  III.  17."). 
(P   d')An(lrada.  79,  85,  170.  307. 
Anderson.  72. 
A-ni-ko,  III,  18-). 
(P.)  Anloino-Marie  dt?  .Irsi,  99. 
tifimi/n/âta,  III,  85  n.,  105  n. 
nnulioUn).  121,  128;  II,  35.  49. 
Arannidi,  II,  176  s(|. 
arhi  (écriture),  IL  251. 
Ali  Malla  deva  (Aii  de\a).  II.  210, 

21'.. 
A-r-m'-hd.  V.  A-iii-h'(). 
.\i'va-T;ira.  377. 

■ 

Ai'valara  lirlha.  III,  175. 

Am.  III.  S7  n. 

Asil.inu'Ji  Hliairava,   IN.  175. 

Asta-in.ilrk.i.  i$S6. 

Astanii.  m.  167. 

\<nra  NaiMNana,  II.  23 1. 

A  Iharva  parirista.  II.  62. 

Ahca.  H;6:  ||,  |S»,  193. 

.\!M'- alMNa<;rnar.i:ia,  III,   176. 


Avalokitecjvara,  243.  324,  348  sqq., 
367:  II,  7n.,  333;  lit,  470,  471. 
Awâl  (caste),  244. 
Ayodhyâ,  379. 


Raddan  (Patan),  82,  86. 
Bâgh  Bhairab,  II,  365. 
Baglio  Shashu,  240. 
Bagniali(Vâgnmtiou  Va|i^vati;</.  i\) 

son  cours,  sa  vallée,  44, 50:  passe. 

48;    422,    323,    326  scpï.  ;  culte, 

329;  333,  338,  369  sq.,  376,  38K, 

389,  391:  II,  44,  54.  37,  5î>.  72, 

238,  239,  344,  389. 
Balladur  Sâli,    432,   286,    2lH»:   II. 

278,  280. 
Bala  (l)aitya),  III,  475. 
Bala  bhadra.  II,  288. 
Bala  deva.  Il,  494. 
Bâiagovinda,  408. 
Balaji.  V.  Bâia  Nilkantli. 
Bâia-kumârî,  380;  II,  376. 
Balanihu,  II,  246. 
Bala  Nara  sjipha  Konvnr,  II,  2Mfî. 
BalâNârâyana,  11,  234. 
Bâla-Nîlkanlh  (Bâiaji),  6.5,  68.  3(i8: 

II,  22,  353. 
Bâla-Bànuiyana,  II,  234. 
Balârcana  <Ieva,  385  ;  11.  9(). 
Balhala,  385;  11,96. 
Balliaiji  (caste).  243. 
Bali,  III,  49. 
Bali  deva,  II,M73. 
Ballali  (cast<0.  ^43. 
Ballalinii  (caste),  243. 
Ballantine,  448  n. 
/^//-/io  (Népal),  486;  II,  08  n.,  149. 
\\À\n  Balladur,  II.  302. 
liaudegaon,  67  ;  II,  243. 
Iiandlnidatta,  348  sqq.  :  II.  17i. 
Itundhuinati,  III,  472. 


INDEX 


195 


Bandya  (banra),  -2-26,  -240,  -241  n., 

-251  ;  II,  30  sq.   (ordination),  45 

sq.,  5i  sq.  («yâtrà),  ^oO. 
Bâneçvara,  II,  124. 
Banepa (route  do  — ),  48  ;  (royaume 

de  -),   64,  378,   382,  387,  389, 

394;  II,  144,473,239,  240,-274. 
Bancpur,  11,  -215. 
Banra.  V.  Bandya. 
happapàdaparigrhlta,  III,  86  n. 
Barâ-Nilkanlh,  68. 
Bairha-ju  (caste).  240. 
liasdol,  II.  -273. 
Bauddliaju,  II,  12. 
Ballgao  (Bhatjîaon).  102,  1-20,  1-22. 
Bénarès,    II,   -267,    -274,    275,   280, 

282. 
Bendall  (Cécil),  145,  146,  198. 
I^einard,  112  n. 
Bernier,  92. 
Brllia  (Belliah)  (raja  de  — ),  104  ; 

(mission  de  — ),  105  sqq.,    121, 

12;  (itinéraire).   132.  149  n.;  II. 

278. 
Bha<ielas,  -2-28. 
Bhadrâ.  3-26. 
Bliadralûlui,  -225;  II,  65. 
Bhadrâdhivâsa-bhavana,    III.    115, 

141,  143. 
Bliadra^'iri,  III,  166,  1()8. 
Bliadrakalpàvadàna,  III,  190. 
Bhadramatî   (Bhadrâvali,    Bhadra- 

nadi)   3-26;  11,  179;  III,  173. 
hhi'njn-hhofja,  283. 
Bhapavalî  (I)evi),  374,  393. 
Bhaj^avat-kselra     (Blia«,'van  kliet), 

334. 
Bliu^avat  -  pranardana  •  Prànakau  • 

(ika.  II,  161. 
Bhugvanlal  Indraji.  144. 
Bhâ «.ravala,  III,  35. 
Blia«:yadevi.  Il,  142. 
Bliairava,-243.-262.  3-20,350,  382sq., 

388;  II,  41,  45,  47   sq.  (''yâtrâ), 


124,251,  374. 

Bhairava  Simha,  il,  234. 

Bhairavïs,  382  sq.  ;  II,  48. 

Bha-ju  (caste),  239. 

Bhaktapura  (Bhalgaon),  65,  382. 

Bhanni  (caste),  240. 

Bhârabhùteçvara,  390. 

Bharadar,  289. 

Bharata,  B,  63,  241. 

Bhâratiya  nâtya  çâstra,  II,  364. 

Bhàskara  de  va,  II,  193  sq. 

Bhâskara  Malla.  Il,  -249. 

Bhàskara  Malla  (roi  de  Katman- 
dou), 11,-256. 

Bhâskara  varman,  214,  360  ;  II. 
84. 

Bhal  (caste),  242. 

Bhatgaon  (historique  et  noms  di- 
vers), 63  sqq  ,  80,  i02,  120, 
379,  384,  391  :  11,  li,  47;  (Bhai- 
rava yâtrâ),  1-26,  179,  200,  220, 
226,  -236  ;  (royaume  de),  238  à 
243,  248,  -273  sq.,  287,  372  sqq. 

hhaljàraka,  280;  III,  115. 

Bhattârakapâdâb,  III,  92. 

bhattâraka-pâdiya,  III,  58. 

Bhattas,  365;  II,  -238. 

Bhava.  III,  73. 

Bhavabhûti  (rsi),  111, 167. 

Bhuvaneçvari,  377;  II,  1-25,  -207. 

Bhavâni,  3-20,  37-2,  378;  11,  -242. 

Bhâva  sirpha.  11,  -2-22. 

Bliaveça,  II,  -2-22. 

Bhiksu  (caste),  240;  II,  31  sq. 

Bhimadeva  (roi).  II,  121  sqq. 

Bhimal  Gupha,  II,  250. 

Bhima  Malla,  172,  309  ;  II,  249  sqq. 

Bhîmasena,  3-20,  385,  386  ;  II,  124 
(Kâmeçvara),  260,  312,  384. 

Bhimeçvara,  386. 

Bhimpedi,124à385;  II.  312. 

Bhîm  Sen  Thàpâ,  188,  310;  II,  22, 
284  à  294. 

Bhinkshc  Bahâl,  184. 


196 


LE   NÉPAL 


Bliïsana  Bliairava,  111,  i70. 
Bhisma,  200. 
bhoga*^^  II,  i28  sqq. 
Bhogadevî,  [|,  106,  i-28  sq.,  iM. 
Bhogavarma-Gomin,  II,  i27  sqq.  ; 

III,  62,  64. 
Bhoga  varman,  II,  167.' 
Bliof(inî  (Bhajjfini),  U,  106  sq. 
Blioja,  II,  71. 

Bhojadeva,  II,  187,  191  sqq. 
Bhotta  (Bhota),  II,  147. 
nhotta-visH,  283;  III,  136  n. 
Bhoulan  (Boiitan),  93  sqq.  ;  11,279. 
Bhrngîçvara,  204,  3S8. 
Bhrngin,  320,  387  sq. 
Bhuklamâna     (Bliiiktainâriagata), 

359;  II,  72. 
Bhulu,  11,  258. 

Bliûmbhukkikâ  Jalarayanu,  III,  92. 
Bhûini  varman,  II,  84,  93  sqq. 
Bhumlakkikâ,  II,  139. 
lUiûpn-kcsari,  II,  6. 
Biiiipâla,  265. 
Bliiipâla  sirnha,  II,  222. 
lUiupaloiidra,  II,  256,  335,  33î). 
Bhupahndra    Malla,    102,  3S3:II, 

11,  2'i3,  260. 
Bluivanaiianda,  II,  323,  325,  347. 
hicâri  (ricâriH),  2î)3. 
Bichakoh,  II,  2HS,  309. 
Bi^'hna-Binaik  (Vi^lma  Vinàvaka), 

II,  366. 
Bihar,  II,  235. 
Bikliu  (raslo).,  "2'*0. 
BiiiipiMii  (v.  Bliiinpedi). 
Bir  Sliaiii   Slior  .lang  (maharaja). 

|S5:  II.  304. 
hirtii,  300. 
Bisciacnr,  123. 
Bi.ssochtma  (Mafijin'ri;,  320. 
r>ilsmimati  (Visnumali)   —  murs, 

50.  326  :  cullc,  329,  333,  390:  11, 

'.!».  72,  I7i>.  315.  3î)5. 
Bndhi  manda,  III.  161. 


Bodhimcir,  54;  11,  149. 

Bogie,  105  n. 

Bogmali,  II,  246,  400. 

Boileau,  72. 

Bole  (v.  Biidé). 

Boni,  242. 

Bouddha  (Çâkyamuni),  204  sqq., 

213,225,  317  sqq.,  333  sqq  ,  338, 

361,  371  à  375,  381,  382,  388,390, 

391  ;  II,  7,  13,  17  sq.,  24,  40,  82. 

124. 
Bouddhas  (antérieurs),   213,  225, 

316. 
Boulan  (V.  Bhoulan). 
Bouville  (Albert  de)  (v.    P.   Dor- 

ville). 
Brahma,  320,  342  sqq.,  350,  374 

ni,  131. 
Brahmadalta,  111,  166. 
Brahmanes,  228. 
Brahmânî,  381,  386. 
Brahmaratha-,  111,  KHi. 
Brahmâyapî,  III,  17a. 
Brahmufi  Mahînia,  U,  120. 
Bramascion  [Sikkim],  128. 
Brhaspali  (prérepteur  de    Sonia), 

203. 
Brhaspati,  11,  376. 
Brhaspati-smrli,  111,  134. 
Brhatkathâ,  203.  387  :  11.  62,  3Hr>. 
Brha(kalha-(;loka-sanigi*aha,  11,  385. 
Bu  hahal,  II,  265. 
Buddha  rri.  11,  18». 
Buddha  kirti,  II,  170. 
Buddha-mârgis,  238,  241. 
Buddha-Purâna,  117,  361,  372:  III, 

191. 
Buddha  rùpî,  372. 
Buddhipâda,  III.  170. 
Budé  (Bole),  II,  239,  383. 
Budha-Nîlakap^ha,     368,   390;   II, 

12(i.  254,  353,  394. 
Budhnâlh  (Buddha  Nàlha),67, 381  ; 

11.  6  sqq.,   98. 


INDEX 


197 


Budi,  67. 

Buga,  3iO(Bogha),  nom  de  Mats* 

yendra  Nâtha,  356  ;  II,  44  (oyâ- 

trâ);lll,  i79(Bug-yâl). 
Bugama  v.  Bugmali. 
Bugmati  (Bogmati),  67,  350  sq.  ; 

(Bugama)  353;  II,  2i6  ;  H,  46  sq., 

140;  (Bugama)  235. 
Bundegram,  11,  260. 
ButawaI,  11,  217. 


(2admenda,  Cadmendu  (Katman- 
dou), 90. 
Cainju,  II,  95. 
cailya,  Il«  1  à  9. 
(^^kra-màrga,  326. 
(>krasiniHa,  il,  222. 
Cakravarlîndra,  11,  256. 
Cakra  vihâra,  U,  24,  98,  206. 
Çakli,  38i,  383,  386. 
Çaklisiipha,  II,  227,  229  sq.,  235, 

'  238. 

(.akti  deva,  II,  70. 
()dkyamuni.  11,  328  et  pass. 
r^kyasiqiha  stotra.  II,  342. 
()alagrâma  (çâligràina).  H,  19  sq., 

'  264. 

camur  (rhamallak),  294  sq. 
ramara-dhara,  281  ;  111,  88  n. 
rianikara-tîrtha  (ou  Kalyâpa  »)>  326. 
('.ampakAraoya  (Champaran),  369. 
(ianipârapya  (Champarpa.  id.),  Il, 

68. 
i^mundû,  386;  III,  176. 
Canda,  203. 

('aridervara  (ministre),  II,  221  sq. 
Candervara,  229,  389;  II,  161. 
Caçideçvah,  378,  389;  II,  186. 
C.andograrmayâna,  lll,  175. 
Candrabhâga,  358. 
Candra  (;okhara  Malla,  109. 


CiandragarbhasQtra,  11,  64. 
Gandragiri  (Chandragiri)  65,  369; 

a,  275,  314.  * 
Candra  Gupta  (I),  II,  87. 
Candrahâsa,  III,  164. 
Candra  ketu  deva,  348,  379;  II, 

172. 
Candra  prakâça,  II,  257. 
(^andravarman,  II,  160. 
Candrâvatî,  203,  369. 
Candra- Vinâyaka,  384. 
Çafigâ  (Sangà),  III,  97. 
CaAgu-Nàrâyaoa  (V.  aussi  Changu 

Narayan),  366  sq.,  371,  386  ;  II, 

173, 
ÇaAkara,  206. 
ÇaAkara  âcârya,  225  sq.,  230,  232. 

365,  380  ;  II,  27  sqq.,  97,  173. 
Çaùkara  deva,  II,  195  sq. 
Çankara  deva  (1),  67,  225  sq.,  360  ; 

II,  28,  97,  173  ;  III,  15. 
ÇaAkara  deva  (II),  II,  28,  98. 
ÇaAkara  deva  (Vaiçya),  II,  35. 
(>nkhagiri,  391  ;  lll,  166. 
Çaùkha-mQla,  11,71,  83. 
Çankhapâla,  323. 
Çântaçri  (âcârya),  lll,  177. 
(^ntarakçita.  II,  8  n. 
(;«ânta  lirtha,  326. 
Çànteçvara,  II,  196. 
Çântikara  âcârya,  322  sq. 
Çàntikara  (Çântaçri  bhiksu),  382  ; 

II,  4  sq.,  70,  261. 
Çàntivarman,  354. 
Caor,  91. 
Capucins,  55,  62,   65,  73,  77,  98 

sqq.,  149  n.,  251  ;  II,  266. 
Carapa,  11,  17  sq. 
çarirakoiiamaryâdfh  lll,  140. 
Carpatipâda,  lll,  176. 
Clàrugiri,  lll,  170. 
arumalî,  327  ;  II,  83. 
Cârumalï-vîhàra  (Chabahil  q,  r.), 

214  ;  II,  24. 


198 


LK   NÉPAL 


('.arvavamian,  3HH. 

(P.)  Cassien,  lOl  n.,  103  n.  sqq.. 

414,  418  II. 
Castes,  iM  à  ^248. 
C(i(a-bha(a,  "28-2. 
Catinandir  (Katmandou),  Si. 
Catuli-sasti  yatrii,  11,  59. 
(laturbhâ-Iankâsana  vihara,  III,  13!), 

445. 
('aturvaktre(;vara,  390. 
(ialurvargacinUmani,  111,  133. 
fiavarapàda,  111,  17(>. 
(iavenagh  (0.),  1 40- 
Cayaju-Nârâyana,  360. 
Celagangà,  388. 
celakara,  III,  150. 
(Jcsa-Nârj varia,  300,  389,  390  ;   11, 
"  353,  400;  HI,  40^2. 
(ihabahil  ((jârumatï  vihàra,  q.  r.), 

07  ;  II,  "250. 
Châjru,  11,  "239. 
Chako-sin-ti,  109:  II, -2"28  sq. 
Charnakallak  (cannakâra,  chaînai*) 

[caste],  "244. 
rka-mar-pa,  177  sqq. 
Chainpa,  II,  "200. 
(iliainpadevi,  391. 
(iiiamparan.  V.  ('.ampakâranya. 
(Ihander  Sliani  Sher  .lan^  (iiialia- 

raja),  190,  "214:  11,  305,  391. 
Chandragiri.  V.  Candragiri. 
Changii,  II,  "204. 
(ilian^Mi     Narayan    (Dulagiri)    (v. 

aussi  Caïigu  Nârayana).  07,  "245, 

3-24.  3-28;  II,  8,  ÎM)',  98  sc|q..  "240, 

-200. 
<ihan<i:u    Narayan   (temple),   301  ; 

II,  10,  14,  50.   -211,  "201,  "281,  379 

sq.  rpilier  de),  390  el   iOî  :  (ins- 

<  ri|)li(>n  du  pili«>r  de),  III,  1  sq((. 
(lhapa«(a(>ii    (('.ampapuri),  ()7  ;    II, 

-21-2,  -245. 
(lhapali.i:a(ni(v.  aus-;iTsapali^'aon;. 

Il,  -2'i(>. 


Chaprang  ((!lhaparangue),  79,  170, 

307. 
Chasal-tol,  ill,  413àllK. 
Chattrn,  "280. 
Chaubisi  Râj,  i53,  :204. 
Chaukot,  II,  i45,  «273. 
Chautia  (chaularya),  iHO,  «298. 
Cheng-oH'ki,  54  n.,  480. 
Chepangs,  2*23. 
(îhine  (guerre  avec  le  Népal),   178 

sqq.,:204;  (inscription  chinoise), 

"210,  332  sqq.  ;  11,  454,  473  sqq.; 

(relations  avec  le  Népal).  ii7  à 

"230. 
(ihinna-mastâ  (déesse),  3<><k 
Chippah  (Ksi papa)  [ca.sle],  :24i. 
(îliiriya,  11,  340. 
Chillong,  11,  244,  314. 
Chitor,  IL  "20-2. 
(ihobbar  (Chaubahal,   (Lhobahal), 

07,  384;  11,33,305. 
(ihitrakar  (Citrakàra)  [caste |,  242. 
(Ihivarbarhi  [castej,  241. 
(ihorpuri,  U,  260. 
Chubi  Lai  Socri,  II,  34:4. 
Chukgram,  11,  240. 
Çikhara-NârjyaQa,  11,  95. 
Çikhin  (Bouddha),  304  ;  III,  103. 
(jïlamanju.  11,  152. 
vHàMtmkrama,  III,  4 15. 
Cfnacara-sara-tantra.  V.  Maha-n'na 

kramacâra. 
(lina-tantra,  346. 
(iindila  krania,  lliO. 
Cinlamauitîrtha.  327;  III,  175. 
(j()pra((iiotra,  Chautara  ou  Chau- 

tariya),  425. 
Ci  rote  (Kirâtas),  94. 
(jilala,  383. 

(iilrakàra  (\.  Chitrakar). 
Civa(v.  Parupali),  204  .s(|q.,226ftq., 

318,  320,  328  sq.,  346,  34!l,  35H 

à  30().  368  à  375,  376,  380 sqq., 

387,  388,  389:  H,  46,  58,  124. 


INDEX 


199 


Ci  va  Çanikara  Si  m  ha,  194. 
Çivadeva  (l),  281,  360,  378  ;  II,  26, 
^  36,  i21  sqq.,  -21-2;  lU,  62  à  81. 
Çivadeva  (il),  II,  25,  128,  467  sqq., 

376;  III,  ii9ài38. 
Çivadeva  vihâra  (Çiva  vihâra?),  Il, 
'  -25,  469;  III,  442,  iU. 
Çivadevervara,  H,  468. 
Çiva-mârgis,  238,  244,  -254. 
Çiva  râlri.  11,  58  sq.,  388. 
Çiva  Simha  Malla,  472;   II,  5,  248 

sq.,  345. 
Çiesmânlaka    vana     (Çlesmâtaka- 

vana),    -203,   -206,    358,    364;  II, 

ooo. 
Çinarânas  (lluil),  III,  475. 
Çobhâ-Bhagavali,  II,  8,  98. 
Çobliilârâina-vihâra,  III,  476. 
Çodliana  (gubharji).  II,  265  sq. 
Coiirady,  -252. 
(P.)  Constantin   d'Ascoli,  443,  445 

n.,  320,  340. 
C(3rnv>allis  (Lord),  II,  -280. 
rrâranikâ,  II L  93  n. 
Çravastï,  m,  484,  483. 
Cra\\ford,  70. 
Çresthas  fcastej,  239. 
Çnnaka-bahal,  II,  329. 
Cri  iXâtha  Bhatta,  230. 
CrlNivâsa  Malla,    87-88;   II,  -255, 

-259  sq.,  'i04. 
Çrî-pancamî,  II,  57,  348,  353. 
Çrirâja  vihâra,  llï,  439. 
Çiibhasâra  (roi),  354. 
Cùdârnani,  11,  2. 
CiUkra,  36(i. 

Çiikra  Bhairava,  lll,  476. 
Çùrabliogeçvara,  II,  442. 
Çûrascna,  II,  442. 
(iûrpanakhâ,  11,  368. 
(iulhi  (Kuti),  82,85. 
CutIu(Kuli,  Culhi),  90,  94. 
Çvetaçubhra  (nâga),  327. 
Çvetakâ,  369  sq. 


Çveta  Vinàyaka,  II,  256. 
Çyâma  Siipha  deva,   II,  -224,  227, 
230,  232,  238. 


Darakrodhas,  111,  474. 

Dararalha (commentateur),  II,  377. 

Da(:àrha(Dasâin),  288;  11,  44,  54, 

54  sqq. 
Daitya-Nârâyana,  II,  -234,  -235. 
ddkria,  -290." 
Daksa,  376. 

Daksinaçmaçâna,  4  (frontisp.). 
Daksina-Kâlî,    379  ;    II,     43,     -281, 

400  sq. 
Daksinakolr,  II,  460  ;  111,  403,   409. 
Daksineçvara,  H,  442. 
Dala  Mardana  Sâh,  445,  n.  ;  11,-265. 

-278. 
Dalli  [rastel,  -243. 
Damaru-vallabha,  II,  337. 
Dambara  Çâha  (Dambara  Sah),   11, 
'  255,  26-2^ 
Dâmôdar  Pànde  (Damodar  Panre), 

484  ;  II,  -278",  282,  -284,  285. 
Dànàsura,  324,  330;  H,  74  ;  III,  475. 
Danghu  [castej,  242. 
(P.)  Daniele  da  Morciano,  403  n. 
Danuvanta,  H,  270  sq. 
Darara,  II,  404. 
Darpa  Nârâyana,  H,  -234. 
Datlâtreya,  H,  238,  240,  374. 
daurârika,  III,  450  sqq. 
Dayâvatï,  II,  264. 
Deb  Sham  Sher  Jang  (maharaja), 

496,272;  II,  304,  3-20  et  pass. 
Deçavarma-gomin,  lll,  73,  84. 
Degutale,  II,  259. 
Deochok,  387. 
Deo  Patan  (Deva  Pattana),  67,  378, 

394  ;  11,  24,  83, 424,  185,246, 254, 

-264,  -287. 


200 


LE   NEPAL 


DesgodinSj  442  n. 

(P.)  Desideri,  400,  4-24  n. 

Deva  dharina  (Bhoutan),  il,  244. 

Devahla,  II,  449  sq. 

Devâlï  pûjâ,  11,  226. 

devanâgara  (écriture),  11,  254. 

Deva  Pàla,  11,  24,  83,  489. 

Devî,  52,  375  à  382;  II,  35,  48  sqq. 

("yàlrâ),  244. 
Devîghât,  262;  11,48,247. 
Devï-stotra,  U,  335. 
Dhanada(Kuvera),  207. 
Dhanàdaha  (Dhanâhrada),  III,  403, 

464,  477. 
Dhaneçvara-linga,  389. 
(Ihârâ  (hithi),  11,  22. 
Dhârà-Mâneçvara,  III,  92. 
Dharampur,  H,   428,   395  ;  lll,  67 

sqq. 
Dhàrâ-tîrtha,  389. 
Dharighmadul,  111,408. 
Dharma-rrï  Mitra,  334  ;  111,  476. 
Dharmadatta,  224,  364,  367;  11,74, 

244. 
Dharmadatta  caitya,  11,  96. 
Dharmadeva,  11,  97  sq.  ;  III,  45. 
Dharma-devï,  377. 
dharmadhâtu ,  11,  43,  49. 
Dharma  dhâtu  Vâgîrvara,  11,  237. 
dharmddhikflri,  247,  293,  298. 
Dharmâkara  (singe),  111,  462. 
Dharmâkara  (roi),  220,  333  ;  11,  70  ; 

III,  165. 
Dharina  Malla,  II,  212. 
Dharma  .Malla  (fils  de  Java  Sthiti), 

11,  235  sq. 
Dharmameghâ,  111,  169. 
Dharmapâla,  224  ;  11,  70;   111,  465. 
Dharma-pattana    (nom    de    Bliat- 

gaon),  65. 
dhàrmnrâjihamâtya,  284  ;  lll,  412 

n. 
Dharmaslhalï,  11,  246. 
dhàltt-manijdlft,  IL  48. 


Dhaukhel  (Dhulkhel),  II,  215,  i73. 

Dhauwi  [caste],  244. 

Dhebang  (Dhèbun),  479,  481. 

Dhïra  Simha,  U,  234. 

Dhir  Sham  Sher,  H,  300,  304,  304. 

Dhobi-khola,  50. 

Dhokabahal  (=  Henâkra)  Mahàvi- 

hâra,  11,  335. 
Dhorevâlganco,  III,  439,  444. 
Dhruva  deva,  II,  456  ;  III,  404. 
Dhulkhel.  V.  Dhaukhel. 
Dhunt  [caste],  244. 
dhvaja-manusya,  284. 
Dhyânoccha,  Dhyâna  màtrocca(voir 

Champadevi),  333,  394  ;  lll,  163. 
ditha,  293. 

Divàkara,  II,  442  sq.  ;  lll,  24. 
Dïvàlï  (Dîpâvalî),  11,  56  sq. 
Dolâ-(;ekhara-Svàmin,  II,  139  ;  ill, 

92,  447  (Dolâçikhara). 
Dolâgiri  (Dolàdri),  203,  366  sqq.  ; 

lll,  45. 
Doleçvara  (linga),  203,  384,  389. 
Dolkhâ,  385,  386. 
(P.)   Dorville,    84;   II,    252,    255, 

260. 
(P.)  Dominique  de  Fano,  99. 
draiiya,  111,  453. 
Dravya  Sâh,  254  sqq.,  261,  2G5 
Duân  (caste),  2**3. 
Dudh-kosi,  64;  11,239. 
Dubprasaha,  111,  468. 
Dunnà  (Dhoogna,Tuguna),  426. 
Dunla-bihàr,  II,  26. 
Durgâ,  377  à  379  :  II,  55. 
Durgà-Pûjâ,  II,  54. 
dûtaka,  283. 
Dvaipàyana  (Veda-Vyâsa),  11,  103  ; 

111,  28  sqq.,  (culte  rendu  à),  35, 


4i>. 


Dvâpara,  322. 
Dvarakà,  370. 
Dvàra-tirtha  (Dari»),  327. 
Dvimaju,  11,  226. 


INDEX 


201 


dvi-r(tjyaka  (dvairdyjà)^  H,  187  sq.  ; 
19-2. 


E 


Ekthariahs,  261 . 

Erdenin  Dvïp,  il,  149. 

Erskine,  141. 

Elondâ,  423,  124. . 

Elà  desa  (Helà  des  =  Patan),  61 


Fateh  Jang,  li,  295,  298. 
Fou-k'ang,  179  sqq.  ;  il,  279. 
Fieet,  145. 

(P.)  Floriano  da  Gesi,  103  n. 
(P.)  François  Horace  de  Penna,  99, 

102  sqq. 
(P.)  François  Marie  de  Tours,  98, 

99,  114. 
(P.)  François  Félix  de  Moro,  99. 
Froer  (Adam),  134. 
(P.)Freyre,  100. 


G 


Gaganaganja,  III,  169. 
Gaganâksepa  (mont),  III,  170. 
Gaganâksepà  (yoginî),  III,  171. 
Gagana  Simha,  11,  298. 
Gahawa,  II,  308. 
Gahvaraçmaçâna,  III,  176. 
Gaipsabarhi  [caste],  241. 
Gaçiadeva,  II,  121  ;  III,  53  sqq.,  56. 
Gandaki,  11,  102,  106;  III,  5. 
Gandakis  (Les  7),  253  ;  11,  271, 276, 

278. 
Gandheçvara,  111,  471. 
Ganeça,  320,  383  sq.,  390  ;   li,  24, 

40,  57,  424,  258,  345,  376,  393 

(temple  de);  lli,  474. 


Gangâ,  1  (frontispice),  327, 329, 370  • 

Gangàdevï,  II,  240. 

Gangâ  Rànï,  360,  365  ;  II,  249. 

GânguI,  II,  160. 

Gaoku  (Gulcul),  Acâr  [caste],  240. 

Gaowah  (Gopa)  [caste],  243. 

Garden,  72. 

Gardner  (Edward),  138;  II,  289. 

Garhtho  (Got)  [caste],  242. 

Garhval,  II,  285,  289. 

Garuda,  320,  324,  366  sq.,  388;  II, 

44,  50,  104,  242,  342,  335,  338  ; 

111,471. 
Garuda  dhvaja,  il,  242. 
Gasti,*  II,  83. 
Gatti,  246  sq. 
Gauda,  388  ;  II,  4,  70. 
Georgi,  80,  85,  406  n.,  417  sqq.,  320. 
Gérard,  434,  435. 
Ghana  çyâma,  11,  244. 
Ghantâ,  11,  47. 
Ghantâ  karna,  il,  50. 
Gharwal,  II,  280. 
Ghat,  II,  22s(|. 

Gheyâsu  din  Tughlak,  II,  222  sqq. 
Ghorândhakaçmaçâna,  111,  476. 
Gillespie,  II,  288. 
Girvân  Yuddha  Vikrani  Sâh,  488, 

202  n.  ;  II,  284,  282,  284,  286  sq., 

290. 
Gïtàpâncâlikas,  lll,  103. 
(P.)  Giuseppe  Maria  de'  Bernini  da 

Gargnauo,  103  n  ,  105, 106,  145; 

II,  269. 
Glan-dar-ma  (roi  du  Tibet),  11,  8  n. 
Goçniga,  394. 

Godâvarî  (ville).  II,  83,  264. 
Godâvarï  (tîrtha),  lll,  475. 
Godâvarî  (rivière),  67,  328, 364;  lll, 

463. 
Godâvarî  dhàrâ,  ill,  463. 
gohala,  282  ;  III,  406. 
Gokarna  (fils  de  Vrsakarpa),   lll, 

469. 


202 


LE   NEPAL 


Gokarna  (Gokarn,  ville),  67,  324, 
326,358,  364;  H,  83,  -246,  -264; 
III,  469  (linga). 

Gokarnervara,  207,  388;  II,  264. 

(lOkhurakervara,  381). 

Golmadhi-Tol,  II,  426;  III,  64  (ins- 
cription de). 

Gohnol  (écriture),  II,  -251. 

Gomibhùdanco,  111,  439,  444. 

Gomin,  11,  4-29  sqq.  :  III,  408  (fosse 
du). 

Gongool-putten  (Gongul-pattana), 
nom  de  Katmandou,  54. 

(lopâla  ((ioàl),  359  ;  II,  72  sqq.,  456. 

Gopâladeva,  II,  -234. 

Gopâlera,  390. 

Goraksa  Nâtha  (Gorkha  Nâth;,  254, 
348  à  357;  11,67. 

Gopàieçvara,  370. 

Gosâins,  474. 

Gosain-lhan,  365,  368,  386:  11,  48, 
250. 

Gosthi,  IIL  44  i. 

Gosthî  Saptanii,  111,  457. 

Got  (Garhtho)  [caste  |,  242. 

Gotriya  (écriture),  IL  -254. 

Gourkhas  (caractère  général  de  la 
dynastie).  48  sqq.  (et  missi(ms), 
444  sqq.  (coinmerce  avec  le  Ti- 
bet), 174  sqq.,  486,  -235  sq.  (les 
castes),  239,  -253  à  278,  -285  sq([., 
352;ll.44,-238(paysdeGourklia), 
-264  sq(j.  (dynastie),  -292. 

Gouroungs.  -223,  -264,  267,-274.  -278. 

Govardhana  Micra,  11,  -26,  95. 

Govinda  Pâla,  lï,  489. 

Go  va  Ira,  11,  51. 

(jvàmn,  284  s(j. 

(P.)  Grégoire  de  Pedoiia.  99. 

(P.)Gnieher,51,  80,  8l.8i  sqq.  :  II, 
242,  -252,  -255,  -260. 

Giil)ernatis  (A.  de),  144. 

GMl)liar-ju  (Gubal,  Gubâlial,  Guru- 
bliâju)  (caste),  2îO:  11,31  sq.,26;). 


Guhamitra(Sârthavâha),n,li2lsq.; 

III,  24. 
Guhya  kâli,  379. 
Guhyeçvarî,  244,  333,376  sq.,  379, 

388  ;  II,  47,  82,  253,  264,  275, 277, 

-284,  374;  III,  464,  472. 
Gullatanga,  III,  438,  443. 
Gulmi,  II,  284. 

Gurp-vihcira,  II,  25,  439  ;  III,  9i. 
Gunadhvaja  (brahmane),  III,  465. 
Gunàdhya,  203,  387  sq.  ;    11,    62, 

385. 
Gunakâma  deva,  52,  242,  243,  215, 

3-22  sq.,  354,  360,  378,  386;  II, 

5,   36,    40,    49   sq.,  53,  59,   74, 

4-24,  484  sqq.,  209,  264;  III,  477. 
Gunàkâra-Vihâra,  II,  334. 
Gunânanda,  494. 
GupSnka,  II,  408. 
Guplas,  11,  67. 
Gupla-vihàra,  II,  169. 
Guru,  272,  284  ;  II,  30  sq. 


H 


Ilaiyous,  -2-23. 

Ilalchok,  Ilaltsok,  II,  -246,  364. 

llamilton  (Francis  Buchanan),  7i, 

436  sqq.,  -256,  -270:  II,  283. 
Hamsadhvaja,  369  sq. 
Ilamsagrhadeva,  II,  439;  III,  92. 
Ilanumat,  3-20,  330,  389;  II,  254. 
Ilanniati  (lianumatf),  50,  63,  330 

II,  242. 
Ilaragauri  vi\aha,  II,  242. 
Ilaraprasad  ShasIri,  147,  242  n. 
Ilara^iddhi  (Bhairava),350,  382  sq. 

(\.  aussi  Harsiddhi). 
llardia,  11,  307. 
Ilari,  III.  45. 

Ilaricandra  deva.  II,  231. 
Ilariçcandropakhyana,  II,  385. 
Ilaridatta  varma,  367  ;  II,  95. 


INDEX 


203 


llaii  deva,  -26-2  ;  II,  -247  sq.,  -2-20. 
llarigaon,  67,  214,  215  ;  11,  8,  î)5, 

103  sq.,  13S,  158,  339,  347  ;  lll, 

2  (pilier  de),  25  sqq.,  (inscripliun 

du  pilier  de),  S2  à  »0  (slèle  1), 

ÎH  à  96  (stèle  II). 
Ilari-Uara,  390. 
Uari  hara  Simha,  II,  249,  -257. 
Ilari-hari-hari- vâhana,   324;   111, 

172. 
Hariharpur,  II,  272. 
flari  xNdrayaria,  11,235. 
Ilaiipur,  11,  194. 
llarisiniha  deva,  120,  -2-28  sq.,  -239, 

-246,  251,  256,  262,  321  sq.,  371, 

378  sq.;  Il,   180,  -219  sqq.,   -234, 

255. 
llarivaiiiça,  -295;  11,  -260. 
llarsa.  11,  335. 

Ilarsacaitya-inaha\ihâi'a.  II,  335. 
Uarsa  deva  (de  Gauda),  II,  171. 
llarsa  deva,  II,  197. 
Ilarsiddhi  (v,  Harasiddhi),  67,  249; 

11,  35,  1-26,  -245. 
l)"*  Harlmann,  110  n. 
llasta  muktâvalî,  11,  -241. 
Hastinjjrs  (lord).  II,  -287  s(|q. 
Ilatha  yoga,  354. 
Ilatia  (passe  de),  131. 
hnth,  -299. 
Ilalkô,  11,  193. 
llayagriva  (Bhairava),  382. 
Il'hras  apuns  (Népal),  186. 
Ildaspriga,  111,  155. 
llearsey  (Major),  II,  -288. 
Iledonda  (Hetaura),   82,  86,    1-20: 

H,  -288,  310  sq. 
lleinadri  (érudit),  II,  -205. 
lieou-hien,  169. 
Hetaura  (v.  Iledonda). 
llimavat-Klianda,  -202  n.;  Il,  -287. 
Hiouen-tsang,  152  sqq..  338  scj.  ;  II, 

165,  -240  n. 
Ilirapya  Kaçipu,  369;  II,  41,  368. 


Ilirariya-varna  rnahâvihai>a  (liema 

varpao),  II,  194,  343. 
liinen-hoei,  161. 
Hiui'H'Vai,  161. 
Hiuen-tchao,  160. 
Uiucn-te,  II,  -2-28. 
lllam-vihâra,  11,25,191. 
llmayapidô,  351. 
llodgson  (Brian  Houghton),  110  n., 

138  sqq.,  2-23,  251,  292,  310  sq.; 

Il,  -289. 
llodgson  (J.-A.),  72. 
lloli.  11,  59,  402  sq. 
llon<j-uou,  11,  -2-28. 
(P.)  Horace  de  Peiuia,  99  à  113 
Horiuji  (temple),  II,  12. 
Ilfdaya  Nârâyana,  II,  -234. 
llrsîkera,  370. 
(P.)  Hue,  248,  307. 
llumati,  H,  82. 
Hunier  (NV.-W.),  11,  -28i)n. 


landar,  80. 

Iran  a,  350. 

Ichangu  (contrefort),  11,  364. 

Icangu-Narâyana,  366,  390;  II,  95, 

-240,  364. 
Içvaris,  378,  383,  11,  124. 
Iksuuiati  (ruisseau),  II,  7,  70. 
Imbaultlluart,  169  n.  sqq.,  188  n. 
Inde.  Boutes  de  l'Inde  au  Népal, 

48;  itinéraire  des  Capucins,  118 

à  120;  relations   commerciales, 

308  sqq.,  354. 
lndo-(ihine  (épigraphie),    III,  1-28 

scj.,  132. 
Indra,  321,  3-26,  330,  350,  384  sq., 

389;  II,  17,  53,  11-2,  342  ;MII,  24. 
Indradamana,  206. 
Indra  deva,  II,  206. 
Indra  gosthi,  lll,  118. 


204 


LE   NÉPAL 


Indra-mârga  lirlha,  !206,  326. 

Indra  mûlaka,  IlL  iio. 

Indrànanda,  II,  lli^. 

Indrâni,  386. 

Indra-Than,  387  :  II,  53. 

Indrâyani,  III,  176. 

Indra-yâtrà,  384;  II,  53,  27-2. 

Indreçvara,  389,  390. 

(P.)  Innocenzo  d'Ascoli,i03  n.,  408 

n. 
Irsyârâjya,  II,  72. 
I-hing  (Yi-tsing),  161,  339;  II,  2o. 


Jaffus  (Jyâpus)  [caste],  242. 
Jagadanoka  Malla,  II,  215. 
,Iagaj  jaya  Malla,  II,  257,  261. 
JagajjirPânde,  11,280. 
.lagaj'jyolir  Malla,  383;  11,  47,240 

sqij. 
.lagannatha  ini(  ra.  II,  354. 
Jagal  Praka«:a  Malla,  88,   109:  II, 

36,  242,  255,  260. 
Jagal  ShamsiKT,  II,  300. 
Jagal  Sirpha  kiiinàra,  II.  231. 
jagmlar,  297,  300. 
jfigirs,  297  sqq. 
Jainas,  225. 

Jaisis  [caste],  228,  239,  246. 
Jalaçayana  Narâyana,  3()7  s([.,  390; 

II,  6,^95,  139,  353. 
Jâmana,  11,  25 'i. 
Janaka,  II,  70. 
Janaiiiejaya,  202. 
Janardana  Visini,  330,  372. 
Jaiig  Balladur.   139  s«|q.,  I8{,  26î», 

286,  29t>,  321  :  II,  50.  297  à  303. 
Jangainas,  II,  377. 
JdWfhK,  Jà-hi'  (Kalmainioii),  5i. 
Jansoii,  ilO. 
Jal  Matrocriia,  391  :  III,  163 (\.  Na- 

gaijnii). 


Jayabhîma  deva,  II,  215. 

Jayaçâha  (<»sîha),  H,  215. 

Jayaçi  (?)  malla  deva,  U,  210. 

Jayaçrî,  II,  97. 

Jayaçrî,  213:  ÏII,  161. 

Java  de\a  Malla,  II,  180,  199,  il5. 

Jayadeva,  II,  85,  9<>,  162,  168  sqq.: 

ill,  135,  137. 
Jayakânia  deva,  324  ;  H,  193. 
Java  Malla  (athlète),  U,  11. 
Jayânanda  deva,  II,  219,  231. 
Jayâpîda,  II,  176. 
Jaya  Prakàça  Malla,  55,  284  ;  U,  5, 

22,  36,  54,  257,  263  sqq.,  265  sq. 

269  sq.,  272,  274,  281. 
Jaya  râja  deva,  H,  231. 
Jayâri  Malla.  Il,  219. 
Jayârjiina  Malla.  II,  232,  235. 
Jaya  rudra  Malla,  II.  219,  226,  i3L 
Jayasiniha  Râma,  11,  235. 
Jaya  Sthiti   Malla,   199,  230,  233, 

237  (organisation  des  caslcs),  246 

sqq.,  298  scjij.  (cadastre),  383  ;  II , 

219,  230,  232  sqq.,  355. 
Jayatâri,  11,  216.  218. 
Java-tïrlha,  327:  III,  175. 
Jayavâgi(:van,  378,  391  ;  II,  125. 
Jayavarman,  II,  111. 
Java  Vira  Mahïndra.  Il,  261. 
Jaya  Yoga  prakàça,  II,  261. 
Jayeçvara,  II,  111. 
(P.)  Jean-Albert  de  Massa,  ill. 
(P.)  Jean-Franrois  de  Fossenbrun. 

99. 
Jésuites,  77,  80  sqq.,  100. 
jcthabu.lhâ,  298. 
Jhankeçvan,  377. 
Jinacri,  213:  III.  161. 
Jinaniitra,  II,  63  sq. 
Jisnugupta,  II,  106.  128,  138,  155  à 

161,212;  III,  103. 
Jita  Malla,  11,  240. 
Jitaniitra  Malla,  303:  il,  242. 
Jitedasti,  II,  82. 


INDEX 


205 


Jïvamalla,  II,  398. 
Jnânânanda  svâmi,  365  ;  IL,  254, 

256. 
Jnânaçri  mitra,  \\U  i77. 
Jnâna-tîrlha,  327. 
J flâna  vajra,  II,  489. 
(P.)  Joachiin  de  Santa  Naloglia,  402, 

403  n.,  408  n. 
Joghi  [caste],  244. 
(P.)  Joseph  d'AscoJi,  98,  99,  444. 
(P.)JosephdeRovato,  444,  445  sqq. 
Josi.  V.  Jaisi. 
Jurjur  (Giorgiur),  424. 
Jvâlâipkularmaràna,  III,  47G. 
Jyâpus  (V.  Jaffus). 
Jyotili  prakâ(;a,  il,  264. 
Jyotir  Malla,  II,  234,  235  sqq.,  401. 
Jytliak,  11,  288. 


Kâcannasta  (?),  HL  103,  408. 

Kaccliapa  (mont),  111,  174. 

Kacchapa  (démon),  370. 

Kaccliapapâda,  111,  475. 

Kârî-khanda,  201. 

Kacliars,  223. 

Kiuyapa  biiddha,  333:  II,  5,  H  n., 

71). 
Kâ(;yapa  Mirra.  II,  26,  95. 
Kâge(;vara  tîrlha,  111,  175. 
Kailasa,  376,  38S. 
Kaiiâsakùta,  II,   135,  138;  III,  81, 

403. 
Kailàst^vara,  II,  139;  111,92. 
kâjis,  289,  298. 
Kâji  Dhurïn,  484. 
Kâji  Kahar  Sinilia,  11,  276. 
Kakokù,  422. 
Kâlacakra  tantra,  II,  385. 
Kâla  gandikâ.  (V.  Gandaki),  II,  476 

sq. 
Kalanga  (Nalapani),  II.  288. 


Kalankaçmaçâna,  III,  476. 

Kalàpa,  388. 

Kaleçvara,  386. 

Kàlî  (rivière),  II,  279. 

Kâlî  (Mahâ-Kâli),  320,  379  à  382, 

386  ;  11,  374. 
Kâll-hrada,  379. 
Kàlikà,  379:  11,  252. 
Kâlikola,  11,  401. 
Kâlï  purâna,  II,  260. 
Kâlï  tïrtha,  III,  475. 
Kali  Yuga,  221. 
Kalpavrksa,  53. 
Kalyâna  giipta  vihâra  (\'àrta°),  111, 

439,  444. 
Kalyânasamgraha,  II,  379. 
Kâina,  II,  471,  486. 
Kâmadhenu  (Kâma-dugh),  389:  11, 

443,404. 
Kâmani,  348. 
Kâmarùpa,  335  n. 
Kambala  (Kamba-la  :  Kamba),  85. 
Kambîlampra,  III,  439,  445. 
Kamiya,  273. 

Kâmsyakâra  (kassar)  [caste],  244. 
Kanaka  çrî.  II,  189. 
Kanakamuni,  111,  476. 
Kâficï  (Conjtîveram),  11,  74,  214. 
Kangra,  93  n.:  Il,  285. 
Kankeçvari  (Uakta-Kàli),  378;   11, 

35  sq.,  49. 
Kansâ  (Khâsd,  Khangsa),  427. 
Kansavali,  63. 
Kàntimalï,  111,  466. 
Kântipura   (Katmandou),   II,   486, 

249. 
Kapâla  Bhairava,  III,  476. 
kapardar,  289. 
Kapilavastu,  II,  26,95,352. 
Kapirâja,  III,  472. 
Kapotala   (Kâpotala,    mont),    348 

sqq.;  H,  45;  III.  464. 
Kapotala  (tîrtha),  III,  475. 
Kâranda  vyûha,  III,  20. 


200 


LE  NEPAL 


knraaâdhann,  28^2. 

Karavïra,  li,  ^1^^. 

Karbujha,  24*2. 

Karbura-kuli^a,  3-26. 

kavkhn  (ropnl),  '299. 

Karkotaka  nâga,  24(i,  321  sqq.,  330, 
349;  11,  10;  III,  1H3,  ifvi,  177. 

Karinapa  lama,  II,  5. 

Karmasimha,  11,  222. 

Karnakotlama  mahâvihâra.  II,  335, 

Karnâtaka,  219:  II,  200,  244. 

Karnâtaka  (dynastie).  Il,  218  sq.. 
224,255. 

Karunâ  vajra.  11,  207. 

Kârunike(;vara,  204,  388. 

Kasàis  [caste),  243  s(i.,251. 

Kassar.  V.  Kâmsvakâra. 

Kârsâpana,  283. 

Kaski  (Kashki),  255;  11,302. 

Rasouiidas,  223. 

Kâspiri  (écriture).  Il,  251. 

Kata  (écriture),  11,  251. 

Katapûtanas,  111,  171. 

Katliisanibu,  11,  334. 

Kathya  Malla,  11,  212. 

Katmandou  (Historique  et  noms 
divers  :  Ràstlia  mandapa,  Kâth- 
mando,  ('admeiidu,  KatmandQ, 
Khâtmândù,  Khatmandu,  etc.) 
52  sqq..  80,  0(),  99.  102,  108  sqq., 
111,  122,  125,  253,  284,  32;,  354, 
3S4  sq.  :  11,  8,  48  sq.,  54,  181, 
194,  19(),  209,  220:  (royaume  de 
— ),  239,  243  à  257,  205,  272, 
275,  283,  28S,  319  et  pass. 

Katlliar  [casl(»),  242. 

Kâlvâvana  bhiksu,  111,  174. 

Kaua  (Nekarn)i)  |casle|.  242. 

Kaui.iki,  III.  170. 

Kaumarî,  III,  170. 

Kaussa  J caste),  242. 

Ravindra,  11,  253. 

Kayalhi  napira  (écrihire).  11,  251. 

Keca  candra.  II.  24!K 


Keçavatï,  320,  329  ;  ill,  i()6,  173. 

Keçinï,  332. 

Kerant  (Kirâla  ou  Kirong  ?),  175. 

kh(h  299. 

Khadga  Sham  Sher,  II,  304,  352. 

Khadgis,  228. 

Kliadpu,  II,  215,  274. 

Khagânanâ,  381  :  III,  104. 

Khagarbha  Bodliisattva,  III,  171. 

Kliamba  (passe  de),  85. 

Khânchâ,  255,  265. 

Khardars,  289,  298. 

Kharga  Sbam  Slier.  V.  Khadga. 

Kharjurikâ  vihâra.  H,  25, 139, 1«9; 

m,  92,  139,  144. 
Khas,200  à207.  271,  275,  276  sqq., 

300;  Il  (Khassias),  210  sqq.,  264. 

V.  Khasas. 
Khâsâ  lama,  II,  8  n. 
Kliâsâ-caitya  (Rudhnâth),  II,   8  n. 

98. 
Khàsâkira  (f),  11,  255. 
Kiiasarpana  Lokeçvara,    354  :   II, 

180. 
Kliasas  (Kbas,  Kliassias),  227,  235, 

254,  257  t>(iq.,  203  sqq.,  276  sqq. 

V.  Khas. 
khrt  (ksetra)^  300. 
Klio  b<Hn  (Katmandu),  54. 
Khodhâ  nyâsa,  305. 
Khokbna,*lI,  35,  240. 
Khopasi,  III.  70  sqq.   (inscription 

de),   80. 
Khopo  daise  (LUiatgaon),  65. 
Khrpun,  II,  127  :  III,  02,  04, 
Kliuâ,  122. 

Kio-tr-man-toi(  (Katmandou),  187. 
Kicapricin  (Kisipidi),  III,  52,  56. 
Kli'n  loutj,  178  sq.  ;  11,  279. 
Kilakila(:ma<:âna,  III,  170. 
Kilecvara,  203,  370. 
Kin(f-tchitiq,  339. 

Kiniocb  (.Major),  111, 132:  II,  27i. 
Kiranis.  223  (N'.  Kiriitas). 


INDEX 


207 


Kirâtas,  9,  91,  131,  497,  2il   sq., 

266  ;  11,  6-2,  7i,  74  à  83,  «268,  276, 

279. 
(P.)  Kircher  (Athanase),  84  sqq. 
Kirkpatrick  (Colonel),  70.   72  ;  — 

mission  de,  433  sqq.  :  ISO,  220, 

263,  309  :  H,  280. 
Kirong(Kî//-ro/7),  6S,  434,  456,  177, 

479,  483,484,  485,   487:  11,  276, 

304. 
Kïrli  Malla,  11,  235. 
Kîrti  Nâtha  Tpâdliyâva,  230. 
Kirlipur  (Kïrli  pu ra),  i)ih  414,  243  ; 

II,  33,  72,246,  269  à  274,  364. 
Kisipidi,    11,   120  s.[.,  392:  III,    48 

sqq.   (inscription    de),    52    sqq. 

(inscription  de  Ganadeva  à). 
Kissini  (Jafîu)  [caste |,  242. 
Ki-yc,  466  n. 
Klaprolii,  443. 

Kltii  pho  'bnin  (Katmandou),  54. 
Knox  (capitaine  \V.    I).),   43'i,  43() 

sq.  :  11,  283. 
KVnd-k'a  ((lourkiia),  486. 
Uoinyn  (harhi)^  300. 
Kokona,  II,  400. 
Konar  [caste],  2*2. 
Konli  biliâi'.  II,  9(). 
Kori,  II,  340. 
Kote(:vari.  377. 
Kotikarna,  III.  459,  173  scfij. 
Kotirâja,  409. 
Kôt  Umja.  293. 
Kotpal.  350. 
Kott-k'on-niofi    (Katmandou),     54, 

472,  487. 
Krakucchanda  Biultllia,   220,  230, 

329,394:  II,  70;  lll,  465. 
Krkalâsapada,  lll,  175. 
Krodlia  Bhairava,  lll,  476. 
Krodha-devatâ,  348. 
Krsna,  204,  224,  368  sqq.  :  374  :  11, 

33,  51,  59,  72,  258,  406. 
Krsna  janinâstauïi,  11,  54. 


Krsna  Dvaipâyana,  111,  28. 

Krtya-cintâmani,  II,  224. 

Krtya-ratnâkara,  11,  224. 

Ksamâkara  (couvent),  111,  465. 

Ksamâvatï,  lll,  465. 

Ksetra  kâra,  299. 

Kselra-pradaksiçia.  304. 

Ksetra-pâla,  383. 

Ksetrapâleçvarî,  378. 

Ksipana  ((ihippah)  [caste],  242. 

Kù  (village).  11,  461. 

Ku(;a,  11,  234. 

Kuça-birtâ,  301. 

Kuçadhvaja,  11,  70. 

Kuçalavodaya  nâtaka.  II.  342. 

Kui-po  (Rlialgaon),  65. 

kukhvL  268,  291. 

Kukkuripâda,  lll,  476. 

Kukkutârâina,  lll,  4()4. 

Kuku  (Tibétains),  II,  244. 

Knkiim  II  lui,  54  :  11,  4*9. 

Kuku-syânâjor,  II,  244. 

Kulaniâna  pandit,  11,  27,  342. 

Kuliçe(;vaiï,  378. 

Kulika  i\âgaràja,323,  325;  111,  170. 

Kullu  [caste],  244. 

Kulmandan,  255. 

Kuniaon,  II,  279,  288,  289. 

K  u  ni  â  ra-b  1 1  û  ta ,  34 1 . 

Kumârî,  379  sq..  386  :  II,    44,  54, 
53,  54,  424,  493,  272. 

KuinbheçNara,  lll,  470. 

Kumbliakdra  (kumhar)  [caste],  242. 

Kunala-kselra,  111,  444. 
Kurpâsî.  V.  Khopasi. 
Kuti  (Kul),  64,  ()7,  82,  90,  427  sqq., 
472,  475.  477  sqq.,  482,  484,  485, 
487  :  11,  239,  250,  255,  276,  304. 
Kuvera,  350. 


Laditamahei^vara,  II,  442. 


208 


LE   NÉPAL 


Lagan-bahal,  H,  328. 
Lajampat,  U,  397;  111,  49  sqq.  (in- 
scription de). 
Lakhipar,  240. 
Làkhyâ-yâlrà,  II,  40. 
Laksmana,  11,  366. 
Laksmï,  320,  332;  11,56. 
Laksniï  Dàsa,  496. 
Laksmï  Kàmadeva,  11,484,494  sqq., 

209. 
Laksmï  Narasimha  Malla,  53,  427 

n.,   472,  236,  309,  379;  11,  249 

sq. 
Laksmï  Nàrâyana  (divinité),  11,342, 

340,  366. 
Laksmï  Nâràyana  (roi),  11, 235,  255. 
Laksmï  vanna  vihâra,  11,  193. 
Lakçmîvarnaçmaçàna,  III,  476. 
Lalibana-bihâr,  11,  26. 
Lalita  (pattana),  64. 
Lalita  Tripura  Sundarî,    11,   284, 

282. 
Lalita-vana,  60. 
Lamba  karna  bliatta,  11,  254. 
Lamji,  11,  274. 
Lamjun^'  (Lan)jang),  253,  255  ;  11, 

302. 
Lampanco,  III,  408. 
Lamu  [caste],  2i3. 
Lanka,  203,  207. 
Laïikhâ,  III,  408. 
Langur,  82,  85,  425,  477. 
Lava,  II,  234. 
La>>arju  |casl«»l,  239. 
l>Lc  Bon,  446. 
lekhya-dàtia,  282. 
Lelegram,  II,  246. 
Leprhas,  223. 
LhU'ijciijtsii  liiihti.  II,  449. 
(F.)  Liborio  da  Kenno,  403  n. 
Lirchavis,  10  scfij.,  227,  25î),  280, 

282,  378:  II,  85  à  134    (bistoire), 

459,  244   sq.  :    III,   54   (ère  des), 

64,  80.  IH,  443. 


Li  I-piao,  455,  456,  465,   335  n.  ; 

il,  464. 
Lïlâvatï,  388. 
Lïlâvatï  (ruisseau),  387. 
Limbus,  222,  223. 
Lindesay,  70. 
litiga,  il,  46,  58  sq.,  277. 
Listi  (Nisti),  85. 

Mrs.  Lockwood  de  Foresl,  448  n. 
Lobankarmï  [caste],  244. 
Loka-samdarçana,  III,  463. 
Lokeçvara,  324  sq.  ;  II,  96,  328. 
Lokeçvara  çataka,  il,  489. 
Lomri  iMahâ-Kàlï,  348,  379. 
Lopriq!  (pàncâli),  III,  417. 
Lubhu,  II,  245. 
Luntikeca,  390. 
Lutàbàbâ  Bbairava,  382 


M 


Madana,  203,  388. 

Madana  Simba,  11,  235. 

Maddikarmi  [caste],  244. 

Mâdhava,  389. 

Madhyalakhu,  64  ;    11,    434,   473, 

382. 
.Madbyama  vibâra,  III,  92, 439, 444. 
Magars,  223,  254,  262,  267,  27i, 

276  sq.,  360;  11,  247  sqq. 
Màgba,  385. 

mâgbapat  (écriture),  II,  254. 
Mâghï  Pùrnimâ,  il,  44,  365. 
Mâgha-Yâtrâ,  11,  368. 
înahàhalàdhyaksa,  284  ;  III,  87  n. 
Mabâ-bbârata,   202  ;    111,   28  sqq., 

44,  430,  432,  433. 
Mahâbodbi,  494;  11,  42,  329. 
.Maliâbodbi    vibàra    (Mabâbuddha 

vihâra),  494;  II,  42,337,347. 
Mahâbuddb  (temple),  11,  365. 
Mahâ-Cïna,  204,  220,  332  sqq., 390; 

III.  463.  476. 


INDEX 


209 


Mahà-Cîna-kramàcâra,  346. 

Mahà  datta,  II,  278. 

Mahàdeva,  320,  350  sq,,  372,  375, 

382  ;  II,  124,  366. 
Mahàdevî,  372. 
Mahàkâla   (Mahankâl),   349,    348, 

384:  11,24,  169,338. 
Mahâ-kâli,  384. 
Mahà-Laksmï,  52,  381.  386;  II,  35, 

37 i,  384,  392;  III,  176. 
.Mahâ-niandapa,  332. 
Maliâ-mâri,  H,  217. 
.Maliâna^'ara,  II,  124. 
Mahâpadina,  323. 
mahâpatha,  III,  148. 
mahà-pratlhâra,  281  ;  III,  156. 
maharaja,  289. 

mahûvâjâdhirilja  (dhivâj),  286. 
iuahârathyâ,  III,  118. 
mahfi  sfimanta,  280  ;  III,  83. 
Maliâ-Sànij-hikas,  11,189;   III,  111. 
Maliâ  Siindara,  III,  173. 
ntflhfltinya,  201  s(|(j. 
MalHM'vara,  362. 
.MalitM;van,  37S,  386  ;  |||,  176. 
Maliciidra  dainana,  203,  369. 
Maliendra  .Malla,  173,  309;  II,  2;6 

s([q. 
Malicridia  iiialii    (iiKUinaii';,    17i: 

II,  2;7. 
MaJHMidra  saras   (Madaiia  saras): 

II.  206. 
Malmleva,  II,  116. 
.Malii  .Nadia  lUiatta.  230. 
Maliindra  Malla  (.Mahipatîndra).  Il, 

256.  261. 
Mahîndru  Sii]iha  dcva.  II,  261. 
Maiiindia  Siiplia  lUii,  II,  273  s<|. 
Malii  pala,  II,  18S. 
Mahipalîndra  (\ .  Mahïndra  .Malla), 

II.  257.  261. 
Mahisâsiira,  II,  55. 
Maitrcya   Buddlia.  15«,  213,    321; 

IL  32«. 


Mâju,  II,  200. 
Makhi,  240. 

Mâkhostam-Satsara,  II,  127. 
Makwanpur,  87  ;  II,  288. 
Malaon,  IL  288. 
Mâlalï-Mâdhava,  II,  377. 
Maligram,  II,  246. 
Malla  bhûmi  (Malebhum),  II,  210. 
mallakara  (impôt),    283;    II,  128, 

160,  212;  111,68,  69. 
Malla  purï,  II,  102,  211;  111,18. 
Mallas  14  sqq. ,  215, 227, 229sq.,  252, 
259,  265,  284  sq.,  298,  306,  309, 
364,  378  sq.  ;  H,    105,  210  sqq., 
219. 
Ma-mou-sa-yeh,  188. 
Mâna,  II,  104  sqq. 
Mana  dauvârika,  IIÏ,  152. 
Mâna  deva,  214,  367,  380.;  II,  7, 14, 
24,  96,  98  sqq..  369;  III,  5,  16, 
20,  24. 
Màna  deva  (II),  IL  121,  206sq. 
Mânadova  (et  Jisnugupta),  II,  156; 

III,  104.  108. 
Mânadeva  vihâra,  III,  139,  144  (v. 

Mânavihâra). 
.Maiia^hi  (Alberto),  114  n. 
Mâna  Krba,  II,  106,  120;  III,  9,  56, 

59.64,  80,  88  n.,  108. 
Mâna^'rliadvâra,  111, 152. 
Mânaj,ni|)la,     IL    106,     158  ;     III,. 

103. 
Manah-(;iras  tïrtba.  390. 
.Mânânka,  II,  106. 
Mâna  viliâra  (çrî),  II,   8,   106,  139, 

169  :  III,  92,  139. 
Mandchous,  171,339,  342. 
Mân(M:vara,  M.  139;  III,  92,  155. 
Mânervaii,  378;  M,  105  sq.,  235. 
Man};al(M;\ara,  203. 
.Mangale(;vari,  377. 
Manbaura,    Manoharû,    Manmati. 

(V.  Manimali). 
Mapicailya,  III,  168. 

m  .  -  14 


210 


LE    NÉPAL 


iManiclmr  (Manicûda),  3-29,  391  ;  11, 

49;  ni,  468. 
Maniçilâ  (tïrlha),  l[F,  47"). 
Manicûda,  329;  Ili,  466  (v.  Mani- 

cliiir). 
Manidlifirâ,  [II,  469. 
Mani-dhâtu,  330. 
Mânigala,  11,  *249. 
Manilihjîa,  111,  469. 
Manilinge('vara,  111,  469. 
Mani-inandapa,  11,  260. 
Maniinali  (Manmati),  50,  326,  329, 

388;  III,  472. 
Maninâga,  III,  469. 
iMani  loiiinî,  326;  IIL  469. 
Maniladâga,  111,  468. 
Mani-Yoj,nnî,  380  :  11,  7  ;  111,  469. 
Manivalï,  330. 
Mâiiïvaksotra,  III.  415. 
Mafijurrî     (Manjugliosa  -  Bissôrlit- 
ma),  52  ii.,  461,  474,  IS2,  243, 
220,   224,  22;,  32S,    330   à  347, 
376,394:  II,  18,  19,377  ;  111.463, 
476. 
iManjucrî  railya,  III,  465. 
ManJQc  ri-inùia  lanlra.  II,  64.  493. 
ManjiK-ri  |)ariinrvrina,  3'«  l . 
Manjugarlîi,  III,  170. 
Manjugarti'cvara.  III,  47(K 
Manjii-pallana,  333:  111,  465. 
Manjiipura,  III,  470. 
Manoliarâ,  326. 

.Manoiatlia-lîrllia,  326:  III,  473. 
.Manu,  227,259,  264  n.,  III,  431  sq. 
Maquainpur,  420,  422,  123. 
M  ara,  II,  iO. 
.Mâradîlraka,  326. 
Maraiiga  (Moraiitra),  82,  87. 
P.   Marco  (icila  T<)ml)a,  51,  405  ii. 
sqq.,  115,  417,    121  ii.,  423  sq(|., 
372. 
Maïkliain,  70,  400  il,  105  n. 
Marley,  H.  2S8. 
Marlindcll,  11,  288. 


inaryàdàbamlha,  111,  93  n. 
Malabar  Singh,  il,  292  à  296. 
Ma-tanalomo,  468  ;  il,  228  sq. 
MâtâUrtha,  327,  390  ;  il,  73,  264, 

392;  111,475. 
Mathurà,  388. 
Mâtin,  11,  440. 
Malirâjya,  11,  72. 
Malisirnha  (moine),   464  ;  (roi)  II, 

228  s(i. 
Malsyamukha  tïrlha,  III,  175. 
Malsyendra   Nâtha   (Mîna   Nâtha, 
Macrhîndra  Nâth),  52,  239,  243, 
254,  262,  320,  322,  347  à  357, 
360,  385;  II,  44,  34  sq.,  40,  44 
sqq.   (oyritrà),  59,  (Sânu«),    462, 
216  s(i.  227,  235,  258,  260,  263, 
328,  386  :  111,  479. 
Maulvi  Abdiil  kadir  khan,  434. 
Mayuiavarna^Il,  97. 
Modini  Mail,  II,  239. 
Mt'Hif  l*ao,  186. 
MichA,  255,  265. 
1*.   .Michel-Ange  de  Tabiago,  411, 

415  n. 
MinayelT,  68,  4  4;,  445,252. 
Ming'(l)ynasMe),  450,  467  sqq.,  186, 

336;  li.  228  sqq. 
Missions.  N.  .1  ('suites  :  (iapucins. 
Milhilâ.  369  sq. 
Mitrânanda,  11,  322,  327. 
.Mogol,  173. 
.Mogor,  82. 
Molian-chok,  II,  253. 
Mohan  lïrtlia.  II,  276. 
Mois  interralain»,  III,  49  sq. 
Moksadn,  332;  111,  464,  477. 
Mongols,  470. 

.Moranga  :  Morung,  84:  II,  238. 
Mounnis,  223,  266. 
Mrga  çikhara,  206. 
.Mrgacrnga,  370. 
Mrgasthali  (<>  la),  316,  364. 
.Mrgendra  çikhara,  369. 


INDEX 


2H 


mrttika,  m,  n. 

Mu  [caste J,'24!2. 

Mudila  kuvalayâçva,  li,  242. 

Mukimda  Sena,  251,262  sqq.,  284, 

360  sc|.  ;  II,  247,  220,  268. 
Mùla-Sarvâslivâda  vinaya  samgra- 

ha,II,  63  sq. 
Mûla-Sarvâslivâda  vinaya,  lll,  i8i, 

190. 
MundaçrnkhalikaPâçapata,  II,  161. 
Malavâtikâ,  II,  160. 
Mûris,  300. 
Musulmans,  II,  245. 
Mutgari,  82. 


N 


Nadesgaon,  II,  260. 
Nadi,  67. 

Nadikostlia  tïrtlia,  III,  175. 
Nâga-dvipa  (Népal),  320. 
Nàga-hrada,  320. 
Nâga  malla,  II,  233. 
Nâga-paficamî,  II,  50. 
Nâgâripâda,  III,  176. 
Nâgaraka  sarvasva.  II,  241. 
Nagarjun,  391,  II;  353,360. 
Nâgârjuna,  II,  3()0. 
Nâgàrjuna  dcva,  II,  195. 
Nagarkot,  93  n. 

Nàgas,  54,  158,  213,  246,  320  à  325, 
333,  348  sqq.,  50,  217;   III,  164. 
Nâga-vâsa,  320. 
Nâga-sâdhana,  323. 
Nag  Bamba  raja.  II,  210. 
Nagdes.  V.  Nakdcs. 
Nairrtya,  350. 
Nakavihâra,  II,  266. 
Nakdès,  II,  239,  376. 
Nakku  khola,  371. 
Nala,  11,  215,  274. 
Na-ling  ti-po  (v.  Narendra  <leva). 
Nalli  [caste],  243. 


Nâma-Samgiti,  334  ;  11,  328  ;  111, 176. 
Namt)buddha  (mont),  391;  II,  82, 

144. 
Namsal,  11,  246.  V.  Nangsal. 
Nam  Simha  Hâî,  11,  273. 
Nânà  Sahib,  11,  303. 
Nanda  nâga,  327. 
Nandadeva,  11,  172,  181. 
Nanda  Gaowah  (Nanda-Gopa)  [cas- 
te], 243. 
Nandi  (taureau),  362, 366. 
Nandi,  11,  97. 
lumclJçankha-vûda,  281  • 
Nandigaon  (Nandigram),  67  ;    li, 

246,  264. 
Nangsal,  II,  397;  111,  146  à  157.  V. 

Namsal. 
Nanniya  Ganga,  II,  201. 
Nânya  deva,  64,  219,  364  ;  11,  180, 

198  sqq.,  215.  219  sq.,  255. 
Nâpita  (Nau)  [caste],  242. 
Nara  bhûpâla  Sâh,  II,  262. 
Nârada,  328,  369. 
Naraka,  11,  56. 
Nara  Nâràyana,  11,  235,  255. 
Nara  Simlia  (Visnu),  206,  369;  11, 

139,254;  lll,  92. 
Narasirpha  (du  Tirhout),  11,  234. 
Naïasiipha  Tliâkura  (magicien),  II, 

254. 
Nàrâyana,  320,  366  à  375,  388;   11, 

95, 234  sq.,  335,  353,  394  ;  lll,  35 

97, 115  (odevakuladaçamïgosthi), 

118,  146. 
Narendra  deva,  154,  156,  162,  164, 

165,  166,  212,  280  sq.,  321,  337, 

347  sqq.  ;  11,  26,  44  sqq.,  121  sqq., 

156, 162  à  167. 
Narendra  deva  (Narasiipba  deva), 

11,  207. 
Narendra  Malla  (roi  de  Bhatgaon), 

11,  239,  242,  255. 
Narendra  Malla  (roi  de  Kalman- 
>    dou).  11,  246,  338,  339. 


212 


LE  NÉPAL 


Narendra  prakâça,  i[,  257,  264. 
Naskalpur(Kirtipur),  11,274. 
Nateçvara,  386. 
Naii.  V.  Nâpita. 
Naugrocot  (Himalaya),  92,  96. 
Naiigrocot  (Nogarkol),  92,  93  n. 
Nava  Durgâ,  377  ;  n,  425. 
Navalinga  tïrlha,  ill,  475. 
Navanâdi  maya,  328. 
Navarâtri,  H,  54. 
Navasagar,  67. 
Nava-Sâgara-Bliagavalî,  11,  8,  35, 

98,  496. 
Nava-lola,  II,  424. 
Nâyaka,  H,  33. 
Nayakol,  48,   479,  483,  253,  255, 

382:11,  35,  48  sq.,  406,  493,  496, 

234,  244,  250,  264,  268,  269,  274. 
Naya  ptila,  II,  488. 
Nâyars    Nâyora    (Nairs),  249;    II, 

200. 
Nobhar  | caste],  240. 
Necbal  (Népal),  86,  94. 
Neopal  (Népal),  86. 
Nekanni  (Kaua)  Icastej,  242. 
Nekpal  (Népal),  86,  99,  421,  dans 

(ieoigi  122.  dans  P.  Marc  423. 
Ncmi   (Ne    Muni),    204,  221,  359, 

370;  H,  67  sq.,  72. 
Népal  (comparaison  avoc  Ceylan  et 

(iachemire),  5,();  (coiipd'œil  sur 

riiisloire)  7  à  39  (le    royaume, 

tableau  géographique)  41  à  46  ; 

(la  vallée,  tableau  géographique) 

47  à  74  ;  (différents   noms)  86  ; 

(connnerce)    428    n.,   472   sqcj.; 

(élymologie);  223  n.  244,  2i3  ; 

(roule  de  CJiine)  335  ;  (nom)  II, 

66;  (moiniaie)  11,  406  à  414,  et 

m,  492. 
Nemita,  11,  67. 
Ne[)âla-.Mâhâlmya,  201  sqq.,  207, 

210,  318,  326,  330,  366,  369,  372, 

387;  H,  67,  287. 


Nepâla-saipvat,  215. 

Nesti  (Listi),  82,  85. 

Neta-Devî-yâtrà,  il,  48  sq. 

Ne  vaginal    (Nivâsa    Malla),     84, 

87. 
Nevàra  (écriture).  II,  254. 
Névari,  246,  251  sq. 
Névars.  9,  249  sqq.,  254,  302  sqq., 

386;  II,  200. 
Nibharbhari  [caste],  241. 
Nicolls  (Colonel),  11,  288. 
Nidhi-lïrtha  (Nidhànao),  326. 
Nikhu,  50;  II,  40. 
Nikhu  (caste),  239. 
Nilkanth  (montagne  de),  II,  239. 
Nîlakantha  (lac),  320,  368,  386. 
Nilam.  V.  Kuti. 
Nîla  Tara  Devï,  384,  383. 
Nimisa,  328;  il,  67,83. 
iM-po-lo  (Nepâla,  Népal),  454,  157, 

463;  II,  63,64. 
Niràvati,  387,  389. 
Nirbhaya  deva.  II,  486,  190  sqq. 
Nirgunananda  Svâmi,  II,  282. 
Nirmala-tïrtha,  326;  Ilï,  173. 
Nilyânanda  Svâmin,365;  11,249. 
Niyama,  II,  67. 
Nogliakot,  425. 
Notizie  Laconiche,  385. 
Nrpendra.  Il,  256,  328,  334. 
Nrtya  Nàtha,  II,  424. 
Nuti  lîrtha,  III,  475. 
Nyalpola  Deval,  II,  11. 
Nu  pal  (Népal),  86,  92. 


Ochterlony,  137  ;  II,  288  sq. 
Odiyâna,  111,  170, 171. 
Oliphant,  140. 
Oldtield,  444,  442. 
OnkulT-bahal,  II,  26,  125,  Î08. 
OU'fai'Chan,  335  sqq. 


INDEX 


213 


Pabi  (Pamvi),  H,  82. 

Pâçupatas,  362  s<[.,  3()6. 

Parupali  (Çiva),  i  (IVonlispiro), 
20i  sqq.,  26-2,  316,  323,  3ri7  à 
366,  372,  381,  384,  388,  3îM  ;  II, 
li,  16,  58  sq.,  71,  72,  8 î,  î)3,  îm, 
108  sqq.,  135,  I3Î),  186,  217,  238, 
2ii,  25i,  256,  275,  287;  III,  \\i. 

Paçupati  (templo),  m,  (>7,  300,  323, 
370,  388;  II,  57,  97,  216,  236  sq., 
258,  293,  355;  111,92,  138. 

Paçupati  purâna,  205,  326,  369;  II, 
66. 

Par upreksa  (lova,  359 sq.  :  II,  8i,  î)3. 

Padma  nâga,  327. 

Padmacala,  237. 

Padma  rri  jnàna.  II,  2U. 

Padnia  dova,  II,  164. 

Padmaka,  323. 

Padma  kàsthap^iri,  II,  72. 

Padmapâni  Lokervara,  319  ;  II,  328; 
m,  i69. 

Padmavalî,  III,  167. 

Padmollara,  III,  167. 

Padumalla  devi,  II,  231. 

Pa-eul-pou  (Népal),  486. 

Pahanco,  III,  408. 

paijtli  (pafijanî),  288. 

Palamchok,  II,  227,  238.  —  Palan- 
rliauk  Bliagavati,  II,  8,  98. 

Palas,  II,  488. 

Paidu,  426. 

Palloki,  96,  97. 

Pa-lo-pou  (Nopal),  172,  48()  s(j. 

Palpa,  467,  256,  262:  II,  49;,  247, 

2 il,  268,  278,  285. 
paua,  283;  Ilï,  8i,  I  ;9. 
panapurdnn,  III,  449. 

Panauti  (Panâvatî),  394;  II,  144, 
215,  274. 


Panca-buddha,  II,  96. 

Paûca-rirsa  parvata  (Panca  çikha), 
332,  335  sq.  ;  III,  163,  476. 

Pâficâla  dora,  II,  4  44  ;  III,  469,  470, 
473. 

pfhlcf'tlîy  III,  41  i. 

Paficalihj^a  Dhairava,  382  sq.  ;  II, 
257 . 

Paficanadi  hrtha,  327. 

pniicnpnrâdhn,  282,  2î)5. 

Pafica-raksâ,  295. 

paiicayatf  29 i. 

pane  khât,  295. 

Pânde  (Panro),  257,  286. 

Panduke(;vara,  3i)0. 

Pândunadi,  3Î)0. 

Panga,  II,  246. 

pântya-hiniuântilKt,  284  ;  III,  88  n. 

Paiioni,  H,  314. 

Pan-tchoiM'ul,  480. 

P.  Paolo  (U  Fironzo,  403  n.,  406. 

Pâpa-nâ(;i"J>  «^-7. 

Parârara,  II,  63. 

Paràoara  dharma  çâslra,  II,  385. 

parama-mâhcrvarn^  III,  444. 

Paramecvarï,  374. 

parbatit/a,  246,  275  sq. 

Parirista-parvan,  II,  65. 

Parigospalli,  III,  4i5. 

PariksÛ,  II,  82. 

Parsa,  423. 

pâisi  (écritunO,  H,  251. 

I^artasmal  (Pratâpa  M  al  la),  85,  87. 
Piirthivendra,  II,  256,  334. 
Parvaleçvara,  II,  439  ;  III,  92. 
Pârvàli,  348,  346,  375,  387. 
Patalipulra,  243;  111,462. 
Palan,  52  (Ilislonipio  ot  noms  di- 
vers :),  60  sqq.  (Pallana-Pâtan), 
67,  80,  84,  86,  409  sqq.,  422,  284 
385:  II,  4,  4  (oaitya),  33,  44  sqq 
(Matsyendra  Nâtlia  yàtrâ),  473 
493,    494,    490,    242,    220,    236 
(royaume  do),  239,  257  à  261 


214 


LE   NÉPAL 


2iri,  248,  265,  271,  282,  299,  3'il 

sq.,3Usq.;  111,  il3à4i8. 
Patuka,  11,  83. 
P.    Paulin    de    Saint-Barthéleiny, 

ii3  II.,  diriii. 
Pi'-boiin.  V.  Préboung. 
Pei-pou  (Ncpal),  ISG. 
Phammthh),  11,  189. 
Phatlfi,  II,  11. 

]>liirin*îï  (ôcrilunO.  IL  2i)l  scf. 
Phiiphin-,   07,   379,   390  ;   II,   43, 

2U>,  399. 
Plmlrliok   (PhuIhuTlin),   333;    111, 

103. 
Phiillak,  177. 
Phiiluin.  Il,  2;(;. 

]*ick(Msj;ill,  72. 

Vi('.-])nn\)  (Nrpal),  18(J. 

P.  Piorro  kW.  Serra  Pi^lrona,  102. 

Pihi,  2;3. 

Piiiors  C()iniii(''iiioralifs,  III,  W  s(j. 

Pinjzahi,  11,  2<),  72. 

Pin}:ala-vilKiiîi,  II.  72,  495. 

Piiila-viliara.  Il,  .M,  IH). 

pUlHKUnjahsa,  2Sl  :  III,  88  n. 

Potlliya  (Piiriya)  |cast('|,  241. 

Poklira,  2ri3. 

Possé,  122. 

Polala.  ?ù\\. 

P'ouo-lo-ti»n,  •l;i7. 

Pon-1/i'ii  (Ilhattraoïi),  172,  187. 

PrahliAvalî,    risirn»   («'l    shmit    <I«» 

Mahciulia).   203.   327,    330,   309 

s(|(|.  :  III,  |(>3,  I7r>. 
Pracanda  (h'Na,  II,  i.  70. 
pradhfDW,  28*  ;  II,  20."). 
Piadyuiniia,  203,  !10S  sq<|. 
Prad)  iiiniia    kaina    <l«>va    (Padina 

dova).  11.  lîli. 
Pralil:ida.200.  329,  :;(>9  ;  II,  W,  308. 
Prajnii,  377  :  II,  17. 
Prajfia,  .'iil9. 
Prakânda,  38  «. 
Prainodaka  tirllia,  327  :  III,  475. 


]>ranâlî,  II,  22. 

Plana  iMalla,  II,  239. 

prasâdâdhikfta,  284 . 

Prasâdagupta,  11,  424  ;  111,  53-5G. 

prâsâda  ratha,  III,  450. 

Praldpa  Malla,  87,  88,  246,  323. 
3()0,  305,  368, 384  ;  11,  17,  59,  224, 
250  à  256,  260,  262,  33i.  335, 
330,  393  (inscription  |H)lygra- 
pliiquo). 

pratolh  III,  90  n. 

pvfiiffanta.  II,  444  sqq. 

Prayâga-nhairava,  383;  II,  443. 

Prayâj;a-tïrlha,  H,  434,  443  sq. 

Préboiing  (Népal);  Pé-bouii  (Né- 
vars),  486,  307. 

Prêtas,  llï,  474. 

Prilhi  Narayan  (Prthvî  Nâràyaça), 
02,  64,  0(5,  444,  474  sqq.,  243, 
253,  264,  204,  266,  274  sq.,  276, 
286,  309;  II,  5,  36,  44,  54,  440, 
2()3  à  277. 

Prihivi  prda.  II,  282,  284  sq. 

Prthivi  Vira  Vikraina  Sâh,  II,  303. 

PrlhvïiMJii,ll.222. 

Pucrhn^Ta,  301  ;  III,  462. 

Pnlastya,  206,  364,  388. 

Pnipiil  |rast('|,  242. 

Pui.uira  \ardliana,  354. 

Punka  (?)  Pamali,  III,  445,  117. 

Piinyadova,  II,  425. 

Piinva-tirtha,  326. 

puràm  (monnaie),  204,  209:  III. 
84,  149. 

Pnriya  (V.  Podiiya). 

punthitn,  272. 

Pnrnhi,  273. 

Punisa[>ura,  371. 

Piispa  deva  (Piisya  deva),  II,  469; 

III,  r.o. 

jntsjtn-patfikafrtlhn),  284:  II,  139; 

ill,  88  n. 
Pus[)avâtikâ  vilûra,  111,  445,  418. 
Putanas,  III,  474. 


INDEX 


215 


Putvârs  (Duân),  243. 
Pyulhana,  II,  273. 


R 


Râdhâ,  II,  i06. 

Kâdhâ-Krsna,  II,  13,  259. 

F{a(loc  (liudok),  85. 

Hâ<(liava  (leva,  II,  ISO  sqq. 

Uaglmnâtlia  Tlia,  230. 

Uaî^liû  nâtha  Pai.uiila,  II,  292,  29;. 

Bâja-giiru  (liâjya-),  2i7,  272,  293: 
11,301. 

Rajaka  |caslo|,  228. 

Kâjalla  devi.  II,  231,  233,  235. 

Haja  Malladeva,  11,212. 

Kâja manjaii,  32(). 

lUijaiiiatî,  II,  255. 

râjânqanâ,  III,  d50. 

Hâja-tïrilia,  320. 

lUjarajervarî,  388  ;  II,  125. 

lUija  vihùra,  II,  169;  III,  li5. 

Rrijecvarî,  378  ;  II,  21;. 
lUjendra  Lala  Mi  Ira,  d47. 
Hâjeiidra  prakiira,  II,  257. 
Hàjondra   \'ikram   Sali,    188,  300: 

il,  290  à  300. 
Hâjendra  Laksmï  (mère  do  Rana 

Rahâdur),  II,  278'. 
llajya  prakâra,   409,  28i;   II,  257, 

201,  261. 
lîâjyaniatï.  II,  171. 
Râjyavati,  II,  8,  99  sqq.  ;  III,  5,  15, 

20. 
Râksasas,  203. 
Ilaksaul,  II,  308. 
Haktacaiidana,  203. 
Raktâiiga,  326. 
Rakla-Vinâyaka,  381. 
Râina,  379;  II,  60,  70,  81,  23i  sq., 

368. 
Kâma  Nâlha  Sâh,  230. 
Râma-navamî,  II,  60. 


RâmaSah,  256;  II,  262. 
Râma  Simha  deva,  II,  248,  220. 
Râmâyana,  364;  II,  70. 
|{âmeçvara,  11,139;  111,92. 
Rana  Rahâdur  Sâh,  132,  136,  181, 

188,299,309;  II,  277  à  286. 
Rana(;ura,  II,  214. 
Ranajit  Malla,  64, 103,  104  n.,  174  ; 

11,  41,  2i3,  2()3,  265,  268,  274. 
lîana  Malla,  II,  239. 
liana  Vira  Simha  Thâpà,  H,  291. 
RanbirJanj;,  II,  30i. 
liani-Pokhri,  57,  291;  11,  255,  358. 
ranja  (éc  ri  turc),  H,  250. 
Ran  Jaug  Pan i-o (Rana  JangaPânde), 

II,  292  sqq. 
Ranjil,  Singh  (Rana  jil  Simha),  II, 

285,  29;. 
Ranoddipa  Simha,  11,  303  sq. 
Rapti  (lorrcnl),  11,  310. 
mtha-yâtvâ,  II,  39  sqq. 
Ratna  deva,  II,  16;. 
val hol tola iKi ,  III,  150. 
Ratna  dvîpa.  II,  149. 
lîatua  kîrli,  II,  189. 
Ratna  Malla,  53,  365;  II,  239,  243 

sqq. 
Ratna  raksita,  11,  189. 
Rainasambhava,  II,  328. 
Ratna  Simha,  256,  262. 

Rainavati  (Balku),   327,  330;   lll, 

1— « 

Râvana,  203,  207,  379. 

Ravigupta,  II,  120,  158  ;  IH,  48,  51. 

Raya  Malla,  II,  238. 

Ilayanavatî,  III,  167. 

Retâ  (pâncâlî),  lll,  117. 

Roiiinî,  326. 

Rosaniali,  387,  389. 

Rose  (Alexandre),  112,  116. 

Rudok,  79. 

Rudra  deva,  II,  187,  190  sqq.,  208. 

Rudra  deva  varman,  II,  26,  95  sq. 

Rudradhârâ,  326. 


216 


LE   NÉPAL 


Kudramatï,  336. 
Kudravartiavihâra,  11,  26,  347. 
KûpamaU,  11,  255. 
Runi  Bhairava,  IIL  iTO. 


S 


Sabhâtarangini,  11,  35 i. 

Saciva-vihàra,  H,  109. 

Sadà  Çiva  «leva,  06,  284,  360  ;  II, 

497,  205  sq. 
Sadâ  Çiva  MalJa,  II,  248. 
Sadaksari,  III,  471.- 
Sâdhaica,  380. 
Sâh,  255,  265. 

Sahasra  Sundaii  Urlha,  III,  475. 
Sâlimehgu  (Sahinyahgu),  III,  462, 

464. 
Sàkela  (ville),  III,  166. 
Sakhvâ,  II,  179. 
êâksin,  III,  149. 
Saleure,  448  n. 
Sàliiii.  V.  Sarmi. 
Sarnanta-bhadra,  325;  II,  59;  III, 

470. 
samanta,  280. 

Sàmhapura,  II,  139:  III,  92,  155. 
Sainbhota  (Tlion-ini  a-nu).  II,  i'*9 
^  sq(i. 

Samgila  bhâskara.  II,  241. 
SanigUa  carulra,  II,  2*1. 
Saipgila  sâra  samgraha.  II,  2*1. 
Saniluira  Bhairava,  III,  176. 
satfimarjai/itn,  281  ;  III,  89  n. 
Sainri,  II,  311. 

Sainudra  (aipta.  II,  01,  69,  87. 
Sanalkumaia,  20(). 
Sariga,  382;  II,  215,  238,  239,  274: 

m,  96  à  101. 
Sangarhnk,  11,  23i). 
Saiigal  toi,  II,  3i7. 
San^liar  (sougat)  (faslcj,  244. 
Safikasya,  II,  70. 


Sankù  (roi),  11,  71. 

Sanku.  67,  425.  297,  380,  384:  II, 

49,  473,  239,  246,  264,  379  sqq.  ; 

111,  440. 
Sànu.  V.  Matsvendra  Nalh. 
Sapf'lâpâncâlï,  11.  440:  111,  92. 
Sarasvatî,  332;  IL  57. 
Sai-asvalî  (rivière),  327. 
Saral  Cliandra  Das,  222. 
Sarmi  [casle],  241  sq. 
Sa  rvada  nda  -  nâya ka ,  28 1 . 
Sarvânanda  Pandita,  323. 
Sananivaranaviskambin  Bodhisat- 

Iva,  III,  474. 
Sarvapâda,  ÏIl,  470. 
Sarva  lalhàgata-mahâ-guhya-râjid- 

bhulânuUara  -  pra<;asta  -  mahâ- 

niandala-sûlra.  11,  65. 
Sasthi/ll,  139:  III,  87  n. 
SalangaL  II,  246. 

Sât  Bàhalyas,  11,  264,  268,  274  sq. 
Sutî  Nàyaka-devï,  11,  234. 
Satya  Nârâyana,  11,  340. 
Saurâstia,  204,  330,  372. 
Sayâ  iiinela  (écrilure),  11,  254. 
Scimangada,  120. 
Sci  usclia     ((^buscha,     Chôsyâng), 

127. 
SrblapinlweiL  148  n. 
Scoll  (Samuel).  134. 
Segowlie,  II,  289. 
Soiia,  III,  173. 
P.  Séraphin  de  (iome,  111. 
Se yâdajana  (écriture),  11,  251. 
Skanda  purâna,  201. 
Sheashu  |caste|,  239. 
Sher  Balladur,  11,  280. 
Slierista  | caste],  239. 
Slnkarj<)iig,Sikharj(>ng(Digarchi), 

179;  II,  238,  279. 
Sliore  (John),  1 15. 
Siddha-pokliri,  II,  372. 
Siddhi  Narasimha  Malla  (Nr  Simha 

Maiia),  62  n.,  173,  241  n.,  319; 


INDEX 


217 


II,  32  sqq.,  39,  193,  255,  257  à 

259. 
Siddhi  Nârâyana.  496. 
Siddhi  sàra,  II,  237. 
Siddhi-Vinàyaka.  384. 
Sikarmi  [caste],  241. 
Sikkim,  11,  279,  289. 
Simângarh   (Simraun    garh),    6'j, 

120,  379;  11,480,  i 99,  222. 
Simha  (?)-kara-,  283. 
Simha  Pratàpa  Sàh,  11,  277. 
Simhala,  364;  II,  71. 
Siinraun-garh.  (V.  Simângarh). 
Sihghinî,  11,  11. 
Sipa,  125. 
Sirdars,  289,  298. 
Sisagarhi,  11,  284,  306,  313. 
S  i  sa  pan  i,  124. 
Silâ,  11,  368. 
Sitasaras,  340. 
Sitikhastî  (Sili   yâlrâ),   11,    36,    49 

sq. 
Si-tsang  tseou-sou,  186. 
Sivapuri,  367. 
Skanda,  11,  49. 
Smith  (Cap.),  141. 
Snânayâtrâ,  II,  217. 
Sohgaura  (plaque  de),  H,  H. 
Soma,  203. 
Somarekhara.ïnanda-Svâmin,365; 

II,  244. 
Somavamoa,  11,  67. 
Someçvai'a  d(;va.  II,  209. 
Sonagulli,  67. 
Sounwars,  223. 
Srong-btsansCjam-po,  155 sqq.,  309, 

338;  11,  148  sqq.,  159. 
Stambha,  III,  5. 
Sthûla-caitya,  11,  345. 
Sthunko,  li,  82. 
Subâhu,  III,  166. 
Sudatta,  11,  72. 
Sudhanvan,  II,  70. 
Sukhavatî,  324. 


Snlaksana-tîrtha,  327;  UI,  475. 
Sunandàcârya,  II,  207. 
Sunaya  Çri  Mitra,  II,  26,  95. 
Sundarî  nâgï,  327,  388. 
Snprabhâ,  369  ;  II,  71. 
Surendra  Vikrama   Sâh,    11,  300, 

303. 
Surghdan  (Çuddhodana),  372. 
Surùpa  raina,  111  ;  11,  271. 
Sûryaketu,  203,  369  sq. 
Sûrya  Malla,  11,  246. 
Sûryavamça,    225,    322  (de   Bhat- 

gaon),  II,  226  (de  Katmandou), 

II,  248. 
Sûryavatï  (Tadi),  II,  48. 
Sùrya-Vinâyaka       (Suraj  -Binaik), 

384,  390:  II,  13,  379,  384. 
Suvarna-dhârâ  (Son-dhârâ),  II,  186, 
Suvarna  Malla  (Bhuvana  Malla), 

II,  239. 
Suvarnavali,  326. 
Svâmin,  220. 
Svarnarrngorvara,  203. 
Svarnervara,  370. 
svatalasvflnu'îi,  III,  71. 
Svayambliù    (V.    Syambùnâth),    1 

(frontispice),  209  sqq.,  332,  376, 

382,  390,  391  :  II,  14,  m,  82,  98, 

237,  253,  255. 
Svayambhùcaityabhattàrakoddeça, 

210;  11,  194. 
Svayambhû-mâlâ,  II,  56. 
Svayambhu-purana,  208  sqq.,  326, 

332  n.,  335,  354,  361,  381  ;  II,  5; 

m,  159  (Svayambhuvao),  161. 
SvayambhQtpattikathâ  (V.  Svayam- 

bhû  piirâna). 
Svâyambhuva-purâna  (V.  Svayam- 

bhu-purâna). 
Svayamvrata,  11,  71. 
Svekhù,  11,200. 
Syàniarpâ  (Cha-mar-pa),  481, 
Syambùnâth  (V.  Svayambhûnàth), 
*65,  68,  216,  346,  326,  334;  II,  3 


2i8 


LE   NÉPx\L 


sqq.  (caitya),  17,  49,  5-2,  98,  333 
sqq. 
Syemgu,  11,  216. 


Taksaka  riâga,  3'23  s(j  ,  3fi7. 

t'tksa  knra,  i29i). 

Talejû  (Tulasi,  Tiilajâ,  Talagû).  -239, 

-240,  -251,  378  sq.;  IL  3(). 
Taina.sâ  (Tons),  3-28. 
Tànibâ  khâni  (Tanihacani),  12*  :  II, 


2;4. 


Tarnba  Kosi,  385,  386. 
Tàmkariui  [casle|, -241. 
Tâmrakâra  |raste|  (Tliainbal),  2 il. 
Uimrakiittnrfilfi^  III,  155,  156. 
tâmrapami,  llj.  68. 
Tâna-<l(îvatâ,  11,  196. 
Tanahung.  253  :  II,  276. 
Tang  (l)yiiaslie),  150,  163  sqq.  ;  II, 

112. 
Taiigul,  79. 

Tanlras,  380  s((.,  383:  II,  64,  356. 
Tan-tsing,  180. 
Tno-cheng,  161. 
Tao-fang,  161. 
Tapu  Malla  (?),  11,  213. 
Tara  (brahmanique),  203. 
Taiù  (b()ud(lhi(|ui'),  346;  11,  152. 
Taranalha,  308,   310,  354,  357:  11, 

189. 
Tara-lanlra,  3i6. 
Tara  lirlha,  lll,  175. 
Tuiia,  II,  250. 
Talli|ra>tr|,  2;3. 
Tau-daban  (Tau-dab),  321. 
Ta\rinirr,  86,  92  si|q. 
Trht'ii  lituimi,  168. 
IVc.qia  tiillia,  III,  175. 
IVjn    .Nara   Sii)iha   Malla,   II,  2()5, 

272,  275. 
'IVni|ib*  (Kirlianl),  Ii8  n. 


Teng-tch'eug,  169. 

Téraï  (aspect  général),  42,  334; 
II,  276,  277,  -289,  302,  303,  304, 
308. 

Tbâkurs,  53,  239,  265  sqq.  ;  277. 

Tbâkuris  (dynastie  des),  221,  225, 
-280,  •28;.V22:  II,  68,  121,  la3 
s(].  (de  Katmandou),  H,  249  (de 
Nayakot).  Il,  193,  196,  244. 

Tliambaliil.  II.  287. 

Tbambat  (V.  Tâmrakâra). 

Tliambû,  11,  160. 

Thamel,  58. 

Tbamri,  II,  335. 

Tban^'-la  (Nya-nyam-tbang-la),  85. 

Tbang  (passe  de)»  85. 

Thankol,  65,  369;  II,  71,  246,  315, 
392;  m,  102  à  109. 

Thâpâs  Ranpus,  277. 

Tliar^'ars,  286. 

Thâpas  khas,  277. 

Tbapalliali,  57. 

Tharis,  II,  264. 

Tbarus,  11,  67  sq.  et  n.,  309. 

Theelio,  67  ;  11,  245. 

Thoka,  II,  1-28,  395;  III,  65  sq.  (ins- 
cription de). 

Tbomaï-balial  (Vikiama  Sin^ha 
Vi luira),  II,  334. 

Thon-mi-Sambhota,  II,  8  n. 

Thyba,  67. 

Thumlâm,  181. 

Tbegam,  122. 

Tibet  (route),  67,  94  sqq.  ;  (mission 
des  (iapucins),  98  .sqq.  ;  (route 
du  Népal  au  — ),  125,  126,  429 
sqq.  ;  (rapports  avec  le  Népal), 
1()6  sq(|.  ;  (relations  commercia- 
les avec  le  — ),  172  sqq.  :  (guerre 
avec  le  -  ),  177  sïjq.  ;  (Inscrip- 
lions  libétaines),  216,  283,  296, 
307,  309  sqq.,  336  sq(|.  (Maiiju- 
cri):  II,  5  (caitya  Syambhû);  7 
s(|.   (caitya   llu'dhnâlh);  15,    i8 


INDEJC 


219 


sq.,  34,  95,  ii2,  i46  sqq.,  173 

sqq.,  244,  247,  249  sq,,  259,  276; 

(guerre  avec  le  Népal),  279;  301 

sq.,  336. 
Tila-Mâdhava,  203. 
tUamaka,  303. 
Timi,  64,  67  ;  II,  53,  239,  240,  260, 

291,  374;  III,  46  sq.  (inscription 

de);  119  à  137. 
Tinya  (Katmandou),  53. 
Tinya-Ia  (Patan),  6i. 
Tippah  [caste],  242. 
lïrahuti  (écriture),  251. 
Tirhoul,  11,  222  sq.,  234,  238,  24'*. 
Tirsul  Gandak,  II,  262. 
Tirsul  Ganga,  II,  239. 
Tirlhas,  325  à  329. 
To-bahal,  Kalmandou  (Inscription 

de),  m,  22  sqq. 
Tod(CoI.),  256. 
Todârânanda  pandita.  II,  317. 
Toho-bahal,  II,  338. 
Thoka,  246. 
toL  284. 

Trailokya  Malla  (Tribhuvana  Mal- 
la),  II,  240,  248. 
P.  Tranquillo  d'Apccchio,  103  n., 

106,  114,  115  n.,  125,  129. 
Tremblements  de  terre,  II,  291. 
Tretâ-yuga,  358. 
Tricampaka,  389. 
Triçula-Gandakï  (Tirsul    Gandak), 

328  sq. 
Trirûla  Gangû,  11,  48. 
trikara,  283. 
trikotja.  11,  17. 
Tripura   Sundarï  (reine),   II,   286, 

290  sq. 
Tripura-Sundari  (déesse),  381. 
Tripure(;vara,  II,  329. 
Triratna-stoira,  11,  342. 
Triratna-vibâra,  348. 
Tsapaligaon  (V.  Chapaligaon),  II, 

394  ;  III,  57  sqq.  (inscription  de). 


Tukhâras,  II,  145. 
Tukhucha,  50;  II,  70. 
Tulacchi-Tol,  II,  126,  374;  111,  6. 

sqq.  (inscription  du). 
Tulajâ  devî,  11,  225,  240,  244,  248, 

261,  272,275,  277,  281,  282. 
Tundi  Khel,  319;  11,  22,  55,  389. 
Tyàngâ,  382. 
Tyekani-bahal,  11,  327. 


U 


Udas  frastel,  240,  241  ;  11,  328. 
IJdayadeva  (l),  II,  120,   142,   159, 

162  s(|. 
Udaya  deva  (II),  11,  194. 
Udaypur  (râna  d'),  U,  90. 
llgra-Târâ,  381. 
Djjayinî,  383,  388. 
Umà,  206. 

Umâpali  dhara,  11,  200. 
Unmatla-Bliairava,  383;  111,  176. 
Unko    Vibar.    V.    Rudravarna-vi- 

bâra. 
Upanâlaka,  326. 
llpâdhyâya  [caste |,  239,  272  sq. 
Upagupla,  213;  II,  83;  111,161. 
llpakeçinl,  332. 
Upananda  ndga,  327. 
uposadlia,  II,  353. 
(Jtkala-Khanda,  201. 


Vacchleçvarï,  Valsalâ,  Vatsalecvarï, 
1.  frontispice,  378, 379, 388,  391  ; 
H,  36, 124,  125,  243. 

A'âgîçvara  lîrlha  (Vagirai ta"),  327 
sq.,336,  388;  m,  175. 

Vâg  içvara  kïrti,  11,  189. 

Vâgïçvarï,  U,  355. 

Vâgmatî.  V.  Bagmali. 


220 


LE    NÉPAL 


Vâfçvatî,  206,    -207;  III,   130,   iU, 

166.  V.  Ra*,Miiati. 
Vâgvali-inâhatmya,  !20i)  sqq. 
Vagvali  para  deva,  II,  131);  III,  0-2. 
Vairâlï,  11,  210. 
Vaii'va  rajas,  II,  26-2. 
Vaidyaka,  II,  I6S. 
Vaidyas,  2-2«,  2i6. 
Vairncaria  (Malin),  II,  10,  328. 
N'alioraiia  Pandila,  II,  ISi). 
VaisnaM,  3«(i;  II,  -265;  III,  176. 
vtijni,  II,  17. 
VnjralxMJhi^  330. 
Vajràcarya  (rasto),  2U);  II,  32. 
Vajra  dova,  II.  ISO. 
rajra  dhiitu,  II,  13,  10. 
Vfijraiûda,  III,  173. 
Vajrapani  IJodhisatlva,  III,  170. 
VajrasaILNa,  3-20;  II,  4,  î;i. 
Vajra-Varalii,  300. 
Vajra- yoga,  380. 
Vajra-yogini,  380  sq  ,  388;  II,  iO, 

I03,'l-2r,,  246,281. 
Vajreovah,  377. 
Vaj  ri  ni,  381. 
Va  lace  h  i  Toi,  II,  377. 
A'alasaikki-devakiiia,  III,  148. 
Vala[ya|-yasti,  III,  .*». 
Vale»;\ara,  388. 
Valhika,  III,  167. 
Vallara  Simha,  11,-233. 
Valiniki,  3-28,  388. 
Valinikicvara,  -203. 
Varna  dt'va,  II,  106,  -2-22. 
VamraNaii,  103  sq(|.,  214,  210,  303, 

33*),  3.*)I. 
Nana  de\a.  Il,  10(i. 
Vanga  mani.  Il,  251. 
Vansillaii,  146,  271. 
Varada,  332:  III,  164.  177. 
Vara  d<na,  3'.8  scj.  ;  II,  28,  33,  165. 
Varaha Mihiia,  II,  63.  211. 
Varaln,  386:  II,  7:  III.  176. 
Vardliarnana  drvji,  ()7  ;  II.  173. 


Varkam  (V.  Jagat  prakâça  Malla). 
Varna,  ill,  172. 
Vamalaksmï,  III,  172. 
vàrtta,  282;  II,  131. 
Vârlta-Bhogacandra   (Varia-®),   II, 

128;  III,  68,  60. 
A'aruna,  322,  327,  350. 
Varuna  Naga,  111,  176. 
Va>antadeva,  II,  116  sqq.;  III,  oi 

sqq. 
Vasaiila-paiicamï,  II,  57. 
Vasavagraiiia,  III,  173,  174. 
Vasistha,  3i6,  382. 
Vasiihaiidliu.  370;  II,  65. 
Vâsudeva,  II,  241  :  111,  47. 
Vâsuki  nàga,  3-22  .^qq.,  301  ;  U.  i^, 

103. 
Vasundharâ,  3-28;  III,  163,  475. 
A'alsa  d(*vi,  II,  167,  170. 
A'atsala  (V.  Vanthlervan). 
N'alsalervan,    378.   (V.    Vacchli?ç- 

van.) 
Vayu,  350. 
Vont  non,  146  n. 
relropasthita,  III,  140. 
Vihhuvarman,  II,  22,  13S,  142. 
Vibliisana,  206. 
Virâla-nagara,  367;  11,  71. 
Virravas,  206,  207. 
VirvaMiu,  m,  163. 
Virvadt^va,  378;  11,36,  425. 
Virvajit,  284:  11,265. 
Vii-vakarinan,  II,  5. 
Vit; va  Malla  (Vis^iu  Malla,  Bcsson 

Mull),  II,  240. 
Vit;  variât  ha,  286. 

N'idyadhara-varma  vihâra,  II,  495. 
Vidyadhan,  III,  173. 
vihaia.  II,  23  sqq.,  20,  51,  328  cl 

pass. 
Vijaya  darami.  II,  41. 
Vijaya  deva,  11,  160;  III,  415,  448, 

1  fs. 
Vijaya  kâma  deva,  II,  209. 


INDEX 


îîi 


Vijaya  sena,  II,  200. 
Vikateçvara  (Nàràyana),  111,  97. 
Vikmanti,  380  ;  II,  7,  98. 
Vikrarna  çîia-vihâra,    33i;    II,   7i, 

189;  III,  176. 
Vikramâdilya,  383;  II,  35,  71,  1-26, 

iU. 
Vikramajit,  367,  380,  384;  II,  51, 

71. 
Vikramakesari,  367;  II,  7,  71. 
Vikrainasena    râjapulra,   II,    140; 

m,  74,  77  sq.,  99,  101. 
Vikrainaslhala,  III,  171. 
\'iinalananda  svâinin.  II,  256. 
\  iinalaprabhâ,  11,  398. 
Vimalâvali,  326. 

Vinâyaka,  391  ;  II,  124  (Vacana"). 
Viiidusvâmin,  II,  140. 
Nipaçyiri,  330,  391. 
Vi[>ra  dâsa.  II,  2 il. 
Vi[)ravarrna-goinin,  III,  65. 
\  îrabhadrâ,  32S. 

\  îra  deva  (N'ara  deva),  60;  II,  172. 
Vira  Naia  Simlia,  II,  26i,  2<>S. 
\  ira  .Narâyana,  11,  235,  255 
Vira  iNârayana-avalanisa,  II,  234. 
Viralrcvara,  11,  97. 
\  irupaksa.  361. 
\  iru[)âksapa<la.  III,  176. 
Nisnudi'va,  II,  125. 
Visniidliarinollara,  III,  133  sq. 
\  isnu  iHi\A'd  Vuvaraja,  H,  160  sqq.  ; 

ill.  103,  lo;,  109. 
Nisnii  Malla,  323;  11,261,  264. 
Visi.ui,  20;  s(|(|.,  320,  32;,  346,  350, 

35S,  366  à  375,  381,  389  sq(i.  ;  II, 

18,  19,  41,  56,  71,  103,  242;  III, 

171. 
Visiui  Vikrantatnurli,  III,  19. 
\  iNî.uimalî.  V.  Bilsnuinali. 
Visiuinalhâ,  II,  125. 
Vibiiupadi.  326, 329 (v.  lUtsnuiiiati). 
\  issclier  (Nicolas),  90,  91. 
1*.  Vilo  de  Kecanali,  102  sqq. 


Vrsa  deva,  385;  11,  32,  71,  96;  111, 

15. 
Vrsakarna,  111,  169,  172. 
Vrsavarman,  111,  58. 
vrttibhuj,  282. 
Vyâghra-yâtrâ,  II,  51. 
Vyâghrî-jàlaka,  II,  144. 
Vyâghrinî,  II,  11. 
Vyâsa,  206;  111,130. 


W 

Wang  Hiuen  fs'g,73, 154  sqq.,  321  ; 

II,  165. 
Wen  tcKcnij,  156, 160. 
Wei'tsaïKftou  tche,  185. 
Wallancliun  (passe  deTipta-Ia,  ou), 

131. 
D--  Wright,  142,  194,  215,  217,  270. 
II.  Wylie(Col.),  148;  II,  306. 


Yaral.iketu,  II,  62. 

Yai'odharâ,  II,  195. 

Yaçodharj  viliâra.  II,  195. 

Variinâlha,  II,  196. 

Yag  bahal,  III,  138  à  145. 

Yaksa  Malla,  64,  210,  284,  365,  II, 

226,  238  sq. 
Yaiiia,  350;  II,  96. 
Yaiiia  dlianna  râslra,  II,  385. 
Yania  inalla,  II,  401. 
Yainbu  kraniâ,  II,  209. 
Yampi-bihar,  II,  26,  95. 
Yam-pu,  Y'ang-pou  (Katmandou), 

54,  187. 
Y'amunâ,  327. 

Yang  pou  (Katmandou),  54. 
Yang  Sanpao,  169. 
Yasii,  m,  5. 
Ydtrd,  H,  34  sqq. 


222 


LE   NÉPAL 


YathâgûmpadçuiT),  111,  24. 

Yebraipkharo,  III,  108. 

Ye-leng,  nom   de  Patan,  6i,  172, 

187. 
Yellung  (Yalaipba,  Yalambar),  11, 

81  sq. 
Ye  ran  (Patan),  61. 
Yin(daise)  (Kalniandou),  33. 
Yogainalî,  11,  261. 
Yogâmbara-jnâna-dâkinï,  349. 
Yoga  Narendra  Malia,  II,  -260,  261. 
Yoga  Vasistha,  11,  394. 
Yogin,  380. 
Yoginîs,  380  sq. 
Yoni,  11,16. 


Younglo,  336;  II,  228. 

Yulloo  daisi,  Yellon-desi  (Patan), 

61. 
Yumila,  11,  262,  281. 
Yungvar  [caste],  243. 
ynpa,  III,  5. 
yuva  rt/ja,  283. 


Zaervanegilta  MalJa  (V.  Raoajita 

MalJa),  103. 
Zimpi  Taudu,  II,  344  sq. 


TABLE  DES  MATIÈRES 

DU  TROISIÈME  VOLUME 


Pages. 

I.  Inscription  du  pilier  de  (llianj^'ii  Narayan  (samvat  H86)..     .  A 

11.  Inscriplion  de  Lajanpal 49 

III.  Inscription  du  To-bahal  à  Katmandou *24 

IV.  Inscription  du  pilier  d(;  Harigaon *25 

\'.  Inscription  de  Tiini 46 

VI.  Inscriplion  de  Kisipidi  (saipvat  449) 48 

VII.  Inscription  de  Oanadeva  à  Kisipidi  (an  4..) 5^2 

NUI.  Inscription  de  Tsapalij^'aon 57 

IX.  Inscriplion  du  Tulacclii-tol  à  Bhalgaon 64 

X.  Inscriptioïi  de  Tlioka 65 

XI.  Inscription  de  Dharainpur 67 

.XII.  hiscriplion  «le  (jiva<leva  à  Kliopasi 70 

XIII.  Strie  I  de  Harigaon  (an  :{0) 82 

XIV.  Stèle  H  de  Ilari'raon  (an  32) 94 

X\  .  Inscription  <le  Sanga 97 

X\  I.  Inscription  de  Thankot 40:2 

X\  II.   Insniplion  de  Sanku 440 

.XVIII.   Inscription  du  (Ihasal-tol  à  Patan 413 

XIX.  Inscription  «le  Timi 449 

X.X.  Inscription  «lu  Vag-bahal 438 

XXI.   Inscription  «le  Nangsal 446 

.Noti'  SIM'  les  «leux  planches  annexées  au  premier  volume..  458 

Appendice. 

1.  |j*  Népal  dans  le  Vinaya  «les  Mûla  Sarvâslivâdins.    .     .     .  484 

11.  In  altiste  n«''palais  à  la  cour  de  Koubilai  Khan 485 

III.  A  [>ro[K>^  d«»s  syinhoh's  sur  le  fronton  des  stèles 489 

IV.  Caitya  de  Svayamhhû 490 

V.  Marui^^crits  du  Ihiddha-l^uràna 494 

VI.  .Nuinisinatif|ue  du  Népal 492 


TABLE  DES  PLANCHES 


I.  (Inscription  l).  Changu  Narayan.  Face  L 
II.  —  —  Face  11. 

m.  -  —  Face  in. 

IV.  (Inscription  II).  Lajanpal. 
V.  (Inscription  III).  To-balial  Katmandou. 

VI.  (Inscription  IV J.  Pilier  de  Ilarigaon. 

VII.  (Inscription  V).  Tinù. 
VIII.  (Inscription  VI).  Kisipidi(Sanivat  149). 

l\.  (Inscription  Vil).  Kisipidi  (Ganadeva). 
X.  (Inscription  VIII).  Tsapaligaon. 

XI.  (Inscription  IX).  Tulacchi-tol,  Bhatgaoïi. 

XII.  (Inscription  XI).  Dliarampur. 

XIII.  (Inscription  XII).  Klio])asi. 

XIV.  (Inscription  XIII).  Ilarigaon,  stèle  1. 
XV.  (Inscription  XIV).  Ilarigaon,  stèle  11. 

XVI.  (Inscription  XV).  Sanga. 
XVII.  (Inscription  XVI).  riiankul. 
XVIII.  (Inscription  XVII).  Sanku. 
XIX.  (Inscription  XVIII).  (lliasal-lol,  Patan. 
XX.  (Inscription  XIX).  Tinii. 
XXI.  (Inscription  XX).  Yag-bahal. 
XX 11.  (Inscription  XXI).  Nangsal. 


niVlMHKS.    —    IMPKrMKKif':    m'RAM),    RUE   FL'LBERT 


-  Chaitgu-NarayaD,  Face  I. 


-jr— •wvçt 


I.  —  Changu-fisrajan.   F»ce  II, 


I.  —  ChiDgu-Ngrsjan.  Face  111 


m.  —  To-babal,  Kttmindou. 


Partie  siiiKTicurc  du  IV.  —  l'ilior  lic 
llarigaon.  Exircmités  Jes  ligni's  1-16. 


IV.  —  Pilier  de  HarigaoD. 


VI,  —  Kibi|ii.li.  (Som«>il  449) 


vil.  —  Kisipidi.  (Ganadeuu.) 


XIV.  —  l[ari);aon,  stèle  II. 


X.  —  Tulacclii-tui,  bhBtf^iioii. 


XVIII.  —  Ghasal  Toi,  Patan. 


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XV][I.  —  ChM.l  Toi,  Palan. 


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