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ANNALES
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TOHE DIX-HUITIÈME
LE NÉPAL
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LE NÉPAL
ÉTUDE HISTORIQUE D'UN ROYAUME HINDOU
PAR
SYLVAIN LEVI
PROFESSEUR AU COLLÈGE DB FRANCE
OUVRAGE ILLUSTRÉ D'HÉLIOGRAVURES
VOLUME II
PARIS
ERNEST LEROUX, ÉDITEUR
28, RUE BONAPARTE, 28
1903
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LE NEPAL
ÉTUDE HISTORIQUE D'UN ROYAUME HINDOU
PAR
SYLVAIN LEVI
PROFESSEUR AU COLLÈGE DE FRANCE
OUVRAGE ILLUSTRÉ D'HÉLIOGRAVURES
VOLUME II
PARIS
ERNEST LEROUX, ÉDITEUR
28, RUE BONAPARTE, 28
1905
LE NÉPAL
Paon de bronze. — Ouvrage népalaîi.
LE CULTE
MONUMENTS ET FÊTES
Les monuments. — L'architecture del'Inde commence
avec le règne de l'empereur Açoka qui fit élever, selon la
légende bouddhique, 84000 édifices religieux. C'est au
souvenir d'Açoka que le Népal rattache aussi ses monu-
ments les plus anciens. Pendant son séjour dans la vallée,
l'auguste pèlerin aurait érif^é cinq l-aityas, l'un au centre
de Patan, les autres aux quatre points cardinaux ii l'entour
de la ville. Açoka aurait voulu commémorer, par chacun
de ces quatre éailyas, la date initiale de chacun des quatre
âges {yuyas) du monde. Si peu fondée que soit la légende.
II. - 1
0
LE NEPAL
elle justifie du moins la désignation appliquée à ces monu-
ments : ce ne sont pas des stupas, puisqu'ils ne recouvrent
pas de saintes reliques, mais simplement des caityas, des
monuments, au sens rigoureux du mol, destinés à évo-
quer de pieuses pensées. Ces caityas des quatre points
cardinaux subsistent encore, intacts dans leurs grandes
lignes, et leur aspect général ne contredit pas la tradition ^ :
un hémisphère massif de terre, garni d'un revêtement de
briques, bordé d'une plinthe également en briques, qui
pose sur un trottoir circulaire. Quatre chapelles, disposées
aux quatre points de Tespace, s'adossent à la calotte sphé-
rique et s'y encastrent ; chacune d'elles contient l'image
d'un des quatre Bouddhas a cardinaux ». L'hémisphère
est couronné par un cube de maçonnerie peu élevé qui
supporte une pyramide massive de briques, élagée en
treize sections. Une tige de pierre se dresse au faîte. Tn
échafaudage de bois, fixé au sommet, sert à soutenir pen-
dant la saison des pluies un appareil de nattes employé
comme défense contre l'infiltration des eaux. Au retour de
la saison sèche, cet appareil est remplacé durant une
semaine par un parasol de bois et d'étoffe. Les caityas
d'A(;oka ont préservé la forme des monuments les plus
anciens du bouddhisme indien : ils rappellent directement
et le célèbre stilpa de Sanchi, et les a topes « également
fameux du (landhAra. La plinthe est le seul enjolivement,
bien rudimentaire encore, qui soit venu modifier les lignes
brutes du stApa primitif. Mais le couronnement de maçon-
nerie et de briques {cûclAmani) marque une évolution en
train de s'accomplir : le parasol, qu'il supporte aujourd'hui
pendant une période si courte, est pour ainsi dire l'attribut
naturel du stûpa ; il est le symbole de la souveraineté, et
le Bouddha y a droit comme l-ûkravartin et comme dhar-
1. V. les photographies, I, 263 <'l :i3L
LE CULTE ^
marâja « monarque universel el roi de la loi ». Le nom
même de dharma-râjikâ affecté aux 84000 fondations
d'Açoka exprime bien cette union de la souveraineté avec
la religion. Les représentations les plus anciennes figurées
sur les monuments montrent le stûpa couvert du parasol.
On en vint naturellement à doubler, à tripler Temblème,
pour honorer mieux le saint ; le nombre des parasols
superposés s'éleva jusqu'à treize, et quelle que fût la raison
de ce choix, le nombre de treize resta consacré par Tusage.
Sur le grand stûpa du Loriot, élevé k Péchaver par Kaniska,
le pèlerin chinois Song-yun compte également treize dis-
ques enfilés sur un pilier de fer^ Une raison de stabilité
autant que d'esthétique obligeait de donner aux parasols
étages des dimensions décroissantes. En même temps, pour
asseoir la tige qui les supportait, il fallait installer en haut
du stûpa une fondation de maçonnerie. Aux parasols réels
se substituèrent naturellement des disques faits de maté-
riaux plus résistants, pierre ou métal ; ces disques se
rapprochèrent, se soudèrent en masse compacte, en tronc
de cône. On avait perdu de vue leur destination initiale ;
on transforma le cône en pyramide. Tel est le stage que
représentent, sous leur forme actuelle au moins, lescaityas
attribués à Açoka. Les réparations qui se sont succédé au
cours des siècles, et qui se sont répétées jusqu'à une date
récente, comme l'attestent des inscriptions modernes, sont
peut-être responsables du couronnement de maçonnerie et
de briques qui termine les caityas ; elles n'ont pas modifié
la structure simple et robuste de l'hémisphère primitif.
Comparé à ces monuments, le caitya de Svayambhû
Nàtha' (vulgairement Syambu-Nàth) montre la transfor-
1. C'est du moins le chiffre fourni par plusieurs recensions. D'autres
donnent quinze ou même vingt-cinq. Cf. Chavannes, Bull. Ec. Franc.
Eœtr.'Or., 1903, 420 sqq.
2. V. la photographie, 1, 173.
4 LE NÉPAL
mation qui s'est introduite dans les proportions essen-
tielles de Tédifice. L'hémisphère ancien s'étrécit de la
base, s'allonge en hauteur et s'écrase du sommet. La
plinthe se détache en saillie et forme autour de la base une
sorte de table circulaire, large de deux pieds, bâtie en
dalles de pierre et portée sur de petits piliers de pierre.
Le couronnement, indépendamment des ornements posti-
ches, a la même hauteur que le caitya lui-même, tandis
que dans les caityas de Patan il est quatre fois plus petit.
En se développant ainsi, il a pris une importance archi-
tecturale : la base de la flèche a une corniche en saillie ;
elle est ornée de plaques de cuivre doré et porte, comme
tous les monuments lamaïques, sur chacune des quatre
faces, deux yeux grands ouverts peints en rouge, blanc et
noir ; c'est l'emblème d'Àdi-Buddha, le Bouddha primor-
dial. Les treize sections de la flèche sont formées de
treize parasols séparés, treize disques de bois, plaqués de
cuivre, dorés sur leur rebord, étages à des espaces régu-
Hers autour d'un mât de bois. Sur le plus élevé des disques
s'appuie un châssis de bois doré qui soutient à son tour un
cercle de métal artistement travaillé ; une sorte de trépied
fixé sur ce cercle porte enfin un clocheton de cuivre doré
avec une cloche.
La sainteté incomparable du caitya de Svayambhû le
condamnait à subir des réparations fréquentes. Élevé sur
le site même où s'épanouissait jadis la fleur de lotus mer-
veilleuse qui portait la divinité (I, 333), le caitya primitif
passe pour Tœuvre de Pracanda deva ; roi du pays de
Gauda (Bengale), il avait abdiqué pour entrer dans les
ordres ; sous le nom de Çântikara bhiksu, qu'il avait adopté
désormais, il vint au Népal adorer Svayambhû. Par-dessus
la pierre qui recouvrait l'image miraculeuse, il installa
un immense joyau, et le divin Vajrasattva y fora treize
conduits pour amener jusqu'à la divinité les ofiTrandes de
LE CULTE 5
ses adorateurs. Le bhiksu royal s'adressa ensuite à Tar-
chitecte des dieux, Viçvakarman, et lui demanda d'édifier
un caitya. En ce lemps-là, le prédécesseur du Bouddha
Çâkyamuni, le Bouddha Kàçyapa vivait encore sur la terre.
Le nom du bhiksu Çântikara se retrouve dans un autre
récit du Svayambhû-Purâna, associé à Tinstitution des
rites en l'honneur des Nâgas, sous le roi Gunakâma (v.
Slip. 1, 322). Mais je ne voudrais pas serrer de trop près
cette indication, et moins encore m'en autoriser pour
dater la fondation du caitya de Svayambhû. 11 ne subsiste
pas d'inscriptions antérieures à la fin du xvi® siècle ; la
première commémore une réparation exécutée en 1593,
sous Çiva Simha Malla. Depuis longtemps le zèle religieux
des Tibétains semble avoir pris à sa charge l'entretien du
monument. En 1639 un Lama de Lhasa fit plaquer de
cuivre doré le clocheton avec son soubassement, et fit
installer au faîte un parasol doré. En 1751 « année 871
du Nepâla-Samvat, du nom de Prajâpati [dans le cycle de
Jupiter], année Kedà pour les Tibétains, année Simu-u
pour les Chinois » un Lama nommé Karmapa a qui avait
l'esprit aussi lumineux que le soleil et la lune, vint du Nord
pour assurer le bonheur du roi, des fonctionnaires et du
peuple », et « à un jour d'heureux augure, il commença la
réparation du caitya que le mal du Kali-Yuga avait rendu
inhabitable ». Une longue inscription bilingue, encore
dressée sur la plate-forme de Svayambhû, commémore
les détails de cette réparation, entreprise avec le concours
des dieux Mahâdeva, Ganapati, Kumâra, Visnu, et aussi
des ràjas népalais. Le roi de Katmandou, Jaya Prakàça,
avait pris à son compte les réparations ; le roi de (îourkha,
le futur conquérant du Népal, Prthvî Nâràyana, avait
promis de faire hâler jusqu'à pied d'œuvre la poutre maî-
tresse. Une guerre interrompit le travail qui fut achevé
seulement en 1758. Il avait fallu changer la forte pièce de
6 LE NÉPAL
bois qui partait de la base, traversait toute la masse du
caitya et dépassait le faîte. La dépense à cette occasion
fut considérable ; on y employa 39 kilogrammes d'or (soit
une valeur de 120 000 francs en monnaie actuelle) et
presque 3 500 kilogrammes de cuivre. La quantité de musc
consommée dans les cérémonies valait 1 000 roupies,
somme énorme chez un peuple où la vie moyenne coûte
environ une roupie par semaine. Kn 1816, un violent
ouragan jeta bas tout le couronnement du caitya, et brisa
la grande poutre verticale si laborieusement installée en
1758. Les temps du bouddhisme népalais étaient passés.
Il fallut attendre jusqu'à 1825 pour recueillir les fonds
nécessaires aux réparations. L'importance du désastre
imposait une restauration complète ; on dut éventrer Thé-
misphère du caitya, ouvrir la chambre centrale pour en
arracher les débris de Taxe brisé. L'occasion était unique
pour un archéologue ; l'inspection des menus objets ren-
fermés dans le reliquaire aurait fixé la date de la construc-
tion primitive. Personne ne se rencontra qui sût en profiter.
Les destinées du caitya de Svayambhû au cours des
derniers siècles montrent bien les transformations fré-
quentes que les monuments du même genre ont dû subir
au Népal ; seules, les proportions du slûpa lui-même et,
le cas échéant, les substructures méritent d'être considérées
comme des indices authentiques de la construction primi-
tive. Jugé sur ces caractères, le caitya de Budh-nàth'
(Buddha-nàtha) le cède en antiquité aux deux précédents.
Il passe dans la tradition populaire pour avoir été construit
en expiation d'un parricide ; mais le nom des personnages
varie d'un récit à l'autre. Tantôt le coupable est le prince
Bhûpa-Kesari, qui tua son père sans le savoir. La fontaine
de JalaçayanaNàràyana étant venue soudain à se tarir, le
\. V. la plïolom*a[>lni', I, L')l.
LK i:n:\K 7
vieux roi ViUrama -Kesari, inquiet, consulta les astrologues ;
ils lui prescrivirent de sacrifier un être humain marqué des
trente-deux signes (lahana). Le roi manda son fils : Dans
quatre jours, lui dit-il, tu trouveras couché sur la source
un homme ; frappe-le à mort, sans le regarder. Le prince
obéit, et le meurtre accompli, il va se laver les mains dans
le ruisseau Iksumatî : à sa surprise, des masses de vers
flottaient à la surface. Bientôt il connut son crime, et pris
d'horreur il confia la royauté h sa mère: puis il s'en alla
prier Mani-Yoginî, la déesse de Sankou. Elle lui ordonna,
en guise d'expiation, de construire, sur le site où il verrait
se percher une grue, un caitya de deux yojanas de tour,
avec quatre cercles de dieux. Tantôt le prince s'appelle
Màna deva, et son père Vikmanlî; la tête de la victime
reste attachée aux mains du parricide involontaire, et
c'est encore la déesse Mani-Yoginî qui révèle le procédé
d'expiation. La déesse Vàràhî en personne surveille la
construction du caitya, et pour la remercier Màna deva
installe sa statue h l'entrée du temple, tandis qu'il place h
l'intérieur toutes les divinités. L'hymne au Bouddha, com-
posé par Màna deva pour les fêtes de l'inauguration, est
encore populaire chez les Bouddhistes népalais '.
1. Les Tibétains, qui fréquentent particulièrenienl le caitya de Rudh-
nàth et qui le considèrent comme leur temple national au Népal, rap-
portent d'une autre manière Torij^'inedu monument. Une larme de pitié,
jaillie des yeux d'Avalokilervara, donna naissance dans le ciel à une
vierge divine. Mais la jeune fille se laissa entraîner à voler des fleurs au
paradis ; frappée de déchéance, elle alla nailre sur terre, au Népal, dans
une famille de porchers. Devenue grande, on la maria: elle se mit à
élever des oies, s'enrichit à ce métier, et décida de consacrer sa foitune
à bâtir un caitya. Elle vint trouver le roi et lui demanda autant de ter
rain qu'une peau en couvrirait (Taurino quantum posset circumdare
tergo, Enéide, I, 368). Le roi consentit. Elle i)rit alors une peau, la
découpa en lanières minces, et s'en .servit pour circonscrire une surface
considérable. Les ministres inquiets pressèrent le roi d'intervenir: mais,
respectueux de la parole donnée, il laissa faire. La fondatrice mourut
avant l'achèvement de son œuvre : mais ses fils ])urent terminer la con-
struction ; ils déposèrent à Tintérieurdu stùpa un boisseau de relicjues
8 LE NÉPAL
Bhûpa-Kesari et Vikrama-Kesari sont des personnages
de fantaisie ; mais Màna deva est un nom historique. Le
premier roi de ce nom ouvre la série des textes épigra-
pbiques du Népal ; ses inscriptions espacées de 386 à 414
d'une ère incertaine se sont retrouvées à Katmandou et à
Changu Narayan ; il est antérieur à Amçuvarman qui men-
tionne, dans une inscription de Harigaon, « le monastère
de çrî-Màna ». Le fondateur légendaire du caitya de Budh-
Nâth est étroitement associé au souvenir de sa mère, une
Blanche de Castille népalaise, personne avisée et pieuse,
aussi adroite à gouverner les hommes qu'à se concilier les
dieux ; « elle bâtit nombre de monuments, et en dernier
lieu consacra une image de Nava-Sàgara-Bhagavatî, faite
par le même artiste que la Bhagavatî de Palanchauk et la
Çobhà-Bhagavatî ». L'inscription de Changu-Narayan
montre Màna deva suppliant sa mère Hàjyavatî de diriger
les affaires après la mort du roi Dharma deva ; et l'inscrip-
tion de Lajanpat accompagne une de ces pieuses images
qu'avait multipliées, paraît-il, la piété de Râjyavatî, mère
de Màna deva. Si la tradition qui rattache à ce monument
le nom de Màna deva est exacte, le caitya de Budh-Nàth
date du vi* siècle de l'ère chrétienne.
Le caitya de Budh-Nàth est d'une remarquable com-
plexité ; rhistoire du parricide doit peut-être son ori-
gine aux proportions inusitées de Tédifice ; une œuvre
du Bouddha Kàçyapa. En récompense, ils naquirent plus tard au Tibet,
un d'entre eux fut Thon-mi Sambhota, qui créa l'alphabet tibétain ; un
autre fut Çântaraksila, le premier abbé du Tibet. L'éléphant qui avait
transporté les matériaux, furieux qu'on n'eût pas demandé de récom-
pense pour lui, se promit une vengeance ; il fut le roi Gian dar-ma,
radvei*saire fanatique du bouddhisme. Mais le dernier des trois frères
obtint en revanche d'être un jour l'assassin de Glan dar-ma (Waddell,
Proceed. As. Soc. Bengale 1892, p. 186-189). Tout ce récit est fondé sur
une série d'étymologies populaires. — Une autre légende tibétaine en
cours au Népal considère le roi Màna deva comme l'incarnation d'un
lama tibétain nommé Khâsà ; de là viendrait le nom de Khàsâ-caitva,
souvent appliqué au temple de Bndhnàth.
LE CULTE 9
aussi rare supposait un motif extraordinaire. Le caitya
consiste en trois parties équilibrées avec une symétrie
surprenante : la base, Thémisphère, le couronnement. Le
stûpa de Svayambhû nous a déjà montré le couronnement
primitif transformé par un développement technique et
traité comme un des éléments essentiels ; au caitya de
Budh-Nàth, la base a pris un développement analogue.
Le terre-plein, métamorphosé, forme trois larges terrasses
étagées ; ce socle, Thémisphère et le couronnement ont
chacun exactement la même hauteur, do quinze mètres
environ. Les trois terrasses ne sont ni circulaires, ni carrées;
les arêtes sont rectangulaires ; mais, sur chacune des
quatre faces, la partie centrale se projette en saillie comme
un triple gradin colossal encadrant lui-même un escalier
à larges degrés. La première terrasse porte sur la face
Nord deux petits stupas enduits de stuc. A la base de Tédi-
fîce, un mur rectangulaire abrite une longue file de petites
niches où sont montés sur des axes transversaux des mou-
lins à prières. A la base de la calotte sphérique, une plinthe
symétrique loge dans ses niches une légion d'Amitâbhas.
Le couronnement est en trois parties : un socle cubique
avec deux yeux peints sur chaque face ; au-dessus une
pyramide à quatre faces, taillée en treize tranches, et
plaquée de cuivre doré ; au sommet, le parasol et la
flèche, comme à Svayambhû.
La multitude des caityas disséminés dans la vallée du
Népal procède par des combinaisons diversesdes types que
je viens de décrire. La calotte hémisphérique, qui consti-
tuait d'abord à elle seule le monument tout entier, se
réduit et s'atténue progressivement tandis que le soubasse-
ment grandit en importance et finit par absorber toute
l'attention. Les dimensions de ces caityas varient à l'infini
entre le type monumental et les menus édicules qui déco-
rent et souvent encombrent les cours des vihàras.
10 LE NÉPAL
Le Népal présente encore un autre genre d'édifices reli-
gieux disparu do Tlnde actuelle, mais répandu dans tout
rExtrême-Orient et populaire aujourd'hui dans l'Occident:
la pagode. La pagode a pour caractère essentiel une enfi-
lade de toits qui se superposent d'étage en étage, le long
d'une construction rectangulaire, le plus souvent disposée
en retrait graduel. 11 est rare que la pagode s'élève direc-
tement du sol ; elle est en général posée sur une terrasse
carrée ; on y accède par quatre escaliers gardés chacun
par une paire de dragons. La salle inférieure, la plus
grande, est le principal sanctuaire ; elle abrite la statue du
dieu, tantôt offerte à la vénération des fidèles, tantôt
soustraite aux regards profanes. La porte d'accès est
presque toujours surmontée d'un panneau en écusson où
sont sculptés les attributs de la divinité : la porte et le
panneau sont en bois, ou en métal ; mais quels que soient
les matériaux employés, ils attestent par la richesse et la
souplesse du travail les dons de fantaisie, de goût et d'in-
vention qui rendent encore fameux les sculpteurs et les
orfèvres népalais. Des panneaux de bois délicatement
ajourés tamisent la lumière qui pénètre dans les salles, en
même temps qu'ils allègent la masse de l'édifice. Les toits,
hardiment inclinés, reposent sur un système de poutres
en contre-pente décorées à Tenvi par le peintre et le
sculpteur. Le toit inférieur est ordinairement couvert de
tuiles rouges; les toits au-dessus, plaqués de cuivre doré,
resplendissent sous le soleil. Les coins sont retroussés
(( à la chinoise » et, le long des rebords, pendent des
banderoles et des sonnettes qui frémissent et chantent
à la moindre brise. Au faîte s'élève comme sur les
caityas un clocheton (ciVjàmani) en forme de cloche
allongée, terminé par un lotus, un parasol, un soleil ou
une lune. La plus riche des pagodes népalaises est sans
aucun doute Changu iNarayan, merveille de ciselure, de
LE CULTE 1 1
sculpture et de coloris \ La plus monumentale est le
Temple aux Cinq Etages (Nyatpola Deval), construit en
1703 àBhatgaon par le roi Bhùpalîndra Malla^; le temple
lui-même s'élève sur une terrasse de cinq élages disposée
en gradins ; le long de Tescalier s'échelonnent cinq paires
de gardiens colossaux : en bas deux géants, Jaya Malla et
Pliattà, athlètes au service du roi et qui passent pour avoir
eu la force de dix hommes; au-dessus deux éléphants,
dix fois plus forts encore ; puis, en suivant cette progres-
sion décimale de vigueur musculaire, deux lions, deux
tigres, et les deux déesses Singhini et Vyàghrinî. Des gra-
dations analogues se retrouvent dans Tornementation
d'autres temples, soit au Népal, soit dans l'hide propre.
Le premier étage de la construction est entouré d'une
élégante colonnade en bois sculptée et fouillée à plaisir.
Enlin le temple le plus populaire dans ce style est le
temple de Matsyendra Nàtha à Patan, dédié à la divinité
patronale du Népal; il est reproduit en réduction à Kat-
mandou sous le vocable du (( Petit Matsyendra Nàtha ».
Les pagodes ne peuvent pas prétendre à rivaliser d'an-
tiquité avec les caityas ; aucune d'elles ne paraît remonter
au delà du xv" siècle. Mais leur architecture reproduit
sans doute des formes de date immémoriale; peut-être se
rattachent-elles directement à la primitive architecture en
bois qui précéda dans l'Inde et qui inspira même les plus
anciens monuments de pierre. Une construction du même
type i^e retrouve figurée sur la plaque de Sohgaura, qui
remonte à l'époque d'Açoka *. Parmi les divers objets
1. V. la pliotographie, L 231.
2. V. la photographie, I, 37.*}.
3. V. Ri HIER, ^Xien. Ze'its. Kuncle des Morg., X, 138 s(|q. Des édi
lires d'un style analogue sont aussi représentés sur les anciennes mon
naies des Ldumbaras; mais ils n'ont qu'un seul toit. Cependant M. Vin-
r«*ul Smith a vu, entre leî> mains de Si. Kodgers, une pièce de bronze
12 LE NÉPAL
représentés en tête de Tinscription, on reconnaît, de part et
d'autre d'un caitya, deux pavillons identiques, chacun à
deux étages, avec deux toits inclinés, en retrait progressif,
portés sur une ceinture de piliers. Le Kondô et la pagode
du temple d'Horiuji au Japon, élevés sous le règne de
Shôtoku Taishi (593-621), attestent que dès la fin du vi*
siècle le type consacré de la pagode en bois, tel qu'il existe
encore au Népal, s'était propagé par l'intermédiaire du
bouddhisme chinois jusqu'à la Corée, qui fut l'initiatrice
des artistes japonais. La tour à neuf étages, qui provoquait
l'admiration des envoyés chinois au Népal, vers le milieu
du \ïV siècle {v. sup. I, 159), appartenait probablement
au même style de constructions. Le Népal, ici encore, est
l'image authentique d'une Inde disparue.
Sans abandonner les formes consacrées par la tradition,
le Népal n'a pas négligé d'emprunter à l'Inde les types
nouveaux qu'elle élaborait. Parfois il a essayé de repro-
duire fidèlement un modèle illustre ; c'est ainsi que le
Mahàbuddha-vihàra de Patan prétend copier'le temple de
Mahàbodhi, élevé à Gayâ, sur le site saint entre tous où
Çàkyamuni trouva l'illumination. Sous le règne d'Amara
Malla, au début du xvi° siècle, un âcàrya nommé Abhaya
Ràja partit en pèlerinage avec sa jeune femme à Gayà ; là
il eut un fils qu'il appela Bauddhaju. Un jour il apprit par
une voix surnaturelle que Mahâ-buddha était satisfait de
ses hommages et l'engageait à retourner au Népal pour y
recueillir une juste récompense. Abhaya Ràja eut soin
d'emporter une image du temple de Gayâ ; rentré dans sa
patrie il fit construire sur ce modèle un temple à trois étages,
qui fut achevé seulement par son petit-fils. Ce temple
existe encore, en parfait état, préservé par la ceinture de
des Udnmbaras qui portait une construction à deux étages (J. As. Soc.
Beng.y 1897, p. 9).
LE CULTE 13
maisons qui le presse et qui laisse à peine à Tentour
un étroit passage. Il est partagé en cinq étages ; dans
la chapelle du rez-de-chaussée se trouve, comme à Gayâ,
une grande statue de Çâkyamuni. Amitâbha est le patron
du premier étage, puis viennent successivement un caitya
de pierre, un dharmadhàtu-mandala et un vajra-dhâtu-
mandala qui président respectivement aux étages supé-
rieurs. Un cûdâmani doré, en forme de caitya, couronne
rédifice\ En d'autres cas, les architectes népalais s'in-
spirent des formes hindoues sans s'y asservir : le spécimen
le plus heureux de ces adaptations est le joli temple de
Râdhà-Krsna qui s'élève sur la place du Darbar à Patan ^ ;
encadré dans des constructions de style purement népa-
lais, il mêle harmonieusement à cet ensemble ses lignes
élégantes et nobles. Fergusson, le plus compétent des
juges, n'hésite pas à y reconnaître, malgré la disposition
originale des pavillons, « une influence bengalie à laquelle
on ne peut se méprendre^ ».
Outre les monuments religieux en terre, en briques, en
plâtre, en bois, en pierre, il est encore des temples, et non
des moins réputés, qui ne comportent guère d'autre con-
struction qu'un enclos ; l'image de la divinité y est offerte
à l'adoration des fidèles en plein air ou sous une sorte de
hangar léger : tel le sanctuaire de Daksina-Kâlî à Phirphing,
ou de Sûrya-Vinâyaka auprès de Bhatgaon. Mais quelle
que soit la nature de la construction, et quelle qu'en soit
1. V. les photographies, 1, 195 et 287. Il est particulièrement intéres-
sant de comparer ces photographies avec le temple de Mahâbodhi, mal-
heureusement altéré par un ensemble de prétendues restaurations. Cf.
CuNMNGHAM, Mdhâbodhl, London, 1892, spéciahmieiit la planche XVI.
2. Le P. Giuseppe on avait été déjà frappé : « Je pense que si les Euro-
péens allaient jamais dans le Népal, ils pourraient prendre modèle sur
ces petits temples, principalement sur deux qui sont dans la grande
COUP de Lélit Pattan, devant le palais du roi. » Rec?i. Asiat., II, 352.
3. Fergusson, History of Indian and Eastem architecture^ London,
1876, p. 305.
14 LE NÉPAL
rimportance, le temple n'est pour ainsi dire jamais réduit
à un simple monument ; à l'entour s'épanouit, avec plus ou
moins d'abondance ou de richesse, un petit monde de
chapelles, d'annexés et de décors qui justifie le nom de
a ville » (pura) appliqué parfois dans la nomenclature reli-
gieuse à ces enclos sacrés. Les groupes les plus compacts
sont les deux fovers relierieux de la vallée : Svavambhù et
Paçupati. Les innombrables caityas égrenés sur les flancs
de la colline de Syambunalh ou pressés sur le double
sommet qui la couronne, les pavillons qui peuplent Ten-
ceinte de Paçupati et qui couvrent la berge de la Bagmati
ne réclament pas de description : ils reproduisent, à des
échelles diverses, les types que j'ai déjà énumérés.
Ln des accessoires les plus répandus au Népal, égale-
ment fréquent dans les temples du bouddhisme et dans
ceux du çivaisme, est le pilier indépendant, dressé devant
la façade, tantôt arrondi, tantôt carré, tantôt avec les arêtes
en biseau, parfois planté à même dans le sol, parfois cerclé
d'un anneau à la base, ou porté sur le dos d'une tortue, et
couronné presque toujours d'un lotus épanoui qui sert de
chapiteau en même temps que de socle pour une image.
L'usage en est très ancien ; le premier monument daté du
Népal est le pilier érigé par Màna deva devant le temple de
Changu-Narayan, en 386 samvat; ce pilier, carré du bas.
devient octogonal, puis se taille à seize faces, enfin s'ar-
rondit h la partie supérieure : il était originellement
surmonté d'un Garuda sous les traits d'un homme ailé flé-
chissant sur un genou. Le Garuda est tombé il y a un
demi-siècle seulement, et ses débris sont conservés dans la
cour du temple. Un médecin royal fil installer à ses frais
un chapiteau neuf avec un ca/^ra, le disque de Visnu. Le
vieux pilier de Harigaon, sur lequel est gravé l'hymne à
Krsna Dvaipàyana, a conservé son couronnement primitif:
Garuda agenouillé sur un lotus. Ku d'autres cas la figure
LE CULTE 15
du sommet représente le donateur, comme sur la place du
Darbar à Patan, ou le vâhana du dieu, son compagnon et
sa monture à la fois: telle la souris devant le temple de
Vinâyaka; parfois même, comme au Matsyendra Nâtha de
Patan, une allée de petits piliers porte toute une galerie
d'animaux minuscules : éléphants, chevaux, lions, grif-
fons, etc.
Le pilier voisine souvent avec un portique de pierre où
pend une grande cloche. Le visiteur, prêtre ou laïque, qui
veut s'en servir pour chasser les démons, heurte avec le
marteau les parois de la cloche ; la cloche elle-même est
fixe et immuable. Les habiles fondeurs du Népal excellent
depuis longtemps h fabriquer les cloches de grande dimen-
sion, aussi bien que les clocheltcs en usage dans le service
sacré ou les sonnettes joyeuses qui tintent tout le jour aux
toitures des pagodes. C'est a leur habileté que les temples
doivent aussi ces bannières de métal qui pendent parfois
de la flèche jusqu'au portail, et ces drapeaux de métal
doré fixés à des hampes de fer. En concurrence avec ces
accessoires résistants, ou bien h leur défaut, on dresse sur
le sol consacré de hautes perches de bambou qu'on garnit
d'étoffes multicolores en manière d'oriflamines. On voit
souvent aussi au sommet des caityas des fils où pendent de
petits drapeaux et qui vont s'accrocher aux maisons voi-
sines ; les Tibétains en particuher suivent cet usage
dans leurs temples, à Budhnâth, k Budhmandal ; j'ai déjà
cité des exemples do la môme pratique empruntés h l'his-
toire du Népal. Le moulin à prières est réservé aux boud-
dhistes tibétains. Les Névars qui le fabriquent ne s'en
servent pas ; on ne trouve qu'à Svayambhû et à Budhnâth
ces cylindres de métal où sont empreintes les lettres
toutes-puissantes : Ont niani padme hum ! Une longue
bande de papier, enroulée et pressée à l'intérieur du
cylindn», répète à l'infini les mêmes caractères, tracés par
16 LE NÉPAL
la main infatigable des copistes ; le fidèle qui met en branle
le moulin sur son axe de métal murmure aussi entre ses
lèvres la môme formule sanctifiante, l'alpha et l'oméga de
la dévotion tibétaine. Amusant exemple de la puissance des
mots ! Par une sorte de calembour, le fidèle peut « tourner
la roue de la Loi » comme fit jadis le Bouddha, quand il
prêchait son premier sermon dans la campagne de Bénarès.
Parmi les emblèmes communs du bouddhisme et du
civaïsme népalais, se placent au premier rang le lihga et
\diyoni, les deux symboles sexuels qui expriment parleur
union la puissance fécondante de la nature inépuisable.
Malgré les préjugés courants, les formes stylisées en usage
dans rinde entière ne sauraient offenser la pudeur la plus
chatouilleuse ; l'œille plus complaisant n'y reconnaît qu'un
cylindre ou un cône de pierre emboîté dans un disque de
pierre. Les lingas les plus soignés portent sculptés les cinq
visages de Çiva : quatre disposés symétriquement en
anneau, et le cinquième au faîte. Le linga de Paçupati, le
plus saint de tous, a trois pieds et demi environ de haut ;
il est fait en grès dur ; du fût se détachent en relief quatre
visages et quatre paires de mains ; les mains droites portent
chacune un chapelet de rudrâksa, les mains gauches un
pot à eau (kamandalu)\ D'ordinaire le linga est caché sous
une masse d'ornements d'or et d'argent, qu'on enlève au
moment du service religieux. Le bouddhisme a pu adopter
sans effort un symbole si populaire et si anodin ; il en a
été quitte pour inventer une interprétation nouvelle : le
hiïga bouddhique représente le lotus primordial ; la yoni
figure la source d'où il jaillit. Un serpent enroulé sur le
rebord de la yoni rappelle le NâgaKarkolaka caché au sein
des eaux. Le haut du linga, façonné en coupole sur le
modèle des caityas, traduit avec les ressources de la matière
1. V. la représentation de ce linga au frontispice du volume 1.
LE CULTE 17
la flamme immatérielle où se manifestait Àdi-Buddha.
Les visages de Ci va et les emblèmes civaïtes sont remplacés
par des figures de Bouddhas ou de Bodhisattvas et par des
emblèmes bouddhiques. Guhyeçvarî, la déesse commune
aux Tantras du bouddhisme et du çivaïsme, a un emblème
propre : le triangle {trikond), qu'on retrouve fréquemment
tracé sur des pierres consacrées dans le voisinage des
temples.
Le vajra est un emblème hindou ; mais le bouddhisme
Ta accaparé jusqu'à l'adopter comme son symbole par
excellence. C'est Indra, le souverain du panthéon védique,
qui possédait jadis et qui brandissait cette arme puissante;
mais le dieu humihé a dû céder au Bouddha l'insigne de
son pouvoir. Comme Indra s'en servit autrefois pour anéan-
tir les démons, ses rivaux, le prêtre bouddhiste manie à
son tour le foudre contre la multitude des esprits mauvais.
Réduit à ses lignes élémentaires, le vajra consiste en une
tige renflée du miheu, pour donner plus solidement prise
à la main, garnie à ses deux bouts de quatre ou huit fers
de lance recourbés, avec leurs pointes reployées vers les
extrémités de l'axe transversal. Le plus beau spécimen de
vajra qui se rencontre au Népal est sans contredit le vajra
doré, long de cinq pieds, que le roi Pratâpa Malla fit
installer au xvii' siècle sur la terrasse de Svayambhû
Nàtha, au débouché du long escalier qui gravit la colline
et mène à la plate-forme. Mais le vajra se retrouve partout
dans les monuments du bouddhisme, depuis la flèche des
caityas jusqu'à la clochette du prêtre. Le vajra et la cloche
forment un couple organique, comme le linga et la yoni :
le vajra, mâle, représente le Bouddha ; la cloche {gkantâ)^
élément féminin, représente la Sagesse (Prajfiâ).
Les pieds divins (carana) sont encore un emblème
commun aux deux grands cultes. Avant l'influence des arts
grecs, l'Inde ancienne semble avoir éprouvé de la répu-
II. — 2
18 LE NÉPAL
gnance à représenter ses divinités sous la forme humaine ;
c'est ainsi que les sculpteurs de Bharhut, pour montrer
« Ajâtaçatru en adoration devant Bhagavat » ont figuré le
roi agenouillé devant un trône qui porte Tempreinte de
deux pieds\ La langue reflète la même idée; un inférieur
parle humblement des « pieds du roi », des « pieds du
maître », comme si son attitude prosternée Tempêchait de
connaître rien de plus sans manquer au respect. Les Népa-
lais représentent à profusion les pieds du Bouddha sculptés
sur la pierre ou peints en couleur, reconnaissables aux
huit porte-bonheur {mahgald) qui les ornent : le çrîvatsa,
le lotus plat ipadma), le drapeau {dhvaja), l'aiguière {ka-
laça)^ le parasol (cAa//ra), rémouchoir(cflm^rû), le poisson
{matsya)^ la conque {çahkhd). En outre une série de cercles
concentriques figurent le cakra, « le disque » qui est par
métaphore un symbole de la souveraineté universelle. Les
même signes se retrouvent sur les empreintes de Visnu
adorées dans Tlnde, en particulier sur l'empreinte mira-
culeuse que les pèlerins ne cessent d'adorer à Gayà. Comme
pour traduire l'étroite relation des deux divinités, c'est
Visnu qui a succédé au Bouddha sur la scène même de la
Bodhi.
Outre les pieds du Bouddha, le bouddhisme népalais
adore aussi les empreintes de Manjuçrî : elles portent un
œil tracé en travers du pied, pareil à celui qu'on peint sur
le socle des flèches de cailyas. L'empreinte la plus vénérée
se trouve sur la plate-forme occidentale de Syambunâth,
qu'une légère dépression sépare de la terrasse principale.
Lesrf/i^î/w-A;2a(i(/a/«5appartiennent exclusivement au boud-
dhisme. Ils consistent dans un cylindre de pierre ou de
maçonnerie avec une cavité réservée à l'intérieur ; elle
1. CuNNiNGiiAM, The stûpa of Bharhul, London, 1879, p. 136, n» 63,
el planche XVI, fi^. 3 ; et cf. ib., n" 66 et planche XV^I, fig. 2.
correspond kla chambre aux reliques du stûpa ; mais cette
cavité doit demeurer vide pour loger l'espritde la divinité.
Une pierre circulaire couvre et ferme le cylindre ; elle est
ornée de diagrammes savamment compliqués (mandalas) où
s'enchevêtrent dans un ordre fixe des emblèmes et des
W bit VpW ■ ^IF-x' ri
Coiir d'un viliira (NâU-bil.ar) À Kalmaiidou.
figures de toute nature. Si le dhiltu-maijdala est consacré à
Maîljuçrî. il est orni^ de 222 dessins et reçoit le nom de
dharma-dhâtu-mandala ; s'il est consacré à Vairocana, le
plus sublime des Bouddhas, on le décore seulement de 50
ou 60 dessins, et c'est alors un vajra-àhâtii-mandala.
(.'emblème préféré de Visnu dans l'Inde, le çftlagrâma,
est de provenance exclusivement népalaise; le çitlagrflma
20 LE NÉPAL
est une concrétion agglomérée autour d'une ammonite et
douée de propriétés magnétiques. Il ne se rencontre que
dans le lit de la Kâlî-Gandakî. Cependant, malgré le voi-
sinage du gisement, malgré le haut prix qu'attachent à ces
coquillages les Hindous vichnouites, le çâlagrâma n'a été
introduit dans Tusage au Népal que sous le dernier des rois
Mallas de Katmandou, Jaya-prakâça.
Parmi les accessoires qui contribuent à la décoration
extérieure, il faut mentionner à part les inscriptions. La
vanité pieuse des donateurs, servie par un goût instinctif de
Fart, a multiplié les textes épigraphiques au détriment de
Tarchéologie ; les vieux documents ont dû laisser la place
aux nouveaux venus; parfois même la pierre antique,
laborieusement grattée, s'est vue transformer en palimp-
seste. La fantaisie des lapicides, en variant les caractères,
a su les rendre élégants et décoratifs comme des ara-
besques, soit qu'ils couvrent de hautes tablettes, soit qu'ils
égaient la nudité des faces d'un pilier, soit qu'ils courent
enfin sur les lignes mêmes du monument ; sur la place du
Darbar, à Katmandou, les marches du temple élevé
par Pratâpa iMalla portent gravées les élucubrations de ce
poète trop fécond. L'insipide orn mani padme hurn ! ne
paraît que dans les sanctuaires des Tibétains, obstinément
reproduit avec une surprenante habileté de main ; la calli-
graphie tibétaine, exercée sans doute par une pratique
continue, excelle à tirer parti des matériaux les plus réfrac-
laires pour étaler aux yeux la formule bénie.
Je no puis que signaler sans m'y arrêter la multitude des
sculptures, reliefs ou statues, qui abondent dans la cour
des temples. L'inépuisable panthéon du bouddhisme ou du
çivaisme y défile à décourager l'énumération ; il faudrait
une mythologie entière, et double encore, pour tracer l'in-
ventaire de cet énorme personnel divin. Les animaux même
y tiennent une large place, témoin le taureau colossal en
LE CULTE 21
cuivre doré qui garde Tentrée de Paçupati, la face tournée
vers la porte du sanctuaire \ Je dois mentionner toutefois
une singularité locale : les panneaux de bois sculpté qui
se développent comme une frise autour des pagodes illus-
trent, avec une science où la fantaisie ne dédaigne pas de
sourire, les enseignements érudits du Kâma-çâstra. Les
combinaisons sexuelles les plus inattendues sont exposées
à Tœil indifférent des fidèles ; Tintervention d'animaux
savants, comme le singe et Téléphant, complique encore
parfois le jeu des figures. On voit aussi des maisons parti-
culières ornées de frises de ce style. L'explication que j'en
ai recueillie est uniforme : Ces scènes passent pour avoir la
vertu d'écarter la foudre.
D'autres ornements non moins bi/arres viennent encore
garnir la façade des temples. Certains d'entre eux reçoivent,
en vertu d'un usage immémorial, les ustensiles de cuisine
et de ménage laissés en déshérence ; les parois dispa-
raissent alors sous le bric-à-brac et la ferraille suspendus
au hasard (tel le temple de Çàkyasimha dans le Chaubahal,
a Chobbar). Souvent aussi les cornes des buffles sacrifiés
restent acquises au temple, et ces trophées de boucherie
finissent par recouvrir les murs. Des chromolithographies
européennes et des estampes chinoises, venues par quels
détours? complètent cet aspect de bazar hétéroclite.
Les monuments religieux, à quelque église qu'ils appar-
tiennent, ont presque toujours pour annexe ime d/ianna-
çâlâ destinée à loger les visiteurs, les pèlerins et les voya-
geurs. La dharma-çâlâ la plus rudimentaire consiste en
un kiosque de bois sur un socle de maçonnerie : quatre
piliers soutiennent la toiture de tuiles ; plus confortable,
elle est fermée sur trois côtés par des murs de briques ;
les plus grandes ont les dimensions d'une véritable maison
l, V. la photographie, l, 359.
22 LE NÉPAL
à étage, avec une cour par derrière que bordent les bâti-
ments de service; sur la façade, une véranda au rez-de-
chaussée et un balcon à Tétage. La plupart des dharma-
çâlâs présentent de magnifiques spécimens de la sculpture
sur bois. Une inscription sur métal, fixée au mur du fond,
commémore le nom du fondateur et la date de la fondation.
Une autre catégorie de fondations pieuses n'est pas
moins répandue au Népal : ce sont les dkdrâs (ou hithis) et
les pranâlîs. Les pranàlîs sont de simples fontaines publi-
ques : une conduite amène Teau d'une source voisine ;
l'orifice, de pierre, figure généralement une gueule d'ani-
mal fantastique comme les gargouilles des églises gothi-
ques. Une pranâlî de Katmandou montre encore une inscrip-
tion commémorative tracée sous le règne d'Amçuvarman,
dans la première moitié du \\f siècle. « Vibhuvarman a
fait faire cette excellente conduite d'eau pour augmenter
les mérites spirituels de son père » (Inscr. Bhagvanlal,
n" 8). La dhârà ou hithi est une fosse à ciel ouvert creusée
dans le sol et bordée d'un parapet ; on y descend par un
escalier; et parfois le pourtour entier est disposé en gra-
dins. L'eau ruisselle au fond par plusieurs ouvertures.
C'est dans une hithi ruinée que j'ai trouvé mon inscription
du Tulacchi-Tol, à Bhatgaon, datée du règne de.Çivadeva,
vers la fin du vi" siècle. La dhârà la plus magnifique de
Katmandou, et du Népal entier, est sans contredit celle
que le général Hhlmasena fit construire, vers 1825, au
Sud-Ouest du Tudi-Khel, à l'occasion d'un phénomène
astronomique (mahâ-vârunî) ; elle rivalise de splendeur et
de luxe avec la pranAli monumentale à 21 bouches d'eau
établie h Bàla-Nîlakantha (Bàlajî) par le roi Jaya-prakâça
de Katmandou, vers le milieu du xvni*' siècle.
La dhàrâ participe à la fois du ghat {ghatta) et du bassin
{talâ/m, talfio)^ communs à l'Inde entière. Le ghat est un
escalier de bains, installé dans un site consacré {iîrt/ia),
LE CULTE 23
qui descend de la berge jusque dans la rivière ; les ghats
sont innombrables, comme les tîrthas eux-mêmes. A Paçu-
pati, la Bagmati coule entre deux rangées de ghats.
Le bassin est, en principe, un réservoir creusé pour
remédier à la rareté des eaux de source ou des eaux de
pluie ; il sert aux usages les plus variés, à la fois citerne,
abreuvoir et cuvette d'ablutions ; parfois encore on l'établit
sans besoin réel, par goût du pittoresque, comme un acces-
soire de paysage, ou par goût du confort, comme un coin
de fraîcheur : tel le bassin de Rânî-pokhrî, à Katmandou,
sur la lisière du champ de manœuvres ; une chaussée
s'avance jusqu'au milieu de l'étang et aboutit à un pavillon
élégant d'où la vue embrasse le panorama des glaciers
himalayens. Le roi Pratâpa Malla fît creuser ce bassin en
mémoire de son fils enlevé par une mort précoce, et pour
tâcher d'arracher la reine à son deuil inconsolable ; raffiné
dans ses pratiques religieuses comme dans son pédan-
lisme, il prit soin de faire remplir le bassin avec des eaux
recueillies à tous les tîrthas.
Après les temples affectés à la demeure des dieux, les
édifices assignés aux communautés religieuses. Le boud-
dhisme népalais a hérité de l'antique vihâra, la maison
commune où les moines d'autrefois se retiraient pour passer
la saison des pluies, étudier et méditer. La ville de Patan,
la vieille métropole de la foi, se flatte de posséder quinze
grands vihâras, avec une centaine de succursales subor-
données aux maisons-mères ; Katmandou compte huit
grands vihâras, avec quatre-vingt-huit moindres. Les traits
essentiels se retrouvent partout identiques : le vihâra
{bihai'y bahal, bihï) consiste dans un carré de maisons à
deux étages, construites en bordure d'une cour intérieure
où se dresse un caitya central, souvent entouré de monu-
ments plus petits ; on y accède par une porte étroite et
24 LE NÉPAL
basse, décorée h Textérieur d'une paire d'yeux et d'ai-
guières ; rentrée est gardée à droite par Ganeça, à gauche
par Mahâkâla ; Tun, reconnaissable à sa tête d'éléphant,
l'autre à ses trois yeux rouges, à ses dents saillantes et à sa
guirlande de crânes. Face à l'entrée, dans le corps de logis
opposé, s'ouvre une chapelle consacrée à Çâkyamuni avec
la statue du Bouddha escortée d'un personnel innombrable
de dieux, de génies et de Bodhisattvas peints ou sculptés.
Les trois autres côtés du pourtour au rez-de-chaussée for-
ment un cloître qui sert à la fois de promenoir et de
débarras ; là s'entassent sans honneur les accessoires qui
concourent au culte et aux fêtes périodiques. Les colonnes,
les fenêtres, les portes, les panneaux attestent la triom-
phante habileté du ciseau népalais dans la sculpture du bois.
Plusieurs des vihàras qui subsistent aujourd'hui pré-
tendent rattacher leur origine au passé le plus lointain du
Népal. Le vihàrade Cârumalî {vulgo: Chabahil), au Nord
de Deo Patan devrait son nom et son existence à une fille
d'Açoka ; elle avait accompagné l'empereur en pèlerinage ;
arrivée au Népal, elle y fut témoin d'un prodige qui la
décida à s'y fixer: une fièche de fer s'était soudainement
métamorphosée en pierre. Açoka maria sa fille à un ksa-
triya du pays, Deva Pâla. Le jeune ménage s'étabHt à Deo
Patan, crût et multipHa; enfin Cârumatî devenue vieille
éleva le monastère qui porta désormais son nom, s'y retira
et y mourut. Le Cakra-vihàra, à Patan, passe pour une
création du roi Mànadeva le Sûryavamçi, le Mânadevadu
pilier de (^hangu Narayan et de plusieurs autres inscrip-
tions ; c'est sans doute ce couvent qu'une inscription
d'Ainçuvarman désigne comme le (;rî-Màna-vihâra, car
le Cakra-vihàra porte encore aujourd'hui dans l'usage
littéraire le titre de Mànadeva-samskàrita-cakra-mahà-
vihàra. D'autres vihàras également nommés dans les
inscriptions d'Arn(;uvarman ont disparu maintenant : tels le
LE CULTE 25
Kharjurikà-vihâra, le Gum-vihâra, etc. Le témoignage des
textes épigraphiques atteste du moins le grand nombre des
couvents du Népal dès le vu* siècle ; un d'entre eux, le
Gum-vihâra, est désigné par un nom tiré du parler local, au
lieu des appellations sanscrites usuelles. Le casse reproduit
à une époque presque aussi ancienne pour le Hlam-vihàra
qu'un manuscrit du xi'' (?) siècle ' exalte comme a une
fondation des dynasties anciennes, faite pour parer digne-
ment la terre du Népal, et où brille pour Téternité la parole
du Sugata ». Le Chinois l-tsing" mentionne à la fin du vu''
siècle le couvent népalais du Roi-des-Dieux {Tien-wang-
seu). Un fils de la nourrice qui avait accompagné la prin-
cesse chinoise mariée à Srong-tsan-gam-po résidait alors
dans ce vihàra. <( Ce religieux, ajoute l-tsing, connaît très
bien la langue sanscrite et s'est assimilé tous les livres
sanscrits. » Ainsi la culture sanscrite était alors florissante
dans les monastères népalais, et les gens du Tibet qui se
sentaient la vocation monastique passaient au Népal. L'ori-
ginal sanscrit du nom chinois rapporté par l-tsing est pro-
blématique ; T'ien-wang a Roi des Dieux » est une des
désignations de Maheçvara, autrement dit de Çiva ; il est
donc permis de supposer avec M. Chavannes une forme
telle que Çiva-vihàra. Mais un couvent de ce nom ne s'est
pas encore rencontré dans les documents népalais ; nous
connaissons au contraire de source certaine un Çivadeva-
vihàra. Une inscription datée de 143 samvat (Bhagvanlàl,
n** 13) porte une donation en faveur du Çivadeva-vihâra ;
elle émane du roi Çivadeva le Thàkuri, qui règne un demi-
siècle après le voyage d'1-tsing; mais le monastère ou un
monastère du même nom pouvait avoir pour fondateur et
pour épouyme un autre Çivadeva plus ancien. La Vamçà-
1. (^.arnbridge llniversity Library, Add. 1643. V. le Catalogue de
M. Bendall, et Koccher, Études d'iconographie houddhifjne, p. 16.
2. Les religieux éminenls..., trad. (Chavannes, § 18 et l\).
26 LE NÉPAL
valî raconte précisément que Çivadeva le Sûryavamçi, pré-
décesseur d'Amçuvarman, bâtit un vihàra pour s'y retirer
après son abdication. Ce monastère, réparé d'abord par le
roi Rudra deva après son abdication, puis restauré par un
Névar pieux en 1653, subsiste encore à Patan, au S.-E. du
Darbar. On lui donne en sanscrit le nom de Rudravarna-
vihâra, en névar le nom d'Onkulî-bahal.
Il faut aussi mentionner, parmi les anciens couvents qui
subsistent aujourd'hui, le Yampi-bihar de Patan, dans le
voisinage du caitya d'Açoka, situé au Nord de la ville. La
tradition lui attribue comme fondateur un brahmane de
Kapilavastu, Sunaya Çrî Mitra, qui s'était rendu au Tibet
pour y recevoir les enseignements des Lamas sous le règne
de Rudradeva le Sûryavamçi; deux de ses disciples,
Govardhana Miçra et Kàçyapa Miçra, vinrent de Kapila-
vastu le rejoindre au Népal et fondèrent l'un le Dunta-bihàr,
l'autre le Lalibana-bihàr. A une époque plus reculée
encore, une reine du Marvar, Pingalà, aurait fondé un
couvent célèbre, qui n'abritait pas moins de six cents reli-
gieux au temps de Narendra Deva le Thâkuri.
La population des vihâras a tristement changé ; l'an-
tique communauté des moines célibataires, instruits et
studieux, a disparu ; elle a cédé la place à des héritiers
indignes, les banras. Si les monastères ont été l'asile du
recueillement et de la prière, ils servent maintenant de
logis à une multitude grouillante et tapageuse d'hommes,
de femmes, d'enfants entassés au défi de l'hygiène dans
des chambres étroites et basses où s'exercent des profes-
sions toutes mondaines, l'orfèvrerie, la sculpture, les arts
décoratifs ; d'autres parmi les banras s'emploient au dehors
comme charpentiers, comme fondeurs, comme plâtriers.
La science se meurt, ou plutôt elle est morte : un misérable
prtjârî, chargé par la communauté du culte quotidien, vient
marmonner chaque jour devant la statue de Çàkyamuni
LE CULTE 27
des hymnes (s/o/rai) en sanscrit barbare qu'il ne comprend
pas, ou réciter une section de la Prajfiâ-pâramiiâ en Huit
Mille stances (Asta-sdhasrikd) qu'il comprend moins
encore ; c'est lui qui délient les vieux manuscrits Iracés
jadis par de pieux copistes et qui laisse avec une indiffé-
rence ahurie le temps et les insectes consommer sur ces
reliques leur œuvre de destruction. La tradition du vieux
savoir disparaît ; au début du xix* siècle Hodgson trouvait
encore de véritables érudits pour l'instruire. Amrlânanda,
le pandit qui lui servit d'initiateur et de guide, maniait le
sanscrit avec aisance ; ses cahiers, conservés par ses descen-
dants au couvent de Mahàbuddha, à Patan, montrent à
son honneur tout ce que Hodgson lui dut. Son petit-fils,
son arrière-pelit-fils ont dû pour vivre s'engager comme
traducteurs à la Résidence britannique. Le vieux pandit
Kulamàna, de Patan, gagne sa vie à enseigner des rudi-
ments de catéchisme et à copier des manuscrits. Derrière
eux on ne voit plus même ponidre un successeur.
Ces hôtes singuliers des couvents bouddhiques, ces
charpentiers, ces forgerons, ces scribes, ces sacristains
sont redevables de leur privilège à l'esprit brahmanique ;
c'est au nom de la caste qu'ils s'arrogent un logement dans
le vihâra, une part sur les revenus du vihàra. Les pères de
famille, chefs d'une progéniture nombreuse, descendent
par une filiation légitime des moines révolutionnaires qui
rejetèrent jadis le vœu de chasteté et se créèrent dans leur
cellule un foyer conjugal. A quel moment éclata la crise?
La tradition bouddhique du Népal impute cette déchéance
au champion légendaire du brahmanisme moderne, Çankara
Acàrya ; ce formidable controversiste, qui marque encore
après douze siècles son empreinte sur la pensée hindoue,
aurait au cours de ses tournées triomphales visité la vallée
népalaise. Plusieurs des rois du Népal ont porté justement
le nom de Çankara (deva) ; la légende en a profité pour
28 LE NÉPAX.
introduire plus commodément râcârya dans la chronologie
du Népal. Elle le fait paraître sous le père de Çankara
deva le Sùryavamçi ; et quelques siècles plus tard, elle le
ramène sans scrupule au Népal, sous le père de Çankara
deva le Thâkuri. Le système des transmigrations tire
si aisément d'embarras la chronologie ! A son premier
passage, les bhiksus et les çrâvakas établis dans les
monastères n'essaient pas même de lui tenir tête ; des
maîtres de maison {grhasthas), plus braves, appellent à leur
aide Sarasvatî, la déesse de Téloquence ; mais Çankara la
détourne d'eux par la supériorité de ses moyens magiques.
Les uns s'enfuient : d'autres sont massacrés ; d'autres
encore s'avouent vaincus et se convertissent. Il leur impose
la pratique des sacrifices sanglants, qu'avait interdits le
Bouddha; il force les religieuses (AAiAs?/(i2.v) à se marier;
il oblige les maîtres de maison à se raser entièrement la
tête comme les ermites, sans laisser sur le crâne un toupet
de cheveux {cûdd) à la mode brahmanique ; il leur retire
le cordon brahmanique ; il détruit les 84 000 ouvrages
canoniques du bouddhisme, et introduit la religion de Çiva
à la place du culte vaincu. Cependant il dut laisser les
bouddhistes en possession de quelques temples, faute de
remplaçants capables de rendre propices les divinités.
Alors il retourna vers la mer, sans essayer de conquérir les
régions septentrionales du monde.
Quand Çankara reparut, au temps du roi Varadeva, sous
une nouvelle incarnation, il se contenta de constater au
Népal le maintien des observances qu'il avait introduites,
puis il poursuivit sa route vers le Nord et entra au Tibet ;
mais ce fut sa perte. Le lama du Tibet, qu'il accusait de
malpropreté, s'ouvrit le ventre avec un couteau ' pour étaler
1. Sur cette « opération diabolique » encore en usage chez les Lamas
modernes, v. Hue, Souvenirs d'un voyage dans la Tartarie, le Thibet
et la Chine, Paris, 1850, 1, p. 307 scj.
LE CULTE 29
au grand jour la purelé de son cœur; Çankara effrayé
voulut s'enfuir, mais le lama perça son ombre avec un fer
de lance, et Çankara tomba mort.
Le nom de Çankara Âcàrya n'est, dans ces récits, qu'un
symbole ; il représente la lutte heureuse entreprise par le
brahmanisme contre son rival affaibli. En fait la décadence
du bouddhisme fut moins la conséquence que la cause
même des succès du brahmanisme. La discipline antique
s'était bien relâchée. La piété des pèlerins chinois a pu
chercher à dissimuler le mal ; mais le témoignage impartial
de la chronique cachemirienne montre qu'aux environs du
VI* siècle une partie du clergé au Cachemire était mariée.
Une des femmes du roi Megha vàhana construisit en effet
un grand vihàra ; a une moitié en fut réservée aux bhiksus
dont la conduite se conformait aux saints préceptes
{çiksâcâra), l'autre moitié, à ceux qui avaient femmes,
enfants, bétail, propriété, et qui méritaient le blâme pour
avoir adopté la vie domestique {gnrhasthya-garhya *). Des
influences nombreuses s'étaient combinées pour amener ce
relâchement, entre autres la propagation de méthodes de
salut simplifiées, réduites h la récitation d'une formule ou
d'un nom. C'est ainsi qu'au Japon la secte Shin-shou,
fondée sur l'adoration continue d'Amitàbha, a fini par
supprimer le célibat des prêtres et les prescriptions d'absti-
nence. La transformation s'accomplit par degrés, gagnant
lentement de proche en proche. Au xy\f siècle le royaume
de Patan, plus fidèle au bouddhisme que les royaumes de
Katmandou et de Bhatgaon, comptait encore vingt-cinq
vihàras « nirvânikas » où les moines observaient le vœu
du célibat. Le pouvoir politique ne put pas assister avec
indifférence à une réforme qui diminuait fatalement la
force du clergé: dépouillés du prestige de la chasteté,
1. mjataranginî, 111, 12.
30 LE NÉPAL
entrés dans les cadres de la vie civile, les moines cessaient
de former un organisme invincible ; ils se scindaient fatale-
ment en des associations d'intérêts instables, que la royauté
pouvait exploiter ou paralyser en les opposant.
En dépit d'une révolution si profonde, les formes ont en
partie survécu àTesprit du passé. Marié, père de famille,
artisan, le banra n'en est pas moins ordonné moine ; il n'en
reçoit pas moins les défenses que prescrit le Vinaya ortho-
doxe. Une solution ingénieuse a permis de concilier le
respect de la tradition et les exigences des temps nouveaux.
Le candidat s'adresse à son directeur spirituel {gyru) ; il
lui exprime le désir d'entrer dans les ordres, de devenir
« bandya » {hanra), A grand renfort de diagrammes
magiques et d'ustensiles consacrés, le Guru assure d'abord
à son disciple les trois protections, du foudre {vajra-raksa)
au moyen d'un foudre qu'il manie ; du fer {loha-raksâ) au
moyen d'une cloche qu'il agite ; du feu {agni-rakso) au
moyen d'une coupe d'alcool; puis il le baptise avec de
l'eau bénite {kalaça-athiseka). Deux jours après, le Guru
assisté du supérieur {nâyakd) du vihâra et des supérieurs
de quatre vihàras voisins confère l'ordination ; c'est le vœu
d'ordination {pravrajyâ'Vratà) qui sépare définitivement le
novice du monde. Le novice reçoit d'abord les cinq défenses
{vairamani) : pas d'attentat à la vie ; pas d'appropriation
illicite ; pas d'incontinence ; pas de mensonge ; pas d'al-
cool. On lui rase les cheveux, on l'asperge d'eau bénite,
on lui donne un nom de religion ; puis il reçoit les dix
préceptes (çihnpada) qui interdisent le meurtre, le vol,
l'entraînement des passions, le mensonge, la boisson, la
danse, la parure, les lits élevés, la nourriture hors temps,
l'or et l'argent. On lui remet alors un équipement complet
de religieux : les vêtements de dessus et de dessous (cîvara
et nivâsa)^ la sébile à aumônes (pinda-pâtra)^ le bâton de
route {khikkharï)^ une paire do sandales en bois, une
LE CULTE 31
aiguière el un parasol. Le rite orthodoxe de Tordinalion
est achevé ; mais Tintrusion des doctrines tantriques a
surchargé ce rituel de cérémonies supplémentaires en
rhonneur de divinités étrangères au bouddhisme : Bhai-
rava, Mahâkâla, Vasundharâ, etc. Quatre jours durant, le
novice est tenu de jouer sérieusement son rôle ; puis ce
temps écoulé, il retourne à son Guru et lui dit : « Mon
maître, je ne puis rester ascète ; reprends-moi le costume
et les autres insignes du moine ; retire-moi de la pratique
des Çrâvakas et enseigne-moi la pratique du Grand Véhi-
cule. » Le Guru répond : « En vérité, dans ces jours de
décadence il est difficile de pratiquer l'observance de la
pravrajyà ; adopte donc celle du Grand Véhicule. Mais si
tu renonces à la pravrajyà, tu ne peux être relevé des cinq
interdictions : pas d'attentat h la vie ; pas de vol ; pas
d'adultère ; pas de médisance ; pas d'alcool. » Le tour est
joué ; l'ascète d'hier rentre dans ses foyers *.
Les banras ne sont pas tous indistinctement aptes au
service sacerdotal ; les fonctions de prêtres sont réservées
exclusivement à deux des groupes de la communauté : les
Gubharjus et les Bhiksus ; encore est-ce à des titres iné-
gaux. Les Gubharjus seuls peuvent prétendre à la dignité
de vajrâcdrya « maître du foudre ». Le Gubharju doit, pour
se maintenir au rang où l'a placé sa naissance, subir avant
d'être père de famille une initiation qui prouve ses capa-
cités rituelles ; il faut qu'il soit en état d'officier à la céré-
monie quotidienne du homa où la flamme reçoit, pour
la porter aux dieux, une offrande de beurre fondu et de
grains. S'il néglige de s'assurer à temps ce diplôme, il
descend au rang de bhiksu et il entraîne dans sa chute tous
les descendants à naître. S'il étend ses connaissances au
1. HoDGSON, Essays, 139-145: et cf. Minayeff, Recherches sur le boud-
dhisme, trad. A. de Pompignan, Annales du Musée Giiimet, BibL
d'études, vol. IV, 296-299.
32 LE NÉPAL
delà du rituel du homa, le Gubharju prend alors le titre de
vajrâcârya, ou, plus pompeusement: vajrâcârya-arhat-
bhikm-buddha. Il résume en lui la sainteté totale. Il est le
seul prêtre autorisé pour célébrer les cérémonies du culte,
soit privées, soit publiques, et pour conférer les sacrements
réguliers du mariage, de la naissance et de la mort. En
tenue sacerdotale, il porte sur la tête une mitre de cuivre
doré {mifkifta)^ richement sculptée, décorée d'une double
rangée d'écussons où sont enchâssées les figures des Boud-
dhas et des Taras, couronnée d'un foudre transversal avec
un écusson par-dessus ; il lient dans la main le foudre et
la cloche ; de son cou tombe jusqu'à sa ceinture un cha-
pelet de 108 grains, avec un foudre et une cloche enfilés
de part et d'autre, et à l'extrémité du chapelet pend encore
un autre vajra. Il porte un costume rouge foncé {kasâyà)
qui consiste dans une jaquette collante (civara) et une jupe
ramassée en plis à la ceinture {nivàsd). 11 a, pour l'assister,
un lévite: le bhiksu. Le bhiksu porte le même costume,
mais avec des insignes différents ; il est coiffé d'un bonnet
de couleur, en étofl'e, terminé par un boulon doré ou par
un vajra ; le chapelet qui lui pend au cou n'a pas d'orne-
ments ; enfin il tient à la main le bâton de religieux {khik-
khari) et la sébile à aumônes {pinda-pâtra).
Les couvents sous l'ancien régime possédaient des biens
considérables; rois et particuliers rivalisaient de charités
et de largesses. Plusieurs des inscriptions les plus anciennes
commémorent des donations en faveur des couvents ; j'en
ai déjà cité plus haut. A partir de Vrsadeva le Sùryavamçi
la Chronique enregistre presque sous chaque règne des
fondations nouvelles. La propagande brahmanique et la
conquête du Népal par des dynasties hindoues portèrent un
coup fatal à la prospérité des vihâras. La lutte s'engagea,
masquée et sourde. Le règne de Siddhi Narasimha marque
un dos moments les plus nets de la crise (d'environ 1620
LR CV\.TK 33
à 1657). Siddhi Narasimlia appartenait à la dynastie de
Harisimha qui se targuait d'une origine brahmanique ; il
avait voué au dieu Krsna une dévotion exaltée, comme ce
dieu sensuel et tendre peut en inspirer ; il pratiquait des
austérités incessantes, jeûnait suivant la méthode sévère du
candrâyana qui règle les rations de nourriture sur le cours
de la lune, passait le jour à prier, dormait sur un lit de
pierre, et finit par disparaître un jour sous le costume d'un
faquir. F^atan, sa capitale, étaitla forteresse du Bouddhisme
avec ses quinze grands couvents, toujours prêts à s'orga-
niser en foyers de résistance contre le pouvoir royal. Sans
violence, sans autres armes que des mesures légales, Siddhi
Narasimha entreprit d'assujétir à l'autorité civile les com-
munautés religieuses. Il commença par détruire l'apparence
d'anarchie qui sauvegardait leur indépendance ; il les rendit
solidaires devant la couronne, avec des représentants régu-
hers qui répondaient de chaque groupement. Les couvents
de Patan, de Kirtipur, et de Chobahal, subirent un classe-
ment hiérarchique qui se fondait en partie sur les droits
d'ancienneté, en partie sur des considérations de hasard,
comme pour mieux marquer l'indifférence royale. Les
plus importants avaient chacun pour représentant leur
supérieur {^nâyaka)^ officiellement désigné sous le titre de
Tathàgata ; les maisons secondaires n'avaient pour les
représenter qu'un délégué, choisi entre leurs supérieurs
au bénéfice de l'âge. Une ordonnance régla le détail des
élections. Investis ainsi d'une fonction administrative, les
supérieurs perdirent la charge du culte, qui fut transférée
à d'autres rehgieux. Jusque-là, les dix anciens de chaque
couvent recevaient aux jours de fête l'adoration des fidèles,
qui les vénéraient comme Tincarnation des dix perfections
cardinales {pâramitds)^ leur lavaient les pieds et leur
offraient du riz au lait. Pour ménager les ressources du
peuple, Siddhi iNarasimba réduisit le nombre des bénéfî-
11. — 3
34 LE NÉPAL
claires à deux ; seuls eurent droit à cet hommage les doyens
des couvents situés aux deux bouts de la route que suivait
le char de Matsyendra Nâtha. Transformés en pères de
famille, les prêtres durent se pher aux règles de pureté
prescrites par l'hindouisme, célébrer, par exemple, un homa
(sacrifice à libation) en cas de décès dans la famille, sous
peine d'impureté légale. Une cérémonie de purification fut
imposée auxNévars bouddhistes qui avaient voyagé ou ré-
sidé au Tibet; la cérémonie était confiée à cinq supérieurs
de couvent, mais la rétribution exigée revenait au roi. Les
couvents où le célibat était encore observé essayèrent de
se dérober aux règlements; convoqués pour entendre l'or-
donnance royale, dix sur vingl-cinq n'envoyèrent pas de
délégués. Siddhi Narasimha désigna d'office des adminis-
trateurs, pour remplacer les mandataires qu'on refusait
d'élire, et soumit à des règlements spéciaux les maisons
réfractaires.
Un siècle après Siddhi Narasimha, la conquête Gourkha
précipitait le dénouement. La malveillance systématique
poussée jusqu'à l'hostilité, la confiscation des biens de
communautés, le refus obstiné de la moindre subvention
ont réduit les vihâras à la décrépitude et à la misère.
Les têtes. — Les religions passent, les fêtes demeu-
rent. Le Népal d'autrefois survit encore dans les yâtrâs. La
yâird est proprement une procession, une pompe solen-
nelle, avec un déploiement de danse et de musique, et
sous l'aspect d'un sacrifice une ripaille liturgique. Le goût
des Névars s'est trouvé d'accord avec leur superstition pour
multiplier ces fêles ; le pouvoir royal les a en partie créées,
en partie adoptées, et les a sanctionnées comme des
institutions d'étal. Des règlements exprès, émanés de l'au-
torité souveraine, répartissent l'organisation des yàtrâs
entre des groupements fixes et stipulent la part de contri-
LE CULTE 35
butioD qui leur incombe respectivement. En retour de ces
charges pécuniaires, l'ancien régime accordait des privi-
lèges, des indemnités, des donations. Le gouvernement
Gourkha a supprimé les subventions, directes ou indirectes,
et par ses confiscations il a tari une des sources qui alimen-
taient le budget des yàtrâs. Néanmoins, les yâtràs sub-
sistent, maintenues par la coutume et par la loi. Qui tente
de se dérober à une des obligations héréditaires est puni
d'une amende et frappé par la caste. Bon gré mal gré, les
uns doivent fabriquer le char de procession ; d'autres
façonner les masques; d'autres encore, colorier, danser,
officier. C'est un service d'Etat, et qui tire à conséquence,
car la solennité constitue un rite magique, laborieusement
combiné à son origine en vue d'un objet précis. La pro-
cession de Matsyendra Nâtha, qui passe pour la plus
ancienne, amène la pluie de printemps ; sans son action
efficace, le ciel refuserait ses eaux à la culture. La yâtrâ
de Devî, à Nayakot, a pour but de chasser V a aoul », la
malaria, dans les terres basses, loin du Népal. Le roi
Çankara deva de la dynastie Vaiçya institua une yâtrâ
annuelle en l'honneur de Nava-Sâgara-Bhagavatî pour
apaiser cette déesse effroyable. La forme de la yâtrâ n'esl
pas immuable ; mais il n'y faut toucher qu'avec précaution.
Au xvr siècle, Amara Malla de Katmandou rétablit la danse
de Harasiddhi, introduite jadis par Vikramâdityad'Ujjayinî,
renouvelée par Vara deva le Thâkuri, et tombée plus tard
en désuétude ; mais un des personnages de la danse, l'élé-
phant, risquait par sa vertu magique do causer une pénurie
de grains; afin de neutraliser cette influence fâcheuse,
Amara Malla importa la danse de Mahà-Laksmî de Khok hna .
La danse de Kankeçvarî a disparu, par une mesure de pru-
dence analogue : un jour, un des danseurs déguisé en bête
fut mangé par Kankeçvarî; pour déférer au goût que
témoignait ainsi la déesse, il aurait fallu désormais lui
36 LE NÉPAL
offrir régulièrement une victime humaine ; il parut plus
sage de suspendre nne die la pratique du rite.
L'idée d'un sacrifice humain n'avait pas de quoi sur-
prendre ou révolter le Népal ; ces étranges disciples du
plus doux des maîtres n'ont jamais répugné à verser le
sang, même le sang humain. Dès l'époque des Sûrya-
vamçis, avant Amçuvarman (vu* siècle), le pieux roi Çiva-
deva institue, comme rite annuel, un sacrifice humain en
l'honneur de Vatsalà Devî, à la date du 12 caitra badi. Son
arrière-neveu, Viçvadeva, veut supprimer cet usage bar-
bare; la déesse vient en personne réclamer son dû. Guna-
kàma deva le Thàkuri, fondateur de Katmandou, institue
la Sitikhastî, une bataille de pierres qui se termine parle
sacrifice à Kankeçvarî des prisonniers retenus dans chaque
camp. Vers 1750, le roi de Katmandou, Jaya-prakàça,
prohibe ce rite bizarre ; un bruit surnaturel entendu dans
la nuit décide le roi à respecter la tradition. En 1660, le
roi de Bhatgaon, Jagat-prakùça Malla, en lutle avec ses
voisins de Katmandou et de Fatan, surprend un poste
ennemi, ramène vingt et un prisonniers et les sacrifie aux
dieux. On dit que Prilhi Narayan, maîlre de Katmandou,
offrit dans le temple royal de Taleju (Tulasî) des sacrifices
humains ; mais la déesse lui apparut en songe pour lui
exprimer son mécontentement*. Le P. Marco délia Tomba
rapporte comme un fait assuré que « les gens de la mon-
tagne n'ont pas horreur de sacrifier à leurs idoles des
viclimes humaines, et particulièrement les prisonniers de
guerre, quand ils ont h demander dans un besoin pressant
l'aide de leurs dieux ; ainsi, en préparant leurs canons
pour la guerre, ils les teignent avec le sang d'une fillette
tuée sur les canons mômes ^ ». Hamilton, au début du xix*
1. Hamilton, p. 211.
2. Gli Scritti, p. 52.
siècle, rapporte que le roi Goiirklia offre Ions les douze ans
un sacrifice solennel où sont immolés, entre autres vic-
times, deux hommes dun rang à porter le cordon sacré.
« On les enivre, on les porte dans le sanctuaire, (m leur
coupe le cou et on dirige le jcl de sang sur les idoles. Puis,
38 LE NÉPAL
avec leurs crânes, on fait des coupes pour s'en servir dans
ces horribles rites \ »
L'homme n'est qu'une victime d'exception ; les victimes
ordinaires sont le buffle, le bélier, le coq et le canard.
Dans rinde, convertie au respect de la vie (ahimsâ) par les
hérétiques, bouddhistes et jainas, une chapelle ensan-
glantée est un spectacle rare, qu'on signale à la curiosité
des touristes ; au Népal, le temple est une manière de bou-
cherie. Les cornes, les têtes de buffles accrochées aux
murailles, les taches de sang sur le sol et sur les idoles,
l'odeur d'abattoir qu'on respire alentour indiquent assez la
prodigalité sanguinaire des fidèles. Le sacrifice du buffle,
en particulier, est un cauchemar inoubliable : la bête vigou-
reuse est liée solidement des quatre pieds, la tête ren-
versée en arrière pour dégager et tendre le cou ; en cet
étal on la traîne à distance convenable de l'idole. Le prêtre
pratique deux incisions symétriques à droite et à gauche
du cou ; sans hâte, sans émotion, il passe ses doigts dans
les plaies béantes, écarte et fouille les chairs pour atteindre
les veines jugulaires ; il les détache par des secousses
savantes des tissus qui les enveloppent, et les amène lente-
ment au bord de la plaie, en évitant avec soin de les
entamer. La bête, à demi asphyxiée, se contracte et bat
douloureusement des flancs ; autour d'elle les assistants
discutent à tête reposée la manœuvre du prêtre. Enfin le
moment critique est venu ; une incision pratiquée simulta-
nément dans les deux veines laisse échapper un flot de sang
qui jaillit vers l'idole. Est-elle inondée de sang, elle et le
riz déposé en ofi*rande devant elle? La divinité a agréé
l'hommage. Sinon, quand la maladresse des opérateurs a
mal calculé les distances, les angles, l'ouverture des inci-
sions, tout est h refaire. Le sacrifice consommé, la tête est
1. IIamilto.n, p. 35.
LE CULTE 39
détachée, déposée devant la divinité, et la chair grossière-
ment dépecée, partagée entre le prêtre et le sacrifiant, sert
à de plantureuses agapes.
Le méthode Gourkha est moins barbare, et plus expé-
dilive ; le kukhri, manié avec adresse, tranche â'iin seul
coup, rarement de deux, le col puissant de la bête. En cer-
taines occasions, le sacrifice tourne à Torgic de sang; il
y a cinquante ans, au témoignage de Jang Bahadur, le
total des buffles égorgés s'élevait h neuf mille pour les
dix jours de la Durgâ-pûjà,
Outre les sacrifices, la promenade du char (ratka-t/àlrà)
est un article régulier du programme des fêtes. Le char,
destiné à transporter le dieu et ses acolytes, ou ses repré-
sentants humains, est une énorme construction massive en
bois. Un assemblage de fortes poutres, longues de trente à
quarante pieds, est monté en plate-forme sur des roues de
bois épaisses et larges. La plate-forme supporte un écha-
faudage de dix à quinze mètres. L'ensemble rappelle assez
nos chars de mi-carême. L'appareil est traîné à force de
bras, sans attelage d'animaux ; sur le long parcours qu'il
fournit, il doit résister aux secousses les plus formidables ;
le sol alluvial de la vallée est haché de ruisseaux et de
rigoles que ne traverse aucun pont, et, à la montée comme
à la descente, les berges s'écrasent ou s'éboulent sous le
poids du char. Le moindre accroc menace la procession
d'un jour de retard, car le char et la divinité doivent néces-
sairement passer une nuit à des étapes fixes : le soleil
vient-il à se coucher sans qu'on ait atteint la halte prescrite,
la course du lendemain ne dépassera pas l'étape manquée,
si proche qu'elle puisse être. La foule guette avec anxiété
les incidents du parcours, prompte à les interpréter comme
des présages. Après deux siècles et demi, on raconte encore
les aventures de la procession du char, en l'an 1654, sous
le règne du mystérieux Siddhi Narasimha, h Patan. Mis en
40 LE NÉPAL
branle sous de fâcheux auspices, le char de Matsyendra
Nàtha n'avança le premier jour que d'une porté de flèche ;
le lendemain, la marche resta aussi lente. Le septième
jour, les roues s'enlisèrent encore ; le huitième, un cahot
brusque 'brisa l'avant. Cinq semaines plus lard, le char
poursuivait encore les étapes de son pénible itinéraire,
quand la roue droite s'enlisa ; un jour après, l'autre roue
se brisa. On procéda toute une journée aux réparations ;
le trajet, à peine repris, les deux roues craquèrent en même
temps ; nouveau retard. Le char réparé traverse le ruisseau
de Nikhu ; la roue droite reste engagée dans le sable ;
ensuite, le timon casse. On se décida douloureusement à
retirer du char l'image divine, et on la transporta sur un
brancard pour la ramener à son domicile. L'inquiétude
s'aggrava encore quand on vit transpirer la face d'un des
Ganeças. Un sacrifice spécial fut alors offert en vue d'écarter
les dangers menaçants.
La yàtrà, qui commémore un épisode de l'histoire reli-
gieuse ou légendaire, et qui prétend l'évoquer h l'imagina-
tion des fidèles, portait un embryon d'art dramatique, que
les croyances du tantrisme ont vivifié. Les Tantras, où le
Bouddhisme et le Çivaïsme communient, prescrivent des
cérémonies brutalement réalistes où les fidèles assemblés
adorent un des couples divins sous la figure d'un garçonnet
et d'une fillette, consacrés par des opérations préalables.
Le mysticisme sexuel qui préside à ces rites équivoques
aime à s'exprimer dans les visions troublantes de la chair
divinisée. Sous cette inspiration, les yâtrâs ont provoqué
au Bengale un renouveau du théâtre indien. Au Népal aussi,
elles paraissent s'être transformées de bonne heure en
tableaux vivants : laLàkhyâ-yàtrâ, instituée par Gunakàma
deva le Thâkuri pour fêter la victoire du Bouddha sur le
tentateur Mâra, représentait les dieux en adoration devant
Çâkyamuni triomphant. Aujourd'hui encore, sur l'écha-
LE CITLTE 41
faudage du char de la Mâghî Pûrnimâ, des personnages
truculents figurent les aventures du démon Hiranya kaçipu
et de son fils Prahlâda, Tun ennemi, Tautre dévot de Visnu.
De bonne heure aussi, les Kumàrîs, les Vierges qui incar-
nent les Energies {çakti) du ïantrisme, ont été représentées
par des fillettes, laborieusement choisies pour ce rôle
glorieux. A les voir siéger sur leurs trônes, hiératiques ot
graves, le regard fixe, les trails fardés, chargées de joyaux
et d'accoutrements somptueux, la narine enfiée d'un orgueil
surhumain, belles comme des idoles, enfants par la grâce
frêle, femmes par le charme fascinant, on ne s'étonne pas
qu'un peuple entier les adore. La charge n'est pas sans
profit. La kumârî qui figure h la procession de TJndra-
yàtrà est logée plusieurs années dans un édifice spécial, et
reçoit une donation importante. Mais aussi quelle épreuve
il lui faut d'abord subir ! On ramasse dans une salle mal
éclairée, à la fin du Daçâhra, les têtes sanguinolentes des
buffles sacrifiés. C'est là qu'on introduit et qu'on enferme
les petites concurrentes, âgées de six à sept ans, et recru-
tées dans un petit groupe de familles banras. Du dehors
on épie leur attitude. La moindre expression de crainte
élimine Tenfant; la vraie kumàrî, qui chevauche sur un
tigre et fréquente les cimetières, n'a pas peur du sang ni
du charnier. La fillette qui lient bon mérite bien de rece-
voir l'hommage du roi, comme la déesse en personne, et
d'être escortée par le sabre de l'État. A l'occasion, Kumàrî
se sert d'une de ces figurantes pour manifester ses volontés :
quand Prithi Narayan, jeune homme encore, vivait en hôte
à la cour de Bhatgaon, chez le roi Ranajit iMalla, les deux
princes s'assirent côte à côte pour voir défiler la pro-
cession de la Vijaya-dacjamî. La kumàrî, qui devait remettre
une fleur au roi, la tendit à Prithi Narayan; le Bhairava
qui l'assistait fit de même. Le suffrage divin désignait les
Gourkhas à l'empire.
42 LE NÉPAL
Les danses et les cortèges de masques complètent d'or-
dinaire la procession ; la fantaisie baroque et plutôt
effrayante des travestissements rappelle de près les danses
diaboliques du chamanisme et du bouddhisme lamaïque.
Les acteurs, coiffés de têtes de tigres, d'ours, de lions avec
d'abondantes crinières trépignent, bondissent, et crient.
Des plates-formes permanentes, construites en maçonnerie
et en briques, sur les grandes places, servent de scène à ces
divertissements. Un témoin qui connut ces spectacles au
temps de leur splendeur, sous les derniers Mallas, en a
laissé une description détaillée'. « Les gens du pays ont
rhabitude, à leurs fêtes, de représenter une histoire tirée
de leurs livres sacrés ou une comédie satirique, dans
laquelle ils tournent en ridicule les manières d'être d'une
certaine personne. On représente ces pièces sur une des
places publiques ; à cet effet on y a élevé des plates-formes
carrées de vingt pieds environ, et hautes d'environ trois
pieds. Les spectateurs s'installent sur des nattes qu'ils éten-
dent sur la terre nue des places ou des rues. Ils n'ont ni
théâtre, ni mise en scène; mais si la pièce doit se passer près
d'une rivière, ils étendent sur la plate-forme où jouent les
acteurs une étoffe où est peinte une rivière : si elle se passe
dans l'intérieur d'une (barcareccia), quelques-uns tiennent
alors avec leurs mains quatre ou six branches d'un arbre
quelconque ; si elle se passe dans un temple, on pose au
milieu une idole ; et ainsi du reste pour le changement de
scène. Les acteurs de ces comédies-là ont très peu de réci-
tatif, et au contraire énormément d'action, tellement que le
principal acteur ne récite pas, dans une comédie de deux ou
1. Relazione... du P. Cassien, dans la Rivisla Geografica Ilaliana^
1901, p. 621. La description que donne le P. Cassien n'intéresse pas
seulement le Népal et ses fêtes religieuses ; elle apporte un précieux
document à l'histoire du théâtre indien; elle éclaire particulièrement la
question encore si obscure du décor.
LE CULTE 43
trois heures, huit ou dix phrases en diverses scènes ; mais
ce sont des chœurs qui chantent le tout, comme dans les
comédies grecques ; les Népalais onlau moins deux chœurs
dans chaque pièce, et le troisième chœur est formé par le
chœur au complet, c'est-à-dire par les deux chœurs
ensemble. L'acteur, en deux ou trois vers qu'il récite,
exprime, par exemple, une extrême douleur où il se trouve ;
les chœurs, alternativement, chantent tristement l'amer-
tume de la douleur, les diverses passions qui sont déter-
minées par une telle douleur au cœur du personnage,
comme d'espérance, d'abandon, de crainte, etc., et ainsi
de toutes les autres passions ; et dans le même temps que
le chœur chante, l'acteur, du visage, des pieds, des mains,
comme en dansant constamment, accorde ses gestes au
sens des paroles qui sont chantées. L'orchestre de ces
comédies est formé de quelques petits tambours, de trom-
pettes et d'un instrument qui consiste en deux petits vases
de métal, qu'on bat l'un contre l'autre selon la note qu'ils
donnent, et dans chaque comédie il y a au moins huit paires
de ces instruments lesquels bien touchés font un harmo-
nieux carillon : quatre trompettes et trois tambours com-
posent l'orchestre. Le tambour dirige la symphonie, et on
le bat avec les mains. »
Tant de divinités et tant de sanctuaires ne laissent pas
que d'encombrer la vie du fidèle. Le calendrier népalais
semble consister dans une suite de jours fériés. Pèlerinages,
processions, jeûnes alternent, avec une régularité mono-
tone, agrémentés des repos forcés qu'imposent les céré-
monies de la vie domestique, et des arrêts accidentels que
prescrivent les astrologues. L'astrologie, qui joue un rôle
si considérable dans la vie hindoue, est maîtresse souve-
raine au Népal ; les voyageurs chinois du vu* siècle en
étaient déjà frappés. Le cours des planètes, les éclipses,
les conjonctions règlent la vie du foyer comme la politique
44 LE NÉPAL
royale. L'astrologue lire Fhoroscope des noiiveaii-n^^?,
calcule la date favorable aux mariages, aux traités, à ren-
trée en campagne, interprète les signes et les prodiges, et
dénonce les heures néfastes qui relardent le dépari, inter-
rompent le trafic, suspendenlles entreprises. Je n'essaierai
point ici d'analyser jour par jour le calendrier religieux ;
fidèle au plan que je me suis tracé, je me bornerai h
signaler les fêtes caractéristiques du Népal. Dans le calen-
drier (jourkha\ l'année — qu'elle soit comptée dans l'ère
çaka (78 ap. J.-C.)ou dans l'ère samval (57 av. J.-C.) —
commence le premier jour de vaiçàkha (avril) badi, quinze
jours plus tard que dans l'Inde où le 1" de caitra sudi est
le jour de l'an. L'année du comput névar (880 ap. J.-C.)
commençait en kàrtika. La procession de Malsyendra
Nàtha {Matsyendra Nàtha yâtrâ ou Bttgayâtrâ) ouvre
solennellement Tannée religieuse. Elle commémore Tintro-
duction du nouveau dieu sous Narendra deva le Thâkuri.
Les Névars des deux confessions la célèbrent avec un égal
entrain ; les (îourkhas, sans l'admettre comme une fête
religieuse, y participent néanmoins comme à une fêle
nationale. Matsyendra NAlha est un trop gros personnage
pour qu'on risque de provoquer ses rancunes. Une compa-
gnie, sous les ordres d'un sardar, fait escorte au dieu pen-
dant toute sa promenade, et contient aussi les entraîne-
ments suspects de la foule. Le premier jour de vai(;àkha
badi, les Nikhus de Palan vont retirer du temple Tidole
rouge, haute de trois pieds, consacrée parla vénération des
\. Sans entrer dans les complications du calendrier hindou, il est
nécessaire d'indiquer ici que Tannée y est partagée en douze mois, el
chaque mois en deux quinzaines correspondant respectivement au cours
croissant de la lune, sudi, de la nouvelle lune à la pleine lune, et au
cours décroissant, badi^ de la pleine lune à la nouvelle lune. Le mois
commence, selon la diversité des usages locaux, soit à la pleine lune,
soit à la nouvelle lune. Au Népal, il commence actuellement à la pleine
lune.
LE CULTE 45
siècles, et la transportent au Sud de la ville, sous Tarbre
même où Narendra deva et ses compagnons s'arrêtèrent,
à leur retour du mont Kapotala ; la terrasse de pierre
abritée sous Tarbre passe pour dater de Narendra deva.
Les Nikhus y déposent la statue; ils la déshabillent, la
lavent (sauf la tête qu'ils n'ont pas le droit de toucher) ;
c'est le bain {snânà) de Matsyendra. Le sabre du roi, Téqui-
valent du sceptre au Népal, est alors présenté à la divinité.
Puis on ramène Matsyendra à son temple ; on le peint, on
l'habille, et le 8 on l'expose au soleil. Les Nikhus, qui sont
des çivaïtes, passent désormais la main aux banras. Le 12
et le 13, les banras célèbrent les dix cérémonies {daça-
karma) qui, partant de la conception, introduisent le dieu
comme un enfant à naître dans les cadres réguliers de la
société. Le !•' de vaigâkha sudi, la procession du char
commence. On a préalablement construit deux chars :
l'un, le plus grand, dans le faubourg Ouest de Patan, près
du caitya d'Açoka ; Tautre à Palan même, dans la cour du
temple de Matsyendra nàtha. Le grand char porte, sur une
vaste plate-forme en bois, une chapelle carrée plaquée de
dorures ; à l'entour un trottoir permet de circuler ; le toit
de la chapelle soutient une pyramide de branchages, de
perches et de cordes entrelacées, avec des Hots de rubans ;
sur le faîte, à vingt ou vingt-cinq mètres de hauteur, est
juchée une image dorée de Vajrasattva, que couronne
encore un bouquet de feuillage. Les quatre roues du char
ont pour ornement les yeux de Bhairava ; posée sur les
essieux, une longue perche mince et recourbée à l'avant
porte à son extrémité une tête de Bhairava. L'autre char
n'est qu'une réduction du premier, mais la poupée de vingt
centimètres qu'il transporte est l'image authentique du
dieu. Une foule de fidèles, constamment renouvelée,
s'attelle aux chars et les traîne. Le trajet à parcourir est
réparti, abstraction faite des retards accidentels, en trois
46 LE NÉPAL
étapes très courtes, entre un demi-kilomètre et un kilo-
mètre ; chacune a son programme régulier de sacrifices et
d'offrandes. L'étape la plus importante est la dernière, de
la Suvarna-dhârâ (Fontaine d'or) à Tarbre de Narendra.
Toute la population névare de Patan prend part à la fête,
et le roi, suivi du premier ministre et des grands, montés
tous sur des éléphants de cérémonie, vient assister en per-
sonne au défilé. Les chars décrivent un tour à la droite de
l'arbre (pradaksina), puis ils restent slationnaires deux
nuils, ensuite ils vont à peu de distance attendre, de dix à
vingt jours, une date propice pour la Gudri-yâtrâ. Quand
les astrologues ont reconnu le jour favorable, la procession
s'ébranle de nouveau, et les chars sont traînés sur le champ
de manœuvres, au Sud-Ouest de la ville ; ils y demeurent
trois nuits. Enfin la grande journée arrive, saluée par tout
un peuple impatient d'assister au déshabillage du dieu. Les
Banras en grande tenue, vêtus d'une robe rouge, la tête
fraîchement rasée, accotent le petit char au grand ; ils
sortent de la niche l'image sacrée, et lui retirent pièce à
pièce son accoutrement d'oripeaux pailletés. Mais c'est la
chemise qu'on attend, qu'on veut voir. Elle paraît ; les
prêtres l'exhibent solennellement à la foule qui s'inchne,
adore et se prosterne. Matsyendra peut dès lors quitter
Palan, il n'emporte rien au préjudice de ses fidèles; sa
pauvreté suffit à son bonheur. La statuette dévêlue est
transférée, sous une pluie de fleurs et d'offrandes, dans
une sorte d'arche sainte que les Banras chargent sur leurs
épaules ; un cortège de fleurs et d'illuminalions l'accom-
pagne à Bogmati, cinq kilomètres au Sud de Patan* ;
1. C'est sans doute le temple de Bogmati qui est décrit dans ce pas-
sage de la Notice du P. Giuseppe. « On trouve à l'Ouest de Lélit Pattan,
à la distance de trois milles, un château appelé Hanga, qui renferme un
temple magnifique. Aucun missionnaire n'est jamais entré dans ce châ-
teau : ceux qui en prennent soin ont pour le temple une vénération si
scrupuleuse qu'il n'est permis ù personne d'y entrer avec ses souliers ;
LE CULTE 47
c'est là Tantique Amarâpura, que raboiemenl miraculeux
d'un chien désigna comme le lieu de la naissance de
Matsyendra nâtha. Malsyendra doit y résider six mois dans
son temple, au centre du village; Tannée à demi écoulée,
il reprendra le chemin de Patan. Mais, une fois tous les
douze ans, Matsyendra ne se contente pas du tabernacle
pour parcourir la route de Bogmati à Patan et de Patan à
Bogmali ; il faut alors construire h Bogmali même un char
solide qui puisse emmener et ramener le dieu à travers une
campagne sillonnée de ruisseaux capricieux, creusée pro-
fondément par les eaux, et sans routes.
La procession de Matsyendra iMâtha passe pour amener
infailliblement la pluie ; la population du iNépal, qui vit
presque uniquement de la culture, attend de Tinlervention
efficace du dieu les ondées bienfaisantes, nécessaires au
gohya (riz des hautes terres) et au maïs. Le printemps
épanoui se déploie alors dans sa splendeur gracieuse ;
Toranger, le citronnier, le lilas, le rosier, les buissons
lleuris parfument Tair de leurs senteurs.
Tandis que Matsyendra Nàlha est fêté à Patan, la ville
de Bhatgaon célèbre avec moins d'éclat la procession de
Bhairava, son patron. C'est Jagaj-jyotir Malla qui passe
pour avoir introduit, au xvr siècle, la coutume de promener
le char d'Àdi-Bhairavalejour de la Mesa-samkrânti (entrée
•
et les missionnaires n'ont pas voulu donner cette marque de respect aux
fausses divinités qu'on y adore. Mais, pendant mon séjour à iNépal, ce
château se trouvant dans la possession des habitants de Gôrch'à, le
commandant du château et des deux forts qui bordent le chemin, ami des
missionnaires, me lit prier de passer chez lui parce qu'il avait besoin de
quelques médicaments... les gardes n'osèrent pas me contraindre d'ôter
mes souliers... il m'appela dans le varanda, situé au fond de la grande
cour qui est en face du temple ; on y avait rassemblé les richesses du
temple. Je dus à cet incident l'avantage de voir le temple ; je traversai
ensuite la grande cour qui était en face : elle est entièrement pavée d'un
marbre presque bleu, mais entremêlé de grandes fleurs de bronze artis-
temenl disposées. La magnificence de ce pavé m'étonna, et je ne crois
pas qu'il ait son égal en Europe. » Rech. Asial,, II, 353 sq.
48 LE NÉPAL
du Soleil dans le Bélier). Actuellement la yâlrâ se célèbre
le 1" jour de vaiçâkha badi ; elle dure deux jours. Deux
chars qui portent l'un Bhairava, Tautre Bhairavî sont traînés
à travers la ville ; devant le temple de Bhairava, on érige
un mât (lihffà), et on y amène les chars ; on procède au
culte, aux sacrifices, et, la fête achevée, on abat le màt et
Ton rentre les chars.
Dans le même temps aussi, Devî est honorée de deux
grandes fêtes : Tune, purement locale, à Katmandou ; c'est
la Neta-Devî-yâirâ; Tautre en dehors du Népal propre, h
Nayakot, mais commune au Népal entier : la Devî-yâtrd ,
La procession qui va de Nayakot à Devî-Ghat a conservé
plus fidèlement que toutes les autres son caractère primitif
de rudesse et de sorcellerie. Le centre des rites delà yâtrà
est un simple amas de pierres brutes au confluent de la
Triçûla-Gangà et de la Sûryavatî {vidy, Tadi), descendues
Tune et l'autre du Gosainthan. Le courant, à la fonte des
neiges, est si impétueux qu'il emporte toutes les construc-
tions élevées sur les rives ; aussi malgré la sainteté du lieu,
malgré les vœux et le zèle de nombreux rois, il a fallu se
passer d'un temple régulier. L'idole divine reste toute
Tannée à Nayakot, abritée dans un sanctuaire; au début du
mois de vaiçâkha, on la transporte solennellement au tas
de pierres de Devt-Ghat; on dresse à l'entourunepaUssade
de bois, et les rites commencent. Les Banras font l'office;
ils récitent les formules, psalmodient les hymnes, décorent
la statue ; mais les opérations du sacrifice ne leur incom-
bent point. Il fautdes bouchers professionnels (kasâis) pour
égorger les innombrables buffles qui viennent, cinq jours
durant, ensanglanter cette chapelle barbare. La classe des
paysans joue aussi son rôle; deuxJyapus (cultivateurs)
déguisés Tunen Bhairava, Tautre en Bhairavî, reçoivent les
hommages unanimes des Gourkhas e t des Névars empressés,
ef boivent à même le sang chaud qui ruisselle des cadavres
LE CULTE 49
paDtelaoU. On les voit, entraînés par leur dévote gour-
mandise ou par leurs transports exaltés, s'emplir, se tendre,
enfler, étouffer, éclater enfin en hoquets et rejeter une
vomissure rougeâtre que les fidèles se disputent avi-
dement, comme les restes du repas des dieux. Après cinq
jours de tuerie et d'orgie, la statue retourne au sanctuaire
de Nayakot, et Tesprit de la déesse se déchaîne, impla-
cable, contre les impies qui lui ont refusé Toffrande. Ils
succomberont victimes de V « aoul », la fièvre meurtrière
qui se met à rôder dans les bas-fonds dès Theure où sont
achevés les rites de Devî-Ghat.
La Neia Devî-yâtrâ de Katmandou répèle, mais en
réduction, les mêmes scènes d'horreur et de dégoût. Elle
se célèbre de nuit, devant le temple de Neta-Devî, le 14 de
Vaiçâkha sudi. Les Jyapus seuls y font office de prêtres et
de sacrificateurs ; douze d'entre eux, déguisés en divinités,
sont chargés de boire le sang. Tous les douze ans, la fête
se célèbre par exception en plein jour.
Enfin la ville de Sankou honore, le 3 de Vaiçàkha badi,
une autre forme de Devi, commune aux Bouddhistes et aux
Çivaïtes, Vajrayogini, qui a son temple sur le mont Mani-
chur. L'image de la déesse est promenée dans un taber-
nacle (Ahat).
La grande fête du mois de Jyaistha (mai-juin), la Siti-
yâirâ « la Fêle du Lance-pierres », est en train de dispa-
raître. Elle remonte, comme tant d'institutions, à Guna-
kâma deva le Thâkuri. Skanda, le fils de Çiva, lui apparut
une nuit et lui demanda de rassembler tous les garçons de
Katmandou, la nouvelle capitale, près d'un lieu consacré à
Kâlî Kaiikeçvarî, sur les bords de la Bitsnumati, entre la
ville et Syambunath ; il écarterait ainsi loule menace de
révolte et de plus il assurerait la perte de ses ennemis. Le
jeune dieu ajoutait que ses augustes parents l'avaient exercé
depuis l'enfance à jeter des pierres pendant les six premiers
U. — 4
50 LE NÉPAL
jours de Jyaistha. Gunakama comprit Tavis ; il convoqua
régulièremeul ses sujets le 6 de Jyaistha sudi, sur les bords
de la rivière, au lieu prescrit. Le peuple se divisait en deux
camps et se battait à coups de pierres ; les prisonniers des
deux partis étaient immolés en sacrifice. On ne leur permit
de se racheter qu'à une époque tardive. Enfin, il y a un
demi-siècle, le Résident anglais M. Colvin qui assistait à ce
spectacle reçut une pierre et fut blessé ; Jang Bahadur
profita de l'occasion pour abolir ce qui restait de la fête.
Les petits enfants seuls continuent encore à se bombarder
de cailloux le jour de la Siti-yàtrâ.
En Çrâvana (juillet-août) au moment où les pluies torren-
tielles chassent les serpents de leurs trous et les rendent
plus que jamais redoutables, le Népal, comme Tlnde
entière, célèbre la Fête des Serpents {Nâga-paficamî) le
5 badi. L'exégèse locale prétend rattacher celte fête au
souvenir d'une grande lutte entre Garuda et les Nâgas; la
statue de Garuda h Changu-Narayan transpire encore régu-
lièrement, àTanniversaire d'un combat si rude. Les prêtres
essuient cette sueur avec un mouchoir qu'on envoie au roi.
Un fil de ce linge, trempé dans l'eau, suffit à la transfor-
mer en remède infaillible contre les morsures de reptiles !
Le rite proprement dit se célèbre à un confluent ; c'est un
Névar qui officie. Après une ablution matinale entourée de
cérémonies, il dépose sur un plat du riz, du vermillon, du
lait, de l'eau, de la farine de riz mouillée, des fleurs, du
beurre fondu (ffhi)^ des épices, du santal, de l'encens,
allume l'encens, et psalmodie une bénédiction aux Nâga-
ràjas pour les prier de bénir les moissons.
Le 14 badi, les enfants névars promènent h travers les
rues un bonhomme de paille baptisé Ghantâ karna, en
souvenir d'un Ràksasa qui fut expulsé du Népal ; après
l'avoir battu à tour de bras, ils le brûlent le soir.
Le mois de Bhàdrapada (août-septembre) s'ouvre par la
LE CULTE 51
fêle des Vaches (Go-yatrâ). Le 1 badi une procession de
masques, portant tous une tête de vache enguirlandée
d'herbe, défile dans les rues en dansant et en chantant;
chaque famille névare qui a subi un deuil dans le cours de
Tannée est tenue de se faire représenter par un masque ;
derrière ces singuliers figurants on traîne une image gros-
sière de vache, et une Kumàrî ferme le défilé. Le lende-
main, la même procession recommence, mais le tigre y
remplace la vache ; c'est la Vyâghra-yâtrâ,
Du 5 Bhâdrapada badi au 10 sudi, les Bouddhistes de
Patan visitent successivement tous les monastères de la
ville et portent leurs menues offrandes à toutes les cha-
pelles. Tous les jours se forme une procession de banras
portant de petits arbres de cire avec des fleurs de papier
blanc ; à l'occasion de ces visites, les vihàras exhibent
leurs peintures, images de dieux, de saints, de bouddhas,
de bodhisattvas, scènes religieuses ou légendaires, et aussi
les curiosités tenues pour sacrées : telle la poêle h frire où
Vikramàjil se fit cuire lui-même ; tels encore les grains de
riz « préhistoriques » conservés au Pinla-vihara, et qui
sont gros comme des muscades.
Le 8 badi les Hindous célèbrent la naissance de Krsna
• • •
{Krma-janmâstamî), C'est une des deux fêles (avec le
Dasàin) où le jeu est officiellement autorisé; encore celle»
autorisation est-elle forl n^streinte. Les amateurs de jeu
ne peuvent se livrer à leur passion que sur un emplacement
déterminé, au ghatde la Bagmati, devant Thapatali, proche
du pont qui relie Katmandou à Palan.
La procession des Banras (banrà-yatrâ) n'est pas à pro-
prement parler une fêle religieuse, puisqu'elle n'implique
pas de cérémonies spéciales en l'honneur d'une divinité :
mais c'est une institution pieuse qui doit se répéter au
moins deux fois par an, en Çrâvana, le 8 badi et en Bhâdra-
pada, le 13 badi; mais elle peut se renouveler en tout
52 LE NÉPAL
temps s'il se rencontre une bourse charitable pour en faire
les frais. Elle consiste essentiellement dans une distribu-
tion d'argent et de nourriture aux banras, et rappelle le
temps où les résidents des vihâras, en véritables bhiksus,
vivaient d'aumônes. Si c'est un particulier qui offre la
yâtrâ, il convoque par invitations individuelles les banras
de la ville ou même de la vallée entière à un samyak-
sambhojana (repas de corps) ; la dépense peut être très
lourde, car le nombre des assistants monte parfois à une
dizaine de milliers. En outre, la fête comprend des amu-
sements, des illuminations ; le roi doit y assister ou s'y
faire représenter, et c'est encore un honneur qui coûte,
car on doit lui offrir un trône d'argent, un parasol et de la
batterie de cuisine. On élève, vis-à-vis de la maison du
donateur, une estrade de bois avec un hangar ouvert sur
la rue ; l'ensemble est décoré de tentures et illuminé à
profusion. On apporte la mitre de l'Amitâbha de Syam-
bunath, que les vajrâcâryas viennent honorer. Puis la
procession commence : on a élabh au préalable, le long
des maisons que le cortège des banras doit suivre, un
chemin couvert, séparé de la chaussée par une barrière de
bois, et qui traverse en passerelle chaque croisement de
rue. Les femmes des Bouddhistes qui veulent s'associer à
la fête sont venues d'avance, en grande toilette, des fleurs
piquées dans la chevelure, s'installer sur le chemin de la
procession avec des paniers remplis de victuailles ; chaque
banra du défllé reçoit au passage des fruits, ou du grain,
ou de l'argent. Les paniers une fois épuisés, c'est au dona-
teur de combler les vides. Çà et là, des groupes d'hommes
mûrs ou déjeunes gens versent respectueusement de l'eau
sur les pieds des banras. Les murs sont ornés de pein-
tures, ime commission de banras passe au préalable en
contrôler la décence. La nuit venue, les illuminations
éclairent tout le chemin. Enfin, le lendemain, la mitre,
LE CULTE 53
escoiiée par des chœurs de jeunes filles, retourne solen-
nellement à Syambunath.
Le mois de Bhâdrapada s'achève dans les orgies de
V Indra-yâtrâ . C'est à Katmandou qu'elle a le plus d'éclat.
Indra est le patron de la ville, et les Gourkhas aiment les
souvenirs que cette fêle leur rappelle. C'est encore Guna-
kâma, le fondateur de Katmandou, qui passe pour le créa-
teur de rindra-yàlrâ. Elle dure huit jours, du \\ Bhâdra-
pada sudi au 4 âçvina badi. La journée se passe à visiter
les temples et à faire ripaille ; le soir, les maisons sont
illuminées ; les danseurs de caste se rassemblent devant le
palais, déguisés en femmes, en démons, en bêtes, et
dansent jusqu'à une heure avancée ; la foule accourt pour
assistera ce spectacle, coupé de farces et de bouffonneries.
Les danseurs reçoivent du gouvernement une indemnité,
plutôt dérisoire. Dans toute la ville on voit des figures
d'Indra, avec les bras étendus, marquées au front, aux
mains, aux pieds de signes religieux (/i/«X:a5) : les capucins
du xvni* siècle pensaient y reconnaître un travestissement
(naturellement manichéen) du Christ en croix '. Ces
figures, élevées sur des tréteaux ou sous des abris provi-
soires, sont consacrées à la mémoire des ancêtres défunts,
et on les invoque à ce titre. La procession proprement
dite part du temple d'Indra, surl'Indra-Than, à l'extrémité
occidentale de la vallée, et elle se rend au temple de Bâla-
Kumàrî, dans la ville de Timi (entre Katmandou et Bhal-
gaon), en visitant sur la route un grand nombre de sanc-
tuaires.
Une autre procession, greffée au xviu*' siècle sur la fêle
d'Indra, a fini par faire corps avec elle. Vers 1750, une
fillette de sept ans, de famille baura, déclara dans une crise
1. CiEORGi, \lph. Tibet, p. 203. Georgi reproduit deux dessins qui
figurent, avec un parti pris manifeste, ces prétendues contrefaçons de
la Croix.
54 LR NÉPAL
de possession qu'elle était Kumârî en personne. Le roi
Jaya Prakâça Malla, informé, ne se laissa pas convaincre;
il bannit Tenfant et sa famille, pour imposture. Le soir de
la condamnation, la reine est prise des mêmes transports
que Tonfant ; elle se met à crier que Tesprit de Kumârî la
possède. Jaya Prakâça, terrifié, se hâte de rappeler la
petite exilée, sollicite son pardon. Pour racheter sa faute,
il institua une procession ; on bâtit un char en pagode, h
trois étages, et dans la niche du bas, la Kumârî recevait
rhommage de ses adorateurs. Près d'elle, sur la plate-forme
du char, des prêtres, et un général qui tenait le sabre
royal. Le roi en personne, assis sur son trône, Tattendit
devant la porte du palais pour la saluer et lui présenter son
offrande. La cérémonie so renouvela les années suivantes.
En 1768, le jour où la procession devait défiler devant le
palais (le quatorzième jour sudi, qui est TAnanta-catur-
daçî), le l'oi de (Jourkha, Prithi Narayan, profita de la
confusion pour pénétrer nuitamment dans la ville, aidé
par la trahison des brahmanes ; le peuple et les soldats,
tous engourdis par l'ivresse, n'essayèrent pas même de
résister. Jaya Prakâça eut à peine le temps de s'échapper
et de fuir jusqu'à Bhatgaon. Prithi Narayan s'installa sur
le trône dressé à la porte du Darbar, salua la Kumârî, reçut
son hommage {prasâdà) et donna l'ordre de continuer la
fête. Encore aujourd'hui, le soir de l'Ananta-caturdaçl, on
érige sur la place du Darbar im grand mât où Ton suspend
un oriflamme décoré d'emblèmes religieux ; une salve
d'artillerie salue le drapeau, aussitôt hissé, et commémore
l'heure précise où les Gourkhas occupèrent Katmandou.
Le Dasâin n'est pas moins populaire au Népal qu'il l'est
au Bengale, où il porte le nom de hurgâ-Pùjâ ; on l'appelle
encore DaçavMy les Uix-Journées, ou Narardtri, les Neuf-
Nuits. Il dure, en elîet, du I au lOAçvina (septembre-
octobre), sudi. II tombe au moment où Ton comnieuce, au
LE CULTE 55
Népal, à moissonner le riz transplanté, et prend ainsi le
caractère d'une fête agraire. Le premier jour, les brahmanes
sèment de Torge à un endroit pur, et Tarrosent avec de
Teau consacrée ; le dixième jour, ils arrachent les jeunes
pousses et les disposent en petits bouquets que les fidèles
leur paient en menues offrandes. C'est alors seulement
que la moisson commence dans toute la vallée. Le Dasâtn
pourtant commémore en principe un exploit guerrier: la
victoire de Durgâ sur son formidable adversaire, le démon
Mahisa (Asura). Aussi est-ce en même temps une fête
militaire : le septième jour, le roi escorté du premier
ministre et des hauts fonctionnaires, assiste à une grande
parade de la garnison sur le Tundi-khel ; la canonnade et
la fusillade alternent sans interruption. Le 9, chaque régi-
ment offre des sacrifices à son drapeau, décoré pour la
circonstance de fleurs et de banderoles : des buffles, les
cornes peinturlurées, des guirlandes au cou, sont amenés
devant le drapeau et décapités d'un coup de kukhri. Les
enfants de troupe, pour se faire la main, s'essaient sur de
simples boucs. Chaque officier se pique d'offrir au moins
un buffle, sans préjudice des victimes qu'il sacrifie chez
lui. A la caserne du Kot, voisine du palais, le roi et les
généraux viennent ordinairenrient savourer le carnage, au
bruit de la poudre et de la musique ; on y égorge coup sur
coup cent à cent cinquante buffles, sans prendre le temps
d'éloigner les cadavres. Tous les temples du pays ont leur
part de boucherie. Le Dasâîn est, de plus, le commence-
ment de l'année administrative et domestique ; la réparti-
tion annuelle des emplois est définitivement arrêtée le
premier jour du Dasâîn. C'est aussi le jour de louée des
serviteurs, et le jour de leurs étrennes. A la fin de la dizaine
fériée, le roi donne une grande réception {darhar)^ et les
fonctionnaires maintenus ou nouveaux vont présenter leurs
hommages, avec leurs oliVandes, à leurs chefs respectifs.
56 LE NÉPAL
Les tribunaux vaquent durant tout le Dasâîn, et les détenus
sont transférés hors des murs,
La Svayambkùr-mâlâ est une fête exclusivement boud-
dhique qui se célèbre à la pleine luned'Àçvina ; elle marque
la fin de la saison des pluies. On retire les nattes qui abri-
taient les clochers des caityas, et on érige des parasols sur
les antiques monuments d'Açoka à Patan.
La Dîvâlî (Dîpâvali) est une fête officielle en même
temps qu'une période de réjouissances populaires. Elle
dure cinq jours, du 1" au 5 Kârtika (octobre-novembre),
sudi. Elle rappelle la victoire de Visnu sur le démon Naraka,
et son entrée triomphale dans la ville conquise. Les mai-
sons sont pavoisées et splendidement illuminées ; Tépouse
de Visnu, Laksmî, déesse de la Fortune, préside à ces
réjouissances. Le premier jour, on passe au cou de tous
les chiens des guirlandes de fleurs, et on leur rend un
culte. Les parias du Népal, par une extension humiliante,
profitent de cette bienveillance exceptionnelle, et passent
ce jour-là sans subir d'avanie. Le second jour {vrsabha-
pûjà)^ c'est le tour des vaches et des buffles, qui reçoivent
les mêmes honneurs. Le troisième jour, chacun fait Tin-
ventaire de sa caisse et adore Laksmî. Le quatrième jour,
chaque chef de famille adore comme des divinités les per-
sonnes de sa famille et de sa maison, et leur offre une fête.
Le cinquième jour, c'est la « fête des frères » {bhrâtr-
pûjâ) ; la sœur rend visite à son frère, lui pose une marque
de respect {tîkà) au front, une guirlande au cou, lui lave
les pieds et lui offre des douceurs ; elle reçoit en retour un
petit cadeau. Mais c'est le jeu surtout qui rend la Dîvâlt
populaire au Népal ; le gouvernement {\\^ une période
variable, en général d'une semaine, où le jeu cesse d'être
interdit ; chacun est libre de jouer, n'importe quand et
n'importe où, chez soi comme dans la rue. Le jeu à décou-
vert est seul prohibé ; les joueurs sont tenus de déposer
LE CULTE 57
leur mise avant la partie. La précaution a paru nécessaire
pour imposer un frein aux entraînements d'une passion
irrésistible ; il circule à ce sujet d'étranges histoires, telle
celle du joueur qui, de perte en perte, finit par se couper
la main gauche, l'enveloppa dans une toile et somma son
adversaire de tenir l'enjeu ou de rendre l'argent gagné.
Pendant toute la durée du mois de Kârtika, les dévotes
les plus zélées s'installent au temple de Paçupati et ne
prennent, dit-on, comme nourriture que l'eau versée en
lustration sur le linga. Le soir de la pleine lune, à la fin du
mois, le temple est illuminé ; il s'y tient une grande fête,
et le lendemain malin une joyeuse procession ramène chez
elles les héroïnes de ce long jeûne.
Le 4 du mois de Mâgha (janvier- février) badi, est con-
sacré à Ganeça ; la journée de jeûne est naturellement
suivie d'une nuit de fête.
Le 5 sudi porte le nom de Vasanta-paticarnî en souvenir
du temps où il marquait l'entrée du printemps ; il est dési-
gné plus communément comme la ÇrUpaficamî, quoique la
journée soit en fait consacrée à Sarasvatî. Le matin, on
rassemble sur une planche les livres, les cahiers, les
encriers, les kalams de la maison ; on les parsème de fleurs
toutes blanches et on adresse un culte (joû/a) à Sarasvatî.
L'écritoire a congé toute la journée ; en cas de besoin
pressant, on écrit à la craie ou au charbon.
Le mois de Mâgha s'achève par une grande procession
on l'honneur des baigneurs courageux qui ont continué,
malgré le froid, à se plonger le matin dans les eaux saintes
de la Bagmali. Un cortège va les prendre suighat ; on les
transporte jusqu'aux temples dans des Htières, avec des
lampes sur la poitrine, sur les bras et sur les genoux, les
yeux garnis de lunettes pour les préserver des étincelles ;
d'autres baigneurs suivent, qui portent sur la tête des pots
de terre remplis d'eau, percés de trous minuscules ; les
S8
LE NÉPAL
Spectateurs recueillent les gouttes qui tombent et s'en
mouillent le front.
La Çiva-râlri, qui se célèbre la nuit de la nouvelle lune
de Phâlguna (février-mars), est considérée par lesÇivaïtes
Bord do la Bagmsti. !x V
comme la plus imporlante des fêtes de l^-iva. Les df-vols de
Çiva visitent à cette occasion les liiifras les plus réputés ; la
notoriété de Parupali attire au Népal des adorateurs éloi-
gnés ; il en vieni tnémc des régions les plus méridionales
de l'Inde. L'accès du pays, par la voie de Sisagarlii. csl
ouvert alors sans foi'malîtés el sans droits. La roule esl
couverte de yogis exaltés, rie fa(|uirs charlalanesnues, et de
dévots naïfs attarliés à leurs pas, l'éternel cortège des
dupeurs et des dupi's. Les Névars, eux, se préparent à la
LE CULTE 5fl
fêle par une tournée circulaire autour de la vallée, en
soixante-quatre étapes : la Cattih-sasti yâtrà. Toute la
journée de la Çiva-râtri, Paçupati est encombré d'une
mnllilude grouillanle, avide d'adorer le linga aux quatre
faces, d'y répandre les feuilles rafraîchissantes du bilva
pour calmer l'érection douloureuse du dieu générateur, et
de se baigner dans la Bagmati. Le roi lui-même ne manque
pas de s'y rendre. L'après-midi, entouré du haut personnel
d'Etal, il passe une revue sur le champ de manœuvres de
Katmandou.
Le holï (pleine lune de l^hàlguna) est la véritable fête du
printemps; les brahmanes, par une invention de fantaisie,
Font mis en rapport avec le culte de Krsna; mais le peuple
se contente de célébrer le carnaval ; chacun prétend
enterrer joyeusement l'année mourante, dont le cadavre
symbolique pend à la porte du palais: le soir venu, les
loques multicolores qui Hguraient les jours passés sont
jetées à bas et lancées dans un grand brasier. Les confetti
même ne manquent pas à la fête; chacun se munit d'un sac
de poudre rouge et c'est à qui saura le mieux bombarder les
passants, soit à pleines poignées, soit au moyen d'un tube.
L'année religieuse, qui s'ouvre avec la yâtrà de Matsyen-
dra Nâtha de Fatan, s'achève par la yâtrà du Petit
Matsyendra NâthaAe. Katmandou. Le Petit (Sànu) Matsyen-
dra est fort différent du grand ; il n'est point rouge, mais
blanc ; ce n'est point une forme de Padmapàni, mais de
Samantabhadra. Son origine remonte au temps de Yaksa
Malla (vers le milieu du xv siècle). Des potiers qui cher-
chaient de l'argile exhumèrent une statue qui datait du
règne de Gunakâma deva, et qui n'était autre que Sânu
Matsyendra Nâtha. Le roi la fit réparer et lui éleva un
temple. Au xvir siècle, Pratâpa Malla établit en son honneur
une rat ha-yât?'â, qui s'est perpétuée. Elle dure, saufinci-
dents, quatre jours, du 8 au 11 Caitra, sudi. Les iNévars
60 LE NÉPAL
seuls la célèbrent ; mais le 9 esl une journée de fêle uni-
verselle, car les Gourkhas célèbrent à cette dale la fête
hindoue en l'honneur de Râma {Bâma-nammt).
I. Ouvrage népelali
HISTOIRE DL NÉPAL
Le Népal n'entre dans l'histoire authentique et positive
qu'au iv° siècle de Fère chrétienne. Le premier document
daté qui cite le nom du Népal est le panégyrique de l'em-
pereur Samudra Gupta, sur le pilier d'Allahabad; Tinscrip-
lion dénombre les peuples soumis en qualité de tributaires,
de vassaux ou de sujets directs à l'autorité du puissant
souverain, qui donna un instant à l'Inde l'unité impériale.
Le roi du Népal {Nepâla-rirpatï) y est classé, à Tavant-
dernier rang, parmi les princes qui « payaient le tribut,
obéissaient aux ordres, et venaient se prosterner pour
satisfaire à la volonté impérieuse du maître* »; il est
placé entre le prince du Kàmarûpa, d'une part et le prince
du Karlrpura de l'autre. Le nom du Karlrpura n'a pas
encore été rencontré ailleurs et demeure énigmatique ; le
nom du Kàmarûpa s'est perpétué, il continue à désigner
officiellement le district Nord-Ouest de TAssam, sur la
frontière méridionale du Bhoutan. Les noms du Népal et
du Kàmarûpa sont fréquemment rapprochés dans la
littérature, comme ils le sont sur le pilier d'Allahabad.
La littérature sanscrite dans son ensemble pose trop de
problèmes à la chronologie pour venir efficacement à son
1 . Samau^-pavâka-KâmarQpa-Nepâla-Kamrpurâdi-pratyanu-nrpatibhir. . . .
sarvvakaradânâjfiâ - karaça - praoâmâgamana - paritosita - pracanda - çôsanasya
(Flekt, Corp. Inscr. Ind.j III, p. 8).
62 LE NÉPAL
aide. Les j^^raiides épopées elles Purànas, en particulier,
flottent encore presque au hasard dans le chaos du passé
hindou. Quelle qu'en soit toutefois la date, il est néces-
saire d'observer que le nom du Népal ne se trouve pas,
autant que je sache, dans le Mahâbhàrata, ni dans le
Ràmâyana, ni dans les principaux Furânas, malgré la
place considérable que rHimàlaya occupe dans leurs récits
et leurs légendes. Le silence unanime des grandes compi-
lations épiques et mythologiques porte à croire que le nom
du Népal était encore inconnu ou n'existait pas encore à
l'époque des diascévastes. Tandis que le Kâmarûpa voisin,
sous la désignation archaïque de Prâgjyotisa, était admis
dans le cycle des rhapsodies consacrées, le Népal restait
Tasile anonyme des Kirâtas barbares, inaccessibles dans
leurs montagnes et redoutés de la plaine.
Un prétendu texte de littérature védique, TAtharva-
pariçista, cite, il est vrai, le Népal avec le Kâmarûpa*; mais
l'ouvrage, en dépit de ses prétentions, est un supplément
postiche de TAtharva-Veda, rédigé h une époque tardive ;
certaines de ses doctrines astrologiques semblent y déce-
ler jusqu'à l'évidence l'influence des idées helléniques.
En fait, c'est avec la littérature personnelle que le nom du
Népal apparaît dans l'Inde. Un des vingt-cinq Contes du
Vampire, insérés dansla Brhatkathâpaiçâcî de Gunàdhya.
a pour héros un roi du Népal ; les deux versions sanscrites
s'accordent à le nommer Yaçahketu. Ce conte appartient
au cycle populaire de Mrtladeva, le roi des fripons; le nom
du Népal, loin d'être essentiel au récit, n'y est introduit
que par hasard ; mais l'accord des deux versions atteste
que ce choix purement arbitraire remonte du moins au
1. Nepàlaip Kàmarûpaqi Videhodumbarani tathâ I tathàvantyab Kaikayaç
ca utwrapûrve hâte hanyàt | . Seclion du kûrnia vibhâgade l'Alharva-pari-
çisça dans Weber, Verzeich. der Hss. der Kôn. Bibl. Berlin, L p. 93.
— El cf. Weber, Ind. Sludien. Vlll, 413: X, 319.
HISTOIRE DU NÉPAL 63
compilateur de l'original prâcrit, vers le second siècle de
Tère chrétienne*. Vers la même époque, un peu plus tard
peut-être, le Traité d'art dramatique de Bharata nomme
« les gens du Népal » parmi les habitants et les voisins
des montagnes ^
Au VI* siècle, l'astronome Varâha-Mihira mentionne le
Népal dans le groupe des peuples que menace, comme un
fâcheux présage, l'intersection des orbites de Vénus et de
la Lune ; mais son texte reproduit en fait une doctrine anté-
rieure qui remonte à son devancier Parâça^a^.
La littérature du bouddhisme présente plusieurs men-
tions du Népal : mais il est difficile de leur assigner une
date expresse. Le Mûla-sarvàstivâda-vinaya-samgraha,
compilé par Jinamitra, et traduit par I-tsing, en700J.-C.,
montre dans un épisode relatif au port de la laine, une
troupe de bhiksus en route vers le Népal (Ni-po-lo)^ tandis
que le Bouddha résidait à Çrâvastî\ L'auteur de ce recueil
est sans doute identique à un docteur du même nom que
Hiouen-tsang exalte comme une des gloires de la science
bouddhique, à la suite de Sthiramati qui florissait vers 550^ ;
1. Abhûn Nepàlavisaye nâmnà Çivapuram puram |
yathàrthanàmâ tatrâsTd yaçahketuh purà iirpab ||
SoMADEVA, Ka Ihâ-sarit-sâgara, Xll, 22, v. 3.
Nepàlavisaye çrlniân yaçabketur abhûn nrpah |
KsEMENDRA, Brhat-liathdrnanjarî, IX, v. 728.
Somadeva, comme on voit, met de plus le Népal en rapport avec
Çiva.
2. Angâ Vafigâh Kalifigâç ca Vatsàç caivodra-Màgadhâb |
Paundrâ Naipâlikâç caiva antargiri-bahirgirâb ||
Nâtyaçâstra^ XHI, 32.
3. Varâha-Mihira, Brhat-Samhitdy IV, 22. Le passage correspondant
de Paràçara est cité par Kern dans une note de sa traduction, Journ.
Roy. As. Soc, n. s., [V, p. 454. i— ■ Varâha-Mihira nomme encore le
Népal, V, 65.
4. TripUaka chinois, éd. japonaise, XVII, vol. 6, p. 32s(=Nanjio,
1127).
5. Mémoires, II, 47. Sur la date de Sthiramati, cf. mes Donations
religieuses des rois de Fa^a&/iî dans le VU® vol. de la Bibliothèque de
l'École des hautes études, sciences religieuses. Paris, 1896, p. 97.
64 LE NÉPAL
justement le Tibétain Bu-ston désigne Jinamitra comme
le disciple d'un disciple de Sthiramali\ Le Vinaya-
samgraha serait alors du vi'-vn* siècle, et Jinamitra en
empruntant un épisode aux textes canoniques a pu y
introduire un nom de date plus récente. Le nom du Népal
se trouve même dans le texte d'un sûlra, le Candragarbha-
sûtra, traduit en chinois par Narendrayaças entre 550
et 557 J.-C; il y figure dans une longue et intéressante
liste de peuples, qui trahil, soit une fabrication, soit un
remaniemei^t de date tardive, à peine antérieurs au tra-
ducteur lui-même ^ Au cours du vu* siècle, TÉIoge des
Huit Grands Caityas, attribué au roi Harsa Çîlâditya, place
le Népal, en compagnie du Kâmarûpa parmi les pays posses-
seurs de saintes reliques ^ La littérature des Tantras, rédi-
gée à une époque assez basse, est naturellement familière
avec le Népal où les Tantras étaient en honneur. Le
Mafijuçrî-mûla-tantra, traduit en chinois entre 980 et
1000 J.-C, désigne le Népal avec le Cachemire, le Kapiça
(Kia-wei-chi)^ la petite Chine et la grande Chine (iMahâcîna)
parmi les royaumes de Tlnde du Nord où se rencontrent
des asiles propices pour parfaire la pratique ^ ; dans un
autre passage, il enseigne les signes funestes qui présa-
gent un malheur au Népal : « Quand, aux jours des naksa-
tras Hasta, Citrâ, Svâti, Viçâkhâ, Anurâdhâ, Jyesthâ, il
y aura un tremblement de terre, alors dans le royaume du
xNépal (Ni'pO'lo) les petits rois du dedans et d'alentour
s'envahiront, se pilleront, se tueront mutuellement '^ ». Le
1. Tàranâtha, p. 320.
2. Éd. japonaise, IH, 4, 61« (= Nanjio, 63). Le Népal est inséré dans
cette liste entre les Têtes-de-chien (Çvamukhas)et les Kiuna-so^Gonâ-
sas?).
3. Une poésie inconnue du roi Harsa Çîlâditya, par Sylvain Lévi,
dans les acles du X» Congrès des orient. Genève, 1895, v. 3.
'*. Éd. japon., XXVII, 9, p. 'f8« (= Nanjio, 1056).
5. Ib., 63«.
HISTOIRE W NÉPAL G5
Sarva-lalhàgala-maliâ-guliya-ràjâdbliutâiiuUara-praçasta-
iiiahà-mandala-sûlra nonnne aussi le Népal, pêle-mêle
avec le Magadha, la Chine, le Samatata, le Làta, etc.,
parmi les royaumes où rt'îsident des disciples de Vajra-
pâni'.
Le premier personnage authentique qui se trouve mis
eu rapport avec le Népal est le célèbre docteur Vasubandhu
qui florissait aux confins du v'^ et du vi'' siècle^ ; selon le
récit de Tàranâtha, Vasubandhu déjà vieux s'en alla au
Népal accompagné de 500 élèves ; il y fonda des écoles
religieuses, et le nombre des moines s'accrut de beau-
coup. Mais un jour il vit un guru. revêtu de son costume
ecclésiastique, qui labourait un champ; à la vue de cette
transgression inexpiable, il comprit que la décadence de la
doctrine était proche ; il récita trois fois la formule de
TLsnîsavijaya dhâranî, et mourut. Ses disciples lui élevè-
rent un caitya sur la place. ^
La tradition jaina rapporte, de son côté, que le patriar-
che Bhadrabâhu étaiten route pourle Népal au moment où
le concile de Pàtaliputra se réunit pour recueillir le texte des
Angasqui allait se perdre *. La mort de Bhadrabâhu (lotte,
selon les diverses écoles, entre 357 et 365 av. J.-C, mais
le Pari(;ista-parvan, où se trouve l'indication de son voyage
au Népal, est l'œuvre de Hemacandra, le grand doc-
teur jaina qui vivait à la cour du roi Kumàra-Fàla au
XII' siècle.
1. Éd. japon., \XVll, 3, p. 82i» (-r. Nanjio, 1018).
2. Tàranâtha, p. 125.
3. C(. Tkkakvsv, A study... and the date of Vasubandhu, dans le
Journ. Roy. As. Soc, 1905, 1.
4. Nepâla-deça-màrga-slha. Paririsiaparvan, 1. IX: cf. sup.. vol. l,
225. — Hemacandra, dans un passage intéressant de son connnentaire
sur le Kâvyànuçâsana(if«t;t/a-iir^i^^î, 1900, p. 128), cite le Népal dans les
pays situés à l'Orient de Bénarès (oVideha-Nepâla-Puodra-Prâgjyotisa"
Vàrapâsyâb paratab pûrvadeçab) et encore parmi les montagnes de cette
légion ("Dardura-Nepâla-Kamarupadayal.1 parvaiàb).
n. - 5
66 LE NÉPAL
Le nom du Népal, Nepâla, malgré sa physionomie
sanscrite, n'offre pas à l'élymologie d'explication satis-
faisante. Lassen* proposait de l'interpréter, par analogie
avec les mots Himâla, Pancâla, etc., comme un composé
A
de deux termes : nîpa et âla. Ala serait, comme dans les
autres mots de ce type, une abréviation ^V/Zayû « demeure »
nîpa^ renforcé en nepa^ signifierait : le pied d'une mon-
tagne. Mais, même à supposer légitime la modification de
nîpa en nepa, le sens attribué ici à ce mot n'a pas d'autre
garant qu'une glose de scoliaste^; en outre, il s'applique
assez mal à un pays situé dans la montagne même : le
Népal n'est au propre que la grande vallée intérieure. Le
mot nîpa désigne surtout une variété d'açoka (le nauclea
cadamba des botanistes) qui est loin de caractériser la
région népalaise. On pourrait encore faire intervenir les
Nîpas, race princière du cycle des Pândavas, qui régnaient
à Kâmpilya, dans le Pancâla.
L'interprétation locale préfère une autre analyse ; elle
partage le mot en ne-hpd/a; ce dernier élément signifie
en sanscrit : « le protecteur ». La fantaisie des exégètes a
pu s'exercer sur la syllabe initiale ne qui n'a pas d'exis-
tence réelle en sanscrit. Les Bouddhistes v voient une
formation tirée de la racine w?, « conduire » ; Ne serait
« le conducteur qui mène au Paradis », Svayambhrt Àdi-
buddha. Ne-pdla signifierait : « (le pays) qui a pour pro-
tecteur Svayambhù psychopompe ' ». D'après les brahma-
nes, Ne serait le nom réel ou abrégé d'un saint qui vécut
jadis au Népal. Dans le Paçupati-puràna (XXI) Sanat-
Kumâra s'écrie : (( Un saint nommé iVe l'a protégé jadis par
ses œuvres méritoires; aussi le pays dans le sein de
\. Incl. A//.. 1^ 76, n. 3.
2. MAMioHAKA sur la Vàj. Sanih., XVI, 37
3. IloDGsoN, Essays, 51, note.
mSTOIRE DU NÉPAL 67
r Himalaya s'appelle iVe/?(î/«\)). Le Nepâla-mâhâlmya (XII),
nomme le même saint Nemi. a 0 Nemi, lui dit Paçupati,
marche en tête des saints de ce domaine sacré ; c'est toi
qui dois, ô trésor d'austérités, proléger ce pays, sur ma
parole ! » Et depuis lors le pays a pris le nom de ^îepâla^
Au lieu de Nemi, l'éponyme est aussi appelé quelquefois
Niyama\ Dans ce système d'interprétation, le Népal fait
exactement pendant au Gourkha ; le Gourkha, en effet,
tire son nom du saint patronal (Goraksa Nâtha) qui proté-
geait la ville et le pays.
Le saint Ne ou Nemi passe pour le fondateur de la
dynastie mythique des Guptas ; la dynastie lunaire (Soma-
vamça), la première dynastie hindoue qui semble appar-
tenir h l'histoire, a pour fondateur un prince appelé
Nimisa : Nemi et Nimisa ne sont sans doute que deux
variantes de la même tradition ou de la même légende.
C'est encore le même ancêtre éponyme qui reparaît, sous
une troisième transformation, dans le roi Nemita que les
sources de Târanàtlia désignent comme le père d'Açoka.
(( Dans le royaume de Campârna, qui appartient au peuple
des Tharus, Nemita, assisté de cinq cents ministres comman-
dait à tous les pays du Nord... Les montagnards du Népal
et les Khaçyas se soulevèrent contre lui. Açoka, son fils, les
réduisit sans difficulté*. » Gampàrna est manifestement le
1. Nenâmnâ muninâ pûrvani pâlanàt punyakarmanâ |
idaip hi Himavat-kuksau Nepâla iti cocyate ||
La Vaiîiçàvall bouddhique lui donne également le nom de Ne-nmni
(Wright, 107).
2. Neme tvam asya ksetrasya munînâm agranîr bhava |
pâlanïyaip tvayâ ksetrani vacanân me tapodhana
tatabprabhrti taj jâtam ksetraip Nepâlasamjfiakam
3. Hamilton, 187. — Hodgson, loc. cit. — Oldfield, il, 189. — Un pas-
sage du Harsacarita de Bàna rapproche justement dans un jeu de
mots nemi et niyama. Le religieux bouddhiste Divàkara Mitra y est
appelé : janma yamasya, nemiip niyamasya, tattvam tapasah » (éd.
Bombay, 266).
4. Târanâtii.\, p. 26 et 27. — Schiefner traduit le tibétain tharu-i
68 LE NÉPAL
sanscrit Gampâranya, le moderne Champaran, situé aux
confins du Népal, sur la grande route de Palna à Katman-
dou; les Tharus continuent à peupler de leurs tribus plus
qu'à demi sauvages les bas-fonds marécageux du Téraï,
au Nord du Champaran, sur la lisière du Népal.
L'époque de Nemi ou Ne-muni marque, dans la Chro-
nique locale, la transition entre la période divine et la
période légendaire ; elle tombe 600 ans ou 900 ans avant
le commencement du Kah-yuga(3 101 av. J.-C), dans le
quatrième millénaire avant Tère chrétienne. La période
divine remonte jusqu'aux origines du monde; la période
légendaire descend jusqu'à l'avènement d'Amçuvarman,
fondateur de la dynastie Thâkuri. C'est à partir de son
règne que « les dieux cessèrent de se montrer au Népal
sous leur forme corporelle aux regards des humains ». Un
vers du Bhavisya-Purâna prédit en effet que : « Visnu doit
résider dix mille ans sur la terre : la Gangâ, deux fois
moins; les Grâma-Devatàs (divinités locales) deux fois
moins encore ». Mais le Népal étant le pays des dieux, les
Devatâs consentirent à y prolonger de trois cents ans leur
brgyud par « die Reihe der Erdgranze «. Mais, d'après le témoignage
même de Wassilief (cité ib. Introd., p. 9). « Samba Khuluktu entend
Tharu comme le nom d'une peuplade (d'où est issu Açoka) ». L'exacti-
tude de cette information fait honneur à la tradition tibétaine. Il est cer-
tain, en effet, qu'il faut traduire tharu-l brgyud « le pays des Tharus ».
La forme tibétaine du nom du Népal, Balpo, semble confirmer l'ana-
lyse traditionnelle qui isole la syllabe initiale ne. L'élément po est la
particule subslantive qui s'attache aux termes concrets; la partie signifi-
cative se réduit à Bal (=:pdla, ou plutôt une forme affaiblie bâla,
intermédiaire entre le sanscrit Ne)pâla et la désignation moderne de
Ne)vâra, névai"s. Le mol bal signifie de plus, en tibétain, « laine ». Le
Népal est souvent désigné aussi par « Rinpochel-glin » qui correspond
au sanscrit Ratna-dvipa « pays des joyaux » et par extension « pays des
bienheureux », on l'appelle aussi Klu (i)-yul « le pays des Nàgas »,
comme étant leur résidence favorite. Les Chinois, à l'époque des T ang,
disent .Vi-;>o-/o; à l'époque des Ming iV/pa-/a; les formes modernes
Pa-lo-pou, Pa-eul-pou, Paï-pou sont des transcriptions du nom tibétain
Bal-po. Cf. sup., vol. 1, p. 186; et 1, 223, n. 1, pour une autre étymo-
logie de Népal proposée par .M. Waddell.
HISTOIRE DU NÉPAL 69
séjour. L'avènement d'Amçuvarman tombait, dans ce
système en 2 800 C^^-f- 300) du Kali-yuga; par goût des
chiffres ronds on le transporta en 3 000 K.-Y. = 101
av. J.-C. Un heureux hasard nous permet de corriger avec
assurance les chiffres de la Vamçâvalî ; la confrontation de
Tépigraphie et des voyageurs chinois fixe indubitablement
le règne d'Amçuvarman au début du vu* siècle J.-C.
(595 J.-C. = 3 696 K.-Y.). L'écart est de huit cents ans.
A se fonder sur le système de la Vamçàvalî, on se serait
cru en droit d'affirmer que l'histoire positive s'ouvrait au
Népal vers Tan 600 J.-C, après la disparition des dieux,
toujours suspects àl'historien. Mais, à l'encontre de cette
prévention, l'épigraphie rend dès maintenant h l'histoire
une suite de rois de la dynastie Sûryavamçi, à partir du
pieux Vrsa deva qui visita Tcnfer et en revint. Si le règne
de Mâna deva (!) date, comme nous croyons l'établir, de
la fin du V* siècle, Vrsa deva, son bisaïeul, doit remonter
aux environs de l'an 450 J.-C, moins d'un demi-siècle
après l'inscription de Samudra Gupta où se rencontre la
première mention authentique du royaume de Népal. Au
delà, la critique dispute péniblement les faits à la tradition.
L'histoire divine du Népal consiste surtout dans les
légendes que j'ai déjà rapportées d'api'ès les compilations
brahmaniques et bouddhiques. Il serait oiseux de chercher
à établir un enchaînement dans ces contes. Je rappelle
seulement le rôle attribué à Manjuçrî, qui vint de la Chine
à Svayambhii, lira le Népal des eaux, et y fonda la ville
de Manjupattana', entre la Bitsnumati àl'O., la Bagmati
1. Wright, 79: « De la colline de Padma (= Svayambhù) à Guhye-
rvari ». Le Svay. P. (éd. Bibl. Ind., p. 246) indique d'autres limites,
mais équivalentes :
çankhaparvatopatyakad à cintâmanitirthakam
keçâvatyâm pùrvatîre çankhaparvatadaksine |
paçcime ràjamanjaryà vâgmatyâ uttare diçi |j
70 LE NÉPAL
à TE. et au S., et le Sheopuri au N. La ville actuelle de
Katmandou forme Tangle S.-O. de cet emplacement légen-
daire. Il y installa comme roi Dharmâkara, un roi de la
Grande Chine (Mahà-Cina) qui Tavait accompagné dans
son pèlerinage et qui justifiait par ses vertus et sa piété
son nom : a Trésor de la Loi ». Dharmâkara organisa le
Népal sur le modèle de la Chine ; sciences, connaissances,
métiers, culture, manières, commerce, tout copiait les
modèles chinois*. II éleva même un édifice religieux à
étages, à la façon chinoise ^ II laissa le trône k Dharma
pâla, qui était venu de Tlnde avec le Bouddha Krakuc-
chanda. La dynastie de Dharma pâla dura jusqu'à la fin
de Tâge Tretâ.
Sudhanvan qui régnait à ce moment critique transporta
la capitale à Sânkâsyâ sur les bords de riksumatî (le ruis-
seau Tukhucha, à TE. de la Résidence Britannique); mais
il encourut la colère de Janaka, le beau-père du glorieux
Bàma ; Janaka le fit mettre à mort et donna le trône
vacant à son propre frère Kuçadhvaja, qui fonda une nou-
velle dynastie. L'épisode de Sudhanvan a été emprunté
d'un seul bloc au Râmâyana (I, 70* et 71' adhy.) et trahit
l'intention arrêtée de rattacher l'antiquité népalaise au
cycle de Râma, où elle n'avait pas trouvé de place authen-
tique. Au temps du Bouddha Kâçyapa, le Népal reçoit la
visite d'un roi de Gauda (Bengale), Pracanda deva, entré
en religion sous le nom de Çântaçrî ou Çântikara. Les
descendants de son fils, Çakti deva, viennent ensuite du
1. Svay. P., p. 248:
tathâ Cinavad rajyai]! ca sarvavidyatanmandalam |
aksaram sarvavidyâpi çilpavidyàbhib çastrakaih ||
krsi âdibhib bhâvaiç ca vàriijy^ib sarvakarmabhih |
yathâ Cïnapradcçc 'sti tathâ Nepâlamandale 'I
Cf. sup., I, 332, n. 2.
2. Svay. P., ms. de la Bibi. Nation., I). 78, p. 26*».
yadvan mahâcînakùtâgàram tadvan manoharam
HISTOIRE DU NÉPAL 71
Bengale occuper le trône resté libre; un d'entre eux, Guna
kâma deva, apprend de son aïeul Çântikara les rites qui
rendent les Nâgas propices. La légende a ici dédoublé,
pour les transporter dans le passé le plus reculé, Guna
kâma deva le Thàkuri et son maître spirituel, que recom-
mandait aux inventions des conteurs leur prestige surna-
turel. Le héros d'un jâtaka célèbre, Simhala, est introduit
ensuite dans la descendance de Guna kàma deva ; il vient
fonder au Népal le couvent de Vikramaçîla, contrefaçon
misérable d'un couvent illustre élevé en Magadha par
Dharmapâla, roi de Gauda, au ix® siècle J.-C.
Le procédé de dédoublement et de report, appliqué à la
dynastie des Kiràtas, fournit une lignée de princes qui rem-
plit un intervalle de mille ans. Le dernier de ces prétendus
Kirâtas, Sankù, est renversé par un prince hindou,
Dharma datta, venu de Kâficî (Conjeveram, près de
Madras), pour adorer Paçupati ; il abandonne Suprabhà
(Thankot, au S.-O. de la vallée) que les Kirâtas avaient
adoptée pour capitale, et fonde Viçâla-nagara sur Taxe
longitudinal de la vallée, entre Budha-Nilkanth et Kotwal
(la brèche de Mafijuçrt). Il y établit des Hindous des quatre
castes, et règne mille années ; il bâtit le temple de Paçu-
pati, Tenrichit de donations et construit au N.-O. de
Paçupati un caitya qui porte son nom ; ce caitya subsistait
encore au temps de Vrsadeva le Sûryavamçi qui le répara.
Le démon Dânâsura s'empare alors du pays, inonde la
vallée pour en faire un lac de plaisance; mais il est vaincu
et tué par Visnu-Krsna. Les anciennes villes ont disparu sous
l'inondation ; Brahma, Visnu et Çiva associés fondent une
nouvelle ville entre le cours supérieur de la Bagmati
(Çankha-mùla) et Budha-iNilkanth, et y instituent roi un
kselri, Svayamvrata, fils d'un saint ermite (m). Les rois
des contes populaires, Vikramâjît (Vikramâditya), son fils
Vikrama-Kesari, son rival Bhoja qui s'assied sur un trône
72 LE NÉPAL
porté par trente-deux statues parlantes se succèdent ensuite
au Népal. La population augmente ; des villes se fondent çà
et là: Matirâjya, [rsyàràjya, Padma-kâstha-giri (Kirtipur).
Mille ans après, une reine du Marvar, Pingalà, négligée
par son époux, le roi Sudatta, se rend au Népal, gagne par
son zèle la faveur de Paçupati ; l'intervention des dieux
réconcilie le ménage et Pingalà fonde en souvenir de son
séjour le Pingalâ-vihàra. Il restait encore 950 ans à courir
de Tâge Dvàpara quand les dieux décidèrent de rétablir au
Népal Tautorité d'un roi.
Le sage Ne-muni était alors installé au confluent de la
Bagmati et de la Bitsnumati ; il édifiait et instruisait le
peuple ; on Técoutait comme un oracle. Il déclara que
riieure était venue de consacrer un nouveau prince. Comme
il ne restait plus de ksatriyas, son choix s'arrêta sur un
berger de Kirtipur, qui descendait d'un compagnon de
Krsna venu jadis s'installer à la suite du dieu. Le père
même de ce berger avait péri d'une mort surnaturelle,
consumé par le feu de Paçupati au moment où il tirait
des décombres l'emblème divin longtemps enfoui. La
dynastie des Bergers (Gopâlas) compta huit princes ' :
1. Bhiiktamàna \V. (Bhiiklamànagata^ B. ; Bhuktamànv
gâta V.) 88 ans.
Bhoorimahagah K. 48 ans 3 mois.
72 ans. VV. B.
2. Jaya Giipta
Jye (iupt
73 ans 3 mois. K.
92 ans. V.
3. Parama Gupta 80 ans. VV. B. V.
P(»rma (riipl 01 ans. K.
,1, /• » (93 ans. W. B.
' 95 ans. \ .
Srp(' Hurkh [ 67 ans. K.
I. \V. (h'signo la Varriràvall de Wrighl : B. rcllo <!»» Bhagvanlal (5o;/if
('onsidrrfffio?îs on fhf Histort/ ofXf'pnf): K. les listes do Kirkpatrirk :
\'. mon e\em|)laire de la Varpnivali brahmanique.
1. Bhagvanlal suppose (jue ce nom est une corruption de la formule :
« l)lmklamàna-«;ala-varsa = en l'année «lu rèjumede... »
HISTOIRE DU NÉPAL 73
5. Bhlma Gupta (Bheem GupQ \ l^ ^^^' )^ * ^' ^•
t 85 ans. v.
6. Mani Gupla(Munni Gupt) t 37 ans. W. B. K.
Mali Gupta ( 88 ans. V.
7. Visriu Gupta / 42 ans. W. B.
" ^ 1 92 ans. V.
Bishen Gupt ' 66 ans. K.
8. Yaksa Gupta / 71 ans. W.
Jye Gupt ) 71 ans 1 mois. K.
72 ans. B.
(
85 ans. V.
Au total : 521 ans. W. —322 ans. B. — 705 ans. V. —
491 ans et 4 mois. K.
Leur capitale était à Màtà-tirtlia, au S.-O. de la vallée,
entre Kirtipur ot Thankot.
Sans se laisser séduire k l'accord des noms et à la pré-
cision des chiffres, il est juste de reconnaître au moins la
vraisemblance de la tradition, prise dans son ensemble.
Avant d'être le siège d'un état policé et d'une nation orga-
nisée, le Népal a dû abriter les tribus pastorales qui pro-
menaient leurs troupeaux vagabonds parmi les pâturages
de THimalaya. Tandis que les bergers de l'Hindoustan
continuent à mener leur bétail, pendant la saison propice,
dans les herbages drus du Téraï, les clans montagnards
dispersés dans les hautes vallées, en lutte contre un sol
âpre et un climat rigoureux, n'ont pas d'autre ressource
que la vie pastorale. Du berger à Krsna, l'amant des
pastourelles, la pensée hindoue noue un hen fatal ; les
Goâls {Gopdlas) du Bengale actuel prétendent naturelle-
ment se rattacher à Krsna, comme le chroniqueur népalais
lui rattache les bergers primitifs do son pays.
Les premières rivalités politiques ne sont que des que-
relles de pasteur se disputant les meilleurs herbages. Un
Ahlr {Ahhîra)^ venu de l'Hindoustan, supplante les Gopâ-
las. Les Ahîrs sont encore dans l'Inde actuelle une simple
74 LE NÉPAL
subdivision des Goâls ; souvent même les deux noms se
substituent l'un à l'autre au hasard des préférences locales;
Goâl est plus employé au Bengale ; Ahîr, au Béhar.
Manu (X, 15) tient les Abhîras pour le produit d'un croise-
ment irrégulier entre Brahmane et fille d'Ambastha,
TAmbastha étant lui-même né du croisement d'un Brah-
mane et d'une fille de Vaiçya. Les Abhîras dominaient,
par le nombre ou la puissance, dans la région entre
rindus et la Narmadâ, aux premiers temps de Tère chré-
tienne ; témoin les textes grecs (AjSvipia du Périple, § 41 ;
Aêetpta de Ptolémée, VII, 1 , 55) et les inscriptions (iNasik,
n*" 10). La liste de Kirkpatrick transforme le premier
Abhîra en Bajpout ; descendu des Gopâlas par un lignage
étrange, il aurait levé une armée dans le Téraï, entre
Simroun Garh et Janakpur. Les rois Ahîrs (Abhîras) sont :
1.
2.
3.
Vara Sirpha
( 75 ans. V.
Bhul Singh
1 49 ans. K.
Jayamati Sirpha
( 75 ans. V.
Jye Singh
/ 21 ans 7 mois. K.
Bhuvana Sirpha
(
Bhavana —
< 45 ans. V.
Bhowany Singh
( 41 ans. K.
Au total : 195 ans. V. — 111 ans et 7 mois. K.
La vallée, enrichie par rétablissement d'une population
sédentaire offrait aux barbares des montagnes voisines
une proie séduisante. La tradition, d'accord une fois de
plus avec la vraisemblance, introduit à ce moment une
invasion des Kiràtas ; ils arrivent de TEst et s'emparent du
pays.
Les Kirâtassontde longue date un nom familier à Tlnde.
Une formule védique {Vdjasaneyi Samhitd^ XXX, 16),
associée aux lointains souvenirs du sacrifice humain, ren-
voie (( le Kirâta h ses cavernes ». La montagne est en
effet son domaine; c'est là qu'il continue à vivre et à domi-
HISTOIRE DU NÉPAL 75
ner pendant la période épique : Bhîma rencontre les Kiràtas
en partant du Videha, dans sa marche victorieuse vers les
régions orientales (Mahà-Bhârata II, 1089); Nakula les
trouve aussi sur sa route, quand il conquiert l'Ouest (II,
il 99) ; Arjuna, tandis qu'il gravit THimalaya vers le Nord,
est arrêté et défié par un Kirâla, ou plutôt par Çiva sous
les traits d'un Kirâta ([[I, adhy. 38-41); c'est l'épisode
célèbre que Bhâravi a repris et traité avec toutes les res-
sources de la poésie savante dans le classique Kirâtàrju-
nîya. Souventles Kirâtas figurent dans les dénombrements
du Mahâ-Bhârata, en compagnie des peuples étrangers
qui bordent les frontières de l'Inde : Yavanas, Çakas,
Pahlavas, etc.; c'est surtout aux Cînas qu'ils sont associés.
Kirâtas et Cinas fraternisent sous les bannières du glo-
rieux Bhagadatta, empereur du Prâgjyotisa (Kâmarùpa) ;
ils forment le contingent des Jaunes : « Les soldats Cînas
et Kirâtas semblaient être en or; leurs troupes avaient
Tair d'une forêt de karnikàras [aux fleurs jaunes] » (V,
o84). Le Bàmâyana (IV, 40, 26 êd, Bombay) note aussi la
<( couleur d'or » des Kiràtas. Leurs tribus n'étaient pas
organisées en nalion et formaient plusieurs royaumes;
Bhîma soumet « les sept rois des Kirâtas » (II, 1089) ; le
chiffre est en harmonie avec la nomenclature usuelle des
« Sept Gandakis» et des a Sept Kosis » dans THimalaya
népalais. Plusieurs de ces rois sont désignés nommément:
Subàhu (III, 10 863), qui commande aux Kiràtas et aux
Tanganas, et qui reçoit en ami les Pàndavas errants
(»!, 12351); Pulinda (II, 1 19), Sumanas (II, 120). Les
mœurs des Kirâtas sont simples ; ils vivent de fruits et de
racines, s'habillent de peaux de bêtes (II, 1865), relè-
vent leurs cheveux en chignon pointu; ils ont néanmoins
Tair aimable {Rdniày., IV, 40, 26) ; leur couteau, comme le
kukhri népalais, est une arme redoutable (J/. BhA\^ 1865).
Tels sont, du moins, les clans Kirâtas qui vivent dans la
76 LE NÉPAL
partie la plus reculée de l'Himalaya, vers la montagne où
le soleil se lève, dans le Kârusa qui est au bout de TOcéan
et dans la région du Lauhitya {Brahmapoutre),
D'autres Kirâtas, qui vivent avec les populations du lit-
toral (II, 1 002) et qui habitent dans les îles, sont farou-
ches; ils se nourrissent de poissons crus, circulent dans
reau;onlesappelledeshommes-tigres(iî«/wrf^.,IY, 40,26).
Ce portrait s'applique parfaitement aux KtppaJat du Péri-
ple (§ 62), pepples situés au Nord de la Dosarênê, proche
des bouches du Gange ; « cette espèce d'hommes a le nez
aplati sur le visage; ils sont barbares ». Leurs voisins
immédiats, les Têtes-de-Cheval et les Longues-Têtes,
passent même pour anthropophages'. Ptolémée place le
pays des Kirâtas (Kip^aJia) aux bouches du Gange, à l'Est
de l'embouchure la plus importante (VII, 2, 2); c'est chez
eux qu'on se procure la meilleure qualité de malabathron.
Mais ils ne sont que les intermédiaires; nous savons
par le Périple (§ 65) que le malabathron vient du pays des
0tv«i (Cîna) ; les Qivoa le vendent aux Sr,<TaJ«i, qui sont une
race de petite taille, la face large, le caractère doux et
tout pareils aux bêtes; ces S-/;<t«(Ϋi sont évidemment iden-
tiques aux Br,<Ta(î«i que Plolémée (Vd, 2, 15) décrit presque
exactement dans les mêmes termes, empruntés à une
source commune, et qu*il place juste aux confins de la
Kipp«5t« (V[I, 2, 16). Le commerce reliait ainsi les
Ktpp3f<î«t et les 0tyat, les Kiràlas et les Cinas. Dans l'épopée,
les Kirâtas apportent en don de joyeux avènement à
Yudhisfhira les objets les plus variés : des charges de bois
de santal et d'agalloque, et du bois noir odorant (kàlîyaka,
bois d'aigle?), des peaux de bêtes, des pierreries, de l'or,
des parfums en tas, une myriade de filles de Kirâtas comme
I . De mémo dans les catalogues jainas de peuples barbares (miecchas)
lc> Kirùyu (Kirâtas) précèdent innnédiatcFnenl les Ilayaniuha(Flayainu-
khas, Tùtes-de-cheval). Ind. Stud., XVI, :]97.
HISTOIRE DU NÉPAL 77
esclaves, el encore d'autres choses charmanles, des bêtes
et des oiseaux étrangers, et de Tor splendide, tiré des
montagnes (11, 1866-1869). Dans sa fameuse liste des
64 écritures, le Lalita-Vistara attribue aux Kirâtas une
écriture spéciale'. Dans l'organisation théorique du brah-
manisme, telle que la règlent les Lois de iManu, les Kirâtas
sont considérés comme des ksatriyas d'origine, déchus
au rang de Çûdras par leur négligence des rites et leur
dédain des brahmanes {Mdnava-dh. ç,, X, 43-44).
De l'ensemble des témoignages, il apparaît qu'aux
temps anciens, les Hindous désignaient sous le nom de
Kirâtas toutes les populations de famille tibéto-birmane
qui s'échelonnaient entre les hauts plateaux de l'Himalaya,
les bouches du Gange et le littoral voisin. Refoulés ou
absorbés par la poussée hindoue, les Kirâtas n'ont subsisté
que dans les montagnes, h l'Est du Népal. Au moment de
la conquête Gourkha, en 1768, les Kirâtas formaient
encore « une nation indépendante, limitrophe à l'Est du
royaume de Bhatgaon, à cinq ou six journées de cette capi-
tale ; ils ne professaient aucune religion* ». Mais, la con-
quête du Népal une fois achevée, les Gourkhas s'emparè-
rent bientôt du pays des Kirâtas ^ Aujourd'hui, l'usage
népalais désigne encore sous le nom de Kirâta (vulg.
1. En fait les Kirâtas attribuent à leur héros Srijanga l'invention
d'une écriture spéciale (Sarat Chandra DAScité dans Vansittart, p. 135).
Les listes parallèles dans les versions chinoises valent d'être citées; la
plus ancienne (P^oti yao king, traduit en 308) remplace le nom des
Kirâtas par yiti-saiy expression qui désigne du point de vue chinois les
« barbares limitrophes du Nord » ; c'est un équivalent exact par trans-
position. La seconde (Fo-penhing-tsi klng, traduit en 587) transcrit
Ki'loto et ajoute comme glose « les hommes nus ». La troisième (Fan^-
koang ta tchoang yen king^ traduit en 683) donne simplement la
transcription Kiloto. V. la note finale de mon article : Le Pays di^
Kharos{ra et V écriture kharostrh dans le Bulletin Éc. fr. Extr.-Or.,
1904.
2. Description, p. 350.
3. Ib., 362.
78 LE NÉPAL
Kiranta) le pays compris entre la Dudh-kosi etTArun. Mais
la nation des Kirâlas occupe un territoire plus étendu, qui
atteint à peu près les frontières orientales du Népal : elle
comprend les clans des Khambus, des Limbus, des Yakhas;
et de plus les Danuars, les Hayus et les Thamis prétendent
plus ou moins légitimement s'y rattacher. L'indifférence
religieuse que le P. Giuseppe signalait chez les Kiràtas ne
s'est point altérée : en pays bouddhiste ils marmonnent le
Om maux padme hum ! et font des cadeaux aux lamas ; en
pays hindou, ils se donnent pour givaïtes et adorent Mahà-
deva et Gaurî. Comme toutes les peuplades de race tibé-
taine, les Kirâtas actuels sont friands de viande de bœuf, et
c'est par la force des armes que les Gourkhas ont introduit
chez eux le respect obligatoire de la vache. Les Limbus
ont sur leur^origine une légende expressive ; ils prétendent
descendre d'une famille de dix frères qui émigrèrentde Bé-
narès (Kâçî), leur patrie, et qui vinrent s'installer les uns
au Népal, les autres au Tibet ; les frères établis au Tibet allè-
rent ensuite rejoindre ceux du Népal; mais leur postérité
maintint la division nominale en Kàçî-gotra et Lâsa-gotra.
La dynastie des Kirâtas compte 26 ou 29 princes :
I.^ Yalainbani 13 ans. >V.
Yalamva 50 ans. V.
Yellung 90 ans 3 mois. K.
2. ( Pabi
/ Parpvi 35 ans. V. (manque à K.).
3. C Skandhara \V. B.
' Dhaskam 36 ans. V.
Duskham 37 ans. K.
Balamba W.
Valarpva 21 ans. V. II.
Ballancha 31 ans 6 mois. K.
Hrti 19 ans. V. (W. B.).
Kingly 41 ans 1 mois. K.
6. \ Humati 21 ans. V. (\V. B.).
(5.) \ Hunnanler 50 ans. K. ^'''^' ^«^ *^-
6. Tiiskhah 41 ans 8 mois (= 9).
HISTOIRE DU NÉPAL
79
7. Jitedàsti
8. î Gali
( Galimja
9. I Puska
l Tuska
10. ^ Suyarma
' Suyasya
11. Parba
12. { Thunka
Bunka
Pamca
[12'>»»Reipke
13. Svananda
14. \ Sthunko
l Thuipko
15. Gighri
16. Nane
17. ( Luk
( Luke
18. Thor
19. Thoko
20. Varma
21. 1 Guja
( Gurpja
22. ( Puska
< Puskara
( Purpska
23. Kesu
24. { Suga
Sunsa
Suipgu
25. . Sansa
< Sammu
( Çaipça
26. / Gunan
^ Gunana
( Guipnaipja
27. \ Khimbu
/ Simbu
28. Patuka
29. (;asti
9 ans. V. (VV. B.).
W. B.
61 ans. V.
VV. B.
69 ans. V.
W. B.
7. Sroopust 38 ans 6 mois (= 10?)
8. Jetydastry 60 ans (= 7).
9. Punchem 71 ans (^ 12).
10.
45 ans. V.
45 ans. V. (VV. B.). 11.
B. 12.
VV.
37 ans. V.
38 ans. V. (manque
à VV. et B.).]
41 ans. V. (W. B.). 13.
VV. B. 14.
59 ans. V.
71 ans. V. (W. B.). 15.
59 ans. V. (W. B.). 16.
VV. B. 17.
53 ans. V.
39 ans. V. (VV. B.). 18.
50 ans. V. (VV. B.). 19.
41 ans. V. (VV. B.). 20.
W. B. 21.
39 ans. V.
W. 22.
B.
35 ans. V.
31 ans. V. (W\ B.). 23.
VV. 24.
B.
29 ans. V.
VV. 25.
B.
32 ans. V.
VV. 26.
B.
35 ans. V.
W. B.
37 ans. V.
VV. B. (manque à V.).
41 ans. V. (VV. B.).
Ring - king-
king 56 ans (—12 bis).
Soonund 50 ans 8 mois (-= 13).
Thoomoo 58 ans ( - 14).
Jaighree
Jenneo
Suenkeh
Thoor
Thamoo
60 ans 1 mois (— 15).
73 ans 2 mois (= 16).
60 ans 1 mois (= 17).
71 ans (= 18).
83 ans (= 19).
Burmah 73 ans 6 mois (=
Gunjeh 72 ans 7 mois (-
Kush Koon durée inconn. (:
Teeshoo 56 ans (= 23).
Soogmeea 59 ans (= 24).
20).
21).
22).
Joosha
Gontho
63 ans (= ? ).
74 ans (= 26).
Khembhoom 74 ans (— 27).
Gully Jung 81 ans (= 29).
80 LE NÉPAL
La durée lolale de la dynastie d'après K. (en comp-
tant pour zéro le règne de 20. Kush Koon) est
de 1 581 ans et 1 mois; d'après B. et V., de 1 118 ans
(mais la somme des règnes indiquée dans V. donne
1 178 ans). Les trois nombres, tout différents qu'ils sont,
présentent en commun les trois chiffres 1,1,8, combinés
diversement : avec un 5 dans K., un 1 dans B. et V., un 7
dans le calcul par addition de V. Il est peu probable que
le hasard seul ait pu déterminer dans trois nombres de
quatre chiffres chacun une identité de trois chiffres. Les
trois chiffres 1,1,8, résidu commun des trois nombres
divergents, représentent sans doute l'élément stable et
fixe de la tradition ; chacun des chroniqueurs l'a ensuite
accommodé à sa guise.
Les noms donnés aux rois Kirâtas sont nettement bar-
bares ; c'est assez pour exclure l'hypothèse d'une fabrica-
tion savante. Etrangers au goût de la couleur locale, les
chroniqueurs hindous, s'ils ont l'occasion d'introduire
dans leurs fantaisies romanesques des personnages étran-
gers, les affublent de noms franchement hindous. Je viens
de citer les rois Kirâlas qui paraissent dans le Mahâ-
Bhârata; ils s'appellent Subâliu, Sumanas, comme les
héros aryens les plus authentiques. Je ne prétends pas,
toutefois, que la dynastie népalaise des Kirâlas conserve le
souvenir précis des princes barbares qui ont pu régner
dans l'Himalaya au commencement du Kali-Yuga, ou
même de l'ère chrétienne. La tradition rapportait sans
doute qu'avant les dynasties hindoues des temps histori-
ques, le pays avait été peuplé de bergers, puis dominé par
les Kirâtas. Les bergers étaient des êtres vagues, sans per-
sonnalité, qu'on pouvait baptiser au gré de l'imagination.
Une famille réelle de rois Abhîras, installés sur le trône
vers l'époque d'Amçuvarman, avait porté des noms com-
posés avec le mot Gupta; les Gopàlas primordiaux reçurent
HISTOIRE DU NÉPAL
81
des ooms taillés sur te même patron. Mais les Kirâlas, au
temps des premières Vamçâvalls comme au temps des
plus récentes, étaient des personnages parfaitement réels
et familiers, en contact suivi avec les gens du Népal. Les
Kirâtas, comme tous les peuples de l'Himalaya, avaient
Caitf* cenlraldc PaUri
sans aucun doute leurs généalogies royales ; les compila-
teurs avaient di^, suivant l'usage, It's metti'c en rapport avec
trois données capitales : les iiéros du Malià-llhdrata, le
(touddlia, et le plus glorieux patron du bouddliisiue, AçoUa.
Les chroniqueurs népalais uuroul fait passer en bloc dans
leur histoire la preinièri' dynastie légendaire des Kirdlas.
Le nom même du premier de:s Kiràlus : Vellung (K.),
82 LE NÉPAL
Yalainba, Yalambar semble se rattacher à la légende qui
place sur les bords de la rivière Ya-loung (Yar-loung) le
berceau de la race tibétaine et le séjour de son premier
roi*. Yalang (Yalambaou Yalambar) règne exactement à la
fin du Dvâpara-yuga. Sous son fils el successeur Pabi
(Pamvi), les astrologues annoncent la victoire de l'injus-
tice sur la justice déjà boiteuse, et le commencement du
Kali-yuga. A rencontre des doctrines pouraniques qui font
courir le Kali-yuga du jour où Visnu-Krsna remonta au Ciel,
après le triomphe définitif des Pândavas sur leurs adversai-
res, les chroniques placent l'origine du Kali-yuga avant les
guerres épiques de Yudhisthira et ses frères. Les chiffres
de Kirkpatrick portent le règne de Jitedâsti, qui fut
l'auxiliaire des Pândavas à la bataille de Kuruksetra, entre
• • • »
272 et 332 du Kali-yuga; la Vamçâvalî brahmanique le
place entre 132 et 141 de la même ère. De plus, Sthunko,
désigné comme le contemporain d'Açoka, règne, d'après
Kirkpatrick, de 509 à 567 K. Y., d'après la Vamçâ-
valî brahmanique de 476 à 535 K. Y. , et les Purânas sont k
peu près d'accord pour placer Açoka douze siècles envi-
ron après le règne de Pariksit qui inaugura le Kali-yuga. Il
y a donc un écart de sept siècles entre le système des
Purânas et celui des Vamçàvalîs. 11 est inutile d'en déter-
miner les rapports avec la chronologie réelle ; elle n'a rien
de commun avec ces inventions.
Sous Humati (6) Arjunaauraitvisitél'Himalayaet combattu
avec Mahâ-deva déguisé en Kirâta. Le successeur de Hu-
mati, Jitedâsti, se rendit avec ses troupes h Kuruksetra,
sur l'ordre d'Arjuna, et participa à la victoire finale; c'est à
ce moment que Çâkyamuni serait venu au Népal prêcher
la doctrine et adorer les lieux saints : Svayambhû, Guhyeç-
vari, le mont iNamobuddha. Sthunko (4) régnait quand Açoka
1. Hue, II, 508. — KÔPPEN, II, 46 sqq. — Georgi, 296.
HISTOIRE DU NÉPAL 83
entreprit, sur les conseils de son directeur spirituel Upa-
gupla, un pèlerinage au Népal ; il y éleva divers monu-
ments, y maria sa fille Cârumatî à un ksatriya, Deva pâla,
qui fonda Deo Patan. Les deux époux devenus vieux voulu-
rent construire chacun un couvent pour s'y retirer; Câru-
matî seule put faire le sien.
La capitale des Kiràtas était située dans les jungles de
Gokarna, au N.-E. de Paçupati. L'invasion des conquérants
hindous obligea Patuka (28) h se retirer au Sud, par delà
le Çaiikha-mûla tîrtha ; son fils Gasti (29) ne réussit pas à
arrêter les envahisseurs et dut leur abandonner le pays.
Les nouveaux maîtres du Népal appartenaient, selon les
uns (W. V. B.) h la famille Lunaire, issue de Kuru; selon
d'autres (K.), îi la famille Solaire, issue de Rftma; leur
dynastie compta cinq princes.
1.
( Niiuikha W.
< Ni misa B. V.
1 ■
40 ans.
( Nevesil K.
50 ans.
2.
( Matàksa W. V.
< Manâksa B.
1
61 ans.
( Multa Ratio K.
91 ans.
3.
\ Kàkavarman W. B. V.
76 ans.
( Kaick burinah K.
76 ans.
4.
( Paçupreksa deva B.
\ Paçuprekha deva W.
j Pa<;uprasa V.
86 ans.
\ Pussoopûsh Deo K.
56 ans.
5.
Bhàskara varman W. B. V.
88 ans.
Bhosker Burmah K.
74 ans.
Durée totale : 351 ans V. — 347 ans K.
Les deux sommes sont d'accord, h quatre unités près.
La nouvelle dynastie transporta sa capitale k Texlrémité
S.-E. de la vallée, h (îodâvarî ; c'est sous le règne de
Nimisa qu'un miracle manifesta dans cette localité les eaux
lointaines de la Godâvarî, amenées du Dekkhan par un
souterrain mystérieux. Nimisa semble être apparenté
84 LE NÉPAL
d'origine avec Nemi, Téponyme du Népal. Avec Paçu-
preksa, la chronique semble entrer enfin dans le domaine
des traditions plus précises ; le nom même de ce roi
« celui qui a vu Paçu [pati] » semble se rattacher à
une légende sur l'invention du dieu népalais. Il passe
dans toutes les Vamçâvalîs pour avoir introduit l'organi-
sation de la société hindoue au Népal, soit qu'il ait a divisé
les habitants en quatre castes ))(Kirkpatrick, 189), soit qu'il
ait (( peuplé le pays des quatre castes » (Wright, 113). Le
premier fait daté de la chronologie népalaise associe le
souvenir du roi Paçupreksa au dieu Paçupati : il aurait
(( bâti » (Kirkpatrick) ou « rebâti » (Wright) le temple de
Paçupati, l'aurait couronné d'un toit doré en l'an 1234 (W.)
ou 1239(V.)du Kali-yuga. Un aulre souvenir également
précis et positif se rattache au fils de Paçupreksa, Bhâs-
kara varmanV Rentré au Népal après une campagne
triomphante dans l'Inde, il consacra tout l'or de son butin
à Paçupati, donna en propriété au temple la ville de
Deo Patan qu'il avait agrandie, enrichie, et dénommée
Ville-d'Or (Suvarna-purï)^ confia le service du dieu aux
Acâryas bouddhistes, et régla tous les détails du culte par
une charte inscrite sur une plaque de cuivre qu'il déposa
au couvent de Gârumatî.
La dynastie qui continue ou qui remplace, suivant les
diverses traditions, la famille de Nimisa ouvre enfin l'his-
toire authentique. Ces princes prétendent se rattacher au
Sûrya-vamça, à la famille du Soleil qui a pour héros ftâma.
D'après la Vamçâvalî bouddhique, l'héritier adoplif de
Bhâskara varman, Bhûmi varman, était un ksatriya
Sûryavamçi rattaché au clan brahmanique (f/otra) des
Gautamas; il était venu de Kapilavastu au Népal, avec le
1. 11 est à noter que le nom de Bhâskara- varman est porté par le
prince (À' i^m^ra) qui régnait sur le Kàmarûpa, limitrophe du Népal, au
temps de Harsa et de Hiouen-tsang (vii« siècle).
HISTOIRE DU NÉPAL 85
Bouddha, et il s'était établi définitivement dans le pays.
L'inscription de Jayadeva à Paçupati donne la généalogie
mythique de la famille Solaire du Népal , qu'elle expose ainsi :
Brahma eut pour arrière-petit-fils Sûrya (le Soleil) qui
engendra Manu, qui engendra Iksvâku, qui engendra
Vikuksi. Vikuksi eut un fils (Kakutstha) qui eut pour fils
Visvagaçva. Dans sa postérité, vingt-huit générations plus
tard, naquit Sagara, qui engendra Asamanjasa, qui engen-
dra Amçumat, qui engendra Dilîpa, qui eut pour fils Bhagî-
ratha. De celui-ci descendirent Baghu, Aja, Daçaratha.
Huit générations plus tard, la race Solaire produisit
Licrhavi . De Licchavi sortit « une race qui est l'unique parure
de la terre, célèbre dans le monde, digne du respect des
plus puissants et des dieux mêmes, et qui porte en surplus
le nom très pur de Licchavi, triomphante, blanche comme
un faisceau de croissants de lune, pareille au cours de la
Gangâ* ». Dans la suite des temps cette race enfanta à
Puspapura (Pâtaliputra) le vertueux roi Supuspa. Sans
s'arrêter à vingt-trois rois dans l'intervalle, on arrive à
Jayadeva le victorieux, séparé par onze générations de
Vrsadeva.
La généalogie rapportée ici n'est pas entièrement d'ac-
cord, dans ses parties héroïques, avec les Purânas.
Visvagaçva n'est pas, dans le Visnu-Purâna par exemple,
le petit-fils de Vikuksi, mais le fils de son arrière-petit-
fils. Entre Visvagaçva et Sagara s'écoulent, non pas vingt-
huit générations, mais trente-deux, d'après le même
Purâna. A partir de Daçaratha, la bifurcation est définitive
entre la tradition pouranique et la généalogie officielle du
1. Une copie de cette inscription que je me suis procurée au Népal
porte clairement aparam au vers 6 (svaccham Licchavinâma bibhrad aparam
vaqiçab) au lieu d'aparo que Bhagvanlal a adopté. — La blancheur est
la couleur de la gloire : d*où les comparaisons avec la lune et avec la
Gangà, qui passe pour être blanche, elle aussi.
86 LE NÉPAL
Népal. Râma et sa postérité sont trop populaires sans
doute pour que Ton ose greffer franchement sur leur
rameau une branche adventice. La chancellerie complai-
sante préfère se séparer de la tige principale avec Daça-
ratha et sauter hardiment dans Tinconnu pour aller se
raccrocher après un intervalle arbitraire de huit généra-
tions àLicchavi, surgi brusquement on ne sait d'où.
Les Purânas brahmaniques n'ont pas enregistré le nom
de Licchavi ni sa filiation. Ils ont à Tenvi organisé le
silence autour d'un souvenir trop populaire chez les héréti-
ques pour n'être pas compromis. Mais les textes bouddhi-
ques et jainas, ont, en dépit des brahmanes, sauvé de
Toubli le nom de la famille illustre qui gouvernait Vaiçàli,
la plus opulente cité de Flnde, au temps du Bouddha et du
Jina. Les Licchavis y avaient établi une constitution
qui rappelle un peu les institutions consulaires de Rome ;
le roi, secondé par un vice-roi et par un général en chef,
était en outre assisté par les Anciens du clan, réunis en
assemblée générale. Située entre le iMagadha et le pays
des Mallas, la Vaiçâlî des Licchavis combinait harmonieu-
sement les institutions de ses voisins, monarchiques au
Sud, oligarchiques au Nord. Bouddhistes et Jainas se sont
disputé, dans leurs légendes comme dans leur activité
réelle, l'honneur de compter les Licchavis au nombre de
leurs patrons et de leurs zélateurs. Les Licchavis sollici-
tent et re(;oivent des reliques du Bouddha après la cré-
mation ; d'autre part, en apprenant la mort du Jina, ils
expriment leur deuil par une illumination, comme un
hommage symbolique à « la lumière de l'intelligence qui
était partie' ». Le canon jaina énumère les Licchavis
parmi « les ^o/r^^^ (familles) renommés^ » au même rang
1. Kalpa-Sûtra, trad. Jacobi (Sacr. Boohs of the East, XXll, p. 266).
2. Sûtra-kriàngay trad. Jacobi {Sacr. Books of the East, XLV,
p. 321).
HISTOIRE DU NÉPAL 87
que le clan même du Jina, que les Brahmanes, que les
descendants de Kuru et d'iksvâku, la race Lunaire et la
race Solaire *. Les documents ne permettent pas de suivre
en détail les vicissitudes du clan Licchavi; mais au iv* siècle
de Tère chrétienne, la famille reparaît brusquement dans
rhistoire sans avoir rien perdu de son prestige. Gandra
Gupta f, le fondateur de la dynastie impériale des Guptas,
le prédécesseur et le père du glorieux empereur Samudra
Ciupta, obtient une épouse du clan des Licchavis, et tout
puissant qu'il est, il tire de cette alliance un orgueil qu'il
étale à plaisir : ses monnaies d'or représentent le roi et la
reine côte à côte, désignés chacun nommément par la
légende : Candra Gupta, Kumâra-Devi^ et au revers la
légende, qui accompagne une figure de la Fortune assise,
porte : Licchavayah a les Licchavis ». Samudra Gupta à
son tour se glorifie d'être « le fils d'une fille des Liccha-
vis » {lÀcchavï'dauhiivd) ^ et cette mention est scrupuleuse-
ment ajoutée au nom de Samudra Gupta dans le protocole
épigraphique de toute la dynastie. M. Fleet, suivi par
M. Vincent Smith, avait cru que les Licchavis alliés aux
Guptas étaient les rois Licchavis du Népal ; il partait de là
pour supposer que l'ère des Guptas était d'origine népa-
laise. Rien n'autorise une pareille conjecture, ni du côté
népalais, ni du côté hindou ^
Malgré la notoriété du clan Licchavi, malgré son pres-
tige consacré par les siècles, la rancune tenace des
brahmanes lui assigne dans la société orthodoxe un rang
infime. Le code de Manu classe les IJcchavis (X, 22) avec
1. Ib., p. 339.
2. Tàranâthacite un prince du clan Licchavi, « le Lion »(iSew5re) qui pos-
sédait un grand empire dans l'Inde orientale au temps où naquit Can-
dra^omin, donc au début du vn*^ siècle (p. 146). Le petit-fils de ce prince,
Pancama-Sitpha, fils de Bharsa, commandait dans le Nord jusqu'au Tibet
(p. 158). Cf. peut-être rÀdi-Siipha du Magadha cité dans l'inscription
de Dudhpani, Ep. Ind,, 11, 344.
88 LE NÉPAL
les Mallas et les Khaças, justement les trois noms domi-
nants de Fhistoire népalaise, comme les tribus issues de
ksatriyas excommuniés {vrâtyas)^ indignes de l'initiation
par la Sàvitrî '. Nous voilà loin de la généalogie qu'étalait
pompeusement l'inscription de Jayadeva. Les textes
bouddhiques rapportent une légende particulière sur
l'origine de la famille : L'épouse du roi de Bénarès accou-
cha d'une boule de chair, rouge comme la Heur kin
(hibiscus), qu'elle s'empressa d'abandonner au courant du
Gange; un ermite la recueillit; quinze jours après, la
boule se divisa en deux ; après une autre quinzaine, chaque
moitié produisit cinq placentas. Quinze jours se passèrent
encore ; l'un des morceaux devint alors un garçon, l'autre
une fille. Le garçon était de couleur jaune comme l'or; la
fille était blanche comme l'argent. Par la force de la com-
passion, les doigts de l'ermite se métamorphosèrent en
seins, et le lait pénétrait à l'intérieur des enfants comme
une eau limpide dans un joyau Mani; comme au dedans et
au dehors l'éclat était égal, l'ermite donna aux enfants le
nom de Licchavi^. D'autres exégètes interprétaient ce nom
1. BiJHLER (r/ie Laws of Manu, 1. 1.) rétablit avec raison, comme
Lassen avait déjà fait avant lui (2nd. AU., f^, 170, note), la lecture
Licchivi, et subsidiairement Licchavi au lieu de NiHhivi donné par la
vulgate. Au reste, les commentateurs se partagent entre les lectures
LUchivij Licchavi, Licchakhi, Nicchivi. M. Jolly a admis dans le texte
de son édition la lecture Licchivi.
2. La légende est ainsi rapportée dans le dictionnaire d'Ekkô s. v. Li-
tche, Li-tche-pi, d'après le Cheu-lsoung-hi (ou plus exactement le Seu-
fan'liuchou-cheutsoung-i-hl) glose sur le commentaire (chou) du
Dharmaguplavinaya (Seu-fan-liu), en dix ou vingt chapitres, par Ting-
pin. Le Sin-tsitsang-hing inisoci han Ion de K'o-houng, conservé
dans la collection coréenne et imprimé dans l'édition japonaise du Tri-
pitaka (XXXIX, 1-5) donne la mémo légende en résumé. Une légende
analogue, tirée des textes du Sud. se retrouve dans Spence Hardy, Mantial
of Budhism, p. 2'i2, n. — L'histoire racontée par Fa-hien à propos de
la « Tour dos arcs et des armes déposés », à Vaiçâll, n'est évidemment
qu'une variante de la même tradition : une des femmes du roi accouche
sur les bords du Gange d'une boule de chair, que sa rivale, la première
reine, fait jeter à l'eau, enfermée dans un coffre. Un roi recueille le
HISTOIRE DU NÉPAL 89
par (( peau mince » ou encore a dans la même peau », en
souvenir de l'origine des deux enfants. Toutes ces expli-
cations se fondent sur une prétendue étymologie, popu-
laire ou savante, qui pensait retrouver dans le nom des
Licchavis, le mot chavi qui signifie à la fois a peau »,
« couleur » et a éclat ». F^e conte lui-même met en œuvre
un thème assez banal : c'est ainsi que dans le Mahâ-Bhârata
(f, 115) les cent (ils de Dhrtarâstra naissent d'une boule
de chair que Gândhârî par impatience a prématurément
expulsée.
La complaisance et l'adresse des généalogistes évitèrent
à la dynastie des Licchavis népalais un choix difficile
entre des traditions discordantes : Licchavi Téponyme
reste suspendu dans le vide, entre huit rois anonymes
issus de Daçaratha et la lignée imprécise de rois anonymes
qui aboutit à Supuspa ; ce personnage, inconnu par ail-
leurs, semble être emprunté aux annales légendaires de
Puspapura « la Ville-aux-Fleurs », autrement dit Pâtali-
putra, la Palibothra de Mégasthène et des Grecs. Une nou-
velle série de vingt-trois rois anonymes s'étend de Su-
puspa à Jayadeva, qui semble considéré comme le
fondateur de la branche népalaise. Le détour est assez
compliqué et les étapes assez obscures pour éveiller la
méfiance; une fiHation authentique aurait mieux jalonné
ses repères. Après les Licchavis du Népal, en plein
vu'' siècle de l'ère chrétienne, la dynastie tibétaine que
Srong-tsan Gam-po venait de fonder et qui portait encore la
coffre, l'ouvre, y trouve mille enfants ; il les élève. Devenus grands, ils
envahirent le royaume de leur père. Mais leur mère, pour se faire recon-
naître d'eux et pour arrêter leur invasion, monte sur un pavillon, presse
ses mamelles, et en fait jaillir mille jets de lait qui vont tomber dans la
bouche de ses mille fils (trad. Hémusat, ch. xxv). — D'après la Tlbe-
tische Lebensbeschreibung Çâkyamunis de Schiefner, citée dans Kern
(Buddhismus, trad. Jacobi, p. 312), Tancètre des Licchavis aussi bien
que des Mallas était un petit-fils de Virûdhaka, nommé Vasi^tha.
90 LE NÉPAL
marque évidente de ses origines barbares ne prétendait
pas moins se rattacher au clan des Licchavis, spécialement
aux Çàkyas des montagnes. L'Eglise bouddhique, en ser-
vant leur vanité de parvenus, récompensait leur zèle et se
les attachait plus étroitement. Déjà, parle même procédé,
elle avait fourni aux Mauryas triomphants une généalogie
qui les rattachait aux Çâkyas, réfugiés après leur dis-
persion dans THimalaya. Le Constantin de Tlnde et le
Charlemagne du Tibet cousinaient dans une noblesse de
fantaisie avec les Licchavis du Népal ^
Les prétentions Solaires des rois népalais étaient proba-
blement plus suspectes encore ; elles devaient valoir celles
du roi de Gourkha, que le ràna d'IIdaypur refusa de
sanctionner ^ Malgré cet échec fâcheux, les rois Gourkhas
du Népal continuent à se donner pour « la lignée du
Soleil » Surajbânsis (forme vulgaire de Sùrya-vamcis) ; les
Surajbânsis marchent en tète du clan Sâhi, le premier des
clans nobles ou Thâkurs. Les Gurungs de Darjiling, qui
sont à peine hindouisés, ont un clan solaire (Suraj-bânsi).
Il n'est pas jusqu'aux tribus mongoloïdes du Bengale orien-
tal qui ne réclament ce titre; des brahmanes de rencontre
leur ont révélé, moyennant salaire, leurs lointaines et
brillantes origines : leurs ancêtres étaient des ksatriyas
authentiques; mais quand Visnu, sous la forme de Paraçu-
Râma vint massacrer à vingt et une reprises les
ksatriyas, pour venger Thonneurde la caste brahmanique,
ils se sont débarrassés du cordon sacré qui les désignait
aux fureurs du héros divin. En 1871 , ils allèrent demander
à leur Zamindar (propriétaire et administrateur respon-
1. M. Vincent Smith {Tibet an Affinities of thc LichchhainSy dans
Ind. Antiq., XXXll, 1903,233 sqq.)asur des indices bien faibles supposé
que les Licèhavis « étaient en réalité une tribu tibétaine, qui s'était éta-
blie dans les plaines durant les temps préhistoriques ».
2. V. sup., vol. l, p. 256 sq.
HISTOIRE DU NÉPAL 91
sable) de leur restituer le cordon brahmanique; repoussés
avec nïépris, ils ne se rebutèrent pas ; ils appuyèrent leur
seconde demande d'une offre de 500 roupies ; la troisième
de 2 000 roupies, et ils se virent exaucés. Ils se sont dès
lors organisés en tvohffotraSy séparés par les règles d'exclu-
sion matrimoniale, ont interdit le mariage aux veuves, ont
adopté Tusage des mariages précoces, et tendent, par un
effort continu, à se rendre dignes de cette race Solaire oii
le bakchich et leur persévérance les ont introduits*.
En approchant de Thistoire positive, les comphcations et
les incertitudes de la critique viennent troubler la belle et
simple ordonnance des chroniques de fantaisie. L'accord
se maintient à peu près entre les Vamçâvalis jusqu'au 28**
(ou 29') prince de la dynastie Licchavi :
1. Bhûmivarman 61 ans. V. (\V. B.).
Bhooiny Burmah 41 ans. K.
2. Candravannan 61 ans. B. V. (W.).
Chunder Burmah 21 ans. K.
3. Jayavarman 82 ans. V. B.
Jay Burmah 62 ans. K.
(«andravarman (VV. probablement par erreur).
'i. Varsavarman 61 ans. V. B.
Barkhabarma VV.
Breesh-Burmah 57 ans. K.
5. Sarvavarman 78 ans. V. B. (W.).
Surbo Burmah 'i9 ans. K.
6. Prthvivarman 76 ans. V. B. (VV.).
Puthi Burmah 56 ans. K.
7. Jyesthavarman 75 ans. V. B. (W.).
Jeest Burmah 48 ans. K.
8. liarivarman 76 ans. V. B. (VV.).
(9.) Hurry Burmah — K. (mais interverti avec
le suivant.)
9. Kuveravarman 88 ans. V. B.
(8.) Koober Burmah 76 ans. K.
10. Siddhivarman 61 ans. Y. B. (VV.).
Sidhe Burmah — K.
1. RiSLCY, THbes and Castes of Bengal, s. v. Surajbansis.
92 LE NÉPAL
11. Haridattavarman 81 ans. V. B. (W.).
Hurry Dutt Burmah 39 ans. K.
12. Vasudatta varman 83 ans. V. 63 ans. B. (W.).
Basso Dutt Rhurmah 33 ans. K.
13.
Pativannan
53 ans. B. (W.).
Pativarsavaniian
V.
Sreeputtry
3 ans. R.
14.
Çivavrddhivarrnan
54 ans. B. 65 ans. V.
(W.).
Seobreddy
77 ans. K.
15.
Vasantavannan
61 ans. B. V. (W.).
Bussunt Deo
K.
16.
Çivavannan
62 ans. B. (W.).
Çivadevavarnian
67 ans. V.
-
Deo
57 ans. K.
(lÔbis.)
R udrade vavannan
66 ans. B. (W.).
17.
Vrsadevavarman
61 ans. B. V. (W.).
Brikh Deo
57 ans. K.
18.
Çahkaradeva
65 ans. B. V. (W.).
Sunker Deo
50 ans. K.
19.
Dhariiiadeva
59 ans. B. 51 ans. V
• (W.)
Bhiirma Deo
51 ans. K.
20.
Mànadeva
49 ans. B. V. (W.).
iMaun Deo
39 ans. K.
21.
Mahldeva
51 ans. B.
Mahàdeva
36 ans. V. (W.).
Mahe Deo
51 ans. K.
22.
Vasantadeva
36 ans. B. V. (W.).
Bussunt Deo
56 ans. K.
23.
IJdayadevavarinan
35 ans. B. 37 ans. V.
(W.).
Oodey Deo
47 ans. K.
Vi.
Mànadeva (11)
35 ans. B. V. (W.).
Maun Deo (11)
45 ans. K.
25.
Guoakàmadeva
30 ans. B. (W.).
Sunakâmadeva
20 ans. V.
Sookauni
50 ans. K.
26.
Çivadevavarman
51 ans. B. V. (W.).
Seo Deo
41 ans 6 mois. K.
27. Narendradevavarman 42 ans. B. V. (W.).
Nurrender Deo 34 ans. K.
28. Bhlmadevavarman 36 ans. B. V. (W.).
Bhein Deo Burmah 16 ans. K.
Durée totale : B. 1779 ans. — V. 1698 ans. —
K. 1 428 ans, 6 mois.
HISTOIRE DU NÉPAL 93
Le premier prince de la dynastie Sûryavamçi ou Licchavi
(ou, selon la Vamçâvalîde Kirkpatrick, Théritier direct de
la lignée de Nimisa), Bhûmivarman monta sur le trône
en 1389 du Kali-yuga (B. V. W.). Cette date, qui corres-
pond à Tan 1712 av. J.-C, ne cadre pas exactement avec
les indications des Vamçâvalîs sur la durée des dynasties
antérieures, mais il faut reconnaître aussi qu'elle s'en
écarte de peu. Les années des Kirâtas et des Somavamçis
additionnées donnent 1 118-f-3ol = 1469 (d'après B.
et V.), et de ce total il faut déduire le règne du premier
Kirâta, Yalamba(ra) qui précède le Kali-yuga; reste en gros
1 450 ans, avec un excédent de 60 ans environ sur la date
assignée à Bhûmivarman. 11 n'entre pas dans ma pensée
(je tiens à préciser ce point) de traiter ces dates comme
des chiffres authentiques ; il s'agit de suivre h la piste les
procédés des auteurs de Vamçâvalîs dans leurs construc-
tions chronologiques. La date de l'avènement de Bhûmi-
varman est sohdaire de la date assignée à l'établissement
ou à la restauration de Paçupati sous Paçupreksa deva,
en 1234 K. Y. (B. W.), ou 1239 (V.), encore que Tune
s'agence assez mal avec l'autre. L'intervalle entre elles est
de 155 (ou 150, V.) ans ; et cependant Paçupreksa deva et
Bhûmivarman sont séparés par un seul règne, long, il est
vrai, de 88 (V.) ou 74 (K.) ans! Sans doute les Hindous
sont trop peu soucieux de la chronologie pour se piquer
d'y introduire, même quand ils l'inventent, la vraisem-
blance et la logique ; mais ces deux dates, rapprochées
l'une de l'autre et surgissant en contours précis au
milieu des siècles nébuleux qui les enveloppent, semblent
se fonder sur des faits positifs ; elles représentent la tra-
duction inintelligente ou infidèle, en années du Kali-yuga,
de dates exprimées originellement dans une autre ère. J'ai
déjà montré, par des exemples authentiques, comment les
dates réelles risquaient de se transformer par des inter-
94 LE NÉPAL
versions de chiffres, et comment les dates traditionnelles
représentaient des combinaisons arbitraires de chiffres
réels. On pourrait être tenté — mais c'est une hypothèse
qui exige les plus prudentes réserves — d'observer ainsi
que les nombres 1 234 et \ 389 présentent comme éléments
communs les chiffres 3 et 1 : et on pourrait restituer en
leur place 3124 et 3189 K. Y., par exemple, qui corres-
pondraient à 23 et 88 de Tère chrétienne et qui s'harmoni-
seraient fort bien avec Tépoque de l'ère Licchavi telle que
j'ai cru pouvoir la calculer. L'installation de la première
dynastie hindoue au Népal rappellerait alors par une
analogie séduisante l'installation ultérieure des autres
dynasties hindoues dans le pays. Comme la conquête mu-
sulmane rejeta dans l'Himalaya les rois brahmaniques du
Téraï et les Rajpoutes insoumis qui préparèrent la gran-
deur de Gourkha, l'invasion des tribus scythiques dans la
vallée du Gange, aux environs de l'ère chrétienne, dut
refouler dans la montagne encore h demi barbare les prin-
ces dépossédés avec leur cortège d'aventuriers valeureux.
Les inscriptions attestent que Mathurâ était au pouvoir des
Kouchans; les Murundas, venus aussi des steppes loin-
taines, régnaient dans la glorieuse capitale de l'Inde, à
Pâtalipulra\ Et c'est de Pâtaliputra que la tradition offi-
cielle fait venir au Népal Jayadeva, le descendant de
Licchavi. Ce Jayadeva, séparé de Vrsadeva par onze règnes
d'après l'inscription de Paçupati, est probablement le
Jayavarman des Vamcjâvalîs, le troisième des Sûryavamçis
et le petit-fils de BhAmivarman, séparé de Vrsadeva par
un intervalle de treize règnes. Les chiffres, de part et
d'autre, sont en rapport étroit : les Vamçàvalts ont pu intro-
duire dans leurs listes, qui se présentent toujours comme
1. V. Sylvain Lévi, Deif.v peuples 7néconnus, dans les Mémoires
en Vhonneur de Ch. de Hurlez, 176 sqq.
HISTOIRE DU NÉPA.L 95
le tableau d'une filiation continue, les noms de deux prin-
ces qui n'ont pas régné, mais qu'il fallait rappeler pour
garantir la transmission légitime du pouvoir.
La plupart des rois mentionnés jusqu'à Vrsadeva ne
sont guère plus que des noms. Bhûmivarmau (1) aurait
transporté la résidence royale à Bâneçvara. Jayavar-
man (3) ou Jayadeva (varman ; cf. pour cette alternance
de formes le nom de (16) Çivavarman ou Çivadevavarman)
est désigné dans l'inscription de Paçupati comme « le Vic-
torieux » {vijaytri), soit par allusion à son nom, soit pour
rappeler la victoire qui aurait valu le trône à la race des
Licchavis. Haridatta varman (H) semble avoir seul laissé
des souvenirs précis ; le témoignage unanime des Vamçâ-
valîs le représente comme le zélateur de Nàrâyana ; il a
fondé le temple de Çikhara-Nârâyana (K.), ou encore il a
déterré et remis au jour l'image de Jalaçayana-Nâràyana
(W.), ou bien il a édifié les quatre temples les plus illus-
très consacrés à Nàrâyana : Cangu, Caifiju, Icangu,
Çikhara (B. V.). L'épigraphie vient à l'appui de la tradition :
une inscription d'Amçu varman, à Harigaon\ attribuant
une donation à Jalaçayana, prouve que ce culte est anté-
rieur auxTliâkuris.
Immédiatement avant Vrsadeva, les Vamçâvalîs de
Wright et de Bhagvanlal insèrent un roi Rudradeva varman
qui manque aux autres documents. Sous ce prince, un
natif de Kapilavastu, Sunayaçrî Miçra, se serait rendu à
Lhasa pour s'instruire auprès des Lamas ; puis il aurait
passé du Tibet au Népal, se serait établi à Palan, et y
aurait fondé le Yampi bihàr au Nord de la ville, près du
caitya d'Açoka: deux de ses disciples, Govardhana Miçra
et Kàçyapa Miçra, seraient venus de Kapilavastu pour le
rejoindre, et auraient à leur tour fondé chacun un cou-
1. V. inf.
96 LE NÉPAL
vent : le Kontî bihâr et le Pintâ bihâr. La mention de
Lhasa trahit Tanachronisme. Lhasa ne fut fondée qu'au
vil* siècle ; le Tibet au temps de Vrsadeva était encore
barbare et fermé au bouddhisme. Le roi Rudradeva a été
introduit ici par confusion ; si la tradition qui met Su-
nayaçrî Miçra en rapport avec Rudradeva contient une part
de vérité, il s'agit peut-être du Rudradeva qui dans les
Vamçâvalîs précède les premiers Mallas auxquels il est
apparenté et qui a laissé une réputation de bouddhiste
fervent.
(( Vrsadeva était très pieux ; tous les jours il nourrissait
Vajra-yoginî avant de prendre ses repas. Il répara le caitya
de Dharmadatta, au coin N.-O. de Paçupati et bâtit plu-
sieurs vihâras pour servir de résidence aux bhiksus »
(Wright, il 7). L'épigraphie est d'accord avec la Vamçâ-
valî. L'arrière-petit-fils de Vrsadeva, Mânadeva, dans son
inscription de Ghangu Narayan, célèbre son aïeul en ces
termes : « Le roi incomparable qu'on appelait Vrsadeva,
majestueux et puissant, était fidèle à sa parole ; on l'aurait
pris pour le Soleil {Savitar) avec ses rayons lumineux, à le
voir entouré de ses fils éminemment nobles, savants, fins,
constants, l'àme instruite au devoir ». Jayadeva, à Paçu-
pati, dit de même : « C'était un roi célèbre que Vrsadeva,
un prince excellent ; il aimait avant toul la doctrine du
Sugata (Bouddha) ». Il dut à sa piét(^ de revenir miracu-
leusemenl h la vie et Yama, Timpitoyable, alla même
jusqu'il blâmer ses pourvoyeurs trop zélés d'avoir pris
dans leurs lacs un homme si vertueux. Après sa résur-
rection, il éleva une image de Dharmarâja Lokeçvara
près du Matirâjya-caitya, àPatan, et dressa un Pafica-
buddha près de Godâvarî. Le culte de Balbala, qui le pre-
mier ouvrit le sol à la culture, date de cette époque. Le
frère de Vrsadeva, Bâlârcana, était son émule en piété et
en vertu ; mais, moins heureux que lui, il vécut assez pour
HISTOIRE pr NÉPAL 97
assister au triomphe de Çankarâcârya et à la ruine du
bouddhisme; il dut se laisser raser la tête, perdit le cordon
brahmanique, et fut marié de force à une religieuse. La
légende, je Tai déjà indiqué, n'a pas d'autre motif que le
nom porté par le successeur de Vrsadeva : Çarikara deva.
Mais le nom de Çankara deva, comme le nom de Vrsadeva
et tant d'autres noms royaux, est simplement une des
appellations sectaires où s'exprime le zèle du Népal pour
le culte de Çiva.
Çankaradeva I a laissé un souvenir assez pâle. L'inscrip-
tion de Paçupati se contente de le nommer comme le
fils de Vrsadeva ; la s tance qui lui est consacrée dans
l'inscription de Changu Narayan est très vague : « Le fils
de Vrsadeva, qui s'appelait Çankaradeva, gouvernait un
empire prospère ; il était invincible à ses ennemis dans
les combats, libéral, sincère; son courage, sa libéralité,
sa dignité, lui valurent une gloire abondante. Il surveillait
la terre, tel qu'un lion ». Le temple de Paçupati reçut de
ce prince d'importantes donations : un triçûla de fer,
dressé à la porte Nord ; un linga, le Virâteçvara, au Sud,
près de la rivière ; une image de Nandi à la porte Ouest.
Tous ces monuments subsistent encore, malheureusement
sans inscription commémorative. Le couvent de Mayûra-
varna, à Patan, fut aussi fondé par Çankaradeva, en
faveur du brahmane Jayaçrî.
Dharmadeva, fils de Çankaradeva, a était un prince res-
pectueux de la loi ; ses actes se conformaient à la loi ; la
loi était sa propre personne ; il cherchait à discipliner son
àme; ses mérites étaient excellents; il avait hérité légitime-
ment d'un puissant royaume, transmis par une suite d'an-
cêtres, et il retendit légitimement par sa sagesse politique.
Il brillait avec les rayons de son énergie, qui avaient la
puissance des formules magiques; son cœur était pur
comme son corps; ce prince de la terre avait l'éclat de la
U. — :
08 LE NÉPAL
Lune » {Inscr, de Changu Narayan), Ce panégyrique n'est
qu'une paraphrase du nom de Dharma-deva, formé de
dharma « la loi ». D'après Kirkpatrick, c'esl Dharmadeva
qui a dédié à Façupati la grande statue dorée du taureau
Nandi, installée devant la porte d'entrée du temple; il passe
également dans certaines légendes pour le fondateur de
SyambunathV
Dharmadeva eut pour successeur son fils, Mânadeva.
Mânadeva le Sûryavamçi fait assez maigre figure dans la
Vamçâvalî. (( On dit qu'il bâtit le Khâsâ-caitya (Budhnath).
11 bâtit le Cakra-vihâra, près du Matirâjya-caitya, à Patan ;
le nom complet de ce monastère est : Mànadeva-samskâ-
rita-cakra-mahâ-vihâra ». La Vamçâvalî de Kirkpatrick
ajoute (( qu'il eut une entrevue, dit-on, avec le dieu Sum-
bhoo (Svayambhû) auquel il éleva un temple ». Ici déjà la
légende envahit l'histoire ; elle s'est si bien développée
qu'elle a fini par dédoubler Mânadeva. Elle a inventé un
autre prince du même nom, fils du roi mythique Vikmântî;
ce prince, parricide par obéissance, édifia le temple de
Budhnath pour expier son crime involontaire ; il composa
en outre un hymne, resté populaire, en l'honneur des
Trois Joyaux bouddhiques. Sa mère, cependant, avait gou-
verné le peuple avec une grande justice, si bien que tout
était rempli de ses louanges. Elle bâtit nombre de monu-
ments, et en dernier lieu consacra une image de Nava-
Sâgara Bhagavati, due h l'artiste qui avait déjà fait la Bha-
gavatî de Palanchauk et la Sobhâ-Bhagavatî. Plus tard,
sous Çankara-deva (11) le Thâkuri, le peuple, effrayé par
l'aspect terrible de cette image, l'enfouit et la couvrit de
pierres.
Les documents, en assez grand nombre, permettent
d'analyser au moins en partie la légende. La mère de
1. Kirkpatrick. p. 189.
HISTOIRE DU NÉPAL 90
Mânadeva, qui s'est imposée au souvenir capricieux des
annalistes, tranche, par sa personnalité vigoureuse, sur ce
long défilé de personnages sans relief. L'inscription du
pilier de Cliangu Narayan, gravée par ordre de Mânadeva,
est presque tout entière consacrée à la gloire de la reine-
mère : « Dharmadeva eut une épouse de race pure et do
pure dignité, la très excellente Râjyavatî; on aurait dit la
Laksmî (Fortune) de cet autre Hari (Visnu). Quand il eut
illuminé Tunivers des rayons de sa gloire, ce souverain
s'en alla au triple ciel, comme s'il fût allé dans un jardin
de plaisance. Et elle resta alors abattue, consumée, agi-
tée, ... languissante, elle qui se plaisait avant son veuvage
;i nourrir les dieux en des rites réguliers. Cette reine
Kâjyavatî, qu'on appelle la femme du monarque, ne sera
en fait que Çrî, attachée h lui pour le suivre fidèlement
sous cet autre aspect*, elle, en qui est né ici-bas le héros
irréprochable, Mânadeva le roi, de qui le charme ne cesse
point de rafraîchir le monde, pareil h la lune d'automne.
S'en étant retournée, la voix entrecoupée de sanglots, sou-
pirant longuement, le visage en larmes, elle dit tendre-
ment à son fils : (( Ton père est parti au Ciel. Ah! mon
fils ! maintenant que ton père a disparu, qu'ai-je besoin de
respirer? Exerce la royauté, mon cher fils ! moi, je vais
suivre la voie de mon époux ! Qu'ai-je h faire des chaînes
de l'espérance, qui sont faites des mille manières de goû-
ter le plaisir, pour vivre sans mon époux, puisque le temps
d'être ensemble passe comme un songe illusoire ! Je vais
partir, dit-elle ». Alors, son fils, affligé de la voir ainsi, ap-
puyant tendrement sa tête sur les pieds de sa mère, lui
adressa cette prière : « Qu'ai-je à faire des plaisirs, qu'ai-je
à faire des joies de la vie, si je suis séparé de toi ? C'est moi
l. Lire tadâlokântarâ" au lieu de tadâ lokàntarà'^ comme fait Bhag-
vanlai, au vers 7.
100 LK NÉPAL
qui mourrai le premier, et lu partiras ensuite au Ciel. » Posé
dans le lotus de sa bouche, mêlé aux larmes de ses yeux,
le lacs de ces paroles filiales la retint enchaînée comme une
oiselle prise au filet. Et avec son fils vertueux elle s'occupa
en personne des cérémonies des funérailles, Tesprit tout
purifié parla vertu, Taumône, la mortification, le jeûne, les
pratiques volontaires, et distribuant toute sa fortune aux
brahmanes pour augmenter les mérites de son époux, elle
semblait au milieu de? rites, — tant elle l'avait au cœur —
être Arundhatî elle-même. Et son fils, vigoureux d'énergie,
d'héroïsme, de constance, patient, affectueux pour ses sujets,
qui agit et ne se vante pas, qui sourit en parlant, qui toujours
le premier adresse la parole, valeureux sans orgueil, par-
venu au comble de la connaissance du monde, ami des pau-
vres et des orphelins, accueillant aux hôtes, dissipant la
retenue chez ceux qui le sollicitent, manifestant sa réelle
virilité par son adresse méritoire à se servir des armes
d'attaque et de défense, aux bras puissants et gracieux, la
peau tendre et lisse comme de l'or travaillé, les épaules
charnues, rivahsant par ses yeux, avec l'épanouissement
des lotus en fleur, est comme l'Amour incarné ; il est une
fête pour les coquetteries des aimées. « Mon père, se dit-il,
a paré la terre opulente de beaux piliers dressés; j'ai
reçu l'initiation à la mode des ksalriyas, par les combats
et les batailles ; je vais partir bien vite en campagne vers
la région orientale pour détruire mes ennemis, et j'instal-
lerai des rois qui soient dociles h mes ordres ». Et s'incli-
nant devant sa mère dont la tristesse se dissipait, il lui
[)arla ainsi : « 0 manière, je ne puis pas m'acquitter envers
mon père par des austérités sans tache ; je ne puis que
servir humblement ses pieds par les rites des armes où je
suis compétent. Je vais partir ! » Et la mère du roi, toute
joyeuse, lui donna congé. 11 s'en alla parla route de l'Est;
l«»s vassaux félons qui commandaient h l'Esl s(» prosterné-
HISTDIRtC Dr NÉPAI
reni, courbèrent la tête el laissèrent glisser les guirlandes
de leur front; il les réduisit au respect de son autorité sou-
Vi^im taluLnl lus trois pas. — image consacrée jxir le roi Mai»
en l'honneur de sa miire Hijj'avall. (Hameau de LBJaii[iat.)
veraine. l'uis, sans petir, comme un lion <|ui porte une
crinière épaisse et formidable, il s'en alla vers la terre occi-
dentale. Il apprit que son vassal s'\ conduisait niai: alors
102 LE NÉPAL
remuant la têle, el touchant lentement son bras qui sem-
blait une trompe d'éléphant, il dit résolument : « S'il ne
vient pas à mon appel, mon héroïsme saura l'amener à
l'obéissance. Mais à quoi bon de longues phrases qui ne
servent h rien? Peu de mots suffisent. Aujourd'hui, même,
ô mon oncle, frère chéri de ma mère, traverse la Gandakî,
émule do l'Océan en largeur, en accidents de surface, en
agitation, où l'eau roule en vagues dans d'affreux tourbil-
lons. Avec des centaines de chevaux et d'éléphants capa-
raçonnés, je traverse la rivière et je suis ton armée ». Sa
décision prise, le souverain tint jusqu'au bout sa promesse.
11 conquit la ville du Malla, puis retourna lentement dans
son pays, l'âme joyeuse, et donna une richesse inépuisable
aux brahmanes. Et Râjyavatî, la reine vertueuse, enten-
dit son fils lui dire d'une voix ferme : « Et toi aussi, ma
mère, si lu as le cœur heureux, fais de dévotes dona-
tions ! »
La mère de Mânadeva, Hâjyavalî, ne cesse point d'être
au premier plan dans le cours de cette longue inscription.
Son panégyrique rejette dans l'ombre l'éloge funèbre de
son époux défunt el balance le panégyrique du roi régnant.
A la mort de Dharmadeva, c'est elle qui appelle, comme
par un choix personnel, Mânadeva, son fils, au trône et
qui lui remet le pouvoir, L'entrevue de la mère et du fils
rappelle la scène, dépeinte avec une concision pittores-
que dans l'inscription du pilier d'Allahabad, où Candra
(iuplal désigne en présence de ses courtisans, agités d'émo-
tions diverses, Samudra Oupta comme l'héritier de la cou-
ronne. (( r/est un noble, dit-il en l'embrassant, son
émotion trahie par un duvet hérissé ; la cour respirait
d'aise, et ses égaux de naissance levaient sur lui des re-
gards fanés ; l'œil frissonnant d'émotion, alourdi de larmes,
perspicace, son père le regardait et il lui dit : Gouverne
donc lu terre entière! » (1. 7). Mais '\c'\ la mère et le fils oc-
HISTOIRE !)[' NÉPAL 103
cupent seuls la scène, et leurs discours se poursuivent avec
une abondance extrêmement rare dans Tépigraphie hin-
doue. La mère, — Agrippine ou Blanche de Castille? — veut
suivre son époux dans la mort et ne renonce au bûcher
que devant les objurgations de son fils. Elle vit pour être
le conseiller vénéré et avisé du nouveau roi ; associée au
pouvoir, elle approuve les entreprises militaires de son
fils ; elle désigne son propre frère, comme général en
chef; Mànadeva n'échappe à sa mère que pour passer sous
la tutelle de son oncle maternel. Et quand il revient
victorieux de ses campagnes, Ràjyavalî n'entend pas con-
fondre ses donations pieuses avec les donations de son
fils. Elle a ses brahmanes et ses temples, ses pauvres et
surtout ses obligés.
Le pilier de Changu Narayan est daté du mois de jyaistha
386. Onze mois plus tard, en vaiçàkha 387, une image de
Visnu est dédiée en faveur delà reine-mère Ràjyavatî « en
vue d'accroître ses mérites ». La formule a un caractère
plutôt funéraire; elle donne h croire, mais sans l'établir
sûrement, que Ràjyavatî était morte dans l'intervalle. Le
monument qui lui est consacré est un bas-relief qui repré-
sente VisnU sous son aspect de Trivikrama quand il couvrit
le monde en trois enjambées; autour de lui « dieuv et
saints adorent l'unique protecteur du monde des créatu-
res ». Le style de l'œuvre est violent, presque brutal; les
Népalais d'aujourd'hui croient y reconnaître Vajrayoginî,
une des formes tantriques de la déesse Devî. La Vam('âvalî
rapporte de son côté qu'une image due à la mère de Màna-
deva, la Nava-Sâgara Bhagavatî inspirait aux passants une
terreur insupportable.
L'affection filiale, qui semble être un trait essentiel du
caractère de Mànadeva, a également produit la longue
inscription, fâcheusement anonyme, du pilier de Harigaon.
L'auteur, inconnu, s'adresse au saint l)vaipâyana, plus
104 LE NÉPAL
populaire sous le nom de Veda-Vyâsa; il exalte sa
science, sa sagesse, ses mérites, les services rendus au
monde qu'il a instruit dans la pratique des devoirs, puis
son hymne achevé, il sVcrie : « J'arrange comme je puis
une parole bien frêle. Toi, veuille impartir ici le bonheur
à mon père ! » L'analogie du sentiment, de la langue, du
caractère, du monument même rapproche le pilier de
Harigaon du pilier de Changu Narayan. Le pilier de Ha-
rigaon porte précisément une statue de Garuda, le Gbangu
népalais, la monture de Visçu associée à son culte sur la
colline de Changu-Narayan. C'est aussi une image de
Visnu que iMânadeva consacre h l'accroissement des méri-
tes de sa mère Râjyavatî. Ainsi Mânadeva semble témoi-
gner une réelle prédilection en faveur du vichnouisme,
comme Haridatta avait fait déjà, plusieurs générations
avant lui. Mais les traditions qui lui attribuent une entre-
vue avec Svayambhû et l'édification du temple de Budh-
nath donnent à penser que sa dévotion n'avait rien de
sectaire ni d'exclusif.
Le nom même de Mânadeva évoque un culte d'une
nature énigmatique. Chez les rois népalais, et spéciale-
ment parmi les Licchavis, les noms sont souvent emprun-
tés aux mille vocables du dieu Çiva ; Vrsadeva, Çankara-
deva, Çivadeva, Rudradeva, etc. D'autres ont un caractère
vichnouite : Harivarman, Haridatta ; d'autres dérivent des
divinités secondaires : Vasanta, Kàma, etc. Mais le mot
màna^ dans le nom de Mânadeva, semble être complète-
ment étranger au lexique religieux ; le sanscrit possède
bien le mot mâna ; il a même sous cette rubrique deux
homonymes, différents d'origine et de sens; l'un tiré de
la racine ma « mesurer » signifie : la mesure; l'autre, de
\h v'AQÀiKi rnan <( penser » signifie : la haute estime de soi.
Ces deux notions n'ont aucun rôle personnel dans le pan-
théon hindou. Faut-il inter|)nHer ainsi : (le roi) qui a pour
HISTOIRE DU NÉPAL 1 0o
dieu le sentiment de sa valeur ? Si le mot mâna paraît
dans les noms royaux, il entre aussi dans des noms de
saints ou de savants*; les Jainas comptent parmi leurs
docteurs Mânatunga Suri, Mânalunga Àcàrya; un hymne
célèbre de cet âcàrya, le Bhaklâmara-stotra, s'achève
sur un calembour qui semble éclairer la valeur de mdna
dans Tonomastique :
tam mânatuhgam atmçd samupaiti Iaksmîh,
« Qui s'exalte dans le sentiment de sa personne {on : ce
Mânatunga), la Fortune le suit, qu'elle le veuille ou non ! »
Peut-être est-ce la devise qui convient comme paraphrase
au nom de Mânadeva. Quoi qu'il en soit, lancé par le roi
Mànadeva ou recueilli par lui, le mot mdna laisse une
longue empreinte dans le passé du Népal. Après Mâna-
deva 1", le Licchavi, le nom de Mânadeva reparaît encore
deux fois dans les listes dynastiques : une fois chez les
Licchavis, quatre générations plus tard ; une autre fois,
chez les seconds Thâkuris, peu de temps avant les Mallas.
Longtemps après les Licchavis, au xiv* et au xv' siècle de
Fère chrétienne, les Mallas continuent à vénérer comme une
divinité tutélaire, en l'associant au glorieux Façupati,
une déesse mystérieuse a qui leur a accordé la faveur de
sa protection », et cette déesse est Mdneçvarî, la Notre-
Dame de Mâna*. La formule s'éclaire plus nettement
1. Au iNépal même, un gomin, ancêtre du roi Jisnugupta, porte le
nom de Mànagupta.
2. çrî Mdneçvarîvaralabdhapraidpa... (Jayaslhiti Mal la, Nev. S.,
506); ms. (Cambridge, Add., 1698; — ""varalabdhaprasddila... (Jyoti-
malla, Nev. S., 533); Inscr.. n" 16 de Bhagvanlal. — rrimanmànecva-
ris(a devatd-vara-labdha-prasâda (charte de Jayaprakàra Mal la Nev.
862 en faveur des Capucins; v. sup., vol. L p. 110, note. — rri Ganda-
kii:aralabdfcaprnx(ida... Nev. S., 512; ms. Cambridge, .Vdd., 1108.
106 LE NÉPAL
encore, quand on voit un Thâkuri de Nayakot à la même
époque se présenter, dans les mêmes termes, comme le
protégé de Gandaki. La Gandakî, qui baigne de ses flots
Nayakot, est naturellement la suzeraine de la vallée qu'elle
donne en fief aux princes de son choix ; Màneçvarî dis-
pose de la vallée du Népal.
Le mot Mâna se retrouve aussi dans le nom du palais
qui sert de résidence à la dynastie Licchavi : Mâna-
grha « la maison de Màna », soit que MânadevaTait fon-
dée, soit que Màneçvari la protège. Une inscription d'Am-
çuvarman à Harigaon mentionne le couvent de Mâna
{çrl-Mdna-vihârà) et le linga de Mâneçvara^ auxquels le
roi attribue des donations. Le successeur d'Amçuvarman,
Jisnugupta, a pour aïeul un certain Mâna-gupia, Enfin,
une série de monnaies anciennes du Népal, en cuivre,
portent comme légende : Mândhka « (monnaie) à la
marque de Màna ». Elles représentent à la face une divi-
nité assise sur un trône de lotus, la main gauche posée
sur la hanche, la droite levée avec les doigts étendus;
l'attitude suggère une figure bouddhique, comme Ta indi-
qué M. Bendall. Au-dessus, en beaux caractères Guptas :
Çrî Bhogini (Cunningham) ou Çrî Bhagïni (Bendall). Le
revers montre un lion en marche vers sa droite, avec un
pied de lotus, une fleur et un oiseau sur le champ. La
légende, en caractères Guptas, porte : Çrî Mânâhka\
M. Cunningham n'a pas essayé d'expliquer ces légendes;
M. Bendall signale le rapport de la formule Mânânka
avec Mànadeva et Mànagrha, mais d'une manière assez
inattendue il interprète çrt hliaf/ini comme une inscription
commémorative, destinée à rappeler la dédicace d'un
linga par Bhogadevî, sœur {hhaginï) du roi Amçuvarman.
1. (IrNMMiiuM, Coins of'Xncient India, p. 116 et planche XIU, fig. 1 ;
— r>KM»Au,, z. 1). M. a.. XXXVI, p. gôi.
HISTOIRE D[T NÉPAL 107
C'est grossir démesurément rimporlance d'une fondation
fort qanale; on est en droit d'être surpris que le roi
Amçuvarman, qui frappe ordinairement h son nom, se soit
effacé dans la circonstance, et n'ait pas même mentionné
le nom de sa sœur, comme il l'a fait dans l'inscription
commémoralive. En fait la lecture fW hhoginl semble cer-
taine. Bhoyini appartient bien h la langue des cours ;
d'après les lexiques d'Amara ef de Hemacandra, il désigne
les épouses du roi, à l'exception de celle qui a reçu le
sacre; celle-ci s'appelle mahisL D'après Bharata, la bhoginî
est une épouse de second rang qui a bon caractère, peu
d'orgueil, point de fierté, de la douceur, de la modestie
et de la patience \ Mais on s'attend peu à voir figurer ce
titre sur une monnaie et moins encore sans un nom de
personne. Bhoginî a grande chance d'être le nom d'une
divinité ^ qui serait justement la figure représentée. Le
Hon à droite, en marche, avec la queue retroussée, se
retrouve sur d'autres monnaies népalaises, d'Amçuvarman,
de Jisnugupta.
Les numismates (Cunningham, Rapson) sont d'accord
pour signaler dans la facture générale des monnaies ancien-
nes du Népal un rapport avec le monnayage de cuivre des
Yaudheyas, qui formaientlonglemps une confédération puis-
sante de tribus ksatriyas dans le Màlava et que le puissant
Rudradàman, roi Ksatrapa du Suràstra, se glorifie d'avoir
vaincus (vers 150 de J.-C). L'un et l'autre monnayage est
indépendant du monnayage des Guptas, et sort directe-
ment du monnayage de cuivre des Kouchans. La formule
Mànânka semble attester au contraire une influence
Gupta. Ce sont les Guptas qui paraissent avoir mis à la
mode les appellations de ce type : Samudra Gupta marque
1. Nâd/a-çâslra, éd. Kàvyamâlâ, XXIV, 28 (=llall, XXXIV, 29).
2. Pput-être en rapport avec le clan des Mankharis, d'après l'analogie
des noms : Bliugavannan, lUiogadevî.
108 LE NÉPAL
sa monnaie du mot parâkrama « marche triomphante »,
et dans son inscription d'Allahabad il prend (1. 17). le
titre de parâkramdhka a (le roi) qui a pour marque parâ-
krama ». Son successeur Candra Gupta U afifecte une
prédilection pour le mot vikrama a héroïsme » et frappe
sur une série de ses monnaies la légende : vikramâhka
(( (le roi) qui a pour marque vikrama' ». Le procédé a
trouvé au Népal d'autres imitateurs : une série de mon-
naies analogues aux Mânànka portent la légende Gundhka^.
La face présente une divinité assise dans la même attitude
que sur les Mânànka ; au revers, un éléphant tourné vers
sa gauche propre. Les Gunânka sont manifestement la
frappe d'un Gunadeva, comme les Mânànkas de Mànadeva;
les Vamçâvalis placent justement un Guna(kàma) deva
cinq règnes après Mànadeva 1", et le nom du roi Gana
(Guna) deva se lit sur une inscription du v' siècle samvat,
à Kisipidi.
Puisque le roi Mànadeva m'a amené à parler des ancien-
nes monnaies du Népal, je signalerai ici aussi les mon-
naies à la marque de Paçupati qui sont de beaucoup les
plus abondantes puisqu'elles forment à elles seules la
moitié des anciennes monnaies du Népal actuellement
connues. Une de ces pièces a été trouvée à Mahâbodhi,
dans la statue du Bouddha du nouveau Vajràsana; une
autre a été trouvée dans un petit stûpa voisin ^ ; d'autres
encore, soustraites par des ouvriers au cours des excava-
tions, ont été acquises au bazar de Gaya, voisin de Mahâ-
bodhi. Ce sont évidemment des pèlerins néj)alais qui les
avaient apportées et laissées en offrande au temple. Les
1. (îf. encore VQ.\\)v^^s\otigarut7nad-ah){a dans i'ins<Tip. de Samudra
Gupta à Allahabad, l. '1\.
2. Pour ces nrîonnaies, et aussi pour relies de Paçupati, rf. Cr!SM\r,îî\M.
loc. Laud.
3. (lr\M>r.iivM, Mahâbodhi. p. 2'i.
HISTOIRE nn NÉPAL 109
autres pièces anciennes du Népal entrées aujourd'hui dans
les collections publiques ou privées viennent d'un vieux
temple écroulé à Katmandou; on les a tirées des décom-
bres ; les manuscrits les plus anciens du Népal ont la même
provenance. Que d'occasions analogues ont été perdues!
Les Capucins du xvni^ siècle laissèrent, entre autres,
échapper une chance unique. Le P. Giuseppe rapporte en
détail Tévénement :
(( A Test de Cathmandou, à la distance d'environ deux
ou trois milles, il y a un endroit nommé Tolou, baigné par
une petite rivière dont la superstition a consacré les eaux.
On y porte les gens d'une condition élevée, lorsqu'on les
croit en danger de mourir. Ce lieu renferme un temple qui
ne le cède en rien aux plus riches de ceux qu'on voit dans
les capitales. La tradition rapporte qu'en deux ou trois
endroits du royaume du Népal, des trésors précieux sont
enfouis dans la terre; les habitants sont persuadés que
Tolou est de ce nombre, mais à Texception du roi, il n'est
permis à personne de faire usage de ces trésors et le roi
lui-même ne peut s'en servir que dans une nécessité
urgente. Voici la manière dont on dit qu'ils ont été accu-
mulés : Lorsque les offrandes avaient enrichi un temple,
on le détruisait et on creusait sous terre des caveaux pro-
fonds, les uns au-dessous des autres, où Ton déposait l'or,
l'argent, le cuivre doré, et tous les objets précieux. Pen-
dant mon séjour dans le royaume du Népal, Gainpréjas
(Jaya Prakâça), roi de Cathmandou, ayant le plus pressant
besoin d'argent pour payer ses troupes, afin de résister à
Prithivînàràyan, ordonna de chercher les trésors de Tolou.
Après avoir creusé à une grande profondeur, on parvint à
la première voûte, d'où l'on tira la valeur d'un lak de
roupies en cuivre doré. Gainpréjas solda ses troupes avec
cette somme. On trouva aussi quantité de petites figures
en or ou en cuivre doré, que les ouvriers chargés de
1 10 LE NÉPAL
l'excavation emportèrent secrètement. J'ai la certitude
positive de ce fait. Un soir que je me promenais seul dans
la campagne, un pauvre que je rencontrai m'offrit la figure
d'une idole en or ou en cuivre doré qui pouvait peser cinq ou
six roupies sikkahs, et qu'il tenait sous son bras avec précau-
tion : mais jela refusai. Les agents de Gainpréjas n'avaient
pas encore tout à fait vidé le premier caveau quand l'ar-
mée de Prithivînâràyan arriva à Tolou, s'empara du lieu
où le trésor était déposé et ferma la porte du caveau après
avoir remis en place tout le cuivre qu'on avait enlevé à
l'extérieur. » Pendant la même guerre, des soldats de
Prithi Narayan qui s'étaient retranchés sur la colline de
Syambunath « en creusant les fossés qui avoisinent les
tombeaux, trouvèrent de grands morceaux d'or, les grands
du Tibet ayant l'usage de se faire enterrer avec une grande
quantité de ce métaP ». Les vieilles pièces de monnaie
rentrées en circulation clandestine ou publique n'y restè-
rent pas longtemps; Prithi Narayan, une fois maître du
pays, fit verser de force au Trésor la monnaie d'or et
d'argent et la refrappa tout entière, si bien que trente ans
plus tard, Hamilton ne put pas se procurer à Katmandou
des pièces antérieures aux Gourkhas^
Les monnaies au nom de Paçupati présentent des types
très variés ; leur module, de 21 à 22 millimètres, est infé-
rieur de peu aux Màuâniva (24""") et aux Gunànka (23""");
leur poids va de G«',15 à 9«',85, en passant par les intermé-
diaires 7«^40, 8«%20, 8«^30, 9«^72, tandis que les Mà-
nànka pèsent i2«%76, et les Gunànka 12^63 et 9^46.
Toutes ces monnaies sont de bronze. Le caractère essen-
tiel des Paçupati, comparés aux frappes personnelles
(iVlànànka, Gunànka, monnaies d'Amçuvarman, de Jisnu-
1. Description, p. 352 sq. et p. 355.
2. Hamilton, p. 214.
HISTOIRE DU NÉPAL i 1 1
gupta, de Vaiçravana) est qu'ils représentent une unité de
valeur moindre, environ les trois quarts des autres. Us
répondent à peu près exactement aux paisâs actuels du
Népal. La face des Paçupati montre fréquemment le tau-
reau de Çiva, iNandi, soit accroupi, soit debout ; parfois il
est remplacé par le trident de Çiva, le triçùla^ dressé et
traversé en croix par une hache; souvent aussi, on y voit
figurer un personnage assis, en des attitudes variées, et qui
porte une couronne. Au revers tantôt le disque du soleil
avec des rayons étoiles, tantôt un vase d'où s'élève une
branche fleurie. La légende, Paçupati, en caractères G uplas,
est tantôt disposée sur une ligne horizontale, tantôt répartie
en syllabes symétriques autour du motif central, trident
ou vase de fleurs : — — .
PA TI
Le nom de Mâna survit eucore actuellement au Népal ;
il désigne un des clans Thakurs, autrement dit un clan
reconnu de sang royal'. Il y voisine avec les Mallas,
héritiers d'un autre titre dynastique que nous trouve-
rons dans la suite de l'histoire népalaise. Peut-être le
nom de Mànadeva est-il emprunté à Téponyme du clan
Mâna.
Outre les deux inscriptions de Mànadeva que j'ai déjà
étudiées, et qui datent de 386 et 387, il existe encore deux
dédicaces particulières qui remontent à son règne : Tune
découverte par Bhagvanlal (n" 2) est gravée sur une pierre
carrée, qui formait jadis la base d'un linga, à Paçupati, et
qui sert aujourd'hui de base au trident érigé par Çankara-
deva I". (( Jayavarman à l'âme pure a, grâce à la faveur
des pieds du souverain. Sa Majesté Mànadeva, en l'an 413,
dressé avec dévotion un linga dénommé Jayeçvara, pour le
t. Vansittart, p. 81: Hodgson le mentionne, Essays, part. H. p. 'i3,
sous la forme Maun (= Màna : cf. Nepaul -- Nepâla).
1 1 2 LE NÉPAL
bien du monde avec le souverain et il a fondé une rente
perpétuelle pour le culte de ce vénérable linga. » La
dédicace s'ouvre par un vers, en mètre vasanta-tilakâ.
L'autre inscription, que j'ai trouvée à Katmandou, est
tracée sur le socle d'une statue disparue, et remplacée
depuis par un Mahâkâla : a En l'an 402, tandis que le roi
iMànadeva gouverne sagement la terre, le quinzième jour
de la quinzaine claire, au mois d'Asâdha, le chef d'une
compagnie de marchands Guhamitra a érigé par dévotion
un saint Divâkara sous le nom d'Indra — un champ dans
la localité de Yathâgûmpadçum, et une terre de la mesure
d'un pindaka. » Sauf l'indication du terrain donné, l'ins-
cription est en vers anustubh. La dédicace du Visnu-
I • • • •
Trivikrama de Râjyavatî forme une stance sragdharâ;
l'inscription du pilier de Changu Narayan est un véritable
poème en çârdûla-vikrîdita; l'inscription du pilier de
Harigaon combine les mètres les plus comphqués. La
culture du sanscrit est donc très florissante au Népal sous
Mânadeva; le roi donne brillamment l'exemple, et les par-
ticuliers s'efforcent de le suivre. Le panégyrique de Changu
Narayan est vraiment classique de style; l'expression n'y
est jamais ampoulée ; le lexique en est simple et sain ; les
composés les plus longs ne dépassent pas six termes, et
atteignent rarement ce nombre. Si la httérature est en
honneur au Népal sous Mânadeva, le commerce y pros-
père aussi. Guhamitra, qui dédie le Bhagavat Indra-
Divâkara, porte le titre de banijdni sûrthavâha, chef d'une
compagnie de marchands et directeur de caravanes. Les
échanges entre Tlnde et le Tibet enrichissaient le royaume
et alimentaient un trafic régulier. L'histoire des T'ang,
dans sa notice sur le Népal rédigée sur des documents
chinois du vu'' siècle, note que h les marchands tant
ambulants qu'établis, y sont nombreux ». L'influence hin-
doue est assez profonde pour s'exercer jusque sur les
HISTOIRE DU NÉPAL 113
noms des marchands : le nom du sârlhavâha Guhamitra
est formé, comme le nom du sârlhavâha Dhanamih'a, par
exemple, dans Çakuntalâ (acl^ VI), avec le mol mitra
c( ami »; le nom du dieu Guha, lout belliqueux qu'il
est à Torigine, n'en est pas moins associé plus d'une fois
à des noms de marchands, témoin Guhacandra el Guha-
sena dans la Brhalkathâ (Somadeva et Ksemendra). Le
culte de Visnu Nârâyana est en faveur dans la famille
royale (ChanguNarayan, Visnu-Trivikrama, piHer de Hari-
gaon?), mais Paçupati n'est pas négligé (linga de Jaya-
varman). La divinité composite érigée et adorée par Guha-
mitra est d'un syncrétisme embarrassant : Divftkara, le
Soleil, occupe sans doute une place éminente dans la reli-
gion oflîcielle ; son image paraît sur un grand nombre de
monnaies. Indra, de son côté, est un des protecteurs du
Népal.
Le royaume des Licchavis, au temps de Mânadeva,
s'étend au dehors de la vallée, vers l'Est et vers TOuest;
à l'Ouest il dépasse même le cours de la Gandaki el en-
globe la forteresse des Mallas. L'organisation du royaume
est toute féodale : le domaine royal, confiné sans doute
dans la vallée, est entouré de vassaux indociles, qui préten-
dent échapper à l'autorité souveraine, et qui la reconnais-
sent seulement lorsqu'elle s'impose parla force des armes.
On avait pu, sur la foi de documents incomplets, s'imagi-
ner qu'à l'époque de Mânadeva le royaume népalais était
partagé entre deux dynasties parallèles, les Licchavis à
l'Est, les Thakuris à l'Ouest ; les derniers vers du pilier de
Changu Narayan, rendus à la science par le zèle éclairé
du Maharaja Bir Sham Sher, ruinent définitivement cette
opinion. Mânadeva était bien le maître unique de tout Je
Népal. Les dates connues de son règne sont comprises,, si
mon hypothèse sur l'ère des Licchavis est exacte, entre
497 et 524 J.-C; ou, si on préfère les interpréter par
II. — 8
\ i 4 LE NÉPAL
Tère Çaka, entre 464 et 49i J.-C. Dans les deux cas,
Mànadeva règne à la fin du v* siècle, au moment où l'em-
pire des Guptas s'effondre, ébranlé par la poussée victo-
rieuse des Huns Blancs.
Le Népal n'eut pas à subir le contre-coup de celte
crise ; Tempire des Guptas n'avait pas réussi à l'absorber
ni à l'entamer. Le panégyrique de Samudra Gupta classe
le Népal, avec son voisin ordinaire le Kâmarûpa, avec le
Samatata (Bouches-du-Gange) et les pays énigmatiques
de Davâka et de Karlrpura, dans le groupe des royau-
mes frontières {pratyantà) « qui payaient le tribut en
totalité, exécutaient les ordres et venaient se prosterner
devant le souverain pour satisfaire son autorité impé-
rieuse ». C'est un groupe à part, distinct des rois qui
furent « pris et relâchés », des rois qui furent « vigoureu-
sement exterminés », et des princes étrangers ou barbares
qui échangèrent des ambassades avec l'empereur Gupta.
Le rang attribué aux royaumes « frontières » dans la classi-
fication impériale marque un hen de vassalité très lâche,
une soumission amiable consentie sans résistance, qui
laisse l'autonomie intacte. Au temps des Grands iMogols,
les mômes conditions établirent des relations du même
genre entre le darbar népalais et la cour de Delhi. Le roi
(le Katmandou donnait tous les ans un éléphant comme
tribut h l'empereur; il lui offrait à l'occasion de menus
préH(»nls, allait même parfois jusqu'à lui rendre visite.
L'iMnpereur, en retour, autorisait la frappe d'une monnaie
d'iirf^enl népalaise; mais l'action du Mogol ne s'exerça jamais
Hur In torriloirodu Népal. Les Gourkhas, à leur tour, entre-
liunrHMit aujourd'hui avec l'empire de Chine des relations
aUdloguos ; leurs ambassades vont tous les cinq ans porter
If tribut (Ml Kilsdu Ciel; chaque nouveau souverain solli-
rlln n*Hpnctueusoment de son suzerain chinois une inves-
liliiK' ntHninalc; la Cour de Pékin expédie en retour de
HISTOIRE DU NÉPAL 115
politesse des brevets et des titres d'honneur; mais un fonc-
tionnaire chinois serait mal venu s'il prétendait s'immiscer
dans les affaires du pays. Les Licchavisne se comportèrent
pas autrement avec les Guptas: ils se prêtèrent à des
formantes vaines, mais ils ne cédèrent rien. 11 aurait
fallu d'autres circonstances pour introduire au Népal
l'ère des Guptas; l'adoption d'une ère étrangère exprime
pour l'Hindou la soumission définitive et la perte de la
liberté.
Au reste, le terme de a royaumes-frontières » {pratijanUi)
employé dans le panégyrique do Samudra Gupta est une
expression consacrée, qui définit avec précision des rap-
ports officiels. xM. Fleet a tort de dire que le mot peut
s'appliquer « soit aux rois à l'intérieur des frontières du
Népal, etc., c'est-à-dire aux rois de ces pays, qui sont voi-
sins; soit aux rois en dehors des frontières de ces pays; et
alors selon l'interprétation qu'on adopte, on décidera si
l'empire de Samudra Gupta comprenait ces pays, ou bien
s'il s'étendait jusque là et s'il les avait pour limites* ».
Déjà l'empereur Açoka emploie dans un de ses édits (Gir-
nar. II, 2) la même expression, et il en définit clairement
la valeur : il oppose au domaine impérial (vijitd) les pays
frontières {pracamta^=i pratyantà) parmi lesquels il cite les
Godas, les Pândyas et Antiochus, roi des Grecs, qui n'était
assurément pas le vassal d'Açoka; M. Senart observe
justement que la catégorie des pracamtas « représente les
peuples étrangers, complètement indépendants de Piya-
dasi » (II, 254). A l'époque classique, le dictionnaire
dVVmara (II, 1, 7) (i\\A\(\uQ^ pratyanta par Mleccha-deça
(( les pays barbares», en contraste avec ilSfarfAyarf^pac l'Em-
pire du Milieu »,rHindoustan. L'astronome Varâha-Mihira^
au Vi* siècle, énumère comme les populations pr«/ya/i/âfi
l. Gupta Inscrips.,p. 14, n. 1.
H 6 LE NÉPAL
(Brhat-Samhilâ, XVI, 38) les Pahlavas ou Sassanides, les
Çvela-Hûnas ou Huns Blancs, les Avagâna ou Afghans, le
Maru ou d('?serl, les Cînas ou Chinois ; dans deux autres
passages (V, 31; IX, 17) le coninienlateur glose pra-
tyantâh par gahvara'Vdsinah, les Troglodytes. Ainsi, au
point de vue brahmanique \es prait/anias sont les peuples
restés en dehors des frontières de la civilisation, comme
au point de vue politique les pralyantas sont situés en
dehors du domaine impérial, au delà des frontières. Le
Népal n'avait donc pas été absorbé dans l'empire de
Samudra Gupta; la chute des Guptas put le laisser indif-
férent.
Le successeur de Mîlnadeva n'est connu que de nom:
l'inscription de Pa(:upali l'appelle Mahideva: Kirkpatrick
le nomme Mahe Deo et lui donne un règne de 51 ans; les
autres Vamçâvalîs l'appellenl, par confusion, Mahàdeva au
lieu de Mahîdeva, et lui donnent un règne de 51 ans ou
de 36 ans. Les deux chitTres sont certainement erronés ;
Mânadeva régnait encore en 413, et Vasantasena règne
en 435. L'intervalle entre ces deux dates est de ii ans, le
règne de Mahîdeva n'a pu dépasser ce chiffre d'années, et
lui est probablement inférieur. Mahideva était le fils de
Mânadeva; il eut pour successeur son fils Vasantadeva ou
Vasantasena.
Ce prince au nom idyllique n'en sut pas moins imposer
le respect et la crainte. « Aimé du monde à l'égal du
printemps (vasania)^ il apaisa les discordes hostiles ; ses
vassaux domptés l'adoraient » {Inscr. de Jayadevaà Paçii-
patï). Les Vamçâvalîs, à l'exception de Kirkpatrick, pré-
tendent enregistrer la date de son avènement, mais elles
ne sont pas d'accord. Wright et Bhagvanlal indiquent
2 800 du Kali-Yuga; la Vamçâvali brahmanique 2 785. Les
deux chiffres sont également impossibles; ils placent
Vasantadeva en 301 ou en 316 avant l'ère chrétienne.
HISTOIRE DU NÉPAL 1 1 7
D'autre part, à calculer sur les données mêmes des
Vamçàvalîs, la durée assignée aux règnes intermédiaires
depuis Bhûmivarman, qui monta sur le trône en 1389 du
Kali-Yuga, ramène Tavènement de Vasanladeva en 2 883
(Bhagvanlal) ou en 2 830 (V.) du Kali-Yuga. L'indication
fournie par les Vamçàvalîs est donc indépendante de leur
teneur chronologique ; si elle n'exprime qu'une approxi-
mation, il est difficile de concevoir pourquoi Vasantadeva,
de préférence à tous les autres rois Licchavis, a obtenu le
privilège d'être pris pour repère. En fait, le sacre de
Vasantadeva ne saurait coïncider avec un changement de
siècle du Kali-Yuga; le xxxvn* siècle s'ouvre en 499 J.-C,
le xxviir, en 599, et le règne de Vasantadeva tombe au
cours de cette période. Une inscription do ce prince est
datée de samvat 435 qui répond, en ère Licchavi, h 546/7
de J.-C. Je serais tenté de croire que la prétendue date
en Kali-Yuga est la transposition fantaisiste d'une date
réelle. Vasantasena serait monté sur le trône en 428 sam-
•
vat, et les deux derniers chiffres isolés de la centaine
encombrante auraient été garnis de deux zéros : 4/28 ;
2 800.
Vasantadeva est Fauteur de hi première charte de dona-
tion qui ait été trouvée au Népal; les inscriptions anté-
rieures, gravées sous le règne de Mânadeva, sont les unes
des dédicaces, l'autre un panégyrique. Mais le premier
spécimen marque déjà les caractères définitifs du genre,
tels qu'ils se maintiennent ensuite h travers les siè-
cles. La charte est gravée sur une dalle de pierre
dressée avec soin, arrondie du haut, et décorée en guise
de vignettes de figures sacrées ou propices; ici, par exem-
ple, un disque (cakra) entre deux conques (çankhas). Le
texte s'ouvre par des formules de bénédiction ; puis le roi
décline ses titres et qualités, et s'adressant directement
aux intéressés, qu'il spécifie, il les salue poliment et leur
H 8 LE NÉPAL
communique sa volonté ; il stipule la nature, les condi-
tions, le bénéficiaire delà donation, invite ses successeurs
à la respecter, menace de peines sévères les contreve-
nants. A partir de Çivadeva II, les vers célèbres de Veda-
Vyàsa sur les donations sont régulièrement rappelés et
cités. La charte s'achève par la date et par la désignation
du fonctionnaire chargé d'en surveiller Texécution {dù-
taka). Ce formulaire est emprunté à la chancellerie de
rinde; il a été créé probablement parles scribes des der-
niers empereurs Guptas; les rois de Valabhî l'ont, eux
aussi, adopté et reproduit à de nombreux exemplaires
depuis le début du vf siècle jusqu'au cours du vni* siècle
de J.-C. Il apparaît pour la première fois, et déjà h peu
près complet, dans une charte du maharaja Pàrivràjaka
Ilastin, datée de Gupta 156 (= 473/6 J.-C), dans hî
Bundelkhand; on le retrouve ensuite dans une charte du
même prince datée de 163 (iupta {^=^ 482/3 J.-C). dans
la charte d'un |)rince voisin, le maharaja Jayauàtha
d'IJccakalpa, datée de 177 (iupta (496/7 J.-C.j, dans une
*harte du maharaja Laksmana de 138 Gupta (477/8 J.-C).
Mais tous ces documents, à la différence des chartes népa-
laises, sont gravés sur des plaques de cuivre. Cependant
le piher sans date, de Bihar, laisse entrevoir à travers ses
fragments sans suite les restes d'un édil de l'empereur
Skanda (jupla (entre 136 et 146 Gupta = 453-463 J.-C)
qui employait aussi le même formulaire'. La date de
Vasantadeva coirespoiul bien à la diffusion de ce type
(lipIomati(iue (|ui prend naissance vers le milieu du v* siè-
cle sur h' cours moyen du (iange.
L(» loi ne porl(* pas dans son inscription le nom de
I. V. pour les «'liarles de \'alablii iiioii mémoire sur les iJortiUlons
rrlif/iru.sf^s des rois de Valdhhi : pour les charles de liastin et Jayanà-
lliH le f'oriJHs Insrr. Ind.. vol. 111: |>onr la charle de l^aksmana, VEpi-
iirnphiti indir/t. M, :»6'i ; pour \v pilier dr lliliar, le CorptiSj \\\j n" l'I.
{
HISTOIRE DU .NEPAL
Vasantadeva que l'inscriptioD de Paçupati lui doiiue et que
les Vamçilvalis ont perpétué: il s'appelle Vasantasena. Il a
le liire de ùhatUirakn-makdrnja, qui semble être le titre
ofliciel des rois Licchavis ; Vasantadeva rapi)liqiie à son
120 LE NÉPAL
propre père, et Çivadeva I" le prend aussi dans ses
inscriptions. Le tilre emphatique de parama bhalidraka
mahârâjâdhirdja que portent les empereurs Guplas ne se
constate au Népal qu'à partir de Çivadeva 11. Vasantadeva
réside à Mânagrha, d'où sa charte est donnée. A l'en
croire, (( sa science, sa sagesse pratique, sa compassion,
sa générosité, son urbanité, sa piété, sa majesté ont fait
éclore la blancheur de sa gloire ». Tout le détail de la
donation est perdu. Le fonctionnaire chargé de l'exécu-
tion (diUaka) est Ravigupta, général en chef et grand
huissier, qui exerce ses fonctions à Brâhmun iMahîçîla.
Date : le premier jour du mois Açvayuja (ou Açvina),
quinzaine claire, sarnval 435.
Le même Ravigupta, titulaire des mêmes fonctions, est
délégué à l'exécution d'un autre édit que j'ai trouvé à
Kisipidi, près de Thankot, dans le voisinage immédiat de
Mâtà-tîrtha, vers l'Ouest de la vallée; cet édit est daté
de 449, 10'' jour de la quinzaine claire du premier mois
d'Asâdha. Le nom du roi a malheureusement disparu avec
tout le formulaire d'introduction; mais il s'agit sans aucun
doute de Vasantadeva ou de son successeur. Quel est le
successeur de Vasantadeva? Les Vamçàvalis l'appellent
IJdayadeva ; l'inscription de Paçupati nomme aussi à la
suite de Vasantadeva un roi Udayadeva, mais en les ratta-
chant l'un à l'autre par un lien énigmatique. En fait une
inscription à peu près illisible que j'ai trouvée à Kisipidi,
près de ledit de 449, et qui présente extérieurement des
caractères identiques, permet de déchiffier en partie à la
lin le nom du fonctionnaire délégué : c'est le yuvaràjoda...
La restitution qui s'offre d'elle-même est : yurarnjodai/a-
(levfi/j^ <( l'héritier présomptif Udayadeva ». (jiayadeva
aurait été probablement le fils dr \ asantadeva el son suc-
cesseur désigné. Mais le successeur désigné fut-il aussi le
sucress(Hir réel, l'héritier effectif du pouvoir? Le désaccord
HISTOIRE DU NÉPAL 121
des Iradilions, Tobscurilé voulue de l'inscription de Paçu-
pati décèlent une crise politique et dynastique. LVpigra-
phie donne des lueurs incertaines et fuyantes. Une inscrip-
tion de Kisipidi, datée du v*" siècle des Licchavis porte
clairement le nom du roi Ganadeva qui réside àMânagrha;
mais les dizaines elles unités de la date sont iudéchifirà-
bles. Je crois permis et presque légitime de reconnaître
dans ce roi Ganadeva, le roi Gunakâmadeva des Vamçà-
valîs, petit-fils dUdayadeva et arrière petit-fils de
Vasantadeva. La similitude des noms a pu porter les
chroniqueurs à une confusion facile ; Tobscur Ganadeva
rappelait de trop près un nom glorieux pour défendre son
humble souvenir contre des syllabes familières qu'il avait
le tort d'évoquer. [1 faut observer au surplus que les noms
ou les surnoms formés avec le mot kdma n'apparaissent
que chez les Tliàkuris au viif siècle; Ganadeva, au con-
traire, entre régulièrement dans la série des Licchavis où
tant de noms sont seulement des épitlièles de Çiva. Gana-
deva est le dieu des Ganas, serviteurs de Çiva; il peut,
comme Ganapati, par exemple, s'appliquer, soit à Çiva
lui-même, soit à Ganeça, fils de Çiva et piince des Ganas.
Le délégué de Ganadeva est Prasàdagupta. Entre L daya-
deva et Ganadeva (= Gunakâmadeva) les Vamçàvalîs
placent Mànadeva IL u Sous ce règne le Népal souffrit
pendant trois ans d'une sécheresse eflroyable ; Màna-
deva II la fit cesser en offrant à Pacupati toutes ses riches-
ses ». La Vamçàvalî de Kirkpalrick seule enregistre cette
tradition. Après Ganadeva (Gunakâmadeva) les Vamçà-
valîs sont d'accord pour placer successivement Çivadeva,
Narendradeva et Bhîmadeva, à qui elles accordent un total
de 91 ans (K.) ou 1 29 ans (B. V.) de règne. A partir de ce
point, elles se séparent profondément. Avant de discuter
leur témoignage, il me semble utile de présenter dans des
colonnes parallèles un tableau de leurs divergences.
122 LE NÉPAL
|28. Bhimadevavarman
Rhem Deo Burmah.)
W. V. R. K.
29. Visnudevavarman 47 ans. Pendant le règne de 28, les
Ahirs, qui étaient originel-
30. Viçvadevavarman 51 ans (W. B.). lement les souverains du
Viçva gupta deva — V. Népal, recouvrèrent leur
Le 30 marie sa fille à Amçuvarman, domaine :
fondateur de la dynastie Thàkuri. ^ . »,
Dynastie Ahlr ou Abhira
restaurée.
29. Bishen Gupt 74 ans.
(Visnu Gupta)
30. Kishnoo Gupt 61 ans.
(Kisnu Gupta)
31. Bhoomy Gupt 40 ans.
(Bhûmi Gupta)
Seo deo Burmah (Çivadeva-
varman) de la postérité de
Nevesit(Nimisa), expulse
les Guptees (Guptas) et
soumet à nouveau le Né-
pal.
Restauration des Sùrva-
varpçis.
32. Seo deo Burmah 41 ans.
(Ci vade vavarman)
Il est suivi par Tnghoo
Burmah 42 ans.
(Âipçuvarman)
L'inscription de Paçupafi n'est plus ici d'aucun secours
positif. Après Vasanladeva elle saule par rinterniédiaire
d'Udayadeva jusqu'à Narendradeva, père du roi Çivadeva
qui règne un siècle après Aniçuvarrnan, et grand-père du
roi Jayadeva, auteur de cette inscription, datée de 153, un
siècle et demi après Amçuvarman. La partie du vers qui
énon<;ait la filiation de Narendradeva s'ouvre par une
expression obscure et se continue par une lacune. Le seul
HISTOIRE DU NÉPAL 123
fait certain, c'est que de Vasautadeva à .Narendradeva, le
pouvoir s'est transmis en ligne brisée, et que la dynastie
légitime a subi une éclipse pendant un intervalle qui n'est
pas précisé. Les mots asyàntare qui servent à relier
Narendradeva à Vasantadeva trahissent par leur embarras
la gêne du panégyriste officiel, on peut essayer de les
interpréter par : asya (vamçasyaj antare « dans un intervalle
de cette race », ou « dans une lacune de celte race », ou
même « dans une autre [branche] de cette race », et
autrement encore, car chacun de ces deux mots est suscep-
tible de traductions infiniment variées. L'avènement
d'Amçuvarman, fondateur de la dynastie Thàkuri, est un
fait authentique et incontestable; mais la chute des
Licchavis paraît être le résultat d'une crise qui s'est com-
pliquée d'autres accidents: la Vamçàvalî de Kirkpatrick,
qui donne Amçuvarman pour le successeur direct et
légitime de Çivadeva, garde le souvenir d'une conquête
Abhîra sous le règne de Bhimadevavarman ; la dynastie
pastorale qui passait |)our une des plus anciennes dynas-
ties du royaume aurait tenté une restauration; trois souve-
rains Abhîras auraient exercé le pouvoir pendant 175 ans;
mais le prédécesseur d' Amçuvarman, Çivadeva, ramène
la dynastie solaire sur le trône.
C'estdéjà sur un prince du même nom (26) Çivadeva, que
je me suis séparé des listes dynastiques, aussitôt après le
règne d'un Gunakàma deva (25). Ce premier Çivadeva est,
dans trois des Vamçàvalis (W. V. B.), un personnage
considérable, héros de nombreuses légendes et consacré
par une multitude d'œuvres pies. Ses successeurs, Naren-
dradeva (27), Bhimadeva (28), Visnudeva (29), ne sont
connus que de nom; Viçva Gupta deva ou Viçvadeva (30),
qui les suit, est associé comme Çivadeva à des souvenirs
religieux. Le Çivadeva des inscriptions, le prédécesseui*
authentique d'Ainruvarman, est l'auteur de donations et de
124 LE NÉPAL
fondations nombreuses ; aucun roi n'est représenté dans
Tépigraphie népalaise par un plus grand nombre de docu-
ments. Peut-être les deux Çivadeva de la liste de Kirkpa-
trick (26 et 32), le Çivadeva (26) et le Viçvadeva (30) des
autres Vamçàvalîs doivent-ils se réduire h un seul person-
nage, identique au Çivadeva des inscriptions. Narendra-
deva et Bhîmadeva joueraient alors les Louis XVII et les
Napoléon II, ils seraient les intermédiaires nécessaires
pour garantir la transmission légitime du pouvoir au
travers des révolutions et des crises dynastiques, depuis
les prédécesseurs Licchavis dWmçuvarman jusqu'aux suc-
cesseurs officiels de ce prince.
Avec Çivadeva, la dynastie se déplace ; elle abandonne
son ancienne résidence de Bàneçvara où elle s'était main-
tenue depuis Tavènement de son fondateur Bhûmivarman,
et elle se transporte à Deva-Pattana (Deo Patan) la ville
conligu^î au temple de Paçupati, fondée au temps d'Açoka,
embellie et enrichie par Bhàskaravarman, successeur de
l'antique Paçupreksa deva. Çivadeva y élève un palais de
neuf étages; il y fonde une porte, deux puits, trois fon-
taines, quatre images de Nrtya NAtha, cinq plates-formes a
danser, six quartiers {tolas)^ sept I<;varîs, huit Agamas,
neuf Ganeças; puis, en raison de la forme arrondie de la
ville, il lui donne le nom de Gola a la boule ». Il fonde
aussi Nava-tola, y établit quatre Ganeças, quatre Bhairavas,
quatre Nrtya-Nàthas, quatre Mahàdevas, quatre Kumârîs,
quatre Buddhas, quatre Khambas, quatre Gaganacâris, et
quatre carrefours avec des images de Bhùtas. U est aussi
le fondateur de Mahànagara, et d'autres localités encore.
La religion surtout l'intéresse, il institue et réglemente
sans se lasser. Il installe aux côtés de Paçupati Nrtya
Nàtha du mont Çatarudra et Kàmeçvara Bhîmasena ; il
érige un Vacana Vinâyaka. Il reconnaît Vatsalâ Devî pour
la divinité principale du Népal, lui accorde un sacrifice
\
HISTOIRE DU NÉPAL 125
humain par an, crée une procession de char en son hon-
neur. 11 restaure le culte de Bhuvaneçvarî, de Jayavâgîç-
varî, de Râjeçvarî, etc. Il décide que la Vajrayoginî (de
Sanku) sera repeinte tous les douze ans seulement. Doci-
lement attaché à un yogi qu'il tient pour une incarna-
tion de Firascible IJurvâsas, et qu'il adopte pour guru, il
abdique, laisse le trône h son frère Narendradeva, et va
vivre en humble disciple auprès du yogi. Le yogi mort, il
s'altache à un bhiksu qu'il prend pourguru, entre dans les
ordres bouddhiques, construit un couvout où il se retire;
mais au bout de quatre jours de vie monastique, il recon-
naît qu'il s'est mépris sur sa vocation, demande à rentrer
danslcmonde, quitte la robe jaune du bhiksu, reçoit le sacre-
ment d'âcàrya, et construit dans le voisinage du premier
couvent un autre couvent où il va vivre en famille: c'est le
couvent aujourd'hui connu sous le nom d'Onkulî Bihîlr, h
Patan. Un jour, tandis qu'il se livre àla méditation, son crâne
éclate, et tandis que ITime s'en échappe, il en jaillit une
pierrerie mystérieuse, énigmatique de forme et de taille.
Punyadeva, un fils né de Çivadeva quand il était déjà
devenu vajràcârya, accomplit les rites funéraires, et
Narendradeva continue h occuper le trône, qu'il lègue h
son fils, Bhimadeva. Visnudeva règne ensuite, puis Viçva-
deva ou Viçva Gupta (leva. Ce roi veut supprimer le
sacrifice humain qu'on offrait h Vatsala, mais une mani-
festation divine le détourne de son intention. Il fait exécu-
ter une grande image de Visnu, en pierre, sur le côté
Nord de la Bagmali et de la Bitsnumati (c'est le Visnu-
nathà, fondé d'après Kirkpatrick par Visnu Gupta l'Abhîra);
il élève aussi, pour gagner la faveur de Jayavàgîçvarî, une
image des Navadurgâs et des Kumârîs. N'ayant point de
fils, il donne sa fille en mariage h un Vaiçya Thâkuri de
caste pure, nommé Amçuvarman, qui hérite du trône.
Mais, avant qu'Amçuvarman recueille le pouvoir, Vikra-
126 LE NÉPAL
rnâditya d'Ujjayinî arrive au iNépal pour imposer h ce
royaume l'ère qu'il vient de fonder, grâce à des richesses
fabuleuses qui lui ont permis de solder partout toutes les
dettes ; c'est h ce prix qu'un monarque peut et doit fonder
une ère. Il institue de plus au village de Harasiddhi une
représentation dramatique, qui se répète depuis à des
périodes fixes; puis il reprend la route de l'FIindoustan, et
laisse Amçuvarman régner enfin sur le pays.
Trois inscriptions portent expressément le nom du roi
Çivadeva comme leur auteur: l'une trouvée parBhagvanlal
àBudha Nilkanth (Jalaçayana). est sans date ; une autre,
découverte par iM. Bendall h Bhatgaon, au Golmadhi-tol, est
datée de 51 6 ou 51 8 (etnon316ou 318); la dernière, que j'ai
trouvée moi-même à Bhatgaon, au Tulacchi-tol, ne laisse
lire clairement de sa date que le chiffre des centaines 5,
suivi probablement du signe de la première dizaine. La
première, l'inscription de Budha Nilkanth, est tronquée;
il n'en subsiste que le formulaire d'introduction, mais ce
fragment suffit pour constater l'identité du protocole dans
nos trois textes. Çivadeva réside au palais de Mânagrha,
il n'a pas changé de a darbar », quoi que disent les
Vamçâvalîs ; il est « la bannière de la race des Licchavis »,
le successeur régulier de son père {bappa-pâdânudhyâta)
qui continue à le suivre de sa pensée. Comme ses ancêtres
Licchavis, comme Vasantadeva ou Ganadeva, il se con-
tente du titre de hkattâraka-maharâja , qui paraît bien
modeste en comparaison des titres royaux usités au
vu*" siècle, mais que la tradition consacrait comme
l'expression de l'antiquité de la dynastie. L'inscription de
Budha Nilkanth déclare que Çivadeva est a instruit, poli-
tique, bien élevé, héroïque, constant, et que c'est là
seulement le commencement de ses mérites où rien ne
manque ». Les deux chartes de Bhatgaon renoncent même
à cel essai d'énumération. « Innombrable, l'ensemble de
HISTOIRE DU NÉPAL 127
ses vertus développe sa gloire. » L'une et l'autre formule
attestent la persistance des usages de chancellerie ; elles
reprennent chacune à part les éléments de la formule
employée un siècle plus tôt par Vasantadeva : « Instruit,
politique, compatissant, libéral, courtois, pieux, majes-
tueux, il épanouissait la blancheur de sa gloire ». Après
ce préambule, le roi s'adresse aux intéressés directement :
il les informe de sa santé, leur souhaite le bonjour et leur
communique sa décision ; mais il prend soin chaque fois d'en
reporter rinitiative, et par suite le mérite h son conseiller
le (( grand marquis » (mahâ-sd mania) Amçuvarman ; par un
renversement inattendu de situations, le vassal est plus
pompeusement loué que le souverain : « Le grand marquis
Amçuvarman a une renommée illustre, immaculée, éten-
due ; sa vaillance active a réduit au calme la puissance
d'innombrables adversaires » (Bhatgaon); ou encore « la
multitude des larges batailles qu'il a gagnées vaut à son
héroïsme un lustre qui abat la puissance de tous ses adver-
saires ; la peine qu'il prend à bien veiller sur le peuple
lui a mérité une gloire splendide qui remplit le disque de
la terre » (Budha Nilkanlh). Sur sa requête {vi/'ndpiiena),
le roi, par considération pour lui et par miséricorde pour
les intéressés, confère des privilèges en quelque sorte
classiques : les officiers de la couronne ne sont autorisés
à pénétrer sur le territoire énoncé que pour percevoir
les trois contributions ; il leur est interdit d'y pénétrer,
soit pour remettre des notes écrites (citations à compa-
raître, avis de paiement?), soit à l'occasion des cinq fautes
réservées d'ordinaire à la juridiction royale. Les localités
favorisées portent des noms nettement barbares, autre-
ment dit névars : Khrpun (Bhatgaon), Màkhostam-Salsara
{^ib,, Golmadhi-lol). Le même délégué (dûta/ca) est chargé
de veiller à l'exécution des deux chartes de Bhatgaon ;
c'est Bhogavarma-liomin.
128 LE NÉPAL
Deux autres inscriptions, très mutilées, doivent aussi
être rapportées h Çivadeva en raison de leur date, de leur
écriture et de leur formulaire; elles se trouvent dans deux
localités voisines, à Dharampur et à Thoka, au Nord de
Katmandou et au Sud-Ouest de Budha Nilkanth. La stèle de
Dharampur est datée de 520; la fin seule en est déchif-
frable ; elle énonçait un double privilège concédé par le
roi ; mais le détail manque ; les fragments mentionnent un
Malla-kara qui reparaît dans une inscription de Jisnu
Gupta, et indiquent Temploi du pana de cuivre comme
unité monétaire. La stèle de Thoka est datée de 519; c'est
une charte de donation, qui fixe avec la minutie ordinaire
les tenants et aboutissants du terrain donné. Le dùtaka
de Dharampur est Bhogavarma-(iomin ; celui de Thoka,
Vârtta-Bhogacandra.
Ainsi, trois fois sur quatre, c'est le même personnage,
Bhogavarma-Gomin qui est délégué comme le repré-
sentant du pouvoir royal. 1/ autre délégué, Bhogacandra,
porte un nom fort voisin du premier, également formé du
mot bhoça en combinaison. Or, les noms de ce type sont
loin d'être ordinaires : le Corpus n'en cite pas, pour la
période des Guptas, d'exemple en dehors du Népal ; les
Listes de M. Kielhorn qui couvrent presque toute l'his-
toire du moyen âge et des temps modernes dans l'Inde,
n'y ajoutent qu'un seul exemple, Bhogabhata. Mais au
Népal, outre Bhogavarman et Bhogacandra, les dûtakas du
roi Çivadeva, les inscriptions mentionnent Bhogadevî,
sœur de cet Amçuvarman qui fut le conseiller de Çivadeva
avant d'usurper son trône; Bhogadevî a un fils, neveu
d'Amçuvarman, et qui se nomme Bhogavarman. Un siècle
après Ainçuvarman, un nouveau Çivadeva, roi du Népal,
épouse une princesse née dans la race des Maukharis,
dans la famille des Varmans, fille d'un Bhogavarman qui
avait épousé la fille d'un roi puissant, Àdilyasena de
ttlStOIRK t)U NÉPAL 129
Magadha. La race des Maukharis valait pour Tanciennelé
les Licchavis, et les surpassait en pureté ; au vu* siècle, un
contemporain d'Amçuvarman, Hàna, dans son histoire
romanesque de l'empereur Ilarsa, n'hésitait pas à déclarer
que (( pareille à l'empreinte du pied de Maheçvara, la race
des Maukharis est au sommet des supports de la terre
[rois ou montagnes] et que le monde entier Tadore reli-
gieusement*. » La sœur même de l'empereur Ilarsa,
Ràjyaçrî, avait épousé un prince Maukhari, tirahavarman.
Les noms de Bhogavanna((fOmin), Bhogacandra, Bhoga-
devî, rapprochés du nom de Bliogavarman le Maukhari,
semblent dénoter l'origine Maukhari de ces trois person-
nages. Si un Maukhari authentique consentait à donner sa
fille en mariage à un descendant d'Ainçuvarman (Çiva-
deva), un Licchavi du Népal devait, h plus forte raison,
accepter volontiers pour gendre Ami^uvarman lui-même.
En fait d'alliances, les IJcchavis de la montagne ne pou-
vaient pas être plus exigeants que les Maukharis de THin-
doustan.
Bhogavarman, dùtaka de la charte du Golmadhi-tol, est
sans aucun doute identique au neveu d'Amcjuvarman, qui
porte le même nom. La charte, datée de sainvat 518, n'est
antérieure que de cinq ans h la charte d'Ainçuvarman
(sainvat 39), où Bhogadevî, sœur irAnK^uvarman, est
désignée comme la mère (jui a enfanté « le noble (rri)
Bhogavarman »; celte désignation semble indiquer que
Bhogavarman occupait une hautes situation. Bhogavarma-
Gomin est certainement le même personnage que Bhoga-
varman. froinin, en elfet, n'est qu'un titre accolé au nom.
Les lexiques ne permettent pas d'en définir exactement la
valeur, mais ils sont du moins en accord avec les autres
documents pour lui donner une signification spécialement
1. Harsa-carita, éd. Bombay, p. 156.
II. - y
130 LE NÉPAL
bouddhique. Le Gomin est un updmkay un fidèle laïque qui
fait vœu d'observer les cinq abstentions essentielles et de
venir en aide aux religieux*. Mais tous les upâsakas ne
sont pas des Gomins. Le plus illustre des Goniins, Candra-
Gomin, poète, grammairien et théologien, s'appelait sim-
plement Candra, et le système grammatical dont il est le
créateur est resté connu sous le nom de grammaire de
Candra, Cdndra vyàkarana ; il était primitivement upâsaka;
mais il devint upâsaka-gomin sur l'indication expresse
d'Avalokiteçvara, quand la déesse Tara l'eut transporté
par miracle dans une île de l'Océan, déserte encore, mais
qui se peupla bientôt, grâce à lui. « Dès lors, Candra
reçut le nom de Candra Gomin '. » L'historien tibétain du
bouddhisme indien nomme encore : V Kamala Gomin, un
autre dévot d'Avalokiteçvara, qui était connaisseur du
Tripitaka, upusaka, serviteur des religieux qui vivaient
dans la contemplation du Mahàyâna^ Ce Kamala Gomin
était contemporain de Dharmakîrti qui vivait au temps du
roi Srong-btsan sgam-po, le gendre même d'Amçuvarman.
2° Mudgara (le nom est douteux) Gomin, auteur d'un
hymne célèbre, mais connu surtout pour avoir agrandi le
monastère de Nùlanda; c'était un brahmane d'origine,
mais qui observait « les vœux de bhadanta d'un upàsaka* ».
3" Kumârananda, un upàsaka-gomin des pays du Sud qui
instruisit 5 000 upâsakas et leur fit comprendre la Prajnâ-
pâramilâ, tandis qu'un autre upâsaka, Matikumâra,
(îugagé dans la vie domestique, popularisait le Dhyâna du
iVfahâyâna". La littérature singhalaise compte parmi ses
illustrations un Gomin, Gurulu Gomi, auteur de l'Amavâ-
V
1. V. iiioM nrliclc: La clair dv Candragomiiiy dans le Bull. Ec. fr.
li.rlr, (h'., lyoa, s|M'M'ialtMiu'nt p. 15 sq.
2. TAiunAtiu, |). 151.
;r ih.. I». vrA.
u Ih , (», 'im Mi(.
HISTOIRE DU NÉPAL 131
tura et du Dharmapradîpikàva, que la tradition place sous
le règne d'Aggabodhi I", à la fin du vi^ siècle (564-598)*.
D'Indra Gomin, le grammairien, il n'a survécu que le nom
seuP. Les Tibétains traduisent régulièrement Gomin par
htsun-pa qui signifie respectable, noble, vénérable, fidèle
à Tobservance des devoirs religieux. La Mahâvyutpalti,
qui cite le nom de Candra Gomin dans les cinq langues
canoniques (§ 177) fonde toutes ses traductions sur
rinterprétation tibétaine, par exemple en chinois, miao-
y ne a parfaite lune ». Cette interprétation se base sur le
témoignage de Gandragomin lui-même, qui dans sa gram-
maire (IV, 2, 144) explique gomin par ptijya «hono-
rable ».
Le vàrtta Bhogacandra, l'autre délégué de Çivadeva,
porte le litre de vdrita ; le terme vàrtta est un dérivé régulier
du mot vvtti^ subsistance. Le mrtta correspondrait exac-
tement, pour la forme comme pour la valeur réelle, aux
Vrttiyas du Népal moderne; les Vrlliyas sont les vassaux
qui ont reçu en donation perpétuelle un fief libre de char-
ges, mais sans aucun droit de juridiction \
LES ROIS Dli NIÎPAL DEPUIS AMCUVAUMAN JliSÛl] AUX MALLAS*
|l)ynasli(iThàkuri. \V. V. n.|
1. ( Aip(;uvarman 68 ans. B. V. (W.).
f Unghoo Bunnah V2 ans. K.
2. i Krtavannaii 87 ans. B. V. (NV.).
\ Kirtoo Bunnah 18 ans. K.
3. \ Bhhnàrjuna 93 ans. B. V. (\V.).
( Rheem Arjoon Doo 39 ans. K.
t. Geiger, Lucratif r und Sprache drr Sinf/halcsm, p. ^.
'1. KiELiioKN. Ind. Aniiq., \V, 181.
3. Hamilton, p. 107.
• W. Vani(:àvali honddhicjno <le Wriglil. — I». Vamràvalî de* Bliag-
vanlal. — V. Vaniràvall brahinaniciuo (mon nianuscril). — K. Kirkpa-
trick. — Bd. Vann.àvalls do Bendall (Jovrn. Ak. Soc. Beng., 1903).
132
LE NÉPAL
4. C Nanda de va
5.
6.
7.
[6]
8.
»
Nund Deo
Vira de va
Candraketu de va
Narendra deva
»
Nurrender Deo
Vara deva
Vala deva
Bul Deo
Çafikara deva
Sunker Deo
Vardhamâna deva
Bali deva
»
Sree Bull Deo
Jaya deva
Jye Deo
13.
[15]
( Bdlàrjuna deva
/ Ballunjoon Deo
25 ans. B.
95 ans. V. (W.).
13 ans. K.
95ans.B.V.(W.). [5] Seo Deo 16 ans. K.
B. W.
98 ans. V.
7 ans. W. B.
37 ans. K.
8 ans. W. B.
23 ans. V.
17 ans. K.
12ans. B.V.W.
12 ans. K.
13 ans. B.V.W. [9)Bhem ArjoonDeo(the2J)l6an8.K.
13 ans. W. B.
12 ans. V.
16 ans. K.
15 ans.W.B.V.
19 ans. K.
fl2] Condur Deo 27 ans. K.
[13J Jye Deo(the 2*») 42 ans 7 m. K.
[14] Bul Deo(the 3^) Il ans. K.
17 ans. B. W. V.
36 ans 7 ni. K.
Jaya deva 10 ans. Bd. {
14. [ Vikrama deva
»
19| ( Bickrum Deo
15. / Gunakânia deva
\
))
21 1
Gunadeva
Goonakam Deo
12 ans. B. W. V.
8 ans 9 m. Bd.
1 an. K.
51 ans. W. B.
65 ans 5 ni. Bd.
51 ans. V.
85 ans 6 m. K.
[16] ( Ragheeb Deo 63 ans. K.
\ Râghava deva 46 ans 3 m. Bd.
[17] Seeker Deo 88 ans 6 m. K.
[18] Soho Deo 33 ans 9 m. K.
[20] ^ Nurrender Deo 1 an 6 m. K.
( Narendra deva 1 an 6 m. Bd.
16.
|24)
17.
( Bhojadeva
\ BImj Deo Budro
Laksinikdnia deva
»
8 ans.W.B.V.
9 ans 7 m. K.
22 ans. W. B. V
21 ans. Bd.
[22] ( Oodoy Deo
\ Udaya deva
[23] Nurbhoy Deo
6 ans. K
5 ans 5 m. Bd.
7 ans. K.
|25J ( LetchmiCamdeoDutl21 ans. K.
HISTOIRE DU NÉPAL 133
18. ( Jayakâma deva 20 ans. \Y. B. V.
[26] I Jye Deb 20 ans. K.'
Vijaya 31 ans. Bd.
[Thàkurisde Nayakot. \V. B. V.]
1. C Bhâskara deva W. B. V. 13 ans. V. 3 ans. Bd.
1 Bhaskur Deo K.
|2] Oodoy Deo 7 ans 1 mois. K.
2. ; Bala deva W. B. V. 12 ans. V. Bd.
[3J j Bul Deo K. 12 ans. V. Bd.
3. } Padina deva W. B. V. 11 ans. V.
< Puddiem Deo K. 6 ans.
[4] ( PradyumnakàmadevaBd. ?
4. I Nâgàrjuna deva W. B. V. 3 ans. V. 2 ans. Bd.
[5J ( Naug Arjoon. K, 3 ans.
6. ( Çankara deva W. B. V. 11 ans. V. 15 ans. Bd.
[6] ( Sunker Deo K. 17 ans.
[Thàkurisde Patan, de la famille d'Aipc-uvarman. W. B. V.]
6. [ Vàma deva W. B. V. 3 ans. V. Bd.
l Bam Deo K. 3 ans.
7. l Harsa deva W. B. V. 15 ans. V. Ti ans. Bd
( Sree Hurkh Deo K. 16 ans.
8. C Sadâ Çiva deva W. B. V. 21 ans. V.
< Seo Deo K. 27 ans 7 mois.
( Çiva deva Bd. 27 ans 5 mois.
[9] ( Indro deo K. 12 ans.
f Indra deva Bd. 12 ans.
9. j Màna deva W. B. V. Bd. 10 ans. i ans 7 mois. Bd.
[10] ( Maun Deo K. i ans 7 mois.
10. [ NarasimhadevaW. B. V. 22 ans.
[11] I Nurrender Deo K. 6 ans 4 mois.
11. Nanda deva W. B. V. 21 ans.
f Ananda deva Bd. 20 ans.
12. J Rudra deva W. B. V. Bd. 19 ans. B. V. 7 ans. W. 8 ans 1 mois. Bd.
/ Rudro Deo K. 80 ans.
13. C Mitra deva W. B. V. 21 ans.
Amrta deva Bd. 3 ans 11 mois.
Omret Deo K. 3 ans 11 mois.
(Rudra deva.)
[14] \ Someçvara deva Bd. 4 ans 3 mois.
/ Soomeesur Deo K. 6 ans 3 mois.
134 LE NÉPAL
[15] Gunakâma deva Bd. 3 ans.
(Laksmîkàma deva)
[16] ( Vijaya kâma deva Bd. 17 ans.
} Buz Caum Dec ?
Le successeur de Çivadeva, Am(^*uvarman, est parmi les
rois anciens du Népal l'enfant gâté de la fortune. Il est
monté sur le trône sans y êlre appelé par la naissance ; il a
fondé une dynastie, il a introduit une ère nouvelle; les
Chinois ont enregistré son nom, les Tibétains Tout associé
à leurs légendes. Au témoignage des Vamçâvalîs (sauf
Kirkpatrick), Amguvarman était le gendre de son prédé-
cesseur; il quitta le palais de Deo Patan que Çivadeva le
Licchavi avait élevé, et transporta sa résidence à Madhja-
lakhu, un peu plus au Sud; il y éleva un grand « darbar »
avec des cours {cai(ka) ravissantes ; il y fit aussi construire
des maisons pour ses ministres et ses fonctionnaires. Il
était vigoureux, actif, redouté, infatigable à la poursuite
des fins humaines*. Il s'en fut à Prayâga-tirtha, et décida
le Bhairava local, Prayàga-Bhairava, à le suivre et à de-
meurer auprès de son palais ; en récompense il lui attribua
une offrande de viande par an. Les dieux, qui jusqu'alors
se montraient aux yeux des mortels, cessèrent après son
règne de se manifester sous leur forme réelle. Les Vamçâ-
valîs de Wright et de Bhagvanlal placent son avènement
en Tan 3 000 du Kaliyuga (101 av. J.-C).
L'épigraphie nous permet de suivre la carrière d'Amçu-
varman. Il paraît d'abord dansles inscriptions de Çivadeva,
en 518, 519, et 520 S., comme. « le grand marquis » con-
seiller privilégié et dispensateur unique des faveurs royales ;
le panégyrique des mâles vertus du ministre, savamment
greffé sur l'éloge officiel du roi, y prend un air de menace.
1. Le texte parbatiya de la Vamràvali de Bhagvanlal, lel qu'il est cité
dans son article (p. 'l'i, n. 35) est exactement identique au texte de ma
Vaniçàvatl brahmanique (V.) sur Ani<;uvannan.
HISTOIRE DU NÉPAL 135
Sous le maire du palais, Tusurpateur perce déjà: Amçu-
varman a vaincu d'innombrables ennemis: il est le héros;
il B,\e pratâpa^ ce rayonnement éblouissant de majesté qui
est la marque de la personne royale. Avec les inscriptions
de Harigaon, la révolution est accomplie. Çivadeva a dis-
paru; Amçuvarman seul occupe la scène. Il a déserté,
comme l'indiquent exactement les Vamçàvalis, le vieux
palais de Mânagrha consacré par le souvenir des Licchavis ;
il s'est établi àKailâsa-kûta, le Madhya-lakhu des chroni-
queurs, et c'est là qu'il organise sa cour. Cependant il n'a pas
pris encore le titre royal; il continue à se désigner comme
le grand marquis ; c'est seulement en Tan 39 qu'il laisse
tomber ce tilre, mais sans oser s'en attribuer un autre; il
est simplement Çry-Amçuvarman, avec la plus banale des
appellations honorifiques (çrî). H reçoit pour la première
fois, dans les documents qui nous sont connus, le titre
majestueux de mahdrâjddhiraja dans une inscription du
roi Jisnugupta datée de l'an 48. La gêne d'une position mal
définie se trahit encore à d'autres délails de protocole.
Çivadeva, comme ses prédécesseurs, déclarait au début de
ses inscriptions que « son père adoré le suivait de sa pen-
sée » et affirmait par cette formule ses droits de naissance
sur le trône qu'il occupait. Amçuvarman n'ose pas tout
d'abord employer cette formule, quand le souvenir du
coup d'état est encore trop proche, mais il l'adapte par une
légère modification. Il substitue au père dont il ne peut se
réclamer un personnage plus considérable et dont l'auto-
rité suffit à couvrir tout : a le saint Paçupati, le souverain »,
c'est ce dieu qui veille sur Amçuvarman. Le père n'inter-
vient qu'au second plan, dans l'expression: bappa-pâda-
parigrhita » remarquable par la précision de la nuance.
Le verbe pari-grah^ tiré de la racine grah a prendre » s'appli-
que à l'introduction solennelle et légale d'une personne
étrangère dans la famille, dans la maison, etc.. Si Amçu-
136 LE NÉPAL
varmana, comme Tindiquenl les Vamçâvalîs, épousé la fille
de Çivadeva qui n'avait point de fils, il est entré par une
sorte d'adoption en qualité de beau-fils dans la famille
royale. Tandis que la femme suit d'ordinaire le mari, ici
le mari a suivi la femme pour s'élever au trône. Au
reste Amcuvarman se débarrasse bien vite de cette formule
compromettante ; à partir de l'an 32 peut-être, de lan 34
certainement, il n'emploie plus que le libellé banal, repro-
duit fidèlement dans la suite par tous ses successeurs:
bhagavat' Pampa ti-bhaUdraka-pâdd)i ugrhita happa-pndnn ml-
dhyâta. a Le saint Paçupati le favorise; son père adoré le
suit de sa pensée. » Un exercice assez long du pouvoir a,
dès l'an 34, transformé l'occupation en possession légi-
time.
Le panégyrique d'Amçuvarman subit à travers ses inscrip-
tions des oscillations du même genre. Maire du palais, il
étale pompeusement ses louanges en concurrence avec le
roi, et il exalte par l'office des scribes ses vertus militaires
et ses victoires éclatantes; maître du pouvoir il change de
ton et proclame que le nouveau régime, c'est la paix:
« Son activité ne se plaît qu'au bien d'autrui ». Passé l'an
30, l'éloge disparaît du protocole ; mais, encore en l'an 32,
dans un vers postiche attaché en queue h l'inscription,
Amçuvarman proteste à nouveau de ses préoccupations
sociales: « Mon cœur purifié n'a d'autre ambition que le
bien du peuple... Comment mon peuple pourrait-il être heu-
reux? me dis-je... » L'éloge ne reparaît plus à sa place pro-
pre qu'en 39 ; mais le personnage a une fois encore changé
de peau. Ami'uvarman se présente à la postérité comme
un érudit et comme un philosophe: « Il a passé ses jours
et ses nuits sur un grand nombre de traités techniques
(cf/stras), il a réfléchi sur leur sens, et il a ruiné les doc-
trines d'erreur. » L'éloge, pour inattendu qu'il est, semble
mérité cependant. Miouen-tsang, qui passa près du Népal
HISTOIRE DU NÉPAL 137
au temps d'Amçuvarman, avait entendu vanter ce prince
(( qui se distinguait par la solidité de son savoir et la saga-
cité de son esprit. Il avait composé lui-même un Traité sur
la connaissance des sons {Çabdavidyâçâstrd)\ il estimait
la science et respectait la vertu. Sa réputation s'était ré-
pandue en tous lieux* ». Les pandits de Bhatgaon, au
temps de Kirkpatrick, conservaient encore une tradition qui
(( datait Tinlroduclion de la première grammaire sanscrite
au Népal du temps iïJJnghoo Biirmah\\m(y\x\diVmmi) delà
postérité de Piissoopûsk Deo ))^ Les recherches que j'ai
poursuivies pour retrouver la Grammaire d'Amçuvarman
sont restées jusqu'ici sans résultat; la tradition même
consignée en 1793 par Kirkpatrick semble entièrement
tombée dans l'oubli. Les inscriptions d'Amçuvarman sem-
blent porter la trace manifeste des préoccupations gramma-
ticales du roi. Avant Amçuvarman, les Licchavis ont pour
pratique constante de redoubler la consonne qui suit
immédiatement la lettre ;• soit à l'intérieur du même
mot, soit à la rencontre de deux mots. Pânini (VIII, 4,
46) enseigne que cette pratique est facultative; elle est
cependant suivie le plus souvent dans les textes épigraphi-
ques. Amçuvarman, au contraire, s'abstient constamment
dans ce cas de redoubler la consonne en combinaison. Le
changement apparaît dans son nom même. Çivadeva le
Licchavi écrit Amcuvarmman avec une m redoublée : Amcu-
• 0
1. Mémoires^ I, 408. — La niontiori du Çahda-vidyâ-sûtra d'Amçu-
varman dans Vie et Voi/ages de Hioucn-Thsang, p. 50, est une addi-
tion purement arbitraire de St. Julien; le texte désigne simplement
le Çabda-vidyà ràslra en général, çàstra et non pas : sûtray qui est une
faute d'inadvertance; Julien transcrit lui-même l'expression chinoise
Ching minglun.
2. Kirkpatrick, p. 220. — La graphie Unghoo Bunnah de Kirkpatrick
prouve que ses informateurs se fondaient sur une tradition écrite, et de
date ancienne. La confusion des lettres çu et git, impossible dans l'écri-
ture népalaise moderne, est au contraire difficile à éviter dans l'écriture
ancienne. (Cf. l'erreur exactement parallèle que j'ai dénoncée : gomin
lu çvdmin par M. Bendall).
138 LE NÉPAL
varman, dans ses chartes, écrit Amçuvarman avec une m
simple. Son successeur, Jisnu Gupla demeure fidèle à celte
graphie ; mais les simples particuliers restent attachés par
négligence ou par routine à l'usage ancien. Dans une inscrip-
tion datée des dernières années d'Amçuvarman, mais qui
commémore une fondation privée, le nom du roi est écrit
Amçuvarmman avec Vm double, comme aussi le nom du
donateur, Vibhuvarmman.
La première inscription personnelle d'Amc^-u varman, en
Tan 30, le montre sans doute au lendemain de son avène-
ment, réclamé par l'organisation de sa cour ; c'est le
moment où il installe son personnnel à l'entour du palais
neuf. Le site, que les Vamçâvalîs appellent Madhyalakhu,
porte dans les inscriptions le nom de Kailàsa-kûtaa lacime
du Kailàsa » par allusion à la montagne où Çiva aime à
résider, sur le haut plateau tibétain, vers les sources de
rindus. Ce nom de Kailâsa-kûta reste encore attaché à une
butte située au Nord et juste au-dessus du temple de Paçu-
pati. Harigaon, où j'ai trouvé celte inscription dressée
contre une chapelle, avec l'inscription de l'an 32 qui lui
fait pendant, est situé à l'Ouest de Paçupali, séparé parle
« Ruisseau des Blanchisseurs » {DhobiKhola) du plateau qui
porte Deo Patan, la ville de Paçupati, et qui retombe en
pente abrupte à l'Est sur la Bagmali. Madhyalakhu, d'après
Wright, est situé sur la route au Sud de Deo Patan ; pour
ma part, je n'ai pas réussi à m'en faire désigner l'empla-
cement. Dans tous les cas, la nouvelle résidence rovale
était, soit au Nord, soit au Sud, soit à TOuest, dans le voi-
sinage immédiat de Deo Patan, la capitale de Çivadeva et
dans le voisinage immédiat du palais des Licchavis, Màna-
gl'ha, puiscprune des portes indiquées dans la répartition
d'AiiH^u varman est appelée « la porte de Màna-grha ».
L'inncription, (în assez bon état, a cependant souffert un
peu : ellr règle un certain nombre de donations, mais
HISTOIRE DU NÉPAL 139
renoncé des circonstances manque. Il apparaît qu'Amçu-^
varman institue des jagirs en faveur de ceux qui ont à
des litres divers concouru à son sacre : le temple de la
déesse Sasthî, une des formes de Durgà, Tinspecteur géné-
ral des armées, le préfet des donations, les éléphants du
sacre, le cheval du sacre, le porteur de Témouchoir, le
porte-bannière, l'ouvrier de Teau, le surveillant des pîthas,
le porteur du Puspapalàka, le sonneur de conque, la
balayeuse même, les portes, la grande rue reçoivent une
somme, à litre de rente sans doute, évaluée en pu et pa^
probablement en purânas et en panas.
La seconde charte, de l'an 32, attribue des donations à
des institutions et des organisations religieuses, et aussi à
des individus. Elle présente un tableau intéressant du
Népal religieux au cours du vu'' siècle quand le Çivaïsme et
le bouddhisme se partageaient sans se les disputer les
faveurs royales. Pagupali occupe la place d'honneur, mais
son jagir ne dépasse point les autres ; derrière lui vient
Dolà-çekhara-svàmin, le dieu de Changu Narayan. Puis
les couvents bouddhiques, en tête le Gum-vihâra, nom
névar du Mani-caitva situé à Textérieur de la ville de
Sanku ; le iMâna-viliàra, probablement le couvent fondé
parMànadeva; le Kharjurikà-vihàra, et à leur suite les
couvents de moindre importance, qui ne sont pas désignés
nommément et qui reçoivent trois fois moins que les pre-
miers. Les temples secondaires viennent après les vihàras
de second ordre et sont traités comme eux : le Ràme-
çvara, le Hamsagrhadeva, le Mâneçvara, le Sâmbapura,
le Vâgvatî-pâra-deva, le Parvateçvara, le Narasimhadeva,
le Kailâseçvara, le Jalaçayana de Bhurnlakkikà reçoivent
chacun 3 pu(rànas) et 1 pa(na). Les autres temples des
dieux {devakuld) ne reçoivent que 2 purânas et 2 panas.
Enfin Tédil se termine par quelques attributions peu
claires : Bhattàraka-pâdâh, la confrérie (Pàncàlî) de
140 LE NÉPAL
SapelâÇ?), la confrérie en général, un des serviteurs du
palais, les gausthikas, les serviteurs en général.
De Tan 34, il reste deux chartes; Tune du mois de
jyaistha (Bendall, 2), se trouve à Palan; elle attribue à
la confrérie {pdncAUkàs) du village de Matin les revenus de
plusieurs terrains pour être affectés à l'entretien d'un
édifice, un temple, sans doute, qu'Amçuvarman a fait
restaurer et qui étail construit en briques et en bois; il avait
fallu en remplacer les portes, les panneaux, les fenêtres.
Amçuvarman confie l'exécution de son ordre à Viudu-
svàmin, l'inspecteur général de l'armée. L'autre inscrip-
tion de l'an 34 est datée du mois de pausa (Bhagv. 6);
elle a été trouvée à Bugmati, la petite bourgade qui passe
pour le berceau de Matsyendra Nàtha (en névar : Bug) et
qui garde six mois par an l'image du dieu en dépôt. La
teneur de l'édit est à peu près indéchiffrable. Le délégué
du roi paraît être un fonctionnaire du nom de Vikrama-
sena. Un ksatriya (râjapulra) de ce nom est désigné
comme délégué royal dans une charte mutilée de l'an 535,
postérieure de dix-sept ans à la charte de Bugmati.
La première des deux inscriptions de l'an 34 marque un
nouveau progrès de l'autorité d' Amçuvarman. Çivadeva,
son prédécesseur, introduisait, selon l'usage consacré, à
la fin de ses donations une prière et une menace : « Qu'on
le sache et que désormais personne entre ceux qui vivent
de mes faveurs ou tout autre n'agisse autrement. El si
quelqu'un au mépris de cet ordre agit ou fait agir autre-
ment, jo ne le supporterai absolument pas. Et les rois qui
viendront après moi, respectueux de la loi et attachés aux
favcMus accordées par leurs prédécesseurs royaux devront
obst'rvproxactemcnt cet ordre »( Bendall, 1). Amçuvarman,
dans son prtMuier (klit de l'aii 30 se contente de faire appel
h la lidniité do ses fonctionnaires et des rois à venir; en 32,
il Kupprime môme cet appel. Mais en 34 il reprend avec des
HISTOIRE Du NÉPAL 141
variations insignifiantes de détail la formule de conclusion
deÇivadeva; la seule différence qui vaille d'être signalée
Mahilrdja Kir Sl<am Slier Jang
est la substitution de la première personne du pluriel
« Nous » (rayam) au singulier « Moi » (a/iam) qu'employait
Çivadeva.
Le dernier édit d'AipçuvarmaD daté de l'an 39 (Bliugv. 7)
142 LE NÉPAL
étend et développe celte formule. Cet édit, qui se trouve
à Deo Patan, près du temple de Paçupati, confie à la
confrérie d'Adhahçâlâ {AdhahçiUd-pAncâlikebhyah) la sur-
veillance de trois liiigas, le Çûrabhogeçvara dédié à
Paçupati par Bhogadevî, sœur d'Amçuvarman et mère de
Bhogavarman, au profit des mérites de Çûrasena, époux
de Bhogadevî; le Laditamaheçvara fondé par Bhâgyadevî,
fille de Bhogadevî et nièce d'Amçuvarman; le Daksineç-
vara fondé par les ancêtres de Bhogadevî. L'édit s'adresse
aux vriiibhujah, tant présents qu'à venir, du paçcimâdhika-
rana, Yadhikarana ou le ressort de TOuest; les vrtûbhujah
sont probablement les propriétaires féodaux qui jouissent
{bhuj) des revenus du territoire donné en fief, identiques
aux vârttas et aussi aux vrttiyas du Népal moderne. Enfin
le délégué royal est le yuvarâja, l'héritier présomptif,
Udayadeva.
La dernière inscription du temps d'Amguvarman émane
d'un particulier; elle se trouve à Katmandou (Bhagv. 8).
La date en est douteuse ; le signe de 40 y est net, mais
l'unité qui suit est indistincte. Bhagvanlal l'interprétait
conjecturalement comme un 5; M. Fleet est tenté d'y voir
un 4. « Par la faveur de Çry-Amçuvarman, le vârtta
Vibhuvarman a fait faire cette conduite d'eau au profit
des mérites de son père. »
Comme les inscriptions, les monnaies attestent la puis-
sance d'Ainçuvarman. Le premier des rois du Népal, il
marque à son nom les pièces qu'il frappe. Il en subsiste
plusieurs types, décrits par Cunningham. Le diamètre
est d'environ 0,025 millimètres; le poids, très irrégulier,
(le 11 grammes à 16,20. L'emblème, constant, est une
sorte d(» griffon ailé, tourné à sa droite propre, une patte;
d'avant relevée dans l'attitude de la marche; sur le champ,
la légende Cry-Amçuvarma ou Çry-Amçoh. Au revers,
tantôt le niènïe lion avec un croissant de lune au-dessus
HISTOIRE DU NÉPAL 143
de la tête ; tantôt un soleil radié avec la légende : mahârâ-
jâdhirâjasya. Peut-être convient-il de voir ici une allusion
au nom du roi, qui contient le moi amçu a rayon ». En
fait la légende, sur cette monnaie, occupe exactement
autour du disque solaire la place qui, sur certains coins
de Paçupati, est occupée parle prolongement des rayons
solaires. Sur une autre série, le revers porte une vache
tournée à sa droite propre avec une légende qui a été lue
jusqu'ici : kâma dehi ou (Bendall :) kâmam dehi. xMais,
d'une part Tanusvâra manque nettement sur les fac-
similés publiés, et cette sorte de prière : « donne le
désir! » n'est guère justifiable ni par des analogies ni par
des raisons. Il paraît plus naturel d'y chercher une dési-
gnation de la vache d'abondance, couramment appelée
Kâma-dugh, « qui se laisse traire tout ce qu'on sou-
haite * ».
La distribution des inscriptions d'Amçuvarman, à Kat-
mandou, à Patan, à Deo Palan, à Bugmati démontre que
ce prince exerçait sa souveraineté sur le centre même du
Népal ; la charte qui réglemente l'entretien des lingas
élevés par sa sœur et sa nièce à Paçupati, et qui est
adressée aux vrttibhujah du ressort occidental donne à
croire que le pouvoir d'Amçuvarman s'étendait assez loin
à l'Est; du point de vue de la vallée même, Paçupati est
certainement situé plutôt dans la partie orientale du Népal.
Une indication de la Vumçâvali semble bien confirmer
cette supposition : « Amçuvarman s'en fut à Prayâga-tîrtha
et persuada à Prayâga-Bhairava de l'accompagner au
Népal ». Wright ajoute, à tort, que le Prayâga-tîrtha est
1. M. Rapsun {Indian Coins, pi. V) lit kâmadehl, qui pourrait être un
féminin (irrégulier) de hàyria-deha, composé susceptible de plusieurs
sens, entre autres: « qui est le corps du désir », « qui a dans son corps
tous les désirs | réalisés! », une très légère modification donnerait la
lecture hâmadohl, fonnation parallèle à Kâmadugh, *^doh~t étant un
féminin irrégulier de doha en conjposilion.
144 LE NÉPAL
le confluent du Gange, de la Jumna et de la Sarasvall,
Prayàga étant le nom hindou de la moderne Allahabad. En
fait, le Népal possède un lîrtha du nom de Prayâga; il est
situé à TE.-S.-E. de la grande vallée, près de la ville de
Panàvatî, dans une vallée écartée, h deux lieues S. de
Banepa, h trois lieues S.-E.- de Bliatgaon. Le mont Namo-
buddha, que la légende locale désigne comme la scène du
Vyâghrî-jâtaka, est au-dessus de Panâvatî. D'après la tra-
dition, l'ancien nom de cette région était Pâncâla-de(;a, le
pays de PâncâlaV Amçuvarman aurait donc soumis à son
pouvoir celle région reculée, et pour la rattacher plus
étroitement au Népal propre, il aurait transporté dans son
palais la divinité locale ; c'est la méthode romaine renou-
velée dans rilimalaya.
Immédiatement avant le règne d'Amçuvarman, les
Vamçàvalîs indiquent une époque de troubles : Vikramâ-
ditya d'Ujjayinî conquiert le Népal et y introduit son ère.
Les chroniqueurs népalais interprètent donc les dates
d'Amçuvarman à l'aide du Vikrama-samval ; d'après leur
système, Am(;uvarman aurail régné vers l'an 30 et 40 de
cette ère, soit une dizaine d'années avant la naissance du
Christ. L'ne autre doctrine parait avoir interprété les dates
de ses édils d'après la méthoch^ du Loka-kî\la, qui omet
les chiirres supérieurs aux dizaines et se contente de
dénombrer les années h Tintérieur de chaque siècle ; le 0
de l'ère employée» par Ainçuvarman a été tenu pour identique
avec le 0 du xxx*" siècle du Kali-Yuga. Aini^uvarman serait
monté sur le Irone en 3 000 K.Y., soit en 101 avant
J.-(l. Entre deux systèmes qui comportent un écart d'un
siècle, Taccord semble étrcî plus que suffisant à des
chronologistr's hindous. Sans parler de* toutes les relisons
qui s'opposent à ces fantaisies, le témoignage de Hiouen-
l. \VRit;nT, p. 163.
HISTOIRE DU NÉPAL 145
tsang est décisif ; Amçuvarman appartient, à peu de chose
près, à la même époque que le voyageur chinois, c'est-à-
dire à la première moitié du vn* siècle. Justement, au
début de ce siècle, l'empereur de THindoustan Harsa
Vardhana Çîlàditya fonde une ère qui part de 605/606 J.-C.
Il a paru naturel et nécessaire à Bhagvanlal de ramener
les dates d'Amçuvarman à Tère de Harsa. M. Biihler a
cru trouver une preuve positive à l'appui de cette thèse
dans un passage du Ilarsa-carila où Bâna, jouant sur les
mérites divins de son héros, s'exprime ainsi : atra para-
tneccarena tusâracailabhuvo duroâud urhîtah karah. La
phrase, comme il convient, a un double sens ; elle signifie :
1** (( En lui le seigneur suprême (Çiva) a pris la main de
Durgà (son épouse) fille du Mont-aux-Neiges (Himalaya). »
— 2" (( En lui un seigneur suzerain a pris Timpôt de la
région inaccessible des montagnes neigeuses. » M. Buhler,
avec son ingéniosité de pandit, reconnaissait dans ce trait
une allusion évidente h la conquête du Népal par Harsa \
J'avoue que l'allusion me paraît manquer de transparence;
un artiste en équivoque tel que Bâna aurait su marquer
son intention par des traits moins vagues ; aucun détail
n'évoque ici le Népal. Le terme tmâra me semble au
contraire introduit ici àdessein pour préciser lejeu d'esprit ;
tusdra est identique à lukhâra ; les deux lettres m et kha
s'emploient constamment l'une pour l'autre, et les théori-
ciens posent en principe leur identité absolue dans les
jeux de mots. Au second sens, la phrase signifie donc que
Harsa a re(;u l'impôt de la terre montagneuse et inacces-
sible où vivent les ïukhâras, les Turcs, autrement dit de
rilindou-Kouch. LesTukhàras avaient fondé des royaumes
durables surla froutièn» Nord-Ouest de l'Inde; les religieux
1. Ind. Anliq.f XIX, p. 40. Le passage se trouve dans l'édition du
Nirnaya-Sagar, p. 101 : cf. trad. Thomas, j). 76.
n. — 10
146 LE NÉPAL
du Tukhâra avaient, au vu'' siècle, un couvent particulier
dans le voisinage de Mahâbodhi, au cœur des états de
Harsa^ Une concession de ce genre, accordée à un état
étranger, n'allait pas sans une sorte de redevance que les
panégyristes avaient beau jeu de transformer en tribut. J'ai
déjà signalé un cas analogue dans l'histoire de Tlnde;
quand le roi de Ceylan obtintdeSaraudra Guptaun terrain,
à Mahâbodhi également, pour élever un couvent destiné
aux moines singhalais, Ceylan fut enregistré parmi les
tributaires de Tempire Gupta^
Tandis que Harsa Vardhana tenu en échec au Nord-Ouest
par les barbares que Tlnde désignait sous le nom collectif
de Hûnas, au Sud par le Calukya Pulikeçi, souverain du
Dekkhan, fondait dans THindoustan, du Guzerate au Ben-
gale, un empire éphémère qui ne devait pas même lui
survivre, une nation nouvelle se constituait soudainement
sur les hauts plateaux adossés au Nord de THimalaya, sur
la frontière même du Népal, et du même coup Téquilibre
séculaire de TAsie Orientale était ébranlé et rompu. Tour-
nés vers rinde depuis leur migration dans les vallées
méridionales, instruits, organisés, policés par Tlnde, à
demi introduits dans le monde hindou, les Névars du pays
népalais avaient oublié sans doute leurs frères lointains,
restés fidèles aux alpages rudes d'outre-monts, à la vie
nomade des pasteurs dans les solitudes glacées, au culte
des esprits malveillants et des fétiches grossiers. Deux
barbares de génie suffirent pour tirer en cinquante ans de
ce bétail humain une armée formidable qui mit en péril
rinde et la Chine, et un clergé instruit qui devait offrir à
la science bouddhique un suprême asile. Les Chinois qui
eurent en particulier tant h souffrir de ces nouveaux-venus
1. I-tsim;. Lrs Religieuv É7ninenLs, p 80.
2. Les missions dr Wang Hiunnts'e, tians le Journ. Asiat,, 1900,
I. p. *Ofi.
HISTOIRE DU NÉPAL 147
ont noté avec soin les étapes de leur formation *. Sous la
dynastie des Soei, dans la période nommée K'ai-hoang,
entre 581 et 600\ un chef du nom de Loun-tsanso-loung-lsan
(Srong tsan) qui habitait à l'Ouest du Tsang-ko (partie du
Sse-lclî'oan, du Koei-tcheou, du Koang-si et du Hou-koang)
réunit en un royaume les clans dispersés, fixa la popula-
tion dans des villes, et donna à ses sujets le nom de Tou-
p'o, transformé plus tard en Tou-fan par une ftmsse
prononciation. Dans la langue indigène, toutefois, le nom
du pays est Bod-{f/iil) « (pays de) Bod » et c'est ce nom
que le sanscrit reproduit sous la forme Bhola ou Bhotta,
qui se rencontre pour la première fois dans une inscription
deÇivadeva datée samvat 119 (Bhagv. nM2, 1. 16). Par une
ligne d'intermédiaires encore douteux, les Européens ont
altéré ce nom en Tibet. Le premier roi du Tibet étendit
son pouvoir vers le Sud-Ouest jusqu'au pays de Po-lo-men,
le pays des Brahmanes ou Tlnde; au commencement de
la dynastie des T'ang (vers 620), il disposait de 100000
soldats.
La tradition tibétaine^ donne à ce personnage le nom
de (jNam-rl Srong-blsan\ ce prince aurait conquis le pays
de Gru-yu qui touche à Tlnde et aussi le yNa-zliur occiden-
tal; dès son règne, le Tibet aurait reçu de la Chine les
rudiments de la médecine et de l'astrologie. Mais si grand
qu'eût été le fondateur de l'empire tibétain, sa gloire allait
1. Ma Toan-i.in, chap. 334. — Annales des Tang, ch. 256 et 257. Cette
section des Annales a été traduite et annotée excellemment par M. Bushell
dans le Journ. Roy. As. Soc, new ser., XII, 435 sqq. — Descriplion
du Tubet, traduite par Klaproth dans le Nouveau Journ. Asiat., 1829,
2, 81-158; 241-324.
2. Klaproth, dans l'article cité, donne par erreur comme date « vers
630 ».
3. Emil ScHLAGiNTvsEiT, Die Kônige von Tibet (traduction du Rgyal-
rabs) dans Abluindl. d. K. bayer. Ahad. d. Wm., 1866. — Koppen,
Buddhlsmiis, H, 47 sqq. — Cf. aussi Alphabetum Tibetanum, p. 298
sqq.
148 LE NÉPAL
être éclipsée ; son fils el son héritier devait êlre le Clovis
et le Charlemagne du Tibet. Les Chinois l'appellent Tch'i-
Isoung loung-tsan ; les Tibétains Srong-btsan sgam-po.h^^
chroniques tibétaines s'accordent à fixer sa naissance en
018, son avènement en 029 et sa mort en 098; mais les
annales des T'ang, sur la foi des documents officiels, enre-
gistrent sa mort en Tan 050. L'exactitude ordinaire des
historiens chinois est encore ici confirmée par le témoi-
gnage d'I-tsing et par d'autres preuves ; les dates tibétaines
sont à rejeter. Srong-btsan sgam-po passe pour une
incarnation du Bodhisattva Padmapàni. Dès le début de
son règne il envoya dans l'Inde une mission de seize per-
sonnes sous les ordres de Thon-mi a-nu, pour y étudier
les secrets de l'écriture ; la mission se rendit au Cache-
mire, y reçut les leçons du brahmane Li-byin {Lipikâra?
« le scribe » ) et du Pandit Lha-rig-pa seng-ge-sgra {Deva-
vidyâ'Shnha-nâdat) et rapporta au Tibet comme le plus
précieux des butins un alphabet qui reproduisait à peu près
récriture en cours dans l'Inde du Nord et qui s'adaptait
cependant à la notation la plus délicate des sons tibétains.
Une fois maître de l'écriture, le barbare se crut le maître
du monde, et l'événement sembla confirmer sa confiance
naïve. 11 conquit tour à tour le rTsa el le Shing àl'Est, le bLo-
voetleZhang-zhung au Sud, le Hor au Nord ; ses domaines
couvraient le Tibet entier, le bassin du Koukou-nor, les
marches occidentales de la Chine, l'Assam et le Népal.
(( Il dominait sur la moitié du Jambudvîpa. ' » Il résolut de
consolider son pouvoir par des alliances de haut rang ; il
brigua la main, dans l'Inde, d'une princesse népalaise, en
1. (rvsrhichtf ilcr Oat-Mongolon und ihrcs Fursfenhauses verfasst
i^on Saanang ssctsen(Jhun(jt(ndschicîrv()rdHS, tradiiil parJJ.-. Sr.HMiDT,
PfhMsboiirj,', 1829, p. :>28 : « Ses nïinislres enln'iTiil en n'Ialions à l'Est
aver les (Ihinois el les Minak (Tanj^oiiles), au Sud avec Tllindoustan, à
rOuesl avec Uaibo (Népal) el au Nord avec les llnr el les Gugi ».
HISTOIRE DU NÉPAL 149
Chine d'une princesse impi^riale. Thon-mi a-nu, surnommé
Sambhota, qui avait déjà fait ses preuves, fut chargé de se
rendre auprès du roi du Népal, qui portait le titre de
Devahla, et le nom de ce Rayon-armure». J*ai déjà démon-
tré, dans un travail précédent, que ce prince est indubita-
blement Amc^uvarman ' . Le Bodhimor mongol ajoute que
la résidence de ce prince s'appelait Krdcnin Dvlp, qui
équivaut au sanscrit Ratna-dvîpa, et que le palais portait
le nom de Ku kum gLui^ L'envoyé de Srong-btsan sgam-
po apportait en présent au roi du Népal « un casque mer-
veilleux orné de pierres précieuses » qui semble faire allu-
sion au sensdu nomdWmçuvarman « le casque de lumière ))\
La princesse qu'il venait demander en mariage avait alors
seize ans * ; « son teint était pur, les traits de son visage
annonçaient une destinée merveilleuse ; elle était d'une
vertu parfaite et d'une grande beauté ; la correction de
toute sa personne ne laissait rien à désirer ; sa bouche
exhalait le parfum du lotus bleu; elle dominait par sa
gravité etsa grâce'. » Son nom était Lha-gcig (la princesse)
Bribtsun\ Sa naissance môme était miraculeuse. « Quand
Chutuktu Niduler Usektschi reconnut que le temps était
venu où les créatures ([ui respiraient dans le royaume des
Neiges, au Tobot, allaient seconvertir, il émit de sa per-
sonne quatre rayons. Le rayon sorti de son œil droit alla
au royaume de Balbo (Népal) et il remplit tout ce royaume
1. Note sur la Chronologie du Népal, p. 12. -- Ssanang-sselsen rend
ce nom par Gerelun-Chiijak [(jerel =^ luniièrej.
2. .I.-.I. ScHMiDT, p. 335. Le mot gLii traduit régulièrement le sanscrit
Ndga; cf. sup. I, 54.
3. Telle est la traduction qu'en donne Jlioucn-tsang.
'i. Elle était née en 62'i d'après la tradition tibétaine, qui place son
mariage en 639.
5. Je donne ici la traduction du passage de Ssanang-ssetsen d'après
une version chinoise de cet auteur que feu M. Devkri.v avait eu la bonté
de me communiquer.
6. Georgi (p. 298) l'appelle « Lha-ci-lhrit-zuna, filiam Sama-briscio
régis Jangbu tibetice, Kathynandu indostanice ».
150 LE NÉPAL
d'une lumière qui illumina par-dessus tout le roi de ce
royaume appelé Devahla et aussi son palais. Et là-dessus
réponse du roi devint enceinte \ » Srong-btsan sgam-po
était né, lui aussi, d'un de ces rayons ; et les deux autres
s'incarnèrent dans Thon-mi Sambhota et dans la prin-
cesse chinoise.
Le Tibétain avait au service de sa diplomatie matrimo-
niale des arguments trop pressants pour craindre un refus.
Amçuvarman accueillit sa demande et lui accorda sa fille;
il n'avait pas l'intransigeance farouche des Rajpoutes de
Chitor, si chers aux légendes hindoues, et qui aimèrent
mieux s'ensevelir sous les ruines de leur ville plutôt que de
céder une fille de leur caste à un prince étranger. Pour
adoucir l'amertume de cette mésalliance, il put tout au
moins feindre de croire aux inventions complaisantes des
généalogistes qui rattachaient la dynastie tibétaine soit
aux Licchavis, soit aux Çâkyas des montagnes, soit encore
aux rois deMagadhaetde Pancâla^ Les Licchavisdu Népal,
et leur allié Amçuvarman, auraient eu mauvaise grâce à
protester contre la greffe d'un nouveau rameau sur un
tronc chargé déjà de tant de branches suspectes.
Au reste, si les brahmanes maugréaient, le bouddhisme
exultait. La jeune reine ouvrait à la Loi un immense
domaine. Elle emportait dans sa nouvelle patrie trois
images surnaturelles (^rû^awîMw), l'une d'Aksobhyavajra,
une autre de Maitreya, une enfin de Tara la blanche, faite
en santal de goçîrsa ; et de plus une collection complète
des textes sacrés du Népal. Les grands de la cour népa-
laise l'accompagnèrent jusqu'à la ville de « Dschirgha-
langtu » du pays de Mangjul (où se trouve la passe de
1. D'après un document rapporté par Bogie et publié par M. CI. Markham
{Tibet, p. 343) « la Rani du Haja Niwar du Népal » s'appelait « Dewa-
Ihaha- Maho-ye-ser » (peut-être Moho-ye-scs = Mahâprajnà = Tara)
et la princesse « Pàhnosàthi-chun ».
2. KôppE.>, il, 47.
HISTOIRE DU NÉPAL 151
Kirong) ; une escorte tibétaine la conduisit de là au palais
de son époux.
Deux ans plus tard, au dire des Tibétains, mais certai-
nement en Tan 641, une autre princesse venait Ty rejoin-
dre, également à tilre d'épouse, aussi pieuse, aussi dévole,
mais de sang plus noble encore et d'origine plus lointaine.
De 634 à 641 , Srong-btsan sgam-po à la tête de ses hordes
irrésistibles avait envahi et pillé le territoire chinois en
poussant jusqu'à Soung-tchou (Soung-pan-fing du Sse-
tch'oan) ; pour conclure la paix, il exigeait la main d'une
princesse de la famille impériale. Indigné d'une prétention
si exorbitante, l'empereurT'ai-tsoung, alors au faîte de sa
puissance, refusait de céder. Les armes tibétaines finirent
cependant par triompher des scrupules de l'étiquette chi-
noise, comme elles avaient fait des préventions de caste au
Népal. La princesse Wen-tch'eng, parenle de l'empereur,
dut se résigner tristement à partir par une route longue et
dure vers les contrées glacées où la réclamait le caprice
politique d'un conquérant. Elle apportait, elle aussi, ses
images et ses livres de piété bouddhique. Ferventes des
mêmes dieux, les deux reines n'en comptaient pas moins
les mettre au service de leur influence et de leurs intérêts
respectifs ; les nobles, qu'avait trop souvent blessés la mor-
gue chinoise, refusèrent de reconnaître Wen-tch'eng comme
la première reine, et la princesse népalaise conserva son
rang. iMais Srong-btsan sgam-po n'en subit pas moins pro-
fondément l'influence de la Chine : dès 641, il sollicitait
l'admission de jeunes Tibétains aux cours de l'Ecole impé-
riale {Koiio hio). Il se mit à porter un vêtement de soie,
demanda des savants chinois pour apprendre à composer
des vers, puis des ouvriers capables d'enseigner aux indi-
gènes la fabrication du vin, des moulins, du papier, de
l'encre. La civilisation de la Chine s'installait ainsi sur les
confins du Népal. L'Inde, d'autre part, lui envoyait ses
152 LE XÉPAL
docteurs : Kumàra vint de Tlnde centrale, Çilamanju du
iNépal, Tabula et Ganula (?) du Cachemire. Des vihàras
s'élevèrent; sous la direction de Thon-mi Sambhota. la
traduction des Écritures bouddhiques fut entreprise. Le
bouddhisme, adopté par le roi, se propagea chez ses sujets,
et rÉglise reconnaissante divinisa les deux princesses
comme deux incarnations de Tara : unies dans la même
vénération, on leur assigna des images identiques : assises
sur un trône de lotus avec la jambe gauche repliée et la
droite seule posée à terre, elles tiennent dans la main
droite, qui s'appuie au genou, un lotus bleu. Seule, la cou-
leur de leur corps les distingue : la princesse népalaise
est blanche ; la chinoise, verte*.
Beau-père de Srong-btsan sgam-po qu'il n'aurait pas
choisi spontanément pour gendre, Amçuvarman passait
dans la sphère d'influence du Tibet. Le Népal n'était qu'une
dépendance de Lhasa : il en était encore vassal au début
du vui' siècle, d'après le témoignage formel des Chinois. Il
faut évidemment goûter le paradoxe pour croire que ce
même Amçuvarman ait adopté l'ère de Harsa Çilàditya :
j'ai dans ma Sote sur la Chronolofjie du Népal montré les
difficultés de calendrier où se heurte cette thèse; l'impos-
sibilité historique en apparaît ici éclatante. L'ère inaugurée
par Amçuvarman ne peut pas venir de l'Inde, puisqu'il en
est détaché par la politique ; elle doit avoir pour point de
départ, comme je l'ai cru d'abord, l'avènement d'Amçu-
varman, ou elle a son origine au Tibet et marque par son
adoption même la soumission du Népal à son nouveau
suzerain. Si Amçuvarman l'a fondée, il est surprenant
qu'aucune des inscriptions de ce roi ne soit antérieure à
Tan 30 ; au contraire, l'inscription de Tan 30 que j'ai
1. VA. Godefroy de Blonw, Matériaux pour servir à Vctude de la
déesse Tdrdj Paris, 1895.
HISTOIRE DU NÉPAL 153
découverte à Ilarigaon semble bien se rattacher aux céré-
monies du sacre. Pour des raisons d'ordre astronomique
que j\ii discutées ailleurs, Tan 34 de cette ère ne peut
correspondre qu'à 629 J.-r4. ; Tan 30 correspond alors à
625 J.-C. Les inscriptions au nom de Çivadeva comme roi
et d'Am<;uvarman comme maire du palais, datées dans l'ère
traditionnelle des Licchavis, descendent jusqu'à l'an 520
qui répond, d'après mes calculs, à 631 J.-C. Il faut en ce
cas admettre l'existence d'une période intermédiaire où
les deux ères auraient été employées parallèlement, l'au-
torité personnelle d'Amçuvarman n'étant pas encore
reconnue par tous. Amçuvarman aurait adopté Tère di^s
Tibétains pour leur faire la cour, comme s'il se déclarait
spontanément leur vassal. Les incursions triomphantes de
Loun-tsan-so-loung-tsan, qui avaient atteint l'Inde centrale
(P'o lo-me?}) avaient appris par expérience au Népal quel
pouvoir se formait au INord, et les premières victoires de
Srong-btsan sgam-po avaient prouvé la vitalité du nouvel
empire.
Il n'est pas possible, je l'avoue, de démontrer positive-
ment l'origine tibétaine de l'ère d'Am(;uvarman et des
Thâkuris; mais des indices assez nombreux semblent
corroborer cette opinion. L'encyclopédiste Ma Toan-lin, se
fondant sur des documents chinois, fixe le début de l'em-
pire tibétain dans la période K'ai-hoang, entre 581 (4 601.
Le savant historien des Huns, de (luignes, conclut de son
côté que le Tibet a a été soumis à différents rois jusque
vers l'an 589 de J.-C. '. » Le Dalai-Lama, dans sa corres-
pondance diplomatique avec lord Cornwallis, date succes-
sivement de 1203 et de 1206 deux lettres écrites res])ective-
ment en 1789 et 1792 J.-C. ^ Le point de départ de cette
1. Histoire des Huns^ livre III, Tableaux chronologi(|ues des nations
tibétaines.
2. KiRKPATRiCK, Appendice n*» II, B.
154 LE NÉPAL
ère serait donc 586 J.-C. Une ère dont l'emploi est limité
actuellement au Bengale, el qui y porte le nom de San,
part de 593 J.-C. comme sa première année ; aucune infor-
mation ne subsiste sur l'origine de cette ère, qui est pure-
ment traditionnelle. L'époque initiale est, à deux ans près,
identique à celle d'Amçuvarman ; et pour qui connaît les
complications du calendrier hindou, la confusion fréquente
des années présentes et des années écoulées, une erreur
de deux ans sur un espace de i 300 ans semble négli-
geable. Enfin les Tibétains eux-mêmes enseignent qu'avant
rintroduction (en 1025-6 J.-C.) du système appelé kâla-
cakra, et fondé sur le cycle de Jupiter, se place une période
nommée Me-kha-gya-tsho. Ce mot est un composé de
symboles numériques : me, le feu, exprime 3 ; kha, l'es-
pace, 0 ; (jya'tsho, les lacs, 4 '. Lu d'après la méthode indo-
tibétaine, me-kha-fjya tsho signifie 403. Le point de départ de
cette période, antérieure de 403 ans à 1025 J.-C, serait donc
622 J.-C, Mais j'ai déjà plus d'une fois signalé combien ces
expressions en symboles numériques se prêtent aisément à
des inversions de chiffres. Si on rétablit par hypothèse
Kha-me-gya-lsho, on lira 430 au lieu de 403, et l'époque
initiale (1025-430) correspondra à 595 J.-C. C'est la date
même où m'avait conduit le calcul astronomique de l'ère
ïhâkuri. L'année 595 peut marquer soit l'avènement du
premier roi du Tibet, Loun-lsang so-loung-tsan, soit la
naissance de Srong-lsan sgam-po. Ce prince meurt en 650,
laissant le trône à un petit-fils en bas-àge. S'il était né
en 595, il avait alors en effet cinquante-cinq ans.
Les chroniques népalaises donnent à la dynastie d'Amçu-
varman le titre de Vaiçya-Thâkuri. Les Thàkurs, encore
à l'heure présente, sont tous les individus qui appartiennent
1. CsoMA, Joffrn. As. Soc. Bcngal, Ul, p. 6; reproduit dans Pri>sep,
Uaeful Tables, U, 162.
HISTOIRE DU NÉPAL 155
au clan royal, quelle que soil leur situation de fait, de for-
tune, etc. ; ils doivent à leur naissance certaines exemp-
tions de charges, certains revenus, et même un droit posi-
tif à intervenir dans les affaires de TÉlat si le royaume leur
semble en péril. Vaiçya, d'autre part, est le nom du clan
rajpoute d'où sortait Amçuvarman. 11 ne peut s'agir ici de
la désignation appliquée par les codes à la troisième caste
de la société brahmanique idéale, la caste marchande.
D'ailleurs, au même moment, l'empereur de rinde llarsa
est aussi un Vaiçya, d'après l'indication précise et sûre de
Iliouen-tsangqui a fréquenté sa cour. Le général Cunning-
ham a cru retrouver les descendants de ce clan dans les
Hajputs Bais (Vaiçya) qui habitent le sud de hi province
d'Aoudh, et qui prétendent avoir régné jadis sur le terri-
toire entre Delhi et Allahabad.
Après Amçuvarman, l'histoire du Népal entre dans une
période de confusion. Les listes dynastiques continuent à
donner des noms et des dates; mais l'épigraphie, toute
fragmentaire qu'elle est, suffit pour les convaincre d'erreur.
Je rapporterai d'abord les faits solides établis par les
inscriptions ou par le témoignage des documents chinois.
Amçuvarman était mort vers 639-640. Le premier prince
qui semble régner après lui est Jisnu gui)ta. 11 subsiste
de ce prince quatre inscriptions, à Patan, h Katmandou, à
Paçupati, à Thankot ; leur dispersion atteste que Jisnu
gupta dominait sur la vallée entière. Une seule (Bh. 9) porte
une date intacte ; elle est de l'an 48, postérieure de trois
ou quatre ans à la dernière du règne d'Ainçuvarman
(481=643 J.-C). L'inscription de Thankot, mutilée, laisse
entrevoir le signe 500 ; les dizaines et les unités ont tota-
lement disparu. Si ma lecture est exacte, Jisnu gupta a
employé parallèlement, ou bien à des époques différentes,
l'ère d'Amçuvarman et l'ère des IJcchavis. Le fait serait
en accord avec le récit des Vamçâvalîs qui mentionnent
156 LE NÉPAL
entre Amçuvarman el Narendra deva l'emploi de deux ères
en concurrence. « Le roi Nanda deva, ayanl appris que
Tère de Çàlivâhana (la Vamçâvail brahmanique dit : de
Vikrama) était en usage dans d'autres pays, Tinlroduisil
au Népal. Mais certaines gens par reconnaissance pour
Vikramâjit (Vikramâditya) qui avait payé les dettes du
royaumene voulurentpasrenonceràrèrequ'ilavait fondée ;
et les deux ères se maintinrent en usage côte à côte. » L'em-
ploi deTèreLicchavi s'expliquerait d'autant mieux que Jisnu
gupta semble affecter de se présenter comme le restaura-
teur et riiomme-lige de l'ancienne dynastie, il réside à
Kailâsa-krtta, dans le palais d'Am(;uvarman, et c'est de là
qu'il date ses édits ; mais il nomme tout d'abord, en tête
de son protocole, un roi de la famille Licchavi, résidant
au vieux palais de Mànagrha. Les titres qu'il confère à ce
fantoche d'apparat manifestent au surplus des variations
significatives. Dhruva deva, le suzerain fictif, est dans les
inscriptions (Bh. 9 et 10) BhaUnraka mah/trâja çri Dhnt-
vadeva ; Mânadeva qui remplace Dliruvadeva sur l'inscrip-
tion de Thankot, n'y reçoit que le titre de Bhatlârakarrl
Mànadem. Les relations entre suzerain et vassal restent obs-
cures, par la faute des pierres qui n'offrent point de lecture
certaine, et par la volonté des scribes officiels qui ne se
souciaient pas de préciser une situation délicate.
Il est évident que Jisnu gupta n'était pas le souverain
légitime ; son nom, formé avec le participe y?//^//?^ le sépare
h la fois et des Licchavis et de la lignée d'Amçuvarman.
Les noms royaux en gftpta ne se rencontrent au Népal que
dans la dynastie mythique des (îopâlas (Jayagupta, Para-
magupla, etc.), qui reçut le trône de Ne muni. Ils reparais-
sent h)ul(»f()is, à l'époque historique, et tout près d'Amçu-
varman, dans une dynastie d'usurpateurs que mentionne
Kirkpalrick. « Sous le règne de Bhem Deo Burmah (Bhî-
madeva varma), les Alteers (Abhiras) qui avaient été à
HISTOIRE DU NÉPAL 157
Torigine les souverains du Népal recouvrèrent leurs domai-
nes : Bishen Oupt, le conquérant, régna 74 ans' ; puis
Kishnoo Gupt, 61 ans; Dhoomy Gupt^ 40 ans. Alors Seo
Deo Durmali (Çiva deva varraa) de la postérité de Nevesit
(Nimisa) soumit à nouveau le Népal, expulsa les GupteeSy
régna 41 ans ; puis il laissa le trône à Unghoo linrmah
(Amgu varma). » Bishen Gupt, dans la graphie de Kirkpa-
irick, représente Visnu (lupta ; Kishnoo Gupt, qui n'est
pas un nom possible, dissimule sous une faute de copie ou
d'impression (le cas estfréquenl),/?V/w6»o Gupt, c'est-à-dire
Jisnu gupta. Le nom de Bishen Gupt (Visnu gupla) donné
par Kirkpatrickau premier roi de cette série, est porté dans
les inscriptions de Jisnu gupta par Tliéritier présomptif du
trône. Ces rois Abhîras manquent aux Vain(;civalîs de Wright
et de Bhagvanlal; mais ils semblent avoir laissé une trace
légère dans la Vain(;i\valî brahmanique : le successeur
de Visnu deva varman et le prédécesseur d'Am(;uvarman
y porte le nom de Viçva gupta deva. On a donc :
KIRKPATBICK VAVÇÂVALÎ ORAHMANigUli ^VRIGIIT ET BHAGVANLAL
Bliem Deo Burniali FUiima (leva varman Bhiniadeva varman
.» I» • i Bishen Ou pi
o liOlS 1
., ' < Kishnoo Gunl \'isnu (leva varman Visnu deva varman
Aheei-s > ^ '
\ Bhoomy dupl
Seo (ieo Biinnah Vi(;va gupta deva \'i(;va deva \arman •
llnghoo Burmah Aniruvarman Amruvarman
Visnudeva,àlasuitedeBhhnadeva, est identique à Bishen
Gupt ; Viçva gupta devaconfond dans une personnalité unique
la dynastie des (juptas et Çivadeva, leur vainqueur. Lesouve-
1. Tne Iradilion indépendanle, recueillie également par Kirkpatrick,
attribue la fondation de Visnu Nàtha (N. de Katmandou, sur la rive 0.
de la Bagmati) à liUhn Gifpt (Visnu gupta), un Ashcrr (corr. Ahheer.
se. Abhlra) de la race des premiers souverains du Népal qui dépouilla
les successeui-s de Durrhum Deo (Dharma deva, le prédécesseur de
Màna deva 1) de leur royaume, que d'ailleurs ils recouvrèrent bientôt ».
KlRKPATRlCk, p. 191.
158 LE NÉPAL
nir d'une usurpation a été préservé; mais Tordre chronolo-
gique a été bouleversé. Jisnu gupta serait un Aheer, un
Abhîra ; il est issu d'une famille indigène qui prétendait
peut-être avoir donné des rois au pays ; en fait ses ancêtres
sont de rang médiocre ; son arrière-grand-père, qu'il rap-
pelle dans rinscriplion de Thankot, porte le nom de Mâna
gupla gomin ; il n'ose pas même lui décerner un titre
d'honneur aussi banal que le mot çrî placé devant le nom.
(^e nom du reste a bien un goût de terroir ; il rappelle les
désignations de Màna deva, Mûna grha, qui nous ont frap-
pés déjà par leur caractère local. Il est possible, à se fon-
der sur l'analogie des noms, qu'il convienne aussi de ratta-
cher à la même famille le Ravi gupta qui paraît dans les
inscriptions de Vasanta deva, au vi* siècle, comme grand
huissier {mahâ-pratlhârd) et généralissime {mrva danda
ndyaka). Aussi Jisnu gupta, à défaut de litres formels, se
targue-t-il d'être « arrivé au pouvoir en suite d'une lignée
pur(» (jjunt/ânrai/ad Cif/atarùjyasampal , Bh. 9). Cette lignée,
d'après l'inscription deïhankot, est celle de Soma(5o/wâ«-
V(iyahlmsanah)^ la Hace Lunaire. Les chroniques d'autre pari
chissont la dynastie Lirrhavi dans la Hace Solaire (Sùrya-
vainçi). A l'instar des rois les plus légitimes, il déclare que
(( le saint Pa(;upali, souverain adoré, l'a pour favori » et
que a son père adoré le suit de sa pensée? ». Il se contente
du nom de Jisnu gupla, sauf à Thankot où il y joint orgueil-
leusement le moidera, Sa dévotion à Visnu, indiquée par
son nom, s'exprime aussi dans les symboles qui décorent
ses stèles : le poisson (Palan), ou le cakra (Katmandou)
entre deux conques (Thankot).
Succ(»sseur irrégulier d'Ainçuvarman, Jisnu gupla ne
s'en donne pas moins comme son héritier et son continua-
teur. Tandis qu'Ain(;uvarman avait hésité à prendre, avec
le pouvoir, le litre royal, Jisnu gupla le désigne expressé-
ment comme inahdvdjddiùvdja. Il reproduit son formulaire
HISTOIRE DU NÉPAL 159
et il reproduit aussi sa frappe. Les monnaies de Jisnu gupla
portent à la face le lion en marche qu'Amçuvarman avait
adopté comme coin ; au revers elles sont décorées d'une
sorte de vajra. Leur légende, également imitée d'Amçuvar-
man, donne simplement le nom du roi au génitif, précédé
de rhonorifique çri : cri Jisnu guptasya, Leurdiamèlreest
de 0,025 millimètres et leur poids de ^2«^37.
Il semble, en somme, qu'à la mort d'Amçuvarman la suc-
cession a été une fois de plus troublée. L'héritier présomp-
tif, Udaya deva, mentionné dans une inscription de Tan 39,
disparaît, soit qu'une mort prématurée Tait enlevé, soit
qu'un rival plus entreprenant Tait supprimé. Jisnu gupta,
maître du pouvoir, ressuscite à son profit la fiction politique
qui avait si bien réussi à Amçuvarman. Il installe surle trône
comme souverain nominal, un prince de la famille Licchavi,
et sous ce couvert, il exerce une autorité absolue, séparé
de la royauté par des nuances à peine perceptibles, qu'il
s'efforce toujours de rendre plus fuyantes. On peut s'éton-
ner que le suzerain du Népal, Srong-btsan sgam-po, ait
laissé dépouiller les héritiers d'Amçuvarman qui étaient ses
parents, ses neveux sans doute ; mais les armées tibétaines
étaient à ce moment même engagées dans de lointaines
campagnes, vers le Koukounor ou la frontière de Chine,
hors d'état d'intervenir. Dès qu'il eut les bras hbres, le roi
du Tibet s'empressa de rétablir l'ordre au Népal : Jisnu
gupta dut céder la place à Narendra deva.
Les chartes de Jisnu gupla ont trait à de menues ques-
tions d'administration. Celle de Patan, datée desamvat 48,
s'ouvre par une mention de Dhruvadeva le Licchavi,
aussitôt suivie d'un éloge en vers de Jisnu gupta. Le pre-
mier quart de la stance manque ; le reste nous apprend
que « Jisnu gupta désire le bien des sujets, a une con-
duite irréprochable, sort d'une race pure qui l'a fait arriver
à la plénitude de la royauté, et tous les habitants des villes
160 LE NÉPAL
se laissent guider par ses ordres ». Un marquis (sâmanta)
du nom de Candravarman Ta informé qu'une conduite
d'eau installée au profit de trois \illiige^ (T/iambû, Gdhgul,
Mùlacôtl/aï) par l'empereur {mahdrâjâdhirâja) Amçuvar-
man était endommagée, faute de réparations ; il Ta fait
restaurer, et maintenant il accorde en don aux trois
villages un certain nombre de champs irrigués pour que
les revenus soient affectés à Tenlretiendela conduite d'eau.
En foi de quoi il leur octroie une charte sur pierre {çild-
patlakd'Çnsaim). L'hérilier ()résomptif, Visnu gupta, est
chargé de l'exécution de Tordre*.
Les deux autres chartes intéressent le village de Daksina-
koli ; Tune et l'autre, de formulaire analogue, débutent par
une invocation en vers, et dans un mètre compliqué : la
littérature, au Népal comme dans le reste de Flnde, s'est
annexé Tépigraphie. Dans l'une (Thankot), datée, semble-
t-il, en ère Licchavi, Jisnu gupta paraît confirmer une
donation faite jadis par son arrière -grand-père, Mâna
gupta gomin ; les limites de la donation sont tracées avec
la minutie ordinaire; puis le village reçoit, par surcroît,
une nouvelle faveur : certains impôts de nature foncière
sont réduits de moitié ; on y voit figurer un impôt Malla
{Malla-kara), qui a déjà paru dans une inscription de
Çivadeva. Le délégué royal est encore Visnu gupta, l'hé-
ritier présomptif, l^a troisième charte (Katmandou) règle
à nouveau une question d'irrigation ; le texte en est très
mutilé ; il était fait mention d'un grand mar(|uis {^inahâ-
saNumta) dont le nom se terminait en -deva. Les revenus
fournis par l'irrigation sont affectés aux réparations du
canal, au culte d'une divinité {..Jrçrara sviimin) et à l'en-
tretiiMi d'une pàncàll aux fonctions n^ligieuses et admi-
nistratives, conipagnie et confrérie à la fois.
I. Parmi h's lroi<; villau'os. r«'liii <lr (làniriil rapp»*!!** l'anrii'ii nnin d<»
Kalinaihiii. (lonjjjool pallaii. cilc par Kirkpatrirk: v. sup. I. ."i'i.
HISTOIRE DO NÉPAL
161
La qualrièmc inscription commémore une fondation
privée]: elle est tracée sur une pierre qui supporte un
parasol [au-dessus d'une image de Candeçvara, dans le
temple de Paçupati. Elle débute par une stance compliquée
en l'honneur de Ùhattra-candeçvara, « CandeQvara au para-
sol » . Suit l'énoncé fragmentaire d'une donation de terrains
Cour liélabrée d'un viliàra (\san toi) à Katmandou.
consentie « sous le règne triomphant {vijaya-rAj ye) de
Jisnu gupta, par l'acàrya Bliagavat-pranardana PrAna-
kauçiktt, au profit de Chattra-Candegvara et d'une con-
duite d'eau du village de Krt, en vue de payer les restaura-
tions et les réparations. L'administration des revenus est
remise à plusieurs communautés religieuses : Munda-
çrAkhalika Pài.upala-acàryas, Sonia-khaddukas... )>
162 LE NÉPAL
L'héritier présomptif de Jisnu gupta, Visnu gupta, ne
recueillit pas le Irùne, ou il n'en jouit que peu de temps,
car vers 645 la dynastie légitime avait recouvré le pouvoir:
Narendra deva régnait sur le Népal. Narendra deva figure
au premier plan dans la légende etdansThistoire du Népal.
Son souvenir est indissoluhlemenl lié au culte de Matsven-
ml
dra Nàllia, le patron de la vallée, qu'il alla chercher au
loin en compagnie du saint Bandhudatla; il a vécu en exil
à la cour du Tibet, il a envoyé des ambassades à l'Empe-
reur de Chine ; il a reçu la visite de prêtres, de pèlerins et
d'ambassadeurs chinois. Et pourtant il ne nous reste rien
de lui, ni charte, ni monnaie, ni aucun autre document
direct. I/épigraphie ancienne n'a conservé qu'une seule
mention do ce prince : elle est insérée dans cette généalogie
de Jaya deva (Bhag. 15) que j'ai déjà citée et discutée plus
d'une fois à propos des Licchavis. Après Vasanta deva, la
généalogie passe brusquement, par une transition décon-
certante, h rdayadeva, suivi lui-même par Narendra deva.
Bhagvanlal avait cru lire, dans l'intervalle qui sépare ces
deux noms à l'intérieur du même vers, un rappel collectif
de treize rois anonymes destinés à garantir la filiation
légitime de Narendra deva. Mais en fait la syllabe finale du
mot Jfiia.s' (( né » n'a pas la voyelle longue indiquée par
Bhagvanlal, et qui servirait à soutenir son interprétation;
V(t i»sl manifestement bref, et par conséquent exclut l'idée
(In pluriel. M. Kleel l'a reconnu sur l'estampage même de
Bhagvuular: une copie de ce texte, exécutée àvued'œil,
que je dois à la bienveillance du maharaja DebSham Sher,
piM'Ie aussi la leclure jfitàs, suivie de deux syllabes dou-
Inusrs ri d'une lacune de quatre syllabes, correspondant
MU\ uu»ls tnifftnhtra lattis u treize ensuite » de Bhagvanlal.
Il Hrinblr donc nécessaire dt» construire et de traduire
^
>
mSTOIRE DU NÉPAL 163
ainsi: ce du roi Udaya deva naquit... Narendra deva ».
Udaya deva est désigné dans la dernière inscription per-
sonnelle d'Amçuvarman (samvat 39) comme Théritier
présom\)l\{ {y uvarâja). Cet Udaya deva était-il fds d'Amçu-
varman? On s'attendrait dans ce cas à retrouver dans son
nom Télémenl varman, qui équivaut à un nom de famille ;
d'autre part, on s'étonne de voir paraître à sa place le mol
deva^ qui caractérise surtout les Licchavis en contraste avec
Amçuvarman. Udaya deva serait-il un prince Licchavi
choisi comme héritier par Amçuvarman, afin d'écarter
toute opposition à son autorité? On s'expliquerait alors que
Jayadeva reprenne à partir d'Udaya deva le fil de sa généa-
logie. Les Annales chinoises, bien informées sur cette
époque de l'histoire népalaise, rapportent que « le père de
Narendra deva fut renversé du trône par son frère puîné ;
Narendra deva s'enfuit au Tibet pour échapper à son
oncle' ». L'usurpateur ne peut pas être Jisnu gupta lui-
même, pour les raisons que j'ai marquées ; c'est peut-être
un de ces Licchavis que Jisnu gupta avait hissés sur le trône
pour exercer en leur nom le pouvoir.
« Narendra deva avait un sentiment exalté de l'honneur
(mâîia); tous les rois se prosternaient devant lui, et la
guirlande de leurs diadèmes faisait comme une poussière
sur l'escabeau de ses pieds. » Voilà tout ce que Jaya deva
sait ou rapporte de son grand-père. La Varnçâvalî brahma-
nique, aussi bien que la Vamçâvalî bouddhique, associent
Narendra deva à l'introduction du dieu Matsyendra Nàtha,
et toutes deux s'accordent sur la date de cet événement,
consignée dans un vers nmémonique : l'an 3623 du Kali
yuga, soit 522 de J.-C. Celte date est inadmissible, mais
une correction s'offre d'elle-même. Les annalistes, pour
bâtir leur chronologie, opéraient sur des données expri-
1. Annales des Tang, ancienne rédaction, ch. 221 ; cf. ma Note sur
la chronologie du Népal dans le Joum. Asiai.j 1895, 2, 68.
164 LE NÉPAL
mées tantôt en ère Vikrama, tantôt en ère Çaka puisque
Tune et l'autre étaient simultanément en usage au Népal ;
avec la sereine indifférence des historiens hindous, ils ont
brouillé les deux computs. L'introduction de Matsyendra
Nâtha avait peut-être été portée, par une première réduc-
tion, à Tan 579 çaka qui correspond à 657 de J.-C. et à
3758 du Kali yuga. Ce chiffre de 579, transféré par substi-
tution au Vikrama samvat, donnait 3623 du Kali yuga
(=z522 de J.-C). La date primitive, à la base de ces
calculs, serait Tan 62 de Tère Thakuri. L'an 657 de J.-C.
tombe dans le règne de Narendra deva.
J'ai déjà conté tout au long (I, 348) l'histoire de Naren-
dra deva, de Bandhudatta, de Goraksa Nâtha et de Matsyen-
dra Nâtha, telle qu'elle est relatée dans la Vamçàvall boud-
dhique. La Vamçâvalî brahmanique est moins prodigue
de détails; elle met au premier rang, comme il fallait s'y
attendre, Goraksa Nâtha et laisse dans l'ombre Bandhu
datta. Elle place l'introduction du nouveau dieu sous le roi
Narendra deva, qui occupe le trône pendant 98 ans ; la
Vamçâvalî bouddhique transporte l'épisode entier sous le
règne de Vara deva, fils et successeur de Narendra deva.
D'après son récit, Narendra deva ne garde que sept ans le
pouvoir royal, juste assez pour bâtir quelques vihàras ;
puis, s'étant détaché des choses du monde, il abdique et
entre au couvent. Son fils aîné Padma deva et son puîné
Ratna deva l'y avaient précédé. C'est là que Vara deva
vient le supplier de sauver le Népal que la sécheresse
dévore. Narendra deva en mourant lègue h ses deux filles
sa couronne, avec une copie de la Prajnâ-pâramilâ, et son
âme passe dans le pied gauche de Matsyendra Nâtha.
C'est sous le règne de Narendra deva qu'une mission
chinoise visita le Népal pour la première fois, en 643. Le
roi accueillit avec déférence Li I-piao et sa suite qui se
rendaient dans l'Inde auprès de l'empereur llarsa. En
HISTOIRE DU NÉPAL 1 6o
647/648, une nouvelle ambassade conduite par Wang
lliuen-ts'e traverse le pays ; elle y retourne bientôt, presque
anéantie : assaillis par Tusurpateur qui s'est emparé du
trône de Harsa, Wang Hiuen-ls'e et son second ont perdu
leur escorte ; ils demandent des secours aux alliés de la
Chine. Le Népal donne 7 000 cavaliers ; le Tibet où Srong-
btsan sgam-po règne encore, fournil 1 200 soldats. Avec
ces contingents montagnards, Wang Hiuen-ts'e inflige aux
Hindous une sanglante défaite et s'empare du roi qui
l'avait outragé. Le Népal prouvait déjà, comme il fit en
1837, son loyalisme aux dépens de Tlnde. En 637, Wang
Hiuen-ls'e passe encore une fois au Népal. Et pendant tout
le règne de Narendra deva, les pèlerins chinois attirés sans
doute par sa réputation de piété visitent le pays. J'ai déjà
cité leurs noms (I, 136-166). Narendra deva, de son côté,
avait envoyé en 631 une mission au Fils du Ciel pour lui
porter ses hommages et ses présents.
Le Népal de Narendra deva, tel que le représentent les
documents chinois, est un pays prospère, d'une civilisation
avancée. Hiouen-tsang, qui n'avait pas visité le pays et qui
le décrivait sur la foi de ses informateurs hindous, s'était
fait l'écho des préventions malveillantes de la plaine contre
la montagne : <( Un climat glacial, des mœurs empreintes
de fausseté et de perfidie ; les habitants d'un naturel dur
et farouche, qui ne font aucun cas de la bonne foi et de la
justice, dépourvus do toutes connaissances littéraires, avec
un corps Inid et une ligure ignoble. » Vn pandit de Béna-
rès ne parlerait pas autrement aujourd'hui des Pahdris
(les gens de hi montagne). D'autre part Hiouen-tsang ne
sait rien sur Télat réel du bouddhisme, ni sur le grand
nombre des vihàras, que l'épigraphie vient pourtant nous
attester. Au moment même oii Hiouen-tsang trace de loin
sur des on-dit im tableau si fâcheux du Népal, Wang
Hiuen-ts'e visite le pays en personne et note ses obser-
166 LE NÉPAL
valions. Aidés de ces documents, que le témoignage des
ambassadeurs népalais à la cour de Chine (651) a permis
de contrôler el de compléter, les historiens des Tang com-
pilent h une date tardive (x*" siècle) une notice officielle sur
le Népal qui se rapporte en réalité h l'époque de Narendra
deva. La description, dans son ensemble, est si juste qu'elle
se vérifie encore dans le Népal d'aujourd'hui : maisons de
bois aux murs sculptés et peints ; goût des bains, des re-
présentations dramatiques, de Tastrologie, du calendrier;
pratique des sacrifices sanglants. Narendra deva, tel
que cette notice le représente, a le prestige el la pompe
d'un souverain oriental ; toute sa personne est décorée
de joyaux; il siège sur un trône, parmi les fleurs et les
parfums, entouré de nobles et de soldats. Sa dévotion
se marque à l'image du Bouddha qu'il porte en breloque.
Les pavillons de son palais sont ouvragés avec autant de
déhcatesse que de luxe ; au milieu s'élève une tour, haute
de sept étages, dont la hardiesse, la grandeur et la richesse
émerveillent les Chinois.
Les données des inscriptions ne démentent pas ce ta-
bleau : le grand nombre des villages nommés dans les chartes
prouve la densité de la population dans la vallée ; l'irriga-
tion, largement pratiquée, minutieusement réglementée,
met en valeur tout le sol ; rois, fonctionnaires, simples
particuliers rivalisent de zèle h multiplier les canaux et
les fontaines. Le bouddhisme et le brahmanisme possè-
dent des temples importants, enrichis de biens-fonds ; des
conseils de confrérie, laïques et religieux, en administrent
les revenus. Des couvents nombreux abritent le clergé
bouddhique. Le commerce est (lorissant; les marchands
sont organisés en corporations dirigées par des syndics.
L'ini|)ôt n'est pas un prélèvement arbitraire, mais une taxe
proportionnelle nettement définie. Le sanscrit est en hon-
neur ; les scribes de la chancellerie royale le manient
HISTOIRE DU NÉPAL 167
avec aisance, et savent même se servir des mètres les plus
compliqués ; l'orthographe réfléchit dans ses flucluations
les discussions académiques de la cour. Le Népal de Tan
650 soutient la comparaison avec les états les plus policés
deTInde. ^|Kj^ .' '
Après Narendra deva, les chroniques n'ont plus de point
de contact avec Tépigraphie ; il est inutile de tenter un
semblant d'accord entre des données trop divergentes. La
généalogie de Jaya deva (à Paçupati) place à la suite de
Narendra deva son fils Civadeva, et consacre à ce roi un
panégyrique étendu : « De Narendra deva naquit Çiva
deva ; il distribuait un argent vertueux ; ses richesses
étaient abondantes ; il triomphait des coalitions ennemies;
il réjouissait ses parents ; comme Yama, il protégeait les
créatures ; il savait délivrer de toutes les misères la multi-
tude des gens de bien réfugiés près de lui ; sa parole était
véridique ; aimé du monde, il était le soutien de la terre.
Il y avait une princesse de cette noble race des Maukharis
qui a pour fortune la vigueur de son bras ; son père, célè-
bre comme le diadème dos Varmans, humiliait de sa gloire
la foule des rois ennemis ; il s'appelait Bhoga varman ; la
princesse était en outre la pelite-fille d'Aditya sena, empe-
reur du Magadha ; son nom élait Vatsa dovî. Le roi Civa-
deva la prit respectueusement pour épouse, comme une
autre Çrt. » J'ai déjà signalé, h propos du nom de Bhoga
varman, le rang éminent occupé par la famille des Mau-
kharis dans la noblesse hindoue. Quant à l'empereur
Aditya sena du Magadha, son nom et son règne sont con-
nus par plusieurs inscriptions*, dont une est datée de
samvat 66 ; cette date, exprimée dans l'ère de Harsa,
correspond à 672-73 de J.-C. Le Chinois !-tsing, qui vi-
site l'Inde de 673 à 685, cite une fondation pieuse de ce
1. V, Fleet, Gupta Inscript. y inscrps. 42-46,
168 LE NÉPAL
prince*. Çivadeva, épouse de la pelile-fiUe d'Àditya sena,
date une de ses inscriplions de Tan H 9. L'an H9, en ère
d'Amçuvarmau, répond à 714 de J.-C. Les données chro-
nologiques sont donc ici en parfaite harmonie. L'alliance
d'un Licchavi népalais avec une princesse de noblesse si
haule atteste que l'Inde avait admis la dynastie monta-
gnaixle dans le groupe des ksatriyas authentiques.
L'inscription de 119 (à Katmandou, Bh. 12), séparée
par une soixantaine d'années des inscriptions de Jisnu
gupta, montre Tépigraphie népalaise en voie de transfor-
mation. Le cadre reste immuable ; les formules sont con-
sacrées par Tusage : le sujet est uniforme ; et pourtant,
dans Tonsemble, le ton a changé. La littérature envahit :
une rhétorique prétentieuse tend à remplacer la simplicité
des chartes anciennes. L'appel aux rois futurs estampoul.é,
ainsi que les menaces en cas de violation, et les stances
citées sous le nom de Vyàsa s'allongent comme une pérorai-
son de rhéteur. En fait, Çivadeva informe simplement les
villageois de Vaidyaka qu'il a octroyé leur village en don
aux àoàryas de Paçupati pour défrayer l'entretien duÇiva-
devo^vara qu'il a fondé. Le village devra toutefois fournir
cinq |HMieui*s |>ar. an pour la corvée du Tibet {Bhoita-
ris^fi). Le délégué royal est le prince (nija-putra) Jaya
dova.
Le même formulaire lînaL avet* la désignation du même
ilélèguê. se lit encoiv sur un fragment d'inscription que
j'ai livu\ê à Timi. Los suuMes numériques de la date
ont dis|Kiru. mais il m est (»as ilouleux que ce fragment
apparlieiuie s^u>.<i à 1^ i\ade\a. Bhagvanlal rapporte éga-
lenuMil c^ ce ivi deux ias^TÎplions douteuses : l'une (à
l'avH^vilK lUt Kî^ est Irt^x mutilée: le nom du roi est
»lh^»bU\ et vUun U date te svmMe des dizaines est à
HISTOIRE DU NÉPAL 169
peu près indéchiffrable. Bhagvanlal déclare qu'on peut lire
à volonté 123, 133, ou 143. Le délégué rayai est bh^ttâ-
raka-çrî-Çivadeva. 11 est peu probable que le roi se soit
désigné lui-même comme sou propre délégué ; et cepen-
dant le litre de hhatUiraka semble bien être dans les in-
scriptions réservé au roi. On peut supposer que Çiva deva
a volontairement abdiqué en faveur de son fils Jaya deva,
et que Jaya deva une fois roi a confié à son père Texécu-
tion d'un de ses ordres. La donation enregistrée a juste-
ment pour bénéficiaire un monastère qui porte le nom de
Çivadeva {Çivadeva'Vihâra'Cntitrdig-ârya-bhikm-sahghâya^ ;
c'était peut-être un monastère fondé par Çiva deva et où
ce Charles-Quint népalais s'était retiré après l'abdication.
L'autre inscription (à Patan, Bh. 14) est datée de 145;
mais l'introduction avec le nom du roi manque. Le délé-
gué royal est l'héritier présomptif Vijaya deva. Le texte
très mutilé laisse deviner qu'il s'agit cette fois encore d'une
question d'eau conduite et distribuée.
L'identité des caractères et du formulaire rapproche
étroitement de ces deux inscriptions une inscription que
j'ai trouvée à Nangsal (E. de Katmandou); les dernières
lignes et la date sont entièrement illisibles; le reste est en
assez bon état de conservation. Malheureusement le nom
du roi est obscur; je crois lire Puspa deva ou Pusya deva ;
c'est en tout cas un Licchavi {Licchain-kula-ketu), La
communauté du Civadeva-vihàra recueille une nouvelle
donation, avec les mêmes clauses que dans l'autre charle ;
l'intérêt particulier de ce document réside surtout dans le
nombre des couvents qu'il mentionne à propos du bor-
nage des terrains concédés : le Mànadeva-vihâra, le Khar-
jurikà-vihâra, le ...yapa-vihàra, l'Abkaya-kavii?) vihàra,
le Gupta-vihàra, le Bâja-vihàra, le Saciva-vihâra. Evidem-
ment les couvents avaient fini par occuper une grande
partie du sol de la vallée.
170 LE NÉPAL
L'inscription de Jayadeva k Paçupati (Bh. 15) clôt pour
un long temps Thisloire épigraphique. J'ai déjà eu fré-
quemment l'occasion de citer la généalogie si importante,
qui lui sert de préambule. L'inscription est datée de 153
samval, soit 748 de J.-C. Elle est tout entière en vers. Fier
de son œuvre, le poète a eu soin de la signer : il s'appelait
Buddha-kîrti; c'est dire qu'il était bouddhiste. Mais le
poème ne décèle pas un esprit sectaire; Buddha-kîrti
célèbre comme un brahmane orthodoxe le dieu Paçupati
« qui a pour essence impérissable les trois Védas ». Le
roi Jaya deva avait offert un lotus d'argent doré à sa mère
Vatsa devî, veuve de Çivadeva, et Vatsa devî à son tour
en avait fait hommage à Paçupati; le poète de la cour
s'évertue h exalter sur tous les tons, avec une incontes-
table adresse*, et l'offrande et l'œuvre pie. Au reste, il
avait dû se piquer d'honneur: le roi lui-même était entré
1. Une de ses stances en particulier roule sur une série de calembours
classiques que ni Bhagvanlal ni Buhler n'ont signalés dans leur traduc-
tion ; comme une variation sur un thème connu, elle peut par sa bana-
lité même donner à l'étude de l'alanikâra un point de repère intéressant :
angaçriyâ parigato jitakâmarûpah
kâncîgunàdhyavanitâbhir upâsyamànah |
kurvan suràstraparipâlanakâryacintàni
yali sârvabhaumacaritam prakatikaroti j| (16).
« Doué de la beauté des membres, vainqueur de l'amour en beauté,
adoré par les belles qu'enrichit le cordon de leur ceinture, préoccupé
d'assurer la protection de son beau royaume, toute sa conduite manifeste
un empereur du monde. »
La pointe, inattendue, prend tout son sens si on adople la seconde
interprétation possible:
« Il est paré du diadème de Bengale ; il a vaincu le Kâmarûpa(Assam);
les belles délicieuses de Kâiici ((if)njeveram) le servent ; il est préoccupé
d'assurer la protection du Surâstra (Kathiavar) ; toute sa conduite... »
Le Kàvyàlamhàra de Hudrata(X, 10; éd. Kavyamala, p. 134) contient
une stance très analogue :
âkramya madhyadeçam vidadhat sanivâhanam tathângânâm
patali karali kâflcyâm api tava nirjitakâmarùpasya
HISTOIRE DU NÉPAL 171
en lice; pour célébrer le chef-d'œuvre de mêlai, il avait
composé cinq vers que Buddha-kîrli a enchâssés dans son
panégyrique; une indication expresse sauvegarde les
droits d'auteur du poète couronné. Il est juste de recon-
naître que ces cinq stances dénotent une réelle habilité de
facture et, qualité plus rare, un goût assez pur. Au reste,
si Buddha-kîrti qui est bouddhiste chante Paçupati, le roi
Jaya deva qui est çivaïle salue avec respect Avalokiteg-
vara : çivaisme et bouddhisme se pénètrent au point de
se confondre.
Le panégyrique donne sur le roi Jaya deva lui-même
quelques informations précises : fils de Çiva deva et de
Vatsa devî la Maukhari, il avait, comme son père, con-
tracté une alliance de haute noblesse : il avait épousé
Râjyamati, fille de çrî Harsa deva, roi de Gauda, Odra,
Kahnga, Kosala et autres lieux, issu de la race de Bhaga-
datta. L'ancêtre de la race, Bhaga datta figure avec
honneur dans les rhapsodies épiques du Mahà Bhàrata;
ses descendants continuèrent h régner sur le Kâma-
rûpa'. Une inscription trouvée à ïejpur, qui relate les
vicissitudes du royaume d'Assam, semble désigner un
roi çrî Marisa comme le dernier prince d'une dynastie
montée sur le trône après la chute des descendants de
Bhaga datta; on a pensé à identifier ce crî Ilarisa avec le
beau-frère de Jayadeva, malgré l'évidente contradiction
des textes ^ Jaya deva avait reçu ou pris le litre {hiruda) de
Para-cakra-kfhna « désireux du domaine de ses ennemis »
qu'il devait à son héroïsme et à ses victoires, si on en
croit le poète Buddha-kîrli. Il inaugure ainsi dans l'ono-
mastique royale du Népal l'usage du mot kàma qui paraît
1. Bhagadatta est nommé en tête des ancêtres de? rois du Kàmariipa
dans le Harsacariln^ p. 217 de la Irad. Thomas.
2. Cf. K\?AÀ\oï{^,Jortrnnl Roy . As. Soc, 1898, 384-5; Hoernle, Journ.
Roy. As. Soc. Beng., LVI, 113-32 ; 285-97 ; LVII, 99-125.
172 LE NÉPAL
plus tard dans le nom personnel de plusieurs souverains :
Gunakàma deva, Laksmî kâraa deva.
Après Jaya deva, Tépigraphie et du même coup Thisloire
positive s'interrompent brusquement. Les Vamçàvalîs,
il est vrai, offrent bien un exposé continu; mais leurs
tableaux dynastiques pour cette époque embarrassent la
critique plus qu'elles ne la servent ou la guident, l'armi
les princes qu'elles énumèrent à la suite d'Amçuvarman,
on retrouve bien les noms de Narendra deva, de Çiva deva,
de Jaya deva. Mais Narendra deva est séparé d'Amçuvar-
man par quatre (K.) ou cinq règnes, qui couvrent 86 ans
(K.) ou 300 ans (W.) ou 370 ans (B.). Çiva deva ne paraît
que sur la liste de K. (Seo Deo 5); mais il y précède
Narendra deva, au lieu de le suivre. Jaya deva n'est que
le cinquième successeur de Narendra deva, il monte sur le
trône 45 ans (\^) ou 61 ans (K. W. B.) après la fin du
règne de Narendra deva. Les souvenirs associés à tous ces
princes sont d'ordre légendaire ou religieux. Krtavarman
(2) n'est qu'un nom; Bhîmârjuna (3) de même. Nanda
deva (4) a introduit dans l'usage local une des ères de
l'Inde, soit celle de Çàlivâhana (W. Bh.), soit celle de
Vikrama(V.). Vira deva (5) qui manque h K., semble un
doublet de Vara deva (8) ; il monte sur le trône en 3400
K.Y. (W. B.; =299 J.-C.) ou en 3600 K. Y.(V.; = 499
J.-C.) et fonde Patan. Candraketu deva (6), qui manque
aussi à K., règne h une époque de troubles; des ennemis
attaquent le pays de toutes parts et pillent le peuple.
Accablé de douleur, le roi s'enferme avec ses deux épou-
ses et passe douze ans à gémir sur son infortune.
Un secours surnaturel, dû h l'intervention du vajrruàrya
Bandhudatta rend la prospérité au pays; les rois qui
avaient dévasté le Népal restituent leur butin. Parvenu à
la vieillesse, Candraketu deva passe la couronne à son fils
Narendra deva, et monte au ciel. Après Narendra deva (7),
HISTOIRE nu NÉPAL 173
Vara deva (8) transporte sa résidence de Madhyalakhu
à Patan. Le nom de Çankara deva (9) amène par un lien
fatal Çankara âcârya sur la scène. Le terrible adversaire
des hérésies visite le Népal sous Vara deva, et pour
commémorer un si grand événement, Vara deva donne à
son fils le nom de Çankara. C'est sans doute un rapport
du même genre qui vaut à Çankara deva de passer
pour le fondateur de la ville de Sanku; au reste son suc-
cesseur Vardhamâna deva (10) lui dispute cet honneur.
C'est aussi Çankara deva qui a fondé, dit-on, le village de
Changu Narayan, près du célèbre sanctuaire. Sous Bali
deva (H), la vallée de Banepa est annexée au royaume du
Népal*. Après Jaya deva (12), K. énumère Irois rois qui
manquent aux autres listes : Condur Deo [12] ; Jye Deo II
[13]; Bul Deo III [14]. L'accord unanime se rétablit avec
Bàlàrjuna deva (13), qui du reste n'a point d'histoire.
L'histoire des étals voisins ne réfléchit guère de clarté
sur cette période obscure de l'histoire népalaise. L'em-
pire de Harsa, démembré, émietté, semble se reconstituer
pendant le vm* siècle autour des souverains de Canoge ;
mais les documents, fort rares, laissent place aux inter-
prétations les plus variées. Aucun, du reste, ne met
THindoustan en contact avec le Népal. Le Tibet, au con-
traire, intervient certainement dans les affaires népalaises;
h défaut d'informations indigènes, les notices des Annales
chinoises laissent entrevoir le Népal à Tarrière-plan du
Tibet, comme un facteur lointain de perturbations sen-
sibles.
Après la mort de Srong-btsan sgam-po (650), son petit-
fils, K'i-li-pa-pou (650-679) avait conduit une armée de
200000 hommes dans la province du Sse-tch'oan, soumis
h l'autre extrémité du plateau central Khotan, Kachgar,
1. KiRKPATRICK, p. 267.
174 LE NÉPAL
les riverains de rissyk-koul, les Tou-kou-houn du
Kouoku-iior, envahi et pillé le Ivan-sou, et entraîné dans
son alliance les Tou-kiue occidentaux. « Au Sud. ses
domaines s'étendaient jusqu'à Tlnde centrale (Po-lo-men),
Son empire couvrait plus de 10000 li; depuis le temps des
Han et des Wei aucun peuple parmi les nations de TOuest
n'avait été si puissîuil. »
Les Chinois profitèrent de la minorité de K'i-nou-chi-
loung et des Irouhles qui accompagnèrent la régence de
K'in-ling, pour reconquérir les « quatre gouvernements » :
Koutcha, Kachgar, Khotan (ît rissyk-koul (692); mais
Ki-nou-chi-loungà son tour prit ToHensive ; il parut devant
Liang-lcheou en 090 et en 702, et réclama la main d'une
princesse impériale qu'on n'osa pas lui refuser. Mais « à
ce moment les états soumis h la frontière sud du Tibet, le
Népal (Ni-po-lo) et l'hide centrale (Po-lo-men) se révoltè-
rent à la fois; le tsan-pou partit en personne les punir,
mais il mourut pendant la guerre ». La révolte échoua
cependant, et le nouveau roi du Tibet, K'i-li-so-tsan, sut
maintenir sa suzeraineté. Kn fait, la charte de Çivadeva
datée de 714 J.-C, qui concède un village hbre de
charge, stipule néanmoins l'obligation de fournir cinq
porteurs pour (( la corvée tibétaine » (IJ/ioUa-visli).
(i'est à cette occasion que le nom donné en sanscrit
aux Tibétains paraît pour la première fois. La « corvée
tibétaine » consistait probablement h transporter à travers
la montagne soit les articles payés en tribut au Tibet, soil
les hauts personnages tibétains envoyés au Népal. C'est
une corvée du même genre que l'autre inscription de
Çiva deva indique par une allusion discrète, en stipulant
l'obligation d'aller a dans les pays du deliors {hahir-deça'
(/(tmana). L'hide centrale elle-même, si elle ne payait pas
au Tilx'l un li'il)ul réguli(M', nr resta pas à l'abri des dépré-
dations : dans la période K'ai-juen (713-741) une ambas-
HISTOIRE DU NÉPAL 175
sade de l'inde centrale vint demander au Fils du Ciel une
armée de secours pour punir et les Tibétains et un autre
ennemi, plus formidable encore, qui venait de faire son
apparition : les Arabes (Ta-chi). L'empereur Hiuen-lsong,
qui avait grand mal à défendre son propre territoire, se
contenta d'octroyer par décret un titre d'honneur à l'ar-
mée indienne; il la nomma a l'armée qui aime la vertu »
{hoai'te-kiun) .
L'ambassade envoyée h la Chine par le roi du Cache-
mire, Muktàpida, entre 736 et 747 n'eul pas plus de résul-
tats, et cependant Muktàpîda se faisait fort d'entretenir
une armée auxiliaire de 200000 hommes; il représentait
que, de concert avec le roi de Tlnde centrale, il avait
bloqué les cinq routes du Tibel et remporté plusieurs
victoires sur les Tibétains. « Les Tibétains en auraient
pâli, si leur teint blême n'avait dissimulé leur souci. Quand
les singes sont en colère, peut-on distinguer la rougeur sur
leur face*? »
Vers 760, la perte du pays de Ko-long sépare définiti-
vement les Chinois de l'Inde. La puissance tibétaine con-
tinue toujours à croître. En 763, So-si-loung-lie-tsan réussit
même à s'emparer de Tch'ang-an, la capitale de l'Empire;
mais il est aussitôt obligé de se retirer. L'apparition des
Hoei'ho (Ouigours) sur la frontière du Nord, relarde un
instant l'élan des infatigables envahisseurs, mais n'arrive
point à le briser. En 786, les Tibétains sont les maîtres
du Chen-si jusqu'à la (irande-Muraille ; en 790 ils pren-
nent Pei-t'ing (Ouroumlsi) et An-si (Koutcha).
Le Cachemire, qui fait cause commune avec l'Inde
contre le Tibet, et (ju'une ardeur inquiète d'expansion
pousse depuis le début du vui*' siècle tantôt vers le Gange
1. Rdja-tarangini, IV, 168 : et cf. Itinéraire iVOuICony par Sylvain
Lévi et Kdouard Ciiavannes, p. 350, n. 1.
176 LE NÉPAL
et lanlAl vers l'Asie Centrale, essaie à ce moment d'arra-
cher le Népal aux Tibétains. Jayàpîda qui y règne est un
bel esprit, ami des poètes qu'il rassemble à sa cour et
qu'il prend pour minisires; exalté par leurs flatteries, il se
croit destiné à la conquête du monde et se jette à l'étour-
die dans les aventures les plus téméraires, souvent les
plus désastreuses. La légende, complice des poètes de
cour, a tout pardonné h ce Richard Cœur-de-Lion ; elle l'a
même doté d'un autre Blondel. Jayàpîda, qui a déjà poussé
jusqu'au Bengale et réduit en route Kanyâkubja, et qui a
déjà connu la captivité chez Bhlma sena, roi de l'Est,
envahit brusquement le Népal à la tête d'une forte armée.
Aramudi, roi du Népal, accourt lui barrer le chemin; la
bataille s'engage ; l'armée de Jayàpîda est taillée en
pièces; Jayàpîda lui-même tombe aux mains de son
adversaire qui l'enferme « dans une tour obscure » au
bord de la Kàla gandikà. Les ordres sévères d'Aramudi
assurent le secret inviolable de la prison qui recèle le
captif royal. Mais la poésie et le chant triomphent de la
force brutale ; un ministre de Jayàpîda errant à la recher-
che de son roi prête l'oreille aux plaintes que module le
prisonnier, reconnaît sa voix, pénètre par un artifice auprès
de lui et sacrifie joyeusement sa propre vie pour per-
mettre à Jayàpîda de s'échapper*.
M. Stein considère, sans doute avec raison, cet épisode
connue un (*onlc populaire : mais le fond peut en être exact.
Aramudi ne figure pas, il est vrai, parmi les rois du Népal,
et \i' tour barbare de son nom détonne parmi les noms
sanscrits d(»s rois authentiques. Mais la singularité même
d«' (*e nom le recommande à l'attention; un conteur en
veine d'invention aurait forgé le nom du roi népalais sur le
type* courant; ainsi procède, par exemple, le poète de la
I. Rnja-taranyinl, IV, 530 sqq.
HISTOIRE DU iNÉPAL 177
Brhal Kalhà. La consonance étrange du mot Aramudi peut
cacher un nom tibétain. Les Tibétains, protecteurs du
Népal, et intéressés à couvrir leur frontière méridionale
contre les entreprises renouvelées du Cachemire, avaient
peut-être assumé la défense du territoire vassal et opposé
à Jayàpîda un de leurs propres généraux. En tout cas, il
est impossible de ne pas reconnaître dans la rivière Kâla
gandikâ du récit le nom de la Kàla (ou Kâli) Gandakî, la
Gandakî noire, la plus occidentale des sept Gandakîs ;
c'est, en effet, la première barrière où une armée népa-
laise doit tenter d'arrêter un envahisseur venu de TOuest
par les montagnes.
Le Népal resta donc sous le joug du Tibet. Khri Ide srong
btsan (816-838), appelé aussi Rai pa éan (les Chinois le
nomment K'o li k'o tsou et I-laï), était le suzerain, au
Nord, de la Mongolie ; k TOuest, des territoires qui con-
finent à la F^erse ; au Sud « des pays de Tlnde bLo Mon Li
et Zahora (c'est-à-dire du Népal et de TFIindoustan) jus-
qu'au lit majestueux de la Gangâ* ». Mais une crise reli-
gieuse allait soudain amener et précipiter la décadence.
Tandis que la puissance politique du Tibet se développait,
le bouddhisme avait fuit des progrès énormes. Introduit par
l'induencc simultanée de l'Inde et de la Chine, sous les
auspices de deux princesses gracieuses, il avait reçu bien-
tôt de puissants renforts, dus au malheur des temps.
L'Islam était né (hégire : 622 de J.-C); une expansion
irrésistible l'avait porté en triomphateur jusqu'au Pamir
et jusqu'aux passes de ITnde en moins d'un siècle. Les
moines à la robe jaune fuyaient, éperdus, devant ces sin-
guliers apôtres qui pillaient les temples et brûlaient les
couvents. L'Inde effarée se resserrait autour des brahmanes
qui représentaient cet ordre antique des choses, qu'on
1. Rgyal vabSy Iraduct. Emil Schlagintweit, loc. laud.
H. — 12
178 LE NÉPAL
avait trop longtemps cru immuable ; elle se détachait du
bouddhisme, suspect d'indulgence et de tendresse aux bar-
bares. Les successeurs de Srong btsan sgam po virent
qu'ils pouvaient tirer parti de la situation : ils accueillirent
à bras ouverts les exilés, les expulsés qui apportaient au
Tibet les sciences humaines et les connaissances surna-
turelles et qui mettaient de plus au service des ambitions
tibétaines leurs anciens fidèles, apostats par peur ou par
entraînement, mais tout prêts à rentrer dans le giron de
rÉglisc au jour de sa victoire. Les couvents se multi-
plièrent ; sous la direction de savants venus de Tlnde et du
Népal, on commença à traduire les livres saints. En 824,
une ambassade tibétaine vint demander à la cour de Chine
une image de la montagne Ou-t'ai {Pafïca çlrsn) où réside
Manjuçrî.
Lue réaction formidable suivit ces progrès trop rapides.
En 838, I t\'iï mourait; le trône passait à son frère qui
portait, par Tironie du sort, le nom de I)(h)arma (Glan
Darma ; en chinois Ta-mo). Les écrivains bouddhistes ont
traité Darma comme les chrétiens Néron ; il est, dans
rhisloire ecclésiastique, le monstre complet, Tabomination
de la désolation. Les Annales mêmes des T'ang, rédigées
sous rinfluence bouddhiste, le représentent comme un
ivrogne, amateur d'exercices violents, adonné aux femmes,
cruel, tyrannique. Il fit murer les couvents, dispersa les
moines, livra aux flammes les textes sacrés, entassa les
impiétés sur les horreurs, jusqu'au jour oii un Jacques
Clément Tabatlit d'une llèche (842). Darma ne laissait pas
d'héritiers; on lui supposa des fils posthumes qui servirent
de ralliement à chacun des partis. La guerre civile s'en-
gagea ; ON app(*la réiranger h Taide. La Chine qui avait
longtemps attendu profita de l'occasion pour recouvrer
une partie des territoires perdus (849) ; Chang k'oung,
qui avait pris le litre de lsan-pou,allase faire tuer dans une
HISTOIRE DU NÉPAL 17Ô
bataille contre les Oiiigours (866). Le royaume, scindé, eut
deux capitales : Lliasa et Chigatze; il en eut bientôt une
troisième ; c'en était fait de Tempire de Srong btsan
sgam po.
Ce bouleversement politique, qui change tout à coup la
face de TAsie intérieure, correspond, dans les fastes du
Népal à une véritable révolution. Le jeudi 20 octobre 879
(1" kârttika çudideVik. 936 courant) est le point de départ
d'une ère nouvelle qui porte le nom d' « ère népalaise »
Nepâla-sarrivat. La fondation d'une ère est, même aux yeux
des Hindous qui en ont abusé, un événement considé-
rable ; le prince qui y prétend doit avoir tué par millions
des Çakas (envahisseurs scy thiques), ou tout au moins payé
sans exception les dettes du royaume. Les chroniques
népalaises ne savent rien du fait réel qui créa le Nepâla-
samvat; elles rapportent (W. V. B.) un conte populaire oti
rien n'est authentique. Un savant astrologue révèle au roi
de Bhatgaon, Ananda Malla, un secret merveilleux; sous
l'influence mirifique du ciel, le sable ramassé au confluent
de la Bhadràvalî et de la Bitsnumati doit se transmuer
spontanément en or. Le roi envoie des coolies recueillir au
lieu dit, h Theure dite, le sable à pleins sacs. Leur lAche
accomplie, les coolies s'en retournent avec leur charge vers
Bhatgaon. Mais un marchand de Katmandou, nommé
Sakhvà\ les rencontre; il leur demande de lui livrer les
sacs à domicile ; ils n'auront qu'à prendre ensuite une
autre charge pour le roi sur le chemin du retour. Les
coolies, sans méfiance, acceptent l'arrangement. Ils ren-
trent enfin h Bhatgaon; Ananda Malla qui s'impatiente
ouvre vite les sacs; ils ne sont remplis que de sable. Le
roi déçu court chez l'astrologue, l'accable d'injures, tourne
1. La forme sanscrite est Çankhadhara. L'almanach népalais de 1902
(Népal a deçîya Paficànga 1959 vik ) appelle l'ère népalaise : çri Çankha-
dhara krta Nepàla sarnval).
180 LE NÉPAL
sa sciencf? on rl^îrinion, et Tastrologue saisi de dépit jette
au feii son grimoire magique. Ananda Malla, rentré dans
son palais, découvre au fond des sacs quelques grains d'or
pur ; il s'enquiert, et comprend le tour joué à son détri-
ment. I*osîiesseur d'une fortune immense, Sakhvà demande
au roi de Katmandou, Jaya deva Malla, Tautorisation de
payer toutes les dettes; il l'obtient, et inaugure une ère nou-
velle. En témoignage de gratitude, il dresse sa propre statue
en pierre à la porte de Paçupali, où on la montre encore.
La légende n'est évidemment qu'une malice des gens de
Katmandou aux frais des gens de Bhatgaon. Les rois mêlés
au récit datent en réalité du iv* siècle du Nepâla-samvat ; le
conte ne laisse donc pas de résidu à l'histoire. Mais la Vamçà-
valî de Kirkpatrick introduit, h la suite de Bâlàrjuna deva
(13, Ballunjoon Deo [15]) un prince appelé Ràghava deva
(Ragheeb Deo [16j), absent des autres listes et K. ajoute:
« Ce prince introduisit l'ère Tambul [corr. Sambut^
Samvat] ou ère de Bickermajeet, au Népaul, où le com-
put le plus employé aujourd'hui est pourtant chez les
Purbutties l'ère Çaka. Les Névars, d'autre part, ont un
style propre sur l'origine duquel je ne sais rien de certain,
sauf qu'il apparaît avoir été institué il y a neuf siècles envi-
ron, l'an 914 de leur comput commen(;ant le 15 de kar-
teck ou 28 octobre 1793. Peut-être le commencement de
ce comput serait-il en rapport avec la période du premier
établissement de la dynastie de Semroun au Népaul. » La
dynastie de Semroun est celle de llari simha deva, qui
envahit le Népal en 1324 ; le « premier établissement » à
(( Scunroun » (Simangarh) est attribué par Kirkpatrick
même» à « Nan Deo » (Nànya deva) en l'an w de Bicker-
majeet » 901 (844 J.-C). Kirkpatrick sépare formellement
Hilghava deva et l'ère du Népal. Prinsep*, en a ajustant n
1. Uaef'iil Tahlrn, éd. É(L Thomas. London, Î858, p. 269.
HISTOIRE DU NÉPAL 181
la chronologie népalaise, substitue le Népâla-samvat au
samvatde Vikramàditya, et porte l'avènement de Râghava
deva h Fan 880 J.-C. ; il en fait ainsi le point de départ de
Tère nouvelle. Cunningham* reprend à son compte, comme
un fait acquis, Tassertion de Prinsep; et M. Bendall,
qui accuse à tort Kirkpalrick d'avoir omis Râghava deva,
s'autorise de Cunningliam pour représenter Râghava deva
comme <( le fondateur traditionnel de Tère du NépaP ». Il
observe de plus que la durée des règnes assignés à ce prince
et à ses successeurs jusqu'à l'avènement de Laksmî kàma
deva donne environ un total de 135 ans. La première date
connue du règne de Laksmî kâma deva est justement
l'an 135. La combinaison de Cunningham, ou plus exac-
tement de Prinsep, a donc chance d'être exacte.
Il ne faut pas perdre de vue pourtant qu'il n'existe pas
un seul texte qui rapporte expressément à Râghava deva
la fondation du Nepâla-samvat. Le seul document publié
jusqu'ici (K.) lui attribue simplement l'introduction du
Vikrama-samvat. D'autres Vamçàvalîs, qui ignorent Râ-
ghava deva, rapportent h un de ses prédécesseurs un fait
analogue. Nanda deva (4) introduit au Népal soit l'ère de
Çàlivâhana (W. B.), soit l'ère Vikraraa (V.). Et c'est ainsi
peut-être qu'il convient d'expliquer l'origine de l'ère népa-
laise. L'an 879-880 qui est la première année courante de
celte ère est la première année écoulée du ix" siècle (;aka.
Nous savons avec certitude que l'ère çaka avait à cette épo-
que pénétré dans les régions himalayennes do l'Inde. La
praçasti de Baijnâth^ datée de a l'année écoulée 7[26?] de
Tère çaka » prouve que cette ère était alors en usage dans
la haute vallée de Kangra, entre le Cachemire elle Népal.
Elle se trouve justement associée dans cette inscription à
1. Indian Eras, p. 74.
2. Journ. As. Soc. Beng., 1903, p. 5.
3. Épigr. Ind., 1, 112.
182 LE NÉPAL
une date de nature indéterminée, « l'an 80 ». On v a
reconnu sans hésitation le roniput Saptarsi ou Loka-kàla
qui part de 307;) avanl J.-C, mais qui laisse de coté dans
Tusage réel les chifîres des centaines et des milliers, (-e
fçenre de comput était très répandu au Cachemire, et sa
commodité avait dû en propager Temploi. L'originalité du
NepcUa-sainvat semble» consister essentiellement dans ra|)-
plication à l'ère (;al\a des pro(*édés propres au l^olia-kàla.
Au lieu de compter 801, 802 etc., on compte 1, 2, etc.
Pointant l'année du calendrier névar ne copie pas servile-
ment l'année çaka ; celle-ci en efîet commence au mois de
caitra (mars-avril), dans l'Inde du moins'. L'année névare
commence en kàrlika (octobre-novembre), comme fait
l'année vikrama. L'année névare combinant ainsi les traits
des deux calendriers, on comprend que la tradition puisse
en représenter la fondation comme Tinlroduction de Tun
ou l'autre comput, (;aka ou vikrama.
Si l'ère névare n'est qu'une adaptation de l'ère (;aka, il
est légitime de se demander pourquoi cette substitution
s'est opérée. L(^ pûle Haghava (leva n'a pas la figure d'un
fondateiu- d'ère. Je ne puis m'empe(!her de croire que le
Népal, délivré du joug tibétain parle meurtre de Glan Dar-
ma et l'anarchie qui suivit, salua le nouveau siècle comme
une période nouvelle de son histoire ; nous savons quelle
attente superstitieuse s'attache, en Europe môme, à la
naissance d'un siècle nouveau. Ihie croyance astrologique,
répan<lu(» au iNépal, put contribuer aussi h la création du
nouveau comput. Les Névars, que les voyageurs chinois du
vu'^ siècle dépeigntMit déjà comme a entendus au calcul des
(lesliné(»s, (*l habiles dans Fart du calendrier' », croient à
l'inlluence funeste du chiffre S. « Toute année où se ren-
2. \ . sdp., I, \^)\.
HISTOIHE OU KKPAL 183
contra un 8 eut niie aiiin^e de malheur'. » I,e plus piquant
c'est que le deslJn <t voulu donner raison au prt'-jugé. C'est
Temple de Loinri Mli, prËs de Kitmandoii.
en l'anni'ie 888 du Nepâla-samvnl (= 1768 J.-C.) que les
Gourkha? ont conquis le Ni'^pal ! La peur de vivre pendant
cent ans sous une menace aussi Formidable aurait s^ufïi
184 LE NÉÏ»AL
peut-être pour provoquer une révolution du calendrier chez
un peuple si préoccupé d'astrologie.
Les premiers successeurs de Ràghava deva ne sont que
des noms et des noms assez mal établis. La liste de K.
énumère Seeker Deo [\ 7] avec un règne de 88 ans et 6 mois,
puis Solio Deo [18] avec un règne de 33 ans et 9 mois. La
liste de Bd.' substitue à ces deux princes un nouveau Jaya
deva, avec 10 ans de règne seulement, en regard d'une
période de 121 ans chez K. Pour expliquer et corriger un
écart aussi grave entre des documents si étroitement unis
d'ordinaire, on est tenté de considérer les deux nombres
de K., 88 et 33, formés Tun et Fautre d'un chiffre répété,
comme une dittographîe, imputable soit à Tinformaleur de
K., soit à K. lui-même, soit fi son éditeur. Les deux règnes
se trouveraient ramenés à un total de 12 ans et 3 mois.
L'accord unanime des Vamçâvalis, interrompu après Bàlàr-
juna deva(13), se rétablit avec Vikramadeva(14), encore
que la durée de son règne soit assez flottante : 1 an (K.),
8 ans 9 mois(Bd.), 12 ans (B. W. V.). Après lui K. et Bd.
insèrent Narendra deva [20], qui règne 1 an et 6 mois.
Gunakâma deva (15) se laisse entrevoir comme une per-
sonnalité assez vigoureuse dans celle longue série de rois-
fantômes. Son règne se prolonge plus d'un demi-siècle: 51
ans (B, W. V.), 65 ans 5 mois (Bd.), 85 ans 6 mois (K.).
La légende, à défaut de Thistoire positive, s'est plu h le
représenter comme un monarque puissant et somptueux.
Il passe pour le fondateur de Katmandou. Cependant la
tradition qui associe k ce souvenir le nom de (lunakAma
date la fondation de Tan 3824 écoulé ou 3825 présent du
Kali-yuga, soit 723-724 J.-C. Je n'ai pas pu, malgré des
recherches opiniâtres, recueillir une date plus détaillée.
1. A partir d'ici, je dési^jnerai par ces lettres Bd. les nouveaux maté-
riaux signalés et analysés par Rendait (v. sup.y I, 198 et note).
HlSTOinE DU NÉPAL 185
qui fùl susceptible d'ôlre vérifiée par le calcul. En fait, la
date exclut le roi, et réciproquement. Prise en elle-même,
la date semble acceptable ; elle est assez basse pour écar-
ter les soupçons. Un annaliste en veine d'invention aurait
gratuitement reculé dans le passé le plus lointain, jusqu'au
premier des Gunakâma deva, Torigine de la capitale. De
plus, c'est vers la même époque que les chroniques placent
la fondation de Patan et de Sanku. La naissance de ces
trois grandes villes correspond logiquement à la transfor-
mation de la vie économique au Népal. Les inscriptions de
la période antérieure ne mentionnentjamaisquede simples
communautés rurales (yrama) ; la population dispersée
•dans les champs vivait surtout de la culture. Deo Patan,
appuyée au temple de Paçupati, était encore la seule ville
(pailana). Le roi y résidait près de la divinité qui le proté-
geait ; la cour et les pèlerins assuraient au bazar une clien-
tèle suffisante. Mais peu à peu les relations régulières avec
rinde développent le commerce d'échange ; la constitution
du royaume tibétain ouvre un nouveau marché qui s'étend
sans cesse. Gardien des passes qui relient à longue distance
rindedes ràjas et la Chine des empereurs, le Népal se voit
promu brusquement courtier de deux mondes. On déserte
la terre trop peu lucrative pour se jeter dans le négoce.
(( Les marchands, tant ambulants qu'établis, y sont nom-
breux; les cultivateurs rares» dit la notice des T'ang'. Les
arts manuels, où triomphent l'ingéniosité et l'adresse des
Névars, promettent un gain facile ; orfèvres, fondeurs,
peintres, enlumineurs se multiplient sans encombrer le
marché. Les exigences des professions nouvelles favorisent
la vie de société, naturellement chère aux Névars. La puis-
sance croissante des rois tend aussi à grouper autour d'eux
une population plus nombreuse. Les villes surgissent. Il ne
1. V. sup.y 1, 164.
186 LE iNÉPAL
s'agit pas d'une création de toutes pièces ; les inscriptions
anciennes encore conservées dans leur enceinte montrent
qu'elles se formèrent par la réunion de plusieurs villages,
progressivement agrandis et rapprochés au pointdese con-
fondre. Il se peut toutefois que Gunakàma deva ait mérité,
par les travaux d'embellissement qu'il y exécuta, d'être
considéré comme un autre fondateur de Katmandou. Il y
avait, entre autres, construit une fontaine en or, dont le nom
seulement s'est perpétué; c esl\aSon'd\\àvêi(Siwarna'dhr}râ)
entre leDarbaret le vieux pont de la Bitsnumati. L'ancien
nom de Katmandou, Kântipura, a pu conduire d'autre part
à un rapprochement avec Gunakàma; kdnli et /lâma sont
deux formations apparentées, tirées l'une et l'autre de hi.
racine kam « aimer ». Parmi les institutions religieuses que
la tradition rapporte h Gunakàma deva, et que j'ai déjà
signalées en étudiant le culte, je rappellerai ici Vdyâlrâ en
l'honneur de Khasarpa Lokeçvara (cf. I, 334) clairement
destinée à battre eu brèche, au profit de Katmandou, la
yàtrâ de Matsyendra Nâtha de Patan. Paçupati bénéficia
aussi de sa munificence fabuleuse : il fit verser pendant
quinze jours sur le linga de feau d'or, qui s'échappait de
deux fontaines d'or, et couvrit le temple d'un toit doré.
Malgré tant de prodigalités, il put encore mettre en réserve
une somme de cinq cent vingt millions qu'il confia au Nàga
Vàsuki dans les creux du mont Indrâcala. Sa puissance
s'étendait au dehors de la vallée vers l'Est ; c'est de là qu'il
amena la déesse Candeçvarl, comme Amçuvarman en avait
amené déjà Prayàga Bhairava.
Par un contraste déconcertant, les documents directs
reprennent au lendemain même de ce long règne, alors
qu'on n'a signalé encore ni inscriptions ni manuscrits du
temps de Gunakàma deva. IJdaya deva [22] figure sur les
listes de K. (6 ans) et de Bd. (5 ans 5 mois). Nirbhaya deva
[23J n'est nommé que par K. (7 ans) ; mais l'accord se
HISTOIRE DU NÉPAL 187
rétablit sur les noms suivants. Ici encore, la liste de K. est
la plus exacte. En regard de Bhojadeva {i 6), elle insère Bhaj
Deo Budro [24]. Nous avons clairement affaire ici h une
confusion graphique de Tédileur, qui a lu ou transcrit B
pour R. Nous devons lire Hudro, qui revient h Rudra dans
la transcription usuelle. Rudra ne paraîl' sur aucune autre
liste ; mais deux signatures de manuscrits garantissent
Tauthenticilé de son nom et de son existence. La collection
de Cambridge possède une copie (AdcL 866) de la Prajnà-
pâramilâ en huit mille stances écrite en samvat 128 (1 008
J.-C.)\ sous la «double royauté » {dvi-rdji/a/ta)de Nirbhaya
deva et de Rudra deva, souverain de la terre.
L'expression dvirâjykâ semble bien désigner, comme Ta
supposé M. Rendait, un gouvernement exercé par deux
rois. Un drame de Kàlidàsa, Màlavikàgnimitra, offre un
terme presque identique, dvairâjrja, et le contexte permet
d'en fixer sûrement le sens. Le roi Agnimitra, informé
d'une victoire remportée par ses troupes, règle les desti-
nées de l'état conquis (Acte V, vers 13 et 14). « J'aiTinten-
1. La dale est assez détaillée pour se prêter à un calcul de vérification.
Abde çaté sâstakavimçatigate mâse çubhe phâlgunâçuklapakse somavâre
naksatraramyottarabhadrasaipjne.
An 128, Phâlf^'una, quinzaine claire, lundi, naksatra l'ttara-Hliadra.
Le quantième de la tilhi n'est pas indiqué : mais, sur les données four-
nies, on obtient les résultats suivants: en 128 N. S. [Nepala-samvatJ,
écoulé^ soit 1007-8 J.-C, deux lundis tombent en Phâl«;una, quinzaine
claire; 7» tithi, le naksatra est Rohinî (IV) ; 15'" tithi, le nks. est Pûrva-
Phàlgunî (XI).
En 128 N. S., calculé comme année présente, contre l'usage, soit
1006-7 J.-C, le lundi tombe enphâlguna rudi : 5^' t., nks. Bharanî (li) ;
12e t,^ nks. Âçlesâ (IX).
Aucun des deux résultats ne convient.
Calculé d'autre part en ère d'Amçuvarman, la date donnerait pour
128 écoulé = 72'i-5 J.-C, le lundi 2 phàlguna cudi, nks. l'ttara-Bhadra-
pada(XXVl) = 19 février 725 J.-C
(Ici, comme dans toutes les dates que j'ai essayé de vérifier, mes cal-
culs sont faits sur les éléments fournis par les Tables de R. Sewell et
Ç. B. DiKSHiT dans The IndianCalendar. London, 1896.)
188 LE NÉPAL
lion d'installer les deux princes Yajna senaelMàdhava sena
sur un double trône {dvnirâjya). Que tous deux à part, ils
gouvernent les rives de la Varadâ, au Nord et au Sud,
comme Tastre froid et Tastre brûlant se partagent la nuit
et le jour ! » Le roi envoie consulter sur ce projet le con-
seil des ministres, et le chambellan lui rapporte leur
réponse : « Le conseil des ministres a les mêmes vues.
Partageons entre eux deux la charge du pouvoir, comme
le timon entre les chevaux du char, tenus par la même
main ; ils resteront, Sire, sous ton autorité, sans en venir
jamais à se nuire entre eux ». Le régime de « double-
royauté » n'est donc point exactement un consortium,
comme le donne à entendre la traduction de M. Bendall :
(( joint-regency ». C'est un régime bien défini dansla poli-
tique hindoue, où deux princes se partagent par moitié un
seul état, sans en détruire pourtant l'unité organique. Ce
régime semble supposer, comme dans le cas de Màlavikà-
gnimitra, un pouvoir étranger qui se superpose en modéra-
teur et en suzerain au-dessus des deux princes. L'hégémo-
nie tibétaine ne saurait plus être en question à cette époque ;
d'autre part l'histoire de l'Hindoustan nous est mal connue.
Il n'est pas impossible que la dynastie des Pâlas, arrivée
vers ce moment à son apogée, maîtresse du Gange entre
Bénarès et la mer, ait rangé le Népal sous son autorité tout
au moins nominale. On s'expliquerait mieux ainsi la pré-
sence dans les collections népalaises de manuscrits copiés
sous le règne des Pàlas, spécialement do Mahl p<\la et de
Naya pàla (pii occupent la première moitié du xi' siècle. La
religion avait dû nouer des rapports étroits et fréquents
entre le royaume montagnard et l'empire des plaines. Les
Pâlas possédaient la Terre sainte du bouddhisme ; les deux
sites saints entre tous, Bodhi-Gayà et Sarnath (près Béna-
rès) ont conservé des inscriptions de Maht pâla. Le couvent
de Vikrama çila, qui avait remplacé Nàlanda comme le
s
s
HISTOIRE DU NÉPAL 189
foyer du savoir et de la piété bouddhique, s'élevait au
milieu du domaine des Pâlas; parmi les maîtres qui y bril-
laient au début du xi* siècle, Târanâtha nomme trois Népa-
lais : Ratna kîrli, Vairocana Pandila el Kanaka çrî. La
mission chinoise dite a des trois cents samanéens » (cf. I,
166, note), après avoir visité le Magadha soumis aux Pàlas,
s'en retourne parle Népal. La mission tibétaine envoyée à
Vikrama çîla, vers 1040 J.C., pour en ramener le savant
Atîça, rencontre à la frontière de Tlnde la compagnie d'un
prince népalais qui se rendait au même monastère, et fait
route avec elle. D'autre part, les savants, de Tlnde montent
volontiers au Népal : sous Deva pàla (x* siècle), c'est Vajra
deva ; arrivé au Népal, il y voit une sorte de mauvaise fée
{tîf'thya-tjog'uu) qui commettait des actes irréguliers ;
il compose contre elle un poème de blâme. En retour elle
le maudit et il attrape la lèpre ; mais un hymne qu'il écrit
en l'honneur d'Avalokiteçvara, le Lokeçvara gataka, le
délivre de cette hideuse maladie*. Un contemporain d'Atîça,
Vâg îçvara Kîrti, magicien et sorcier, passe au Népal la
seconde moitié de sa vie, occupé surtout de rites magiques
{siddhi)\ Sous les successeurs immédiats de Naya Pàla,
Pham-mthin avec son frère et Jnàna vajra travaillejit au
salut des créatures dans h? Népal \ Enfin, quand les Musul-
mans renversent (jovinda I^âla et s'emparent du pays de
Magadha, en H 97, Buddha grî du Népal qui avait été le
président {sthavira) des Mahà-sàinghikas au couvent de
Vikrama (;îla et qui avait publié au Népal beaucoup de
Pâramitàs et de Mantras, reprend le chemin de sa patrie,
escorté de ses disciples; et Italna raksila l'ancien vient
bientôt l'y rejoindre \
1. Târanâtha, p. 21'i. Le cataka ♦îxisle encore ; dans la signature, l'au-
teur est appelé Vajradatla ie grand archiviste (muhdksupataUka).
2. /ô., 237.
3. /6., 249.
4. Ib., 253 et 255.
190 LE NÉPAL
Rudra deva, associé en double royauté avec Nirbhaya
deva en samvat 128, réparait sept ans plus tard dans la
signature d'un autre exemplaire de la Prajnâ-pâramifâ
{Cambridge, Add, 164S), écriten samvat 135 (1015 J. C.)*.
Les deux manuscrits, de 128 et de 135, proviennent du
1. Les données admettent une vérification. Je reproduis le texte du
colophon tel qu'il a été rétabli par M. Foucher (iï'/î/de* d* Iconographie
Bouddhique, p. 16).
pancatrimçâdhike 'bde çatatamapragate caitramâse himâbhe | vikhyâte'smin
daçamyân ditijaripuguror vâsare sampraçaste ||
Au lieu de pragate, l'original porte praçate ; mais la ressemblance
des deux caractères ça et ga dans la graphie népalaise est si forte que
la correction s'offre d'elle-même. AL Bendall l'a proposée dans son Cata-
logue, et M. Foucher l'a admise. Cependant M. Bendall indique que
pragate, comme praçate, qui lui équivaut en scansion, pèche contre
la métrique ; 1'^ tinal de çatatarna, placé devant le groupe pr, devrait
s'allonger par position. L'usage classique, en effet, n'admet pas le main-
tien d'une brève devant le groupe : muette -f liquide. Mais le scribe,
auteur des stances de signature de ce ms., laisse en pareil cas la quan-
tité facultative. A l'intérieur du vers suivant, il scande successivement
râjhi çrl° , et ^lahdha çrl .yj^. L'auteur de rAdikarmapradipa(LAVAL-
LKK-PoiissiN, Bouddhisme, Études et 'matériaux, p. 204), dans la stance
de signature de son œuvre, scande de même cirabrahma^ sj^^yj. Cette
pratique était donc tolérée au Népal, tout au moins dans les parties les
moins soignées d'une œuvre littéraire. J'en puis même signaler un
exemple épigraphique, de la belle époque classique. Une inscription fu-
néraire d'Eran (Gupia Inscrps., p. 93) datée de 191 (Gupta= 510-11
J.-(i.) scande dans une indravajrâ : bhaktânuraktâ câ priyâ ca kântâ.
Mais une autre difficulté, plus grave, se présente. En Tan 135 N. S.
écoulé (comme le texte le spécitie: pragata), la 10»= titlii de caitra çudi
(himàOha) tombe un jeudi en effet (3 mars 1015 J. C), si on admet que
le calendrier népalais suit à cette époque le système des inlercalalions
vraies. Mais alors, le mois de caitra est intercalaire cette même année,
et dans ce cas on ne manque pas de spécifier si le mois en cours est le
premier ou le second des mois doublés par intercalalion. M. Kielhorn
(Ind. Antiq., XVll, 248) substitue hardiment a praçate le mot itare (|ui
désignerait le mois intercalaire. Mais c'est là faire violence aux textes.
Le système des intercalations moyennes, d'aulre pari, fait toniber le
mois intercalaire dans le courant de l'année précédente. L'année 135
commence alors, au lieu du mardi 22 féviier, le mercredi 23 mars, et la
10*" tithi de cailia coriespond non plus à jeudi, mais à un vendredi,
1" avril 1015.
Dans ce cas-ci encore, en partant de l'ère d'Aniçuvarman, nous aNons
un résultat satisfaisant. 135 écoulé =rr 731-2 J.-C. la 10«' tithi de cailra
rudi tombe le jeudi 22 mars 731.
HISTOIRE DU NÉPAL 191
même couvent : le (çri) Hlam vihdra; le plus récent glori-
fie pompeusement ce monastère : « Les dynasties d'autre-
fois Tont fondé avec joie pour la parure du pays de Népal;
il est la passion de toutes les créatures ; la parole du
Bouddha y brille perpétuellement ». H/am n'est point un
mot sanscrit; c'est évidemment une désignation indigène;
actuellement encore, les vihàras sont connus sous deux
noms ; Fun, sanscrit, n'est employé que dans la littéra-
ture ; l'autre, névar, est seul en usage dans la vie courante.
Mais il arriva de bonne heure que la notoriété du nom réel
fit tort au nom savant ; une inscription d'Amcjuvarman
mentionne, dans une liste de temples et de couvents au
nom sanscrit, le Gum-vihàra sous son appellation indigène.
Les miniatures qui ornent le manuscrit de l'an 135 ont été
finement étudiées par M. Foucher ; elles attestent le degré
d'habileté où les peintres du Népal étaient parvenus à
cette époque.
En 135 comme en 128, lUidra deva n'est point installé
seul au pouvoir ; mais il a changé de compagnie. Il est
associé cette fois h Bhoja deva (16) et à Laksmîkûma deva
(17), ou plutôt il est mentionné avec eux, sans qu'on puisse
déterminer avec précision les relations de ces trois per-
sonnages. Il semble que Bhojadeva, désigné comme le roi
{ràjni)^ a gagné Budra deva parla mullitude de ses innom-
brables mérites, cependant que Laksmîkàma deva jouit
de la demi-royauté {firilharajya). M. Bendall en déduit
que Budra deva conservait la moitié du royaume, tandis
que Bhojadeva et Laksmîkàma deva se partageaient entre
eux l'autre moitié. J'incline à penser, avec M. Foucher \
que Bhojadeva est en réalité le successeur de Budra deva.
Le scribe semble avoir péniblement machiné un jeu de
mots sur (jana qui signifie à la fois a multitude » et (( les
1. Élndns d* iconographie bouddhique, p. 17.
192 LE NÉPAL
génies au service de Rudra (Civa) ». Le mol âlabdha qui
caraclérise les rapports de Bhojadeva avec Rudradeva est
interprété par Çrîdhara svâmin, dans son commentaire sur
le Bliâgavata-Puràna (X, 57, 40) comme (( interpellé » ou
(( touché au cœur, » et c'est ce dernier sens qu'adopte
Hauvette-Besnaull dans la traduction du passage*. Bhoja-
deva n'aurait pas succédé à Rudra deva comme son héritier
naturel, mais en vertu d'un choix mérité. Laksmîkâma
deva (( foudre du monde de ses ennemis » dispose d'une
(( demi-royauté ». La même expression reparaît précisé-
ment dans la scène deiMâlavikâgnimitra quej'ai déjà citée.
Une servante entend la décision du roi et félicite aussitôt
Mâlavikà, sœur de Tun des princes à qui le pouvoir va être
confié. (( Princesse, quelle chance! Le prince va être
installé à la demi-royauté (en prûcrit : addharajje) ! » Le
terme a donc une valeur consacrée : il s'applique exacte-
ment au pouvoir d'un des deux membres du dmrâjyaka
ou du doairâjya.
Bhojadeva qui occupe le trône vers 1015 est exactement
le contemporain d'un autre Bhoja deva qui régnait à
Dhàr et à IJjjayinî et qui a laissé dans l'histoire littéraire
de rinde une réputation incomparable à la fois comme
écrivain, comme savant, et comme protecteur des gens
de lettres. Le roi népalais n'a pas pu prendre, par esprit
d'imitalion, le nom du roi de Dhâr; les dates des deux
princes excluent formellement celte hypothèse. La mode,
qui avait répandu ce nom dans l'Inde depuis le vnT siècle,
s'était élendu jusqu'au Népal. La signature d'un manu-
scrit qui ne porle plus de date {(Jamb. Add. "-2191) désigne
Bhoja deva comme seul roi.
Kn 159, Laksmi kàma deva parait à son tour comme
seul roi {Cr/m/f. Add. KiSS) ; la dale indiquée {tamikha,
I. « Séduit par ces paroles coiicilianles..., etc. »
HISTOIRE DU NÉPAL 193
çudiy 3 y Çu/cradine) répond exactement au vendredi 30 mars
1039. L'intervalle écoulé depuis Tan 135, où Laksmî kâma
est mentionné pour la première fois, dépasse légèrement
la durée de règne que les chroniques lui attribuent (22 ans,
B. W. V. ; 21 ans, K. Bd.). 11 passe pour le petit-fils de
Gunakâma deva ; Tanalogie des noms semble déceler en
effet un rapport de parenté. Convaincu que son grand-père
devait à la faveur des Kumârîs ses triomphes et ses trésors,
il voua à ces divinités un culte passionné. Il construisit,
dit-on, le Laksmî varma vihâra, appelé en névar Hatkô,
que Siddhi Nara simha fit abattre vers le milieu du xvii*
siècle, pour le reconstruire sur un autre emplacement.
Le successeur de Laksmî kâma deva est appelé Jaya,
Vijaya (Bd.), Jaya kâma deva (W. B. V.), Jaya deva (K.) ;
son règne dure 20 ans. (Bd. seul le porte à 31 ans.) Il
restaura le culte du Nâga Vâsuki et lui fit hommage d'instru-
ments de musique, en vue d'assurer la protection des
richesses et le respect des lois ; à en croire la chronique
(W.), le moyen eut un succès complet. L'état du pays
justifiait cependant les préoccupations du roi. Jayadeva ne
régnait que sur la moitié du royaume, à Patan (Bd.) ; un
vassal puissant, Bhâskara deva, osa refuser l'hommage et
revendiquer la couronne. Jaya deva mourut sans enfants ;
le clan des Thâkuris de Nayakol élut, pour lui succéder,
Bhâskara deva (W.). Manifestement, c'est la féodahté qui
dispose alors du pouvoir royal. Si le récit de la Vainçàvalî
est exact, la vallée du Népal a perdu son indépendance ;
les burgraves nichés dans les montagnes voisines lui impo-
sent un maître. C'est l'époque oii le Maujuçrî-mAla-tantra
montre « dans le royaume du Népal, les petits rois du
dedans et du dehors qui s'envahissent, se pillent, se tuent
l'un l'autre * ». C'est au même moment qu'Atîga, traver-
1. V. sup. p. 64.
11. - 13
194 LE NÉPAL
sanl le Népal pour aller de Tlnde au Tibet (vers 1040), va
d'abord saluer le caitya de Svayambhû, où le râja local
Faccueille daus son palais, et s'impose ensuite un long
voyage vers TOuesl, jusqu'à Palpa, pour y rencontrer le
roi souverain du Népal, Anantakirti (?en tibétain, Grags-pa
mtha-yas « gloire infinie ») '. Affaiblis par les rivalités qui
accompagnent leur croissance, Patan et Katmandou ont
cessé d'exercer l'hégémonie.
Les chroniques (W. Bh. V.) considèrent Bhàskara deva
comme le fondateur d'une dynastie ; un texte, malheureu-
sement obscur (Bd.), mentionne pourtant (( la couronne de
son père ». La tradition lui attribue la fondation du
monastère d'or (Hïranya-vamamcihâ-vihâra ou Hema-
varna'') à Patan ; il l'aurait construit pour y abriter la divi-
nité du Pingalà-vihâra, qui venait de s'écrouler. Un ma-
nuscrit ^ daté de samvat 167 (1046 J.-C.) donne à Bhàskara
deva les titres impériaux « souverain seigneur, roi au-dessus
des grands rois, maître suprême » {parama hhaiiârakay
mahârajadhirâja, parameçmra), A la suite de Bhàskara
deva, K. seul nomme Udaya deva [2], qui aurait régné
7 ans et 1 mois. La suite de la liste ne présente aucune
divergence. Bala deva fonde la ville de Haripur; deux
manuscrits, datés de l'an 180 (1059-60 J.-C), le nomment
comme le roi régnant'. Padma deva (3), appelé aussi
Pradyumna kàma deva, reçoit un des titres souverains
{jmrama bhaUârakà) dans la signature d'un manuscrit
{Canib, Add, 1684) du Saddharma punclarika daté de l'an
1. V. !iup. I, 166 sq.
2. Mahâniahopâdhyâya Haraprasad Shâstri, Report on the search of
sanahrit ina nu scripts, (ialculla, 1901, p. 5; cf. du môme, Joxirn. of
tke Roy. As. Soc. Bengal, LXVl, p. 312; et Bendall, ib., LXXII, p. 6.
C'est une copie du V'isnu-dharmoltara.
3. Haraprasad, loc. laud,, p. 5, et Bendalk, toc. latid,, p. 6. L'un des
deux mss. est le iNiçvàsàkhya Mahàtantra, l'autre, l'Upàkarma vidhi.
HISTOIRE DU NÉPAL 19^
185 (1064 J.-C.)\ Ce prince rétablit Tusage de porter des
couronnes, qui s'était perdu depuis le temps de Bâlàrjuna
deva (K.). Nâgàrjuna deva rappelle par son nom de grands
souvenirs; mais de son règne, nous ne savons rien que la
durée: 3 ans (2 ans, Bd.). Çankara deva nous est mieux
connu ; il subsiste trois manuscrits datés de son règne :
Tun (Dharma-putrikà) de Fan 189 (1068 J.-C.) ; un autre
(Asta-sâhasrikâ) de Tan 1 91 , un autre encore (commentaire
de Prajnàkara sur le Bodhicaryâvatâra) de Tan ^98^ Le
second de ces manuscrits est orné de miniatures intéres-
santes pour Tart et l'histoire du bouddhisme ^ ; le scribe
résidait à Patan « la charmante » {Lalità-pure "^amyé) dans
le couvent de Yaçodhara. Justement les chroniques racon-
tent comment le couvent prit ce nom sous le règne même
de Çankara deva; jusque-là, on le désignait comme le
couvent de Vidyàdhara-varman, et c'est encore sous ce
nom qu'il est désigné dans la signature de TÀdikarma pra-
dîpa datée de 318 (1197-98 J.-C); mais une veuve de
brahmane, Yaçodharâ, vint s'y réfugier avec son jeune fils,
Yaçodhara, qu'elle y fit ordonner bonze par des rites
1. Bendall, loc. laiid., p. 22 cite un aiitie ms. ÇCamb. Add., 2197)
également daté du règne de Pradyumna kània deva, an 186 (1065-66
J.-C).
2. La signature du premier de ces trois manuscrits n'a pas encore été
intégralement publiée ; j'ignore si elle comporte une vérilication. Les
dates des deux autres sont détaillées avec une grande précision, et c'est
une rencontre singulière que les doimées de l'un et de l'autre soient en
désaccord avec le résultat des calculs de vérification. Le ms. de 191
(A .s/a^ic ^Sode^?/, Calcutta, A. 15) porte : an 191 écoulé, 10 Phàlguna
çudi, nks. Rohinî, yoga Çobhana, jeudi. Or en 191 écoulé, la 10^' titliide
Phàlguna tombe le samedi 12 février 1071 ; le nks. est Àrdrà, h» yoga
Ayusmat. Au surplus, le nks. Rohinî exclut le yoga Çobhana, et réci-
proquement. La date exprimée impli(pie donc certainement une erreur.
Le ms. de 198 (La vallée-Poussin, Bouddhisme^ p. 388) donne : an 198
présent, 5 çrâvana badi, mardi. Dans le système Amànta, qui est en
usage avec le Népal a sarpvat, le 5 çrâvana de 198 présent tombe le ven-
dredi 11 août 1077.
3. V. FoucHER, Éludes d'iconographie bouddhique, p. 28.
196 LE NÉPAL
irréguliers. Comme les bonzes du couvenl s'étaient prêtés
à cette violation des rites, on appela dès lors ce vihâra
« le vihâra de Yaçodhara ».
Çankara deva établit une yâtrâ annuelle en Thonneur de
Nava Sàgara Bhagavatî, éleva le Çânteçvara afin d'apaiser
les âmes turbulentes de cinq cents veuves brahmaniques
qui s'étaient brûlées sur le bûcher pour vouer aux malé-
dictions les meurtriers de leurs maris. Il institua Tâna-
devatâ en qualité de déesse de famille {kula devatâ) à
Katmandou, et interdit d'élever aucun toit plus haut que
le faîte de son temple.
Après Çankara deva, les chroniques (W. V. Bh.) indi-
quent un nouveau changement de dynastie. Un descendant
en ligne collatérale d'Amçuvarman, Vàma deva, soutenu
par les Thâkuris de Putan et de Katmandou, chasse du
pouvoir les Thàkuris de Nayakot et se proclame roi. 11 ne
règne que 3 ans. Cependant il subsiste un manuscrit (Seka-
nirdeça-pafijikà *) écrit sous son règne ; il est daté de Tan
200 (1080-81) ; Vàmadeva y reçoit le titre très modeste de
raja .
Une inscription de Patan^ datée de l'an 203 ^ commé-
more l'érection d'une image du Soleil due à Vàna deva,
fils du bhùnâihd (prince ou ksatriya) Yaçonàtha. Séduit
par l'analogie étroite des noms et le voisinage des dates,
iM. Bendull avait proposé d'abord d'identifier Vàna deva
et Vàma deva ; mais en fait Vana deva et Vàma deva sont
des noms tout différents ; de plus, Vàna deva est simple-
menl gratifié du titre çrl, le plus modeste et le plus banal
1. s. D'Oi.DENBnvRG, Joum. lioj/. As. Soc, 1891, p. 687.
2. Bkmuij., Jovrney, p. 80.
^. M. Ki(^lhoi*n a examiné les détails de celledate {Ind. Antiq., XVII,
248) v{ i\ donné ««nnnie é«juivalent le mercredi 26 avril 1083. Mais il
faut hiefi observer «pie ce résultai ne satisfait pas à une des conditions
données: l'inscription doime : 7 vaiçâklia çudi, mercredi, et la 7*^ lithi
tombe en réalité le jeudi 27 avril.
HISTOIRE DU NÉPAL 19
"f
des litres. 11 s'agit probablement d'un petit seigneur
local.
Harsa deva, successeur de Vàma deva, règne environ
15 ans (14, Bd. ; 16, K.). Une signature de manuscrit
(Visnu dharma *), datée de Tan 210 (1 090 J.-C), le nomme
avec le simple titre de nrpa « roi » ; il paraît encore dans
la signature d'un autre manuscrit (Sad dharma pundarîka ")
datée de 213 (1093 J.-C). La nouvelle Vamçàvalî de Ben-
dall l'enregistre avec la date de 219 courant (1098 J.-C),
sans spécifier aucun événement particulier ; c'est sans doute
la fin du règne.
Entre la dernière date connue de Ilarsa deva et la pre-
mière de son successeur (Sadà-)Çiva deva s'étend un inter-
valle de vingt années (219-239) ; en outre Çiva deva est,
d'après la généalogie de Bd., un fils de Çankara deva, né
au mois d'àsàdha 177 (1056-57 J.-C); le pouvoir revient
à l'ancienne dynastie. Ces perturbations ont leur origine
en dehors du Népal, au pied des montagnes. En 1097, le
samedi 18 juillet ^ — la tradition se pique d'être très pré-
1. Haraprasad, Report..., p. 5.
2. Bendall, Journey, p. ^6 ^rzzCconb. Add.j 2197.
3. En apparence la date varie avec chacun des documents. La Vam-
("àvall brahmanique rapporte un vers traditionnel, en sanscrit, qui note
les détails de la date, mois, tithi, naksatra, jour de la semaine :
induç ca somavasusammitaçâkavarse
lin'
tacchrâvanasya dhavale munitithyadhastât |
svâtau çanaiçcaradine ripumardalagne
çrî Nânyadevanrpatir vidadhîta râjyam ||
« En Tannée çâka 811, au moisdeçrâvana, la (juinzaine claire, la partie
inférieure de la septième tithi, le naksatra étant Svâti, un samedi, au
moment favorable pour écraser l'ennemi, Nànya deva le roi disposa du
royaume. »
En 811 çàka écoulé (=889-90), la 7« tithi de çràvana clair tombe le
mercredi 9 juillet 889. En 811 çàka courant (=888-89) la 7« tithi de çrâ-
vaoa clair tombe le vendredi 19 juillet 888. L'une ou l'autre solution
n'est pas satisfaisante.
Kirkpatrick donne à l'avènement de Nan dev (= Nànya deva) la date
198 LE NÉPAL
cise ! — un Rajpoute du Dekkhan, Nânya deva, s'empare
du pouvoir royal. Les listes de Bendall ignorent ce per-
de samvat 901 - 843 ,\.-C. Il (vs( vraisciiiblablo que» Kirkpatrick, ou l'au-
torilé qu'il siii\ait, a substitué par erreur'ou par distraction le saîpvat de
Vikrama au comput en ère (Jàka, uniformément employé dans toutes
les autres souires ; il faut sans doute rétablir 901 çâka (= 978 ou 979
J.-C). Ilamilton, sur la foi d'un fjarant « de qui les ancèti'es avaient été
archivistes [regish'ars] du Tirhoul, » indique encore une autre date:
Nanyop dev (NanyUpa ou Nànya deva), d'une famille ksatriya, conquit
la souveraineté du Tirhout et fonda une dvnastie en l'an 496 de l'ère
[bengali 1089 J.-(i. La date donnée par Uodj^on diffère à son tour, mais
sans s'écarter beaucoup de llamilton : Nànyupadeva fonde en 1097 J.-C.
la ville de Siniraun où ses descendants continuent à ré|j:ner jusqu'à
llari simha deva. 1097 LC. — 1019 écoulé ou 1020 courant çAka. Et c'est
celte date que nous retrouvons dans un document népalais, d'origine
officielle, et antérieur à toutes les autorités que je viens de citer. Lc^
Muditakuvalayàçva, drame composé par le roi de Rhatgaon Jagaj jyolir
Malla en 1628, trace dans son prologue la généalogie du royal auteur
jusqu'à Nànya deva, dont il place l'avènement en çàka 1019 :
navendukhacandrayukte çâkc.
H tôt
Récapitulons les diverses dates, a>ec leurs garants :
Çàka 811 (=888ou 889 J.-C.)^ Vanirâvalis (W. V. R.).
« 901 (—^978 ou 979 .l.-(ll.). Kirkiwtrick (rectifié par substitution
de (;âka à vikrama).
Çàka [1012 ou 1011]^ 1089 J.-C. r-. 496 Rengali. IIamu.ton.
« 1019 (:=3i097 J.-C.). MudHaknvalayfh'va ; Hodc.son.
Les particularités de la date, nous l'avons déjà constaté, ne se véri-
fient pas en 811 (;àka, soit présent, soit écoulé. De même en 901 çàka où
la 7c tilbi de cràvana tondx; soit le lundi 14 juillet 978 J.-C. au cas de
l'année courante, soit le vendredi 4 juillet 979 J.-C. au cas de Tannée
écoulée. De même encore^ en 1012 ràka présent, où, dans le système des
intercalations vraies, cràvana est doublé par intercalation et se trouve
par conséquent exclus ici, et dans W système des intercalations
moyennes, la 7'' titlii de (;ràvana clair est une ksaya-titbi, annulée et
comprise à l'intérieur du lundi IG juillet 1089. Deux dates seulement
répondent aux conditions exigées :
901 Vikrama samvat présent =^3 samedi 7 juillet 843, naks. Svâti.
1019 Càka écoulé ^ samedi 18 juillet 1097, naks. Svàti.
Laissons d«» coté désormais la date de llafuilton. qu'on peut considé-
rer comine une variante accidentidle de la date 1019 çàka. Si nouscom-
f>an)ns à cett^» dernière date les deu\ autres, il apparaît qu'elles se com-
posent d'éléments identicpies : 1019et 901 sont des combinaisons diverses
où tigurent les trois chiffres 1, 0, 9. l'n des deux chilTres 1 qui entrent
dans le nombre 1019 inafique à 901. La date de 811, compai'ée à 1019,
montre un 8 substitué à un 9 en apparence ; mais le flottement des deux
dates, en année prés«*nle et en année écoulée, permet toujours au
HISTOIRE DU NÉPAL 199
sonaage; Kirkpatrick (qui Tappelle Nan Deo) el Hamillon
(qui rappelle Nanyop Dev) bornent ses conquêtes au
Tirhout ; il y prend pour capi taie Simraun ; d'après Hodgson
(qui rappelle Nànyupa deva) il est môme le fondateur de
cette ville. Les chroniques modernes, tant brahmaniques
que bouddhiques (W. B. V.), le représentent comme le
conquérant du Népal entier. Il délrône les deux rois Mallas
qui régnent Tun à Palan et à Katmandou (Jaya deva Malla),
chiffre final l'oscillation d'une unité. Les dates de la Vamçàvalî boud-
dhique (\V.), comparées aux dates de la Vamçàvalî brahmanique (V.),
préscmtent cette différence réj^ulièrement. La date de 1019 suppose
donc, comme une sorte de nécessité falah», la date paraUèle de 1018.
Établie entre ces deux termes, la comparaison montre de part et d'autre
trois éléments identiques, 1, 1, 8 ; c'est le 0 qui manque à 811. Compa-
rons maintenant les énoncés de ces dates :
navendukhacandra
Il I 0 I
induç ca somavasu
I I H
qui se hsent selon la méthode indienne de droite à j^^auche : « ankasya
vâmà galih ». Par une bizarrerie qui ne manque pas de surprendre, le
premier mot symbolique de la seconde date est isolé, fléchi, et suivi de
la copulative enclitique cn^ totalement inattendue à cette place. Pour-
quoi ce ca 1 Le rapprochement de la première date explique cette sin«;u-
larité; indu répond à indu (lune -—= 1) ; so?Na (lune) répond à son syno-
nyme candra ;7;r'/.si/ (8) correspond à ymva (9) ; et le reste, l'injustifiable
c«, s'est simplement substitué à A// ^^ (l'espace ^^ 0). Le monosyllabe
étant ainsi travesti, la date devait se liie: 118 càka (196-97 J.-C), elle
devenait inadmissible. 11 ne restait d'autre ressource ((ue de lire le nom-
bre à l'envers, de gauche à droite, comme il peut arriver par exception.
(Cf. Epigr. Ind.j l, 332, n. « L'inscription [d(î Nâna ministre de Bhoja-
varman le Candella] fut composée par le poète Amara en Vik. 1345,
nombre exprimé en chiffres et efi mots; les mots, contrairement à
l'usage qui énonce les unités au premicîr rang, sont :
ksanadeçeksanagataçrutibhùtasamanvite samvatsare)
1 à ' 4 5
On a successivement :
9 10 1 *8 1 0 1 8 11 811
La date recueillie par Kirkpatrick montre la méthode d'altération à
l'œuvre ; un des deux mots qui désignaient la lune (=-. l)aélé supprimé
soit par distraction, soit comme une répétition fautive, et le nombre
restant a été de même manière rétabli à l'envers :
9 10 1 9 0 1 9 0 1
200 LE NÉPAL
Taulre h Bhatgaon (Ànanda Malla), les obligea s'enfuir au
Tirhout, établit sa cour à Bhatgaon et règne sur les trois
capitales ; il introduit l'ère (^àka, et aussi les deux divinités
nommées Màju et Svekhû, et installe au Népal une colonie
de soldats venus avec lui du pays de Nayera, et qui sont la
souche des Névars. J'ai déjà signalé (I, 219) les inventions
tendancieuses qui prétendent se fonder sur des ressem-
blances de nom et d'usages pour rattacher à une commune
origine les Névars du Népal et les Nairs (Nayera) du
Malabar. Nûnya deva, dans tous les récils, est originaire
du Karnàtaka\ dans le voisinage des Nairs ; la légende, en
l'acceptant comme le conquérant du Népal, donne du
même coup un appui solide en apparence à ses prétentions.
Dès le xvn* siècle, les Mallas (qu'il aurait pourtant expul-
sés) ramenaient officiellement leur origine à Nànya deva ;
il figure comme l'ancêtre de la dynastie dans le prologue
d'un drame, le Mudita kuvalayàçva, composé en 1628
par le roi de Bhalgaon Jagaj jyotir Malla, et dans une
inscription de Pratàpa Malla, roi de Katmandou, écrite
en 1648.
Le conquérant du Tirhout n'a guère laissé de trace posi-
tive dans l'histoire ; on a cru toutefois, avec assez de
vraisemblance, reconnaître son nom dans une inscription
qui exalte les victoires do Vijaya sena, roi du Bengale.
Vijaya sena était le grand-père du célèbre Laksmana sena,
fondateur d'um; inc (1 1 19 J.-C.) qui n'est pas encore entiè-
rement oubliée; l'autour du panégyrique, Umâpati dhara,
est un poète do talent et d'esprit; il sait vanter son héros
1. (]\}s{ \v i)ays de <iarnalic|ue, dont le nom revient si souvent dans
notre histoin' au cours dv nos «guerres contre les Anglais pendant le
xvui'" siècle. Le pays de Kainâtaka a pour limites précises: au Nord,
Ridar, au centre des Klats du Nizam, d'où la frontière descend dmit au
Sud vers Uanj^alore (.Mysr»re)el (!oiml)alore(près du Malabar); elle suit
alors les Ghals occidentales juscjuaux sources de la Kistna, vers Pouna,
d'où elle rejoint Bidar.
HISTOIRE DU NÉPAL 201
par de subtils détours. « Tu as vaincu Nânya, Vira ; —
ainsi chantaient ks poètes, et, par méprise, la colère qu'il
cachait éclata. Il courut sus au roi Gauda, il renversa le
prince de Kâmarùpa, et triompha soudainement du Ka-
linga. — Tu te prends pour un héros, Nânya ! — Pour-
quoi le vanter, Râghava? — Cesse d'être jaloux, Vîra ! ton
orgueil n'est donc pas encore mort ! Les querelles des
princes qui se prolongeaient ainsi nuit et jour aidaient les
gardiens de ses prisons à lutter contre le sommeil*. »
La tradition qui représente Nânya deva comme un
Rajpoute du Dekkhan est acceptable; sonnom même, mal
explicable en sanscrit, semble être une transcription du
mot canarais /i«wmy« «affectionné, véridique, bon ». Une
inscription (suspecte) du x'' siècle donne à un prince Ganga
du Karnâtaka le titre de Nanniya Ganga « le fidèle Ganga » ^
On ne peut pas cependant s'imaginer Nânya deva à la tête
d'une bande armée parlant du fond du Dekkhan pour
s'élancer à l'assaut de l'Himalaya. L'étal politique de
l'Inde se prêtait mal à une razzia aussi audacieuse. Le
Dekkhan était soumis à un empereur puissant, Vikramâ-
ditya VI le Càlukya, qui réussit à fonder une ère datée de
son avènement (1076 J.-C.) ; sa capitale était Kalyàna, au
Sud-Ouesl et non loin de la moderne Bidar, dans les Etats
du Nizam. Le Mysore, le Madouré, Goa, le Konkan, le
Coromandel avaient dû reconnaître sa suzeraineté. Au Sud
du Gange, deux souverains puissants, Karna le Kalacuri
de Cedi et Kîrlivarman le Candella de Kalanjar se dispu-
taient la suprématie. Sur le cours inférieur du fleuve, les
Pàlas affaiblis luttaient contre les Senas grandissants. Si
1. Epigr. Ind., i, 309 (Kieijiorn). La méprise dont il est question au
premier vers consiste dans une fausse analyse du composé Nâny aviva-
vijayî que le roi partage en : na-\- anya^ ; il comprend alors : « Tu
n'as pas vaincu d'autre héros ! » d'où sa colère et ses nouvelles expédi-
tions.
2. Epigr. Ind., lll, 183.
202 LE NÉPAL
Nânya deva était réellement originaire du Karnâtaka, il
était sans doute venu chercher fortune dans le Nord ;
comme tant d'aventuriers qui fondèrent des dynasties, il
s'était engagé au service d'un prince local, et soutenu par
les soldats qu'il avait menés à des campagnes heureuses, il
avait renversé son maître ^ Maître du Tirhoutet des voies
qui mènent au Népal, il avait pu contraindre les rois de
la vallée à se déclarer ses vassaux.
Des documents, même ofliciels, confirment, nous l'avons
vu, l'intervention de Nânya deva dans l'histoire du Népal.
Cependant les Vam(;âva]îs les plus anciennes (Bd.) pas-
sent sous silence Nànya deva et ses successeurs ; en
1. M. Benda]\(Journ. As. Soc. Beng., 1903, p. 18) a signalé un nou-
veau manuscrit daté de sain val 1076, « le Tirhut ayant pour roi Gangeya
deva Punyâvaioka Somavamrodbhava Gaudadlivaja (mahâràjàdhiràja
panyâvaloha somavdvirodbhava gamjadhvaja çrnnad Gangeya deva
hhujyaynàna Tlrabliuhiati). Kn a(Te|)tant 1076 comme date en ère
Vikraina(=1019 J.-G.), M. Bondall conclulavec certitude que ce prince
est identique au Gangeya deva le Kalacuri de Gedi, qui règne en 1030
J.-C. au témoignage d'Albirouni. Les Kalacuris sont bien du Somavaipça;
mais Gangeya deva est un roi bien effaré ; le seul document qui sub-
siste de lui (daté de Kalacuri 789? ~ 1038 J.-(i. ?) est tout près de Rêva
(Piavan Rock inscrip., dans Arvh. Survey.XW^ 113) au Sud du Gange,
et loin du Tirlioul. Les titres du roi sont étrangers au protocole des
Kalacuris : les titres formés avec ^avaloka semblent caractériser les
Râstrakutas (cf. Fleet, Epigr. Ind., Vi, 188). Gaudadhvaja, si la lecture
en est exacte (? cf. les expressions Hanumad-dbvaja, pâli-dbvaja, etc.)
indiquerait un pouvoir (pii aurait eu pour centre leGauda ; Gedi en était
bien loin, et si Karna deva, le belliqueux successeur de Gangeya deva,
est mis en rapport avec le Gauda dans un panégyrique posthume (t 160-
1180 J.-(i. ; inscr. de Jayasimhadevaà Karambel), c*est dans une stance
de jeux littéraires sans portée réelle, du même type que les vers cités
sup. p 170. Même nom et même date ne font pas même personne ; cf.
par exemple, mon observation sur Blioja deva, siip. p 192. Il faut d'autres
preuves pour supposer que le Tirhout ait été incorporé dans le royaume
de Odi sous Gangeya deva. Peut-être il s'agit d'une branche locale des
Kalacuris, comme celle (h» Gorakhpur dont nous avons une inscription
datée du 24 février 1079 (inscr. de Sodhadeva, Epigr, Ind., Vil, 85).
In des princes de celte petite dynastie, (jankara gana, avait justement
remporté une grande victoire sur le roi de Gauda (yena... àhrtà GaU"
ânlaksmVp): un autre porte un titre du type Ràstrakûta: Mugdha-
tunga.
HISTOIRE DU NÉPAL
203
outre aucun des manuscrits retrouvés jusqu'ici au Népal
n'est daté de son règne ou des autres princes de la dynas-
tie. On pourrait être ameni^ par prudence à révoquer pro-
visoirement en doute la tradition. .Mais la soumission, ne
Tcm|ile de Siddlii Vinijak». près clo Doo PaUn.
frtt-ce que nominale, du pays à des conquérants Karçâta-
kiis vers la fin du xi' siècle trouve sa {rarantie dans les do-
cuments du l>ekklian même. Nànya devacst le contempo-
rain de Vikramiïditya VI le CAlukya : le successeur de
Vikramâditvjt VI, Someçvara III Rlullokamalla « le cham-
pion du monde terrestre » « pose les lotus de ses pieds
sur la tête des rois d'Andhra, de Dravida, de .Magadha, de
Nepâla i). L'auteur de ce panégyrique posthume, daté de
204 LE NÉPAL
1162 J.-C\ n'hésile pas h énumérer le Népal lointain
parmi les vassaux de l'empereur Gàlukya. Après Some-
r^vara l'empire s'écroule ; son fils Tailapa III Trailokya
malla a le champion des trois mondes » est détrôné en
1161 par Bijjahi ou Fîijjana de la famille Kalacuri. Bijjala
meurt assassiné en 1167 ; un panégyrique posthume, daté
d'environ 12()0J.-C. Texalte pour avoir « écrasé le Cola,
abaissé le Làta, privé le Népal de stabilité {sthitihinam
Nepâlam), pulvérisé TAndhra, pris le Gurjara, humilié le
Cedi, moulu le Vanga, tué les rois de Bangàla, Kalinga,
Mâgadha, Patasvara, et Mâlava^ ». La liste est trop longue
pour inspirer confiance, mais la mention du Népal n'en est
peut-être que plus intéressante. Le Népal est entré déci-
dément dans la poétique officielle ; il y a rejoint le Cache-
mire, le Bengale, familiers de longue date aux chantres des
grandeurs royales. La renaissance du çivaïsme avait pu
multiplier h cette époque les rapports réels entre l'Inde
du Sud et le Népal ; le ministre de Bijjala, et son meur-
trier, Bàsava, est le fondateur d'une secte nombreuse, les
Lingàyats, voués à l'adoration fanatique du linga divin.
Que Bijjala ait élevé au Népal, sur la route du Gosainthan,
un caravansérail {dharma-çalâ) à l'usage des pèlerins venus
du Dekkhan ; c'était assez pour transformer dans un pané-
gyrique cette œuvre pie en acte de suzeraineté.
Bijjala mort, l'hégémonie du Dekkhan passe aux Yâda-
vas, établis h Devagiri (prèsd'KUora, E. de Bombay). Le
second roi de la nouvelle dynastie, Jaitugi deva I (1191-
1210) c( soumet le Gurjara, le Pàndya, le Cola, le Làta, le
Gauda, tandis que son ^kï\kY\i\{dan()anâtha) Sahade va défait
les forces de Mrdava, Kalinga, Pancàla, Turuska et Ne-
pàhr* ». Kl le Népal, désormais consacré comme un orne-
1. Jof/rnaf liombai/ lir. Roy. \s. .Soc, XI, 268.
2. Iriser. d'Ablur (Flket). dans Kp'ufr. Ind.. V, 2'i9 ot 257.
3. iiiscr. dt^ Maiia^a)li (Kieet), dans Epifjr. IncL^ \\ p. 28-31.
HISTOIRE DU NÉPAL 205
ment littéraire, revient pour la seule joie de Tallitération
dans le panégyrique du petit-fils de Jaitugi, Mahà deva.
Le roi lui-même se flatte simplement dans ses inscriptions
d'avoir vaincu le Telinga, leKonkan, le Karnâta, le Lâta
et d'avoir inspiré la terreur aux Andhras. Mais son mi-
nistre, Térudit Hemàdri, ne se contente pas à si bon
compte. En tête d'une des sections (Dânakhanda) de
son énorme compilation, le Galur varga cinlAmani, il
chante en ces termes la puissance de son maître : « Sa
gloire enseigne de sages conseils aux souverains des Sept
Iles : Hé ! dit-elle, Gurjara! gagne sa bienveillance ! Prince
du Népal ! {Nepâlapâlay apprends à tout endurer ! Ob-
serve ses ordres, roi du Mâlava ! Andhra! rappelle-toi que
le péril est sans issue! » (v. 8). Évidemment, le grave
Flemâdri aurait souri cette fois de se voir pris au sérieux.
Des successeurs de Nânya deva, la tradition n'a retenu
que les noms ; ils servent à relier par une généalogie au-
thentique Nânya deva à Harisimha deva, le premier con-
quérant du Népal au second. Pendant cette longue période,
les signatures de scribes népalais nous font connaître une
série continue de princes locaux.
(Sadâ) Çiva deva reçoit, dans un manuscrit (Sphotikâ
vaidya) " de l'an 240 (1 1 20) les titres impériaux {rôjâdhmtja
1. Le premier exemple de celle allilération (|ue je connaisse se ren-
conlre dans le Vacas lilaka de Soma deva, composé en 959 J.(l. Knu-
mérant les ambassadeurs envoyés au roi Varodliara. il menlionne :
— kâçmîraih Kiranâthah ksitipa mpgamadair esa Nepâlapàlali...
(3« àçvâsa, p. 470 de l'éd. de la KAvyamâlà).
2. Ind. Ofî. 73». La dale, 1res précise {prathamâsàdha kYsnadvirtyâyàm
somadine) est déconce riante. Qu'on ait recours aux intercalations
moyennes ou vraies, il n'y a pas d'intercalation d'àsàdha en 240 N. S.
présent ou écoulé. S'il n'y a poinl erreur de la part du scribe, nous
sommes en présence d'un système aslmnomique 4|ui reste à expliquer.
-- M. Hendall a dans son second voyage au Népal acquis un manuscrit
daté de l'an 243, sous le règne de Çivadeva ; il est classé maintenant
Canib. Or. y 142.
206 LE NÉPAL
parameçvarà). En 239 (Bd.), il inaugure un étang appelé
Madana-saras, ou encore Mahendra-saras, du nom de Théri-
tier présomptif Mahâ-lndra deva. Les chroniques modernes
(W. B. V.) racontent que Çiva deva conquit tous les pays
aux quatre coins de Fliorizon, autrement dit qu'il réduisit
sous son autorité toute Tétendue du Népal ; il rapporta de
ses guerres un riche butin, qu'il employa en partie à cou-
vrir d'un loit neuf le temple de Paçupati. W. indique
comme date de ce travail Tan 3851 du Kah-yuga(750J.-C.);
V. donne 4015 du Kali-yuga (914 J.-C). Les deux dates,
également inacceptables, et si discordantes, semblent l'in-
terprétation d'une donnée commune qui fournissait les
deux chiffres 1 et 5 (..51, ..15), accommodée tant bien que
mal à des systèmes de fantaisie. Les mêmes sources (W.
V. B.) rapportent à Çiva deva la fondation de Kirtipur, et
la première émission des siiki, monnaies en alliage de
cuivre et de fer, portant l'image d'un Mon, qui continuè-
rent d'être frappées jusqu'au début du xvi* siècle.
Indra deva, qui succède à Çiva deva, est sans doute son
fils, né en Tan 199 (Bd.) ; il est aussi désigné comme râjâ-
dhb'dja parameçvara dans un manuscrit* d'astrologie (Jà-
taka) copié en 249 (1128-9). Mânadeva, qui porte un nom
glorieux, parait sur toutes les listes. Il régna dix ans, puis
abdiqua en faveur de son fils aîné et se retira dans le mo-
nastère de Gakra vihàra (W. V. B.), que l'ancien Mâna-
deva avait fondé. Bd. ne lui donne que 4 ans et 7 mois de
règne. Il reste deux documents datés de ce prince, mais
l'un et l'autre sont par hasard de la même année. Le ma-
nuscrit de l'Asta sàhasrikâ {Camb. Add. 164S) de l'an 135,
qui nous a déjà fourni do précieuses informations pour
l'époque antérieure, porte une note additionnelle datée de
l'an 259 lundi, 5 kiirtika (10 octobre 1138) a sous le règne
1. Ind. Otr., 2928.
HISTOIRE DU NÉPAL 207
victorieux du roi (nrpatz) Mânadeva » ; en ce jour, un
pieux bouddhiste du nom de Karunâ vajra se félicite
d'avoir acquis quelque mérite en « sauvant {uddhrta) la
mère de i'omnîscienl (la Prajfiâ Pâramilâ) tombée aux
mains d'un infidèle {çraddhci-hina-janay , Une inscription
trouvée à Katmandou (Bendall, n" 6), rédigée en sanscrit
macaronique, à peine intelligible, et qui se rapporte à une
question d'eau, est datée également de 259,7 bhâdrapada
badi, sous le règne victorieux de Mânadeva râjâdhirâja
parameçmra paramabhattaraka .
Narendra deva (Narasiinha deva W. V. Bh.) « accom-
plit des rites magiques qui firent tomber pour la première
fois la neige au Népal » (K.). Il est le successeur de Màna
deva, car nous avons un manuscrit ^ (Pafica raksâ) daté
de Tan 261, lundi 13 pausa çudi (23 décembre 1140)
(( sous le règne victorieux de Narendra deva râjâdhirâja
parameçvara ». Mais on a signalé ^ un autre manuscrit,
récemment découvert, et daté du règne de Narenda deva
en Tan 254 écoulé (1134), cinq ans avant les deux docu-
ments de Mâna deva. On serait tenté de croire que Mâna
deva, après avoir abdiqué comme le racontent les Vamçâ-
valîs , aurait gardé ou repris ensuite un pouvoir tout au
moins nominal.
Ànanda deva (Nanda deva W. V. Bh.), « fils de Slha deva,
né en 219 » (Bd.) règne vingt ans. « Après consultation
avec Sunandàcarya de Patan, il construisit pour la déesse
Bhuvaneçvarî trois logements emboîtés Tun dans l'autre,
où les initiés seuls pouvaient entrer » (W.). Plusieurs
1. Cf. FouciiER, Iconopjytphie bouddhique, p. 19.
2. Bibi. Nationale, Paris, D. 286. Tous les détails de la date se vérifient,
y compris le naksatra, qui qui est Mrgaçiras.
3. Bendall, Journ. A.ç. Soc. Beng., 1903, p. 7 (où Mahàdeva est un
lapsus pour Mânadeva).
208 LE NÉPAL
manuscrits sont datés de son règne : en 275* {Camb.
Or. 130), en 278 {Camb, Add. S833), en 284', en 285%
en 286*.
Rudra deva « confia le gouvernement à son fils, se fit
bouddhiste, et s'adonna à Télude des éléments {tativa-
jnâna),.,. il pratiqua d'abord la Bauddhacaryà, puis la
Mahàyànika-caryâ, enfin la Trividhl bodhi. Il répara le
vieux monastère d'Onkulî, buli par Çiva deva, y reçut la
tonsure, et s'y installa comme bandya. Une fois, il envoya
à sa place une image du Bouddha Dîpamkara pour men-
dier sa nourriture. Il conserva au profit de son monastère
une terre donnée en toute propriété au nom de ses ancêtres
Vâma deva, Harsa deva, Sadâ Çiva deva, Mâna deva,
Narasimha (iNarendra) deva, (A)nanda deva et en son nom
propre » (W.).
Amrta deva (Mitra deva) a attaché son nom au souvenir
d'une famine désastreuse (Bd. K.). Un manuscrit (Ca-
raka) copié sous son règne porte la date de 296 (1 176). Un
manuscrit de 303 (1183) est daté du règne de Rudra deva%
1. /6., p. 23.
2. Ib,, il). La date : màgha çukla 8 àdityavàra [dimanche] ne se vérifie
pas, ni en 28'i écoulé (sainedi 3 janvier 116'i), ni en 28'« présent (^zmdf*
14 janvier 1163).
3. 1" Asta sàliasrika, éd. Raj. Mitra. Préface, p. xxiv, n. (lecture réta-
blie par M. Bendall). Yâte 'bde madanâHranâganayane |285| mâse
site phàlf/une saplamydm lihrgurâsarc. Mais en 285 écoulé \yâlé\ le 7
Phâl^oina rudi au lieu de vendredi \hhrgifvâsare\ tombe un mardi, le
14 février 1165. Si ou |)rend, contrairement au texte. Tannée comme
coulante, on a pour correspondance vendredi 27 février 1164.
2o Canih. Add., 1693. Samvat 285 r.ràvana ruklds(amyûm âditya-
dîne. La corres|)ondance exacte est le dimanche 18 |et non 8, Bd.]
juillet 1165.
'i. Ms. de la Noy. As. Soc. de Londres, .samvat 286 Pfiâlgnna sudi
ekâdnri/iun lidityftvdre. La date corres|)ondaute est en année écoulée:
dimanche 12 fé>ri«'r 1166.
5. nKM>Ai.L. /or. laud., p. 2'i. .M. Beudall se demande si la date de ce
uis. est «'Xprimée dans l'ère du Néfuil. La \érilication écarte toute incer-
titude; sffmvat 303 cailvd sud} paùvainyàm soniadine, en ère du Népal,
correspond fxaclenient au lundi 28 féviier 1183.
HISTOIRE DU NÉPAL 209
qu'aucune des listes découvertes jusqu'ici ne mentionne.
Someçvara deva « fils de Mahendra [[ndni deva?], né
en 240 » (Bd.) porte un nom isolé dans l'onomastique
royale du Népal; il évoque par une rencontre frappante le
souvenir de Someçvara III le Câlukya que Tépigraphie
officielle célèbre comme le suzerain du Népal {mp, p. 203).
Someçvara deva est né au moment où Someçvara III régnait
encore ; il a peut-être reçu le nom du prince lointain qui
prétendait étendre son influence jusqu'au cœur de l'Hima-
laya.
Les trois princes qui se succèdent ensuite reproduisent
avec une régularité qui exclut Tidée du hasard des noms
empruntés au passé de leur dynastie ; après l'anormal
Someçvara, Gunakàma deva, Laksmî kâma deva, Vijaya
kàma devasemblent déceler une intention arrêtée de ren-
trer officiellement dans la tradition locale. Ces trois Kàma-
deva ont laissé peu de souvenirs. Un manuscrit de 307 est
daté du règne de Gunakàma deva'. Laksmîkàma deva n'est
enregistré sur aucune liste; un manuscrit de l'an 313 ^ est
la seule attestation de son existence. Ce manuscrit a un
intérêt de plus; il est le premier h désigner Katmandou,
sous le nom de Yambu kramà'. Deux manuscrits sont
datés du règne de Vijaya kâma deva; run,en 316 \ l'autre
en 31 7 \
1. Ib., p. 24.
2. British Musemn, Or. 2279 = Bendall, Catalogne, .^)50. La <lal«î :
313 dviràçâillia paaruamâsl rrâvatta naksatra fjrhaftpalirfisare srmbU*
absolument fautive, qu'on prenne raniiée courante ou i'anné(» écoulée:
il n'y a pas d'intcrcalation d'àsàdlia en 313. aussi bien dans le système
de l'inlercalation vraie (|ue dans celui de l'intercalation moyenne.
3. (If. sup. I, p. .5i, n. 2.
'i. British Muséum, Or. 33'ir) = Bendail, Catalogue^ 5'i2. La date
est fort embarrassante : elle comporte un àsàdha intercalaire que le
calcul ne justifie pas. M. Kielhorn Cad. loc /a?/rf.^ [iropose comm(î équi-
valent le jeudi 11 juillet 1196.
5. Bendalk, Jou7*n. Beng..., p. 24.
IL — 14
210 LE NÉPAL
Après la résurrection de ces noms historiques, un type
nouveau de nom royal paraît sur les listes népalaises, où
il est destiné à prendre bientôt la prépondérance. Le
successeur de Vijayakâma deva n'est pas fils de ce prince ;
il est fils d'un personnage inconnu : Jayaçi (?) malla deva,
et s'appelle Ari malla deva. Les chroniques modernes
(W. Bh. V.) le nomment Ari deva, et réservent à son fils
le titre de malla, a Comme Ari deva était en train de s'amu-
ser au pugilat, un fils lui na(^uit auquel il donna le nom de
Malla, y> L'histoire se reproduit presque uniformément, à
de légères variantes près, dans le monde hindou chaque
fois que la tradition rencontre un Malla \ Une des princi-
pautés du Népal féodal, située au pied du Dhaulagiri, au
confluent delaMarsyangdi etdelaNarayani, portaitle nom
de Malla bhûmi (vulg. Malebhum) « terre des Mallas ». On
raconte que le râja du pays, Nag Bamba, triompha par
sa force et son courage d'un champion (malla) de Delhi
qui avait battu jusque-là tous ses adversaires; en souvenir
de cette victoire, le Padishah lui conféra le litre de Malla,
qu'il légua ensuite h ses descendants ^ C'est qu'en effet
mal la sign'iRe en sanscrite boxeur, athlète, champion ».
Mais le mot a de plus une fonction elhnique, consacrée
de vieille date, et lié peut-être par un rapport direct avec
sa valeur professionnelle. Dès l'époque du Bouddha, les
Mallas forment une confédération dans le voisinage de
Vai(;âlî, lu ville des Licchavis; c'est sur le territoire des
Mallas que viennent mourir les fondateurs des deux grandes
héi'ésies, le Bouddha ÇAkyamuni à Kuçi nagara, le Jina
Mahîïvîra à Pàvà. Les traducteurs chinois des textes boud-
dhiques rendent régulièrement le nom des Mallas par
Li-cheti « les athlètes ». Le MahiV-Bhàrata nomme les
1. Cf. p. t»\. Atkinson, Himalai/an Gazetteer, voL II, s. v. Malla.
2. HVMILTON, p. 271.
HISTOIRE DU NÉPAL 211
Mallas avec le Kosala (le pays d'Aoudh) dans le récit des
conquêtes {digvijaya) de Bhîma (FI, v. 1077). Un millier
d'années après le Bouddha, Tastronome Varâha-mihira
enregistre les Mallas dans son catalogue des peuples,
entre les Abhîras, les Çabaras, les Pahlavas, d'une part, et
d'autre part les Matsyas, les Kurus et les Pancâlas (Hindous-
tan central) ^ ; le scoliaste ne manque pas de gloser leur
nom par « les boxeurs » {bdhu yuddha jfïân). Le Màrkan-
deya Purâna énumère aussi les Mallas, comme un peuple
de l'Inde orientale, avec le Videha (Tirliout), le Tàmrali-
ptaka (Tamluk, bouches du Gange) et le Magadha (LVIF,
V. 44). La liste des Yaksas locaux insérée dans la xMahà
mayrtrî vidyà ràjnî désigne Haripiiïgala comme le Yaksa
patronal des Mallas, et le range avec les Yaksas patronaux
de Çrâvaslî, de Sakota, de Vaiçâlî, de Vàranâsî et de
Campa ^ Un ouvrage brahmanique de basse époque, le
Hasika ramana nomme encore au milieu du xvi*" siècle la
ville des Mallas {Malla para) en compagnie du Kâmarûpa,
du Tirhout et de la Bagmati \ Une tradition persistante les
localise donc à la lisière du Népal. Le code de Manu a
recueilli et préservé le nom des Mallas dans son organisa-
tion sociale ; il les classe à côté des Licchavrs et tout près
des Khasas, parmi les castes issues de ksatriyas déchus
(\,22)\
C'est à coté des Licchavis encore que les Mallas sur-
gissent dans l'histoire du Népal. Le pilier de Changu-
Narayan commémore la campagne victorieuse conduite
par le Licchavi Màna deva contre la ville des Mallas
{Mallapur))^ à TOuest de la vallée, par delà la Gandaki. 11
est peu vraisemblable qu'une vainc fantaisie ait transporté
1. Brhal-sanjhitây V, 38.
2. Ms. de la Bibl. Nat., D 286, p. 59.
3. AuFRECHT, Catal. Codd. O.von., 148'» et 149.
4. Cf. sup., p. 87 sq.
212 LE NÉPAL
les noms anlicines des deux clans à l'intérieur de THima-
laya. In même goiU d'avenlurcs, une même passion de
liberté avaient sans doute entraîné les rejetons, authen-
tiques ou suspects, des vieux Licchavis et des vieux .Mallas
I hors de leur territoire, absorbé désormais dans de grands
[ empires ; retirés dans la montagne indépendante et fière,
I ils s'y étaient taillé des principautés, comme firent plus
tard les Hajpoutes. Favorisés par le sort, les Licchavis
! eurent la vallée centrale; mais les Mallas continuèrent à
l leur disputer ce sol privilégié ; des inscriptions du
vir siècle, sous Çiva deva et sous Jisnu gupta, comptent
parmi les charges permanentes imposées aux titulaires
des donations c( Timpot Malla » {Malla karà) destiné soit à
acquitter un tribut, soit à préparer la défense *.
La révolution du calendrier qui introduisit au Népal uue
ère nouvelle en 880 paraît intéresser Thistoire pi»pre des
Mallas. Après cette date nous les voyons paraître en effet
dans le Népal même. La Vami^àvalî bouddhique iW.^
signale à la date de Tan 111 N. S., le 6 phâlgunaoudîi lundi
23 février 991) la fondation du village de Cha|>;i£raîHi ou
Campàpurî, au Sud de Patan, par Hàja Malla deva et Ka-
thya Malla, de Patan. La chronologie de celle Vamçàiali
est généralement trop suspecte pour mériter la contiaiK^e^ :
mais un document indépendant vient ici la contîrniK-r. In
manuscrit (Uevî Mâhûtmva) récemment découver! T-?4«4àlê
du règne d'un IMiarma Malla, en Fan 118'. La fi>èo^ Vj»»-
cavalî raconte que Nànya deva, maître du NefOu ttj^r&i
con(|uête. chassa les rois Mallas au TirlK^iiî. Lf îtî^rt^
d'Acoka à Nij:liva |Kirlerail encore la traot- ai \k Ofnjsnitr-
licuiiif' parmi W l^f^*» ♦.^n;* «^Kr-mf»*!'-!: *!k;-^ *"r ji>* r*iH:«iiiî^ if -«n-iiint.
(faudra d»* <^*i.ti»»i".* 4 i" •*T>«j»f «>* «i»*^ ta', t*.- es "ff^iMuliitui»»*^ »••*- ..- . *
HISTOIRE DU NÉPAL 213
lion Malla dans cette région, s'il est vrai qu'une sorle de
sgraffilo, tracé sur ce monument* vénérable se lise ainsi :
Sri Tapu Malla jai/astu srnnbaf 1^234, Quatre-vingts ans
après Nànya deva, en H 77 J.-C, un prince Malla aurait
donc régné sur cette portion duT-irhout. Malheureusement
cette lecture repose sur un témoignage notoirement insuf-
fisant.
Avant d'appartenir aux souverains du Népal, le titre de
Malla avait été déjà illustré par des rois de l'Inde. Les
premiers à l'adopter semblent être les I^allavas de Kàncî
(Conjeveram) : au cours du \\f siècle Narasiiidia [VisnuJ
(Uajasimha) porte, entre autres bïrudm (noms de pané-
gyrique), les titres do Maliâ malla et d'Amitra malla";
Maliendra Varman s'appelle Çalru malla ^ ; Nandivarman
est I^illava malla, Ksatriya malla ^ Les Calukyas do Ba-
dami, adversaires acharnés des Pallavas, consacrent leurs
victoires en s'appropriant le titre des vaincus. Le rival
heureux de Narasirnha, Vikramâditya I, devient ainsi à
son tour Ràja malla" ; au vm*' siècle, le titre aémigré chez
les Calukyas duGu/erate: un d'entre eux se nomme Yud-
dhamalIa^ Les Calukyas postérieurs ressuscitent ce titre ;
le fondateur de la dynastie, Tailapa, prend le nom d'Ahava
malla (973) ; Vikramâditya VI est Tribhuvana malla ; So-
meçvara III (le prétendu suzerain du Népal) est Bhûloka
1. P. C. MiKiiERJEA. A Report... on the Anliguities in Tarai, Nopal.
CaiciiUa, 1901, p. 34. O travail destiné à « exôciitei" » le Dr. Fuhn*r
réussit [»lutot à le faire regretter. Le prétendu dessin de la planche XVI
ne laisse rien voir qui ressemble à l'insniption f)ubliée.
2. Inscr. du Uàjasimheçvara (11i:ltzsch), Soulh-lnd. Inscrp.s., I, 12.
3. Ib., I, 29.
4. Ih., Il, 342.
5. Plaques de Haidarabad (Pleet), Ind. Ant., VI, 75 : XXX, 219. Leur
authenticité absolue est douteuse ; M. Fleet les considère plutôt comme
la copie ancienne d'un original authentique ; M. Kielliorn {Gôlting,
Nachr.j 1900, p. 345) penche à les tenir pour authentiques.
6. Balsar grant. Ind. An^/Xlll, 75.
214 LE NÉPAL
malla. La mode en passa jusqu'à Ceyian, où rèfj^nent au
xu* siècle Kitli Nissanka malla el Sàhasa malla. Devenu
banal à ce point, le mot malla n'éveillait plus sans doute
aucune notion précise ; à peine s'il évoquait encore l'art
du pugiliste, pratiqué comme un exercice noble à la cour
des rois. Mais les premiers qui l'employèrent durent y atta-
cher une valeur plus nette. Les Guptas impériaux, au faîte
de la puissance, aimaient à rappeler leur alliance de sang
avec les Licchavis ; d'autres clans pouvaient mettre leur
orgueil à tirer leur noblesse des Mallas. Il est singulier,
en tous cas, que le Népal ici encore ait pour pendant l'Inde
du Sud ; les premiers Mallas de l'Inde ont justement pour
capitale cette ville de Kanci, d'où la légende népalaise fait
venir un de ses premiers rois, Dharmadatta.
Trois manuscrits copiés sous le règne d'Arimalla deva
{j'âjâdhmija paramecvard) donnent les dates de 322 (1 201 ,
dimanche 27 mai), 326 et 336 \ Comme pour attester l'in-
stabilité du régime Malla à ses débuts, un manuscrit (Bri-
tish Muséum, Or. 2208; Cat. 512) de 342 est daté du
règne d'un Hanaçûra, complètement inconnu de toutes
les listes, et qui reçoit pourtant les plus hauts titres impé-
riaux[: parama bhallâraka mahàrâjàdhïràja parameçmra.
Mais le pouvoir revient aussitôt après à Abhaya malla. Le
règne d'Abhaya Malla (19 ans, V.; 48 ans, 2 mois, K. ;
42 ans, 6 mois, Bd.) est marqué par toutes sortes de cala-
mités : grande famine, tremblements de terre fréquents.
Déjà sous Arimalla, la famine avait dévasté le Népal
(K. Bd.). Les dates des manuscrits copiés sous son règne
1. Rend.vll, loc. Ia7fd., p. 24. En fait, la «lernière dos trois datossclil
|)osilivoin«'nt sur le manuscrit (Cainb. Add. 1648): 226, au témoignage
de ForcHKR, Etude sur l'Iconographie houddhique, Paris, 1905, p. 6.
Mais il s'agit sans doute d'une forme particulière du 3, car la vérifica-
lion du calcul justifie tous les éléments de la date, naksatra (Viçàkhâ)
compris, pour l'année 336= 1216, jeudi l4 janvier.
HISTOIRE DU NÉPAL 215
s'échelonnent sur une durée d'environ trente ans : 344,
351 (1231)\ 358, 367 (1247), 373 ^
Les chroniques modernes (V. W. Bh.) racontent que
Abhaya malia eut deux fils: Jaya deva Malla et Ànanda
Malla. Ananda Malla, le cadet, laissa son aîné régner sur
Katmandou et Patan, et fonda pour son propre compte
Bhatgaon et sept autres villes: Banepur, Panavati, Nala,
Dhaukhel, Khadpu, Chaukot et Sanga. Toutes ces villes
sont situées à l'Est de Bhatgaon, en dehors de la vallée.
C'est lui aussi qui élabUt Tère du Népal ; enfin, c'est sous
son règne que Nànya deva aurait envahi et conquis le Né-
pal. Il est difficile de comprendre pourquoi la légende a
ainsi attaché au souvenir d'Ànanda Malla des événements
qui se sont passés, Tun quatre cents ans, l'autre deux cents
ans avant lui. Son nom même a été faussé ; il s'appelle en
réalité Ananla Malla; nous ne savons pas enfin si Jayadeva
était son frère. Jayadeva eut un règne court (2 ans 8 mois,
Bd. ; 2 ans 7 mois, K.). Un manuscrit de son règne est daté
de 377 (1257). Le pays souffrit à cette époque de trem-
blements de terre qui se prolongèrent pendant quatre mois
à partir du 7 juin 1255. Jayabhîma deva n'est classé que
sur la liste de Bd., avec un règne de 13 ans et 3 mois; un
manuscrit de son règne est daté de 380 (mercredi 2 avril
1260). Jayaçâha (ou sîha) deva, fils de Jagadaneka Malla,
1. La date de 351 m'est fournie par un manuscrit du Kalyàna sam-
graha que j'ai rapporté du Népal. Samvat 351 vaiçàkha çukla 8 ruhra
dîne Abhayarnàla devasya. Cette date coriespond exactement au ven-
dredi, 11 avril 1231. — Pour les autres dates, je renvoie au tableau de
Bendall.
2. Cette date publiée par d'Oldenbourg, Journ. Roy. As, Soc, 1891,
p. 687, est fort suspecte. Elle donne : Samvat 373 rmrgaçira çukla di-
viltyâydm çukravàsare svàtinaksatreÇl màrgaçiraçudi, vendredi, naks.
Svàti). Calculée en année écoulée selon l'usage, la date du 2 màrgaçira
çudi 373 équivaut à : mardi 5 novembre 1252, avec Jyesthà pour naks.
En année courante (contre l'usage), le résultat est aussi discordant .jeudi
16 novembre 1251. et naks. Mûla. De plus le naksatra Svâti est absolu-
ment impossible à la date indiquée.
216 LE NÉPAL
règne 2 ansel 7 mois (Bd.). Pois vient Ananta Malla, fils
de Râjadeva, né en 366 (Bd.); son règne dura une trentaine
d'années (33 ans 10 mois, K. ; 32 ans 10 mois ou 35 ans
11 mois, Bd.). Les dates des manuscrits copiés sous son
règne sont: 399, 400, 405,406', 422'. Bd. enregistre une
donation à Pa(;upali en 417 (mercredi 26 juin 1297), el
peut-être une autre en 427. K. rapporte que a sous le rè-
gne de ce prince, enrannévar408, ou samvat 1344 [1287-
88 J.-C] un grand nombre de Khassias (tribu occidentale)
émigrèrenl au Népal et s'y établirent ; et trois ans après,
en névar 411, un nombre considérable de familles du Tir-
hout s\ installèrent aussi ». Bd. précise brutalement la
nature de cette prétendue immigration, a Le roi Khasiya
JayatAri envahit le pays, en 408, au mois de Pansa. Les
Khasiyas furent massacrés ; ce qui en restait se retira et le
pays reprit son état ordinaire. La même année, le 13 Phâl-
gunn, quinzaine claire [le second mois après Pansa] Jaya-
tàri revint sous des dehors amicaux, incendia des villages;
il visita (?) le caitya de Syemgu [Syambu? Svayambhû],
vit l'image de Lokeçvara [Matsyendra Nàtha] à Bugamael
Pa(;upati. 11 retourna sain et sauf dans son royaume. Sam-
vat 411. Ensuite le [roi] de Tirhout entra [au Népal], en
sainvat 409, au mois de Màgha. » Les Vanu^àvalls modernes
content à peu près la même histoire, à peu près vers la
1. iWiU' dalo, donnée |>ar un rns. du British Muséum (Or. 1439 ; Cat.
'i40) est en désaccoid avec le ealrul de vérilication. Samvat 406 cailra
cif/ihf irtif/tii/iim r((/intriisarr hrtlikànahsdtre râjarâjâdhirâjaparafneÇ'
vara rri 2 Anant<uNallador(is}fa vijdyaràjyo. Donc 406, caitra çudi 3,
vendredi, naks. KriHkà. Or, pour l'année écoulée, le jour correspondant
est : jeudi 28 lévrier 1286, naks. AçvinI ; pour Tannée présente, c'est:
diniaiiclie 11 mars 1285, naks. Krltikâ.
2. La date (Cainh. Add. 1306) se vérifie coniplèlemenl.we^r<7Af//a6d/ii-
}/t(((ih(f(tke en saniaijc nuUtn rilr paksakn | àçàj/àm ca tiUiau divàha-
radine vâhadrlsaddaksakc, \ râj}fernmad Ananta7naUanrpaleh' Donc
422, vai(;àkha çudi 10 dimanche. Le jour correspondant est: dimanche
8 avril 1302.
HISTOIRE DU NÉPAL 217
même époque, mais en changeant les noms des person-
nages. (( Sous le règne de Hari deva, un Magar attaché au
service du roi fut renvoyé par Tefifet des machinalions des
ministres. Le Magar retourna dans son pays, et s'y mit à
vanter le Népal comme un pays où les maisons avaient des
toits d'or et des conduites d'eau en or. Le roi Mukunda
sena, qui était brave et puissant, excité par ce récit, vint
de rOuest au Népal avec une quantité de troupes montées,
et il soumit llarideva. Des soldats népalais, les uns furent
tués, les autres s'enfuirent. Les trois capitales étaient bou-
leversées. Par crainte des troupes, les gens enfouirent
leurs radis en terre, coupèrent le riz, l'empilèrent et le
couvrirent de terre. Les vainqueurs brisèrent et défigurè-
rent les images des dieuTc et envoyèrent le Bliairava placé
en avant de INIatsyendra Nàlha dans leur pays, h Palpa
et à Butawal. Le jour où Mukunda sena arriva h Patan, les
prêtres étaient en train de célébrer la Snànayàtrà do, Mat-
syendra Nâtha. A la vue des ennemis, ils se sauvèrent en
laissant le dieu dans sa baignoire. A ce moment, les
cinq Nâgas placés dans le baldaquin doré au-dessus de
Matsyendra Nàlha répandirent cinq jets d'eau sur la tête
du dieu. Mukunda sena, sîiisi de respect, jeta sur l'image
la chaîne d'or qui décoraillecol de son cheval. Matsyendra
la prit lui-même, se la passa autour du cou ; elle y est tou-
jours restée depuis.
Avec ce roi, les castes Khas et Magar vinrent au Népal.
Ces gens sans pitié commirent de grands péchés, et la face
Sud (aghorà mrtrti) de Paçupati montra ses dents formida-
bles, et elle envoya une divinité du nom de Mahà-màrî
(peste) qui débarrassa le pays, en quinze jours, des sol-
dats de Mukunda sena. Le roi s'échappa tout seul vers
TEst, sous le costume d'un Samnyâsi ; de là il prit le che-
min de son pays, mais en arrivant à Devi-ghat (près Naya-
kot), il mourut. C'est de ce temps-là que les Khas et les
218 LE NÉPAL
Magars sont venus dans ce pays, el aussi qu'on prépare le
sinki (radis fermenté) et le riz hakuwà » (W.).
Le roi Hari deva est, dans le système de \V. etdeBh., le
dernier descendant direct de Nânya deva; il ne figure dans
aucune des autres généalogies de la dynastie Karnâtaka.
V. qui raconte aussi l'invasion de Mukunda sena, la place
sous le règne de Kàma simha deva (de qui Harideva serait
le fils selon W. et Bh.). Le nom de Mukunda sena ne four-
nil pas de repère plus solide. La chronique de Palpa, re-
cueillie par Hamilton ', ne remonte pas si haut ; et dans les
temps historiques, plusieurs des rois de Palpa portent ce
nom. Mais quelle que soit l'authenticité ou la solidité du
cadre chronologique, les détails du récit gardent toute
leur valeur ; nous avons sous les yeux comme une image
stylisée de ces invasions qui désolent alors le Népal, avec
leur soudaineté, leur sauvagerie, et Tépouvatite ahurie des
Névars affinés en présence des barbares grossiers vomis
par la montagne occidentale, et la terreur superstitieuse
des vainqueurs en face des divinités consacrées, les désor-
dres, les pillages et Técrasement final des envahisseurs
affaiblis. La date même est conforme aux faits connus.
La snàna-yàtrà se célèbre le 1 caitra (mars-avril) badi
(vai(;àkha badi dans le comput actuel, qui est pùrni-
mànta) ; c'est ce jour-là que Mukunda sena entre à Patan.
JayalAri, en 408, tente sa première invasion en pansa (no-
vembre-décembre), et la renouvelle en phiilguna (février-
mars) ; en 448, Aditya Malla envahit le Népal en phàlguna.
Les razzias des Khas et des Magars présageaient les
calamités encore lointaines ; c'est seulement quatre siècles
el (hîini plus tard que Prithi Narayan devait mener par la
menu» route ses (îourkhas h la conquête du Népal. L'inva-
sion du roi du Tirhoul en 411 anuon(;ait un péril immi-
1. IIamm.ton, I». 170.
HISTOIRE DU NÉPAL 219
nenl. Ananla inalla, toutefois, ue le vit passe réaliser. Les
temps troublés qui suivirent son règne sont presque impé-
nétrables à Thistoire ; seuls, les documents de Bd. et les
signatures des manuscrits y portent un peu de lumière. En
438 (vendredi 13 mars 1318), le jour où un scribe de Patan
achève sa besogne de copiste au couvent de Mânigala, le
roi esl Jayànanda deva. Il a pour successeur Java rudra
Malla, qui a pour c( associé au trône » {samrâja) Jayàri
malla. Après la mort de Jayarudra Malla, ses quatre épouses
montent sur le bûcher des veuves, à la date de 446, àsâ-
dha, jour de la pleine lune. Le Népal venait d'échoir à un
nouveau maître : llarisimha deva.
Les descendants de iNânya deva continuaient depuis la
fin du xr siècle, de régner sur le Tirhoul. Maîtres des
voies d'accès qui mènent au Népal, ils prétendaient main-
tenir sur le pays une suzeraineté au moins nominale. Leur
histoire n'est pas connue, mais leurs noms ont été conser-
vés. La dynastie des Mallas, après la restauration de Jaya-
sthiti (vers 1380), les reconnut pour ses ancêtres authen-
tiques, à l'exclusion des rois indigènes. J'ai déjà signalé,
à propos de Nânya deva, deux documents du xvir siècle,
œuvres personnelles de deux rois Mallas, qui contiennent
une généalogie continue de la dynastie à partir de Nànya
deva. Les Vamçâvalîs modernes, héritières des mêmes
tendances, ont représenté de la même manière la trans-
mission du pouvoir légitime. Pour accommoder cette
conception aux faits, il leur a fallu bouleverser la chrono-
logie réelle ; c'est un scrupule qui n'arrête pas un Hindou.
Les princes indigènes, contemporains des Karnâtakas du
Tirhout, ont été transportés en arrière, dans le passé indé-
finiment élastique. Ananta malla, le dernier des princes
qui aient laissé un souvenir persistant avant l'invasion de
Harisimha deva, est devenu le contemporain de la pre-
mière invasion Karnâtaka, sous Nànya deva. Une combi-
220 LE NÉPAL
naison frauduleuse des chiffres réels a permis de porter
ensuite Ananta (Ananda) malla et Nânya deva jusqu'à Torî-
gine de Tère népalaise, vers 880. l 'ne tradition que j'aurai
bientôt h examiner fixait l'invasion de Harisimlia deva h
Tan 1245 çaka, ou 444 névar (1324 J.-C..). Nî\nyadeva, dans
ce nouveau système, avait envahi le Népal en 811 çaka.
Entre NAnya deva el Harisimhadeva, s'étendait par suite un
intervalle de 4114 ans. Dans cet intervalle, les chroniques mo-
dernes disposent les cinq successeurs de Nânya deva; sous
le dernier d'entre eux (llari deva ou Kàmasimhadeva), l'in-
vasion des Khas, conduits par Mukunda sena, renverse la
dynastie lép:ilime. Le Népal se débat dans l'anarchie pen-
dant sept ou huit ans. Puis une féochdité morcelée à l'infini
domine le pays; h Patan, chaque fol (îlot de maisons) avait
son roi ; Katmandou était partagée entre douze rois. Bhal-
gaon avait un prince Tliàkuri. Ce régime dure 225 ans.
DYNASTIE DK NÀNYA DKVA:
IL Hainillori. — P. Inscription de PralApa nialia (Bh. 18). — M. Mii-
dita Kuvalayàrva.
L ( iNànya deva W. I». V. 50 ans. i. Nànya deva P. M.
iNan F)eo K.
Nan>op l)(*v H. 36 ans.
2. / (lan^'a deva W. B. V. 'il ans. 2. (ianga deva P. M.
) Kanuck Deo K.
( Gan«;<5'a dev II. 14 ans.
3. { Njn*a sinilia devaW. B. V. 31 an.s. 3. Nrsiniha P.
< Nei-sinj^ii \)v.n K. Nara simlia deva M.
( Naïasingha dev II. 52 ans. ... (lacune dans M. 1)
4. ( (Jakii simha deva V. 39 ans. 'i. fUnia siniha P. M.
/ Cakii de\a W. Bh. 39 ans.
5. f Bàina siniha deva W. B V. 58 ans. 5. Çakti sin\ha P.
|i|< Bani Singh Deo K. 5. Bhàva siqiha deva M.
|'»|( Kainsingha dev II. 92 ans.
6. Ilari deva W. Bh. 6. Bhùpàla siipha P.
|5| Bliad Singh Deo K.
[o] Sakiasingha dev II. 12 ans.
|6J Kuiin Sing Deo K. 6. Karma simha deva M.
HISTOIRE DU NÉPAL 221
Les noms des successeurs de Nânya devasont assez soli-
dement établis ; leur ordre est moins sûr ; enfin les années
de règne qui sont attribuées h chacun d'eux varient au
hasard avec les documents. Leur divergence irréductible
ne laisse pas de surprendre. La surprise change de nature,
si on les additionne. Les nombres de V. donnent au total
219 ans ; ceux de H., 226 ans. La différence apparente se
réduit h zéro, car V. seul ajoute 7 années d'anarchie qui
complètent le total : 219 h- 7 V. = 226 H. Et ce total lui-
même donne un pendant par trop symétrique à la période
féodale de 225 ans. Nous saisissons ici sur le fait, une fois
de plus, les procédés des annalistes. Les Karnàtakas du
Tirhout avaient régné 226 ans; en même temps qu'eux des
princes indigènes avaient régné sur le Népal. On dédoubla
les deux séries parallèles, et on les plaça bout à bout. Des
raisons d'ordre positif nous ont déterminé plus haut à
choisir entre les dates divergentes la date de 1097 J.-C.
pour l'invasion de Nânya deva. Notre choix trouve ici une
nouvelle justification. De 1097, invasion de Nànya deva, à
1324, invasion de Harisimhadeva l'intervalle est de 227 ans.
Toutes les généalogies sont d'accord pour rattacher
par une filiation conlinue llarisimha deva à Nànya
deva. Pratâpa Malla (Bhagv. 18) l'appelle « le diadème
du Karnàla » ; Candeçvara qui fut le ministre de Hari-
simha deva, désigne son maître comme <( le rejeton de
la dynastie Kainàia » dans ses deux grands ouvrages, le
Krtya-ratnàkara et le Kilya-cintâmaniV Kirkpatrick enre-
1. Kârmta vamrodhhavah. Introd. au Krlya ratnàkara, v. 4, cité dans
E(;(;em>(;, Calai. Inclia Office, III, p. 'ilO. — KavmUâdhipa. Inlrod. au
Krtya cinlà inani, v. 11, cité ib., p. fill. Candervaia écrit régulièrement
Harasimlia (et non Hari"). Le Cat.des mss du Maharaja de Bikanir(Raj.
MiTRv, Tûilcutta, 1880) indique sous le n'» 1072 (p. 500) un ouvrage de
jurisprudence religieuse, le Vratasaingraha, composé par un protégé du
roi llarisiniha « rejeton de la tige Karnàta » (Karnà(a-vamçûnkurah),
.J'ignore s'il s'agit de notre Harisimha ou d'un de ses descendants.
222 LE NÉPAL
gislro une tradition qui rattachait aussi ce prince à un
ancêtre nommé « Bamdeb(Vâma deva), des princes Sûrya-
vamçi d'Ayodliyâ ». S'agit-il de Vàma deva, roi du Népal
vers 1080, que W. désigne comme « un descendant d'une
branche collatérale de la Hace Solaire {Sùrya vamçd) de
l'ancien roi Amçuvarman? On croirait en ce cas que
Harisimha cherchai! à passer pour l'héritier légitime des
dynasties indigènes. Très informés sur les aïeux de Hari-
simha, les généalogistes le sont moins sur son père même;
llamilton le fait fds de Çakrasimha; Kirkpatrick et Jagaj-
jyotir Malla (prologue du Mudita kuvalayâçva), de Karma-
simha ; Pratàpa iMalla, de Bhùpàla simha ; Miçaru miçra
(qui vivait sous un petit-fils de Harisimha), de Bhaveça
(identique peut-être au Bhàva simha de iM)*.
Harisimha régnait sur le Tirhout; sa capitale était
Simraun. Les grands empires brahmaniques des alentours
avaient disparu, submergés par la marée musulmane.
Prthvî râja, le héros des Hajpoufes et le dernier rempart
de l'Hindoustan, avait succombé en 11 92 ; un an plus tard,
Delhi, Kalanjar, Bénarès, la ville sainte, tombaient au
pouvoir du sultan ; avant 1200, le Bengale était réduit en
province de l'Islam. A l'écart des grandes routes, le Tirhout
avait sauvé son indépendance ; adossé h la montagne héré-
tique, il gardait en un suprême asile les vieilles tradi-
tions du savoir orthodoxe. Le ministre de Harisiinha,
Candeçvara, présidait à la rédaction de deux Digestes delà
loi hindoue ; il poussait la dévotion jusqu'à offrir son pesant
d'or aux dieux, dans un rite solennel, sur le bord de la
Bagmati sacrée, en (;aka 1236 (1314 J.-C). Mais en 1321 ,
une insurrection militaire renverse les Khiljis du trône de
Delhi; le nouveau sulUm, Glieyàs u dîn Tughlak, parcourt
ses immenses domaines pour y faire reconnaître la nou-
1. IritrocL au Vivàdacamlracilé par AïKREr.iiT. Catal. mss. Ox., p. 296.
HISTOIRE DU NÉPAL 223
velle dynastie. Un hasard de route Ir ramène du Bengale
par le Tirliout'. Incapable de résister, plutôt que de se
^^U^^ ^^s^^ --*^
^T^Ê^^^^^^Ê
&yR^F
m^K^S^^^M
ip^É
TcmiJp ilu pclit Mat'vfnilra ?iSllia, « Kalmaiidou.
soumettre à un mattre nuisulman, Ilarisimtia s'enfuit au
1. KirkpalrJck noinnit! parrrreur, h(i lieu ili; Ghnyds ii illn Tnghiak,
Sikandar Lodi (1488-1516). UVar)içAvall biiuiliJhiquo (W. 177) introduit
ici l'empereur Akliai'!
224 LE NÉPAL
Népal. La tradition a enregistré le souvenir précis de Tévé-
nennenl. a Kn râka 1245, la neuvième tithi du mois de
l*ausa, quinzaine claire, un samedi, Harisimha deva déser-
tant sa capitale pénétra dans la montagne'. » 1245 çâka,
s'il s'agit de Tannée écoulée, répond à 1323-24 (et Kirkpa-
trick dit en efifet : « ou vers le mois de décembre 1323 ») ;
s'il s'agit de Tannée courante, à 1322-23 J.-C. Mais ces
deux dates sont Tune et Tautre impossibles ; le 9 pansa
clair tomberait dans le premier cas un mercredi (7 décem-
bre 1 323), dans le second un vendredi (1 7 décembre 1 322).
Autre impossibilité de fait; Glieyâs udîn visite le Bengale,
au témoignage formel des historiens musulmans, en 724-
25 de Thégire, soit 1324 25 J.-C. ; il meurt par accident
au moment de son entrée triomphale h Delhi en février
1325. Son passage au ïirhout se place donc avec certitude
dans Thiver de 1324-25. Faut-il alors substituer, dans la
stance traditionnelle sur Harisimha, Tan 1246 çaka écoulé
ti 1245? La vérification ne donne pas un meilleur résultat;
le 9 pausa gudi tombe un mardi (25 décembre 1324). Il faut
descendre jusqu'à 1247 (;aka écoulé pour obtenir la concor-
dance nécessaire ; le 9 pausa çudi tombe un samedi (1 4 dé-
cembre 1325). En ce cas, deux annéesdedistanceséparentla
date exprimée en èreçakadeladate réelle. Le mêmeécartse
constate dans une autre date enregistrée par les chroniques,
un siècle plus tard, sous Çyâmasimha deva. L'ordre des faits
semble donc se rétablir ainsi : Vers la fin de Thiver 1324,
Gheyâs u dîn traverse le Tirhout; Harisimha s'enfuit; le
sultan charge Ahmed Khan de gouverner le petit Etat.
Harisiinha profit*» de la saison chaïide pour rassembler une
1. banâbdhiyugmaçaçi samvat çâkavarse
pausyasya çuklanavaniï ravisunuvâre
tyaktvâ svapattanapurîm Harisimhadevo
durgeva daivaviparitagirirn pravcça II
(V.).
HISTOIRE DU NÉPAL 225
bande de partisans, el l'hiver venu il envahit le Népal.
Y avait-il exercé déjà un pouvoir réel? Avait-il revendiqué
déjà des droits sur le pays, comme héritier de Nânya deva?
Candeçvara, son ministre, se vante d'avoir « vaincu tous
les rois du Népal » ; mais nous ne savons pas si Touvrage
est antérieur à Tan 1325\ Le Népal se soumit sans rési-
stance, subjugué moins par les armes de Harisimha deva
que par sa divine patronne, la déesse Tulajâ, venue avec
toutes sortes d'aventures du Paradis à Lanka, de Lanka à
Ayodhyà, d'Ayodhyâ à Simraun. « Telle était son influence
1. La date de 1236 çaka, exprimée dans la stance de signature du
Vivâda-ratnâkara (6« section duKrtya ratnâkara, Ca/. Ind. 0/f.,p. 413),
se rapporte exclusivement à la cérémonie où Candeçvara donna son
pesant d'or, comme l'a bien indiqué M. Eggeling ; c'est à tort qu'on a
appliqué cette date à la rédaction de l'ouvrage lui-même. La comparai-
son avec la stance parallèle du Krtya cinlàmani (i6., p. 511) le montre
jusqu'à l'évidence. Au sujet du Népal, la même stance présente dans les
deux ouvrages une variante qu'il importe de signaler, le K» ratn® (2« sec-
tion, Dâna», V. 3; loc, laicd.j p. 412) écrit:
Nepàlâkhilabhûmipàlâjâyinâ dharniendudugdhâbdhinâ.
«[Candeçvara] a vaincu tous les rois du Népal; il est un océan de lait
qui donne pour Lune la Loi. »
Le K» cinto {loc. Imcd.) écrit :
Nepâlâkhilabhûmipâlâ/'an^/'âdharnicndudugdhâbdhinâ.
« Il est l'océan de lait qui donne pour Lune la Loi, fossé de protection
contre les rois du Népal. »
Si la variante est intentionnelle, comme elle parait l'être, la situation
politique aurait changé d'un texte à l'autre. Le Kr» c» indiquerait une
attitude purement défensive ; le Kr** r® njarquerait une offensive victo-
rieuse.
Le Népal reparaît dans une autre stance de l'introduction du Kr°
tint» ; mais cette stance est un simple jeu littéraire du type que j'ai
déjà mentionné plus haut (p. 170) ; en outre, le passage relatif au Népal
semble fautif :
Vangâli saipjâtabhangâç cakitavighat[it]àh Kâmarùpâ virùpâç
Cînâb kunjâdilîiiàh pramuditavilasatkimkarotàh |
Nepâlâd bhûmipâlâd bhujabaladalitàs te calâtâç ca Lâtâh
Karnâtâb kena dûstâh [sic] prasarati samare mantriratnâkarasya.
il faut enfin observer que, dans les deux ouvrages, Candeçvara désigne
son maître uniquement comme « le roi de Mithilâ » (Tirhoul).
IL — 15
226 LE NÉPAL
que les nobles et le peuple de Bhatgaon remirent paisible-
ment le palais à Harisimha. » (W.) Une des vamçâvalts de
fid., qui passe sous silence Harisimha et son expédition,
enregistre pourtant la mort du roi local, Jayarudra Malta,
et le suicide de ses veuves en juin 1326. « La déesse Dvi-
màju donna en cadeau à Harisimha toutes les richesses
qu'elle avait amassées depuis le temps de Nànya deva ;
pour Ten récompenser, le roi institua en son honneur une
cérémonie annuelle, la Devâlî pùjà » (\V).
La conquête de Harisiipba ne réussit pas à assurer au
Népal un régime stable et paisible. Dès Thiver de 448
(1328 J.-C), un roi des Khasiyas Àdil(y)a Malla, pénétrait
au Népal en envahisseur (Bd.). Déjà peut-être Harasimha
était retourné au Tirhout, où des dynasties locales issues
de lui continuèrent longtemps à régner sur des princi-
pautés prospères, et protégèrent avec succès la littérature
et le droit*.
Les descendants directs de Harisimha sont énumérés
diins les chroniques modernes comme les souverains légi-
times du Népal: ils y forment, avec Harisimha lui-même,
ta dynastie Sùryavarnçi de Bhatgaon :
1. Harisiqiha deva 28 ans. W. V.
2. Matisirpha deva 15 ans. W. V. Bh.
3. Çaklisimha deva 22 ans. W. 27 ans. V. 33 ans. Bh.
4. Çyàmasiiphadeva 15 ans. W. V. Bh.
Les généalogies officielles deTépigraphie Malla ignorent
celle hgnée; elles passent directement de Harisimha à
Vaksii Malla, qui règne un siècle après lui. Kirkpalrick, les
listes de Bendall n'en tiennent pas compte davantage.
Kalîn, jmrmi les manuscrits copiés durant cette période, il
r Sur ces dynasties du Tirhout, v. : Grierson, Vidyâpati and his
c^^UfHpontriesl dans Ind. Antiq., XIV, 182-196 et On sonie mediœval
kim^ of MiihiUK ib., XXVHI, 57 sq ; et Bendall, Journ. As. Soc. Ben-
$^L lîHKJ, p. lî< sqq : Jolly, Recht und Sitle, p. 36.
HISTOIRE DU NÉPAL 227
n'en est pas un seul qui, dans la signature du scribe,
mentionne un de ces rois. Et cependant, les chroniques
modernes ne se contentent pas d'enregistrer leurs noms;
elles prétendent y associer des souvenirs de faits. Elles
racontent de Çaktisimha (3) qu' « il abdiqua en faveur de
son fils Çyâmasimha (4), qu'il s'établit alors à Palamchok,
[en dehors et à TEst de la vallée, par delà Banépa] ; de là
il envoya des présents à la Chine; TEmpereur en fut si
content qu'il lui adressa en retour un sceau, qui portait
gravé le nom de Çaktisimha suivi du titre de Râma, une
lettre officielle accompagnait l'envoi, en l'an de Chine
(cînâbda) 535 ». Sous Çyâmasimha, un formidable trem-
blement de terre désola le Népal ; le temple de Matsyendra
Nàlha et d'autres édifices s'écroulèrent; un nombre
énorme d'habitants périt. Le désastre se produisit le lundi
12adhika-bhâdrapada çudi, naksatraUttarâ, en N. S. 528*.
1. C'est la date donnée par V. Mais l'année 528 duNepàla-sanivat,soit
courante, soit écoulée, n'a pas d'intercalation de bhâdrapada, quel que
soit le système d'intercalations, moyennes ou réelles. 11 y a un bhâdra-
pada intercalaire en 531 N. S. écoulé-- 1409-10 J.-C; cette année-là, la
12e tiiiii de bhâdrapadasupplémentaire(adhika), quinzaineclaire, tombe
le lundi 11 août 1410. La lune entre dans le naksatra Lttara-Asâdhâ
• • •
3 h. 36' après le lever du soleil (temps de Katmandou). La correspon-
dance est donc parfaite.
L'écart qui sépare la date donnée de la date réelle est donc ici de 3
ans. Pour l'invasion de Harisiipha j'ai déjà si^^nalé un écart de 2 ans.
La différence de ces deux écarts tient sans doute à la place des mois
considérés dans le calendrier névar. L'année névare commence avec le
mois de kârtika, qui est le 8"* mois de l'année hindoue caitràdi; pour les
mois compris entre caitra et kârtika (bhâdrapada est dans ce cas),
l'écart avec l'année caitràdi s'augmente donc d'une unité. Autrement
dit, on a :
kârtika. . . caitra. . . bhâdrapada. . . kârtika
*.^ • O • «X/ • • • • t-/.' • • • • v/- ■ • • • • •A/ I M.
çaka y. . . . y-hl. . . y-\-\. . . . (?/-M).
Le flottement du comput, entre l'année courante et l'année écoulée,
aboutit aisément à une confusion de ce genre si on passe d'une ère à
l'autre. Kirkpalrick signale le même flottement de deux unités pour une
date antérieure seulement de vingt-cinq ans à son passage. Il donne en
effet pour 1793, année de son voyage au Népal, l'équivalence: N. S. 914,
228 LE NÉPAL
Çyâmasimha n'avait pas d'enfant mâle, mais seulement
une fille qu'il donna en mariage à un descendant des rois
Mallas, et il laissa le trône à son gendre.
Dès que la Chine entre en scène, le contrôle est facile.
Les Annales des Ming, dans un extrait que j'ai déjà
rapporté (I, 168), signalent en efifet la reprise des relations
entre l'Empire du Milieu et le royaume himalayen dans le
cours du XIV* siècle. La Chine avait fait les premiers pas ;
l'empereur Hong-wou avait envoyé en 1384 un bonze au
Népal pour remettre au roi un sceau qui lui conférait l'in-
vestiture officielle. Le roi du Népal en retour dépêche un
ambassadeur qui va porter à la Cour a des petites pagodes
d'or, des livres sacrés du Bouddha, des chevaux renommés
et des productions du pays » ; l'ambassadeur arrive à la
capitale en 1387. Le roi du Népal s'appelait i/a-/«-/2û/o-w(?.
En 1390 nouvelle ambassade du Népal ; une autre encore
avant 1399. Le successeur de Hong-wou, Young-lo, imite
son exemple, et provoque spontanément la reprise des
relations. En 1409, une ambassade du Népal vient apporter
le tribut. En 1413, l'Empereur envoie des cadeaux « au
nouveau roi du Népal , Cha-ko-sin-ti », qui rend la pareille
en 1414. L'Empereur lui confère le titre de a roi du
Népal », et lui fait remettre un diplôme contenant cette
investiture, plus un sceau en or et un sceau en argent.
Nouvel échange de cadeaux en 1418. En 1427, l'empereur
Hiuen-te essaie de renouer la tradition ; mais ses avances
restent sans efifet. Nul ambassadeur ne vint plus dès lors à
la Cour.
Le roi Ma-ta-na lo-mo qui règne sur le Népal en 1 387
ne peut être que le Matisimha des Vamçàvalls modernes.
commençant le 28 octobre 1793 ; et d'autre part il place la conquête du
Népal par Prithi Narayan « dans l'année névare 890, ou 888, selon une
autre computation » (p. 268), c'est-à-dire, selon son propre rapport, « en
1768 A. D. » (p. 270).
HISTOIRE DU NÉPAL 229
Ma-'ta-na suppose, il est vrai, un original Madana plutôt
que Mati ; en sanscrit, Madana sîmha est, si Ton peut dire,
plus vraisemblable aussi que Matisimha ; la forme Mali"
semble être amenée sur les listes par l'analogie et le voisi-
nage de Çakti\ La même alternance, Madana Simha deva
et Çakti simha deva, se retrouve dans une autre branche
de la même famille, vers le milieu du xv* siècle*. Les
syllabes lo-mo accolées au nom de Ma-ta-na transcrivent
le titre que les Vamçàvalîs (W. Bh.) rendent par Ràma
dans leur notice sur Çaktisimha. Dans les deux cas, c'est
Lama qu'il faut rétablir en regard. J'ai signalé, dans mon
étude des documents chinois et tibétains, les raisons poli-
tiques qui poussaient la dynastie des Ming à prodiguer ce
titre. Les empereurs de Chine essayaient à ce moment de
mettre le bouddhisme universel au service de leurs inté-
rêts; ils croyaient sur la foi des informations recueillies
que « les souverains du Népal étaient tous des bonzes »
(seng) ; ils espéraient flatter leur vanité en les qualifiant de
Lama, La politesse ne fut pas perdue ; les Hindous crurent
entendre Rama et s'honorèrent d'un nom qui rappelait tant
de souvenirs héroïques et pieux.
La première ambassade de Ma-ta-na lo-mo arrive en
1387, soixante-deux ans après l'invasion de Harisimha au
Népal. En 1414, Cha-ko-sin-ti est « le nouveau roi » ;
quatre-vingt-neuf ans étaient écoulés depuis cette invasion.
Or les Vamçàvalîs (W. V. Bh.) donnent à Harisimha un
règne de 28 ans ; Matisimha, qui lui succède, règne 15 ans
(i 325 J.-C. -f- 28 = 1 353), donc entre i 353 et 1 368 ; Çakti-
simha monte alors sur le trône; il y reste jusqu'à 1390
(W.), 1395 (V.) ou 1401 (Bh.). Le désaccord est mani-
feste ; mais une critique sérieuse ne saurait hésiter entre
1. Bendall, Joiirn, As. Soc. Beng., 1903, p. 20. Ces princes régnent
à Champaran, dans leTirhout; l'ordre de succession des noms y est
inverse. Çaktisiipha deva est le père, et Madanasitpha deva le fils.
230 LE NÉPAL
les Vamçïivalîs el les Annales chinoises. Les Vamçàvalls
elles-mêmes trahissent rarlifîciel de leur chronologie ;
elles interprètent comme une prétendue « année chinoise »
la date de 535, investiture de Çaktisimha par l'Empereur
de Chine. Le calendrier chinois serait fort embarrassé
d'expliquer cette date h cette époque ; le calendrier du
Népal est seul en cause. 535-h880 J.-C. = 1415 J.-C. La
date ainsi obtenue concorde absolument avec les Annales
des Ming. C'est en 1414 que Çaktisimha annonce son avè-
nement par un tribut ; l'ambassade chinoise qui va lui
porter son diplôme royal ne peut pas arriver au Népal
avant Tannée suivante, 1415 J.-C. Une fois de plus nous
saisissons sur le fait les procédés simplistes des Vamçâvalîs :
la date de 535 N. S. recule trop bas pour leur système le
règne de Çaktisirnha; son avènement viendrait tomber
après le tremblement de terre de 528 N. S., qu'elles
placent sous son successeur Çyàma simha. On rapporte
la date gênante à une ère spéciale, et tout s'arrange
aussitôt.
Un fait subsiste, positif et certain. Entre 1387 et 1418,
les Chinois ne connaissent pas d'autres rois du Népal que
les descendants de Harisimha. C'est pourtant, en partie au
moins, l'époque où règne Jaya Sthiti Malla, un des plus
glorieux entre les princes indigènes. On ne saurait dire que
les Chinois se sont laissé abuser par les prétentions men-
songères des envoyés des Simha ; des fonctionnaires chi-
nois sont venus en personne visiter le Népal, et c'est sur
leur initiative qjie les relations se sont ouvertes et se sont
maintenues. Si étrange que la combinaison puisse paraître,
il faut admettre que les Simha exerçaient au Népal une
autorité effective, h coté des princes indigènes. Peut-être
ils résidaient à Bhatgaon, comme l'indiquent les Vamçà-
valls, en laissant à leurs vassaux les deux autres capitales.
En tout cas, ces Vamçàvalls modernes, qu'on exclut volon-
HISTOIRE DU NÉPAL 231
tiers aujourd'hui comme une quantité négligeable, mon-
trent ici la valeur sérieuse et originale des matériaux dont
elles se sont formées.
Après le passage de Harisimha, Thistoire intérieure du
Népal est une suite obscure de dissensions et de rivalités.
Jaya-rudra Malla, mort au moment de Tinvasion, avait
laissé une fille, Salî NAyaka-devî, qui fut confiée à la garde
de sagrand'mère Padumalladevî. Elle fut couronnée reine,
et mariée à Haricandra deva, roi de Bénarès(K.), ou sim-
plement apparenté au roi de Bénarès (Ed.). Dans les deux
cas, Tunion était honorable ; elle alliait les Mallas à des
Rajpoutes de Tlnde, et spécialement de la ville sainte et
sacrée entre tous aux yeux des Hindous. Haricandra mourut
empoisonné après quelques années de mariage. Sa veuve
se mit à courir une carrière accidentée, comme la fiancée
du roi de Garbe. Elle tomba d'abord au pouvoir de Gopàla
deva, frère de son mari. Gopala avait pour allié un prince
Simha du Tirhout, du clan Kilrnâta {Kârnâta vamça ja)^
Jagatsimhakumàra.GopiilaetJagatsimha prirent ensemble
Bhatgaon et Patan ; le trône échut à Gopàla ; mais le nou-
veau roi eut la tète tranchée par un serviteur, sans doute
trop zélé, de Jagat simha ; Jagat simha recueillit tout
ensemble la couronne et la veuve de son allié. Il n'en jouit
pas longtemps, et alla finir sa vie en prison. Il avait eu de
Nàyaka devî une fille, Ràjalla devî ; la mère était morte en
couches, et la jeune princesse fut élevée sous la tutelle de
sa grand'mère Dévala devî, mère de Jagat simha. En 467
(1347 J.-C.) (( le consentement des deux familles royales,
ratifié par l'assentiment général » (Bd.), appela au trône
Jaya ràja deva. Les deux familles royales signifient sans
doute les Simha et les Malla, qui se disputaient le pouvoir.
Jaya raja était le fils de Jayânanda deva, le successeur
d'Ananta malla ; né le jeudi 10 mars 1317, il avait alors
trente ans. Les manuscrits montrent qu'il régnait encore
232 LE NÉPAL
en 474 (1353-54) et en 476 (-56)*. Il eut pour suc-
cesseur son fils, Jayàrjuna Malla, que les scribes dési-
gnent comme prince régnant à partir de 484 (1363)
jusquà çaka 1297 (1376 J.-C, vendredi 22 février).
Vers 503 (1383 J.-C.) « la volonté des dieux le préci-
pitait du (rône ». Vaincu, il cédait la place à un rival
plus heureux, Jaya Sthiti Malla. Avec ce prince s'ouvre
une phase nouvelle de Thistoire népalaise. L'époque de
l'anarchie féodale est achevée ; une succession régu-
lière de princes légitimes va désormais gouverner les trois
capitales.
La généalogie réelle de Jaya Sthiti a été falsifiée systé-
matiquement par ses descendants, en vue de la rattacher
par une filiation directe à la famille des Simha. Jaya Sthiti
devient ainsi l'héritier légitime du pouvoir, et surtout le
rejeton authentique d'une dynastie brahmanique, aussi
réputée pour sa pureté que pour son orthodoxie. Le pro-
logue du Mudita-kuvalayàçva et Kirkpatrick rapportent la
même généalogie :
1. Harisirpha deva (Hurr singh Deva K.)
2. VallàrasitTiha deva (Bullàl singh K.)
3. Deva malla deva (Sri Deo Mull K.)
4. Nàga malla deva (Này muU K.)
5. Açoka malla deva (Assoke mull K.)
Les chroniques modernes (W. V. Bh.) adoptent une
autre combinaison. Elles prennent pour point de départ le
dernier descendant de Harisimha au Népal, Çyàma Simha
deva, qui est postérieur en fait à Jaya Sthiti ; et elles repré-
sentent le premier ancêtre connu de Jaya Sthiti comme le
1. LiEBiCH, Gôtting. Nachr., 1895, p. 313. Ms. du Càndra-vyàkarana :
sarpvat 476 phâlguna çukla daçamyàip çukravâsare ârdrâ naksatrc râjâ-
dhirâja paramervaraparamabhattâraka çrï çrî Jayarâjadevasya vijarâje.
La date correspond, naks. compris, au vendredi 12 février 1356.
HISTOIRE DU NÉPAL 233
gendre de Çyàma Simha. Elles établissent ainsi la filiation
de Jaya Sthili :
1. Harisimha deva
4. Çyàma sitpha deva
I
une fille mariée à 5. Jayabhadra malla 15 ans.
6.
Nàga malla
15 ans.
7.
Jayajagat malla
11 ans.
8.
Nàgendra malla
10 ans.
9.
Ugra malla
15 ans.
10.
Açoka malla
19 ans.
Réels OU fictifs, ces ancêtres sont pratiquement inconnus.
La première liste, plus vraisemblable, tourne court après
Vallàra Simha, et substitue brusquement les Mallas aux
Sirnhas. Le nom de Ballàra ou Vallàra peut être authen-
tique ; sous la forme dialectale de Ballàla, il est fort à la
mode dans les familles royales du Dekkhan (Yàdavas,
Çilàhàras, Hoysalas) au cours du xn* et du xni* siècle ; le
transport de ce nom au Népal ne serait qu'un indice de
plus des rapports déjà signalés entre le Népal etTInde du
Sud. Nâga malla et Açoka malla paraissent sur les deux
listes. Açoka Malla passe pour avoir régné sur Patan et
Bhatgaon.
En fait Jaya Sthiti était bien alhé aux Simha, mais seule-
ment par le mariage. Il avait épousé Ràjalla devî, la fille de
Nâyaka devî et de Jagat Sirnha, et cette union, rappelée
plusieurs fois avec une sorte d'orgueil \ le désignait comme,
Fhéritier légitime des deux grandes familles royales. Les
chroniques lui donnent 43 ans de règne ; mais les docu-
ments positifs, inscriptions et manuscrits, ne couvrent
qu'un intervalle de 14 ans, depuis 500 N. S. (1380 J.-C.)
1. « Ràjalla devî pâli », Inscrp. 16 de Bhagvanlal, et aussi dans un
ms. daté de 500 (1380), d'après Bendall, Journ. As, Soc. Beng., 1903,
p. 14.
234 LE NÉPAL
jusqu'à 514 (1394); c'est la période même où la cour de
Chine échange une série de politesses diplomatiques avec
Ma-la-na lo-mo. L'œuvre accomplie par Jaya Sthili atteste
pourtant la réalité et l'étendue de son pouvoir : digne
continuateur de Harisimha, il organisa définitivement la
société sur le type brahmanique ; assisté de pandits hindous,
il fixa dans des cadres durables les castes et les classes (I,
229 sqq.). C'est lui aussi qui dota le Népal d'un système
de poids et de mesures (I, 298). Longtemps déchiré par
des guerres civiles, le royaume semble renaître sous la.
tutelle intelligente de ce prince. Il avait voué à Râma un
culte passionné ; il lui éleva une statue, ainsi qu'à Kuça et
Lava, les fils du héros. A l'occasion de la naissance de son
premier fils, il fit représenter les Aventures de Ràma (Bàla-
Râmàyana) ; pour une autre cérémonie en l'honneur de
l'héritier présomptif, un poète de sa cour composa un
drame consacré à Râma*. Dans le prologue de ce drame,
JayaSthiti reçoit le titre de Daitya-Nàrâyana ; une inscrip-
tion de 512 (1492 J.-C.)* y substitue la variante: Asura-
Nàràyana. Le second fils de JayaSthiti, Jyotir Malla, porte
dans le même prologue le titre de Râla Nâràyana ; plus
tard, parvenu au pouvoir impérial, il reprend à son compte
le titre paternel : DaityaNàrâyana (Bhagv. Inscr. 16). Cette
évocation de Nâràyana peut sembler naturelle au Népal,
où Visnu est surtout honoré sous ce nom (1, 366); mais à
la même époque, les appellations de ce type foisonnent à
Tentour de la vallée. A Nayakot, un ràja local se qualifie
de Vira Nàrâyana-avalamsa (Camb. Add. 1 1 08). Au Tirhout,
les descendants de Harisimha joignent presque tous à leur
nom le nom de Nâràyana : Narasimha s'intitule Darpa-
Nàràyana ; Dhira Simha, Hrdaya Nâràyana ; Rhairava
1. Abliinava Uà^havànanda par Manika. Cambridge, Add. 1658.
2. BtNDALL, Journejjy Inscr. IX.
HISTOIRE DU NÉPAL 235
Simha, Hari Nârâyana. La petite dynastie des Simha de
Champaran suit la même pratique ; Madana Simha, en
1453, s'intitule Daitya Nârâyaria, tout comme Jaya Sthiti
lui-même. Au xvi* et au xvn* siècle, la famille royale de
Bihar est une succession continue de Nùrâyanas : Nara-
Nârâyana, Laksmî-Nâràyana, Vîra-Nârâyana, etc. (Bhagv.
Inscr. 18). Toutes ces dynasties rayonnent autour de Hari-
simha ; la communauté des/y//W«^^marquaitla communauté
d'origine ; Jaya Sthiti n'a pas manqué celte occasion d'affir-
mer une parenté qui lui faisait honneur. Son culte à Ràma
s'inspirait sans doute des mêmes prétentions. En outre,
Jaya Sthiti est le premier à se donner pour le protégé de
la déesse Mâneçvarî', qui reste après lui la protectrice
officielle des Mallas.
Jaya Sthiti eut de Ràjalla devî trois fils^ : Dharma Malla,
Jyotir Malla et Kîrti Malla. ils exercèrent le pouvoir en-
semble de 1398 h 1400. Mais entre la mort de leur père et
leur commun avènement, la signature d'un manuscrit ré-
vèle en N. S. 516 (1395-96) le règne ou la régence d'un
personnage nommé Jayasimha Ràma. in des documents
de Bendall (V^ Bd.) mentionne trente ans plus tôt, à la date
de N. S. 486, un personnage du même nom à côté du roi
Jayârjuna. En 507 (1387), un Jayasimha Râma accom-
pagne Jaya Sthiti et sa famille h la procession de Matsyen-
dra Nàtha, à Bugama. Le terme Jaj/a n'est qu'un titre,
analogue à fW par exemple, devant le nom personnel. Les
éléments simha elmma rappellent nécessairement les rois
Simha de l'époque, décorés l'un et l'autre du titre de Râma
(Lama) : Madana Sirnha Râma et Çakti Simha Râma. Les
textes chinois montrent que ces princes exerçaient un
1. Id,, ib.
2. Ils sont oxallés tous les trois dans une inscription (date effacée)
que j'ai relevée à Deo l^atan, et qui commémore l'établissement d'une
fontaine en souvenir de leur mère.
236 LE NÉPAL
pouvoir effectif au Népal ; on ne saurait donc s'étonner de
les voir paraître dans des cérémonies officielles à côté des
rois indigènes, ni de voir l'un d'eux occuper le trône dans
une période de transition.
Les trois fils de Jaya Sthili résidaient à Bhatgaon ; ils ne
s'étaient donc pas partagé le royaume ; ils le gouvernaient
de compagnie. Dharma Malla est pourtant nommé seul
dans une inscription de Palan, qui lui donne à la fois le
titre d'héritier présomptif {yuvarâjà) et la fonction de
prince régnant {mjaya'râjyè) en N. S. 523 (1403)*. Huit
ans plus tard, le cadet, Jyotir IVIalla, est nommé seul dans
une signature de scribe (Camb. Add. 1649) et il y reçoit
les titres impériaux. Une inscription officielle (à Paçupati,
Bhagv. 16) de l'année suivante (15 janvier 1413) montre
en effet Jyotir Malla seul maître de l'empire.
Ses mérites justifiaient son succès, si l'on en croit le
panégyriste à gages : « Les princes de la terre, prosternés
par myriades, illuminaient ses pieds roses comme déjeunes
pousses ; l'étude des maîtres tels que Cânakya [le Machia-
vel hindou] l'avait purifié ; les sciences politiques étaient
déposées en lui, perles dans un océan ; il était passé maî-
tre dans l'art musical ; Çiva n'avait pas de dévot plus ar-
dent ; la race de Raghu épanouissait sa forêt de lotus sous
les rayons de cet unique soleil ; toute sa nature allait à
propitier les dieux, les brahmanes, les gurus ; tout son
esprit, à acquérir les six doctrines philosophiques ; tous
les nécessiteux trouvaient chez lui l'Arbre-aux-Souhaits. »
Il rappelait si bien les mérites de son père qu'il a fini par
se confondre avec lui. Kirkpatrick, qui ne connaît de Jaya
1. Bemull, Journ. As. Soc. Beng., 1903, p. 15. Le texte dévanagari
imprimé à la note 2 donne 513, et non 523. Mais la vérification montre
qu'il s'agit bien du « mercredi 18 mai 1403 » qui donne la correspon-
dance exacte du jour de la semaine, du naksatra (Revatl) et du yoga
(Âyusmat) de vaiçàkha badi 10, N. S. 523.
HISTOIRE DU NÉPAL 237
Sthiti Malla que le nom (altéré par Timpression en Jestily
MuU), raconte que « Jeit MuU (Jyotir Malla) son fils oom-
mença par distribuer des domaines entre ses soldats pour
subvenir à Fentrelien de Tarmée ; puis il partagea tout le
reste des terres de son royaume entre ses sujets, et par un
surcroît de bonté il les déchargea de la taxe foncière qu'on
levait avant lui. Il établit des mesures et des poids régle-
mentaires, et agrandit considérablement la ville de Bhat-
gaon où il résidait. » Inversement, les chroniques (W. V.
Bh.) ne nomment pas Jyotir Malla ; mais elles donnent à
Jaya Sthiti 43 ans de règne, englobant ainsi dans un seul
total les années du père et celles du fils. Elles rapportent
en outre que JayaSthili offritàPaçupati unkalaça, accom-
pagné d'une offrande de dix mille oblations {koty âhutï)
le 10 mâgha clair, 515. L'inscription de Jyotir Malla
commémore la dédicace à Paçupati d'un kalaça d'or,
accompagné d'une offrande de cent mille oblations, le
13 mâgha clair 533. Le fils avait-il suivi l'exemple du père
ou les Vamçâvalîs ont-elles dépouillé le fils au profit du
père?
Tout zélé qu'il était pour Çiva, Jyotir Malla se vante
néanmoins (Bhagv. 16) d'avoir restauré le cailya de Sva-
yambhû et l'image de Dliarmadhâlu Vàg îçvarasurlemont
Padmâcala, à côté de Syambu Nath.
Il reste un monument des études de Jyotir Malla, le Sid-
dhi sâra (Camb. Add. 1649). C'est un ouvrage « qui traite
de l'astrologie et des saisons favorables » d'après l'analyse
sommaire de M. Bendall. Outre le goût ordinaire des Né-
palais pour ces connaissances, si importantes dans la pra-
tique de leur vie, une sorte d'harmonie préétablie, de pré-
destination semblait y vouer Jyotir Malla. /yo^w, en sanscrit,
désigne les luminaires célestes. Dans les premiers vers de
son traité, Jyotir Malla ne manque pas de souligner le
rapport entre son nom et le sujet qu'il a choisi : « Le roi
238 LE NÉPAL
JyoiUy prince Malla, sage, compose le Siddhi sâra pour
développer la connaissance desjt/oâs. »
Jyolir Malla fut le contemporain des derniers descen-
dants de Hari simhaau Népal : Çakli sirnlia deva et Çyàma
simlia deva. Ces princes lui avaient sans doute abandonné
le Népal entier, puisque c'est de Palamchok, à l'Est et on
dehors de la vallée, que Çakti simha deva envoyait ses
présents à l'Empereur de Chine.
Jyotir Malla mourut entre 1426 et 1428; il eut pour
successeur son fils aîné. Yaksa Malla, à qui il avait confié
déjà de son vivant le gouvernementdeBhatgaon(Bhagv. 16).
Yaksa Malla semble avoir été le plus puissant de tous les
rois Mallas* ; d'après Kirkpatrick (qui le nomme Ekshali
Mull ou Kush Mull) « il annexa h ses domaines Morung,
au pied des montagnes, leTirhoul, et mêmeGayâ; à TOuest
il conquit Gourklia, et au Nord il prit Sikharjong ou Digar-
chi aux Tibétains. En outre il soumit les ràjas rebelles de
Patan et de Katmandou ». Ainsi, même après Jaya Sthiti
et Jyotir Malla, deux des trois capitales du Népal restaient
encore à peu près indépendantes. Favorable aux brah-
manes comme l'avaient été son père et son grand-père, il
confia le culte de Paçupati à des Bhallas venus du Sud de
rinde. FI éleva le temple de Dallàtreya, à Bhatgaon, et en-
toura cette ville d'un mur. 11 mourut vers 1480, après un
règne d'environ 50 ans (43 ans W. V.).
Avant de mourir, une bonté malencontreuse ou une sa-
gesse illusoire l'avait décidé à opérer lui-même le démem-
brement de son empire ; il en forma quatre royaumes,
destinés h s'entre-dévorer. RAya (ou Râma) Malla, l'aîné
dos fils, reçut Bhatgaon avec un territoire que bornait à
l'Ouest la Bagmati, h l'Est la ville de Sanga, au Nord, la
1. Rkndall, loc. laud.y p. 16, menlionne un ouvrage d'après lequel
a Ynksa Malla poussa jusqu'au Majjadha, en conquérant Mithilâ, et
parilia tout le Népal «'ii subjuguant les ràjas des montagnes ».
HISTOIRE DU NÉPAL 239
ville et la passe de Kuli, au Sud la forêt de Medini Mail.
Rana Malla, le second, eut la principauté de Banepa, limi-
tée au Nord par Sangachok, à TOuest par Sanga, au Sud
par la forêt de Medini Mail, à TEst par la rivière Dudh Kusi.
Mais cette principauté n'eut qu'une existence éphémère; au
bout de deux ou trois générations, la maison de Bhalgaon
s'empara de Banepa, qu'elle dut céder ensuite à la maison
de Katmandou.
Ratna Malla, le troisième fils, reçut Katmandou, avec
une principauté bornée à TEst par la Bagmati, à l'Ouest
par laTirsul (îanga, au Nord par les montagnes de Nil-
kantli, au Sud par les domaines de Patan.
Patan aurait été, d'après certains récits, donné par
Yaksa Malla a sa fille, avec un territoire limité au Sud par
la forêt de Medini Mail, à l'Ouesl par les monts de Lama-
danda, à l'Est par la Bagmali et au Nord parle royaume de
Katmandou. Mais Patan et son territoire revinrent bientôt
à la maison de Katmandou, et n'en furent détachés à nou-
veau qu'au début du xvii' siècle pour former un royaume à
part.
Royaume de bhatgaon.
L'histoire des premiers rois de Bhatgaon n'est connue
que par le maigre récit des Vamçâvalîs. Raya Malla (ou
Râma) régna 15 ans ; mais ce chiffre, régulièrement attri-
bué à chacun des successeurs de Raya Malla jusqu'à Na-
rendra Malla, est de pure fantaisie ; des synchronismes
positifs en démontrent la fausseté.
Suvarna Malla (ou Bhuvana Malla) prit Banepa. Outre
Bhatgaon, il possédait dans la vallée Timi, Nakdés, Budé,
Sanku et Châgu.
Prâna Malla (1 5 ans ; 21 ans, V.) règne d'abord en com-
240 LE NÉPAL
pagnie de Jila iMalla enlre 1524 et 1533; puis il exerce
seul le pouvoir.
Viçva Malla (Visnu Malla. V. ; Bessou Mull, K.) inslalla
des Nârâyanas autour de Paçupati, après en avoir référé
au roi de Katmandou ; il éleva un temple de trois étages à
Datlâtreya, lui donna des terres, et le remit aux Samnyà-
sis, pour lesquels il bâtit un collège {malha). Icangu Nârà-
yana fut enseveli sous un éboulemenl de rochers.
Trailokya Malla, appelé aussi Tribhuvana Malla, fils de
Viçva Malla et de Gaiigadevî, annexa à son royaume les
possessions de la maison de Banepa. Les inscriptions de
son règne vont de 1572 à 1585.
Jagaj jyotir Malla institua la procession du char d\\di
Bhairava à Khatgaon et à Timi ; un jour qu'il jouait aux
dés avec la déesse Tulajà, il lui passa par l'esprit une pen-
sée impure, et la déesse disparut, il arriva aussi sous son
règne que du grain de maïs fut introduit de TEst dans le
pays, mêlé avec des pois chiches. Les sages du royaume
consultés déclarèrent que ce grain-là amènerait la famine,
et qu'il valait mieux le renvoyer d'où il venait. Puis, pour
conjurer le mauvais présage, on rendit hommage aux dieux
et on donna à manger à des brahmanes (W.)\
Les manuscrits, en même temps qu'ils donnent des dates
1. (îo m*il de la Vaniçàvall bouddhique est le pendant saisissant d*un
r^ril do lliouen-lsang. Le pèlerin chinois, pour traverser l'Indus en re-
tournanl vers la (4hine, avait chargé sur un bateau les manuscrits et
leM graines de tleurs rares qu'il rapportait de Tlnde. Mais une tempête
N'éleva, el le bateau fut si violenmient secoué que cinquante manuscrits
Ne piM'direnl el toutes les graines de fleui"s. « Le i-oi de.Kapiça... alla
lui MH>nie au devanl de lliouen-tsang sur le bord du fleuve, et il lui dit:
M J'ai appris, vént^rable maître, qu'au milieu du fleuve vous avez perdu
lieauct»up de livres sacrés. N'apporlez-vous pas aussi des graines de
IhMir?* el de fruils de l'Inde? » — « J'en apportais en efl'el », répondit-il.
l^'a élé, ajo»l» \^ i'^»i. Itt ^'«"^e unique du malheur qui vous est arrivé.
hepuiH l'antiquilé jusqu'à nos jours, lel a été le sort des personnes qui
*ml voulu Iravei-ser le fleuve avec une collection de graines de fleurs et
k\ks fruiU, »(!'•(' de Hiouen-lstang, trad. St. Julien, p. 263.)
HISTOIRE DU NÉPAL îii
précises (1617-1633) pour ce prince, nous le font aussi con-
naître plus intimement \ Jagaj jyotir Malla, en véritable
Népalais, était épris de musique, de danse et de théâtre.
Il multiplia ses efforts pour se procurer dans le Sud de
rinde un exemplaire du Samgîla candra qui traitait de
toutes les questions relatives à Tart dramatique ; il Tétudia
laborieusement, en compagnie d'un pandit du Tirhout,
Vanga mani, et avec Taide de ce savant collaborateur, il
en composa un commentaire, le Samgîta bhâskara « le So-
leil des arts musicaux ». 11 étudia aussi Touvrage classique
de Bharata sur Tart théâtral, les chapitres de TAgni Pu-
râna, le traité (inconnu) de Vipra dâsa et résuma ses lec-
tures dans le Samgîta sâra samgraha « la Quintessence
des Arts musicaux en abrégé ». La musique était, au reste,
une passion de famille. Le fils d'une fille de Jagaj jyotir
Malla, Ananta, fit composer par Ghana çyâma un commen-
taire sur la Hasta muktâvalî « le Collier de Pierreries des
mains » qui traite des attitudes expressives ; le commen-
taire de Ghana çyâma était destiné à l'instruction du fils
d'Ananla.
Jagaj jyotir Malla ne négligea pas non plus Tart erotique
si important dans la littérature sanscrite ; il choisit comme
texte d'études le Nâgaraka sarvasva « le Trésor d'urba-
nité » composé par un moine bouddhiste, Padmaçrîjnâna,
qui avait reçu les leçons du brahmane Vâsudeva ; pour
compléter l'enseignement légué par ces deux véné-
rables maîtres, le roi composa un commentaire de l'ou-
vrage.
Mais Jagaj jyotir Malla ne se contenta pas d'étudier la
théorie du théâtre ; il prétendit mettre en œuvre les con-
naissances qu'il avait péniblement acquises. En 1628, il
1. Sur ces ouvrages de Jagaj jyotir Malla, v. Haraprasad, Report,
1901, p. 10 et 11.
II. — 16
242 LE iNÉPAL
composa un drame, le Mudila Kuvalayâçva \ que j'ai déjà
cité plusieurs fois pour les renseignements historiques du
prologue. La pièce ne reproduit pas le type classique delà
comédie héroïque {ndtaka) consacré par Kfilidâsa et Bha-
vabhûti ; c'est une sorte d'opéra où les vers seuls sont fixés ;
les parties de prose sont abandonnées à Timprovisation des
acteurs. La langue n'en est ni le sanscrit, ni le pràcrit des
grammairiens, mais la langue populaire relevée de mots
sanscrits. L'élément principal est, comme on pouvait s'y
attendre, le chant et la mélodie. L'année suivante, en
1629, à l'occasion d'une éclipse qui se produisit le 21 juil-
let, le royal écrivain fit jouer un autre drame de sa façon,
le Hara gaurî vivâha ^ « le mariage de Çiva et de Devî » ;
c'est également une espèce d'opéra, du même caractère
que le Mudita Kuvalayâçva.
Narendra Malla (21 ans) manque à V.
Jagat prakâça Malla (21 ans) se piquait de littérature,
comme son contemporain le roi de Katmandou Pratâpa
Malla. 11 composa cinq hymnes en l'honneur de Bhavânt et
les fit graver sur une pierre, en 1662. 11 composa aussi des
hymnes en l'honneur de Garuda dhvaja « le dieu qui a Ga-
ruda pour étendard », Visnu. Il se qualifie lui-même dans
une inscription datée de 1667, de « maître es arts et es
sciences ». Il construisit un ghat sur la rivière Hanumali,
à l'Kst de Bhatgaon, et éleva divers monuments. C'est lui
que le P. Grueber {stip. I, 84 et 88) désigne dans sa rela-
tion sous le nom de Varkam.
Jilàmitra Malla (21 ans) fut un grand constructeur de
temples et d'édifices religieux. Une monnaie frappée à son
nom porte la date de 1663, du vivant de son père; les
chroniques relatent des fondations pieuses de ce roi en
1. Analysé <lans h» Katalog der Bibliothek der Deutschcn Morgen-
làndischcn (rescUschafl, vol. U; ins. n® 6.
2. Cambridge, Add. i695.
HISTOIRE DU NÉPAL 243
1682 et 1683. Jilâmitra Malla avait composé un drame,
TAçva medha nàtaka, dont il avait emprunté le sujet au
Jaimini Bhârata\
Bhûpatîndra Malla (34 ans) est Fauteur des deux monu-
ments les plus beaux de Bhatgaon : le Darbar (Palais Royal)
et le Temple à Cinq Étages. Le darbar, qui subsiste encore,
a 99 cours ; la cour principale a une porte dorée, que tous
les voyageurs ont célébrée pour sa richesse et sa beauté. A
Tune des 55 fenêtres du palais, le roi avait fait enchâsser
comme une curiosité exposée à l'admiration de ses sujets,
un morceau de verre qu'un Hindou de la plaine lui avait
offert en présent. Le darbar fut achevé en 1697. Le Tem-
ple aux Cinq Étages^ était destiné à loger une divinité se-
crète du Tantrisme, qu'aujourd'hui encore on ne montre à
personne. Pour stimuler le zèle des ouvriers, le roi donna
l'exemple en apportant lui-même trois briques; et l'entrain
fut tel que dans l'espace de cinq jours tous les matériaux
furent rassemblés. Le couronnement {cùdâ manï) du tem-
ple fut posé en 1703. Le règne de Bhûpatîndra Malla sem-
ble se terminer en 1721 ; au cours de cette année il dédie
encore une cloche à Vatsalâ Devî ; en 1722, une monnaie
porte déjà le nom de Rana jit Malla.
Le nom de Rana jit Malla est si étroitement mêlé aux
événements qui amenèrent l'invasion et la conquête
Gourkha, qu'il est préférable de réserver le récit de son
règne.
Royaume de Katmandou.
Ratna Malla, le troisième fils de Yaksa Malla, qui reçut
pour sa part le royaume de Katmandou, était actif, re-
muant, ambitieux, sans scrupules. La légende raconte
1. Haraprasai), Reporlj 1901, p. 18.
2. V. la photographie, l, p. 373.
^44 LE NÉPAL
qu'il ourdit une ruse savante pour recevoir de son père
mourant la formule mystérieuse d'invocation à Tulajâ devî,
réservée légalement à Taîné de la famille. Désigné pour
régner sur Katmandou, il lui restait encore à prendre pos-
session de son trône ; si la ville avait reconnu Yaksa Malla
pour suzerain, douze Thakuris en étaient les maîtres effec-
tifs, comme au temps de Hari Simha deva. Ratna Malla
s'en débarrassa par le poison. Les Thakuris de Nayakot,
pour affirmer leur indépendance, donnèrent Tordre de
repeindre la statue de la déesse Râjyeçvarî sans lui en de-
mander l'autorisation préalable ; il leur déclara la guerre
et les battit en 1491, et pour consacrer son triomphe il
rapporta de Nayakot un monceau de fleurs et de fruits
qu'il offrit à Pagupati. Les Tibétains appelés Kuku, et d'au-
tres encore du pays de Deva dharma (Bhoutan) l'attaquè-
rent à leur tour ; mais quatre brahmanes du Tirhout déci-
dèrent le roi de Palpa, leur disciple, à secourir Ratna
Malla ; les Tibétains furent mis en déroute à Kuku-syânâ-
jor. Les brahmanes furent récompensés par des donations
de terres. Allié avec les brahmanes contre l'aristocratie
qui s'appuyait sur le bouddhisme indigène, il nomma prê-
tre de Paçupati un svàmin venu du Dekkhan et nommé
Soma Çekharânanda. Les Névars furent relégués à des
emplois secondaires dans l'administration du temple.
Poursuivant le travail de fusion hindoue qui s'opérait de-
puis l'invasion Karnàtaka, Ratna Malla, sur les avis du
svàmin qu'il avait pris pour guru, prétendit reconnaître et
montrer dans Adi-Buddha une forme de Devî.
Possesseur des mines de cuivre de Tàmbâ Khànî, dans
la vallée de Chitlong au Sud du Népal, Ratna Malla fit frap-
per des « paisàs » pour remplacer les anciennes pièces
dénommées suki ou sukicàs qui valaient huit fois plus.
L'accroissement des transactions imposait sans doute la
création d'une petite monnaie.
HISTOIHE DU NÉPAL
C'est SOUS le règne de Halna Malla qu'on vit paraître
pour la première fois des Musulmans au Ni^pal.
Ratna Malla monrtit aprfes un long règne (71 ans, W.
V. B.). Ileut pour successeur Amara Malla (47 ans, ib.).
Araara Malla était le suzerain de 26 villes ou bourgs : Pa-
lan, Bandegaon, Thecho, Harsiddhi, Lubliu, Chapagaon,
246 LE NÉPAL
Phirphing, Bogmali, Khokhna, Panga, Kirtipur, Thankot,
Balambu, Salangal, Halchok, Phutum, Dharmaslhali, To-
kha, Chapaligaon, Lelegram, Chukgram, Gokarn, Deo Pa-
lan, Nandigram, Namsal, Maligram. Sa résidence était
à Katmandou. Il possédait donc toute la moitié occiden-
tale de la vallée. Intéressé au passé, il voulut connaître
l'origine des villes dont il était maître, et ordonna de re-
cueillir les traditions courantes; malheureusement le dos-
sier de l'enquête n'est pas parvenu jusqu'à nous.
Amara Malla paraît avoir été grand amateur de danses.
Il en institua ou en réforma un grand nombre, dans toute
l'étendue de ses domaines. Il créa aussi de nouvelles pro-
cessions de char.
Sûrya Malla (8 ans) prit Changu NarayanetSanku au roi
de Bhatgaon. Adorateur dévot de Vajra yoginî de Sanku,
il alla s'installer près d'elle, dans sa ville, et institua
une procession en son honneur. Il resta six ans à Sanku,
puis rentra à Katmandou, où il mourut.
Narendra Malla (5 ans) ; deux documents tracés sous
son règne portent la date de 653 (1533 J.-C.) et de 671
(1551). Les quatre premiers règnes couvrent donc en réa-
lité un peu plus d'un demi-siècle.
Mahendra Malla (21 ans) a perpétué son nom par sa
monnaie dans le Népal et les pays voisins. Les Vamçàvalîs
racontent qu'il alla lui-même rendre hommage à l'Empe-
reur de rinde (Padshah) h Delhi, et qu'il lui apporta en
présent un cygne tout blanc et des faucons. L'Empereur
en fut si content qu'il lui donna l'autorisation de frapper à
son nom des pièces appelées mohar et pesant six màsas.
L'histoire est au moins suspecte. Le règne de Mahendra
Malla tombe en elTel entre 1550 et 1570, dans une période
011 le trùne de Delhi est violemment ébranlé. Le Mogol
Houmayoun, battu à IJaxar par l'Afghan Sher Khan (1539)
s'enfuit de l'Inde ; et son vainqueur prend la couronne
HISTOIRE DU NÉPAL 247
impériale sous le nom de Sher Shah (1540-1545) ; les suc-
cesseurs de Sher Shah s'épuisent à des guerres intestines ;
Houmayoun revient, reprend Delhi (1555) et meurt six
mois après. Son fils Akbar est mineur; il n'exerce person-
nellement le pouvoir qu'à partir de 1560, et passe d'abord
sept ans à réduire les séditions qui éclatent de toutes parts.
Les mohars d'argent frappés par Mahcndra Malla reçu-
rent le nom de Mahendra Mallly et les pièces que tous les
souverains du Népal continuèrent ensuite à frapper sur ce
type conservèrent ce nom. La valeur en est de huit annas ;
elles reproduisent exactement la demi-roupie musulmane.
L'argent dont on les fabrique vient de Chine en lingots
timbrés. La mahendra mallî constituait une monnaie
d'usage facile, dans les transactions entre l'Inde et le Né-
pal, puisqu'elle empruntait l'étalon monétaire des musul-
mans, accepté déjà dans toute l'Inde. Mais elle dut sur-
tout son succès à son adoption par les Tibétains ; le Tibet
qui n'avait pas de monnaie, sauf celle qui lui venait de la
Chine, accueillit avec faveur les mohars népalais, qui res-
tent encore la monnaie courante du pays ; ils circulent soit
entiers et intacts, soit en fractions soigneusement décou-
pées, par moitiés, par quarts ou parhuitièmes\ Mahendra
Malla, qui avait vu clairement quel profit il pouvait tirer de
sa monnaie, lui donna un caractère à demi népalais, à
demi tibétain. Au dire de Kirkpatrick, les anciennes ma-
hendra malHs portaient à la face une représentation de
Lhasa, et au revers le nom, le titre et les emblèmes du
souverain de Katmandou '\ Mais une monnaie figurée dans
la Missio Apostohca porte simplement à la face l'effigie du
roi, et au revers un cheval tourné vers sa gauche et retour-
1. Markham, Tibety p. 129 n. et cf. Grenart, Le Tibet, Paris, 1904,
p. 307.
2. Kirkpatrick, p. 217 sq. ; cf. Hamilton, p. 215,
248 LE NÉPAL
nant la tête *. Le roi de Katmandou avait, comme emblème
monétaire, le sabre ; celui de Patan, le trident; celui de
Bhatgaon, la conque.
Mahendra Malla rendit visite h Trailokya Malla, roi de
Bhatgaon, et pendant son séjour un désir le hantait d'élever
à Tulajâ dovî dans sa capitale un temple aussi beau que
celui de Bhatgaon. Le choix d'un plan convenable Tarrêta
longtemps; enfin un Samnyàsi vint au secours des archi-
tectes, et le temple fut achevé en 1549". C'est à partir de
ce moment-là qu'il fut permis de construire h Katmandou
des maisons élevées. Mahendra Malla s'eflbrga d'attirer de
nombreuses familles à Katmandou en leur donnant des
maisons et du terrain.
Le fils de Mahendra Malla, Sadâ çiva Malla (10 ans) se
rendit intolérable par sa luxure et sa tyrannie. Passionné
de chevaux, il laissait tranquillement les bêtes de son écurie
paître les récoltes de ses sujets ; s'il voyait à une procession
une jolie fille, il s'en emparait. Le peuple finit parle chasser
h coups de bâtons et de marteaux, et il dut se réfugier h
Bhatgaon. Le roi de Bhatgaon, cpii était au courant de ses
méfaits, le retint prisonnier. Ln beau jour, il disparut. Avec
lui s'éteignit la dynastie légitime des Sûrya vamçis à
Katmandou.
Après l'expulsion de Sadà Çiva Malla, Çiva simha Malla
(23 ans) fut choisi pour roi. Les Vamçûvalls qui déclarent
la dynastie des Sùrya varn(;is éteinte avec Sadà Çiva, n'en
font pas moins de Çiva siinha un frère de Sadà Çiva.
Cependant la Vamçàvali brahmanique lui donne le nom de
Çiva Siinha Mîdla le Thakuri; il est probable en effet que
le nouveau roi fut choisi parmi lesThakuris de Katmandou
1. ^ffssio ApORloliiui fhihoffino-^eraphicM..,, p. 202.
2. La dah» foiirnio par W. et V. est (loublcmenl impossible. Mahendra
MaUa monte sur h» trône après 1551, et de plus pour 15'â9 le 5 m&gha
clair donnerait le vendredi (el non le lundi) 'i janvier.
HISTOIRE DU NÉPAL 249
qui (étaient, an moins en partie, des Mallas; témoin le
Bhâskara Malla père de Keça candra qui fonda le Couvenl-
du-Pigeon. Çiva simha était marié à Oangà Hânî qui a
laissé le souvenir d'une dévotion ardente; c'est elle qui
paraît avoir dirigé réellement les affaires. Elle répara le
temple de Pa(;upati et y installa comme prêtre un svàmin
du Sud de l'Inde, Nityânanda. Elle fit, dit-on, relier par
une étoffe le faîte de Paçupati au faîte du palais de Katman-
dou. Çiva Siinha, de son côté, avait pris pour directeur
spirituel un brahmane du Mahà ràstra (pays Mahratte). Les
dates connues de (liva simha Malla vont de 1585 h 1614'.
De son vivant même, le royaume de Katmandou s'était
scindé. Le second de ses fils, Hari hara simha, violent et
emporté, avait chassé du palais royal l'aîné, Laksmî Nara
siniha Malla, qui dut se cacher à Deo Patan, dans la maison
d'un blanchisseur. Hari hara simha s'établit à Patan, et
prit le titre de roi. II y régnait dès 1603 ^
Le pauvre Laksmî Nara sirnha Malla régnait à Katmandou ,
du vivant même de son père, s'il est vrai qu'il construisit
le vaste hangar en bois qui valut à l'ancienne Kàntipura
son nom moderne {kdsiha mandapa, kMhmamhio, Katman-
dou). La construction de ce hangar est datée de 715
(lo9o J.-C).
Heureusement pour lui, Laksmî Nara simha Malla avait
à son service un ministre intelligent et dévoué, le kàjî
Bhîma Malla. Bhîma Malla s'efforça de resserrer et de mul-
tiplier les relations avec le Tibet où les guerres civiles,
déchaînées par les haines religieuses, offraient au Népal
1. Inscr. à Patan.
2. La suscTiption d'un maniisciit de l'Asta sàhasrikâ en leUres d'or
conservé au couvent de Hiranya varna à Patan porte : Samval 723 ^râ-
vana çuhla pratipadi tithau )nàghd nahsatre parighayoge çuhlavd-
sare tasyyiin dinc çrl S jai/a Çird simha deva putra Thàhula Simha
deva vijaya ràji/e. La date correspondante est le vendredi 29 juillet
1603 où le naksalra et le yoga sont parfaitement exacts.
250 LE NÉPAL
une occasion propice pour étendre son influence. Il alla en
personne h Lhasa, décida des marchands névars à s'y éta-
blir e( conclut une sorte de traité de commerce avec le
Lama ; les biens des sujets népalais mourant dans la capi-
tale du Tibet, au lieu d'être confisqués parTautorité tibé-
taine, devaient faire retour au gouvernement du Népal. La
légende, plus éprise de la gloire militaire que des succès
économiques, a travesti le souvenir de Bhîma Malla. Sur la
route qui mène de Nayakotau Oosain Than, près du village
de Taria, on montre un abri naturel formé par une énorme
roche qui surplombe; c'est le Bhimal Gupha, la grotte de
de Hhlma Malla. (lomme Bhîma Malla conduisait une armée
à la conqu6l(» du Tibet, un lama détacha au moyen d'un
charme puissant une roche de la montagne et la laissa
rouler sur la troupe népalaise; mais Bhtma Malla n'eut
qu'à lever la main pour arrêter d'un seul coup la chute du
rocher'. Le roi de Katmandou dut encore au zèle et à
l'adresse de son ministre l'acquisition de Kuti qui le rendait
maître de la passe la plus fréquentée. Mais l'envie et la
calomnie arrachèrent sans difficulté au débile Laksml Nara
simha une sentence de mort ; eu récompense de ses ser-
vices, Bhîma Malla fut livré au bourreau. Sa veuve monta
sur le bûcher et avant de disparaître dans les flammes elle
lança une malédiction formidable: « Puisse la sagesse,
s'écria-t-elle, n'habiter jamais dans ce Darbar ! »> Peu de
temps après, le voi tomba en démence ; on y reconnut l'effet
de la malédiction. C'était en 1639; Laksmî Nara simha
vécut encore jusqu'à 1657.
Son fils, l^'atàpa Malla, appelé à le remplacer, exerça le
pouvoir pendant 50 ans (1639-1689). Les Vamçàvalîs énu-
mèrent avec une complaisance infatigable les innombrables
fondations religieuses de ce long règne ; mais Pratàpa Malla
1. Olwield, I, 164.
HISTOIRE DU NÉPAL 251
a tenu à instruire directement la postérité de sa gloire et
de ses mérites. Malgré les ravages du temps, son nom
arrête Tœil à tous les temples, à tous les carrefours de
Katmandou et de sa banlieue, enchâssé dans de savants
panégyriques composés par le roi lui-même. Si la poésie
qu'il courtisa pendant un demi-siècle s'obstina h lui faire
grise mine, il réussit du moins à forcer les faveurs de la
métrique; au demeurant, esprit curieux, éveillé, fureteur,
et qui mérita bien de laisser dans le peuple la réputation
d'un magicien. On raconte encore qu'il sut faire sourire la
statue d'un Bhairava placée devant le palais et qu'il parvint
même à lui faire branler la tête. Une pierre oblongue
encastrée dans la plinthe de la fac^adc étale encore aux
passants l'érudition de ce singulier prince et pose à la
curiosité déconcertée une énigme puérile que la légende
n'a pas manqué de grossir. Dans les sept lignes de ce docu-
ment, Pratàpa Malla a donné des spécimens de quinze écri-
tures qu'il avait apprises et dont il énumère avec orgueil
la liste : golmoly pârsi, tirahuïi, rafïja, rnâghapat, devanâ-
(jarn, seyadajana, goiviya, ârbïy kayathi nâgara, kata, snyâ
Hmetciy nevâra, kdspiri, phnriiigi. L'écriture golmol est une
modification décorative de l'écriture nâgarî ; la pârsi est
l'écriture perso-arabe; la tirahutiy celle du Tirhout; le
raiïja est une variété népalaise de la iiAgarî. J'ignore ce
qu'est le mâghnpat, et l'aspect des caractères n'est pas fait
pour éclaircir le problème ; le deva nâgara est l'écriture
commune de l'ilindoustan ; seyada est le nom du Tibet en
langue névare ; le seyàifn jnna (âkhar) est l'écriture tibé-
taine; le gofriya est encore une autre modification de la
nàgarî; Ydrhï est l'écriture arabe ; /ï7^«/Ai w%«;'« désigne
sans doute la nàgarî employée par les scribes {kâyastha,
knith) ; kata est l'écriture de TOrissa ; sayâ umela est un
nom aussi mystérieux que l'écriture correspondante ; nevâra
est l'écriture névare ; kâspiri, celle du Cachemire ; phirihgî^
252 LE NÉPAL
l'écriture européenne {Phmhga, Franc). Les spécimens
de récriture phiringî, tracés en belles capitales du
XVII* siècle \ sont les mois: Automne, Wlnter, L'Hiver,
que la coupure de la ligne et les irrégularités de Fortho-
graphe dissimulent au premier coup d'œil (aviom-newin-
terlhiert). Deux de ces trois mots sont français. L'alle-
mand et l'anglais peuvent h titre égal réclamer le troisième,
bizarrement encadré entre les deux autres. La solution de
ce petit problème restera incertaine, tant qu'on ne saura
rien des informateurs de Pratàpa Malla. L'inscription est
datée du 5 màgha clair 774 (vendredi 14 janvier 1654);
elle est (à cinq jours près) exactement antérieure de huit
années au passage des PP. Grueber et Dorville ; avant eux,
on ne connaît aucun Européen qui ait visité le Népal.
L'inscription s'ouvre par une invocation à Kàlikâ, suivie
d'un vers écrit au moyen des quatorze premières sortes
d'écritures. Seule la phiringî n'y a pas été employée ; elle a
été rejetée au bout de l'inscription, soit mépris, soit faute
d'en connaître l'usage. Le pieux Pratàpa Malla a pu éprouver
des scrupules à transcrire avec les caractères des plus vils
barbares les mots sacrés d'une prière à la déesse Kâlikà :
peut-être aussi était-il fort embarrassé de les accommoder
à la transcription du sanscrit ; les modèles manquaient
encore. Cependant les mots européens employés ne sem-
blent pas ramassés au hasard ; l'inscription est gravée en
décembre-janvier; l'aspect équivoque de janvier au Népal
suggérait assez naturellement les mots: « automne » et
« hiver ». Les particularités de la date astronomique sont
minutieusement énoncées deux fois, en sanscrit littéraire
et en névar-sanscrit. « C'est en samvat 774 névar, au mois
de màgha, à la quinzaine claire, le cinq, jour de Çukra
(Vénus), dans le yoga nommé Çiva, l'astérisme étant Utta-
1. V. la photographie, 1, p. 89.
HISTOIRE DU NÉPAL 253
râbhâdra, que rornement de la race des poètes, le joyau
qui couronne son chignon, le noble Pratâpa, le roi, a écrit
celte phrase incomparable ». Cette phrase incomparable,
je dois m'avouer incapable de la déchiffrer. Et pourtant,
quelle humiliation! « Le prince des poètes », « le diadème
de la famille littéraire », (( Tempereur roi des rois Pratâpa
Malla » le déclare par deux fois, en langue névare, comme
si le sanscrit se refusait à tant de brutalité: « Qui peut
comprendre le sens de ce çloka, celui-là est un docteur;
qui n'est pas en état de l'expliquer, sa naissance est inu-
tile ; qui ne peut le commenter, ses parents en vieilliront ! . . .
Qui comprend le sens de ces lettres, sa naissance est vrai-
ment utile ; qui échoue n'est qu'une bête ! » J'ai radicalement
échoué à déchiffrer ce grimoire, compliqué certainement
par la gaucherie du scribe et coupé d'écritures inconnues.
Un autre aura la gloire, et le profit, d'y lire l'indication
exacte du lieu o£i Pratâpa Malla a enterré quatre kolis de
roupies, sous la cour de Mohan-chok, dans le darbar ; car
ce grimoire de sorcier ne peut avoir trait, naturellement,
qu'à un trésor caché.
Pratâpa Malla multiplia avec une libéralité impartiale
ses hymnes gravés sur pierre. En 1650, il en dédia un à
Svayambhû, la stèle y est encore intacte ; en 1654, un autre
à la déesse Guhyeçvarî qu'il avait fini par découvrir, sur
les indications d'un sorcier, en faisant creuser un puits
profond. Les marches du temple élevé en face du Darbar
portent aussi des hymnes dus à l'inspiration royale. Fier
de son talent, il prit officiellement le titre de Kavîndra
« prince des poètes » et l'accola partout à son nom, sur les
inscriptions et sur les monnaies.
La poésie n'était chez lui qu'une autre forme de l'exal-
tation religieuse. Il passa tout le temps de son long règne
à des combinaisons de divinités et à des machinations de
culte ; il jouait avec les dieux comme avec les écritures ; son
254 LE NÉPAL
syncrétisme bon enfant s'accommodait de quatre directeurs
spirituels, un svàmin tantriste, un fakir brahmane, un ma-
gicien et un prêtre bouddhique. Le svàmin était un Hindou
du Dekkhan, Jnânânanda, qui fut nommé prêtre de Paçu-
pati et qui se fît construire par le roi une maison à Deo
Patan. Le fakir était un brahmane du Mahàrâstra, Lamba
karna bhatta, qui obtint du roi autant de terrain qu'il en
pourrait couvrir dans sept jours. La promesse faite, on
s'empressa d'en annuler autant que possible l'effet: on fil
monter Lamba karna en palanquin et on lui donna comme
porteurs et comme domestiques des boiteux, des aveugles
et des paralytiques. Le magicien, Narasimha Thâkura, était
un brahmane du Tirhout qui connaissait la formule avec
laquelle on maîtrise Nara simha. Enfin le prêtre bouddhique
s'appelait Jàmana.
En proie à ces influences, le roi répandit une pluie d'au-
mônes sur toutes les confessions. Jeune homme, il avait
donné dans le libertinage et ses concubines s'élevaient alors
au nombre de trois mille ; il alla même jusqu'à violenter
une fillette toute jeune, qui en mourut. Pris d'horreur pour
son crime, il se retira au temple de Paçupati et y passa
trois mois à façonner de ses propres mains des liiigas par
myriades. Puis, en 758 (Bhagv. 19), il accomplit le rite du
tulà-dâna qui consiste à présenter en offrande une masse
d'argent, de pierreries, d'or et de perles égale au poids du
donateur, et il y ajouta encore un don de cent chevaux. H
fit dresser tout le long de la route entre Katmandou et
Paçupali des lingas de pas en pas, et fit comme jadis sa
grand' mère (langâ Hânî rattacher par un fil le faîte du
temple au palais, l^our écarter les mauvais esprits, les sor-
cières, les é|)idéniies, surtout la |)elile vérole, toujours si
redoutée, il éleva à la porte du darbar une statue de Hanu-
mat, le singe épique. Il amena Teau de Budha-Nilkanth à
un étang dans Tintérieur du palais et prescrivit que les rois
HISTOIRE DU NÉPAL 255
du Népal ne devraient plus jamais porter en personne leurs
hommages à Budha-Nilkanth ; autrement leur mort était
assurée. Il creusa en l'honneur d'une Rânî le joli bassin du
Rânî Pokhri, à TEst de Katmandou et construisit au milieu
un temple où il logea la divinité de sa famille. Vers 1670,
il offrit à Svayambhû Nàtha le grand vajra qu'on voit à
l'entrée du plateau sacré.
Ce râja pacifique et studieux dul pourtant faire la guerre.
Avant 1649 il avait pris ou repris aux Tibétains Kuti, Khâ-
sâkira (?), obligé le roi de Bhatgaon; Narendra Malla, à lui
offrir en tribut un éléphant, vaincu le roi de Gorkhâ
Dambara Çâha (1633-1642), enlevé à Siddhi Nrsimha de
Patan plusieurs de ses forteresses (Bhagv. 18). En 1658 il
eut à soutenir l'attaque des rois de Patan et de Bhatgaon
alliés contre lui ; en 1660, la guerre reprit; mais le roi de
Patan, Çri Nivâsa iMalla, avait changé de camp et soutenait
Pratâpa Malla. Vaincu dans une série de rencontres, Jagat
prakâça de Bhatgaon dut solliciter la paix en janvier 1662.
Les deux jésuites Grueber et Dorville traversaient à ce
moment le Népal ; ils assistèrent à l'un des derniers enga-
gements et leur intervention contribua même au succès : la
lunette d'approche qu'ils prêtèrent au roi de Patan lui per-
mit de reconnaître les positions où le roi de Bhatgaon
s'était dissimulé.
Pratâpa Malla avait pris deux épouses royales: l'une,
Rùpamatî, était de la famille des rois du Bihar; elle était
fille de Vira Nâràyana, petite-fille de Laksmî Nârâyana,
arrière-petite-fille de Nara Nârâyana, et sœur de Prâna
Nârâyana. La formation de ces noms dénote des descen-
dants authentiques ou prétendus de Hari simha deva.
L'autre reine, Bâjamatî, était do la famille Kârnâta, larace
de Nânya deva et de Hari simha deva \
1. Une inscription datée de N. S. 777 ==: 1657 J.-C, et qui commémore
Tinstallation d'un Viçvampa par Pratâpa Malla, nomme la seconde
256 LE NÉPAL
De ces deux épouses, il eul quatre fils: Pârthivendra,
Nrpendra, Mahîpatîndra et Cakravartîndra. Sur le conseil
du svâmin Jnânânanda, il leur confia successivement la
royauté pendant un an, à partir de 1 666. Mais le quatrième,
Cakravartîndra, mourut après un seul jour de règne (1669);
on incrimina le svàmin qui avait choisi pour les monnaies
de ce prince une combinaison de mauvais augure; il avait
eu le tort d'y associer au câmara (émouchoir), au kamala
(lotus), à Xahkuça (croc de cornac), au /?flm (nœud), Tare
et la fièche {bânâstra), qui présagent la mort*. L'alternance
dut se poursuivre entre les trois aulres: une monnaie au
nom de Nrpendra porte la date de 1679; une au nom de
Bhûpàlendra la date de 1682'.
Pratàpa iMalla eut pour successeur son troisième fils
Mahîndra (Mahîpatîndra) Malla (1689-1694) qui nomma le
svàmin Vimalânanda prêtre de Paçupati, et institua la
procession de Çveta Vinâyaka, dont il confia l'organisation
et les fonds aux Banras de Chabahil.
Bhâskara Malla (1694-1702) n'avait que quatorze ans
quand il devint roi. Gâté par la société des femmes o£i il se
renfermait, il ne craignit pas, en l'année 1700 (o£i le mois
âçvina élait redoublé par intercalation), de célébrer la fête
du Dasàîn pendant le mois intercalaire. Pour le punir de
cette dérogation, la peste éclata. Le symptôme du mal,
c'était une douleur dans la tête, près de l'oreille ; et la mort
arrivait sur-le-champ. Le nombre des morts finit par s'é-
t'poiiso Làlaniall, ol rapporte ainsi sa généal()j,'ie : Sirpha Nàràyana, roi
de niiaiîavall puia -► Vàgha Nàràyana -► Padnia Nàràyana -►Laksml
Nàràyana -► lihavana Nàràyana -*- Jî va Nàràyana -► Kirti Nàràyana,
père dt> Làlainati.
1. D'après \Vkm;iit (220, n. 1) on recherche ci»s monnaies, devenues
fort rares, pour un usaj^^e de médecine maj^nque ; l'eau où on lésa trem-
pées passe pour assurer un accouchement rapide. Ihi attribue la même
\(M'tu au sabre (|ui a tué un houune.
2. Le ms. Add r»75 écrit en IG82 donne comme roi Prthivindra
iMalhi.
HISTOIRE DU NÉPAL 257
lever à 80 et 100 par jour. Par précaution, le roi était tenu
enfermé avec ses deux femmes, un domestique et les pro-
visions. Au bout de six mois, impatient de cette claustra-
tion, le jeune roi sauta par la fenêtre et courut au darbar.
Il y mourut dans la même nuit.
Le roi ne laissait pas d'héritier. Les reines, avant de
monter sur le bûcher, donnèrent la couronne à un parent
éloigné de la famille royale, Jagaj jaya Malla, qui prit le
titre de Mahîpalîndra. Jagaj jaya avait déjà deux fils,
Râjendra prakàça et Jaya prakâça. Devenu roi, il lui en
naquit trois autres, Bâjya prakâça, Narendra prakâça et
Gandra prakàça. En 1711, l'aîné, Râjendra prakàça, mou-
rut. Jagaj jaya voulut désigner comme son héritier le second,
Jaya prakàça ; mais les soldats Khas qu'il employait à son
service repoussèrent ce choix et prétendirent imposer
Ràjya prakâça, parce qu'il était l'aîné des fils nés au palais.
Ces discordes de cour favorisaient les progrès des Gourkhas
qui poussaient alors leurs conquêtes vers le Népal. Le
royaume Malla de Katmandou n'avait plus longtemps à
vivre quand Jagaj jaya Malla mourut en 1732.
ROYAUME DE PATAN
Le fondateur de la dynastie de Patan est Hari hara simha
Malla, fils de Çiva simha Malla, roi de Katmandou ; Hari
hara simha, du vivant de son père, occupa le trône de
Patan; il y était installé dès 1603. Il affecta de devoir son
élévation à la protection du Bhairava Panca linga.
Son fils Siddhi Nara simha (ou Nr simha) Malla régna
à peu près quarante ans (d'environ 1620 à 1657). Sa per-
sonne et son règne sont enveloppés par la tradition d'un
nuage de mystère mélancohque et divin. On disait qu'il
avait été conçu tandis que son père vivait dans une pieuse
U. — 17
258 LE NÉPAL
retraite à Paçupati, et qu'il était né à une heure propice.
Son père, pour fêler sa naissance, avait dédié le village de
Bhulu et avait fait graver en commémoration une inscrip-
tion sur cuivre. Siddhi Nara simha s'était voué au culte de
Krsna ; mais pour honorer ce dieu de grâce et d'amour, il
s'imposait les plus formidables austérités. Il dormait sur la
pierre, passait ses journées à prier, et s'astreignait à la
diète du cândrâyana, réglée sur le cours de la lune ; au jour
de la nouvelle lune, il ne prenait comme aliment qu'une
poignée de riz, augmentait graduellement jusqu'à la pleine
lune, puis diminuait par degrés sa portion. En 1652, il
confia les affaires publiques à un régent et partit en pèleri-
nage, mais les événements le rappelèrent bientôt. Dès lors
les présages inquiétants se multiplient; la procession du
char de Matsyendra Nâtha en 1654 est restée célèbre par
les accidents qui la retardèrent; le trajet se prolongea près
de trois mois et il fallut renoncer à l'achever régulièrement.
A la même époque, la sueur coula quinze jours sur le visage
de Ganeça ; en 1656, la foudre tomba sur le temple de
Matsyendra Nâtha ; quelque temps après, pendant la pro-
cession de la divinité, un enfant de six mois s'assit sur le
char et prononça ces mots : « Viens, roi Siddhi Nara simha !
Je ne suis pas content de le voir construire un temple si
haut! » Le roi ne vint pas à l'appel. « C'est bien, ajouta
l'enfant, je ne parlerai plus ! » En 1657, Siddhi Nara simha
disparut; on crut qu'il était parti à Bénarès en religieux
errant. Les brahmanes célèbrent sa mémoire par ces vers :
(( Siddhi Nara simha, Tomniscient, est parvenu vivant àla
délivrance, car il avait triomphé des sens; il était Tami de
Mâdhava (Krsna), le dévot de Çrî (Râdhâ), le prince des
yogis, le prince des poètes, libéral et désintéressé, ce fils de
Hari simha. Qui récite cet éloge est libéré de tout péché '. »
1. Je reproduis ces vers, conservés dans les Vatpçâvalls (VV. V.), et
hlSTOlRE DU NÉPAL 259
Ce prince mystique ne négligea pas pourtant Tadminis-
tration des aCfaires publiques. II paraît avoir employé une
bonne part de ses efforts à introduire Tordre dans Tanar-
chie dangereuse des couvents bouddhiques. Pour faire
échec à leurs prétentions rivales, il leur distribua des
rangs de préséance ; il leur imposa une organisation cen-
trale, une représentation commune, des règles de disci-
pline civile. Comme les relations avec le Tibet se multi-
pliaient, il se préoccupa d'instituer des rites de purification
pour les marchands qui revenaient de Lhasa. La popula-
tion de Patan avait décru ; il y attira de nouveaux habi-
tants. II ouvrit aux banras des professions nouvelles.
Les brahmanes éprouvèrent à maintes reprises la fer-
veur profitable de sa dévotion : en 1637, pour l'inaugura-
tion du temple de Krsna et Râdhâ à Patan, il offrit aux prê-
tres deux cents mohars d'or par jour pendant quarante
jours, aux brahmanes « une montagne de riz », un « arbre-
à-souhait », de la nourriture et d'autres dons. En 1647, à
l'occasion d'une restauration du temps de Degutale, il dis-
tribua à chaque brahmane un mohar ; et dans la même
année, à propos d'une autre cérémonie, il renouvela celte
largesse. En 1649, il distribua 250 000 livres de riz aux
brahmanes Névars et aux mendiants venus de partout à
l'aubaine.
Il eut à lutter contre ses voisins de Bhatgaon et de Kat-
mandou ; en 1637, il remporta un succès sur ses ennemis
le jour même oii il dédiait à Krsna et Râdhà un temple ; en
1652 les hostilités s'étaient encore rallumées.
Le fils de Siddhi Nara simha, Çrî NivàsaMalla continua à
qui montrent sur quel genre de documents se fondaient les auteurs de
ces chroniques :
Siddhi Narasitphah sarvajflo jivanmukto jitendriyah |
mâdhavapriyah çrïbhakto yogîçvarab kavïçvarab ||
virakto bhavati tyâgl Harisiiphasya nandanah |
ity âkhyànai}! pa^han nicyaip sarvaiti pâpaiti pramucyate |{
260 LE NÉPAL
guerroyer, d'abord (1658) en qualité d'allié du roi de Bhat-
gaon Jagat prakâça Malla contre le roi de Katmandou,
Pratâpa iMalla ; puis, par un revirement brusque, Pralâpa
Malla et son adversaire de la veille Çri Nivâsa se réconci-
lièrent ; ils échangèrent un serment d'amitié sur le Hari-
vamça, sur le Kâli purâna, sur un couteau népalais {Kii-
khrî). En décembre 1659, Jagat prakâça surprit un poste
ennemi au pied de Changu, décapita huit hommes, emmena
vingt et un prisonniers, et le lendemain il les sacrifia aux
divinités. Les troupes de Katmandou et de Patan réunies
vengèrent ce désastre ; elles prirent Bundegram, Champa,
Chorpuri, Nadesgaon ; le 19 janvier 1662, Timi fut occupé.
Les PP. Grueber et Dorville étaient alors au camp de Çrî
Nivâsa « qui était un jeune prince bien fait » ; ils le prirent
pour un frère de Pratâpa Malla. Le 20 janvier, Çrl Nivâsa
rentra en vainqueur dans sa capitale. En 1667 il bâtit plu-
sieurs temples dans l'inlérieur du darbar ; en 1681, il bâ-
tit le grand temple de Bhîma sena et répara le temple de
Matsyendra nâtha.
La piété exaltée et triste de Yoga narendra Malla (1680?
— 1700 ?) et aussi sa fin mystérieuse rappellent son grand-
père Siddhi Nara simha. Il témoigna beaucoup de zèle à
Matsyendra Nâtha, éleva en son honneur le Mani mandapa,
lui donna des terres. Mais il eut l'imprudence d'autoriser
le roi de Bhatgaon Bhûpatîndra Malla, cet infatigable cons-
tructeur, à élever un temple dans Patan, au Sud du darbar;
c'était une ruse perfide du roi de Bhatgaon, qui comptait
par ce moyen détruire la postérité de son voisin. Il y réussit.
Siddhi Nara simha, l'héritier présomptif du trône de Pa-
tan, mourut en bas-âge, et Yoga narendra, accablé de cha-
grin, quitta le monde. Avant de disparaître, il donna ses
instructions suprêmes à son ministre : tant que le visage
de sa statue resterait clair et brillant, tant que Toiseau
sur sa tête ne se serait pas envolé, on connaîtrait à ces
HISTOIRE DU NÉPAL 461
signes qu'il était encore vivant ; aussi tous les soirs on
continue à placer un matelas dans une salle sur la façade
du darbar, et on laisse la fenêtre ouverte, dansTattenle du
retour de Yoga narendra. Mais une inscription de Yoga-
matî, fille de Yoganarendra(Bhagv. 22), datéede 1723, fait
tort à la légende; d'après ce témoignage digne de foi, Yoga
narendra s'était retiré au temple de Changu Narayan où il
mourut, suivi sur le bûcher par ses vingt et une femmes.
La Vamçâvalî bouddhique place à sa suite Mahîpatîn-
draou Mahîndra simhaMalla, roi de Katmandou, qui aurait
réuni les deux couronnes jusqu'à sa mort, en 1722. La
Vamçâvalî brahmanique ne le nomme pas. Une monnaie
datée de 1709 porte, en fait, le nom de Jaya Vira Mahîn-
dra ; deux pièces de 1 71 1 et 1 71 5 sont frappées au nom de
Mahîndra simhadeva. Mais Mahîndra Malla de Katmandou
était mort en 1694, et Jagaj jaya Malla de Katmandou, qui
prit le litre de Mahîpatîndra, meurt en 1732. Mahîpa-
tîndra est suivi (dans la Vamçâvalî bouddhique seulement)
par Jaya Yoga prakâça, dont le nom se lit sur une mon-
naie de date douteuse, peut-être de 1722. En 1723 Jaya
Yoga prakâça fit Toffrande des dix mille oblations.
Ensuite Visnu Malla, fils d'une fille de Yoga narendra,
fut élu roi. Son règne dura 19 ans, selon la Vamçâvalî
brahmanique (1723-1742?) Il construisit un nouveau dar-
bar, écarta une sécheresse menaçante par les rites que
Çànli kara avait enseignés jadis à Guna kâma deva, offrit
en 1737 une grande cloche à la déesse Tulajà, adopta des
brahmanes pour ses fils, leur distribua des terres, et dési-
gna comme son successeur Râjya prakâça, fils de Jagaj
jaya Malla roi de Katmandou.
PRITHI NARAYAN ET LA DYNASTIE GOURKHA.
Quand Prithi Narayan (Prthvî Nàràyana) monta sur le
262 LE NÉPAL
trône de Gourkha en 1742, â l'âge de douze ans, sa petite
principauté faisait médiocre figure dans Fétendue de l'em-
pire népalais. Sa capitale était une bourgade, de huit à dix
mille âmes, à soixante kilomètres environ de Katmandou,
sur la route à peine tracée qui mène de la vallée centrale à
la frontière de TOuest. Le souverain de Gourkha était
un des vingt-quatre roitelets, soi-disant Rajpoutes d'ori-
gine, qui formaient dans le bassin des Sept Gandakis, une
sorte de confédération, présidée par le râja de Yumila:
chacun d'eux adressait tous les ans à ce râja une ambas-
sade avec des présents ; chaque nouveau prince lui deman-
dait l'investiture, symbolisée par Tempreinte du doigt sur
le îvouiQikd) ; enfin dans les cas de conflit le rôle de média-
teur lui était naturellement dévolu.
Les rois de Gourkha, comme toutes les bonnes familles
de la montagne, se piquaient d'avoir pour ancêtre un Baj-
poute de Chitor, échappé du désastre où tant de nobles
hindous avaient péri. J'ai déjà raconté (I, 254) leurs ori-
gines jusqu'à Dravya Sâh (1559-1570). Parmi les succes-
seurs de ce roi, Ràma Sâh (1606-1633) a laissé le souvenir
d'un législateur ; son héritier Dambara Sâh (1633-1642)
eut maille à partir avec le roi de Katmandou Pratâpa Malla
qui se vante de l'avoir vaincu. Le père de Prithi Narayan,
Nara bhûpâla Sâh (1716-1742) essaya sans succès Tentre-
prise où son fils était destiné à réussir. Il pensa profiter
des rivalités et des dissensions qui déchiraient le Népal
pour s'emparer du pays, et passa la Tirsul Gandak ; mais
les Thakurs autonomes de Nayakot, les Vaiçya râjas, lui
barrèrent la route ; il dut battre en retraite.
Nara bhûpâla Sâh avait deux femmes ; l'aînée devint en-
ceinte. La cadette, une nuit, rêva qu'elle avalait le soleil;
sitôt réveillée, elle le raconta au roi. Il ne lui répondit que
par des duretés, tant qu'elle ne put se rendormir jusqu'au
matin. Le soleil une fois levé, le roi donna l'explication de
HISTOIRE DU NÉPAL 263
sa conduite brutale ; un pareil rêve présageait certaine-
ment la grandeur du royaume ; mais suivi d'un nouveau
somme il aurait perdu son efficacité. De fait, la jeune
reine conçut à son tour, et sept mois après elle mit au
monde un fils qui fut Prithi Narayan.
La légende a entouré d'une auréole miraculeuse la nais-
sance et les premiers ans du héros Gourkha* ; elle raconte
encore, par exemple, le songe de ce paysan névar (I, 352)
à qui Matsyendra Nâtha annonça en rêve l'arrivée prochaine
des conquérants gourkhas. En fait, des signes évidents
présageaient la fin imminente des trois royaumes Mallas.
Les souverains régnants, Rana jil k Bhatgaon, Jaya prakâça
à Katmandou, n'étaient certes pas sans mérite. Rana jit
était entendu et économe ; il tirait un gros bénéfice de la
monnaie qu'il fournissait au Tibet; il aimait les raretés,
les curiosités. Jaya prakâça était actif, courageux, éner-
gique. Mais leur volonté s'usait à de misérables zizanies.
Rana jit apprend que Jaya prakâça a élevé dans sa capitale
un pilier monolithe ; il lui demande ses ouvriers pour en
dresser un pareil à Bhatgaon. Jaya prakâça ne refuse pas,
mais, à son instigation, les ouvriers s'arrangent pour que
l'ouvrage tourne mal ; ils laissent tomber le piHer qui se
brise en trois morceaux. Une autre fois, c'est Rana jit qui
manifeste sa joie d'apprendre que Jaya prakâça a perdu
son fils; il retient prisonniers des gens de Katmandou,
venus à Bhatgaon pour assister à une procession, « parce
qu'ils sont trop fiers de leurs habits ». Jaya prakâça, en
revanche, emprisonne des sujets de Rana jit venus à Paçu-
pati.
A l'intérieur de chaque darbar, les intrigues se croisent
1. L'épopée sanscrite s'en est emparée. H existe à la Bibliothèque du
Darbar, à Katmandou, un poème de Lalitâ vallabha, le Bhakta vijaya
kâvya qui a pour sujet les conquêtes de Prithi Narayan. (Har.\prasad,
Report, 1901, p. 18.)
264 LE NÉPAL
dans Tombre, et se dénouent par des crimes. Les sept fils
illégitimes de Rana jit, les Sât BâhalyaSy complotent contre
le prince Vira Nara simha, héritier présomptif de la cou-
ronne, et provoquent sa mort par une sorte de messe noire.
A Katmandou, Jaya prakàça prend la couronne que son
père lui a léguée, malgré l'opposition des soldats Khas
qui soutiennent les prétentions de Rftjya prakâça ; il exile
son père, qui va régner et mourir à Patan; mais sa morgue
indispose les fonctionnaires du Darbar (Tharîs) ; ils enlè-
vent Narendra prakâça, le dernier des trois frères, le trans-
portent à Deo Patan, et le proclament roi des cinq villes :
Sanku, Changu, Gokarn, Nandigram et Deo Patan. Au
bout de quatre mois, Jaya prakâça soumet les rebelles, et
le petit roi déchu va mourir à Bhatgaon. Les Tharîs humi-
hés et cruellement punis prennent leur revanche ; avec la
complicité'de la reine Dayâvatî, ils proclament roi le fils de
Jaya prakâça, Jyotih prakâça, un enfant de dix-huit mois,
lui prêtent serment de fidéhté; Jaya prakâça est obligé
de s'enfuir, toujours traqué de gîte en gîte, de Katmandou
à Mâtà tîrlha, de iMâtâ ttrtha à Godàvarî, de Godâvarî à
Gokarneçvara, et enfin à Guhyeçvarî. Après deux ans et
demi de courses inquiètes, un dévot lui remet un sabre
miraculeux. Il s'élance sur Katmandou, défait les partisans
de son fils, reprend le pouvoir et se venge par des supplices.
Sa rancune patiente épie ses adversaires; il attend huit
ans pour se venger d'un Thâpâ qu'il accuse d'avoir voulu
livrer iNayakot à Prithi Xarayan, et se voue à la haine de
cette puissante famille.
A Palan, les luttes séculaires de l'aristocratie et du
pouvoir royal aboutissent à l'anarchie permanente. Visnu
Malla adopte pour héritier Râjya prakâça, le frère et le
concurrent malheureux de Jaya prakâça. Mais Râjya pra-
kàça est un dévot bénin, qui passe ses journées à adorer
Visnu manifesté dans le coquillage çâligrâma. Les six éche-
HISTOIRE DU NÉPAL 265
vins (pradhânas) lui font crever les yeux (1754); bientôt
après il meurt. Ranajit de Bhatgaon est invité à prendre
la couronne, mais il déplaît à ses électeurs qui le con-
gédient rudement au bout d'une année (1754-1755).
On s'adresse à Jaya prakâça (1755-1757) ; mais son
caractère autoritaire le rend intolérable; après un an,
Patan se sépare à nouveau de Katmandou. Les échevins
sacrent un petit-fils de Visnu Malla, Viçvajit Malla (1757-
1761); il se maintient quatre ans. Ses électeurs le trouvent
alors encombrant; ils Taccusent d'adultère et le tuent à
la porte du palais. La reine qui assiste au meurtre appelle
en vain à l'aide; elle demande aux dieux de laisser, k
l'heure de détresse, les appels de Patan sans écho.
Les échevins jettent alors leur choix sur Prithi Narayan,
qui s'est déjà rendu célèbre par ses guerres, et qui semble
peu dangereux à cause de son éloignement. Prithi Narayan
se réserve; il refuse, mais propose pour le remplacer son
propre frère, Dala mardana Sâh (1761-1765). Data mar-
dana Sâh d'abord accepté comme lieutenant du roi de
Gourkha, est ensuite proclamé roi de Patan pour faire
échec à l'ambition croissante de Prithi Narayan. Au bout
de quatre ans il est déposé, et les nobles élisent « un
pauvre homme de Patan, qui descendait de la famille
royale » Tejo Nara simha Malla, le dernier des rois de
Patan (1765-1768).
Une sorte de fermentation religieuse accompagne, comme
d'ordinaire, ces troubles politiques. La Vamçâvali boud-
dhique raconte l'histoire singulière d'un bouddhiste, le
gubharji Çodhana du couvent de Bu bahal qui tenta d'ac-
complir une véritable révolution : Il allait chaque matin
au temple de Vaisnavî, escorté de vingt ou trente compa-
gnons. Un beau jour il y surprend un Samnyàsi qui venait
d'immoler une victime humaine, et s'occupait à préparer
l'onguent magique. A la vue de la troupe, le Samnyâs
266 LE NÉPAL
s'enfuit ; Çodhana prend sa place; il continue Topération.
Fachève, et dir^tribue à ses compagnons Tonguent magique
qui les asservit à son empire. Ils vont tous ensemble s'in
staller dans une maison du Nakavihàra ; Çodhana, par h
suggestion, transforme chacun de ses acolytes en un dieu ;
puis il engage le peuple h déserter les temples et à honorei
les dieux manifestés chez lui. 11 pousse Taudace jusqu'J
se faire apporter des temples les attributs des divinités
Enfin Java prakAça intervient ; il fait arrêter les sacrilèges ei
ordonne de les offrir un h un en sacrifice aux divinités
qu'ils prétendaient respectivement incarner.
Faut-il voir dans ce récit, avec M. Wright, le souvenii
travesti d'une persécution contrôles Chrétiens de Patan*
L'hypothèse est peu vraisemblable, car les missionnaires ne
font aucune allusion ;i des violences exercées contre eux
Je crois plutôt à un contre-coup de la prédication des Capu-
cins ; à les voir gagner des prosélytes, Çodhana et ses
compagnons avaicml pu comprendre que la carrière étaii
lucrative. Depuis 1713(1, 101 sqq.) les Capucins étaien
établis à demeure au Népal ; ils avaient d'abord fondé ur
hospice à Katmandou ; puis, pour échapper aux vexationî
des brahmanes, ils avaient passé à Bhatgaon, qu'ils priren
pour siège central en 1722. Bientôt ils eurent aussi um
maison à Patan. En 1754, le pauvre Ràjya prakiiça, ai
cours de son règne éphémère, leur y concédait un terrain
en 1742, Jaya prakàça leur en avait octroyé un à Katman
dou, et en 1 741 , Ranajit avait rendu un édit en leur fiiveur
Los prosélytes ne venaient guère ; mais la présence de cei
étrangers, qui parlaient de peuples, de dogmes et de dieuî
inconnus, éveillait dans les esprits le goût et Tattente de!
nouveautés.
Prilhi Narayan était homme h tirer parti des circon-
Hlauces. Il joignait à une ambition insatiable une obstina
lion qno rien ne lassait ; il voyait net, décidait vite, agis-
HISTOIRE DU NÉPAL
267
sait de sang-froid ; il récompensait largement les services
rendus, et punissait les résistances avec une cruauté sau-
vage ; la religion, les dieux, les prêtres n'étaient à ses
yeux que des instruments de domination mis au service de
sa volonté.
'^ mIB
[^H
H
Ë2^
5s^rr^sgggas3"^..wEB
B^^ Ji'^T ^^snH^^I
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Temple de Guhjeçvari. près Patupali.
Ses premiers actes firent éclater îa vigueur de son tem-
pérament. Tout jeune encore, il va pieusement à Bénarfes
faire ses dévolions. Aux portes de la ville, les receveurs
de l'octroi {chauki) lui manquent d'égards ; il les tue. La
police, avisée, se met à ses trousses; il se cache, gagne
par des cajoleries et des promesses un religieux mendiant
{Vairàgï); déguisé en disciple, il sort de la ville avec le
268 LE NÉPAL
saint homme qui le conduit à Palpa^ où règne un cousin
du prince Gourkha, Mukunda Sena. Mukunda Sena accueille
le jeune prince avec affection ef le fait reconduire à Gour-
kha. Prithi Narayan, une fois installé sur le trône, n'eut
rien de plus pressé que de conquérir et de s'annexer trois
petites principautés, jusque-là vassales de Palpa. Le Vai-
râgi, plus tard, connut aussi par expérience l'ingratitude
de son obligé : instruit des succès de Prithi Narayan au
Népal, il y accourt à la tête d'une bande de 500 hommes,
tous mendiants et vagabonds religieux, empressés à la cu-
rée, et il réclame son dû. Prithi Narayan reconnaît les
promesses faites, mais les déclare nulles, comme extor-
quées par le danger. Le Vairâgi, qui n'entend pas être
dupe, appelle sa compagnie à son secours et prétend se
payer de force ; Prithi Narayan les fait appréhender, et
livre au supplice le chef et les acolytes. Observateur sagace
et patient, il n'hésite pas à venir se présenter en hôte chez
ceux qu'il a déjà choisis pour victimes. C'est ainsi qu'il se
rend à Bhalgaon, où Bana jit Malla le reçoit avec une bonté
paternelle, et l'installe en ami intime près de son fils Vira
Narasimha. Prithi Narayan sème sournoisement la zizanie,
excite les Sàt bàhalyas contre leur père et contre l'héritier
légitime de la couronne, et machine les intrigues qui abou-
tiront à la ruine de Bana jit.
Prithi Narayan pour entraîner ses troupes guerroie
d'abord autour de son château féodal. Les succès de la
Compagnie au Bengale lui ont appris la valeur des armes
à feu et l'utilité de la discipline militaire. Bientôt il se croit
assez fort pour mettre la main sur Nayakot, clef de la route
qui mène au Népal. Jaya prakàça accourt de Katmandou et
le repousse. Il attend une heure plus favorable, et tourne
la vallée ; il a épousé la fille d'un roitelet du môme sang
que lui, mais installé sur les confins du pays Kiràta,
à TKst du Népal, entre la Kusi et la Karnala. Son beau-père
HISTOIRE DU NÉPAL 269
meurt, laissant ses domaines à un fils insignifiant. Prithi
Narayan gagne sous main Tarmée, paraît un beau jour,
confisque le pouvoir, et emmène son beau-frère en capti-
vité (1761). Le P. Giuseppe, qui assista à la conquête du
Népal et qui suivit les menées du Gourkha depuis 1764, a
bien montré les manœuvres qui préparèrent son triomphe :
«Le roi de Gorch'a (Gourkha), autrefois sujet de Gainpréjas
(Jaya prakâça), mettant à profil les dissensions des autres
rois du Népal, attira dans son parti plusieurs chefs monta-
gnards, leur promettant de leur conserver leurs possessions
et d'augmenter ainsi leur importance et leur autorité.
Lorsque quelques-uns d'entre eux manquaient à leurs enga-
gements, il s'emparait de leurs domaines, comme il s'était
emparé de ceux des rois de Marécadjis, quoiqu'il fût leur
parent. »
Le roi de Bhatgaou, exaspéré contre son rivalJayapra-
kàça, roi de Katmandou, appelle à son secours Prithi
Narayan. Prithi Narayan saisit l'occasion d'intervenir: Il
prend Nayakot, et passe dans la grande vallée, où il va
mettre le siège devant Kirlipur, à une lieue Sud-Ouest de
Katmandou. Il voulait mesurer sa force avant de s'attaquer
aux capitales. Kirtipur avait « huit mille maisons » (Giu-
seppe), un peu moins que la moitié de Katmandou. Juchée
sur un plateau presque à pic, elle se croyait inexpugnable.
Le roi de Palan, suzerain de Kirlipur, ne bouge pas; mais
Jaya prakâça accourt avec son impétuosité ordinaire, livre
bataille et remporte une victoire complète. Un frère du
roi de Gourkha fut tué sur le champ de bataille ; Prithi
Narayan vit la mort de près. Un soldat de Jaya prakâça
levait déjà son sabre sur lui quand un camarade, trop
imbu des doctrines hindoues, s'écria : « C'est un roi ! On
ne doit pas le tuer ». 11 dut son salut à deux individus
de basse caste, un Duân et un Kasâi, qui le portèrent en
une nuit jusqu'à Nayakot.
270 Le NÉPAL
Le caractère soupçonneux et brutal de Jaya prakâça
l'empêcha de recueillir le fruit de sa victoire. Les gens de
Kirtipur lui demandèrent d'être leur roi ; les nobles, chargés
de régler avec lui l'affaire, se réunirent sur son invitation.
Il les fit arrêter par ses soldats, et en livra plusieurs au
bourreau, pour humilier ou abattre définitivement celte
aristocratie turbulente et brouillonne qui le tenait en échec
à Patan. Un noble appelé Danuvanta fut promené dans la
ville en habits de femme avec plusieurs autres vêtus d'un
accoutrement ridicule ; ils furent tenus ensuite dans une
longue captivité.
La noblesse se vengea par la trahison. Les Tharîs livrè-
rent à Prithi Narayan plusieurs des places du Népal qui
dépendaient de Katmandou. Le roi de Gourkha, convaincu
maintenant de Tinsuffisance de ses forces, se flatta de
réussir au moyen de la famine. 11 posta des troupes à tous
les défilés des montagnes, pour intercepter toutes les
communications du dehors ; ses ordres furent exécutés à
la rigueur. Quiconque élait trouvé en chemin avec un
peu de sel ou de coton était pendu à un arbre. 11 fit mettre à
mort de la façon la plus cruelle tous les habitants d'un vil-
lage, coupables d'avoir fourni un peu de coton aux habi-
tants du Népal ; les femmes mêmes et les enfants ne furent
pas épargnés... on ne pouvait voir sans horreur tant
d'hommes pendus aux arbres sur le chemin. En même
temps, l'intrigue faisait son œuvre ; deux mille brahmanes
au service du roi de Gourkha couraient librement le pays
eu achclnnl les conscienres. Knfin Prithi Narayan reparut
(lovanl Kirlipur ; après un siège de plusieurs mois, il somma
la ville de se rendre. Le commandant de la ville, secondé
par 1 approbation des habitants, lui transmit au bout d'une
llèrhe une réponse injurieuse et insolente. 11 en fut si
courroucé qu'il ordonna un assaut général ; mais les habi-
tants se défendirent avec courage et tous les efforts de ses
HISTOIRE DU NÉPAL 271
soldats n'aboutirent à rien. Surûpa Ratna, frère de Prithi
Narayan, fut blessé d'un coup de flèche. Il fallut lever le
siège une seconde fois.
Incapable de repos, Prithi Narayan n'en laisse pas à ses
troupes ; il tourne sa colère contre le roi de Lamji, un des
vingt-quatre rois confédérés des Sept-Gandakis, lui livre
phisieurs batailles sanglantes, conclut un accommodement,
et retourne devant Kirtipur. Le péril trop clair rapproche
les trois rois Mallas qui s'assemblent à Katmandou et ten-
tent une attaque combinée contre les Gourkhas. La trahi-
son déjoue leurs efforts ; plusieurs des nobles avaient juré
de se sacrifier pour la ruine de Jaya prakâça. Après un
siège de six mois, le noble Danuvanta de Patan, qui avait
été si cruellement offensé, livre Kirtipur à Prithi Narayan.
Les habitants pouvaient encore se retirer dans la ville
haute, qui était fortifiée ; mais les Gourkhas publièrent
une amnistie générale, et les courages lassés cédèrent.
(( Deux jours après, Prithi Narayan envoyait de Nayakot
l'ordre de faire couper le nez et les lèvres à tous, même
aux enfants qui n'étaient plus à la mamelle. L'ordre por-
tait aussi de garderie nez et les lèvres qui seraient coupés
pour constater le nombre des habitants, et de changer le
nom de la ville en celui de Naskatpur, qui signifie la ville
des nez coupés. Cet ordre fut exécuté avec la plus horrible
barbarie. On n'épargna que les individus qui savaient jouer
des instruments à vent. C'était une chose horrible à voir
que tant d'hommes vivants dont les visages ressemblaient
à des têtes de morts » (Giuseppe).
Aussitôt après, Prithi Narayan investit Patan. Les habi-
tants font mine de se préparer à la résistance. Les Gourkhas
les menacent de leur couper, outre les lèvres et le nez, le
poignet droit s'ils ne se rendent pas au bout de cinq jours.
Une diversion sauve la ville de ces horreurs. La Compa-
gnie Britannique, sollicitée par les trois Mallas et inquiète
272 LE NÉPAL
des progrès de Prithi Narayan, croit Toccasion venue
d'étendre son influence dans la montagne. Mais le pays est
encore mal connu. Le capitaine Kinloch, qui commande
le détachement anglo-indien, pénètrejusqu'àHariharpur;
les ruisseaux enflés par la saison des pluies rarrêlenl,
emportent les ponts qu'il a bâtis ; la malaria ravage ses
troupes ; les communications lui manquent pour se ravi-
tailler (octobre !7G7). Il est obligé de battre en retraite au
début de décembre. La chronique Gourkha représente
naturellement Técliec de Kinloch comme une victoire posi-
tive des Gourkhas sur les Anglais.
Affranchi d'inquiétude, Prithi Narayan ramène ses
troupes au Népal et assiège Katmandou, tandis que des Brah-
manes h sa solde y gagnent les principaux habitants. Enfin,
le 29 septembre 17G8, tandis que la population de Kat-
mandou célébrait l'Indra-yAlrà par des ripailles et des
orgies, les (Jourkhas pénètrent le soir dans la ville sans
rencontrer la moindre résistance. Jaya prakâ(;a, qui était
alors dans le temple de Tulajà, répand de la poudre sur
les marches, s'enfuit à Palan, entraîne avec lui le roi Tejo
Nara simha, et tous deux se sauvent ensemble à Bhatgaon.
Au moment oii les (iourkhas entrent dans le temple aban-
donné, la poudre fait explosion et tue un grand nombre
des vainqueurs. Prithi Narayan ordonne de continuer la
fête et reçoit à litre de roi le présent (prasdda) de la Ku-
niAri.
11 envoie dès le lendemain un messager à Palan, promet
îi la noblesse de lui laisser ses |)ropriétés, et même de les
accroître. Pour dissiper l(»s méfiances, il déclare par Por-
gane de son prêtre ([uc, s'il vient h se parjurer, il appelle
lui-mémo les mnlédiclions des dieux sur ses descendants
jusqu'à la cinquième génération. La noblesse l'acclame.
Pendant plusieurs mois il la ménage, lui propose môme de
choisir dans son sein un vice-roi. Avant d'entrer solennel-
HISTOIRE DU NÉPAL 273
lement dans la ville, il se fait remetlre la plupart des en-
fants nobles, pour les attacher à sa cour, dit-il ; en réalité
il les garde en otages. Le jour de la cérémonie venu, il fait
arrêter les nobles réunis en corps, les livre au bourreau,
et donne Tordre de mutiler les cadavres.
Bhatgaon tenait encore ; les trois Mallas, réunis par Tin-
fortune, restaient encore menaçants. 11 fallait s'attendre à
une résistance désespérée ; une bourgade, Dhulkhel (Dhau-
khel), dans la montagne, h TEst de Bhatgaon, avait arrêté
six mois les Gourkhas. La résistance de Chaukot, voisin de
Dhulkhel, a danslaVamgâvalîla beauté d'une ballade épique:
Les Gourkhas investirent Chaukot. Les gens s'enfuirent; qui
à Pyuthana, qui ailleurs. Nam Simha Uàt alla trouver Mahtn-
dra Siniha Ràî, et lui dit : Nous ne pouvons pas tenir tête aux
Gourkhas, avec cinquante maisons seulement. Le reste de
la population a fui ; je viens te le dire. Ne tarde pas; fuis
bien vite. MahîndraSirnhale traita de couard : Ne reste pas
pour moi ; sauve ta vie. Moi je repousserai les Gourkhas,
je gagnerai une grande renommée et je jouirai en paix de
mes biens. Si je ne réussis pas, je laisserai mon corps sur
le champ de bataille, j'obtiendrai une place au ciel, et
j'assurerai le bonheur de mes (ils et de mes petits-fils. Il
réunit alors ses fidèles compagnons, qui voulaient aussi le
bonheur de Tautre monde, et il les encouragea. (La ba-
taille se livre ; les Gourkhas sont repoussés). Enfin un sol-
dat, passant derrière Mahîndra Simha, le tua d'un coup
de lance ; il blessa Nam Simha à l'épaule gauche d'un
coup de couteau, et Nam Sirnha tomba sans conscience
sur le sol. Les gens de Chaukot à cette vue s'enfuirent, et
le village fut livré aux flammes. Dans cette bataille les
Gourkhas perdirent 201 hommes ; la veille, ils en avaient
perdu déjà 131. Nam Simha Ràî, revenu de son évanouisse-
ment, ne vit plus de Gourkhas près de lui ; il pansa sa bles-
sure avec son costume et s'enfuit à Pyuthana par Basdol.
U. — 18
274 LE NÉPAL
Il vit Mahîndra Simha Rât élendu sur le sol, inanimé, percé
par derrière d'un coup de lance, mais il n'avait pas le
temps de s'arrêter.
Le lendemain matin, Prillii Narayan inspecta le chîimp
de bataille, et voyant le corps de Mahîndra Simha Râî
inanimé, percé de coups, il loua sa bravoure, fil chercher
ses parents et leur déclara qu'il prenait sous sa protection
la famille d'un homme si brave. Il les fit nourrir matin et
soir par la cuisine royale. Après cela il prit aisément les
cinq bourgades de Panauli, Banepa, Nala, Khadpu, Sanga
et retourna à Nayakot.
Huit mois plus tard, il arrivait devant Bhatgaon. Il avait
gagné par de belles promesses les Sàt bàhàlyas (les sept
fils illégitimes de Ranajit Malla) ; il leur laisserait le trône,
les revenus, et se contenterait d'une souveraineté nomi-
nale. Les troupes des Sàt bàhàlyas tirèrent à blanc, laissè-
rent approcher les Gourkhas jusque dans l'enceinte des
murs, et leur passèrent même des munitions. Introduits
sans obstacle dans la ville, les Gourkhas coururent au pa-
lais. Jaya prakà(;a, toujours énergique et vaillant, fit front
k l'ennemi ; mais il reçut une balle au pied qui le mil hors
de combat. Ranajit Malla avait pris h son service des mer-
cenaires tibétains ; mais, soupçonnant leur fidélité, il les
fil brûler vifs dans leurs casernements.
Prithi Narayan entra dans le palais, suivi de ses compa-
gnons. A la vue des Irois Mallas, ils éclatèrent de rire.
Grave, Jaya prakàça leur dit : C'est la trahison de nos ser-
viteurs qui a tout fait ; autrement vous n'auriez pas de
quoi rire. Les (iourkhas se tinrent alors silencieux. Prithi
Narayan s'approcha respectueusement de Rana jil Malla et
le priîi de garder son royaume. Rana jit répondit qu'il
(levai! céder à la volonté des dieux et qu'il demandait seu-
lement d'élre autorisé h partit' à Rénarès ; la trahison des
SiU bàhàlyas l'avait définitivement guéri du monde. 11 prit
HISTOIRE DU NÉPAL 275
la route deTlnde, et, sur la passe de Chandragiri, il tourna
une dernière fois les yeux vers son royaume, et prononça
contre les Sât bâhàlyas et leur postérité de formidables
imprécations. Puis il dit adieu à Tulajà, à Paçupati, à
Guhyeçvarî et descendit vers le Gange.
Prithi Narayan fit alors venir les se'pt traîtres, leur re-
procha publiquement leur infamie, leur fit couper le nez
et confisqua leurs biens. Puis il s'informa des intentions
de Jaya prakâça. Le roi de Katmandou demandait seule-
ment d'être porté à Paçupati, au terrain de crémation des
rois, pour y mourir. Sa requête fut exaucée ; un message
du vainqueur mit même à sa disposition tout ce qu'il vou-
drait donner en aumônes. Jaya prakâça ne demanda qu'un
parasol et une paire de chaussures. A cette demande, qui
surprit la cour, Prithi Narayan devint pensif : il avait bien
compris que Jaya prakâça souhaitait par ces symboles de
renaître roi, car le parasol marque la dignité royale, et les
chaussures représentent la terre, épouse des rois. Il monta
à cheval, courut à Paçupati, remit à Jaya prakâça le pa-
rasol et les chaussures, en ajoutant : Je te donne ce que tu
veux ; n'en jouis pas de mon vivant, mais sous mon petit-
fils. Jaya prakâça y consentit. Bientôt après il mourut.
Tejo Nara simha, le roi de Patan, s'obstina à garder le
silence. Rien ne put le décider h parler ; on l'enferma en
prison, et il mourut dans les fers.
La vieille mère de Jaya prakâça, que l'âge avait rendue
presque aveugle, demanda, comme Rana jit, h finir ses
jours à Bénarès. On lui permit de partir, mais au préala-
ble on la dépouilla d'un collier de pierreries qu'elle por-
tait ; elle alla s'éteindre dans la misère au bord du fleuve
sacré.
Maître du Népal, Prithi Narayan établit la capitale du
royaume Gourkha à Katmandou. Mais il ne se laissa pas
endormir par le succès. A peine Bhatgaon soumis, il reprit
276 LE NÉPAL
la campagne contre les Vingt-quatre rois confédérés des
Sept-Gandakis, qu'il voulait éliminer Ton après l'autre,
comme il avait fait au Népal. Il réussit d'abord, au moyen
de ses deux instruments favoris, la guerre et l'intrigue. Mais
le roi de Tanahung lui infligea un revers sanglant. Fidèle à
sa méthode, il alla réparer et essayer ses forces ailleurs ;
il se dirigea vers l'Est du Népal, envahit le pays des Kirâ-
tas qui avaient maintenu Jusque-là leur indépendance
presque intacte et menaça même le Sikkim. Ses troupes
sous la conduite du Kîljî Kahar Simha soumirent le Nord
du pays jusqu'aux passes de Kirong et de Kuti, le Sud jus-
qu'au Téraï. Obligé d'entretenir une armée énorme sur les
revenus d'un royaume assez pauvre, il pressura le peuple
et surtout les marchands qui désertèrent le Népal. Il pensa
chercher des compensations du côté du Tibet : il écrivit
au Lama mut lettre ' pour lui demander d'établir des mar-
chés d'échange sur la frontière des deux pays ; il était dis-
posé à permettre le transport des marchandises indiennes,
mais décidé à prohiber l'importation du verre et des curio-
sités de ce genre. Il demandait au Tibet de décliner toutes
relations avec les Fringhis (Européens) ou les Mongols, et
de leur refuser l'entrée du pays, comme il faisait lui-même.
Enfin il entendait rester, comme les Mallas avant lui, le
fournisseur d'argent monnayé du Tibet, et il adressait un
premier envoi de 2 000 roupies frappées à son nom.
Celle lettre datée des derniers jours de Prilhi Narayan
met bien en lumière un aspect essentiel de son caractère:
la haine et la méfiance de l'Européen ; il étendait sa sus-
picion jusqu'aux marchandises d'Europe, qu'il refusait de
laisser passer par son territoire. Il craignait de voir le
niar(*hand suivre de près la marchandise. Prilhi Narayan
mourut à Mohan Tirlha, sur la (iandaki, dans les premiers
1. Lfllrc aimlysô(> par Uo^'Ie, dans Markham. Tibet, \}. 158. Cette leUre
|)uniiit un Tibet eu jan\ier 1775.
HISTOIRE DU NÉPAL 277
jours de 1775 ; trois de ses femmes et deux de ses concu-
bines montèrent sur le bûcher*.
Il eut pour successeur son fils, Simha Pralàpa Sâh, qui
régna trois ans ^ (1775-1778). Simha Pratàpa se montra
plus généreux envers les dieux que son père, qui avait fait
pendant toute sa vie un seul don à Paçupati. Il s'engagea
à offrir en sacrifice à Guhyeçvarî, patronne du Népal,
125 000 animaux. Il honora aussi la déesse Tulajà ; enfin
il fit apporter au darbar le linga de Nayakot. Il aimait à
résider en hiver dans leTéraï, et se préoccupa d'améliorer
cette partie trop négligée de ses domaines \ A sa mort, il
laissait comme hérilier un enfant au berceau, Rana Bahà-
dur Sàh. Le désastreux régime des longues minorités et
des régences disputées h coups de poignard commençait
avec le petit-fils de Prithi Narayan pour se continuer dé-
sormais sans interruption. Le P. Giuseppe, qui écrivait sa
notice sur le Népal au moment où éclataient les premières
rivalités de cour, après la mort de Pratâpa Simha, et qui
ne pardonnait pas aux Gourkhas l'expulsion des missions
franciscaines, voyait avec une joie mal contenue poindre
déjà la vengeance divine. « Peut-être le serment que Prithi
Narayan ne craignit pas de violer (le serment prêté aux
nobles de Patan et qui vouait en cas de parjure le roi et
cinq générations derrière lui à l'enfer) aura son effet avec
le temps. » Si sa vie s'était prolongée par miracle, le
1. Bor.LE, iô., 159. — La date de 1775 est également donnée parla
Varnçàvali ; cependant on donne couramment la date de 1771. >L Mar-
KHAM, l'éditeur de Bogie, répète lui-même cette erreur, p. 107 de son
ouvrage. A la page 159 où Bogie mentionne l'arrivée à Lhasa en mars
1775 d'un message annon<:ant la mort de Prithi Narayan et l'avènement
de son successeur Simha Pratàpa (Sing Pertab), M. Markham imprime
en note que le roi Pertab Sing mourut en 1775. — La date de 1775 pour
la mort de Prithi Narayan est encore confirmée par deux autres passages
du même livre, p. 197 et p. 205.
2. Le P. OiusEPPE dit : « deux ans tout au plus ».
3. Hamilton, p. 196.
278 LE NÉPAL
P. (iiusoppfî aurait pu (Y*liciler la Providence de sa ponc-
tnalilé dans la rétribution des fautes.
Le frère puîné de Pratàpa Sirnha Sàb, Bahâdur Sâh, qui
vivait alors à Bettia, en territoire britannique, sur la lisière
du Népal avec son oncle Dala mardana Sàh, Tancien roi
de Patan, se hâta d'accourir à Katmandou pour prendre
possession de la régence. C'était un prince actif et entre-
prenant ; mais il trouva en face de lui un adversaire de sa
trempe, la reine Ràjendra Laksmi, mère du jeune roi, qui
prétendait exercer le pouvoir au nom de son fils. Depuis
ce moment jusqu'à la mort de la reine en 1795, les deux
concurrents se livrèrent une guerre acharnée, coupée par
de courtes réconciliations, et marquée à chaque nouvel
éclat par une série de massacres. Le vainqueur frappait
sans pitié sur les partisans du vaincu. Un mariage secret,
conclu, dit-on, entre la reine et le régent, et inspiré
des deux côtés par la même ambition, ne mit pas de trêve
aux hostilités.
Cependant Télan donné aux Gourkhas par Prithi Nara-
yan ne s'était pas encore ralenti. Le nouveau régime ne
manquait ni de forces ni d'hommes ; la conquête se pour-
suivit avec des succès qui surpassaient l'attente. A TOuest,
Palpa gardait son indépendance, défendue par une cein-
ture de principautés tributaires. Bahâdur Sàh demanda et
obtint en mariage une fille de Mahâ dalta, roi de Palpa ;
sous le couvert de cette alliance matrimoniale, le régent
proposa à son beau-père une alliance politique, dirigée
contre les derniers chefs qui restaient indépendants. Le
butin devait être partagé par moitié. Mahà datla donna
dans le piège: les troupes népalaises arrivèrent, conduites
|Kir un i^flicier Klias aussi brave que rusé, Damodar Panre
(^hàmodara Pà^d^'"^. Trahis pr le roi de Palpa, le seul chef
qui frtl «sso/ fort pour les protéger, les princes des Vingt-
quahv lU^yaiuuos. dans le domaine des Sept-Gandakis, et
HISTOIRE DU NÉPAL 279
les princes des Vingt-Deux Koyaumes dans le bassin de
la Kali furent en grande partie dépouillés. Les Gourkhas
se réservèrent la part du lion ; Mahà datta reçut trois petits
états, enlevés h ses anciens alliés, et qu'il ne devait pas
conserver longtemps. Poursuivant sa marche victorieuse,
Damodar franchit les limites traditionnelles de l'empire
népalais, et pénétra dans le Kumaon, qu'il soumit.
A l'Est, l'expansion des Gourkhas débordait aussi les
vieilles frontières. Déjà les KinUas étaient assujettis; en
septembre 1788, une force de 6 000 hommes pénètre au
Sikkim. Un mois après, la capitale était occupée. Le Bhou-
lan était menacé; le Tibet voyait ses frontières violées ; la
province tibétaine de Kuli était envahie. Un habile mouve-
ment des Tibétains rappela les Gourkhas en arrière ; mais
le mouvement s'arrêta trop tôt. Les Gourkhas, sûrs de
leurs communications, reprirent leur marche offensive sur
le Sikkim, l'occupèrent une seconde fois, et le déclarèrent
annexé (1789).
Le Tibet, avec ses monastères enrichis par la piété de
l'Asie, semblait offrir une proie aisée. Sous des prétextes
insignifiants, les Gourkhas se ruèrent a l'assaut des lama-
series, franchirent les passes, pillèrent Shikar jong (I)i-
garchi) (1790); mais ils se laissèrent berner par les pro-
messes magnifiques des Chinois et des Tibétains. Bientôt,
exaspérés par la duplicité des lamas et des mandarins,
ils reparurent au Tibet, impatients de vengeance et de pil-
lage (1791). L'empereur de Chine K'ien long leur adressa
en vain un message de menaces ; l'envoyé chinois fut in-
sulté. Le Tibet était en péril. K'ien long, sans retard, assem-
bla des forces importantes qu'il confia au général Fou-
K'ang. Devant le nombre, les Gourkhas durent battre en
retraite ; les Chinois vainqueurs s'élancèrent sur leurs
traces et les poursuivirent jusqu'au cœur du Népal, à une
journée seulement de Katmandou (1792). Ledarbar épou-
280 LE iNÉPAL
vaille demanda la paix, leconniilla suzerainelé de la Chine
et s'engagea à payer un Iribul régulier'.
Au plus forf de ses terreurs, le darbar, infidèle aux
leçons de Prilhi Narayan, avait sollicité Tintervention des
Anglais. Lord Cornwallis se décida trop tard. Les Gour-
khas s'élaient ravisés; ils avaient préféré sagement un su-
zerain lointain à un protecteur Irop proche. Cependant
Lord Cornwallis insista pour envoyer au Népal une mission
chargée de régler sur place les difficultés courantes, et
surtout de réclamer la mise en vigueur loyale d'un traité
de commerce signé en mars 1792, à Bénarès, entre le
iNépal et la Compagnie. Ce traité stipulait des droits fixes
d'importation et d'exportation (2,5 pour cent ad valorem)
sur les marchandises transportées d'un territoire à l'autre ;
mais le Népal a toujours su l'éluder en substituant à la
douane de frontière des perceptions partielles réparties aux
étapes successives de la pénétration. Le colonel Kirkpa-
Irick monta au Népal (mars-avril 1793); s'il ne rapporta
point de ce séjour Irop court des avantages politiques ou
commerciaux, il y recueillit les matériaux d'un ouvrage
excellent (I, 133 sq.).
La guerre chinoise n'avait suspendu qu'un instant les
opérations dans l'Ouest. Jagaj jit Pànde y continuait les
conquêtes de son frère Damodar. Après le Kumaon, le
(Iharwal à son tour devint une province népalaise (1794).
Le xNépal s'étendait à présent du Bhoutan au Cachemire.
Soudain un drame de palais termine brusquement la
régence. Hana Balladur avait grandi comme grandissent les
rois mineurs sous la tutelle de régents ambitieux, enfermé
dans son palais, livré à une débauche précoce qui absor-
bait toute sa vigueur. En 179.'), il veut tout h coup régner,
par caprice, il fait arrêter son oncle Balladur Sâh, qu'il
1. Pour h»s alîairos du Tibet el de la Chine, v. I, 17'i-181.
HISTOIRE DU NÉPAL 281
garde en prison pendant doux ans, jusqu'à sa mort. Alors
s'ouvre une ère de violences, de fureurs, de désordres tels
que le Népal n'en avait pas connus. Kana Bahàdur est un
impulsif, un Néron de petite taille : il aime la musique ; il
règle les airs qu'on doit jouer dans tous les grands temples,
à Guhyeçvarî, à Changu Narayan, à Vajra Yoginî, à Dak-
sina kàlî, àTulajâ. Aux bonnes heures, il donne sans comp-
ter; aux grands jours il distribue mille vaches en aumônes;
il nourrit des troupes de brahmanes et de faquirs ; mais à
la première contrariété, il blasphème les dieux, il dépouille
les brahmanes. Les Népalais reconnaissaient en lui le roi
de Katmandou Jaya prakàça, qui devait revenir au monde
dans la postérité de Prithi Narayan.
Son premier acte, c'est de confisquer la principauté de
Yumila, sauvée jusque-là par le prestige de son ancienne
préséance. Rana Balladur avait épouïié la fille du râja de
Gulmi, Lalita Tripura Sundarî, princesse inlelhgente et
dévouée à son époux ; mais elle ne lui donna pas de fils.
Il la délaissa d'abord pour une simple esclave, dont il eut
un fils illégitime, puis pour la fille d'un brahmane qui fut
la mère du roi Gîrvâna Yuddha Vikrama Sàh. (^e prince
était donc de naissance illégitime, car la loi interdit le
mariage entre un ksalriya et une femme de sang brahma-
nique. Les brahmanes furent scandalisés de cette union
qui leur semblait incestueuse. Pour mettre un terme ra-
pide à l'abomination, les Brahmanes firent publier une
prophétie fondée sur l'astrologie et qui annon(;ait à bref
délai la maladie de la favorite et la mort du roi. De fait, la
favorite tomba bientôt gravement malade. Le roi, anxieux
par amour et tourmenté par la part de prophétie qui le
concernait, consulta les brahmanes sur les mesures à
prendre; ils indiquèrent des cérémonies coûteuses, qui
devaient leur rapporter cent mille roupies. Rana Balladur
se laissa faire; mais, en dépit des rites, la jeune femme
282 LK NÉPAL
moiirul en peu de jours. Furieux d'être alleinl au cœur
et h la bourse, le roi somme les brahmanes de rendre
Targenl, sous la menace de terribles supplices; il se fait
livrer Tidole de ïulajà qu'ils ont adorée, la souille d'excré-
ments, la brise en pièces, fait transporter les débris au
cimetière de Karavira, avec un cortège funéraire d'àcàryas
en larmes, aux sons des trompettes ; les restes sont brûlés
sur le bûcher et les cendres jetées à la rivière.
C'en était trop ; le peuple épouvanté du sacrilège crai-
gnait d'en payer les suites. Rana Bahàdur comprit qu'un
sacrifice opportun pouvait sauver la dynastie et lui ména-
ger personnellement des chances de retour. Il prétexta
que son deuil l'avait détaché du monde, entra en religion,
prit le nom de Nirgunànanda Svâmi, et annonça son inten-
tion d'aller mourir saintement à Bénarès. Il désigna pour
lui succéder son fils Gîrviïna Yuddha Vikraraa, malgré sa
naissance irrégulière ; et, pour dissiper toutes les préven-
tions, il pria le roi de Palpa, Prthivî pâla, de venir comme
le plus authentique des Rajpoutes népalais poser au front
de l'enfant la marque royale. L'armée et le peuple prêtè-
rent serment d'obéir à leur nouveau maître. Au moment
de partir, le SvAmi sentit sa vocation déjà ébranlée ; il alla
s'installer dans Patan, s'y fortifia, recruta des partisans.
iMais l'opposition des brahmanes le condamnait à échouer;
il s'en rendit compte, et se décida. La reine Tripura Sun-
(lari avait refusé la régence |)Our suivre son mari ; il dési-
gna comme régente l'esclave qu'il avait aimée. Damodar
Panre, le conquérant de l'Ouest, devait exercer les fonc-
tions de premier ministre (1800).
A Bénarès, Hana Balladur no. larda pas h s'éprendre
d'une nouvelle beauté, et pour satisfaire aux exigences
de sa i)assion il commença par enlever à la reine tous
ses bijoux, puis il contracta des emprunts avec la Compa-
gnie. Le DarbareutpeurqueBana Balladur mit les Anglais
HISTOmE DO NÉPAL 283
dans son jeu, ou (|ur la Compagnie pour se couvrir vouliH
intervenir dans les affaires du Népal ; il offrit de renouveler
le traité de commerce reslé en suspens depuis sa signature,
et de recevoir au Népal un résident britannique. Le capi-
taine Knox fut chargé de remplir le poste, et il arriva à
pa Kâli. prf5 lie PhLrphing.
Katmandou en avril 18U2. Mais fatigué des tergiversations
incessantes du Darbar, qui ne ci^dait jamais que pour se
rétracter aussitôt, Knox. accompagné do son assistant
Buchanan Hamillon (I, t30 sq.), retourna définitivement
dans l'Inde en mars 1803.
Dansl'intervalle, dos événements considérables s'étaient
passés. La reine Tripura Sundarl, lasse des mauvais trat-
284 LE NÉPAL
lements «ie -on époux, avaif quille Bénarès et guellail sur
In tVonlièn^ une h«^ure favorable pour rentrer au Népal ;
t^lle y rrii^nail riio^lililé «le son ancienne rivale. Quand la
-aison «les pluies rendit le Téraï inhabilable (avril 1802),
nlle -r* «lérida à ri>quer un coup d'audace, encouragée
p«^iit-*^tre -ous main [>ar fK-imodar Panre qui avail accepté
à «nnhv-i'ipur une ancienne esclave comme régente. Lue
hiMipe «le -oldals f^nvoyée contre elle n'osa point agir ; le
♦•het' ilu lorf d«^ Sisajrarhi s'enferma avec ses hommes der-
rièn» les murailles pour n'avoir pas à l'arrêter. Un dernier
tletarhemenl lut envoyé contre elle. Elle tira un poignard,
•*n [ïorla un coup à l'ofticier qui se relira honteux de sa
bes4»i:ue, ot les soldats se débandèrent. Dès qu'elle fut
des4'iMiduf' au Népal, Hamodar Panre vint au-devant d'elle
ol la <alua : la multitude l'acclama el la conduisit au palais,
tamiis quf^ la réjizeute e>clave fuyait dans un temple avec
<on propre tils. le jeune roi, les trésors et les joyaux de la
roumuno.
La rt'iue Uiisj>a le jH>uvoir à IKimodar Panre ; mais elle
M* hàla de ren>o>er à Palpa le roi Prlhivî pàla qui était
rt»xb» fi Katmandou depuis l'avènement de Girvàna Yuddlia
\ ikrama, cl qu'on s»ni^H;onnail d'aspirer à la couronne du
\t*pal Uana liahùdur. qui se savait en droit de compter
xui le iU»\«»uemenl ile sa femme, partit de Bénarès à la
piruiuMv tit»u>ello des événements, fnforméde son arrivée,
iKiuituKn Panre se mit à la tète des troupes pour le rece-
\on . . ( pour le <ur\eiller au besoin. Mais Bhim Sen (Bhl-
iiia M ua"^ I lulfvl. qui s'était |>oussé dans l'intimité de Rana
Uahavlur .1 lÙMurès. et qu'une vieille haine de famille e\ci-
Ktil ,iiii,iul que Tambilion personnelle, contre le chef du
. îau Wiinw s\Hx>K^y\l\ au roi de brusquer les événements.
V^o. vtvKv»xbMi cxmtumière, Kana Balladur s'avança vers
li\x xoUlalx ot leur cria : v^ Kh bien, mes braves Gourkhas !
v|4u i xi |sHn le N\h.qui est pour le Panre? ». Les soldats
HISTOIRE DU NÉPAL 285
répondirent par des acclamations, et Rana Bahâdur entra
triomphalement à Katmandou, suivi de Damodar Panre et
son fils enchaînés. Peu après, l'ancien ministre fut, avec
son fils, hvré au hourreau. Il mourut avec courage, sans
vouloir faire appel à ses partisans, par crainte de provoquer
la ruine complète de sa maison.
Bhim Sen Thâpà devint alors ministre. Il devait conser-
ver le pouvoir pendant trente-trois «ins, sous une suite de
rois. Il s'empressa de l'cndre à son maître le prestige né-
cessaire, par de nouvelles conquêtes. Prthivî pàla paya
d'abord ses manœuvres louches ; attiré malgré lui h Kat-
mandou sous prétexte d'un projet de mariage entre sa sœur
et Rana Bahàdur, il fut massacré avec ses officiers. Puis
Amara Simha Thàpà, le père du ministre Bhim Sen, fut
chargé, avec le litre anglais de a général », de réduire
Palpa. Il n'eut qu'à prendre possession de la ville (août
1804). Le dernier des états indépendants avait vécu; le
Népal était tout entier aux Gourkhas. Amara Simha con-
tinua sa marche vers l'Ouest, occupa de nouveau le Garh-
val, et menaça le Kangra; mais il dut s'arrêter devant un
autre conquérant, qui travaillait à se tailler un empire dans
l'Himalaya occidental, comme Prithi Narayan avait fait
dans l'Himalaya central : le fameux Ranjit Singh (Rana jit
Simha) avait groupé les clans Sikhs, entraînés à la guerre
par une lutte séculaire contre les Musulmans, et les avait
lancés à la conquête du Penjab et du Cachemire. Le Kangra
n'échapi)a aux (jourkhas que pour tomber au pouvoir des
Rana Bahàdur ne craignit pas de s'attaquer à des enne-
mis plus dangereux : les brahmanes. Devenu maître de
Palpa, il déclara que les brahmanes du pays avaient for-
fait, par l'indignité de leur conduite et par l'abomination
de leurs pratiques, aux lois de la caste ; en conséquence
tous leurs domaines devaient revenir à la couronne. Les
286 LE NÉPAL
brahmanes furent atterrés de cette audace. Ils vinrent à
Katmandou réclamer justice, et récitèrent le vers connu :
(( 0 roi, le poison n'est pas du poison, les biens des brah-
manes, voilà le poison ; le poison tue la personne ; mais
les biens des brahmanes tuent les fils et les petits-fils * ».
Le roi resta sourd, mais un présage indiqua que le ciel
avait entendu: le 7 de vuiçAkha clair, en 927 (1807) un
grand chacal entra en ville, passa par le bazar, et sortit de
la ville par la porte du Nord. C'était la conséquence des
fautes de Hana Balladur, qui avait repris aux brahmanes
leurs terres, fermé les grandes routes, mal traité les enfants,
commis le sacrilège et Tinceste. Rana Balladur, instruit
d'un complot que son frère illégitime Sher Bahftdur avait
formé contre lui, mande Sher Balladur, lui ordonne de
quitler la capilale et do rejoindre Tannée dans les pro-
vinces de rOuest. Sher Bahâdur réplique par une insulte ;
le roi crie de le mettre h mort. Shor Balladur tire son sabre,
blesse mortelh^ment le roi, et tombe lui-même sous Tépée
de BAla Nara siiiiha Konvar, un Thâpù qui devait avoir
pour fils Jang BahAdur, le grand ministre (1807). Bhim
SenïhApâ, resté le premier ministre de (lirvàna Yuddha
Vikrama, oblige la plus jeune épouse royale, qui lui était
hostile, à monter sur le bûcher, donne Tordre de mettre à
mort la plupart des chefs qu'il craint, comme les complices
de Sh(îr Balladur, et partage le pouvoir réel avec la reine
régente Tri|)ura Sundarî. l/histoire du Népal est dès lors
pendant trente ans Thistoire du ministère de Bhiiii Sen.
Le roi (ilivàna Yuddha Vikrama Sàh, qui portait le titre
royal depuis Tabdicalion de son père en 1800, ne possède
aucun pouvoii' et n\»\erc(» auiuuie action jusqu'à sa mort'.
II avait deux ans quand une combinaison poHtique deRaçia
n.i visim visani iiy àliur braliinasvani visam ucyatc |
vis;ini ckakini) lianti brahniasvaiiî putrapautrakani il
HISTOIRE DU NÉPAL 287
Bahâdur Tavait porté sur le trône, neuf ans quand la mort
de son père Tavail laissé comme un jouet aux mains de la
reine et du premier ministre, dix-huit ans quand il fut enlevé
par la petite vérole en 1816. La Chronique le représente
avec assez de vraisemblance comme pieux, dévot, paci-
fique, adorateur de Visnu. 11 respectait profondément les
Brahmanes el les Saints Knseignements (castras). Il se fit
expliquer le chapitre de l'Himavat Khanda qui exalte les
lieux sacrés du Népal (JSepâla mâhdtmya)^ jeûna le jour et
la nuit de laÇivaràtri suivante, el dédia la ville de Deo Patan
à Paçupali, le 1 i pluYlguna sombre de Tan vikrama 1870
(1813 J.-C). Kn 1810, un tremblement de terre violent
secoua le Népal, et causa nombre de morts à Bhatgaon ;
c'était un présage funesh^ Enfin, sous son règne, une
guerre éclata dans le Téraï avec les Anglais; mais le roi les
affola et sauva le pays. Alors il manda les Anglais, fit la
paix avec eux, et leur permit de vivre près de Thambahil
(faubourg de Katmandou).
Tel est le récit indigène et officiel de la guerre anglo-
népalaise qui aboutit au traité de Segowlie el qui paralysa
définitivement la conquête gourkha. Les empiétements
obstinés des (iourkhas sur la frontière méridionale avaient
fini par lasser la patience de la Compagnie et rendu néces-
saire un recours aux armes. De 1787 à 1813, plus de deux
cents villages avaient été saisis par les Népalais sous des
prét(*xtes injustifiables. Lord Haslings, décidé à agir, en
réchima l'évacuation dans le délai de vingl-cinq jours.
Bhim Sen répondit à ruitimatum par une déclaration de
guerre.
Commencée le l'^' novembre 1814, la guerre se pro-
longea jusqu'au 4 mars 1816. Les Gourkhas n'avaient que
12 000 hommes de troupes à opposer aux 30 000 soldats
et aux 60 canons que les Anglais mirent en ligne dès Tou-
verture de la campagne ; mais leurs vertus militaires, leur
288 LE NÉPAL
bravoure, leur t(^nacité, leur souplesse faillirent contre-
balancer leur infériorité numérique, et leur résistancemérila
resliuio el Tadiniration de leurs vainqueurs. L'incapacité
des commandants britanniques amena d'abord une série
de désastres: le général Gillespie, venant de Meerut, passe
les Sivalikhs, pénètre dans le Dehra Dun, et se laisse arrê-
ter un mois par le fort de Kalanga (ou Nalapani). tenu par
600 (iourkhas sous les ordres de Bala bliadra ; le corps
anglais y perd ;M officiers, 718 hommes, et son chef lui-
même blessé morlellement. Quand le poste n'est plus te-
nable, Halabhadra se fraie une issue à la tête de 90 hommes
qui lui restent encore. Le général xMarlindell, qui a rem-
placé (ililles|)ie, mène ses troupes devant Jylhak, mais il
subit un grave échec ; il perd 12 officiers et 450 hommes.
En février 181 i) une compagnie de 200 (jourkhas met en
déroule 2 000 irréguliers au service de TAngleterre. Le
général Marley, chargé de marcher sur Katmandou par
Hichakoh et Iletaura, se laisse surprendre par rennenii
qui lui tue ou lui met hois de combal îJOO hommes. Le
major Ih^irsey qui opère vers Almorah, est défait, blessé
elpris. Mais \o colonel Nicolls investit Almorah qui capitule,
elles (iourkhas perdent le Kumaon. La lactique prudente
(rOchhM-lony ré|)are tous les désastres. Opposé a Amara
Sirnha, le père d(» Hhim S(mi (»t le plus redoutable des
généraux gourkhas, il le fatigue, il Tust» par de [)etites
manuMivres, leforc(;de se retirera Malaon, où il est réduit à
ca|)iluler. Ochlerlony, généi*eu\ dans la victoire, lui per-
met (le sortir avec armes et bagages ce considérant la bra-
voure, riiabileté, la fidélité av(*c l(»squ(»lles il a défendu le
pays confié à ses soins ».
Inlerrompue par la saison (h»s pluies et par les négocia-
tions (|U(* le Darbar Iraint» en longueur, la campagne rouvre
en février 1810. Ochlerlony, <|ui n'a pu forcer la passe de
Dichakoh, la tourne et parait devant Makwanpur. Les forts
HISTOIRE DU NÉPAL 289
gourkhas opposent une résistance désespérée, mais Tartil-
lerie finit par en avoir raison. La route de Katmandou est
ouverte. Le Uarbar demande la paix. Le 4 mars. 1816, un
traité signé à Segowlie consacre la défaite du Népal, qui
perd le Sikkim, le Kumaon, le Garlnval, tout le Téraï à
rOuest de la Gandaki, et qui se résigne à accepter un rési-
dent britannique. Lord Ilastings avait fait de celte clause
la condition fondamentale de la paix, et avait repoussé
d'avance toute discussion sur ce point. Edward Gardner
fut nommé résident au Népal, où Hodgson vint le rejoindre
comme assistant en 1820 *.
Le Népal comprit la leçon et en profita ; jamais les
Gourkhas ne se risquèrent plus à attaquer l'Angleterre. Le
gouvernement de l'Inde montra d'autre part sa sagesse ; il
se garda prudemment de provoquer un adversaire dont
il avait éprouvé le mérite. Le général Ocliterlony décla-
rait confidentiellement à Lord Ilastings que a les soldats
hindous de la Compagnie ne seraient jamais en état de ré-
sister au choc de ces montagnards énergiques surleur pro-
pre sol ». En conséquence Lord Hastings donnait comme
instructions à Edward Gardner de travailler à transformer
le voisin turbulent en allié amical ou tout au moins tran-
quille. Pour mieux marquer «on intention, il consentit dès
la fin de 1816 à modifier une clause du traité, conformé-
ment aux plus chers désirs du roi. La Compagnie s'était
engagée par le traité à payer une indemnité de 200 000 rou-
pies par an pour compenser la perte des revenus que la
cession du Téraï causait aux détenteurs antérieurs de ces
fiefs ; par un nouvel arrangement, une partie du Téraï fut
1. Pour la période qui correspond au séjour de Hodgson, j*ai utilisé la
biographie écrite par Sir \V. W. Hunter : Life of Brian Houghton
Hodgson, London, 1896. Hunter a utilisé un grand nombre de docu-
ments à demi confidentiels qui se trouvent à l'india Office, et dont on
verra l'indication précise dans les notes de son excellent livre.
II. — 19
290 LE NÉPAL
rétrocédée au Népal comme équivalant à 200000 roupies
de revenus par an. Les Anglais s'aperçurent trop tard du
mauvais marché qu'ils avaient conclu. En 1834, Hodgson
estimait à 991 000 roupies les revenus annuels des terrains
rétrocédés.
Aussitôt après la guerre, le roi Gîrvâna Yuddha Vikrama
était mort. Il fut remplacé par son fils en bas-âge, Ràjen-
dra Vikrama Sâh (1816). Le changement de princes,
qui ouvrait une nouvelle minorité à long terme, conso-
lidait le pouvoir du premier ministre Bhim Sen, et de la
reine Tripura Sundari, grand'mère de Râjendra Vikrama
Sâh.
Bhim Sen devait faire face h une situation difficile.
Les Gourkhas étaient une nation militaire, incapable de
vivre autrement que de guerres et de conquêtes. Les re-
venus du sol népalais ne pouvaient suffire à Tentretien
d'une population oisive, et la guerre avec TAngleterre avait
démontré aux Gourkhas que Tère des razzias était passée.
Bhim Sen s'efforça d'encourager le trafic entre le Népal et
ses deux voisins : Inde et Tibet. Les revenus des douanes,
évalués à 80000 roupies en 1816, s'élevaient en 1833 à
250 000 roupies. Mais la défaite avait imposé aux vaincus
de nouvelles charges ; les Gourkhas avaient compris que
pour échapper h la puissance envahissante qui absorbait,
peu à peu l'Inde entière, le rempart des montagnes ne
suffirait pas sans les armées et les canons. Bhim Sen in-
stalla des fonderies de canons, des arsenaux, éleva de
grandes casernes, maintint et développa la discipline et
l'instruction militaires. L'argent manquait ; Bhim Sen fit
appel, au nom du patriotisme hindou, aux brahmanes et
aux temples qui possédaient par donation des biens libres
de charges. Peu répondirent à l'appel. Trop sûr de sa
force, il ne craignit pas alors d'annuler ces donations et
d'exiger la remise des chartes et diplômes qui les sanc-
HISTOIRE DU NÉPAL 291
lionnaient. Il avait déchaîné contre lui des adversaires qui
ne pardonnent pas.
En 1832 la vieille reine Tripura Sundarî mourut. Bhim
Sen vit disparaître sans regret une autorité qui lui faisait
contrepoids. En fait il restait dès lors à découvert, seul
responsable d'un régime paradoxal qui laissait depuis vingt-
huit ans le pouvoir absolu aux mains d'un simple serviteur
de la couronne. Un de ses frères Rana Vira Simha Thâpâ
s'était poussé dans Tamitié du jeune roi qu'il avait sous sa
surveillance et Texcitait par ambition à ressaisir l'autorité.
Au sérail la vieille rivalité des Thàpàs et des Panres pré-
parait un nouvel éclat ; la première épouse de Hâjendra
Vikrama était affiliée aux Panres ; la seconde, par sa nais-
sance et par ses intérêts, était attachée aux ïhàpàs. Dès
1833 (l'année même où Hodgson fut nommé résident au
Népal), il apparut que l'autorité du premier ministre était
minée ; à la cérémonie annuelle de la paijnî, où tous les
fonctionnaires sont soumis à une nomination nouvelle,
Bhim Sen ne fut pas confirmé dans son poste, qui resta
sans titulaire ; ses partisans, auxquels il avait confié sans
discrétion tous les emplois de l'état, furent remplacés par
des adversaires. Quelques jours après, Bhim Sen fut rap-
pelé au ministère ; mais cette péripétie annonçait une pro-
chaine catastrophe. Les dieux mêmes se tournaient contre
lui. Un tremblement de terre formidable ébranla tout le
pays dans la nuit du 12 bhàdrapada intercalaire, quinzaine
claire (25 septembre 1833); quatre secousses se succé-
dèrent qui jetèrent bas ou endommagèrent à Katmandou
643 constructions, à Patan 824, à Bhatgaon 2747, à San-
ku 257, à Banepa 269. Depuis le règne de Çyàma simha
deva on n'avait vu pareil désastre au Népal. En 1834, le
6 d'àsâdha sombre, la foudre tomba sur la poudrière de
Timiqui fit explosion. Quatorze jours plus tard, nouvelles
secousses de tremblements de terre, pluies diluviennes ; la
292 LE NÉPAL
Bagmali déborde. En 1836, une femme de Patan met au
monde deux enfants soudés ensemble. Tant de prodiges
ne parlaient que trop clairement.
Au printemps de 1837, le neveu de Bliim Sen, Matabar
Singh, le chef le plus populaire de Tarmée, est révoqué du
gouvernement de Gourkha, et sa place est donnée à un
fils de ce Damodar Panre qui avait été le prédécesseur et
la victime de Bhim Sen. En juin, le fils aîné de Damodar,
Ran Jang Panre (Rana Janga Pànde) est remis en posses-
sion des titres et biens qu'avait possédés le père. Quel-
ques jours plus tard, le plus jeune fils de la première reine
meurt brusquement ; on accrédite le bruit que Bhim Sen
a voulu empoisonner la reine, et que l'enfant est victime
de ses manœuvres coupables ; il est arrêté, jeté en prison,
avec Matabar Singh et tout le reste de sa famille. Les
médecins du palais, qui étaient des créatures de Bhim Sen,
sont aussi incarcérés. Tous sont rayés de la caste, mis à
la torture ; leurs biens sont confisqués. Ran Jang Panre
remplace Bhim Sen au ministère. Mais le retour brusque
des Panres inquiète les autres partis. Les Chauntrias, col-
latéraux de la famille royale, que Bhim Sen a tenus à
Técart depuis 1804, les Brahmanes qui ont perdu le plus
clair de leurs revenus par des spoliations successives, ré-
clament leur part de la curée. Les ambitions rivales qui
épuisent toutes leurs forces à se neutraliser provoquent
un semblant de réconciliation générale. Bhim Sen s'hu-
milie aux pieds du roi qui lui octroie son pardon ; les pri-
sonniers sont relâchés et rentrent en gn\ce ; l'armée fait
à son vieux chef et à son jeune favori une conduite triom-
phale. Han Jang descend du pouvoir où il vient de se hisser,
et laisse la place au chef du parti brahmanique, Raghu nà-
tha PaiHJila, qui cherche à ménager tout le monde, mais
que l'arniée regarde avec antipathie comme le représen-
tant d'une concurrence dangereuse. Ran Jang, nommé
HISTOIRE DU NÉPAL 293
commandant en chef, cultive h son profil cette désaffection
de la soldatesque ; il prend avantage du départ des officiers
attachés à Bhim San, et qui ont donné leur démission pour
le suivre dans sa retraite forcée.
Darbar, i. Patan.
Au palais, les deux reines se disputent l'influence au
profil de leurs partis. La première reine, qui s'était crue
triomphante à la chute de Bhim Sen et qui avait vu avec
rage les brahmanes escamoter la victoire, se décide h un
scandale. Elle quitte le darbar et s'insialle à Paçupati, sous
la garde de son fidèle Han Jang. Le misérable roi vient
tous les jours l'y rejoindre sans arriver à la calmer ; elle
exige que Ran Jang soit ministre. Matabar Singh, qui sent
294 LE NÉPAL
approcher une nouvelle tempête, s'en va chasser les élé-
phants au Téraï, franchit prudemment la frontière, se retire
chez le vieux Ranjit Singh à Lahore. Raghu nâtha Pandita
donne sa démission de premier minisire ; un Chauntria est
appelé à constituer le cabinet, où Ran Jang est tout-puis-
sant ; bientôt il jette le masque, renvoie ses collègues, et
garde seul tous les pouvoirs, au commencement de 1839.
L'accusation d'empoisonnement lancée contre Bhim Sen
en 1837 est aussitôt reprise, étayée par un arsenal de faux
qui ne trompent personne, mais qui donnent à la comédie
judiciaire un air de dignité. Le vieux ministre, accusé de
trahison parle roi, est jeté en prison, menacé, poussé au
suicide, car nul n'ose encourir la responsabilité de sa
mort. On va, lui dit-on, le plonger jusqu'au cou dans une
fosse d'excréments, promener sa femme à travers la ville,
toute nue. Epouvanté, le vieillard se frappe de son couteau
(kukhri) et meurt de sa blessure neuf jours après. Son
corps est démembré, les tronçons exposés en public sont
ensuite jetés aux bêtes. Le médecin qui avait soigné le
petit prince, un brahmane que la loi interdit d'exécuter,
est brûlé au front et sur les joues tant que le crâne et les
mâchoires se montrent ; son collègue, un Névar, est em-
palé, et, tout vivant, on lui arrache le cœur. Un décret
royal exclut les Thâpàs de tous les emplois pour sept géné-
rations (juillet 1839).
Pour pallier ces horreurs et pour capter la faveur
publique, le parti des Panres exploita le chauvinisme
des Gourkhas, que Bhim Sen avait eu tant de peine à
contenir depuis la paix de Segowlie. On lit répandre des
prophéties qui annon(;aient la chute prochaine des Anglais ;
on fondit des canons, des fusils, on commanda 800 000 li-
vres de poudre, des balles, des boulets ; on envoya des
officiers préparer des travaux de défense ; on fit un recen-
sement militaire qui donna 400 000 hommes en état de
HISTOIRE DU NÉPAL 295
porter les armes. On noua des relations secrètes avec les
états rajpoutes, Gwalior, Satara, Baroda, Jodhpur, Jay-
pur, Kotah, Bundi, Rêva, Panna; avec le débile héritier de
Ranjit Singhqui venait de mourir, avec la Birmanie, avec
la Perse, avec l'Afghanistan, avec la Chine. Mais cette po-
litique coûtait cher et Targent manquait. Han Jang feignit
de restituer à l'Etat tous les biens qu'il avait reçus libres
de charges, et il exigea le même sacrifice de tous ceux qui
avaient reçu des donations royales depuis la chute de son
père ; de lourdes amendes s'abattaient tout à coup sans
raison. On voulut môme rogner la solde de l'armée, sous
prétexte que le roi n'avait pas de ressources pour élever
ses six enfants. Les troupes se mutinèrent, réclamèrent une
guerre contre Tlnde ; le roi dut paraître devant elles pour
les apaiser.
Le mécontentement universel servait les fins de la pre-
mière reine. Pour posséder plus sûrement le pouvoir et le
partager avec Ban Jang, elle travaillait à discréditer le roi
dans l'espoir qu'un soulèvement le déciderait h abdiquer
en faveur de son fils, et à la désigner pour régente. La
mort déjoua ses calculs ; elle fut emportée par la fièvre en
octobre 1841. Déjà depuis un an la chute des Panres
était consommée. L'Angleterre, lasse de provocations ridi-
cules, avait imposé un arrangement au Népal en 1839;
puis, à la suite d'un mouvement des soldats contre la Rési-
dence, elle avait exigé la démission du ministre Ban
Jang; un Chauntria, Fateli Jang, avait été chargé de former
un cabinet de concentration.
La disparition de la première reine ne simplifiait guère
la politique intérieure du Népal; la seconde reine, qui avait
supporté impatiemment la suprématie de sa rivale, aspirait
à prendre le pouvoir; par l'élimination successive du roi et
de l'héritier présomptif, elle assurait le trône à sa progéni-
ture, et s'assurait la régence. L'héritier présomptif, alors âgé
296 LE NÉPAL
de douze ans, étail une espèce de fou sanguinaire, qui se
délectait à voir torturer et mutiler des animaux et des
hommes ; il lui tardait de régner et de mettre à l'écart son
père qui s'obstinait h durer. Enfin le roi Hàjendra Vikrama,
ahuri, imbécile, passait d'une influence àTaulresans s'arrê-
ter jamais; il fuyail devant les querelles et ne demandait
que la paix ; mais personne autour de lui n'était disposé à
la lui laisser goûter.
La situation devint si grave que la noblesse, jugeant
l'Etat en péril, oublia un instant les compétitions de partis.
Une réunion générale, tenue en décembre 1842, nomma
un comité chargé de demander et de proposer au roi des
mesures pour la proleclion de la vie, des propriétés, et des
droits .légitimes, publics ot personnels, de tous les sujets
de la couronne. La pétition fut successivement soumise
aux ministres, aux chefs, aux autorités municipales des
villes de la vaUée, aux officiers, approuvée, signée et
portée par une immense députation au darbar royal, le
7 décembre. Le roi la reçut, la signa et la ratifia. La crise
avait duré douze jours.
La reine, qui devait .à cette sorte de charte un surcroit
de puissance, destiné h conlre-balancer Taction du prince
héritier, s'empressa de rappeler les Thâpàs au pouvoir.
Malabar Singh, qui vivait depuis quatre tins hors du Népal,
est rap|)elé. Il réclame el obtient la réhabilitation publique
de Hhim Son, le chAliment de ses accusateurs; enfin il
esl nommé premi(»r ministre en décembre 1843. Maintenu
malgré lui au pouvoir, il perd Tappui de la reine, qu'il
a refusé de seconder dans ses de^^seins criminels ; le
17 mai ISi;i, dans ht nuit, il est mandé au pakis, s'y
présenta dova!»! le roi et la reine ; trois coups de fusil le
bless(»nl ; il demande grAcre pour sa mère et ses enfants,
étend l(»s muins vers le trône; un serviteur lui tranche le
poignet ; le cadavre pantelaut est descendu par une fenêtre.
HISTOIRE DU NÉPAL 297
L'assassin qui avait abattu Malabar était son propre neveu,
Jang Bahadur.
Le personnage qui entrait en scène avec un si fâcheux
exploit était voué aux tragédies de palais. Son père, Bâla
Narasimha, avail assisté jadis au meurtre de Rana Bahâdur
et avait de sa propre main abattu le meuririer, qui était
frère du roi. Petit-neveu de Bhim Sen, il avait obtenu de
bonne heure un grade élevé; mais, fatigué de la caserne,
il avait déserté, franchi la Kah, visité les provinces de-la
Compagnie, et songé à s'enrôler sous HanjitSingh; ramené
au Népal par des parents, il obtint son pardon. Bientôt la
chute de Bhim Sen TobUgeait h se cacher ; il parcourut le
Népal en observateur discret, s'initiant aux coutumes, aux
mœurs, aux langages de toutes les races, assouplissant son
corps aux plus rudes fatigues. Rentré à Katmandou, il s'y
manifeste par un coup d'éclat; un éléphant affolé boule-
versait la ville et personne n'osait l'arrêter. Jang se laisse
glisser d'un toit sur le dos de l'animal, lui jette sur les yeux
une étoffe qui l'aveugle, et s'en rend maître. Le dkrbar lui
offre un costume d'honneur et une somme d'argent qu'il
refuse; il rentre dans l'armée comme capitaine, est em-
ployé à une mission secrète près du râja de Bénarès,
arrêté par les Anglais qui le ramènent à la frontière. l\ à*
déjà des envieux qui essaient de le perdre; il les confond
par son audace. On en cite des traits nombreux. Un jour,
tandis qu'il traverse à cheval un torrent furieux sur une
passerelle de deux planches, h une hauteur vertigineuse
au-dessus de l'abîme, le prince héritier le rappelle. Sans
hésiter, il fait, dans un bond hardi, tourner sa monture et
rejoint le bord. Un autre jour, pour échapper à lai férocité
du même prince, il se jette dans un puits, s'y maintient
jusqu'à la nuit ; quand ses amis viennent l'en tirer, il a lés
ongles entièrement usés de s'accrocher aux briques des
parois. Ouand Malabar Singh, rentré en grâce, revint de
298 LE NÉPAL
rinde, Jang fut le premier à saluer le retour du nouveau
favori. En le choisissant pour être Tinstrumenl du crime,
la reine Tavait bien jugé : c'était un homme à tout faire.
Elle s'en aperçut plus tard à ses dépens.
Après le meurtre, Jang Bahâdur nommé général avec le
commandement de trois régiments fut chargé du minis-
tère à titre provisoire, puis il céda la place au Chauntria
Fateh Jang, et resta en dehors du nouveau cabinet ; mais
les trois régiments qu'il commandait garantissaient son
influence. Le véritable pouvoir appartenait au général
Gagana Simha, ancien domestique du harem, devenu
l'amant de la reine. Le roi, menacé d'être sacrifié à cet
amour adultère, loua les services d'un bandit de profession
qui abattit d'un coup de fusil Gagana Simha, tandis qu'il
priait dans sa chambre (septembre 1846).
Folle de douleur h cette nouvelle, la reine saisit dans ses
mains le sabre royal, emblème de l'autorité suprême, que
le roi l'avait autorisée à porter depuis janvier 1843; elle
donne l'ordre aux trompettes d'appeler les soldats, et
convoque tous les fonctionnaires civils et mihtaires de
l'Etat. Le roi, embarrassé, s'esquive sous prétexte d'in-
former la Résidence. Les nobles accourent, sans prendre
le temps fie s'armer. « Qui de vous a tué mon fidèle ami? »
leur crie la reine, elle bondit sur un des Panres qu'elle
soupçonne du crime, et qu'elle veut tuer de ses mains.
On la retient. Elle s'échappe, se précipite vers l'escalier
qui conduit à l'étage supérieur où est son appartement ;
trois des ministres s'élancent à sa suite quand des coups
de fusil, partis on ne sait d'où, les étendent morts à terre.
En tombant, Abhimana Simha désigne Jang Bahâdur
comme son assassin. Le filsd'Abhinii\na se jette sur un des
frères de Jang et le frappe de son épée : il va en frapper
un autre quand Jang apparaît sur l'escalier et l'abat d'un
coup de fusil. Dans l'obscurité de la salle et des couloirs, à
HISTOIRE DU NÉPAL 299
peine trouée par la lumière tremblante des veilleuses, un
duel meurtrier s'engage à l'aveugle entre les partisans de
Jang, ralliés autour de lui, et ses adversaires; on frappe,
on égorge, on massacre sans connaître les victimes. Au
dehors, les régiments de Jang gardent les issues; leurs
couteaux s'abattent sans pitié sur les ennemis ou les
suspects qui croient trouver le salut dans la fuite. La
reine, d'une fenêtre, les excile à la venger. Le roi, qui
revient de la Résidence, est épouvanté par les ruisseaux de
sang qui coulent du palais, et se sauve vers Patan pour
gagner Bénarès. On le ramène malgré lui. La reine donne
l'ordre d'expulser les femmes et les enfants de fous ceux
qu'elle a fait tuer, et de tenir sous une étroite surveillance
le prince héritier et son frère.
Jang, en apparence docile à Tordre, installe auprès des
deux princes des gardiens chargés en réalité de les défen-
dre contre les fureurs de la reine. Déçue, la reine orga-
nise un nouveau complot, contre Jang cette fois. Mais,
averti à temps, le ministre la devance, saisit et met à mort
les conspirateurs, qui appartenaient au clan des Bashniats,
paraît devant le roi et l'héritier présomptif, leur déclare
que la sûreté de lElat exige le départ de la reine. Celle-ci,
qui se sent vaincue, se soumet; elle réussit cependant à
entraîner avec elle son époux imbécile. Le prince héritier
est chargé de la régence, et Jang des fonctions de premier
ministre.
Le couple royal, retiré à Bénarès, intrigue avec tous les
mécontents et les exilés du Népal qui se donnent rendez-
vous dans la cité sainte ; la reine étale publiquement le
scandale de ses amours adultères. Le pauvre roi Râjendra
Vikrama Sàh, trompé par tout le monde, prend le chemin
du Népal sur la foi de rapports mensongers qui lui pro-
mettent un soulèvement tout prêt en sa faveur. La petite
bande qui lui fait cortège se disperse à la première atta-
300 LE NÉPAL
que, et le roi rentre en prisonnier dans sa capitale (1847).
11 est déposé sans qu'une voix s'élève en sa faveur, et le
prince héritier Surendra Vikrama Sàh monte sur le trône.
La politique de Jang (end dès lors à se concilier la
faveur des Anglais, peut-être en vue d'une éventualité que
son ambition et ses talents lui permettent d'envisager. En
1848 il offre au gouvernement de l'Inde le concours des
troupes Gourkhas pour réduire les derniers défenseurs de
l'indépendance Sikh; il est poliment éconduit. En 1850,
après de longues négociations, il part pour l'Angleterre
comme le chef d'une mission chargée « de portera la reine
les respects du roi et les assurances de son amitié ; de voir
la grandeur et la prospérité du pays, et l'état du peuple ;
d'examiner h quel point les applications des arts et des
sciences sont utilesauconforlet àla commodité de la vie ».
De fait, il espère doubler son prestige au Népal par ses
relations avec les puissants de l'Europe, gagner par sa
séduction le gouvernement anglais h ses intérêts person-
nels; il veut aussi, en homme d'état positif, connaître
exactement ces maîtres mystérieux de l'Inde qui font sen-
tir leur puissance sans la montrera leurs sujets. A Londres,
à Paris, où il se rend ensuite, il est le lion de la saison ;
l'étrangeté de son costume, la richesse de ses parures, les
légendes qui courent la presse, le prestige d'une contrée
qui reste impénétrable le signalent à l'attention ; on lui
donne des bals, des fêtes, des représentations. A Paris, le
ministre des Affaires étrangères vient lui rendre visite ; on
le promène officiellement au Musée du Louvre ; il donne
un bracelet de diamants à la Cérilo qui l'a ébloui par ses
pirouettes dans le ballet à la mode : le Violon du Diable.
()n chuchote des bruits étranges sur la cuisine de l'ambas-
sade, qui prépare sa nourriture dans un coin de l'hôtel
Sinet. Heniré dans l'hide en janvier 1851, Jang et ses com-
pagnons (Jagat Shamsher et Dhir Shamsher, ses deux
HISTOIRE DU NÉPAL 301
frères, des officiers, un médecin, un peintre, deux cuisi-
niers et des serviteurs) s'arrêtent à Bénarès pour accom-
plir à grands frais sur les bords du Gange les cérémo-
nies de purification imposées à tout Hindou qui sort du
pays ; le grand-prêtre des Gourkhas, le Kàjya guru, vient
lui-même présider à ces rites, pour dissiper toutes les pré-
ventions.
La précaution n'était pas superflue : dix jours après le
retour de Jang au Népal, une conspiration éclate ; elle a
pour chefs un frère de Jang et l'aîné de ses cousins ; ces
vengeurs de la pureté brahmanique déclarent que Jang a
irrémédiablement perdu sa caste en mangeant et en buvant
avec des étrangers ; le frère du roi est entré dans le com-
plot. La fortune de Jang le sert encore ; averti à temps, il
s'empare des coupables, mais refuse de leur appliquer la
peine de mort ou la perte de la vue que le roi veut leur
imposer comme châtiment ; politique avisé, il se contente
de remellre les prisonniers au gouvernement de l'Inde qui
accepte de les garder dans une forteresse pour les sauver
d'une peine plus grave. Dès lors Jang est tout-puissant ; il
marie ses fils et ses filles avec les filles et les fils du roi.
Les insolences et les violences commises sur le terri-
toire tibétain contre les ambassadeurs népalais envoyés
à Pékin amenèrent une nouvelle guerre entre le Tibet et le
Népal en 1854. Malgré les efforts énormes accomphs par
le Népal, les hostilités se prolongent plus de deux ans sans
avantage marqué, paralysées sans cesse par les difficultés
insurmontables d'une région diabolique où les tempêtes
de neige, les avalanches, les précipices, la stérilité du sol
défient les plus rudes courages. Les passes de Kuti et de
Kirong, occupées d'abord par les (Jourkhas, sont perdues,
puis reprises. Dhir Shamsher, frère puîné de Jang et père
du maharaja présent, sauve l'honneur du Népal par son
énergie infatigable; les Tibétains, épouvantés de le voir par-
302 LE NÉPAL
tout reparaître, l'appelaient « le Kaji volant ». Le 25 mars
1856, le Tibet se décide à signer la paix : les Gourkhas
évacuent les territoires qu'ils ont occupés, mais en com-
pensation, le Tibet paie au Népal une indemnité annuelle
de 10.000 roupies; il renonce à percevoir des droits de
douane sur les marchandises népalaises ; il autorise le
Népal à entretenir à Lhasa un résident chargé de défendre
les intérêts des marchands népalais.
En août 1856, Jang feint de renoncer inopinément au
pouvoir, passe le ministère à son frère Bâm Babâdur, et
veut se contenter d'une sorte de dictature occulte. Le roi,
à cette occasion, lui confère le titre de Maharaja pour lui-
même et pour ses héritiers, et lui cède avec tous les droits
souverains les deux principautés de Kashki etdeLamjang,
dans l'ancien territoire des Vingt-Quatre royautés. La
charge de premier ministre doit se transmettre perpétuel-
lement dans sa famille, à ses frères d'abord, à ses fils
ensuite. Enfin Jang doit exercer un pouvoir de contrôle
absolu sur les relations du Népal avec l'Angleterre et la
Chiiie.
L'Angleterre refuse d'adhérer à cette combinaison, qui
interposerait un tiers entre elle et le roi, seule autorité
officiellement reconnue au dehors. Jang reprend le pouvoir
en 1857, au moment de la mutinerie des Ci payes ; quand
l'Hindoustan se demandait s'il allait changer de maîtres,
Jang offre à plusieurs reprises de s'unir aux troupes britan-
niques pour combattre la rébellion. L'Angleterre, qui ne
veutpasd'uu sauveur, attend d'avoir repris Delhi et dégagé
Lucknow, et elle accepte alors la coopération des Gourkhas.
Jang envoie d'abord 3 000 hommes, puis il part en personne
H la tête de 8000 hommes. Pour récompenser ces services,
TAngleterre restitue au Népal par le traité de 1860(1*^ no-
vembre) la partie du Téraï limitrophe du paysd'Aoudh qui
lui avait été enlevée par le traité de Segowlie.
HISTOIRE DU NÉPAL 303
Jang cependant n'entend pas s'inféoder à TAngleterre ;
pour marquer son indépendance et pour réserver l'avenir
il ouvre discrètement le Népal aux vaincus ; le fameux chef
de la rébellion, Nànà Sahib, avec une cinquantaine de ses
principaux lieutenants, trouve un asile complaisant dans
rinextricable Téraï où il disparaît, emporté par la fièvre,
ou peut-être recueilli au Népal. Le Népal accorde une hos-
pitalité officielle aux femmes deNânà Sahib et à la begam
de Lucknow.
Jang Bahâdur, créé G. C. B., mourut en 1878, soit de la
fièvre, soit d'une blessure reçue en luttant avec un tigre.
Jang avail en effet gardé la passion de la chasse aux bêtes
fauves ; il aimait à les poursuivre et à les forcer tout seul,
souvent sans aulre arme que le couleau népalais ; ces dis-
tractions périlleuses plaisaient h son courage indomptable,
à son infaillible présence d'esprit, à sa connaissance intime
de la nature et des êtres vivants. Il donnait volontiers le
spectacle de sa vigueur et de son sang-froid aux prises
avec le tigre ou le léopard pour s'épargner l'ennui de les
exercer plus souvent contre ses adversaires, aux dépens
de rhumanité. Après avoir débuté par l'assassinat d'un
oncle et conquis le pouvoir par un effroyable massacre,
Jang eut l'honneur de reviser et d'adoucir la sévérité féroce
du code et des coutumes gourkhas ; il abolitla peine capi-
tale pour tous les crimes, sauf le meurtre ; il réserva la
mutilation, employée jusqu'alors sans scrupule, au châti-
ment des fautes les plus rares ; il essaya même discrètement
de restreindre les suicides plus ou moins volontaires des
veuves sur le bûcher conjugal.
A sa mort Hanoddîpa Simha, son frère, devint premier
ministre, en attendant que son fils aîné fût en état de
recueillir la charge. En 1881 le roi Surendra Vikrama Sâh
mourut après trente-quatre ans de règne purement
nominal. Son petit-fils Prthivî Vîra Vikrama Sàh, né
304 LE NÉPAL
en 1875, monta sur le trône qu'il occupe encore aujour-
d'hui.
Le 22 novembre 1885, un nouveau drame de famille
amenait au pouvoir les neveux de Jang Balladur, les fils
de son frère Dhir Shamsher. Ranoddîpa Simha fut assas-
siné ; des fils de Jang, les uns subirent le même sort, les
autres disparurent dans Texil. Vira Çama Sher (Bir Sham
Sher) Jang Rana Balladur devint premier ministre. 11 eul à
déjouer d'abord un complot de son frère cadet Kliadga
Çama Sher (Kharga Sham Sher) qui fut pour tout châti-
ment déporté à Palpa comme gouverneur du district (1 886) ;
puis un coup de main organisé par un fils de Jang Balla-
dur, Rana Vira (Ranbir) Jang (1888); enfin une nouvelle
conspiration dirigée contre sa vie en 1888. Renouvelant un
exploit de son oncle Jang, il accourut à cheval sans débri-
der jusqu'à Katmandou et punit de mort les coupables.
Dans l'administration des affaires il s'est aussi montré le
digne continuateur de Jang : il a par de coûteux travaux
(fadduction et par la construction d'un réservoir fourni à
Katmandou une eau potable et saine ; il a élevé un hôpital,
une grande école {Durbar School)^ fondé une collection
de manuscrits sans rivale pour l'importance et l'antiquité
des textes. Les indianistes ne peuvent pas oubher que la
scicMice doit à sa bienveillance éclairée la première recon-
naissance archéologique du Téraï népalais si féconde en
découvertes éclatantes (pihers d'Açoka, site de Kapila-
vaslu) : enfin ceux qui ont eu le privilège d'être admis au
Népal sous son gouvernement peuvent attester sa hauteur
(lospril, sa largeur de vues, sa conception nette et précise
dos questions scientifiques. Le maharaja Bir Sham Sher
Jang Balladur a été enlevé par une mort soudaine le 5 mars
lUOI. Son frère Deva Çauia Sher (Deb Sham Sher) Jang
Balladur, qui exerçait les fonctions de commandant en
chef, appelé ii recueillir son héritage dut l'abandonner
HISTOIRE DU NÉPAL 305
presque aussitôt (mai 1901). Il a été remplacé par un de
ses frères.He mahilràja Gandra Çama Sher (Chander Sham
Sher) .lang Hana Bahadur, qui porte les titres de « Maha-
raja, Premier Ministre et Maréchal du Népal ».
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DEUX MOIS AU NÉPAL 307
officiellement une autorisation en faveur d'un gentleman
et d'une lady qui voudraient aller chasser le tigre dans le
Téraï népalais. Début alléchant, n'est-ce pas?
Le matin les chevaux et la calèche du ràja de Bettiah
me ramènent h Scgowlie où mon escorte m'attend: palan-
quin, dooly [chaise de montagne], 16 porteurs pour moi,
8 pour mon boy Francesco, 7 pour les bagages, plus le
cipaye chargé de faire manœuvrer ce monde. L'entreprise
n'est pas toujours aisée ; parfois les coulies plantent là
leur client, en pleine jungle, et prennent la clef des champs:
\]me \YyiiQ elle-même a connu celle mésaventure. Le
sort me l'a épargnée. Les cipayes du colonel Wylie, de
beaux Hindous avec des colliers de barbe noire, ont tous
rivalisé de soins, de complaisance, d'attentions, et si je me
ruine eu bakchichs, au moins suis-je bien servi. Le voyage
au Népal est plutôt ruineux ; je compte qu'il me coûtera
au moins 400 roupies, 650 francs, autant que de Marseille
h Bombay, avec un peu moins de confort. Les por-
teurs sont prodigieux de force et de vitesse ; le palan-
quin est une vraie chambre en bois; avec la literie, les
provisions, l'ameublement et le localaire, la charge est
bien de 100 kilogrammes, et, h quatre hommes pour la
porter, ils font aisément leurs 8 kilomètres à l'heure.
Impossible de marcher avec eux ; il faut courir, ou s'empa-
lanquiner. La résultante des forces est représentée exac-
tement par les mouvements éperdus du pendule quand on
tire violemment une horloge 5 soi ; oscillation de droite à
gauche el projection violente en avant et en arrière. En
outre, la consigne est de ronfler, ou tout au moins d'être
immobile. Le moindre geste rompt Téquilibrc de la charge
et l'effort des porteurs ; on se sent peu à peu et bien vite
craqué jusqu'au plus profond des os.
A une heure, halte à Hardia, la dernière factorerie an-
glaise sur la route. Le propriétaire, iM. F..., avisé par le
308 LE NÉPAL
colonel Wylie, m'attend pour déjeuner et dîner. 11 vit là,
tout seul, à une lieue du Népal, à deux du Teraï, exploitant
l'indigo ; un fusil toujours chargé lui tient partout compa-
gnie ; avis aux indigènes et aux fauves de mauvaise compo-
sition. Mon hôte est ravi ; les visites sont rares sur la route
de Katmandou ; et il essaie de me retenir par les meilleures
et les pires des raisons. Je visite sa factorerie. L'année a été
désastreuse : famine d'indigo comme de grains, et la con-
currence des indigos de laboratoire a fait tomber les prix.
Là encore (à quoi sert de se boucher les yeux?), c'est l'Al-
lemagne qui l'emporte. Les acheteurs d'indigo à Calcutta
sont des Allemands ; ils y viennent d'octobre à janvier,
règlent les prix et rentrent ensuite chez eux.
Mais les Wylie m'ont bien recommandé d'éviter le
moindre relard. A 5 heures je demande à dîner; puis en
roule. Le cortège se reforme. La nuit tombe ; l'expédition
s'est enrichie d'un moussalji, un éclaireur qui brandit une
longue torche constamment arrosée d'huile. La précaution
n'est pas superflue ; la route, déjà mauvaise, empire, cou-
pée de fondrières et de marécages où le palanquin frise la
surface de l'eau. A Raksaul, nous quittons le territoire
britannique et le Népal commence avec Gahawa. Des
ordres ont été envoyés partout ; nulle part on ne m'arrête.
En passant devant les postes de surveillance, mes coureurs
jettent le mot magique « Sarkar », et c'est assez. Sarkar,
c'est le gouvernement, et tout ce qui y touche, et tous les
blancs et même les domestiques des blancs. Et toujours
la longue bande de poussière blanche entre les champs
tout plats, tout de poussière blanche eux aussi ; et tout ce
blanc commence à s'illuminer, éblouissant, sous le lever
de la lune tardive. Le froid vient, le froid humide et péné-
trant du Téraï qui glace les os avant la peau, je m'enfonce
entre mes rézaïs et renonce aux séductions du paysage
lunaire. Je ferme mes portes et ne les entrouvre que de
DEUX MOIS AU NÉPAL 309
temps en temps pour observer la roule. Toujours le pas
de charge, rhylmé par le halètement scandé des porteurs
où paraît gémir une longue servitude de peines, avec par-
fois des syllabes attendrissantes comme notre « dodo,
enfant do! » C'est: « babou, dors! babou, dors! » Pau-
vres gens qui triment si dur et qui endorment encore de
leur chant cadencé leur oppresseur.
Nous voilà dans la jungle, la jungle redoutable, étran-
gement mystérieuse sous celte claire lune qui illumine les
contours sans entamer les ombres épaisses. A minuit il
fait si froid que mes coulies s'arrêtent. Ils allument
des feux sur la route et se rôtissent voluptueusement.
J'en profite pour me secouer. A droite, à gauche, deux
éléphants attachés aux arbres continuent bruyamment
dans la nuit grelottante leur incessante mastication des
branchages, silhouettes surnaturelles qu'entoure un fré-
missement de feuilles arrachées. Nous sommes chez les
ïharus, les énigmatiques Tharus. Derrière une clôture
de paille, qui symbolise le mur de la vie privée, une
femme chante une mélodie sans fin et s'accompagne d'un
tambourin. A minuit! par ce froid! que fait-elle? Une
adoration, une incantation? Comment le savoir? Enfermés
dans leur retraite que nul ne peut leur disputer, ces Tha-
rus ne s'engagent jamais dans les factoreries voisines. Ils
vivent entre eux, cachant jusqu'au secret de leur langue,
ne s'adressant aux étrangers qu'en hindoustani. Soudain,
sans rien qui l'annonce, sans un soulèvement du sol, sans
une roche perdue, sans un caillou dans cette poussière
fine, nous sommes au pied de l'Himalaya. C'est Bhichakoh,
mon premier relai. Il est 3 heures et demie du matin.
Katmandou y 13 janvier 1898, 8 heures soir. — Décidé-
ment on arrive à tout, même à Katmandou ; il ne faut qu'y
mettre le temps. Mais je reprends mon récit oii je l'ai
laissé, à Bhichakoh. Donc, àBhichakoh, c'est la montagne
310 LE NÉPAL
qui s'ouvre loul h coup, comme en un changement à vue ;
la passe s'engage enlre de» collines hautes déjà, au profil
de montagnes et qui dévalent en pentes raides couvertes
de forêts. Le sol disparait sous les cailloux et sous les
roches éboulées des flancs ou descendues avec les torrents
h la saison des pluies, saison formidable ici. Le chemin, ou
plutùt l'itinéraire, car il n'y a plus trace de roule, traverse
une large étendue d'eau, rivière ou étang, je l'ignore; la
nuit m'en dérobe les aspects lointains. La passe se resserre,
s'étrangle enlre des pentes grandioses, ruisselantes de
rosée ; entre les vastes cirques de pierres qui s'élagent en
gradins successifs, le senlier monte abrupt sur un sol glis-
sant de sable humide ; des huttes isolées s'accrochent çà
et la aux flancs des hauteurs, pauvres abris de branchages
où les bergers se réchauffent auprès de grands feux. Sur ce
sentier, qui s'effrite et s'émiette sous les pas, se dévelop-
pent des processions de chars traînés par des buffles ;
presque tous apportent des « lins » de pétrole. Décidément
je pourrai m'éclairer à Katmandou. Le jour se lève si blanc
qu'il se confond avec la clarté de la lune, mais il grandit
vile et pénètre en vainqueur les dessous et les fourrés qui
arrêtaient la lune.
J'ai mis pied à terre pour soulager mes porteurs. Passé
les quelques cabanes de Cliiriya, la vallée s'ouvre et je che-
min, large, aisé, sablonneux à souhait, semble une allée
de parc ombragée de hauts arbres avec pour fond des hau-
teurs qui vont de 1 500 à 2 000 mètres. Nous passons sur
un pont un joli torrent limpide el sonore que mes coulies
ap|)i»lleiit le Kori ; le pont n'est qu'une légère passerelle de
bois; les buffles passent à gué. Nous atteignons la rf^a/v/i-
sf//a(i\\)\'i) (Ir llelaura, où un autre cipaye vient relayer le
r;ifii;ini<b' (|ui nous accompagne depuis Uhichakoh ; les
couliivH iilluuioiit bien vite un feu do paille, tout glacés de
roHé<», <»l eu route. Le chemin traverse maintenant la Hapti
DEUX MOIS AU NÉPAL 31 i
et suit le milieu d'une énorme combe que les hauteurs
boisées semblent enfermer sans issue ; tout au long, à
droite et à gauche, transformant la route en grande rue,
les boutiques de Hetaura, marchands de grains, de bois-
soins, de houkkas, d'étoffes, de mercerie, de poterie. Le
banyan hindou a disparu ; c'est bien fini de l'Inde. Les
hommes sont des montagnards petits, trapus, les yeux
bridés et retroussés, les lèvres épaisses, largement écar-
tées, découvrant de grosses dents jaunes ; les cheveux
noirs et presque ras; la face plate, large, aux pommettes
saillantes ; au menton un peu de poil hirsute; la moustache
assez forte, rude et tombant au coin des lèvres ; les femmes
plus petites encore, plus jaunes encore, les bras et les
jambes massifs, la poitrine splendidement opulente, la tête
sans voiles, la chevelure d'ébène, grasse d'huile, soigneu-
sement Hssée, tombant en longue natte ou relevée en chi-
gnon sur le sommet de la tête, étrangement japonaises, et
si près encore des Màyàdevî, des Sîtà et des Damayantî.
On sort du cirque par le défilé où la Rapti s'écoule, et
le chemin suit le cours du torrent, accroché aux flancs des
montagnes — c'est bien les montagnes maintenant — épou-
sant toutes leurs sinuosités. Halte au bord de la Samri,
que traverse encore une jolie passerelle ; nous nous espa-
çons sur un large replat et tout au long du ruisseau, nous
faisons tous une toilette sommaire. Je déjeune en hâte, et
h 10 heures, encore en route. Le torrent réduit à son
minimum gronde pourtant et mène encore beau tapage
au fond du ravin. Nousavons déjà monté ; Bhichakoh n'est
qu'à 990 pieds, 330 mètres ; le pont de la Samri est à 1 600
pieds, plus de 500 mètres. Des hameaux sont installés au
bord de la route, lapis entre les roches, sur tous les re-
plats ; quand les pentes s'allongent, des villages se pres-
sent, riants, entourés de cultures, et qui grimpent bien
haut, bien haut, vers les 2 000 mètres. Et toujours le tor-
312 LE NÉPAL
rent qui gronde, et qui écume, et qufse brise contre les
hautes roches éboulées. Le soleil est maintenant haut, il
descend dans les ravins. Oh ! la divine, l'incomparable lu-
mière, plus belle encore que sur les plaines poudreuses et
sèches, dans cet air si pur, où Teau flotte en vapeur très
légère, estompant la crudité des contours sans rien ravir
à la netteté des horizons, illuminé jusque dans les ombres
par le resplendissement de l'azur le plus glorieux. J'ai
retrouvé là, sous d'autres formes, les joies enivrantes de
la couleur que la mer Rouge m'avait fait connaître.
La route aboutit à Bhimpedi(3 660pieds, 1 200 mètres)
dans un cul-de-sac ; les hauteurs tombent partout à
plomb. Adieu les palanquins, je hquide avec des bakchihs
mes kahars (porteurs de palanquin) et mes coulies et mon
cipaye et je passe aux mains des Népalais. Des kahars,
des coulies et un cipaye sont venus de Katmandou avec une
dandi pour moi et une autre dandi moins somptueuse à
l'usage de Francesco. xMa dandi, une dandi de luxe, est
très exactement un canot ; à la proue et à la poupe on
passe des perches, deux hommes à l'avant, deux à l'ar-
rière et comptons pour le reste sur les lois de l'équilibre
stable ; mon Francesco a une simple pirogue, et encore
une pirogue en toile, à la façon d'un hamac ou d'un linceul,
avec le même système de suspension. Ici on est hindou,
hindou de culte, s'entend. Les bénédictions tracées au
minium sur les murs des maisons et dans les boutiques
sont des adorations h Gancça, à Krsna, à Sarasvatî. J'ap-
prends — depuis deux jours je n'ai parlé que l'hindoustani —
que Bhimpcdi doit son nom à Bhîma. Le temple du village,
simple carré enclos de murs, décoré d'un linga et d'une
cloche, est dédié k Bhîmasena. Outre le temple de Bhlma-
sena, Bhimpedi a une toute petite chapelle avec une sta-
tue certainement ancienne de Laksmî-Nàrâyana. Le dieu
et la déesse se tiennent amoureusement et Garuda est à
DEUX MOIS AU NÉPAL 313
leurs pieds. Je prends un repas sommaire dans une bou-
tique vide, et toute clôturée — heureux présage — avec
les planches des caisses où Ton expédie d'Amérique
(New-York, U. S.) le précieux et économique pétrole. Du
reste Bhimpedi est à moitié construit avec ces planches.
Les porteurs qui remplacent à partir d'ici les chariots à
buffles ne se soucient pas de traîner une charge inutile.
D'ici à Sisagarhi, une dure escalade sur un chemin ru-
gueux, rocailleux, constamment à pic. En 2 milles, soit
3 forts kilomètres, on passe de 3 660 pieds à 5 875, de
1 200 mètres à 1 900 mètres et sous un soleil de 35° sans
une apparence d'ombre. Mes porteurs ne se fatigueront
pas, je fais le chemin à pied. Francesco, qui fait Tappren-
tissage de la montagne, gît dolent en son linceul, pleurant
la fièvre. Et tout le long de cette rude escalade, les porte-
faix se succèdent: des groupes de quarante, cinquante
hommes traînent péniblement des tuyaux de canalisation
destinés à Katmandou. Si c'est là la seule route vers Kat-
mandou, comme les Népalais prétendent le faire croire, ils
peuvent dormir tranquilles. On grimpe sous les canons du
fort de Sisagarhi qui domine la vallée de Bhimpedi et com-
mande la passe. Dans Tenceinte du fort, un petit bangalow
a été installé à l'usage du résident, bien primitif au reste:
comme lit une planche ; en fait d'autres meubles, une table
et deux chaises. Sur la demande expresse du colonel Wy-
lie, le bangalow m'est ouvert ; la sentinelle gourkha me
présente les armes ; les officiers, la plaque en diadème,
s'alignent, et je prends possession de ma chambre, ma cage
ou ma prison. Le colonel Wylie m'a bien recommandé de
rester contre le mur du bangalow, il y est tenu lui-même :
la moindre curiosité, le moindre pas à l'écart vous ferait
crier à l'espion.
U est 4 heures et demie, le soleil descend au fond de la
vallée, disparaît derrière les hauteurs ; des nuages, des nuées
3ii LE NÉPAL
légères descendent aussi sur les sommets et s'étirent aux
branches. La forêt monte jusqu'au faîte ; contre le banga-
low un bananier épanouit son feuillage ample et fragile.
La nuit arrive, scintillante d'étoiles, mais fraîche. Ce matin
h 7 heures, mon thermomètre marque + 3" et j'ai l'onglée
en cueillant des fleurs. Encore une nuit réduite à sa plus
simple expression. Ce matin, réveil aux lumières. Déjeu-
ner hâtif; chacun prend sa charge et soufflant sur mes
doigts tout rouges, j'escalade au galop la passe de Sisa-
garhi : 6 500 pieds, 2 500 mètres. 0 spectacle inoubliable
et soudain ! Devant moi, la paroi descend à pic dans le
feuillage ; en face, des pentes grillées (les pentes qui
s'ouvrent au Sud, brrtlées et desséchées par le soleil, sont
ici sans verdure) ; au fond le torrent large et sombre en-
core, et quelle ligne d'horizon ! Une bande énorme de pics
glacés. Une descente précipiteuse enlevée au galop nous
amène au bord du torrent, la Panoni ; le chemin suit la
rive du torrent, tournant et contournant toutes les parois;
les cultures gravissent les pentes, et les hameaux ont des
maisons charmantes à un, deux ou même trois étages,
avec des toits en courbe et des châssis de portes et de
fenêtres en bois ouvragé. Je vois des pièces qui feraient
l'honneur d'un musée, perdues en ces recoins de mon-
tagnes.
Vers 10 heures, le chemin quitte le torrent, monte en
pente raide le long du Chandragiri et va aboutir au cul-de-
saiMJe Chillong, à 6 125 pieds, 2000 mètres. Arrêta la
dhannsala. Tne caravane de ïibélains. Tibétains du Tibet,
passe, en route pour Calcutta, image vivante et parlante de
ces pénéhalions continues que l'histoire n'enregistre pas.
(hi les remarquerait à peine parmi les (îourkhas sans leurs
chapeaux de finilre thvssêsen ci>ne, tout ronds, aux bords
petits et retroussés ; les femmes sont presque identiques
ficelles d loi. traits, allure, opulence des chairs, cheve-
DEUX MOIS AU NÉPAL 315
lure, coiffure, parures, mais le teint est d'un jaune plus
foncé, plus franc, moins bruni. Arrivés àChillong à H heu-
res et demie, nous n'y restons qu'une heure, et en route
pour la passe de'Chandragiri. 1 600 pieds, 500 mètres à
monter sur une pente à pic, mais dans la forêt. A 2 heures
nous sommes en haut : 7 700 pieds, plus de 2 500 mètres
avec -h 35° au soleil et une magnifique forêt verdoyante.
Toute la vallée du Népal esta mes pieds: Katmandou, Pa-
tan, Bhatgaon occupent TEst; partout, au fond et sur les
pentes, des villages et des cultures, et de l'Est à TOuest,
par-dessus les montagnes d'enceinte, une ligne continue,
ininterrompue, sans lacune, de cimes blanches, neiges ou
glaces qui ferment entièrement l'horizon. Les voilà tout
près, trois ou quatre vallées à franchir, et par delà, l'autre
revers, c'est le Tibet, un morceau de la Chine.
La descente sur le Népal serait impraticable sans un
escalier ; il a fallu du haut en bas, sur une hauteur de 700
mètres, établir des marches grossières. Francesco, le pau-
vre Francesco lui-même doit mettre pied à terre. On atteint
la vallée à Thankot et 14 kilomètres de route plate mè-
nent à Katmandou. Je m'installe en dandi, et mes por-
teurs m'enlèvent au galop. Je traverse la Bilsnumali, et
dédaignant la route du résident qui contourne la ville, je
traverse le ba/ar, les porteurs criant, gesticulant, pous-
sant, renversantdans les rues étroites. A 4 heures et quart
je suis au bangalow.
Vendredi^ 14 janvier. — Aujourd'hui, recueillement
obligatoire. J'ai vu tout juste de Katmandou les quatre
murs du jardin qui entoure le bangalow. Le guillotiné par
j)orsuasion était déjà connu ; je suis le prisonnier par per-
suasion. Ce matin, vers 9 heures, le Captain Sahib Bliai-
rab Balladur m'envoie demander par un havildar à quelle
heure je puis le recevoir. Le Captain Sahib est par droit
d'héritage, comme son père et son grand-père le furent,
316 LE NÉPAL
le messager régulier entre la Résidence et le Darbar. Je lui
propose 10 heures, il arrive à 11 . Matinée perdue à l'atten-
dre. Manières charmantes, presque onctueuses, de beau
soldat. (( Comment donc ! Tout à votre service ! Vous vou-
lez? Mais ne vous gênez donc pas! Et quoi encore? » Et je
lui répète ce qu'il sait déjà par ma première demande de
passe, puis parle colonel Wylie, puis encore par lalettre que
le colonel Wylie m'a donnée pour lui etque je lui ai adressée
dès mon arrivée, mes intentions, mes travaux, la hâte où
je suis de commencer, a Mais certainement, je vous prie
de me considérer comme un ami. Un poney? Vous l'aurez.
Et aussi deux cipayes pour vous guider et vous aider (le
joli déguisement que prend ici la police!). Et je vais trou-
ver le maharaja intérimaire et arranger une entrevue entre
lui cl vous. Vous êtes fatigué du voyage, il est si pénible !
— Mais non ! — Oh si, on a besoin de repos, reposez-vous
aujourd'hui ; demain, j'arrangerai tout ». Demain, rélernel
demain de TOrient. Il ne faut pas moins que rélernelle
transmigration pour garantir tant de lendemains. A bon
entendeur salut. Je n'ai qu'à me résigner à faire les cent
pas dans ma maisonnette et mon jardinet.
Heureusement j'ai un compagnon de captivité, le babou
S. Mitra, qui représente à lui tout seul en ce moment tout
le personnel de la Résidence, un Bengali ventru, joufflu,
chevelu et barbu, membre du Sadharan Brahmo Somaj,
célibataire, dégagé des préjugés de caste, instruit à l'an-
glaise, nourri des « Quotations from Shakespere » et qui
par délégation représente ici ma Providence au nom des
Wylie. Il m'a, par ordre et aussi par amabilité person-
nelle, ménagé un charmant chez moi : petite salle à man-
ger, bureau-salon, une table bureau avec tout ce qu'il faut
pour écrire ; chambre à coucher : une toile tendue sur
quatre pieds de bois, le lit réduit à sa plus simple expres-
sion ; salle de bain. C'est encore Mitra qui m'envoie
DEUX MOIS AU NÉPAL 317
les légumes et les conserves delà résidence que M^'Wylie
a mis fi ma disposition. Il n'y a, paraîl-il, que les montagnes
qui ne se rencontrent pas ; je finis par douter même de
l'exception. En cette demi-captivité, à 4 700 pieds d'alti-
tude, au fond d'une vallée qu'enferme THimalaya, isolé
entre Tlnde et la Chine, unique représentant de l'Europe,
je rencontre une connaissance. Mitra me connaît, sait
que je fais du sanscrit, que je suis marié, que j'ai au moins
un fils, et que ne sait-il pas ? Quoi ! tant de gloire et de
renommée ! Tout simplement ceci : Mitra a été pendant
six ou sept ans Tagenl de Protap Chandra Roy ; tandis que
ce brave homme courait Tlnde et remuait l'univers pour
mener à bout sa grande œuvre de relèvement moral et
proposait comme idéal aux générations nouvelles la vieille
épopée sanscrite du Mahà-Bhârata, Mitra écrivait les lettres
que signait Protap; il m'a écrit a moi, comme à tant d'au-
tres, et il a lu naturellement les réponses. Il passerait
volontiers la journée à causer. Très curieux de l'Occident
qu'il rêve de visiter, bon observateur, bien informé sur le
Népal 011 il est depuis cinq ou six ans, il a fait sous le cos-
tume du pèlerin le voyage de Muklinath que je ne pourrai
pas faire ; je suis trop blanc.
Le fils du pandit de la Résidence vient ensuite; il
m'amène un vieux pandit, Todàrânanda; tous deux vrais
Névars, petits, tout petits, face plate et nez plat. Ils sont
absolument, totalement, radicalement ignorants. Ces pau-
vres pandits bouddhiques ne savent rien, rien de la httéra-
ture bouddhique, pas même les titres, en dehors des neuf
(( Dharmas » qu'ils n'ont pas lus au reste. Ils me promet-
tent de se mettre en quête de manuscrits et de m'amener
un vrai pandit qui demeure à Palan. La renommée a volé ;
arrive dare-dare lejemadar, l'officier factotum de la Rési-
dence, un Hindou du Madhyadeça, ^vichnouïte dévot qui
sait autant de sanscrit que moi d'hébreu. Je lui récite la
318 LE NÉPAL
Gâyatrî et son admiration ne connaît plus de bornes, puis
des mantras à Krsna, Keçava et toute la litanie. Voilà un
homme qui tomberait à mes pieds. Il est vraiment louchant
de voir son émotion en présence d'un sahib qui connaît la
langue sacrée. Bref, il se met pieds el poings liés à mon
service, et Mitra m'avertit que c'est le plus utile des auxi-
liaires : depuis vingt ans il est atlaché à la Résidence.
J'ai passé le reste de ma journée à soigner mon pauvre
Francesco, bien abattu, bien fiévreux, grelottant; il a
changé en quelques jours de manière effrayante. 11 est
désolé, et moi aussi. J'ai dû pour le remplacer provisoire-
ment prendre un cuisinier de rencontre qui a juré de me
délabrer l'estomac et pour le seconder il a fallu un khid-
matgar, un serveur, un poème de crasse, une épopée d'or-
dures. Le pays est froid ; si les Névars ne se lavent guère,
lui ne se lave certainement pas. Les infâmes guenilles
qui couvrent sa peau enrichissent encore sa saleté d'une
annexe repoussante. Je ferme les yeux ou détourne la
tête quand il apporte le plat ou fait mine d'essuyer une
assiette.
Samediy 15 janvier. — Je serais entièrement satisfait si
je n'avais appris à me méfier des Népalais. J'ai passé une
matinée à attendre sous l'orme, ou plus exactement sous
l'oranger, car mon jardin est planté d'orangers, et d'oran-
gers chargés d'oranges. Il n'y fait pas chaud le matin, au
pays où fleurit l'oranger. A 7 heures, le thermomètre
oscille entre -h 3" et -h 5° el, jusqu'à 10 heures, on y vit
dans une brume fine, une vraie brume de vendanges. Le
soleil ne la dissipe que vers 10 heures et demie ; il la
chauffe tout de suite, 23% 28% 30% 32% vers deux heures;
mais l'ombre est tiède et rien de plus ; le thermomètre n'y
dépasse guère 15*" aux heures chaudes. C'est le froid pour
un vieil Hindou ; je me suis commandé un costume népa-
lais, (Milotte (M)llante aux jambes à fond très ample, tunique
DEUX MOIS AU NÉPAL 319
à pans très amples serrée à la laille par une ceinture, le
tout en une sorte de lustrine couleur lie de vin et bourrée
d'ouate.
Décidément les Népalais ont raison de fermer la porte ;
s'ils l'entr'ouvraient on laferail vite sauter. Il ferait si bon
vivre ici : Un paysage divin — la vallée du Grésivaudan
avec Grenoble et son cirque d'Alpes, mais des Alpes qui s'ap-
pellent r Himalaya. Le pic de TOuest est le Dhaulagiri ; le
pic de l'Est est le Gaurisankar. Un éternel printemps sous
un ciel toujours bleu, la caresse douce d'une vapeur lumi-
neuse, les pins côte à côte avec les orangers et les bana-
niers ; les oiseaux, muets en bas, sont jaseurs, chanteurs,
roucouleurs, un concert sur tous les arbres ; au lieu de
l'isolement qui sent son lazaret, on vit ici, même dans les
limites de la Résidence, avec les indigènes. Le Post-Office
est mitoyen avec le bangalow et grouille d'enfants qui
chantent, rient, jouent, se battent, piaillent, font la vie.
Et la ville est une merveille de pittoresque avec ses pa-
godes à toits étages, ses maisons multicolores, les ravis-
sants encadrements des fenêtres et des portes où le bois
se plie à tous les caprices d'une imagination féconde et
combien libre î les bazars où les Tibétains huileux et
jaunes et sales se croisent avec les Palhans farouches,
presque blancs et parfaitement sales eux aussi. Une infinie
variété de types allant de l'Aryen hindou aux longs yeux,
au nez fort et régulier, et au teint clair jusqu'au Mongol
tout jaune, trapu, massif, les yeux bridés et obliques. En
traversant les villages, on voit assis au seuil monsieur vêtu
d'une ficelle, madame vêtue d'un jupon, et la tribu des
enfants vêtus d'innocence.
Et, comme dans les pièces mihtaires, un parfum de
poudre flotte sur tout cela. A trois heures du matin un coup
de canon annonce l'ouverture des portes ; à neuf heures du
soir, un autre coup de canon annonce la clôture, et mal-
320 LE NÉPAL
heur à qui se laisse surprendre plus tard dans les rues. La
police népalaise se charge de le passer... à opium. Et tout
le long du jour on entend les clairons, les coups de fusil
de la parade ; les rayons lumineux des liélios danseut sur
le haut des montagnes d'alentour.
Francesco se réiabht. J'ai pris à mon service un aide de
cuisine, 8 roupies; un balayeur à tout faire, 5 roupies ;
un dhobi (blanchisseur), 6 roupies ; j'ai un cipaye népalais
qui me garde, et un cipaye de la Résidence qui me sert de
courrier. Bref la maison est montée, et sur quel pied ! à
Téchelle de THimalaya. Tout ce monde grouille dans mon
compound sans étouffer la voix mélodieuse des oiseaux.
11 y a même des moineaux au Népal !
Le Captain Sahib m'a fait demander un rendez-vous. A
rheure dite il arrive el m'annonce que le commandant en
chef, maharaja par intérim, Deb Sliam Sher, serait heu-
reux de me recevoir à 3 heures. A 3 heures la calèche
royale vient me prendre ; Captain Bhairab a passé la grande
tenue, un beau costume sévère bleu noir avec quelques
brandebourgs d'or, et sa calotte est bordée d'un filigrane
d'or et couronnée d'une plaque d'or. Je mets mes gants de
cérémonie qui symboliseront le « full-dress », l'étiquette
n'imposant pas l'habit. Fort belle calèche somptueuse et
confortable ; les Gourkhas ébahis me regardent passer.
Deb Sham Sher vit au coin S.-E. de Katmandou, le bangalow
est au coin N.-E., nous longeons la ville, le Champ-de-
Mars, et voici le palais : un enchevêtrement de bâtisses
toutes modernes, œuvre d'un architecte des écoles
anglaises, sans caractère, avec des portiques grecs, mais
dans un cadre admirable. Entrée qui serpente, porte sur
porte, sentinelle sur sentinelle, il me semble retrouver les
darbars du Kattiavar. Une foule de serviteurs qui ne ser-
vent à rien, de courtisans qui font acte de présence, de
fonctionnaires, d'employés, de babous, sous les galeries,
DEUX MOIS AU NÉPAL 321
sur les maiclies, aux fenêtres. Je suis i'évéïiemeul, le cri
du jour, on m'altend.
Dcii Sham Slior Jaiig Dana Balladur, cominandant ei
(et plus Urd Mahdrija).
Caplain Bhairabm'inlrodiiit dans un salon énorme, qua-
rante ou cinquante mètres de long, qui occupe toute la
11. — ai
322 LE NÉPAL
façade du premier élage, farci du bric-à-brac obligatoire
de canapés, chaises, consoles, tables, fauteuils, lustres,
miroirs dorés ; aux murs, les portraits peints par des
artistes anglais et par des artistes indigènes du maharaja
présent et de ses devanciers: JangBahadur, BhimSen, etc.,
grandeur nature, en des cadres tout dorés, et partout des
œuvres d'art en bronze doré, l'industrie par excellence du
Népal. Enfin, pressé par la poussée d'un entourage trop
curieux, le Commandant en chef entre, petit, large, coiffé
d'une toque dorée, enveloppé d'une longue robe de
chambre, la bouche ensanglantée de bétel, au front le
santal et le minium, restes de la pûjâ quotidienne. Il m'in-
vite h prendre place à ses côtés sur un canapé, et fait
amener son fils, un bambin de dix ou onze ans qui apprend
l'anglais, physionomie intelligente et énergique comme le
papa. Tuniques blanches de brahmanes, uniformes de
chefs, soutanes de babous tout h l'entour. Deb Sham Sher
est au courant et va droit au fait. Le tournoi s'engage. Un
pandit ou soi-disant tel m'adresse la parole en sanscrit,
péniblement, incorrectement; un second pandit survient,
mon succès est facile. Deb Sham Sher essaie d'articuler
quelques syllabes en sanscrit: Pûrvasmin... kâle... Yudhi-
sthira... king... was... then... sanskrit bhâkhâ... in use...,
et s'effondre sous l'effort. Il me parle de la représentation
de Çakuntalâ à Paris ; il me demande si je crois aux devas,
si à mon avis les prophéties du Bhavisyal-Purâna sont
exactes; puis si on imprime du sanscrit à Paris. Je lui
parle du Bhàgavata de Burnouf. Le nom de Burnouf nedoit
pas rester ignoré au pays des manuscrits d'Hodgson. Il
mo demande de lui lire la légende en français qui accom-
pagne une gravure anglaise : la mort de Tipou-Sahib, et
s'exclame sur la mélodie du français (ah! si j'avais la
(( voix d'or » !). Je mets fin à l'entretien qui n'en finirait
pas, et Deb Sham Sher me déclare qu'il est à mon service,
DEUX MOIS AU NÉPAL 323
que je puis aller où je voudrai, qu'il m'aidera à la recherche
des manuscrits et des inscriptions. « Un tel savant, venu
de si loin, n'est-ce pas notre devoir? » Assurément, iMon-
seigneur, mais nous verrons ce qu'en vaut l'aune népalaise.
Liberté d'entrer, de travailler, de lire, de faire copier les
manuscrits recueillis h la Bibliothèque du Darbar, pas
demain, naturellement, après-demain; il faut mettre en
ordre, — toujours le même système. Et il donne l'ordre à
Captain Bhairab de me « drive » à travers Katmandou par
les deux ou trois rues où peut passer une voiture.
En rentrant je fais mes comptes de ménage ; 2 volailles,
8 armas ; \ douzaine d'œufs, 3 aiinas 1/2 ;'l balai, \ anna;
1 pot à eau, 1 anna ; sucre, 2 annas 1/2 ; beurre, 3 annas;
1 bidon à pétrole pour mettre l'eau, 2 amias ; légumes,
1 anna; oranges, 1/2 anna\ farine, 2 annas. Et enfin la
puissante intervention du Captain Saliibet subséquemment
de la police m'ont rendu possible l'achat d'un mouton. Il
est vrai que je l'ai payé cher: 2 roupies. Tant il est vrai
qu'au Népal on exploite les étrangers.
Dimanche 16 janvier, — Enfin j'ai commencé à travailler.
A midi le mukhya, simple soldat en dépit du nom ambi-
tieux qu'on lui donne, est venu m'informer de la part du
Captain Sahib Bhairab Balladur que le cheval promis ne
viendrait pas avant deux ou trois jours, le maharaja ayant
emmené dans sa tournée d'hiver tous les chevaux dispo-
nibles ; en même temps il se mettait à mes ordres. Le
cipaye que m'octroie la Bésidence m'attendait à la porte.
Je me mets donc en marche avec, pour avant-garde, le
mukhya, un Gourkha petit, trapu, dépenaillé et puant, et
pour arrière-garde le cipaye, grand, barbu, truculent et
bonasse, une bonne d'enfant en uniforme. Je tombe sur
Mitrànanda, le fils du Pandit de la Bésidence, qui m'amène
son oncle Bhuvanànanda, un petit vieux au visage fripé
quiruminele bétel. Sera-t-il le pandit souhaité? Je l'aborde
324 LE NÉPAL
en sanscril ; il bafouille indignement, mais en y mêlant
cinquante pour cent dliindoustani, il arrive h s'expliquer.
Sa science des textes bouddiques ne dépasse pas le Lalila-
vistara. Je lui énumère les titres d'ouvrages traduits en
chinois et que je veux retrouver en original ; il n'en connaît
pas un, il ne comprend même pas. Knlin, faute de grives...
je lui propose de m'accompagner dans mes tournées,
moyennant salaire; il me servira de couverture et d'intro-
duction auprès des bouddhistes d'ici. Il a un rhumatisme,
marche h peine, demeure h Patan; enfin, il compte être
guéri jeudi et viendra me trouver. Tant vaut le pandit, tant
vaut le fidèle. J'ai fait connaissance avec les fidèles de
Çàkyamuni. 0 tempora ! o mores !
Mon mukhya est un assez brave homme, tout ébloui de
voir un sahib qui sait du sanscrit: il faut entendre le ton
donl il parle de moi h la foule. J'ai traîné l'après-midi à
mes trousses la moitié de la population, et encore je n'ai
ni photographié ni estampé; que sera-ce alors? Le mukhya
tapait dans le tas eu avant, et le cipaye sur les côtés. Au
temple (h» NAnlyana, je rencontre un brahmane qui parle
assez bien U) sanscril juste au moment oii la foule choquée
crie: juthi! jftllà ! comme on crierait chez nous: r/ia-
pcfiu ! i'hnitcau ! Mes chaussures de cuir souillent le sol du
temple. Je fais face h forage, offrant à haute voix un dia-
logue en sanscrit. Le brahmane répond, et voilà la conver-
sation enj<agée ; joute publique. Plus de protestations, le
Ilot grossit, s'avance, m'entoure et quand je quitte le
temple, le brahmane m'accompagne et me signale les
inscriptions du voisinage ; mon cortège suspend la circu-
lation. J ai visité ainsi tous les temples de Katmandou,
Çiva, Visnu, h) Houddba, (ianeça, Bhimasena, sans
aucunes préférence, drc^ssant l'inventaire de toutes les
pitMTrs inscrites (jue je rencontrais. Elles sont légion. Je
n'ai rien trouvé d'extrêmement ancien, mais à dater du
DEUX MOIS AU NÉPAL 325
quinzième siècle, que de stèles, et de stèles admirable-
ment gravées ! Il faudra des kilomètres et des kilogrammes
de papier. Je voudrais prendre tout indistinctement sans
choix ni méthode ; le tri et la classification se feraient plus
tard aisément. Impossible au reste, sous la poussée de la
foule, de déchiffrer ligne à ligne et de séparer Tivraie du
bon grain. Le mukhya a certainement reçu Tordre de
m'aider, et c'est un spectacle piquant de voir le petit
Gourkha et le grand cipaye tournant autour des temples
et s'évertuant à découvrir des inscriptions.
J'ai fait des bouddhistes du Népal une triste expérience.
De la rue je vois ou j'entrevois par la porte basse, dans
la cour rectangulaire d'une maison, une façon de stûpa.
J'entre, on m'arrête. C'est ici un vihâra, cela promet des
pandits, des moines, une bibliothèque. Allez y voir. Les
vihàras d'ici servent de logement à des pères de famille
entourés de leur progéniture et qui y exercent un métier
ou n'y font rien du tout. Ils ne savent rien que les seuls
noms des neuf dharmas népalais. Il y a dans la cour deux
inscriptions. Je reviendrai avec mon vieux perclus de
Bhuvanânanda et, si on m'arrête, il prendra les estampages.
Le bouddhisme se meurt ici; stupas et caityas se rencon-
trent partout encore, mais à l'intérieur de la ville ils sont
abandonnés et à demi ruinés. Les seuls fidèles qui leur
restent sont les basses classes rejetées dans les faubourgs,
et les Tibétains malpropres. Oh! être porté dans un flot
de Tibétains mâles et femelles, avec leurs peaux de chèvre,
leurs nattes huileuses, leurs cheveux épais et tombants!
C'est à souhaiter de perdre l'odorat.
Au reste, c'est ici le domaine de l'ordure. Le sol est
empoisonné. Bénarès est propre, le Calcutta des indigènes
est un paradis si on les compare à Katmandou. Si on
n'était pas ici à \ 200 mètres d'altitude, si on n'avait pas
le vent des glaciers, Katmandou serait un cimetière. Les
326 LE NÉPAL
rues étroites, serrées, laissent au passant une chaussée
inégale entre deux fondrières de boues accumulées, et
c'est là le champ clos des buffles. Tète énorme, œil
torve, ils circulent librement dans les rues. Bénarès a
ses vaches ; la ville des Gourkhas devait avoir ses buffles.
Pas de fauve qui soit plus redoutable avec ses accès vio-
lents de colère brute, et ces aimables quadrupèdes ont
autant de sympathie pour TEuropéen que le cheval pour
Téléphant. Jeudi, en traversant le bazar au galop de ma
dandi, nous sommes, porteurs et dandi, rejetés brusque-
ment par un remous intense; des cris s'élèvent de par-
tout. Deux buffles se sont pris aux cornes et c'est un
sauve-qui-pcut. Nous esquivons par une rueUe où la d^andi
heurte les murs. Aujourd'hui, je dresse paisiblement mon
inventaire au pied d'un temple. Nouveaux cris, nouveaux
remous; encore un combat de buffles. Dès qu'on en voit
un à l'horizon, le mukhya prend ma droite, le cipaye
prend ma gauche, tous deux le bâton menaçant.
Demain matin, distraction pacifique, j'irai examiner la
collection de manuscrits du maharaja. Et j'aurai peut-être
mon complet népalais bourré d'ouate que j'attends avec
impatience. Le darji qui m'a pris mesure dédaigne les
œuvres de la Révolution française, fi du centimètre! Un
bout de ficelle qu'il rapporte comme unité de mesure à
son avant-bras et à ses doigts, voilà le système des men-
surations népalaises.
Lundi 17 janvier. — Encore un délai. Le mukhyam'ap-
porte une lettre du Captain Sahib, toujours très aimable.
J'aurai mon poney aujourd'hui ; mais la bibliothèque est
fermée : « le gardien de la bibliothèque a une cérémonie
r(»ligirMise (pu/à) tlans sa famille. » Je prendrai donc des
estampages, et le cortège s'allongera d'un coulie qui por-
tera l'appareil photographique, le papier, les brosses, le
pot à eau. Mon Dieu! que de bandobastl
DEUX MOIS AU NÉPAL 327
Katmandou^ 18 janvier, — Çàkyamuni, par loi j'ai
vaincu ! Toutes les portes des vihâras se sont grandes
ouvertes, et pour en profiter je m'empresse d'en faire le
tour, la brosse à la main, avant de visiter les temples hin-
dous dont j'ai dressé l'inventaire. J'ai engagé comme auxi-
liaire Mitrânanda, et maintenant c'est tous les jours une
procession solennelle qui défile à travers les vastes boule-
vards de Katmandou. Le mukhya ouvre la marche, bâton
à la main, bousculant comme il sied la foule pacifique,
mais compacte; puis, mon poney, un poney du maharaja,
s'il vous plaît, une bêle trapue et lourde, race du Tibet,
forte et sûre du pied, qualité précieuse sur ce sol raboteux ;
sur le poney, moi, casque en tête, saluant du geste les
rares indigènes qui saluent; le plus grand nombre vous
regardent d'un air de mépris et de soupçon. A la tête du
cheval, un sais; en arrière, mon beau el bon cipaye, ma
bonne d'enfant, aux petits soins tendres et délicats; puis
le petit pandit, petit, petit, drapé dans ses vêlements
blancs ; et enfin le coulie portant sur l'épaule, suspendues
aux deux bouts d'une perche comme les plateaux d'une
balance, les deux corbeilles qui contiennent papier,
brosse, etc. Je dois dire que tout semble réussir, je me
sens devenir populaire grâce à quelques saluls, et surtout
aux quelques /j^?^ distribués aux gamins et aux mendiants.
Les petits bonshommes me font des salams de grand slyle
et même hier l'un d'eux est venu dévotement toucher le
bord de mon chapeau. Le premier vihâra où j'ai tenté
d'entrer hier, le Tyekam-bahal, à l'entrée de la ville en
arrivant par l'Est, était plutôt réservé ; il a fallu discuter,
puis se débrouiller sans aide, el enfin faire étalage, sans
la moindre modestie, des plus vastes connaissances (ils
sont d'une ignorance navrante); el alors loulela population
du Vihàra, hommes, femmes, enfants, sort de ses cham-
bres infectes, m'entoure, me guide, m'aide, nettoie les
328 LE NÉPAL
pierres, cherche l'eau, el le pûjârî du Vihâra qui est un
Udas (la seconde caste des Bouddhistes Névars) va jusqu'à
m'apporter son livre de manlras, une compilation bien
anodine de stances en Thonneur du Bouddha. On ouvre la
chapelle el on m'exhibe les slalues, Çàkyamuni entre
Lokeçvara et Mailreya ; au-dessus de la porte un superbe
panneau de bois sculpté porte au centre Mahâ-Vairocana
qui tient en ses mains multiples la japamillà (rosaire), le
Khadga (6p6e), le khatvânga (massue), un pustaka (hvre),
plus deux mains réunies en prières au-dessus delà tête;
au-dessus de lui, on un petit cadre également sculpté en
plein bois, Nânia Sanigiti portant un livre et — je crois —
un rosaire ; enfin un petit triptyque de bois figure le Tri-
ralna : le Bouddha au centre, Dharma et Samgha à ses
cotés. Les vihAras sont simplemenl les bâtiments élevés
autour d'une courreclangulaire où vivent en famille et dans
la pourriture les Bouddhistes N«»palais ; au centre de la
cour est un caitya, décoré (h»s quatre images d'Aniogha-
siddhi, Aksobhya, Hatnasainbhava et Padmapàni sur les
quatre faces du bloc carré (|ui porte la coupole, chacun
dans sa niche ; plusieurs de ces caityas, même les plus
modernes, sont entourés d'une balustrade, un « railing »
(|ui reproduit exaclement en ses dispositions les railings
d'Ac^oka, h Mahnbodbi, à Sanchi ; mais je n'en ai pas vu
qui porte des mé(hiillons sculptés. Souvent des caityas de
moinch'o taille sont éparpillés autour du caitya central, el
pjirfois aussi, comme h Matsyendra NAtha, à Lagan-bahal,
des pilitîrs sont (hessés, des làts quadrangulaires, où sont
gravées des inscriptions. J'en ai estampé de splendides du
règne do Nrpendramalla, chefs-d'œuvre d'épigraphie lapi-
daire. Kntin, face à la porte d'entrée, s'ouvre aux fidèles
une chapelle où la statue di^ Çakyamuni reçoit les hom-
mages (il l(»s hyuHH^s. La vue intérieure de ces cours est
un ravissement ; toutes les fenêtres sont des panneaux
DEUX MOIS AU NÉPAL 329
sculptés qui ofifrent une étonnante variété de décors. L'art
de sculpter le bois qui fit la gloire du Népal y disparaît
vite; mais il se conserve encore dans les vihàras. On m'a
montré aujourd'hui au Çrînaka-bahal un panneau repré-
sentant Çâkyamuni au centre avec un éventail de dieux, de
déesses, d'animaux et de fleurs développé autour de lui,
qui doit êlre expédié ces jours-ci en guise d'hommage au
temple de Mahàbodhi ; le musée des Arts décoratifs le
couvrirait d'or.
xVIais si on ouvre les yeux, il faut se boucher le nez.
Katmandou substitue au Tout-à-Fégout le Tout-à-la-cDurî
La saison des pluies se charge du lavage; les ordures
s'écoulent alors dans la rue et s'y déposent en fumier pes-
tilentiel. Babou Mitra qui a voyagé dans l'hide entière
m'affirme qu'il n'a rien vu de si sale que Katmandou.
Heureusement l'air y est vif; aujourd'hui, hors du soleil
qui grille, l'ombre était à peine tiède ; ce soir il fait 6" ; la
nuit dernière, à quatre heures, 3** seulement. Tandis que
j'opérais hier dans la cour du Matsyendra Nâtha, vaste
cour où s'élève un beau temple à toits décroissants, entouré
de caityas innombrables, je m'entends apostropher en
sanscrit. C'est un Yogi établi au temple de Tripureçvara
sur la lîagmati. La renommée lui a appris mon arrivée et
il est accouru. 11 parle admirablement le sanscrit, comme
les bons pandits de Bénarès, et il prétend me convertir au
Yoga. Juché sur un caitya, il déclame ou prêche avec un
flux de paroles à la Bengalie, proclame l'inutilité des estam-
pages et de l'histoire, et exalte les pratiques de l'ascétisme.
Je lui promets que j'irai le voir en son temple ; on peut
imaginer si la foule s'était amassée compacte et pressante.
Aujourd'hui bonne fortune : un officier népalais, que mes
visites aux vihàras ont touché, vient à moi en pleine rue,
m'aborde en sanscrit assez convenable, s'offre à me guider,
et à m'aider, m'accompagne de pierre en pierre, de cour
330 LE NÉPAL
en cour (il est des vihâras comme le Lagan bahal ayant
quatre cours en enfilade communiquant par des portes
étroites et surbaissées) et la séance terminée il m'offre
encore ses services pour demain. Voilà mon bataillon
accru d'une unité.
Il faut d'ailleurs avouer et proclamer que ces Népalais,
si décriés, font mentir la renommée ; je les trouve aimables
et complaisants au possible. Babou iVlitra Tattribue à mon
influence personnelle, mais il est babou ! Il faut plutôt en
remercier le Commandant en chef Deb Sham Sher, qui a
donné les ordres les plus propres à faciliter ma tâche ; il
est défendu maintenant de vendre les anciens manuscrits
sans les offrir d'abord à la Bibliothèque du Darbar qui se
réserve un droit de préemption. La règle est suspendue en
ma faveur. Je n'ai à payer pour les copies de manuscrits
que le tarif du gouvernement, et non le tarif privé, c'est-
à-dire uniquement les journées de copistes ; l'encre, le pa-
pier, les plumes (! !) ne sont pas à mon compte.
Ce matin, le Captain Sahib Bhairab Balladur m'a en-
voyé une corbeille de citrons ; il m'a aussi accompagné à
la Bibliothèque installée dans les nouveaux bâtiments du
Darbar School. Tout le personnel m'attendait en pompe,
et les quatre pandits qui font office de bibliothécaires et de
copistes, et l'armée des auxiliaires, et même un Tibétain
employé à classer les quelques textes tibétains. Les ma-
nuscrits sont bien classés, couchés sur des rayons, soi-
gneusement enveloppés et étiquetés. Le Bauddha-Çàstra a
été plutôt une déception ; quelques manuscrits anciens,
d'autres enluminés avec art ou serrés entre des plaques de
bron/e merveilleusemeut travaillées, mais assez peu de
manuscrits et tous, ou presque, déjà connus. Je n'ai trouvé
(le neuf que rAhhisamayàlamkàra, un commentaire de
rAstasAhasrikà par llaribhadraen 164 pages; j'en ai com-
mandé une copie qui doit couler une trentaine de roupies.
DEUX MOIS AU NÉPAL 331
et aussi du Nepâla-Màhàtmya. Enfin j'ai commandé une
copie du Yavana-jâtaka ; je n'ai pas sous la main d'ouvrage
de référence et n'en trouverai pas ici, mais je ne crois pas
me rappeler que ce Yavana-jâtaka soit connu par ailleurs
ou publié; le manuscrit est ancien, sur feuilles de palmier,
complet, mais beaucoup de feuillets sont en partie détruits.
Du reste, je Tai fait mettre de côté pour en reprendre
Texamen.
La chasse aux manuscrits n'a pas encore rendu. Mitrâ-
nanda m'a apporté un manuscrit ancien et enluminé de
rAstasâhasrikâ et la Pancaraksâ (Mahâ-mayûrî-vidyâ-
ràjnî, etc.) et d'autre part on m'a offert généreusement un
manuscrit ancien (feuilles de palmier) et très fragmentaire
et très endommagé de ladite Aslasàhasrikà et un autre de
la Pancaraksâ. Je veux du plus nouveau, de l'inédit ou au
moins du rare. On m'a aussi offert un manuscrit libétain
en lettres blanches sur fond noir; c'est tout simplement la
traduction de la Vajrachedikâ. Comme le manuscrit est
d'une belle paléographie, je le prendrai si je puis l'obtenir
h bon compte, car chaque possesseur de manuscrit se croit
en principe possesseur d'un trésor.
Mercredi 19 janvier, — La nuit tombe; le soleil ici se
couche de bonne heure, vers 4 heures et demie derrière
le Chandragiri, et le soleil emporte la bonne chaleur. Jour-
née splendidfe au reste, d'une limpidité qui découvrait tous
les plis des énormes glaciers à l'horizon, du Dhaulagiri au
Gaurisankar, très douce aussi, tiède même après une
nuit de gelée blanche ; l'herbe était ce matin toute sau-
poudrée et une légère croûte de glace recouvrait le pot à
eau. J'ai profité d'une matinée de loisir forcé pour visiter
la Résidence. Les a Lignes » occupent le sommet d'un
plateau au N.-E. de Katmandou, séparé de la ville par une
vaste prairie où les Gourkhas font de l'équitation et où
somnolent des troupeaux de vaches ; le plateau tombe
332 LE NÉPAL
brusquemeni vers le N.-O., en face du monl Nagarjun, sur
la large vallée où la Bilsnumati, Irop pelile pour son lit,
arrose de riches cultures. Une route, large seulement de
5 à6 mètres, dessertie territoire de la Résidence, enfer-
mée tout au long entre des murs ou des haies, et surveillée
à l'entrée par un poste népalais. Toute l'obligeance très
réelle que je rencontre ici ne suffit pas h dissiper cet ar-
rière-gortt de prison. La Résidence, un cottage fort mo-
deste, bâti au milieu d'un parc anglais ; puis la maison du
docteur, plus modeste encore, et presque attenant l'hôpi-
tal de la résidence, bien modeste aussi, fait pour 8 ou 10
malades et moins encombré maintenant depuis que le
Darbar a fait élever, h l'Est de la ville, un vaste hôpital. Le
D'Armstrong étant lui aussi en congé, l'hôpital est aux mains
d'un assistant bengali, chargé en outre de relever les ob-
servations météorologiques communiquées mensuellement
à Calcutta. J'ai feuilleté ses cahiers et constaté que la
pression moy(»nne de Katmandou est de 25 inches 650
(641,35); dans la saison sèche elle se maintient à peu
près constamment à 25 inchos 700 (642,50); pendant les
pluies elle passe h 25 inchos 550 (637,50). La moyenne
des pluies est de 56 inchos (1,40). Le chiffre le plus
haut que j'ai trouvé est do 74 i. 51 (1,862) en 1893; le
plus bas, 47 inchos (1,175) on 1896, année de la famine.
Une bande do Tibétains étalait devant Thôpital sa puante
saloto; ils attendaient la vaccine. Ils en sont, paratt-il,
adeptes fort zélés ot il en vient presque tous les jours,
ménicî (le Lhasa. J'en ai photographié un groupe. Au reste
l(»s Tibétains surabondent ici, on les rencontre partout, et
on les sont avant do h»s voir. Ils amènent des troupeaux
démontons ot do ohovros doslinés à la boucherie, caries
Gourkhas (à r(î\<*o|)tion des brahmanes) mangent la
chair do oos botos; la cnsto inlinio mange môme la viande
du bufllc ; mais personne naturellement n'ose goûter de
DEUX MOIS AU NÉPAL 333
la viande de vache. Je rcDdais du même coup ma visite au
docteur.
'^^t!'
.^^È^ ^
"^^-\
Vaikunllia Nàlha Çarm«n
Pandil brahmanique au lervice de Mahàrïja Deb Sham Sber.
Hier soir j'ai tenu un petit darbar ; les fonctionnaires de
la Résidence : post-master, docteur et y^marfar sont venus
me présenter leurs salams. A midi j'ai repris ma tournée
334 LE NÉPAL
encadré de mon cortège. Les débuts ontété froids. Entré
par le Nord de Katmandou, j'arrive au Thomaï-bahal
(= Vikrama simha Vihâra). Refus énergique de me lais-
ser entrer ; pas un pandit, pas un pûjârî. Des femmes
ignobles et des hommes abrutis ; Tintolérance est bien la
sœur de Tignorance. Je députe Mitrânanda qui prend l'es-
tampage d'une inscription ; elle est de Pârthivendra malla,
comme aussi le panneau sculpté au-dessus de Tentrée ;
même accueil au Gunâkâra-Vihàra où des vieilles parche-
minées et de grosses filles toutes jaunes, aux guenilles
béantes, étalent du grain à sécher dans la cour. Mais au
temple de Kathisambu il y a progrès. Les hommes sortent
des maisons qui encadrent le caitya, et le charme opère ;
je n'obtiens pas encore de monter sur le promenoir, à la
base delà coupole ; mais ailleurs libre circulation. Le cai-
tya est très grand, il dresse sa flèche dorée à une ving-
taine de mètres, il est tout blanc de stuc frais ; de la flèche
descendent vers quatre petits caityas qui Tenlourent des
ficelles où flotte une longue rangée de chiffons multico-
lores. Un embryon de balustrade, juste au pied de l'esca-
lier qui mène au promenoir; en avant de l'escalier un pi-
lier tout récent daté de 1010 (=1890) couronné d'une
statue en cuivre de Vajrasattva. L'inscription qui y est gra-
vée consiste surtout en un stotra du Bouddha. Au coin
N.-O. du caitya, une pagode népalaise, en bois fouillé pa-
tiemment, enguirlandée de petits drapeaux, de clochettes,
de miroirs. Le miroir semble une offrande très appréciée,
on en trouve suspendus aux murs des temples hindous
aussi bien que bouddhiques. Le Kathisambu est très vé-
néré ; aussi la cour alentour est entourée de petits monu-
ments tous récents; rien d'ancien comme inscription, là
non plus ; deux stèles de Pratàpa malla et de Nrpendra
malla. Un petit vihàra est conligu au grand vihâra, côté
Sud; là une petite slèlc de Pârthivendra mafla datée 805.
DEUX MOIS AU NÉPAL 335
Un peu plus loin au Sud, dans un vasle carré de boue
et de fumier entouré par des maisons, un pilier daté de
932, portant au sommet deux petites statues en adoration
qui représentent les donateurs, et sur la face iNord un Devî-
stotra. En continuant vers le Sud, un grand carré couvert
de temples tous en ruines (carré Thamri) ; en avant d'un
de ces temples, un pilier porte Timagede Nàrâyaça monté
sur Garuda et un hymne à Nârâyana, date 783, sans nom
de roi ; inscription fort endommagée.
Depuis le Kathisambhu, plus de difficulté nulle part; le
flot qui me porte porte aussi ma renommée. Au Karnakot-
tama maliàvihâra, une stèle, un fragment de stèle encas-
tré dans le mur, comme presqu'en tous les cas, porte le
nom de Kavîndra Pratâpa malla avec une simple liste de
dânapatis, mais Tannée manque. Au Harsacaitya-Mahà-
vihâra, inscriptions de 905 et de 931 ; le pùjâri déclare que
le monastère doit son nom au roi Harsa qui Ta fondé,
mais rien d'ancien. Il me promet de me faire voir — un
de ces jours — les manuscrits qu'il a. Il ignore ce que
c'est; j'attends encore une Pancaraksâ. Enfin je finis ma
journée au Dhokabahal (=Henâkra) Mahàvihâra où une
stèle encastrée est datée 812, règne de Bhûp<\lendra malla.
Luîidi W janoier, — J'ai commencé ma journée par une
course à Svayambhûnâth; l'herbe était encore blanche de
gelée. Le thermomètre est descendu ce matin au lever du
soleil à — 2% à 8 heures et demie il montait à -f- 3*, et au
retour j'ai risqué un coup de soleil à 11 heures et demie.
Simple reconnaissance tentée à la hâte, flanqué seulement
du mukhya et du cipaye. Svayambhûnâth, Syambunath
comme on dit ici, esta l'E.-N.-E. de la ville, à TE. -S. -E de
la Résidence, par delà la Bitsnumati, sur une cofline coni-
que, aux flancs abrupts, jetée en avant des montagnes et
toute vêtue de verdure. La haute flèche de cuivre émerge
seule du feuillage. Le chemin contourne la ville, traverse
336 LE NÉPAL
la Bitsnumali sur un pont et coupe à travers les champs,
échelonnés en terrasses pour défendre la terre contre le
ravinement des pluies. Tout au long de la voie sacrée, les
caityas succèdent aux caityas. Au pied de la colline, la
route se change en escalier ; mais quel escalier ! Marches
rugueuses, inégales, ruineuses, branlantes, étroites, glis-
santes. Les singes sarcastiqùes se jouent sur les degrés,
paraissent et disparaissent, regardent d'un air de pitié
méchante leurs confrères humains qui suent à la montée;
des caravanes de Tibétains montent et descendent, plus
laids, plus sales et moins adroits que les singes. Entre
deux lignes de stupas, sous une véritable charmille, on
atteint enfin la plate-forme; un vajra (foudre) colossal, tout
doré, couché sur un socle colossal, décore Tentrée. Le
raitya, vasle hémisphère de stuc que surmonte un cloche-
ton (le cuivre avec une flèche, ouvre, aux quatre points de
riiori/.oii les chapelles toutes dorées des quatre Bodhi-
saltvas. L'émotion, une émotion d'église, saisit au premier
pas ; les cloches tintent, les clochettes chantent des caril-
lons, (les voix h demi étouffées sous les voûtes des cha-
p(*llt*schantiMit des hymnes, et des flûtes discrètes soutien-
nent les voix. L'esprit a bien changé sans doute, mais
ras|)ect extérieur de Svayambhù ne doit guère différer des
ttMUples que connut Açoka. Sur la plate-forme au sommet
(le la colline, aux cotés et en arrière du cailya, c'est un
véritable chaos de petits monuments, caityas, stèles, sta-
tut^s, (les Bouddhas colossaux tout noirs, ou tout blancs, ou
loul rouges. J'ai beau chercher, pas une inscription qui
date. Ici encore, ce sont les Maflas, avec Pratàpa mafla le
lva\ Indra en It^te, qui ouvrent l'histoire ; h l'entrée Pratâpa
uialla a t'ait graver sur une haute stèle un siotra (hymne)
(K^sa Uwow. Tue stèle énorme gravée au xvni* siècle est
bilingue : sanscrit d'aboril, tibétain au bas. Au reste le
\\W{ balance el éclipse presque Tlnde. Le Onimani padme
DEUX MOIS AU NÉPAL 337
hurn esl laborieusement inscrit partout en lettres tibétaines ;
des bandes de Tibétains, aux longs cheveux graisseux,
parés d'un cercle qui encadre leur tête d'une auréole, font
le tour du grand caitya avec une piété aussi enthousiaste
que singulière : ils se laissent tomber tout du long sur la
pierre, les bras en avant, en murmurant quelque dhâranî,
tracent à bout de bras une ligne de craie sur la pierre, se
relèvent, et les pieds sur la ligne de craie qu'ils viennent
de tracer se prosternent encore pour recommencer le même
exercice. En passant devant les quatre chapelles cardi-
nales, ils s'arrêtent el adressent au Bodhisattvaune ardente
prière, transfigurés par une foi mystique qui les embellit
presque. Les Névars se conlentent d'apporter des fleurs,
du minium, du santal comme on ferait à Civa ou Visnu.
I*as un pandit à Svayambhû, pas un « sanskrit-bol ef val a ».
J'aurais voulu me renseigner sur les antiquités, sur les
livresque garde le temple. Personne! Et que de siècles
pourtant ont écrit ici leur histoire ! Où dort-elle? Sous le
sol ou dans les temples?
Je reprends le chemin de la maison un peu déçu par ce
résultat négatif, et après déjeuner je poursuis avec ma
pompe habituelle ma tournée de vihâras. J'entre au Mahâ-
buddha Vihara, ancien à coup sûr; tout juste une stèle de
ce siècle-ci dans la cour que décorent un strtpa de stuc et
deux de pierre. Soudain on m'interpelle en sanscrit, en
sanscril élégant. Je réponds, le dialogue s'engage. J'ap-
prends que le stiipa de stuc a été, selon la tradition, élevé
par Açoka, que le vihàra a des inscriptions, des plaques de
cuivre, des manuscrits, mais qu'il est impossible d'y jeter
les yeux. Ces ignorants défendent avec passion les trésors
qu'ils ne savent pas employer. On lit ici, en guise de texte,
la Çatasâhasrikà Prajnà pâramitâ; la lecture de l'ouvrage,
divisé en sections journalières, dure exactement l'espace
d'une année. Mon interlocuteur se nomme : c'est Damaru
11. — 22
338 LE NÉPAL
vallabha, Thonneur du Népal, un pandit que Haraprasâd
Saslri me désignait comme supérieur. 11 me donne rendez-
vous domain à la Bibliothèque du Maharaja ; il me promet
que, si je reste ici un mois et demi ou deux mois, toutes
les portes s'ouvriront. Je le quitte, et guidé par mon pseudo-
pandit (un gouffre d'ignorance), je me dirige vers le Toho-
bahal.
Tout contre la muraille de la ville, dans un amas de
décombres, je vois une de ces stèles qui abondent ici par
milliers, au point de décourager la curiosité; je m'en
approche pour lire la date, elle est de Narendra malla.
Une statue de Mahàkâla est tout contre ; à fleur de terre,
sur le socle, il me semble déchiffrer des caractères ar-
chaïques. Voilà de l'antique ! Mitrànanda flegmatiquement
affirme que c'est du névar moderne. Je me mets à nettoyer
la pierre. Eh bien, |)andit, lis ton névar. Mitrànanda est
coi. L'inscription est une dédicace et les premiers mots
sont: Samvat 412 râjnah Çrï Mânadevasya: la date et le
nom sont absolument sûrs et clairs. Encore une fois la
foule s'assemble, assez hostile à me voir manipuler la
statue, où des taches de minium attestent une pùjà récente.
Le mukhva se met h exalter ma science et lance en défi :
Qui veut parler sanscrit avec le Sahib ? Personne ne
répond, et pour cause. Je veux prendre une photographie
de la statue. Guignon ! l'obturateur refuse de fonctionner.
Je l'arrange, le visse, le dévisse, et quand je braque la sta-
tue tout se démolit. Mauvaise affaire. J'entends fort clai-
rement dans la foule (jui me serre dire que le dieu se
défend contre moi. Pour couper court, j'opère n'importe
comment, mais d'un air triomphant, quitte à revenir une
autrefois, et je déclare avec satisfaction que c'est tout à
fait l'éussi. INiis ji» fais appi^ler le |>ùj(\ri qui rend à la statue
le culte quotidien ; je lui donne une demi-roupie pour faire
une pùjà en mon nom ; et, ainsi amadoué, je lui révèle
DEUX MOIS AU NÉPAL 339
l'âge de sa statue qui dépasse en antiquité tout co que j'ai
vu h Katmandou. Changement à vue : mon bonhomme se
fait préciser les exphcalions et s'enfle d'orgueil. Sa statue,
antérieure au Nepâla Samvat ! Et voici maintenant qu'on
me traite avec déférence, et déjà le groupe qui entoure le
pûjàrî parle d^élever une chapelle sur la statue. Pauvre
Mahâkâla! Est-ce à moi qu'il devra le renouveau de son
culte? Et toujours la même question : tu es Allemand? Je
reprends mon éternel speech: je suis Français, la France
est un grand pays et Paris ma ville est grande comme
l'Ayodliyà du roi Daçaratha. Enfin, une petite trouvaille
épigraphique !
Samedi ^'i janvier, — Aujourd'hui congé pour cause
d'éclipsé. Le Caplain Sahib m'a fait dire qu'il valait mieux
renoncer aujourd'hui à mes occupations journalières;
j'avais pris les devants en donnant hier au soir campos à
tout mon personnel. Je commençais à sentir aussi quelque
besoin de repos. Le matin, toujours en grand cortège, je
pars à Harigaon, un village situé à deux milles E. de Kat-
mandou et où Damaru vallabha m'avait signalé des ruines
antiques. J'explore les chapelles, je remue les détritus d'oti
émergent des pierres brisées. Toujours des iVIallas. Une
stèle appuyée contre une chapelle date de Narendra malla
samvat 653 (=1533). Une autre stèle est datée de Bhûpâ-
lendra, samvat 819 (== 1699). Mais un homme du village
s'offre à me montrer une vieille ruine. Je descends avec lui
un escalier fort rustique qui mène à un petit étang, au pied
du plateau où Harigaon est construit, vers l'Est. Au milieu de
l'étang un pilier se dresse avec une statue de Garuda, et du
bord apparaît sur le pilier une longue inscription en carac-
tères manifestement archaïques. L'estampage n'en est pas
aisé, l'eau est assez profonde, le fond vaseux et le ^ocle
du pilier est juste assez large pour y poser les pieds. Les
villageois jettent des pierres et des cailloux pour me faire
.'^40 LE NÉPAL
un embryon de chaussée, et le pandit, le cipaye et moi,
cramponnés au pilier, sous un soleil aveuglant, nous pre-
nons un double estampage. L'inscription se compose d'une
trentaine de lignes gravées avec soin, mais les premières
lignes ont disparu et la date manque. Le caractère de
récriture en tout cas ne laisse pas de doute : impossible -de
prendre une photographie à une distance convenable, au
beau milieu de Teau ; j'ai dû m'installer sur une sorte de
terre-plein qui fait face au pilier et qui porte un petit
temple ruiné dédié h Satya Nàràyana, les fragments ne
portent pas d'inscriptions. Le pilier me semble d'un haut
intérêt par sa date ; l'inscription touche la chronologie lit-
téraire, lepiher et la statue touchent la chronologie de
l'art. Je n'ai pu que jeter les yeux sur une autre inscrip-
tion, au pied d'une image de Laksmî-xNârâyana encastrée
dans le rebord oriental de l'étang, et qui porte la date de
139 (=1019) sans nom de roi. L'inscription était enfouie,
je l'ai fait déblayer, et je compte l'estamper quand je re-
tournerai à llarigaon.
Après-midi je suis retourné à la Bibliothèque du Darbar
ou m'attendait Damaru vallabha h la tête de tout le person-
nel. Trois heures durant j'ai examiné les manuscrits. Eniin,
pour me distraire, j'ai observé l'éclipsé. Elle était ici pres-
que totale, nous étions à moins de 100 kilomètres de la
ligue de totalité, et a 2 heures 8 minutes, temps moyen
(1 heure o6 minutes, temps astronomique) il ne restait
plus du soleil qu'un mince croissant, délié comme la lune
nouvelle; mais ce peu suffisait à détruire l'impression si
grandiose, parait-il, de la totalité. Les enfants criaient de
tons cotés : « HAhu, lAche le soleil ! » ; les chiens aboyaient
aux cris des enfants ; mais les buflles ont continué de
pAturer sans manifester la moindre inquiétude. Étrange
pourtant, sinon grandiose, cette atténuation progressive de
la lumière sous un ciel toujours sans nuage : un paysage
DEUX MOIS AU NÉPAL 341
de soleil regardé à travers un verre fumé ; point d'irradia-
tion, point de resplendissement; une clarté mate, blafarde,
morne, avec des ombres opaques, une sensation d'irréel.
L'instant de la presque totalité est saisissant. Des filets
d'ombre chevauchent sur le sol comme ces frissons d'air
chaud qui montent des champs aux jours d'été ; un coup de
vent frais, unique et brusque, secoue les branches. Le
thermomètre qui marquait 20'' à midi, descendu à 17° à
la demi-éclipse, tombe tout d'un coup à 13% tandis qu'à
quatre heures il s'était relevé à 28\ Ici le printemps vient ;
tandis que les orangers du jardin sont encore chargés de
fruits, voici que les abricoliers se garnissent d'une déli-
cieuse floraison blanche. Mon jardin d'ailleurs se change
en basse-cour ; deux moutons y broutent, un dindon y
glousse. Le bangalow de Lucullus.
Dimanche ^23 janvier, — Retour de Patan. Une heure de
marche de la Résidence, trois petits quarts d'heure de
Katmandou. Le chemin longe la muraille E. de la ville et
le lerrain de manœuvres, passe par le faubourg de Trilo-
keçvar, longe le temple tout récent de Laksmî Nàrâyana
et les jardins oîi s'élèvent un tas de Dharmaçâlâs peuplées
de Sddhus (religieux) ; et en face de Thapathali (le palais
du commandant en chef) tourne vers l'O. brusquement
pour franchir la Bagmati sur un pont de briques. Perdue
dans sou vaste lit de sable, la Bagmati ne suffirait pas,
pendant la saison sèche, à la piété des fidèles impatients
de s'y baigner ; on en a canalisé un tout petit bras qui
longe les ghats au pied du temple de Laksmî Nàrâyana.
Passé la rivière, le chemin tourne de nouveau à angle droit
vers le Sud.
Patan est une vision de féerie plus charmante encore
que la trop uniforme Jeypore. Les rues plus larges que
celles de Katmandou, souvent pavées de larges dalles, sont
des chemins couverts qu'abritent en se rapprochant de
3i2 LE NÉPAL
pari et d'autre les larges toits népalais ; pas une maison
sans sculptures et sans couleurs ; les poutres, les poutrelles,
les linteaux, les châssis sont fouillés avec une sorte de
verve endiablée. Kt partout des temples, des pagodes, des
cailyas, tous les types de rarchilecture de Tlnde adaptés
par le goût le plus pittoresque, briques rouges, briques
vertes, cuivre doré, bois brun jouent délicieusement îi la
lumière. La place du palais, lieu commun des photogra-
phies et de l'imagerie, surpasse loute attente. Le Darbar
étale sa longue façade de l)riques décorée h profusion de
bois sculptés et couronuée d'une sorte de pavillon chinois
aux toits étages en gradins ; et sur la place se groupent dans
le désordre le plus amusant les pagodes h clochettes et les
temples h colonnades et les hauts piliers biseautés que
surmontent des iuiages de cuivre.
Ma première visite a naturellement été pour le pandit
Kulamàna qu'Indrànanda m'avait signalé comme la gloire
de la scienc(» bouddhique. Oh ! le royaume des aveugles.
Le brave KulamAna m'attendait en grande tenue, chemise
jaune avec une sorte de |)ar(lessus noir; on avait étalé des
tapis sur le sol de la cour, h coté d'un cailya, et là lu
conversalion s'est engagée. Il uï'a fallu avaler d'abord la
lecture d'un ÇAkyasindia stoira composé par Indra avec
le connn(»ntaire du pandit , puis un Triratna stoira avec sa
glose. J'ai re|)ris l(»s mêmes textes, lui ai donné un com-
menlairi» de uja façon et du coup me voilà passé grand
savanl. Le terrain ainsi préparé, jt» le prie de m'exhiber ses
manus(M'ils. Il m'apporte un (îandavyrtha, un Rodhiéaryft-
valAra, mw Panéaiaksà. Je lui dé<*lar(^ que nous autres en
lMn()|)(» n(Mis (-(ninaissons cela sur le bout des ongles ; il
me faut du nouveau, do l'inédit, d(* l'imprévu. Je lui
lévèle — il ne s'(»n doulail pas! — tout ce que la littérature
bnuddiiique a produit, ol perdu, (»l il me donne l'assurance
forni(»lle qu'il se mettra à la recherche et m'apportera ce
DEUX MOIS AU NÉPAL 343
qu'il trouvera. Il m'accompagne ensuite au Hiranyavarna
Vihâra, le plus coDsidérable de Palan. Mais ici, portes
closes; malgré le pandit, je me heurte à un refus formel,
et le bon pandit, un peu vexé, m'explique alors que les
Bouddhistes ne sont pas les maîtres, ils partagent le vihâra
avec des Çaivas qui sont intraitables. Mitrànanda, le
mukhya et le cipaye vont alors prendre les estampages
des stèles h l'intérieur. Rien que des Mallas ! Ces miséra-
bles cachent leurs antiquités. Je prends en cours de roule
l'inscription gravée sur le trône royal et qui dale de Naren-
dra malla ; je relève sur un des temples de la place du
Darbar une inscription de Siddhi Narendra simlia, 757
(n" 17 de Bhagvanlal). Mitrànanda me désigne sur la place
au Sud du Darbar un petit caitya en briques, revelu de
stuc, cl qui passe pour un monument d'Açoka; mais j'ai
beau remuer et retourner les débris alentour, rien, rien.
Enfin au coin d'une rue je vois une stèle qui passe la lete
par-dessus les briques de la chaussée et où je crois distin-
guer des lettres archaïques. A l'œuvre ! nous défonçons,
arrachons, creusons un trou .de cinquante centimètres
sans nul respect des Ponts et Chaussées, et je me trouve
en face de l'inscription n" 3 de iîendall, maintenant enfouie.
Et je présente mes excuses aux Népalais injustement
décriés. J'ai reçu ce malin la visite du Captain Sahib qui
m'apportait delà part de J)eb Sham Sher les deux volumes
de VIsis U/ireileddo M'"'' Hlavatslvv ! et un nâtaka (drame),
Ku(;alavodaya, publié en 1897 et composé par le pandit
Chubi Lai Socri protégé de Bhim Sham Slier, général en
chef et frère de Deb Sham Sher. De plus, comme je lui
exprime le désir d'examiner à loisir Bhatgaon, il me pro-
pose d'y mettre à ma disposition une maison, afin de
m'éviter une perte de temps excessive, Bhatgaon, étant à
7 milles d'ici. Enfin il m'annonce que le gouvernement
népalais compte m'offrir à mon départ un complet népa-
344 LE NÉPAL
lais y compris la ceinture et le coutelas. Ils semblent se
piquer de montrer en Tabsence du Résident la spontanéité
de leur hospitalité.
Mardi S5 janvier. — Encore une bonne journée. Mah-
gai vâry Maiicjal-kâ-din , ai-je eu soin de faire remar-
quer à mon escorte; mardi (mangal vâr), c'est un jour de
bonne chance (mangal) et on peut être sftr que, si je plai-
santais en le disant, ils Tont pris au sérieux. Leur super-
stition va de pair avec leur naïveté. Maintenant que j'ai
endossé le costume népalais, j'ai mes lettres patentes
d'hindouisation. Je ne puis me défendre d'un sentiment
d'affection à les voir tous, pandit, mukhya, cipaye, et
jusqu'à mon humble coulie, explorer les murailles,
remuer les pierres, interroger les habitants, les intéresser
à la chasse, leur exalter ma science brahmanique (oh ! le
brahmararl-as^ je sais maintenant ce que c'est !) et leur
figure s'illuminer joyeusement quand le cri fatidique sort
de ma bouche : « Voilà de l'ancien » ! Et c'est alors des
questions sur la date, sur l'antiquité, sur les rois du passé,
sur les valeurs des lettres, et le bon roi Vikramàditya sert
de point de départ à cette chronologie.
Hier, nouvelle course à travers Palan ; je n'en avais vu
que les splendeurs ou tout au moins les charmes pittores-
ques. Quel revers à la médaille ! Le sac de la ville par
les Gourkhas, qui date d'un siècle, semble être d'hier :
masures délabrées, temples en ruines, rues où la chaus-
sée disparaît sous l'amoncellement des ordures, physiono-
mies inquiètes ou hébétées, et la puanteur de la pourri-
ture dans l'air. Ma première visite va au Zimpi Taudu, un
(les quatre grands slûpas élevés aux angles de la ville et
ath'ibués à Açoka. i^a tradition ne doit pas se tromper de
beaucouj). Sur un soubassement de briques circulaire haut
d'environ un mètre s'élève une coupole de briques recou-
verte (le terre cl de gazon, sans aucun ornement. Ausom-
DEUX MOIS AU NÉPAL 345
met une sorte d'échafaud de bois qui supporte aux jours
de fête le parasol symbolique. Rien de plus. Le diamètre
est d'environ 1 2 mètres. Tout alentour, là comme partout,
de petits cailyas en pierre ou en" stuc surmontés comme
toujours du clocheton au toit pointu et décorés des quatre
Bodhisattvas. 11 n'y a pas de vihâra élevé autour de ce
stûpa: le viluira du Zimpi Taudu est bâti de Tautre côté
de la rue; le stûpa commande ainsi une vue admirable
sur les bords de la Bagmati et sur les montagnes. Patan
la pittoresque est adossée à la bordure S. de la vallée et la
longue masse blanche de THimalaya ferme auN. l'horizon,
tandis que Katmandou, au milieu de la vallée, n'entrevoit
les glaciers que par les passes des premières montagnes.
Malgré le nom d'Açoka, malgré l'évidence de sa construc-
tion antique, le stûpa n'a pas de vieille inscription. La
pierre la plus ancienne date du règne de Çiva Simha 734
(1614) et rien h tirer de ces lamentables ignorants, tristes
dégénérés d'une religion mourante. On m'amène le pan-
dit du lieu. Il ne sait littéralement rien, n'a rien lu et je
lui prédis — c'est son vyâkarana — qu'il tombera en
enfer. Ont-ils en leur sottise laissé se perdre leurs anti-
quités? Les cachent-ils par un sentiment de jalousie
aveugle? Le problème esf à résoudre. L'inscription de
Çiva simha, en névar, donne au caitya le nom de Sthùla-
Caitya, et le pandit me déclare que c'est le nom sanscrit
du Zimpi-Taudu. Et dans celte cour oîi le sol couvre et
dissimule sans doute des trésors épigraphiques, des habi-
tants du vihâra voisin, en guenilles, étalent au soleil et
font sécher une herbe fétide à défailHr et qui sert à leur
nourriture. Qui donc a dit : Dis-moi ce que tu manges, je
te dirai ce que lu es.
Tout près, au N., esl un temple de Ganeça où des stèles
donnent les dates de 772, 789, 829, 930, mais sans nom
royal. Nous passons au Vihâra voisin, l'AIoku-Vihâra ; là
346 LE NÉPAL
un de ces lavoirs qui abondent h Katmandou et à Palan,
une fosse assez profonde où des conduites de pierre déver-
sent Teau des sources prochaines. 11 faut rendre justice
aux Névars, j'en aurai vu qui se lavent, au moins une fois
dans leur vie. Hommes et femmes et enfants, tous vêtus
d'un costume embryonnaire, se douchent, se frottent, se
tordent les cheveux, et ma présence ne les trouble guère.
Je fais là ma première rencontre de serpent. Devant moi
se lève un beau pelit reptile d'un mètre cinquante qui tire
très joliment sa langue fourchue et qui s'éjouit dans la
mousse de la fontaine. Une femme appuie son dos nu sur
la muraille où il commence à grimper. Je crois utile de
crier en ma naïveté : Samp ! Un serpent. Point d'échos,
j'ai manqué mon effet. J'interroge le pandit : Est-il veni-
meux ? Oh ! beaucoup, mais de mémoire d'homme ils n'ont
piqué personne et la place en regorge. Merci de Tavis.
Une grande statue de Çàkyamuni dans Tattitude classique,
les jambes croisées, préside à la baignade. Sur un tout
petit strtpa je lis la date 535 (1415). A travers les rues
désertes et immondes nous rejoignons un autre pelit stûpa,
briques et stuc, de 2™ 50 environ, attribué à Açoka. Hien
que des stèles modernes.
A côté, vers l'Ouest, se creuse une autre fosse, mais
al)andonnée, où croupit une eau saumàtre et répugnante.
Une stèle s'y dresse qui laisse entrevoir des lettres an-
ciennes. Nous installons une petite chaussée sur la vase
méphitique, et marche la brosse. La foule s'amasse à ce
speclacle insolite et la voix publique m'annonce l'arrivée
d'un pandit : IJo pfnulita ! Et le dialogue s'engage en pré-
scMire d'un audiloire attentif et intrigué. Allons, encore un
pauvie |)an(iit. 11 n'a pas, dit-il, l'habilude de parler san-
scrit ; il se sert plutôt (le la hliimi. Et croyez-vous donc,
Monsioui'h» Pandit-ji, qu'on cause couramment le sanscrit
en France? Impossible de lui faire comprendre le genre
DEUX MOIS AU NÉPAL 347
de curiosité qui me pousse à venir de si loin au Népal pour
ramasser des bouts d'inscription et des manuscrits. 11 con-
clut : Tathâ smdeçe svagunaprakâço bhavisyati. C'est le « ut
declamatio fias » traduit en sanscrit. Et dire qu'au fond il
a peut-être raison? Je lui répondrai avec MdLUu: jadaval loka
âcareL a II faut vivre dans le monde comme une brute. »
En suivant la rue de Sangal toi, j'aperçois au passage une
pierre à conduite d'eau désaffectée portant aussi des traces
d'inscription ancienne. Et j'arrive au Mahàbuddlia-Vihâra
où demeure l'oncle de mon pandit, Bhuvanânanda. Le pau-
vre bonhomme est atteint d'un rhumatisme qui l'empêche
de marcher et de me guider. Le temple du Mahàbuddha
vihâra tranche sur les pagodes et les caityas, il est de pur
style hindou, coiffé d'un petit vimâna très ouvragé et rap-
pelle assez le temple de Mahabodhi. La tradition rapporte
qu'il fut élevé par un Névar, après un pèlerinage à Gayâ
et je pense que le nom véritable est Mahabodhi vihàra*
11 mérite une attention particuhère; par malheur, il est si
étroitement enserré dans les maisons du vihàra qu'il laisse
à peine un passage de deux mètres. Impossible de l'em-
brasser d'un coup d'œil. Le pauvre Bhuvanânanda grelotte
de fièvre, il vaudra mieux revenir. Je finis la journée par
le vihàra voisin : Unko Vihar (= Rudravarna-vihâra) au
Sud du Mahabodhi, un beau vihâra à deux cours en pro-
fondeur, propre, bien lenu, soigné, avec les piliers, les
caityas, les chapelles ordinaires, mais rien que des stèles
récentes.
Ce matin, je retourne à llarigaon. Malgré la complai-
sance véritablement touchante de mes auxihaires, vihâras
et temples ne rendent rien et je commence à perdre l'es-
poir, quand en arrivant à l'escalier rustique qui mène à
l'étang du pilier je vois une stèle enfouie passant tout juste
le bout du ne/ au-dessus d'une plate-forme qui porte un
temple ruiné et désaffecté. Je distingue des traces de lettres
348 LE NÉPAL
anciennes. Mon mukhya — et on a pu médire du gouver-
nement népalais ! — fouille le sol avec son large couteau»
le couteau que tous les Népalais portent à la ceinture ; le
cipaye Çrî Ràm Singh qui couve tendrement le Mleccha
(barbare), non! le Sahib Pandit comme ils disent, retire
les briques, élargit le trou ; le pandit lave la pierre et une
inscription d'Amçuvarman revoit le jour en très bel état
de conservation : samvat 32. A l'autre coin une autre pierre
presque engloutie ne montre plus que sa lêle. Le coulie
fouit et fouille, et c'est une nouvelle inscription d'Amçu-
varman, samvat 30. Je désire en prendre la photographie :
le mukhya va quérir ou plutôt requérir au nom de la loi
des cordes, des bambous ; noushélons lalourde stèle hors
de son trou, la portons à la lumière et l'opération accom-
plie — rinde ne doit pas perdre ses droits — avec le même
cérémonial et la même pompe nous reportons la pierre
dans le trou où elle devra attendre une nouvelle résurrec-
tion. Mais Dieu sait quelles pûjùs elles vont maintenant
recevoir après les explications données à la foule des vil-
lageois, explications commentées et amplifiées par le
mukhya.
Après déjeuner, nouvelle séance de Pustakâlaya (Bi-
bliothèque). Tout ce qui parle sanscrit à Katmandou vient
voir la bête curieuse, et si cet empressement est flatteur,
il a le tort de gêner la lecture des manuscrits. Ces braves
gens, confinés dans leur Çàstra, s'émerveillent surtout de
la variété de nos lectures. J'ai eu le plaisir de leur révéler
le nom et l'ceuvre de Bergaigne et la révélation de ses
connaissances védiques les a remplis d'admiration.
Jeudi "27 janvier, — Aujourd'liui, Çrî Pancamî ; l'hiver
est liai. Une volée d'artillerie (qu'est-ce qui se passe ici
sans |)()U(lre? les changements de ministère et les change-
ments (le siiison suivent le même programme). Une volée
d'artillerie k 10 heures ce matin nous a annoncé l'entrée
DEUX MOIS AU NÉPAL 349
du prinlemps. Vasanta sera le bienvenu, il s'est ménagé
au reste une entrée à sensation, un joli coup de théâtre.
Hier nous avions justement la journée la plus maussade
que j'aie vue dans l'Inde ; le soleil n'a pas paru un instant,
et la masse épaisse des nuages noirs descendait et descen-
350 LE NÉPAL
dail sur la vallée comme un plafond truqué, tandis que le
veni distribuait généreusement des tourbillons de pous-
sière. Et quelle bise! Les mains fourrées au fond des
poches, j'avais une onglée cuisante et j'ai dû renoncer à
prendre la moindre photographie, faute de lumière et faute
de stabilité. Le thermomètre n'a pas dépassé -h 8". J'ai
eu beau courir Patan sous cette bise mordante, je n'ai rien
trouvé qui valût même une note à prendre. Et la soirée
était si froide que je me suis frileusement fourré au lit!
Mon pauvre lit ! J'ai eu la curiosité d'en mesurer Tépais-
seur: 7 centimètres en forçant le chiffre ; des lanières de
toile entre-croisées sur un châssis de bois, unrézaï dessus,
et pour me couvrir, ma couverture de voyage et un autre
rézaï. Voilà quinze jours que je dors sur cette couche moel-
leuse. Ah ! ce n'est pas par plaisir que je reste ici ! L'étrange
plaisir que C(»t isolement formidable et ce froid glacial
quand l'Inde offre partout une hospitalité confortable avec
une tempénilure paradisiaque. Mais, depuis que je suis ici,
je me réjouis d'y avoir été envoyé. L'Inde est trop grande
pour l'embrasser d'un coup d'œil et trop fermée pour en-
tr'ouvrir sa porte au premier coup de marteau. L'Européen
ne peut vivre que près des Européens et par suite en dehors
des natifs. Un souci légitime de l'hygiène a partout établi
la résidence des sahibs loin des grouillements indigènes.
Tenter une recherche personnelle en quelques mois, c'est
pcMxlre son temps. Les fonctionnaires anglo-indiens sont
seuls en état d'y faire une besogne utile, ils ont qualité
officielhs on les craint et on recherche leur faveur, ils ont
la longue pralicpie du pays et de la langue, ('hercher des
manusnits derrière Pelerson ou Hhandarkar ou llara-
prasad Sashi, des inscriptions derrière Fi'dn'er, c'est jouer
son temps sur un billet de loterie. \j(i Népal contraste heu-
reusement avec ces désavantages : l'étendue en est limitée
élroittMiient, Iroj) étroilemenl uiTmiic, car en dehors de la
DEUX MOIS AU NÉPAL 351
vallée le reste du pays est juste aussi connu que le Pôle
Nord. Hodgson el Wrighl en ont à coup sûr drainé les
manuscrits; Bhagvanlal etBendall en ont recueilli les in-
scriptions ; mais derrière Hodgson et Wright, il est permis
de chercher h glaner encore. De tout le Tripitaka, combien
de textes restent encore h découvrir? De plus, comme
Français, je suis peu suspect ; les Gourkhas ne peuvent
au pis-aller prêter h la France que des visées fort loin-
taines sur le Népal. Enfin, c'est la dernière région encore
appartenant h Tlndc où le bouddhisme survive, et déjà bien
près de s'éteindre, ou plutôt de se fondre dans Thin-
douisme, comme il a fait ailleurs. Au point de vue de Tar-
chéologie bouddhique, la vallée est un Musée complet
depuis les slùpas d'Açoka jusqu'aux temples hindous et
aux cailyas tibétains. Fnfin, particulièrement intéressé par
mes recherches aux relations de Thide avec le monde chi-
nois, je suis ici au véritable carrefour de ces deux mondes :
le Népal est vassal de la Chine et lui envoie un tribut pé-
riodique ; un lama est h demeure ici et un résident népalais
h Lhasa. Les communications entre l'Inde el la Chine sont
ici un fait palpable, évident, matériel; les estampes chi-
noises se mêlent dans les processions aux chromolitho-
graphies de l'Kurope.
La bienveillance des autorités, tout inattendue qu'elle
peut être, se maintient ou plutôt elle augmente. Le com-
mandant en chef Deb Sham Sher, Maharaja par intérim,
m'a fait annoncer hier qu'il avait donné l'ordre de me ser-
vir quotidiennement le Pioneer ^ un des meilleurs journaux
de l'Inde, et j'ai reçu ce matin une corbeille d'oranges et
de citrons. La parcimonie proverbiale des Gourkhas rend
le cadeau précieux . Deb Sham Sher a également exprimé le
désir de voir mes estampages et d'avoir mes explications.
Curiosité archéologique? C'est mal les connaître. Il m'a
prié d'estamper et d'expliquer si possible une inscription
352 LE NÉPAL
placée sur le mur du Darbar et qui a, paraît-il, résisté jus-
qu'ici aux efforts des savants. Je lui ai fait demander une
indication précise, mais il s'agit certainement de rinscrip-
lion polygrapliique que le bon pédant Pratàpa mal la a fait
tracer sur le mur du Darbar et où le mot français HIVER
côtoie le tibétain et Tarabe. « C'est, m'a-t-il fait dire, que
les gens d'ici affirment que l'inscription signale un trésor
caché. » Teneo lupum ! C'est ainsi que Khadga Sham
Sher, le frère, a bouleversé le grand stiipa de Kapilavastu
pour y dénicher la grosse somme. Et on me laisse allerdans
l't^spoir que tout ce trésor épigraphique aboutira à des tré-
sors en espèces sonnantes. Impossible deleur faire compren-
dre notre curiosité. Les deux facteurs essentiels de nos
recherches : religion et histoire, n'ont point d'équivalent
en sanscrit. Hier matin le Jemadar m'a amené un Yogi de
Hardwar, en tournée de pèlerinage, sachant bien le san-
scrit, connaissant bien son Yoga et maudissant les faux
Yogis, professionnels de la mendicité. Encore un aussi qui
m'a posé la question fondamentale, que de fois entendue !
« A votre avis, quelle religion vaut le mieux? » Singulier
besoin de déprécier la croyance d'autrui pour exalter la
sienne. Je lui ai fait ma constante réponse : Sarvatra satûm
âcârah sfuUwh, dtfslânfun df/slah. « Partout les braves gens
se conduisent bien, et les méchants, mal. » 11 m'a demandé
fort naturellement s'il y avait des yogis en France; il était
convaincu (il l'est sans doule encore) qu'il y a des yogis
en Germauy. Double effel du séjourau loin (mais la nature
n'est-elle pas un jeu d'apparentes contradictions?) : le chau-
vinisme s'éveille en même temps que se développe un sen-
timent profond de la solidarité humaine. A voir enjeu les
aulnes Iractions de l'humanité, on prend conscience du rôle
propre qui revient h la patrie.
Aujourd'hui, vacances; la ville fait un tam-tam d^enfer
ave(! s(»s processions et ses musiques et ses chœurs, qui
DEUX MOIS AU NÉPAL 353
s'en vont de temple en temple. La Çrî pancamî, c'est la
Sarasvatî-pûjâ, la fête de la plume et de rencrier. J'ai ce
matin^ sous la conduite et Tescorte de mon trop fidèle mu-
khya (Achates en fut le prototype), fait mon pèlerinage à
Bâlajî au Nord de Katmandou, au pied du Nagarjun. On y
vient en foule adorer la statue de Jalaçayana, Nârâyana
flottant sur les.eaux, étendu sur Çesa qui redresse ses têtes.
Statue colossale, au milieu d'un étang, de facture toute mo-
derne ; le vrai Jalaçayana est à Budha Nilkanth, 5 milles
de Katmandou. Pas de temple au dieu ; un petit temple
népalais, h la chinoise, consacré h Durgà. On vient de lui
immoler le bouc quotidien et la tête est tombée dans le
panier tandis que le corps palpite encore dans les mains du
sacrificateur. lilt déjà la foule se presse, des femmes sur-
tout, et c'est un tintement continu de la cloche : chaque
visiteur annonce son passage h la déesse. Le site est ra-
vissant, ombragé de grands arbres ; des sources limpides
alimentent une série d'étangs où la piété des fidèles nour-
rit des légions de grosses carpes, et s'épanchent par une
vingtaine de gargouilles sur les amateurs de douches dé-
votes. Les Tibétains, avec leurs grosses bottes de laine ou
de cuir et leur face ahurie, éclatent en gros rires à ce spec-
tacle : ils s'étonnent évidemment delà propreté desNévars.
Comme tout est relatif ! L'échelle des altitudes marque ici
les degrés de la saleté humaine.
Après-midi j'ai fait ma façon de prtjâ à Sarasvatî. J'ai
préparé une transcription complète d'une des stèles d'Am-
çuvarman et écrit une lettre en sanscrit au Pandit Kula
mànade Patan pour l'exciter à chercher des manuscrits.
Dimajiche 30 janvier, — Après-midi de congé ; mon Pan-
dit a même pris toute la journée. C'est Vastamî (le 8) et de
plus il y a uposadha (jeûne) aujourd'hui en l'honneur
d'Avalokiteçvara. Je suis retourné vendredi à Patan voir le
respectable Kula màna que ma lettre semble avoir touché.
II. — 23
.1 i
I *
iii-Mi ii:-. »* il -riiii^* lin pantiit.
•i'— ^..- iL.ja- ■.::»-- '.il- iiiii*' -î '■•rinii* >.ir i*^> tr:i«luo-
'i-r iiii -'-- - 11 ii'iiiaiiMt- iiiji'r'i i^ ne Toijver le
-•• ■ : iiiiA . •> -.'.uiH'-. ini. i -îi ii«"î" i ■r-iv».Ts la
-î>'. 1 '.lii — »- ii'-î'^ — - < Hî"'* "i::!! lii iitt-nnir- rf. i'hi^
■ I-- .i- - •:\[>t iiiu- i îi ■•"ïiiiiiit .e 'itr*^. Pui<
■ -f:..::! .. •. i. im;ii irvi;il%i.'f.i le \ .i-»iijjiQ«lIiu «{ll^r j ai la-
■tu-, niMitii.iii'- -;îii«-«f'il II' \ arMjiiilni : puis ti'Ute
i : . .;• «iMiPiii.-n'Tiia . .lnaiiu|ii"i>Miàna. Prajûap-
:i«,i. :.!. : - -ii if •■*• ■»'\h**. »'t Jf -iiis im h«>tunio
*i.!:' ;\. . .'.i i"!!!^ m '■••v.ii^Hui- Ih'iipmjx. En ijiiiltant
\,.:., î:: , -.il- ■.lit- le- M'UM'Jiu .LU .Maliàlioillii BihaF :
.,...- =. ■l^■M^ll■^- Ml'" j ilii •! M:^ri-;qj|iii*, |,. tniuple étant
iii.,.,. -. .j ^' !itt^ iii ^^■|'al : mais il <*-l '-i nfrùitemenl
M>^ i- .i!'^ -.M an»' 'i«" inai'iiin*' i|Uf' j ai t\ù ri><[iiur moi
I 1. ii l'iiaiîii -ur '•' li»i( t^tlMiHlrt» «riin** masuïv f^n
.,,.!< ^ ; Il 11 'li ia>MMliv 1111 |Miiiil «•ara«;lrri.>tiqut*. K.»>
., i il - . u ir'^ niaii'r |M'lil> \iuiàna> t'*l*?vr»- sur la Itérasse
:., -o.i« • LUI»'. iu\ >|iiatrf aiiu^U,'< du irrantl vimdna «Itint
;> .. i»n'.nii^i lU ia ^Umlm»'. ^'.lie/ Milrilnanda j'ai Irouvé
i.i. ^, iMi.ii.u.iiuKii. uuo aiitlminuit* àlafaron <ie la Subhù-
.::.Mj.i 11 :>îu(<>i l'ucon' <lu >ul)]iàsitara(nal>li(ln(l<ii(àra car
« . \, i^ \ mmiI iiilnuluils <aus nom <i'auleur ; longue col-
r, ,i.Mi mi: lruilK'l>i cv)ui|iosôo par Ja^Mnuàlha mi4;ra, Yu-
^^ ti.nn ji»i>aiulvli\a \alsiiv i _- lO.'i 4 J.-C ). Lt» manu-
.. ..; .i >i< la uiaiii d' \inrli\uanila. Jr n'ai pas eu le temps
I. .'.M \.»n . I \ it^lnuriu'rai. Mais je ne nrallt'n<is pas à
1 '..v. t .hiiiN la laniille qui rournil à la Uésidrnre ses pan-
ii: i-.i A dut' l«uil siuiplenieiil un Iraiiucteur charp'^ lie
Mi> iii«- l'ii luihlnu^laiii le< pièces en névar qui sont adres-
'■. . .1 l.i IJj'>idt'iii*r^dt*-iou\raj:es nouveaux et importants.
DEUX MOIS AU NÉPAL 355
Hier visite à Harigaon, et de là à Deo Patan où j'ai pris,
près du temple de Vâgîçvarî, dans un hithi (un de ces
creux où Teau arrive par des conduites) abandonné, Tes-
tampage d'une inscription de Jaya Sthiti Malla. A Paçu-
pati j'ai trouvé deux interlocuteurs assez distingués qui
m'ont raconté avec un sérieux imperturbable, au milieu de
la foule accourue et ébahie, aussi sérieusement que nous
énonçons nos systèmes de chronologie, Torigine du tem-
ple selon le Nepâla-màhâtmya, la fuite de Çiva sous forme
de gazelle, les vaines recherches des dieux et qu'enfin on
le découvrit dans le Clesmântaka vana. Le temple est situé
sur le bord de la Bagmati, resserrée entre deux plateaux,
dans une gorge pittoresque et bordée deghats où les fidèles
ne cessent de se presser. Les Bhotiyas (Tibétains) et leurs
confrères les singes s'y rencontrent en foule. Comme je ne
suis ni Hindou, ni Bhotiya, ni singe, j'ai dû me contenter
de contempler le temple du dehors. Au miheu de la cour
d'entrée, face au temple, à la place régulière, se dresse
une statue colossale de Nandi, grande comme le Lion de
Belfort, et toute dorée. Le temple principal, de style né-
palais (toits étages), est entouré de temples et de chapelles
plus petites et qui couvrent une vaste étendue. En face sur
la rive gauche de la Bagmati, Jang Bahâdur a fait élever
des g/iats que couronne une rangée uniforme de chapelles
sans caractère, assez pareilles à nos monuments de cime-
tières. Un bois assez touffu, reste du Clesmântaka vana,
encadre les temples. La fraternelle concorde des dieux se
marque à un simple trait : le long des g/iats de la rive droite
une inscription peinte en grosses lettres porte : Çrî Krsna.
Au fond, malgré la popularité de Paçupati, la vraie divinité
du Népal et de l'Inde, autant que j'en ai vu — c'est Durgâ,
la déesse monstrueuse et sanguinaire.
Lundi soir 31 janvier, — Le Commandant-en-chef m'^a
adressé ce malin des informations précises sur l'inscrip-
356 LE NÉPAL
lion qu'il me demande d'étudier. C'est bien Tinscriplion
tracée sur le mur du Darbar par le bon pédant Pratàpa
malla, collectionneur d'alphabets. Je me suis donc rendu
en ville, mais l'inscription est si énorme (elle couvre au
moins 4 mètres de muraille) que j'ai renoncé à prendre
l'estampage, le papier à estamper étant ici rare et fort
coûteux. Tout ce qui n'est pas produit indigène subit un
renchérissement énorme, car le transport à dos d'homme
deSegowlie ici se paie 3 roupies les 23 kilogrammes. Pour
le coup, à me voir photographier la mystérieuse inscrip-
tion, la foule s'est précipitée, attendant l'apparition du tré-
sor. Le plus cocasse, c'est que les soldats du Darbar, éga-
lement convaincus du sens caché de l'inscription, se sont
mis à repousser la foule à coups de poing comme si c'eût
été une bande de voleurs. Latin delà journée me réservait
au reste un commentaire plus vivant de la scène. J'ai passé
deux heures h la bibliothèque du Darbar School et j'ai eu
communication du catalogue provisoire de la section Tan-
tra. On ne trouverait certainement nulle part dans l'Inde
une collection aussi riche ; plus de 300 numéros et la moi-
tié me sont inconnus. Quand le tour des études tantriques
viendra, il faudra s'adresser au Népal. Je rentrais au petit
galop de mon poney quand j'entends un cyclone qui se
déchaîne derrière moi ; dans un flot de poussière une cen-
taine de brutes, au pas de course, dessinent un arc de
cercle, refoulent violemment les malheureux passants;
coups de poings, hurlements. Le Népal se civilise, il sait
se servir de la police. Une voiture encadrée de gardes à
cheval, et, derrière, une autre vague humaine. C'est le
Connnandanten chef, iMahâràja intérimaire, qui fait un petit
tour d(» promenade. Je me range pour le saluer. 11 m'en-
voie un a good evening w et m'invite c^ caracoler près de sa
voiture. La troupe des sbires s'ouvre, non sans méfiance.
Ôii a-t-on pu ramass(»r une si belle collection de bêtes hu-
DEUX MOIS AU NÉPAL 357
maines?En ce charmant pays, le Maharaja ne donne au-
dience à ses frères que bien entouréde gardes tenant Tépée
nue à la main. Ce bon pelit Deb Sham Sher, si aimable,
qui se pique de bonnes manières, qui m'envoie le journal,
des oranges et autres menus présents, Deb Sham Sher a,
en compagnie de ses deux aînés, tué de sa petite main son
vieux bonhomme d'oncle qui avait le tort de montrer une
bienveillance excessive en faveur des fils de Sir Jang Ba-
lladur. Puis la même petite main sans le moindre scrupule
a occis autant qu'elle l'a pu delà trop nombreuse postérité
laissée par le même Jang. Et l'aîné des Sham Sher s'est
attribué la fonction de Maharaja elle reste des Sham Sher
(ils sont une quinzaine de frères) s'est distribué par rang
de primogéniture tous les hauts emplois. Khadga Sham
Sher, le second de la famille, semblait disposé h se don-
ner de l'avancement. Le coup fut vite paré. Khadga alors
commandant en chef vient au palais du Maharaja faire son
rapport ; quaire hommes se jettent sur lui, le prennent aux
poignets, et le Maharaja annonce h son puîné que par excès
d'affection il le crée gouverneur de Tansen, le district
Ouest du Népal. Voih\ une jolie variante de la fameuse
scène : Kh bien, seyez-vous donc, marquis de Castellane,
etc.. Un palanquin est tout prêt; donnez-vous donc la
peine.. . — Kt mes femmes ? Kt mes enfants ? — On y pour-
voira. Et sous bonne escorte, à travers cols et défilés, on
conduit h Palpa le gouverneur malgré lui. La caravane des
épouses avec les petits Sham Sher suivit à quelques jours
de distance. Et le jour viendra, demain, dans un mois, dans
un an, où une autre petite main abattra d'un bon coup le
Maharaja et ce ne sera qu'un changement de ministère.
Le pauvre Dhiràj, comme on dit ici, le Mahàrâjâdhirâja au
nom duquel tout se passe, vit étroitement confiné en son
palais, parmi les femmes et les fleurs, sans autre dis-
traction que de quitter un pavillon peint en bleu pour
358 LE NÉPAL
s'installer dans un pavillon peinl en jaune, marionnette
sacrée toujours prête à faire les gestes sans demander qui
tire la ficelle.
Donc nous longeons Télang de Rani Pokhri, énorme
pièce d'eau rectangulaire que Jang Bahâdur a fait clore
d'une vilaine muraille blanche ; une chaussée étroite mène
à un petit pavillon élevé au milieu de Tcau. Le lieu est sûr,
la garde occupant toute la muraille. « Nous serions mieux
à terre pour causer. — A la disposition de Votre Excel-
lence. » Soucieux d'être poli sans me laisser ravaler, j'ai
soin de mettre pied à terre juste au même moment que lui
et côte à côte nous nous engageons sur l'étroite chaussée.
« Avez-vous vu les poissons de l'étang? Non ? Vous allez
les voir. » On apporte un tas de sauterelles sèches, et c'est
l'étang de Fontainebleau. Il me demande des nouvelles de
l'inscription, de mes recherches. « On a trouvé à Kapila-
vastu un cercueil avec quelques bribes d'or. — Ah ! félici-
tations ! — J'ai bien peur qu'on n'y trouve rien de sérieux!
Croyez-vous que cet or-là ait une grande valeur? —
Attendez. Kapilavastu était une ville de temples, il y vint
(les pèlerins de TAsie entière. — Alors vous croyez qu'on
pourra y trouver un trésor? — Je lui réponds que le vrai
trésor, c'est les inscriptions, c'est ce qui rattache l'homme
h son passé et lui explique son présent. Un peuple sans
histoire esl un arbre sans racines. Les rois ont leur généa-
logie*, l'hisloire est la généalogie de l'humanité. » Ces consi-
dérai ions, développées en un anglais que l'enthousiasme
fait élo(|uonl, louchent le petit Gourkha qui me demande
de» venir lui causer au palais demain après-midi. Nous
allons lAf'her de le secouer.
Mf/n/i /•• /('trier. — Encore un Mangal-Vàr. Refusez
nininlrnaiil de croire au Jyoùsa (astrologie), doublé du
Nninllan)stni (science» des signes). Une stance adressée
à Kula niAua a porté. On ne prend pas les mouches avec
DEUX MOIS AU xN'ÉPAL 359
du vinaigre ni les pandits avec des durbhâsitas (mauvaises
paroles). L'excellent Kula mâna m'envoie une réponse que
je transcris à cause de Theureuse nouvelle qu'elle donne
et parce qu'elle montre où en est la connaissance du
sanscrit chez les Bouddhistes du Népal, dont Kula mâna est
le cùdâmani (diadème) :
Çrikulamânapanditena bhavatâm çrîmatâm pranâmapurahsarcna prârthanâ
krtam bhavatâm uktam pustakam mahâyânasùtrillamkàra atra nepâle atidurla-
bhani eva tathâpi bhavatâm àjiiàni cire dhrtvâ aham Hkhitvâ samarppayâmi
aham tu ekam eva baddhanikâryyo sti (??) tathâpi bhavatâm çevâ karisyâmi
ane sadrço na kartum arhasi ràjagfhe pustakalikhitasamaye dinam praii eko
mohara datto sti tathâpi bhavatâm avalokya dàtum arhasi iti çubhani
Ce qui signifie en bon français qu'il s'est procuré à
grand*peine un manuscrit du Sûtralamkàra et qu'il m'en
fait la copie. Décidément il faut bien croire que le Népal
n'est pas encore épuisé par tant de recherches. Un rapide
et très sommaire examen me permet de constater que ce
n'est pas le Sûtralamkàra d'Açvaghosa, mais un autre
ouvrage connu sous le même titre et qui a pour auteur le
Bodhisattva Asanga contemporain de Vasubandhu (v-vi*
siècle). N'est-ce encore qu'un préambule etdois-je attendre
mieux? Vexé du refus du pseudo-Pandit du Zimpi-taudu h
Patan (le Zimpi-taudu passe pour être très riche en manu-
scrits), j'ai encore eu recours à la divine Sarasvatî et j'ai
foudroyé mon homme de cette virulente apostrophe :
bubhuksitàm vyàghrim drstvâ svaçarîram ayâcitah |
paçâv api karunârdro bodhisatvali purâ dadau ||
âgatam atithirn çrutvà çrutvâ dharmârthinarn tathâ |
pustakânâni panditena dïyate naiva darçanam 1|
krtapâramitâbhyàsati svargani yâti na saipçayah |
dânapàramitâm tyaktvâ punyalâbhah katharii bhavet ||
J'avais trouvé la corde sensible. Dare-dare je reçois la
réponse suivante (encore un échantillon du sanscrit boud-
dhique local) :
bhavatâm çrîmatâm pranamya bhavatâm âjnàpita pustakànâm madgrhe asti
360 LK NÉPAL
va na asti maya na jnâtam bhavatàrp krpâ cet tarhi likhitvâ anyagrhe maya
gantum anyatpustakam bhavatâm agre yab pustakâni samarpayàmi.
Voilà encore une promesse de collaboration utile. J'irai
demain h Palan t'^cliauifer ce zèle qui s'éveille. Il faut si
longtemps en ce pays de Tlnde pour aboutir à un résultat.
Mais je ne voudrais pas quitter le Népal sans y avoir épuisé
toutes les chances possibles: je comiais les hommes main-
tenant, ma veine de (;]okas n'est pas encore tarie. Ce
matin, déjà sous un soh^'l brûlant (brusquement, comme
c'est son habitude ici, paraît-il, la chaIcMir est survenue,
une chaleur d'été parisien), le cortège se met en route pour
le mont Nîigarjun (jui domine Katmandou vers le Nord et
dresse à plus de 1 000 mètres au-d(?ssus de la vallée ses
flancs abrupts et richement boisés, rebondissant vers le
S.-S.-K. en deux vngues (la dermère porte Svayambhù
Nàtha) et vers le S.-K. en un mamelon qui surplombe
Bàlajî. Je tenais à visiter la cave associée par la tradition
an souvenir de Nàgàrjuna (|ui y aurait demeuré et composé
les taninis (n'(^st-ce pas ici le domaine par ex<îellence du
Tantra?). Ih»sterait-il là (juchiue vic^lh» inscription comme
<Mi ont rendu par exemple les caves de Barabar ? Le Captain
Sahib et le CommandanI en chef m'avaient mis sur mes
gardes ; b» llnnc! du Nagaijun (»st la rés<»rve de fauves pour
h»s chasses du Maharaja. Ils n'avaient pas menti. J'ai eu le
plaisir de rencontrer un tigre (jui venait justement d'ôtrc
lire el (|ui saignait c^ncore sur le sol. Mais c'est tout ce que
j'ai nmconiré. Lagrolle largement ouverte et peu profonde
Hagarde h» plein Midi: elle abrile une stalue plus grande
(pie nature* el assez délabrée» d(» (.'Akyanmni ; des stèles
comme partout ici <*hrz ce peuple passionné d'épigraphie
(Irop passionné, hélas! car <'eci tu(» cela <»t pour fabriquer
des slèh\< ncMives on se contenle dt» gratt(îr etde polir les
ancieimes), mais rien d'anci(»n ; la plus vieille date du
commencement du xvm' siècle. iJeux vieux cailyas delà-
DEUX MOIS AU xNÉPAL 361
brés se dressent h peu de distance, envahis par la végéta-
tion ; là encore des stèles de 100 à 150 ans, rien de plus.
Plus bas, à l'entrée de la réserve, est un petit temple de
Çiva desservi par un Sannyàsi classique tout barbouillé de
cendres, le front décoré des marques sacramentelles, vêtu
d'un collier de rudràksamâlàs, et qui vit là en compagnie
des bêtes. J'ai rencontré en route un autre type de yogi :
vêtu d'un manteau qu'il portail sous son bras, grimaçant,
gambadant et sans cesse éclatant de rire. Je n'ai pas eu le
temps de gravir la montagne jusqu'au sommet où les Boud-
dhistes brûlent leurs cadavres pour en disperser ensuite
les cendres aux vents; j'ai dû redescendre assez pénible-
ment au reste sur ces pentes raides d'herbes desséchées
où les chaussures glissent désespérément. Le Commandant
en chef m'avait donné rendez-vous. Je suis maintenant plus
(\u(}persona grala. l ne heure et demie d'entretien aujour-
d'hui, et sur quel ton ! Encore ai-je dû y mettre fin moi-
môme. Le Captain Sahib vient me prendre en voiture de
cour et me remet au nom du Commandant en chef un
superbe kukhri, le yatagan cpie tout ^Népalais porte à la
ceinture, avec une gaine plaquée d'argent; deux petits
couteaux courts y sont adjoints pour les besognes moindres
et un étui pour la pierre à feu et l'amadou. Les allumettes
ne sont pas encore ici un objet courant de consommation.
Aussi une lettre en français venue de Paris et qu'on me
prie de traduire. Un monsieur K, C. écrit à « Monsieur le
Maharaj Dliiraj » pour lui demander la collecl ion des timbres
népalais. Saayi famés ! Je me suis oiiert à les lui faire par-
venir, mais Del) Sham Sher, en veine de bienveillance,
prétcmd les lui envoyer lui-même.
Au palais, la réception traditionnelle : la foule des cour-
tisans empressée à ne rien faire et distraite par l'arrivée
du Sahib. (^ne compagnie me rend les honneurs. Il vaut
mieux ici avoir la peau blanche que le ruban rouge. Deb
362 LE NÉPAL
Sham Sher a fait dresser une tente dans le jardin, mais il
a changé d'idée et m'attend dans un petit pavillon élevé
autour d'un bassin où l'eau joue de tous côtés. Je me rap-
pelle ces châteaux d'eau qui émerveillèrent les voyageurs
chinois de passage au Népal ; des verres de couleur répan-
dent une lumière amusante et les jets d'eau surtout distri-
buent une bienfaisante fraîcheur. Il vient au-devant de
moi, fait venir ses deux fils, de douze et dix ans. Je leur
|)arle de la France, de sa grandeur, de Paris surtout et de
l'exposition prochaine. Quel prestige a ce seul nom de
Paris même en cette vallée retirée de l'Himalaya! Je m'of-
fre à donner des leçons de français aux bambins qui ont
Tair fort intelligents. Puis Deb Sham Sher me demande
de lui montrer la photographie de mes enfants. En homme
au courant do l'Europe, il me demande: Sans doute leur
mère s'occupe d'eux. Combien y a-t-il de Madames Deb?
Le (laptain Sahib, simple subordonné, ayant deux mai-
sons, une h la porte de la Hésidence et l'autre en ville,
soit à quclqu(îs cents mètres de dislance, a deux collec-
tions do femmes pour embellir ses deux foyers. Et ce n'est.
pas une maison ni deux que Thapatali, la résidence de
Deb, c'est une petile ville (jui, certainement, abrite plu-
sieurs milliers d'habitants oi d'habilantes. Quels amis
j)ourraiont ôlre nos (ils, me dit le Commandant en chef.
Ne sorait-ce pas une idée séduisante que de les faire cor-
rospondre do Paris h Katmandou? Que les vôtres viennent
un jour ici, ils seront les hôtes dos miens; que les miens
aillent on Europe, vos lils seront leurs guides à Paris.
Et j'aurai leurs portraits, ot celui du papa, et celui du
.Maharaja et celui du Dhiràj, et mes enfants enverront
leurs poi'Iraits et ce sera délicieux. Le terrain étant bien
proparo, je jetle la somon<:e. L'autorité pourrait-elle se-
conder mos recherches d'inscriplions et de manuscrits? —
Si ollo le pourra! Faites venir mes pandits! Entrent les
DEUX MOIS Al- NÉPAL 363
deux pandits domestiques de Deb Sham Sher, tous deux
habitués à parler sanscrit, et la conversation va de l'an-
glais au sanscrit sous les regards ahuris des intimes du
petit lever présents à Tentretien. J'expose mes désirs,
j'énonce les ouvrages que je désire me procurer ; les deux
pandits, brahmanes, mais cependant mieux informés que
leurs confrères bouddhistes, affirment que plusieurs de ces
ouvrages existent et qu'ils vont se mettre à la recherche.
(( Si on les trouve, dit Deb, je les achète; si on refuse de
les vendre, j'en fais faire des copies dont je ferai hommage
h la République frau(;aise pour l'amour devons. ))(0h! oh!
hâtons-nous, le Maharaja revient dans quinze jours repren-
dre ses fonctions et la bienveillance de l'un pourrait bien
provoquer la malveillance de Tautre !) Et quand je me lève
pour partir, Tun des deux pandits donne lecture de deux
vers qu'il vient d'improviser en mon honneur :
naniâmi tam vidhini nityarp yena deçântarasthayoh |
âvayor îdrçî pritih kàritâ sukhakârinï ||
màdhuryam vacasi namratâ svabhâve câturyam sakalaçâstrapàram etum |
yad drstam bluvati tat kadâpi mitra nânyasmin pùrvani api drstavân aham ||
Je me dispense de Irnduire |)our ménager les derniers
restes de ma modestie déjà si ébréchée.
Vendredi 4 février. — Trois journées sans résultat.
Avant-hier j'ai été à Patan, mais Pandit Kula mAna ne
m'a rien trouvé d'autre, et de la longue liste que je lui ai
soumise il ne connaît même pas les litres. Il avait reçu le
matin même la visite des deux pandits de Deb Sham
Sher venus pour se renseigner sur les manuscrits qu'il
possède. En vérité, mon prince, vous comblez la mesure ;
promesse donnée la veille, tenue le lendemain, allez donc
accuser la bonne foi des Népalais. De là je me suis rendu
chez Mitrânanda au iMahàbodhi Vihar examiner ses ma-
nuscrits de famille. J'ai vu les cahiers, de grandes feuilles
jaunes où le premier en date comme en valeur des Pan-
364 LE NÉPAL
(iilsfle la Résidence, Amrtânanda, a recueilli ses noies sur
le Bouddhisme à l'usage d'Hodgson qui y a largement
puisé. La collection des Ànandas est fort riche et très
éclectique : les Tantras y dominent comme partout au Né-
pal ; aussi une belle collection d'Avadànas et les Dharmas
népalais...; à signaler aussi un manuscrit du Bhàraliya
nâtya çàstra daté Sam. 1884 (=1827).
Jeudi j'ai visité le temple d'Ichangu Narayan, un des
quatre grands Narayans du Népal, au N.-N.-O. de Kat-
mandou, dans une petite vallée secondaire que forment
deux promontoires du Xagarjun ; le chemin est assez pé-
nible; il contourne la colline de Svayambhù, puis escalade
successivement deux contreforts de la montagne appelés
l'un Hallsok, l'autre Ichangu. La culture couvre le fond
des vallées aussi bien que les pentes, toutes taillées en ter-
rasses élagées comme c'est Tusage ici : les parois infé-
rieures des montagnes présentent Taspect d'escaliers. En
dépit de sa haute sainteté, le temple dichangu Narayan
est assez misérable ; temple de style népalais, sans luxe,
sîins grandeur, mal entretenu même ; les dharmsalas h
l'enlour tombent en ruines. En dépit de son antiquité pré-
tendue, rien d'ancien. Les stèb»s de la cour ne remontent
pas à plus de deux siècles ; sur la plate-forme de briques
<pii sert (le base au temple, une stèle d'aspect plus ancien
montre ses prennères lignes. La forme des lettres semble
indiqu(»r h» \i' ou le \\V siècle, mais refus formel de la
laisstM' t*\traire du lit de briqueterie où elle est encastrée.
En revtMiiint je fais l'ascension du Svayanibhrt Nâth une
fnis (lo pins (»t visite le temple et le vihàra de Sarasvatî
consiniils en arrière de Svavanibhrt, sur l'autre cime de
hi colline, mais toutes nos recherches sous buis dans le
chiio»* (bw pi(»rn*s i\o servent à rien.
N endredi j'ai passé la journée entière h battre Kirtipur,
•Il llèrement as>ise sur sa colline abrupte, en avant du
DEUX MOIS AU NÉPAL 365
Chandragiri, à trois milles S.-S.-O. de Katmandou. La
« ville aux nez coupés » ne s'est pas relevée du coup ter-
rible porté par les (jourklias : elle pourrit dans ses ruines
puantes. J'ai soigneusement visité le grand temple de
Bàgh lihairab, Bhairava au tigre, paré du haut en bas et
sur toutes ses faces de cornes de buffles, dépouilles des
victimes journellement immolées. Dans la cour une quan-
tité considérable^ de chapelles secondaires. Le couvent de
iMahàbuddh n'a pas d'inscription antérieure h 700 du sam-
vat népaliiis ; le grand caitya central, tout blanc de chaux,
se dresse sur une vaste terrasse à deux étages dominant
les maisons du vihàra. L(>s gens de ce vihàra sont d'une
ignorance qui dépasse même l'ignorance ordinaire des
Bouddhistes népalais ; impossible de rien savoir sur les
manuscrits qu'ils possèdent. Au retour j'ai parcouru la
longue série de tenq)les échelonnés sur les bords de la
Bagmati, près du confluent de la Bitsnumati.
Dimanche 0 fccrier. — Hier une pluie torrentielle avec
foudre à feu roulant, puis la neige a blanchi les pentes
d'alentour. Ce malin, par une brume glaciale qui arrêtait
l'horizon à dix pas, je me suis mis en route pour Chobbar.
C'est aujourd'hui la Mcir/M pcufrnainasly\Q l'ai su trop tard
pour ménager les croyances de mon escorte. Kn débou-
chant sur la prairie qui sépare la Bésidence de la ville,
m'arrivent soudain de je ne sais où des symphonies étouf-
fées et des clueurs ouatés et je devine dans le brouillard
opaque des processions de fantômes. C'est la fête de la
pleine lune. Il fait froid à grelotter et les Névars peu fri-
leux se couvrent pourtant le visage comme des dames mu-
sulmanes. Kt cependant les brahmanes pieux sont là tout
nus aux fontaines, aux lavoirs, au bord de la Bagmati, ac-
complissant avec une |)onctualité minutieuse tous les dé-
tails des rites, gestes des mains, aspersions, médita-
tions, etc.. Tout(*s ces formes vagues que je croise
366 LE NÉPAL
portent en mains des plateaux de cuivre où sont soigneu-
sement rangées les offrandes de fleurs et de parfums ; les
cloches des temples sonnent ; les images saintes ont déjà
le front décoré d'une vraie bosse de santal ou de minium
et sur le front des fidèles les restes de l'offrande dessinent
des lignes toutes fraîches blanches, jaunes, rouges. Au
temple de Laksmî Nàrâyana, sur la Bagmati, les yogis
groupés autour de leur chapelle (chaque confrérie y a sa
dharmsala, sa chapelle, sa cour, son ghat, son eau, son
drapeau : Vairàgis,. Sàdhus, Sannyâsis, etc..) font un tin-
tamarre d'enfer ; les uns battent le tambour, d'autres agi-
tent les cymbales, un autre souffle la trompe ; un autre va
brûler de Tencens aux quatre coins de la plate-forme.
Chobbar est au Sud de Katmandou sur un mamelon ar-
rondi aux pentes escarpées ; la Bagmati pour se frayer une
issue a violemment séparé le mamelon du mont Phulchok
et s'est creusé une gorge profonde par où elle s'écoule
vers le Sud. Au débouché de la gorge se dresse le temple de
Bighna-Binaik (Vighna Vinâyaka), autrement dit Ganeça,
un des quatre temples sacro-saints de Vinàyaka au Népal.
Le temple actuel est tout h fait moderne, de style népalais,
sans aucun caractère ; Ganeça est couvert d'un voile qui
laisse le front du dieu seul exposé à l'adoration des fidèles
qui viennent l'oindre. En haut du mamelon, dominant sans
aucun doute une admirable vue sur Katmandou au Nord,
Patan h l'Est, Bhalgaon au Nord-Est et Kirtipur à l'Ouest
(mais le brouillard encore mal dissipé ne m'a laissé rien
voir), le vieux bihar de Chobahal ; au milieu de la cour, à
la place ordinaire du caitya, un temple de Mahâdeva de
style hindou, avec colonnes et vimûnas. Le sanctuaire de
Çàkyamuni au lieu d'être simplement inséré dans le pour-
tour du vihara forme ici un temple ayant son développe-
ment propn», en slyle népalais ; un trait curieux est l'abon-
dan(*e des ustensih^s <le cuivre», vases, pots, |)lats, poêles à
DEUX MOIS AU NÉPAL
367
frire, accrochés du haut en bas du lemple. Dans une cour
contiguë au vihâra se dresse une stèle rongée parle temps,
mais où paraissent encore des restes de lettres anciennes.
Retour à travers champs et celle fois sous un soleil ardent
par le Pulchu-Bihàr élevé sur un petit monticule à l'Ouest
11 (fo^sc J'ai.
de Patan et tout près de la ville ; c"est k ce bihar qu'ap-
partient celui des quatre slûpas d'Açoka qui est construit
à l'Ouest de la ville, mais le slûpa est assez loin. Dans le
bihar même, rie», et les caityas de plâtre et de briques
élevés en avant du bihar tombent en ruines.
En rentranlà Katmandou je trouve la route bordée d'une
haie de spectateurs comme à nos jours de mi-carême ; les
368 LE NÉPAL
femmes ont fait toilette, vêtues de jupes démesurées, qui
se gonflent comme des ballons. On attend le passage de la
Mâglia-Yàtrà. Et moi aussi je la verrai. En ville, la pluie
d'hier a mariné les immondices tout au long des chaussées,
et dans la poussée de la foule la puanteur esl intolérable.
Heureusement il suffit au mukhya, pour me frayor un pas-
sage, de crier : Ho ! saliib pandit! et les rangs s'écartent.
J'arrive à nrinslaller sur une terrasse en avant du temple
d'Annapûrnâ et du coup je deviens moi-même la yàtrâ, le
spectacle, le point de mire universel. Un groupe de brah-
manes s'approche, entame la conversation en sanscrit, et
une joute aimable s'engage que la foule suit amusée. Voilà
le défilé ! Des enfants nus portant un bâton couronné d'une
grosse boule hérissée de pailles dorées, le soleil peut-être?
au-dessous une orange. Dans des palanquins, des adoles-
cents nus assis; sur leurs genoux des lampes où brûle l'en-
cens ; sur une grande plate-forme, un garçonnet peintur-
luré de vert, vêtu d'oripeaux pailletés, les yeux cerclés de
noir, immobile et grave, fait Hâma ; à sa gauche une déli-
cieuse Sîtâ, un type idéal de beauté enfantine, les yeux en
extase. Devant eux un éphèbe nu, élégant et harmonieux
comme une sculpture antique, l'arc en bandoulière, c'est
Laksmana. Du grand sabre nu qu'il tient k la main, il coupe
le nez à une poupée colossale, hideuse, les cheveux dé-
noués et tombants, la face d'un oiseau de proie ; c'est Çûr-
panakhft. Puis sur une autre estrade ambulante Hiranya-
Kagipu, avec une tête do sanglier, déroule les ficelles
rouges qui symbolisent ses entrailles arrachées, tandis
qu'en face de lui un enfant immobile, les mains jointes,
représente Prahlàda. Et puis c'est une foule de petites cha-
pelles avec (le petites stalues portées sur des brancards,
(4 des clneurs d'hommes et d'enfants, et des vînîls et des
trompettes el des flûtes et des tambours. Tout était bien
fini, lorsque mon ami Deb Sham Sher s'oiîre aux acclama-
DEUX MOIS AU NÉPAL 369
lions du populaire. Il me voit, donne ordre de me faire
place, el la terrasse où je suis se vide en un clin d'œil ;
nous nous mettons à causer, et de quoi ? De mes manu-
scrits. Il doit m'en envoyer cinq àTexamen et il sera heu-
reux de faire hommage de celui que j'aurai choisi à moi
et à la République française.
Lundi 7 février, — J'ai vu aujourd'hui une leçon de
choses étrangement expressive. J'ai été visiter Budhnâth,
à l'E.-N.-E. de Katmandou, entre la Bagmati et le mont
Sivapuri, non loin de Paçupati. Budhnâth est le plus
grand des stupas bouddhiques du Népal, plus grand que les
quatre stupas d'Açoka à Patan. La base circulaire de bri-
ques plâtrées est tout au long percée de niches régulières
où sont fixées des barres verticales autour desquelles tour-
nent les moulins à prières portant inscrit Om mani padme
hum. Quatre terrasses circulaires de briques s'étagent de
la base jusqu'à l'hémisphère du slûpa; le stûpa est cou-
ronné par une sorte de clocheton rectangulaire où sont
peints sur chaque face deux grands yeux, et l'édifice se
termine par un dais rouge supporté par des tringles de
cuivre. Tout autour du stûpa, dessinant un rectangle irré-
guher, des maisons d'un étage où résident quelques Névars,
mais qui servent surtout d'abri aux pèlerins tibétains. Budh-
nâth est le sanctuaire des Tibétains ; la Vamçâvalt en attri-
bue la construction à Mâna deva, mais les reliques qui y
sont déposées sont les reliques d'un saint tibétain. Un
lama y réside et y fait les cérémonies. Budhnâth est sans
contredit le chef-heu de la pourriture humaine. Le sol n y
est fait que de fumier, et quel fumier! et les Tibétains y
grouillent, répandant au loin une puanteur de suint à dé-
goûter les moutons, un parfum de bouc à faire fuir les chè-
vres, étalant dans les entre-bâillements de leurs loques im-
mondes des chairs huileuses qui n'ontjamais souillé l'eau.
Interdiction de pénétrer dans l'enceinte du stûpa ; j'en-
n. — 24
370 LE NÉPAL
voie mon pandit, le mukhya et le coulie qui est un Boud-
dhiste explorer les terrasses et je m'installe pour prendre
une photographie. Le mukhya et le pandit me rejoignent,
ils ont trouvé deux inscriptions d'apparence ancienne,
mais en langue bhotiya. Va pour le bhotiya et prenez l'es-
tampage. Cette fois le cipaye, excellent « impressionniste »,
accompagne le pandit, et le mukhya reste près de moi. Un
pohcier Gourkha vient le seconder et ce n'est pas mince
besogne, car les Bhotiyas idiots m'étouffentdans leur pous-
sée crasseuse et viennent se coller contre l'objectif même :
tout ce mécanisme les éblouit; un d'eux m'interpelle : Bud-
dhâvatâra! un autre vient m'offrir humblement un pais
pour me faire pûjà. Il me faut subir les adorations indis-
crètes de celte horde qui touche hélas ! avec vénération
mes manches, mes culottes. Je me sens même touché à la
main. C'est un lama de Darjiling; il porte de gros gants,
des moufles. Dissimule-t-il quelque lèpre ? En qualité de
confrère il ne me lâche pas, s'évertuant h me convaincre
qu'il n'y a ici d'inscription ni dessus ni dessous. Rendez-
moi Katmandou, ville des puanteurs, on y respire encore
un peu ! Enfin mon mukhya et son confrère se décident h
me dégager à la Gourkha ; ils envoient leurs poings de
côté et d'autre, lorsqu'une énorme brute de Tibétain bon-
dit la poitrine h demi nue, la tête encadrée d'une longue
cheveUu'c ; il lève son bras comme une massue sur le mu-
khya en criant : Eh toi, le Gourkha ! Et le farouche Gour-
kha devant qui l'Inde tremble, l'envahisseur éventuel
de THindoustan si l'Angleterre disparaissait, le Gourkha
se fait tout petit et file doux.
Ma photographie faite, j'assiste à un spectacle tibétain.
Un grand vieillard ressemblant étrangement aux statues
d'Homère, drapé dans une tunique qui découvre son bras
et son épaule gauche, fait grincer sous un archet en forme
d'arc une sorte de mandoline h trois cordes et chante
DEUX MOIS AU NÉPAL 371
Dieu sait quoi. Deux jeunes beautés tibétaines raccompa-
gnent, deux grosses dondons à la face toute plate avec des
pommettes toutes roses et des dents accidentées, la tête
cerclée d'un disque où sont enchâssées toutes sortes de
pierres rouges, bleues, vertes, la chevelure étonnamment
noire et plus grasse encore que noire, nattée en deux
tresses serrées et raides qui se collent à chaque épaule ;
elles abattent et font frissonner entre leurs doigts les revers
de leurs larges manches ; des chaînettes d'argent ornent
leur ceinture. Le vieillard et les deux bayadères portent
aux oreilles des anneaux dont nous ferions des bracelets.
Elles chantent, roulent des yeux pâmés, battent une sorte
de gigue ou de bourrée, tourbillonnent en cadence, tandis
que le vieillard continue à faire grincer son crincrin.
Enfin le pandit et le cipaye reviennent, étalant leurs
estampages ; j'en prends un, l'examine au soleil. Une autre
brute de Tibétain me l'arrache des mains et s'en saisit; je
crois aune curiosité indiscrète, comme j'ai l'habitude d'en
rencontrer ici. Enfin le mukliya ordonne : « Rends-moi
cela. » Le Bholiya alors avec une effrayante expression de
fanatisme imbécile froisse entre ses mains le papier, le
rejette par-dessus l'enceinte du stûpa, bondit devant lemu-
khya, lui adresse un salut ironique en tombant sur les
cuisses, la langue pendante, la jupe retroussée, achève sa
démonstration par un geste à la Mouquette ; puis, faisant le
simulacre de brandir une arme part en courant vers sa ta-
nière. Le lama s'approche et dit doucement: ce Croyez-moi,
partez vite. » Le bon vieillard homérique, avec l'amabilité
d'un homme quia reçu deuxannas, insiste : « Partez vite,
partez vite ! » Et le mukhya inquiet me dit : « Montez à
cheval et partons ! » Et le pandit blême me dit : (( Ah ! ces
Bhotiyas ! » Notre caravane fuit, c'est le terme propre; j'ai
vu le Gourkha mis en déroute par le Tibétain. Et nous
sommes au Népal , à une heure de Katmandou ! Que serait-ce
372 LE NÉPAL
au Tibet ! Voilà qui n'encourage guère à visiter Lhasa. El,
en fin de compte, c'est pour ces gens-là que Çâkyamuni a
fait tourner la roue de la loi ! Ils ont bien réalisé le type de
l'ignorance crasse. Que se passerait-il si ces hordes-là pre-
naient le chemin de l'Inde ou de l'Occident?
Bhatgaon, — Le maharaja me donne une maison, et
c'est bien aimable à lui, mais pour être une maison de
maharaja, ce n'est pas une maison confortable. Du dehors
c'est tout à fait gentil ; un peu en dehors de la ville, au
beau milieu d'un pré, tout à côté du bel étang de Siddha-
pokhri, dans un cadre merveilleux, contre le fond de la
vallée. Des premiers plans tout riants avec des maisons de
plaisance et des jardins; au-dessus les forêts épaisses et
pour couronnement les masses inconcevables des glaciers.
Oh ! la jolie maison pour s'y mettre à la fenêtre ! Pour y
résider elle a dos charmes moins séduisants. L'architecte
qui l'a bâtie, un Bengali certainement, a voulu la faire à
l'européenne ; il a pratiqué partout de grandes fenêtres
vitrées avec des persiennes authentiques ; mais l'archi-
tecte est parti, le temps a passé ; les vitres se sont
cassées, brisées, émiettées, une à une ; les châssis des
fenêtres se sont disjoints, les pauvres persiennes ont
perdu leurs palettes, et le vent qui souffle à travers
la montagne souffle à travers la chambre tout chargé
de coryzas et d'odontalgies. Et voilà que le temps s'est
rafraîchi, ou du moins il fait plus froid à Bhatgaon ;
Katmandou proche du Nagarjun y perd en pittoresque,
mais y gagne un abri contre le vent glacial du Nord.
Hliatgaon-ville est assez heureusement blottie dans un pli
de t<!rrain au pied du Mahadeo Pokhri, mais ma maison
construite sur un plateau largement découvert s'offre avec
une (»x(M»ssive générosité aux caresses indiscrètes de la bise.
De Kalinandou à Bhatgaon, trois fortes lieues, par une
a?^si'/ bonne roule où les voitures qui n'ont pas peur des
DEUX MOIS AU NÉPAL 373
ornières ni des fondrières peuvent circuler ; le chemin tra-
verse tour à tour la Dhobikola, la Bagmati et la Manhaura
descendue du mont Manichur. Les trois rivières encore
gonflées de la pluie récente coulent toutes trois dans des
sortes de tranchées profondes, tantôt élargies, tantôt res-
serrées, formant de véritables gorges oti le riz vient à
plaisir dans un sol gras et détrempé ; les deux rebords de la
tranchée se dressent généralement presque à pic et por-
tent de larges plateaux où les villes se sont établies. Rien
ne donne plus nettement le sentiment de la densité extra-
ordinaire de la population au Népal que l'aspect des routes
qui joignent Katmandou au reste de la vallée; c'est tout au
long, sur des kilomètres et des lieues un défilé ininter-
rompu de passants. Mon cortège s'est encore accru en
l'honneur de Bhalgaon. Le Darbar a jugé utile de m'ad-
joindre un second mukhya chargé de me procurer les
provisions ; et ce soir dans l'espèce de vestibule qui fait le
rez-de-chaussée de la maison reposent côte à côte les deux
mukhyas, le cipaye, le boy, le cuisinier, le balayeur, mon
coulie personnel, le sais et le poney.
Mercredi 9. — Et mon cortège grandissait toujours. Le
gouvernement népalais a estimé que je n'étais pas encore
assez gardé et il m'a, ou plutôt la « place » de Bhatgaon
m'a adressé un a pulis », un gardien de la paix. Si cela
continue, je finirai par entretenir toute la population du
Népal, car il va sans dire que tout ce monde-là attend son
bakchich. Après-midi le nombre des « pulis » a doublé,
mais ce soir me voilà ramené à l'unité. Et j'ai ainsi pro-
mené à travers les rues de Bhatgaon un cortège impérial.
Cette procession imposante a fait même un tort considé-
rable aux cortèges de Kâçî-Jagannâtha qu'on a pûjait »
aujourd'hui àgrands sons de tambours et de flûtes ; j'ai attiré
autant de monde que mon divin concurrent. Les Népalais
étant fort prolifiques, les rues sont encombrées de gamins
.'{74 LE NÉPAL
oisifs, trop heureux d'emboîter le pas à la procession ; il en
traînait bien encore une cinquantaine derrière moi quand
je suis rentré. Sur la foi de ma réputation, le « tout Bhat-
gaon » s'élait répandu dans les rues pour me voir. Seul le
soleil n'a pas eu la curiosité de me regarder ; il s'est
obstiné à cacher sa face derrière un voile épais de brouil-
lards glacés, et pour rendre mon bangalow tolérable, j'ai
dû panser mes fenêtres avec des feuilles de papier.
Ma première journée a été heureuse, j ai trouvé une
inscription de Çivadeva en bel état de préservation dans
un vieil (c hithi » ruiné du Tulacchi Toi. Plus encore qu'à
Katmandou, plus encore qu'à Patan, l'épigraphie s'étale à
Bhatgaon ; de magnifiques stèles gravées avec soin donnent
la chronologie des Mallas. La ville est remplie de temples,
la plupart délabrés et ruineux ; le bazar est encore impor-
tant, mais on a la sensation d'une vie qui se retire comme
elle a fait à Patan. La centralisation fait son œuvre même
au Népal; Katmandou absorbe la vallée. Les principaux
temples sont ceux de Bhairava et de Kâlî et de Dattâlreya.
Très peu de caityas et pas un qui soit monumental ; je n'ai
pas encore vu les vihâras. Ici comme dans le reste du
Népal, le culte de Devî triomphe sous toutes ses formes :
Kâl!, Bhagavatî, Guhyeçvarî. Mahâ-Laksmî a aussi un
assez beau temple. Le Darbar plus petit que celui de Patan
n'est pas moins pittoresque en son groupement de piliers,
de toits étages et de couleurs; il a comme celui de Kat-
mandou sa (( porte d'or ».
lihatgaon, 1S février. — La bise glaciale m'a tenu
onformé à la maison, vainement emmitoufflé pour me
défiMidre contre les moi^sures du vent qui balaye ma
rhunibro. QueUe phiie ! les nuages s'accrochaient aux
arhrv^^, so dénouaient, se ramassaient en masses compactes
ot fitndaionl eu lorivuls. Toute mon escorte tassée à
Tabri muis Io vosiibulo se réchauffait comme elle pouvait
DEUX MOIS AU NÉPAL 375
cepeudanl que les buffles se prenaient aux cornes dans le
pré voisin. Bhatgaon est la ville aux buffles, il y en a autant
que d'habitants. Hier un d'eux a foncé sur notre cortège
et cela a été un sauve-qui-peut réjouissant. Et malgré cette
pluie infernale, les processions se sont succédé et les
clochettes n'ont cessé de tinter. Matin et soir depuis la
pleine lune, un cortège précédé de fifres, de hautbois, de
cymbales, s'en va au temple de Jagannâth, chante des
chœurs, fait la pûjà et retourne en ville. Un Névar porte
sur un plateau dans une burette Teau qui a lavé le dieu; et
les bonnes gens au passage déposent sur le plateau la
modeste offrande d'un pais pour recevoir dans le creux
de la main un peu de l'eau bénite ; ils en avalent un peu et
du reste se touchent les points sacrés du corps. Hier matin
une pieuse procession d'enfants, garçons et fillettes défi-
lait aussi sur le chemin; deux petits en tête portaient
également sur un plateau de cuivre des fleurs, et la pro-
cession enfantine s'en allait chantant un hymne à Sarasvatî,
s'il vous plaît, avant le commencement de la classe. Au
bord de la Hanumatî, autre cortège moins gai. Entête
quatre hommes portant sur leurs épaules deux perches
soutenant un corps de femme recouvert d'une étoffe ; der-
rière un homme soutenu par deux amis pousse des cris
fous; un groupe de parents le suit gémissant à l'unisson.
On arrive au bord de la rivière, le bois est prêt, le feu
s'allume et le pauvre cadavre grille tandis que la famille
accomplit les ablutions lustrales.
Enfin hier matin j'ai pu reprendre le cours de mes expé-
ditions ; j'ai visité le bourg de Timi qui s'étend sur un pla-
teau entre la Manohara et la Bagmati à mi-chemin entre
Katmandou et Bhatgaon. Le bourg est fort peuplé et
contraste par sa propreté relative avec les villes du Népal.
J'ai battu tous les temples et les caityas et les vihàras.
C'est encore Kàlî sous toutes ses formes qui l'emporte ici :
376 LE NÉPAL
le principal temple est Bâla Kumàrî. Avec Kâlî el Laksmt,
Ganeça surtout est populaire ; ses chapelles empuanties
par le sang caillé et décorées de cornes de buffles disent
assez les sacrifices sanglants dont on honore le dieu au
Népal. Ici aussi abondent les petites stèles généralement
sans aucune inscription,mais décorées d'un rehef de masque
grimaçant au sommet, avec de part et d'autre un long
corps de serpent déroulant ses anneaux. Les Névars leur
donnent le nom de Brhaspati et leur rendent une pûjâ
journalière ; les Gourkhas n'en tiennent point compte.
Je sortais désappointé de ma course quand j'avise un
chemin défoncé. C'est la vieille route, me dit le pulis-ji ; la
vieille route esl mon affaire. Et à cent mètres sur la droite
je trouve un hithi en ruines avec une stèle à demi effacée;
le haut a disparu, mais le bas est fort lisible. La forme des
lettres, les formules, la disposition extérieure indiquent
clairement une stèle de Çivadcva H. J'avise un autre
hithi à gauche de la route, j'y cours à travers le dépotoir
qui orne toujours les environs d'un village indien. Ktendu
sur le sol, un fragment de stèle admirablement tracé avec
des caractères du temps de Màna deva et qui porte la
marque d'une cassure toute fraîche. On vient de réparer
le hithi on question et au cours du travail on a brisé la
pierre : et dans la foule (|ui m'entoure personne ne sait où
le fragment a passé ; un Timien affirme toutefois qu'il a été
employé à la réfection (hi hithi. Mes puhs-ji (car le pulis
de Tinn* n'a pas voulu manquer Toccasion et mon cortège
a fait boule de neige) les pulis-ji essaient d'extraire ladite
|)ierre de son encastrement; mais le seul résultat est qu'un
des pulis tombe h la renverse dans une sorte de mare qui
envierait la propreté de nos fosses à purin.
J'ai visité aussi le village voisin de iNagdes au Nord de
Timi, mais sans résultat. Ge malin, traînant toujours der-
rière moi la multitude encombrante de mes collaborateurs,
DEUX MOIS AU NÉPAL 377
iii|)é SOUS un soleil de feu, qui lenail manifestement
iper d'un coup ses trois jours d'éclipsé, les pentes
(|ui mènent par environ 2000 mètres d'altitude
les terrasses où s'étage la culture, jusqu'au lemple
MJuçrî-Sarasvatî. En arrivant du Mahûcîna, disent les
illistes du Népal, Maujucrî éleva ce temple. Malheu-
ment si Manjuçrî éleva un temple, il n'en reste plus
: la construction actuelle est toute moderne, du com-
t^ement de ce siècle. Simple chapelle de hriques ac-
■e au rocher, abritée sous une énorme pierre ([ui sur-
uibe et qui porte h son sommet un petit cailya. Le
lier s'insère dans la toiture et fait plafond. Les boud-
istes vénèrent le sanctuaire en l'honneur de iManjucjri,
> Hindous y adorent avec une égale dévotion Sarasvatî,
le les bouddhistes donnent pour femme h !VIanju(;rî. Mes
lîukhyas, deux Gourkhas, et aussi le pulis-ji se prosler-
!Hmt devant l'image et touchent du front le sol et sonnent
la cloche des visiteurs ; mon pandit et mon coulie, bons
bouddhistes, accomplissent les mêmes rites avec la même
ardeur.
Après midi j'attendais une visite : le mahant duMatli de
Valacchi-Tol s'était fait annoncer et m'avait envoyé h exa-
miner un manuscrit que personne du monastère ne peut
déchiffrer; il pensait que l'ouvrage était bouddhique parce
qu'au début on lisait : muno hifddhaya, La lecture est
exacte, mais le bouddhisme du texte s'arrête là. C/esl un
commentaire fort long et fort ennuyeux sur Mâlatî-Mâdhava
d'un certain Daçaratha. Et voilà que le mahant me fait dire
qu'il est souffrant et ne peut venir. Mais puisqu'il a en-
tr'ouverl sa porte, j'arriverai peut-êtn» à la faire sauter, et
je lui mande que puisqu'il est souffrant c'est moi qui lui
rendrai visite. El je pars au couvent : c'est un Math de
Jangamas qui ferme rigoureusement ses portes. Longs
pourparlers. Enfin le mahant m'informe qu'il viendra me
378 LE NÉPAL
rejoindre sur la chaussée, en dehors du monastère. Pen-
dant Tatlenle, une distraction s'offre. Sur une plate-forme
voisine, en avant du temple de Kâlî et en face du temple
de Bhairava, une de ces plates-formes rectangulaires en
briques qui encombrent les rues et les places ; une foule
compacte assiste h la représentation d'un nâtaka ou soi-
disant tel. Des hommes, des femmes, des enfants couverts
d'anneaux de cuivre, tout fleuris de soucis, avec des col-
liers de grosses oranges ; la tête est dissimulée sous un
masque fantastique, yeux énormes et tout ronds, nez plat,
bouche en grouin ; à hauteur des oreilles se détachent deux
tiges obliques supportant de grands losanges dorés ; pour
coiffure, des mitres et des couronnes énormes, d'où re-
tombe une toison touffue et grasse h la tibétaine. Les per-
sonnages sont Kâlî, Bhairava, etc.. Les acteurs masqués
commencent par présenter des salutations grotesques au
cercle des assistants, puis expriment en dansant les senti-
ments qui les possèdent. Enfin il arrive, le mahant! un
grand vieillard à la longue barbe blanche, drapé dans la
robe jaune des sannyâsis. Je Taborde en sanscrit ; il doit
m'avouer qu'il ne le sait pas. L'espèce de novice qui l'es-
corte n'en sait pas davantage. iMe voilà réduit à l'hindous-
tani et dame ! mon hindouslani ne vaut pas mon sanscrit.
Je demande à voir les « pustaks ». L'estimable mahant me
répond avec aplomb qu'il n'en a pas. Et il m'en a envoyé
un à l'examen ! Le péché de mensonge ne les embarrasse
pas, au moins à l'égard des Mlecchas. Enfin il consent à me
dire que le pandit du couvent, absent, revient demain et
on verra. L'éternel demain !
A Timi, un pandit d'un des vihâras possède, parait-il,
une riche collection, mais il est en route et ne reviendra
que la semaine prochaine. Quel nouvel obstacle la semaine
prochaine va-t-elle susciter? Tout ce que j'ai pu racolera
Timi se réduit à une encyclopédie médicale qui ne m'est
DEUX MOIS AU NÉPAL 379
pas connue par ailleurs : le Kalyâna Samgraha, bourré de
citations de Caraka, Kaçyapa, Harîta, etc.. Mon brave
garçon de pandit qui m'a suivi à Bhatgaon emploie ses
loisirs de pluie à courir les vihàras et j'ai même trouvé un
auxiliaire bénévole, un petit pûjârî d'une douzaine d'années H
qui dessert avec son père le temple de Suraj Binaik (Sûrya
Vinàyaka). Sa physionomie intelligente m'a frappé dans
la rue, je lui ai demandé de se joindre à mon escorte, ce
qui ne l'a pas rendu médiocrement fier, et tout à l'heure
il m'a amené un camarade dont le père est un pandit par-
lant le sanscrit et propriétaire d'anciens manuscrits. Je
compte bientôt visiter ladite collection.
Bhatgaon, 14 février, — Vingt-six kilomètres de mon-
tagnes dans les jambes et par quels chemins ! J'ai visité
d'un seul coup Changu Narayan et Sanku. J'avais, il est
vrai, mon cheval, mais simplement pour compagnon, et
mes jambes seules m'ont servi de monture. Le maharaja
rentre lundi de sa tournée d'hiver, et du coup mon ami
Deb Sham Sher va résigner ses pouvoirs intérimaires.
Trouverai-je chez l'autre la même complaisance ? Pour
parer aux éventualités, je vais demander sans doute à aller
le saluer au passage lors de son entrée en ville ; tout soup-
çonneux qu'ils sont à Tégard des Européens, ils aiment à
étaler en public leurs relations « blanches ». Les nécessités
du service m'ont privé de mon poney ordinaire, on a dû
l'envoyer au-devant du maharaja qui se trouvait à court de
cavalerie. C'était un excellent cheval Bhotiya rapide et sûr ;
avec lui pas de danger, plusieurs fois en cheminant sur les
étroits remblais de terre qui servent à la fois de clôture
aux champs inondés et de sentier aux piétons, nous avons
fait de brusques plongeons, dévalant avec une motte de
terre brusquement effritée. L'équilibre brutalement détruit
se rétablissait en cours de chute. Mon intérimaire n'est pas
Bhotiya, et c'est son défaut. Hier, sur un sentier un peu
380 LE NÉPAL
raboteux, il s'est bel et bien étalé, et j'ai eu tout juste le
temps de lâcher les étriers. J'ai cru plus sage de me fier
h mes seules jambes aujourd'hui, sur l'incroyable route qui
joint la ville de Bhatgaon à la ville de Sanku.
Le chemin, d'abord pavé de briques, inégal, creusé de
Irous et d'ornières, se perd au bout d'un kilomètre au pied
de la première colline dans un misérable sentier. Le temple
de Changu Narayan se dresse au Nord de Bhatgaon sur le
faîte d'un haut promontoire que le Mahadeo Pokhri lance
vers l'Ouest; mais pour y atteindre, il faut d'abord passer
dans un énorme massif de sable alluvial, creusé, rongé,
ravagé, disloqué par les pluies, coupé en tous sens de tis-
sures abruptes, et qui force à monter, descendre, remonter,
sauter, grimper. Le village de Changu Narayan s'allonge
sur un plateau étroit au pied du mamelon qui porte le
temple : une longue suite de marches irrégulières mène
de là au temple. J'espérais grâce h la complaisance démon
personnel dégager du sol le pilier de Mâna deva et com-
pléter l'estampage fragmentaire de Bhagvanlal. Depuis son
exploration, la situation s'est modifiée ; le pilier était alors
simplement enfoncé dans le sol et ne cachait que ses neuf
dernières lignes de chaque côté. La piété d'un fidèle a
maintenant entouré la base de Nàgas en pierre qu'on ne
peut songer à déplacer, et du coup trois lignes de plus sont
perdues. Tn « pandit » idiot, conservateur du mandir
(loniple), s'est vengé de son ignorance en me consignant à
la porte (lu temple. Je n'ai pu que prendre à distance la
pholographi«» du |)ili(M' avec la fa(;ade inférieure du temple
(|ue décon» une a<imirable porte de bronze doré. Le temple
<»sl faraud, à deux étages, avec des chapelles élevées irré-
l^ulièreuMMit à ['(Mitonr, enfermé dans un rectangle continu
{\v (Iharmsalas. Les poutrelles d'étai aussi bien que les
murs vont fouillés av(M* autant de patience que d'imagi-
uutiou ; dieux, délasses, monstres, animaux, fleurs et sur-
DEUX MOIS AU NÉPAL 381
tout représentations des pratiques du Kâmasûtra s'y déve-
loppent rehaussés de couleurs vives où dominent le bleu
et le rouge et qui forment un ensemble harmonieux et gai.
Mon pandit Mitrânanda, bouddhiste zélé et des plus in-
struits pour un Népalais, demande au pùjârt d'ouvrir le
sanctuaire pour y faire sa pûjà; les deux mukhyas et le
couhe le suivent; tous se dépouillent de leur coiffure, les
mukhyas déposent leur inséparable kukhri. Mon mukhya
ordinaire, qui est un brahmane Kànyakubjîya, chante des
mantras et des stotras en gravissant les degrés ; avant
d'entrer, ils se prosternent et touchent du front le seuil.
La pûjà finie, à grands sons de cloche, ils sortent tous, les
mains humides de Teau bénite que le pûjârî leur a distri-
buée et dont ils se signent ; ils projettent les gouttelettes
pendant aux bouts de leurs doigts contre les statues éparses
dans la cour et placent sur leurs tôles les feuilles vertes
que le pûjârî leur a distribuées après les avoir présentées
au dieu.
La Manaura (Manohara) descendue du mont Manichur
sépare la coUine de Changu Narayan du plateau qui porte
Sanku ; en amont la rivière prend même le nom de Sanku.
Klle s'étale assez abondante dans une large vallée qu'on
prendrait pour un lac ; les champs de riz y disparaissent
sous l'eau d'irrigation. Les pentes tout alentour sont touf-
fues de forets, et partout descendent avec fracas de petits
torrents qui cascadent. La vallée du Népal s'arrête là ; en
zigzags sur les pentes du Manichur grimpe à travers la
forêt le chemin du Tibet par la passe de Kuti. La belle
pelouse entre la rivière et la ville est un vrai campement
tibétain; ils s'arrêtent là en caravanes avant de gravir la
première pente. Hommes et femmes, robustes comme des
bêtes de somme, portent sur le dos, empilées en des hottes,
des charges écrasantes d'où émerge souvent un bébé joufflu
et gras, véritable défi jeté à toutes les lois de l'hygiène.
382 LE NÉPAL
Une lanière de cuir qui leur emboîte le front porte toute
la charge. Sanku doit à ces Bhotiyas ambulants toute son
importance. La ville, petite, est construite avec soin elles
rues en sont remarquablement propres ; partout, le long
de la chaussée, roule un ruisseau d'eau limpide. Les tem-
ples, sans importance, sont délabrés ou en ruines. Je n'ai
trouvé qu'un débris d'inscription sur une conduite d'eau
brisée, déposée contre un petit temple de Çiva.
Katmandou, mercredi 16. — Me voilà rentré chez moi, à
mon bangalow familier. Le printemps m'y avait devancé.
Après huit jours d'absence, j'ai trouvé le jardin mer-
veilleusement fleuri de rose et de blanc. On ne peut
imaginer la divine harmonie du paysage ; un ciel tout
bleu, immaculé, splendide; un soleil ardent, mais tem-
péré par une aimable brise qui sent encore le glacier,
l'ombre tiède, les jeunes pousses verdoyantes dans la
verdure assombrie des feuilles qui ont traversé l'hiver ;
une floraison embaumée qui pare les buissons et les grands
arbres, la gaieté des voix s'épandant dans l'air tranquille,
les chants des oiseaux familiers voltigeant à travers la mai-
son, les appels sonores des coqs voisins, les montagnes
bleues ou lilas entrevues à travers les feuillages, la silhouette
des cimes découpée sans crudité dans l'azur, l'horizon assez
limité pour soutenir le regard, assez vaste pour lui laisser
libre champ, les massifs transparents, les ombres baignées
(le lumière ; depuis avant-hier le Népal est un paradis. La
chaleur de la journée après ces jours pénibles était si forte,
que je me suis senti friser l'insolation au cours de la lon-
gue route. Laissant les douze coulies avec mon domes-
tiijue ordinaire, j'ai tenu à visiter, au prix d'un petit crochet,
\i\ site de iVIadhyalakhu où d'après la Vam(;àvaIîlesThàkuris
Inmsporlèrenl leur capitale. J'ai eu assez de peine à déter-
rer \i\ site; ni Ir paiidil ni le niukhya ni le couhe n'en
hiLvaicnl le nom. Heureusement mon cipaye que sa piété
DEUX MOIS AU NÉPAL
383
fervente a familiarisé avec tous les temples du Népal a pu
me fournir le renseignement. Madhyalakhu est sur la rive
droite de la Dhobikola, affluent de la Bagmali; malgré la
note de la Vamçàvall il ne s'y trouve pas trace de ruines.
Elles ont pu disparaître récemment, car le général Bbim
Sliam Sher a élevé sur l'emplacement de Madhyalakliu un
vaslc palais qu'entoure un grand parc; il paraît que le
Mahûrâja Bir Sham Slier voyait avec inquiétude l'amitié
fraternelle de Bhim et de Cbandra Sham Sher, il a « engagé »
son frère Bhim à quitter Thapathali et à s'installer un peu
plus loin.
J'avais au préalable exploré le village de Bolo (Bude)
384 LE NÉPAL »
au N. de Timi. Le temple de Mahà Laksmt y a sa façade
décorée de chromos où figure la brune Italienne classique
et aussi une Madone avec Tenfanl Jésus. Est-elle là pour
figurer Devakî et Krsna? mais je n'ai rien rencontré d'an-
cien, malgré les prières de mon escorte. La chasse aux
inscriptions les passionne; le soir à Bhatgaon je les enten-
dais causer sous la vérandah au-dessous de ma chambre,
et de (( pulis » h « mukhya » et de (( coulie » à « sipahi »
c'était à qui réclamerait l'honneur d'avoir trouvé ou
estampé le mieux le « çilàpattra ». Mon brave coulie avait
adressé hier une prière fervente à Suraj Binaik (Sûrya
Vinâyaka)on ma faveur; il s'était imposé un jeûne préala-
ble ; sur son pauvre salaire, il avait acheté des grains el
des fleurs destinés au dieu, el il avait eu soin de recueillir
une des fleurs de la pûjà et de me la remettre comme une
garantie de « parsad », de faveur divine. VinAyaka n'a pas
tenu parole. Ce matin en traversant Bole, moncipaye avise
une chapelle de Bhîmasena, excellent patron des militaires,
et de toute la ferveur de son cœur il lui adresse cette
simple et sans doute peu usuelle prière : OBhimsen maha-
raj, donne-nous un çiinpattra ! Bhîmsen n'a pas mieux réussi
que Ganesh. Les dieux s'en vont.
Et j'avais pourtant fait, moi aussi, le pèlerinage de Suraj
Binaik hier. Le sanctuaire de Sùrya Vinâyaka, un des
quatre Binaik du Népal, se cache dans la forêt, au S.
de Bhatgaon, sur les premières peintes du Pulchok. Le
chemin s'élève en pente rapide et s'achève en escalier. Au
pied des marches une pelile chapelle que dessert une
femme. Sur la route, de Bhatgaon jusqu'au temple, un
défilé ininterrompu de dévots et plus encore de dévotes en
tralala ; on fait toilette pour rendre visite à Ganesh Maharaj
et les dévotes, les jeunes surtout, se drapent dans une
jupe à falbalas que semble soutenir une crinoline ou qui
rappelle encore les robes à panier. Sur leurs cheveux noir
DEUX MOIS AU NÉPAL 385
d'ébène (quelques-unes teignent au henné la tresse dressée
toute raide au sommet du crâne) toutes piquent avec une
coquetterie fort consciente des soucis jaune d'or. Le temple
est tout petit, juste un abri au-dessus de l'idole, mais il
est tout plaqué de cuivre sculpté. Face au dieu un pilier
porte une grande souris d'airain. D'inscriptions, rien;
mais une vue éblouissante sur la ligne des glaciers qui
semble h chaque stage de Tascension descendre plus pro-
fondément dans la vallée voisine, insoutenables d'éclat,
dans Tencadremontde ce ciel lumineux. A défaut d'inscrip-
tions, j'ai trouvé un manuscrit. Le chota pandit, le petit
bonhomme h mine futée que j'avais embauché comme
guide ne fait que trop d'honneur h ma perspicacité ; il est
la plus franche petite canaille que lîhatgaon ait enfantée.
Son père a (il me l'affirme et j'en ai les preuves) une
énorme collection de manuscrits ; le papa a le tort de s'ab-
senter et de mal fermer la porte ; mon bonhomme sollicite
la serrure et emprunte discrètement aux rayons paternels.
Il m'a apporté un Parâ(;ara dharma çâstra et un Yama
dharma gàstra écrits sur feuilles de palmier. L'épisode de
Gunàdhya inséré dans le Nepàla màliAtmya m'a donné à
penser que la Brhatkathà se trouverait ici. Je lui demande
s'il l'a et lui promets, outre le prix et le pourboire, de faire
sa photographie. Il m'apporte ce matin un manuscrit
incomplet du Brhatkathà-çloka-samgraha. Je vais tâcher
de lui soutirer le reste. Il m'a amené un acolyte également
recommandable et qui ne demande qu'à avoir de l'argent.
Le diable est que, faute de savoir exactement les manu-
scrits en leur possession, il faut aller à l'aveuglette. Ils
m'ont apporté un Kâla cakra tantra, un Hariçcandropâ-
khyàna sur tàlapattras que j'ai refusés leur donnant la hste
de mes desiderata bouddhiques et leur ai promis un canif
comme le mien (ce canif les fascine), s'ils m'en appor-
taient cinq. Que n'ai-je avec moi un approvisionnement
11. - 25
386 Î.E NÉPAL
d'articles de Paris ! La bibliothèque du papa y passerait
tout entière. Le frère dudit chota pandit avec lequel
j'ai eu le plaisir de causer en sanscrit m'a affirmé avec
une candeur parfaite qu'il n'avait pas de manuscrits. Et
l'opération (je crains de la qualifier, mais ad majorem
sdentiœ gloriam !) se passe sour les regards bienveillants
de l'autorité. Mon mukhya assiste aux transactions, les
roupies passent de moi au chota pandit par ses mains, et
j'imagine qu'il en reste un peu h ses doigts. « Le Captain
Sahib, me dit-il gravement, m'a ordonné de vous aidera
acquérir des manuscrits ». C'est égal, une fois en posses-
sion d'un lot suffisant je m'empresserai de déguerpir, je
jouirai plus paisiblement de mon forfait de l'autre côté de
la frontière. Si la Belgique n'était pas si loin d'ici !
Vendredi 18 février. — Hier sous un soleil de feu (les
pluies nous ont amené la chaleur) je suis allé à cheval à
Patan. Ma vieille rosse de Bhatgaon a été mise au ran-
cart et le Maharaja m'a envoyé une bête superbe. Le pan-
dit m'avait annoncé solennellement que je serais admis à
voir l'inscription de Narendradeva dans le temple de
Matsyendra Nàlh, à condition de venir avant midi. A la
porte de Patan je trouve mon Mitrànanda déconfit; il
m'avait informé de travers; l'inscription à Tintérieur du
temple est du ix** siècle ère népalaise (xvin* siècle). Toute
ma course, toute ma hâte, loute ma cuisson pour ce résul-
tat. J'ai dii pratiquer la Ksântipdramifa et faire contre
mauvaise fortune bon cœur. J'ai été au temple de Malsyea-
(Ira Nâth et j'y ai du moins assisté à un curieux spectacle ;
un clneurde vieillards eschyléens, en de belles draperies
blanches, cassés, courbés, brisés, édentés, ratatinés,
accroupis sui* les dalles en avant du temple, chantaient
sur des rythmes endiablés la gloire de Matsyendra N&lh,
eu s'accompaguant d'un charivari cadencé de cymbales,
d(î gongs, (le r()n(|ucs. (»l ces vitMllards cadavériques ont
DKCX MOIS AU NÉPAL 387
continué près d'une heure cet exercice musical. Le temple
grand et haut est entouré d'un rectangle de bâtiments, le
vihâra ordinaire, mais un passage public traverse la cour
et personne ne longeait le temple sans s'arrêter dévote-
ment au seuil et saluer le dieu, les mains jointes, la tête
inclinée. J'ai photographié un'des stupas d'Açoka, le Lagam
Tho situé au Sud de la ville, puis je suis rentré au galop.
Le Caplain Sahib m'avait annoncé l'envoi des manuscrits
recueillis par ordre du commandant en chef. Hélas !
Ilélas! déception! Abhidharmakoça vyàkhyâ, Gandavyûha,
Vidagdha mukhamandana, Bhadrakalpàvadâna, Dvâvim-
çalyavadâna, Jàtakamàlà : voilà où ont abouti quinze jours
de recherches officielles. Pourtant je ne désespère pas.
Le Maharaja a exprimé le désir de me voir après-midi, et
je compte rentrelcnir du pilier de Changu Narayan qu'il
faudrait déterrer pourtant, et de l'inscription de Narendra
deva qui, au dire des gens du vihâra de Matsyendra Nàlh,
est dans l'intérieur du Darbar h Bhatgaon. Le Captain
Sahib m'a appris hier que en ville je suis connu sous le
nom de Bouddha Sahib ; cette semaine un prêtre qui arri-
vait de Lhasa est allé directement au bureau du Captain
demander s'il était vrai qu'il y avait à la Résidence un
Bouddha Sahib. Ah! que ne suis-je Résident ! Au bout d'un
an j'aurais libre accès dans toutes les collections de manu-
scrits et dans tous les temples.
Samedi 19 février, — Je sors d'une féerie ou plutôt j'y
vis en plein. Je ne puis m'empêcher de songer sans cesse
à ce pauvre Jacquemont qui connut les mêmes satisfac-
tions, les mêmes éblouissements. Hier le maharaja Bir
Sham Sher m'a fait exprimer le désir de me voir. Je me
suis empressé d'y répondre. Le Captain Sahib, selon le
protocole, est venu en grand uniforme me chercher à
domicile ; pas de voiture cette fois. Nous avons caracolé de
compagnie ou plutôt à part.
388 LE NÉPAL
Ici rien de Thapatali, la maison annonce la différence
des caractères. La première cour est sans doute affairée,
traversée d'ordres et de sous-ordres et d'uniformes et de
brahmanes, mais passé la grille de clôture, silence absolu.
Plus personne ; tout juste un domestique qui sort au bruit
de mon galop et m'introduit dans la salle de justice au
rez-de-chaussée. C'est là que Sa Hautesse, assis sur un
matelas, accoudé sur un coussin, décide les cas graves qui
échappent h la compétence de la cour ou du Commandant
en chef. Un tigre monstrueux, abattu parle Maharaja dans
le Téraï et fort habilement empaillé, est chargé peut-être
de symboliser la Justice. D'un pas discret, qui ne sonne
même pas sur les dalles, suivi seulement d'un général, Sa
Hautesse entre ; plutôt petit, mince, le front soucieux, Tair
intelligent ; il porte aussi une sorte de robe de chambre.
Salutations, puis sans aucun appareil, du même pas discret,
cortège assez morne, nous montons au salon du premier,
une galerie énorme meublée h l'anglaise et toute jonchée
de peaux de tigies. C'est le leitmotiv ici. 11 ne comprend
pas l'intérêt que présente le Népal ; je le lui explique : je
suis venu chercher les inscriptions et les restes du boud-
dhisme ; le IVépal estle trait d'union entre les deux mondes
de la pensée orientale, il nous garde peut-être encore en
réserve les trésors de la littérature sanscrite. La pensée de
l'Inde appartient à l'humanité comme un commun trésor.
Conclusion : il faudrait sortir du sol le pilier de Changu
Narayan, estamper l'inscription de Narendra deva si elle
est à Bhatgaon, et inviter les vihâras à ouvrir leurs trésors.
En finissant le Maharaja m'invite à assister demain à la
grande revue de la Çivaràtri.
Donc, aujourd'hui c'est la Çivarâtri, et bon Népalais
comme je le suis, j'ai commencé ma journée par un pèle-
rinage îï Paçupati. En année normale, les pèlerins y arri-
vent par myriadcîs : il en vient de Madras, de Travaucore
DEUX MOIS AU NÉPAL 389
comme de Bombay et de Calcutta. Mais la pesle, cette
effroyable peste qui va toujours se développant, a décidé
le Gouvernement du Népal à fermer l'accès du pays aux
pèlerins. Il n'y a donc que les Népalais avenir, et du moins
ils viennent en masse. Tout le long des degrés qui descen-
dent à la Bagmati ils montent et descendent, hommes et
femmes se déshabillant tranquillement sur la berge et
s'ébattant dans cette eau qui doit être glaciale; chacun
cependant dessine de ses doigts les mudràs réglementaires
et marmonne les mantras. Mon « thrtla babn » le petit
pandit de Paçupati a vite appris mon arrivée ; il vient me
tenir compagnie et nous causons sanscrit sous les regards
delà foule étonnée. Délicieuse fraternité ! Les vaches puri-
fiantes circulent dans la foule ; les singes grimpent le long
des chapelles, guettent les offrandes et les saisissent; un
d'eux traverse la rivière en portant sur son dos, tout h fait
à notre instar, un bébé singe trop faible pour résister au
courant. Les chiens, tout impurs qu'ils sont, viennent aussi
h la fête et lèchent sans façon les membres graisseux des
idoles, tandis que les poules picorent librement les grains.
Les belles dames étalent des pyjamas somptueux, des
culottes à la zouave si larges qu'elles les empêchent de
marcher. 11 serait indigne d'ailleurs d'une personne distin-
guée de marcher comme les simples mortels ; on les voit
aux jours de fête passer par les rues et arriver au temple
sur le dos des porteurs. Un paurânika lit ou psalmodie
avec onction un texte qu'il ne comprend pas, et les Yogis
plus ou moins professionnels étalent leurs austérités, souf-
flent leurs grosses conques et secouent leurs sonnettes
pour attirer la foule. Après midi, mon cheval vient me
prendre, et toujours en compagnie du Captain Sahib
je débouche h Tundi khel, le champ de manœuvres
énorme qui borde Katmandou (mur oriental) et le palais
du Maharaja. Un magnifique Longchamps, dans quel
390 LE NÉPA?.
merveilleux cadre de montagnes verdoyantes et de gla-
ciers lointains que commande à TO. le Dhaulagiri, à
TE. le double trône de Gaurî-Çankara colossal et har-
monieux, dressé dans Tazur sans tache, et si haut qu'il
écrase les pics voisins, malgré leurs six et sept mille
mètres. Au milieu du champ, un gros arbre isolé entouré
d'une terrasse circulaire h deux étages. Je croise la voiture
du MahàrAja qui passe sur le front des troupes escorté de
lanciers et suivi d'un brillant état-major, et je file à l'arbre
central où le Maharaja me rejoint presque aussitôt avec un
tas de généraux tout chamarrés d'or. Musique, saints
militaires, et dans ce cadre guerrier et cette odeur de
poudre, le Maharaja m'informe qu'il a donné l'ordre de
déterrer le pilier de Changu Narayan et que je puis y
envoyer quand bon me semble (l'accès m'en étant interdit)
mon pandit et mon mukhya avec brosses et papiers. II a
aussi donné l'ordre de chercher la pierre à Bhatgaon. Vive
le Népal ! Et ce n'est pas tout : il a prescrit de rechercher
les manuscrits que je désire, et qui ne voudra pas les céder
— au moins pour les copier — on les lui empruntera de
force. Ça, c'est tout à fait le bon tyran. Pour attester la
solidité de ses promesses, j'ai eu la visite du Pandit délégué
(lia recherche, M.Çàkyamuni, s'il vous plaît. Quel meilleur
présage pour trouver des manuscrits bouddhiques? ÇiUya-
rmuilprasaddijoyât /l'un im labhjieta't Le bon Çàkyamuni sait
le sanscrit comme moi le turc; j'ai l'autorisation de lui
adjoindre Mitrûnanda et les deux copains dûment stylés
et admonestés vont entreprendre demain une série de
recherches. Mais ce monde oriental est si long à mettre
en branle! Je pense souvent à Thisloire que Hi'ihler me
contait un soir : les longues journées de conversation sur
la pluie et le beau temps avant d'aborder l'achat d*une
simple monnaies nncienne. Et je vois à regret le dépari
maintenant prochain, deux semaines et demie au plus à
DEUX MOIS AU NÉPAL 391
passer ici, quand la semence est si près de lever. — Tandis
que Sa Hautesse me donne ces heureuses nouvelles, le
Dhirâj arrive en voiture, beau jeune homme de 23 ou 24
ans, grand, robuste, élégant, plaqué de diamants, la phy-
sionomie insignifiante. Il ne parle pas l'anglais, ou plutôt
il ne parle pas du tout. Le Maharaja me présente, explique
Tobjet de ma visite, célèbre mes connaissances sanscrites,
et les canons tonnent à la ronde et les coups de fusil
éclatent par milliers. Le roi s'en va dans une calèche où
montent le Maharaja et le Commandant en chef, et je reste
avec le général Chandra Sham Sher, figure à poils rudes
et grosses dents proéminentes, mais la bonté dans le regard
et dans le geste. Il me dit sa satisfaction de voir un Fran-
çais, me parle de TAlsace-Lorraine avec une délicatesse
charmante, et m'invite à choisir moi-même les manœuvres
à exécuter. Etilse passe ce phénomène invraisemblable, fou,
que c'est moi qui passe la revue ! Les admirables troupes,
du reste ! Les soldats sont si merveilleusement stylés
à parader comme des automates que, sans commandement,
sur un rythme qu'ils battent eux-mêmes en frappant tour
k tour des deux pieds le sol, ils font toute la manœuvre du
fusil, avec la précision d'une machine. Obtenir dans la
même journée un ordre officiel pour la recherche des manu-
scrits, une autorisation de déterrer le pilier de Changu
Narayan, et passer la revue des soldats Gourkhas : voilà
qui date dans l'existence.
Lundi Si février, — Hier pour la première fois j'ai pu
rentrer seul à la résidence. J'avais quitté la maison dès le
matin pour aller h Thankot ; à cinq heures de l'après-midi,
je n'avais encore ni bu ni mangé, aussi avec le consente-
ment formel du mukhya, laissant là mon escorte, j'ai
piqué des deux et suis parti en avant. Sur la route comme
en ville, la foule compacte s'écartait avec bienveillance
sans m'obliger à un seul appel de voix ; j'ai traversé le
nOi LE XÉPAL
mardi/*, -iiivi Ut ba/ar ^an-r «lifficiill»^. ces braves gens
chassaient même les biifHe> ou les taureaux trop voisins
pour ma -♦'•curité. La journt^e a été très bonne : je n'ai pas
relevé moins «le -ix 'tél*^^ anci«*nnes: deux malheureuse-
ment sont indéchififrables. tant la pierre s'est écaillée, mais
quatre sont bonne:? et trois importantes. J'en ai trouvé
deux à Tliankot et «piatre «lans un petit villajre nommé
Kisipidi. Thankot est à re\tn'»mité ocridentale delà vallée,
au pied <lelaui*)ntée à pic qui conduit à là passe de Chandra-
tiiv\ et qui Tait couiuiuni(|uer le Népal avec l'Inde, à 16 kilo-
mètres de Katmandou. Tliankot a comui des jours plus
Horissauts : il a eu son darbar dont il ne reste rien. Le seul
temple, en llionneur de Malià Laksml, est insignifiant;
les cornes d<»s but'tles sacrifiés le tapissent au dedans et
au dehors. Dressée contre une maison particulière, séparée
par la chaussée dun grou|)e de petits caityas en briques
et plâtre tombant en ruines, J'ai trouvé une stèle en bon
état de préservation ; au N. de c<»s caityas, dans un vieux
hithi abandonné, j'ai trouvé uni» autre stèle de la même
époque, mais qui montre seulement des traces de carac-
tères. De Thankot j'ai longé la base du Chandragiri pour
visiter Màlà llrtha, à un mille environ S.-E. de Thankot ;
la Vainçàvalî place dans le voisinage de Maiàtirlha, la
capitale des rois bergers, les (Juptas consacrés par Ne
Muni. Màlà tîrtha est un enclos rectangulaire qu'entoure
la Ibrèt. Au pied d'une terrasse qui porto im petit sanc-
luaire, cinq ou six gouttières de pierre versent Teau des
sources voisines ; mais une seule dentre elles a le titre et
la valeur de tîrtha ; l'eau qui s'en échappe, admirablement
linq)ide, remplit un bassin rectangulaire. T/estlà qu'on va
rendre» hommage aux mânes d'une mère décédée. Une
KiMedelafin du xvn* siècle, et c'est tout. Le sentier qui
de .M»\lAtlrtha rejoint la route de Katmandu traverse le
village de Kisipidi, à oOO mètres N. environ du tirtha.
DEUX MOIS AU NÉPAL 393
Dans le petit enclos d'un petit temple de Ganeça, première
inscription; sur une petite place, à ÏE,, autre stèle très
grande, mais entièrement écaillée ; contre un groupe de
petites chapelles en Thonneur de BlmgavaU, deux autres
stèles. Je n'ai pas eu le temps de les examiner, j'ai tout
juste eu le temps d'estamper et photographier sur place.
Jeudi î?-/ février, — J'ai terminé lundi ma journée au
Darbar de Katmandou ; j'ai commencé à prendre l'estam-
page de l'inscription polygraphique de Pratâpa Malla qui
éveille ici tant de curiosités et de convoitises. Elle est gra-
vée sur une pierre encastrée dans le mur occidental du j)a-
lais ; sur le temple qui lui fait face toutes les marches sont
également décorées d'inscriptions polygraphiques ; moins
en vue, elles sont demeurées inditrérentes et je me suis
bien gardé d'appeler l'attention sur elles. Ce bon toqué
de Pratâpa malla me coûte quarante feuilles de papier à
estamper pour cette seule inscription. Plus que partout
ailleurs, ma présence devant l'énigmatique inscription a
ramassé la foule ; policiers, soldats, coups de poing et
coups de crosse ne l'empêchaient pas de déborder les bar-
rières et de me presser fiévreusement. Mystérieuse, l'in-
scription ne l'est qu'en partie ; chacun sait ici de source
certaine qu'elle signale l'emplacement d'un trésor fabu-
leux. Où est le trésor? Voilà le hic! Et on m'envie, moi
qui puis exphquer, car une récompense de dix lakhs de
roupies, soit plus d'un million et demi de francs est assu-
rée à qui donnera la traduction. Voilà qui humilie les
prix les plus somptueux de l'Institut ! Hélas ! il faudra en
déchanter. Le pédant couronné qui fut Pratâpa Malla s'est
contenté pour autant que j'ai pu hre d'indiquer en diver-
ses écritures ses titres royaux et littéraires, et la date de
la gravure ; il a ajouté les noms des écritures employées.
Malheureusement le bas de la pierre est assez délabré, les
noms se déchiffrent assez malaisément et lorsqu'ils sont
394 LE NÉPAL
lisibles ils ne son! pas toujours intelligibles. L'indication
serait pourtant utile, indispensable dans certains cas ; il y
a là des caractères qui ne me rappellent rien de connu.
Je n'ai pu en estamper qu'un tiers, mais mes hommes
feront le reste sans moi.
Avant-hier j'ai visité le temple de Budha Nilkanth au
pied du Çivapuri. En dépit du nom, la divinité du lieu est
Visnu Nàràyana. Entouré comme à l'ordinaire d'un rec-
tangle de dharmsalas, un bassin également rectangulaire,
bordé d'un promenoir étroit et d'un parapet. Un Nàràyana
colossal en pierre est étendu à la surface de l'eau, abrité
sous un dais de serpents ; le feuillage léger des bambous,
inclinés sur la statue divine, fait trembler la lumière sur
ces membres de pierre qui semblent frissonner de vie.
L'impression est saisissante. Dans la cour, des femmes et
des enfants Bhotiyas sollicitent sans la moindre pudeur un
bakchich; un petit groupe de Yogis frottés de cendres,
à peu près nus, lit le Yoga Vasislha sans en comprendre
un mot. Tout comme dans les temples bouddhiques, un
portique de pierre porte une grosse cloche ; contre ce por-
tique une maçonnerie basse où sont encastrées quelques
inscriptions. La seule ancienne a été recueillie, et heu-
reusement, par Bhagvanlal ; elle n'est plus lisible. Budha
Nilkanth est à deux bonnes lieues N.-N.-E. de Katmandou,
immédiatement au pied de la montagne ; la route qui y
mène est assez bonne ; elle recouvre le canal souterrain
qui amène les eaux du Çivapuri au réservoir de Kat-
mandou.
Do Budha Nilkanth je vais visiter le village de Tsapali-
gnon, (|ui borde la route, h 1 kilomètre environ au S. de
Budha Nilkanth, direction de Katmandou. Contre le petit
h-niplo do Narayan se dresse une stèle dont le haut s'est
odVilé, nniis lo bas en est clair et la date nette. De là en
rovoMiinl ysuv Katmandou, à droite de la roule, mais à peu
DECJX MOIS AU NÉPAL 395
de distance, sur un plateau assez étroit que la Bitsnumati
ronge, le vieux village de Dharampur avec quelques ha-
meaux détachés alentour. Là, encore une stèle à demi en-
fouie, mais que je dégage. Le sol a heureusement pré-
servé la pierre, la date se lit clairement. La pierre fait
face à une chapelle de Ganeça ; le village a de plus un
pauvre petit caitya de plâtre et de briques.
Hier nouvelle course dans la même direction : j'ai visité
le village de Thoka iN. de Katmandu et bâti sur un plateau
qui fait face h Dharampur. Le sol de la vallée est entière-
ment constitué par le même sable alluvial que la vallée du
Gange ; Tépaisseur de la couche est considérable. Les
menus cours d'eau qui descendent des montagnes, furieu-
sement grossis h la saison des pluies, creusent et déchi-
quettent leur lit, et finissent tous par couler dans une sorte
de gorge continue de sable. Villes et villages se perchent
sur les plateaux ainsi découpés dans la masse de sable, et
pour passer d'une rive à l'autre, s'agît-il même d'une ri-
vière comme la Bitsnumati qui, à cette époque de l'année,
roule à peu près autant d'eau que le Man/anarès, il faut
descendre et monter des sentiers qui s'effritent sous les
pas. Thoka aussi m'a donné une inscription, une stèle éga-
lement décorée de la conque et du cakra ; le haut s'est
entièrement effacé ; le bas préservé dans le sol est net et
donne la date ; malheureusement sur les trois signes nu-
mériques le second est noyé dans la pierre : la photogra-
phie révélera peut-être ce que le papier et mes doigts et
mes yeux combinés n'ont pu voir. Enfin, aujourd'hui,
nouvelle séance h la salle des manuscrits du Darbar School,
j'ai vu les Nâlakas, les Kàvyas, le Nyâya, mais toute cette
portion du catalogue ou plus modestement de la liste four-
mille si bien d'erreurs qu'il est impossible de s'y orienter
à première vue. Je tiens à signaler un excellent manuscrit
du Bhàratiya Nàtyaçàstra du siècle dernier: de plus Da-
396 LE NÉPAL
maruvallabha me signale un commentaire du Bhâratiya,
composé par je ne sais plus quel râja népalais, et dont il
doit me communiquer le manuscrit. — Moncipaye et mon
mukhya viennent de rentrer avec l'estampage de Tinscrip-
tion du Darbar : ils sont tout (iers, car ils me rapportent
aussi Testampage de deux anciennes inscriptions qu'ils ont
(( découvertes » h Katmandou. Je me suis bien gardé, par
peur de refroidir leur zèle, de leur révéler que Tune et
l'autre sont déjà publiées. Les voilà passés épigraphistes !
En tout cas ils ont su reconnaître dans le tas deux inscrip-
tions vraiment très anciennes, ce sont les n** 3 et 4 de
Bbagvanlal. Ils ont même reconnu la marque du « Sam-
val >). Décidément je suis né professeur, j'ai fait des élè-
ves arcbéologues à Katmandou, et quels élèves encore !
Deux pioupious. Il ne faut pas trouver cela si ridicule, di-
rait le poète François Coppée. Après mon départ, mes
(1 élèves >> pourront continuer mon œuvre.
('e matin même, le ('aptain Sahib est venu m'apporter
(les éclaircissements sur la source d'eau chaude mention-
née par les (Illinois ; il parait que comme Wang Hiuen
Ts'e le (il, tous les Chinois et Tibétains qui descendent au
Népal et dans l'Inde par la passe de Kirong, la voie ordi-
naire (le Taller, s'arrêtent à cette source chaude et y cui-
sent buMs repas. Kt tous les détails du voyageur chinois
sont (l'une exactitude à faire pâlir les modernes géogra-
ph(*s «*l l(ïpoj;raphes. Il parait que, près de celle source,
il N a (b*s inscriptions chinoises, le Captain Sahib m'a
promis (I^MiVïïyer le mukhya en prendre les estampages.
.Ir \ondnu*i av(Mr encore par le même moyen Tépigraphie
dr ^a^ul\(ït (|ui doit avoir aussi d'anciennes inscriptions.
\ (|ueU résultats n'arriverais-je pas si mon séjour ici pou-
\ail ^e prolonger? \.v maliArAja a envoyé aujourd'hui qua-
In^ Mobhts à t lian^u Narayan déterrer le pilier et le Com-
hniMilanl rn i lief ii ordonné aux scribes de la salle des
DEUX MOIS AU NÉPAL 397
manuscrits de lui faire porter les copies que j'ai comman-
dées pour en vérifier lui-même la correction avant de me
les remettre. Est-ce là vraiment le pays décrit par les con-
teurs de voyages ?
Samedi S6 février, — Brusquement la chaleur est surve-
nue et du coup les journées ont raccourci. Impossible de
quitter la maison avant trois heures; j'ai même dû renoncer
à travailler Taprès-midi sous la véranda au N.-E., la cha-
leur rayonnante me mettait du plomb sur la tête, et j'ai dû
chercher l'abri des murs épais du bangalow. Hier j'ai fait
encore une bonne cueillette épigraphique. J'ai dit qu'un
brahmane était venu informer le Caplain Sahib de l'existence
d'un pilier avec une vieille inscription. Le brave Captain
m'a conduit lui-même h Nangsal, un faubourg de Katman-
dou, juste vis-à-vis du palais du Dhiràj ; entre les deux une
large dépression où coule un filet d'eau canalisé et oti
s'étendent les cultures de riz. Le village se développe entre
le chemin de Harigaon et la route de Paçupati par Deo
Patan. Au centre, une butte assez haute semblant un stûpa
marque, paraît-il, le site de l'ancien temple de Narayan;
contre la butte, deux stèles anciennes, l'une à peu près
complètement effacée, l'autre en assez bel étal de préser-
vation, sauf le haut. J'ai donc estampé et photographié.
Nous sommes rentrés à la Résidence par Lajampat, un
simple lieu-dit avec une petite chapelle à linga. Près de la
chapelle une image de Visnu dans une pose de disloqué, la
jambe gauche relevée vers l'épaule, et au-dessous une
inscription votive à la façon de celle du Mahankal, mais
en moins bel état. Ici, la pierre est absolument nue et
l'image est contemporaine de l'inscription qui paraît être
du vi*-vu*' siècle. Aujourd'hui Pandit Çàkyamuni m'a
apporté son butin. 11 n'est pas sans intérêt. Tout d'abord
un excellent manuscrit du Càndravyâkarana obtenu à
Bhatgaon et qui a l'avantage de fournir une utile donnée
;i98 LK NÉPAL
liisforiqne. Le colophon porte: nepâlâbdagate mrgânkara-
sayncchâya (?) pancabânâyiiclha.. (561). çrïçrïpacupali-
caranâravindârcanaparayanaripurâjadaityatripurâsuramâ -
navinirjjitaçrïsainsâralânnïgaurïçvaraçrïmaheçvarâvalâra-
çnlaksmïnârâyanaçrïçrïjayayaksamalladevaanujaçnçnjaya-
jïvamalladevasahe vavij ayârâ j ye . . . ( Jîvamalla manque à
loules les listes). Un bon manuscrit de la PrâkrtasarnjtvJDt
(grammaire pracri te). Ln manuscrit de la MadhyamakavrtU
(appelé ici comme toujours Vinayasùlra). Un commentaire
considi'Mabh' du KAlacakratantra, la Vimalaprabhâ, ouvrage
fort rare et dont il sera peut-être désirable d'avoir une
copi(i : iti (^rinuilalanlrânusârinyâm dvâda(;asâliasrikâyâin
lai^luiknlacakralanlrarâjatîkâyâin vimalaprabhâyâm saka-
lamriravighriavinâ(:atah paramsladevatâsanmârganiyamo-
d(l(M;iih prathamah... et ainsi de suite. Le manuscrit a plus
(h» HOO piiges ; il me parait indispensable à IVHude de la
doclrim» tanlriipie. Un manuscrit d'un autre texte nouveau,
écril sous h» n>gne de Rudradeva. Ouvrage traduit en chi-
nois par Ka-l'i(Mi x'-xi* siècle (Nanjio 864). Il est intéres-
snnl dr conslal«»r h riionneur de Texactitude chinoise que
Ir litre chinois Irachiit exaclement ratna-guna {pao-te) tan-
dis {\\w \i\ lilr«» donué dans Nanjio porte simplement; Pra-
jriiipi\rauiih\sain('(iyagAth(\. Kniin un manuscrit portant
pour cnli»|)lion : ili pâramilâparikathâ, subhâsitaratnaka^
raiM.lukr snniri|)la | krlir âi^ârya (;ûrasya granthapramâ-
i.iani... asya catam. Il ne me semble pas douteux qu*il faut
réiablir Arya-cfira. Knlin un manuscrit du Caturvargasam-
^ralia. La chassi» u\s| pas lînie J'espère encore du gibier.
A |Mnpns tlf ^il)i<'r, mi tigre (»sl descendu hier de la mon-
\\\\:\u* fi s'rsj prouiené à Iravers les rues de Patan, quœ-
mis t/itrtftf/rrurrf: mtui ami l)eb Sham Sher est allé brave-
Nitiil l'aballrt» lui nn^nu'. T/a été Tévéuement du jour.
hufftm/n/nu 'J nmrs. - J\ii fait mardi une lointaine et
prnilili' niui -»!• piNqu'à jMiirphing, et sans résultat. Phir-
DEUX MOIS AU NÉPAL 399
phing est au Midi de Katmaodou k 16 ou 18 kilomètres,
adossé aux moutagnesqui fermeut la vallée, sur un plateau
élevé d'environ 300 mètres, soit une altitude réelle d'envi-
ron 1 500 mètres. En fait Pliirpliiiig appartient à peine au
Népal proprement dit ; il faut pour y parvenir s'élever par
une ascension assez raide sur le flanc de la montagne et
contourner ensuite une combe profonde où s'élagent des
cultures et des maisons rustiques, tandis que les pentes
supérieures contrastent par leur àpreté dénudée avec les
sommets boisés des autres massifs. La route de Phirphing
400 LE NÉPAL
se (lélache de la grande roule entre Katmandou et Patan
presque à la porte même de Patan , oblique vers le Sud-Ouest,
passe devant le stûpa occidental d'Açoka, traverse deux
kolas (on nomme ainsi des ruisseaux au vasle lit avec un
maigre filet d'eau qui s\ perd) se poursuit sur un plateau
presque entièrement uni ; puis, un peu avant d'atteindre
Bogmati, il fléchit encore à l'Ouest, descend vers la Bag-
mali et traverse un gros bourg, Kokona, où se trouvent un
assez grand temple et un caitya, sans intérêt et sans épi-
graphie; puis il atteint la Bagmati, un peu avant sa sortie
du Népal officiel. La rivière en effet coude presque aussitôt
vers ITi.-S.-E. et longeant la falaise qui porte Bogmati
s'engage dans une passe aussi myslérieuse que le Pôle
Nord. La Bagmali, descendant directement au Gange, doit
ouvrir une voie d'accès directe entre llnde et le Népal; les
Népalais ne se soucient pas d'ouvrir à. leurs voisins enva-
hissants une porte qui n'a ni verrou ni serrure. Au débou-
ché de la gorge, sur un vaste replat, le Darbar a établi un
asile de lépreux, comme une sorte d'épouvantail. Kn guise
de pont entre les deux rives, une lign(^ de poutrelles larges
tout juste comme le pied et comme le pied sans chaussures
encore ; et aussitôt après, le chemin se met à grimper
raide. Phirphing semblait promettre plus de résultats ;
assez h l'écart pour échapper aux bouleversements, rare-
ment visité, si jamais il Ta été, par un voyageur, il a les
ruines d'un darbar et deux temples fort populaires: Çesa
NArayana et Daksina Kàlî. Çesa Nârihana (Sikh Nara^yan
comme on dit ici) n'atlire pas scellement les Népalais; les
Bholivas y viiMiiienl; h mon arrivée un groupe des leurs est
inshiiié dans uni* (i(»s(lharmsalaset une pierre porte inscrite
en relief à la manièie tibétaine h» Om mani padme hum
assr/ inaUendu ici. Pas dr construction luxueuse comme à
Changu Narayiin ; (piehpii's pauvres petites chapelles, cl
coiié(» au rocher même, accessibhî sruh^ment pai* un esca-
DEUX MOIS AU NÉPAL 401
lier à pic, Timage sacro-sainte. Une fissure ouverte au-
dessus dans la roche laisse échapper pendant quatre mois
de Tannée une cascade toute blanche. En Suisse on dirait
Pissevache, ici c'est Kâmadhenu, une simple nuance; mais
il s'agit bien de la Kâmadhenu réelle, de la vache divine,
et on Fadore fort sérieusement. Du reste Teau ici jaillit de
partout; limpide et gaie elle courl de palier en palier dans
des bassins où la piété des fidèles nourrit des bandes de
poissons. Dans le village, situé à TEsl du temple, j'ai
estampé une inscription de Jyotir malla, une de Çrî Nivâsa
malla et une de Yama malla dont le nom m'est par ailleurs
inconnu.
A FEst du village, au fond d'une gorge étroite et pro-
fonde, aux pentes boisées, se trouve le temple de Dak-
sina-Kàlî. La popularité de la déesse se marque à ce détail
qu'elle porte, paraît-il, une valeur de cinq lakhs de bijoux,
et l'idole est haute de cinquante ou soixante centimètres.
Là, pas même de chapelle : un enclos carré, des dharmsa-
las sur trois côtés, le quatrième un simple mur où est en-
castrée l'image de la déesse, abritée sous une sorte de
chapeau chinois en cuivre décoré de chiffons multicolores
et de clochettes. On achève justement le sacrifice du buffle
quotidien ; le sang gicle selon les règles de Fart, sur Fidole;
la tête lentement détachée est déposée aux pieds de la
déesse et le gros corps décapité se convulsé encore du col,
des jambes, de la queue, tout pantelant. On le traîne
dehors, on le flambe comme un poulet sous un feu de
paille et on Féventre pour distribuer les parts au person-
nel. D'inscription, rien qu'une stèle moderne. Il faut que
je me console avec le site qui est ravissant. Un petit tor-
rent, le Kâlî Kola, encaissé entre les forêts à pic roule à
travers les roches qui encombrent son lit sinueux ; tamisée
par les feuillages touffus, adoucie par la brise du ruisseau,
la chaleur éblouissante de midi n'est plus qu'une caresse
II. — 26
402 LE NÉPAL
attiédie. Kâlî n'est pas près crêlre désertée par ses adora-
teurs. Hier soir je causais avec le petit frère deBabu Mi-
tra, un garçonnet de quinze à seize ans émancipé par une
éducation àTanglaise. Moi, disait-il, je ne crois à rien en
fait de dieux et de surnaturel ; fout cela c'est des contes à
dormir debout. Et après cette profession de foi parfaite-
ment sceptique, sans pause ni pose, sans contraste voulu,
sans un changement de ton il ajoute : Je fais pourtant une
exception pour la déesse Kâlî, parce que là j'ai des preuves
indiscutables. Et il me raconte des apparitions miracu-
leuses de Kâli qu'il n'a pas vues lui-même de ses yeux,
mais il a vu les gens qui les ont vues, et dans quel étal ils
étaient ! Allez donc en douter. 11 m'a semblé un instant que
je n'étais plus au Népal.
Aujourd'hui une pluie torrentielle et toute froide qui
nous présage une nouvelle hausse du thermomètre.
Vendredi f mars. — J'étais à la maison enfoui dans mes
manuscrits lorsqu'on est venu me prier d'assister à un
spectacle de Ifoh. Lo Iloli est la grande fête printanière de
l'Inde, mardi-gras ou mi-carême, et c'est pitié de voir
comme au fond Timagination humaine est restreinte:
rinde a jusqu'à ses confettis ; pendant huit jours les gens
se promèueni à travers les rues portant en des sacs ou en
de petits tubes une poudre rouge, et, fftt-il le Mahâr&ja,
quiconque passe en vêtiMuents blancs est impitoyablement
aspergé. C/esl ici aussi (tout n'est-il pas dans tout?) la
fête des blanchisseurs, disons des dhohis. Le hnge taché
de rouge qui résiste à la lessive, si précieux qu'il puisse
être, îip]Kirtient de droit au dhobi. Et c'est, dans ces ruelles
étioiles et grouillaules une curieuse poussée défoule toute
i'oiig(»nyanl<\ \\\ poudre se lixanl aux cbeveux, à la barbe,
tout comme aux vêtements, (le peuple du Népal est si
épris (le rnusi(|ue et de Ihéàtn» que la fête est un spectacle
pei'péhiel; tel j(' l'ai vu dans h^s « Lines » aujourd'hui, tel
DEUX MOIS AU NÉPAL 403
je Tai remarqué partout h Katmandou. Un groupe de bri-
quetiers s'était accroupi sur une longue natte ; ils chan-
taient des chœurs, ces chœurs indéfinis de TOrient où la
gaieté se fond avec la mélancolie, tout en demi-teintes,
onduleux et fuyants, évocation simple et puissante de Tin-
fini. Au centre un petit groupe d'instrumentistes : tim-
bales, cymbales, gongs, clochettes, tambourins; h lourde
rôle deux ou trois se levaient, jouaient et dansaient avec
des contorsions de singes, entièrement barbouillés de
rouge ; les acteurs de Thespis. Le chœur cesse, trois des
briquetiers vont dans un coin se déguiser. Musique. Entre
une bergère drapée en un long voile rose, les bras et les
jambes chargés d'anneaux, parée de colhers à larges
plaques, une bergère du Téraï, paraît-il. J'ai retrouvé mes
Tharunis. La Tharuni en question est tout simplement un
des trois briquetiers qui cette fois a barbouillé sa figure de
cendres pour en adoucirl'éclat bronzé et qui s'est maquillé
les yeux comme on fait même aux toutes petites fillettes;
un grand cerne noir donne au regard une séduction énig-
matique et voluptueuse. La bergère sollicite l'indulgence
du pubUc ; elle chantera et dansera pour honorer la divi-
nité. Un berger arrive, vêtu d'une couverture grossière
nouée sur sa tête et qui vaguement simule une peau de
bête; il fait la cour à la bergère, mêlant h ses appels pas-
sionnés des gestes et des calembredaines grotesques. Arri-
vée d'un rival. Bref une pastorale, la classique et l'éter-
nelle pastorale de l'amour, et je retrouvais là, vivantes et
réelles, mes hypothèses sur l'origine du drame indien; eh
oui, en ce pays idyllique caressé de soleil et baigné de lu-
mière, la pastorale aimable et souriante y est vieille comme
le monde. El sous ce climat heureux qui laisse à la forme
humaine son libre jeu, le corps est si souple, si aisément
gracieux, que ces rudes ouvriers de la brique tenaient à
s'y méprendre leurs rôles de femmes. J'ai dû quitter la
404 LE NÉPAL
représentation pour monter sur la Darara, la colonne éle-
vée par Bhimsen ïhapa à TEst de Katmandou, tout contre
Tenceinte où elle s'insère et le champ de manœuvres ; une
construction hideuse, une colonne de charcutier faite en
saindoux et qui jure avec le goût du pays. Mais c'est, il
est vrai, une fantaisie de Gourkha. Du sommet, à 40 et
quelques mètres, on domine naturellement toute la vallée ;
mais aujourd'hui encore l'horizon était laiteux et l'admi-
rable rangée des glaciers était évanouie.
Ce malin le Captain Sahib m'a amené en visite son fils
de onze ans, sa fillette de dix ans et un neveu de sept ans,
orphelin qu'il a recueilli. Ils étaient en leurs atours, les gar-
çons dans une combinaison de collégien et de militaire avec
une capote et une haute casquette à visière galonnée d'or;
la fillette qu'un porteur avait amenée, en vastes jupes et
la tête ornée de la plaque d'or de cérémonie. Je me déso-
lais de n'avoir rien à donner ou à montrer à ce petit
monde, mais les photos des miens ont été pour eux de
hautes curiosités.
Lundi 7 mars, — Le Darbar népalais a tenu sa parole.
J'ai un estampage complet du pilier de Changu Narayan.
Il n'a pas fallu moins de quatre soldats et de trois journées
pour arriver à ce résultat. Le pilier est maintenant engagé
dans une sorte d'anneau de pierre sculptée qui lui donne
une apparence de base ; il a fallu tout d'abord soulever cet
anneau fort lourd, et édifier une charpente de bois pour
le maintenir, un système d'étais qui permît d'approcher la
pierre et d'estamper. Je laisse ici une liste des anciens ou-
' vrages bouddhiques connus par les traductions chinoises
et le Darbar m'a promis de continuer les recherches. Mes
rabalteurs m'ont signalé deux textes très importants; à
toutes les réquisitions, môme officielles, les détenteurs ont
répondu qu'il y avait erreur et qu'ils ne possédaient pas
les manuscrits en question. Mais la moindre pratique de
DEUX MOIS AU NÉPAL 405
rinde enseigne ce que valent ces réponses catégoriques qui
d'un non formel s'acheminent tout doucement, par lentes
étapes, au oui final. Les possesseurs de ces manuscrits sont
brahmanes, et c'est pour eux un cas de conscience de faire
connaître un ouvrage hérétique. J'attends aussi une ré-
ponse au sujet d'un vieux texte que détient un vieux brah-
mane habitant une maison de la montagne, et qui sans
refuser de le communiquer répond à toutes les sommations
par l'éternelle inertie orientale. Le Commandant en chef
lui a envoyé un pandit, le Captain Sahib lui a envoyé un
mukhya: il est sorti, il est malade, il l'apportera lui-
même et j'enrage à voir venir l'échéance de mon départ et
ce pendard de brahmane qui ne bouge pas. Je lui ai fait
promettre hier soir par un message 5 roupies comme ré-
compense s'il arrive demain. Cinq roupies! cela sent la
fantaisie de milliardaire américain. Il y a gros à parier
pourtant que la résistance par inertie l'emportera sur l'es-
prit de lucre.
A défautde nouveaux textes bouddhiques. Pandit Çàlîya-
muni m'a apporté un traité d'art vétérinaire: iti çrï Rû-
panârâyanetyâdimahârâjâdhirâjaçrïman Madanendrasena
krlau Sârasamgrahe Çâlihotram samâptam. Au premier
çloka, nom différent :
çrîmatsûryam namaskrtya revantam turagâdhipam |
çrîmad Devendrasenena kriyate Sârasamgrahah || (chaque
çloka est accompagné d'une traduction en vernaculaire)
vers 2 : uddhrtya çâlihotrâni bâiânâm bodhahetave | man-
darendrendrasenena kriyate sugamo vidhih || . — Le
Vidagdhavismâpana, une collection de charades, énigmes,
etc. en vers avec traduction partielle en parbatiya.
Le soir j'étais invité dans les « Lines » des Cipayes à
assister à un nautch offert par le Jemadar. Sur la pelouse
de manœuvres on dresse quelques perches et on tend un
vélum par-dessus. Tout autour, des bancs et quelques
II. — 26.
406 LE NÉPAL
chaises pour les j^ens d'importance. Pas de nautchgirls:
Tespèce en est rare au Népal, et en cette semaine du Holi
elles sont demandées et réclamées partout. Et puis le corps
de ballet a eu des malheurs. La reine des naulch-girls
expie en une prison la faute d'avoir trop plu ; elle a été
convaincue d'avoir accordé ses faveurs h pas mal de petits
jeunes gens brahmanes ou ksatriyasetdelesavoirentrahiés
à perdre leur caste. La loi hindoue punit sévèrement ce
délit: elle a eu quinze ans de prison et les petits jeunes
gens en ont eu pour un an. C'a été le gros scandale du
iNépal. A défaut de nautch-girls on a eu des nautch-boys:
le plus grand, un garçon de seize ou dix-sept ans repré-
sentant Krsna, une haute mitre sur la tôte, sur les épaules
une façon de pèlerine, une longue blouse d'un beau bleu
serrée à la ceinture. Un autre garçon plus petit faisait
Hàdhà, l'amante de Krsna; entln des enfants dehuitàdouze
ans représentaient les bergères compagnes de Hàdhâ. Au
début, chœur et symphonie d'orchestre; on développe un
grand rideau qui porte les images de Krsna et de Ràdhâ,
on brûle l'encens, balance les lampes, chante les hymnes.
Puis le spectacle propre commence. De neuf heures du
soir à (juatre heures du matin toujours le même sujet:
Hàdhîi chante sa passion éperdue et gémit sur son aban-
don: Krsna ne pense qu'à jouer de la (lùte. Les amies de
Hîidhft viennent la consoler ; une d'elles va prier Krsna de
satisfaire son amante. De guerre lasse, il cède un instant;
les bergères accourent, et Krsna mène une ronde, la lias
Lllc\. Puis il n?tourne h sa tlùte et tout recommence. La
monolonie de ce thème est mi peu variée par les fantaisies
du Vidùsaka, vêtu h la Népalaise parmi tous ces person-
nag(*s (h» fniitiMsie; on se le renvoie comme une balle,
bafoué, raillé, ballu, criblé de coups de poing, trébuchant,
quémandant drs l)akchiclis qu'on lui paie sur le derrière.
Les cipayes en buinous et turban blanc, immobiles, écla-
DEUX MOIS AU NÉPAL 407
tent de rire à ces f^osses farces ; mais il regardent avec
une intense émotion religieuse les jeux de Krsna et des
bergères. C'est une chose si sacrée, me dit le Captain
Sahib! Sacrée ou non, à minuit, j'avais sommeil et je ren-
trais au bangalow.
Mardi 8 mars. — Ce matin, visite du Captain Sahib pour
mes arrangements dedéparl.U faut régler protocolairement
mes visites d'adieux au Maharaja et à tous les Sham Sher:
Deb Sham Sher, commandant en chef; Chander Sham
Sher, le vrai généralissime; Bhim Sham Sher, général.
Je les ai faites dans la voiture du maharaja mise à mon
service : parti du bangalow à une heure, je n'y rentrais
qu'à cinq, c'est dire que les visites n'étaient pas un simple
échange de formules banales. J'ai tenté de décider le Ma-
haraja à créer un musée d'archéologie népalaise ; il a été
frappé et séduit par cette idée et a sur-le-champ réclamé
tous les renseignements nécessaires. Deb Sham Sher m'a
offert pour la République française un manuscrit de la
Prajnâpâramitàen admirable conservation, décoré de pein-
tures et écrit sous le règne de Vigrahapâla, donc vieux
d'environ un millier d'années et pour moi personnellement
un manuscrit, un commentaire du Vidgadhavismàpana
écrit au iv* siècle de l'ère népalaise, soit au xin*-xiv* siècle.
Il m'a demandé les photographies de mes enfants que je
lui ai laissées en échange de la sienne. Et tous les Sham
Sher se sont prodigués en amabilités et en promesses, se
mettant à mon service pour toutes les recherches qui pour-
raient m'intéresser. En rentrant au bangalow, je trouve
le jardin encombré par la foule : les cipayes, les musiciens,
les danseurs viennent me faire le charivari du holi : sym-
phonies, chansons et danses. J'avais encore une provision
de poudre rouge, je leur en jette, j'en reçois, c'est une
véritable bataille de confettis.
Mercredi 9. — Veille du départ; chacun vient me faire
408 LE NÉPAL
ses adieux: mon pandit qui m'apporte un moulin à prières
et un peigne d'ivoire : pandit Çàkyamuni qui m'apporte une
lettre de Vaikuntha Nàth Çarman, pandit du commandant
en chef lequel m'adresse une canne en noix d'arec avec
poignée d'ivoire (la noix d'arec est selon les Castras une
garantie de bonheur) et Mitrânanda me remet quelques
peintures népalaises. Enfin, le Caplain Sahib arrive, et au
nom du Maharaja il me remet un costume népalais, un
kukhri, un petit bonnet, des baguettes d'encens venues de
Lhasa, réservées aux cérémonies du culte, et enfin la rareté
suprême, le porte-bonheur par excellence, une pièce d'or.
11 m'annonce aussi que le Maharaja, par une faveur toute
particulière, met à madisposition sa calèche pour me con-
duire jusqu'à Thankot où cesse la route carrossable.
Enfin, le jeudi iO, je quittais le Népal. Mon mukhya, mon
soldat népalais, qui m'a servi si longtemps de guide et de
compagnon, après avoir été mon pion ou mon geôlier,
Lalitbdm le Oourkha a voulu me reconduire en compa-
gnie do mon oipaye résidentiel, Siri Ràm Singh, jusqu'à
Hhimpodi, au pied des montagnes, par delà la passe du
(«liandrugiri et la passe de ^ Sisagarhi, et quand je leur
ai serré la main à 4 l'heure; du départ,
sur la place do Bhim- ^L pedi, encombrée par
uuv^ coulios, mes ka- ^f^ hars, mes dhuliwa-
lus, mes palkiwalas ^^^^ et la foule des villa-
geois accourus pour ^^1^ voir le Sahib, Lalit-
U\\\\\ cl Siri \\{\\\\ ^^^^^^ Singh pleuraient
des ^^BS^V fantsetje mesuis
fourro Imcu \ île ^^^^^ dans mon palan-
quin, car jiMue J^^^ sentais les
vou\ hunu ^^^^L des.
*\%v ism><M^*lo ou forme de ttùpt.
TABLE DES MATIÈRES
DU SECOND VOLUME
l. Le culte ; monuments et fêtes.
V
Les monuments : Caityas ; pagodes ; enclos sacrés. Piliers ;
linga, yoni ; vajra ; pieds sacrés ; dhâtu-mandala ; acces-
soires décoratifs. Dharmaçàlà ; dhârà(hithi), pranâli ; ghat.
Vi haras. Habitants des vihàras ; les héritiers des anciens
bhiksus.
Les fêtes. Yàtràs. Sacrifices humains. Autres victimes. Batha-
yâlrà. Représentations dramatiques. Procession de Mat-
syendra Nàtha ; de Bhairava ; de Devl. Siti-yâtrà. Nàga-
pancami. Go-yàtrà.Vyàghra-yâtrà. Krsna-janmàsiamî. Bànrà-
yàtrà. Indra-yàtrà. Dasâin. Divàli. Çri-paiicamî. Çivaràtri.
Holi. Procession du petit Matsyendra Nâtha
IL Histoire du Népal.
Premières mentions du Népal ; témoignages épigraphiques et
littéraires. Origine légendaire du nom du Népal.
La période divine. Manjurrl ;ses successeurs ; dynasties fabu-
leuses. La période épique. Les Gopdlas. Les Abhîras. Les
Kiràtas. La dynastie hindoue de Nimisa. La période histo-
rique. Dynastie solaire des Lièèhavis. Airiçuvarman et ses
descendants (lesThâkurls). Rapports avec l'Inde, la Chine,
le Tibet, le Cachemire. Fondation du Nepâla-saipvat : 879.
Les premiers rois du nouveau comput. Invasion de Nànya
Pages.
410 TABLE DES MATIÈRES
deva (1097). Népal cît Dekkhan. Suite des princes locaux.
Les Mallas. Nouvelles invasions : les Khas ; llarisiipha
deva. Les successeurs de Harisirpha. Suprématie des Mal-
las : .laya stliiti, Jyotir Malla, Yaksa Malla. Partage du
Népal.
Royaume de Bhatgaon. — Royaume de Katmandou. —
Royaume de Palan.
ln\asion des Gourkhas. Prithi Narayan ; conquête du Népal.
La dynastie Oourkha. Les grands ministres : Bhim San
Thùpîi ; Jang Balladur. Les successeurs de .lang. ... 61
lil. Deux mois au Népal (janvier-mars 1898). Carnet de séjour. . 306
TABLE DES ILLUSTRATIONS
Pagei.
Paon de bronze ; ouvrage népalais 1
Cour d'un vihàra (Nàka-bihar) à Katmandou 19
Image colossale de Bhairava près du palais (Hanuman-dhok), à
Katmandou 37
Bord de la Bagmati, à Paçupati, le jour de la Çivarâtri. ... 58
Colonne de bronze surmontée d'un Ganeça ; ouvrage népalais. . 60
Caitya central de Patan attribué à Açoka 81
Visnu faisant les trois pas; image consacrée par le roi Mànadeva
en l'honneur de sa mère Râjyavatl. (Hameau de Lajanpat.). . 101
Pilier couronné d'un Garuda, à Harigaon 119
Maharaja Bir Sham Sher Jang Rana Balladur 141
Cour délabrée d'un vihàra (Asan toi) à Katmandou 161
Temple de Lomri Mai, près de Katmandou 183
Temple de Siddhi Vinâyaka, près de i)eo Patan 203
Temple du petit Matsyendra Nàtha, à Katmandou 223
image de Narasimha, à Patan 245
Temple de Guhyeçvarl, près Paçupati 267
Sanctuaire de Daksina Kàlî, près de Phirphing 283
Temple de Krsna et Ràdhà, sur la place du Darbar, à Patan. . . 293
Bronze népalais 305
Deb Sham Sher Jang Rana Bahadur, commandant en chef (et plus
tard xMahâràja) 321
Vaikuntha Nâlha Çarman, pandit brahmanique au service de Ma-
haraja Deb Sham Sher 333
Un capitaine Gourkha 349
llithi (fosse d'ablutions) à Patan 367
Porte occidentale de Bhatgaon 383
Mon personnel à Bhatgaon 399
Vase népalais avec couvercle en forme de stùpa 408
CHARTRES. — IMPRIMERIE DURAM), RUE FULBERT.
ANIVALES
MUSÉE GUIMET
niniJOTHÊQUE D'ÉTt'DES
TOME mX-NEUVlÈME
LE NEPAL
itTimn iiiSToiiiniK ii'i '\ /('/) uwfc' hi.\dou
SYLVAIN LÊVI
PARIS
BHSESÏ LKIUUJX. ÉDITEUR
r.lU8
MINISTÉHB DE t*WWItt'WrOS PUBLIOCK
ANNALES
MUSÉE GUI MET
BÏBLÏÛTHÊOLï D'ÉnJDES
TOMR DIX-HEUVIÊME
LE NÉPAL
f:Ti iJK iiinToniijii; o-iin hoyauub uixoov
SYLVAIN I.fiVI
yoli'me: III
PARIS
BIINEST LEROUX, ÈDITKLII
38, >it Dqnti'iiire. iS
IW8
ANNALES Dl MUSÉE GUIMËT
BIIUJOTlIKQrE I) ÉTUDES
TOME \I\
LE NÉPAL
PAK
SYLVAIN LKVl
VOLIME III
LE NEPAL
ÉTIDË HISTORIQUE D'UN ROYAUME HINDOU
PAR
SYLVAIN LÉVI
PROFESSEUR AU COLLÈGE DE FRANCE
GIVRAGE ILLUSTRÉ D'HÉLIOGRAVVIŒS
VOLUME III
PARIS
ERNEST LEROUX, ÉDITEUR
28, RHK BONAPARTE, 28
1908
LE NEPAL
ÉTVDE HISTORIQUE D'UN ROYAUME HINDOU
PAR
SYLVAIN LÉVI
PROFESSEUR AU COLLÈGE DE FRANCE
OLVHAGE ILLUSTRÉ D'HÊLIOGBAVVIŒS
VOLUME m
PARIS
ERNKST LEROUX, ÉDITEUR
28, RIK BONAPARTE, 28
1908
LE NÉPAL
I. — INSCRIPTION DU PILIER DE CHANGU
NARAYAN
Le pilier de Changu Narayan a élé découvert par Bhag-
vanlal Indraji qui a estampé et publié en partie Tinscrip-
tion. Malheureusement le prêtre du temple où ce pilier est
conservé ne permit pas au pandit de dégager la partie in-
férieure, qui était enfoncée dans le sol. Rhagvanlal ne put
donc relever que les 17 premières lignes de la face I, 17
de la face II, et 20 de la face III. Avant mon départ pour
rinde, Georges Billiler, qui devait périr tragiquement un
peii plus tard, recommanda tout particulièrement à mon
attention l'inscription incomplète; il m'engagea, si j'ob-
tenais d'entrer au Népal, à multiplier les démarches afin de
rapporter un estampage complet. J'ai déjà raconté (vol.
II, 388 ; 404) comment la bienveillance du Darbar me faci-
lita la tâche ; le zèle éclairé du Maharaja Rîr Sham Sher
sut triompher des refus et des menaces du prêtre de
Changu Narayan. L'accès du temple, il est vrai, me resta
interdit par une mesure de rancune puérile ; mais les
soldats Gourkhas que j'avais dressés réussirent à déterrer
la base du pilier sans l'endommager, et à prendre plusieur
estampages de l'inscription totale.
m. — i
2 LE NÉPAL
.rai pu, de l'onclos du temple, regarder le pilier qu'il no
mVitait pas donné (Kapprocher ; je Tai indiqué sur la pho-
tographie reproduite 1, 2IM . La description fournie par
Bhagvanlal est parfaitement exacte : il est situé à gauche
(pour le spectateur) de la porte du temple de Changu
Narayan; la moitié inférieure est carrée; le haut est
d'ahord octogone, puis chacun des pans se dédouble, el
le sommet est circulaire. Les débris du chapiteau ancien
et du (laruda qui le couronnait sont encore conservés dans
une sorte de cage à claire-voie au milieu de la cour d'en-
trée; le lotus et le cakra qui ont remplacé le couronne-
ment primitif, depuis ime cinquantaine damnées niainle-
nant, stî voient sur la photographie. L'archileclurc du
pilier rappelle de tr?;s près le pilier de llarigaon (cf. la
photographie II, 119); la paléographie rap]>roche de
même les deux inscriptions.
L'inscription de Changu Narayan est gravée avec l)eau-
(!Oup de soin sur trois des quatre faces. La partie inscrite
couvre sur la face I une hauteur de (r,80; sur la face II,
de (r,S(l ; sur la face II! de? 0'",92, divisée respeclivenienl
en 2G lignes (I), 2i lignes (H), 28 lignes (III). La largeur
des lignes sur les trois faces est unilormémenl de O",!?'!.
Les <"aractères ont en movrnne uih> hauteur de 0,012 sur
la face I, de 0,01 1 sur les deux antrc^s ; Tespacemenl des
lignes est d'einiron 0,22 sur les deux premièr(»s faros;
sur la il!', il rst irrégulier et va en croissant vers la lui.
avec un écart de 0,01 S à 0,020.
L'écriture <.*st, nettement et sans hésitation possible, du
Ivpe <!uplîi. Les observations de détail ne feraient guère
(pie doubler celh^s (pie je présenterai au sujet du pilier de
llarigaon. Parmi les lettres les plus caractéristiques, je me
c(»nleiilerai de ciler Vi initial (IL L'i ; III, 4 ; 9 ; 16) formé
de deux points disposés vertical(Min»nt (*t d'une barre ver-
ticîilt» à la (Irt)ilt*; 1(» /fff, terme h la droite du scribe, le sa
INSCRIPTION DU PILIER DE CHANGU NARAYAN 3
avec sa large boucle, le dha ovale, le tha complètement
arrondi, le bha avec Tangle largement ouvert. Bhagvanlal
(et Buhler qui a traduit sou article) avait déjà constaté
que (( la forme des lettres concorde exactement avec celle
des inscriptions Gupta». Cependant M. Fleet n'a point
hésité à descendre la date de cette inscription jusqu'au
début du viif siècle (705 J.-C), aussitôt avant Çivadeva
(n)et Jayadeva ; Téminent épigraphiste s'est trouvé, dans
celte occasion, entraîné k dénier Tévidence du témoignage
paléographique pour soutenir une combinaison chronolo-
gique abandonnée aujourd'hui. C'est aux environs du
v^ siècle que la paléographie tendrait à ranger Mànadeva,
comme avaient fait Bhagvanlal et Buhler qui interprétaient
la date de l'inscription par Tère vikrama (386 samvat
:r^ ;{29 J -C), à l'époque même de Samudragupta « dont
les édits sur piliers ressemblent totalement aux inscrip-
lions de Mi\nadeva)) {Some consideratiom on the History
of Népal, p. 50 du tirage à part). Nous aurons à discuter
tout à l'heure les détails de la date.
L'inscription est en sanscrit, et à l'exception des deux
premières lignes où est énoncée la date, elle est en vers.
Chacune des stances porte h la marge son numéro d'ordre
indiqué en lettres numérales. Le mètre employé d'un bout
à l'autre est le çàrdùlavikrîdila, que le poète manie avec
une réelle aisance. A défaut d'une imagination originale ou
brillante, l'auteur possède à fond son métier de versifica-
teur ; sa langue est pure et simple ; il n'abuse pas des longs
composés; il atteint rarement et ne dépasse pas un grou-
pement de sept mots. Son lexique est classique. Le mot
nirhhi (III, 16) manque, il est vrai à P.W.; mais P. W.^ cite
le mol avec une référence à Caraka. Le mot apdsira « arme
de défense» (III, i) n'est point relevé dans P. W.' Bhag-
vanlal note comme une impropriété l'emploi du causalif
/iiirat/a pour le simple (II, 8: râjyftm putraka kâraya); mais
4 LE NÉPAL
sa critique porte à faux. L'expression râjyarn kâraïf est
consacrée tout au moins par le vers traditionnel sur le
règne de Ràma, attesté à la fois en sanscrit parle Râmâyana
VI, 130, 104:1e Mahà Bhàrala VII, 2244 (et cf. III, 11219);
le Ilarivamca 2354 :
liâmo râjyarn akârayal
et en pâli parleJàtaka 461 (l)a<;aratlia j"):
Râmo rajjam akârayi.
Le Râmâyana emploie ailleurs encore la même expres-
sion, p. ex. à propos de Dillpa (I, 42, 8 éd. Bombay) :
rnjâ rnjy a m a kârny a l .
La graphie, dansTensemble, est extrêmement correcte;
les fautes relevées par Bhagvanlalsonl des lapsus du pandit
lui-même. La prétendue correction abhidhânât sali (II, 1)
est fondée sur un faux sens; la consiruction est littérale-
ment: « La reino Ràjyavatl sera Çrî en personne, étant
ayant-désignation d'épouse du roi». Saii, qui suit W>Ai-
dlnmùy n'est pas une simple platitude, mais marque bien,
conformément à Tusage, la fonction d'épithète du terme
précédent. Le b/ia de bhnrttuh II, 17 est très clairement
Iracé et ne ressemble pas à un hi. La correction indiquée
sur II, 14 pninan est sans raison ; le texte aussi bien que
l(î fac-similé et la transcription de Hhagvanlal, écrivenl
(•(>rr(Ml(»ment ce mot. La correction ''satvo^ ribhih pour pra-
jnniasairnru [hliih] souligne seulement une erreur de lec-
hin* niL 1 );le texte porte clairement "*tf//MW7/Wi qui est
Ire-^ v.i}vviH'\. Knfin (111, 19) il est inutile de substituer
ni/ttif â cri/ati/", car l(i texte porte r-'f/za/y* nettement tracé.
.!<• Il «iilrrids pas au reste diminuer parces constatations le
iii/'iih- bif'ii roiiiiu <le Hhagvanlal qui fut un déchiffreur
;idiiiiiiibh'dr -agacité et de science.
/
INSCRIPTION DU PILIER DE CHANGU NARAYAN 5
Il convient d'observer que Tinscription de Changii
Narayan redouble soigneusement la muette après r^ et se
range ainsi dans la série antérieure à Amçuvarman. Elle
note la finale absolue par un caractère de dimension moindre
tracé au-dessous du niveau de la ligne, tandis qu'avec
Çivadeva (1) et Amçuvarman on voit paraître le trait du
virâma tracé soit au-dessus, soit au-dessous de la lettre/
L'inscription commémore une donation au dieu de
Changu Narayan {Hari, 1, 0) faite par la reine Râjyavatî,
sur le conseil de son fils le roi Mànadeva, h la suite d'une
campagne victorieuse qui avait conduit ce prince à l'Ouest
du Népal propre, par delà la Gandaliî, jusque dans la cita-
delle (puri) du Malla indocile. J'ai déjà commenté du point
de vue historique cette inscription (11, 99 sqq.). L'objet de
la donation n'est pas clairement énoncé ; il s'agit sans doute
du pilier lui-même, indiqué parle démonstratif/^/ « ceci »
à la fin de l'inscription. L'usage d'élever des piliers com-
inémoratifs remonte dans l'Inde jusqu'à l'empereur Açoka.
Les Guptas, leurs voisins, et leurs successeurs ont renou-
velé ou perpétué cette pratique. L'exemple le plus frappant
en est la praçasti de Samudragupta à Allahabad, gravée
sur un pilier d'Açolîa même. La désignation la plus usuelle
de ces piliers est le mot stambha ; on trouve aussi ya^ii
(:=/ff() appliqué dans une inscription de Hastin et Çarva-
nàlha (Fleet, Gupta Inscr., p. 111) à un pilier de délimi-
tation {rala\yn?^'ynsli)^ et yûpa spécialement appliqué aux
piliers qui commémorent un rite (pilier de Visnuvardhana
à Bijayagadh, Fleet, ih., 2o!î ; Skandagupta ? à Bihar;
Mànadeva lui-même emploie ce mot pour désigner les
piliers érigés par son père, le pieux Oharmadeva ; 111, 5).
L'usage est aussi bien çivaite (Mangaleça à Badami) que
vichnouîte (Candra à Mehrauli; Budhagupta à Eran), ou
jaina (Kahaun, temps de Skandagupta), ou bouddhique
(Simhavarman à Amarâvatî). Dans le culte vichnouîte tout
6 LE NÉPAL
au moins, le pilier est comparé h un étendard du dieu
(Visnor dhvajah sthâpitah, h Mehrauli ; Jnnârdanasya dhvn-
jmtamhhah, a Eran). L'érection du pilier est généralement
désignée, comme dans la présente inscription {Kcchritaih,
ni, 5) par le verbe ucchray'\ Par une rencontre, qui n'est
pas due seulement au hasard peut-être, Tinscriplion de
Cliangu Narayan rappelle deux inscriptions sur pilier de
Skandagupta. L'une, à Bhitari, célèbre ce prince « lui qui,
après que son père fut parti au ciel, rétablit la Laksml de
sa race submergée, subjugua son ennemi, et s'écriant :
(( Me voici le maître ! » alla tout joyeux trouver sa mère
qui avait les yeux pleins de larmes, comme Krsna avec
Devakl » (1. 12-14: pitari divam iipete viplutùm vaiiçalaks-
inlTïi bhujahalavijitârir yyah prathihâpya bhûyah [I] jitani
iti paritosân mùtaram sâsranettrCini haiaripur iva Krmo
Devakun abhyupetah [il]. Le tableau et les expressions
môme évoquent Tentrevue de Mànadeva avec sa mère
Hî\jyavatî et dénotent sans doute l'imitation du même
modèle. L'autre inscription très mutilée (à Bihar) laisse
transparaître la personne de la mère du roi (1. 12). Ces
deux inscriptions se placent dans la seconde moitié du
v*" siècle. l'H siècle après, l'inscription de Mangaleça à
Hadami présente une analogie un peu plus lointaine avec
rinscri[)lion de Changu Narayan. Le roi Mangale(;a, au
relour d'une grande victoire remportée sur le Kalalsûri
Hud(llinrî\ja,fait une offrande à (Çiva) Makuleçvara et grave
s/i (lonalion sur un pilier commémoratif. L'inscription,
iv(|j^r(» dans une prose savante, célèbre d'abord les
iinct'^li'cs (lu roi, comme fait Mànadeva à Cliangu Narayan;
pHÎH virni Télogci du roi, onliu le narrateur passe au récit
di'H rirrnnsJniuM^sde ladouatiou par un mouvement presque
Ml<'iilM|ur d«' part et d'autre (kitn bahumi, BadamiJ. 10. —
///// riihpnr hhnliuhhih, Changu 111, 20). « Le roi, qui avait
MM nriir rinipiilience de dresser un pilier commémoratif
INSCRIPTION DU PILIER DE CHANGU NARAYAN 7
de la victoire de sa puh^^ance {ça/if?Jfri/aslamôkrf) ^ considéra
qu'il fallait d'abord dresser le javelot d'un pilier en com-
mémoration du triomphe de la piété {dharmmajayastam-
bhaçakti),.. 11 manda l'épouse de son père, la reine Durla-
bhadevî et lui dit: Que ceci soit ton affaire! Présentez en
offrande à MakuleçvaraNâtha ces choses... (l'énumération
suit). »
L'inscription de Changu Narayan est datée de « samvat
386, au mois de jyaistha, quinzaine claire, premier jour
de la lune, 1 , la lune étant associée à l'astérisme Rohinî,
au temps favorable d'Abhijit ». Bhagvanlal, sans s'arrêter
aux détails de la date, avait examiné l'interprétation de
l'année au point de vue de la chronologie fournie par les
Vam(;àvalîs. Il avait réduit d'une part à l'ère (;aka (= 464
J.-C), de l'autre à l'ère vikrama (=:329 J.-C.) ;puis trou-
vant que la moyenne des règnes entre Mànadeva et Jaya-
deva était plus vraisemblable dans le second système que
dans le premier, il avait préféré l'ère vikrama. Le procédé
est toujours délicat ; appliqué aux Vaïp(;âvalîs du Népal, si
fantaisistes dans leurs spéculations chronologiques, il était
voué d'avance à l'échec. M. Fleetaplus tard repris l'examen
de la chronologie ancienne du Népal en se fondant sur la
date 316 de Çivadeva (I) donnée par l'inscription du Gol-
madhitol que M. Bendall avait récemment découverte et
publiée. Je laisse de côté la discussion de ce système que
j'ai déjà critiqué dans un article du Journal asiatique, eu
1894. M. Fleet, admettant que les inscriptions du Népal se
divisent en deux séries parallèles usant d'ères différentes,
rapporte l'inscription de Changu Narayan à l'ère Gupta;
il obtient ainsi 386 Gupta^ 705-706 J.-C. = 628 (;aka cou-
rant, soit 627 çaka expiré. Partant de cette donnée,
Sh. B. Dikshit a vérifié pour M. Fleet les détails de la date ;
il a trouvé que a la tithi donnée finissait le mardi 28 avril
705 J.-C, h 57 ghalîs 12 palas après le lever du soleil ; que
8 LE NÉPAL
le naksatra Krtlikà durait jusqu'à 11 ghafis 3 palas après
h; lever du soleil, que le naksatra Rohinl venait ensuite et
continuait jusqu'à 11 ghatis 18 palas après le lever du
soleil le lendemain mercredi, et que, conséquemment, le
muhùrla Abhijit, qui est le huitième dans la série des mu-
hûrlas, et qui commence donc avec la io' ghatl comptée
depuis le lever du soleil, s'est produit, comme le veut le
texte de Tinscription, tandis que le naksatra Rohinl était
courant » {Gftpta Imcr.^ Introd. 93-95).
Comme il arrive souvent des prétendus arguments scien-
tiiiques introduits dans les recherches d'histoire et de
philologie, la preuve ne prouve rien. Les détails de la
date, malgré leur nombre, ne laissent rien de précis à la
vérification. La position donnée, loin d'être accidentelle,
est presque régulière, ou du moins très fréquente. En effet
le mois de jyaislha est le mois où la lune doit être pleine
dans la constellation de Jyesthâ ; donc, à la nouvelle lune
qui précède, la longitude de la lune doit être de 180" de
moins. L'intervalle entre Jyesthâ et Rohinl étant de 187",
elle déplacement de la lune étant de 12" par tilhi, il y a
de fortes chances pour que la lune passe en Rohinl dans le
courant de la première lithi (pralipad) de jyaislha. De plus,
le muhùrta Abhijit (=Vidhi" ou Brahma") est le huitième
des quinze muhùrtas de la journée, ou des trente muhûrtas
qui vont du lever du soleil au lever suivant ; chaque
muhrtrla dure 48 minutes. Donc, au moment où commence
Abhijil, 7x4(>' = 336 minutes = 5 heures et 36 minutes
se sont écoulées depuis le lever ; la distance de la lune à
Jyesllia s'est ainsi réduite d'un peu moins de 3", et sa posi-
lioii il plus (le chances encore d'être dans la région du
naksaliH Rohini. Au reste, s'il s'agit d'arguments astrono-
nii(|u«'s, il fuul observer que la solution calculée par
hikshil ('[ adoptée par Fleet est inconciliable avec l'inter-
ralalion d'AsAdlia en 410 fournie par une de nos inscrip-
INSCRIPTION DU PILIER DE CHANGU NARAYAN 9
lions. Si 386 samval équivaut à 628 çaka courant, 449
équivaut alors à 691 (;aka courant ; or cette année-là, il y
a une inlercalation de jyaislha dans le système vrai, de
vaiçâkha dans le système moyen, mais non pas d'âsâdha.
Si, comme je le crois, 449 avec son âsàdha intercalaire
correspond à 482 çaka courant, 3S6 samvat répondrait h
419 çaka courant. Or le premier jyaistlia de 419 caka cou-
rant, au moment où le soleil se lève, la lune se trouve en
Hohinî, et il lui reste à parcourir ^, de lunaison dans ce
naksatra, autremenl dit elle doit y rester encore pen-
dant 12 heures 23 minutes. Puisque le muhùrta Abhijit
commence 5 heures 36' après le lever, la lune est encore en
Rohini pendant ce muhiîrta. La date du pilier de Chanf2:u
Narayan correspond dans celle hypothèse au mardi
V' mai496J.-C.
Cette date ne satisfait pas seulement aux données astro-
nomiques de rinscription; elle est aussi en harmonie avec
les caractères paléographiques. D'ailleurs, en dehors des
considérations particulières que j'ai fait déjà valoir ou que
j'aurai à signaler dans la suite, à |)ropos d'autres inscrip-
tions, un fait seul suffit à classer définitivement Mànadeva
avant Am(;uvarman ; grâce au contrôle oifert par Tinscrip-
tion du Yag bahal, nous sommes assurés maintenant que
le (;rî Màna vihàra compris dans la liste des libéralités d'Am-
('uvarman (Harigaon, an 32) est bien le Mànadeva vihâra,
le monastère fondé par Màna deva à Patan. La même
inscription désigne aussi un Màneçvara, un Dhàrâ Mâ-
ne(;vara qui sont probablement des fondations pieuses de
Màna deva. Le Mànagrha, d'où les rois Licchavis après
Màna deva datent leurs ordonnances, et ([ui se trouve aussi
mentionné chez Amçuvarman (Marigaon, an 30; 1. 10) est
sans doute le palais élevé par Mànadeva.
Nota. — Dans la transcription de cette inscription comme
10 LE NÉPAL
aussi des sui\anlcs, j'indique par des lettres grasses les carac-
tères qui dans 1 écriture originale sont tracés au-<lessou8 de
la ligne et réduils de dimension; ce procédé graphique éc[ui-
vaut à l'emploi du virama dans les alphabets modernes.
L'ilaliquc marque les lettres douteuses.
Te
XTE.
I
I. Sarnvait 386 jvaislliamâse çuklapakse pralipadi i
1^. [Rojhinînaksattravukle candramasi muhûrttc praçaste
bhijiti
3. |(;rî]\atsânkila(lïplacâruvîpu[la]prodvrllava|k»a]slhalah
4. 7 vaksahslanapadmabnhu[rucirahj sma-pravrddhotsavah
5. [lrai]lokyabhrama\anlravarlti TTT vvâsanganilyo vvayah
6. [dojlâdrau niviisan javalv ani[mi|sair abliNarccyamâno
Harih (i)
"], :: tsâ :: Napratâpaviblia[vair v\vri|\âmasaiiikscpakrt
8. |rnjâbhri|d Vrsadcxa \[\ [anupamah saJtNapralijnodavah
(). . : sa\ilc\a(lïplakira[naih{ samyîigdhr[laih] svaihsutaih
iD. vidxadbhir bbahugarv\ilairaca[palaih ::] vinîtâtmabhih
(■>■)
I I . [la|sNâbhrit taïuiNab sainrddha[visaj\ah sankhyesv ajeyo
ribbib
L. "1. r>ha^\anlal Iraiisrril à t<»r( nnksittin.
L. i. La syllahe stn v^[ lisible sur rcslainpaj^e après raksnlj. La con-
jp(*liin> .s///^/|///r| (le Biia^vanlal me parait impossible à concilier avec les
traces visi!»les sur j'eslaiiipa^'e.
L. .*». La s\llab(* /7//se lit assez rlairenienl après ynntrani.
L. <>. Lr far siinile de r>lia^'\aiilal redouble bien lecde "arccya^ ; mais
sa (ranscriplion en dévanai^ari poile par erreur "rn///".
L. H). La ((mjtM'hne d<' Uba^'vanlal khyâtair vinltâ" est inacceptable,
rar nn aurait eu ///;//'» avee redoublenienl du r après r.
INSCRIPTION DU PILIER DE GHANGU NARÂYAN 1 1
12. [râjûj Çankaradeva ity apa Ttt llpradah salyadhîh
i3. 77 vikramadânamânavi[bhavai]r llabdhvâ yaçah puska-
lam
i^- 777^ raraksa gîîm ablii[niatalr blii]t\al[r inrgcjndropa-
rnah (3)
i5. [lasyâjpy uUamadharmmakarmmaya "777T vid dhârm-
mikah
i6. [dha]rmmâ[lmâ] vinayepsurutla[magunah çrî Dhajrm-
madevo nrpah
17. [dha]rmmenaiva kulakramâgata V777t râjyani mahat
18. s[pin]tïkrlya navair nnrparsicari 77 bhâvya ccto nrnâm
(_4) ■
19. [rejje sa[tlvâni]çiibhih surânu 7T7 h sampan naman-
trarddliibliih
«
20. 7 mâvâ 7 viçuddhadehahrdayaç candradyutihpârtthivah
21. [pa]tnï lasya viçuddhavaiiiçavibhavâ çrï Râjyavaly ul-
tamâ
22. 7 nâ 7Y bhaval 7 kulaçu 7 r llaksmïr i[vâ]gryâ Hareli (5)
23. 777T rater yyaçomçubhlr Idam [vjyâbhâsya krlsnan ja-
gat
24. yâti sma Iridivâlayan narapalâv udvânavâtrâm iva
!«5. pramlânâ jvaravilivalâ kulaja 77 nekamandâ tadâ
2(). dcvâlmravidhikriyâsv abhiralâ ladviprayogât piirâ (6)
II
1. devï Uâjyavalï tu tasya nrpatcr bhâryyâbhidhânâ salï
2. çrîr evânugatâ bhavisyati tadâlokânlarâsanginï
3. yasyiln jâta Ihânavadyacaritali çrï Mânadcvo nrpah
4. kântyâ çâradacandramâ iva jagat prahlâdayan sarvvadâ
(7)
5. pratyâgatya sagadgadâksaram idan dïrgghain vlniçvasya
ca
12 LE NÉPAL
G. premnâ putram uvâca sâçruvadanâ yâtah pila le divam
7. hâ pulrâslamite tavâdya pitari prânair vrilla kim marna
8. râjyam pulraka kârayâham anuyâmy adyaiva bharttur
ggalim (8)
9. kim me bhogavidhânavistarakrtair âçâmayair bbandha-
naih
10. mâyâsvapnanibhe samâgamavidliau bharllrâ vînâjïvilum
1 1 . yâmîty evam avastliitâ khalu tadâ dïmllmanâ sûnunâ
13. pâdau bhaklivaçân nlpïdya çirasâ vijnâpilâ yalnalah (g)
i3. kim bhogair mmama kini lii jïvitasukhaislvadviprayoge
sali
i/|. prânân pQrvvam alian jahâmi paralas Ivam yâsyasïlo
divam
i5. ilycvam mukhapankajânlaragalair nnelrâmbumîçrair
dnlliain
16. vâkyapâçair vvihagïva pâçavaçagâ baddhâ lalas laslhusï
(10)
17. salpulrena saliamddhvadehikavidhim bliarlluh prakrly-
îîtmanâ
18. çïlalyâgadamopavâsaniyamair ekântaçuddhâçayâ
i(). [vij|)rebhy() pi ca sarvvadâ pradadalî ladpunyavrddhyai
dlianam
20. tasiliaii laddlirdavâ salï vralavidhau sâksâd ivârundhatï
(■■)
^n . pulro py rirjjilasallvavikramadhrtih ki^^ânlah prajâval-
salali
\>.9.. karllâ naiva vikatllianali smilakalhali pûrvvâbliibhâsî
sadâ
'2-^. lejasvï lia ca garvvito na ca parâm lokajnalân nâçrilah
L. <i. \a' tn final de (limm est claiieiiicnl tracé: c'est par erreur que
Klia^^vanlal lit ot Iraiiscrit divnw.
L. Ii). Hlia^xaiilal Iranscril en dévanagari hhotjnir marna sans redou-
bler le m après le r: mais son facsirnilé corrige lui-même cette inexac-
litud(>.
L. 17. La lecture "atmatiah, chez Bhag\anlal, est certainement fautive.
INSCRIPTION DU PILIER DE CHANGU NARAYAN 13
24. dïnanâthasuhrt priyâtithijanali pratyarlthinâm mânanut
(12)
III
1 . asirâpâstravidhânakauçalaganaih prajnâtasatpaurusali
2. çrïmaccârubhujah pramrstakanakaçlaksnâvadâtacchavih
3. pînâmso vikacâsilotpaladalaprasparddliamâncksanah
/|. sâksât kâma ivângavân narapalih kânlâvilâsotsavali (i3)
f). yûpaiç cârubliir ucchritair vvasurnatî pitrâ inamâlanki ta
6. ksâltrenâjimakliâçrayena vidhinâ dîksâçrito ham sthitah
7. yâlrâni praty arisanksayâya tarasâ gacchânii pQrvvâii
diçam
8. ye câjnâvaçavartllno marna nrpSh samsliiâpayisyâmi
iân (i^)
9. ilyevan jananîm apctakalusâm râjâ pranamyocivân
10. nâinbâniriyam ahan lapobhir arnalaili çaknomi yâluin
pitub
1 1. kin tv âptena yathâvad asliavidhinâ talpâdasainsevayâ
12. Aâsyâmïti tato inbayâlimudayâ daliâbhyanujno nrpah
(.5)
1 3. prâyât pQrvvapatbena lalraca çathâ ye pQrvvadcçâçrayâli
I fi. sâmantâli pranipâtabandhuraçirahprabbrastamaulisrajah
1 5. Iân âjûâvaçavartlino narapatib samsthâpya lasmât punali
iG. nirbhîh siinbaivâkulolkatasalahpaççâdbhuvanjagniivân
(16)
17. sâmantasya ca latra dustacarilam çrulvâ çirah kampayan
18. bâliuin hastikaropamain saçanakaili sprstvâbravïdgarv-
vilam
L. i. L*estampage porte très clairement saipaurusah au lieu du mtvo-
ru\bhih] de Bhagvanlal.
1^. 48. Les deux syllabes portées au-dessus de la ligne 18 sur le fac-
similé de Bhagvanlal ne correspondent à rien dans Toriginal.
14 LE NÉPAL
i<). âhnto >adi naili vikrainavavâd esyaly asau me vaçam
20. kiiii vâkyair bbahubhir vrlhûtra gadiiaih samksepatah
kaltliyalo (17)
2 1 . adyaiva priyamâtuloruvisamaksobhârnnavasparddhinîin
9.'j>. bbîmûvarttalarangacaricalajalân tvan gandakîni utlara
2.S. sannaddbair vvaravâjikurijaraçalairanvemitïrltvânadïin
2/1. Ivalsenâmiti niççayân narapaiis lïrnnapralîjnas tadâ(i8)
^5. jitvâ Mallapurîn tatas tu çanakair abbyâjagânia svakam
2(i. deçain prîtamanâs tadâ khalu dbanam prâdâd dvijebhyo
ksavam
27. râjnï Ilâjyavatï ca sâdliuinatlnâ proklâdrdbain srinu[nâ]
:;.8. bbaklyâniba Ivain api prasannabrdayâ dânam prayac-
chasva l[al] (19)
Thaduction.
1
(1-2). An 38G, mois de Jyaislba, quinzaine claire, premier
jour de la lunaison, i, la lune élanl associée au naksatra
Hohinî, au temps favorable d'Abhljil'.
L. lî). L'estampage porle claireiiu'nl la forme correcle esyâty, au lieu
de la liM'lurc t'ryaty de niiagvanlal.
L. "IH. niiagvanlal lit à tort vridhJtruaditaih. Les caractère»* irtfuUra
sont très nets.
l. L'épitluHe de prantsta « vanté, recommandé >> a|)|di(|uée à Abhijit
n'est point un simple orn«»ment littéraire, l^n vers du Malsya Purâ^a,
cité par le Çabdakalpa druma où (loldstiicker l'a emprunté, recoin-
manch* «'xpressément l'heure d'Ahhijit |K)ur les donations :
apnrâhuc tu sanipràitti' Ahhijidlinuhhmlnye
ydd (itni dh/atr jtmtoa lad nkuiyam udâhrUim.
« Quand l'aprés midi arrive, si Abhijit se produit en Rohinl. le don qu'on
fait alors est déclaré injpérissable. »
INSCRIPTION DU PILIER DE CH\NGU NARAYÀN 15
I. Le Çrîvatsa est empreint sur Téclat gracieux de sa large
et vaste poitrine; sa poitrine, ses seins, ses bras (des lotus I)
resplendissent; il met en fête... ; les trois mondes sont la
machine à rotation qu'(il) fait tourner., pour sa distraction
continuelle, lui, l'Inipérissahle. Le Doladri est sa résidence.
Vive celui qu'adorent, les yeux toujours ouverts, [les
dieux], Ilari!
2 par sa majesté, par ses richesses, il réduisait ses
efforls ; tel était le roi Visadeva, Tincomparable ; sa pro-
messe se vérifiait dans ses efTels; comme le soleil Test de
rayons éclatants, il était... de ses fils Lien maintenus,
savants, très fiers, sans caprices, soumis à la discipline.
3. Son fils, maître d'un empire prospère, invincible à ses
ennemis dans les combats, fut le roi nommé Çankaradeva,..
très libéral, cœur sincère... par sa vaillance, sa charité,
son honneur, ses richesses, il acquit une pleine gloire;., il
protégea la terre par des lieutenants estimés, pareil au roi
des fauves.
4. Son (fils), excellent en vertus, en actes , savant, sou-
mis à la Loi, ou plutôt la Loi môme, aspirantà la sagesse,
excellent en qualités, fut le roi Dharmadeva. La loi même
Tavait désigné pour hériter d'un grand royaume ; sa
sagesse enrichit 1 histoire des saints royaux, en réjouissant
le cœur des hommes.
0. Il rayonnait le bien ; ... aux dieux, ses desseins, ses succès
étaient parfaits ; il avait la pureté du corps et du
cœur; ce prince brillait comme la lune. Son épouse qui
avait la pureté de la race et des richesses, était Texcellente
Hajyavatî comme la Laksmî excellente de Ilari.
G. Après avoir... des rayons de sa gloire illuminé le monde
entier, le roi des hommes partit au séjour du ciel, comme
à une promenade de parc ; défaite, agitée de fièvre... elle
s'alanguit, elle qui se plaisait aux rites, nourriciers des
dieux, avant qu'elle fut séparée de lui.
16 LE NÉPAL
II
7. La reine Râjyavalî, qui porte le nom d*épouse de ce
roi, sera en réalité Çrî en personne venue à sa suite en
clierchanl une occasion de le regarder, elle en qui est né
le héros irréprochable, le roi Mûnadeva, qui — tel l'astre
lunaire en automne — rafraîchi! le monde en tout temps.
8. Klle \inl le trouver, dos sanglots dans la voix, avec de
longs soupirs, le \isage plein de larmes, et elle dit h son
nis avec tendresse : « Ton père est parti au ciel ! Ahl mon
(ils I maintenant que ton pore s'en est allé, qu'ai-je à faire
de la vie ':) Exerce, mon cher fds, la royauté I Moi, dès
aujourd'hui, je vais suivre ton père.
<). Qu'ai-je à faire des chaînes de Tespéranco. fabriquées
par riniinio variélo des plaisirs, pour vivre sans mon
opoux, dans ce mondoon la rencontre a l'air d'une illusion
ou d'un ro\c. Je m'en \ais ! » Ainsi résolue, son fils
allristé lui pressa les pieds de sa tote, par alToctlon, et
l'avisa ainsi, non sans poino :
10. (( Qu'ai-je à faire dos plaisirs? qu'ai-jc a faire des joies
d(» la vie, si je suis séparé do toi.^ Je >eux otre le premier
à cesser do vivre ; après moi tu partiras au ciel. » Ainsi
|)arlant, los lacets de ses paroles, tendus à Tintérieur du
lotus de sa bouche, et mtMés avec l'eau des larmes, Tenvc-
loppalont comme une oisolle qui reste prise au filet.
1 1 . Ku oompagnio de son (ils, elle accomplit en personne
les rites funéraires pour son époux ; la vertu, la charité, la
chasteté, los jeunes, los saintes abstinences avaient purifié
le fond do son ocour ; elle distribua totalement aux
brahmanos sa fortune pour accroître les mentes de son
époux : elle n'a>alt (|ue lui au C(our pendant les cérémonies
sacrées : t(*lle Arundhatl incarnée.
INSCRIPTION Dtl PILIER DE CltANGll NARAYAN 1 7
12. Et son fils, trésor de vertu, de valeur, de noblesse,
patient, chéri de ses sujets, il agit sans phrases, il sourit
en parlant, il est le premier toujours à saluer, il est éner-
gique sans orgueil; on ne saurait dire qu'il n a pas atteint
la plus haute connaissance du monde : il est Tami des
affligés et des orpheHns ; il aime ses hules ; il fait oublier
aux solhciteurs leur susceplibilité.
III
i3. Les armes de jet et de défense qu'il manie avec adresse
font connaître sa réelle bravoure ; ses bras sont majes-
tueux et gracieux ; Tor poli n'est pas plus lisse ni plus
clair que son teint ; ses épaules sont larges ; l'épanouisse-
ment des péiales du lolus sombre rivalise avec ses yeux.
On croirait qu'il est l'Amour visible et incarné, ce roi qui
met en fête la coquetterie des aimées.
i4. c( Mon père a décoré la terre des piliers élégants qu'il a
dressés ; j'ai reçu moi-même le baptême des ksatriyas dans
la pratique des batailles ; je pars en procession pour détruire
mes ennemis vers la terre orientale, bien vite, et les princes
qui reconnaîtront mon autorité suzeraine, je les installerai
rois. »
i5. C'est en ces termes que le roi parla à sa mère sortie
de son deuil, incliné devant elle, a Non, ma mère ! je
ne puis m'acquilter envers mon père par des mortifi-
cations sans tache ; c'est par la pratique des armes, où
je suis destiné, que je pourrai faire honneur à sa sainte
mémoire. » Sa mère, toute joyeuse, lui donna son
consentement.
i6. Le roi partit alors par la route de l'Est. Et là tout ce
qu'il y avait de marquis déloyaux dans les provinces de
l'Est dut s'incliner et courber devant lui la tête en laissant
m. - 2
18 LE NÉPAL
tomber guirlandes cl diadèmes ; il les rendit dociles à ses
ordres. Puis, étranger à la crainte, comme un lion qui
agile sa massive crinière, il s'en alla vers la terre d'Ouest.
17. Apprenant que le marquis de là se comportait mal, il
agita la tôte, toucha lentement son bras * qui semblait une
trompe d'éléphant, et dit fièrement : « S'il ne vient pas à
ma sommation, il faudra bien qu'il se rende à ma valeur.
A quoi bon de longs discours ? Je le dis en bref.
18. (( Aujourd'hui même, ô frère de ma mère, toi qui m'es
cher, traverse la Gandakî, si large, si agitée qu'elle rivalise
avec l'Océan, avec ses tourbillons formidables et ses vagues
ondoyantes. Escorté de chevaux et d'éléphants par cen-
taines, excellents, caparaçonnés, je suis ton armée en
franchissant la rivière. » Sa décision prise, le roi tint
parole.
19. Ayant conquis la ville du Malla, il s'en retourna par
étapes dans son pays; et alors, le cœur joyeux, il donna
aux brahmanes des richesses inépuisables. Et la reine
Râjyavalî fut ainsi interpellée, d'une voix ferme, par son
fils vertueux : « D'un cœur serein, ô ma mère, donne,
toi aussi, dévotement ceci en oflrandc! »
i. Le preste indiqué a sans doute la valeur d'une attestation. C'est
ainsi que le Bouddha, à l'heure de la crise suprême, touche la terre
pour la prendre à témoin (J)hïimi spaira mudrà). Manu (Vlll, 413)
enseigne ((ue le juj^'c « doit faire prêter sernient au ksalriya sursa mon-
ture ou sur ses armes » et les connnentateui*s, cités par Bi'ihler ad loc.
expliquent que « le ksatriya doit toucher les objets indiqués en disant:
« ^Ui'ilîs me deviennent hors d'usage si je mens! »
II. — INSCRIPTION DE LAJANPAT
Lajanpat est un hameau situé à TEst de Katmandou.
L'inscription est tracée au bas d'une sorte de tablette de
pierre qui se dresse encore au milieu des champs. La table,
qui mesure environ 0'",65 de large sur 0"",70 de haut, porte
une composition en relief, où les gens du pays croient
Teconnaître et vénèrent une Yoginî. En fait l'image repré-
sente, comme en fait foi la dédicace, un « Visnu Vikrân-
tamûrti, adoré par les dieux et les sages ». Le dieu, cou-
ronné d'une mitre (mukutii) possède, contre l'usage
ordinaire, quatre paires de bras; un des bras de droite
porte le disque, un autre la massue (gadâ) ; un autre vient
s'appuyer sur la cuisse. Les jambes s'ouvrent h grand
écart, comme il convient au dieu qui couvrit le monde en
trois pas; un des pieds pose sur la base du tableau, l'autre
s'élance vers le ciel y. la photo. II, 101),
Dans l'angle inférieur de droite se déroule le ])rologue
du miracle. Le roi Bali verse l'eau qui consacre la dona-
tion sur les mains d'un nain (vàmana); derrière le roi, sa
femme et deux serviteurs, dont l'un conduit un cheval,
tandis que l'autre est accroupi. Au-dessus, un personnage
qui se renverse dans une attitude expressive de chute est
sans doute encore Bali, précipité du pouvoir. D'autre part^
sous les bras droits du dieu, Laksmî, portée sur un lotus
20 LE NÉPAL
rond (padma), et tenant dans sa main un lotus en pinceau
(utpala). Derrière elle, Garuda, les ailes éployées, age-
nouillé, les mains jointes en adoration sur la poitrine. Un
Nâga, dont la longue aigrette se reploie, soutient sur son
bras les doigts de pied du dieu'.
Tout le morceau, enlevé avec une véritable bravoure,
montre Thabilelé des sculpteurs népalais vers Tan 500 de
l'ère chrétienne. Dans la pénurie générale des données
chronologiques relatives à Tlnde, cette pierre datée fournil
un utile repère à Thisloire de la sculpture indienne et de
ses écoles.
L'inscription de la dédicace, en deux lignes, occupe
toute la largeur de la base ; les caractères ont une hauteur
moyenne de 0'",007. L'écrilure est identique à celle des
autres inscriptions de Mânadcva. L'inscription est rédigée
en sanscrit correct. Elle est disposée sur le type des autres
dédicaces du règne : en tête la date ; puis une stance, ici
dans le mètre compliqué de la sragdharà. L'indication du
mois et du quantième est rejetée en dehors du vers, à la
fin. Le nom du roi Mânadeva est associé à celui de
sa mère, Hâjyavatî, comme sur le pilier de Changu-
Narayan, qui est daté de Tannée précédente (ou de trois
ans plus tôt); c'est au profit de la reine-mère que la
sculpture est étabhe.
L'image est sans doute une de celles que la tradition,
consignée dans la Vamçàvalî, assigne à la piété de Râjya-
vatî (IL 98).
La date est figurée en lettres numérales, très nettes sur
la pierre, sauf le chiffre des unités, qui peut être lu: 9.
i. La l«'^'en<lo de Bali et du Nain est incontestablement vichnouîte;
mais clli» n'est pas étrangère au bouddhisme, tout au moins au boud-
dhisme népahiis, si hirj^emenl syncrélitjue. Elle est contée tout au long
dans le Kàranda vyûha (manuscrit de la Bib. Nat., Burnouf 9i, p. 23» sqq.)
INSCRIPTIOiN DE LAJANPAÏ 21
Texte. ■
Samvat 3oo 80 7 mâtuh çrï Râjyavalyâ "TTTT nadeh 1
sarvvadâ punyavrddhyai râjâ çrï Mânadevaç çubha
vimalamatih (Ymbhâ) Ytt (|) ^âtadi , iâmhlvdvûbhuh
TTTdâYyitvâ natrham ilia gliaTsthâTyâm âsa samyak
visnum vikrânlamQrllimsuramunimahilam satvalokai-
■ • • • •
kanâthain (||) vaiçâkha çukla .77
Traduction.
I. Samvat 387. Pour l'accroissement des mérites de Râjya-
vatî, sa mère le roi Manadeva à la pensée bonne
et pure
2 (a élevé) un Yisnu dans Tattitude des (trois) pas,
exalté par les dieux et les sages, l'unique protecteur
du monde des créatures. Quinzaine claire de vaiçâkha,
le
L. 2. C'est à M. Thomas que je dois la lecture, presque certaine,
sth4i[pa]yâm usa au lieu de sthd ^ nam apa que j'avais donné dans le
Journ. As.
I
m. — INSCniPTION DU TO-BAHAL A KATMANDOU
L'inscription du To-bahal csl gravée sur un socle à demi
enfoui dans le sol, àrintérieur de Katmandou, tout près de
la porte orientale. Le socle porte aujourd'hui une statue
de Mahfikàla (vulg. Mahenkal) reconnaissable à sa cou-
ronne de têtes de mort, à son sceptre que surmonte le
vajra, surtout h la pochette (bourse ou demi-citron) qu'il
tient à la main, et au serpent qui lui entoure le cou et lui
cercle les reins. On ne peut admettre que ce soit là la sta-
tue originale, puisque la dédicace mentionne Timage d'un
Indra Divàkara. Au reste j'ignore quelle divinité a pu être
désignée sous ce nom, et s'il s'agit d'un dieu hybride, à
caractère double, tel que le Sûrya-Vinàyaka du Népal mo-
derne.
L'inscription est tracée sur trois lignes, la dernière in-
complète ; les deux premières ont une longueur de 0"',60 ;
les lettres ont une hauteur moyenne de 0'",01. Dans son
ensemble, elle rappelle étroitement l'inscription n" 2 de
Bhagvanlal, qui date de on/c ans plus tard. Le caractère
paléographique est exactement le même et ne provoque
|)as de romîiniue. Klle est également en sanscrit, et aussi
disposée de la même manière : Kn tête la date ((samval
402»; puis la dédicace en deux(;lokas; entin, en prose,
l'indication du bien-fonds attribué à la donation. La date
est expi'imée en lettres-numérales. La mention complé-
INSCFUPTIOiN DU TO lUIlAL A KATMANDOU 2.3
mentaire du mois et du jour, contenue dans le premier
vers, ne fournit pas de données qui permettent la vérifica-
tion.
Le fondaleur de la statue est un marchand, chef de cor-
poration, Guhamitra. Le terrain cédé se trouve dans une
localité {prtfdeça) qui porte un nom purement névar, d'une
lecture assez incertaine. Les indications relativesau terrain,
énoncées en prose, contrastent par leur gaucherie et leur
incorrection avec le style aisé et pur des vers de la dédi-
cace.
T
EXTE.
1. [saiiivajt /|(K) 2 (l|) nljnah çrï Mânadcvasya samyak pâla-
jato niahïm (|) âsâdhaçuklasya litliau pancadaçyâm
çubhârllhiiiâ (i)
2. vanijâin sârtlhavâhena duhamltrena bhaktllali (|) sam-
slhâpilo Ira hhagavân Iiidro nâma dîvâkarah (2) kse-
Iraiii yalhâgrunpadçuin-pradeçe
3. çatasya bliûmili piiidakamâni ca
L. '2. \a' nom de la localité est doiiloiix. Le second caraclère du nom
peul èln» //«»/, ou nu'me Uhâ ou Uhu. Le troisième est certainement
un f/ ; uuiis du |>ied de la liarufx' se détache un trait ol)li(|ue, à an^de
ni;:u, lr*o|> net pour élre considéré comme une cassure, et qui donne
au f/ la \aleur f//i dans l'inscription de Bilsad ((if. Bi iu.f.r, Pfilco(jr.,
lahie IV ; l. 9, col. IV). Mais, à la li^nu^ 1^ de notre inscription, le même
Irait est combiné avec ïii de bh pour marcjuer l'allonj^ement dans
hhûmlh.
L. 3. Le «;roup(; s//^/, dans ratast/a est douteu.x. — LU bref final de
"luJni est probablement à corripM* en f. — Le mot ca est tracé à un in-
Icrvalle d«* 0'".0-i de la leltre précédente.
l*our l'i'xpression iiiuthikniuiiui, cf. inscription Bhaj^v. n** 11, de .lisnu-
^'upla, 1. 1K: arUijtiuihnuJniUàuàm Ithûh \ et aussi Hba'^v. n" î). aussi de
Jisnu^Mipla, 1. 11 \'l iiiiujiilnnu i/iHistifnlirtya où Bba};vanlal nu*t en note :
npiuiinlid, w hicli isa s\non\ m of the more counnon tjràs .semés to dénote
a sliare of tlie product? of llie lield ».
2i LE NÉPAL
Traduction.
L'an /|02. (Au temps) où le roi Mânadeva gouverne juste-
ment la terre, le quinzième jour du mois asâdha, quinzaine
claire, par désir du bien, Guhamilra, chef d'une corporation
marchande, a dévotement élevé ici sous le nom d'Indra un
saint Divâkara.
(Il lui a assigné comme revenu) un champ dans la localité
de Yathagûmpadçum (?), de (la valeur de) cent (panas?) et
une terre d'une mesure de pindaka.
IV. — INSCHIPTION DU PIUEH DE IIARIGAON
llarigaon esl un village situé à une lieue Est de Kat-
mandou. Le site, qu'aucune légende locale ne consacre (à
ma connaissance, du moins) a dû cependant connaître
autrefois des jours glorieux. J'y ai recueilli en effet, outre
l'inscription du pilier, deux stèles du roi Ainçuvarman. Le
pilier (y. la})hotographie, //, p, 119) est situéiiTEstet en
dehors du village, au pied du talus qui porte Ifarigaon et
qui descend en pente rapide. En janvier et en février, je
trouvai ce pilier entouré d'une flaque d'eau qui en rendait
Taccès difficile et qui compliqua fâcheusemetitla tâche de
Testampage; il fallait se cramponner d'un bras au pilier
pour étendre et battre le papier de l'autre bras. Un petit
tertre, qui borde la flaque d'eau, porte une chapelle rudi-
mentaire où gisent des débris mutilés de sculptures an-
ciennes, recueillis dans les champs voisins. Le prêtre
(pûjclrî) qui en a la garde ne sait rien de leur provenance
réelle ni de leur histoire.
Le pilier dans l'ensemble est en bon étal, mais l'inscrip-
tion a souffert. Elle n'occupe pas moins de 73 lignes, mais
les vingt dernières lignes sont seules intactes ; les trente
lignes qui précèdent (24-54) sont tronquées, et souvent
des deux extrémités. Le reste a disparu en grande partie,
à tel point même que des dix-sept premières lignes il sub-
siste à peine les syllabes finales. L'écriture couvre au total
20 LE NÉPAL
iino haulourde r",0o sur une largeur de 0'",28 ; la hauteur
movenne des lettres est de 0'",008, et riiilervalle uiovcu
des li};n(\s de 0'",01G.
Les caraclères, Iraeés et f^M'avés avec soin, sont du type
(iupla. A défaut d'une date |)récîse que rinscriplion ne
fournit pas, les doiniées paléojifraphiques fournissent uu
repère solide à l'intérieur d'une série bien connue. Parmi
les inseri|)tions des Guplas, c'esl au type oriental, comme
il fallait s'y all(*ndre, que se rattachent les caractères de
l'inscription : ils sont analofi;ues et presque identiques h
ceux du piher de Kahàum, dans le district de Oorakhpur,
daté (hi rèjçne de Skanda (lupta et de l'an 141 (=400/1
J.-C). Dans la série népalaise, ils se rangent avec le
};rou|)(î de Màna (leva (IlSii j , ère locale = 497 -f- J.-C,
d'après mon hy[)olhèse) et de Vasanta deva (435-1-, ère
locale — :5i0-i- J.-C, /V/.), en coniraste avec le groupe de
(;ivadeva(:J10 |et non ;n()|-f-ère locale = 027 -4- J.-C),
d'Ani(;uvannan et de ses successeurs. La lettre la plus
caractéi'isti([ue est la ha, frécpient dans notre inscriplion
(I. !{, 2i, 20, 29, ;{;{, elc.) et qui es! toujours ouvert vers
la gauche du scribe, tandis qu'à partir d(» Tivadeva il se
retourne» sur son a\(* et |)résente régulièrement son ouver-
ture* adroite. Dans le la (1. 57, 01, etc.), la courbe infé-
rieine se rallache direcleinenl h la tige verticale, lundis
([u'à [)arlir d'Ainçuvarnian celle courbe se relie secondui-
renuMit [)ar un trait fornianl angle droit ou angle aigu avec
la lig(». Le 7/^/ porhî sur une basi» h \)C\\ près hori/onlale el
forme à gau(*he une boucle entièrement fermée, tandis
(|ue, dans les iuscri|)lions de (jivadeva, la base se sépare
en deu\ parlies, Tune arrondie, l'aulre droite, an pied du
(rail médian, el qu'à parlir d'AiiKinvarman elle s'urrondil
en deux ciMM'bes de ni\(siu diirérenl. Le f/ia, le dha ila^si-
neni des ovales léguliers, tandis (pi'à partir de Çivadeva
la ligne de d roi le se ledresse verticalement el que ces deux
INSCRIPTION DU PILIER DE HARIGAON 27
lettres prennent ainsi un aspect de plus en plus anguleux.
Le gha (1. 72) a un tracé nettement anguleux, au lieu de la
forme arrondie qu'il présente chez Çivadeva(inscr. de Dlia-
rampur, dernière ligne). Le va a encore les trois colés
courbes, et surtout le trait de droite, qui s'est transformé
en tige verticale dès le règne de Çivadeva. Notre inscrip-
tion appartient donc certainement au vf siècle de Tère
chrétienne.
Elle est rédigée tout entière en sanscrit, et, à Texception
de la dernière ligne, qui forme colophon, en vers. Elle
contient trente-quatre stances en mètres variés qui attestent
une réelle maîtrise. Les six premières (1-6), à en juger
sur les syllabes finales, seules conservées, sont des çlokas
épiques ; puis treize en upajàli (7-20) ; une en rucirâ (21) ;
deux en cikharinî (22-23) ; deux en praharsanî (24 25);
une en manjubliâsinî (26) ; deux en màlinî (27-28); deux
en sragdharâ (29-30) ; une autre en rucirà (31); trois
autres en niâlinî (32-34). Le style porte la marque de la
bonne époque. L'inscription enrichit notre lexique de
quelques mots nouveaux, d'une formation irrréprochable :
{du.y)prat'fp(idam y 1. 39 ; npambandlut , au sens de « com-
|)Osition verbale » (ïb.^ ; prapalif (49) ; tnjalnianâ (? 56) ;
niramhasani y duritabhidcun, lamoniumm (()3) ; aparajasa (66) ;
L'Hùjjiml (65) ; hmijahena (67) ; samvivehi (69). L'aoriste
asrkmt (37) est irrégulier, sans être complètement in-
correct.
La graphie est, dans l'ensemble, 1res correcte. Je ne
vois guère à noter que l'omission du d redoublé dans
sauknmtjâdurbodham (57) pour sati/ismyCid dur'\ et b/iâvan
(54) pour b/iavân. Il convient aussi de remarquer que la
muette est régulièrement redoublée après un /*, comme
c'est l'usage régulier sous les Licchavis jusqu'à l'avène-
ment d'Amçuvarman.
A la suite des trente-quatre stances, un colophon en
28 LE NÉPAL
prose, d'une seule ligne, désigne rinscription comme un
hymne (stolra) en Thonneur du bienheureux Dvaipàyana.
DvaipAyana est un des noms donnés à Tauleur du Mahâ-
Bhc\rala. Le Mahd-Bhàrala, qui le mentionne à maintes
reprises, en donne Texplication étymologique :
evani Dvaipùyano jcijne Satyavatyâm Parùçaràt
nyasto dvipe sa ycid hàlas lasniâd Dvaipâyanah smrlah
(i, 24i5).
(( C'esl ainsi que Dvaipàyana naquit de Satyavatî unie à
Pan\(;ara. Comme il fut, en bîis Age, déposé sur une Ile
(dvîpa), on Tappela pour cette raison rEnfant-dc-rile
(Dvaipàyana). » Le nom complet est Krsna Dvaipàyana,
avec le surnom de VyAsa « le diascévasle ».
vh'yùsavcdùn yasmâl sa lasmâd Vyâsa ili smrlah (i, 2/117).
(( Parce qu'il a compilé les Vedas, on Tappelle Vyàsa ».
Le Mahâ-Iîliârata |)arait employer indiiféremmcnl ces
noms ; cependant, au cours du récit (car le poète est en
môme lemps un des acteurs de Tépopée), Tappellalion
(( Vyâsa » semble être la |)lus communément employée.
Comme auleur du poème, le personnage reçoit plutôt la
désignation de Krsna-Dvaipâyana, témoin:
KrsnaDvalj>(lyanapro/dah sujnujya vividhâh kal/iâh
(i, 10).
anukramah\
panyidiliyànasya vaklavyak KrmaDvaipâyanerilah
(l, 9.'M)[\)*
KrmaDvaipâyaaenrdam krtam punyam cikirsunû (i,
a3()9).
Krsna Dvaipàyano munih \
intyoithilah çucih raklo Mahdlihâralam âdilah (i,
Les deux noms ainsi rapprochés prennent une sorte
INSCniPTION DU PILIER OË HAHIGAÔN 29
d'uDÎlé organique où le premier terme perd pour ainsi dire
sa faculté de flexion indépendante. Le nom de Krsna est
très rarement employé seul pour désigner le poète, afin
d'éviter sans doute une confusion trop facile avec le dieu
Krsna. Je Fai ronconlré pour ma part, i, o7 :
anujMto 'tha Krsnas lu Bralimanû.,,
^ • • • •
dans reloge final du poème, xvui, 183 :
Krsnena maninci vipva uirmitam salyavâdinâ,
(Je rappelle aussi la désignation de Kûrsna Veda donnée
au Mahâ-Bliàrata, i, 268 = 2299.)
Le nom de Dvaipâyana, au contraire, est fréquemment
employé seul, p. ex. i, 2105, 2415, 2443, 3802 (passage
en prose), 4235, elc. Je ne rapporterai ici que des pas-
sages oii Dvaipâyana désigne l'auteur de Tépopée :
Dvaipâyanena yal pvoldam purânam paramar.ùnd
(i, 17). ^
tad ùkliyânam varisl/iani s(i Icrlvâ Ihmipâyanah pra-
Ùni/j (i. 55).
Dxmip(iy(utos{li(ipii{(iidhsrl(ini cunrlain nprameyani.. ,
(wni, 21 1).
Et c'est aussi sous ce nom seul que le poète népalais
glorifie le diantre des Pândavas. 11 n'est pas sans intérêt
dénoter, au point de vue de l'histoire littéraire, que tous
les passages du Tantra-vàrttika de Kumàrila cités par
Uiïlîler (dans son mémoire fondamental Sur l'histoire du
Mahâ-lJharata, Vienne, 1892) désignent Tauleur du MahA-
Blîîïrata sous le nom seul de Dvaipâyana :
VfdinlkiDvaipâycuuiprahhrtibhih, , , (p. 6).
yalhû M(dt(llihOr(d(iidnKtcnn(hiv(l/c/ty('uie Dvnipùyane-
noktam,,. (p. 9).
30 LE NÉPAL
Dvaipâyanâdayaç câ/iuh,.. (p. ii.) [suit une citation
du Mahâ-Bharala].
yad api Dvaipdyanenoktam,,. (p. 17) [id,].
Lo passage d'un commentaire versifié que Kumârila
rapporte fait de même :
yâ câpi PCinduputrâm'un ekapalnlviruddhalâ
sâpi Dvaipâyaneiiaivavyulpâdyapralipâditâ. . . (p. 12).
La particularité frappe d'autant plus que, dans les deux
passages où Kumârila mentionne le môme personnage
comme acteur de Tintrigue épique, il le désigne sous le
nom de Krsna Dvaipâyana (p. 13) et de Vyâsa (p. 20). U
est difficile de croire à un simple hasard. L'auteur de notre
inscription a sans doute choisi de propos délibéré, comme
Tappellalion la mieux appropriée, le nom de Dvaipâyana
pour célébrer Tauleur du Mahâ-Bhàrala.
Le poète népalais, ou du moins le client qui paie ses
services, n'adresse pas h Dvaipâyana un hommage désin-
téressé. C'est un fils qui désire la réussite pour son père
et qui demande à cet effet la protection efficace du chantre
épique. Dvaipâyana n'est pas invoqué comme un dieu ;
c'est plutôt comme un saint qu'il est sollicité ici. Nous
ignorons encore, nous ignorerons toujours peut-être, quel
genre de secours ou attendait de lui, quelle entreprise
venait ainsi se placer sous son patronage. Mais ce culte
adressé h Dvaipâyaua vers le vi" siècle, en plein Himalaya^
sur[)ren(l par son caractère singulier.
Le Mahâ-lîhâralalui-mème, il est vrai, divinise son propre
auteur :
hrsndiJval/xiyaiiain] yâsrmi viddhi ^ârdynnam hhuvi
/.o /ly atiyfdj /turiisdryâfj/ini M(diâli/iâralakrd hhcivel
(XII, ïlV|î>,S)[adh>. :i/i()j.
(( KisnaDvaipâyana est, sache-le, Nârâyana (Visnu) sur
INSCRIPTION DU PILIER DE HARIGAON 31
la terre. Quel autre en effet, ô tigre des hommes, pourrait
être Tauleur du Mahâ-Bhârata ? »
Le Visnu-Purâna, m, 4, 5, répèle le même vers avec
une variante peu importante:
ko hy anyah Pundarikâksâd MaliâBhâratakrd bhavei.
Mais l'apothéose ici semble être purement littéraire. Au
XI*" siècle encore, le Cachemirien Ksemendra, qui compose
un abrégé du Mahâ-Bhârata et achève son œuvre par un
huitain h Vyâsa (( Vyâsâstaka » ne célèbre son modèle que
comme un poète de génie. C'est au \uf siècle, et chez
un poète jaina, Amara Candra, que Vyàsa s'identifie
à Visnu. Parmi les stances liminaires en Thonneur de
KrsnaDvaipâyana Vyâsa qui ouvrent chaque section du
Bî\la-Bh<\rata, plusieurs proclament formellement cette
identité :
çamâmrte viçramadhlr viveça yak sa pâiu Pdrâçara-
v'ujralio Harili{\, [\y i).
vaktum jagatlâranakârancna VyâsiUiavan pâtu sa va
Murdri/i (viii, i).
PârCiçara/i pnlu sa inâni kimâlaçilidyutir Daityahhido
valârah (\in, i),
Vyâsa est devenu un avatar de Visnu ; c'est Visnu lui-
même. Mais cette exaltation suprême est le couronnement
logique et fatal de notre liymne népalais. Dvaipâyana, au
regard de son dévot, n'est pas le prince de la httérature ;
c'est un véritable prophète qui est venu découvrir à l'hu-
manité les secrets essentiels et montrer le chemin du salut.
(( Manu, Yama, Brhaspati, Uçanas ont donné, il est vrai,
des codes de lois (v. 23), mais Dvaipâyana a étudié l'his-
toire des rois pour en tirer des exemples, et il a fait le
(Mahâ-)Bhârata comme un livre d'enseignement (v. 24).
Il a fait, et si bien ! le (Mahâ-)Bhârata pour le salut du
'M LE NÉPAL
monde (v. 26). Comment le Veda aurail-il été ici-bas, sans
le (MahcV)Bl)ara[aqui est son principe (v. 12)? Dvaipâyana
est radveisîiire du vice ; il a triomphé des faux raison-
neurs {h'Htârkika^ v. 14 et 21) qui combattaient les trois
Vedas, en [)articulier des Bouddhistes {Saugaia, v. 11 et
21). 11 a tracé la roule de la délivrance (v. 25) en révélant
rKtre en soi (v. 27 et suiv.), TAtman (v. 29). »
Le pilier de Harigaon vient ainsi confirmer par un docu-
ment authentique, et qui remonte deux siècles phis haut
que Kuniclrila, la thèse soutenue avec autorité par Biihler
et reprise h sa suite |)ar Dahlmann. L(î ]\Iahâ-l{hA,rata n'est
|)as une épopée ; c'est une smrti, un traité didactique de
morale illustré par une intrigue épique ; guidé par son
instinct, ou plutcM par la vertu des traditions inconscientes,
le génie hindou proclamait réccîmment encore la valeur
éducative (Ui Mulul-Bhàrata. Prolap (Ihandra Boy, ce
lîengali enthousiaste qui consacra sîi vie à la diffusion du
vieux poènu», appelait avec raison son œuvre de propa-
gande : hûtavya-BhArala-Kâryàlaya; pour lui comme
pour le poète népalais, pour Kumîlrila, pour les doc-
hMH's et les lettrés de Hude ancienne, le Mahft-Bhàrata
devait (Miseiguer aux Hindous leurs devoirs. T/étaît au
resh» la préhMiliou avouée du diascévaste qui compila
ces rhapsodies épiques ; l(»s témoignages surabondent
dans loul le |)oème, el si j\Mi cile quelques-uns, c'est
[)our monhTr surtout à quel point notre stotras'en inspire
directemenl.
Au livre I, 1, v. îi7 sqcj., VyAsa fait connaître au dieu
Brahma le poème qu'il vient de composer; il le repré-
s(»nle comme* la substance des Vedas, des Uihdsas et des
Purànas :
jfirûmrfyiihhayavyâfUtih/iârâlJiâvnvinircayah
« Virilh»ss(', mort, dangers, maladie, existence el non-
INSCRIPTION t>U PlLlER t)Ë HARÎGAON 33
existence y sont nettement définis. » (Cf. v. 32 : çamita-
bhavabhayena,,.)
On y trouve toutes les sciences pratiques, et, pour les
couronner :
yac câpi sarvagam vasta tac caiva pratipâdilam
(( La réalité universelle s'y trouve également expliquée. »
(Cf. V. 30 : sarvagam vyCipibhàvât caitanyam,,.)
I, 2299 :
asminn arthaç ca kâmaç ca nikhilenopadiçyate
itiliâse mahâpunye buddhiç ca paranaisthiki
(( En ce légendaire de grande sainteté, Tinlérêt et le
désir sont pleinement enseignés, etaussilaraison transcen-
dante. »
1, 2305 :
dharmaçdstram idampanyam arthaçâstram idam parant
rnoksaçdstrani idam punyam
« C'est ici un traité du devoir fort saint ; c'est ici le
suprême traité de l'intérêt; c'est un traité fort saint de
délivrance. » (Cf. v. 24, 25.)
xvni, 211 :
Dvaipâyanosthapulani/isrlam amrtam aprameyam
panyam pavitram atha pâpaharam çivam ca
(( Des livres de Dvaipàyana a jailli Tambroisie sans
mesure, sanctifiante, purifiante, destructrice du péché,
propice. » (Cf. v. 19.)
XH, 13439:
dkarmCui nânâvidhâmç caiva ko bràyât tam rte vibhum
« Les devoirs de toutes sortes, qui pourrait les énoncer,
sauf ce maître .^ » (Cf. v. 27, 29, 30.)
111. — 3
3i LE NÉPAL
fi'aulre part, après l'époque du pilier de Harigaon, rimi-
lation der^ mème:iï modèles et la communauté des mêmes
AenttmeDl.<^ provoquent chez le> poètes qui célèbrent Vyàsa
des rencontres frappantes avec le poète népalais. L'auteur
du Venl-sarnliîira ••xalte en ces termes, dans le prologue
de son drame, le chantre du Mahà-Bhàrala :
rravnnnfijaliputafteyam viracitavân hhâraiùkhyam amr-
lam yah
lam aham arîiijam atrmam KrxnaDraiftâyanam vande
(v. 4).
c< L'oreille se creuse comme la main qui salue, pour
boire lambroisie qu'il a créée sous le nom de (Mahû-)
Bhârala : il est sans passion, sans assoiffemenl, Krsna-
Uvaipàyana ! c'est lui que j'adore. » (Cf. sup. Mh.-Bh.,
XVIII, 211, et inscr. v. 17, 19 et 31.)
Ksemendra, dans le huilain à Vyàsa que j'ai déjà men-
tionné, s'écrie :
{namah)j trailokyatimirocchedadipapraiimacakmse
(v. 3).
(( Les ténèbres des trois mondes s'ouvrent à la lampe
de ton regard ! » (Cf. v. 27 et 32.)
(nama/i) Vyâsâya dhCunne tapasâni samsârâyàsa"
hârine (v. 8).
(( Hommage à Vyûsa, en qui résident les pieuses mor-
liliralions, qui délruil les lourmenls delà transmigration ! »
(Cf. V. 3i.)
Knliii l(»s slancos liminaires dos 43 sargas du Bâla-
HliAnihi foiirniraicnl, elles aussi, de nombreux rappro-
cbrîmcnls. si Ténuméialion ne risquait de devenir fasti-
dieuse.
INSCRIPTION DU PILIER DE IIARIGAON 35
Ainsi r inscription du pilier do Harigaon intéresse direc-
tement rhîsloire littéraire; elle lui apporte un document
utile, et môme assez précieux. A Thistoire religieuse elle
pose un problème qu'elle n'aide guère à résoudre. Elle
atteste un culte rendu à Dvaipàyana (= Vyâsa) dès le vi*
siècle, et que rien n'atteste ailleurs, au Népal ou dans
rinde même. Je ne puis me défendre de croire que nous
avons ici un monument de la secte Bhâgavata, si peu con-
nue encore malgré le grand rôle qu'elle a joué: un grand
nombre de rois se désignent dans leurs inscriptions comme
de (( très dévots Bhàgavatas ^) pa?'ama'Bhâffavata (cf. p. ex.
Fieel, Giiptalnscr., p. 28, note). La vénération de Vyàsa
est un des traits qui caractérisent celte secte; Ksemendra,
né dans une famille çivaïle, mais converti à la doctrine
des IJhûgavalas, prend le surnom de VyAsa dàsa « Tesclave
de Vyàsa ». Le culte spécial de Nàràyana est un autre trait
de cette. secte : l'invocation : NârCujanani namashvtya, etc.,
qui se trouve en tôle de chaque grande division du MaluV
Bhàrata suffit, au jugement de Biihler (mémoire cité, p. 4
et 5) (( pour démontrer que le poème est une smrti des
anciens Bhàgavatas », car « elle se trouve invariablement
en tête des ouvrages dcî l'ancienne secte Bhâgavata », et
Vyàsa s'y trouve généralement associé à Nàràyana, Nara
et Sarasvatî, dans un commun hommage. Justement le
culte de Nàrâyana est très répandu au Népal ; la vallée a
encore quatre Nàràyanas fameux, et l'un d'eux au moins,
Cangu-Nàràyana, est certainement antérieur à notre
inscription, car c'est là que s'élève le pilier — analogue au
pilier de Harigaon — où Mànadeva a tracé en samvat 380
sa longue inscription en vers, digne de faire pendant à la
nôtre pour sa valeur littéraire. Nous sommes donc auto-
risés à supposer sans trop de témérité que notre stotra de
Dvaipàyana nous offre un hymne authentique du culte
Bhâgavata.
36
LE NÉPAL
TEXTE
1 sa yalûlmanc
2 dinyaisa te nainah
3 pratidchani mr,,.
Il vikîrnnabllânunâ
5 sarvvam ûtmani
6 çinïvakântar.
7 yena tejasû
8 viteva bhâsatc
9 patiicna saugalah
lo Ipalir bhavaih
II \â
12 rvyata
i3 (na) vârane
i/| darugnam
i5 sa prabuddhya
i6 jeyuh
17
18.
20.
21.
22.
2/1.
Il
(0
(3)
(4)
(5)
(6)
(7)
(8)
(9)
rave mittha
(ka)rana-gcna nityam
fT kiinihr^ sraslivâcyaçesa ... kathitanna. . [||] (10)
";; paiân nâstikatûm prapannais trayïnirodh-
ibblr f:: nâh
Tt vya 77 syata iiâdya loke dharmmâbha^/a/iyo yadî
(n)âbliavis\ah [||] (11)
777 vcdaiii pralikïrniiavâktvâdanâ(/niislbam YTtTt /ra ca
': kalhain veda ihâbbavisyat Ivain bhâratâdim yadi nS
racjisyah [||J(i2)
\'. \^1. (/' v(M's scitilile. lotit fra<:in(Milairc qiril est, faire allusion aux
])assii^Mvs du Mulià lUiàrala qui tout du {km>iiio un auliH* Vcda. Cf. l'ex-
INSCRIPTION DU PILIER DE HARIGAON 37
25. [prajmanaçuddhyâ vidilârtthalalvah prakampyamânam
rrrr: stha
26. : (dha)rmmam ittha(m) jagato hitaisï na prâtanisyad
Yadi:r7Th[||](i3)
27. 77 smyamâtrâçrayanâdabhîksnam kutârkkikais l tïTtVt
na
28. :~ vyacaisïn na prlhak pramânam kathan tad asthâtum
ilia:- pa/i [||i(i/i)
29. f 7 pi ca piânaviyogahetur nna pratyavOya TÏ7V thaisâ
30. î^7 tvam eva pialivetsi samyan na vedilânyo bhuvi kaç-
ci[d]TT[|l](l5)
,3i. 7 7 stuti syâd anuvâdato va slutyesu vâcâm dvitaryâ] V77
32. [stu]tir gunânâm vidhinâ na satvân na cânuvâdas Ivayi
7r:T[l|](i6)
33. 77 nadharmmam sakalam nyahimsïs Ivan naiva râgâdi-
rayam nya 77
34. ^"7 inïin vaisayikïn ca Irsnâm vîdliûya çuddhas tvam i(ti
:t[II](i7). .
35. -.'"". kâmâdyaviviktaiTipam yadi vyavârisya(la)
36. 77 smrlïnâm agateh çrutînâm tad adya loke niyalam
vyaçak. [\\] (18)
37. [vijpâtya mohân amrtam vyasrksal svayan ca dharm-
mâdi jagaty atisthatjl]
38. 7V tvayâgîlj jagati pratislhân tvam eva dharmmam vi-
dhinûnvatistha(li) [||] (19)
pression do « Kârsna Vcda » citée dans rintroduclion, p. et Texpres-
sion de « Vcdil...MahàUhârntapancamâny> dans le Mh. Bh. l, "2418.
V. 45. Le Dirt. d(î Pétersbourg ne donne, pour prativid âu simple,
que des exemples védiques. La langue classique emploie le causatif.
V. 47. Le verbe ni-hims manque au Dict. de Pélersbourg.
V. 19. La forme ryasrksat est irrégulière, sans être incorrecte abso-
lument. Elle est due à l'analogie des formes comme adiksat, etc., où les
racines en <;, /, h final substituent le k devant Vs de l'aoriste. La troi-
sième personne suppose sans aucun doute le sujet bhavàn comme au
vers suivant, et équivaut à la seconde. — Je dois à M. Kielhorn la lec-
ture dharmiuam vi(l/unclnratis(lia(h) au lieu de dharmmam vividhân atis-
ihi que j'avais imprimé dans le Journ. As.
38 LE NÉPAL
39. ^77 van duspralipâdam état svarggâdi çabdopaniban-
dhaniâ[tram]
40. 77Y dastïti jano grahïsyad hhavân ihaivam yadi na vya-
iiaksya[t] [|!] (20)
4i. ^7V tri kumatibliir ainhasâvrtaih kulârkkikaih kalham
* • • • •
api saugatair a 1
/l2. V7 [tjvayi pratliitagiri prabhâv iyam payonidbau sarid
iva vindatc stbilim [||] (21)
/l3. Y77777 d viniyatapadârtthâdyanugamâl tava çrutvâ kâ-
vyam sapadi inanusâgamya VTT
44 • T777 (rlthatvâdaha/îa) paramârtthânusarane dadbâty
uccair minoham sapadi galavidye.s/ani T7 [||] (22)
45. Y777 çâstrc manuyamabrbaspatyuçanasâm vidbânam
krlyânâmaça TT padâni loka ^'l:
40. T777 naivani pralivisayam âdbûya nipunorm plialcnai-
vâçesam Ivam idam ama 77TTT7 [||J (23)
V. 20. Lo mol prntipâda maïKiuo au Dict. de Pét. — [*o\\t vpanihan
dhn, IU)litlinj;k n'a ronu'illi ce mol que» dans le suppl. 3 du Dict. Abrégé,
et avec le sens (!e «serinent». Il faut évidemment lui assij^ner ici le
sens de «composition, arranj,'(Mnent vei'l)al » qui se retrouve dans un
j^rand nomlire de mois ap|)arenlés. M. Thomas m'a signalé le même
emj)loi dans le Ulre du MahCiyânamiiKjmhopanibandlmna (Journ. Hoy.
As, Soc, 1903, p. riSfi). — Je n(» sais à quelle racine exactement ratta-
cher le conditionne! ri/aiinksyat.
V. "21. La mention des Saugalas, ici comme au vers 5, montre que,
tout au moins au jugement du poète népalais, le Mahà-Bhàrata com-
ballait |)osilivement les Rouddhisles. Il avait sans doute en vue les pas-
sages tels (|U(î XII, l\i)i) :
parirvdjanti dânCirtham mundilh Uâsâynvâmnàh...
ou Dahimann se refuse à reconnaître les disciples du Bouddha.
V. "iW. Des quatre autorités mentioiméc's ici, trois sont positivement
désignées dans le Mahà-Dhàrata connue des auteurs de ràstras :
l'iftfhi rrdd yiir châslnini yac va rciht lir h a a pati h {WW, 2:239).
Mfnnnhihhihiltini nistiffin (XIII, 253 i).
,]v ne coinniis pas de rétérences à un ràstra de Yama, mais le Mh. Bh.
cite connnd une autorité (U's gàthàs sous son nom :
nira (jatha Ydmod'jituh kirtuyanli puvàvidiih (Xlll, 2177).
INSCRIPTION DU PILIER DE IIARIGAON 39
47 . 777 11 nrpacaritânuvâdibhâvâlpâtIiâdeA pratiniyalan tataç
ca kâvya[in]
48. 77 (te)r anukalhanâd apîha çâslram tvam çakter idam
api bhâralâdy akârsî[h] [||] (a^)
49. 777 bhavajaladhau vivarttamânân râgâdiprapatadhiyah
pragâdhamo [hân ]
50. 77 yastam iti vidhâya muktimârggam yâcînâm bhuvi
purusân karosi mantr[aih] [||] (25)
5i . W7 viviktavacasâ tvayâ satâkrpayâparârllhaviniveçibud-
dhinâ
53. ja(ga)to hitâya sukrtc ha bhârate bhuvi vânmayam sa-
kalam eva darççilam [||] (26)
53. (v)iditavividhadharmmo vedilâ vâfimayânân niravadhi-
kam ami///iyâr'âfigarâgâdidos(am)
54. ^rr ravaparârtthas tad bhâvân mohajâlan tlmiram iva vi-
vasvân amçubhih praksinoti [||] (27)
55. prativisavaniyogâl pâlakalvâc ca lâsân nipunatadavabo-
dhât tadvivckâd ados[âjt
56. (ja)gali tadupadeçât tvarn mithasladvibhâgâd upacita
iva mûritis Iryâtmanâ manlravâcâm [||] (28)
57. sauksinyâdurbbodham îçam sthilam api sakalam lokam
âvî tya tanvâ vâgbuddhyor apy atïtâ
58. karam api munibhih svâgamâd yâtalalvam vidyârûpain
viçuddhe padam analiçaya
y. '25. Prapata manque au Die. de Pét. — M. Kielhorn propose de
rorripT en : prahata.
V. "il. Le mètre et le sens imposent la correction: bhâvân. — La lec-
ture du composé qui leimine le premier vers est embarrassante, mais
il semble pourtant contenir une série de mots à double entente : dosa
V péché » et (f nuit » (dosd); râtja « passion » et « rougeur » (du crépus-
cule)»; ùrCi «es|>érance» et «horizon ».
V. 28. Tryàtmanà, si la lecture en est exacte, est un mot nouveau qui
semble si^çnifier « celui qui a pour essence les trois : Brahma, Visnu,
Çiva, ou la trayï». — M. Rarth me suggère la correction tryàtmanàni
mantravàcàm « le triple Veda ».
40 LE NÉPAL
59. ksinasarnsûrabandham s\âcl âtmûnan na jâtu tvam iva
katliayitâ kaçcîd anvo dvitîyah [i|J (29)
Go. pratyâdhâraslhllatvâl prthag api na prthak tatsvarûpâ-
viçosîit rillyam dharmmair ayogâ
61 . l punar api na tathû sarvvakâlâpralîteh nârotpâdâdyayo-
gât sthitam api
O2. jagatas sarvvagani vyâpibliâvât caitanyam rûpapaksas-
thitam api kathaye
63. t ko nu loke tvadanyah [| ] (3o) niramhasam duritabhi-
dam vivekinam lamomusam çami
6/|. labhavam vipaçcitam girâm palim sudhiyam asaiigice-
tasam mavodi
• «
65. lam vacanam upohalo sadiî [ |](3i)çainilabbavabbayena
ksâyiniijriânarâçeh
66. svayamupahitadbâmnâ vedyapârangalena jagad aparaja-
sedam lat Iva
67. yâ sarvvam ârâd viyad iva limirânâm ksâyakenâvabbâti
[:ll(3^-) _
68. gunapurusavivckajnânasambbinnajanmâ vyaliyulavisa-
Vilnâm Ivani
69. girâm sanivivokï jagalî ghanavirridhavyâpisammoha-
bhcdî cyutajaga
70. danirodhali kho çaçïva cakâhsi [||] (33) lad abam iti
nunûsad bhinnasamsâra
71 . bandham vitainasam arajaskain Ivan garïyâmsam ûdyam
katbani api para
V. *20. (>)rriji^(T: mnksnn/â<l durhodham ; riniddJirb,
V. 30. Lacorreclion .sv/rrjv/AJ/J/îmf/fr/; soinblo s'imposer pour le sens;
\o rnôlre iialnrelleincnt n'en est pas afTocU».
V. M. S/ranihas, (Inritdhhid, tamomus ne sont point donnés dans le
Dirl. de IVl.
V. H'I. K/iyiji, hfnjnha, ajmnijtia manquent au Dict. de Pél. —
M. Kiclliorii m'iM(li(|U(> avec raison (|u'il faudrait ks*iynh'effa, avec la na-
sal** iiii;:nah'.
V. 33. Sdffirircliin maiiquc au Dicl. de Pét.
INSCRIPTION DU IMLIEU DE HARIGAON 41
72. laghvïm svân nibadhiiâmi vâcam tad ilia pilari me Ivam
sarnpadas sainvidiiatsva [||] (34)
73. bhagavalo dvaipâyanasya stolraii krtam anuparamena
TRADUCTION
(i) a l'âme réfrénée.
hommage à toi.
(3) .... par corps. ., . . par l'éclat répandu
(3) . . . tout en soi, .... comme.
(4) . . . parTéclat. . ., . .belle comme.
(5) . . par le chemin le Saugata,. . par les existences.
(6) •
(7) sans maladie.
(8) s'éveillant . . . .ils vaincraient.
(9)
(10) .................
(11). . . entrés à fond dans l'hérésie, opposés aux trois
Vedas. . . il n'y aurait pas aujourd'hui dans le
monde, si tu n'avais pas été ... du Devoir.
(12) . . . . le Veda, dont les paroles étaient éparses,
sans commencement ni lin , comment
le Veda aurait-il été ici-bas, si tu ne lui avais donné
pour commencement le (Mahâ-)Bharata.
(i3) Par la pureté des preuves connaissant la réalité exacte,
tu le. . . frémissant ; ainsi dési-
rant le bien du monde, s'il n'avait pas étendu au
long.
(i/i) Ne s'appuyant que sur le. . . . les faux logiciens
sur le champ. ...;.. il n'a pas examiné
V. 34. Nunftsad, formation fautive pour imnïisan. — Au lieu à^para
laghvlfn lire plutôt parilaghv'irn. — Je dois ces deux observations à
M. Kielhorn.
42 LE NÉPAL
à part la preuve, comment cela. ... se tenir
debout }
(i5) .... au<si la cause de séparation des souffles
vitaux, pas de contrariété ; toi seul tu
sais tout exactement en détail, et il n'y a personne
autre que toi qui sache dans le monde.
(i6) . . l'éloge peut être, ou par suite de la répétition :
entre les choses à louer. . . des paroles. . . ;
l'éloge des vertus selon la règle, et non par suite
du bon caractère, et nulle répétition en toi.
(17) Tu as abattu à mort le Vice tout entier, mais tu n as
pas. . . le torrent de la passion, etc. . . ;
ayant secoué la concupiscence. et sensuelle,
tu es pur.
(18) Si le. . . qui ne se distingue pas. quant à la forme,
du désir. n'avait pas été dévoilé,
des Smrtis, faute des Çrutis, le monde aujourd'hui
fatalement
(19) Faisant éclater en pièces les égarements, il a répandu
ramrla, et de soi-même le Devoir et ce qui s'ensuit
s'est dressé dans le monde. Le par toi
a trouvé une assiette solide en ce monde ; c'est toi
qui as accompli le Devoir selon la règle.
(^•u)) celle chose difficile à comprendre, le
paradis, etc., n'est que fiction de mots ; . . .
e\isle. <^l^«omment) le monde l'aurait-il saisi, si tu
ne l'avais pas, toi, découvert ici-bas.»^
(•n) (^Mallrailéo?) par les faux penseurs que l'étreinte du
mal oiisiMMT, par les faux logiciens et aussi par les
(lisriplos du Siigala (Bouddha), (la parole .î^) trouve
nn asile on loi, son niaitic au verbe étendu, comme
une rixièir dans l'Océan.
^ri) . , naïve qu'il a acquis le sens précis en enten-
ilanl Ion poème, aussitôt. . . . inaccessible à
INSCRIPTION DU PILIER DE HARIGAON 43
riiomme ; à rechercher Tobjcl
suprême, il dresse haut son égarement aussitôt, per-
dant. . . de la science.
(28) dans le trailc de Manu, de Yama,
de Brhaspati, d'Uçanas, le règlement des devoirs
. ; . . . secouant objet par objet, habi-
lement tu Tas. . . . tout entier avec le fruit.
(2 4) en répétant l'histoire des rois, dès le
début de ton étude, tu te proposais de l'appliquer
cas à cas dans un poème ; et. . . en la répétant,
tu as fait ici-bas, de toutes tes forces, le(Mahâ-)Blia-
rata, etc. . . pour servir d'enseignement.
(26) Les hommes agités surTocéan de l'existence, la pensée
entraînée par le poids des passions, plongés dans
l'égarement, tu. . . leur as indiqué la voie
du salut, et tu les rends en ce monde, par tes
conseils, des.
(26) Tu as la parole distincte ; par refTet de la compassion,
ton intelhgence s'applique au bien d'autrui. Une
fois que pour le salut du monde tu as eu fait — et
si bien — le (Maha-)Bharata, tu as fait voir sur la
terre toute l'œuvre de parole.
(27) Tu connais les diverses lois ; tu es le connaisseur des
œuvres de parole. Le réseau de l'égarement est sans
limites ; il s'y trouve véritablement l'attente, la pas-
sion physique et les autres défauts ; (mais toi qui. .)
l'intérêt d'autrui, tu dissipes ce réseau comme le
soleil avec ses rayons dissipe l'obscurité.
(28) Tu sais les employer chacune en son cas ; tu en as été
le gardien; tu en as rintelligence nette; tu en as le
discernement infaillible ; tu les as enseignées au
monde; tu les as réparties entre elles; on dirait
qu'en toi a voulu incarner la somme totale de la
triade des paroles sacrées !
4i LK NÉPAL
i'jtc)) Sa suhlilité le rond diflicilc à concevoir, cl pourtant il
cn\clop|)c le monde entier dans son corps : la parole
et Tentendenient n'atteif^nent pas son origine, et
pourtant les saji^es, en partant de leur tradition, arri-
vent a sa nature réelle. La science est sa fonne; la
pureté absolue réside en lui ; il a épuisé sans laisser
de reste les liens des transmigrations. LMtman, nul
autre que toi ne pourrait l'énoncer.
(3o) Substrat à substrat, il est disséminé, et pourtant il n'est
pas disséminé, puisque leur nature réelle est exemple
de difTérenciation : il est permanent, puisqu'il n'est
pas uni aux attributs do la substance, et pourtant il
no Test pas, fante do notion du temps complet ;
])uis({u'il n'est associé ni à la destruction ni à la pro-
duction du monde, il est (hu*able ; et pourtant il est
partout, par la vertu de son extension. Il est intel-
lect, ot pourtant il se trouve dans la catégorie de
l'orme. Qui donc au monde, autre que toi, pourrait
énoncer (cela ?)
(3i) Dégagé du pécbé, pourfendeur du mal, discerneur,
ravisseur dos ténèbres, anéantissour de Texistcnce,
maître du parler, esprit excellent, cœur libre d'at-
tacbos, la parole que j'énonce (te) suit respectueuse-
ment sans cesse.
Çx^'a) Tu as anéanti la crainte des renaissances (ou : des
otres) : tu as détruit la masse de Tignorance ; tu as
tiré do toi-Hjomo ton propre éclat; tu es allé jusqu'au
bout de ce qu'on peut connaître. Tu as écarté la
|)()ussioro, vl grâce a toi, le monde entier brille au
loin, comme le ciel brille grâce au destructeur des
tonobrcs !
(,'{.'{) Los modalités ot l'otro on soi, tu as su les distinguer,
ot tii as brisé ainsi les naissances (successives) ; lu as
le discernomont complet des paroles qui ont un objet
INSCRIPTlOiN DC PILIER DE HARlGAOïN 45
confus. En nuage compact s'élève et s'étend partout
l'aveuglement ; mais tu le dissipes. La déchéance
du monde n'est pas un obstacle pour toi ; tu res-
plendis comme la lune dans l'espace.
(34) El moi aussi j'ai voulu te célébrer, toi qui as brisé les
chaînes de la transmigration, qui es sorti du téné-
breux, qui n'a rien de poussiéreux, très vénérable,
primitif! Tant bien que mal, je mets en œuvre ma
voix trop faible. Ainsi donc dispose les prospérités
en faveur de mon pcre ici-bas !
L'hymne du bienheureux Dvaipayana a été fait sans
arrêt. *
I. M. Thomas ponse que anuparamcmi désigne Tauleur de rinscription
et qu'il convient de traduire : «... a été fait par Anuparama ».
V. — INSCRIPTION DE TIMI
Ce court fragment provient de Timi, entre Katmandou
et Bhatgaon. J'ai raconté ailleurs (II, p. 376) les circon-
slances où je Tai trouvé. 11 ne subsiste plus de la stèle
qu'une bande étroite de la partie inférieure. Le peu de
caraclères conservés est d'un tracé remarquablement nel.
Les caractères ont une hauteur moyenne de 0",0I au-dessus
de la ligne; Tespacement moyen des lignes est de 0"',02.
Le texte est un édit royal, comme il ressort de la der-
nière ligne; mais Tobjet en est impossible à préciser. La
dale, à juger sur le tracé large et simple des lettres, sem-
blerait remonter à Tépoque de Vasantadeva. La question
serait à peu près résolue si Tinscription nous offrait un cas
lout à fait net du groupe r-f-muetle, puisque le redou-
blement de la muette, régulier avant Amçuvarman, cesse
avec lui. Mais, k la troisième ligne, un éclat de la pierre
rond la lecture incertaine au-dessous de ;t«; la première
syllabe de la quatrième est (loue et h la cinquième ligne le
raraclère qui suit m est endommagé ; on hésite entre rvai^
(ît m? Ce ([ui reste du nom du dùtaka h la dernière ligne ne
suggère» aucune hypothèse.
INSCRIPTION DE TlMl 47
Texte.
I. yanâ
9.. m açesanai
3. guror V(v)âsudevasya
^. rtthe bhûyâd ity asmâ[bh]i
5. nânusmaranam i
• •
6. dbhili sa ca rangasamamsa(m)e
7. s tâvad âkrastavyo yam
8. vâsau na sampannâtika
9. lik .. dhânyamâni
[Lacune de plusieurs lignes.]
10. dbhir api
11. [sva|yam âjnâ dri[takaç Cîi]t[ra] dovapa
VI. — INSCRIPTION DE KISIPIDI
[Sarpvat 449.]
Kisipicli est un petit hameau situé dans le voisinage de
Thankot, h TOuest de la vallée (v. 11, 392). La stèle, en
partie enfoncée dans le sol, est complètement effritée du
haut ; les six lignes inférieures, protégées contre les in-
tempéries parle sol, sont seules lisibles, et même en as-
sez bon état de préservation. La largeur est de 0,35 ; les
caractères ont environ 0,013 de hauteur entre lignes; les
interhgnes sont de 0,04 environ. Les lettres sont grandes,
fortement tracées, identiques à Tinscription 3 de Bhagvan-
lai, datée de samvat 435, à laquelle celle-ci est postérieure
de onze années; le même dûlaka figure de part et d'autre
avec les mêmes litres : sarvadanda nâyakay mahdpratihâra,
Havigupta. Le titre de ;?2^^//^7>/y///A^/v/(( grand huissier» est
fréquent dans Tépigraphie de Tlnde; celui Aq sarvadanda-
luujaka «généralissime» est une variété, jusqu'ici pure-
ment népalaise, d'un titre en usage dans l'Inde entière:
dandannyaka. Il n'est pas sans intérêt de constater que,
vers Tépoque même de notre incription, un des premiers
rois de la dynastie de Valabhî, Dhruvasena I, joint à son
litre de vuthârâju ceux de mnh()pralili()ra(t{ de mahàdandor-
mtijnkn (en 526 J.-C). Ainsi ces titres se cumulaient assez
naturellemenl, el complaionl parmi les plus hauts de la
hiérarchie ini[)ériale.
INSCRIPTION DE KISIPIDl 49
L'intérêt capital de cette inscription, toute mutilée
qu'elle est, réside dans sa date. La donation est faite au
cours d'un mois doublé par intercalation « en samvat 449,
le premier mois âsâdha, la quinzaine claire, le 10». La
mention d'un mois intercalaire est une bonne fortune pour
les chronologistes ; l'intercalation est réglée par des con-
sidérations d'astronomie théorique qu'il est assez facile de
calculer. Un mois lunaire dans le cours duquel le soleil ne
change pas de signe (dans le Zodiaque) est redoublé ; le
principe est net. L'application comporte des divergences
assez graves : 1** le calcul peut être fondé soit sur le mou-
vement moyen des deux astres, soit sur le mouvement
apparent; 2Me mois intercalé peut, soit recevoir par an-
ticipation le nom du mois normalement attendu, mais
refardé par exception, soit répéter le nom du mois au
cours duquel il se produit; ainsi, selon le système en vi-
gueur, le mois supplémentaire amorcé dans le cours du
mois de jyaistha pourra être appelé soit âsàdha I, soit
jyaistha II. Heureusement ces difficultés sont en partie
dissipées dans le cas du Népal ancien. La mention d'un
pausa I (prathama pausa) dans une inscription d'Amçu-
varman, an 34, suffit à établir que les astronomes népa-
lais calculaient les intercalations sur le mouvement moyen ;
car, dans le système du mouvement apparent, pausa n'est
jamais intercalaire. D'autre part, la désignation appliquée
dans ce même cas au mois supplémentaire montre bien que
l'intercalation reçoit le nom du mois normalement attendu,
et non du mois en cours. Donc le mois mentionné ici doit
se rencontrer dans une année où, d'après un calcul fondé
sur le mouvement moyen du soleil et de la lune, il s'est
écoulé à la suite du mois normal de jyaistha un mois lu-
naire commencé quand le soleil avait déjà passé dans le
signe de Mithuna, et fini avant que le soleil soit entré
dans le signe de Karka. Le phénomène se reproduit irrégu-
m. — 4
50 LE NÉPxVL
lièremenl à chaque siècle. De 400 à 499 J.-C, quatre fois;
de 500 à 599 J.-C, trois fois; de 600 à 699 J.-C, une
fois; de 700 à 799 J.-C, quatre fois. Si Tannée 386 sam-
vat de Mânadeva correspondait réellement, comme le vou-
lait M. Fleet, à 628 çaka courant, Tannée 449 devrait né-
cessairement correspondre à 628 -H 63 = 691 çaka courant
(=768-769 J.-C); or aucune méthode ne donne d'âsàdha
supplémentaire à cette date. La combinaison proposée par
le savant épigraphiste est donc à rejeter absolument.
D'autre pai t, j'ai montré depuis longtemps que Tannée
34 d'Aipçuvarman, avec son pausa intercalaire, devait
correspondre à 629-630 J.-C. {Journal asiatique ^ 1894, II,
55, sqq.) Amçuvarman est d'abord le ministre, puis le
successeur de Çivadeva dont les inscriptions se prolongent
jusqu'au delà de 520 samvat. La date de 449 samvat est
antérieure à ce terme d'environ 70 ans ; elle doit donc
tomber vers le milieu du vi* siècle de J.-C Or, pour toute
la durée du vi* siècle de J.-C, le système du mouvement
moyen ne donne que trois intercalations d'âsadha: en 482
çaka courant (=559-60 J.-C), en 501 çaka courant
(=578-9 J.-C), en 520 çaka courant (=597-8 J.-C).
[Mes résultats personnels concordent pour ce siècle avec
les Tables de Sewell et Dikshit.] Les deux derniers résul-
tats sont à écarter, puisqu'ils rejetteraient la fin du règne
de Çivadeva jusque sous les successeurs d'Amçuvarman
(578 -f- 70 = 648 J.-C ; 597 -f- 70 = 667 J.-C. ). Le premier
seul est à considérer, puisqu'il mène Çivcideva, en samvat
520, à l'époque même d'Amçuvarman (559 H- 71 =630
J.-C.) et que les deux règnes doivent justement coïncider
en partie. La date du pilier de Changu Narayan nous donne
un autre moyen de contrôle ; or nous avons vu qu'en pre-
nant pour point de départ l'équivalence : samvat 449 = 482
çaka courant, les détails de la date inscrite sur le pilier
se vérifiaient complètement pour 386 samvat =: 419 çaka
LNSCRIPTION DE KISIPIDI 51
courant. Nous obtenons ainsi pour le point de départ de
Tère des Licchavis 419-386=:33 çaka courant=:110
J.-C. J'ignore à quel événement peut se rattacher celte
ère, si voisine de l'ère çaka ; le nombre des règnes écoulés,
qui est de 19 depuis l'origine des Licchavis jusqu'à l'avè-
nement de Mànadeva (d'après l'accord unanime des tradi-
tions, cf. II, 91 sq.) est à coup sûr bien étroit pour couvrir
près de quatre siècles. Peut-être les Licchavis avaient ap-
porté de leur berceau indien une ère propre ; peut-être
ont-ils perpétué une ère locale du Népal, qui remontait à
l'expulsion des KinUas.
Texte.
[Tout le haut de Vinscription manque.^
I yûyam adyâgrena ce.
2. mu(c)itakaram dadantah sarvvakrtyesv âjîiâvidheyâ
3 manaso loke sukham prativa.
4 dûtakaç câtra sarvvadandanâyakamahâprati
liâra.
5. Ravigupta iti samvat 4oo 4o g prathamâs5[dha]
6. çukladaçamyâm ][
Traduction.
(i-3.) . . Vous aujourd'hui. . . . payant Fimpôt
ordinaire. . . dociles à Tordre pour tous les devoirs
.l'esprit. . . dans le monde (.^) vous demeurerez
heureusement.
(4-6.) Et le délégué est ici le généralissime, grand-huissier,
Ravigupta. Samvat 4^9» premier âsâdha, quinzaine claire,
le lo.
vu. — INSCRIPTION DE GANADEVA A KISIPIPI
An 4..
La stèle qui porte cette inscription se trouve dans le
voisinage immédiat de la stèle datée 449 à Kisipidi. Elle
est décorée d'un fronton très analogue à celui de la stèle
de Vasantadeva an 435 (Bhag. n"" 3) et tout à fait identique
à celui de la stèle de Tsapaligaon an 489 : un cakra (jante,
rayons, moyeu) représenté de trois quarts en tracé oblong,
et deux coquillages (çahkha) disposés Tun à droite, l'autre
à gauche. L'inscription proprement dite couvre 0",50 en
hauteur, 0",3d en largeur; le corps des caractères a une
hauteur moyenne de 0",01 1 ; Técarlement des Ugnes est de
0™,02. La gauche de la pierre est en bon état; la moitié
droite est presque complètement effritée.
La graphie est exactement celle de Vasantasena ; le tracé
des lettres est large, net, élégamment arrondi; Tangle ne
s'est pas encore substitué à la courbe : témoin la boucle du
na, Tovale du iha^ etc. Le ha continue à présenter l'ouver-
ture de sa concavité à la gauche du scribe. Le redouble-
ment de la muette après r est constant. L'exécution est
excellente; à la dernière ligne, Taksara final du mot çrâ-
vana^ omis d'abord par le graveur, a été ajouté au-dessous
de la ligne.
L'objet de la charte est une faveur octroyée aux villa-
geois de Kicapricih ; c'est manifestement la forme ancienne
du nom prononcé aujourd'hui Kisipidi (tel que l'ai recueilli
INSCRIPTION DE GANADEVA A KISIPIDI 53
de vive voix ; j'igore la graphie en usage). La persistance
des noms anciens au Népal se trouve ainsi attestée par un
nouvel exemple. La nature de la faveur concédée reste
énigmatique ; il semble que le roi se contente de renouveler
un privilège accordé par ses prédécesseurs.
Le nom du roi est Ganadeva. Ce nom manque à toutes
les listes. J'ai déjà eu l'occasion de proposer une explica-
tion à ce sujet (II, 121). De la date il ne subsiste que le
chiffre des centaines, nettement reconnaissable sur l'estam-
page et sur la photographie que j'ai prise directement de
la pierre ; les signes des dizaines et des unités, placés à
l'extrémité de la ligne, ont complètement disparu. L'ins-
cription appartient donc avec assurance au v* siècle de
l'ère népalaise. Je viens de signaler l'étroite ressemblance
de sa graphie avec celle de Vasantadeva, qui règne dans
le second quart du v"" siècle népalais. La même parenté se
manifeste dans le protocole employé de part et d'autre.
Ganadeva, comme Vasantadeva, réside au palais de Màna-
grha ; il porte le titre assez modeste de {bhatlâraka?")
mahârâja\ il emploie comme délégué royal Prasâdagupla,
comme Vasantadeva emploie Ravigupta; son favori, sans
doute son premier ministre, sur le rapport duquel il agit,
exerce les fonctions cumulées de sarvadandanâyaka et de
ynahâpratihdra , comme fait Ravigupta sous Vasantadeva.
Enfin le nom du délégué royal est accompagné d'une men-
tion qui se retrouve chez Vasantadeva et ne se retrouve
que chez lui : ... te vyavaharatiti , « Il est en exercice à... ».
De part et d'autre se retrouvent aussi des fragments
d'une formule analogue, que des parallèles épigraphiques
permettent de compléter :
. tya yûyam adyàgrena çe(sa)samacilakaram dadan-
lah sarvvakrtyesv âjndvidheyà. . . . manaso loke sukham
prativa. . . (Kisipidi, an 449).
54 LE NÉPAL
tadyùyam çravanavidheyâs iathaiva. . . .
sukham prativaftsya;tha, (Ganadeva, I, lo-ii.)
Celle formule n*a pas réussi au Népal ; elle esl loujours
remplacée plus lard par une formule de caractère plus
impérieux et plus menaçauL Dans l'Inde, au contraire, des
rédactions diverses s'en rencontrent. Au vm* siècle, Tîvara
deva de kosala (Gupta inscr., p. 294, 1. 25) écrit :
ity avagamra hhavadhhir yathocitam asmai hliogahhâgam
upanayadbhih sukham pralivaslavyam iti.
Mahà Sudevaràja {ib,, 197, 1. 13), Mahâ Jayaràja(p. 193,
1, II):
teyùyam evam upalabhyâsyâjMçravanavidheyâbhûtvàyalho-
citam bhogabhâgam upanayantah sukham pralivatsyatha.
Bhojadeva, en Tan 100 du llarsa samvat (Ep. Ind., V,
211, 1. 15):
praiivâsibhir apy âjflâçravanavidheyair bbhûlvâ sarvvâyâ
esàm samupaneyùh.
Ilai-sa vardhana (ÇUàditya) (£>. Ind., VII, 157, 1. 15) :
pnitiiHisijimapadair apy âjMçravanavidheyair bhûtvâ yathâ-
Simnicitalutyameyitbhàga/thogakarahiranyâdipratyayâh anayor
eiH^fHint^yâh^
JaNHuÂtha el ÇarvanAtha, dont le protocole rappelle si
souvont celui du Néj>aK dans la série de leurs inscriptions
oHpaoôos eutiv 177 el 214 iUipta {Gupta Inscr., 118-136,
uvoc queUiuos xarianles'^ :
k' s'iiyam i'i\>patiibhyitjt\it*:nnHin(widheyâ bhûtvâ samucita-
bhuijabhotjiikunthinuiyKulipnityiiyiin upanesyaiha .
Kuliu lo uiuh;\i\\ju Luk^s^rnav»^ ^1^»^^ ^a charte de samvat
INSCRIPTION DE GANADEYA A KISIPIDI 55
158, si voisine du formulaire népalais {Ep. Ind., Il, 364,
1.6):
tad yusmâbhir asyâjMçravanavidheyair bbhavitavyam samu-
citâç ca pratyayâh meyahiranyâdayo deyâh.
La chancellerie du Népal est donc, au temps de Vasan-
tadeva et Ganadeva, sous l'influence d'une chancellerie
hindoue qui, bientôt après, cesse d'exercer son action. Un
autre mot de la charte de Ganadeva fournit un indice ana-
logue. L'envoi adressé aux intéressés ne se termine pas par
le mot usuel : samdjflâpai/ati, mais (à la suite d'une phrase
mutilée), par mânayaii qui correspond assez bien à notre
expression : « avoir l'honneur de... » et qui décèle une
autorité plus courtoise ou plus timide. J'ai retrouvé la même
expression dans la formule d'envoi d'une charte datée de
l'an 300 Gupta, sous le règne de Çaçànka ràja, et sortie
d'une chancellerie voisine du Sud des bouches du Gange
(£>;. /;irf., VI, 144, 1. 20):
""gvCimevavtamânabhnvhyatkumârâmâtyoparikatadâyaktakân
(inydnircayal/idrhampâjayali mânayatica \ vidilamastu, . .
Texte.
1. (svasti) Mîinagrhâd bappapâdânuddhyâta.
2. . . maliârâjaçrîGanadevali kuçalî. . .
3. . . . kicapricingrâme yathâ
/|. (purassaram) sarvvân cva kutum(bi). . .
5. mânayaii pûrvvarâjabhir yy . s
6. nâbhyân na pravesfavyam ity anu.. . .
7. sarvvadan(janâyakamahâpratihâ(ra). . .
8. pltena (linga)pârica. . . dhi
9. rena catus. . yadhikarane
56 LE NÉPAL
10. (le)na prasâdah krtas tad yûya
11. çravanavidheyâs tathaiva
12. sukham prativatsyalha ye câ
i3. r api dharmmagurubhir gguru(kr)ta
i4. jnâ pratipâlanîyeti dûtakaç câlra
i5. Prasâdagupta . . (rite) vyavaliaratîti ][ samvat 4oo.
16. çrâvana çuklaprati(padi)
Trad
UCTION.
(i-5.) Salut de Managrha. Son père adoré le suit de sa pen-
sée ; le (souverain) le grand roi Ganadeva en bonne santé
a rhonneur de (s'adresser), en suivant (l'ordre) à com-
mencer par . . ., à tous les maîtres de maison dans le
village de Kicapricin.
(5-9.) Les rois avant moi avaient . . . disant : ni . . .
ni . . .ne devront y pénétrer. Et (sur le rapport .î^) du
généralissime, grand-huissier ... la province .
(io-i5.) Voilà la laveur que je vous fais. Et vous donc,
dociles à écouter mes ordres et aussi . . . vous res-
terez à demeurer là heureusement. Et ceux qui
respectueux de la loi, respectant. . ., ils maintien-
dront ma prescription.
Le délégué royal est ici . . Prasâdagupta ; il exerce à. .
(i5-i6.) Année 4 • ., çravana, quinzaine claire, le i".
vin. — INSCRIPTION DE TSAPALIGAON
Tsapaligaon est un petit village situé environ à 1 kilo-
mètre (le Budha Nilkanlh (vol. II, 394). La stèle qui porte
l'inscription est dressée contre le petit temple de Narayan.
Elle est décorée au fronton d'un cakra entre deux conques
(çankha). La disposition de l'ensemble et le tracé des
conques reproduit exactement le décor d'une stèle de Va-
santadeva publiée par Bhagvanlal (n** 3). L'inscription est
en grande partie effacée, mais il subsiste des traces de
toutes les lignes, au nombre do 23. La partie inscrite
couvre environ 70 centimètres de hauteur, sur une largeur
d'environ 26 centimètres. Ce format allongé rappelle par
un trait de plus la stèle de Vasantadeva. Les caractères,
d'un dessin élégant, mesurent en moyenne 0'",014 de hau-
teur ; les interlignes sont de 0™,02 environ.
La stèle portait sans doute une donation, comme l'indi-
quent les lignes finales, seules bien conservées. Mais le
nom du roi, le nom du bénéficiaire et l'objet de la dona-
tion ont disparu. Toutefois le début de la première ligne,
lisible encore sur la photographie, montre que le roi rési-
dait au palais de Mànagrha ; il appartenait donc presque
certainement à la dynastie des Licchavis. Il suit d'ailleurs
leur usage graphique, en redoublant la muette après r
(1. 22 Vrsavarmma),
La date de l'inscription, mal venue sur l'estampage, très
58 LE NÉPAL
nette sur la pierre et sur la photographie, est de 489 sam-
vat, un siècle après Tinscription de Changu Narayan, un peu
avant le règne de Çivadeva I. Les caractères épigraphiques
marquent bienenefifet une phase intermédiaire, voisine des
inscriptions de Çivadeva. Les deux traits que Bhagvanlal
avait notés comme essentiels à Tépoque de Çivadeva s'y ren-
contrent déjà, à un degré légèrement moindre : ïi en fin
d'aksara, qui descendait à peine au-dessous du niveau su-
périeur de la ligne avec Mànadeva, s'allonge graduellement
de Vasantadeva à Çivadeva; le trait gauche du va est en
voie de s'arrondir. Le t/a continue à développer sa boucle
initiale, portée à la hauteur du niveau supérieur de laligne.
D'autre part le ha n'a pas encore tourné son axe et pré-
sente son ouverture h la gauche du scribe. L'intérêt de
l'inscription consiste surtout en ce qu'elle relie par une
étape certaine la série Mànadeva-Vasantadeva à la série
Çivadeva, qu'on avait voulu en séparer.
Le diUaka, Vrsavarman, appartient déjà par son nom à
la série des Varman ; Bhogavarman, Amçuvarman, Can-
(Iravarman, qui occupent une situation prépondérante à la
(ni (le la dynastie Licchavi. 11 porte le titre énigmatique de
hhaIjArnka'pMiyny que je n'ai pas rencontré ailleurs. Le
Dictionnaire de Pétersbourg ne donne pas le moi pâdtya,
mais l'expression est formée régulièrement au moyen du
sufllxe '7//// qui marque en général une fonction de subor-
dination, lihaiidraka-padnh est l'expression consacrée pour
désif^ncM' respectueusement le bhaftâraka, seigneur royal
nu s(Mj;n(un* divin. L'épigraphie népalaise fournit deux cas
oi'i Ir dùlaka est un hhattAraka : L'inscription du Chasal-
Inl.Miiinvul i;J7; drttaka: bhattAraka çri Vijayadeva; l'in-
tirriplinM i;i de liliagvanlal, samvat 1[4J3; dûtaka: bhattâ-
nilui rrl llÎMideva. Le hhattAraka-pàdîya doit être un per-
tsiMiiiMHn nn rapport de subordination avec le bhattàraka
lui MiOinn S'agit -il dès ce moment d'une sorte de maire
INSCRIPTION DE TSAPALIGAON 59
du palais? Une charte qui peut être du vu* siècle fournit
une désignation assez analogue. Çântilla, général {balâ-
dhikrta) au service du bhogikapâla et mahâpalupatiKwWwû-
laka, qui lui-même est le /«/pdrfd/îwrfAyd/a de Çamkaragana,
communique une donation qu'il institue « aux paramapâ-
diyas et aux siens propres » {sarvvân eva paramapâdiyân
svâmç câvedayati. Ep. Ind. II, 23, 1. 5). L'opposition d^svân
h*para)napâdiyân précise assez bien le sens : d'une part ses
ressortissants propres, d'autre part les ressortissants de
l'autorité souveraine.
Texte.
I.
... Mânagrhât pa
2. rakamahârâja
3. ... pa... nava
4. ... manu
5. ... jnâpayati viditam astu
6. ... mâna
7. ... guptavijnap.. na
[8-17 effacés.]
18. . . . d api
19. grena na kena(cid a) nyalliâ karan
20. nyatliâ kuryyât kârayed va lasyâliam akrtyakâ
21. rino bâdham na marsayisyâmïti bhatiâraka
22. pâdîyo py alra dûtako Vrsavarmmâ || samvat
23. 4oo. 80. 9 çrâvana çukladivâ dvâdaçyâ(m)
ÏUADUCTION.
(1-18.) De Mânagrha . . . le grand roi . . . .
fait savoir : sachez ceci . . . lavis de . . gupia.
00 LE NÉPAL
(19-21.) Personne ne doit y rien changer; et si quelqu'un
le fausse, en personne ou par intermédiaire, je ne tolé-
rerai pas un pareil méfait *.
(22-23.) Et le délégué ici est Vrsavarman qui tient à la
sainte personne du seigneur.
(24-) Année ^89, mois de çravana, quinzaine claire, le 12.
i. A partir de Çivadeva(l). le verbe marsay, quand il est employé dans
les formules analogues, gouverne régulièrement le nom de la personne
à raccu$a(if : par exemple dans mon inscription du Tulacchitol, 1. 14:
tam aham atitaràn ua marsayitJiimi ; dans Bhag. 7 (Aipçuvarman, saip-
vat 39) I. 19: tam vayan na marsayisyàmah. Le génitif, en tout état de
cause, n'est pas incorrect. Le dictionnaire de Pétersbourg* (supplément
au vol. V) iviivoie à deux stances du Mahà Bhàrata, construites sur un
type identique et qui ont le nom de personne régi par marso au gé-
nitif:
trdyate ht yaiU aarvam rJeJ kJyena dharmam
pittrasy^ipi tut mrsyec ca sa râjfto liharma ucyatc. xu, 3434.
Ihtpam kicarato yatra karma fù vyâhrtena va
pviyaayjpi na mrsycta sa rJjno dharma ucyatc. xii, 3437.
Au sm*plus. la mémo construction semble se retrouver dans l'inscrip-
tiou do Vasanladeva, samvat 535: le fac-similc de Bhagvanlal donne
uu\ II. \S> 'i^S \ ">{( xÀ tasyàham drJham aryya inlti. <>m7/{ contient sans
douto lu tiualo de marsayisyJmi\ que le sens ctTusage amènent nalurei-
lommit ici.
IX. — INSCRIPTION DU TULACCHl-TOL,
A BHATGAON
Cette inscription, que j'ai trouvée encastrée dans la
muraille d'une vieille fosse à ablutions, au Tulacchi-tol, à
Bhalgaon (cf. II, 374) reproduit presque intégralement
rinscription du Golmadlii-tol découverte et publiée par
Bendall (n° 1) et qui servit de base h son système chrono-
logique. La partie inscrite de la stèle couvre h peu près
0'",70 de hauteur; la hauteur moyenne des caractères au-
dessus de la ligne est d'environ 0'",012; Tespacemenl des
lignes, de 0'",023 environ.
Le texte est en sanscrit, et en prose. La graphie est cor-
recte. II convient d'observer que la muette après;* est con-
stamment redoublée, selon l'usage des Licchavis; il en est
de même dans les inscriptions de Çivadeva publiées par
Bhagvanlal (5) et par Bendall (1), malgré les inconsé-
quences des transcriptions données par les deux éditeurs.
Ainsi Bhagvanlal transcrit à la ligne 1 : çauryavairyya\ le
fac-similé porte çauryyavairyya ; à la ligne 2, la transcrip-
tion et le fac-similé donnent à tort ""ketur bhailà'' ; le texte
du Tulacchi-tol montre clairement qu'il faut lire ""ketu-
bhaUd", Dans Bendall, 1. 10, anyair va\ la partie corres-
pondante du fac-similé ne permet pas de vérification ; L
1 2-13 Bendall : ""smadû — dûrdhvam bhô!" ; le fac-similé porte
clairement, comme le texte du Tulacchi-tol, pi madû(\. 13)
rdd/iva?n b/m" ; 1.14 Bendall: ""ânuvartibhir \ fac-similé
62 LE NÉPAL
""ânuvarttïhhir. Je note immédiatement que Tinscription 4
(le Bhagvanlal^ dont a les caractères ressemblent étroite-
ment à ceux de la précédente » et qui est datée de 535
samvat, se conforme à la nouvelle orthographe et ne redou-
ble pas la muette après r. Ex. 1. i: pûrva ; 1. 12 parvata ;
1. {T'vartibhir et non varttibhir comme Bhagvanlal tran-
scrit à tort.
L'inscription contient une charte royale, octroyée par
Çivadeva le Licchavi sur le rapport du mahâ-sâmauta
Amçuvarman, en faveur des habitants du bourgdeKhrpun,
probablement situé sur la partie occidentale du site actuel
de Bhatgaon, où se trouve aujourd'hui le Tulacchi-tol. La
date, ilHsible sur la reproduction, tant le relief en est faible,
se laisse déchiffrer au moins en partie sur Teslampage, au
commencement de la dernière ligne. On reconnaît le sym-
bole des centaines et celui des dizaines ; le symbole des
unités est complètement effacé. L'inscription se place donc
entre 510 et 519 samvat; elle est sans doute exactement
contemporaine de l'inscription du Golmadhi-tol, puisqu'elle
lui est identique, sauf la désignation du bourg privilégié.
Le nouveau texte permet ainsi de rectifier quelques lec-
tures fausses de Bendall. L. 1 , lire ""yaçâ au lieu de ""diço ;
1. 2, ketu, non hetar \ \. ''çamiiâmittrapaksa!', non ""çamitâ-
ynitavipaksa!' \ 1. 10, asmatpâdaprasàdo'' {comme l'indique
aussi le fac-similé), non asmatprasâdo'' ; 1. 12, marsayUâs-
mi, non marsayisyâmi : yepi mad^, non ye vâsmad.
Le dûtaka est, comme au Golmadhi-tol, Bhogavarma-
gomin (non fOTmt, comme lit Bendall).
Texte.
i . Svasli Mânagrhâd aparimilagunasamudayodbhâsi
'À. lajaçâ happapâdânuddhynto Licchavikulaketubha
.'{. [ttâjraka maharaja çrïÇivadevah kuçalï Khrpungrâme
INSCRIPTION DE TULACCHI-TOL, A BHATGAON 63
4. joratibad. grâm. nivâsinah pradhânapurassarân grâma
5. kutumbinah kuçalaparipraçnapûrvvam samâjfiâpayaii
vidi
6. tam bhavatu bha[vatâin] . . . na prakhyâtâmala-
vipulayaçasâ
7. svaparâkra . . . tâmittrapaksaprabhâvena çrîmahâ
8. sâmantâmç[uvarmmanâ] vljnâpitena mayaitadgauravâd
yusma
9. danukampa . . . (kû)th. rvr ... m atra sa-
mucita(s tri)ka
10. ramâltrasâdhanâ[yai]va prave[ço] lekhyadânapaficâparâ-
dhâ
1 1 . dyarlthan tv apraveça iti prasâdo vah krtas tad evamve-
dibhi
12. r asmatpâdaprasâdopajïvibhir anyair vvâ na kaiçcid ayam
anya
i3. thâ karanîyo yas tv ctâm âjfiâin vilaiighyânyathâ ku-
ryyât kâraye
i4. d va tam aham atitaran na marsayitâsmi ye pi madûrd-
dhvam bliQ
i5. bhujo bhavilâras lair api dharmmagurubhi[r asjmatkr-
taprasâdâ
16. nuvarttibhir iyam âjfiâ sa . . . ripâlanîyeti samâ
4. La lecture des premières syllabes est très douteuse. — Rétablir
aussi pradhânapurassarân au lieu de pradhânajanapu^ ôslïi^ la partie cor-
respondante de Bendall 1, 1. 3.
6. Rétablir, d'après Bd. 1, 5 : hhavatâm yathânena pra^
7. Rétablir: svaparâkrainopaçamitâmittrapaksa^
9. Rétablir: anukampayâ ca. Mais la lecture des syllabes suivantes
chez Bendall est manifestement fausse. Le prétendu redoublement du
V après r dans kubervvaiya^ est inadmissible dans le système graphique
de l'inscription; au reste, sur la photographie de Bendall comme sur
mon estan>page, le groupe se lit clairement : rvr et la lettre qui précède
ne peut être un 6a, car un trait horizontal bien gravé coupe à mi-hau-
teur le caractère. Il convient donc de restituer provisoirement: (Jiu)th.-
rvr tyadhikr tânâm .
46. Rétablir : samyak paripâlantyeti. — Le mot samâjMpanâ manque
au P.'W.*et K
64 LE NÉPAL
17. jnûpanu .... (Bho)gavarinmagoinî samvat
18. 5oo. 10 kla mvâm
Traduction.
(i-o.) Salut. De Managrha. Ses innonibral)lcs vertus, grou-
pées, illuminent sa gloire : son père adoré le suit de sa
pensée ; la race des Licchavis l'a pour bannière ; le souve-
rain, le grand roi Çivadeva en bonne santé, aux habitants
du villa^^e de kbrpun, notables en tète, chefs de famille
dudit village . . souhaite le bonjour et fait savoir ceci :
(6-1 1 .) Sacbez ceci : im personnage illustre, de gloire imma-
culée et vaste, cpii a par sa valeur héroïque anéanti le
pouvoir de mes adversaires, le grand marquis Amçuvar-
man ma fait rapport ; et moi, par considération pour lui
et par compassion pour vous, je n'autorise les ... .
à pénétrer dans le village, selon Tusage, que pour perce-
voir les trois impôts : mais, pour la remise des pièces
écrites, pour les cinq crimes, etc., défense d'entrer. Tel
est le privilège cpie je vous octroie.
(ii-i().) Kt maintenant qu'on le sait, personne, ni des gens
attachés u mon service, ni des autres, ne doit rien y
changer. Et quiconque, enfreignant mon ordre, le ren-
drait vain, soit on personne, soit par instigation, je ne le
tolérerai absolument pas. Kt les rois à venir, eux aussi,
par respect d(î la loi, en conformité du privilège que j'ai
octroyé, devront maintenir mon ordonnance. Voilà ce que
j'avais a faire savoir.
(17-18.) Le délégué ici est Bhogavarma-gomin. Année
5i. , . . quinzaine claire, . . . ième jour.
17. H(''lal)Iir : dutahaç cûtra.
X. — INSCRIPTION DE THOKA
Thoka est un hameau en face de Dharampur (II, 394).
La slèle qui porte Tinscription est toute effritée et ne se
prête pas à un déchiffrement. Le fronton est décoré du
cakra entre deux conques renversées Ja pointe en haut.
On reconnaît les traces des vingt-neuf lignes qui la consti-
tuaient; l'objet en était sans doute une donation de ter-
rain ; les limites en étaient indiquées avec le détail ordi-
naire. L. 9: sang amas tatas ta\ 1. 10, setu., ; H, pûrvva-s
tato mârggam anusrtya \ 12, ""lacrksas iasya câdhas ii\ 13,
"^svtya.Jasmâd utiara\ 14, ""niyapâtas tasmCul iittara ] 15,
tato daksinanusâra ; 16, °//2 anusrtya ; \1 ^"sya daksinatojâti-
khrnnadi. Puis viennent les débris des menaces et des
recommandations usuelles: 18, parikseptâ\ 19, ''nyair
iwd... ; 20,marsayisy'' ;^l^ prasdddmwa'' ; ^Q,tadyaçca,,,,m
apaha ; 27, apaha"".
En fait tout l'intérêt de l'inscription tient pour nous dans
les indications des deux dernières hgnes :
28. dûtakaç câtra Vipravarmmagomï samvat 619
29. — çukladivâ daçamyâm ||
(28-29.) ^^ délégué ici est Vipravarma-gomin. Année 619
. quinzaine claire, le 10.
L'inscription, par sa date, se place donc entre celle du
111. — 5
66 LE NÉPAL
Golmadhi-tol et celle de Dharampur qui en est, localement
aussi, voisine. Elle émane manifestement, comme les deux
autres, du roi Çivadeva, et le dûlaka est une fois de plus
un ffomin (cf. II, 129 sqq.).
XI. — INSCRIPTION DE DHARAMPUR
Dharampur est un vieux village situé entre Katmandou
etBudha Nilkanth (II, 394), en face de Thoka qui m'a
donné une stèle de la même époque. La stèle qui porte
rinscription est dressée en face d'une chapelle de Ganeça.
Il n'en subsiste que la partie inférieure : les huit dernières
lignes sont seules bien préservées ; il reste des traces de
vingt lignes, mais un énorme éclat en a emporté la plus
grande partie.
La partie inscrite couvre environ 0'",60 en hauteur, 0™,2o
en largeur; les caractères mesurent en moyenne 0'",015;
les interlignes, 0™,02. L'écriture a Taspect ordinaire des
inscriptions de Çivadeva: les lettres sont grandes, nettes,
bien taillées ; la seule différence caractéristique avec Am-
çuvarman (exception faite du h qui ne se rencontre pas
ici) consiste dans le redoublement des muettes après r. Il
faut signaler toutefois comme une innovation le procédé
pour noter la consonne en finale absolue ; au lieu d'être
tracée en format réduit au-dessous de la ligne, elle est
écrite au niveau normal, en format normal, mais elle est
soulignée d'un trait bouclé qui ressemble àl'û sanscrit du
dévanagari, retourné sur son axe.
La charte a pour objet un double privilège (1. 13) dont
les détails manquent; pourtant on voit encore que l'entrée
68 ' LE NÉPAL
du village était interdite h perpétuilé à la force armée,
régulière ou irréguiière ; Tautre privilège consiste, sem-
ble-t-il, dans une remise de taxe, en rapport avec leMalla-
kara (c Timpôt Malla ». Le même impôt est mentionné,
également à propos d'une remise de taxe, dans inscrip-
tion de Jisnugupla à Thankot (1. 24), et dans les deux pas-
sages il est question de quatre pana {panacatmtaya)\ mais
la stèle de Dharampur précise qu'il s'agit de panas de
(i\\\yve{tâmrapana) et ajoute expressément « selon Tusage»
(iicila). J'ai déjà rappelé, à propos du iMallakara (II, 2H
sq.), la campagne victorieuse de Mànadeva contre Malla-
purî, la ville des Mallas, et j'ai indiqué l'analogie du Tu-
ruska danda, fréquemment nommé dans les inscriptions
de Govinda candra de Canoge. Il est probable que les Mal-
las, précurseurs des Gourkhas qui devaient les renverser
un jour, exerçaienl à ce moment, de la vallée occidentale
où ils étaient installés, une sorte de suzeraineté onéreuse
sur le Népal.
Le formulaire de recommandation aux rois futurs est
en grande partie identique à celui des inscriptions de Çiva-
deva; de même la formule iti samâjnapanâ^ qui disparaît
avec Çivadeva pour être remplacée par svayam âjnd. La
date confirme tous ces indices ; elle se lit clairement
500 20. L'élément 5 de 500 est exactement pareil à celui
de l'inscription de Khopasi ; le signe de la centaine a ici,
au lieu de la double boucle (en manière de 3) de Khopasi
et de Bhag. 4, une sorte d'S retourné sur son axe.
Le dùtaka est le Vârta Bhogacandra; j'ai déjà traité du
personnage et du titre (I, 282). Uu personnage, nous ne
savons rien ; son nom présente l'élément bhoga que j'ai
déjà signalé à l'attention (il, 128).
1. Le mot samûjFiâpanâ manque au dictionnaire de Bohtlingk-Roth,
et à l'Abrégé.
INSCRIPTION DE DHARAMPUR 69
EXTE.
Les 1 1 premières lignes sont presque entièrement effacées,
sauf à la 4* : tabhatâpraveçyah sarvvakâlam a
à la 5* le second caractère est si ; à la 7' on lit haças ; à la 8*,
lân na ; à la 9% pûrvvapra\ à la 10*, rnnâç car.
12.. . bhyaç ca Mallakara
i3. . . citatâmrapanacatustayâd ûrddhva
i4. . m iti prasâdadvayam samadhikan dattam tad e
i5. vamvedibliir nna kaiçcid idam apramânan kâryyam
16. ye py asmadûrddhvam bhûbhujo bhavitâras taira
17. pi dharmmagurubhir ggurukrtaprasâdânu
18. rodhibhir eva bhâvyam iti samâjfiâpanâ
19. dûtakaç câtra vârttabhogacandrah samvat
20. 5oo 20 mâgha çukla dvâdaçyâm
Traduction.
(4.) Entrée interdite aux réguliers et irréguliers .
(i2-i3.). . . de ceux-ci, TimpôtMalla . . . .au-
dessus de quatre panas de cuivre selon Tusage.
(i4-i8.) Ce double privilège considérable vous a été accordé.
Sachant ainsi, personne ne doit manquer à ce règlement.
Et les rois qui viendront après nous, eux aussi, ils devront
par respect de la loi respecter ce privilège et le maintenir.
Tel est Tordre.
(19-20.) Le délégué est ici le vârta Bhogacandra.
Samvat 620, mois de mâgha, quinzaine claire, le 12.
XII. — INSCRIPTION DE (JVADEVA A KHOPASI
L'estampage de cette inscription m'a été envoyé du
Népal en 1902 par les soins du maharaja Chander Sham
Sher Jang. La localité de Khopasi (écrit aussi Sopasi) où
se trouve la slèle est en dehors des limites de la vallée, à
TEst de Bhatgaon. L'inscription est en magnifique état de
conservation ; c'est un privilège réservé singulièrement aux
chartes de Çivadeva, à Khopasi comme à Bhatgaon et à
Patan. Il est difficile de croire que le nom seul de leur
auteur les ait sauvegardées : Çivadeva n'a pas de relief,
ni dans l'histoire, ni dans la légende. Çivadeva a eu plutôt
la bonne fortune de régner au moment où l'art épigraphi-
que atteignait sa perfection au Népal : la pierre, choisie
avec soin, a élé laborieusement polie ; les caractères, d'une
élégance sobre et harmonieuse, sont gravés d'un ciseau
précis et sûr.
L'inscription couvre 0'",47 en hauteur, 0",34 en lar-
geur ; le corps des caractères mesure environ 0",009, et
les interlignes sont de 0'",()15. L'écriture a subi des trans-
formations caractéristiques et prend un aspect nette-
ment original. La courbe se substitue partout à l'angle ou
à la ligne droite ; la hampe du ça, du ga, du repha se renfle
du milieu : 1'/ final d'aksara atteint régulièrement la ligne
de niveau inférieur des lettres. La boucle du ga s'est con-
INSCRIPTION DE ÇIVADEVA A KHOPASI 71
sidérablemenl développée et elle constitue Télément essen-
tiel du tracé; le na au contraire a réduit et presque anni-
hilé les boucles de sa base, mais il a prolongé jusqu'à la
ligne inférieure les courbures supérieures de ses deux
tiges. Le la s'est retroussé, et Taxe de sa courbure est de-
venu parallèle à la hampe. Le ha a tourné sur son axe ; il
présente maintenant à la droite du scribe l'ouverture de
sa concavité ; de plus sa hampe a subi une inflexion mar-
quée, et sa courbure inférieure s'est retroussée comme
celle du la. Lepa dessine maintenant une panse; le ma a
creusé ses contours en lignes concaves; le da^ au lieu
d'accrocher directement la tige supérieure de son angle à
la ligne du haut, l'amorce maintenant sur une courte per-
pendiculaire abaissée de cette ligne même.
Au point de vue du système orthographique, j'observe
que la muette est régulièrement doublée après r, selon la
tradition des Licchavis. La consonne finale est encore tra-
cée au-dessous du niveau de la ligne, mais elle est sur-
montée d'un trait horizontal qui fait fonction de virâma.
L'inscription consiste dans une charte de franchise
octroyée par Çivadeva aux habitants de Kurpâsï; c'est
clairement le village actuel de Khopasi,où se trouve cette
stèle, et dont le nom s'est à peine altéré après un espace
de treize siècles. L'entrée du village est interdite aux re-
présentants de Tautorité centrale ; les affaires locales seront
jugées par le svatalasvàmin ^ personnage de nature énig-
matique. L'expression svatala revient à plusieurs reprises
dans l'épigraphie de Valabhî : Valabhisvatala, dans une
charte de Çîlâditya I, an 286 ; Valapadrasvatala sannivista^
dans une charte du même roi, an 290 ; Valabhlsvatalasan-
îuvisla Trisahgamakasvatale pratisthita, dans des chartes de
Dhruvasena, an 310. L'expression appartient à la langue
administrative, et semble bien désigner le territoire com-
munal. Mais qu'est-ce que le svâmin, le propriétaire de ce
72 LE NÉPAL
terrain communal? Est-ce une sorle de seigneur local?
Les clauses et restriclions sont plus obscures encore: « En
toutes affaires, il n'y a pour vous qu'une porte, et de plus,
lors des deux processions de Touverture de la porte el du
Kailâsakûta, vous devrez donner chacun cinquante mrlli-
kàs nalurellemenl blanches ». Je suis tenté de croire que
le village, pour mieux assurer son autonomie, est autorisé
à s'enfermer dans un enclos percé d'une seule porte
(comme on le voit encore dans les régions écartées du
Kalliawar, par exemple). La mention des deux yâtrâs est
intéressante pour l'histoire religieuse du Népal; Tinscrip-
tion d'Aniçuvarman, an 30, à Harigaon semble J)ien aussi
en mentionner une (1. 19) mais le texte est douteux. Une
dos yâtrâs est celle du Kailâsakûta, la résidence d'Amçu-
varman qui doit devenir le palais de la dynastie nouvelle
après la mort de Çivadeva. J'ignore aussi ce qu'il faut en-
tendre par (( cinquante mrttikâs ». Le mot mrttikA désigne
l'argile ; les composés pandumrttikâ, dhavalamrttikâ dési-
gnent la craie {W ex. Hâmâyana 11, 71, 20; Ayodhyà
drçyate durât sârathe pCindumrttikâ, où le commentaire
glose : sudhiidhavalitatvât ; lesmaisonsstuquées lui donnent
l'air d'être en craie). Le chiffre de cinquante s'applique-
rait alors à une mesure qui n'est pas spécifiée ou s'agît-il
d'objets en terre blanche?
Le document lui-même est désigné dans l'inscription
sous le nom de çilfipaiiaka « tablette de pierre »; c'est le
mot dont se sert un peu plus tard Jisnugupta (Bhag. 13,
1. 14 ; inf. Thankot, 1. 13), en empruntant la formule même
de Çivadeva (Çiv". cirasthitaye râsya prasàdasya çilâpatta--
kenaprasùdah krtnh, Jisnu". asya ca prasàdasya cirasthitaye
çilùpaitakaçùsaiiam idan dattam).
Çivadeva ici comme dans toutes ses chartes joue un rôle
fort effacé; il est nommé on tête, îivec un panégyrique
fort raccourci; il ne porte môme pas le litre debappapd-
INSCRIPTION DE ÇIVADEVA A KKOPASI 73
dànndhyâta qui garantit, pour ainsi dire, la possession lé-
gitime du pouvoir, titre qui lui esl conféré dans Tinscrip-
tion du Golmadhi-tol (mais qui est également omis au
Tulacchi-tol). Il agit sur le rapport du mahâsâmanta Am-
çuvarman, qui est célébré en termes pompeux (cf. sup. II,
126 sq.). Parmi les épithètes qui lui sont décernées il en
est une qui reparaît sous des formes diverses dans toutes
les inscriptions de Çivadeva : svabhujabalotkhâtâkhtlavai-
rivarggena, 1. 6-7 ; Tulacchi-tol et Golmadhi-tol, 1. 6 : sva-
paràkramopaçamitâmittrapaksa — [Bendall lit : amitavipaksa ,
contrairement à la photographie même qu'il reproduit;]
— prabhâvena\ Bhag. 5, 1. 6-8: ""çatiryyàpratâpâpahatasa-
kalaçatrupaksaprabhâvena ; s'agit-il d'un simple exercice
de variations littéraires, ou bien de traductions différentes
faites sur un original commun? Une autre épi thète vante
Amçuvarman comme un adorateur fervent de Çiva, sous
le vocable de Bhava (1. 3 : bhagavadBhavapâdapahkajapra-
nâmânmlhânatâtparyya^) ; elle amorce pour ainsi dire un
nouvel élément du protocole, introduit par Amçuvarman et
perpétué jusqu'à nos jours : bhagavatPaçupatibhattâraka-
pddânugrhUa, Le formulaire de conclusion est, avec quel-
ques légères variantes, celui qui se rencontre toujours
dans les inscriptions de Çivadeva. Le délégué royal, Deça-
varman, appartient au groupe des Varman et porte le titre
de Gomin; j'ai étudié déjà ce groupe et ce titre (II,
128-131).
L'intérêt capital de Tinscription consiste dans sa date ;
elle dégage en effet l'ancienne chronologie du Népal d'une
combinaison inexacte fondée sur une lecture fautive.
Bhagvanlal avait publié une inscription de Çivadeva I (rf 5),
malheureusement incomplète et sans date. Il avait rap-
proché, il est vrai, de cette inscription une autre (n° 4),
également mutilée, mais assez bien conservée dans sa par-
tie inférieure, et datée clairement de samvat 535 çrâvana
74 LE NÉPAL
çukla divâ daçamyâm. Bhagvanlal n'avait pas négligé d'ob-
server que (( les caractères du u** 5 ressemblaient étroite-
ment {closely resemble) à ceux du n** 4 ». Le dûtaka de
rinscription n"4, en samvat 535, est le rAjaputra Vikra-
masena. D'autre part une inscription d'Amçuvarman,
samvat 34, a pour dûtaka le maliâ . . yaka Vikra . . .
(n** 6). Bhagvanlal n'avait pas hésité, en raison de la lon-
gueur bien définie de la lacune, à restituer dans sa tra-
duction le nom de Vikra(masena).
En 1884-85, M. Bendall découvrait au Népal, à Bliat-
gaon (Golmâdhi-tol], une nouvelle inscription de Çivadeva,
qu'il publiait dès le mois d'avril 1885 dans VIndinn Anti-
quary (XIV, 97). Sans un mot d'explication ni de justifi-
cation, sans même signaler l'énorme divergence entre sa
lecture et la date de 535 fournie par Bliagvanlal, il inter-
prétait les signes de la date par Samvat 318, et il en con-
cluait sans autre débat: ((La date de celle inscription peut
contribuera la solution des questions si embarrassantes des
ères entre l'ère Çaka et celle de Cri llarsa. Contenant trois
signes numériques, dont le premier est le symbole pour
300, elle ne peut guère se rapporter qu'à l'ère commen-
çant en 319 J.-C.,que certaines personnes regardent en-
core comme l'ère Cupla-Valabhi ». L'nc de ces(( personnes»
M. Floet, qui allait justement démontrer une fois pour toutes
l'identité de l'ère 319 cl de l'ère (îupta, s'empressa de
saluer cette inscri|)tion nouvelle comme la (( note fonda-
mentale » {key-note) de la chronologie népalaise. Partant
de celte donnée: samvat 318=1 Ciupta 318=(318-h319/
320 J.-C.)= 637/38 J.-C, il agença tout un système nou-
veau de chronologie {The Chronology of the Early Rulers
of^lSepal y dans Ind, Ant. XiV, 342-351 ; publié à nouveau
dans le volume III du Corpus: The imcnpiions of the Early
(ritptff Kings, Appendix IV, p. 177-1 91). M. Bendall publia
de nouveau Tinscriplion, celle fois avec un fac-similé pho-
INSCRIPTION DR ÇIVADEVA A KHOPASI 75
tographique dans son rapport : A Journey,,. in NepaL,,^
Cambridge 1886, p. 72, Appendix I; il ajou lai l celle fois
une réserve sur le chiffre des unités, qui pouvait être un 6
aussi bien qu'un 8. Dans le texte même du Rapport
(p. 13-14) il insistait sur « Tadmirable concordance » de
la date interprétée par l'ère Gupta et des autres données
touchant Amçuvarman.
Dès 1 894 {Note sur la Chronologie du Népal , dans Journ,
Asiai. IV, 55-72) j'ai eu l'occasion de protester contre la
prétendue chronologie rectifiée que M.Bendall et M. Fleet
avaient mise en circulation. L'inscription de Khopasi, cor-
roborée par les inscriptions fragmentaires de Thoka et de
Dharampur, fait décidément justice de ces combinaisons.
Le chiffre des centaines, chez Çivadeva, est 500 et non
pas 300. C'est à tort que Biihler a, dans la Table IX de sa
Paléographie Indienne, réuni sous la même rubrique de
300 les deux signes empruntés, l'un à l'inscription de
Mânadeva à Changu Narayan, l'autre à l'inscription de
Çivadeva au Golmadhi-tol ; c'est à tort aussi qu'il a omis,
sous la rubrique 500, le signe fourni par l'inscription 4 de
Bhagvanlal. On pourrait être tenté de penser que Biihler
a voulu, par cette omission, indiquer qu'il rejetait l'inter-
prétation du Pandit; mais il ne faut pas oubher que c'est
Biihler lui-même qui a traduit et publié le mémoire de
Bhagvanlal, écrit originellement en Gujarâti, et qu'il en
revendique expressément sa part de responsabilité dans la
préface. La différence des deux signes 300 et 500 éclate
d'ailleurs si on les rapproche, comme fait Biihler dans sa
Table. Le signe de 300 est régulièrement constitué par le
signe de la centaine (quel qu'en soit le tracé) avec l'addi-
tion de deux traits atlachés à la hampe de la centaine, et
qui fléchissent en s'écartant de leur attache; c'est
là une forme régulière, constante et qui se constate
au Népal même dans les inscriptions de Mânadeva
76 LE NÉPAL
à Changu Narayan et à Lajanpal. A partir de 400,
comme Tobserve Biihler (p. 74) les symboles sont
constitués par des ligatures de la centaine avec les traits
caractéristiques des nombres 4 à 9. La ligature de 100 est
figurée, dans le 500 de Çivadeva, par un signe très ana-
logue à notre 3 ; ce signe est rattaché par un trait horizon-
tal à une hampe verticale d'où partent vers la gauche deux
traits netlement horizontaux ; le trait supérieur, attaché à
l'extrémité de la hampe, est le plus long; Tautre, inséré
au-dessous du point d'attache du trait qui va relier en sens
inverse la hampe à la ligature du 100, s'infléchit à son
extrémité et finit en boucle. Il suffit de se reporter sur le
tableau même de Biihler à la série des unités pour y trou-
ver le signe correspondant avec la valeur 5, spécialement
le signe de la colonne VII, emprunté aux Kusanas. Bhag-
vanlal, dans son étude sur les Anciens signes numériques
en nâgarî {Ind. Antiq., VI, 42 sqq.) reproduit la même
forme d'après les inscriptions des Guptas, mais sans réfé-
rence précise. Le signe de 500 est donc bien régulière-
ment formé par la combinaison de la centaine avec son
unité particulière, tout comme dans le cas de 400, de 600,
de 700.
Il faut donc lire, dans l'inscription du Golmadhi-tol,
comme dans les autres inscriptions de Çivadeva et comme
dans l'inscription 4 de Bhagvanlal, pour le chiffre des cen-
taines : 500.
Les inscriptions de Çivadeva sontde 518 (Golmadhi-tol)
et 520 (Khopasi). Elles continuent ainsi la série ouverte
par l'inscription de Changu Narayan (386) et prolongée
par Lajanpat (387), To-Bahal (402), Bhag. 2 (412), Bhag.
3 (435), Kisipidi (449), Tsapaligaon (489), et close par
Bhag. 4 (535). Si je prends pour origine de l'ère l'an 33
çaka courant, en fondant mon calcul sur le mois supplé-
mentaire fourni par l'inscription de Kisipidi (449 samvat),
INSCRIPTION DE ÇIVADEVA A KHOPASI 77
Tan 520 samvat correspond à 553 çaka courant = 631 J.-C.
J'ai déjà montré, d'une manière indépendante, dans une
Note sur la Chronologie {Journ. As.^ 1894, II, 55 sqq.),
que Tan 34 d'Amçuvarman doit correspondre à 629 J.-C.
La première inscription d'Amçuvarman date de Tan 30 de
la nouvelle ère (Harigaon I); la dernière date de 4(4?);
j'ai essayé de marquer les progrès de son autorité dans
le libellé même de ses chartes (II, 138 sqq.) entre ces deux
dates extrêmes ; la première doit correspondre à 625 J.-C.
Si mes calculs sont exacts de part et d'autre, les deux
règnes chevauchent ainsi l'un sur l'aulre ; cette apparente
confusion n'est sans doute que le reflet authentique d'une
réalité assez trouble. Toutes les chartes de Çivadeva que
nous possédons sont rendues sur le rapport du mahâ-
sàmanta Amçuvarman, de qui l'éloge éclipse entièrement
la personne du souverain. On peut aisément imaginer des
hypothèses assez variées pour rendre raison des faits:
Çivadeva aurait pu conserver une autorité nominale dans
un ressort restreint de compétence ou de territoire, tout
en restant sous la tutelle de son maire du palais ; en dehors
de ce ressort, Amçuvarman aurait exercé l'autorité su-
prême. Si on observe que les inscriptions actuellement
connues d'Amçuvarman laissent une lacune entre l'an
34 = 629 J.-C. et l'an 39 = 634 J.-C, et que d'autre part
les inscriptions actuellement connues de Çivadeva se
placent justement dans ce court intervalle (518 samvat
= 629 J.-C. ; 520 samvat = 631 J.-C), on peut supposer
encore qu'Amçuvarman a dû, pour des raisons de politi-
que étrangère ou intérieure, accepter ou restaurer un
souverain de la dynastie légitime, le Licchavi Çivadeva.
Du même coup, une difficulté qui gênait la combinai-
son de M. Fleet s'éclaircit et se résout. Je rappelle que
l'inscription de 535 (Bhag. 4) a pour dùtaka le râjaputra
Vikramasena, et que l'inscription d'Amçuvarman, samvat
78 LE NÉPAL
34 (Bhag. 0) a pour dùlaka le mahà . . yaka Vikra . . .,
nom restauré par Bhagvanlal en Vikramasena. M. Fleet,
en citant celle inscription (Gw/>/tf Inscr., p. 178, n. 2) a
bien soin d'ajouter : n Si nous acceptons la. restitution de
Bhaf^vanlal, nous devons prendre bien garde de ne pas
confondre ce personnage avec le ràjaputra Vikramasena
qui est le di)(aka de Tinscription de sarnvat 536, deux cents
et quelques années plus tard. » Mais le ràjaputra Vikrama-
sena reparaît maintenant dans une nouvelle inscription
d'Amçuvarman, à Sanga, an 32 avec le titre de sarvadan-
(landyaka. Ici la lecture est certaine et Tidentité du per-
sonnage devient évidente. D'une part, une inscription
datée de 535 et que la ressemblance étroite des caractères
range, au témoignage de son premier éditeur, à côté d'une
inscription de Çivadeva, contemporain et suzerain nomi-
nal d'Amçuvarman ; d'autre pari un personnage identique
de nom et de litre paraît dans celle inscription et dans une
inscription d'Ainçuvarman. Est-il raisonnable de le dédou-
bler et de creuser un intervalle de deux cents ans et plus
entre les deux moitiés du personnage?
La date de 535 semble, il est vrai, soulèvera son tour
une nouvelle difficulté. Compléedel'an 110 J.-C.=0 pour
origine, l'année 535 correspond à 646 J.-C; à ce mo-
menl Am(;uvarman est mort. N'cst-on pas en droit de
s'attendre à trouver exclusivement en emploi l'ère nou-
velle inlroduile par Amçuvarman et continuée au moins
pendant un siècle et demi par ses successeurs? Mais j'ai
déjà décrit (II, 155) la période de troubles qui suivit la
mort d'Amçuvarman ; Jisnugupta, héritier irrégulier du
pouvoir, reconnail pour suzerain un Licchavi ; s'il se sert
en sarnvat 48 de l'ère d'Ainçuvarman, il semble àTliankot
revenir à l'ère des Licchavis. Or, rinscription de 535 pré-
sente la même parlieularilé décisive que Finscription de
Thankol: tandis que Çivadeva, iîilMe à la pratique des
INSCRIPTION DE ÇIVADEVA A KHOPASI 79
Licchavis, redouble constamment la muette après )\ Tin-
scriplion de 535 ne fait pas le redoublement ; elle écrit
pûrva (4,7), bhûmer daksina (9), parvaia (H, 12), ""varti-
bhir (17, et non ''varttibhir comme Bhagvanlal transcrit à
tort. Elle adopte le système orthographique inauguré par
Amçuvarman et continué par ses successeurs ; elle se
range ainsi en dehors et à la suite de la série Çivadeva.
C'est, il me paraît, une vérification et une garantie de
plus au bénéfice du système chronologique que j'ai pro-
posé.
Texte.
1. Svasti Mânagrhâd aparimitagunasampal Licchavikulâ-
nandakaro
2. [bhaJUârakamaliârâjaçrîÇivadevah kuçalï Kurppâsîgrâ-
manivâ
3. sinah pradhânapurassarân kutumbinah kuçalam abhi-
dliâya samâjnâ
4. [pajyati viditam astu vo yathânena svagunamanimayù-
khâloka
5. [dhvajstâj flâna timirena bhagavadBhavapâdapankajapra-
nâmânusthâ
6. natâtparyyopâttâyallhitaçreyasâ svablmjayugabalotkhâtâ
7 . [khijlavairivarggena çrïmahâsâmantâmçuvarmmanâ
mâin vijnapya madanu
8. [jnâjlena satâ yusmâkam sai'vvâdhikaranâpraveçenapra-
sâdah krlah
• • •
9. [sajmupasthilavicâranïyakâryyesu svatalasvâminaiva yQ-
yam vicâ
10. ranîyâh sarvvakâryyesu caikam eva vo dvâram dvârod-
ghûianaKailâsa
1 1 . (kùla)yâtrayoç ca bhavadhih pralyekam paficâçaj jâti-
çuklainrttikâ deyâ
80 LE NÉPAL
12. (ç cira)slhitaye câsva praaâdasya çilâpaUakena prasâdah
krlas ta
i3. devamvedibhir asmatpâdaprasâdopajîvibhir anyair vvâ
nâyam prasâdo
i4. nyalhâ karanïyo yas Iv elâm âjiiâin utkramyânyathâ
kuryyât kârayed va la
i5. m aham maryyâdâbhaiigakârinam atitarân na marsayi-
syâmi bhâvibhir a
i6. pi bhûpatibhir ddliarmmagurubhir ggurukrtaprasâdâ-
nuvarilibhir iya
17. m âjnâ samyag anupâlanîyeti samâjnâpanâ || dûtakaç
câtra
18. Deçavarmmagomï samvat 520 caitrakrsnapaksatithau
pancamyâm
Traduction.
(i-4). Salut de Mânagrha. Ses innombrables vertus, par-
faites, font la joie de la race des Licchavis; le souverain,
le grand roi Çivadeva, en bonne santé, aux babitants du
village de Kurpâsî, notables en tête, chefs de famille, sou-
haite le bonjour et fait savoir :
(4-12). Sachez ceci : Ce personnage de qui les vertus, pier-
reries, irradient, éclairent, et dissipent les ténèbres de
rignorance, qui, toujours prosterné aux pieds, lotus, du
saint Bhava, a pris sur lui d'assurer à Tavenir le salut et
le bonheur, de qui les bras, couple puissant, ont déraciné
tous les ennemis coalisés, le grand marquis Amçuvarman
m'a fait rapport, et, autorisé par moi, il vous a accordé la
faveur d'interdire Feutrée à tous les ressorts (de justice).
Dans toutes les affaires qui viendront à être débattues,
c'est le propriétaire local qui devra vous soumettre à son
examen. Et pour toutes les aflaires vous n'aurez qu'une
INSCRIPTION DE ÇlVADEVA A KHOPASI 81
seule porte. El lors de Touverture de la porte et de la pro-
cession du Kailâsa kûta, vous aurez à donner un à un cin-
quante craies naturellement blanches.
Et pour la longue durée de ce privilège, le privilège a
été mis sur une tablette de pierre.
(i3-i7). Et maintenant qu on le sait, personne, ni des gens
attachés à mon service, ni des autres, ne doit rien changer
à ce privilège. Et quiconque, transgressant mon ordre, le
rendrait vain, soit en personne, soit par instigation, je ne
tolérerai absolument pas qu'il viole les stipulations fixées.
Et les rois à venir, eux aussi, par respect de la loi, en
conformité du privilège que j'impose à leur respect, devront
bien maintenir cette ordonnance.
(17-18). Le délégué ici est Deçavarma-gomin. Année 520,
mois de caitra, quinzaine noire, cinquième jour.
lil. - 6
XIII. — STÈLE I DE HARIGAON
Les deux inscriptions [d'Aihçuvarman à Harigaon sont
dressées symétriquement aux deux coins d'une plate-forme
qui porte une chapelle, du côté qui regarde le Nord, au
milieu de la chaussée qui traverse le village du Nord au
Sud, et près de la descente rapide qui mène au pilier déjà
décrit. L'inscription I couvre environ 0'",55 en hauteur et
0",30 en largeur; la hauteur des caractères est de 0"',01 1
environ. La stèle porte un fronton arrondi et soigneuse-
ment décoré. Au milieu, deux rinceaux affrontés, portés
sur un socle bas ; la tête du socle soutient une tige, renflée
à mi-hauteur, qui sépare les rinceaux et qui s'épanouit en
un cahce allongé, servant de support à une espèce de cha-
piteau carré, sillonné de cannelures évasées et flanqué sur
les côtés de figures en saillie. Sous ce dessin stylisé, on
reconnaît toutefois les lignes essentielles du vase au col
allongé, garni de fleurs. A droite, un coquillage {çahkha);
k gauche, une ammonite (çâlif/rdma) ; l'un et l'autre, em-
blèmes de Visnu, sont assis sur des pétales recourbés qui
les encadrent. Le fronton est séparé du texte par un filet
semé de perles.
L'inscription est tout entière en sanscrit et en prose.
L'orthographe en est assez régulière. Il faut observer tou-
tefois que, dès son premier édit, Amçuvarman rompt avec
STÈLE I DE HARIGAON 83
la graphie traditionnelle des Licchavis, qui doublait la
consonne après r ; il écrit varman, et non varmmariy etc. Le
détail vaut d'autant plus d'être relevé qu'il concorde avec
la tradition (Hiouen-tsang, Kirkpatrick) qui fait d'Amçu-
varman un roi grammairien. Le caractère est le même que
dans les inscriptions d'Amçuvarman déjà connues. Amçu-
varman, en qualité de mahâ-sâmanta^ institue un assez
grand nombre de donations (/^ra^^cfe) affectées à des béné-
ficiaires de genres divers : divinités, temples, fonction-
naires, animaux, portes, rues. Ces donations se rattachent
évidemment à une cérémonie ; la mention du cheval du
sacre et de Téléphant du sacre donne à croire que l'occa-
sion en est Yabhiseka, le sacre d'Amçuvarman. Les détails
semblent bien cadrer avec celte hypothèse. Nous ne pos-
sédons pas, il est vrai, de description authentique d'un
abhiseka historique. Les textes védiques, quelle que soit
la date à leur assigner, ne décrivent la cérémonie qu'au
point de vue du rituel. Les épopées ne donnent pas non
plus un tableau d'ensemble. Le Mahà-Bhârata, qui décrit
longuement le râjasûya de Yudhisthira au Sabhà-parvan
retrace sommairement le sacre du même roi au xli* adhyâya
du Çânti-parvan. Le Râmâyana conte avec plus d'ampleur
les préparatifs du sacre de Râma II, 1 3. Enfin l'Agni-Purâna
traite du sacre royal dans son ccxvui* adhyâya*. Gold-
stùcker, dans son Dictionnaire avorté, a donné une admi-
rable monographie de Tabhiseka (s. v.) et Weber a repris
le sujet dans son mémoire : Die Kônigsweihe {râjasûya)^
dans les Abh, Ak. Wiss. de Berlin, 1893. Je me suis appli-
qué dans les notes de l'inscription à marquer les rapports
entre les données de l'inscription elle-même et les textes
que je viens de citer.
4. Le Pancatantra, 111, fable 4, décrit avec quelques détails intéres-
sants le sacre du hibou comme roi ; mais ce développement manque à
la recension du Sud publiée par M. Hertel.
84 LE NEPAL
Les donations sont évaluées en pu el en pa. La mention
du pamtf/rahana k la 1. 4 el l'analogie de plusieurs autres
inscriptions, publiées ou encore inédites, montre claire-
ment qu'il s'agit de panas {pa) el de purànas {pu). Le puràna
est une monnaie d'argent, désignée aussi sous le nom d(*
iiârsàpana (p. ex. inscr. de Jisnugupla à ïhankot, inf.).
Hapson {Indian Coins, p. 2) fixe le poids et la valeur du
puràna h \V'%li) d'argent, el celui du pana h 9*',48 de cuivre.
L'inscription n'indique que le nionlanl des sommes; mais
il esl évident qu'il ne s'agit pas d'un versement unique;
AiTi(;uvarnian n aurail pas eu besoin de faire graver son
édit, ni d'en recommander Texéculion ponctuelle aux rois
d(» l'avenir. On peut dès lors se demander s'il s'agit d'un
paiement quotidien, mensuel ou annuel. Mais la littérature
sanscrite est si pauvre d'informations réelles qu'il est diffi-
cile de décider. Le seul texte, h ma connaissance, qui Iraile
des salaires h la cour du roi se trouve dans Manu, VII,
125 et 12() :
rùjakannnsn ynktanâni slruuim presyajanasya ca
pralydhatn hulpaycd viitinj sihânahtrmùnurûpalah \\
pano (Irvo 'valirsifisya sail ufhrsiftsya vetanam
siuundsikna talhucchado dhnnyadromr ru mâsikah \\
a Aux IVmmrs (employées dans l(»s services royaux et aux
(lonu»sli(iues, le roi doit assurer rcMitrelien quotidien, en
ra|)porl avc^c le rangel le travail di^ chacun. Il faut donner
aux plus infimes un pana, aux |)lus élevés six panas comme
salaire, el de plus tous les six mois de quoi se couvrir el
tous les ni(»is un boisseau (dronn) dr grain ». Le commen-
tateur Kullùka s|)écili(^ (pie le salaire indicpié est le salaire
(piolidirn el il donne comme excMuple de fonctions infimes
le balayeur (.s7///////^//;/(//y/) el le \M)r [ciir dcdii (udaAavd/ia).
L'unel raulivse rr'lrouvent dans la (*liarte d'Ainçuvarman;
l(i porteur d'isiu {itnniya-h'fnnHintika) y reçoit 2 puràçaset
STÈLE I DE HARIGAON 85
2 panas, soit 34 panas ; la balayeuse (sammarjayitrî)
\ puràna el 4 panas, soit 20 panas. Il s'agit vraisembla-
blement d'une rente annuelle à servira tous les auxiliaires
du sacre.
L'inscription est datée de samvat 30, correspondant
à 625 J.-C. Je dois me contenter ici de renvoyer a mon
chapitre sur l'histoire et à ma Note sur la chronologie
pour justifier l'équivalence proposée. Je puis cependant
indiquer que la difficulté qui embarrassait, après moi,
M. Kielhorn {List of North. Inscrps., n** 530 et note) se
trouve définitivement écartée. La date de l'abhiseka, en
samvat 30, montre bien qu'Amçuvarman n'a pas fondé,
mais emprunté l'ère dont il se sert; mais ce n'est point h
Harsa qu'il a emprunté, plus ou moins volontairement,
son ère.
On peut observer que le formulaire de conclusion
contraste par sa réserve modeste avec les menaces rigou-
reuses qu'emploie Çivadeva, et qu'Arnçuvarman lui-même
y introduit plus tard. Arnçuvarman s'essaie encore timi-
dement à l'exercice du pouvoir personnel.
rii
Texte.
1 . [svasti kailâsakûjtabliavanât parahitaniratapravrtlitayâ
krtayuga
2. . . pari.ânakarï bhagavatPaçupalibhaltârakapâdânu-
dhyâto
2. Le mot anndhydta remplace ici, à la fin de la formule Bhagavat-
Pfiçupati...y le terme usuel nnugrklta qui se lit dans les incriptions
d'Aniçuvarman datées 3i (Bliag. 6) et 39 (Bhag. 7). Les inscriptions de
samvat 3'2 et 3i (Bend., p. 74) sont mutilées dans la parUe correspon-
dante. C'est aussi anwjihltaqw'x est employé régulièrement dans la même
formule par Jisçugupta (Bhag. 9 et iO ; et ijiscription de Thankot.)
86 LE NÉPAL
3. [ba]ppapâdaparigrhïtah çrîmahâsâmanlâmçuvarmâ ku-
çalî karisyamâ
4. naprasâdânns lanmaryâdâpanagrahanâdhikrtâmç ca var-
tamânân bhavi
5. syataç ca samajfiâpayati viditam bhavatu bhavatâm sar-
vatra ra/â prasâ
6. desu kxtaprasâdair maryâdânimillam yena st.
7. yathocitadânena ma bhûd ut/iâya sa . . . ï . . maya
purvarâjânuvr
8. tlyâ yathocitapradânâya .... likhito yo tra
9. çrideyyâih pu 3 pa i aroh pu 3 pa pa
1 sasthîde
3. La formule bappapàdaparigrhlta est une anomalie expressive. La
formule régulière et constante est bappapâdânudhyàta. Sans multi-
plier trop facilement les exemples en dehors de Té pigraphie népalaise,
je me contenterai de mentionner que cette dernière formule se trouve
seule dans les autres inscriptions d'Amçuvarman actuellement connues;
il remprunte lui-même au formulaire de son prédécesseur Çivadeva
(cf. inscr. Golmadhi-tol, dans Bendall, mon inscr. de Bhatgaon, etc.)
qui l'avait lui aussi re(;ue de ses prédécesseurs (Vasantadeva, inscr.
Bhag. 3; moninscr.de Kisipidi, etc.); et après Arpcuvarman, c'est
encore cette seule foruïule qu'emploient ses successeurs. La dérogation
présente est donc en soi un fait qui appelle l'attention. Déjà dans la
note précédente j'ai signalé une autre anomalie en rapport avec celle-ci,
le transport du mot anudhyàta dans une formule où sa présence était
inattendue, et où il était substitué à l'ordinaire anugrhlta, Parigrhtta
rappelle extérieurement ce dernier mot, comme s'il devait donner le
change ; on fait il a un sens tout différent et très précis. Le mot pari-
qraha désigne l'admission dans la famille, et par suite il s'applique à
l'épouse et à la « familia )>. Le Pravaràdhyàya (Weber, Cai, Berlin. Hss.,
1, 59), l'applique même expressément à l'adoption : atha dattaka-krltaka-
krtrima pntrihâh parapariffrahetia nânârseyeua jâtâh..., et il oppose le
père qui a engendré iitpâdayitar au père qui a adopté pangrahltar^pûr*
rah pravarn utpàdnyitur uttarah parigrahHrth). Kullûka, commentant
Manu IX, 168, sin- Tadoption, appelle également le père adoptif pari-
grahltfir (mutupitaiau pnrnsparam anujMya yam putram parigrahituff
snmânajàtiyam...). Dans la dynastie des Guptas impériaux, Candragupta
11 se désigne comme (ils parigrhlta de Samudragupta, et celte qualifica-
tion spéciale lui est régulièrement affectée par ses successeurs : Samu^
dragtfptasya putras tatparigrhUo mahddcvyâni Dattadeiyâm utpannaff.
STÈLE I DE HARIGAON 87
10. vakulasya pu 3 pa* i çrïbhaitârakapâdânâm pralyekam
pu . pa . mahâbalâdhyaksa
1 1 . sya pu 20 5 prasâdâdhikrtasya pu 20 5 abhlsekahasli-
[nah] pu 3 pa i abhîse
12. kâçvasya pu 3 pa i dhâyakagecchim.âkasya pu 3 pa .
bhânda . . . . pu 2 pa 2
M. Fleet (Gupta Inscript., p. 4*2, n. 4) interprèle ce mot par: «accepté
(comme fils favori et successeur par choix)». Cette interprétation ne me
parait pas cadrer avec le sens de parigrKita, et elle ne convient pas
dans le cas d'Aipçuvarman, puisque Arnçuvarman était le gendre, et
non le fils de son prédécesseur Çivadeva. Je traduis dans l'un et Tautre
cas : (( admis par adoption dans la famille ».
9. Le mot çr't devant dcvyàh est très douteux. Peut-être il s'agit d'une
désignation locale. — Aroh est au contraire la lecture presque certaine.
Il est peu probable qu'il s'agisse d'Arw, donné par un lexicographe
comme un nom du soleil. — Sas(hl est proprement le nom du sixième
jour qui suit la naissance et qui clôt la période critique des nouveau-
nés ; Sasthî devï y préside, et à ce tilre elle est l'objet d'un culte spé-
cial. Mais Sasthl, au témoignage des lexiques, est devenue une appel-
lation de Durgà ou Devi. Peut-être Arnruvarman Ta-t-il choisie ici parce
qu'elle présidait au jour de la donation, qui est datée de la Sasthl, la
6« tithi claire de Jyaistha.
40. Hhattàraka est sans doute Parupati, qui reçoit régulièrement ce
titre, par exemple ici mémo, 1. 2. — Mahâbalâdhyaksa est un titre qui
semble jusqu'ici particulier au Népal. L'Inde ne donne que l'équivalent
mahâhalâdhikrta (Inscr. de Hastin, Gup. (?) 404 dans Fleet, Gupta
//isc/ps., 408; ihscr. de Buddharàja le Kalacuri, E/)<V/r. Jnrf., VI, 300 ;
cf. halâdhikrta, inscr. deÇàntilla, \assal des Kalacuris, 16., Il, 23). Manu
mentionne le haLîdhyaksa à côté du senàpati, VU, 489. Une autre in-
scription d'Amçuvarman samvat 34 (fiend., p. 74) nous donne le nom
de son mahâbalâdhyaksa : Vindusvàmin.
41. Prasâdâdhikrta est un litre que je n'ai pas rencontré ailleurs;
mais il est exactement symétrique à balâdhikrta que je viens de mçn-
{'\onnei\ ^ Abhisckahastin. La cérémonie du sacre exigeait en effet un
éléphant (Kâmàyana II, 45, sacre de Itàma: mattaç ca varavâratjah,
n. 8 (= matlo gajararah, Gorr.) aussi bien qu'un cheval blanc, Ib.,
V. 44. pâtujurârvar ca samsthitah : de même l'Agni-Purària, Bibl. Ind.,
ch. 248 : arvam âruhya nâgani ca pfijayet tant samârohct,
42. Dhâvaka^. La lecture de ce mot est dans l'ensemble fort nette; la
seconde lettre est dout<»use ; la boucle n'en est pas fermée, et l'aspect
est plutôt celui d'un r avec un trait recourbé vers la gauche au pied de
la tige. Je ne saiR comment interpréter le signe au-dessous du ma, et
l'interprétation du mot reste entièrement énigmatique.
88 LE NÉPAL
i3. câmaradharasya pu 2 pa 2 dhvajamanusyasya pu 2 paa
de ... . nâm pu 2
i4. pa 2 pânîyakarmântikasya pu 2 pa 2 pîlhâdhyaksasya
pu 2 pa 2 .ran.âm pu .
i5. pa 2 puspapatâkavâhasya pu 2 pa 2 nandîçankhavSdayoh
pu . bha.tânâ
16. yakasya pu 2 pa 2 açvasyârghe pu . pa 2 daksinadvS-
rasya pu i pa 4
17. .sya pu I pa 4 pratolyâh pu i pa 4 paçcimadvârasya pu
I pa 4 . . . pu.
18. pa 4 mânagrhadvârasya pu i pa 4 madhyamadvârasya
pu I pa 4 uttaradvârasya pu i pa 4
13. Câmaradhara. La queue d'yak (chowrie) est un insigne royal et
figure régulièrement au sacre (Ràmày., v. iO: vâlavyajanam=^ câmara,
Gorr.)
44. Pàntyakarmântika. Le commentateur du Ràmàyaoa sur 11, 80, i,
explique bien karmântika par vctanajlvin « qui vit d'un salaire ».
Le travail du karmântika s'oppose à la vis(i u la corvée non-rélribuée ».
Il s'agit peut-être de Teau nécessaire au sacre, et la tâche en ce cas était
plutôt ardue ; les Rrâhmanas réclament de Teaude pluie recueillie avant
de toucher terre, et lorsque le soleil brille; leRâmâyaça mentionne pour
le sacre de Hâma des eaux prises au confluent du Gange et de la Ya-
munâ et toutes sortes d'eaux spéciales.
Pt(hâdhyaksa, Pitha est le terme même que le Râmâyaoa emploie
pour le Irùne royal, v. 4 : hha(lrapl(ham svalantkrtam. Le P. \f\ renvoie
pour le terme pl(h(kihyaksa à un passage du Çankaravijaya d'Ananda-
giri cité par AutVecht, Cat. Mss. Oxon. "ïtyV*; Çankara fonde une sorte
d'académie sur le bord de la Tiingabhadrâ et y laisse Surecvara comme
jn(/iâdhyaksa. Aufrecht traduite' schohe magister», sens fort suspect.
J^i(h(i désign<^ fort bien les lieux sacrés, et spécialement au Népal les
lieux consacrés par les reliques de Devl.
15. Pvspapatuka, qui manque au P. W., est un synonyme de Pu^pa-
ketu qui désigne par périphrase l'Amour. J'ignore ici de quelle fonction
particulière il s'agit.
yandl est donné dans P. W.^ comme le nom d'un instrument de mu-
sique indéterminé.
4(). \j(ir(fha est un présent de choix donné à rocrasion du sacre.
Vudhisthira, en offrant Targha à Krsoa (Mahâ-^Rhârata 11, adhy. 36-38)
dérhaine la jalousie furieuse de Çirupàla, lors de son ràjasûya.
i8. Mànagiha est le palais des rois Licchavis.
STÈLE I DE HARIGAON 89
19. sammarjayitryâh pu i pa 4 yadi yatrâySm viçvâsikanâ-
yakayoh pu 20
20. 20 lad evamvedibhir asmaipâdaprasâdapratibaddhajîva-
nair anyair va na kaiçci
21. d ayam prasâdo nyalhâ karanïyo bhavisyadbhir api bhû-
patibhir gurukrta
22. prasâdânuvartibhir eva bhâvyam iti svayam âjnâ samvat
3o jyaistha çuklasasthyâm
Traduction.
(i-5). Salut. Du palais de Kailâsa-kûta. Le bien d'aulrui
plaît à Texercice de son activité. L*âge d*or trouve en lui
(sa résurrection .►^). Le saint Paçupati, le seigneur adoré,
le suit de sa pensée. Son père adoré Ta choisi par adoption.
Le grand marquis Amçuvarman en bonne santé s'adresse
à ceux qui vont recevoir ses faveurs et qui sont qualifiés
pour percevoir la solde dans les limites prescrites, tant
présents qu'à venir, et leur fait savoir. Que ceci soit connu
de vous :
(5-8). Pour éviter que (des contestations) se produisent
entre ceux qui reçoivent les faveurs royales ... au
sujet de la limitation .... par reflet d'une dona-
tion dans les formes usuelles, j'ai, suivant l'exemple des
rois mes prédécesseurs donné dans les formes usuelles
ce qui est inscrit ici :
(9-19). A la vénérable Devî 3 pu, i pa ; a Aru (?) 3 pu,,
pa ; a . . . . pa ; au temple de Sasthî 3 pu, i pa ;
i9. Sammarjayitrl manque à P. W. Pour l'importance de sa fonction
à la cour, cf. par exemple, Çakuntalà, acte V (éd. Ni maya- Saga r, p. 459:
ahinavasammajjattasaslrio... aggisaramlindo. — Yadiyatràyâm est très
net sur la pierre, mais l'interprétation en est très embarrassante. 11
faut probablement corriger : yâtràyâtit ; mais yadi est encore bien ob-
scur.
90 LE NÉPAL
au Seigneur adorable, un a un, . pu, . pa; au grand ins-
pecteur de Tarmée 2 5 pu ; au préfet des donations 28 pu ;
à l'éléphant du sacre 3 pu, i pa ; au cheval du sacre 3 pu,
1 pa ; au dhâvakagecchim-âka 3 pu, i pa ; au bhânda
2 pu, 2 pa; au porteur d'émouchoir 2 pu, 2 pa;
au porte-étendard 2 pu, 2 pa; aux ... 2 pu, 2 pa;
k l'ouvrier de Teau 2 pu, 2 pa ; au surveillant du siège
2 pu, 2 pa; aux . . pu, 2 pa ; à celui qui trans-
porte Puspapataka 2 pu, 2 pa; aux sonneurs de tambour
et de conque . pu ; au chef des . . 2 pu, 2 pa ; au
cheval, en guise de cadeau . pu, 2 pa ; à la porte du Sud
1 pu, 4 pa ; à • • • • I pu, 4 pa; à la grand porte*
I pu, /j pa ; h la porte de l'Ouest i pu, f\ pa ; .
à la porte de Mânagrha i pu, /| pa ; à la porte du milieu
I pu, 4 pa : à la porte du Nord i pu, 4 pa ; à la balayeuse
I pu, 4 pa ; à l'homme de confiance et au conducteur lors
de la procession (? . . .), 20 pu
(20-22). Sachant que c'est ainsi, qu'il s'agisse de gens atta-
chés à notre personne de par notre grâce ou bien de tous
autres, personne ne doit changer celte donation ; et les
rois à venir devront se conformer à cette donation et la
respecter.
Ordre direct.
Samvat 3o, le 6 de la quinzaine claire de Jyaislha.
i. Pour ce sens de pratoll; v. Vogel dans V Album Kern, p. i35i37.
XIV. — STÈLE II DE HARIGAON.
La seconde inscription d'Amçuvarman à Harigaon fait
exactement pendant à la première. Elle est dressée contre
la même plate-forme, à Tautre coin de la face septentrio-
nale. Elle a les mêmes dimensions, la même disposition;
• Taspect et le contenu en sont analogues. Elle est surmontée
d'un fronton où sont représentés au centre un cakra, vu
de trois quarts (comme surTinscr. 10 de Bhagv.), à gauche
un çankha; le motif de droite a complètement disparu. Un
simple filet sépare le fronton du texte. La partie inscrite
de la stèle couvre environ 0'",68 en hauteur sur 0'",37 en
largeur; le caractère a une hauteur moyenne de 0'",014.
Un accident qui ne semble pas dû au hasard seul a fait
disparaître la partie supérieure de la pierre à droite; le
milieu des lignes inférieures et le rebord droit ont aussi
subi une mutilation. Le reste est en excellent état de pré-
servation, récriture est nette et bien tracée. La graphie est
naturellement la même que dans l'inscription précédente ;
je signale toutefois l'emploi de la minuscule au-dessus de
la ligne pour les consonnes finales : kulânâm 1. 15 ; pâdânâm
1. 16; gauslhikânâm 1. 18, parallèlement à Tanusvâra dans
vihârânâm 1. 10; manusyânâm 1. 19. Un des signes numé-
riques les plus fréquents dans Tinscription a une valeur
douteuse (v. la note 1. 7).
L'inscription est tout entière en sanscrit, et presque toute
92 LE NÉPAL
en prose. Elle se termine par une slance en vamçasthà,
placée immédiatement avant la date, et où Amçuvarman
s'adresse directement au lecteur. L'objet de Finscription
est un marYàdâbandha(l. 6 et 20), c'est-à-dire un engage-
ment bilatéral (v. la note sur le vers 6) ; et, de fait, Amçu-
varman n'y fait point acte de souveraineté; aucun terme
n'évoque l'idée d'un ordre. La situation officielle d'Amçu-
varman n'a donc pas changé depuis l'inscription de samval
30. Il s'agit d'une répartition de taxes; les bénéficiaires
sont des temples, des établissements ou des personnes
appartenant à toutes les religions du Népal. Commenter
chacun des noms mentionnés, ce serait écrire un chapitre
considérable de l'histoire religieuse au Népal. Je renvoie
aux chapitres spéciaux de mon ouvrage et me contente de
dresser ici un inventaire classé selon les confessions reli-
gieuses.
ÇivAÏSME : Paçupati 7,2 ; Râmeçvara 3,i ; Mâneçvara3,i ;
Dhiirâ-Mâneçvara 3,i ; Parvateçvara 3,i ; Kailâseçvara 3,i ;
Bhattârakapâdâh 7,2.
VicHNOuisME. Dolâçikhara svâmin 7,2 (^ Changu Nara-
van) ; Sâmbapura 3,i ; Narasimha deva 3,i ; Bhûmbhuk-
kikâJalaçayana (de Budh Nilkanlh.^^) 3,i.
Bouddhisme. Gum viliâra 7,2 {[/uni mol névari, = mon-
tagne. Gum-vihâra est un nom encore en usage pour le
Mani(crKla)-cailYa, au Nord de Sankou) : — çrï Mâna vihâra
'],'A (Mânavihâra est aujourd'hui encore un autre nom du
Cakra-vihtlra,à Patan) ; çrïUa-vihâra 7,2 ; Kliarjurikâ vihâra
7,2 ; Ma(dhyai*) ma vihâra 3,i ; sâmânya vihârâh 3,i.
Indéterminés. IIanisagiliade\a 3,1 ; Vâgvalîpâradeva3,i :
ladanyadevakulâlî 2,2 ; sapelâpâfirâlï 7,2 : sâmânyapâncâlî
3,1: râjakula... niyuktamanus\a 2,2 ; gausthikâh 2,2:
krtaprasâda 1 ; brâhmanâh 1 ; sâinânvamanusyâh — .
STÈLE DE HARIGAON 93
Les donations sont évaluées ici comme dans Tinscription
précédente en /)u = purânas et /)a=: panas.
La date est : samvat 82, mois âsâdha, quinzaine claire, la
iSnithi.
Texte.
1 . svasti kailâsakQtabhavanâd ....
2. no bhagavatPaçupatibhatlâraka ....
3. tah çrïmahâsâmantâmçuvarmâ ku[çalî] ....
4. grhiksetrikâdikulumbino ya . . . syânu .
5. ditambhavatu bhavatâii grhaksetrâdiçrâvanikâdâna/î/. .
6. bhir ayam maryâdâbandhah krta etena bhavadbhir vya-
vahartavyam yatra
\. La fin de la première ligne contenait une épithète d'Amçuvarman,
encore attestée par la finale no de la seconde ligne.
2. La lacune qui suit bha((âraka rend impossible de déterminer si le
formulaire employait ici anugrhtta ou aniidhyâta, et si le tah de la troi-
sième ligne suppose bappapàdaparigrhJtah comme ci-dessus.
4. La spécification des grhiksetrikàdi manque aux autres inscriptions
du Népal. La lacune doit se combler par une formule telle que yafthà-
pradhânân dbhàjsydnufdiçati vijditam.
5. nàvamkd est une formation secondaire tirée de ç.ravaua « l'audi-
tion » ou plutôt de çrdvana, le 5^ mois de l'année caitràdi, répondant à
juillet-août. Peut-être la taxe était-elle pendue à ce moment.
6. maryddâbandha est cité aux Nachtrâge du P. W.^ avec une seule
référence au Divyàvadàna 29, 26. Le passage se trouve dans Tavadâna
de Pùrna. Piirna a trois frères ; l'alné le défend, les deux autres sont
ligués contre lui et le méprisent pai*ce qu'il est né d'une esclave. Us
décident entre eux de proposer à leur frère aîné un partage du patri-
moine. « Réfléchissons comment nous partagerons. Us se mirent à ré-
fléchir là-dessus (tau svabuddhyà vicdrayatah). L'un aura ce qui est à
la maison (grha-gata) et ce qui est aux champs (ksetra-gata)\ un autre,
ce qui est dans laboutiqueetce qui est à l'étranger ; un autre auraPûrpa.
Si notre aîné prend ce qui est à la maison et ce qui est aux champs,
nous pouvons nous entretenir avec ce qui est dans la boutique et ce qui
est à l'étranger. Et s'il prend ce qui est dans la boutique et ce qui est à
l'étranger, alors encore nous pouvons nous entretenir avec ce qui est à
la maison et ce qui est aux champs ». Et ils ajoutent: Pûrnakasya ca
maryâdàbandhatft kartuvi (çaknumah). Burnouf (Introd. p. 242) rend ce
94 LE NÉPAL
7. tàh Pâçupatèh pu 7 pa 2 Dolâçikharasvaminah pu 7
pa 2 .
8. Gum vihârasya pu 7 pa 2 çrî Mânavihârasya pu 7 pa 2
çrïra .
membre de phrase par : « Et [nous pourrons] garder Pûrpa [pour le
faire travailler]». Toutefois il ajoute en note : « Je traduis ainsi conjec-
turalement la phrase du texte qui me parait obscure : et Pûrnam intra
limites cohibere. Le tibétain traduit : « et faire souffrir Pûrna ». Yi-lsing,
dans sa traduction chinoise du Mûla Sarvâstivâda Vinaya, Ksudrakavastu,
chap. 2 (éd. jap. XVIi, 4, p 8», col. 7) adopte la même traduction que
le tibétain. Les éditeui^ du Divyâvadâna, MM. Coweil et Neil, adoptent
dans leur Index ofwords le sens donné par Burnouf ; ils y rendent ma-
ryàdâbandha (s. v.) par: keeping in control. Et Bôhtlingk dans ses iVacA-
trûije adopte la môme interprétation : das in den Schranken Halten.
Mais à défaut de l'expression maryâddbandham kar, la langue classique
offre un équivalent parfait de l'expression. Dans le Râmàya^a IV, 5. i-l,
(= 4, i3 éd. Gorresio), quand Sugriva contracte alliance avec R&ma, il
lui dit:
rocate yadi me sakhyam bâhur esa prasâritah
grhyatàtn pàtiinà pânir maryàdà badhyatâtn dhruvâ
(c Si mon amitié te fait plaisir, voici mon bras allongé. Que la main
prenne la main ; qu'un pacte ferme soit conclu ». Et le commentateur
glose ainsi : maryàdâ anyonyakàryasampâdanavisayo niçcaya}?] badhyatàtp
buddhyà vicârya pratijîiàyatâm, a Maryàdà, c'est une détermination qui a
pour objet un service mutuel à se rendre. Badhyatâm veut dire : après
mûre réflexion, engager sa parole». Il est intéressant de retrouver dans
cette glose comme un élément essentiel du maryàdàbandha la réflexion
préalable énoncée dans les mômes termes qu'employait le récit du Di-
vyâvadàna (svabuddhyâ vicàrayatah) Maryàdàbandha implique donc un
engagement bilatéral, mûrement élaboré par les parties contractantes.
(11 faut donc dans le récit du Divyàvadàna traduire ainsi : « Et nous fe-
rons de Pûrna l'objet d'une convention spéciale entre nous deux»). L'ex-
pression est très importante, puisqu'elle exclut l'idée d'un ordre imposé
par une autorité supérieure. Elle est en harmonie avec tout le reste da
document, qui ne contient aucune formule d'injonction, et qui se défi-
nit lui-même comme un « arrangement» {vyavasthà, 1. 2i).
7. Le chiffre que je rends par 7 est très douteux. Il ne se retrouve pas,
à ma connaissance, dans les autres inscriptions du Népal, et ne fîgure pas
parmi les signes numériques recueillis par Buhler dans sa Paléographie
de l'Inde. Le signe le plus analogue est celui que Buhler donne avec la
valeur de 7 (planche IX, col. xiii), et comme emprunté aux inscriptions
du Népal (je ne sais de quelle inscription exactement) ; c'est le même
signe, mais retourné sur son axe, tout comme a fait le h entre Màna-
deva et Aq^'^i^^i'i^^^i^-
STÈLE DE HARIGAON 95
9. vihârasva pu 7 pa 2 Kharjurikâvihârasya pu 7 pa 2 ma.
10. maviliârasya pu 7 pa 2 sâmânyavihârânâm pu 3 pa i
Râmeçva
1 1 . rasya pu 3 pa i liamsagrhadevasya pu 3 pa i Mâneçva-
rasya pu 3
12. pa I Sâmbapurasya pu 3 pa i Vâgvalïpâradevasya pu 3
pa I Dlmrâ
i3. Mâneçvarasya pu 3 pa i Parvaleçvaradevasya pu 3 pa i
Narasimha
i4. devasya pu 3 pa i Kailâseçvarasya pu 3 pa i BhQm-
bhukkikâ Jalaça
i5. yanasya pu 3 pa 1 ladanyadevakulânâm pu 2 pa 2 çri
lihallâraka
16. pâdânâm pu 7 pa 2 Sapelâpâncâlyâh pu 7 pa 2 sâmânya
17. pâficâlyâh pu 3 pa i râjakulava5/anâniyukla[ma]nu-
syasya .
18. pu 2 pa 2 gausthikânâm pu 2 pa 2 krtaprasâdasya pu i
brâhman
ig. pu I sâmânyarnanusyânâm pu . . . i . . . yam
vyavahârap . . .
20. na câyam maryâdâbandhah kaiçci yo yatah
2 1 . prajâhitârtliodyalaçuddhacelas(â) : 7 : 7 : kalahâbhimâ-
ninâ
22. katliam prajâ me sukbitâ bhavediT7 yâ vyavastlieyam
akâri dhîmalâ
23. samvat 32 âsâdhaçuklatrayodaçyâm
16. Le mot pâhcàû et son dérivé pâhcâlika ont été exactement inter-
prétés par Bhagvanlal (7, L i3 et i5 ; iO, L i6); il désigne le conseil de
paroisse-, la fabrique.
18. Le mot gausthika est analogue à pàncâlika. L'ancienne désignation
goaihi appliquée au conseil de paroisse survit dans le nom actuel :
gutthi.
J'ignore le sens précis du mot krta-prasâda, malgré la clarté des ter-
mes dont il est composé. -- A la fin delà ligne il faut évidemment réta
bl i r • brâhmanànâtii.
itl et 23. Stance en varpçasthà.
96 LE NÉPAL
Traduction.
(i-5). Salut. Du palais de kailâsa-kûta . . . .Le saint
Paçupati, le seigneur adoré, le . . . .Le grand mar-
quis Amçuvarman en bonne santé . . . aux proprié-
taires de maison, de champ, et autres chefs de famille
. Que ceci soit connu de vous.
(5-6). La perception des taxes sur les maisons, les champs, etc.
. voici comment la répartition en est réglée, et ce
sera désormais la pratique à suivre :
(7-19). A Paçupati 9 pu, 2 pa ; à Dolâçikhara-svâmin 9 pu,
2 pa; au Gum-vihâra 9 pu, 2 pa; auçrî-Mâna-vihSragpu,
2 pa; au çrî-Ra.-vihâra 9 pu, 2 pa ; au Kharjurikâ-vihâra
9 pu, 2 pa; au Ma-ma-vihâra 9 pu, 2 pa ; aux vihâras en
général 3 pu, i pa; au Râmeçvara 3 pu, i pa; au Ham-
sagrhadeva 3 pu. i pa ; au Mâneçvara 3 pu, i pa; au
Sâmbapura 3 pu, i pa; au Vâgvatîpâradeva 3 pu, i pa;
au Dhârâ-Mâneçvara 3 pu, i pa ; au Parvateçvara deva
3 pu, I pa; au Narasirnha deva 3 pu, i pa: au Kailâseç-
vara 3pu, i pa ; au Bhûmbhukkikâ-Jalaçayana3 pu, i pa ;
aux autres temples, 2 pu, 2 pa; aux çri-BIiattâraka-pâdâs
9 pu, 2 pa ; à la Sapelâpâficâll 9 pu, 2 pa ; à la pâficâll en
général 3 pu, i pa ; au fonctionnaire chargé de . . .
le palais royal 2 pu, 2 pa ; aux gausthikas 2 pu, a pa; à
celui qui a fait la donation i pu ; aux brahmanes i pu ;
au personnel en général . pu . . .
(19-20). Tel est l'arrangement ; et cette répartition, per-
sonne ne devra la . . . car :
(21-22). Le bonheur de mes sujets occupe mon cœur pu-
rifié ; . . . . mon orgueil, c'est d'avoir ... les
discordes. Commentmes sujets pourraient-ils être heureux?
Voilà ce que je me suis dit, et j'ai dans ma sagesse établi
cet arrangement.
(23). Samvat 32, mois d'âsâdha, quinzaine claire, le i3.
XV. — liNSCRIPTION DE SANGA
Sanga est une petite localité située en dehors de la vallée,
à TEst de Bhatgaon. La stèle qui porte cette inscription se
trouve dans le temple de Nàràyana Vikateçvara. L'estam-
page m'a été envoyé en décembre 1902 par le maMrâja
Chander Sham Sher Jang ; il est assez défectueux ; heureu-
sement il est accompagné d'une copie h la main qui faci-
lite le déchiffrement. Il subsiste toutefois des obscurités
qu'un meilleur estampage ou Tinspection de la pierre ne
manquerait pas d'éclaircir.
La partie inscrite couvre 0'",67 en hauteur et 0'",38 en
largeur. Le caractère mesure en moyenne 0'",0i5 ; l'inter-
ligne, 0™,020. La graphie n'appelle pas d'observation par-
ticulière ; il n'est pas superflu toutefois de constater une
fois de plus le nouvel usage introduit par Amçuvarman:
contrairement à l'usage des Licchavis, la muette n'est pas
redoublée après r. L'inscription est en prose avec une
stance d'introduction. Elle a pour objet une remise de
redevances consentie par Amçuvarman en faveur des habi-
tants de Çangà, la localité même où la stèle se trouve ; le
nom moderne Sangà, Sâgâ, Samgâ, ne diffère de l'ancien
que parla qualité de la sifflante. Les redevances consis-
taient en cinq articles ; les deux premiers sont entièrement
effacés; les trois autres sont: douze pots d'huile, puis
deux objets difficiles à préciser. La lecture du premier,
m. - 7
98 LE NÉPAL
kahbam, somblo certaine, mais elle ne donne aucun sens,
le mot vastu qui suit est un terme aussi vague que « chose »
en français ; et c'est justement ce même mot qui est répété
avec taila « l'huile » à la Hgne 14.
Le hbellé de l'inscription piésente plusieurs particula-
rités intéressantes. La charte proprementdite est précédée
d'une stance d'invocation, en mètre sragdharà ; Tépigra-
phie népalaise actuellement connue n'olTre pas d'exemple
de cette disposition avant Ainçuvarman, ni même sous
Amçuvarman ; immédiatement uprès lui, Jisnugupla imite
et développe cette pratique. Les inscriptions 10 et H de
Bhagvanlal, mon inscription de Thankot débutent aussi
par une stance d'introduction, également en sragdharà.
La rencontre n'est pas de pur hasard.
La charte est régulièrement datée du palais de Kailâsa-
kûta; mais, par une exception jusqu'ici isolée, le nouveau
palais royal est célébré avec emphase dans un long com-
posé qui précède le nom : il est le point de mire des regards
curieux de tout l'univers. Le nouveau régime ne dédaigne
pas d'affirmer sa popularité. Ainçuvarman se déclare
(( occupé et préoccupé du bien de ses sujets ». C'est un
compliment qu'il ne manque pas de s'adresser : témoin
llarigaon I, 1. 1 ; H, 1. il. 11 se proclame «l'adorateur
favori de Paçupali, et l'objet continu des pensées de son
père adoré » {Bhafjfa'atPaçuiiatihhattdrakapâdânugrhito
hfipimpndânudhydtah). Vax l'an 30 (Harigaon 1, 1. 2), au len-
demain (le son usurpation, il combinait différemment les
termes; il était alors « l'objet continu des pensées du Sei-
gneur adoré, Paçupali ; et l'adopté de son père adoré
(hk' P(f(f ù/iaff" p(u/a/tf/(//if/âfo h(tppapudapar'if/rhHali)\ Tins-
rription (ràsadha Wi, à llarigaon (II, 1. ±-X) a une lacune
dans le passafie c<)rres[)()n(lant ; mais notre inscription
prouve (jue, dès celte* année-là, est constituée la formule
définitive^ (jui s(^ continuera désormais dans le protocole
INSCniPTION DE SANGA 99
(Beadall, an 34, 1. 1-2 ; Bliag. 6, au 34, 1. 1-2 ; Bhag. 7,
an 39, 1. 4-5).
J'ai déjà signalé, à propos d'une autre inscription, Tira-
portance de Ja mention du dûtaka Vikramasena, au titre
de sarvadandanâyaka et de râjaputra. Le même person-
nage figurait avec le premier de ces titres dans
Bhag. 6, daté samvat 34, et avec le second dans Bhag. 4,
samvat 535. Il apparaît bien qu'on ne peut pas séparer ces
inscriptions, ni dédoubler ce personnage.
L'inscription est datée de samvat 32, au mois de bhâ-
drapada; elle est donc postérieure de deux mois à Hari-
gaon 11. La date est immédiatement suivie d'une indication
que je ne puis expliquer. L'estampage semble porter
tasya gandaç ca karanlyam, mais le dernier mot seul est
absolument srtr ; la copie à la main porte ûsya gatâga-
karanlyam. Les mots tisya (tiganda^ si la lecture est exacte,
suggèrent une interprétation d'ordre astronomique, mais
la construction grammaticale avec le neutre karanlyam est
impossible. La copie trace une ponctuation après kara-
nîyam, mais le tracé de l'estampage évoque plutôt un sym-
bole significatif, et Tanusvara de ""yam ne se justifierait pas
en position de finale absolue. J'ai emprunté à la copie les
deux lettres viji{i\w mot vïjitânï) dont rien ne subsiste sur
Testampage.
Texte.
1. k. 7 lankâra 7 dreçvara ""."". pavanavyasta
2. pralya 77^77':'^^:' raçiromaulabhâ . ai T77
3. uccair muktânkahâ 7"^':":'^ dasrnnâgacarmottarï 7
A. payât ladrûpame 7 himagirltanayâ 7 titâ ~^.~~
5. svasti ksititalatilakabliûtât kulQhalijanatânimesa
6. nayanâvalokyamânât Kailâsakûtabhavanât prajâhita
100 LE NÉPAL
7 . samâdhânatatparo hhagavatPaçupatibhatlârakapâdâ
8. nugrliîto bappapâdânudhjâtah çrïmahâsâmanlârnçu-
varmâ
g. kuçalï çangâgrâmanivâsinah kutumhinah pradhânapu
10. rassarân kuçalam âbhâsya samâjuâpayall vidltam bhava
11. tu bbavatâm asmâbhiii . . . dvâdaça tailaghatâh
kûbbam
12. vastu ca pafica bbavatâm pïdâkaram ity avagamya yus-
malpï
i3. (lâpanodârtbam adyâgrena pratimuktâs tad evam ava-
sâya
i^. nâtab parenaitad vastutailaû kasyacid deyaip bhavi-
syadbbir api
i5. bbQpatibhili pûrvarâjakrtaprasâdânuvartibhir eva
i6. bbavitavyam iti svayam âjnâ dûtakaç câtra sarvadanda-
nâyaka
17. râjaputraVlkramascnah samvat 3o 2 bhâdrapadaçukia-
divâ I
18. tasya gamlaç ca karanïyam || iba çangâdhikaranaviji
19. tâni
Traduction.
(i-4) ... les ornements . . . seigneur
dispersés par le vent le diadème de sa
tête . . . rejeté bien baut de son giron ... du
sang, une peau d'élépbant comme tunique, qu'elle vous
protège sous celte forme, la fille du Mont-des-Neiges . . !
(5-11). Salut. Tel qu'un grain de beauté sur la face de la
lerre, la multitude curieuse ne laisse pas les yeux cligner
(Ml regardant le palais de Kailasakùla. C'est de là que,
toujours occupé ot préoccupé du bien de ses sujets, celui
que le saint Paçupali, Seigneur adoré, favorise, celui que
LNSGRIPTIOiN DE SANGA 101
son père adoré suit de sa pensée, le grand marquis Amçu-
varman en bonne santé s'adresse aux maîtres de maison
résidant au village de Çangâ, selon Tordre hiérarchique,
et leur dit le bonjour. Sachez ceci :
(ii-i/j). Le . . ., le . . ., les douze pots d'huile,
les matériaux (?), ces cinq j'ai appris que vous en souffrez,
el, pour écarter de vous ce sujet de souffrance, à dater
d'aujourd'hui je vous en fais remise. En vertu de cette
décision, vous n'aurez donc plus à donner à qui que ce
soit ni matériaux ni huile.
(i/i-i6). El les rois à venir devront respecter le privilège
élabh par leur royal devancier.
Ordre direct.
Le délégué ici est le général en chef, le rajaputra Vikra-
masena.
(17-19). Samvat 82, mois de bhâdrapada, quinzaine claire.
Et le . . . est l'affaire.
C'est ici le ressort de la juridiction de Çangâ.
XVI. — INSCRIPTION DE TIIANKOT
Thankot est uq bourg situé au Sud-Ouest de la vallée, à
la descente de la passe de Caudragiri. La stèle qui porte
rinscription est actuellement dressée contre un mur bas
de grosses pierres non équarries qui soutient une plate-
forme où se dresse une construction insignifiante. Le haut
de la stèle est décoré au centre d'un cakra vu de trois
quarts, figuré exactement comme sur Tinscription 10 de
Bliagvanlal, due au même prince. Le cakra est flanqué à
droite et à gauche de deux autres objets; celui de droite
est certainement un (;arilvlia, la conque de Visnu. Le fron-
ton est donc clairement viclinouite.
L'inscription qui occupe en longueur et en largeur toute
la stèle au-dessous du fronlon arrondi, couvre au toUil
trente lignes. Ses dimensions sont d'environ 0'",9;i de haut,
i)"\[i8 d(î larg(î ; le caractère mesure en moyenne 0"',0I.
L'écriture est exactement lîi même (jue sur les inscriptions
0, 10, 11 (le IJhagvanlal, émanant du même roi. La langue
employée est le sanscrit. Sauf une stance d'introduction en
mètre sragdhînâ, l'inscription (^st en prose. La graphie est
g^'^néralement correcte ; il convient de noter que la con-
sonne n'est pas redoublée* a|)rès /*, contrairement h l'usage
ancien.
L'invocation liminaire, mutilée, rappelle sans être iden-
ti(pi(» l'invocation émalement mutilée qui ouvre Tinscr. 10
INSCRIPTION DE TIIANKOT 103
de Bhagvanlal. Elle est écrite dans le même mètre et
adressée aux mômes divinités : Visnu et Çrî accouplés.
L'esprit vichnouite du document est du reste attesté par les
décors du fronton et il s'harmonise d'autre part avec le
nom du roi (Jisnu = Visnu) et de son héritier présomptif
Visnu Gupta.
La charte a un double objet : 1" Elle renouvelle et con-
firme, en faveur des habitants du village de Kàcannasta (?)
une donation faite antérieurement par Tarrière-grand-père
du roi régnant, Màna gupta gomin. Ce personnage, men-
tionné sans aucun préfixe honorifique, était certainement
un simple particulier ; le titre de gomin qu'il porte à la
suite de son nom le désigne comme un laïque bouddhiste.
L\arrière-grand-pèrc de Jisnu Gupta se place probablement
un siècle avant lui, vers le milieu du vf siècle; son nom
montre par un exemple de plus la large diffusion du titre
de gomin à cette époque (cf. mon article sur Candragomin,
B. E, F.J?. O.,1903,p. 16sq. etsup. H, ISOsqOetspécia-
lemenl au Népal. 2'' L'autre concession porte sur une remise
de taxes; la nature mémo de ces taxes est assez énigma-
tique, mais elles sont réparties en trois catégories : l'une
frappe sur chaque labour pris comme uuité; une autre est
appelée (( l'impôt Malla ». (Cf. sup. Inscription de Dharam-
pur XI, p. 67 sq. et vol. K, p. 212). Le villagede Daksinako-
li, qui se trouve mentionné à l'occasion de la première taxe,
est également désigné dans l'inscription 10 de Bhagvanlal,
011 Jisnu Gupta s'adresse aux GilâpAncàlikasde Daksinakoli.
Ce village semble être le centre d'un culte populaire et
jouir en cette qualité de privilèges particuliers.
Le formulaire d'envoi montre le môme régime politique
que les inscriptions 9 et 10 de Bhagvanlal. Le roi Jisnu
Gupta réside à Kailàsa-kùta, le palais {bhavand) où s'était
installé son prédécesseur Amçuvarman ; le vieux palais des
Licchavis, Mànagrha, abrite encore un représentant de
104 LE NÉPAL
Tancienne dynastie, qui lient hiérarchiquement le premier
rang (juar/hara) ; mais ici le nom du personnage et le
personnage lui-même ont changé. Les inscrip. 9 et 10 rap-
pellent Dhruvadeva; ici c'est Mânadeva. 11 semble même
qu'on assiste à la déchéance graduelle de ces princes de
parade : Dhruvadeva est qualifié de bhatlàraka-mahârâja-
rrî dans Tinscr. 9 ; il n'est plus que bhatlàraka-n\ja-çrt
dans rinscr. 10; Mânadeva est seulement bhaltAraka-çrî.
Et dans Tinscr. 11 de Bhagvanlal, il n'est question que de
Jisnugupta seul.
Le délégué de Jisnugupta, le Yuvarâja Visnu gupta,
figure au même titre dans Tinscr. 9 (Bh.) datée de samvat
48.
La date a complètement disparu. Le mot samvat est
encore nettement lisible sur la pierre au début de la der-
nière ligne; k la suite on voit aussi très clairement une
ligne courbe re|)liée de droite h gauche, et deux traits pa-
rallèles dirigés en sens inverse de cette ligne, légèrement
inclinés à l'extrémité et qui semblent presque évidemment
constituer la partie supérieure du symbole 500. On se trouve
donc porté à penser que cette fois Jisnu Gupta a employé
l'ère de l'ancienne dynastie Licchavi.
Te
XTE.
1. rtjriâ/K/karnakanlha TTTTT suklie . ï . i:7T7T
9. . çrïnilisvongopagri(lhastanakalaçaYugaA\çâgaro 7T 77
3. 777.T77Tt jaladhijalaksjllitâûgasvf/ gop.
/|. :777T.7 sthagitasukhagali çrevasâin jrmbhiiam va[h]
l-i. MMre sra^'dharà.
"1. An lien <lt' tiihsrttfujti^ Vivo plulAt nlsntù{/n. Les deux mots m&n-
(jinMil aux I<v\i(|uos ; mais uisvantja convient mieux, et il est en rapport
avec le verbe ni-bratij mentionné par Pànini Vlll, 3, 70.
INSCRIPTION DE THANKOT 105
5. svasti Mânagrhât singliâsanâdhyâsikulakclu bliatiâraka
çrï Mil
6. nadcvas latpurassarah Kailâsakûlabhavanât Somânvaya-
hhfisano
7. bliagavatPaçupalihhallârakapâdânugrliïlo vappapâdâ-
iiuddliyâlali çrï
8. Jisnuguptadevah kuçalï li(tcannasfani\T\s\n'i\h kufumvino
va
9. ihâ . na ku^alain âbhâsya samâjnâpayati viditam bhavatu
l)havalîîiu
T o. adya svaprapilâmaliaMânagiiplagomikârilapus/iiniiïm.
1 1 . cfujhru grâinasyotlarcna panv//^/bliûmiç çâ/v/mram nârna
vârelak.
12. pralimucya dalla lasvâç ca killâiitare çâsanan lad lula-
nmsty alla
i3. .lya prapilâmahakrlajrialayjismâbhir idani çilâpallaka-
râsa
■a
i/|. [nam] drualarakrdaslhilayc dallain sïmâ câsya uttara-
pûrvam âprirva[m]
1 5. çikharopary adhogomikbâtakam anusrlya pancapânïya
T). Sh'KjhiiJinna^ correspond à Licchavihnlaketn do Bh. -10, 1. i.
7. rappapâdânuddhyOtnh, sur cetto expression, cf. Kleet, Guptn Inscr.
p. 17, n. La graphie nnuddhyfltn, pour arnid/ii/ntn, est presque con-
stante: elle n'est pas du reste incorrecte, puiscpie PAnini l'autorise V'Ui,
1, 47. l^lle n'est donc (|ue l'application sporadique d'une rè^:le ou la sur-
vivance dans une fornuile spéciale d'un usage antérieur. M. Meet tra-
duit «qui médite sur les pieds de...», et c'est la traduction générale-
nu'ul adoptée. Mais les nombreux exemples du participe (Mj//i/^, seul ou
coml)iné avec des préfixes, que fournit le P. \V. montrent tous sans
exception le mot employé avec lavaleurdu passif. Mallinâtha, commen-
tant Ra(jhur. XVII, 36 glose amidtidhyith par afwjaifrhub el elle à l'appui
le dictionnaire d'I'tpala, Utpala mâlà, qui dit : anudhyânnm anugrahah.
Ainsi anudhyâta fait exactement pendant à aniujrhita de la formule pré-
cédente et sans doute a la même valeur. D'ailleurs cf. sup. p. 85 (inscr.
d'Amçuvarman à Harigaon l, 1. 2 et note).
liM4. (If. Bh. 9, l. ii: prnsàdasya cirasthitayc çildpaUakaçâsanam
idan dattam.
100 LE NÉPAL
i(i. m utiili i>rirviidjk^iiieria \cl)raraLharodak>iriena(^iar/V//t.
rnndnl lato nu.^rt\a
17. daksineriaivâ^târi.siiiivatlï daLsinena nadî daLsinapaççi-
mena ca
18. lankliâ parcirriena Lliâtakas tato nusrlva pahafico tato
lariipanco utlare
If), na tu parvatarikliaramQrdhani kliâtaLas tato vâvat ^ara-
votlarapfirxa
20. kliîilaka ni an\aç câsniâliliili pravojanântarârâdhitair
lîhavalâ 'rrâiiia
21. riivâsinâiii kiilumhinârn prasâdaviceso datto daksinako-
ligrn[in.]
22. iroxucMlie j^ohale whale \ad devain âsït tasvârdiiam
praliinuktaiii siin[haj
!20. hharnln : Wrf^hharutflnt.
"ii. tiiiy'tsf'iif'tm: lire nirf/sinr/m.
'H. La lectun» «lu mol tjnywifllu* est certaine : le sens du mol pris en
soi n'offre pas de difticulté. Mais iri l'interprétation m'en semble hasar-
deuse. Je ne crois pas que les looatiCs tjnyuddhe et fjohalo soient sur le
même plan: I«» premier semble plutôt sijrnitier « en cas de combat», et
le se<ontl w par chatpu' unité de labour ». — Je n'ai trouvé Texpression
[joliiih que dans la donation du Pallava (Jivaskandavarman, très anté-
rieine en date à celle-ci, Epiijr. Iml. I, p. 6; le roi est vanté comme
anrkahii(iiiiiliihfitnihahisit(iistilutsstfftpfnfnyfno (I. i-l). Biibler traduit « a
jziNcr t)f mauy crores oï j;old and (d'one buiulred thousand ox-ploughs».
.Mais le mot hohi, chariue, revient si'ul assez frécpiemment dans les
le\lt»s épiirraphiques de dt>uation : ^A/A7*///*//A/, iNasik 3; Karle 19 (cf.
SiMiarl. /'.'///f/r. Ind. \ 11, ()(>); futhnithahliù, Kaijnath Pra<;asti I, v. H3 ;
tlans Kpitjv, Ind. 1, p. 107 ; l'hnhulivdhnn'tyâ hhînui, th.. Il, v. 3i, p. 44 i;
ijntnir fnihnlnrankc, Insir. de Madanavarmadeva le Candella, Ind. Ant.,
\NI, "2()H, I. 7 ; rntmtjnnt hiliimnu h/iumi, Inscr. de Bhimadeva ledaulu-
KvM. th.. M, 7*2. I. "it» ; vnhthnhttht, llarsa stone inscr., I. *0, Epitj. Ind,
II. \'ïi\. \\\\\n\ dans \v llacNa carila. p. :2:2S, raconte que llarsa partant en
t'Npctlilion donne anv bralimanes sinisuhnsinsatniiiittishnnfhfi (jramânthn
iitiiiiii \:ni est >\ iioiiMiie de A*////. Kullûka, sur Manu Vil, 4 19 cite pour
pin lu'i II' •«i'ii>du mot A»//*/ un sersd*' la llAritasmrti : ns(tiijitram dhar-
iniifiiihim .Il hini iii'/ jii itft i thiiKuti cttf m 'j'irotti tjihasthfiudtn trujartim bmh-
iniUlliiiliiiitiu ri il ajout*':/// Uni itosnifinituit stiihjdvant madhyamnni
hithnii ih litthiii nlhiihiihiilmi/rna yarnlt hhutnlr vâhtjntc Uit kuhm iti vu-
tliilt \lii<:l un li<ihi inoNen correspondrait à une exploitation de six
INSCRIPTION DE THANKOT 107
23. kare ca yena kârsâpanan deyan tenâsiau pana deyâ yc-
nâstau
2/4. pana deyaip tena panacaluslayam mallakare ca panaca-
tusla
25. yan deyam ili yas tv elâin âjnâm uUaghyâsmatpra&âdo-
26. vy an\o va kaçcid anyathâ kur\ât kâraycd va tam bayan
na ma
27. rsayisyâmo bliavisyadbhir api bhûpatibliih pûrvarâjâ
28. jfiâlayâ dharinâpcksayâ cedam çâsanam pratipâlanî
29. yairi dfitakaç câtra yuvarâja çrï Visnuguptah
30. sanivat500? . . . . =
bœufs, et une famille (kula) supposerait deux de ces halas pour son en-
tretien.
In passa<re de Kirkpatrick (p. iOl) atteste la persistance de cette
unité aj^naiie. « Les Purhutlies \PinTatlya\ ou paysans du pays inonta-
j^nenx sont divisés en (juatre classes : Oswol, Doem, Sroom et Chnurem,
(mots persans qui signifient : premier, second, troisième, quatrième).
I^a chose est d'autant plus curieuse que pareille division de la classe
a«;ric()le ne semble avoir jamais été prali(|uée au temps du gouverne-
mt'ut mojîol. Les Oswals sont les paysans qui possèdent cin(| charrues
|hala|et plus: les D(»ems sont ceux qui ont de une à cin(| charrues;
les Seooms sont ci'u.v qui, sans être propriétaires de charrue, sont con-
sidérés comme des chefs d*ouvi-iers des cliamps; les Chaurems sont les
simples ouvriei-s des champs».
La syllabe siw est abs<dument n<*tle au bout de la lij:ne; mais la syl-
labe (pii suivait a <lisparu pres(|ue entièrement, sauf la partie inférieure
qui montre que celte syllabe était formée d'un group<' de consonnes.
Faut il penser à une graphit; fautive simiujha par confusion entre les
graphies simha et si?'njh(i1 (If. siùtjlulsana, I. 5. L'impôt du sithj ha ou.
sit{ih(i, l'impôt du lion, désignerait par abréviation l'impôt du trône?
La syllabe initiale sini ne laisse pas que je sache, d'aulit» choix possible
en sanscrit.
^23. L'écjuivalence / knrsàpitva -- 10 panaa est garantie pour le Népal,
au temps de Jisnugupla, par ce texte. Ànan<lagiri, glosant le commen-
taire de Çankara sur Màndûkyopanisad, 4 (cité dans P.W. s. v. kûrsâpami)
écrit : devavircsc kârsâjuutavahdnh sodarapav.ânfim sitmjhâ .
•25 :28. La formule de recommandation, toujours composée des mêmes
éléments, varie cependant de rédaction dans les éditsdu même roi:
108 LE NÉPAL
Traduction.
1-4 . . . . l'oreille, la gorge. . . le plaisir.
rcmhrassemcnt de Çrî recouvre ses seins, deux coupes !
rOcéan, de ses eaux, a lavé ses membres
. paralysant la marche de sa volupté, le bâille-
ment (qu'il) vous (donne la plénitude) du bonheur!
5-9. Salut de Mânagrha. Des lions portent le trône où s'as-
seoit la race qui a pour bannière le souverain {bhaiiârakà)
Manadeva. C'est lui qui vient en tête. Ensuite, du palais
de Kailasa kûfa, — la Race Lunaire Ta pour parure; le
saint Paçupati, souverain adoré, Ta pour favori ; son père
adoré le suit de sa pensée ; Jisnugupta deva en bonne
santé s'adresse aux maîtres de maison résidant à Kacan-
nasta(?) selon (l'ordre hiérarchique), leur dit le bonjour
et leur fait savoir ainsi : Sachez ceci :
(lo-i/i). Mon arricre-grand-père Managupta gomin avait fait
faire un (étang. ^) au nord du village de. . . et il avait
donné en libéralité un terrain de montagne. . . ; mais
aujourd'hui, avec le temps, cette donation se trouve (con-
testée.^) et, aussitôt que je l'ai appris, j'ai, par reconnais-
sance pour mon arrière-grand-père, donné cette charte
sur pierre pour qu'elle dure plus longtemps.
(1/1-20). Et en voici la délimitation : au Nord-Est jusqu^à
l'Est, par dessus le sommet, en longeant par en bas la
fosse du Gomin, les Cinq-Eaux; de là, au Sud-Est, Ye-
hrainkharo ; au Sud, Dharighmadul (?) : puis en conti-
nuant, au Sud. . . . ; au Sud la rivière; et au Sud-
Ouest Lankha ; à l'Ouest, la fosse ; puis en longeant,
Pahanco, puis Lainpanco ; et au Nord sur le sommet du
haut de la montagne, la fosse : puis jusqu\ . . au Nord-
Est la fosse. J'ai dit.
INSCRIPTION DE TIÎANKOT 109
(20-25). Et de plus, gagné par un autre motif, je vous con-
cède encore, maîtres de maison qui résidez au village, une
autre faveur. Au village de Daksinakoli, en cas de combat
de vaches (.^) il fallait payer tant par labour de vache: je
vous en remets la moitié, comme aussi sur Timpot du
. ; qui devait donner un karsâpana devra donner
huit panas ; qui devait donner huit panas devra en donner
quatre, et quatre aussi sur l'impôt Malla.
(25-28). Et quiconque transgressera cet ordre, qu'il subsiste
de ma faveur ou quelque autre qu'il soit, qui rendrait mon
ordre vain en personne ou par intermédiaire, je ne le
tolérerai pas. Et les rois à venir, parce que c'est l'ordre
d'un roi qui les aura précédés, et aussi par considération
du devoir, auront à maintenir cette charte.
(29-80). Le délégué ici est l'héritier présomptif Visnu Gupta.
Année.
XVII. — INSCItlPTlON DK SANKU
Sankii osl une polilo ville siliuio k l'oxlrémilé Nord-Esl
do la vallro. L'inscription fraynionlairo que j'y ai rL*cueillic
est gravùe sur un dél)ris dcî rifjole, déposé pùlc-nielo avec
un tas de décoml)ros contre un petit temple de Ci va.
Le texte formait deux lif,^n(»s, de lonj^ueur incertaine; il
n'en subsiste que la partie initiale, mesurant 0"',20. D'une
li^jne àraulre, les cara(*lères vari(»nt considérahlenienl de
dimcînsion ; ceux de la |)r(Mnière ligne sont petits et serrés :
(r,0 1 0 de hauteur, ()"\0()7 (récartement ; ceux de la seconde
sont amples et (espaces : i)"\i)l 4 de hauteur, 0™,020 d'écar-
tement. La différence saute aux yeux, maisTélaldn texte
ne permet pas de (lét(Mininer si elle est intentionnelle cl
calculée |)our allircr 1 atlcntion sur la |)artie la plus impor-
tante de rinscription, ou si 1(î graveur a simplement essayé
de couvrir tout Tespace libre av(T. un nombre insuflisant
de cai'aclères.
La date man(|ue, mais Técrilure indique avec assez de
|)récrsion r(f|)0(pie. L(» Mf/ (deux fois à la ligne 1) est fran-
chement arrondi, connue dans la pra(;asti de Samudra
gu|)ta ; à partir du v'" siècb», h» coté droit tend h se raidir
en manièie i\r \\'d\\\\u\ h la façon d'un h retourné. Le ya,
d'autre piut (ligne I). \i une forme tardive qui se manifeste
seulemeni à partir de lu lin du vr siècle (insrrps. de
Mahanamau. puisa Lakkhamandal (*l à Aplisa<L cf. Itiihler,
INSCniPTION DE SANKU 111
Paleogr.y l. IV). La forme du sa est celle qui paraît dans
les inscriptions des Maukharis au vi* siècle et qui figure
constamment chez Amçuvarman. Enfin la consonne n'est
pas redoublée après r, conlrairement à Tusage ancien ; la
réforme semble dater du temps d'Amçuvarman. L'inscrip-
tion semble donc se placer dans la première moitié du
vu* siècle.
L'objet en est une donation, instituée sans doule par un
fonctionnaire préposé aux monuments bouddhiques, en
faveur des religieux de l'école [Mahàjsâmghika. Aucun
document jusqu'ici ne signalait la présence d'une commu-
nauté iMahàsamghika au Népal. Des témoignages épars
montrent toutefois les adeptes de cette école dans des
régions fort diverses de l'Inde. Deux des inscriptions de
Karle (Senart, Ep. Ind., Vil, p. 64, n" 19, 1. 2, et p. 71,
n" 20, 1. 3), vers le contin du i" et du n"' siècle ap. J.-C,
commémorent des œuvres pies au profit du « corps des
Mahùsâmghikas » {jyivajitfma hkikimna nikciyasa Mahâsa-
ghiyCuiQ) dans la montagne en arrière de Bombay. L'ins-
cription l\ du Pilier au lion de Matliuni (J. R. A. S., 1 894,
525-540) célèbre le bhiksu Hudhila de l'école SarvàstivAdin,
qui a mis en lumière la Prajna des Mahâsàmghikas. J'ai
déjà proposé (./. As., 1896, 2, p. 450 n.) de reconnaître
dans ce peri^onnage le Fo-ti-lo désigné par Iliuen-tsang
comme un maître des (;àslras qui composa un traité spécial
{2'si tchen loen) à l'usage de l'école des Mahàsâmghikas, et
qui résidait dans un couvent du Cachemire on son souvenir
se perpétuait encore au temps du voyageur chinois {Mém,,
I, 186). C'est à Patna que Fa-hien se procure le Vinaya
des Mahàsâmghikas. La préservation du Mahflvastu dans la
collection népalaise seml)le apporter une autre preuve de
l'existence des MahàsAmghikas au Népal, car l'ouvrage se
présente lui-même, et ajuste titre, comme « une partie
du Vinayapitaka de la recension de la branche des Mahà-
112 LE NÉPAL
sàmghikas dile les Lokollaravîidins du Madhyadeça » ([, 2,
13). Hiuen-lsang ne signale un couvent de celle branche
qu'en dehors de Tlnde propre, dans le pays de Bamyan
{Mém,, f, 37).
Texte.
I. dcyadharmo vain çrïdhârmarâiikâinâtvasu.
'2, sâiiighikahliiksusaingliasya
Traduction.
Ceci est la donation pieuse ministre des fon-
dations religieuses. . . la communauté des mendiants
[Mahâ] sàmghikas.
1. Deyadhnrma. Expression consacrée pour les donations bouddhi-
ques. CA. BrRNouF, Iiitrod.y p. -i'i, note; Fi.eet, Gupla Inscrip., p. 25,
n. 5. Les donations brahmaniques renversent l'ordre des termes et enfi-
ph)ient dharmadeya ou dharmadOya ('^stlutyâ). I^'une et l'autre expres-
sion impliquent sans doute l'idée d'une donation désintéressée, en vue
seulement d'obéir à la loi. [Pour dharmadeya, ^^ddya, cf. mas Donations
licUçiievsea... do Valahhi, p. 87 1.
Dhâ nnard nkdmâ (ya . Je ne connais pas d'auh'e exemple de ce titre.
Amâtya, qui sij^nilie au propre « une personne de la maison (domesli-
cus) » semble indiquer les hauts fonctionnaires parmi lesquels le roi
choisit ses conseillers (tnnntiin). (if. l'article substantiel du dictionnaire
de (lOLnsTCCKKR, s. V. Amalva. — DhOvmarnjiha, avec une voyelle hm^iie
à la première syllabe, est une forme nouvelle. Le terme dharmarâjikâ
est appliqué par excellence aux SiOOO fondations pieuses du roi
Acoka. On est surpris de retrouver dans l'index du Divyàvadâna, éd.
(lo^^ell-Neil, la traduction : a édit royal sur la Loi », adoptée autrefois
par Ihniiouf et critiquée avec raison par St. Julien (Uioucn-Thnang,
Mém. I, M7 II.). La jj:rapliie employée dans noire inscription parait
s\\\)\)os(n' {\UQ d lui nnaiflji lift est une dérivation i\v dhannaiâja «\c Ho\
de la Loi » c'est-à-dire le Bouddha. Le mot serait proprement un adjec-
tif, signitiant : « relatif a\i Hoi de la Loi», (if. Mhhh. Vil, 7i, i'.âkhyâ-
nani... Sikjaravâjikam « Thisloire relative aux seize rois. «
"1. La forme sânnjfn'fin ne laisse pas de place à une autre restitution
(jue {inaftà\sftnnfhika.
XVIII. — INSCRIPTION DU CHASAL-TOL, A PATAN
Celte slèle, très mutilée, se dresse dans une vieille fosse
à ablutions du Chasal Toi, près d'un slûpa insignifiant
attribué à Açoka (v. II, 346). La partie inscrite couvre une
hauteur d'environ (r,45; la largeur en est de 0'",55. La
hauteur moyenne des caractères est d'environ 0'",01 ; l'es-
pacement des hgnes, de 0™,015. L'orthographe est con-
forme h la pratique introduite par Amçuvarman ; la muette
après r n'est pas redoublée. Le caractère est sensiblement
le même que dans les inscriptions datées de l'an 143 (Bh.
13) et 145 (Bh. 14). L'inscription, au moins dans ce qui en
subsiste, est en prose ; elle n'introduit ni vers traditionnel,
ni stance originale d'appel k l'avenir. C'est une charte de
donation; le protocole initial a disparu, avec le nom du
roi. Les 19 dernières lignes, seules conservées, contiennent
une description minutieuse des limites de la donation (1-1 3),
puis les recommandations usuelles (13-18), enfin la men-
tion de Tordre personnel, le nom du délégué royal et la
date (18-19).
Le bornage va du Nord au Sud, de l'Est à l'Ouest et
remonte au Nord. Il atteste, comme les autres documents
de la même époque, la civihsation florissante du pays et le
développement énorme de la propriété ecclésiastique. Tous
les terrains mentionnés, jardins {vâtikâ) ou champs (Xw/ra)
lit. - 8
114 LE NEPAL
appartiennent à des confréries religieuses, pâiïcâli et gosthL
Nous ne savons pas ce qui distinguait Tune de Taulre. Le
terme de paficâlî ne se retrouve pas, h ma connaissance,
en dehors do Tépigraphie népalaise. Déjà Bliagyanlal (note
26 sur son incrip. 8) a rapproché le mot du Pàncakulika
méridional et du Pànch moderne ; il a indiqué aussi que les
biens des temples sont présentement encore administrés au
Népal par des comités nommée ffidfhi {:= gost/iî). Le village
de Loprim a une pâncàlî et une goslhî ; la pâncàlî possède
un jardin (9) dans le voisinage de Dolàçikhara, c'est-à-dire
de Changu Narayan (cf. stèle de Harigaon, an 32, 1. 7), et
au Nord-Ouest de ce terrain, à quelque distance, un champ
(10). La goslhî de Loprim, qui semble porter le nom
d'Indragoslliî, possède un pou plus loin au Nord, un champ
(12). La limite du terrain concédé par Tinscription de Fan
143 (IJhag. 13) rencontre aussi les biens de la gostht de
Lopriin {LopnhgvCimagamthikftkseirayny 1. 19, et Lopri...
iaksotrmn, 1. 24). Le peu que nous savons des goslhts par
d'autres documents ne nous permet guère de reconnaître
ce qui les dislingue dos pûncâlîs. L'inscription de Pehoa,
de Tan 882 J.-C, qui institue une fondation religieuse, en
confie la gestion à des gosthikas, à qui incombe le soin de
recueillir les fonds et do les répartir (BiniLER, Ep. Ind., I,
180); une autre inscription, datée du règne de Bhojadeva
de Kanauj, comme colle de Pehoa, et antérieure de vingt
ans (862 J.-C.), mentionne un gosthika (Deogadh IMIlar;
KiKLuoHN, Ep, Ind., IV, 309). he même une charte Câ-
lukya do 1207 J.-C. (IIiltzsch, Ind. Ant,, M, 338). Il n'est
pas sans intérêt d'obsorver que la gosthî du temple de
NArilyana (1. Il) porto un numéro d'ordre : « la dixième
gosthî » {dacffmigosl/ii), L'inscri|)tion de Nangsal, qui men-
tionne* aussi phisiours bions do gosthî dans un passage très
mutilé, a préservé du moins le nom de « la septième
goslhî » {sapiamtg(istlublm7n(r, 1. 48). Le cas de « la gos|ht
INSCRIPTION DU CHASAL-TOL, A PATAN 115
du temple de Nàràyana » {Ndrâyanadevakuladaçamîgosthî,
1. 11), de la gosthî d'Indra (Lo/?nm^7Yi/?i^nrfra^osf^?, 1. 12),
peut-être aussi de la [Çamjkaragosthî (Nangsal, 48) donne
lieu de supposer que les gosthîs étaient plutôt de culte
brahmanique et les pâncàlîs de culte bouddhique; mais
rhypothèse est encore très hasardeuse.
Je relève encore la mention de la Pûnkapâncâlî (?1. 10),
du vihàra de Puspavàtikà (13), du Mànîyaksetra qui est
sans doute un bien de Mànadeva (12). Enfin je signale le
« pont de pierre » {çilâsamkrama, 1. 8).
La date de Tinscription, nettement lisible à la dernière
ligne, est le cinq de la quinzaine de Jyestha, an 137. Le
dûtaka chargé de Tordre est bhatlâraka çrî Vijayadeva, Un
personnage du même nom Qgure comme dûtaka dans une
charte très mutilée (Bhag. 14) datée de l'an 145 ; mais il y
reçoit le titre de yuvarâja çrî Vijayadeva « l'héritier pré-
somptif ». Une charte antérieure de deux ans (Bhag. 13) a
pour dûtaka le bhaltàraka çrî Çivadeva. Bhagvanlal observe
à ce propos que l'épithète de bhaltàraka ne se donne qu'à
un roi ou à un grand-prêtre. « 11 n'y a point de cas, ajoute-
t-il, où un prêtre ait fait fonction de dûtaka, tandis qu'en
plusieurs circonstances le roi est son propre dûtaka ».
L'alternance de bhatlâraka et yuvarâja appliquée succes-
sivement, à huit ans de distance, au même personnage,
infirme l'explication donnée par Bhagvanlal. En fait, nous
trouvons successivement: en 119, dûtaka, le râjapulra
Jayadeva; en 137, le bhattàraka çrî Vijayadeva; en 143
(dizaine douteuse), le bhaltàraka çrî (Jivadcva; en 145, le
yuvarâja çrî Vijayadeva ; enfin, en 153, le roi régnant est
Jayadeva. Un autre indice semble trahir un changement
pohtique dans la même période. L'inscription de 143 (?) et
celle de... deva sont datées, non pas deKailisakûta, comme
l'inscription authentique de Çivadeva en 119, mais d'un
nouveau palais, le Bhadràdhivàsa-bhavana, et le roi de ce
116 LE NÉPAL
palais reprend le vieux titre de Licchavi-kula-ketu, aban-
donné depuis Tavènement d'Amçuvarman, et Jayadeva,
dans rinscription de Paçupati, se donne bien pour un
rejeton authentique des Licchavis, en sautant par-dessus
Amçuvarman qu'il omet. C'est une réaction, ou une révo-
lution. Justement dans des circonstances politiques analo-
gues, après la mort d'Amçuvarman, les inscriptions de
Jisnugupta montrent le même flottement de la titulature,
passant de bbattâraka-mahàrâja-çr^ à bliatlàraka-râja-çrt*
et à bhattàraka-çrî% pour désigner, à côté âe Tusurpaleur,
rhéritierlégitimedutrône(v. Inscr.deThankot5^//?.p. 104).
pa
Texte.
I daksinena. . . . rtavâtikâ
• • •
2
3. . . . daksin. . . srt/ia5ra-(vâ)tik. . . na tn,
4. . . . na. . . rya yâvac chahka . ça^ra . paçcima .
mânîya mâr/àçi.
0. rvam anusrtyâ/ra. . . pikâpaçcime sa. . . ma kifi-
cid daksinena paçcime çankara
6. . . tavaiçira . paçcim . tat/wttaran gatvâ apau. . .la.
yi . nadagrhamandalaki.
7. . . cottaran gatvâ mahâ. . . paçcimam gatvâ çilâ-
sankramasya paçcimena refâ pâncâlî
8. . . ca pûrvottaram gatvâ loprimpâncâlîvâtikâyâ paçci-
mottaram gatvâ dolâçikhara . ai.
9. . . pûrvenoltaran gatvâ pû/iA*apâncâlikaksetrasya ca
paçcimottarain gatvâ loprimpâncâlikaksetra.
10. sya paçcimottarain gatvâ Nârâyanadevakuladaçamîgos-
Ihikaksetrasyâpy uttararn gatvâ
1 1 . lopriingrâmendragausthikaksetrasyottaram gatvâ mânî-
yaksetrasya collaram gatvâ tato yâvat. .
INSCRIPTION Dr CHASAL-TOL, A PATAN 117
1 2 . puspavâtikâvihâraksetrasya sîmâvf dhir ity anar . e paçci-
menottar. . ma.
i3. laprâsâdamandalâny. . . kottamaryâdâsmâbhih pra-
sâdaka.
ï5. dbhir asmatpâdaprasâdapratibandhasamarthairanyairvâ
na kaiçcid ayam prasâdo vyatikramanîyo . ce
1 6. . . nâm asmadîyâm âjnâm evoliaghya kurvîta . kâraye-
yur \â te smâbhir na.
«/
17. . . . narâdhipatibhihpûrvamahîpâlakrtaprasâdasmâ-
ribhir loka.
18. . titarâm na marsanïyâh | 8vayam âjnâ dûtako py atra
bhattârakaçrî Vijayadevah | samvat
19. 100. 3o 7 jyestha çukla pancamyâm ||
Tbaductiox.
(i). . . . au Sud. . . le jardin. . . (3). . au
Sud. . . le jardin. . (4). . .jusqu'à.
rOuest. . . de Mftna. . . (5) en longeant. .
à rOuest. . . un peu au Sud, à TOuest. . . de Çan-
kara. . . (6). . . à l'Ouest. . ., en allant de là
au Nord. . le cercle de maisons. . . (7) . . et en
allant au Nord, le grand. . . ., en allant à l'Ouest,
par rOuest, par TOuest du Pont de Pierre, . . . de la
pâncâlî de Rela (8-12), et en allant au Nord-Est, en allant
au Nord-Ouest du jardin de la pâncâli de Loprim,.
du Dolâçikhara, en allant au Nord-Est, en allant au Nord-
Ouest du champ de la pâncâlî de Pûiika (?), en allant au
Nord-Ouest du champ de la pâncâlî de Loprim, en allant
L. 46. Le singulier kiirvlta a été introduit ici par erreur ou par confu-
sion. La formule ordinaire est : kiiryu^ kdrayeyur vd, par exemple, Bhag.
12, 1. 17 ; 44, 1. 43. On trouve aussi le singulier kuryât kârayed va, par
exemple, Bhag., 43, 1. 32; mais Toptatif moyen est une rareté.
118 LE NÉPAL
au Nord du cliamp de la X* gosthî du temple de Nârâyana,
en allant au Nord du champ de la gosthî d^Indra du village
de Loprim, en allant au Nord du champ de Mâna, de là
jusqu'à. . . telle est la limitation de hornage du champ
du couvent de Puspavatikâ.
(12-18). . .à rOuest, au Nord. . . .les palais, les
cercles. . . limite de fort a été concédée par nous. Et
personne, qu'il soit en état de faire échec à ma volonté
gracieuse ou quelqu'autre que ce soit, ne doit enfreindre
cette prescription de ma volonté. Et quiconque, au mépris
de mon ordre, agirait en personne ou par intermédiaire,
je ne le. . . . Et les monarques à venir, se rappelant
les concessions gracieuses des souverains antérieurs, . . .
ne devront absolument pas le tolérer.
(18-Ï9). Ordre direct. -=- Le mandataire royal est ici bhal-
târaka-çrî-Vijayadcva. An i37,jyeslha, quinzaine claire,
cinquième tithi.
XI\. — LNSCHIPTION DE TIMI
ïimi est une bourgade située entre Katmandou et
Bhatgaon. La stèle qui porte cette inscription se Irouve
dans une vieille fosse à ablutions (///M/), ((^f. vol. 11, p. 376).
La partie supérieure de l'inscription a presque entière-
ment disparu; il n'en subsiste que quelques caractères.
Les neuf dernières lignes seules offrent un texte à peu près
continu. La largeur est d'environ 0'",40 ; la hauteur
moyenne des lellres est d'environ 0™,01 et les interlignes
de 0'",02. Les caractères de la dernière ligne sont, comme
il arrive souvent, largement espacés.
Le chiffre des années, à la fin de l'avant-dernière ligne,
est effacé. Il subsiste à peine une trace du symbole qui
figure 100. Mais il n'en est pas moins certain que l'inscrip-
tion date de Çivadeva II. Les caractères sont exactement
identiques à ceux des inscriptions de ce roi recueillies et
publiées par Bhagvanlal, et spécialement au nM2, daté de
samvat 119. La coïncidence du tracé est si parfaite qu'elle
dispense de toute démonstration. Je me contenterai de
signaler h la ligne 7 l'apparition du f/a renflé, à deux jam-
bages, immédiatement à côté du y^^ usuel à trois jambages,
dans la formule /lUf/u /iilrai/ef/u(r vâj. La forme fautive /cuj/u
pour kuryuh provient peut-être de l'embarras du graveur
qui ne reconnaissait pas le mot sous cet aspect nouveau.
Mais plus expressif encore que le tracé des caractères est
120 LE NÉPAL
le formulaire de rinscription, spécialement la citation de
deux vers à Tappui des recommandations et des impréca-
tions Qnales :
purvadallàm dvijalibhyo yatnâd raksa Yudhisthira
mahimmahihhujàmçreslhadânâcchreyo 'nupàlanam \\
et
sastim varsasahasrûni svarqe modali bhùmidah 1
âkseptâ cânumantâ ca tâvanti narake vaset \\
Ces vers, à ma connaissance, apparaissent pour la pre-
mière fois dans Tépigraphie népalaise avec Çivadeva H. Ils
se lisent à la fin de l'inscription de samvat 119 (Bh. 12)
aux lignes 20-22 et ils y sont introduits, comme dans le
texte de Timi, par la formule : tathâ coktam. Mais l'usage
en est fréquent, avant Tépoque de Çivadeva même, dans le
protocole de Tlnde. Le premier vers se présente dans deux
recensions ; Tune, celle qu'emploie Çivadeva, se trouve pour
la première fois dans une charte du roi Hastin datée de
156 Gupta (475 J.-C), originaire de la région de Bundel-
khand, ou plus tôt encore, dans une charte de la même
région, octroyée parle roi Çarvanâtha, si la date de 214 est
à interpréter (avec Kielhorn) comme exprimée en ère de
Cedi (249-1-214 = 463 J.-C). Elle se retrouve au pays de
Valabhî, en 253 Gupla (572 J.-C.) dans une charte de
Dharasena II ; au pays d'Anandapura, voisin de Valabhî, en
361 Cedi (600 J.-C.) dans une charte de Buddharâja, au
Dekkan, dans une charte du Calukya Pulakeçin II (Chiplun
plates), qui règne pendant la première moitié du vu* siècle ;
aux bouches de la Godavari dans une charte du frère
même de Pulakeçin 11, le Calukya oriental Visnuvardhana I
(Satara plates).
L'autre recension ht le premier pâda différemment :
svadattâni pavadnttâm va yatnâd raksa Yudhisthira 1
INSCRIPTION DE TIMI 121
Les deux recensions coexistent manifestement dans les
mêmes chancelleries. Sous la forme svadattâniy etc., le vers
paraît également dans des chartes du roi Çarvanâtha d'Uc-
cakalpa, datées de 193 et 197 (Cedi? en ce cas= 442 et
446 J.-C.) et avant lui, dans les chartes de son père Jaya-
nâtha, de 174 et 177 (= 423 et 426 J.-C. ?), un peu plus
tard, dans la même région, Mahâjayaràja et Mahàsudevaràja
(de Çarabhapura, Central Provinces), et plus tard encore
Mahâçiva Tivararàja (de Çrîpura, Central Provinces) rem-
ploient à leur tour. Pulakeçin H s'en sert dans sa charte de
Haidarabad.
J'observe que la rédaction adoptée par Çivadeva intro-
duit une nouvelle variante. Au 3*' pàda, le mot malubhujàm
est substitué au terme consacré maliimnlâm. Est-ce par
scrupule de puriste? En fait, ce mot mnhlmat garanti par
tant de textes épigraphiques semble étranger à la littéra-
ture, car il ne figure pas dans \o. Dictionnaire de Pétersbourg
ni dans ses suppléments.
Le second vers : mstim varsasahasnun n est pas moins
usuel que le premier. 11 ne conjporte qu'un flottement dans
sa rédaction : au commencement du 3*^ pâda, les uns écri-
vent, comme Çivadeva, « â/isepfd » ; les autres, « âr/iettà ».
Mais, ici encore, les deux formes coexistent dîins la même
série de documents. Hastin écrit OcheU'i dans sa charte de
156 Gupta (475 J.-C.) et dans celle de 163 (482 J.-C); il
écrit (ihej)ta dans sa charte de 191 (510 J.-C). Le vers
parait dès Jayanàlha et Çarvanâtha {Cicheltâ) ; il (igure
régulièrement dans Tépigraphie de Valabhî {âcliettâ) ; il est
cité par Mahâjayaràja, Mahàsudevaràja (Cichetta), Mahâçiva
Tivararàja {ûksepta), par Pravarasena le Vâkâtaka, et, au
Penjab {\\f siècle?), par Samudrasena, par Laksmana de
Jayapura (158 Gupta? = 477 J.-C?), par le Gurjara de
Broach Dadda II, par Buddharâja, par le Traikûtaka
Dahrasena (i07 Cedi = 456 J.-C), par les Calukyas Man-
m LE NÉPAL
*^iiUu''d <'t Pulak^^rifi II [{ou< : W/e//<i«, jiar h* Oilukya
off'iefilal ViVr/uvanJli<iua I (qui em\Aoi(i à/:hel/â dans le Satara
^raut. o/i»e/^/à daui^ K' Clii|>uruf>all<' ^^rant i. par Çaçàôkaràja
du lUfWyiiiUt i*u 'ÎOO Oufila =^ 019 J.4j. ifd'*efjf^J\. en Orksa
par le^ ^olflavarll(;i^ Maliâ BliavagupLa I et 11 et Mahâ Çi%a-
Çivadeva II ne eite <jue res deux vers • mais l'épigraphie
de rinde ijou?î fait eoiiualtre un ^^rand nombre de vers Ira-
dilionnHrf rjni ont tous pour eonimun objet de ;:araulir à la
donation, par promesse ou (>ar nienaee, son plein objet à
per|>^*tuilé. On mexeusera d en donner iei un relevé aussi
complet (jiie j ai |iu le faire. Les ^rroiipements dynastiques
ainsi ronstilu/*s peuvent fournir un élmient de classification
qui n^>t pas â d^^^daigner : il r>l difficile, ou trop commode
peut-être, de croire que chaque chancellerie royale prenait
au hasard dans la niasse des vers en circulation; les rela-
tions politiques, le?> modes littéraires devaient inlluer sur
le prolocob*. Tne étude parallèle de tous les éléments qui
le conq)osent, titulature, vocabulaire, style, etc., laisserait
un résidu précieux d(; données positives au service de
l'histoire. Je disposerai ici la série des vers dans Tordre
al|ihahélique :
I . Ay/irr aj)afyf/fn /frn/fiftmnni savnrnnm
h/itir raisnfivi surynsiiUu; ca fjarah
dallas I rayas Irna h/iavanli lohali
y ait haCicauain qa/it ca ma/nm ca datlyâL
MaliAjayarAja, MaliasudcvarAja, MahA(;iva Tivararâja,
S(niiav;nncis (i'( hissa.
• *
•>,. (ulhhir ilallain Irihhir h/m/,' la ni sadh/iir ca paripâlUam
i'Iaai /!(( nivavlanir pnrvavuja/irtaid ca
Kadainba Krsnavariuau II; Kadamba Itavivarman.
INSCRIPTION DE TIMI 123
3. apûnlye.w aranyem çuskakofaravâsiiiah
krsnâhayo 'bhij ayante pûrvadâyam haranti ye.
Ce vers comporle de nombreuses variantes; la plus fré-
quente présente au premier pâda : Vindhijàlaviu\,. (v. inf.,
20). Sons la forme que j'ai transcrite, le vers se rencontre
chez Ilastin (191 Gupta = 210 J.-C). ÇarvaniUha (214
Cedi ?) a au troisième pàda hi au lieu de 'bhi. Les inscrip-
tions de Valabhî portent : anudakew aranyesu,,.
k' Adityo \arimo Visnur Bra/unâ Somo Hutàçnnah
Çulapdnir ca h/iagavdn (d)huifindan(i bhûmidain,
Somavamris d'Orissa.
• ;>
5. asphotayanti pitarah pravalyrui/i pitanudiâh
bkùinido *sni(dkale jûlah sa nas Irâtâ bliavisyali,
Jayanàtha (1 74 Cedi?) ; Somavamçis d'Orissa (avec var.
bhïwndâtâ hde,,,)
6. /// kamaladalâmbaJnndalolûm
çriyam anucirUya ma/iusyajivitani ca
sakalani idam udâlivlam ca baddhmi
m m
na lii purusaili parakirtayo vilopyâh.
Somavaniçis d'Orissa.
7. tadùgûnCun sahasrârii viïjapeyaçatdtn ca
r/avdm kofipraddnena bhùmihartd na çud/iyaii
Somavamçis d'Orissa.
8. tâdrk piinyam na dadatdm jdyate no dharâhhujdm
bhuvam anyapralistlidm ta Jddrg bhavati raksatdm,
Calukya or' Visnuvardhana I (Satara granl).
S'*'' dattâni yâniha para narendrair.
Voir m/ra, 17.
124 LE NÉPAL
9. pùrvafinffilm ilvijâfihhyo.
Voir sffprff p. 120.
9*'" pùnuiih pûrvalaraiç caiva daffcim bhûmim haret tuyah
sa nifyavvasanr mmjno nnrake ca vasei punah.
KuinAravisnu lo Pallava.
10. praycna ht mtrendrânâm vidyate nâçubhâ gaiih
puyanfe te tn satulam prayacchanio vasundharâm.
JayanAlha {iH. m) : Çarvanàlha (193, 197, 214).
1 1 . hahubhir vasudhâ daftâ mjahhih Sagarâdibhih
\iis\a \as\n vada bhùmis (asva iasva iadâ phalam.
(Tosl ioi le vers lo plus employé: il se rencontre, dans
répij^raphio mémo ilii Népal, à la fin d'une inscription de
Çivadeva daléo samval 142 (?: Bhag. 13). Il figure dans
prosquo loulo Tépigraphio de l'Inde, parfois avec bhukiâ
subslilué à (////Al dans le premier pàda. Ilaslin (156 Gup.);
JaxauAlha y\l\. I77K ÇarvanAlha(l93, 197, 214): les rois
de Valabhi: MaliAjaxaràja : Mahàsudevaiàja : Samudra-
seua : Laksmana: Hadda II: r.ai;ànkaràja:les Somavamçis
d'Orissa : le Pallava Simhavarman: les kadambas Civa-
nK\ndhAh\annan. Krsna\armau II. kakulshavarman. Ravi-
« ...
\arman. Ilari\arman : lesCalukyasMani:alet;a, Pulakeçinll,
VikrauK\dil\a I iKarnul s;ranlV. lo (.alukva or" Visnuvar-
dhana l v>alara i^rant » qui emploie eu outre dans une autre
rharle ^(.hipm upalle^ la \arianle ^égalemenl employée par
le l\dla\a Kumàra\isnu^ :
iiihrJ'hir vr.sii*fh*\ d*itt*\ ^^iiluibbô; cômi/ndilâ.
I • » . •"':'<••!■:>'?>* " j ' : "j • : '; "i k '/r\ ' ih pnin* ùh hinfhngaiair api
; r ^; : ; 1 :* ' ; ■. '* 'V. : •( i 'y^hr':^ i i n .• 't r?» • > /* r»/ A « im /fi rohafi
\ i>\,ui\vndhana I •Salara».
INSCRIPTION DE TIMI 125
1 3 bhùmim y ah pratiyrhnâti yaç ca bhûmirn prayacchati
ubhau tau panyakarmânau niyatam svargagâminau.
Somavamçis d'Orissa.
i4. bhûmidânàl parant dânam na bhûtam na bhavisyati
tasyaiva haranapâpànfharanât pdpan K.J na bhûtam na
bhavisyati
Visnugopavarman, Simhavarman, Kiiraàravisnu, tous
trois Pallavas.
i5. bhûmipradânân na pararn pradânam
dânâd viçistam paripâlanam ca
sarve 'tisrstâm paripàlya bhûmirn
nrpâ Nrgâdyàs tridivam prapannâh
Samksobha (209 Gupta).
1 6 . ma bhûd aphalaçahkâ vah paradatteti pârthivûh
svadCmât phalam ânantyam paradânânapcdane ,
Somavamçis d'Orissa; Çaçànkarâja (var. ?nci bhûta ph""),
1 7 . yciniha dâridryahhayân narendralr
dhanâni dharmCiyatan ikrtûni
nirmûlyavàntapratimùfd tùni
ko nâma sûdhuh punar âdadita,
Hois de Valabhî, avec diverses variantes; Çîlâditya H
(352) : yânlha daitûni purâ narendrair.. . . Çîlâditya VI
(iil) inirôhi/ktamùli/aprati'*; aussi \)<idd'd\l (38o Cedi) et
Buddharâja(361 Cedi) tous deux avec la variante :(//iammi
dharmûrthayaçaskarâni ; et Pulakeçin H qui adopte cette
dernière rédaction, mais qui, au troisième pâda, hésite
entre nirmâlyavântaprati'' (Haidarabad) et nirbhukiamâlya-
wali'' (Chiplun).
120 LE NKPAL
1 8 . ye prâ/ctanâvanihhujâni jagatihitânâm
dhdvmynm slldtim stliUiUrUun anupfdaycyur
IdLsrnyù sainetya snciram nijaUuiryayaiva
pretyùpi vâsavasama divi te vaseyuh.
Ce vers no purnll que dans une inscription du Nopal,
datée de 145 î?ainvat (Hhag. 14), et presque cerlaineinenl
de Çivadcva. Au reste, le roi lui-niènie semble èlre Tauteiir
de ce vers, qui est iulruduit par la formule yathâ cîiha
c( Aussi bien, comme il (le roi) Ta dit lui-même :... »
i8'*'* ye çU(crnruk(irfiV(idà((icarila/j samyakprajâpâlane
'djrh priUluimdvœnçviirah'vtàin vakmnti dharmyâni
slhitim
"jftâ vijitùricakrarucirâm sarphhuj'ya râjyaçriyfun
tiâke rcdinisaniânatnnudvihhfœâs lisUiatdi diumyah slln-
v(un
Inscription anonyme de Nan{i:sal.
1 9. lahwiunkctaimm yadapârrnyena
prâplo \si T : ko ^Uiinudani nrparf/iarn
làny eva punyârti vivardliayelliâ
im hiipaniyti hy npnhtviiudi.ydi,
(luhasena (tW (iu|).) et Dharasena II (209 Tiup.) de
Valablii.
20. \ in(diy(t/(fvisr (dnvdsu rtishakohiravâsina/i
hrsnalmyo hi jnynnte h/nunidâyaharâ iiarah.
Variante 1res répandue du vers stfp. n" 3. Celle rédaction
même, (pii se renronire chez Dharasena II (2.H2 (iiip.) el
Dadda II (ilH.'i Cedi), c()m|)orle aussi des variantes sceon-
<laiios, au (pialrièmc» pàda : hlmmidiinam haranti ye, Pula-
kerin II (llaidarabad) ; hhninhUujam haranti f/€y Çlh\dilya Yl
(iî7 <lu|).), Uuddliaràja CMW {\hV\) : /f/tûmidànûpa/târinah,
\ isiiuvai'dhana I (Salaia).
INSCRIPTION DE TiMl 127
21. sastifiiii varsasahasrâni.
V. sup, p. 120-122.
21**'' sarvasasyasamrdilliùm lu yo hareta vasundharâm.
Variante de 24, infra,
22. sûmânyo 'yam dharmasetur nrpûnâm
kâlc kâle pàlaniyo bhavadbhih
sat^vàn etdii bhdviiiah pârlhivendrân
hhCiyo hhûyo yâcate Uûmacandrah
Somavamcis d'Orissa.
23. svadaiiâm paradai tdm vcl yat/nld raksa Yiidliislhira. .
Variante du vers 9, sifp.
2 II. svadallàm paradallùm va yo havela vasundharâm
sa vislhdyâm krmir hhûlvd pilrbhih saha pacyale.
Ce vers, très populaire, comporte un nombre considé-
rable de variantes. Ilastin (163 (iup.), Çaçânkaràja, les
Somavamçis d'Orissa le citent sous la forme que je viens
de transcrire; mais on 191 (îup., Hastin écrit : saha ntaj-
jate\ Laksinana, en lo8 : saha mœjjali] Çarvanàlha qui
adopte la même recension que Laksmana en 214 (mais
var. çvavisthdydm)^ suit dans ses chartes de 193 et 197
l'autre lecture : sarvasasyasamrddhdrri tu yo (sup. 21''*') ;
avant lui, Jayanâtha l'emploie également en 174 et 177.
Pulakeçin II (Cliiplun) suit la première rédaction, avec la
variante çvavislhdydm. Le premier hémistiche entre dans
des combinaisons diverses, chez Dharasena II (232 Gup.)
et chez Kumâravisnu le Pallava :
gavant çalasahasrasya lianluh prâpnoli {pibali Kum.) kilbisam
et chez le Vàkàtaka Pravarasena (var. : harati duskrlam)^
128 LK NÉPAL
chez les Pallavas Visnugopavarmaii et Siinhavaruian(var. :
pibfffi). Ou encore :
.sasiivarsasahasrâni visthâyilm jâyate krmih
rhe/ SamucJrasena, Maùgaleça (Nerur), Vikramftdilya I
(Kanuil), avec variantes au dernier pâda : narake pacyaie
tu sali, chez les Kadambas (livamândhAIrvarman, Harivar-
nian, Kakutslhavarinan ; narake pacyate bhrçam, chez le
Kadaniba Ravivarnian; yluyre tamnsi pncynte, chez le Ka-
daniba Krsnavarnian II: kumhhipàke tu pacyate, chez le
Kadaniba Mrge(;avarman, kumhlûpùkesu chez Visnuvar-
dliana I.
25. sv(un data m sumahac vhnkyam dahkham anyârlhapûla-
nain
dûnnni va pâlanam vefl dànâc clireyo' nupâlanam
Kadambas Krsnavarnian il et Mrgeçavarinan ; Calukya
Mangaleça (Nerur). Le dernier pàda esl comninn avec le
vers 0 : pnrradattam dvijat'ihhyo,,,
2(). haralr Itfirnyah* yas lu mandahuddhis tamovrlah
sa haddho Vâraïuà/i parais tiryaf/yoaim en gacc/ialL
Soniavanicis d'Orissa.
• *
IVir un contraste qui ne va pas sans raisons positives,
IV»|)igraphie <le rindo-Cbine ignore Tusage des stances
<'OusiHrées. La [duparl des chartes de donalion en con-
tiennent l)ien r(^(|uivalent, mais sous une forme qui change
de <lncument à dn<*ument. (lha(|ue poète de bureau tourne
à sa manière les recommandations et les imprécations
régulièies. On (»st tenté de penser que dans Tlndo ces
stancrs ciuisacrées prennient un caractère sacré, reconnu
de tous, <>t assuraient réenemenl, par une évocation salu-
taire, le i'es|)ert de la donation, tandis qu'en Indo^Chine,
où le sanscril él.iil une langue étrangère, profondément
INSCRIPTION DE TlMl 129
séparée des idiomes courants, ni ces stances, ni les noms
qui les couvraient n'avaient d'utilité pratique. Je n'y ai
rencontré, et une fois seulement, que le vers 24 : svadattâm
parait^ et sous la forme même où il paraît chez Pulakeçin II
(Chiplun), dans une inscription contemporaine de ce roi,
datée de 550 çaka (^= 620 J.-C). C'est l'inscription d'Ang
Chumnik, dans Bartii, Inscriptions du Cambodge^ p. 56,
B. IX, V. 4. Encore n'est-ce pas une charte royale, mais un
acte privé, une donation à un Çivaliiiga par Acârya Vidyâ-
vinaya.
Comparée aux documents analogues, l'inscription de
Çivadeva (et aussi celle du Cambodge) présente ce carac-
tère particulier d'être tracée sur la pierre. De tous les
textes que je viens de citer à propos des vers impréca-
toires, l'inscription de Maiigaleça au Mahâkûta de Badami
esl la seule qui ne soit pas écrite sur des plaques de cuivre ;
encore le pilier qui la porle offre cette étrangeté que le
texte se lit de bas en haut, h l'inverse du sens ordinaire.
Le Népal (comme les royaumes hindous de l'Indo-Chine),
en empruntant à l'Inde le formulaire des donations, a
changé la matière des actes. On ne saurait mettre en cause
l'habileté des artisans népalais ; les relations chinoises
montrent qu'à cette époque même leur adresse savait tirer
du métal des chefs-d'œuvre. Le métal ne manquait pas au
pays ; les mines étaient connues et exploitées. Mais
l'extrême abondance do la pierre au cœur de l'Himalaya
explique sans doute que l'usage en ait été étendu à tous
les documents épigraphiques.
La forme et la combinaison des vers ne sont pas les
seules variables qui donnent une base de classification. La
désignation de l'autorité alléguée comme référence varie
aussi de série à série : tantôt c'est Vyâsa, tantôt c'est Manu,
tantôt l'autorité reste anonyme ou impersonnelle. M. Hop-
KiNS a déjà étudié dans un article du Journal of the Ame-
m. - 9
130 LE NÉPAL
rican Oriental Society, vol. XF, 1885, p. 243 sqq. Manu
in the Mahâbhârata, les citations données sous le nom de
iManu dans les inscriptions. Mais son enquête n'a pas été
exhaustive; des documents nouveaux sont venus en assez
grand nombre ; des textes admis pour authentiques ont été
reconnus comme des faux. Il ne sera pas inutile de
reprendre cette recherche, môme quand ce ne serait pas
pour la pousser a fond.
I^es formules qui désignent VyAsa comme l'auteur des
vers cités (les numéros renvoient au chissement ci-dessus,
p. 122 à 128) sont:
Kktam ca bhagacatâ Vyâsena — chez Dahrasena le Trai-
kûlaka (mi 207 Cedi (= 456 J.-C). — Vers 21.
uktam en bhagacatfi Vedavyùsena Vyâsena — en Valabht
(vers 9, 1 1 , 17, 19, 20, 21 , 24) ; chez Dadda II (vers 20, 1 1 ,
17, 21); chez Buddhanlja (vers 20, 23, 17, 21); chezPula-
ke(;in II (Ilaidarabad, vers 23, 1 1, S'"\ 21); chez Visnuvar-
dhana I (Satara, vers 20, 8, 9, 11, 12, 21, 24).
u/ktmn ca bhagavatù paramaninn Vedacyùsena — chez
Hastin (vers 3, 9, 21, 24) ; Samksobha (vers 15).
atni Vyiisaj/ilan — chez Visnuvardhana I (Chipurupalle,
vers 11, 21).
Vyâsagitau cuira r/o/v/?/ pramûnlkfiriavyftu — chez Pra-
varasena le Vàkàlaka (vers 21, 24).
api câsminn arlhe Vt/âsa/niâh rio/m bhnrmiti — chez
Laksmana de Jayapura (vers 11, 21, 24).
VynsagUiimç vâtra riokàn udù/tarant't — chez Mahâjaya-
làja (vers 1, 23, 11, 21); MahAsudevarâja {id,)\ Mahàçiva
Tivaradeva (/V/.).
Quelquefois la réfônMice, plus complèle, indique comme
source le MahA-nhàrata :
uktam va Mahidjhnrale bhagacatâ Vyâsena — chez Jaya-
nalha (vers ii, l'A, 10, 1 1 ).
uktam ca Makabkâra te bhagacatâ Vedaryâsena Vyâsena —
INSCniPTION DE TlMl 131
chez Jayanàtha (vers 5, 23, 10, H, 21, 24); Çarvanâtba
(vers 3,9,23, 10, 11,21, 24).
nktam ça Maliâbhârate çatasâhmryâm samhitâyâm para-
marsinâ Parùçanisiitena Vcdavfjnsena Vyâsena — chez Çar-
vanàlha en 214 (mêmes vers).
Les références à Manu se localisent toutes dans le Midi
de rinde, spécialement chez les Kadambas, qui sont « Ma-
navyasagotra ».
api coktam Mfmunfi — chez le Kadamba Ravivarman (vers
M, 24).
uktam ca Manunfi — chez le Calukya Vikramâditya I
(Karnul : vers 11, 24).
atra Manuqlfdc clokCi bUananti — chez le Kadamba Krsna-
varman II (vers 11, 25, 24, 2).
Le Pallava Kumùravisnu les rapporte à Brahma :
apicâtra lirahmai/ifnli çlokùh (vers 9'"', 11, 14, 24).
Parfois, le tcxle invo([ué est « un traité de la Loi » sans
nom d'auteur; c'est à cctic série que se rattache Çiva-
deva.
ttktam ca smrliçâstre — chez Çaçànkaràja (vers H, 16,
21, 24).
nktani ca dharmaçOstre — chez Mangaleça (Mahàkûta :
vers 11, 21, 24).
dharmaçûstresv apy i(klam — cIk^z Mangaleça (Nerur :
vers id, -i- 25).
tathn coktam dharmamstre — chez les Somavainçis d'O-
rissa(vers 1, 4, 5, 6, 7, 11, 13, 16, 21, 22, 24, 26).
yathà dharmaçCistravacanam — chez Çivadeva, samvat
143; Bhag. n" 13 (vers 11).
Une dernière série de documents se contente de rap-
porter ces vers comme des « dictons ». Çivadeva emploie
également ce procédé.
nktam ca — chez Samudrasena (vers 11, 21, 24); les
Kadambas Çivamândhàirvarman (vers 1 1 , 24), Harivarman
132 LE NÉPAL
(id.), Ravivarnian (id,-\-2')\ le Calukya Pulakeçin II (Chî-
plun : vers 9, il, 17, 21, 24).
api co/kiam — chez les Kadambas KakiitsUiavarman (vers
11) et Mifïeçavarinaii (vers 24, 25).
fal/in cohtam — chez Çivadeva en 1 19 sanival; Bhag., 12
(vers 9, 21).
apicâpi çloh'ih — chez le Pallava Visniif^opavarman (vers
14, 2V).
api râirnrsâh rloknh — chez le Pallava Simhavarmaii
(vers 11, 14, 24).
LN'^pijfiaphie de rindo-dhine, loul ignorante qu'elle est
des stances traditionnelles, reflète pourtant la double tra-
dition de Manu et VyAsa comme autorités. Une inscription
du règne de Jayavarman, en 908 J.-fl. ( {{artii, \1V, B. 30 ;
inscr. d(» Prea Kynkosey ) atteste comme garantie la paroli^
d(î Manu :
Lrtirar çfdhâliluhdhâ yc p(ivailh(tvtnnvilopnkùli
(r yfuiti pilrhhis savdhmn mirahun Manur ahravît
(ne autn; inscription, des environs de Tan 900 J.-C.
(lîicnciAKiNK, LWI, (11. 8), cil(* Manu il, llUi, comme règle
d(i conduite» av(M'. la référ(Micc : /// Mnnamim, Mais la iiiéiiiP
inscription en a|)|)eli(* aussi au « chant de VyAsa » :
sa Iti rlrranthhfintd/iirns sarvalohifjftnih smriah
yad Isfam tnsyn Inl kuryad l yaHiuntmn idam ynihâ.
Les rcfércnces à VyAsîi v\ au MaliAbhûrala d'une pari, à
Manu cl au hharma<:àstra (nu Smiii") de Taulre peuvent
send)lei' contradictoires. V.u l'ail, nous savons que Tépopee
et le codr voisinent de près cl <|ue des ('déments identiques
sont entrés dan< les deux lecucils. l/inscription du pilier
de llarii;aon m'a déjà donné Toci^asion d'v insister. Mais
le plus siuprenauL c'est (pie de» toutes ces références,
aucune ne se relioine dans notre Manu actuel, une seule
INSCRIPTION DE TIMI 133
se retrouve clans notre Mahà-Bhârala. Encore s'agit-il d'un
vers exceptionnel, rapporté par les Somavamçis d'Orissa,
c'est le vers 4 : Adiiyo Varuna..,, qui se lit dans le Mahà-
Bhàrala, Anuçàsanaparvan (XIIl), section 62, v. 3150. Et
pourtant le Mahâ-Bhàrata contient une longue section
(XIII, 62) qui exalte en cent (;lokas les mérites d'une dona-
tion de terrain et, d'autre part, un des vers les plus usuels
(9 et 23) est adressé nommément à Yudhisthira, le héros
du Mahà-Bhârata.
Mais la question se complique encore. Le compilateur
Hemâdri, traitant dans le Caturvargacintâmani des dona-
tions en général, rapporte à propos des donations de ter-
rain plusieurs passages empruntés à diverses sources, entre
autres (p. 495-o02) un long extrait du chapitre du Mahâ-
Bhàrata queje viens de mentionner (XIII, 62, v. 3104 sqq.).
Son texte comporte nombre de variantes; c'est ainsi que,
h la suite du vers 3177, il insère deux vers qui manquent
à l'édition de Calcutta; de ces deux vers, le premier est
justement le vers Vhul/iyùinviw... (20) si fréquemment cité
dans les inscriptions. Tn peu plus loin (p. 507-508), He-
mâdri cite un autre passage du Mahà-Bhàrata qui com-
mence par les trois vers XIII, 66,. v. 3335-3337, en mètre
anustubh; mais immédiatement à la suite, viennent deux
stances en vasantatilakâ, et, aussitôt après, le çloka : svadat-
tâm paradattâm va yo (24), un des plus usuels parmi les
vers consacrés, et aussi un des moins solidement établis.
La lecture de Hemàdri est identique àlarecension adoptée
par Laksmana de Jayapura {^'àw[ havec ca pour haretd). Les
deux hémistiches de ce vers se retrouvent séparément, et
quelque peu altérés, dans un autre extrait rapporté par
Hemàdri (p. 504) et emprunté au Visnudharmottara :
svadattûm paradât (ûm va yo harec ca vasundharâ/n.
visthayCim krmilâm eti pitrbhih sahitas talhâ
134 LE NÉPAL
Dans le même extrait se retrouve aussi le célèbre vers
saslim yar5«** (21) avec la lecture âchettâ. Il est vraisemblable
que d'autres encore, parmi les vers consacrés, doivent se
retrouver dans le chapitre du Yisnudharmottara qui traite
des donations de terrain (Weber, 1738; ch. 36 : bhùmi-
dânaphalam\ Raj. L. Mitra, 2293; hhîimidCmamâhâimyakiT'-
ianam)] l'ouvrage se rattache au cycle du Mahû-Bhàraia.
L'étude historique et crilique des recensions du Mahâ-
Bhàrata trouve ainsi, dans les documents épigraphiques,
la base positive qui lui manque trop souvent.
Un autre encore des vers traditionnels : âspholayanti...
(5), cité expressément comme un vers du Mahà-Bhàrala
par Jayanâtha d'UccaUalpa, se retrouve dans les extraits
d'Hemàdri (p. 307), où il est allribuc à Brhaspati, c'est-à-
dire évidemment à la Brhaspati-smrli, qui contient une
section des donations. La condition flottante des matériaux
incorporés dans la « Sanihitâ en cent mille vers » ressort
clairement de cet inventaire particulier.
Si c'est réellement avec Çivadeva II que les vers tradi-
tionnels sur les donations paraissent pour la première fois
dans les chartes népalaises, il est permis de rechercher
l'origine de cette innova.tion. Le type de la donation royale
au Népal est arrêté dès les plus anciens documents; il
transparaît dès le fragment daté de Yasantadeva, samvat
433 (Bhag. 3) et se montre clairement identique dans toute
la suite : 1" lieu d'origine; 2" panégyrique du roi; 3** indi-
cation des destinataires; 4" message direct du roi « bien
portant » aux destinataires; 3" indication des bénéficiaires
et clauses; 6** recommandations et imprécations pour l'a-
venir; 7" désignation du mandataire royal; 8" date. C'estle
type ordinaire de la donation dans l'Inde (cf. spécialement:
Burnell, South-Indian Pcihrograplnj, chap. vi) telle qu'on la
devine déjà dans le texte fragmentaire du pilier de Bihar,
sous le règne de Skandagupta, entre 1 36 et 1 46 Gupta (455-
INSCRIPTION DE TIMI 135
iGo J.-C), telle qirelle se montre (lîiiis les plaques de
Visnugopavarman le Pallava, vers le v* siècle?, el surtout
dans les donations du Parivràjaka Haslin, et chez les sei-
gneurs d'Uccakalpa, tout particulièrement enfin chez
Laksmai.ia de Jayapura en lo8 ((llupla?= 477 J.-C). La
charte de ce prince coïncide pour ainsi dire exactement
avec le protocole du Népal, sauf qu'il insère à la manière
hindoue des vers traditionnels avant l'indication du man-
dataire. C'est donc aux chancelleries du Tiange moyen,
soit aux (iuptas directement, soit à leurs vassjiux que les
Licchavis du N6pal semblent avoir emprunté leur proto-
cole ; le fait est d'accord av(M: les vraisemblances historiques
et aussi avec la tradition (pii fait venir de IVilaliputra Tan-
cètredes Licchavis. Çivadeva II renoue et rrsseire les liens
de la dynastie népalaise avec l'Inde gangétique; il épouse
la petite-fille d'un empereur du Magadha, la fille d'un noble
Mauldiari, ol cette alliance de haute lignée introduit sans
doute au Népal une nouvelb* |)Oussée de culture sanscrite ;
les (( bureaux » s'enrichissent d'Hindous de la plaine, et
leur activité se révèle aussitôt par l'emploi des vers usuels,
qui réduit le protocole local au type commun de l'Inde.
L'inscription (îst en prose, saufles vers consacrés. L'or-
thographe en est régulière, saul /v/y;/ \)ouv kuri/if/j que j'ai
déjà signalé. Selon l'usage nouveau introduit par Ain(;u-
varman, la muette n'est pus redoublée après r. La charte
réglait les clauses d'une <lonation d(* terre et traçait avec
précision les limites du terrain concédé, mais il n'en reste
([ue la conclusion, d'un caractère général.
Le mandataire {dùta/ai) du roi est le ràjaputra Jayadeva
({ui paraît au même titre dans la charte de Çivadeva datée
samvat 1 19 (Bhag. 12).
136 LE NÉPAL
Texte.
I rayâdipra
2 paçcime ni
2
4 me pra
5 yam eta
6 laç ca paçcimena ca tadc
•y d antarenâpi te. mâpra
8 khâtam pallï tato yâva
g. . . . gra.ka. . . vistimanusyasambandhena pra-
livarsam yat purânaçata.
lo. . . . bhya eva grâmïnair dâtavyam râjakulïyavyava-
sâyibhis lu na kadâcid.
t.
II.. . vyam yc tu kecid asmatpâdaprasâdopajîvino pare
cânyathâ kuyu kârayeyuTr val
V %■ t. V L J
12. . . . taran na ksamvantc bhavisvadbhir api vasudhâ-
dhipatibhir âtnianah karunâtiçayam.
i3. pQrvapârtbivapranïlo jani dânadliarmasetur ili tadgau-
ravât samyag evânupâleyas tathâ [coktam]
9-40. (if. Bhafç., 4:2, I. 46 : liho((ai:is(ihetoh prativarsam bhdrikajandi
paiïca 5 vyavasâyibhir ijrahUavyOh. 11 s'agit évidemment d'une corvée
analogue, sinon identique. Malheureusement les caractères qui précè-
dent risii sur notre inscription me sont restés indéchi (Trahies. — Les
ryavasâyin mentionnés dans le passaj^^e queje viens de citer .se retrouvent
également <lans notre texte. Le P. \V. ne connaît ce mot que comme
adjectif, dans le sens de « résolu ». Ici il désigne clairement une autorité
(et Bhagvanlal le traduit : «the authorities»), et sansdoute d'ordre judi-
ciaire. Je ne l'ai |>as relevé avec cette valeur dans d'autres documents
épigraphiques.
Hfljakuhya manque aux dictionnaires, mais est un dérivé régulier du
suhstautif râjakulft.
43. L'expression (lâiuidharwasftn raj>pelle le vers traditionnel : uimà-
nyo yam (llnninasetHv... (!2"2), fréquement paraphrasé du reste dans les
inscriptions.
INSCRIPTION DE TIMI 137
i4. pûrvadattâmdvijâlibhyoyatnâdraksaYudhistliira | ma-
hïm mahïbhujâm çrestha dânâc chreyo [nupâ]
i5. lanam || sastim varsasahasrâni svarge modati bhûmidah
âkseplâ cânumantâ calâ[vanli]
i6. narake vaset || iti svayam âjnâ dûtakaç câlra râjaputra
Jayadevah || sam. . . ■
17. âçvayuje krsna sasthyâ[m]
Traduction.
(1-8). . . .à rOuest. . . et de là à TOiiest. . . et
dans rintervalle. . . la fosse, le hameau ensuite jus-
qu'à.
(9-1 1). Par rapport aux hommes de la corvée, la centaine
de purânas qui. . annuellement, doit être donnée par
les gens du village aux. . . mêmes. Les autorités du
palais royal ne doivent pas.
(i i-i3). Et quiconque, soit des gens attachés à notre service
de par notre grâce, soit des autres, ferait autrement ou
pousserait un autre à faire autrement, nous ne le tolérons
pas. Et les princes à venir devront respecter et protéger
ceci en se disant : C'est ici une donation inspirée à un
prince d'autrefois par(:^) l'excès de sa compassion et pour
se conformer à la loi.
(i3-i6). Et il est dit ainsi : (( La terre qui a été donnée aux
J)rahmanes par un de tes prédécesseurs, Yudhisthira !
protège-la bien, cette terre, ô le plus excellent des maîtres
de la terre ! Maintenir est encore mieux que donner. —
Soixante milliers d'années de jouissances dans le paradis
à qui donne de la terre. Qui usurpe et qui l'approuve
restent autant dans l'enfer.
(16-17). Ordre direct. Le délégué ici est le râjaputra Jaya-
deva. Année. . . mois âçvayuja, quinzaine noire,
sixième (titlii).
XX. — INSCRIPTION DU YAG BAHAL
L'eslampagc de celle inscriplion m'a élé envoyé du
Népal en 1902 par le maharaja Deb Sham Sher, dans la
cpurle période de son adrainislralion. Aucune indication
d'origine n'étail jointe à Tenvoi ; mais une noie encursive,
tracée sur le côté et au bas de Testampage, porte : Yag
bahal. J'ignore présentement où est situé ce bahal^ ou
monastère ; mais je suis porté à croire que la stèle se trouve
dans la région de Palan, comme les inscriptions qui lui sont
apparentées.
L'inscription est incomplète ; les dernières lignes man-
quent. Les 29 lignes conservées, en tout ou en partie,
couvrent une hauteur totale de 0™,72 sur une largeur de
0'",40. Le corps des caractères mesure en moyenne 0",01 ;
l'espacement moyen des lignes est de 0'",0I5. La graphie
est généralement correcte; la muelte, selon Tusage qui
date d'Amçuvarman, n'est pas doublée après r. La partie
du texte conservée esl toute en prose. C'est une charte du
type usuel, qui a pour objet la concession d'un village avec
ses dépendances à la communauté bouddhique ; elle est
adressée aux intéressés, les habitants du village de GuUa-
langa. Le territoire concédé faisait probablement partie
du domaine de Pa(;upali (L 4 el cf. Bhag. 13, 1. o : Paçu-
patau). Le bornage esl tracé avec la précision méticuleuse
dos inscriptions tardives, en allant du Nord au Sud et de
INSCRIPTION DU YAG BAHAL 139
TEst à rOuest. Les repères indiqués marquent par un
exemple de plus la civilisation avancée du Népal et aussi
la richesse foncière de FÉglise bouddhique. 11 n'y a pas
moins de sept monastères contigus au terrain concédé : le
Mànadeva vihâra, le Kharjùrikâ vibiira (1. 13), le ...yama
vihâra (15), TAbhaya ruci vihàra (17), le Varia Kalyâna-
gupta vihâra (17-18), le Caturbhà-lankâsana vihâra (18-
19), le Çrîràja vihàra (21). Le Mànadeva vihàra est claire-
ment identique au Màna vihàra, mentionné déjà dans une
inscription d'Amçuvarman (an 32) h côlé du Kharjùrikâ
vihâra (1. 8 et 9) ; du môme coup, le vihâra au nom tron-
qué : ...yama vihâra est presque certainement identique
au Ma-ma vihàra, c'est-à-dire au Madhyama vihâra,
désigné dans la mêmeinscriplion d'Arnçuvarman immédia-
tement à la suite du Màna v" et du Kharjùrikâ v". Les autres
noms de couvents n'ont pas encore été rencontrés ailleurs ;
le Vàrta Kalyànagupta est un nouveau venu dans la liste
des personnages décorés de ce titre (sup. IF, 131). On ren-
contre en outre sur le parcours trois villages : Gomibhù-
danco (12), Dhorevàlgauco (14), Kambîlamprà (20). On
croise ou on longe deux grandes routes {mahâpatha, 16 ;
vrhatpatha, 20) et un grand chemin {vrhanmnrga 22).
Enfin la Vâgvatî borde une partie du terrain au Sud (12).
Les stipulations particulières de la concession (4-11) sont
énoncées avec une précision de détails qui tranche sur le
formulaire ordinairement assez vague des chartes népa-
laises; elles n'ont, à ma connaissance, de pendants que
dans l'inscription 13 de Bhagvanlal datée de 1(4 ?)3. Cette
inscription, trouvée à la porte Sud de l'enclos de Paçupati,
est extrêmement mutilée, spécialement dans le passage
qui contient les stipulations (5-10); mais les caractères
conservés suffisent à garantir la parfaite concordance des
deux textes, en rectifiant parfois les lectures de Bhagvanlal
(5 : lia sarve vinâ, corr. '''*nasarvetika[rtavy''] ; 7 : hyaparahy
140 LE NÉPAL
corr. [ïnaryàdo\papawiah\ 9: bhayaca^ covv,'' gâpacù\rè\\
10: knlpatrâ"*, corr. kalatrn'']. Le village concédé « est
soijmis aux slipulations porlanl sur les personnes ou sur
les places fortes » içcninflioUamaryùdopapannah 1. 6). La
même expression se retrouve, dans une charte de Çiva-
(leva, an 1 19 (Bhag. 12 ; 1. .ï, où Bhag. restaure \^payuktà\
au lieu de yaponna) ; mais je ne puis voir dans la traduc-
lion du pandil comment il entend cette formule, à moins
qu'elle ne réponde h : u y conjpris le sol, le ciel el le sous-
sol » ; j'avoue que dans ce cas le rapport m'échappe.
L'inscriplion du Chasal-tol, datée de Tan 137, conserve
aussi une trace de celte formule (1. 13; *'koiJamaryiut).
L'exclusion de a la corvée d'aller en pays étranger» (1. 7 î
hah'irderafjaniatiâdisarvaiiHljrahito) a pour pendant, dans
la charte de Çivadeva an 119, Tohligation de fournir « cinq
porteurs annuellement pour la corvée du Tibet ». Quelques
fautes d'ordre spécial, qui exigeaient sans doute dans les
cas ordinaires l'intervention de la justice royale, sont
réglées au profit des donataires : le meurtre d'une femme
enceinte (7), les pratiques abortives (7) sont punis d'une
amende de cent (pa)nas ; les mauvais traitements àTégard
d'une bète blessée, si elle est d(» l'espèce bovine, sont punis
d'une amende de trois panapurànas(8). Enfin, dans le cas
d'une des cinq offenses mortelles, de vol, d'adultère, de
meurtre ou de complicité, la justice royale n'a de prise que
sur la personne du coupable; tout ce qui lui appartient,
famille et biens, revient au clergé du couvent de Çivadeva.
Le nom du roi qui octroie la charte est mutilé ; il n'en
subsiste (3) ([ue la finale indilîérente : dt*rft ; les traces qui
subsislent de caractères précédents écartent définitivement
la reslilution introduite par lîhagvanlal dans son inscrip-
tion (1. 3): l(^s deux aksaras ne sauraient en tout étal de
cause étie n m. La b^clure la plus vraisendjlable est, à
mon sens, Puspadeva; maisj(» n'ose, sur la foi d'une Icc-
INSCRIPTION DU YAG BAFlAL 141
lure incertaine, introduire dans Thistoire du Népal un nom
que rien ne garantit par ailleurs. Les autres indices écartent
aussi l'attribution de cette charte et de la charte simihiire
(Bhag. 13) h Çivadeva. Çivadeva réside au palais de Kailà-
sakrtfa, qui a remplacé le palais de MAnagrha depuis l'avè-
nement d'Aincuvarman. Le roi ...deva date ses chartes
du palais de Bhadràdhivflsa ; le changement de palais
marque d'ordinaire un (rouble dans la succession au h^one.
Le roi ...deva se Ihitte sans doule d'être l'héritier légiliuK*
du pouvoir {[ha^ppapâilOnutlhyâio, 2), mais à titre de Lic-
chavi. Il est (( l'étendard do la race Licchavi » (Lirc/fari-
h'uldketuh^ IV), titre disparu de l'usage depuis Tavènement
(l'AnK^uvarman, el ce retour des Licchavis au pouvoir est
atleslé par son successeur Jayadeva qui ramène l'origine
de sa race à l'éponyme Licchavi (Bhag. lii, 0). Ce roi
...deva est de plus le premier, et jusqu'ici le seul, dans la
série népalaise à prendre le titre de parama-mùfiecvara
« fervent adorateur de Çiva » (1. 2 et Bhag. 13, 2), si fré-
([uent dans le protocole de l'Inde propre où il semble
remonter jusqu'aux Indo-Scythes. Enfin le formulaire de
conclusion, identique dans les deux chartes jumelles (24-29
:::ir Bhag. 13, 29-35), diffère des autres chartes connues ;
les vers traditionnels y sont introduits au moyen de la
forme nouvelle : xjaio dharmavmlravacanam (Bhag. 13, 34-
35 = 29 \ya\to (Uia\vnmçdstra''\, Ln somme la charte du
Vag bahal est du même» personnage et de la même époque
(pie l'inscription 1 3 de Bhagvanlal, datée d(» samvat 1 [4 ?j3,
le chiffre des dizaines restant douteux ; le pandit reconnaît
qu'on [)eut aussi bien lire 123 ou 133.
Te
EXTE.
I. bhadrâdhivasabliavanîîd apratihataçasano bhagavatPa-
çupatibhaltârakapâdânugrhï.
142 LE NÉPAL
2. . ppapâdûnudhvâto Liccliavikulaketuh paramamâheç-
varaparamahhatIârakamaliârâjOdhirû.
3. . . dcvahkuçalî Gullataiigagrâmanivâsinahpradhâ-
napurassarân sarvakutumliinah.
f\, . lam âhhâsya samsijriâpavati viditam bhavatu bhava-
lîiin vatliâ sa grâiiio hliagaval Paçupal.
5. . rilur mahâpranâlïnâin açâllivena sarvetikartavYÛnûm
anusthîînârtliarn vislvâjriânuv.dh.
G. . câlablialânOm aprâveryena çarîrakottamaryûdopapan-
nah çarïrasarvakaranïyaprati
7. //iaA'/^//i A'«/«mbibahirdeçagamanridisarvavislirahito gur-
vinîmarane ffarbhoddharana.
8. . naçatainâtradcyena sa ksatagorQpamrgâpacâre sa pa-
napurânatrayamâtradeyena
9 . muA'taç cauraparadârabalyâsambandbâdipancâparâdha-
kârinîîin çarîramâtrain râjakulâ.
10. . tadgrhakseirakalatiâdisarvadravyâny âryasangbasyety
ancna ca sampannab çrïÇivadevavihâ
11. . caiurdiçâryabbiksusangbâyâsmâbbir atisrstab sîmû câ-
sya prirvollarena vibârâ.
I â. . pranâlîbhramas tato daksinam anusriya gomibbOdhafi-
copradeçe vâgvatï nadï bhâ.
i3. . nusrtya tilarnakasai'igamas tata ultaran galvâ çrîMâna-
devavihflraRharjririkâvi
i/|. . raksclrayoh sandbis lalah paçcimaû gatvâ dborevâl-
gafico lalali paçcimain anusrUa
i5. . . yamaviliârasya pQrvadaksiiiakonapârçve limârge-
noltarai'i galvâ prariâlyâh pu.
lO. . rruiusârona kuualaksoliasva daksinapûrvakonc mahû-
|)alhas lalo mârgâmisâ.
I-. nottaran f^atvâbhayarucivibârasya pQrvaprâkâras tala
iitturani aiiusrlva vârlaka
18. lyânagiiplavihârasya daksinapûrvaprâkârau tatah pQr-
voltaraiii aiiusrha caliirbhâ.
IiNSCRlPTION DU YAG BAHAL 143
19. /a/i/iâsanavihârasya pQrvadaksinakonas tata uttaram
paçciman cânusrtyoitarapa
20. çcimakone vrhalpalhas tatpQrvottaran gatvâ kambîlam-
prâ tata uttarapûrvam anusrtva
2 1 . çrïrâjavihâreiidramrilakayoh pâmyamârgasaiiglifitakhâ-
takas tasyottaraprirvcna
22. vrhanmârfirasyadaksinavâlikâyâ dakslnâlvanusârena pur-
vadaksinaû cânusiivapa
23. . tlias talo yâvat. . . lya parigr^^pallîpârçve mârgas
lalas tam eva mâr<'aii daksln.
2/1. . nusrtya sa eva viliâras talah pranâlïbhrama ity etatsî-
mapariksipte sminn âgrahû
20. . . di kadâcid âryasanghasyârthakyam kâryam ulpa-
dyela ladâ paramâsanena vicâra.
20. . ily avagalârthair asmatpâdopajïvibhir anyair vâyam
prasâdo nyalhâ na ka
27 tliâ kuryât kârayed va 30 smâbhis suta-
rân na marsanîvo
28 pâlâs tair apy ubbayalokanîravadvasu-
kliârthibhih pu
2(} ti prayatn
. to dba
Traduction.
(1-/4). Du palais de Rbadradbivasa. Rien ne résiste à ses
ordres ; le saint Paçupati, souverain adoré, Ta pourfavori;
son père adoré le suit de sa pensée ; la race de Licchavi
l'a pour parure ; il est par excellence le dévot de Maheç-
vara, le souverain par excellence, le roi des rois,
deva en bonne santé s'adresse à tous les maîtres de maison
résidant au village de Gullatanga, notables en tête, et
leur fait savoir : sacliez ceci :
144 LE NÉPAL
(5-1 1). Ce village (sur le domaine) du saint Paçupati. .,
pour l'excculion, sans aucune fraude, des travaux exigés
par les grands canaux, et pour la remise des ordres de
corvée, — mais avec défense d'entrer aux soldats tant
réguliers cprirréguliers — (\si soumis aux stipulations
portant sur les personnes et sur les places fortes ; toutes
les cor\ées corporelles lui sont remises; les maîtres de
maison sont dispensés de toute corvée telle que d'aller
en pa\s étranger, etc. En cas de mort d'une femme
enceinte ou de suppression d'embryon, il sera quitte au
prix de cent (pa)nas seulement; en cas de mauvais traite-
ments à regard de bètes blessées (?) du genre bovin, au
prix de trois panapurânas seulement. En cas de vol,
d'adultère, de meurtre, de complicité, etc., les cinq
crimes cîîpitaux, la personne seule du délinquant revien-
dra aux fonctionnaires ro>aux ; sa maison, ses champs,
ses femmes, tous ses biens enfin reviendront au vénérable
clergé. Telles sont les conditions sous lesquelles nous
avons octroyé ce village au \énérable clergé des moines
des quatre régions dans le (Jivadeva viliura.
(11-24). El en voici la délimitation: au Nord-Est, la con-
duite du canal. . du couvent : ensuite, en allant au
Sud, dans la région de (iomibbùdanco, en suivant une
partie du cours de la \agvatî, le confluent du misselet;
de là, en allant au iVord, le joint du Mànadeva vihftra et
du Kliarjùrika \ilu\ra : de \i\, en allant à l'Ouest, Dliore-
xàlganco ; de là, en suivant à TOuest, sur le coté de
Tangh^ Sud-Est du [Madlijvama viliara, en allant au Nord
par le cliemin de la chaussée, en continuant à longer
le. . du canal, à l'angle Sud-Est du champ de Kunala,
le grand chemin ; de là en continuant par la route, en
allant au Nord, le mur oriental de l'Abliayaruci vihftra;
de là, <Mi continuant au Nord, le mur Sud et le mur Est
du Varia Kalyànagupta vihàra : de là, en continuant au
INSCRIPTION DU YAG BAHAL 145
Nord-Est, Tangle Sud-Est du Caturbhâ-lankâsana vihâra :
de là, continuant au Nord et à TOuest, dans Tangle Nord-
Ouest, le grand chemin : en allant au Nord-Est, Kambî-
lamprâ ; delà, en continuant au Nord-Est, le réservoir
qui arrête récoulement des eaux du Raja vihâra et de
rindra mûlaka ; de là, par le Nord-Est, en longeant la
chaussée Sud du jardin Sud du grand chemin, et en con-
tinuant au Sud-Est, le chemin : de là, jusqu'à. . à côté
de Parigespallî (P), la route; de là, ensuivant cette route
par le Sud, le vihâra même ; de là la conduite du canal.
(24-29). Dans la concession ainsi déhmitée, s'il vient jamais
à se produire une affaire touchant aux intérêts du véné-
rable clergé, ce sera alors au Tribunal suprême (du Trône)
à Texaminer. Que ce soit bien entendu. Et personne, que
ce soit de nos gens ou tout autre, ne doit rendre vaine
cette faveur que nous octroyons. . . .Et celui qui la
rendrait vaine, personnellement ou par intermédiaire, nous
ne le tolérerons absolument pas. . . Quant aux rois
|à venir] s'ils désirent le bonheur vertueux en ce monde
et dans l'autre [ils devront se rappeler que la faveur con-
cédée par un royal devancier s'impose au respect], car le
livre de la Loi [dit.
m. — 10
XXI. — INSCRIPTION DE NANGSAL
Nangsal est une petite localité immédiatement à TEsl de
Katmandou (v. II, 397). La stèle qui porte cette inscription
se dresse contre une butte qui couvre, dit-on, les ruines
d'un temple de Nàràyana. Elle est en mauvais état et j'ai
longtemps désespéré de la déchiffrer. Les 52 lignes que
j'ai transcrites ici couvrent une hauteur de 0",85 : mais il
subsiste encore des traces de !o lignes en tète, et le texte
se prolongeait également d'un certain nombre de lignes au
bas. Lt^ formulaire d'introduction et la conclusion ont
disparu. La largeur de la stèle est de O^.SS. La hauteur
moyenne des lettres au-dessus de la ligne est de 0",005.
l/espacement entre les lignes est de Tr.ol.
Coniparée aux inscriptions d'Ainçuvarman et de Jisnu-
gupta, l'écriture montre des changements considérables.
L'allure géiièrale se rapproche <le la cursive : le tracé se
simplilie et se raccourcit. V. ex. le /// réunit par une
courbe ses deux traits transversaux et forme la boucle qui
dexieul sa caraclêristicpie en dévanagari. Le d/ia se réduit
à un îuv de cercle lixé sur la gauche de la hampe. Le aa
perd sa forme ancieime, presque identique avec le X*tf
HOUX eau» et se forme d'un renllement relié à la hampe par
un IraiU connue dans la dévanaf^ari. Le ra ajoute au simple
Irail \crlual qui le consliUiait une saillie vers la gauche,
au ba^ de la hauipe. Le /</ se resserre et roule son dernier
INSCRIPTIOiN DE NANGSAL 147
trait à gauche pour le ramener vers la hampe. Le y a a
définitivement perdu ses trois montants, et ne se diffé-
rencie du pa que par la panse, comme en dévanagari.
Toutes ces innovations se retrouvent dans Tinscription de
Jayadeva à Paçupati (Bh. 15), datée de samvat 153, et
s'amorcent dans les inscriptions datées de samvat 143
(?Bh. 13)etl45(Bh.l4). D'autre part elles se manifestent
toutes ensemble, dans Tlnde propre, avec les inscriptions
d'Àdityasena. Nous savons que Çivadeva, le père et le pré-
décesseur de Jayadeva, avait épousé la petite-fille d'Adi-
tyasena. 11 est permis de croire que les rapports politiques
ouverts par cette alliance ont exercé leur influence sur la
graphie de la chancellerie népalaise.
Le système orthographique de l'inscription présente une
particularité frappante, dans le traitement de la muette
après )\ Les Licchavis avant Ainçuvarmau redoublent en
ce cas la muette régulièrement. Amçuvarman supprime
d'une manière absolue le redoublement et la pratique se
maintient, rigoureusement, semble-t-il, jusqu'à l'inscrip-
tion de Tan 145. Avec l'inscription de Jayadeva, le redou-
blement reparaît, mais sans rigueur absolue. Il écrit
varnmta, nirvvibandhay\, \ ; cdhramrltly 3 ; sârvvabhnuma,
4, 16 ; pati?' Jjdtahy 8\ dhamima, 9; karttù, M; harttâ,
bharttCiy varnima, 12; varfjga, 13; kurvvan, 16; rarjjiia,
1 7 ; mûrili, 18, 1 9 ; etc. . . Mais, d'autre part, miirdha^ 1,2;
prddurbabhcwa ^ 8 ; kida'iryena, IG ; kuryât^ 32 ; pùjdrtham,
29 ; sadbhir mukhaih^ 27 ; nirvrtim^ 29.
L'inscription de Nangsal hésite également entre les deux
systèmes. Elle redouble d'une manière constante dans les
mo{?i pûrvva elsarvva qui s'y rencontrent fréquemment, et
supprime le redoublement avec la même régularité dans le
mot mârga qui revient à denombreusesreprises. Elle écrit
d'une part kârya, 14 ; ariha^ 16, 23 ; dharmya, 27 : — et
d'autre part nirnnetr, 1 1 ; karttavya, 24.
148 LE NÉPAL
Ces divers indices, à défaut d'une date précise, classent
donc rinscription vers le règne de Jayadeva, un peu après
la stèle de Çivadeva qui Tavoisine. Au reste, la stance
adressée aux rois à venir (I. 27-28) est clairement une
simple variante de la stance insérée àla fin de rinscription
de samval 145, qui a pour dûtnka « Théritier présomptif
Vijayadeva ».
I.e document énonce une série de privilèges conférés
(( au vénérable saingha etc. » (l-2;j) ; viennent ensuite les
imprécations et les recommandations usuelles 23-28) ; puis,
rompant avec Tordre consacré, la limitation du terrain
privilégié. Le détail du bornage atteste déjà cette précision
méticuleuse des arpenteurs népalais qui provoquait encore
au xlV siècle Tadmiralion de llodgson. Les lacunes du
texte ne permettent point de suivre pas à pas le tracé capri-
cieux des limites ; on en suit aisémentle mouvement géné-
ral du N.-K. au N.-O., c'est-à-dire sur la moitié du circuit
Sur cr parcours, la limite rencontre ou coui)e un cou-
vent (Ajikà? vibàra), un temple (Valasaikkidevakula), une
grande propriété, |)lusieurs villagesethameaux, une grande
route (ma/tâpatha), un chemin de voitures {mahàrathya),
plusieurs sentiers {piàrya). C'est un témoignage de plus
du haut (bîgré de prospéiilé et de civilisation où le Népal
était alors parvemi. 11 n'est guère possible, étant donné
Tétatdu texte, de présenter une traduction suivie de l'in-
scription. Je crois préférable de l'analyser, en traduisant
les passages les micuix conservés. Les privilèges concédés
dans la [)remièi*e partie consistent essentiellement dans des
revcMius, tournis, semble-t-il, par des taxes spéciales. La
somme est évaluée tantôt en panas (20 p., 1. 8; 100 p.,
1. 9; ]()U p., 1. 1o; 4()<) \)., 1. 8), tantôt en pa^apuràças
(1. 1 ; 4 |)p.,l. 7; 10 pp., 1. lO; 20 pp., I. 12; 6pp.-+-dvi-
pana, I. 10 et I. 1!) ; :{ pp., 1. 17 ; 80 pp., 1. 18 et 19; 5
pp., 1. 20; 1000 pp., 1. ±\). Le pana et le puràqia sont
liNSCRIPTION f)E NANGSAL 149
parfaitement connus ; le pana est Tunilé monétaire du
cuivre, le purâna celle de l'argent; Tun et Tautre sont
mentionnés plusieurs fois dans nos inscriptions, spéciale-
ment dans rinscription d'Amçuvarman, samvat 30. Mais
Texpression panapurâna m'est totalement inconnue. Le
composé n'est pas formé par juxtaposition, dans le sens de
pana-hpurâna, puisqu'on a des valeurs supérieures à 16,
et jusqu'à 1 000 panapurànas. 1 000 panas, h 16 panas au
puràna, donneraient 62 purânas 1/2. Peut-être il s'agit de
spécifier nettement la valeur du puràna, (( le purâna aux
(16) panas », et d'empêcher la confusion avec la désigna-
tion de « puràna » appliquée aux vieilles monnaies, spé-
cialement aux « punch-coins » de forme oblongue. La
formule de la ligne 11 : sa panatrayena purânatraijam,
énoncée comme une décision juridique {iii tiirnnetrvyavahâ-
ratas) était peut-être de nature à fournir les éléments delà
solution ; mais le contexte nécessaire manque.
Les taxes spéciales constituées en faveur des bénéficiaires
de la charte sont perçues à l'occasion de circonstances
diverses, qu'il est presque toujours malaisé de définir,
même quand le texte se laisse déchiffrer avec assez de
netteté: p. ex. à la ligne 8, les 20 panas attribués aux
témoins (sâÂsin) qui sont vetropasthita lors du pradrayâ
(jhaiiana\ puis le cas d'entente {sampratipaitï) est prévu.
L. 11 sqq., il semble bien s'agir d'affaires judiciaires, et
d'une proportion à établira au puràna le pana », comme
nous disons : (c au marc le franc ». L'argent ou l'objet qui
fait le litige doit être remisa l'autorité compétente ; sinon,
l'affaire doit être évoquée au tribunal royal. La mort d'une
femme enceinte donne lieu à un versement de cent panas ;
un suicide amène également l'intervention de l'autorité,
qui fait toujours payer ses dérangements. Les taxes qui
suivent paraissent se rattacher à ces processions de chars
qui tiennent une si grande place dans la vie religieuse du
loO LE NÉPAL
Nippai. 1/ expression prfhnthi rntlia « char à terrasse »
conviendrait à merveille pour ces conslruclions monlées
sur rones dont la planche II du premier volume montre un
excellent spécimen. \a\ versement de 80 panapurâna est
institué pour « la peinture du char»; c'est ainsi que je
crois nécessaire <le lraduir<*le mot cUranai\\i\ manque aux
dictionnaires. Aulre versement d'une somme égale pour le
ratlioiiahnin^ qui peut êlre le montage des charpentes du
char, et pom* le prâmdamm^hnra « Tinslallation de la
terrasse supérieure ». 0 pHna])uràna avec 1 double pana
{dc'tpanfi) pour le celahira « celui qui fait les habillements »
probablemeni des poupées installées sur le char. Deux de
ces versemiMits, l'un de 80 panapurâna (1. 18), Tau Ire de
1 000 |)anapurAna (I. 20) sont annuels (/îrâ^Z/'yarsA^/w).
L(^ pei'sonnag<» ordinairement désigné à Tocîcasion de
ces laxes est le ihvuvdrikiu littéralement: « Thomme de la
porte » (1. 3, i:{, 16, 17, IS, 19, 20). Il s'agit en réalité
de plusieui's dauvàrikas, puis(|u'ils sont distingués par des
litres attachés à leur fonction : Si.pnradauvânkft (17),
Vctradauvnrihi (J8), JSlânadanvdrilHt (20). A la ligne 3,
mulilée, la mention du dauv<h'ik<i est immédiatement suivie
de l'expression i\{}. i/nthdrâstrdrutgfifa « agissant en confor-
milé avec les çMsIras » qui s^Muhle bien marquer le carac-
lère admimslralif de ce fonctionnaire. T/est lui qu'on doit
avisiM' {drrdfnitj/fi, I. j i, nrvdi/fi^ 1. 1(V) en cas d'irrégularité
ou <ra<*cid('r!l, el c'est par son intermédiaire que TaiTaire
est|>orlé(' s'il va lieu drvanlla jinidiclion s(q)réme(f;'/;wa/-
padn/otftirdsanahnniu* t/athnnutsffm rnpuniyah, I. ii-lo). En
cas <le snii'i(l<', il r(M:oil un i'a|)port visant la purification du
mori (ntvfftrndlidnfi \ |)('ut-étre : Tenquéte sur le mort) el
doit se rrndre sui'plac<': (i panapin*<\na avec 1 double pana
lui son! alliihués poui' son dérangement. (Test encore lui
qui reciieilir l<'s divei'srs laxes du char de procession.
hii dmtrnriht n'est pas un fonctionnaire inconnu. Le
INSCRIPTION DE NANGSAL 151
Panca tanlra (IFF, 50 éd. Bombay, h la suite du vers 69)
le classe dans Télile des ofticiers de la couronne, les lîrtlias,
immédiatement à la suite du ministre {ynantnn), du cha-
pelain {purohUd)^ du général en Q\\{tî{camùpntî) et de Thé-
ritier présomptif (y?/î;^my«). H paraît au même rang et àla
suite des mêmes personnages dans un texte de Nîtiçâstra
cité par Nllakantha sur le Mahâ-Bliàrata II, 168, et aussi
dans le commentaire sur le vers FF, 100, 36 du Râmàyana
(éd. Bombay), dette classification reparaît, cette fois avec
Tapparence d'une donnée réelle et officielle, dans le for-
mulaire d'une charte de Bàjaràja I le Câlukya oriental,
datée de 1053 J. -G. (Nandamapundi grant, 1. 67:) mantri-
pi(roh\ta'SefiOpati-yiœar(ija'd(nicCiri/m-pradh(inn-sam
itthum ûjnâpnyati. Le dauv<\rika est également nommé dans
la Mahâvyutpatli § 186, n" 68, au cours d'une longue et
curieuse liste d'officiers royaux, à côté et à la suite du
dvârapàla. La fonction du dauvàrika àla cour est claire-
ment indiquée dansÇakuntalà, acte IL C'est lui qui répond à
l'appel du roi réclamant: Ilolà! quelqu'un! lui qui annonce
et qui introduit le général d'abord, puis les deux ascètes
novices auprès du roi. 11 faut noter qu'il parle, non pas
sanscrit comme le roi et le général, mais prâcrit comme
le bouffon, et Bàghavabhatta observe à ce propos: « Les
personnages inférieurs parlent le pràcrit ; en vertu de cette
prescription le dauvririka doit parler prâcrit » {nlcesu
prù/irtem hharet xtij ukter daiwârikasya prâlirtam pâthyam).
Le poste valait donc comme poste de confiance, mais il
n'était pas occupé par un noble. Le titulaire n'en faisait
pas moins assez grande figure : un râjadaiwnrika, au ser-
vice, non pas du roi lui-même, mais de son frère favori,
fonde un temple de Visnu et y établit comme vyâkhyâtar
un grammairien de renom (Bàja-taranginî V, 28)*.
i. Le rùle du ifpvàrika dans le Jâtaka (Richard Fick, Die Sociale Glie-
152 LE NÉPAL
On pourrait être tenté crallribiior ici au dauvàrika une
autre fonction toute différente LaRâjataranginî mentionne
fréquemraenl « le chef {adliipa, îçvara, et autres syno-
nymes) de la porte {dvàra) » et M. Slein a établi par une
discussion lumineuse (note sin- V, 21 4) qu'il ne s'agit pas
d'un « grand chambellan », comme on avait traduit avant
lui, mais de Tofficier chargé de garder les passes qui
mènent dans le Cachemire. Les conditions géographiques
étant analogues, au Népal, le dauvàrika pourrait y exercer
une fonction du même genre. Mais l'inscription d'Amçu-
varman, an 30, paraît bien exclure cette interprétation.
Parmi les nombreuses libéralités qu'elle institue en faveur
des gens du palais, elle attribue une somme de 1 purâna
4 panas h chacune des portes (dvâra)^ porte de l'Ouest
(paçcimadvdra), porte de Mûnagrha {Mnnayrhadvârd), porte
du milieu (madhf/amadvâra) ^poric du Nord {yttaradvdrd)^
porte du Sud (dahinadvâra)^ et probablement porte de l'Est
{[prdcînadvâyd), enfin grande porte (pratolî). Parmi les
dauvàrikas de l'inscription de Nangsal figure le Màna dau-
vàrika, qu'il paraît difficile d'isoler du Mânagrhadvàra
mentionné par Amçuvarman. Il n'est pas impossible que
le fonctionnaire préposé h chacune de ces portes ait eu
dans son ressort le district correspondant. L'inscription de
Nangsal nomme le district de l'Kst (rripurvvâdhikarana,
1. 2), et l'inscription d'Amçuvarman, an 39, nomme le
district de l'Ouest {paçcimôdh'diarana , 1. o).
Après les textes octroyés aux dauvàrikas, la charte
énonce un autre privilège. Tu certain nombre de villages
{(/rdmn), les uns désignés par des noms indigènes et formés
dermiQ im y ordosl lichen Inciini zu liuddha'sï.cit...^ Kiel, 1897, p. 104 sq.)
est assez nuMleste, pres(nie humble II expulse à coups de bàlon les pa-
rias eulrés dans le palais, et il reçoit lui-inc^inc des coups de poing du
roi <|uan<i le roi passe devant lui. il ^arde la porte de la ville, qu'il est
chargé de feiiner le soir, et renseif^ne les étrangers à leur entrée en
ville.
INSCRIPTION DE NANGSAL 153
sans doute spontanément, les autres groupés autour des
temples, le Mâneçvara, le Sàmbapiira mentionnés déjà
dansrinscriptiond'Amçuvarman, an 32 (1. 12 et 13), sont
promus au rang de drahga. Le mot drahga manque àTAma-
rakoça; Hemacandrale donne (971) parmi les synonymes
de nagarîa ville » ; mais Vâcaspati (cité parle scholiaste
sur ce vers, éd. Bôhllingk) range le drahga au-dessous du
karvata et au-dessus du patiana.. Stein (sur Râja-taranginî,
[I, 291) établit que, dans la chronique cachemirienne tout
au moins, ^/r«//^rt désigne « une station de garde établie
près des passes de montagne pour garder les approches
de la vallée et pour recueillir les droits de douane », et il
cite un commentateur du iMankhakoça qui explique rfrâr/\^a
par raksâsthâna. Les inscriptions mentionnent fréquem-
ment, dans lalistedcs fonctionnaires à qui s'adresse le roi,
les drangika « chefs de poste militaire ». En tout cas la
promotion d'un grdma au rang de drahga est une faveur
royale {prasâdikrtam, 1. 22).
La charte conclut ainsi la liste des donations (1. 22-28):
« Telles sont les faveurs diverses accordées à la commu-
nauté bouddhique et autres. Sachant ce qui en est, les
autorités compétentes chargées des prescriptions énoncées
ci-dessus ne devront pas, sous prétexte d'exercer leur
fonction, tenter même en pensée de violer les privilèges
concédés. Qu'on le sache: si on agit autrement, je laisserai
tomber sur le coupable tout le poids de mon sceptre. Et
les rois à venir, protecteurs par excellence des privilèges
octroyés parleurs prédécesseurs, s'ils veulent assurer la
joie de leurs sujets, ne devront pas non plus le tolérer. Et
il est dit à propos du devoir de protéger les donations :
Les princes qui ont dans leur conduite la pureté des
rayons de l'astre à la froide clarté, qui protègent comme il
convient leurs sujets, et qui gardent les fondations légales
instituées par les souverains anciens, ces princes, après
154 LE NÉPAL
avoir joui de la majesté royale illuminée par la foule des
ennemis vaincus, demeurent solidement dans la béatitude
du ciel, aussi honorés, aussi puissants que Çakra. »
Texte.
1. . . . nasa. . naf/rz/iapanapurâna-kâmavyaka.
2. . . . lakonasya çrîprirvvâdhikarana
3. . . . y?^/rodauvârike/iâpl yathâçâslrânMjrrtla.
^4. . . m/erakasyâtl-rana//î kârat/)alâ kâraprablirtïnasi-
c/(//2âdhikaranapra.
5. ^iriii sama. . . Aâpâs . sâre kàre, . . . nârn . sa-
mam. . . kânâm eva vyâya.
6. na . ryakât pari . bhiyâ ku.pa. . . . to. . . .
hâre . au pane.
7. kâdalane panapurânâh pa . niyakâla. . panapurânaca-
tuslayam | ajall-sepâ.
8. deyam târ- | pradrayâghallane vimçati pana vetropaslhi-
tasâksinâm dattâh pana çatacatustayam — kâna —
9. âvane panaçatam | sampratipatiau panapurânâ. . di .
nâli I prï-çrâvane pana purtânâh p.
10. ratih I ayattikânkâ daça panapurânâ ^mâryâ uttamakâre
I . . vyâmavara . â vya-vama-panapurâna
1 1 . sali panâh sa panatrayena purânalrayam iti nir(î(ie/rvya-
vahâ ratas lasva pa. . . . na su fam and,
12. ra viinçalir capanapurân. -sya lair dattâli | vyavaliâra-
parinislhitaiâtain dravva/fva bahu sampâdanïfvam). .
1 3. vas lu dravvain napravacchcl svasthânavâslavvasyânvas-
Ihânnasya ca dhâranakasya lo//r/ rodhoparodho(sa)m-
vat.âvas la.
1^1. Uini iti kârxain as\a tal/)f/n>-niâvaudauvârikasyâvedanî-
yani tenâpi ( rïinalpâdîyoltarâsanakarane yalh(â)
10. mâsain ropanïxali | sagarl)hanârïmarane panaçatam
ekain 1 âtina«^hâlakâs\a-visahr//«.sakala-vam.
INSCRIPTION DR NANGSAL 155
i6. dauvârikasyâvedyam mrlaçodhanam | tadartham âga-
tasya lasya sadvipanâh sat panapurânâ deyâh | sa
lirtago-pari
17. vârya sapanapurânatrayam yathâdhikârinâm deyarn |
prâsâdaralhacittrane si . paradauvârikasyâçîtih pana
18. purânâ deyâh | rathottolanc prâsâdasarnskâre ca sarv-
xapanskalane prativarsani velradauvcârikasyâçîtih
pana
19. purânâli | cvain celakarasya ca sat panapurânâh sadvi-
panâh I 20 2 ghatikâkrayc dauvârike//o pancabhih
20. panapurânâh deyâh | âropeyâ va yâsâni celapallayugam
uttama-pancâbharanakani | prativarsani mânadauvâ
31. rikasya panapurânasahasrain ekani pâ^orik. deyani |
tâmrakullaçâlâ | mâneçvara | sârnbapura | lidas-
prifja I
22. yathampringâjamaya- | p.â-grâmânâni drangatvamâ-
tram eva piasâdïkrtani -luçilâpankakai.e-çrîsa
23. nghâdiprasâdaviçesâh samâdislâ iti | parigatârlhair ya-
thopariUkhitaniyogâdhikrtais tadadhi
2^. kâribhih svavyâpâravyapadeçena manasâpi prasâdâti-
kramasâliasâdhvavasâvo na karttavva ilxâdiinâ
20. \e nvalhâkârinas tcsâm alidâru(nain) daiulam pâtavis-
Nânio bhâvibhir api narâdhinâlhaih pûrvvanrpakr
26. taprasâdapâlanaparaili prajâprarnodadân.s.ais.tarâni na
marsanïyâs tathâ ca pâlanânuças. crû
27. yate | ye çîtâinçukarâvadâtacaivVâif/ samyakprajâpâlane
râjl.âli prathamâvanlçvara/.v'/âin raksanti dharmyâm
sthitiin I
28. . . jnâ vijilâricakrarucirâm sanibhujya râjyaçriyam
nâke çakrasainânamânavibhavâs tisthanti dhanvâ
sthirain | sïmâ
29. câsya sthânasyottarapûrvva-diçi ay/kâvihârapQrvvadvâ-
râd. . kâslhakâ tato daksinâbhimukhena mahâpa-
thânu
156 LE NÉPAL
3o. srtva maninâgâhikâsyottarato vrhadgrâma yâvat.-tolta-
rapaçcimâbhimukhena valasaikkidevakulasya daksi
3i. nâ tighri anusrtva voddavisaya aragha. tasyoUarena mâr-
gânusrtya paçcibhimukhena lamkliulam udenï latas
ta
32. . . nâkâm anusrtya na-pattavâtikâm anusrtya paçci-
mâbhimukhena mahâpralîhârabhas.âgrhamandalasya
da
33. ksi-s\a kanihânusârena mahârathyâyâin stabhitaçilâs
lafas lena ral/«jâmwlasyâya-dvâra praviçya pQrv-
vaffrbottarâ
34. rdhabbâgam âkramya daksinâgrhâgralah paçcimam
anusrtya grhamandalam praviçya daksinagrhamîîdâya
paçcimena
35. ca laghayitvâ yovigrâmamadhyena la-ce vânusârena paç-
cimâbhimukbena mârgas tatas tanmârgena utlarâ-
mukbâ
36. nusârena kumudvatïmârgas tatah paçcimâbhimukhena
parikramvottaramukham anusrtva vo n/ima. .
pikâ.
37. dhana.-ne-ça-sane paçcimam avatïrva tâmrakuttaçâlâ-
gamanamârgânusârenay^.ipQsakam abhimukhena
3S. tâmrakuttaçâlâlakhumakas tato bbimukhena mâneçva-
rarfîiânsfanâMaksinena -ksanamrttâmi prsthatah
pQrvvo
39. tiare gatvâ pQrvvadvârena praviçya râjânganamadhyena
paçcimadvârena -syâ -galvâ pravarddhamâneçvaraç
câgral.
/|0. paçcimamârgam anusrtya vâvat. . âbh.-çâkâritapr.
. dhy.-samastâ lad daksinena sâmbnpura
'li. vâtikâ.rdlia. . . . mârgasya. . . paçcima.
nâ daksinam anusrtva daksina
• • • « • •
L. 1^1. La syllabe ma a été omise dans parcimâbhimw.
INSCRIPTION DE NANGSAL
157
42. gâmï pa.i. . . . vihârasya. . . . kadvâtikâyâ
daksinâlî
paçcim. . . . âd ultarapaçcimena. . . .m anu
srha kanihâyampri
. rakaprativardhas tatra kharo
vihârabliQmeh pa
nadïmadhva
mâna -libhihaitibhûmadiiva
• • «.
lîpekâ — talo daksinamârg
griïmagrâmaniârga
. nusâre pi. . . . paçciitie yakus la. .
. karagosthlbhumel.i pQrvvan.-latraiva saptamî-
43.
Mx.
45,
46.
47.
48.
49.
5o,
5i
gosthîbhumeit. . . . vihârabhûmeh
O • • • •
. mâlî. . . lapramâlîbhrimev ca pQrvvâlï | tanu-
sârena çrîtuka.
. elirïsa. . gostliïbluimer jâ.i mâlï ladanusâ-
rena.
ttamâ. . apra. . rlta.ga. . pQrvvânusârena ca.âvatî.
— mârgas tato nadï palla-vârta-dipQrvvapa.i.ï
:\OTE SLR LES DIÎUX PLAiNCHES ANNEXÉES
AU PREMIER VOLUME
Les deux planches que j'ai données à la fin du premier
volume : La Procession de Matsyendra JSAiha et La Légende
sacrée du Népal n^produiscnl deux des pièces de la collec-
lionB. IL llodgson fihiBibliollièquede rinslilutde France.
(iClle colloclion, sifçnalée par une notice de Barthélémy
Saint-Hilaire dans le Journal des Savants en 1863, a élé
soigneusement étudiée et cataloguée par M. Foucher {Mé^
moires présentés par divers savants à ï Académie des Inscrip-
tions et Belles- Lettres, P" série, tome XI, V* partie j 1897). La
Légende sacrée y i)orte le n" îi, Nép. C'est « un grand rou-
leau de toile crenviron l"',8o de hauteur sur 2", 15 de largo,
divisé en six bandes d'environ 0"',2[) de hauteur; les inter-
valles blancs (h» ces bandes sonl remplis d'inscriptions
numérotées cl correspondani d'abord, comme dans les
images (rÉ|)inal, aux scènes figurées au-dessus d'elles,
puis, à parlir de rinicrvalle du milieu, tantôt à celles du
dessus, lanlot à celles du dessous; des numéros nous
servent d'ailleurs de guid(*s à cet égard. Notons encore,
à parlir d(^ la deuxième bande, des inscriptions sur les
scèn(»s mêmes ou en uïari^e : loules sont en un sanscrit for-
lignent mêlé ou leinlé de névari Les scènes qui se dérou-
lent sonl peinles de couleurs vives et bien conservées, sauf
sur la lisière gauche de la loile » (^Foucher).
NOTE SUR LES DEUX PLANCHES DU PREMIER VOLUME 159
M. Foucher a donné une liste sommaire des scènes repré-
sentées ; ses numéros, comme on pourra s'en rendre
compte, ne concordent pas avec les miens. Il a suivi fidè-
lement Toriginal dans son désordre ; j'ai cru préférable de
rétablir une suite continue. Pour la description des scènes,
j'avais à ma disposition, oulre les notices tracées sous les
bandes, deux rédactions développées composées par des
pandits h la demande de Hodgson; l'une, écrite dans un
sanscrit invraisemblable, étranger aux règles les plus élé-
mentaires de la grammaire ; l'autre, en bindoustani, presque
identique aux notices du tableau. L'une et l'autre sont très
voisines, sans se copier toutefois. La rédaction bindou-
stanie est divisée rigoureusement en [)ortions correspon-
dant aux trancbes numérotées de la peinture; le sanscrit
n'indique les divisions que par accident; mais comme le
récit s'y trouve en général plus développé, je l'ai pris pour
base, en le complétant ou en l'éclaircissant à l'occasion
par riiindoustani.
l^a peinture, comme l'indiquent formellement les deux
notices jointes, est une illustration continue du Svayam-
bbùpuràna, ou plus exactement du SvAyambbuva purûna,
comme l'indique expressément le titre. M. Foucher avait
bien compris que celte peinture pouvait jeter quelque lu-
mière sur la question des diverses recensions du Puràna.
Le ])eintre a, (^n elfel, fondé son illustration sar la recen-
sion sanscrite encore inédile et dont j'ai signalé la valeur
(1, 208 et 212, noies), il a, p. ex., développé avec com-
plaisance les aventures de Kotikarna (n"* 75-80) que le
Svàyambhuva raconte à ])ropos du Cintâmani tirtha, et
qui manquent complètement au Vrhat-Svayambhû-p.
de la Bihliodiera Indka. L'œuvre est incontestablement
récente et a sans doute été exécutée pour Hodgson pen-
dant son séjour au Népal ; mais il est probable qu'elle
reproduit un modèle connu et sensiblement plus ancien;
-Ma, 1 I. L
:îî:î
■ "I
t..
. I
. ■ â.
• \ r - ( . .
tl' lu-
: tâtour
: II. a
NOTE SUR LKS DF.UX PLANCHES DU PREMIER VOLUME 161
sqq.) l'imporlancc religieuse de la Malsyencira nâlha yâlrâ.
La notice explicative dont je donne la traduction est écrite
en sanscrit barbare.
La LégKxNDe SACRÉE DU Népal.
(Notice explicative traduite du sanscrit^
\ . (Image de Ganeca). Le Puissant qui a publié dans les
trois mondes la bonne Loi, le grand Bouddha, masse
de splendeur, je l'adore et je prends en lui mon
refuge.
Ayant adoré le Seigneur des trois mondes, le prin-
cipe des principes, réceplacle des Buddhas, je vais
énoncer l'abrégé du Svayambhuvapurana. Ecoute/avec
respect. Qui écoute avec foi ce récit de Torigine de
Svayambhù, il aura les trois corps purifiés et il de-
viendra certainement un Bodhisattva.
2. Voici comment il arriva jadis : un sage, un fils du
Sugata, nommé Jaya(;rî, demeurait dans le couvent
(lu lîodlii-manda (à Gayà) avec une troupe de moines.
In Bodhisattva du nom de Jiuaçrî, un roi, y vint par
esprit (l(î dévotion [)rendre refuge et sollicita l'aide de
Jayaçiî. Porlanl une tunique, les mains jointes, il alla
le trouver, se mit à genoux sur le sol et les yeux atta-
chés sur lui, il lui dit : Vénérable ! Je désire entendre
riiistoire de l'origine de Svayambhiï ; que Ta Sainteté
veuille bien m'inslruire. Alors le fils du Sugata, Jayaçrî,
sollicité (*n ces termes, salua ce grand prince et lui
enseigna ceci :
3. Dans le Kukkuiàrâma, assis, Upagupta en qui s'incar-
nait en partie le Bouddha, saluant le roi Açoka, l'ins-
truisit ainsi. Bralima, Çakra et tous les dieux répandus
m. — Il
162 LI-: NÉPAL
aux dix points de Tespace, venus des dix-huit lakhs
de mondes, à Ions il leur enseigna la Loi excellenle el
il leur apprit Torigine de Svayambhù.
4. Bhagaval résidait dans le parc de J(»taavec une Iroupc
de moines ; adorant rc^lui cpii est un bloc de splendeur,
Ananda lui adressa ces |)aroles : liliagavat ! je désire
entendre la sainteté du Népal ! Bhagaval dit : Ananda!
j'ai déjà sauvé les gens de Pàtalîputra et autres villes;
aujourd'hui je vais sauver les gens du Né|)al, el visiter
Svayambhù ; nous irons tous au Népal !
o. l^e lion des Çakyas, le saint, se dirigea vers le
Népal; Ananda et les autres bhiksus montés sur leur
monture: lion, etc., y arrivèrent. Quant à Hhagavat,
il s'y rendit à pied. Alors le NAga (jesa vint le trouver
et lui adn^ssa celle prière : Hliagavat, ô toi qui brilles
d<» ton éclat propre, viens sur mon dos ! Vive le
Bouddha! .Moi aussi, je vais là-bas. Il rinslalla donc
sur son dos et se mit en loute.
0. Arrivés au mont Sàhmcngu, un singe nommé Dliar*
niAKara oilVit en nrést^nt à (lakvasimha et aux bhiksus
un l'ruit de panasa.
7. Alors r.Akvasindia, le saint, iiarvenu au railva de
PucchAgra, souhaita un nharmAsana (siège pour la
Loi) ; alors Viçvakarmau en apporta un et le lui offrit.
Ithagaval s'installa sur le hharmAsana. Alors Ithaga val
brilla UKMvcilleusement : il était de couleur rouge; sur
sa face unique, ses yeux élai(»nt comme «les feuilles
d<^ lotus; sa chcv(*lm*c, bouclée» sur la droite, élaîl
sr)ud)re; sur sa bosse crAnitMme {iismsa) resplendis-
sait une loull'e d'or; les doigts de ses deux mains
intiMprélaient les sigih\> mystiques {inudra)\ il élail
>élu d'uni» luni(iue jauuAtn^ (hamyà); les trente-deux
signes i'\ les ipiatre-viugts marques brillaient sur lui;
les lavons émanés d(»s poils de son corps ré|Hmdaienl
NOTE SUR LES DEUX PLANCHES DU PREMIER VOLUME 163
la lumière. Les dieux, Indra, Bralima, elc, et les
moines, Ananda, etc., et tous les gens du Népal
accoururent au caitva de Pucchàûrra et v formèrent
m) O W
une assemblée. Kt il leur enseigna le Svayambbrt-
Purâna et la sainteté du Népal.
8. Dans le Népal est un étang, long et large de quatre
kos ; c'est la résidence du Nàga Karkolaka ; on l'ap-
pelle Dbanàdaba.
9. Alors, sur le mont Jàla mâtrocca, un Bouddha du nom
de Vipa(;vi parut; l'éclat qu'il répandait de l'espace
illuminait; il jeta dans cet étang une graine de lotus
mystiquement consacrée. « Plus tard, déclara-t-il,
dans les temps à venir, Svayambbù naîtra spontané-
ment en cet étang; h cette époque-là, la montagne
s'appellera Jàta màlrocca.
10. Et ensuite le saint du nom de Cikhin, entouré de
moines, médita sur le mont appelé Dlixana mâtrocca ;
il rendit les honneurs réguliers h Svayambhû, le visita,
pénétra dans l'eau peu profonde, toucha la tige du
lotus et s'évanouit dans ses rayons.
11. Et ensuite le saint du nom de Viçvabhû séjourna sur
le mont Phullocca et répandit sur Svayambhû cpii était
tout lumière cent mille pots d'herbe dûrvA, le visita,
en fit le tour par la droite.
12. La déesse Vasundhani qui réside sur le mont Phul-
locca lit couler, par sa puissance, la rivière I^*abhàvatî
et la rivière Godûvari et la Godûvarî dhàrà.
13. Le Bodhisaltva Manju(;rî demeurait en Mahàcina, sur
le mentaux Cinq-Sommets (Pancaçirsa) ; il a un visage
unique, la couleur du safran et quatre bras qui por-
tent le glaive, la flèche, le livre, l'arc. Plongé dans la
contemplation qui porte le nom de Revue-du-monde
{Loka-samdarçana) , il s'aperçut de la naissance de
Svayambhû. Je vais aller voir Svayambhû, se dit-il ; en
IGi LK NÉPAL
roin|)ajinic do Varadà ol Moksadà, ses divines l'pouses,
il se dirigea sur le Nr^pal.
14. II alleifi^nit le l)ord dr rtManp;; puis, de inoiilap:ne h
inoiilaj<iie, de bord à bord, il fil trois fois le tour par
la droile, visita Svavainbliù.
15. Alors, installé sur la droite de Tétang, sur le nionl
Kàpotala, il fendit la nionlagne avee son glaive Candra-
liàsa, el ouviit passage à IV»au. Partout où sYlevail un
obstnrli», il le Iranrlia; A Teau libre de couler joignil
le (lange», joignit la nier el la sanriifia.
10. Alors Karkolaka avec son entourage s'écria: Je no
peux [)ourlanl |)as parlir avec Teau ! el bien vile, bien
vib', il alla trouver Manjuçrî tout rn retenant les Nft-
gas, (»l il lui (il tout savoir. Les iNàgas criaienl : Oue
lair(*?sans (»au, le NAga prrd tout! si nous n'avons
plus de denïeun», roinnuMd i'csIcm*?
17-IS. Alois Manjuçrî lit voii' la lig(» de» lotus de Svayam-
Uhù qui venait de (iuliyeçvarî. Puis il prit toutes les
ricbi»sses ([ui se h'ouvaient dans Peau sur le mont
Salnn^angu, 1rs jeta dans Télang de IHianàbrada, et
il v inslnlla KarkolnUa en lui donnaid trois ])oignées
d eau. he là d<il<' le nom fanirux de IHianàdalia. Ces!
au mois de innrgarirsa. (piin/aine claire, nenviènit;
lillii (lue la d<'M>sse tiulivecvarl l\ba&:i\nan<\ se mani-
lesta.
I!). Klle n la couleur du safran, ni^uf visages, trois yeux
pHi' face, dix-liuil bras: ses deux prenii(4's liras licn-
nenl le bindii i^t le pàlra: les seconds, le tambour cl
la massu<»; les lioisièmes, l'épée (d le bouclier; les
(|uali'ièmes, la IK'clie el le can[Uois: les ciiiqniènios.
le di-cpie el la masse; les sixièmes, le croc...; les
septièmes, la fnudie el le ineud ; les huilièmcs, le Iri-
deiil el le |»ilo!i : les neinièiiies l'on l le geste de faveur
el (le sérmilé. Mlle porte un diadème resplendissant
NOTE SUR LES DEUX PLANCHES DU PREMIER VOLUME 165
(le toutes sortes (le pierreries et fait d'or; elle a aux
oreilles des pendants de pierreries. Sa tunique est bigar-
rée ; son collier est fait de crânes ; son corps brille de
flamme ; elle est sur le dos d'un lion ; dans la posture
dite pratyâlhlha,
20. Alors Manjuçrî fonda la ville de Manjupatlana, et il
sacra roi de celte ville un roi du nom de Dliarmâkara,
en lui disant : (larde les sujets el ton royaume selon
la loi.
21. Le roi Dliarmâkara adora Svayambhil ({ui se mani-
feste dans la flamme, et Guhyeçvarî qui se manifeste
dans Teau.
22. Manjuçrî, après avoir fait entendre l'avenir à Dliarmâ-
kara et aux moines el aux disciples, disparut à la
porte orientale de Svayambhiï. Les moines élevèrent
là un cailya dédié à Manjuçri; c'est ce qu'on appefle
le iManjuçrî cailya.
23. Et ensuite, dans la ville de Ksamàvalî, dans le couvent
de Ksamàkara, le saint Krakutsanda était dans une
salle, où il enseifi:nait la bonne Loi au roi de Silkela,
Dharmapâla, au brahmane Gunadhvaja, au ksatriya
Abliayamdada el à d'autres. Or le saint, le maître,
Krakucclianda voulait, pour le bien du monde, pro-
paf^er la boune Loi à travers les pays. Accompagné
de troupes de moines, répandant partout la bénédic-
tion et laclarté, le maître allait partout enseignant la
Loi. Que tous ceux, disait-il, qui, dans le cycle des
transmigrations, aspirent à la béatitude, quittent le
le monde el suivent la règle de Boudha! Ainsi ins-
truits par le prince des sages, ô prince des hommes !
les auditeurs, nobles créatures, désirèrent entrer en
religion. RI alors Gunadhvaja et d'autres brahmanes,
au nombre de quatre cents, et Abhayamdada et d'au-
tres Ksatriyas au nombre de trois cents, et d'autres
166 LE NÉPAL
nobles créatures, Vaiçyas et Çùdras, l'esprit rasséréné
par la foi, désirèrent entrer en religion. Si vous vou-
lez, leur dit-il, entrer en religion dans la Loi des Su-
gatas, pratique/ les rites de l'entrée en religion selon
les Sugatas. Sur ces paroles, il leur toucha la lêle
avec sa main et il les introduisit solennellement dans
la Loi des Saugatas. Alors, laissant tomber leurs che-
veux, vêtus de haillons rougeâtres, portant le bâton el
la sébile, ils devinrent tous moines.
24. Pour leur donner Fonction, le Bouddha Krakucchanda
monta sur le mont Çankha, et de sa parole naquit une
eau toute pure (la Vàgvati).
25. La moitié de leur chevelure rasée resta sur la roche;
l'autre moitié, jetée, donna naissance à la rivière
Keçàvatî. 11 se servit de cette eau pour leur donner
l'onction.
26. Dans la ville de Sàketa, il y avait le roi Brahmadatla ;
son minisire s'appelait Subâhu; Tépouse royale, Kân-
timatî; le chapelain, Brahmaratha.
27. Or la reine Kûntimatî sortit de sa maison pour aller
dans la forêt. Comme Kàntimati était devenue enceinte,
on donna cont-vingt mesures d'or en aumônes. Kânti-
malî restait dans sa maison, avec son amie qui la
soignait.
28. Brahmadalla obtint miraculeusement, de l'eau qui
avait lavé le [)rinco Manicûda et sa pierrerie {mani)^
une (|uantité d'or qu'il distribua aux pauvres. Des
(landhiu'vas apportèrent au prince Manicùda une guir-
lande (\i) Heurs merveilleuses. Manicrtda apprit à lire
el à écrire.
29. Manicnda avait ro(;u du roi Brahmadatta un éléphant
nommé Bliadragiri et un cheval nommé Ajaneya qui
assnrîniMil tous les succès ; il n'hésita pas cepen-
dant à les donner.
NOTE SUR LES DEUX PLANCHES DU PREMIER VOLUME 167
30. Un rsi du nom de Bbavabhâti demeurait dans THimâ-
laya ; il y Irouva sur un lotus une fillette qui venait d'y
naître et qu'il appela Padmftvatî. Le rsi Bhavabhûti,
pour amener un mariage, parlait à Padmâvatl des
mérites de Manicûda : Il est énergique, vertueux, sa-
vant, riche. Épouse-le. — Soit, répondit-elle.
31-34. Alors le rsi s'en va seul trouver Manicûda et lui
expose sa demande : Tu aimes à donner, tu es puis-
sant. Eh bien ! je te demande quelque chose, donne-le
moi. Et alors il lui parle de Padmftvatî. Alors il fait
amener Padmâvatî par le rsi Vàlhîka, et, dans la ville
de Sàketa, elle est remise par lui entre les mains de
la reine-mère Kftntimati. Et celle-ci, à son tour, la
remet a son fils Manicûda.
35. Le mariage est célébré selon les rites.
36. Ensuite, montés sur un char que traîne un cheval,
Manicûda, Padmâvatî, Rayanavatî, le rsi Vâhlîka par-
tent pour la ville de Sâketa. La ville entière est en fête.
37-38. Alors le roi Brahmadatta, entouré de son chapelain
et de ses ministres, fait sacrer roi son fils Manicûda.
Hientol Padmâvatî devient enceinte; le terme venu,
elle met au monde un fils, le prince Padmottara. Ses
amies la soignent. Puis les deux époux royaux, Brah-
madalla et Kilnlimatî, se retirent comme ermites dans
une forêt.
39. Manicûda devenu roi fait observer les saintes pratiques
de TAstamt dans sa capitale et tout son royaume ; il fait
élever une salle de charité et distribue des aumônes,
il gouverne selon la justice. En compagnie de Padmft-
valî et de Bayanavalî, il honore les Pratyekabuddhas
et la communauté des moines. A ce moment-là, les
quatre dieux, inspecteurs du monde, passent dans Tair
au-dessus du palais et se sentent empêchés d'aller plus
loin.
168 LK NÉPAL
40-41. Tous les quatre : lîiahma, Hudra, Visnn, Yama,
vout en faire lapport à Çakra. Çakra leur dit : C'est
la force de son acélisme qui vous empêche de
passer plus loin. Dans ce lenïps-là, le roi .ManicAda
appelle son chapelain llrahmaralha el lui dit de pré-
parer le sarrifi(M.' Nirarj^ada. Çakra se transforme en
IJàksasa el sori de l'aulel sous cet aspect; il dévore la
chair el le san^ de Manicùda ; puis, le sacrifice une
fois ache\Y^, il guérit ses blessures.
42. Alors le roi Manicrtda cède au rsi IthavabhiMi le fruit
• • • •
méritoire du sacrifice qu'il a offert.
43-44. In jour le roi Duhprasaha envoie un messager à
iManicùda pour lui réclamer rélé[)hant Uhadragiri . —
Ktsi je ne le donne pas? — Si lu ne le donnes pas^, nous
ferons la guerre. Allons! qu'on s'équipe! Kt Farniée
de Duhprasaha investit la ville de Sàkela.
45-40. Le rsi Vrdhîka vient demander h .Manicrtda de lui
faire don du princ(î Padmollaia et de la reine PadmA-
valî [)nur payer ses honoraii'es à son malin* le rsi Mû-
rira. Manicùda lui accorde loul ce qu'il demande.
Plus taj'd Manicùda s(» lendil à l'ermitage de Màrica,
solli(*ila el ohlint la restitution du prince et de la reine
([u'il ramena dans son palais, et il lit sacrer Padmot-
tara.
47. Padmoltara une fois sacré roi, le roi Duhprasaha lui
livra une grande bataille, où périrent beaucoup des
soldats de Duhprasaha.
48. nu(d(pie lenqjs après, Manicùdaeul un entretien avec
le rsi (lautama. 0 roi, dit le rsi, pourquoi demouros-lu
dans la forél ici ? — (l'est «pie je cherche à obtenir
labodhi! Le rsi (lautama dit : (lomment arriver à la
|{o<lhi ? Où prendre un bain? A qui rendre un culte?
49-o(). Manicùda émit alors h»s neuf Mff qui sonl : 1* le
moni Manicùda ; 2" l'étang Manitadàga ; 3* le Manicai-
NOTE SUR LES DEUX PLANCHES DU PREMIER VOLUME 1 69
tya; 4MaManiyoginî; 5^ le Maninàga; ô^laMaijidhârâ;
7** le Mahâliàla ; 8^ le Manilinga ; la Manirohinî.
51-52. Une fois Indra, métamorphosé en brahmane, vint
demander à Manicûda la pierrerie de soncrdne. Mani-
cùda lui répondit : h]nlève-la toi-même; et il s'inclina
pour laisser prendre la pierrerie. 11 faut la laver, dit-il,
pour la prendre ; ainsi son éclat prit la forme du Çrî-
vatsa et pénétra dans le linga nommée iVIanilingeçvara.
Aussitôt la pierrerie enlevée, elle reparut. Indra et les
dieux, et Fîhavabhûti et Gautama les rsis, sont au com-
ble de la surprise. De la blessure le sang qui s'échappe
forme une rivière.
53. Tout le monde s'en retourne k Sàkela.
54. Padmollara est sacré roi; Manicrtda se retire avec
Padmâvalî dans la forêt ; tous deux se livrent à l'ascé-
tisme. Par la puissance de leurs austérités, Manicûda
et Padmâvalî demeurent dans le monde Dharma-
meghc\.
55. Un jour le roi du Panciila, Vrsakarna, a une discus-
sion avec son (ils Gokarna; il le chasse du palais. Go-
karna va s'établir en ascète au bord de la Vagmatî.
5G. Une fois Gokarna s'en va à la localité de Gokarna
faire des offrandes funéraires ; par là il lire de l'enfer
le roi Vrsakarna. ... Le prince Gokarna, très
affligé, voit dans un nuage PadmapAni Lokeçvara rési-
dant à Sukhàvalî qui causait avec Gaganaganja et qui
lui disait : Hé! Gaganaganja Bodhisattva ! va-t-en en
Pancàla, prends-y (iokarna le prince, et reviens. . . .
A cet ordre d'Arya Avalokileçvara, le Bodhisattva
Gaganaganja monte sur un lion,vaprendreGokarnale
prince en Pancàla, et retourne à Sukhàvalî. C'est le
fameux linga de Gokarna. Or, une fois, quand Vrsa-
karna était parti dans l'autre monde, son chapelain,
ses ministres, son peuple tinrent conseil, et ils sacré-
170 LK NÉPAL
rent roi dokarnu. El (lokarna gouverna selon la justice
le pays de Fancàla.
57. Dans la suite des temps, un NAgarâja du nom de Ku-
lika irrité jura de remplir d'eau tout le Népal; alors,
h partir de la rivière Kauriki, tous les Nàgas sorlireiit
du Na^aloka, arrivèrent au Népal et Tinondèrenl. Les
créatures se mirent à pousser des gémissements. Arya
Avalokiteevara cpii réside» à Sukliàvatî envoya Saman-
tahhadra, qui enfonra dans le corps de Kulika le fa-
meux lifiga de Kilervara; c'est le mont Càrugiri.
.ïS. (In AcArya de Maujupura, nommé Sarvapàda, possé-
dait les six magies; l'orgueil l'incita à la colère, el il
baltit s(»s serviteurs; ensuite*, etlrayé de lui-même,
altiMul de folie, il se mit h errer en prenant avec lui un
|)ot d«î terre; arrivé au bord de la VAgmati, il y installa
son pot, commença des o|)érations magiques. Avalo-
kileçvara envoya alors le Hodliisattva VajrapAni. C'est
là Torigiui» du lûnnbheçvara. Érection du caitya.
oO-OO. Vu saue du pays de PAncAla, Buddhipàda, avait un
iils, Manjugai'la, (pii était complètement idiot. Bnddhi-
pAda, se reconnaissant incapable de l'instruire, l'en-
voya au Né|)al adorer Mafiju<;rl. Arrivé au mont du
Sud, il y rencontra uiH» jolie fille qui gardait une plan-
tation de cannes à sucn\ et s'amusa avec elle. Il sem-
blait h jamais perdu; mais le dieu Manju<;ri pris de
pitié ciccomul vers Manjugarta; il lui toucha la tête
Hvec sa main en lui disant : Deviens sage! Et par
Ti^Het d<* Ci»! te bénédiction Manjugarta devint poète,
rt sr mil à cbauter un liymne devant Manjuçrl. De là
le fameux linga de Mîinjugaileçvara.
01. i II maiire dOdiNioia, iiistnllé sur le mont (iaganâ-
ksepîï. sollicite les faveurs de la Vache d'abondance;
il fîiit im sacrilice où il lui otïre du poisson et de la
viande. La Vache lui donne son lait merveilleux; il
NOTE SUR LES DEUX PLANCHES DU PREMIER VOLUME 171
s'en sert pour faire une oblation. Alors la yoginî Gaga-
nâksepà lui accorde une faveur. C'est Torigine du fa-
meux liûga Phanikeçvara. Le Bodhisaltva Sarvaniva-
ranaviskambin sous forme do poisson.
62. Le même maîlre d'Odiyâna, pour constater le pouvoir
des huit forces magiques, s'installe au bord de la Vàg-
malî, assis sur une peau d'éléphant et commence ses
enchantements. Ganeça, qui était venu s'amuser dans
les eaux delà Vàgmalî, s'irrite de voir un magicien
assis sur une peau d'élépliant ; il appelle h son aide les
Pùlanas et les KaiapiTitanas, et lui jette le mauvais
sort. Alors le maître d'Odiyàna appelle à son secours
Sadaksari; celle-ci amène les l)a(;akrodlias, et Ganeça
se laisse adoucir. Alors le Lokeçvara, Ananda, etc.,
fondent sur le mont Kaccha[)a le fameux linga de Gan-
dhocvara.
O;?. Après cela, un antre jour, le maître d'Odiyâna, élant
passé du bord de la Vàgmatî dans le voisinage de
Svayambhû, y sonue de la conque ; il pose sa conque
au lieu dit Vikramasthala, etenlio dans une médita-
tion magiciue. Alors Arya Avalokiteçvara qui réside à
Sukhàvatï, appelle le Hodhisattva Khagarbha, et lui
dit : Ohé! Hodhisattva Khagarbha! va-t-en au lieu dit
Vikramaslhala! Tu y verras le maître d'Odiyâna en
extase magique ; veille sur lui en inslallant un em-
blème en forme de conque. Installe le linga qui sera
fameux connue le Vikrameçvara. A cet ordre, Kha-
garbha Hodhisattva monte sur un lion et s'en va au
^ ikramasthala. Au même» moment (iaruda se trouve
pris dausics nœuds d'un nAga; il appelle aussitôt par
la pensée Visiui qui accourt et le délivre des nœuds
du nàga. (l'était le moment où le Hodhisattva Khagar-
bha venait d'arriver. Ah! dit Visnu, quelle chance!
que je suis heureux de te voir! Et il lui rend hom-
172 LE NÉPAL
mage, ol tourne respeclueuseineiil h sa droite. C'est
toi qui m'enseignes la Bonne Loi ! monte sur mon
épaule, r/est là l'origine du fameux Harihariharivâ-
hana.
04. l^irame(;vara et PArvall s'entretiennent au confluent
de la Vàgmatî et de la Manimati ; ils y pratiquent la p^»ni-
tence ; par la force de sa pénitence, (luhyeçvarl satis-
faite leur accorde une faveur du haut du ciel.
0;J-t)f). Un IxNiu jour, un berger parti h la recliercho d'ime
vache, allait (h> monlagne en montagne. Il voit un
arhre fintini, (»l V(Mit grimper sur Tarhre pour manger
un fruit; mais il tombe sur le sol. \]n singe nommé
Kapiràja voit sa chute, accourt, et le prend sur ses
épaules. Le berger (mi retour tui* le singe d'un cou|i
d(î pierre; en punition de sa faute, il attrape la lèpre;
il n'est plus (pie pus, sang caillé, puanteur. Sa femme.
ses parents le chassent de la maison, il erre on vaga-
bond. Le roi du IVincrda, Visakarna, le rencontre; il
lui fournit une monture, de l'argent, et Tengage h
s'en aller faire pénilence au confluent de la VAgnialtct
de la .Manimati. Le berger y reste douze ans; ensuite
il meurt, el va trmt droit au paradis.
07. I)ans la ville di' Handhumati demeurait le riche mar-
chand Varna; sa fcMume, Varnalaksml devint enceinte
et mit au monde un eidant. Le marchand Varna par-
lit au pays d(»s joyaux avec cinq cents marchands.
08. Varnalaksml, restée h la maison, remit h son enfant
uno écuelle d«î bois et l'envoya demander à manger :
les gtîus lui cassèrent son écuelle el le renvoyèrent
aver desinsidtes, tant il était laid. Le pauvre disgracié
s(» nnt à ïix'w'i' pénitence au lîrtha, et parla force de sa
pénitence, le voilà (|ui devient admirablement beau.
Son père, (pii l'avait cherché partout sans le rencon-
trer, le trouve au tlrtha el le ramène en ville. Juste-
NOTE SUR LES DEUX PLANCHES DU PREMIER VOLUME 173
menl dans le pays, il n'y avait pas de roi, et les minis-
tres avaient convoqué le peuple pour délibérer.
69-71. A ce moment même, le beau jeune homme arrive;
on rinslalle sur le dos d'un éléphant et on décide de
le sacrer roi. A Theure favorable indiquée par les as-
trologues, il reçoit Tonclion royale. II règne sous le
nom de Mahâ Sundara, pratique la justice, et vit heu-
reux.
li. In roi passe ses journées à tuer sans raison les pau-
vres gazelles. IMus tard, dans une autre existence, il
estga/elle, et sous cette forme il est tué au tîrtha par
un chasseur.
7;{. Puis encore, dans une autre existence, la ga/elle est un
liirre, le chasseur un sanglier; tous les deux se ren-
(M:uitrentau Maiioratha tîrtha; le tigre reçoit un coup
de boutoir du sanglier, il en meurt; le sanglier meurt
aussi. Tous les deux, pour être morts au tîrtha, vont
tout droit au ciel.
74. Kl ensuite, dans le pays de Pancàla, il y avait un savant
du nom de Vajrapàda; il connaissait à fond Tastro-
iogir', la médecine, la (lialecti([ue, (»t toutes les sciences
en général. VA pourtant il n'arrivait pas à se faire une
réputation. II se demandait comment faire |)Our y
arriver. Il s'en alla au confluent de la Keçâvatî et de
la lUiadranadl, où est le Nirmala tîrtha; il y prit un
bain, apporta journellement des feuilles d'açvattha,
prati^iua la pénitence dans le cimetière. Une VidyA-
(lliari le prit eii faveur, vint le visiter tous les jours,
et il airiva à la gloire.
7.'). Dans le village de V àsavagnïma, il y avait un gros per-
sonnage appelé Sena, qui était riche comme Kuvera.
PomianI, par l'eflel de ses fautes, il cultivait la terre.
Il avait un (ils nommé Kolikarna qui lui disait tous les
jours : ne laboure pas la terre! .Mais il n'eu avait
174 LK NÉPAL
ciii'O, el coiilinuail h travailler la terre. Le père dît
au joiiiie homme : Mets-toi donc au commerce el lâche
de gagner des mille et dos cent. Kt il envoya son fils
trafiquer. Kolikarna le marchand alla trouver sa mère
el lui dit : Ma more, je m'en vais trafiquer. Heponds-
moi. Kilo ne répondit pas. 11 lui adressa alors des pa-
roles violentes.
70. 11 se mit on route avec une voiture el un âne. Ses
compagnons partironi avec lui. Mais au relour, en
punition d'avoir insulte sa mère, il perdit sa caravane
et resta seul.
77. Il arriva à une \'\\lr do for et demanda trois fois de
Foau aux gardiens do la porte ; mais on ne lui en donna
pas. Furieux, il entra dans la ville et rencontra cinq
cents Prelas cpii lui demandèrent de Teau-ll se sauva.
78. Kt il arriva dans une seconde ville de fer, et il de-
manda deux lois (»t cinc} fois do Teau ; mais les gardes
dos portes noro<*outorontnH>nie pas. Furieux, il entra
dans la ville, et rencontra quinze Prêtas qui lui dirent:
l)epuis douze ans nous n'avons même pas entendu le
nomd(»roau! Nous brrtlons de soif! Donne-nous de
Toau ! Kt il s(i sauva. Kt ensuilo, le soir venu, quatre
Apsaras, monlotîs sur un char céleste, carrivèrent. Le
gardo do la |)orh^ s'amusa avec elles toute la nuit, puis
au lovor du soloil elles (iront descendre duchar quatre
chions, elle lourdonnoroni à manger. Kotikarijia resta
immohihî h regarder.
70. HoAonn do l'autre monde, Kolikarna le marchand ar-
ri\a tout près do Vâsavagràma. Il vit un temple, el
tourna rrs|»ocluousomont à sa droite. Il vit quelque
rhoso d'écrit ; il roganla : Kt c'était son nom ! Il se pril
à réilérhir ot s(^ dit : Je vais entrer en religion. El il
alla trouver lo hhiksu KàlvAvana.
80. Sur l'ordn' du hhiksu KAtyAyana, il rentra dans sa
NOTE SUU LES DEllX PLANCHES DU PREMIER VOLUME 175
ville natale, publia ce qu'il avait vu dans Taulre monde,
se baigna au Cinlùmani lîrlha, fil les offrandes funé-
raires, entendit la voix de son père et de sa mère,
pratiqua la pénitence au Cintàmani tîrtha, devint bhiksu
et obtint la délivrance. Le Cintàmani tîrtha est au con-
tinent de la Vâgmatî et de la Keçàvatî.
81. Le Dailya Dânâsura ayant pillé trésors et joyaux du
monde des Nàgas les emporta au courant d'une rivière.
C'est l'origine de la rivière Uatnàvatî. Son confluent
avec la V'àgmatî forme le Pramoda lîrtha.
Eiisînte vient la bande inférieure, sans divisions marquées :)
Le lîrtha Sulaksana, au confluent de la Cûrumatî et de
la Vîlgmatî. Un homme qui n'a pas les bonnes marques les
oblionl, s'il y fait pénitence.
Une tille de Dailya, par l'effet de la colère d'un Dailya et
par désir d'avoir un fils, pratiqua la pénitence au bord de
la Vàgmalî. La déesse VasundharA, satisfaite, se manifesta
devant elle. C'est l'origine de la Frabhûvali. Son confluent
avec la VàgmatI est le Jaya lîrtha.
Par la vertu du Jaya lîrlha, le Dailya Hala obtint l'empire
des trois mondes; il obtint Téléphanl Airî\vala pour mon-
ture.
l'uis vienn(*nl des noms de lîrlhas :
Anàlinga thiha — Manicilà — (iodàvarî — Nadîkostha
— .Mc\tt\ — Matsyamukha — Nuli — Navaliiïga — Agaslya
— KAg(»(;vara — TecApa — V'Agîgvara — Tara — Arya-
tArA — KAlî — Ananta — AnantanAga — Sahasra sundari
— Agastya — Kapolala.
Sur le mont KApotala, le Compatissant (KarunAmaya) et
deux NAgas.
Viennent ensuite les huit ÇmaçAnas du Népal avec l(»urs
divinités :
1. AsitAnga lihairava, BrahmAyanî, KacchapapAda. Le
CandoiiracmacAiia.
DEUX PLANCHES DU PREMIER VOLUME 177
r\\() ici? et pourquoi? Mafiju(;rî répond:
TtIo, c'est Dharmaçrî milradu monastère de
i|;i ; il a pu interpréter la Nàma Samf^iti; mais
■'- I*' ennimentaire des Douze syllabes. Varadâ
îiiiiicnt peut-on connaître le commentaire des
? Ilccite-le moi. Mariju(;rîleluirécile. Dhar-
>'iitend tout, prosterné devant la porte. Le
!à et Moksadà viennent pour ouvrir la porte ;
hharmaçrî mitra, elles sont prises de peur et
lois Manjuçrî arrive : Lèv(^-toi,lui dit-il. Il le
il main, le relève, lui donne l'onction du Vajra,
ifiue le commentaire des Douze syllabes. Dhar-
ira se prosterne aux pieds de son maître. Je ne
. lui dit-il, o mon maîlre, te payer les honoraires
• blés. Aie pilié de moi! viens me voir. Là-dessus
icrî mitra retourne à Vikramagîla, y instruit les
. A ce moment Manjuçrî se présente sous les traits
«land vieillard tenant un lotus; il enlre dans le mo-
n». Dharmaçrî mitra le voit, mais feint de ne pas le
La leçon finie, les auditeurs sortent. Dharmaçrî mitra
iépêche d'aller saluer son maître, mais celui-ci se retire
is le regarder. 0 mon maître, pardonne-moi ma faute!
crie-t-il, et il tombe à ses pieds. Par l'effet de sa faute,
•s yeux tombent. F^e guru lui dit alors : A partir d'aujour-
i hui, ton nom sera Jnânaçil milra, et tu verras comme si
lu avais des yeux. Puis il disparaît.
Ensuite c'est ràcclrya ÇAntaçrl. L'àcArya avait recouvert
d'une pierre la sainte manifeslation de la lumière; il avait
élevé par-dessus un «aitya de biiques, dressé un clocheton
d'or, un bourrelet d'or, un parasol d'or. Il fait ensuite l'en-
chantement des iNAgas pour faire tomber la pluie en saison.
Tous les Nàgas arrivent, sauf Karkotaka. Alors Çàntaçrî
l'âcârya appelle (Junakùma deva et lui dit : Va au DhanA-
hrada, appelle Karkotaka et reviens! Et il remet à Guna-
lll. — 12
NOTE SUR LES DEUX PLANCHES DU PREMIER VOLUME i 70
La Procession de Matsyendra Natha.
(Notice explicative traduite du sanscrit.)
D'abord [en partant de la gauche] le caityade Svayam-
bhû, portant en avant l'image d'Aksobhya, et à sa droite
celle de Vairocana. Par-dessus, le clocheton plaqué d'or;
au-dessus encore, le parasol d'or. A droite et à gauche,
deux temples des dieux.
Au-dessous, un temple de dieu, construit en briques et
crépi.
A la gauche une maison toute décorée, avec trois fenêtres
et des arceaux ; h chacune des fenêtres une personne qui
tient des offrandes religieuses pour les présenter.
A gauche, un temple de dieu à trois étages, chacun cou-
vert de plaques d'or ; à chaque toit une guirlande^l e sonnettes
qui sonnent au vent; en haut un clocheton doré. En bas,
le temple porte sur trois terrasses, et la porte est peinte en
couleurs vives.
A gauche, une grosso maison à trois étages; en bas, sur
la terrasse, un homme et trois femmes ; une porte un en-
faul; un joime garçon est grimpé sur le mur pour regarder;
au second étage, à une fenêtre peinte, un homme joint les
mains en adoration ; à droite et à gauche, des femmes dans
la même attitude; au troisième étage, un homme, les
mains jointes, regarde la procession d'AryaAvalokileçvara.
Puis une grande maison h trois étages; à chaque étage
une fenêtre en bois ouvragé et peint, avec un personnage
qui regarde; ; tous ont les mains jointes ; des personnages
regardent aussi par-dessus le mur de clôture.
Procession d'Arya Avalokiteçvara appelée Bug-yftt. A
180 LK NÉPAL
droite clàj?auche de la divinil('», deux vieillards debout.
En dehors de la chapelle, le n»i>résenlanl du roi, son perle-
émoiichoir; au-dessous, doux gardes du corps; en avant,
deux upAdhyAyas ; à droite el à gauche, deux taillouri^ de
hois (BArnhl). Deux à trois cents personnes tirent sur les
cordes jmur anieni^r \o chîir. Kn avant du char, des ban-
nièn\s, des lami)es, des torches, des encensoirs, une cloche,
des musiciens qui jouent toutes sortes d'instruments, tam-
bours, tand)ourins, timbales, cynd)ales, trompettes. Par-
tout des speclatiMU's, moulés sur des ékiphants. Au fond
des marchands el des marchandes de bétel, d'arec, clc,
(.'ne jolie nuiison, une maison à trois étages, avec dos
fenêtres, des balcons, des piliers décorés.
\n lemple de dé(»sse à h'ois étages, très joli.
Une maison pittoresque, aux fenêtres ouvragées.
l'ne maison h trois étages, i)einte en couleurs, avec des
feur»trcs et d(*s balcons décorés.
V\w dhiinna(;AlA à deux étages, très jolie.
L'u p(Mi partout, dos g<Mis vi^mis des villages d'alentour,
en costume do fête pour voii' la |)rocession h Lalita-paltana,
et (|ui s'(Mi retournent ensuit(».
APPENDICE
I
LE NÉPAL DANS LE VLNAYA DES MILA SARVASTIVADINS
J'ai déjà cilé dans mon second volume, à la page 63, un
passage du Mûla Sarvâslivàda Vinaya Samgraha, de Jina-
milra, où le Xépal est mentionné. J'ai retrouvé depuis,
dans le texte môme du Vinaya, le passage correspondant;
il se rencontre dans la liste des naihmrg'ika (correspondant
aux nissaggif/a pâli). Le seizième — qui correspond au
seizième de la liste pâlie, — a trait au transport délictueux
de la laine. La même règle, au reste, se retrouve dans tous
les Vinayas, à quelque école qu'ils appartiennent ; mais le
Vinaya des Mûla Sarvàstivàdins est le seul qui mentionne
le Népal dans Fincident qui amène le Bouddha à promul-
guer ce çiksàpada. Je ne traduis ici de ce très long récit
que la porlion relative au Népal.
MùlasanmtiviUhwlnaya, chap. 21 (lô*" naihsargika), éd.
deTôkyô, \VI, 8, p. 100'\
(( Le Bouddha résidait à Çnlvastî, dans le Jetavana, le
parc dWnâtliapindika Lesbhiksus, voyant une troupe
d'hommes qui se dirigeait vers le Népal (Ni-po-lo)^ leur
182 LE NÉPAL
deniandiircnl : « Qui eles-vous? » Ils répoudireul: « Nous
nous dirigeons vers le Népal. » Les bhiksus leur dirent :
« Nous désirons suivre \o. même chemin. » Les marchands
dirent: « Vénérables, au Népal, le sol est tout pierreux ;
c'est comme le dos d'un chameau. Vous ne devez pas sans
doute vous réjouir d'y aller. » Les bhiksus répondirent:
(( Nous allons de com|)agnie |)our essayer de ce pays. » —
(( Vénérables, s'il eii est ainsi, vous |)ouve/ venir avec
nous. » Ils firent donc route av(*c les marchands, et îi la
fin ils arrivèrent à ce royaume. Les bhiksus n'y Irouvèrent
pas de plaisir. Dès h» lendemain ils s'en allèrent au marché
rejoindre les marchands cl ils leurdi^numdèrenl : « Quand
est-ce que vous voulez n^lourner dans votre pays ? » Les
marchands répondirent: « Pounpioi donc? Fîst-ce que
vous ne vous plaise/ donc pas ici? » Les bhiksus répondi-
rent: (( Nous sommes d(»s nouveau-venus, et aujourd'hui
nous ne nous senlons pas bien. » Les marchands répondi-
rent: (( Tant que nous n'avons \ms échangé nos marchan-
dises, nous ne pouvons j^as parler de relour. Nous avons
des connaissances qui veulent n^tourner dans le Pays du
Milieu (Madhyadeca). Nous n'avons cpi'à les en prier, et
ils feront roule av(M^ vous. » Les bhiksus dirent : « Parfait!
lionne affaire ! » Au Népal il y a deux espèces de marchan-
dises h bon nuirché ; la laine et Torpimcnt (? /nomif/-
hoanfi). VA alors l(\s ujai'chands ayant acheté de la laine
en grande (pian li lé (mi (*hai'gèrenl leurs chars et s'en allèrent.
Kt la troupe des bhiksus lit roule avec eux... »
l'ne autre srclion du nuMur Vinava, le Carma-vastu,
fournit aussi une menlion du Népal.
Mnlasnrvnsticwlavinof/ii Wll, i, p. 1 1 T col. 9.
(( Ln ce lemps-l;i \i\ (ils de roi .Mal-né (Virûdhaka), par
retlet de s(ui alVoliMnent, massa(*ra la race des Çâkvas de
Kapilavaslu. Kl alors, de la vilbî, les uns se retirèrent vers
rOuest : d'autres se retirèrent dans le Népal. Ceux qui
APPENDICE 1 83
entrèrent au Népal étaient tous des parents de Tàynsmat
Ananda. Et, plus lard, des marchands de Çrâvastî, ayant
pris des marchandises, se dirigèrent vers le Népal. Les
Çâkyas ayant vu les marchands leur demandèrent : a Nous
souffrons maintenant mal de mort ! L'âyusmat Ananda,
pourquoi ne vient-il pas voir où nous en sommes? » Les
marchands y pensèrent tous, cl ayant fini leurs affaires ils
s'en retournèrent h Çrâvastî, et ils dirent à Ananda : « Les
parents du Vénérable qui sont établis au Népal le font
dire ceci. » Et le vénérable Ananda ayant entendu les
paroles que lui rapportaient les marchands, en fut touché
et affligé, et il s'en alla au royaume de Népal. Ce royaume
est froid et neigeux. Ananda eut des crevasses aux mains
cl aux pieds. El quand il revint à Çnivastî les bhiksus
rayant vu lui demandèrent : a 0 Ananda ! tu avais aupara
vaut les mains lisses et unies comme la langue. Pourquoi
donc sont-elles rugueuses et crevassées?» 11 répondit:
(( Au royaume de Népal, la terre est voisine de FHimàlaya.
Par suite du vent et de la neige, j'ai les pieds et les mains
en cet état. » Ils lui demandèrent alors : a Tes parents,
là-bas, comment soutiennent-ils la vie? » Il répondit : « Ils
portent de^ pou-la (pula). » Ils lui demandèrent : « Et toi,
pourquoi n'en portes-tu pas ? » Il répondit : « Le Bouddha
n'a pas encore permis d'en porter. » El alors les bhiksus
allèrent interroger le Bouddha. Le Bouddha leur dit:
(( Dans les endroits froids et neigeux, on peut porter des
pou-la * . »
l. Le moi pou-la se rencontre (sous la transcription fou-lo) dans le
Chan-kicn p'i-po-cha, traduction abrégée du commentaire de Buddha-
ghosa sur le Suttavibhanga du Vinaya pâli (éd. jap. XVll, 8, p. 89^,
col. !20). Traitant des Sokhiya, l'auteur ajoute deux règles. « Elles man-
quent, dit-il, à l'original indien. » La première a trait aux stupas. C*est
que, quand le Bouddha était dans le monde, il n'y avait pas encore de
stupas. Mais le Bouddha, quand il était dans le monde, a prescrit cette
règle. Par suite de quoi on ne doit pas porter de sandales en entrant
184 LE NÉPAL
Récemment j'ai i\iil étal du second de ces textes, dans
mon article sur les Eléments de Formation du Divyàva-
(\àua{T'oiinff-pao, 19(17, p. H5), à propos de Tépoque où
le Vinaya de Técolo Mrtla-sarvastivAda a pu î^tre compilé.
Je n'avais ])as osr alors faire fond trop solidement sur celte
donnée ; insérée à la lin d'une section du Vinaya, elle ris-
quait de passer ])Our une addition tardive, introduite par
des moines intéressés dans la rédaction traduite par Yi-
tsin},^ Mais ré|)isodo relatif au transport de la laine ne peut
prêter h d(î pan^ils soupesons; il fait corps avec une des
pj'escriplions fondamentales : il se rencontre au cœur
môme du volume (|ui constitue le Vinaya par excellence.
Donc, tant qu'on n'aura jwis sif^malé de document antérieur
aux (iuptas où se lira le nom du Népal, il sera permis de
croin? ([ue l(» Vinaya en question n'a reçu sa rédaction
délinitive qu'après h; nr siècle. Je n(* suis pas loin do
croire que le travail a été exécuté au Népal même ; un
moine de la plaine n'aurait pn)l)ablement pas admis volon-
tiers que les f^ens de la montagne appartenaient à la famille
dans uiislnpa du Itouddlia : il i'niil les pivndn» ù la main si on f»iitn>
dans un stûpa du !>ou<ldha. Kl un ne doit pas piulor dr fou-lo on outrant
dans un slùpa du Uouddha ; il faut prendre à la main ses fou-h (|iiand
on enlre dans un stûpa du Uouddlia. »
Yi-tsinj; mentionne h^s pn-hi eu lappelanl celle rè^'le dans son A'/in-A/rt
l:i-l:nuri..., à la fin du chapitre u (i\\\ Tvkvki sr. .t li''roi(/ttf hmhthÎHt prac-
tiri's, p. "H et la note p. :21S).
Le Yi-fsi'ir liin'j yin-iji de Iliuen llin^^ au cliap. 17. commente l« mot
fau-hi. (( On dit encoi'c ftnt-lo. La forme exacte est iinit-h. ('.ela si^nilîn
« des hollines cinule^ ».
L«' tenue sau'^cril ori^^nnal imhi se retrouve dans le Itudrùyai.iaavndAna
(hiri/àrfK/timi WWIhipii est emprunté au Mûla Sarvâslivàda Vinaya.
Mahà Kàl\àyaua. de retour d'une tournée dans le Nord-Ouest, arrive au
bord d<? riiidu^. « Il ohscMva : l>lia;:a\al a dit (ine dans le Madliva«loca il
uv faut pa^ portci'di» /»»///. Je m'en vais 1rs donner (à laflivinil«* «tu NonI
qui demande un(> r<'li(pie). Il les lui domia. !']lh* les installa sur un lieu
él(»\é \\v mol sfhfniilihi e>l traduit piu* A/// rhoutnj tehrit //. « lieu élevé
et découveil -^l cl éle\a un mal (hii-frhi yasti) appelé Pu layasti (pofi-/o
hii-fchi) ». iVv^i ainsi qu'il faut donc n'Iahlir le texte, corrompu dans
t<ms les mauu-crils(l)ivyàv., p. :;«!. 1. \) . -jap. XVI, î>, 98»», col. i»-20).
APPENDICE 185
d'Ânanda, au sang des Çàkyas. Le choix du Vinaya des
Mùla SarvàsUvàdins, introduit de préférence aux Vinayas
des autres écoles dans la collection tibétaine, semble
aussi attester la faveur spéciale dont ce Vinaya jouissait
dans les régions himalayennes. En tout cas, les deux
épisodes se rapportent à une époque où le Népal était mis
en relations régulières avec la plaine par des échanges
commerciaux.
Il
UN ARTISTE NÉPALAIS A LA COUR DE KOIBÏLAI KHAN
Pendant mon séjour au Japon, le Hév. Akamatzu me fit
(Nideau d'un exemplaire du Tsao-siang-toii-leang king
(( Sillra sur les proportions des statues ». Ce sùtra, publié
en Chine |)ar Yang Wen-hoei ', il y a une trentaine d'an-
nées, est accompagné d'un commentaire intéressant et de
planrh(»s importantes. Il représente la tradition introduite
en Chine par un artiste népalais, A-Jii-ko, La biographie
de (^el artiste a été conservée par les Annales des Yuan
(chap. 203, (in) qui rappellent A-r-ni-ko^, Elle contribue
à jeter un p(ui de lumière sur une période très obscure de
l'histoire du Né])al. Né en 1243 (par conséquent sous le
règne désastreux d'Abhaya Malla ; cf. Il, p. 214 sq.), il
I. Sjiirj' pop'ionnape inléressanl c|iii fut altarhé à la légation de Lon-
(In's. cf. Max Miillt'r. inlrod. à Tédilion duSukhàvali vyiiha {Anecdola
li.ronirnsid. Aryan séries, vol. 1, part. IL p. x).
û. (ii'lle bio}.Maphie a été |)iil)lit'e et étudiée [lar le prélre Ranjin dans
la revue japonaise Kokkd, n" i()i, janvier iOOi. L'article, écrit en japo-
nais, poi'le dans le sommaire en anglais, ce titre : « On A-ni-ko, a cele-
hialed Nepaulese maker of Buddhist ligures, and his Chinese pupil Lia
(Ihengfeng, logelher with a référence on a sacred bock showing the
mesuremenls for Uie making of Buddhist images. »
186 LE NÉPAL
quitta le Népal avant le règne dWnanta Malla, pour aller
travailler au Tibet avec une équipe de sculpteurs et de
peintres religieux. Le récit des Annales n'indique pas
expressément que le Népal ait été vassal du Tibet k celte
époque ; mais il garantit tout au moins la persistance cl
rimportauce des relalions entre les deux pays dans la
seconde moitié du xnr siècle, àc(*tte époque particulière-
mcMit agitée et féconde où la dynastie mongole des Yuan
dispute et arrache l'empire i\o ladhineaux derniers princes
de la branche méridionale des Soung, où Koubilai-klian
réunit à sa cour des bouddhisles, des taoïstes, des chré-
tiens nestoriens (»l romains, et des musulmans. A-/-/</-Xo,
qui arriva vers 1203 h la cour Mongole, n'y rencontra
plus Tambassadeur de Saint-I^ouis, le cordelier Hnbruquis,
qui y avait séjourné entre 12îJ3 et 12;)i, mais il y retrouva
des représentants d(î toutes les grandes confessions du
monde ; il put même y coudoyer un glorieux représentant
de FEuiope, Marco Polo. La biographie d'A-r-m-/o intro-
duit uji fait nouveau dans Tliisloire du bouddhisme népa-
lais ; la constatation formelle des relations régulières entre
le Népal et le Tibet, sous les auspices de IMiîigs-pa, au
début de la carrière de ce moine illustre, implique que le
Népal ne resta pas étranger au mouvement puissant qui
créa et organisa le Lamaïsme ; on ne pcmt plus (comme je
Tai fait h tort, sup. 1, p. 1()7) isoler le Népal du Tibeldans
le cours du xnr siècle.
Kiifni le rôle considérable attribué, par le témoignage
mémcMles Annales, à rintluence d'un artiste népalais sur
Tart en (Ihiue rend plus vraisemblable encore Thypothèse
que j'ai présejitée sur l'origine népalaise du style «pagode 9
en (Ihinc et au Japon (11, 1 1 sq.). Le Népal a pu donner
au bouddhisme chinois des modèles d'architecture et des
andiitectes avant de lui fournir, jivec un sculpteur de
génie, nu canon de |)roportions nouveau.
APPENDICE 187
Annales des Yuan, chap. 203, fin.
« A-r-ni-ko était originaire du Népal. Les gens de ce
royaume le nomment Pa-le-pou. Tout jeune, il montra une
intelligence éveillée bien au delà des enfants ordinaires.
Un peu plus grand, il pouvait réciter par cœur les textes
bouddhiques, et au bout d'un an il en saisissait tout le
sens. Parmi ses condisciples, il y en avait un qui était des-
sinateur, peintre, modeleur, décorateur, et qui récitait le
Canon des Proportions. Dès qu'il l'eut entendu une fois,
A-r-ni'ko fut en état de le répéter. Devenu plus grand, il
excella lui-même à dessiner, modeler et fondre en métal
les images. La première année Tchong-t'ong (1260 J.-C),
ordre fut donné au Maître de l'Empereur (Ti-cke) Pa-k'ù-
se-pa (Thags-pa) d'élever au Tibet une pagode en or;
cent artistes choisis au Népal devaient aller exécuter le
travail. On en trouva quatre-vingts ; il fallait un chef
d'équipe, mais on n'en trouvait pas pour conduire cette
troupe. A-r-ni-ko^ qui avait alors dix-sept ans, demanda à
partir. On lui (itdes difficultés à cause de son âge; mais
il répondit: «Je suis jeune, mais mon esprit ne l'est pas. ))
On le laissa donc partir. Le Maître de l'Empereur, à le
voir, s'émerveilla ; il le chargea de surveiller le travail.
L'an suivant, la pagode était achevée ; A-r-ni-ko demanda
la permission de s'en retourner. Le Maître de l'Empereur
le pressa d'aller se présenter c^ la cour impériale ; de plus,
il lui donna la tonsure et l'ordination et l'accepta comme
disciple. A la suite du Maître de l'Empereur, A-r-ni-ko alla
donc se présenter à la cour. L'Empereur, l'ayant observé
longuement, l'interrogea : « Vous arrivez dans un grand
royaume. N'éprouvez-vous pas de frayeur? » 11 répondit :
(( Votre Majesté traite comme des fils les dix mille pays.
188 LE NÉPAL
In fils, en arrivaiil (l(*vanl son prn», quelle raison aurait-il
de craindre? » l/Kmp(»renr lui demanda encore : a Pour-
quoi venez-vous? » 11 répondit : ce Ma patrie est dans les
pays d'Occident ; j'ai ro(;u du souverain Tordre de faire un
slrtpa au Tibet. Kn doux ans j'ai exécuté cet ordre. Là-
[)as j'ai vu les désordres de hi guerre, le peuple incapable
de soutenir sa vie. Souhaitant que Votre Majesté établisse
la paix, sans cojn[)ter la longueur de» la distance, pour le
bonheur des êtres, je suis venu ici. » Il lui demanda:
(( Ouest-ce que vous savez l'aire? » Il répondit: « Je sais
assez bien, ri d'inspiration, dessiner, modeler, fondre en
métal. )) L'Knipereur ordonna de prendre dans le palais
une statue de cuivre pour l'acupuncture et le cautère du
Ming-l'ang, et la lui mimlrant, il lui dit : « Voici une statue
([ui a été présentée h l'occasion de l'ambassade du Ngîin-
fou Wang tsi chezIesSoung ; elle a soidfertdu temps, et il
n'y a personne cpii |)uisse la riMuettre en état. Vous, sau-
riez-vous la remettre à neuf? » Il répondit : « Votre sujet
n'en a pas la ])ratique : ce|)ejidant, je demande à essayer. »
La deuxième année Trlte-yHun ( I2().'i J.-(l.)la statue, toute
neuve, élait achevée ; les ouvertures, les pleins, les veines,
les canaux, rien n'y man(|uait. Les artistes en métal furent
émerveillés de son taliMil surnaturel ; il n'v en avait aucun
(pii ne se s<^ntit honteux A humilié. Dans tous les mo-
nastères i\{'<s deux capitales, la ])lupart des statues sont
sorties de sa main : une Houe de la Loi en fer avec les Sept
Joyaux : (piand rKmpereurse(lépla(;ait, on la faisait passer
devant pour ouvrir la route, — aussi les portraits des
divers Lmpereurs, (|u'il lit sur lissu de soie ; aucune pein-
ture» n(^ pouvait atteindre à celle j)erfection. La dixième
amiée 7V//r- //////// (I27t J.-d.) on lui donna pour la pre-
mif'rc l'ois l'aulorilésupréinr sur tous les artistes en métal,
aver le scrau «l'argent manpu'» du tigre. La quinzième
auné<' [\il\) J.-d.) un décret lui prescrivit de revenir à
APl>ÉNDICË i â9
son ancienne lenue [de laïque] ; il reçut alors les charges
de koan-lon-ta-fou, ta-seu-fou, contrôleur de la cour des
manufactures impériales ; il jouit de faveurs et de cadeaux
incomparables. Après sa mort, il fut pourvu des titres
posthumes de fai-che, k^ai-foti'yi-fong-san'Se, duc du
royaume de Leang, chang -tchoii-kouo ^ et du nom posthume
de Min-hoei (Intelligence Prompte).
m
A PROPOS DES SYMBOLES SUR LE FRONTON DES STÈLES
J'ai pris soin d'indiquer, chaque fois que je Tai pu, le
dessin qui orne le fronton des stèles étudiées. Bhagvanlal
avait fait do même ; Bendall a malheureusement négligé
ce détail. Il est probable que ces ornements n'avaient pas
seulement une valeur décorative ; ils avaient une valeur
d'expression positive aussi nette que nos emblèmes. Le
Vinaya di^s Mûla Sarvâstivâdins nous permet de le constater
avec assurance pour un d'entre-eux. L'inscription n' 6 de
Bhagvanlal |)orle au fronton la roue de la loi entre deux
antilopes ; c'est une charte octroyée par Aniçuvarman,
mais il n'en subsiste guère que le formulaire ; la tradition
la met toutefois en rapport avec la yùtrâ de Matsyendra
nî\lha. Je n\ii pas retrouvé ce motif sur d'autres stèles ;
mais la plupart portent un motif très analogue : la roue
(cakrà) entre deux conques (çafikha). La roue avec les deux
antilopes accotées se retrouve sur plusieurs sceaux de cou-
vent découverts àKasia et publiés récemment par M. Vogel
{So/Ne seah from Kasia dans le Joum. Roy. As. Sac.,
190 LE NÉPAL
1907, p. 365 : Tun, clos onvirons de Tan 600, porle p'ï
handhanamuhcwihâreàryabhikmsamghasya ; un autre, d'en-
viron 730, çri mahùpannivvCinamahùvihârlfjâryabhikm^
ghasya. Le Viiiaya des Mûla Sarvâslivàdins prescrit jusle-
meut remploi de ce sceau (Ksudraka vaslu, éd. de Tôkyô,
Wll, 1,2'', col. 19:
« Ije Bouddha dit : DansTeusemble, il y a deux espèces
de sceaux : 1" le sceau de la communauté; 2"* le sceau
individuel.
Pour le sceau de laconnnunauté, il faut y graver Ti/wa^^
Je la Roue de la Loi et, des deux côf(^s, des daims accroupis
st/r leurs gejioux, tranciuilles, et au-dessous il faut écrire le
nom du bienfaiteur qui a fondé le couvent.
Pour le sceau individuel, il doit porter une chaîne d'os-
sements, ou bien l'image d'un crâne, jmur que celte vue
iuvit(; au détachement. »
La description correspond exactement avec la réalité.
J'ignore encore si la prescription est spéciale h Técole des
xMùlaSarvàstivàdins ; s'il en était ainsi, nous aurions dans
la stèle d'Ainçuvarman un témoignage formel de leur pré-
sence au Népal pendant la première moitié du vn' siècle.
IV
CAFPYA I)K SAVYAMRHU
Le cailya de Svayambhû es( exalté k deux reprises dans
une <M)mpilation versifiée encore inédite, le BbadrakalpA-
vadAna. M. ScMge d'Oldenbourg a donné une analyse déve-
lo[)pée d(» c(ît ouvrage, fabriqué avec des légendes em-
APPENDICE 191
prunlées à des sources diverses : BuddiUkia Legendi, cast
vervaia ; S*-Pélersbourg, 1894. Le XXXI* récit est un rema-
niement du Supriyâvadâna, conservé dans la collection du
Divyàvadâna (Vlll). Le marchand Supriya, fils de Priya-
sena, demeure h Bénarès ; à la lète d'une compagnie de
marchands, il part pour Tlle des Joyaux. Mais le rédacteur
népalais du Bhadrakalpa" ajoute ici h son modèle un épi-
sode qui trahit Tesprit de clocher, a Avant de se mettre
en roule pour Tlle des Joyaux, Supriya se dirigea vers le
Népal ; il alla au sanctuaire de Svayambhû présenter une
offrande de pierres précieuses, et prier pour le succès de
son entreprise. »
Le dernier récit (XXXVIIP) du Bhadrakalpa" se termine
sur un épisode plus flatteur encore pour le Népal. Le
Bouddha, ayant fini d'instruire Çuddhodana, se retire de
Kapilavastu avec ses disciples Çàriputra, yVnanda, et Mud-
gala, etc. ; il se rend au Népal pour visiter Svayambhû et
pour conduire vers la Voie les gens de la contrée.
MANUSCRITS DU BUDDHA PUR AN A
En traitant du Buddha-Purâna(I, 372), j'ai constaté que
le manuscrit de (c cet ouvrage rare et précieux » n'est entré
dans la collection des manuscrits de Fort- William que
pour y disparaître. Le savant bibliothécaire de Flndia
Office, M. Thomas, a bien voulu m'informer que le ma-
nuscrit si longtemps égaré se trouve maintenant à Tlndia
Office Library ; il est orné de nombreuses miniatures com-
1&2 LE NÉPAL
prenant même un portrail du capilaine NaJcs^ c'esl-à-dire
Knox lui-même ; la bibliothèque en possède aussi deux
copies exécutées Tune pour Colebrooke, Tautre pour Ley-
den, — et de plus, Tabrégé dû à un Pandit de Colebrooke,
sous le titre de Laghu Buddha Purâna. On peut donc main-
tenant entreprendre l'étude de ce texte curieux.
VI
NUMISMATIQUE DU NÉPAL
Aux indications que j'ai données (vol. Il, 107-111), il
faut ajouter maintenant la description des monnaies népa-
laises du iMuséc de Calcutta dans le Catalogue ofthe Coins
in the Indian miiseiimy par M. Vincent Smilh, vol. I,
p. 280 sqq. et pi. XXVIII. Plusieurs monnaies du Népal
se trouv(»nt au Cabinet des médailles de la Bibliothèque
Nationale, h Paris.
INDEX
Abhaya Malla, II, !2i4 sq.
Abhayamdada (ksatriya), III, 163.
Abhaya Hâja (âcârya), II, 1:2.
Abhaya ruci viliâra (v. Abhayaka-
vi v'O, III, 139, lU.
Abhini;inaSimha(niinisli*e), llj'iOH.
Abhiras(Alnrs). 197, ±11 : II, 73 sq;
!")() sq.
Abhisamayâiamkâra, II, 330.
nhhiseka, III, H3.
(lithisckfihastin, III, 87 il.
Abhayakavi vihâra (corr. Abhaya-
ruci v»), II, l()9.
Aràpûrervara, 389.
Acàr (caste), v. Acâryas.
Acarya (caste), ^2-i8, ^39..
Ao>ka, 07, :213, ±1\, 316, 335; 11, 1
sqq. (cailya), -il, oH, «i7, 8-i, 33(»:
m 1()1.
Açoka .Malla. II, «233.
.Xroka - Vinayaka (Assii - Binaik),
38;.
Arvanuulha nataka. II, "2i3.
A(Ihah(;âlâ (confrérie). II, 14:2
adhiharam, -28^2: III. 15'2.
adhikrta, 282.
Xdi Bhairava, II, 240.
Xdi Buddha, 316, 331, 349,381 ;
4, 6(), 244.
Xditya Malla, II, 218, 220.
Sditya séria, II, 107 : III, i47.
Àgania-devalâ, 383; II, 124.
Apaslya, 203 sq.
Agaslya tirtha, 206; III, 175.
Aghora (Paçupati), 262, 361.
Agni, 320, 350.
Agiii Piirâna, 11, 241.
Ajaneya (cheval), III, 166.
Ajikâ vihâra, III, 148.
A-ki-po-li (A'ki-pomi), 158, 165.
Aksobhya, 11, 328; ill, 179.
Almorah, il, 288.
Aloku-Vihâra, 11, 345.
Alphabelum Brahmanicum, 113 n.
Alphabetum Tihetanum, 107, 108,
114 n.. 117,377.
Amaduzio, 113 n.
Amara Malla, II, 12, 35, 245 sq.
Amarâ pura, 351 ; II, 47.
Amara Sirpha Thâpâ, II, 285, 288.
Amarâvalî, 358.
Aipçuvarman, 54, 155, 280 sq., 284,
III. — 13
194
LK NÉPAL
3()7, 383, 384; II, «, H« sq., iO(»
sq., 1^5, 134 à ioo, 163, 196 ; III,
6*2, 80, 8-2 à 9().
Amilâblia, 319: II, 13. ,V>, 328.
Âinughasiddlii, II, 3*28.
Amogha-vajra, 339.
Amrta (leva (Mitra (leva), II. 208
sq.
Ainrlânanda, 200; II, 27, 354, 364.
Anâlinga llrllia, III, ITo.
Anaiula (Âyusinal), III, 183.
Âiianda deva (Naiida deva), II, 207
sq.
Anaiida Malla (Aiiaiila .Malla), (i3;
H, 179 scj., 200, 2U), 220.
Ananta (prince). 11, 241.
Ananta ralunlac;!. Il, o4.
.\nanlakliii, 11, 194.
AnaïUa-linga, 390.
Ananta Malla, 264; II, 216, 219.
Ananta(Nriga), 323, 391.
Anantanàga hrtlia, III, 175.
Anantullrtlia, 327: III. 17.").
(P d')An(lrada. 79, 85, 170. 307.
Anderson. 72.
A-ni-ko, III, 18-).
(P.) Anloino-Marie dt? .Irsi, 99.
tifimi/n/âta, III, 85 n., 105 n.
nnulioUn). 121, 128; II, 35. 49.
Arannidi, II, 176 s(|.
arhi (écriture), IL 251.
Ali Malla deva (Aii de\a). II. 210,
21'..
A-r-m'-hd. V. A-iii-h'().
.\i'va-T;ira. 377.
■
Ai'valara lirlha. III, 175.
Am. III. S7 n.
Asil.inu'Ji Hliairava, IN. 175.
Asta-in.ilrk.i. i$S6.
Astanii. m. 167.
\<nra NaiMNana, II. 23 1.
A Iharva parirista. II. 62.
Ahca. H;6: ||, |S», 193.
.\!M'- alMNa<;rnar.i:ia, III, 176.
Avalokitecjvara, 243. 324, 348 sqq.,
367: II, 7n., 333; lit, 470, 471.
Awâl (caste), 244.
Ayodhyâ, 379.
Raddan (Patan), 82, 86.
Bâgh Bhairab, II, 365.
Baglio Shashu, 240.
Bagniali(Vâgnmtiou Va|i^vati;</. i\)
son cours, sa vallée, 44, 50: passe.
48; 422, 323, 326 scpï. ; culte,
329; 333, 338, 369 sq., 376, 38K,
389, 391: II, 44, 54. 37, 5î>. 72,
238, 239, 344, 389.
Balladur Sâli, 432, 286, 2lH»: II.
278, 280.
Bala (l)aitya), III, 475.
Bala bhadra. II, 288.
Bala deva. Il, 494.
Bâiagovinda, 408.
Balaji. V. Bâia Nilkantli.
Bâia-kumârî, 380; II, 376.
Balanihu, II, 246.
Bala Nara sjipha Konvnr, II, 2Mfî.
BalâNârâyana, 11, 234.
Bâla-Nîlkanlh (Bâiaji), 6.5, 68. 3(i8:
II, 22, 353.
Bâla-Bànuiyana, II, 234.
Balârcana <Ieva, 385 ; 11. 9().
Balhala, 385; 11,96.
Balliaiji (caste). 243.
Bali, III, 49.
Bali deva, II,M73.
Ballali (cast<0. ^43.
Ballalinii (caste), 243.
Ballantine, 448 n.
/^//-/io (Népal), 486; II, 08 n., 149.
\\À\n Balladur, II. 302.
liaudegaon, 67 ; II, 243.
Iiandlnidatta, 348 sqq. : II. 17i.
Itundhuinati, III, 472.
INDEX
195
Bandya (banra), -2-26, -240, -241 n.,
-251 ; II, 30 sq. (ordination), 45
sq., 5i sq. («yâtrà), ^oO.
Bâneçvara, II, 124.
Banepa (route do — ), 48 ; (royaume
de -), 64, 378, 382, 387, 389,
394; II, 144,473,239, 240,-274.
Bancpur, 11, -215.
Banra. V. Bandya.
happapàdaparigrhlta, III, 86 n.
Barâ-Nilkanlh, 68.
Bairha-ju (caste). 240.
liasdol, II. -273.
Bauddliaju, II, 12.
Ballgao (Bhatjîaon). 102, 1-20, 1-22.
Bénarès, II, -267, -274, 275, 280,
282.
Bendall (Cécil), 145, 146, 198.
I^einard, 112 n.
Bernier, 92.
Brllia (Belliah) (raja de — ), 104 ;
(mission de — ), 105 sqq., 121,
12; (itinéraire). 132. 149 n.; II.
278.
Bha<ielas, -2-28.
Bhadrâ. 3-26.
Bliadralûlui, -225; II, 65.
Bhadrâdhivâsa-bhavana, III. 115,
141, 143.
Bliadra^'iri, III, 166, 1()8.
Bliadrakalpàvadàna, III, 190.
Bhadramatî (Bhadrâvali, Bhadra-
nadi) 3-26; 11, 179; III, 173.
hhi'njn-hhofja, 283.
Bhapavalî (I)evi), 374, 393.
Bhaj^avat-kselra (Blia«,'van kliet),
334.
Bliu^avat - pranardana • Prànakau •
(ika. II, 161.
Bhugvanlal Indraji. 144.
Bhâ «.ravala, III, 35.
Blia«:yadevi. Il, 142.
Bliairava,-243.-262. 3-20,350, 382sq.,
388; II, 41, 45, 47 sq. (''yâtrâ),
124,251, 374.
Bhairava Simha, il, 234.
Bhairavïs, 382 sq. ; II, 48.
Bha-ju (caste), 239.
Bhaktapura (Bhalgaon), 65, 382.
Bhanni (caste), 240.
Bhârabhùteçvara, 390.
Bharadar, 289.
Bharata, B, 63, 241.
Bhâratiya nâtya çâstra, II, 364.
Bhàskara de va, II, 193 sq.
Bhâskara Malla. Il, -249.
Bhàskara Malla (roi de Katman-
dou), 11,-256.
Bhâskara varman, 214, 360 ; II.
84.
Bhal (caste), 242.
Bhatgaon (historique et noms di-
vers), 63 sqq , 80, i02, 120,
379, 384, 391 : 11, li, 47; (Bhai-
rava yâtrâ), 1-26, 179, 200, 220,
226, -236 ; (royaume de), 238 à
243, 248, -273 sq., 287, 372 sqq.
hhaljàraka, 280; III, 115.
Bhattârakapâdâb, III, 92.
bhattâraka-pâdiya, III, 58.
Bhattas, 365; II, -238.
Bhava. III, 73.
Bhavabhûti (rsi), 111, 167.
Bhuvaneçvari, 377; II, 1-25, -207.
Bhavâni, 3-20, 37-2, 378; 11, -242.
Bhâva sirpha. 11, -2-22.
Bliaveça, II, -2-22.
Bhiksu (caste), 240; II, 31 sq.
Bhimadeva (roi). II, 121 sqq.
Bhimal Gupha, II, 250.
Bhima Malla, 172, 309 ; II, 249 sqq.
Bhîmasena, 3-20, 385, 386 ; II, 124
(Kâmeçvara), 260, 312, 384.
Bhimeçvara, 386.
Bhimpedi,124à385; II. 312.
Bhîm Sen Thàpâ, 188, 310; II, 22,
284 à 294.
Bhinkshc Bahâl, 184.
196
LE NÉPAL
Bliïsana Bliairava, 111, i70.
Bhisma, 200.
bhoga*^^ II, i28 sqq.
Bhogadevî, [|, 106, i-28 sq., iM.
Bhogavarma-Gomin, II, i27 sqq. ;
III, 62, 64.
Bhoga varman, II, 167.'
Bliof(inî (Bhajjfini), U, 106 sq.
Blioja, II, 71.
Bhojadeva, II, 187, 191 sqq.
Bhotta (Bhota), II, 147.
nhotta-visH, 283; III, 136 n.
Bhoulan (Boiitan), 93 sqq. ; 11,279.
Bhrngîçvara, 204, 3S8.
Bhrngin, 320, 387 sq.
Bhuklamâna (Bliiiktainâriagata),
359; II, 72.
Bhulu, 11, 258.
Bliûmbhukkikâ Jalarayanu, III, 92.
Bhûini varman, II, 84, 93 sqq.
Bhumlakkikâ, II, 139.
lUiûpn-kcsari, II, 6.
Biiiipâla, 265.
Bliiipâla sirnha, II, 222.
lUiupaloiidra, II, 256, 335, 33î).
Bhupahndra Malla, 102, 3S3:II,
11, 2'i3, 260.
Bluivanaiianda, II, 323, 325, 347.
hicâri (ricâriH), 2î)3.
Bichakoh, II, 2HS, 309.
Bi^'hna-Binaik (Vi^lma Vinàvaka),
II, 366.
Bihar, II, 235.
Bikliu (raslo)., "2'*0.
BiiiipiMii (v. Bliiinpedi).
Bir Sliaiii Slior .lang (maharaja).
|S5: II. 304.
hirtii, 300.
Bisciacnr, 123.
Bi.ssochtma (Mafijin'ri;, 320.
r>ilsmimati (Visnumali) — murs,
50. 326 : cullc, 329, 333, 390: 11,
'.!». 72, I7i>. 315. 3î)5.
Bndhi manda, III. 161.
Bodhimcir, 54; 11, 149.
Bogie, 105 n.
Bogmali, II, 246, 400.
Boileau, 72.
Bole (v. Biidé).
Boni, 242.
Bouddha (Çâkyamuni), 204 sqq.,
213,225, 317 sqq., 333 sqq , 338,
361, 371 à 375, 381, 382, 388,390,
391 ; II, 7, 13, 17 sq., 24, 40, 82.
124.
Bouddhas (antérieurs), 213, 225,
316.
Boulan (V. Bhoulan).
Bouville (Albert de) (v. P. Dor-
ville).
Brahma, 320, 342 sqq., 350, 374
ni, 131.
Brahmadalta, 111, 166.
Brahmanes, 228.
Brahmânî, 381, 386.
Brahmaratha-, 111, KHi.
Brahmâyapî, III, 17a.
Brahmufi Mahînia, U, 120.
Bramascion [Sikkim], 128.
Brhaspali (prérepteur de Sonia),
203.
Brhaspati, 11, 376.
Brhaspati-smrli, 111, 134.
Brhatkathâ, 203. 387 : 11. 62, 3Hr>.
Brha(kalha-(;loka-sanigi*aha, 11, 385.
Bu hahal, II, 265.
Buddha rri. 11, 18».
Buddha kirti, II, 170.
Buddha-mârgis, 238, 241.
Buddha-Purâna, 117, 361, 372: III,
191.
Buddha rùpî, 372.
Buddhipâda, III. 170.
Budé (Bole), II, 239, 383.
Budha-Nîlakap^ha, 368, 390; II,
12(i. 254, 353, 394.
Budhnâlh (Buddha Nàlha),67, 381 ;
11. 6 sqq., 98.
INDEX
197
Budi, 67.
Buga, 3iO(Bogha), nom de Mats*
yendra Nâtha, 356 ; II, 44 (oyâ-
trâ);lll, i79(Bug-yâl).
Bugama v. Bugmali.
Bugmati (Bogmati), 67, 350 sq. ;
(Bugama) 353; II, 2i6 ; H, 46 sq.,
140; (Bugama) 235.
Bundegram, 11, 260.
ButawaI, 11, 217.
(2admenda, Cadmendu (Katman-
dou), 90.
Cainju, II, 95.
cailya, Il« 1 à 9.
(^^kra-màrga, 326.
(>krasiniHa, il, 222.
Cakravarlîndra, 11, 256.
Cakra vihâra, U, 24, 98, 206.
Çakli, 38i, 383, 386.
Çaklisiipha, II, 227, 229 sq., 235,
' 238.
(.akti deva, II, 70.
()dkyamuni. 11, 328 et pass.
r^kyasiqiha stotra. II, 342.
()alagrâma (çâligràina). H, 19 sq.,
' 264.
camur (rhamallak), 294 sq.
ramara-dhara, 281 ; 111, 88 n.
rianikara-tîrtha (ou Kalyâpa »)> 326.
('.ampakAraoya (Champaran), 369.
(ianipârapya (Champarpa. id.), Il,
68.
i^mundû, 386; III, 176.
Canda, 203.
('aridervara (ministre), II, 221 sq.
Candervara, 229, 389; II, 161.
Caçideçvah, 378, 389; II, 186.
C.andograrmayâna, lll, 175.
Candrabhâga, 358.
Candra (;okhara Malla, 109.
CiandragarbhasQtra, 11, 64.
Gandragiri (Chandragiri) 65, 369;
a, 275, 314. *
Candra Gupta (I), II, 87.
Candrahâsa, III, 164.
Candra ketu deva, 348, 379; II,
172.
Candra prakâça, II, 257.
(^andravarman, II, 160.
Candrâvatî, 203, 369.
Candra- Vinâyaka, 384.
Çafigâ (Sangà), III, 97.
CaAgu-Nàrâyaoa (V. aussi Changu
Narayan), 366 sq., 371, 386 ; II,
173,
ÇaAkara, 206.
ÇaAkara âcârya, 225 sq., 230, 232.
365, 380 ; II, 27 sqq., 97, 173.
Çaùkara deva, II, 195 sq.
Çankara deva (1), 67, 225 sq., 360 ;
II, 28, 97, 173 ; III, 15.
ÇaAkara deva (II), II, 28, 98.
ÇaAkara deva (Vaiçya), II, 35.
(>nkhagiri, 391 ; lll, 166.
Çaùkha-mQla, 11,71, 83.
Çankhapâla, 323.
Çântaçri (âcârya), lll, 177.
(^ntarakçita. II, 8 n.
(;«ânta lirtha, 326.
Çànteçvara, II, 196.
Çântikara âcârya, 322 sq.
Çàntikara (Çântaçri bhiksu), 382 ;
II, 4 sq., 70, 261.
Çàntivarman, 354.
Caor, 91.
Capucins, 55, 62, 65, 73, 77, 98
sqq., 149 n., 251 ; II, 266.
Carapa, 11, 17 sq.
çarirakoiiamaryâdfh lll, 140.
Carpatipâda, lll, 176.
Clàrugiri, lll, 170.
arumalî, 327 ; II, 83.
Cârumalï-vîhàra (Chabahil q, r.),
214 ; II, 24.
198
LK NÉPAL
('.arvavamian, 3HH.
(P.) Cassien, lOl n., 103 n. sqq..
414, 418 II.
Castes, iM à ^248.
C(i(a-bha(a, "28-2.
Catinandir (Katmandou), Si.
Catuli-sasti yatrii, 11, 59.
(laturbhâ-Iankâsana vihara, III, 13!),
445.
('aturvaktre(;vara, 390.
(ialurvargacinUmani, 111, 133.
fiavarapàda, 111, 17(>.
(iavenagh (0.), 1 40-
Cayaju-Nârâyana, 360.
Celagangà, 388.
celakara, III, 150.
(Jcsa-Nârj varia, 300, 389, 390 ; 11,
" 353, 400; HI, 40^2.
(ihabahil ((jârumatï vihàra, q. r.),
07 ; II, "250.
Châjru, 11, "239.
Chako-sin-ti, 109: II, -2"28 sq.
Charnakallak (cannakâra, chaînai*)
[caste], "244.
rka-mar-pa, 177 sqq.
Chainpa, II, "200.
(iliainpadevi, 391.
(iiiamparan. V. ('.ampakâranya.
(Ihander Sliani Sher .lan^ (iiialia-
raja), 190, "214: 11, 305, 391.
Chandragiri. V. Candragiri.
Changii, II, "204.
(ilian^Mi Narayan (Dulagiri) (v.
aussi Caïigu Nârayana). 07, "245,
3-24. 3-28; II, 8, ÎM)', 98 sc|q.. "240,
-200.
<ihan<i:u Narayan (temple), 301 ;
II, 10, 14, 50. -211, "201, "281, 379
sq. rpilier de), 390 el iOî : (ins-
< ri|)li(>n du pili«>r de), III, 1 sq((.
(lhapa«(a(>ii (('.ampapuri), ()7 ; II,
-21-2, -245.
(lhapali.i:a(ni(v. aus-;iTsapali^'aon;.
Il, -2'i(>.
Chaprang ((!lhaparangue), 79, 170,
307.
Chasal-tol, ill, 413àllK.
Chattrn, "280.
Chaubisi Râj, i53, :204.
Chaukot, II, i45, «273.
Chautia (chaularya), iHO, «298.
Cheng-oH'ki, 54 n., 480.
Chepangs, 2*23.
(îhine (guerre avec le Népal), 178
sqq.,:204; (inscription chinoise),
"210, 332 sqq. ; 11, 454, 473 sqq.;
(relations avec le Népal). ii7 à
"230.
(ihinna-mastâ (déesse), 3<><k
Chippah (Ksi papa) [ca.sle], :24i.
(îliiriya, 11, 340.
Chillong, 11, 244, 314.
Chitor, IL "20-2.
(ihobbar (Chaubahal, (Lhobahal),
07, 384; 11,33,305.
(ihitrakar (Citrakàra) [caste |, 242.
(Ihivarbarhi [castej, 241.
(ihorpuri, U, 260.
Chubi Lai Socri, II, 34:4.
Chukgram, 11, 240.
Çikhara-NârjyaQa, 11, 95.
Çikhin (Bouddha), 304 ; III, 103.
(jïlamanju. 11, 152.
vHàMtmkrama, III, 4 15.
Cfnacara-sara-tantra. V. Maha-n'na
kramacâra.
(lina-tantra, 346.
(iindila krania, lliO.
Cinlamauitîrtha. 327; III, 175.
(j()pra((iiotra, Chautara ou Chau-
tariya), 425.
Ci rote (Kirâtas), 94.
(jilala, 383.
(iilrakàra (\. Chitrakar).
Civa(v. Parupali), 204 .s(|q.,226ftq.,
318, 320, 328 sq., 346, 34!l, 35H
à 30(). 368 à 375, 376, 380 sqq.,
387, 388, 389: H, 46, 58, 124.
INDEX
199
Ci va Çanikara Si m ha, 194.
Çivadeva (l), 281, 360, 378 ; II, 26,
^ 36, i21 sqq., -21-2; lU, 62 à 81.
Çivadeva (il), II, 25, 128, 467 sqq.,
376; III, ii9ài38.
Çivadeva vihâra (Çiva vihâra?), Il,
' -25, 469; III, 442, iU.
Çivadevervara, H, 468.
Çiva-mârgis, 238, 244, -254.
Çiva râlri. 11, 58 sq., 388.
Çiva Simha Malla, 472; II, 5, 248
sq., 345.
Çiesmânlaka vana (Çlesmâtaka-
vana), -203, -206, 358, 364; II,
ooo.
Çinarânas (lluil), III, 475.
Çobhâ-Bhagavali, II, 8, 98.
Çobliilârâina-vihâra, III, 476.
Çodliana (gubharji). II, 265 sq.
Coiirady, -252.
(P.) Constantin d'Ascoli, 443, 445
n., 320, 340.
C(3rnv>allis (Lord), II, -280.
rrâranikâ, II L 93 n.
Çravastï, m, 484, 483.
Cra\\ford, 70.
Çresthas fcastej, 239.
Çnnaka-bahal, II, 329.
Cri iXâtha Bhatta, 230.
CrlNivâsa Malla, 87-88; II, -255,
-259 sq., 'i04.
Çrî-pancamî, II, 57, 348, 353.
Çrirâja vihâra, llï, 439.
Çiibhasâra (roi), 354.
Cùdârnani, 11, 2.
CiUkra, 36(i.
Çiikra Bhairava, lll, 476.
Çùrabliogeçvara, II, 442.
Çûrascna, II, 442.
(iûrpanakhâ, 11, 368.
(iulhi (Kuti), 82,85.
CutIu(Kuli, Culhi), 90, 94.
Çvetaçubhra (nâga), 327.
Çvetakâ, 369 sq.
Çveta Vinàyaka, II, 256.
Çyâma Siipha deva, II, -224, 227,
230, 232, 238.
Darakrodhas, 111, 474.
Dararalha (commentateur), II, 377.
Da(:àrha(Dasâin), 288; 11, 44, 54,
54 sqq.
Daitya-Nârâyana, II, -234, -235.
ddkria, -290."
Daksa, 376.
Daksinaçmaçâna, 4 (frontisp.).
Daksina-Kâlî, 379 ; II, 43, -281,
400 sq.
Daksinakolr, II, 460 ; 111, 403, 409.
Daksineçvara, H, 442.
Dala Mardana Sâh, 445, n. ; 11,-265.
-278.
Dalli [rastel, -243.
Damaru-vallabha, II, 337.
Dambara Çâha (Dambara Sah), 11,
' 255, 26-2^
Dâmôdar Pànde (Damodar Panre),
484 ; II, -278", 282, -284, 285.
Dànàsura, 324, 330; H, 74 ; III, 475.
Danghu [castej, 242.
(P.) Daniele da Morciano, 403 n.
Danuvanta, H, 270 sq.
Darara, II, 404.
Darpa Nârâyana, H, -234.
Datlâtreya, H, 238, 240, 374.
daurârika, III, 450 sqq.
Dayâvatï, II, 264.
Deb Sham Sher Jang (maharaja),
496,272; II, 304, 3-20 et pass.
Deçavarma-gomin, lll, 73, 84.
Degutale, II, 259.
Deochok, 387.
Deo Patan (Deva Pattana), 67, 378,
394 ; 11, 24, 83, 424, 185,246, 254,
-264, -287.
200
LE NEPAL
DesgodinSj 442 n.
(P.) Desideri, 400, 4-24 n.
Deva dharina (Bhoutan), il, 244.
Devahla, II, 449 sq.
Devâlï pûjâ, 11, 226.
devanâgara (écriture), 11, 254.
Deva Pàla, 11, 24, 83, 489.
Devî, 52, 375 à 382; II, 35, 48 sqq.
("yàlrâ), 244.
Devîghât, 262; 11,48,247.
Devï-stotra, U, 335.
Dhanada(Kuvera), 207.
Dhanàdaha (Dhanâhrada), III, 403,
464, 477.
Dhaneçvara-linga, 389.
(Ihârâ (hithi), 11, 22.
Dhârà-Mâneçvara, III, 92.
Dharampur, H, 428, 395 ; lll, 67
sqq.
Dhàrâ-tîrtha, 389.
Dharighmadul, 111,408.
Dharma-rrï Mitra, 334 ; 111, 476.
Dharmadatta, 224, 364, 367; 11,74,
244.
Dharmadatta caitya, 11, 96.
Dharmadeva, 11, 97 sq. ; III, 45.
Dharma-devï, 377.
dharmadhâtu , 11, 43, 49.
Dharma dhâtu Vâgîrvara, 11, 237.
dharmddhikflri, 247, 293, 298.
Dharmâkara (singe), 111, 462.
Dharmâkara (roi), 220, 333 ; 11, 70 ;
III, 165.
Dharina Malla, II, 212.
Dharma .Malla (fils de Java Sthiti),
11, 235 sq.
Dharmameghâ, 111, 169.
Dharmapâla, 224 ; 11, 70; 111, 465.
Dharma-pattana (nom de Bliat-
gaon), 65.
dhàrmnrâjihamâtya, 284 ; lll, 412
n.
Dharmaslhalï, 11, 246.
dhàltt-manijdlft, IL 48.
Dhaukhel (Dhulkhel), II, 215, i73.
Dhauwi [caste], 244.
Dhebang (Dhèbun), 479, 481.
Dhïra Simha, U, 234.
Dhir Sham Sher, H, 300, 304, 304.
Dhobi-khola, 50.
Dhokabahal (= Henâkra) Mahàvi-
hâra, 11, 335.
Dhorevâlganco, III, 439, 444.
Dhruva deva, II, 456 ; III, 404.
Dhulkhel. V. Dhaukhel.
Dhunt [caste], 244.
dhvaja-manusya, 284.
Dhyânoccha, Dhyâna màtrocca(voir
Champadevi), 333, 394 ; lll, 163.
ditha, 293.
Divàkara, II, 442 sq. ; lll, 24.
Dïvàlï (Dîpâvalî), 11, 56 sq.
Dolâ-(;ekhara-Svàmin, II, 139 ; ill,
92, 447 (Dolâçikhara).
Dolâgiri (Dolàdri), 203, 366 sqq. ;
lll, 45.
Doleçvara (linga), 203, 384, 389.
Dolkhâ, 385, 386.
(P.) Dorville, 84; II, 252, 255,
260.
(P.) Dominique de Fano, 99.
draiiya, 111, 453.
Dravya Sâh, 254 sqq., 261, 2G5
Duân (caste), 2**3.
Dudh-kosi, 64; 11,239.
Dubprasaha, 111, 468.
Dunnà (Dhoogna,Tuguna), 426.
Dunla-bihàr, II, 26.
Durgâ, 377 à 379 : II, 55.
Durgà-Pûjâ, II, 54.
dûtaka, 283.
Dvaipàyana (Veda-Vyâsa), 11, 103 ;
111, 28 sqq., (culte rendu à), 35,
4i>.
Dvâpara, 322.
Dvarakà, 370.
Dvàra-tirtha (Dari»), 327.
Dvimaju, 11, 226.
INDEX
201
dvi-r(tjyaka (dvairdyjà)^ H, 187 sq. ;
19-2.
E
Ekthariahs, 261 .
Erdenin Dvïp, il, 149.
Erskine, 141.
Elondâ, 423, 124. .
Elà desa (Helà des = Patan), 61
Fateh Jang, li, 295, 298.
Fou-k'ang, 179 sqq. ; il, 279.
Fieet, 145.
(P.) Floriano da Gesi, 103 n.
(P.) François Horace de Penna, 99,
102 sqq.
(P.) François Marie de Tours, 98,
99, 114.
(P.) François Félix de Moro, 99.
Froer (Adam), 134.
(P.)Freyre, 100.
G
Gaganaganja, III, 169.
Gaganâksepa (mont), III, 170.
Gaganâksepà (yoginî), III, 171.
Gagana Simha, 11, 298.
Gahawa, II, 308.
Gahvaraçmaçâna, III, 176.
Gaipsabarhi [caste], 241.
Gaçiadeva, II, 121 ; III, 53 sqq., 56.
Gandaki, 11, 102, 106; III, 5.
Gandakis (Les 7), 253 ; 11, 271, 276,
278.
Gandheçvara, 111, 471.
Ganeça, 320, 383 sq., 390 ; li, 24,
40, 57, 424, 258, 345, 376, 393
(temple de); lli, 474.
Gangâ, 1 (frontispice), 327, 329, 370 •
Gangàdevï, II, 240.
Gangâ Rànï, 360, 365 ; II, 249.
GânguI, II, 160.
Gaoku (Gulcul), Acâr [caste], 240.
Gaowah (Gopa) [caste], 243.
Garden, 72.
Gardner (Edward), 138; II, 289.
Garhtho (Got) [caste], 242.
Garhval, II, 285, 289.
Garuda, 320, 324, 366 sq., 388; II,
44, 50, 104, 242, 342, 335, 338 ;
111,471.
Garuda dhvaja, il, 242.
Gasti,* II, 83.
Gatti, 246 sq.
Gauda, 388 ; II, 4, 70.
Georgi, 80, 85, 406 n., 417 sqq., 320.
Gérard, 434, 435.
Ghana çyâma, 11, 244.
Ghantâ, 11, 47.
Ghantâ karna, il, 50.
Gharwal, II, 280.
Ghat, II, 22s(|.
Gheyâsu din Tughlak, II, 222 sqq.
Ghorândhakaçmaçâna, 111, 476.
Gillespie, II, 288.
Girvân Yuddha Vikrani Sâh, 488,
202 n. ; II, 284, 282, 284, 286 sq.,
290.
Gïtàpâncâlikas, lll, 103.
(P.) Giuseppe Maria de' Bernini da
Gargnauo, 103 n , 105, 106, 145;
II, 269.
Glan-dar-ma (roi du Tibet), 11, 8 n.
Goçniga, 394.
Godâvarî (ville). II, 83, 264.
Godâvarï (tîrtha), lll, 475.
Godâvarî (rivière), 67, 328, 364; lll,
463.
Godâvarî dhàrâ, ill, 463.
gohala, 282 ; III, 406.
Gokarna (fils de Vrsakarpa), lll,
469.
202
LE NEPAL
Gokarna (Gokarn, ville), 67, 324,
326,358, 364; H, 83, -246, -264;
III, 469 (linga).
Gokarnervara, 207, 388; II, 264.
(lOkhurakervara, 381).
Golmadhi-Tol, II, 426; III, 64 (ins-
cription de).
Gohnol (écriture), II, -251.
Gomibhùdanco, 111, 439, 444.
Gomin, 11, 4-29 sqq. : III, 408 (fosse
du).
Gongool-putten (Gongul-pattana),
nom de Katmandou, 54.
(lopâla ((ioàl), 359 ; II, 72 sqq., 456.
Gopâladeva, II, -234.
Gopâlera, 390.
Goraksa Nâtha (Gorkha Nâth;, 254,
348 à 357; 11,67.
Gopàieçvara, 370.
Gosâins, 474.
Gosain-lhan, 365, 368, 386: 11, 48,
250.
Gosthi, IIL 44 i.
Gosthî Saptanii, 111, 457.
Got (Garhtho) [caste |, 242.
Gotriya (écriture), IL -254.
Gourkhas (caractère général de la
dynastie). 48 sqq. (et missi(ms),
444 sqq. (coinmerce avec le Ti-
bet), 174 sqq., 486, -235 sq. (les
castes), 239, -253 à 278, -285 sq([.,
352;ll.44,-238(paysdeGourklia),
-264 sq(j. (dynastie), -292.
Gouroungs. -223, -264, 267,-274. -278.
Govardhana Micra, 11, -26, 95.
Govinda Pâla, lï, 489.
Go va Ira, 11, 51.
(jvàmn, 284 s(j.
(P.) Grégoire de Pedoiia. 99.
(P.)Gnieher,51, 80, 8l.8i sqq. : II,
242, -252, -255, -260.
Giil)ernatis (A. de), 144.
GMl)liar-ju (Gubal, Gubâlial, Guru-
bliâju) (caste), 2îO: 11,31 sq.,26;).
Guhamitra(Sârthavâha),n,li2lsq.;
III, 24.
Guhya kâli, 379.
Guhyeçvarî, 244, 333,376 sq., 379,
388 ; II, 47, 82, 253, 264, 275, 277,
-284, 374; III, 464, 472.
Gullatanga, III, 438, 443.
Gulmi, II, 284.
Gurp-vihcira, II, 25, 439 ; III, 9i.
Gunadhvaja (brahmane), III, 465.
Gunàdhya, 203, 387 sq. ; 11, 62,
385.
Gunakâma deva, 52, 242, 243, 215,
3-22 sq., 354, 360, 378, 386; II,
5, 36, 40, 49 sq., 53, 59, 74,
4-24, 484 sqq., 209, 264; III, 477.
Gunàkâra-Vihâra, II, 334.
Gunânanda, 494.
GupSnka, II, 408.
Guplas, 11, 67.
Gupla-vihàra, II, 169.
Guru, 272, 284 ; II, 30 sq.
H
Ilaiyous, -2-23.
Ilalchok, Ilaltsok, II, -246, 364.
llamilton (Francis Buchanan), 7i,
436 sqq., -256, -270: II, 283.
Hamsadhvaja, 369 sq.
Ilamsagrhadeva, II, 439; III, 92.
Ilanumat, 3-20, 330, 389; II, 254.
Ilanniati (lianumatf), 50, 63, 330
II, 242.
Ilaragauri vi\aha, II, 242.
Ilaraprasad ShasIri, 147, 242 n.
Ilara^iddhi (Bhairava),350, 382 sq.
(\. aussi Harsiddhi).
llardia, 11, 307.
Ilari, III. 45.
Ilaricandra deva. II, 231.
Ilariçcandropakhyana, II, 385.
Ilaridatta varma, 367 ; II, 95.
INDEX
203
llaii deva, -26-2 ; II, -247 sq., -2-20.
llarigaon, 67, 214, 215 ; 11, 8, î)5,
103 sq., 13S, 158, 339, 347 ; lll,
2 (pilier de), 25 sqq., (inscripliun
du pilier de), S2 à »0 (slèle 1),
ÎH à 96 (stèle II).
Ilari-Uara, 390.
Uari hara Simha, II, 249, -257.
Ilari-hari-hari- vâhana, 324; 111,
172.
Hariharpur, II, 272.
flari xNdrayaria, 11,235.
Ilaiipur, 11, 194.
llarisiniha deva, 120, -2-28 sq., -239,
-246, 251, 256, 262, 321 sq., 371,
378 sq.; Il, 180, -219 sqq., -234,
255.
llarivaiiiça, -295; 11, -260.
llarsa. 11, 335.
Ilarsacaitya-inaha\ihâi'a. II, 335.
Uarsa deva (de Gauda), II, 171.
llarsa deva, II, 197.
Ilarsiddhi (v, Harasiddhi), 67, 249;
11, 35, 1-26, -245.
l)"* Harlmann, 110 n.
llasta muktâvalî, 11, -241.
Hastinjjrs (lord). II, -287 s(|q.
Ilatha yoga, 354.
Ilatia (passe de), 131.
hnth, -299.
Ilalkô, 11, 193.
llayagriva (Bhairava), 382.
Il'hras apuns (Népal), 186.
Ildaspriga, 111, 155.
llearsey (Major), II, -288.
Iledonda (Hetaura), 82, 86, 1-20:
H, -288, 310 sq.
lleinadri (érudit), II, -205.
lieou-hien, 169.
Hetaura (v. Iledonda).
llimavat-Klianda, -202 n.; Il, -287.
Hiouen-tsang, 152 sqq.. 338 scj. ; II,
165, -240 n.
Ilirapya Kaçipu, 369; II, 41, 368.
Ilirariya-varna rnahâvihai>a (liema
varpao), II, 194, 343.
liinen-hoei, 161.
Hiui'H'Vai, 161.
Hiuen-tchao, 160.
Uiucn-te, II, -2-28.
lllam-vihâra, 11,25,191.
llmayapidô, 351.
llodgson (Brian Houghton), 110 n.,
138 sqq., 2-23, 251, 292, 310 sq.;
Il, -289.
llodgson (J.-A.), 72.
lloli. 11, 59, 402 sq.
llon<j-uou, 11, -2-28.
(P.) Horace de Peiuia, 99 à 113
Horiuji (temple), II, 12.
Ilfdaya Nârâyana, II, -234.
llrsîkera, 370.
(P.) Hue, 248, 307.
llumati, H, 82.
Hunier (NV.-W.), 11, -28i)n.
landar, 80.
Iran a, 350.
Ichangu (contrefort), 11, 364.
Icangu-Narâyana, 366, 390; II, 95,
-240, 364.
Içvaris, 378, 383, 11, 124.
Iksuuiati (ruisseau), II, 7, 70.
Imbaultlluart, 169 n. sqq., 188 n.
Inde. Boutes de l'Inde au Népal,
48; itinéraire des Capucins, 118
à 120; relations commerciales,
308 sqq., 354.
lndo-(ihine (épigraphie), III, 1-28
scj., 132.
Indra, 321, 3-26, 330, 350, 384 sq.,
389; II, 17, 53, 11-2, 342 ;MII, 24.
Indradamana, 206.
Indra deva, II, 206.
Indra gosthi, lll, 118.
204
LE NÉPAL
Indra-mârga lirlha, !206, 326.
Indra mûlaka, IlL iio.
Indrànanda, II, lli^.
Indrâni, 386.
Indra-Than, 387 : II, 53.
Indrâyani, III, 176.
Indra-yâtrà, 384; II, 53, 27-2.
Indreçvara, 389, 390.
(P.) Innocenzo d'Ascoli,i03 n., 408
n.
Irsyârâjya, II, 72.
I-hing (Yi-tsing), 161, 339; II, 2o.
Jaffus (Jyâpus) [caste], 242.
Jagadanoka Malla, II, 215.
,Iagaj jaya Malla, II, 257, 261.
JagajjirPânde, 11,280.
.lagaj'jyolir Malla, 383; 11, 47,240
sqij.
.lagannatha ini( ra. II, 354.
Jagal Praka«:a Malla, 88, 109: II,
36, 242, 255, 260.
Jagal ShamsiKT, II, 300.
Jagal Sirpha kiiinàra, II. 231.
jagmlar, 297, 300.
jfigirs, 297 sqq.
Jainas, 225.
Jaisis [caste], 228, 239, 246.
Jalaçayana Narâyana, 3()7 s([., 390;
II, 6,^95, 139, 353.
Jâmana, 11, 25 'i.
Janaka, II, 70.
Janaiiiejaya, 202.
Janardana Visini, 330, 372.
Jaiig Balladur. 139 s«|q., I8{, 26î»,
286, 29t>, 321 : II, 50. 297 à 303.
Jangainas, II, 377.
JdWfhK, Jà-hi' (Kalmainioii), 5i.
Jansoii, ilO.
Jal Matrocriia, 391 : III, 163 (\. Na-
gaijnii).
Jayabhîma deva, II, 215.
Jayaçâha (<»sîha), H, 215.
Jayaçi (?) malla deva, U, 210.
Jayaçrî, II, 97.
Jayaçrî, 213: ÏII, 161.
Java de\a Malla, II, 180, 199, il5.
Jayadeva, II, 85, 9<>, 162, 168 sqq.:
ill, 135, 137.
Jayakânia deva, 324 ; H, 193.
Java Malla (athlète), U, 11.
Jayânanda deva, II, 219, 231.
Jayâpîda, II, 176.
Jaya Prakàça Malla, 55, 284 ; U, 5,
22, 36, 54, 257, 263 sqq., 265 sq.
269 sq., 272, 274, 281.
Jaya râja deva, H, 231.
Jayâri Malla. Il, 219.
Jayârjiina Malla. II, 232, 235.
Jaya rudra Malla, II. 219, 226, i3L
Jayasiniha Râma, 11, 235.
Jaya Sthiti Malla, 199, 230, 233,
237 (organisation des caslcs), 246
sqq., 298 scjij. (cadastre), 383 ; II ,
219, 230, 232 sqq., 355.
Jayatâri, 11, 216. 218.
Java-tïrlha, 327: III, 175.
Jayavâgi(:van, 378, 391 ; II, 125.
Jayavarman, II, 111.
Java Vira Mahïndra. Il, 261.
Jaya Yoga prakàça, II, 261.
Jayeçvara, II, 111.
(P.) Jean-Albert de Massa, ill.
(P.) Jean-Franrois de Fossenbrun.
99.
Jésuites, 77, 80 sqq., 100.
jcthabu.lhâ, 298.
Jhankeçvan, 377.
Jinacri, 213: III. 161.
Jinaniitra, II, 63 sq.
Jisnugupta, II, 106. 128, 138, 155 à
161,212; III, 103.
Jita Malla, 11, 240.
Jitaniitra Malla, 303: il, 242.
Jitedasti, II, 82.
INDEX
205
Jïvamalla, II, 398.
Jnânânanda svâmi, 365 ; IL, 254,
256.
Jnânaçri mitra, \\U i77.
Jnâna-tîrlha, 327.
J flâna vajra, II, 489.
(P.) Joachiin de Santa Naloglia, 402,
403 n., 408 n.
Joghi [caste], 244.
(P.) Joseph d'AscoJi, 98, 99, 444.
(P.)JosephdeRovato, 444, 445 sqq.
Josi. V. Jaisi.
Jurjur (Giorgiur), 424.
Jvâlâipkularmaràna, III, 47G.
Jyâpus (V. Jaffus).
Jyotili prakâ(;a, il, 264.
Jyotir Malla, II, 234, 235 sqq., 401.
Jytliak, 11, 288.
Kâcannasta (?), HL 103, 408.
Kaccliapa (mont), 111, 174.
Kacchapa (démon), 370.
Kaccliapapâda, 111, 475.
Kârî-khanda, 201.
Kacliars, 223.
Kiuyapa biiddha, 333: II, 5, H n.,
71).
Kâ(;yapa Mirra. II, 26, 95.
Kâge(;vara tîrlha, 111, 175.
Kailasa, 376, 38S.
Kaiiâsakùta, II, 135, 138; III, 81,
403.
Kailàst^vara, II, 139; 111,92.
kâjis, 289, 298.
Kâji Dhurïn, 484.
Kâji Kahar Sinilia, 11, 276.
Kakokù, 422.
Kâlacakra tantra, II, 385.
Kâla gandikâ. (V. Gandaki), II, 476
sq.
Kalanga (Nalapani), II. 288.
Kalankaçmaçâna, III, 476.
Kalàpa, 388.
Kaleçvara, 386.
Kàlî (rivière), II, 279.
Kâlî (Mahâ-Kâli), 320, 379 à 382,
386 ; 11, 374.
Kâll-hrada, 379.
Kàlikà, 379: 11, 252.
Kâlikola, 11, 401.
Kâlï purâna, II, 260.
Kâlï tïrtha, III, 475.
Kali Yuga, 221.
Kalpavrksa, 53.
Kalyâna giipta vihâra (\'àrta°), 111,
439, 444.
Kalyânasamgraha, II, 379.
Kâina, II, 471, 486.
Kâmadhenu (Kâma-dugh), 389: 11,
443,404.
Kâmani, 348.
Kâmarùpa, 335 n.
Kambala (Kamba-la : Kamba), 85.
Kambîlampra, III, 439, 445.
Kamiya, 273.
Kâmsyakâra (kassar) [caste], 244.
Kanaka çrî. II, 189.
Kanakamuni, 111, 476.
Kâficï (Conjtîveram), 11, 74, 214.
Kangra, 93 n.: Il, 285.
Kankeçvari (Uakta-Kàli), 378; 11,
35 sq., 49.
Kansâ (Khâsd, Khangsa), 427.
Kansavali, 63.
Kàntimalï, 111, 466.
Kântipura (Katmandou), II, 486,
249.
Kapâla Bhairava, III, 476.
kapardar, 289.
Kapilavastu, II, 26,95,352.
Kapirâja, III, 472.
Kapotala (Kâpotala, mont), 348
sqq.; H, 45; III. 464.
Kapotala (tîrtha), III, 475.
Kâranda vyûha, III, 20.
200
LE NEPAL
knraaâdhann, 28^2.
Karavïra, li, ^1^^.
Karbujha, 24*2.
Karbura-kuli^a, 3-26.
kavkhn (ropnl), '299.
Karkotaka nâga, 24(i, 321 sqq., 330,
349; 11, 10; III, 1H3, ifvi, 177.
Karinapa lama, II, 5.
Karmasimha, 11, 222.
Karnakotlama mahâvihâra. II, 335,
Karnâtaka, 219: II, 200, 244.
Karnâtaka (dynastie). Il, 218 sq..
224,255.
Karunâ vajra. 11, 207.
Kârunike(;vara, 204, 388.
Kasàis [caste), 243 s(i.,251.
Kassar. V. Kâmsvakâra.
Kârsâpana, 283.
Kaski (Kashki), 255; 11,302.
Rasouiidas, 223.
Kâspiri (écriture). Il, 251.
Kata (écriture), 11, 251.
Katapûtanas, 111, 171.
Katliisanibu, 11, 334.
Kathya Malla, 11, 212.
Katmandou (Historique et noms
divers : Ràstlia mandapa, Kâth-
mando, ('admeiidu, KatmandQ,
Khâtmândù, Khatmandu, etc.)
52 sqq.. 80, 0(), 99. 102, 108 sqq.,
111, 122, 125, 253, 284, 32;, 354,
3S4 sq. : 11, 8, 48 sq., 54, 181,
194, 19(), 209, 220: (royaume de
— ), 239, 243 à 257, 205, 272,
275, 283, 28S, 319 et pass.
Katlliar [casl(»), 242.
Kâlvâvana bhiksu, 111, 174.
Kaua (Nekarn)i) |casle|. 242.
Kaui.iki, III. 170.
Kaumarî, III, 170.
Kaussa J caste), 242.
Ravindra, 11, 253.
Kayalhi napira (écrihire). 11, 251.
Keca candra. II. 24!K
Keçavatï, 320, 329 ; ill, i()6, 173.
Keçinï, 332.
Kerant (Kirâla ou Kirong ?), 175.
kh(h 299.
Khadga Sham Sher, II, 304, 352.
Khadgis, 228.
Kliadpu, II, 215, 274.
Khagânanâ, 381 : III, 104.
Khagarbha Bodliisattva, III, 171.
Kliamba (passe de), 85.
Khânchâ, 255, 265.
Khardars, 289, 298.
Kharga Sbam Slier. V. Khadga.
Kharjurikâ vihâra. H, 25, 139, 1«9;
m, 92, 139, 144.
Khas,200 à207. 271, 275, 276 sqq.,
300; Il (Khassias), 210 sqq., 264.
V. Khasas.
Khâsâ lama, II, 8 n.
Kliâsâ-caitya (Rudhnâth), II, 8 n.
98.
Khàsâkira (f), 11, 255.
Kiiasarpana Lokeçvara, 354 : II,
180.
Kliasas (Kbas, Kliassias), 227, 235,
254, 257 t>(iq., 203 sqq., 276 sqq.
V. Khas.
khrt (ksetra)^ 300.
Klio b<Hn (Katmandu), 54.
Khodhâ nyâsa, 305.
Khokbna,*lI, 35, 240.
Khopasi, III. 70 sqq. (inscription
de), 80.
Khopo daise (LUiatgaon), 65.
Khrpun, II, 127 : III, 02, 04,
Kliuâ, 122.
Kio-tr-man-toi( (Katmandou), 187.
Kicapricin (Kisipidi), III, 52, 56.
Kli'n loutj, 178 sq. ; 11, 279.
Kilakila(:ma<:âna, III, 170.
Kilecvara, 203, 370.
Kin(f-tchitiq, 339.
Kiniocb (.Major), 111, 132: II, 27i.
Kiranis. 223 (N'. Kiriitas).
INDEX
207
Kirâtas, 9, 91, 131, 497, 2il sq.,
266 ; 11, 6-2, 7i, 74 à 83, «268, 276,
279.
(P.) Kircher (Athanase), 84 sqq.
Kirkpatrick (Colonel), 70. 72 ; —
mission de, 433 sqq. : ISO, 220,
263, 309 : H, 280.
Kirong(Kî//-ro/7), 6S, 434, 456, 177,
479, 483,484, 485, 487: 11, 276,
304.
Kïrli Malla, 11, 235.
Kîrti Nâtha Tpâdliyâva, 230.
Kirlipur (Kïrli pu ra), i)ih 414, 243 ;
II, 33, 72,246, 269 à 274, 364.
Kisipidi, 11, 120 s.[., 392: III, 48
sqq. (inscription de), 52 sqq.
(inscription de Ganadeva à).
Kissini (Jafîu) [caste |, 242.
Ki-yc, 466 n.
Klaprolii, 443.
Kltii pho 'bnin (Katmandou), 54.
Knox (capitaine \V. I).), 43'i, 43()
sq. : 11, 283.
KVnd-k'a ((lourkiia), 486.
Uoinyn (harhi)^ 300.
Kokona, II, 400.
Konar [caste], 2*2.
Konli biliâi'. II, 9().
Kori, II, 340.
Kote(:vari. 377.
Kotikarna, III. 459, 173 scfij.
Kotirâja, 409.
Kôt Umja. 293.
Kotpal. 350.
Kott-k'on-niofi (Katmandou), 54,
472, 487.
Krakucchanda Biultllia, 220, 230,
329,394: II, 70; lll, 465.
Krkalâsapada, lll, 175.
Krodlia Bhairava, lll, 476.
Krodha-devatâ, 348.
Krsna, 204, 224, 368 sqq. : 374 : 11,
33, 51, 59, 72, 258, 406.
Krsna janinâstauïi, 11, 54.
Krsna Dvaipâyana, 111, 28.
Krtya-cintâmani, II, 224.
Krtya-ratnâkara, 11, 224.
Ksamâkara (couvent), 111, 465.
Ksamâvatï, lll, 465.
Ksetra kâra, 299.
Kselra-pradaksiçia. 304.
Ksetra-pâla, 383.
Ksetrapâleçvarî, 378.
Ksipana ((ihippah) [caste], 242.
Kù (village). 11, 461.
Ku(;a, 11, 234.
Kuça-birtâ, 301.
Kuçadhvaja, 11, 70.
Kuçalavodaya nâtaka. II. 342.
Kui-po (Rlialgaon), 65.
kukhvL 268, 291.
Kukkuripâda, lll, 476.
Kukkutârâina, lll, 4()4.
Kuku (Tibétains), II, 244.
Knkiim II lui, 54 : 11, 4*9.
Kuku-syânâjor, II, 244.
Kulaniâna pandit, 11, 27, 342.
Kuliçe(;vaiï, 378.
Kulika i\âgaràja,323, 325; 111, 170.
Kullu [caste], 244.
Kulmandan, 255.
Kuniaon, II, 279, 288, 289.
K u ni â ra-b 1 1 û ta , 34 1 .
Kumârî, 379 sq.. 386 : II, 44, 54,
53, 54, 424, 493, 272.
KuinbheçNara, lll, 470.
Kumbliakdra (kumhar) [caste], 242.
Kunala-kselra, 111, 444.
Kurpâsî. V. Khopasi.
Kuti (Kul), 64, ()7, 82, 90, 427 sqq.,
472, 475. 477 sqq., 482, 484, 485,
487 : 11, 239, 250, 255, 276, 304.
Kuvera, 350.
Laditamahei^vara, II, 442.
208
LE NÉPAL
Lagan-bahal, H, 328.
Lajampat, U, 397; 111, 49 sqq. (in-
scription de).
Lakhipar, 240.
Làkhyâ-yâlrà, II, 40.
Laksmana, 11, 366.
Laksmï, 320, 332; 11,56.
Laksniï Dàsa, 496.
Laksmï Kàmadeva, 11,484,494 sqq.,
209.
Laksmï Narasimha Malla, 53, 427
n., 472, 236, 309, 379; 11, 249
sq.
Laksmï Nàrâyana (divinité), 11,342,
340, 366.
Laksmï Nâràyana (roi), 11, 235, 255.
Laksmï vanna vihâra, 11, 193.
Lakçmîvarnaçmaçàna, III, 476.
Lalibana-bihâr, 11, 26.
Lalita (pattana), 64.
Lalita Tripura Sundarî, 11, 284,
282.
Lalita-vana, 60.
Lamba karna bliatta, 11, 254.
Lamji, 11, 274.
Lamjun^' (Lan)jang), 253, 255 ; 11,
302.
Lampanco, III, 408.
Lamu [caste], 2i3.
Lanka, 203, 207.
Laïikhâ, III, 408.
Langur, 82, 85, 425, 477.
Lava, II, 234.
La>>arju |casl«»l, 239.
l>Lc Bon, 446.
lekhya-dàtia, 282.
Lelegram, II, 246.
Leprhas, 223.
LhU'ijciijtsii liiihti. II, 449.
(F.) Liborio da Kenno, 403 n.
Lirchavis, 10 scfij., 227, 25î), 280,
282, 378: II, 85 à 134 (bistoire),
459, 244 sq. : III, 54 (ère des),
64, 80. IH, 443.
Li I-piao, 455, 456, 465, 335 n. ;
il, 464.
Lïlâvatï, 388.
Lïlâvatï (ruisseau), 387.
Limbus, 222, 223.
Lindesay, 70.
litiga, il, 46, 58 sq., 277.
Listi (Nisti), 85.
Mrs. Lockwood de Foresl, 448 n.
Lobankarmï [caste], 244.
Loka-samdarçana, III, 463.
Lokeçvara, 324 sq. ; II, 96, 328.
Lokeçvara çataka, il, 489.
Lomri iMahâ-Kàlï, 348, 379.
Lopriq! (pàncâli), III, 417.
Lubhu, II, 245.
Luntikeca, 390.
Lutàbàbâ Bbairava, 382
M
Madana, 203, 388.
Madana Simba, 11, 235.
Maddikarmi [caste], 244.
Mâdhava, 389.
Madhyalakhu, 64 ; 11, 434, 473,
382.
.Madbyama vibâra, III, 92, 439, 444.
Magars, 223, 254, 262, 267, 27i,
276 sq., 360; 11, 247 sqq.
Màgba, 385.
mâgbapat (écriture), II, 254.
Mâghï Pùrnimâ, il, 44, 365.
Mâgha-Yâtrâ, 11, 368.
înahàhalàdhyaksa, 284 ; III, 87 n.
Mabâ-bbârata, 202 ; 111, 28 sqq.,
44, 430, 432, 433.
Mahâbodbi, 494; 11, 42, 329.
.Maliâbodbi vibàra (Mabâbuddha
vihâra), 494; II, 42,337,347.
Mahâbuddb (temple), 11, 365.
Mahâ-Cïna, 204, 220, 332 sqq., 390;
III. 463. 476.
INDEX
209
Mahà-Cîna-kramàcâra, 346.
Mahà datta, II, 278.
Mahàdeva, 320, 350 sq,, 372, 375,
382 ; II, 124, 366.
Mahàdevî, 372.
Mahàkâla (Mahankâl), 349, 348,
384: 11,24, 169,338.
Mahâ-kâli, 384.
Mahà-Laksmï, 52, 381. 386; II, 35,
37 i, 384, 392; III, 176.
.Mahâ-niandapa, 332.
Maliâ-mâri, H, 217.
.Maliâna^'ara, II, 124.
Mahâpadina, 323.
mahâpatha, III, 148.
mahà-pratlhâra, 281 ; III, 156.
maharaja, 289.
mahûvâjâdhirilja (dhivâj), 286.
iuahârathyâ, III, 118.
mahfi sfimanta, 280 ; III, 83.
Maliâ-Sànij-hikas, 11,189; III, 111.
Maliâ Siindara, III, 173.
ntflhfltinya, 201 s(|(j.
MalHM'vara, 362.
.MalitM;van, 37S, 386 ; |||, 176.
Maliciidra dainana, 203, 369.
Maliendra .Malla, 173, 309; II, 2;6
s([q.
Malicridia iiialii (iiKUinaii';, 17i:
II, 2;7.
MaJHMidra saras (Madaiia saras):
II. 206.
Malmleva, II, 116.
.Malii .Nadia lUiatta. 230.
Maliindra Malla (.Mahipatîndra). Il,
256. 261.
Mahîndru Sii]iha dcva. II, 261.
Maiiindia Siiplia lUii, II, 273 s<|.
Malii pala, II, 18S.
Mahipalîndra (\ . Mahïndra .Malla),
II. 257. 261.
Mahisâsiira, II, 55.
Maitrcya Buddlia. 15«, 213, 321;
IL 32«.
Mâju, II, 200.
Makhi, 240.
Mâkhostam-Satsara, II, 127.
Makwanpur, 87 ; II, 288.
Malaon, IL 288.
Mâlalï-Mâdhava, II, 377.
Maligram, II, 246.
Malla bhûmi (Malebhum), II, 210.
mallakara (impôt), 283; II, 128,
160, 212; 111,68, 69.
Malla purï, II, 102, 211; 111,18.
Mallas 14 sqq. , 215, 227, 229sq., 252,
259, 265, 284 sq., 298, 306, 309,
364, 378 sq. ; H, 105, 210 sqq.,
219.
Ma-mou-sa-yeh, 188.
Mâna, II, 104 sqq.
Mana dauvârika, IIÏ, 152.
Mâna deva, 214, 367, 380.; II, 7, 14,
24, 96, 98 sqq.. 369; III, 5, 16,
20, 24.
Màna deva (II), IL 121, 206sq.
Mânadova (et Jisnugupta), II, 156;
III, 104. 108.
Mânadeva vihâra, III, 139, 144 (v.
Mânavihâra).
.Maiia^hi (Alberto), 114 n.
Mâna Krba, II, 106, 120; III, 9, 56,
59.64, 80, 88 n., 108.
Mâna^'rliadvâra, 111, 152.
Mânaj,ni|)la, IL 106, 158 ; III,.
103.
Manah-(;iras tïrtba. 390.
.Mânânka, II, 106.
Mâna viliâra (çrî), II, 8, 106, 139,
169 : III, 92, 139.
Mandchous, 171,339, 342.
Mân(M:vara, M. 139; III, 92, 155.
Mânervaii, 378; M, 105 sq., 235.
Man};al(M;\ara, 203.
.Mangale(;vari, 377.
Manbaura, Manoharû, Manmati.
(V. Manimali).
Mapicailya, III, 168.
m . - 14
210
LE NÉPAL
iManiclmr (Manicûda), 3-29, 391 ; 11,
49; ni, 468.
Maniçilâ (tïrlha), l[F, 47").
Manicûda, 329; Ili, 466 (v. Mani-
cliiir).
Manidlifirâ, [II, 469.
Mani-dhâtu, 330.
Mânigala, 11, *249.
Manilihjîa, 111, 469.
Manilinge('vara, 111, 469.
Mani-inandapa, 11, 260.
Maniinali (Manmati), 50, 326, 329,
388; III, 472.
Maninâga, III, 469.
iMani loiiinî, 326; IIL 469.
Maniladâga, 111, 468.
Mani-Yoj,nnî, 380 : 11, 7 ; 111, 469.
Manivalï, 330.
Mâiiïvaksotra, III. 415.
Mafijurrî (Manjugliosa - Bissôrlit-
ma), 52 ii., 461, 474, IS2, 243,
220, 224, 22;, 32S, 330 à 347,
376,394: II, 18, 19,377 ; 111.463,
476.
iManjucrî railya, III, 465.
ManJQc ri-inùia lanlra. II, 64. 493.
ManjiK-ri |)ariinrvrina, 3'« l .
Manjugarlîi, III, 170.
Manjugarti'cvara. III, 47(K
Manjii-pallana, 333: 111, 465.
Manjiipura, III, 470.
Manoliarâ, 326.
.Manoiatlia-lîrllia, 326: III, 473.
.Manu, 227,259, 264 n., III, 431 sq.
Maquainpur, 420, 422, 123.
M ara, II, iO.
.Mâradîlraka, 326.
Maraiiga (Moraiitra), 82, 87.
P. Marco (icila T<)ml)a, 51, 405 ii.
sqq., 115, 417, 121 ii., 423 sq(|.,
372.
Maïkliain, 70, 400 il, 105 n.
Marley, H. 2S8.
Marlindcll, 11, 288.
inaryàdàbamlha, 111, 93 n.
Malabar Singh, il, 292 à 296.
Ma-tanalomo, 468 ; il, 228 sq.
MâtâUrtha, 327, 390 ; il, 73, 264,
392; 111,475.
Mathurà, 388.
Mâtin, 11, 440.
Malirâjya, 11, 72.
Malisirnha (moine), 464 ; (roi) II,
228 s(i.
Malsyamukha tïrlha, III, 175.
Malsyendra Nâtha (Mîna Nâtha,
Macrhîndra Nâth), 52, 239, 243,
254, 262, 320, 322, 347 à 357,
360, 385; II, 44, 34 sq., 40, 44
sqq. (oyritrà), 59, (Sânu«), 462,
216 s(i. 227, 235, 258, 260, 263,
328, 386 : 111, 479.
Maulvi Abdiil kadir khan, 434.
Mayuiavarna^Il, 97.
Modini Mail, II, 239.
Mt'Hif l*ao, 186.
MichA, 255, 265.
1*. .Michel-Ange de Tabiago, 411,
415 n.
MinayelT, 68, 4 4;, 445,252.
Ming'(l)ynasMe), 450, 467 sqq., 186,
336; li. 228 sqq.
Missions. N. .1 ('suites : (iapucins.
Milhilâ. 369 sq.
Mitrânanda, 11, 322, 327.
.Mogol, 173.
.Mogor, 82.
Molian-chok, II, 253.
Mohan lïrtlia. II, 276.
Mois interralain», III, 49 sq.
Moksadn, 332; 111, 464, 477.
Mongols, 470.
.Moranga : Morung, 84: II, 238.
Mounnis, 223, 266.
Mrga çikhara, 206.
.Mrgacrnga, 370.
Mrgasthali (<> la), 316, 364.
.Mrgendra çikhara, 369.
INDEX
2H
mrttika, m, n.
Mu [caste J,'24!2.
Mudila kuvalayâçva, li, 242.
Mukimda Sena, 251,262 sqq., 284,
360 sc|. ; II, 247, 220, 268.
Mùla-Sarvâslivâda vinaya samgra-
ha,II, 63 sq.
Mûla-Sarvâslivâda vinaya, lll, i8i,
190.
MundaçrnkhalikaPâçapata, II, 161.
Malavâtikâ, II, 160.
Mûris, 300.
Musulmans, II, 245.
Mutgari, 82.
N
Nadesgaon, II, 260.
Nadi, 67.
Nadikostlia tïrtlia, III, 175.
Nâga-dvipa (Népal), 320.
Nàga-hrada, 320.
Nâga malla, II, 233.
Nâga-paficamî, II, 50.
Nâgâripâda, III, 176.
Nâgaraka sarvasva. II, 241.
Nagarjun, 391, II; 353,360.
Nâgârjuna, II, 3()0.
Nâgàrjuna dcva, II, 195.
Nagarkot, 93 n.
Nàgas, 54, 158, 213, 246, 320 à 325,
333, 348 sqq., 50, 217; III, 164.
Nâga-vâsa, 320.
Nâga-sâdhana, 323.
Nag Bamba raja. II, 210.
Nagdes. V. Nakdcs.
Nairrtya, 350.
Nakavihâra, II, 266.
Nakdès, II, 239, 376.
Nakku khola, 371.
Nala, 11, 215, 274.
Na-ling ti-po (v. Narendra <leva).
Nalli [caste], 243.
Nâma-Samgiti, 334 ; 11, 328 ; 111, 176.
Namt)buddha (mont), 391; II, 82,
144.
Namsal, 11, 246. V. Nangsal.
Nam Simha Hâî, 11, 273.
Nânà Sahib, 11, 303.
Nanda nâga, 327.
Nandadeva, 11, 172, 181.
Nanda Gaowah (Nanda-Gopa) [cas-
te], 243.
Nandi (taureau), 362, 366.
Nandi, 11, 97.
lumclJçankha-vûda, 281 •
Nandigaon (Nandigram), 67 ; li,
246, 264.
Nangsal, II, 397; 111, 146 à 157. V.
Namsal.
Nanniya Ganga, II, 201.
Nânya deva, 64, 219, 364 ; 11, 180,
198 sqq., 215. 219 sq., 255.
Nâpita (Nau) [caste], 242.
Nara bhûpâla Sâh, II, 262.
Nârada, 328, 369.
Naraka, 11, 56.
Nara Nâràyana, 11, 235, 255.
Nara Simlia (Visnu), 206, 369; 11,
139,254; lll, 92.
Narasirpha (du Tirhout), 11, 234.
Naïasiipha Tliâkura (magicien), II,
254.
Nàrâyana, 320, 366 à 375, 388; 11,
95, 234 sq., 335, 353, 394 ; lll, 35
97, 115 (odevakuladaçamïgosthi),
118, 146.
Narendra deva, 154, 156, 162, 164,
165, 166, 212, 280 sq., 321, 337,
347 sqq. ; 11, 26, 44 sqq., 121 sqq.,
156, 162 à 167.
Narendra deva (Narasiipba deva),
11, 207.
Narendra Malla (roi de Bhatgaon),
11, 239, 242, 255.
Narendra Malla (roi de Kalman-
> dou). 11, 246, 338, 339.
212
LE NÉPAL
Narendra prakâça, i[, 257, 264.
Naskalpur(Kirtipur), 11,274.
Nateçvara, 386.
Naii. V. Nâpita.
Naugrocot (Himalaya), 92, 96.
Naiigrocot (Nogarkol), 92, 93 n.
Nava Durgâ, 377 ; n, 425.
Navalinga tïrlha, ill, 475.
Navanâdi maya, 328.
Navarâtri, H, 54.
Navasagar, 67.
Nava-Sâgara-Bliagavalî, 11, 8, 35,
98, 496.
Nava-lola, II, 424.
Nâyaka, H, 33.
Nayakol, 48, 479, 483, 253, 255,
382:11, 35, 48 sq., 406, 493, 496,
234, 244, 250, 264, 268, 269, 274.
Naya ptila, II, 488.
Nâyars Nâyora (Nairs), 249; II,
200.
Nobhar | caste], 240.
Necbal (Népal), 86, 94.
Neopal (Népal), 86.
Nekanni (Kaua) Icastej, 242.
Nekpal (Népal), 86, 99, 421, dans
(ieoigi 122. dans P. Marc 423.
Ncmi (Ne Muni), 204, 221, 359,
370; H, 67 sq., 72.
Népal (comparaison avoc Ceylan et
(iachemire), 5,(); (coiipd'œil sur
riiisloire) 7 à 39 (le royaume,
tableau géographique) 41 à 46 ;
(la vallée, tableau géographique)
47 à 74 ; (différents noms) 86 ;
(connnerce) 428 n., 472 sqcj.;
(élymologie); 223 n. 244, 2i3 ;
(roule de CJiine) 335 ; (nom) II,
66; (moiniaie) 11, 406 à 414, et
m, 492.
Nemita, 11, 67.
Ne[)âla-.Mâhâlmya, 201 sqq., 207,
210, 318, 326, 330, 366, 369, 372,
387; H, 67, 287.
Nepâla-saipvat, 215.
Nesti (Listi), 82, 85.
Neta-Devî-yâtrà, il, 48 sq.
Ne vaginal (Nivâsa Malla), 84,
87.
Nevàra (écriture). II, 254.
Névari, 246, 251 sq.
Névars. 9, 249 sqq., 254, 302 sqq.,
386; II, 200.
Nibharbhari [caste], 241.
Nicolls (Colonel), 11, 288.
Nidhi-lïrtha (Nidhànao), 326.
Nikhu, 50; II, 40.
Nikhu (caste), 239.
Nilkanth (montagne de), II, 239.
Nîlakantha (lac), 320, 368, 386.
Nilam. V. Kuti.
Nîla Tara Devï, 384, 383.
Nimisa, 328; il, 67,83.
iM-po-lo (Nepâla, Népal), 454, 157,
463; II, 63,64.
Niràvati, 387, 389.
Nirbhaya deva. II, 486, 190 sqq.
Nirgunananda Svâmi, II, 282.
Nirmala-tïrtha, 326; Ilï, 173.
Nilyânanda Svâmin,365; 11,249.
Niyama, II, 67.
Nogliakot, 425.
Notizie Laconiche, 385.
Nrpendra. Il, 256, 328, 334.
Nrtya Nàtha, II, 424.
Nuti lîrtha, III, 475.
Nyalpola Deval, II, 11.
Nu pal (Népal), 86, 92.
Ochterlony, 137 ; II, 288 sq.
Odiyâna, 111, 170, 171.
Oliphant, 140.
Oldtield, 444, 442.
OnkulT-bahal, II, 26, 125, Î08.
OU'fai'Chan, 335 sqq.
INDEX
213
Pabi (Pamvi), H, 82.
Pâçupatas, 362 s<[., 3()6.
Parupali (Çiva), i (IVonlispiro),
20i sqq., 26-2, 316, 323, 3ri7 à
366, 372, 381, 384, 388, 3îM ; II,
li, 16, 58 sq., 71, 72, 8 î, î)3, îm,
108 sqq., 135, I3Î), 186, 217, 238,
2ii, 25i, 256, 275, 287; III, \\i.
Paçupati (templo), m, (>7, 300, 323,
370, 388; II, 57, 97, 216, 236 sq.,
258, 293, 355; 111,92, 138.
Paçupati purâna, 205, 326, 369; II,
66.
Par upreksa (lova, 359 sq. : II, 8i, î)3.
Padma nâga, 327.
Padmacala, 237.
Padma rri jnàna. II, 2U.
Padnia dova, II, 164.
Padmaka, 323.
Padma kàsthap^iri, II, 72.
Padmapâni Lokervara, 319 ; II, 328;
m, i69.
Padmavalî, III, 167.
Padmollara, III, 167.
Padumalla devi, II, 231.
Pa-eul-pou (Népal), 486.
Pahanco, III, 408.
paijtli (pafijanî), 288.
Palamchok, II, 227, 238. — Palan-
rliauk Bliagavati, II, 8, 98.
Palas, II, 488.
Paidu, 426.
Palloki, 96, 97.
Pa-lo-pou (Nopal), 172, 48() s(j.
Palpa, 467, 256, 262: II, 49;, 247,
2 il, 268, 278, 285.
paua, 283; Ilï, 8i, I ;9.
panapurdnn, III, 449.
Panauti (Panâvatî), 394; II, 144,
215, 274.
Panca-buddha, II, 96.
Paûca-rirsa parvata (Panca çikha),
332, 335 sq. ; III, 163, 476.
Pâficâla dora, II, 4 44 ; III, 469, 470,
473.
pfhlcf'tlîy III, 41 i.
Paficalihj^a Dhairava, 382 sq. ; II,
257 .
Paficanadi hrtha, 327.
pniicnpnrâdhn, 282, 2î)5.
Pafica-raksâ, 295.
paiicayatf 29 i.
pane khât, 295.
Pânde (Panro), 257, 286.
Panduke(;vara, 3i)0.
Pândunadi, 3Î)0.
Panga, II, 246.
pântya-hiniuântilKt, 284 ; III, 88 n.
Paiioni, H, 314.
Pan-tchoiM'ul, 480.
P. Paolo (U Fironzo, 403 n., 406.
Pâpa-nâ(;i"J> «^-7.
Parârara, II, 63.
Paràoara dharma çâslra, II, 385.
parama-mâhcrvarn^ III, 444.
Paramecvarï, 374.
parbatit/a, 246, 275 sq.
Parirista-parvan, II, 65.
Parigospalli, III, 4i5.
PariksÛ, II, 82.
Parsa, 423.
pâisi (écritunO, H, 251.
I^artasmal (Pratâpa M al la), 85, 87.
Piirthivendra, II, 256, 334.
Parvaleçvara, II, 439 ; III, 92.
Pârvàli, 348, 346, 375, 387.
Patalipulra, 243; 111,462.
Palan, 52 (Ilislonipio ot noms di-
vers :), 60 sqq. (Pallana-Pâtan),
67, 80, 84, 86, 409 sqq., 422, 284
385: II, 4, 4 (oaitya), 33, 44 sqq
(Matsyendra Nâtlia yàtrâ), 473
493, 494, 490, 242, 220, 236
(royaume do), 239, 257 à 261
214
LE NÉPAL
2iri, 248, 265, 271, 282, 299, 3'il
sq.,3Usq.; 111, il3à4i8.
Patuka, 11, 83.
P. Paulin de Saint-Barthéleiny,
ii3 II., diriii.
Pi'-boiin. V. Préboung.
Pei-pou (Ncpal), ISG.
Phammthh), 11, 189.
Phatlfi, II, 11.
]>liirin*îï (ôcrilunO. IL 2i)l scf.
Phiiphin-, 07, 379, 390 ; II, 43,
2U>, 399.
Plmlrliok (PhuIhuTlin), 333; 111,
103.
Phiillak, 177.
Phiiluin. Il, 2;(;.
]*ick(Msj;ill, 72.
Vi('.-])nn\) (Nrpal), 18(J.
P. Piorro kW. Serra Pi^lrona, 102.
Pihi, 2;3.
Piiiors C()iniii(''iiioralifs, III, W s(j.
Pinjzahi, 11, 2<), 72.
Pin}:ala-vilKiiîi, II. 72, 495.
Piiila-viliara. Il, .M, IH).
pUlHKUnjahsa, 2Sl : III, 88 n.
Potlliya (Piiriya) |cast('|, 241.
Poklira, 2ri3.
Possé, 122.
Polala. ?ù\\.
P'ouo-lo-ti»n, •l;i7.
Pon-1/i'ii (Ilhattraoïi), 172, 187.
PrahliAvalî, risirn» («'l shmit <I«»
Mahciulia). 203. 327, 330, 309
s(|(|. : III, |(>3, I7r>.
Pracanda (h'Na, II, i. 70.
pradhfDW, 28* ; II, 20.").
Piadyuiniia, 203, !10S sq<|.
Prad) iiiniia kaina <l«>va (Padina
dova). 11. lîli.
Pralil:ida.200. 329, :;(>9 ; II, W, 308.
Prajnii, 377 : II, 17.
Prajfia, .'iil9.
Prakânda, 38 «.
Prainodaka tirllia, 327 : III, 475.
]>ranâlî, II, 22.
Plana iMalla, II, 239.
prasâdâdhikfta, 284 .
Prasâdagupta, 11, 424 ; 111, 53-5G.
prâsâda ratha, III, 450.
Praldpa Malla, 87, 88, 246, 323.
3()0, 305, 368, 384 ; 11, 17, 59, 224,
250 à 256, 260, 262, 33i. 335,
330, 393 (inscription |H)lygra-
pliiquo).
pratolh III, 90 n.
pvfiiffanta. II, 444 sqq.
Prayâga-nhairava, 383; II, 443.
Prayâj;a-tïrlha, H, 434, 443 sq.
Préboiing (Népal); Pé-bouii (Né-
vars), 486, 307.
Prêtas, llï, 474.
Prilhi Narayan (Prthvî Nâràyaça),
02, 64, 0(5, 444, 474 sqq., 243,
253, 264, 204, 266, 274 sq., 276,
286, 309; II, 5, 36, 44, 54, 440,
2()3 à 277.
Prihivi prda. II, 282, 284 sq.
Prthivi Vira Vikraina Sâh, II, 303.
PrlhvïiMJii,ll.222.
Pucrhn^Ta, 301 ; III, 462.
Pnlastya, 206, 364, 388.
Pnipiil |rast('|, 242.
Pui.uira \ardliana, 354.
Punka (?) Pamali, III, 445, 117.
Piinyadova, II, 425.
Piinva-tirtha, 326.
puràm (monnaie), 204, 209: III.
84, 149.
Pnriya (V. Podiiya).
punthitn, 272.
Pnrnhi, 273.
Punisa[>ura, 371.
Piispa deva (Piisya deva), II, 469;
III, r.o.
jntsjtn-patfikafrtlhn), 284: II, 139;
ill, 88 n.
Pus[)avâtikâ vilûra, 111, 445, 418.
Putanas, III, 474.
INDEX
215
Putvârs (Duân), 243.
Pyulhana, II, 273.
R
Râdhâ, II, i06.
Kâdhâ-Krsna, II, 13, 259.
F{a(loc (liudok), 85.
Hâ<(liava (leva, II, ISO sqq.
Uaglmnâtlia Tlia, 230.
Uaî^liû nâtha Pai.uiila, II, 292, 29;.
Bâja-giiru (liâjya-), 2i7, 272, 293:
11,301.
Rajaka |caslo|, 228.
Kâjalla devi. II, 231, 233, 235.
Haja Malladeva, 11,212.
Kâja manjaii, 32().
lUijaiiiatî, II, 255.
râjânqanâ, III, d50.
Hâja-tïrilia, 320.
lUjarajervarî, 388 ; II, 125.
lUija vihùra, II, 169; III, li5.
Rrijecvarî, 378 ; II, 21;.
lUjendra Lala Mi Ira, d47.
Hâjeiidra prakiira, II, 257.
Hàjondra \'ikram Sali, 188, 300:
il, 290 à 300.
Hâjendra Laksmï (mère do Rana
Rahâdur), II, 278'.
llajya prakâra, 409, 28i; II, 257,
201, 261.
lîâjyaniatï. II, 171.
Râjyavati, II, 8, 99 sqq. ; III, 5, 15,
20.
Râksasas, 203.
Ilaksaul, II, 308.
Haktacaiidana, 203.
Raktâiiga, 326.
Rakla-Vinâyaka, 381.
Râina, 379; II, 60, 70, 81, 23i sq.,
368.
Kâma Nâlha Sâh, 230.
Râma-navamî, II, 60.
RâmaSah, 256; II, 262.
Râma Simha deva, II, 248, 220.
Râmâyana, 364; II, 70.
|{âmeçvara, 11,139; 111,92.
Rana Rahâdur Sâh, 132, 136, 181,
188,299,309; II, 277 à 286.
Rana(;ura, II, 214.
Ranajit Malla, 64, 103, 104 n., 174 ;
11, 41, 2i3, 2()3, 265, 268, 274.
lîana Malla, II, 239.
liana Vira Simha Thâpà, H, 291.
RanbirJanj;, II, 30i.
liani-Pokhri, 57, 291; 11, 255, 358.
ranja (éc ri turc), H, 250.
Ran Jaug Pan i-o (Rana JangaPânde),
II, 292 sqq.
Ranjil, Singh (Rana jil Simha), II,
285, 29;.
Ranoddipa Simha, 11, 303 sq.
Rapti (lorrcnl), 11, 310.
mtha-yâtvâ, II, 39 sqq.
Ratna deva, II, 16;.
val hol tola iKi , III, 150.
Ratna dvîpa. II, 149.
lîatua kîrli, II, 189.
Ratna Malla, 53, 365; II, 239, 243
sqq.
Ratna raksita, 11, 189.
Rainasambhava, II, 328.
Ratna Simha, 256, 262.
Rainavati (Balku), 327, 330; lll,
1— «
Râvana, 203, 207, 379.
Ravigupta, II, 120, 158 ; IH, 48, 51.
Raya Malla, II, 238.
Ilayanavatî, III, 167.
Retâ (pâncâlî), lll, 117.
Roiiinî, 326.
Rosaniali, 387, 389.
Rose (Alexandre), 112, 116.
Rudok, 79.
Rudra deva, II, 187, 190 sqq., 208.
Rudra deva varman, II, 26, 95 sq.
Rudradhârâ, 326.
216
LE NÉPAL
Kudramatï, 336.
Kudravartiavihâra, 11, 26, 347.
KûpamaU, 11, 255.
Runi Bhairava, IIL iTO.
S
Sabhâtarangini, 11, 35 i.
Saciva-vihàra, H, 109.
Sadà Çiva «leva, 06, 284, 360 ; II,
497, 205 sq.
Sadâ Çiva MalJa, II, 248.
Sadaksari, III, 471.-
Sâdhaica, 380.
Sâh, 255, 265.
Sahasra Sundaii Urlha, III, 475.
Sâlimehgu (Sahinyahgu), III, 462,
464.
Sàkela (ville), III, 166.
Sakhvâ, II, 179.
êâksin, III, 149.
Saleure, 448 n.
Sàliiii. V. Sarmi.
Sarnanta-bhadra, 325; II, 59; III,
470.
samanta, 280.
Sàmhapura, II, 139: III, 92, 155.
Sainbhota (Tlion-ini a-nu). II, i'*9
^ sq(i.
Samgila bhâskara. II, 241.
SanigUa carulra, II, 2*1.
Saipgila sâra samgraha. II, 2*1.
Saniluira Bhairava, III, 176.
satfimarjai/itn, 281 ; III, 89 n.
Sainri, II, 311.
Sainudra (aipta. II, 01, 69, 87.
Sanalkumaia, 20().
Sariga, 382; II, 215, 238, 239, 274:
m, 96 à 101.
Sangarhnk, 11, 23i).
Saiigal toi, II, 3i7.
San^liar (sougat) (faslcj, 244.
Safikasya, II, 70.
Sankù (roi), 11, 71.
Sanku. 67, 425. 297, 380, 384: II,
49, 473, 239, 246, 264, 379 sqq. ;
111, 440.
Sànu. V. Matsvendra Nalh.
Sapf'lâpâncâlï, 11. 440: 111, 92.
Sarasvatî, 332; IL 57.
Sai-asvalî (rivière), 327.
Saral Cliandra Das, 222.
Sarmi [casle], 241 sq.
Sa rvada nda - nâya ka , 28 1 .
Sarvânanda Pandita, 323.
Sananivaranaviskambin Bodhisat-
Iva, III, 474.
Sarvapâda, ÏIl, 470.
Sarva lalhàgata-mahâ-guhya-râjid-
bhulânuUara - pra<;asta - mahâ-
niandala-sûlra. 11, 65.
Sasthi/ll, 139: III, 87 n.
SalangaL II, 246.
Sât Bàhalyas, 11, 264, 268, 274 sq.
Sutî Nàyaka-devï, 11, 234.
Satya Nârâyana, 11, 340.
Saurâstia, 204, 330, 372.
Sayâ iiinela (écrilure), 11, 254.
Scimangada, 120.
Sci usclia ((^buscha, Chôsyâng),
127.
SrblapinlweiL 148 n.
Scoll (Samuel). 134.
Segowlie, II, 289.
Soiia, III, 173.
P. Séraphin de (iome, 111.
Se yâdajana (écriture), 11, 251.
Skanda purâna, 201.
Sheashu |caste|, 239.
Sher Balladur, 11, 280.
Slierista | caste], 239.
Slnkarj<)iig,Sikharj(>ng(Digarchi),
179; II, 238, 279.
Sliore (John), 1 15.
Siddha-pokliri, II, 372.
Siddhi Narasimha Malla (Nr Simha
Maiia), 62 n., 173, 241 n., 319;
INDEX
217
II, 32 sqq., 39, 193, 255, 257 à
259.
Siddhi Nârâyana. 496.
Siddhi sàra, II, 237.
Siddhi-Vinàyaka. 384.
Sikarmi [caste], 241.
Sikkim, 11, 279, 289.
Simângarh (Simraun garh), 6'j,
120, 379; 11,480, i 99, 222.
Simha (?)-kara-, 283.
Simha Pratàpa Sàh, 11, 277.
Simhala, 364; II, 71.
Siinraun-garh. (V. Simângarh).
Sihghinî, 11, 11.
Sipa, 125.
Sirdars, 289, 298.
Sisagarhi, 11, 284, 306, 313.
S i sa pan i, 124.
Silâ, 11, 368.
Sitasaras, 340.
Sitikhastî (Sili yâlrâ), 11, 36, 49
sq.
Si-tsang tseou-sou, 186.
Sivapuri, 367.
Skanda, 11, 49.
Smith (Cap.), 141.
Snânayâtrâ, II, 217.
Sohgaura (plaque de), H, H.
Soma, 203.
Somarekhara.ïnanda-Svâmin,365;
II, 244.
Somavamoa, 11, 67.
Someçvai'a d(;va. II, 209.
Sonagulli, 67.
Sounwars, 223.
Srong-btsansCjam-po, 155 sqq., 309,
338; 11, 148 sqq., 159.
Stambha, III, 5.
Sthûla-caitya, 11, 345.
Sthunko, li, 82.
Subâhu, III, 166.
Sudatta, 11, 72.
Sudhanvan, II, 70.
Sukhavatî, 324.
Snlaksana-tîrtha, 327; UI, 475.
Sunandàcârya, II, 207.
Sunaya Çri Mitra, II, 26, 95.
Sundarî nâgï, 327, 388.
Snprabhâ, 369 ; II, 71.
Surendra Vikrama Sâh, 11, 300,
303.
Surghdan (Çuddhodana), 372.
Surùpa raina, 111 ; 11, 271.
Sûryaketu, 203, 369 sq.
Sûrya Malla, 11, 246.
Sûryavamça, 225, 322 (de Bhat-
gaon), II, 226 (de Katmandou),
II, 248.
Sûryavatï (Tadi), II, 48.
Sùrya-Vinâyaka (Suraj -Binaik),
384, 390: II, 13, 379, 384.
Suvarna-dhârâ (Son-dhârâ), II, 186,
Suvarna Malla (Bhuvana Malla),
II, 239.
Suvarnavali, 326.
Svâmin, 220.
Svarnarrngorvara, 203.
Svarnervara, 370.
svatalasvflnu'îi, III, 71.
Svayambliù (V. Syambùnâth), 1
(frontispice), 209 sqq., 332, 376,
382, 390, 391 : II, 14, m, 82, 98,
237, 253, 255.
Svayambhùcaityabhattàrakoddeça,
210; 11, 194.
Svayambhû-mâlâ, II, 56.
Svayambhu-purana, 208 sqq., 326,
332 n., 335, 354, 361, 381 ; II, 5;
m, 159 (Svayambhuvao), 161.
SvayambhQtpattikathâ (V. Svayam-
bhû piirâna).
Svâyambhuva-purâna (V. Svayam-
bhu-purâna).
Svayamvrata, 11, 71.
Svekhù, 11,200.
Syàniarpâ (Cha-mar-pa), 481,
Syambùnâth (V. Svayambhûnàth),
*65, 68, 216, 346, 326, 334; II, 3
2i8
LE NÉPx\L
sqq. (caitya), 17, 49, 5-2, 98, 333
sqq.
Syemgu, 11, 216.
Taksaka riâga, 3'23 s(j , 3fi7.
t'tksa knra, i29i).
Talejû (Tulasi, Tiilajâ, Talagû). -239,
-240, -251, 378 sq.; IL 3().
Taina.sâ (Tons), 3-28.
Tànibâ khâni (Tanihacani), 12* : II,
2;4.
Tarnba Kosi, 385, 386.
Tàmkariui [casle|, -241.
Tâmrakâra |raste| (Tliainbal), 2 il.
Uimrakiittnrfilfi^ III, 155, 156.
tâmrapami, llj. 68.
Tâna-<l(îvatâ, 11, 196.
Tanahung. 253 : II, 276.
Tang (l)yiiaslie), 150, 163 sqq. ; II,
112.
Taiigul, 79.
Tanlras, 380 s((., 383: II, 64, 356.
Tan-tsing, 180.
Tno-cheng, 161.
Tao-fang, 161.
Tapu Malla (?), 11, 213.
Tara (brahmanique), 203.
Taiù (b()ud(lhi(|ui'), 346; 11, 152.
Taranalha, 308, 310, 354, 357: 11,
189.
Tara-lanlra, 3i6.
Tara lirlha, lll, 175.
Tuiia, II, 250.
Talli|ra>tr|, 2;3.
Tau-daban (Tau-dab), 321.
Ta\rinirr, 86, 92 si|q.
Trht'ii lituimi, 168.
IVc.qia tiillia, III, 175.
IVjn .Nara Sii)iha Malla, II, 2()5,
272, 275.
'IVni|ib* (Kirlianl), Ii8 n.
Teng-tch'eug, 169.
Téraï (aspect général), 42, 334;
II, 276, 277, -289, 302, 303, 304,
308.
Tbâkurs, 53, 239, 265 sqq. ; 277.
Tbâkuris (dynastie des), 221, 225,
-280, •28;.V22: II, 68, 121, la3
s(]. (de Katmandou), H, 249 (de
Nayakot). Il, 193, 196, 244.
Tliambaliil. II. 287.
Tbambat (V. Tâmrakâra).
Tliambû, 11, 160.
Thamel, 58.
Tbamri, II, 335.
Tban^'-la (Nya-nyam-tbang-la), 85.
Tbang (passe de)» 85.
Thankol, 65, 369; II, 71, 246, 315,
392; m, 102 à 109.
Thâpâs Ranpus, 277.
Tliar^'ars, 286.
Thâpas khas, 277.
Tbapalliali, 57.
Tharis, II, 264.
Tbarus, 11, 67 sq. et n., 309.
Theelio, 67 ; 11, 245.
Thoka, II, 1-28, 395; III, 65 sq. (ins-
cription de).
Tbomaï-balial (Vikiama Sin^ha
Vi luira), II, 334.
Thon-mi-Sambhota, II, 8 n.
Thyba, 67.
Thumlâm, 181.
Tbegam, 122.
Tibet (route), 67, 94 sqq. ; (mission
des (iapucins), 98 .sqq. ; (route
du Népal au — ), 125, 126, 429
sqq. ; (rapports avec le Népal),
1()6 sq(|. ; (relations commercia-
les avec le — ), 172 sqq. : (guerre
avec le - ), 177 sïjq. ; (Inscrip-
lions libétaines), 216, 283, 296,
307, 309 sqq., 336 sq(|. (Maiiju-
cri): II, 5 (caitya Syambhû); 7
s(|. (caitya llu'dhnâlh); 15, i8
INDEJC
219
sq., 34, 95, ii2, i46 sqq., 173
sqq., 244, 247, 249 sq,, 259, 276;
(guerre avec le Népal), 279; 301
sq., 336.
Tila-Mâdhava, 203.
tUamaka, 303.
Timi, 64, 67 ; II, 53, 239, 240, 260,
291, 374; III, 46 sq. (inscription
de); 119 à 137.
Tinya (Katmandou), 53.
Tinya-Ia (Patan), 6i.
Tippah [caste], 242.
lïrahuti (écriture), 251.
Tirhoul, 11, 222 sq., 234, 238, 24'*.
Tirsul Gandak, II, 262.
Tirsul Ganga, II, 239.
Tirlhas, 325 à 329.
To-bahal, Kalmandou (Inscription
de), m, 22 sqq.
Tod(CoI.), 256.
Todârânanda pandita. II, 317.
Toho-bahal, II, 338.
Thoka, 246.
toL 284.
Trailokya Malla (Tribhuvana Mal-
la), II, 240, 248.
P. Tranquillo d'Apccchio, 103 n.,
106, 114, 115 n., 125, 129.
Tremblements de terre, II, 291.
Tretâ-yuga, 358.
Tricampaka, 389.
Triçula-Gandakï (Tirsul Gandak),
328 sq.
Trirûla Gangû, 11, 48.
trikara, 283.
trikotja. 11, 17.
Tripura Sundarï (reine), II, 286,
290 sq.
Tripura-Sundari (déesse), 381.
Tripure(;vara, II, 329.
Triratna-stoira, 11, 342.
Triratna-vibâra, 348.
Tsapaligaon (V. Chapaligaon), II,
394 ; III, 57 sqq. (inscription de).
Tukhâras, II, 145.
Tukhucha, 50; II, 70.
Tulacchi-Tol, II, 126, 374; 111, 6.
sqq. (inscription du).
Tulajâ devî, 11, 225, 240, 244, 248,
261, 272,275, 277, 281, 282.
Tundi Khel, 319; 11, 22, 55, 389.
Tyàngâ, 382.
Tyekani-bahal, 11, 327.
U
Udas frastel, 240, 241 ; 11, 328.
IJdayadeva (l), II, 120, 142, 159,
162 s(|.
Udaya deva (II), 11, 194.
Udaypur (râna d'), U, 90.
llgra-Târâ, 381.
Djjayinî, 383, 388.
Umà, 206.
Umâpali dhara, 11, 200.
Unmatla-Bliairava, 383; 111, 176.
Unko Vibar. V. Rudravarna-vi-
bâra.
Upanâlaka, 326.
llpâdhyâya [caste |, 239, 272 sq.
Upagupla, 213; II, 83; 111,161.
llpakeçinl, 332.
Upananda ndga, 327.
uposadlia, II, 353.
(Jtkala-Khanda, 201.
Vacchleçvarï, Valsalâ, Vatsalecvarï,
1. frontispice, 378, 379, 388, 391 ;
H, 36, 124, 125, 243.
A'âgîçvara lîrlha (Vagirai ta"), 327
sq.,336, 388; m, 175.
Vâg içvara kïrti, 11, 189.
Vâgïçvarï, U, 355.
Vâgmatî. V. Bagmali.
220
LE NÉPAL
Vâfçvatî, 206, -207; III, 130, iU,
166. V. Ra*,Miiati.
Vâgvali-inâhatmya, !20i) sqq.
Vagvali para deva, II, 131); III, 0-2.
Vairâlï, 11, 210.
Vaii'va rajas, II, 26-2.
Vaidyaka, II, I6S.
Vaidyas, 2-2«, 2i6.
Vairncaria (Malin), II, 10, 328.
N'alioraiia Pandila, II, ISi).
VaisnaM, 3«(i; II, -265; III, 176.
vtijni, II, 17.
VnjralxMJhi^ 330.
Vajràcarya (rasto), 2U); II, 32.
Vajra dova, II. ISO.
rajra dhiitu, II, 13, 10.
Vfijraiûda, III, 173.
Vajrapani IJodhisatlva, III, 170.
VajrasaILNa, 3-20; II, 4, î;i.
Vajra-Varalii, 300.
Vajra- yoga, 380.
Vajra-yogini, 380 sq , 388; II, iO,
I03,'l-2r,, 246,281.
Vajreovah, 377.
Vaj ri ni, 381.
Va lace h i Toi, II, 377.
A'alasaikki-devakiiia, III, 148.
Vala[ya|-yasti, III, .*».
Vale»;\ara, 388.
Valhika, III, 167.
Vallara Simha, 11,-233.
Valiniki, 3-28, 388.
Valinikicvara, -203.
Varna dt'va, II, 106, -2-22.
VamraNaii, 103 sq(|., 214, 210, 303,
33*), 3.*)I.
Nana de\a. Il, 10(i.
Vanga mani. Il, 251.
Vansillaii, 146, 271.
Varada, 332: III, 164. 177.
Vara d<na, 3'.8 scj. ; II, 28, 33, 165.
Varaha Mihiia, II, 63. 211.
Varaln, 386: II, 7: III. 176.
Vardliarnana drvji, ()7 ; II. 173.
Varkam (V. Jagat prakâça Malla).
Varna, ill, 172.
Vamalaksmï, III, 172.
vàrtta, 282; II, 131.
Vârlta-Bhogacandra (Varia-®), II,
128; III, 68, 60.
A'aruna, 322, 327, 350.
Varuna Naga, 111, 176.
Va>antadeva, II, 116 sqq.; III, oi
sqq.
Vasaiila-paiicamï, II, 57.
Vasavagraiiia, III, 173, 174.
Vasistha, 3i6, 382.
Vasiihaiidliu. 370; II, 65.
Vâsudeva, II, 241 : 111, 47.
Vâsuki nàga, 3-22 .^qq., 301 ; U. i^,
103.
Vasundharâ, 3-28; III, 163, 475.
A'alsa d(*vi, II, 167, 170.
A'atsala (V. Vanthlervan).
N'alsalervan, 378. (V. Vacchli?ç-
van.)
Vayu, 350.
Vont non, 146 n.
relropasthita, III, 140.
Vihhuvarman, II, 22, 13S, 142.
Vibliisana, 206.
Virâla-nagara, 367; 11, 71.
Virravas, 206, 207.
VirvaMiu, m, 163.
Virvadt^va, 378; 11,36, 425.
Virvajit, 284: 11,265.
Vii-vakarinan, II, 5.
Vit; va Malla (Vis^iu Malla, Bcsson
Mull), II, 240.
Vit; variât ha, 286.
N'idyadhara-varma vihâra, II, 495.
Vidyadhan, III, 173.
vihaia. II, 23 sqq., 20, 51, 328 cl
pass.
Vijaya darami. II, 41.
Vijaya deva, 11, 160; III, 415, 448,
1 fs.
Vijaya kâma deva, II, 209.
INDEX
îîi
Vijaya sena, II, 200.
Vikateçvara (Nàràyana), 111, 97.
Vikmanti, 380 ; II, 7, 98.
Vikrarna çîia-vihâra, 33i; II, 7i,
189; III, 176.
Vikramâdilya, 383; II, 35, 71, 1-26,
iU.
Vikramajit, 367, 380, 384; II, 51,
71.
Vikramakesari, 367; II, 7, 71.
Vikrainasena râjapulra, II, 140;
m, 74, 77 sq., 99, 101.
Vikrainaslhala, III, 171.
\'iinalananda svâinin. II, 256.
\ iinalaprabhâ, 11, 398.
Vimalâvali, 326.
Vinâyaka, 391 ; II, 124 (Vacana").
Viiidusvâmin, II, 140.
Nipaçyiri, 330, 391.
Vi[>ra dâsa. II, 2 il.
Vi[)ravarrna-goinin, III, 65.
\ îrabhadrâ, 32S.
\ îra deva (N'ara deva), 60; II, 172.
Vira Naia Simlia, II, 26i, 2<>S.
\ ira .Narâyana, 11, 235, 255
Vira iNârayana-avalanisa, II, 234.
Viralrcvara, 11, 97.
\ irupaksa. 361.
\ iru[)âksapa<la. III, 176.
Nisnudi'va, II, 125.
Visniidliarinollara, III, 133 sq.
\ isnu iHi\A'd Vuvaraja, H, 160 sqq. ;
ill. 103, lo;, 109.
Nisnii Malla, 323; 11,261, 264.
Visi.ui, 20; s(|(|., 320, 32;, 346, 350,
35S, 366 à 375, 381, 389 sq(i. ; II,
18, 19, 41, 56, 71, 103, 242; III,
171.
Visiui Vikrantatnurli, III, 19.
\ iNî.uimalî. V. Bilsnuinali.
Visiuinalhâ, II, 125.
Vibiiupadi. 326, 329 (v. lUtsnuiiiati).
\ issclier (Nicolas), 90, 91.
1*. Vilo de Kecanali, 102 sqq.
Vrsa deva, 385; 11, 32, 71, 96; 111,
15.
Vrsakarna, 111, 169, 172.
Vrsavarman, 111, 58.
vrttibhuj, 282.
Vyâghra-yâtrâ, II, 51.
Vyâghrî-jàlaka, II, 144.
Vyâghrinî, II, 11.
Vyâsa, 206; 111,130.
W
Wang Hiuen fs'g,73, 154 sqq., 321 ;
II, 165.
Wen tcKcnij, 156, 160.
Wei'tsaïKftou tche, 185.
Wallancliun (passe deTipta-Ia, ou),
131.
D-- Wright, 142, 194, 215, 217, 270.
II. Wylie(Col.), 148; II, 306.
Yaral.iketu, II, 62.
Yai'odharâ, II, 195.
Yaçodharj viliâra. II, 195.
Variinâlha, II, 196.
Yag bahal, III, 138 à 145.
Yaksa Malla, 64, 210, 284, 365, II,
226, 238 sq.
Yaiiia, 350; II, 96.
Yaiiia dlianna râslra, II, 385.
Yania inalla, II, 401.
Yainbu kraniâ, II, 209.
Yampi-bihar, II, 26, 95.
Yam-pu, Y'ang-pou (Katmandou),
54, 187.
Y'amunâ, 327.
Yang pou (Katmandou), 54.
Yang Sanpao, 169.
Yasii, m, 5.
Ydtrd, H, 34 sqq.
222
LE NÉPAL
YathâgûmpadçuiT), 111, 24.
Yebraipkharo, III, 108.
Ye-leng, nom de Patan, 6i, 172,
187.
Yellung (Yalaipba, Yalambar), 11,
81 sq.
Ye ran (Patan), 61.
Yin(daise) (Kalniandou), 33.
Yogainalî, 11, 261.
Yogâmbara-jnâna-dâkinï, 349.
Yoga Narendra Malia, II, -260, 261.
Yoga Vasistha, 11, 394.
Yogin, 380.
Yoginîs, 380 sq.
Yoni, 11,16.
Younglo, 336; II, 228.
Yulloo daisi, Yellon-desi (Patan),
61.
Yumila, 11, 262, 281.
Yungvar [caste], 243.
ynpa, III, 5.
yuva rt/ja, 283.
Zaervanegilta MalJa (V. Raoajita
MalJa), 103.
Zimpi Taudu, II, 344 sq.
TABLE DES MATIÈRES
DU TROISIÈME VOLUME
Pages.
I. Inscription du pilier de (llianj^'ii Narayan (samvat H86).. . A
11. Inscriplion de Lajanpal 49
III. Inscription du To-bahal à Katmandou *24
IV. Inscription du pilier d(; Harigaon *25
\'. Inscription de Tiini 46
VI. Inscriplion de Kisipidi (saipvat 449) 48
VII. Inscription de Oanadeva à Kisipidi (an 4..) 5^2
NUI. Inscription de Tsapalij^'aon 57
IX. Inscriplion du Tulacclii-tol à Bhalgaon 64
X. Inscriptioïi de Tlioka 65
XI. Inscription de Dharainpur 67
.XII. hiscriplion «le (jiva<leva à Kliopasi 70
XIII. Strie I de Harigaon (an :{0) 82
XIV. Stèle H de Ilari'raon (an 32) 94
X\ . Inscription <le Sanga 97
X\ I. Inscription de Thankot 40:2
X\ II. Insniplion de Sanku 440
.XVIII. Inscription du (Ihasal-tol à Patan 413
XIX. Inscription «le Timi 449
X.X. Inscription «lu Vag-bahal 438
XXI. Inscription «le Nangsal 446
.Noti' SIM' les «leux planches annexées au premier volume.. 458
Appendice.
1. |j* Népal dans le Vinaya «les Mûla Sarvâslivâdins. . . . 484
11. In altiste n«''palais à la cour de Koubilai Khan 485
III. A [>ro[K>^ d«»s syinhoh's sur le fronton des stèles 489
IV. Caitya de Svayamhhû 490
V. Marui^^crits du Ihiddha-l^uràna 494
VI. .Nuinisinatif|ue du Népal 492
TABLE DES PLANCHES
I. (Inscription l). Changu Narayan. Face L
II. — — Face 11.
m. - — Face in.
IV. (Inscription II). Lajanpal.
V. (Inscription III). To-balial Katmandou.
VI. (Inscription IV J. Pilier de Ilarigaon.
VII. (Inscription V). Tinù.
VIII. (Inscription VI). Kisipidi(Sanivat 149).
l\. (Inscription Vil). Kisipidi (Ganadeva).
X. (Inscription VIII). Tsapaligaon.
XI. (Inscription IX). Tulacchi-tol, Bhatgaoïi.
XII. (Inscription XI). Dliarampur.
XIII. (Inscription XII). Klio])asi.
XIV. (Inscription XIII). Ilarigaon, stèle 1.
XV. (Inscription XIV). Ilarigaon, stèle 11.
XVI. (Inscription XV). Sanga.
XVII. (Inscription XVI). riiankul.
XVIII. (Inscription XVII). Sanku.
XIX. (Inscription XVIII). (lliasal-lol, Patan.
XX. (Inscription XIX). Tinii.
XXI. (Inscription XX). Yag-bahal.
XX 11. (Inscription XXI). Nangsal.
niVlMHKS. — IMPKrMKKif': m'RAM), RUE FL'LBERT
- Chaitgu-NarayaD, Face I.
-jr— •wvçt
I. — Changu-fisrajan. F»ce II,
I. — ChiDgu-Ngrsjan. Face 111
m. — To-babal, Kttmindou.
Partie siiiKTicurc du IV. — l'ilior lic
llarigaon. Exircmités Jes ligni's 1-16.
IV. — Pilier de HarigaoD.
VI, — Kibi|ii.li. (Som«>il 449)
vil. — Kisipidi. (Ganadeuu.)
XIV. — l[ari);aon, stèle II.
X. — Tulacclii-tui, bhBtf^iioii.
XVIII. — Ghasal Toi, Patan.
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THE UNIVERSITY Of MICHI6AN
GRADUATE LIBRARY
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XV][I. — ChM.l Toi, Palan.
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