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Full text of "Leçons sur la physiologie et l'anatomie comparée de l'homme et des animaux / faites à la Faculté des Sciences de Paris par H. Milne Edwards"

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LEÇONS 


SUR 


LA   PHYSIOLOGIE 

ET 

L'ANATOMIB  COMPARÉE 

DE   I/HOMME   ET   DES  ANIMAUX. 


(ÎJfJO. 


I'.„.j^_ Iiiipi  imcrie  de  L.  Mahti:<et,  rue  Mi^nion,  2. 


LEÇONS 


LA  PHYSIOLOGIE 

KT 

L'ANATOMIE  COMPARÉE 

DE  L'HOMME  ET  DES  ANIMAUX 

FAITE?  A  LA  FACULTÉ  DES  SCIENCES  DE  PARIS 

PAli 

H.  11IL.I%K  GB^VARD^ 

0.  L.  H.,   C.  L.   N. 

Doyen  de  la  Kacullc  des  sci«nces  de  Paris,  Professeur  au  Muséum  d'Ilisloire  nalurcUe; 

Membre  derinslitut,(Acadéniie  des  sciences)  ; 

des  Sociélés  royales  de  Londres  et  d'Edimbourg  ;  des  Académies  Ac  Slocklioluv, 

de  Saint-Pclersbourg,"  de  Berlin,  de  Kônigsberg,  de  Copcnliaguc,  de  Bruxelles,  de  Vienne, 

de  Hongrie,  de  Bavière,  de  Turin  et  de  Naples  ;  de  la  Société  Hollandaise  des  sciences  ; 

de  l'Académie  Américaine  ; 

De  la  Société  des  Naturalistes  de  Moscou  ; 

des  Sociétés  Linncenne  et  Zooloijique  de  Londres;  de  l'Académie 

des  Sciences  naturelles  de  Pliiladelpliie  ;  du  Lycéum   de   New-York;   des  Sociétés  des   Sciences 

et  d'Histoire  naturelle  do  Munich,  GOlbembourg,  Somerset,   Montréal,  l'ile  Maurice; 

des  Sociétés  Enlomologiques  de  France  et  de  Londres; des  Sociélés  Ethnologiques 

d'Angleterre  et  d'Amérique;  de  l'Institut  historique  du  Brésil  ; 

Do  l'Académie  impériale  de  Médecine  de  Paris; 

des  Sociétés  médicales  d'Edimbourg,  de  Suède  et  de  Bruges;  de  la  Société  des  l'iiariuaoien^ 

de  l'Allemagne  septentrionale; 

Des  Sociétés  d'Agriculture  de  Paris,  de  New -York,  d'Alli.uiy,  etc. 

TOME    CINQUIÈME 


PARIS 


LIBRAIRIE   DE  VICTOR   MASSON 

PLACE    DE   l'ÉCOLE-DE-MÉDECKNE 

M  DCCC  LIX 

Droit  Je  IraJuclion  réservé. 


LEÇONS 


SUR 


LA   PHYSIOLOGIE 

ET 

L'ANATOMIE  COMPARÉE 

DE  L'HOMME  ET  DES  ANIMAUX. 

QUARANTE -TROISIÈME  LEÇON. 


DE  L'ABSORPTION.  —  Preuves  de  la  pénétration  des  matières  étrangères  jusque 
dans  le  torrent  de  la  circulation.  —  Du  rôle  des  veines  et  des  vaisseaux  lym- 
phatiques dans  l'absorption.  —  Notions  préliminaires  sur  le  mécanisme  de  cette 
fonction  ;  imbibition  des  tissus.  —  Insuffisance  des  anciennes  théories  pour 
l'explication  du  mécanisme  de  l'absorption.  —  Découverte  des  phénomènes  d'en- 
dosmose. 


§  1.  —  L'absorption,  c'est-à-dire  rintrocUiction  des  matières  preuves      ] 

,               ,             .  (le    l'absorption 

étrangères  jusque  dans  la  profondeur  de  l'organisme  et  leur  chez  tous      i 

,,                                1          /i     •  1                          ■    •  ^^^  Animaux.        ! 

mélange  avec  les  lluides  nourriciers,  est  un  phénomène  qui  > 

s'observe  chez  tous  les  êtres  vivants,  et  qui  est  rendu  mani-  ■ 

feste  par  une  multitude  de  faits  dont  la  connaissance  est  banale.  ] 

Je  ne  m'arrêterai  donc  pas  longtemps  à  donner  ici  des  preuves  ' 

de  l'existence  de  cette  fliculté,  soit  chez  l'Homme,  soit  chez  les  ^ 
Animaux  inférieurs;  mais  afin  de  ne  pas  laisser  sans  démons- 
tration un  fait  de  cette  importance,  je  citerai  quelques  expé- 
riences qui  le  rendent  évident. 

V.                                                                          1  ^ 

.     i 


2  ABSORPTION. 

Si  nous  plongeons  dans  de  l'eau  le  eorps  d'an  Colimaçon, 
en  maintenant  la  tête  de  l'Animal  au-dessus  de  la  surface  du 
liquide,  ou  en  lui  fermant  la  bouche  de  façon  à  rendre  toute 
déglutition  impossible,  nous  le  verrons  se  gonfler  peu  à  peu  et 
souvent  doubler  de  volume  dans  l'espace  de  quelques  heures. 
En  pratiquant  la  même  expérience  sur  une  Grenouille  réduite 
à  un  état  d'émaciation  par  une  abstinence  prolongée,  il  nous  sera 
également  facile  de  constater  dans  le  poids  du  corps  une  grande 
augmentation  déterminée  par  le  seul  fait  du  contact  de  l'eau 
avec  la  surface  extérieure  de  la  peau  (1).  11  en  faut  conclure 
que  la  Grenouille,  de  même  que  le  Colimaçon,  a  absorbé,  c'est- 
à-dire  fait  pénétrer  une  certaine  quantité  de  ce  liquide  dans 
l'intérieur  de  son  organisme,  et  que  celle  introduction  s'est 
effectuée  par  la  surface  générale  du  corps  (2) . 

Si  nous  injectons  de  l'eau  dans  l'estomac  d'un  Chien,  et  si 


(1)  Des  faits  de  ce  genre  ont  été  été  faites  sur  les  Colimaçons  et  les  Li- 
conslatés  par  Treviranus  et  plusieurs  maces  par  Spallanzani  et  par  Nasse  (c). 
autres  physiologistes  (a).  Ainsi,  dans  J'ai  souvent  eu  l'occasion  d'observer 
les  expériences  de  William  Edwards,  ce  gonflement  lorsque  je  déterminais 
nous  voyons  des  Grenouilles  dont  le  l'asphyxie,  soit  des  Gastéropodes  dont 
corps  ne  pesait  qu'environ  33  gram-  je  viens  de  parler,  soit  des  Doris,  des 
mes ,  augmenter  en  poids  de  plus  de  Pleurobranches  et  de  beaucoup  de 
10  grammes,  par  suite  de  l'immersion  Mollusques  acéphales  que  je  destinais 
de  leur  corps  dans  l'eau  et  sans  que  a  des  recherches  anatomiques.  J'ajou- 
ce  liquide  ait  pu  pénétrer  dans  les  terai  que  des  faits  analogues  ont  été 
voies  digestives  (5).  Nous  aurons  à  constatés  chez  différents  Vers  inlesti- 
revenir  sur  ces  expériences  lorsque  naux,  tels  que  les  Ascarides  {d),  les 
nous  étudierons  d'une  manière  spé-  Distoraes(e)etles  Échinorhynques  (/'), 
ciale  l'absorption  cutanée.  mais  sont  surtout  remarquables  chez 

(2)  Des  expériences  de  ce  genre  ont  les  Rotifères  et  les  'J'ardigrades  qui 


(a)  Voyez  :  Treviranus,  Biologie,  t.  IV,  p.  289. 

—  Bluff,  Dissert,  de  absorptione  cutis,  p.  22  (d'après  Burdacli,  Traité  de  physiologie,   t.  IX, 
p.  15). 

(6)  W.  Edwards,  De  l'influence  des  agents  physiques  sur  la  vie,  1824,  p.  596. 

(c)  Spallanzani,  Mémoires  sur  la  respiration,  p.  137. 

—  Nasse,  Untersuchungen  zur  Physiologie  und  Pathologie,  t.  I,  p.  482. 

(d)  Cloquet,  Anatomie  des  Vers  intestinaux,  p.  33. 

\e)  Mehiis,  Observationes  anatomiccc  de  Distomate,  p.  H 
[t]  Rudolplii,  Physiologie,  t.  II,  2=  partie,  p.  266. 


CONS!DÉHA'iiO?iS    GÉ]NÉP.ALES.  3 

nous  lions  les  deux  orifices  de  celte  poche  membraneuse  de 
façon  à  empêcher  le  liquide  de  remonter  dans  la  bouche  ou  de 
passer  dans  l'intestin,  et  si  au  hout  de  quelques  heures  nous 
tuons  l'Animal  pour  en  faire  l'autopsie,  nous  trouverons  que 
l'eau  n'est  pas  restée  emprisonnée  dans  son  estomac,  mais  a  été 
absorbée  en  grande  partie,  ou  même  en  totalité  (1).  Des  expé- 


ont  été  mis  clans  un  état  de  mort  ap- 
parente par  la  dessiccation ,  et  qui 
se  trouvent  ensuite  en  contact  avec  de 
l'eau  (o), 

(1)  MM.TiedemannetGmelin  ontfait 
une  série  intéressante  d'expériences 
sur  l'absorption  d'un  grand  nombre 
de  matières  différentes  par  la  surface 
des  voies  digestives.  ils  ont  vu  que 
chez  le  Chien  et  le  Cheval  diverses 
substances  odorantes,  telles  que  le 
camphre,  le  musc,  Talcooi,  l'essence 
de  térébenthine,  l'ail  et  l'asa  fœlida, 
introduites  dans  l'estomac ,  peuvent 
être  reconnues  jusque  dans  la  moitié 
inférieure  de  l'intestin  grêle,  ou  même 
jusque  dans  le  cœcum,  mais  dispa- 
raissent peu  à  peu  à  mesure  qu'elles 
avancent  dans  cette  portion  du  tube 
digestif.  Les  matières  colorantes  dont 
ils  firent  usage  de  la  même  manière 
traversèrent  en  partie  l'intestin  dans 
toute  sa  longueur ,  de  façon  à  être 
évacuées  au  dehors  en  quantité  plus  ou 
moins  considérable,  mais  furent  aussi 


en  partie  absorbées.  11  en  fut  de  même 
pour  diverses  matières  salines,  telles 
que  le  prussiate  de  potasse  (ou  cyano- 
ferrure  de  potassium),  le  sulfate  de  po- 
tasse, l'hydrochlorate  de  fer,  etc.  {b). 
Goodwyn,  Schliipfer,  Mayer  et  Go- 
hier,  avaient  vu  précédemment  que 
de  l'eau  peut  être  injectée  en  quantité 
considérable  dans  les  voies  respira- 
toires ,  et  disparaît  des  poumons  avec 
une  grande  promptitude  (c).  On  cite 
aussi,  comme  preuve  de  l'absorption 
des  liquides  par  la  surface  des  cellules 
pulmonaires  chez  l'Homme,  un  acci- 
dent qui  s'est  présenté  dans  le  service 
chirurgical  de  Desault,  à  l'Hôtel-Dieu 
de  Paris.  Une  sonde  œsophagienne 
ayant  été  introduite  par  erreur  dans 
la  trachée ,  on  injecta  dans  les  voies 
aériennes  un  bouillon  que  le  chirur- 
gien croyait  pousser  dans  l'estomac 
du  malade,  et  il  n'en  résulta  aucun 
accident  grave  ;  fait  qui  ne  peut  s'ex- 
pliquer qu'en  admettant  que  le  liquide 
avait  été  promptement  absorbé  (cl). 


(aj  Spallanzani,  Observ.  et  expér.  sur  quelques  Animaux  surprenants  que  l'observateur  peut 
à  son  gré  faire  passer  de  la  mort  à  la  vie  [Oimscules  de  physique  animale  et  végétale,  t.  II, 
p.  299). 

—  Doyère,  llém.  sur  les  Tardigrades  (Ann.  des  sciences  nat.,  2»  série,  1842,  t.  XVIII,  p.  5). 
(h)  Tiedemann  et  Gmelin,  Recherches  siir  la  route  que  prennent  diverses  substances  pour  passer 

de  l'estomac  et  du  canal  intestinal  dans  le  sang,  etc.,  trad.  par  Heller,  p.  51  et  suiv. 

(c)  Goodwyn,  The  Connexion  of  Life  luith  Respiration,  1789  (trad.  franc,  par  Halle,  p.  10). 

—  Schliipfer,  Dissert,  sistens  expérimenta  de  e/fectu  liquidorum  quorumdam  medlcamento- 
sorum  ad  vias  aeriferas  opplicatorum  in  corpus  animale.  Tubingen,  1810. 

—  Gohier,  Mémoires  et  observations  sur  la  chirurgie  et  la  médecine  vétérinaire,  t.  II,  p.  419). 

—  Mayer,  Ueber  das  Einsaugungsvermôgen  der  Yenen  des  grossen  und  kleinen  Kreislauf- 
systems  (Meckcl's  Deutsches  Archiv  fur  die  Physiologie,  1817,  t.  IIÎ,  p.  493  et  siiiv.). 

(d)  Desault,  Œuvres  chirurgicales,  par  Bichat,  t.  II,  p.  266. 


4  ABSORPTION. 

riences  analogues  faites  sur  les  autres  cavités  naturelles  de  l'or- 
ganisme, l'intérieur  du  sac  péritonéal  ou  de  la  plèvre,  par 
exemple,  donneront  des  résultats  semblables  :  l'eau  disparaîtra 
plus  ou  moins  rapidement(l)  ;  et  si,  au  lieu  d'employer  de  l'eau, 
nous  faisons  usage  de  certaines  matières  qui  peuvent  être  iden- 
tifiées avec  le  milieu  des  substances  constitutives  de  l'organisme, 
il  nous  sera  également  facile  de  constater  que  l'absorption  a  pour 
effet  de  porter  ces  matières  étrangères  jusque  dans  l'intérieur  de 
l'appareil  irrigatoire. 

Ainsi,  nous  savons,  par  l'observation  journalière,  que  cer- 
taines substances  qui  ont  été  introduites  dans  notre  estomac 
avec  nos  aliments  sont  promptement  expulsées  au  dehors 
par  les  voies  urinaires.  D'autre  part,  des  expériences  dont  je 
rendrai  compte  ailleurs  prouvent  que  les  produits  ordinaires 
de  la  sécrétion  rénale  sont  fournis  par  le  sang,  et  l'anatomie 
nous  apprend  qu'il  n'existe  ni  dans  le  corps  humain,  ni  dans 
celui  des  Animaux  ,  aucune  communication  directe  entre  la 
cavité  digestive  et  l'appareil  urinaire.  Par  conséquent,  les  ma- 
tières dont  je  viens  de  parler,  pour  passer  du  canal  aHmen taire 
dans  l'appareil  rénal,  ont  dû  être  absorbées  dans  le  premier 
de  ces  organes,  et  transportées  dans  le  second  par  le  torrent  de 
la  circulation. 

Une  autre  expérience  très  intéressante,  sur  laquelle  j'aurai  à 
revenir  dans  une  des  prochaines  Leçons,  rend  saisissables  par 
la  vue  les  effets  de  cette  absorption.  Quand  on  mêle  aux 
aliments  certaines  substances  colorantes,  telles  que  la  garance, 
ces  matières  sont  absorbées,  et  leur  présence  dans  les  parties 
les  plus  profondes  de  l'organisme  est  décelée  par  un  phéno- 


(1)  La   rapidité   avec  laquelle   les  sorption  très  puissant.  La  môme  re- 

épançhements  pleurétiques  disparais-  marque  est  applicable  aux  accumula- 

sent  dans  quelques  cas,  suffirait  pour  tions  de  sérosité  dans  le  tissu  aréolaire 

établir  que  chez  rilomme  la  plèvre  sous-cutané  et  dans  beaucoup  d'autres 

peut  être  le  siège  d'un  travail  d'ab-  parties  du  corps. 


CONSIDÉRATIONS    GÉNÉRALES.  5 

mène  fort  remarquable  :  la  teinture  des  os,  dont  le  tissu  se 
colore  en  rouge  (1). 

Les  effels  toxiques  qui  dépendent  de  l'action  toute  locale 
d'un  grand  nombre  de  poisons  sur  le  cerveau  ou  sur  d'autres 
parties  du  système  nerveux,  et  qui  se  manifestent  à  la  suite  de 
l'application  de  ces  substances  sur  la  surface  de  la  membrane 
buccale,  sur  la  conjonctive  ou  sur  la  peau  dépouillée  de  son 
épidémie,  ainsi  que  de  leur  introduction  dans  l'estomac,  dans  la 
cavité  thoracique  ou  dans  les  aréoles  du  tissu  conjonctif  sous- 
cutané,  peuvent  être  invoqués  également  comme  des  preuves 
de  l'absorption  de  ces  matières  vénéneuses,  et  leur  transport 
rapide  d'une  partie  quelconque  de  l'organisme  jusque  dans  le 

(1)  En  parlant  de  la  circulalion  la-  la  garance  avec  les  aliments  est  aussi 

ciinaire  chez  les  Insectes,  j'ai  déjà  eu  un  phénomène  de  teinture  dû  à  la 

l'occasion   de  citer   des   expériences  présence  de  celte   matière  colorante 

dans  lesquelles  des  matières  linclo-  dans  le  sang  et  à  sa  lixation  par  les 

liales  introduites  dans  l'estomac  ont  sels  calcaires.  Je  reviendrai   ailleurs 

manifesté  leur  présence  dans  le  sang  sur  ce  sujet,  et  je  me  bornerai  à  indi- 

par  la  coloration,  soit  de  ce  liquide  quer  ici  les  principales  sources  où  il 

lui-même,  soit  de  certains  organes  faudrait  puiser  pour  obtenir  plus  de 

qui  y  baignent  (a).  La  coloration  des  renseignements   sur    ce    phénomène 

os  en  rouge  par  suite  du  mélange  de  intéressant  (6). 

(a)  Voyez  tome  III,  page  231. 

(6)  MizaUi  (on  Mizainl),  Meinorabilium,  sive  arcanoriim  omiiis  generis  centuriœ,  1572,  p.  ICI, 

—  Belchier,  An  Account  of  Bones  of  Animais  being  changea  to  a  red  Colour  by  Aliment  alone 
{Philos.  Trans.,  1730,  t.  X\XIX,  p.  287  et  2U9). 

—  Ihiliamol,  Sur  une  racine  qui  a  la  faculté  de  teindre  en  rouge  les  os  des  Animaux  vivants 
{Mém.  de  l'Acad.  des  sciences,  1739,  p.  1), 

—  liaz.nnus.  De  coloratis  animalium  quorunulam  vivorum  ossibus  {Commentarii  Instit.  Bolo- 
gnensis,  174,5,  t.  Il,  pars  i,  p.  12'J,  et  De  ossium  colorandorum  artificio  per  radicem  rubiœ 
[Ibid.,  I.  II,  pars  il,  p.  124). 

—  J.  Hunier,  Expériences  et  observations  sur  le  développement  des  os  {Œuvres,  t.  IV,  p.  409). 

—  Rulliorford,  cité  par  Blake  {Dissert,  inaugur.  de  dentium  fonnatione,  1798),  d'après  Gibson 
(Op.  cit.,  p.  154). 

—  Gibson,  Observations  on  Ihe  Effecls  of  Madder  on  the  Bones  of  .\nimals  {Memoirs  of  the 
Liter.  and  Philosoph.  Soc.  of  Manchester,  1805,  2°  série,  I.  I,  p.  14ii). 

—  Mourons,  Recherches  sur  le  développement  des  os  {Airhives  du  Muséum  d'hisl.  nat.,  t.  II, 
p.  315  et  suiv.). 

—  Pagel,  De  l'influence  de  la  garance  dans  l'étude  du  développement  des  os  {Gazette  médicale 
de  Paris,  1840,  p.  204). 

—  Serres  et  Doyèrc,  Exposé  de  quelques  faits  rclalifs  à  la  coloration  des  os  chez  les  Animaux 
soumis  au  régime  de  la  garance  {Ann.  des  sciences  nat.,  2°  série,  1842,  t.  XVII,  p.  153  et 
suiv.). 

—  Brullie  et  Ilng;ucny,  Expériences  sur  le  développement  des  os  dans  les  Mammifères  et  les 
Oiseaux,  faites  au  nioyen  de  l'alimentalion  de  la  garance  {Ann.  des  sciences  nat.,  3"  série, 
1845,  t.  IV,  p.  283). 


6  ABSORPTION, 

point  où  leur  présence  détermine  les  symptômes  caractéristi- 
ques de  leur  action  ne  peut  s'expliquer  qu'en  admettant  qu'elles 
ont  pénétré  dans  le  torrent  de  la  circulation.  Mais,  pour  mieux 
établir  cette  conclusion,  je  citerai  d'autres  faits  qui  sont  plus 
probants. 

Lorsqu'on  introduit  dans  l'estomac  d'un  Chien  de  l'eau 
tenant  en  dissolution  certains  sels  métalliques  qui  normale- 
ment n'existent  pas  dans  l'organisme,  et  qu'au  bout  d'un  temps 
convenable  on  examine  chimiquement  le  sang  de  l'Animal,  on 
y  retrouve  ces  matières  étrangères  (1).  Ainsi  le  prussiate  de 
potasse  (ou  le  ferrocyanure  de  potassium,  pour  employer  ici 
le  nom  adopté  aujourd'hui) ,  ingéré  dans  la  cavité  digestive  ou 
dans  les  voies  respiratoires,  ne  tarde  pas  à  pénétrer  dans  le 
sang  et  à  être  ensuite  expulsé  de  ce  liquide  par  la  sécrétion 
rénale;  de  sorte  qu'en  versant  un  sel  de  fer  soit  dans  le  sérum, 
soit  dans  l'urine,  on  obtient  un  précipité  de  bleu  de  Prusse  (2) 

Il  me  serait  facile  de  multiplier  beaucoup  ici  les  faits  du 

(1)  Ce  fait  paraît  avoir  été  constaté  à  0,8Z|0  (6).  Il  est  vrai  que  la  saignée 

expérimentalement,  vers  le  milieu  du  est  en  elle-même  une  cause  d'appau- 

siècle  dernier,  par  Kaau-Boerhaave  ,  vrissement  du  sang  (c)  ;  mais  la  grande 

neveu   du    célèbre    médecin  de    ce  augmentation  dans  la  c^uantité  d'eau 

dernier  nom  {a),  observée  dans  ce  cas  ne  pouvait  s'ex- 

On  peut  constater  aussi  Tintro-  pliquer  de  la  sorte  seulement,  et  dé- 
duction de  Feau  dans  le  sang  à  la  vait  dépendre  en  grande  partie  de 
suite  de  l'absorption  de  ce  liquide  par  l'absorption  des  boissons. 
la  surface  gastrique.  Ainsi,  dans  une  (2)  En  1817,  Mayer  a  constaté  que  du 
expérience  citée  par  Bérard,  un  Bœuf  cyanoferrure  de  potassium  dissousdans 
qui  avait  été  privé  de  boissons  pen-  l'eau,  de  même  que  divers  autres 
dant  vingt-quatre  heures,  fut  saigné  sels,  injecté  dans  les  cellules  aérifèrcs 
avant  et  après  qu'on  l'eut  fait  boire,  du  poumon,  se  retrouve  très  prompte- 
et  l'on  trouva  que  la  proportion  d'eau  ment  dans  le  sang,  et  se  montre  dans 
contenue  dans  le  sang,  qui  était  de  l'oreillette  gauche  du  cœur  avant  que  . 
0,775  avant  l'injeclion  du  liquide  dans  d'être  arrivé  dans  l'oreillette  droite, 
l'estomac,  s'était  élevée  bientôt  après  11  a  reconnu  aussi  la  présence  de  ce 

(a)  Kaau-Boerliaa-ve,  Perspiratio  dicta  liippocrati  per  universum  corpus  anatomice  illustrata, 
4738,  §  469,  p.  202. 

(6)  Bérard,  Cours  de  physiologie,  t.  II,  p.  595. 
(c)  Voyez  ci-dessus,  tome  I,  page  249, 


CONSIDÉRATIONS    GÉNÉUALES.  7 

même  ordre,  mais  ceux  que  je  viens  de  citer  prouvent  suffi- 
samment que  les  Animaux  possèdent  la  faculté  d'absorber 
les  liquides  en  contact  avec  les  organes  et  de  verser  ces  matières 
étrangères  dans  le  torrent  sanguin  en  circulation  dans  leur 
corps  (1). 


sel  dans  le  sérum  du  sang,  quand  il 
en  avait  introduit  une  certaine  quan- 
tité dans  l'estomac  (a). 

Quelques  années  après,  ^IM.  Tie- 
demann  et  Gmelin  ont  reconnu  dans 
le  sang  des  Animaux  soumis  à  leurs 
expériences  l'odeur  du  camphre  et 
du  musc  qui  avaient  été  introduits 
dans  les  voies  digestives.  Ils  y  ont 
constaté  aussi  la  présence  du  cyano- 
ferrure  de  potassium ,  du  sulfate  de 
potasse,  d'un  sel  de  plomb,  etc.,  qui 
avaient  été  absorbés  de  la  même  ma- 
nière (6). 

Une  multitude  de  faits  du  même 
ordre  ont  été  constatés  par  plusieurs 
autres  expérimentateurs ,  tels  que 
Lebkiichner  ,  Westrumb  ,  Lawrence 
et  Coates,  les  membres  de  la  Société 
médicale    de    Philadelphie ,    Orfila , 


-MM.  Panizza  et  Kramer  ,  Cha- 
tin  ,  etc.   (c). 

Le  passage  du  cyanoferrure  de  po- 
tassium de  l'extérieur  jusque  dans  le 
sang  par  la  voie  de  l'absorption  cu- 
tanée a  été  constaté  aussi  chez  les 
Animaux  inférieurs,  parles  expérien- 
ces de  Jacobson  sur  les  Colimaçons  (ci). 

(1)  Il  arrive  souvent  que  les  ma- 
tières étrangères  dont  l'absorption 
n'est  pas  très  rapide  ne  se  reconnais- 
sent pas  dans  le  sang ,  bien  qu'on  les 
retrouve  dans  les  urines,  dans  le  foie 
ou  dans  d'autres  parties  de  l'écono" 
mie  ,  et  quelques  auteurs  ont  été  con- 
duits de  la  sorte  à  supposer  qu'il 
existe  des  voies  de  transport  pour  les 
substances  absorbées,  indépendantes 
de  l'appareil  circulatoire  (e)  ;  mais 
cela   tient  en  général  à    ce  que  les 


(o)  Mayer,  Op.  cit.  (SleckA's  Deutsches  Archiv,  t.  III,  p.  496). 

(b)  Tiedemaiin  et  Gmelin,  Op.  cit.,  p.  65. 

(c)  Lebkiichner,  Dissertation  inaugurale  suv  la  perméabilité  des  tissus  vivants.  Tubingen, 
4819  {Arch.  géti.  de  méd.,  i"  série,  1825,  t.  VII,  p.  424). 

—  Canlu,  Sur  la  présence  de  l'iode  dans  le  sang  (Journ.  de  chim.  méd.,  1826,  t.  II,  p.  291). 

—  Westrumb,  Physiol.  Untersiich.  iiber  die  Einsaugungskraft.  der  Yenen;  —  et  Expériences 
sur  l'absorption  cutanée  (Arch.  gén.  de  méd.,  1829,  t.  XXI,  p.  113). 

—  Experinients  on  Absorption  by  the  Committee  of  the  Acad.  of  Philadelphia  {London  Med. 
and  Phys.  Journ.,  1832,  t.  XL VII,  p.  275). 

—  Lawrence  et  Coates,  Accoimt  of  some  furiher  Experinients  to  deteiinine  the  absorbing 
Power  ofthe  Veins  and  Lymphatics  [Philadelphia  Journal,  1823,  n°  10). 

—  Panizza,  Dell'assorbunento  venoso  {Mem.  dell'lstit.  Lombardo,  t.  I,  p.  169). 

—  A.  de  Kramer,  Ricerche  per  discopriere  nel  sangue,  nelV  urina  ed  in  varie  altre  secrezioni 
animali  le  combinazioni  minerali  amministrale  per  bocce  {Memorie  dell'Isliiulo  Lombardo, 
Milano,  1843,  t.  I,  p.  115). 

—  Franchini,  Pdcerche  fisiologiche  inlorno  ail'  assorbimento.  Bologne,  1823,  p.  2  et  suiv. 

—  Orfila,  Mém.  sur  l'empoisonnement  (Mém.  de  l'Acad.  de  médecine,  t.  VIII,  p.  375j. 

—  Cliaiin,  Sur  les  fonctions  des  vaisseaux  chylifères  et  des  veines  [Comptes  résidus  de  l'Acad. 
des  sciences,  1844,  t.  XVIII,  p.  379). 

[dj  Voyez  Oersled  ,  Oversigt  over  Selskabcts  Forhandiinger  og  dets  Medlemmers  Arbeider  fra 
1824  m  1827  [Mém.  de  l'Acad.  danoise,  1828,  t.  III,  p.  xix). 

(e)  Danger  et  Flanriin,  De  la  localisation  des  poisons  [Revue  scienti/ique  et  industrielle,  I84I). 
—  Orfila,  Nén.  siir  l'empoisonnement  [Mém.  de  l'Acad.  de  médecine,  t.  VIII,  p.  521 ,  540,  elc). 


r 

relatives 

aux  vaisseaux 

absorban(s. 


8  ABSORPTION. 

Opinions         §  2.  —  L'existence  de  celte  propriété  pliysiologique  était 

des  anciens  ,.  ,  i,  a,/»-,  i  ' 

hysioiogistes  coniuic  longteiiips  avant  que  1  on  eut  tait  aucune  des  expe- 
riences  dont  je  viens  d'arguer  ;  et  lorsque  les  découvertes 
d'Aselli,  de  Pecquet  et  de  leurs  émules  nous  eurent  appris  que 
des  produits  de  la  digestion  passent  de  l'intestin  dans  les  vais- 
seaux lymphatiquesdu  mésentère,  puis  dans  le  canal  thoracique, 
pour  être  ensuite  versés  dans  les  veines,  et  que  des  vaisseaux 
du  même  ordre  naissent  dans  toutes  les  parties  du  corps  pour 
aller  se  terminer  de  la  même  manière  (1),  on  fut  conduit  à 
penser  que  tout  ce  système  de  canaux  centripètes  devait  être 
affecté  à  des  usages  analogues,  et  constituer  les  voies  par  les- 
quelles les  matières  étrangères  à  l'organisme,  quelle  qu'en  fût 
la  nature,  avaient  à  passer  pour  aller  gagner  le  torrent  circula- 
toire et  s'y  mêler  au  sang. 

Les -recherches  des  frères  Hunter  et  de  Monro  contribuèrent 
plus  que  toutes  les  autres  à  faire  prévaloir  cette  opinion  (2),  et 
vers  la  fin  du  siècle  dernier  elle  paraissait  si  bien  établie,  que 
la  plupart  des  physiologistes  ne  désignèrent  plus  l'ensemble 
des  vaisseaux  lymphatiques  et  chylifères  que  sous  le  nom  de 
système  absorbant. 

matières  absorhéos  sont  éliminées  du  même  sujet.  La  question  de  priorité 

sang  à  mesure  qu'elles  arrivent  dans  relative  à  cette  prétendue  découverte 

ce  liquide,  et  |)ar  conséquent  ne  s'y  donna  lieu  à  des  discussions  fort  vives, 

accumulent  pas  en  quantité  siiJlisantc  etdontle  tonétaitpeudigne  d'iiommes 

pour  être  reconnaissables  par  l'emploi  aussi  honorables  {à).  Du  reste,  le  pre- 

des  réactifs  mis  en  usage.  mier  auteur  qui  ait  soutenu  l'opinion 

(1)  VoycziomelV,  page/ii7  et  suiv.  d'après    laquelle    l'absorption  aurait 

(2)  Les  vues  de  Hunier  à  ce  sujet  lieu  exclusivement  par  les   vaisseaux 
furent  d'abord  rendues  publiques  par  lymphatiques   paraît   être  le    célèbre 
les  leçons  orales  de  ce  professeur,  et,  Frédéric  Hoffmann  ,  qui  vivait  près 
peu  de  temps  après,   Monro  fit  pa-  d'un  siècle  avant  (6). 
raîfie  ù  Berlin  une  dissertation  sur  le 

(a)  Al.  Monro,  jun.,  De  veiils  lymphalicis  valvtdosis,  et  de  eanimiii  primis  origine.  Berlin, 
ilCA.  —  Obsevv.  anat.  and  pbysioL,  elc. 

—  W.  Huiilcr,  Médical   Commentaries,  part   i,  containing  a  plaiii  and  direct  ansiver  to 
Prof.  Monro  jun.,  17G2. 

—  Voyez  aussi  à  ce  sujet  :  Boslock,  An  Element'inj  System  of  Physiology,  t.  H.  p.  558. 
(6)  Hoffmann,  Medicina  ralionalis  systematica,  lib.  I,  secl.  il,  cap.  3,  ILSO. 


ROLE    DES    VEINES.  9 

Il  est  en  effet  bien  démontré  que  les  lymphatiques  sont  des      P'-euves 

*•  _  de  l'absorption 

vaisseaux  qui  absorbent  et  qui  versent  dans  l'appareil  circula-        par 

les  veines. 

toire  les  matières  dont  ils  se  sont  chargés;  mais  le  nom  de 
vaisseaux  absorbants  ne  leur  convient  pas,  car  les  expériences 
de  Magendie  sont  venues  montrer  qu'ils  ne  jouissent  pas  seuls 
de  la  faculté  de  pomper  en  quelque  sorte  les  fluides  qui  baignent 
la  surface  des  organes  vivants,  ou  qui  sont  déposés  dans  la 
profondeur  de  ceux-ci  ;  que  ces  conduits  ne  sont  pas  des 
organes  absorbants  par  excellence,  et  que  les  veines  peuvent, 
sans  leur  aide,  s'emparer  des  mêmes  substances  et  les  mêler 
au  sang  en  mouvement  dans  l'économie  (1). 

Magendie  obtint  ce  résultat  important  en  faisant  des  recher- 
ches sur  une  de  ces  substances  vénéneuses  dont  diverses  peu- 
plades sauvages  se  servent  pour  empoisonner  la  pointe  de  leurs 
flèches,  Vupas  tieuté,  qui  doit  sa  puissance  à  la  strychnine. 
Lorsqu'un  peu  de  ce  poison  est  déposé  sous  la  peau  de  la  patte 
d'un  Animal  vivant  ou  dans  toute  autre  partie  du  corps,  il  est 
prompfenient  absorbé;  après  avoir  été  mêlé  de  la  sorte  au  sang 
et  avoir  été  transporté  par  le  torrent  circulatoire  dans  toutes 


(1)  Ces  reclierclies  expérimentales  que,  et  inlroduisit  dans  l'estomac  des 

datent  de  1809.  Elles  furent  d'abord  Animaux    soumis   à  ses  expériences 

publiées  à  part,  puis  reproduites  dans  une  infusion   de   rhubarbe;    bientôt 

le  journal  de  physiologie  cxpiMimen-  après,  la  présence  de  cette  substance 

taie  de  Magendie  (a).  pouvait  être  constatée  dans  l'urine  au 

Peu  d'années   après    (en    IHli),  moyen  de  la  réaction  déterminée  par 

Evèrard  Home,  sans  connaître  les  ré-  la  potasse  (6).  Dans  un  premier  tra- 

sultats  déjà  obtenus  par  Magendie,  a  vail  ,    Hoine    avait   supposé    que    le 

cherché  aussi  à  établir  que  les  fluides  passage   entre  l'estomac  et  l'appareil 

absorl)és  par  l'estomac  arrivent  dans  le  urinaire   était  direct;  mais,  dans  le 

sangsans  avoir  passédans  les  vaisseaux  mémoire  que  je  viens  de  citer,  il  aban- 

lymphatiquos.    Il  lia  le  canal  thoraci-  donna  celte  opinion  erronée. 


(ni  Magendie,  Mémoire  siiv  les  ovyanes  de  l'absorjition  chez  les  Mammifères,  1809  (Journal 
de  phjisiologie,  -1821,  t.  I,  p.  tS). 

(b)  Home,  Experiments  to  prcve  that  Flidds  pass  divecllij  from  the  Stomach  to  the  Circulation 
of  the  Blood,  and  from  thence  into  the  Cells  of  the  Spleen,  the  Gall  Bladder  and  urinary  Bladder , 
without  going  thi-ough  the  thoracic  Duct  [Philos.  Trans.,  1811,  p.^163). 


10  ABSORPTION. 

les  parties  de  l'organisme,  il  exerce  sur  la  moelle  épinière  une 
action  puissante,  et  il  détermine  ainsi  dans  tous  les  muscles  des 
contractions  spasmodiques  d'une  grande  violence.  Dans  l'hypo- 
thèse de  l'absorption  par  les  vaisseaux  lymphatiques  seulement, 
qui  régnait  sans  partage  dans  les  écoles  à  l'époque  où  Magendie 
commença  ses  expériences,  on  expliquait  ce  transport  de  l'upas 
tieuté  en  supposant  qu'il  avait  été  pompé  par  les  lymphatiques 
de  la  patte  ou  de  toute  autre  partie  où  le  dépôt  en  avait  été  effec- 
tué, puis  charrié  par  la  lymphe  de  ces  vaisseaux  jusque  dans  le 
canal  thoracique,  qui  l'aurait  versé  dans  la  veine  sous-clavière, 
laquelle  à  son  tour  l'aurait  conduit  au  cœur,  dont  les  contrac- 
tions devaient  le  pousser  ensuite  à  travers  le  reste  du  système 
circulatoire  jusque  dans  les  vaisseaux  capillaires  du  système 
nerveux.  Mais  Magendie  trouva  que  le  poison  suit  une  route 
plus  directe,  et  arrive  dans  les  veines  sans  l'intermédiaire  des 
lymphatiques.  Ainsi,  dans  une  des  expériences  de  ce  physiolo- 
giste éminent,  l'abdomen  d'un  Chien  ayant  été  ouvert  et  une 
anse  de  l'intestin  comprise  entre  deux  ligatures,  on  lia  égale- 
ment tous  les  vaisseaux  lymphatiques  de  la  portion  du  tube 
digestif  ainsi  isolée,  et  l'on  en  fit  la  résection,  de  façon  à  ne  la 
laisser  en  communication  avec  le  reste  de  l'organisme  que 
par  une  artère  et  une  veine,  à  l'aide  desquelles  la  circulation 
du  sang  s'y  maintint  ;  puis  on  introduisit  dans  ce  tronçon 
d'intestin  une  certaine  quantité  d'upas  tieuté,  et  on  le  replaça 
dans  l'abdomen.  Six  minutes  après,  les  effets  généraux  du  poison 
se  manifestèrent  avec  leur  intensité  ordinaire,  et  Magendie  en 
conclut  avec  raison  que  l'absorption  de  cette  substance  s'était 
effectuée  à  l'aide  de  la  veine  mésentérique  restée  intacte. 

D'autres  expériences  dans  lesquelles  la  cuisse  de  l'Animal 
fut  divisée  de  façon  à  ne  tenir  au  reste  du  corps  que  par  le 
tronc  de  l'artère  crurale  et  sa  veine  satellite,  donnèrent  les 
mêmes  résultats.  Mais  nous  savons  qu'il  existe  des  lymphatiques 
dans  l'épaisseur  des  parois  des  vaisseaux  sanguins,  et  par  con- 


ROLE    DES    VEINES.  11 

séquent  on  aurait  pu  arguer  de  cette  circonstance  pour  soutenir 
qu'ici  encore  l'absorption  du  poison  avait  été  effectuée  par  des 
conduits  de  ce  genre.  JMagendie  prévit  cette  objection,  et  y 
répondit  en  répétant  l'expérience  dont  je  viens  de  rendre 
compte,  et  en  maintenant  la  circulation  dans  le  membre,  non 
à  l'aide  de  l'artère  et  de  la  veine  laissées  intactes,  mais  au 
moyen  de  deux  ajutages  métalliques  par  l'intermédiaire  des- 
quels la  continuité  fut  établie  entre  le  bout  supérieur  et  le  bout 
inférieur  des  vaisseaux  divisés.  Or  l'upas  tieuté,  déposé  dans  une 
plaie  faite  à  la  patte  ainsi  isolée,  n'en  fut  pas  moins  absorbé 
comme  dans  le  cas  précédent,  et  lorsque,  dans  les  expériences 
de  ce  genre,  on  interrompait  temporairement  le  passage  du  sang 
veineux  de  la  patte  amputée  vers  le  corps,  on  suspendait  d'une 
manière  correspondante  l'apparition  des  symptômes  de  l'em- 
poisonnement. 

Nous  avons  vu,  dans  une  des  dernières  Leçons,  que  les 
lymphatiques  des  membres  ne  débouchent  jamais  directement 
dans  les  veines  de  ces  parties  du  corps  (1),  et  par  conséquent 
nous  devons  conclure  de  toutes  ces  expériences,  comme  l'a 
fait  Magendie  lui-même ,  que  les  veines  sont  en  réalité  des 
vaisseaux  absorbants,  c'est-à-dire  des  vaisseaux  dans  lesquels 
les  matières  étrangères  peuvent  pénétrer  directement,  et  être 
charriées  depuis  leur  point  d'application  jusque  dans  le  cœur 
qui  les  distribue  ensuite  avec  le  sang  dans  toutes  les  parties  de 
l'économie  (2). 

(1)  Voyez  tome  IV,  page  526.  des  piiblicalions   ultérieures  il   crut 

(2)  Dans  le  beau  travail  dont  je  pouvoir  aller  plus  loin,  et  révoquer 
viens  de  donner  l'analyse,  Magendie,  en  doute  leur  aptitude  à  pomper  au 
tout  en  établissant  que  les  veines  sont  dehors  de  l'organisme  d'autres  ma- 
des  vaisseaux  absorbants,  ne  contesta  tières  que  le  chyle. 

pas  l'existence  de  propriétés  analogues  II  est  à  noter  que  plusieurs  physio- 

dans  les  lymphatiques  (a);  mais  dans      logistes  du  xviir' siècle  avaient  sou- 

(a)  Boerhaave,  Prœlectioties  academicœ,  edidit  Haller,  t.  I,  p.  402  et  suiv. 


Rôle 
des  vaisseaux 
lymphatiques 

dans 
l'absorption. 


12  ABSORPTION. 

§  3.  —  Ce  résultat,  obtenu  il  y  a  cinquante  ans,  fut 
confirmé  par  un  grand  nombre  d'autres  faits,  et  aujourd'hui 
tous  les  physiologistes  l'admettent  sans  contestation.  Mais  le 
changement  dans  les  opinions  régnantes  qui  s'opéra  sous  l'in- 
fluence des  travaux  de  Magendie,  détermina  bientôt  une  exa- 
gération dans  les  conclusions  que  l'on  en  tira,  et  beaucoup 
d'expérimentateurs  crurent  devoir  soutenir  que  les  lympha- 
tiques n'interviennent  jamais  dans  le  travail  d'absorption  dont 
l'organisme  est  le  siège,  si  ce  n'est  pour  introduire  dans  le  sang 
les  produits  de  la  digestion  (1).  Quelques  auteurs  crurent 
même  que  la  présence  du  chyle  dans  les  lymphatiques  de  l'in- 
testin n'était  pas  la  conséquence  d'un  phénomène  d'absorption, 
mais  devait  être  attribuée  à  une  action  sécrétoire  analogue  à 
celle  qui  donne  naissance  au  lait,  à  la  bile  ou  à  l'urine.  Nous 


terni  que  les  veines  sent  les  organes 
par  lesquels  l'absorption  s'effectue  : 
lloerhaave,  par  exemple;  mais  celte 
opinion  manquait  de  preuves,  et  était 
généialement  aiiandonnée  depuis  le 
commencement  du  siècle  aciuel. 

(1)  M.  Ségalas  a  été  conduit,  par 
diverses  expériences,  à  penser  que  les 
substances  autres  que  le  chyle,  dépo- 
sées dans  le  canal  intestinal,  ne  pou- 
vaient être  absorbées  que  par  les  veines. 
Il  isola  nne  anse  d'intestin  et  fit  la 
ligature  des  vaisseaux  sanguins  qui  en 
dépendent,  mais  laissa  intacts  les  lym- 
phatiques ;  puis,  iiyant  introduit  de  la 
noix  vomlque  dans  le  tronçon  ainsi  cir- 
conscrit, il  le  remit  en  place,  et  ne 
vit  se  manifester  aucun  des  symptômes 
d'empoisonnement  qui  résultent  tou- 
jours de  l'absorption  de  cette  sub- 
stance. Dans  une  autre  expérience,  il 


procéda  de  la  même  manière  ;  seule- 
ment, au  lieu  d'interrompre  la  circu- 
lation dans  l'anse  intestinale  où  était 
emprisonnée  la  matière  toxique,  il 
ouvrit  la  veine  de  cette  partie  et  dis- 
posa les  choses  de  façon  à  faire  couler 
au  dehors  le  sang  qui  y  avait  passé  : 
or,  dans  ce  cas,  de  même  que  dans 
l'expérience  précédente,  il  ne  se  dé- 
clara pas  d'empoisonnement.  On  en 
pouvait  conclure  que,  dans  les  condi- 
tions où  M.  Ségalas  avait  opéré,  les 
vaisseaux  lymphatiques  de  l'intestin 
n'avaient  exercé  aucune  action  absor- 
bante appréciable  (a). 

Je  citerai  également  ici  quelques- 
unes  des  expériences  faites  plus  ré- 
cemment sur  le  même  sujet ,  par 
M.  Panizza.  Ce  physiologiste  opéra  sur 
un  Cheval,  et  ayant,  à  l'aide  d'une 
incision  pratiquée  aux  parois  de  l'ab- 


(a)  Ségalas,  Note  sur  l'absorption  inlestinale  {Journal  de  physiologie  de  Magendie,  1822,  t.  II, 

p.  in). 


RÔLE    DES    VAISSEAUX    LYMPHATIQUES.  13 

reviendrons  sur  cette  dernière  manière  de  voir,  lorsque  nous 
étudierons  le  cas  particulier  de  l'absorption  des  matières  ali- 
mentaires élaborées  dans  le  tube  digestif,  et  ici  je  me  bornerai 
à  examiner  le  rôle  du  système  lymphatique  dans  l'absorption 
générale,  c'est-à-dire  dans  l'introduction  des  matières  non 
digérées  du  dehors  dans  l'intérieur  de  l'organisme;  question 
qui  a  beaucoup  occupé  l'attention  des  physiologistes,  il  y  a  un 
quart  de  siècle,  et  qui  a  donné  lieu  à  un  grand  nombre  de 
travaux. 

Les  principaux  faits  dont  on  a  argué  pour  établir  que  les 
vaisseaux  lymphatiques  sont  susceptibles  d'absorber  les  matières 
étrangères  autres  que  le  chyle,  sont  fournis  en  partie  par  les 
observations  pathologiques,  en  partie  par  les  expériences  dans 
lesquelles  diverses  substances,  plus  ou  moins  faciles  à  recon- 


domen,  fait  sorlir  au  dehors  une  anse 
d'intestin,  il  l'isola  à  l'aide  de  deux 
ligatures  placées  de  façon  que  le  sang 
de  la  partie  ainsi  délimitée  ne  retour- 
nait au  corps  que  par  un  seul  tronc 
veineux.  11  lia  ensuite  ce  vaisseau  et  y 
fit  une  ouverture,  afin  que  la  circula- 
tion ne  fût  pas  interrompue  dans 
l'anse  intestinale,  mais  que  le  sang  de 
cette  partie  ne  pût  pas  rentrer  dans 
le  torrent  circulatoire  général;  les 
lymphatiques  furent  laissés  libres,  et, 
à  l'aide  d'une  ponction,  une  certaine 
quanUté  d'acide  cyanhydrique  fut  in- 
troduite dans  l'anse  intestinal  ainsi 
disposé.  Aucun  symptôme  d'empoi- 
sonnement ne  se  manifesta,  et  le  sang 
qui  s'échappait  de  la  veine  ouverte 
présenta  bientôt  l'odeur  et  les  autres 
signes  indicatifs  de  la  présence  de 
l'acide  cyanhydrique.  Dans  une  autre 


expérience,  les  choses  étant  disposées 
de  même,  le  tronc  veineux  venant  de 
l'anse  intestinale  isolée  ne  fut  ni  lié 
ni  ouvert,  mais  simplement  comprimé 
entre  lesdoigtsde  l'opérateur,  de  façon 
à  empêcher  le  sang  d'y  passer.  Aucun 
symptôme  d'empoisonnement  ne  se 
manifesta  à  la  suite  de  l'introduction 
de  l'acide  cyanhydrique  dans  l'anse 
intestinale;  mais  lorsqu'on  cessa  de 
comprimer  la  veine,  l'action  toxique 
de  ce  corps  devint  évidente  en  moins 
d'une  minute  (a). 

Les  recherches  de  M.  Fenwick  por- 
tèrent même  ce  physiologiste  à  penser 
que  l'absorption  du  chyle  dépend  uni- 
quement de  l'action  de  l'appareil  cir- 
culatoire, et  que  les  lymphatiques  ne 
font  fiue  transporter  une  partie  des 
matières  que  les  vaisseaux  sanguins 
ont  reçues  et  leur  transmettent  (6). 


(a)  Panuza,  Dello   assorblmento  venoso  (Memorie  delV Istituto  Lombardo,  4843,  t.  I,  p.  176), 

(b)  Fenwick,  An  Expérimental  Inquinj  into  the  Functions  of  the  Lacteals  and  Lymphatic 
ancet,  1845,  1. 1,  p  29  et  suiv.). 


ILancet 


1/^  ABSOKPTSON. 

naître,  ont  été  déposées  dans  différentes  parties  de  l'organisme 
et  ont  paru  avoir  passé  dans  la  lymphe. 

Je  ne  m'arrêterai  guère  sur  les  arguments  en  faveur  de 
l'absorption  par  les  lymphatiques,  qui  ont  été  fournis  par  la 
pathologie,  parée  qu'ils  n'ont  à  mes  yeux  que  fort  peu  de 
valeur.  Les  médecins  ont  eu  l'occasion  de  remarquer  qu'à  la 
suite  d'une  blessure  faite  par  un  instrument  chargé  de  matières 
putrides,  ou  d'un  virus  quelconque,  les  vaisseaux  lymphatiques 
provenant  de  la  partie  lésée  sont  très  aptes  à  s'enflammer,  et 
que  les  ganglions  placés  sur  le  trajet  de  ces  mêmes  vaisseaux 
s'engorgent  souvent.  Ils  ont  vu  des  phénomènes  analogues 
se  manifester  dans  le  voisinage  de  certaines  ulcérations  dont  le 
pus  est  doué  de  propriétés  contagieuses,  et  ils  ont  pensé  que 
cet  état  morbide  des  vaisseaux  lymphatiques  dépendait  de  l'irri- 
tation produite  sur  leurs  parois  par  le  passage  des  virus  qui, 
dans  ces  circonstances,  ont  dû  être  introduits  dans  l'organisme 
par  voie  d'absorption.  La  route  mise  ainsi  hors  d'état  de  ser- 
vice semble  en  effet  devoir  être  celle  que  ces  matières  toxiques 
ont  dû  suivre,  et  l'on  a  cru  voir  là  une  preuve  de  l'action 
absorbante  des  lymphatiques;  mais  il  est  fort  possible  que 
l'altération  des  liquides  en  mouvement  dans  ces  vaisseaux  soit 
la  conséquence  non  de  leur  mélange  avec  les  matières  étran- 
gères ou  morbides  déposées  à  la  surface  externe  de  la  plaie, 
mais  bien  du  développement  d'un  travail  sécrétoire  dans  leur 
intérieur;  travail  qui  serait  provoqué  par  l'action  du  virus,  et 
qui  aurait  le  même  caractère  que  celui  dont  dépend  la  forma- 
tion du  pus  excrété  au  dehors  (i).  J'en  dirai  autant  des  cas 


(1)  Les  accidents  de  ce  genre  sont  d'y  donner  lieu,  est  de  cautériser 
mallieureusemenl  très  fréquents  par-  immédiatement  la  plaie,  afin  de  de- 
mi les  personnes  qui  se  livrent  à  des  iruire  le  virus,  ou  ferment  patholo- 
travaux  anatomiques,  et  Fexpérience  giquc,  qui  peut  y  avoir  été  déposé. 
a  prouvé  que  le  meilleur  moyen  pour  Gruiksliank  attribue  l'inflammation 
empêclier    les   piqûres    envenimées  développée  ainsi  dans  les  lympliati- 


RÔLE    DES    VAISSEAUX    LYMPHATIQUES.  15 

dans  lesquels  quelques  chirurgiens  ont  trouvé  les  lymphatiques 
gorgés  d'un  liquide  purulent  ;  rien  ne  prouve  que  ce  liquide 
ait  été  puisé' dans  les  dépôts  de  pus  adjacents,  et  qu'il  ne  soit 
pas  le  résultat  de  l'état  intlammatoire  de  la  surface  interne  de 
ces  vaisseaux  eux-mêmes  (1). 


ques  au  passage  des  matières  irri- 
tantes absorbées  par  ces  vaisseaux,  et 
ne  voyant  pas  de  phénomènes  mor- 
bides du  même  genre  se  manifester 
dans  les  veines,  il  en  conclut  que 
celles-ci  n'absorbent  pas  (a).  Cette 
manière  de  voir  a  été  adoptée  par 
beaucoup  d'autres  physiologistes  : 
mais,  ainsi  que  Bérard  le  fait  remar- 
quer avec  raison,  rien  ne  prouve  que 
la  matière  étrangère  dont  la  pré- 
sence dans  la  plaie  détermine  tous  ces 
désordres  ait  passé  par  les  lympha- 
tiques, et  que  Tinflammation  de  ces 
vaisseaux  soit  due  à  son  action  directe 
sur  la  surface  interne  de  leurs  pa- 
rois (6).  J'ajouterai  que,  dans  beau- 
coup de  cas  de  ce  genre,  l'intoxication 
générale  me  semble  dépendre  non  de 
l'absorption  directe  de  la  petite  quan- 
tité de  virus  déposée  dans  un  point 
très  circonscrit  de  l'organisme,  mais 
de  la  dispersion  consécutive  des  pro- 
duits morbides  dont  la  formation  a 
été  déterminée  dans  ce  point  par  le 
contact  du  virus  ;  et  si  cela  est,  on 
comprendrait  facilement  que  la  sé- 
crétion pathologique  ainsi  provoquée 
pût  s'établir  à  la  surface  interne  des 
cavités  lymphatiques  situées  dans  la 
substance  des  tissus  malades,  aussi 
bien  qu'à  la  surface  externe  des  la- 
melles ou  des  fibrilles  constitutives  de 


ces  mêmes  tissus.  Or,  s'il  en  était 
ainsi,  la  présence  des  matières  irri- 
tantes ou  toxiques  dans  les  vaisseaux 
lymphatiques  serait  une  conséquence 
non  de  leur  absorption  du  dehors, 
mais  de  leur  formation  sur  place  dans 
l'intérieur  des  radicules  de  ces  con- 
duits. 

(i)  «  La  preuve  la  plus  forte  qu'on 
puisse  donner  que  les  lymphatiques 
absorbent ,  dit  Cruikshank  ,  est  que 
toutes  les  fois  que  les  fluides  sont 
extravasés  sur  des  surfaces  ou  dans 
des  cavités,  ou  toutes  les  fois  que  de 
pareils  fluides  distendent  outre  mesure 
leur  réservoir,  on  trouve  les  vaisseaux 
lymphatiques  appartenant  à  ces  sur- 
faces et  à  ces  cavités  entièrement 
remplis  du  même  fluide.  La  démons- 
tration est  encore  plus  évidente  quand 
les  fluides  dont  nous  parlons  sont 
fortement  colorés.  Nous  avons  ainsi 
fréquemment  vu,  chez  les  Animaux 
qui  meurent  d'hémoptysie ,  et  chez 
l'Homme  même ,  les  lymphatiques , 
qui,  dans  les  autres  circonstances,  con- 
tiennent un  fluide  transparent,  être 
gorgés  du  sang  qu'ils  avaient  absorbé 
des  cellules  aériennes  (c).  » 

La  présence  d'une  quantité  plus  ou 
moins  considérable  de  globules  rouges 
du  sang  dans  les  lymphatiques  d'une 
partie  dont  le  tissu  a  été  lacéré,  ne 


(a)  Cruikshank,  Anatomie  des  vaisseaux  absorbants,  p.  58. 
(6)  Bérard,  Cours  de  physiologie,  t.  II,  p.  643. 
(c)  Cruikshank,  Op.  cit.,  p.  88. 


1()  ABSORPTION. 

Dans  un  grand  nombre  d'expériences  faites  par  divers  phy- 
siologistes, on  a  cherché  vainement  à  découvrir  dans  les  liquides 
contenus  dans  le  canal  thoracique,  ou  dans  ses  afférents,  des 
traces  de  l'existence  de  matières  colorantes  ou  salines  déposées 
à  la  surface  des  membranes  où  ces  vaisseaux  prenaient  nais- 
sance (1).  Aussi  paraît-il  bien  démoniré  aujourd'hui  que  les 
lymphatiques  ne  jouent  d'ordinaire  qu'un  rôle  très  secon- 
daire dans  le  travail  de  transport  des  matières  absorbées  du 


prouverait  pas  que  ces  derniers  vais- 
seaux absorbent  dans  les  conditions 
normales;  car,  ainsi  que  je  l'ai  déjà 
dit,  les  communications  accidentelles 
s'établissent  très  facilement  entre  les 
capillaires  sanguins  et  les  cavités  radi- 
culaires  adjacentes  du  système  lympha- 
tique (a),  et  il  y  a  tout  lieu  de  croire 
que  dans  les  cas  dont  Cruikshank 
parle,  c'est  de  la  sorte,  plutôt  que  par 
un  véritable  travail  d'absorption,  que 
les  vaisseaux  blancs  se  sont  remplis 
de  sang. 

La  présence  de  pus  dans  les  lym- 
phatiques, provenant  d'une  par[ic  où 
existait  un  dépôt  purulent ,  a  été 
signalée  par  plusieurs  pathologistes, 
tels  que  Dupuytrea  (6)  ;  mais,  sauf 
dans  les  cas  de  métrite,  cela  se  voit 
très  rarement,  et,  dans  plus  de  deux 
cents  autopsies  faites  à  ce  point  de 


vue  par  M.  Andral,  le  liquide  renfermé 
dans  ces  vaisseaux  n'a  jamais  offert  de 
rapport  avec  les  humeurs  contenues 
dans  les  parties  adjacentes  (c).  Bérard 
a  fixé  aussi  son  attention  sur  ce  point, 
et  n'a  jamais  rien  trouvé  qui  fût  de 
nature  à  faire  supposer  que  les  lym- 
phatiques eussent  absorbé  du  sang 
ou  du  pus  (d). 

Parfois  on  trouve  aussi  du  pus  dans 
les  veines,  et  quelques  auleiirs  ont 
considéré  ce  fait  comme  une  preuve 
de  la  faculté  absorbante  de  ces  vais- 
seaux (e)  ;  mais  rien  ne  prouve  que 
la  suppuration  ne  se  soit  pas  établie 
à  leur  surface  interne  aussi  bien  que 
dans  les  parties  adjacentes. 

(1)  Plusieurs  anciens  physiologistes 
ont  cru  avoir  constaté  le  passage  des 
matières  colorantes  (  notamment  de 
l'indigo  )  de  l'intestin  dans  les  vais- 


(a)  Voyez  tome  IV,  page  548  et  suivantes, 

(6)  Voyez  Cruveilhier,  Essai  sur  l'anatomie  pathologique,  1816,  t.  I,  p.  200. 

■ — -  Danyau,  Essai  sur  la  métrlle  gangreneuse.  Thèse,  Paris,  1829. 

—  Tonnelle,  Des  fièvres  puerpérales  observées  à  la  Maternit.é  en  1829  {Arch.  gén.  de  méd., 
1"  série,  t.  XXII,  p.  345  etsuiv.). 

—  Nonat,  De  la  métro-péritonite  puerpérale  compliquée  de  l'inflammation  des  vaisseaux  lym- 
phatiques de  l'utérus.  Thèse,  Paris,  4  832. 

—  Duplay,  De  la  suppuration  des  vaisseaux  lymphatiques  de  l'utérus  à  la  suite  de  l'accouche- 
ment (Arch.  gén.  de  méd.,  1835,  2*  série,  t.  VII,  p.  293).  —  De  la  présence  du  pus  dans  les 
vaisseaux  lymphatiques  de  l'utérus  (Arch.,  2'. série,  t.  X,  p.  308). 

(c)  Andral,  Recherches  pour  servir  à  l'histoire  des  maladies  du  système  lymphatique  (Arch.  gén. 
de  méd.,  1824,  1"  série,  t.  VI,  p.  502). 

(d)  Bérard,  Cours  de  physiologie,  i.  II,  p.  044. 

(e)  Gendrin,  Histoire  anatomique  des  inflammations,  t.  I,  p.  707. 

—  Kay,  On  the  ulcerative  Process  in  Joints  [Med.  Chir.  Trans,,  1818,  t.  XVIII,  p.  211). 


ROLE    DES    VAISSEAUX    LYMPHATIQUES.  17 

lieu  de  dépôt  de  ces  substances  vers  le  centre  de  l'appareil 
irrigatoire.  ÎMais  il  faut  bien  se  garder  de  les  croire  inaptes  à 
absorber;  car  il  existe  dans  la  science  d'autres  lails  qui  ne 


seaux  chylifères  (a)  ;  et  les  expérien- 
ces de  J.  Hunier  ont  été  considérées 
par  VY.  Ilunter  comme  démonstra- 
tives de  ce  genre  d'absorption.  En 
effet,  J.  Hunter,  après  avoir  injecté  de 
l'indigo  dans  le  péritoine  d'un  Animal 
vivant,  crut  apercevoir  celte  subslance 
fort  peu  de  temps  après  dans  les  lym- 
phatiques du  mésentère  (6);  mais  il 
s'était  probablement  laissé  induire  en 
erreur  par  quelque  circonstance  acci- 
dentelle :  car  cette  expérience  a  été 
répétée  par  beaucoup  d'autres  phy- 
siologistes et  a  toujours  donné  des 
résultats  négatifs,  ou  du  moins  fort 
douteux;  et  M.  IJ.  iMayo ,  qui  crut 
d'abord  avoir  vérifié  l'assertion  de 
Hunier,  ne  tarda  pas  à  reconnaître 
qu'il  s'était  lui-même  trompé,  et  que 
la  teinte  qu'il  attribuait  à  la  présence 
de  l'indigo  était  le  résultat  d'une  alté- 
ration cadavérique  ordinaire  (c;. 

D'aulres  matières  colorantes,  telles 
que  la  garance  et  le  curcuma,  ont  été 
retrouvées  dans  les  vaisseaux  cliyli- 


leres,  mais  c'était  après  que  ces  sub- 
stances eurent  été  administrées  fort 
longtemps  avant  l'examen  des  hu- 
meurs, et  quand  par  conséquent  elles 
pouvaient  être  arrivées  dans  les  lym- 
phatiques par  la  voie  des  vaisseaux 
sanguins  (d). 

Alagendie  s'est  élevé  très  fortement 
contre  l'opinion  de  Hunier  (e),  et,  d'a- 
près l'ensemble  des  résultais  négatifs 
obtenus  par  ce  pliysiologiste  et  un 
grand  nombre  d'autres  expérimenta- 
teurs, il  paraît  bien  démontré  aujour- 
d'hui que  les  matières  colorantes  eu 
question  ne  passent  pas  en  quantité 
appréciable  dans  les  vaisseaux  chyli- 
fères (/").  Ainsi,  dans  une  série  nom- 
breuse d'expériences  sur  l'absorplion, 
faites  par  une  commission  de  l'Aca- 
dénùe  médicale  de  l'hiladelphie ,  le 
cliyle  fut  toujours  trouvé  incolore  , 
malgré  l'ingestion  de  l'indigo,  de  la 
rhubarbe,  de  l'orcanette  ou  de  la  co- 
chenille dans  les  voies  digeslives  (g). 

L'absorption    de   quelques    autres 


(a)  Martin  Lister,  Experiment  made  for  altering  the  Colour  of  the  Chyle  {Philos.  Tram., 
1683,  t.  XIII,  p.  7). 

—  Musgrave,  Letter  concerning  some  Experiments  made  for  Iransmiiting  a  Mue  Colour  Liquor 
into  theLacteals  {Philos.  Trans.,  1701,  t.  XXIII,  p.  996). 

. —  Hallor,  Elementa  physiologiœ,  t.  VII,  p.  02. 

—  Ontyd,  Disserl.  acad.  de  causa  absorptionis  per  vasa  lymphalica.  Leyde,  1795,  p.  20. 
(6)  Voyez  W.  Huntor,  Médical  Commentaries,  1762,  part,  i,  p.  44. 

(c)  Mayo,  Anatomical  and  Physiologlcal  Commentaries,  t.  H,  p.  42. 

{d)  Seiier  et  Ficiiius,  Yersuch  ûber  das  Einsaugungsvermdgen  der  Yenen  {Zeitschr.  fiir  nalur- 
ûnd  Heilkunde,  i8<2i,  t.  Il,  p.  317). 

—  Buisson,  Coloration  du  chyle  avec  la  garance  {Gazelle  médicale,  1844,  p.  295). 
(e)  Ma^'endie,  Précis  élémentaire  de  physiologie,  t.  II,  p.  201. 

(/")  Flandrin,  Expériences  sur  l'absorption  des  vaisseaux  lymphatiques  des  Animaux  {Journal 
de  médecine,  1798,  t.  LXXXV,  p.  372). 

— •  Lebliiichner,  Dissert,  inaug.  swr  la  perméabilité  des  tissus,  Tubingen,  1819  {Archives 
générales  de  médecine,  1825,  t.  VII,  p.  432. 

—  Blondlot,  Traité  analytique  de  la  digestion,  p.  426. 

(g)  Experiments  on  Absorption  by  a  Committee  of  the  Acad.  of  Med.  of  Philadelphia  {London 
Médical  and  Physical  Journal,  1832,  t.  XLVII,  p.  47). 


18 


ABSORPTION, 


Preuves     pGuvent  laisser  aucun  doute,  quant  à  la  possibilité  de  leur 

''"  paï^icf"'"  intervention  dans  cette  portion  du  travail  physiologique.  Ainsi, 

lymphaiiques.  ^^^^^  ^^^^^^  J'unc  circonstancc,  les  expérimentateurs  qui  se  sont 

occupés  d'une  manière  spéciale  de  l'étude  de  cette  question,  ont 


matières  colorantes  par  les  vaisseaux 
lymphatiques  paraît  se  faire  plus  fa- 
cilement. Ainsi,  dans  le  voisinage  du 
foie,  on  les  a  souvent  trouvés  colorés 
en  jaune  par  la  présence  de  la  bile 
dansîeur  intérieur  ;  et  MM.  Tiedemann 
et  Gmelin,  dans  des  expériences  siu- 
les  eilets  produits  par  la  ligature  du 
canal  cholédoque ,  ont  constaté  la 
présence  des  principes  constituants  de 
cette  humeur,  non-senlement  dans  les 
lymphatiques  du  foie  et  dans  les  gan- 
glions que  ces  vaisseaux  traversent, 
mais  jusque  dans  le  canal  thora- 
cique  (a).  Quelques  auteurs  ont  sup- 
posé que  la  pénétration  de  la  bile  dans 
les  tissus  absorbants  était  un  phéno- 
iiîène  cadavérique  seulement,  et  ne 
dépendait  pas  de  l'absorption  physio- 
logique. Mais  Lebkitchner  a  constaté 
expérimentalement  que  les  principes 
caractéristiques  de  ce  liquide  traver- 
sent promptement  le  péritoine  pen- 
dant la  vie  aussi  bien  qu'après  la 
mort.  Effectivement,  ayant  injecté  de 
la  bile  dans  la  cavité  péritonéale  d'un 
Chat,  et  ayant  tué  l'animal  douze  mi- 
nutes après  l'opération,  il  trouva  que 
la  matière  jaune  et  la  matière  amère 
de  ce  liquide  avaient  déjà  pénétré  dans 


le  tissu  conjonctif  sous-péritonéal  (6). 
Je  dois  ajouter  que,  dans  un  grand 
nombre  de  cas,  des  réactifs  chimiques, 
tels  que  du  cyanoferrure  de  potas- 
sium et  du  sucre,  ont  été  ingérés  dans 
l'appareil  digestif  et  absorbés  sans 
qu'on  ail  pu  en  découvrir  de  traces 
dans  les  vaisseaux  chylifères  ou  dans 
les  autres  parties  du  système  lympha- 
tique. Un  résultat  négatif  de  ce  genre 
fut  obtenu  par  Haller  en  employant 
un  sel  de  fer  (c).  MM.  Tiedemann  et 
Gmelin  cherchèrent  en  vain  dans  les 
liquides  du  canal  thoracique  des  traces 
de  divers  sels  de  fer,  de  plomb,  de 
mercure  et  de  baryte  dont  ils  avaient 
déterminé  l'absorption  par  les  voies 
digestives  (cl).  MM,  Bouchardal  et 
Sandras  n'ont  pu  y  retrouver  ni  le 
cyanoferrure  de  potassium,  ni  le  sucre 
qu'ils  avaient  administrés  de  la  même 
manière  et  qui  se  reconnaissent  dans 
le  sang  (e).  Dans  quelques  expériences 
faites  par  MM.  Panizza  et  de  Kramcr, 
la  présence  des  réactifs  absorbés  ne 
put  être  démontrée  nettement  dans 
le  chyle  (f).  Je  citerai  également  à 
cette  occasion  des  recherches  infruc- 
tueuses faites  par  Magendie,  Mayer, 
Westrumb,  etc.  {g).  Enfin  il  est  aussi 


(«)  Tiedemann  et  Gmelin,  Recherches  sur  la  digestion,  t.  II,  p.  50. 

(6)  Lobkiichnei-,  Op.  cit.  {Arch.  gén.  de  médecine,  1825,  l.  VII,  p.  439). 

(c)  Haller,  Elementaphysiologiœ,  t.  Vil,  p.  G3. 

(d)  Tiedemann  etGmelin,  Recherches  sur  la  route  que  prennent  diverses  substances  pour  passer 
de  l'estomac  et  du  canal  intestinal  dans  le  sang,  p.  00. 

(c)  Bouchardal  et  Sandras,  De  la  digestion  des  matières  féculentes  et  sucrées  {Annuaire  de  thé- 
rapeutique, 1846,  supplément,  p.  80  cl  suiv.). 

(/■)  Panizza,  Dell'  assmiiimenlo  venoso  {Mem.  dclV  Istituto  Lombarde,  1841,  1. 1,  p.  173). 
(g)  Magendie,  Précis  élémentaire  de  physiologie,  t.  II,  p.  202. 

—  Mayer,  Op.  cit.  (Meckel's  Deutsches  Archiv  fiïr  die  Physiologie,  1817,  t.  III). 

—  Weslruml),  Op.  cit.  {Arch.  gén,  de  méd.,  1829,  1"  série,  t.  XXI,  p.  115). 


RÔLE    DES    VAISSEAUX    LYMPHATIQUES.  19 

VU  le  cyanofeiTure  de  potassium  qu'ils  avaient  injecté  soit  dans 
les  cavités  séreuses,  soit  dans  le  tube  digestif,  ou  qu'ils  avaient 
mis  en  contact  avec  le  deraie  déimdé,  apparaître  plus  ou  moins 
promptement  dans  l'intérieur  du  système  lymphatique  (1).  Il  est 


à  noier  que  M.  Chatin  a  trouvé  des 
traces  d'arsenic  dans  !e  sang  d'un 
Chien  auquel  il  avait  adminislré  ce 
poison ,  mais  il  n'a  pu  en  découvrir 
dans  la  lymphe  du  canal  thoracique. 
D'autres  expériences,  faites  sur  l'é- 
métique  ,  lui  donnèrent  des  résultats 
analogues  [a). 

Les  résultats  obtenus  par  l'enipioi 
de  diverses  matières  odorantes  sont 
moins  nets,  et  parfois  les  expérimen- 
tateurs ont  cru  reconnaître  la  pré- 
sence de  ces  substances  dans  les 
liquides  du  système  chylifère. 

(1)  Par  exemple  ,  dans  les  expé- 
riences de  Foderà,  faites  sur  déjeunes 
Lapins,  une  infusion  de  noix  de  galle 
ayant  été  injectée  dans  la  plèvre  ou 
dans  la  vessie,  et  une  solution  de  sul- 
fate de  fer  dans  la  cavité  péritonéale, 
on  trouva  bientôt  après  un  précipité 
noir  dans  le  canal  thoracique,  aussi 
bien  que  dans  d'autres  parties  du 
corps  (6).  En  introduisant  de  la 
même  manière  une  dissolution  de 
cyanoferrure  de  potassium  dans  l'ab- 
domen ou  une  dissolution  de  sulfate 
de  fer  dans  la  plèvre,  on  a  trouvé 
du  bleu  de  Prusse  dans  les  gan- 
glions mé.«entériques  et  dans  le  canal 
thoracique,  aussi  bien  que  dans  les 
veinules    sous-péritonéales   (c).   Un 


résultat  analogue  fiit  obtenu  en  em- 
prisonnant une  solution  de  cyano- 
ferrure de  potassium  dans  une  anse 
intestinale  dont  la  surface  extérieure 
fut  ensuite  mise  eu  contact  avec  une 
solution  de  sulfate  de  fer  {d).  Enûn, 
le  cyanoferrure  ayant  été  introduit 
dans  le  tissu  conjonclif  sous-cutané 
de  la  cuisse  de  plusieurs  jeunes  La- 
pins, on  constata  la  présence  d'une 
certaine  quantité  de  ce  sel  dans  le 
canal  thoracique,  au  bout  d'une  demi  • 
heure  ou  même  de  quelques  mi- 
nutes (e). 

11  est,  du  reste,  bon  de  noter  que 
dans  ces  expériences  Foderà  faisait 
usage  d'un  peu  d'acide  chlorhydrique 
pour  aviver  la  couleur  bleue  du  préci- 
pité résultantde  la  rencontre  du  cyano- 
ferrure de  potassium  avec  le  sel  de 
fer  ;  procédé  à  l'aide  duquel  il  pouvait 
rendre  visibles  des  traces  de  cette  sub- 
stance, qui  parfois  auraient  pu  échap- 
per à  l'œil,  s'il  n'avait  employé  cet 
artifice. 

Des  résultats  analogues  avaient  été 
obtenus  précédemment  par  d'autres 
physiologistes.  Ainsi,  dans  quelques- 
unes  des  expériences  de  Lawrence 
et  Goates  sur  l'absorption,  faites  sur  de 
jeunes  Chats,  le  cyanoferrure  de  potas- 
sium s'est  moniré  dans  le  canal  iho- 


(a)  Chatin,  Sur  les  fonctions  des  vaisseaux  chyUfères  et  des  veines  {Comptes  rendus  de  l'Acad. 
des  sciences,  l.  XVlII.p.  379). 

(b)  Foderà,  Recherches  expérimentales  sur  l'absorplion  et  l'exhalation,  1824,  p.  22. 
(c)Iclera,  ibid.,  p.  24. 

(d)  Idem,  ibid.,  p.  27. 
te)  Idem,  ibid.,  p.  48. 


20  ABSORPTION. 

vrai  que  quelques  physiologistes  ont  supposé  que  ces  matières 
avaient  été  absoitées  parles  veines  et  avaient  été  transmises  des 
capillaires  sanguins  aux  radicules  lymphatiques,  comme  cela  a 
lieu  pour  le  plasma  du  sang  (1)  ;  mais  dans  plusieurs  cas  cetle 


raciqiie  de  deux  à  huit  minutes  après 
son  injection  dans  le  tube  digestif  (a). 
Mayera  trouvé  aussi  le  cyanoferrure 
de  potassium  dans  la  lymphe  du  canal 
thoracique,  quand  il  introduisait  cette 
substance  dans  les  voies  respiratoires, 
mais  elle  se  montrait  plus  prompte- 
ment  dans  le  sang  (6).  Dans  une  des 
expériences  faites  i)ar  Westnimb,  le 
même  sel,  introduit  dans  l'organisme 
par  une  portion  dénudée  de  la  peau, 
se  retrouva  dans  les  ganglions  de 
l'aine  et  dans  le  canal  thoracique  ; 
mais,  dans  d'autres  expériences  ana- 
logues, ce  physiologiste  n'oblint  que 
des  résultats  négatifs  (c). 

Enfin  des  faits  du  même  ordre  ont 
été  constatés  par  Seiler  et  Ficinus  , 
Lebldichner,  Kay,  Mac-Neven,  M.  Cl. 
Bernard,  llorner  et  plusieurs  autres 
physiologistes  (d). 

Les  expériences  relatives  à  l'absorp- 
tion des  substances  odorantes  par  les 

(o)  Lawrence  et  Coales,  Account  ofsome  fuvther  Experiments  io  détermine  the  absorhinfj  Power 
of  the  Veins  and  lAjmphatics  (Philaddphia  Journal,  1823,  n»  i  0). 

(b)  Mayer,  Op.  cit.  (Wockers  Deutsches  Archiv  filr  die  Pliysiologic,  1817,  t.  III,  p.  485). 

(c)  Weslrumb,  Physiol.  Untersuch.  iïber  die  FAnsawj.  der  Vcncn.  —  E.ipériences  sur  V ab- 
sorption cutanée  {.\rchives  générales  de  médecine,  1820,  t.  XXI,  p.  113). 

(d)  MaK-Ncven,  Expériences  pour  s'assurer  de  La  non-décomposition  des  composés  chimiques  a 
travers  les  fluides  de  l'économie  animale  [.Krchives  générales  de  médecine,  1823,  t.  111,  p.  209, 
ei  New-York  Med.  and  Phys.  Journ.,  1822). 

—  H.  Seilpi-und  D.  Ficinus,  Versuclie  iïber  das  Einsaugmgsvermdgen  der  Venen  und  Unter- 
suchung  iiber  die  Saugadern  der  MHz  (Zeitschr.  fur  Natur  und  Heilkunde  l'on  den  Professoren 
der  Cliir.-Med.  Akad.  in  Dresden,  1821,  t.  II,  p.  317). 

—  Kiiy,  0(1  Ihe  Ulcerative  Process  in  Joints  {Trans.  of  UieMed.-Chir.  Soc.  ofLondon,  t.XVllI, 
p.  213). 

—  Claude  Bernard,  Sur  l'absorption  {Union  médicale,  1849,  t.  III,  p.  445). 
(c)  Schrcger,  De  functione  placenta:  uterinœ.  Erlangen,  1799. 

if)  Experiments  on  Absorption  by  the  Committee  of  the  Acad.  of  Philad.  [London  Med.  and 
Physiol.  Journal,  1822,  t.  XLVII,  p.  275). 

ig)  Buisson,  De  la  coloration  du  chyle  par  la  garance  {Gazette  médicale,  1844,  p.  295),  et 
Études  sur  le  chyle  {loc.  cit.,  p.  523). 

—  Fenwick,  Expérimental  Inquiry  {Lancet,  1845,  t.  I,  p.  29). 

—  Boucliardat  et  Sandras,  Remarques  nouvelles  su;'  la  digestion  {Annuaire  de  thérapeutique, 
)845,  p.  271). 


lymphatiques  n'ont  pis  donné  des  ré- 
sultais aussi  nets  ;  cependant,  dans 
quelques  cas,  divers  physiologistes  ont 
cru  reconnaître  ces  matières  dans  les 
liquides  tirés  de  ces  vaisseaux.  Ainsi, 
■Schreg.n-,  ayant  eu  l'occasion  d'obser- 
ver une  femme  chez  laquelle  un  des 
troncs  lyinphatiques  du  pied  avait  élé 
ouvert,  et  chez  laquelle  on  pratiquait 
une  saignée,  lit  tles  frictions  sur  le  dos 
du  pied  avec  du  musc,  et  bientôt 
après  il  crut  reconnaître  l'odeur  de 
cette  substance  dans  la  lymphe  recueil- 
lie sous  une  ventouse  {ej.  Les  mem- 
bres de  la  commission  médicale  de 
Philadelpliie  p'  nsent  aussi  avoir  vu 
l'asa  fœtida  passer  de  l'intestin  dans 
le  chyle  aussi  bien  que  dans  le 
sang  {f). 

(i)  Celte  opinion  a  été  professée  par 
MM.  Bouisson,  Fenwick  et  quelques 
physiologistes  (g;. 


nOLE    DES    VAISSEALX    LYMPHATIQUES.  21 

hypothèse  n'est  pas  admissible.  Ainsi,  M.  Bischoff  a  reirouvé 
dans  la  lymphe  du  eyanolerrure  de  potaLsium  qu'il  avait  intro- 
duit dans  la  |)alle  d'un  Animai  après  avoir  suspendu  la  eircula- 
tion  dans  ce  membre  (1),  et,  dans  des  expériences  faites  sous 
mesyeuxparM.  Colin,  del'iodurede  polutsium  introduit  dans  le 
canal  digeslif  d'un  ]\louton  s'est  bientôt  retrouvé  dans  le  liquide 
obtenu  à  l'aide  d'une  fistule  du  canal  thoracique  ;  eniin  du 
cyanoferrure  de  potassium  logé  dans  le  tissu  conjonctif  sous- 
culané  de  la  tète  d'un  Cheval  s'est  montré  en  quelques  minutes 
dans  la  lymphe  qui  s'écoulait  par  un  orifice  pratiqué  au  tronc 
lymphatique  cervical  du  côté  droit. 

Dans  l'état  actuel  de  nos  connaissances ,  il  est  donc  impos- 
sible de  refuser  aux  vaisseaux  lymphatiques  en  général  l'aptitude 
à  se  laisser  pénétrer  par  des  matières  étrangères  et  à  transporter 
ces  matières  de  la  périphérie  vers  le  centre  de  l'appareil  irriga- 
loire,  par  conséquent  à  (bnclionner,  ainsi  que  les  veines,  comme 
des  instruments  d'absorption. 

Nous  aurons  à  examiner  quelle  peut  être  la  part  de  l'un 
et  de  l'autre  de  ces  systèmes  de  vaisseaux  absorbants  dans  le 
travail  à  l'aide  duquel  les  substances  qui  se  trouvent  à  l'exté- 
rieur de  l'organisme  ou  dans  le  corps  vivant,  bien  qu'en 
dehors  du  système  irrigatoire,  sont  introduites  dans  le  torrent 
de  la  circulation.  Mais,  avant  d'aborder  cette  question,  il  nous 
faut  étudier  le  mécanisme  par  lequel  cette  introduction  s'effectue 
dans  un  vaisseau  quelconque,  dans  une  veine  comme  dans  un 
lymphatique. 

(l)  Dans  ces  expériences,  M.  Bischoff  lassiiim.    L'al^sorplion    de    ces   sub- 

lia  l'arière  aorle  ajjdcminale,  puis  il  stances  ne  s'efùctiia  que  fort  lente- 

introduisil,  dans  Tune  des  pattes  pos-  nient ,  mais  n'était  pas  douteuse  ,  et 

tcrieures  où  ia  circulation  du   sang  il  n  même  constaté  leur  présence  dans 

se  trouvait  ainsi  suspendue,  des  poi-  la  lymphe  {a). 
sons  végétaux  et  du  cyanure  de  po- 

(a)  Bischoff,  Ueber  die  Résorption  der  narkolischen  Gifte  durch  die  Lymphgefdsse  IZeitschrift 
filr  rationelle  Medicin,  1840,  t,  IV,  p.  62). 


Résumé. 


22  ABSORPTION. 

Mécanisme       §  fi.  —  Lorsqu'uiie  idée  fausse  a  disparu  de  la  science  et  n'y 
l'absorption,  a  laissé  aucune  trace  durable,  je  me  garde  bien  d'en  parler  ici; 
car  dans  ces  Leçons  je  ne  fais  pas  l'histoire  des  opinions  émises 
par  les  physiologistes,  et  je  ne  dois  m'attacher  qu'aux  résultats 
positifs  obtenus  par  leurs  recherches.  Mais  quand  une  théorie 
erronée  émane  d'un  homme  de  génie  dont  l'autorité  est  jour- 
nellement invoquée  dans  nos  écoles;  quand  elle  trouve  encore 
des  défenseurs,  et  qu'elle  a  exercé  jusque  dans  notre  temps  une 
grande  influence  sur  les  doctrines  régnantes,  je  ne  crois  pas 
pouvoir  me  dispenser  d'en  faire  mention,  ne  l\jt-ce  que  pour 
prémunir  les  étudiants  de  notre  Faculté  contre  ce  qu'elle  peut 
avoir  de  séduisant.  II  me  paraît  donc  nécessaire  de  dire  que 
pour  expliquer  l'introduction  des  matières  absorbées  de  l'exté- 
rieur de  l'organisme  jusque  dans   l'intérieur  des  vaisseaux, 
l'illustre  Bichat  supposait  que  ceux-ci  s'ouvraient  au  dehors 
par  des  espèces  de  bouches  invisibles  pour  nos  yeux,  mais 
douées  de  la  faculté  de  choisir  les  substances  qui  se  présentent 
à  elles,  de  se  resserrer  pour  exclure  les  unes,  et  de  se  dilater 
pour  attirer  les  autres  et  les  faire  pénétrer  dans  leur  inté- 
rieur (1).  Mais  l'hypothèse  de  ces  racines  béantes  d'un  sys- 
tème de  vaisseaux  absorbants  n'a  pas  plus  de  fondement  que 
l'opinion  relative  aux  vaisseaux  exhalants  dont  j'ai  rendu  compte 
dans  une  Leçon  précédente.  En  effet,  il  est  bien  démontré 
aujourd'hui  que  l'entrée  des  matières  étrangères  dans  la  pro- 
fondeur de  l'organisme,  ainsi  que  leur  mélange  avec  les  liquides 
nourriciers  en  circulation  dans  les  vaisseaux  est,  de  même 
que  l'exhalation,  c'est-à-dire  le  passage  en  sens  inverse,  un 
phénomène  qui  s'effectue   sans  l'intervention  d'instruments 

(1)  L'hypothèse  de  l'absorption  par  générale,  et  a  été  professée  dans  nos 

des  bouches  douées  d'une  sensibilité  écoles  médicales  jusque  dans  ces  der- 

élective  a  été  développée  par  Bichat  nières  années  (a). 
dans  son  célèbre  Traité  d'anatomie 

[a]  Bichat,  Anatomîe  générale,  1. 11,  p.  125  et  suiv.  (édit.  de  1818). 


PERMÉABILITÉ    DES    TISSUS.  23 

spéciaux  et  à  l'aide  de  la  perméabilité  des  tissus  vivants  qui 
se  trouvent  interposés  entre  ces  fluides  en  mouvement  et  l'exté- 
rieur. 

En  traitant  de  la  transsudation,  j'ai  fait  voir  que  les  parois  des 
vaisseaux,  de  même  que  toutes  les  autres  parties  de  l'organisme, 
sont  plus  00  moins  perméables  aux  fluides,  et  sont  susceptibles 
de  s'imbiber  d'eau  tenant  en  dissolution  des  matières  étran- 
gères (1).  îl  nous  est  donc  facile  de  comprendre  que  des  tissus 
qui  se  laissent  traverser  par  les  liquides  de  dedans  en  debors, 
puissent  livrer  passage  à  des  substances  également  fluides  qui 
tendraient  à  les  pénétrer  en  sens  inverse,  et  qui  seraient  pous- 
sées par  une  force  quelconque  de  l'extérieur  des  vaisseaux  dans 
l'intérieur  de  ces  conduits.  Mais  en  physiologie,  comme  dans 
les  autres  sciences  expérimentales,  il  ne  faut  pas  se  contenter 
de  lumières  fournies  par  le  raisonnement  seul,  et  il  faut  cher- 
cher les  preuves  matérielles  de  ce  que  l'esprit  nous  fait  aper- 
cevoir. Avant  d'avancer  davantage  dans  l'étude  du  mécanisme 
de  l'absorption ,  il  me  semble  donc  nécessaire  de  montrer 
qu'effectivement  les  vaisseaux  absorbants,  c'est-à-dire  les  veines 
et  les  lymphatiques,  sont  susceptibles  de  se  laisser  pénétrer 
directement  par  les  liquides  qui  les  baignent  extérieurement; 
que  ces  liquides,  en  passant  à  travers  leurs  parois  et  les  autres 
tissus  qui  séparent  le  sang  et  la  lymphe  du  milieu  ambiant, 
peuvent  se  mêler  à  ces  humeurs,  et  que  leur  absorption  est  un 
phénomène  dépendant  du  jeu  des  forces  générales  dont  l'étude 
est  du  domaine  de  la  physique. 

§  5.  —  Dans  une  des  premières  Leçons  de  ce  cours,  lorsque    i„,bibiiioii 
j'exposais  la  série  de  découvertes  à  l'aide  desquelles  nous  tissus ''pmés 
sommes  arrivés  à  connaître  la  nature  du  travail  respiratoire, 
j'ai  dit  que  Priestley  avait  constaté  que  l'interposition  d'une 
membrane  organique  entre  l'oxygène  et  le  sang  n'empêche 

(1)  Voyez  tome  IV,  page  392  et  suivantes. 


2/l  ABS0RPT10i\. 

pas  le  gaz  de  pénétrer  dans  ce  liquide  et  d'en  aviver  la  cou- 
leur (!)•  Or  le  même  résultat  est  obtenu  quand  le  sang,  au  lieu 
d'être  placé  dans  un  vase  de  verre  recouvert  d'un  morceau  de 
vessie,  se  trouve  renfermé  dans  les  vaisseaux  qui  lui  sont 
propres.  Ainsi,  prenons  sur  une  Grenouille  vivante  le  poumon 
gorgé  de  sang,  et  après  avoir  placé  une  ligature  autour  de  la 
base  de  cet  organe  pour  y  emprisonner  ce  liquide,  séparons-le 
du  reste  du  corps  et  suspendons-le  alternativement  dans  de 
l'oxygène  et  dans  du  gaz  acide  carbonique  :  dans  le  premier 
cas,  nous  verrons  le  sang  prendre  une  teinte  vermeille,  et  dans 
le  second  il  ne  tardera  pas  à  présenter  un  ton  rouge  rabattu  de 
noir;  cbangemenis  qui  dépendent,  comme  nous  le  savons,  de 
l'action  difterente  de  ces  deux  fluides  sur  les  globules  héma- 
tiques.  Les  gaz,  en  contact  avec  la  surface  extérieure  de  ce 
poumon  privé  de  vie,  ont  par  conséquent  traversé  le  tissu  des 
mcm!)ranes  dans  l'épaisseur  duquel  serpentent  les  vaisseaux  où 
le  sang  est  icnlermé,  et  ont  été  se  mêler  à  ce  liquide,  comme 
dans  les  [)hénomènes  d'absorption  dont  les  êtres  vivants  sont 
le  siège. 

Un  résultat  tout  seml)lable  s'obtient  quand,  au  lieu  d'em- 
ployer des  gaz,   on  se  sert  d'eau  tenant  en  dissolution  des 
matières  salines  dont  la  présence  est  facile  à  constater  au  moyen 
de  quelques  réactifs  chimiques.  Ainsi,  prenons  le  poumon  d'un 
Lapin  et  laissons- le  tremper  dans  une  dissolution  de  cbromate 
de  plomb,  ou  bien  introduisons  cette  dissolution  saline  dans 
les  voies  aériennes;  puis,  après  avoir  attendu  un  certain  temps 
pour  permettre  à  limbibilion  de  s'effectuer,  injectons  dans  l'ar- 
tère pulmonaire  une  dissolution  d'acétate  de  plomb  :  nous  ver- 
rons aussitôt  se  foruier  dans  Tinlérieur  des  vaisseaux  sanguins 
un  précipité  jaune  de  cbromate  de  plomb,  indice  certain  du 
passage  du  cbromate  de  potasse  de  l'extérieur  dans  l'intérieur 
de  ces  mêmes  vaisseaux. 
(1)  Voyez  tome  \,  page  /lOO. 


PERMÉABILITÉ    DES    TISSUS-  25 

Les  expériences  de  ce  genre  peuvent  elre  v.unées  de  mille 
manières,  et  elles  montrent  toujours  que  sur  le  cadavre  les 
fluides  peuvent  pénétrer  de  l'extérieur  jusque  dans  l'intérieur 
de  l'appareil  de  la  circulation  ;  que,  par  conséquent,  le  premier 
acte  de  l'absorption  peut  s'effectuer  sans  l'intervention  de  la 
puissance  vitale,  et  que  ce  résultat  est  une  conséquence  de  la 
perméabilité  des  tissus  organiques  (1).  Pour  établir  ce  fait,  on 
pourrait  même  se  contenter  des  observations  cadavériques  qui 
sont  fournies  journelleinent  par  les  autopsies;  et  d'ailleurs  tous 
les  physiologistes  admettent  depuis  fort  longtemps,  qu'après  la 
mort  les  tissus  organiques  sont  perméables  aux  liquides  :  mais 
on  devait  se  demander  si  pendant  la  vie  les  choses  se  passent 
de  la  même  manière. 

Au  premier  abord,  la  réponse  à  cette  question  semblait 
devoir  être  négative.  Effectivement,  sur  le  cadavre,  la  bile 
transsude  de  la  vésicule  du  fiel  dans  les  parties  voisines  et  teint 


Pcrmcaliililé 

des 
tissus  \ivanls. 


(1)  Magcndic,  qui  fut  le  premier  à 
bien  nietlic  en  Uimière  le  rôle  de 
l'imbibition  dans  le  mécanisme  de 
l'absorplion  ,  employa  souvent  une 
expérience  peu  dilTérente  de  celle 
décrite  ci-dcssiis.  11  prenait  le  cœur 
d'an  Chien  mort  dopnis  la  veille,  et 
poussaildans  les  artères  de  l'eau  tiède  ; 
un  courant  s'établissait  ainsi  dans  les 
vaisseaux  sanguins  de  ce  \isccre  et 
s'en  échappait  par  rorcillcltc  droite. 
On  injectait  alors  dans  le  péricarde  une 
cerlaino,  quantité  d'eau  légèrement 
acidulée,  et,  au  boni  de  quelques  mi- 
nutes, il  devenait  facile  de  constater 
des  signes  d'acidité  dans  l'eau  qui 
s'échappait  des  veines  du   cœur  [a]. 


On  peut  constater  aussi  la  pénétration 
des  liquides  acides  de  l'extérieur  dans 
l'intérieur  d'une  veine,  en  disposant 
en  lornic  d'anse  un  de  ces  vaisseaux 
piéalablement  isolé,  en  plongeant  sa 
partie  inférieure  dans  un  bain  acidulé 
et  en  y  faisant  passer  un  courant  d'eau 
fournie  ]iar  un  llacon  -  fontaine  en 
communication  avec  une  de  ses  extré- 
mités :  l'eau  qui  sort  du  conduit  ainsi 
disposé  ne  tarde  pas  à  donner  des 
signes  d'acidité,  comme  il  est  facile 
de  s'en  assurer  à  l'aide  de  la  teinture 
de  tournesol.  Celte  expérience,  faite 
d'abord  par  Magendie,  a  été  répétée 
par  un  grand  nombre  d'autres  phy- 
siologistes (6). 


(a)  Magendie,  Mémoire  sur  le  mécanisme  de  l'absorplion  chez  les  Animaiix  à  sang  rouge  et 
chaud  [Journal  de  physiologie,  -1821,  t.  1,  p.  -12). 
(6)  Idem,  ibid.,  p.  8. 
—  Foderà,  Recherches  expérimentales  sur  l'absorplion  et  l'exhalation,  1824,  p.  9, 


26  ABSORPTION. 

en  jaune  toutes  ces  parties,  tandis  que  cliez  le  vivant  on 
n'aperçoit  en  général  rien  de  semblable;  et  dans  diverses  expé- 
riences où  des  matières  colorantes,  telles  que  de  l'encre,  ont 
été  introduites  dans  la  cavité  abdominale  d'un  Animal  vivant, 
on  a  vu  que  les  tissus  situés  à  une  petite  distance  de  la  surlace 
en  contact  avec  ce  liquide  avaient  conservé  leur  aspect  nor- 
mal (1).  Cependant  on  pourrait  expliquer  ces  laits  d'une  autre 
manière,  et  croire  que  si  les  liquides  en  questionne  s'infiltraient 
pas  au  loin  dans  les  organes  vivants  comme  dans  les  tissus 
morts,  cela  dépendait  non  pas  d'un  défaut  de  perméabilité  dans 
les  premiers,  mais  de  ce  que  les  matières  qui  y  pénètrent,  ren- 
contrant sur  leur  passage  une  foule  de  courants  rapides  formés 
par  le  sang  en  circulation,  avaient  été  entraînées  au  loin,  avant 
de  pouvoir  gagner  la  rive  opposée  de  ces  torrents  et  d'y  être 
imbibées  par  les  tissus  sous-jacents.  C'est  de  la  sorte  que 
Magendie  se  rendait  compte  des  ditférences  dans  les  efiéts 
produits  par  le  contact  des  matières  tinctoriales  avec  les  tissus 
perméables  de  l'économie  après  la  mort  et  durant  la  vie,  et  une 
multitude  de  faits  tendent  à  prouver  qu'il  avait  raison. 
Perniéabiiiié  Alnsi,  cc  physlologistc  ayant  mis  à  découvert  la  veine  jugu- 
cirveTnés.  laire  externe  d'un  jeune  Chien,  et  s'étant  assuré  que  dans 
la  partie  observée  ce  vaisseau  ne  recevait  aucune  brandie,  le 
sépara  des  tissus  adjacents,  et  l'isola  en  plaçant  entre  ceux-ci  et 
sa  face  externe  une  carte  (ou  mieux  encore  une  lame  de  plomb)  ; 
puis  il  appliqua  sur  la  veine  dénudée  de  la  sorte  une  certaine 
quantité  d'extrait  de  noix  vomique.  Il  avait  détruit  toutes  les 

(1)  Dans  quelques  cas,  Wagendie  a  d'un  jeune  Chien  (ou  mieux  encore 

vu  que,  même  chez  les  Animaux  vi-  d'un  Lapin  ou  d'un  Cochon  d'Inde),  il 

vants,  les  membranes  se  pénétraient  a  trouvé  qu'en  moins  d'une  heure,  la 

des  matières  colorantes  avec  lesquelles  plèvre,  le  cœur,  et  même  les  muscles 

elles  se  trouvaient  en  contact.  Ainsi,  intercostaux,  peuvent  se  colorer  en 

en  injectant  de  l'encre  dans  la  plèvre  noir  (a). 

(a)  Magendie,  Mém.  sur  le  mécanisme  del'aisorplion  {Journalde  physiologie,  iS^l ,  t.l,f  AS), 


PERMÉABILITÉ    DES    TISSUS.  27 

connexions  qui  existaient  entre  la  portion  du  vaisseau  dont  les 
parois  étaient  en  contact  avec  ce  poison  et  les  parties  voisines; 
mais  le  sang  coulait,  comme  d'ordinaire,  dans  l'intérieur  de  la 
veine,  et  par  conséquent  si  la  noix  vomique  pouvait  pénétrer  à 
travers  le  tissu  des  parois  de  ce  vaisseau,  cette  substance  devait 
être  absorbée,  et  donner  lieu  aux  symptômes  caractéristiques  de 
l'empoisonnement  par  la  strychnine.  Or,  c'est  là  effectivement 
ce  qui  eut  lieu,  et  il  fallait  nécessairement  en  conclure  que  les 
parois  de  la  veine  s'étaient  laissé  pénétrer  par  le  poison  (1). 

Dans  une  expérience  faite ,  il  y  a  plus  de  trente  ans,  par 
Foderà,  une  solution  de  cyanoferrure  de  potassium  fut  introduite 
dans  la  cavité  de  la  plèvre,  et  une  solution  de  sultate  de  fer 
dans  l'abdomen  d'un  Lapin.  Au  bout  de  trois  quarts  d'heure, 
l'Animal  fut  tué,  et  l'on  trouva  le  diaphragme  qui  sépare  ces  deux 
cavités  coloré  en  bleu,  ainsi  que  toutes  les  parties  voisines,  et  à 
l'aide  de  la  loupe  on  pouvait  se  convaincre  de  l'existence  du 
précipité  de  bleu  de  Prusse  jusque  dans  l'intérieur  de  beaucoup 
de  veinules  qui  se  trouvaient  au  milieu  des  parties  teintes  de  la 
sorte  (2). 

Dans  d'autres  expériences,  toutes  les  communications  entre 

(1)  En  répétant  cette  expérience  sur  sang  que  le  poison  se  retrouvait  dans 
un  Chien  adulte,  l'absorption  de  la  l'intérieur  de  ce  vaisseau,  11  est  d'ail- 
noix  vomique  par  les  parois  de  la  leurs  bien  entendu  qu'il  avait  pris 
veine  était  encore  bien  manifeste;  toutes  les  précautions  nécessaires  pour 
mais  les  effets  produits  étaient  moins  s'assurer  que  ni  les  veines,  ni  l'artère 
intenses  ,  ce  qui  s'explique  par  l'é-  sur  lesquelles  il  expérimentait  n'of- 
paisseur  plus  considérable  des  tuniques  fraient,  ni  solution  de  continuité,  ni 
du  vaisseau  sanguin.  vaisseaux  lymphatiques  accolés  à  leurs 

Magendie  oblint  des  résultats  sem-  parois  (a). 
blables  en  appliquant  la  noix  vomique  ('2)  Nous  reviendrons  ailleurs  sur 

sur  la  surface  externe  de  l'artère  caro-  les  conditions  dans  lesquelles  Foderà 

tide  chez  un  Lapin,  et,  après  la  mort  de  a  vu  cette  imbibition  s'effectuer  avec 

l'Animal,  il  reconnut  au  goût  amer  du  le  plus  de  rapidité  (6). 

(o)  Magendie,  Op.  cit.  {Journal  de  physiologie,  1821,  1. 1,  p,  10). 

(&)  Foderà,  Recherches  expérimentales  sur  l'absorption  et  l'exhalation,  p.  24, 


Poniicabililé 

des  parois 

dos 

Iym|ilialif|ues. 


28  ABSORPTION. 

une  anse  d'inlestiii  et  le  reste  de  l'organisme  ont  été  inter- 
rompues à  l'aide  de  ligatures,  et  cependant  les  poisons  ou  les 
réactifs  chimiques  introduits  dans  cette  portion  du  canal  diges- 
tif ont  été  absorbés  et  se  sont  mêlés  au  sang  en  circulation  dans 
les  parties  voisines  (1)  ;  par  conséquent,  ces  substances  étran- 
gères ont  dû  traverser  les  tissus  vivants  des  tuniques  intesti- 
nales, et  c'est  par  un  phénomène  d'imbibition  seulement  qu'on 
peut  expliquer  ce  passage. 

§  6. —  Les  recherches  dont  je  viens  de  rendre  compte,  et  d'au- 
tres expériences  qu'il  serait  trop  long  de  décrire  ici,  nous  mon- 
trent que  tous  les  tissus  constitutifs  de  l'organisme  sont  plus  ou 
moins  perméables  et  s'imbibent  des  liquides  qui  se  trouvent  en 
contact  avec  leur  surface.  Sons  ce  rapport,  lesparoisdes  vaisseaux 
lymphatiques  ne  diffèrent  pas  des  tuniques  des  veines,  et  par 
conséquent  tout  ce  que  je  viens  de  dire  relativement  au  méca- 
nisme de  l'introduction  des  fluides  dans  ces  derniers  vaisseaux 
est  applicable  aux  premiers.  Mais  nous  avons  vu  que  le  sang 
circule  dans  les  uns  avec  une  grande  rapidité,  tandis  que  la 


(1)  Je  pouiTais  ciler  égaleniont  ici 
une  expérience  que  je  fis  il  y  a  forl 
longlenips,  pour  montrer  à  lu  fois  la 
possibilité  de  la  Iransniission  d'un 
poison  par  inibibilion  seulcmenl  d'une 
exlrémilé  de  l'organisme  à  i'aulie,  et 
la  grande  influence  que  le  lorrent  cir- 
culatoire exerce  d'ordinaire  sur  le 
temps  nécessaire  pour  ell'ectuer  la  ré- 
partition des  malières  absorbées  dans 
l'ensemble  de  l'économie.  Le  thorax 
d'une  Crenouille  vivante  ayant  été 
ouvert,  une  ligature  fut  passée  autour 
du  faisceau  des  gros  vaisseaux  san- 
guins auxquels  le  cœur  est  suspendu, 
puis  de  la  stryciinine  fut  introduite 
dans  le  tissu  conjonctif  sous-cutané  de 
l'une  des  pattes  postérieures.  Les 
symptômes  nerveux  indicatifs  de  l'ac- 


tion de  celte  substance  sur  la  moelle 
épinière  ne  se  déclarèrent  pas  au  bout 
de  quelques  minutes ,  comme  cela 
aurait  été  le  cas  si  l'animal  fût  resté 
dans  son  état  normal,  mais  se  mani- 
festi>rent  au  bout  d'une  lieure  environ. 
Or,  la  ligature  placée  autour  du  cœur 
avait  complètement  interrompu  la 
circulation,  et  avait  rendu  impossible 
l'envoi  des  liquides  contenus  soit  dans 
le  système  veineux,  soit  dans  le  sys- 
tème lymphatique,  des  membres  infé- 
rieurs vers  le  rachis.et  par  conséquent 
la  progression  lente  de  la  strychnine 
depuis  l'extrémité  de  la  patte  jusque 
dans  la  moelle  épinière  devait  s'être 
effectuée  de  proche  en  proche  et  par 
imbibilion  seulement. 


FORCIî    MOTRICE,  29 

progression  des  liquides  est  lente  dans  les  autres  ;  nous  pou- 
vons donc  comprendre  que  la  part  de  ces  deux  ordres  de  con- 
duits doit  être  très  inégale  dans  l'accomplissement  du  travail 
de  l'absorption  considéré  dans  son  ensemble,  et  (jue,  dans  les 
circonstances  ordinaires,  l'absorption  veineuse  doit  avoir  le 
plus  d'importance.  Ce  sera  donc  de  ce  dernier  phénomène  que 
je  m'occuperai  principalement  en  ce  moment,  me  réservant  de 
reprendre  l'étude  de  l'action  des  lymphatiques  dans  une  autre 
occasion. 

§  7.  — J'ai  fait  voir  au  commencement  de  cette  Leçon,  que      causes 

-  .  .  délerniinanlis 

sur  le  vivant  comme  dans  le  cadavre,  tous  les  tissus  organiques  de 
sont  plus  ou  moms  perméables,  et  qu  a  raison  de  cette  propriété 
physique,  ils  n'opposent  aucun  obstacle  invincible  au  passage 
des  fluides  de  l'extérieur  jusque  dans  l'intérieur  des  vaisseaux 
sanguins.  Mais,  pour  quece mouvement  s'accomplisse,  il  ne  suffit 
pas  qu'un  chemin  praticable  soit  ouvert  pour  le  j)assage  de  ces 
substances  étrangères  :  il  faut  aussi  qu'une  force  motrice  inter- 
vienne pour  faire  avancer  les  molécules  qui  se  présentent  à 
l'entrée  de  ces  voies  et  pour  les  faire  pénétrer  jusque  dans  le 
torrent  circulatoire,  qui  ensuite  les  entraîne  au  loin  et  les  dis- 
tribue dans  loutes  les  parties  de  l'économie.  Or  jusqu'ici  nous 
n'avons  étudié  que  la  route  suivie  ()ar  les  matières  étrangères 
qui  s'introduisent  ainsi  dans  l'organisme,  et  nous  ne  connais- 
sons pas  encore  les  forces  qui  déterminent  leur  mouvement  de 
dehors  en  dedans.  Il  nous  faut  donc  chercher  maintenant 
quelles  peuvent  être  les  causes  de  cette  translation. 

En  étudiant  les  phénomènes  de  iranssudation  que  les  êtres 
vivants  nous  offrent,  nous  avons  vu  les  conditions  hydrostati- 
ques influer  beaucoup  sur  la  rapidité  avec  laquelle  les  humeurs 
filtrent  à  travers  les  membranes  animales  (i),  et  il  est  facile 
de  montrer  que  toute  pression  exercée  par  un  fluide  sur  une  des 

(1)  Voyez  tome  IV,  page  /i02  et  suivantes. 


30  ABSORPTION. 

surfaces  de  celles-ci  tend  à  accélérer  le  passage  de  ce  corps  à 
travers  la  substance  poreuse  de  ces  tissus  perméables.  Des 
expériences  faites,  il  y  a  quelques  années,  par  M.  Liebig,  et 
d'autres  recherches  analogues  dues  à  M.  Cima,  mettent  très 
bien  en  évidence,  non- seulement  la  possibiUté  de  cette  fdtra- 
tion  forcée  sous  l'influence  de  pressions  médiocres,  mais 
aussi  la  facilité  variable  que  les  divers  tissus  organiques  offrent 
pour  le  passage  des  hquides  en  général,  et  les  différences  qui 
existent  dans  la  grandeur  des  forces  nécessaires  pour  déter- 
miner ce  passage  à  travers  une  même  membrane,  suivant  la 
nature  de  la  substance  dont  celle-ci  s'imbibe  (1).  Les  physio- 


(1)  Dans  ces  expériences,  M.  Liebig 
fait  usage  d'an  siplion  dont  la  petite 
branche  se  termine  par  une  portion 
élargie  qu'il  ferme  à  l'aide  de  la  mem- 
brane dont  il  veut  mesurer  la  per- 
méabilité. Il  introduit  ensuite  dans  le 
tube  le  liquide  qui  doit  filtrer  à  travers 
cette  cloison,  et  après  l'avoir  fait  mon- 
ter dans  la  petite  branche  du  siphon 
de  manière  à  l'amener  en  contact  avec 
la  membrane,  il  verse  du  mercure 
dans  la  grande  branche  de  l'instru- 
ment, de  façon  à  exercer  de  bas  en 
haut  sur  le  liquide  contenu  dans  la 
petite  branche  une  pression  plus  ou 
moins  considérable.  Or,  sous  l'in- 
fluence de  cette  pression  ,  le  liquide 
emprisonné  sous  la  membrane  tra- 
verse celle-ci,  et  s'écoule  au  dehors 
avec  une  rapidité  variable. 

Ainsi,  en  employant  pour  filtre  un 
morceau  de  vessie  de  Bœuf  d'un 
dixième  de  ligne  d'épaisseur,  i\i.  Lie- 
big a  vu  l'eau  transsuder  sous  une 
pression  de  12  pouces  de  mercure  ; 
une  solution  concentrée  de  sel  marin, 
pour  passer  de  même,  nécessitait  une 
pression  de  18  t'i  20  pouces.  L'huile  ne 
suintait  que    sous    une   pression  de 


3li  pouces,  et  sous  une  pression  de 
Zi8  pouces  de  mercure  l'alcool  ne  pas- 
sait pas  encore. 

En  employant  de  la  même  manière 
un  morceau  de  péritoine  d'un  Bœuf, 
M.  Liebig  a  trouvé  que  des  effets  ana- 
logues étaient  obtenus  beaucoup  plus 
facilement.  Ainsi  le  suintement  du  li- 
quide se  produisait  sous  l'inlluence 
d'une  pression  de  : 

8  à  10  pouces  de  mercure  avec  l'eau, 
d2  à  16      —  • —      avecla  solution 

saline, 
22  à  24      —  —      avec  l'huile, 

36  à  40      —  —      avec  l'alcool. 

En  employant  une  lame  extrêmement 
mince  du  péritoine  qui  recouvre  le  foie, 
chez  le  Veau,  ce  chimiste  a  obtenu 
non-seulement  des  résultats  sembla- 
bles sous  l'influence  de  pressions  plus 
faibles,  mais  il  vu  que  l'huile  passait 
plus  facilement  que  l'eau;  particu- 
larité dont  je  donnerai  l'explication 
dans  la  Leçon  prochaine. 

Enfin  M.  Liebig  a  vu  que  cette  fil- 
tration  forcée  devient  plus  facile  à 
mesure  que  l'expérience  a  duré  plus 
longtemps;  circonstance  qui  est  im- 


FORCE    MOTRICE.  ol 

logistes  pouvaient  donc  prévoir  que  toute  la  pression  exercée 
de  dehors  en  dedans  devait  tendre  à  déterminer  l'introduction 
des  fluides  en  contact  avec  la  surface  des  tissus  perméables  de 
l'économie;  et  d'aiileurs  les  médecins  avaient  remarqué  depuis 
longtemps  que  l'absorption  de  diverses  substances  médica- 
menteuses est  beaucoup  accélérée  par  des  actions  mécaniques 
de  ce  genre.  Pour  en  donner  la  preuve,  il  suffit  de  rappeler  le 
mode  d'administration  de  certaines  préparations  mercurielles 
qui,  appliquées  simplement  sur  la  peau,  ne  pénètrent  pas  en 
quantités  sensibles,  mais  qui ,  employées  en  frictions  sur  la 
même  surface,  s'introduisent  rapidement  dans  l'organisme. 
Or  chacun  sait  que  l'atmosphère  exerce  sur  la  surfoce  exté- 
rieure des  êtres  vivants,  comme  sur  tous  les  autres  corps 
répandus  sur  la  terre,  une  pression  énorme;  et  la  pratique 
nous  apprend  qu'en  soustrayant  à  cette  pression  la  portion  de 
cette  surface  sur  laquelle  une  substance  vénéneuse  a  été 
déposée,  on  parvient  souvent  à  empêcher  celle-ci  d'être  absor- 
bée. C'est  pour  cette  raison  qu'il  est  utile  de  sucer  les  plaies 
empoisonnées ,  et  qu'on  obtient  des  effets  encore  meilleurs 


portante  à  noter  pour  la  théorie  de  quand  il  faisait  usage  d'un  morceau  de 

cerlains  phénomènes  d'endosmose,  et  péritoine  de  Bœuf  de  1/20^  de  h'gne 

qui  s'explique  d'ailleurs  très  bien  par  d'épaisseur   que   lorsqu'il    employait 

l'agrandissement   des   canaux  capil-  de  la  vessie  de  Bœuf  épaisse  de  1/10'= 

laires  du  tissu,  qui  a  dû  être  déterminé  de  ligne.  Avec  le  péritoine  de  Veau 

par  l'action  dissolvante  du  liquide  sur  épais  de   1/166*  de  ligne,  la  pression 

la  substance  de  celui-ci  (a).  nécessaire  pour  déterminer  la  transsu- 

Les  expériences  de  M.    Gima  ont  dation  de  l'eau  était  près  de  1/180<=  de 

montré  aussi  que  la  pression  néces-  fois  moindre  que  celle  employée  pour 

saire  pour  faire  filtrer  les  liqyides  au  produire  le  même  effet  avec  la  vessie 

travers  de  diverses  membranes  était  de  Bœuf.  Avec  l'huile,  la  différence  n'é- 

très  différente.   Elle  était   générale-  tait  que  dans  la  proportion  de  1  à  16 

ment  d'environ  un  tiers  moins  grande  avec  les  mêmes  membranes  {b\ 

(a)  Liebig,  Recherches  sur  quelques-unes  des  causes  du  mouvement  des  liquides  dans  l'orga- 
nisme animal  {Annales  de  chimie  et  de  physique,  1849,  3'  série,  t.  XXV,  p.  372  et  suiv.l. 

(&)  Cima,  SuW  evapora&ione  e  la  transudax,ione  dei  liquidi  attraverso  le  membrane  aniniali 
(Mem.  delV  Accad.  di  Torino,  1853,  2«  série,  t.  XHI,  p.  279J. 


32  ABSORPTION. 

par  l'application  d'une  ventouse  sur  la  partie  lésée  (1).  Il  est 
vrai  que  dans  les  circonstances  ordinaires,  la  pression  atmos- 
phérique est  balancée  par  l'élasticité  de  l'air  contenu  dans  les 
cavités  de  l'organisme,  ou  par  celle  des  parties  constitutives  de 
l'économie;  mais  en  étudiant  le  mécanisme  de  la  respiration 
innucnce  chcz  l'Homme  et  beaucoup  d'Animaux,  nous  avons  vu  que  le 
'uHj^'rad"  jeu  delà  pompe  thoracique  détermine  à  chaque  mouvement  d'in- 
spiration une  diminution  très  notable  dans  la  pression  à  laipielle 
sont  soumises  les  parois  des  grosses  veines  contenues  dans 
celle  cavité,  et  par  conséquent  aussi  dans  la  pression  supportée 
parle  sang  inclus  dans  ces  vaisseaux.  11  est  donc  évident  (pie, 
dans  la  sphère  d'action  de  la  force  aspirante  développée  de  la 

(1)  Cette  pratique  date  de  l'anti-  cienne  tombèrent  on  discrédit,  on 
quité  la  plus  reculée.  Les  jongleurs  de  cessa  de  préconiser  l'emploi  de  ce 
l'Egypte,  appelés  psylles,  avaient  l'ha-  moyen  mécanique,  et  l'on  n'y  revint 
bitude  de  sucer  les  plaies  produites  que  de  nos  jours.  Orlila  conseilla  l'ap- 
paria morsure  desSerpents  venimeux,  plication  d'une  ventouse  sur  la  plaie 
et  Plutarque  raconte  qu'à  raison  de  la  produite  par  la  morsure  d'un  Chien 
fréquence  des  accidents  de  ce  genre  enragé.  Enlin,  D.  Barry  montra,  par 
parmi  les  soldais  de  l'armée  d'Afrique,  un  grand  nombre  d'expériences,  qu'à 
commandée  par  Calon  d'Utique ,  ce  l'aide  de  ce  moyen,  on  pouvait  retar- 
chef  attacha  au  service  de  son  camp  der  beaucoup,  ou  même  cnipcclier 
un  certain  nombre  de  ces  empy-  pendant  très  longtemps  l'absorption 
riques  {a).  Celse,  qui  exerçait  la  mé-  des  substances  vénéneuses  en  con- 
decine  à  Rome  du  temps  de  Tibère,  tact  avec  la  surface  sur  laquelle  cet 
recommande  de  la  manière  la  plus  instrument  était  placé  {d).  L'exac- 
formelle  l'emploi  de  ventouses  pour  tilude  des  faits  annoncés  par  ce  phy- 
le  traitement  des  plaies  empoison-  siologiste  fut  reconnue  par  une  com- 
nées  (6);  Redi  suivit  son  exemple,  mission  chargée  d'examiner  sou  travail 
et  Boerhaave  parla  aussi  de  ce  pro-  et  par  plusieurs  autres  expérimenta- 
cédé  curalif(c).  Mais  lorsque  les  doc-  teurs  (e);  mais  il  exagéra  beaucoup 
trines    de  l'école  iatro  -  malhémali-  les  conséquences  à  tirer  de  ces  faits. 

(a)  Plutarque,  Vies  des  hommes  illustres,  traJ.  de  Ricard,  t.  II,  p.  2G2. 

(b)  Aurelius  Cornélius  Celsus,  De  re  medica,  lib.  V,  cap.  tiô. 

(c)  Redi,  Observaliones  de  vipcris  (Opiiscvla,  t.  II,  p.  155  et  suiv.). 

(d)  Orfila,  Traité  des  poisons,  t.  Il,  p.  508. 

—  D.  Barry,  Expérimentai  Researches  on  the  Influence  of  Atmospheric  Pressure  upon  the 
Progression  ofthe  Blood  on  the  Yeins,  upon  that  Fitnction  called  Absorption,  and  upon  the  pre 
venlion  ofthe  Symptômes  caused  by  the  Biles  of  Babid  or  venemous  Animais,  1826. 

(e)  Adelon,  Orfila,  Ségalas,  Andral  et  Pariset,  Rapport  fait  à  l'Académie  de  médecine  {Examen 
de  rapport,  par  Gondret,  in-8,  Paris,  1826,  p.  3  et  suiv.). 


FORCE    MOTRICE.  âS 

sorte  par  les  mouvements  respiratoires,  l'équilibre  doit  se  trou- 
ver rompu  entre  la  pression  extérieure  et  la  résistance  inté- 
rieure, et  que  les  liquides  adjacents  doivent  être  attirés  vers  le 
cœur,  comme  l'air  du  dehors  est  attiré  dans  les  poumons.  Un 
physiologiste  distingué,  dont  j'ai  déjà  eu  l'occasion  de  citer  le 
nom,  David  Barry,  a  cru  pouvoir  attribuer  à  cette  force  mé- 
canique  la  faculté  absorbante  dont  l'économie   animale  est 
douée  (1).  Mais  tout  en  reconnaissant  que  la  pression  négative 
développée  de  la  sorte  peut  avoir  quelque  influence  sur  la 
marche  de  ce  phénomène,  il  est  facile  de  voir  que  l'action 
aspirante  du  thorax  ne  saurait  être  la  cause   qui  détermine 
l'entrée  des  matières  absorbées  du  dehors  dans  le  torrent  de  la 
circulation  :  d'abord  parce  que  chez  tous  les  Animaux  l'absorp- 
tion s'effectue,  et  que  chez  la  plupart  il  n'existe  aucune  pompe 
aspirante  comparable  à  la  chambre  thoracique  de  l'Homme  et 
des  Mammifères  ;  et  en  second  lieu  parce  que  chez  l'Homme  lui- 
même,  ainsi  que  chez  les  autres  Mammifères,  l'action  aspirante 
de  cette  cavité  dilatable  ne  fait  sentir  son  influence  qu'à  peu  de 

(1)  Pour  arriver  à  cette  conclusion,  du  système  circulatoire  et  y  appelle 

Barry  se  fonda  principalement  :  1"  sur  les  liquides  du  dehors,  il  faudrait  que 

les  expériences  dont  j'ai  déjà  parlé  en  les  parois  des  veines,  au  lieu  d'être 

traitant  de  l'action  aspirante  des  mou-  flasques  ,  fussent   assez  rigides  pour 

vements  du  thorax  sur  le  sang  vei-  résister  à  la  pression  atmosphérique, 

neux  (a)  ;  2"  sur  les  expériences  dans  Or  nous  avons  vu  que  cela  n'est  pas. 

lesquelles  il  empêchait   ou  retardait  Quant  à  la  cause  de  l'influence  de 

l'absorption  de  matières  toxiques  dé-  la  ventouse  sur  l'absorption  des  poi- 

posées   sur   une  surface  absorbante,  sons  ou  autres  substances  en  contact 

lorsqu'il  appliquait   sur  celle-ci  une  avec  une  surface  saignante,  il  est  facile 

ventouse  de  façon  à  y  établir  une  suc-  de  s'en   rendre  compte  ,  puisque  la 

cion  énergique  (6).  Mais  pour  admet-  succion  exercée  de  la  sorte  détermine 

tre  que  la  pression  négative  dévelop-  l'écoulement  d'une  quantité  considé- 

pée  dans  la  portion  centrale  de  l'éco-  rable  de  sang,  et  que  ce  sang  entraîne 

nomie  par  la  dilatation  du  thorax,  se  au  dehors  la  matière  étrangère  qui  se 

fasse  sentir  sur  la  partie  périphérique  trouve  sur  son  passage. 

(a)  Voyez  lome  IV,  page  312  et  suiv, 

(6)  D.  Barry,  Mémoire  sur  Vabsorytion  {Ann.  des  sciences  nat.,  1"  série,  1826,  t.  VIII  p.  315) 
e*- Experimenlal  Researehes  on  Ihe  Influence  ofAiînospheric  Pressure,  p.  9i  eîs'im.    '    '         ' 

V-  3 


gl^  ABSORPTION. 

distance,  ainsi  que  nous  l'avons  vu  en  étudiant  les  accidents 
produits  par  l'introduction  de  l'air  dans  les  veines  pendant  les 
opérations  chirurgicales  (1).  Du  reste,  il  est  facile  de  prouver 
expérimentalement  que  l'absorption  n'est  pas  subordonnée  au 
jeu  de  la  pompe  respiratoire.  En  effet,  j'ai  souvent  eu  l'occasion 
d'entretenir  la  vie,  à  l'aide  de  la  respiration  artificielle,  chez 
des  chiens  dont  le  thorax  avait  été  largement  ouvert  ;  et  bien 
que  j'eusse  soin  de  refouler  l'air  dans  les  poumons  pour  effec- 
tuer l'inspiration,  et  de  comprimer  ensuite  ces  organes  pour  en 
chasser  ce  fluide,  j'ai  plus  d'une  fois  constaté  que  l'absorption 
d'un  poison  déposé  dans  des  parties  éloignées  du  corps  ne  s'en 
effectuait  pas  moins.  Or,  dans  ces  circonstances,  l'action  aspi- 
rante du  thorax  était  abolie. 

^  8.  _  Plus  récemment,  un  autre  physiologiste  anglais, 
du  courant  lyr  .B^Kinsou  a  CTU  pouvoir  expliquer  le  mécanisme  de  l'ab- 
sorption  physiologique  en  invoquant  un  principe  bien  connu 
d'hydrodynamique.  Nous  savons  que  les  Hquides  en  mouvement 
qui  mouillent  les  parois  des  canaux  dans  lesquels  ils  coulent 
adhèrent  plus  ou  moins  fortement  à  la  surface  de  ces  parois, 
et  sont  retardés  dans  leur  marche  par  cette  adhérence ,  mais 
que  ces  attractions  sont  réciproques,  et  que  par  conséquent  la 
couche  externe  de  la  veine  fluide  tend  à  déplacer  et  cà  entraîner 
avec  elle  les  molécules  de  la  gaine  solide  adjacente.  Il  en  résulte 
que  si  ces  molécules  étaient  suffisamment  mobiles,  elles  pour- 
raient être  entraînées  par  le  courant,  et,  dans  certains  cas,  il 
s'établit  de  la  sorte  un  appel  qui  fait  pénétrer  dans  l'intérieur 
du  tube  contenant  le  liquide  en  mouvement  les  fluides  adjacents 
qui  peuvent  y  avoir  accès.  Ainsi,  quand  de  l'eau  s'échappe  d'un 
réservoir  avec  une  certaine  vitesse  en  traversant  un  ajutage 
cyhndrique  d'un  diamètre  voulu,  on  voit  que  le  courant  déve- 
loppe une  pression  négative  sur  les  parois  de  ce  tuyau  au 

(1)  Voyez  lome  IV,  page  315. 


FORCE    MOTRICE.  §5 

moment  où  il  y  pénètre;  et,  pour  le  prouver,  il  suffît  de  faire 
communiquer  dans  ce  point  la  surface  de  la  veine  fluide  avec 
un  tube  recourbé  dont  l'extrémité  inférieure  plonge  dans  un 
liquide  coloré ,  car  on  voit  alors  celui-ci  monter  dans  le  tube, 
et,  si  le  courant  est  suffisamment  rapide,  être  attiré  jusque  dans 
le  canal  occupé  par  celui-ci  et  entraîné  au  debors  par  le  jet  qui 
s'échappe  (1).  M.  Robinson  a  pensé  que  les  choses  devaient  se 
passer  de  la  même  manière  dans  toute  l'étendue  du  système 
de  tubes  formé  par  les  vaisseaux  sanguins,  et  que  par  consé- 
quent l'appel  résultant  du  mouvement  circulatoire  du  sang 
devait  être  une  force  capable  d'attirer  dans  l'intérieur  de  ces 
canaux  les  liquides  qui  occupent  les  passages  capillaires  creusés 
dans  leurs  parois.  Il  considère  donc  cet  appel  comme  étant  la 
force  motrice  dont  dépend  le  phénomène  de  l'absorption  (2). 


(l)  L'influence  du  courant  sur  l'état 
des  liquides  adjacents  est  mise  aussi 
en  évidence  par  une  expérience  de 
M.  Kiirschner  relative  à  la  traussuda- 
tion.  Ayant  plongé  la  partie  inférieure 
d'une  anse  d'intestin  dans  un  bain  de 
sulfocyanure  de  potassium,  et  ayant 
fait  arriver  dans  l'intérieur  du  tube 
en  U  ainsi  constitué  une  dissolution 
de  perchlorure  de  fer,  ce  physiolo- 
giste remarqua  que  ce  dernier  sel 
traversait  les  parois  de  l'intestin,  et  se 
répandait  dans  le  bain  extérieur  en 
beaucoup  plus  grande  quantité  quand 
le  liquide  intérieur  était  en  repos  que 
lorsqu'il  était  en  mouvement ,  et 
qu'en  imprimant  à  ce  courant  inté- 
rieur une  certaine  vitesse,  on  empê- 
chait presque  complètement  la  trans- 
sudation (a).  Or,  cela  ne  pouvait 
dépendre  que  de  l'appel  produit  du 


dehors  en  dedans  par  le  courant  qui 
occupait  l'intérieur  de  l'intestin. 

(2)  M.  Robinson  argue  aussi  d'ex- 
périences dans  lesquelles  un  poison 
déposé  dans  une  plaie  faite  à  la  patte 
d'un  Animal  vivant,  où  la  circulation 
était  suspendue,  a  pu  y  rester  pendant 
fort  longtemps  sans  donner  lieu  aux 
symptômes  qui  suivent  toujours  l'ab- 
sorption de  la  substance  vénéneuse 
employée  et  son  arrivée  dans  certaines 
parties  de  l'organisme  (6).  Mais  ce 
fait  prouve  seulement  que  le  transport 
des  matières  étrangères  par  imbibi- 
tion  seulement  ne  s'opère  que  très 
lentement ,  et  que  les  molécules  ab- 
sorbées dans  une  partie  circonscrite 
du  corps  ont  besoin  d'être  charriées 
par  le  torrent  circulatoire  pour  par- 
venir promptement  dans  un  lieu  éloi- 
gné de  leur  point  de  départ.  Le  même 


(a)  Kiirschner,  art.  Aufsaugung  (Wagner's  Handwôrterbuch  der  Physiologie,  t.  I,  p.  64). 
(6)   G.  Robinson,   On  the  Mechanism  of  Absoi'ption  {London  Med.  Gazette,  1843,  t.  XXXII, 
p.  318,  et  Contributions  ta  the  Physiology  and  Pathology  of  the  Blood,  -1857,  p.  53  et  suiv.). 


36  ABSORPTION. 

Mais  l'expérience  nous  a  déjà  appris  que  dans  le  système  circu- 
latoire ,   le  courant  sanguin ,  loin  de  produire  à  la   surface 
interne  des  vaisseaux  une  pression  négative ,   y  exerce  tou- 
jours une   poussée  considérable  :   l'élévation  du  sang   dans 
les   piézomètres    adaptés   à    ces   conduits   le  démontre  ;    et 
d'ailleurs  il  aurait  suffi  d'un  examen  attentif  des  conditions 
dans  lesquelles  la  circulation  du  sang  s'opère,  pour  voir  que 
partout,  excepté  à  l'entrée  de  l'aorte  et  de  l'artère  pulmonaire, 
la  veine  fluide  ne  doit  pas  se  contracter  de  façon  à  pro- 
duire les  effets  constatés  dans  l'expérience  hydraulique  dont 
je  viens  de  parler.  Nous  ne  pouvons  donc  nous  contenter  de 
l'hypothèse  de  M.  Robinson,  et  j'ajouterai  même  que  si  l'on 
prend  en  considération,  d'une  part  la  grande  rapidité  avec 
laquelle  l'absorption  fait  souvent  pénétrer  les  matières  étran- 
gères jusque  dans  le  sein  du  torrent  circulatoire,  d'autre  part 
les  fortes  résistances  que  les  attractions  moléculaires  exercées 
par  les  parois  des  passages  capillaires  des  tissus  organiques 
sur  les  liquides  inclus  dans  ces  cavités  étroites  doivent  opposer 
à  tout  mouvement  de  translation  de  ces  matières  ,  qui  serait 
provoqué  seulement  par  quelque  inégalité  de  pression  hydro- 
statique ,  on  doit  être  peu  disposé  à  croire  que  ce  phénomène 
physiologique  puisse  dépendre  d'une  cause  de  ce  genre,  et 
l'on  doit  être  porté  à  en  chercher  plutôt  la  raison  d'être  dans  le 
jeu  de  forces  moléculaires. 

Quoi  qu'il  en  soit,  nous  voyons  donc  que  toutes  ces  hypo- 
thèses sont  insuffisantes,  et  que,  pour  expliquer  le  mécanisme 
de  l'absorption,  il  nous  faut  découvrir  d'autres  agents  ou  mon- 


résultat  aurait  été  obtenu,  si  le  poison  toire,  l'absorption  locale  ne  puisse 
avait  été  injecté  directement  dans  une  avoir  lieu,  et  la  rnalièie  étrangère  ar- 
veine,  pourvu  que  le  sang  fût  stagnant  river  jusque  dans  l'intérieur  des  vais- 
dans  ce  vaisseau.  Par  conséquent,  cette  seaux  sanguins  voisins  de  la  surface 
expérience  ne  prouve  en  aucune  façon  avec  laquelle  cette  matière  est  en 
qu'en  l'absence  du  courant  circula-  contact. 


FORCE    MOTRICE.  37 

trer  comment  l'inlervention  de  forces  physiques  dont  jusqu'ici 
nous  n'avons  pas  tenu  compte  peuvent  déterminer  l'introduc- 
tion des  matières  étrangères  jusque  dans  la  profondeur  de 
l'organisme,  et  leur  mélange  avec  la  masse  des  liquides  en 
mouvement  dans  l'appareil  circulatoire. 

§  9.  —  Ce  sujet  d'étude  n'avait  fixé  que  peu  l'attention  des    Découverte 

-  ,       ^  du   phénomène 

expérimentateurs,  lorsque  Dutrochet,  homme  d'un  esprit  fin  et        de 

l'endosmose, 

ingénieux,  découvrit  toute  une  série  de  phénomènes  d'un  haut 
intérêt,  dont  la  connaissance  est  également  précieuse  pour 
l'explication  des  phénomènes  de  la  vie  chez  les  Végétaux  et 
pour  l'intelligence  du  mécanisme  de  l'absorption  chez  les  Ani- 
maux (1).  En  observant  les  effets  de  l'action  de  l'eau  sur  les  fila- 
ments de  quelques  moisissures,  il  fut  conduit  à  penser  que  le 
passage  des  liquides  à  travers  les  membranes  organiques  devait 
dépendre  surtout  de  la  nature  des  substances  qui  se  trouvent 
du  côté  opposé  de  ces  espèces  de  filtres,  et  en  renfermant 


{i)  Henri   Dutrochet   naquit  en  travaux  les  plus  imi)ortants  sont  ceux 

1776,  et  commença  sa  carrière  comme  relatifs  à  Tendosmose,  dont  la  publi- 

médecin  militaire;  il  exerça  ensuite  la  cation  commença   en  1826   (a).   La 

profession  médicale  à  Château-Renaud ,  plupart  de  ses  mémoires  se  trouvent 

et  ne  se  fixa  à  Paris  que  dans  les  der-  réunis  dans  un  recueil  spécial  (6).  Il 

nières  années  de  sa  vie.   On  lui  doit  s'occupa  aussi    beaucoup  de  l'étude 

des  travaux  importants  sur  la  consti-  des   mouvements  de  certains   corps 

tiilion  de  l'œuf  des  divers  Vertébrés,  légers  sur  la  surface  de  l'eau  (c),  et  il 

sur  la  structure  intime  des  végétaux,  porta  dans  toutes  ses  recherches  une 

sur    leur   accroissement ,   sur  leurs  intelligence    vive,    un   grand    talent 

mouvements,  et  sur  beaucoup  d'autres  d'observation  et  une  activité  infati- 

questions   physiologiques;    mais  ses  gable.  11  mourut  à  Paris  en  18/|7  (c?). 


(a)  Dulrochet,  L'agent  immédiat  du  mouvement  vital  dévoilé  dans  sa  nature  et  dans  son  mode 
d'action  chez  les  Végétaux  et  chez  les  Animaux.  In-8,  Paris,  1826. 

—  Nouvelles  rectierches  sur  l'endosmose  et  l'exosmose.  In-8,  Paris,  1828. 
■ — •  De  l'endosmose  (Mémoires,  t.  I,  dSST). 

—  Article  Ekdosmosis  (Todd's  Cyclopœdia  ofAnat.  and  Physiol.,  1839,  t.  II,  p.  98). 

(b)  Dulrocliel,  Mémoires  pour  servir  à  l'histoire  anatomique  et  physiologique  des  Végétaux  et 
des  Animaux.  2  vol.  in-8,  Paris,  1837. 

(c)  Dutrochet,  Becherches  physiques  sur  la  force  épipolique.  In-8, 1842. —  Nouvelles  recherches 
sur  la  force  épipoUque.  In-8,  Paris,  1843. 

(d)  Voyez  A.  Brongniart,  Notice  sûr  Dutrochet  (Mém.  de  la  Société  centrale  d/ agriculture,  1852, 
2=  partie,  p,  421  et  suiv.). 


38  ABSORPTION. 

diverses  substances,  telles  que  de  la  gouime,  du  sucre  ou  de 
l'albumine,  dans  des  poches  dont  les  parois  étaient  formées 
de  tissus  de  ce  genre,  il  a  vu  l'eau,  mise  en  contact  avec  la 
surface  extérieure  de  ces  réceptacles ,  pénétrer  avec  rapidité 
dans  leur  intérieur  et  les  distendre.  En  adaptant  à  une  des 
poches  ainsi  disposées  et  plongées  dans  un  bain  un  tube  verti- 
cal, il  a  vu  Tabsorption  du  liquide  extérieur  s'opérer  avec  assez 
de  force  pour  faire  monter  le  liquide  intérieur  à  une  hauteur 
considérable  ;  et  en  variant  ses  expériences,  il  a  reconnu  que  dans 
les  circonstances  dontje  viens  de  parler,  la  m_embrane  organique 
était  traversée  en  sens  contraire  par  deux  courants  d'inégale 
intensité  :  l'un  dirigé  de  dehors  en  dedans,  l'autre  de  dedans 
en  dehors,  et  que  les  résultats  observés  dépendaient  de  la  pré- 
dominance du  premier  de  ces  mouvements  sur  le  second  (1). 
De  là  les  noms  d'endosmose  et  d'eœosmose  dont  Dutrochet  fit 


(i)  Longtemps  avant  que  Dutrochet 
eût  fait  la  découverte  à  laquelle  son 
nom  doit  rester  attaché,  certains  résul- 
tats dus  à  l'endosmose  avaient  été  re- 
marqués par  divers  physiciens  ;  mais 
les  faits  constatés  de  la  sorte  demeurè- 
rent stériles  entre  les  mains  de  ces  ex- 
périmentateurs, et  passèrent  inaperçus 
jusqu'au  moment  où  ce  naturaliste, 
frappé  de  la  vue  de  phénomènes  nou- 
veaux, quoique  du  même  ordre,  en 
eut  saisi  la  porlée  et  fait  comprendre 
l'importance.  C'est  donc  bien  réelle- 
ment à  Dutrochet  que  la  physiologie  est 
redevable  de  ce  service  signalé  ;  ce- 
pendant il  ne  faut  pas  oublier  les  ob- 
servateurs qui  l'ont  devancé  sur  quel- 
ques points,  et  parmi  ceux-ci  il  faut 
placer  en  première  ligne  l'un  des 
membres  de  notre  ancienne  Académie 
des  sciences,  l'abbé  Nollet. 

Ayant  rempli  d'alcool  un  flacon  cy- 
lindrique et  ayant  bouché  ce  vase  avec 


un  morceau  de  vessie,  Nollet  le  plaça 
dans  un  bain  d'eau,  et  il  vit  avec  sur- 
prise qu'après  cinq  ou  six  heures 
d'immersion,  le  liquide  ainsi  empri- 
sonné avait  augmenté  notablement  de 
volume  ;  la  vessie  qui  bouchait  le 
vase  était  devenue  convexe  et  telle- 
ment distendue  ,  que,  lorsqu'il  y  lit 
une  petite  ouverture,  le  liquide  s'é- 
chappa en  formant  un  jet  de  plus 
d'un  pied  de  hauteur.  Puis,  en  ren- 
fermant de  l'eau  dans  le  flacon  bou- 
ché par  une  vessie  et  en  le  plon- 
geant dans  de  l'alcool,  Nollet  obtint 
un  résultat  inverse.  Enfin ,  il  s'as- 
sura que  ces  déplacements  de  l'eau 
ne  dépendaient  pas  de  quelque  va- 
riation de  température,  et  qu'ils  ne 
se  produisent  pas  quand  les  deux 
surfaces  de  la  membrane  ne  sont  pas 
en  contact  direct  avec  les  liquides 
réagissants.  Le  phénomène  observé 
par  Nollet  était  donc  un  phénomène 


FORCE   MOTRICE.  39 

usage  pour  désigner  les  courants  produits  à  travers  les  cloi- 
sons poreuses  par  l'action  de  liquides  dissemblables.  Il  donna 
ensuite  une  acception  plus  large  au  mot  endosmose,  et  l'appliqua 
à  tout  transport  de  liquides  qui,  dans  des  circonstances  de  ce 


d'endosmose  parfaitement  caractérisé. 
Or,  les  expériences  de  ce  physicien 
datent  de  17/i8  (a). 

Dans  une  dissertation  publiée  en 
1802,  Parrot  fit  mention  de  la  tur- 
gescence produite  par  l'entrée  spon- 
tanée de  l'eau  dans  un  œuf  sans 
coquille,  et  renfermé  seulement  dans 
sa  tunique  membraneuse,  à  travers 
laquelle  ce  liquide  avait  pénétré  (6)  ; 
mais  il  n'étudia  pas  les  circonstances 
de  ce  phénomène  avec  autant  de  soin 
que  l'avait  fait  NoUet  un  demi-siècle 
avant. 

On  peut  considérer  comme  se  rat- 
tachant également  aux  phénomènes 
osmotiques  les  faits  relatifs  à  la  con- 
densation des  liqueurs  spiritueuses 
par  l'évaporation  de  l'eau  à  travers 
les  membranes  animales ,  observés 
en  1812  par  Sœmmering,  le  fils  du 
célèbre  anatomiste.  11  a  trouvé  que 
les  mélanges  d'eau  et  d'alcool  n'é- 
prouvent aucun  changement  sen- 
sible par  suite  de  ce  phénomène, 
quand  le  liquide  est  séparé  de  l'atmos- 
phère par  une  cloison  ligneuse,  mais 
se  concentre  quand  cette  cloison  est 
une  membrane  animale,  telle  qu'une 


peau  ou  une  vessie.  Cela  dépend  de 
ce  que  ces  divers  tissus  laissent  passer 
l'eau  beaucoup  plus  facilement  que 
l'alcool  (c)  ;  et,  ainsi  que  l'a  fait  re- 
marquer Van  Mons,  cela  explique  la 
préférence  que  l'on  accorde  assez  gé- 
néralement aux  outres  pour  la  cour 
servation  des  liqueurs  spiritueuses 
dans  les  pays  chauds.  Mais  ni  ce  der- 
nier chimiste,  ni  Sœmmering,  ne 
firent  aucune  application  de  ces  faits 
à  l'inlerprélation  des  phénomènes  de 
l'absorption  {d}. 

Ainsi  que  nous  le  verrous  ailleurs, 
un  physicien  anglais,  Porret,  décou- 
vrit, en  1816,  qu'un  courant  galva- 
nique peut  entraîner  de  l'eau  à  travers 
une  cloison  memi^raneuse,  et  détermi- 
ner l'accumulation  de  ce  Uquide  au- 
tour du  pôle  négatif  (e). 

Un  exemple  plus  net  des  phéno- 
mènes d'endosmose  fut  constaté  en 
1822  par  le  professeur  Fischer,  de 
Breslau. 

Ayant  plongé  dans  une  dissolution 
d'un  sel  de  cuivre  le  bout  inférieur 
d'un  tube  fermé  en  dessous  par  une 
vessie,  et  contenant  de  l'eau  distillée 
ainsi  qu'un  fil  de  fer,  ce  physicien  vit 


(o)  NoUet,  Recherches  sur  les  causes  du  bouillonnement  des  liquides  {Mém.  de  l'Acad.  des 
sciences,  1748,  p.  101). 

(b)  Parmi,  Ueber  den  Einfliiss  der  Physik  und  Chemie  aufdie  Arzneikunde  (cité  par  ce  physicien 
dans  une  note  intitulée  :  Phénomène  frappant  d'endosmose  dans  l'organisation  animale,  et  publié 
dans  le  Bulletin  scientifique  de  l'Académie  de  Pélersbourg,  1840,  t.  VIL  p.  346). 

(c)  Sœmmerinp,  Ueber  das  Yerdûnsten  des  Weingeists  durch  Ihierische  Haute  und  durch 
Kautschuck  (Gilbert's  Annalen  der  Physik,  1819,  t.  LXI,  p.  104). 

(d)  Van  Mons,  Sur  la  perméabilité  à  l'eau  des  vessies  et  autres  membranes  animales,  et  appli- 
cations de  celte  propriété  à  la  rectification  à  froid  de  l'alcool  {Annales  générales  des  sciences 
physiques,  Bruxelles,  1819,  t.  I,  p.  76). 

(e)  Porret,  Curions  Galvanic  Experiments  {Annals  of  Philosophy,  1816,  t.  VIII,  p.  74,  et  Ann. 
de  chimie  et  de  physique,  1810,  t.  II,  p.  137). 


ko  ABSORPTION. 

genre,  produit  une  augmentation  dans  la  quantité  d'eau  située 
du  côté  vers  lequel  le  courant  se  dirige  ;  et  dans  ces  derniers 
temps,  afin  d'éviter  la  confusion  d'idées  qui  parfois  peut  résulter 
de  ces  expressions,  quelques  physiciens  ont  proposé  d'appeler 
osmose  tout  transport  d'eau  qui  s'effectue  de  la  sorte,  quelle 
qu'en  soit  la  direction  ou  la  puissance,  comparée  à  celle  du 
mouvement  inverse  dont  peut  être  animée  une  portion  du 
liquide  opposé  (1). 

Les  physiologistes  accueillirent  avec  un  vif  intérêt  les  décou- 
vertes deDutrochet,  et  se  livrèrent  à  une  multitude  d'expériences 
variées  sur  cette  espèce  d'absorption  qui  ressemblait  tant  à  celle 
dont  les  Animaux  et  les  plantes  sont  le  siège,  mais  qui  s'effec- 
tuait dans  un  appareil  inerte  et  sans  le  concours  de  la  puissance 
vitale.  Des  recherches  entreprises  par  des  physiciens  habiles 
vinrent  aussi  jeter  de  nouvelles  lumières  sur  ces  phénomènes 
remarquables;  un  grand  nombre  de  faits  importants  furent  de 

le  sel  de  cuivre  pénétrer  dans  l'appa-  trochet  désigna,  sous  le  nom  de  cou- 

reil,  se  décomposer  sous  l'influence  rant  endosmotique,  le  flux  d'eau  qui 

du  fer,  et  le  liquide  intérieur  s'élever  pénilîlre    du    dehors  dans  l'intérieur 

dans  le  tube  à  une  hauteur  considé-  d'un    réservoir    à    parois    membra- 

rable  au-dessus  du  niveau  du  bain.  neuses,  où  se  trouve  du  sucre  ou  toute 

Mais  ni  Fischer,  ni  les  autres  expé-  autre  substance  analogue,  et  courant 

rimentateurs    qui   l'avaient   précédé  exosmotique,  celui  qui  se  dirige  en 

dans  celte  voie,  ne  semblent  avoir  sens  contraire,  c'est-à-dire  de  dedans 

saisi  la  portée  des  faits  dont  ils  avaient  en  dehors  (b)  ;  mais,  dans  les  derniers 

été  témoins  (a),  et  c'est  à  Dutrochlt  temps  de  sa  vie,  il  généralisa  davan- 

qu'apparlient  le  mérite  d'avoir  le  pre-  tage  le  sens  des  mots  endosmose  et 

mier  mis  en  lumière  le  phénomène  de  exosmose,  et,  sans  avoir  égard  à  la 

Vendosmose,  et  d'en  avoir  fait  com-  forme  de  la  cloison  à  travers  laquelle 

prendre  l'importance.  Il  en  a  poursuivi  le  phénomène  se  produit ,  il  appliqua 

l'étude  avec  ardeur,  et  il  est  arrivé  le  premier  ces  mots  au  courant  fort, 

ainsi  à  un  grand  nombre  de  résultats  quelle  qu'en  soit  la  direction,  et  le 

pleins  d'intérêt  pour  la  physiologie.  second  au  courant  faible,  de  sorte  que 

(1)  Dans  ses  premiers  écrits,  Du-  endosmose  devint   synonyme  d'aug- 

(a)  N.  W.  Fischer,  Ueber  die  }YiederhersteUung  eines  iletalls  durch  ein  anderes  und  ûber  die 
Eigenschuft  der  thierischen  Blase,  Fliissigkeiten  durch  sich  hindurch  %u  lassai  und  sic  in  einigen 
Fâllen  an%uheben  (Gilberl's  Annalen  der  Physik,  1822,  t.  LXXII,  p.  301). 

(b)  Dulrochet,  L'agent  immédiat  du  mouvement  vital,  1826,  p.  115, 


FORCE    MOTRICE.  Ûi 

la  sorte  acquis  à  la  science,  et  plusieurs  auteurs  crurent  même 
pouvoir  en  donner  la  théorie.  Jusqu'ici  cependant  l'osmose  ne 
me  semble  pas  avoir  été  expliquée  d'une  manière  satisfaisante; 
et  pour  bien  comprendre  ce  qui  se  passe  dans  les  expériences 
dont  je  viens  de  dire  quelques  mots,  aussi  bien  que  dans  le 
travail  physiologique  de  l'absorption,  il  me  paraît  nécessaire  de 
remonter  plus  haut  qu'on  ne  le  fait  d'ordinaire,  et  de  chercher 
d'abord  à  se  former  une  idée  nette  des  forces  qui  inter- 
viennent dans  des  phénomènes  moins  complexes  ,  mais  du 
même  ordre. 

Pour  exposer  clairement  ma  pensée  à  cet  égard,  il  me  faut 
revenir  sur  un  sujet  dont  j'ai  déjà  eu  l'occasion  de  dire  quelques 
mots  dans  la  Leçon  sur  la  transsudation,  et  examiner  de  plus 
près  les  phénomènes  de  capillarité.  Du  reste,  je  me  Hvre  à 
cette  digression  d'autant  plus  volontiers,  que  dans  la  plupart 
des  traités  de  physique  dont  les  étudiants  de  nos  universités 

mentation  du  volume  dans  Vnn  des  li-  nomenclature  peut  présenter,  et  il  a 

quides  réagissants,  et  exosmose  signifia  proposé  d'appeler  simplement  osmose 

le  transport  d'une  porlion  de  ce  même  (ùcaiic,  impulsion),  le  mouvement  qui 

liquide  en  sens  inverse.  Ainsi,  quand  il  détermine  une  accumulalion  d'eau  de 

dit  qu'une  dissolution  sucrée  en  pré-  l'un  des  côtés  d'une  cloison  membra- 

sence  de  l'eau  détermine  l'endosmose,  neuse.  La  force  osmotique  est  donc  la 

cela  signifie  que  le  courant  d'eau  qui  se  force  qui  détermine  celte  accumula- 

dirige  verscettesubstanceet  y  pénètre,  tion,  et  quant  au  mouvement  en  sens 

est  plus  rapide  que  le  courant  formé  inverse  d'une  porlion  des  particules 

par   la  matière   sucrée    qui  se  rend  du  sel  ou  de  la  substance  quelconque 

dans  l'eau,  et  cela,  soit  que  le  sucre  se  dont  l'aclion  détermine  l'osmose,  il 

trouve  à  l'intérieur  ou  à  l'extérieur  du  le  considère  comme  un  phénomène 

réservoir   membraneux  à  travers  les  de  diffusion.  Dans  ce  langage,  les  effets 

parois  duquel  l'échange  s'établit  (a).  de  l'osmose  deviennent  donc  positifs 

M.  Graham,    à  qui  l'on  doit  une  ou  négatifs,  suivant  que  le  volume  de 

série  d'expériences  très  importantes  l'eau  attirée   est  supérieur  ou  infé- 

sur  les  phénomènes  de  cet  ordre,  a  rieur  au  volume  de  l'autre  liquide  qui 

été  frappé  des  inconvénients  que  cette  passe  en  sens  opposé  (6). 


(a)  Dutrootiet,  De  l'endosmose  (Mémoires  pour  servir  à  l'histoire  anatomique  et  physiologique 
des  Végétaux  et  des  Animaux,  1837,  t.  I,  p.  -10). 

(6)  T.  Graham,  On  Osm.otic  Force  (Philos.  Trans.,  1854,  p.  177). 


II""!  ABSORPTION. 

font  usage,  les  questions  relalives  aux  altracdons  moléculaires 
ne  me  semblent  pas  démontrées  de  manière  à  être  facilement 
saisies  par  beaucoup  de  naturalistes ,  et  que  la  connaissance 
de  ces  actions  est  d'une  haute  importance  pour  l'appréciation 
et  l'explication  d'un  grand  nombre  de  faits  qui  sont  du  domaine 
de  la  physiologie. 


QUARANTE  -  QUATRIÈME   LEGON. 


Suite  de  l'histoire  de  l'absorption.  —  Étude  des  forces  qui  interviennent  dans  la 
production  de  ce  phénomène.  —  Actions  capillaires  ;  théorie  physique  du 
déplacement  des  liquides  dans  leur  point  de  contact  avec  des  corps  solides  ; 
circonstances  i}ui  font  varier  ces  effets.  —  Étude  physique  des  phénomènes 
d'imbibition.  —  Insuffisance  de  ces  actions  pour  l'explication  des  phénomènes 
d'absorption.  —  De  la  diffusion  des  liquides  et  de  son  rôle  dans  le  mécanisme 
de  l'absorption.  —  Des  phénomènes  d'osmose  :  endosmose  et  exosmose  ;  leur 
nature.  —  Influence  des  membranes  perméables  sur  les  produits  du  travail 
endosmotique  et  de  la  diffusion  ;  influence  des  agents  physiques  sur  le  déve- 
loppement des  forces  dont  dépend  l'osmose  ;  actions  chimiques  qui  l'accom- 
pagnent. 


§  1.  —  Ainsi  que  je  l'ai  dit  en  terminant  la  dernière  Leçon, 
lorsqu'on  veut  se  rendre  compte,  soit  de  la  nature  du  phéno- 
mène appelé  endosmose,  soit  du  mécanisme  de  la  fonction  que 
les  physiologistes  désignent  sous  le  nom  d'absorption ,  il  faut 
examiner  attentivement  l'influence  que  les  forces  physiques 
peuvent  exercer  sur  l'introduction  des  substances  étrangères 
dans  l'organisme,  et  chercher  en  premier  lieu  à  se  former  une 
idée  nette  des  actions  dites  de  capillarité ,  en  vertu  desquelles 
on  voit  l'eau  et  beaucoup  d'autres  liquides  s'élever  dans  les 
tubes  étroits,  malgré  l'influence  de  la  gravitation  qui  tend  tou- 
jours à  les  faire  tomber  vers  la  terre  (1). 

(1)  Le  fait  de  l'élévation  de  l'eau  observé  au  commencement  du  xvii' 

au-dessus  du   niveau  de  la  surface  siècle  par  un  des  membres  de  l'Acadé- 

générale  de  ce  liquide  dans  l'intérieur  mie  florentine  del  Cimento,  nommé 

d'un   tube   fin,  qui  est  ouvert   aux  Kicolas  Aggiunti  (a),  mais  ne  com- 

deux  bouts  et  qui  y  baigne  par  son  mença  à  occuper  l'attention  des  phy- 

extrémité  inférieure,  paraît  avoir  été  siciens  que  postérieurement  à  l'époque 

(a)  Voyez  Nelli,  Saggio  di  storia  letteraria  Fiorentina,  1759,  p.  92. 


De 

la  capillaiilé. 


lik  ABSORPTION. 

Notions         §  2.  —  Chacun  sait  que  pour  expliquer  les  mouvemenls 

préliminaires.     -,  -,        \ 

des  planètes,  et  pour  se  rendre  compte  d'un  grand  nombre 
d'autres  phénomènes  physiques ,  tels  que  la  chute  des  corps , 
il  faut  admettre  que  les  molécules  de  la  matière  pondé- 
rable sont  douées  d'une  propriété  ou  force  particulière  en 
vertu  de  laquelle  ces  molécules  tendent  à  se  rapprocher 
entre  elles.  Cette  force,  inconnue  quant  à  sa  nature,  mais 
manifeste  par  les  déplacements  ou  les  résistances  qu'elle  dé- 
termine, est  désignée  d'une  manière  générale  sous  le  nom 
d'attraction.  On  l'appelle  gravitation  lorsqu'elle  s'exerce  entre 
des  corps  séparés  par  un  espace  perceptible,  et  Newton,  cou- 
ronnant l'œuvre  commencée  par  Galilée  et  par  Kepler,  découvrit 

où    l'ascal   composa    son    traité   sur  capillaires,  et  que  la  hauteur  à  la- 

l'équilibre  des   liquides  (a),  c'esl-à-  quelle    les  divers   liquides   s'élèvent 

dire  vers  16/i&.  Boyle  en  parla  comme  dans  ceux-ci  n'est  pas,  comme  dans  le 

d'un  phénomène  nouvellemenl  décou-  tube  barométrique,  en  raison  inverse 

vert  en  France   (6) ,   et ,   en  1667,  de  leur  pesanteur,  car  l'eau  y  monte 

Montanari    en  traila    avec   plus    de  plus  haut  que  l'alcool,  dont  la  den- 

délail  (c).  silé  est  moindre  (cl).  Voscius  et  quel- 

On  allribua  d'abord  l'ascension  des  qucs  autres  physiciens  de  la  même 

Uquides  dans  les  tubes  capillaires  à  époque  furent  moins  éloignés  de  la 

l'action  de  l'air,  et  l'on  chercha  à  s'en  vérilé,   en   attribuant   l'ascension  de 

rendre  compte  en  supposant  que  les  l'eau  dans  les  tubes  capillaires  à  l'ad- 

niolécnles  de  ce  lluide  ne  pouvaient  hésion  de  ce  liquide  contre  les  pa- 

pénétrer  dans  les  canaux  étroits  où  rois    de    ces  conduits  ;   mais  on   ne 

l'eau  aurait  été  poussée  par  la  près-  tarda  pas  à  reconnaître  que  cette  hy- 

sion   de  l'atmosphère.  Mais,   vers  le  pothèse  ne  suftirait  pas  pour  expli- 

coramencenient    du    siècle    dernier,  quer  ce  qui  se  passe  dans  les  phéno- 

Uauksbee   et   Biilffinger    firent    voir  mènes  de  cet  ordre.  Déjà,  vers  1717, 

que  l'air  n'est  pas  exclu  des  tubes  Newton    et   son   ami   Ilauksbec   (ou 

(a)  Voyez  Desmarest.  Histoire  critique  des  systèmes  que  l'on  a  imaginés  pour  expliquer  les 
phénomènes  des  tubes  capillaires  (dans  la  Iraduction  française  de  l'ouvrage  rie  Haukbee,  t.  II, 
p.  168). 

(6)  Boj'le,  New  Experiments  Physico-Mathematical  touching  the  Spring  of  the  Air  (Works,  1. 1, 
p.  80). 

(c)  G.  Monlanari,  Pensieri  fisico-mathemalico.  Bologna,  1667. 

(d)  Haiiksbee ,  An  Exper.  mode  at  Gresham  Collège  showing  that  the  seemingly  Spontaneou» 
Ascension  of  Water  in  Small  Tubes  open  at  both  Ends  is  the  same  In  vacuo  as  in  the  Open  Air 
(Philos.  Trans.,  1705,  t.  XXV,  p.  2223). 

—  Bùiffinger,  De  tubulis  capillaribus  dissertatio  experimentalis  (Commentarii  Acad.  scient. 
Petropolitanœ,  1727,  t.  II,  p.  251  et  suiv.). 


ACTION    DE    LA    CAPILLARITÉ.  /[.S 

les  lois  qui,  dans  ce  cas,  en  règlent  l'action;  car  il  prouva  que 
les  effets  dus  à  cette  puissance  universellement  répandue  sont 
alors  en  raison  directe  de  la  masse  des  corps  réagissants  et  en 
raison  inverse  du  carré  de  la  distance  qui  sépare  ceux-ci 
entre  eux.  Mais  lorsque  cette  distance  diminue  au  poiut  d'être 
insensible  pour  nos  moyens  d'observation ,  l'attraction  cesse 
d'être  soumise  à  des  lois  si  simples ,  et  elle  donne  naissance  à 
des  résultats  qui  varient  suivant  des  circonstances  dont  nous 


Hawksby)  avaient  eu  recours  à  Pat- 
traction  pour  s'en  rendre  compte,  et 
ce  dernier  physicien  appuya  son 
opinion  sur  un  grand  nombre  de 
faits  constatés  expérimentalement  (a). 
La  tiiéorie  qu'il  donna  des  effets  ca- 
pillaires pèche  à  certains  égards; 
mais  le  principe  qui  en  forme  la 
base  est  aussi  le  point  de  départ  de 
l'explication  adoptée  de  nos  jours  (h). 
Les  recherches  expérimentales  faites 
par  Jurin,  par  Weitbrecht  et  quelques 
autres  physiciens  du  siècle  dernier, 
contribuèrent  aussi  beaucoup  à  l'avan- 
cement de  nos  connaissances  sur  cette 
matière  (c).  Enfin,  Clairault  chercha 
à  donner,  des  effets  capillaires,  une 
théorie  mathématique  fondée  sur  les 


principes  de  l'équilibre  des  fluides  (d). 
Ce  sujet  délicat  fut  traité  de  nouveau 
par  l'illustre  géomètre  Laplace,  par 
Poisson  et  par  Gauss  (e)  ;  enfin,  les 
recherches  expérimentales  de  Gay- 
Lussac  et  d'un  grand  nombre  de 
savants  de  l'époque  actuelle  ont  fait 
faire  de  nouveaux  progrès  à  cette 
partie  intéressante  de  la  physique 
moléculaire.  Cependant,  en  y  regar- 
dant de  près,  on  y  aperçoit  bien  des 
questions  qui  sont  encore  très  obs- 
cures, et  dont  l'étude  jetterait  pro- 
bablement d'utiles  lumières  sur  les 
rapports  des  forces  dites  physiques 
avec  celles  qu'on  en  distingue  sous  le 
nom  d'affinités  chimiques. 


(a)  Xewton,  Traité  d'optique,  livre  III,  quest.  31,  Irad,  franc-,  P-  573  et  suiv. 
(6)  Hauksbee  ,  Expériences  physico-mécaniqiies  sur  différents  sujets,  trad.  par  de  Brémond, 
1754,  t.  II,  p.  1  et  suiv.). 

(c)  Weitbreclit,  Tentamen  theoriœ  qua  ascensus  aquœ  in  tubis  capillaribus  explicatur  {Com- 
mentarii  Acad.  scient.  Petropolitanœ,  1736,  t.  Vlll,  p.  261).  —  Explicatio  difficiliorum  expe- 
rimentorum  circa  ascensum  aquœ  in  tubos  capillares  {Op.  cit.,  1737,  l.  IX,  p.  275). 

(d)  Jurin,  An  Account  of  some  Experimenls  shoiun  before  the  Royal  Society,  ivith  an  Inquiry 
inlo  the  Cause  of  the  Ascent  and  Suspension  of  Water  in  Capillary  Tubes  [Philos.  Trans., 
1718,  t.  XXX,  p.  739). 

(«)  Clairault,  Théorie  de  la  figure  de  la  terre,  tirée  des  principes  de  l'hydrostatique,  chap.  x  ; 
De  l'élévation  ou  de  l'abaissement  des  liquides  dans  les  tuyaux  capillaires,  1743,  p.  105  et 
suiv. 

—  Laplace,  Mécanique  céleste,  supplément  au  livre  X  {Œuvres,  t.  IV,  p.  389). 

—  Gauss,  Principia  generalia  theoriœ  jluidorum  in  statu  œquilibrii  {Commentationes  Soc. 
scient.  Gotûngensis,  1829-183-2,  t.  VII,  cl.  Malh.,  p.  39). 

—  Poisson,  Nouvelle  théorie  de  l'action  capillaire,  1831. 

—  Voyez  aussi  à  .ce  sujet  :  Desains,  Recherches  sur  les  phénomènes  capillaires  {Annales  de 
chimie  et  de  physique,  1857,  3'  série,  t,  Ll,  p.  385). 


[iQ  ABSORPTION. 

ignorons  la  nature,  et  au  nombre  desquelles  il  faudra  ranger 
probablement  la  forme  des  molécules  ou  le  mode  de  groupe- 
ment des  atomes  dont  celles-ci  se  composent.  On  la  désigne 
alors  sous  le  nom  d'attraction  moléculaire^  quand  son  action 
paraît  agir  seulement  sur  l'ensemble  de  ces  agrégats  primaires, 
de  façon  à  les  rapprocher  ou  à  résister  aux  forces  qui  tendent  à 
les  éloigner  entre  eux;  et  on  l'appelle  affinité  chimique^  quand 
elle  paraît  exercer  sur  ces  groupes  d'atomes  une  influence  plus 
grande,  et  déterminer  un  nouveau  mode  d'arrangement  des 
particules  constitutives  de  ces  molécules.  Enfin,  pour  bien  pré- 
ciser ce  dont  j'ai  à  parler  ici,  il  est  bon  de  rappeler  une  autre 
distinction  qui  est  moins  importante  que  les  précédentes,  mais 
dont  nous  aurons  besoin  dans  nos  études  actuelles  :  quand  on 
parle  de  la  force  physique  qui  tient  unies,  ou  du  moins  rappro- 
chées, les  molécules  d'un  même  corps,  on  appelle  cette  attrac- 
tion cohésion,  et  quand  l'attraction  moléculaire  s'exerce  entre 
des  corps  différents  qui  sont  simplement  en  contact  apparent, 
on  l'appelle  adhésion  (1). 
Cohésion  Les  effets  dus  à  la  force  de  cohésion  des  molécules  des  corps 
solides  sont  trop  bien  connus,  même  du  vulgaire,  pour  que 
nous  ayons  à  nous  y  arrêter  ici  ;  mais,  au  premier  abord,  il  est 
moins  facile  de  concevoir  l'action  de  cette  puissance  entre  les 
molécules  des  corps  à  l'état  liquide,  car  on  sait  que  ces 
molécules  se   déplacent   avec  une  si  grande  facilité,  que  la 


(1)  Alin  d'introduire  plus  de  préci-  appellent  prosaphie,  l'attraction  exer- 

sion  dans  le  langage  employé  dans  cée  par  les  molécules  du  corps  solide 

l'étude  de  ces  phénomènes,  quelques  sur  les  molécules  liquides  adjacentes, 

physiciens  désignent  sous  le  nom  de  et  vice  versa,  c'est-à-dire  la   force 

synap/iie,  l'attraction  réciproque  exer-  d'adhérence  dont  jouissent  ces  molc- 

cée  par  les  molécules  d'un  même  corps  cules  hétérogènes.   Mais  ici  je  crois 

les  unes  sur  les  autres,  c'est-à-dire  préférable  de  ne  faire  usage  que  de 

la  force  de  cohésion  de  ce  corps,  et  mois  vulgaires  (a). 

(a)  M.  L.  Frankenheim,  Die  Lehre  von  der  Cohésion.  Breslaii,  1835,  p.  fil 


des  liquides. 


ACTION    DE    LA    CAPILLARITÉ.  /j.7  ^ 

masse  constituée  par  leur  réunion  affecte  d'ordinaire  une  | 

forme  qui  est  déterminée,  d'un  côté  par  la  pesanteur,  d'un  | 

autre  côté  par  les  résistances  extérieures  qui  balancent  Fin-  ' 
fluence  de   l'attraction   terrestre.   Pour  mettre  en  évidence 

l'action  de  la  force  cohésive  des  liquides,  il  suffit  cependant  4 

de  quelques  expériences  d'une  grande  simplicité.  x4insi,  cha-  ■ 

cun  sait  que  lorsqu'une  petite  masse  d'eau  tombe  librement  j 

dans  l'espace,  elle  affecte  une  forme  constante,  et  le  calcul  i 

montre  que  cette  forme    est   précisément  celle    qui   résulte  \ 

du  plus  grand  rapprochement  possible  de  ses  molécules  entre  l 

elles,  savoir,  la  forme   sphérique.   Il  est    donc  légitime  de  \ 

supposer  que  cette  forme  particulière  est  déterminée  par  l'at-  \ 

traction  mutuelle  des  molécules  de  l'eau,  c'est-à-dire  la  force  i 

de  cohésion  de  cehquide.  Mais  cela  devient  encore  plus  visible  'i 

quand  on  place  deux  de  ces  globules  d'eau  sur  la  surface  hori-  1 

zontale  d'une  lame  de  verre  enduite  de  graisse  :  les  gouttes  ! 

conservent  à  peu  de  chose  près  leur  forme  propre  tant  qu'elles  I 
restent  à  une  distance  sensible  l'une   de  l'autre;  mais,  dès 

qu'elles  viennent  à  se  toucher  par  un  point  de  leur  circonfé-  ] 

rence,  on  les  voit  se  confondre,  et  constituer  par  le  rappro-  •• 

chement  de  leurs  molécules  une  seule  masse  de  forme  sphé-  ^ 

roïdale  (1).  ' 

Si,   au   lieu  de  déposer  la   goutte  d'eau   sur   un   corps    Aitracuon 
gras,  on  la  place  sur  une  lame  de  verre  dont  la  surface  est 
horizontale  et  parfaitement  nette,  les  choses  ne  se  passeront 

(1)  Cette  expérience  est  également  par  l'atmosphère;  mais  les  membres 

facile  à  faire  avec   des   globules  de  de  l'Académie  del  Cimento  firent  voir 

mercure   sur   une  lame  de  verre  un  que  cette  forme  se  conserve  dans  le 

peu  humide.  On  avait  d'abord  sup-  vide    aussi    bien    qu'à   l'air  ,    et   ne 

posé  que  la  forme  sphérique  des  li-  peut  dépendre  que  d'une  force  inlé- 

quides  divisés  en  gouttelettes  dépen-  rieure  [a). 
dait  de  la  pression  extérieure  exercée 

(a)  Saggidi  naturali  esperienne  fatte  nelV Accademia  del  Cimento,  p.  78  (édit.  de  1616). 


adhésive. 


llS  ABSORPTION. 

plus  de  la  même  manière  :  le  globule  liquide  ne  conservera  pas 
sa  forme  sphérique,  mais  s'aplatira  rapidement,  et  s'étalera 
comme  une  lame  mince  sur  la  surface  sous-jacente  (1).  11  faut 
donc  qu'une  force  étrangère  ait  balancé  l'action  de  la  cohésion 
de  l'eau ,  et  il  est  facile  de  montrer  que  cette  force  réside 
dans  le  verre.  Pour  s'en  convaincre,  il  suffit  d'incliner  le  pla- 
teau qui  supporte  le  globule  :  quand  la  surface  de  ce  corps 
a  été  graissée,  et  que  la  goutte  d'eau  y  a  conservé  sa  sphéricité, 
celle-ci,  obéissant  à  l'action  de  la  pesanteur,  roule  vers  la  partie 
la  plus  déclive  du  plateau,  et,  s'en  détachant  sans  peine,  tombe 
vers  la  terre;  tandis  que  la  petite  masse  d'eau  étalée  à  la  surface 
du  verre  non  graissé  se  rassemble  en  partie  sous  forme  de 
goutte  au  bord  inférieur  de  celui-ci,  mais  y  reste  suspendue  (2). 
Il  y  a  donc  entre  les  molécules  de  l'eau  et  les  molécules  du 
vçrre  une  certaine  action  attractive  ou  force  d'adhésion,  et  celte 
force  n'existe  pas  au  même  degré  entre  l'eau  et  les  corps  gras. 
On  ne  peut  apercevoir  aucune  différence  sensible  dans  les 
distances  qui  existent  entre  l'eau  et  les  deux  solides  avec  la 
surface  desquels  nous  venons  de  supposer  ce  liquide  en  con- 


(1)  Pour  que  cet  effet  se  produise  versa.  Ainsi  quand  une  goulte  d'eau 
d'une  manière  complète,  il  faut  que  est  déposée  sur  la  surface  d'un  corps 
la  surface  du  verre  ne  soit  souillée  sur  lequel  elle  ne  s'étale  que  peu,  elle 
par  aucune  matière  étrangère,  et  il  conserve  en  dessus  une  forme  bom- 
est  si  difficile  de  la  nettoyer  parfaite-  bée  ;  mais  si  l'on  approche  une  ba- 
ment,  que  pour  faire  l'expérience  en  guette  de  verre  du  sommet  de  la  sur- 
question, il  est  bon  d'employer  la  sur-  face  courbe  par  laquelle  elle  se  termine, 
face  d'une  cassure  faite  au  moment  on  verra  celle-ci  changer  de  forme 
même.  (lès  que  le  contact  se  sera  établi.  L'eau 

(2)  On  trouve  dans  les  mémoires  de  s'élancera,  pour  ainsi  dire,  contre  la 
Weitbrecht  et  de  quelques  autres  phy-  baguette  de  verre,  s'y  étalera,  et  les 
siciens  du  siècle  dernier,  beaucoup  parties  latérales  de  la  goutte,  au  lieu 
d'expériences  curieuses  relatives  à  d'être  convexes ,  deviendront  con- 
l'attraction  du  verre  pour  l'eau,  et  vice  caves  (a). 

(a)  Weitbreclit    Tentamen  theorice  qua  ascensus  aquce  in  tuhis  capillaribus  explicalur  {Com- 

mentarii  Acad.  scient.  PetropoUtanœ,  1736,  t.  VIII,  p.  265,  pi.  22,  lig.  2  et  3). 


ACTION    DE    LA    CAPILLARITÉ.  A9 

tact;  et  par  conséquent  nous  pouvons  conclure  de  cette  expé- 
rience, non-seulement  que  l'attraction  s'exerce  entre  les  molé- 
cules du  verre  et  celles  de  l'eau,  comme  elle  s'exerce  entre  ces 
dernières,  mais  que  l'intensité  de  cette  force  adhésive  varie 
suivant  la  nature  des  corps  réagissants  (1). 

Une  autre  expérience  très  simple,  et  également  propre  à 
mettre  en  évidence  la  force  d'attraction  mutuelle  développée  à 
des  distances  insensibles  entre  le  verre  et  divers  liquides,  peut 
servir  à  montrer  que  la  force  de  cohésion  qui  tend  à  rap- 
procher entre  elles  les  molécules  de  ces  derniers  corps  varie  en 


Rapports 

entre 

la  cohésion 

des  liquides 

et 

leur  adhérence 

aux  solides. 


(1)  Sous  ce  rapport,  il  existe  donc 
une  différence  très  grcinde  entre  les 
effets  de  la  gravitation  universelle, 
suivant  que  cette  force  agit  à  des 
distances  sensibles  ou  à  des  dislances 
insensibles.  Dans  le  premier  cas,  ainsi 
que  je  viens  de  le  montrer,  la  nature 
chimique  des  corps  réagissants  influe 
beaucoup  sur  leur  attraction  mutuelle  ; 
dans  le  second,  elle  n'exerce  aucune 
action  appréciable.  Ainsi,  on  sait  que 
dans  le  vide  tous  les  corps  tombent  avec 
la  même  vitesse  ,  et  les  observations 
astronomiques  montrent  que  l'action 
attractive  des  planètes  les  unes  sur 
les  autres  n'est  réglée  que  par  la  dis- 
lance qui  sépare  ces  corps  et  par  la 
quantité  de  matière  dont  ils  se  com- 
posent. Or,  on  sait  également  que  la 
densité  de  celte  nintière  planétaire 
varie  considérablement  d'une  de  ces 
étoiles  à  une  autre  ;  que  la  densité 
moyenne  de  la  terre,  par  exemple , 
étant  de  5,[i!x ,  celle  de  i\lercure 
est  15,99  ;  celle  de  Jupiter,  1,'29,  et 
celle  de  Saturne  seulement  0,7ô.  Des 
différences  de  cet  ordre  ne  peuvent 
être  attribuées  à  des  inégalités  dans 
la  température  de  ces  planètes,  et  par 
conséquent  il  est  très  probable  que  la 
V. 


nature  chimique  de  leur  substance 
constitutive  n'est  pas  la  même.  L'uni- 
formité de  leur  mode  de  gravitation 
serait  donc  encore  une  preuve  de  la 
non-intervention  de  la  nature  intime 
des  coips  dans  le  jeu  de  l'attraction 
entre  les  corps  situés  à  une  distance 
sensible  les  uns  des  autres.  Mais  si  j'in- 
siste sur  les  ditférences  qui  existent  à 
cet  égard  entre  les  effets  de  Tallraction 
planétaire  et  ceux  de  l'attraction  ca- 
pillaire, ce  n'est  pas  que  je  suppose 
ces  forces  distinctes  dans  leur  essence  ; 
tous  ces  effets  semblent  devoir  être 
rapportés  à  une  seule  et  même  cause  ; 
mais  la  force  de  répulsion  intermolé- 
culaire que  l'on  attrii)ae  à  la  chaleur, 
et  que  l'on  doit  considérer  comme 
balançant  plus  ou  moins  l'attraction, 
décroît  si  rapidement  avec  la  distance, 
qu'elle  ne  produit  aucun  elTet  appré- 
ciable quand  celle  distance  est  sen- 
sible ,  tandis  qu'elle  joue  un  rôle 
important  quand  la  distance  cesse 
d'être  visible ,  et ,  comme  nous  le 
verrons  bientôt,  les  résultats  qu'elle 
produit  varient  eu  grandeur  suivant 
la  nature  intime  des  corps  qui  la  dé- 
veloppent. 


50  ABS0U1>TI0N. 

intensité  suivant  la  nature  de  ceux-ci.  Suspendons  au  fléau  d'une 
balance,  d'un  côté  un  disque  de  verre  bien  horizontal,  et  de 
l'autre  côté  des  poids  qui  le  mettent  en  équilibre  ;  puis,  plaçons 
sous  le  plateau  de  verre  un  vase  contenant  de  l'eau,  et  faisons 
monter  celui-ci  graduellement  jusqu'à  ce  que  la  surface  du 
liquide  arrive  en  contact  avec  la  face  inférieure  du  tlisque.  Le 
fléau  restera  immobile  ;  mais  si  nous  ajoutons  alors  des  poids  dans 
le  plateau  opposé,  nous  verrons  que,  au  lieu  de  faire  trébucher 
immédiatement  la  balance,  comme  cela  avait  lieu  avant  l'éta- 
blissement du  contact  entre  le  plateau  de  verre  et  l'eau  sous- 
jacente,  il  faudra  exercer  de  la  sorte  un  effort  considérable  pour 
enlever  ce  disque  et  le  détacher  du  liquide  auquel  il  adhère.  Or, 
la  surface  du  verre,  en  se  séparant  du  bain,  reste  mouillée;  elle 
emporte  donc  avec  elle  une  lame  mince  d'eau,  et  la  force  em- 
pl'oyée  pour  faire  trébucher  la  balance  n'est  pas  celle  qui  aurait 
été  nécessaire  pour  rompre  l'adhérence  établie  entre  ce  corps 
solide  et  l'eau ,  mais  seulement  celle  employée  pour  vaincre 
la  résistance  opposée  par  la  force  de  cohésion  du  liquide.  Or,  si 
l'on  répète  cette  expérience  en  substituant  à  l'eau  de  l'alcool, 
de  l'essence  de  térébenthine  ou  tout  aulre  liquide  susceptible 
de  mouiller  le  verre ,  on  obtient  des  résultats  analogues  ;  mais, 
pour  détacher  le  disque,  il  faut  des  poids  variables  suivant  la 
nature  de  ces  corps.  Par  conséquent,  la  force  de  cohésion  de 
ceshquides  varie  quant  à  sa  puissance  (1). 


(1)  Gay-Lussac  a  fait  quelques  ex-  pour  vaincre  la  cohésion  d'un  corps 

périences  de  ce  genre  pour  vérifier  les  solide  ;  car,  à  mesure  que  la  distance 

résultais  tliéoriques  obtenus  par  La-  entre  la  surface  inférieure  du  disque 

place  (a).  11  est,  du  reste,  essentiel  de  et  le  niveau  général  du  bain  augmente, 

noter  que,  dans  les  circonstances  indi-  les  côtés  de  la  colonne  d'eau  soulevée 

quées  ci-dessus,  les  choses  ne  se  pas-  se  rapprochent  de  plus  en  plus,  de  sorte 

sent  pas  comme  dans  celles  où  l'on  que  le  diamètre  de  cette  colonne  vers 

emploie  une  certaine  force  de  traction  la  moitié  de  sa  hauteur  diminue  de 


(a)  Voyez  Laplace,  Op.  cit.  {Œuvres,  t.*  IV,  p.  527). 


ACTION    DE    LA    CAPILLARITÉ.  ëli 

J'appellerai  aussi  l'attention  sur  une  autre  conséquence  qui 
peut  se  déduire  de  ces  faits.  Nous  avons  vu  que  le  plateau 
soulevé  par  un  certain  poids  entraînait  avec  lui  une  lame  mince 
de  liquide.  La  résistance  opposé^e  par  la  cohésion  de  celui-ci 
est  donc  moins  grande  que  celle  développée  par  l'attraction 
adhésive  du  verre  sur  le  liquide  sous-jacent:  et  j'insiste  sur 
celte  circonstance,  parce  que  nous  verrons  bientôt  cette  inéga- 
lité dans  ces  deux  forces  dont  la  direction  est  contraire,  jouer 
un  grand  rôle  dans  les  phénomènes  dont  l'étude  doit  nous 
occuper  maintenant. 

Pour  avancer  davantage  dans  l'examen  de  ces  questions,  il  est 
bon  de  considérer  de  plus  près  ce  qui  se  passe  dans  une  goutte 
d'eau  qui  repose  sur  un  corps  que  ce  liquide  ne  mouille  pas, 
et  qui  augmente  de  volume  par  l'adjonction  de  nouvelles  quan- 
tités de  matière.  Nous  avons  vu  que  si  le  globule  ainsi  constitué 
est  très  petit,  il  conserve  une  forme  sensiblement  sphérique, 
et  cela  suppose  que  l'attraction,  cohésive  des  molécules  de 
hquide  suffit  pour  faire  équilibre  à  la  pression  exercée  par  une 
colonne  verticale  du  liquide  ayant  pour  hauteur  le  diamètre 
de  cette  sphère.  Mais  si  le  volume  du  globule  vient  à  augmen- 
ter, il  arrive  un  moment  où  la  force  d'attraction  réciproque 
des  molécules  de  l'eau  ne  suffit  plus  pour  balancer  la  pres- 
sion développée  par  les  particules  élevées  ainsi  au-dessus  de 
leur  base  de  sustentation,  et  où  l'inégalité  de  ces  deux  forces 
contraires  déterminera  la  déformation  du  sphéroïde.  Alors,  par 


plus  en  plus,  et  que  la  rupture  s'effec-  faudrait  tenir  compte  de  l'influence  de 

tue  quand  cette  portion  étranglée  est  la  forme  des  surfaces  libres,  c'est-à- 

devenue  très  grêle  fa).  Le  phénomène  dire  latérales,  de  la  colonne  liquide 

est  donc  beaucoup  plus  complexe  qu'on  soulevée  sur  l'équilibre  de  ses  mole - 

ne  serait  porté  à  le  supposer  au  pre-  cules  constitutives, 
niier  abord,  et,  pour    l'analyser,   il 


(a)  Donny,  Mémoire  sur  la  cohésion  des  Uq^ndes  et  sur  leur  adhérence  aux  corps  solides  (An- 
nales de  chimie  et  dephysique,  3"  série,  1846,  t.  XVI,  p.  167). 


52  ABSORPTION. 

l'addition  de  nouvelles  (juantités  de  matière,  le  globule  ne 
s'élèvera  plus,  mais  s'élargira  seulement,  et  prendra  peu  à  peu 
la  forme  d'un  disque  dont  la  surface  supérieure  tendra  à  devenir 
plane  et  horizontale ,  tandis  que  les  bords  resteront  arrondis 
et  leur  seclion  méridienne  sera  sensiblement  égale  à  la  demi- 
circonférence  d'un  cercle  qui  aurait  pour  diamètre  l'épaisseur 
du  disque.  Supposons  maintenant  que  la  masse  de  liquide  ayant 
cette  forme  vienne  à  rencontrer  un  obstacle  qui  s'oppose  à  son 
élargissement  ultérieur,  et  que  cet  obstacle  soit  un  plan  solide 
vertical  dont  la  substance  n'exerce  sur  les  molécules  de  l'eau 
aucune  intluence  attractive  appré(iiable.  Il  est  visible  que  par 
l'accroissement  de  sa  masse  le  disque  liquide  augmentera 
d'épaisseur,  et  que  la  poussée  déterminée  par  son  poids  contre 
l'enceinte  constituée  de  la  sorte  modifiera  la  forme  de  la  portion 
du  "bord  du  disque  liquide  qui  se  trouve  au-dessous  du  premier 
point  de  contact  de  ce  bord  avec  l'obstacle,  c'est-à-dire  au- 
dessous  d'un  plan  horizontalpassantpar  le  centre  de  courbure 
de  la  seclion  méridienne  représentée  par  ce  même  bord  ;  mais 
cette  poussée  n'aura  point  d'induence  sur  l'équilibre  des  mo- 
lécules situées  au-dessus  du  plan  horizontal  que  nous  venons 
d'imaginer,  et  par  conséquent,  quelle  que  soit  la  profondeur  du 
bain  ainsi  délimitée,  sa  partie  supérieure  se  trouvera  terminée 
latéralement  par  une  surface  convexe  dont  le  rayon  de  courbure 
sera  déterminé  par  la  grandeur  de  la  force  de  cohésion  du 
liquide. 
Action  Cet  état  d'équilibre  setrouve  réalisé,  à  peu  de  chose  près ,  quand 

'des  vasel'    de  l'eau  est  déposée  dans  un  vase  dont  les  parois  sont  imprégnées 
'"ViiVS^'  de  graisse,  mais  est  plus  facile  à  constater  dans  une  cuve  à  mer- 

tontenus.     ^^^^  ^^  ^^^^  j^  ^^^^  ^»^j^  baromètrc  ordinaire  dont  le  calibre 

est  très  grand.  La  surface  supérieure  de  ce  métal  liquide  est 
horizontale  à  une  certaine  distance  des  parois  du  vase;  mais, 
dans  leur  voisinage  immédiat,  elle  s'incline  et  ne  rencontre  la 
surface  de  ces  parois  qu'à  une  certaine  distance  au-dessous  du 


ACTION    DE    LA    CAPILLARITÉ.  53 

niveau  général  du  bain.  Or,  le  liquide  est  alors  en  repos,  et 
par  conséquent  toutes  les  séries  verticales  de  ses  molécules  se 
font  équilibre  mutuellement  :  près  du  bord,  ces  filets  verticaux 
sont  moins  hauts  que  dans  la  portion  du  bain  où  la  surface  libre 
est  horizontale.  Nous  savons  que  les  liquides  ne  sont  pas  sen- 
siblement compressibles  ;  la  densité  de  ces  filets  ne  peut  donc 
différer  d'une  manière  appréciable,  et  le  poids  de  la  tranche 
supérieure  du  filet  central  qui  dépasse  le  niveau  de  l'extrémité 
supérieure  du  filet  marginal  ne  peut  être  soutenu  que  par  l'ac- 
tion d'une  force  déprimante  agissant  sur  ce  dernier.  Cette  force 
n'est  autre  que  l'attraction  réciproque  des  molécules  du  liquide, 
c'est-à-dire  la  cohésion  de  celui-ci  ;  et  puisqu'elle  tient  en 
équilibre  la  couche  fluide  comprise  entre  la  surface  générale 
du  bain  et  le  plan  horizontal  suivant  lequel  cette  surface  ren- 
contre les  parois  du  vase,  elle  doit  être  égale  en  puissance  à  la 
pression  verticale  exercée  par  chaque  filet  vertical  constituant 
cette  même  couche,  ou,  en  d'autres  mots,  d'une  colonne  de  ce 
liquide  dont  la  hauteur  serait  égale  au  sinus  de  l'arc  décrit  par 
la  section  méridienne  de  la  surface  convexe. 

Mais  si  la  masse  aqueuse,  qui,  en  grossissant,  a  cessé  d'être 
sphérique  et  s'est  élalée  en  forme  de  disque  à  bords  convexes, 
rencontre  un  obstacle  constitué  par  un  solide  dont  la  substance, 
au  lieu  d'être  sans  influence  appréciable  sur  ses  molécules, 
exerce  sur  celles-ci  une  action  atlractive  comme  celle  que  nous 
avons  vue  se  manifester  quand  une  goutte  d'eau  est  mise  en 
contact  avec  une  lame  de  verre,  les  choses  ne  se  passeront  plus 
de  la  même  manière,  car  l'attraction  exercée  par  ce  corps  a 
balancé ,  dans  une  certaine  mesure ,  la  force  de  cohésion 
qui  tend  à  maintenir  les  molécules  liquides  le  plus  rapprochées 
possible,  et  par  conséquent  les  effels  de  cette  force  cohésive 
seront  diminués  d'autant.  Il  en  résulte  que  la  forme  de  la  sur- 
face du  hquide  sera  modifiée  dans  le  voisinage  immédiat  des 
parois  de  l'enceinte  constituée   par  ce  solide ,  et  que  l'état 


54  ABSORPTION, 

d'équilibre  sera  déterminé,  non  pas  uniquement  par  la  résultante 
des  deux  forces  inhérentes  aux  molécules  du  liquide,  savoir, 
leur  cohésion  et  leur  poids ,  mais  par  la  résultante  de  trois 
forces  :  dont  une,  celle  de  la  cohésion,  tend  à  abaisser  la  ligne 
de  contact  du  liquide  avec  le  solide  ;  dont  la  deuxième  ,  la 
poussée  ou  pression  développée  par  les  parties  voisines  du 
liquide,  tend  à  élever  celte  même  ligne  au  niveau  de  la  surface 
générale  du  bain  ;  et  dont  la  troisième ,  dépendante  du  solide 
adjacent,  tend  à  soulever  les  molécules  de  l'eau  qui  se  trouvent 
dans  sa  sphère  d'attraction.  Il  est  donc  facile  de  concevoir  que 
si  la  force  attractive  du  solide  est  moins  grande  que  l'excédant 
de  l'effet  de  la  cohésion  sur  la  pression  dont  je  viens  de  parler, 
la  portion  adjacente  de  la  surface  du  bain  conservera  une  forme 
convexe  dont  le  rayon  de  courbure  variera  suivant  la  grandeur 
delà  résultante  de  ces  trois  forces;  mais  que  si  cette  force 
attractive  devient  égale  à  l'excédant  de  la  cohésion  sur  la 
poussée  du  liquide ,  la  surface  du  baiti  deviendra  horizontale 
au  point  de  contact  avec  le  solide  comme  ailleurs  ;  enfin  que 
dans  le  cas  où  la  puissance  d'attraction  développée  par  ce 
solide    s'accroît  encore,  et    devient ,  par  conséquent ,   plus 
grande  que  la  résultante  dont  je  viens  de  parler,  elle  dimi- 
nue d'autant  les  effets  de  la  pesanteur  sur  les  filets  marginaux 
du  liquide,  et  ceux-ci,  pour  faire  équilibre  aux  filets  adja- 
cents, doivent  avoir  plus  de  hauteur,  de  sorte  que  la  ligne  de 
joncfion  du  liquide  avec  le  solide  se  trouve  élevée  au-dessus 
du  niveau  général  du  bain  et  se  relie  à  celui-ci  par  une  surface 
concave  (1). 

(l)  Il  ne  seia  peut-être  pas  inutile  la  ligne  de  jonction  de  la  surface  libre 

de  faire  remarquer  ici  que  l'attraction  du  liquide  avec  la  surface  adjacente 

dont  résulte  le  déplacement  du  liquide  du  solide.  En  etïet,  la  force  attractive 

n'est  pas  exercée  par  les  molécules  du  qui    agit    latéralement   et    qui   tend 

solide  qui  sont  en  contact  apparent  à    rapproclier    deux    molécules    si- 

avec  celui-ci,  mais  par  celles  qui  se  tuées  sur  un  même  plan  horizontal , 

trouvent  immédiatement  au-dessus  de  et  qui  fait  équilibre  aune  force  ré- 


ACTION    DE    LA    CAPILLARITÉ.  55> 

Or,  les  inégalités  dans  la  pression  déterminée  parles  divers 
tllets  d'eau  que  nous  venons  de  considérer  sont  la  conséquence 
de  l'action  des  deux  forces  attractives  antagonistes  que  nous 


pulsive  d'une  iiitensilé  donnée,  ne 
peut  ni  abaisser  ni  élever  liin  ou 
l'autre  de  ces  corps  ;  les  molécules  li- 
quides qui  se  trouvent  au-dessous  de 
la  ligne  de  jonction  dont  je  viens  de 
parler  sont  également  sollicitées  à 
s'élever  et  à  s'abaisser  par  l'action 
attractive  des  molécules  du  verre  si- 
tuées immédiatement  au-dessus  et 
au-dessous  du  plan  liorizontal  passant 
par  le  centre  de  chacune  d'elles,  et 
par  conséquent  le  voisinage  du  solide 
ne  peut  déterminer  leur  déplacement; 
mais  les  molécules  immobiles  qui  se 
trouvent  immédiatement  au-dessus  de 
la  ligne  de  jonction  précédemment 
indiquée,  c'est-à-dire  au-dessus  de  la 
surface  libre  du  liquide,  en  alliranl 
obliquement  les  molécules  adjacentes 
de  ce  dernier  corps,  doivent  tendre  à 
les  élever  et  diminuer  proportionnel- 
lement la  pression  qu'elles  exercent 
sur  les  portions  voisines  du  fluide. 
Ainsi  le  raisonnement  nous  conduit  à 
trouver  que  l'ascension  ou  la  dépres- 
sion des  liquides  dans  les  tubes  capil- 
laires dépend  de  l'action  de  la  portion 
de  la  surface  intérieure  de  ceux-ci  qui 
surmonte  immédiatement  la  ligne  de 
rencontre  de  cette  surface  avec  celle 
du  liquide  inclus. 

Du  reste,  ce  fait  peut  être  démontré 
matériellement  par  une  expérience 
très  simple  due  à  Jurin. 

Ainsi  que  nous  le  verrons  bientôt, 
la  hauteur  à  laquelle  l'eau  monte  dans 
un  tube  étroit  est  en  raison  inverse 


du  diamètre  de  la  cavité  cylindrique 
de  ce  tuyau.  Or,  si  l'on  soude  à  l'ex- 
trémité d'un  tube  capillaire  dont  le 
diamètre  est  égal  à  10  un  second  tube 
dont  le  diamètre  intérieur  n'est  égal 
qu'à  1,  et  qu'on  plonge  l'extrémité 
libre  du  gros  tube  dans  l'eau,  on  verra 
le  liquide  s'y  élever  jusqu'à  une  cer- 
taine hauteur  que  je  suppose  inférieure 
à  l'extrémité  supérieure  de  cette  pre- 
mière portion  de  l'appareil;  mais  si 
l'on  enfonce  davantage  le  tube  dans 
l'eau,  de  façon  que  l'extrémité  su- 
périeure de  la  colonne  liquide  ainsi 
élevée,  arrive  en  contact  avec  l'extré- 
mité inférieure  du  tube  étroit  qui 
forme  en  quelque  sorte  l'étage  supé- 
rieur de  l'appareil,  on  verra  aussitôt 
la  hauteur  de  la  colonne  augmenter  et 
devenir  proportionnelle  au  diamètre 
de  ce  second  tube,  de  manière  que  le 
tout  se  maintiendra  au-dessus  du  ni- 
veau général  du  bain,  comme  si  le 
tube  avait  dans  toute  sa  longueur  les 
dimensions  qu'il  ollre  dans  le  point  où 
ses  parois  se  joignent  à  la  surface 
libre  du  liquide  inclus  (a).  L'étendue 
de  la  surface  du  tube  située  au-dessous 
de  cette  ligne  de  jonction,  et  le  dia- 
mètre de  la  portion  sous-jacente  de  la 
colonne  liquide  soulevée,  n'exercent 
donc  aucune  influence  appréciable  sur 
la  hauteur  de  la  colonne,  et  l'élévation 
est  déterminée  seulement  par  l'an- 
neau du  tube  qui  surmonte  immédia- 
tement la  surface  supérieure  de  cette 
colonne. 


(a)  Jurin,  An  Account  of  some  Experiments,  etc.  ;  with  an  Inquiry  into  Ihe  Cause  of  the  Ascenl 
and  Suspension  of  ^'ater  in  Capillary  Tubes  [Philos.  Tmns.,  1748,  t.  XXX,  p.  743j. 


5(5  ABSORPTION. 

avons  appelées  cohésion  et  attraction  adhésive;  par  conséquent, 
la  forme  de  la  surface  libre  du  liquide  dépendra  en  dernier 
ressort  de  Tintensité  relative  de  ces  deux  puissances  :  quand 
la  cohésion  l'emporte  sur  l'attraction  adtiésive,  la  portion  de 
cette  surface  qui  est  adjacente  au  solide  sera  convexe;  et  quand 
c'est  au  contraire  l'attraction  adhésive  qui  devient  plus  puissante 
que  la  cohésion,  cette  surface  se  relèvera  sur  les  bords  et 
deviendra  concave. 

C'est  de  la  sorte  que  de  l'eau  dont  on  remplit  incomplète- 
ment un  verre  se  relève  contre  les  parois  du  vase,  et  que  la 
surface  de  ce  liquide  devient  au  contraire  convexe  lorsqu'on 
remplit  le  vase  à  pleins  bords,  car  dans  ce  dernier  cas  la  puis- 
sance attractive  du  verre  agit  de  bas  en  haut  sur  la  couche 
d'eau  qui  dépasse  son  niveau  supérieur,  et  vient  en  aide  à 
la  cohésion  pour  le  retenir  et  le  mettre  en  équilibre  avec  les 
parties  centrales  de  la  colonne  fluide  qui  s'élèvent  davan- 
tage (1). 

Du  reste,  les  phénomènes  de  ce  genre  ne  se  manifestent  pas 
seulement  sur  les  bords  des  vases,  et  se  produisent  de  la  même 

(1)  Pour  metlie  mieux  en  évidence  conformément  aux  lois  de  l'équilibre 
l'obstacle  que  l'aUrnclion  du  verre  sur  dans  les  vases  communicants,  le 
l'eau  oppose  au  déversement  de  ce  même  niveau  se  soit  établi  de  part  et 
liquide,  il  suffit  de  répéter  une  expé-  d'autre;  mais  si  l'une  des  branches 
rience  très  simple  que  l'on  attribue  de  ce  siphon  renversé  est  formée  par 
généralement  à  l'un  des  membres  de  un  tube  capillaire,  le  plan  horizontal 
notreancienne  Académie  des  sciences,  passant  par  la  surface  du  liquide 
C. -F.  du  Fay  (a),  mais  qui  appartient  dans  l'autre  branche  sera  inférieure 
en  réalité  à  Aggiunti  (6).  Si  l'on  verse  à  celui  qui  correspondra  à  cette  sur- 
de  l'eau  dans  une  des  branches  d'un  face  dans  la  branche  capillaire,  et 
tube  de  grand  diamètre  et  recourbé  en  la  diiïérence  des  niveaux  sera  pro- 
forme d'U,  le  poids  du  liquide  dans  porlionnée  aux  efiets  produits  par 
cette  branche  fera  monter  l'eau  dans  l'attraction  de  la  surface  intérieure 
la  branche  opposée,  jusqu'à  ce  que,  des  parois  de  ce  dernier  tube  sur  l'eau 


(o)  C.-F.  (iii  Fay,  De  l'ascension  des  liqueurs  dans  les  tuyaux  capillaires  (Hist.  de  l'Acad.  des' 
sciences,  d72i). 

{b}  Voyez  Nclli,  Op.  cit.,  p.  02,  fig-.  19. 


ACTION    DE    LA    CAPILLARITÉ.  57 

manière  lorsqu'on  plonge  dans  un  bain  liquide,  sur  un  point 
quelconque  de  sa  surface,  la  partie  inférieure  d'un  corps 
solide  :  la  ligne  de  contact  des  deux  substances  s'élève  ou 
s'abaisse  suivant  l'intensité  relative  de  la  cohésion  du  liquide  et 
de  l'attraction  adhésive  exercée  sur  les  molécules  de  celui-ci 
par  le  solide  incomplètement  immergé.  En  effet,  les  molécules 
du  liquide  qui  baignent  l'une  quelconque  des  surfaces  latérales 
du  solide  se  trouvent  alors  soustraites  à  l'influence  de  la  force 
attractive  des  molécules  liquides  situées  du  côté  opposé  de 
l'espèce  d'écran  que  ce  solide  constitue,  et  sont  placées  dans 
les  mêmes  conditions  que  celles  situées  au  bord  externe  de 
la  surface  libre  du  bain.  Ainsi,  quand  on  plonge  verticalement 
le  bord  inférieur  d'une  lame  de  verre  dans  de  l'eau  en  repos  , 
on  voit  le  liquide  prendre  une  forme  concave  et  s'élever  à  une 
certaine  hauteur  contre  sa  surface;  puis,  en  répétant  la  même 
expérience  sur  un  bain  de  mercure,  on  observe  un  résultat 
inverse  :  la  surface  du  métal  s'abaisse  et  devient  convexe  dans 
ses  points  de  jonction  avec  le  verre. 

Ces  effets  sont  produits  avec  le  même  degré  d'intensité,  quelle 
que  soit  la  minceur  de  la  lame  de  verre  immergée  de  la  sorte. 
Dans  tous  les  cas,  les  molécules  du  liquide  situées  de  l'un  des 

adjacente   dont  la  surface  deviendra  qui  y  fait  équilibre  dans  la  branche 

concave.  Cet  état  de  choses  persistera  capillaire,  et  d'autre  part,  que  cette 

tant  que  la  colonne  de  liquide,  dans  dernière  surface  deviendra  convexe, 

cette  dernière   branche    de  l'instru-  L'attraction  exercée  par  les  parois  du 

ment,  n'aura  pas  monté  jusqu'au  bord  tube  capillaire  sur  l'eau  qui,  dans  le 

libre  du  tube  capillaire  ;  mais  lorsque  premier  cas,  faisait  équilibre  à  une 

ce  terme  sera  atteint,  l'attraction  exer-  force  agissant  de  haut  en  bas  et  contre- 

cée  par  ces  mêmes  parois  sur  l'eau  balançait  en  partie  l'action  de  la  pe- 

tendra  à  l'empêcher  de  sortir,  et  si  sanleur,  agira  alors  en  sens  inverse,  et 

l'on  continue  à  verser  doucement  du  fera  équilibre  à  la  charge  constituée 

liquide  dans  la   grande  branche  du  par  la  couche  du  liquide  qui,  dans  la 

siphon    renversé  ,    on    remarquera,  grande  branche,  dépasse  le  niveau  de 

d'une  part,  que  le  niveau  pourra  s'y  l'extrémité    supérieure   de   la  petite 

élever  notablement  au-dessus  de   la  branche  et  tend  à  y  élever  l'eau, 
surface  supérieure  de  la  colonne  fluide 


58  ABSORPTION. 

côtés  de  cet  écran  sont  complètement  soustraites  à  l'influence 
attractive  des  molécules  de  même  nature  qui  se  trouvent  du 
côté  opposé,  et  qui  sont  séparées  des  premières  par  la  lame 
solide  :  la  grandeur  de  la  distance  à  laquelle  ces  molécules  sont 
éloignées  les  unes  des  autres  ne  fait  pas  varier  la  grandeur  de 
la  résultante  de  leur  force  de  cohésion  combinée  avec  la  force 
attractive  du  verre,  et  ce  fait  jette  de  nouvelles  lumières  sur  le 
mode  d'action  de  ces  forces. 

Effectivement,  si  les  effets  de  l'attraction  cohésive  de  deux 
molécules  liquides  A  et  B  se  trouvent  annulés  par  l'interposition 
d'un  troisième  corps  C,  quelle  que  soit  la  faible  épaisseur  de 
ce  dernier,  et  si  la  force  d'attraction  adhésive  que  C  exerce 
sur  A  et  B  reste  la  même,  quelle  que  soit  l'épaisseur  de  ce 
corps,  il  en  faut  conclure  que  l'une  et  l'autre  de  ces  forces 
ne  produisent  des  effets  sensibles  qu'à  des  distances  imper- 
ceptibles (1). 

Les  physiciens  ne  connaissent  pas  la  loi  suivant  laquelle  l'ac- 
tion de  ces  forces  diminue  à  tnesiire  que  la  distance  entre  les 
molécules  réagissantes  augmente  ;  mais,  d'après  les  expériences 
dont  je  viens  de  parler,  et  beaucoup  d'autres  faits  du  même 
ordre,  il  est  visible  que  l'intluence,  soit  de  la  cohésion  ,  soit  dé 

(1)   Hauksbee   constata   que  l'eau  verre  sur  les  molécules  de  l'eau  ne  peut 

monte  sensiblement  à  la  même  hau-  s'étendre  qu'à  des  distances  impei'cep- 

teur  dans  des  tubes  capillaires  dont  tibles,  et  il  en  fit  la  base  de  sa  théorie 

l'épaisseur  est  variable  (a),  et  Weit-  mathématique  des  elïéts  de  la  capil- 

brecht  vit  que  celte  hauteur  restait  la  larité  (c). 

même,  soit  que  le  tuyau  dépassât  de  Des  recherches  plus  récentes,  faites 

peu  ou  de  beaucoup  le  sommet  de  la  par  M.  Bède,  montrent  que  les  résul- 

colonne    liquide    déplacée    (b).    En-  tats    fournis  par  les  expériences  de 

fin ,  Laplace  tira  des  expériences  de  Hauksbee  ne  sont  pas  d'une  exacti- 

Hauksbec    cette  conclusion  ,  que   la  tude  complète,  et  que  l'élévation  de 

sphère  d'attraction  des  molécules  du  l'eau,   ou  l'abaissement  du  mercure 

(a)  Hauksbee,  Expériences  physico-chimiques,  trad.  par  Desmarest,  t.  II,  p.  27  et  127. 
{b)  Weitbrecht,  Op.  cit.  {Comment.  Acai.  scient.  Petropol.,  nSG,  t.  VUI). 
(e)  l-aplace,  Mécanique  céleste,  supplément  du  livre  X  {Œiivres,  t.  iV,  p.  391), 


ACTION    DE    LA    CAPILLARITÉ.  59 

l'attraction  adhésive,  cesse  d'être  appréciable  à  des  distances 
extrêmement  petites. 

Mais,  s'il  est  démontré  que  la  puissance  attractive  du  verre, 
ou  de  tout  autre  corps  jouant  un  rôle  analogue,  ne  puisse  pro- 
duire des  effets  sensibles  qu'à  des  distances  imperceptibles,  ou 
tout  au  moins  extrêinement  petites  ,  comment  expliquer  ce  qui 
a  lieu  quand  une  lame  de  verre  est  partiellement  immergée 
dans  de  l'eau,  car  dans  ce  cas  ce  n'est  pas  seulement  une 
Couche  d'eau  excessivement  mince  qui  est  soulevée  par  le  verrCj 
mais  une  masse  assez  considérable  de  ce  liquide,  masse  dont 
la  surface  libre  devient  concave  et  dont  la  base  s'élend  asseîî; 
loin  de  la  surface  attirante. 

Ici  la  force  cohésive  du  liquide  intervient  de  nouveau,  et^ 
pour  bien  saisir  le  mécanisme  de  ce  phénomène,  il  est  utile 
d'avoir  recours  à  un  artifice  de  raisonnement  dont  nous  avons 
déjà  eu  l'occasion  de  faire  usage. 

Isolons  par  la  pensée  une  lame  verticale  d'eau  qui  viendrait 
rencontrer  à  angle  droit  la  surface  du  verre,  et  imaginons  cette 
tranche  divisée  en  une  série  de  filets  verticaux  dont  l'épaisseur 
ne  serait  pas  sensible;  enfin,  admettons  encore  que  chacun 
de  ces  filets  marginaux,  que  j'appellerai  m,  m',  m",  etc.,  soit 

est  un  peu  plus  considérable  dtins  les  ciens  reconnaissent  aujourd'hui  que 
tubes  capillaires  à  parois  épaisses  que  les  effets  sensibles  des  attractions 
dans  ceux  dont  les  parois  sont  min-  cohésives  et  adhésives  ne  sont  appré- 
ces  (a)  :  mais  ces  perturbations  s'ex-  ciables  qu'à  des  distances  très  petites, 
pliquent  par  l'action  attractive  de  la  plusieurs  expérimentateurs  pensent 
surface  horizontale  du  bout  immergé  que  la  sphère  d'activité  de  ces  forces 
du  tube,  et  n'infirme  en  rien  les  dé-  s'élend  un  peu  plus  loin  que  ne  l'ad- 
ductions  tirées  par  Laplace  touchant  mettait  Laplace,  et  sonl susceptibles  de 
la  distance  à  laquelle  la  substance  du  produire  des  effets  sensibles  à  des  dis- 
verre cesse  d'exercer  une  action  sen-  tances  perceptibles  ,  quoique  très 
sible  sur  l'eau.  courtes  ;  question  sur  laquelle  nous 
Du  reste,  bien  que  tous  les  physi-  aurons  l'occasion  de  revenir  bientôt. 

(o)  Bède,  Mém.  sur  l'ascension  de  l'eau  et  la  dépression  du  mercure  dans  les  tubes  capillaires 
Mémoires  couronnés  par  l'Académie  de  Bruxelles,  t.  XXV). 


60  ABSORPTION. 

relié  à  un  filet  vertical  semblable,  c,  c,  etc.,  situé  vers  le 
milieu  du  bain,  au  moyen  d'un  filet  horizontal  placé  à  quelque 
distance  de  la  surface  du  liquide,  soit  /i,  h\  etc.  Chacun  des 
systèmes  formés  par  m,  /t,  c,  ou  par  m',  h\  c',  etc.,  se  trou- 
vera au  sein  du  milieu  ambiant  dans  les  mêmes  conditions 
que  les  deux  colonnes  fluides  qui  se  balancent  dans  les  branches 
montantes  d'un  tube  en  U,  ou  siphon  renversé.  Le  filet  mar- 
ginal m,  par  exemple,  pressera  par  sa  base  sur  le  filet  c,  et 
tendra  à  le  faire  monter;  mais  c  pressera  également  sur  la  base 
de  m,  et  tendra  à  produire  sur  celui-ci  le  même  effet  :  de  sorte 
que  si  le  poids  de  ces  deux  filets  est  le  même,  ils  resteront 
stationnaires,  conformément  au  principe  de  l'équilibre  des 
liquides  dans  les  vases  communicants.  Si  m  n'était  soumis  à 
l'influence  d'aucune  force  étrangère,  ces  conditions  d'équilibre 
seraient  réalisées  quand  sa  surface  serait  au  même  niveau  que 
celle  de  c,  car  le  liquide  ayant  partout  la  même  densité,  la 
pression  p  exercée  par  m  serait  égale  à  la  pression  p'  de  c  quand 
ces  colonnes  auraient  la  même  hauteur.  Mais  le  filet  m,  étant  en 
contact  avec  le  verre,  se  trouve  soumis  à  l'action  attractive  de 
ce  corps,  et  cette  force  tendant  à  le  faire  monter,  que  j'appel- 
lerai a,  doit  balancer  une  partie  de  celle  qui  tend  à  faire  des- 
cendre ce  même  filet,  c'est-à-dire  p.  Ce  sera  donc  jo — a  qui  se 
trouvera  opposé  à  p\  et  par  conséquent  m  s'élèvera  .au-dessus 
du  niveau  de  c  jusqu'à  ce  que  la  différence  dans  la  hauteur 
relative  de  ces  deux  colonnes  liquides  suffise  pour  compenser 
l'action  attractive  du  verre.  Si  cette  puissance  attractive  était 
considérable,  la  différence  des  niveaux  serait  très  grande,  pourvu 
qu'aucune  autre  force  n'intervînt  dans  ce  phénomène,  car  nous 
avons  supposé  le  filet  m  extrêmement  mince,  et  par  conséquent 
très  léger;  mais  m  n'est  pas  libre,  et,  à  raison  de  la  force  de 
cohésion  de  l'eau,  se  trouve  comme  enchaîné  à  m',  c'est-à-dire 
au  filet  hquide  suivant.  En  s'élevant  le  long  de  la  surface  du 
verre,  il  agira  donc  sur  m'  de  la  même  manière  que  le  verre  a 


ACTIOiN    DE    LA    CAPILLARITÉ.  61 

agi  sur  lui,  et,  en  appliquant  au  système  de  filets  m',  c',  le 
raisonnement  que  je  viens  de  faire  pour  le  système  m^  c,  nous 
voyons  que  m'  s'élèvera  d'une  certaine  quantité  au-dessus  du 
niveau  de  c,  c'est-à-dire  au-dessus  du  niveau  général  du  bain. 
Or,  la  puissance  attractive  de  m'  sur  m  est  égale  à  celle  de  m 
sur  m',  etparconséquentce  second  filet  liquide,  en  s'élevant  sous 
Tinfluence  du  premier,  réagira  aussi  sur  celui-ci,  et  l'empêchera 
de  monter  aussi  haut  qu'il  l'aurait  fait  s'il  avait  été  libre.  Des 
relations  semblables  existent  entre  les  filets  verticaux  suivants, 
c'est-à-dire  entre  m'  et  m",  entre  m"  et  m'",  etc.  ;  de  façon  que 
les  effets  de  l'action  attractive  du  verre  portent  en  réalité  sur 
un  nombre  plus  ou  moins  considérable  de  ces  petites  colonnes 
liquides,  et  s'étendent  à  une  certaine  distance  du  bord  vers  le 
milieu  du  bain.  Mais,  ainsi  que  nous  l'avons  déjà  vu,  la  force 
de  cohésion  de  l'eau  est  inférieure  à  la  puissance  attracfive  du 
verre;  l'attraction  exercée  par  m  sur  m'  sera  donc  moindre 
que  a  ;  et  m'  ne  s'élèvera  pas  aussi  haut  que  ?w  pour  faire  équi- 
libre à  c.  Ainsi  la  ligne  passant  par  le  sommet  de  ces  deux  filets 
rencontrera  la  surface  du  verre  sous  un  certain  angle,  et  la 
hauteur  à  laquelle  m"  sera  élevée,  par  suite  de  la  cohésion  qui 
l'unit  à  m',  sera  encore  plus  faible ,  car  les  molécules  des 
liquides ,  tout  en  étant  maintenues  à  une  certaine  distance  les 
unes  des  autres  par  l'attraction  cohésive,  sont  parfaitement 
libres  de  se  mouvoir  autour  les  unes  des  autres,  et  par  consé- 
quent la  position  dans  laquelle  la  molécule  terminale  du  filet  m' 
se  placera  par  rapport  à  la  molécule  supérieure  du  filet  m  sera 
déterminée  par  la  résultante  de  deux  forces  contraires,  l'attrac- 
tion de  m,  qiii  agit  obliquement,  et  la  pesanteur  qui  agit  suivant 
la  verticale;  in"  restera  donc  comme  suspendu  à  m'  sans  attein- 
dre son  sommet.  Il  en  sera  de  même  pour  m'"  par  rapport 
à  m",  et  ainsi  de   suite.   Or,  l'observation,  de  même  que  le 
calcul,  montre  que  la  ligne  passant  parle  sommet  de  ces  verti- 
cales s'abaisse  de  plus  en  plus,  et  décrit  une  certaine  courbe 


62  ABSORPTION. 

qui,  par  ses  deux  extrémités,  se  confond,  d'une  part  avec  la 
surface  verticale  du  verre,  et  d'autre  part  avec  la  surface  horizon- 
tale du  bain. 

Ainsi,  l'attraction  adhésive  exercée  par  le  verre,  d'une  part, 
et  l'attraction  cohésive  exercée  par  les  molécules  d'e^u,  d'autre 
part,  déterminentdans  le  voisinage  du  contact  du  prefliier  de  ces 
corps  avec  Je  second,  l'élévation  d'un  certain  volume  de  liquide 
qui  se  terniine  par  une  surfece  concave,  et  qui  se  compose  d'une 
lame  verticale  très  mince  adhérant  au  verre  et  d'une  masse 
d'eau  qui  est  comme  suspendue  à  la  face  opposée  de  cette  lame 
fluide,  et  qui,  à  raison  de  sa  pesanteur,  diminue  d'autant  la 
hauteur  à  laquelle  celle-ci  peut  monter. 

Il  est  donc  visible  que  si,  par  une  cause  quelconque,  la 
résistance  opposée  à  l'ascension  des  lames  aqueuses  les  plus 
rapprochées  du  verre  par  celles  qui  sont  plus  éloignées  de  ce 
corps  pouvait  être  diminuée  ou  annulée,  l'élévation  de  la  por- 
tion marginale  du  bain  au-dessus  du  niveau  général  de  celui-ci 
augmenterait,  la  force  attractive  du  verre  restant  la  même.  Or, 
il  est  facile  de  réaliser  ces  conditions. 

Effectivement,  si  au  lieu  d'employer  dans  ces  expériences 
une  seule  lame  verticale  de  verre,  on  immerge  incomplètement 
dans  l'eau  deux  de  ces  lames  placées  parallèlement,  et  si  l'on 
rapproche  graduellement  ces  deux  plans,  qui  d'abord  étaient  très 
éloignés  entre  eux,  il  arrivera  un  moment  où  les  deux  portions 
concaves  de  la  surface  du  liquide  intermédiaire  viendront  à  se 
rencontrer.  Ce  résultat  sera  obtenu  quand  la  moitié  de  la  dis- 
tance comprise  entre  les  deux  verres  sera  égale  à  la  largeur  de 
l'espace  dans  lequel  l'action  de  chaque  verre  exerce  sur  la 
surface  de  l'eau  une  influence  sensible;  et  si  l'on  continue  à 
rapprocher  de  plus  en  plus  les  deux  verres,  on  annulera  les 
résistances  dues  à  la  portion  de  chacune  des  masses  liquides 
soulevées  qui  se  trouvait  entre  cette  première  Hgne  de  jonction 
et  le  point  actuel  de  rencontre  des  deux  moitiés  de  la  courbe 


ACTION    DE    LA    CAPILLARITÉ.  6â 

décrite  par  la  surface  de  la  masse  liquide  soulevée.  Les  deux 
lames  d'eau  qui  adhèrent  aux  verres,  et  qui  peuvent  être  consi- 
dérées comme  les  agents  moteurs  de  tout  ce  système  de  molé- 
cules liquides,  se  trouveront  donc  allégées  d'autant,  et  par 
conséquent,  pour  faire  équilibre  aux  pressions  exercées  par  les 
portions  circonvoisines  du  bain,  devront  s'élever  davantage. 
Plus  la  distance  comprise  entre  les  deux  plans  du  verre  décroî- 
tra, plus  l'effet  produit  de  la  sorte  devra  être  considérable,  et 
l'expérience,  de  même  que  le  calcul,  montre  qu'effectivement 
il  en  est  ainsi,  et  que,  toutes  choses  étant  égales  d'ailleurs, 
les  hauteurs  auxquelles  les  liquides  s'élèvent  ou  s'abaissent 
pntre  deux  plans  solides  parallèles  et  verticaux  sont  en  raison 
inverse  de  la  distance  qui  sépare  ces  plans  (1  ). 

A  l'aide  de   quelques  données  fournies  par  la  géométrie 
élémentaire,  il  est  facile  de  déduire  de  cette  loi  le  mode  d'ac- 


(1)  Poisson  atiribue  l'établissement 
de  cette  loi  fondamentale  à  Jurin  (a) , 
qui  effectivement  l'exposa  en  ]  71S  (b)  ; 
mais  dans  une  note  jointe  à  son  mé- 
moire, ce  physicien  reconnaît  que 
Newton  l'avait  devancé.  Voici  en 
quels  ternies  ce  dernier  philosophe  en 
parle  : 

«  Si  deux  plaques  de  verre,  planes 
et  polies  (supposez  deux  pièces  d'un 
miroir  bien  poli),  sont  jointes  ensem- 
ble, leurs  côtés  parallèles  et  à  une 
distance  très  petite  l'une  de  l'autre, 
et  que  par  leur  extrémité  d'en  bas  on 
les  enfonce  un  peu  dans  un  vase  plein 
d'eau ,  cette  eau  montera  entre  les 
deux  verres;  et  à  mesure  que  les 
plaques  seront  moins  éloignées,  l'eau 
s'élèvera  à  une  plus  grande  hauteur. 


Si  leur  distance  est  environ  la  cen- 
tième partie  d'un  pouce,  l'eau  mon- 
tera à  la  lj§uteur  d'environ  un  pouce, 
et  si  la  distance  est  plus  grande  ou 
plus  petite  en  quelque  proportion  qiie 
ce  soit,  la  hauteur  sera  à  peu  près  en 
proportion  réciproque  à  la  distance  ; 
car  la  force  attractive  des  verres  est 
la  même,  soit  que  la  distance  qu'il  y  a 
entre  eux  soit  plus  grande  ou  plus 
petite  ;  et  le  poids  de  l'eau  attirée  en 
haut  est  le  même,  si  la  hauteur  de 
l'eau  est  réciproquement  proportion- 
nelle à  la  distance  des  verres.  C'est 
encore  ainsi  que  l'eau  monte  entre 
deux  plaques  de  marbre  poli,  lorsque 
leurs  côtés  sont  parallèles  et  à  une  fort 
petite  distance  l'un  de  l'auire  (c).  » 


(a)  Poisson,  Nouvelle  théorie  de  l'action  capillaire,  p.  2. 

(6)  Jurin,  An  Account  of  sonie  Experiments,  etc.  ;  luith  an  Inquiry  into  the  Cause  of  the  Ascent 
and  Suspensionof  Waterin  Capillary  Tubes  {Philos.  Trans.,  1718,  t.  XXX,  p.  739). 
(c)  Newton,  Traité  d'optique,  p.  573. 


64  '  ABSORPTION. 

tion  des  tubes  capillaires  qui  sont  ouverts  à  leurs  deux  bouts, 
et  qui  plongent  dans  un  liquide  par  leur  extrémité  inférieure. 
Effectivement,  nous  venons  de  voir  qu'entre  deux  plans  de 
verre  verticaux  parallèles  et  fort  rapprochés ,  l'eau  s'élève  de 
façon  à  y  constituer  une  lame  dont  la  hauteur  est  en  raison 
inverse  de  la  distance  des  deux  verres,  c'est-à-dire  de  son 
épaisseur,  et  dont  la  longueur  peut  être  quelconque.  Or,  con- 
sidérons en  particulier  une  lame  semblable  d'une  longueur 
seulement  égale  à  son  épaisseur,  et  achevons  de  la  circonscrire 
complètement  en  ajoutant  à  ces  deux  plans  de  verre  deux  nou-  " 
veaux  plans  parallèles  perpendiculaires  aux  premiers ,  et  situés 
à  la  même  distance,  de  manière,  en  un  mot,  à  limiter  ainsi  un 
tube  prismatique  à  base  carrée  ;  il  est  clair  que  la  force  qui 
agit  sur  le  liquide  intérieur  étant  ainsi  doublée,  le  volume  du 
liquide  soulevé  sera  lui-même  doublé.  D'ailleurs,  la  force  attrac- 
tive étant  également  répartie  entre  les  quatre  faces  du  prisme, 
elles  pourront  être  considérées  comme  soulevant  quatre  masses 
prismatiques  de  liquide  dont  les  bases  seraient  les  triangles 
isocèles  déterminés  par  les  deux  diagonales  du  carré.  Chacun 
de  ces  triangles  a  lui-même  pour  base  un  côté  du  carré  et  une 
hauteur  égale  à  la  moitié  de  la  distance  de  deux  faces  parallèles  ; 
en  sorte  que  pour  les  tubes  prismatiques  à  base  carrée  on  est 
autorisé  à  dire  que  les  colonnes  de  liquide  soulevées  sont  inver- 
sement proportionnelles  au  rapport  de  la  surface  qui  leur  sert  de 
base  et  au  périmètre  de  cette  même  base.  Au  moyen  d'un  arti- 
fice semblable,  c'est-à-dire  par  une  décomposition  en  triangles 
isocèles,  il  est  aisé  de  voir  géométriquement,  et  j'admets  ici 
comme  acquis,  que  ce  principe  subsiste  quand  on  remplace  le 
carré  qui  sert  de  base  au  prisme  par  un  polygone  régulier 
quelconque  ;  et  l'aire  d'un  polygone  régulier  quelconque  étant 
égale  au  produit  de  son  périmètre  multiplié  par  la  moitié  du 
rayon  du  cercle  inscrit,  il  s'ensuivra  que  les  hauteurs  dans  les 
tubes  prismatiques  réguliers  seront  en  raison  inverse  du  rayon 


ACTION    DE    LA    CAPILLARITÉ.  65 

du  cercle  inscrit.  Enfin  en  passant,  comme  on  le  fait  en  géo- 
métrie, des  polygones  réguliers  au  cercle,  qui  peut  être  assimilé 
à  un  polygone  régulier  d'un  nombre  infini  de  côtés,  on  en  con- 
clut rigoureusement  que,  dans  les  tubes  cylindriques,  les  hau- 
teurs sont  en  raison  inverse  des  rayons  de  la  base,  et,  pour 
chacune  d'elles,  sont  deux  fois  plus  grandes  qu'entre  deux  sur- 
faces planes  parallèles  ayant  pour  distance  le  diamètre  du  tube 
cylindrique. 

Les  mouvements  dus  à  l'attraction  moléculaire  des  solides 
sur  les  liquides  sont  par  conséquent  plus  faciles  à  observer 
dans  les  tubes  étroits  qu'entre  des  surfaces  planes,  et  c'est  prin- 
cipalement à  l'aide  d'instruments  de  ce  genre  que  l'étude  en  a 
été  faite.  De  là  les  noms  d'attraction  capillaire  et  de  'phénomènes 
de  capillarité  que  l'on  donne  généralement  aux  forces  et  aux 
effets- dont  nous  nous  occupons  en  ce  moment. 

D'après  ce  que  j'ai  déjà  dit  relativement  à  la  courbure  de  la 
surface  des  liquides  dans  le  voisinage  immédiat  de  leur  point 
de  contact  avec  un  plan  solide,  nous  pouvons  prévoir  que,  dans 
un  tube  capillaire,  ils  se  termineront  par  une  surface  de  révo- 
lution qui  sera  convexe  quand  la  force  attractive  de  la  substance 
dont  se  composent  les  parois  du  tuyau  n'est  pas  égale  en  puis- 
sance à  la  moitié  de  la  force  cohésive  du  liquide,  et  concave 
quand  l'attraction  adhésive  sera  supérieure  à  la  moitié  de  cette 
force  de  cohésion.  Quant  à  la  nature  de  celte  courbe,  on  peut 
déduire  aussi  des  faits  exposés  précédemment  que,  pour  des 
tubes  d'un  certain  diamètre,  la  surface  de  révolution  doit  être 
sensiblement  un  segment  de  sphère,  et  que  le  rayon  de  cette 
sphère  doit  diminuer  dans  un  certain  rapport  avec  le  dia- 
mètre du  tube  ainsi  qu'avec  la  hauteur  de  la  colonne  liquide 
déplacée. 

L'étude  attentive  des  propriétés  hydrostatiques  de  ces  sur- 
faces concaves  ou  convexes  permet  aux  physiciens  de  calculer 
les  conditions  de  l'équilibre  des  divers  liquides  dans  l'intérieur 
V-  5 


66  ABSORPTION. 

des  tubes  capillaires,  et  c'est  de  la  sorte  que  Laplace  est  arrive 
à  une  théorie  mathématique  de  la  plupart  de  ces  phéno- 
mènes (1).  11  ne  conviendrait  pas  de  nous  arrêter  ici  sur  le 
détail  de  ces  considérations,  dont  les  conclusions  seules  impor- 
tent à  la  physiologie,  et,  pour  le  but  que  je  me  propose  d'at- 
teindre à  l'aide  de  cette  digression,  il  me  suffira  d'ajouter 


(1)  Laplace  a  fait  voir  que  la  pres- 
sion qu'une  masse  fluide  terminée  par 
une  surface  sphérique  concave  ou 
convexe  exerce  par  sa  base  sur  la  co- 
lonne fluide  verticale  sous-jacente,  et 
par  conséquent  sur  la  poussée  de 
celle-ci  sur  les  parties  circonvoisines 
du  fluide,  est  plus  grande  ou  plus  pe- 
tite que  si  sa  surface  était  plane.  Il 
existe  donc  une  dépendance  néces- 
saire entre  la  forme  de  la  surface  libre 
de  la  colonne  liquide  intérieure  à 
l'espace  capillaire,  et  son  élat  d'ex- 
haussement ou  de  dépression.  Laplace 
a  démontré  que  cette  dépendance 
pouvait  èlre  établie  directement  sans 
considérer  l'action  des  parois  sur 
le  liquide,  et,  dans  sa  théorie  mathé- 
matique des  actions  capillaires,  l'en- 
semble des  phénomènes  observés  se 
déduit  de  la  forme  des  surfaces  des 
fluides  (a). 

Un  médecin  anglais,  Th.  Young,  dont 
j'ai  eu  déjà  l'occasion  de  citer  le  nom, 
et  dont  l'attention  avait  été  flxée  sur  ce 
sujet  (6),  présenta  quelques  objections 
graves  à  la  théorie  de  Laplace  (c),  et 
Poisson  remarqua  que  ce  grand  géo- 
mètre avait  omis  dans  ses  calculs  une 


circonstance  physique  dont  la  consi- 
déi'aiion  paraissait  êlre  essentielle , 
savoir  :  la  variation  rapide  de  la  den- 
sité que  le  liquide  éprouve  près  de  sa 
surface  libre  et  près  île  la  paroi  du 
tube.  En  tenant  compte  des  variations 
que  ces  changements  dans  la  densité 
de  la  couche  très  mince  qui  termine 
la  masse  liquide  doivent  exercer  sur 
les  pressions  dont  dépend  la  position 
d'équilibre  des  diverses  parties  de 
cette  masse,  l'oisson  a  fondé  une  autre 
théorie  mathématique  des  actions  capil- 
laires (d)  ;  mais  le  grand  travail  auquel 
il  se  livra  à  celte  occasion  ne  paraît 
pas  avoir  beaucoup  avancé  la  question 
fondamentale,  et  aujourd'hui  la  plupart 
des  physiciens  considèrent  les  vues  de 
Gauss  comme  étant  préférables.  Ce 
dernier  géomètre  établit  ses  calculs 
sur  la  considération  de  l'action  de  la 
pesanteur,  des  attractions  mutuelles 
des  molécules  mobiles  du  liquide  et 
des  attractions  exercées  sur  ceux-ci 
par  les  molécules  fixes  de  la  surface 
des  tubes  ;  puis  il  a  recours  au  prin- 
cipe des  vitesses  virtuelles  pour  éta- 
blir les  équations  de  l'équihbre  (e). 


(a)  Laplace,  Mécanique  céleste,  supplément  au  livre  X  {Œuvres,  t.  IV,  p.  389  et  suiv.). 

(b)  Young,  An  Essay  on  the  Cohésion  of  Fluids  {Philos.  Trans.,  1805,  p.  65  et  suiv.). 

(c)  Young,  art.  Cohésion  of  Fluids  {Supplément  to  the  Encyclopœdia  Britannica,  1824,  t.  III, 
p.  211  et  suiv.). 

{d)  Poisson,  Nouvelle  théorie  de  l'action  capillaire.  Paris,  183i . 

(«)  C.-F.  Gauss,  Principia  generalia  theoriœ  figura  fliiidorum  in  statu  œquilibrii  {Coinmen 
tationes  Soc.  scient.  Gottingensis,  cl.  math.,  1832,  t.  VII,  p.  39  et  suiv.). 


ACTION    DE    LA    CAPILLARITÉ.  67 

qu'il  existe  nue  relation  constante  entre  la  forme  du  ménisque 
terminal  de  la  colonne  liquide  soulevée  ou  déprimée  de  la 
sorte  et  la  grandeur  des  effets  produits,  c'est-à-dire  la  distance 
à  laquelle  la  surface  du  liquide  déplacé  se  trouve  portée  au- 
dessus  ou  au-dessous  du  niveau  général  du  bain. 

Il  me  semble  cependant  nécessaire  d'entrer  plus  avant  dans 
l'examen  de  certaines  questions  que  soulève  l'étude  des  phéno- 
mènes de  capillarité,  et  de  chercher  à  nous  éclairer  davantage 
sur  les  circonstances  qui,  indépendamment  des  dimensions  des 
espaces  étroits  occupés  par  les  liquides,  peuvent  influer  sur  la 
grandeur  des  effets  produits. 

Nous  savons  déjà  que  dans  les  tubes  de  verre  à  très  petit 
calibre  l'eau  s'élève  à  une  certaine  hauteur,  qui  est  en  raison 
inverse  du  diamètre  de  ces  tuyaux,  et  que  le  mercure  y  descend 
au-dessous  du  niveau  général  du  bain  circonvoisin.  Il  existe 
entre  ces  deux  résultats  si  différents  une  multitude  de  degrés 
intermédiaires.  Ainsi,  l'alcool  s'élève  dans  les  tubes  de  verre 
comme  le  fait  l'eau,  mais  à  une  hauteur  moindre;  il  en  est 
à  pen  près  de  même  pour  diverses  dissolutions  salines  ;  l'élher 
sulfurique  monte  aussi,  mais  reste  à  un  niveau  inférieur  à  celui 
des  liquides  dont  je  viens  de  parler,  et  pour  l'eau  chargée  de 
certaines  matières  minérales  le  contraire  s'observe,  et  la  colonne 
liquide  dépasse  en  hauteur  celle  formée  par  de  l'eau  pure  (1). 


(1)  Carré,  un  des  membres  de  notre  beaucoup  moins  haut  que  ne  le  fait 

ancienne  Académie  des  sciences,  fut  l'eau  distillée  (a). 

l'un  des  premiers  à  étudier  compara-  Plus   récemment ,    Emmelt   et  un 

livement  l'influence  des  tubes  capil-  grand  nombre  d'autres  physiciens  ont 

laires  sur   l'ascension    de   divers  li-  fait  des  expériences  analogues  (6),  et, 

quides,  et  il  trouva  que,  toutes  choses  pour  bien  fixer  les  Idées  à  ce  suje', 

étant  égaies  d'ailleurs,  Fesprit-de-vin  je  rappellerai  ici  quelques  résultats 

et  l'essence  de  térébenthine  montLait  numériques  tirés  d'un  travail  publié 


(a)  Carré,  Expériences  sur  les  Imjcntx  capillaires  (Mém.  de  l'Acad.  des  sciences,  1725,  p.  241). 
(6)  Emmetl,   On  Capillary  Allraclion  (The  Philosophical  Magazine,   2'  série ,  1827,   t.  I, 
p.  33i). 


68  ABSORPTION. 

Nous  avons  vu  que  ces  différences  dépendaient  essentiellement 
des  rapports  de  grandeur  do  deux  forces  contraires  :  l'attraction 
adhésive  du  solide  pour  le  liquide  et  la  cohésion  de  celui-ci. 
Mais  ne  pourrions-nous  pas  avancer  davantage  la  question  qui 


dernièrement  par  Simon  (de  Metz). 
Cet  expérimonlateur  a  pris  pour  unité 
la  liauteur  à  laquelle  l'eau  distillée 
s'élève  dans  des  tubes  capillaires  d'un 
certain  diamètre,  et  en  opérant  dans 
les  mêmes  conditions,  sur  diverses 
dissolutions  saturées,  il  a  observé  les 
élévations  suivantes  : 

Clilorliydralo  d'ammoniaque     .  1,077 

Sulfhydrale  de  potasse  ....  1,020 

Nilrale  de  cuivre 1,012 

Sulfate  dépotasse 1,007 

Sulfate  de  fer 0,989 

Acide  siilfurique 0,824 

Sulfure  de  carbone 0,476 

Hydrate  de  méthylène 0,359 

Élhcr  sulfurique 0,280  (a) 

Ainsi  la  présence  de  certains  sels 
augmente  l'action  de  la  capillarité  , 
tandis  que  d'autres  substances  du 
même  ordre  produisent  des  efTels 
contraires. 

On  voit  aussi,  par  dos  expériences 
faites  comparativement  sur  des  disso- 
lutions salines  ei  divers  degrés  de  con- 
centration, que  dans  certaines  limites 
au  moins  la  modification  détermi- 
née dans  l'ascension  de  l'eau  par  son 
mélange  avec  des  substances  sol u blés 
croît  proportionnellement  à  la  quan- 
tité relative  de  ces  dernières.  Ainsi, 
dans  des  expériences  faites  par  Du- 
trochet  sur  de  l'eau  cliargée  de  cblo- 


rure  de  sodium,  la   hauteur  de  la 
colonne  était  : 

Pour  l'eau  pure 12 

Pour  la  dissolution  saline  faible 

(densité  :  1,0G) 91 

Pour  la   dissolution   concentrée 

(densité  :  1,12) ,  .       61 

Mais,  à  densités  égales,  les  solu- 
tions salines  de  nature  ditférente  ne 
donnent  pas  des  résultats  seiiiblables. 
Ainsi  Dutrochet  a  vu  que  de  l'eau 
chargée  de  sulfate  de  soude  ne  s'éle- 
vait qu'à  8  lignes  dans  les  condi- 
tions où  celle  cliargée  de  chlorure  de 
sodium,  do  incon  à  avoir  la  même 
densité  (savoir  1,085),  montait  à 
10  lignes  (ô). 

Emmelt  a  trouvé  aussi  qu'il  n'existe 
aucune  relation  entre  la  densité  de 
l'eau  alcoolisée  et  la  hauteur  à  la- 
quelle ce  mélange  s'élève  dans  les 
tubes  de  verre  ;  ainsi  il  a  obtenu  : 

Pour  l'alcool 0,5 

Pour  un  mélange  de   83  parties 

d'alcool  et  100  parties  d'eau.        6,7 
Pour  le  même  mélange  étendu 

de  -,  d'eau 10,5 

Pour  le  premier  mélange  étendu 

de  7  j  d'eau 13 

Pour  l'eau  pure 16 

Par  conséquent,  l'addition  d'une  très 
petite  quantité  d'alcool  diminue  beau- 
coup le  pouvoir  ascensionnel  de  l'eau, 


(a)  Simon,  Recherches  sur  la  capillarité  {Annales  de  chimie  et  de  physique,  3"  série,  1851, 
t.  XXXII,  p.  15). 

(h)  Dutrochet,  De  l'endosmose  (Mém.  pour  servir  à  l'histoire  anatomique  et  pliysiologiqite  des 
Végétaux  et  des  Animaux,  t.  I,  p.  83  et  suiv.). 


ACTION    DE    LA    CAPILLARITÉ.  '  69 

nous  occupe,  et  nous  former  une  idée  de   la  cause  de  ces 
différences  dans  la  puissance  de  ces  agents  physiques  ? 
Les  attraclions  moléculaires  dont  les  effets  de  capillarité 


et  l'addition  d'une  quanlité  assez  con- 
sidérable d'eau  n'atigmenle  que  fort 
peu  la  hauteur  atteinte  par  l'ai  - 
cool  (a).  On  voit,  par  les  expériences 
de  M.  Valson  ,  que  la  présence  de 
~^  d'alcool  produit  sur  une  colonne 
capillaire  d'eau  de  /il""",i8  de  liau- 
teur  une  variation  de  O''"",^  (6). 

On  avait  supposé  d'aijord  que  la 
densité  relative  du  liquide  et  du  so- 
lide réagissants  pouvait  èire  la  cause 
de  la  prédominance  de  Tatlraction 
cohésive  sur  l'attraction  adliésive,  ou 
vice  versa;  mais,  ainsi  que  je  l'ai  fait 
remarquer,  il  n'existe  aucun  rapport 
constant  entre  la  hauteur  à  laquelle 
divers  liquides  s'élèvent  dans  un  tube 
de  verre  dont  la  densité  ne  varie  pas 
et  la  pesanteur  spécifique  de  ces  sub- 
stances. 

Il  y  a  lieu  de  croire  que  la  force  de 
cohésion  des  liquides  peut  être  consi- 
dérablement altérée  ,  et  par  consé- 
quent les  actions  capillaires  modiliécs 
par  la  présence  de  petites  proportions 
de  certains  corps  étrangers. 

.l'ai  déjà  parlé  de  la  diminulion 
considérable  que  la  présence  d'une 
très  petite  proportion  d'alcool  déter- 
mine dans  la  hauleur  à  laquelle  l'eau 
s'élève  dans  les  tubes  de  verre,  et 
j'ajouterai  que,  par  les  expériences  de 
Dulong,  on  sait  que  le  mercure  mêlé 
à  une  petite  quantité  d'oxyde  de  ce 
métal,  au  lieu  de  se  terminer  par  un 


ménisque  convexe  dans  l'intérieur  des 
tubes  barométriques,  devient  adhérent 
à  leurs  parois  (c). 

11  est  aussi  à  noter  que  les  effets  de 
la  capillarité  se  compliquent  par  suite 
de  Tattraclion  adhésive  plus  ou  moins 
puissante  qui  peut  se  développer  entre 
la  surface  du  solide  ou  celle  du  liquide 
et  l'air  atmosphérique.  C'est  pour 
écarter  l'obstacle  créé  de  la  .sorte 
que  les  physiciens  chaulïent  préala- 
blement les  tubes  en  présence  des 
liquides  sur  lesquels  ils  veulent  faire 
leurs  expériences,  et  les  dillérences 
dans  la  grandeur  des  résultats  sont 
parfois  très  considérables,  lors  même 
que  le  gaz  interposé  ne  serait  pas  vi- 
sible. Comme  exemple  de  l'inlluence 
que  cette  circonstance  peut  exercer 
sur  les  effets  de  l'attraction  adhésive 
entre  le  verre  et  certains  liquides,  je 
citerai  les  faits  observés  par  M.  Donny 
dans  ses  expériences  ^ur  l'acide  sul- 
fuiique.  En  plaçant  sous  le  récipient 
de  la  machine  pneumatique  un  ma- 
1  omètre  rempli  de  ce  liquide,  et  en 
faisant  le  vide,  il  a  vu  l'acide  rester 
en  suspension  dans  le  tiibe,  formant 
cloche  à  une  hauleur  de  l'",'25  au- 
dessus  du  niveau  du  bain,  lorsque 
l'appareil  était  complètement  purgé 
d'air;  tandis  que  dans  le  cas  con- 
traire, le  niveau  devenait  le  même 
dans  les  deux  brancb  es  de  'instru- 
ment {d). 


(a)  Emnielt,  On  Capillary  Altraclion  (Philos.  Maga%ine,  18-27,  t.  I,  p.  335)., 

(b)  Valson,  Sur  la  théorie  de  l'action  capillaire  [Comptes  rendus  de  l' Académie  des  sciences, 
1857,  t.  XLV.p.  103). 

(c)  Voyez  Poisson,  Nouvelle  théorie  de  l'action  capillaire,  p.  291. 

(d)  Donny,  HiUm.  sur  la  cohésion  des  liquides  et  sur  leur  adhérence  aux  corps  solides  {Annales 
de  chimie  et  de  physique,  3°  série,  1840,  t.  XV(,  p.  171). 


70  ABSORPTION. 

dépendent  ne  produisent  des  effets  sensibles  qu'à  des  distances 
très  petites,  nous  en  avons  eu  des  preuves  multipliées  ;  mais  ces 
distances  ne  sont  pas  nulles,  et,  d'après  l'analogie,  nous  devons 
être  porté  à  croire  que  la  grandeur  de  ces  effets  doit  varier  avec 
la  grandeur  de  l'espace  compris  entre  les  particules  de  matière 
réagissantes.  Or,  la  physique  nous  enseigne  que  les  molécules  de 
tous  les  corps,  des  solides  aussi  bien  que  des  fluides,  bien  que 
se  touchant  en  apparence,  sont  en  réalité  placées  à  distance,  et 
que  cette  distance  est  suscephble  de  varier  beaucoup ,  soit 
d'un  corps  à  un  autre,  soit  dans  le  même  corps  à  des  tempéra- 
tures différentes.  Il  est  donc  à  présumer  que  l'intensité  des  effets 
dus  à  la  capillarité  doit  varier  suivant  trois  conditions  :  1"  le 
degré  d'écartement  des  molécules  du   liquide ,  circonstance 
qui,  toutes  choses  étant  égales  d'ailleurs,  détermine  le  degré 
de  cohésion  de  ce  corps  ;  2°  la  distance  qui  sépare  les  molécules 
du  liquide  des  molécules  occupant  la  surfiice  adjacente  du  solide, 
distance  dont  l'augmentation  déterminerait,  suivant  une  certaine 
loi,  l'affaiblissement  de  l'action  attractive  exercée  par  ces  molé- 
cules hétérogènes  les  unes  sur  les  autres;  3°  enfin,  l'écarté - 
ment  plus  ou  moins  grand  des  molécules  du  solide  entre  elles, 
circonstance  qui  ferait  varier  le  nombre  des  molécules  solides 
dans  la  sphère  d'attraction  desquelles  chaque  molécule  adja- 
cente du  liquide  se  trouverait  placée,  pour  peu  que  le  rayon 
de  cette  sphère  fût  notablement  plus  grand  que  la  distance 
intermoléculaire ,  condition  qui,   dans  la  plupart  des  cas  au 
moins,  parait  être  réaUsée  (1). 

(1)  Ainsi  que  je  l'ai  déjà  dit,  La-  et  que  dans  certaines  circonstances  on 

place  et  la  plupart  des  physiciens  de  pourrait  l'évaluer  numériquement, 
l'époque  actuelle  admettent  que  Fat-  Un  des  arguments  que  ces  auteurs 

traction  adhésive  ne  produit  des  effets  emploient  pour  établir  leur  opinion  est 

sensibles  qu'à  des  distances  imper-  tiré  des  expériences  dans  lesquelles  on 

ceptibles  ;  mais  divers  faits  semblent  mesure  l'ascension  de  l'eau  dans  des 

montrer  que  la  sphère  d'activité  des  tubes  formés  de  substances  difiérentes 

corps  solides  est  un  peu  plus  étendue,  et  dont  la  surface  interne  a  été  préa- 


ACTION    CE    LA    CAPILLARITÉ.  71 

Les  résultats  fournis  par  les  expériences  relatives  à  l'in- 
fluence de  la  chaleur  sur  les  effets  de  la  capillarité  viennent  à 
l'appui  de  ces  vues.  On  sait  depuis  longtemps  que  ces  effets 
diminuent  généralement  avec  l'élévation  delà  température; 
mais  c'est  dans  ces  derniers  temps  seulement  que  les  variations 
déterminées  de  la  sorte  ont  été  l'objet  de  recherches  attentives, 
et  les  faits  constatés  ainsi  par  un  des  jeunes  docteurs  de  notre 
Faculté,  M.  Wolf,  offrent  beaucoup  d'intérêt.  Ce  physicien  a 


lablenient  mouillée.  La  couche  mince 
du  liquide  qui  y  reste  adhérente  forme 
un  cylindre  creux  dans  l'intérieur  du- 
quel l'eau  du  bain  monte  lorsqu'on 
plonge  l'extrémité  inférieure  du  tube 
dans  ce  dernier  liquide.  Or,  on  n'avait 
aperçu  dans  ces  cas  aucune  difléience 
dans  la  hauteur  de  la  colonne  d'eau 
soulevée  par  des  tubes  de  nature  diffé- 
rente, et  par  conséquent  on  admet- 
tait que  l'élévation  du  liquide  était 
duc  uniquement  à  l'action  de  la 
gaîno  aqueuse  dont  le  tube  solide 
était  revêtu,  et  que  l'écartement  dé- 
terminé par  la  présence  de  cette  lame 
liquide  extrêmement  mince,  entre  la 
colonne  aqueuse  soulevée  et  les  parois 
du  tube,  suffisait  pour  soustraire  com- 
plètement la  première  à  l'influence  de 
celui-ci;  influence  qui,  en  variant  avec 
la  nature  de  la  substance  conslilulive 
de  l'appareil,  aurait  amené  des  dilfé- 
rences  dans  les  hauteurs  observées. 
Mais  si  les  choses  se  passent  ainsi 
dans  quelques  cas,  il  n'en  est  pas  tou- 
jours de  même,  et  dans  d'autres  cir- 
constances on  a  vu  l'action  attractive 
du  Solide  sur  le  liquide  se  manifester 
à  travers  la  couche  mince  en  question, 
et  s'exercer    par  conséquent   à  une 


distance  appréciable.  Ainsi,  dans  les 
expériences  de  M.  Linck  ,  faites  sur 
des  lames  parallèles  de  diverses  na- 
tures et  préalablement  mouillées, 
l'ascension  du  liquide  est  restée  à  peu 
près  la  mèuie  quand  c'était  de  l'eau 
qui  se  trouvait  en  contact  soit  avec  du 
verre,  du  zinc  ou  du  cuivre;  mais  la 
hauteur  à  laquelle  l'alcool,  l'éther  sul- 
furique,  la  potasse  en  dissolution,  l'a- 
cide sulfurique,  etc.,  s'élevaient  entre 
les  la  mes  également  écartées,  varia  très 
notablement,  suivant  qu'on  employait 
l'une  ou  l'autre  de  ces  substances. 
Par  exemple,  elle  était  pour  l'alcool, 
8  avec  le  verre ,  9,5  avec  le  zinc,  et 
10  avec  le  cuivre.  Tour  l'acide  sul- 
furique, elle  était  de  11,0  pour  le 
verre  ou  le  cuivre,  et  de  15,0  avec 
le  zinc  (a). 

Les  recherches  de  M.  Bède  condui- 
sent à  un  résultat  analogue.  Ce  phy- 
sicien a  trouvé  que  les  hauteurs 
observées  dans  les  expériences  com- 
peualives  sur  l'ascension  de  l'eau , 
dans  les  tubes  capillaires  de  ditlérents 
calibres,  ne  s'accordent  pas  exacte- 
ment avec  celles  indiquées  par  le 
calcul  ;  et  M.  Plateau  a  fait  remarquer 
que,  pour  se  rendre  compte  de  ces  ano- 


(a)  Lincls,  Forlgeset:ite  Versuche  iiber  die  Capillaritdt  (Pojgeiiiioi-fr's  Annalen  der  Physik  und 
Chenue,  1834,  t.  XXXI,  p.  595  el  suiv.). 


72  ABSORPTION. 

constaté  que  l'élévation  de  la  température  produit  des  change- 
ments si  considérables  dans  la  résullante  des  diverses  forces 
dont  dépend  l'ascension  des  liquides  dans  les  tubes  de  verre  à 
cavité  capillaire,  que  la  surface  terminale  du  fluide  placé  dans 
l'intérieur  de  ceux-ci  peut,  sous  l'influence  de  cet  agent,  cesser 


malies,  il  fallaitdéduiredii  diamèlre  du 
tuyau  l'épaisseur  de  la  couche  de  li- 
quide qui  adhère directemenlau  verre, 
et  quicoustitue  pour  ainsi  dire  un  luhe 
aqueux  dans  rinlérieur  duquel  le  cy- 
lindre fluide  s'élève  en  vertu  de  Pal- 
traction  de  l'eau  sur  elle-même.  Or, 
pour  faire  coïncider  de  la  sorte  les 
résultats  de  l'observation  et  du  cal- 
cul, il  faut  attribuer  à  cette  couche 
adhérente  une  épaisseur  constante 
d'environ  0""",0()].  Par  conséquent, 
les  effets  sensibles  de  l'attraction  du 
verre  sur  les  molécules  de  l'eau  s'é- 
tendraient dans  ces  circonstances  à 
une  distance  de  ~^,  de  millimètre  (a). 
Si  les  expériences  de  Simon  sur 
l'ascension  comparative  des  liquides  à 
la  surface  de  lames  planes  et  dans 
l'intérieur  de  tubes  capillaires  sont 
exactes,  on  serait  porté  à  croire  que 
cette  sphère  d'activité  sensible  est  en- 
core plus  étendue.  Ainsi  que  je  l'ai  dit 
ci-dessus ,  dans  l'hypothèse  adoptée 
par  Laplace  et  la  plupart  des  antres 
physiciens,  les  rapports  de  hauteur  du 
liquide  déplacé  entre  deux  plans  pa- 
rallèles et  dans  l'intérieur  d'un  tube 
cylindrique  seraient  à  peu  près  dans  la 
proportion  de  l  à  '2.  Mais  Simon  a 
trouvé  la  hauteur  relative  beaucoup 
plus  grande  dans  ces  derniers,  et, 
suivant  lui,   les  ascensions  entre  les 


glaces  et  dans  les  tubes  seraient 
dans  les  rapports  du  diamètre  à  la 
circonférence,  c'est-à-dire  à  peu  près 
comme  o  est  à  1  (6).  Or  cela  sem- 
blerait indiquer  que  l'action  attrac- 
tive du  verre  s'étend  à  une  certaine 
distance  sensible  ;  de  sorte  que  cette 
attraction  exercée  par  chaque  molé- 
cule de  ces  corps  produirait  des  ofl'ets 
appréciables  non-seulement  sur  le  fdet 
linéaire  du  liquide  normal  à  la  surface 
de  celui-ci,  mais  sur  les  filets  circon- 
voisins.  La  molécule  du  liquide  située 
à  une  certaine  distance  de  la  surface 
attractive  seiait  donc  sollicitée  par 
l'action  combinée  d'un  nombre  plus  ou 
moins  considérable  de  molécules  du 
solide  ;  circonstance  qui  permettrait 
à  la  forme  de  cette  surface  d'influer 
sur  la  j^randeur  de  la  résultante,  et  qui 
amènerait  la  production  d'effets  plus 
considérables  dans  l'intérieur  d'un 
cercle  qu'entre  deux  surfaces  planes 
et  parallèles.  Mais  je  ne  signale  ici  ces 
résultats  qu'avec  beaucoup  de  réserve, 
à  cause  des  objections  qui  peuvent 
être  faites  au  procédé  expérimental 
dont  Simon  faisait  usage.  Il  est  aussi 
.'i  noter  que  ,  d'après  la  théorie  de 
Gauss,  la  diirérenco  entre  les  altitudes 
déterminées  par  un  tube  capillaire  ou 
par  deux  plans  parallèles  dont  la  dis- 
tance égale  le  diamètre  du  tube  serait 


(a)  Bède,  Mémoire  sur  l'asLxns'wn  de  l'eau  et.  la  dépression  du  mercure  dans  les  titbes  capil- 
laires, p.  i\  {mémoires  couronnes  par  l'Académie  de  Bruxelles,  1853,  t.  XXV). 

(6)  Simon,  liecherches  sur  la  capillarité  [Annales  de  chimie  et  de  physique,  3"  série,  485-1, 
t.  XXXIl,  p.  19). 


ACTION    DE    LA    CAPILLARITÉ.  73 

d'être  concave  et  devenir  plane,  ou  même  se  transformer  en 
un  ménisque  convexe,  et  que  par  conséquent  le  niveau  de 
la  colonne  terminé  de  la  sorte,  au  lieu  de  se  trouver  à  une 
hauteur  plus  ou  moins  considérable  au-dessus  du  niveau  de  la 
surface  générale  du  bain  circonvoisin,  pourra  descendre  au- 
dessous  de  ce  même  niveau  (1). 


précisément  la  moitié  du  rapport 
trouvé  par  Simon,  savoir  :  1,57  :  1 
au  lieu  de  3, là  :  1  («). 

(1)  Le  fait  de  la  diminulion  des 
effets  de  capillarité  par  l'élévation  de 
la  température  a  été  indiqué  som- 
mairement, il  y  a  près  d'un  sii-cle, 
par  de  la  Lande  (6),  et  a  été  mieux 
observé  par  Emmett  (c).  Plus  récem- 
ment .  de  nouvelles  recherches  à  ce 
sujet  ont  été  faites  par  plusieurs  phy- 
siciens de  l'Allemagne  (d)  ;  mais  ce 
sont  les  expériences  de  M.  Wolf  qui, 
dans  ces  derniers  temps,  ont  conduit 
aux  résultats  les  plus  inléressants. 
D'après  les  théories  mathématiques  de 
Laplace  et  de  Poisson,  on  avait  été 
assez  généralement  conduit  à  penser 
que,  pour  chaque  liquide  susceptible 
de  mouiller  les  tubes,  l'ascension  de- 


vait être  en  raison  inverse  de  la  den- 
sité de  cette  substance  ;  mais  celte  loi 
n'est  pas  en  accord  avec  l'expérience. 
Effectivement,  M.  Wolf  a  constaté  que 
non-seulement  le  décroissement  des 
hauteurs  avec  l'élévation  de  la  tempé- 
rature est  beaucoup  plus  rapide  que 
la  diminution  de  la  densité,  mais  qu'il 
n'existe  même  entre  ces  deux  phéno- 
mènes aucun  rapport  constant.  En 
effet,  la  hauteur  de  la  colonne  déplacée 
peut  diminuer  quand  la  densité  aug- 
mente,  et  inversement.  Ainsi,  au- 
dessous  de /i  degrés,  l'élévation  delà 
colonne  capillaire  d'eau  croît  rapide- 
ment avec  l'abaissement  de  la  tem- 
pérature, et  cependant  la  densité  du 
liquide  diminue. 

A   une  certaine  température,  l'élé- 
vation des  liquides  qui  mouillent  les 


(a)  Gilbert,  Noie  sur  la  théorie  des  phénomènes  capillaires  (Comptes  rendus  de  l'Académie  des 
sciences,  1857,  t.  XLV,  p.  771). 

(6)  De  la  Lande,  Lettre  sur  les  tubes  capillaires  {Journal  des  savants  ,  1768,  p.  lii). 

(c)  J.-B.  EmmeU,  On  Capillary  Attraction  (The  Philosophical  Magazine,  2'  série,  1827,  t.  T, 
p.  H6). 

(d)  Franlienheini,  Die  Lehre  von  der  Cohâsion,  1835,  p.  12â  et  suiv. 

—  Sondliauss,  Deviquam  calor  habet  in  fluidorum  capillaritale.  Dissert,  inaug-.,  1841  (Erdm. 
et  Mardi.,  t.  XXIII,  p.  401). 

. —  HilJebrand,  De  cohœsiouis  et  ponderis  spccifici  commulalionibns  quœ  innonnullis  jluidis 
vi  coloris  efflciuntur.  Dissert,  inaiig.,  1844. 

—  A.  Moritz,  Einige  Bemerkungen  itber  Coulomb' s  Verfahren,  die  Cohâsion  der  Flûssigkeiten  zu 
bestimmen  (PoggendorfTs  Annalen  der  Physikund  Chemie,  1847,  t.  LXX,  p.  74,  el  Archives  des 
sciences  physiques  et  naturelles  de  Genève,  1847,  t.  IV,  p.  391). 

—  Brunner,  Untersuchungen  iiber  die  Cohâsion  der  Flûssigkeiten  (PoggendorfCs  Annalen  der 
Physik  «Hd  Chemie,  1847,  t.  LXX,  p.  481). 

—  Holtzmann,  Ueber  die  Cohâsion  des  Wassers  (Pot^gendorfTs  Annalen,  1849,  t.  LXXI, 
p.  463). 

—  Buys-Ballot,  Ueber  den  Einfluss  der  Temperatur  aufdie  Synaphie  (Poggendorff's  Annalen, 
1.  LXXI,  p.  177). 

—  Frankenheim,  Ueber  die  Abhàngigkeit  einiger  Cohdsionserscheinungen  [Iv.ssiger  Kôrper  von 
der  Temperatur  (PoggendorfTs,  Annalaii,  t,  LXXII,  p.  177). 


lll  ABSORPTION. 

Au  premier  abord,  on  pourrait  être  porté  à  attribuer  cette 
décroissance  dans  les  effets  de  l'attraction  adhésive  du  verre 
sur  l'eau,  ou  sur  tout  autre  liquide  qui  dans  les  circonstances 
ordinaires  est  susceptible  de  mouiller  la  surface  de  ce  corps 
solide,  à  la  diminution  de  la  densité  que  l'élévation  de  la  tem- 
pérature détermine  dans  le  liquide,  c'est-à-dire  à  l'écartement 
plus  considérable  des  molécules  de  celui-ci  et  à  aucune  autre 
cause.  Les  théories  mathématiques  de  l'action  capillaire  in- 
ventées par  Laplace  et  par  Poisson  le  supposaient,  et  con- 
duisaient à  admettre  que  les  liquides  susceptibles  de  mouiller 
les  tubes  capillaires  s'y  élevaient  à  des  hauteurs  proportion- 
nellement inverses  à  leurs  densités;  mais  l'expérience  a 
montré  que  les  choses  ne  se  passent  pas  de  la  sorte.  La 
diminution  dans  la  hauteur  de  la  colonne  soulevée  n'est  pas 
en  raison  de  la  diminution  que  l'élévation  de  la  température 
amène  dans  la  densité  du  liquide,  et  dans  certaines  circonstances 
ces  deux  phénomènes  peuvent  suivre  une  marche  inverse. 
Il  faut  donc  chercher  une  autre  explication  du  mode  d'action 
de  la  chaleur,  et,  pour  en  trouver  la  clef,  il  suffit,  ce  me  semble, 
de  faire  entrer  dans  la  question  un  autre  élément  du  même 

paroisdu  tube  capillaire  devient  nulle,  lions  de  pression  qui  empêchaient  la 

et  la  colonne  contenue  dans  rintérieur  transformation    de    ces   liquides   en 

de  ces  tuyaux,  au  lieu  de  se  terminer  vapeur  (a). 

par  une  surface  concave,  présente  une  II  est  également  à  noter  que  Télé- 
surface  plane,  ou  peut  même  affecter  vation  plus  ou  moins  grande  de  la 
la  forme  d'nn  ménisque  convexe,  et  colonne  liquide,  suivant  la  tempéra- 
descendre  alors  au-dessous  du  niveau  turc,  dépend  essentiellement  de  la 
général  du  bain.  M.  Wolf  a  constaté  température  de  la  portion  voisine  de 
ces  faits  en  observant  la  marche  de  la  surface,  et  n'est  influencée  que  peu 
Péther  sulfurique,  du  sulfure  de  car-  par  celle  des  parties  inférieures  du 
bone,  de  Talcool,  etc.,  à  des  tempe-  cylindre  fluide  contenu  dans  le 
ratures  élevées  et  dans  des    condi-  tube  {h). 

(a)  Wolf,  De  l'influence  de  la  température  sur  les  phénomènes  qui  se  passent  dans  les  tubes 
eapillaires.  Thèses,  Faculté  des  sciences  de  Paris,  4856,  n°  199.  (Reproduite  dans  les  Annales  de 
ehimie  et  de  physique,  3»  série,  1857,  t.  XLIX,  p.  230.) 

(&)  Enimett,  Op.  cit.  {Pliilosophkal  Magaùne,  4827,  1. 1,  p.  332). 


ACTION    DE    LA    CAPILLARITE.  75 

ordre  dont  les  physiciens  ne  me  paraissent  pas  avoir  tenu 
compte,  savoir,  l'écartement  que  l'élévation  de  la  température 
doit  déterminer  entre  les  molécules  du  solide  et  du  liquide 
qui  se  trouvent  en  contact  apparent.  Effectivement,  l'augmen- 
lation  produite  de  la  sorte  dans  la  distance  comprise  entre 
la  molécule  du  verre  et  la  molécule  de  l'eau  qui  réagissent 
l'une  sur  l'autre  doit  entraîner  une  décroissance  plus  ou  moins 
rapide  dans  les  actions  attractives  réciproques  exercées  par 
ces  moléculea,  et  suivant  la  valeur  relative  du  coefficient  de 
la  dilatation  produite  par  la  chaleur  dans  le  système  hétéro- 
gène formé  de  ces  deux  molécules  comparé  à  celui  de  la 
dilatation  du  liquide  considéré  en  lui-même ,  les  conditions 
dont  nous  avons  vu  dépendre  le  caractère  des  effets  capillaires 
pourrait  changer. 

Ceci  nous  permet  de  concevoir  comment,  à  la  température 
ordinaire,  les  différences  que  nous  avons  rencontrées  dans  l'ac- 
tion attractive  d'un  môme  solide  sur  divers  liquides,  ou  de  di- 
vers sohdes  sur  un  même  liquide,  peuvent  exister,  sans  que  pour 
expliquer  ces  phénomènes  il  faille  supposer  que  cette  force  molé- 
culaire varie  avec  la  nature  des  corps  réagissants,  hypothèse 
qui  cadrerait  mal  avec  la  simplicité  ordinaire  des  agents  phy- 
siques. En  effet,  nous  savons  que  le  coefficient  de  la  dilatation 
peut  varier  suivant  la  nature  soit  des  solides,  soit  des  liquides; 
il  est  donc  légitime  de  supposer  que  le  coefficient  de  l'écartement, 
c'est-à-dire  l'augmentation  de  la  distance  imperceptible  qui 
existe  entre  deux  corps  en  contact  apparent,  un  solide  et  un 
hquide,  par  exemple,  correspondant  à  un  accroissement  donné 
de  température,  puisse  varier  aussi  avec  la  nature  de  ces  corps. 
Admettons  donc  que  le  coefficient  de  la  dilatation  de  l'eau  soit 
beaucoup  plus  petit  que  celui  de  l'écartement  ou  de  l'accroisse- 
ment de  l'espace  compris  entre  les  surfaces  de  jonction  appa- 
rente de  l'eau  et  du  verre;  il  arrivera  un  moment  où,  par  l'élé- 
vation de  la  température  sous  une  pression  extérieure  suffisante 


76  ABSORPTION. 

pour  empêcher  la  volatilisation  du  liquide,  l'attraction  adhésive 
du  verre,  diminuant  avec  l'augmentation  de  la  distance  comprise 
entre  les  molécules  du  verre  et  les  molécules  adjacentes  du 
liquide,  deviendra  trop  faible  pour  balancer  l'attraction  cohésive 
des  molécules  de  l'eau,  et  alors  celles-ci,  obéissant  aux  lois 
d'équilibre  indiquées  précédemment,  se  grouperont  de  façon  à 
présenter  en  dessus  une  surface  convexe,  conditions  dans  les- 
quelles la  colonne  fluide  logée  dans  le  tube  capillaire  devra 
s'abaisser  au-dessous  du  niveau  général  du  bain,  au  lieu  de 
s'élever  à  un  niveau  supérieur.  Or,  les  expériences  de  M.  Wolf 
prouvent  que  ces  conditions  sont  réalisées  pour  l'éther  sulfu- 
rique  et  le  verre  à  une  température  de  191  degrés  ;  et  pour  l'eau 
le  même  résultat  paraît  être  produit  à  une  température  infé- 
rieure au  rouge,  car  on  sait  que  des  gouttes  de  ce  liquide 
projetées  sur  une  plaque  de  fer  fortement  chauffée  ne  s'y 
étalent  pas,  mais  conservent  leur  forme  sphérique  jusqu'à  ce 
qu'elles  se  soient  réduites  en  vapeur,  phénomène  qui  me  paraît 
être  du  même  ordre  que  ceux  dont  l'élude  nous  occupe  en  ce 
moment  (1). 

Ainsi  la  différence  qui  se  remarque  entre  l'action  capillaire 
du  verre  sur  l'eau  ou  sur  le  mercure  semble  devoir  dépendre 
seulementde  ce  que  la  distance  à  laquelle  la  puissance  attractive 
du  verre  devient  inférieure  à  la  moitié  de  la  puissance  cohésive 
du  liquide  adjacent  est  atteinte  par  l'influence  dilatante  de  la 
chaleur  à  la  température  ordinaire  dans  un  cas,  et  seulement 
à  une  température  voisine  de  la  chaleur  rouge  dans  l'autre. 

Quant  à  la  nature  des  puissances  qui  entrent  en  jeu  pour 
produire  les  phénomènes  dont  l'étude  vient  de  nous  occuper, 
je  ne  pourrais  rien  préciser  ;  mais  il  est  à  noter  que  ces  attrac- 

(1)  C'est  de  la  sorte  que  les  phéno-      nom  d'état  sphéroïdal  me  paraissent 
mènes  désignés  par  Boutigny  sous  le      devoir  être  expliqués  (a). 

[a]  Boutigny,  Nouvelle  branche  de  physique,  ou  Etudef^  sur  les  corps  à  l'état  sphéroïdal,  1 847,   ■ 


ACTION    DE    LA    CAPILLARITÉ.  77 

tions  physiques  diffèrent  moins  de  l'aftinité  chimique  qu'on  ne 
serait  porté  à  le  supposer  au  premier  abord ,  et  beaucoup  de 
faits  tendent  même  à  faire  penser  que  toutes  ces  actions  molé- 
culaires ne  dépendent  que  d'une  force  unique.  Ainsi  M.  Pouillet 
a  constaté  que  toutes  les  fois  qu'un  corps  solide  quelconque  vient 
à  être  mouillé  par  un  liquide,  l'union  qui  s'établit  ainsi  entre  les 
molécules  hétérogènes  est  accompagnée  d'un  dégagement  de 
chaleur,  comme  le  sont  les  combinaisons  chimiques (1).  Et,  plus 
récemment,  d'autres  expérimentateurs,  en  étudiant  l'action  que 
divers  liquides  non  miscibles  exercent  les  uns  sur  les  autres, 
ont  découvert  des  faits  qui  semblent  indiquer  l'existence  de 
certaines  relations  entre  l'affinité  chimique  et  l'attraction  adhé- 
sive  (2). 


(1)  Ce  physicien  a  fait  des  expé- 
riences sur  un  nombre  considérable 
de  corps,  et  il  a  trouvé  que  Téléva- 
lion  de  lempéralure  est  à  peu  près  la 
même  pour  les  diirérents  solides  avec 
le  même  liquide,  et  pour  le  même 
solide  avec  les  liquides  différents  (a). 

(2)  On  doit  à  M.  VVilson,  professeur 
dechimie  à  Edimbourg,  une  série  d'ob- 
servations très  intéressantes  sur  les 
actions  capillaires  produites  par  divers 
liquides  les  uns  sur  les  an  très.  Elles  ten- 
dent à  établir  l'existence  d'une  liaison 
intime  entre  l'attraction  adbésive  et 
l'affinité  chimique,  ou  plutôt  à  faire 
penser  que  les  effets  mécaniques  et 
chimiques  dus  aux  actions  molécu- 
laires ne  dépendent  que  d'une  seule 
et  même  force.  Quand  on  laisse  tom- 
ber dans  de  l'eau  une  goutte  de  chlo- 
roforme, celle-ci  ne  se  mouille  que 
difficilement,  et  à  raison  de  sa  den- 
sité supérieure  à  celle  du  liquide  am- 


biant, descend  vers  le  fond  du  vase 
en  y  conservant  une  surface  convexe 
et  une  grande  mobilité  ;  mais  si  l'on 
ajoute  à  l'eau  du  bain  un  peu  de  po- 
tasse, de  soude  ou  d'ammoniaque,  on 
voit  aussitôt  le  globule  de  chloroforme 
s'aplatir  et  s'étaler  en  forme  de  disque 
mince;  puis,  si  l'on  neutralise  l'alcali 
par  un  acide,  le  chloroforme  reprend 
sa  forme  arrondie.  Des  phénomènes 
analogues  se  produisent  dans  les  tubes 
capillaires  :  le  chloroforme  s'élève 
dans  ceux-ci  à  une  certaine  hauteur, 
et  s'y  termine  par  un  ménisque  con- 
cave ;  mais  si  l'on  verse  soit  de  l'eau, 
soit  de  l'acide  sulfurique  étendu  ou 
une  autre  dissolution  analogue  sur  la 
surface  du  liquide  ainsi  suspendu  dans 
le  tube,  cette  surface  change  immé- 
diatement de  forme  et  devient  con- 
vexe ;  enfin  si  au  lieu  d'acide  on  verse 
une  dissolution  alcaline  sur  la  colonne 
capillaire,  on  voit  la  surface  de  celle-ci 


(a)  Pouillet,  Sur  de  nouveaux  phénomènes  de  production  de  chaleur  {Annales  de  chimie  et  de 
physique,  1822,  t.  XX,  p.  1-il). 


78  ABSORPTION. 

J'ajouterai  que  l'étal  électrique  des  corps  réagissants  exerce, 
de  même  que  la  chaleur,  une  grande  influence  sur  la  puissance 
de  leur  attraction  adhésive  (1).  Ainsi,  quand  un  courant  galva- 
nique d'une  certaine  intensité  passe  de  l'électrode  positive  dans 
une  goutte  d'eau,  et  de  là  dans  un  bain  de  mercure,  pour  se 
rendre  au  pôle  négatif  de  la  pile,  l'eau,  au  lieu  de  conserver 
sa  forme  sphérique,  s'étale  en  lame  plus  ou  moins  mince,  et 


devenir  presque  plane.  La  liqueur  des 
Hollandais  et  le  sulfure  de  carbone 
se  comporlent  de  même  ,  et  Ton 
observe  des  phénomènes  analogues 
quand  on  met  dans  un  bain  laniôt 
alcalinisé  ,  tantôt  acidulé  ,  diverses 
essences,  telles  que  l'essence  de  gi- 
rofle, de  sassafras,  etc.,  et  même  le 
brome  (a). 

M.  Swan  a  vérifié  les  résultats  ob- 
tenus par  M.  Wilson,  et  a  constaté  des 
faits  du  même  ordre  en  étudiant  les 
rapports  qui  s'établissent  entre  l'huile 
d'olive  et  de  l'eau,  des  dissolutions 
alcalines  ou  acides,  de  l'alcool  ou  de 
l'élher.  Enfm  ,  ce  physicien  a  montré 
que  les  changements  observés  dans  la 
forme  du  ménisque  dans  les  tubes 
capillaires,  sous  l'influence  de  tel  ou 
tel  réactif,  ne  dépendent  ni  de  l'at- 
traction adhésive  existant  entre  ces 
derniers  liquides  et  les  parois  du  tube, 
ni  de  la  densité  relative  des  liquides 
en  présence,  et  ne  peuvent  être  attri- 
bués qu'aux  propriétés  chimiques  de 
ceux-ci  (6). 

Je  rappellerai  aussi,  à  celte  occa- 


sion, les  différences  qui  se  remar- 
quent dans  les  relations  qui  existent 
souvent  entre  l'aptitude  d'un  liquide 
à  mouiller  im  solide  et  à  le  dissoudre. 
Chacun  sait  que  le  mercure  ne  mouille 
ni  le  verre,  ni  le  fer,  et  ne  peut  dis- 
soudre ni  l'un  ni  l'autre  de  ces  corps  ; 
mais  il  mouille  l'argent,  l'or,  le  plomb, 
1  etain,  etc.,  avec  lesquels  il  forme  des 
amalgames  liquides,  il  paraîtrait  aussi, 
d'après  les  expériences  de  Ouyton- 
Morveau,  que  la  force  nécessaire  pour 
séparer  de  la  surface  d'un  bain  de 
mercure  des  disques  mélalliques  de 
nature  différente  croît  proportion- 
nellement à  l'aplilude  des  métaux  à 
former  des  amalgames  (c). 

(i)  Vers  le  milieu  du  siècle  dernier, 
Boze  et  JNollet  virent  que  la  vitesse 
avec  laquelle  l'eau  s'écoule  d'un  tube 
capillaire  sous  une  charge  constante, 
augmente  beaucoup  quand  on  élec- 
Irise  le  vaisseau,  et  que  le  change- 
ment produit  de  la  sorte  est  d'autant 
plus  marqué,  que  le  conduit  est  plus 
étroit  (d).  Or,  ce  qui  relarde  l'écou- 
lement dans  ces  tubes,  c'est  l'adhé- 


(a)  C.  Wilson,  On  somc  Phenomena  of  Capillary  AltracHon  observed  with  Cliloroform,  Bimlphu- 
ret  of  Carbon  and  other  Liquids  {Quarterhj  Journal  of  Chemical  Science,  1849,  t.  I,  p.  174). 

(6)  W.  Swan,  On  certain  Phenomena  of  Capillary  Attraclion  exhibited  by  Chloroform,  the  flxed 
Oils  and  other  Liquids,  ivith  an  Inquiry  into  some  of  Ihe  Causes  which  modify  the  Form  of  the 
inutual  surface  of  two  immiscible  Liquids  in  contact  with  the  walls  of  the  vessel  in  which  tliey 
are  contained  (Philos.  Magazine,  1848,  t.  XXXIII,  p-  36). 

(c)  Guyton-Morveau,  art.  Adhérence  et  Adhésion  de  l'Encyclopédie  par  ordre  de  matières  {Chi- 
mie, t.  I,  p.  466). 

[d)  NoUet,  Des  effets  de  l'électricité  sur  les  corps  organisés  {Hist.  de  l'Acad,  des  sciences,  1748, 
p.  2,  et  suiv.). 


ACTION    DE    LA    CAPILLARITÉ.  79 

mouille  la  surface  adjacente  du  mêlai,  il  y  a  même  des  raisons 
pour  croire  que  les  corps  qui  adhèrent  entre  eux  sont  dans  un 
état  électrique  différent,  et  quelques  physiciens  pensent  même 
que  l'attraction  qui  est  alors  en  jeu  n'est  autre  chose  que  la 
force  électrique,  de  sorte  que  les  phénomènes  de  capillarité 
dépendraient  de  cet  agent  (1);  mais  ce  sont  là  des  vues  de 
l'esprit  dont  nous  n'avons  pas  à  nous  occuper  ici. 


rence  du  liquide  aux  parois  du  canal. 
Plus  récemment,  Fisclier  (de  Bres- 
au)  a  conslatc  que  lorsqu'il  existe 
dans  les  parois  d'un  vase  de  verre  des 
fêlures  d'une  si  grande  finesse,  que 
dans  les  circonstances  ordinaires  les 
liquides  ne  peuvent  traverser  ces 
fentes,  ni  pour  se  mettre  en  équilibre 
hydrostatique  avec  le  milieu  ambiant, 
ni  pour  obéir  à  des  attractions  chimi- 
ques, le  passage  de  ces  substances 
peut  être  déterminé  par  l'action  du 
galvanisme.  Ainsi,  une  dissolution 
d'azotate  d'argent  renfermée  dans  un 
vase  étoile  de  la  sorte  et  plongé  dans 
un  bain  d'eau  peut  y  rester  pendant 
plusieurs  jours  sans  que  la  moindre 
parcelle  du  sel  d'argent  passe  dans 
l'eau  du  bain  extérieur  ;  mais  dès 
qu'on  vient  à  y  établir  im  courant 
galvanique,  la  transsudation  du  sel 
d'argent  dans  le  liquide  extérieur 
s'effectue  (c). 

(1)  M.  Draper,  professeur  de  chi- 
mie à  New-York,  a  proposé  une  nou- 
velle théorie  des  attractions  capillaires 
qui  ne  changerait  rien  aux  conditions 
d'équilibre  dont  i!  a  été  question  ci- 
dessus,  mais  qui  attribuerait  à  l'état 
électrique  des  corps  en  contact  la 
force  attractive  en  vertu  de  laquelle 
ils  adhèrent  ou  n'adhèrent  pas  entre 


eux.  Il  cite,  à  l'appui  de  son  opinion, 
diverses  expériences  dans   lesquelles 
on  peut  constater  que  les  corps  qui 
ont  contracté   entre    eux    une    cer- 
taine adhérence  donnent  des  signes  • 
d'électricité  différente  :  ou  bien  encore 
qui  montrent   qu'en   troublant  l'état 
électrique   normal  des   corps  juxta- 
posés, on  peut  modifier  les  effets  de 
capillarité   produits  par    ce  contact. 
Ainsi,  quand  on  place   du   mercure 
dans  un  verre  de   montre,  et  qu'on 
dépose  sur  ce  métal  une  petite  goutte 
d"eau ,  celle-ci  conserve  une  forme  à 
peu  près  sphérique;  mais  si  l'on  met 
le  mercure   en  communication  avec 
l'électrode  négative,  et  la  goutte  d'eau 
en  communication  avec  le  pôle  posi- 
tif d'une    pile    d'une  certaine  puis- 
sance, on  voit  l'eau  s'aplatir  en  forme 
de  disque  et  mouiller  le  mercure.  Si 
l'on  place  du  mercure  dans  un  tube  en 
U,  dont  l'une  des  branches  est  capil- 
laire, le  métal,   comme  on  le   sait, 
s'élève  moins  haut  dans  celte  branche 
que  dans  l'autre  ;  mais  si,  après  avoir 
versé  un  peu  d'eau  sur  la  surface  du 
mercure  ainsi  déprimée  dans  la  bran- 
che capillaire,  et  avoir  plongé  dans 
cette  eau  l'extrémité  d'un  fil  conduc- 
teur en  connexion  avec  le  pôle  positif 
d'une    pile,    on    fait    communiquer 


(a)  Fischer,  Ueber  das  Verkalten  der  Rme  in  Glâsern  su  den  darin  enthaltenen  Flûssigkeiten 
(PoggeniorS' s  Annalen,  1827,  t.  X,  p.  480). 


80  ABSORPTION. 

En  résumé ,  nous  voyons  donc  que  les  effets  capillaires 
dépendent  des  rapports  qui  existent  entre  la  cohésion  ,  c'est- 
à-dire  la  force  d'attraction  des  liquides  pour  eux  -  mêmes , 
l'attraction  adhésive  exercée  sur  ceux-ci  par  les  solides  adja- 
cents,  enfin  la  pesanteur  du  liquide  déplacé;  que  les  forces 
attractives  qui  réagissent  ainsi  ne  produisent  des  effets  sensibles 
qu'à  des  distances  insensibles,  et  que  la  grandeur  de  chacune 
d'elles  paraît  être  liée  à  la  distance  qui  sépare  entre  elles  les 
molécules  réagissantes. 
imbibi.ion  §  o.  —  Nous  avons  vu  aussi  que  la  forme  des  cavités  cir- 
capmadté.  consentes  par  les  corps  solides,  et  ouvertes  aux  liquides,  pouvait 
influer  beaucoup  sur  la  grandeur  apparente  des  effets  produits 
de  la  sorte ,  mais  ne  changeait  rien  au  caractère  essentiel  du 
phénomène.  Nous  pouvons  donc  prévoir  que  si  nous  substituons 
aux  tubes  capillaires  dont  nous  avons  fait  usage  dans  les  expé- 
riences précédentes  des  corps  criblés  de  petites  cavités  en 
communication  les  unes  avec  les  autres  et  ouvertes  au  dehors, 
par  exemple  une  certaine  masse  formée  de  grains  de  sable 
amoncelés  ou  de  fragments  de  verre  réduits  en  poudre  llne,  on 
obtiendra  des  effets  analogues,  car  ces  corpuscules  ne  se  tou- 
cheront que  très  incomplètement,  et  laisseront  entre  eux  des 
passages  étroits  et  irréguliers  dont  les  surfaces  pourront  agir 


l'éleclrode  négative  avec  le  mercure  répulsive  qui  balance  plus  ou  inoins 

contenu  dans  la  grande  branche  de  l'attraction  moléculaire  est  soumis  à 

l'appareil,  on  voit  aussitôt  le  métal  riufluence   de  l'électricité  aussi  bien 

s'élever  dans  la  branche  opposée,  puis  qu'à  celle  de  la  chaleur,  et  contribue 

redescendre  à  son   niveau   primitif,  ainsi  à  faire  varier  le  degré  d'écarte- 

quand  on  interrompt  le  circuit  (a).  meut  des  molécules  hétérogènes,  qui. 

Ces  faits   sont  intéressants ,  mais  en  s'attirant,  produisent  des  effets  de 

ils  me  paraissent  indiquer  seulement  capillarité. 


que  le  développement  de  la  puissance 


(a)  J.  W.  Draper,  Is  Capillanj  Attraction  an  Electric  Pheiwmenon'!  [Philos.  Magazine,  3-  série, 
1845,  t.  XXVI,  p.  185  et  suiv.l. 


JMBIBITION    PAR  CAPILLARITÉ.                                      81 

à  la  manière  de   celles*  des  tuyaux   fins   dont  je  viens   de 
parler  (1). 

Or,  tous  les  tissus  organiques  de  l'économie  animale  res- 
semblent plus  ou  moins  à  ces  substances  poreuses:  leurs  parties 

(1)  Comme  exemples  de  rélévaliou  limèlres;  enfin  dans  la  scinre  de  bois, 

des  liquides  à  diverses  hauteurs  dans  i'ean  n'est  montée  qu"à  60  millimè- 

des  masses  poreuses  de  ce  genre,  je  très,  tandis  que  Talcool  s"est  élevé  à 

citerai  les  résultats  obtenus   récem-  125  millimètres. 

ment  par  M.   Matteucci ,  en  immer-  Un  autre  fait  conslaté  par  le  même 

géant  dans  des  bains  de  nature  difTé-  physicien    est   moins    facile   à  com- 

rente,  mais  de   même   densité,  des  prendre,  car  il  est  en  opposition  avec 

tubes  remplis  de  sable  fin.  Los  leni-  ce  que  nous  avons  vu  précédemment 

pératures  étant  les  mêmes,  Timbibi-  touchant  Tinfluence  de  la  température 

lion,  au  bout  d'un  temps  donné,  s'est  sur  les  effets  de  capillarité.  En  com- 

étendue  aux  hauteurs  suivantes  :  parant  l'ascension  de  l'eau  dans  des 

M  I  „  ci.ei  li'bes  remplis  de  sable,  M.  .Matteucci  a 

SoluliondeearbonaledesouJe.  .       85  ^""    q'"^    l'élévation    du     liquide    était 

Solution  de  sulfate  de  cuivre  .  .      75  beaucoup  plus  rapide  à  la  température 

Sérum 70  de  55°  qu'à  15"  :  au  bout  de  soixante- 

Soiution  de  carbonate  d'animo-  dix  secondes  les  doux  hauteurs  étaient 

niaque 02  de  10  et  de  G  millimètres,  et  au  bout 

^^" ''•^''"'^'= ^^  de  onze  minutes  l'eau  chaude  était 

Solution  de  sel  marin 58  ^^^^^^^.^  ..,  j^^-  ,„i||i,„^.,,es^  ta,jdi3  ^„e 

Blanc  d'œuf  étendu   de  son  vo-  ,.          ^     .,        ,.     .                        ,,.„., 

leau  froide  n  était  encore  qu  a  12  mil- 

lume  d  eau Sa 

Lait 55  l'mèlres(a). 

Magendie  avait  déjà  remarqué  des 

On  remarquera  que  dans  le  sable  différences  analogues  dans  la  rapidité 

les  effets  relatifs  de  la  capillarité  sur  avec  laquelle  des  substances  d'origine 

ces  diverses  substances  ne  sont  pas  les  organique  (du  linge,  par  exemple) 

mêmes  que  dans  les  tubes  capillaires  s'imbibent  d'eau   à    la   température 

de  verre.  En  remplaçant  le  sable  tan-  de  15°  ou  à  celle  de  60°  (6). 

tôt  par  du  verre  pilé,  d'autres  fois  par  II  est  à  présumer  que  l'élévation  de 

de  la  sciure  de  bois,  et  en  employant  la  température,  en  diminuant  l'adhé- 

comparalivement  de  l'eau  distillée  et  sion  des  grains  de  sable  entre  eux, 

de  l'alcool,  M.  Matteucci  a  observé  des  avait  augmenté  le  nombre  des  voies 

différences  encore  plus  grandes.  Dans  capillaires  aptes  à  pomper  l'eau.  Ce 

le  verre    pilé,   l'eau    s'est  élevée  à  serait   probablement  un  phénomène 

182  millimètres  et  n'a  dépassé  l'alcool  analogue  à  celui  qui  paraît  se  mani- 

que  de  7  millimètres;  dans  le  sable,  festcr  dans  les  métaux,  quand  ceux-ci, 

l'eau    n'est    montée  qu'à  175  milli-  étant  dilatés  par  l'action  d'une  très 

mètres  et  a  dépassé  l'alcool  de  90  mil-  forte  chaleur,  paraissent  devenir  per- 

(a)  Matteucci,  Leçons  sur  les  phénomènes  physiques  de  la  vie. 

(b)  Magendie,  Leçons  sur  les  phénomènes  physiques  de  la  vie,  1836,  t.  I,  p.  27. 

V-  6 


Pouvoir 

absorbant 
des  lissus 
organiques. 


32  ABSORPTION. 

* 

constitutives  laissent  toujours  entre  elles  des  espaces  <|ui  tantôt 
sont  visibles  pour  l'œil ,  mais  qui  d'autres  fois  sont  si  étroits, 
que  nous  ne  pouvons  les  apercevoir,  mênae  avec  le  secom^s  du 
mieroseope,  et  qui  forment  par  leur  réunion  un  système  de  ca- 
vités capillaires  dont  les  parois  agissent  sur  les  liquides  adjacents 
à  la  manière  des  tubes  et  des  lames  dont  nous  venons  d'étudier 
la  puissance  attractive. 

C'est  à  raison  de  ce  mode  d'action  que  l'huile  d'une  lampe 
monte  dans  la  mèche  de  coton  dont  on  garnit  cet  appareil;  et, 
pour  mettre  ce  phénomène  encore  mieux  en  évidence,  il  suffît 
de  disposer  en  manière  de  siphon  un  gros  écheveau  de  filaments 
de  la  même  matière,  car  on  parvient  ainsi  à  faire  monter  l'eau 
par-dessus  le  bord  du  vase  qui  la  contient,  et  à  vider  celui-ci 
plus  ou  moins  rapidement  (1). 

C'est  aussi  en  majeure  partie  de  l'action  capillaire  que  dépend 
le  gonflement  qui  s'opère  dans  la  plupart  des  tissus  animaux, 
lorsque,  après  avoir  été  desséchés,  ils  se  trouvent  en  contact 
avee  t'eau.  Le  hquide  s'introduit  alors  dans  les  interstices  de 
leur  substance,  comme  il  monterait  dans  un  système  de  tubes 
de  verre  de  très  petit  calibre;  mais  le  fluide  qui  pénètre  dans 
chacune  de  ces  cavités  et  s'y  accumule,  exerce,  à  raison  de  sa 
cohésion,  une  certaine  pression  sur  les  parois  de  celles-ci  ;  ces 
parois  sont  extensibles,  et  par  conséquent,  au  lieu  de  conserver 
son  diamètre  initial,  chacun  de  ces  filets  liquides  s'élargit  et  dis- 
tend l'espèce  de  réservoir  où  il  s'est  logé.  Le  tissu  augmente 


méables  pour  certains  corps  étrangers 
et  s'en  imbibent  (a). 

(1)  Cette  expérience  est  bonne  pour 
démontrer,  dans  un  cours  public  , 
l'action  des  attractions  moléculaires  ; 
mais  le  résultat  obtenu  ne  dépend  pas 


seulement  des  forces  de  cet  ordre,  et 
se  trouve  compliqué  par  la  pression 
atmosphérique:  ainsi,  dans  le  vide,  la 
mèche  s'imbiberait  sans  donner  lieu 
à  un  courant  allant  du  vase  à  l'ex- 
térieur. 


(a)  Henry,  Observations  on  Capillarily  {Proceedings  of  ihe  American  physioloyical  Society,  et 
Philos.  Magaz.,  1846,  t.  XXVIII,  p.  343). 

■ —  Horsford,  On  the  Permeability  of  Metals  to  Mercury  (Sillinian's  American  Joiirn.  of  Scienc, 
4852,  t.  XIII,  p.  305). 

—  Niolès,  Sur  la  perméabilité  des  métaux  par  le  mercure  [Comptes  rendus  de  l'Académie  des 
sciences,  1853,  t.  XXXVI,  p.  1  54). 


IMBIBITIO'    PAR    CAPILLARITÉ.  83 

donc  de  volume,  et  oppose  d'autant  plus  de  résistance  à  l'intro- 
duction de  nouvelles  quantités  d'eau,  que  son  élasticité  a  été 
plus  fortement  mise  en  jeu. 

Pour  constater  que  la  turgescence  des  tissus  organiques  ainsi 
gorgés  d'eau  est  due  principalement  à  l'action  des  fondes  pliy- 
siques  dont  l'étude  vient  de  nous  occuper,  il  suffit  de  prendre 
en  considération  les  résultais  fournis  par  une  série  d'expé- 
riences dues  à  M.  Chevreul.  Effectivement,  ce  chimiste  a  fait 
voir  que,  par  l'emploi  de  forces  mécaniques,  on  pouvait  enlever 
à  la  chair  musculaire,  aux  tendons,  au  tissu  jaune  élastique, 
aux  membranes  et  à  la  plupart  des  autres  parties  de  l'économie 
animale ,  une  quantité  considérable  de  l'eau  interposée  dans 
leur  substance;  que,  desséchés  de  la  sorte,  ces  tissus  se  res- 
serraient, devenaient  transparents,  et  perdaient  la  plupart  de 
leurs  propriétés  physiques  les  plus  importantes  ;  mais  que,  mis 
en  contact  avec  l'eau,  ils  s'en  imbibaient  de  nouveau,  se  gon- 
flaient et  reprenaient  leur  aspect  accoutumé  (i). 

Si  l'on  chasse  l'eau  des  tissus  organiques  par  l'emploi  de 
forces  plus  grandes,  mais  qui  ne  sont  cependant  pas  de  nature 
à  détruire  les  combinaisons  chimiques  que  cette  substance 
pourrait  avoir  contractées  avec  la  matière  constitutive  de  ces 
corps  ,  on  fait  subir  à  ceux-ci  des  pertes  encore  plus  considé- 

(1)  M.  Chevreul  a  vu  que  les  ten-  sieurs  fois  de  suite  sans  qu'il  en  ré- 

dons,  eu   se  desséchant,  diminuent  suite  aucune    altération  appréciable 

beaucoup  de  volume,  surtout  dans  le  dans  leur  substance.  La  quantité  d'eau 

sens  de  leur  épaisseur;   ils  perdent  qu'un  tendon  frais  perd  par  l'exposi- 

leur  blancheur,  leur  éclat  satiné,  leur  tion  à  l'air  ou  dans  le  vide  sec  est,  en 

extrême  souplesse  et  deviennent  jau-  général,  d'environ  50  p.  100  de  son 

nâtres,demi-transpnrenls  et  beaucoup  poids;  quelquefois  plus  de  60  p.  100. 

moins  élastiques  que  dans  l'état  frais;  Après  avoir  été  desséché,  il  peut  ab- 

mais  que  si  on  les  plonge  dans  l'eau,  sorber  beaucoup  plus  d'eau  qu'il  n'en 

ils  reprennent  peu  à  peu  leurs  pro-  renferme  naturellement.  Parla  des- 

priétés  premières,  et  ces  changements  siccation,  la  fibre  musculaire  se  réduit 

alternatifs  peuvent  être  effectués  plu-  à  environ  1/5^  de  son  poids  initial  {a). 

(a)  Clievreul,  De  l'influence  que  l'eau  exerce  sur  plusieurs  substances  azotées  solides  (Annales 
de  chimie  et  de  physique,  1821,  t.  XIX,  p.  33). 


84  ABSORPTION. 

rables.  Ainsi,  par  la  dessiccation  à  l'air  libre,  ou  mieux  encore 
dans  le  vide  seiî,  on  parvient  souvent  à  enlever  à  ces  tissus 
moitié  plus  d'eau  qu'on  ne  l'avait  fait  au  moyen  de  la  pression 
mécanique  (1)  :  et  cela  se  comprend  facilement;  car  le  liquide 
qui  a  pénétré  entre  les  molécules  du  solide  ou  qui  adhère  direc- 
tement à  la  surface  des  aréoles  plus  grandes  dont  la  substance 
de  celui-ci  est  creusée,  y  est  retenu  avec  bien  plus  de  force  que 
celui  qui,  à  raison  de  sa  cohésion  seulement,  a  été  entraîné  par 
son  envelop|)e  fluide  dans  l'intérieur  de  ces  cavités.  Ce  que  l'on 
chasse  d'abord,  c'est  donc  l'eau  qui  occupe  le  centre  ou  l'axe 
des  filets  liquides  logés  dans  les  interstices  du  tissu  ,  et  ce  qui 
reste  le  plus  obstinément,  c'est  la  couche  périphérique  de  ces 
mêmes  filets. 

On  verra  bientôt  pourquoi  j'insiste  sur  cette  circonstance  (2). 

Les  attractions  moléculaires  qui  déterminent  cette  union  entre 
l'eau  et  les  tissus  organiques,  tant  animaux  que  végétaux,- sont 
très  puissantes.  x4insi,  chacun  sait  qu'un  coin  de  bois  enfoncé 
dans  une  fissin^e  de  rocher  se  gonfle  avec  tant  de  force  en 
s'imbibant  d'eau,  qu'il  fait  souvent  éclater  la  pierre,  et  qu'une 
corde,  en  se  mouillant,  se  tend  de  façon  à  développer  une  force 
énorme.  Il  est  aussi  à  remarquer  que  ces  actions  moléculaires 
sont  accompagnées  d'un  dégagement  de  chaleur  qui  est  souvent 
assez  considérable,  et  qui  semble  indiquer  l'existence  d'une  cer- 
taine condensation  de  la  matière  sur  laquelle  ces  forces  s'exer- 
cent (3).  Enfin  la  puissance  des  effets  produits  de  la  sorte  res- 

(1)  En  sonmellant  à  l'action  môcani-  M.  Ponillet,  dont  j'ai  déjà  eu  l'occa- 
qiie  d'une  presse  à  papier  des  tendons  sion  de  parler,  la  soie,  h  laine,  les 
frais,  ces  tissus  ont  perdu  37  pour  peaux  ,  les  membranes  de  l'esto- 
100  de  leur  poids;  tandis  que  par  la  mac,  etc.,  après  avoir  été  desséchées, 
dessiccation  à  l'air  ils  auraient  perdu  ont  produit,  lorsqu'on  venait  à  les 
53  pour  100  (a).  mouiller,  une  élévation  de  tempéra- 

(2)  Voyez  page  88.  ture  de  2  degrés  ou  davantage,  quel- 

(3)  Ainsi,  dans  les  expériences  de      quefois  jusqu'à  10  degrés  (6). 

(a)  Cliovrcul,  Op.  cit.  (Annales  de  chimie  et  de  physique,  1821,  t.  XIX,  p.  50). 
(&)  Pouillct,  Op.  cit.{Ibid.,  1822,  t.  XX,  p.  151). 


IMBIBITION    PAR    CAPILLARITÉ.  85 

sort  également  du  phénomène  de  la  fixation  de  la  vapeur 
aqueuse  par  un  grand  nombre  de  ces  tissus  avides  d'eau ,  car 
les  propriétés  hygrométriques  dont  les  cheveux  et  beaucoup 
d'autres  substances  animales  sont  doués  dépendent  du  jeu  des 
mêmes  forces  (1). 

Quant  à  la  proportion  d'eau  dont  un  tissu  organique  peut     innuence 

de  l'élasticité 

s'emparer  par  voie  d'imbibilion ,  elle  varie  beaucoup,  toutes    des  ussus 

,  ,  •    '      I       I  •       •  1     ^"''  '^""^  pouvoir 

choses  étant  égales  d'ailleurs ,  suivant  la  quantité  de  liquide  absorbant. 
déjà  existante  dans  la  substance  de  ce  corps  solide.  A  mesure 
que  cette  quantité  augmente,  la  résistance  que  l'élasticité  du 
tissu  oppose  à  l'introduction  de  quantités  additionnelles  s'ac- 
croît d'une  manière  plus  ou  moins  rapide  (2);  mais  la  dis- 
tension croissante  des  cavités  capillaires  occupées  par  l'eau 
permet  à  celles-ci  d'utiliser  d'une  manière  plus  complète  le 
pouvoir  attractif  dont  leurs  parois  sont  douées.   Du  reste  ^ 

(1)  La  condensation  de  la  vapeur  plus    ou   moins  liygroméliiqiics  (6). 

aqueuse  par  les  matières  organiques  Par  conséquent,  il  faut  ranger  Fattrac- 

liygromélriques  est  considérée,  par  la  tion   moléculaire  dont   déjjcnd  cette 

plupart  des  physiciens,  comme  dépen-  condensaiioii   dans    la  catégorie  des 

dant  du  jeu  de  forces  chimiques,  et  agents  que  Ton  désigne  généralement 

par  conséquent  comme  ne  pouvant  sous  le  nom  de  forces  pMjsiques.  Je 

êlreassimiléeauxaclionscapillaires(a'.  ferai  remarquer  cependant  que  dans 

Mais  M.  Pouillet  a  constaté  des  etfets  la  classification  adoplée  aujoiud'hui 

du  même  ordre  produits  sur  la  vapeur  par  M.  Chevrenl,  Fallraclion  capillaire 

aqueuse  par  des  corps  dont  la  nature  prend  place  parmi  les  foices  cliimi- 

chimique  ne  paraît  pas  susceptible  de  ques,  et  se  trouve  désignée  sous  le  nom 

modifications  dans  des  circonstances  (.Vafjinité  capillaire  (c). 
de  ce   genre.  Ainsi  il  a  vu  que  Par-  (2)  Au  sujet  des  rapporis  qui  exis- 

gent  et  le  platine  se  couvrent  d'une  tenl  entre  rallongement  et  les  charges, 

couche  d'eau  dans  Pair  très  humide,  on  peut  consulter  le  travail  de  M.  VVer- 

mais  non  saturé,  et  ses  expériences  theim  sur  l'élasticité  des  (issus  orga- 

Pont  conduit  à  cette  conclusion,  que  niques  (cl). 
tous  les  corps  qui  se  mouillent  sont 

(a)  Chevreul,  Op.  cit.  {Annales  de  chimie  et  de  physique,  t.  XIX,  p.  50). 

(6)  Pouillet.  Op.  cit.  {loc.  cit.,  p.  156). 

(c)  Voyez  l'article  de  ce  savant  sur  la  Mécanique  chimique,  dans  le  Cours  de  chimie  générale  de 
MM.  Pclouze  et  Frcmy,  1850,  t.  111,  p.  890. 

{d)  G.  Werdipira,  .Mémoire  sur  V élasticité  et  la  cohésion  des  principaux  tissus  du  corps  humain 
{Annales  de  chimie  et  de  physique,  4847,  t.  XXI,  p.  385). 


86  ABSORPTION. 

l'augmentation  dans  la  puissance  d'imbibition  due  à  cette  der- 
nière cause  est  très  petite,  comparativement  à  la  progression 
négative  déterminée  par  la  réaction  du  tissu  élastique ,  et  il 
arrive  toujours  un  moment  où  celle-ci  fait  équilibre  à  l'attrac- 
tion capillaire.  L'imbibition  est  alors  parvenue  à  son  terme,  et 
c'est  pour  désigner  cet  état  que  les  physiologistes,  emprun- 
tant leurs  expressions  au  langage  de  la  chimie,  disent  que 
les  tissus  sont  arrivés  à  leur  point  de  saturation.  Ainsi,  plus 
un  tissu  organique  est  éloigné  de  cet  état  de  saturation, 
plus  il  aura  de  tendance  à  s'emparer  de  l'eau  avec  laquelle 
il  se  trouve  en  contact.  Or,  nous  verrons  bientôt  que  l'ab- 
sorption suit  cette  loi  chez  l'animal  vivant  aussi  bien  que  sur 
le  cadavre. 

Influence  Lcs  différeuces  que  nous  avons  déjà  eu  l'occasion  de  remar- 
'  chimique  ^   qner  dans  le  mouvement  ascensionnel  de  divers  liquides  dans 

es  ^iqmdes  j^^  petits  tubcs  dc  verre  s'observent  aussi  dans  le  degré  d'ac- 
donmbïïuon.  t'vité  avec  lequel  les  tissus  organiques  s'imbibent  de  substances 
dont  la  nature  chimique  varie.  Ainsi  un  morceau  de  tendon 
préalablement  desséché  et  plongé  dans  l'huile  n'éprouvera 
presque  aucun  changement,  et  son  poids  n'augmentera  que 
très  peu  ;  dans  l'alcool ,  il  se  chargera  d'une  quantité  un  peu 
plus  considérable  de  liquide,  mais  il  ne  reprendra  ni  son 
volume  ni  son  aspect  naturels,  tandis  que  dans  l'eau  son  poids 
doublera  bientôt,  et  pourra  même  tripler  ou  quadrupler;  et  en 
se  gonflant  de  la  sorte  il  retrouvera  ses  propriétés  physiques 
ordinaires.  Des  différences  analogues  s'observent  quand  on 
compare  l'action  absorbante  des  tissus  organiques  sur  l'eau  et 
sur  les  dissolutions  salines.  Ainsi,  dans  les  expériences  inté- 
ressantes faites  sur  ce  sujet,  il  y  a  près  de  quarante  ans,  par 
M.  Chevreul,  le  tissu  jaune  élastique,  préalablement  dessé- 
ché, ne  s'est  emparé  que  d'environ  57  centièmes  d'eau  quand 
on  le  plongeait  dans  une  dissolution  saturée  de  chlorure  de 
sodium ,  tandis  qu'il  se  chargeait  de  240  centièmes  de  liquide 


IMBIBITION    PAR    CAPILLARITÉ.  8/ 

quand  c'était  de  l'eau  pure  avec  laquelle  il  se  trouvait  en  con- 
tact (1). 

Un  pouvait  donc  prévoir  qu'en  faisant  varier  le  degré  de 
conceniration  des  dissolutions  salines  dans  lesquelles  on  plon- 
gerait un  corps  analogue,  on  déterminerait  des  différences 
correspondantes  dans  les  quantités  de  liquide  dont  celui-ci 
s'imbiberait;  et,  en  effet,  les  recherches  plus  récentes  de 
ï\[.  Liebig  et  de  M.  Cloetta  montrent  que  les  choses  se  passent 
de  la  sorte  ("2). 


(1)  L'augmentation  de.  poids  obser- 
vée par  M.  Chevreiil  n'était  que  de  3 
à  8  pour  iOO,  lorsqu'il  plaçait  du  tissu 
élastique  jaune,  des  tendons,  des  li- 
gaments, etc.,  dans  de  l'iiuile  pendant 
onze  heures,  terme  au  delà  duquel 
le  poids  de  ces  substances  resla  sla- 
tionnaire. 

Dans  ces  mêmes  expériences ,  la 
quantité  d'eau  dont  les  tissus  orga- 
niques s'imbibaient  était  toujours  plus 
petite  quand  ils  étaient  immergés  dans 
de  l'eau  salée  que  lorsqu'ils  étaient  en 
rapport  avec  de  l'eau  pure:  mais,  en 
général,  la  différence  n'était  pas  aussi 
considérable  que  dans  l'exemple  cité 
ci-dessus.  Ainsi  100  parties  de  tendon 
d'l<]léphanl  desséchées  ont  pris  en 
vingt-quatre  heures  178  parties  d'eau, 
tandis  que  le  même  tissu  égalemint 
desséché,  mais  plongé  dans  de  l'eau 
saturée  de  chlorure  de  sodium,  a  ga- 
gné en  poids  138  pour  100  ;  et,  pour 
arriver  à  ce  degré  de  saturation,  il  a 
fallu  prolonger  l'immersion  pendant 
vingt  et  un  jours  (a). 

(2)  Ainsi  M.  Liebig  a  trouvé  que 
100  parties  du  tissu  desséché  de  la 


vessie  du  Bœuf  prenaient  par  imbi- 
bilion,  en  vingt-quatre  heures  : 

268  volumes  d'eau  pure, 

133  volumes  d'une  dissokilion  conceii- 
Irée  de  chlorure  de  sudium  (den- 
sité, 1,204). 

En  quaranle-luiit  heures  la  quan- 
tité de  liquide  absorbé  était  de  : 

310  volumes  d'eau  pure  ; 

288  volumes  de  dissolution  saline  con- 
tenant i  d'eau  et  7  do  la  dissolu- 
tion précédente  ; 

235  volumes  du  même  mélange  dans 
les  proportions  de  ~  d'eau  et  \  de 
la  dissolution  concentrée  ; 

219  volumes  du  mélange  contenant  \ 
d'eau  el  7  de  la  dissolution  con- 
centrée de  sel  marin. 

Avec  la  vessie  de  Porc  desséchée, 
les  différences  furent  encore  plus 
grandes.  En  vingt  -  quatre  heures 
100  parties  absorbèrent  : 

356  volumes  d'eau  distillée, 
1  59  volumes  d'eau  saturée  de  chlorure 
de  sodium  {b). 

Dans  une  expérience  analogue, 


(a)  Chevreul,  Op.  cit.  (Annales  de  chimie  et  de  physique,  1821 ,  t.  XIX,  p.  52). 

(b)  Liebig,  Recherches  sur  quelques-unes  des  causes  du  mouvement  des  liquides  dans  l'orga- 
nisme animal  {Annales  de  chimie  et  de  physique,  1849,  3"  série,  t.  XXV,  p.  3'74). 


88  ABSOUPTION. 

Influence        §  û-  —  L'étucle  attentive  des  phénomènes  qui  accompagnent 
'^'''^"'"'''^l'imbibition  des  dissolutions  salines  par  les  tissus  organiques 
'%'h!miq!!e°"  a  permis  aux  physiologistes  de  découvrir  certains  eiïets  de 
des  liquides.  ^gpjiij^,j,j{(^  fJQ^t  les  physiciens  ne  pouvaient  soupçonner  l'exis- 
tence tant  qu'ils  ne  se  servaient  que  de  tubes  de  verre  de  petit 
calibre  pour  leurs  expériences  sur  les  attractions  moléculaires, 
et  dont  la   connaissance  est   d'une   grande  valeur  pour  la 
philosophie  chimique  ainsi  que  pour  l'explication  des  actes 
physiologiques. 

Je  viens  de  montrer  que  l'attraction  adhésive  exercée  par 
les  tissus  organiques  sur  Teau  et  sur  le  sel  commun  n'est  pas 
également  énergique.  Nous  en  pouvons  conclure  qu'en  pré- 
sence d'un  mélange  de  molécules  de  ces  deux  substances,  ces 
tissus  attireront  dans  leurs  interstices  les  unes  avec  plus  de 
force  que  les  autres,  et  s'en  chargeront  en  plus  grande  propor- 
tion. Ainsi,  quand  un  tissu  perméable  est  plongé  dans  une 
dissolution  saline,  le  liquide  qu'il  accumule  dans  son  intérieur 
est  moins  riche  en  sel  que  ne  l'est  le  bain  circonvoisin,  et  la 
différence  est  d'autant  ])his  marquée,  que  l'imbibition  s'est 
effectuée  par  l'action  attractive  de  cavités  plus  petites. 

En  étudiant  les  phénomènes  de  transsudation  dont  lorga- 
nisme  est  le  siège,  j'ai  déjà  eu  l'occasion  de  mentionner  des 
faits  du  même  ordre,  et  de  les  attribuera  ce  que  j'ai  appelé  une 
filtration  élective  (■]).  Nous  aurons  bientôt  l'occasion  d'v  revenir 


M.   Cloelta  a  constaté    une    absorp-  Avec  le  sulfate  de  soude  la  quantité 

lion  de  :  de  liquide  absorbé  était  de  : 

5,4  pour  1  00  d'une  dissolution  de  sel  ^  _i  5  c^uanA  la  dissolulion  était  chargée 

commun    dont   la  densité   était  de  5,5  pour  100  de  sel  ; 

■1.35;  0,80  quand  elle  contenaitH  ,7  pour  i  00 

24,3  pour  100  d'une  dissolulion  scm-  jjg  gg]  /^i 
blable,   mais  n'ayant   que   1,01 

de  densiic.  (1)  Voy.  ci-dessus,  tome  IV,  p.  623. 

(a)  Cloella,  Diffusionsversuclie  durch  Mcmbranen  mit  %wà  SaUm.  Zurich,  1851. 


INFLUENCE    DE    LA    CAPILLARITÉ    SUR    LES    MÉLANGES.  89 

encore  une  fois,  et  je  me  bornerai  à  ajouter  ici  que  cette 
influence  remarquable  des  effets  de  la  capillarité  sur  la  compo- 
sition chimique  des  liquirles  s'explique  facilement  par  l'indé- 
pendance des  actions  attractives  exercées  par  le  corps  solide 
sur  les-  molécules  de  l'eau  et  sur  les  molécules  du  sel  qui  se 
trouvent  mélangées  avec  les  premières.  Le  tissu  perméable 
attire  plus  fortement  l'eau  ;  cette  substance  doit  donc  tendre  à 
s'accumuler  contre  la  surface  des  cavités  capillaires  du  tissu 
organique,  et  à  constituer  dans  celles-ci  une  sorte  d'enveloppe 
à  l'intérieur  de  laquelle  se  trouvera  la  dissolution  saline  non 
modifiée  (1). 


(1)  M.  Briiclce  fut  le  premier  à  ap- 
peler l'attention  clos  physiologistes 
sur  la  faculté  que  les  tissus  perméa- 
bles ont  de  séparer  l'eau  d'une  disso 
lution  saline,  et  par  conséquent  de 
modifier  le  degré  de  concentration  de 
celle-ci  (a).  Je  reviendrai  sur  ses  cx- 
périencer,  quand  je  parlerai  plus  par- 
ticulièrement de  l'endosmose.  M.  Lud- 
wig  alla  plus  loin,  et  fit  voir  que  le 
mécanisme  du  phénomène  devait  être 
celui  indiqué  ci- dessus.  Ce  physiolo- 
giste compara  d'abord  avec  beaucoup 
de  soin  les  proportions  d'eau  et  de 
matières  salines  contenues  dans  le 
liquide  que  le  tissu  organique  enlevait 
à  une  dissolution  dont  la  composition 
était  connue.  Il  opéra  tantôt  avec  du 
chlorure  de  sodium,  tantôt  avec  du 
sulfate  de  soude,  et  toujours  il  trouva 
que  la  proportion  d'eau  devenait  plus 
forte  dans  la  dissolution  dont  le  tissu 
organique  préalablement  desséché  s'é- 
tait imbibé  que  dans  le  bain  dont  ce 
liquide  provenait.  Ainsi,  en  employant 
comme    bain   de    l'eau    chargée   de 


7,220  pour  ICO  de  sulfate  de  soude,  il 
trouva  que  le  liquide  imbibé  par  le 
tissu  de  la  vessie  de  Cochon  desséchée 
ne  renfermait  que  /i,'i3  pour  100  de 
sel,  et  en  plongeant  un  morceau  des 
parois  de  l'aorte  du  Bœuf  dans  de 
l'eau  chargée  de  19,79  centièmes  de 
chlorure  de  sodium,  il  reconnut  que 
la  dissolution  perdait  environ  3  pour 
100  de  sel  en  pénétrant  dans  ce  tissu 
spongieux. 

Pour  vérifier  ou  infirmer  les  vues 
théoriques  de  M.  Briicke,  relativement 
à  la  cause  de  cette  différence  et  au 
mode  (le  distribution  de  l'eau  et  de  la 
matière  saline  dans  les  capillaires  des 
tissus  animaux,  M.  J,udwig  fil  une 
autre  série  d'expériences.  Il  est  évi- 
dent que  si  celle  théorie  est  l'exprès-^ 
sion  des  faits,  la  dissolution  saline 
dont  le  tissu  s'est  chargé  ne  doit  pas 
être  homogène  dans  toutes  ses  parties  ; 
que  dans  le  voisinage  immédiat  des 
surfaces  dont  l'attraclion  adhésive 
détermine  la  séparation  de  l'eau  et 
du   sel,  il  doit  y  avoir   une  couche 


(fl)  E.  Briiclve,  De  di/fusione  humorum  per  septa  mortua  et  viva.  Berlin..  t84t.  ^  Beïlrdge 
%i<r  Lehre  von  der  Diffusion  tropfbarflûssiger  Kiirper  durch  porôse  Seheidevjànde  (Pojjg'f  ndorff"* 
Annalen,  1843,  t.  LVIII,  p.  77). 


90  ABSORPTION. 

Cette  couche  périphérique,  composée  d'eau  pure  ou  d'eau 
avec  très  peu  de  matières  étrangères,  adhère  nécessairement 
avec  plus  de  force  aux  parois  des  cavités  interstitielles,  et  ne 
peut  être  que  très  difficilement  chassée  de  celles-ci  par  une 
pression  mécanique  ;  aussi  quand  on  examine  comparativement 
le  degré  de  concentration  d'une  dissolution  saline  qui  va  se 
trouver  en  contact  avec  un  tissu  organique  apte  à  s'en  imbiber, 
la  densité  moyenne  de  cette  même  dissolution  après  son  entrée 
dans  ce  corps  poreux,  et  la  composition  du  liijuide  qui  s'écoule 
ensuite  de  celui-ci  sous  l'inlluence  de  la  pression,  trouve-t-on 
que  les  proportions  relatives  d'eau  et  de  sel  varient  d'une 
manière  conforme  à  ce  que  la  théorie  indique. 

Pour  rendre  les  effets  de  ces  actions  moléculaires  saisissables 


mince  de  la  première  de  ces  sub- 
staïKCs,  sinon  à  Tétai  de  pureté,  an 
moins  trôs  peu  cliargée  de  parliculos 
salines,  et  que  la  densité  de  la  disso- 
lution doit  augmenter  de  la  circonfé- 
rence vers  Taxe  de  chacun  des  petits 
conduits  occupés  par  le  liquide  ab- 
sorbé. 11  est  évident  aussi  que  la  cou- 
che fluide  qui  adhère  directement  aux 
parois  de  ces  cavités  capillaires  doit 
y  être  retenue  beaucoup  plus  forte- 
ment que  les  couches  centrales  de  ces 
petits  lilels  liquides,  et  que  par  con- 
séquent ce  sera  d'abord  cette  dernière 
portion  qui  sera  chassée  au  dehors 
par  l'action  d'une  pression  mécanique 
exercée  sur  le  tissu  ainsi  chargé  de 
liquide.  Si  la  théorie  de  M.  Uriickc 
est  vraie,  il  faut  donc  que  l'eau  qui 
s'échappera  d'un  tissu  spongieux  im- 
bibé d'une  dissolution  saline  soit  plus 
riche  en  sel  que  ne  l'est  en  moyenne 
le  liquide  qui  occupe  la   totalité  des 


cavités  inlerslilielles  de  ce  tissu. 
M.  Ludwig  compara  donc  la  composi- 
tion de  la  dissolution  saline  existant 
dans  la  substance  spongieuse  de  di- 
vers tissus  animaux  et  celle  du  liquide 
qui  s'échappait  de  ceux-ci  sous  l'in- 
fluence d'une  pression  mécanique,  et 
il  trouva  qu'elfeclivement  ce  dernier 
était  notablement  plus  chargé  de  sel, 
mais  ne  diflérait  pas  beaucoup  en 
densité  de  la  dissolution  dans  laquelle 
le  tissu  avait  puisé  le  liquide  dont  il 
s'était  imbibé;  de  sorte  que  la  ditfé- 
rcnce  entre  la  composition  de  ce  der- 
nier et  celle  du  liquide  absorbé  devait 
être  attribuée  à  l'introduction  d'une 
couche  d'eau  pure  ou  presque  pure, 
puisée  dans  le  bain  salin  et  appliquée 
immédiatement  contre  les  parois  des 
cavités  capillaires,  en  manière  de 
gaine  autour  des  iilets  de  dissolution 
entraînés  dans  ces  mêmes  cavités  par 
suite  des  actions  de  capillarité  (a). 


(a)  C.  Ludwig,  Ueber  die  endosmolisclien  .équivalente  und  die  endosmoUsche  Théorie  (Zeit~ 
schrift  fur  rationelle  Medicin,  1849,  t.  VIII,  p.  1 5  cl  suiv.).  —  Lehrbuch  der  Physiologie  des 
Menschen,  -1852,  t.  l,  p.  62. 


INFLUENCE    DE    LA    CAPILLARITÉ    SUR    LES    MÉLANGES.  91 

à  la  vue,  j'aurai  recours  à  une  expérience  faite  par  M.  Ludwig. 
Plaçons  dans  deux  flacons  munis  de  bouchons  de  cristal  bien 
rodés,  de  façon  à  empêcher  l'évaporation  du  liquide  inclus, 
une  solution  saturée  à  froid  de  chlorure  de  sodium,  et,  avant 
de  les  fermer,  introduisons  dans  l'un  des  vases  un  morceau  de 
vessie  préalablement  desséchée.  Dans  le  flacon  où  il  n'y  a  que 
la  dissolution  saline,  celle-ci  ne  donne  Heu  à  aucun  dépùt  de 
cristaux  ;  mais  dans  celui  où  se  trouve  le  tissu  organique,  les 
choses  ne  se  passent  pas  de  même  :  le  tissu  ne  tarde  pas  à 
s'imbiber  du  hquide  dans  lequel  il  baigne:   mais,  comme  il 
enlève  à  celui-ci  plus  d'eau  que  de  sel,  et  que  la  dissolution 
dont  le  bain  se  compose  est  saturée,  il  ne  peut  effectuer  cette 
soustraction  qu'en  déterminant  la  solidification  d'une  certaine 
quantité  de  la  matière  saline,  et  effectivement  on  le  voit  se 
couvrir  de  cristaux  abondants. 

§  5.  —  En  résumé,  nous  voyons  donc  qu'à  raison  même    insuffisance 

,     ^  .  ,    ,         ,        .  ,  '  .  -,.  -,  11)  •  •!       des  actions 

des  propriétés  physiques  des  parties  solides  de  l  organisme,  il    capinaircs 
existe,  chez  les  animaux  comme  chez  les  plantes,  une  force  i-éiabiisscment 

T,p.  //  1  1  r-j  11"  lies   couranis 

qui  tend  a  taire  pénétrer  dans  la  protondeur  des  tissus  pei-  oisenés. 
méables  de  ces  êtres  l'eau  et  beaucoup  d'autres  liquides  avec 
lesquels  la  surface  de  leurs  organes  se  trouve  en  contact. 
Nous  voyons  aussi  que  les  eftets  dus  à  ces  actions  capillaires 
doivent  varier  d'intensité  et  même  de  signe,  suivant  la  nature 
des  substances  en  contact  avec  les  tissus  organiques ,  suivant 
les  propriétés  de  ceux-ci,  et  suivant  les  dimensions  des  espaces 
confluents  dont  ils  sont  creusés.  Xous  aurons  à  revenir  bientôt 
sur  ces  conditions ,  dont  dépend  le  degré  d'activité  avec 
lequel  l'imbibition  s'opère;  mais,  en  ce  moment,  une  autre 
question  doit  nous  préoccuper,  et  nous  devons  nous  demander 
si  Tatlraction  capillaire  exercée  par  les  solides  de  l'économie 
animale  peut  suffire  à  l'étaWissement  de  courants,  soit  de  l'exté- 
rieur du  corps  vivant  jusque  dans  les  cavités  dont  se  compose 
l'appareil  circulatoire,  soit  du  bain  où  Dutrochet  a  découvert 


92  ABSOUPTION. 

les  phénomènes  osmotiques  jusque  dans  l'intf'îrieur  des  poches 
membraneuses  employées  dans  les  expériences  de  ce  physiolo- 
giste ingénieux? 

Quelques  auteurs  ont  supposé  qu'il  en  était  ainsi  (1)  ; 
mais  il  suffit  de  considérer  attentivement  le  jeu  des  forces  dont 
dépend  l'élévation  d'un  hquide  dans  un  tube  capillaire,  pour 
reconnaître  que  cette  hypothèse  est  inadmissible.  Effective- 
ment, la  puissance  attractive  qui  fait  monter  le  liquide  de  la 
sorte  pourrait  bien  faire  arriver  celui- ci  jusqu'au  bord  supérieur 
du  canal,  si  son  intensité  était  suffisante  ;  mais  elle  ne  pourrait 
jamais  le  déterminer  à  se  déverser  au  dehors,  et  établir  de  la 
sorte  un  courant  comme  on  en  observe  souvent  dans  les  expé- 
riences sur  l'osmose,  car,  dès  que  le  liquide  en  mouvement 
dans  l'endosmomètre  dépasserait  le  niveau  de  l'extrémité  supé- 
rieure du  tube  capillaire,  elle  agirait  en  sens  inverse  et  tendrait 
à  retenir  ce  même  hquide.  Les  anciennes  expériences  de 
du  Fay,  dont  j'ai  déjà  eu  l'occasion  de  parler  (2),  montrent  que 
l'attrachon  adhésive  exercée  par  les  parois  d'un  tube  capillaire 
sur  le  liquide  inclus  peut  balancer  les  effets  d'une  pression  hy- 
drostahque  très  notable,  et  devient  un  obstacle  à  l'écoulement 
de  celui-ci  au  dehors. 

Ainsi  l'action  capillaire  dépendante  de  la  surface  des  cavités 
invisibles  dont  les  membranes  organiques  sont  creusées  pourra 
suffire  pour  amener  des  liquides  de  l'une  des  surfaces  de  ces 
corps  solides  jusque  dans  le  voisinage  immédiat  de  la  surface 
opposée,  et  pour  produire  l'imbibition  des  tissus  de  l'organisme, 
mais  sera  toujours  insuffisante  pour  faire  avancer  ce  liquide 
plus  loin  et  pour  établir  à  travers  la  substance  de  ces  corps 

(1)   Magendie,  par  exemple,  sup-      qu'en  une  imbibilion  à  double  cou- 
posait  que  les  phénomènes  d'endos-      rant  (a). 
mose  et  d'exosmose  ne  consislaient  ('i)  Voyez  ci-dessus,  page  56. 

(a)  Magfendie,  Leçons  sur  les  phénomènes  physiques  de  la  vie,  t.  I,  p.  83. 


Action 
des  liquides 


ACTION    DES    LIQUIDES    LES    L^S    SUR    LES    AUTRES.  93 

un  courant  quelconque.  Tout  en  attribuant  beaucoup  d'impor- 
tance aux  effets  de  la  capillarité  dans  la  production  des  phéno- 
mènes complexes  dont  l'étude  nous  occupe  ici,  nous  ne  pouvons 
donc  expliquer  par  le  jeu  des  forces  attractives  que  possèdent 
les  tissus  organiques,  ni  les  phénomènes  osmotiques,  ni  l'ab- 
sorption qui  fait  pénétrer  les  matières  étrangères  de  l'extérieur 
des  vaisseaux  jusque  dans  le  torrent  de  la  circulation.  Ce  mou- 
vement ne  peut  être  déterminé  que  par  l'intervention  de  quelque 
autre  force,  et,  pour  en  découvrir  la  cause,  cherchons  d'abord 
à  nous  rendre  compte  de  l'action  que  le  milieu  en  rapport  avec 
la  surface  vers  laquelle  le  courant  se  dirige  peut  exercer  sur  les 
liquides  dont  les  cavités  capillaires  de  la  cloison  se  sont  rem- 
plies. 

§  6.  —  Si  la  cloison  qui  sépare  entre  eux  deux  liquides  est  éga- 
lement perméable  dans  tous  les  sens,  et  si  ces  deux  liquides  sont  ''^'f^^S'^ 
doués  des  mêmes  propriétés,  l'influence  de  ceux-ci  ne  produira  ""■  '^^  ""'"""^ 
aucun  effet  sensible  sur  l'état  d'é(juilibre  du  fluide  logé  dans  les 
canaux  capillaires  dont  cette  cloison  est  creusée  (1).  Mais  si  ces 
liquides  sont  hétérogènes,  il  pourra  en  être  autrement,  car  l'at- 
traction exercée  par  les  molécules  du  liquide  intérieur  sur  celles 
du  liquide  extérieur  pourra  l'emporter  sur  la  force  qui  fait  ad- 
hérer ces  dernières  aux  parois  des  conduits  capillaires  intermé- 

(1)    Si    le   fluide   que  j'appellerai  pourrait  repousser  le  liquide  B  ni  être 

interstitiel  élail  compressible  comme  repoussé  par  lui,  puisque  nous  avons 

le  sont  les  gaz,  son  volume  diminue-  supposé  l'action   capillaire  égale  de 

rait  par  l'effet  de  la  pression  exercée  part  et  d'autre;  par  conséquent  il  n'y 

en  sens  opposé   par   les  deux  filets  aurait  établissement  d'aucun  courant, 

liquides  attirés  dans  le  canal  capillaire  Enfin,  si  le  canal  capillaire  est  déjà 

parles exlrémitésopposées de  celui-ci;  occupé  par  un  liquide  identique  avec 

mais  cette  pression  étant  égale  de  part  A  et  13,  ceux-ci  ne  pourront  pénétrer 

et  d'autre,  il  resterait  stationnaire  au  ni  l'un  ni  l'autre,  parce  que  l'attraction 

milieu  de  la  cloison  et  continuerait  à  exercée  par  les  parois  de  ce  conduit 

former  écran.   Si  le  canal  capillaire  sur  le  liquide  cavitaire  sera  égale  à 

était  vide,  les  deux  filets  liquides  s'y  celle  que  ces  mêmes  parois  exercent 

rencontreraient   et  formeraient    une  sur  A   et  sur  B,   et  il  n'y  aura  la 

masse  continue,  mais  le  liquide  A  ne  aucune  cause  de  déplacement. 


9i  '  ABSORPTION. 

diaires,  ainsi  que  sur  la  force  qui  tendrait  à  faire  pénétrer  le 
liquide  intérieur  dans  ces  mêmes  canaux  et  à  s'opposer  au  pas 
sage  du  liquide  extérieur.  Celui-ci  serait  alors  sollicité  à  avancer 
davantage  et  à  se  réunir  au  liquide  intérieur;  enfin,  si  l'attrac- 
tion exercée  de  la  sorte  par  l'un  des  liquides  sur  l'autre  était 
suffisamment  grande,  il  en  résulterait  un  mouvement  d'afflux 
de  l'extérieur  à  l'intérieur,  c'est-à-dire  un  courant  endos- 
motique,  et  un  phénomène  analogue  à  celui  qui  constitue  l'ab- 
sorption. 

Pour  avancer  dans  l'étude  du  mécanisme  du  transport  des 
matières  étrangères  de  l'extérieur  de  l'organisme  ou  des  cavités 
circumvasculaires  jusque  dans  le  torrent  de  la  circulation,  nous 
avons  donc  besoin  de  connaitre  le  mode  d'action  des  liquides 
sur  les  liquides,  et  je  me  vois  conduit  de  la  sorte  à  faire  une 
nauvelle  excursion  sur  le  domaine  des  sciences  physico- 
chimiques. 
Cause  ^  '^-  —  Chacun   sait  que  les  liquides,  quand  ils  sont  en 

'j^^"!'2"J''' contact,  se  comportent  d'une  manière  très  variable  :  les  uns 
sont  miscibles,  les  autres  ne  se  mêlent  pas;  et  lorsqu'on  veut 
se  rendre  bien  compte  de  la  cause  de  ces  différences,  il  est  bon 
de  revenir  au  point  de  départ  que  j'ai  choisi  pour  l'étude  des 
actions  capillaires,  et  de  considérer  ce  qui  se  passe  quand  de 
très  petites  masses  ayant  la  forme  de  gouttes  sont  en  pré- 
sence. 

\  Nous  avons  déjà  vu  qu'il  existe  de  très  grandes  variations 
dans  l'intensité  relative  de  la  force  de  cohésion  qui  tient  unies 
les  molécules  des  divers  liquides  et  de  l'attraction  adhésive 
que  les  corps  solides  exercent  sur  ces  substances.  11  en  est  de 
même  pour  les  réactions  des  différents  liquides  les  uns  sur  les 
autres.  Ainsi,  quand  une  goutte  d'eau  roule  sur  une  surface  où 
elle  conserve  sa  forme  sphérique  et  qu'elle  vient  à  rencon- 
trer un  globule  de  mercure,  elle  ne  se  confond  pas  avec 
celui-ci  et  reste  arrondie,  parce  que  la  force  d'attraction  des 


ACTION    DES    LIQUIDES    LES    UNS    SUR    LES    AUTRES.  95 

molécules  de  l'eau  pour  elles-mêmes  est  supérieure  à  la  force 
d'altraction  agissant  entre  ces  molécules  et  celles  du  mercure, 
qui,  de  leur  côté,  sont  maintenues  le  plus  rapprochées  possible, 
c'est-à-dire  en  boule,  par  une  force  de  cohésion  supérieure  à 
l'attraction  dont  je  viens  de  parler.  Il  en  est  encore  de  même 
quand  des  globules  d'ea.i  et  d'huile  viennent  à  se  rencontrer; 
mais,  quand  une  goutte  d'eau  arrive  en  contact  avec  une  goutte 
d'alcool ,  les  choses  se  passent  tout  autrement  ;  les  deux  glo- 
bules se  confondent  rapidement,  et  ne  forment  plus  qu'une 
nrasse  unique.  En  effet,  l'attraction  des  molécules  de  l'eau  pour 
celles  de  l'alcool,  et  réciproquement,  est  plus  énergique  que 
l'attraction  cohésive  des  molécules  de  l'un  ou  de  l'autre  de  ces 
liquides  pour  elles-mêmes,  et  cette  attraction  détermine  leur 
rapprochement. 

Il  y  a  donc  des  différences  très  considérables  dans  le  degré 
de  puissance  avec  lequel  les  liquides  hétérogènes  s'attirent 
mutuellement. 

Pour  mieux  apprécier  l'intluence  de  cette  inégalité  dans  la 
force  adhésive,  examinons  de  plus  près  ce  qui  se  passe  quand 
l'eau  est  en  présence  de  l'huile  ou  de  l'alcool. 

Chacun  a  pu  remarquer  que  l'huile  versée  sur  l'eau  surnage 
à  raison  de  sa  moindre  densité,  et  que  si  la  quantité  d'huile 
déposée  ainsi  est  très  petite,  ce  liquide  conservera  en  dessous 
une  surface  convexe,  tout  en  s'étalant  en  lame  mince,  et  ne  se 
mêlera  pas  à  l'eau;  bien  plus,  si  l'on  agite  le  vase  de  façon  à 
diviser  l'huile  en  parcelles  très  minimes  et  à  éparpiller  celles-ci 
dans  tous  les  sens  au  milieu  de  l'eau,  on  la  voit,  par  le  repos, 
se  réunir  plus  ou  moins  rapidement  à  la  surface  de  ce  liquide, 
et  reprendre  la  position  que  l'équihbre  hydrostatique  lui  assigne. 
Ainsi  le  mélange  opéré  artificiellement  n'est  pas  permanent. 

Si,  au  lieu  d'employer  de  l'huile,  on  verse  doucement  à  la 
surface  de  l'eau  une  certaine  quantité  d'alcool,  ou  mieux  encore 
du  vin  coloré,  afin  de  rendre  les  phénomènes  plus  visibles,  on 


96  ABSORPTION. 

remarque  aussi  que  ce  dernier  liquide  forme  au-dessus  de  la 
première  une  couche  distincte  ;  mais  la  ligne  de  démarcation 
cesse  bientôt  d'être  nelte,  et  l'on  voit  le  vin,  malgré  sa  légèrelé, 
descendre  peu  à  peu  dans  l'eau  et  la  teinter  de  plus  en  plus  ;  au 
bout  d'un  certain  temps,  le  mélange  se  sera  complété  spontané- 
ment, et,  lorsque  ce  résultat  sera  obtenu,  ou  lorsqu'on  aura  mêlé 
les  deux  liquides  en  les  agitant,  la  différence  de  leur  pesanteur 
spécifique  ne  suffira  plus  pour  les  séparer  :  les  molécules  du 
vin  se  seront  distribuées  d'une  manière  uniforme  dans  toutes 
les  parties  de  la  masse  d'eau  sous-jacente.  Ces  deux  liquides 
sont  donc  miscibles,  et  la  force  qui  tient  les  molécules  du  vin 
unies  aux  molécules  de  l'eau  balance  non -seulement  l'attrac- 
tion cohésive  de  ces  deux  substances ,  mais  aussi  la  force 
hydrostatique  due  à  leur  densité  inégale,  qui  tend  à  faire  monter 
les  premières  et  descendre  les  secondes. 
Action  Des  phénomènes  analogues  s'observent  quand  on  met  en 

des'uquwï.  présence  un  corps  solide  et  un  liquide  qui  est  susceptible,  non- 
seulement  de  mouiller  le  premier,  mais  aussi  de  le  dissoudre. 
Les  mêmes  forces  déterminent  les  dissolutions  aussi  bien  que 
les  mélanges  permanents  dont  je  viens  de  parler,  et,  pour 
arriver  à  des  idées  nettes  louchant  l'action  réciproque  des 
liquides,  il  me  paraît  indispensable  de  considérer  d'abord  ce 
qui  se  passe  dans  le  travail  de  la  dissolution. 

Prenons  pour  exemple  un  morceau  de  glace,  et  plaçons-le 
en  rapport  avec  de  l'acide  sulfurique  concentré  :  la  glace  se 
dissoudra,  c'est-à-dire  fondra  et  se  dispersera  dans  l'acide, 
jusqu'à  ce  que  celui-ci  se  soit  chargé  d'une  certaine  propor- 
tion d'eau.  L'attraction  exercée  par  l'acide  sulfurique  sur  les 
molécules  de  la  glace  aura  donc  vaincu  la  force  de  cohésion 
qui  retenait  celles-ci  comme  enchaînées  entre  elles  et  leur 
donnait  l'état  solide  ;  elle  aura  produit  sur  ces  particules  un 
effet  analogue  à  celui  qui  résulte  de  leur  combinaison  avec  une 
quantité  considérable  de  chaleur,  et  l'eau  ainsi  Hquéfiée  aura 


ACTIONS    MOLÉCULAIRES    DES    LIQUIDES.  97 

été  introduite  dans  la  masse  de  l'acide  et  distribuée  d'une  ma- 
nière uniforme  dans  toutes  les  parties  de  celle-ci,  car  la  combi- 
naison ou  mélange  ainsi  produit  sera  identique  sur  tous  les 
points.  Pour  arriver  au  but  que  je  me  propose  d'atteindre,  nous 
n'avons  pas  besoin  d'examiner  ici  quel  est  le  caractère  de  la 
force  attractive  déployée  par  l'acide  sulfurique ,  et  de  chercher 
si  elle  modifie  ou  non  le  mode  de  groupement  atomique  des 
corps  réagissants  ;  que  cette  force  soit  l'affinité  chimique  ou 
l'agent  que  nous  avons  vu  intervenir  dans  la  production  des 
phénomènes  de  capillarité,  et  que  nous  avons  appelé  attraction 
adhésive^  les  effets  dynamiques  pourraient  différer  quant  à  leur 
intensité ,  mais  resteraient  les  mômes  en  ce  qui  touche  au  chan- 
gement d'état  du  corps  dissous  et  à  son  mode  de  répartition 
au  sein  du  menstrue,  c'est-à-dire  du  fluide  dissolvant;  et 
toujours  l'action  dissolvante  de  celui-ci  se  prolongera  tant  qu'il 
n'y  aura  pas  équilibre  entre  la  puissance  attractive  dont  ce 
menstrue  est  doué  et  la  somme  des  forces  contraires  qui  ten- 
dent à  maintenir  les  molécules  de  l'eau  à  l'état  de  glace  séparées 
de  celles-ci  et  réunies  entre  elles  sous  la  forme  solide.  Le  degré 
de  solubilité  de  la  glace  dans  l'acide  sera  donc  déterminé  par 
la  résultante  de  ces  forces  contraires  ;  et  quand  cette  résultante 
deviendra  égale  à  zéro,  la  dissolution  de  l'eau  dans  l'acide  sera 
dans  l'état  d'équilibre  que  les  chimistes  appellent  saturation. 
Mais  les  molécules  de  l'acide  et  celles  de  l'eau  à  l'état  soUde 
n'en  persisteront  pas  moins  à  s'attirer  réciproquement  avec  un 
certain  degré  de  force;  et  il  est  visible  que  si  l'on  supprimait 
l'influence  de  la  cohésion  de  la  glace  qui  balance  cette  attrac- 
tion, celle-ci  continuerait  à  déterminer  le  rapprochement  entre 
les  particules  de  ces  deux  corps  hétérogènes,  et  une  nou- 
velle quantité  d'eau  pénétrerait  entre  les  molécules  de  l'acide. 
Or,  cette  désagrégation  des  particules  de  l'eau  solide  s'effectue 
par  l'action  de  la  chaleur,  quand  la  glace  vient  à  fondre  sous 
l'influence  de  cet  agent  physique,  et  par  conséquent  l'acide  sulfu- 
V.  7 


98  ABSORPTION, 

rique,  en  vertu  des  forces  attractives  dont  nous  venons  d'exa- 
miner le  jeu,  pourra  se  pénétrer  d'une  quantité  d'eau  liquide 
supérieure  à  celle  dont  il  s'emparerait  si  ce  dernier  corps  était  à 
l'état  solide.  Il  en  résulte  que  des  phénomènes  du  même  ordre 
que  ceux  qui  caractérisent  l'action  dissolvante  peuvent  se  pro- 
duire quand  deux  liquides  sont  en  contact,  et  déterminer  la 
répartition  uniforme  des  molécules  de  l'un  dans  la  masse  con- 
stituée par  l'autre. 

Nous  verrons  bientôt  que  l'attraction  développée  de  la  sorte 
est  une  cause  de  mouvement  pour  les  dissolutions  salines  et  les 
autres  liquides  qui  se  trouvent  en  rapport  avec  les  humeurs  de 
l'organisme,  et  joue  un  rôle  considérable  soit  dans  l'endosmose, 
soit  dans  l'absorption  physiologique;  mais,  avant  d'examiner 
ce  point,  cherchons  à  compléter  l'idée  que  nous  devons  nous 
former  de  la  réaction  des  liquides  miscibles  qui  viennent  à  se 
rencontrer. 
Mode  Si  la  force  qui  détermine  le  rapprochement  des  molécules 

de  l'acide  sulfurique  et  de  l'eau  était  seulement  l'aftinité  chi- 
en ïssSon.  ^liquc,  Ic  mélaugc  spontané  de  ces  deux  liquides  ne  se  produi- 
rait plus  du  moment  que  cette  affinité  serait  sahsfaite,  et,  en 
admettant  même  qu'à  raison  de  celte  force  chaque  molécule 
d'acide  pût  agglomérer  autour  d'elle  un  très  grand  nombre 
de  molécules  d'eau,  les  effets  ainsi  produits  auraient  un  terme, 
et,  passé  ce  terme,  rien  ne  solliciterait  les  particules  d'acide 
hydraté  à  se  répandre  dans  un  volume  d'eau  plus  considé- 
rable. Il  en  serait  encore  de  même  si  le  mélange  des  deux 
liquides  n'était  provoqué  que  par  l'attraction  adhésive  agissant 
seule  ou  conjointement  avec  l'affinité;  car,  d'une  part,  la  sphère 
d'activité  sensible  de  cette  force  aurait  aussi  des  limites,  et, 
d'autre  part,  dès  que  la  molécule  d'acide  serait  en  équilibre 
au  miheu  d'un  groupe  de  molécules  occupant  la  totalité  de 
l'espace  correspondant  à  cette  sphère,  elle  y  resterait  station- 
naire  tant  qu'une  autre  cause  ne  viendrait  pas  troubler  cet 


ilo  distribution 
lies  molccule; 


ACTIONS    MOLÉCULAIRES    DES    LIQUIDES.  99  ': 

équilibre.  Or,  le  voisinage  d'une  masse  plus  ou  moins  consi-  i 

dérable  d'eau  située  au  delà  de  ces  limites  ne  saurait  produire  ! 

cet  effet.  Cependant  l'expérience  nous  apprend  que  si  l'on  met  j 

en  contact  de  l'acide  sulfurique  et  de  l'eau,  le  premier  de  ces  i 

corps  se  répartira  uniformément  dans  le  second  et  y  restera 
distribué  de  la  sorte,  quel  que  soit  le  volume  de  ce  dernier  ; 

liquide.  Ainsi,  dix  molécules  d'acide  qui  se  placeront  à  égale  ,j 

distance  dans  un  volume  d'eau  constitué  par  mille  molécules  j 

de  ce  corps,  se  répartiront  de  la  même  manière  dans  un  volume  | 

composé  d'un  million  ou  de  cent  millions  de  ces  mêmes  mole-  ! 

cules;  de  sorte  que  des  portions  du  mélange  prises  dans  des  \ 

parties  quelconques  de  la  masse  formée  par  celui-ci  offrent  les 
mêmes  proportions  d'eau  et  d'acide.  j 

L'explication  de  ce  phénoinène  a  été  donnée  par  un  des  ■ 

physiciens  que  la  Faculté  des  sciences  de  Paris  est  heureuse  de 
pouvoir  compter  au  nombre  de  ses  membres  :  Gay-Lussac  (1).  i 

Chacun  sait  que  les  corps,  tant  solides  que  liquides,  changent  i.-état  des  corps 
d'état  sous  l'inlluence  d'une  température  suffisamment  élevée,  TstanTioVuT 
pourvu  qu'ils  ne  soient  pas  décomposés  préalablement  par  cette 
force,  et  que  lorsque  leurs  molécules  constitutives  ont  été  de  la 
sorte  écartées  entre  elles,  celles-ci  cessent  d'exercer  sur  elles- 
mêmes  une  attraction  réciproque  appréciable,  mais  obéissent  à 
la  force  répulsive  que  la  chaleur  leur  communique,  et  tendent 
en  conséquence  à  se  répartir  uniformément  dans  l'espace; 
quand  des  obstacles  s'opposent  à  leur  dispersion,  elles  pressent 

(1)   Gay-Lussac  clait  à  la  fois  lui  qui  a  été  Torigine   de  nos  connais - 

grand  chimiste  et  un  des  physiciens  sances  sur  les  radicaux  composés,  et 

les  plus  illustres  de  son  époque.  On  un  grand   nombre  de  travaux  d'une 

lui  doit  la  découverte  de  la  lui  dite  grande  importance.  Il  naquit  en  1778 

des  volumes,  qui  régit  les  combinai-  et  mourut  en  1850.  Arago  et  M.  Biot 

sons  des  gaz  ;   un  travail  capital  sur  ont  publié  l'un  et  l'autre  des  notices 

l'iode,  la  découverte  du  cyanogène,  sur  ses  ouvrages  (a). 

(a)  Arago,  Notices  biographiques,  t.  III  {Œuvres). 

—  Biot,  Notice  sur  Gay-Lussac  [Journal  des  savants,  d850). 


en  drssolution 
«st  analogue 
celui  des  gaz. 


100  ABSORPTION. 

contre  ceux-ci,  et,  qunnd  elles  cessent  d'être  confinées,  elles  se 
répandent  au  loin.  Nous  avons  déjà  eu  l'occasion  de  voir  qu'en 
vertu  de  ce  pouvoir  expansif,  les  gaz  occupent  tous  les  espaces 
vides  où  ils  ont  accès,  et  se  logent  aussi  dans  les  interstices 
que  les  molécules  des  fluides  laissent  entre  elles  (1).  Or,  les  mo- 
lécules d'un  solide  ou  d'un  liquide  qui,  par  l'action  dissolvante 
d'un  menstrue ,  se  trouvent  écartées  entre  elles  de  la  même 
façon,  doivent  se  comporter  d'une  manière  analogue;  et  par 
conséquent  si  les  forces  attractives  qui  déterminent  le  groupe- 
ment d'un  certain  nombre  de  molécules  du  corps  dissolvant 
autour  de  chaque  molécule  du  corps  sokible  conservent  une 
action  sensible  à  des  distances  où  déjà  la  force  de  répulsion 
l'emporte  sur  la  force  de  cohésion,  ces  molécules  doivent  se 
comporter  comme  le  font  les  particules  d'un  gaz  ou  d'une  va- 
peur, c'est-à-dire  se  repousser  mutuellement  et  tendre  à  se 
répartir  uniformément  dans  la  totalité  de  l'espace  que  le 
menstrue  leur  offre.  C'est  précisément  de  la  sorte  qu'on  les 
voit  se  répandre  au  loin ,  et  par  conséquent  le  phénomène  de 
la  diffusion  des  liquides  dans  les  liquides,  de  même  que  l'expan- 
sion des  gaz  dans  l'espace,  s'explique  par  l'inégahté  dans  la 
loi  de  décroissance  des  forces  attractives  et  répulsives  avec  les 
distances,  décroissance  qui  amène  la  cessation  des  effels  sen- 
sibles de  l'attraction  quand  les  molécules  réagissantes  sont  arri- 
vées à  un  certain  degré  d'écartement,  mais  qui  ne  modifie  pas 
de  la  même  manière  la  puissance  répulsive,  dont  l'intensité  ne 
diminuerait  pas  aussi  rapidement  avec  l'augmentation  de  la 
distance  et  produirait  seule  des  effets  appréciables  au  delà  des 
limites  que  je  viens  d'indiquer. 
Diffusion  Le  mélange  spontané  des  liquides  miscibles  qui  se  trouvent 
dïfsKres  en  contact  est  donc  un  phénomène  complexe  et  peut  être  déter- 
miné par  deux  causes  :  par  les  forces  attractives  chimiques  ou 

{i)  Voyez  tome  1",  page  Z|56  et  suivantes. 


liquides. 


DIFFUSION    DES    LIQUIDES.  101 

physiques  qui  sollicitent  les  molécules  hétérogènes  à  se  rappro- 
cher, et  par  la  force  répulsive  qui,  due  à  la  chaleur  ou  à  tout 
autre  agent,  tend  à  écarter  entre  elles  les  molécules  homogènes, 
et  n'est  plus  balancée  par  l'attraction  réciproque  de  celles-ci  dès 
que  ces  mêmes  molécules  sont  situées  à  une  certaine  distance 
les  unes  des  autres.  Ce  sont  les  effets  dus  à  cette  action  répul- 
sive qui  constituent  essentiellement  le  phénomène  que  les  phy- 
siciens désignent  sous  le  nom  de  diffusion  des  fluides,  et  il  est 
facile  de  concevoir  qu'une  puissance  tendant  à  faire  pénétrer 
les  molécules  d'un  corps  du  sein  d'un  liquide  dans  la  substance 
d'un  liquide  adjacent,  doive  jouer  un  rôle  considérable  dans 
l'absorption  physiologique,  phénomène  par  suite  du(juel  les 
fluides  en  contact  avec  la  surface  humide  de  nos  organes 
pénètrent  jusque  dans  la  masse  des  liquides  nourriciers  en  cir- 
culation dans  l'organisme. 

Tout  ce  que  je  viens  de  dire  au  sujet  du  mécanisme  de  la 
dissolution  de  la  glace  dans  l'acide  sulfurique,  et  de  la  diffusion 
subséquente  des  molécules  de  l'acide  hydraté  au  sein  d'un 
volume  quelconque  d'eau  liquide,  est  applicable  au  phénomène 
de  la  dissolution  en  général,  quel  que  soit  le  corps  solide  dont 
le  liquide  s'empare,  et  quel  que  soit  le  menstrue  qui  produit  cet 
effet  (1).  Pour  arriver  au  but  que  je  me  propose,  il  n'est  pas 


[i]  Ainsi  quand  l'eau  dissout  du  sel,  rique,  elle  s'empare  donc  d'une  quan- 

ce  dernier  corps  est  liquéfié  par  l'action  tité  correspondante  de  chaleur,  et  en 

attractive  de  ce  menstrue,  tout  comme  soustrayant  celle-ci  aux  corps  envi- 

nous  avons  vu  la  glace  fondre  au  con-  ronnants  ,   produit   du    froid.    Aussi 

tact  de   l'acide  sulfurique.   Or  nous  malgré    le    dégagement    de   chaleur 

savons  que  les  corps,  en  changeant  qui  résulte  en  même  temps  de  l'union 

d'état,  rendent  latente  une  quantité  de  l'acide  sulfurique  avec  un  certain 

plus  ou  moins  considérable  de  chaleur,  nombre  de  molécules  du  liquide,  et 

et  que  l'eau,  par  exemple,  pour  pas-  qui   balance  en  partie  cet  effet  frigo- 

ser  de   i'élat  solide  à  l'étal  liquide,  rifique,  peut-on  obtenir  ainsi  un  grand 

sans  changer  de  température,  absorbe  abaissement    de    température  :   par 

79  calories  par  kilogramme.  Quand  exemple,  en  mêlant  8  parties  de  neige 

la  glace  se  dissout  dans  l'acide  sulfu-  et  10  parties  d'acide  sulfurique  étendu, 


102  ABSORPTION. 

nécessaire  de  chercher  à  démêler  la  part  que  l'affinité  chimique 
peut  avoir  dans  l'action  attractive  exercée  par  le  dissolvant  sur 
les  particules  du  corps  soluble  ;  la  distinction  serait  d'ailleurs 
bien  difficile  à  étabhr  (1),  et  nous  pouvons  également  nous  dis- 
penser de  l'examen  des  lois  de  la  dissolution.  Mais,  d'après  ce 
que  nous  savons  déjà  concernant  la  diffusion  des  liquides,  les 
physiologistes  conviendront  avec  moi  qu'il   peut  nous   être 


on  parvient  à  faire  descendre  le  ther- 
momètre jusqu'à  68  degrés  au-dessous 
de  zéro. 

La  même  alisorption  de  chaleur  se 
fait  quand  un  sel  se  dissout  dans  l'eau. 
Ainsi  en  mettant  en  présence  des  par- 
ties égales  d'azotate  d'ammoniaque  et 
d'eau,  on  détermine  dans  le  mélange 
un  abaissement  de  température  de 
près  de  oO  degrés. 

Mais  les  effets  frigorifiques  dépen- 
dants des  phénomènes  de  la  dissolu- 
tion ne  tiennent  pas  seulement  à  la 
fusion  du  solide  dissous,  et  continuent 
de  se  produire  après  que  ce  résultat  a 
été  obtenu.  Ils  sont  alors  dus  à  la 
diffusion  des  molécules  du  corps  en 
dissolution  dans  l'espace  que  lui  offre 
le  menstrue.  Cette  diffusion,  ai-je  dit, 
est  un  phénomène  analogue  à  l'ex- 
pansion d'un  gaz  dans  le  vide.  Cette 
expansion  est  toujours  accompagnée 
d'une  production  de  froid,  et  par  coa- 
séquent  la  diffusion  d'un  liquide  dans 
un  autre  doit  être  accompagnée  aussi 
d'une  absorption  de  chaleur.  L'abais- 
sement de  température  produit  de  la 
sorte  peut  souvent  être  reconnu  au 
thermomètre  ;  mais  dans  d'autres  cas 
il  est  masqué  par  le  dégagement  de 
chaleur  déterminé  par  le  rapproche- 
ment des  molécules  du  corps  dissous 


et  des  molécules  du  menstrue  qui 
viennent  se  grouper  autour  de  cha-!- 
cune  des  premières. 

Conune  exemple  des  effets  calori- 
fiques complexes  qui  peuvent  se  pro^ 
duire  dans  l'acte  de  la  dissolution,  je 
rappellerai  qu'un  équivalent  de  sulfate 
de  magnésie  anhydre,  en  se  dissolvant 
dans  une  quantité  déterminée  d'eau, 
produit  une  élévation  de  température 
de  k",'ào  ;  tandis  que  la  dissolution  du 
même  sulfate  cristallisé,  et  contenant 
7  équivalents  d'eau  ,  détermine  un 
abaissement  de  température  de  0'',92, 
La  quantité  totale  de  chaleur  dégagée 
par  l'action  de  MgOjSO^surHOadonc 
été  de  li\33  -^  0",92  =  5",23  (a). 

(1)  Ainsi,  quand  on  mêle  de  l'eau 
et  de  l'acide  suifurique,  on  observe 
une  diminution  dans  le  volume  des 
liquides,  un  grand  dégagement  de 
chaleur  et  tous  les  signes  d'une  com- 
binaison chimique  ;  mais  une  cer- 
taine élévation  de  température  se  pro- 
duit encore  lorsque  l'acide  a  déji'i 
reçu  une  quantité  d'eau  si  grande, 
qu'il  est  difiicile  de  croire  que  l'hy- 
drate formé  puisse  s'unir  chimique- 
ment à  un  nombre  plus  considérable 
d'atomes  de  cette  substance  basique. 
Par  exemple,  dans  les  expériences  de 
M.  Graham,  un  dégagement  de  cha^. 


(a)  Graham,  Op.  cit.  {Annales  de  chimie,  3*  série,  t.  VIII,  p.  159), 


DIFFUSION    DES    LIQUIDES.  103 

utile  d'approfondir  davantage  l'étude  de  ce  dernier  phéno- 
mène (1). 

§  8.  —  Si  Ton  met  en  contact  de  l'eau  pure  et  une  dissolution       ^ou 

,  ,  ,  ,       -         . ,  de  la  diffusion. 

de  sel  commun,  on  voit  que  les  molécules  de  cette  dernière  sub- 
stance s'échappent  en  partie  du  menstrue  qui  les  contient,  et    • 
que  cette  diffusion  se  poursuit  jusqu'à  ce  que  la  proportion  des 
molécules  salines  et  aqueuses  soit  devenue  égale  de  part  et 


leur  très  sensible  s'observa  lorsqu'on 
ajoutait  de  l'eau  à  de  l'acide  sulfurique 
précédemment  dilué  au  point 'de  con- 
tenir /|8  équivalents  de  base  pour 
un  équivalent  d'acide  (a).  Or,  dans 
les  cas  de  ce  genre,  faut-il  attribuer 
le  dégagement  de  chaleur  à  des  ac- 
tions moléculaires  de  l'ordre  de  celles 
qui  déterminent  l'adhésion  de  l'eau 
sur  tout  corps  solide  que  ce  liquide 
est  susceptible  de  mouiller,  et  qui, 
en  s'exerçant ,  produisent ,  comme 
M.  Pouillet  l'a  constaté,  une  certaine 
élévation  de  température  [b]  ?  Ou  bien, 
faut-il  supposer  que  l'affinité  chimique 
de  l'acide  pour  l'eau  puisse  s'étendre 
sur  un  groupe  extrêmement  consi- 
dérable de  molécules  de  ce  liquide 
basique"?  et  alors,  de  même  que  dans 
le  premier  cas,  où  sera  la  limite  de 
cette  intluence?  Dans  l'état  actuel  de 
la  science,  ces  questions  ne  me  pa- 
raissent pas  solubles,  et  d'ailleurs  je 
ne  crois  pas  que  la  distinction  entre 
les  forces  attractives  dites  chimiques 
et  physiques  soit  aussi  fondée  qu'on 
l'enseigne  généralement  dans  nos 
écoles. 


(1)  Le  phénomène  de  la  diffusion 
des  liquides  dans  les  milieux  liquides 
a  été  étudié  avec  beaucoup  d'attention 
par  l'un  des  chimistes  les  plus  habiles 
de  l'Angleterre,  Al.  Th.  Graham  (c). 

Pour  mesurer  le  pouvoir  diffusif 
d'une  dissolution  saline  ou  de  toute 
autre  substance  dans  un  milieu  quel- 
conque, ce  savant  a  fait  usage  d'une 
méthode  expérimentale  très  simple. 
Un  flacon  à  large  goulot  est  rempli 
de  la  dissolution  saline  et  placé  dans 
un  grand  vase  que  l'on  remplit  ensuite 
avec  de  l'eau  pure,  de  façon  que 
ce  dernier  liquide  dépasse  de  beau- 
coup le  bord  supérieur  du  flacon,  et 
que  pendant  l'opération  la  dissolu- 
tion sahne  n'ait  pas  été  notablement 
agitée  par  des  courants  produits  dans 
le  bain  où  elle  plonge.  Au  bout  d'un 
certain  temps,  on  recueille  une  cer- 
taine quantité  de  l'eau  du  bain,  et  l'on 
détermine,  par  évaporalion  ou  par 
l'emploi  de  réactifs  titrés,  la  propor- 
tion de  matière  saline  qui  s'y  trouve 
répandue  et  qui  lui  a  été  fournie  par 
la  dissolution  contenue  dans  le  flacon 
ouvert  et  immergé  (d). 


[a)  Gïaham,  Expériences  sur  la  chaleur  dégagée  par  les  combinaisons  chimiques  {Annales  de 
chimie  et  dephysique,  3=  série,  1843,  t.  VIII,  p.  -175j. 

(b)  Voyez  ci-dessus,  pages  77  et  84. 

(c)  Grahym,  On  the  Diffusion  of  Liquids  {Philos.  Trans.,  1840,  p.  1).  —  Supplément.  Observ, 
on  the  Diffusion  of  Liquids  [Philos.  Trans.,  1850,  p.  805).  —  Additional  Observ.  on  tke  Diffw 
sien  of  Liquids  {Philos.  Trans.,  1857,  p.  483). 

[d)  T.  Graham,  Op.  cit.  {Philos.  Trans.,  1849,  p.  4,  fig.  2). 


104  ABSORPTION, 

d'autre  ;  mais  que  ce  mouvement  expansif  diminue  d'intensité 
à  mesure  que  l'expérience  avance  et  que  l'équilibre  parfait  ne 
s'établit  que  très  lentement.  En  effet,  la  diffusion  est  d'autant 
plus  rapide,  que  la  différence  est  plus  grande  entre  la  proportion 
du  sel  dans  les  deux  liquides;  et  pour  mieux  constater  cette 
proportionnalité  entre  la  quantité  de  la  matière  saline  qui  existe 
dans  une  dissolution  et  celle  qui  se  répand  dans  un  liquide 
adjacent,  il  suffit  de  placer  dans  autant  de  bains  de  même  vo- 
lume quatre  vases  contenant  de  l'eau  chargée  de  chlorure  de 
sodium  dans  les  proportions  de  1,  2,  3  et  li  centièmes,  puis, 
au  bout  d'un  temps  voulu,  une  semaine,  par  exemple,  de  déter- 
miner la  quantité  de  sel  qui  se  sera  répandue  dans  l'eau  de 
chacun  de  ces  bains  :  on  verra  que  ces  quantités  seront  entre 
elles  dans  les  mêmes  rapports  que  dans  les  dissolutions,  c'est- 
à-dire  comme  1,  2,  3,  4  {]). 

Il  résulte  aussi  des  expériences  de  M.  Graham  que  la  rapidité 
de  la  diffusion  croît,  dans  certaines  Hmites,  avec  l'élévation  de 
la  température  (2). 

La  rapidité  avec  laquelle  la  diffusion  s'effectue  varie  beau- 
coup, suivant  la  nature  des  substances  qui  se  répandent  dans 

(1)  Ces  expériences  ont  été  faites  ciilorure  de  sodium  ont  répandu  dans 
par  M.  Graham  (a);  mais  je  dois  ajou-  le  bain  circonvoisin  10  parties  de  sel 
ter  que  plus  récemment  M.  Beilslein,  quand  la  température  était  d'environ 
sous  la  direction  de  M.  Jolly,  a  exa-  /i  degrés,  et  13,6  quand  la  tempéra- 
miné  la  proposition  de  ce  chimiste,  ture  était  d'environ  19  degrés  (c). 
relative  aux  rapports  existant  entre  L'influence  accélératrice  de  l'éléva- 
la  rapidité  de  la  diffusion  et  la  pro-  tion  de  la  température  sur  le  pouvoir 
portion  de  sel,  et  qu'il  n'a  pas  trouvé  diffusif  de  diverses  dissolutions  salines 
un  accord  si  parfait;  il  pense  donc  est  également  mise  en  évidence  par  les 
que  cette  loi  n'a  qu'une  exactitude  expériences  suivantes,  faites,  les  unes 
approximative  (6).  à  15  degrés,  les  autres  à  3  degrés,  avec 

(2)  Ainsi,  dans  des  temps  égaux,  des  des  liquides  contenant  un  dixième  de 
dissolutions   également  chargées   de      matière    saline.   La   quantité   de   sel 

(a)  Gratiam,  Op.  cil.  (Philos.  Trans.,  dS50,  p.  6), 

(6)  Beilslein,  Ueber  die  Diffusion  von  Flûssigkeiten  (Liebig's  Annalen,  4856,  t.  XCIX,  p.  165}. 

(c)  Graliam,  Op.  cit.,  p.  0. 


DIFFUSION    DES    LIQUIDES.  105 

un  menstrue  et  aussi  suivant  la  nature  de  celui-ci.  Par  exem- 
ple ,  dans  une  série  d'expériences  comparatives  faites  par 
M.  Graham  dans  des  conditions  semblables ,  le  temps  employé 
pour  la  diffusion  de  3  parties  d'albumine  dans  un  bain  d'eau 
pure  a  suffi  pour  la  dispersion  de  13  de  gomme,  de  2G  de 
sucre,  de  51  de  nitrate  de  soude ,  de  58  de  chlorure  de  so- 
dium, et  de  69  d'acide  sulfurique  monohydraté.  L'alcool  ne 
possède  qu'environ  la  moitié  du  pouvoir  diffusible  de  ce  der- 
nier corps  ;  mais  l'ammoniaque,  la  potasse,  et  surtout  l'acide 
chlorhydrique,  se  répandent  dans  l'eau  avec  une  rapidité  beau- 
coup plus  grande  (i). 

Ces  différences  ne  coïncident  pas  avec  le  degré  d'affinité  plus 
ou  moins  considérable  des  substances  solublesdansle  menstrue. 
Ainsi  le  chlorure  de  sodium  a  plus  d'atTinité  pour  l'eau  que  le 


Diffusibililé 
inégale 

des  différenls 
corps. 


supposé  anhydre ,  qui  s'est  répandue 
dans  le  bain  pendant  des  temps  égaux, 
était  dans  la  proportion  suivante  : 

T.  =  15-.   T.  =  3». 


Chlorure  de  sodium. 

32,2 

22,5 

Nitrate  de  soude  .   . 

30,7 

22,8 

Chlorure      d'ammo- 

nium   

40,2 

31,1 

Amylale  de  potasse. 

35,5 

28,7 

—  d'ammoniaque.  . 

35,3 

29,2 

Chlorure  de  baryum. 

27,0 

21,1 

Sulfate  d'eau  .... 

36,8 

29,8 

Sulfate  de  magnésie. 

15,4 

13,1 

Sulfate  de  zinc  .   .   . 

15,8 

12,6 

On  voit  qu'en  général  l'accroisse- 
ment de  la  diffusibilité  qui  accom- 
pagne l'élévation  de  la  température 
est  d'autant  plus  grand  que  le  pouvoir 
diffusif  est  lui-même  plus  considé- 
rable (a). 

(1)  Ainsi,  dans  des  solutions  d'égale 
densité,  lorsque  les  produits  de  la  dif- 


fusion du  chlorure  de  sodium  étaient 
12  et  ceux  de  l'acide  sulfurique  18,  la 
quantité  d'acide  nitrique  dispersée 
était  de  28,  et  celle  de  l'acide  chlorhy- 
drique de  3/i  (6), 

Les  expériences  de  M.  Beilstein  ont 
conduit  ce  physicien  à  évaluer  de  la 
manière  suivante  le  pouvoir  diffusif 
des  divers  sels  qu'il  a  t'tudiés  ,  la  dif- 
fusion de  chlorure  de  potassium  étant 
prise  pour  unité  : 

Chlorure  de  potassium.   ...  1 

Salpêtre 0,9487 

Chlorure  de  sodium 0,8337 

Bichromate  de  potasse.  .   .   .  0,7453 

Carbonate  de  potasse  .  .  .   .  0,7371 

Sulfate  de  potasse 0,6987 

Carbonate  de  soude 0,5436 

Sulfate  de  soude 0,5369 

Sulfate  de  magnésie 0,3857 

Sulfate  de  cuivre 0,3440  [c) 


(a)  Graham,  Op.  cit.  (Philos.  Trans.,  1850,  p.  12). 

(6)  Idem,  ibid.  {Philos.  Trans.,  1850,  p.  10). 

(c)  Beilstein,  Op.  cit.  (Ann.  fur  Chemie  und  Pharm.,  1856,  t.  XCIX,  p.  165). 


Influence 
de  la  diffusion 

sur 
la  composilion 

chimique 
des  liquides. 


106  ABSORPTION. 

chlorure  de  potassium  ;  mais  ce  dernier  sel,  étant  dissous,  se 
répand  plus  rapidement  dans  ce  liquide  (1). 

Lorsque  deux  sels  qui  sont  susceptibles  de  se  mêler  sans  se 
combiner  ni  se  décomposer,  coexistent  dans  unedisso-lution,  ils 
se  répandent  dans  l'eau  adjacente  d'une  manière  presque  indé- 
pendante et  avec  un  degré  de  vitesse  qui  est  réglé  principale- 

(1)  On  peut,  jusqu'à  un  certain  mosphère,  question  qui  avait  été  d(?jà 
point,  estimer  l'affinité  d'un  sel  pour  étudiée  par  M.  Bliicher  et  quelques 
l'eau  par  la  force  de  résistance  que  ce  autres  physiciens  (6),  M.  Harzer  a  dé- 
corps oppose  à  la  transformation  de  terminé  avec  beaucoup  de  soin  l'aug- 
ce  liquide  en  vapeur,  ou,  en  d'autres  mentation  de  poids  qu'elles  offrent  par 
termes,  par  l'élévation  du  pointd'ébul-  suite  de  leur  exposition  à  l'air,  dans 
lition  de  la  dissolution  saturée.  Or  la  des  conditions  identiques,  et  a  obtenu 
comparaison  des  données  fournies  de  ainsi  les  résultats  numériques  sui- 
la  sorte  avec  la  quantité  des  produits  vants  : 

de  la  diffusion  ne  laisse  apercevoir  Augmentaiion 

aucune  relation  constante  entre  ces  pou'I  mo'p'it. 

deux  pllénomènes.  On   en  pourra  ju-  Acide  sulfurique  monohydraté.     165,1 

ger  par  les  exemples  suivants  :  Sulfate  de  soude 50,7 

Acide  acétique -10,7 

ii'ébuii'itioii.     <i'o  la'  Glilorui'e  de  sodium.   .....        39,3 

diffusion.  Chlorure  d'ammonium  ....       28,3 

Chlorure  de  sodium  .   .     107,7  100,0  nui           j        »     ■  ce  o 

'  '  Chlorure  de  potassium  ....  22,8 

Chlorure  de  potassium.     105,0  118,7  o  if .    j              -  •  on 

'  '  Sulfate  de  magnésie 8,0 

Nitrate  dé  soude.   .   .  .     104,4  96,4  n.       ■    .    j          1  r  a,  ^ 

Phosphate  de  soude 4,2  (c) 

Bisulfate  de  potasse  .  .     103,9  118,2 

Sulfafe  de  magnésie.   .     101 ,1  95.5  Qj.  j^^^^g  ^^,^0,^3  ^^^  ^.^jj.  q^,g  jg  p^^,. 

Sulfate  de  cuivre.   .  .   .     100,8         28,7  •      t,v     -f    1        i  1  1  V- 

'  voir  ditiusif  du  chlorure  de  sodium 

Je    dois     ajouter    cependant    que  est  presque  aussi  élevé  que  celui  de 

M.  Grahatn  considère  l'ensemble  de  l'acide  sulfurique,   et  les  expériences 

ses  recherches  comme  étant  favorable  de  M.  Graham  montrent  que  la  diffu- 

à  riiypolhèse  d'une  relation  entre  la  sion  du  chlorure  de  poiassiuiw  se  fait 

diffusibilité  et  l'affinité  (a).  plus  rapidement  que  celle  du  chlorure 

Pour  apprécier  le  degré  relatif  de  de  sodium,  tandis  que,  sous  le  rapport 

la  puissance    attractive   exercée   par  du  pouvoir  hygroscopique,  la  première 

diverses  substances  chimiques  sur  la  de  ces  substances  est  inférieure  à  la 

vapeur  aqueuse  répandue  dans  l'at-  seconde. 

(a)  Graham,  On  the  Diffusion  of  Liquida  (Philos.  Trans.,  1849,  p.  5). 

(6)  H.  von  Bliicher,  Ueher  das  Vermôgen  verschiedener  Salxe  Wasser  aus  der  Atmosphore 
aus%u%iehen  (Poggendorff's  Annalen,  1840,  t.  L,  p.  541), 

—  Schwede,  De  hygroscopicilate,  dissert.  inaug.  Dorpat,  1851. 

—  Buckheim,  Beitrdge  %ur  Lehre  von  der  Endosmose  [Arch.  fur  physiol.  Heilk.,  1853,  t.  XII, 
p.  217). 

(c)  Harzer,  Beitrâge  »ur  Lehre  von  der  Endosmose  (Archiv  fur  physiologische  Heilkunde, 
J856,  t.  XV,  p.  232  et  235). 


DIFFUSION    DES   LIQUIDES.  107 

ment  par  la  diff Lisibilité  propre  de  chacune  de  ces  substances  ; 
souvent  même  l'inégalité  qui  existe  à  cet  égard  se  prononce 
davantage,  et  il  résulte  de  ces  différences  dans  le  mouvement 
expansif  que  la  diffusion  peut  devenir  une  cause  de  séparation 
entre  les  matières  diverses  mélangées  dans  un  même  menstrue. 
Ainsi  les  sels  à  base  de  potasse  sont  plus  diffusibles  que  ceux  à 
base  de  soude,  et  par  conséquent,  si  une  dissolution  contenant 
une  proportion  déterminée  de  deux  de  ces  sels  se  trouve  en 
contact  avec  de  l'eau  pure,  elle  perdra,  dans  les  premiers  temps 
de  l'expérience,  plus  du  sel  potassique  que  du  sel  sodique,  et 
les  proportions  relatives  de  ces  deux  sels  changeront  tant  dans 
la  dissolution  primitive  que  dans  le  bain  (1)  ;  circonstance  dont 
il  faut  tenir  grand  compte  lorsqu'on  veut  analyser  les  phéno- 
mènes qui  accompagnent  le  transport  des  liquides  de  l'extérieur 
dans  l'intérieur  de  l'économie  animale. 

Enfin  il  est  également  important  de  noter  que  la  diffusion 
d'un  sel  n'est  pas  notablement  ralentie  par  la  préexistence  d'un 
autre  sel  dans  le  liquide  où  il  se  répand,  particularité  qui  con- 

(l)  Dans  une  des  expériences  faites  en  sel  commun.  Dans  une  expénence 
par  M.  Graham,  une  disso!u;ion  de  analogue  faite  sur  un  mélange  de  caiv 
poids  égaux  de  carbonate  de  soude  bonate  dépotasse  et  de  car])onale  de 
anhydre  et  de  chlorurede  sodium  dans  soude  en  poids  égaux,  les  produits  de 
100  parties  d'eau  fut  placée  dans  un  la  diffusion  furent  dans  la  proportion 
vase  ouvert  au  fond  d'un  bain  d'eau  d'environ  36  p.  100  de  ce  dernier  sel 
distillée.  Après  sept  jours  de  contact,  pour  tjZi  du  premier.  Quelquefois  même 
le  bain  contenait  un  mélange  des  deux  la  diffusibilité  inégale  de  deux  sels  sus- 
selsdans  la  proportion  deoi,o  de  car-  ccplibles  de  naître  par  double  décom- 
bonale  de  soude  pour  68,7  de  chlorure  position  peut  devenir  la  cause  détei-- 
de  sodium.  Dans  le  réservoir  intérieur,  minante  de  cetle  décomposition.  Ainsi 
contenant  la  dissolution  primitive,  la  du  bisulfate  de  potasse  peut  être  trans- 
proportion de  carbonate,  au  lieu  d'être  formé  de  la  sorte  en  sulfate  neutre  de 
de  50  pour  100,  comme  aucommen-  potasse  et  en  sulfate  d'eau  ou  acide 
cernent  de  l'expérience,  s'était  donc  sulfurique  hydraté.  L'alun  potassique 
élevée  après  de  69  pour  100,  et  celte  se  modifie  également  sous  l'influence 
dissolution   s'était  surtout  appauvrie  de  cette  force  moléculaire  (a). 

(a)  Graham,  Op.  cit.  (Philos.  Trans.,  1849,  p.  15,  17  et  19), 


108  ABSORPTION. 

stitue  un  nouveau  trait  de  ressemblance  entre  ce  phénomène  et 
l'expansion  des  gaz. 
Déplacement       Dgns  Ics  cas  de  mélanges  de  liquides  dont  ie  viens  de  parler, 

réciproque  '  "  ' 

des  liquides,  je  n'ai  tenu  compte  que  de  la  manière  dont  la  substance  logée 
dans  le  réservoir  intérieur  se  répand  dans  le  menstrue  exté- 
rieur, et  je  ne  me  suis  pas  occupé  de  ce  qui  pourrait  s'introduire 
de  ce  dernier  milieu  dans  le  liquide  dont  le  réservoir  est  rempli. 
Effectivement,  dans  certaines  circonstances  ce  déplacement  est 
nul  ou  tout  au  moins  insignifiant.  Ainsi,  quand  le  degré  de 
dilution  de  la  liqueur  saline  est  tel  que  la  distance  entre  les 
molécules  du  corps  dissous  est  supérieure  au  double  du  rayon 
de  la  sphère  d'attraction  sensible  de  chacune  de  ces  molécules 
sur  la  substance  du  menstrue,  il  est  évident  que  cette  attrac- 
tion ne  saurait  exercer  aucune  influence  appréciable  sur  les 
molécules  du  bain  extérieur  qui  se  trouvent  à  une  distance 
plus  grande,  et  que  par  conséquent  aucune  force  ne  sollicitera 
celles-ci  à  pénétrer  dans  le  sein  de  la  dissolution  saline  qui 
occupe  l'intérieur  du  réservoir.  Le  mélange  ne  sera  déterminé 
que  par  la  répulsion  mutuelle  des  molécules  du  corps  en 
dissolution,  et  la  distribution  uniforme  de  celles-ci  dans  les 
diverses  parties  des  deux  liquides  ne  sera  produite  que  par  le 
passage  d'un  certain  nombre  de  ces  particules  de  l'un  des 
menstrues  dans  l'autre. 

Mais  si  la  dissolution  saline  ou  autre  dont  le  réservoir  diffu- 
sant se  trouve  chargé  est  dans  un  état  de  concentration  tel 
que  les  effets  de  l'attraction  mutuelle  des  molécules  du  corps  en 
dissolution  et  du  menstrue  se  fassent  sentir  au  delà  des  Hmites 
du  groupe  de  particules  du  liquide  dissolvant  dont  chaque 
particule  du  corps  dissous  est  entouré,  le  phénomène  deviendra 
plus  complexe.  Les  molécules  du  corps  dissous,  en  même  temps 
qu'elles  tendent  à  s'écarter  entre  elles  et  à  se  répandre  au  loin 
dans  le  nouveau  milieu  qui  leur  est  ouvert,  attireront  aussi  à 
elles  un  nombre  plus  considérable  de  particules  du  menstrue, 


PHÉNOMÈNES    OSJIOTIQUES.  109 

et,  pour  obéir  à  cette  attraction,  une  portion  du  liquide  extérieur 
pourra  pénétrer  dans  le  réservoir  et  s'y  mêler  à  la  substance 
constitutive  de  la  dissolution.  Il  y  aura  donc  entre  les  deux 
masses  fluides  deux  mouvements  en  sens  opposé,  un  courant 
de  diffusion  qui  se  portera  de  la  dissolution  dans  le  liquide 
adjacent,  et  un  courant  déterminé  par  l'attraction  moléculaire 
qui  ira  de  ce  dernier  milieu  dans  la  dissolution. 

§  0.  —  Faisons  maintenant  un  pas  de  plus  :  supposons  que     Muence 

.    , ,  "  d'un  liquide 

deux  liquides  miscibles  et  de  nature  différente,  que  j'appellerai  intermédiaire 

,  .  sur  la 

A  et  B,  soient  places  dans  un  vase  cylindrique  et  séparés  entre     formation 

•    .  <  1  •        •  1      /-.       1  »  -1  'T.  •  ,       des  mélanges. 

eux  par  un  troisième  liquide  L,  d  un  poids  specitique  intermé- 
diaire, qui  ne  serait  miscible  qu'à  l'un  des  premiers,  par  exemple 
à  B,  et  appliquons  à  l'examen  des  phénomènes  qui  doivent  se 
produire  les  principes  fournis  par  l'étude  de  la  diffusion. 

Il  est  évident  que  B  et  C  se  mêleront  d'abord,  et  que  par 
conséquent  un  certain  nombre  des  molécules  de  B  se  réparti- 
ront d'une  manière  uniforme  dans  l'espace  occupé  par  C.  Une 
partie  de  ces  molécules,  en  parvenant  ainsi  à  la  surface  opposée 
de  C,  se  trouveront  par  conséquent  en  contact  avec  A .  Or,  A  et  B 
sont  miscibles,  et  par  conséquent  les  molécules  de  B  doivent 
pénétrer  aussi  dans  l'espace  occupé  par  A,  soit  pour  s'y  ré- 
pandre en  obéissant  seulement  à  la  force  diffusive  qui  les  anime, 
soit  pour  satisfaire  à  la  force  d'attraction  adhésive  ou  à  l'affinité 
chimique  qui  peut  exister  entre  elles  et  les  molécules  de  A.  Le 
liquide  A,  n'étant  pas  miscible  à  C,  ne  pourra  se  déplacer  de  la 
même  manière  pour  aller  vers  B,  et  par  conséquent  le  mouve- 
ment de  translation  ne  se  fera  que  dans  une  seule  direction  ; 
C  sera  traversé  par  un  courant  du  liquide  B  qui  passera  peu  à 
peu  dans  A,  et  ce  déplacement  ne  devra  s'arrêter  que  lorsque 
la  totalité  de  B  aura  pénétré  dans  C,  et  que  celles  de  ses  molé- 
cules qui  y  seront  demeurées  s'y  trouveront  à  des  distances 
compatibles  avec  la  nouvelle  constitution  du  liquide  A. 

M.  Lhermile  a  réalisé  ces  conditions  en  plaçant  dans  un  tube 


110  ABSORPTION. 

une  colonne  de  chloroforme,  puis  une  couche  d'eau,  et  au- 
dessus  de  l'eau  une  couclie  d'éther.  Le  chloroforme  ne  pénètre 
pas  dans  l'eau,  mais  l'éther  se  répatid  peu  à  peu  dans  ce  liquide, 
et  arrive  ainsi  en  rapport  avec  le  chloroforme  pour  lequel  il  à 
de  l'affinité  ;  il  passe  donc  graduellement  dans  ce  dernier 
hquide,  et  ce  mouvement- persiste  jusqu'à  ce  que  la  totalité  de 
la  couche  d'éther  superposée  à  l'eau  ait  disparu  en  s'enfonçant 
dans  les  liquides  sous-jacents;  enfin,  on  remarque  en  même 
temps  que  le  chloroforme  augmente  de  volume ,  tandis  que  la 
couche  d'eau  conserve,  à  peu  de  chose  près,  son  épaisseur 
primitive  (1). 

§  10.  —  Substituons  maintenant  à  la  couche  d'eau  qui,  dans 
^'ÏS"*^^  l'expérience  précédente,  séparait  entre  eux  le  chloroforme  et 
^Hes roïaTes"  l'éthcr,  uue  cloison  poreuse.  Si  ce  diaphragme  est  également 
perméable  aux  deux  liquides,  il  est  visible  que  sa  présence  ne 
pourra  que  ralentir  leur  mélange  et  n'introduira  aucun  chan- 
gement important  dans  le  caractère  de  ce  phénomène  (2).  Une 


Influence 


(1)  M.  Lhermite  a  varié  ces  expé- 
riences sur  les  phénomènes  osmoli- 
ques  déterminés  par  l'interposition 
d'une  cloison  fluide  entre  deux  liqui- 
des miscibles,  et  il  a  vu  que  toujours 
les  résultats  étaient  conformes  à  ce  que 
la  théorie  indique  eu  égard  à  la  solubi- 
lité connue  des  liquides  réagissants  (a). 

(2)  Il  est  probable  que  c'est  à  rai- 
son d'une  disposition  de  ce  genre 
que  les  effets  osmotiques  sont  tou- 
jours très  faibles  ou  même  nuls , 
quand  on  sépare  entre  eux  les  li- 
quides réagissants  à  l'aide  de  cloi- 
sons faites  avec  diverses  substances 
inorganiques  très  perméables,  telles 
que  des  lames  minces  de  grès  tendre, 
de  calcaire  grossier  ou  de  porcelaine 


dégourdie.  En  employant  ces  corps, 
Dutrochet  n'a  pu  obtenir  aucune  action 
endosmotique  sensible  à  l'aide  du  su- 
cre, de  la  gomme  ou  de  l'alcool  :  les 
liquides  prenaient  le  même  niveau 
dans  le  bain  exiérieur  et  dans  Tendos- 
momètre.  Mais  en  employant  dans  les 
mêmes  conditions  des  lames  d'argile 
blanche  (ou  terre  de  pipe),  ce  physio- 
logiste a  obtenu  une  ascension  assez 
grande  du  liquide  dans  l'intérieur  de 
l'instrument  (6).  Des  résultats  sem- 
blables ont  été  obtenus  par  M.  Gra- 
ham  à  l'aide  d'un  endosmomètre  dont 
le  réservoir  était  formé  par  un  de  ces 
vases  poreux  de  terre  cuite  dont  on 
fait  usage  dans  la  construction  de  la 
pile  galvanique  de  Grove  (c). 


(a)  Lhermite,  Recherches  sur  l'endosmose  {Comptes  rendus  de  l'Académie  des  sciences,  1854, 
t.  XXXIX,  p.  dnO,  eiAnn.  des  sciences  nat.,  partie  botanique,  4*  série,  t.  III,  p.  78). 
(6)  Dulrochet,  Op.  cit.  (Mémoires,  t.  I,  p.  21  et  suiv.). 
(cj  Graliani,  On  Osmolic  Force  (Philos.  Trans.,  1854,  p.  180). 


PHÉNOMÈNES    OSMOTIQUES.  .  11 1 

partie  de  l'éther  se  répandra  dans  le  chloroforme,  et  une  partie 
du  chloroforme  se  distribuera  dans  l'espace  occupé  par  l'éther; 
Mais  si  la  substance  de  la  cloison  perméable  ressemblait  à  celle 
de  l'eau,  en  ce  sens  qu'elle  se  laisserait  traverser  par  l'éther  sans 
livrer  passage  au  chloroforme,  il  est  évident  que  les  effets  pro- 
duits par  la  juxtaposition  de  ces  deux  liquides  seraient  très  diffé- 
rents et  ressembleraient  en  tout* à  ce  que  nous  avons  vu  dans 
l'expérience  précédente.  L'éther,  appelé  dans  les  lacunes  inter- 
stitielles du  diaphragme  par  l'attraction  capillaire,  arriverait  en 
contact  avec  le  chloroforme,  et  là  serait  sollicité  à  pénétrer  dans 
ce  liquide  par  l'attraction  chimique  ou  physique  exercée  sur  ses 
molécules  par  celles  de  ce  dernier  hquide.  Le  chloroforme 
enlèverait  donc  sans  cesse  à  la  cloison  une  portion  de  l'éther 
dont  elle  serait  imbibée,  et  la  cloison  à  son  tour  en  absorberait 
une  quantité  correspondante  puisée  dans  le  hquide  en  contact 
avec  sa  surface  opposée.  Un  courant  se  dirigeant  de  l'éther 
vers  le  chloroforme  serait  donc  établi  à  travers  le  diaphragme, 
et  le  premier  de  ces  liquides  se  trouverait  transporté  dans  le 
sein  du  second,  dont  le  volume  augmenterait  proportionné- 
ment  à  la  quantité  d'éther  qui  aurait  été  de  la  sorte  ajoutée  à 
sa  propre  substance.  Il  y  aurait  donc  là  production  d'un  phé- 
nomène d'o5mo5e,  et  ce  phénomène  serait  la  conséquence  des  osmose. 
effets  combinés  de  trois  forces  :  la  résistance  opposée  par  le 
diaphragme  à  tout  passage  du  chloroforme  vers  l'éther;  l'ac- 
tion capillaire  de  celte  cloison  sur  l'éther,  achon  qui  amènerait 
ce  liquide  de  l'une  de  ses  surfaces  à  l'autre  et  le  mettrait  à  la 
portée  du  chloroforme;  enfin,  l'attraction  mutuelle  de  ces  deux 
hquides. 

.  Des  résultats  analogues  s'obtiennent  dans  d'autres  expé- 
riences. Ainsi  Dutrochet  a  vu  que  si  l'on  place  entre  un  certain 
volume  d'eau  et  une  quantité  quelconque  d'alcool  une  cloison 
mince  de  caoutchouc,  le  volume  de  l'eau  ne  tarde  pas  à  aug- 
menter aux  dépens  de  celui  de  ce  dernier  liquide.  Tant  que  la 


112  ABSORPTION. 

cloison  conserve  ses  qualités  normales,  elle  ne  se  laisse  pas 
traverser  par  l'eau,  mais  elle  livre  passage  à  l'alcool,  qui  se 
trouve  alors  attire^  par  l'eau  adjacente  et  s'y  mêle  en  quantité 
considérable  (1). 
Mécanisme  Pour  quc  la  cloisou  poreuse  placée  entre  deux  liquides 
i'endosmose.  hétérogèues  et  miscibles  détermine  l'accumulation  d'une  de 
ces  substances  dans  l'espace  o'ccupé  par  l'autre,  et  l'augmenta- 
tion du  volume  de  cette  dernière,  il  n'est  pas  nécessaire  que 
ce  diaphragme  soit  imperméable  pour  l'une  et  admette  l'autre  : 
il  suffit  que  Faction  capillaire  qu'elle  exerce  sur  les  deux 
liquides  soit  inégale  en  intensité,  condition  qui  est  presque 
toujours  réalisée  quand  les  cavités  confluentes  creusées  dans 
son  épaisseur  et  ouvertes  à  ses  deux  surfaces  opposées  sont 
de  très  petites  dimensions,  ainsi  que  cela  a  lieu  dans  les 
membranes  organiques  :  par  exemple,  dans  les  tuniques  de  la 
vessie  ou  de  l'intestin  d'un  Animal  quelconque.  Effective- 
ment ,  le  géomètre  Poisson  a  montré  que  dans  ce  cas  les 
deux  liquides  peuvent  de  prime  abord  s'engager  dans  les  deux 
extrémités  de  ces  canaux  capillaires ,  mais  que  celui  de  ces 
corps  qui  y  est  appelé  avec  le  plus  de  force  doit  repousser 
l'autre,  et  s'avancer  dans  toute  l'étendue  de  ces  passages  jus- 
qu'à la  surface  opposée,  pourvu  que  ceux-ci  n'aient  pas  une 
longueur  trop  considérable.  Afin  de  simplifier  l'examen  de  ce 
phénomène,  supposons  que  la  cloison  perméable  soit  repré- 
sentée par  un  seul  canal  de  très  petit  diamètre,  un  tube  capil- 
laire de  verre,  par  exemple,  et  que  les  deux  liquides  mis  en 
relation  par  ce  conduit  étroit  soient  de  l'eau  et  de  l'alcool.  Nous 

(1)  L'étoffe  dont  Dutrochet  a  fait  verrons   bientôt  qu'après  un  certain 

usage  dans  cette  expérience  était  du  temps,  cette   étoffe,  employée  de  la 

taffetas  goinmé,  c'est-à-dire  enduit  de  sorte  ,   cesse   d'être    imperméable   à 

gomme  élastique  ou  caoutchouc.  Nous  l'eau  (a). 

(a)  Dutrochet,  De  l'endosmose  (Méin.  pour  servir  à  l'histoire  anatomique  et  physique  des  Végé- 
taux et  des  Animaux,  t.  I,  p.  19). 


PHÉNOMÈNES    OSMOTlQUES.  113 

avons  vu  au  commencement  de  cette  Leçon  que  cliacune  de 
ces  substances  est  susceptible  de  mouiller  le  verre,  et  que  par 
conséquent  elle  s'élève  dans  des  tubes  de  ce  genre  en  y  for- 
mant un  ménisque  concave  et  en  faisant  équilibre  à  une  certaine 
traction  hydrostatique  s'exerçant  en  sens  contraire.  Nous  avons 
vu  aussi  que,  toutes  choses  étant  égales  d'ailleurs,  l'eau  monte 
de  la  sorte  beaucoup  plus  haut  que  ne  le  fait  l'alcool.  L'action 
capillaire  exercée  sur  l'eau  est  donc  beaucoup  plus  énergique 
que  celle  dont  dépend  l'ascension  de  l'alcool,  et  par  conséquent, 
si  ces  liquides  rencontraient  des  obstacles,  ils  tendraient  à  les 
vaincre  avec  des  puissances  inégales.  Or,  la  colonne  d'eau 
qui  pénètre  dans  le  canal  capillaire  y  rencontre  la  colonne 
d'alcool  qui  s'oppose  à  sa  marche,  tout  comme  elle  met  de  son 
côté  obstacle  à  la  progression  de  l'alcool.  Ces  deux  colonnes, 
pour  obéir  à  l'attraction  capillaire,  se  repousseront  donc  mu- 
tuellement ;  mais,  comme  la  force  qui  tend  à  faire  avancer  l'eau 
est  beaucoup  plus  grande  que  celle  qui  sollicite  l'alcool  à  mar- 
cher en  sens  inverse,  ce  sera  l'alcool  qui  cédera,  et  l'eau  con- 
tinuera à  se  diriger  vers  l'extrémité  opposée  du  conduit,  et  ce 
liquide  en  envahira  peu  à  peu  toute  la  longueur,  pourvu  que  la 
différence  enh^e  les  deux  forces  contraires  dont  je  viens  d'expli- 
quer le  jeu  soit  assez  grande  pour  effectuer  ce  mouvement.  L'eau 
sera  donc  transportée  à  la  surface  de  la  cloison  où  se  trouve 
l'alcool,  et  là  elle  sera  sollicitée  à  se  répandre  dans  la  substance 
de  ce  hquide,  soit  par  l'attraction  adhésive  et  par  l'affinité  chi- 
mique qui  tendent  à  les  unir,  soit  par  la  force  de  répulsion  que 
les  molécules  de  l'eau  exercent  les  unes  sur  les  autres,  quand, 
par  suite  de  leur  dispersion  dans  l'alcool,  elles  se  trouvent  à  une 
certaine  distance  et  doivent  obéir  aux  lois  de  la  diffusion  (1), 

(1)  Les  remarques  faites  par Toisson  doivent  s'exercer  de  la  sorte  («),  et, 
montrent   que  les  relions  tapiilaiics      pour   rendre  le  phénomène  visible  à 

(a)  Poisfon,  Note  svr  des  effets  qui  peuveiil  être  produits  par  la  eapillarilé  et  l'affinité  des 
!-ribstar,ces  lictéi  cgèî'es  (Journal  de  phisiologie  iayh\s,enii\e,  1826,  t.  VI,  p.  3G-I,  cl  Annales  de 
chinàe  et  de  jhyuique,  1827,  t.  XXXV,  p.  1)8). 

V.  8 


il  II  ABSORPTION. 

Il  y  aura  donc  établissement  d'un  courant  d'eau  qui  traversera 
le  tube  capillaire  pour  aller  se  répandre  dans  l'alcool  et  grossir 
le  volume  du  liquide  situé  du  côté  de  la  cloison  où  se  trouve 
cette  dernière  substance.  Enfin  celle-ci  devra  être  considérée 
comme  la  cause  de  ce  transport ,  et  appelée  en  conséquence 
Y  agent  osmogène. 

Le  phénomène  que  je  viens  de  décrire  est  donc  en  tout  sem- 
blable à  celui  que  nous  avons  vu  se  produire  en  sens  inverse, 
quand  l'alcool  était  séparé  de  l'eau  par  une  lame  de  caoutchouc 
qui  ne  livrait  point  passage  à  ce  dernier  liquide .  et  la  théorie 
que  j'ai  donnée  de  l'une  de  ces  expériences  est  applicable  à 
Éiabussement  l'autrc.  Mais,  daus  le  cas  dont  il  est  ici  question,  de  même  que 
contre-courant,  daus  la  plupart  dcs  phenomencs  osmotiques,  il  y  a  quelque 
chose  de  plus  :  les  effets  se  compliquent  davantage,  et  pendant 
que  le  courant  du  liquide  le  plus  facile  à  transporter  traverse  la 


l'œil  nu  aussi  bien  qu'à  l'esprit,  il 
suffit  de  répéter  une  expérience  faite 
par  le  professeur  Briicke  de  (Vienne). 
Si  l'on  dépose  sur  Ja  surface  d'une 
lame  de  verre  bien  nette  une  petite 
goutte  d'huile  d'olive,  celle-ci  conser- 
vera une  forme  convexe  et  ne  mouillera 
pas  le  verre  ;  mais  il  n'en  sera  pas  de 
même  si  l'on  dépose  sur  le  verre  un  peu 
d'essence  de  térébenthine  :  ce  liquide 
s'y  étalera  aussitôt  en  couche  mince 
et  mouillera  la  surface  sous-jacenle. 
L'attraction  capillaire  exercée  par  le 
verre  sur  ces  deux  hquides  est  donc 
d'inégale  intensité  ;  elle  est  plus  grande 
entre  l'essence  et  le  verre  qu'entre  le 
verre  et  l'huile.  Cela  établi,  amenons 
la  nappe  d'essence  en  contact  avec  la 
gouttelette  d'huile.  D'après  ce  qui  pré- 
cède, on  voit  que  l'essence,  en  tendant 


à  s'étaler  sur  le  verre  pour  obéir  à  l'at- 
traction adhésive  dont  je  viens  de  par- 
ler devra  repousser  l'huile,  et  efl'ecti- 
vement  c'est  ce  qui  a  lieu.  Dans  un 
tube  capillaire  le  résultat  du  jeu  de 
ces  forces  moléculaires  sera  encore 
plus  manifeste,  et  l'huile,  tout  en  se 
mêlant  à  une  certaine  quantité  d'es- 
sence, sera  repoussée  par  ce  dernier 
liquide,  qui  s'insinuera  entre  elle  et  la 
surface  du  verre  (a). 

C'est  à  raison  d'actions  attractives 
analogues  que  l'huile  dont  un  tissu 
organique  se  trouve  imprégné  est  peu 
à  peu  expulsée  de  celui-ci,  quand  on 
place  le  tissu  ainsi  chargé  dans  de 
l'eau  ou  dans  une  dissolution  saline 
liquide,  qui  ont  sur  la  substance  de  ce 
corps  poreux  une  attraction  plus  éner- 
gique que  l'huile. 


(a)  Briiclie ,  Ëeiiràge  %tir  Lehre  von  der  Diffîision  tropfbarflûssiner  Kbrper  durch porôse  ScheidC' 
îvânde  (Poggendorff's  Annalen,  1848,  t.  LVIII,  p.  77). 


PHÉNOMÈNES    OSMOTIQUES.  151 

cloison  perméable  pour  aller  s'unir  à  la  substance  osmogène,  un 
courant  inverse  s'établit  dans  cette  même  cloison,  et  verse  une 
certaine  quantité  de  ce  dernier  corps  dans  le  liquide  situé  du 
côté  opposé.  Ainsi ,  pendant  que  l'eau  traverse  la  membrane 
perméable  pour  se  rendre  dans  l'alcool,  et  que  le  mélange  formé 
par  ces  deux  liquides  augmente  de  volume  aux  dépens  de  l'eau 
située  de  l'autre  côté  du  diaphragme,  de  l'alcool  passe  en  sens 
inverse  et  va  se  mêler  à  l'eau.  Il  y  a  donc  en  réalité  échange 
entre  les  deux  liquides,  et  les  différences  de  volume  qui  résul- 
tent de  ces  mouvements  dépendent  de  la  valeur  inégale  des  deux 
courants  qui  se  croisent  dans  l'intérieur  de  la  cloison.  Pour  s'en 
convaincre,  il  suffit  d'analyser  les  deux  liquides  ;  on  trouvera 
que  la  proportion  d'eau  unie  à  Talcool  augmente  à  mesure  que 
l'expérience  avance,  et  qu'en  même  temps  l'eau  située  du  côté 
opposé  de  la  cloison  se  charge  d'une  quantité  croissante  d'alcool 
jusqu'à  ce  qu'enfin  le  mélange  soit  devenu  uniforme  de  part  et 
d'autre. 

Au  premier  abord,  on  pourrait  croire  que  l'établissement  de  L-exos 
ces  courants  contraires  dépend  de  l'existence  de  passages  dif-  „„  pi 
férents  qui  existeraient  dans  la  substance  de  la  cloison,  et  qui  ''"  '''*^""°" 
seraient  aptes  à  attirer  avec  plus  de  force  dans  leur  intérieur 
les  uns  de  l'alcool,  les  autres  de  l'eau  ;  mais  cette  hypothèse 
ne  résisterait  pas  à  la  discussion,  et  d'ailleurs  il  est  facile  à 
montrer  que  les  choses  pourraient  se  passer  de  la  même  manière 
s'il  n'existait  qu'une  seule  voie  de  communication  entre  les 
deux  liquides.  En  effet,  nous  venons  de  voir  que  l'eau  appelée 
dans  l'intérieur  du  canal  pratiqué  à  travers  le  diaphragme  arrive 
en  contact  avec  l'alcool  qui  baigne  l'une  des  surfaces  de  cette 
cloison.  Conformément  aux  lois  de  la  dissolution  des  corps  et 
de  la  diffusion  des  liquides  miscibles  les  uns  dans  les  autres, 
les  molécules  d'alcool  qui  se  trouvent  ainsi  en  rapport  avec  une 
colonne  capillaire  d'eau  doivent  s'y  répandre  et  s'y  disperser; 
si  la  rapidité  avec  laquelle  elles  y  progressent  est  supérieure  à 


mose 
est 
le'iomène 


116  ABSOliPTlON. 

celle  du  courant  formé  par  cette  même  colonne  aqueuse,  elles 
parviendront  ainsi,  par  l'intermédiaire  de  celle-ci,  jusque  dans 
la  masse  d'eau  située  du  côté  o[)posé  de  la  membrane  et  s'y 
répandront.  Il  pourra  donc  y  avoir  dans  le  même  canal  un 
courant  d'eau  qui,  mis  en  mouvement  par  l'action  capillaire  de 
la  membrane  et  par  la  puissance  attractive  de  la  substance 
osmogène ,  ira  vers  cette  dernière,  et  un  courant  opposé  formé 
par  les  molécules  de  celle-ci  qui  se  répandent  dans  l'eau  par 
diffusion  (1). 

Dutrochet,  à  qui  l'on  doit  la  connaissance  de  la  plupart  des 
faits  fondamenlaux  relatifs  aux  phénomènes  osmotiques,  a  par- 
faitement démontré  l'existence  de  ces  courants  inverses,  et  les 
a  désignés  sous  des  noms  différents.  Ainsi  que  nous  l'avons 

,(1)  Diilrochet  supposait  que  l'en-  sujet,  et  pensa  pouvoir  explique!' tous 

dosmose  était  produite  soit  par  l'élec-  les  faits  observés  en  tenant  compte  : 

tricilé    (a)  ,   soit   par  quelque   force  1°  de  l'inégalité  de  la  force  d'attrac- 

inconnue  liée   à  l'action   vitale    (6)  ;  lion  entre  les  molécules  des  liquides 

mais  celte  hypothèse  ne  pouvait  sou-  dilférents  ;  2"  de  la  facilité  inégale  avec 

tenir  un  examen  sérieux.  laquelle  les  divers  liquides  traversent 

Poisson  a  très  bien  rendu  compte  la  même  ouverture  capillaire  [d],  Ef- 
du  rôle  que  les  actions  capillaires  feclivemont  cela  rendrait  compte  de 
jouent  dans  le  transport  de  l'un  des  l'inégalité  de  niveau  entre  les  deux 
liquides  vers  l'autre  à  travers  la  sub-  liquides  séparés  par  une  membrane 
stance  de  la  cloison  perméable,  mais  perméable,  mais  n'expliquerait  pas  le 
il  n'a  pris  en  considération  qu'une  double  transport  en  sens  inverse  qui 
porlion  des  phénomènes  osmotiques,  s'opère  à  travers  celte  cloison.  Quel- 
et,  par  conséquent,  la  théorie  qu'il  ques  années  plus  lard,  M.  Hainey  in- 
cherche 'd  en  donner  ne  peut  salis-  voqua  la  force  de  diffusion  des  molé- 
faire  ni  les  physiologistes  ni  les  physi-  cules  en  dissolution,  pour  expliquer 
ciens  (c).  ce  qui  se  passe  dans  les  actions  osmo- 

j\l.  Magnus  s'occupa  aussi  du  même  tiques  (e)  ;   mais  cet  auteur  ne  s'ap- 

{a)  UiUroclict,  L'agent  immédiat  du  mouvement  vital  dévoilé,  p.  133  et  suiv. 

—  Becquerel,  Traité  de  l'électricité,  t.  IV,  p.  197  et  suiv.  —  Traité  de  pliysiclue  considérée 
dans  ses  rapports  avec  la  chimie  et  les  sciences  naturelles,  4844,  t.  U,  p.  214  et  suiv. 

(b)  Diitroclict,  art.  END0SM0SI3  (ToilH's  Cijclop.  of  Anat.  and  Physlol.,  1839,  t.  Il,  p.  dtO). 

(<)roisfon.  Op.  cit.  {Journal  de  physiologie  do  Mag-endic,  1820,  1.  VI,  p.  301). 

(d)  Magnus,  Uelier  einige  Ers( heinungen  der  Capillaritdt  (Pog'gendorfl''s  Annalen,  1827,  t.  X, 
p.  81),  cl  Sur  quelques  phénomènes  de  capillarité  (Annales  de  chimie  et  de  physique,  1832,  t.  LI, 
p.  173  et  suiv  ). 

(fi)  G.  lïainey.  On  the  Cause  of  Endosmose  and  Exosmose  (Philosophical  Magasine,  1840 
t.  XXIN,  p.  17'J). 


PHÉNOMÈINES    OSMOTIQL'ES.  117 

déjà  vu,  le  courant  fort,  c'est-à-dire  celui  qui  se  rend  au  liquide 
dont  le  volume  augmente ,  est  appelé  par  ce  physiologiste  ie 
courant  endosmotique  ;  l'autre,  qui  répand  une  certaine  quantité 
de  la  substance  osmogène  dans  le  liquide  au\  dépens  duquel 
l'endosmose  s'effectue,  est  dit  communément  le  courant  exos- 
molique;  mais  quelques  auteurs  préfèrent  l'appeler  le  courant 
de  diffusion. 
Afin  de  rendre  l'exposé  des  faits  et  les  raisonnements  qui  s'y      Effets 

osmoliques 

rattachent  plus  faciles  à  suivre,  ie  n'ai  parlé  jusqu'ici  que  des     produits 

,        "  •  1  '         1  1  P*'  ^^^  liquides 

phénomènes  produits  par  la  réaction  de  liquides  dont  la  nature    anaio-ues, 

,  ,,    1  •      1      mais  d'inégale 

fondamentale  est  différente,  telle  que  1  eau  et  1  alcool  ;  mais  la     densité. 
théorie  que  j'en  ai  donnée  est  également  applicable  aux  effets 
osmoliques  qui  peuvent  être  déterminés  par  l'interposition  d'une 

puya  pas  sur  des  faits  assez  probants  des  forces  qui  concourent  avec  l'at- 
pour  faire  prévaloir  son  opinion.  La  traction  capillaire,  et  Tadiiésion  ou 
question  du  mécanisme  de  ces  échan-  l'affinité  des  liquides  hétérogènes,  à 
ges  inégaux  fut  discutée  aussi  par  produire  les  ellets  dont  l'osmose  est 
plusieurs  physiologistes  de  l'Aile-  accompagnée  (6).  Je  dois  ajouter  cepen- 
magne,  et  les  faits  introduits  dans  dant  que  ce  dernier  expérimentateur 
la  science  par  quelques-uns  de  ces  ne  me  semble  pas  tenir  assez  compte 
savants  sont  d'une  grande  impor-  du  rôle  de  la  capillarité  dans  la  pro- 
tance (a)  ;  mais  ce  sont  surtout  les  re-  duction  de  ces  phénomènes,  et  que  je 
cherches  plus  récentes  de  ;\i:\I.  Briicke,  ne  saurais  adopter  ses  vues  théoriques 
Ludwig  et  Grahain  qui  m'ont  fourni  relatives  à  l'origine  toute  chimique 
les  principales  vues  exposées  dans  la  des  forces  osmotiques. 
suite  de  cette  Leçon,  touchant  le  jeu 

(a)  Jericliau,  Veher  das  Zusammenstrômen  flûssigev  Korper,  welche  durch  porôse  Lamellen 
gelrennt  sind  (Poggendorff's  Annalen  der  Physik  iind  Chemie,  1835,  t.  XXXIV,  p.  (513). 

—  Kiirschner,  art.  Aufsaugung  (Wagner's  Handwortevbuch  der  Physiologie,  1842,  t.  I,  p.  5  4). 

—  Vierordt,  Bericht  iiber  die  bislierigen  die  Endosmose  belreffcndeii  Untei'suchungen  {Archiv 
fur  physiologische  Heilkunde,  1846,  t.  V,  p.  479).  —  Physik  des  organischen  Sloffwechsels 
{Op.  cit.,  1847,  t.  VI,  p.  651). 

—  Ph.  Jolly,  Experimentaluntersuchungen  iiber  Endosmose  (Zeitschr.  fur  rationelle  Medicin, 
1849,  t.  VIT,  p.  138  etsuiv.). 

(6)  Briicke,  De  diffusione  hiimorum  per  septa  mortua  et  viva  (Dissert,  inaug.).  Berlin,  1843. 
— •  Beitrûge  iur  Lchre  von  der  Diffusion  tropfbarfliissiger  Korper  durch  Scheideiuânde  (Poggen- 
dorfTs  Annalen,  \  843,  t.  LVIll,  p.  77). 

■ —  Ludwig,  Ueber  die  endosmotischen  ^Equivalente  und  die  endosmotische  Théorie  {Zeitschr. 
fiir  rationelle  Medicin,  1849,  t.  VIII,  p.  15  et  suiv.,  et  Lehrbiich  der  Physiologie  des  Menschen, 
1852,  t.  I,  p.  61). 

—  Th.  Graham,  On  Osmotic  Force  {Philos.  Trans.,  1854,  p.  179). 

Et  comme  préliminaires  des  reclierches  de  cet  auteur  sur  la  diffusiou  des  liquides,  voyez  ci-dessus, 
p,  103  et  suiv.). 


118  ABSORPTION. 

cloison  perméable  en  ire  deux  portions  d'un  même  liquide  qui 
se"  trouvent  inégalement  chargées  d'une  substance  étrangère 
en  dissolution  dans  leur  intérieur  ou  entre  deux  liquides  de 
même  nature  dont  l'un  serait  pur  et  l'autre  servirait  de 
menstrue  à  une  certaine  quantité  de  matière  étrangère ,  par 
exemple  de  l'eau  distillée,  et  une  solution  aqueuse  de  chlorure 
de  sodium.  Nous  savons  que  le  sel  commun  est  un  corps  qui 
attire  l'eau  avec  une  cerlaine  force  ;  l'étude  des  phénomènes 
d'imbibition  nous  a  appris  que  les  tissus  organiques  exercent 
une  action  capillaire  plus  intense  sur  l'eau  que  sur  la  dissolution 
saline.  Nous  pouvons  donc  prévoir  que  si  de  l'eau  pure  est 
séparée  d'une  dissolution  concentrée  de  chlorure  de  sodium 
dans  de  l'eau  par  une  cloison  membraneuse,  le  sel  déterminera 
un  courant  endosmotique  et  appellera  ainsi  dans  son  sein  l'eau 
dû  dehors.  Mais  nous  avons  vu  aussi  que  les  molécules  de 
chlorure  de  sodium  en  dissolution  dans  un  liquide  tendent  à  se 
répandre  uniformément  dans  la  totalité  de  l'espace  qui  leur  est 
offert  par  ce  menstrue  ;  elles  doivent  donc  faire  effort  pour 
s'avancer  dans  l'eau  qui  arrive  dans  la  dissolution  où  elles  se 
trouvent,  et  pour  occuper  ensuite  l'espace  que  leur  présente  le 
volume  du  même  liquide  qui  se  trouve  au  delà  du  diaphragme. 
Ces  molécules,  en  obéissant  aux  lois  de  la  diffusion,  formeront 
donc  dans  le  liquide  en  mouvement  dans  les  canaux  de  la  cloi- 
son un  contre-courant  dirigé  de  la  dissolution  vers  l'eau,  et 
arriveront  avec  une  certaine  vitesse  dans  ce  dernier  liquide 
pendant  qu'une  portion  de  celui-ci  se  déplacera  en  sens  inverse 
pour  aller  s'accumuler  du  côté  du  diaphragme  où  se  trouve  la 
dissolution  saline,  et  se  confondre  avec  celle-ci. 

Ces  échanges  devront  s'effectuer  aussi  entre  les  deux  liquides 
lorsque  ceux-ci  seront  des  dissolutions  de  la  même  substance 
dans  un  menstrue  identique,  mais  d'inégale  densité,  c'est-à-dire 
dont  l'un  contiendra  une  proportion  plus  grande  de  la  matière 
dissoute,  et  les  deux  courants  contraires  ne  devront  cesser 


PHÉNOMÈNES    QSMOTIQUES.  H9 

complètement  que  lorsque  la  distance  entre  les  molécules  de 
cette  matière  sera  égale  des  deux  côtés  de  la  cloison,  ou,  en 
d'autres  mots,  le  degré  de  concentration  de  la  dissolution  iden- 
tique dans  les  deux  volumes  du  liquide  séparés  par  la  cloison 
perméable. 

Nous  voyons  donc  que  pour  se  former  une  idée  nette  de  ces 
phénomènes,  il  ne  faut  pas  considérer  les  passages  capillaires  de 
la  cloison  osmotique  comme  étant  traversés  à  la  fois  par  un  ''l'eSsmoT' 
courant  du  menstrue  qui  se  dirigera  vers  la  dissolution,  et  '''''''•''°''"°'^- 
un  courant  de  la  dissolution  qui  se  rendrait  dans  le  menstrue, 
mais  comme  logeant  un  seul  courant  du  liquide  dissolvant  dans 
l'intérieur  duquel  des  molécules  de  la  substance  en  dissolution 
se  meuvent  en  sens  inverse  (1)  ;  et  cette  indépendance  des  mou- 


Résumé 

relatif 
à  la  nature 


(1)  Dutrochet,  et  la  plupart  des 
autres  physiologistes  ou  chimistes 
qui  ont  écrit  sur  l'endosmose,  n'envi- 
sagent pas  ce  phénomène  d'une  ma- 
nière aussi  simple,  et  pensent  que 
l'échange  entre  les  deux  liquides  ne 
consiste  pas  seulement  dans  le  trans- 
port de  l'un  à  traTers  la  cloison  et  la 
diffusion  des  molécules  en  dissolu- 
tion dans  la  totalité  de  la  masse  du 
menstrue,  mais  résulte  de  l'établisse- 
ment de  deux  courants  plus  considé- 
rables. Ainsi,  quand  de  l'eau  salée  est 
dans  l'endosmomèlre  et  de  l'eau  dis- 
tillée dans  le  bain  extérieur,  ils  suppo- 
saient que  l'exosmose  consiste  non  pas 
dans  la  sortie  d'un  certain  nombre  de 
molécules  de  sel  seulement,  mais 
dans  le  passage  du  dedans  au  dehors 
d'un  courant  d'eau  salée,  c'est-à-dire 
de  ces  mêmes  molécules  escortées  des 
molécules  d'eau  dont  elles  étaient  en- 
tourées dans  la  dissolution  ;  mouve- 
ment   qui    serait  accompagné    d'un 


transport  en  sens  inverse  d'un  volume 
d'eau  égal  à  celui  de  la  dissolution  qui 
s'échappe  et  à  la  différence  qui  se 
manifeste  entre  la  quantité  initiale  et 
la  quantité  finale  du  liquide  empri- 
sonné dans  l'endosmou^ètre.  Dutro- 
chet dit  positivement  que  ces  deux 
courants  doivent  se  trouver  réunis 
dans  chacun  des  canaux  capillaires 
formés  par  les  cavités  interstitielles 
de  la  cloison  endosmique  (a);  et 
M.  Liebig  semble  avoir  voulu  donner 
une  démonstration  matérielle  de  ce 
mode  d'échange,  lorsque,  au  lieu  de 
charger  son  endosraomètre  d'une 
dissolution  sahne  oïdinaire,  il  y  place 
du  sel  dissous  dans  de  l'eau  colo- 
rée en  bleu.  Effectivement ,  dans 
celte  expérience,  on  voit  la  teinie 
bleue  se  répandre  de  proche  en  pro- 
che dans  le  bain  pendant  que  l'eau  de 
celui-ci  traverse  la  meiiibrane  en  sens 
inverse  pour  entrer  dans  l'appareil  et 
s'y  mêler  à  la  dissolution  saline  (6)  ; 


(a)  Dutrochet,  De  l'endosmose  {Mémoires,  t.  I,  p.  97). 

(6j  Liebig,  Op.  cit.  (Annales  de  chimie  et  de  physique,  3"  série,  1849,  t.  XXV,  p.  382). 


120  ABSORPTION 

vemeuts  des  molécules  de  ce  dernier  corps,  lors  même  (jue 
celui-ci  serait  uni  à  la  substance  du  menstrue  par  des  attractions 
puissantes,  est  fiicile  à  comprendre,  car  elle  serait  assurée  au 
moyen  d'une  série  de  décompositions  et  de  recompositions  suc- 
cessives des  g'roupes  d'atomes  constitués  par  les  deux  corps  en 
présence.  Supposons,  par  exemple,  que  la  dissolution  soit  for- 


mais ce  phéîiomène  ne  prouve  en  au- 
cune façon  que  de  l'eau  soit  sortie  de 
rendosmomt'lre  en  même  temps  que 
de  l'eau  y  entrait  ;  car  du  moment  que 
la  dissolution  de  matière  tinctoriale  se 
trouvait  en  contact  avec  de  l'eau  pure, 
les  molécules  de  cette  matière,  en 
vertu  des  lois  de  la  diffusion  ,  de- 
vaient tendre  à  se  distribuer  unifor- 
mément dans  cette  eau  et  à  se  ré- 
pandre dans  le  bain  circonvoisin,  ab- 
solument comme  le  font  les  molécules 
salines  dans  les  expériences  de  ditfu- 
sion  ordinaire.  Je  ne  comprendrais 
pas  comment  un  courant  d'eau  char- 
gée de  sel  ou  de  matière  colorante 
pourrait  avancer  dans  un  canal  étroit 
qui  est  parcouru  en  sens  inverse  par 
un  courant  dont  la  direction  est  con- 
traire et  dont  la  puissance  est  plus 
grande  ;  mais  il  est  facile  de  concevoir 
le  mouvement  progressif  des  molé- 
cules de  sel  ou  d'indigo  dans  le  sens 
de  chacun  des  filets  capillaires  d'eau 
qui  s'avancent  en  sens  inverse  :  et  lors 
même  que  ces  molécules  seraient 
unies  h  un  groupe  plus  ou  moins 
considérable  de  particules  d'eau,  soit 
par  le  jeu  d'affinités  chimiques,  soit 
par  simple  attraction  adhésive,  leur 
transport  indépendant  n'en  serait  pas 
plus  difficile  à  comprendre,  car  il 
s'effectuerait,  à  l'aide  d'une  série  de 


décompositions  et  de  recompositions 
successives  de  ces  groupes  molécu- 
laires, de  la  même  manière  que  l'hy- 
drogène séparé  de  l'oxygène  par  la 
décomposition  de  l'eau,  au  pôle  po- 
sitif de  la  pile,  se  trouve  transposé  au 
pôle  négatif  à  travers  le  bain  intermé- 
diaire, phénomène  qui  a  été  donné,  il 
y  a  plus  d'un  demi-siècle,  par  Gro- 
thuss. 

Ce  sont  principalement  les  recher- 
ches importantes  de  M.  Briicke  et  de 
M.  Graham  qui  ont  fait  connaître  le 
rôle  de  la  diffusion  dans  la  production 
des  phénomènes  osmotiques  (a). 

En  effet,  l'iudépendance  des  mou- 
vements de  l'eau  dans  les  cas  d'en- 
dosmose, et  par  conséquent  la  possi- 
bilité d'une  indépendance  égale  pour 
les  molécules  d'un  sel  ou  de  tout  autre 
corps  en  dissolution,  a  été  mise  en 
lumière  par  une  expérience  de 
M.  Briicke.  Ce  physiologiste  a  constaté 
que  si  l'on  plonge  dans  une  dissolu- 
tion d'acétate  de  plomb  la  cloison 
membraneuse  formée  par  un  mor- 
ceau de  vessie  et  fixée  à  l'extrémité 
inférieure  d'un  tube ,  et  si ,  après 
l'avoir  laissée  s'imbiber  de  ce  réactif, 
on  verse  dans  le  tube  une  dissolution 
de  bichromate  de  potasse,  ce  dernier 
sel  pénètre  promplement  dans  la 
membrane  et  y  donne  lieu  à  un  pré- 


fa)  Briicke,  Beitrage  zur  Lehrevon  der  Diffusion  tropjbarflûssiger  Kurpar  durchporôse  Scheide- 
waiide  (PoggendorfT's  Annalen  der  Plujsik  uiid  Cliimie,  1843,  t.  LVIIt). 
—  Graliani,  On  Osmotic  Force  {Philos.  Trans.,  1854,  p.  178). 


PHÉNOMÈNES    OSMOTIQUES.  12'1 

mée  par  du  chlorure  de  sodium  dans  de  l'eau,  et  que  ce  soit 
aussi  dans  de  l'eau  que  la  diffusion  s'opère  :  les  molécules  d'eau 
qui,  dans  le  premier  de  ces  liquides,  entourent  chaque  molécule 
de  sel,  resteront  en  place  et  n'accompagneront  pas  cette  der- 
nière dans  son  voyage  ;  chaque  groupe  de  molécules  déjà 
formé  d'après  les  lois  de  la  dissolution  abandonnera  des  molé- 


cipité  de  chiomate  de  plomb  ;  mais, 
de  même  que  l'acélate  de  plomb,  il 
ne  pénètre  pas  au  delà,  et  il  ne  se 
forme  de  précipilé  ni  dans  l'un  ni 
dans  rautre  des  deux  liquides.  Cepen- 
dant;  si  Ton  salure  alors  avec  du  sucre 
la  solution  d'acétate  de  plomb,  on  voit 
le  volume  de  celui-ci  augmenter  pen- 
dant plusieurs  jours  aux  dépens  de 
l'eau  de  la  dissolution  de  chromate  de 
potasse,  sans  que  la  transparence  des 
liquides  soit  troublée  ni  d'un  côté 
de  la  cloison  membraneuse  ni  de 
l'autre.  Il  est  donc  visible  que  c'est 
de  l'eau  pure  qui  a  passé  à  travers 
celle-ci  pour  se  rendre  de  la  solutiou 
plombique  dans  la  dissolution  du  chro- 
mate, et  que  l'action  osmotique  ou 
capillaire  de  la  membrane  a  déterminé 
la  séparation  des  molécules  d'eau  et 
de  chromate  potassique  qui  se  trou- 
vaient mêlées  ou  combinées  dans  la 
dissolution  située  du  côté  électro- 
positif de  l'appareil  (a). 

M.  Buckheim  (de  Dorpat)  a  donné 
plus  récemment  une  nouvelle  théorie 
des  phénomènes  osmoliques,  qui,  au 
premier  abord,  peut  sembler  très  dif- 
férente de  celle  adoptée  dans  ces  leçons, 
mais  qui,  en  réalité,  y  ressemble  beau- 
coup ,  excepté  par  les  mots  employés 
pour  désigner  les  forces  moléculaires 
réagissantes.  M.  Buckheim  distingue 
dans  le  tissu  de  la  membrane  osmotique 


les  parties  solides  et  les  parties  po- 
reuses ou  lacunaires,  et,  eu  ce  qui 
concerne  les  premières,  il  pense  que 
l'imbibition   n'est  pas  un  phénomène 
de  capillarité,  mais  le  résultat  d'une 
combinaison  chimique  entre  l'eau  et 
la  substance  constitutive  du  tissu.  Les 
molécules   d'hydrate  ainsi   formées, 
qui  occupent  la  surface  en  contact  avec 
la    matière    osmogène ,  laquelle   est 
avide  d'eau,  seraient  décomposées  par 
celle-ci  et  lui  céderaient  en  totalité  ou 
en  partie  leiu-  eau  constitutive,  mais 
se  reconstitueraient  aussitôt  en  enle- 
vant aux  molécules  d'hydrate  de  la 
couclie  suivante  une  partie  de  l'eau 
constituée  de  celles-ci  qui,  à  leur  tour, 
en  prendraient  aux  molécules  d'hy- 
drate  adjacentes,  et  ainsi  de   suite, 
depuis  la  surface  de  la  membrane  qui 
est  en  contact  avec  l'agent  osmogène 
jusqu'à  celle  qui  est  en  contact  avec 
l'eau  pure  et  qui  se  réhydraterait  aux 
dépens  de  ce  dernier  liquide.  Il  y  au- 
rait donc  de  la  sorte  un  courant  établi 
à   travers  la   substance  de  la  mem- 
brane du  bain  jusque  dans  le  liquide 
osmogène,  tout  comme  dans  le  cas  où 
l'eau  imbibée  par  la  membrane  y  se- 
rait appelée  et  retenue  par  l'attraction 
adhésive  au  lieu  de  l'afiTmité  chimique. 
Quant  au  courant  inverse  formé  par 
les  molécules  du  sel  ou  de  tout  autre 
agent  osmogène, M.  Buckheim  en  rend 


{a)  Brûcke,  Op.  cit.  (Poggendorff's  Annalen,  t.  LVIII,  p.  89), 


122 


ABSORPTION. 


Cilles  salines  aux  molécules  aqueuses  voisines  pour  leur  fournir 
les  éléments  d'un  groupe  semblable  ;  il  se  reconstituera  ensuite 
aux  dépens  du  groupe  qui  le  suit,  et  ainsi  de  procbe  en  proche. 
L'espèce  d'atmosphère  aqueuse  dont  chaque  particule  de  sel 
est  entourée  conserve  sa  forme  et  sa  grandeur  ;  mais  sa  matière 
constitutive  change  à  mesure  que  sa  translation  s'effectue,  et  ce 
renouvellement  s'opère  sans  difficulté,  les  forces  attractives  élant 
égales  de  part  et  d'autre,  tout  comme  l'hydrogène  dégagé  de 
l'eau  par  la  décomposition  de  ce  liquide  au  pôle  positif  de  la 
pile  galvanique  se  transporte  en  apparence  à  travers  le  bain 
jusque  dans  le  voisinage  du  pôle  négatif  par  la  décomposition  et 
la  recomposition  de  la  série  des  atomes  d'eau  intermédiaires 
aux  deux  électrodes  :  phénomène  dont  la  théorie,  donnée  par 


compte  par  la  diffusion  à  travers  les 
pores  ou  cavités  interstitielles  de  la 
membrane;  il  admet  que  la  substance 
de  celle-ci  n'est  pas  apte  à  former  avec 
ces  matières  des  combinaisons  chimi- 
ques comme  elle  en  constitue  avec 
l'eau,  et  que  par  conséquent  le  trans- 
port de  ces  molécules  vers  le  bain  ne 
peut  se  faire  par  les  parties  compactes 
de  la  cloison  membraneuse,  et  a  lieu 
seulement  par  les  pores  ou  passages 
capillaires  (a). 

En  réalité,  la  valeur  proportionnelle 
des  deux  courants  endosmotique  et 
exosmotique  serait  donc  réglée  par  le 
rapport  existant  enire  la  somme  des 
espaces  capillaires  d'un  certain  calibre 
où  les  molécules  de  l'agent  osmogène 
peuvent  passer,  et  celle  des  parties 
d'une  structure  plus  serrée  où  le  li- 
quide dont  cet  agent  est  avide  peut 
seul  pénétrer;  et  la  différence  entre 
la  théorie  de  M.  Buckheim  et  celle  de 


MM.  Briicke  et  Ludwig  se  réduit  à  con- 
sidérer la  pénétration  de  ce  liquide 
dans  la  portion  compacte  de  la  mem- 
brane osmotique  comme  élant  déter- 
minée par  le  jeu  d'affmités  chimiques 
faibles,  au  lieu  d'être  due  à  l'altraction 
adhésive  ou  effet  de  capillarité.  Nous 
avons  déjà  vu  que  la  ligne  de  démar- 
cation entre  ces  forces  moléculaires  est 
très  difficile  à  établir,  en  supposant 
même  que,  d'après  la  nature  des  cho- 
ses, il  soit  possible  de  la  tracer  autre- 
ment que  d'une  manière  arbitraire  ;  et 
l'on  rendrait  la  conception  des  phéno- 
mènes ciiimiques  ordinaires  moins  fa- 
cile et  moins  nette,  si  l'on  attribuait  à 
l'affinité  tous  les  effets  du  même  ordre 
que  ceux  dont  il  est  ici  question,  car 
on  se  trouverait  conduit  de  la  sorte  à 
considérer  comme  «ne  combinaison 
chimique  toute unionquis'établit  entre 
un  liquide  et  un  solide,  quand  le  pre- 
mier mouille  le  second. 


(a)  Buchlieim,  Beitrdge  %ur  Lehre  von  der  Endosmose  (Archiv  fur  physiologische  lleilkunde, 
1853,  t.  XII,  p.  217). 


PHÉNOMÈNES    OSMOTIQUES.  123 

Grothus,  il  y  a  plus  d'un  demi-siècle,  est  admise  aujourd'hui 
par  tous  les  physiciens. 

En  résumé,  nous  devons  donc  considérer  les  phénomènes  Équivalents 
osmotiques  comme  consistant  essentiellement  en  un  échange  «"'i°^°^°'"i"''^' 
entre  deux  liquides  miscibles  qui  est  déterminé  à  la  fois  par  les 
attractions  physiques  ou  chimiques  exercées  par  les  molécules 
hétérogènes  de  ces  corps  les  unes  sur  les  autres,  et  par  le 
pouvoir  diffusif  des  molécules  des  substances  en  dissolution  ; 
échange  qui  est  réglé,  quant  aux  proportions  dans  lesquelles  il 
s'effectue,  par  l'action  capillaire  inégale  que  la  cloison  perméable 
exerce  sur  les  matières  que  cette  cloison  sépare. 

On  désigrfe  généralement  sous  le  nom  d'équivalents  endos- 
motiques  les  quantités  des  diverses  substances  réagissantes  qui, 
par  suite  de  ces  échanges,  se  substituent  à  une  unité  de  volume 
de  l'une  d'elles  dans  l'espace  occupé  par  celle-ci,  et  il  est 
évident  que  les  changements  qui  s'observent  dans  le  volume 
de  chaque  liquide  à  mesure  que  l'action  osmotique  se  poursuit, 
doivent  dépendre  de  la  valeur  de  cet  équivalent.  Enfin  il  est 
également  aisé  de  comprendre  que  pour  évaluer  la  puissance 
osmogène  d'un  corps,  il  faut  tenir  compte,  non-seulement  de 
l'accroissement  déterminé  de  la  sorte  dans  son  volume,  mais 
aussi  des  pertes  de  substance  qu'il  subit  pendant  que  ce  phéno- 
mène se  produit,  et  qui  sont  masquées  par  l'effet  de  cette 
substitution  (1). 

(1)  M.  Ph.  Jo)Iy  fut  le  premier  à  dosmotique  d'un  corps,  M.  Jolly  place 
faire  une  élude  spéciale  des  substltu-  un  poids  connu  de  cette  substance 
tionsosmotiques,et  à  désigner,  sous  le  soit  à  l'état  solide,  soit  en  dissolu- 
nom  d'egwù'a/e^iis  e?îc?o5/?7o<?"'7i(es,  les  tion,  dans  un  vase  dont  le  fond  est 
quantités  d'une  substance  qui  rem-  formé  par  une  membrane  perméable 
place  une  autre  dans  les  éclianges  ainsi  (de  la  vessie  de  cochon),  et  plonge  de 
effectués;  mais  cet  expérimentateur  quelques  millimètres  seulement  dans 
pensait  que  ces  quantités  sont  con-  un  bain  d'eau  distillée,  dont  le  volume 
stantes,  opinion  qui  a  dû  être  aban-  est  très  considérable  et  que  l'on  re- 
donnée, nouvelle  souvent,  ou  mieux   encore 

Pour  déterminer  Véquivalent  en-  qui  se  renouvelle  sans  cesse  à  l'aide 


12/l  ABSORPTION. 

Je  ne  prétends  pas  que  les  forces  moléculaires  dont  je  viens 
d'expliquer  le  jeu  soient  les  seules  qui  puissent  contribuer  à 
la  production  des  effets  osmotiques,  mais  elles  peuvent  suffire 
pour  déterminer  les  déplacements  de  matière  qui  constituent 
le  phénomène  dont  l'étude  nous  occupe  ici,  et,  dans  la  plupart 


d'un  courant,  de  ntianièreà  rester  tou- 
jours à  peu  près  pure,  malgré  la  dif- 
fusion de  la  matière  osmogène.  L'ap- 
pareil est  disposé  de  façon  à  maintenir 
à  peu  près  l'équilibre  hydrostatique 
entre  les  deux  liquides,  malgré  l'aug- 
mentation de  volume  de  celui  qui  oc- 
cupe l'intérieur  de  l'endosmomètre,  et 
l'expérience  se  prolonge  jusqu'au  mo- 
ment où  la  totalité  de  la  substance 
osmogène  déposée  dans  cet  instru- 
ment s'est  répandue  au  dehors  et  a 
été  remplacée  par  de  l'eau  que  l'on 
peut  considérer  comme  pure.  On  dé- 
termine alors  le  poids  du  liquide  qui 
s'est  substitué  ainsi  au  corps  osmo- 
gène, et  l'on  compare  ce  poids  à  celui 


de  ce  dernier  corps  au  commence- 
ment de  l'expérience,  en  ramenant 
ce  dernier  poids  à  une  valeur  con- 
stante choisie  comme  unité  de  me- 
sure :  un  gramme ,  par  exemple.  En 
expérimentant  de  la  sorte,  M.  Jolly 
a  trouvé  que,  dans  les  conditions  où 
il  se  plaçait,  les  quantités  d'eau  accu-- 
mulées  dans  l'endosm|>mètre  en  rem- 
placement d'une  même  substance  os- 
mogène ne  variaient  que  peu,  mais 
que  ces  quantités  différaient  beaucoup 
suivant  la  nature  de  ces  substances  (a). 
Le  tableau  suivant  résume  les  résul- 
tats ainsi  obtenus  ,  en  supposant  que 
le  poids  de  chaque  substance  osmo- 
gène était  d'un  gramme  : 


NOM  DE  LA  SUBSTANCE  OSMOGENE. 


EQUIVALENTS  ENDOSMOTIQUES. 


TERME  MOYEN, 


Chlorure  de  sodium  .  , 
Sulfate  de  soude.  .  .  . 
Sulfate  de  potasse  .  .  . 
Sulfate  de  magnésie  .  . 
Sulfate  de  cuivre.  .  . 
Bisulfate  de  potasse  . 
Sulfate  d'eau  (SO^HO). 
Potasse  hydratée  .   .  . 

Alcool 

Sucre 

Gomme 


4, 

12, 

12, 

H, 

9, 

2 

o! 

231, 

i, 

7, 

il, 


316 

440 
760 
802 
564 
345 
391 
400 
336 
250 
790 


3,820 
11,066 
11,420 
11,503 


0,308 

200,090 

4,132 

7,064 


4,223 
11,628 
12,277 
11,652 


0,349 

215,745 

4,169 

7,157 


PI  tis  récemment,  un  des  jeunes  phy- 
siologistes de  l'école  de  Dorpat,  M.  Har- 
zer,  a  fait  de  nouvelles  recherches  sur 
ce  sujet ,  en  évitant  quelques  causes 


d'erreur  dont  M.  Jolly  ne  s'était  pas 
préservé,  et  en  variant  la  nature  des 
membranes  à  travers  lesquelles  les 
échanges    osmotiques    s'effectuaient. 


(a)   Ph.  Jolly,  Experimentaluntersuchungen  ûber    Endosmose   (  Zeitschrifù  fur    rationelle 
in,  1849,  I.  Vil,  p.  83). 


PHÉNOMÈNES    OSMOTlQUES.  1^5 

des  cas,  les  circonstances  qui  font  varier  les  résultais  obtenus 
n'interviennent  qu'en  influant  sur  le  degré  d'intensité  avec 
lequel  l'une  ou  l'autre  de  ces  puissances  exerce  son  action. 
Pour  le  moment,  je  laisserai  donc  de  côté  la  recherche  des 
forces  accessoires  quij  dans  certains  cas,  peuvent  provoquer 
des  mouvements  analogues,  et  je  m'attacherai  d'abord  à  l'étude 
des  conditions  qui  d'ordinaire  déterminent  ou  règlent  les 
échanges  dont  il  vient  d'être  question. 

Pour  évaluer  ces  échanges,  on  peut  se  contenter  de  calculer 
les  profits  et  les  pertes  de  l'un  des  liquides  réagissants,  et,  pour 
faire  cette  estimation,  on  emploie  communément  un  appareil 
très  simple  que  Dutrochet  a  désigné  sous  le  nom  (ïendosmo- 
mètre.  C'est  un  réservoir  dont  la  paroi  inférieure  est  formée 
par  une  lame  perméable ,  le  plus  souvent  une  membrane  ani- 


Or  il  a  trouvé  ainsi  que  la  qiianlilé 
d'eau  attirée  dans  l'intérieur  de  l'en- 
dosmomètre,  pendant  la  période  de 
temps  employé  par  la  substance  os- 
mogène  pour  se  répandre  au  dehors 
dans  le  bain  adjacent,  pouvait  varier 
dans  la  proportion  de  1  à  6,  suivant 
que  la  membrane  à  travers  laquelle 
ces  mouvements  de  translation  s'ef- 
fectuaient élait  préparée  de  manière 
à  être  plus  ou  moins  perméable  à  la 
substance  employée  {a\ 

M.  I^udwig  a  publié  aussi  des  recher- 
ches sur  la  valeur  des  équivalents  en- 
dosmotiques  d'une  même  subslance. 
Il  a  fait  varier  soit  la  durée  de  l'ex- 
périence, soit  le  degré  relatif  de  con- 
centration des  deux  liquides,  et  il  a 
obtenu  de  la  sorte  des  différences  très 
considérables.    Ainsi,   en  plaçant  du 


chlorure  de  sodium  cristallisé  dans 
un  endosmomètre  et  en  mettant  cet 
instrument  en  rapport  avec  l'eau 
pure,  il  a  vu  que  l'équivalent  était, 
dans  une  expérience,  de  3,k  au  bout 
de  soixante-huit  heures,  et  de  5,7  au 
bout  de  deux  cent  trente-quatre  heures; 
dans  une  autre  expérience,  à  la  pre- 
mière de  ces  périodes,  de  Zi,0,  et  après 
la  seconde,  de  6, '2.  Cela  indique  que  la 
dissolution  très  concentrée  du  sel  laisse 
échapper  par  diffusion  une  plus  grande 
proporlion  de  molécules  salines  que  la 
dissolution  étendue.  Du  reste,  on  re- 
marque beaucoup  d'irrégularité  dans 
la  marche  de  ces  expériences  (6). 

On  doit  également  à  M.  Cloetta  des 
recherches  sur  les  équivalents  endos- 
motiques  (c). 


la)  Harzer,  Beitfâge  mr  Lehre  vom  Endosmose  {Àrchiv  fur  physiologische  HeilkunJe,  i856, 
t.  XV,  V.  d94). 

(b)  Luilwic;,  Ueber  die  eudosmotischeii  ^équivalente  und  die  endosmotische  Théorie  {Zeitschr, 
fur  ralionelle  Medicin,  1849,  t.  VllI,  p.  8). 

(c)  CloeUa,  Diffusionsversuche  durch  Membranen  mit  l2  Salzen.  Zurich,  1851. 


126  ABSORPTION. 

maie,  un  morceau  de  vessie,  par  exemple,  et  dont  la  partie 
supérieure  est  fermée,  sauf  dans  le  point  où  se  trouve  insérée 
l'extrémité  d'un  tube  vertical  ouvert  par  le  haut.  On  renferme 
dans  cet  instrument  le  liquide  dont  on  veut  étudier  Faction 
osmogène,  et  l'on  met  la  surface  extérieure  de  la  paroi  perméable 
du  réservoir  en  contact  avec  le  second  liquide  en  la  faisant 
plonger  plus  ou  moins  dans  le  bain  constitué  par  celui-ci  ;  puis 
on  note  le  point  correspondant  au  niveau  du  liquide  intérieur 
dans  le  tube  vertical  de  l'endosmomètre,  et  l'on  évalue  les  chan- 
gements de  volume  que  ce  liquide  éprouve  en  conséquence  des 
actions  osmotiques,  par  le  déplacement  de  ce  niveau  qui  monte 
ou  qui  descend  dans  le  tube  proportionnellement  à  ces  chan- 
gements (1). 


(1)  Dans  les  premières  expériences 
fuites  par  Dulrochet,  le  réseivoi";  de 
rendosniomèlre  était  formé  par  un 
sac  membraneux,  tel  que  le  cœcum 
de  l'intestin  d'un  Poulet  ou  la  vessie 
natatoire  d'un  frisson  (a)  ;  mais  il  ne 
tarda  pas  à  faire  usage  de  l'instrument 
décrit  ci- dessus  (6). 

Afin  d'éviter  les  erreurs  d'observa- 
tion qui  pourraient  résulter  de  la  cour- 
bure de  la  cloison  membraneuse  sous 
la  pression  exercée  par  le  liquide  su- 
perposé, M.  Graham  place  ce  genre 
d'endosmomètre  sur  une  lame  rigide 
criblée  de  trous  et  supportée  par  un 
trépied  (c).  Enfin,  pour  diminuer  les 
complications  dues  à  la  transsudalion 
que  pourrait  déterminer  la  même  pres- 
sion hydrostatique,  il  a  soin  d'élever  le 
niveau  du  bain  extérieur  à  mesure  que 
l'endosmose  augmente,  de  façon  à 
maintenir  ce  niveau  à  une  petite  dis- 


tance seulement  au-dessous  du  niveau 
du  liquide  intérieur.  Pour  se  mettre 
plus  sûrement  à  l'abri  de  cette  der- 
nière cause  d'erreur,  M,  Ludvvig  a  fait 
usage  d'un  tlacou  qui  avait  pour  fond 
la  cloison  perméable  et  qui  était  sus- 
pendu à  l'aide  d'une  poulie,  de  façon 
cl  descendre  dans  le  bain  à  mesure 
que  la  quantité  de  liquide  qui  s'accu- 
mulait dans  son  intérieur  augmentait. 
Les  eflèls  endosmotiques  étaient  éva- 
lués non  par  l'élévation  du  liquide 
dans  un  tube,  mais  par  les  diiïéren- 
ces  de  poids  avant  et  après  l'expé- 
rience (d). 

MM.  Matieucci  et  Cinia  ont  substitué 
à  l'appareil  de  Dutrochet  une  espèce 
d'endosmomètre  différentiel,  composé 
d'un  réservoir  divisé  en  deux  compar- 
timents par  une  cloison  membraneuse 
verticale,  et  se  continuant,  par  cha- 
cune des  cellules  ainsi  établies,  avec 


(a)  Dutrochet,  L'agent  imn^édiat  du  mouvement  vital  dévoilé,  p.  130  et  suiv, 
(6)  Dutrochet,  Nouvelles  recherches  expérimentales  sur  l'endosmose  et  V exosmose, 
pi.  1 ,  fig.  1 . 

(c)  Gra-ham,  Op.  cit.  {Philos,  Trans.,  1854,  p.  185,  fig.  2,  3  et  4). 

(d)  Ludwig,  Lehrbuch  der  Physiologie,  1. 1,  p.  64,  fig.  7. 


PHÉNOMÈNES    OSMOTIQUES.  127 

Les  expériences  pratiquées  de  la  sorte,  ou  faites  d'après  des 
méthodes  analogues,  rendent  visible  à  l'œil  la  résultante  des 
échanges  osrnotiques,  mais  ne  suffisent  pas  lorsqu'on  veut 
approfondir  l'étude  de  ces  mouvements,  et  déterminer,  soit  le 
pouvoir  osmogène  d'un  corps,  c'est-à-dire  la  quantité  d'une  autre 
substance  qu'une  quantité  donnée  de  ce  corps  est  susceptible 
d'attirer  dans  son  sein  en  l'enlevant  cà  la  cloison  perméable 
adjacente,  soit  Véquivalent  endosmolique  de  cette  substance, 
c'est-à-dire  le  volume  du  liquide  extérieur  qui  se  substitue  à 
chaque  unité  de  volume  de  celle-ci,  ou,  en  d'autres  mots,  la 
balance  entre  les  gains  déterminés  par  le  jeu  des  forces  attrac- 
tives dont  dépend  l'endosmose,  elles  pertes  occasionnées  par  la 
diffusion  des  molécules  de  la  matière  osmogène  dans  le  second 
liquide.  Dans  ce  cas,  l'observation  des  volumes  ne  nous  éclai- 
rerait en  rien,  et  il  faut  constater  les  changements  opérés  dans  la 
composition  des  deux  masses  liquides  qui  sont  séparées  par  le 
diaphragme  perméable,  et  déterminer  les  proportions  dans  les- 
quelles l'une  des  substances  réagissantes  entre  dans  la  consti- 
tution de  ces  volumes  avant  et  après  la  réalisation  de  l'échange 
osmotique  (1). 

un  tube  vertical  ouvert  par  le  haut  et  ham  a  fajt  usage  d'un  endosmomètre 

muni  d'une  échellec  Les  deux  liquides  dont  le  réservoir  était  constitué  par 

sont  déposés  dans  les  deux  comparli-  un  des  vases  poreux  que  les  pliysi- 

nienlsde  l'instrument,  et  chacun  d'eux  ciens  emploient  pour  la  construction 

s'élève  à  une  certaine  hauteur  dans  le  des  piles  de  Grove,  et  il  y  adaptait  un 

tube  correspondant.  On  établit  d'abord  tube  vertical  à  l'aide  d'un  ajutage  de 

le  même  niveau  dans  les  deux  bran-  gutta-percha  (c).  Il  s'est  servi  aussi 

ches  de  ces  vases  communicants,  et,  de  ces  pots  sans  ajutage,  en  évaluant 

par  l'inégalité  de  niveau  due  à  l'action  les  produits  des  échanges  par  des  pe- 

osmolique,  on  juge  des  résultats  ob-  sées  ou  des  dosages  chimiques, 
tenus  (a).  M.  Vierordt  a  employé  un  (1)  Ainsi,  dans  toutes  les  expériences 

appareil  analogue  (6).  dont  je  viens  de  parler,  l'effet  appa- 

Dans  d'autres  expériences,  M.  Gra-  rent,  c'est-à-dire  le  changement  dans 

(a)  Matteucci  et  Cima,  Mém.  sur  l'endosmose  [Annales  de  chimie  et  de  -physique,  3'  série,  1845, 
t.  XIll,  p.  63,  pi.  d). 

(6)  Vierordt,  PhysiK  des  organischen  Stoffvjechsels  {Archiv  fiir  physiologUche  Heilkunde,  4847, 
t.  YI,  p.  655,  pL). 

(c)  Graham,  loc.  cit.,  p.  180,  fig.  1. 


^28 


ACSOHPTION. 


Un  premier  résullat  qui  a  été  donne  par  les  expé- 


Indiience 

deia^urface  rienccs  pratiquécs  de  la  sorte,  et  qui  était  facile  à  prévoir  par 

permea  e.    j^  théorie,   cst  que ,  toiites  choses  étant  égales  d'ailleurs^  la 

quantité  de  liquide  introduit  dans  une  cavité  de  l'endosmomèlre 

est  prûportio7melle  à  l'étendue  de  la  cloison  perméable  à  travers 


Je  volume  ou  dans  le  poids  du  liquide 
que  j'ai  appelé  osmogène,  paixe  qu'il 
est  la  cause  principale  du  phéno- 
mène, n'est  que  le  produit  de  la  dif- 
férence entre  les  quantités  de  matières 
déplacées  dans  un  sens  par  le  courant 
endosmolique  qui  pénètre  dans  ce  li- 
quide, et  en  sens  contraire  par  l'ex- 
pansion diffusivedes  molécules  en  dis- 
solution dans  ce  dernier  milieu  ou 
courant  exosmotique,  pour  employer 
ici  jes  expressions  adoptées  par  Du- 
trochet.  Pour  évaluer  la  puissance 
osmotique  déployée  dans  ces  circon- 
stances, il  faudrait  donc  ajouter  aux 
effels  apparents  la  valeur  des  pertes 
subies  par  l'agent  osmogène.  Par 
exemple,  quand  l'endosmomètre  est 
amorcé  avec  une  dissolution  de  sucre 
et  plongé  dans  un  bain  d'eau  distillée, 
la  quantité  de  ce  dernier  liquide  qui 
pénètre  dans  l'intérieur  de  l'instru- 
ment pour  obéir  à  l'action  attractive 
du  sucre  est  en  réalité  beaucoup  plus 
grande  qu'on  ne  le  croirait  au  premier 
abord,  car  elle  correspond  en  même 
temps  à  l'excédant  de  volume  final  du 
liquide  intérieur  comparé  au  volume 
initial  de  celui-ci,  et  à  la  quantité  de 
sucre  qui  s'esl  échappée  au  dehors  et 
qui  a  été  remplacée  par  de  l'eau  dans 
la  cavité  de  l'endosmomètre.  Or,  les 
expériences  de  M,  Grabam  montrent 
que  le  poids  du  sucre  qui  s'échappe 
de  l'instrument  par  TelTet  de  la  dill'u- 
sion  est  d'ordinaire  égal  à  environ 
1/5^-  du  gain  réalisé  par  la  dissolution 


sucrée,  par  suite  de  ces  échanges.  Il  en 
résulte  que  la  quantité  d'eau  qui,  sous 
l'influence  attractive  du  sucre,  a  tra- 
versé la  cloison  membraneuse ,  est 
aussi  d'environ  1/5'  plus  considérable 
que  celle  indiquée  par  la  comparaison 
des  volumes  du  liquide  intérieur  au 
commencement  et  à  la  fin  de  l'expé- 
rience. 

Ainsi,  dans  une  série  de  huit  expé- 
riences faites  avec  des  dissolutions  de 
sucre  à  divers  degrés  de  concentra- 
tion (depuis  1  jusqu'à  10  pour  100  de 
sucre),  la  proportion  entre  les  pro- 
duits de  la  diffusion,  c'est-à-dire  la 
quantité  de  sucre  répandue  au  dehors, 
et  les  produits  apparents  de  l'osmose, 
c'est-à-dire  l'augmentation  de  poids 
déterminé  dans  la  dissolution  sucrée 
par  l'endosmose,  n'a  varié  que  peu. 
Elle  était  en  moyenne  de  oS",82/t.de 
sucre  épanché  au  dehors,  eldel78^639 
de  gain  réalisé  par  la  dissolution.  IViais 
la  quantité  d'eau  reçue  par  ce  dernier 
liquide  se  composait  à  la  fois  du  volume 
correspondant  à  ce  dernier  poids,  et  de 
ce  qui  avait  remplacé  les  Ss^S'i'i  de  su- 
cre perdu,  volume  qui  peut  être  estimé 
à  ■is'',25.  Par  conséquent,  pour  û5',82Zj. 
de  sucre  déplacé  par  la  diffusion,  il 
était  entré  19s',>:82  d'eau,  ce  qui  cor- 
respond à  5,2  parties  d'eau  pour  rem- 
placer 1  partie  de  sucre.  Dans  d'autres 
expériences  analogues  faites  avec  des 
dissolutions  à  divers  degrés  de  con- 
centration, M.  Graliam  a  oblenu  à  peu 
près  les  mêmes  rapports  :  ainsi,  pour 


PHÉNOMÈNES    OSMOTIQUES.  129 

laquelle  ce  passage  s' effectue  (\) .  Nous  verrons  bientôt  qu'il  en 
est  de  même  pour  l'absorption,  et  que  par  conséquent  un  des 
moyens  employés  par  la  Nature  pour  accroître  la  puissance 
absorbante  d'un  organe,  c'est  d'augmenter  la  surface  par 
laquelle  celui-ci  se  met  en  rapport,  d'une  part  avec  la  matière 
qui  doit  pénétrer  dans  l'économie ,  et  d'autre  part  avec  le 
fluide  destiné  à  la  recevoir,  c'est-à-dire  le  sang. 

§  12.  —  Lorsqu'on  varie  les  substances  dont  l'endosmo- 
mètre  est  chargé,  et  qu'on  opère  d'ailleurs  dans  des  condi- 
tions identiques,  on  ne  tarde  pas  à  reconnaître  que  les  effets 
obtenus  diffèrent  beaucoup  suivant  la  nature  chimique  de  ces 
corps. 

Ainsi,  prenons  une  série  d'instruments  de  ce  genre  d'égale 
capacité  et  garnis  tous  avec  la  membrane  muqueuse  de  la  vessie 
du  Bœuf;  plaçons  dans  chaque  endosmomètre  une  quantité  de 
liquide  suffisante  pour  que  la  surface  de  celui-ci  arrive  au 
niveau  du  zéro  dans  le  tube  gradué,  et  choisissons  pour  les 
charger  ainsi  des  dissolutions  aqueuses  de  divers  chlorures 
dans  la  proportion  de  1  en  poids  pour  100  parties  d'eau  ;  enfin, 
plongeons  la  parUe  inférieure  de  chacun  des  instruments  ainsi 


Différences 

dans 
la  puissance 
osmogéniquo 

des  corps. 


1  partie  de  sucre  déplacée  par  diffusion 
ou  exosmose,  l'eau  ajjsorliée  était  de  : 

5.21  par  la  dissolution  à    1  p.  100  de  sucre. 
5,85  —  à    2  p.  100       — 

5.22  —  à  5  p.  100  — 
4,43  —  à  10  p.  100  — 
4,66             —  à  20  p.  100       — 

La  moyenne  était  de  5,07  parties 
d'eau  se  substituant  à  1  partie  de 
sucre  (a). 

(1)  Ainsi, dans  une  expérience  com- 
parative faite  parDutrocliet,  les  réser- 


voirs des  deux  endosmomèlres  con- 
struits avec  les  mêmes  matériaux  et 
amorcés  avec  les  mêmes  substances, 
mais  dont  les  cloisons  perméables 
avaient  des  diamètres  dans  le  rapport 
de  1  à  2,  furent  pesés  avant  leur  im- 
mersion dans  l'eau  et  après  un  séjour 
de  deux  heures  dans  ce  liquide.  Le 
grand  présenta  une  augmentation  de 
poids  quatre  fois  plus  considérable 
que  le  petit;  rapport  qui  était  préci- 
sément proportionnel  aux  différences 
des  surfaces  absorbantes  (6). 


(a)  Graham,  On  Osmolic  Force  (Philos.  Trans.,  1854,  p.  197). 
(6)  Duirochet,  Op.  cit.  [Mémoires,  t.  I,  p.  28). 


130  ABSORPTION. 

préparés  dans  un  bain  d'eau  distillée  :  au  bout  d'un  certain 
temps  le  liquide  contenant  le  cblorure  de  sodium  sera  monté 
de  12  millimètres  ;  celui  contenant  du  chlorure  de  potassium 
sera  monté  à  1 8  ;  la  dissolution  de  chlorure  de  strontium  se 
trouvera  à  26  millimètres;  la  dissolution  de  chlorure  de  man- 
ganèse à  36  millimètres  ;  celle  de  chlorure  de  nickel  à  88  milli- 
mètres ;  celle  de  bichlorure  de  mercure  à  121  millimètres;  celle 
de  chlorure  de  cuivre  à  351  millimètres  ;  enfin  celle  de  chlorure 
d'aluminium  à  5/iO  milhmètres  (1). 

Nous  verrons  bientôt  qu'il  existe  une  certaine  proportionna- 
lité entre  le  degré  de  densité  d'une  dissolu tian  saline  ou  sucrée 
et  la  grandeur  des  effets  osmotiques  déterminés  par  cette  sub- 
stance. Par  conséquent,  on  pourrait  croire  au  premier  abord 
qu'il  doit  y  avoir  des  relations  analogues  entre  la  pesanteur  spé- 
cifique de  corps  de  nature  différente  ,  et  l'intensité  de  la  force 
motrice  qu'elles  sont  susceptibles  de  déployer  dans  les  circon- 
stances dont  l'étude  nous  occupe  en  ce  moment.  Mais  il  suffit 
d'un  petit  nombre  d'observations  pour  prouver  que  les  choses 
ne  se  passent  pas  ainsi.  Par  exemple,  le  chlorure  de  potassium, 
qui  donne  des  effets  endosmotiques  plus  considérables  que 
le  chlorure  de  sodium,  est  moins  dense  que  ce  corps,  et  les 
chlorures  de  baryum  et  de  calcium  en  diffèrent  à  peine  sous 
le  rapport  osmotique,  quoique  la  densité  du  premier  soit  3,9 
et  celle  du  second  seulement  2,2.  Du  reste,  pour  mettre  bien 
en  évidence  ce  défaut  de  relation  entre  la  pesanteur  spécifique 
des  corps  et  leur  pouvoir  osmogène,  il  suffit  de  comparer  les 
résultats  fournis  par  l'emploi  de  dissolutions  d'égale  densité  de 
certaines  substances,  telles  que  du  carbonate  de  potasse,  du  car- 
bonate de  soude,  de  l'acide  oxalique  ou  de  l'acide  chlorhydrique  : 

(1)  Les  résultats  indiqués  ici  sont  trouve  dans  le  mémoire  de  ce  chi- 
ceux  obtenus  dans  les  expériences  miste  beaucoup  d'autres  faits  analo- 
comparalives    de    M.    Graham.    On      gués  (o). 

(a)  Graliam,  On  Osmotic  Force  (Philos.  Trans.,  1854,  p.  225. 


PHÉNOMÈNES    OSMOTIQUES.  131 

avec  ces  sels  basiques,  la  colonne  endosmomélrique  s'élèvera 
rapidement;  avec  les  acides  convenablement  dilués,  elle  s'abais- 
sera d'une  manière  non  moins  remarquable,  el  descendra  beau- 
coup au-dessous  du  niveau  du  bain  extérieur  (I). 

Ces  faits,  et  beaucoup  d'autres  du  même  ordre  que  je  pour- 
rais invoquer  si  je  ne  craignais  de  m'arrêter  trop  longtemps  sur 
l'examen  de  cette  question,  prouvent  aussi  d'une  manière  sur- 
abondante que  la  valeur  des  effets  endosmotiques  n'est  pas  liée 
uniquement  à  la  grandeur  des  forces  attractives  développées 
entre  les  deux  liquides  réagissants  ;  et  d'ailleurs  le  raisonne- 
ment suffirait  pour  établir  qu'il  ne  saurait  y  avon^  de  connexité 
nécessaire  entre  l'avidité  plus  ou  moins  grande  d'une  substance 
pour  une  autre  et  l'accumulation  des  molécules  de  ces  corps 
dans  l'espace  occupé  par  l'un  plutôt  que  dans  celui  occupé  par 
l'autre.  Effectivement,  si  le  corps  A  attire  le  corps  B,  celui-ci 
doit  agir  de  la  même  manière  sur  A,  et  par  conséquent  le 


(1)  Les  effets  négatifs  de  l'acide 
oxalique  n'ont  pas  échappé  à  l'atten- 
tion de  Dutrochet,  et  contribuèrent 
beaucoup  à  rectifier  les  opinions  de 
cepiiysiologisie,  relatives  à  l'ensemble 
des  phénomènes  osmotiques.  Il  vit 
aussi  que  des  effets  analogues  pou- 
vaient être  produits  par  l'acide  chlor- 
hydrique,  l'acide  sulfhydrique  et  plu- 
sieurs autres  substances  acides,  mais 
que  cela  était  subordonné  au  degré  de 
dilution  de  ces  corps  dans  l'eau  {a). 
M.  Graham  a  repris  plus  récemment 
l'étude  de  l'action  osmolique  de  ces 
substances,  et  a  trouvé  que  le  courant 
dirigé  de  l'acide  vers  l'eau  était  le  plus 
puissant  quand  on  chargeait  l'endos- 
momètre  avec  une  dissolution  d'acide 
oxalique  au  titre  de  1  p.  100. 


L'acide  sulfurique  produit  des  effets 
tantôt  négatifs,  tantôt  positifs,  lors- 
qu'il est  étendu  dans  1000  parties 
d'eau, 

i\L  Graham  a  observé  des  varia- 
tions plus  considérables  dans  ses  ex- 
périences sur  d'autres  acides,  et  il  a 
constaté  que,  sous  ce  rapport,  quel- 
ques-uns de  ces  corps  changent  de 
caractère  par  le  seul  fait  de  leur  fusion 
ignée.  Ainsi  une  dissolution  faite  avec 
de  l'acide  citrique  ou  de  l'acide  tar- 
trique,  au  litre  de  1  p.  100,  donne 
des  produits  osmotiques  positifs,  tan- 
dis que,  préparées  avec  ces  mêmes 
acides  préalablement  fondus  par  la 
chaleur,  ces  dissolutions  donnent  des 
effets  négatifs  [h). 


(a)  Dutrochet,  Sur  V endosmose  (Mémoires,  1. 1,  p.  46  et  suiv.). 

(b)  Graham,  Op.  cit.  [Philos.  Trans.,  1854,  p.  191). 


membrane. 


1  32  ABSORPTION . 

déplacement  de  l'un  ou  de  l'autre  sera  déterminé,  non  par  le 
degré  d'intensité  de  cette  attraction  mutuelle,  mais  par  la  résis- 
tance différente  que  cette  force  rencontrera  pour  mouvoir  de  la 
sorte  A  et  B.  Or,  la  résistance  inégale  à  vaincre  dans  cette 
circonstance  est  due  essentiellement  à  l'obstacle  que  le  dia- 
phragme situé  entre  les  deux  liquides  oppose  à  leur  passage. 
Ladireciion       Nous  avons  déjà  vn  que  la  direction  du  courant  principal,  ou 
cnîosmotiq"ue  couraut  cndosmotiquc ,  c'est-à-dire  celui  qui  baigne  directe- 
^pafSi'ôr  ment  les  parois  des  passages  interstitiels  de  la  cloison  placée 
'ïk""     entre  les  deux  liquides,  est  déterminée  par  la  prédominance  de 
l'action  capillaire  exercée  par  cette  cloison  sur  l'un  de  ces 
liquides,  lequel  vient  occuper  ces  passages,  et  traverse  ainsi  le 
diaphragme  pour  se  mêler  ensuite  à  l'autre  liquide.  La  théorie 
nous  conduit  donc  à  poser  en  principe  que,  toutes  choses  étant 
égales  d'ailleurs ,  celui  des  deux  liquides  miscibles  réagissants 
qui  sera  attiré  avec  le  plus  de  force  par  la  substance  de  la  cloison 
perméable  sera  versé  dans  l'autre  et  en  augmentera  la  masse. 

Connaissant  la  force  de  pénétration  relative  avec  laquelle 
deux  liquides  s'accumulent  dans  un  tissu  organique,  nous  pour- 
rons donc  déterminer  à  priori  celui  vers  lequel  le  courant 
endosmotique  se  dirigera  quand  celui-ci  sera  séparé  de  l'autre 
liquide  par  une  cloison  mince  composée  de  ce  même  tissu.  Ce 
sera  toujours  le  liquide  le  moins  apte  à  s'insinuer  dans  la  sub- 
stance du  diaphragme  qui  augmentera  de  volume  aux  dépens 
de  l'autre. 

Voyons  si  l'expérience  confirme  ce  raisonnement. 
Nous  savons,  par  l'étude  des  phénomènes  d'imbibition,  que 
la  force  avec  laquelle  les  divers  liquides  sont  attirés  dans  les 
espaces  interstitiels  d'un  même  tissu  organique  varie  beaucoup 
suivant  la  nature  chimique  de  ces  corps  et  suivant  les  condi- 
tions dans  lesquelles  la  réaction  s'opère.  Le  volume  du  liquide 
dont  le  tissu  s'imprègne  est  réglé  par  le  rapport  entre  cette 
force  qui  tend  à  accumuler  de  la  matière  dans  ses  cavités  à 


PHÉNOMÈNES    OSMOTIQUES.  133 

parois  extensibles  et  la  résistance  que  la  substance  élastique 
de  ces  mêmes  parois  oppose  à  la  distension  ;  en  sorte  que  si  la 
nature  de  cette  substance  reste  la  même,  on  peut  juger  delà 
puissance  d'imbibition  par  le  degré  dégonflement  du  tissu,  ou, 
ce  qui  revient  au  même,  par  le  poids  du  liquide  qu'il  est  sus- 
ceptible d'accumuler  dans  son  intérieur.  Or,  nous  avons  vu  que 
les  tissus  animaux,  après  avoir  été  privés  d'eau  par  la  dessicca- 
tion, se  gorgent  d'eau  quand  on  les  plonge  dans  ce  liquide,  et 
que  si,  au  lieu  de  les  placer  dans  l'eau,  on  les  immerge  dans 
une  dissolution  aqueuse  de  sel  commun,  ils  absorbent  aussi 
une  certaine  quantité  de  liquide,  mais  beaucoup  moins  que  s'ils 
étaient  en  présence  d'eau  pure(l).  Nous  savons  également  que 
ces  mêmes  tissus  se  laissent  pénétrer  par  l'alcool,  mais  n'ad- 
mettent que  fort  peu  de  ce  liquide. 

D'après  les  principes  établis  ci-dessus,  nous  pouvons  donc 
prévoir  que  lorsque  de  l'eau  se  trouvera  en  contact  avec  une 
des  surfaces  de  la  cloison  osmolique  formée  par  une  membrane 
organique  de  ce  genre  et  de  Talcool  en  contact  avec  la  surface 
opposée,  le  courant  endosmotique  se  portera  de  l'eau  vers  l'al- 
cool, bien  que  ce  dernier  liquide  soit  moins  dense  que  le  pre- 
mier; et,  effectivement,  c'est  ce  que  l'expérience  nous  montre. 
Ainsi,  quand  on  place  de  l'alcool  dans  le  réservoir  del'endos- 
momètre  garni  d'un  diaphragme  fait  avec  de  la  vessie  et  qu'on 
met  de  l'eau  en  contact  avec  l'extérieur  de  l'instrument,  le 
liquide  intérieur  augmente  de  volume  et  monte  dans  le  tube 
qui  termine  supérieurement  cet  instrument  ;  tandis  que  si  le 
même  endosmomètre  est  chargé  d'eau  et  plongé  dans  un  bain 
d'alcool,  le  liquide  intérieur,  au  lieu  de  s'éiever,  descend  plus 
ou  moins  rapidement,  et  sa  surface  peut  être  portée  ainsi  beau- 
coup au-dessous  du  niveau  du  bain  circonvoisin  (2). 

(1)   Voyez  ci -dessus,  page    81   el      Diiirochet  avaient  porté  ce  pliysiolo- 

suivantes,  gisle  à  penser  que  rcndosniose  s'éta- 

(2)  Les  premières  expériences  de      blissait  toujours  du  liquide  le  moins 


134  ABSORPTION. 

Nous  avons  déjà  eu  l'occasion  de  voir  qu'il  en  est  de 
même  quand  une  dissolution  de  chlorure  de  sodium,  sub- 
stance qui  ne  pénètre  que  faiblement  dans  un  tissu  animal, 
est  séparée  d'un  bain  d'eau  pure  par  une  cloison  formée 
d'une  membrane  de  ce  genre.  C'est  l'eau  qui  traverse  le  dia- 
phragme osmotique  pour  aller  grossir  le  volume  de  la  disso- 
lution saline. 

Je  viens  de  dire  qu'un  endosmomètre  chargé  d'acide  chlor- 
hydrique  dilué,  et  plongé  dans  de  l'eau  pure,  donne  lieu  à  une 
osmose  négative,  c'est-à-dire  que  le  courant  dominant  se  porte 
de  l'intérieur  à  l'extériem^  et  que  c'est  le  volume  de  l'eau  qui 
augmente.  Nous  en  pouvons  conclure  que  la  substance  animale 
dont  la  cloison  se  compose  se  gonflera  davantage  dans  une  dis- 
solution semblable  d'acide  chlorhydrique  que  dans  un  bain  d'eau 
distillée;  et,  effectivement,  des  expériences  faites  dans  une 
tout  autre  vue,  et  dont  j'aurai  à  rendre  compte  en  traitant  de 
la  théorie  de  la  digestion,  montrent  que  les  choses  se  passent 
de  la  sorte  (1). 

Les  faits  nous  manqueraient  bientôt,  si  nous  voulions  vérifier 
l'exachtude  de  cette  application  des  lois  de  la  capillarité  à  tons 
les  cas  particuliers  où  le  courant  endosmotique  s'établit  dans 
une  direction  déterminée.  Je  ne  pousserai  donc  pas  cet  examen 
plus  loin ,  mais  il  me  semble  nécessaire  de  dire  que  dans  un 

dense  vers  le  liquide  le  plus  dense  (o);  musculaire,  des  membranes  el  autres 

mais   ses  recherches  ultérieures   lui  matières  animales  immergées  pendant 

ont  fait  voir  que  cela  n'est  pas,  et  que,  quelques  heures  dans  de  l'eau  aiguisée 

dans   im  grand   nombre  de  circon-  d'acide  chlorhydrique  se  sont  gorgées 

stances,  le  contraire  s'observe  (6).  d'une  quantité  si  considérable  de  ce 

(1)  Dans  les  expériences  t'ailes  par  liquide,  qu'elles  se  sont  gonflées  énor- 

MM.  Bouchardat  et  Sandras  sur  les  mément  et    sont  devenues   transpa- 

digestions    artificielles    de    la    chair  rentes  comme  de  la  gelée  (c). 

{a}  Dutrochct,  L'agent  immédiat  du  mouvement  vital,  p.  120  et  suiv. 
{b)  Idem,  De  l'endosmose  {Mémoires,  t  I,  p.  40). 

(c)  Dumas,  Rapport  sur  un  Mémoire  de  MM.   Sandras  et  Bouchardat,  relatif  à  la  digestion 
{Comptes  rendus  de  l'Académie  des  sciences,  1843,  t.  XVI,  p.  254). 


PHÉNOMÈNES    OSIMOTIÛUES.  155 

grand  nombre  de  cas  on  voit  cette  direction  varier  avec  la 
nature  de  la  cloison  osmotique.  Ainsi,  Dutrochet  a  remarqué 
que  si  l'on  substitue  à  la  cloison  perméable  faite  avec  un  mor- 
ceau de  la  membrane  muqueuse  de  la  vessie  un  diaphragme 
analogue  composé  de  la  membrane  interne  du  gésier  d'un 
Poulet,  le  courant  endosmotique  déterminé  par  la  réaction  de 
l'eau  et  de  l'alcool  ne  se  dirige  plus,  comme  dans  le  premier 
cas,  de  l'eau  vers  l'alcool,  mais  en  sens  contraire  :  c'est 
l'alcool  qui  forme  le  courant  dominant  et  qui  se  verse  dans 
l'eau  (1). 

Il  en  résulte  que  cette  direction  ne  saurait  dépendre  des  rap- 
ports existant  entre  les  propi-iélés  physiques  des  deux  liquides, 
comme  l'ont  supposé  quelques  physiologistes,  car  ces  propriétés 
ne  sont  pas  changées  par  le  fait  de  la  substitution  de  tel  dia- 
phragme à  tel  autre  ;  et  cependant  nous  venons  de  voir  qu'une 
substitution  de  ce  genre  peut  déterminer  le  renversement  du 
mouvement  endosmotique  (2). 

(1)  Cette    observation     de     Du-      tablit  du  liquide  dont  la  capacité  calo- 
trochet   a    été  vérifiée   par   M.  Mat-       rifique  est  la  plus  grande  vers  celui . 
teucci  {a).  qui  possède  à  un  moindre  degré  cette 

Le  premier    de    ces   expérimenta-  capacité,  et  même  que  l'intensité  du 

teurs  a  vu  aussi  qu'en  chargeant  l'en-  courant  est  proportionnée  à  la  dille- 

dosniomèire  d'une  dissolution  d'acide  rence  des  chaleurs  spécifiques  pour 

sulfhydrique  d'une  densité  de  1,106,  les  liquides  qui  se  mêlent  en  toutes 

le  courant  endosmotique  s'établissait  proportions  (c).   Ainsi,  quand  on  fait 

toujours  vers  l'eau  quand  la  cloison  usage  d'éther  et  d'alcool,  le  courant 

perméable  était  une  membrane  aiii-  principal  se  porte  de  ce  dernier  liquide 

maie ,  et  au  contraire  de  l'eau  vers  vers  le  premier,  et  l'on  sait  que  les 

l'acide,  quand  cette  cloison  était  un  chaleurs  spécifiques  sont  :  0,503  pour 

tissu  végétal  (6).  l'élher  et  0,6/i/i  pour  l'alcool;  mais, 

(2)  M.  Béclard  a  remarqué  que  dans  si  l'on  emploie  de  la  même  manière  de 
les  expériences  endosmomélriques  l'élher  chargé  d'une  certaine  quantité 
faites  avec  les  membranes  commune-  d'eau,  la  chaleur  spécifique  du  mé- 
ment  employées  comme  cloison  per-  lange  peut  être  rendue  supérieure  à 
méable,  le  courant  endosmotique  s'é-  celle  de  l'alcool,  et  alors  le  courant 

(a)  Malteucci,  Leçons  sur  les  phénomènes  physiques  de  la  vie,  p.  57. 

(b)  Dulrochct,  art.  Endosmosis  (Todd's  Cyclop.  of  Anat.  andPhysiol.,  t.  II,  p.  108). 

le)  J.  IBéclard,  Mémoire  sur  la  théorie  de  l'endosmose  (Gazette  des  hôpitaux,  1851 ,  p.  323). 


Influence 

du  degré 

de 

conceniralion 

des  liquides 

sur 
l'endosmose. 


136  ABSORPTION. 

§  13.  —  La  direction  du  courant  endosmotique  étant 
déterminée  par  le  jeu  des  actions  capillaires  dont  la  cloison 
perméable  est  le  siège,  le  second  acte  du  phénomène  com- 
mence :  le  liquide  amené  à  l'extrémité  des  passages  interstitiels 
est  appelé  au  delà,  et  se  disperse  plus  ou  moins  rapidement 
dans  le  liquide  adjacent  dont  il  augmente  le  volume.  Ce  mou- 
vement de  progression  dépend,  comme  nous  l'avons  déjà  vu, 
des  attractions  adhésives  ou  chimiques  exercées  par  les  molé- 
cules de  l'une  des  substances  réagissantes  sur  celles  de  l'autre. 
11  est  donc  évident  que  si  toutes  les  autres  conditions  restaient 
identiques,  le  déplacement  devrait  être  d'autant  plus  rapide 
que  la  molécule  qui  arrive  dans  l'espace  occupé  par  le  liquide 


endosmotique  se  dirige  de  l'éther  vers 
l'alcool. 

M.   Béclaid  s'appuie  aussi  sur  les 
fails  suivants  : 

i'  Alcool  (dial.  spccif.  0,044)  et  eau  (chai. 
spécif.  1,0),  courant  principal  vers 
l'alcool. 

2°  Alcool  (0,644)  et  esprit  de  bois  (chai, 
spe'cif.  0,671),  courant  principal  faible 
vers  l'alcool. 

3°  Alcool  (0,044)  et  essence  de  térében- 
thine (chai,  spécif.  0,467) ,  courant 
principal  vers  l'essence. 

4°  Alcool  (0,644)  et  huile  d'olive  (chai. 
spécif.  0,309),  courant  principal  vers 
l'huile. 

5»  Élher  acétique  (0,484)  et  essence  de 
térébenthine  (0,467),  courant  princi» 
pal  vers  l'essence. 

G"  Éther  acétique  (0,484)  et  éther  sulfu'= 
rique  (0)503),  courant  principal  vers 
l'éther  acétique. 

7°  Essence  de  térébenthine  (0,407)  et  es" 
prit  de  bois  (0,671),  courant  princi- 
pal vers  l'essence. 

8"  Essence  de  térébenthine  (0,407)  et 
étlior  sulfuriquo  (0,503),  courant 
principal  vers  l'essence. 


9°  Essence  de  térébenthine  (0,467)  et 
huile  d'olive  (0,309),  courant  prin- 
cipal vers  l'huile. 

Cette  concordance  entre  la  direc- 
tion du  courant  osmotique  du  liquide 
dont  la  chaletu-  spécifique  est  la  plus 
élevée  vers  celui  qui  a  une  chaleur 
spécifique  moindre,  est  très  remar- 
quable, et  semble  indiquer  Texistence 
d'un  certain  rapport  entre  la  grandeur 
de  la  capacité  calorifique  de  ces  sub- 
stances et  le  degré  de  puissance  de 
l'attraction  adhésive  qui  se  développe 
entre  chacune  d'elles  et  la  membrane 
animale.  Mais,  ainsi  que  je  l'ai  déjà 
fait  remarquer,  le  phénomène  de  l'os- 
mose ne  peut  dépendre  de  cette  cir- 
constance, car,  en  faisant  varier  la 
nature  des  diaphragmes,  on  ne  change 
on  rien  les  îapports  entre  la  chaleur 
spécifique  des  liquide.?  en  présence^ 
et,  par  conséquent,  si  l'hypothèse  de 
M.  Béclard  était  fondée,  la  direction 
de  l'endosmose  ou  du  courant  prin- 
cipal devrait  rester  invariable,  tandis 
que  dans  beaucoup  de  circonstances 
cette  direction  est  renversée. 


PHÉNOMÈNES    OSMOTlQUES.  1  37 

en  repos  se  trouverait  dans  les  limites  de  la  sphère  d'attraction 
d'un  plus  grand  nombre  de  molécules  de  ce  dernier  corps,  et, 
toutes  choses  étant  égales  d'ailleurs,  ce  nombre  est  réglé  par  le 
degré  de  concentration  du  liquide  contenant  ces  mêmes  molé- 
cules. Or,  dans  une  dissolution  saHne  ou  sucrée,  ce  sont  les 
particules  de  sel  ou  de  sucre  qui  déterminent  le  déplacement 
des  molécules  d'eau  situées  à  l'embouchure  des  passages  inter- 
stitiels de  la  cloison;  les  particules  d'eau  qui  s'y  trouvent 
associées  ne  peuvent  produire  aucun  effet  de  ce  genre,  et  par 
conséquent  si  les  résistances  à  vaincre  ne  changent  pas,  et  si 
les  autres  conditions  de  l'expérience  restent  invariables,  les 
effets  endosmotiques  devront  croître  avec  le  nombre  de  molé- 
cules de  sel  ou  de  sucre  qui  se  trouvent  comprises  dans 
un  espace  déterminé,  ou,  en  d'autres  mots,  être  proportion- 
nels au  titre  de  la  dissolution  comparée  à  celui  du  liquide 
affluent. 

Mais,  pour  que  le  liquide  contenu  dans  les  canaux  capillaires 
du  diaphragme  soit  tiré  de  ces  passages,  il  y  a  des  résistances 
à  vaincre,  car  les  molécules  constitutives  de  la  couche  périphé- 
rique de  chaque  petit  courant  adhèrent  aux  parois  de  ces  canaux. 
Nous  savons  aussi  que  les  résistances  dues  aux  frottements  de 
ce  genre  augmentent  très  rapidement  avec  la  vitesse  du  mou- 
vement. Il  en  résulte  que  les  obstacles  à  surmonter  pour  que 
le  courant  endosmotique  satisfasse  à  la  puissance  attractive 
croissante  développée  par  l'intervention  d'une  quantité  du 
corps  osmogénique  qui  elle-même  croîtrait,  grandiront  rapi- 
dement avec  la  vitesse  des  courante;  et  détermineront  dans  les 
effets  du  travail  de  translation  une  diminution  d'autant  plus 
marquée  que  cette  vitesse  deviendra  plus  considérable. 

Ainsi  la  théorie  physique  des  phénomènes  osmotiques  nous 
fait  prévoir  que  les  changements  de  volume  effectués  dans  des 
temps  égaux  doivent  être  liés  d'une  manière  intime  à  la  pro- 
portion de  la  substance  osmogénique  qui  se  trouve  dans  le 


158  ABSORPTION, 

liquide  vers  lequel  le  courant  se  dirige  ;  mais  que  la  raison 
suivant  laquelle  les  produits  du  travail  de  translation  augmen- 
teront ne  sera  pas  la  même  que  la  progression  des  quantités 
de  la  matière  agissante,  et  que,  toutes  choses  restant  égales 
d'ailleurs,  le  volume  de  liquide  déplacé  en  une  certaine  unité 
de  temps  par  chaque  unité  de  la  matière  osmogénique  dimi- 
nuera, suivant  une  certaine  loi,  avec  l'augmentation  de  la  quan- 
tité de  cette  matière. 

L'expérience  est  en  accord  avec  ces  vues  théoriques.  Quand 
on  place  dans  des  endosmomètres  à  diaphragme  membraneux 
diverses  dissolutions  aqueuses  d'une  même  substance,  on  voit 
que  la  hauteur  à  laquelle  le  liquide  intérieur  s'élève  en  un 
temps  donné  augmente  avec  le  degré  de  concentration  de  la 
dissolution ,  et  que  dans  certaines  limites  la  progression  dans 
la  quantité  d'eau  dont  l'instrument  se  charge  est,  à  peu  de  chose 
près,  proportionnelle  à  l'accroissement  de  la  densité  du  liquide 
intérieur  comparée  à  celle  du  bain  extérieur.  Ces  relations  ont  été 
mises  en  lumière  par  les  expériences  de  Dutrochet  et  ressortent 
également  des  résultats  obtenus  par  MM.  Vierordt,  Ludwig  et 
Graham  (1).  Mais  quand  la  concentration  du  liquide  osmo- 


(1)  Dans  une  première  série  de  portionnelles  de  l'endosmose  19  1/2, 
recherclies  faites  par  Diitrocliet,  le  39,78  ;  nombres  qui  s'éloignenl  beau- 
sirop,  dont  la  densité  moyenne  pen-  coup  de  ceux  donnés  par  l'expé- 
dant  la  durée  de  Texpérience  était  rience.  Il  n'y  a  aussi  aucune  relation 
1,080,  donna  en  une  heure  et  demie  entre  les  nombres  observés  et  ceux 
une  ascension  de  19  1/2  degrés.  correspondant  aux  densités  respec- 
Avec  une  dissolution,  dont  la  den-  tives  des  trois  sirops,  ftlais  il  y  a  un 
site  moyenne  était  l,lZil,  la  colonne  accord  très  grand  entre  ces  quantités 
s'éleva,  dans  le  môme  .espace  de  et  Cf  lies  que  donne  la  progression  des 
temps,  à  3/i  degrés.  Enfin,  avec  une  excédants  de  la  densité  du  sirop  sur  la 
dissolution,  dont  la  densité  moyenne  densité  de  l'eau.  EfTectivement,  la  pro- 
était 1,222,  l'ascension  était  de  53  de-  gression,  dont  le  premier  terme  serait 
grés.  Les  quantités  de  sucre  employé  19  1/2,  et  qui  serait  comme  les  nom- 
étaient  comme  1,  2,  i.  Or,  en  prenant  bres  0,80,  O.l/il,  0,222,  donnerait 
pour  base  d'une  pareille  progression  19  1/2,  'àà,  5U.  Or  les  nombres  trou- 
19  1/2,  on  aurait  pour  les  vitesses  pro-  vés  par  l'expérience  étaient,  comme  je 


PHÉNOMÈNES    OSMOTIQUES.  1S9 

gène  dépasse  un  certain  degré ,  la  valeur  des  produits  cesse 
d'être  sensiblement  proportionnelle  à  la  quantité  de  la  matière 
attractive  ;  on  y  remarque  un  déficit  de  plus  en  plus  considé- 
rable, et  l'on  voit  que  l'effet  utile  de  la  force  motrice  dévelop- 
pée par  chaque  molécule  osmogénique  diminue  avec  raccroisse- 
ment  du  nombre  de  ces  molécules  dans  un  espace  donné  (1). 


l'ai  déjà  dit,  19  1/2,  34  et  53.  Deux 
autres  séries  d'expériences,  discutées 
de  la  même  manière,  donnèrent  : 


iNM. 


N''2. 


Résultats  observés 

1.      Rési 

iltati  calculci. 

10,25 

10,25 

1" 

16,30 

32,52 

32,30 

9 

9 

1-1,50 

15,60 

30 

28 

On  voit  que  les  résultats  du  calcul 
ne  s'éloignent  que  très  peu  de  ceux 
fournis  par  rexpérience,  et  Dutrochet 
pensait  que  les  écarts  pouvaient  s'ex- 
pliquer par  certains  changements  dans 
le  degré  d'imbibition  de  la  cloison  os- 
raotique  («'. 

De  nouvelles  recherches  faites  avec 
plus  de  précision  par  11.  Vierordt  sont 
venues  confirmer,  dans  certaines  li- 
mites, la  loi  établie  par  Dutrochet  (6). 

Enfin,  M.  Graham  a  fait  également 
diverses  séries  d'expériences  analo- 
gues, d'où  il  résulte  qu'entre  Ip.  100 
et  10  p.  100  de  sucre,  la  progression 
des  effets  eudosmoiiques  était  à  peu 
près  proportionnelle  aux  quantités  re- 
latives de  cette  substance.  Ainsi,  dans 
une  de  ces  expériences,  la  hauteur  de 
la  colonne  endosmométrique  était  de 
10  ou  12  avec  la  dissolution  contenant 
1/lOU  de  sucre ,  de  24  avec  2/100  de 


sucre  ,  de  64  avec  5/100,  et  d'environ 
100  avec  1/10  de  sucre.  !\Iais  avec  des 
dissolutions  contenant  1/5,  les  effets 
ne  s'accrurent  pas  dans  la  même  pro- 
portion, et  la  colonne  ne  s"éleva  en 
moyenne  qu'à  environ  129  millimè- 
tres. Or  celte  diminution  dans  la  va- 
leur des  effets  produits  par  des  quan- 
tités égales  de  matière  n'était  pas  due 
à  une  augmentation  dans  les  pertes 
par  diffasiou  ,  car  celles-ci  diminuè- 
rent dans  une  proportion  encore  plus 
forte  (c). 

(1)  Dutrochet  el  quelques  autres 
expérimentateurs,  en  n'opérant  que 
sur  des  dissolutions  dont  la  densité  ne 
variait  que  peu,  ou  en  n'examinant 
pas  d'assez  près  l'easemble  du  phéno- 
mène, avaient  été  conduits  à  penser 
que  la  proportionnalité  entre  la  ri- 
chesse de  la  dissolution  et  la  gran- 
deur des  effets  endosmoliques  existait 
pour  les  maUères  salines  aussi  bien 
que  pour  les  substances  peu  actives  , 
telles  que  le  sucre;  mais  \'..  Ludwig, 
en  étudiant  avec  plus  de  soia  cc  qui 
se  passe  quand  on  fait  usage  de  chlo- 
rure de  sodium,  ou  de  sulfate  de  soude 
à  divers  degrés  de  concentration,  a  vu 
que  les  valeurs  des  produits  n'aug- 
mentent pas  suivant  la  même  loi  que 
le  titre  des  dissolutions,   et  devaient 


(a)  Dulrochet,  Op.  cit.  (ilémoires,  p.  30  et  suiv.). 

(6)  Vierordt,  Physik  des  organischen  Stoffwechsels  [Archiv  fur  physiol.  Heilk.,  t.  VI,  p, 
et  saiv.). 

(C)  Graham,  On  Osmotic  Force  (Philos.  Trans.,  1854,  p,  196). 


140  ABSORPTION. 

Influence         §  1^  •  —  D^ns  la  discusslon  de  ces  questions  délicates,  il  faut 
modifications   avoir  aussl  égard  aux  modifications  que  les  matières  réagissantes 

''osmoii'que"    pcuvcnt  déterminer  dans  la  constitution  physique  ou  chimique 
,.ar°ie™î!îuides  dc  la  cloisou  osmotiquc,  et  aux  changements  qui  peuvent  en 

employés,  p^g^jf^j.  ^^iDs  Ic  dcgré  dc  perméabilité  de  ce  diaphragme.  En 
effet,  quand  celui-ci  est  formé  par  un  tissu  très  extensible  et 
fort  élastique,  comme  le  sont  la  plupart  des  membranes  ani- 
males, le  contact  d'une  dissolution  saline  concentrée  peut  y 
déterminer  une  rétraction  considérable,  et  diminuer  beaucoup 
la  capacité  de  ses  cavités  interstitielles.  Ainsi,  un  morceau  de 
vessie  qui,  en  s'imbibant  d'eau  pure,  serait  susceptible  de  se 
charger  de  5  volumes  de  liquide,  ne  pourra  en  contenir  que 
2  volumes  si  l'eau  est  saturée  de  chlorure  de  sodium,  et  l'on 
conçoit  que  le  resserrement  des  voies  de  communication  dépen- 
dant de  causes  de  ce  genre  puisse  amener  une  telle  diminution 
dans  le  débit  de  ces  conduits,  que  l'afflux  du  liquide  vers  la  sub- 
stance osmogène  devient  insuffisant  pour  ahmenter  le  travail 
osmotique  que  celle-ci  tend  à  effectuer,  ou  même  pour  rendre 
les  f>roduits  de  ce  travail  inférieurs  à  ceux  que  donnerait  l'ac- 
tion d'une  dissolution  faible. 

Les  modifications  que  l'action  des  substances  différentes  peut 
déterminer  dans  l'extensibilité  des  tissus  organiques,  et  par 


être  représentées  non  par  une  droite, 
mais  par  une  ligne  courbe  (a). 

M.  Graham  a  étendu  plus  loin  ses 
observations,  et  a  soumis  et  ce  genre 
d'examen  un  grand  nombre  de  sub- 
stances salines  et  autres.  On  pourra 
juger  des  effelsde  la  concentration  par 
les  résuliaîs  suivants  obtenus  en  char- 
geant l'endosmomètre  de  dissolutions 
de  sulfiite  de  magnésie  à  divers  degrés 
de  concentra  lion  : 


PROPORTION 

ÉLÉVATION 

DU  SEL 

dc  la 

pour  100  parties 

COLONNE    ENDOSMOMÉTRIQUE, 

d'eau. 

Maximum, 

Miiiinuim. 

2 

33 

30 

5 

70 

73 

10 

4  52 

134 

20 

1 

283 

238(6) 

(a)  Ludwig,  Op.  cit:  {Zeltschr.  fur  rationelle  Medicin,  1849,  t.  VllI,  p.  9). 
(6)  Graham,  Op.  cit.  {Philos.  Trans.,  1854,  p.  199j. 


PHÉNOMÈNES    OSMOTIQUES.  l/ll 

conséquent  sur  la  dilatation  des  passages  osmotiques  sous  l'in- 
fluence d'une  force  constante  qui  tend  à  accumuler  des  volumes 
croissants  de  liquide  dans  ces  cavités ,  sont  mises  également 
en  évidence  par  les  expériences  dans  lesquelles  on  mesure  les 
produits  de  la  fdtration  sous  l'influence  d'une  pression  donnée. 
Plus  une  membrane  perméable  sera  extensible,  plus,  sous 
l'action  d'une  force  d'impulsion  de  même  intensité ,  ses  pores 
se  laissent  distendre,  et  plus  aussi  ces  orifices  débiteront  de 
liquide.  Or,  une  membrane  qui,  en  présence  d'un  réactif  donné, 
résistera  à  la  poussée  du  liquide  de  façon  à  ne  laisser  passer 
qu'un  volume  de  celui-ci  pendant  chaque  unité  de  temps,  pourra 
être  traversée  pendant  le  même  espace  de  temps  par  près  de 
200  volumes  d'une  autre  substance.  Un  physicien  de  Pise, 
M.  Cima,  a  fait  des  expériences  de  ce  genre,  et  dans  l'une 
d'elles  on  voit  que,  pour  faire  filtrer  à  travers  la  membrane 
muqueuse  du  jabot  d'une  Poule,  sous  une  pression  de  40  centi- 
mètres de  mercure,  un  certain  volume  d'eau,  il  a  suffi  de 
18  secondes,  tandis  que  pour  faire  passer  un  même  volume 
d'eau  contenant  un  peu  d'ammoniaque,  il  fallait  92  minutes 
30  secondes.  La  valeur  des  courants  qu'un  même  degré  de 
force  osmotique  est  apte  à  établir  dans  l'épaisseur  d'une  mem- 
brane animale  doit  par  conséquent  être  susceptible  de  varier 
beaucoup  avec  la  nature  des  substances  qui  constituent,  d'une 
part  cette  cloison,  d'autre  part  le  liquide  qui  en  occupe  les 
cavités  intersfitiefies.  Or,  l'action  exercée  de  la  sorte  sur  l'état 
physique  d'un  tissu  organique  par  un  réactif  donné  varie  beau- 
coup en  intensité,  suivant  la  nature  des  membranes,  et  il  en 
résulte  que,  toutes  choses  étant  égales  d'ailleurs,  il  y  aura 
là  une  cause  de  différences  dans  les  produits  du  travail  endos- 
mique. 

Supposons,  par  exemple,  l'endosmomètre  chargé  d'une  sub- 
stance qui  serait  également  avide  d'eau  et  d'alcool  :  si  la  cloison 
de  l'instrument  est  faite  avec  un  morceau  de  vessie  de  Bœuf, 


Î4'2  ABSORPTION. 

le  volume  de  liquide  qui  pénétrera  de  l'extérieur  dans  l'inté- 
rieur de  l'instrument  en  un  temps  donné  pourra  être  de  1  pour 
l'alcool  et  de  2  pour  l'eau;  mais,  en  employant  une  cloison 
faite  avec  le  jabot  d'une  Poule,  la  différence  pourrait  être  dans 
le  rapport  de  1  à  8,  ou  même  beaucoup  plus  (1). 

Je  m'explique  delà  sorte,  au  moins  en  partie,  les  changements 
que  la  présence  de  certaines  substances  détermine  parfois  dans 
la  valeur  des  effets  osmotiques  produits  par  les  agents  auxquels  on 
les  associe.  Ainsi,  la  présence  d'une  très  petite  proportion  d'acide 
chlorhydriquedans  la  dissolution  de  chlorure  de  sodium  dont  on 
charge  un  endosmomètre,  loin  de  produire  une  osmose  négative, 


(1)  Dans  les  expériences  de  M.  Ciina 
sur  la  fillration  forcée  de  divers  li- 
quides au  travers  de  membranes  difTé- 
rentes,  on  voit  que  le  temps  employé 


par  le  passage  d'un  volume  constant, 
sous  l'influence  d'une  pression  de 
10  centimètres  de  mercure,  a  varié  de 
la  manière  suivante  : 


LIQUIDE   EMPLOYE. 


Dissolulioii  aqueuse  d'ammoniaque  {■^). 

Eau  pure 

Dissolution  saturée  de  sel  commun.  .   . 
Alcool , 


14'  10' 
19  35 

129  9 

no  0 


20'  0" 
29  0 
33  22 
37  16 


Sous  une  pression  de  30  centimètres 
de  mercure,  les  résultats  ont  été  : 


Dissolution  ammoniacale. 
Eau 

Dissolution  saline.  .   .   . 


Jabot.  Vessie. 

0'33"  4'53" 

2  9  5  48 

16  45  6  2 


Alcool 112  3 


10  11 


Enfin,  sous  une  pression  de  AO  cen- 
timètres ,  la  durée  de  la  filtration  a 
été  de  : 


0'18"  avec  la  dissolution  ammoniacale  ; 

119  avec  l'eau  ; 

10  52  avec  la  dissolution  saline  ; 

92  30  avec  l'alcool. 

Ainsi  l'accroissement  du  débit  dé- 
terminé par  une  augmentation  de  la 
pression  comme  1  à  Zi,  a  été,  avec  la 
membrane  du  jabot,  dans  le  rapport 
d'environ  1  à  17  pour  l'eau,  de  1  à  12 
pour  la  dissolution  de  sel  commun,  et 
de  1  à  10  pour  l'alcool  (a). 


(a)  Cima,  SulV evaporazione  e  la  transuda%ione  dei  liquidi  attraverso  le  membrane  animali 
(Memor.  deW  Accadem.  délie  scienae  di  Torino,  2°  série,  1853,  t.  XIII,  p.  281), 


PHÉNOMÈNES    OSMOTIQUES.  l/l3 

coQime  si  elle  était  seule,  augmente  considérablement  les  effets 
déterminés  par  celte  substance  saline  :  et  cela  se  conçoit  faci- 
lement. Le  chlorure  de  sodium  provoque  le  resserrement  des 
tissus  organiques  ;  l'acide  chlorhydrique  paraît  diminuer  la 
force  de  résistance  de  la  substance  constitutive  des  membranes 
animales,  et  par  conséquent  son  action  sur  celles-ci  doit  balan- 
cer plus  ou  moins  l'influence  du  sel  et  rendre  les  passages 
interstitiels  plus  extensibles  ;  circonstance  qui  aura  pour  effet 
de  rendre  l'afflux  de  l'eau  vers  l'agent  osmogénique  plus  facile, 
et  par  conséquent  aussi  d'augmenter  les  produits  du  travail 
endosmotique. 

L'addition  d'une  petite  quantité  de  chlorure  de  sodium  suffit 
d'ordinaire  pour  produire  un  effet  contraire  et  pour  diminuer 
notablement  les  produits  endosmotiques  dus  à  l'action  des  ma- 
tières auxquelles  on  l'associe  ;  or,  ce  résultat  est  également  en 
parfait  accord  avec  ce  que  je  viens  de  dire  touchant  l'action 
constrictive  de  cette  substance  et  l'influence  que  cette  constric- 
tion  doit  avoir  sur  le  débit  des  passages  capillaires  traversés  par 
les  courants  endosmotiques  (1). 

Je  suis  porté  à  croire  aussi  que  certaines  différences  dans 
l'extensibilité  des  tissus  d'une  même  membrane  vers  les  deux 
surfaces  opposées  de  celle-ci,  et  les  modifications  qui  peuvent 

(1)  Ainsi,  dans  une  série  d'expérien-  tions,  soit  contenant  2  pour  100  de  ce 
ces  faites  à  l'aide  d'un  endosmomètre  à  sel  ;  mais  lorsqu'il  employait  une  dis- 
cloison de  toile  albuminée,  M.  Graham  solution  contenant  1  pour  100  de  car- 
a  vu  que  le  liquide  intérieur  s'élevait,  bonate  et  1  pour  100  de  chlorure,  la 
dans  l'espace  de  cinq  heures,  à  envi-  colonne  endosmométrique  ne  montait 
ron  25  millimètres  quand  il  employait  que  d'environ  60  ou  70  millimètres.  Le 
une  dissolution  chargée  de  1  centième  mélange  de  ces  deux  substances  avait 
de  chlorure  de  sodium,  et  à  IZiO  ou  à  donc  diminué  de  plus  de  moitié  la 
150  millimètres  quand  il  faisait  usage  somme  des  effets  osmotiques  qu'elles 
d'une  dissolution  de  carbonate  de  auraient  produit  si  elles  avaient  agi 
soude ,  soit  dans  les  mêmes  propor-  isolément  (a). 

(a)  Graharn,  On  Osmotic  Force  {Philos.  Trans.,  1854,  p.  209). 


Mld  ABSORPTION. 

Diffénnces    eii  résLilter  dans  la  forme  aussi  bien  que  dans  le  calibre  des 

dans 

le  mode  d'action  passages  intcrsUtiels,  sont  en  partie  la  cause  de  l'inégalité  qui 

des 

deux  surfaces  s'obscrvc  parfoïs  dans  les  produits  du  travail  osmotique  quand 

d'une  .  1      1         1     •  f 

membrane.    00  varic  les  rapports  de  la  cloison  perméable  avec  les  liquides 
réagissants. 

MM.  Matteucci  et  Cima  ont  vu  qu'en  prenant  pour  diaphragme 
osmotique  un  morceau  de  la  peau  d'une  Torpille,  en  chargeant 
l'instrument  avec  une  dissolution  de  gomme  et  en  le  plongeant 
dans  un  bain  d'eau  pure,  le  courant  endosmotique  faisait  monter 
le  liquide  intérieur  à  une  hauteur  de  30  millimètres  quand  la 
gomme  était  en  rapport  avec  la  surface  externe  de  la  peau,  et 
de  .6  à  13  millimètres  seulement  quand  celte  membrane  était 
tournée  en  sens  inverse.  L'eau  a  donc  passé  beaucoup  plus 
facilement  de  la  surface  interne  de  la  peau  au  dehors  que  de  la 
siirface  épidermique  de  celle-ci  en  dedans.  Des  résultats  ana- 
logues ont  été  obtenus  avec  la  peau  de  la  Grenouille  (1)  ;  et 


(1)  Voici  les  résultats  numériques  de  peau  de  Grenouille  et  chargé  de 

obtenus  par  MM.  Matteucci  et  Cima,  sucre  donnait  une  élévation  de  50  ou 

en  mettant  alternativement  les  sur-  même  80  millimètres  lorsque  la  face 

faces  opposées  des  membranes  en  rap-  intérieure  de  la  membrane  était  en 

port  avec  l'eau  et  en  chargeant  l'in-  contact  avec  l'eau  extérieure,  et  seu- 

strument  avec  diverses  matières.  lement  de  2  millimètres  quand  c'était 

Le  liquide  intérieur  s'est  élevé  aux  la  surface  épidermique  qui  était  en 

hauteurs    suivantes,   l'eau    du   bain  rapport  avec  ce  dernier  liquide.  Owand 

étant  en  contact  avec  les  surfaces  in-  la  peau  d'Anguille  a  été  détachée  du 

diquées  ci-dessous.  corps  de  l'Animal   depuis  plusieurs 

n       ,,.      .,,     ,  ,.    ,       Externe.  Interne.  ïQurs  ,   la  différence  dcvicnt  nulle  ; 

Peau  d  Anguille  et  dissolu-  ■*  ' 

lion  de  sucre 20-30  à  40-  P^i"'  la  P^au  de  Grenouille,  au  con- 

Mème  membrane  et  disse-  traire,  elle  augmente  pendant  un  cer- 

luiion  de  gomme 13  26  tain  temps  après  le  commencement  de 

Peau  de  Grenouille  et  dis-  l'expérienCC  (a). 

solution  de  sucre 24  3G  M.   Graliam  pensc  que  ces  dille- 

Même  membrane  et  disso-  rcHces  dépendent  seulement  de  la  pu- 

lution  d'albumine d2  32  trescibilité    plus  ^grande    des    fibres 

Quelquefois  l'endosmomètre  garni  musculaires  adhérentes  à  la  face  in- 
fo) Matteucci  et  Cima,  Op.  cit.  {Annales  de  chimie  et   de  physique,   3°  série,  1845,  p.  CG  et 
suiv.). 


PHÉNOMÈNES    (Ji-MOTIQUKS.  145 

d'autres  expériences  faites  sur  la  résistance  hydrostati(jue  des 
membranes  animales  montrent  que  la  transsudation  se  fait  aussi 
beaucoup  plus  facilement  dans  le  même  sens  que  dans  la  direc- 
tion opposée  (1).  Or,  nous  avons  vu  que  les  effets  de  l'action 
capillaire  sont  en  raison  inverse  des  diamètres  des  tubes  dans 
l'intérieur  desquels  les  liquides  sont  contenus,  élevés  à  la- 
quatrième  puissance  (2)  ;  et  par  conséquent  on  conçoit  que 
l'effort  nécessaire  pour  déterminer  l'écoulement  varie  considé- 
rablement, suivant  que  les  orifices  de  sortie  offrent  des  dimen- 
sions plus  grandes  ou  plus  petites,  genre  de  différence  dont 
l'existence  est  présumable  dans  les  orifices  par  lesquels  les  cavités 
interstitielles  débouchent  aux  surfaces  opposées  des  membranes. 
Ainsi  que  je  viens  de  le  dire,  la  rapidité  avec  laquelle  l'en- 
dosmose s'effectue  est  nécessairement  subordonnée  à  deux 
circonstances  :  d'une  part,  à  la  grandeur  des  puissances  attrac- 
tives qui  déterminent  le  mélange  des  liquides  réagissants  ; 


terne  de  la  peau;  car,  en  faisant  quand  la  position  de  celle-ci  était  ren- 
des expériences  sur  des  morceaux  versée.  La  différence  devenait  même 
de  vessie,  il  a  vu  que  les  variations  beaucoup  plus  considérable  sous  une 
déterminées  par  les  changements  de  pression  de  50  centimètres  de  mer- 
position  de  la  membrane  disparais-  cure.  Il  est  aussi  à  noter  que  l'iné- 
saicnt  presque  totalement  lorsqu'on  galité  déterminée  ainsi  dans  les  pro- 
avait soin  de  dépouiller  celle-ci  aussi  duits  de  la  transsudalion  était  beau- 
complètement  que  possible  du  tissu  coup  plus  grande  avec  une  dissolution 
charnu  adjacent  {a)  ;  mais  celte  opi-  saturée  de  chlorure  de  sodium,  et  au 
nion  ne  me  paraît  pas  admissible.  contraire  plus  petite  avec  une  dissolu- 
(1)  Ainsi,  dans  les  expériences  de  tion  ammoniacale.  Dans  le  premier 
M.  Cima ,  le  temps  employé  pour  cas ,  les  produits  obtenus  dans  des 
effectuer  l'écoulement  d'un  volume  temps  égaux,  sous  une  pression  de 
d'eau  à  travers  la  peau  de  la  Gre-  10  centimètres,  ont  été  dans  le  rap- 
nouille,  sous  une  pression  de  10  cen-  port  de  1  à  10,  ou  même  de  1  à  17, 
timètres  de  mercure,  clail  d'environ  tandis  qu'avec  l'ammoniaque  la  diffé- 
5  minutes  quand  le  liquide  élait  en  rence  n'était  que  dans  le  rapport  de 
contact  avec  la  face  interne  de  cette  1  à  2  ou  3  {h). 
membrane,  et  d'environ  û7  minutes  (2)  Voyez  tome  IV,  page  273. 

(a)  Grafiam,  On  Osmotic  Force  {Philos.  Trans.,  p.  187). 

(6)  Ciina,  Op.  cit.  [Mémoires  de  V Académie  de  Turin,  2°  série,  -1853,  t.  Xltl,  [i,  !i84). 

V.  ,10 


14()  ABSORPTION. 

d'autre  part,  le  degré  de  résistance  que  ces  forces  ont  à  vaincre 
pour  déplacer  l'un  de  ces  corps  et  pour  l'introduire  dans  l'es- 
pace occupé  par  celui  qui  se  trouve  du  côté  opposé  de  la  cloi- 
son. Or,  l'attraction  adiiésive  qui  fait  pénétrer  le  liquide  absorbé 
dans  les  cavités  interstitielles  de  la  membrane,  et  qui  le  met , 
pour  ainsi  parler,  à  la  portée  de  la  substance  osmogène,  tend 
à  le  retenir  dans  ces  mêmes  cavités  et  s'oppose  par  conséquent 
à  son  écoulement  dans  ce  dernier  liquide.  Il  en  résulte  que, 
toutes  choses  étant  égales  d'ailleurs,  plus  cette  attraction  capil- 
laire sera  grande,  moins  le  courant  endosmotique  sera  intense. 
Nous  savons  déjà,  par  la  différence  des  hauteurs  auxquelles 
les  divers  liquides  s'élèvent  dans  les  tubes  capillaires,  que  cette 
attraction  adhésive  peut  varier  en  puissance  suivant  la  nature 
chimique,  soit  de  la  substance  qui  constitue  le  tube ,  soit  de  la 
matière  qui  y  pénètre,  et,  en  étudiant  les  mouvements  des 
fluides  dans  les  tuyaux  de  petit  calibre,  nous  avons  vu  aussi 
que  parfois  ces  circonstances  influent  beaucoup  sur  le  débit  d'un 
canal  quand  la  force  motrice  reste  constante.  Nous  pouvons 
donc  prévoir  que,  toutes  choses  étant  égales  d'ailleurs,  le  temps 
nécessaire  pour  la  réalisation  du  phénomène  endosmotique  sera 
d'autant  plus  long  que  le  liquide  absorbé  sera  plus  fortement 
attiré  par  la  substance  de  la  membrane  perméable,  et  que  la 
route  qu'il  aura  à  y  parcourir  sera  plus  longue  (1).  Plus  cette 

(1)  Les   expériences   de   M.    Poi-  lement    de   l'eau   est  ralenti  par  la 

seuille,  dont  j'ai  déjà  eu  l'occasion  de  présence  d'une  certaine  quantité  de 

parler  [a],  montrent  que  le  niouve-  sulfate  de  potasse  ou  de  magnésie  en 

ment  de  l'eau  dans  les  tuyaux  capil-  dissolution  dans  ce  liquide,  mais  s'ac- 

laires  peut,    la   force   motrice   étant  célère  quand  on  substitue  à  ces  sels 

constante,  devenir  plus  rapide  ou  plus  du  nilrale  de  potasse  ou  de  l'iodure 

lent,  suivant  que  ce  liquide  se  trouve  de  potassium    (6).   On  conçoit    donc 

chargé  de  telle  ou  de  telle  autre  ma-  que,  toutes  choses  étant  égales  d'ail- 

tière  saline.  Par  exemple,  que  l'écou-  leurs,  l'eau  qui  pénètre  dans  l'endos- 

(a)  Voyez  ci-de?sus,  tome  IV,  page  248  et  suiv. 

(6)  Poiseuille,  Recherches  expérimentales  sur  le  mouvement  des  liquides  de  nature  différente 
dans  les  tubes  de  très  petits  diamètres  (Annales  de  chimie  et  de  plujsiqiie,  3»  série,  1847,  t.  XXI, 

p.  no). 


PHÉNOMÈNES    OSMOTKjUES.  l/l7 

cloison  sera  mince ,  poreuse  et  indifférente  pour  le  liquide  (jui 
la  traverse,  plus  le  courant  endosmolique  sera  rapide  sous 
Tinfluence  d'une  force  osmogène  dormée.  Pour  qu'il  y  nit 
endosmose,  il  faut  que  radraction  adhésive  exercée  par  la 
membrane  sur  l'un  des  deux  liquides  réagissants  soit  assez 
puissante  pour  l'emporter  sur  l'aclion  capillaire  (]ue  celle-ci 
exerce  sur  l'autre  liquide:  mais,  pourvu  i:[ue  cette  condition  se 
trouve  remplie,  l'accomplissement  du  phénomène  sera  d'autant 
plus  facile,  et  par  conséquent  plus  rapide,  que  ces  attractions 
seront  plus  faibles. 

Il  est  une  autre  circonstance  dont  il  faut  également  leiiii'  influence 
compte  dans  l'étude  des  phénomènes  osmotiques„  c'est  la  préeid^LÏ 
nature  du  liquide  dont  la  substance  de  la  cloison  perméable  la  membrane, 
peut  se  trouver  imprégnée  avant  le  commencement  de  l'expé- 
rience. Nous  avons  déjà  vu  que  les  liquides  adhèrent  souvent 
d'une  manière  si  forte  aux  corps  solides  mouillés  par  eux,  qu'il 
est  extrêmement  difficile  de  les  en  détacher  com[)létement,  et 
que  la  présence  d'une  couche  de  matière  étrangère,  tellement 
mince  qu'elle  échappe  à  l'observation,  peut  suflire  pour  empê- 
cher la  surtace  ainsi  souillée  d'exercer  sur  un  autre  liquide  son 
action  attractive  ordinaire.  Les  effets  de  capillarité  jouant  un 
grand  rôle  dans  le  passage  des  liquides  au  travers  des  cloisons 
perméables ,  passage  qui  constitue  la  base  des  phénomènes 
osmotiques.,  nous  devons  donc  nous  attendre  à  voir  ceux-ci  être 
subordonnés,  dans  certaines  limites,  non-seulement  à  la  na- 
ture chimique  de  la  substance  constitutive  du  diaphragme,  mais 
aussi  aux  qualités  des  hquides  dont  cette  substance  peut  se 


momètre  peut  y  arriver  tantôt  plus 
vite  et  d'autres  fois  plus  lentement, 
suivant  que  ce  liquide  est  exempt  de 
tout  mélange,  ou  bien  quïl  se  trouve 
chargé  de  matières  qui  augmentent  ou 
qui  diminuent  le  degré  de  son  adhé- 
rence aux  parois  des  cauaux  capillaires 


dont  la  membrane  osmotique  est 
creusée.  Au  sujet  de  rinflueuce  de 
l'épaisseur  de  la  membrane  sur  la 
rapidité  des  courants  osmotiques,  je 
renverrai  à  ce  que  j'ai  déjà  dit  sui- 
tes mouvements  des  liquides  dans  les 
tubes  capillaires  (lome  IV,  page  272). 


148  ABSORPTION. 

trouver  imprégnée.  L'expérience  prouve  qu'effectivement  il  en 
est  ainsi,  et,  en  variant  les  liquides  dont  la  paroi  perméable 
d'un  endosmomètre  est  imbibé,  on  peut  même  changer  la  direc- 
tion du  courant  qui  la  traverse.  Par  exemple,  si  l'on  place  de 
l'eau  dans  un  vase  de  terre,  et  qu'on  immerge  celui-ci  dans  un 
bain  d'alcool,  ce  dernier  liquide  mouillera  le  vase  moins  rapi- 
dement que  ne  le  fera  l'eau,  et  bientôt  un  courant  s'établira  de 
dedans  en  dehors  de  la  même  manière  que  dans  une  des  expé- 
riences dont  j'ai  déjà  rendu  compte  en  traitant  de  l'action 
osmotique  des  membranes  animales  (1);  mais  si  le  vase  poreux 
a  été  préalablement  imprégné  d'une  matière  grasse  qui  y 
adhère  beaucoup,  un  phénomène  inverse  se  produira  ;  ce  sera 
l'alcool  qui  Iraversera  la  cloison  pour  aller  se  mêler  à  l'eau 
extérieure,  tout  comme  dans  le  cas  où  nous  avions  choisi  pour 
diaphragme  entre  ces  deux  liquides  une  lame  mince  de  caout- 
chouc (2). 

L'activité  du  courant  endosmotique  que  détermine  une  sub- 
stance donnée  peut  être  accrue  ou  diminuée  par  la  présence 
d'une  très  petite  quantité  de  certaines  matières  qui  semblent 
rendre  le  tissu  de  la  cloison  osmotique  tantôt  plus,  tantôt  moins 
apte  à  se  laisser  imbiber  (5).  Ainsi,  M.  Graham  a  remarqué 

(1)  Voyez  ci-dessus,  page  113.  pour  dimiiuier  beaucoup  les  effets  en- 

(2)  M.  Lherrnite  a  fait  cette  expé-  dosmotiques  produits  d'ordinaire  par 
rience  en  impréguant  le  vase  poreux  ces  substances,  et  qu'en  augmenlant  la 
avec  de  l'huile  de  ricin  (a);  mais  il  est  dose  de  cet  acide  il  déterminait  un 
à  noier  que  l'effet  ainsi  obtenu  n'est  abaissement  dans  le  niveau  du  liquide 
pas  permanent,  et  qu'au  bout  d'un  intérieur.  Il  avait  d'abord  supposé  que 
temps  plus  ou  moins  long,  l'huile  est  l'acide  sulfhydrique  possédait  la  fa- 
déplacée,  culte  de  s'opposer  à  l'action  endosmo- 

(3)  Dutrochet  a  constaté  que  la  pré-  tique  (6),  et  celle  opinion  a  été  l'objet 
sence  d'une  très  petite  proportion  de  critiques  trop  vives  (c);  mais  il  ne 
d'acide  sulfhydrique  dans  une  disso-  tarda  pas  à  reconnaître  que  le  phéno- 
lution  dégomme  ou  de  sucre  suffit  mène  en  question  dépendait  de  l'inlen- 

(ffl)  Lliermile,  Recherches  sur  l'endosmose  {Comptes  rendus  de  l'Académie  des  sciences,  1854, 
t.  XXXIX,  p.  1179). 

(6)  Dulrocliet,  L'agent  immédiat  du  mouvement  vital  dévoilé. 

(c)  Magcndie,  Leçons  sur  les  phénomènes  physiques  de  la  vie,  t.  I,  p.  96,  etc. 


PHÉNOMÈNES    OSMOTIQUES.  l/lO 

que  les  tissus  enduits  d'albumine  coagulée  donnaient,  avec  le 
sulfate  de  soude,  des  produits  beaucoup  plus  considérables  que 
d'ordinaire  quand  ils  avaient  subi  préalablement  l'action  d'une 
dissolution  même  extrêmement  faible  de  carbonate  de  potasse, 
et  que  la  modification  effectuée  de  la  sorte  persistait  pendant 
fort  longtemps,  malgré  le  lavage  de  la  membrane,  mais  n'était 
pas  permanente  (1). 

On  voit  donc  que  les  propriétés  osmotiques  des  membranes 
animales  peuvent  être  grandement  modifiées  par  le  seul  fait 
de  l'introduction  dans  leur  épaisseur  d'un  liquide  déterminé  ou 
de  la  présence  de  celui-ci  à  leur  surface,  et  j'insiste  sm^  ce 
point,  parce  que  certains  phénomènes  d'absorption  dont  nous 


silé  relative  des  deux  courants  contrai- 
res, l'acide  donnant  lieu  à  un  courant 
vers  Peau  dont  les  effets  masquent  plus 
ou  moins  oudépasseni  ceuxd(5pendants 
du  courant  de  l'eau  vers  le  sucre  (a). 

Des  faits  du  même  ordre  ,  et  non 
moins  remarquables,  ont  été  consta- 
tés par  M.  i'oiseuille  en  mêlant  de 
très  petites  quantités  de  chlorhydrate 
de  morphine  à  cerlaines  dissolutions 
salines.  Ainsi,  en  chargeant  l'endos- 
momètre  avec  une  dissolution  de  chlo- 
rure de  potassium  et  en  plongeant 
l'instrument  dans  un  bain  de  sérum, 
ce  physiologiste  vit  le  liquide  inté- 
rieur s'élever  assez  rapidement  à  une 
liauteur  de  9  millimètres;  mais,  en 
substituant  à  la  dissolution  du  sel  po- 
tassique pur  une  dissolution  du  même 
sel  mêlé  à  du  clilorhydrate  de  mor^ 
phine  en  très  petite  proportion ,  le 
mouvement  endosmotique  n'a  été  que 
de  6  millimètres  et  a  été  bientôt  suivi 


d'un  phénomène  d'exosmose  très  pro- 
noncé (6). 

(1)  En  employant  pour  cloison  os- 
motique  une  doui)ic  membrane  ,  la 
dissolution  de  sulfate  de  soude  parfai- 
tement neutre  et  au  litre  de  J/100, 
M.  Graham  obtint  une  ascension  de 
20  ou  de  21  millimètres;  mais,  eu 
ajoutant  à  cette  dissolution  saline  un 
dix-millième  de  carbonate  de  potasse, 
il  faisait  monter  la  colonne  endosmo- 
tique à  101  et  même  à  167  millimètres. 
Or,  le  carbonate  alcalin  employé  seul 
dans  les  mêmes  proportions  n'aurait 
donné  que  de  17  à  23  millimètres,  et, 
après  avoir  fait  macérer  la  cloison 
ainsi  imprégnée  dans  de  l'eau  pendant 
toute  une  nuit,  M.  Graham  trouva 
qu'elle  produisait  avec  la  dissolution 
de  sulfate  de  potasse  pure  une  ascen- 
sion de  65  millimètres  au  lieu  de  20, 
comme  avant  son  imprégnation  de 
carbonate  alcalin  (c). 


(a)  Dutrochet,  De  l'endosmose  {Mémoires,  t.  î,  p.  65). 

(6)  Poiseuille,  Recherches  expérimentales  siir  les  médicaments  {Comptes  rendus  de  l'Académie 
des  sciences,  1844,  t.  XIX,  p.  lOOi). 

(c)  Graham,  On  Osmolic  Force  {Philos.  Trans.,  p.  2H). 


150  ABSORPTIOjS*. 

aurons  bientôt  à  nous  occuper  trouveront  ainsi  leur  explica- 
tion. 

Je  suis  porté  à  croire  aussi  que  Tinégalité  dans  l'intensité  de 
l'action  osmotique  qui,  dans  certains  cas,  s'observe  entre  les 
deux  surfaces  d'une  même  membrane  animale,  dépend  souvent 
de  quelque  circonstance  de  ce  genre,  c'est-à-dire  d'une  diffé- 
rence dans  la  nature  chimique,  soit  du  tissu,  soit  des  li(juides 
dont  ce  tissu  est  imprégné,  dans  le  voisinage  immédiat  de  ses 
surfaces  (l).  Peut-être  faudra-t-il  attribuer  également  à  des 
modifications  du  même  ordre  les  phénomènes  qui  se  mani- 


(1)  MM.  Matleucci  et  Cima  ont  vu 
qu'en  employant  comme  cloison  per- 
méable la  peau  de  divers  Animaux,  et 
en  chargeant  rendosmomètre  avec  de 
l'akool,  le  courant  s'établit  toujours 
de  l'eau  vers  ce  liquide,  mais  que  l'in- 
lensité  du  courant,  endosmotique  va- 
rie beaucoup  suivant  que  leau  entre 
dans  la  substance  de  ce  tissu  orga- 
nique par  la  face  interne  ou  par  la 
face  épldermique  de  la  membrane. 
L'eau  qui  serendait  à  l'alcool,  en  pas- 
sant de  la  face  épidermique  vers  la 
face  interne  de  lu  peau  de  la  Gre- 
nouille, faisait  monter  la  colonne  en- 
dosmomélrique  jusqu'à  une  hauteur 
de  /lO  millimètres,  tandis  que  dans 
les  cas  où  la  surface  épidermique  était 
en  contact  avec  l'alcool  et  la  lace 
interne  de  la  membrane  en  rapport 
avec  l'eau,  l'ascension  ne  dépassait  pas 
20  miUimèlres. 

Avec  la  peau  d'Anguille,  ces  diffé- 
rences sont  en  sens  inverse  ;  le  cou- 
rant endosmotique  formé  par  l'eau  qui 
se  rend  à  l'alcool  est  le  plus  puissant 
quand    le    premier    de   ces   liquides 


arrive    par    la    surface    interne    du 
derme  (a). 

Il  me  paraît  probable  que  ces  diffé- 
rences dépendent  du  mode  de  distri- 
bution de  la  matière  grasse  dans  la 
substance  de  la  peau  de  ces  Animaux. 
I^es  hislologistes  savent  qu'elle  n'est 
pas  répandue  d'une  manière  uni- 
forme, mais  logée  dans  des  utricules 
spéciaux.  Eifeciivement,  il  suflirait  de 
l'existence  d'un  nombre  plus  considé- 
rable de  ces  points  imperméables  à 
l'eau  vers  la  surface  interne  du  derme 
ou  à  sa  surface  externe  pour  rendre 
l'imbibition  de  ce  liquide  plus  facile 
par  l'une  ou  par  l'autre  de  ces  voies, 
et  pour  changer  par  conséquent  la 
puissance  du  courant  osmotique,  sui- 
vant que  l'eau  se  trouve  en  contact 
avec  l'une  ou  avec  l'autre  de  ces  sur- 
faces. Or,  il  ne  serait  pas  im  ossible 
que  la  distribution  de  la  graisse  ne  fût 
pas  la  même  dans  la  peau  de  l'An- 
guille et  dans  celle  de  la  Grenouille. 
Avant  de  rien  conclure  de  ces  faits, 
il  faudrait  donc  en  faire  une  élude 
plus  approfondie. 


(fl)  Matteucci  et  Cima,  Op.  cit.  {Ann.  de  ohimie  et  de  physique,  1845,  3°  série,  t.  Xlll.p.  68).. 


Causes 


PHÉNOMÈNES   OSMOTlQL'ËS.  l5l 

Testent  quand  l'osmose  s'elïectiie  sous  l'inikience  de  forces 
électriques  ;  mais,  pour  le  moment,  je  n'aborderai  pas  cette 
question,  voulant,  au  préalable,  compléter  l'exposé  des  faits 
fondamentaux  de  l'histoire  des  actions  osmotiques. 

§  15.  —  Si  nous  cherchons  maintenant  à  nous  rendre  compte  ^^^  .aHation* 
des  circonstances  qui  peuvent  influer  sur  le  courant  exosmo-  ,^  ^^^^'^^^ 
tique,  c'est-à-dire  sur  la  diffusion  des  molécules  de  la  matière  <^>^05™'"'q"e- 
active  en  sens  inverse  du  mouvement  d'afflux  déterminé  par 
celle-ci,  nous  aurons  à  considérer  en  premier  lieu  les  relations 
qui  peuvent  exister  entre  la  rapidité  avec  laquelle  ce  pliénomène 
se  produit  et  la  valeur  des  résultats  fournis  par  le  jeu  des  mêmes 
forces  dans  un  milieu  où  ces  molécules  se  meuvent  librement. 
Nous  avons  déjà  vu  que  la  rapidité  avec  laquelle  diverses  sub- 
stances se  répandent  au  loin  dans  le  sein  d'un  même  liquide 
varie  beaucoup,  ^  il  ne  me  parait  pas  douteux  que  la  facilité 
plus  ou  moins  grande  de  ce  transport  contribue  à  régler 
le  mouvement  des  courants  exosmotiques  :  ainsi  les  deux 
substances  que  jai  citées  comme  étant  remarquables  par  la  fai- 
blesse de  leur  pouvoir  diffusif  dans  l'eau,  l'albumine  et  la 
gomme,  sont  aussi,  de  tous  les  agents  osmogènes  connus, 
ceux  qui  fournissent  le  moins  de  matière  au  bain  situé  du  côté 
opposé  d'une  cloison  membraneuse.  D'autre  part,  nous  voyons 
que  les  acides,  dont  la  diffusion  se  fait  toujours  avec  un  grande 
rapidité,  sortent  de  l'endosmomètre  en  volume  presque  égal  ou 
même  supérieur  à  celui  de  l'eau  qu'ils  y  attirent  du  dehors. 

Mais  les  relations  entre  la  dilfusibilité  des  corps  dans  un 
liquide  libre  et  leur  pouvoir  exosmotique  sont  loin  d'être  con- 
stants, et  souvent  on  voit  deux  substances  qui,  sous  le  premier 
rapport,  diffèrent  à  peine  l'une  de  l'autre,  remonter  les  courants 
cndosmotiques  et  traverser  les  cloisons  perméables  pour  se 
répandre  dans  le  Hquide  adjacent  avec  des  vitesses  très  diffé- 
rentes; entin,  dans  certains  cas,  les  résultats  de  la  diffusion 
libre  et  de  la  diffusion  à  travers  les  passages  capillaires  sont 


152  ABSORPTION. 

dans  un  désaccord  plus  grand  encore,  car  c'est  la  matière  la 
moins  diffusible  dans  les  circonstances  ordinaires  qui  alors  se 
déplace  avec  le  plus  de  rapidité. 

Pour  faire  un  pas  de  plus  dans  l'étude  de  cette  question, 
il  nous  faut  donc  examiner  l'action  que  la  cloison  au  travers 
de  laquelle  la  diffusion  exosmotique  s'opère,  peut  avoir  sur  le 
déplacement  de  matière  que  cette  force  répulsive  tend  à  opérer, 
et,  pour  comprendre  comment  cette  aclion  s'exerce,  il  est 
nécessaire  de  se  rappeler  la  manière  dont  les  molécules  d'une 
dissolution  saline-  se  distribuent  dans  l'intérieur  d'une  cavité 
capillaire.  En  étudiant  les  phénomènes  d'imbibition  (1),  nous 
avons  vu  que  les  particules  des  corps  en  dissolution  ne  sont  pas 
réparties  uniformément  dans  toutes  les  couches  du  menstrue 
ainsi  placées,  quand  celui-ci  exerce  sur  la  substance  des  parois 
deja  cavité  une  action  attractive  plus  grande  que  celle  de  ces 
mêmes  particules;  qu'il  se  fait  alors,  sous  l'influence  de  la 
paroi  à  laquelle  le  liquide  adhère ,  une  séparation  entre  les 
molécules  qui  sont  associées  dans  la  dissolution  ,  et  que , 
par  suite  de  ce  départ,  la  couche  extérieure  du  liquide  ne 
se  trouve  contenir  que  peu  ou  point  de  la  matière  dissoute, 
mais  que  la  proportion  de  celle-ci  augmente  progressivement 
de  la  circonférence  vers  le  centre  de  la  masse  fluide  ainsi 
entourée  (2). 

Or,  ce  qui  a  lieu  pour  un  mélange  qui  était  uniforme  dans  sa 
constitution  doit  avoir  lieu,  à  plus  forte  raison,  pour  un  mélange 

(1)  Voyez  ci-dessus ,  page  88  el  série  de  reclierclies  pour  soumellre 

suivantes.  celte  tliéorie  a   i'éprciive  de  l'expé- 

('2j   M.   Finie  a  fait  voir  que  celle  rience.  Les  résultais  qu'il  a  oljtenus 

conséquence  découle  des  vues  théo-  ne  sont  pas  tous  concluants,  mais  pa- 

riques  de   M.   Bri'icke,   relatives  au  raissent  être  généralement  favorables 

mode  de  diflusion  des  liquides  au  tra-  à  cette  manière  d'exj)liqiicr  les  phé- 

vers  des  membranes,  et  il  a  fait  une  nomènes  osmotiques  [a). 

(a)  Fiiik,  Veber  Diffusion  (PoiïîîonilorIT's  Annalen  der  Pliysik  und  Chemie,  18r)5,   t.  XCIV, 
p.  59). 


wîénomèxes  osmotiques.  ^53 

qui  [end  à  s'élablir.  et  par  consi'qut'iit  chacun  des  petits  fdets 
d'eau  qui  occupent  les  passages  capillaires  de  la  cloison  osmo- 
tique,  et  qui  constituent  les  voies  par  lesquelles  la  diffusion  de 
la  substance  osmogénique  s'opère,  doit  opposer  moins  d'obstacle 
à  la  pénétration  près  de  son  axe  que  près  de  sa  surface.  Nous 
savons  aussi,  par  l'exa^nen  que  nous  avons  fait  des  actions 
capillaires,  que  l'intluence  attractive  des  parois  d'un  canal  de 
ce  genre  décroit  très  rapidement  avec  la  dislance,  et  par  con- 
séquent la  couclie  liquide  où  l'équilibre  entre  les  molécules  du 
rnenstrue  et  de  la  nii.tiere  dissoute  se  trouve  ainsi  troublé  ne 
peut  avoir  qu'une  faible  épaisseur.  Il  en  résultera  donc  que 
l'obstacle  né  de  la  plus  grande  intensité  de  l'action  attractive 
des  parois  sur  les  molécules  du  rnenstrue  aura  d'autant  moins 
d'influence  sur  le  courant  exosmotique  que  l'épaisseur  de  cette 
couche  peu  ou  point  accessible  à  ces  molécules  sera  une  fraction 
plus  petite  du  rayon  du  cylindre  liquide  dans  lequel  la  dilfusion 
s'effectue. 

Ainsi,  supposons  que,  dans  un  cumluit  de  ce  genre,  une 
dissolution  chargée  d'une  quantité  donnée  de  chlorure  de 
sodinm  se  modifie  de  façon  que  la  couche  liquide  en  contact 
avec  les  parois  ne  contienne  en  moyenne  que  70*00  fie  sel  et 
qu'elle  ait  jf^  de  millimètre  d'épaisseur,  tandis  que  la  portion 
centrale  du  cylindre  hquide  contienne  70  de  sel  :  il  est  visible 
que  l'existence  de  la  couche  formée  de  la  dissolution  faible 
n'aura  aucune  influence  notable  sur  le  degré  de  concentration 
de  la  quantité  totale  du  liquide,  si  le  canal  a  un  millimètre  de 
diamètre,  mais  en  exercerait  une  très  grande  si  ce  même 
canal  n'avait  que  ï^  de  millimètre ,  et  diminuerait  encore 
davantage  le  titre  de  la  dissolution  à  laquelle  le  conduit  livrerait 
passage,  si  le  calibre  de  celui-ci  était  réduit  à  fiir  de  milli- 
mètre, car  alors  il  ne  se  laisserait  traverser  que  par  la  couche 
chargée  de  tôVû  de  sel. 

Nous  pouvons  donc  prévoir  que  dans  les  canaux  capillaires 


i  5il  ABSORPTION. 

de  grande  section  la  diffusion  s'effectuera  à  peu  près  comme 
dans  un  liquide  libre,  et  que  sa  rapidité  ne  sera  guère  dimi- 
nuée que  par  celle  du  courant  en  sens  inverse  que  les  molé- 
cules mises  en  mouvement  par  leur  force  répulsive  auront  à 
remonter  pour  gagner  le  liquide  situé  de  l'autre  côté  de  la  cloi- 
son perméable  ;  mais  que  dans  les  voies  capillaires  très  étroiles 
il  en  sera  autrement,  et  que  les  produits  de  la  diffusion  pendant 
un  temps  donné  décroîtront  à  mesure  que  le  calibre  des  pas* 
sages  interstitiels  deviendra  plus  petit. 

Il  en  résulte  que  l'équivalent  endosmotique  d'un  corps,  c'est- 
à-dire  la  quantité  d'un  autre  corps  qui  se  substituera  à  une 
quantité  déterminée  du  premier  par  l'effet  des  écbanges  osmo- 
tiques,  ne  saurait  être  une  valeur  conslante,  et  doit  varier  avec 
les  dimensions  des  passages  interstitiels  à  travers  lesquels  ces 
écbanges  s'effectuent.  Toutes  choses  étant  égales  d'ailleurs,  cet 
équivalent  devra  s'élever,  suivant  une  certaine  loi,  avec  l'abais- 
sement du  diamètre  des  conduits  capillaires  dont  la  cloison 
osmotique  est  creusée  (1). 


(1)  M.  Grahara  n'a  pas  pris  en  con-  miné  comme  diaphragme  et  ime  tlis- 

sidéralion  les  relations  qui  peuvent  solution  de  carbonaie   de  soude  au 

exister  entre  le  degré  de  perméabilité  même  titre  (10  pour  100),  la  résis- 

des  cloisons  osmotiques  et  les  quan-  tance  hydrostatique  était  de  12  dans 

tités  de  la  matière  qui  s'échappe  par  un  cas  et  de  6  seulement  dans  l'autre, 

voie  de  diffusion  comparées  à  celle  de  Or,  dans  la  première  expérience,  l'as- 

l'eau  qui  vient  en  occuper  la  place;  cension  du  liquide  intérieur  é'.ait  de 

mais  on  trouve  dans  les  détails  de  ses  20Zi  et  la  diffusion  de  is',56;  dans  la 

expériences  plusieurs   faits  qui  vien-  seconde,  l'ascension  était  de  163  de- 

nent  à  l'appui  des  vues  exposées  ci-  grés  et  la  diffusion  de  ls',i3.  Par  con- 

dessus.   Ainsi,   ce  savant  a  souvent  séquent,  une  même  quantité  de  sel  a 

évalué  la  résistance  hydrostatique  du  été  remplacée  par  environ  IZi  volumes 

diaphragme    de  l'osmomètre  par  le  quand  la  résistance  hydrostatique  était 

temps  écoulé  entre  la  chute  de  deux  considérable,  et  par  8  volumes  d'eau 

gouttes  d'eau  distillée  filtrant  à  raison  quand   cette    résistance   était  moitié 

de  son  poids  au  travers  de  cette  cloison  moindre.  Je  trouve  aussi  dans  cette  sé- 

membraneuse  quand  l'instrument  était  rie  d'observations  faites  avec  des  disso- 

suspendu  dans  l'air;  et,  dans  deux  huions  du  même  sel  au  titre  de  1/100, 

expériences  faites  avec  un  tissu  albu-  des  cas  dans  lesquels  les  résistances 


PHÉNOMÈNES    OSMOTIOUES.  155 

Ces  considérations  théoriques  nous  donneront  la  clef  de 
divers  phénomènes  osmotiques  qui  ont  été  enregistrés  par  les 
expérimentateurs,  et  qui  semblaient  de  prime  abord  inexpli- 
cables. 

Ainsi  un  jeune  physiologiste  de  l'école  de  Dorpat,  M.  Harzer, 
a  fait  dernièrement  une  série  d'expériences  comparatives  sur 
les  équivalents  endosmotiques  du  chlorure  de  sodium  séparé 
de  l'eau  pure  par  des  membranes  animales  dont  le  tissu  était 
tantôt  dans  son  état  naturel,  et  dans  d'autres  cas  avait  été 
rendu  plus  dense  ou  plus  lâche  par  l'action  de  divers  réachfs 
chimiques.  11  a  trouvé  qu'en  garnissant  son  endosmomètre  avec 
un  morceau  de  péricarde  de  Bœuf  à  l'état  frais,  un  volume  de 
sel  commun  était  remplacé  dans  l'instrument  par  près  de 
5  volumes  d'eau;  mais  que  si  la  même  membrane  avait  été 
préalablement  attaquée  par  de  l'acide  sulfurique  faible,  l'équi- 
valent de  chlorure  de  sodium  descendait  au-dessous  de  Zi. 
L'action  de  l'acide  tannique  sur  la  même  cloison  osmotique 
déterminait  une  augmentation  de  l'équivalent  qui,  dans  une 
expérience,  s'est  trouvé  être  alors  7,6;  enfin,  en  soumettant  la 


hydrostatiquos  étaient  de  3  et  de  6  :  amener  l'échange  d'un  même  poids 

dans  la  première,  1  centigramme  de  sel  de    sel    pour    moins   de    1    volume 

a  été  remplacé  par  11  volumes  d'eau,  d'eau  (a). 

et  dans  le  second  par  10  volumes  du  Dans  une  autre  série  d'expériences, 

même  liquide.  Enfin,  en  opérant  avec  portant   sur    un   mélange  de  nitrate 

une   dissolution  au   litre  de  l/lOOO,  d'urane  et  d'acide  nitrique,  pour  un 

et  une  cloison  dont  la  résistance  hy-  même    volume   d'eau    absorbée,  les 

drostatique   était  représentée  par  10,  pertes  par  dififusion  ont  étéde  A6  avec 

l'unité  en  poids  du  carbonate  potas-  une  résistance  hydrostatique   repré- 

siqne    était   remplacée  par  plus  de  sentée  par  1,  et  de  19  avec  une  résis- 

37  volumes  d'eau  ;  tandis  qu'avec  une  tance  hydrostatique  de  3  (.6;. 
dissolution  plus  concentrée  (1  p.  100)  Ainsi,  dans  tous  ces  cas,  l'équiva- 

et  une  résistance  hydrostatique  de  6,  leqt  endosmotique  s'est  élevé  lorsque 

la  ditïusion  s"esL  accrue  de  façon  à  la  cloison  était  moins  perméable. 


(a)  Graham,  On  Osmotic  Force  [Philos.  Trans.,  p.  209). 
(6)  Idem,  iMd.,  p.  222. 


156  ABSORPTION. 

membrane  à  l'action  de  l'acide  chromiqiie  avanl  de  l'employer 
à  la  construclion  de  l'endosmomètre  ,  il  a  obtenu  pour  équiva- 
lent de  sel  commun  jusqu'à  25,4.  Dans  ce  dernier  cas,  chaque 
molécule  de  chlorure  avait  été  remplacée  par  environ  six  fois 
plus  d'eau  que  dans  l'expérience  où  l'absorption  de  l'eau  s'était 
effectuée  à  travers  une  membrane  attaquée  par  l'acide  sulfu- 
rique  (1).  Or,  nous  savons,  par  d'autres  observations  dont  les 
anatomistes  ont  tiré  grand  profit,  que  l'immersion  des  tissus 
animaux  dans  une  dissolution  d'acide  chromique  les  rend  plus 
consistants,  plus  denses;  nous  savons  aussi  que  le  tannage  pro- 
duit sur  les  membranes  animales  un  effet  analogue,  tandis  que 
l'immersion  dans  l'acide  sulfurique  dilué  en  augmente  la  per- 
méabilité. Les  résultats  obtenus  par  M.  Harzer  sont  donc  en 
parfaite  harmonie  avec  les  données  fournies  par  la  théorie 
physique  des  phénomènes  osmotiques. 

Une  autre  conséquence  de  ce  mode  de  distribution  des  par- 
ticules du  corps  dissous  dans  les  diverses  couches  de  chacun 
des  petits  filets  liquides  renfermés  dans  les  canaux  capillaires 
de  la  cloison,  c'est  que  le  rapport  entre  la  quantité  du  liquide 
extérieur  qui  pénètre  dans  l'endosmomètre  et  la  quantité  de 
matière  osmogène  qui  s'échappe  au  dehors  par  diffusion  doit 
varier  avec  le  degré  de  concentration  de  la  dissolution,  et  que 
l'équivalent  doit  croître  avec  la  densité  de  celle-ci. 

Cette  diminution  relative  dans  les  produits  de  la  diffusion 


(1)  Ces  expériences  se  trouvent  des  membranes  à  déterminer  l'en- 
dans  le  mémoire  que  j'ai  déjà  eu  l'oc-  dosmose  ;  mais  il  n'a  pas  examiné  le.s 
casion  de  citer  {a).  M.  Langeau  a  changements  que  la  modification  du 
étudié  aussi  l'influence  que  le  tannin,  tissu  produit  de  la  sorte  peut  exercer 
le  sublimé  corrosif  et  quelques  autres  sur  la  valeur  des  équivalents  endos- 
substances    exercent   sur    l'aptitude  motiques  (6). 

(n)  Harzer,  Beitrâge  zur  Lehre  Von  der  Endosmose  {Arch.  fur  physioL  Meilkunde,  4856, 
t.  XV). 

(6)  Langeau,  Note  sur  certaines  substances  auxquelles  on  attribue  la  propriété  de  prdvenir 
l'absorption  en  déterminant  l'obstruction  des  vaisseaux  capillaires  superficiels  [Comptes  rendus 
de  la  Société  de  biologie,  2'  série,  1855,  t.  II,  p.  38). 


PHÉNOMÈNES    OSMOTIQUES.  157 

comparés  à  la  recelte  endosmotique,  à  mesure  que  la  quantité 
de  matière  à  la  fois  diffusible  et  osmogène  augmente,  est 
facile  à  constater  expérimentalement ,  et  je  m'étonne  que 
M.  Graham  n'en  ait  pas  été  frappé,  car  elle  est  manifeste 
dans  plusieurs  des  séries  de  résultats  consignés  dans  le  travail 
de  ce  chimiste  habile.  Je  me  bornerai  à  en  citer  ici  un  exemple. 
En  employant  une  dissolution  de  sulfate  de  magnésie  à  divers 
degrés  déconcentration,  une  partie  de  ce  sel  s'est  répandue  au 
dehors  pendant  que  l'instrument  se  chargeait  de  : 

5,16  volumes  d'eau  avec  la  dissolution  chargée  de  2  pour  100  de  sel; 
5,76  volumes  d'eau  avec  la  dissolutron  à    5  pour  100  ; 
6,01  volumes  d'eau  avec  la  dissolution  à  10  pour  100  ; 
6,57  volumes  d'eau  avec  la  dissolution  à  20  pour  100  (1). 

Mais  lorsque  la  substance  de  la  cloison  perméable  est  en 
partie  dissoute  par  l'action  du  réactif  employé,  circonstance 
qui  doit  amener  l'agrandissement  des  passages  capillaires,  la 
proportion  de  la  matière  osmogénique  qui  s'échappe  par 
diffusion,  comparée  à  la  quantité  d'eau  qui  pénètre  dans  l'en- 


(1)  Dans  une  autre  série  d'expé-  en  poids  à  1,1  ou  1,2,  avec  desdisso- 

riences  faites  également  avec  du  sul-  lutions  à  2  pour  100,  et  à   2,2  avec 

fatc  de  magnésie,  M.  Graliam  a  obtenu  une  dissolution  chargée  de  10  pour 

comme  équivalent  endosmotique  de  100  de  sel  (6)  ;  mais  je  dois  ajoutei- 

ce  sel  :  que,  dans  des  expériences  faites  avec 

5,3  avec  la  dissoiuiion  à    2  pour  100;  unc  double  cloison,  les  résultats  ont 

5,9  avec  la  dissoiuiioa  à    5  pour  100;  bcaucoiip  varié.  Voici  uu  autre  exem- 

6,3  avec  la  dissolution  à  10  pour  100  (a).  pie  fourni  par  le  clilorure  de  calcium  : 

Je  vois  aussi  que,  dans  une  série  l'équivalent  endosmotique  était  de  0,3 

d'expériences  faites  avec   un  endos-  avec  la  dissolution  de  2  pour  100  ; 

momètre   à    membrane    simple    qui  de   0,8  avec  la  dissolution  à  5  pour 

offrait   une   résistance   hydrostatique  100;    et  de  2,3  avec  la  dissolution 

uniforme,  l'équivalent  endosmotique  à  10  pour  10J3,  la  résistance  hydro- 

du  chlorure   de  sodium    s'est    élevé  statique  restant  constante  (c). 


(a)  Graham,  On  Osinotic  Force  {Philos.  Trans.,  1854,  p.  201). 
(6)  Idem,  ibid.,  p.  202,  tab.  8. 
(c)ldem,  ibid.,f.  204. 


1«58  '  ABSORPTION. 

dosmomètre,  augmente  avec  la  concentralioii  de  la  dissolution 

employée  (1). 

La  persistance  de  la  distension  du  tissu  perméable  déterminée 
par  l'inliltration  capillaire  paraît  susceptible  de  diminuer  l'élas- 
ticité de  ces  corps,  et  d'amener  ainsi  un  élargissement  dans  le 
calibre  des  passages  interstitiels  à  travers  lesquels  la  diffusion 
exosmotique  s'effectue.  Cela  explique  comment  des  cloisons 
qui,  au  comuiencement  d'une  expérience,  donnent  lieu  à 
rétablissement  d'un  certain  équivalent  endosmotique,  fournis- 
sent souvent  un  équivalent  plus  faible  quand  l'épreuve  a  duré 
longtemps  (2). 

11  me  semble  probable  que  les  différences  observées  dans  le 
volume  des  équivalents  endosmotiques  d'une  même  substance, 
quand  on  emploie  diverses  membranes  animales  comme  cloi- 
son osmotique,  dépendent  en  partie  de  l'inégalité  dans  le 


(1)  Ainsi,  en  employant  une  disso- 
hUion  de  carlwnate  de  potasse  au 
litre  de  2/100,  M.  Graham  a  vu  que 
la  résistance  liydrostatique  était  de  20, 
et  l'équivalent  a  été  en  moyenne  de 
5,6  ;  tandis  qu'avec  une  dissolution 
au  litre  de  10/100,  la  résistance  hy- 
drostatique est  descendue  à  16,  et 
l'équivalent  endosmotique  est  tombé 
à  13  (a). 

(2)  Un  exemple  très  remarquable 
de  variations  dans  les  produits  du 
travail  osmotique  dont  l'explication 
semble  être  donnée  de  la  sorte,  nous 
est  ollert  par  une  expérience  de  Du- 
trochet,  dont  j'ai  déjà  eu  l'occasion  de 
dire  quelques  mots.  Ce  physiologiste 
a  vu  qu'en  employant  comme  dia- 
phragme osmotique  un  morceau  de 
taffetas  gommé,  c'est-à-dire  un  tissu 


revêtu  d'une  couche  mince  de  caout- 
chouc, et  le  plaçant  entre  de  l'eau  et 
de  l'alcool,  le  courant  endosmotique 
s'établissait  de  ce  dernier  liquide  vers 
le  premier.  Il  a  vu  aussi  que,  pendant 
les  premiers  temps  de  l'expérience,  il 
ne  passait  pas  d'eau  en  sens  inverse  , 
mais  qu'après  une  certaine  durée  de 
l'action  endosmotique,  une  petite  quan- 
tité de  ce  liquide  traversait  la  cloison 
de  caoutchouc  pour  se  répandre  dans 
l'alcool  (6).  Ce  phénomène  de  diffu- 
sion ne  s'est  donc  produit  que  lorsque 
l'alcool  dont  la  cloison  de  caoulchouc 
s'était  pénétré  avait  eu  le  temps  né- 
cessaire pour  élargir  à  un  certain  de- 
gré les  interstices  capillaires  de  cette 
substance  en  balançant  sa  force  élas- 
tique. 


(a)  Graham,  loc.  cit.,  p.  206,  tab.  13. 

(6)  Dulrochel,  De  l'endosmose  {Mémoire  pour  servir  à  l'histoire  anatomique  et  physiologique 
des  végétaux  et  des  animaux,  t.  I,  p.  19). 


PHÉNOMÈNES    OSMOTIQUES.  159 

calibre  des  passages  que  ces  tissus  organiques  offrent  pour 
l'accomplissement  des  échanges  entre  les  liquides  hétérogènes. 
Comme  exemple  de  ces  différences,  je  citerai  encore  une  expé- 
rience de  M.  Harzer.  En  employant  comme  cloison  osmotique 
le  péricarde  du  Bœuf,  l'équivalent  de  sel  commun  était  4,  et, 
en  substituant  à  cette  membrane  un  morceau  de  la  vessie  du 
même  Animal,  cet  équivalent  a  dépassé  6  (1). 

D'après  ce  que  nous  savons  de  la  grande  inégalité  des  actions 
capillaires  exercées  par  un  même  tissu  perméable  sur  des 
liquides  de  nature  différente,  ou  par  des  tissus  différents  sur  un 
même  liquide,  nous  devons  penser  aussi  que  les  obstacles 
opposés  à  la  diffusion  des  molécules  en  dissolution  par  les 
parois  des  canaux  capillaires  varieront  également  en  force  sui- 
vant la  constitution  chimique  des  substances  qui  forment  ces 
parois,  et  qu'il  y  aura  là  une  nouvelle  cause  de  variations  dans 
la  valeur  des  équivalents  endosmotiques. 

Comme  exemple  de  l'influence  que  la  cloison  perméable 
peut  exercer  sur  les  produits  de  la  diffusion  de  diverses  sub- 
stances, je  citerai  en  premier  lieu  les  résultats  obtenus  par 
M.  Mialhe  en  étudiant  les  courants  exosmotiques  qui  s'établissent 
au  travers  de  la  membrane  interne  de  la  coquille  de  Tœuf  de 
la  Poule,  quand  on  la  dénude  et  qu'on  la  met  en  contact  avec 
l'eau.  Des  phénomènes  endosmotiques  se  manifestent  bientôt; 


(1)  Voici  quelques-uns  des  résultats  -^,3  avec  la  vessie  de  Cochon  ; 

numériques  obtenus  dans  des  expé-  ^'*  avec  la  vessie  de  Bœuf  (a). 

riences  comparatives  faites  avec  des  r>         ^  •  ■  i 

^  Dans    des    expériences    analogues 

membranes  dont  le  tissu  était  plus  ou  ,.  .,  »!     ,-,1    u 

•^  faites   par  M.    Olechnowicz,  en  em- 
moins  serré.  L'éciuivalent  du  chlorure         ,        ,  ■  . 

,        ,  '  ployant    comme    cloison    osmotique 

de  sodium  s'est  trouvé  de  :  ,  .         ,         ,,    ,.         ,,, 

une  lame  mince  de  coilodium,  l  e- 

2,9  avec  la  vessie  natatoire  d'un  Poisson  ;  quivalent  du   sel   COmmun  s'cst  élevé 

4,0  avec  le  péricarde  de  Bœuf  ;  à  10,2  (6). 

(a)  Harzer,  Beitrâge  zur  Lehre  von  der  Endosmose  {Avcidvfûi'  physioloylsche  Ueilkmide,  1850, 
t.  XV,  p.  202etsuiv). 

(6)  F.  OlecbnoY/icz,  Expérimenta  quxdam  de  endosniosi  {liisscrt.  inaug.).  Dorpat,  1851. 


160  ABSOai'TlON. 

l'eau  du  dehors  pénètre  dans  l'intérieur  de  l'œuf,  et  une  partie  des 
matières  salines  qui  se  trouvent  dans  ce  corps  s'en  échappent 
pour  se  répandre  dans  le  bain  extérieur  ;  mais  M.  Mialhe  assure 
que  l'albumine  de  l'œuf  ne  passe  pas.  Quand  on  emploie  la  mem- 
brane externe  de  l'œuf  de  la  même  manière,  en  y  plaçant  du 
sucre  ou  du  sel  commun  pour  exciter  l'action  osmotique,  l'eau 
du  dehors  y  pénètre  et  s'y  accumule  également  ;  mais  il  y  a  en 
même  temps  exosmose,  et  le  sucre,  ainsi  que  le  sel,  se  répand 
dans  le  bain  extérieur.  Par  conséquent,  la  diffusion  de  l'albu- 
mine est  empêchée  ou  rendue  extrêmement  fliible  par  une 
cloison  perméable  qui  non-seulement  se  laisse  traverser  par 
l'eau,  mais  qui  permet  la  diffusion  du  sucre  et  du  sel  (1). 

Nous  avons  déjà  vu  que  dans  certains  cas  les  deux  surfaces 
opposées  d'une  membrane  animale  n'exercent  pas  la  même 
action  capillaire  sur  les  liquides  qui  les  baignent,  et  qu'il  en 
résulte  des  variations  dans  l'intensité  du  courant  endosmotique, 
quand  les  rapports  entre  la  cloison  perméable  et  la  substance 
osmogénique  viennent  à  changer.  Il  paraît  en  être  de  même 
pour  le  passage  de  ces  dernières  matières  par  voie  de  diffusion 
dans  l'intérieur  des  courants  affluents  jusque  dans  le  bain  adja- 
cent, et  il  en  résulte  que  le  produit  de  l'échange  osmotique  peut 
être  augmenté  ou  diminué  par  l'influence  exercée  de  la  sorte 


(1)  Pour  pratiquer  celle  expérience,  stance  dans  son  état  naturel,  soit 
M.  Mialhe  enlève  une  petite  porlion  qu'on  la  batte  préalablement  avec 
delà  coquille  à  Tune  des  extrémités  de  de  l'eau  et  qu'on  la  filtre  avant  d'en 
l'œuf  et  soutient  la  membrane  dénu-  charger  l'endosmomèlre.  M.  Mialhe 
dée  à  l'aide  de  bandelettes  de  liégc  a  obtenu  les  mêmes  résultais  en  sub- 
entrecroisées ;  puis  il  fait  un  trou  à  slituant  au  blanc  d'œuf  du  sérum  du 
l'extrémité  opposée  de  l'œuf,  et  y  sang  (a).  Mais  je  dois  ajouter  que, 
adapte  un  tube  qu'il  lute  avec  delà  dans  des  expériences  analogues  faites 
cire.  Il  assure  que  l'albumine  reste  par  M.  Béclard,  les  mêmes  résultats 
emprisonnée  dans  le  réservoir  ainsi  n'ont  pas  été  obtenus,  et  le  passage 
constitué,  soit  qu'on  laisse  celte  s ub-  de  l'albumine  a  pu  être  constaté  (6). 

(a)  Mialile,  Chimie  appliquée  à  la  physiologie,  p.  139  et  suiv. 

ib)  Béclard,  Mémoire  sur  la  théorie  de  l'endosmose  {Canette  des  hôpitaux,  1851,  p.  3^4). 


l'HÉNOMÈNES    OSMOTIQUES.  IGl 

sur  l'exosmose  aussi  bien  que  sur  l'endosmose.  Ainsi,  quand 
on  fait  usage  de  la  muqueuse  gastrique  de  l'Agneau,  et  qu'on 
charge  l'instrument  avec  une  dissolution  d'albumine,  l'eau  exté- 
rieure pénètre  en  plus  grande  quantité  à  travers  la  membrane 
lorsque  celle-ci  est  en  contact  avec  ce  dernier  liquide  par  sa  sur- 
face péritonéalej  mais  si  l'on  substitue  à  l'albumine  un  dissolu- 
tion de  sucre,  l'ascension  du  liquide  intérieur  est  la  plus  consi- 
dérable quand  l'eau  arrive  par  la  surface  épithélique.  Or,  dans 
le  premier  cas,  quelle  que  soit  la  direction  du  courant  endos- 
motique,  les  produits  du  courant  contraire,  c'est-à-dire  la  fpian- 
tité  d'albumine  répandue  au  dehors  est  très  faible  ;  et  nous 
pouvons  conclure  de  ce  fait  que  les  différences  dans  les  résul- 
(ats  de  l'expérience,  quand  on  change  les  rapports  de  la  mem- 
brane avec  les  liquides  réagissants,  dépendent  principalement  de 
la  pénétration  plus  facile  de  l'eau  par  la  surface  musculaire  ou 
péritonéale  de  la  muqueuse  que  par  sa  surface  épithélique.  Mais 
les  résultats,  ai-je  dit,  sont  autres  quand  on  substitue  à  l'albu- 
mine une  dissolution  de  sucre.  Cela  ne  semble  pas  devoir 
dépendre  d'une  influence  inégale  que  le  sucre  exercerait  sur  le 
courant  endosmotique,  quand  cette  substance  est  en  contact 
avec  telle  ou  telle  surface  de  la  membrane,  mais  plutôt  à  la 
facilité  plus  grande  que  le  courant  contraire  formé  par  les 
molécules  de  sucre  qui  s'échappent  par  diffusion  trouve  à  tra- 
verser la  muqueuse  gastrique  quand  ces  molécules  y  pénètrent 
par  la  surface  épithélique,  au  lieu  d'y  arriver  par  la  surface 
détachée  des  autres  tuniques  de  l'estomac  (1) 


(1)  Il  est  aussi  à  noler  qu'en  faisant  était  en  contact  avec  la  suiTace  épi- 
usage  de  la  muqueuse  s^astrique  de  thélique,  et  l'eau  en  rapport  avec  la 
divers  Carnivores,  ]\1M.  Matteucci  et  surface  péritonéale  ;  mais  lorsque 
Cimaontobtenudes  résultats  inverses.  l'eau  baignait  la  surface  épithélique 
Ainsi,  avec  la  tunique  interne  de  l'es-  delà  muqueuse,  le  liquide  n'est  monté 
tomac  du  Chien,  ils  ont  vu  la  colonne  dans  l'endosmomètre  qu'à  8  milli- 
endosmométrique  s'élever  à  60  milli-  mètres. 

mètres   quand  la  dissolution   sucrée  Dans  les  expériences  citées  ci-des- 

V.  11 


]  62  ABSORPTION. 

L'influence  que  la  nature  chimique  du  liquide  logé  dans  les 
cavités  capillaires  d'un  tissu  organique  peut  exeixîer  sur  la 
diffusion  de  la  matière  osmogène  à  travers  ces  passages,  ou, 
en  d'autres  mots,  sur  l'intensité  du  courant  exosmotique,  et 
par  conséquent  aussi  sur  la  valeur  du  produit  de  l'échange,  est 
mise  en  évidence  par  l'expérience  suivante.  Si  l'on  emploie 
comme  cloison  osmotique  la  membrane  interne  de  la  coquille 
de  l'œuf,  et  qu'on  charge  l'instrument  ainsi  préparé  avec  de 
l'albumine,  cette  matière  ne  s'échappera  pas  en  quantité  notable 
si  le  liquide  réagissant  est  de  l'eau  pure  ;  mais  si  l'on  substitue 
à  ce  bain  une  dissolution  de  chlorure  de  sodium,  une  quantité 
considérable  d'albumine  se  répandra  au  dehors^  bien  que  le 
courant  endosmotique  continue  à  se  diriger  vers  l'intérieur  du 
réservoir  et  à  augmenter  le  volume  de  la  dissolution  albumineuse 
qui  s'y  trouve  logée  (1). 


sus,  les  hauteurs  observées  furent, 
avec  la  membrane  gastrique  de  l'A- 
gneau et  le  sucre  : 

66  à  72  millimèlres,  quand  l'eau  élait  eu 
contact  avec  la  surface  épitlié- 
lique  de  la  membrane. 

54  à  56  millimètres,  quand  l'eau  était  en 
contact  avec  l'autre  surface  de 
la  membrane,  et  le  sucre  en 
rapport  avec  sa  surface  épitlié- 
lique. 

Avec  le  blanc  d'œuf: 

11  à  22  millimètres,  quand  l'eau  baignait 
la  surface  épithélique,  et  l'albu- 
'  mine  la  surface  péritonéale. 

23  à  35  millimètres,  quand  l'eau  était  en 
contact  avec  la  surface  périto- 
néale, et  l'albumine  en  contact 
avec  la  surface  épithélique. 

Avec  la  tunique  muqueuse  de  Tes- 


tomac  du  Chat,  une  dissolution  gom- 
meuse  a  donné  une  ascension  de  : 

38  millimètres,  quand  l'eau  était  en  contact 
avec  la  surface  viscérale,  et  la  gomme 
en  rapport  avec  la  surface  cpitliélique. 

4  4  millimètres,  quand  l'eau  était  en  contact 
avec  la  surface  épithélique  (a). 

(1)  En  opéiantde  la  sorte  avec  une 
cloison  osmotique  formée  par  la  mem- 
brane interne  de  la  coquille  de  l'œuf, 
M.  Wittich  a  vu  qu'en  présence  de 
l'eau  pure,  2  centimètres  cubes  d'une 
dissolution  albumineuse  augmentaient 
en  volume  de  3"  ,5  et  ne  laissaient 
échapper  que  Os',015  de  substance 
organique. 

Mais ,  en  substituant  au  bain  d'eau 
distillée  un  bain  d'eau  salée  contenant 
3,7  pour  100  de  chlorure  de  sodium, 
la  même  quantité  de  dissolution  albu- 


(a)  MaUeucci  cl  Cima,  Op.  cit.  {Annales  de  chimie  et  de  physique,  o°  série,  1845,  t.  XIII,  p.  73  i 

et  suiv.).  ) 


PHÉNOMÈNES    OSMOTIQUES.  16o 

Il  est  aussi  à  noter  (|iie  le  degré  d'intensité  des  courants 
exosmotiques  peut  être  augmenté  on  diminué  par  le  fait  de  l'as- 
.sociation  de  certaines  matières  osmogènes. 

§  16.  —  En  résumé,  nous  voyons  donc  que  tous  les  fails  Résumé. 
Ibndamentaux  de  l'hisloire  des  phénomènes  osmotiques  trouvent 
leur  explication  dans  les  lois  connues  de  la  capillarité,  de  l'at- 
traction adhésive  ou  de  l'affinité  chimique  des  liquides  héléro- 
gènes,  et  de  la  diffusion  des  corps  en  dissolution  ;  mais  il  ne 
faudrait  pas  en  conclure  que  des  effets  analogues  ne  puissent 
être  dus  à  d'autres  causes,  ni  que  des  forces  dont  je  n'ai  pas 
tenu  compte  jusqu'ici  n'exercent  aucune  influence  sur  la  valeur, 
ou  même  sur  le  caractère  des  résultats  obtenus  de  la  sorte.  Ce 
serait  tomber  dans  une  erreur  grave,  et  le  physiologiste  a  par- 
ticulièrement besoin  de  connaître  le  rôle  de  ces  agents  acces- 
soires. 

§  17.  —  Ainsi,  la  chaleur  peut  déterminer  de  grandes  modi-     i„nuenœ 
lications  dans  le  jeu  des  forces  dont  dépendent  les  mouvcmenls  i^  lempLtme 
de  translation  et  les  échanges  qui  constituent  le  phénomène  com-  ,^3  phlnomènes 
])lexe  dont  l'étude  nous  occupe  ici.  Nous  avons  vu  précédem-    "-'"'"'"i"''' 
ment  que  l'élévation  de  la  tenifiératurc  tend  à  diminuer  les 
effets  dus  aux  actions  capillaires,  mais  active  le  travail  ],iar 
lequel  l'imbibition  des  substances  poreuses  s'accomplit.   La 


mineuse  a  gagné  seulement  2'<',1  en  amniotique,  et  cliargés  de  sérum  du 

volume,  et  a   perdu,   par  diffusion,  sang  de  Bœuf,  furent  plongés,   Tiin 

0s',û31  de  matière  organique  (a).  dans  un  bain  d'eau,  l'autre  dans  de 

Dans  des  expériences  faites  récem-  l'urine  acide;  au  bout  de  vingt-quatre 

ment  par  M.  Ueynsius,  en  vue  d'é-  heures,  le  premier  avait  laissé  échap- 

clairer  l'histoire  de  la  sécrétion  uri-  pcr  beaucoup  d'albumine,  le  second 

naire  ,  des    fails    analogues   ont   été  pas;  mais  lorsque  l'urine  était  alca- 

observés.   Deuv  endosmomèlres  fer-  Hue,  l'albumine  passait  au  travers  de 

mes  par  un  morceau  de  la  membrane  la  cloison  osmotiquc  (6). 


{«)  Wilticli,  Uebet'  Ekveiss-Dlff'usion  (Miiller's  Arcliiv  fur  Ànat.  und  Pliijsiol.,  1856,  p.  304). 
(6)  Heynsius,  Ziir  Théorie  der  Harnseireiioii  (Archiv  fiir  die  Hollâiidischen  Beitrâge  z-ur  Nntnr- 
nnd  Heilkunde  von  Donders  mid  W.,  Rcrlin,  185S,  t.  I,  p.  205). 


1  G/l  ABSUKPTION. 

clialeur  accélère  aussi  les  mouvements  osmotiques ,  et  cela 
semble  pouvoir  dépendre  principalement  de  deux  circonstances 
différentes  :  1°  de  la  diminution  dans  les  résistances  opposées 
an  passage  des  liquides  dans  les  cavités  capillaires  de  la  mem- 
brane, résultat  qui  est  produit  tant  par  l'affaiblissement  que  la 
chaleur  détermine  dans  l'attraction  adhésive  développée  entre 
les  deux  corps  en  contact,  que  par  la  dilatation  du  tissu  per- 
méable ;  2°  du  développement  de  la  puissance  attractive  réci- 
proque, ou  affinité ,  exercée  par  les  liquides  miscibles  réagis- 
sants, qui  est  aussi,  dans  certaines  limites,  une  conséquence 
ordinaire  de  l'élévation  de  la  température. 

Cette  influence  accélératrice  de  la  chaleur  sur  le  travail 
endosmotique  a  été  mise  en  évidence  par  les  expériences  de 
Dutrochet.  Ce  physiologiste  a  vu  un  même  endosmomètre, 
chargé  avec  des  dissolutions  identiques  de  gomme,  n'absorber 
en  un  temps  donné  qu'un  volume  d'eau  à  la  température  de 
0  degré,  et  prendre  3  volumes  d'eau  à  la  température  d'en- 
viron 34  degrés  (i).  En  employant  de  l'acide  chlorhydrique, 
il  obtint  des  résultats  encore  plus  remarquables,  car  une  disso- 
lution de  ce  réactif  dans  une  proportion  voulue  d'eau  lui  donna 
des  effets  négatifs  à  la  température  d'environ  20  degrés,  tandis 
qu'à  10  degrés  cette  même  liqueur  déterminait  un  courant  en 
sens  contraire  et  faisait  monter  le  liquide  dans  l'intérieur  de 
l 'endosmomètre  (2).  Ainsi,  par  le  seul  fait  d'un  léger  chan- 

(1)    Ces  expériences    furent   faites  10  1/2  grains  à  0  degré,  et  de  37  grains 

avec   un    caecnni   de   Poulet   chargé  à  environ  3/i  degrés  (a). 
d'une  dissolution  de  gomme,  adapté  à  (2)  Dutrochet  a  trouvé  qu'en  plaçant 

un  tube  de  verre,  et  plongé  dans  un  dans  un   endosmomètre    garni  d'un 

bain  d'eau  distillée.  L'augmentation  morceau  de  vessie  de  l'acide  chlorhy- 

de  poids  fut,  dans  une  expérience,  de  drique  étendu  d'eau,  et  en  opérant  à  la 

13  grains  à  5  degrés,  et  de  23  grains  à  température  de  10  degrés,  le  courant 

environ   ù2  degrés.   Dans  une  autre  principal  s'établissait  de  l'acide  vers  le 

expérience  ,  l'appareil   se  charge  de  bain  extérieur  lorsque  la  densité  de  la 

(a)  Dulrocliol,  De  Vendosmoae  {Méiuoii'cn,  L  1,  p.  27). 


PHÉNOMÈNES    OSJIOTIQUES.  165 

gement  de  température,  l'attraction  capillaire  exercée  par  une 
membrane  sur  l'eau  acidulée  peut  devenir  supérieure  ou  infé- 
rieure à  celle  que  cette  même  membrane  exerce  sur  l'eau  pure, 
et  la  direction  du  courant  endosmotique  peut  être  de  la  sorte 
iutervertie  (1). 

^  18.  —  En  étudiant  les  effets  de  capillarilé,  nous  avons  vu     influence 

de  l'électricité. 

que  l'état  électrique  des  corps  réagissants  exerce  parfois  une 
grande  influence  sur  le  jeu  des  attractions  moléculaires  dont 
ces  phénomènes  dépendent.  Il  en  est  de  même  pour  les  actions 
osmotiques. 

xAinsi,  on  sait  depuis  longtemps  qu'un  courant  galvanique, 
en  traversant  l'eau  pour  se  rendre  du  pôle  positif  au  pôle  né- 
gatif, détermine  un  certain  déplacement  des  molécules  de  ce 
liquide,  de  taçon  que  si,  à  l'aide  d'un  diaphragme  perméable, 


dissolution  acide élaitinférieureà  1,0L', 
et  que  le  courant  se  portait  de  l'eau 
vers  l'acide  quand  la  densité  était  plus 
grande;  mais  qu'à  la  tenipéraliire  de 
22  degrés,  le  courant  s'intervertissait 
quand  la  densité  de  l'acide  dépas- 
sait 1,003.  Ainsi  l'acide  chlorhydrique 
au  même  titre  peut  donner  lieu  à  des 
efl'ets  de  signe  opposé,  suivant  que  la 
température  dépasse  20  ou  s'ai)aisse 
à  10  degrés,  et  Dulrochet  est  arrivé 
à  cette  conclusion  :  Pour  que  les  ré- 
sultats endosmotiques  soient  sembla- 
bles à  des  températures  qui  ne  va- 
rient que  de  12  degrés,  il  faut  que 
les  densités  de  la  dissolution  d'acide 
clilorhydrique  changent  dans  le  rap- 
port d'environ  1,003  à  1,027,  c'est- 
à-dire  que  la  liqueiu-  doit  contenir 
à  peu  près  six  fois  plus  d'acide  quand 
la  température  est  basse  que  lois- 
qu'elle  est  élevée  (a). 


(1)  Si  l'élévation  de  la  température 
diminuait  dans  le  même  rapport  la 
puissance  de  l'attraction  adhésive 
exercée  par  les  parois  des  conduits 
capillaires  sur  les  deux  liquides  réa- 
gissants, la  chaleur  ne  changerait  pas 
la  direction  du  courant  endosmotique, 
et  tendrait  seulement  à  en  accélérer 
le  mouvement  ;  mais,  en  étudiant  les 
phénomènes  de  capillarité,  nous  avons 
vu  que  le  coefficient  de  l'écarlement 
moléculaire  entre  les  solides  et  les 
liquides  en  contact  apparent,  déter- 
miné par  l'élévation  de  la  tempéra- 
ture, semble  varier  avec  la  nature 
chimique  des  corps  en  présence  [h), 
et  par  conséquent  on  conçoit  facile- 
ment que  dans  certains  cas  les  chan- 
gements de  température  puissent 
rendre  l'action  capillaire  de  A  sur  B 
plus  grande  ou  plus  petite  que  colle 
de  B  sur  C. 


(o)  Diilrocliel,  art.  Enuosmosis  (ToJil's  CrjcUqiϞia  of  Anat.  and  PhysioL,  t.  II,  p.  108). 
(bj  Viijez  ri-tlessus,  pape  Ti  et  ?uivaiiles. 


166  ABSORPTION. 

on  sépare  en  deux  portions  la  masse  formée  par  celui-ci, 
le  volume  de  la  portion  située  entre  la  cloison  et  le  pôle 
positif  diminuera,  et  le  volume  de  celle  comprise  entre  le  côté 
opposé  de  la  cloison  et  l'étectrode  négatif  augmentera.  Ce  fait, 
constaté  pour  la  première  fois  il  y  a  plus  de  quarante  ans  par 
un  physicien  anglais  nommé  Porretf,  a  été  depuis  lors  observé 
par  plusieurs  expérimentateurs,  et  montre  que  des  effets  sem- 
blables à  ceux  de  l'endosmose  peuvent  être  produits  par  le 
jeu  des  forces  électriques.  On  a  trouvé  aussi  que  lorsque  dans 
ces  circonstances  l'eau  est  décomposée  par  l'action  de  la  pile,  un 
volume  de  ce  liquide  proportionnel  à  la  grandeur  de  cette  action 
accompagne  pour  ainsi  dire  l'hydrogène  qui  s'accumule  autour 
du  pôle  négatif  (l),  et  ce  déplacement  parait  être  dû  à  la  résis- 
tance que  l'eau  oppose  au  passage  de  l'électricité  positive  (2); 


(1)  Plusieurs  années  avant  la  pu- 
blication des  travaux  de  Dutrochel 
sur  l'endosmose,  Porrelt  avait  remar- 
qué que  si  l'on  plonge  les  deux  con- 
ducteurs d'une  pile  galvanique  dans 
les  deux  coniparliments  d'un  vase 
conlenant  de  l'eau  et  divisé  par  une 
cloison  membraneuse ,  le  niveau  du 
liquide  s'abaisse  dans  le  compartiment 
en  rapport  avec  le  pôle  positif  et  s'é- 
lève dans  l'autre  [a).  Cet  efl'et  singu- 
lier semblait  indiquer  que  le  courant 
électrique,  eu  passant  du  pôle  positif 
au  pôle  négatif,  entraîne  avec  lui  une 
certaine  quantité  d'eau  à  travers  les 
pores  de  la  cloison  membraneuse,  et 
M.  VViedemann,  en  approfondissant 
l'étude  de  ce  pbénoniène,  a  constaté 
que  le  volume  de  l'eau  qui  accompagne 
riiydrogène  pour  s'accumuler  autour 


du  pôle  négatif  est  toujours  propor- 
tionnel à  la  quantité  d'eau  décom- 
posée, et  est  indépendant  de  l'étendue 
et  de  l'épaisseur  du  diaphragme  per- 
méable. 11  est  aussi  à  noter  que  celte 
quantité  est  d'autant  plus  grande  que 
le  liquide  employé  conduit  moins  bien 
l'électricité  {h). 

('i)  La  physique  nous  apprend  que 
l'électricité  positive,  quand  elle  est  en 
mouvement,  possède  la  faculté  de  ren- 
verser les  obstacles  qui  se  présentent 
sur  sa  loule.  On  sait  également  que 
l'eau  est  un  mauvais  conducteur  de 
l'électricité,  et  par  conséquent  l'eau 
qui  se  trouve  dans  les  canaux  de  la 
membrane  doit  être  un  obstacle  au 
passage  du  courant  électrique  qui  se 
rend  au  pôle  négatif.  Ce  courant  devra 
donc  tendre  à  déplacer  ce  liquide,  et, 


{a)  PorreU,  Curions  Galvanic  ET.perime7its  (Ann.  of Philosophy ,  1816,  l.Vttl.p.  74,  et  Annales 
de  chimie  et  de  physique,  1816,  t.  II,  p.  137). 

(6)  Wiedemarin ,  Ueber  die  Bewecjung  von  Flûssigkeiten  im Kreise  der geschlossenen  galvnnischen 
saule  (Poggend.irff's  Annalen,  1852,  t.  LXXXVtl,  p.  321  ;  —  1856,  1.  XGIX,  p.  177). 


PHÉNOMÈNES    OSMOTIQUES.  107 

mais,  quoi  qu'il  en  soit  de  l'explieation  du  phénomène,  on  peut 
conclure  légitimement  de  ces  faits  que  dans  d'autres  circon- 


en  le  déplaçant,  tendre  à  le  pousser 
dans  la  cellule  en  rapport  avec  l'élec- 
trode négatif.  M.  Becquerel  explique  de 
la  sorte  le  phénomène  constaté  par 
Porrett,  et,  à  l'appui  de  celte  théorie, 
il  fait  remarquer  que  l'accumulation 
du  liquide  vers  le  pôle  négatif  ne  se 
produit  que  lorsque  l'eau  conserve  le 
faible  pouvoir  conducteur  qui  est  na- 
turel à  cette  substance,  et  que  l'expé- 
rience ne  réussit  pas  si  ce  liquide  se 
trouve  mêlé  à  un  acide  ou  à  un  sel 
dont  la  présence  rend  le  passage  de 
l'électricité  facile  (a> 

11  serait  possible  cependant  que 
l'inégalité  de  niveau  du  liquide  dans 
les  deux  compartiments  du  bain  tînt 
à  quelque  dilférence  dans  le  mode  de 
groupement  moléculaire  des  atomes 
d'eau  ou  de  leurs  éléments  constituants 
qui,  sous  l'influence  du  courant  élec- 
trique, constitueraient  des  particules 
de  composés  différents  douées  ,  les 
unes  de  propriétés  électro-positives  , 
les  autres  de  propriétés  électro-néga- 
tives et  ayant  des  volumes  inégaux; 
mais  ce  sont  là  des  questions  théori- 
ques qui  ne  peuvent  être  discutées 
ici  (6). 

Quant  aux  phénomènes  osmotiques 
que  l'électricité  détermine  dans  les 
dissolutions  salines  ou  autres,  les  expé- 
riences de  V.  Raoult  tendent  à  établir 
qu'ils  sont  dus  à  des  décompositions 
cl  au  volume  relatif  des  substances 
qui  se  rendent  à  l'un  ou  à    l'autre 


pôle.  Ce  physicien  considère  toute 
dissolution  comme  étant  une  véritable 
combinaison  chimique  dans  laquelle 
l'eau  joue  tantôt  le  rôle  d'élément 
électro-positif,  tantôt  celui  d'élément 
électro-négatif,  suivant  la  nature  acide 
ou  basique  du  corps  dissous  ;  que  sous 
l'influence  d'un  courant  électrique, 
cette  combinaison  se  sépare  en  deux 
parties  ,  l'une  formée  d'eau  pure  , 
l'autre  ronformant  toute  la  substance 
dissoute  ;  enfin,  que  les  matières  ainsi 
dissociées  se  .transportent  aux  pôles 
opposés,  de  façon  que  si  le  liquide 
compris  entre  ces  pôles  est  divisé  en 
deux  portions  par  une  cloison  per- 
méable, le  volume  de  l'une  de  ces 
portions  augmente  ou  diminue  suivant 
que  la  substance  qui  s'y  trouve  ainsi 
transportée  est  plus  ou  moins  volu- 
mineuse que  la  substance  attirée  par 
l'autre  pôle.  Or,  dans  ces  liquides, 
chaque  équivalent  de  l'acide  ,  de  la 
base,  du  sel  ou  de  toute  autre  sub- 
stance en  dissolution,  se  trouve  asso- 
cié à  plusieurs  équivalents  d'eau ,  et 
par  conséquent  c'est  du  côté  où  se 
rend  l'eau  que  l'endosmose  se  ma- 
nifeste. M.  liaoulta  constaté  aussi  que 
dans  les  réactions  de  ce  genre,  quand 
deux  liquides  différents  sont  séparés 
par  une  cloison  perméable  et  sont 
traversés  par  un  courant  électrique, 
le  niveau  baisse  toujours  dans  celui 
(jui  abandonne  son  eau  avec  le  plus 
de  facilité  (c). 


(a)  Becquerel,  Traité  expérimental  de  V électricité,  1830,  t.  IV,  p.  200. 

(6)  Voyez  à  ce  sujet  le  mémoire  de  M.  Graliam  Sur  la  force  osmotique  (l'hUos.  Trans.,  1854 
p.  d84). 

(c)  Raou'.t,  Causes  des  phénomènes  d'endosmose  électrique  {Comptes  rendus  de  l'Académie  des 
sciences,  4  853,  t.  XXXVI,  p.  826). 


168 


ABSORPTION. 


Stances  où  des  forces  analogues  se  développent ,  celles-ci  de- 
vront tendre  à  produire  des  mouvements  du  même  genre. 

Diverses  expériences  prouvent  d'ailleurs  que  l'électricîité  est 
apte  a  exercer  une  influence  considérable  sur  les  phénomènes 
osmotiques  (1).  Ainsi,  un  chimiste  de  Genève,  M.  Morin,  a 
constaté  que  des  membranes  organiques  qui,  dans  les  circon- 
stances ordinaires,  ne  se  laissent  pas  traverser  par  certaines 
substances,  leur  livrent  parfois  passage  quand  les  forces  élec- 
triques interviennent,  et  que  des  phénomènes  du  même  ordre 
se  manifestent  dans  les  expériences  osmoti(]ues,  lors  même 
qu'on  emploie  comme  cloisons  perméables  des  matières  miné- 
rales. Ainsi,  en  opérant  à  la  température  d'environ  30  degrés 
sur  des  endosmomètres  garnis  de  la  tunique  muqueuse  du  duo- 
dénum, M.  Morin  a  vu  que  le  sucre  passait,  tandis  que  ni  le 
caséum,  ni  la  gomme,  ni  les  graisses,  ne  traversaient  la  inem- 


(1)  Lorsque  Diitrochet  commença  à 
étudier  les  cfl'els  osmoliqucs,  il  élait 
porté  à  les  considérer  comme  dépen- 
dant essentiellement  du  jeu  des  forces 
électriques  (a)  ;  mais  il  ne  chercha 
pas  à  expliquer  comment  ces  forces 
pouvaient  produire  les  résultais  ob- 
servés. M.  Becquerel  a  cru  pouvoir 
aller  plus  loin,  et  donner  la  théorie  de 
ces  phénomènes. 

«  Une  solution  saline  concentrée, 
dans  sa  réaction  sur  l'eau,  dit  ce  phy- 
sicien, prend  rélectricité  positive  et 
donne  à  Teau  l'électricité  contraire. 
L'effet  ayant  lieu  entre  les  pores  de  la 
membrane  ou  de  la  cloison  sépara- 
trice, la  recomposition  des  deux  élec- 
tricités s'effectue  par  l'intermédiaire 
de  ses  paiois,  quand  bien  même  la 
membrane    ou    corps    intermédiaire 


n'est  pas  conductrice  de  l'éleclriciié. 
Il  doit  donc  y  avoir  probablement  au- 
tant de  courants  électriques  partiels 
qu'il  y  a  de  pores  ;  ces  courants  sont 
tous  dirigés  de  l'eau  vers  la  solution 
saline.  L'eau  pure  étant  im  mauvais 
conducteur,  le  courant  positif  fera 
passer  facilement  l'eau  au  travers  de  la 
membrane  dans  le  compartiment  où 
se  trouve  la  solution  ». 

Mais  M,  Becquerel,  tout  en  con- 
sidérant l'électricité  comme  étant 
au  nombre  des  causes  productrices 
de  l'endosmose  ,  a  soin  de  faire  re- 
marquer qu'elle  ne  saurait  être  celle 
qui  a  le  plus  d'influence,  car  il  arrive 
souvent  que  les  effets  produits  sont 
dans  une  direction  inverse  de  ceux 
que  l'on  aurait  obtenus  si  elle  eût  agi 
seule  (6). 


(a)  Dulrodicl,  L'aqent  immédial  du  mouvement  vllal  dévoil(',  p.  133  et  siiiv. 
(6)  Becquerel,  Traité  de  l'éleclriciié,  t.  IV,  p.  200  cl  201. 


PHÉNOMÈNES    OSMOTIQUES.  169 

brane;  mais  qiren  taisant  intervenir  l'action  d'un  courant 
galvanique  modéré,  les  matières  grasses  du  lait  passaient  tout 
comme  le  sucre,  puis  s'arrêtaient  dès  que  l'action  électrique 
était  interrompue  (1). 


(1)  Une  partie  des  expériences  de 
M.  Morin  portent  sur  la  membrane 
placentaire  des  Taiminants.  Il  a  vu 
que  la  portion  munie  de  cotylédons  lais- 
sait passer  Témulsion  de  jaune  d'œuf 
(corps  gras  et  matières  albumineuses), 
ainsi  que  le  sucre  et  le  sérum  du  lait, 
mais  excluait  les  matières  grasses  et  le 
caséum  de  ce  dernier  liquide. 

Les  parties  de  la  même  membrane 
qui  étaient  dépourvues  de  cotylédons 
se  laissaient  traverser  par  l'albumine 
du  jaune  d'œuf,  mais  ne  livraient  pas 
passage  à  la  matière  grasse  du  vi  tell  us. 

Le  courant  élcclrique  fit  passer  les 
matières  grasses  du  lait  même  au  tra- 
vers de  la  partie  de  cette  membrane 
qui  est  dépourvue  de  cotylédons,  et 
cela  quel  que  fut  le  sens  du  courant 
galvanique ,  mais  plus  rapidement 
quand  le  lait  était  en  rapport  avec 
l'électrode  négatif. 

Quand,  en  opérant  sur  la  muqueuse 
intestinale  sans  le  concours  du  galva- 
nisme, les  corps  gras,  le  caséum  et  la 
gomme  ne  passaient  pas,  le  sucre  pas- 
sait et  la  membrane  admettait  ou  cé- 
dait de  la  gélatine.  En  faisant  interve- 
nir la  chaleur  et  l'électricité,  on 
déterminait  le  passage  du  corps  gras 
et  de  la  gélatine  ;  mais  cette  dernière 
substance  ne  traversait  que  pour  se 
rendre  du  pôle  positif  au  pôle  négatif. 
Le  caséum  et  la  gomme  ne  passaient 
pas. 

Lorsque  la  muqueuse  intestinale 
avait  été  imbibée  de  potasse ,  puis 
lavée  jusqu'à  ce  que  la  neutralité  y 


fût  revenue,  tous  les  principes  du  lait 
passaient  sous  l'influence  de  la  pile  et 
d'une  température  de  30  degrés.  Ce 
transport  s'efî'ectuait  alors  le  plus 
facilement  de  —  en  -(-  ;  mais  lorsque 
le  liquide  était  légèrement  alcalinisé  , 
le  mouvement  s'établissait  le  plus  faci- 
lement en  sens  contraire. 

En  employant  de  la  baudruche 
(c'est-à-dire  une  double  membrane 
péritonéalc  aluminée,  puis  desséchée 
et  vernieà  l'albumine),  une  dissolution 
d'albumine  n'a  déterminé  que  très  peu 
d'alllux  osmotique  et  ne  s'est  pas  ré- 
pandue au  dehors.  En  ajoutant  du 
sucre  à  l'albumine ,  on  a  rendu  l'en- 
dosmose beaucoup  plus  active  ,  et  il 
y  a  eu  passage  en  sens  inverse  de 
sucre  ,  d'albumine ,  etc.  Mais  ni  sans 
ni  avec  le  concours  de  la  chaleur  et 
de  l'électricité,  le  passage  de  l'albu- 
mine n'est  devenu  abondant,  et  la 
matière  albuminoïde  abandonnée  par 
la  membrane  n'était  pas  coagulable 
par  la  chaleur. 

Eufin,  en  employant  des  godets  po- 
reux de  grès  d'une  structure  grenue, 
M.  Morin  a  vu  que  divers  liquides, 
tels  que  du  lait,  une  émulsion  de  jaune 
d'œuf  et  une  dissolution  d'albumine, 
filtraient  au  dehors  quand  les  vases 
étaient  à  l'air,  mais  ne  passaient  pas 
dans  l'eau  du  bain  ,  où  l'on  plongeait 
ceux-ci  de  façon  à  empêcher  toute 
pression  hydrostatique.  Le  sucre  pas- 
sait très  lentement.  Or,  en  faisant 
agir  à  la  température  ordinaire  un 
faible  courant  galvanique,  de  petites 


170  ABSORPTION. 

Relations         II  est  cloiic  bieii  démontré  que  les  forces  électriques  peu- 

entre  l'osmose  .  •  i  r       i  i  i  •  i 

et  les  réactions  vcnt  exerccF  une  inlluence  considérable  sur  la  production  des 

chimiques.  .„  .  •      ii  îm  -p  • 

enets  osmotiques,  et  1  on  sait  d  autre  part  qu  il  y  a  maniiestation 
de  ces  forces  toutes  les  fois  que  des  corps  hétérogènes  arrivent 
en  contact,  mais  surtout  quand  ce  contact  est  suivi  de  quelque 
combinaison  ou  décomposition  chimique.  Or,  des  réactions 
chimiques  accompagnent  presque  toujours ,  sinon  constam- 
ment, les  phénomènes  osmotiques;  en  général,  elles  s'établis- 
sent non-seulement  entre  les  liquides  hétérogènes  qui  s'unissent, 
mais  aussi  entre  ceux-ci  et  la  substance  des  cloisons  per- 
méables que  ces  liquides  traversent.  M.  Graham,  l'un  des 
chimistes  les  plus  distingués  de  l'Angleterre,  après  avoir  fait 
une  étude  approfondie  de  ces  questions,  a  été  même  conduit  à 
penser  que  le  jeu  des  affinités  était  une  condition  essentielle  du 
développement  de  toute  puissance  osmotique.  Cette  opinion  ne 
me  paraît  pas  fondée;  mais  il  semble  y  avoir  quelque  liaison 
entre  tout  grand  déploiement  de  cette  force  et  la  réalisation  de 
quelque  travail  chimique. 

Ainsi,  en  opérant  avec  des  endosmomètres  à  parois  inorga- 
niques, M.  Graham  a  constaté  une  certaine  coïncidence  entre 
la  manifestation  des  courants  osmotiques  et  l'altération  des  pa- 
rois du  vase  par  les  agents  employés  (1).  Il  a  vu  que  les  mem- 


qiiaiitités  d'albumine  passèrent  dans  gras  du   lail   et  du  jaune  d'œuf  ne 

le    bain    extérieur.    L'exosmose    de  passèrent  pas  (a). 
l'albumine  n'augmenta  que  peu  lors-  (1)  En  employant  des  godets  formés 

que  la   température   s'est  élevée  de  de  gypse,  de  charbon  comprimé  ou 

35   à  50    degrés,   et    se   fit    à   peu  de  cuir  tanné,  substances  qui  n'étaient 

près  de  même,  quelle  que  fut  la  di-  pas  attaquées  par  les  sels  dont  il  lai- 

rection  du   courant    galvanique.    Le  sait  usage,  M.  Graham  n'a  obtenu  au- 

caséum  du  lait  passait  pour  se  rendre  cun  elfet  osmotique,  et,  en  examinant 

vers  le  pôle  négatif;  mais  les  corps  les  matières  qui  provenaient  des  vases 


(a)  A.  Morin,  Nouvelles  expériences  sur  la  perméabilité  des  vases  poreux  et  des  membranes 
desséchées  par  les  substances  nutritives  {Mémoires  de  la  Société  de  physique  et  d'histoire  natn- 
relle  de  Genève,  1854,  t.  XIII,  p.  251  et  suiv.). 


PHI'NOMÈÎSES    OSMOTIQUES.  171 

branes  organiques  qui  fonctionnent  de  la  sorte  sont  d'or- 
dinaire plus  ou  moins  fortement  attaquées  par  les  matières 
salines  qui  les  traversent.  Enfin  il  a  remarqué  que  les  sub- 
stances qui  possèdent  un  pouvoir  osmotique  très  considé- 
rable sont  toutes  des  matières  qui  se  décomposent  le  plus 
facilement  en  présence,  soit  des  menstrues,  soit  des  tissus 
dont  on  fait  usage,  ou  qui  attaquent  le  plus  énergiquement 
ceux-ci. 

Afin  de  mettre  en  évidence  ces  rapports,  M.  Graham  a 
classé  par  ordre  de  puissance  osmotique  les  diverses  sub- 
stances minérales  dont  il  a  mesuré  l'action,  et,  si  l'on  jette  les 
yeux  sur  cette  liste  (1),  on  ne  peut  (ju'être  frappé  de  la  coïnci- 
dence signalée  par  cet  expérimentateur.  On  remarque,  en  effet, 
que  ce  sont  les  acides ,  les  sels  alcalins  et  les  composés  les 
moins  stables  qui  donnent  lieu  aux  courants,  soit  positifs,  soit 
négatifs,  les  plus  puissants ,  et  que  les  sels  les  plus  stables 
occupent  la  région  moyenne  de  la  série,  c'est-à-dire  produisent 
le  moins  de  changements  dans  les  volumes  des  liquides  réa- 


de  terre  cuite  où  il  avait  réalisé  des  (l)  Dans  ce    tableau,  M.   Graham 

effets  osmoliques  considérables,  il  y  a  a   représenté  par  des    valeurs  posi- 

toujours  reconnu  des  composés  ù  base  tives  ou  négatives  les  différences  de 

de  chaux  et  d'alumine.  Il  lui  fut  im-  poids   déterminées  dans  leur    masse 

possible  d'épuiser  les  parois  des  go-  par   les  échanges  opérés  de  la  sorte 

dets  en  les  lavant,  soit  avec  de  l'eau,  en  un  temps  donné  (6).    Ces  résul- 

soit  avec  des  acides  étendus,  et  le  tra-  tats  ont  été    fournis  par  des  expé- 

vail  de  décomposition  dont  leursub-  riences  faites  à  l'aide  de  membranes 

stance    était   le    siège   lui    paraissait  animales  identiques,  et  avec  des  dis- 

indéfiiii.  Dans  d'auires  cas,  des  quan-  solutions  contenant  nn  centième  du 

tités  considérables  de  matières  salines  poids    de    la    substance    osmogène. 

étaient  arrêtées  au  passage  et  fixées  Les  effets  sont   représentés  par  l'é- 

dans  l'épaisseur  des  parois  de  ces  vases  lévation    ou    la   dépression    du    ni- 

poreux  (a).  veau    du    liquide    dans   le   tube  de 


(a)  Graham,  On  Osmotic  Force  {Philos.  Trans.,  -ISSi,  p.  -183). 
(6)  Idem,  Op.  cit.  {Philos.  Trans.,  4854,  p.  225), 


172  ABSORPTION. 

gissanis  (1).  Il  est  aussi  à  noter  que  la  plupart  de  ces  matières 
salines  attaquent  les  tissus  organiques.  L'eau  elle-même  agit 
chimiquement  sur  les  substances  albuminoïdes,  et  les  inou- 
vements  osmotiques  sont  souvent  accompagnés  d'altérations 
profondes  dans  le  mode  de  constitution  de  ces  corps,  dues 
à  la  séparation  du  chlorure    de  sodium    ou  d'autres   sub- 


rosinomètre,  évaluée  en  millimèlres. 

Acide  oxalique —   148 

Acide  chlorhydrique  (0,'l   p.  4  00).   —     92 

Ti'ilochlorure  d'or —     54 

Bichloruic  d'étain —     46 

Nitrate  de  magnésie —     22 

Clilorure  de  magnésium —       2 

Chlorure  de  sodium ►]-     12 

Clilorure  de  potassium -[-     18 

Nitrate  de  soude -}-     14 

Nitrate  d'argent -[-     34 

Sulfate  de  fer -f  20  à   25 

Sulfate  de  potasse -(-  21   à  GO 

Sulfate  de  magnésie -|-     14 

Chlorure  de  calcium -|-     20 

Chlorure  de  baryum -|-     21 

Chlorure  de  sironlium -|-     20 

Chlorure  de  cobalt -j-     20 

Chlorure  de  manganèse -j-     34 

Chlorure  de  zinc .  _j_    45 

Chlorure  de  nickel -j-     88 

Nitrate  de  plomb -|-  204 

Nitrate  de  cadmium 4-137 

Nitrate  d'uranium -|"  "158 

Nitrate  de  cuivre -(-204 

Cldorure  de  cuivre -[-  351 

Protochlorure  d'étain -j-  289 

Protochlorure  de  fer -|-  435 

Chlorure  de  mercure -|-  121 

Protonitrate  de  mercure -|-  350 

Pernitrale  de  mercure -j-  470 

Acétate  de  sesquioxyde  de  fer  .   .  -(-  194 

Chlorure  d'aluminium -\-  540 

Phosphate  de  soude -(-  31t 

Carbonate  de  potasse -|-  439 

M.  Cifaliam  a  beaucoup  insisté  sur 


la  coïncidence  des  actions  chimiques  et 
osmotiques.  Il  ne  s'explique  pas  sur 
les  relations  qui  doivent  exister  entre 
ces  actions  chimiques  et  le  jeu  de 
forces  électriques  ;  mais  il  pense  que 
la  condition  essentielle  pour  la  pro- 
duction de  l'osmose,  c'est  le  dévelop- 
pement d'actions  chimiques  différentes 
des  deux  côtés  de  la  cloison  per- 
méable (a). 

(1)  Ainsi  nous  savons  que  les  car- 
bonates alcalins  attaquent  fortement 
les  matières  albuininoïdes,  et  les  expé- 
riences de  M.  Graliam  montrent  que 
le  carbonate  de  potasse  qui  traverse 
la  membrane  organique  de  l'endosmo- 
mèlre  contracte  des  combinaisons 
nouvelles  en  passant  dans  la  substance 
de  celte  cloison.  Le  pouvoir  osmo- 
gène  de  la  potasse  hydratée  est  égale- 
ment très  grand  ;  mais  ce  réactif  dé- 
truit si  promptement  les  membranes 
organiques,  que  celles-ci  perdent  très 
vite  la  faculté  de  fonctionner  de  la 
sorte. 

Le  sulfate  de  fer,  qui  est  très  stable, 
n'a  qu'un  très  faible  pouvoir  osmogé- 
nique  ;  le  sesquiazotate  de  fer  produit 
au  contraire  des  effets  très  considé- 
rables; mais  aussi,  en  s'échappant  par 
diffusion  à  travers  la  membrane,  il  se 
décompose  et  laisse  un  sel  basique  du 
côté  interne  de  la  cloison,  tandis  que 


(a)  Graham,  Op.  rit.  {Philos.  Trans.,  1854,  p.  225).  ^ 


PHÉNOMÈNES    USMOTIULES.  173 

stances  minérales  qui  y  étaient  combinées  (1).  En  un  mot, 
des  phénomènes  résultant  du  jeu  des  affinités  chimiques 
accompagnent  presque  toujours,  peut-être  même  toujours,  la 
production  des  effets  osmotiques;  mais,  dans  l'état  actuel  de 
la  science,  il  ne  me  semble  y  avoir  aucun  motif  pour  consi- 
dérer ces  derniers  comme  dépendants  des  premiers,  et  l'on 
ne  voit  pas  comment  dans  ces  cas  la  puissance  chimique  se 
transformerait  en  une  puissance  motrice.  Nous  avons  vu , 
d'ailleurs,  que  tout  ce  qui  est  essentiel  dans  le  travail  osmo- 
tique  trouve  son  explication  dans  les  lois  de  la  physique  géné- 
rale, et  si  les  influences  chimiques,  de  même  que  les  forces 
électriques,  interviennent  dans  l'accomphssement  de  ces  actes, 
il  est  probable  que  c'est  à  la  manière  de  la  chaleur,  en  modi- 
fiant les  conditions  dont  dépend  le  développement  plus  ou 
moins  énergique  de  l'une  ou  de  plusieurs  des  forces  molécu- 
laires dont  nous  avons  étudié  le  rôle  au  commencement  de 
celte  Leçon. 

§  19.  —  En  résumé,  nous  voyons  donc  que  les  phéno-     Résume 
mènes  osmotiques  sont  beaucoup  plus  complexes  qu'on  ne 


c'est   1111  nitrate  acide  qui  se  répand  osmogénique    est    le    plus    considé- 

dans  le  jjain  adjacent.  rable. 

L'acétate  d'ahimine  se  décompose  (1)  Dutrocliet  a  remarqué  que  le 

très  facilement  de  la  sorte  par  le  seul  blanc  d'œuf  mis  en  contact  avec  l'eau 

fait  de  sa  diffusion  dans  l'eau,  et  de  .se  coagule  à  .sa  surface  de  façon  à  y 

même  que  les  autres  sels  d'alumine  former  une  pellicule  blanchâtre  (o). 

dont  le  pouvoir  osmogénique  est  gé-  Cetli;  action  a  été  étudiée  avec  plus 

néralement  grand,  il  se  combine  forte-  de  soin  par  Jl.  Virchow  et  par  M.  Wit- 

meut  avec  les  matières  albuminoïdes.  lich,  qui  ont  fait  voir  que  dans  ce  cas 

Chacun    sait    que    sous    ce    dernier  l'eau  enlève   à  la  matière  proléique 

rapport  le  chlorure  de  mercure  est  une  portion  de  chlorure  de  sodium 

également  remarquable,  et  c'est  aussi  qui  lui  était  associée  et  qui  lui  donnait 


une  des  substances  dont   le  pouvoir      de  la  tluidité  (6). 


{a]  Dulrochet,  De  l'endosmose  (Mémoires,  t.  I,  p.  42). 

[b]  Virchow,  Ueber  ein  eigenthûmliches  Verhalten  albuminuser  FlûssiQkeiten  bel  Xttsalz  von 
SaUeii  (Arch.,  t.  VI,  p.  572). 

—  ^ViUicll,  Ueber  Eiu'eiss-lHlfusioii  (iMiillcr's  Archiv,  1856,  p.  286). 


général. 


17/l.  ABSORPTION. 

serait  porté  à  le  supposer  au  premier  abord;  que  les  échanges 
qui  s'établissent  entre  les  liquides  séparés  par  une  membrane 
animale  ou  toute  autre  cloison  analogue  peuvent  être  déter- 
minés par  deux  causes  :  l'attraction  physique  ou  chimique  de 
ces  corps  l'un  pour  l'autre,  et  la  force  répulsive,  qui  tend  à 
effectuer  la  diffusion  uniforme  des  particules  à  l'état  de  disso- 
lution dans  la  totahté  du  menstrue  où  elles  peuvent  avoir  accès: 
que  l'inégalité  des  résultats  de  cet  échange  dépend  delà  facilité 
relative  du  passage  des  deux  substances  réagissantes  à  travers 
les  cavités  interstitielles  de  la  cloison,  et  que  cette  perméabilité 
pour  un  liquide  déterminé  varie  suivant  la  nature  de  celui-ci,  la 
nature  de  la  cloison  elle-même,  le  diamètre  des  passages  capil- 
laires dont  cette  cloison  est  creusée ,  et  les  circonstances  dans 
lesquelles  la  réaction  s'opère;  enfin  que  la  chaleur,  l'état  élec- 
trique, le  jeu  des  forces  chimiques,  et  d'autres  influences  dont 
il  n'est  pas   possible  de  déterminer  avec  précision  le  rôle, 
modifient  les  effets  produits  de  la  sorte.  Dans  l'état  actuel  de  la 
science,  nous  ne  possédons  pas  une  théorie  assez  parfaite  de 
ces  phénomènes  pour  pouvoir  calculer  ce  qui  doit  arriver  dans 
tous  les  cas  particuliers  ;  mais  nous  pouvons  au  moins  prévoir 
ce  qui  se  passera  dans  un  grand  nombre  de  circonstances,  et 
nous  rendre  nettement  compte  du  mécanisme  à  l'aide  duquel 
le  déplacement  des  liquides  et  leur  accumulation  de  l'un  ou  de 
l'autre  côté  d'une  membrane  animale  s'effectuent  d'ordinaire. 
Cette  étude,  qui  vient  de  nous  occuper  un  peu  longuement,  nous 
permettra  donc  de  faire  à  la  physiologie  d'utiles  applications 
de  la  physique  moléculaire,  et  un  examen  approfondi  des  ques- 
tions que  nous  avons  passées  en  revue  dans  cette  Leçon  était 
nécessaire  aussi  pour  nous  mettre  en  garde  contre  l'explica- 
tion erronée  d'un  grand  nombre  de  faits  dont  les  naturalistes 
croient  souvent  pouvoir  se  rendre  compte  en  les  attribuant  à 
l'endosmose,  bien  que  ces  phénomènes  n'aient  en  réalité  rien 
de  commun  avec  les  effets  osmotiques. 


PHÉNOMÈNES    OSMOTIQUES.  175 

Le  transport  des  liquides  qui  s'effectue  de  la  sorte,  je  te 
répète,  ne  dépend  pas  d'un  agent  spécial,  et  s'effectue  sous 
rinlluence  de  la  résultante  de  plusieurs  forces  physiques  ou 
chimiques  ;  mais,  pour  la  commodité  du  discours,  il  est  bon 
de  personnifier  en  quelque  sorte  celte  cause  de  mouvement. 
Je  continuerai  donc  à  la  désigner  sous  le  nom  de  puissance 
osmogénique,  et  à  appeler  endosmose  l'accumulation  de  liquide 
qui  est  produite  par  son  action. 


QUARANTE -CINQUIÈME  LEÇON. 


Suite  de  I'Histoire  de  l'absorption.  —  Application  des  lois  des  phénomènes 
osmotiques  à  la  connaissance  de  l'action  absorbante  des  corps  vivants.  —  Cir- 
constances qui  influent  sur  la  rapidité  avec  laquelle  cette  fonction  s'exerce. 


Du  rôle  §  'l  •  —  La  connaissance  des  phénomènes  osmotiques  que  nous 
de  1  ^n<J^°^""^«°  avons  acquise  dans  la  dernière  Leçon  nous  permettra  d'expliquer 
piiySoffi'qTe.  en  grande  partie  ce  qui  se  passe  dans  l'organisme  de  l'Homme  et 
des  autres  Animaux,  quand  de  l'eau  ou  un  liquide  quelconque 
arrive  en  contact  avec  la  surface  extérieure  du  corps  ou  pénètre 
dans  une  des  cavités  qui  communiquent  librement  au  dehors. 
Effectivement,  nous  trouvons  réunies  dans  ces  points  toutes  les 
conditions  physiques  dont  nous  avons  vu  dépendre  l'absorption 
des  liquides  dans  un  endosmomètre  :  car  les  membranes  (\m 
constituent  ces  surfaces  sont  perméables  ;  d'un  côté  elles  sont  en 
contact  avec  de  l'eau  ;  du  côté  opposé  se  rencontrent  le  sang  et 
la  lymphe  qui  circulent  dans  les  vaisseaux  qui  leur  sont  propres, 
et  ces  liquides,  plus  ou  moins  chargés  de  matières  organiques 
et  salines,  sont  aptes  àjouer  le  rôle  d'agents  osmogènes.  A  moins 
de  supposer  que  l'organisme  vivant  soit  soumis  à  des  forces 
qui  balanceraient  les  actions  dont  résulte  l'osmose,  il  faut 
donc  admettre  que  dans  ces  points  des  courants  semblables  à 
ceux  que  nous  avons  vus  traverser  la  paroi  poreuse  de  l'en- 
dosmomètre  s'établiront ,  et  que  par  l'effet  de  ces  mouve- 
ments l'eau  pénétrera  du  dehors  dans  l'intérieur  du  système 
vasculaire  pour  s'unir  aux  humeurs  de  l'économie,  ou,  en 
d'autres  mots,  que  l'absorption  de  ce  liquide  sera  réalisée.  Or, 
nous  avons  déjà  vu  que,  dans  ces  dernières  circonstances,  l'eau 
est  en  réalité  absorbée,  et  [)ar  conséquent  il  est  légitime  d'at- 


THÉORIE  DE  CE  PHÉNOMÈNE.  177 

tribiier  cette  absorption,  au  moins  en  partie,  au  jeu  des  forces 

osinotiques.  ^ 

Tous  les  faits  dont  je  vais  avoir  à  rendre  compte  dans  cette  Leçon  | 

viennent  à  l'appui  de  cette  conclusion.  Je  ne  dis  pas  que  l'endos-  ^ 
mose  et  la  diffusion  soient  les  seules  causes  qui  déterminent  le 

passage  des  matières  circonvoisines  jusque  dans  le  torrent  circu-  ] 

latoire,  mais  elles  jouent  évidemment  un  grand  rôle  dans  l'accom-  ^  "■ 

plissement  de  ce  transport,  et  par  conséquent,  avant  de  chercher  > 

quelles  peuvent  être  les  autres  forces  qui  interviennent  pour  ] 

déterminer  l'absorption  physiologique,  il  nous  faut  examiner  ] 

attentivement  la  part  qui  revient  à  ces  actions  physiques.  ' 

§  i2.  —  Pour  procéder  méthodiquement  dans  cette  étude  du    Résorption  ■ 

/  .  1      >  5    1  ■  •  '      '       1      •  I  11  I  1        do  la  st'rosilé  ; 

mécanisme  de  1  absorplion  en  goneral,  il  me  semble  convenable     épanchée.  i 

d'examiner  d'abord  ce  qui  doit  se  passer  entre  le  sang  ou  la  i 

lymphe  (jui  se  trouvent  dans  l'intérieur  des  vaisseaux  irrigatoires  | 

et  les  liquides  qui  baignent  la  surface  extérieure  de  ces  mêmes  i 

vaisseaux,  et  qui  occupent  les  aréoles  du  tissu  conjonclif.  ' 

Dans  une  précédente  Leçon,  nous  avons  vu  que  ces  liquides  1 

cavitaires,  connus  sous  le  nom  général  de  sérosité,  se  com-  i 

posent  d'eau  et  de  diverses  matières  organiques  et  minérales  4 
qui  se  rencontrent  également  dans  le  plasma,  soit  du  sang,  soit 

de  la  lymphe,  mais  qui  s'y  trouvent  en  moins  grande  propor-  ] 

tion  que  dans  ces  fluides  nourriciers  (1).  Nous  savons  égale-  ■ 

ment  que  les  parois  de  ces  vaisseaux  sont  perméables  (2),  et  \ 

par  conséquent,  d'après  les  lois  connues  de  l'osmose,  la  séro-  ; 

site  doit  céder  au  sang  et  à  la  lymphe  une  partie  de  son  eau,  ou,       .  ■ 
en  d'autres  mots,  un  courant  endosmotique  doit  s'établir  de 

la  sérosité  des  espaces  interorganiques  vers  les  liquides  conte-  J 

nus  dans  le  système  vasculaire,  courant  qui  diminue  le  volume  j 

desi humeurs  épanchées  dans  les  aréoles  du  tissu  conjonctif  et  I 

qui  augmente  celui  des  liquides  en  circulation  dans  l'organisme.  •  > 

(1)    Voyez  tome  IV,  page  Zil7  et          (2)  Voyez  tome    IV,   page  o\)2  et  ■' 
suivantes.                                                  suiv.  ;  tome  V,  page  23  cl  suiv. 

V.                                                                                 \2  l 


178  ABSORPTION. 

Ce  courant  endosmotique  doit  être  d'autant  plus  puissant  que 
la  différence  dans  le  titre,  ou  ce  qui,  dans  ce  cas,  revient  au 
même,  dans  la  densité  des  liquides  réagissants,  est  plus  con- 
sidérable, pourvu  que  toutes  les  autres  conditions  du  phénomène 
restent  invariables.  Or,  nous  savons  que  les  matières  osmo- 
gènes,  c'est-à-dire  les  principes  organiques,  tels  que  l'albumine 
et  les  substances  salines  qui  se  trouvent  associées  à  l'eau  dans 
ces  divers  liquides,  sont  en  proportion  plus  grande  dans  le  sang 
que  dans  la  lymphe.  Par  conséquent  aussi,  conformément  aux 
lois  de  l'osmose,  l'action  absorbante  exercée  sur  le  sérum  doit 
être  plus  puissante  que  celle  de  la  lymphe  sur  ce  dernier  liquide. 
Nous  verrons  bientôt  qu'effectivement  les  choses  se  passent  de 
la  sorte  dans  l'organisme  vivant,  et,  comme  tout  ce  que  j'ai  à 
dire  de  l'absorption  parles  vaisseaux  lymphatiques  est  appli- 
cable aux  vaisseaux  sanguins,  que  les  effets  produits  par  ces 
derniers  sont  plus  grands  et  que  l'étude  en  est  beaucoup  plus 
facile,  il  me  paraît  inutile  de  compliquer  nos  études  actuelles 
par  la  considération  simultanée  des  fonctions  de  ces  deux 
ordres  de  vaisseaux,  et,  laissant  de  côté  pour  le  moment  ce  qui 
est  relatif  au  système  lymphatique,  je  concentrerai  mon  atten- 
tion sur  les  phénomènes  d'absorption  dont  le  système  circula- 
toire est  le  siège. 
Mode  §  3.  —  Au  premier  abord,  il  pourrait  sembler  étrange 

"^îmîiTianT"'  d'admcttrc  que  là  où  nous  avons  constaté  l'existence  d'une 
de  l'absorption  tpaj|SSudation ,  c'est-à-dn^e  d'un  mouvement  des  liquides  du 
""^^ïnî''""  dedans  au  dehors  des  vaisseaux  sanguins,  il  puisse  y  avoir 
le  même  point.  ^^  niêmc  tcmps,  ainsi  que  je  viens  de  l'avancer,  absorption 
ou  transport  de  matières  de  l'extérieur  à  l'intérieur  des  mêmes 
parois.  Mais  le  fait  est  facile  à  constater,  et  il  est  non  moins 
facile  à  expliquer,  lors  même  que  les  courants  en  sens  inverse 
seraient  formés  les  uns  et  les  autres  par  des  liquides  iden- 
tiques. 
Effectivement,  les  tissus  constitutifs  des  parois  vasculaires, 


THÉORIE    DE    CE    PHÉNOMÈNE.  179 

de  même  que  les  autres  membranes  organiques  de  réconomie 
animale,  sont  creusés  de  cavités  interstitielles  très  irrégulières 
par  leur  calibre  aussi  bien  que  par  leur  forme  et  leur  direction  ; 
et  parmi  les  passages  ainsi  établis ,  les  uns  sont  assez  larges 
pour  agir  à  la  manière  de  filtres ,  et  pour  laisser  i)asser,  sous 
l'influence  delà  pression  hydrostatique  exercée  par  le  sang,  une 
certaine  quantité  de  sérum  dépouillé  d'une  partie  des  matières 
solubles  dont  ce  liquide  est  chargé  :  de  là  transsudation  plus 
ou  moins  rapide  d'une  portion  des  matériaux  les  plus  lluides 
du  sang  de  l'appareil  circulatoire  dans  les  aréoles  adjacentes  du 
tissu  conjonctif.  Mais  d'autres  pores  ou  lacunes  interstitielles 
de  la  même  membrane  sont  de  plus  petit  cidibro,  et  leur  action 
capillaire  ne  permet  pas  à  la  poussée  latérale  exercée  par  le  sang 
de  déplacer  les  liquides  logés  dans  leur  intérieur  ;  là,  par  con- 
séquent, il  n'y  a  point  de  courant  sortant,  point  de  transsuda- 
tion ;  mais,  par  le  jeu  des  forces  dépendantes  des  actions 
moléculaires  entre  ces  liquides  et  ceux  qui  baignent  les  deux 
surfaces  de  l'espèce  de  cloison  tonnée  par  la  paroi  du  vaisseau, 
un  courant  osmotique  s'établit  de  l'extérieur  vers  l'intérieur, 
car  l'eau  se  trouve  en  moins  grande  pro])orlion  dans  le  liquide 
qui  occupe  l'intérieur  de  cet  organe  que  dans  la  sérosité  qui 
en  baigne  la  surface  externe.  Ainsi  la  théorie  nous  conduit 
à  prévoir  que  les  parois  des  veines  doivent  être  le  siège  de 
deux  courants  de  direction  contraire  dus  à  des  forces  diffé- 
rentes ,  d'un  courant  de  transsudation  déterminé  par  la  pres- 
sion hydrostatique,  et  d'un  courant  centripète  dépendant  des 
actions  moléculaires  dont  l'ensemble  détermine  l'endosmose. 
Les  effets  apparents  de  ces  deux  courants  d'extravasation  et 
d'absorption  doivent  se  balancer  plus  ou  moins,  et  si  leur  puis- 
sance est  égale,  ils  pourront  facilement  échapper  aux  investi- 
gations du  physiologiste,  car  ils  n'auront  alors  aucune  influence 
sur  le  volume  des  liquides  situés  de  l'un  ou  de  l'autre  côté  de 
la  membrane  perméable,  et  tout  paraîtra  en  repos;  mais,  pour 


180  ABSORPTION. 

peu  que  l'un  d'eux  acquière  une  puissance  relative  plus  grande, 
son  existence  se  manifestera  par  une  augmentation  dans  la 
quantité  de  liquide  vers  lequel  celui-ci  se  dirige,  et,  au  premier 
abord ,  on  pourrait  croire  que  dans  ce  cas  il  y  a  seulement 
absorption  ou  seulement  transsudation.  Nous  verrons  cependant 
que  toujours ,  ou  presque  toujours ,  ces  deux  mouvements 
coexistent  partout  dans  l'organisme,  de  façon  qu'il  y  a  dans 
l'économie  animale  circulation  des  fluides  nourriciers,  non- 
seulement  dans  le  système  des  vaisseaux  irrigatoires,  mais 
dans  la  profondeur  des  tissus  intermédiaires,  entre  ces  canaux 
et  les  cavités  interstitielles  circonvoisines,  et  cela  sur  tous  les 
points  où  ces  vaisseaux  existent  :  circonstance  dont  nous  ver- 
rons plus  tard  l'utilité  quand  nous  étudierons  les  phénomènes 
de  nutrition. 

Dans  ce  que  je  viens  de  dire  des  échanges  effectués  entre 
l'appareil  vasculaire  et  le  système  aréolaire  circonvoisin,  il  n'a 
été  question  que  de  l'eau  qui  s'échappe  du  plasma  pour  con- 
courir à  former  la  sérosité,  ou  qui  est  enlevée  à  ce  dernier 
liquide  pour  être  portée  dans  le  sang.  Mais  cette  eau,  de  part 
et  d'autre,  lient  en  dissolution  diverses  matières  organiques  et 
minérales  ;  d'autres  substances  peuvent  y  être  ajoutées  acci- 
dentellement, et  par  conséquent,  pour  compléter  cette  investi- 
gation préliminaire  des  phénomènes  de  l'absorption,  il  faut 
chercher  comment  se  comportent  les  molécules  hétérogènes 
qui  se  trouvent  disséminées  dans  ce  menstrue. 

Nous  avons  eu  déjà  plusieurs  fois  l'occasion  de  reconnaître 
que  l'attraction  adhésive  exercée  par  les  surfaces  des  tissus 
organisés  sur  les  molécules  de  l'eau  est  plus  puissante  que  celle 
que  ces  mêmes  surfaces  exercent  sur  les  molécules  de  la  plupart 
des  nvatières  salines  ou  organiques  en  dissolution  dans  ce  liquide. 
Nous  savons  aussi  que,  par  suite  de  cette  inégalité,  les  passages 
étroits  dont  ces  tissus  sont  creusés  effectuent  une  sorte  de  triage 
dans  les  molécules  qu'ils  admettent,  et  qu'ils  laissent  passer 


THÉORIE  DE  CE  PHÉNOMÈNE.  181 

l'eau  en  plus  grande  proportion  ;  que  cette  action  moléculaire 
ne  s'exerce  qu'à  de  très  petites  distances,  et  que  par  conséquent 
ses  effets  ne  sont  sensibles  que  quand  les  canaux  sont  très 
étroits  ;  enfin  que  les  différences  déterminées  ainsi  dans  le  degré 
de  concentration  des  liquides  qui  traversent  les  membranes 
sont  d'autant  plus  marquées,  que  les  cavités  interstitielles  par 
lesquelles  ils  passent  sont  plus  petites  (1).  En  étudiant  le  phé- 
nomène de  la  transsudation,  nous  avons  vu  que  le  plasma  du 
sang  est  de  la  sorte  très  appauvri  par  le  fait  de  sa  filtration  au 
travers  des  parois  des  vaisseaux,  et  que,  par  suite  de  cette  ac- 
tion, la  sérosité  déposée  soit  dans  les  aréoles  du  tissu  conjonctif, 
soit  dans  les  poches  séreuses,  contient  de  l'eau  en  plus  grande 
abondance.  Or,  tout  ce  que  je  viens  de  dire  des  modifications 
que  la  filtration  détermine  dans  la  composition  du  courant  effé- 
rent  est  à  plus  forte  raison  applicable  au  courant  afférent  qui 
ramène  dans  les  vaisseaux  sanguins  une  portion  de  la  sérosité 
des  cavités  d'alentour  ;  car  nous  avons  vu  que  ce  transport,  dû 
à  l'endosmose,  se  fait  par  des  passages  plus  étroits  que  ceux  à 
l'aide  desquels  la  pression  hydrostatique  détermine  la  transsu- 
dation, et  par  conséquent  le  hquide  absorbé  doit  être  aussi  moins 
riche  en  matières  solubles  que  la  sérosité  dont  il  provient.  La 
résorption  d'une  portion  des  liquides  épanchés  dans  les  cavités 
closes  de  l'organisme  doit  donc  tendre  à  produire  une  certaine 
concentration  dans  la  portion  qui  reste  en  place,  et  si  d'autres 
causes  ne  balancent  les  efl^ets  produits  de  la  sorte,  l'espèce  de 
circulation  locale  et  interstitielle  qui  s'établit  ainsi  entre  les 
cavités  vasculaires  et  les  cavités  séreuses  en  général  amènerait 
une  accumulation  de  matières  solubles  dans  ces  dernières.  Du 
reste,  cette  accumulation  a  souvent  lieu,  et  nous  en  avons  déjà 
eu  des  exemples  en  étudiant  les  changements  qui  se  manifestent 
à  lalongue  dans  la  composifion  des  produits  de  la  transsudation  (2). 

(1)  Voyez  ci-dessiis,  page  88  et  (2)  Voyez  tome  IV,  page  ^35  et 

suivantes.  suivantes. 


182  ABSORPTION. 

Mécanisme        La  quantité  des  matières  albuminoïdes  et  minérales  qui  se 

de  l'absorption  »ip-i  i  i  ^         r         •    r  i 

des  matières  trouvcnt  0  1»  tois  dafis  le  sang  et  dans  la  sérosité  sera  donc  aug- 
àrorïadsm'e.  mentée  dans  ce  dernier  liquide  plutôt  que  diminuée,  par  l'effet 
des  courants  et  contre -courants  dont  résultent  l'absorption  et 
la  transsudation  dont  une  même  surface  organique  est  le  siège  ; 
mais  si  la  sérosité  vient  à  se  charger  de  quelque  substance  qui 
n'existe  pas  dans  le  sang  ou  qui  n'y  existe  qu'en  moindre  pro- 
portion, le  résultat,  en  ce  qui  concerne  cette  substance,  sera  très 
différent,  et  l'ensemble  du  phénomène  pourra  même  changer 
de  caractère. 

Supposons  d'abord  que  la  substance  étrangère  en  dissolution 
dans  la  sérosité  soit  apte  à  agir  comme  agent  osmogène,  et 
soit  en  proportion  suffisante  pour  que  ses  effets  l'emportent 
sur  ceux  du  sang.  Le  courant  osmotique  qui  traverse  la  paroi 
vasculaire  changera  alors  de  direction  ,  et  le  sang  ,  au  lieu 
de  prendre  de  l'eau  à  la  sérosité  circonvoisine ,  en  fournira 
à  ce  dernier  liquide  ;  il  y  aura  endosmose  centrifuge  du 
vaisseau  sanguin  dans  les  aréoles  du  tissu  conjonctif  adjacent, 
et  les  produits  de  ce  courant  efférent  viendront  grossir  ceux 
de  la  transsudation  ordinaire.  Dans  ce  cas,  l'endosmose  ne 
contribuera  donc  en  rien  au  transport  de  cette  matière  étran- 
gère de  l'extérieur  du  vaisseau  jusque  dans  le  torrent  cir- 
culatoire, c'est-à-dire  à  son  absorption.  Mais  nous  avons  vu 
qu'à  raison  du  pouvoir  diffusif  dont  les  molécules  des  corps 
en  dissolution  sont  douées,  ces  molécules  tendent  à  se  répartir 
uniformément  dans  la  totalité  de  l'espace  occupé  par  le  men- 
strue,  et  par  conséquent  à  se  répandre  dans  les  courants 
afférents  qui ,  en  traversant  les  membranes ,  donnent  lieu  à 
l'endosmose  ;  ces  mêmes  molécules  tendent  aussi  à  se  répandre 
d'une  manière  semblable  dans  le  liquide  situé  au  delà  de  la 
cloison  constituée  par  ces  membranes,  et  elles  forment  de  la 
sorte  un  contre-courant  ou  courant  exosmotique  qui  est  dirigé 
de  la  sérosité  vers  le  sang.  Dans  ce  cas,  en  vertu  des  actions 


THÉORIE    DE    CE    PHÉNOMÈNE.  183 

moléculaires  que  nous  avons  vues  intervenir  dans  la  production 
des  phénomènes  osmotiques,  il  y  aura  donc  encore  absorption 
de  la  matière  étrangère,  c'est-à-dire  transport  des  molécules 
de  cette  matière  de  l'extérieur  des  vaisseaux  sanguins  dans 
l'intérieur  de  ces  conduits,  où  elle  se  mêlera  au  liquide  nourri- 
cier en  circulation  ;  seulement  cette  absorption ,  effectuée  par 
la  diffusion  seulement,  sera  très  lente.  Du  reste,  il  est  évident 
que  par  l'effet  même  des  courants  centrifuges  ainsi  établis , 
l'agent  osmotique  s'affaiblira  de  plus  en  plus ,  car,  en  même 
temps  qu'une  portion  de  sa  substance  pénétrera  dans  le  vaisseau 
sanguin  par  diffusion,  ce  qui  en  restera  se  trouvera  mêlé  à  une 
proportion  toujours  croissante  de  sérosité,  et  il  arrivera  ainsi 
un  moment  où  son  action  deviendra  insuffisante  pour  balancer 
celle  du  sang,  dont  la  direction  est  inverse  ;  le  sens  du  mou- 
vement endosmotique  sera  alors  interverti,  et  le  courant  s'éta- 
blira de  la  sérosité  encore  chargée  d'une  certaine  quantité  de  la 
substance  étrangère  vers  le  sang  en  circulation. 

Ces  conditions  sont  faciles  à  réaliser  dans  des  expériences  phénomènes 

,  -ri  osmotiques 

osmotiques,  et  n  est  également  aise  de  constater  que  sous  ce  déterminés 
rapport  les  choses  se  passent  dans  l'organisme  vivant  comme  les purgatifs. 
dans  un  endosmomètre  inanimé.  Pour  le  prouver,  il  me  suffira 
de  répéter  une  des  expériences  faites  par  M.  Poiseuille  dans  le 
but  de  s'éclairer  sur  le  mode  d'action  des  médicaments  purga- 
tifs. Plaçons  dans  un  réservoir  endosmométrique  une  dissolu- 
lion  un  peu  concentrée  d'un  de  ces  sels  neutres  à  base  alcaline 
que  l'on  administre  souvent  aux  malades  pour  provoquer  les 
évacuations  alvines,  et  qui  ne  se  trouvent  pas  normalement 
dans  le  sang  ou  n'y  existent  qu'en  proportions  extrêmement 
faibles,  du  sel  de  Glauber  ou  sulfate  de  soude,  par  exemple, 
ou  bien  encore  de  Feau  de  Sedlitz,  qui  est  riche  en  sulfate 
de  magnésie,  et  plongeons  l'instrument  dans  un  bain  formé 
de  sérum.  Un  courant  osmotique  ne  tardera  pas  à  s'établir  au 
travers  delà  membrane,  et  se  dirigera  du  sérum  vers  l'eau  de 


184  -  ABSORPTION. 

Sedlitz  :  celle-ci  augmentera  de  volume,  et  cet  accroissement 
sera  marqué  par  l'ascension  de  la  colonne  endosmométrique; 
l'eau  du  sérum,  en  passant  dans  la  dissolution  purgative, 
aura  emporté  avec  elle  une  certaine  quantité  d'albumine  qui 
se  retrouvera  dans  l'eau  de  Sedlitz;  enfin  le  courant  endos- 
motique  dont  dépendent  ces  transports  de  matières  aura  été 
accompagné  d'un  mouvement  de  diffusion  en  sens  contraire, 
ou  phénomène  d'exosmose ,  ayant  pour  résultat  le  passage 
d'une  certaine  quantité  de  sulfate  de  magnésie  de  l'intérieur  de 
l'endosmomètre  dans  le  bain  adjacent  formé  par  le  sérum. 
Supposons  maintenant  que  le  réservoir  endosmotique  dont  je 
viens  de  faire  usage,  au  lieu  d'être  formé  par  une  membrane 
muqueuse  prise  sur  le  cadavre,  soit  l'intestin  d'un  Animal 
vivant.  Si  les  actions  physiques  qui  ont  déterminé  les  échanges 
dans  l'expérience  précédente  s'exercent  de  la  même  manière, 
nous  devons  être  témoin  de  résultats  analogues,  car  la  substance 
purgative  sera  séparée  du  sérum  qui  circule  avec  les  globules 
hématiques  dans  les  vaisseaux  sanguins  de  la  muqueuse  par 
une  couclie  mince  de  tissu  perméable  réunissant  toutes  les  con- 
ditions voulues  pour  fonctionner  à  la  manière  d'un  diaphragme 
osmotique.  Il  devra  donc  y  avoir,  comme  conséquence  de  l'en- 
dosmose provoquée  par  l'eau  de  Sedlitz,  transport  d'une  cer- 
taine quantité  de  sérum,  c'est-à-dire  d'eau  chargée  d'albumine, 
des  vaisseaux  sanguins  dans  l'intérieur  du  tube  intestinal,  mou- 
vement qui  amènera  une  augmentation  du  volume  des  liquides 
renfermés  dans  cette  cavité,  et  il  y  aura  en  même  temps,  comme 
conséquence  du  courant  de  diffusion  ou  courant  exosmotique, 
absorption  d'une  certaine  quantité  de  sulfate  de  magnésie  et  des 
autres  matières  salines  contenues  dans  l'eau  de  Sedlitz,  et  ver- 
sement de  ces  matières  dans  le  torrent  de  la  circulation.  Or,  ce 
sont  précisément  là  les  principaux  phénomènes  qui  sont  déter- 
minés par  l'administration  de  cette  eau  médicamenteuse  : 
l'excrétion  d'un  liquide  chargé  d'albumine  est  provoquée  à  la 


185 


THEORIE    DE    CE    PHENOMENE. 

surface  libre  de  la  muqueuse  intestinale,  et  en  même  temps  les 
matières  salines  de  l'eau  de  Sedlitz  passent  dans  le  sang,  puis 
dans  les  urines,  ainsi  qu'on  s'en  est  assuré  par  l'analyse  chi- 
mique de  ces  humeurs  (1). 


(1)  On  sait  généralement  que  les 
sels  dont  il  est  ici  question,  de  même 
que  beaucoup  d'autres  médicaments 
dits  purgatifs,  déterminent  par  leur 
présence  dans  le  tube  intestinal  l'éva- 
cuation d'une  quantité  considérable 
d'eau  plus  ou  moins  chargée  de  ma- 
tières organiques,  et  que  ce  liquide  est 
fourni  par  les  parois  de  la  cavité  di- 
geslivo.  Or,  en  examinant  chimique- 
ment ce  produit  dont  l'abondance  est 
en  général  très  grande,  on  y  trouve 
des  quantités  assez  considérables  d'al- 
bumine, substance  dont  on  ne  dé- 
couvre que  des  traces  dans  les  déjec- 
tions alvines  ordinaires,  mais  dont  la 
présence  dans  ces  circonstances  s'ex- 
plique parfaitement  par  l'afïlux  de 
sérum  du  -sang  que  l'action  osmo- 
gène  du  purgatif  a  provoqué.  D'un 
autre  côté,  en  examinant  la  compo- 
sition de  l'urine  chez  les  personnes 
soumises  à  ce  genre  de  médication, 
on  reconnaît  dans  ce  liquide  une  quan- 
tité considérable  du  sel  qui  a  été  ad- 
ministré par  les  voies  digeslives,  et 
qui  n'a  pu  arriver  dans  l'appareil 
rénal  qu'après  avoir  été  absorbé  dans 
l'intestin. 

En  faisant  des  expériences  endos- 
raotiques  avec  le  sérum  du  sang  et 
d'autres  eaux  minérales  purgatives 
(  telles  que  l'eau  de  Piillna  ) ,  ou  bien 
encore  des  dissolutions  de  sulfate  de 


soude,  de  sulfate  de  magnésie,  de  sel 
commun,  de  nitrate  de  potasse,  de 
phosphate  de  soude,  etc.,  à  des  de- 
grés voulus  de  concentration,  M.  Poi- 
seuille  a  obtenu  des  résultats  sem- 
blables à  ceux  fournis  par  les  expé- 
riences décrites  ci  -  dessus.  A  un 
certain  degré  de  concentration,  ces 
dissolutions  salines  déterminaient  tou- 
jours l'étabUssement  d'un  courant  en- 
dosmotique  alimenté  par  le  sérum,  et 
à  un  certain  degré  de  dilution,  au 
contraire,  elles  étaient  attirées  par  le 
sérum  et  formaient  un  courant  dirigé 
vers  ce  dernier  liquide  ;  enfin,  dans 
toutes  ces  expériences,  il  y  avait  en 
même  temps  passage  en  sens  inverse, 
soit  d'une  certaine  quantité  d'albu- 
mine dans  la  dissolution  saline,  soit 
d'une  portion  de  sel  dans  le  sérum  (a). 
Ces  expériences  donnent  la  théorie 
d'une  partie  du  mode  d'action  de  ces 
médicaments  purgatifs  ;  mais  les  effets 
que  ces  substances  produisent  ne  con- 
sistent pas  seulement  dans  ces  cou- 
rants osmotiques  ,  et  les  phénomènes 
provoqués  par  leur  présence  dans  les 
voies  digestives  sont  en  général  beau- 
coup plus  complexes,  comme  nous  le 
verrons  ailleurs.  Je  dois  ajouter  que 
M.  TJebig  était  arrivé  précédemment 
à  des  résultats  analogues,  et  attribuait 
aussi  l'action  des  purgatifs  au  jeu  des 
forces  osmotiques  (6)  ;  mais,  dans  ces 


(a)  Poiseuille,  Recherches  expérimentales  sur  les  médicaments  {Compte»  rendus  de  l'Académie 
des  sciences,  1844,  t.  XIX,  p.  194  et  siiiv.). 

(6)  Liebig,  Untersuchung  der  Mineralquelle  zu  Soden  und  Hemerkungen  ûber  die  Wirkimg 
der  Sahe  aiifden  Orgnnismvs.  Wiesbaden,  1 839. 


186  ABSORPTION. 

Nous  verrons  dans  une  autre  occasion  que  ces  mouvements 
osmotiques  ne  sont  pas  les  seuls  résultats  fournis  par  l'action 
des  purgatifs  sur  la  muqueuse  intestinale,  mais  ce  sont  les 
phénomènes  fondamentaux,  essentiels,  que  cette  action  déter- 
mine ;  et  ce  qui  a  lieu  de  la  sorte  dans  le  tube  intestinal  d'un 
Animal  vivant  se  produirait  d'une  manière  analogue  dans  toutes 
les  autres  parties  de  l'organisme  où  les  mêmes  conditions  phy- 
siques se  trouveront  réunies,  c'est-à-dire  où  un  agent  osmo- 
gène  plus  puissant  que  le  sang  sera  séparé  de  ce  liquide  par 
les  parois  perméables  des  vaisseaux  ou  par  des  tissus  ana- 
logues. 
Absorpiion        Voyons  maintenant  ce  qui  doit  avoir  lieu  dans  le  cas  où  la 

des  matières  '  i  ,         .    ,      ,  .  r    ,    .  / 

salines,  etc.  substaucc  dont  la  sérosité  du  tissu  areolaire  est  chargée  ne 
serait  pas  douée  d'une  force  suffisante  pour  balancer  l'action 
osmogène  du  sang,  soit  à  raison  de  sa  nature  chimique,  soit 
parce  qu'elle  se  trouverait  unie  à  une  trop  grande  proportion 
d'eau. 

dernières  années,  ce  sujet  a  été  étu-  et    Poiseiiille.    Il   a    été   conduit   de 

dié  de  nouveau   par  M.   Aubert,  et  la  sorte  à   penser  que    ce  n'est  pas 

paraît  èlre plus  compliqué  qu'on  n'au-  en  provoquant  un  courant  endosmo- 

rait  été  porté  à  le  supposer.  En  effel,  tique  des  vaisseaux  de  la  muqueuse 

ce  médecin  a  vu  que  des  sels  neutres  inleslinale  dans  l'intérieur  de  ce  tube 

pouvaientdéterminer  des  phénomènes  que    les    médicaments    en    question 

ordinaires  de  purgation  sans  avoir  été  déterminent  la  purgation   {a).    Mais 

ingérés  dans  le  tube  digestif,  mais  étant  le  fait  de  la  diffusion  de  l'albumine 

injectés  directement  dans  les  veines.  du  sérum  dans  les  liquides  contenus 

II  n'a  pas  trouvé  que  la-  quantité  de  dans  l'intestin  me  semble  avoir  été 

l'évacuation   fût  en  rapport    avec  le  mis   hors  de  doute ,   non-seulement 

degré  de  concentration  de  la  disso-  pai'  les  expériences  de  M.  Poiseuille, 

lution    saline    introduite    dans   l'in-  mais   aussi  par   les  recherches   plus 

testin ,  et  il  n'a  pas  reconnu  la  pré-  récentes  de   M.   Knapp  sur  les  phé- 

sence  de  l'albumine  dans  ees  produits,  nomènes  que   la   présence  de  l'eau 

circonstance    qui    est   défavorable   à  détermine    dans   l'intestin   grêle   du 

l'explication  adoptée  par  MM.  Liebig  Lapin  (6). 

(a)  Aubort ,  Experimental-Untersuchungen  ûber  die  Frage  ob  die  Miltelsal%e  auf  endosmo- 
tischem  Wege  abfûhren  {Zeitschrift  fur  rationelle  Medicin,  2'  série,  1852,  t.  II,  p.  225j. 

(b)  Knapp,  De  l'absorption  de  l'albumine  dans  l'intestin  grêle  {Gazette  hebdomadaire  de  méde- 
cine, 1858,  t.  IV,  p.  308). 


THÉORIE  DE  CE  PHÉNOMÈNE.  187 

Prenons  pour  exemple  une  dissolution  étendue  de  cyano- 
ferrure  de  potassium.  Étant  séparée  du  sérum  du  sang  par  une 
membrane  perméable,  l'eau  de  la  dissolution  sera  attirée  par 
ce  dernier  liquide  et  constituera  un  courant  endosmotique  dirigé 
vers  celui-ci.  Mais  l'eau,  en  pénétrant  dans  les  passages  inter- 
stitiels de  la  membrane,  ne  se  séparera  pas  de  toutes  les  molé- 
cules du  cyanure  dont  elle  était  chargée,  et  par  conséquent  le 
courant  endosmotique  ainsi  établi  transportera  une  certaine 
quantité  de  cette  substance  de  l'extérieur  jusque  dans  la  cavité 
où  se  trouve  le  sérum.  Un  mouvement  analogue,  dû  à  la  diffu- 
sion, se  produira  dans  les  conduits  plus  larges  par  lesquels  le 
sérum  transsude  au  dehors,  et  par  conséquent  le  passage  du 
cyanoferrure  de  la  dissolution  dans  le  sérum  sera  déterminé  à 
la  fois  par  le  jeu  des  forces  moléculaires  dont  dépendent  l'en- 
dosmose et  l'exosmose,  et  s'effectuera  d'autant  plus  rapide- 
ment, que  les  circonstances  seront  plus  favorables  à  leur  déve- 
loppement. 

Nous  avons  vu,  dans  une  précédente  Leçon,  que  le  cyano- 
ferrure de  potassium  déposé  dans  les  lacunes  aréolaires  du 
tissu  conjonctif,  ou  introduit  dans  l'une  quelconque  des  grandes 
cavités  du  corps,  ne  tarde  pas  à  être  absorbé  et  à  se  montrer 
dans  le  sang.  Pour  nous  rendre  compte  des  causes  de  ce 
phénomène,  il  nous  suffit  donc  d'invoquer  les  actions  osmo- 
tiques  dont  nous  venons  d'être  témoin,  et  tout  ce  que  je  viens 
de  dire  au  sujet  de  cette  matière  saline  est  applicable  aux 
autres  substances  étrangères  à  l'organisation  qui  sont  miscibles 
au  sérum  ou  solubles  dans  ce  liquide,  et  qui  se  trouvent  en 
contact  avec  une  surface  absorbante,  le  sucre,  par  exemple  (1). 

(1)  Le  mode  d'absorption  du  sucre  montré   en    tout  conforme    aux  lois 

par  la  membrane  muqueuse  du  tube  connues  des  phénomènes  osmotiques. 

alimentaire  a  été  étudié  récemment  Ainsi,  quand  une  dissolution  concen- 

avec  beaucoup  de  soin  par  le  docteur  trée  de  sucre  est  emprisonnée  dans 

F.  von  Becker,  de  Helsingfors,  et  s'est  une  portion  de  l'intestin  d'un  Animal 


li 


ABSORPTION. 


Absorption 
élective. 


Ln  connaissance  que  nous  avons  acquise  de  ces  phénomènes 
physiques,  dont  le  développement  est  indépendant  de  toute 
influence  vitale,  nous  permet  aussi  de  concevoir  comment  dans 
l'organisme  vivant  une  surface  absorbante ,  tout  en  laissant 
pénétrer  dans  l'économie  certaines  matières  étrangères,  pourra 
refuser  le  passage  à  d'autres  substances.  A  raison  du  jeu  des 
attractions  moléculaires  dont  dépendent  les  phénomènes  de 
capillarité,  un  tissu  donné  pourra  s'imbiber  de  tel  liquide  et 
être  imperméable  à  tel  autre,  par  conséquent  être  apte  à 
absorber  le  premier  et  incapable  de  conduire  le  second  de 
l'extérieur  jusque  dans  le  torrent  de  la  circulation.  Ainsi,  on 
a  remarqué  depuis  longtemps  que  certains  poisons  déposés 
à  la  surface  d'une  plaie  saignante  sont  absorbés  avec  rapidité 


vivant  à  l'aide  de  deux  ligalufes  qui 
ne  gênent  pas  la  circulation  du  sang 
dans  les  patois  de  l'organe  ,  on  voit 
que  l'endosmose  provoquée  par  ce 
corps  étranger  détermine  la  transsu- 
dation d'une  certaine  quantité  de  li- 
quide provenant  du  sang,  et  qu'en 
même  temps  une  certaine  quantité  de 
sucre  passe  en  sens  inverse  de  l'in- 
testin dans  le  torrent  de  la  circula- 
tion ;  que  ce  courant  exosmotique  ou 
de  dilïusion  dont  résulte  l'absorption 
du  sucre  est  d'autant  plus  intense, 
que  le  liquide  logé  dans  l'intestin  est 
plus  chargé  de  cette  substance,  et  que 
l'activité  de  l'endosmose  est  en  même 
temps  proportionnelle  à  la  richesse 
de  cette  même  dissolution  sucrée. 
Le  liquide  intestinal  devient  donc  de 
moins  en  moins  chargé  de  sucre,  parce 
qu'il  y  arrive  de  l'eau  fournie  par  le 
sang  et  parce  qu'il  en  sort  du  sucre 
qui  se  répand  dans  les  liquides  adja- 


cents. Arrivée  à  un  certain  degré  de 
dilution,  la  dissolution  de  sucre  cesse 
de  provoquer  un  courant  endosmo- 
tique  aux  dépens  du  sang  ou  des 
autres  liquides  contenus  dans  les  pa- 
rois de  l'intestin,  et  la  diffusion  du 
sucre  dans  ces  derniers  liquides  de- 
vient aussi  très  faible,  mais  ne  s'ar- 
rête pas,  puisque  ceux-ci  sont  encore 
plus  pauvres  en  molécules  de  matière 
sucrée  ;  et  il  arrive  ainsi  un  moment 
où  le  liquide  intestinal,  devenu  infé- 
rieur au  sérum  quant  à  la  force  os- 
mogène ,  est  à  son  tour  déplacé  par 
endosmose  et  porté  en  totalité  ou 
en  partie  dans  le  sang.  M.  von  Becker 
a  constaté  aussi  que  la  diffusion  (ou 
absorption  du  sucre) ,  de  même  que 
l'endosmose,  qui  porte  les  liquides 
de  l'organisme  dans  la  cavité  de 
l'intestin ,  est  d'autant  plus  active 
que  la  dissolution  sucrée  est  plus 
riche  (a). 


(a)  F.  J.  von  Beckci-,  Ueber  das  Verhalten  des  Zuckers  beim  thierinchen  Stoffwechsel  [Zeit- 
schrift  fur  wisseiischaftUche  Zoologie,  1854,  t.  V,  p.  137  et  suiv.). 


THÉORIE    DE    CE    PHÉNOMÈNE.  189 

et  déterminent  ainsi  une  mort  prompte,  mais  peuvent  être 
impunément  introduits  dans  le  canal  digestif,  où  cependant  les 
substances  étrangères  sont  d'ordinaire  absorbées  avec  une 
grande  force.  Le  venin  de  la  Vipère,  et  le  curare,  dont  les 
Indiens  des  bords  de  l'Orénoque  se  servent  pour  empoisonner 
leurs  tlèches,  présentent  cette  singularité  (1),  et  au  premier 
abord  on  pourrait  être  disposé  à  attribuer  l'innocuité  de  la  sub- 


(1)  Les  anciens  savaient  que  le  ve- 
nin des  Serpents  peut  être  mis  en 
contact  avec  nos  lèvres  sans  qu'il  en 
résulte  aucun  accident,  et  Uedi,  dans 
ses  expériences  sur  le  venin  de  la 
Vipère,  a  constaté  l'innocuité  de  cette 
matière  quand  on  l'introduit  dans 
l'estomac  (a).  U  a  vu  aussi  que  la  sub- 
stance toxique  dont  les  Javanais  endui- 
sent la  pointe  de  leurs  flèches,  et  dont 
les  effets  sont  foudroyants  quand  elle 
est  introduite  dans  une  plaie,  n'exerce 
en  général  aucune  action  nuisible  sur 
l'économie  animale,  quand  elle  est 
ingérée  dans  les  voies  digestives  (6). 
Gumilla  ,  la  Condamine  ,  de  Hum- 
boldt  et  plusieurs  autres  voyageurs, 
ont  eu  l'occasion  de  reconnaître  que 
le  poison  dont  les  Indiens  de  l'Amé- 
rique méridionale  se  servent  dans 
leurs  chasses,  c'est-à-dire  le  ourari, 
ivoorara  on  curare  (c),  se  comporte  de 
la  même  manière  {d).  Enfin  MM.  Pe- 
louze  et  Cl.  Bernard  ont  reconnu  que 
l'innocuité  du  curare,  quand  on  l'in- 
troduit dans  l'estomac,  ne  tient  pas  à 
l'altération  de  celte  substance  végé- 


tale par  l'action  des  organes  digestifs, 
mais  dépend  de  ce  qu'elle  n'est  pas  ab- 
sorbée. Or,  cette  non-absorption  est  à 
son  tour  une  conséquence  de  l'inapti- 
tude des  membranes  muqueuses  à  se 
laisser  pénétrer  par  le  curare.  En  effet, 
!\1M.  Bernard  et  Pelouze  ont  constaté 
que  si  l'on  garnit  un  endosmomètre 
avec  un  fragment  frais  de  la  mu- 
queuse gastrique  d'un  Chien  ou  d'un 
Lapin,  et  qu'après  avoir  chargé  l'in- 
strument d'un  sirop  de  sucre,  on  le 
plonge  dans  un  bain  formé  par  une 
dissolution  aqueuse  de  curare,  il  y 
aura  endosmose,  mais  que  de  l'eau 
seulement  traversera  la  membrane, 
et  que  le  curare  n'accompagnera  pas 
le  courant  endosmotique  formé  par 
ce  liquide  («). 

La  membrane  muqueuse  de  la  ves- 
sie, la  conjonctive,  etc.,  sont  égale- 
ment imperméables  au  curare  chez 
les  Mammifères;  mais  chez  les  Oi- 
seaux cette  substance  est  absorbée 
facilement  par  la  muqueuse  du  ja- 
bot if). 

Chez  les  Mammifères  et  les  Oiseaux, 


(a)  Redi,  Observationes  deviperis  [Opusculorum  pars  secunda,  p.  163  et  suiv.). 

(b)  Celte  substance,  que  Redi  appelle  le  poison  des  flèches  de  Bantam,  était  probablement  Vupas 
anliar. 

(c)  Voyez  tome  IV,  page  142. 

(d)  Voyez  Reynoso,  Recherches  sur  le  curare,  1855,  [i.  18  et  suiv. 

(e)  Pelouze  et  Cl.  Bernard,  Recherches  sur  le  curare  {Comptes  rendus  de  l'Acad.  des  sciences, 
1850,  t.  XXXI,  p.  536). 

(/')  Cl.  Bernard,  Cours  de  médecine  :  leçons  sur  les  effets  des  substances  toxiques,  etc.,  1857, 
p.  287. 


190  ABSORPTION. 

stance  toxique  introduite  dans  l'estomac  à  une  puissance  vitale 
dont  cet  organe  serait  doué,  à  une  sorte  de  sensibilité  particu- 
lière qui  le  porterait  à  repousser  ce  qui  est  nuisible,  tandis  qu'il 
laisse  passer  ce  qui  est  utile  à  l'organisme.  Mais  on  a  constaté 
expérimentalement  qu'il  n'en  est  pas  ainsi,  et  que  l'exclusion 
du  curare  est  la  conséquence  des  propriétés  physiques  de  la 
membrane  stomacale,  qui,  sur  le  cadavre  aussi  bien  que  chez 
l'Animal  vivant,  est  perméable  à  l'eau,  aux  dissolutions  salines, 
au  sucre  et  à  une  multitude  d'autres  substances,  tout  en  étant 
imperméable  pour  la  matière  particulière  dont  il  est  ici  question. 
L'explication  du  phénomène  nous  est  donc  donnée  par  la  théorie 
physique  de  l'absorption. 

11  en  sera  de  même  dans  une  foule  d'autres  circonstances. 
Je  ne  prétends  pas  que  les  forces  osmoliques  soient  les  seules 
qui  puissent  intervenir  dans  l'accomplissement  de  la  fonction 
physiologique  de  l'absorption,  et  je  chercherai  bientôt  à  mettre 
en  lumière  l'influence  d'autres  agents;  mais,  dans  la  plupart 
des  cas,  il  me  parait  évident  que  l'osmose  est  la  cause  prin- 


le  curare  n'est  pas  absorbé  par  la  constaté  beaucoup  de  faits  de  ce 
peau  (o),  mais  chez  les  Grenouilles  il  genre.  Ainsi  il  a  vu  que  la  chair  des 
l'est,  quoique  lentement  (6).  Animaux  morts  du  charbon,  la  ma- 
il est  probable  que  c'est  aussi  de  tière  virulente  de  la  morve,  et  d'autres 
l'inaptitude  de  la  membrane  mu-  poisons  analogues  dont  l'inoculation 
queuse  des  voies  alimentaires  à  se  est  généralement  mortelle,  peuvent 
laisser  traverser  par  les  virus  orga-  être  mêlés  aux  aliments  et  introduits 
niques  que  dépend  l'innocuité  de  cer-  dans  les  voies  digestives  du  Chien,  du 
taines  substances  d'origine  animale,  Porc  et  de  la  Poule,  sans  déterminer 
quand  elles  sont  introduites  dans  l'es-  aucun  trouble  dans  l'organisme  de 
tomac,  bien  que  leur  contact  avec  ces  Animaux.  Chez  le  Mouton  ,  la 
une  plaie  soit  suivi  d'accidents  des  Chèvre  et  le  Cheval,  l'absorption  peut 
plus  graves.  M.  Kenault ,  directeur  au  contraire  en  être  effectuée  par  les 
de  l'École    vétérinaire   à  Alfort  ,   a  parois  de  l'estomac  (c). 

(a)  Virchow  et  Mutiter  (voyez  Reynoso,  Op.  cit.,  p.  22). 

(6)  Cl.  Bernard,  Op.  cit.,  p.  292. 

(c)  Renault,  Études  expérimentales  et  pratiques  sur  les  effets  de  l'ingestion  des  matières  viru- 
lentes dans  les  voies  digestives  de  l'Homme  et  des  Animaux  domestiques  {Recueil  de  médecine 
vétérinaire,  1851,  t.  XXVIII,  p.  873). 


THEORIE    DE    CE    PHENOMENE. 


191 


cipale  du  passage  des  matières  étrangères  de  l'extérieur  dans 
l'intérieur  de  l'appareil  circulatoire,  et  la  légitimité  de  cette 
opinion  deviendra  de  plus  en  plus  manifeste  à  mesure  que 
nous  avancerons  dans  l'étude  des  circonstances  qui  sont  ou 
favorables  ou  défavorables,  soit  à  la  rapidité  de  l'absorption 
physiologique,  soit  à  la  production  d'effets  osmotiques  consi- 
dérables (1). 


(1)  M.  Longet,  tout  en  admettant 
que  beaucoup  de  substances  puissent 
pénétrer  dans  le  corps  vivant  en  vertu 
de  la  force  d'endosmose,  pense  que 
souvent  les  phénomènes  d'absorption 
physiologique  sont  en  contradiction 
avec  ce  qui  s'observe  dans  les  expé- 
riences faites  avec  des  tissus  privés 
de  vie,  et  que  dans  raccomplissement 
de  cet  acte  les  forces  mécaniques, 
physiques  et  chimiques  sont  dominées 
par  la  force  vitale  (a).  J'examinerai 
ailleurs  l'influence  que  la  puissance 
propre  aux  êtres  vivants  semble  sus- 
ceptible d'exercer  sur  la  marche  de 
l'absorption  ;  mais  ,  pour  justifier  l'o- 
pinion que  j'ai  émise  ici,  il  me  paraît 
nécessaire  d'examiner  les  faits  que 
M.  Longet  considère  comme  étant  en 
opposition  avec  la  théorie  physique 
de  cette  fonction,  a  Et  d'abord  l'expé- 
rimentation, dit  ce  physiologiste,  éta- 
blit que,  chez  l'Animal  vivant,  en 
injectant  dans  plusieurs  anses  intes- 
tinales des  dissolutions  de  sucre  de 
densités  variables,  les  dissolutions  très 
concentrées,  et  notablement  plus  den- 
ses que  le  sérum,  disparaissent  tout 
aussi  vile  que  les  plus  étendues.  Elles 
démontrent  aussi  que  des  solutions  de 
nitrate  de  potasse  ou  de  sulfate  de 


soude,  qui,  douées  d'un  pouvoir  en- 
dosmotique  considérable  ,  et  offrant 
plus  de  densité  que  le  sérum  du  sang, 
l'attirent  dans  le  tube  de  l'endosmo- 
mètre,  font  précisément  le  contraire 
quand  on  les  injecte  dans  le  tissu 
cellulaire  sous -cutané  d'un  Animal 
vivant,  c'est-à-dire  qu'après  peu  d'in- 
stants on  ne  retrouve  plus  aucun 
vestige  de  ces  solutions,  qui,  vite  ab- 
sorbées ,  ont  été  entraînées  dans  le 
torrent  circulatoire  (h)  ».  Effective- 
ment, les  choses  peuvent  se  passer  de 
la  sorte  dans  l'économie  animale,  et, 
dans  les  expériences  de  M.  von  Bec- 
ker,  dont  il  a  déjà  été  question  (c), 
nous  en  avons  vu  des  exemples; 
mais  il  suffit  d'analyser  ces  faits 
pour  voir  qu'ils  ne  sont  pas  en  dés- 
accord avec  la  théorie  physique  de 
l'absorption  exposée  ci-dessus.  Quand 
du  sucre,  du  nitrate  de  potasse  ou 
du  sulfate  de  soude  en  dissolution 
.se  trouve  en  présence  du  sérum , 
dont  une  membrane  perméable  le 
sépare  ,  la  puissance  osmogène  du 
sucre  ou  du  sel  peut  déterminer  la 
sortie  d'une  certaine  quantité  de  l'eau 
du  sérum,  et  produire  ainsi  un  phé- 
nomène d'endosmose  dont  la  direc- 
tion   sera    opposée  à   celle   que    les 


(a)  Longet,  Traité  de  physwlogie,  t.  I,  2"^  partie,  p.  291 ,  401  et  suiv. 

(6)  Idem,  iiid.,  p.  402. 

(c)  VonBecker,  Op.  cit.  {Zeitschr.  fur  missenschafll.  Zoologie,  1854,  t.  V,  p.  137  et  suiv.) 


192 


ABSORPTION. 


Examinons  donc  de  plus  près  quelles  sont  ces  circonstances 

et  quel  degré  d'influence  elles  peuvent  avoir. 

circonsiances      §  /!|..  —  Il  cst  évldeut  quc,  toutes  choses  étant  égales  d'ail- 

sur '  racfivL  Icurs,  Ic  couraut  endosmotique  déterminé  par  le  sérum  du 

a  sorpiion.  ^^^^  (jgvra  êtrc  d'autant  plus  puissant,  que  la  force  osmogène 

propre  à  ce  liquide  est  plus  grande  comparativement  à  celle 

de  l'autre  liquide  réagissant ,  c'est-à-dire  la  sérosité  du  tissu 

conjonctif,  ou  le  liquide  en  rapport  avec  la  surface  libre  des 


molécules  de  sucre  devront  suivre 
pour  pénétrer  dans  ce  dernier  liquide  ; 
mais  cela  ne  les  empêchera  pas  d'o- 
béir aux  lois  de  la  difl'usion,  et  de  se 
répandre  par  conséquent  dans  le  sé- 
rum par  voie  d'exosmose.  Or,  le  cou- 
rant exosmolique  ou  de  dillusion  devra 
eue  d'autant  plus  rapide  que  la  dis- 
solution sucrée  ou  saline  sera  plus 
concentrée;  et  il  en  résulte  que  si 
l'absorption  physiologique  était  dé- 
terminée seulement  par  le  jeu  des 
forces  physiques  ou  chimiques  dont 
dépendent  les  phénomènes  osmoli- 
ques,  il  y  aurait,  comme  dans  les 
expériences  citées  par  M.  Longet , 
passage  du  sucre  ou  de  la  matière 
saline  de  l'extérieur  à  l'intérieur  des 
vaisseaux  sanguins ,  c'est-à-dire  ab- 
sorption de  ces  substances;  et  quant 
à  la  sérosité,  dont  la  transsudation 
aurait  été  provoquée  par  la  présence 
de  la  substance  osmogène  dans  l'in- 
testin ou  dans  les  aréoles  du  tissu 
conjonctif  sous-cutané,  elle  devrait  être 
résorbée  à  son  tour  par  endosmose, 
quand  les  molécules  de  sucre  ou  du 
sel,  obéissant  à  la  force  de  diffusion, 
auraient  pénétré  dans  le  sang  en  quan- 
tité suffisante  pour  y  être  en  équilibre 


avec  celles  restées  dans  le  liquide  exté- 
rieur. Je  ne  vois  donc  là  rien  qui  soit 
incompatible  avec  l'explication  phy- 
sique des  phénomènes  physiologiques 
de  l'absorption ,  et  la  dissidence  de 
nos  opinions  me  semble  dépendre  de 
ce  que  mon   savant  confrère  et  ami 
M.   Longet   ne  tient  pas  compte  du 
pouvoir  diffusif  des  matières  en  dis- 
solution. Ce  physiologiste  éminent  se 
fonde  aussi  sur  la  faculté  que  pos- 
sèdent  les   Animaux   d'absorber   les 
matières  grasses,  sujet  sdr  lequel  je 
reviendrai  bientôt  ;  enfin  ,   il  argue 
également  de  l'espèce  de  triage  des 
matières  absorbées  dans  diverses  par- 
ties de  l'organisme,  phénomène  qui 
se  lie  trop  intimement  au  travail  chi- 
mique  des  sécrétions    pour  que  je 
puisse  l'examiner  utilement  ici.  Mais 
je  crois  devoir  rappeler  que  les  forces 
physiques  dont  le  jeu  détermine  les 
mouvements  osmotiques  ne  sont  pas 
sans  influence  sur  la  composition  des 
liquides  qui  traversent  les  membra- 
nes ;  nous  en  avons  eu  des  preuves 
en  étudiant  les  phénomènes  de  fillra- 
tion  élective  et  certains  résultats  four- 
nis par  les  expériences  sur  l'endos- 
mose [a). 


((t)  Voyez  ci-dessus,  piige  88. 


CIKCONSTANCES    QUI    INFLUENT    SUK    CETTE    FONUTlUxN.  195 

membranes  tégumentaires,  soit  externes,  soit  internes,  de  l'or- 
ganisme. 

Nous  savons,  par  les  expérienees  de  jM.  Graham,  que  le  pou-     inuuence 

.      ,  .,  de  la 

voir  endosmotique  du  sérum  n'est  pas  très  considérable  ;  qu'il  nature  chimique 

,  .  des  malières 

est  de  beaucoup  intérieur  à  celui  d  une  dissolution  saline  con-  à  absorber. 
tenant  seulement  un  centième  de  phosphate  ou  de  carbonate 
de  soude:  mais  que,  d'autre  part,  il  est  beaucoup  plus  grand 
(jue  celui  de  plusieurs  autres  dissolutions  salines,  et  qu'il  est 
même  très  grand  comparativement  à  celui  des  acides  dilués  (1). 
Par  conséquent  ,  l'action  osmogène  du  sérum  doit  suftire 
pour  déterminer  l'absorption  ,  non-seulement  de  l'eau,  mais 
aussi  de  diverses  dissolutions,  et  en  s'exerçant  sur  un  acide 
dilué,  elle  doit  l'aire  naître  des  courants  endosmoliques  très 
[)uissants,  ou,  en  d'autres  mots,  déterminer  l'entrée  rapide  de 
ces  substances  dans  le  torrent  de  la  circulation.  Nous  avons  vu 
aussi  que  la  présence  dïine  petite  quantité  d'acide,  surtout 
d'acide  chlorhydrique  ou  d'un  acide  organique,  diminue  beau- 
coup le  pouvoir  osmotique  d'une  substance  (2),  et  par  conséquent 
nous  devons  prévoir  que  le  mouvement  endosmotique  déter- 
miné par  le  sérum  produira  des  effets  beaucoup  plus  considé- 
rables sur  un  liquide  légèrement  acidulé  que  sur  un  liquide 
neutre  ou  basique.  Si  dans  l'estomac  d'un  Animal  on  introdui- 
sait une  dissolution  aqueuse  d'acide  oxalique  ou  d'acide  citrique 
au  titre  d'un  centième,  et  si  les  vaisseaux  sanguins  de  ce  vis- 
cère ne  contenaient  que  de  l'eau  pure,  il  y  aurait  une  absorption 
rapide  du  liquide  acidulé  qui  serait  transporté  en  grande  partie 

(1)   Dans  une  série  d'expériences  attribue    ia    faible   action    cndosmo- 

comparatives  ,  l'élévation  de  la  co-  tique  du  sérum  à  la  présence  du  clilo- 

lonne  endosmométrique  n'a  pas  dé-  rure  de  sodium,  qui  fort  souvent  dimi- 

passé  39  millimètres  avec  le  sérum  nue  la  puissance  osmogène  des  sels 

de  Bœuf,  et  a  atteint   environ    200  basiques,   tels  que   le   phosphate  de 

avec  une  dissolution  de  phosphate  de  soude  (a). 

soude    à    1   pour  100.   M.    Graham  {'i)  Voyez  ci-dessus,  page  IZiS. 

(a)  Graham,  On  OsmoHc  Fuvce  (Pliilos.  Traus.,  1S54,  p.  209). 

V.  1 3 


194  ABSORPTION. 

de  la  caviié  gastrique  dans  l'intérieur  des  veines;  à  plus  forte 
raison,  quand  ces  derniers  vaisseaux  sont  occupés  par  du  sang, 
le  niêuie  phénomène  devra-t-il  se  produire.  L'acide  chlor- 
bydrique  détermine  aussi  avec  beaucoup  d'énergie  l'osmose 
négative,  c'est-à-dire  le  passage  du  liquide  à  travers  la  mem- 
brane perméable  vers  l'autre  liquide  réagissant,  et  nous  verrons 
bientôt  que  cette  circonstance  a  une  grande  influence  sur 
l'activité  de  l'absorption  dans  certaines  parties  du  corps  com- 
parées là  d'autres,  et  notamuient  sur  le  rôle  de  l'estomac  dans 
cette  fonction  ;  mais  en  ce  moment  je  ne  cherche  qu'à  étabbr 
les  principes  qui  doivent  nous  guider  dans  l'appréciation  des 
phénomènes  de  ce  genre,  et  par  conséquent  je  ne  m'arrêterai 
pas  sur  les  faits  de  détail. 
inauencc  §  5.  —  La  counaissancc  des  lois  qui  régissent  le  dévelop- 
dulânir"  pement  des  phénomènes  osmotiques  nous  permet  également 
de  prévoir  comment  les  variations  dans  la  composition  du  sang 
doivent  influer  sur  la  rapidité  avec  laquelle  l'absorption  en 
général ,  ou  l'absorption  de  certaines  substances  en  particulier 
sera  effectuée. 

Ainsi  le  pouvoir  osmogène  du  sang  est  dii  en  grande  partie 
aux  matières  albuminoïdes  dont  ce  liquide  est  chargé.  11  en 
résulte  donc  que,  toutes  choses  étant  égales  d'ailleurs,  l'ab- 
sorption déterminée  par  cette  force  sera  d'autant  plus  rapide 
que  le  sang  contiendra  une  moindre  proportion  d'eau.  Cet 
abaissement  dans  la  quantité  relative  d'eau  peut  être  déter- 
miné de  dillerentes  manières.  Ainsi,  il  peut  être  l'effet  d'une 
évaporation  abondante  qui,  en  enlevant  de  l'eau  aux  tissus 
superficiels  de  l'organisme,  rend  ceux-ci  plus  aptes  à  en  sous- 
traire aux  fluides  en  circulation  dans  leur  intérieur.  îl  peut 
être  amené  aussi  par  l'établissement  d'une  excrétion  osmotique 
ou  autre  dans  un  point  déterminé  de  l'économie  ou  par  une 
production  surabondante  de  fibrine,  ainsi  qu'on  en  voit  dans 
les  états  inflammatoires,  et  par  conséquent,  dans  tous  ces  cas. 


CIRCONSTANCES    QUI    INFLUENT    SUR    CETTE    FONCTION.  195 

nous  devons  nous  attendre  à  trouver  que  l'activité  fonction- 
nelle de  l'absorption  augmente.  En  un  temps  donné,  une  même 
surface  fera  donc  pénétrer  dans  l'appareil  circulatoire  un  volume 
d'eau  et  de  matières  étrangères  d'autant  plus  considérable,  que 
ce  liquide  tiendra  en  dissolution  une  plus  grande  proportion  de 
matières  solides. 

La  composition  chimique  du  sang  devra  exercer  une  influence 
analogue  sur  les  produits  de  l'absorption,  quand  celle-ci  est  la 
conséquence  du  pouvoir  diffusif  des  substances  en  dissolution 
dans  le  liquide  en  contact  avec  la  surface  externe  des  vais- 
seaux ou  avec  les  tissus  situés  entre  ces  organes  et  l'extérieur 
du  corps.  Or  la  diffusion,  comme  nous  l'avons  vu,  joue  un 
rôle  important  dans  le  mécanisme  de  cette  fonction  ;  et  moins 
le  sang  contiendra  de  molécules  de  la  nature  de  celles  dont  est 
formé  le  corps  qui  tend  à  y  pénétrer  de  la  sorte,  plus  les 
particules  de  celui-ci  trouveront  de  facilité  pour  y  pénétrer.  Par 
conséquent,  toutes  choses  étant  égales  d'ailleurs,  l'entrée  d'une 
substance  diffusible  dans  l'appareil  circulatoire  sera  d'autant  plus 
facile,  qu'il  y  aura  moins  de  cette  même  substance  préexistante 
dans  le  sang  en  contact  avec  la  surface  opposée  de  la  membrane 
absorbante.  Ainsi,  quand  toutes  les  autres  conditions  du  phé- 
nomène restent  invariables,  les  substances  qui  ne  se  trouvent 
pas  dans  le  sang  doivent  y  arriver  plus  vite  que  celles  dont  ce 
liquide  est  déjà  chargé,  et  doivent  en  général  y  pénétrer  d'au- 
tant plus  rapidement,  qu'elles  se  trouvent  en  plus  forte  propor- 
tion dans  le  liquide  qui  les  fournit  à  l'organisme  (1). 

§  6.  —  Les  principes  fournis  par  l'étude  des  phénomènes 
osmotiques  nous  permettent  également  de  comprendre  quel 

(1)  Ainsi,  duus  les  expériences  sur  dilé  avec  laquelle  cette  substance  pas- 

l'aijsorplion  du  sucre  dans  le  canal  sait  de   Tintestia  dans   le   san"-  éiail 

digestif  dont  il  a  déjà  été  gueslioa,  proportionnelle   à    la  richesse   de   la 

M.  von  Becker  a  trouvé  que  la  rapi-  dissolution  employée  (a). 

(a)  Von  Becker,  Op.  cit.  {Zeitschrlft  fur  wissenschafil.  Zoologie,  185i,  t.  V,  p.  I5GI. 


Influence 
riu  courant 
circulaloire. 


196  ABSOKPTION. 

genre  d'influence  le  mouvement  circulaloire  du  sang  doit  avoir 
sur  les  actions  moléculaires  dont  dépend  en  grande  partie  le 
travail  de  l'absorption.  Le  renouvellement  continuel  de  la  por- 
tion du  sang  qui  est  en  contact  direct  avec  la  face  interne  de 
la  membrane  absorbante  a  pour  effet  de  maintenir  constant  le 
pouvoir  osmogène  de  ce  fluide,  ainsi  que  son  degré  d'aptitude 
à.recevoir  dans  sa  masse  les  molécules  qui  tendent  à  y  pénétrer 
pour  obéir  à  la  force  diffusive  dont  elles  sont  douées.  Si  le 
sang  était  en  repos,  comme  l'est  le  liquide  osmogène  dans  le 
réservoir  d'un  endosmomètre  ordinaire,  la  couche  en  contact 
direct  avec  la  membrane  absorbante  perdrait  de  son  activité 
comme  agent  endosmotique,  à  mesure  que  le  liquide  extérieur 
y  arriverait,  et  bientôt  ne  continuerait  à  attirer  celui-ci  que 
parce  qu'elle  céderait  aux  couches  de  sang  situées  plus  loin 
une  portion  des  matières  dont  elle  s'était  chargée.  La  rapidité 
du  courant  endosmotique  se  trouverait  donc  subordonnée  à  la 
facilité  avec  laquelle  ce  transport  s'effectuerait  dans  le  sein 
du  fluide  nourricier,  et  tout  ce  que  je  viens  de  dire  relative- 
ment à  l'affaiblissement  progressif  des  effets  de  l'endosmose 
est  également  a[)plicable  à  l'arrivée  des  molécules  du  dehors, 
par  suite  de  leur  répulsion  mutuelle  dans  le  sein  du  liquide 
où  elles  sont  en  dissolution.  Mais  le  mouvement  circulatoire 
détermine  à  chaque  instant  le  renouvellement  de  la  portion 
du  sang  qui  sert  à  la  fois  comme  agent  osmogène  et  comme 
menstrue  pour  les  molécules  en  voie  de  diffusion ,  et  par 
conséquent  ce  mouvement  maintient  toujours  intacte  la  puis- 
sance de  réception ,  ainsi  que  la  puissance  attractive  de  cette 
humein^  tant  que  sa  masse  tout  entière  n'a  pas  été  modifiée 
dans  sa  constitution  chimique  par  les  effets  de  cette  absorption 
locale. 

Si  ces  conclusions  avaient  besoin  de  nouvelles  preuves  pour 
être  admises  parles  physiologistes,  je  citerais  ici  l'intluence  que 
l'agitation  du  bain  extérieur  exerce  sin^  la  valeur  des  produits 


CIRCONSTANCES    Ql'I    INFLUENT    SUR    CETTE    FONCTION.  197 

de  l'endosmose,  lorsqu'on  emploie  le  sérum  du  sang  pour  dé- 
terminer le  déplacement  d'une  dissolution  saline  dans  des  vases 
inertes.  Il  arrive  souvent  dans  ces  expériences,  lorsque  l'ap- 
pareil est  en  repos,  que  le  courant  endosmotique,  après  avoir 
duré  quelque  temps,  s'arrête,  mais  reprend  dès  que  l'on  agite 
le  liquide  osmogène  de  façon  à  disperser  dans  la  masse  tout 
entière  de  celui-ci  la  quantité  de  l'autre  liquide  qui  avait  déjà 
pénétré  dans  les  couches  en  rapport  immédiat  avec  la  membrane 
osmotique,  et  qui  avait  dilué  ces  couches  au  point  de  les  rendre 
inactives  (1). 
Ainsi,  la  rapidité  du  torrent  circulatoire  est  une  circonstance 


(J)  Comme  exemple  de  la  recru- 
descence de  l'endosmose  déterminée 
parle  renouvellement  des  portions  du 
bain  en  contact  avec  la  memijrane  os- 
motique, je  citerai  Texpérience  sui- 
vante, faite  par  M.  Poiseuille.  Ce  phy- 
siologiste a  reconnu  qu'en  plaçant 
dans  son  endosmomètre  une  dissolu- 
lion  de  phosphate  de  soude  au  titre 
de  1  pour  100  et  en  plongeant  l'in- 
strument dans  un  bain  de  sérum,  il 
y  avait  osmose  de  la  dissolution  saline 
vers  ce  dernier  liquide,  et  par  consé- 
quent abaissement  du  niveau  de  la 
colonne  fluide  intérieure  ;  tandis  qu'a- 
vec une  dissolution  au  titre  de  li  pour 
100,  l'endosmose  s'établissait  en  sens 
inverse,  c'est-à-dire  au  profit  de  la  dis- 
solution saline,  et  faisait  monter  celle-ci 
dans  l'endosmomètre.  Dans  ce  der- 
nier cas,  il  vit  le  liquide  monter  jus- 
qu'à une  hauteur  de  3/i  millimètres; 
mais,  au  bout  de  quelques  heures, 
l'appareil  étant  dans  un  repos  com- 
plet, la  colonne  commença  à  redes- 
cendre et  ne  se  trouva  bientôt  qu'à 
à  millimètres  au-dessus  du  bain  ex- 
térieur. Alors  il  lui  suffit  d'agiter 
celui-ci  pour  foire  renaître  le  mouve- 


ment ascensionnel  à  raison  d'abord  de 
/i  millimètres  par  heure.  Ces  varia- 
tions ne  .  dépendaient  donc  pas  de 
changements  survenus  dans  la  résis- 
tance hydrostatique  de  la  membrane, 
mais  de  changements  dans  la  direction 
du  courant  osmotique  qui  se  portait 
d'abord  du  sérum  vers  la  dissolution 
concentrée  de  phosphate  de  soude, 
et  qui  se  ralentissait  à  mesure  que  les 
couches  adjacentes  de  cette  dissolu- 
tion s'affaiblissaient  par  suite  de  l'ar- 
rivée du  sérum,  et  qui  changeait  de  di- 
rection quand,  par  suite  des  échanges 
effectués  de  la  sorte  et  du  transport 
d'une  certaine  quantité  de  phosphate 
dans  la  portion  voisine  du  bain  formé 
par  le  sérum,  l'action  osmogénique 
de  ce  dernier  liquide  était  devenue 
apte  à  balancer  celui  de  la  dissolu- 
tion alTaiblie.  Mais  ces  changements 
de  densité  étaient  locaux  ,  et  les 
effets  qui  en  résultaient  ont  cessé 
lorsqu'en  agitant  le  bain,  on  a  dissé- 
miné les  portions  modifiées  de  l'un 
et  de  l'autre  liquide  dans  la  masse 
entière  de  chacun  d'eux,  ce  qui  a  ré- 
tabli les  rapports  de  pouvoir  osmo- 
tique dont  résultait  au  commencement 


198  ABSORPTION. 

qui  favorise  le  jeu  des  forces  osmoliqiies  et  qui  tend  à  activer 
l'absorption,  indépendamment  de  rinfluence  mécanique  que  ce 
mouvement  de  translation  peut  avoir  sur  l'arrivée  plus  ou  moins 
facile  des  courants  endosmotiques  dans  la  colonne  sanguine  et 
sur  le  mode  de  répartition  des  matières  absorbées  dans  les  par- 
ties éloignées  de  l'organisme,  circonstances  sur  lesquelles  nous 
aurons  bientôt  à  revenir. 
iiinuencc         §  7.  ■ —  D'après  ce  que  nous  savons  des  effets  osmotiques, 

Je  la  disposition  -,  •  ,   -•  •  '•' 

de        nous  pouvons  comprendre  aussi  comment  les  propriétés  ana- 
'absOTbantT  touiiqucs  ct   chimiqucs  des  membranes  par  lesquelles  l'ab- 
sorption physiologique  s'effectue  peuvent  exercer  une  grande 
influence  sur  le  degré  de  puissance  avec  lequel  cette  fonction 
s'accomplit. 
"*  Le  raisonnement,  aussi  bien  que  l'expérience,  montre  que 

l'absorption,  de  même  que  l'endosmose,  doit,  toutes  choses 
étant  égales  d'ailleurs,  donner  un  produit  d'autant  plus  grand, 
qu'elle  se  fera  par  l'intermédiaire  d'un  diaphragme  dont  la 
surface  de  contact  avec  les  liquides  réagissants  sera  plus 
étendue  (i). 
tnfluenee  L'uue  dc  ces  surfaces  de  contact  est  constituée  par  la  paroi 
du  degré     (jgg  vaisseaux  dans  lesquels  le  sang  circule,  et  par  consé- 

dc  \ascularite  *■  >■'  '  ' 

dutissu^     quent,  en  cas  de  parité  des  autres  conditions,  l'absorption  sera 


de  l'expéi'ie'nce  l'afïlux  du  sérum  dans 
le  réservoir  occupé  par  le  phosphate 
de  soude  (a). 

M,  Liebig  a  montré  également  que  si 
de  l'eau  est  renfermée  dans  une  anse 
d'intestin  dont  la  surface  extérieure 
baigne  dans  une  dissolution  saline,  le 
passage  du  premier  de   ces  liquides 


dans  le  second  devra  se  faire  plus  ra- 
pidement si  celui-ci  est  en  mouvement 
que  s'il  était  en  repos,  car  cela  est 
une  conséquence  du  rapport  qui  existe 
entre  le  degré  de  richesse  de  la  solu- 
tion osmogène  et  la  grandeur  des 
effets  osmotiques  qu'elle  détermine  ;6). 
(1)  Voyez  ci-dessus,  page  128. 


(a)  Poiseuille,  Recherches  expérimentales  sur  les  médicamenls  {Comptes  rendus  de  V Académie 
des  sciences,  1844,  t.  XIX,  p.  997), 

(6)  Liebig,  Recherches  sur  quelques-unes  des  causes  dxi  mouvement  des  liquides  dans  l'ûrga~ 
nisme  animal  {Ann.  de  chimie  et  de  physique,  3"  série,  1849,  t.  XXV,  p.  41  3). 


CIRCONSTANCES    QUI    INFLUENT    SUR    CETTE    FONCTION.  V^^ 

d'autant  plus  rapide,  que  l'organe  qui  Teffectue  es!  plus  vas- 
culaire. 

L'autre  surface,  c'est-à-dire  la  surface  libre  du  tissu  dans 
l'épaisseur  duquel  sont  creusés  les  vaisseaux  sanguins  dont 
je  viens  de  parler,  est  celle  en  rapport  avec  la  substance  absor- 
bable.  Par  conséquent,  toute  disposition  qui  tend  à  agrandir 
cette  surface  sera  favorable  r.u  développement  de  sa  puissance 
absorbante,  et  nous  devons  nous  altendre  à  voir  la  Nature 
adopter  dans  la  structure  des  organes  des  dispositions  analo- 
miques  conformes  à  ce  principe  (1).  J'ai  déjà  eu  l'occasion  de 
montrer  qu'effectivement  c'est  là  un  des  procédés  mis  en  usage 
pour  perfectionner  l'appareil  respiratoire,  qui  est  un  instrument 
d'absorption,  et,  lorsque  nous  étudierons  d'une  manière  spé- 
ciale le  mode  d'introduction  des  produits  de  la  digestion  dans 
la  profondeur  de  l'économie  animale,  nous  verrons  aussi  que 
les  surfaces  en  contact  avec  ces  matières,  deviennent  d'autant 
plus  étendues,  que  la  fonction  dont  elles  sont  chargées  doit  être 
plus  active. 

Il  est  également  aisé  de  comprendre  que  la  puissance  absor- 
bante d'une  surface  doit  être  en  rapport  avec  le  degré  de  per- 
méabilité du  tissu  qui  la  constitue  et  l'épaisseur  des  couches 
poreuses  que  les  liquides  ont  à  traverser  pour  passer  de  Texte* 
rieur  jusque  dans  les  vaisseaux  sanguins  adjacents. 


Inflnenco 

de  l'élenduc 

de  la  surface 

libre. 


Influoiice 

de  la  densité 

(les  tissus. 


(1)  Les  expériences  de  M.  von  Bec- 
ker,  citées  ci-dessus ,  paraissent  ne 
pas  s'accorder  avec  cette  proposition, 
car  il  a  trouvé  que  la  quantité  de 
sucre  absorbée  était,  dans  certaines 
limites,  à  peu  près  la  même  quand 
celte  substance  était  en  contact  avec 
une  étendue  considérable  de  la  mem- 
brane muqueuse  intestinale  ou  circon- 
scrite dans  un  tronçon  assez  court  du 


tube  digestif  (:/)  ;  mais  il  me  paraît 
probable  que  cela  devait  tenir  à  ce 
que,  dans  tous  les  cas,  la  surface  ab- 
sorbante était  suffisante  pour  fournir 
à  la  masse  du  sang  en  circulalion  la 
quantité  de  molécules  de  sucre  né- 
cessaire pour  établir  l'équilibre  entre 
ce  liquide  et  la  dissolulion  sucrée 
contenue  dans  l'inlestin. 


(a)  Von  Becker,  Op.  cit.  (Zeilschrift.  fur  wisstnschafil.  Zool.,  4  854,  t.  V,  p.  148). 


200  ABSORPTION 

Obstacle  Ainsi  que  je  l'ai  déjà  dit  et  que  je  le  montrerai  plus  en  détail 
par  ivp'idermo.  dans  unc  autre  partie  de  ce  cours,  le  tissu  épithélique  qui  revêt 
extérieurement  la  peau  aussi  bien  que  les  muqueuses,  et  qui 
tapisse  de  la  même  manière  les  vaisseaux  irrigatoires,  ne  renferme 
pas  de  vaisseaux  sanguins  dans  son  épaisseur,  et  n'offre  que  peu 
de  lacunes  confluentes  qui  puissent  remplir  le  rôle  de  canaux 
capillaires  pour  le  passage  des  liquides,  tandis  que  le  derme  et 
les  autres  tissus  sous-jacents  sont  à  la  fois  très  vasculaires  et 
d'une  structure  lacunaire,  car  ils  se  composent  de  fibrilles  ou  de 
lamelles  qui  se  rencontrent  sous  divers  angles  et  laissent  entre 
elles  des  espaces  vides  en  communication  les  unes  avec  les 
autres.  La  présence  dsi  tissu  épitbéliquc  entre  les  matières  qui 
doivent  être  absorbées  et  les  vaisseaux  où  ces  substances  ont  à 
pénétrer,  est  donc  un  obstacle  à  l'absorption  de  celles-ci,  et  cet 
obstacle  doit  être  d'autant  plus  grand,  que  la  coucbe  ainsi  con- 
stituée est  plus  épaisse  et  plus  dense. 

Or,  il  existe  à  cet  égard  des  différences  très  grandes  dans 
les  diverses  parties  qui  sont  aptes  à  recevoir  le  contact  des 
matières  dont  l'absorption  est  voulue,  et  par  conséquent  il  y  a 
là  encore  une  source  d'inégalité  dans  la  puissance  absorbante 
de  ces  surfaces. 

Influence         En  étudiaut ,  dans  la  dernière  Leçon  ,  les  phénomènes  de 

lies  luimeurs  •^^       • ,  '       l    ^  .  l'  ^ 

qniuibrinent  capularite  et  les  mouvements  osmotiques,  nous  avons  vu  (pie 
IbsoiSes.  b\  présence  de  quantités  très  petites  de  certaines  substances  sur 
les  parois  des  cavités  étroites  destinées  à  recevoir  un  liquide 
peut  avoir  nne  influence  très  considérable  sur  les  effets  de 
Taction  attractive  exercée  sur  celui-ci  par  ces  mêmes  parois. 
Nous  pouvons  donc  prévoir  que  si  les  choses  se  passent  dans 
l'organisme  vivant  comme  dans  nos  appareils  osmométriques, 
la  puissance  absorbante  d'une  meuibrane  pourra  varier  suivant 
que  celle-ci  se  trouvera  lubrifiée  par  une  humeur  de  telle  ou 
telle  nature,  et  que  la  uiatière  dont  elle  sera  imbibée  pourra 
être  un  obstacle  à  l'introduction  de  certains  liquides,  tout  en 


PAR    LES    VOIES    RESPIRATOIRES.                                -^^ ^  \ 

favorisant  l'entrée  d'autres  substances  (1).  Ainsi,  une  mem-  \ 

brane  déterminée,  si  elle  vient  à  être  mouillée  par  une  bumeur  •! 

alcaline,  n'agira  pas  toujours  de  la  même  manière  que  si  elle  j 

était  imprégnée  d'un  acide,  et  la  présence  d'une  quantité  plus  i 

ou  moins  considérable  de  graisse  dans  son  tissu  modifiera  aussi  • 

son  mode  d'action  comme  organe  d'absorption.  Par  conséquent,  i 

dans  l'examen  des  phénomènes  dont  l'étude  nous  occupe  ici,  ■ 

il  faut  avoir  égard,  non-seulement  à  la  texture  des  parties,  mais  ; 

aussi  à  la  nature  des  sécrétions  dont  les  surfaces  absorbantes  \ 

peuvent  être  le  siège  (2).  = 

En  tenant  compte  des  circonstances  anatomiques  et  chimiques  comparaison    .  i 

i  ^  lie  la  puissance 

dont  je  viens  de  parler,  on  peut  en  général  juger  assez  exacte-  absoAame  ! 
ment  de  la  puissance  absorbante  d'une  partie  déterminée  de  l'or-  'iwers  organes,  i 
ganisme. 

§  8.  —  Ainsi  chez  l'Homme,  de  même  que  chez  les  Animaux  p^în°S°". 
plus  ou  moins  inférieurs,  l'appareil  respiratoire  est  de  toutes  les 

parties  de  l'économie  celle  qui  réunit  au  plus  haut  degré  les  -^ 

conditions  de  perfection  comme  instrument  absorbant,  et  celle  \ 

aussi  où  l'introdiiction  des  matières  étrangères  jusque  dans  le  ; 

torrent  de  la  circulation  est  le  plus  facile  et  le  plus  rapide.  j 

C'est  pour  cette  raison  que  des  substances  gazeuses  et  des  j 

vapeurs  délétères  qui  ne  peuvent  exercer  leur  influence  nuisible  ; 

qu'à  la  suite  de  leur  absorption  et  de  leur  transport  par  le  i 

torrent  circulatoire  dans  les  profondeurs  de  l'organisme,  déter-  ' 
minent  souvent  avec  une  grande  promptitude  des  accidents 

graves,  et  même  la  mort,  quand  elles  arrivent  en  contact  avec  \ 

la  surface  respiratoire.  I 

J'ai  déjà  eu  l'occasion  de  dire  quelques  mots  des  empoison-  .. 


(1)  Voyez  ci-dessus,  page  IZiS.  des  différences  qui  se  manifestent  sou- 

(2)  Les  variations  qui  se  produisent  vent  dans  le  pouvoir  aJDSorbant  d'une 
dans  les  qualités  des  liquides  sécrétés  même  membrane  ,  quand  les  autre 
par  les  surfaces  absorbantes  me  pa-  conditions  physiques  et  physiologiques 
raissent  être  une  des  principales  causes  semblent  être  restées  identiques. 


202  ABSORPTION 

nements  qui  peuvent  être  produits  de  la  sorte  par  la  pré- 
sence d'une  petite  quantité  de  quelque  gaz  toxique  dans  l'air 
que  nous  respirons  (1)  ;'  mais  pour  mettre  mieux  en  évidence 
la  rapidité  avec  laquelle  des  vapeurs  et  des  gaz  sont  absor- 
bés par  la  surface  des  cellules  pulmonaires,  je  citerai  ici 
quelques  autres  exemples  d'une  mort  foudroyante  due  à  cette 
cause. 

L'acide  cyanhydrique  est  un  poison  violent  qui,  introduit 
dans  le  torrent  de  la  circulation,  exerce  principalement  son 
influence  délétère  sur  le  système  nerveux,  et  qui  détruit  l'irrita- 
bilité des  muscles.  Il  n'agit  donc  qu'après  avoir  été  absorbé,  et 
ses  effets  sont  d'autant  plus  terribles,  que  son  absorption  s'ef- 
fectue plus  rapidement.  Or,  il  suffit  d'approcher  des  narines 
d'un  Chien  ou  d'un  Lapin  un  tlacon  ouvert  où  se  trouvent 
quelques  gouttes  de  cette  substance  à  l'état  de  pureté,  pour  que 
la  vapeur  qu'elle  dégage  tue  l'Animal  en  quelques  secondes  (2). 

(1)  Voyez  tome  I,  page  /i51.  vapeur  avant  que  d'avoir  été  absorbé 

(2)  Dans  une  expérience  dont  je  me  en  quantité  suffisante  pour  déterminer 
souviensd'avoir  été  témoin,  Magendie  des  accidents  graves  (a).  Magendie 
ayant  mouillé  le  bout  d'une  baguette  cite  une  autre  expérience  dans  laquelle 
de  verre  avec  de  Tacide  cyanhydrique  l'Animal  tomba  comme  foudroyé, 
anhydre  étendu  d'un  peu  d'alcool,  et  parce  qu'on  avait  passé  rapidement 
l'ayant  introduit  brusquement  dans  la  sous  ses  narines  un  flacon  débouché 
gueule  d'un  Chien  vigoureux,  vit  l'a-  contenant  de  l'acide  cyanhydrique 
nimal  faire  aussitôt  quelques  grandes  anhydre  (6). 

inspirations,  et  au  bout  de  quelques  II  est  aussi  à  noter  que  le  curare, 

secondes  tomber  mort.  Le  même  poi-  dont  l'absorption  par  la  peau  ou  par 

son,  appliqué  sur  la  conjonctive,  pro-  la  muqueuse  digestive  n'est  pas  assez 

duit  des  effets  semblables,  mais  moins  rapide  pour  donner  lieu  à  des  sym- 

rapidement,  et,  introduit  dans  laça-  plômes  d'empoisonnement,  détermine 

vile  péritonéale  ou  déposé  dans   le  promptement  la  mort  quand  il  arrive 

tissu  conjonctif  sous-cutané,   il   tue  en  contact   avec  la   surface   pulmo- 

plus  lentement.  Enfin,  mis  en  contact  naire  (c). 
avec  la  peau,  il  se  dissipe  souvent  en 

(a)  Magendie,  Recherches  physiologiques  et  cliniques  sur  l'emploi  de  l' acide  prussique  ou  hydra- 
cyanique.  Ia-8,  Paris,  1819,  p.  4. 

(6)  Magendie,  Leçons  sur  les  phénomènes  physiques  de  la  vie,  t.  I,  p.  ^3-2. 

(c)  Cl.  Bernard,  Cours  de  médecine  :  Leçons  sur  les  substances  toxiques,  p.  287. 


PAR    LES    VOIES    RESlMPiATOlRES.  203 

Plus  d'un  accident  funeste  a  été  causé  par  l'absorption  pulmo- 
naire, et  je  ne  saurais  mettre  les  élèves  de  nos  laboratoires  trop 
en  garde  conlj-e  les  dangers  invisibles  qu'ils  affrontent  souvent 
sans  les  connaître,  quand  ils  respirent  un  air  chargé  de  vapeurs 
toxiques.  C'est  de  la  sorte  que  la  science  a  été  privée  d'un  des 
chimistes  les  plus  distingués  de  Munich,  Gehlen  (1).  Ce  savant 
s'occupait  de  l'élude  d'un  gaz  récemment  découvert,  et  composé 
d'hydrogène  uni  à  l'arsenic;  voyant  que  le  dégagement  ne  s'en 
faisait  pas  bien,  et  pensant  que  son  appareil  perdait,  il  flaira  les 
bouchons  pour  reconnaître  les  fuites  à  l'odeur  qui  se  répan- 
drait. La  quantité  d'hydrogène  arséniqué  attiré  de  la  sorte  dans 
ses  poumons  devait  être  bien  faible,  et  cependant  en  moins 
d'une  heure  il  commença  à  en  ressentir  l'atteinte  mortelle,  et, 
après  avoir  langui  quelques  jours  en  proie  à  de  vives  souf- 
frances, il  périt  victime  de  son  imprudence.  Il  ne  faut  pas 
croire  que  les  gaz  délétères  ne  soient  redoutables  que  lorsqu'on 
les  respire  en  proportion  suffisante  pour  en  être  asphyxié  ;  l'hy- 
drogène arséniqué  n'est  pas  le  seul  fluide  aériforme  qui,  absorbé 
par  les  poumons,  même  en  quantité  peu  considérable,  puisse 
être  un  poison  mortel  (2),  et  toutes  les  vapeurs  qui  se  trouvent 

(1)  Ce  savant  s'était  fait  connaître  l'action  de  vapeurs  alcooliques  répau- 
par  des  recherches  sur  l'éther  et  sur  dues  dans  l'air  que  l'on  respire.  Ce 
diverses  questions  de  chimieminérale.  fait  a  été  constaté  expérimentalement 
Il  publia  pendant  plusieurs  années,  à  par  :\I.  Pioliet  (6),  et  s'explique  par 
Berlin,  un  journal  de  chimie  intitulé  l'absorption  pulmonaire ,  car  l'alcool 
d'abord  Neues  allgemeines  Journal  ne  détermine  cet  état  qu'après  avoir 
der  Chemie  (1803  à  1806),  puis  Jour-  été  introduit  dans  le  torrent  de  la  cir- 
nal  fur  der  Chemie  und  Physik  culalion  et  porté  jusqu'au  cerveau. 
(1806  à  1810).  Il  mourut  empoisonné  L'absorption  de  la  vapeur  d'iode 
parl'hydrogènearséniqué,  enl815(o).  par  les  voies  repiratoires  a  été  con- 

(2)  Il   est    d'observation    vulgaire  statée  expérimentalement  par  M.  Pa- 
que   l'ivresse   peut  être   causée   par  nizza  (c). 

(a)  Schweigger,  Zu  Gehlens  beiliegendem  Bildnisse  (Journ,  fur  Chemie  und  Physik,  1815, 
t.  XV.  p.  1,  et  A72nals  of  Philosophy,  181(3,  t.  VUl,  p.  40-1). 

(b)  Pioliet,   De    l'absorption  pulmonaire  {Archives  générales   de  médecine,  1"  série,  4825, 
t.  IX,  p.  611). 

(e)  Paniz2a,  DelVassorbemento  venoso  [Mem.  delVIslil.  Lomb.,  1843,  1. 1,  p,  181). 


204  ABSORPTION 

mêlées  à  l'air  peuvent  arriver  avec  une  grande  rapidité  jusque 
dans  notre  sang,  quand  nous  les  respirons  (1).  C'est  par  suite 
de  cette  absorption  que  beaucoup  de  matières  odorantes  déter- 
minent souvent  dans  notre  organisme  un  trouble  caractérisé 
par  de  la  céphalalgie  ou  d'autres  accidents  nerveux,  et,  dans 
certains  cas,  il  est  facile  de  constater  que  la  matière  volatile 
a  pénétré  dans  la  substance  de  notre  corps,  car,  après  y  avoir 
séjourné  quelque  temps,  elle  est  rejetée  au  dehors  avec  l'urine 
et  donne  à  ce  liquide  une  odeur  particulière  (2).  Du  reste,  cette 


(1)  Ainsi,  on  connaît  plusieurs  cas 
où  la  mort  a  élé  déterminée  par  l'ab- 
sorption du  gaz  nitreux  par  les  voies 
respiratoires  sans  qu'il  y  ait  eu  as- 
phyxie (a). 

('2)  On  sait  que  la  vapeur  odorante  de 
l'essence  de  térébenthine  pénètre  fa- 
cilement dans  l'économie  par  les  voies 
respiratoires,  et  manifeste  sa  présence 
dans  l'urine  par  l'odeur  de  violette 
qu'elle  communique  à  ce  liquide.  C'est 
en  majeure  partie  de  l'absorption  de 
celte  substance  par  les  voies  respira- 
toires que  dépendent  les  accidents 
déterminés  souvent  par  le  séjour  dans 
un  appartement  nouvellement  peint  à 
l'huile  ou  au  vernis  ordinaire. 

Il  faut  attribuer  aussi  à  l'absorption 
des  matières  odorantes  des  fleurs  par 
les  voies  pulmonaires  les  accidents 
plus  ou  moins  graves,  tels  que  cépha- 
lalgie ,  nausées  et  même  syncope , 
que  le  voisinage  de  certaines  plantes 
détermine  chez  quelques  personnes. 
Les  essences  extraites  des  mêmes 
fleurs  produisent  ces  effets  avec  beau- 
coup plus  d'intensité  ,  parce  qu'elles 


dégagent  des  vapeurs  semblables  en 
plus  grande  abondance.  Orfila  a  réuni 
plusieurs  exemples  curieux  d'acci- 
dents de  ce  genre  produits  par  l'o- 
deur des  roses  ou  d'autres  fleurs  (?>), 
et,  d'après  mon  expérience  person- 
nelle ,  je  puis  ajouter  que  parfois 
l'existence  d  une  très  petite  quantité 
d'essence  de  citron  dans  l'air  confiné 
suffit  pour  déterminer  des  symptômes 
nerveux  bien  caractérisé?. 

Depuis  longtemps  j'emploie  avec 
beaucoup  de  succès ,  pour  détruire 
les  larves  rongeuses  dans  les  collec- 
tions entomologiques,  un  procédé  qui 
repose  sur  l'absorption  de  vapeurs 
par  les  organes  respiratoires.  La  ben- 
zine introduite  de  la  sorte  dans  l'éco- 
nomie est  un  poison  pour  les  Mam- 
mifères et  les  Oiseaux,  mais  agit  avec 
bien  plus  de  force  sur  les  Insectes  et 
les  fait  périr  promptement  (c).  D'a- 
près mes  conseils,  M.  Doyère  a  mis 
en  usage  des  moyens  analogues  pour 
détruire  les  Charançons  dans  les  blés 
attaqués  par  ces  Insectes,  et  ses  expé- 
riences montrent  que  la   vapeur  de 


(a)  Voye^  Orfila,  Traité  des  poisons,  t.  I,  p.  152  et  suiv.  (édit.  fie  1827). 
(6)  Orfila,  Traité  des  poisons,  1827,  t.  Il,  p.  467. 

(c)  Milne  Edwards,  Sur  l'emploi  de  la  benzine  pour  la  deslruction  des  Insectes  {Bulletin  de  la 
Société  rentrale  d'agrimlttire,  1852,  t.  VIII,  p.  40(!j. 


l'AK    LES    VOIES    KESlMKAiOlliES.  "JOS 

grande  puissance  absorbante  est  bien  plus  utile  qu'elle  n'est 
nuisible  ;  c'est  elle  qui  rend  nos  poumons  aptes  à  satisfaire  aux 
besoins  de  la  respiration,  travail  dont  l'activité  est  dans  un 
rapi)ort  nécessaire  avec  celui  de  tous  les  autres  instruments 
physiologiques  qui  constituent  notre  organisme,  et,  indépen- 
damment de  ce  service  normal,  c'est  encore  elle  qui  rend 
possible  une  des  plus  grandes  merveilles  de  l'art  médical  : 
la  production  de  l'état  d'anesthésie  à  l'aide  duquel  l'opé- 
rateur préserve  de  toute  souffrance  physique  et  morale  le  ma- 
lade dont  il  entaille  les  chairs.  En  effet,  si  le  chloroforme  ou 
l'éther  introduit  sous  la  forme  de  vapeur  dans  nos  poumons 
nous  plonge  dans  une  sorte  de  sommeil  durant  lequel  la  faculté 
de  sentir  est  suspendue,  c'est  que  la  matière  diffusible  ainsi 
répandue  dans  l'appareil  respiratoire  passe  rapidement  dans 
le  sang  en  circulation,  et  arrive  ainsi  en  contact  avec  certaines 
parties  du  système  nerveux  dont  elle  interrompt  l'action.  L'é- 
lude de  ce  beau  phénomène  serait  prématurée  en  ce  moment; 
mais  nous  aurons  à  y  revenir,  car  nous  y  puiserons  d'utiles 
lumières,  et  même,  en  fùt-il  autrement,  nous  ne  pourrions  passer 
avec  indiiïérence  à  côté  d'une  question  physiologique  qui  touche 
de  si  près  aux  intérêts  de  l'humanité  (1). 

sulfure  de  carbone  remplit  toutes  les  llier  fut  faite  en  I8/16,  à  Boston,  par 

conditions  voulues  pour   assurer   la  M.  M.  Jackson,  professeur  de  chimie, 

conservation  des  céréales  contre  les  et  Morton,   chirurgien -dentiste  (6). 

attaques  des  Insectes  (a).  L'emploi  du  chloroforme  fut  substitué 

(1)   On  sait  que  la  découverte  de  avec  avantage  à  celui  de  l'éther,  en 

la  production  d'un  état  d'anesthésie  18^7,  par  M.   Simpson,   professeur 

par  l'inhalation    de   la    vapeur    d'é-  d'accouchements  à  Edimbourg  (c).  Au 

(a)  Doyère,  Mémoire  sur  l'emploi  des  anesthésiquespour  la  destruction  des  Insectes  qui  dévorent 
les  grains  (Comptes  rendus  de  l'Académie  des  sciences,  1857,  t.  XLIV,  p.  993). 

(6)  Jackson, De  l'inhalalion  de  l'éther  pour  suspendre  la  sensibilité  chez  des  personnes  sou- 
mises à  une  opération  chirurgicale  {Comptes  rendus  de  l'Académie  des  sciences,  18-47,  t.  XXIV, 
p.  74). 

—  Voyez  aussi  Roux,  Rapport  sur  les  prix  de  médecine  et  de  chirurgie  [Comptes  rendus  de 
l'Académie  des  sciences,  1850,  t.  XXX,  p.  241). 

[c)  Simpson,  Historical  Researches  regarding  Ihe  Superinduction  of  Insensibility  to  Pain  in 
Surgical  Opérations,  and  Announcement  of  a  New  Anœsthelic  Agent,  Edinburgh,  1847  {voy. 
Monthlg,  Journ.  of  Med.  science,  1847,  t.  YIII,  p.  451). 


Absorption 
par  lu   peau 

chez 
les  Animaux. 


206  ABSORPTION 

Quant  à  l'absorption  rapide  des  liquides  par  la  surface  pul- 
monaire, j'en  ai  déjà  donné  des  preuves  (i),  et  je  me  bornerai 
à  ajouter  ici  que,  sous  cette  forme,  les  matières  étrangères  arri- 
vent ainsi  plus  rapidement  dans  le  torrent  circulatoire  que  par 
toute  autre  partie  de  l'organisme  (2). 

§  9.  —  La  peau  est  aussi  une  des  voies  par  lesquelles  l'ab- 
sorption peut  s'effectuer  ;  mais  cette  membrane  tégumentaire 
est  spécialement  destinée  à  protéger  les  parties  sous-jacentes 
de  l'organisme,  et,  pour  bien  remplir  cette  fonction,  elle  doit 
offrir  une  épaisseur  et  une  densité  qui  sont  peu  favorables  à  la 


sujet  du  mode  d'action  de  ces  siib- 
slances  sur  le  système  nerveux,  je  ren- 
verrai aux  pujjlicalions  de  MM.  Floii- 
rens,  Longet,  etc.  (a). 

<1)  Voyez  ci-dessus,  page  3. 

(2)  Ainsi,  dans  une  des  expériences 
faites  par  Lebkiichner,  une  dissolution 
de  cyanoferrure  de  potassium  fut  in- 
jectée dans  les  voies  aériennes  d'un 
Chat,  et,  au  bout  de  deux  minutes,  le 
sang  tiré  de  la  carotide  de  Tanimal 
donna,  avec  un  sel  de  fer,  un  préci- 
pité de  bleu  de  Prusse  (6),  Mayer 
avait  obtenu  précédemment  un  résul- 
tat fort  semblable  (c). 

Mageadie  a  constaté  aussi  que  la 
teinture  alcoolique  de  noix  vomique, 
injectée  dans  le  poumon  d'un  Chien, 
est  absorbée  avec  une  grande  rapi- 
dité {d). 


Enfin  M.  Ségalas  a  reconnu  que 
3  centigrammes  d'extrait  de  noix  vo- 
mique, dissous  dans  60  gram.  d'eau, 
produisaient  la  mort  en  deux  minutes 
quand  il  injectait  ce  poison  dans  les 
voies  respiratoires  d'un  Chien  ;  10  cen- 
tigrammes du  même  extrait  ne  pror 
duisaient  aucun  elïet ,  étant  portés 
dans  l'estomac  d'un  autre  Animal  de 
même  espèce,  et  1  gros  (c'est-à-dire 
plus  de  7  grammes  et  demi)  de  ce 
poison,  ayant  été  injectés  dans  la  ves- 
sie, ne  déterminèrent  des  symptômes 
d'empoisonnement  qu'au  bout  de  vingt 
minutes  (e). 

De  l'indigo,  du  safran,  de  la  rhu- 
barbe et  d'autres  matières  colorantes 
injectées  dans  les  poumons  par  Leb- 
kiichner n'ont  pas  été  reconnus  dans 
le  sang  (/'). 


(a)  Flourens,  Notes  touchant  les  effets  de  l'inhalation  éthérée  sur  la  moelle  épinière,  etc. 
(Comptes  rendus  de  l'Académie  des  sciences,  d847,  t.  XXIV,  p.  161,  253,  340). 

■ —  Longet,  Expériences  relatives  aux  eff'ets  de  l'inhalation  de  l'éther  sulfurique  sur  le  sys- 
tème nerveux,  lu-8,  Paris,  1847. 

(6)  Lebkiichner,  Sur  la  perméabilité  des  lisstis  vivants  (Arch.  yen.  de  méd.,  1"  série,  1825, 
t.  VII,  p.  432). 

(c)  Mayer,  Op.  cit.  (Meckel's  Deiitsches  Archiv  fur  die  Physiologie,  1817,  t.  III,  p.  496). 

{d)  Magendie,  Leçons  sur  les  phénomènes  physiques  de  la  vie,  t.  1,  p.  32. 

(e)  Ségiilas,  Note  sur  quelques  points  de  physiologie  {Journal  de  physiologie  de  Magendie,  1824, 
t.  IV,  p.  285). 

if)  Lebkiichner,  Op.  cit.,  p.  434. 


PAR    LA    PEAU.  207 

réalisation  des  échanges  osmotiques.  Sous  ce  rapport,  on  y 
remarque  cependant  de  grandes  différences  chez  les  divers 
Animaux.  Tantôt  elle  est  en  totalité  ou  en  majeure  partie 
revêtue  d'une  couche  épidermique  qui  acquiert  un  haut  degré 
de  développement,  et  qui  se  consolide  par  le  dépôt  de  ma- 
tières calcaires  ou  d'apparence  cornée  dans  son  épaisseur, 
de  façon  à  constituer  une  armure  presque  imperméable,  telle 
que  la  coquille  des  Mollusques  et  le  squelette  extérieur  des 
Crustacés  ou  des  Insectes.  D'autres  fois  cette  membrane  se 
recouvre  de  plaques  osseuses,  d'écaillés  ou  d'appendices  cor- 
nés qui  affectent  la  forme  de  plumes  ou  de  poils,  et  qui  la 
préservent  du  contact  direct  des  corps  étrangers  ;  dans  tous 
les  cas,  les  surfaces  ainsi  revêtues  ne  se  laissent  que  très 
difficilement  traverser  par  les  fluides  adjacents  (1).  Mais, 
chez  d'autres  Animaux ,  dans  certaines  régions  du  corps ,  la 
peau  n'est  garnie  que  d'une  couche  mince  de  tissu  épithélique, 
et  les  zoologistes  disent  qu'elle  est  nue^  bien  que  sa  partie 


(1)   L'existence  d'écailles  ne  rend  blement  augmenté  (a).  Le  même  pliy- 

pas  la   peau  impénétrable   à  l'eau  ;  siologiste  a  constaté  des  phénomènes 

mais  il  est  probable  que  l'absorption  analogues  chez  les  Poissons  (6). 
de  ce  liquide  a  lieu  principalement  M.    Longet  cite    aussi   des   expé- 

par  les  espaces  situés  entre  ces  pla-  riences  dans  lesquelles  il  a  déterminé 

ques  solides.  des   accidents    tétaniques    chez    des 

L'absorption  de  l'eau  par  la  peau  Couleuvres,  des  Orvets  et  des  Lézards 
écailleuse  des  Lézards  a  été  prouvée  en  appliquant  une  dissolution  de 
par  les  expériences  de  W.  Edwards.  chloi'hycU'ate  de  strychnine  sur  la  sur- 
Un  de  ces  Reptiles,  qui  avait  éprouvé  face  écailleuse  de  la  peau  du  ventre 
des  perles  considérables  par  évapora-  de  ces  Animaux  ;  mais  l'absorption 
tion,  fut  assujetti  dans  un  tube  ouvert  du  poison  ne  se  faisait  que  très  lente- 
aux  deux  bouts;  on  plongea  alors  dans  ment,  et  les  symptômes  de  l'intoxi- 
un  bain  la  moitié  postérieure  de  son  cation  ne  se  manifestèrent  qu'au  bout 
corps,  et  au  bout  d'uii  certain  temps  de  quelques  heures  (c). 
on  reconnut  que  son  poids  avait  nota- 


(a)  W.  Edwards,  De  l'inlluence  des  agents  physiques  de  la  vie,  p<  34tj. 

(6)  Idem,  Op.  cit.,  p.  123. 

(c)  Longet,  Traité  de  physiologie,  1859,  l.  I,  p.  295. 


;208  ABSORl^TlON 

fondameiitale  et  vasculaire,  c'est-à-dire  le  derme,  ne  se  trouve 
pas  à  découvert.  Dans  les  parties  disposées  de  la  sorte,  l'ab- 
sorption est  moins  difficile  que  dans  les  parties  mieux  cuiras- 
sées ;  mais,  sous  ce  rapport,  il  y  a  une  distinction  importante 
à  établir,  suivant  que  les  parties  ainsi  constituées  sont  habituel- 
lement en  contact  avec  l'air  atmosphérique  ou  baignées  par 
l'eau.  Chez  les  Animaux  aquatiques  à  peau  nue,  le  tissu  épider- 
mique  ne  se  consolide  que  peu,  se  détache  à  mesure  qu'il 
s'accroît,  et  ne  foruie  que  rarement  autour  du  corps  une 
gaine  épaisse  et  dense,  tandis  que  cliez  les  Animaux  terrestres 
il  se  dessèche  et  se  consohde  davantage,  au  poiut  de  constituer 
une  tunique  externe  résistante  et  fort  peu  perméable.  Dans  le 
premier  cas,  la  surface  tégumentaire  est  généralement  douée 
d'une  puissance  absorbante  assez  grande  :  ainsi  chez  une  Limace 
ou  une  Grenouille,  par  exemple,  la  peau  livre  facilement  passage 
aux  liquides  que  les  forces  osmotiques  tendent  à  faire  pénétrer 
dans  l'intérieur  de  l'organisme  (l).  Mais,  dans  le  second  cas,  il 
en  est  tout  autrement,  et  l'épiderme  oppose  de  1res  grands  ob- 
stacles à  toute  introduction  de  ce  genre  (*2).  Chez  l'Homme,  par 


(1)  Au  sujet  (le  l'absorplion  de  l'eau  expériences,  l'aiigmentalion  de  poids 

par  la  surface  delà  peau  chez  les  Gre-  déterminée  de  la   sorte  fut  égale  à 

nouilles,  je  renverrai  aux  expériences  environ  les  deux  tiers  du  poids  initial 

de  Townson  (a)  et  de  W.  Edwards.  de  rAnimal  (rf).   Burdach   cite  aussi 

Dans  certaines  circonstances,  ces  Ba-  des  expériences  de  Nasse,  dans  les- 

traciens  ont  gagné  ainsi  en  une  heure  quelles  des  Limaces  placées  dans  du 

environ  1/18"  de  leur  poids  (6).  papier  buvard  humide  augmentèrent 

Des  faits  du  même  ordre  ont  été  en  poids  d'environ  un  tiers  dans  l'es- 

constatés  par  Blulï(c).  pace  d'une  demi-heure  (e). 

Spallanzani  a  vu  que  chez  les  Lima-  (2)  Il  est  à  noter  que  le  passage  de 

çons  l'absorption  cutanée  est  remar-  l'eau  à  travers  l'épiderme  est  encore 

quablement  active;  dans  une  de  ses  plus  difficile  de  dedans  en  dehors  que 

(a)  Townson,  Observallones  jjhijsioloyicœ  de  Amphihiis,  1795,  p.  25  et  sniv. 

(6)  W.  Edwards,  Injluence  des  agents  physiques  sur  la  vie,  p.  98  cl  suiv.,  t;ib.  xi,  p.  SOtî,  etc. 

{c)  Bluff,  Dissert,  de  absorptione  cutis  (cité  par  Burdacli,  Traité  de  physiulorjie,  t.  IX,  p.  15). 

(d)  Spallanzani,  Mémoires  sur  la  respiration,  xi.  137. 

(e)  Nasse,  Untersuchtingeinur  Physiolocjie,  t.  I,  p.  482  (d'après  Burdacli,  Traité  de  physiologie, 
t.  IX,  p.  15). 


PAR    L.V    V\ikV.  "209 

exemple,  la  peau,  dans  son  état  normal,  n'absorbe  que  très 
lentement  ;  mais ,  pour  peu  que  sa  tunique  ëpidermique 
vienne  à  être  enlevée,  et  le  derme,  c'est-à-dire  la  portion 
vasculaire  du  système  tégumentaire,  mis  à  nu,  les  fluides 
en  contact  avec  sa  surface  externe  pénètrent  facilement  dans 
sa  substance  caverneuse,  et  passent  avec  rapidité  jusque  dans 
les  courants  sanguins  dont  ses  vaisseaux  sont  le  siège  (1). 


de  dehors  eu  dedans,  et  c'est  pour 
celte  raison  que  la  sérosité  accumulée 
sous  cette  meaibrane  par  TelTct  de  la 
vésicalion  ou  de  la  brûlure  ne  s'en 
échappe  qu'avec  une  lenteur  extrême. 
Cette  diflérencc  entre  les  propriétés 
absorbantes  des  deux  surfaces  de  l'épi- 
derme  a  été  bien  démontrée  par  Ma- 
gendie.  Ce  physiologiste  a  vu  que  si 
l'on  renferme  une  certaine  quaniilé 
d'eau  dans  un  morceau  de  peau  dispo- 
sée en  manière  de  bourse,  le  liquide 
s'échappe  au  dehors ,  et  s'évapore 
assez  rapidement  quand  celui-ci  est  en 
contact  avec  la  surface  externe  de 
l'épiderme  ;  tandis  que  dans  le  cas  où 
la  face  interne  du  derme  était  tournée 
en  dedans,  l'eau,  après  avoir  imbibé 
celte  membrane  ,  s'accumulait  sous 
l'épiderme  et  le  délachait,  mais  ne 
la  traversait  que  fort  difiicilement,  et 
restait  emprisonnée  pendant  plusieurs 
jours  (o). 

(1)  Les  physiologistes,  et  surtout  les 
médecins,  se  sont  beaucoup  occupés 
de  la  question  du  pouvoir  absorbant 
de  la  peau  de  l'Horame  dans  son  état 
normal.  Je  reviendrai  bientôt  sur  ce 
qui  est  relatif  à  l'introduction  des  ma- 
tières étrangères  sous  l'influence  de  la 
pression  (des  frictions,  par  exemple)  ; 


mais,  au  sujet  de  l'absorption  spon- 
tanée des  liquides  par  cette  voie , 
les  opinions  ont  été  fort  partagées. 
Pour  montrer  que  l'enu  peut  arriver 
ainsi  dans  l'intérieur  de  l'organisme, 
on  s'est  appuyé  d'abord  sur  des 
preuves  indirectes  seulement  :  par 
exemple,  l'apaisement  de  la  soif  par 
le  fait  de  l'immersion  du  corps  dans 
un  bain,  fait  que  beaucoup  de  per- 
sonnes ont  pu  remarquer,  et  dont  la 
médecine  a  pu  tirer  parti  (6j;  mais 
quelques  auteurs  pensaient  que  les  ef- 
fets produits  par  l'immersion  du  corps 
dans  l'eau  dépendaient  seulement  de 
la  diminution,  ou  de  l'interruption 
de  lu  déperdition  due  à  la  transpi- 
ration cutanée  et  pulmonaire  (c). 
Cette  opinion  f;it  fortement  appuyée 
par  les  expériences  de  Séguin  (rf).  Ce 
chimiste  pesa  avec  beaucoup  de  soin 
le  corps  de  différentes  personnes  avant 
leur  entrée  dans  un  bain  d'eau  tiède 
et  après  un  séjour  plus  ou  moins  long 
dans  cette  eau.  Or,  dans  aucun  cas,  il 
ne  constata  une  augmentation  de 
poids  ;  toujours  il  y  avait  au  con- 
traire perte  ;  seulement  cette  perte 
était  beaucoup  moins  considérable 
qu'elle  ne  l'aurait  été  pendant  le 
même  espace  de  temps  dans  l'air  :   la 


(«)  Mageiidic,  Leçons  sur  les  phénoiiiùiies  pitijsiques  de  la  vie,  I.  I,  [>.  OU. 
{b)  Cruikshanks,  Anatomi'i  des  vaisseaux  iyinpliatiriaes,  p.  -218. 

(c)  Poulcau,  Œuvres  posthumes,  t.  I,  p.  185  et  suiv. 

(d)  Fourcroy,  La  médecine  éclairée  par  les  sciences  physiques,  1192,  t.  III,  p.  232. 


V. 


1^ 


210 


ABSORPTION 


C'est  pour  cette  raison  que  lorsque  l'épiderme  a  été  enlevé 
sur  quelques  points  même  assez  circonscrits,  il  est  souvent 
fort  dangereux  de  toucher  certains  poisons  qui  d'ordinaire 


différence  était  généralement  dans  la 
proportion  de  13  à  23  (a).  Séguin  cher- 
cha ensuite  si  des  matières  salines, 
telles  que  du  sublimé  corrosif,  dis- 
soutes dans  l'eau  du  bain,  étaient  ab- 
sorbées par  la  peau,  et,  dans  les  cas 
où  l'épiderme  n'était  pas  altéré  ,  il 
n'obtint  le  plus  souvent  que  des  résul- 
tats négatifs,  ou  ne  constata  qu'une 
faible  absorption  de  la  substance  sa- 
line, qui  ne  paraissait  pas  avoir  été  ac- 
compagnée par  de  l'eau.  Enfin,  pour 
rendre  compte  des  résultats  obtenus,  il 
crut  devoir  admettre  que  les  vaisseaux 
absorbants  de  la  peau  ne  fonctionnent 
pas  quand  l'épiderme  est  intact,  et 
que  dans  ces  conditions  c'est  seule- 
ment par  pénétration  dans  les  canaux 
exhalants  de  cette  membrane  qu'une 
petite  quantité  de  matière  étrangère 
en  dissolution  dans  le  bain  peut  en- 
trer dans  l'organisme  (6).  Plusieurs 
autres  physiologistes  ont  nié  aussi  le 
pouvoir  absorbant  de  la  peau  de 
l'Homme  (c).  Mais  VV.  Edwards  a  fait 


voir  que  les  faits  constatés  par  Séguin 
avaient  été  mal  interprétés  ,  et  que 
lors  même  que  le  poids  du  corps  se 
trouve  diminué  à  la  suite  d'un  séjour 
plus  ou  moins  prolongé  dans  l'eau, 
cette  diminution  est  loin  de  représen- 
ter la  totalité  des  pertes  que  l'orga- 
nisme a  dû  éprouver  pendant  le 
même  espace  de  temps,  et  que  la  dif- 
férence correspond  à  la  quantité  d'eau 
absorbée  par  la  surface  cutanée  {d). 
Plus  récemment,  de  nouvelles  recher- 
ches, faites  par  MM.  Dill,  Madden  et 
plusieurs  autres  physiologistes,  sont 
venues  donner  une  démonstration 
complète  de  la  faculté  absorbante  de 
la  peau  (e).  Ainsi,  M.  Berthold,  en 
expérimentant  sur  lui-même  ,  a  con- 
staté ,  dans  certaines  circonstances , 
une  augmentation  du  poids  du  corps 
par  le  fait  de  l'immersion  prolongée 
dans  un  bain  tiède ,  et ,  en  tenant 
compte  des  pertes  que  l'organisme  a  dû 
éprouver  pendant  ce  temps,  11  évalue 
à  1  once  7  gros  30  grains,  c'est-à-dire 


(a)  A.  Séguin,  Premier  Mémoire  sur  les  vaisseaux  absorbants,  sur  Les  vaisseaux  exhalants, 
et  sur  les  maladies  qui  proviennent  ou  d'un  dérangement  quelconque  dans  ces  vaisseaux,  ou  des 
altérations  quelconques  que  peuvent  éprouver  nos  humeurs,  ou  enfin  de  la  relation  de  ces  deux 
causes  {Annales  de  chimie,  1814,  t.  XG,  p.  i  85). 

(6)  Séguin,  Suite  du  Mémoire  sur  les  vaisseaux  absorbants  (Annales  de  chimie,  1814,  t.  XCII, 
p.  35). 

(c)  Currie,  Med.  Reports  on  the  Effects  ofCold  and  Warm  Waler,  1805,  t.  I,  p.  320  et  suiv. 

—  Bérard  cite  comme  ayant  soutenu  cette  opinion  les  auteurs  suivants,  dont  je  n'ai  pas  eu  rocca- 
sion  de  consulter  les  ouvrages  : 

—  B.  C.  Rousseau,  An  Inaugural  Dissertation  on  Absorplion.  Pliiladelphia,  1800. 

—  Chapman,  On  Absorption  [London  Med.  Repository,  t.  IX,  p.  440). 

—  Dangerfield,  An  Inaug.  Dissert,  on  cutaneous  Absorption.  Pliiladelphia,  1805. 

—  Gordon,  Oiitlines  of  Lectures  on  Human  Physiology.  Edinburgh,  1817. 
{d)  W.  Edwards,  Influence  des  agents  physiques  sur  la  vie,  p.  348  et  suiv. 

(e)  Dill,  Observations  on  cutaneous  Absorption  with  Experiments  [Trans.  of  the  medico- 
chirurg.  Soc.  of  Edinburgh,  1826,  t.  II,  p.  350  et  suiv.). 

. —  Madden,  An  Expérimental  Inquiry  into  the  Physiology  of  cutaneous  Absorption  (Medico- 
çhirurg.  Rcview,  nouyelle  série,  1838,  t.  XXIX,  p.  187). 


PAR    LA    PEAU.  211 

peuvent  être  iiiaiiiés  sans  inconvénients,  et  la  médecine  a 
tiré  profit  de  la  connaissance  de  ce  fait  pour  déterminer  par- 
fois l'absorption  de  médicaments  que  l'estomac  se  refuserait  à 


environ  59  grammes,  la  quantité  d'eau 
absorbée  de  la  sorte  en  une  heure  (a). 
M.  Gollard  (de  Martigny)  a  fait  aussi 
beaucoup  d'expériences  pour  démon- 
trer l'existence  de  la  faculté  absor- 
bante dans  la  peau  de  l'Homme.  Celles 
dans  lesquelles  ce  physiologiste,  à  l'i- 
mitation de  quelques-uns  de  ses  pré- 
décesseurs (6),  a  cherché  ù  appré- 
cier la  diminution  déterminée  de  la 
sorte  dans  le  volume  du  bain  où  une 
partie  du  corps  était  plongée,  sont 
peu  satisfaisantes  (c);  mais  dans  d'au- 
tres, ayant  déposé  une  petite  quan- 
tité d'eau,  de  vin  ou  de  bouillon  à 
la  surface  de  la  peau  sous  un  verre 
de  montre  bien  assujetti ,  il  vit  ces 
liquides  disparaître  plus  ou  moins  ra- 
pidement. Il  rapporte  des  faits  ana- 
logues observés  par  Al.  Bon  (ils  et  par 
M.  Margault,  en  opérant  avec  du  lait 
ou  avec  une  décoction  de  ciguë  (i). 
Weslrumb  a  constaté  cette  absorption 
d'une  manière  encore  plus  positive. 
Ainsi,  dans  une  expérience,  il  respi- 
rait l'air  puisé  dans  une  pi^'ce  voisine 
à  l'aide  d'un  tube,  et  il  tint  un  de  ses 
bras  plongé  dans  un  bain  chargé  de 


musc  ;  bientôt  l'odeur  de  cette  sub- 
stance était  reconnaissable  dans  son 
haleine.  Dans  un  autre  cas,  une  par- 
tie du  corps  fut  plongée  dans  un  bain 
chargé,  soit  de  cyanoferrure  de  po- 
tassium, soit  de  rhubarbe,  et  ces  sub- 
stances se  retrouvaient  dans  l'urine, 
dans  la  sérosité  d'un  vésicatoire,  et 
dans  le  sang  obtenu  par  l'application 
d'une  ventouse  scarifiée  (e). 

Des  faits  analogues  ont  été  constatés 
par  M.  Homollc ,  en  expérimentant 
sur  Tiodure  de  potassium  et  d'autres 
substances  minérales  (/")„ 

En  parlant  de  la  respiration  cuta- 
née, j'ai  déjà  eu  l'occasion  de  citer 
divers  faits  qui  prouvent  que  les  gaz 
peuvent  être  absorbés  par  la  surface 
de  la  peau  (g).  J'ajouterai  que  l'em- 
poisonnement par  l'acide  sulfhydrique 
a  été  déterminé  par  le  contact  de  ce 
gaz  avec  la  peau  chez  des  Animaux 
dont  les  voies  respiratoires  étaient  en 
communication  avec  de  l'air  pur  (/i). 

11  est  aussi  à  noter  que,  d'après  les 
expériences  de  Al.  Collard  (de  Marti- 
gny), l'absorption  parla  surface  de  la 
peau  serait  beaucoup  plus  lente  dans 


(a)  Beiihold,  Einlge  Versuche  ûber  die  AufsaugunfjsthdligkeU  (inhaVM'wu)  (1er  Haut.  (Mùller's 
Archiv  lûr  Aiiat.  und  Physiol.,  1838,  p.  -IT/). 

(6)  Simpson,  voy.  Danvin,  Zoonomia,  t.  I,  p.  406. 

(c)  Collard  (de  Marliirny),  Observ.  et  expér.  siir  L'absoi-ptiOJi  cutanée  de  l'eau,  etc.  (Arch.  gén. 
de  méd.,  i"  série,  1826,  t.  Xt,  p.  '3;. 

{d\  Collard  (de  Marligny)  ,  Recherches  expérimentales  et  critiques  pour  servir  à  l'histoire  de 
l'absorption  (Nouvelle  Bibliothèque  médicale,  1827,  l.  III,  p.  7  et  suiv.). 

(e)  Weslrumb,  Uiitersuchungen  iiber  die  Einsaugungskraft  der  Haut  (Meckel's  .\rchiv  fur  Anat. 
und  PInjsiol.,  1827,  p.  469). 

(f)  Hcmoile,  Expér.  sur  l'absorption  par  le  tégument  externe  {Union  médicale,  1853,  t.  VII, 
p.  462). 

(s)  Voyez  tome  II,  page  639. 

<h)  Cliaussier,  Précis  d' expériences  faites  sur  les  Animaux  avec  le  gaz  hydrogène  sulfuré 
{Bibliothèque  médicale,  t.  I,  p.  108). 
.  —  Lebkiichner,  Op.  cit.  {Arch.  gén.  de  méd.,  t.  Vît,  p.  428). 


21  "2  ABSOKPTION 

gard'er  (1).  On  cloune  le  nom  de  méthode  endermique  à  ce  mode 
d'administration  des  substances  absorbables  (2). 


certaines  parlies  du  corps  que  dans 
ù'aulres.  Ainsi  il  vit  m\  même  nom- 
bre de  gouttes  d'eau  disparaître  de  la 
r,orte  en  quatre  heures  sur  la  paume 
de  la  main,  à  l'aine  et  au  front  ;  en 
cinq  heures,  à  la  partie  interne  des 
cuisses  ;  en  huit  ou  neuf  heures,  sur 
la  poitrine,  l'abdomen  ou  la  face  dor- 
sale de  la  main  ;  et  en  onze  heures, 
sur  la  face  externe  de  la  cuisse  (a). 

Dans  ses  expériences  sur  les  Batra- 
ciens, Townson  a  remarqué  aussi  que 
chez  les  Rainettes  l'absorption  est  plus 
rapide  par  la  peau  du  ventre  que  par 
les  autres  parties  de  la  surface  du 
corps  (6). 

"(1)  Ainsi,  Mageudie  s'est  souvent 
exposé  impunément  au  contact  de  la 
salive  des  Chiens  enragés,  parce  que 
les  parties  de  sa  peaa  qui  étaient 
baignées  par  ce  liquide  étaient  revê- 
tues de  leur  épidémie,  tandis  que  ce 
poison  aurait  probablement  déter- 
miné riiydrophobie  s'il  avait  touché 
le  derme  dénudé  (c). 

La  facilité  avec  laquelle  l'absorption 
s'elï'cctue  par  la  surface  d'une  plaie 
récente  est  démontrée  par  la  rapidité 
ellrayanteavec  laquelle  les  symplùmes 
de  Tempoisonnement  se  manifestent 
parfois  à  la  suite  de  la  morsure  des  Ser- 
pents venimeux.  On  sait  que  le  venin  de 
ces  Reptiles  n'est  pas  absorbé  en  quan- 
tité notable  par  l'épiderme,  mais  que, 
déposé  au  fond  d'une  piqûre,  il  peut  dé- 
terminer la  mort  en  quelques  minutes. 


Les  chirurgiens  emploient  souvent 
comme   corrosifs  des  topiques  dont 
l'absorption   peut  donner  lieu  à  des 
accidents  graves ,  la  pâte  arsenicale, 
par  exemple,  et  par  conséquent  ils 
ont  intérêt  à  savoir  si  l'introduction 
des  matières  étrangères  par  cette  voie 
est  moins    facile  à  une  période  des 
plaies   qu'à  une   autre.    Bonnet,   de 
Lyon  ,  a  fait  une  sçrie  d'expériences 
à  ce  sujet  avec  de  la  strychnine,  pen- 
dant vingt-quatre  jours  après  l'éta- 
blissement de   la  solution  de  conti- 
nuité, et  il  n'a  pu  reconnaître  aucune 
(litTérence  dans  le  degré  d'activité  de 
l'absorption  {d)  ;  mais  la  pratique  mé- 
dicale prouve  que  lorsque  la  surface 
du  derme   vient  d'être  enlevée,  l'ab- 
sorption par  la  partie  dénudée  est  beau- 
coup plus  active  qu'elle  ne  l'est  quel- 
ques jours    plus   tard.    Il  est  aussi  à 
noter  que  sur  les  cicatrices  récentes  où 
l'épiderme  est  très  mince  et  le  derme 
très  vasculaire,  l'absorption  est  éga- 
lement plus  facile  que  dans  les  points 
où  la  peau  est  dans  son  état  normal. 
Le  développement  d'ini  certain  degré 
d'inflammation  à  la  surface  du  derme 
peut  accroître  aussi  le  pouvoir  absor- 
bant de  la  partie  ainsi  modifiée.  Ainsi, 
les  applications  de  tartre  stibié  sur  la 
peau   déterminent  le  développement 
de  pblyctènes,  et  occasionnent  quel- 
quefois des  vomissements  sans  que  le 
derme  ait  été  mis  à  nu. 
(2)  Ce  n'est  pis  seulement  dans  les 


(a)  Colliird,  Hcch.  expér.  et  crlt.  pour  servir  à  l'hisloire  de  V absorption  [Noiiv.  LiibL'wlh.  méd., 
18-27,  t.  III.  p.  -14.). 

((i)  Towiisoii,  Observ.  pliysiol.  de  AmphibUs,  \).  'M. 

(e)  Boiinci,  iMém.  sur  la  cautérisation  considérée  surtout  coimm  moyeu  de  guérir  la  phlébite  et 
l'infection  purulente  {Gazette  médicale,  1843,  p.  281). 

j[i!)  Ma^endie,  Leçons  sur  les  phénomènes  physiques  de  la  vie,  t.  I,  p.  34. 


PAR    LA    PEAU.  213 

D'après  ce  que  nous  avons  vu  relativement  à  la  filtration 
élective  et  à  l'influence  des  passages  très  étroits  sur  la  compo- 
sition chimique  des  mélanges  liquides  (i),  nous  pouvons  pré- 
voir que  les  membranes  dont  le  tissu  est  très  dense  pourront  se 
laisser  traverser  par  de  l'eau  plus  facilement  que  par  les  ma- 
tières en  dissolution  dans  ce  liquide,  et  opérer  de  la  sorte  un 
certain  triage  dans  les  matières  dont  elles  s'imbibent.  La  peau 
humaine  parait  remplir  ces  conditions  et  être  apte  à  absorber 
de  l'eau  phitôtque  des  substances  sahnes.  Ainsi,  dans  une  série 
d'expériences  sur  l'aclion  des  bains,  faite  il  y  a  quelques  années 
par  M.  Homolle,  l'infroduclion  d'une  quantité  considérable 
d'eau  dans  l'organisme  par  la  surface  cutanée  a  été  manifesle, 
mais  il  n'a  pas  été  possible  de  constater  l'absorption  du  cyano- 
ferrure  de  potassium,  ni  de  plusieurs  autres  substances  miné- 
rales, par  la  même  voie  (2). 

cas  où  radministralion  de  certains  mé-  riiitermédiaire  du  sang  et  de  la  circula- 

dicaments,  tels  que  l'acétate  de  moi-  lion  générale.  L'altenlion  des  médecins 

phine  ou  le  sulfutc  de  quinine,  par  les  fut  appelée  sur  ce  mode  d'administra- 

voies  digeslives,  présenterait  cWs  in-  tion  des  médicaments  absorliables  par 

convéuitnts,  qu'il  a  été  utile  d'avoir  MM.  A.  Lambert  et  J.  Lesueur  («). 
recours  à  la  méthode   endermique;  (1)  Voyez  ci-dessus,  page  8S. 

on  s'en  est  servi  avec  avantage  aussi  ('2)  M.  Homolle,  qui  ne  connaissait 

dans  quelques  circonstances  où  il  im-  pas  les  faits  constatés  précédemment 

portait  d'agir  d'une  manière  locale  sur  par  .\i.M.  Briicke,  Ludwig  et  plusieurs 

des  parties  situées  à  peu  de  dislance  de  autres   physiologistes,  relativement  à 

la  peau  ;  car  en  appliquant  la  substance  l'imbibition  élective,  a  obtenu  des  ré- 

absorbable  sur  le  derme  dénudé ,  on  sultats  qui    s'accordent  parfaitement 

détermine l'imbibition de  l'agenlthéra-  avec  les  vues  théoriques  fondées  sur 

peutique  parles  tissus  sous-jacents,  et  les  recherches  expérimentales  de  ces 

son  action  s'exerce  de  la  sorte  directe-  auteurs.  Etï'eclivement,  il  est  arrivé  Ji 

ment  sur  ces  tissus  aussi  bien  que  par  cette  conclusion  que,  dans   un  bain 

(fl)  Lambert  et  Lesueur,  Exposé  sommaire  d'une  médication  nouvelle  par  la  voie  de  la  pcd^i 
privée  de  son  épiderme,  ou  par  celle  des  autres  tissus  accidentellement  dénudés  [Arch.  gén.  de 
méd.,  l.'-24,  t.  V,  p.  158). 

—  Lesueur,  De  la  méthode  endermique,  thèse.  Paris,  1825. 

—  Adelon,  Rapport  sur  la  médication  endermique  (Arch.  gén.  de  méd.,  4  820,  t.  XI,  p.  20Sj. 
■ — •  Lambert,  Essai  sur  la  méthode  endermique.  ln-8,  1828. 

—  Piiour,  Métlwde  endermique  en  général,  thèse.  Paris,  1834. 

—  Voyez  aussi  à  ce  sujet  les  thèses  de  MM.  GogalfParis,  1831),  Porte  (1834)  et  Protin  (1835). 


Absorption 

par 

la  conjonclive. 


Mk  ABSORPTION 

Les  membranes  muqueuses  externes,  la  conjonctive  qui 
revêt  antérieurement  le  globe  de  l'œil,  par  exemple,  ont  une 
texture  beaucoup  plus  délicate  que  la  peau,  et  ne  sont  garnies 
que  d'une  couche  très  mince  de  tissu  épithélique;  aussi  sont- 
elles  douées  d'un  pouvoir  absorbant  beaucoup  plus  consi- 
dérable (1). 


l'eau  pure  est  évidemment  absorbée 
par  la  peau,  et  que  dans  un  bain 
chargé  de  substances  minérales  ou  or- 
ganiques, cetteintrodiiclion  d'eau  dans 
l'économie  a  lieu  également ,  mais 
n'est  pas  toujours  accompagnée  d'une 
absorption  des  substances  en  disso- 
lution dans  ce  liquide,  de  façon  qu'il 
se  produit  un  départ  entre  les  ma- 
tières unies  dans  le  bain,  et  que  la 
peau  exerce  une  absorption  élective 
sur  l'un  des  composants  du  mélange, 
à  l'exclusion  de  l'autre. 

M.  Homolleavu  aussi  que,  dans  des 
expériences  endosmoliques  ,  la  peau 
ne  laisse  passer  ni  le  ferrocyanure  de 
potassium  ni  plusieurs  autres  sub- 
stances en  dissolution  dans  l'eau, 
tandis  que  ces  matières  traversaient 
la  membrane  muqueuse  intestinale  (a). 

On  connaît  aussi  des  substances  qui 
sont  absorbées  très  facilement  par  les 
voies  digestives  et  respiratoires,  mais 
ne  paraissent  pas  traverser  la  peau  en 
quantités  appréciables.  Ainsi,  dans  des 
expériences  faites  récemment  sous  la 
direction  de  M.  Funke  par  M.  Braune, 
la  vapeur  d'iode  qui  se  dégageait  d'un 
pédiluve  contenant  une  certaine  quan- 
tité de  teinture  alcoolique  de  cette 
substance  a  suffi  pour  modifier  la  sé- 


crétion salivaire,  par  suite  de  son  ab- 
sorption par  les  poumons  ;  mais  lors- 
qu'on empêcha  ce  dégagement  à 
J'aide  d'une  couche  d'huile  répandue 
sur  le  bain,  aucun  symptôme  ana- 
logue ne  se  manifesta,  et  l'iode  ne 
parut  pénétrer  dans  l'organisme,  ni  à 
la  suite  d'applications  de  ce  genre  sur 
la  peau,  ni  à  l'aide  de  frictions  (6). 

(1)  Ainsi  Magendie,  dans  ses  expé- 
riences sur  l'acide  cyanhydrique  an- 
hydre, trouva  que  quelques  gouttes  de 
ce  poison,  déposées  sur  la  conjonctive, 
produisaient  la  mort  presque  aussi 
promplement  que  si  elles  avaient  été 
introduites  dans  les  voies  respira- 
toires (c). 

Bérard  a  pensé  que,  pour  expliquer 
la  grande  rapidité  avec  laquelle  ce 
poison  agit  sur  le  système  nerveux 
encéphalique  lorsqu'on  l'applique  sur 
l'œil,  il  ne  suffit  pas  de  supposer  que 
la  matière  absorbée  a  été  transportée 
dans  le  torrent  général  de  la  circula- 
lion  et  envoyé  par  le  cœur  dans  toutes 
les  parties  du  système  artériel  ;  mais 
qu'il  faut  admettre  que  le  sang  de  la 
conjonctive,  qui  passe  en  majeure  par- 
tie par  la  veine  ophthalmique  dans  le 
sinus  caverneux,  a  pu  refluer  de  là 
directement  dans  les  veines  capillaires 


(a)  Homollc,  Expériences  s^ir  l'absorption  par  le  tégument  externe  chez  l'Homme  dans  le  bain 
{Vnion  médicale,  1853,  t.  VII,  p.  402  et  suiv.). 

(b)  Bi-aiine,  De  cutis  facultate  jodimiresorbendi  dissert,  Lipsiœ,  1856  {\o\ez  Archiv  fur  pathol. 
Anat.  und  PhysioL,  t.  IX,  p.  295). 

(c)  Mag'endie,  Recherches  physiologiques  et  cliniques  sur  l'emploi  de  l'acide  prussique,  pi  5, 


PAR    LES    VOIES    DIGESTlVES. 


215 


La  muqueuse  de  la  face  interne  des  lèvres  est  plus  dense    Absorption 

T  _  par  îii  tunique 

que  la  conjonctive,  mais  est  pourvue  d'un  réseau  de  vaisseaux  "  muqueuse 
sanguins  plus  riche;  elle  présente  donc  des  conditions  anato-  canaidiirestif. 
miquestrès  favorables  à  l'exercice  de  la  faculté  absorbante  dont 
toutes  ces  membranes  sont  douées.  Il  en  est  à  peu  près  de 
même  des  tuniques  muqueuses  qui  se  trouvent  dans  le  voisi- 
nage des  orifices  externes  des  autres  cavités  de  l'organisme, 
et,  dans  les  parties  profondes  de  celles-ci,  le  tissu  épithélique 
change  généralement  de  caractère  pour  devenir  mou  et  facile 
à  imbiber.  Dans  l'eslomac  et  dans  l'intestin,  par  exemple,  les 
membranes  tégumentaires  offrent  en  général  ce  mode  d'or- 
ganisation, et  par  conséquent  la  faculté  absorbante  s'accroît 
sans  égaler  toutefois  ce  que  nous  avons  vu  dans  l'appareil  res- 
piratoire (1)  ;  mais  ce  sont  là  des  particularités  sur  lesquelles 


du  cerveau  (a).  Ce  reflux  me  semble 
peu  probable;  mais,  du  moment  que 
l'acide  cyanhydrique  serait  arrivé  dans 
le  sang  des  sinus  de  la  dure-mère,  ou 
conçoit  la  possibilité  de  sa  prompte 
dispersion  dans  tous  les  liquides  adja- 
cents, non  par  le  fait  du  transport  du 
sang,  mais  par  diifusion,  et,  comme 
la  distance  à  parcourir  est  très  faible, 
il  serait  fort  possible  que  le  poison 
arrivât  ainsi  au  cerveau  plus  vite  par 
les  veines  ophlbalmiques  et  les  sinus 
de  la  base  du  crâne  que  par  la  circu- 
lation générale,  dont  la  rapidité  est 
du  reste  exlrèmement  grande  chez  les 
petits  Mammifères ,  ainsi  que  nous 
l'avons  déjà  constaté  (6). 

(1)  Nous  verrons,  dans  une  pro- 
chaine Leçon,  qu'il  existe  de  grandes 
variations  dans  le  degré  d'épaisseur 
et  de  densité  delà  couche  épilhéliale 
de  la  membrane  muqueuse  de  l'esto- 


mac chez  divers  Animaux,  et  c'est  à 
raison  du  peu  de  perméabilité  de  cette 
tunique  que  parfois  l'absorption  est 
beaucoup  moins  rapide  dans  cette 
portion  du  canal  alimentaire  que  dans 
l'intestin.  Un  exemple  de  celte  dispo- 
sition nous  est  fourni  par  le  Cheval. 
Ainsi  M.  Bouley  et  CoUn  ont  con- 
staté que  si  l'on  injecte  dans  les 
voies  digeslives  d'un  de  ces  Animaux 
30  grammes  d'extrait  alcoolique  de 
noix  vomique,  ou  3  ou  Zi  grammes  de 
sulfate  de  strychnine  ,  la  mort  arrive 
d'ordinaire  au  bout  d'un  quart  d'heure 
par  suite  de  l'absorption  du  poison  ; 
mais  si  préalablement  on  fait  la  liga- 
ture du  pylore,  de  façon  à  empêcher 
le  liquide  injecté  par  l'œsophage  de 
pénétrer  dans  l'intestin ,  1  empoison- 
nement n'a  pas  lieu,  et  l'on  peut  re- 
trouver la  matière  toxique  dans  l'es- 
tomac au  bout  de  vingt-quatre  heures. 


(a)  BérarJ,  Couru  de  physiologie,  l.  II,  p.  C60. 
{h}  Tome  IV,  page  36'i. 


316  ABSORPTION 

je  ne  m'arrêterai  pas  en  ce  moment,  car  j'aurai  à  y  revenir 
lorsque  je  traiterai  de  la  structure  et  des  fonctions  de  l'appareil 
digestif. 

Absorpiion        §  ^  0.  —  Lcs  grandcs  cavités  du  corps  qui  sont  tapissées  par 
les  membranes  l^s  tuniqucs  sércuscs  sout  disposécs  aussi  d'une  manière  favo- 

somiscs.  ^^^j^j^  ^,^  j^  rapidité  de  l'absorption,  car  ces  membranes  sont  très 
minces,  leur  tissu  est  fort  perméable  et  de  nombreux  vaisseaux 
capillaires  serpentent  près  de  leur  surface  adhérente.  Ces  con- 
ditions sont  remplies  de  la  manière  la  plus  parfaite  par  la 
plèvre  pulmonaire  ;  aussi  l'absorption  est-elle  très  active  dans 
l'intérieur  de  la  cavité  tapissée  par  cette  membrane,  et,  pour  se 
convaincre  de  ce  fait,  il  suffit  des  observations  pathologiques 
relatives  à  la  disparition  des  épanchements  pleurétiques(l). 

Absorption        Eufin,  Ic  tissu  conjonctif  qui  occupe  les  interstices  que  les 

cellulaire,  dlvcrs  orgaucs  de  l'économie  laissent  entre  eux,  et  qui  se  com- 
pose, ainsi  que  nous  l'avons  déjà  vu,  de  fibres  et  de  lamelles 
réunies  comme  dans  un  feutre,  de  façon  à  circonscrire  incom- 
plètement une  multitude  de  petites  lacunes  ou  cellules  con- 
fluentes,  est  aussi  très  apte  à  servir  de  voie  pour  l'introduction 
des  fluides  jusque  dans  le  torrent  de  la  circulation,  car  il  se 
laisse  imbiber  très  facilement  ;  mais  là  où  il  forme  des  masses 
considérables,  il  ne  loge  généralement  que  peu  de  vaisseaux 

L'absorption  du  cyanoferrure  de  po-  les  expériences  de  Magendie  sur  la 

tassiiim  par  les  parois  de  l'estomac  rapidité  comparative  de  l'empoison- 

paraît  être  aussi  à  peu  près  nulle  chez  nement  par  la  noix  vomiqne,  quand 

le  Cheval.   Chez  le  Chien,  le  Chat,  le  cette  substance  est  intiodnite  tantôt 

Porc  et  le  Lapin,  l'absorption  paraît  dans  la  plèvre,  tantôt  dans  la  cavité 

au  contraire  se  faire  à  peu  près  aussi  du  péritoine.   En  opérant  de  la  sorte 

activement  dans  l'estomac  que  dans  sur  des  Lapins,  il  a  vu  que  la  mort 

l'intestin  (a).  arrivait  beaucoup  plus   vite  dans  le 

(1)  Je  citerai  également  à  ce  sujet  premier  cas  que  dans  le  second  (6). 

(a)  H.  Bonley,  Recherches  ««)•  l'influence  que  la  section  des  nerfs  pneumoijastriques  exerce 
sur  l'absorption  stomacale  (Bulletin  de  l'Académie  impériale  de  médecine,  1852,  1.  XVII,  p.  (547, 
774,  etc.). 

—  Colin,  Physiologie  des  Animaux  domestiques ,  t.  II,  p.  29  et  siiiv. 

(a)  Magendie,  Leçons  sur  les  phénomènes  physiques  de  la  vie,  1. 1,  p.  29, 


Pau  les  membranes  sérel'ses.  '^17 

sanguins,  et  par  conséquent,  sous  ce  dernier  rapport,  il  n'est 
pas  favorablement  disposé  pour  l'absorption.  Cependant  l'expé- 
rience prouve  que  cette  fonction  peut  s'y  exercer  d'une  manière 
active. 

D'autres  tissus  n'absorbent,  au  contraire,  que  fort  lentement 
les  liquides  qui  sont  en  contact  avec  leur  surface  ;  les  tendons, 
les  aponévroses  et  les  nerfs  sont  dans  ce  cas,  et  cela  s'explique 
par  le  petit  nombre  de  vaisseaux  sanguins  qu'ils  renferment  et 
par  la  compacité  de  leur  substance  (1). 

§  11 .  —  La  rapidité  avec  laquelle  l'absorption  s'effectue  ne     influence 

de  l'état 

dépend  pas  seulement  des  conditions  anatomiques  que  nous    derépiéiion 

.  .  des  vaisseaux. 

venons  de  passer  en  revue ,  et  parmi  les  autres  circonstances 
qui  influent  sur  la  marche  de  ce  phénomène,  je  citerai  en  pre- 
mier lieu  l'état  de  réplétion  plus  ou  moins  grande  du  système 
vasculaire  en  général,  et  la  vitesse  du  courant  sanguin  dans  les 
vaisseaux  de  la  partie  par  laquelle  l'introduction  de  la  matière 
étrangère  s'effectue. 

Les  expériences  de  Magendie  et  celles  de  mon  frère  William 
Edwards  prouvent  que,  toutes  choses  étant  égales  d'ailleurs, 
l'absorption  est  activée  par  la  diminution  de  la  proportion  des 
liquides  dont  l'organisme  est  chargé,  et  ralentie  par  l'état  de 
plénitude  du  système  vasculaire  (2). 

(1)  AinsiFonlana  aîrouvéqae  levé-  saignéecopieuserabsorptionétaittelle- 
nin  de  la  Vipère  eld'aiilres  poisons  ne  meut  aclivée,  que  dans  quelques-unes 
déterminent  que  peu  ou  même  point  de  ses  expériences  les  symplômes  de 
d'effets  toxiques  lorsqu'on  les  applique  l'enipoisonneinent  par  Tintroduclion 
à  la  surface  dénudée  de  diverses  par-  de  certaines  subslances  vénéneuses, 
ties  du  système  nerveux  (a).  Des  fails  qui  d'ordinaire  ne  se  déclaraient  qu'a- 
analogues  ont  élé  constatés  par  Em-  près  la  deuxième  minute,  se  mani- 
mert,  Macarlney,  Millier  et  d'autres  Testaient  avant  la  irenlième  seconde, 
expérimenlateurs  (6).  Dans  d'autres  expériences,  ce  physio- 

(2)  .Magendie  a   vu  qu'après   une      logiste  détermina  un  état  de  pléthore 

((()  Fonlana,  Traité  sur  le  venin  de  la  Vipère,  t.  I,  p.  273  et  siiiv.  ;  t.  Il,  p.  H  5  et  siiiv. 
(b)  Enimert,  Einige  Uemerkiingen  ûber  die  Wirhunasart  der  Gifle  (Meckel's  Deutsches  Archiv 
filr  die  Phtjsiologie,  1815,  t.  I,  p.  176). 

—  Voyez  Orfila,  Traité  des  poisons,  t.  II,  p.  518. 

—  Millier,  Manuel  de  physiologie,  t.  I,  p.  234. 


218  ABSORPTION. 

Influence  Nous  avoiis  déjà  VU  commeiit  le  degré  de  rapidité  du  cou- 
des capillaires,  rant  circulatoire  influe  sur  les  effets  de  l'absorption  (1),  et, 
d'après  ce  que  je  viens  de  dire  au  sujet  des  conditions  physio- 
logiques qui  favorisent  l'exercice  de  cette  fonction,  il  est  aisé 
de  concevoir  comment  l'action  de  certaines  substances  dites 
corrosives^  sur  une  membrane  vivante,  peut  opposer  de  grands 
obstacles  à  l'introduction  rapide  de  ces  matières  dans  l'éco- 
nomie. En  effet,  si  le  contact  de  la  substance  irritante  pro- 
voque une  exsudation  abondante,  et  surtout  si  ce  contact  déter- 
mine la  stase  du  sang  dans  les  capillaires  adjacents,  ou  même  la 
coagulation  de  ce  liquide  et  des  autres  humeurs  albumineuses 
dans  la  partie  ainsi  altérée,  le  passage,  soit  d'un  courant  endos- 
motique,  soit  d'un  courant  de  diffusion  dans  ce  point,  doit  être 
rendu  presque  impossible,  et,  lors  même  que  l'imbibition  s'effec- 
tuerait, le  transport  au  loin  de  la  matière  imbibée  ne  s'opérerait 
pas  (2) .  Cela  nous  expHque  en  partie  l'utilité  des  caustiques  pour 
empêcher  l'absorption  des  virus  déposés  dans  les  plaies  (3),  et 

en  injectant  de  l'eau  dans  les  veines  désorganisent  instantanément  les  tis- 

d'unChien,  etil  vit  que  les  symptômes  sus  sur  lesquels  on  les  applique  ne 

de  l'empoisonnement  dus  à  l'absorp-  sont  pas  absorbées  ,  même   à   l'état 

tion  de  la  matière  toxique  introduite  liquide  :  par  exemple,  les  acides  sul- 

dans  la  plèvre   se  montraient  beau-  furique  et  azotique  concentrés  (c). 

coup  plus  tard  que  d'ordinaire  (a).  (3)  Il  est  bien  entendu  qu'en  tenant 

Dans  les  expériences  de   William  compte  de  l'utilité  de  Teschare  comme 

Edwards,  la  quantité  d'eau  absorbée  barrière  contre  l'absorption  des  ma- 

en  un  temps  donné   a  été  d'autant  tières  vénéneuses,  il  ne  faut  pas  ou- 

plus  grande,  que  l'Animal  était  plus  blier  que  dans  un  grand  nombre  de 

éloigné  de   son   élat   de  saturation.  cas  le  caustique  agit  aussi  sur  le  poi- 

Ainsi,  l'absorplion  se  ralentissait  à  me-  son  lui-même,  et  le  détruit  ou  le  mo- 

sure  que  l'expérience  se  prolongeait  difie  de  façon  à  le  rendre  innocent, 

davantage  (6),  C'est  à  ce  double  titre  que  la  cautéri- 

(1)  Voyez  ci-dessus,  page  195.  sation,  soit  par  le  fer  rouge,  soit  par 

(2)  M.   Ségalas  a  constaté  expéri-  l'application  du   beurre   d'antimoine 
mentalement  que  les  substances  qui  ou  toute  autre  substance  analogue,  est 

(a)  Magendie,  Mém.  sur  le  mécanisme  de  l'absorption  {Journal  de  physiologie,  -1821,  t.  I,  p,  4). 
(6)  W.  Edwards,  De  l'influence  des  agents  physiques  sur  la  vie,  p.  99. 
(e)  Ségalas,  mtesur  quelques  points  de  physiologie  (Journal  de  physiologie  de  Magendie,  ^824, 
t.  IV,  p.  287). 


INFLUENCE    DE    l'aCTION    NERVEUSE.  219 

le  mode  d'action-  de  cerlains  poisons  qui  produisent  la  mort 
plus  promptement  quand  ils  sont  délayés  dans  une  grande 
quantité  d'eau  que  lorsqu'ils  sont  concentrés,  circonstance  qui 
se  remarque  quand  l'acide  oxalique  est  introduit  dans  l'esto- 
mac (1). 

§  12.  —  Il  me  paraît  évident  que  la  puissance  absorbante 
des  diverses  parties  de  l'économie  animale  est  soumise  aussi  à 
l'influence  d'une  force  physiologique  dont  le  mode  d'action 
n'est  pas  connu,  mais  dont  les  effets  sont  souvent  bien  mani- 
festes :  savoir,  la  force  nerveuse. 

Ainsi,  dans  beaucoup  de  cas,  on  a  remarqué  que  les  matières 
étrangères  en  contact  avec  les  parois  de  l'estomac  arrivaient 
moins  promptement  dans  le  torrent  de  la  circulation  quand  les 
principaux  nerfs  de  ce  viscère  avaient  été  coupés  que  lorsque 
ces  derniers  organes  remplissaient  leurs  fonctions  d'une  ma- 
nière normale  (2).  Il  est  possible  que  ce  retard  soit  dû  seule- 


Influence 
de  l'aolion 
nerveuse. 


si  Utile  dans  les  cas  de  morsure  par 
un  Ciiien  enragé  ou  par  un  Serpent 
venimeux. 

(1)  Celte  parlicularité  remarquable 
dans  les  elTets  toxiques  de  l'acide 
oxalique  a  tHé  parfaitement  établie 
par  les  observations  et  les  expériences 
de  MM.  Christison  et  Coindet.  Admi- 
nistré en  dissolution  très  concentrée, 
cette  substance  détermine  la  mort  en 
corrodant  les  tuniques  de  Testomac, 
et  n'est  absorbée  que  lentement,  tan- 
dis que,  étendue  de  beaucoup  d'eau, 
elle  n'agit  pas  notablement  sur  les 
parois  de  ce  viscère ,  mais,  étant  ab- 
sorbée rapidement,  elle  exerce  sur  le 
système  nerveux  une  influence  toxique 


qui  produit  promptement  la  mort  (a). 

M.  Miahle  a  montré  qu'il  faut  bien 
se  garder  de  négliger  l'action  coagu- 
lante ou  fluidifiante  des  agents  toxi- 
ques sur  les  tissus  ou  les  liquides  de 
l'économie  animale,  quand  on  veut 
se  rendre  compte  des  symptômes  et 
de  la  marche  de  l'empoisonnement 
produit  par  l'absorption  de  ces  ma- 
tières (6). 

(2)  MM.  Christison  et  Coindet,  en 
faisant  des  expériences  sur  les  effets 
toxiques  de  l'acide  oxalique,  ont  re- 
marqué que  les  symptômes  dus  à 
l'absorption  de  ce  poison  par  l'esto- 
mac se  déclaraient  moins  prompte- 
ment quand  les  nerfs  pneumogastri- 


(a)  Christison  et  Coindet,  An  Expérimental  Inqidry  on  Poisoning  by  Oxalic  Acid  {Edinburgh 
Med.  and  surg.  Review,  1823,  t.  XIX,  p.  165),  ou  Mémoire  sur  ïempoisonneinent  par  l'acide 
oxalique  [Arch.  gén.  de  méd.,  1823,  t.  I,  p.  574  et  suiv.). 

(6)  Miallie,  Chimie  appliquée  à  la  physiologie  et  à  la  thérapeutique,  p.  201. 


2^0  ABSORPTION. 

ment  au  trouble  que  la  section  des  nerfs  détermine  dans  la 
circulation  capillaire;  mais,  en  présence  d'un  résultat  pareil, 
l'esprit  se  reporte  nécessairement  aux  phénomènes  dont  nous 
avons  déjà  été  témoins  lorsque  nous  avons  vu  l'influence  que 
le  galvanisme  exerce  sur  les  courants  endosmotiques.  Nous 
avons  vu  alors  ces  courants  devenir  plus  rapides  ou  plus  lents, 
suivant  qu'on  faisait  intervenir  ou  non  l'électricité,  et  nous 
avons  pu  constater  que  cet  agent  rend  parfois  les  membranes 
perméables  à  des  substances  que  d'ordinaire  elles  se  refusent 
à  admettre  dans  leur  intérieur  (1).  H  est  aussi  à  noter  que  l'in- 
fluence d'un  courant  galvanique  paraît  favoriser  la  production 


ques  avait^nt  été  coupés  que  dans  les 
cas  ordinaires  (a).  M.  Longet  a  ob- 
tenu lin  résultat  analogue  en  admi- 
nistrant comparativement,  soit  de  Ta- 
zotatede  strychnine,  soilderémélique, 
à  des  Chiens  dont  les  pneumogastri- 
ques élaient  intacts  chez  les  uns  et 
coupés  chez  les  autres  (b).  M.  Gollard 
(de  Marligny)  a  vu  que  l'empoison- 
nement par  imbibition,  déterminé  par 
Tinlroduction  d'une  certaine  quantité 
de  noix  vomique  dans  la  patte,  chez 
des  Chiens  où  la  circulation  était  in- 
terrompue dans  ce  membre  par  la 
ligature  des  vaisseaux  sanguins,  était 
retardée  par  la  section  des  nerfs  (c). 

Mais  les  effets  dont  je  viens  de  parler 
ne  se  manifestèrent  pas  toujours,  et 
quelques  physiologistes  n'en  ont  ob- 
servé aucune  trace  (rf).  Il  est  presque 


superflud'ajouler  que  Dupuy  etM.Bra- 
chet  se  sont  évidemment  trompés 
quand  ils  ont  cru  constater  que  la  sec- 
tion des  pneumogastriques  empêchait 
l'absorption  de  la  noix  vomique  par 
l'estomac  (e).  Le  fait  de  l'empoisonne- 
ment après  cette  section  a  été  constaté 
bien  des  lois,  non-seulement  par  des 
expériences  faites  avec  cette  sub- 
stance if),  mais  à  la  suite  de  l'admi- 
nistration de  l'opium  et  de  plusieurs 
autres  matières  toxiques.  AI.  Brodie 
a  constaté  aussi  que  la  section  de  tous 
les  nerfs  de  la  patte  chez  le  Lapin 
n'empêche  pas  l'animal  d'être  empoi- 
sonné par  suite  de  l'absorption  du 
woorara  (ou  curare)  déposé  dans  le 
tissu  sous -cutané,  à  l'extrémité  du 
membre  ainsi  paralysé  {g). 
(1)  Voyez  ci-dessus,  page  168. 


(a)  Clirislison  etCoindcl,  Op.  cit.  {Edinb.  med.  andsury.  Journal,  1823,  t.  XIX,  p.  103). 

(b)  Long:et,  Anatomie  et  physiologie  du  système  nerveux,  t.  II,  p.  347. 

(c)  Collard  (île  Martigny),  Rech.  expérim.  et  critiqiies  pour  servir  à  l'histoire  de  l'absorplion 
(Nouv.  Bibliolh.  médicale,  t.  lit,  p.  25  et  26). 

(d)  Millier,  Manuel  de  physiologie,  t.  1,  p.  407. 

—  Paiiizza,  DeWassorbimento  venoso  (Mem.  deW  IstUulo  Lombardo,  1843,  t.  I,  p.  178). 

—  Bouley,  Op.  cit.  (Bulleiin  de  l'Acad.  dcméd.,  1855,  t.  XVII,  p.  047). 
{e)  Brachei,  Hechei'ches  expérimentales  sur  te  système  nerveux,  p.  220. 
(/■)  Longet,  Traité  de  physiologie,  t.  1,2°  partie,  p.  379. 

(g)  Brodie,  Exper.  and  Observ.  on  Ihe  différent  Modes  in  Which  Death  is  prodticed  by  certain 
Yegetable  Poisons  (Ptiilos.  Trans.,  181 1 ,  el  Physiological  Experiments,  p.  05). 


IMFLLÎEiNCE    DE    L'ACTlOrs    INEKVEIJSE.  -i2 1 

des  phénomènes  d'imbibition  chez  les  Animaux  vivants  aussi 
bien  que  dans  les  vases  inertes  (1).  Ces  actions  sont  trop  mal 
connues  pour  que  je  puisse  en  tirer  des  lumières  utiles  à  l'étude 
de  la  question  dont  nous  nous  occupons  en  ce  moment;  mais 
il  y  a  souvent  tant  de  ressemblance  entre  les  effets  produits  - 
par  la  force  nerveuse  et  par  l'électricité,  qu'il  y  aurait  intérêt 
à  examiner  plus  attentivement  qu'on  ne  le  foit  encore  le  rôle 
de  ce  dernier  agent  comme  modificateur  des  phénomènes 
d'absorption  (2). 


(1)  Foderà  a  vu  que  s'il  injectait 
une  dissolution  de  cyanoferrure  de 
potassium  dans  la  vessie  d'un  Chien 
vivant,  et  une  dissolution  de  sulfate 
de  fer  dans  la  cavité  péritonéale  du 
même  animal  ,  les  tissus  intermé- 
diaires s'iml3il)aient  de  ces  liquides  et 
se  coloraient  par  suite  du  précipité  de 
bleu  de  Prusse  résultant  de  la  réaction 
de  ceux-ci;  mais  que  dans  les  circon- 
stances ordinaires  ce  résultat  ne  s'ob- 
tenait qu'au  bout  d'une  demi-heure  ou 
davantage,  tandis  qu'il  se  produisait 
en  quelques  secondes  quand  il  faisait 
passer  un  courant  galvanique  de  l'un 
de  ces  liquides  à  l'autre  (a). 

(2)  Quelques  physiologistes  ont 
pensé  que  la  paralysie  des  parois  des 
vaisseaux  lymphatiques  par  l'action 
de  certains  poisons  narcotico-àcres  et 
autres  était  la  cause  de  la  lenteur  avec 
laquelle  l'absorption  s'effectue  parfois. 
Dans  des  expériences  faites  il  y  a  en- 
viron quarante  ans  par  Emmert,  l'in- 
terruption de  la  circulation  sanguine 


déterminée  dans  le  train  de  derrière 
d'un  Animal  parla  ligature  de  l'aorte 
ventrale  a  paru  empêcher  l'absorp- 
tion des  poisons  végétaux  dans  les 
membres  postérieurs,  et  ne  pas  influer 
de  la  même  manière  sur  le  passage 
de  matières  salines  telles  que  le  cyano- 
ferrure de  potassium  jusque  dans  le 
torrent  de  la  circulation,  dans  les  par- 
ties situées  au-dessus  de  la  ligature  (6). 
La  non-absorption  de  divers  poisons 
qui  agissent  sur  le  système  nerveux 
avait  été  observée  aussi  dans  des  cir- 
constances analogues  par  Schnell  et 
par  Schabell,  ainsi  que  par  M.  Kiirs- 
chner  (c),  et  M.  Henle  a  cru  pouvoir 
expliquer  ce  phénomène  en  attribuant 
à  ces  substances  une  action  paraly- 
sante sur  les  parois  des  lymphatiques 
qui  constituaient  les  seules  voies  de- 
meurées libres  pour  le  passage  des 
matières  étrangères  {cl).  Celte  opinion 
fut  corroborée  par  les  expériences  de 
M.  Behr.  Celui-ci,  après  avoir  prati- 
qué la  ligature  de  l'aorte  abdominale. 


(a)  l"oil3rà,  Rtcherches  expérimentales  sur  l'absorption  et  l'exhalation,  1824,  |i.  2-2. 
(6)  Emmert,  Einige  Bemerkungen  iiber  dis  Wirkumjsart  und  chemische  ZusammensetX:Unij 
der  Clfte  (Meckel's  Deutsihes  Arcliiv  fiir  die  Physiologie,  1815,  t.  I,  p.  176). 

(c)  Sclinell,  Dissert,  inaug.  slstens  historiam  veneni  upas  antiav.  Tubingen,  1815. 

—  Schahel,  De  effectibus  veneni  radicis  Veratri  albi  et  Hellebori  nigri.  Tubingen,  1815. 

—  Km-schiier,  art.  Aufsaugung  (Wajnoi-'s  Handworterbuch  der  Physiologie,  t.  I,  p.  46J. 

(d)  Hcnlo,  Traité  d'anatomie  générale,  t.  Il,  p.  101. 


222 


ABSORPTION. 


Influence         §  13.  —  D'après  06  que  nous  savons  déjà  touchant  la  nature 
%ysiî"ef  '  et  le  jeu  des  forces  dont  dépend  l'osmose,  et  d'après  l'impor- 
des ^fluides    i^j^çg  ^^^  y^\q  q^g  j^qus  voyons  jouer  par  ce  phénomène  dans 
leur  absorption,  j^  jnécanlsmc  dc  l'absorptiou  physiologique,  nous  pouvons  pré- 
voir que  les  premières  conditions  requises  pour  qu'une  sub- 
stance étrangère  arrive  rapidement  de  l'extérieur  de  l'organisme 
dans  le  torrent  de  la  circulation,  sont  que  cette  substance  soit  à 
l'état  fluide,  et  soit  apte,  sous  cette  forme,  à  mouiller  les  tissus 
qu'elle  doit  traverser,  ou  miscible  aux  humeurs  dont  ces  tissus 
sont  imprégnés.  Ainsi  de  l'eau  injectée  dans  la  cavité  du  péri- 


introdiiisit  sous  la  peau  de  la  patle 
postérieure ,  d'un  côté  du  corps  le 
poison ,  et  de  Taiitre  côté  le  cyano- 
feriure;  cette  dernière  substance  se 
montra  bientôt  dans  l'urine ,  et  par 
conséquent  elle  avait  été  absorbée, 
tandis  qu'il  ne  se  manifesta  aucun 
symptôme  d'empoisonnement  ;  d'où 
l'on  pouvait  conclure  que  le  poison 
n'avait  pas  été  absorbé  ou  avait  été 
altéré  dans  les  vaisseaux  lymphati- 
ques. Puis,  dans  une  autre  expérience 
comparative,  la  circulation  étant  in- 
terrompue de  la  même  manière,  les 
deux  substances  furent  déposées  dans 
la  même  plaie,  et  il  n'y  eut  alors  ab- 
sorption appréciable  ni  de  l'une  ni  de 
l'autre  (a)  ;  mais  M.  Bischolf,  ayant  re- 
pris cette  question,  constata  que  si  l'ab- 
sorption est  extrêmement  lente  dans 
ces  conditions,  elle  n'est  pas  complète- 
ment arrêtée,  et,  au  bout  d'un  certain 
temps,  il  a  presque  toujours  vu  les 
symptômes  d'empoisonnement  se  ma- 


nifester aussi  bien  que  le  transport  du 
cyanoferrure  s'etTectuer  jusque  dans 
l'appareil  urinaire  {b).  M.  Dusch  a  fait 
diverses  expériences  dont  les  résultats 
étaient  favorables  à  l'hypothèse  de 
M.  Henle  (c).  Cependant  d'autres  re- 
cherches, dues  à  M.  Bischoff  et  à 
!\1.  Ludwig,  ne  purent  laisser  aucune 
incertitude  sur  la  possibilité  de  l'ab- 
sorption des  poisons  végétaux,  tels  que 
la  strychnine,  dans  des  parties  oii  la 
circulation  était  arrêtée  (ci)  ;  et  il  pa- 
raît résulter  seulement  des  faits  con- 
statés par  M.  Henle  et  les  autres 
physiologistes  cités  ci-dessus,  que  l'in- 
troduction des  matières  étrangères 
dans  les  tissus  vivants,  ou  leur  trans- 
port au  loin  dans  l'économie  est  ra- 
lenti par  l'action  locale  des  substances 
toxiques  en  question;  mais  rien  ne 
me  semble  prouver  que  ce  ralentisse- 
ment soit  dû  à  une  paralysie  des  vais- 
seaux lymphatiques,  et  je  l'attribuerai 
plutôt  à  l'immobilité  du  membre. 


{a)  Behr,  Ueher  das  Ausschliessungsvermogen  der  Lymphgefdsse  bei  Résorption  (Zeitschrift.fûr 
rationelle  Medicin,  1844,  t.  I,  p.  35). 

(6)  Bischoff,  Ueber  die  Résorption  der  narkotischen  Gifte  durch  die  Lymphgefdsse  {Zeitschrift 
fur  rationelle  Medicin,  1846,  t.  IV,  p.  62). 

(c)  Dusch,  Versuche  ûber  das  Verhalten  der  Lymphgefdsse  gegen  die  narkotischen  Gifte 
{Zeitschrift  fur  rationelle  Medicin,  1846,  t.  IV,  p.  368). 

[d]  Bischoff,  Noch  ein  Wort  ûber  die  Aufnahme  der  narkotischen  Gifte  durch  die  Lymphgefdsse 
{Zeitschrift  fur  rationelle  Medicin,  184-6,  t.  V,  p.  293). 

—  Henle,  Anmerkung  %ur  vorstehenden  Abhandlung  {Zeitschrift  fur  rationelle  Medicin,  t.  V, 
p.  306). 


INFLUENCE    DES    PROPRIÉTÉS    PHYSIQUES    DES    LIQUIDES.        22o 

toine  d'un  Animal  vivant  est  promptement  absorbée ,  tandis 
que  de  l'huile,  liquide  qui  ne  contracte  pas  d'adhérence  avec  la 
surface  de  cette  membrane  séreuse,  peut  y  séjourner  fort  long- 
temps sans  diminuer  notablement  de  volume  (1). 

îl  est  aussi  à  noter  que  la  pénétration  des  matières  crasses    Absorption 

'^  '-  _  des  matières 

dans  les  passages  capillaires  des  membranes  animales  peut  être  s^'^^ses. 
beaucoup  aidée  par  la  présence  de  certaines  humeurs  dont  le 
tissu  de  ces  membranes  serait  préalablement  imbibé.  Nous 
avons  déjà  vu  que  l'attraction  adhésive  exercée  par  l'eau  sur 
l'huile  est  considérablement  augmentée  quand  le  premier  de 
ces  liquides  est  chargé  d'une  petite  quantité  de  soude  ou  de 
potasse  (2);  et  par  conséquent  lorsqu'une  substance  perméable, 
au  lieu  d'être  mouillée  par  de  l'eau,  est  imbibée  d'un  liquide 
alcalin,  l'action  capillaire,  au  lieu  d'être  un  obstacle  à  l'entrée 
de  la  matière  grasse,  peut  appeler  celle-ci  dans  les  cavités 
interstitielles  de  ce  corps.  Ainsi  la  force  nécessaire  pour  faire 
filtrer  de  l'huile  à  travers  une  membrane  animale  diminue 
beaucoup  quand  celle-ci  est  imprégnée  de  bile  (3j,  et  j'insiste 
sur  cette  circonstance  parce  que  nous  verrons  bientôt  que 
la  nature  emploie  ce  procédé  pour  faciliter  l'absorption  des  ma- 
tières grasses  dans  l'appareil  digestif. 

Du  reste,  les  matières  qui  ne  sont  susceptibles  d'adhérer 

(1)  M.  Ségalasa  vu  que  de  l'huile  in-  qu'en  très  petite  quantité  par  la  sur- 
jectée  dans  la  cavité  abdominale  d'un  face  péritonéale  ;  ils  ont  trouvé  ce- 
Chien  s'y  retrouve  huit  ou  dix  jours  pendant  des  traces  du  passage  de 
après  sans  avoir  subi  de  diminution  ce  liquide  par  les  vaisseaux  lympha- 
appréciable,  mais  que  la  présence  de  tiques  adjacents  (6). 
ce  liqtiide  détermine  une  inflamma-  (2)  Voyez  ci-dessus,  page  77. 
lion  vive  du  péritoine  (a).  Emmert  (3)  Ce  fait  a  été  constaté  expéri- 
et  Hôring  avaient  fait  précédemment  mentalement  par  M.  Wistingshausen 
des  expériences  analogues,  et  avaient  et  par  M.  Hoffmann,  en  opérant  sur 
vu  aussi  que  l'huile  n'est  absorbée  des  morceaux  de  muqueuse  intesti- 

(a)  Ségalas,  Note  sur  quelques  points  de  physiologie  {Journal  de  physiologie  de  Magendie,  1824, 
t.  IV,  p.  286). 

(b)  Emmert  und  Hôriiig,  Ueber  die  Yeranderungen,  luelche  einige  Stoffe  in  dem  Kôrper  souiohl 
hervorbringen  als  erleiden,  wenn  sie  in  die  Bauchhôhle  lébender  Thiere  gebracht  werden 
(Meckel's  Deutsches  Archiv  fur  die  Physiol.,  1818,  t.  IV,  p.  522). 


92/1.  ABSOlil>T!OA'. 

ni  à  la  substance  des  tissus  organiques,  ni  aux  liquides  dont  ces 
tissus  sont  enduits,  ne  sont  pas  nécessairement  exclues  de  l'éco- 
nomie animale;  elles  n'y  ont  que  difficilement  accès,  mais 
leur  absorption  peut  avoir  lieu  dans  certaines  circonstances,  et 
paraît  pouvoir  être  déterminée  de  deux  manières  :  tantôt  par 
l'action  mécanique  d'un  courant  endosmotique,  quand  ce  cou- 
rant est  rapide,  que  les  matières  solides  ou  non  miscibles  sont 
tenues  en  suspension  dans  le  liquide  par  lequel  ce  courant  est 
constitué,  s'y  trouvent  dans  un  état  de  grande  division,  enfin 
que  les  voies  capillaires  à  parcourir  sont  larges;  d'autres  fois, 


nale  ou  de  vessie  de  divers  Mammi- 
fères ,  et  en  employant  lanlôl  des 
alcalis  purs,  tantôt  de  la  bile  (a).  L'al- 
calinité des  sucs  intestinaux  exerce 
aussi  beaucoup  d'influence  sur  l'ab- 
sorption des  matières  albuminoïdes  (6), 
ainsi  que  nous  le  verrons  quand  nous 
nous  occuperons  de  la  digestion. 

M.  Malleucci  a  fait  aussi  quelques 
expériences  sur  l'influence  que  les 
alcalis  exercent  sur  la  perméabilité 
des  membranes  animales  pour  les 
corps  gras.  Ayant  préparé  une  solu- 
tion de  ls',30  de  potasse  caustique 
dans  300  grammes  d'eau,  il  employa 
une  partie  de  cette  liqueur  à  former 
avec  de  l'huile  d'ol.ve  une  émulsion 
d'aspect  lactescent  qu'il  renferma  dans 
un  morceau  d'intestin;  puis  il  plon- 
gea celui-ci  dans  un  bain  formé  par 
la  même  eau  légèrement  alcalinisée 
de  la  sorte,  et  il  reconnut  bientôt,  par 
le  trouble  produit  dans  ce  dernier 
liquide,  qu'une  portion  de  la  matière 


grasse  s'y  était  répandue.  Dans  une 
autre  expérience,  l'endosmomètre  fut 
chargé  d'eau  légèrement  alcalinisée 
et  plongé  dans  l'émulsion  dont  il  vient 
d'être  question  ;  bientôt  il  y  eut  en- 
dosmose ,  et  l'émulsion  pénétra  dans 
la  solution  alcaline.  Enfin,  dans  une 
troisième  expérience ,  deux  enton- 
noirs fiuent  remplis  avec  du  sable 
également  tassé  :  sur  l'un  on  versa 
de  l'eau,  et  sur  l'autre  une  dissolu- 
tion alcaline  ;  puis ,  lorsque  ces  li- 
quides s'étaient  écoulés ,  on  déposa 
sur  chacun  des  deux  filtres  ainsi 
constitués  une  même  quantité  d'huile, 
et  l'on  vit  que  sur  le  sable  mouillé 
par  la  dissohuion  alcaline  ce  corps 
gras  disparaissait  promptement  par 
suite  de  son  imbibition  ,  tandis  que 
dans  l'autre  entonnoir  il  resta  plu- 
sieurs heures  sans  pénétrer  dans  la 
substance  poreuse  sur  laquelle  il  re- 
posait (c). 


(a)  Wistingsliausen,  Endosmollscke  Versuche  iiber  die  Wii'kung.  der  Galle  bei  der  Absorption 
der  Fetêe.  (Dissert,  iiiaui;.).  Dorpat,  1851. 

'     —  C.-E.   HolTuiami,    Ueber  die  Aufaahme  von  Queciisilber  und  die  h'elle  in  den  Kreislaiif. 
Wiirlzburg,  1854  (CanslaU's  Jahreabei'.,  4855,  p.  80). 

(b)  Fuiilic,  Ueber  das  endosmotische  Verlialten  (Vircliow's  ArcMv  fur  Anal,  und  PhysioL,  1858, 
t.  Xm,  p.  449). 

(c)  Matlcucci,  Leçons  sur  les  phénomènes  physiques  de  la  vie,  p.  105. 


iNFLUENCË    DES    PROPRIÉTÉS    PHYSIQUES    DES    LIQUIDES.        225 

lorsque,  étant  également  sous  la  forme  de  particules  très  me- 
nues, ces  matières  sont  poussées  dans  les  cavités  interstitielles 
des  tissus  absorbants  par  une  pression  extérieure. 

Ainsi,  les  liquides  qui  ne  sont  pas  aptes  à  mouiller  une  mem-  influence 
brane  organique,  c'est-à-dire  à  adhérer  à  sa  substance,  peuvent  de  divuL 
cependant  la  traverser  sous  l'influence  d'une  pression  plus  ou  "^''"Jlf""^^* 
moins  considérable.  Par  exemple,  le  mercure  comprimé  dans  ^""^^  ^°''p^"'"- 
une  pochette  de  peau  de  chamois  traverse  cette  membrane  et 
se  répand  au  dehors  sous  la  forme  de  très  petites  gouttelettes. 
L'huile  filtre  aussi  à  travers  un  morceau  de  vessie,  mais  la 
force  nécessaire  pour  déterminer  ce  mouvement  est  beaucoup 
plus  considérable  que  celle  employée  pour  effectuer  le  passage 
de  l'eau  ou  d'une  dissolution  sahne  (1).  Du  resle,  cela  se  con- 
çoit facilement  ;  car  pour  séparer  de  la  masse  d'un  de  ces 
liquides  les  filets  capillaires  d'une  ténuité  extrême  qui  doivent 
s'engager  dans  les  cavités  interstitielles  du  tissu  et  traverser 
ces  passages,  il  faut  vaincre,  non-seulement  les  frottements 
développés  par  ce  mouvement,  mais  aussi  la  force  de  cohésion 
en  vertu  de  laquelle  ces  liquides  résistent  à  l'attraction  exercée 
par  la  substance  de  ce  tissu  et  ne  le  mouillent  pas.  On  voit  donc 
que  les  obstacles  à  surmonter  diminueraient  beaucoup  si  les 
particules  de  ces  liquides,  au  lieu  d'adhérer  entre  elles,  étaient 
isolées  préalablement  de  façon  à  ne  constituer  que  des  petites 
masses  d'un  volume  approprié  au  diamètre  des  passages  à  tra- 

(1)  Ainsi,  dans  les  expériences  de  cuie  pour  oljlcnir  le  même  effet  avec 
M.  Cinia  sur  la  fiUration  forcée  des  une  dissolution  concentrée  de  sel 
liquides  à  travers  les  membranes  commun ,  l'huile  extraite  des  os  ne 
animales  ,  nous  voyons  que  dans  les  passait  que  sous  une  pression  de 
circonstances  où  une  pression  de  3/i  pouces  de  mercure.  En  opérant 
12  pouces  de  mercure  déterminait  la  sur  le  péritoine  du  Bœuf,  les  diffé- 
transsudation  de  l'eau  au  travers  d'un  rences  étaient  encore  plus  considé- 
niorceau  de  vessie,  et  où  il  fallait  une  rablcs  (crj. 
pression  de  18  à  20  pouces  de  mer- 
fa)  Cima,  Sull'evapora&ione  e  la  Iransuda&ione  dei  Uqiiidi  attraverso  le  membrane  animali 
(Mémoires  de  l'Académie  de  Turin,  2'  série,  1853,  t.  XllI,  p.  279). 

V.  15 


226  ABSORPTION. 

verser.  Or,  celte  condition  est  toujours  plus  ou  moins  facile  à 
réaliser  au  moyen  de  l'émulsionnement. 

Nous  avons  vu  que  lorsque  deux  globules  liquides  homogènes 
viennent  à  se  rencontrer,  ils  tendent  à  se  confondre  et  à  ne 
former  qu'une  seule  masse  arrondie  (1);  mais  quand  la  sur- 
face de  ces  globules  est  revêtue  d'une  couche  mince  d'une  autre 
matière,  l'attraction  moléculaire,  qui  ne  produit  des  effets  appré- 
ciables qu'à  des  distances  insensibles,  ne  peut  plus  déterminer 
ce  rapprochement,  et  les  petites  masses  de  liquides  tenues  ainsi 
à  distance  par  une  substance  intermédiaire  conservent  leur 
individualité.  Cet  effet  se  produit  d'autant  plus  lîicilement  que 
les  liquides  hétérogènes  en  présence,  sans  être  miscibles,  sont 
plus  aptes  à  adhérer  entre  eux,  et  c'est  de  la  sorte  qu'en  agitant 
de  l'huile  dans  un  liquide  albumineux,  on  divise  peu  à  peu  la 
matière  grasse  en  une  multitude  de  globules  qui  restent  distincts, 
et  qui  deviennent  de  plus  en  plus  petits  à  mesure  que  l'opé- 
ration est  poussée  plus  loin.  Ce  sont  ces  mélanges  intimes  de 
liquides  non  miscibles  que  l'on  désigne  sous  le  nom  (Vémul- 
sions,  et  l'on  conçoit  que  si  le  fractionnement  de  l'huile  a  été 
porté  assez  loin  pour  que  le  diamètre  de  chacun  des  globules 
microscopiques  formé  par  cette  substance  soit  inférieur  au 
calibre  du  conduit  où  le  liquide  circonvoisin  est  appelé  par 
le  jeu  des  forces  osmotiques,  ces  corpuscules  pourront  être 
charriés  par  le  courant ,  tout  comme  le  sont  les  particules 
de  matières  hétérogènes  tenues  en  dissolution  dans  le  même 
véhicule. 

Ainsi,  en  définitive,  la  condition  essentielle  pour  qu'une 
substance  étrangère  à  l'organisme  soit  absorbable,  c'est  un  état 
de  division  ou  de  mobilité  moléculaire  suffisante,  et  cet  état 
peut  être  le  résultat  d'un  fractionnement  mécanique  aussi  bien 
que  de  l'état  de  fluidité. 

Pour  montrer  l'intluence  que  l'état  de  division  d'un  corps 
(1)  Voyez  ci -dessus,  page  9[\. 


INFLUENCE    DES    PROPRIÉTÉS    PHYSIQUES    DES    LIQUIDES.       ^1^1 

non  miscible,  soit  aux  liquides  qui  baignent  une  membrane,  soit 
à  ceux  dont  le  tissu  de  celle-ci  est  imprégné,  peut  avoir  sur  les 
produits  de  l'endosmose,  je  citerai  les  expériences  suivantes, 
dues  à  M.  Morin  (de  Genève).  Si  l'on  prend  pour  cloison  osmo- 
tique  la  portion  du  placenta  d'un  Ruminant  où  se  trouvent  les 
cotylédons,  et  si  l'on  charge  successivement  l'endosmomètre 
avec  divers  liquides  tenant  en  suspension  des  matières  grasses, 
on  voit  que  tantôt  ces  matières  ne  passent  pas  avec  les  autres 
substances  en  dissolution  dans  les  liquides  qui  leur  servent  de 
menstrue,  mais  que  d'autres  fois  elles  traversent  la  membrane, 
et  que  cela  a  Heu  quand  elles  sont  émulsionnées  d'une  manière 
très  parfaite.  Ainsi,  dans  ces  expériences,  les  globules  de 
beurre  en  suspension  dans  le  lait  étaient  retenus  par  la  mem- 
brane, tandis  que  les  matières  grasses  émulsionnées  dans  le 
jaune  d'œuf,  bien  divisées  dans  l'eau,  traversaient  la  cloison 
osmotique  (1). 

Des  différences  analogues  s'observent  dans  l'économie  ani- 
male. Ainsi,  quand  de  l'huile,  dans  son  état  ordinaire,  est  em- 
prisonnée dans  une  anse  intestinale,  le  volume  de  ce  liquide 
ne  change  que  très  lentement,  tandis  qu'il  disparaît  prompte- 
ment  s'il  a  été  préalablement  émulsionné  (2). 

La  connaissance  des  voies  par  lesquelles  ce  transport  s'ef-       Mode 
fectue  a  été  beaucoup  avancée  par  les  observations  microsco-  jéf  mSeT 
piques  faites  depuis  quelques  années  sur  certaines  partie.-;  de  la 

(1)  Ainsi  que  nous  le  verrons  bien-  le  courant  qui  les  charriait  devenait 
lot,  M.    Morin  a  trouvé  aussi  que  le  plus  rapide  (a). 
transport  des  particules  de  matières  (2)  Cette  expérience  a  été  faite  d'une 
grasses  tenues  en  suspension  dans  un  m;>nière    comparative    par    M.    Don- 
liquide  était  d'autant  plus  facile,  que  ders  (6)  et  par  M.  Jcannel  (c). 

(a)  Morin,  Nouvelles  expériences  sur  la  perméabilité  des  vases  poreux  et  des  membranes  des- 
séchées par  les  substances  nutritives  [Mém.  de  la  Société  de  physique  et  d'histoire  naturelle  de 
Genève,  1854,  t.  Xlll,  p.  255  et  258). 

(6)  Doiiders,  Ueber  die  Aufsaugung  von  Fett  in  dem  Darmkanal  (Molescliotl's  Uatersuchungen 
zur  Naturlehre  des  Menschens  und  der  Thiere,  t.  II,  p.  103j. 

(c)  Juaniiel,  Recherches  sur  l'absorption  et  V assimilat'ion  des  huiles  grasses  émulsionnées 
(Comptes  rendus  de  VAcad.  des  sciences,  1859,  t.  XLVIII,  p.  581), 


grasses. 


t228  ABSORPTION. 

tunique  muqueuse  de  l'intestin  pendant  que  l'absorption  des 
produits  de  la  digestion  est  très  active.  En  étudiant  ainsi  les 
viilosités  qui  garnissent  cette  membrane,  MM.  Dclafond  et  Gruby 
ont  pu  constater  que  les  globulins  de  graisse  pénètrent  d'abord 
dans  l'intérieur  des  cellules  cylindriques  dont  se  compose  le 
revêtement  épithélique  de  ces  filaments  perméables,  et  que  ces 
corpuscules  traversent  ensuite  la  substance  amorpbe  située 
entre  l'épithélium  et  les  cavités  adjacentes  qui  constituent,  soit 
les  racines  des  lymphatiques,  soit  le  réseau  capillaire  sanguin  (1). 
L'entrée  des  particules  graisseuses  dans  la  cavité  de  ces  cellules 
épithéliales  a  été  observée  plus  récemment  par  un  grand  nombre 
de  micrographes,  et  ne  peut  être  révoquée  en  doute;  mais 
nous  ne  savons  pas  encore  d'une  manière  bien  précise  com- 


(1,)  Le  fait  de  la  pénétration  de  chaque  cellule  de  l'épithélium  des 
particules  graisseuses  de  la  cavité  de  viilosités  comme  étant  un  organe 
l'intestin  dans  l'intérieur  des  cellules  chargé  de  recevoir  dans  son  intérieur 
épilhéliques  des  viilosités fulaperçu en  les  molécules  graisseuses  qui  consti- 
18/i2  par  M,  Goodsir  (d'Edimbourg)  ;  tuent  le  chyle,  et  de  les  transmettre, 
mais  ce  physiologiste  distingué  croyait  par  son  extrémité  effilée  au  tissu 
que,  dans  l'acte  de  l'absorption,  ces  spongieux  dans  lequel  est  creusée  la 
appendices  spongieux  se  dépouillaient  cavité  radiculaire  du  vaisseau  lym- 
de  leur  tunique  épithéliale,  et  que  les  phatique  correspondant.  Les  parti- 
matières  étrangères  n'avaient  qu'à  cules  de  graisse  logées  de  la  sorte 
traverser  les  tissus  sous-jacenls  pour  dans  les  cellules  épithéliales  avaient 
arriver  dans  le  canal  lymphatique  de  -p^  à  ,-^„  de  millimètre  de  dia- 
creusé  au  centre  de  chaque  villo-  mèlre,  et  se  voyaient  chez  les  Ilerbi- 
sité  (a).  vores  aussi  bien  que  chez  les  Carnas- 

En  18Zi3,  MM.  Gruby  et  Delafond  siers  (6).  Plus  récemment,  l'entrée  de 

décrivirent  ce  phénomène  d'une  ma-  petites  gouttelettes  de  graisse  dans  ces 

nière  plus  exacte,  et  en  comprirent  cellulesa  été  constatée  par  M.  Kflliker, 

mieux  la  signification.  Ils  regardèrent  M.  Briicke  et  plusieurs  autres. 


(«)  Goodsir,  Structure  and  Functions  of  the  Intestinal  villi  {Edinburgh  Philosoph.  Journal, 
1842,  et  Anal,  and  Pathol.  Observ.,  in-8,  1847,  p.  6). 

(b)  (iruby  et  Delafond,  Résultats  de  recherches  faites  sur  l'anatomie  et  les  fonctions  des  viilo- 
sités intestinales,  l'absorption,  etc.  {Comptes  rendus  de  l'Académie  des  sciences,  1843,  t.  XVI, 
p.  1194). 

• —  Briicke,  Ueberdie  Chylusgefdsse  und  die  Résorption  des  Chijlus  (Mém.  de  l'Acad.  de  Vienne, 
1854,  t.  \:J,  p.  99). 

—  Kolliker,  Einige  Bemerkimgen  ûber  die  Résorption  des  Fettes  in  Darm  {Yerhandl.  der 
Phys.-Med.  Gesellscliaft  in  Wûrzbtirg,  1856,  t.  VII,  p.  174). 


INFLUENCE    DES    PROPRIÉTÉS    PHYSIQUES    DES    LIQUIDES.       229 

ment  cette  introduction  s'opère.  Il  existe,  à  la  surface  libre  des 
cylindres  épithéliaux  des  villosités,  une  couche  assez  épaisse 
de  substance  albuminoïde  qui  en  ferme  l'entrée,  et  qui  constitue 
ce  que  les  anatomistes  appellent  quelquefois  le  bourrelet  de  ces 
cellules.  M.  Kôlliker  et  quelques  autres  micrographes  pensent 
qu'elle  est  formée  par  la  paroi  solide  de  l'utricule,  et  que  cette 
lame  membraneuse  est  percée  de  pores  ou  lacunes, d'une  ténuité 
extrême,  qui  livrent  passage  aux  graisses,  et  qui  se  laissent 
même  apercevoir  sous  l'apparence  de  stries  perpendiculaires. 
M.  Brùcke  la  considère  comme  étant  constituée  par  une  matière 
molle,  élastique  et  glutineuse,  qui  serait  comparable  à  la  sub- 
stance sarcodique  des  Animalcules  les  plus  simples,  et  qui  se 
laisserait  traverser  par  les  particules  étrangères  sans  offrir,  pour 
les  recevoir,  aucun  passage  préétabli  (1).  Je  suis  très  disposé  à 

(1)  Ainsi  que  nous  le  verrons  plus  ont  considéré    ce  couvercle  comme 

en  détail  par  la  suite,  la  tunique  épi-  étant  pourvu  d'une   ouverture  cen- 

théliale  qui  revêt  la  membrane  mu-  traie,  diialalile  et  contractile,  qui  livre- 

queuse  de  l'intestin  se  compose  d'une  rait  passage  aux  particules  de  matières 

couclie  unique  d'organites  de  forme  grasses  dont  l'absorption  est  en  voie 

cylindrique  ou  conique,  disposés  pa-  de  s'accomplir  [b). 
rallèlement  entre  eux  et  soudés  côte  Cet  orifice  ne  paraît  pas  exister,  et 

cl   côte,  de   façon   à  être  libres  par  M.  Kôlliker  a  remarqué,  dans  l'épais- 

une  de  leurs  extrémités  et  à  adhérer  seur  du   bourrelet  ou  couvercle  de 

aux  tissus  sous-jacents  par  le  i}out  ces  cellules,  un  grand  nombre  de  stries 

opposé,  qui  est  toujours  plus  ou  moins  parallèles  d'une    finesse  extrême  et 

aminci  (a).  L'intérieur  de  chaque  cy-  perpendiculaires  à  la  surface  libre  de 

lindre  ou   cellule  est  occupé  par  un  la  lame  membraniforme  ainsi  consti- 

noyau  clair  entouré  d'une  substance  tuée.  Il  pense  que  ces  lignes  corres- 

albuminoïde,  et  son  extrémité  libre  pondent  à  autant  de  pores  linéaires 

est  constituée  par  une  sorte  de  cou-  ou  de  passages  conduisant  de  l'exté- 

vercle  assez  épais  qui  est  garni  de  rieur  dans  l'intérieur  de  l'utricule  (c); 

cils  vibratiles.  MM.  Delafond  et  Gruby  mais  il  résulte  des  recherches  plus 

(a)  Henle,  Symbolai  ad  anatomiam  villorum  inteslinaliuni,  1837,  et  Traité  d'anatomie  géné- 
rale, X.l,  p.  244,  pi.  i,  ûg.  8. 

(6)  Delafond  et  Gruby,  Résultats  de  rrxherches  faites  sur  l'anatomie  et  les  fonctions  des  villo- 
sités intestinales,  V absorption,  etc.  {Comptes  rendus  de  l'Académie  des  sciences,  1843,  t.  XVI, 
p.  1195). 

(c)  Kôlliker,  Nachweis  eines  besonderen  Baues  der  Gylinderzellen  des  Dûnndarmes  der  aur 
Fettresorption  in  Bezug  Ȕt  stehenscheint  (Verliandl.  der  Physikalisch-Med.  Gesellschaft  in 
Wûrzbîirg,  1855,  t.  VI,  p.  253),  et  Éléments  d'histologie,  p.  459. 


^50  ABSORPTION. 

croire  que  celte  dernière  opinion  est  l'expression  de  la  vérité; 
mais,  dans  l'état  actuel  de  la  science,  la  question  ne  me  semble 
pas  pouvoir  être  tranchée ,  et  par  conséquent  je  ne  la  discuterai 
pas  en  ce  moment  ;  j'aurai  d'ailleurs  à  y  revenir  quand  je 
traiterai  d'une  manière  spéciale  des  actes  complémentaires 
de  la  fonction  digeslive. 

La  pénétration  des  matières  grasses  dans  l'intérieur  des 
cellules  épithéliales  ne  se  voit  pas  seulement  à  la  surface  des 
villosités  intestinales  ;  elle  a  été  reconnue  dans  d'autres  parties 
du  corps,  et  il  est  probable  que  c'est  en  passant  par  cette  voie, 
plutôt  qu'en  s'insinuant  entre  les  utricules  constitutives  des  tissus 
épithéliques,  que  les  liquides  traversent  en  général  la  couche 


récentes  de  MM.  BreUauer  et  Steinach 
que  ces  stries  sont  dues  à  une  autre 
disposition  ;  que  le  couvercle  se  com- 
pose principalement  d'un  agrégat  de 
petits  corpuscules  filiformes  ou  bâton- 
nets, qui  ne  sont  probablement  autre 
chose  que  les  cils  vibraliles  aperçus  il 
y  a  quinze  ans  par  MM.  Gruby  et 
Delafond,  et  observés  plus  récem- 
ment par  M.  Funke  ;  que  les  lignes 
parallèles  décrites  par  M.  Kôlliker 
seraient  dues,  non  à  des  pores,  mais 
à  ces  cils  ou  bâtonnets  accolés  les 
uns  aux  autres,  et  que  l'ensemble 
formé  par  ceux-ci  adhérerait  au  con- 
tenu de  la  cellule  sous-jacente  bien 
plus  qu'aux  parois  latérales  de  cette 
utricule  (a). 

Les  observations  de  ces  derniers 
physiologistes  sont  par  conséquent 
favorables  à  l'opinion  de  M.  Briicke  (6), 
et  me  portent  à  concevoir  le  phéno- 
mène de  l'absorption   de  la  graisse 


comme. s'effectuant  de  la  manière  sui- 
vante. Les  particules  graisseuses  dans 
un  état  de  division  extrême  s'engage- 
raient entre  les  filaments  constitutifs 
de  l'espèce  de  pinceau  qui  forme  la 
majeure  partie  du  bourrelet  ou  cou- 
vercle de  la  cellule,  et  rencontreraient 
au-dessous  une  couche  membrani- 
forme  de  matière  sarcodique  qui  se- 
rait en  continuité  latéralement  avec 
la  portion  solide  des  parois  de  l'orga- 
nite  cylindrique,  mais  qui,  n'étant  pas 
consolidée  au  même  degré,  céderait 
sous  la  pression  de  ces  particules  et 
les  laisseraient  passer  jusque, dans 
l'intérieur  de  la  niasse  albuminoïde 
logée  dans  la  cavité  de  celte  cellule, 
puis  reviendrait  sur  elle-même  et  re- 
prendrait sa  forme  primitive,  ainsi 
que  cela  se  voit  à  la  surface  du  corps 
chez  les  Amibes  et  autres  animalcules 
du  groupe  des  Sarcodaires,  dont  il  sera 
question  dans  la  kl'  Leçon. 


(a)  Breltauer  et  Steinach,  Untersuchungen  ûber  das  Cylinderepithelium  der  Darmzotten  und 
seine  Be%iehung  %ur  Fettresorptioii  {Sitxunosber.  der  Wiener  Acad.,  1857,  t.  XXllI,  p.  303, 
fig.  1-3). 

(6)  Briicke,  Op.  cit.  (Denkschriften  der  Wiener  Akad.  der  Wissensclmft..  1854,  t.  VI,  p.  99j. 


INFLUENCE    DES    PROPRIÉTÉS    PHYSIQUES    DES    LIQL'IDES.       231 

formée  par  ceux-ci  à  la  surface  libre  des  membranes  et  arrivent 
dans  les  aréoles  des  tissus  sous-jacents  (1).  Mais  on  voi  que  pour 
expliquer  le  mécanisme  de  cette  transmission  de  l'utricule  épi- 
thélique  aux  parties  voisines ,  il  existe  les  mêmes  difficultés 
qu'au  sujet  du  mode  d'entrée  des  matières  étrangères  dans  ces 
cellules ,  et  qu'à  moins  de  supposer  que  celles-ci  soient  per- 
cées de  pores  à  leur  paroi  interne  aussi  bien  qu'à  leur  sur- 
face libre,  on  ne  se  rend  bien  compte  du  phénomène  qu'en 
adoptant  l'hypothèse  de  M.  Briicko  et  en  admettant  que  la  sub- 
stance constitutive  de  ces  parois  est  une  matière  sarcodique  qui 
ne  se  serait  consolidée  en  forme  de  lame  solide  que  latérale- 
ment dans  ses  points  de  jonction  avec  ses  semblables,  et  serait 
restée  à  l'état  semi-fluide  aux  deux  pôles  de  l'utricule,  tandis 
que  dans  d'autres  régions  du  corps ,  à  la  surface  de  la  peau, 
par  exemple ,  cette  consolidation  se  serait  effectuée  dans  toute 
l'étendue  des  parois  des  cellules  épidiéliales  (2). 


(1)  M.  Viiclîow  a  constaté  la  péné-  d'un  sphéroïde,  et  il  en  conclut  qu'elles 
tration  des  matières  grasses  dans  les  doivent  être  limitées  de  tous  les  côtés 
cellules  épithéliales  qui  teipissent  la  par  une  paroi  membraneuse  (cy  ;  mais 
vésicule  biliaire  (a) ,  et  M.  KoUiker  a  ces  modifications  ne  me  semblent  pas 
observé  le  même  fait  dans  l'estomac  incompatibles  avec  le  mode  de  struc- 
chez  divers  petits  Mammifères  à  la  ture  indiqué  ci-dessus,  car  le  gonfle- 
mamelle  (6).  ment  peut  être  déterminé  par  la  lur- 

(2)  M.  Donders,  qui  partage  l'opi-  gescence  de  la  matière  albuminoïde 
nion  de  M.  Kôlliker,  relativement  à  la  logée  dans  l'intérieur  de  la  cellule, 
structure  des  cellules  épithéliales  des  tout  aussi  bien  que  par  la  distension 
villosités  ,  oppose  à    l'hypothèse  de  directe  des  parois  de  celle-ci. 

M.  Brucke  le  fait  du  gonflement  de  Je  dois  ajouter  que  ce  physiologiste, 

ces  utricules  en  présence  de  l'eau  ou  de  même  que  M.  Kulliker,  a  vu  d^:s 

d'une  dissolution   saline   faible.    Par  traces  de  la   présence   de  particules 

reflet  de  cette  turgescence  ,  ces  utri-  graisseuses  dans  l'épaisseur  même  de 

cules  peuvent  acquérir  même  la  forme  la  couche  superficielle  de  matière  qui 

(a)  Virchow,  Ueber  das  EpitheL  der  Gallenhlase,  und  ûber  einen  intermediâreii  Sloffwechsel 
des  Fettes  {Archiv  fur  pathol.  Anat.  und  PhysioL,  1857,  t.  XI,  p.  574). 

(6)  Kôlliker,  Eiiiige  Bemerkungen  ûber  die  Résorption  des  Feltes  im  Darm  {Yerhandl.  der 
phys.-med.  Gesellschaft  in  Wilrxburg,  1856,  t.  Vit,  p.  174).  • 

(c)  Donders,  Op.  cit.  (Moleschott's  Untersuch.  xur  Nalurle'iire  des  Menschen  und  der  Thiere, 
1857,  t.  11,  p.  110). 


232  ABSORPTION. 

Aiwpiion        §  IZi.  —  Les  graisses  liquides  ne  sont  pas  les  seules  siib- 

ilu  mercure.  .       .,  ,  '    ,  in 

stances  non  miscibles  aux  nunfieurs  de  1  organisme  qui  sont 
susceptibles  de  pénétrer  à  travers  les  tissus  vivants,  et  d'ar- 
river jusque  dans  le  torrent  de  la  circulation.  Ainsi  la  pra- 
tique médicale  nous  a  appris  depuis  longtemps  que  cer- 
taines matières  qui  ne  sont  pas  susceptibles  de  former  une 
émulsion  avec  de  l'eau  peuvent  se  diviser  d'une  manière  ana- 
logue dans  un  corps  gras,  et  que  sous  cette  forme  leur  absorption 
devient  plus  facile  que  si  on  les  appliquait  sur  la  surface  absor- 
bante sans  leur  avoir  fait  subir  cette  préparation.  Le  mercure 
nous  en  offre  un  exemple  remarquable  ;  mis  en  contact  avec 
la  peau  quand  il  est  à  l'état  liquide,  ce  métal  ne  pénètre  dans 
l'organisme  qu'avec  une  lenteur  extrême  et  en  quantité  fort 
minime,  tandis  que,  incorporé  à  de  la  graisse  de  façon  à  y  être 
comme  à  l'état  d'émulsion,  il  est  absorbé  avec  assez  de  rapidité 
pour  déterminer  promptement  certaines  modifications  dans  les 
fonctions  des  glandes  (1). 


recouvre  l'épithélium  des  villosités;  tion  de  ces  parties,  et  peut  déterminer 
mais  ce  fait  s'explique  également  bien  la  salivation,  la  cluite  des  dents,  la 
dans  les  deux  hypothèses  de  l'existence  paralysie,  et  même  la  mort.  Comme 
préalable  de  pores  dans  une  lame  exemple  de  ce  mode  d'action,  je  cite- 
membraneuse  solide  ou  de  l'état  semi-  rai  les  accidents  survenus  à  bord  d'un 
fluide  de  la  matière  constitutive  de  navire  chargé  de  mercure,  et  sur  le- 
cette  couche  membraniforme.  quel  l'équipage  tout  entier  fut  atteint 
(1)  Lorsque  le  mercure  arrive  en  par  l'action  toxique  de  la  vapeur  for- 
contact  avec  les  svu'faces  absorbantes  mée  par  cette  substance  (a). 
de  l'économie  animale  à  l'état  de  va-  Quand  le  mercure  est  sous  la  forme 
peur,  c'est-à-dire  à  l'élat  de  division  liquide  et  ne  se  trouve  pas  dans  un 
extrême,  ce  métal  pénètre  facilement  état  de  grande  division,  il  peut  rester 
dans  l'organisme,  et,  transporté  par  pendant  fort  longtemps  en  contact  avec 
le  torrent  de  la  circulation  dans  le  une  membrane  absorbante  sans  y  pé- 
système  nerveux,  l'appareil  salivaire  nétrer  en  quantité  appréciable.  Ainsi 
et  d'autres  organes,  il  exerce  une  in-  on  cite  beaucoup  de  cas  dans  les- 
fluence  considérable  sur  le  mode  d'ac-  quels  ce  métal  a  été  introduit  en  doses 


(a)  Bunielt,  An  Account  ofthe  Effects  ofMercurial  Vapours  on  the  Crew  ofH,  M' s  ship  Trinmph 
{Philos.  Trans.,  4823,  p.  402). 


INFLUENCE    DES   PROPRIÉTÉS    PHYSIQUES    DES    LIQUIDES.       283 

Les  voies  par  lesquelles  l'absorption  s'effectue  sont  en  général 
trop  étroites  et  trop  difficiles  à  parcourir  pour  que  les  liquides 
non  miscibles  aux  humeurs  dont  les  tissus  sont  imbibés  puissent 
les  traverser  sous  l'influence  des  courants  endosmotiques  seule- 


considérables  dans  le  tube  digestif, 
sans  déterminer  aucun  accident  (a). 
On  sait  aussi  que  ce  liquide  injecté 
dans  les  veines  obstrue  les  vaisseaux 
capillaires  sanguins,  et  y  arrête  le 
passage  du  sang  (b).  On  aurait  donc 
pu  croire  que  dans  cet  étal  il  ne  pour- 
rait être  absorbé,  et  que  dans  les  pré- 
parations mercurielles  au  moyen  des- 
quelles on  le  fait  pénétrer  dans  l'or- 
ganisme, il  devait  èlre  toujours  dans 
un  état  de  combinaison  cbimique  qui 
le  rendrait  soluble.  Mais  cela  n'est  pas. 
Incorporé  à  de  la  graisse,  il  est  simple- 
ment divisé  en  globulins  d'une  très 
grande  ténuité,  et  sous  cette  forme  il 
est  susceptible  de  passer  dans  les 
vaisseaux  sanguins.  Ce  fait  a  été  con- 
staté expérimentalement  par  Auien- 
rielh  et  Zeller  (c) ,  ainsi  que  par 
plusieurs  autres  physiologistes.  Par 
exemple  ,  Oesterlen,  ayant  rasé  une 
parlie  du  corps  d'un  Lapin,  y  prati- 
qua des  frictions  avec  de  l'onguent 
gris.  Quelques  heures  après,  il  dé- 
tacha un  lambeau  de  peau  à  environ 
un  cenlimèlre  au-dessus  de  l'endroit 
frictionné  ,  puis  il   ouvrit  quelques- 


unes  des  veines  sous-cutanées,  et  en 
examinant  au  microscope  le  sang  ob- 
tenu de  la  sorte ,  il  y  reconnut  des 
particules  de  mercure  ,  tandis  qu'il 
ne  put  découvrir  aucune  trace  de  ce 
métal  dans  le  sang  fourni  par  les 
veines  du  côté  opposé  du  corps  {d). 

•Précédemment  ,  l'absorption  du 
mercure  à  l'état  métallique  avait  été 
constatée  dans  plusieurs  cas,  soitparce 
que  ce  métal  s'était  retrouvé  dans  le 
sang  ou  dans  quelques  autres  parties  du 
corps,  telles  que  les  os  ou  le  cerveau, 
les  articulations ,  dans  l'intérieur  de 
l'œil  ou  dans  le  pus  d'un  abcès,  soit 
parce  qu'après  avoir  traversé  l'orga- 
nisme il  s'était  échappé  au  dehors  par 
les  voies  urinaires  (e)  ;  mais,  ainsi  que 
je  l'ai  déjà  dit,  on  n'était  pas  d'accord 
sur  le  mode  d'introduction  de  cette 
substance  dans  l'économie ,  et  quel- 
ques physiologistes  pensaient  qu'avant 
son  absorption,  le  métal  avait  dû  être 
transformé  en  bichlorure  de  mercure 
ou  en  quelque  autre  composé  soluble. 
Ainsi  M.  Miahle,  ayant  reconnu  qu'en 
présence  de  l'oxygène  et  d'un  chlo- 
rure  alcalin    (  surtout    du    chlorure 


(a)  Voyez  Orfila,  Traité  des  poisons,  t.  I,  p.  352. 

(&)  Gaspard,  Mémoire  phijsiologique  sur  le  mercure  (Journal  de  ■physiologie  àe  Magendie,  1821, 
t.  I,  p.  165). 

(c)  Autenrieth  und  Zeller,  Ueber  das  Dasein  von  QuecksiWer  das  âusserlich  angewendet  worden 
in  der  Blutmasse  der  Thiere  (Reil's  Archiv  fur  die  Physiol.,  1808,  t.  VIII,  p.  228). 

(d)  Oesterlen,  Uebergang  des  regulinischen  QuecksiWers  in  die  Blutmasse  und  die  Organe 
{Archiv  fur  physiologische  Heilkunde,  1843,  t.  II,  p.  536). 

(e)  Cantu,  Presenza  del  merciirio  nelle  orino  dei  sifUilici  doppo  iremedii  mercuriali  adminis- 
trati  {Aimali  di  med.  di  med.  di  Omodei,  1824,  t.  XXXII,  p.  53),  et  Speciraen  chemieo-medicum 
de  mercxirii  prœsenlia  in  urims  syphiliticorum  mercurialem  curationem  patientium  (Mem.  délia 
Soe.  délie  scienz.  di  Torino,  1824,  t.  XXIXj. 

—  Voyez  aussi  :  A.  van  Hasselt,  Over  het  Vergiftig  vermogen  van  metallisch  kwik  vooral  in  des 
vloeibarten  toestand  {Nederlandsch  Lancet,  2°  série,  t.  V,  p.  81). 


234  ABSORPTION, 

ment,  et  le  concours  d'une  certaine  pression  paraît  être  toujours 
nécessaire  po^ir  en  déterminer  l'entrée  dans  le  torrent  irriga- 
toire.  A  plus  forte  raison,  les  membranes  organiques  opposent- 
elles  de  grands  obstacles  à  l'introduction  de  matières  solides, 
et  lorsque  celles-ci  se  trouvent  à  l'état  massif  ou  même  réduites 
en  poudre  assez  fine  pour  être  apte  à  rester  en  suspension  dans 
un  liquide,  elles  sont  d'ordinaire  inabsorbables.  Ainsi,  dans  la 
plupart  des  cas,  les  corps  solides  qui  ne  sont  pas  solubles  dans 
les  humeurs  de  l'organisme  ne  peuvent  y  pénétrer,  et  lors- 
qu'une force  mécanique  les  pousse  jusque  dans  la  profondeur 
d'un  tissu  vivant,  ils  y  restent  inaltérés.  C'est  de  la  sorte  que 
les  particules  de  substances  colorantes  qui  sont  logées  dans 
l'épaisseur  de  la  peau  à  l'aide  du  tatouage  y  forment  des  taches 
indélébiles,  et  jusqu'en  ces  derniers  temps  tous  les  physiolo^ 
gistes  s'accordaient  à  penser  que  l'état  de  fluidité  était  une  con- 
dition pour  que  l'absorption  d'un  corps  quelconque  fut  possible. 
Absorption    Mais,  cn  examinant  le  cadavre  de  personnes  dont  la  peau  avait 

présumée         ,    ,  ,  ,  .      ,      , 

des  matières  etc  commc  mcrustce  par  des  dépôts  de  substances  mmerales 
insolubles  employées  pour  y  tracer  des  dessins,  on  a  vu  parfois 
que  des  particules  très  ténues  de  ces  matières  colorantes  en 
avaient  été  détachées,  suivant  toute  apparence,  par  l'efl^t  du 
frottement,  et  avaient  été  transportées  dans  des  parties  plus 
ou  moins  éloignées  de  l'organisme  (1).  Or,  ce  transport  ne 

d'aranionium  ) ,  ce  métal  entre  dans  quand  le  mercure  est  divisé  en  parti- 
une  combinaison  de  ce  genre,  a  cru  cules  extrêmement  lines  et  dans  un 
pouvoir  établir  que  c'est  seulement  à  état  comparable  à  celui  des  graisses 
l'état  décomposé  soliible  qu'il  est  ab-  dans  une  émuision,  sa  présence  dans 
sorbe  (a).  On  a  argué  aussi  des  expé-  les  vaisseaux  sanguins  ne  doit  pas  pro- 
riences  de  Gaspard  sur  l'obstruction  duire  les  mêmes  effets  que  lorsqu'il 
des  vaisseaux  capillaires  par  le  riier-  se  trouve  réuni  en  gouttelettes  d'un 
cure  liquide  injecté  dans  les  veines  (6),  diamètre  supérieur  an  calibre  des  ca- 
pour  soutenir  que  ce  corps  ne  pouvait  pillaires. 
être  absorbé  à  l'état  métallique  ;  mais  (1)  Ainsi  M.  Cl.  Bernard  a  trouvé 

(a)  Mialho,  Chimie  appliquée  à  la  physiologie,  p.  451, 

(b)  Gaspard,  Mémoire  sur  le  mercure  (Journal  de  physiologie  de  Magendie,  1821 ,  1. 1,  p.  105}, 


INTRODUCTION    DE    COÎlPL'SCt'LES    SOLIDES.  235 

semblait  pouvoir  être  expliqué  qu'en  supposant  que  ces  cor- 
puscules avaient  été  absorbés  et  charriés  par  les  fluides  nour- 
riciers. On  devait  donc  penser  que  les  substances  insolubles, 
aussi  bien  que  les  liquides  non  miscibles  aux  humeurs,  sont 
absorbables  à  la  condition  d'être  réduites  en  particules  suffi- 
samment ténues  ,  et  effectivement  cela  parait  être  ;  seule- 
ment, pour  déterminer  leur  passage  à  travers  les  tissus 
vivants  et  leur  arrivée  dans  le  torrent  irrigatoire,  il  faut  l'in- 
tervention de  forces  mécaniques  qui  ne  sont  pas  nécessaires 
pour  effectuer  l'absorption  des  fluides  miscibles  aux  humeurs 
de  l'économie. 

Depuis  quelques  années,  un  grand  nombre  d'expériences 
intéressantes  ont  été  faites  sur  l'introduction  de  corpuscules 
solides  de  l'extérieur  de  Torganisme  jusque  dans  le  sang,  et  si 
elles  n'établissent  pas  d'une  manière  satisfaisante  la  possibihté 
de  ce  passage  par  suite  du  travail  normal  de  l'absorption,  elles 
prouvent  au  moins  que  sous  l'influence  d'une  pression  peu 
considérable,  ces  particules,  quand  elles  sont  très  ténues, 
peuvent  se  frayer  un  chemin  jusque  dans  l'intérieur  du  système 
vasculaire,  et  circuler  dans  l'organisme  avec  les  fluides  nourri- 
ciers sans  qu'il  en  résulte  aucune  lésion  appréciable  dans  les 
parties  qu'elles  ont  traversées. 

Ce  fait  a  été  aperçu,  mais  incomplètement  démontré,  il  y  a 
environ  quinze  ans,  par  M.  Herbst,  dont  j'ai  déjà  eu  l'occasion  de 
citer  les  travaux  sur  le  système  lymphatique  (1).  Ayant  ingéré 

des  granules  de  cinabre  dans  les  gan-  tion  du  passage  des  globules  du  lait 

glions  de  l'aisselle  chez  un  sujet  qui  de  l'intesUn  dans  le  chyle  et  dans  le 

portait   sur  le   bras  du  même   côté  sang.  Il  opéra  sur  des  petits  Chiens 

des  tatouages  colorés  par  cette  sub-  qui  venaient  de  teter,  et,  après  avoir 

slance  minérale  (a).  lié  le  canal  thoracique,  il  examina  au 

(1)  M.  Herbst  fit  d'abord  une  série  microscope  le  contenu  de  ce  vaisseau, 

d'expériences  en  vue  de  la  constata-  Parmi  les  corpuscules  de  différentes 

(n)  Cl.  Bernani,  Sur  l'absorption  {Union  médicale,  4849,  1.  Ill,  p.  457). 


'236  ABSORPTION. 

dans  le  tube  digestif  de  plusieurs  Chiens  des  liquides  tenant  en 
suspension  des  corpuscules  insolubles  fort  petits  et  plus  ou  moins 
faciles  à  reconnaître  par  le  secours  du  microscope,  des  globules 
de  lait  ou  des  granules  de  fécule,  par  exemple,  ce  physiologiste 
trouva,  tantôt  dans  le  chyle,  tantôt  dans  la  lymphe,  ou  dans  le 
sang  de  ces  Animaux,  des  particules  solides  qui  avaient  la  même 
apparence,  et  qui  lui  parurent  appartenir  à  la  matière  étrangère 
employée  dans  l'expérience.  Peu  de  temps  après,  M.  OEsterlen, 
sans  avoir  eu  connaissance  des  recherches  de  M.  Herbst,  arriva 
à  un  résultat  analogue  en  administrant  à  divers  Animaux  du 
charbon  réduit  en  poudre  très  fine,  et  plusieurs  autres  physio- 
logistes annoncèrent  avoir  constaté  des  faits  du  même  ordre  (1); 


grandeurs  qui  nageaient  dans  le  chyle, 
il  s'en  trouvait  beaucoup  qui  lui  pa- 
raient êlre  des  globules  du  lait,  et  il 
vit  aussi  des  globules  semblables  dans 
le  sang  (a)  ;  mais  la  distinction  entre 
les  globules  graisseux  du  chyle  et 
ceux  du  lait  n'est  pas  toujours  assez 
nette  pour  que  ce  résultat  ait  pu  être 
considéré  comme  décisif.  Dans  d'au- 
tres expériences,  M.  Herbst  ingéra  de 
la  fécule  dans  l'estomac,  et,  en  ajou- 
tant de  l'iode ,  soit  au  chyle,  soit  au 
sang,  il  vit  une  légère  coloration  bleue 
qui  semblait  indiquer  la  présence  d'un 
peu  de  fécule  dans  ces  liquides;  mais 
ici  encore  la  réaction  n'était  pas  assez 
bien  caractérisée  pour  décider  la  ques- 
tion de  l'absorption  des  granules  amy- 
lacés (6). 

(1)  Dans  une  première  série  d'expé- 
riences, M.  Oeslerlen  étudia  l'absorp- 
tion du  mercure  (c) ,  puis  il  chercha 
à  constater  la  possibilité  du  passage 


de  corpuscules  solides  de  la  cavité 
digestive  jusque  dans  le  chyle  et  le 
sang,  sans  lésion  apparente  ni  de  la 
muqueuse  intestinale,  ni  des  parois 
vasculaires.  Dans  cette  vue,  il  fit  ava- 
ler pendant  plusieurs  jours  consécu- 
tifs à  un  certain  nombre  de  Lapins, 
de  Cliiens  et  d'Oiseaux,  du  charbon 
réduit  en  poudre  impalpable  et  délayé 
dans  de  l'eau.  Puis  il  tua  ces  Animaux 
et  examina  au  microscope  du  sang 
extrait  de  leurs  vaisseaux  en  prenant 
toutes  les  précautions  nécessaires  pour 
empêcher  !e  mélange  de  ce  liquide 
avec  des  matières  étrangères  quel- 
conques. Toujours  il  y  trouva  en  plus 
ou  moins  grande  abondance  des  cor- 
puscules noirs  anguleux  et  de  diverses 
formes,  qu'il  n'hésita  pas  à  considérer 
comme  et  uit  du  charbon  ;  la  plupart 
n'avaient  que  de  ^  à  -,'.0  de  ligne  de 
diamètre;  mais  beaucoup  avaient  en- 
viron t4i7  de  long  sur  t-'-^  de  ligne  en 


.  (a)  G.  Herbst,  Das  Lymphgefdsssysteni-  iind  seine  Vevrichtung ,  p.  165  et  siiiv. 
(6)  Herbst,  Op.  cit.,  p.  323  et  suiv. 

(c)  Oeslerlen,   Uehergang  des  regîilinischen  Quecksilbers  in  die  Blutmasse  und  die  Organe 
{Archiv  fur  Physiol.  Heilkunde,  1843,  t.  H,  p.  536). 


INTRODUCTION    DE    CORPUSCULES    SOLIDES.  237 

mais,  dans  toutes  ces  expériences,  on  pouvait  concevoir  des 
doutes  sur  l'identité  des  corpuscules  observés  dans  le  sang  ou 
dans  la  lymphe  et  ceux  déposés  dans  le  tube  digestif,  et,  pour 


longueur,  et  l'on  en  voyait  qui  avaient 
jusqu'à  ~  de  ligne.  Ces  corpuscules 
abondaient  principalement  dans  le 
sang  de  la  veine  porte,  et  se  voyaient 
aussi  en  nombre  considérable  dans  la 
rate,  les  cavités  droites  du  cœur  et  les 
poumons  ;  mais  on  n'en  aperçut  pas 
dans  le  canal  thoracique.  M.  Oesterlen 
administra  de  la  même  manière  à  des 
Lapins  et  à  un  Coq  du  bleu  de  Prusse, 
et  il  trouva  dans  le  sang  de  ces  Ani- 
maux des  corpuscules  qui  lui  sem- 
blèrent être  formés  de  cette  sub- 
stance. Enfin  il  ne  put  constater  ni  à 
l'œil  nu  ni  an  microscope  aucune  lé- 
sion, ni  dans  les  vaisseaux  sanguins  de 
l'intestin,  ni  dans  la  muqueuse  parla- 
quelleles corpuscules  solides  auraient 
dû  passer  pour  aller  du  tube  digestif 
dans  le  torrent  de  la  circulation  (a). 

En  I8/47 ,  M.  Eberhard  répéta  ces 
expériences  en  se  servant  non-seule- 
ment de  mercure  et  de  charbon,  mais 
aussi  de  soufre  en  poudre  très  fine, 
et  il  arriva  aux  mêmes  résultats.  Des 
particules  qui  lui  parurent  être  for- 
mées, les  unes  de  charbon,  les  autres 
de  soufre,  se  rencontrèrent  dans  la 
lymphe  et  dans  le  sang  (6). 

Des  faits  du  môme  ordre  ont  été 
constatés  par  M.  Claude  Bernard  et 
par  M.  Bruch  (c). 

Les  recherches  de  MiM.  Donders  et 


Mensonides  diminuèrent  la  valeur  des 
conclusions  qu'on  croyait  être  en  droit 
de  tirer  des  résultats  dont  je  viens  de 
parler ,  mais  fournirent  de  nouvelles 
preuves  de  la  possibilité  du  passage 
de  corpuscules  solides  de  la  cavité  de 
rintestinj  ou  de  la  surface  de  la  peau, 
jusque  dans  l'intérieur  du  système 
vasculaire.  Ainsi,  après  avoir  fait  avec 
de  l'onguent  mercuriel  des  frictions 
sur  la  peau  de  quelques  Lapins  préa- 
lablement rasée,  ils  retrouvèrent  dans 
le  sang  de  ces  Animaux  des  corpus- 
cules qui  pouvaient  bien  être  de  la 
poussière  de  ce  métal,  mais  dont  la 
détermination  ne  présentait  rien  de 
précis.  Leurs  expériences  sur  le  soufre 
leur  parurent  encore  moins  con- 
cluantes; chez  les  Grenouilles,  les 
résultats  furent  négatifs,  et  chez  des 
Lapins  on  trouva  quelques  corpus- 
cules irrégulières  qui  semblaient  être 
des  grains  de  soufre,  mais  on  ne  put 
les  identifier  d'une  manière  satisfai- 
sante. Dans  d'autres  expériences  faites 
sur  des  Lapins  avec  du  charbon  de  bois 
réduit  en  poussière  très  fine,  ils  trou- 
vèrent dans  le  sang  et  dans  le  tissu 
du  poumon  de  ces  Animaux  des  cor- 
puscules noirs  et  anguleux  qui  avaient 
l'apparence  des  particules  de  charbon 
employées  ;  mais  ayant  examiné  le 
sang  d'autres  individus  qui  n'avaient 


(a)  Oesterlen ,  Ueber  den  Einlritt  von  Kohle  und  andern  unloslichen  Stoffen  voin  Darmkanal 
aus  in  die  Blutmasse  {Zcitschr.  fur  rationelle  Medicin). 

(b)  Eberhardt,  Vevsiwhe  iiber  den  Uebergang  [ester  Stoffe  von  Darm  und  Haut  ans  in  die  Sàfte- 
masse  des  Kôrpers.  Zuricli,  1847  (voyez  Canslail's  Jahresberichi,  1847,  l.  I,  p.  120). 

(c)  Bernard,  De  quelques  particularités  sur  l' absorption  {Union  médicale,  1849,  t.  III,  p.  458). 

■ —  Bruch,  Beitrage  zur  Anatomie  und  Physiologie  der  Dilnndarmschleimhaul  {Zeitschr.  fiW 
ivissenschaftlkhe  Zoologie,  1852,  t.  IV,  p.  290). 


:2â8 


ABSOliPTlON. 


bien  établir  que  des  matières  solides  peuvent  être  absorbées,  il 
fallait  expérimenter  sur  des  particules  mieux  caractérisées  et 
dont*  la  provenance  ne  pouvait  être  douteuse.  C'est  ce  que 
MM.  Moleschott  et  Marfels  ont  cherché  à  Aiire  à  l'aide  du  sang 
d'un  Mammifère  ingéré  dans  le  tubedigestif  d'une  Grenouille. 
En  effet,  les  globules  hématiques  des  Mammifères  ne  peuvent 


pas  élé  nourris  de  la  sorte,  ils  y  trou- 
vèrent aussi  des  corpuscules  tellement 
analogues  aux  précédents,  que  ce  fait 
leur  ôta  toute  confiance  dans  la  déter- 
mination des  précédents  comme  frag- 
ments de  cliaibon.  Enfin  ils  portèrent 
dans  l'estomac  de  plusieurs  Gre- 
nouilles des  granules  d'amidon  délayés 
dans  de  l'eau ,  et  quelques  heures 
après,  en  examinant  le  sang  des  veines 
rfiésentériques ,  ils  y  virent  quelques 
particules  qui  bleuirent  par  l'action 
de  l'iode,  et  qui,  par  conséquent,  de- 
vaient être  considérées  comme  étant 
formées  par  de  la  fécule.  Dans  ce  cas, 
il  ne  pouvait  donc  y  avoir  aucun  doute 
quant  à  la  nature  des  corpuscules  en 
question  ni  à  leur  provenance  (a). 

M.  Funke  a  cherché  à  résoudre  la 
question  de  l'absorption  de  matières 
solides  à  l'aide  d'expériences  faites 
sur  des  substances  grasses  qui  ne  se 
liquéfient  pas  à  la  température  du 
corps  :  de  la  stéarine  et  de  la  cire, 
par  exemple.  Pour  obtenir  ces  graisses 
dans  un  état  de  grande  division ,  il 
les  faisait  fondre  à  l'aide  de  la  cha- 


leur et  les  émulsionnait  alors  en  les 
agitant  dans  une  dissolution  de  gom'hie 
où  leurs  particules  restaient  en  sus- 
pension après  qu'elles  eurent  repris 
l'élat  solide  par  le  refroidissement. 
L'émulsion  ainsi  préparée  fut  intro- 
duite, tantôt  par  l'œsophage,  tantôt 
directement  dans  l'intestin  ;  mais  ja- 
mais AI.  Funke  ne  put  reconnaître  la 
présence  de  ces  graisses  solides  dans 
les  cellules  de  l'épithélium  intestinal, 
tandis  qu'il  vit  toujours  ces  cellules 
se  gorger  de  particules  graisseuses, 
quand,  au  lieu  de  stéarine  ou  de  cire, 
il  administrait  des  corps  gras  qui  sont 
fusibles  à  moins  de  /lO  degrés  >6). 

Je  dois  ajouter  que  M.  Miulhe,  en 
répétant  les  expériences  de  M.  Oester- 
len ,  n'a  obtenu  que  des  résultats  né- 
gatifs (c). 

M.  Hoffmann  a  l'ait  des  expériences 
analogues,  et  n'a  pu,  dans  aucun  cas, 
constater  l'absorption ,  soit  du  mer- 
cure métallique,  soit  de  la  poussière 
de  charbon  (d),  et  Bérard  est  arrivé 
au  même  résultat  en  employant  du 
noir  de  fumée  (e). 


(a)  Ces  recherclies,  faites  sous  la  direction  de  M.  Donders,  ont  été  publiées  d'abord  sous  forme  de 
thèse  par  M.  Mcnsonides  {De  absorptione  moleciUarum  soUdarum  nonmilla,  1848),  puis  par  lu 
premier  de  ces  auteurs  dans  un  ouvrage  spécial  intitulé  :  Ondenoekingen  omirent  den  overgang 
van  vaste  moleculen  in  het  vaatstelsetl  (Nederlandsch  Lancet,  2°  série,  1848,  t.  IV,  p.  141). 

(6)  Funke,  Beitrâge  zur  Physiologie  der  Verdammg  (Zeitschr.  fur  wissenschaftl.  Zoologie, 
t.  VII,  p.  315). 

(e)  Mialhe,  Chimie  appliquée  à  la  physiologie,  p.  19"?. 

{d}  HofFmanu,  Ueber  die  Aufiiahme  des  Quecksilbers  und  der  Fetle  in  den  Kreislauf  (dissert. 
inaug-.).  Wùrtzburg,  1854  (Canstatt's  Jahresbercht,  1855,  p.  80). 

(e)  Bérard,  Cours  de  physiologie,  l.  II,  p.  723. 


INTRODUCTION    DE    CORPUSCULES    SOLIDES.  2o9 

être  confondus  ni  avec  ceux  des  Batraciens,  ni  avec  aucun  autre 
produit  de  l'organisme  de  ces  Animaux  :  par  conséquent,  si, 
après  en  avoir  introduit  dans  le  canal  alimentaire,  on  en  trouvait 
dans  le  sang,  il  fallait  nécessairement  admettre  que  ces  corpus- 
cules solides  avaient  traversé  le  tissu  de  la  muqueuse  intestinale 
pour  arriver  jusque  dans  le  torrent  circulatoire,  et  si  cette  intro- 
duction s'était  effectuée  sans  lésion  de  cette  membrane,  on 
devait  croire  qu'ils  avaient  été  absorbés.  Or,  dans  plusieurs 
cas ,  ces  deux  auteurs  reconnurent  des  globules  du  sang  de 
Mammifère  employés  de  la  sorte,  soit  dans  le  sang  en  circulation 
dans  l'intérieur  des  vaisseaux  de  la  Grenouille,  soit  dans  des 
gouttelettes  de  ce  liquide  extraites  du  cœur  ou  de  l'une  des 
grosses  veines  de  ce  Batracien  (1).  11  est  vrai  que  d'autres 
physiologistes,  en  répétant  cette  expérience,  n'ont  obtenu  que 


(1)  Dans  les  recherches  de  M.  Mar- 
fels,  faites  à  l'instigation  et  sous  la  di- 
rection de  M.  Moleschott,  on  a  choisi 
d'abord  le  sang  de  Brebis,  parce  que 
les  globules  de  ce  liquide  sont  plus 
petits  que  ceux  des  autres  Mammifères 
que  l'on  pouvait  facilement  se  procu- 
rer, et  qu'à  raison  de  la  mollesse  de  ce  s 
corpuscules,  on  ne  pouvait  supposer 
que  leur  présence  dans  le  tube  digestif 
de  la  Grenouille  serait  une  cause  de 
lésion  mécanique  pour  la  surface  ab- 
sorbante. Le  sang  fut  introduit  dans 
l'estomacdes  Grenouilles  à  l'aide  d'une 
seringue,  et  dans  plusieurs  cas,  en  exa- 
minant, après  un  certain  temps,  diver- 
ses parties  de  l'appareil  circulatoire, 
on  trouva  dans  Tintérieur  des  vaisseaux 
des  globules  hématiques  qui  offraient 
tous  les  caractères  de  ceux  de  la  Bre- 
bis ;  dans  d'autres  cas,  on  ne  parvint 
pas  à  en  distinguer  à  travers  les  parois 
vasculaires,  mais  on  en  reconnut  dans 
le  sang  extrait  du  cœur.  Dans  une  de 


ces  expériences,  M.  Marfels  trouva 
même  que  les  globules  du  sang  de  la 
Brebis  qui  étaient  mêlés  de  la  sorte  aux 
globules  hématiques  de  la  Grenouille 
étaient  plus  nombreux  que  ces  derniers. 
En  employant  de  la  même  manière  du 
sang  de  Veau  et  de  Bœuf,  ce  physiolo- 
giste obtint  des  résultats  analogues  , 
mais  plus  difficilement.  Enfin,  dans  une 
autre  série  d'expériences ,  iM,  Marfels 
ingéra  dans  l'estomac  de  plusieurs  Gre- 
nouilles du  pigment  choroïdien  des 
yeux  du  Bœuf,  après  s'être  assuré  que 
les  corpuscules  de  cette  substance 
étaient  reconnaissables  dans  le  sang. 
Observant  ensuite  la  circulation  sous 
le  microscope,  il  vit  plusieurs  fois  des 
particules  de  celle  matière  colorante 
en  mouvement  dans  l'intérieur  des 
vaisseaux  mésentériques.  Dans  d'au- 
tres expériences  analogues,  ce  phy- 
siologiste examina  le  contenu  des 
vaisseaux  chylifères  du  mésentère,  et 
il  y  reconnut  aussi  la  présence  des 


2/|0  ABSORPTION. 

des  résultats  négatifs;  mais  le  fait  annoncé  de  la  manière  la 
plus  nette  par  MM.  Moleschott  et  Marfels  ne  saurait  être 
révoqué  en  doute,  car  il  est  impossible  de  supposer  que  des 
observateurs  aussi  habiles  aient  pu  se  tromper  dans  la  détermi- 
nation des  petits  globules  liématiques  circulaires  et  biconcaves 
qui  sont  caractéristiques  du  sang  des  Mammifères,  et  qui  se 
trouvaient  mêlés  aux  gros  globules  elliptiques  et  biconvexes  du 
sang  de  la  Grenouille. 

Reste  donc  à  chercher  la  valeur  qu'il  convient  d'attribuer 
à  ce  fait. 

En  étudiant  au  microscope  les  tuniques  intestinales  des  Gre- 
nouilles qui  avaient  été  nourries  pendant  un  certain  temps  avec 
des  aliments  mêlés  de  particules  du  pigment  de  la  choroïde  de 
l'œil  du  Bœuf,  M.  Marfels  a  trouvé  beaucoup  de  cellules  épi- 
théliales  occupées  par  cette  matière  noire,  et  il  pense  par  con- 
séquent que  les  corpuscules  solides  de  très  petites  dimensions 
peuvent,  de  même  que  les  globules  de  graisse,  pénétrer  dans 
ces  utricules  d'une  manière  normale  et  passer  de  là  dans  les 
vaisseaux  sous-jacents.  Dans  une  autre  expérience,  ce  physiolo- 
giste employa  un  tronçon  d'intestin  séparé  du  corps  et  rempli 
de  liquide  chargé  du  même  pigment  ;  il  opéra  à  une  chaleur 
douce  et  soumit  le  tout  à  une  certaine  pression  ;  vingt-quatre 
heures  après,  il  examina  au  microsco[)e  les  parois  de  ce  tube 
membraneux,  et  y  trouva  sur  plusieurs  points  des  cellules  épi- 
théliales  qui  lui  parurent  contenir  des  particules  du  pigment  (1). 

corpuscules  du  pigment  qui  avait  été  inférieure  d'un  tube  de  verre.  Une 

mêlé  aux  aliments  ingérés  dans  l'es-  dissolution  de  sel  commun  tenant  en 

tomac  du  Batracien  (a).  suspension  le  pigment  clioroïdien  fut 

(1)  Dans  une  première  série  de  ces  introduite  dans  cet  appareil  à  la  liau- 

expériences,  M.  Marfels  fit  usage  d'un  teur   voulue   pour   déterminer   dans 

tronçon   d'inteslin  de  Bœuf  disposé  l'inteslin   une  poussée  égale   à    une 

en  manière  de  sac  et  fixé  à  l'extrémité  pression   de  9   à   10  centimètres  de 

(a)  Marfels,  Recherches  sur  la  voie  par  laquelle  de  petits  corpuscules  solides  passent  de  l'in- 
testin dans  l'intérieur  des  vaisseaux  chylifèr es  et  sanguins  (Ann.  des  sciences  nal-,  i°  iér'ic, 
1856,  t.  V,  r-  144et  suiv.). 


INTRODUCTION    DE    CORPUSCULES    SOLIDES.  '         241 

Ce  résultat  est,  comme  on  le  voit,  très  favorable  à  l'opinion  de 
M.  Brûcke,  relativement  au  mode  de  constitution  de  ces  cellules 
et  à  leur  rôle  dans  l'absorption  de  la  graisse.  Mais  je  dois  ajouter 
que  M.  Donders,  ayant  répété  avec  beaucoup  de  soin  les  expé- 
riences de  M.  Marfels,  est  demeuré  convaincu  de  l'impénétra- 
bilité de  ces  cellules  pour  les  particules  solides,  et  pense  que 
c'est  toujours  en  se  frayant  un  chemin  anormal  que  les  cor- 
puscules durs  traversent  les  tissus  organiques  et  arrivent  jusque 
dans  les  canaux  occupés  par  les  fluides  nourriciers  (1).  D'autres 
recherches  dues  à  M.  Hollander  n'ont  donné  aussi  que  des  résul- 
tats négatifs  (2).  Enfin,  la  plupart  des  expériences  faites  sur  le 


merciiie.  On  opéra  d'abord  à  la  lem- 
pératme  ordinaire ,  et  l'on  n'obtint 
que  des  résnltats  négatifs  ;  mais  d'au- 
tres essais ,   faits  à   une  chaleur  de 
3^  degrés,  eurent  un  plein  succès, 
car  au  bout  de  vingt-quatre  heures  on 
trouva  dans  les  parois  de  la  muqueuse 
des  particules  de  pigment  qui  paru- 
rent être  engagés  dans  l'intérieur  des 
celhiles   épithéliques.   Dans  d'autres 
expériences,  on  employa  un  morceau 
d'intestin  provenant  du  cadavre  d'une 
femme ,   et   l'on  obtint  un   résultat 
analogue  ;  mais  la  plupart  des  cellules 
épithéliales  étaient   détachées  de   la 
muqueuse,  et  dans  ce  cas,  aussi  bien 
que  dans  plusieurs  autres  expériences 
analogues  où  la  muqueuse  s'était  dé- 
pouillée plus  ou  moins  complètement, 
on  remarqua  l'existence  d'un  grand 
nombre  de  corpuscules  pigmentaires 
dans  la  substance  des  villosités  [a). 

M.  Moleschott  a  répété  ces  expé- 
riences sur  des  Animaux  vivants,  chez 


lesquels  il  excitait  de  forts  mouve- 
ments péristaltiques  des  intestins  au 
moyen  du  galvanisme,  et  dans  plu- 
sieurs circonstances  il  a  constaté  de 
nouveau  la  présence  des  particules 
pigmentaires  dans  les  cellules  épithé- 
liales ;  mais  dans  la  plupart  des  cas  le 
résultat  était  négatif  (6). 

(1)  M.  Donders  a  répété  plusieurs 
fois  les  expériences  de  MM.  Marfels  et 
Moleschott,  relatives  au  passage  des 
globules  du  sang  de  la  Brebis,  de  la 
cavité  digestive  des  Grenouilles  dans 
le  torrent  circulatoire  de  ces  Ani- 
maux ,  sans  pouvoir,  dans  un  seul 
cas,  constater  la  présence  d'un  glo- 
bule hématique  de  ce  Mammifère  dans 
l'intérieur  des  vaisseaux  sanguins  des 
Batraciens.  Il  n'a  obtenu  aussi  que 
des  résultats  négatifs  en  employant, 
soit  le  pigment  choroïdien ,  soit  de 
l'indigo,  et  en  opérant  sur  des  Lapins 
aussi  bien  que  sur  des  (îrenouilies  (c). 
(•2)  M.  Hollander  a  fait,  sous  la  di- 


(a)  Marfels,  Op.  cit.  (Ann.  des  sciences  nat.,  4"  série,  1856,  t.  V,  p.  159  ctsuiv.). 

(b)  Moleschott,  Erneuter  Beweis  filv  das  Eindringen  von  festen  Korpcrchea  in  die  kegelfor- 
migen  Zellen  dcr  Darmschleimhaul  {Unters.  ziir  Naturlehve  des  Menschen  und  der  Tliiere  1857 
t.  II,  p.  119).  '  ' 

(c)  Donders,  Ueber  die  .iiifsaugung  von  Fett  in  dem  Darmkanal  (Molescliott's  Untcrsiicliungen 
zitr  Naturlehre  des  Menschen  und  der  Thieve,  1857,  t.  II,  p.  1 1 3  et  suiv.). 

V.  16 


2li2  ABSORPTION. 

cadavre  par  M.  Marfels  lui-même  me  semblent  devoir  être  con- 
sidérées comme  venant  à  l'appui  de  cette  manière  de  voir,  et, 
dans  l'état  actuel  de  nos  connaissances,  la  question  en  litige  entre 
ces  physiologistes  ne  me  semble  pas  résolue.  Mais,  quoi  qu'il 
en  soit  à  cet  égard,  il  me  paraît  bien  démontré  que  sous  l'in- 
fluence d'une  pression  peu  considérable,  et  qui  ne  dépasse  pas 
celle  développée  parfois  par  les  contractions  des  fibres  charnues 
du  tube  intestinal,  les  particules  solides  d'une  grande  ténuité 
peuvent  facilement  passer  à  travers  la  substance  de  la  membrane 
muqueuse  et  arriver  jusque  dans  les  courants  lymphatiques  ou 
sanguins  adjacents.  Ce  phénomène,  il  est  vrai,  n'est  probable-' 
ment  pas  un  résultat  normal  de  l'absorption ,  et  me  semble 
devoir  être  considéré  comme  la  conséquence  d'une  solution  de 
continuité  produite  par  l'action  du  corpuscule  solide  sur  la 
matière  constitutive  de  la  membrane;  mais  cette  matière  est  si 
niolle,  si  extensible  et  si  élastique,  que  la  lésion  microscopique 
ainsi  effectuée  ne  laisse  aucune  trace  appréciable  et  ne  déter- 
mine aucun  trouble  dans  les  fonctions.  Ce  serait  donc  un  phé- 
nomène analogue  à  celui  dont  nous  avons  déjà  été  témoins  en 
étudiant  le  mode  de  passage  accidentel  des  globules  sanguins 


reclion  dn  prol'esseur  Bidder,  de  Dor-  sables  dans  le  sang  de  cet  Animal 
pat,  d'autres  expériences  qui  sont  pendant  plusieurs  heures,  il  en  in- 
également défavorables  aux  vues  de  troduisit  dans  les  voies  digestives  d'un 
MM.  Moleschoit  et  Marfels.  Il  a  mon-  nombre  considérable  de  ces  Batra- 
tré  qu'on  ne  pouvait  attacher  que  peu  ciens,  dont  il  examina  ensuite  avec 
d'importance  aux  essais  faits  sur  l'ab-  soin  le  sang  à  diverses  périodes  pen- 
sorption  de  l'indigo  en  suspension  dant  et  après  la  digestion.  Or,  dans 
dans  l'eau,  de  la  fécule  ou  du  charbon  aucun  cas,  il  ne  put  découvrir  dans  ce 
en  poudre,  et,  après  avoir  constaté  liquide  un  seul  globule  de  sang  de 
que  les  globules  du  sang  de  Bœuf  Bœuf  ou  de  Veau,  et  il  en  conclut  que 
que  l'on  injecte  directement  dans  les  ces  corpuscules  solides  ne  peuvent 
veines  delà  Grenouille  sont  reconnais-  être  absorbés  (a). 


{a)  G.  HoUander,  Quœstiones  de  corpusculoruin  solidorum  e  tractu  intestinali  in  vasa  sangui- 
fera  transilu  {dissert,  iiiaug.),  Dorpat,  iS^Q  {Zeitschr.  fur  rationelle  Meiicin,  3°  série,  1857, 
1. 1,  p.  180.  Bericht  fur  1856). 


CARACTÈRE    GÉNÉRAL    DE    CE    PHÉNOMÈNE.  2/|.S 

des  vaisseaux  capillaires  dans  les  radicules  du  système  lym- 
phatique (1). 

§  15.  —  En  résumé,  nous  voyons  donc  que  l'absorption  est  Résumé. 
un  phénomène  physique  qui  est  subordonné  aux  relations  de 
grandeur  entre  les  particules  de  matière  qui  se  trouvent  en 
contact  avec  la  surface  d'un  tissu  organique  et  les  cavités  inter- 
stitielles ou  autres  par  l'intermédiaire  desquelles  cette  surface 
communique  avec  l'intérieur  des  canaux  sanguins  ou  lympha- 
tiques adjacents  ;  que  par  conséquent  un  certain  degré  de 
division  de  la  matière  est  la  première  condition  qui  doit  être 
remplie  pour  que  l'absorption  de  cette  substance  soit  possible; 
que,  toutes  choses  étant  égales  d'ailleurs,  l'introduction  de 
celle-ci  jusque  dans  le  torrent  circulatoire  sera  d'autant  plus 
facile  que  ses  particules  seront  plus  ténues  et  plus  mobiles;  et 
que,  dans  l'immense  majorité  des  cas,  sinon  toujours,  ce  degré 
de  division  n'est  atteint  que  si  le  corps  sur  lequel  la  puissance 
absorbante  tend  à  s'exercer  se  trouve  à  l'état  fluide. 

Il  résulte  également  de  ce  qui  précède  que,  toutes  choses 
étant  égales  d'ailleurs,  la  grandeur  de  la  puissance  absorbante 
d'un  tissLi  vivant  est  proportionnelle  à  la  brièveté  et  à  la  largeur 
des  voies  interstitielles  qui  sont  creusées  dans  son  épaisseur  et 
qui  font  communiquer  sa  surface  libre  avec  les  canaux  irriga- 
toires  adjacents,  ou,  en  d'autres  mots,  avec  son  degré  de  per- 
méabilité. 

Nous  avons  vu  aussi  que  les  puissances  motrices  qui  déter- 
minent l'absorption  sont  principalement  les  attractions  molé- 
culaires qui  entrent  en  jeu  pour  produire  les  phénomènes 
osmotiques  ;  que  la  capillarité ,  la  diffusion  des  liquides  et  les 
courants  dus  à  l'endosmose  sont  par  conséquent  les  causes 
principales  de  ce  transport  des  matières  de  l'extérieur  jusque 
dans  la   cavité    du   système  irrigatoire  ;   mais  que  d'autres 

(1)  Voyez  tome  IV,  page  5/i8. 


244  ABSORPTION. 

forces  mécaniques,  et  notamment  la  pression,  peuvent  inter- 
venir. 

Enfin  nous  avons  vu  que  le  degré  de  plénitude  des  vaisseaux 
et  la  rapidité  avec  laquelle  les  tluides  nourriciers  se  renou- 
vellent dans  les  points  par  lesquels  l'introduction  s'effectue, 
sont  aussi  des  circonstances  qui  influent  sur  la  quantité  de 
matière  absorbée  en  un  temps  donné. 

Cette  quantité  est  donc  nécessairement  variable  suivant  le 
lieu  où  l'absorption  s'effectue,  suivant  l'état  de  l'économie,  et 
suivant  la  nature  des  substances  qui  se  trouvent  en  contact  avec 
le  tissu  organique. 

Ainsi,  tout  en  étant  un  phénomène  essentiellement  physique, 
l'absorption  se  trouve,  jusqu'à  un  certain  point,  soumise  à 
l'influence  de  la  puissance  vitale.  Celle-ci  n'est  pas  la  cause  de 
l'introduction  des  matières  étrangères  dans  le  torrent  de  la  cir- 
culation ;  mais,  d'une  manière  indirecte,  elle  règle  en  partie  le 
degré  d'activité  avec  lequel  ce  transport  s'effectue,  car  elle 
détermine  quelques-unes  des  conditions  dont  ce  degré  d'acti- 
vité dépend  :  par  exemple,  la  vitesse  avec  laquelle  le  fluide 
nourricier  se  renouvelle  dans  le  tissu  absorbant,  et  probable- 
ment aussi  l'état  de  contraction  tonique  ou  de  relâchement  de 
ce  tissu,  ainsi  que  la  nature  des  sécrétions  dont  sa  substance 
peut  être  lubrifiée. 

En  tenant  compte  des  diverses  circonstances  que  nous  ve- 
nons de  passer  en  revue,  on  peut  juger  d'une  manière  approxi- 
mative des  résultats  que  l'absorption  donnera  ;  mais  nous 
voyons  que  ce  phénomène  est  en  réalité  très  complexe,  et  que 
les  propriétés  physiques  des  tissus  vivants  qui  en  sont  le  siège 
peuvent  être  modifiées  par  l'action  des  forces  physiologiques, 
de  sorte  qu'il  n'est  pas  toujours  possible  de  calculer  avec  quelque 
degré  de  précision  les  effets  qui  se  produiront  dans  un  cas 
déterminé.  Nous  pouvons  néanmoins  nous  former  une  idée 
assez  nette  de  la  nature  du  travail  qui  s'effectue  de  la  sorte 


CARACTÈRE    GÉ^'ÉRAL    DE    CE    PHÉNOMÈNE.  245 

dans  l'organisme  des  êtres  vivants,  et  prévoir  ce  qui  doit  arriver 
dans  la  plupart  des  cas  où  il  est  appelé  à  intervenir. 

L'absorption,  comme  je  l'ai  déjà  dit,  peut  s'exercer  de  deux 
manières  et  déterminer  ainsi  des  résultats  très  différents.  Elle 
peut  effectuer  l'introduction  de  matières  qui  sont  étrangères 
à  l'économie  et  qui  se  trouvent  en  contact  seulement  avec  la 
surface  libre  du  corps,  ou  bien  opérer  l'enlèvement  de  sub- 
stances qui  sont  logées  dans  la  profondeur  des  tissus  au  milieu 
desquels  serpentent  les  courants  irrigatoires  formés  par  le 
fluide  nourricier.  Le  premier  de  ces  actes  est  destiné  à  assurer 
l'alimentation  du  travail  chimique  et  histogénique  dont  la  ma- 
chine vivante  est  le  siège  ;  le  second  est  utihsé  dans  cette  même 
machine  pour  l'expulsion  des  matériaux  dont  le  rôle  physiolo- 
gique est  terminé.  Nous  aurons  donc  à  étudier  l'absorption 
d'abord  comme  prélude,  puis  comme  complément  du  grand 
phénomène  de  la  nutrition,  et,  en  examinant  tour  à  tour  cette 
fonction  dans  ses  rapports  avec  l'assimilation  et  avec  l'excré- 
tion, il  nous  faudra  chercher  quelle  part  les  veines  et  les  vais- 
seaux lymphatiques  peuvent  prendre  dans  le  transport  des 
matières  qui  arrivent  aux  organes  ou  qui  en  sortent,  sujet  dont 
la  discussion  serait  prématurée  aujourd'hui. 

Sans  nous  arrêter  davantage  sur  ces  considérations  géné- 
rales, nous  passerons  donc  à  l'examen  de  l'un  des  cas  parti- 
culiers que  je  viens  de  signaler,  et  nous  chercherons  à  nous 
rendre  compte  de  la  manière  dont  l'introduction  des  matières 
nutritives  s'effectue. 

Mais,  avant  d'aborder  cette  question,  il  me  faudra  traiter 
d'une  autre  fonction.  En  effet,  la  plupart  des  substances  que 
les  Animaux  ont  besoin  de  porter  ainsi  dans  la  profondeur  de 
l'économie  ne  se  trouvent  pas  dans  la  Nature  sous  une  forme 
qui  les  rende  absorbables,  et,  pour  devenir  aptes  à  pénétrer  de 
la  sorte  dans  l'organisme,  il  faut  qu'elles  subissent  une  cer- 
taine préparation.  Au  lieu  d'achever  immédiatement  l'étude  de 


2/l6  ABSORPTION. 

l'absorption,  nous  devrons  par  conséquent  nous  occuper  main- 
tenant de  l'examen  des  actes  physiologiques  à  l'aide  desquels 
les  matières  nutritives  sont  placées  dans  les  conditions  vou- 
lues pour  que  leur  arrivée  dans  l'appareil  irrigatoire  soit  pos- 
sible, actes  qui  constituent  le  phénomène  de  la  digestion.  Dans 
la  prochaine  Leçon,  nous  commencerons  donc  l'histoire  de 
cette  partie  importante  des  fonctions  de  nutrition. 


QUARANTE -SIXIÈME  LEÇON. 


De  la  digestion.  —  Nature  de  ce  phénomène.  —  Agents  qui  le  produisent.  —  Carac- 
tères anatomiques  et  physiologiques  de  l'appareil  de  la  digestion.  —  Mode  de 
perfectionnenient  de  cette  fonction  et  des  organes  qui  y  sont  affectés. 


^  1 .  —  Le  sang,  dont  nous  avons  étudié  le  mouvement  dans  considérations 

*^  _  préliminaires. 

l'organisme  au  commencement  de  ce  cours,  doit  en  partie  ses 
propriétés  vivifiantes  à  la  présence  de  l'oxygène  que  nous  avons 
vu  y  pénétrer  par  les  voies  respiratoires  ;  mais  ce  liquide  nour- 
ricier, pour  remplir  son  rôle  physiologique,  a  besoin  de  rece- 
voir aussi  du  dehors  des  matières  combustibles  et  organisables. 
Les  Animaux  ne  possèdent  pas  la  faculté  de  créer  de  toutes 
pièces  ces  matières,  et  ne  peuvent  les  trouver  que  dans  la  sub- 
stance constitutive  d'autres  corps  qui  sont  ou  qui  ont  été  doués 
de  la  vie.  Or,  ces  substances  alimentaires  qui  doivent  être 
absorbées  ne  se  rencontrent  d'ordinaire  qu'à  l'état  solide,  et 
nous  avons  vu  dans  la  dernière  Leçon  que  les  tissus  de  l'orga- 
nisme ne  se  laissent  traverser  facilement  que  par  des  tluides. 
Pour  que  l'Animal  puisse  utiliser  de  la  sorte  la  plupart  des 
matières  étrangères  que  la  Nature  lui  fournit,  il  faut  donc  qu'il 
les  transforme  en  liquide,  ou,  en  d'autres  mots,  il  faut  qu'il 
les  digère,  et,  afin  de  pouvoir  effectuei-  ce  travail,  il  est 
pourvu  d'instruments  particuliers  dont  le  plus  important  est 
une  cavité  appelée  estomac,  et  dont  la  réunion  constitue  ce  que 
l'on  nomme  un  appareil  digestif. 

Les  Plantes  ont  le  pouvoir  de  former  de  toutes  pièces  c6s 
matières  organisables  à  l'aide  de  fluides  qui  se  trouvent  répan- 
dus partout  à  la  surface  de  la  terre,  et  qui  réunissent  toutes  tes 
conditions  voulues  pour  être  absorbables.  En  effet,  ces  êtres 
peuvent  conshtuer  les  ahments  dont  ils  ont  besoin  en  puisant 


2/l8  DIGESTION. 

directement  dans  le  milieu  ambiant  de  l'eau,  de  l'acide  car- 
bonique et  quelques  autres  substances  qui  s'y  rencontrent  à 
l'état  de  gaz  ou  qui  se  trouvent  en  dissolution  dans  les  liquides 
dont  leurs  racines  sont  baignées.  Elles  peuvent  donc  se  nourrir 
sans  foire  subir  aux  substances  qu'elles  doivent  absorber  aucune 
élaboration  préliminaire,  et  par  conséquent  elles  n'ont  jamais 
d'appareil  digestif. 

Dans  une  des  précédentes  Leçons,  nous  avons  vu  que  l'Ani- 
mal diffère  de  la  Plante  par  son  mode  de  respiration  ;  à  ce 
premier  caractère  vient  donc  s'en  ajouter  aujourd'hui  un  second, 
tiré  de  l'existence  de  la  faculté  digestive  et  des  instruments 
physiologiques  à  l'aide  desquels  cette  faculté  s'exerce.  Dans 
l'immense  majorité  des  cas,  cette  particularité  anatomique  est 
bien  prononcée  et  facile  à  constater.  Une  cavité  qui  commu- 
nique librement  avec  le  dehors,  et  qui  est  appelée  estomac, 
reçoit  les  ahments  dans  son  intérieur,  en  opère  la  digestion,  et 
transmet  ensuite  au  fluide  nourricier  les  produits  de  son  travail 
L'existence  d'un  organe  de  ce  genre  suffit  pour  établir  que 
l'être  chez  lequel  on  l'observe  appartient  au  Règne  animal  ;  les 
Végétaux  n'en  présentent  jamais  de  trace;  mais  je  dois  ajouter 
que,  sous  ce  rapport  comme  sous  tous  les  autres,  la  Hgne  de 
démarcation  entre  les  deux  grandes  divisions  de  la  Création 
organique  est  moins  nettement  tracée  qu'on  ne  pourrait  le 
croire  au  premier  abord.  En  effet,  chez  quelques  Animaux  à 
structure  dégradée,  l'appareil  digestif  s'amoindrit  et  disparaît 
plus  ou  moins  complètement.  Mais  ce  sont  là  des  exceptions 
dont  nous  n'avons  pas  à  nous  occuper  en  ce  moment,  et  la 
digestion  n'en  est  pas  moins  une  des  fonctions  générales  des 
êtres  animés  qui  leur  appartiennent  en  propre. 
Des  aliments.  ^2.  —  Si  uous  étious  astrclut  à  suivrc  rigoureusement  ici 
l'ordre  méthodique  dans  lequel  les  idées  s'enchaînent,  nous  ne 
devrions  aborder  l'histoire  de  la  digestion  qu'après  avoir  étudié 
les  matières  sur  lesquelles  cette  fonction  s'exerce,  et  par  con- 


CONSIDÉRATIONS    PRÉLIMINAIRES.  2/19 

séqaent  j'aurais  à  traiter  d'abord  des  aliments.  Mais,  ainsi  que 
je  l'ai  déjcà  dit  plus  d'une  fois,  je  n'hésite  pas  à  me  départir 
de  cette  règle  toutes  les  fois  qu'une  autre  marche  me  semble 
plus  favorable  à  l'intelligence  des  choses  dont  j'ai  à  m'occuper. 
Or,  l'examen  approfondi  de  la  nature  et  des  propriétés  des 
substances  nutritives  me  semble  trouver  mieux  sa  place  dans 
la  série  de  Leçons  où  j'aurai  à  parler  de  l'emploi  de  ces  corps 
dans  le  travail  de  la  nutrition.  Je  ne  m'y  arrêterai  donc  pas 
en  ce  moment,  et  je  me  bornerai  à  indiquer  brièvement  le  sens 
que  le  physiologiste  doit  attacher  au  mot  aliment. 

Dans  le  langage  ordinaire,  on  désigne  sous  ce  nom  les  sub- 
stances qui  se  mangent,  se  digèrent  et  servent  à  l'entretien  de 
la  vie  ',  mais  on  peut  y  donner  une  acception  plus  large,  et  l'ap- 
pliquer à  toute  matière  qui,  introduite  dans  l'organisme,  est 
susceptible  de  servir,  soit  à  l'entretien  de  la  combustion  phy- 
siologique, soit  à  la  constitution  des  tissus  ou  des  humeurs  de 
l'économie  animale.  Ainsi,  la  digestibilité  de  ces  matières, 
c'est-à-dire  leur  aptitude  à  être  modifiées  d'une  certaine  ma- 
nière dans  leurs  propriétés  physiques  ou  chimiques  avant  leur 
absorption  et  leur  entrée  dans  le  torrent  circulatoire,  n'est  pas 
une  condition  nécessaire  à  leur  admission  dans  la  classe  des 
aliments;  et  lors  même  qu'une  substance  introduite  dans  l'es- 
tomac serait  digérée ,  c'est-à-dire  rendue  absorbable,  et  irait 
ensuite  se  mêler  au  sang,  nous  ne  devrions  pas  la  considérer 
comme  un  aliment,  si  elle  n'est  pas  propre  à  être  employée 
dans  l'organisme  et  à  fournir,  soit  des  matériaux  constitutifs 
des  tissus  ou  des  humeurs,  soit  des  combustibles  propres  à 
l'entretien  de  la  respiration.  Ainsi,  pour  nous,  l'eau  est  un 
aliment  aussi  bien  que  le  sucre  ou  la  fibrine,  car  c'est  une 
matière  indispensable  à  la  nutrition  du  corps  ,  et  quelle  que 
soit  la  voie  par  laquelle  ce  liquide  arrive  dans  l'économie,  son 
rôle  est  toujours  le  même.  Le  physiologiste  doit  donc  classer 
parmi  les  substances  alimentaires  des  corps  minéraux  aussi 


250  DIGESTION. 

bien  que  des  matières  organiques;  mais  comme  ce  sont  ces 
dernières  surtout  qui  se  trouvent  soumises  aux  forces  diges- 
tives,  ce  sont  elles  principalement  dont  nous  aurons  à  nous 
occuper  en  ce  moment ,  et  j'ajouterai  qu'à  raison  de  leur 
nature  chimique  et  de  leurs  propriétés,  on  les  divise  en  deux 
groupes,  savoir  :  les  a/men^i- p/as^wes,  qui  sont  susceptibles 
d'entrer  dans  la  composition  des  tissus  organiques  et  de  deve- 
nir ainsi  des  parties  vivantes,  et  les  aliments  respiratoires, 
dont  le  principal  rôle  est  de  fournir  du  carbone  à  la  combustion 
physiologique.  Les  aliments  plastiques  sont  des  matières  orga- 
niques azotées  neutres,  telles  que  la  fibrine ,  l'albumine  et  la 
caséine.  Les  aliments  respiratoires  sont  des  substances  non 
azotées  qui  sont  riches  en  carbone  et  en  hydrogène  :  elles  se 
ressemblent  à  beaucoup  d'égards  ;  mais,  pour  la  facilité  de  ildë 
études,  il  est  nécessaire  de  les  diviser  à  leur  four  en  deux 
groupes  comprenant,  l'un  les  matières  amylacées  ou  sucrées, 
l'autre  les  matières  grasses, 

§  3.  —  Les  aliments,  comme  je  l'ai  déjà  dit,  sont  en  géné^ 
généraux     fa]  (jes  corps  solides,  et  si  on  les  examine  après  qu'ils  ont 

de  la  digestion.  *■  ' 

séjourné  pendant  un  certain  temps  dans  l'appareil  digestif,  oh 
voit  qu'ils  y  ont  été  ramollis,  désagrégés  et  transformés  en  une 
sorte  de  pâte  plus  ou  moins  liquide  appelée  chyme,  qui  exliale 
une  odeur  à  la  fois  acre  et  fade.  A  mesure  que  le  travail 
digestif  s'avance,  cette  matière  pultacée  abandonne  les  sucs 
dont  elle  est  imprégnée,  ainsi  que  les  autres  substances  qiii 
sont  susceptibles  d'être  absorbées  par  les  parties  voisines  dé 
l'organisme;  enfin,  elle  se  trouve  réduite  à  un  magma  dé 
débris  qui  ont  résisté  à  l'action  des  forces  mises  en  jeu  pour 
les  attaquer  et  qui  doivent  être  rejetés  au  dehors. 

Pendant  longtemps  les  physiologistes  n'ont  pas  cherché  à  se' 

rendre  nettement  compte  de  la  nature  du  travail  qui  s'effectue 

W  la  nature  ^g  |g^  g^p^g  ^jgjjg  l'écouomie  ammalc,  et  se  sont  bornés  à  énon- 

du  travail 

digestif,     ^gj,  gj^  „j^  langage  figuré  le  fait  dont  je  viens  de  faire  mention. 


Phénomènes 


Opinions 

des  anciens 

physiologistes 


NATURE    CE    CE    fliÉNOMENE.  ^51 

Ainsi  Hippocrate  disait  que  la  digestion  est  une  coction  ;  mais, 
en  exprimant  ainsi  sa  pensée,  il  ne  prétendait  ni  expliquer  le 
phénomène  ,  ni  établir  que  les  changements  imprimés  aux 
ahments  dans  l'estomac  fussent  du  même  ordre  que  ceux  dé- 
terminés par  la  cuisson  ;  il  voulait  dire  seulement  que  ces 
matières  sont  préparées,  élaborées,  rendues  aptes  à  servir  à 
nos  besoins  (1). 

Quelques  autres  médecins  de  l'antiquité  ont  cru  pouvoir 
pénétrer  plus  avant  dans  ce  mystère.  Ainsi  Érasistrate,  ayant 
probablement  aperçu  certains  mouvements  qui  s'opèrent  dans 
l'estomac  pendant  la  durée  de  la  chymification  ,  fut  conduit 
à  penser  que  la  digestion  n'est  qu'un  travail  mécanique  , 
une  sorte  de  tritm^ation  des  aliments.  L'un  des  disciples  de 
Praxagore,  Plistonicus,  n'adopta  pas  cette  hypothèse,  et  crut 
voir  dans  le  phénomène  de  la  digestion  une  simple  putréfac- 
tion analogue  à  celle  que  la  plupart  des  matières  organiques 
éprouvent  spontanément  quand  elles  restent  exposées  à  l'actioii 
de  la  chaleur,  de  Thumidité  et  de  l'air.  Enfin,  Asclépiade, 
l'ami  de  Cicéron,  parait  avoir  pensé  que  la  digestion  consiste 
en  une  sorte  de  dissolution  des  aliments  (2). 

(1)  Hippociale  n'avait  évidemment  important    dans    l'opération    de    la 

que  des  idées  très  vagues  à  ce  sujet,  cliymiticalion  ;  mais  il  suppose  que  les 

et,  bien  qu'il  se  serve  en  général  du  aliments  sont    transformés   ainsi  en 

mot  TTs'^'.ç,  ou  cuisson,  quand  il  parle  une  substance  analogue  à  celle  dont 

du  travail   digestif  et   qu'il  attribue  l'organisme  se  compose,  et  que  cette 

cette  coction  à  la  chaleur  de  l'esio-  transformation  est  la  conséquence  du 

mac,  il  paraît,  dans  quelques  pas-  mode  d'aclionparliculier  de  l'estomac, 

sages,  regarder  la  digestion  des  aii-  qui  serait    doué    d'une  faculté  coc- 

ments  comme  une  sorte  de  putré-  trice  (a)  ;  selon  lui,  la  digestion  serait 

faction.  donc,  non  une  simple  cuisson,  mais 

Galien  semble  attacher  à  l'exprès-  plutôt  ce  que  l'on  appelle  aujourd'hui 

slon  de  coction  un  sens  différent  ;  il  une  élaboration. 

fait  jouera  la   chaleur  un  rôle  plus  (2)Lesidéesd'Ërasistrate,  de  Plisto" 

[a)  Galien,  De  naturalibus  facultalibus,  lib.  II,  cap.  iv. 


25*2  DIGESTION. 

Ainsi  nous  trouvons  déjà  chez  les  anciens  les  germes  des 
principales  théories  qui  jusque  dans  ces  derniers  temps  ont 
régné  tour  à  tour  dans  nos  écoles.  Par  exemple,  l'expression 
métaphorique  employée  par  Hippocrate  a  fait  naître  la  doctrine 
de  Vélixation  (1) ,  et  divers  commentateurs  de  ce  grand  médecin 
ont  cru  pouvoir  assimiler  la  digestion  au  phénomène  de  la  cuis- 
son ;  à  leurs  yeux,  les  changements  que  les  aliments  subissent 
dans  l'estomac  étaient  dus  à  la  chaleur  de  cet  organe  (2)  ; 
mais,  pour  accepter  une  pareille  idée,  il  fallait  ignorer  ce  qui 
se  passe  dans  plus  des  neuf  dixièmes  du  Règne  animal,  car 
chez  tous  les  Animaux  la  digestion  s'effectue,  et  cependant 
chez  la  plupart  de  ces  êtres  la  température  du  corps  ne  diffère 


nicus  et  d'Asclépiade  sur  la  nature  du 
travail  digestif  ont  été  résumées  de  la 
manière  suivante  par  Celse  : 

«  Exquibus,  quia  maxime  pertinere 
»  ad  rem  concoctio  videtur,  huic  po- 
»  tissimum  insistunt  ;  et  duce  alii 
»  Erasislrato,  teri  cibum  in  ventre  con- 
»  tendunt  ;  alii  Plistonico  Praxagorse 
»  discipulo  putrescere  ;  alii  credunt 
»  Hippocrati  per  calorem  cibos  con- 
»  coqui  ;  acceduntque  Asclepiadis 
»  semuli  qui  omnia  ista  vana  et  super- 
»  vacua  esse  proponunt  :  nihil  enim 
»  concoqui ,  sed  crudam  materiam, 
»  sicut  assumpta  est  in  corpus  omne 
»  diduci  (a).  » 

Asclépiade  ,  dont  il  est  ici  question, 
n'était  pas  un  des  descendants  d'Escu- 
lape,  comme  on  pourrait  le  croire  par 
son  nom  ;  il  habitait  Rome  du  temps 
de  Pompée,  et  y  jouissait  d'une  très 
grande  réputation,  mais  il  paraît  avoir 
été  très  ignorant  en  anatomie  et  en 


physiologie.  Galien  dit  aussi  qu'il  con- 
sidérait la  digestion  comme  le  résultat 
d'une  simple  division  des  atomes  dont 
se  composent  les  aliments.  Mais  cette 
opinion  paraît  avoir  eu  peu  de  parti- 
sans, et  Cicéron,  qui  avait  des  rela- 
tions intimes  avec  Asclépiade,  avance 
de  la  manière  la  plus  positive  que  la 
digestion  est  une  cuisson  effectuée  par 
la  chaleur  (6). 

(1)  De  elixare,  cuire. 

(2)  Parmi  les  auteurs  qui,  dans 
des  temps  plus  modernes,  ont  cru 
pouvoir  expliquer  le  travail  digestif 
en  le  représentant  comme  une  coction 
opérée  par  la  chaleur  animale,  je  ci- 
terai iMichel  Servet  (c). 

J'ajouterai  que,  même  au  commen- 
cement du  siècle  dernier,  on  se  con- 
tentait d'hypothèses  de  ce  genre. 
Ainsi  Drake  compare  l'estomac  à  la 
machine  de  Papin  (d). 


(a)  C.  Celsus,  Medicinœ  liher  primus,  p.  5  (édit.  de  Bianconi,  1785). 

(b)  De  natura  deorum,  lib.  II,  §  nv. 

(c)  Voyez  Sprengel,  Histoire  de  la  médecine,  t.  III,  p.  34. 

(d)  Anthropologia  nova,  1717,  p.  86. 


NATURE    DE    CE    PHÉNOMÈNE.  253 

pas  sensiblement  de  celle  de  l'atmosphère  (1).  La  théorie  toute 
mécanique  de  la  digestion  par  trituration  a  eu  de  nombreux 
partisans,  et  a  conduit  même  à  la  découverte  de  plus  d'un  fait 
important,  mais  elle  a  donné  lieu  à  un  nombre  bien  plus 
grand  de  vaines  spéculations  déguisées  sous  le  masque  de  la 
science  positive  (2).  Enfin  ,  l'hypothèse  suivant  laquelle  la 
digestion  serait  une  sorte  de  fermentation,  ou  serait  déterminée 
par  l'effet  de  dissolvants,  a  revêtu  successivement  diverses 
formes,  suivant  la  nature  des  idées  régnantes  parmi  les  chi- 
mistes de  chaque  époque  ;  et  si  l'on  s'en  tenait  aux  mots  au 
lieu  d'aller  au  fond  des  choses,  on  pourrait  trouver  dans  les 
écrits  de  plus  d'un  auteur  des  xvn*  et  xvni"  siècles  l'énoncé 
succinct  de  la  théorie  généralement  admise  de  nos  jours.  Mais 
en  réalité  on  ne  savait  alors  rien  touchant  la  nature  du  travail 
digestif,  et,  jusque  vers  la  fin  du  siècle  dernier,  presque  tous 
les  faits  fondamentaux  sur  lesquels  la  théorie  de  ce  phénomène 
repose  étaient  encore  à  découvrir  (3).  L'exposé  des  opinions  et 

(1)  Voyez  Haller,  Elementa  physio-  ques  médecins  de  mérite,  même  dans 
logiœ,  t.  VI,  p.  335.  les  temps  modernes  :  Glieselden  ,  par 

(2)  Gomme  exemple  de  ces   vues      exemple  (6). 

toutes  spéculatives  des  physiologistes  L'hypothèse  d'une  fermentation  di- 

dits  iatro-mathématiciens ,  je  citerai  gestive  a  été  imaginée,  vers  le  milieu 

les  hypothèses  de  Pitcairn  sur  la  puis-  du  xvir  siècle,  par  Van  Helmont  (c), 

sance  triturante  de  l'estomac,  qu'il  a  dont  j'ai  déjà   eu  l'occasion  de  men- 

cru pouvoir  évaluer  à  12  951  livres  (a).  tionner   les   travaux   (d).  Elle   a  eu 

(3)  L'assimilation  de  la  digestion  à  beaucoup  de  partisans,  parmi  lesquels 
la  putréfaction  ne  pourrait  résister  à  je  citerai  Sylvius,  Willis,  Boyle,  Lo- 
une  simple  discussion  sérieuse,  mais  wer,  Macbride,  etc.  (e).  Mais  il  ne 
a  été  soutenue  cependant  par  quel-  faut  pas  oublier  qu'à  cette  époque,  les 

(a)  Pitcairn,  Dissertalio  de  motu  quo  cibi  in  ventriculo  rediguntur  ad  formam  sanguini  refi- 
ciendo  idoneam  (Dissertationes  medicœ,  p.  81,  Piotterdam,  1701,  et  Elementa  medicina  physico- 
mathematica,  1718,  cap.  v,  p.  25). 

(6)  Cheselden,  Anatomy  of  the  Human  Body,  1763,  p,  155,  8»  édit. 

(c)  Van  Helmont,  Sextuplex  digestio  alimenti  humani  (Ortus  medicinœ,  p.  1G7). 

{d)  Tome  I,  page  379. 

(e)  Sylvius  (ou  Dubois),  Disserl.  med.  I,  et  Prnx.med.,  lib.  VII,  cap.  vu. 

—  Willis,  Defennentalione,  cap.  i,  p.  17  (Opéra  omnia,  1680,  t.  I). 

—  Boyle,  Works,  t.  H,  p.  622. 

—  Lower,  De  corde,  p.  204. 

—  Macbride,  Expérimental  Essay  on  the  Fermentation  of  Alimentary  Mixture,  1 701 ,  p.  59. 

—  Leich,  Discours  e  concerning  Digestion  [Philos.  Trans.,  1684,  t.  XIV,  p.  694). 


254  DIGESTION. 

des  conjectures  qui  ont  précédé  la  connaissance  de  ces  (aits 
serait  une  tâche  non  moins  oiseuse  que  longue.  Je  ne  l'entre- 
prendrai donc  pas,  et  je  me  bornerai  à  rendre  compte  des 
découvertes  successives  à  l'aide  desquelles  la  question  si  long- 
temps en  litige  a  été  enfin  résolue. 
„    ..  ^  h.  —  La  première  série  d'expériences  méthodiques  et 

Premières  c  r  i  i 

recherches    instructlvcs  cntrcpriscs  à  ce  sujet  est  due  au  célèbre  Réaumur, 

expérimentales  ^  " 

^"•"        dont  les  beaux  travaux  sur  l'histoire  naturelle  des  hisectes 

la  digestion. 

constituent  une  des  principales  richesses  de  l'entomologie  (1). 


connaissances  chimiques  touchant  la 
nature  des  phénomènes  auxquels  ou 
donnait  le  nom  de  fermentation 
étaient  si  vagues  el  si  incomplètes, 
qu'en  réalité  l'emploi  de  cette  expres- 
sion n'avançait  guère  la  question,  et 
signifiait  seulement  que,  dans  l'o- 
pinion de  ces  physiologistes  ,  les 
modifications  éprouvées  par  les  ali- 
ments dans  l'estomac  sont  le  résultat 
d'un  changement  qui  s'opère  dans 
leur  constitution  ,  soit  spontanément, 
soit  sous  l'influence  d'un  agent  com- 
parable au  ferment  connu  sous  le  nom 
de  levure,  et  non  le  résultat  d'une 
action  mécanique  ou  d'une  simple 
dissolution.  Du  reste,  la  ligne  de  dé- 
marcation entre  la  théorie  de  la  diges- 
tion par  fermentation  ou  par  dissolu- 
tion était  rarement  indiquée  d'une 
manière  nette  ;  dans  cette  dernière 
hypothèse,  on  attribuait  la  désagréga- 
tion et  la  transformation  des  aliments 
en  chyme  à  l'action  d'un  liquide  pro- 
duit dans  l'estomac ,  et  appelé  suc 
gastrique  ;  mais  à  cette  époque  l'exis- 
tence  de    ce    suc  n'était   nullement 


démontrée,  et  les  propriétés  qu'on  y 
attribuait  ne  pouvaient  s'expliquer  en 
aucune  façon  par  les  propriétés  chi- 
miques d'aucun  corps  connu.  C'était 
donc  un  être  de  raison  seulement. 
Ainsi  Cureau  de  Lachambre,  un  des 
premiers  médecins  qui  aient  soutenu 
la  théorie  de  la  dissolution,  admettait 
que  celte  transformation  était  efléc- 
tuée,  non  par  une  humeur  aqueuse  ou 
acide,  mais  par  des  esprits  dissol- 
vants (a),  et  Lamy,  son  contemporain, 
qui  attribuait  ce  rôle  à  un  suc  gas- 
trique,  assurait  que  ce  suc  dissolvait 
les  métaux  aussi  bien  que  les  ali- 
ments [h).  Quelques-uns  de  ces  phy- 
siologistes, il  est  vrai,  avaient  deviné 
assez  juste  ,  et ,  comme  exemple,  je 
citerai  Grew  (c)  ;  mais  leur  opinion 
ne  reposait  sur  aucune  base  solide, 
et  il  suffit  de  hre  l'exposé  de  l'état  de 
la  question  dans  le  grand  ouvrage  de 
Haller,  pour  reconnaître  combien  il 
régnait  d'obscurité  dans  toute  cette 
portion  de  la  physiologie  (cl). 

(1)  René  Ferchault  de  Réaumur 
naquit  à  la  Rochelle  en  1683,  et  entra 


(a)  De  Lachambre,  Nouvelles  conjectures  sur  la  digestion.  Paris,  1638. 
(6)  Lamy,  Discours  anatomiques.  Paris,  4  675. 

(c)  Grew,  Conip.  Anatomy  ofthe  Stomach,  p.  26. 

(d)  Haller,  Elementa  physiologiœ,  lib.  XIX,  sect.  v,  t.  V,  p.  327  et  suiv. 


NATURE    DE    CE    PHENOMENE. 


255 


On  savait  déjà,  par  les  expériences  faites  à  Florence  par  les 
membres  de  l'ancienne  Académie  del  Cimento,  que  des  corps, 
même  des  plus  durs ,  introduits  dans  l'estomac  de  certains 
Oiseaux,  tels  que  l'Autruche,  sont  usés  et  souvent  même  réduits 
en  poudre  par  l'action  de  cet  organe  (1).  On  avait  reconnu  aussi 
que  chez  ces  Animaux  les  parois  de  cet  organe  sont  garnies  de 
muscles  puissants,  et  les  partisans  de  la  théorie  mécanique  de  la 
digestion  arguaient  de  ces  faits  pour  soutenir  que  cet  acte  phy- 
siologique consistait  essentiellement  en  un  phénomène  de  tritu- 
ration. Mais,  d'un  autre  côté,  les  anatomistes  avaient  vu  aussi 
que  chez  l'Homme,  ainsi  que  chez  un  grand  nombre  d'Ani- 
maux dont  la  puissance  digestive  est  assez  grande,  l'estomac 
n'a  que  des  parois  minces  et  membraneuses  plutôt  que  char- 


à  rAcadémic  des  sciences  en  1708, 
comme  mathématicien.  Il  se  fit  con- 
naître d'abord  par  plusieurs  publica- 
tions importantes  sur  la  fabrication 
de  l'acier,  du  fer-blanc,  des  perles 
fausses,  etc.,  ainsi  que  par  des  tra- 
vaux relatifs  à  divers  points  d'In'stoire 
naturelle,  et  les  perfectionnements 
qu'il  introduisit  dans  la  construction 
des  thermomètres  rendirent  son  nom 
populaire.  Mais  son  ouvrage  le  plus 
important  est  une  série  de  mémoires 
sur  les  mœurs  des  Insectes,  formant 
six  volumes  in-/i  et  accompagnés  de 
nombreuses  planches.  Réaumur  mou- 
rut en  1757. 

(1)  U Accademia  del  Cimento,  fon- 
dée en  1657  par  Léopold ,  grand-duc 
de  Toscane,  et  composée  principale- 
ment de  disciples  de  Galilée,  n'exista 
que  pendant  un  assez  court  espace  de 


temps,  et  s'occupa  principalement  de 
questions  de  physique,  mais  fit  aussi 
diverses  expériences  sur  la  digestion. 
Ainsi  elle  constata  que  chez  des 
Poules  et  des  Canards  ,  des  boules 
de  cristal,  des  balles  de  plomb  et 
d'autres  corps  très  durs  introduits 
dans  l'estomac  de  ces  Oiseaux  sont 
bientôt  usés,  tordus  ou  même  i-éduits 
en  poudre  [a). 

Iledi,  l'un  des  membres  de  cette 
Société  savante,  fit  beaucoup  d'expé- 
riences anaioiiues  sur  ces  Oiseaux  de 
basse-cour,  ainsi  que  sur  une  Autru- 
che, et  il  eut  le  soin  de  déterminer  la 
perte  de  poids  que  les  corps  divers 
subissaient  dans  l'intérieur  de  Testo- 
mac  de  ces  Animaux  (b). 

On  cite  aussi  des  expériences  du 
même  genre  faites  vers  la  même 
époque  par  M.  Magalotti  (c). 


(a)  Saggi   di  naturali  esperienze  fatte  neU'Accademia  del  Cimento,  1667,  esp.   cclxviii, 
2"  édit.,'1691. 

(b)  Fr.  Hedi,  Opusculorum pars  secunda,  sive  expérimenta  circa  varias  res  naturales,  p.  102 
et  suiv.  (éd.  de  Leyde,  4729). 

(c)  Magalotti,  Sagio  di  naturali  esperieme. 


256  DIGESTION. 

nues,  de  façon  qu'il  était  difficile  d'attribuer  à  ce  viscère  une 
grande  force  musculaire.  On  avait  recueilli  également  divers 
faits  qui  tendaient  à  prouver  que  la  digestion  peut  s'opérer 
lors  même  que  les  parois  de  l'estomac  restent  écartées,  et  cela 
chez  les  Oiseaux,  où  la  puissance  triturante  de  cet  organe  est  le 
plus  développée  (1).  Réaumur  se  trouvait  donc  en  présence  de 
deux  opinions  nettement  formulées,  touchant  la  nature  du  tra- 
vail digestif  :   suivant  les  uns ,  c'était  parce  que  les  ahments 
sont  broyés  dans  l'estomac  qu'ils  sont  transformés  en  cette 
Expériences   cspèce  dc  pâtc  quc  Tou  nomme  chyme;  suivant  les  autres,  ce 
pa- Réaumur.  résultat  était  dû  à  l'action  dissolvante  d'un  agent  chimique,  d'un 
suc  digestif.  Pour  décider  de  quel  côté  était  la  vérité,  Réaumur 
eut  l'heureuse  idée  de  soumettre  à  l'action  des  forces  digestives 
de  l'estomac  divers  aliments  renfermés  dans  une  enveloppe 
soHde,  de  façon  à  les  protéger  contre  toute  pression,  tout  frotte- 
ment, toute  action  mécanique  quelconque ,  mais  à  les  laisser 
accessibles  au  contact  des  liquides  qu'ils  pouvaient  rencontrer 
dans  la  cavité  stomacale.  Les  premières  expériences  exécu- 
tées de  la  sorte  ne  donnèrent  aucun  résultat  décisif,  car  elles 
furent  faites  sur  des  Oiseaux  dont  le  gésier  est  très  puissant,  et 
les  tubes  de  verreoude  métal  employés  pour  garantir  les  aliments 
contre  l'action  triturante  de  ce  viscère  ne  purent  y  résister  ; 
ils  étaient  brisés  ou  aplatis  et  tordus  en  peu  de  temps  par  les 
contractions  énergiques  de  l'estomac,  et  par  conséquent  les  faits 
observés  n'ajoutaient  rien  à  ceux  constatés  précédemment  par 
Redi  et  les  autres  académiciens  de  Florence.  Réaumur  répéta 
donc  ses  essais,  en  faisant  usage  d'enveloppes  plus  résistantes, 


(1)  Ainsi  Vallisneri,  en  faisant  l'a-  faisant  saillie  dans  rintérieur  de  l'es- 

natomie  d'une  Autruche,  a  trouvé  un  tomac,  circonstance  qui  semble  avoir 

gros  clou  implanté  dans   les   parois  dû  empêcher  cet  organe  de  se  con- 

charnues  du  gésier  de  cet  Animal,  et  tracter  comme  d'ordinaire  (a). 

(a)  Vallisneri,  Notomia  dello  Struzzo  {Opère  fisico-mediche,  t.  I,  p.  242,  pi.  29,  fig.  2). 


NATURE    DE    CE    PHÉNOMÈNE.  257 

et,  au  premier  abord,  il  put  croire  que  l'action  mécanique  de 
l'estomac  était  au  moins  une  des  conditions  nécessaires  pour 
la  transformation  des  aliments  en  chyme,  car  l'orge  qu'il  avait 
renfermée  dans  des  tubes  métalliques  d'une  solidité  convenable 
et  qu'il  avait  introduits  ensuite  dans  le  gésier  de  divers  Oiseaux 
de  basse-cour,  s'était  retrouvée  intacte  après  avoir  séjourné  fort 
longtemps  dans  cet  organe  (1).  Mais,  en  variant  davantage  ses 
expériences,  il  ne  tarda  pas  à  reconnaître  que  souvent,  sinon 
toujours,  la  digestion  peut  s'opérer  sans  l'intervention  d'aucune 
force  mécanique  et  par  la  seule  influence  des  sucs  gastriques. 
Cette  seconde  série  de  recherches  porta  sur  des  Oiseaux  à 
estomac  membraneux,  et,  afin  de  pouvoir  multiplier  facilement 
ses  observations,  Réaumur  mit  à  profit  un  fait  bien  connu  de 
toutes  les  personnes  versées  dans  l'art  de  la  fauconnerie.  On 
avait  remarqué  que  les  Oiseaux  de  proie  rejettent  facilement 
par  le  bec  les  matières  que  leur  estomac  n'a  pu  digérer,  et  que 
d'ordinaire  ils  se  débarrassent  de  la  sorte  des  plumes  ou  autres 
dépouilles  des  Animaux  dont  ils  se  repaissent.  Les  fauconniers 
avaient  même  l'habitude  de  leur  faire  avaler  de  grosses  boules 
de  matières  indigestes  afin  de  provoquer  des  vomissements 
qu'ils  considéraient  comme  salutaires  (2).  Réaumur,  au  lieu  de 
sacrifier  les  Oiseaux  soumis  à  ses  expériences,  se  contenta  donc 


(l)  Cette  première  série  d'expé-  il  réussit  en  faisant  usage  de  tubes  de 
riences  fut  faite  sur  des  Dindons,  des  plomb  d'une  épaisseur  considérable. 
Canards  et  des  Coqs,  Réaumur  em-  Ceux-ci  ne  furent  ni  aplatis  ni  tordus 
ploya  d'abord  des  boules  de  verre  par  les  contractions  du  gésier ,  mais 
creuses  dont  on  se  sert  pour  fabri-  les  grains  d'orge  qu'il  y  renfermait 
quer  les  perles  fausses,  puis  de  se  retrouvaient  sans  altération  notable 
courts  tubes  de  verre  ou  de  fer-blanc;  après  un  séjour  fort  long  dans  l'es- 
mais  ces  corps   ne  résistaient  pas  à  tomac  (a). 

l'action  triturante  du  gésier,  et  furent  (2)  Ces  bols  vomitifs,  que  l'on  dé- 

promptement  brisés  ou  aplatis;  enfin  signait  sous  le  nom  de  cures,  étaient 


(a)  Réaumur,  Sur  la  digestion  des  Oiseaux  (premier  mémoire).  Expériences  sur  la  manière 
dont  se  fait  la  digestion  dans  les  Oiseaux  qui  vivent  principalement  de  grains  et  d'herbes  et  dont 
l'estomac  est  un  gésier  [Mém.  de  l'Acad.  des  sciences,  1752,  p.  266). 

V.  17 


258  DIGESTION. 

de  faire  descendre  dans  leur  estomac  des  tubes  métalliques 
renfermant  des  aliments,  et  d'en  examiner  le  contenu  lorsque 
l'Animal  les  rejetait  spontanément.  Les  résultats  obtenus  de  la 
sorte  furent  décisifs.  Des  morceaux  de  viande  convenablement 
assujettis  dans  l'intérieur  d'un  tube  à  parois  inflexibles  et  sous- 
traits ainsi  à  toute  pression  exercée  par  l'estomac,  n'en  furent 
pas  moins  digérés  dans  l'espace  de  quelques  heures;  tantôt  on 
retrouvait  dans  l'intérieur  du  tube  métallique  des  portions  sim- 
plement ramollies  ou  transformées  en  pulpe  à  la  surface,  mais 
encore  intactes  vers  le  centre,  et  d'autres  fois  le  tout  avait  dis- 
paru, bien  que  les  deux  extrémités  du  tube  eussent  conservé 
intacts  les  grillages  dont  on  les  avait  garnies  pour  empêcher  le 
passage  de  tout  corps  solide.  Or,  ce  résultat  ne  pouvait  être 
produit  par  des  forces  mécaniques  et  s'exphquait  facilement  par 
l'action  d'un  dissolvant. 

'  Réaumur  pratiqua  des  expériences  analogues  en  substituant 
à  la  viande  dont  il  venait  de  faire  usage  des  os  de  Poulet,  et 
il  vit  que  ces  corps,  bien  que  protégés  efficacement  contre 
toute  espèce  de  trituration ,  pouvaient  être  digérés  par  les 
Oiseaux  de  proie;  mais  lorsqu'il  remplaçait  ces  matières  ani- 
males par  de  l'orge  ou  d'autres  grains,  il  n'y  observa  rien 
de  semblable  ;  ces  aliments  résistaient  à  l'action  du  dissolvant, 
qui  était  si  puissant  pour  transformer  en  chyme  les  aliments 
azotés. 

Convaincu  ainsi  de  la  nature  chimique  des  forces  qui,  dans 
un  grand  nombre  de  cas,  sufiisent  pour  effectuer  la  digestion, 
ce  physiologiste  illustre  voulut  iaire  un  pas  de  plus,  et  repro- 
duire dans  un  vase  inerte,  à  l'aide  du  suc  gastrique,  les  phé- 
nomènes dont  l'estomac  des  Animaux  vivants  est  le  siège.  Dans 
cette  vue ,  il  chercha  à  se  procurer  une  quantité  suffisante  de 

formés  en   général   de  filasse  ou  de      trait,  les  rendaient  en  général  dans 
plumes  pressées  et  collées  ensemble.       les  vingt-quatre  heures. 
î^es  Épervlers ,  à  qui  on  en  adminis- 


ences 
de 


NATURE    DE    CE    PHÉNOMÈNE.  i259 

ce  suc  au  moyen  d  éponges  qu'il  faisait  avaler  à  des  Oiseaux  de 
proie,  et  qu'il  pressait  après  qu'elles  avaient  été  rejelées  au 
dehors.  Il  soumit  même  à  l'action  du  liquide  ainsi  obtenu 
quelques  aliments,  mais  il  ne  réussit  pas  à  en  opérer  la  diges- 
tion artificielle,  et  il  abandonna  la  tentative  (1). 

La  découverte  de  la  nature  du  travail  digestif  resta  donc 
incomplète  entre  les  mains  de  Réaumur  ;  mais  un  demi-siècle 
après,  le  résultat  qu'il  avait  espéré  obtenir  fut  réalisé  par  un 
autre  expérimentateur  plus  persévérant,  l'abbé  Spallanzani , 
dont  j'ai  déjà  eu  l'occasion  de  citer  les  beaux  travaux,  et  dont 
le  nom  reviendra  souvent  dans  le  cours  de  ces  Leçons  (2). 

Pendant  cet  intei-valle  de  temps,  un  médecin  écossais,  Stevens,  Expéri 
fit  sur  l'Homme  des  ex{)ériences  semblables  à  celles  pratiquées  stevens 
sur  les  Oiseaux  de  proie  par  Réaumur.  Ayant  rencontré  un 
bateleur  qui  avait  Fhabitude  d'avaler  des  pierres,  puis  de  les 
rejeter  par  la  bouche,  il  profita  de  cette  circonstance  pour  sou- 
mettre à  l'action  de  l'estomac  de  cet  Homme  des  substances 
alimentaires  renfermées  dans  une  sphère  métallique  criblée  de 
trous,  et  pour  examiner  les  altérations  que  ces  matières  éprou- 


(1)  Les  expériences  décisives  dont  tières  végétales  résister  à  la  seule 
il  est  ici  question  furent  faites  princi-  action  des  sucs  dont  elles  étaient  bai- 
palenient  sur  une  Buse ,  et  Réaumur  gnées  dans  restomac  de  ces  Animaux, 
trouva  que  des  fragments  d"os  proté-  et  il  en  conclut  que  la  nature  du  tra- 
gés  de  la  sorte  contre  toute  action  nié-  vail  digestif  n'est  pas  la  même  partout, 
canique  étaient  attaqués  et  digérés  par  Les  essais  infiuciueux  de  digestion 
les  sucs  gastriques  de  la  même  ma-  artificielle  tentés  par  Réaumur  furent 
nière  que  cela  avait  lieu  pour  la  faits  avec  du  suc  gastrique  obtenu 
viande.  Une  expérience  relative  à  la  au  moyen  de  morceaux  d'épongé  in- 
digestion des  os  dans  l'estomac  du  iroduils  dans  l'estomac  d'une  Buse. 
Chien  lui  parut  également  favorable  Ce  liquide  avait  un  goût  acide  et 
à  l'hypolhèse  de  la  formation  du  rougissait  le  papier  bleu  de  tour- 
chyme  par  voie  chimique  ;  mais  chez  nesol  (a). 
les  Moutons,  de  même  que  chez  les  (2)  Voyez  tome  1,  page /i  17. 
Oiseaux  de  basse-cour,  il  vil  les  ma- 
is) Réaumur,  Sur  la  digestion  des  Oiseaux  (second  mémoire).  De  la  manière  dont  elle  se  fait 
dans  l'estomac  des  Oiseaux  de  proie  (Ulém.  de  l'Acad.  des  sciences,  1752,  p.  461). 


Expériences 
de 

Spallanzani. 


Digestions 
artificielles. 


260  DIGESTION. 

valent  par  leur  séjour  dans  ce  viscère.  Il  fit  aussi  des  expé- 
riences analogues  sur  des  Chiens,  et  il  reconnut,  comme  l'avait 
fait  Réaumur,  que  les  aliments  protégés  de  la  sorte  contre 
toute  action  mécanique,  et  exposés  seulement  à  l'influence  des 
liquides  contenus  dans  l'estomac,  peuvent  être  complètement 
digérés  (1). 

Les  expériences  de  Spallanzani  portèrent  sur  un  grand 
nombre  d'Animaux  différents ,  et  mirent  également  hors  de 
toute  contestation  le  principal  résultat  obtenu  par  Réaumur,  car 
elles  démontrèrent  la  possibilité  de  la  digestion  dans  des  circon- 
stances où  les  ahments  introduits  dans  l'estomac  étaient  sous- 
traits à  l'action  mécanique  de  cet  organe  et  accessibles  à  des 
fluides  seulement.  Mais,  ainsi  que  je  viens  de  le  dire,  Spallan- 
zani alla  plus  loin.  Il  constata  que  la  digestion  peut  s'effectuer 
dans  l'estomac  d'un  cadavre  aussi  bien  que  dans  celui  d'un 
Animal  vivant.  Enfin  il  parvint  à  opérer  dans  un  vase  inerte 
des  digestions  artificielles,  en  faisant  agir  sur  de  la  viande 
le  liquide  extrait  de  l'estomac  de  divers  Animaux.  11  reconnut 
que  la  désagrégation  des  matières  alimentaires  qui  amène  leur 
transformation  en  chyme  ne  dépend  pas  de  leur  putréfaction  ; 
que  le  suc  gastrique  est  au  contraire  un  agent  qui  s'oppose 
à  cette  décomposition  spontanée  des  substances  organiques; 
enfin  il  fit  voir  que  la  digestion  n'est  pas  accompagnée  des 
signes  ordinaires  de  la  fermentation,  et  il  établit  que  les  phé- 
nomènes physiologiques  dont  l'estomac  est  le  siège  dépendent 


(1)  Les  expériences  de  Stevens  datent 
de  1777  (a);  elles  confirmèrent  et  éten- 
dirent les  résultats  obtenus  précédem- 
ment par  Réaumur,  mais  elles  étaient 
encore  insuffisantes  pour  établir  sur 
des  bases  inattaquables  la  lliéorie  chi- 
mique de  la  digestion  :  car  on  pouvait 


supposer  encore  que  la  transformation 
des  aliments  en  chyme  était  due  à  une 
action  vitale,  une  influence  nerveuse, 
hypothèse  qui  comptait  déjà  des  par- 
tisans célèbres  et  qui  a  été  soutenue, 
même  de  nos  jours  ,  par  quelques 
physiologistes. 


(a)  Stcvons,  De  aUmentorum  concoclione,  Edinb.,  1777. 


NATURE    DE    CE    PHÉNOMÈNE.  261 

essentiellement  de  la  propriété  dissolvante  dont  est  doué  le  suc 
gastrique,  c'est-à-dire  l'humeur  particulière  contenue  dans  ce 
viscère  (1). 

Les  recherches  nombreuses  et  variées  faites  sur  ce  sujet  par 
les  physiologistes  de  nos  jours  sont  venues  confirmer  le  résultat 
important  obtenu  par  Spallanzani,  et  donner  gain  de  cause  à 
ceux  qui  voyaient  dans  la  digestion  un  phénomène  chimique. 
Nous  savons  aujourd'hui,  à  ne  plus  en  douter,  que  la  transfor- 
mation en  chyme  est  due  uniquement  à  Faction  du  liquide  dont 
ces  matières  s'imbibent  dans  l'estomac,  et  qu'à  l'aide  de  ce  suc 
la  digestion  peut  se  faire  dans  un  vase  quelconque.  Grâce  aux 
procédés  commodes  inventés  pour  obtenir  cette  humeur  gas- 
trique (2),  les  expériences  de  digestion  artificielle  sont  devenues 


(1)  Je  reviendrai  bientôt  sur  ce  tra- 
vail important ,  et  je  me  J)ornerai  à 
ajouter  ici  que  dans  ces  expériences 
de  digestion  artificielle,  la  désagréga- 
tion des  aliments,  leur  transformation 
en  une  paie  semblable  au  chyme,  ne 
s'effectuaient  pas  aussi  rapidement 
que  dans  l'estomac  d'un  animal  vivant, 
et  que  le  concours  d'une  certaine  cha- 
leur était  nécessaire  à  l'accomplisse- 
ment du  phénomène.  Spallanzani  re- 
marqua aussi  que  le  renouvellement 
du  suc  gastrique  accélérait  beaucoup 
la  réaction  (c). 

Les  expériences  de  Spallanzani  fu- 
rent commencées  en  1777,  mais  ne 
furent  publiées  que  fort  longtemps 
après. 

(2)  Dans  les  recherches  de  Spallan- 
zani, de  même  que  dans  celles  de 


Réauniur,  le  suc  gastrique  employé 
pour  les  digestions  artificielles  était  en 
général  obtenu  par  la  régurgitation 
d'épongés  introduites  dans  l'estomac. 
MM.  Tiedemann  et  Gmelin  eurent 
recours  à  un  procédé  difl'érent  :  ils 
firent  avaler  aux  Chiens  soumis  à 
leurs  expériences  des  cailloux  ou  d'au- 
tres corps  inattaquables  pour  stimuler 
les  parois  de  l'estomac,  puis  ils  tuèrent 
ces  Animaux  pour  recueillir  la  petite 
quantité  de  suc  gastrique  qui  pouvait 
se  trouver  dans  leur  estomac  [b]. 
Mais  à  la  suite  des  observations  inté- 
ressantes faites  par  un  médecin  amé- 
ricain, M.  W.  Beaumont,  sur  un 
homme  dont  l'estomac  était  resté  ou- 
vert à  la  suite  d'une  blessure  (c), 
quelques  physiologistes  eurent  l'idée 
d'établir  une  communication  perma- 


(a)  Spallanzani,  Expériences  sur  la  digestion  de  l'homme  et  de  différentes  espèces  d'animaux, 
avec  des  considérations  par  Senebier.  In-8,  Genève,  1783. 

(b)  Tiedemann  et  Gmelin,  Recherches  expérimentales  physiologiques  et  chimiques  sur  la  diges- 
tion, 1827,  t,  1,  p.  92  etsulv. 

(c)  \V.  Beaumont,  Expérimenta  and  Observations  on  the  Gasiric  }uice  and  the  Physiology  of 
Digestion,  1833. 


Action 


la  pepsine. 


262  DIGESTION. 

vulgaires,  et  l'on  a  pu  étudier  la  nature  intime  de  cet  agent 
ainsi  que  ses  propriétés  physiologiques,  et  les  modifications 
plus  ou  moins  profondes  qu'il  détermine  dans  la  constitution  de 
certaines  matières  alimentaires.  A  l'époque  où  vivait  Spallanzani 
la  chimie  organique  existait  à  peine,  et  ne  pouvait  nous  fournir 
à  ce  sujet  aucune  lumière  utile  ;  mais ,  aujourd'hui ,  cette 
science  nous  est  d'un  grand  secours,  et  nous  donne  la  clef  de 
tous  les  phénomènes  fondamentaux  de  la  digestion.  Elle  nous  a 
fait  connaître  les  principes  dont  dépend  la  puissance  du  suc 
gastrique,  et  nous  a  fourni  même  les  moyens  d'en  produire 
artificiellement  (1).  Bientôt  j'exposerai  tous  les  faits  intéressants 


nente  entre  cet  organe  et  l'extérieur, 
à  l'aide  d'une  incision  pratiquée  aux 
parois  de  l'abdomen  chez  des  Ani- 
maux vivants.  Un  médecin  russe, 
M.  Bassow,  fut  le  premier  à  appeler 
l'attention  du  puljlic  sur  ce  procédé 
expérimental  dont  il  fit  usage  avec 
beaucoup  de  succès  (a),  et  peu  de 
temps  après,  M.  Blondlot,  de  Nancy, 
arriva,  de  son  côté,  aux  mêmes  résul- 
tats (6).  C'est  surtout  ce  dernier  expé- 
rimentateur qui  a  vulgarisé  l'emploi 
des  fistules  gastriques  pour  l'étude 
des  phénomènes  de  la  digestion,  et 
lorsque  je  traiterai  spécialement  de  la 
chymification  chez  les  Animaux  supé- 
rieurs, je  ferai  connaître  le  procédé 
opératoire  dont  il  fait  usage. 

(1)  En  1839,  M.  Wasmann,  de  Ber- 
lin, parvint  à  extraire  la  pepsine  de  la 


membrane  muqueuse  de  l'estomac  du 
Porc,  et  il  reconnut  que  cette  matière, 
dissoute  dans  de  l'eau  aiguisée  d'acide 
chlorhydrique,  détermine  tous  lesphé- 
nomènes  de  la  digestion  artificielle, 
comme  le  ferait  du  suc  gastrique  na- 
turel (c).  Depuis  lors  la  préparation 
de  la  pepsine  et  du  suc  gastrique 
artificiel  a  été  l'objet  de  beaucoup  de 
recherches  dont  il  sera  rendu  compte 
dans  une  des  Leçons  suivantes.  Enfin 
cette  substance  est  tombée  dans  le 
domaine  de  la  thérapeutique  {d),  et 
M.  L.  Corvisart  a  fait  voir  que  dans 
certains  cas  on  pouvait  employer  le 
suc  gastrique  artificiel  comme  mé- 
dicament, pour  suppléer  à  la  sé- 
crétion insuffisante  de  l'estomac  dans 
le  travail  physiologique  de  la  diges- 
tion (e). 


(a)  Bassow,  Voie  artificielle  dans  l'estomac  des  Animaux  (Bulletin  de  la  Société  des  natura- 
listes de  Moscou,  1843,  t.  XVI,  p.  315). 

(6)  Blondlot,  Traité  analytique  de  la  digestion,  1843,  p.  201  et  suiv. 

(c)  Wasmann,  De  digestione  nonnuUa  {disievt.  inaug.).  Berolini,  1839. 

(d)  Boudaiilt,  Mémoire  sur  le  principe  digestif,  etc.  [Moniteur  des  hôpitaux,  \  854). 

(e)  Lucien  Corvisart,  Recherches  ayant  pour  but  d' administrer  aux  malades  qui  ne  digèrent 
pas  des  aliments  tout  digérés  par  le  suc  gastriqiie  des  Animaux  (Comptes  rendus  de  l'Acad.  des 
sciences,  1852,  t.  XXXV,  p.  244). 

—  Dyspepsie  et  consomption.  Ressources  que  la  poudre  nutrimentive  (pepsine  acidulée)  offre 
dans  ce  cas  à  la  médecine  pratiqice,  1854, 


Nature  de  ce  phénomène.  26o 

dont  l'histoire  physiologique  de  la  digestion  a  été  enrichie  de 
la  sorte  ;  mais  en  ce  moment  je  cherche  seulement  à  donner 
une  idée  générale  de  la  nature  de  cette  fonction,  et  par  consé- 
quent je  ne  dois  pas  m'arrêter  sur  ces  détails  ;  je  me  bornerai 
donc  à  ajouter  que  les  parties  actives  du  suc  gastrique  sont  un 
acide  et  un  principe  immédiat  qui  porte  le  nom  de  pepsine  (1). 
C'est  ce  dernier  agent  qui  joue  le  rôle  le  plus  important  dans 
le  travail  de  la  chymification  ;  mais,  pour  opérer  la  désagréga- 
tion et  la  dissolution  des  aliments  qu'il  est  destiné  à  digérer,  la 
présence  d'un  acide  est  nécessaire,  et  par  conséquent  l'acidité 
est  un  des  caractères  du  suc  gastrique. - 

§  5.  —  Du  reste,  toutes  les  substances  nutritives  que  les 
Animaux  rencontrent  dans  la  nature,  et  qu'ils  pourraient  intro- 
duire dans  leur  estomac,  ne  sont  pns  susceptibles  d'éprouver  des 
changements  de  ce  genre  en  présence  du  suc  gastrique  ;  il  en 
est  beaucoup  qui  résistent  à  Faction  digestive  de  ce  liquide ,  et 
par  conséquent,  pour  utihser  d'une  manière  complète  les  ali- 
ments dont  ils  sont  environnés,  ces  êtres  auraient  besoin  de 
les  soumettre  à  l'influence  d'autres  agents.  En»  effet,  nous  avons 
vu,  par  les  expériences  de  Réaumur,  que  l'orge  et  le  blé  ne  sont 
pas  attaqués  par  le  suc  gastrique,  dans  lequel  la  viande  se  dis- 
sout (2);  nous  savons  cependant  que  ces  matières,  et  beaucoup      umué 

d,,  1,  '',1  1'  1  -'l'i--  d'autres  an-enîs 

autres  substances  végétales  douées  de  propriétés  chmiiques     digestif! 

semblables,  sont  employées  à  l'alimentation  de  l'Homme  et 

d'une  multitude  d'Animaux.  Il  en  résulte  que  les  découvertes 


(1)  Le  nom  de  pepsine,  donné  au  auteurs  onl  appelé  ce  principe  {/as- 
principe  actif  du  suc  gastrique  par  térase  ib)  ou  chymosine  (c) ,  mais  la 
M.  Schwann  {a)  vient  du   mot  grec  première  dénomination  a  prévalu. 
TTs'ii;  (coction  ou  digestion).  D'autres  (2)  Voyez  ci-dessus,  page  '258. 

(a)  Schwann,  Vehtr  das  Wesen  des  Verdauungsproeesses  (Poggendorff's  Annalen,  1836, 
t.  XXXVIII,  p.  3(3-2,1. 

(h)  Payen,  Note  sur  le  principe  actif  du  suc  gastrique  (Comptes  rendus  de  l'Acad.  des  sciences, 
1843,  t.  XVII,  p.  G56). 

(c)  Descharaps,  De  la  présure  [Journal  de  pharmacie,  1840,  t.  XXVI,  p.  416j. 


diffestif. 


204  DIGESTION. 

dont  je  viens  de  rendre  brièvement  compte  ne  nous  fournissent 
pas  la  clef  de  tous  les  phénomènes  essentiels  de  la  digestion. 
Mais  d'autres  recherches,  dont  l'exposé  serait  prématuré  en  ce 
moment,  sont  venues  compléter  la  théorie  générale  de  cette 
fonction,  et  montrer  que  c'est  par  des  procédés  analogues  que 
les  aliments  rebelles  à  la  puissance  dissolvante  du  suc  gastrique 
sont  rendus  absorbables.  C'est  toujours  par  l'action  de  liquides 
dont  ces  substances  s'imbibent  que  leur  constitution  se  trouve 
modifiée  de  façon  à  rendre  leur  pénétration  dans  l'organisme 
possible;  seulement  les  propriétés  chimiques  de  ces  humeurs 
varient  suivant  le  rôle  qu'elles  ont  à  remplir  dans  l'économie, 
et,  de  même  qu'il  y  a  différentes  sortes  d'aliments,  il  y  a  divers 
sucs  destinés  à  en  effectuer  la  digestion. 
Caractères  §  6.  —  Ccs  notious  élémentaires  sur  la  nature  du  travail 
df1"a"eii  digestif  nous  permettront  de  prévoir  quelles  sont  les  conditions 
générales  qui  devront  être  satisfaites  par  tout  appareil  destiné  à 
en  être  le  siège,  et,  en  appliquant  à  ces  données  extrêmement 
simples  les  lois  physiologiques  dont  nous  avons  fait  si  souvent 
usage  dans  le  cours  de  ces  Leçons,  il  nous  sera  facile  de  prévoir 
aussi  quels  sont  les  moyens  de  perfectionnement  à  l'aide  des- 
quels le  jeu  de  cet  appareil  augmentera  de  puissance  chez  les 
Animaux  dont  la  nutrition  a  besoin  de  devenir  de  plus  en  plus 
active. 

Puisque  la  digestion  consiste  essentiellement  en  une  dissolu- 
tion des  substances  solides  qui  doivent  servir  à  la  nutrition  de 
l'Animal ,  que  cette  dissolution  s'effectue  à  l'aide  de  liquides 
fournis  par  l'organisme,  et  que  les  produits  ainsi  obtenus  doi- 
vent pénétrer  dans  l'intérieur  du  corps  pour  se  mêler  au  sang 
et  se  répartir  ensuite  dans  toutes  les  parties  de  l'économie,  il 
faut  évidemment  que  l'appareil  digestif  se  compose  d'un  vase 
propre  à  contenir  ces  humeurs  ;  que  ce  réservoir  soit  en  com- 
munication avec  l'extérieur,  de  façon  à  pouvoir  recevoir  du 
dehors  les  aliments  et  se  débarrasser  du  résidu  qu'ils  laisseront; 


CONDITIONS    DE    PERFECTIONNEMENT.  265 

qu'il  soit  pourvu  d'agents  moteurs  susceptibles  d'y  déterminer 
l'entrée  de  ces  matières ,  et  que  des  organes  aptes  à  fournir 
les  agents  chimiques  dont  la  digestion  dépend  y  versent  les 
liquides  dissolvants  ;  enfin ,  que  ses  parois  soient  propres  à 
absorber  les  matières  élaborées  dans  son  intérieur.  Ce  travail 
physiologique,  réduit  à  sa  plus  simple  expression,  suppose  donc 
le  concours  de  plusieurs  actes  :  la  préhension  des  aliments  et 
leur  ingurgitation;  la  sécrétion,  ou  production  du  suc  digestif; 
l'absorption  des  matières  digérées,  et  l'expulsion  du  résidu 
fécal. 

Considérons  l'appareil  digestif  au  point  de  vue  de  chacun  de 
ces  usages,  et  voyons  comment,  d'après  le  principe  connu  du 
perfectionnement  des  organismes  par  la  division  du  travail  phy- 
siologique, il  devra  se  modifier  chez  les  Animaux  de  plus  en 
plus  élevés. 

Cet  appareil,  ai-je  dit,  doit  être  un  vase,  ou  réservoir,  dis- 
posé de  façon  à  admettre  facilement  dans  son  intérieur  les  sub- 
stances alimentaires,  à  conserver  le  suc  digestif  qui  y  est  versé 
par  l'organisme,  et  à  rejeter  au  dehors  les  matières  que  ce  suc 
est  impuissant  à  dissoudre.  La  forme  la  plus  simple  que  l'on 
puisse  concevoir  pour  un  pareil  récipient  est  celle  d'une  fosse 
ou  poche  dont  l'orifice  se  dilaterait  pour  laisser  entrer  ou  sortir 
les  substances  alimentaires,  mais  resterait  contractée  pendant 
la  durée  du  travail  digestif,  afin  de  ne  pas  perdre  le  réactif  à 
l'aide  duquel  ce  phénomène  doit  s'accomplir. 

Si,  comme  je  l'ai  posé  en  principe  au  comuiencement  de  ce 
cours,  la  Nature  se  montre  toujours  économe  dans  ses  créa- 
tions, et  proportionne  les  moyens  mis  en  œuvre  à  l'importance 
du  résultat  à  obtenir,  nous  devons  donc  trouver  l'appareil  di- 
gestif constitué  de  la  sorte  chez  les  Animaux  les  moins  perfec- 
tionnés. Et,  en  effet,  c'est  là  précisément  le  mode  d'organisa- 
tion qui  domine  dans  l'embranchement  des  Zoophytes. 

Chez  la  plupart  des  Radiaires,  l'appareil  digestif  consiste 


Réservoir 
alimentaire. 


Poche 
stomacale, 


"266  DIGESTION. 

en  une  vaste  cavité  qui  se  termine  en  cul-de-sac,  et  qui  ne 
communique  avec  l'extérieur  que  par  un  seul  orifice  destiné  à 
servir  tour  à  tour  à  l'entrée  des  aliments  et  à  la  sortie  des  fèces. 

Tube  digestif.  Mais  ccttc  couformation  si  simple  et  si  grossière  ne  se  ren- 
contre jamais  chez  les  Animaux  plus  élevés,  et  un  des  premiers 
indices  du  perfectionnement  des  types  zoologiques  consiste 
dans  l'introduction  de  la  division  du  travail  dans  les  relations 
de  la  cavité  digestive  avec  l'extérieur.  Cette  cavité  s'ouvre  alors 
au  dehors  par  deux  orifices  opposés,  dont  les  fonctions  sont 
parfaitement  distinctes:  l'un  sert  essentiellement  à  l'entrée  des 
aliments,  c'est  la  bouche  ;  l'autre  livre  passage  au  résidu  laissé 
par  la  digestion,  et  constitue  l'anus.  La  cavité  digestive,  au  lieu 
d'avoir  la  forme  d'une  poche,  devient  alors  un  tube  plus  ou 
moins  renflé  vers  le  milieu,  mais  ouvert  aux  deux  bouts,  et  c'est 
toujours  d'avant  en  arrière  que  les  ahmenis  traversent  ce  conduit. 

Spécialisation       §  7.  —  Lc  grand  principe  du  perfectionnement  des  orga- 


des 


fonctions  uismcs  par  la  division  du  travail  pliysiologique  régit  également 
digesHvè."  l'emploi  de  la  cavité  ainsi  constituée.  Nous  avons  vu,  dans  une 
autre  partie  de  ce  cours,  que  chez  beaucoup  de  Zoophytes,  c'est 
un  seul  et  même  appareil  qui  est  chargé  de  l'élaboration  et  de 
la  distribution  des  liquides  nourriciers  :  la  cavité  digestive  tient 
alors  lieu  d'un  système  irrigatoire  ;  parfois  aussi  elle  paraît 
être  en  même  temps  le  siège  principal  delà  respiration,  et  dans 
toute  une  classe  de  Radiaires,  celle  des  Coralliaires,  elle  remplit 
aussi  les  fonctions  d'une  chambre  génératrice,  car  elle  loge  les 
organes  reproducteurs  et  les  jeunes  y  passent  pour  s'échapper  au 
dehors  ;  mais  ce  cumul  physiologique  cesse  bientôt,  et  chez  les 
Zoophytes  supérieurs,  de  même  que  chez  les  Animaux  des  trois 
autres  embranchements ,  on  en  voit  rarement  quelques  traces. 
Mode  La  même  tendance  à  la  division  du  travail,  comme  moyen 

de  constitution  ^^  perfectionnement,  se  révèle  dans  le  choix  des  matériaux 
l'estomac.    ^^^^  j^  Naturc  fait  usage  pour  constituer  le  réservoir  alimen- 
taire. Chez  les  Animaux  les  plus  simples,  cette  cavité  est  creu- 


CONDITIONS    DE    PERPECTIO^XEMEM.  2b7 

see  directement  dans  la  substance  générale  du  corps,  et  le 
(issu  qui  en  forme  les  parois  ne  diffère  pas  notablement  de  ce- 
lui des  parties  circonvoisines  ;  mais  chez  tous  les  Animaux  un 
peu  plus  élevés,  elle  est  tapissée  par  une  membrane  délicate  et 
d'une  structure  particulière,  puis  cette  membrane  propre  se 
sépare  des  tissus  d'alentour,  et  constitue  une  poche  ou  un  tube 
suspendu  plus  ou  moins  librement  au  milieu  d'une  cavité  gé- 
nérale ;  il  y  a  toujours  continuité  entre  les  parois  extérieures  du 
corps  et  les  parois  de  la  cavité  digestive  sur  les  bords  des  ori- 
fices de  celle-ci,  mais  partout  ailleurs  il  y  a  indépendance  plus 
ou  moins  complète. 

Comme  exemple  d'Animaux  dont  la  cavité  digestive  se  pré- 
sente sous  la  forme  d'une  simple  excavation  creusée  dans  le  tissu 
commun  de  l'organisme,  je  citerai  les  Hydres  ou  Polypes  à 
bras,  de  nos  eaux  douces.  Chez  les  31éduses  et  les  autres  Aca- 
lèphes,  les  parois  de  ce  réservoir  sont  également  en  continuité 
de  substance  avec  lesparHes  adjacentes  de  l'organisme,  et  il  n'y 
a  point  d'espace  hbre  entre  ces  parois  et  les  téguments  com- 
muns, mais  le  revêtement  intérieur  de  la  cavité  alimentaire 
est  formé  par  une  membrane  particuhère.  Entin,  chez  les 
Coralliaires ,  une  portion  de  l'appareil  digestif  acquiert  une 
existence  indépendante  de  celle  de  la  cavité  générale  du  corps, 
et  chez  les  Échinodermes,  ainsi  que  chez  tous  les  Mollusques, 
les  Annelés  et  les  Vertébrés,  cette  séparation  devient  complète 
et  la  cavité  a  partout  des  parois  propres  (1). 

^  8.  —  Le  même  procédé  de  perfectionnement  se  reconnaît    structure 

^  "^  r  jgs  parois 

dans  les  modilicahons  apportées  à  la  structure  des  parois  de  la  ^^  i^  cavité 

'^ '■  '  _  digestive, 

cavité  digestive.  Toujours  ces  parois  sont  composées  essentielle- 

(1)  On  donne  quelquefois  le  nom  cette  dénomination  à  une  des  grandes 

(['Animaux  parenchymateux  à  ceux  divisions  des  Vers  intestinaux  ;  mais 

dont  la  cavité  digestive  n'a  point  de  elle  n'y  convient  pas,  car  chez  tous 

parois  libres,  et  semble  être  creusée  ces  Animaux  l'appareil  alimentaire  est 

directement  dans  la  substance  com-  suspendu  dans  un^  cavité  viscérale 

mune  du    corps.    Cuvier    appliquait  distincte. 


268  DIGESTION. 

ment  d'une  membrane  dite  muqueuse  (1),  qui  est  douée  de  la 
faculté  de  sécréter  certains  liquides  dont  les  aliments  s'imbibent, 
et  est  apte  à  absorber  les  matières  fluides  en  contact  avec  sa 
surface  ;  mais  chez  les  Aniuiaux  les  plus  simples  elle  a  aussi 
d'autres  fonctions  à  remplir.  Les  matières  alimentaires  intro- 
duites dans  ce  réservoir  ne  doivent  pas  y  demeurer  en  repos; 
pour  en  hâter  la  digestion,  elles  doivent  y  être  agitées  avec  le 
suc  gastrique,  et  le  résidu  qu'elles  laissent  doit  être  expulsé  au 
dehors  ;  l'intervention  de  forces  mécaniques  est  donc  néces- 
saire, et  chez  les  Animaux  les  plus  simples,  c'est  cette  tunique 
muqueuse  qui  est  chargée  de  remphr  aussi  le  rôle  d'un  agent 
moteur.  En  effet,  sa  surface  est  pourvue  de  cils  vibratiles  et  les 
courants  excités  par  ces  petits  appendices  produisent  le  résul- 
tat voulu.  Mais  chez  les  Animaux  plus  élevés,  où  les  mouve- 
ments de  ce  genre  doivent  être  plus  énergiques,  la  division  du 
travail  s'établit  sous  ce  rapport  comme  sous  beaucoup  d'autres, 
et  l'appareil  digestif  s'enrichit  d'instruments  moteurs  spéciaux. 
Une  nouvelle  tunique,  composée  de  libres  musculaires,  se  dé- 
veloppe alors  autour  de  la  cavité  alimentaire,  et,  par  la  con- 
traction de  ces  fibres,  les  parois  de  celle-ci  changent  de  forme 
et  de  rapports,  suivant  les  besoins  de  la  fonction,  et  déplacent 
les  matières  étrangères  en  contact  avec  leur  surface.  Enfin,  la 
couche  de  substances  organiques  qui  recouvre  tout  l'appareil,  et 

(1)  Par  leur  structure ,  les  mem-  dans  répiihélium  ;  elle  correspond 

branes  muqueuses  ressemblent  beau-  au  derme  ou  chorion  de  la  peau,  et  a 

coup  à  la  peau.  Leur  surface  libre  est  été  appelée  le  feuillet  muqueux  pro^ 

occupée  par  une  couche  de  tissu  ulrl-  prement  dit.  Enfin  une  troisième  cou- 

culaire  qu'on  désigne  sous  les  noms  che,  composée  principalement  de  tissu 

à'épitkélium  oad' épidémie  muqueux.  lâche  et  nommé  tissu  sous-^muqueux^ 

Plus  profondément,  on  y  trouve  une  l'unit  aux  tuniques  sous-jacentes.  Du 

touche  composée  essentiellement  de  leste,  les  caractères  de  ces  membranes 

tissu  conjonctif  et  de  fibres  élastiques,  varient  beaucoup  dans  les  diverses 

mais    renfermant    d'ordinaire    aussi  parties  de  l'appareil  digestif  et  dans 

des  nerfs  et  des  vaisseaux  sanguins,  les  différentes    classes    d'Animaux  , 

parties   qui  ne    se   rencontrent  pas  comme  nous  le  verrons  bientôt. 


CONDlTlOiNS    DE    PERFECTIONNEMENT.  2G9 

qui  s'étend  également  sur  les  parois  de  la  chambre  viscérale,  n'est 
d'abord  que  du  tissu  connectif  ordinaire;  mais  quand  les  mouve- 
ments dont  il  vient  d'être  question  deviennent  plus  étendus  et 
plus  fréquents,  elle  se  transforme  en  une  membrane  lisse,  ana- 
logue à  celle  que  nous  avons  déjà  vue  se  développer  autour  des 
poumons  et  du  cœur,  et  destinée  à  diminuer  les  frottements. 

Ainsi  les  parois  de  la  cavité  digestive,  au  lieu  d'être  formées 
par  une  membrane  simple,  sont  composées  alors  de  trois 
couches  distinctes  :  une  membrane  muqueuse,  une  tunique 
musculaire  et  une  enveloppe  séreuse,  ayant  chacune  des  fonc- 
tions spéciales.  J'ajouterai  que,  chez  les  Animaux  supérieurs, 
cette  dernière  gaîne  se  perfectionne  aussi  de  façon  à  bien  as- 
surer la  fixation  de  l'appareil  digestif  dans  la  chambre  viscé- 
rale sans  gêner  ses  mouvements,  et,  à  cet  effet,  se  prolonge 
dans  une  grande  partie  de  la  longueur  du  tube  alimentaire,  de 
la  surface  de  celui-ci  jusqu'à  la  paroi  adjacente  de  l'abdomen,  et 
constitue  ainsi  une  sorte  de  voile  suspenseur  nommé  mésentère. 

§  9.  —  Les  modifications  qui  se  remarquent  dans  la  forme     Dwision 
de  ce  réservoir  s'expliquent  d'après  les  mêmes  principes.  Chez  travail  digcsHf 

,  .       .  11)  •         •  n        ■  '  entre 

les  Animaux  dont  l  organisation  est  peu  pertectionnee  sous  ce   les  diverses 


relions 


rapport,  le  tube  alimentaire  présente  la  même  structure  dans  du^nai 
toute  sa  longueur,  et  les  voies  par  lesquelles  les  corps  étrangers 
y  entrent  ou  en  sortent  sont  de  simples  orifices  à  bords  con- 
tractiles. Quand  ces  orifices  deviennent  béants  pour  livrer  pas- 
sage aux  ahments  ou  aux  fèces,  il  doit  y  avoir,  par  conséquent, 
tantôt  une  perte  considérable  des  sucs  digestifs  qui  s'épanchent 
au  dehors,  et,  d'autres  fois,  introduction  de  beaucoup  de  matières 
inutiles  à  l'organisme.  11  y  aurait  donc  avantage  à  substituer  à  ces 
orifices  des  espèces  de  conduits  étroits  et  assez  longs  pour  qu'ils 
puissent  livrer  passage  aux  matières  alimentaires  sans  se  dila- 
ter dans  toute  leur  étendue  à  la  fois,  et  maintenir  la  séparation 
toujours  bien  établie  entre  la  portion  de  l'appareil  où  la  diges- 
tion s'opère  et  le  milieu  ambiant.  Or,  cette  disposition  se  réalise 


270  DIGESTION. 

chez  tous  les  Animaux  d'une  structure  perfectionnée,  et  la  cavité 
digestive,  au  lieu  d'être  constituée  par  un  estomac  seulement, 
se  compose  de  trois  parties  distinctes  :  une  portion  étroite 
et  vestibulaire ,  nommée  œsophage-,  une  portion  principale  et 
élargie  en  manière  de  réservoir,  V estomac,  et  une  portion  termi- 
nale, rétrécie  et  plus  ou  moins  allongée ,  qu'on  appelle  intestin. 
^  10.  — La  division  progressive  du  travail  se  reconnaît  aussi 

Organes  "^  r       o 

producteurs   (tang  Ics  perfcctionncments  de  cet  appareil,  considéré  sous  le 

des  liquides 

digestifs,  rapport  de  la  production  des  liquides  digestifs.  Chez  les  Ani- 
maux les  plus  inférieurs,  cette  fonction  sécrétoire  n'est  l'apa- 
nage d'aucun  organe  en  particuher,  ef  toules  les  parties  de 
l'économie  sont  aptes  à  produire  du  suc  gastrique  quand  elles 
sont  stimulées  par  le  contact  des  aliments.  Une  preuve  de  cette 
diffusion  de  la  facuUé  sécrétoire  nous  est  fournie  par  des  expé- 
riences dues  à  Tremblay  et  faites  sur  les  Hydres  ou  Polypes  à 
bras,  qui  nous  ont  déjà  offert  des  phénomènes  physiologiques 
si  importants  à  connaître  pour  la  philosophie  de  la  science  (1). 
Le  corps  grêle  et  cylindrique  de  ces  petits  Zoophytes  d'eau 
douce  est  creusé  dans  toute  sa  longueur  par  une  cavité  de  même 
forme  qui  se  termine  inférieurement  en  cul-de-sac  et  est  ou- 
verte à  son  extrémité  supérieure  ;  cette  cavité  est  un  estomac, 
et  son  orifice,  qui  tient  lieu  de  bouche  et  d'anus,  est  entouré 
de  tentacules  longs  et  préhensiles.  L'Hydre  est  carnassière  et 
se  nourrit  des  x4nimalcules  qui  nagent  dans  l'eau,  où  elle  fait  sa 
demeure  ;  quand  elle  introduit  un  de  ces  petits  êtres  dans  son 
estomac,  on  voit  qu'elle  le  digère  promptement,  et  qu'après  en 
avoir  extrait  les  principes  nutritifs,  elle  en  rejette  la  dépouille  ; 
mais  on  n'aperçoit  dans  la  structure  de  sa  cavité  alimentaire  rien 
qui  dishngue  celle-ci  des  parties  voisines,  et  ce  Zoophyte  tout 
entier  ressemble  à  un  simple  sac  étroit  et  contractile,  dont 
l'orifice  serait  frangé.  Or,  Tremblay  s'est  assuré  qu'on  pouvait 

(1)  Voyez  tome  I,  page  18. 


CONDITIOJSS    DE    PERFECTIONNEMEÎST.  5i71 

facilement  le  retourner  comme  on  le  ferait  d'un  doigt  de  gant, 
de  façon  à  rendre  intérieure  la  surface  qui,  naturellement,  était 
extérieure,  et  à  substituer  à  celle-ci  la  surface  gastrique.  Il  a  fait 
souvent  cette  expérience,  et  il  a  trouvé  que  le  Polype  disposé 
de  la  sorte  n'en  continuait  pas  moins  à  se  nourrir  de  la  manière 
ordinaire.  Ce  singulier  Animal,  ainsi  retourné,  introduit,  comme 
de  coutume,  sa  proie  dans  l'espèce  d'estomac  adventif  formé 
par  le  renversement  de  la  surface  extérieure  de  son  corps,  et 
limité  par  ce  que  l'on  appellerait  la  peau,  si  le  tissu  constituant 
cette  surface  était  distinct  du  tissu  subjacent  ;  les  aliments  ingur- 
gités dans  ces  circonstances  se  digèrent  de  la  manière  accou- 
tumée. En  un  mot ,  rien  ne  paraît  cliangé  dans  les  fonctions 
digestives,  et  ce  sont  seulement  les  matériaux  constitutifs  du 
réservoir  alimentaire  qui  ne  sont  plus  les  mêmes  :  comme  si  la 
forme  de  cette  portion  de  l'organisme  était  la  seule  condi- 
tion voulue  pour  la  rendre  apte  à  remplir  les  fonctions  d'un 
estomac  (1). 


(l)  Le  renversement  de  Testomac  ments  comme  avant  l'opération,  et  à 

des  Hydres  est  une  opération  délicate  les  digérer  au  moyen  de  son  estomac 

et  assez  difficile  ,  mais,  à  Taide  des  de  nouvelle  formation.  Un  des  Polypes 

précautions  indiquées  par  Tremblay,  ainsi  retournés  a  continué  à  vivre  pen- 

on  y  parvient  presque  à  coup  sûr  (a),  dant  deux  ans  et  a  beaucoup  raulli- 

et  Laurent,  qui  a  répété  les  expériences  plié. 

de  ce  physiologiste  avec  un  plein  suc-  Tremblay  a  vu  aussi  que  de  très 

ces,  a  vu  parfois  ce  phénomène  se  jeunes  individus  développés  par  bour- 

produire   spontanément    (6).   Trem-  geonnement   à  la    surface  du  corps 

blay  a  remarqué  qu'en  général  l'Ani-  d'un    Polype   qu'on   retourne  ainsi, 

mal   ainsi    retourné    ciierche  à  re-  et  logés  par  suite  de  ce  renverse- 

prendie  son  état  normal,   ou,  pour  ment  dans   la    cavité  intérieure   du 

me  servir  de  l'expression  employée  corps   de   l'individu  souche,  se  re- 

par  cet  auteur,  à  se  «  déretourner  »;  tournent  spontanément,  de  manière  à 

mais,  lorsqu'on  l'en  empêche,  il  re-  faire  de  nouveau  saillie  à  Textérieur, 

commence  bientôt  à  prendre  des  ali-  et  achèvent  leur  croissance  dans  cette 

(a)  Tremblay,  Mémoires  pour  servir  à  l'histoire  d'un  genre  de  Polypes  d'eau  douce  à  bras  en 
forme  de  cornes,  t.  II,  p.  212  et  suiv. 

(b)  Laurent,  Recherches  sur  l'Hijdre  et   l'Eponge  d'eau  douce,  p..  83  (exlr.  du  Voyage  de  la 
Bonite). 


272  DIGESTION. 

Mais  cette  diffusion  de  la  faculté  de  sécréter  l'agent  digestif 
est  extrêmement  rare,  et  chez  presque  tous  les  Animaux  la 
production  de  ce  principe  est  localisée  et  a  son  siège  dans  les 
parois  de  l'estomac,  dont  la  structure  se  modifie  pour  s'appro- 
prier à  l'exercice  actif  de  cette  fonction.  En  effet,  chez  les 
Animaux  supérieurs,  cette  portion  de  tube  alimentaire  s'enri- 
chit d'une  foule  de  petites  cavités  appelées  follicules^  qui  sont 
creusées  dans  l'épaisseur  de  sa  membrane  muqueuse,  et  qui 
servent  spécialement  à  la  sécrétion  du  suc  gastrique.  Enfin, 
chez  quelques  espèces,  la  division  du  travail  est  portée  encore 
plus  loin  :  ce  liquide  ne  se  produit  pas  dans  l'organe  où  il 
s'emploie,  et,  au  lieu  d'un  seul  réservoir,  il  y  en  a  deux;  un 
premier  estomac  est  alors  chargé  de  fournir  l'agent  digestif 
et  d'en  imbiber  les  aliments ,  tandis  qu'un  second  estomac 
reçoit  ces  matières  ainsi  préparées  et  les  emmagasine  pen- 
dant que  la  chymification  s'opère.  Les  Oiseaux  nous  offriron 
des  exemples  de  cette  disposition.  En  effet,  ils  ont  un  estomac 
sécréteur  appelé  le  ventricule  siiccenturié,  et,  en  général, 
un  autre  réservoir  gastrique  situé  plus  avant  et  nommé  gé- 
sier, où  les  ahments  séjournent  après  avoir  été  imprégnés 
du  suc  gastrique  pendant  leur  passage  dans  la  cavité  précé- 
dente (1). 

Il  est  permis  de  supposer  que  les  modifications  à  imprimer 

Les  Animaux  .,  ,.  ,.  i  i  ••lui 

les  pii.s  simples  aux  maticres  ahmentan^es  pour  les  rendre  assnmlables  par  un 
carnaÏÏers.    Animal  doivcut  êtrc  d'autant  plus  grandes,  et  par  conséquent 
plus  difficiles  à  effectuer,  que  ces  substances  diffèrent  davan- 
tage de  celles  dont  l'organisme  de  cet  être  se  compose.  Nous 
pouvons  donc  penser  que,  toutes  choses  étant  égales  d'ailleurs, 

position  ;  de  sorte  que  chez  eux  aussi  jabot,  le  ventricule  succenUirioi  de- 
là surface  de  rorganisme  destinée  à  vient  le  second  estomac,  et  le  gésier 
être  extérieure  devient  la  surface  gas-  le  troisième  ;  mais  ce  changement 
trique,  et  vice  versa.  n'influe  en  rien  sur  les  rapports  de 
(1)  Chez  les  Oiseaux  pourvus  d'un  position  que  je  viens  d'indiquer. 


CONDITIONS    DE    PKRFECTIONNEMENT.  27o 

le  travail  digestif  à  l'aide  duquel  ces  modifications  s'obtiennent 
sera  plus  facile  à  accomplir  si  l'aliment  consiste  dans  le  corps 
ou  une  porlion  du  corps  d'un  Animal  que  si  c'était  un  tissu 
végétal.  Il  s'ensuit  que  les  Animaux  dont  l'organisme  est  le 
moins  parfait  et  la  puissance  digestive  la  moins  développée 
doivent  être  carnassiers  plutôt  que  phytophages.  Effectivement, 
dans  les  groupes  zoologiques  inférieurs  presque  tous  les  Animaux 
se  dévorent  entre  eux,  et  le  régime  herbivore  ne  s'observe 
que  fort  rarement.  Or,  nous  avons  déjà  vu  que  la  chair 
musculaire  et  les  autres  substances  analogues  qui  constituent 
en  majeure  partie  le  corps  de  tous  les  êtres  animés  sont  sus- 
ceptibles d'être  digérées  par  le  suc  gastrique,  ou  plutôt  par  la 
pepsine  dont  ce  suc  est  chargé.  Par  conséquent  aussi  nous  Perfectionne- 
devons  nous  attendre  à  ne  trouver  chez  les  Animaux  les  plus     du  travail 

1  ii'-iT  -ni  T  1  chimique 

smiples  qu  un  liquide  digestil  de  ce  genre,  tandis  que  chez  de la  digestion, 
les  êtres  mieux  organisés  qui  ont  le  pouvoir  d'utiliser  plus  com- 
plètement les  substances  diverses  contenues  dans  leur  proie,  ou 
qui  ont  la  faculté  de  se  nourrir  de  végétaux,  le  suc  gastrique 
devra  coexister  avec  d'autres  humeurs  du  même  ordre,  mais 
douées  de  propriétés  différentes  et  aptes  à  attaquer  les  matières 
organiques  que  le  premier  de  ces  agents  ne  saurait  rendre 
absorbables. 

§  11.  —  Lorsque  la  partie  chimique  du  travail  digestif  se 
perfectionne  de  la  sorte,  et  que  les  subslances  nutritives  sont 
soumises  successivement  à  l'action  de  deux  ou  de  plusieurs  dis- 
solvants doués  de  propriétés  différentes,  la  production  de  ces 
nouveaux  sucs  s'effectue  d'abord  dans  les  parois  mêmes  du  tube 
ahmentaire,  dont  certaines  portions  sont  plus  ou  moins  modi- 
fiées pour  s'adapter  au  rôle  d'organe  sécréteur  spécial.  Mais 
chez  les  Animaux  d'un  mode  d'organisation  plus  élevé,  l'éla- 
boration de  ces  sucs  se  fait  principalement  à  l'aide  d'instru- 
ments nouveaux  qui  se  développent  autour  de  ce  tube  et  qui 
y  versent  leurs  produits.  Ce  sont  des  organes  nommés  g lajides 
V.  18 


Division 
du  travail 

entre 
les  organes 
sécréleurB. 


274  DIGESTION. 

qui  viennent  ainsi  s'ajouter  aux  parties  fondamentales  de  l'ap- 
pareil digestif,  et  leur  position,  ainsi  que  leur  structure,  varie 
suivant  la  nature  des  humeurs  qu'ils  sont  destinés  à  fabri- 
quer. 

biTire'  ^'  "'^'  ^  ^^^^^  quelques  Zoophytes  et  un  petit  nombre  de  Vers 
dont  l'appareil  digestif  ne  présente  aucune  trace  de  complications 
de  ce  genre,  et  pour  peu  que  l'on  s'élève  dans  l'une  quelconque 
des  séries  zoologiques,  on  voit  presque  toujours  un  liquide  par- 
ticulier, appelé  bile,  venir  se  mêler  au  chyme  préalablement 
élaboré  dans  l'estomac  sous  l'influence  du  suc  gastrique.  Ce  li- 
quide nouveau  est  en  général  reconnaissable  à  sa  couleur  jaune 
ou  verte  et  à  son  amertume  ;  il  est  doué  de  propriétés  alcalines 
et  ressemble  à  une  sorte  d'eau  savonneuse.  Nous  étudierons 
plus  tard  sa  nature  et  ses  propriétés,  ainsi  que  la  structure  des 
organes  à  l'aide  desquels  il  se  produit,  et  je  me  bornerai  à 
ajouter  ici  que  chez  quelques  Molluscoïdes  il  est  sécrété  par  les 
parois  même  de  la  portion  de  l'intestin  qui  fait  suite  à  l'esto- 
mac, et  que  chez  quelques  autres  Animaux  du  même  embran- 
chement il  se  forme  au  fond  de  divers  appendices  dépen- 
dants soit  de  cet  intestin,  soit  de  l'estomac  lui-même  ;  tandis 
que  chez  la  plupart  des  Mollusques,  ainsi  que  chez  tous  les 
Animaux  supérieurs,  il  provient  d'une  grosse  glande  appelée 
foie. 

Appareil  Daus  uu  très  grand  nombre  d'espèces,  un  troisième  liquide 
digestif,  doué  également  de  propriétés  alcalines,  mais  qui  d'ail- 
leurs diffère  beaucoup  de  la  bile,  et  consiste  principalement  en 
eau  chargée  de  quelques  sels  et  de  quelques  principes  orga- 
niques ,  la  salive,  est  également  versé  sur  les  aliments  pen- 
dant leur  passage  dans  le  canal  digestif;  mais  c'est  dans  la 
première  portion  de  ce  tube,  en  avant  de  l'estomac,  que  ce 
liquide  afflue,  et  c'est  aussi  dans  le  voisinage  de  la  bouche  que 
les  organes  spéciaux  chargés  de  l'élaborer,  et  appelés  glandes 
salivaires,  se  développent. 


salivaire. 


CONDITIONS    DE    PERFECTIONNEMENT.  275 

Enfin,  chez  les  Animaux  les  plus  élevés  en  organisation,  les 
aliments  rencontrent  aussi  dans  la  portion  post-stomacale  du 
tube  digestif  un  quatrième  dissolvant,  qui  ressemble  un  peu  à  la 
salive,  mais  qui  jouit  de  propriétés  particulières  :  on  lui  a  donné 
le  nom  de  suc  pancréatique,  et  il  a  sa  source  dans  le  pancréas, 
organe  glandulaire  situé  près  du  foie. 

Ces  divers  liquides  qui  viennent  ainsi  compléter  l'action  di- 
gestive  du  suc  gastrique  sont  destinés  surtout  à  attaquer  et  à 
rendre  absorbables  les  matières  végétales,  ou,  pour  parler  d'une 
manière  plus  précise,  les  aliments  organiques  non  azotés. 

Pour  s'en  assurer,  il  suffit  d'un  petit  nombre  d'expériences 
faciles  à  répéter. 

Ainsi  le  pain,  comme  chacun  le  sait,  n'est  pas  soluble  dans 
l'eau,  et  serait  presque  insipide  s'il  ne  contenait  du  sel  ;  mais  il 
suffît  de  le  bien  imbiber  de  salive  en  le  mâchant  pendant 
quelque  temps  dans  la  bouche  pour  y  développer  un  goût 
sucré  dû  à  la  transformation  d'une  certaine  quantité  de  sa 
matière  féculente  en  dextrine,  puis  en  glycose;  et  si  l'on  filtre  le 
liquide  qui  s'écoule  delà  pâte  ainsi  imprégnée,  on  peut,  à  Taide 
de  réactifs  convenables,  tels  que  la  solution  cupro-potassique, 
y  constater  la  présence  du  sucre  formé  de  la  sorte  aux  dépens 
des  principes  amylacés.  Cette  expérience  est  due  à  l'un  des 
agrégés  de  noire  Faculté  de  médecine,  M.  Miahle;  mais  je 
dois  ajouter  que  la  découverte  du  mode  d'action  de  la  salive 
sur  les  matières  amylacées  appartient  à  un  physiologiste  alle- 
mand, M.  Leuchs  (1). 


Appareil 
pancréatique. 


Usages 
des  liquides 

digestifs 
accessoires. 


(1)  Devant,  dans  une  prochaine 
Leçon ,  traiter  d'une  manière  plus 
complète  du  mode  d'action  de  la  sa- 
live sur  les  aliments,  je  ne  rendrai 
pas  compte  ici  des  divers  travaux  qui 
ont  été  faits  sur  ce  sujet,  et  je  ne 
parlerai  pas  en  ce  moment  de  la  com- 
position chimique  du  suc  salivaire,  si 


ce  n'est  pour  dire  que  l'on  trouve 
dans  ce  liquide  un  principe  particulier 
apte  à  jouer  le  rôle  de  ferment,  à  peu 
près  comme  nous  l'avons  vu  pour  la 
pepsine,  mais  ayant  la  propriété  d'a- 
gir de  la  sorte  sm-  certaines  matières 
amylacées,  et  ne  paraissant  pas  dif- 
férer de  la  diastase  qui  se  développe 


276  DIGESTION. 

Des  expériences  analogues,  faites  presque  en  même  temps 
par  M.  Valentin  en  Allemagne,  et  par  MM.  Bouchardat  et  San- 
dras  à  Paris,  montrent  que  le  suc  pancréatique  agit  de  la  même 
manière  sur  les  éléments  amylacés,  et  contribue  à  en  effectuer 
la  digestion  (1).  Il  est  aussi  à  noter  que  le  suc  formé  par  les 
parois  mêmes  de  l'intestin  jouit  de  propriétés  analogues  (2),  et 


pendant   la  germination  des  graines.  (1]  En  i8li^,M.  Valentin  a  constaté 

La  découverte   de    M.    Leuchs   date  ce  fait  en  soumettant  de  l'empois  à 

de  1831  {a),  et  a  été  confirmée  peu  de  Taclion  d'une  certaine  quantité  d'eau 

temps  après  par  les  expériences  de  dans  laquelle  il  avait  fait  infuser  des 

M.  Scliwann,  de  M.  Miahle  et  de  plu-  fragments  du  pancréas  (d).    L'année 

sieurs  autres  physiologistes  (5)  ;  mais  suivante,  MM.  Bouchardat  et  Sandras 

il  est  à  noter  que  tous  les  liquides  dé-  ont  obtenu  le  même  résultat  en  opé- 

signés  sous  le  nom  de  salive  ne  pos-  rant  sur  le  suc  pancréatique  de  la 

sèdent  pas  les  propriétés  digestives  Poule    (e)  ,   et  plus    récemment  ces 

dont  il  vient  d'être  question  ,  et  que  expériences    ont   été    répétées    avec 

c'est  la  salive  mixte  ,  telle  que  cette  succès  par  beaucoup  d'autres  physio- 

humeur  existe  dans  la  cavité  buccale,  logistes  {f). 

qui  détermine   la  transformation  de  (2)    Ce    fait    a    été    constaté    par 

l'amidon  en  dextrinc  ,  puis  en  gly-  M.  Frerichs,  ainsi  quepar  MM.  Bidder 

cose  (c).  et  Schmidt  (g). 


(n)  Leuclis,  Ueber  die  Verzuckerung  des  Stârkmehls  diirch  Speichel  {liAstaer' s  Areh.  fur  die 
gesammte  Naturlehre,  1831,  t.  XXI,  p.  106). 

(6)  Schwann,  Ueber  das  Wesen  des  Verdauungsprocesses  (Miiller's  Archiv  fur  Anatomie  und 
Pftî/Motosie,  1836,  p.  138). 

—  Sébastian,  voyez  Burciach,   Traité  de  physiologie,  t.  IX,  p.  268. 

—  Wright,  Tke  Physiology  and  Palhology  of  Saliva  {The  Lancet,  1841-1842,  t.  Il,  p.  217). 

—  Miallie,  Mém.  sur  la  digestion  et  l'assimilation  des  matières  amyloîdes  et  sucrées.  Paris, 
1846.  —  Chimie  appliquée  à  la  physiologie,  p.  41. 

—  Jacubowitsch,  De  saliva  (dissert,  inaug.).  Dorpat,  1848. 

—  Bidiler  und  Schraidt,  Die  Verdauungssâfte  und  der  Stoffwechsel,  p.  1  5. 

—  Longet,  Traité  de  physiologie,  t.  1,  2"  partie,  p.  171. 

(c)  Lassaigno,  Recherches  pour  déterminer  le  mode  d'action  qu'exerce  la  salive  pure  siir  l'ami- 
don [Comptes  rendus  de  l'Académie  des  sciences,  1845,  t.  XX,  p.  1347,  etc.). 

— -  Magendie,  Étude  comparative  de  la  salive  parotidienne  et  de  la  salive  mixte  du  Cheval 
(Comptes  rendus  de  l'Académie  des  sciences,  1845,  t.  XXI,  p.  902). 

—  Cl.  Bernard,  Mém.  sur  le  rôle  de  la  salive  dans  les  johénomènes  de  la  digestion  {Arch.  gén. 
de  médecine,  4°  série,  1847,  t.  XIII,  p.  1). 

(d)  Valentin,  Handbuch  der  Physiologie,  1847,  t.  I,  p.  350. 

(e)  Bouchardat  et  Sandras,  Des  fondions  du  pancréas  et  de  son  influence  sur  la  digestion  des 
féculents  {Comptes  rendus  de  l'Académie  des  sciences,  1845,  t.  XX,  p.  1088,  et  Suppléments  à 
l'Anmiaire  de  thérapeutique  pour  1846,  p.  147). 

(/■)  Cl.  Bernard,  Mém.  sur  le  pancréas  {Supplément  aux  Comptes  rendus  de  l'Académie  des 
sciences,  1856,  1. 1,  p.  410). 

(g)  Frerichs,  Die  Verdauung  (Wagner's  Handwôrterbuch  der  Physiologie,  1846,  t.  III,  1"  par- 
tie, p.  852). 

,,..-  Bidder  und  Schmidt,  Die  Verdauungssâfte  und  der  Stoffwechsel,  1852,  p.  281. 


CONDITIONS   DE   PERFECTIONNEMENT.  277 

mon  savant  collègue,  M.  Cl.  Bernard  ,  a  souvent  rendu  les 
élèves  de  cette  Faculté  témoins  de  Taction  reuiarquable  que 
le  suc  pancréatique  exerce  sur  les  matières  grasses  (1).  Il  suffit, 
en  effet,  d'agiter  pendant  quelques  secondes  une  graisse  liquide 
avec  quelques  gouttes  de  cette  humeur,  pour  la  transformer  en 
une  émulsion  d'apparence  laiteuse  qui  ressemble  beaucoup  à 
un  des  produits  du  travail  digestif,  le  chyle,  dont  l'étude  nous 
occupera  bientôt.  Enfin  des  expériences  faites  récemment  par 
M.  L.  Corvisart  tendent  à  établir  que  le  principe  actif  du  suc 
pancréatique  jouit  de  la  propriété  d'attaquer  et  de  rendre  solu- 
bles  les  matières  albuminoïdes  comme  le  fait  le  suc  gastrique, 
et  cela  en  présence  des  alcalis  aussi  bien  que  des  acides,  de 
façon  que  cette  substance  serait  apte  à  continuer  la  digestion 
commencée,  soit  par  la  salive,  soit  par  la  pepsine  stomacale  (2). 
Quant  au  rôle  de  la  bile  dans  le  travail  digestif,  les  résultats 
sont  moins  nets  ;  mais,  ainsi  que  je  le  ferai  voir  plus  tard,  il  y 
a  tout  lieu  de  penser  que  ce  hquide  attaque  aussi  les  matières 
grasses  contenues  dans  les  aliments,  et  les  expériences  endos- 


Ci)  En  ISùli,  M.  Eberle  reconnut  de  pancréatine  (c) ,  peut  être  préci- 
que  le  suc  pancréatique  jouit  de  la  pilé  par  l'alcool ,  puis  redissous  dans 
propriété  de  tenir  les  graisses  en  sus-  l'eau  sans  perdre  la  propriété  d'agir 
pension  sous  la  forme  d'émulsion  (a),  comme  ferment  '^digestif.  .M.  L.  Gor- 
et plus  récemment  ce  fait  a  été  mis  visart  a  constaté  que  cette  substance, 
en  évidence  d'une  manière  plus  corn-  soit  à  l'état  acide  ou  à  l'état  alcalin, 
plète  par  les  expériences  de  M.  Claude  transforme  la  fibrine,  l'albumine  coa- 
Bernard(fc).  gulée,  la  caséine,  etc.,  en  peptones, 

(2)  Le  principe  actif  du  suc  pan-  comme  le  fait  le  suc  gastrique  {d)i 

créatique  ,  que  l'on  désigne  assez  gé-  mais  elle  paraît  ne  pas  exister  tou- 

néralement  aujourd'hui  sous  le  nom  jours  dans  le  liquide  fourni  par  le 


(a)  Eberle,  Physiologie  der  Verdàuung,  1834,  p,  251. 

(6)  Cl.  Bernard,  Du  six  ■pancréatique  et  de  son  rôle  ddiis  la  digestion  {Ai'ch.  gén.  de  méd., 
4"  série,  1849,  t.  XIX). 

—  ilém.  sur  le  pancréas  (Supplém.  aux-  Comptes  rendus  de  l'Acad,  des  scienceSi  1856,  1. 1, 
p,  441  ei  suiv.). 

(c)  Robin  et  Verdeil,  Traité  de  cldinie  analomique  et  physiologlqiu,  t,  III,  p,  345. 

(d)  L.  Corvisart,  Sur  une  fonction  peu  connue  du  pancréas  dans  la  digestion  des  aliments 
azotés,  1858  (exlr,  de  la  Galette  hebdomadaire  de  médecine,  1857,  t.  IV,  p.  250  et  suiv,), 


pour 
de  ces  sucs 


278  DIGESTION. 

niotiques  dont  j'ai  déjà  rendu  compte  prouvent  qu'il  doit  con- 
tribuer à  en  faciliter  l'absorption  (l). 
utilité  §  12.  —  Pour  tirer  de  ces  divers  agents  chimiques  tout  le 

de  plusieurs  .  -i  i        15  -i      i-  ,•/«    1    •,     a  t, 

cavités      parti  possible,  1  appareil  digestif  doit  être  pourvu,  non  d  un 
successive^^  réscrvolr  alimentaire  unique,  comme  chez  les  Animaux  oii  le 
suc  gastrique  intervient  seul  dans  le  travail  de  la  digestion,  mais 
de  plusieurs  estomacs,  ou  tout  au  moins  de  plusieurs  cavités  où 
les  ahments  peuvent  séjourner  en  contact  avec  ces  liquides, 

Aussi,  chez  un  assez  grand  nombre  d'Animaux  phytophages, 
dont  la  digestion  est  puissante,  trouve-t-on,  au-devant  de  Festo- 
mac  proprement,  dit  un  estomac  accessoire  qui  est  désigné 
tantôt  sous  le  nom  de  jabot,  tantôt  sous  celui  de  panse^  et  qui 
sert  de  magasin  pour  les  aliments  déjà  imprégnés  de  salive, 
mais  non  encore  soumis  à  l'action  du  suc  gastrique. 

^  Le  réceptacle  où  les  matières  alimentaires  sont  mêlées  à  la 
bile  et  au  suc  pancréatique  fait  généralement  suite  à  l'estomac, 
mais  n'a  pas,  comme  les  cavités  précédentes,  la  forme  d'une 
poche,  parce  qu'il  doit  servir  aussi  à  un  autre  usage,  et  que 
cette  circonstance  nécessite  une  disposition  particulière  ;  mais 
cette  espèce  d'estomac  complémentaire  n'en  est  pas  moins 
nettement  délimité,  et  sa  capacité  est  surtout  très  grande  chez 
les  Animaux  herbivores.  Elle  est  formée  par  la  première  por- 
tion du  tube  intestinal,  et  on  la  désigne  généralement  sous  le 
nom  cVintestin  grêle^  par  opposition  à  la  portion  terminale  du 


pancréas  (a),  et,  d'après  les  dernières  MM.  Bidder  et  Schmidt  avaient  con- 

expériences  faites  par  le  jeune  phy-  staté  précédemment  qne  les  sucs  in- 

siologiste  que  je  viens  de  citer,  elle  testinaux  sont  aptes  à  produire  des 

ne   se   produirait  qu'au  moment  où  effets  analogues  (c). 
la  digestion  stomacale  s'efl'ectue  (6).  (1)  Voyez  ci-dessus,  page  223. 

(a)  MM.KefersteinetHahvachs  n'ont  obtenu  que  des  résultais  négatifs  (voyez  Schmidt's./a/irfcMCfte)', 
4859). 

(6)  Corvisart,  ConlribiUion  à  l'étude  du  pancréas  dans  la  digestion  (Comptes  rendus  de  l'Aca 
demie  des  sciences,  1859,  t.  XLIX,  p.  43). 

(c)  Biddci-  und  Schmidt,  Die  Verdammgssâfle  und  der  Stoffwechsel,  1852,  p.  272  et  suiv. 

—  l.elimann,  Lelirbucli  der  physiologisclien  Chemie,  t.  11,  p.  99. 


CONDITIONS    DE    PERFECTIONNEMENT.  279 

même  conduit,  qui,  à  raison  de  son  volume,  est  appelée  le  gros 
intestin  et  qui  sert  de  réservoir  pour  le  résidu  excrémentitiel. 

J'ajouterai  que  les  physiologistes  désignent  souvent  sous  le 
nom  de  chymification  cette  digestion  complémentaire  qui  s'ef- 
fectue dans  l'intestin  grêle,  parce  que  l'un  des  produits  les  plus 
remarquables  de  ce  travail  est  un  liquide  généralement  laiteux, 
appelé  chyle  (1). 


(1)  La  plupart  des  anciens  physio- 
logistes emploient  presque  indifférem- 
ment les  mots  chyme  et  chyle  pour 
désigner  les  produits  utiles  de  la  di- 
gestion slomacale.  Ainsi  Willis,  Syl- 
vius  ,  Fabricius  ,  Lower,  F'itcairne  , 
Riolan  et  Bartholin,  parlent  de  la  for- 
mation du  chyle  dans  l'estomac  (a), 
et  Boerhaave  ne  paraît  même  avoir 
reconnu  aucune  différence  essentielle 
entre  les  matières  alimentaires  élabo- 
rées dans  cet  organe  et  dans  Pin- 
testin  [b).  Haller  semble  avoir  en  des 
notions  plus  justes  à  cet  égard,  bien 
qu'il  ne  s'en  explique  pas  d'une  ma- 
nière précise.  Cependant  Juncker 
avait  déjà  établi  une  distinction  nette 
entre  les  fonctions  de  ces  deux  por- 
tions du  canal  digestif,  car  il  a\aii 
dit  positivement  que  tes  aliments  sont 
transformés  en  chyme  dans  l'esto- 
mac, puis  poussés  dans  le  duodénum, 
où  ils  se  changent  en  chyle. par  leur 
mélange  avec  d'autres  substances. 

C'est  dans  cette  dernière  acception 
que  les  mots  chymification  et  chyli- 
fication  ont  été  employés  par  Sœm- 
inering,  Chaussier,  iVlagendie  et  la 
plupart   des  physiologistes  du  siècle 


actuel  (c).  Quelques  auteurs  récents 
en  critiquent  l'emploi,  parce  que  ces 
mots  ne  peuvent  s'appliquer  à  aucun 
résultat  nettement  délini ,  et  qu'en 
réalité  la  digestion  commencée  dans 
l'estomac  est  continuée,  dans  l'intes- 
tin. Mais  ces  objections  ne  me  sem- 
blent pas  avoir  beaucoup  de  valeur, 
et  il  est  utile  de  pouvoir  désigner 
par  un  nom  particulier  les  deux  pé- 
riodes principales  du  travail  digestif. 
Ainsi  j'emploie  le  mot  chyme  pour 
désigner  la  matière  pulpeuse  obtenue 
dans  l'estomac  par  l'action  du  suc 
gastViqiie  acide  et  chargé  de  pepsine 
sur  les  aliments,  et  chymification 
l'acte  qui  amène  ce  résultat  ;  tandis 
que  je  me  sers  de  l'expression  chyli- 
fication  pour  indiquer  la  digestion 
complémeniaire  qui  s'effectue  dans 
l'intestin  à  l'aide  des  sucs  alcalins  ou 
neutres  et  plus  ou  moins  chargés  de 
diastase,  pliénomène  qui  d.'lermine 
la  formation  du  chyle  ainsi  que  des 
autres  liquides  nourriciers  dont  l'ab- 
sorplion  a  lieu  dans  l'intestin  grêle. 
(}uant  au  mot  chyle,  on  le  réserve 
généralement  au  fluide  nourricier  qui 
pénùtre  de  l'intestin  dans  la  portion 


(a)  Voyez  Caslelli,  Lexicon,  art.  Chvmus  cl  CHVLU3,  1712. 

(b)  Boeiliaave,  Prœlect.,  §§  78,  95. 

(c)  Sœnimeriiif ,  Corp.  hum.  fabr.,  t.  VI,  p.  306,  etc. 

—  Cliaussier,  Digestion  {Dictionnaire  des  sciences  médicales,  t.  IX,  p.  400  et  429). 

—  Magendie,  Précis  élémentaire  de  physiologie,  t.  II,  p.  87  et  suiv. 

—  Bérard,  Leçons  de  physiologie,  t.  III,  p.  184,  etc. 


280  DIGESTION. 

changemenis      §  13.  —  Ls  SUC  gaslrique  et  les  autres  humeurs  que  les  ali- 

chimiques 

déterminés  meuts  rencoutrent  dans  les  diverses  parties  de  l'appareil  diges- 
le  suc  gaslrique.  tif  DC  déterminent  pas  seulement  dans  ces  substances  le  chan- 
gement d'état  qui  est  nécessaire  pour  les  rendre  absorbables  -, 
souvent  la  constitution  chimique  de  ces  corps  est  profondément 
moditiée  par  l'action  de  ces  agents,  et  les  transformations  effec- 
tuées de  la  sorte  peuvent  se  produire  dans  les  liquides  aussi 
bien  que  dans  les  solides.  Il  paraîtrait  même  que  dans  certains 
cas  les  matières  alimentaires,  tout  en  présentant  les  conditions 
voulues  pour  être  absorbées,  ne  sont  utihsables  dans  l'écono- 
mie qu'après  avoir  éprouvé  des  changements  de  cet  ordre. 

Ainsi  le  sucre  de  canne,  et  le  sucre  de  raisin ,  ou  glycose,  sont 
l'un  et  l'autre  très  solubles  dans  l'eau  et  traversent  assez  faci- 
lement les  membranes  organiques  ;  mais  lorsque  ces  substances 
se  trouvent  mêlées  au  sang  et  circulent  dans  l'économie  ani- 
male, elles  ne  se  comportent  pas  de  môme  :  le  sucre  de  canne 
est  rapidement  expulsé  par  les  voies  urinaires,  tandis  que  la 
glycose  est  d'ordinaire  employée  comuie  combustible  respira- 
toire et  utilisée  de  la  sorte  pour  l'entretien  du  mouvement 
vital  (1).  Le  sucre  de  canne,  néanmoins,  est  un  aliment  dont  les 
Animaux  peuvent  tirer  grand  parti,  mais  c'est  à  la  condition 


correspondante  du  système  des  vais-  par  la  sécrétion  rénale,  sans  avoir  subi 

seaux  lymphatiques  ou  vaisseaux  cliy-  aucun    changement,   par  conséquent 

lifères,  et  qui  présente  d'ordinaire  un  sans  avoir  été  utilisé  dans  le  travail 

aspect  laiteux.  Nous  verrons  plus  loin  chimique  dont  la  machine  vivante  est 

quelle  idée  doit  y  être  attachée.  le  siège.  I^a  glycose,  au  contraire,  dis- 

(1)  M.    Cl.    Bernard  a  obtenu   la  paraît  rapidement  du  sang,  et,  dans  la 

preuve  expérimentale  de  ce  fait  en  plupart  des  cas,  n'arrive  pas  dans  les 

injectant  d'une  manière  comparative  urines.  Or,  M.  Cl.  Bernard  a  reconnu 

dans  les  veines  de  divers   Animaux  que  le  sucre  de  canne  se  transforme 

vivants  les  deux  espèces  de  sucre.  Le  en   glycose   sous   l'intluence  du  suc 

sucre  de  canne  introduit  ainsi  direc-  gastrique,  et  que  si  on  l'injecte  dans 

lement  dans  le  torrent  de  la  circula-  les  veines  après  l'avoir  mis  en  pré- 

tion   s'est   montré    bientôt  dans  les  sence  de  cet  agent,  au  lieu  de  Iraver- 

urines,  et  a  été  expulsé  de  l'organisme  ser  simplement  l'organisme,  il  devient 


CONDITIONS    DR    PERFECTIONNEMENT.  281 

de  le  transformer  préalablement  en  glycose.  Or,  le  suc  gastrique 
détermine  ce  changement,  et  par  conséquent  le  sucre  de  canne, 
tout  en  étant  absorbable,  a  besoin  d'être  digéré,  c'est-à-dire  de 
subir  une  certaine  élaboration  déterminée  par  l'action  des  agents 
digestifs. 

Les  substances  albuminoïdes  sont  également  modifiées  dans 
leur  constitution  chimique  par  l'action  de  la  pepsine  et  des 
autres  ferments  qui  interviennent  dans  le  travail  de  la  diges- 
tion ;  elles  acquièrent  ainsi  des  propriétés  particuhères,  et  con- 
stituent des  matières  que  l'on  désigne  généralement  sous  le 
nom  de  peptones  (1)  ;  enfin,  dans  certains  cas,  les  matières 

utilisable    dans   l'économie    (a).    Or,  suc  gastiique,  soit  des  liquides  qui  se 

cette  transformalion  du  sucre  de  canne  rencontrent  dans  l'intestin  (d). 

en  sucre  de  raisin  ou  en  glycose,  dans  (l)  M-   Mialhe  a  appelé  l'attention 

l'intérieur  de  l'estomac  des  Animaux  des  chimistes  et  des  pliysioloi;istes  sur 

vivants,  est  un  des  phénomènes  ordi-  les  modificalions  que  le  suc  gastrique 

naires  de  la  digestion,  ainsi  que  cela  détermine  dans  les  matières  albumî- 

a  élé  constaté  par  M\I.   Sandras  et  noïdes  (ej,  et  ce  sujet  a  été  éludié 

Bouchardat ,  Lehmann  ,  von  Becker  d'une    manière    plus    complète   par 

et  plusieurs  autres  physiologistes  [h),  ^].  Lehmann,  qui  donne  à  ces  sub- 

coiitrairement  à  l'opinion  de  MM.  Fre-  stances  le   nom   de  peptones  quand 

richs  et  Blondlot  (c).    Dans  certains  elles    ont    été    transformées    de   la 

cas,  la   modification   de   celte   sub-  sorte  (/■).  Je  reviiMuhai  sur  ce  phéno- 

stance    est    portée   même   beaucoup  mène  lorsque  je  traiterai  des  produits 

plus  loin,  et  le  sucre  se  trouve  changé  de  la  digestion, 
en  acide  lactique  par  l'action  soit  du 

(a)  Cl.  Bernard,  Mémoire  sur  le  suc  gastrique  el  son  rôle  dans  la  nulrilion  [Ga%eUe  médicale, 
1844). 

(6)  Boucliardat  et  Sandras,  De  la  digestion  des  matières  féculentes  et  sucrées,  et  du  rôle  que 
ces  substatices  jouent  dans  la  nutrition  {Supplém.  à  l'Annuaire  de  thérapeutique  pour  t846, 
p.  83  cl  siiiv.). 

—  Lehmann,  Lehrouch  der  physiologischen  Chemie,  t.  Il,  p.  255. 

—  Von  Becker,  Ueber  das  Vcrhalten  des  Zuckers  beim  thierischen  Stoffwechsel  (Siébold  i\nd 
Kôlliker's  Zeitschrift  fur  wissenschaftl.  Zoologie,  1854,  t.  V,  p.  124). 

—  Lonset,  Traité  de  physiologie,  1857,  t.  I,  2=  partie,  p.  2s(i. 

(c)  Frerichs,  Verdauung  (Wagner's  Handwôrterbuch  der  Physiologie,  t.  Ill,  p.  802). 
^^  Blondlot,  Traité  analytique  de  la  digestion,  p,  299. 

(d)  Boucliardat  et  Sandras,  Op.  cit.  (Supplément  à  l'Annuaire  de  thérapeutique  pour  1846, 
p.  102). 

—  Ch.  Schmidt,  De  digestionis  nalura  (disserl.  inaug-,),  Dorpat,  184G,  et  Ann,  der  Chem.  und 
Pharm.,  t,  LXI,  p.  2'J. 

—  Lehmann,  Lehrbueh  der  physiologischen  Chemie,  t.  II,  p.  249. 

(e)  Miahle,  Mémoire  sur  la  digestion  et  V assimilation  des  matières  albuminoïdes,  1847,  p.  3i 
et  suiv. 

{f)  Lehmann,  Lehrbueh  der  physiologischen  Chemie,  t,  II,  p.  40  et  suiv. 


28-2  .  DIGESTION. 

grasses  subissent  aussi  des  transformations  remarquables  sous 
l'influence  des  mêmes  agents  (1). 

Nous  voyons  donc  que  la  digestion  n'est  pas  une  fonction 
aussi  simple  qu'on  aurait  pu  le  supposer  d'après  les  résultats 
obtenus  par  les  recherches  de  Réaumur  et  de  Spallanzani.  Les 
réactions  chimiques  qui  en  dépendent  sont  même  très  com- 
plexes; mais,  pour  le  moment,  nous  pouvons  laisser  de  côté 
l'étude  des  transformations  qui  sont  effectuées  ainsi  dans  la 
nature  des  matières  alimentaires,  et  ne  prendre  en  considération 
que  les  phénomènes  les  plus  apparents  et  les  plus  généraux  de 
ce  travail  physiologique,  c'est-à-dire  le  changement  d'état  qui 
s'opère  dans  les  aliments  solides  et  qui  les  rend  propres  à  péné- 
trer à  travers  les  tissus  pour  aller  se  mêler  aux  fluides  nourri- 
ciers de  l'organisme. 

§  l/l.  —  Indépendamment  des  actes  essentiels  que  nous 
venons  de  passer  rapidement  en  revue,  il  en  est  d'autres  qui 
offrent  parfois  aussi  une  grande  importance,  et  qui  viennent 
en  aide  aux  précédents  sans  produire  ce  qui  est  fondamental 
dans  le  phénomène  de  la  digestion.  Ainsi ,  quoique  l'agent 
par  lequel  ce  travail  s'accomplit  soit  un  dissolvant  chimique, 
il  est  aisé  de  comprendre  que  le  concours  de  puissances  mé- 
phénomènes  cauiqucs  puissc  être  très  utile,  ne  fût-ce  que  pour  diviser  les 
mécaniques,  j^^gj-j^j^^g  soumiscs  à  l'influeuce  du  suc  gastrique  ou  autres, 
et  à  multiplier  ainsi  leurs  points  de  contact  avec  ces  liquides. 
La  pression  exercée  sur  les  aliments,  dans  l'intérieur  du  tube 
digestif,  par  la  contraction  des  libres  charnues  dont  ses  pa- 
rois sont  garnies ,  peut  suffire  pour  assurer  cette  division , 
et  lorsqu'elle  doit  devenir  très  puissante,  une  portion  parti- 
culière dé  ce  conduit  se  trouve  appropriée  à  l'exercice  de  cette 


Aclions 
adjuvantes. 


(1)  Dans  certains  cas,  les  matières  gras  ;  mais  en  général  les  graisses 
grasses  ne  litres  paraissent  pouvoir  être  sont  absorjjées  sans  avoir  subi  aucune 
décomposées  en  glycérine  et  en  acides      transformation. 


CONDITIONS    DE    PERFECTIONNEMENT.  28o 

fonclioli.  De  là  encore  une  nouvelle  complication  de  l'appa- 
reil, et  l'apparition  d'un  réservoir  gastrique  à  parois  essentiel- 
lement charnues,  qu'on  nomme  gésier.  INÏais  cette  adaptation 
d'une  partie  préexistante  à  des  usages  nouveaux  ne  suffit 
pas  toujours  pour  obtenir  le  résultat  voulu,  et  la  nature  a  alors 
recours  à  la  création  d'instruments  nouveaux  qui  viennent 
s'ajouter  aux  organes  déjà  si  nombreux,  dont  se  compose  le  ^^0|:f^^^^_J^^ 
système  digestif,  et  qui  constituent  un  appareil  de  mastication. 
Ces  organes  sécateurs  ou  triturants  interviennent  aussi  d'une 
manière  active  dans  le  phénomène  de  la  préhension  des  ali- 
ments, et  chez  beaucoup  d'animaux  cette  portion  préhminaire 
du  travail  digestif  s'effectue  aussi  à  l'aide  d'autres  instruments 
accessoires  empruntés  à  des  parties  voisines  de  l'économie  ou 
obtenus  par  l'adaptation  des  bords  de  l'orifice  buccal  à  ce  genre 
d'usages. 

Il  est  aussi  à  noter  que  l'appareil  masticateur  est  perfectionné 
progressivement  par  les  mêmes  procédés  que  les  autres  organes 
digestifs.  La  bouche  ne  tarde  pas  à  s'enrichir  de  leviers  qui 
augmentent  la  précision  et  la  force  des  mouvements  déterminés 
par  la  contraction  des  muscles  qui  l'entourent,  et  ces  parties 
rigides  sont  d'abord  empruntées  à  l'appareil  de  la  locomotion, 
puis  obtenus  à  l'aide  d'une  création  organique  spéciale.  Ainsi, 
chez  certains  Animaux,  les  pattes,  ou  des  parties  analogues  à  ces 
appendices,  constituent  des  mâchoires  et  des  mandibules  qui 
agissent  à  la  manière  de  pinces,  soit  pour  saisir,  soit  pour  couper 
ou  pour  broyer  les  aliments;  chez  les  Animaux  supérieurs, 
non-seulement  les  leviers  buccaux  sont  le  résultat  d'une  création 
ad  hoc,  mais  encore  ils  se  garnissent  d'instruments  qui  sont 
destinés  à  en  rendre  le  jeu  plus  parfait,  et  qui  constituent  l'ar- 
mature dite  dentaire.  Or,  ces  organes  complémentaires,  qui 
sont  d'abord  de  simples  tubercules  ou  crochets  épidermiques, 
sont  bientôt  constitués  par  des  tissus  spéciaux,  et  chez  les  Ani- 
maux les  plus  élevés  ils  offrent  dans  les  différentes  parties  de  la 


28/i  DIGESTION. 

cavité  buccale  des  formes  variées,  de  façon  à  être  mieux  appro- 
priés à  des  modes  d'action  divers.  La  division  du  travail  s'in- 
troduit donc  dans  les  phénomènes  mécaniques  de  la  digestion, 
aussi  bien  que  dans  les  actions  chimiques  dont  il  a  été  déjà  ques- 
tion, et  en  assure  aussi  le  perfectionnement. 
l'erfeciionne-  §  15.  — Eufio,  Ics  dispositious  auatomiques  à  l'aide  des- 
derapîareii  qucllcs  la  Naturc  accroît  la  puissance  de  l'appareil  digestif, 
'TnÏÏrum°enr  V^^^  rapport  à  l'utiUsation  des  produits  du  travail  physio- 
d absorption.  jQgjq^g  accompH  dans  son  intérieur,  c'est-à-dire  considéré 
comme  un  agent  absorbant,  sont  également  faciles  à  com- 
prendre, et  je  dirai  même  à  prévoir.  En  effet,  la  première  con- 
dition à  remplir  pour  rendre  facile  et  rapide  ce  passage  des 
matières  liquéfiées  de  la  cavité  digestive  dans  la  profondeur  de 
l'organisme,  c'est  de  donner  une  étendue  considérable  à  la  sur- 
face perméable  baignée  par  ces  matières,  et  cela  peut  s'obtenir 
de  diverses  manières.  Le  procédé  le  plus  simple  consiste  à  sub- 
diviser le  réservoir  alimentaire  de  façon  à  rétrécir  beaucoup  la 
cavité  dont  il  se  compose  sans  en  diminuer  la  capacité  totale. 
Chez  beaucoup  de  Zoophytes,  cette  disposition  se  trouve  réalisée 
et  coïncide  avec  l'adaptation  de  l'estomac  à  une  autre  fonction  : 
celle  de  l'irrigation  physiologique.  En  étudiant  les  premières 
ébauches  de  l'appareil  circulatoire,  nous  en  avons  vu  divers 
exemples  (1  ),  et  je  me  bornerai  à  ajouter  ici  que  le  développement 
de  certaines  portions  de  la  cavité  digestive  en  tubes  appendicu- 
laires,  tantôt  siaiples,  tantôt  rameux,  se  voit  aussi  chez  beau- 
coup d'Animaux  où  la  division  du  travail  physiologique  est 
parfaitement  établie  entre  les  grandes  fonctions  de  la  vie  végé- 
tative, et  où  l'état  imparfait  du  mouvement  circulatoire  des  fluides 
nourriciers  ne  semble  commander  en  aucune  façon  cette  parti- 
cularité organique,  mais  où  elle  paraît  être  destinée  seulement 
à  activer  l'absorption  des  matières  nutritives  préalablement 

(1)  Voyez  tome  111,  page  55  el  suivanies. 


CONDITIONS    DE    PERFECTIONNEMENT.  285 

élaborées  dans  l'estomac.  Nous  verrons  bientôt  que  chez  plu-  Phiébemérisma 
sieurs  Vers,  ainsi  que  chez  certains  Mollusques,  les  appendices 
gastriques  ainsi  constitués  affectent  la  forme  de  vaisseaux,  et 
composent  parfois  un  système  dendroïde  des  plus  remarquables. 
C'est  ce  mode  particulier  de  conformation  qui  a  été  désigné 
par  M.  deQuatrefagessousle  nom  de  phlébentérisme ;  et  lorsque 
nous  étudierons  le  mode  de  formation  de  certaines  glandes  an- 
nexées au  tube  digestif,  le  foie,  par  exemple,  nous  verrons  que 
c'est  en  empruntant  les  canaux  gastro-vasculaires  dont  je  viens 
de  parler,  ou  leurs  analogues,  que  la  Nature  paraît  avoir  con- 
stitué les  canaux  excréteurs  de  ces  organes. 

Ailleurs,  les  csecums  ainsi  développés  autour  du  tube  intes-  vaivuies 
tinal  disparaissent  ou  cessent  de  recevoir  dans  leur  intérieur  et'viîbsués 
les  produits  de  la  digestion,  et,  par  conséquent,  ne  contribuent  VteSc""' 
plus  à  faciliter  l'absorption  des  matières  nutritives,  mais  cette 
absorption  est  favorisée  par  une  autre  disposition  anatomique. 
La  portion  du  canal  alimentaire  qui  fait  suite  à  l'estomac,  et  qui 
est  le  siège  du  complément  du  travail  digestif  effectué  à  l'aide 
de  la  bile,  du  suc  pancréatique  et  de  quelques  autres  hquides 
analogues,  s'allonge  beaucoup  et  se  recourbe  sur  elle-même , 
de  façon  à  constituer  une  multitude  de  circonvolutions.  Les  ma- 
tières élaborées  par  les  sucs  digestifs  trouvent  donc  là  une  sur- 
face absorbante  très  vaste  où  elles  s'étalent  en  couche  mince;  et 
chez  les  Animaux  supérieurs  l'étendue  de  cette  surface  est 
encore  augmentée  par  l'existence  d'une  multitude  de  replis, 
ii\)\ie\és  valvules  conniventes^  que  la  membrane  muqueuse  intes- 
tinale forme  dans  l'intérieur  de  ce  conduit  long,  étroit  et  tor- 
tueux. Souvent  cette  membrane  se  garnit  même  d'espèces  de 
franges  molles  et  perméables,  appelées  villosités^  qui  en  aug- 
mentent encore  la  puissance  absorbante. 

§  16.  —  Ce  coup  d'reil  rapide  sur  l'ensemble  des  phéno-     Rés™é. 
mènes  de  la  digestion  et  sur  les  instruments  qui  y  sont  em- 
ployés ,  nous  fait  voir  que  ce  travail  est  fort  complexe ,  et 


286  DIGESTION. 

résulte  de  deux  séries  d'actes  principaux  :  les  uns  mécaniques, 
les  autres  chimiques. 

Les  premiers  ont  pour  objet  la  préhension  des  aliments, 
leur  division,  leur  introduction  dans  l'estomac  et  les  autres 
cavités  où  ils  peuvent  être  soumis  à  l'influence  des  dissol- 
vants chimiques  ;  puis  l'expulsion  des  résidus  qu'ils  auront 
laissés. 

Les  seconds  sont  destinés  à  donner  à  ces  corps  une  forme 
et  des  propriétés  telles  qu'ils  puissent  pénétrer  de  la  cavité  di- 
gestive  dans  la  profondeur  de  l'organisme,  et  y  être  employés 
à  la  nutrition  ;  résultat  qui  s'obtient  au  moyen  de  certaines 
transformations  apportées  dans  leur  constitution  chimique,  et 
qui  s'effectuent  à  l'aide  de  liquides  particuliers  tels  que  le  suc 
gastrique. 

Pour  compléter  l'histoire  de  cette  fonction  importante,  il 
nous  faudrait  donc  examiner  le  mode  de  production  de  ces 
agents  chimiques  ;  mais  cette  étude  ne  pourrait,  sans  inconvé- 
nients graves,  être  séparée  de  celle  du  travail  sécrétoire  consi- 
déré d'une  manière  générale,  et  par  conséquent  je  ne  l'abor- 
derai pas  en  ce  moment.  En  parlant  ici  de  l'action  des  sucs 
digestifs  sur  les  aliments,  je  ne  pourrais  me  dispenser  de  faire 
connaître  les  organes  qui  en  sont  la  source,  et  d'indiquer  les 
relations  qui  existent  entre  ces  parties  et  les  cavités  digestives  ; 
mais  je  ne  m'occuperai  pas  de  la  manière  dont  elles  remplis- 
sent leurs  fonctions,  et  je  me  bornerai  à  étudier  ceux  de  leurs 
produits  qui  ont  un  rôle  à  remplir  dans  le  travail  de  la 
digestion. 

Le  transport  des  matières  ainsi  élaborées  de  l'intérieur  de  la 
cavité  alimentaire  jusque  dans  le  système  irrigatoire  ne  dépend 
pas  du  travail  digestif  lui-même,  bien  qu'il  en  soit  le  complé- 
ment ;  c'est  un  phénomène  d'absorption,  et  il  résulte,  par  con- 
séquent, du  jeu  d'autres  instruments.  Chez  les  Animaux  infé- 
rieurs, les  liquides  nourriciers  passent  directement  de  l'estomac 


CONDITIONS    DE    PERFECTIONNEMENT.  287 

OU  de  l'intestin  dans  le  sang,  et  les  veines  de  ces  organes  sont 
les  canaux  qui  puisent  en  quelque  sorte  dans  la  masse  alimen- 
taire la  totalité  des  matières  récrémentitielles  dont  le  sang  s'en- 
richit. Mais,  ainsi  que  nous  l'avons  déjà  vu,  il  existe  chez 
l'Homme  et  les  autres  Animaux  supérieurs  un  système  vascu- 
laire  spécial  qui  est  annexé  à  l'appareil  sanguin  et  qui  est  aussi 
un  instrument  d'absorption ,  savoir,  le  système  lymphatique  (1). 
Or,  une  partie  notable  des  produits  de  la  digestion  traverse  ces 
conduits  pour  se  rendre  dans  le  torrent  de  la  circulation,  et  la 
portion  du  système  lymphatique  qui  est  employée  de  la  sorte, 
et  qui  se  compose  de  vaisseaux  dits  chylifères  ou  lactés,  est  par 
conséquent,  de  même  que  la  portion  correspondante  du  système 
veineux,  un  auxiliaire  nécessaire  de  l'appareil  digestif:  on  pour- 
rait même  la  considérer  comme  faisant  partie  de  cet  appareil. 

Pour  mettre  dans  nos  études  l'ordre  désirable,  nous  n'aurons 
donc  à  nous  occuper  d'abord  que  de  la  constitution  de  l'appareil 
digestif,  des  actes  mécaniques  qui  s'y  accomplissent,  et  des 
phénomènes  chimiques  dont  il  est  le  siège.  Les  deux  premiers 
points  sont  tellement  connexes,  que  je  ne  crois  pas  devoir  les 
séparer  ;  mais  la  partie  chimique  du  travail  ne  dépend  pas  de  la 
disposition  matérielle  des  organes  où  elle  s'accomplit,  et  son 
examen  devient  plus  facile  quand  on  la  sépare  de  tout  ce  qui 
n'y  est  pas  essentiel. 

Je  diviserai  donc  l'histoire  de  la  digestion  en  deux  parties. 
Dans  la  première,  je  traiterai  des  instruments  qui  sont  em- 
ployés à  l'exercice  de  cette  fonction,  de  leur  jeu  et  des  phéno- 
mènes mécaniques  résultant  de  leur  action.  Dans  la  seconde, 
j'étudierai  les  agents  chimiques  qui  interviennent  dans  l'accom- 
plissement de  ce  phénomène,  et  je  ferai  connaître  les  chan- 
gements qu'ils  déterminent  dans  la  constitution  des  matières 
alimentaires. 

(1)  Voyez  lome  IV,  page  hU7  et  suivantes. 


288  DIGESTION. 

Enfin,  après  avoir  exposé  l'état  actuel  de  la  science  en  ce 
qui  concerne  la  digestion  proprement  dite ,  considérée  ainsi 
au  point  de  vue  de  l'anatomie  et  de  la  physiologie,  je  passerai  à 
l'étude  des  actes  complémentaires  de  la  fonction,  et  j'examine- 
rai comment  les  matières  ainsi  élaborées  sont  absorbées,  soit 
par  les  veines,  soit  par  les  lymphatiques,  et  mêlées  au  sang. 

Dans  la  prochaine  Leçon  j'aborderai  donc  simultanément 
l'examen  de  la  constitution  de  l'appareil  digestif  et  des  actions 
mécaniques  qui  s'y  effectuent.  Pour  point  de  départ,  je  choisi- 
rai, comme  d'ordinaire,  les  Animaux  dont  l'organisation  est  la 
plus  simple,  et  je  passerai  successivement  à  ceux  dont  la  struc- 
ture est  de  plus  en  plus  complexe.  Mais  afin  de  ne  pas  trop 
scinder  l'histoire  de  l'appareil  digestif  dans  chacune  des  diverses 
classes  dont  j'aurai  à  parler,  je  subordonnerai  quelquefois  cette 
marche  à  la  distribution  méthodique  des  êtres  qui  se  trouvent 
liés  entre  eux  par  la  sorte  de  parenté  dont  ie  zoologiste  cherche 
à  présenter  le  tableau  dans  ses  systèmes  de  classification. 


QUARANTE -SEPTIÈME  LEGON. 


De  l'appareil  de  la  digestion  chez  les  Zoopliytes. 


§  1 .  —  Si  les  expériences  curieuses  de  Tremblay,  dont  il  a  cavué  digesuve 

,,  •iiT'\i-  •<  1  adventive 

ete  question  dans  la  dernière  Leçon,  ne  nous  avaient  en  quelque  de  quelques 
sorte  préparés  à  l'étude  des  faits  que  je  vais  exposer,  il  nous 
serait  difficile  de  comprendre  comment  la  digestion  peut  s'opérer 
chez  quelques  Animaux  d'une  simplicité  extrême,  qui,  au  pre- 
mier abord,  ne  semblent  consister  qu'en  une  sorte  de  gelée 
vivante,  et  qui  appartiennent  au  groupe  des  Sarcodaires  :  les 
Amibes ,  par  exemple.  Effectivement ,  chez  ces  Zoopbytes  dé- 
gradés, on  ne  trouve  dans  l'intérieur  du  corps  aucune  cavité 
qui  soit  disposée  pour  recevoir  des  ahments ,  et  là  où  il  n'y  a 
pas  d'estomac,  comment  supposer  qu'une  digestion  puisse  s'ef- 
fectuer ?  Mais  l'observation  nous  apprend  que  la  faculté  existe 
malgré  l'absence  de  l'instrument,  et  qu'au  moment  où  elle  doit 
entrer  en  jeu,  l'organisme  se  modifie  de  façon  à  en  rendre 
l'exercice  possible. 

De  même  que  chez  le  Polype  de  Tremblay,  toutes  les  parties 
du  corps  de  l'Amibe  paraissent  être  aptes  à  sécréter  un  liquide 
digestif,  et  lorsque  l'animalcule  rencontre  une  substance  dont 
il  veut  se  nourrir,  on  le  voit  s'y  accoler,  se  prolonger  tout 
autour,  et  enfin  l'envelopper  complètement  comme  dans  une 
bourse.  L'aliment  reste  assez  longtemps  emprisonné  dans  cette 
espèce  d'estomac  adventif,  s'enfonce  plus  ou  moins  profondé- 
ment dans  l'organisme  de  l'Amibe,  s'y  trouve  baigné  par  un 
liquide  particulier,  et,  après  avoir  été  en  partie  digéré,  est 
V.  19 


290 


APPAREIL    DIGESTIF 


rejeté  au  dehors  ;  ensuite  la  fossette  ou  vacuole  qui  le  renfer- 
mait s'efface  et  cesse  d'exister  (i). 

§  2.  —  Chez  les  Actinophrys,  la  digestion  s'effectue  à  peu 
près  de  la  même  manière,  mais  la  préhension  des  aliments  est 
facilitée  par  l'action  d'expansions  filiformes  et  rétractiles  qui 
rayonnent  de  la  surface  du  corps.  Il  n'y  a  ni  bouche,  ni  esto- 
mac, ni  anus  ;  mais  les  matières  nutritives  se  creusent  en 
quelque  sorte  une  niche  dans  la  substance  molle  du  Sarcodaire, 
s'y  enfouissent  complètement  et  y  sont  digérées  ;  puis  le  résidu 
qu'ils  laissent  est  évacué  sans  qu'il  y  ait  rien  de  constant  ou  de 
préétabh,  soit  pour  leur  entrée,  soit  pour  leur  sortie  (2). 


(1)  Les  Amibes,  dont  une  espèce  a 
été  décrite  vers  la  fin  du  siècle  der- 
nier par  Olhon  Fréd.  Miiller  (a),  sous 
le  nom  de  Proteus  diffluens,  sont  des 
Animalcules  infusoires  de  consistance 
gélatineuse,  qui  changent  sans  cesse 
de  forme  en  s'étalant,  pour  ainsi  par- 
ler, ou  en  se  rétractant  dans  divers 
sens  par  un  mouvement  lent.  M.  Dn- 
jardin  a  très  bien  observé  et  décrit 
les  principaux  phénomènes  mention- 
nés ci-dessus,  et  pense  que  la  sub- 
stance glutineuse  de  ces  petits  êtres 
n'est  pas  limitée  par  une  membrane, 
et  peut  se  creuser  de  vacuoles  sponta- 
nément aussi  bien  que  sous  l'influence 
de  la  pression  exercée  par  des  corps 
étrangers  (6).  Du  reste,  ce  zoologiste 
ne  se  prononce  pas  sur  la  nature  du 
travail  effectué  de  la  sorte,. et  il  pa- 
raît même  penser  que  les  Amibes  ne 
se  nourrissent  que  par  une  simple 
absorption. 


M.  Carter  a  observé  aussi  le  singu- 
lier procédé  d'ingurgitation  à  l'aide 
duquel  les  Amibes  introduisent  dans 
leur  organisme  des  corps  étrangers, 
et  il  n'hésite  pas  à  considérer  cet  acte 
comme  un  phénomène  d'alimenta- 
tion (c). 

Enfin,  M.  Claparède,  à  qui  Ton  doit 
beaucoup  de  recherches  délicates  et 
bien  faites  sur  les  Infusoires,  vient  de 
décrire  cet  acte  d'une  manière  plus 
précise  et  de  l'interpréter,  à  peu  près 
comme  je  le  fais  ici  [d). 

L'inglutition  des  ahments  paraît  se 
faire  chez  les  Difflugies  à  peu  près  de 
même  que  chez  les  Amibes,  mais  seu- 
lement à  l'aide  de  la  portion  protrac- 
tile  du  corps  de  ces  Rhizopodes,  qu'on 
désigne  d'ordinaire  sous  le  nom  de 
pied  (e). 

(2)  En  1777,  Oth.  Fréd.  Miiller  et 
Wagler  virent  un  Entomostracé  mi- 
croscopique logé  dans  l'intérieur  du 


{a)  0.  F.  Millier,  Aiiimalcula  infusoria,  1786,  p.  9,  pi.  2,  fig.  t  à  12. 

(6)  Diijarclin,  Histoire  naturelle  des  Infusoires,  1844,  p.  228. 

(c)  Schneider ,  Beitrdge  %ur  Nalurgeschichte  der  Infusorien  (Miiller's  Archiv  fur  Anat.  uiid 
Physiol.,  1854,  p.  204). 

((i)E.  Claparède,  Ueber  Actiiiop/irys  Eichhornii  (Miiller's  Arch.  fur  Anat.  und  Physiol.,  1854, 
p.  408). 

(e)  H.  J.  Carter,  Notes  on  the  Species,  Structure  and  Animality  ofthe  Fresh  Water  Sponges  in 
the  Tanks  of  Bombay  {Ann.  and  Mag.  of  Nat.  Hist.,  2'  série,  1848,  t.  I,  p.  311). —  Notes  on  the 
Fresh  Water  Infusoria  ofthe  Island  of  Bombay  (Op.  cit.,  1856,  t.  XVIIl,  p.  123). 


CHEZ    LES    ZOOPHYTES. 


291 


Chez  les  Spongiaires,  des  voies  permanentes  sont  disposées      cavués  | 

aquifères  j 

pour  donner  accès  aux  particules  solides  dont  ces  singuliers  et  digestives  ; 

êtres  se  sustentent;  mais  les  canaux  destines  à  cet  usage  consti-  spongiaires.  ! 
tuent  en  même  temps  l'appareil  respiratoire,  et  c'est  t\  l'aide  des 


corps  d'un  Actinophrys,  et  ils  en  con- 
clurent que  ces  Animalcules  dévorent 
la  proie  dont  ils  peuvent  s'emparer  [a). 
Vers  la  même  époque,  Eichhorn  fut 
souvent  témoin  de  phénomènes  d'in- 
gurgilation  de  ce  genre  (6),  et  M.  Eh- 
renberg,  qui  les  a  également  constatés, 
a  été  conduit  à  penser  qu'il  existe  chez 
les  Actinophrys  un  nombre  considé- 
rable de  cavités  digestives  ou  esto- 
macs (p)  ;  mais  à  une  époque  plus  ré- 
cente l'organisation  de  ces  Sarcodaires 
a  été  étudiée  d'une  manière  plus  appro- 
fondie, et  aujourd'hui  presque  tous 
les  micrographes  sont  d'accord  pour 
reconnaître  qu'ils  sont  complètement 
dépourvus  de  tout  appareil  digestif 
spécial,  et  que  les  matières  soUdes 
dont  ils  se  repaissent  peuvent  péné- 
trer dans  leur  profondeur  par  un  point 
quelconque  de  la  surface  générale  du 
corps.  M.  Nicolet,  qui  fut,  je  crois, 
le  premier  à  signaler  ce  fait,  remar- 
qua qu'il  se  forme  de  temps  en  temps, 
à  la  surface  du  corps  de  T  Actinophrys, 
une  sorte  de  tumeur  vésiculaire,  et 
que  la  proie  amenée  en  contact  avec 
celle  espèce  d'ampoule  par  l'action 
des  expansions  rayonnantes ,  y  déter- 
mine une  dépression  ou  fossette  plus 
ou  moins  profonde  qui  se  referme  pour 
emprisonner  la  matière  alimentaire  et 
la  digérer,  puis,  après  avoir  rempli  le 


rôle  d'un  estomac  adventif,  rejette  les 
fèces  dont  elle  était  restée  chargée,  et 
s'efface  (d).  M.  Kôlliker  a  publié,  peu 
de  temps  après,  des  recherches  plus 
étendues  sur  le  même  sujet,  et  comme 
ce  point  de  l'histoire  de  la  digestion 
olTre  beaucoup  d'intérêt  et  n'est  encore 
que  peu  connu  de  la  plupart  des  phy- 
siologistes, je  crois  devoir  rapporter  ici 
les  principaux  faits  observés  par  Cet 
habile  micrographe  (e). 

La  manière  dont  s'effectue  l'alimen- 
tation de  l'Actinophrys,  dit  M.  Kôlli- 
ker, est  d'un  grand  intérêt.  Quoique 
ce  petit  être  ne  possède  ni  bouche  ni 
estomac,  il  prend  des  aliments  solides 
et  rejette  ce  qu'il  ne  peut  en  digérer. 
Ce  phénomène,  qu'on  pourrait  appe- 
ler presque  un  miracle,  s'effectue  de  la 
manière  suivante.  L'Actinophrys  se 
repaît  d'Infusoires  de  toutes  sortes, 
de  petits  Crustacés  et  d'algues  (par 
exemple ,  de  Rolifères,  de  Lyncées  et 
de  Diatomacées).  Lorsqu'en  nageant 
dans  l'eau  il  rencontre  un  de  ces  vé- 
gétaux, ou  lorsqu'un  Infusoire  s'en 
approche  et  que  ce  corps  étranger  est 
touché  par  un  de  ses  filaments  ten- 
taculiformes ,  il  y  reste  en  général 
accolé  et  se  trouve  peu  à  peu  attiré 
par  la  contraction  de  ces  appendices. 
Les  filaments  radiaires  circonvoisins 
s'y  appliquent  aussi,  et  la  proie  ainsi 


[a]  0.  F.  Muller,  AnimalcMa  infusoria,  1786,  p.  304. 

(6)  Eichliorn,  Beitr.  zur  Kenntniss  der  kleinsten  Wasserthiere,  1783,  p.  15. 

(c)  Ehrenberg,  Die  Infusionsthierchen,  p.  303. 

(d)  ^icolet,  Observations  sur  l'organisation  et  le  développement  de  V Actinophrus  {Comptes 
rendus  de  l'Académie  des  sciences,  1848,  t.  XXVI,  p.  115). 

(e)  KôUilier,  Das  Sonnenthierchen,  Actynophrys  sol  {Zeitschrift  fur  wissenschaftliche  Zoologie, 
1849,  t.  I,  p.  201  et  suiv.,  pi.  17,  fig.  2  et  3). 


292  APPAREIL    DlGIiSTIF 

courants  déterminés  par  les  cils  vibratiles  dont  ces  conduits  sont 
garnis  que  les  substances  alimentaires  tenues  en  suspension 
dans  l'eau  ambiante  sont  portées  dans  la  profondeur  de  l'orga- 


entourée  est  amenée  lentementjusque 
sur  la  surface  du  corps  de  TAnimal, 
qui  se  déprime  dans  ce  point  pour  le 
loger  comme  dans  une  fossette.  La 
cavité  ainsi  formée  devient  peu  à  peu 
de  plus  en  plus  profonde,  et  bientôt  se 
referme  sur  le  corps  étranger  qui  s'y 
trouve  logé,  tandis  que  les  filaments 
tentaculiformes  se  déploient  de  nou- 
veau et  reprennent  leur  disposition 
primitive.  L'espèce  de  bourse  ainsi 
formée,  après  s'être  fermée  sur  sa 
proie,  s'enfonce  graduellement  vers  la 
partie  centrale  de  l'Actinophrys,  et  le 
corps  étranger  emprisonné  de  la  sorte 
est  p^u  à  peu  digéré  et  absorbé.  S'il  est 
susceptible  de  se  dissoudre  complète- 
ment, comme  cela  a  lieu  pour  un  In- 
fiisoire,  la  cavité  qui  le  renferme  se 
contracte  à  mesure  que  la  digestion 
s'avance  et  finit  par  disparaître  tout 
entière  ;  mais  s'il  en  reste  quelques 
portions  indigestes,  telles  que  l'enve- 
loppe cutanée  d'une  Lyncée,  ce  résidu 
est  rejeté  au  debors  en  suivant  à  peu 
près  la  même  voie  que  lors  de  son  in- 
gurgitation ;  puis  le  passage  se  ferme 
et  ne  laisse  aucune  trace  de  son  exis- 
tence. IM.  Koliiker  ajoute  que  par  des 
observations  multipliées  et  approfon- 
dies, il  s'est  assuré  que  ni  l'orifice 
d'entrée  servant  de  bouche,  ni  celui 
de  sortie  qui  tient  lieu  d'anus,  ne 
préexistent  ni  ne  subsistent  après  que 
le  phénomène  qui  vient  d'être  décrit 
s'est  accompli  ;  que  la  fossette  servant 
d'estomac  adventif  peut  se  former 
dans  un  point  quelconque  de  la  sur- 
face du  corps,  et  que  souvent  deux 
ou  plusieurs  de  ces  cavités  digestives 


temporaires  se  constituent  à  la  fois  sous 
l'influence  du  contact  d'autant  de 
fragments  de  matières  alimentaires 
sur  des  points  différents  de  la  surfuce 
du  corps  ;  il  en  a  compté  jusqu'à  dix 
ou  douze,  et  les  seize  estomacs  décrits 
par  M.  Ehrenberg  étaient  certaine- 
ment des  vacuoles  produites  de  la 
même  manière.  Enfin,  M.  KôUiker  a 
remarqué  aussi  que  l'espèce  de  bol 
alimentaire  ainsi  englouti  dans  le 
corps  de  l'Actinophrys  baigne  dans 
un  liquide  diaphane,  mais  il  n'a  pu 
déterminer  si  ce  fluide  est  de  l'eau 
provenant  de  l'extérieur  ou  le  produit 
d'une  sécrétion.  La  digestion  s'achève 
ordinairement  dans  l'espace  de  deux 
à  six  heures. 

Les  observations  récentes  de  M.  Cla- 
parède  sont  venues  confirmer  pleine- 
ment tous  les  résultats  les  plus  impor- 
tants annoncés  par  M.  ICôlliker  ;  seu- 
lement ce  physiologiste  n'est  pas 
tout  à  fait  d'accord  avec  ses  prédé- 
cesseurs sur  le  mécanisme  à  l'aide 
duquel  l'estomac  adventif  se  produit  : 
il  pense  que  ce  réservoir  n'est  pas 
primitivement  une  dépression  ou  fos- 
sette creusée  dans  la  substance  du 
corps  de  l'Actinophrys,  mais  le  résul- 
tat d'une  expansion  glutineuse,  qui 
entoure  la  proie  et  l'enfouit,  puis 
rentre  peu  à  peu  avec  elle  dans  la 
profondeur  de  l'organisme.  Cette  in- 
terprétation se  rapproche,  comme  on 
le  voit,  de  celle  adoptée  par  M.  Nico- 
let.  Quoi  qu'il  en  soit,  la  cavité  ou  va- 
cuole ainsi  constituée  est  occupée  aussi 
par  un  liquide  qui,  à  raison  de  son 
aspect,  est  considéré  par  M.   Clapa- 


CHEZ    LES    ZOOPHYTES.  293 

iiisme.  Là  elles  s'accumulent  dans  des  vacuoles  qui  sont  proba- 
blement de  même  nature  que  les  estomacs  adventifs  des  Amibes, 


rède  comme  étant  probablement  le 
résultat  d'une  sécrétion,  et  qui  paraît 
jouer  le  rôle  d'un  suc  gastrique.  Les 
Animalcules  engloutis  de  la  sorte  con- 
tinuent quelquefois  h  se  mouvoir  pen- 
dant un  certain  temps,  mais  en  général 
ils  meurentassez  promptement,  et  sont 
bientôt  transformés  en  une  petite  masse 
arrondie  de  matière  informe  [a). 

Plus  récemment  encore  de  nou- 
velles observations  sur  le  mode  d'ali- 
mentation des  Actinophrys  ont  été 
publiées  par  M.  Weston,  qui  a  remar- 
qué aussi  le  développement  d'une  ex- 
pansion glutineuse  autour  de  la  proie 
avant  l'introduction  de  celle-ci  dans 
la  substance  du  corps  de  l'animal  (6). 
Il  est  également  à  noter  que,  suivant  ce 
micrographe,  le  contact  des  filaments 
tentaculaires  produirait  sur  les  Infu- 
soires  dont  l' Actinophrys  se  repaît  une 
sorte  de  paralysie,  opinion  qui  avait  déjà 
été  émise  par  quelques  naturaliste,  et 
notamment  par  M.  Ehrenberg,  mais 
qui  a  été  contestée  par  M.  KôUiker. 

J'ajouterai  que  M.  Stein  n'a  pas  été 
témoin  de  ces  phénomènes  d'ingurgita- 
tion ,  mais  il  a  étudié  le  mode  de  produc- 
tion des  ampoules  qui  se  développent 
à  la  surface  du  corps  de  l' Actinophrys, 
et  il  rend  compte  du  mécanisme  de 
l'introduction  des  aliments  à  peu  près 
comme  l'avait  fait  M.  Nicolet  (c). 


MM.  Claparède  et  Lachmann  pen- 
sent que  les  Opalines  sont  dépourvues 
d'orifices  digestifs  (d).  Du  reste,  la 
nature  de  ces  petits  êtres  est  encore 
fort  obscure. 

M.  Dujardin  range  dans  la  famille 
des  Actinophryens  le  genre  Acineta 
de  M.  Ehrenberg,  qui,  effectivement, 
a  quelque  ressemblance  avecTActino- 
phrys,  à  ra.son  des  rayons  filiformes 
dont  il  est  garni  (e)  ;  mais  il  paraî- 
trait, d'après  les  observations  récentes 
de  M.  Lachmann,  que  la  structure  de 
ces  Animalcules  serait  en  réalité  fort 
différente,  et  que  chez  les  Acinètes 
les  prolongements  filiformes  seraient 
des  trompes  ou  suçoirs  terminés  par 
une  bouche,  dont  le  rebord  labial 
ferait  fonction  de  ventouse.  Ces  ap- 
pendices sont  susceptibles  de  s'allon- 
ger beaucoup,  et  se  fixent  par  leur 
extrémité  sur  la  proie  dont  l'Acinète 
veut  se  repaître  ;  mais  ce  n'est  pas 
pour  l'attirer  seulement  à  lui  qu'il 
agit  de  la  sorte,  c'est  pour  en  sucer 
la  substance,  qui  pénétrerait  dans  un 
canal  dont  l'axe  de  chaque  filament 
serait  creusé,  et  arriverait  ainsi  dans  le 
corpsdel'Animalcule  (/").  Les  Acinètes 
seraient  donc  pourvus  de  plusieurs 
bouches,  et  probablement  d'un  ou  de 
plusieurs  estomacs.  On  ne  sait  rien  au 
sujet  de  l'anus  de  ces  petits  êtres. 


(a)  Claparède,  Op.  cit.  (Miiller's  Archiv  fiir  Anat.  und  Physiol.,  1854,  p.  406). 

(b)  Weston,  On  the  Actinophrys  sol  {Quarterly  Journal  of  Ihe  Microscopical  Society,  1856, 
t.  IV,  p.  117). 

(c)  Stein,  Die  Infusionsthiere  aufihre  Entwickehmgsgeschichte  untersucht,  p.  153. 

(d)  Claparède  et  Lachmann,  Études  sur  les  Infusoires  et  les  Rhizopodes,  1858,  p.  40. 

(e)  Ehrenberg,  Die  Infusionsthiei'chen,  p.  240,  pi.  20,  ûg.  8  à  10. 
—  Dujardin,  Hist.  nat.  des  Infusoires,  p.  267,  pi.  1,  fig.  12. 

(f)  Lachmann,  De  Infusoriorum,  imprimis  Yoi-ticellinorum  structura  (dissert,  inaug.).  Berlin, 
1855,  p.  29,  pi.  2,  fig.  14. —  Ueber  die  Organisation  der  Infusorien  (Miiller's  Archiv.  fiir  Anat. 
und  Physiol.,  1856,  p.  372,  pi.  14,  fig.  14). 


294  APPAREIL    DIGESTIF 

et  le  résidu  qu'elles  y  laissent  est  rejeté  au  dehors  parles  canaux 
expirateurs  (ij. 
„  . ...    .•        §  S.  —  Dans  la  eTande  section  des  Zoophytes  Coelentérés, 

Cavité  digeslive         ^  '^  ' 

•^es  ,     la  division  du  travail  phvsiolooique  commence  à  s'établir,  et 

Cœlentérés.  i      ,j  <^    i  i 

l'appareil  digestif  cesse  d'être  en  même  temps  l'instrument 
principal  de  la  respiration,  mais  il  continue  à  remplir  les  fonc- 


(1)  Les  grands  orifices  qui  existent 
sur  divers  points  de  la  surface  des 
Spongiaires  n'ont  pas  échappé  à  l'at- 
tention des  premiers  observateurs  qui 
se  sont  occupés  de  l'étude  de  ces  corps 
à  l'état  vivant  (a)  ;  mais  EUis,  guidé 
par  une  fausse  analogie,  a  supposé  que 
ces  trous  étaient  les  ouvertures  de 
cellules  ou  loges  occupées  par  des 
Polypes  (6),  et  cette  opinion  a  régné 
pendant  fort  longtemps  parmi  les 
zoologistes  (c),  malgré  les  observa- 
tions positives  de  Cavolini,  d'Olivi  et 
de  Moniagu  et  Schvs'eigger,  sur  l'ab- 
sence de  toute  trace  de  corps  de  ce 
genre  (d). 

L'existence  de  courants  dans  les 
canaux  dont  la  substance  des  Éponges 
est  creusée,  et  dont  j'ai  déjà  indiqué 
la  disposition  générale,  avait  échappé 
à  Cavolini  et  aux  autres  naturalistes 
que  je  viens  de  citer,  mais  fut  consta- 
tée vers  la  même  époque  par  M.  Th. 
Bell  et  par  M.  Grant  (e).  Ce  dernier 
a    reconnu   expérimentalement   que 


l'eau  n'est  pas  attirée  et  expulsée  al- 
ternativement par  les  oscules  de  l'É- 
ponge, ainsi  que  le  supposaient  Ellis, 
Olivi,  etc.  ,  mais  constamment  rejelée 
par  ceux-ci,  et  qu'elle  entraîne  fré- 
quemment au  dehors  des  malièies 
floconneuses.  11  ne  s'explique  pas  sur 
le  mode  de  nutrition  des  Éponges, 
mais  il  est  évident  qu'il  leur  suppose 
quelques  fonctions  analogues  à  la  di- 
gestion, car  il  appelle  les  corpuscules 
qui  sont  évacués  comme  je  viens 
de  le  dire,  des  fèces,  et  il  désigne 
toujours  sous  le  nom  d'ouvertures 
fécales  les  orifices  qui  leur  livrent 
passage.  Enfin,  peu  de  temps  après 
la  publication  des  beaux  travaux 
de  M.  Grant  sur  les  Éponges,  nous 
avons  ,  Audouin  et  moi ,  étudié  at- 
tentivement ces  corps  (f),  et  c'est 
d'après  les  observations  faites,  soit  à 
cette  époque,  soit  plus  récemment, 
que  j'ai  été  conduit  à  professer  depuis 
fort  longtemps  à  la  Faculté  l'opinion 
annoncée   ici  ,  touchant  l'espèce    de 


{a)  Marsigli,  Histoire  physique  de  la  mer,  p.  59. 

(b)  Ellis,  Essai  sur  l'histoire  naturelle  des  Corallines  et  [d'autres  ■productions  marines  du 
mime  genre,  trad.  de  l'anglais,  1765,  p.  94. 

(c)  Lamarck,  Histoire  des  Animaux  sans  vertèbres,  1816,  t.  II,  p.  348. 

(d)  Cavolini,  Memorie  per  servïre  alla  storia  de'Polipi  marini,  l'785,  p.  23G  et  suiv. 

—  Olivi,  Zoologia  adriatica,  1792,  p.  265  et  suiv. 

—  Montagu,  An  Essaij  on  Sponges  [Wernerian  Memoirs,  1818,  t.  II,  p.  71). 

— •  Schweigger,  Beobachtungen  auf  naturhistorischen  Reisen,  1819,  p.  28  et  suiv. 
{e'i  Th.  Bell,  Remarks  on   the  Animal  Nature  of  Sponges  {Zoological  Journal,   1825,  t.  I, 
p.  203). 

—  Grant,  Observations  and  Experiments  on  the  Structure  and  Fimctions  of  Sponges  {Edinb. 
Philos.  Journ.,  1825,  t.  XIII,  p.  94,  et  Ann.  des  sciences  nat.,  1827,  t.  XI,  p.  150). 

(f)  Audouin  et  Milne  Edwards,  Résumé  des  recherches  sur  les  Animaux  sans  vertèbres,  faites 
aux  îles  Chausey  {Ann.  des  sciences  nat.,  1828,  t.  XV,  p.  15  et  suiv.). 


CHEZ    LES    ZOOPHYTES.  295 

tions  d'un  système  irrigatoire,  et  à  ce  titre  nous  avons  déjà  eu 
l'occasion  d'en  étudier  la  disposition  générale. 

Chez  les  Hydres,  ou  Polypes  à  bras,  et  chez  les  Sertulariens, 
qui  constituent  la  forme  agame  des  Zoophytes  nageurs,  dont  les  scnuhricn 
Acalèphes  proprement  dits  sont  les  représentants  complets,  la 
cavité  stomacale  règne  dans  toute  la  longueur  du  corps  et  se 
termine  inférieurement  en  cul-de-sac.  L'orifice  qui  en  occupe 


Hydres 
et 


cumul  physiologique  des  fonctions 
digestives  et  respiratoires  par  les 
canaux  aquifères  de  ces  Zoophytes 
dégradés.  Burdach  et  plusieurs  antres 
zoologistes  ont  admis  aussi  que  ces 
canaux  tiennent  lieu  d'une  sorte  d'es- 
tomac [a],  mais  un  de  mes  confrères 
de  la  Faculté  de  médecine,  M.  Bé- 
rard,  déclare  que  cette  manière  de 
voir  est  inadmissible  (6). 

Elle  vient  cependant  d'être  confu'- 
mée  de  la  manière  la  plus  nette  par 
les  recherches  de  M.  Carter,  sur  les 
Spongilles  d'eau  douce.  Après  avoir 
reconnu  que  chez  ces  Zoophytes,  de 
même  que  chez  les  Éponges  marines, 
la  couche  ou  membrane  tégumen- 
taire  est  percée  d'une  multitude  de 
petits  pores  qui  servent  à  l'entrée  de 
l'eau,  tandis  que  ce  liquide  est  expulsé 
par  les  oscules  ou  grandes  ouvertures 
réparties  de  loin  en  loin,  M.  Carter  a 
mis  des  particules  de  carmin  en  sus- 
pension dans  l'eau  où  vivaient  les 
Spongilles  soumises  à  ses  expérien- 
ces, et  il  n'a  pas  tardé  à  constater  que 
cette  substance  colorante,  entraînée 
par  les  courants  d'eau  inspirée,  péné- 


trait dans  la  substance  du  Zoophyte, 
et  allait  s'accumuler  dans  des  vacuoles 
ou  cellules  qui  se  creusent  dans  le 
tissu  sarcodique  de  celui-ci.  Ces  par- 
ticules organiques  paraissent  s'y  en- 
foncer de  la  même  manière  (|uc  cela 
a  lieu  chez  les  Amibes,  et,  après  avoir 
séjourné  dans  ces  espèces  d'esto- 
macs adventifs,  elles  sont  poussées 
dans  les  canaux  efférents  et  expulsées 
au  dehors,  comme  le  sont  les  ma- 
tières fécales  ordinaires  remarquées 
par  M.  Grant.  Aussi,  d'après  l'en- 
semble de  ses  observations,  M.  Carter 
n'hésite  pas  à  admettre  qu'un  travail 
digestif  s'effectue  dans  ces  cavités 
temporaires  chez  les  Spongiaires  de 
même  que  chez  les  Actinophrys, 
etc.  (c). 

Quant  aux  mécanismes  à  l'aide  des- 
quels s'établissent  les  courants  qui 
amènent  les  matières  alimentaires , 
ainsi  que  le  fluide  respirable,  dans 
l'intérieur  du  corps  des  Spongiaires, 
nous  avons  déjà  vu  que  ce  résultat  est 
obtenu  par  le  mouvement  flagelliforme 
de  cils  vibratiles  disposés  sur  les  pa- 
rois des  canaux  respirateurs  [d). 


{a)  Burdach,  Traité  de  physiologie,  t.  IX,  p.  4  34. 

—  Rymer  Jones,  General  Outline  of  the  Animal  Kingdom,  1841,  p.  1  5. 

(h)  Bérard,  Cours  de  physiologie,  t.  II,  |i.  500. 

(c)  Carter,  On  the  Ultimate  Structure  of  Spongilla  (Ann.  and   Mag.  of  Nat.  Hist.,   2"  série, 
1857,  t.  XX,  p.  28  et  suiv.). 

(d)  Voyez  tome  II,  page  2. 


296  APPAREIL    DIGESTIF 

l'extrémité  supérieure,  et  qui  tient  lieu  de  bouche  et  d'nnus,  est 
contractile,  et  ses  bords  sont  garnis  de  longs  appendices  cylin- 
driques disposés  en  couronne.  Chez  les  Hydres,  ces  tentacules 
sont  préhensiles  et  s'enroulent  autour  des  corps  étrangers  que 
l'Animal  veut  introduire  dans  son  estomac  (1);  mais  chez  les 


(1)  Les  Hydres  se  nourrissent  d'En- 
tomostracés    et  de   petits    Vers    qui 
abondent  dans  les  eaux  stagnantes  où 
ces  Polypes  habitent,  mais  parfois  elles 
s'emparent  aussi  d'une  proie  beaucoup 
plus  volumineuse,  et  Tremblay  les  a 
vues  engloutir  dans  leur  estomac,  dont 
les  parois  sont   très  extensibles,  des 
Myriopodes  et  même  de  jeunes  Pois- 
sons (o).  Elles  sont  très  yoracesetsem- 
blenttendredes  pièges  pour  leur  proie 
en  laissant  flotter  les  longs  tentacules 
filiformes  ou  bras,  qui  sont  aussi  pour 
eux  des  organes  de  locomotion.  Ef- 
fectivement, dès  qu'un  Enlomostracé 
ou  quelque  autre  Animalcule,  en  pas- 
sant auprès  de  l'Hydre,  vient  à  tou- 
cher un  de  ces  appendices,  il  se  trouve 
arrêté,  car  le  tentacule  qu'il  a  ren- 
contré adhère  si  fortement  à  son  corps, 
que,  malgré  les  efforts  violents  qu'il 
peut  faire  pour  se  dégager,  il  parvient 
rarement  à  s'échapper,  et  d'ordinaire 
il  ne  tarde  pas  à  être  saisi  par  d'autres 
bras,  puis  attiré    lentement  vers  la 
bouche  du  l^olype,  qui  bientôt  l'en- 
gloutit dans  son  estomac.  Quelquefois 
la  proie  ne  se  débat  même  pas,  et 
semble  être  frappée  de  paralysie  ou  de 
mort  dès  qu'elle  a  été  touchée  par  les 
bras  de  l'Hydre.  Il  n'est  pas  nécessaire 


que  le  tentacule  s'enroule  autour  du 
captif  pour  le  retenir  prisonnier,  il 
suffit  qu'il  s'y  applique  ;  et  il  résulte 
des  observations    de   Tremblay,  que 
l'action  adhésive  ainsi  exercée  est  su- 
bordonnée à   la  volonté  de  l'Hydre, 
ou  tout  au   moins   à    l'état   physio- 
logique de  cet  Animal,  car  celui-ci, 
lorsqu'il  est  repu  ,  n'arrête  pas  de 
la  sorte  les  corps  étrangers  qui  vien- 
nent  se    heurter   contre   ses    tenta- 
cules {b).  L'imperfection  des  micros- 
copes dont  les  naturalistes  du  xviii' 
siècle  pouvaient  disposer   ne  permit 
pas  à  Tremblay  et  à  ses  successeurs 
immédiats   (c)  d'approfondir  davan- 
tage l'étude  de  ce  phénomène  singu- 
lier ;    mais  depuis   quelques    années 
plusieurs  zoologistes  ont  fait  à  ce  su- 
jet de  nouvelles  recherches,  et  à  l'aide 
d'instruments  plus  puissants,  ils  ont 
pu  mieux  comprendre  le  mécanisme 
de  la  préhension  des  aliments  chez  ces 
singuliers  Zoophytes. 

En  effet,  les  bras  des  Hydres  ont 
une  structure  plus  compliquée  qu'on 
ne  le  supposait  autrefois.  Ces  appen- 
dices filiformes  sont  garnis  d'un  grand 
nombre  de  tubérosités  verruciformes 
qui  sont  disposées  en  spirale,  et  qui 
recèlent  dans  leur  intérieur  une  foule 


(a)  Tremblay,  Mémoire  pour  servir  à  l'histoire  d'un  genre  de  Polypes  d'eau  douce  à  bras  en 
forme  de  cornes,  l.  l,  p.  171  et  suiv. 

(b)  Idem,  ïbid.,  p.  223. 

(c)  Backer,  Essai  sur  l'histoire  naturelle  du  Polype  insecte,  p.  i  06  et  suiv. 

—  J.  C.  SchâffLT,  Die  Armpolypen  (Abhandlungen  von  Insecten,  1764,  t.  I,  p.  155  et  suiv.). 

—  P.œsel,  Insecten-Belustigung,  t.  III,  p.  465  et  suiv. 


CHEZ    LES    ZOOPHYTES.  297 

Sertulariens  ils  sont  susceptibles  seulement  de  s'étendre  en 
manière  d'entonnoir  ou  de  se  recourber  sur  la  bouche  en  se 
contractant,  et  ils  servent  à  diriger  vers  cet  orifice  les  cor- 
)3uscules  tenus  en  suspension  dans  l'eau  ambiante,  plutôt  qu'à 
saisir  ces  matières  alimentaires.  Cependant,  si  quelque  Animal- 
cule vient  à  les  toucher,  ils  se  referment  brusquement  sur  cette 


de  petites  nématocystes  ou  capsules, 
pourvues  chacune  d'un  fil  exsertile. 
Ces  fils,  d'une  ténacité  extrême,  sont 
lancés  au  dehors  quand  le  tentacule 
est  irrité  par  le  contact  d'un  corps 
étranger,  et  soit  en  s'enroulant  au- 
tour de  la  proie ,  soit  en  péné- 
trant même  dans  sa  substance,  pa- 
raissent en  effectuer  la  capture.  Ces 
capsules  filifères  ont  été  étudiées 
avec  beaucoup  de  soin  ,  d'abord  par 
MM.  Corda,  Ehrenberg  et  Erdl ,  puis 
par  M.  Doyère  (a),  et  ils  ont  beau- 
coup d'analogie  avec  les  nématocystes 
ou  organes  urticants  des  Coralliaires 
et  des  Acalèphes,  dont  il  sera  bientôt 
question. 

D'après  ce  dernier  naturaliste,  ils 
sont  de  trois  sortes.  Les  plus  remar- 
quables ont  été  décrits  par  M.  Corda 
sous  le  nom  de  hastœ,  et  occupent  le 
centre  des  tubérosités  verruciformes; 
ils  consistent  en  un  sac  ovalaire  et 
transparent  qui  renferme  dans  son 
intérieur  un  long  filament  pelotonné 
et  un  dard  qui,  l'un  et  l'autre,  sont 
susceptibles  de  se  renverser  au  de- 
hors ;  le  fil ,  primitivement  enroulé 


au  fond  du  sac,  constitue  l'espèce  de 
coussinet  que  M.  'Coi'da  a  décrit 
sous  le  nom  de  vesica  patellifor- 
mis,  et  se  retourne  comme  un  doigt 
de  gant  pour  se  dérouler  au  de- 
hors. Le  dard  est  une  sorte  d'é- 
toile à  trois  branches,  qui ,  réunies 
en  faisceau,  peuvent  saillir  incomplè- 
tement au  dehors  de  façon  à  simuler 
un  stylet ,  et  c'est  dans  cet  état 
que  M.  Corda  les  a  observés  et  figu- 
rés ;  mais  quand  la  projection  du 
contenu  du  sac  est  complète  il  se  dé- 
ploie en  forme  de  calice  à  la  base  du 
fil,  qui  alors  tlotle  librement  au  de- 
hors, tout  en  adhérant  par  sa  base 
aux  bords  du  goulot  du  sac.  Enfin, 
le  calice  étoile  et  le  fil  ainsi  lancés  au 
dehors  peuvent  se  détacher  complè- 
tement, et  ils  produisent  alors  l'appa- 
rence qui  a  été  figurée  par  M.  Ehren- 
berg ;  mais  dans  l'état  naturel  des 
parties,  l'hameçon  que  ce  naturaliste 
a  représenté  comme  terminant  chaque 
fil  émis  par  l'Hydre  n'occupe  pas 
l'extrémité  libre  de  cet  appendice  et 
se  trouve  à  sa  base,  car  ce  n'est  autre 
chose  que  le  calice  ou  dard.  M.  Doyère 


(a)  Corda,  Anatome  Hydrce  fuscœ  (Nova  Acta  Acad.  nat.  curios.,  t.  XVIII,  p.  299,  pi.  15, 
fig.  5-10). 

—  Ehrenberg,   Ueber  das  Massenverhâltniss  der  jet%t  lebenden  Kiesel-Infusorien,  etc.  (Mém. 
de  l'Acad.  de  Berlinpour  1836,  pi.  2,  fig.  1). 

—  Erdl,  Ueber  die  Organisation  der  Fangarme  der  Polypen  (Miiller's  Archiv  fur  Anat.  und 
PhysioL,  1841,  p.  429.  pi.  15,  iig.  10  et  12). 

—  Doyère,  Noie  sur  quelques  points  de  l'anatomie  des  Hydres  d'eau  douce  {Comptes  rendus  de 
l'Acad.  des  sciences,  1842,  t.  XV,  p.  429). 

—  Quatrefages,  Atlas  du  Piègne  animal  de  Cuvicr,  Zoophytes,  pi.  04,  fig.  1 ,  la,  16,  le. 


298  APPAREIL    DIGESTIF 

proie  et  le  poussent  dans  l'entrée  de  la  cavilé  digestive  (1).  Il 
est  aussi  à  noter  que  cette  cavité  se  continue  non-seulement 
dans  toute  la  longueur  de  l'espèce  de  tige  formée  par  le  corps 


pense  que  l'action  toxique  exercée 
par  l'Hydre  sur  sa  proie  dépend  d'une 
piqûre  faite  par  le  dard  quand  ses 
branches  sont  réunies  en  faisceau,  et 
de  l'évolution  subséquente  du  fil  qui 
pénétrerait  par  cette  voie  dans  le  corps 
de  la  victime.  Effectivement,  il  a  eu 
Tocrasion  de  voir  les  filaments  enfon- 
cés de  la  sorte  dans  le  corps  d'une 
larve  d'insecte  dont  une  Hydre  s'était 
emparée. 

Les  capsules  de  la  seconde  espèce 
sont  plus  petites  que  les  sacs  basti- 
fères,  et  contiennent  seulement  un  fil 
exsertile  enroulé  en  spirale,  comme 
dans  les  nématocystes  ordinaires  des 
Coralliaires  et  des  Méduses.  Ce  fil  sort 
comme  le  précédent,  et  le  sac  dans  le- 
quel il  était  engaîné  le  suit.  Enfin, 
les  corps  sacciformes  de  la  troisième 
sorte  ne  laissent  apercevoir  dans  leur 
intérieur  qu'une  masse  muqueuse, 
mais   M.   Ooyère  pense  que  ce  sont 


des  capsules  hastifères  en  voie  de  dé- 
veloppement. 

Il  est  aussi  à  noter  que  tout  aulour 
des  capsules  hastifères  siluées  au 
centre  de  chaque  tubercule,  on  aper- 
çoit un  grand  nombre  (Vacicules  ri- 
gides qui  se  détachent  avec  beaucoup 
de  facilité.  i\l.  Corda  les  a  décrits  et 
figurés  sous  le  nom  de  poils  ou  cils 
vibratiles,  appendices  dont  j'ai  eu  sou- 
vent à  parler  ailleurs  ;  mais  M.  Doyère 
pense  que  ce  sont  des  aiguilles  sili- 
ceuses. 

(1)  La  bouche  des  Sertulariens  se 
prolonge  en  une  sorte  de  trompe  pro- 
tractile  et  très  dilatable,  située  au  fond 
de  la  couronne  tenlaculaire.  Celle-ci 
est  simple  chez  les  Sertulaires  (a), 
les  Campanulaires  (6) ,  les  Euden- 
driums  (c),  mais  est  double  chez  les 
Tubulaires  {d),  et  dans  les  genres 
Coryne  ou  Syncoryne  (e),  et  Condy- 
lophores  [f),  ces  appendices  sont  dis- 


fa)  Voyez  Ellis,  Histoire  naturelle  des  CoraUines,  pi.  4,  fig.  G;  pi.  5,  fig.  A,  etc. 

—  Cavolini,  Mem.  per  servire  alla  storia  de'  Polipi  marini,  pi.  8,  fig.  9. 

—  Lister,  Observ.  on  Polijpi,  etc.  (Philos.  Trans.,  4834,  pi   8,  fig.  3). 

—  Milne  Edwards,  Zoophytes  de  V Atlas  dit.  Règne  animal  de  Cuvier,  pi.  G7,  fig.  3  a. 
(6)  Voyez  Ellis,  Op.  cit.,  pi.  12,  fig.  C. 

—  Cavolini,  Op.  cit.,  pi.  7,  fig.  7. 

—  Lister,  Op.  cit.-,  pi.  9,  fig.  d. 

—  Milne  Edwards,  Op.  cit.,  pi.  66,  fig.  dff  et  2  a. 

—  Meyen,  Observ.  zool.  {Nova  Acta  Acad.  nat.  £urios.,  t.  XVI,  suppl.,  pi.  30,  fig.  1). 

—  Van  Beneden,  Mém.  sur  les  Campanulaires,  pi.  1,  fig.  2  et  3  (Mém.  de  l'Acad.  de  Bruxelles, 
1844,  t.  XVII). 

(c)  Ellis,  Op.  cit.,  pi.  17,  fig.  A. 

—  Van  Beneden,  Recherches  sur  l'embryologie  des  Tubulaires  [Mém.  de  l'Acad.  de  Bruxelles, 
t.  XVII,  pi,  4,  fig.  d). 

—  Johnston,  Hist.  of  British  Zoophytes,  t.  II,  pi.  4. 

(d)  Voyez  Ellis,  Op.  cit..  pi.  d6,  fig.  d6. 

—  Lister,  Op.  cit.  (Philos.  Trans.,  d834,  pi.  8,  fig.  1). 

—  Van  Beneden,  Recherches  sur  l'embryologie  des  Tubulaires,  pi.  1,  fig.  d  ;  pi.  2,  fig.  1  {Mém. 
de  l'Acad.  de  Brtixelles,  t.  XVII). 

(e)  Pallas,  Spicilegia  zoologica,  fasc.  x,  p.  40,  pi.  4,  fig.   8. 

—  Van  Beneden,  Mém.  sur  l'embryologie  des  Tubulaires,  pi.  3,  fig.  12. 

(0  Allman,  On  the  Anatomy  and  Physiology  of  Condylophora  {Philos.   Trans.,  d853,  pi.  25, 
fig.  2). 


CHEZ    LES    ZOOPHYTES.  299 

du  Polype  et  dans  les  prolongements  radiciformes  qui  partent 
de  son  extrémité  inférieure,  mais  aussi  dans  les  branches 
constituées  par  les  individus  qui  naissent  de  cette  tige  par 


posés  iiTégulièrement  à  des  hauteurs 
différentes.  Le  nombre  de  ceux  qui 
composent  chaque  couronne  varie 
avec  l'âge,  et  paraît  être  d'abord  de 
quatre  ou  de  huit  seulement ,  mais 
s'élève  parfois  à  vingt  -  quatre  ou 
môme  davantage. 

Ils  sont  en  général  médiocrement 
allongés  et  cylindriques,  mais  leur 
portion  terminale  étant  la  plus  con- 
traclile,  ils  paraissent  souvent  renflés 
en  forme  de  bouton  vers  le  haut  ; 
disposition  qui  a  conduit  M.  Lôven 
à  penser  que  chez  les  Syncorynes  ils 
étaient  terminés  par  une  ventouse  (o). 
Chez  les  Tubulaires,  ils  ont  des  mou- 
vements indépendants  ,  et  peuvent 
s'enrouler  de  façon  à  constituer  une 
sorte  de  boule  terminale  ;  mais  chez 
la  plupart  de  ces  Zoophytes  ,  chez 
les  Campanulaires,  par  exemple,  ils 
se  meuvent  tous  à  la  fois,  et,  quand 
l'animal  est  en  repos,  il  les  étend  en 
forme  d'entonnoir  à  bord  renversé, 
tandis  qu'au  contraire  il  les  rac- 
courcit et  les  recourbe  seulement  en 
dedans ,  au-dessus  de  la  bouche, 
lorsqu'il  se  contracte  et  rentre  dans 
l'espèce  de  cloche  formée  d'ordinaire 
par  la  portion  terminale  de  son  étui 
tégumenlaire.  Ces  tentacules  ne  sont 


pas  garnis  de  cils  vibratiles,  mais  leur 
surface  est  verruqueuse,  et  les  nodo- 
sités qui  s'y  remarquent  portent  un 
grand  nombre  de  petites  vésicules  ur- 
ticantes  (6)  dont  la  structure  paraît 
être  très  analogue  à  celle  des  néma- 
tocystes  de  l'Hydre  d'eau  douce,  dont 
il  a  été  déjà  question.  Chez  rEleullié- 
rie  on  trouve  de  ces  capsules  spiculi- 
fères  sur  toutes  les  parties  de  la  sur- 
face du  corps  (c),  et,  comme  nous  le 
verrons  bientôt,  le  mêrac  mode  d'ar- 
mature existe  chez  les  Acalèphe?. 
Quelques  naturahstes  pensent  que  les 
tentacules  de  ces  Animaux,  de  même 
que  ceux  des  Hydres,  sont  creusés 
d'un  canal  longitudinal  en  commu- 
nication avec  la  cavité  digestive  {cl}  ; 
mais  ce  mode  de  conformation  ne  me 
paraît  pas  exister,  et  M.  Van  Beneden 
considère  aussi  ces  appendices  comme 
éUml  pleins  et  divisés  d'espace  en  es- 
pace par  des  cloisons  transversales  (e). 
Quelques  auteurs  réservent  le  nom 
d'estomac  à  la  portion  de  la  cavité  di- 
gestive qui  fait  suite  à  la  bouche  des 
Scriulariens  ,  et  qui  s'étend  jusqu'au 
fond  de  la  cloche  tégumentairc  (/"). 
En  effet,  les  substçinces  ah'menlaires  y 
sont  d'ordinaire  retenues  pendant  un 
certain  temps ,  et  souvent  un  rétré- 


(a)  Lôven,  Zoologiska  Bidrag  {Yetensk.  Acad.  Handl.,  1835).  —  Observ.  sur  le  développe- 
ment, etc.,  desgenres  Campanulaire  et  Syncoryne  (Ann.  des  sciences  nat.,  2"  série,  1841 ,  t.  XV, 
p.  170). 

(6)  Quatrefages,  Mém.  sur  la  Synhydre  parasite  (Ann.  des  sciences  nat.,  2'  série,  1813,  t.  XX, 
p.  240,  pi.  9,  fig.  5). 

— ■  Dujardin,  Mémoire  sur  le  développement  des  Méduses  et  des  Polypes  hydraires  {Anii.  des 
sciences  nat.,  3«  série,  1845,  t.  IV,  p.  259j. 

(c)  Quairefages,  Mémoire  sur  l'Éleuthéris  (Ann.  des  sciences  nat.,  2«  série,  1842,  t.  XVIII, 
p.  27éet  283,  pi.  8,  %.  3,  4,  5). 

(d)  Loven,  Op.  cit.,  p.  159. 

(g)  Van  Beneden,  Recherches  stir  les  Tubulaires,  p.  16  (Mêm.  de  l'Acad.  deBruxelles,  I.  XVII). 
(î)  Cavolini,  Memorie  per  servire  alla  storia  de'  Polipi  marini,  p.  120,  164,  elc. 


300  APPAREIL    DIGESTIF 

voie  de  bourgeonnement  ;  en  sorte  que  la  matière  nutritive 
prise  par  un  de  ces  petits  êtres  profite  à  toute  la  colonie  dont 
celui-ci  fait  partie  (i).  Cette  disposition  permet  même  une  sin- 
gulière division  du  travail  physiologique  chez  quelques-uns  de 
ces  Zoophytes.  M.  de  Quatrefages  a  trouvé  que  chez  les  Sertu- 
lariens  qu'il  désigne  sous  le  nom  de  Synhydres,  il  existe  dans 
chaque  colonie  deux  sortes  d'individus  :  les  uns  qui  sont 
pourvus,  comme  d'ordinaire,  d'une  bouche  et  d'un  estomac; 
et  d'autres  qui  ont  aussi  un  estomac,  mais  qui  sont  privés  de 
bouche  et  sont  spécialement  chargés  du  travail  reproducteur, 
tandis  que  les  premiers  sont  les  Polypes  nourriciers  de  cette 
association  bizarre  (2). 

Du  reste,  la  puissance  digeslive  de  ces  Zoophytes  paraît 
devoir  être  assez  faible,  et  l'on  ne  distingue  dans  leur  orga- 
nisme aucun  instrument  spécial  qui  soit  affecté  à  la  sécrétion 
des  sucs  gastriques  (3). 


cissement  la  sépare  de  la  portion  de 
la  même  cavité  qui  occupe  la  tige  du 
Zoophyte  (a)  ;  mais  cette  distinction, 
qui  est  possible  dans  quelques  espèces, 
telles  que  les  Campanulaires,  ne  l'est 
pas  chez  d'autres  et  ne  me  semble 
pas  avoir  de  l'importance. 

(1)  M.  Van  Beneden  a  constaté  que 
le  Coryne  squarnata  (Clava  mvÀticor- 
nis,  Johnston)  fait  exception  à  cette 
règle  ;  les  divers  individus  d'une 
même  colonie  fixés  sur  une  expansion 
membraneuse  commune  ont  chacun 
un  estomac  distinct  et  sans  communi- 
cation avec  ceux  de  ses  voisins  (h). 

(2)  Les  Synhydres  sont  des  Polypes 


marins  qui  ressemblent  beaucoup  aux 
Corynes,  et  qui  se  trouvent  souvent 
sur  nos  côtes,  fixés  à  des  coquilles  de 
Buccin  ou  de  Turbo  habitées  par  des 
Pagures.  Les  estomacs  de  tous  les  in- 
dividus d'une  même  colonie  commu- 
niquent entre  eux  par  leur  partie  infé- 
rieure ;  mais  dans  les  individus  repro- 
ducteurs cette  cavité  se  termine  en 
cul-de-sac  supérieurement,  tandis  que 
chez  les  individus  nourriciers  elle 
communique  librement  au  dehors  par 
un  orifice  buccal  (c). 

(3)  M.  Van  Beneden  pense  que  ces 
Polypes  ne  se  nourrissent  guère  que 
de  substances  muqueuses  tenues  en 


(a)  Van  Beneden,  Sur  les  Campanulaires,  p.  16  {Mém.  de  l'Aead.  de  Bruxelles,  t.  XVII). 

(b)  Idem,  Recherches  sur  l'embryologie  des  Tubulaires,  p.  ■lO. 

(c)  Quaircfagcs,  Mém.  sur  la  Synhydre  parasite  (Ann.  des  sciences  nat.,  2"  série,  4843,  t.  XX, 
p.  230). 


CHEZ    LES    ZOOPHYTES.  301 

S  û,  —  Chez  les  Médusaires,  qui  constituent  les  représen-     Appareil 

^  ^  ,      ,  ^  digestif 

tants  sexués  de  ces  Zoophytes  dimorphes  ou  à  génération  alter-        >ies 

,  ,  Médusaires. 

nante,  l'appareil  digestif  est  constitue  d'abord  a  peu  près  de 
même  que  chez  les  Sertulariens;  mais,  par  les  progrès  du  déve- 
loppement organique,  il  se  complique  davantage,  et  l'estomac 
s'entoure  de  prolongements  en  forme  de  loges  ou  de  canaux 
qui  sont  affectés  d'une  manière  de  plus  en  plus  spéciale  au  ser- 
vice de  l'irrigation  nutritive.  Nous  avons  déjà  étudié  leur  mode 
de  conformation  lorsque  nous  nous  occupions  des  premières 
ébauches  d'un  système  circulatoire  chez  les  Animaux  infé- 
rieurs (1),  et  je  n'y  reviendrai  pas  ici  ;  mais  je  crois  devoir 
entrer  dans  quelques  détails  de  plus  relativement  à  la  structure 
de  la  portion  centrale  et  essentiellement  digestive  de  cet  en- 
semble de  réservoirs. 

Comme  les  Médusaires  occupent  en  nageant  une  position  in- 
verse de  celle  des  Polypes  sertulariens,  c'est  au  milieu  de  la 
face  inférieure  de  leur  corps  que  se  trouve  la  bouche.  Quel- 
quefois cet  orifice  est  situé  à  l'extrémité  d'un  prolongement  en 
forme  de  trompe,  ainsi  que  cela  se  voit  chez  les  Géryonies  (2)  ; 

suspension  clans  l'eau  {a)  ;  mais  plu-  beaucoup   le  bord   inférieur  de  ccl 

sieurs  observateurs  ont  vu  des  Ani-  instrument.  Chez  la  Géryonie  hexa- 

malcules  solides  dans  leur  cavité  di-  phylle,  son  extrémité  libre  est  mem- 

gestive  (6).  braneuse  et  élargie  en   forme  d'en- 

(1)  Voyez  tome  III,  page  55  et  suiv.  tonnoir    (c)  ;     mais    chez    d'autres 

(2)  La  trompe  des  Géryonies  est  espèces  du  même  genre  (c?),  ainsi  que 
très  allongée ,  et  pend  en  forme  chez  les  Orythies,  les  Lymnorées  et 
d'ombrelle  sous  le  corps  de  ces  Médu-  les  Favonies,  où  elle  est  aussi  très 
saires,  de  façon  à  ressembler  au  bat-  allongée  ,  son  bord  labial  est  sim- 
tant  d'une  cloche,  et  à  dépasser  de  pie  (e). 

(a)  Van  Beneden,  Mém.  sur  les  Campanulaires ,  p.  16  {Mém.  de  V Acad.de  Bruxelles,  t.  XVII). 
(6)  Loven,  Observ.  sur  les  Campanulaires,  etc.  (Ann.  des  sciences  nat.,  2"  série,  1828,  t.  XV, 
p.  161). 

—  Rathlie,  Bemerk.  ûber  die  Coryna  squamata  (ylj'cft.  fur  Naturgesch.,  1844,  p.  155),  ou 
Observ.  sur  le  Coryna  squamata  (Anîi.   des  sciences  nat.,  S'  série,  1844,  t.  II,  p.  207). 

(c)  Voyez  Péron  et  Lesucur,  Voyage  aux  terres  australes  {Histoire  générale  et  particulière  des 
Méduses,  p).  4,  fig.  5). 

—  Milne  Edwards,  Atlas  du  Règne  animal  de  Cuvier,  Zoophytes,  pi.  52,  Rg.  3. 

(d)  Voyez  Pérou  et  Lesucur,  Op.  cit.,  pi.  4,  fig.  1. 

(e)  Milne  Edwards,  loc.  cit.,  pi.  52,  fig.  1  et  2  ;  pi.  54,  fig.  3. 


«^02  APPAREIL    DIGESTIF 

mais,  en  général ,  il  est  placé  au  centre  de  la  base  d'un  fais- 
ceau de  gros  tentacules  ou  bras  à  bords  membraneux  et  con- 
tractiles, qui  sont  suspendus  à  la  face  inférieure  du  disque  ou 
ombrelle  représentée  par  le  corps  de  l'Acalèphe  (1). 

L'estomac  occupe  aussi  l'axe  du  corps  et  fait  suite  à  l'ouver- 
ture queje  viens  de  décrire  (2)  :  mais  chez  quelques  Médusaires, 
où  la  cavité  gastrique  est  située  de  la  manière  ordinaire,  cette 
bouche  centrale  manque  ;  les  bras  sont  complètement  réunis 
entre  eux  à  leur  base,  et  c'est  par  d'autres  voies  que  les  ahments 
arrivent  du  dehors  jusque  dans  l'appareil  digestif.  Ce  mode  d'or- 
ganisation a  été  constaté  par  Cuvier  chez  un  grand  Acalèphe 
très  connu  sur  nos  côtes,  et  a  valu  à  ce  Zoophyte  le  nom  de 
Rhizostome  (o).  Effectivement,  dansées  Animaux,  le  réservoir 
central  qui  correspond  à  l'estomac  des  Méduses  ordinaires  est 
bouché  en  dessous,  mais  communique  latéralement  avec  une 


(1)  Ces  bras  ou  tentacules  labiaux  cet  organe  et  qui  sont  très  mobiles, 
sont  généralement  au  nombre  de  Ils  correspondent  aux  points  occupés 
quatre,  etcomposés chacun  d'une  por-  par  les  organes  reproducteurs,  et  sont 
tion  médiane  épaisse  et  subulée,  de  probablement  des  instruments  de  sé- 
chaque  côté  de  laquelle  est  suspen-  crétion.  M.  Fritz  Millier  vient  de 
due  une  bordure  membraneuse  plus  constater  que  ce  ne  sont  pas  des  tubes, 
ou  moins  froncée.  Ils  sont  très  dé-  comme  on  l'avait  pensé,  mais  des  cy- 
veloppés  chez  les  Pélagies  (a)  et  les  lindres  à  axe  solide  ;  et  d'après  quel- 
Cyanées  (6).  Chez  les  Aurélies,  ces  ques  expériences  laites  par  ce  natu- 
appendices  sont  garnis  d'une  frange  raliste,  ils  paraissent  produire  un  suc 
marginale  (c).  susceptible  d'attaquer  les  aliments  à 

(2)  Chez  quelques  Médusaires,  tels  la  manière  de  la  pepsine  et  d'en  opé- 
que  les  Pélagies  (d),  les  parois  lalé-  rer  la  digestion;  leur  surface  est  gar- 
rales  de  l'estomac  sont  garnies  d'une  nie  de  cils  vibratiles  (e). 
multitude   d'appendices  tentaculifor-  (3)  De  pii;!/.,  racine,  et  arofAst,  bou- 
mes  qui  font  saillie  dans  la  cavité  de  che. 

[a)  Voyez  Milne  Edwards,  Atlas  du  Règne  animal  de  Cuvier,  Zoophytes,  pi.  45,  fig.  4. 
(6)  Voyez  Milne  Edwards,  loc.  cit.,  pi.  47,  fig.  1,16. 

(c)  Voyez  Ehrenberg,  Ueber  die  Akalephen  des  rothen  Meeves  {Mém.  de  l'Acad.  de  Berlin  pour 
1835,  pi.  3,fig.  1). 

—  Milne  Edwards,  loc.  cit.,  pi.  48,  iig.  1. 

(d)  Milne  Edwards,  Atlas  du  Règne  animal  ào  Cuvier,  Zoophytes,  pi.  46,  fig.  i  a. 

(e)  Fr.  Millier,  Die  Magenfâden  der  Quallen  {Zeitschr.  fur  wissensch.  Zool.,  1858,  t.  IX, 
p.  542). 


CHEZ    LES    ZOOPHYTES.  303 

série  de  canaux  rameiix.  Ceux-ci  descendent  dans  l'épaisseur  des 
bras,  et  s'ouvrent  au  deliors  par  une  multitude  de  petits  orifices, 
qui  sont  autant  de  bouches.  Par  conséquent,  au  lieu  d'une 
bouche  centrale,  ils  ont,  comme  leur  nom  l'indique,  des 
bouches  multiples  et  radiciformes  (1). 


(1)  Les  bras  des  Rhizostomes,  d'une 
consistance  subcartilagineuse,  sont  au 
nombre  de  huit,  et  naissent  par  paires 
(|e  quatre  pédoncules  qui  partent  du 
disque  et  se  réunissent  au  -  dessous 
de  l'estomac,  en  laissant  entre  eux 
quatre  espaces  creux  ou  loges  destinées 
à  contenir  les  organes  reproducteurs. 
L'extrémité  libre  de  ces  bras  est  un 
peu  renflée,  et  présente  trois  faces  sé- 
parées par  des  borùs  arrondis  vers  les 
parties  inférieures  desquelles  on  dis- 
lingue un  certain  nombre  de  petites 
ouvertures  béantes,  qui  donnent  nais- 
sance à  autant  de  canaux  ascendants. 
Ceux-ci  se  réunissent  à  la  manière  des 
veines,  et  le  tronc  commun  ainsi 
formé  se  dirige  vers  l'estomac  ,  mais, 
chemin  faisant,  reçoit  un  certain  nom- 
bre de  branches  latérales  dont  les 
racines  sont  situées  dans  des  mem- 
branes froncées  et  pourvues  de  franges 
marginales  qui  garnissent  la  portion 
moyenne  de  chaque  bras,  ainsi  qu'un 
appendice  en  forme  d'auricule  placé 
plus  haut,  près  du  pédoncule  (a).  Or, 
chacune  des  divisions  terminales  de 
ces  canaux  latéraux,  de  même  que  les 


branches  .inférieures  dont  il  a  déjà  élé 
question,  se  termine  par  un  orifice 
extérieur ,  et  M.  Huxley  a  constaté 
que  les  espèces  de  bouches  ainsi  con- 
stituées tout  le  long  du  bord  des 
bras  sont  entourées  par  les  membranes 
frangées  dont  je  viens  de  parler  (6)  ; 
elles  sont  très  dilatables  et  deviennent 
souvent  infundibuliformes.  M.  Huxley 
les  considère  comme  étant  autant 
d'estomacs  comparables  à  ceux  des 
Stéphanomies  ,  etc.  La  membrane 
dont  elles  sont  tapissées  est  garnie  de 
cils  vibratiles,  et  en  continuité  de  tissu 
avec  la  tunique  des  canaux  qui  se 
rendent  à  l'estomac  central. 

Il  est  aussi  à  noter  que  la  portion 
membraneuse  des  parois  de  l'estomac 
central  qui  loge  les  organes  repro- 
ducteurs est  garnie  d'appendices  ten- 
taculiformes  analogues  à  ceux  des 
Pélagies,  mais  moins  allongés  (c). 

Les  Gassiopées  ressemblent  aux 
Rhizostomes  par  l'absence  d'une  bou- 
che centrale,  mais  leurs  bras  sont 
frangés  jusqu'au  bout  {d),  et,  d'après 
M.  Délie  Chiaje ,  les  petites  bouches 
latérales  seraient  situées  à  l'extrémité 


(a)  Cuvier,  Mém.  sur  V organisation  des  Méduses  (Journal  de  physique,  t.  XLIX,  p.  436). 

—  Eysenhardt,  Zur  Anat.  und  Naturgesch.  der  Quallen  {Nova  Acta  Acad.  natures  curiosorum. 
t.  X,  pi.  34). 

—  Milne  Edwards,  Atlas  du  Règne  animal  de  Cuvier,  Zoophytes,  pi.  50. 

—  Délie  Chiaje,  Animali  setixa  verteire  del  regno  di  Napoli,  pi.  143,  ûg.  1  et  7. 

(6)  Huxley,  On  the  Anatomy  and  the  Afjinities  ofthe  Family  ofMedusœ  (Philos.  Trans.,  1849, 
p.  415,  pi.  3!^,  flg.  28  ;  pi.  39,  fig.  29). 

(c)  Milne  Edwards,  Mém.  sur  la  structure  de  la  Méduse  marsupiale,  etc.  (Ann.  des  sciences 
liât.,  1833,  t.  XXVlIl,  pi.  13,  fig.  3). 

(rf)  Tilesius ,  Beitrâge  zur  Naturgesch.  der  Medusen  (Nova  Acta  Acad.  nat.  curios.,  1831, 
t.  XV,  p.  254,  pi.  70,  Bg.  1  ;  pi.  72,  fig.  1,5). 


Appareil 

digestif 

des 

Hydrostatiques. 


âOZl  APPAREIL    DIGESTIF 

Un  mode  d'organisation  assez  analogue  se  voit  chez  les  Phy- 
salies,  les  Stéphanomies  et  les  autres  Siphonophores  ou  Aca- 
lèphes  hydrostatiques,  mais  avec  cette  différence  que  la  portion 
profonde  et  centrale  de  l'appareil  gastro-vasculaire  tend  à  de- 
venir rudimentaire  et  n'est  affectée  qu'à  l'irrigation  physiolo- 
gique, tandis  que  sa  portion  vestibulaire  ou  buccale  se  perfec- 
tionne et  devient  le  siège  principal  du  travail  digestif.  En  effet, 
ces  Zoophytes  sont  pourvus  d'un  grand  nombre  d'appendices 
en  forme  de  trompes,  qui  font  fonction  d'autant  de  bouches  et 
d'estomacs,  et  (jui  transmettent  les  produits  de  la  digestion  à 
un  système  de  canaux  chargés  de  les  répartir  dans  les  autres 
parties  de  Téconomie  ('!). 


globuleuse  de  filaments  marginaux 
chez  la  Cassiopea  borbonica  (a). 

Dans  le  genre  Céphée,  l'appareil 
digestif  est  organisé  aussi  sur  le  même 
plan  que  chez  les  Rhizostomes,  et  il 
est  à  noter  qu'ici  chacune  des  petites 
bouches  latérales  portées  par  les 
bras  est  entourée  d'une  membrane 
labiale  infundibulifornie  (6),  à  quatre 
languettes  frangées,  au  lieu  d'êlre 
garnie  seulement  de  deux  replis  mar- 
ginaux en  forme  de  voiles,  conmie 
chez  les  Rhizostomes. 

(1)  Chez  la  Physahe,  les  appendices 
proboscidiformes,ou  suçoirs,  sont  sus- 
pendus sous  la  vessie  hydrostatique, 
au  milieu  d'un  grand  nombre  d'au- 
tres organes  appendiculaires  réunis 
en  paquet  (c).  Us  consistent  chacun 
en  une  sorte  de  sac  très  allongé,  ou- 
vert à  son  extrémité  inférieure  et  fort 
dilatable,  qui  est  susceptible  de  s'ap- 


pliquer sur  les  corps  étrangers  à  la 
manière  d'une  ventouse,  ou  de  s'élargir 
en  forme  de  cloche  pour  recevoir  dans 
son  intérieur  les  raatièrcsalimentaires, 
qui  y  sont  digérées  et  transformées  en 
une  espèce  de  pulpe  ou  chyme.  Le 
fond  de  chacune  des  trompes  gastri- 
ques se  continue  supérieurement  sous 
la  forme  d'un  canal  étroit,  et  commu- 
nique avec  une  cavité  commune  si- 
tuée entre  les  tuniques  de  la  vessie 
hydrostatique,  ainsi  qu'avec  les  con- 
duits creusés  dans  l'épaisseur  des 
autres  organes  appendiculaires  (d). 

Chez  les  Stéphanomies,  les  Physo- 
phores,  les  Agalmes,  etc. ,  la  confor- 
mation des  appendices  proboscidifor- 
mes,  ou  trompes  gastriques,  est  à  peu 
près  la  même,  mais  ces  organes  sont 
suspendus  à  une  sorte  de  ruban  com- 
mun qui  donne  également  insertion 
aux    appendices    générateurs  ,   urti- 


(ft)  Délie  Cliiaje,  Descr.  e  notom.  degli  Anim.  genza  vertèbre,  t.  IV,  p.  95,  pi.  140,  Ut\. 
(6)  Huxley,  Op.  cit.  {Philos.  Trans.,  1849,  p.  415,  pi.  39,  fig.  35,  36). 

(c)  Olfers,  Ueber  die  grosse  Seeblase  (Mém.  de  l'Acad.  de  Berlin  pour  1831,  p.  155). 

(d)  Quatrefages,  Mém.  sur  V organisation  des  Physalies  {Ann.  des  sciences  nat.,  4°  série,  1854, 
t.n,  p.  114,  etc.,  pi.  3,  fig.  1). 


CHEZ    LES    ZOOPH\TES.  305 

L'appareil  digestif  des  Acalèphes  du  genre  Béroé  offre  une 
disposition  différente,  qui  est  également  digne  d'attention.  La 
cavité  centrale  qui  représente  l'estomac  des  Méduses  ordi- 
naires est  ouverte  en  dessous  comme  chez  ces  dernières,  mais 
fort  réduite  et  dépourvue  d'appendices  labiaux  ;  du  reste,  elle 
paraît  être  suppléée  dans  une  partie  de  ses  fonctions  par  une 
chambre  vestibulaire  constituée  à  l'aide  du  disque  de  l'animal, 
qui,  au  lieu  de  s'étendre  en  manière  d'ombrelle,  se  contracte 
en  dessous,  de  façon  à  prendre  la  forme  d'une  bourse  ovoïde, 
dont  l'orilicc,  dirigé  en  bas,  tient  lieu  de  bouche  (1). 


cants,  etc.,  el  qui  se  termine  snpé- 
rieiirenient  à  l'appareil  natatoire.  Un 
vaisseau  en  occupe  toute  la  longueur, 
et  communique  avec  un  canal  prove- 
nant de  chacun  des  estomacs,  ainsi 
qu'avec  des  conduits  appartenant  aux 
autres  organes  appendiculiformes  (a). 
Les  zoologistes  ne  sont  pas  d'ac- 
cord sur  l'inlerprélation  à  donner  à  ce 
mode  d'organisation.  Jusque  dans  ces 
derniers  temps  on  considérait  géné- 
ralement ces  assemblages  de  suçoirs, 
d'organes  reproducteurs ,  d'instru- 
ments de  natation  et  de  filaments  ur- 
ticants  comme  constituant  un  seul  et 
même  animal  ;  mais  depuis  quelques 
années  plusieurs  naturalistes  ont  été 
conduits  à  le  regarder  comme  un  agré- 
gat de  divers  individus  héléromor- 
plies,  dont  les  uns  auraient  pour 
fonction  de  pourvoir  à  la  nourriture 


de  toute  la  colonie,  d'autres  de  don- 
ner naissance  à  des  individus  nou- 
veaux, etc.  (6).  Dans  cette  hypothèse, 
les  parties  décrites  sous  le  nom  de 
trompes  gastriques  seraient  des  indi- 
vidus nourriciers  comparables  aux 
Polypes  sertulariens.  Mais  quoi  qu'il 
en  soit  à  cet  égard,  chacun  des  esto- 
macs ainsi  constitué  est  pourvu  de 
parois  dans  l'épaisseur  desquelles  on 
dislingue  un  tissu  glandulaire  coloré 
qui  semble  être  le  représentant  de 
l'appareil  hépatique  des  animaux  su- 
périeurs. 

(1)  Cette  grande  cavité  vestibulaire, 
en  forme  de  cloche,  qui  occupe  presque 
tout  l'intérieur  du  corps  des  Béroïdes, 
correspond  en  réalité  à  l'évasement  de 
la  face  inférieure  de  l'ombrelle  des 
Médusaires,  et  l'analogue  de  la  bouche 
de  ces  dernières  se  trouve  au  fond  de 


(a)  Milne  Edwards,  Description  du  Stephanomia  conlorla  {Ann.  des  sciences  nat.,  2°  série,  t.  XVI, 
p.  221,  pi.  7  et  9,  fig.  1). 

—  Vogt,  Recherches  sur  les  Animaux  inférieurs  de  la  Méditerranée.  Mém.  sur  les  Sipho- 
nophores,  p.  46,  89,  etc.,  pi.  4,  fig.  5  ;  pi.  8,  fig.  t  ;  pi.  H,  fig.  1  ;  pi.  14,  fig.  1,  eic. 

—  R.  Leuckart,  Zoologische  Untersuchungen,  t.  I,  p.  12. 

(b)  Leuckart,  Ueber  die  Morphologie  der  wirbellosen  Thiere,  1848,  p.  27  ;  —  L'eber  den  Poly - 
inorphismus  der  Individuen,  1851.  —  Zoologische  Untersuchungen,  erstes  Heft,  1853,  p.  71. 

—  Huxley,  Upon  Animal  Individuality  {Ann.  of  Nat.  Hist.,  2°  série,  1852,  t.  IX,  p.  505). 

—  Kôlliker,  Die  Schwlmmpolypen  von  Messina,  1853,  p.  04  et  suiv. 

—  Vogt,  Op.  cit.,  p.  129  et  suiv. 

—  Gcgenbauer,  Beitrdge  aur  ncùhcrn  Kennlniss  der  Scliiuimmpolypen,  185i, 


V. 


20 


506  APPAREIL    DIGESTIF 

Chez  plusieurs  Acalèphes,  l'appareil  digestif  est  pourvu  aussi 
d'un  certain  nombre  d'orifices,  que  les  zoologistes  considèrent 
généralement  comme  des  anus  ;  mais  ces  pores ,  situés  d'or- 
dinaire vers  la  partie  périphérique  de  la  portion  vasculaire  du 
système  irrigatoire,  ne  semblent  pas  être  destinés  à  livrer 
passage  au  résidu  laissé  par  le  travail  digestif,  et  c'est  par  la 
bouche  que  la  sortie  des  fèces  s'effectue  (1). 


Pespèce  de  sac  ainsi  constitué.  Elle  est 
bordée  seulement  de  deux  lèvres 
épaisses  (a). 

C'est  une  cavité  analogue  à  cette 
chambre  vestibulaire  ou  pharyn- 
gienne qui,  très  rétrécie  et  garnie  in- 
férieurement  d'une  bordure  membra- 
neuse, constilue  l'estomac  principal 
des  Lesueuries  (6),  des  Alciopes  (c), 
des  Gestes  {d),  etc.,  chez  lesquels  la 
partie  correspondante  à  l'estomac  cen- 
tral des  Méduses  est  très  réduile  et 
forme  le  confluent  des  canaux  irriga- 
toires  que  j'ai  désigné  sous  le  nom  de 
réservoir  chylifique  (e). 

Une  autre  modificalion  organique 
se  rencontre  chez  les  Gydippes.  La 
cavité  gastrique  centrale  prend  desdi- 
mensions considérables,  et  un  prolon- 
gement labial  tubulaire,au  lieu  de  s'a- 
vancer au  dehors  en  forme  de  trompe, 
se  renverse  en  dedans,  de  façon  à  oc- 
cuper l'axe  de  l'estomac  et  à  consti- 


tuer une  chambre  pharyngienne  inté- 
rieure qui  a  beaucoup  de  ressemblance 
avec  l'estomac  tubulaire  des  Alcyo- 
naires,  dont  il  sera  bientôt  question  {f) . 

(1)  M.  Ehrenberg  fut  le  premier  à 
bien  apercevoir  ces  pores  excréteurs 
chez  les  Méduses,  où  ils  sont  placés  sur 
le  bord  de  l'ombrelle,  au  milieu  de  cha- 
que espace  compris  entre  les  organes 
ocuiiformes.  Chez  VAurelia  (ou  Mé- 
dusa aurita),  le  canal  gaslro- vascu- 
laire marginal  présente  dans  chacun 
de  ces  points  un  petit  prolongement 
en  forme  de  sac,  à  l'extrémité  duquel 
se  trouve  l'orifice  en  question  ; 
M.  Ehrenberg  en  compte  huit  et  les 
a  vus  dégorger  au  dehors  des  matières 
étrangères,  de  sorte  qu'il  n'hésite  pas 
à  les  appeler  des  anus  (g). 

Will  a  décrit  une  disposition  ana- 
logue chez  le  Cepliœa  Wagneri  {h). 

Chez  les  Béroés,  j'ai  irouvé  quelque 
chose  de  semblable.  La  portion  cen- 


(a)  Milne  Edwards,  Observ.  sur  le  Beroe  Forskalii  {Ann.  des  sciences  nat.  ,2*  série,  1841, 
t.  XVI,  p.  211,  pi.  5  et  6). 

(6)  Idem,  Description  tfw  Lesueuria  vitrea  {Ann.  des  sciences  nat.,  2»  série,  t.  XVI,  p.  199, 
pi.  3,  ûg.  1  ;  pi.  4,  ti^'.  1). 

(c)  Idurn,  Noie  sur  l'appareil  gastro-vasculaire  de  quelques  .Acalèphes  {Annales  des  sciences 
naturelles,  4°  série,  1856,  i.  VII,  pi.  14). 

{d)  Idem,  (oc.  cit.,  pi.  15  el  16,  fig.  1. 

(ej  Vo^NBz  tome  111,  page  65. 

{/')  MUiie  ÉAlwai-Lis,  Allas  du  Règne  animal  de  Cuvier,  Zoophytes,  pi.  36,  fig.  2  b,  et  Note  sur 
l'appurtil  gastro-vasculaire  {Ann.  des  sciences  nat.,  4«  série,  1856,  t.  VII,  p.  287,  pi.  16, 

fig.  2). 

13)  Ehrenberg,  Vorlaulige  Mittheilung  einigei'  bisher  unbekannter  Slriicturverhàltnisse  bei 
Acalephen  imd  Echinodermen  (MuUer's  Archiv  fiir  Anat.,  1834,  p.  5G1,elAnn.  des  sciences 
nat.,  2°  série,  -i«35,  t.  IV,  p.  294). 

{h)  Will,  Horcc  Tcrgestiinv,  p.  00. 


CHEZ    LES    ZOOPHYTES.  307 

§  5.  —  Dans  la  classe  des  Coralliaires,  l'appareil  digestif  est 
conformé  à  pea  près  de  même  que  chez  les  Acalèphes,  mais 
la  distinction  entre  la  portion  stomacale  et  la  portion  irrigatoire 
de  ce  système  de  cavités  tend  à  devenir  plus  complète  (1). 
Ainsi,  chez  les  Alcyons,  les  Gorgones,  le  Corail  et  les  autres 
Alcyonaires,  les  bords  de  l'orifice  buccal  se  continuent  intérieu- 
rement avec  une  membrane  disposée  en  tube,  qui  est  suspendue 
au  milieu  de  la  grande  cavité  centrale  du  système  gastro-vascu- 
laire,  et  qui  s'y  ouvre  par  son  extrémité  opposée,  mais  est  garnie 
inférieurement  d'un  muscle  sphincter,  dont  la  contraction  le 


Appareil 

di-eslif 

des 

Coralliaires 


traie  de  la  face  supérieure  du  disque 
de  ces  Acalèphes  est  occupée  par  une 
fossellequi  loge  Torgane  oculiforme,  et 
j'ai  souvent  vu  deux  vésicules  se  dé- 
velopper sur  les  côtés  de  cette  dépres- 
sion, puis  s'ouvrir  à  leur  sommet  et 
laisser  échapper  au  dehors  le  liquide 
qui  tourbillonnait  daus  leur  intérieur, 
puis  s'all'aisser  et  disparaître.  Ces 
émonctoires  communiquent  avec  la  ca- 
vité gastrique  («).  Nous  verrons  bientôt 
que  chez  certains  Coralliaires  il  existe 
aussi,  sur  divers  points  du  système 
gasiro-vasculaire,  des  pores,  mais  ces 
orifices  ne  me  paraissent  pas  remplir 
les  fonctions  d'un  anus,  et  me  sem- 
blent être  plutôt  des  dépendances  de 
quelque  organe  excréteur. 

(1)  La  forme  qui  est  dominante  chez 
les  Médusaires  se  retrouve  assez  exac- 
tement chez  les  Coralliaires  de  la  divi- 
sion des  Podactinaires.  En  eilet,  chez 
les  Lucernaires,  qui  constituent  les  prin- 
cipaux représentants  de   ce  groupe, 


Torifice  buccal  est  situé  à  l'extrémité 
d'un  prolongement  proboscidilorme 
qui  occupe  le  milieu  d'un  disque  con- 
cave dont  le  pourtour  est  garni  d'espace 
en  espace  par  des  tentacules.  L'esto- 
mac qui  fait  suite  e'i  cette  espèce  de 
trompe  renferme  un  grand  nombre 
d'appendices  filiformes,  très  contrac- 
tiles, qui  ressemblent  beaucoup  à 
ceux  de  l'estomac  des  f^élagies,  et  il 
se  continue  latéralement  avec  une  sé- 
rie de  grandes  loges  disposées  radiai- 
rement;  mais  ici,  au  lieu  d'être  très 
court,  ainsi  que  cela  se  voit  chez  les 
iMédusaires,  il  s'allonge  en  forme  de 
cylindre  jusqu'à  l'extrémité  inférieure 
du  corps  de  l'animal,  où  il  se  termine 
en  cul-de-sac  (6). 

Chez  les  autres  Coralliaires,  la  bou- 
che n'est  pas  saillante,  et  la  conforma- 
tion générale  de  l'appareil  digestif  rap- 
pelle davantage  ce  que  nous  venons 
de  voir  chez  les  Acalèphes  du  genre 
Cydippe. 


(«)  Milne  Edwards,  Observ.  sur  la  structure  et  les  fonctions  de  quelques  Zoophy les,  etc.  {Ann. 
des  sciences  nat.,  2=  série,  1841,  t.  XVI,  p.  214,  pi.  ô,Jig.  i;  pi.  6,  fig.  16). 

—  Agassiz,  Contrib.   to  the  Nat.  Hist.  of  Acalephœ,   pi.  5,  fig.  9  [Mem.  of  the  .iiner.  Acad., 
1850,  t.  II). 

(6)  Milne  Edwards,  ZooPHVTES  du  Réijne  animal  do  Cuvier,  pi.  63,  l]g.  la,  1  e. 

—  Sars.  Fauna  llttoralis  Noi'verjiic,  pi.  3,  fig.  6. 

—  -  H.  Frey  et  R.  Lcuckarl,  Beitrdge  xur  Kenntniss  dev  wirbellosen  Thiere,  1847,  pi.  I ,  fig-.  3. 

—  J.  Cariis,  Icônes  xootomicœ,  pi.  4,  fier.  2. 


308  APPAREIL    DlGIiSTlF 

transforme  en  une  sorte  de  poche  où  les  alinienls  se  trouvent 
arrêtés  et  plus  ou  moins  complètement  digérés  avant  que  de 
passer  dans  la  portion  irrigaloire  du  système.  Les  parois  de  ce 
vestibule  gastrique  renferment  un  tissu  glandulaire  de  couleur 
jaune,  qui  semble  être  un  organe  hépatique,  et  la  portion  sui- 
vante de  l'appareil  gastro-vasculaire  se  continue  au  loin  dans 
l'organisme  sous  la  forme  de  loges  radiaires  et  de  canaux  ra- 
meux,  dont  nous  avons  déjà  eu  l'occasion  d'étudier  la  disposi- 
tion lorsque  nous  nous  occupions  de  l'irrigation  nutritive  chez 
ces  Zoophyles  (1).  Je  ne  m'arrêterai  donc  pas  davantage  sur  ce 
sujet,  et  je  me  bornerai  à  faire  remarquer  (pie  chez  les  Coral- 
liaires  de  l'ordre  des  Zoanthaires,  les  Actinies,  par  exemple,  le 
vestibule  gastrique  est  moins  développé  et  moins  contractile 
inférieurement,  de  façon  que  chez  ces  Animaux  les  aliments 
pénètrent  souvent  dans  la  cavité  conmiune,  située  au-dessous, 
avant  que  d'avoir  été  digérés  (2).  Il  est  aussi  à  noter  que,  chez 
beaucoup  de  ces  Radiaires,  la  portion  périphérique  du  système 
gastro-vasculaire  communique  avec  l'extérieur  à  l'aide  de 
petits  orifices  particuliers;  mais  ici,  de  même  que  chez  les 
Acalèphes ,  ces  pores  sont  des  émonctoires  pour  le  liquide  en 
circulation  ou  pour  les  produits  de  certaines  sécrétions,  et  ne 


(1)  Voyez  tome  III,  page  55  otsiii-  bien  que  des  Animalcules  qui  se  trou- 

vanlcs.  vent  en  suspension  dans  l'eau   dont 

("2)  La  préhension  des  aiimenls  se  ils  sont  baignés.  Dicquemare,  nalura- 

failsoit  à  l'aide  de  ces  tentacules,  soit  liste  qui  habitait  les  côtes  de  la  Nor- 

par  l'action  de  la  bouche,  dont  les  pa-  mandie,  et  qui,  vers  le  miMeu  du  siècle 

rois  sont  très  dilatables  et  garnies  de  dernier ,  a  fait  beaucoup  d'observa- 

cils  vibratiics  aussi  bien  que  de  fibres  lions  intéressantes  sur  les  mœurs  des 

musculaires  disposées  en  manière  de  Actinies, a  vucesZoophytesdigérer des 

sphincter.  La  puissance  digestive  de  Moules,  de  la  viande,  etc.,  et  rejeter 

ces  Zoophy  tes  est  parfois  assez  grande,  par  la  bouche  les  coquilles  et  les  au- 

et  ils  se  nourrissent  de  Mollusques,  de  très  résidus  dont  ils  ne  pouvaient  tirer 

Crustacés  et  de  petits  Poissons,  aussi  parti  (a). 

{a]  Dicquemare,  Mcmoirejmiv  servir  à  l'Iiiatuire  des  Anémones  de  mer  [t'hilv)!.  Truns.,  177  J, 
p.  3(j]). 


Échinodermes 


CHEZ    LES    ZOOPHVTES.  309 

paraissent  pas  devoir  être  considérés  comme  les  représentants 
de  l'anus  des  animaux  supérieurs.  Chez  plusieurs  Actiniens, 
ces  ouvertures  se  trouvent  à  l'extrémité  des  tentacules  dont 
la  bouche  est  entourée  :  chez  d'autres,  des  pores  en  commu- 
nication avec  les  loges  périgastric[ues  sont  disposés  tout  autour 
de  la  portion  basilaire  du  corps,  et,  chez  les  Alcyonaires,  des 
orifices  analogues  se  voient  sur  la  sin^face  du  cœnenchyme, 
ou  tissu  commun ,  situé  entre  les  divers  individus  réunis  eu 
colonies  (1). 

Q  6.  —  Dans  la  classe  des  Échinodermes,  la  division  du  Ira-      Appareil 

«J^  ^  digestif 

vail  s'étabht  d'une  manière  complète  entre  la  digestion  et  l'irri-  ,     des 
galion.  La  cavité  qui  est  destinée  à  recevoir  les  aliments  ne 
communique  plus  directement  avec  celle  qui  renferme  le  tluide 
nourricier,  et  n'est  pas  creusée  dans  la  substance  commune  de 

(1)   Les    tentacules   qui    entourent  niens   (d)  ;  mais  ces  appendices   ne 

la    bouche    des   Coralliaires,  et  qui  sont  jamais  garnis  laldraloment  d'une 

sont   presque    toujours   disposés   en  bordure    de    cils    vibratiles  ,     ainsi 

couronne,  sont,  en  général,  des  ap-  que  cela   a   toujours   lieu    chez   les 

pendices   coniques  et  simples  (a)  ou  Bryozoaires. 

irrégulièrement  ramifiés  (6)  chez  les  II  est  aussi  à  noter  que  les  tenta- 
Zoanlhaires,  mais  garnis  latéralement  cules  des  Actinies  sont  doués  de 
d'une  série  de  fdaments  courts  et  cy-  propriétés  urticantes,  et  que  leur  con- 
lindriques  chez  les  Alcyonaires  (c).  Ils  tact  est  en  général  promptement 
sont  très  rétractiles,  et  susceptibles  de  mortel  pour  les  Vers  et  les  autres 
se  reployer  en  dedans,  au-dessus  de  petits  animaux  dont  ces  Zoophytes  se 
la  bouche.  Quelquefois  ils  se  lermi-  nourrissent  Des  expériences  intéres- 
nent  par  un  petit  élargissement  qui  santés  sur  ce  sujet  viennent  d'être 
agit  à  la  manière  d'une  ventouse,  et  faites  par  M.  Waller,  et  il  est  pro- 
adhère très  fortement  aux  corps  sur  bable  que  l'action  toxique  de  ces  or- 
lesquels  il  s'applique,  disposition  qui  ganes  est  due  à  l'introducUon  des  fils 
est   très   commune   chez    les    Acti-  de  leurs  nématocystes ,  ou  capsules 

(a)  Par  exemple,  chez  les  Actinies  (voyez  V Atlas  du  Règne  animal  de  Cuvior,  Zoophytes,  pi.  Cl , 
lig.  1  et  2);  et  les  Aslréens  {Op.  cit.,  pi"  83,  fig.  t  et  2). 

(b)  Par  exemple,  chez  les  Aciiniens  du  genre  Thalassianthe  {Op.  cit.,  pi.  G2,  fig.  3),  et  du  genre 
Phyllactis  ou  Methridium  (Dana,  Zoophytes,  pi.  5,  fig.  39  ;  —  Milne  Edwards,  Hist.  naturelle  des 
Coralliaires,  pi.  C2,  fig.  \). 

(c)  Exemples  :  les  Cornulaircs  (.Mlas  du  Règne  animal,  Zoophytes,  pi.  05,  fig.  3)  ;  le  Corail 
{Op.  cit.,  pi.  80,  fig.  ta);  les  Vérélillcs  {Op.  cit.,  pi.  91,  fig.  \)  ;  etc. 

(d)  Par  exemple,  chez  les  Actiniens  du  çcnrc  Antmonia  (voy.  V.Mlas  du  Renne  animal,  Zooph., 
pi.  61,  fig.  1). 


oIO  APPAREIL    niGESTlF 

l'organisme,  mais  a  pour  parois  une  membrane  perméable  et 
se  trouve  suspendue  dans  la  chambre  qui  sert  de  réservoir  cen- 
tral pour  le  sang  (1).  Par  conséquent,  chez  ces  Zoophytes, 
l'absorption  doit  intervenir  poin^  utiliser  les  produits  de  la 
digestion  elles  porter  dans  le  système  irrigatoire. 

Ce  perfectionnement  n'est  pas  le  seul  qui  se  fasse  remarquer 
dans  la  classe  des  Échinodermes.  Chez  quelques-uns  de  ces 
Animaux,  de  même  que  chez  tous  les  Zoophytes  inférieurs 
dont  il  a  été  question  jusqu'ici,  il  n'existe  qu'un  seul  orifice 
pour  l'entrée  des  aliments  et  pour  l'évacuation  des  matières  fé- 
cales ;  mais,  chez  d'autres,  la  division  du  travail  physiologique 
s'introduit  aussi  dans  cette  partie  des  fonctions  digestives,  et 
l'estomac  communique  au  dehors  par  deux  ouvertures  qui  sont 
affectées  d'une  manière  toute  spéciale ,  l'une  à  l'inglutition 
des  matières  alimentaires,  l'autre  à  la  sortie  du  résidu  laissé 
par  ces  substances  après  qu'elles  ont  fourni  à  l'organisme  tous 
les  principes  nutritifs  que  les  agents  digestifs  ont  pu  en  extraire. 
La  bouche  occupe  toujours  l'une  des  extrémités  de  l'axe  du 
corps,  et  se  trouve  au  centre  de  la  face  inférieure  ou  à  l'extré- 
mité antérieure  de  celui-ci,  suivant  que  l'animal  a  une  forme 
élargie  ou  allongée  et  qu'il  se  tient  dans  une  position  verticale 
ou  horizontale.  Parfois  l'anus  est  fort  rapproché  de  cette  ou  ver- 


urticantes,  dans  le  corps  des  animaux  continue  par  un  col  long  et  étroit  dans 

sur  lesquels  ils  se  fixent  (a).  le  pédoncule  de  l'appendice,  et  se  ter- 

ChezlesLucernaires,  quiappartien-  mine  par   une   seconde  ampoule  au 

nent  à  l'ordre  des  Podactinaires,  les  centre  du  disque  ;  un  liquide  est  ren- 

tentacules  ne  sont  pas  de  simples pro-  fermé  dans  ce  petit  appareil,  et  retlue 

longemenlstubulaires,  et  se  terminent  dans  l'une  ou  l'autre  ampoule  termi- 

par  un  petit  disque  préhensile.  A  la  nale,  quand  la  portion  opposée  se  con- 

base  de  chacun  de  ces  appendices  on  tracte  (b). 

trouve  une  vésicule  contractile  qui  se  (1)  Voyez  tome  III,  p.  289  et  suiv. 


(a)  Waller,  On  the  Means  by  ivhicli  Actiniœ  kill  their  Prey  (Proceed.  of  the  P,oy.  Soc,  1859, 
t.  IX,  p.  722). 

{b)  Milne  Edwards,  Histoire  naturelle  des  Coralliaires,  1. 1,  p.  94,  pi.  AO,  fig'.  Ih,  1c,  ol  Atlns 
du  Règne  animal  de  Ciivier,  Zoophytes,  pi.  fiS,  fig.  16,  Ir,  id. 


CHEZ    LES    ZOOPHYTES.  oll 

tiire.  mais  il  tend  à  s'en  éloigner  de  plus  en  plus,  et,  chez  les 
espèces  les  plus  élevées  en  organisation,  il  se  trouve  au  pôle 
opposé  du  corps. 

L'appareil  digestif  de  ces  Zoophytes  se  perfectionne  aussi 
sous  le  rapport  de  la  puissance  productive  des  agents  chi- 
miques destinés  à  attaquer  les  substances  alimentaires  et  è.  les 
dissoudre,  car  il  s'enrichit  d'organes  sécréteurs  spéciaux  qui 
versent  dans  l'estomac  les  sucs  doués  de  cette  propriété. 

Enfin,  la  partie  mécanique  du  travail  digestif  acquiert  une 
grande  puissance  chez  quelques  Échinodermes,  et  non-seule- 
ment la  préhension  des  aliments  s'effectue  bien  mieux  que 
chez  les  autres  Animaux  radiés  ;  mais  parfois  aussi  la  division 
de  ces  matières  est  opérée  d'une  manière  très  complète  avant 
leur  introduction  dans  l'estomac,  résultat  qui  ne  s'obtient  que 
par  l'intervention  d'instruments  particuliers  de  trituration  dont 
la  bouche  se  trouve  garnie. 

L'appareil  digestif  se  comphque  donc  beaucoup  dans  cette 
classe  de  Radiaires  ;  mais  les  différents  genres  de  perfection- 
nements que  je  viens  d'énumérer  ne  s'y  introduisent  pas  si- 
multanément, et  les  combinaisons  organiques  obtenues  de  la 
sorte  sont  très  variées. 

§  7.  —  Ainsi,  chez  les  Holothuriens  et  les  autres  Èchino-  Appareil 
dermes  de  la  même  famille,  la  cavité  digestive  a  la  forme  d'un  'def^ 
tube  à  parois  contractiles,  qui  s'étend  d'une  extrémité  du 
corps  à  l'autre,  et  qui  offre,  par  conséquent,  sous  le  rapport  de 
sa  conformation  générale,  un  caractère  de  supériorité,  compa- 
rativement à  ce  qui  existe  chez  la  plupart  des  Animaux  de  cette 
classe;  mais  les  organes  sécréteurs  qui  en  dépendent  sont  peu 
développés  et  les  instruments  préhenseurs  des  aliments  sont 
très  imparfaits,  de  sorte  que  ces  Zoophytes  sont  condamnés  à 
se  nourrir  presque  exclusivement  des  Animalcules  et  des  débris 
organiques  qui  peuvent  se  trouver  mêlés  au  sable  dont  ils 
vivent  entourés  et  dont  ils  introduisent  des  quantités  considé- 


Holothiiries 


312  APPAREIL    DIGESTIF 

rables  dans  leur  intestin.  Il  est  cependant  à  remarquer  que  la 
bouche  est  située  au  fond  d'une  couronne  de  tentacules  préhen- 
siles et  entourée  de  pièces  solides  articulées  entre  elles  de  fa- 
çonna former  un  anneau  auquel  s'insèrent  des  fibres  muscu- 
laires destinées  à  dilater  cet  orifice  (1). 


(1)  M.  A.  de  Oii^trefages  a  étudié 
avec  beaucoup  d'attention  le  mode  de 
préliension  des  aliments  chez  les  Ho- 
lolhuriens  du  genre  Synapte.  La  bou- 
che de  ces  animaux  est  entourée  d'une 
couronne  de  tentacules  pinnatifides 
qui  sont  susceptibles  de  se  déployerau 
dehors  par  l'effet  d'une  sorte  de  tur- 
gescence, ou  de  se  contracter  par  le  jeu 
des  fibres  musculaires  dont  leurs  pa- 
rois sont  garnies.  Ces  appendices  sont 
à  la  fois  des  organes  de  respiration  et 
de  Ibcomolion,  car  la  Synapte  s'en  sert 
pour  se  frayer  un  chemin  dans  le  sable 
et  pour  se  traîner  à  la  surface  des  corps 
résistants;  mais  ce  sont  aussi  des  in- 
struments de  préhension,  et  leur  face 
interne  est  garnie,  à  cet  effet,  d'une 
double  série  de  petits  tubercules  qui 
paraissent  jouer  le  rôle  de  ven  touses(a) . 
L'animal,  quand  il  reste  en  place,  fait 
sans  cesse  mouvoir  ces  tentacules,  qui 
tour  à  tour  se  déploient  et  se  renver- 
sent au  dehors,  ou  se  contractent  et  se 
recourbent  en  dedans,  de  façon  à  en- 
trer dans  la  bouche,  qui  se  dilate  pour 
les  recevoir,  et  se  resserre  ensuite  pour 
lécher  en  quelque  sorte  chaque  appen- 
dice à  mesure  que  celui-ci  ressort.  Cet 
orifice  est  entouré  d'un  anneau  solide, 
composé  de  deux  pièces  subcartilagi- 
neuses et  articulées  entre  elles  (6)  qui 


donnent  insertion  aux  grands  muscles 
longitudinaux  du  corps,  ainsi  qu'aune 
partie  des  fibres  charnues  des  tenta- 
cules, et  à  d'autres  faisceaux  de  même 
-nature  qui  se  répandent  dans  le  bord 
labial.  Celui-ci  est  garni  aussi  d'un 
sphincter  assez  fort,  au  delà  duquel  la 
cavité  bucale  s'élargit  de  façon  à  con- 
stituer une  sorte  de  chambre  pharyn- 
gienne dont  le  fond  est  entouré  d'un 
second  sphincter.  Au  delà  de  ce  se- 
cond détroit,  le  canal  digestif  s'élargit 
brusquement,  et  constitue  un  tube 
cylindrique  qui  s'étend  en  ligne  pres- 
que droite  jusqu'à  l'anus,  situé, 
comme  je  l'ai  déjà  dit ,  à  l'extré- 
mité postérieure  du  corps.  Ses  pa- 
rois sont  très  minces  et  transparentes 
comme  du  cristal ,  mais  on  y  dis- 
tingue plusieurs  tuniques,  savoir  :  une 
couche  épithéliale  très  délicate,  deux 
couches  de  fibres  musculaires  ,  les 
unes  transversales,  les  autres  longi- 
tudinales; enfin,  extérieurement,  une 
gaine  épiihélique  qui,  d'espace  en  es- 
pace, se  continue  sur  des  brides  te- 
nant lieu  de  mésentère.  La  structure 
de  ce  canal  paraît  être  la  même  par- 
tout ,  et  l'on  n'y  distingue  aucun  or- 
gane qui  puisse  être  considéré  comme 
instrument  spécial  de  sécrétion  ;  il 
représente  tout  à  la  fois  l'estomac  et 


(a)  Quatrefages,  Mém.  sxir  la  Synapte  de  Duvernoy  (Ann.  des  sciences  nat.,  2«  série,  If 
t.  XVII,  p.  63  et  suiv..  pi.  4,  fig-.  \  ;  pi.  5,  fig.  3). 

■ —  .1.  Miiller,  Uebei-  Synapla  digilala,  pi.  1,  fig.  4  et  G. 

(b)  Quatrefages,  Op.  cit.,  pi.  4,  fig.  5;  pi.  5,  fig.  7. 
—  Millier,  Op.  cit.,  pi.  1,  fii^.  (1  et  10. 


CHEZ    LES    ZOOPHTTES. 


Dans  un  autre  ordre  de  la  classe  des  Échinodermes,  celui  des 
Échinides,  l'armature  buccale,  qui  est  si  imparfaite  chez  les 
Holothuries,  se  perfectionne  d'une  manière  remarquable  et  pos- 
sède une  grande  puissance.  C'est  chez  les  Oursins  que  cet  appa- 
reil arrive  au  plus  haut  degré  de  force  et  de  comphcation;  on  le 


Appareil 

digestif 

des 

Ecliinides. 


rintestin.  D'ordinaire,  cet  appareil  est 
rempli  de  grains  de  sable  qui  sont 
peu  à  peu  évacués  par  l'anus,  et  ce  der- 
nier orifice  est  pourvu  d'un  muscle 
sphincter  bien  caractérisé  (a). 

Chez  les  Chiridotes,  qui  sont  très 
voisins  des  Synaptes,  l'anneau  pha- 
ryngien est  garni  de  six  gros  tubercu- 
les dentiformes,  et  le  canal  alimentaire 
s'allonge  beaucoup,  de  façon  à  for- 
mer deux  anses  dirigées  en  sens  op- 
posés (6). 

Chez  les  Holothuries,  le  mode 
d'alimentation  paraît  être  le  même  que 
chez  les  Synaptes,  et  l'on  trouve  ordi- 
nairement le  tube  digestif  rempli  de 
sable  (c).  Les  tentacules  labiaux  sont 
dendroïdes,  et  la  portion  antérieure  du 
corps  qui  les  porte  est  quelquefois 
susceptible  de  rentrer  sous  l'enveloppe 
cutanée  générale,  ou  de  se  prolonger 
au  dehors  en  manière  de  trompe,  dis- 
position qui  se  voit  chez  \esPsolus  ou 
Holothuria  phantapus  (cl).  L'anneau 
pharyngien  se  compose  d'une  série  de 
pièces  dures  dans  la  constitution  des- 
quelles il  entre  beaucoup  de  carbonate 
de  chaux.  On  en  compte  généralement 
dix,  dont  cinq  plus  développées  et  se 


prolongeant  intérieurement  sous  forme 
de  dents  (e)  ;  mais  dans  les  espèces 
que  j'ai  eu  l'occasion  de  disséquer, 
elles  ne  m'ont  pas  paru  susceptibles 
de  fonctionner  à  la  manière  d'un  ap- 
pareil masticateur.  Dans  une  espèce 
exotique  qui  paraît  se  rapporter  au 
genre  Mulleria  de  Jœger,  Duvernoy 
n'a  compté  que  huit  de  ces  pièces,  dont 
quatre  verlicales  etquatre  latérales  [f). 
Le  tube  alimentaire,  qui  fait  suite  à 
la  cavité  pharyngienne,  présente  par- 
tout à  peu  près  le  môme  diamètre,  si 
ce  n'est  à  son  extrémité  postérieure,  où 
il  s'élargit  beaucoup  pour  constituer  le 
cloaque  dans  lequel  vient  s'ouvrir, 
comme  nous  l'avons  déjà  vu,  l'appa- 
reil respiratoire  aquifère  {g).  La  lon- 
gueur de  ce  canal  est  très  considéra- 
ble: dans  quelques  espèces,  telles  que 
VHolothuria  mauritiana,  elle  paraît 
être  de  10  fois  celle  du  corps,  et  sui- 
vant Ouoy  et  Gaimard,  elle  serait 
même  de  16  fois  la  longueur  du  corps 
chez  VHolothuria  guamensis  (h)  ;  en 
général,  cependant,  la  différence  est 
bien  moindre,  et  quand  l'animal  n'est 
pas  contracté  sur  lui-même,  elle  n'est 
que  dans  le  rapport  de  1  à  3.  L'espèce  de 


(a)  Quatrefages,  Op.  cit.,  pi.  2,  fig.  \. 

(6)  Brandt  und  Grube,  Echinodennen  (Middendorff's  Reise  in  den  âusserslen  Norden  iind  Osten 
Sibiriens,  Bd.  II,  Zool.,  tii.  I,  pi.  4,  fig.  1  et  7). 

(c)  Redi,  Observ.  circa  Animalia  viventia,  quœ  in  Animalibits  viventibiis  reperiuntur  lOpus- 

CMJrt:t.  111,  p.  134). 

(d)  Voyez  Wilne  Edwards,  Atlas  du  Règne  animal  de  Cuvier,  Zoophytes,  pi.  20,  fig.  i. 

(e)  Tiederaann,  Anatomie  der  Rohren-Hololhwie,  pi.  2,  fig.  4  et  5. 

(f)  Duvernoy,  Leçons  d'anatomie  comparée  de  Cuvier,  t.  V,  p.  385. 
{(]}  Voyez  tome  II,  page  12. 

[h)  Quoy  et  Gaimard,  Voyage  de  V Astrolabe,  Zoologie,  t.  IV,  p.  114. 


Mk  APPAREIL    DIGESTIF 

désigne  souvent  sous  le  nom  de  lanterne  d'Jnstote,  parce  que  ce 
grand  naturaliste  a  été  le  premier  à  le  décrire,  et  que  pour  donner 
une  idée  de  son  aspect,  on  l'a  souvent  comparé  à  un  ustensile  de 
ce  genre  qui  serait  de  forme  pentagonale.  11  se  compose  de 
vingt-cinq  pièces  principales ,  rigides  et  très  riches  en  carbo- 
nate calcaire,  dont  les  plus  importantes  constituent  par  leur 
réunion  cinq  grosses  mâchoires ,  qui  ont  la  forme  de  pyra- 


boyau  ainsi  constitué  se  porte  d'abord 
en  arrière  sur  le  côté  droit  du  corps, 
puis  revient  sur  lui-même  en  forme 
d'anse,  et  arrivé  dans  le  voisinage  de 
la  bouclie,  se  recourbe  de  nouveau  en 
arrière  (a).  Sa  portion  antérieure  est 
libre,  mais  dans  toute  sa  portion 
moyenne  et  postérieure  il  est  fixé  à  la 
partie  correspondante  des  parois  de  la 
cavité  générale  du  corps  par  des  replis 
membraneux  ou  mésentères.  Cepen- 
dant ce  mode  d'attache  n'est  pas  as- 
sez solide  pour  empêcher  un  phéno- 
mène très  remarquable  de  se  produire 
quand  l'Animal  se  contracte  avec  force, 
savoir,  la  rupture  du  tube  alimentaire 
près  du  pharynx,  et  son  expulsion  au 
dehors  par  l'anus  avec  les  autres  vis- 
cères et  le  liquide  dont  la  cavité  abdo- 
minale était  remplie  (6).  Les  Holothu- 
ries se  vident  ainsi  avec  une  très 
grande  facilité,  et  peuvent  continuer  à 
vivre  pendant  plusieurs  jours  après 
avoir  subi  cette  mutilation  spontanée, 


qui  n'avait  pas  échappé  à  l'attention 
des  naturalistes  de  la  renaissance  (c), 
et  qui  se  produit  presque  toujours 
quand  ces  animaux  se  trouvent  à  sec 
ou  dans  un  petit  volume  d'eau  sta- 
gnante (d). 

La  portion  antérieure  du  tube  ali- 
mentaire de  ces  Échinodermes  est 
faiblement  pourvue  de  vaisseaux  san- 
guins, et  me  paraît  devoir  être  consi- 
dérée comme  un  œsophage.  Dans 
quelques  espèces  on  aperçoit  dans  son 
intérieur  des  replis  circulaires  qui  rem- 
plissent les  fonctions  de  valvules  {e), 

La  seconde  portion  qui  forme  les 
deux  branches  de  la  première  anse  a 
au  contraire  des  parois  très  vascu- 
laires  (f),  et  me  paraît  devoir  jouer 
le  rôle  d'un  estomac.  On  y  re- 
marque souvent  un  liquide  jaunâtre, 
mais  on  ne  sait  rien  au  sujet  des 
organes  producteurs  de  ce  suc  ,  et 
c'est  à  tort  que  Blainville  a  cru 
pouvoir  assimiler  à  un  appareil   hé- 


(«)  Tiedemann,  Anatomie  der  Rohrm-Holothurie,  pi.  2,  fig.  6. 

—  Délie  Chiaje,  Memorie  sulla  storia  e  notomia  degli  Aiiimali  senza  vertèbre  del  regno  di 
Napoli,  t.  I,  pi.  8,  fig.  1. 

.    —  Rymer  Jones,  A  General  Outline  of  the  Animal  Kingdom,  p.  175,  fig.  74. 

—  Carus  et  Otto,  Tahulœ  Anatomiam  comparativam  illustrantes,  pars  iv,  pi.  1,  Rg.  21. 

(6)  C'est  à  tort  que  Mcckel  décrit  ce  phénomène  comme  ayant  lieu  par  la  bouctie  {Anat.  comparée, 
trad.  par  Riester  et  Sanson,  t.  VII,  p.  94). 

(c)  Redi,  Lettre  à  Cestoni  (Collect.  Académ.,  t.  IV,  p.  587). 

—  Bohudsch,  De  quibusdam  Animalibus  marinis  liber,  1761 ,  p.  81. 
{d)  Délie  Chiaje,  Op.  cit.,  pi.  7,  fig.  1. 

(e)  Duvernoy  a  trouvé  cette  disposition  dans  une  Holothurie  inédite  provenant  de  Waig'ou  [Leçons 
d'anatomie  comparée  de  Cuvier,  t.  V,  p.  384). 

(f)  Milne  Edwards,  Atlas  du  Règne  animal  de  Cuvier,  Zoophytes,  pi.  18. 


CHEZ    LES    ZOOPHYTES.  315 

mides  renversées  et  qui  sont  unies  entre  elles  par  des  cloisons 
musculaires.  Ces  mâchoires  sont  terminées  inférieurement  par 
une  dent  tranchante,  et  les  muscles  qui  s'y  insèrent  sont  dis- 
posés de  façon  à  les.  rapprocher  ou  à  les  écarter  de  l'axe  du 
corps,  et,  par  conséquent,  à  dilater  ou  à  resserrer  le  cercle 
formé  par  leur  assemblage  (l).  Le  tube  alimentaire  commence 
immédiatement  au-dessus  de  cette  couronne  de  dents  et  occupe 


patiqiie  les  pinceaux  vascnlaires  si- 
tués dans  le  mésentère  adjacent  (a), 
car,  ainsi  que  nous  l'avons  déjà  vu, 
ces  parties  ne  sont  que  des  plexus 
vasculaires  bipolaires  appartenant  au 
système  circulatoire  et  n'ayant  au- 
cune relation  avec  l'intéiieur  de  la 
cavité  digestive  (6).  Enfin ,  le  tiers 
postérieur  du  tube  alimentaire  est  peu 
vasculaire  et  ne  me  semble  être  le 
siège  d'aucun  travail  digestif,  mais 
servir  seulement  à  compléter  l'absorp- 
tion des  matières  nutritives,  et  h  con- 
duire les  fèces  jusqu'au  cloaque  dont 
son  extrémité  est  séparée  par  un 
sphincter. 

Cuvier  considérait  les  .çacs/biz()'?iiens 
ou  ceecums  tubuleux  qui  sont  grou- 
pés autour  du  pharynx  comme  étant 
des  organes  salivaires  (c)  ;  mais,  ainsi 
que  nous  l'avons  déjà  vu,  ces  appen- 
dices ne  débouchent  pas  au  dehors, 
et  font  partie  de  l'appareil  vascu- 
laire [d). 

Quelques  anatomistes  pensent  que 


les  appendices  glanduliformesqui  sont 
fixés  aux  parois  de  l'intestin  un  peu  au- 
devant  de  l'ovaire  (e),  et  qui  ont  été 
pris  pour  des  testicules  par  M.  Tie- 
demann ,  ainsi  que  par  Guvier  et 
!\1.  Délia  Chiaje(/'),  constituent  un  ap- 
pareil salivaire  ((/);  jusqu'ici  on  ne  lui 
a  pas  trouvé  de  canal  excréteur  et  Ton 
en  ignore  les  usages. 

Jaeger  a  désigné  sous  le  nom  d'an- 
neau hépatique  un  amas  de  granules 
situé  près  de  la  bouche,  vers  le  point 
d'attache  des  tubes  foligniens  [h)  ;  mais 
on  ne  sait  pas  même  si  ce  sont  des  fol- 
licules sécréteurs,  et  dans  tous  les  cas 
je  ne  verrais  aucun  motif  pour  les 
considérer  comme  étant  chargés  de 
produire  de  la  bile. 

(1)  Le  squelette  téguroentaire  des 
Oursins  se  termine  inférieurement  par 
un  cercle  de  pièces  solides  qui  consti- 
tue, en  quelque  sorte,  le  cadre  de 
Vespace  péristomien  et  donne  attache 
à  la  membrane  labiale  {i).  L'orifice 
buccal  en  occupe  le  centre,  et  laisse 


(a)  Blainville,  Manuel  d'actinologie,  p.  72. 

(b)  Voyez  tome  III,  page  293.  Ces  mèches  sont  représentées  dans  la  figure  citée  ci-dessus,  sous  les 
lettres  vr  {Règne  animal,  Zoophytes,  pi.  -18). 

(c)  Cuvier,  Règne  animal,  1. 111,  p.  238. 
(cl)  Voyez  tome  111,  page  294. 

(e)  Voyez  llilne  Edwards,  Atlas  du  Règne  animal  de  Cuvier,  pi.  18,  ap. 

(f)  Délie  Cliiaje,  Memorie  siilla  storia  e  notomia  degli  Animali  senza  vertèbre  del  Regno  di 
NavoU,  1. 1,  pi.  8,  fig.  l  0. 

(g)  Siebold  et  Stannius,  Nouveau  Manuel  d'anatomie  comparée,  t.  I,  p.  94. 

[h)  Jseger,  De  Holothuriis  (dissert.  inaug.K  Turini,  1833,  p.  42,  pi.  3,  llg.  2  g. 
(i)  Voyez  ïiedemann  ,   Anatomie  dcr  Ruhren- Holothurie  des  pomeranz-farbigen  Seesterns  und 
Stein-Seeigeh,  pi.  10,  fig.  5. 


310  APPAREIL    DIGESTIF 

le  centre  de  la  lanterne,  où  il  constitue  ce  que  l'on  nomme  le 
pharynx,  et  présente  à  l'intérieur  cinq  bandes  longitudinales 
séparées  par  des  lignes  ligamenteuses  et  garnies  de  plis  obliques 
disposés  en  forme  de  chevrons. 

Cet  appareil  masticatoire  est  très  puissant,  mais  paraît  être 


passer  plus  ou  moins  le  sommet  de  la 
lanterne,  ou  appareil  masticateur,  qui 
est  suspendu  au-dessus  et  qui  a  été  dé- 
crit par  plusieurs  anatomistes  (a),  mais 
étudié  avec  le  plus  d'attention  par 
MM.  Sharpey,  Valentin,  Rymer  Jones 
et  Mayer  (6).  La  charpente  solide  de 
cet  appareil  consiste  essentiellement  en 
deux  séries  de  pièces  disposées  circu- 
lairement  autour  de  Taxe  du  corps; 
savoir  ,  cinq  mâchoires  et  autant  de 
supports  ou  rayons  pharyngiens.  Les 
màcîioires  constituent  par  leur  réunion 
un  cône  renversé  ,  et  ont  chacune  à 
peu  près  la  forme  d'une  pyramide  té- 
traèdre dont  le  sommet  serait  dirigé 
en  bas,  la  base  évidée,  l'une  de  ses 
arêtes  tournée  vers  l'axe  du  sysième 
et  la  face  opposée  légèrement  bombée. 
Leur  structure  est  très  complexe  et  l'on 
y  remarque  d'abord  deuxpartiesprin- 
cipales:  l'une  extérieure  ou  engainante, 
que  j'appellerai  Vexognathe,  l'autre 
intérieure  ou  dentaire ,  qu'on  peut 
désigner  sous  le  nom  d'endognathe. 
L'exognathe,  ou  pyramide,  se  compose 
d'une  paire  de  pièces  calcaires  princi- 
pales, ou  exognathit es,  qui  constituent 
chacune  l'une  de  ses  faces  latéro-in- 


ternes  et  la  moitié  de  son  pan  externe. 
La  première  de  ces  faces  est  formée 
par  une  lame  verticale  qui  est  garnie 
extérieurement  d'une  série  de  lignes 
transversales  saillantes;  son  bord  in- 
terne est  libre  et  correspond  à  celui 
de  l'autre  exognathile,  de  façon  que 
l'arête  interne  de  la  mâchoire  est  re- 
présentée par  un  espace  vide  limité 
de  chaque  côté  par  une  lame  denticu- 
lée.  Le  bord  externe  de  ce  même  pan 
est  réuni,  sous  un  angle  un  peu  aigu, 
avec  la  lame  qui  constitue  la  moitié  de 
la  face  externe  de  la  pyramide.  Dans  sa 
moitié  inférieure ,  cette  dernière  lame 
se  réunit  à  sa  congénère  par  une  suture 
verticale,  et  à  son  extrémité  supérieure 
elle  se  prolonge  aussi  en  forme  d'arc- 
boulant,  de  façon  à  rejoindre  la  partie 
correspondante  de  l'autre  exognathite  ; 
mais  dans  l'intervalle  elle  est  profon- 
dément échancrée,  et  par  conséquent 
il  existe  au  milieu  de  la  face  externe  de 
chaque  mâchoire,  vers  le  haut,  un  grand 
espace  vide  ou  fenêtre.  La  pyramide 
résultante  de  l'union  des  deux  exo- 
gnathilesest  ouverte»  sa  base  et  creuse 
dans  toute  sa  hauteur.  Sa  cavité  con- 
stitue une  loge  ou  alvéole,  où  se  trouve 


(a)  Monro,  The  Structure  and  Physiology  of  Fishes,  1785,  p.  67,  pi.  43,  fig.  i,  et  pi.  ii, 
Rg.  13,  dG,  17. 

—  Tiedemanii,  Anatomie  der  Rohren-HolothiLrie,  p.  72  ctsuiv.,  pi.  16,  fig.  2. 

(6)  Sharpey,  Echinodermata  (Todd's  Cyclop.  of  Anat.  and  Physiol.,  t.  II,  p.  38,  fig.  17  et  18). 

—  Valentin,  Anatomie  du  genre  Echinus,  p.  63  et  suiv.  (Agassiz,  Monographies  d'Echino- 
derraes). 

—  Rymer  Jones,  A  General  Outline  of  the  Animal  Klngdom,  4  841 ,  p.  IGC,  fis;.  70  et  71 . 

—  Mever,  Ueber  die  Lanterne  des  Aristoteles  (Miiller's  Archiv  fiïr  Anat.  und  Physiol.,  1849, 
p.  191). 


CHEZ    LES    ZOOPHYTES.  317 

destiné  à  diviser  les  substances  végétales  plutôt  qu'à  agir  sur 
une  proie  animale.  Cependant  les  Oursins  entassent  dans  leur 
estomac  beaucoup  de  fragments  de  coquilles,  et  il  est  probable 
que  ces  Zoopbytes  sont  en  réalité  omnivores. 

Dans  le  groupe  des  Clypéastrides,  la  boucbe  est  armée  aussi 


renfermée  la  pièce  dentaire,  ou  endo- 
gnathe.  Celle-ci  est  une  lame  étroite, 
arquée  et  carénée  en  dedans,  qui  est 
appliquée  contre  lasympliyse  ou  ligne 
articulaire  externe  des  exognathiles, 
et  y  glisse  dans  une  rainure  verticale. 
Son  extrémité  inférieure  est  amincie 
en  forme  de  dent  incisive  de  Rongeur, 
et  fait  saillie  au  sommet  de  la  pyramide 
dont  elle  dépend.  Enfin,  supérieure- 
ment, elle  se  pi-olonge  au  delà  dubord 
de  la  cavité  alvéolaire,  se  recourbe 
sm'  elle-même,  perd  sa  dureté,  et  con- 
stitue ce  que  MM.  Valentin  et  Agassiz 
ont  appelé  la  plume  dentaire. 

Les  cinq  mâchoires ,  ainsi  consti- 
tuées, sont  appliquées  les  unes  contre 
les  autres  par  leurs  surfaces  ialéro- 
intenies,  et,  à  l'extrémité  supérieure 
de  leurs  arêtes  externes,  elles  se  sou- 
dent intimement  avec  de  petites  piè- 
ces complémentaires  (ou  épiphyses), 
par  Tintermédiaire  desquelles  elles 
s'articulent  avec  le  système  des 
pièces  basilaires  ou  supports  pharyn- 
giens. 

Ce  dernier  système  se  compose  de 
deux  séries  de  poutrelles  calcaires , 
disposées  en  manière  de  rayons  au- 
dessus  de  la  base  de  l'appareil  maxil- 
laire. On  y  remarque  d'abord  cinq 
pièces  qui  alternent  avec  les  mâ- 
choires, et  qui  correspondent  à  la 
ligne  de  jonction  du  bord  supérieur  de 


ces  organes  ;  on  les  a  désignées  sous  le 
nom  de  faux ,  et  il  est  à  noter  que 
l'extrémité  externe  de  chacune  d'elles 
s'articule  avec  l'angle  supérieur  et 
externe  de  deux  mâchoires  adjacentes  ; 
enfin,  elles  sont  recouvertes  par  cinq 
autres  pièces  basilaires  qui  ont  la 
forme  de  la  lettre  Y,  et  qui  ont  été  ap- 
pelées les  compas.  Celles-ci  sont  com- 
posées à  leur  tour  de  doux  portions 
distinctes  (a)  ;  leurs  branches  sont 
dirigées  vers  la  périphérie  do  l'appa- 
reil et  recourbées  un  peu  vers  le  bas; 
enfin  elles  donnent  attache  à  des  liga- 
ments qui  descendent  obliquement 
vers  les  bords  du  cadre  périslomien, 
et  s'y  fixent. 

En  résumé,  on  peut  donc,  ainsi  que 
le  fait  voir  M.  Mayer,  compter  /i5  pièces 
constitutives  de  l'appareil  maxillaire, 
savoir  :  5  dents  ,  10  endognathes  ; 
10  épiphyses,  5  faux,  5  pièces  basi- 
laires des  compas  et  5  pièces  termi- 
nales des  mêmes  organes.  Mais  l'u- 
nion entre  les  pièces  exognalhaires  et 
épiphysairesest  si  intime,  qu'on  peut, 
en  général,  négliger  cette  distinction, 
ainsi  que  celle  dos  deux  moitiés  de 
chaque  compas,  de  façon  que  le  nom- 
bre des  organes  distincts  se  réduit  à 
25;  savoir:  5  dents,  10  exognathes, 
5  faux  et  5  compas. 

Les  muscles  qui  mettent  en  jeu  cet 
appareil  masticateur  sont  très  nom- 


(a)  Mcyer,  Oi).  cil.  (Mullui-'s  Arcliiu  fiir  Aaat.  uiul  l'hysiul.,  IsiU,  p.   l'J-i,  (il,  2,  li^-.  4). 


318 


APPAREIL    DIGESTIF 


d'un  appareil  masticatoire  très  compliqué,  quoique  beaucoup 
moins  parfait  que  celui  des  Oursins  proprement  dits.  Mais  dans 
d'autres  genres  de  la  même  grande  famille,  tels  que  les  Spa- 
tangues,  il  n'en  est  plus  de  même,  et  l'orifice  oral  est  complète- 
ment agnathe  (1). 

La  portion  du  tube  digestif  qui  surmonte  l'appareil  mastica- 
toire des  Oursins  est  étroite ,  et  constitue  un  œsophage  qui 
remonte  presque  verticalement  jusque  dans  le  voisinage  de 


breiix.  On  distingue  pour  cliaque  mâ- 
choire : 

l°Une  puiredemuscles abducteurs, 
qui  s'attaciieut,  d'une  part  a  l'extré- 
mité  inférieure  de  l'exognallie ,  et 
d'autre  part  à  une  portion  du  cadre 
périslomien  disposée  en  forme  d'ar- 
cade ou  d'auriculc,  au-dessous  des 
lignes  ambulacraires  (a). 

2"  Une  paire  de  muscles  adducteurs, 
qui  sont  antagonistes  des  précédents, 
et  naissent  de  la  portion  interauricu- 
laire (.lu  cadre  péristomien,  pour  re- 
monter vers  la  base  de  la  pyramide 
maxillaire  correspondante,  et  s'y  fixer 
à  l'arc  transversal  formé  au-dessus 
de  la  fenêtre  de  l'exognathe  par  les 
deux  arcs-boutants  décrits  ci-dessus. 

3°  Un  muscle  intermaxillaire,  qui  se 
tixe  aux  stries  de  la  face  latérale  des 
pyramides,  et  s'étend  de  l'un  de  ces 
organes  à  l'autre,  de  façon  à  rappro- 
cher ceux-ci. 

Les  pièces  basilaires  sont  pourvues 
aussi  d'une  série  circulaire  de  cinq 
muscles  transverses,  qui  s'étendent 
entre  les  compas.  Enfin,  il  y  a  aussi 
quelques  faisceaux  musculaires  qui  se 
détachent  des  muscles  des  mâchoires 


pour  aller  se  fixer  sur  la  membrane 
qui  enveloppe  la  plume  dentaire. 

Il  est  également  à  noter  qu'une 
membrane  très  fine,  et  pourvue  de 
cils  vibratiles ,  revêt  non-seulement 
les  pièces  dentaires,  mais  toutes  les 
autres  parties  de  cet  appareil  masti- 
cateur. 

(1)  L'urclrc  des  Échinidcs  se  com- 
pose de  quatre  familles  ,  dans  deux 
desquelles,  les  Spatangides  cl  les  Cas- 
sidulidcs,  l'appareil  masticateur  man- 
que complètement.  Dans  les  deux  au- 
tres, celles  des  Cidarides  et  des  Cly- 
péastridcs,  il  est  au  contraire  toujours 
bien  constitué,  et  se  compose  de  cinq 
mâchoires  dentifères,  disposées  à  peu 
près  comme  chez  l'Oursin  commun, 
qui  appartient  au  premier  de  ces 
groupes. 

Chez  les  Clypéastrides  ,  les  pièces 
basilaires  ne  manquent  pas,  comme 
l'avait  supposé  M.  Agassiz,  mais  sont 
réduites  à  un  état  plus  ou  moins  rudi  - 
mentaire,  tandis  que  les  mâclioires 
sont  très  massives.  Ainsi,  chez  les 
Clypéastres,  où  cet  appareil  a  été  dé- 
crit d'abord  par  Klein,  f'arra,  etc.  (6), 
puis  étudié    plus  complètement  par 


(a)  Valenlin,  Op.  cit.,  pi.  3,  lig-.  "  j. 

(b)  Klein,  Oursins  demer,  pi.  20,  lig.  i.  —  Echmodevma,  c'dit.  de  Leske,  pi.  38. _ 
—  A.  l^ai-ni,  Descvipcion  de  di/l'erenles piezos  de  Historla  nalund.  Havaiina,  478". 


CHEZ    LES    ZOUPHYTES.  319 

l'anus,  puis  se  recourbe  brusquement  et  débouche  dans  l'esto- 
mac. Ce  dernier  organe  a  la  forme  d'un  gros  boyau  qui  se 
porte  horizontalement  à  droite,  et  décrit,  en  se  contournant,  un 
cercle  onduleux  presque  complet,  puis  se  recourbe  sur  lui-même, 
et  marche  en  sens  inverse  pour  suivre  la  même  route  et  aller 
entin  se  relever  près  de  l'axe  du  corps  pour  gagner  l'anus  (1) . 
Ses  parois  sont  très  minces  et  sa  tunique  interne  est  garnie 
partout  de  cils  vibratiles.  Dans  la  portion  oesophagienne  on 


M.  Ch.  Desmoulins  et  par  J.  Millier, 
ces  organes  sont  très  larges  et  dépri- 
més; ils  constituent  par  leur  assem- 
blage une  étoile  pentagonale,  et  sont 
surmontés  par  cincj  petits  supports,  ou 
pièces  pharyngiennes,  qui  correspon- 
dent aux  faux  des  Échinides  ;  celles-ci 
ont  été  désignées  sous  le  nom  de 
rotules  (a),  et  se  trouvent  logées  entre 
deux  pièces  épipliysaires  bien  distinc- 
tes (6).  Chez  les  Scntelles,  qui  appar- 
tiennent à  la  même  famille,  ces  pièces 
basilaires  ont  une  forme  un  peu  dif- 
férente (c),  et  l'on  remarque  quelques 
variations  dans  la  disposition  des  exo- 
gnatiies  et  des  dents  :  ainsi,  chez  les 
Laganes  ,  ces  derniers  organes  sont 
presque  verticaux  (i). 

Chez  les  Spatangues  et  les  autres 
Échiniens  sans  mâchoires,  la  bouche 
est  généralement  excentrique. 

(1)  Une  multitude  de  brides  mem- 
braneuses tiennent  lieu  de  mésentère , 


et  fixent  le  bord  externe  du  tube  di- 
gestif contre  les  parois  de  la  cavité 
viscérale.  D'autres  brides  analogues 
unissent  entre  elles  les  deux  portions 
de  l'anse  intestinale  qui  s'enroule  delà 
sorte  autour  de  l'œsophage.  La  pre- 
mière portion  de  l'estomac  se  pro- 
longe plus  ou  moins  en  forme  de  cul- 
de-sac,  à  côté  du  point  où  l'œsophage 
vient  s'y  ouvrir,  et  en  général  il  n'y 
a  aucune  distinction  à  établir  entre 
les  parties  suivantes  de  ce  tube  (e). 
Mais  dans  une  espèce,  dont  l'anato- 
mie  a  été  faite  par  M.  Délie  Chiaje, 
VEchinus  ventricosus,  il  y  a  une  po- 
che stomacale  large  et  de  médiocre 
longueur,  qui  est  suivie  d'un  tube 
cylindrique  et  beaucoup  plus  étroit, 
lequel  peut  être  considéré  comme 
un  intestin  proprement  dit  {f). 

11  est  aussi  à  noter  que  la  tunique 
externe  du  canal  intestinal,  qui  se  con- 
tinue avec  le  mésentère  e  t  avec  la  mem- 


(a)  Cil.  Desmoulins,  Etudes  sur  les  Échinides,  p.  66,  pi.  2,  ûg.  7  à  15. 

(6)  MùUer,  Ueber  den  Bau  der  Echinodermen,  p.  74,  pi.  7,  fig.  13,  14,  etc.  (exlr.  des  Mémoires 
de  l'Académie  de  Berlin  pour  1853). 

(c)  Agassiz,  Monographie  des  Scutelles,  p.  15,  pi.  16,  fig.  4-7;  pi.  17,  fig.  7-9,  etc. 
{d}  Agassiz,  Op.  cit.,  p.  106,  pi.  22,  fig.  26,  etc. 

(e)  Tiedemann,  Op.  cit.,  pi.  10,  fig.  1. 

—  Délie  Chinje,  Descri%.  enotomia  degll  .Anim.  senza  vertèbre,  pi.  121,  fig.  1. 

—  Milne  Edwards,  Atlas  du  Règne  animal  de  Cuvier,  Zoophytes,  pi.  11,  fig.  2. 

—  Valenlin,  Op.  cit.,  pi.  7,  fig.  127,  128,  130. 

(f)  Délie  Clii.ije,  Déserta,  e  notomla  degti  Anim.  senza  vertèbre  del  régna  dl  Napoli,  pi.  122, 
lig.  4. 


320  APPAREIL    DIGESTIF 

y  reconnaît  aussi  une  foule  de  petits  follicules  qui  sont  des 
organes  sécréteurs;  mais  dans  la  portion  gastrique  ou  intesti- 
nale de  ce  tube,  la  structure  aréolaire  est  beaucoup  moins 
marquée,  et  l'on  ne  voit  y  déboucher  aucun  organe  sécréteur 
spécial  (1). 

Chez  les  Spatangues,  où  la  bouche  est  située  près  du  bord 
de  la  face  inférieure  du  corps,  et  l'anus  vers  la  partie  opposée 
de  la  même  région,  la  direction  suivie  par  le  tube  alimen- 
taire est  un  peu  différente,  mais  toujours  il  s'enroule  horjyon- 
talement  (2). 


brane  périlonéale  dont  la  cavité  com- 
mune est  tapissée,  est  garnie  comme 
celui-ci  de  cils  vibratiles,  dontles  mou- 
vements déterminent  des  cornants  dans 
le  liquide  nourricier  cavitaire  (a). 

(1)  Chez  le  Spatangus  piirpureus, 
le  tube  alimentaire  est  presque  cy- 
lindrique et  forme  une  grande  anse 
qui  s'enroule  à  peu  près  comme  chez 
les  Oursins,  si  ce  n'est  que  la  portion 
antérieure  se  trouve  en  dessous  de  la 
postérieure,  et  que  celle-ci  forme  en 
arrière  une  seconde  anse  pour  gagner 
l'anus  (6).  Mais,  chez  le  Spatmigus 
ventricosus,  M.  Délie  Chiaje  a  trouvé 
une  disposition  plus  simple,  car  l'en- 
roulcment  se  fait  toujours  dans  le 
même  sens.  Il  est  aussi  à  noter  que, 
dans  cette  dernière  espèce,  il  existe, 
appendu  à  la  partie  antérieure  de 
cette  sorte  de  boyau,  un  gros  prolon- 
gement cœcal,  ou  estomac  latéral  (c). 


("2)  On  remarque  chez  les  Échinides 
des  différences  très  grandes  dans  la  po- 
sition de  l'anus.  Dans  toute  la  grande 
famille  des  Cidariles,  la  bouche  est 
centrale,  et  l'anus  est  diamétralement 
opposé  à  cet  orifice,  de  sorte  qu'il  se 
trouve  au  sommet  du  disque.  Dans  la 
famille  des  Ciypéastrides,  ainsi  que 
dans  celles  des  Cassidulides  et  Spatan- 
gides,  la  bouche  est  le  plus  souvent 
reportée  un  peu  plus  en  avant,  et  l'a- 
nus est  toujours  plus  ou  moins  rap- 
proché du  bord  opposé  du  test  ;  tantôt 
il  est  situé  à  la  face  dorsale  du  corps, 
à  mi-distance  du  sommet  et  du  bord: 
chez  les  Nucléolites,  par  exemple  (d)  ; 
d'autres  fois,  il  est  encore  dorsal,  mais 
tout  à  fait  marginal,  ainsi  que  cela  se 
voit  chez  beaucoup  de  Dysasters  (e). 
Dans  d'autres  genres,  il  descend  sous 
le  bord  postérieur  du  test  :  par  exem- 
ple, chez  les  Galérites  (f),  les  Anan- 


(a)  Sharpey,  Cilia  (ToiA's  Cijclop.  ofAnat.  andPhysioL,  f.  I,  p.  017). 

(6)  Milne  Edwards,  Atlas  du  Règne  animal  de  Cuvier,  Zoopiiytes,  pi.  H  bis,  dg.  i. 

(c)  Délie  Chiaje,  Op.cif.,pl.  123,  fig.  12. 

—  Carus  et  OUo,  Tabiilœ  Anatomiam  comparalivam  illustrantes,  pars  iv,  pi.  i,  fig.  15. 

(d)  Exemple  :  Nucleolitcs  recens  (Miliic  Edwards,  Hègne  animal  de  Cuvier,  Zooi'HYTES,  pi.  14, 
fig.  3). 

(e)  Voyez  Agassiz,  Monographie  des  Dijsasiers,  pi.  1,  fig.  ',  15,  cle. 

(/■)  Voyez  Milne  Edwards,  Règne  animal  de  Cuvier,  Zoophytes,  pi.  14,  fig.  ia. 

—  Agassiz,  Monographie  des  Galérites,  pi.  1,  fig.  3,  C,  14,  clc. 


CHEZ   LES   zoorinTLS,  ?>^li 

Dans  l'ordre  des  Stellérides,  l'appareil  digestif  est  beaucoup     Apparc.i 

,  digeslif 

moins  bien  constitué,  comme  instrument  mécanique,  mais  se  .      Je» 

Eloiles  de  mer. 

perfectionne  davantage  comme  producteur  des  agents  chimiques 
dont  dépend  la  dissolution  des  aliments,  et  comme  organe  ab- 
sorbant. L'estomac  a  la  forme  d'une  grande  poche  arrondie  qui 
souvent  ne  communique  au  dehors  que  par  la  bouche,  et  cet 
orifice  est  dépourvu  d'organes  spéciaux  de  mastication.  Il  est 
vrai  que  ces  Animaux  peuvent  saisir  leur  proie  avec  force,  et 
même  parfois  l'écraser  contre  les  tubercules  ou  les  épines  dont 
le  pourtour  de  leur  bouche  est  armé  (1),  car  les  branches  radiaires 
qui  sont  formées  par  les  prolongements  périphériques  de  leur 
corps,  et  qui  sont  garnies  de  tentacules  préhensiles,  peuvent  se 
recom^ber  en  dessous  et  saisir  les  matières  étrangères  pour  les 
appliquer  contre  cet  orifice  ;  mais  celui-ci  ne  joue  qu'un  rôle 
passif  dans  la  déglutition  et  se  dilate  seulement  pour  laisser  passer 
les  aliments  (2).  La  portion  voisine  de  l'estomac  est  susceptible 

clîites  (a),  etc.  Enfin,  chez  les  Échi-  qui  est  armé  d'une  manière  plus  ou 
nonces,  il  se  tiouve  à  environ  égale  moins  puissante,  de  façon  à  constituer 
dislance  de  la  bouche  et  du  bord  pos-  un  organe  broyeur,  auquel  quelques 
lérieur  du  test  (6).  anatomistes  ont  donné  le  nom  de 
(l)  Chez  les  Astériens,  l'armalure  main  (c).  Chez  les  Astéries,  on  y  re- 
buccale est  constituée  par  une  portion  marque  un  tubercule  ovalairc  garni 
du  système  des  pièces  solides  qui  se  d'épines  (d),  et  chez  les  Ophiures  un 
développent  dans  la  peau  et  consti-  tubercule  denliforme  (e). 
tuent  le  squelette  légumentaire  de  ces  ("2)  Quelquefois  les  Astéries  se  réu- 
Echinodermes.  Chaque  portion  inter-  nissent  plusieurs  autour  d'un  Mol- 
ambulacraire  de  ce  système  se  termine  lusque  bivalve  pour  s'en  repaître  (f), 
près  de  la  bouche  par  un  angle  sail-  et  les  pêcheurs  assurent  qu'elles  dé- 
lant  qui  s'avance  vers  cet  orifice,  et  iruisent  beaucoup  d'Huîtres. 

(a)  Exemple  :  Ananchijtes  ovatus  (voyez  Goldfuss,  Petrefaeta  Germaniœ,  1. 1,  l'I.  ii,  l\g.  l ,  elc). 

(b)  Exemple  :  Echinoneus  semiluraris  (voy.  Milne  Edwards,  Zoophytes  du  Règne  animal, 
pi.  14,  fig.  la).  —  E.  cruentatus  (Agassiz,  Op.  cit.,  pi.  6,  fig.  3,  etc.). 

'(c)  Duvernoy,  Leçons  d'anatomie  comparée  do  Guvier,  t.  V,  p.  376. 

jd)  ?avigny,  Échinodermes  de  l'Egypte,  pi.  3,  fig.  i'^  ;  pi.  4,  fig;.  V,  2^,  elc.  {Expédition  de 
l'Egypte,  Hisi.  nat.,  t.  II). 

—  Dclle  Chiaje,  Animali  senza  vertèbre  del  regno  di  Napoli,  pi.  129,  fig.  9. 

(e)  J.  Millier  and  Troschel,  System  der  Asteriden,  pi.  7,  fig.  1-4;  pi.  10,  fig.  3. 

if)  Eudes  Deslongchamps,  Note  sur  l'Astéi'ie  commune  (Ann.  des  sciences  nat.,  1826,  t.  IX 
p.  219). 

V.  21 


322  APPAREIL    DIGESTIF 

de  se  renverser  au  dehors  et  de  s'appliquer  sur  les  substances 
alimentaires  qui  sont  trop  volumineuses  pour  passer  par  la 
bouche  ;  il  paraît  même  que  par  ce  moyen  celles-ci  sont  sou- 
vent en  partie  digérées  avant  d'avoir  été  portées  dans  l'inté- 
rieur du  corps  ;  mais  les  résultats  obtenus  de  la  sorte  ne 
peuvent  être  que  très  imparfaits. 

L'estomac,  séparé  de  la  bouche  par  un  anneau  contractile 
seulement  cliez  les  Ophiures  et  par  un  court  tube  œsophagien 
chez  les  Astériens,  remplit  presque  toute  la  porhon  centrale 
ou  discoïde  de  la  cavité  viscérale.  Ainsi  que  je  l'ai  déjà  dit,  il 
consiste  principalement  en  un  grand  sac  membraneux  qui 
occupe  l'axe  du  corps  (1)  ;  mais  latéralement  il  se  prolonge  de 
façon  à  constituer  des  loges  ou  des  tubes  aveugles  plus  ou 
moins  compliqués,  dont  la  disposition  semble  être  empruntée 
à  l'appareil  gastro-vasculaire  des  Médusaires. 

Ainsi,  chez  l'Étoile  de  mer,  qui  abonde  sur  nos  côtes  et  qui 
porte  le  nom  d'Astracanthion  glacialis  (2),  l'estomac  est  globu- 
leux, mais  incomplètement  divisé  en  deux  portions  par  un  re- 
pli de  sa  membrane  interne,  et  la  première  chambre,  ainsi 
délimitée,  paraît  être  plus  spécialement  chargée  de  transformer 
les  matières  alimentaires  en  une  pâte  liquide  qui  passe  peu  à 
peu  dans  la  chambre  supérieure.  Celle-ci  se  continue  supé- 
rieurement avec  un  petit  intestin,  et  communique  latéralement 
avec  cinq  prolongements  cylindriques  qui  ne  tardent  pas  à  se 
diviser  chacun  en  deux  tubes  très  allongés  et  garnis  d'une  double 
série  d'appendices  creux  ramifiés  et  terminés  en  cul-de-sac  (3) . 


(1)  La  Uinique  interne  de  l'estomac  (3)  Pour  plus  de  détails  sur  l'ana- 
est  garnie  de  cils  vibra tiles.  lomie  de  cette  espèce,  je  renverrai  à 

(2)  Ou  Asterias  glacialis.  0.  F.  Miil-  un  mémoire  de  Konrad  (a). 

1er  (voy.  Zool.  Danica,  pi.  ki).  L'appareil  digestif  d'une  autre  es- 


(a)  Konrad,  De  Asteriarum  fahrica  (à\sserl.  inaug.)-  tfallae,  fig-.  l. 

—  Sharpey,  art.  Echinodermata   (Todd's  Cyclopcedia  of  Anal,  and  Physiol. ,  t.  II,  p.  37, 
%•  16), 


CHEZ    LES    ZUUPUYTCS.  32o 

Ces  organes  s'avancent  dans  l'intérieur  des  rayons  ou  bras 
dont  le  corps  de  l'Astérie  est  pourvu,  et  y  sont  fixés  par  des 
replis  de  la  membrane  péritonéale  qui  se  détachent  de  la  tunique 
séreuse  de  la  grande  cavité  viscérale  (1).  Ils  baignent  dans 
le  liquide  nourricier  dont  cette  cavité  est  remplie,  et  ils  sont 
très  dilatables,  de  façon  que  la  matière  pulpeuse  élaborée  dans 
la  portioli  centrale  de  l'appareil  digestif  y  pénètre  facilement 
Il  en  résulte  que  les  produits  de  la  digestion  trouvent  dans  ces 
appendices  une  surface  absorbante  d'une  très  grande  étendue, 
et  doivent  passer  rapidement  de  là  dans  le  fluide  nourricier  cir- 
convoisin.  Ces  appendices  de  l'estomac  paraissent  être  aussi 
des  organes  sécréteurs,  car  leurs  parois  renferment  un  tissu 
granuleux  qui  a  l'aspect  d'un  amas  de  follicules,  e!  l'on  trouve 
dans  leur  intérieur  un  liquide  jaunâtre,  mais  on  n'est  encore 
que  peu  renseigné  sur  cette  partie  de  leurs  fonctions. 

Chez  les  autres  Astériens  à  larges  rayons,  la  disposition  de  ce 
système  de  csecums  gasiriques  est  à  peu  près  la  même  (2)  ; 
mais  chez  les  Ophiures,  dont  les  bras  sont  très  grêles,  ces  ap- 

pèce  du  même   genre,    VAstracan-  bratiles  qui  mettent  en  mouvement  le 

thion  rubens,  a  été  figuré  par  J.  Miil-  liquide  cavitaire  (6). 

1er  et  Troscliel  (a).  (2)  Souvent  les  deux  appendices  cae- 

(l)Ces  replis  mésentériques,  au  nom-  eaux  du  môme  bras,  au  lieu  de  naître 

bre  de  deux  pour  cliaquecœcum  péri-  d'un  tronc  unique,  comme  cela  se  voit 

gastrique,  naissent  de  la  paroi  dorsale  chez  VAstracanthion  rubens,  sont  dis- 

des  rayons  et  circonscrivent  un  espace  tinclsdèsleur  origine,  defaçon  quel'es- 

longitudinal   qui,   dans  le  voisinage  tomac  donne  directement  naissance  à 

de  l'estomac,   communique  avec   la  dix  de  ces  organes.  Celle  disposition  se 

portion  centrale   et   la   cavité   com-  voildiezV Astropectenaurantiacus{c), 

mune.  Le  péritoine  s'étend  aussi  sur  VArckaster  typicus  {d),]<tCulcita  co- 

l'estomac,  et  revêt  la  cavité  viscérale.  reacea{e),  etc.  Chez  VAsteriscus  pal- 

Sa  surface  libre  est  garnie  de  cils  vi-  mipes,  ces  caecums  sont  très  courts  (/'). 

(a)  3.  Millier  uiid  Troschel,  System  der  Asteriden,  pi.  Il,  fig-.  1. 

—  J.  Carus,  Icônes  aootomicœ,  1857,  pi.  15,  fig.  15. 

(h)  Sharpey,  Cilla  (Todd's  Cyclopœdia  of  Anatomy  and  Physlol.,  1. 1,  p.  016). 

(c)  Tiedemann,  Op.  cit.,  pi.  7. 

(d)  MuUer  et  Troscliel,  Op.  cit.,  pi.  XI,  (Ig.  3. 

(e)  Miillev  et  Troschel,  Op.  cit.,  pi.  12,  fig.  1. 

(/■)  Meckel,  Traité  d'anatomie  comparée,  t.  VU,  p.  71. 


3''24  APPARlilL    DIGESTIF 

pendices  sont  moins  développés  ;  ils  ne  dépassent  pas  les  limites 
de  la  cavité  centrale  du  corps,  et  ils  paraissent  être  plus  spécia- 
lement destinés  à  sécréter  les  liquides  qui  se  répandent  dans 
l'estomac  (1).  Enfin,  chez  les  Astrophytes  ouEuryales,  ils  sont 
représentés  par  une  rangée  circulaire  de  csecums  simples,  mais 
fort  nombreux  (2). 

Un  second  appareil  appendiculaire,  beaucoup  moins  grand  que 
le  précédent,  et  offrant  d'une  manière  plus  nette  les  caractères 
d'un  instrument  de  sécrétion,  repose  sur  la  face  supérieure  de 
l'estomac.  Il  se  compose  de  csecums  plus  ou  moins  rameux  et 
il  renferme  un  liquide  jaunâtre  qui,  par  son  aspect,  ressemble 
à  de  la  bile  et  qui  contient  de  l'acide  urique.  Les  grappes  ainsi 
constituées  alternent  avec  les  précédents,  et  correspondent,  par 
conséquent,  aux  espaces  inlerambulacraires.  Dans  les  espèces 
où  il  existe  un  intestin  à  la  suite  de  l'estomac,  c'est  dans  cette 
deraière  portion  de  l'appareil  digestif  que  ces  caecums  épigas- 
triques  débouchent  (3). 

Chez  les  Ophiurides,  ainsi  que  dans  une  des  subdivisions  de 
la  tribu  des  Astérides,  comprenant  les  genres  Jstropecten, 


(1)  Les  caecums  périgasUiques  des  Chiaje  a  trouvé  l'estomac  entoiiié 
Ophiurides  sont  au  nombre  de  dix,  et  d'un  cercle  radiaire  formé  de  /i5  cœ- 
repliés  sur  le  pourtour  de  l'csto-  cums,  simples  et  effilés  vers  le  bout; 
mac;  quelquefois  ils  paraissent  avoir  savoir:  un  pour  cliaque  espace  inter- 
une  structure  peu  compliquée  (a);  ambulacrairo,  el  quatre  à  la  base  de 
mais,  dans  d'autres  espèces,  chacun  chacun  des  dix  bras  (c). 

d'eux  porte  une  double  rangée  de  (3)  Chez  les  Astérides  du  genre 
tubes  secondaires  autour  desquels  Culcita,  ces  appendices  sont  très  dé- 
naissent un  grand  nombre  de  petits  veloppés  et  disposés  radiairement 
prolongements  plissés  et  groupés  en  dans  les  espaces  interbrachiaux  de  la 
forme  de  touffe  foliacée  (6).  région  dorsale  du  corps  ;  chacun  d'eux 

(2)  ChezV Astrophy ton  arborescens  naît  de  l'estomac  par  un  tube  mem- 
(Euryale  de  la  Méditerranée),  M.  Délie  braneux  simple  et  assez  large,  mais  ne 


(a)  Siebold  el  Stannius,  Nouveau  Manuel  d'anatomie  comparée,  t.  I,  p.  92. 
(h)  Délie  Ctiiaje,  Memorie  per  servire  alla  storia  degli  Animali  seiiza  vet'lebre,  l.  II,  pi.  20, 
fig.  5,  7,8,  el  Descri%.  e  uotom.  degli  Animali  invertebr.,  pi.  132,  lig.  5,7,  8. 
(c)  Dellc  ChiiiJG.  Descrin.  e  notom  ,  t.  IV,  p.  73,  pi.  138,  (ig.  2. 


CHEZ    LES    ZOOMiVTKS.  o'25 

Ctenodisus  et  Luidia,  l'estomac  ne  communique  au  dehors  que 
par  la  bouche,  qui  est  située  au  milieu  de  sa  face  intérieure;  et 
jusque  dans  ces  derniers  temps,  on  croyait  qu'il  en  était  de 
même  pour  tous  les  Échinodermes  de  cet  ordre,  excepté  les 
Comatuliens,  mais  chez  la  plupart  de  ces  Zoophytes  on  a  constaté 
l'existence  d'un  pore  anal  vers  le  centre  de  la  région  dorsale 
du  disque,  et  un  intestin  rudimentaire  y  conduit  (l). 

Chez  les  Comatules,  cette  portion  terminale  de  l'appareil  di- 
gestif est  beaucoup  plus  développée  ;  l'estomac  est  petit  et 
arrondi  ;  l'intestin  qui  en  naît  est  garni  d'un  prolongement 
cœcal ,  puis  contourne  l'axe  du  corps  pour  gagner  l'anus. 
Enfin,  celui-ci  est  situé  à  peu  de  distance  delà  bouche,  sur  la 
face  ventrale  du  disque  ("2),  position  qui  se  remarque  aussi 

tarde  pas  à  se  l)ifnrqiiei'  et  à  s'entou-  sent  manqner dans  le  genre  Ltn*Jm(/'). 
ler  de  petits  caecums  groupés  irrégii-  (1)  MM.  Délie  Chiaje  et  Sharpey  (gi) 
lièrement  (a).  ont  décrit  ce  pelit  intestin  comme 
Chez  VArchasler  typicus,  ]eii  cae-  étant  im  appendice  caecal  de rcstomac, 
cnms  épigastriques  sont  disposés  à  mais  sa  véritable  nature  a  été  consla- 
peii  près  de  la  même  manière,  mais  lée  par  MM.  AUilIcr  et  Troschel,  qui 
sont  beaucoup  plus  courts,  et  ne  se  l'ont  figuré  chez  VAstracanthion  ru- 
bifurquent  pas  toujours  bien  dislinc-  bens  et  VArchasterhjpicus  [h).  Ainsi 
tement  (6).  DànsVAstracanthion  gla-  que  je  l'ai  déjà  dit,  les  caecums  épi- 
cialis{c)elVAstracanthionrubens{d),  gastriques  y  débouchent, 
ils  sont  encore  plus  réduits  et  plus  ir-  D'après  ces  auteurs,  toutes  les  As- 
réguliers  dans  leiu'  forme.  Enfin,  chez  térides,  à  l'exception  des  trois  genres 
VAstropecten  mirant iaciis,  i\s  riQ  sonl  mentionnés  ci-dessus,  sont  pourvues 
représentés  que  par  deux  petits  cœ-  d'un  anus,  et  cet  orifice  est  toujours 
cums  gibbeux  (e),  disposition  qui  se  subcentral. 

\0}t  sussi  chez  \c  Solaster  papposus  et  (2)  L'appareil  digestif  des   Coma- 

VAstra(joniumphrygianu))iAh])3ii-dis-  Iules  a  été  étudié  par   Heussinger  («). 

(a)  J.  Millier  iind  Troschel,  System  (1er  Asleriden,  pi.  t2,  fig'.  t. 
(6)  Millier  und  Troschel,  System  der  Asteriden,  pi.  Il,  fig-.  2. 

(c)  Konnrd,  De  Asteriarum  fabrica,  Rg.  1. 

(d)  Millier  et  Troschel,  Op.  cit.,  pi.  d  d ,  fit?,  t . 

(e)  Tiedemann,  Anatomie  der  Roliren~IIolothurie,  etc.,  pi.  7  6,  6. 

—  Délie  Chiaje,  Memorie  per  servire  alla  storia  degli  Animali  senxa  vertèbre,  t.  Il,  pi.  dQ, 
fifr.  ir.  —  Descriz.  e  notorn.  degli  Anim.  invertebr.,  pi.  129,  fig.  t. 

(/■)  Millier  et  Tioscliel,  Op.  cit.,  p.  132. 

(g)  Sharpey,  Echinodermata  (Todd's  Cyclop.  of  Anat.,  t.  II,  p   30). 

{Il)  Millier  et  Tro.^clicl,  Op.  cit.,  pi.  i\,  fig.  1  et  2. 

(i)  Heiissiiigcr ,  Anatomische  Uniersucbung  der  Comaliila  niediterranca  {Zeilschrifl  fur  die 
organische  P-hysilc,  182(J,  t.  lit,  p.  371,  pi.  x,  fig.  iO). 


326  APPAREIL    DIGESTIF    CHEZ    LES    ZOOPHYTES. 

chez  les  Crinoïdes,  Échinodermes  dont  les  mers  étaient  abon- 
damment peuplées  à  des  époques  géologiques  fort  reculées. 

Quant  aux  Si  pondes  et  aux  autres  Animaux  que  Cuvier  ran- 
geait dans  la  même  classe  que  les  précédents,  sous  le  nom 
d'Échinodermes  sans  pieds,  je  n'en  parle  pas  ici,  car  ils  n'ap- 
partiennent pas  au  type  des  Radiaires  et  se  rapprochent  des 
Annélides  ;  j'y  reviendrai  donc  dans  une  prochaine  Leçon. 


QUARANTE -HUITIÈME   LEGON. 


De  l'appareil  digestif  chez  les   Infusoires  ciliés ,  les  Bryozoaires ,  les  Tuniciers 
et  les  Mollusques  proprement  dits. 


§  1.  —  Le  mode  d'organisation  de  l'appareil  digestif  que    caractères 

,    ,,  .,  .  11         1  1  généraux 

nous  avons  rencontre  d  une  manière  exceptionnelle  chez  quel-   deiappareii 


ques  Zoophytes  supérieurs  est  dominant  dans  le  grand  em- 
branchement des  Malacozoaires  :  chez  tous  les  Animaux  où  ce 
type  zoologique  est  nettement  caractérisé,  la  cavité  alimentaire 
affecte  la  forme  d'un  tube  ouvert  aux  deux  bouts;  mais  les  ori- 
fices ainsi  constitués  ne  sont  pas  situés  aux  extrémités  opposées 
du  corps,  et  l'anus  est  fort  rapproché  de  la  bouche,  de  façon  que 
ce  canal  est  disposé  en  forme  d'anse.  11  est  aussi  à  noter  qu'en 
général,  les  instruments  mécaniques  qui  entrent  dans  la  compo- 
sition de  cet  appareil  sont  peu  perfectionnés,  tandis  que  les  or- 
ganes sécréteurs  qui  y  appartiennent  se  développent  beaucoup. 
Les  Animalcules  que  nous  avons  choisis  comme  point  de  dé- 
part dans  l'étude  des  Zoophytes  sont  aussi  ceux  qui  paraissent 
avoir  le  plus  d'affinité  avec  les  représentants  inférieurs  du  type 
Malacozoaire.  Les  Molluscoïdes  se  hent  intimement  à  certains 
Infusoires  ciliés,  et  ceux-ci,  à  leur  tour,  ontdes  liens  de  parenté 
intimes  avec  les  3Ionadaires  ;  en  sorte  que  pour  arriver  à  l'exa- 
men des  Mollusques  en  passant  successivement  des  formes  les 
plus  simples  aux  plus  complexes,  je  crois  devoir  m'occuper 
d'abord  d'une  classe  nombreuse  de  petits  êtres  qui  sont  rangés 
par  la  plupart  des  zoologistes  dans  l'embranchement  des  Zoo- 
phytes, mais  qui  n'ont  rien  de  radiaire  dans  leur  structure,  et 
qui,  de  même  que  les  Mollusques,  sont  généralement  organisés 


disrestif 


t\9 


Appareil 

digestif 

des 

Infusoires 

ciliés. 


APPAREIL    DIGESTIF 

d'une  manière  asymétrique,  suivant  une. ligne  courbe  :  ce  sont 
les  Infusoires  proprement  dits  (4). 

§  2.  —  Les  moyens  d'observation  dont  nous  disposons  n'ont 
pas  permis  aux  naturalistes  de  scruter  d'une  manière  satisfai- 
sante l'organisation  inlérieure  des  Animalcules  d'une  petitesse 
extrême  qui  constituent  la  division  inférieure  de  celte  classe, 
c'est-à-dire  les  Monades  et  les  autres  Infusoircs  fia gelli [ères  [%. 


(1)  Ou  Polygasliiques  (le  M.  Eliren- 
berg,  moins  les  Rliizopodes  et  les  vé- 
gétaux microscopiques  que  ce  nalura- 
liste  réunit  dans  la  même  classe. 

En  1836,  j"ai  signalé  les  rossem- 
Mances  entre  les  Vorljcelliens  et  les 
Bryozoaires,  et  j'ai  émis  l'opinion  que 
les  Infusoircs  devaient  être  considérés 
comme  se  ratlacliant  au  type  des  Mol- 
lusques plutôt  qu'à  tout  autre  embran- 
chement zouldgifjuc  (a).  Enfin,  dans 
une  autre  publication  dont  la  date  est 
à  peu  près  la  même,  j'ai  proposé  de 
réunir  les  Voriicelliens  aux  Fiustres, 
aux  Vésiculaires  et  aux  autres  Ani- 
maux poiypiformes  dont  se  compose 
la  classe  des  Bryozoaires,  et  de  diviser 
ce  groupe  appelé  Tuniciens,  ù  cause 
de  ses  aHinités  avec  les  Tuniciers  de 
Lamarck,  en  deux  sections:  les  Tuni- 
ciens ciliés  (V^orticelles,  etc.),  qui  sont 
dépourvus  de  tentacules,  et  les  Tu- 
niciens tentacules,  ou  Bryozoaires  [b). 
Cette  nomenclature  ne  peut  être  con- 
servée aujourd'hui,  mais  les  groupes 
dont  il  est  ici  question  me  paraissent 


toujours  bien  fondés.  Plus  récemment 
M.  Agassiz,  sans  avoir  connaissance  de 
ma  manière  de  voir  à  cet  égard,  a  été 
conduit  à  rapprocher  aussi  les  Vorti- 
celles  des  Bryozoaires  (c).  D'autre  part, 
MiM.  Claparède  et  Laclimann  pensent 
que  cette  idée  ne  mérite  guère  d'èlre 
discutée,  parce  que  le  caractère  essen- 
tiel des  Bryozoaires  est  d'avoir  un  canal 
alimentaire  continu,  ouvert  à  ses  deux 
extrémités,  et  que  ce  caractère,  ajou- 
tent-ils, fait  défaut  aux  Voriicelliens 
comme  aux  Infusoircs  en  général  (d); 
mais  nous  verrons  au  contraire  que, 
d'après  les  observations  de  ces  natu- 
ralistes eux-mêmes,  les  Voriicelliens 
ont  une  cavité  digestive  munie  de 
deux  orifices  très  rapprochés,  et  à  ce 
trait  de  ressemblance  vient  s'ajouter  la 
disposition  spirale  de  l'organisme,  qui 
ne  se  voit  guère  ailleurs  que  dans  le 
type  malacozoaire. 

(2)  Au  sujet  de  la  classification  des 
Infusoircs,  je  renverrai  ù  un  travail 
récent  publié  par  MM.  Claparède  et 
Lachmann  (e)„ 


(a)  Voyez  les  noies  jointes  à  la  2'  cdilioii  de  l'ouvrage  de  Lamarck  {Histoire  naturelle  des  Ani' 
maux  sans  vertèbres,  d836,  t.  II,  p.  55). 

(6)  Miliie  Edwards,  Classification  naturelle  des  Polypes  (Journal  l'Institut,  1837,  t.  V, 
p.  178). 

(c)  A?as?iz,  Tlie  Nalural  Relations  beiiveen  Animais  and  tlie  Eléments  in  ivliich  Ihey  live 
(Sillimaii's  American  Journ.  of  Science  and  Arts,  2"  série,  185(',  t.  IX,  p.  309). 

(rf)  Claparède  cl  Lachmann,  Études  sur  les  Infusoircs  el  les  Rliizopodes,  p.  78. 

(e)  Claparède  et  Lachmann,  Éludes  sur  les  hifusoires  et  les  Rhiznpodes.  Genève,  ISSfi. 


CHEZ    LKS    INFUSOIRES    CILIÉS.  329 

Beaucoup  de  micrographes  pensent  qu'ils  sont  astomes(l),  mais 
dans  certains  cas  on  a  vu  des  matières  étrangères  pénétrer  dans 
l'intérieur  de  leur  corps,  et  celte  introduction  paraît  se  faire  à 
l'aide  d'un  orifice  buccal  situé  à  la  base  de  l'appendice  flabelli- 
forme  que  quelques  auteurs  ont  appelé  une  trompe.  IMais  nous 
ne  savons  rien  de  positif  quant  à  la  disposition  des  parties  inté- 
rieures où  la  digestion  s'opère,  et  les  ligures  théoriques  qui  ont 
été  données  des  estomacs  multiples  de  ces  Animalcules  ne  mé- 
ritent aucune  confiance  (2). 


(i)  Par  exemple,  M.  Sieboltl  (a). 

('2)  M.  Eb.renberg  assure  avoir  vu 
des  Monades  et  d'aulres  Animalcules 
du  même  ordre  avaler  des  corps 
étrangers,  emotamment  des  particules 
de  carmin  ou  d'indigo  [b).  i\l.  Colin  a 
publié  des  observations  analogues  (c), 
et  dans  quelques  cas  M.  Perly  a  con- 
staté des  faits  du  même  ordre  :  ainsi  il 
a  trouvé  im  fragment  de  fibre  ligneuse 
dans  l'intérieur  d'un  Infusoire  flagel- 
lifère  de  la  famille  des  Astasiens, 
V AmhUjophis  viridis  [d],  et  une  Dia- 
tomée  dans  l'inlérieur  d'une  antre 
espèce  du  même  groupe,  le  Paranema 
protraclum  (e).  Enfin,  MM.  Claparède 
et  Lachmann  ont  été  souvent  témoins 
de  la  manière  dont  le  Bodo  grandis (f) 
avale  des  Vibrions  qui  sont  trois  ou 
quatre  fois  plus  gros  que  lui  quand  il 
est  dans  son  état  ordinaire.  Ils  ont  vu 


aussi  un  Astasien,  qui  paraît  être  le 
Trachelius  trichophorm  Aa  M.  Ehren- 
berg  {g),  dévorer  des  Bacillariens  {h). 
M.  Dujardin,  il  est  vrai,  suppose  que 
les  matières  étrangères  ne  pénètrent 
que  dans  des  fossettes  adventives 
creusées  à  la  surface  du  corps  de  ces 
Animalcules  (/)  ;  mais  dans  beaucoup 
de  cas  cela  n'est  guère  probable,  et  il 
est  même  des  Monadaires  dont  la  bou- 
che est  munie  d'une  armature  solide 
fort  analogue  à  celle  que  j'aurai  bien- 
tôt à  faire  connaître  chez  les  Dysté- 
riens  (j). 

Quant  à  la  disposiiion  de  la  cavité 
stomacale  de  ces  Animalcules,  nous  ne 
savons  rien  de  satisfaisant.  M.  Ehren- 
berg  pense  qu'ils  sont  pourvus  d'un 
nombre  plus  ou  moins  considérable  de 
petits  cascums  réunis  en  faisceaux  et 
débouchant  directement  au  dehors  {k); 


[a)  Sicbold  et  Slannius,  Nouveau  Manuel  d'anatomie  comparée,  t.  I,  p.  8. 
{b}  Elirenberg',  Die  Infusionsthierchen,  iSSB,  p.  8. 
(c)  Colin,  Enlivick.  der  Algen  tmd  Pilze,  p.  08. 
{d)  Voyez  Ehrcnberg,  Die  Infusionsthierchen,  pi.  7,  fig.  5. 
(e)  ferly,  Zur  Kenntniss  der  kleinsten  Lebensformen,  1852,  p.  Gl. 
(0  Vovez  Ehrenberg,  Op.  cit.,  pi.  2,  fig-.  12. 
((■/)  lilcm,  iliid.,f\.  33,  lig.  11. 

Ih)  Claparède  et  Lachmann,  Etudes  sur  les  Infusûlres,  p.  41. 
(i)  Dujardin,  Histoire  naluielle  des  hifusoires,  p.  7  5  et  suiv. 
(j)  Claparède  et  Lachmann,  Op.  cit.,  p.  42. 

(/c)  EhrcnLerg,  Recherches  sur  les  hifusoires  {.\nn.  des  sciences  nat.,  2°  série,  I.  I,  pi.  iî, 
fig.  2). 


3o0  APPAREIL    DIGEgtlF 

L'appareil  digestif  des  Vorticelliens  et  de  la  plupart  desautres 
Infusoires  cillés  est  moins  imparfaitement  connu.  Les  cils  vi- 
bratiles  dont  j'ai  déjà  eu  l'occasion  de  parler  comme  étant  à  la 
fois  les  organes  de  la  respiration  et  les  instruments  ordinaires 
de  la  locomotion  (1),  en  déterminant  des  courants  dans  l'eau 
circon voisine,  amènent  vers  l'entrée  de  cet  appareil  les  corpus- 
cules nutritifs  qui  flottent  dans  ce  liquide  ;  ces  appendices  sont, 
par  conséquent  aussi,  les  organes  préhenseurs  des  aliments,  car 
ces  corpuscules,  parvenus  dans  rorifice  buccal,  sont  portés 
bientôt  dans  l'intérieur  du  corps  de  l'Animalcule  et  servent  à  le 
nourrir.  Le  spectacle  des  tourbillons  produits  de  la  sorte  par 
ces  petits  êtres  a  souvent  fixé  l'attention  des  micrograpbes,  et 
afin  de  s'éclairer  sur  la  nature  de  certains  points  que  l'on 
aperçoit  dans  l'intérieur  de  l'organisme  de  la  plupart  des  Infu- 
soires, un  physiologiste  allemand  du  siècle  dernier,  Gleichen, 
eut  l'heureuse  idée  de  répandre,  dans  l'eau  avoisinant  les  Ani- 
malcules dont  il  faisait  l'étude,  du  carmin  en  poussière  très  fine. 
Il  vit  alors  cette  matière  colorante  pénétrer  dans  le  corps  de 
quelques-uns  de  ces  Animalcules,  et  s'y  accumuler  sur  certains 
points,  mais  il  ne  tira  de  ce  fait  aucune  conclusion  touchant  la 
disposition  des  organes  digestifs,  et  ce  procédé  d'expérimen- 
tation resta  stérile  jusqu'au  moment  où  M.  Ehrenberg  y  eut 
recours  pour  étudier  la  structure  interne  de  ces  petits  êtres  (2). 


delà  le  nom  dMnenfera  qu'il  donne  à  idées,  ce  physiologiste  les  considéra 

l'ordre  comprenant  tous  les  Infusoires  comme  favorables  à  l'opinion  d'après 

flabellifères,  etc.  Mais  il  est  plus  pro-  laquelle  les  sphérules  auraient  été  des 

bable  que  la  cavité  digestive  est  simple.  œufs  (a). 

(1)  Voyez  tome  II,  page  13.  Du    reste,    jusqu'au    moment    où 

(2)  Les  expériences  de  Gleichen  M.  Ehrenberg  publia  ses  recherches 
datent  du  siècle  dernier  ;  mais,  par  sur  ce  sujet,  la  plupart  des  zoologistes 
un  singuHer  entraînement  dans   les  persistaient 'i  considérer  tous  les  Ani- 


(a)  Gleichen,  Dissertation  sur  la  génération  des  Animalcules  spermatiques  et  ceux  des  Infu- 
soires, trarl.  He  rallematul,  an  Vil,  p.  4 97. 


CHEZ    LKS    INFUSOIP.ES    CILIÉS.  3ol 

Je  ne  saurais  admettre  tons  les  résultats  que  cet  habile  obser- 
va leur  a  cru  pouvoir  tiéduire  de  ses  nombreuses  et  intéressantes 
recherches  sur  l'alimentation  des  Infusoires  avec  de  Findigo,  du 
carmin  ou  d'autres  matières  colorantes.  Mais  avant  de  réfuter 
c{ueîques-unes  de  ses  opinions,  je  crois  devoir,  en  bonne  justice, 
dire  le  bien  que  je  pense  de  l'ensemble  de  ses  travaux.  C'est  à 
M.  Ehrenberg  que  la  science  doit  presque  tout  ce  que  l'on  sait 
de  plus  important  sur  le  mode  d'organisation  des  Infusoires;  il 
a  changé  le  caractère  des  études  dont  ces  petits  êtres  avaient  été 
jusqu'alors  l'objet,  et  il  a  fait  dans  cette  partie  de  la  zoologie  des 
découvertes  presque  innombrables  ;  enfin  il  a  montré  que  ces 
êtres,  malgré  leur  exiguïté,  jouent  un  grand  rôle  dans  les 
phénomènes  géologiques,  et  que,  par  la  perfection  de  leur 
structure,  ils  rivalisent  souvent  avec  les  géants  de  la  création. 

Depuis  longtemps,  les  observateurs  au  microscope  avaient 
remarqué  dans  l'intérieur  du  corps  de  divers  Infusoires  des 
espaces  clairs  qui  avaient  l'aspect  de  petites  bulles,  et  qui  res- 
semblaient à  des  cavités  arrondies  contenant  de  l'eau.  En  nour- 
rissant ces  Animalcules  avec  du  carmin  ou  de  l'indigo, 
M.  Ehrenberg  vit  des  dépôts  de  ces  matières  colorantes  se  for- 
mer sur  divers  points  et  affecter  la  même  disposition  ;  les  sphé- 
rules  de  carmin  ou  d'indigo  avalées  par  les  Infusoires  avaient  un 
volume  à  peu  près  constant  chez  les  différents  individus  d'une 
même  espèce,  et  après  avoir  séjourné  plus  ou  moins  longtemps 

malculesdont  îl  est  ici  question  comme  après  dans  les  Mémoires  de  cette  So- 
étant  astomes  (a).  Ses  travaux  sur  ce  ciété  savante.  On  en  trouve  des  ex- 
sujet furent  présentés  à  l'Académie  traits  dans  les  Annales  des  sciences 
de  Berlin  en  1830,  et  publiés  bientôt  naturelles  (6). 

(a)  Lamarck,  Histoire  des  Animaux  sans  vertèbres,  t.  I,  p.  392. 

—  Cuvier,  Règne  animal,  2"  édition,  1820,  t.  III,  p.  325. 

(6)  Elirenberg,  Beitrâge  %ur  Kenntniss  der  Organisation  der  Jnfusorien  {Abhand.  der  Akad. 
der  Wissensch.  s«  Berlin  ans  dem  Jalire  1830  (publié  en  1832).  —  Dritter  Beitrag  x,ur 
Erkenntniss  grosser  Organisation  in  der  Richtung  des  kleinsten  Baumes  (Mém.  de  l'Acad.  de 
Berlin,  1833).  —  Recherches  sur  l'organisation  et  la  distribution  des  Infusoires,  ■particuliè- 
rement ceux  de  la  Sibérie  (Ann.  des  sciencesnat.,  2"  série,  1834,  t.  I,  p.  129  et  .çuiv.).  Je  citerai 
aussi  son  grand  ouvrage  intiliilé  :  Die  Infusionsthierchen  ois  vollkommene  Organismen,  in-fol. 
Tierlin,  1838. 


33^  APPAREIL    DIGESTIF 

dans  l'intérieur  de  l'organisme,  elles  étaient  évacuées  au  dehors, 
comme  le  seraient  des  matières  fécales.  Il  en  conclut  que  la 
formation  de  ces  bols  colorés  était  due  à  l'accumulation  de  la 
matière  tinctoriale  dans  autant  de  petites  poches  arrondies;  que 
chacune  de  ces  poches  était  un  estomac,  et  que  l'introduction 
des  aliments  dans  l'intérieur  de  ces  réservoirs,  ainsi  que  l'éva- 
cuation des  fèces,  devait  s'opérer  au  moyen  d'un  canal  commun 
ou  intestin  autour  duquel  ces  poches  seraient  appendues.  Dans 
quelques  cas,  M.  Ehrenberg  crut  même  pouvoir  distinguer 
nettement  le  trajet  de  ce  canal  intestinal  et  ses  connexions  avec 
une  multitude  d'ampoules  pédonculées.  Enfin,  généralisant  les 
conclusions  tirées  de  ces  observations  et  de  celles  qu'il  avait 
faites  également  sur  les  Infusoires  flagellifèrcs,  il  admit  comme 
démontré,  que  cliez  tous  ces  Animalcules  il  existe  un  nombre 
considérable  de  poches  stomacales  distinctes,  et  ce  fut  pour 
rappeler  cette  disposition  qu'il  désigna  sous  le  nom  de  Pohj- 
gastrica  la  classe  formée  par  la  réunion  de  tous  ces  petits 
êtres  (1). 

Mais  les  apparences  sur  lesquelles  M.  Ehrenberg  se  fonde 
pour  admettre  la  multiplicité  des  estomacs  chez  les  Infusoires 
ciliés  sont  susceptibles  d'une  autre  interprétation,  qui  me  paraît 
être  l'expression  de  l'état  réel  des  choses.  On  peut  supposer 
que  les  espèces  de  globes  colorés  qui  se  montrent  dans  l'inté- 
rieur du  corps  de  l'Animalcule  repu  de  carmin  ou  d'indigo  ne 
sont  pas  limités  par  une  membrane,  et  ne  sont  pas  dus  à  l'ac- 
cumulation de  ces  matières  colorantes  dans  autant  de  petites 
poches,  mais  consistent  dans  des  espèces  de  bols  constitués 
par  la  matière  alimentaire  dont  chaque  gorgée,  réunie  en  une 
masse  arrondie,  serait  poussée  dans  une  substance  pâteuse  où 

(1)  L'opinion  de  M.  Ehvenljerg,  au  cales  inullipies,  a  été  souleniic  par 
snjet  de  l'existence  de  cellules  stonia-      M.  Fxkard  (a). 

(a)  Eclihard,  Die  Organisalionsverhàltiiisse  (hr  pohjgastvichcn  hifusorien  (Wicgniann's  Archiv 
fur  NaturgescMchie,  1846,  t.  I,  p.  209). 


CHblZ    LliS    INFUSOIUES    CILIÉS.  333 

elle  ne  se  disperserait  pas,  et  continuerait  à  avancer  en  conser- 
vant sa  forme.  En  effet,  ces  spbérules  de  matière  alimentaire 
changent  de  place,  et,  en  cheminant  de  la  bouche  vers  l'anus, 
on  les  voit  souvent  se  dépasser  les  unes  les  autres  d'une  manière 
qui  semble  être  incompatible  avec  leur  emprisonnement  dans  des 
appendices  qui  seraient  attachés  d'espace  en  espace  à  un  canal 
intestinal  (1).  Cette  explication  des  phénomènes  observés  par 
M.  Ehrenberg  a  été  donnée  pour  la  première  fois  par  mon 
savant  collègue  de  la  faculté  des  sciences  de  Rennes,  M.  Du- 
jardin,  et  aujourd'hui  elle  est  adoptée  par  presque  tous  les 
naturalistes  qui  ont  fait  des  Infusoires  une  étude  attentive;  mais 
il  existe  parmi  ceux-ci  des  divergences  d'opinion  au  sujet  du 
mode  de  constitution  de  la  cavité  où  les  bols  alimentaires  se 
logent.  Le  zoologiste  que  je  viens  de  citer  pense  que  chez  ces 
Animaux,  de  même  que  chez  les  Rhizopodes,  le  corps  n'est 

(1)  Ces  mouvements  des  bols  ali-  pas  à  s'entremêler  d'une  manière  iiiex- 

mentaires ,     observés     d'abord     par  tricable  (6). 

Gruithuisen.M.  CarusetM.  Focke(a),  M.  Griffilh  a  chercbé  à  rendre 
supposeraient  le  déplacement  des  es-  compte  de  ce  mode  de  déplacement 
tomacs  eux-mêmes;  car  ce  n'est  pas  des  bols  alimentaires,  en  supposant 
en  revenant  vers  l'axe  du  corps,  puis  qu'ils  étaient  logés  dans  un  tube  intes- 
on  retournant  vers  la  périphérie,  que  linal à  circonvolutions  nombreuses  qui 
ces  sphérules  cheminent,  mais  en  les  embrasseraient  étroitement  et  les 
descendant  d'un  côté  et  en  remontant  pousseraient  par  des  contractions  péri- 
de  l'autre;  et,  ainsi  que  l'a  fait  re-  staltiques  ;  mais  s'il  en  était  ainsi,  ces 
marquer  M.  Focke,  elles  se  dépassent  sphérules  devraient  se  trouver  toujours 
et  s'entrecroisent  souvent,  de  telle  dans  le  même  ordre,  tandis  que  sou- 
sorte  que  si  elles  étaient  logées  dans  vent  elles  se  croisent  et  sedépassent  les 
des  caecums  adhérents  à  un  intestin  unes  les  autres  (c). 
centrai,  et  si  leur  déplacement  dépen-  Krdl  a  publié  aussi  quelques  obser- 
dait  des  mouvements  exécutés  par  vations  sur  le  mode  de  déplacement 
ces  appendices,  ceux-ci  ne  tarderaient  des  bols  alimentaires  {d). 

(a)  Cariis,  Traité  élémentaire  d'analnmie  comparée,  t.  II,  p.  6. 

(b)  Focke,  Ueber  einige  Organisationsverhâltnisse  der  polygastricheii  Infusorien  und  HMer- 
lhiere{Isis,  1836,  p.  785). 

(c)  W.  Grifflth,  On  the  sacculi  of  the  Polygastrica  (Ann.  and  Mag.  of  Nat.  Hist.,  1843,   t.  XI, 
p.  438). 

(d)  Enll,   Ueber  den  lireislauf  der  Infusonea  (MuUor's  Archiv  fUr  Anat.  und  PhgsioL,  1841, 
p.  -278). 


3o/i  APPAREIL    DIGESTIF 

formé  que  par  une  substance  molle  et  glutineuse  dont  j'ai  déjà 
eu  l'occasion  de  parler  sous  le  nom  de  sarcode;  que  les  matières 
alimentaires  s'y  tracent  un  chemin,  et  qu'il  n'y  a  pour  les  rece- 
voir aucune  cavité  préexistante,  aucun  estomac  (1).  M.  Meyen 
envisage  ces  faits  autrement,  et  il  me  semble  s'être  rapproché 
davantage  de  la  vérité  lorsqu'il  représenta  ces  petits  êtres  comme 
étant  creusés  d'un  grand  estomac  simple  occupé  par  une  matière 
pulpeuse  plus  ou  moins  analogue  au  mucus  des  Animaux  supé- 
rieurs ,  matière  dans  laquelle  les  masses  alimentaires  s'enfon- 
ceraient successivement  (2).  En  effet,  toutes  les  observations 


(1)  M.  F.  Diijardin  fut  un  des  pre- 
miers à  s'élever  contre  l'opinion  de 
M.  Ehrenberg,  relativement  à  l'exis- 
tence d'estomacs  multiples  chez  les 
Infusoires,  et  il  se  laissa  d'abord  en- 
traîner à  des  exagérations  en  sens  con- 
traire. Ainsi  il  affirma  que  chez  ces 
Animalcules  il  n'existe  ni  bouche,  ni 
anus,  ni  cavité  digeslive  préformée, 
et  que  les  espaces  où  les  matières  ali- 
mentaires pénètrent  sont  seulement 
des  vacuoles  creusées  par  ces  sub- 
stances elles-mêmes  dans  la  masse  de 
sarcode  dont  le  corps  de  l'être  se 
composerait  (a).  Dans  ses  publications 
subséquentes  ce  savant  distingué  ne 
tarda  pas  à  reconnaître  qu'il  s'était 
trompé  au  sujet  de  la  non-existence 
d'une  bouche  (6) ,  mais  il  persista 
dans  sa  première  opinion,  non-seu- 
lement au  sujet  de  l'absence  de  parois 
propres  pour  les  cavités  contenant  les 


bols  alimentaires,  c'est-à-dire  les  esto- 
macs multiples  de  M.  Ehrenberg, 
mais  relativement  à  la  non-existence 
d'une  cavité  digcstive  préformée  et 
d'un  anus,  Témonctoire  par  lequel  les 
fèces  s'échappent  au  dehors  n'étant, 
d'après  lui,  qu'un  orifice  accidentel  qui 
se  produisait  sous  l'influence  de  la  pres- 
sion exercée  par  ces  matières,  et  dis- 
paraissait aussitôt  après  leur  sortie  (c). 

M.  Perty,  H.  Stein  et  Carter,  ont 
adopté  l'opinion  de  M.  Dujardin,  au 
sujet  de  la  pénétration  des  aliments 
dans  la  substance  sarcodique  du 
corps  (d),  et  M.  Siebold  ne  s'en  éloi- 
gne que.  fort  peu  (e). 

(2)  Après  avoir  parlé  de  l'impossi- 
bilité qu'il  avait  toujours  rencontrée  à 
découvrir  les  moindres  traces  d'un 
intestin  central,  et  de  la  manière  dont 
il  avait  vu  neuf  ou  dix  globules  tourner 
autour  d'un  centre  chez  les  Vorticelles, 


(a)  Dujardin,  Sur  les  prétendus  estomacs  des  Aiiimalcules  infusoires,  et  sur  une  substance 
appelée  sarcode  [Ann.  des  sciences  nat.,  2»  série,  '1835,  t.  IV,  p.  364  et  suiv.). 

(!))  Idem,  Recherches  sur  les  organismes  inférieurs  {Ann.  des  sciences  nat.,  2°  série,  1830, 
t.  V,  p.  195). 

(c)  Idem,  Histoire  naturelle  des  Infusoires,  1841 ,  p.  54,  etc:. 

(d)  Perly,  Zur  Kenntniss  der  kleinsten  Lehensformen,  \<.  58. 

—  Slein,  Neue  Beitrdge  zur  Kenntniss  der  Entwiclclunijsfjeschichte  und  des  feineren  Baues  der 
Infusionsthiere  {Zeitschr.  fur  wissenschtaftliche  Zoologie,  1851,  I.  lU,  p.  487,  501,  etc.),  cl 
Die  Infusionsthiere. 

(e)  Siebold  et  Stannius,  Nouveau  Manuel  d'anatomie  comparée,  1854,  t.  I,  p.  10,  114,  olc. 


CHEZ    LES    INFUSOIRES    CILIÉS.  335 

les  plus  récentes  tendent  à  établir  que  l'appareil  digestif  des  Infu- 
soires  ciliés  se  compose  généralement  :  1°  d'une  bouche  dis- 
tincte; 2°  d'un  canal  pharyngien  dans  lequel  les  aliments  pren- 
nent souvent  la  forme  d'un  bol  :  3°  d'un  grand  estomac  à  parois 
distinctes  et  plus  ou  moins  éloignées  de  la  membrane  tégumen- 
taire  commune  :  k"  enfin  d'un  orifice  excréteur  ou  anus. 

La    bouche    des    Infusoires  présente  des   différences  très 
grandes  quant  à  sa  position  et  à  son  mode  de  conformation. 


M.  Meyen  expose  de  la  façon  suivante 
ses  vues  sur  la  constitution  de  ces  Ani- 
malcules. «  Les  vérilables  Infusoires, 
dit-il,  sont  des  êtres  vésiculeux  dont 
l'intérieur  est  rempli  d'une  substance 
muqueuse  ;  l'épaisseur  de  la  membrane 
qui  forme  la  vésicule  est  facile  à  aper- 
cevoir dans  quelques-uns  de  ces  ani- 
maux et  présente  parfois  une  struclure 
spirale.  Dans  les  gros  Infusoires,  un 
canal  cylindrique  traverse  oblique- 
ment celte  membrane,  et  se  dilate  vers 
sa  partie  inférieure,  où  il  est  garni  de 
cils  vibratilcs  qui  font  tourner  sur 
elles-mêmes  les  matières  alimentaires 
et  les  réunissent  ea  boule  ;  cette  boule 
est  ensuite  poussée  dans  la  cavité  si- 
tuée au-dessous,  et  de  nouvelles  ma- 
tières alimentaires  transmises  par  la 
boucbe  sont  pétries  en  un  second  bol, 
qui  bientôt  suit  le  premier,  et  ainsi 
pour  les  autres.  Ces  bols  sont  formés 


principalement  de  mucus,  et  quelque- 
fois on  voit  deux  de  ces  sphérules, 
pressées  fortement  l'une  contre  l'au- 
tre, s'unir  (a).  » 

Cette  manière  de  voir  ne  diffère  en 
rien  d'essentiel  de  l'opinion  professée 
par  MM.  de  Quatrefages  (b).  Colin  (c), 
Haim  (d) ,  Carpenter  (e),  etc.  Elle 
vient  d'être  développée  d'une  ma- 
nière plus  complète  et  appuyée  sur  de 
nouvelles  observations  par  i\JM,  Gla- 
parède  et  Lachmann  (/).  Enfin 
^].  Carter  applique,  il  est  vrai,  le  nom 
de  sarcoJe  à  la  matière  muqueuse 
qui  remplit  la  grande  cavité  dont  le 
corps  est  creusé,  mais  il  considère 
celle-ci  comme  étant  limitée  par  des 
parois  solides,  et  la  description  qu'il 
donne  de  l'appareil  digestif  des  Pa- 
raméciens  et  des  Vorticelles  s'accorde 
très  bien  avec  ce  que  j'ai  dit  ci- 
dessus  {g). 


(a)  J.  Meyen  ,  Einige  Bemerkungen  ûber  den  Verdauimgsapparat  dev  Infusorien  (Mùller's 
Archiv  fur  Anat.  itnd  Phijsiol.,  1839,  p.  74),  et  Irad.  en  franc.  (Ann.  des  sciences  nat.,  2»  série, 
4839,  t.  XII,  p.  122). 

(6)  Voyez  Dujardin,  art.  Infusoires  {Dictionnaire  universel  d'histoire  naturelle  de  d'Orbigny, 
1845,  t.  VII,  p.  46). 

(c)  Colm,  Beitrâge  aur  Entwickelungsgeschichte  der  Infusorien  (Zeilschrift  fur  wissenschaft- 
liche  Zoologie,  1851,  t.  III,  p.  26). 

{d)  Haime,  Op.  cit.  {Ann.  des  sciences  nat.,  3°  série,  t.  XIX,  p.  119). 

(e)  Carpenler,  Prineiples  of  Comparative  Phijsiology,  p.  156. 

—  Greene,  A  ilanual  of  the  subkingdom  Protozoa,  1859,  p.  63. 

(/■)  Claparède  et  Laclimanii,  Études  sur  les  Infusoires  et  les  Rhizopodes,  1858,  p.  28  et  suiv. 

[g]  Carter,  Notes  on  the  Freslnuater  Infusoria  of  the  Island  of  Bombay  (A?!w.  of  Nat.  Hist., 
2"  série,  t.  XVIII,  p.  122,  pi.  6,  fig.  65,  et  pi.  7,%.  74). 


3o6  APPAREIL    DIGESTIF 

Chez  beaucoup  de  ces  Animalcules,  elle  occupe  le  fond  d'une 
fossette  ou  vestibule,  et  souvent  les  bords  de  celte  dépression 
sont  garnis  de  cils  très  développés  dont  les  mouvements  déter- 
minent l'arrivée  des  matières  alimentaires  dans  cette  cavité. 
Ainsi,  chez  les  YorticelHens,  dont  le  corps  s'évase  antérieure- 
ment en  forme  de  clochette  ou  de  cornet,  et  se  termine  par  un 
bord  contractile  ou  péristome  au  dedans  duquel  se  trouve  une 
espèce  de  couvercle  cilié,  on  voit,  dans  le  sillon  circulaire  qui 
sépare  cet  opercule  du  péristome  dont  je  viens  de  parler,  une 
fossette  béante  au  fond  de  laquelle  est  située  l'entrée  de  l'appa- 
reil digestif  (1).  La  frange  ciliée  qui  borde  l'opercule  descend 
dans  ce  vestibule  en  décrivant  une  spirale,  et  se  prolonge  même 
jusque  dans  le  canal  œsophagien  qui  y  fait  suite.  C'est  par  l'ac- 
tion de  ces  appendices  que  l'ingurgitation  des  aliments  paraît 
s'effectuer,  et  l'on  n'aperçoit  pas  de  mouvements  de  déglutition 
proprement  dits  (2). 


(1)  Pour  la  forme  générale  des  Vor- 
ticelliens  et  la  position  de  la  fossette 
buccale  ou  vestibule,  que  l'on  confond 
souvent  avec  la  bouclie  elle-même,  je 
renverrai  aux  planches  de  M.  Ehren- 
berg  et  à  une  figure  donnée  par  M.  de 
Quatrefages  (a)  ;  mais,  pour  la  dispo- 
sition de  la  spire  ciliée  dans  Pin  té - 
rieur  de  celte  cavité  et  les  détails  de 
sa  structure,  je  citerai  de  préférence 
les  figures  faites  plus  récemment  par 
M.  Lachmann  (6)  et  la  description 
plus  circonstanciée  que  ce  zoologiste 
vient  d'en  publier  conjointement  avec 
M.  Claparède  (cj. 


(2)  Chez  les  Stentors,  les  Bursaires 
Cl  les  autres  Infusoircsdont  MM,  Cla- 
parède et  Lachmann  ont  formé  la 
famille  des  Bursarieiis  ,  la  bouche 
est  garnie  d'une  rangée  de  cils  très 
gros,  disposés  en  spirale.  Dans  le 
genre  Chœtospira,  celle  frange  vibra- 
tile  est  portée  sur  un  processus  en 
forme  de  bande  étroite,  qui  occupe 
l'extrémité  antérieure  du  corps  {d}. 
Chez  certaines  espèces  du  genre  Frem, 
celle  même  frange  garnit  un  prolonge- 
ment infundibuliforme  et  hilobé  (e). 
Chez  les  Stentors,  elle  entoure  une 
sorte    de  disque    frontal    circulaire , 


{a)  Elirenljci-g-,  Die  Infusions Ihicrchen,  pi.  45  ù  19. 

—  Qualrefages,  voyez  Allas  du  Règne  animal  de  Cuvier,  Zoophytes,  pi.  64,  ïv^.  4. 

(b)  Lachmann  ,  De  Infusorionim,  iniprimis  Yoriicellinorum  structura  (dissert,   iiiaiiy 
pi.  d,  fig.  1  et  2. 

(c)  Claparède  et  Lachmann,  Etudes  sur  les  Infiisoires,  p.  80  et  siiiv. 
{d)  Lachmann,  De  Infusoriortun  structura,  pi.  1,  fig;.  0  et  7. 

(e)  Claparède  et  Lachmann,  Études,  pi.  10,  fi^.  1  tt  0. 


1835, 


CHEZ    LES    INFUSOIUES    CILIÉS.  -   337 

Chez  d'aiilres  Infiisoires  ciliés,  la  bouche  esl  à  découvert  ou 
se  trouve  au  fond  d'une  échancrure  qui  ne  présente  dans  sa 
structure  rien  de  particulier  ;  mais  alors  cet  orifice  est  contrac- 
tile et  préhensile  (1);  quelquefois  même  la  partie  antérieure  du 
canal  alimentaire  est  susceptible  de  se  renverser  au  dehors  en 
forme  de  trompe  (2),  et  dans  un  assez  grand  nombre  d'espèces 
elle  est  pourvue  d'une  armature  particulière  composée  d'un 
faisceau  de  soies  rigides  disposées  en  forme  de  nasse,  et  sus- 
ceptible de  se  dilater  ou  de  se  resserrer  suivant  les  besoins  de 
l'Animal  (3). 


sur  le  bord  duquel  est  située  la  fos- 
sette ou  vestibule  infundibulaire  qui 
précède  la  bouche,  et  qui  loge  la  por- 
tion terminale  de  la  spire  vibratile 
dont  la  direction  est  inverse  de  celle 
des  Vorlicelliens  (a).  Chez  les  lUir- 
saires,  la  fosse  buccale  ou  vestibule  est 
très  grande,  et  indépendamment  des 
cils  qui  en  garnissent  le  pourtour,  on 
voit  dans  sa  cavité  une  crête  ciliée  ;6). 

(1)  Cette  espèce  de  prolapsus  de 
l'œsophage  a  été  observé  par  i\lM.  Cla- 
parède  et  Lachmann  chez  les  Para- 
méciens,  les  Stentors,  etc.  (c). 

(2)  Ainsi  Haime  a  vu  que  chez  le 
Trichoda  lijnceus  la  préhension  des 
aliments  se  fait  directement  par  l'ac- 
tion des  lèvres  mobiles  dont  la  bouche 
esl  garnie  {d). 

(3)  Cette  armature  dentaire,  dont  la 
découverte  est  due  à  M.  Ehrenberg,  se 
voit  cliez  les  Nassules,  les  Ghilodon,  les 
Prorodons  et  quelques  autres  Infu- 
soires  ciliés.  Elle  est  protraclile,  et  se 
compose  d'un  faisceau  de  stylets  d'une 


finesse  extrême  ,  disposés  parallèle- 
ment en  cercle,  nu  nombre  de  16  à 
30.  Souvent  elle  reste  dilatée  pendant 
que  les  corpuscules  alimentaires  en- 
traînés par  les  courants  la  traversent 
pour  descendre  vers  l'estomac  ;  mais 
dans  d'autres  moments,  quand  des  Ani- 
malcules d'un  certain  volume  s'y  en- 
gagent, on  voit  les  baguettes  qui  le 
constiluent  se  rapprocher  par  leur 
extrémité  antérieure,  et  presser  forte- 
ment sur  la  substance  alimentaire  in- 
cluse dans  cette  espèce  de  cylindre  ou 
de  nasse.  Il  est  aussi  à  remarquer  que 
cet  appareil  masticateur  se  développe 
avec  une  très  grande  rapidité  dans  les 
porlions  du  corps  qui  tendent  à  s'iso- 
ler pour  constituer,  par  fissiparité,  de 
nouveaux  individus.  C'est  de  la  sorte 
qu'on  en  voit  quelquefois  deux  chez  le 
même  Animalcule. 

Chez  quelques  espèces  les  baguettes 
dentaires  paraissent  être  composées 
de  chitine  ou  de  quelque  substance 
analogue  ;  car  M,  Dujardin  a  vu  que 


{a)  Ehrenberg',  Die  Infusionsthiere,  pi.  23,  fig'.  1,  etc. 
—  Lnchmann,  Op.  cit.,  pi.  1,  Cig.  8. 
(6)  Clap:ircde  et  Lachmann,  Éludes,  pi.  13,  fig.  1. 
(c)  Claparèile  et  Lachmann,  Éludes  sur  les  Infusoires,  p.  34. 

{d)  Haime,  Observations  sur  les  métamorphoses  et  sur  l'organisaliou  dit  Trichoda  lyncens  {Ann. 
des  sciences  nat.,  3°  série,  t.  XIX,  p.  118). 

V.  22 


338  APPAREIL    DIGESTIF 

Le  pharynx  OU  œsophage,  qui  fait  suite  à  la  bouche,  se  dirige 
en  général  obliquement  en  arrière  ;  quelquefois  il  est  muni  de 
côtes  longitudinales  qui  simulent  des  baguettes  dentaires,  mais 
qui  ne  sont  que  des  phs  (i).  Enfin,  chez  quelques  Infusoires, 
on  remarque  dans  l'intérieur  de  cette  portion  de  l'appareil 
digestif  un  organe  vibratile  particulier,  qui  se  compose  de  cils 
très  forts.  En  général,  elle  se  termine  dans  une  grande  cavité 
stomacale  dont  la  tunique  ne  se  distingue  pas  nettement  de  la 
substance  générale  du  corps,  et  dont  l'intérieur  paraît  être 
occupé  par  un  liquide  visqueux  ou  une  pâte  semi- fluide.  Quel- 
quefois ce  tube  œsophagien  se  prolonge  assez  loin  dans  cette 
cavité,  et  s'y  trouve  suspendu  librement,  à  peu  près  comme 
nous  l'avons  vu  chez  les  Coralliaires  :  ainsi,  chez  le  Chilodon 
cucullus,  il  atteint  presque  l'extrémité  postérieure  de  la  cavité 
digestive.  Enfin,  d'autres  fois,  au  lieu  de  se  terminer  brusque- 
ment, il  se  confond  avec  l'estomac,  qui  affecte  alors  la  forme 
d'un  tube,  et  correspond  assez  bien  à  l'idée  que  M.  Ehrenberg 
s'était  faite  de  la  disposition  de  l'intestin  chez  tous  les  Infusoires 
ciliés. 

Ainsi ,  chez  le  Trachelius  ovum ,  l'estomac  paraît  être 
tubulaire  et  suspendu  au  milieu  d'une  cavité  viscérale  par  un 
nombre  considérable   de  prolongements  ramifiés  ("2).   Cette 

chez  le  Chilodon  cucuUus  elles  ré-  (2)   En  18Zi7,   en  examinant  quel- 

sistent  à  l'action  de  la  potasse  ;  mais  ques  -  unes     des     préparations     que 

chez  les  Nassules  il  les  a  vues  se  dis-  M.  Ehrenberg  a  eu  l'obligeance  de  me 

soudre  dans  ce  réactif  (a).  communiquer,  j'ai  aperçu  assez  dis- 

(1)  Ces  plis  longitudinaux  du  pha-  linctement  cette  disposition  dont  ce 

rynx  se  voient  chez  le  Lacrymaria  savant  a  donné  une  figure  dans  son 

olor,  VEnchelydon  forcatus^  etc.  (6).  grand  ouvrage  (c).    M.  ilymer  Jones 

(a)  Diijardin,  Histoire  naturelle  des  Zoophytes  infusoires,  p.  49. 

(b)  Exemples  :  Nassula  elegans  (Ehrenberg,  pi.  37,  fig-.  1).  —  N.  cornuta  (Ehrenberg',  Op.  cit., 
pi.  37,  fig.  2).  —  N.  aurea  (Ehrenberg,  Op.  cit.,  pi.  37,  fig.  3).  —  N.  viridis  (Dujardin,  Op.  cit., 
pi.  11,  fig.  18  a).  —  Chilodon  cucullus,  C.  uncinatus,  C.  oriialus  (Ehrenberg,  Op.  cit.,  pi.  36, 
fig.  7,  8,  9).  —  Loxades  dentatus  (Dujardin,  Op.  cit.,  p.  153,  pi.  14,  fig.  10a).  —  Prorodon 
niveus  ,  P.  teres  (Ehrenberg,  Op.  cit.,  pi.  32,  fig.  10,  H).  —  Chlamidodon  Maemosyne  (Ehren- 
berg, Op.  cit.,  pi.  42,  fig.  8). 

(c)  Claparède  el  Lachmann,  Op.  cit.,  p.  32. 


CHEZ    LES    INFUSOIRES    CILIÉS.  o39 

disposition  rappelle,  ce  que  nous  avons  déjà  vu  chez  certains 
Zoophytes,  tels  que  les  Astéries,  et  se  retrouvera  chez  divers 
Mollusques  ainsi  que  chez  beaucoup  de  Vers.  Or,  il  est  pro- 
bable que  chez  la  Trachélie  les  aliments  peuvent  pénétrer  dans 
les  appendices  gastriques ,  car  cela  se  voit  chez  la  plupart  des 
Animaux  dont  je  viens  de  parler.  Par  conséquent,  dans  ce  cas, 
un  mode  d'organisation  fort  analogue  à  celui  que  M.  Ehrenberg 
attribuait  à  tous  ses  Polygastriques  se  trouve  réalisé  en  grande 
partie;  mais  cette  disposition  est  très  rare  dans  cette  classe 
d'Animaux,  et,  dans  la  grande  majorité  des  cas,  l'estomac 
paraît  être  une  grande  cavité  indivise. 

C'est  à  la  partie  inférieure  du  pharynx  ou  œsophage,  dilatée 
en  manière  de  cloche,  que  se  forment  les  bols  sphériques 
de  matières  alimentaires,  qui,  poussés  ensuite  dans  l'estomac, 
y  nagent  dans  un  liquide  plus  ou  moins  épais,  et  constituent, 
ainsi  que  nous  venons  de  le  voir,  les  corps  que  M.  Ehrenberg 
considère  comme  des  cellules  stomacales.  Le  volume  de  ces 
bols  est  déterminé  par  les  dimensions  de  l'espèce  de  moule  où 
ils  se  forment,  et  en  général  ne  varie  que  peu  chez  le  même 
individu  ou  chez  les  différents  individus  de  la  même  espèce. 
Ainsi  ils  sont  très  petits  chez  les  Paramécies,  divers  Trichodes 
et  plusieurs  Trachéhes,  tandis  qu'ils  sont  de  moyenne  gros- 
seur chez  le  Colpoda  cucuUus^  le  Glaucoma  scintillans,  etc., 
et  qu'ils  sont  très  grands  chez  les  Stentors,  le  Paramecium 
Aurélia  et  quelques  autres.  Leur  progression  est  en  général 

paraît  avoir  eu  le  même  avantage  (a);  recherches  de  M.  Gegenbauer  (6),  de 

et  plus  récemment  l'exactitude  des  ob-  M.  Lieberkiihn  et  de  MM.  Glaparède  et 

servations  de  M.  Ehrenberg,  au  sujet  Lacbmann.  M.  Lieberkiihn  a  constaté 

de  la  disposition  de  l'appareil  digestif  un  mode  d'organisation  semblable  chez 

de  cet  Infusoire,  a  été  confirmée  par  les  le  Loxades  rostrum  (c). 


(a)  Rymer  Jones,  article  Polygastrica  (Todd's  Cyclopcedia  of  Aiiat.  and  Physiol.,  t.  IV,  p.  H), 
(6)  Gegenbauer,  Bemerkuiigeii  îifeer  Trachelius  ovum  (MùUer's  Archiv  fur  Anal,  und  Phijsiol., 
1857,  p.  309). 

(s)  Glaparède  et  Lachmann,  Études  sur  les  Infusoires,  p.  33. 


340  APPAREIL    DIGKSTIF 

lente,  mais  quelquefois  se  fait  très  rapidement  :  chez  le  Para- 
mecium  bursaria,  par  exemple ,  ils  descendent  d'un  côté  du 
corps  et  remontent  de  l'autre  ;  mais  on  ne  connaît  pas  le  mé- 
canisme à  l'aide  duquel  leur  déplacement  est  effectué  (l). 
Enfin,  ils  se  réunissent  dans  la  région  anale,  et  sont  expulsés 
au  dehors  par  un  orifice  particulier. 

La  position  de  l'anus  varie  beaucoup  plus  que  celle  de  la 
bouche  (2j.  Chez  les  Vorticelliens,  ces  deux  orifices  sont  très 
rapprochés  l'un  de  l'autre  au  fond  de  la  fossette  vestibulaire  (3). 


(1)  11  me  paraît  probable  que  le 
mouvement  rotatoire  des  matières 
contenues  dans  l'estomac  des  Infu- 
soires  est  dû  à  l'action  de  cils  vibra- 
liles  très  fins,  dont  les  parois  de  cette 
cavité  seraient  garnies;  mais  jusqu'ici 
il  n'a  pas  été  donné  aux  observateurs 
de  les  apercevoir.  Qaant  aux  diverses 
explications  qui  ont  été  proposées  pour 
rendre  compte  du  transport  des  bols 
alimentaires,  je  n'en  vois  aucune  qui 
soit  acceptable  (a;. 

(2)  L'évacuation  des  fèces  par  les 
Infusoires  a  été  observée  vers  la  fin  du 
siècle  dernier  par  O.-F.  Miiller  (6),  et 
constatée  par  la  plupart  des  microgra- 
phes de  l'époque  actuelle  ;  mais  les 
zoologistes  ne  sont  pas  d'accord  sur 
la  manière  dont  ce  phénomène  a  lieu. 
M.  Dujardin  pense  que  ces  Animal- 
cules n^nt  pas  d'anus,  et  que  les  ma- 
tières fécales  s'échappent  de  leur  corps 
par  des  ouvertures  accidentelles  qui 
seraient  déterminées  par  la  présence 
de  ces  matières,  et  qui  se  referme- 


raient aussitôt,  sans  laisser  de  trace  de 
leur  existence  (c).  Une  opinion  ana- 
logue au  sujet  de  la  plupart  des  Infu- 
soires a  été  émise  par  ]\1.  Stcin  et 
par  M.  Perty  (d)  ;  M.  Ebrenberg,  au 
contraire,  regarde  cette  ouverture 
comme  étant  préexistante  et  perma- 
nente. Cette  manière  de  voir  est  adop- 
tée par  la  plui)art  des  observateurs 
qui  depuis  quelques  années  ont  fait 
une  étude  spéciale  de  l'organisation 
des  Infusoires  (e),  et  me  paraît  être 
la  seule  admissible. 

(3)  Chez  les  Vorticelliens  le  vestibule 
préstomien  est  très  profond,  et  a  été 
souvent  pris  pour  la  bouche  elle- 
même;  par  conséquent  on  a  pu  croire 
que  chez  ces  Animalcules  il  n'existe 
qu'un  seul  orifice  digestif,  mais  en 
réalité  les  fèces  sortent  par  une  ouver- 
ture qui  se  trouve  à  côté  de  celle  par 
où  les  aliments  passent.  Cela  a  été 
distinctement  vu  par  beaucoup  de  mi- 
crographes et  très  bien  représenté  par 
]\I.  Lachmann  et  par  M.  Carter  {/'). 


(a)  Voyez  Claparède  et  l.achmann,  Op.  cit.,  p.  37  el  siiiv. 
(6)  0.  F.  Millier,  Animalcula  infusoria,  ITSG,  p.  240. 

(c)  Dujardin,  Histoire  naturelle  des  Zoophytes  infusoires,  p.  54  et  suiv. 

(d)  Pcriy,  Zur  Kenntniss  der  kleinsten  Lebensformen,  p.  58. 

—  Slein,  Die  Infusionsthiere,  p.  17. 

(e)  Voyez  à  ce  sujet  Claparcde  et  Lachmann,  Op.  cit.,  p.  30  et  31. 

(/■)  Lachmann,  De  Infusoriorum  structura  (dissert,  inaiig.),  1855,  pi.  1,  iig.  1  et  'i. 

—  Carter,  Notes  on  the  Freshwater  Infusoria  of  Bombay  {Ann.  of  Nat.  Hist.,  2'  série,  1853, 
t.  XYIII,  pL  n,  fib'.  7i). 


DES    MOLLl'SCOÏDES    LRVOZOAlRES.  t>lii 

Chez  les  Stentoriens,  l'anus  est  encore  fort  rapproché  de  la 
bouche,  mais  se  trouve  au  dehors  de  la  spire  ciliée  qui  entoure 
cette  dernière  ouverture  (1).  Chez  d'autres  Bursariens,  tels  que 
les  Leucophrys,  il  est  situé  sous  le  bord  postérieur  du  corps  ; 
enfin  il  est  placé  sur  la  face  ventrale  du  corps  chez  les  Oxy- 
trichions. 

§  3.  —  Le  grand  embranchement  des  Malacozoaires  se  com- 
pose, comme  on  le  sait,  de  deux  groupes  principaux  :  les 
Mollusques  et  les  Molluscoïdes.  Parmi  ces  derniers,  les  Ani- 
maux polypiformes  qui  constituent  la  classe  ces  Bryozoaires  (2) 
occupent  le  rang  le  plus  inférieur,  et  quelques-uns  de  ces  petits 
êtres  ont  beaucoup  de  ressemblance  avec  les  Vorticelliens, 
non-seulement  par  leur  forme  générale,  mais  aussi  par  la  dis- 
position de  leur  appareil  digestif.  Enfin,  chez  les  Bryozoaires, 
de  même  que  chez  les  Vorticelliens,  le  corps  est  en  forme 
d'urne ,  de  cornet  ou  d'ampoule  ;  la  bouche  en  occupe  la 
partie  antérieure,  et  les  particules  alimentaires  en  suspension 
dans  l'eau  d'alentour  sont  dirigées  vers  cette  ouverture  par 
l'action  flagellante  de  cils  vibraliles  qui  sont  en  même  temps 
des  organes  de  respiration.  Mais  ici  ces  cils,  au  lieu  d'être 
insérés  directement  sur  une  sorte  de  plateau  ou  de  lobe 
épistomien,  sont  portés  par  un  certain  nombre  d'appendices 
tentaculaires  grêles  et  allongés,  qui  sont  disposés  en  manière 
de  couronne  autour  de  la  bouche,  et  qui,  en  s'écartant  vers 


Appareil 

digestif 

des 

Bryozoaires, 


(1)  M.  Lachmaniî  pense  que  chez 
ces  Infusoires  l'anus  est  séparé  de  la 
grande  cavité  slomacale  par  un  com- 
partiment particulier  où  les  fèces 
s'amassent,  et  que  l'on  devrait  con- 
sidérer comme  une  sorte  de  gros  in- 
testin OH  rectum.  L'orifice  anal  est 
situé  du  côté  dorsal  du  corps,  immé- 


diatement au-dessous  de  la  frange 
ciliée  spirale  qui  aboutit  à  la  bouche 
du  côté  ventral  (a). 

(2)  J'ai  déjà  eu  l'occasion  d'expli- 
quer pourquoi  je  conserve  ce  nom,  de 
préférence  à  celui  de  Polyzoaires  que 
beaucoup  d'auteurs  ont  adopté  {b]. 


(a)  Claparède  et  Laclimann,  Eludes  sur  les  Infusoires,  p.  223. 

(b)  Voyez  lome  III,  pag-e  77. 


342  APPAREIL    DIGESTIF 

le  bout ,  constituent  une  sorte  d'entonnoir  vestibulaire.  Ces 
appendices  sont  rétractites,  et  une  bordure  membraneuse  ana- 
logue au  péristome  des  Vorticelliens  entoure  leur  base;  sou- 
vent même  une  portion  de  cette  bordure  se  développe  beau- 
coup, et  constitue  un  opercule  comparable  à  un  volet  qui  se 
rabat  sur  la  partie  voisine  de  la  gaine  tégumentaire  de  l'Ani- 
mal, quand  celle-ci  se  contracte  (1).  Chez  les  Bryozoaires  ma- 


(1)  Cette  disposition  se  voit  cliez 
tous  les  Bryozoaires  de  la  famille  des 
Eschariens,  comprenant  les  Eschares, 
les  Flustres,  les  Salicornaires,  etc. 
L'opercule  de  ces  animaux  est  un  lobe 
péristomien  en  forme  de  disque  cir- 
culaire plus  ou  moins  tronqué,  qui 
tient  au  côté  ventral  du  bord  antérieur 
de  la  loge  tégumentaire  ou  polypier,  et 
qui  est  susceptible  de  se  relever  ou  de 
se  rabattre  sur  l'ouverture  circon- 
scrite par  ce  même  bord.  Une  paire 
de  muscles  abaisseurs  qui  s'insèrent  à 
sa  face  inférieure,  et  qui  vont  prendre 
leur  point  d'appui  sur  les  parois  de  la 
grande  cavité  viscérale,  détermine  la 
clôture  de  cet  appareil  (a).  C'est  en  rai- 
son de  cette  disposition  que  M.  Busk  a 
donné  à  cette  famille  le  nom  deCheilo- 
stomata  (6).  D'après  Cavolini,  la  dis- 
position de  l'opercule  serait  différente 
chez  le  Myriapora  truncata  (c) ,  et 
cette  considération  m'avait  porté  à  sé- 
parer ces  Bryozoaires  des  Eschariens 


pour  en  former  une  famille  dis- 
tincte {cl)  ;  mais  j'ai  reconnu  depuis 
qu'il  n'existe  à  cet  égard  aucune  dif- 
férence notable  entre  ces  animaux  (e). 
En  général,  l'opercule  est  calcaire , 
mais  chez  quelques  espèces  il  est  sim- 
plement membraneux  et  ressemble  à 
une  lèvre  semi-circulaire  :  par  exem- 
ple, chez  le  Tendra  zostericola  (/"). 

Chez  les  Bryozoaires  de  la  famille 
des  Tubuliporiens,  le  péristome  est  cir- 
culaire et  simple,  c'est-à-dire  ne  porte 
pas  d'opercule ,  et  l'espace  membra- 
neux compris  entre  ce  rebord  et  la 
base  des  tentacules  est  très  développé, 
de  façon  que  la  couronne  labiale  s'a- 
vance beaucoup  hors  de  la  cellule  té- 
gumeniaire  (g).  Dans  la  famille  des 
Vésiculariens,  le  péristome  est  égale- 
ment membraneux,  etprend  une  forme 
bilabiée  dans  l'état  de  contraction, 
mais  devient  circulaire  dans  l'état 
d'expansion  et  est  souvent  armé  de 
soies  rigides  {h). 


(a)  Milne  Edwards,  Recherches  sur  les  Eschares,  pi.  1,  fig.  le  et  li  (Recherches  anatomiques, 
physiologiques  et  écologiques  sur  les  Polypes,  et  Atm,  des  sciences  nat.,  2*  série,  1836,  t.  VI, 
pi.  1). 

(6)  Busk,  Voyage  of  the  Ratllesnake,  t.  I,  appendix,  p.  346. 

(c)  Cavolini,  Mfmorie  per  servire  alla  storia  de'  Polipi  marini,  pi.  9,  fig.  7. 

(d)  Milne  Edwards,  Classification  des  Polypes  {l'Institut,  1837,  t.  V,  p.  178). 

(e)  Milne  Edwards,  Zoophytes  de  V Atlas  du  Règne  animal  de  Cuvier,  pi.  89,  fig'.  2  6. 
(/■)  Nordmann,  Faiina  pontica,  Polypi,  pi.  "2,  fig.  3  [Voyage  en  Crimée,  par  Demidoff). 

(g)  Milne  Edwards,  Mém.  sur  les  Tubulipores  {Ann.  des  sciences  nat.,  %°  série,  1837,  t.  VIII, 
pi.  12,  fig.  Ib)  —  Mém.  sur  les  Crisies,  etc.  {Ann.  des  sciences  nat.,  2°  série,  1  838,  t.  IX,  pi.  6, 
fig.  le). 

[h]  Farre,  Observ.  on  the  Minute  Structure  of  some  of  the  Higher  Forms  of  Polypi,  pi.  21 , 
Hg.  12,  l-i,  elc.  (Philos.  Trans.,  1837). 


DES    MOLLUSCOÏDES    BRYOZOAIRES.  S43 

rins,  ou  Stelmatopodes ,  la  partie  de  la  région  circiimbuccale 
qui  porte  les  tentacules,  et  qui  a  été  désignée  sous  le  nom  de 
lophophore  (i),  est  indivise,  et  tous  ces  appendices  en  naissent 
au  même  niveau,  de  façon  à  former  une  couronne  ou  cloche 
régulière.  Chez  les  Bryozoaires  d'eau  douce,  ou  Lophopodiens^ 
elle  est  au  contraire  presque  toujours  divisée  en  deux  lobes,  sur 
les  bords  desquels  les  tentacules  s'insèrent  de  manière  à  repré- 
senter par  leur  assemblage  un  double  panache  (2). 


(1)  M.  Allraan,  à  qui  on  doit  une 
très  bonne  monographie  des  Bryo- 
zoaires d'eau  douce,  a  désigné  de  la 
sorte  le  support  tentacnlaire  (o),  et  ce 
nom  serait  très  bien  choisi,  s'il  n'ap- 
partenait déjà  à  un  genre  d'Oiseaux 
de  la  famille  des  Gallinacés. 

(2)  C'est  en  raison  de  cette  disposi- 
tion que  Tremblay  et  les  autres  natu- 
ralistes du  siècle  dernier  appelaient 
ces  animaux  des  Polypes  à  pana- 
ches (6).  En  général,  le  lophophore 
des  Bryozoaires  d'eau  douce  est  très 
développé  et  s'avance  en  forme  de  fer 
à  cheval  au  devant  de  la  bouche  [c]. 

Les  Animaux  polypiformes  qui  of- 
frent ce  caractère  composent  la  divi- 
sion des  Polypiaires  douteux  de  Blain- 
\"ille(fZ;,  les  Hypocrépieus  de  M.  Ger- 
vais  (e)  ,  et  des  Lophopodiens  de 
M.  Van  der  IJœven  (/").  Le  lophophore 
n'est  jamais  bilofaé  chez  les  Bryozoaires 
marins,  et  ce  caractère  manque  aussi 


dans  le  genre  Paludicella,  parmi  les 
espèces  d'eau  douce  (g);  il  est  aussi 
à  peine  marqué  dans  le  genre  Fre- 
dericella,  de  sorte  que  les  tentacules 
forment  une  couronne  circulaire  assez 
régulière  {h).  Chez  les  Pédicellines,  il 
en  est  de  même  ;  mais  le  lophophore, 
sans  être  bilobé,  offre  d'un  côté  une 
écliancrurc  étroite  et  profonde  au  fond 
de  laquelle  se  trouve  l'anus  (^).  Chez 
tous  les  autres  Bryozoaires ,  le  lopho- 
phore est  régulièrement  annulaire,  et 
tous  les  tentacules  se  terminent  à  la 
même  distance  de  la  bouche,  de  façon 
à  circonscrire  un  cercle.  Cette  disposi- 
tion caractérise  l'ordre  des  Infundi- 
bulés  de  >L  Gervais  ou  des  Stelmato- 
podes de  M.  Van  der  Hœven  ( j  . 

Il  est  aussi  à  noter  qu'en  général  le 
bord  externe  du  lophophore  se  pro- 
longe plus  ou  moins  en  forme  de  gaîne 
autour  de  la  base  de  l'appareil  tenta- 
culaire. 


(a)  AUman,  A  Monograph  of  the  Freshwater  Poly%oa,  p.  8. 

(6)  Tremblay,  Mémoires  pour  servir  à  l'histoire  d'un  genre  de  Polypes  d'eau  douce,  t.  II,  p.  126 
et  suiv. 

(c)  Voyez  l'Atlas  du,  Règne  animal  de  Cuvier,  Zoophytes,  pi.  04,  fig-.  3,  ou  toute  autre  figure 
de  Cristatelle,  d'Alcyonelle,  etc. 

{d)  Blainville,  Manuel  d'actinologie,  -1834,  p.  489. 

(e)  Gervais,  Recherches  sur  les  Polypes  d'eau  douce  {Ann.  des  sciences  nat,,  2°  série,  1837, 
t.  VII,  p.  77). 

if)  Van  der  Hœven,  Handboek  der  Dierkunde,  1849,  t.  I,  p.  H  5. 

{g)  Voyez  Allman,  Op.  cit.,  pi.  10,  fig.  4  et  5. 

(h)  Idem,  ibid.,  pi.  9,  fig.  2  et  7. 

(i)  Idem,  ibid.,  p.  20.  fig.  3  et  4. 

(j)  Van  der  Hœven,  Handboek  der  Dierkunde,  t.  I,  p.  115. 


?<hfX  AfPAUElL    DIGESTIF 

La  bouche,  toujours  inerme,  et  située  au  fond  de  l'espèce 
d'entonnoir  tentaculaire  (1),  est  tantôt  nue,  tantôt  précédée  d'un 
prolongement  labial  très  mobile,  en  forme  de  corne,  que  l'on  a 
appelé  Vépistome  ("2).  Ces  caractères  ont  été  employés  par  les 
zoologistes  pour  diviser  la  classe  des  Bryozoaires  en  deux 
ordres  naturels,  les  Phylactolsemates  et  les  Gymnotemates  (3). 
Mais  on  ignore  les  usages  de  cet  organe. 

La  cavité  digestive  des  Bryozoaires  a  toujours  la  forme  d'un 
canal  ouvert  aux  deux  bouts,  plus  ou  moins  élargi  dans  sa 
partie  moyenne  et  recourbé  en  manière  d'anse,  de  façon  que 
l'anus  se  trouve  fort  rapproché  de  la  bouche.  La  première  por- 
tion constitue  le  pharynx  ou  œsophage,  la  deuxième  l'estomac, 
et  la  troisième  se  rétrécit  de  nouveau  pour  donner  naissance 
à  un  tube  évacuateur,  ou  intestin  (/i). 

Chez  les  Bryozoaires  marins  du  genre  Pédicellaire,  qui  vivent 


(1)  La  boiiclio  est  généralement  cir- 
culaire, mais  quelquefois  un  peu  cour- 
bée en  forme  de  croissant,  comme 
cela  se  voit  chez  la  plupart  des  es- 
pèces de  Lophopodiens, 

(2)  Cet  organe  ressemble  un  peu  à 
l'épiglotle  par  la  manière  dont  il  est 
placé  obliquement  au-devant  de  l'ori- 
fice buccal.  Il  est  creux,  et  sa  cavité 
communique  avec  l'exlérieur  par  un 
orifice  pratiqué  dans  le  lophopliore. 
A  l'extérieur  il  est  garni  de  cils  vibra- 
tiles,  et  il  exécute  sans  cesse  des  mou- 
vements d'élévation  et  d'abaissement 
dus  à  l'aclioii  de  faisceaux  musculaires 
qui  sont  visibles  dans  ses  parois  {a). 

(3)  Cette  classification  est  due  à 
M.  Allman.  Dans  l'ordre  des  Phylacto- 


lœmata  (de  cp'jXâaaw,  garder,  et  Xalaa, 
gosier),  il  y  a  un  épislome  et  le  lopho- 
phore  est  bilatéral.  On  y  range  la 
plupart  des  Bryozoaires  d'eau  douce 
ou  Lophopodiens,  ainsi  que  le  genre 
Pédicelline. 

Dans  Tordre  des  Gymnolœmata  (de 
-j'uy.vc);,  nu,  et  Xalu,a,  gosier) ,  il  n'y  a 
pas  d'épistome ,  et  le  lopliopbore  est 
orbiculaire.  Celte  division  comprend 
la  presque  totalité  des  Bryozoaires 
marins  ou  Stelmatopodes  de  M.  Van 
der  Hœven,  et  les  Paludicelles  (6). 

(Zi)  La  disposition  générale  de  l'ap- 
pareil digestif  des  Lophopodiens  a  été 
reconnue  en  grande  partie  par  Trem- 
blay (cj ,  et  l'expulsion  des  matières 
fécales  par  un  orifice  anal  distinct  fut 


(a)  Allman,  ,1  Monograph  of  Ihe  Fveshivaler  Polyzoa,  p.  10,  \A.  2,  fig.  2i. 

(b)  I.luni.  ibid.,  p.  10. 

(c)  Ti'cuiblay,  iVémoires pour  servir  ù  Vhislo'tvc  d'nn  genre  de  Polypes  d'eau  douce,  I.  II,  pi.  4  0, 
H.  8. 


DES  M0LLUSC01DE3  BP.VoZOAlRES. 


m 


fixés  à  l'aide  d'un  pédoncule,  comme  les  Vorticelles,  et  qui,  par 
leur  forme  générale,  ressemblent  beaucoup  à  ces  ïnfusoires,  la 
disposition  des  cavités  alimentaires  ne  paraît  différer  aussi  que 
très  peu  de  ce  que  nous  avons  rencontré  chez  ceux-ci.  Seule- 
ment un  espace  libre  qui  se  trouve  entre  les  parois  de  l'estomac 


observée  aussi  vers  le  milieu  du 
siècle  dernier,  par  Baker,  par  Rœsel 
et  par  O.-F.  Millier  (a)  ;  mais  jus- 
qu'en 1828  les  zoologistes  n'avaient 
pas  découvert  la  parenté  qui  existe 
entre  ces  Animaux  et  les  Escliares, 
les  Fluslres  et  beaucoup  d'autres  Po- 
lypes marins.  Spallanzani,  il  est  vrai, 
avait  aperçu  le  tube  alinienlaire  des 
Escharres  recourbé  en  forme  d'anse, 
mais  il  l'avait  pris  pour  le  corps  tout 
entier  de  l'Animalcule  (6).  En  1827, 
M.  Grant  a  mieux  observé  la  dispo- 
sition de  cet  appareil  chez  les  Ehis- 
tres;  cependant  il  ne  leur  découvrit 
aucun  orifice  anal  (c) ,  et  l'on  en 
était  resté  à  de  simples  conjectures,  au 
sujet  de   Texistence    de   cet  -émonc- 


toire  {d);  mais,  en  1828,  de  nouvelles 
recherches  faites  sur  ces  Animaux, 
aux  îles  Chausey,  par  Audouin  et  par 
moi,  avancèrent  davantage  nos  con- 
naissances relatives  au  mode  d'orga- 
nisation de  ces  prétendus  l^olypes,  et 
firent  voir  qu'ils  ont  un  anus  parfai- 
tement distinct  de  la  bouche  et  un 
tube  digestif  disposé  à  peu  près  comme 
celui  des  Ascidies  (e).  Plus  récem- 
ment de  nouvelles  observations  ont  été 
faites  sur  l'anatomie  de  ces  Bryo- 
zoaires par  M.  Lister  (/"),  par  moi- 
même  (t/),par  M.  Farre  [h],  M.  Nord- 
mann  («'),  M.  Van  Beneden  (j),  et  plu- 
sieurs autres  naturalistes. 

L'appareil    digestif  des    Lophopo- 
diens  a  été  étudié  aussi  avec  plus  de 


(a)  Balier,  Employment  for  ihe  Microscope,  1753,  p.  310. 

—  Rœsel,  Insecten-Itelustigungeti,  t.  III,  pi.  75,  fig.  23. 

—  0.  F.  Mùller,  Anim.  infus.,  pi.  24. 

(6)  Spallanzani,  Viaggi  aile  due  Sicilie,  t.  IV,  p.  260. 

(c)  Grant,  Observ.  on  Vie  Nature  and,  Structure  of  Flustra  {Edinb.  neiv  Philos.  Journ.,  1827, 
t.  III.  p.  107). 

{d)  Blainvillc,  art.  Flustrk  {Dictionnaire  des  sciences  naturelles,  1820,  t.  XVII,  p.  173). 

(e)  Audouin  et  Milne  Edwards,  Résumé  des  recherches  faites  aux  îles  Chausey  {Ann.  des  sciences 
nat.,  1828,  t.  XV,  p.  12). 

(/■)  Lister,  Observ.  on  the  Structure  and  Functions  of  Tubular  and  Cellular  Pohjpi,  etc.  {Philos. 
Trans.,  1834,  p.  384,  pi.  12,  fig.  2,  3). 

((/)  Milne  Edwards.  Recherches  anatnmiques,  physiologiques  et  zoologiqites  sur  les  Eschares 
{Ann.  des  sciences  nat.,  2"  série,  t.  VI,  pi.  1,  fig-.  lo).  —  Méni.  sur  les  Polypes  du  genre  des 
Tubuliijores  {Ann.  des  sciences  nat.,  2"  série,  1837,  t.  VIII,  p.  321,  pi.  12,  fig.  Iti).  —  Mém. 
sur  les  Crisies,  les  Hornères,  etc.  {.\nn.  des  sciences  nat.,  2'  série,  1838,  I.  IX,  p.  193,  pi.  C, 
fig.  le). 

{h)  Farre,  Observations  on  the  Minute  Structure  of  some  of  the  higher  Forms  of  Polypi  {Philos. 
Trans.,  1837,  p.  387,  pi.  20,  fig.  3,  etc.). 

(i)  Nordmanii,  Recherches  .>■•!()•  le  Tendra  zoslericola.  —  Cellularia  ovicularia.  —  Recherches  sur 
le  Pluniatella  {Voyage  dans  la  Russie  méridionale  etla  Crimée,  par  DemidolT,  t.  III,  p.  G51  et  suiv., 
Polypes,  pi.  1-3). 

(  j)  Van  Beneden,  Recherches  sur  l'organisation  des  Laguncnla  {Mém.  de  l'Acad.  de  Bruxelles, 
1845,  t.  XVIII'.  —  Reclierches  sur  l'anatomie,  la  physiologie  et  le  d'veloppement  des  Bryozoaires 
qui  habitent  la  cale  d'Ostende  {toc.  cil.). 


346  APPAREIL    DIGESTIF 

et  l'enveloppe  générale  du  corps,  c'est-à-dire  une  chambre  viscé- 
rale, se  développe  beaucoup  et  devient  facile  à  distinguer.  Un 
œsophage  fort  simple,  mais  très  dilatable  et  cilié  à  l'intérieur, 
descend  obliquement  de  la  bouche  vers  l'estomac,  qui  est  1res 
grand  et  occupe  presque  tout  le  corps.  Des  cils  vibratiles  dispo- 
sés dans  l'intérieur  de  cette  cavité  y  font  tournoyer  les  matières 
alimentaires,  et  les  poussent  de  l'œsophage  vers  l'orifice  opposé, 
ou  pylore,  qui  est  garni  d'un  sphincter,  et  se  dilate  de  temps  en 
temps  pour  laisser  passer  ces  substances  rassemblées  en  sphérules 
ou  bols,  dont  l'aspect  rappelle  ce  que  nous  avons  vu  chez  les  Infu- 
soires;  ces  petites  masses  pilulaires  pénètrent  ensuite  dans  l'in- 
testin et  y  séjournent  quelque  temps,  puis  sont  brusquement 
rejetées  au  dehors  par  l'anus.  La  portion  du  conduit  digestif 
située  entre  l'estomac  et  cet  orifice,  et  faisant  ainsi  fonction  de 
réservoir  fécal,  est  très  courte  et  couchée  obliquement  sur  l'es- 
tomac. Enfin  l'anus  est  placé  tout  à  côté  de  la  bouche,  et  semble 
au  premier  abord  être  logé  avec  celle-ci  dans  la  fossette  vesti- 
bulaire  qui  est  circonscrite  par  les  tentacules,  et  occuper  par 
conséquent  l'intérieur  du  lophophore;  mais  il  est  en  réalité 
logé  dans  une  échancrure  étroite  pratiquée  dans  celle-ci,  et 
par  conséquent  ne  se  trouve  pas  complètement  entouré  par  le 
cercle  tentaculaire  (1). 


soin  par   MM.  Raspail  (a),   Dumor-  eu  l'occasion  de  constater  ce  mode 

tier  (6)  ,    Van    Beneden    (c)  ,    Han-  d'organisation  cliez    une    Pédicelline 

cock  (d)  et  Allraan  (/j).  des  îles  Cliausey  qui  me  paraît  dis- 

(1)  En  1828,  Audouin  et  moi  avons  lincte  de  celles  décrites  par  les  autres 


(a)  Raspail,  Histoire  naturelle  de  l'Alcyonelle  fluviatile  (Mémoire  de  la  Société  d'histoire  natu- 
relle de  Paris,  1828,  t.  IV,  p.  75). 

(6)  Dumortier,  Mém.  sur  l'anatomie  et  la  physiologie  des  Polypes  d'eau  douce  {Bulletin  de 
l'Acad.  de  Bruxelles,  1885). 

—  Dumortier  et  Van  Beneden,  Histoire  naturelle  des  Polypes  composés  d'eau  douce  {Mém.  de 
l'Acad.  de  Bruxelles,  t.  XV). 

—  Van  Beneden,  Recherches  sîcr  les  Bryozoaires  fluviatiles  de  la  Belgique  {Mém.  de  l'Acad. 
de  Bruxelles,  1848,  t.  XXV). 

(c)  Hancock,  On  the  Anatomy  of  Freshwater  Byyo%oa  {Ann.  of  Nat.  Hist.,  i'  série, 1850,  t.  V, 
p.  175,  pi.  2-5). 

{d}  Allman,  A  Monograph  oft.he  Freshwater  Polyaoa  {Roy.  Society,  185G). 


DES    MOLLUSCOÏDES    BRYOZOAIRES.  S/l? 

Chez  les  autres  Bryozoaires,  l'anus  s'éloigne  davantage  de  la 
bouche,  et  se  trouve  sur  le  côté,  à  quelque  distance  au-dessous 
de  la  base  de  la  couronne  tenfaculaire. 

Le  pharynx  ou  œsophage  acquiert  des  parois  plus  épaisses,  et 
s'entoure  de  muscles  rétracteurs  très  puissants  ;  il  se  trouve 
plus  nettement  séparé  de  l'estomac  par  un  sphincter,  et  chez 
quelques-uns  de  ces  Animaux  il  présente  à  sa  partie  inférieure 
un  renflement  charnu  qui  constitue  une  sorte  de  gésier  ou 
organe  de  trituration  (j). 

r^'estomac  est  très  grand  et  se  prolonge  inférieurement  en 


naturalistes,  mais  qui  ne  fut  désignée 
par  nous  que  sous  le  nom  vague  de 
Vorticelle  (a).  J'ai  proposé  plus  tard 
d'en  former  un  genre  particulier  ap- 
pelé Lusia  (b]  ;  mais,  h  mon  insu, 
M.  Sars,de  Bergen,  m'avait  devancé  et 
avait  donné  à  un  groupe  semblable  le 
nom  de  PedicelUna  (c).  J\1.  Lister  et 
M.  Van  Reneden  en  ont  fait  connaître 
la  structure  avec  plus  de  détails,  et  les 
observations  de  ces  auteurs  s'accor- 
dent très  bien  avec  les  miennes  (d).  J'ai 
souvent  vu  les  boulettes  de  matières 
excrémentitielles  sortir  par  l'anus , 
et  j'ai  pu  m'assurer  ainsi  de  la  position 
de  cet  orifice  que  le  savant  observa- 
teur de  Louvain  n'est  point  parvenu 
à  apercevoir.  Jusqu'en  ces  derniers 
temps,  tous  les  observateurs  s'accor- 
dent à  considérer  la  couronne  tenta- 
culaire  comme  entourant  complète- 


ment l'anus  aussi  bien  que  la  bouche 
de  ces  Bryozoaires;  mais  les  recher- 
ches récentes  de  M.  Allman  nous 
apprennent  que  le  premier  de  ces 
orifices  est  en  réalité  situé  au  fond 
d'une  échancnire  très  profonde  du 
lophophore ,  ou  membrane  circum- 
iabiale  qui  porte  les  tentacules  (e). 

(l)  On  doit  la  découverte  de  ce 
mode  d'organisation  à  M.  Farre.  Le 
gésier,  que  ce  naturaliste  a  trouvé  chez 
les  Vésiculariens  du  genre  Boiverban- 
kia.  est  un  organe  globuleux,  garni 
intérieurement  de  deux  tampons  ova- 
laires  qui  sont  opposés  l'un  à  l'autre 
et  d'une  structure  radiaire.  Dans  l'es- 
pace intermédiaire  on  aperçoit  une 
multitude  de  pointes  squamiformes 
arrangées  avec  beaucoup  de  régula- 
rité, et  paraissant  remplir  les  fonctions 
d'un  appareil  dentaire,  ou  plutôt  d'une 


(a)  Audouin  et  Milne  E.iwards,  Op.  cit.  (Ann.  des  sciences  nat.,  i"  série,  1828,  t.  XV,  p.  44). 

(b)  Voyez  Lamarck,  Histoire  des  Animaux  sans  vertèbres,  2"  édit.,  t.  II,  p.  72,  note. 

(c)  Sars,  Beskrivelser  og  Jagttagelser,  p.  i,  pi.  1,  fitr.  4. 

{i)  Lister,  Observ.  on  the  Structure  and  Functions  of  Tubular  and  Cellular  Polypi,  etc.  {Philos. 
Traiis.,  4834,  p.  385,  pi.  12,  flg.  6). 

—  Van  Beneden,  Recherches  sur  l'anatomie.  la  physiologie  et  le  développement  des  Bryozoaires 
(Hist.  nat.  du  genre  Pedicellina,  p.  73,  pi.  9,  fig-.  1-4,  extr.  des  Mém.  de  l'Acad.  de  Bruxelles 
4845,  t.  XIX).  ' 

(e)  Allman,  A  Monngraph  of  Freshivater  Polyx-oa,  p.  20,  fig.  4, 


348  appaueil  digestif 

un  vaste  cul-de-sac  ;  enfin  ses  parois,  généralement  teintes  en 
jaune,  renferment  une  multitude  de  petites  cellules  qui  parais- 
sent être  des  organes  sécréteurs,  et  qui  sont  probablement  les 
représentants  d'un  appareil  hépatique.  Parfois  on  aperçoit  aussi 
des  points  glanduliformes  dans  les  parois  de  l'œsophage  (1), 


sorte  de  râpe  (a).  On  trouve  le  même 
mode  d'organisation  cliez  le  Vesicu- 
laria  spinosa  [b). 

M.  deSieboid  avait  crudislinguer  un 
gésiei"  chez  les  Alcyonelles  (c)  ;  mais 
M.  Allman  s'est  assuré  de  la  non-exis- 
tence de  cet  organe  chez  ces  Mollus- 
coïdes,  ainsi  que  chez  tous  les  autres 
Lophopodiens  {d}. 

Le  gésier  manque  aussi  complète- 
ment dans  les  genres  Valkeria  et 
Lagenella,  ou  Laguncula,  parmi  les 
Vésiculariens  (e),  et  chez  tous  les  Es- 
chariens  ou  Bryozoaires  operculés, 
excepté  chez  VHistopia  lacustris,  qui 
du  reste  ressemble  beaucoup  aux 
Flustres  (f).  Jusqu'ici  on  n'a  trouvé 
aucun  exemple  de  ce  mode  d'orga- 
nisation chez  les  Tubuliporiens  ((/). 

(1)  La  première  portion  de  l'esto- 
mac est  en  général  allongée,  et  suit  les 
mouvements  de  l'œsophage,  de  façon 
à  se  porter  en  avant  quand  l'animal 
déploie  ses  tentacules,  et  à  se  renver- 
ser en  arrière  lors  de  la  rétraction  de 


ces  appendices.  C'est  cette  portion  de 
l'estomac  que  MM.  Dumortier  et  Van 
Beneden  ont  décrite  sous  le  nomd'œ- 
sophage  chez  les  Alcyonelles,  etc.,  et 
la  valvule  dont  ces  auteurs  parlent 
comme  existant  entre  le  pharynx  et 
l'œsophage  est  ce  qu'on  regarde  gé- 
néralement comme  le  cardia  {h).  La 
seconde  portion  de  l'estomac  descend 
en  forme  de  cul-de-sac  plus  ou  moins 
étroit,  vers  le  fond  de  la  cavité  géné- 
rale; et  la  troisième,  qui  remonte  pa- 
rallèlement à  la  première  dans  l'état 
d'extension,  se  termine  au  pylore.  Les 
parois  de  celte  giande  poche  sont 
épaisses  et  contractiles.  En  général, 
elles  sont  teintes  en  jaune  ,  et 
M.  Allman  y  a  reconnu  trois  couches, 
dont  la  plus  interne  se  compose  de 
cellules  sécrétoires.  La  coloration  des 
matières  alimentaires  qui  se  remarque 
dans  l'estomac  paraît  être  due  à  leur 
mélange  avec  le  liquide  versé  par  ces 
organiles  («j. 


(o)  Fai-re,  Op.  cit.  {Philos.  Trans.,  1838,  p.  392,  p!.  20,  (î-.  3,  4,  5  et  G). 
(())  Idem,  ibid.,  p.  401,  pi.  22,  ûg.  3. 

—  Van  Beneden,  Op.  cit.  {Mém.  del'Acad.  de  Bruxelles,  t.  XVIII,  pi.  4,  fig-.  6). 
(c)  Siebold  et  Stannius,  Nouveau  Manuel  d'anatomie  comparée,  t.  I,  p.  40. 

\d)  AUmaii,  A  Monograph.  of  Freshwater  Polyzoa,  p.  4  6. 

(e)  Fnrre,  loc.  cit.,  p.  402  et  403,  pi.  23,  fig-.  5,  et  pi.  24,  fig.  8. 

—  Van  Ueneden,  Op.  cit.,  pi.  1,  fig.  I. 

(/■)  Carter,  Description  of  a  Lacustrine  Bryozoon  allied  to  Fiustra  (Ann.  of  Nat.  Hist.,  3'  série, 
1858,  t.  I,  p.  170,  pi.  7,  fin-.  2). 

(g)  Miliio  Edwards,  Op.  cit.  (Ann.  des  sciences  nat.,  2'  série,  t.  Vlll,  pi.  ■12,  i\g.  id;  et  I.  IX, 
pi.  G,  ils;.  le,  elc). 

(h)  Van  Beneden  et  Duniorlier,  Histoire  naturelle  des  Polypes  composés  d'eau  douce,  p.  74 
(exlr.  des  Mém.  de  l' Acad.  de  Bruxelles,  t.  XVI). 

[i]  Allman,  Op.  cit.,  p.  47,  pi.  2,  fig'.  G  et  7. 


DES    MOLLUSCOÏDES    TUNICIERS.  349 

Mais  jusqu'ici  on  n'a  trouvé  aucune  glande  annexée  à  l'appa- 
reil digestif  de  ces  Molluscoïdes.  L'intestin  remonte  parallèle- 
ment à  l'œsophage,  et  ne  présenle  rien  d'important  à  noter. 

§  II.  —  La  CLASSE  DES  TuNiciERs  uous  oftYc  chcz  les  Ascidiens 
un  appareil  digestif  peu  différent  de  celui  que  nous  venons 
d'étudier  chez  les  Bryozoaires ,  et  les  particularités  qui  s'y 
remarquent  dépendent  pour  la  plupart  de  la  rentrée  de  l'appa- 
reil ciliaire  dans  l'intérieur  du  corps.  En  faisant  l'histoire  des 
organes  de  la  respiration,  j'ai  déjà  eu  l'occasion  de  dire  que 
chez  ces  Molluscoïdes  toute  la  partie  antérieure  du  corps  est 
occupée  par  une  grande  cavité  dont  les  parois  sont  garnies 
de  franges  vibraliles  et  de  fentes  pour  le  passage  de  l'eau,  et 
que  ces  parties  correspondent  au  système  tentaculaire  des 
Bryozoaires,  qui,  au  lieu  de  se  déployer  au  dehors,  resterait 
renfermé  dans  une  gaine  cutanée  (1).  Cette  chambre  bran- 
chiale constitue  par  conséquent  le  vestibule  de  l'appareil 
digestif,  et  l'orifice  par  lequel  les  aliments,  aussi  bien  que  le 
fluide  respirable,  y  pénètrent,  devient  la  bouche  (2). 

L'entrée  de  l'œsophage  fait  face  à  cet  orifice,  et  se  trouve  par 
conséquent  au  fond  de  la  cavité  respiratoire,  dans  le  point  où 


Appareil 

digestif 

des 

Tuniciers, 


Ascidies. 


(1)  Voyez  tome  IF,  page  17. 

(2)  Il  en  résulte  que  la  bouche  de 
TAscidie  n'est  pas  l'analogue  de  la 
bouche  du  Bryozoaire,  mais  corres- 
pond au  bord  péristomien  ou  entrée 
de  la  cellule  polypiéroïde  de  celui-ci. 

Cet  orifice  est  circulaire,  et  la  partie 
cu'con voisine  du  système  tégumentaire 
y  constitue  un  cercle  de  lobules  qui 
sont  presque  toujours  au  nombre  de 
quatre  ou  de  six  (a). 


A  l'intérieur,  on  y  remarque  des 
ciires  ^ui  s'avancent  vers  l'axe  de 
cet  anneau  (6)  et  qui  semblent  corres- 
pondre aux  soies  que  nous  avons  vues 
garnir  le  péristome  de  quelques  Bryo- 
zoiiies  (c).  Généralement  ces  appen- 
dices sont  filiformes,  mais  quelquefois 
ils  sont  rameux,  ainsi  que  cela  se  voit 
chez  les  Ascidies  simples  du  genre 
fioltenia  et  chez  quelques  espèces  du 
genre  Cynthia  [d). 


(a)  Savigny,  Mémoires  sur  les  Animaux  sans  vertèbres,  2=  partie,  pi.  1 ,  fig.  1 ,  etc.,  etc. 

(6)  Idem,  ibid.,  pi.  8,  fig.  1*,  2i  ;  pi.  9,  fig.  2,  etc. 

—  Milne  F.Jwards,  Recherches  sur  les  Ascidies  composées,  pi.  2,  fig.  ■16;  pi.  8,  fig-.  ia,  etc. 

(c)  Voyez  ci-dessus,  page  342,  note. 

(d)  Savigny,  Op.  cil.,  pi.  5,  fig.  1  ^  ;  pi.  0,  fig.  1-,  clc. 


350  APPAREIL    DIGESTIF 

viennent  aboutir  les  sillons  longitudinaux  compris  entre  les 
replis  de  la  membrane  branchiale.  A  peu  de  distance  de  ce 
point,  le  canal  digestif  s'élargit  pour  cotistituer  l'estomac  ; 
puis,  sous  la  forme  d'un  intestin  dont  la  longueur  est  assez 
considérable,  il  se  recourbe  sur  lui-même,  et  va  se  terminer 
au-dessus  de  la  face  dorsale  de  la  chambre  branchiale,  dans  une 
cavité  qui  est  traversée  par  les  produits  de  la  génération  aussi 
bien  que  par  le  courant  expiraioire,  et  qui  conslitue  de  la  sorte 
un  cloaque  (i).  Ce  mode  d'organisation  se  retrouve  chez  toutes 
les  Ascidies,  mais  les  dispositions  accessoires  varient. 

Ainsi,  chez  les  Clavelines,  ou  Ascidies  sociales,  et  les  Asci- 
dies composées  de  la  division  des  Polycliniens,  le  tube  digestif 
et  ses  annexes  se  trouvent  suspendus  au-dessous  de  la  cavité 
respiratoire  et  au-dessus  des  organes  reproducteurs  ;  tandis  que 
chez  les  Ascidies  simples,  ils  sont  refoulés  sur  le  côté  de  cette 
poche  branchiale  (2) . 


(1)  Il  est  aussi  à  noter  que  chez  (*2)  Savigny  a  fait  connaître  d'une 

tous  ces  Molluscoïdes  la  masse  viscé-  manière   remarquablement  exacte  la 

raie  est  logée  dans  une  poche  meni-  disposition  de  l'appareil  digestif  des 

braneuse,  ou  sac  péritonéal ,  qui  fait  Ascidies  composées  (b),  qui  avait  été 

aussi  fonction  de  réservoir  sanguin,  et  précédemment   indiquée,   seulement 

qui  communique  avec  les  vaisseaux  d'une  manière  sommaire,  par  Phipps 

de  l'appareil  respiratoire  (a).  Chez  les  chez  les  Synoïques,  et  par  Demarest 

Ascidies  sociales  et  composées,  ce  sac  et   Lesueur   chez    les    Botrylles  (c). 

donne  naissance  à  des  prolongements  Chez   les   espèces    que  j'ai    réunies 

tubuleux  à  l'extrémité  desquels  nais-  dans  le  groupe  des  Polycliniens,  de 

sent  parbourgeonnement  les  nouveaux  même  que  chez  les  Clavelines,   cet 

individus,  de    sorte    que  la   tunique  appareil    est    logé    dans    la    région 

péritonéale  est  commune  à  toute    la  moyenne    du    corps    {d)  ;    chez    les 

colonie  produite  de  la  sorte.  Didémiens,  il  est  réuni  aux  organes 


(a)  Voyez  tome  III,  pag'e  87  et  suiv. 

(6)  Savigny,  Observ.  sur  les  Alcyons  gélatineux  à  six  tentacules  simples  [Mêm.  sur  les  Animaux 
sans  vertèbres,  2=  partie,  4  816,  avec  24  planches). 

(c)  Phipps,  Voyage  au  pôle  boréal,  fait  eu  1773,  p.  203,  pi.  12,  fig.  C. 

—  A.  Dosmaresl  el  Lesueur,  Mém.  sur  le  Dotrylle  étoile,  p.  6  (cxlr.  du  Bulletin  de  la  Société 
philomalique,  ISIS). 

(d)  Milne  Edwards,  Observ.  sur  les  Ascidies  composées  des  côtes  de  la  Manche,  p.  65,  pi.  3, 
fig.  1,  etc.  (exlr.  des  Mém.  de  l'.icad.  des  sciences,  t.  XVIII). 


DES   MOLLUSCOÏDES    TUNICIERS.  351 

Une  autre  différence  plus  iaiportante  à  noter  dépend  de 
la  conforuiation  des  organes  sécréteurs  dont  l'estomac  est 
entouré.  Chez  les  Ascidies  composées,  les  parois  de  ce  viscère 


reproducteurs,  dans  un  abdomen  très 
court  (c)  ;  enfin,  chez  les  Botrylliens, 
tous  ces  viscères  sonl  accolés  à  la 
poche  branchiale  et  logés  avec  elle 
dans  la  région  thoracique  {b).  L'es- 
tomac est  généralement  de  forme 
ovoïde,  et  ses  parois,  assez  épaisses, 
sont  tantôt  légèrement  plissées  à  l'ex- 
térieur (c),  d'autres  fois  comme  fram- 
boisées  [d],  d'autres  fois  encore  assez 
profondément  costulées  (e).  En  géné- 
ral, elles  sont  colorées  d'une  manière 
assez  intense,  soit  en  jaune,  soit  en 
rouge. 

L'inleslin  qui  fait  suite  à  l'estomac 
est  en  général  divisé  en  trois  portions 
par  une  large  bande  d'aspect  glandu- 
laire qui  en  occupe  la  partie  moyenne, 
et  qui  est  souvent  colorée  comme 
l'estomac.  Les  matières  fécales  s'accu- 
mulent dans  la  portion  ascendante  de 
l'intestin  sous  la  forme  de  boulettes 
dont  la  couleur  est  généralement  bru- 
nâtre. 


Chez  les  Ascidies  simples,  la  dispo- 
sition générale  de  l'appareil  digestif 
a  été  très  bien  indiquée  par  Cuvier  '/") 
et  par  Savigny.  Ce  dernier  a  remar- 
qué que  c'est  toujours  du  côté  droit 
que  le  paquet  viscéral  se  trouve  placé 
normalement,  mais  qu'il  existe  par- 
fois des  transpositions.  L'œsophage 
est  toujours  très  court,  et  souvent 
Tesloiiiac  est  à  peine  dilaté ,  par 
exemple  chez  le  Cynthia  Momus  [g) 
et  l'Ascidie  ampulloïde  [h)  ;  mais  en 
général  ce  viscère  est  très  élargi  [i),  et 
quelquefois  il  acquiert  des  dimensions 
fort  considérables,  ainsique  cela  se  voit 
dans  le  genre  Cijstingia  (j)  ;  souvent 
il  est  plus  ou  moins  costulé  extérieu- 
rement, par  exemple  chez  le  Cynthia 
campus  {k)  et  le  rhallusia  lur- 
cica  (l).  L'intestin  forme  une  anse  plus 
ou  moins  allongée,  el  ressemble  en  gé- 
néral à  ce  que  nous  avons  vu  chez  les 
Ascidies  composées.  M.  Van  Beneden 
a  trouvé  dans  l'intérieur  de  ce  tube. 


(a)  Voyez  Savigny,  Op.  cit.  {Mém.  sur  les  Animaux  sans  vertèbres,  'i'  pai-lie,  pi.  20,  fig.  d . 
—  Milne  Edwards,  Op.  cit.,  p.  "9,  pi.  7,  fig.  5. 

(6)  Voyez  Savigny,  Op.  cit.,  pi.  20,  fig.  5. 

—  Miine  Edwards,  Op.  cit.,  p.  84,  pi.  7,  fig.  t. 

(c)  Exemple  ;  Arnaroucium  proliferum  (Milne  Edwards,  Op.  cit.,  pi.  3,  fîg.  2). 

{d)  Exemple  :  Amarouciura  Argus  (Milne  Edwards,  Op.  cit.,  pi.  3,  flg.  1,  ia). 

(e)  Exemples  :  SigilUna  aiistralis  (Savigny,   Op.  cit.,   pi.  ti,  fig.   t^i. —  Aplidium  lobatum 

(Savigny,  Op.  cit.,  pi.  16,  fig.  1^).  —  Botrylliis  pobjcycleus  tSavigny,  Op.  cit.,  pi.  -21 ,  Rg.  i^}.  

Botrylloides  rotifera  (Milne  Edwards,  Op.  cit.,  pi.  7,  fig.  1). 

if)  Cuvier,  Mém.  sur  les  .Ascidies  et  leur  anatomie  {Mém.  du  Muséum,  1804,  t.  Il,  pi.  1,2^   5 
et  8;  pi.  -2,  fig.  3). 

(g)  Savigny,  Op.  cit.,  pi.  6,  fig.  1=. 

[h)  Van  Beneden,  Recherches  sur  l'embryologie,  l'anatomie  et  la  physiologie  des  Ascidies  simples, 
pi.  ■! ,  fîg.  2  {Mém.  de  l'Acad.  de  Bruxelles,  t.  XX). 

(i)  Exemples  :  Cynthia  papillosa  (Savigny,  Op.  cit.,    pi.  6,  fig.  4).  — Phallusia  intestinalis 
(Délie  Chiaje,  Descriz.  e  notom.  degli  Animali  invertebr.,  pi.  82,  fig.  12). 

{jj  Mac  Leav,  Anat.  Observ.  on  the  Natural Group  of  Tunicata  [Trans.  ofthe  Linn   Soc     18^3 
t.  XIV,  pi.  19,  fîg.  3).  .        .,       -   , 

(k)  Savigny,  Op.  cit.,  pi.  8,  fig.  1-. 

(l)  Idem,  ibid..,  pi.  10,  fîg.  1'. 


352  APPAREIL    DIGESTIF 

sont  épaisses,  et  logent  dans  leur  intérieur  des  follicules  hépa- 
tiques, mais  il  n'y  a  pas  de  foie  proprement  dit;  tandis  que 
chez  beaucoup  d'Ascidies  simples,  l'estomac  et  le  commence- 
ment de  l'intestin  se  trouvent  comme  enfouis  au  milieu  d'une 
masse  de  substance  molle  et  jaunâtre  qui  constitue  une  glande 
hépatique  indépendante  et  versant  les  produits  de  sa  sécrétion 
dans  la  cavité  stomacale  par  plusieurs  orifices  parhculiers  (1). 
On  rencontre  aussi  des  modifications  remarquables  dans  la 
disposition  du  cloaque  qui  est  situé  entre  la  terminaison  de 
l'intestin  et  l'orifice  excréteur  commun.  Ce  réceptacle  est  formé 
par  la  portion  dorsale  de  la  grande  cavité  péripharyngienne, 
dans  laquelle  le  sac  branchial  se  trouve  suspendu,  et  dans 
laquelle  l'eau  introduite  pour  le  service  de  la  respiration  passe 
en  traversant  les  fentes  en  boutonnière  dont  cet  appareil  est 


che^  TAscidie  ampulloïde,  une  sorte  ces  ovganiles  sécréteurs  qui  paraissent 
de  gouttière  longitudinale  à  bords  très  verser  dans  ce  viscère  le  liquide  amer 
saillants,  qui  en  occupe  presque  toute  et  jaune  brunâtre  que  l'on  y  rencontre 
la  longueur,  et  qui  paraissait  servir  à  en  abondance  [d).  Cuvier  a  trouvé  un 
mouler  les  matières  excrémentitielles  foie  de  structure  granuleuse  et  d'un 
en  forme  de  cordons  [a].  Chez  le  Cyn-  volume  assez  considérable  chez  l'As- 
thia  microcosmus  cette  disposition  cidie  microcosme  (e).  Cet  organe  est 
n'existe  pas  (6).  de  couleur  verdâtre  et  adhère  intime- 
Ci)  Sa  vigny  a  signalé  l'absence  du  mentà  l'estomac, dans  la  cavité  duquel 
foie  chez  les  Cynthies  (c).  Chez  l'As-  il  débouche  par  plusieurs  orifices  (/"). 
cidie  ampulloïde,  décrite  par  M.  Van  Dans  le  genre  Chelyosoma,  le  foie 
Beneden,  cette  glande  manque  égale-  est  formé  par  un  gros  paquet  de  cae- 
ment,  et  paraît  être  remplacée,  comme  cums  lubulaires  qui  entoure  l'esto- 
chez  les  Ascidies  composées,  par  des  mac  {g).,  et  chez  les  Boltcnies  ,  où 
follicules  hépatiques  logés  dans  l'épais-  il  est  lobule,  ces  appendices  sécréteurs 
seur  des  parois  de  l'estomac.  Ce  sont  sont  rauieux  {h). 


(a)  Van  Beneden,  Op.  cit.,  p.  18,  pi.  i ,  flg.  7. 

(6)  Milne  Edwards,  Atlas  du  Règne  a7iimal  de  Cuvier,  Mollusques,  pi.  126,  llg.  ia. 

(c)  Savigny,  Op.  cit.,  p.  95  et  99. 

(d)  Van  Beneden,  Recherches  sur  les  Ascidies  simples,  p.  1 9,  pi.  1 ,  fig;.  2  et  8  (Mém.  de  l'Acad. 
de  Bruxelles,  t.  XX). 

(e)  Cuvier,  Op.  cit., 'p.  13,  pi.  1,  fig'.  5. 

(f)  Savigny,  Op.  cit.,  p.  91. 

{g)  Escliriclit,  Analomisk  Beskrlvelse  af  Che\yosomn  Macleayanuni,  p.  12,  pi.  1,  fig.  i  (exlr.  des 
Mém.  de  l'Acad.  de  Ccpenhague,  4°  série,  t,  IX). 

(h)  Mac  Lcay,  On  the  Nat.  Group  of  Tunicata  {Trans.  of  Ihe  Linn.  Soc  ,  1825,  t.  XIV). 


DES    MOLLISCOÏUKS    TU.NICIKHS.  353 

criblé  (1).  Chez  les  Ascidies  simples  et  sociales,  ainsi  que 
chez  plusieurs  Ascidies  composées  ("2),  il  débouche  au  dehors 
par  un  orifice  isolé  qui  se  trouve  plus  ou  moins  près  de  la 
bouche;  mais  chez  un  grand  nombre  d'Ascidies  composées, 
il  se  réunit  à  la  portion  terminale  de  la  cavité  cloacale  des 
individus  adjacents,  et  donne  ainsi  naissance  à  un  cloaque  com- 
mun à  tout  un  système  d'Animaux.  Tantôt,  comme  chez  les 
Botrylles,  ce  cloaque  commun  est  une  fossette  simple  autour 
de  laquelle  tous  les  membres  de  cette  singulière  association 
sont  rangés  en  cercle,  de  façon  à  représenter  les  rayons  d'une 
étoile  (3);  mais  d'autres  fois,  par  exemple  dans  le  genre  Ama- 
rouque,  où  les  associés  sont  plus  nombreux,  il  se  complique 
davantage,  et  forme  un  grand  nombre  de  canaux  ramifiés  qui 
se  réunissent  comme  autant  d'égouts  autour  d'un  émonctoire 
central  {(i). 


(1)  Pourpliisdedélniisà  ce  sujet,  je 
renverrai  à  la  dcsciiplion  analomique 
de  la  Claveline  Icpadiforme  que  j'ai 
donnée  dans  mon  travail  sur  les  Asci- 
dies composées  des  côtes  de  la  Man- 
che (a),,  et  à  mes  dessins  relatifs  à  l'a- 
natomie  de^V Ascidia microcosnnis  [b]. 

Dans  le  genre  CJwndrostachys,  le 
rectum  remonte  parallèlement  au  sac 
respiratoire,  jusque  dans  le  voisinage 
de  Torifice  du  cloaque  [c). 

(2)  Comme  exemple  d'Ascidies 
composées    à    cloaques  individuels , 


je  citerai  les  Diazones  {d}  et  les  Sigel- 
lines  (e). 

(ù)  Le  cloaque  commun  situé  au 
centre  de  chacun  de  ces  systèmes 
étoiles  est  très  profond  chez  les  Bo- 
trylles, et  ses  bords  se  relèvent  en 
forme  de  cône  tronqué  (/").  Diins  le 
genre  Sijnoicum,  les  anus  des  divers 
individus  d'un  même  groupe  sont 
réunis  autour  d'une  fossette  centrale  ; 
mais  celle-ci  ne  constitue  pas  un 
cloaque  commun  (g). 

(/i)  Dans  une  des  planches  de  l'atlas 


■    (a)  Miine  Edwards,  Recherches  sur  les  Ascidies  composées,  p.  54  cl  siiiv.,  pi.  2,  (Ig-.  t. 
(6)  Atlas  du  Règne  animal  de  Cuvier,  Mollusques,  pi.  126,  fig.  i,  la,  ib. 

(c)  J.  Macdonald,  Anatomical  Observ.  o.i  a  new  form  ofCompound  Ascidia  {Aiui.  of  Nat.  Hisl. 
3'  série,  1858,  t.  I.  pi.  11,  fig.  2). 

(d)  Savigny,  Op.  cit.,  pi.  2,  fig.  3,  et  pi.  12,  fig.  1. 
(«)  Idem,  ibid.,  pi.  3,  fig.  2,  et  pi.  14,  fig.  1. 

(/■)  Idem,  ibid.,  pi.  2l,Vig.  1. 

—  Milne  Edwards,  Op.  cit.,  pi.  (î,  fig.  4  a,  5fl,  6  a. 

[g)  Savigny,  Op.  cit.,  pi.  15,  fig.  1.  '  -i 


V. 


Ti 


35/i.  APPAREIL    DIGESTIF 

§  5.  —  L'appareil  digestif  des  Pyrosoiiies  ne  diffère  que  peu 
de  celui  des  Ascidies  composées  (1). 

§  6  —  Enfin,  dans  l'ordre  des  Biphores  ou  Salpiens,  l'ap- 
pareil digestif  est  conformé  aussi  sur  le  même  plan  général,  et 
se  trouve  logé  dans  une  petite  cavité  abdominale  qui  se  fait 
remarquer  par  sa  coloration  intense,  et  qui  est  désignée  d'or> 
dinaire  par  les  zoologisies  sous  les  noms  assez  mal  choisis 
de  tubercule  ou  de  nucléus.  L'entrée  de  l'œsophage  est  située 
au  fond  de  la  grande  chambre  branchiale,  et  l'anus  s'ouvre  à 
la  base  du  cloaque  formé  par  la  portion  dorsale  et  efférente  de 
cette  cavité  (2). 


du  Règne  animal  de  Cnvier,  j'ai  repré- 
senté ce  système  d'égoiits  rameux  in- 
jectés en  noir  (a).  On  trouve  aussi 
un  cloaque  commun  ramifié  dans  les 
genres  Leptocline  et  Botrylloïde  (6). 

(1)  L'organe  costulé  que  Savigny  a 
considéré  comme  étant  le  foie  de  ces 
Animaux  (c)  paraît  être  une  glande  sper- 
matogène  (du  La  disposition  générale 
du  canal  alimentaire  a  été  indiquée 
par  Lesueur  (p),  et  mieux  étudiée  par 
Savigny.  L'œsophage  est  parsemé  de 
cellules  pigmenlaircs,  et  l'estomac  est 
subquadrilatère.  Un  système  de  tubes 
rameux  se  trouve  appendu  à  l'intestin 
et  constitue  probablement  un  appareil 
sécréteur;  l'intestin  se  termine  sur  le 
côté  de  l'estomac  {f). 

(2)  La  bouche  des  Biphores  est  une 
grande  ouverture  bilabiéequi  se  trouve 
à  l'extrémité  antérieure  de  leur  corps, 


et  qui  donne  dans  la  cavité  respira- 
toire où  se  trouve  suspendue  oblique- 
ment la  branchie.  L'entrée  de  l'œso- 
phage est  située  au-dessous  de  l'extré- 
mité postérieure  de  cet  organe,  et  par 
conséquent  au  fond  de  la  cavité  bran- 
chiale ou  pharyngienne.  Une  gouttière 
longitudinale  formée  par  deux  replis 
de  la  tunique  interne  de  cette  grande 
cavité,  et  faisant  face  à  la  branchie, 
conduit  vers  cet  orifice.  L'œsophage 
est  très  court,  et  l'estomac  a  la  forme 
d'un  sac  ovalaire  qui  semble  en  naître 
latéralement  plutôt  qu'en  être  la 
continuation.  L'intestin  commence 
dans  le  voisinage  immédiat  de  la  ter- 
minaison de  l'œsophage,  et  après  avoir 
décrit  une  anse,  remonte  brusquement 
pour  aller  s'ouvrir  dans  le  cloaque, 
au-dessus  de  la  base  de  la  branchie,  et 
par  conséquent  à  peu  de  distance  de 


(a)  Op.  cit.,  MoLLUSQURS,  pi.  130,  fig.  ia. 

(b)  Milne  Edwards,  Recherches  sur  les  Ascidies  composées,  pi.  6,  fig.  la  ;  pi.  S,  fig.  5  a. 

(c)  Savigny,  Op.  cit.,  p.  56,  pi.  22,  fig.  1»,  i*,  etc.  "  P'. 

(d)  Huxley,  Observ.upon  the  Anaiomy  and  Physiology  of  Salpa  and  Pyrosoma,  p.  583  {Philos. 
Trans.,  1851). 

(e)  Lesueur,  Mémoire  sur  l'organisation  des  Pijrosomes,  p.  ltj(extr.  du  Bulletin  de  la  Société 
philomatique,  1815). 

(f)  Huxley,  Op.  cit.,  pi.  17,  fig.  1. 


DES    MOLLUSQUES    ACÉPHALES.  355 

§  7.  —  Dans  ]a  grande  division  des  Mollusques  proprement 
dits,  l'appareil  digestif  est  constitué  d'après  le  même  plan 
général  que  chez  les  Molluscoïdes  dont  je  viens  de  parier, 
mais  il  se  perfectionne  davantage  ;  le  tube  aliaientaire  affecte 
d'ordinaire  la  forme  d'une  anse,  et  presque  toujours  l'anus  est 
encore  plus  ou  moins  rapproché  de  la  bouche  ;  mais  les  organes 
sécréteurs  dont  ce  canal  s'enloure  acquièrent  im  très  grand 
développement  :  le  foie  surtout  devient  fort  volumineux,  et  des 
glandes  salivaires  très  remarquables  ne  tardent  pas  à  se  mon- 
trer dans  le  voisinage  du  pharynx  ;  souvent  la  bouche  est  armée 
d'un  appareil  sécateur  puissant;  enfin  les  instruments  de  pré- 
hension dont  cet  orifice  s'entoure  arrivent  parfois  à  un  haut 
degré  de  complication.  Mais  ces  divers  perfectionnements  ne 
sont  introduits  que  successivement,  et  un  grand  nombre  de 
ces  Animaux  ,  de  même  que  les  Molluscoïdes,  ne  peuvent  se 
nourrir  que  des  Animalcules  ou  des  petits  fragments  de  matières 
ahmentaires  tenues  en  suspension  dans  les  courants  que  l'ap- 
pareil respiratoire  dirige  vers  la  bouche. 

§  S.  —  Tel  est  en  effet  le  régime  de  l'Huître  et  de  tous  les 
autres  Mollusques  dont  se  compose  la  classe  des  Acéphales,  et 
chez  tous  ces  Animaux  l'orifice  buccal  se  trouve  logé  plus  ou 
moins  profondément  dans  l'espèce  de  chambre  branchiale  for- 


Appareil 

digestif 

lies 

Mollusques 

proprement 

dils. 


Appareil 

digestif 

des 

Acéphales. 


l'ouverture  œsophagienne  {a).  Les  pa- 
rois de  l'estomac  ont  une  structure 
glandulaire,  et  M.  Huxley  a  découvert 
récemment  un  système  de  tubes  ra- 
meux  qui  débouchent  dans  la  partie 
inférieure  de  celte  poche  et  qui  pour- 
raient bien  constituer  un  appareil  iic- 
patique  (6).  Une  masse  utriculaire 
entoure  ces  parties,  et  se  trouve  ren- 
fermée avec  elles  dans  le  petit  sac  pé- 


ritonéal  qui  circonscrit  la  cavité  abdo- 
minale; quelques  auteurs  ont  consi- 
déré ces  cellules  comme  étant  un  foie, 
et  je  les  avais  prises  pour  l'ovaire  ;  mais 
il  paraîtrai!,  d'après  des  recherches 
plus  récentes,  qu'elles  ne  peuvent  être 
rapportées  ni  à  l'un  ni  à  l'autre  de  ces 
organes  ;  elles  contiennent  en  général 
une  matière  huileuse,  et  M.  Krohn  les 
a  désignées  sous  le  nom  d'élœoblastes. 


(a)  Voyez  Milne  Edwards,  Atlas  du  Règne  animal  de  Cuvier,  Mollusques,  pi.  1 21 ,  fig.  2  c  et  2  ci  ; 
pi.  120,  fig.  la. 

(6)  Huxley,  Op.  cit.,  p.  510,  pi.  15,  fig.  5  et  6  {Philos.  Trans.,  1851). 


Bracliiopodes. 


356  APPARlilL    DIGîîSTlF 

mée,  comme  nous  l'avons  déjà  vu,  par  le  rapprochement  des 
deux  grandes  expansions  du  système  cutané  dont  se  compose 
le  manteau  (I).  Il  n'existe  pas  de  glandes  salivaires  dis- 
tinctes (2)  ;  enfin,  le  tube  alimentaire  et  le  foie,  ainsi  que  les 
organes  de  la  reproduction ,  sont  réunis  en  une  masse  viscé- 
rale dans  le  voisinage  de  la  région  dorsale,  où  se  trouve  la 
charnière  de  la  coquille,  et  s'avancent  plus  ou  moins  dans 
l'intérieur  du  pied,  quand  la  partie  ventrale  du  corps  se  déve- 
loppe de  façon  à  constituer  un  organe  de  progression. 

C'est  dans  Tordre  des  Brachiopodes  que  l'appareil  digestif 
est  le  moins  compliqué,  et  ressemble  en  général  le  plus  à  ce 
que  nous  avons  vu  chez  les  Tuniciers.  Si  les  résultats  fournis 
par  les  recherches  anatomiques  les  plus  récentes  sont  exacts, 
ces  Mollusques  nous  offriraient  même  des  exemples  de  dégra- 
dation que  nous  n'avons  rencontrés  ni  chez  les  Bryozoaires,  ni 
chez  les  Tuniciers,  car  dans  plusieurs  espèces  l'oritlce  anal 
manquerait  et  l'intestin  se  terminerait  en  cul-de-sac  ;  mais  je 
conserve  encore  beaucoup  de  doutes  au  sujet  de  l'existence  de 
cette  imperforation  (3).  La  bouche  est  située  sur  la  ligne  mé- 

(1)  Voyez  tome  II,  page  23.  ciine  trace  de  l'existence  d'an  orifice 

('i)  Quelques  anatomisles  ont  con-  anal  dans  les  Térébratules  des  genres 

sidéré  les  lobes  antérieurs  du    foie,  Rhijnchonella  el  Waldheimia,  dont'û 

chez  les  Brachiopodes,  comme  étant  a  fait  l'analomie,  et  il  pense  que  l'in- 

les  glandes  salivaires  [a]  :  mais  toutes  testin  de  ces  Mollusques  se  termine 

les  masses  glandulaires  qui  entourent  en   cul-de-sac  (c).  Plus  récemment, 

l'estomac  de  ces  Mollusques  offrent  les  i\l.  Hancock  est  arrivé  au  même  résul- 

mèmes   caractères,   et   doivent   être  tat  en  étudiant,  soit  les  deux  genres 

rapportées  à  l'appareil  hépatique  (6).  dont  il  vient  d'être  question,  soit  le 

(3)  M.  Huxley  n'a  pu  découvrir  au-  Terebratula  caput  serpentis  {d)  ;  et  il 


(a)  Cuvier,  Mém.  sur  l'analomie  de  la  Lingide,  p.  7   {Mém.  dit,  Muséum,  l-'i^,  cl  Mém.  pour 
servir  à  l'histoire  des  Mollusques). 

—  Vogt,  Aiiatomie  der  Lingula  aiiatina,  p.  12  (extr.  des  Nouv.  Mém.  de  la  Soc.   d'hist.  nat. 
suisse.  t.Vll,  Neufchâlel,  4  843). 

(b)  Owen,  On  the  Anatomy  of  Drachiopoda  {Trans.  of  Ihe  Zoological  Society,  t.  I,  p.  152  et 
157). 

(c)  Huxley,  Contributions  to  the  Anatomy  of  the  Brachiopoda  {Proceedings  of  the  Royal  Society 
ofLondon,  1854,  t.  VIII,  p.  106,  fig.  1  et  2). 

{d}  Hancock,  On  the  Organisation  of  Drachiopoda  [Philos.  Trais.,  1858,  p.  814). 


DES    MOLLUSQUES    ACÎîr-H.vLES,  357 

diane,  entre  deux  grands  appendices  qui  s'enroulent  en  spirale 
et  qui  semblent  tenir  lieu  des  lophopbores  ou  lobes  lentaculi- 
fères  que  nous  avons  vus  cbez  les  Bryozoaires  d'eau  douce. 
Chez  les  Térébratules ,  ces  appendices,  communément  appelés 
bras,  acquièrent  un  développement  énorme,  et  sont  portés  sur 
une  sorte  de  charpente  intérieure  de  nature  calcaire,  qui  pré- 
sente en  général  la  forme  d'un  fer  à  cheval  reployé  sur  lui- 
même,  de  façon  à  avoir  sa  portion  transversale  dirigée  en 
arrière,  et  située  au-dessous  de  la  partie  basilaire  de  ses  deux 
branches,  dont  l'extrémité  est  fixée  à  la  valve  dorsale  de  la 
coquille,  près  de  la  charnière  (1).  Ils  sont  peu  prolractiles,  mais 


est  à  noter  que  le  point  où  celte  por- 
tion du  tube  alimentaire  vient  abou- 
tir, et  où  quelques  anatomistes  suppo- 
saient qu'il  y  avait  un  anus  {a) ,  le 
corps  est  recouvert  par  la  coquille,  de 
façon  que  les  fèces  ne  trouveraient 
aucune  voie  libre  pour  continuer  leur 
route  vers  le  dehors.  Mais  avant  d'ad- 
mettre l'existence  d'une  disposition  si 
anormale  dans  l'embranchement  des 
Mollusques,  il  faudrait  être  bien  cer- 
tain que  le  cul-de-sac  observé  par 
MM.  Huxley  et  Hancock  est  bien  la 
portion  terminale  derinleslin,  et  non 
un  appendice  analogue  à  celui  qui 
naît  de  l'estomac  chez  beaucoup  d'A- 
céphales lamellibranches  ;  enfin  il 
faudrait  s'assurer  de  la  non-existence 
de  tout  prolongement  latéral,  qui 
pourrait  aller  déboucher  au  dehors,  et 
qui  constiluerait  alors  l'intestin  pro- 
prement dit.  Ainsi  que  nous  le  ver- 
rons bientôt,  il  n'y  a  aucune  incer- 


titude  quant  à  la  position  de  l'anus 
chez  les  Lingules. 

(1)  Chez  les  Térébratuliens  du 
genre  Rhynchonella,  cet  appareil  apo- 
physaire  n'est  conslilué  que  par  une 
paire  de  petites  lames  calcaires  allon- 
gées et  courbes,  qui  s'attachent  posté- 
rieurement à  la  valve  dorsale  de  la 
coquille,  près  de  l'échancrure  articu- 
laire [h)  ;  mais,  en  général,  ces  deux 
pièces  se  confondent  entre  elles  sur  la 
ligne  médiane  par  leur  extrémité  an- 
térieure, de  façon  à  donner  naissance 
à  une  arcade  transversale,  ou  anse  en 
forme  de  fer  à  cheval,  qui  tantôt  ne 
se  prolonge  que  médiocrement  et  reste 
à  peu  près  horizontale  (c),  mais  qui, 
d'autres  fois,  après  s'être  avaucée  très 
loin  au-devant  des  muscles  adducteurs 
de  la  coquille,  se  recourbe  en  bas, 
puis  en  arrière,  de  manière  à  offrir 
la  disposition  indiquée  ci-dessus  (d) . 
L'extrémité    postérieure    de   chaque 


(a)  Gratiolel,  Recherches  sur  l'anatomie  de  la  Térébralule  auzlrale  {Comptes  nndus  de  l'Acad. 
des  sciences,  1853.  i.  XXXVII,  p.  47). 

(6)  Exemple  :  Terebratula  (ou  Rhynchonella)  psitlacea  (voy.  Davuiion,  Brillsh  fossil  Drachio 
poda  ,  iiilroduclion,  Palœonl.  Soc.,  1853,  p.  94,  fig.  31). 

(c)  Exemplo  :  Terebralula  vilrea  (voy.  Davidson,  Op.  cit.,  pi.  0,  fig.  2). 

(i/)  Exemples  :  Terebratula  {Waldheimia}  auslralis  (voy.  Davidson,  Op.  cit.,  p.  04,  fig'.  G,  et 
Hancoclv,  Op.  cit.,  pi.  55,  lig.  4).  —  T.  jlavcscens  (voy.  Owen ,  Lectures  on  the  Coitrp.  Anat,  o 
Inverlebr.  Animais,  iSoo,  p.  4iS7). 


358  APPAREIL    DIGESTIF 

les  franges  qui  les  garnissent  sont  très  mobiles,  et  des  cou- 
rants, déterminés  probablement  par  l'action  de  cils  vibratiles, 
s'établissent  à  leur  surface,  et  suivent  une  sorte  de  gouttière 
longitudinale  qui  est  creusée  à  leur  face  interne  et  va  aboutir 
sur  le  côté  de  la  bouche.  Chez  les  Orbicules  et  les  Lingules, 
ces  bras  sont  très  élargis  à  leur  base ,  mais  peu  développés 
dans  leur  portion  enroulée,  et  s'insèrent  seulement  sur  les 


apophyse,  ou  de  chaque  moitié  du 
fer  à  cheval  ainsi  constitué,  est  gé- 
néralement bifurquée  ,  et  c'est  par 
leur  branche  supérieure  qu'elles  s'u- 
nissent entre  elles:  l'autre  branche  est 
le  plus  ordinairement  libre  ;  mais  chez 
quelques-uns  de  ces  Mollusques  elle  se 
réunit  à  sa  congénère,  de  façon  à 
former  une  seconde  arcade  transver- 
sale, et  à  changer  l'anse  en  un  an- 
neau fermé,  disposition  qui  se  voit 
dans  le  genre  TerebratuUna  (a). 
Dans  le  petit  groupe  dont  d'Orbigny  a 
formé  le  genre  Terebratella,  un  pro- 
longement droit  naît  du  bord  dorsal 
de  chaque  lîioitié  de  l'anse  ,  et  après 
s'être  réuni  à  son  congénère  sur  la 
ligne  médiane,  se  soude  aussi  en  des- 
sus à  la  valve  dorsale  de  la  coquille  (6). 
Enfin,  dans  d'autres  familles  du  même 
ordre,  la  charpente  brachifère  ac- 
quiert un  développement  encore  plus 
considérable:  ainsi,  chez  lesThécidies 
elle  prend  la  forme  de  grandes  crêtes 
contournées  d'une  manière  fort  com- 
plexe (c) ,  et  chez  les  Spirifères  elle 


constitue  deux  longues  lames  enrou- 
lées en  spirale,  qui  occupent  la  plus 
grande  partie  de  l'espace  compris  en- 
tre les  deux  valves  de  la  coquille  {d). 
Chez  les  Lingules  et  les  Orbicules,  au 
contraire,  on  ne  trouve  plus  aucune 
trace  de  cette  charpente  intérieure. 
C'est  par  l'intermédiaire  d'une 
membrane  aponévrotique  disposée 
de  façon  à  constituer  la  paroi  anté- 
rieure de  la  cavité  viscérale,  que  les 
bras  sont  fixés  à  la  charpente  inté- 
rieure dont  il  vient  d'être  question. 
Ces  tentacules  consistent  chacun  en 
une  sorte  de  tige  creuse  dont  le  côté 
externe  est  garni  d'une  gouttière  lon- 
gitudinale de  consistance  subcartila- 
gineuse, et  porte  une  série  d'appen- 
dices grêles  et  cylindriques  disposés 
comme  les  dents  d'un  peigne,  ou  plu- 
tôt en  forme  de  frange.  M.  Owen  n'a 
observé  qu'une  série  simple  de  ces 
cirres  ou  fdaments  (e) ,  mais  dans 
toutes  les  espèces  dont  M.  Hancock 
a  fait  l'anatomie  ils  étaient  insérés 
sur  deux  rangs  (f).  Leur  longueur  di- 


(a)  Exemple  :  Terebratula  (ou  Terebralulina)  caput  serpentis  (voy.  Davidson,  Op.  cit.,  p.  63, 
%•  4). 

(6)  Exemples  :  Terebratula  (Terebratella)  chilensis  (voy.  Owen,  On  Ihe  Anat.  ofthe  Brachio- 
poda  ,  in  Trans.  of  the  Zool.  Soc,  t.  I,  pi.  2ï!,  fig.  4).  —  Terebratella  dorsata  (voy.  Davidson, 
loc.  ci«.,p.  66,  fig.  9). 

(c)  Exemple  :  Thecidia  vermicularis,  voyez  Suess,  Notice  sitr  l'appareil  brachial  des  Thécidés, 
dans  Méin.  de  la  Soc.  linn,  de  Normandie,  1855,  t.  X,  pi.  3,  fig.  7). 

(d)  Exemple  :  Spirifer  strialus  (voy.  Davidson,  Op.  cit.,  pi.  6,  fig.  48). 

(e)  Owen,  Lectures  on  the  Comp.  Anat.  of  hiver tetr.  Animais,  p.  491. 

(f)  Hancock,  Op.  cif.,  p.  807. 


DES    MOLLUSQUES    ACÉPHALES.  359 

parois  membraneuses  de  la  cavité  abdominale,  sans  y  trouver 
une  charpente  calcaire  pour  les  soutenir.  Chez  ces  derniers 
Mollusques,  le  tube  alimentaire  ne  s'élargit  que  peu  pour  con- 
stituer l'estomac,  et,  après  avoir  décrit  plusieurs  courbures, 
va  s'ouvrir  au  dehors,  sur  le  côté  droit  du  corps,  entre  les  lobes 
du  manteau  (1).  Chez  les  Térébratules,  l'estomac  est  au  con- 
traire fort  renflé  et  occupe  la  partie  dorsale  de  l'espèce  de  siphon 
représenté  par  l'ensemble  de  l'appareil.  L'intestin  redescend 
vers  la  valve  ventrale,  et  s'y  recourbe  brusquement  sur  le  côté 


minue  graduellement  de  la  base  à 
l'extrémilé  libre  du  bras ,  de  façon 
que  celui-ci  se  rétrécit  de  plus  en 
plus,  et  se  termine  en  pointe.  A  leur 
base,  les  bras  sont  unis  entre  eux  sur 
la  ligné  médiane,  el  chez  les  Térébra- 
tules ils  se  portent  d'abord  en  avant, 
en  longeant  en  dehors  la  portion  su- 
périeure de  l'apophyse  calcaire,  puis 
se  recourbenlbrusquemenl  en  arrière, 
jusque  vers  leur  base,  et  ensuite  s'en- 
roulent en  spirale,  de  façDu  à  former 
deux  cônes  frangés,  unis  entre  eux 
par  une  bande  aponévrotique  mé- 
diane et  non  déroulables  (a). 

Les  mouvements  de  ces  appendices 
ont  été  observés  sur  le  vivant  par 
W.  Barrett  (6),  et  sont  dus  en  partie 
à  des  libres  musculaires  logées  dans 
leur  tige,   en  partie  à  l'afflux  du  li- 


quide contenu  dans  les  canaux  longi- 
tudinaux dont  celle-ci  est  creusée. 
L'un  de  ces  canaux,  le  plus  grand,  se 
termine  à  sa  base  par  une  ampoule, 
ou  renflement  fermé,  qui  se  trouve 
sur  le  côté  de  la  bouche  ;  l'autre  com- 
munique avec  le  système  lacunaire 
viscéral.  L'our  plus  de  détails  relatifs 
à  la  structure  de  ces  organes,  je  ren- 
verrai au  mémoire  de  M.  Vogt  sur 
la  Lingule,  et  au  travail  récent  de 
M.  Hancock  sur  les  Térébratules  (c). 

(1)  L'œsophage  est  de  longueur 
médiocre,  et,  de  même  que  l'estomac 
et  la  portion  antérieure  de  l'intestin, 
il  occupe  la  ligne  médiane  du  corps  ; 
la  porlion  moyenne  de  l'intestin 
forme  plusieurs  circonvolutions ,  et 
sa  porlion  terminale  se  dirige  en 
avant  (d). 


(a)  Voyez  Owen,  Anat.  of  Terebraiula,  in  Davidson's  Briiish  fossil  Brachiopoda,  pi.  2,  fij,  1 
el2;  pi.  3,  fig.  2. 

—  Hancock,  Op.  cit.,  pi.  55,  fig.  1,  2,  3  ;  pi.  57,  fig.  2  ;  pi.  60,  fig.  3  ;  pi.  61,  fig.  2. 

(6)  Barrett,  Notes  on  the  Brachiopoda  observed  in  a  dredging  tour  {Ann.  ofNat.  Hist.,  2°  série, 
t.  XVI,  p.  258). 

(c)  Vogt,  Anatomie  der  Lingula  anatina,  p.  4,  pi.  2,  fib.  13-16  (extr.  du  Neuen  Denkschriften 
des  Schweizerischen  Gesellschaft,  1843). 

—  Hancock,  Op.  cit.  {Philos.  Trahis.,  1858,  t.  CXLVUI). 

{d)  Cuvier,  Mémoire  sur  V anatomie  de  la  Lingule  {Ann.  du  Muséum,  1802,  t.  I,  pi.  G,  fig.  10 
à  13). 

—  Vogt,  Op.  cit.,  pi.  1,  fig.  10. 

—  Hancock,  Op.  cit.,  pi.  65,  fig.  d ,  3  et  4  ;  pi.  66,  fig.  3. 

—  Owen,  Anat.  of  Terebratula,  m  Davidson's  British  fossil  Brachiopoda,  pi.  l,  fig.  6  {Roy, 
Society,  1853). 


360  APPAREIL    DIGESTIF 

pour  se  terminer  par  un  renflement  en  forme  d'ampouîe  où 
l'existence  d'un  orifice  anal  est  généralement  admise,  mais  par 
analogie  plutôt  que  par  le  fait  de  l'observation  directe  (1).  Il 
est  aussi  à  noter  que  le  tube  alimentaire  des  Bracbiopodes  est 
pourvu  d'une  tunique  musculaire  bien  développée,  et  revêtu 
extérieurement  d'une  membrane  péritonéale  qui,  sur  plusieurs 
points,  se  prolonge  sous  la  forme  de  brides  ou  de  lames  d'at- 
tache analogues  au  mésentère  des  Animaux  supérieurs  (2).  Le 
foie,  de  couleur  verdàlre,  est  très  volumineux,  et  se  compose 
de  plusieurs  masses  arrondies  ou  lobes  dont  l'aspect  est  gra- 
nuleux, mais  dont  la  substance  consiste  réellement  en  une  mul- 
titude de  petits  tubes  courts  et  aveugles  qui  ressemblent  à  des 
doigts  de  gant  et  se  continuent  avec  des  canaux  rameux.  Enfin 
les  conduits  biliaires  ainsi  constitués  se  réunissent  en  quatre 
gros  troncs  qui  vont  déboucher  dans  l'estomac  (3). 


(1)  Voyez  ci  -  dessus  ,  page  35G, 
noie  3. 

(2)  Ces  expansions  membraneuses 
sont  plus  développées  chez  les  'J'éré- 
bratules  que  chez  les  Lingules;  elles 
ont  été  décrites  avec  soin  par  M.  Hux- 
ley et  par  M.  Hancock.  Le  mode  de 
conformation  générale  du  tube  ali- 
mentaire des  Téréhratules  a  été  re- 
présenté par  M.  Owen  ,  mais  cet 
anatomisle  a  figuré  à  l'extrémilé  de 
l'ampoule  terminale  de  Tinlestin  un 
orilice  anal  (a)  qui,  dans  l'état  nor- 
mal, ne  paraît  pas  exister  dans  ce 
point  (6).  Les  belles  (igures  analomi- 
ques  qui  accompagnent  le  mémoire 
de  î\l.  Hancock  sur  les  Térébralules 
font  très  bien  connaître  la  disposition 


et  les  rapports  des  dernières  parties 
de  l'appareil  digestif  avec  les  organes 
voisins  (c). 

(3)  Le  foie  entoure  toute  la  portion 
stomacale  du  canal  alimentaire,  et  ses 
lobes,  ou  divisions  principales,  sont 
de  forme  très  irrégulière.  Chez  les 
Lingules,  les  quatre  grands  canaux 
biliaires  qui  en  naissent,  sont  dispo- 
sés par  paires;  deuxse  voient  dans  le 
voisinage  de  l'œsophage,  au  devant 
des  grandes  expansions  inésentéri- 
ques  de  l'estomac;  les  autres  débou- 
chent derrière  cette  membrane,  près 
de  l'origine  de  Tinteslin  (d).  Chez  les 
Térébralules,  la  disposition  de  ces  ca- 
naux est  moins  régulière  ;  les  lobes 
antérieurs  du  foie  donnent  naissance 


(a)  Owen,   On  the  Analomy  of  Ihe  Brachiopoda,  pi.   22,  fig.  12  {Trans.  of  thc  Zool.  Soc. 
1835,  t   I).  —  Anat.  of  Terebratula,  m  Davirfsoii's  Brilish  fossil  Brachiopoda,  pi.  t,  fig.  4. 
(!))  Hii\l(-y,  Op.  cit.,  fig.  1  cl  2  e  (Proceed.  of  the  Royal  Soc,  1854,  I.  VIII,  p.  i  08). 
(c)  H:iiicock,  Op.  cit.,  ]>\.  57,  i]g.  2;  pi.  (M,  fig'.  \  et  2,  elc. 
{d)  Vnypz  Hancnrk,  Op.  cit.,  pi.  (15,  f\s:.  2  el  3. 


DES    MOLLUSQUES    ACÉPriALES    LAMELLIBRANCHES.  o6i 

S  9.  —  Dans  Tordre  des  Acéphales  Lamellibranches  ,  la      Appareil 

"^  ,  digestif 

bouche  est  située  à  peu  près  de  même,  et  se  trouve  logée  plus  des  Acc-phaies 

Lamellibranches 

ou  moins  profondément  sous  le  manteau,  derrière  le  muscle 
adducteur,  Cjui,  chez  la  plupart  des  Animaux  de  ce  groupe, 
s'étend  d'une  valve  à  l'autre,  au-devant  et  au-dessous  de  la 
charnière.  Elle  n'est  pas  pourvue  d'un  appareil  tentaculaire 
frangé  ,  comme  chez  les  Brachiopodes  :  mais  les  bras  de  ces 
derniers  sont  remplacés  par  deux  paires  de  lobes  membraneux 
qui  ont  en  général  la  forme  de  voiles  triangulaires  et  sont 
striés  obliquement  à  leur  surface.  Ces  tentacules  labiaux  sont 
garnis  de  cils  vibratiles,  et  ils  concourent,  avec  les  organes 
respiratoires,  à  diriger  vers  l'entrée  du  canal  alimentaire  les 
courants  qui  charrient  les  particules  de  substances  nutritives 
dont  ces  Mollusques  font  leur  subsistance  (1). 


à  un  troisième  conduil  qui  débouclie 
près  de  l'œsopliage.  el  les  lol)es  infé- 
rieurs communiquent  avec  la  cavité 
de  l'estomac  par  un  quatrième  ca- 
nal (a). 

(1)  Les  tcniacules  labiaux  de  la 
paire  antérieure  sont  d'ordinaire  réu- 
nis entre  eux  par  un  ;)rolongement 
basilaire,  qui  passe  au-devant  de  la 
bouche,  et  ils  sont  appliqués  par  leur 
face  interne  contre  les  tentacules  de 
la  seconde  paire,  dont  la  commissure 
s'avance  derrière  la  bouche.  Cet  ori- 
fice se  trouve  par  conséquent  au  mi- 
lieu d'un  sillon  transversal,  plus  ou 
moins  profond,  qui  se  continue  en 
dehors  et  en  arrière  avec  la  rigole 
formée  par  le  rapprochement  de  la 
base  des  deux  tentacules  (6),  et  sou- 


vent l'une  des  branchies  vient  occuper 
Textrémité  postérieure  de  cette  der- 
nière gouttière:  de  façon  que  les  cou- 
rants déterminés  par  le  jeu  de  l'ap- 
pareil respiratoire  (c)  s'engagent  en 
partie  dans  ce  passage,  et  se  trou- 
vent ainsi  dirigés  vers  la  bouche, 
phénomènes  dont:\I.M.  Aider  et  Han- 
cock se  sont  assurés  en  suspendant  des 
particules  d'indigo  dans  l'eau  qui  ar- 
rivait aux  branchies  des  Pholades  et 
des  .Myes  {d).  L'existence  de  cils  vibra- 
tiles à  la  surface  des  tentacules  la- 
biaux a  été  constatée  par  M.  Shar- 
pey  (e).  La  face  externe  ou  antérieure 
des  tentacules  de  la  première  paire 
et  la  face  postérieure  de  ceux  de  la 
seconde  paire  sont  en  général  lisses, 
ou  faiblement  striées,  mais  sur  les  sur- 


(a)  Voyez  Hancock,  Op.  cit.,  p!.  Cl ,  fig.  2  et  3,  elc 
(6)  Voyez  tome  II,  paye  38. 


(c)  Allier  and  Hancock,   On  the  Branchial  currents  in  Pholas  and  JIijalAnn.  ofSat.  Hist., 
2"  série,  1851,  l.  VIII,  p.  375,  pi.  15,  fi-,  d). 

{d)  Sliarpey,  Cilia  iTodJ's  Cyclopœdia  of  .\nalomy  and  Phijsiology,  f.  I,  p.  62-2j. 
(c)  Exemple  :  l'Huître  (voy.  Pnli,  Of .  cit.,  t.  Il,  pi.  29,  fig.  2). 


362  APPAREIL    DIGESTIF 

L'œsophage  est  en  généra!  court  et  l'estomac  fort  renflé. 
Tantôt  ce  dernier  organe  est  simple ,  dans  l'Huître  ,  par 
exemple  (1)  ;  mais  chez  beaucoup  des  Animaux  de  cet  ordre,  il 
présente  en  arrière  un  grand  prolongement  terminé  en  cul-de-sac 
et  renfermant  un  corps  styliforme,  de  consistance  cartilagineuse, 
qui  semble  devoir  être  destiné  à  remuer  les  matières  alimen- 
taires pendant  qu'elles  sont  soumises  à  l'action  des  sucs  gas- 


faces  adjacentes  de  ces  appendices  on 
remarque  une  multitude  de  lignes 
parallèles  qui  sont  plus  ou  moins 
saillantes  et  dirigées  transversalement 
ou  obliquement  (a). 

Chez  les  Arches  et  les  Pétoncles,  la 
portion  lobulaire  de  ces  tentacules  ne 
se  développe  pas,  et  leur  portion  ba- 
silaire,  réduite  à  une  bande  étroite, 
constitue  seulement  la  gouttière  trans- 
versale destinée  à  conduire  les  ma- 
tières alimentaires  vers  la  bouche  (6). 
Il  en  est  à  peu  près  de  même  chez 
l'Anomie  (c). 

Chez  la  Moule  commune  de  nos 
côtes,  ces  organes  sont  au  contraire 
très  grands  et  reployés  longitudinale- 
ment  {d). 

En  général,  les  bords  de  l'ouverture 
buccale  sont  lisses,  et  ne  présentent 
rien  de  remarquable  ;  mais  chez  les 


Pecten  et  les  Spondyles  ,  on  y  voit 
une  sorte  de  frange  labiale  (e). 

(1)  Ciiez  l'Huître,  l'estomac  fait  im- 
médiatement suite  à  la  bouche,  et 
n'est  que  médiocrement  renflé;  les 
vaisseaux  afférents  du  foie  y  débou- 
chent, et  en  arrière  il  se  continue 
avec  Tinteslin,  qui  est  grêle  et  très 
long.  Ce  tube  se  porte  d'abord  en  ar- 
rière et  en  bas,  entre  les  branchies  et 
le  muscle  adducteur;  puis  se  recourbe 
brusquement  en  avant,  revient  vers  la 
partie  antérieure  de  l'estomac,  en- 
toure cet  organe,  et  se  dirige  ensuite 
en  arrière,  au  dessus  du  nmscle,  pour 
aller  se  terminer  à  la  partie  supérieure 
et  postérieure  de  celui-ci,  entre  les 
lobes  du  manteau  (/). 

L'estomac  est  également  simple, 
c'est-à-dire  plus  ou  moins  globuleux, 
et  dépourvu  de  prolongement  caecal, 


(a)  Exemples  :  Solen  (\oy.  Poli,  Testacea  uiriusqiie  Siciliœ  eorumque  historia  et  anatome, 
t.  I,  pi.  10,  fig.  15;  —  Veûiaye^,  Expédition  scientifique  de  l'Algérie,  Mollusques,  pi.  18  B, 
fig.  2).  —  Psammobia  (voy.  Ganier,  On  the  Anat.  of  Lamellibranchiate  Conchifera,  pi.  18,  ûg.  2, 
in  Trans.  ofthe  Zool.  Soc,  1838,  t.  11). 

{b)  Poli,  Op.  cit.,  t.  II,  pi.  M,  fig.  3,  et  pi.  26,  %.  7. 

—  Voyez  aussi  Deshayes  ,  Atlas  du  Règne  animal  de  Cu-vier,  Mollusques,  pi.  86,  fig.  ia, 
16,  le. 

(c)  Voyez  Deshayes,  Ailas  du  Règne  animal  de  Cuvier,  Mollusques,  pi.  89,  fig.  le. 

(d)  Lacaze-Duthiers,  Mém.  sur  l'organisation  de  l'Anomie  (Ann.  des  sciences  nat.,  i'  série, 
1854,  t.  II,  p.  12,  p).  i,  fig.  4). 

(e)  Exemples  :  l'ecten  (voy.  Poli,  Op.  cit.,  t.  II,  pi.  27,  fig.  5  et  10).  —  Spondylus  gœdropus 
(voy.  Poli,  Op.  cit.,  t.  II,  pi.  22,  fig.  8  et  13).  —  Deshayes,  Atlas  du  Règne  animal  de  Cuvier, 
Mollusques,  pi.  74,  fig.  2». 

(/)  Voyez  Poli,  Op.  cit.,  pi.  29,  fig.  3  (reprod.  dans  l'Atlas  du  Règne  animal  de  Cuvier,  Mol- 
lusques, pi.  70,  fig.  2). 

—  Home,  Comp.  Anat.,  pi,  77. 

Braiidt  cl  Halzbm-g,  Medicinische  Zoologie,  1. 11,  pi.  36,  fig.  2. 


DES    MOLLUSQUES    ACÉPHALES    LAMELLIBRAKCHES.  â63 

triques.  Ce  singulier  organe  est  libre  dans  la  cavité  qui  le  loge, 
et  paraît  être  le  résultat  d'une  sécrétion  épithélique,  car  il  se 
compose  de  couches  concentriques;  son  volume  est  très  va- 
riable, suivant  les  individus,  et  parfois  il  manque  dans  des 
espèces  où  d'ordinaire  on  le  rencontre.  Enfin  il  est  aussi  à  noter 
que  chez  quelques  Acéphales  dont  l'estomac  ne  porte  pas  de 
cgecum,  on  voit  cependant  un  stylet  hyalin  semblable  s'avancer 
dans  son  intérieur,  et  alors  ce  corps  est  logé  dans  l'intestin  (1). 
Ce  stylet  est  toujours  cylindrique  et  atténué  postérieurement, 
mais  son  extrémité  antérieure,  qui  fait  saillie  dans  la  cavité  de 
l'estomac,  est  souvent  obtuse  ou  branchue  (2). 


chez  les  Spondyles  (a),  les  Pecten  (6),  cal  très  grand,  sans  avoir  de  stylet 

les  l^étoncles  (c),  les  Glycimères  (dj,  hyalin.  Ainsi,  chez  les  Mytilacées  du 

l'Anodonte  (e),  les  Pinnes  if),  les  Cy-  genre  Dreissena,  M.  Van  Beneden  a 

clades  ig),  etc.  trouvé  à  côté  de  l'inteslin  une  poche 

(1)  Cette  disposition  se  voit  dans  la  cylindrique  très  longue,  qui  naît  du 
famille  des  Naïades  [h).  Chez  les  Ano-  côté  droit  de  l'estomac,  et  qui  ne  ren- 
dontes,  le  stylet  n'est  représenté  quel-  ferme  qu'une  substance  gélatineuse  (A;); 
quefois  que  par  un  petit  corps  denti-  M.  Owen  a  constaté  l'exislence  d'un 
forme  situé  à  la  partie  supérieure  de  petit  appendice  caecal  post-slomacal 
l'estomac  (/),  d'autres  fois  par  une  chez  la  Clavagelie,  mais  n'y  a  pas  vu 
pièce  irrégulièrement  quadrilatère  (j).  de  stylet  [l). 

(2)  Chez  quelques  Acéphales,  l'es-  Chez  la  Pholade,  l'estomac  donne 
tomac  est  pourvu  d'un  appendice  cae-  aussi  naissance  à  un  appendice  caecal 


{a)  Voyez  Poli,  Op.  cit.,  pi.  22,  fig.  13,  et  Atlas  du  Règne  animal  de  Cuvier,  Mollusques, 
pi.  70,  fig-.  2. 

(b)  Voyez  Poli,  Op.  cit.,  pi.  27,  fig.  6. 

—  Garner,  Op.  cit.  (Trans.  ofthe  Zool.  Soc,  t.  II,  pi.  19,  fig.  2). 

(c)  Voyez  Poli,  Op.  cit.,  pi.  26,  fig.  8  et  9. 

{(l)  Audouin,  Mém.  sur  l'Animal  de  la  Glycimère  (Ann.  des  sciences  nat.,  1829,  t.  XXVIII, 
pl.  16,  fig.  2). 

(e)  Home,  Comp.  Anat.,  t.  III,  p.  78. 

—  Bojanus,  Teichmuschel  (Okeri' s  Isis,  1827,  t.  XX,  pl.  9,  fig.  2  et  3). 

—  JMoquin-Tandon,  Histoire  naturelle  des  Mollusques  fluviatiles  et  terrestres,  pl.  40,  fig.  9. 
(/■)  Voyez  Poli,  Op.  cit.,  pl.  36,  fig.  2. 

{g)  Moquin-Tandon,  Op.  cit.,  pl.  53,  fig.  2. 

{h)  Siebold  et  Siannius,  Nouveau  Manuel  d'anatoniie  comparée,  1. 1,  p.  2G6. 

(i)  Bojanus,   Teichmuschel  (Oken's  Isis,  1827,  t.  XX,  p.  758,  pi.  9,  fig.  7,  9  et  10). 

(j)  Moquin-Tandon,  Histoire  naturelle  des  Mollusques  terrestres  et  fluvialiles,  p.  48,  pl.  43, 
fig.  11). 

(k)  Van  Beneden,  Mém.  sur  le  Dreissena  (Ann.  des  sciences  nat.,  2'  série,  1835,  t.  III,  p.  203, 
pl.  8,  fig.  5). 

{1}  Owen,  On  the  Anatomy  of  Clavagella  {Trans.  ofthe  Zool.  Soc,  t.  I,  p.  272j. 


S6/|.  APPAREIL    DIGESTIF 

L'intestin  est  en  général  étroit  et  très  long;  il  décrit  plu- 
sieurs circonvolutions  entre  les  lobes  du   foie,  et,  ainsi  que 


très  grand,  et  celui-ci  ne  renferme 
qu'un  stylet  liyaiin  fort  petit  (a). 

Chez  les  Mactres,  où  la  disposition 
de  cette  portion  de  l'appareil  digestif 
a  été  étudiée  avec  beaucoup  de  soin 
par  Poli,  le  caecum  stomacal  naît  au- 
dessus  et  en  arrière  du  pylore;  sa 
forme  est  conique,  et  il  descend  très 
bas  au  milieu  des  faisceaux  muscu- 
laires de  la  partie  postérieure  du  pied  ; 
enfui  il  renferme  un  stylet  hyalin 
très  grand  ,  dont  l'extrémité  anté- 
rieure fait  saillie  dans  la  cavité  de 
l'estomac  (6).  L'appendice  caecal  et  le 
stylet  hyalin  olhent  à  peu  près  la 
même  disposition  chez  les  Donaces  (c) , 
les  /rellines  (d),  les  Soien  (e),  l'Ano- 
mie  (/■),  etc. 

Chez  le  Cardium  echinatum,  l'in- 
testin naît  de  l'estomac,  très  près  de 
la  portion  rétrécie  de  cet  organe  qui 
représente  l'appendice  caecal  et  qui 
renferme  le  siylet  hyalin,  dont  l'ex- 
trémité antérieure  est  recourbée  et 
branchue  (g). 

Chez  les  Tarels,  l'appendice  caecal 
est  développé  d'une  manière  remar- 
quable, et  paraît  être  quelquefois  oc- 
cupé   par    les  matières  alimentaires 


seulement,  car  M.  Deshayes,  qui  l'a 
décrit  sous  le  nom  de  second  estomac, 
ne  fait  pas  mention  d'un  stylet  dans 
son  intérieur  (h)  ;  mais  dans  les  indi- 
vidus étudiés  par  M.  de  Quatrefages, 
un  corps  cristallin  de  ce  genre  existait 
toujours  et  ollrait  des  dimensions  très 
considérables  (i). 

La  substance  constitutive  du  stylet 
est  d'une  transparence  hyaline,  et  à 
l'état  frais,  M.  Quatrefages  n'a  pu  y 
découvrir  aucune  trace  de  structure 
organique  (y).  M.  de  Siebold  y  dis- 
tingue deux  parties,  l'une  corticale, 
l'autre  médullaire.  La  première  con- 
stitue un  tube,  et  se  compose  de  cou- 
ches concentriques  de  matière  en 
apparence  albuminoïde.  La  seconde 
est  gélatineuse,  et  renferme  des  cor- 
puscules solides,  qui  sont  insolubles 
dans  les  acides.  Chez  l'Unio,  ces  cor- 
puscules ont  la  forme  de  granules,  et 
chez  les  Anodontes  ils  ressemblent  à 
des  bâtonnets  [k). 

Quelques  analomistes  ont  considéré 
le  stylet  subcartilagineux  comme  l'a- 
nalogue de  la  langue  des  Gastéro- 
podes (/)  ;  mais  ce  rapprochement  ne 
me  paraît  P'is  fondé. 


Blanchard,  Organisation  du  Règne,  animal,  Mollusques  Acéphales,  pi.  3,  fi^.  2,  4  et  0. 
Poli,  Op.  cit.,  l.  II,  pi.  49,  fig.  1,  3,  4  et  5. 
Garner,  Op.  cit.,  p).  18,  lig.  9.  • 

Poli,  Op.  cit.,  pi.  19,  fiij.  15. 

Meckel,  Traité  d'anatomie  comparée,  t.  VU,  p.  273. 
Garner,  loc.  cit.,  pi.  18,  ds;.  8. 
J.  Cariis,  Icônes  zootomicœ,  pi.  19,  fig.  2. 

Lacaze-Dulliiers,  Organisation  de  l'Anomie  {.inn.  des  sciences  nat.,  4°  série,  1854,  1.  11, 
,  pi.  1,  fig.  3). 

Garner,  Op.  cit.,  pi.  18,  fig.  10. 

Deshayes,  Expédition  scientifique  de  l'Algérie,  Mollusques,  t.  I,  p.  59,  pi.  7,  fig.  2. 
Qualrefages,  Mém.  sur  le  genre  Taret  (Ann.  des  sciences  nat.,  3"  série,  1849,  t.  LX,  p.  40) 
Idem,  ibid. 

Siebold  etStannius,  Nouveau  Manuel  d'anatomie  comparée,  t.  I,  p.  2Gfi. 
Meckel,  Traité  d'anatomie  comparée,  t.  Vil,  p.  273. 
Garner,  Op.  nt.  (Trans.  of  tlie  Zool.  Soc,  t.  Il,  p.  87). 


DES    MOLLUSQUES    ACÉPHALES    LA;.lELLllîR\^CHES.  365 

nous  l'avons  déjà  vu  en  étudiant  l'appareil  circulatoire  de  ces 
Animaux,  il  traverse  d'ordinaire  le  cœur  (1).  Il  passe  ensuite 
au-dessus  du  muscle  adducteur  postérieur  de  la  coquille,  et  se 
termine  par  un  orifice  anal  à  la  base  du  siphon  expirateur  ou 
dans  la  portion  correspondante  de  l'espace  compris  entre  les 
lobes  du  manteau,  de  façon  que  les  matières  fécales  expulsées 
par  cette  voie  se  trouvent  sur  la  route  suivie  par  l'eau  qui  vient 
des  branchies,  et  elles  sont  par  conséquent  entraînées  au  dehors 
par  le  courant  expira toire  (2).  11  est  aussi  à  noter  que  l'intérieur 
du  tube  aUmen taire  est  plus  ou  moins  complètement  garni  de 
cils  vibratiles  (o). 

Enfin,  le  foie  est  très  volumineux  et  disposé  à  peu  près  de 
même  que  chez  les  Brachiopodes,  c'est-à-dire  divisé  en  lobes 
irréguliers  qui  se  groupent  autour  de  l'estomac  et  versent 
dans  la  cavité  de  cet  organe  les  produits  de  leur  sécrétion  par 
plusieurs  gros  canaux  membraneux  (4). 

§  10.  —  Chez  les  Acéphales  dont  M.  Lacaze-Duthiers  a 
formé  Tordre  des  Solénocoques,  c'est-à-dire  les  Dentales,  l'ap- 
pareil digestif  se  complique  davantage,  et  s'enrichit  d'un  instru- 
ment mécanique  que  nous  rencontrerons  souvent  dans  la  classe 


Appareil 

des 

Solcnocoques 

ou 

Dentales. 


(1)  Voyez  tome  HI,  page  105. 

Je  rappellerai  ici  que  les  Huîtres, 
les  Anomies  et  les  Tarets  font  excep- 
tion à  cette  règle,  et  que  chez  les 
Arches,  le  rectum,  tout  en  traver- 
sant un  cercle  artériel,  dont  les  deux 
moitiés  latérales  sont  formées  par  les 
ventricules,  n'est  pas  renfermé  dans  la 
cavité  du  cœur  ;  mais  chez  les  autres 
Lamellibranches,  cette  portion  de  l'in- 
testin passe  à  travers  le  ventricule, 
d'avant  en  arrière. 

(2)  Voyez  tome  II,  page  38. 


Chez  quelques  Acéphales,  l'anus 
occupe  l'extrémité  d'un  tubercule  cy- 
lindrique très  allongé,  situé  à  la  partie 
supérieure  et  postérieure  du  muscle 
adducteur  postérieur  :  chez  la  Pinne 
marine,  par  exemple  (a). 

[o]  Cela  a  été  constaté  chez  les 
Cyclas  et  les  Naïades  (6). 

[à)  Les  parois  des  canaux  exté- 
rieurs de  l'appareil  hépatique  sont  en 
continuité  avec  la  tunique  muqueuse 
de  l'estomac,  et  garnies  de  cils  vibra- 
tiles (c). 


(a)  Voyez  Milne  Edwards,  Voyage  en  Sicile,  l.  I,  pi.  28. 

(b)  Leydig,  Lelirbiœh  der  Histologie,  p.  331 . 

(c)  Lacaze-Dulhiers,  Méin.  sur  l'organisation  de  l'Anomie  {Ann.  des  sciences  nat. ,  ^'  série,  l.  II, 
p.  \i). 


366  APPAREIL    DIGESTIF 

des  Gastéropodes  :  savoir,  une  sorte  de  râpe  buccale.  Les  bras 
frangés  des  Térébratules  et  des  Lingules  paraissent  être  rem- 
placés ici  par  deux  houppes  de  filaments  vermiformes  et  élargis 
au  bout  en  manière  de  petites  spatules,  qui  sont  très  mobiles  et 
susceptibles  de  s'allonger  fort  loin  hors  du  tube  constitué  par 
le  manteau.  L'appareil  broyeur  occupe  l'arrière-bouche,  et  est 
armé  d'une  multitude  de  pièces  cornées  dont  la  réunion  offre 
l'aspect  d'un  ruban  hérissé  de  dents  crochues.  L'estomac  se 
confond  postérieurement  avec  la  portion  terminale  de  l'ap- 
pareil biliaire,  qui  est  énormément  dilatée.  Le  foie  n'est  repré- 
senté que  par  de  longs  tubes  aveugles  d'un  volume  considé- 
rable. Enfin,  le  rectum,  ou  portion  terminale  de  l'intestin, 
traverse  le  réservoir  sanguin  qui  tient  lieu  de  cœur  ;  il  est  le 
siège  de  contractions  rhythmiques  qui  l'ont  fait  prendre  d'a- 
bord pour  un  cœur  proprement  dit,  et  ainsi  que  nous  l'avons 
déjà  vu,  il  contribue  à  effectuer  le  travail  respiratoire  par 
l'introduction  de  l'eau  dans  son  intérieur  et  le  renouvellement 
fréquent  de  ce  liquide  (1). 

(1)  La  bouche  des  Dentales  présente  chaque  côté  de  la  base  du  mamelon 
plusieurs  particularités  de  structure.  buccal  on  voit  naître  une  loufTe  de 
Elle  est  située  au  sommet  d'un  ma-  filaments  grêles  et  très  contractiles  (6), 
melon  subproboscidiforme,  au  fond  du  qui  ont  été  tour  à  tour  considérés 
tube  qui  est  constitué  par  le  manteau  et  comme  des  branchies  (c),  des  glandes 
occupé  en  majeure  partie  par  le  pied  salivaires  {d)  etdes organes  tacli]es(e). 
du  Mollusque.  Une  rosace  de  six  feuil-  .Morphologiquement ,  ils  me  parais- 
les  membraneuses,  à  bords  découpés,  sent  devoir  être  comparés  aux  tenta- 
garnit  le  pourtour  de  cet  orifice  (a),  à  cules  labiaux  des  Lamellibranches  et 
peu  près  comme  nous  l'avons  vu  chez  aux  bras  frangés  des  Brachiopodes,  et 
les  Spondyles  et  les   Pecten  ,  et  de  il  me  semble  probable  que  ce  sont  à  la 

(a)  Lacaze-Dulhiers,  Histoire  de  l'organisation  et  du  développement  du  Dentale,  pi.  8,  fi^.  1 
(extr.  des  Ann.  des  sciences  nat.,  4°  série,  1856  et  1857,  t.  VI  et  VII). 

(6)  Voyez  Deshayes,  Anatomie  et  monographie  du  genre  Dentale  {Mém.  de  la  Société  d'histoire 
naturelle,  t.  II,  pi.  15,  fig.  12,  et  Atlas  du  Règne  animal  de  Cuvier,  Anneudes,  pi.  7,  fig-.  le). 

—  Lacaze,  Op.  cit.,  pi.  3,  fig.  2  ;  pi.  1 1 ,  fig.  4  et  5. 

(c)  Deshayes,  Op.  cit.,  p.  334. 

—  Blain-ville,  Manuel  de  malacologie,  et  Dict.  des  sciences  nat.,  t.  XXXII,  p.  107. 

(d)  Clark,  On  the  Anat.  o/"  Dentalium  tarentinum  (A?wi.  of  Nat.  Hist.,  2'  série,  1849,  t.  IV, 
p.  326). 

(e)  Lacaze-Duthiers,  Op.  cit.,ii.  142. 


DES  MOLLUSQUES  GASTÉROPODES.  â67 

§  il.  —  Les  Gastéropodes,  mieux  organisés  pour  la  locomo- 
tion que  ne  le  sont  les  x4céphales  et  les  Molloscoïdes,  ne  sont  pas 
astreints,  comme  ceux-ci,  à  se  nourrir  des  substances  alimen- 
taires qui  leur  sont  apportées  parles  courants  respiratoires  5  ils 


fois  des  instruments  de  préhension  et 
de  toucher,  ainsi  que  M.  Lacaze  s'est 
appliqué  à  l'établir.  Quoi  qu'il  en  soit, 
leur  surface  est  couverte  de  cils  vi- 
braliies,  et  par  conséquent  ils  doivent 
être  susceptibles  d'aider  à  la  produc- 
tion des  courants  nécessaires  pour 
charrier  vers  l'entrée  de  l'appareil  di- 
gestif les  particules  alimentaires  en 
suspension  dans  l'eau  ambiante.  Il  est 
aussi  à  noter  que  ces  appendices  fili- 
formes sont  tubulaires  et  terminés  par 
un  petit  élargissement  creusé  en  fos- 
sette, qui  agit  à  la  manière  d'une  ven- 
touse. Du  reste,  ils  ne  sont  pas  essen- 
tiels à  l'existence  de  ces  Mollusques, 
car  M.  Lacaze  a  constaté  qu'ils  sont 
caducs,  et  que  ces  Animaux  peuvent 
les  perdre  sans  qu'il  en  résulte  aucun 
trouble  apparent  dans  leur  manière  de 
vivre.  A  l'intérieur  du  mamelon  pro- 
boscidiforme,  on  trouve  sur  les  côtés 
de  la  bouche  deux  cavités  qui  ont  été 
décrites  sous  le  nom  d'abajoues  (a)  : 
ce  sont  des  poches  membraneuses,  gar- 
nies intérieurement  d'un  épithélium 
ciliaire,  qui  s'ouvrent  dans  la  cavité 
buccale  par  une  fente  en  forme  de 
boutonnière,  et  qui  logent  parfois  dans 
leur  intérieur  des  I-'oraminifères  ou 
quelque  autre  proie  microscopique  (b). 
M.  Lacaze  les  considère  comme  étant 
des  organes  salivaires. 


Cette  première  portion  du  tube  di- 
gestif est  séparée  de  la  suivante  par 
un  étranglement  au  delà  duquel  on 
remarque  un  renflement  globuleux, 
ou  arrière-bouche  (c),  dont  la  face  in- 
férieure est  occupée  par  l'appareil 
broyeur,  ou  langue  {d).  Celui-ci  a  pour 
base  une  pièce  cartilagineuse  en  forme 
de  fer  à  cheval  très  large,  dont  les 
deux  branches  sont  réunies  à  leur  ex- 
trémité par  un  faisceau  de  fibres  mus- 
culaires, de  façon  à  constituer  un 
anneau  (e)  ;  d'autres  faisceaux  char- 
nus contournent  les  côtés  de  cette 
plaque,  et  dans  l'excavation  qui  en 
occupe  le  centre  se  trouve  une  lon- 
gue bande  denticulée,  dont  la  struc- 
ture est  très  complexe.  Elle  constitue 
la  râpe  linguale,  et  se  compose  de  cinq 
séries  longitudinales  de  pièces  cor- 
nées, articulées  entre  elles  et  dispo- 
sées par  rangées  transversales.  La 
série  médiane  est  impaire,  et  constitue 
une  sorte  de  tige  articulée  que  l'on 
appelle  rachis.  De  chaque  côté  se 
trouve  extérieurement  une  série  de 
plaques  minces  et  assez  larges,  dites 
pièces  costales,  ou  pleurœ  ;  enfin  sur 
le  bord  interne  de  chacune  de  celles- 
ci  s'articule  tmedent,  dont  l'extrémité 
interne  se  relève  au-dessus  de  la  pièce 
médiane  correspondante.  Les  deux 
séries  de    pièces   intermédiaires    ou 


(a)  Lacaze,  Op.  cit.,  p.  i&,  pi.  3,  fig.  2. 
(6)  Clark,  Op.  cit.,  p.  323. 

(c)  C'est  la  partie  appelée  gésier  par  quelques  auteurs. 

(d)  Lacaze,  Op.  cit.  [Ànn.  des  sciences  nat.,  4°  série,  t.  VI,  pi.  9,  fig.  11. 
(«)  Idem,  ihid.,  pi.  9,  fig.  3  à  H). 


368  APPAREIL    DIGESTIF 

peuvent  aller  à  la  recherche  de  leur  nourriture  et  s'en  saisir 
directement  :  aussi  voyons-nous  dans  cette  classe  l'appareil 
digestif  se  perfectionner  beaucoup  sous  les  rapports  de  son 
action  mécanique,  et  la  bouche,  au  heu  d'être  logée  plus  ou 


dentées,  ainsi  constituées,  s'engrènent 
au-dessus  du  racliis  par  leur  extré- 
mité interne  qui  est  liljre,  et  par  le 
jeu  des  muscles  adjacents  ;  elles  sont 
susceptibles  de  s'écarter  ou  de  se  rap- 
procher comme  les  branches  d'une 
pince  à  bord  denticulé  (a).  Cette 
râpe  linguale,  dont  la  parlie  antérieure 
occupe  la  face  supérieure  de  l'anneau 
cartilagino-musculaire  déjà  décrit,  et 
la  parlie  postérieure  se  contourne  en 
dessous  de  cette  pièce  basilaire,  ne 
paraît  pas  être  susceptible  de  s'avan- 
cer'hors  de  la  cavité  pharyngienne, 
mais  doit  saisir  au  passage  les  matiè- 
res alimentaires  et  les  broyer. 

Immédiatement  en  arrière  de  la  ca- 
vité pharyngienne,  dans  l'inlérieur  de 
laquelle  la  langue  ou  l'appareil  broyeur 
faitsaillie,  se  trouve  un  petit  renflement 
qu'on  doit  considérer  comme  un  pre- 
mier estomac;  puis  vient  une  portion 
élargie  du  tube  alimentaire  qui  est  dis- 
posée en  forme  d'anse,  et  qu'on  peut 
appeler  rarrière-estomac.  Le  fond  de 
ce  réceptacle  se  continue  avec  deux  po- 
ches autour  desquelles  viennent  s'ou- 
vrir les  caecums  hépatiques  qui  con- 
stituent l'appareil  biliaire  (6).  Ces  po- 
ches sont  très  larges,  et  il  est  probable 
que  les  aliments  y  pénètrent;  mais, 
morphologiquement, elles  représentent 


une  paire  de  canaux  biliaires  énormé- 
ment dilatés  :  et  j'insiste  sur  cette  cir- 
constance, parce  qu'en  traitant  de  l'or- 
ganisation des  Gastéropodes,  j'aurai 
bientôt  à  discuter  la  valeur  de  faits  du 
même  ordre.  Les  caecums  hépatiques 
s'étalent  en  forme  d'éventail  de  cha- 
que côlé  de  la  base  de  l'abdomen,  et 
ont  été  considérés  à  tort  par  quelques 
auteurs  comme  étant  les  branchies  de 
ces  singuliers  Mollusques  (c). 

Enfin  la  branche  ascendante  de  la 
grande  anse  stomacale  se  continue 
avec  l'intestin,  qui,  après  avoir  décrit 
plusieurs  circonvolutions ,  se  dirige 
en  arrière  et  en  haut  pour  aller  se  ter- 
miner à  l'anns.  Mais,  ainsi  que  nous 
l'avons  déjà  vu,  la  portion  terminale 
de  ce  tube  est  très  élargie,  et  tra- 
verse le  réservoir  central  de  l'appa- 
reil circulatoire,  où  ses  mouvements 
de  dilatation  et  de  contraction  servent 
à  l'établissement  de  la  circulation,  en 
même  temps  qu'ils  opèrent  le  renou- 
vellement de  l'eau  destinée  à  effectuer 
une  respiration  intestinale  dans  son 
inlérieur  (d).  Ij'anus  se  voit  sur  la 
ligne  médiane  du  dos,  à  la  partie  an- 
térieure de  la  région  abdominale  et 
près  de  la  base  du  pied,  dans  l'inté- 
rieur de  la  gaîne  formée  par  le  man- 
teau (e). 


(a)  Lacaze,  Op.  cit.  (Ann.  des  sciences  nat.,  4"  série,  I.  VI,  pi.  10,  tig.  1  à  0). 

(b)  Idem,  ibid.,  pi.  8,  fig.  1). 

(c)  Clark,  loc.  cit.,  p.  324. 

(d)  Voyez  tome  11,  page  92,  el  lome  HT,  p.  99. 

(e)  Lacaze,  Op.   cit.  (Ann.  des  sciences  nat.,  i'  séiic,  l.  VL  pi.    9,  fig-.  1  ;   \.  VU,  pi.  2, 
fi?.  1,  etc.). 


ULS    MOLLLSULES    GASTÉROl'ODES.  â69 

moins  profondément  entre  les  replis  du  manteau,  occupe  l'extré- 
mité antérieure  du  corps  ou  tête  de  l'Animal.  Le  régime  de  ces 
Animaux  est  très  varié  ;  les  uns  se  nourrissent  de  végétaux , 
d'autres  vivent  de  proie  ou  se  repaissent  de  matières  orga- 
niques en  voie  de  décomposition.  Du  reste,  la  conformation 
générale  du  tube  alimentaire  ne  diffère  que  peu  de  ce  que  nous 
avons  rencontré  chez  les  Acéphales,  et  l'anus,  rejeté  tantôt  sur 
le  dos,  d'autres  fois  sur  le  côté  droit  du  corps,  est  toujours 
assez  rapproché  de  la  région  céphalique  où  se  trouve  la  bouche. 
Il  existe  en  général  des  glandes  salivaires  très  développées,  et 
le  foie,  dont  le  volume  est  considérable,  forme  d'ordinaire,  avec 
les  ovaires  et  les  testicules,  une  masse  viscérale  qui  se  prolonge 
de  façon  à  constituer  un  cône  contourné  en  hélice  ,  au-dessus 
du  pied  charnu  auquel  ces  Animaux  doivent  leur  nom  commun. 
Cette  portion  postérieure  ou  abdominale  du  corps  est  souvent 
appelé  le  tortillon^  et  elle  se  trouve  dans  le  fond  de  la  coquille 
dont  la  plupart  des  Gastéropodes  sont  pourvus.  Les  viscères 
y  sont  serrés  les  uns  contre  les  autres  dans  un  sac  membra- 
neux; mais  entre  la   masse  compacte  ainsi  constituée  et  la 
tête,  l'appareil  digestif  flotte  librement  dans  une  grande  cavité 
abdominale  qui  est  tapissée  par  des  prolongements  de  la  tunique 
péritonéale,  et,  ainsi  que  nous  Favons  vu  dans  une  précédente 
Leçon  (1),  cette  chambre  remplit  les  fonctions  d'un  grand 
réservoir  pour  le  sang  veineux  (2). 

La  bouche  est  plus  ou  moins  protraclile,  et  chez  beaucoup  de     Trompo. 
ces  Mollusques  elle  est  pourvue  d'une  sorte  de  trompe,  car  la 

(1)  Voy.  tome  Ilf,  p.  lZi3  et  siiiv.  exemple  le  Colimaçon,  Mollusque  dont 

(2)  Pour  rétude  du  mode  général  de  l'anatomie  a  étéfaite  avec  beaucoup  de 
conformation  de  l'appareil  digestif  des  soin  par  Cuvier,  dont  le  travail  sur  cette 
Gastéropodes,  on  peut  prendre  comme  classe  d'Animaux  est  fondamental  (o). 

(a)  Cuvier,  Mêmoive  sur  la  Limace  et  le  Colimaçon  (Annales  du  Muséum,  1806,  t.  VII,  et 
Mémoires  pour  servir  à  l'histoire  et  à  l'analom.ie  des  Mollusques,  1817,  in— i).  Les  principales 
figures  ont  été  reproduites  dans  l'atlas  de  la  grande  édition  du  Hègne  animal  de  Cuvier,  Mollusques, 
pi.  21. 

V.  2/* 


370 


APPAREIL    DIGESTIF 


Appareil 
masticatoire. 


portion  antérieure  du  tube  alimentaire  est  susceptible  de  rentrer 
en  elle-même  ou  de  se  dérouler  au  dehors,  et  constitue  ainsi  un 
organe  préhensile,  cylindrique  et  très  mobile,  dont  la  longueur 
est  souvent  fort  considérable  (1). 

Immédiatement  en  arrière  de  la  bouche,  quand  les  lèvres 
ne  sont  que  peu  ou  point  protractiles ,-  ou   tout  auprès  de 


(1)  Ainsi,  chez  quelques  espèces  du 
genre  Mitre,  la  trompe  est  plus  longue 
que  le  corps  de  l'animal  (a).  Cet  or- 
gane est  également  très  développé 
chez  les  Tonnes  (6).  Chez  les  Tritons, 
il  s'allonge  moins,  mais  est  très  ro- 
buste (c).  La  structure  en  a  été  étu- 
diée, chez  le  Buccinum  undatum,  par 
Cuvier  et  par  Osier  [d).  Poli  l'a  figuré 
chez  le  grand  Triton  de  la  Méditer- 
ranée ;  mais  le  texte  de  cette  partie 
de  "Son  ouvrage  n'a  pas  été  pu- 
blié (e). 

Lorsque  la  trompe  de  ces  divers 
Gastéropodes  est  au  repos,  c'est-à- 
dire  dans  l'élat  de  rétraction,  on  y 
distingue  deux  portions  :  l'une  termi- 
nale et  interne,  l'autre  basilaire  et 
vaginale;  cette  dernière  se  continue 
avec  les  bords  labiaux  et  se  dirige  en 
arrière;  sa  surface  cutanée  est  alors  ' 
en  dedans  et  en  rapport  avec  la  se- 
conde portion  de  l'organe  ;  enfin  son 
extrémité  postérieure  se  recourbe  en 


dedans  pour  embrasser  l'œsophage 
et  se  continuer  en  avant  avec  la  por- 
tion terminale  de  la  trompe.  Dans  la 
protraclion,  cette  portion  interne  s'a- 
vance hors  de  l'espèce  de  fourreau 
formé  par  la  portion  basilaire,  en 
entraînant  celle-ci  à  sa  suite,  de  fa- 
çon à  la  retourner.  Enfin,  quand  la 
trompe  est  complètement  déployée, 
la  portion  basilaire  devient  extérieure 
et  fait  suite  à  la  portion  interne,  au 
lieu  de  la  loger  dans  son  intérieur.  Les 
faisceaux  musculaires  circulaires  sont 
les  principaux  agents  producteurs  de 
ce  mouvement  en  avant  et  du  renver- 
sement qui  en  est  la  conséquence,  tan- 
dis que  d'autres  muscles  qui  sont  dis- 
posés longitudinalement,  et  qui  pren- 
nent leur  point  d'appui  sur  les  parois 
latérales  de  la  grande  cavité  viscérale, 
tirent  la  trompe  en  arrière  et  en  opè- 
rent le  retrait.  L'appareil  lingual  est 
logé  à  l'extrémité  antérieure  de  cet 
appendice  charnu  (/"). 


(a)  Exemple  :  la  Mitre  épiscopale  (voy.  Ouoy  et  Gaimard,  Voyage  de  l'Astrolabe,  Mollusques, 
pi.  45,  fijr.  -1). 

(b)  Exemple  :  le  Dolium  perdix  (yoy .  Quoy  et  Gaimard,  Op.  cit.,  pi.  41,  fig.  1,  ot  Atlas  du  Règne 
animal  de  Cuvier,  Mollusques,  pi.  54,  fig.  2). 

(c)  Exemple  :  le  Triton  nodiferum  (voy.  Poli,   Testacea  utriusque  Siciliœ,  t.  III,  pi.  49,  fig.  9). 

(d)  Cuvier,  Mém.  sur  le  grand  Buccin  de  nos  côtes,  p.  6,  pi.  1,  lig.  7,  8,  9  et  10  (Mém.  pour 
servir  à  l'histoire  des  Mollusques,  et  Ami.  du  Muséum,  I8U8,  t.  H). 

—  Osier,  Observations-  on  the  Anatomy  and  Habits  of  Marine   Testaceous  Mollusca  [Philos. 
Trans.,^.  508,  pi.  14,  fig.  14-17). 

(e)  Poli,  Op.  cit.,  t.  m,  pi.  50,  fig.  1. 

if)  Exemples  :  le  Buccin  (voy.  Osier,  Op.  cit.,  Philos.  Trans.,  183-2,  pi.  14,  fig.  12). 

—  Le  Grand  Triton  de  la  Méditerranée  (voy.  Poli,  Op.  cit.,  t.  lll,  pi.  51 ,  fig.  2  et  3). 

—  Les  Strombes  (voy.  Quoy  et  Gaimard,  Voyage  de  l'Astrolabe,  Mollusques,  pi.  40,  fig.  18). 

—  Le  Dolium  galea  (voy.  Troschel,  Das  Gebiss  der  Schnecken,  pi.  1,  fig.  6). 

—  La  Paludine  vivipare  (voy.  0.  Speycr,  Zootomie  der  Paludiiia  vivipara,  pi.  1 ,  fig.  31  ,  Cassel, 
1555). 


DES  MOLLUSQUES  GASTÉROPODES.  371 

l'orifice  terminal  de  la  trompe,  quand  ce  dernier  organe  existe, 
le  canal  alimentaire  présente  un  renflement  assez  grand  qui 
est  composé  en  majeure  partie  de  faisceaux  charnus,  et  qui  est 
communément  désigné  sous  les  noms  de  bulbe  pharyngien 
ou  de  masse  buccale.  Il  est  ordinairement  armé  de  deux  sortes 
d'organes  sécateurs  de  consistance  cornée  (1),  savoir,  une  ou 
plusieurs  lames  maxillaires  qui  en  garnissent  la  voûte ,  et 
d'une  sorte  de  râpe  allongée  qui  en  occupe  le  fond,  et  qui 
constitue  ce  que  les  zoologistes  appellent  la  langue  de  ces 
Animaux  (2). 

L'appareil  maxillaire  manque  parfois  complètement,  chez  les 
Testacelles,  par  exemple,  et  sa  composition  varie  beaucoup. 

(1)  On  trouve  dans  un  mémoire  de  nom  de  chitine,  et  qui  joue  un  grand 
M.  Lebert  et  dans  Tintroduction  de  rôle  dans  la  constitution  de  l'appareil 
l'ouvrage  de  M.  Troschel,  sur  l'appa-  tégumentaire  des  Insectes.  Cela  a  été 
reil  masticateur  des  Mollusques,  une  constaté  par  ce  naturaliste  chez  les 
revue  historique  de  l'état  de  nos  con-  Limaçons  et  les  Patelles  (c).  M.  Bergh  a 
naissances  relatives  à  cette  partie  de  trouvé  aussi  du  phosphate  de  chaux 
l'organisme  des  Gastéropodes,  depuis  et  du  fer  dans  les  pièces  linguales  du 
Aristote  jusqu'à  nos  jours  (a).  Buccin  (d),  et  d'autres  analyses  faites 

(2)  Quelques  auteurs  ont  considéré  par  M.  Bergmann  s'accordent  avec  ces 
l'armature  buccale  des  Mollusques  résultats.  Ce  dernier  a  trouvé  environ 
comme  étant  composée  de  mucus  94  de  chitine  et  6  de  phosphate  de 
endurci  et  uni  à  un  peu  de  carbo-  chaux  chez  VHelix  nemoralis  et  le 
nale  de  chaux  (6)  ;  mais  on  voit,  Dolium  galea  (e).  C'est  à  tort  que 
par  les  recherches  de  M.  Leuckart,  quelques  naturalistes  ont  considéré  ces 
qu'elle  est  formée  essentiellement  de  pièces  linguales  comme  étant  formées 
la  substance  qui  est  connue  sous  le  de  siUce  (f). 


(a)  Lebert,  Beobachtungen  ûber  die  Mundorgane  einiger  Gasteropoden  {Ùùtter's  Ai'chiv  fur  Anat. 
und  Physiol.,  1846,  p.  463). 

—  Troschel,  Das  Gebiss  der  Schnecken ,   zur  Begrûndung  einer  natûrlichen  Classification, 
1856,  p.  5  et  suiv. 

(6)  Braconnot,  Analyse  des  Limaces  {Mém,  de  la  Société  des  sciences,  lettres  et  arts  de  Nancy 
1845,  p.  91). 

—  Moquin-Tandon,  Hist.  des  Mollusques  terrestres  et  fluviatiles,  p.  31. 

(c)  R.  Leuckart,  Ueber  das  Vorkommen  und  die  Verbreitung  des  Chitins  bei  den  wirbellosen 
Thieren  (Wiegmann's  Archiv  (ur  Naturgeschichte,  1852,  t.  I,  p.  25). 

(d)  Bergh,  Bidrag  til  en  Mon'ographi  af  Marseniaderne  {Mém.  de  l'Acad.  de  Copenhague,  1853 
3«  série,  t.  111,  p.  283).  ' 

(e)  Voyez  Troscliel,  Das  Gebiss  der  Schnecken,  p.  28. 

(/')  Hancock,  On  the  Boring  of  Mollusca  into  Rocks,  etc.  {Ahn.  ofNat.  Hist.  2"  série    1848 
t.  Il,  p.  142).  ' 


S72  API'AKEIL    DlGliSTlF 

Ainsi,  chez  les  Colimaçons  et  les  Limaces,  il  n'est  représenté 
que  par  une  mâchoire  impaire  et  médiane  qui  est  implantée 
transversalement  dans  la  paroi  membraneuse  du  palais,  et  qui 
se  termine  par  un  bord  Hbre  armé  de  denticules  en  nombre 
variable,  suivant  les  espèces.  Cette  lame  tranchante  n'exécute 
que  peu  ou  point  de  mouvements,  mais  l'appareil  lingual  qui  y 
est  opposé  pousse  avec  force  les  matières  alimentaires  conire 
son  bord  inférieur,  et  effectue  ainsi  la  division  de  ces  substances 
dont  le  tissu  est  en  général  peu  résistant,  car  la  nourriture  ordi- 
naire de  ces  Gastéropodes  terrestres  consiste  en  fruits  charnus, 
en  champignons  ou  en  feuilles  tendres,  bien  qu'ils  se  montrent 
aussi  très  avides  de  matières  animales,  et  que  parfois  on  les  voit 
se  repaître  même  d'une  proie  vivante  (1). 


(i)   Les  Limaçons  et  les   Limaces  à    l'ouvrage  spécial  de  M.   Moquin- 

n'altaquent  que  rarement  certains  vé-  Tandons(6), 

gétaux  ,  tels  que  les  Graminées  ou  La  disposition  de  la  mâchoire,  qui 
les  Fougères,  et  même  les  l'.osacées  et  occupe  la  partie  supérieure  de  la  ca- 
les Malvacées,  mais  ces  Mollusques  vite  buccale  de  ces  animaux,  a  été  in- 
sont très  avides  de  Champignons,  diquée  par  Svvammerdam  et  Lister, 
de  Solanées ,  d'Ombellifères  et  de  puis  par  Cuvier  (c),  et  étudiée  avec 
beaucoup  d'autres  plantes  à  odeur  vi-  plus  d'attention  par  MM.  Troschel, 
reuse  (a).  Pour  plus  de  détails  au  Lebert,  Moquin-Tandon,  Erdl,  Binney 
sujet  du  mode  d'alimentation  des  Gas-  et  plusieurs  autres  zoologistes  de  l'é- 
téropodes    puimonés  ,   je    renverrai  poque  actuelle  {d).  Cet  organe  adhère 


(a)  Voyez  Pépin,  Observations  faites  sur  les  diverses  espèces  de  Limaçons  qui  ravagent  les  jar- 
dins, et  indications  des  plantes  auxquelles  ils  s'attachent  et  à  l'abri  desquelles  ils  se  réftigient  de 
préférence  (extr.  de  ['Horticulteur  universel,  t.  V  et  VI). 

—  Recluz,  Observ.  sur  le  goût  des  Limaces  pour  les  Champignons  '(Guérin,  Revue  wologique, 
1841,  p.  307). 

(b)  Moquin-Tandon,  Histoire  naturelle  des  Mollusques  terrestres  et  fluviatiles,  p.  53  et  sniv. 

(c)  Lister,  Exercitatio  anatomica  in  qua  de  Cochleis  maxime  terrestribus  et  Limacibus  agitur, 
1694,  p.  69. 

—  Swaramerdara,  Biblia  Naturœ,  pi,  5,  Rg.  2. 

—  Cuvier,  Mém.  sur  la  Limace  et  le  Colimaçon  {Ajin.  du  Muséum,  t.  VII). 

(d)  Troscliel,  Ueber  die  Mundtheile  einheimischer  Schnecken  {Archlv  fur  Naturgeschichte,  1 836, 
t.  I,  p.  25T,pl.  9). 

—  Moquin-Tandon,  Observ.  sur  les  mâchoires  des  Hélices  de  France  {Mém.  de  l'Acad.  de  Tou- 
louse, 1848,  t.  IV).  —  Histoire  naturelle  des  Mollusques  terrestres  et  fluviatiles,  t.  I,  p.  30  et 
suiv.  * 

—  Erdl,  Beitrâge  zur  Anat.  der  Helicinen  (dans  Morilz  Wagner,  Reisen  in' dei'  Regentschaft 
Algier,  t.  111,  p.  268,  pi.  14j. 

—  Binney,  The  Terrestrial air-breathing  Mollusks  of  the  United  States,  1851 ,  1. 1,  pi.  1 ,  fig.  6  ; 
pi.  4,  fig.  6  ;  pi.  5,  fig.  4,  etc. 


DES   MOLLL'SQUES   GASTÉROPODES,  373 

Chez  d'autres  Gastéropodes,  les  Limnées,  par  exemple, 
l'armalure  palatine  se  compose  de  trois  pièces,  savoir,  une  mâ- 
choire médiane  et  une  paire  de  lames  latérales  (1). 

Ailleurs,  dans  la  même  classe,  on  ne  trouve  plus  de  vestige 
de  la  mâchoire  médiane  ;  mais  les  mâchoires  latérales  acquièrent 
un  grand  développement  et  sont  articulées  entre  elles  par  leur 
bord  supérieur,  de  façon  â  tenir  lieu  de  la  première  de  ces 
pièces.  Cette  disposition  est  fort  remarquable  chez  lesÉolides(2). 


à  la  muqueuse  palatine  par  une  lame 
basilaire,  et  se  termine  en  avant  par  un 
bord  libre  dont  la  forme  varie.  Tantôt 
il  présente  une  grosse  carène  médiane 
qui  se  prolonge  en  manière  de  dent 
ou  bec.  impair  ;  par  exemple,  chez  le 
Zonile  peson ,  ou  Hélix  algira  [a). 
D'autres  fois  il  présente  trois  ou  un 
plus  grand  nombre  de  petites  crêtes 
subégales  et  parallèles,  terminées  cha- 
cune par  une  pointe  en  forme  de 
dent  de  scie  :  par  exemple ,  chez 
VHelix  nemoralis  {b).  Enfin ,  dans 
quelques  espèces,  il  n'offre  ni  ca- 
rène ni  crête  bien  marquées,  et  se 
termine  par  un  bord  semi- lunaire 
à  peine  ondulé,  ainsi  que  cela  se 
voit  chez  la  petite  espèce  de  Coli- 
maçon des  Alpes  appelée  Zoniies 
glaber  (c).  Cette  dernière  forme  est 
encore  mieux  caractérisée  chez  les 
Bulimes  [d].  Pour  les  détails  spé- 
cifiques à   ce   sujet,   on   peut   con- 


sulter les  travaux  des  auteurs  cités 
ci-dessus. 

Chez  V Ampullaria  iirceus,  la  mâ- 
choire supérieure  est  beaucoup  plus 
développée,  et  encapuchonné,  pour 
ainsi  dire,  la  masse  linguale,  située 
au-dessous  (e).  Il  en  est  à  peu  près  de 
même  chez  une  espèce  de  Doridiens, 
VjEgirus  punctilucens  (/"). 

(1)  Dans  quelques  espèces,  ces  mâ- 
choires latérales  sont  rudimenlaires  : 
par  exemple,  chez  l'Ancyle  fluviale. 
Chez  la  Limnée  des  étangs,  elles  ont 
la  forme  de  lames  semi-lunaires  [g). 

(2)  MM.  Hancock  et  Emblefon  ont 
décrit  avec  beaucoup  de  soin  la  struc- 
ture de  cette  portion  de  l'armature 
buccale  chez  VEolis  violacea.  Toute  la 
partie  supérieure  et  latérale  de  la  ca- 
vité buccale  est  revêtue  par  les  mâ- 
choires. Celles-ci  ont  chacune  la  forme 
d'une  grande  plaque  concave  qui  se 
termine  en  avant  par  une  lame  tran- 


(a)  Van  Beneden,  Mém.  sjir  l'anatomie  de  THelix  algira  {Ann.  des  sciences  nat.,  2°  série,  t.  V, 
p.  281,  pi.  10,  fig.  7). 

{b)  Voyez  Moquin-Tandon,  Histoire  natiireUe  des  Mollusques  terrestres  et  (luviatiles,  pi.  d3, 
11-.  1. 

(c)  Idera,  ibid.,  pi.  9,  fig.  3. 

id)  Idom,  ibid.,  pi.  21,  fig.  1,  5,  etc. 

(e)  Troschcl,  Anatomia  von  Ampullaria  (Archiv  fur  Naturgeschichte,  1845,  t.  I,  p.  20C,  pi.  8, 
fig.  5). 

(f)  Aider  et  Hancock,  A  Monograph  of  the  Drilish  Nudibranchiate  Mollit  se  a  ,  fam.  1,  pi.  17, 
fig.  14  et  15.  . 

(g)  Moquin-Tandon,  Op.  cit.,  pi.  34,  fig.  17. 


Langue 

des 

Gastéropodes. 


574  APPAREIL    DIGESTIF 

Enfin,  dans  quelques  cas,  mais  très  rarement,  une  mâchoire 
palatine  transversale  se  trouve  opposée  à  une  lame  analogue  qui 
occupe  la  partie  antérieure  et  inférieure  de  la  cavité  buccale, 
de  façon  qu'il  existe  en  réalité  une  mâchoire  inférieure  aussi 
bien  qu'une  mâchoire  supérieure  :  cela  se  voit  chez  la  Nérite 
fluviatile  (1). 

§  12.  —  L'appareil  lingual,  qui  occupe  le  plancher  de  la 
cavité  buccale  et  s'y  élève  en  forme  de  tubercule  ovalaire,  res- 
semble beaucoup  à  l'organe  sécateur  que  nous  avons  déjà  ren- 
contré dans  la  même  position  chez  les  Dentales,  et  se  fait 
remarquer  surtout  par  l'espèce  de  râpe  dont  il  est  armé.  Il  a 
pour  base  une  pièce  cartilagineuse  en  forme  de  fer  à  cheval 
qui  donne  attache  à  de  nombreux  faisceaux  musculaires  et 
porte  à  sa  face  supérieure  la  râpe  dont  je  viens  de  parler  (2). 
Celle-ci  est  une  bande  membraneuse  longitudinale  qui  est  garnie 
d'une  multitude  de  pièces  solides  en  forme  de  crochets  ou  de 
tubercules  ;  antérieurement,  elle  est  saillante  et  à  découvert  ; 
mais  en  arrière  elle  est  engagée  dans  une  gaine  membraneuse, 
et  elle  se  termine  sur  un  tubercule  mou  qui  naît  des  parois  de 


chante  prolongée  en  forme  de  bec  (a). 
Quelquefois  le  bord  libre  de  ces  mâ- 
choires est  fortement  denliculé  :  par 
exemple,  chez  les  Éolidiens  désignés 
sous  les  noms  de  Janus  Spinolœ  (6)  et 
û'Antiopa  cristata  (c). 

(1)  Les  deux  mâchoires  médianes 
et  opposées  de  la  Nérite  fluviatile  sont 
formées  l'une  et  l'autre  d'une  lame 
semi-cornée,  arquée,  de  couleur  bru- 


nâtre, garnie  de  six  à  huit  côtes  verti- 
cales etdeniiculées  sur  le  bord  (d). 

(2)  Voyez  ci-dessus,  page  366. 

La  disposition  du  tubercule  lingual 
et  la  manière  dont  la  râpe  s'engage 
dans  son  fourreau  ont  été  très  bien 
représentées  par  Cuvier  chez  le  Turbo 
pica  (e),  par  M.  Troschel  chez  le  Do- 
liumgalea  (/),  et  par  M.  Speyer  chez 
la  Paludine  vivipare  (g). 


(a)  Hancock  and  Erableton,  Anatomy  of  Eolis  {Ann.  of  NaU  Hist.,  1845,  t.  XV,  p.  5,  pi.  1, 
fig.  5  à  H,  el  pi.  2,  fig-.  2  à  8). 

(6)  Blanchard,  Recherches  sur  l'organisation  des  Mollusques  Gastérofodes  de  l'ordre  des  Opisto- 
branches  (Ann.  des  sciences  nat.,  3°  série,  1849,  t.  II,  pi.  4,  fig.  3). 

(c)  Aider  et  Hancock,  Monogi'aph  of  the  British  Nudibranchiate  Mollusca,  fani.  3,  pi.  43,  fig.  3 
et  4  {Ray  Society). 

(d)  Moquin-Tandon,  Op.  cit.,  pi.  42,  fig.  5. 

(c)  Cuvier,  Mém.  sur  la  Vivipare  d'eau  douce,  etc.,  fig.  8  (Ann.  du  Muséum,  1808,  l,  XI), 

If)  Troschel,  Cas  Geftiss  der  Schnecken,  pi.  1,  fig.  6. 

ia)  Speyer,  Zootomie  der  Paludina  vivipara,  pi.  1,  fig.  19,  21,  31,  37. 


DES  MOLLUSQUES  GASTÉROfODËS.  375 

ce  fourreau,  et  qui  paraît  être  l'organe  chargé  d'effectuer  l'ac- 
croissement de  cette  singulière  armature  (1).  Les  pièces  solides 
qui  la  recouvrent  sont  en  très  grand  nombre  et  se  répètent 
longitudinalement;  elles  sont  disposées  par  bandes  transver- 
sales et  varient  beaucoup  dans  leur  forme  et  leur  mode  d'arran- 
gement, suivant  les  genres  et  même  les  espèces  (2).  En  général, 
une  série  de  pièces  impaires  o(;cupe  la  ligne  médiane  et  sert  de 
support  à  une  double  série  de  pièces  latérales  dont  les  internes 
se  recourbent  en  haut  et  en  arrière,  de  façon  à  constituer  des 
crochets  ou  des  dents  aiguës.  Souvent,  au  lieu  d'une  seule 
rangée  de  ces  crochets  de  chaque  côté  de  la  ligne  médiane,  il  en 
existe  plusieurs,  et  quelquefois,  en  même  temps  que  ces  parties 
latérales  de  l'armature  linguale  se  multiplient  beaucoup,  la  por- 
tion médiane  disparaît,  de  façon  que  le  tout  ne  ressemble  plus 
à  un  ruban  unique,  mais  constitue  une  paire  de  larges  plaques 


(1)  Le  cartilage  lingual  des  Mollus-  des  cellules  cartilagineuses  (6),  mais 
ques  Gastéropodes  a  échappé  à  l'at-  cela  ne  paraît  pas  être, 
tention  de  beaucoup  d'anatomistes ,  ('i)  Le  mode  de  croissance  delà 
mais  ne  paraît  manquer  que  très  ra-  râpe  linguale  me  paraît  avoir  été  très 
rement.  M.  Lebert  fut  l'un  des  pre-  bien  constaté  chez  la  Néritine  fluvia- 
miers  à  en  faire  bien  connaître  la  dis-  lile  par  M.  Clarapède.  Ce  naturaliste 
position,  qui,  dans  ces  derniers  temps,  considère  comme  une  espèce  de  bulbe 
a  été  décrite  d'une  manière  pluscom-  ou  de  matrice  le  tubercule  mou  qui 
plète  par  M.  Huxley,  et  surtout  par  en  occupe  l'extrémité  postérieure,  et 
M.  Claparède  (a).  M.  Semper  pense  il  a  vu  que  les  pièces  dentaires,  en  s'y 
qu'il  manque  dans  le  genre  Limace,  développant,  sont  d'abord  très  minces 
et  que  chez  les  autres  Gastéropodes  et  délicates,  mais  se  consolident  en 
pulmonés  le  tissu  des  parties  corres-  s'avançant  vers  la  cavité  buccale  (c). 
pondantes  à  ce  cartilage  serait  com-  M.  Semper  pense  que  la  râpe  lin- 
posé  de  fibres  musculaires  mêlées  à  guale  ne  s'accroît  pas  d'avant  en  ar- 


(a)  Lebert,  Beobachtungen  ûber  die  Mundorgane  einiger  Gasteropoden  (Mùllcr's  Archiv  fur 
Anat.  und  Physiol.,  1846,  p.  435,  pi.  13,  fig-,  22,  etc.). 

—  Huxley,   On  the  Morphology  of  the  Cephaloiis  Mollusca  {Philos.  Trans.,  1853,  p.  58,  pi.  5, 
fig.  12  et  13). 

—  Claparède,  Anatomie  und  Entwickelungsgeschichte  der  Neritina  fluviatilis  (Muller's  Archiv 
fur  Anat.  und  Physiol.,  1857,  p.  144  et  suiv.,  pi.  5,  ùg.  11-25). 

(6)  Semper,  Zum  feinereii  Baue  der  Molluskensunge  (Zeitschr.  fur  wissenschaftliche  Zoologie, 
1858,  t.  IX,  p.  271,  pi.  12,  fig.  5). 

(c)  E.  Claparède,  Op.  cit.  (Muller's  Archiv  fur  Anat.  und  Physiol,,  1857,  p.  142). 


376  APPAREIL    t)lGESTlP 

hérissées  de  denticules.  Quoi  qu'il  en  soit  à  cet  égard,  les  cro- 
chets sont  durs  à  la  partie  antérieure  de  l'appareil,  mais  vers  la 
base  de  la  langue  ils  sont  plus  mous,  et  ils  paraissent  se  renou- 
veler à  l'extrémité  postérieure  de  cet  organe  à  mesure  qu'ils 
s'usent  à  sa  prrtie  antérieure,  qui  s'élève  en  arc  de  cercle. 
Cette  partie  saillante  de  la  râpe,  à  raison  de  l'élasticité  des  par- 
ties sous-jacentes  et  du  jeu  des  muscles  insérés  sur  le  cartilage 
basilaire,  est  susceptible  de  se  porter  alternativement  en  avant 
et  en  arrière;  chez  les  Gastéropodes  ordinaires,  elle  ne  se 
déroule  jamais  au  dehors  de  la  bouche,  mais  elle  agit  à  la 
manière  d'une  scie  articulée  (1).  La  structure  de  cet  appareil 


rière,  et  naîtrait  directement  comme 
produit  épilhélial  de  la  membrane 
sous-jacente  {a)  ;  mais  il  ne  se  fonde 
sur  aucune  observation  directe ,  et 
cette  hypothèse  ne  s'accorde  pas 
avec  les  divers  degrés  de  dévelop- 
pement qui  se  remarquent  dans  le 
tissu  de  pièces  dentaires  d'arrière  en 
avant. 

(1)  11  existe  de  grandes  et  nom- 
breuses variations  dans  l'armature  de 
la  langue  des  Gastéropodes,  et  depuis 
quelques  années  l'étude  des  pièces 
solides  qui  la  constituent  a  été  pour- 
suivie avec  persévérance  par  plu- 
sieurs zoologistes,  parmi  lesquels  je 
citerai  principalement  M.  Lovén  à 
Stockholm,  et  M.  Troschel  à  Berlin  (6). 
J'ajouterai  que  les  belles  préparations 
microscopiques  faites  par  M.  Rappart, 
de  Wabern,  et  données  à  beaucoup 
d'établissements  universitaires  par  ce 
naturaliste    (  sous  le  nom   d'Engell 


et  C),  ont  beaucoup  contribué  à  vul- 
gariser les  connaissances  relatives  à 
ce  point  d'anatomie. 

Le  premier  exemple  que  je  crois  de- 
voir choisir  pour  l'élude  des  pièces  lin- 
guales est  VEolis  aîba.  Ici  la  râpe  (ou 
radula)  se  compose  d'une  seule  série 
longitudinale  de  plaques  cornées,  ar- 
mées chacune  d'un  prolongement  co- 
nique et  spiniforme  qui  se  recourbe 
en  arrière,  au-dessus  de  la  base  de  la 
dent  suivante,  de  façon  à  constituer 
une  rangée  longitudinale  de  crochets 
simples  dont  la  pointe  est  dirigée  en 
arrière  (c).  On  ne  compte  que  vingt 
de  ces  dents.  Chez  d'autres  Éolidiens, 
où  il  existe  également  une  seule  rangée 
de  pièces  linguales ,  celles-ci  s'élargis- 
sent davantage,  et  offrent  de  chaque 
côté  de  la  grosse  pointe  médiane  une 
série  plus  ou  moins  nombreuse  d'é- 
pines ou  denticules  plus  petites,  de 
façon  à  constituer  une  série  de  pei- 


ia)  Semper,  Op.  cit.  {Zeltschr.  fur  wissenschaftl.  Zool.,  1858,  t.  IX,  p.  27-t). 

(b)  Lovén,  Offl  tungans  bevapning  hos  Molluskev  {Opversigt  afVitenskaps-Aliademiens  Forhand- 
iingar.,  1847,  p.  175,  pi.  3  à  C). 

—  Trosciiel,  Dos  Gebiss  der  Svhnecken,  z-ur  Begrilndung  einer  natûrlichcn  Classification. 
Berlin,  1856. 

(c)  Voyez  HaiiPocls  ami  Emblclon,  Op.  rit.  {.\nii.  of  Xat.  Hht.,  t.  XV,  pi.  2,  fig'.  1 1  et,  12). 


DES  MOLLrSQtES  GASTÉROPODES.  â77 

est  extrêmement  complexe;  on  y  distingue  souvent  plusieurs 
milliers  de  pièces  articulées  entre  elles,  et  la  gaine  qui  renferme 
sa  portion  basilaire  se  prolonge  en  général  au-dessous  de  la 


gnes:  par  exemple,  chez  VEolis  nana, 
VE.  stipula,  etc.  [a). 

Dans  un  second  type,  Tarmature  lin- 
guale se  compose  d'une  série  médiane 
de  crochets,  soit  simples,  soit  pectines, 
et  d'une  série  d'autres  pièces  cornées 
situées  de  chaque  côté,  et  tantôt  sim- 
ples, comme  cela  se  voit  chez  VEolis 
pellucida  [b]  ;  d'autres  fois  à  bord 
denticulé  :  par  exemple,  chez  VE.  li- 
neata  (c). 

Chez  d'autres  Gastéropodes,  l'arma- 
Uire  linguale  se  modifie  par  l'addition 
d'un  nombre  plus  ou  moins  considé- 
rable de  dents  latérales  de  chaque  côté 
des  séries  déjà  décrites.  Ainsi  chez 
lesBuccins,  les  Nasses,  les  Murex,  etc. , 
chaque  rangée  transversale  se  com- 
pose d'une  large  dent  médiane  (en 
général  garnie  de  pointes  fortes  ou 
nombreuses)  et  d'une  paire  de  dents 
latérales,  tantôt  en  forme  de  crochets 
simples,  d'autres  fois  terminées  par 
deux,  trois  ou  un  plus  grand  nombre 
de  pointes  courtes  [d].  Chez  le  Cras- 
pedonia  lucidum  (e),  le  Cyclophorus 
inca  If),  le  LameUaria  prodita  [g),  les 


Arapullaires  (h),  etc.,  chaque  rangée 
transversale  se  compose  d'une  grosse 
dent  médiane  et  de  trois  paires  de  dents 
latérales  à  peu  près  de  même  forme. 

Chez  les  Cyclostomes,  la  disposition 
de  ces  pièces  est  à  peu  près  la  même,  si  ce 
n'est  que  les  dents  de  la  rangée  externe 
de  chaque  côté  s'élargissent  beaucoup 
et  deviennent  multidenticulées  sur  le 
bord  (0.  Ailleurs,  on  voit  ces  pièces 
latérales  se  développer  davantage  en- 
core, et  se  subdiviser  vers  leur  bord 
antérieur  en  une  longue  série  de  cro- 
chets :  par  exemple,  chez  le  Trochus 
ciuerarius  (j)  et  le  Chondropoma 
Poeyanum  {k).  Ou  bien  encore  les 
dents  latérales,  tout  en  restant  simi- 
laires, se  multiplient  énormément  , 
ainsi  que  cela  se  voit  chez  l'Ancyle 
fluviatile  (/)  et  chez  les  Bulimes  [m). 

Chez  les  Siphonaires,  on  compte, 
dans  chaque  rangée  transversale  des 
deux  côtés  du  crochet  médian,  une 
cinquantaine  de  crochets  de  plus  en 
plus  petits  'ji[. 

U  arrive  parfois  que  dans  le  cas  où 
les  parties  latérales  de  l'armure  Un- 


(a)  Voyez,  pour  la  forme  de  ces  dents,  la  belle  Monographie  des  MoUusques  NmUbrnnches,  par 
MM.  Aider  el  Hancock,  pi.  47,  Cig.  17,  18,  etc.  (Ray  Society). 

(6)  Aider  and  Hancock,  Sudibranchiate  MoUusca,  pi.  47,  fîg.  12. 

(c)  Aider  and  Hancock,  Op.  cit.,  pi.  47,  fig.  10. 

\d)  Lovén,  Op.  cit.  (Bulletin  de  IWcadémie  de  Stockholm,  1847,  pi.  5). 

(e)  Troschel,  Bas  Gebiss  der  Schnecken,  pi.  4,  Gg.  3. 

(/■j  Gray,  Gn  the  Teeth  of  the  Pneummobranchiate  Mollusca  (Ann.  of  Sa!.  Hist.,  i' série, 
1853,  t.  XII,  p.  333,  fig.  6). 

(g)  Lovén,  Op.  cit.  (Bulletin  de  l'Académie  de  Stockholm,  1847,  pi.  4). 

(h)  Troschel,  Op.  cit.,  pi.  6,  ûg.  6  à  9. 

{il  Exemple  :  Cyckistomus  elegans  (voy.  Troschel,  Op.  cit.,  pi.  4,  fig.  8). 

[j)  Lovén,  loc.  cit.,  pi.  6. 

(k)  Troschel,  Op.  cit.,  pi.  4,  fig.  13. 

(l)  Lovén,  Op.  cit.  [Bulletin  de  l'Académie  de  Stockholm,  1847,  pi.  3\ 

(m)  Troschel,  Ueber  die  Mundtheile  einiger  Heliceen  i.Krchiv  fur  Xaturgeschichle,  t.  I,  p,  -2-25, 
pi.  4,  fig.  4  6,  G  b). 

[n)  Gray,  Op.  cit.  [Anu.  ofXal.  Hist.,  2'  série,  f.  Xll,  p.  333,  fig.  5), 


578  APPAREIL    DIGESTIF 

masse  viscérale.  Chez  la  Patelle,  par  exemple,  elle  offre  des 
dimensions  très  considérables,  et  se  loge  dans  une  poche  mem- 


guale  se  développent  beaucoup,  les 
pièces  de  la  rangée  médiane  cessent 
de  se  prolonger  en  forme  de  dents,  et 
se  réduisent  à  de  simples  tubercules 
ou  bandes  cornées,  dont  Tensemble 
constitue  une  sorte  de  tige  articulée 
que  les  anatomistes  désignent  souvent 
sous  le  nom  de  rachis.  Cette  disposi- 
tion se  remarque  chez  le  Paludinavivi- 
para  [a],  le  Boris  diaphana  [b),  le 
Psammophora  (c),  etc.  Ailleurs  les 
pièces  médianes  disparaissent  uième 
complètement,  de  façon  qu'alors  le 
rachis  lingual  manque  et  que  toutes  les 
parties  de  l'appareil  sont  paires  :  cela 
se  voit  chez  la  plupart  des  Doris,  ani- 
mau;c  qui  ont  généralement  la  langue 
très  large  et  bilobée  [d). 

Il  est  aussi  à  noter  que  la  forme  de 
ces  pièces  latérales  varie  beaucoup. 
Tantôt  ce  sont  de  simples  papilles 
obtuses  ou  coniques  et  plus  ou  moins 
recourbées  en  arrière ,  ainsi  que  cela 
se  voit  chez  la  plupart  des  Héli- 
cines  [e)  ,  les  Janthines  (/")  ,  etc.  ; 
d'autres  fois  des  lames  assez  larges  et 
faiblement  denliculées  sur  le  bord , 
par  exemple  chez  le  Valvata  trica- 


rinata  (g)  ;  ou  bien  encore  des  cro- 
chets à  plusieurs  branches,  disposi- 
tion qui  se  rencontre  chez  le  Cyprea 
helvola  {h). 

Quelquefois  les  pièces  d'une  même 
rangée  ne  se  placent  pas  sur  une  seule 
ligne  transversale,  et  forment  diffé- 
rents groupes  qui  compliquent  beau- 
coup l'aspect  général  de  la  râpe  :  par 
exemple,  chez  lo  plupart  des  Pa- 
telles (^■)  et  chez  les  Oscabrions  (j). 

Ainsi  que  je  l'ai  déjà  dit,  le  nombre 
des  pièces  constitutives  de  la  râpe  lin- 
guale est  souvent  très  considérable  ; 
on  en  compte  environ  6000  chez  le 
Doris  tuberculata  {k),  environ  1/t  000 
chez  Vlîelix  aspersa,  21  000  chez 
VHelix  pomalia,  et  près  de  27  000 
chez  le  Limax  maximus  (/)  ;  enfin, 
chez  le  Tritonia  Hombergii,  il  y  en 
a  plus  de  36  000  (m). 

Chez  quelques  Éolides  on  ne  trouve 
qu'environ  vingt  dents. 

Il  existe  aussi  de  grandes  variations 
quant  à  la  longueur  de  la  râpe  lin- 
guale. Chez  le  Trochus  pagodus,  cet 
organe  est  sept  fois  plus  long  que  le 
corps  de  l'animal  (n). 


(a)  Troschel,  Op.  cit.  {Archiv  fur  Naturgeschichte,  1836,  pi.  4t,  fig.  2). 

(b)  Voyez  Aider  et  Hancock,  Op.  cit.,  pi.  46,  fig.  9. 

(c)  Quoy  et  Gaimard,  Voyage  de  l'Astrolabe,  Mollusques,  pi.  69,  fig.  dO. 

(d)  Exemple  :  Doris  tuberculata  (Aider  et  Hancock,  Op.  cit.,  pi.  1,  fig.  G,  7,  8;  pi.  46,  fig.  i). 

(e)  Troschel,  Das  Gebiss  der  Schnecken,  pi.  5,  fig.  1  à  12. 
(/■)  Lovén,  loc.  cit.,  pi.  3. 

{g}  Troschel,  Das  Gebiss  der  Schnecken,  pi.  6,  fig.  14. 

{h)  Lovén,  loc.  cit.,  pi.  4. 

(ij  Lovén,  Op.^  cit.  {Bulletin  de  l'Académie  de  Stockholm,  1847,  pi.  6). 

{j)  Savigny,  Egypte,  Mollusques  gastérop.,  pi.  3,  fig.  5',  5**. 

—  Schiff,  Beitrdge  %ur  Anatomie  von  Chiton  piceus  (Zeitschr.  filr  wissensch.  Zoologie,  t.  IX, 
pi.  2,  fig.  10). 

(fc)  Aider  et  Hancock,  Op.  cit.,  \>.  H,  fam.  2,  pi.  1,  fig.  5  et  6. 

(Z)  W.  Thomson,  Remarks  on  the  Dentition  of  Dritish  Pulmonifera  (Ann.  oj  Nat.  Hist., 
2«  série,  t.  VH,  p.  93). 

{m}  Aider  and  Hancock,  Op.  cit.,  p.  11. 

(n)  Quoy  et  Gaimard,  Voyage  de  V Asti'olabe,  Mollusques,  pi.  62,  fig.  3. 


DES  MOLLUSQUES  GASTÉROPODES.  379 

braneuse  dépendant  des  sinus  céphaliques  dont  j'ai  déjà  eu  à 
parler  en  décrivant  le  système  artériel  de  ces  singuliers  Mol- 
lusques (1).  Enfin,  chez  les  Haliotides,  la  portion  basilaire  de  la 
langue,  revêtue  comme  d'ordinaire  de  sa  gaine  membraneuse, 
se  loge  dans  la  cavité  de  la  grande  artère  aorte.  Lorsque  l'es- 
pèce de  scie  courbe  ainsi  constituée  est  située  à  l'extrémité  d'une 
trompe  grêle  et  allongée ,  elle  permet  à  l'Animal  de  tarauder 
en  quelque  sorte  la  coquille  des  Mollusques  dont  celui-ci 
veut  faire  sa  proie ,  et  de  ronger  les  parties  molles  situées 
au-dessous  de  cette  enveloppe  calcaire.  C'est  de  la  sorte  que 
les  Buccins  perforent  beaucoup  de  coquilles  de  nos  côtes  (2), 
et  c'est  aussi  à  l'aide  de  cet  appareil  sécateur  que  d'autres 
Gastéropodes  creusent  parfois  dans  la  substance  des  plantes 
marines  des  excavations  profondes  (3);  mais  en  général  la 
râpe  linguale  est  employée  surtout  à  pousser  les  matières  ali- 
mentaires de  la  bouche  vers  l'œsophage  {h).  Quelquefois  elle 
est  susceptible  de  se  déployer  à  l'extérieur  et  d'agir  à  la  manière 
d'un  organe  de  préhension;  cela  se  voit  chez  les  Firoles  et  les 
Carinaires  (5). 


(1)  Voyez  tome  III,  page  136.  nos  côtes  se  nourrit  d'algues  molles, 

('i)  Le  Buccinum  lapillus  se  nour-  et  fait  pénétrer  par  succion  les  fila- 

rit  de  la  sorte  aux  dépens  des  Moules  ments  de  ces  végétaux  dans  son  œso- 

et  de  divers  (îasléropodes  ;  quelque-  phage.    La   Patelle   commune  paraît 

fois  il  attaque  même  des  Animaux  de  avaler  aussi  des  fragments  de  plantes 

son  espèce  [a).  marines  sans   les  diviser    préalable- 

(3)  Cette  observation  s'applique  au  ment  {b). 

Patella  pellucida  qui  se  trouve  sou-  (5)  Chez  ces  Mollusques,  l'armature 

vent  sur  les  côtes  de  la  Manche,  dans  linguale  se  compose  généralement  de 

des  trous  creusés  dans   le  pied  du  cinqséries  longitudinales  de  pièces  cor- 

Zostera  marina.  Le  Trochus  crassus  nées,  et  celles  de  la  série  externe  sont 

de   nos   côtes  râpe  aussi  les  plantes  susceptibles  de  se  reployer  en  dedans 

marines  dont  il  se  nourrit.  au-dessus  des  dents  de  la  paire  interne, 

(Zi)    Ainsi   le   Turbo  Uttoreus    de  ou  de  se  renverser  en  dehors,  de  façon 


(o)  Osier,  Observ.  on  the  Anatomy  and  Habits  of  Marine  Testaceous  Mollusea,illustralive  of 
Iheir  Mode  of  Feeding  (Philos.  Trans.,  ISSS,  p.  507). 
(6)  Osier,  Op.  cit.  [Philos.  Trans.,  1832,  p.  503). 


Armature 
gastrique. 


Gésier. 


â80  APPAREIL    DIGESTIF 

§  13.  —  Les  organes  sécateurs  dont  la  bouche  est  armée  ne 
sont  pas  les  seuls  instruments  à  l'aide  desquels  la  division  mé- 
canique des  aliments  s'opère  parfois  chez  les  Mollusques  Gasté- 
ropodes. Quelquefois  une  portion  du  tube  digestif  est  disposée 
de  façon  à  remplir  des  fonctions  analogues.  Ainsi,  chez  les 
Aplysies,  il  existe  une  sorte  d'estomac  triturant  appelé  gésier, 
dont  les  parois  ,  garnies  de  fibres  musculaires  très  puissantes, 
sont  armées  de  plaques  cornées  en  forme  de  dents  et  de 
crochets  (1). 


à  former  de  chaque  côté  une  rangée 
de  crochets  dirigés  en  dehors  [a). 

(1)  Chez  TAplysie  (6) ,  l'appareil 
buccal,  renfermant  une  râpe  linguale 
multidenticulée  (c)  ,  est  suivi  d'un 
œsophage  étroit,  qui  bientôt  se  dilate 
subitement  pour  former  un  premier 
réservoir  alimentaire  ,  appelé  jabot. 
Celte  première  poche  se  contourne 
sur  elle-même  en  manière  de  spirale 
et  a  des  parois  membraneuses  assez 
minces.  Les  aliments  passent  ensuite 
dans  un  second  réservoir  à  parois 
très  musculaires  qui  constitue  le 
gésier.  La  surface  interne  de  cet 
estomac  triturant  est  garnie  d'une 
douzaine  de  grandes  plaques  épi- 
ihéliques  ,  de  consistance  semi-car- 
tilagineuse, qui  ont  la  forme  de  py- 
ramides à  base  rhomboïdale,  et  qui 
sont  disposées  de  façon  à  se  rencon- 
trer par  leur  sommet,  quand  l'organe 
se  contracte.  Un  troisième  estomac. 


qui  fait  suite  au  gésier,  est  armé  en 
dedans  de  petits  crochets  dont  la 
pointe  est  dirigée  en  avant  et  dont  la 
nature  est  également  épithélique. 
Près  du  pylore,  on  y  remarque  aussi 
deux  petites  crêtes  membraneuses  qui 
font  saillie  dans  son  intérieur  et  qui 
bordent  l'entrée  d'un  gros  appendice 
caecal  à  parois  membraneuses.  L'in- 
testin n'offre  rien  de  particulier  {d). 

Le  secolîd  estomac  du  Cerithium 
lelescopium  paraît  offrir  une  disposi- 
tion analogue  :  on  y  a  trouvé  une 
plaque  solide  garnie  de  plusieurs  ran- 
gées transversales  de  denticnles  (e). 

Chez  les  Bullées,  il  y  a  aussi  un 
gésier  armé  de  pièces  solides  pro- 
pres à  triturer  les  aliments;  leur  dis- 
position varie  un  peu  suivant  les 
espèces  (/"). 

Chez  le  Bulla  lignaria,  deux  de  ces 
pièces  calcaires  sont  unies  par  des 
fibres  musculaires,  et  ressemblent  un 


(a)  Exemple  :  Carinaire  (voy.  Poli,  Op.  cit.,  t.  III,  pi.  44,  fig.  9  cUO). 
■ — Firole  (voy.  Leuckart,  Zoologische  Uiitersuchuncjen,  Heft  3,  p.  39,  pi.  i,  fig'.  13). 
(6)  Cuvier,  Mémoire  sur  le  genre  Aplysia,  vulgairement  nommé  Lièvre  niarin  {Mémoire  pour 
servir  à  l'histoire  des  Mollusques,  et  Ann.  du  Miiséum,  1802,  t.  II). 

(c)  Lovcn,  loc.  cit.,  pi.  3. 

(d)  Délie  Cliiaje,  Descriz.  e  notomia  degli  Animali  invertebrati  délia  Sicilia  citeriore,  pi.  58, 
fig.  3. 

(e)  Berkeley  and  Hoffmann,  A  description  of  the  Anatomical  Structure  ofCcrilliium  telescopiuni 
{Zoological  Journal,  t.  V,  p.  434,  pi.  20,  fig.  6). 

{f)  Cuvier,  Mém.  sur  ks  Acères,  p.  12,  pi.  1,  fig.  21  el  22  (.\nn.  du  Muséum,  1810,  t.  XVI), 


DliS    MOLLUSQUES    GASTÉROPODES.  381 

§  1/4.  —  Beaucoup  de  Gastéropodes  sont  omnivores  ou  même 
essentiellement  phytophages ,  et  il  est  aussi  à  remarquer  que 
chez  la  plupart  des  Animaux  de  cette  classe  il  existe  un  appareil 
salivaire  très  bien  constitué.  Quelquefois  ces  organes  sécré- 
teurs ont  la  forme  de  tubes  simples  à  parois  glandulaires,  chez 
les  Aplysies  et  les  Calyptrées,  par  exemple  ;  mais  en  général 


Glandes 
salivaires. 


peu  aux  valves  de  la  coquille  d'un 
Mollusque  acéphale  ;  pendant  quelque 
temps  on  les  a  fait  passer  pour  telles 
dans  le  commerce,  et  on  les  désignait 
sous  le  nom  générique  de  Gioenia  [a). 

Chez  les  Scyllées,  Cuvier  a  trouvé 
un  gésier  garni  intérieurement  de 
douze  lames  cornées,  disposées  lon- 
gitudinalement  et  tranchantes  comme 
des  couteaux  [h).  Une  disposition  ana- 
logue paraît  exister  chez  VÂuricula 
Midas,  où  le  gésier  est  très  déve- 
loppé (c)  ;  et  chez  les  peUts  Gastéro- 
podes que  M.  de  Quatrefages  a  dési- 
gnés sous  le  nom  de  Pavois,  on  voit 
un  estomac  garni  de  quatre  plaques 
solides  denliculées  (d). 

Les  Bythénies,  petits  Gastéropodes 
herbivores  qui  ont  beaucoup  de  res- 
semblance avec  les  Paludines,  mais 
qui  sont  dépourvus  de  mâchoires,  ont 
dans  l'estomac  un  corps  cartilagineux 
cylindrique  qui  paraît  être  analogue 
au  stylet    cristallin   des   Mollusques 


acéphales  (e).  Quelque  chose  d'ana- 
logue a  été  signalé  chez  les  Strombes 
et  chez  le  Trochus  turritus  (f). 

Enfin  M.  Huxley  a  découvert  chez 
les  Ptérocères  un  stylet  cartilagineux 
qui  est  logé  dans  un  caecum  pylorique, 
et  qui  fait  saillie  au  fond  de  l'esto- 
mac (g). 

Quelques  autres  Gastéropodes  sont 
pourvus  d'un  gésier  qui,  sans  être 
armé  de  la  sorte,  n'en  est  pas  moins 
un  organe  triturant.  Ainsi,  chez  la 
Limnée  des  étangs,  cette  portion  du 
tube  alimentaire  est  garnie  de  deux 
masses  musculaires,  qui  sont  réunies 
par  un  tendon,  et  Cuvier  la  compare 
au  gésier  des  Oiseaux  granivores  {h). 

Chez  les  Oiichidies,  on  trouve  aussi 
un  gésier  musculaire  très  puissant, 
qui  est  revêtu  intérieurement  d'une 
tunique  de  consistance  cartilagi  - 
neuse  (i).  Une  disposition  analogue 
se  voit  chez  l'Ombrelle  de  la  Méditer- 
ranée {j). 


{a)  Owen,  Lectures  on  the  Comparative  Anatomy  of  [nvertebr.  Anbnals,  p.  557. 
(6)  Cuvier,  Mém.  sur  la  Scillde,  etc.,  p.  10,  pi.  1,  fig-.  0  {Méin.  du  Muséum,  1805,  l.  VI,  et  Ann. 
pour  servir  à  l'histoire  des  Mollusques). 

(c)  Quoy  et  Gainiard,  Voyage  de  l'Astrolabe,  Mollusques,  pi.  14,  fig.  6  et  12. 

(d)  Quatrefages,  Mém.  sur  les  Gastéropodes  phlébentérés  (Ann.  des  sciences  nat.,  3»  série, 
1844,  t.  I,  p.  "153,  pi.  4,  lig.  5,  et  pi.  5,  fig.  7). 

(e)  Moquin-Tanrloii,  Histoire  des  Mollusques  terrestres  et  fluviatiles,  t.  I,  [i.  44,  pi.  38,  fig.  21, 
et  pi.  39,  fig.  30. 

(/■)  Collier,  General  Observations  on  Univalves  {The  Edinb.  new  Philosoph.  Journal,  1829, 
t.  VII,  p.  231). 

(g)  Huxley,  On  the  Morphology  of  the  Cephalous  Mollusca  (Philos.  Trans.,  1852,  p.  60,  pi.  5, 
fig.  16  et  17). 

(h)  Cuvier,  Mém.  sur  la  Limnée,  etc.,  p.  7,  pi.  1 ,  fig.  9  in. 

(i)  Cuvier,  Mém.  sur  l'Onchidie,  p.  8,  pi.  1 ,  fig.  4,  5  et  7  ^. 

(j)  Dalle  Chiaje,  Descr.  et  notom.  degli  Anim.  invertebr.,  t.  II,  p.  90,  pi.  00,  fig.  20. 


382  APPAREIL    DIGESTIF 

ils  sont  massifs  et  consistent  en  un  certain  nombre  de  lobules 
d'apparence  grenue,  qui  sont  fixés  à  l'extrémité  d'un  canal 
excréteur  long  et  grêle.  Ils  débouchent  sur  les  côtés  de  la 
langue,  mais  ils  sont  logés  plus  ou  moins  loin  en  arrière,  sur 
les  côtés  de  l'œsophage  ou  de  l'estomac.  D'ordinaire  on  n'en 
trouve  qu'une  seule  paire,  mais  dans  quelques  espèces  il  y  en  a 
deux  paires,  par  exemple  chez  les  Janthines  (1). 


(1)   Chez  les  Aplysies,  les  glandes  mais  ont  un  aspect  plus  framboise  ou 

salivaires  ont  la  forme  de  deux  gros  deviennent  même  sublobulées  (g). 
cordons  cylindriques,  mous  et  blan-  Chez  le  Colimaçon,  ces  organes  sont 

châtres,    qui   naissent   de    la  masse  beaucoup  plus  développés  et  s'élar- 

buccale,  sur  les  côtés  de  l'œsophage,  gissent    postérieurement   en   lobules 

et  se  dirigent  en  arrière,  traversent  le  minces  et  irréguliers  qui  s'appliquent 

collier  nerveux  avec  ce  conduit,  et  sur  la  surface  externe  de  l'estomac,  et 

vont  se  placer  sur  le  côté  gauche  de  se  réunissent  sur  plusieurs  points,  de 

l'estomac  (a).  façon  à  embrasser  ce  viscère  {h).  Chez 

Chez  la  Calyptrée,  ces  glandes  ont  à  la  Limace  ils  se  prolongent  moins  loin 

peu  près  la  même  forme,  mais  sont  en  arrière,  mais  ressemblent  davan- 

beaucoup  moins  longues  (6).  tage    à  des    glandes    conglomérées 

Un  mode  d'organisation  semblable  ordinaires  (i). 
se  voit  chez  la  plupart  des  Doris  (o).  Chez  les    Onchidies  ,  les  glandes 

chez  les    Calliopées   {d) ,   les    Cari-  salivaires  sont  moins  compactes,   et 

naires  (e),  les  Firoles  (/"),  etc.  ressemblent  à  des  arbuscules  touffus. 

Chez  les  Tritonies,  les  glandes  sali-  parce  que  leurs  lobules  ne  sont  unis 

vaires  sont  encore  grêles  et  allongées,  que  par  leurs  canaux  excréteurs  (j). 

(a)  Cuvier,  Mém.  sur  l'Aplysie,  pi.  3,  fig.  ■)  (extr.  des  Ann.  du  Muséum,  t.  II). 

—  Délie Chiaje,  Descri%ione  e notomia degli Animalimvertebrati  délia Sicilia citeriore,  pi.  58, 
fig.  1  et  3). 

—  Carus  et  Otto,  Tab.  Anatom.  compar.  illustr.,  pars  iv,  pi.  2,  fig.  dO. 

(6)  Owen,  On  the  Anatomy  of  Calyptridœ  {Transactions  of  the  Zoological  Society  of  London, 
i.  I,  p.  208,  pi.  30,  fig.  6). 

(c)  Exemple  :  Doris  lacera  (voy.  Cuvier,  Mém.  sur  les  Doris,  pi.  1 ,  ùg.  3).  —  Doris  pilosa  (voy. 
Aider  et  Hancock,  Op.  cit.,  pi.  1,  fig.  ■12).  —  Doris  tuberculata  (Aider  et  Hancock,  Op.  cit.,  pi.  2, 
lïg-.  1).  —  Doris  argo  (Carus  et  Otto,  Tab.  Anatom.  compar.  illustr.,  pars  iv,  pi.  2,  €ig.  3). 

[dj  Souleyet,  Voyage  de  la  Bonite  (Hist.  nat.,  t.  II,  p.  449,  Mollusques,  pi.  24  c,  fig.  18). 

(e)  Milne  Edwards,  Sur  l'organisation  de  la  Garinaire  (Ann.  des  sciences  nat.,  2°  série, 
t.  XVIII,  pi.  H,  fig.  1  et  2). 

—  Souleyet,  Voyage  de  la  Bonite,  Zool.,  Mollusques,  pi.  22,  fig.  1 . 

if)  Lesueur  a  figuré  ces  organes  chez  les  Firoles,  nwis  les  désigne  sous  le  nom  de  Polypes  internes 
(Journal  of  the  Acad.  of  Philadelphia,  t.  I,  p.  41.  pi-  2,  fig.  7). 

(g)  Exemple  :  Tritonia  Hombergii  (voy.  Aider  et  Hancock,  Op.  cit.,  fara.  2,  pi.  i,  fig.  2  et  3). 

(h)  Cuvier,  Mém.  sur  la  Limace  et  le  Colimaçon,  p.  18,  pi.  1,  fig.  3  et  4,  et  Atlas  du  Règne 
animal,  Mollusques,  pi.  21 ,  fig.  1  c. 

[i)  Cuvier,  Op.  cit.,  pi.  2,  fig.  6  et  12. 

. —  Brandt,  Medicinische  Zoologie,  t.  II,  pi.  34,  fig.  14. 

ij)  Cuvier,  Mém.  sur  l'Onchidie,  pi.  1 ,  fig.  4,  5  et  6  (Ann.  du  Muséum,  t.  V). 


DES  MOLLUSQUES  GASTÉROPODES.  SSâ 

§  15.  —  L'œsophage  qui  fait  suite  à  la  cavité  buccale  est 
en  général  un  canal  étroit  et  à  parois  minces  ;  sa  longueur  est 
considérable  chez  les  espèces  qui  sont  pourvues  d'une  trompe 
protractile,  et  alors  il  se  recourbe  souvent  en  forme  d'S  dans 


Jabot. 


Chez  la  Paludine  commune  ,  elles 
offrent  à  peu  près  la  même  disposi- 
tion, mais  elles  sont  moins  dévelop- 
pées (a). 

Chez  le  grand  Triton  de  la  Méditer- 
ranée {T.  nodulosum),  ces  organes 
sont  très  gros  etdivisés  chacun  en  deux 
ou  trois  lobes  fort  distincts ,  mais 
fixés  à  un  même  canal  excréteur  (b). 

Chez  la  Janthine,  les  glandes  sali- 
vaires  sont  grêles  et  cylindriques , 
comme  chez  les  Aplysies,  mais  au 
nombre  de  quatre.  Celles  de  la  pre- 
mière paire  débouchent  au  bord  anté- 
rieur de  la  trompe,  tandis  que  celles 
de  la  paire  postérieure  s'insèrent  au 
fond  de  la  cavité  buccale,  sur  les  côtés 
de  la  langue  (c). 

Chez  VAgathina  mauritiana ,  ces 
organes  sont  complètement  bilobés, 
mais  leurs  canaux  excréleurs  se  réu- 
nissent en  un  tronc  commun  de 
chaque  côté  de  l'œsophage  [d). 

Rang  a  décrit  et  figuré  deux  paires 
de  glandes  salivaires  chez  les  Atlan- 
tes (ei;  mais,  d'après  des  recherches 
de  SouIeyet,il  paraît  s'être  trompé  sur 


la  détermination  des  parties  qu'il  con- 
sidère comme  constituant  la  paire  an- 
térieure de  ces  organes  (/"),  et  il  n'en 
existe,  en  réalité,  qu'une  paire  {g). 

M.  Ailman  a  trouvé  aussi  deux 
paires  de  glandes  salivaires  chez  TAc- 
téon,  l'une  débouchant  sur  le  côté  de 
la  langue,  et  l'autre  tout  près  du  bord 
labial  (h). 

Chez  les  Eolides,  les  glandes  sali- 
vaires paraissent  être  réduites  à  deux 
petites  masses  de  follicules  logées  dans 
l'épaisseur  de  la  masse  linguale  (^j. 

La  structure  intime  des  glandes  sali- 
vaires n'a  été  étudiée  que  chez  un 
petit  nombre  de  Mollusques.  En  géné- 
ral, ces  organes  se  composent  d'une 
multitude  de  petits  caecums  membra- 
neux et  arrondis,  qui  sont  suspendus 
à  l'extrémité  des  divisions  du  canal 
excréteur  et  enveloppés  dans  une  tu- 
nique membraneuse  commune.  M.Ley- 
dig  a  constaté  que  chez  le  Colimaçon 
chacun  de  ces  acini  renferme  un 
certain  nombre  d'utricules  ovoïdes 
pédiculées  (j)  ;  leur  canal  excréteur 
est  tapissé  d'un  épithélium  vibratile. 


(a)  Cuvier,  Mém.  swr  la  Vivipare  d'eau  douce,  fig.  3  et  8  [Annales  du  Muséum,  1808,  t.  XI). 

(b)  Poli,  Testacea  utrmsque  Siciliœ,  t.  111,  pi.  50,  fig.  1 . 

—  Milne  Edwards,  Voyage  en  Sicile,  l.  1,  pi.  25. 

(c)  Cuvier,  Mém.  sur  la  Janthine,  etc.,  p.  9,  fig.  0  [Ann.  du  Muséum,  t.  XI). 

(d)  Quoy  et  Gaimard,  Voyage  de  l'Astrolabe,  Mollusques,  pi.  49,  fig.  21,  et  Allas  du  Règne 
animal  de  Cuvier,  Mollusques,  pi.  25,  fig.  1  a. 

(ej  Rang,  Observ.  sur  le  genre  Atlante  [Mém.  de  ta  Société  d'histoire  naturelle  de  Paris,  t.  III, 
p.  377,  pi.  9,  fig.  13). 

(/■)  Souleyet,  Voyage  de  la  Bonite,  Zool.,  t.  Il,  p.  303. 

ig)  Huxley,  On  the  Morphology  of  Cephalous  Mollusca,  etc.  (Philos.   Trans.,  p.  37,  pi.   3, 

fig-  1  f). 

—  Gegenbauer,  Unters.  ûber  PteropodenundHeteropoden,f\.  6,  fig.  1. 

(h)  Ailman,  On  the  Anatomy  of  Actœon  (Ann.  of  Nat.  Hist.,  1845,  t.  XVI,  p.  147,  pi.  6). 
(i)  Hancock  and  Embleton,  Anat.  of  Eolis  (Mat.  ofNat.  Hist.,  t.  XV,  pi.  3,  fig.  6). 

—  Aider  et  Hancock,  Op.  cit.,  fam.  3,  pi.  7,  fig.  6. 

(j)  Leydig,  Ueber  Paludina  vivipara  (Zeitschr.  fur  wlssenschaftl.  Zoologie,  1850,  t.  Il,  p.  16t), 
pi.  12,  fig.  1 1 ,  et  Lehrbuvhder  Histologie,  p.  348,  fig.  186,  A). 


384  APPAREIL    DIGESTIF 

la  portion  libre  de  la  cavité  abdominale,  quand  cet  organe  est 
au  repos.  Quelquefois  cette  portion  du  tube  alimentaire  se  dilate 
postérieurement  de  façon  à  constituer  un  réservoir  alimentaire 
appelé  jabot,  qui  précède  l'estomac  et  le  gésier,  quand  ce  der- 
nier organe  existe,  et  qui  est  probablement  destiné  à  faciliter 
l'action  de  la  salive  sur  les  matières  nutritives.  Ce  mode  d'or- 
ganisation se  remarque  chez  les  Aplysies  et  la  Limnée  des 
étangs,  par  exemple  (1). 
Estomac,  §  16.  —  L'cstomac  des  Gastéropodes,  comme  celui  des  Mol- 
lusques Acéphales,  est  en  général  entouré  par  le  foie  -,  il  se 
continue  toujours  avec  l'intestin  ,  et  les  canaux  biliaires  y  dé- 
bouchent. D'ordinaire  il  est  médiocrement  développé  et  n'offre 
dans  sa  disposition  rien  de  remarquable  (2)  ;  mais  chez  la  plu- 

(1)  Ainsi  que  je  l'ai  déjà  dit  alimentaire  qui  correspond  au  jabot 
(page  380),  le  jabot  des  Aplysies  est  chez  les  Mollusques  dont  il  vientd'être 
li'ès  développé  ;  il  se  prolonge  en  cul-  question,  s'élargit  aussi  en  manière 
de-  sac  postérieurement,  au-dessus  de  de  réservoir,  mais  se  confond  posté- 
la  porlion  antérieure  du  second  es-  rieurement  avec  l'estomac  propre- 
lomac  ou  gésier  (a).  ment  dit.  Je  citerai  comme  exemple 

Chez    la   Tonne   perdrix  {Dolium  de  cette  disposition  le  Colimaçon  (e). 

perdix),  Quoy  et  Gaimard  ont  figuré  II  en  est  à  peu  près  de  même  chez  les 

une   poche   membraneuse   appendue  Haliotidcs,  si  ce  n'est  que  le  premier 

au  jabot  (6)  ;  mais  il  est  probable  que  estomac  est  séparé  du  second  par  une 

cet  appendice  naissait  plus  en  avant,  valvule  semi-lunaire  (/"). 
et  n'était  autre  chose  que  le  fourreau  Chez  le  Buccin  onde,  on  voit  sur  le 

de   la  langue,  qui  se  voit  très  bien  côté  de  l'œsophage  un  petit  prolon- 

dans  les  figures    anatomiques  de  la  gement  en  cul-de-sac  qui  peut  être 

Tonne  cannelée  faites  par  Poli  (c).  considéré  aussi  comme  un  jabot  {g). 

Chez  la  Limnée  des  étangs,  le  jabot  (2)  Ainsi,  chez  le  Colimaçon,  l'esto- 

est  pyriforme  et  n'offre  rien  do  remar-  mac  ne  se  distingue  pas  nettement  de 

quable  [dj.  l'œsophage  et  ne  s'élargit  que  peu  ;  sa 

ChezplusieursGastéropodesquisont  portion  postérieure  est  séparée  de  sa 

dépourvus  de  gésier,  la  portion  du  tube  porlion  antérieure  par  un  léger  é  tran- 

(a)  Cuvier,  Mém.  sior  l'Aplysie,  pi.  3,  fig'.  1 ,  o,  c  (Ann.  du  Muséum,  t.  II). 

—  Miliie  Edwards,  Voijage  en  Sicile,  1. 1,  pi.  !23. 

(6)  Quoy  et  Gaimard,  Voyage  de  l'Astrolabe,  Mollusques,  pi.  i{,  fig.  4. 

(c)  Poli,  Testacea  ittriusque  Siciliœ,  t.  III,  pi.  50,  fig.  8, 

(d)  Cuvier,  Mém.  sur  la  Limnée,  pi.  1,  fig.  9,  l  [Ann.  du  Muséum,  1806,  t.  VU), 

(e)  Idem,  Mém.  stir  la  Limace,  etc.,  pi.  \,  fig.  3  et  4  {Ann.  du  Muséum,  t.  VII). 

(f)  Idem.iVeOT.  sur  rHaliotide,  etc.,  p.  lO,  pi.  1,  tig.  15,  16,  17. 

{g)  Idem,  Mém.  sur  le  Grand  Buccin,  pi.  1,  fig,  6  et  15,  h  (Ann.  du  Muséum,  t.  XI). 


DES    .MULI.LSQLKS    GASTÉIIUI'ODKS.  385 

part  des  Éolidiens  et  ehez  qaelrjues  autres  Animaux  du  même 
ordre,  la  eonformation  de  eette  portion  de  l'appareil  digestif  est 
fort  singulière. 

Ainsi,  en  étudiant  au  microscope  un  de  ces  petits  ^Mollusques    Appen.iices 

-,  ,  ,  ,      .  gastro-liépa- 

dont  les  téguments  étaient  assez  transparents  pour  me  permettre  iiq>.es. 
d'observer  directement  ce  qui  se  passait  dans  l'intérieur  de  son 
corps ,  j'ai  vu  fort  distinctement  la  matière  végétale  de  cou- 
leur verte  qu'il  avalait,  traverser  l'estomac  et  s'engager  dans  un 
vaste  système  de  canaux  en  communication  avec  cet  organe.  Ces 
conduits  s'avançant  au  loin  dans  le  corps  du  Mollusque,  se  divi- 
saient en  branches  et  se  terminaient  par  des  culs-de-sac  dont 
les  uns  se  trouvaient  dans  la  tête,  d'autres  dans  l'intérieur  des 
appendices  branchiaux  dont  le  dos  de  l'Animal  était  garni.  En 
faisant  connaître  ce  système  de  canaux  dans  lequel  les  matières 
alimentaires  étaient  charriées  et  parvenaient  quelquefois  jusfpie 
dans  les  [)arties  les  plus  éloignées  de  l'économie ,  je  l'ai  dési- 
gné sous  le  nom  cVappareilgastro-vasculaire^  et  je  l'ai  comparé 
aux  appendices  lubuleux  que  nous  avons  vus  naître  do  l'estomac 
des  Méduses  (i).  Peu  de  temps  après,  des  observations  ana- 

glenienr,  et  se   prolonge  un  peu  en  donl    les  parois  sont  médiocrcnient 

forme  de  cui-de-sac au  delà  du  pylore,  épaisses,   et  dont  Touverture  posté- 

où  commence  l'intestin  (a).  rieure  donne  dans  un  troisième  esto- 

Cliez  le  Buccin  onde,  l'estomac  est  mac  à  parois  feuilletées  longitudinale- 
mieux  délimité  ;  il  est  arrondi,  mais  ment.  Enfin  une  quatrième  dilatation 
peu  volumineux  (6).  stomacale  se  voit  entre  ce  dernier  et 

Chez   le   Pleurobranche ,  l'estomac  l'iniestin  (c). 

présente    une    disposition    beaucoup  (1)  Mes  observations  ont  été  faites 

plus  complexe.  Les  vaisseaux  biliaires  en  18/|0  sur  un  petit  Éolidien   de  la 

débouchent  dans  une  première  cavité  mer  de  Nice,  que  j'ai  désigné  sous  le 

arrondie  qui    est  suivie  d'un  gésier  nom  de  Calliopée  de  Risso   {d).  La 

(a)  Cuvier,  Màm.  sur  la  Limace  et  le  Colimaçon,  p.  18,  pi.  1,  !i^.  4  {Aun.du  Muséum,  t.  VII) 
cl  Atlas  du  Règne  animal,  AIollusques,  pi.  21,  fi^.  le. 

(b)  Cuvier,  Mém.  sur  le  Grand  Bucin,  p.  10,  fij.  15  {Ann.  du  Muséu)n,  I.  XI). 

(c)  Cuvier,  Mém.  sur  la  PhylUdie  et  le  Pleurobranche,  fig.  5  et  6  [Ann.  du  Muséun,  180i 
t.  V),  et  Atlas  du  Règne  animal,  Mollusqurs,  pi.  32,  fig.  ih. 

(d)  .MiliiR  Edwards,  Observations  sur  la  structure  et  les  fonctions  de  quelques  Zoophytes,  Mol- 
lusques et  Crustacés  des  côtes  de  France  {Ann.  des  sciences  nat.,  i' série,  iSi'2  t  VIII  p  330 
pi.  10,  tlg.  2).  ■         ■>'■■> 

-V.  25 


386  APPAREIL    DIGESTIF 

logues  furent  faites  sur  d'autres  Mollusques  de  la  même  famille 
par  plusieurs  zoologistes,  et  M.  de  Quatrefages  proposa  de 
désigner  ces  Gastéropodes  sous  le  nom  commun  de  Phlé- 
bentérés.  Les  vues  qu'il  présenta  au  sujet  des  usages  de  ces 
dépendances  de  l'estomac  et  des  relations  qui  peuvent  exister 
entre  ces  fonctions  et  le  travail  d'irrigation  nutritive  don- 
nèrent lieu  à  des  débats  fort  vifs,  dont  il  serait  inutile  de  nous 
occuper  aujourd'hui  ;  mais,  en  laissant  de  côté  les  discus- 
sions sur  les  mots  et  en  dégageant  ces  questions  de  ce  qui 
y  était  étranger,  il  me  paraît  nécessaire  de  m'y  arrêter  un 
instant  (1). 

Le  fait  anatomique  que  j'avais  signalé,  et  que  M.  de  Quatre- 
fages, ainsi  que  MM.  Lovén,  Nordmann  et  plusieurs  autres  zoo- 
logistes avaient  constaté  ensuite  chez  d'autres  Éolidiens,  n'est 
plus  mis  en  discussion  aujourd'hui.   Des  erreurs  avaient  été 


disposition  générale  de  ces  canaux  est 
d'ordinaire  visijjle  sans  dissection,  à 
raison  de  la  transparence  des  tégu- 
ments et  de  la  coloration  des  cellules 
glandulaires  contenues  dans  les  pa- 
rois de  ces  organes.  Tantôt  ils  sont 
jaunes  ou  verts,  d'autres  fois  bruns 
ou  rouges ,  et  c'est  à  leur  présence 
dans  les  branchies  dorsales  des  Éoli- 
diens que  ces  appendices  doivent  les 
teintes  particulières  dont  elles  sont 
ornées. 

(1)  Ainsi  que  j'ai  déjà  eu  l'occasion 
de  le  dire,  la  plupart  des  auteurs  qui 
ont  écrit  sur  le  phlébentérisme  ont 
introduit  une  singulière  confusion 
dans  cette  discussion,  en  appliquant 
ce  mot  à  l'état  lacunaire  d'une  por- 
tion du  système  circulatoire  {a)  , 
tandis  qu'il  ne  se  rapportait  en  réa- 
lité qu'à  la  forme  vasculaire  et  den- 


droïde  d'une  portion  de  la  cavité  ali- 
mentaire. 

M.  de  Quatrefages,  il  est  vrai,  avait 
supposé  que  ce  mode  d'organisation 
de  l'appareil  digestif  coïncidait  avec 
un  état  imparfait  de  l'appareil  circu- 
latoire, el  pouvait  contribuer  à  faci- 
liter le  travail  d'irrigation  ;  mais  c'est 
à  tort  que  ses  adversaires  ont  mêlé 
toutes  ces  questions  sous  une  même 
dénomination.  Pour  éviter  tout  mal- 
entendu, je  pense  qu'il  vaut  mieux 
abandonner  les  mots  phléhentéré  et 
phlébentérisme  ;  mais  quand  je  les 
emploierai,  je  n'y  attacherai  d'autre 
sens  que  celui  indiqué  ici.  En  effet, 
pour  moi,  l'expression  «  Animal  phlé- 
bentéré  »  a  toujours  signifié  Animal 
dont  les  dépendances  de  l'estomac  ont 
la  forme  des  tubes  rameux  à  la  ma- 
nière des  veines. 


(a)  Voyez  tome  III,  page  233. 


DES  MOLLUSQUES  GASTÉROPODES.  387 

commises  par  ces  observateurs  au  sujet  de  la  structure  de 
quelques  parties  adjacentes  de  l'organisme  ou  du  mode  de  divi- 
sion de  ces  appendices  tubuleux  (î);  mais  leur  existence  ne 
pouvait  être  révoquée  en  doute,  et  les  opinions  n'étaient  en  réa- 
lité partagées  que  sur  deux  points  :  relativement  à  la  détermi- 
nation de  ces  canaux  rameux  et  à  leurs  usages. 

Ainsi  M.  de  Quatrefages  reconnut  parfaitement  que  les 
csecums  par  lesquels  l'appareil  gastro-vasculaire  des  Éolidiens 
se  termine  dans  l'intérieur  des  branchies  dorsales  offrent 
dans  leurs  parois  une  structure  glandulaire,  et  qu'on  doit  les 
considérer  comme  les  représentants  d'un  foie  dont  les  élé- 
ments, au  lieu  d'être  agglomérés  comme  d'ordinaire,  sont 
épars  dans  l'organisme  ;  mais  il  pensa  que  la  portion  cen- 
trale de  ce  système  de  tubes  qui  débouchent  dans  l'estomac 
était  formée  par  un  intestin  rameux.  Il  ne  tarda  cependant  pas 
à  trouver  toutes  ces  parties  disposées  à  peu  près  de  même  chez 
des  Éolidiens  où  l'intestin  se  présentait  avec  ses  caractères 
ordinaires.  Enfin  Souleyet,  qui,  de  son  côté,  avait  constaté  la 
même  coïncidence,  fit  voir  que  le  système  gastro-vasculaire 
tout  entier  était  constitué  à  l'aide  des  parties  qui  d'ordinaire 
concourent  à  former  l'appareil  biliaire  seulement,  c'est-à-dire 
les  follicules  hépatiques  et  leurs  conduits  excréteurs.  Effecti- 

(1)  Ainsi  c'est  k    tort  que  M.  de  aussi  au  sujet  du  mode  de  tenninai- 

Quatiefages  avait  cru  à  la  non-exis-  son  de  l'appareil  digestif  (6),  et  Sou- 

tence  d'un  anus  chez  l'Éolidien,  où  il  ieyet  a   fait  voir  que  chez  tous  ces 

a  d'abord  étudié  cet  appareil  gastro-  Mollusques  l'intestin  proprement  dit 

vasculaire  ,   et    la    description    qu'il  déi^ouche  au  dehors  de   la  manière 

donna    de    la   portion    périphérique  ordinaire  (c);   mais  ces  erreurs  ne 

de   ce   système    péchait   à  plusieurs  pouvaient  exercer  que  peu  d'influence 

égards  (o).  M.  Nordmann  s'est  trompé  sur  la  question  dont  je  m'occupe  ici. 

(a)  Quatrefages,  Mémoire  sur  l'Eolidine  paradoxale  (Ann.  des  sciences  nat.,  2'  série,  1843 
t.  XIX,  p.  274). 

(b)  Nordmann  Versuch  einer  Monographie  des  Tergipes  Edwarsii  (Mém.  de  l'Acad.  des  sciences 
de  Saint-Pétersbourg ,  partie  étrangère,  t.  IV). 

(c)  Souleyet,  Observ.  anat.  et  physiol.  sur  les  genres  Actéon,  Éolide,  Vénélie,  etc.  {Comptes 
rendus  de  l'Acad.  des  sciences,  1845,  t.  XX,  p.  89). 


388  APPAREIL    DIGESTIF 

vement  il  en  est  ainsi  ;  mais  ce  dernier  anatoinisfe  eut  tort  d'en 
conclure  que  les  larges  canaux  rameux  qui  sont  ainsi  formés, 
et  qui  communiquent  librement  avec  l'estomac,  devaient  servir 
seulement  à  livrer  passage  à  la  bile.  Il  me  paraît  indubitable 
que  dans  certains  cas,  sinon  toujom^s,  les  matières  alimen- 
taires très  divisées  y  pénètrent,  y  séjournent  même  assez  long- 
temps, et  y  sont  en  partie  digérées  comme  dans  l'estomac  lui- 
même;  enfin  qu'à  raison  de  la  grande  étendue  de  la  surface 
perméable  constituée  par  les  parois  de  ces  tubes,  l'absorption 
des  produits  de  la  digestion  doit  s'y  opérer  comme  dans  le 
canal  alimentaire,  et  que,  par  conséquent,  cet  appareil  gastro- 
vasculaire,  tout  en  étant  un  organe  sécréteur  de  la  bile,  est 
aussi  un  instrument  de  digestion  (1).   Du  reste,  il  n'y  aurait 


(l)  Les  observations  que  j'avais  ment  de  va-et-vient,  et  on  les  voit 
faites  en  18/i0,  sur  la  Caliiopée  de  souvent  entraînés  par  les  courants 
Risso,  ne  nie  laissèrent  aucun  doute  jusque  dans  les  parties  périphériques 
à  cet  égard  (a),  et,  bientôt  après,  la  du  système.  Ces  courants  me  parais- 
pénétration  des  matières  alimentaires  sent  être  dus  principalement  à  l'ac- 
dans  cette  portion  rameuse  de  l'appa-  tion  de  cils  vibratiles  qui  garnissent 
reil  digestif  fut  constatée  de  nouveau,  la  surface  interne  des  gros  conduits 
non-seulement  par  M.  de  Quatie-  biliaires  ,  aussi  bien  que  du  tube 
fages  (6),  mais  aussi  par  MM.  Han-  alimentaire.  M.  de  Quatrefages  a  vu 
cock  et  Embleton  (c),  M.  Aider  (d)  et  cet  appareil  ciliaire  chez  des  Éoli- 
M.  Nordmann  (e).  Un  phénomène  diens  (g),  et  MM.  Aider  et  Hancok 
analogue  a  été  observé  aussi  par  en  ont  constaté  l'existence  chez  le 
M.  Vogt  chez  les  jeunes  Acléons  (/").  Dendronolus  {h) . 

Les  corpuscules  solides  charriés  par  Chez  les  Gastéropodes  non  phlében- 

les  liquides  contenus  dans  l'appareil  térés,  tels  que  le  Paludina  vivipara, 

digestif  sont  ballottés  par  un  mouve-  on  trouve  aussi  des  cils  vibratiles  très 


(a)  Miliie  Edwards,  Op.  cit.  {Ann.  des  sciences  nat.,  2"  série,  1842,  t.  VIII,  p.  330). 
(6)  Quatrefages,  Op.  cit.  [Ann.  des  sciences  nat.,  2°  série,  t.  XIX,  p.  286). 

(c)  Hancock  and  Embleton,  On  the  Anatomy  of  Eolis  {Ann.  of  Nat.  Hist.,  1845,  t.  XV,  p.  84). 

(d)  Aider  and  Hancocli,  Monogr.  of  the  British  Nudibranchiate  Moll^isca  (texte  explicalif  de  la 
pi.  d,  fam.  3). 

(e)  Nordmann,  Note  sur  le  système  gastro-vasculaire  des  Eolidiens  {Ann.  des  sciences  nat., 
3'  série,  1850,  t.  XIII,  p.  237). 

(/■)  C.  Vost,  Reclœi'ches  sur  l'embryologie  des  Mollusques  Gastéropodes  {Ann.  des  sciences  nat., 
t.  XIX,  p.  286). 

{g)  Quatrefages,  Mém.  sur  les  Molhisques  phlébentérés  {Ann.  des  sciences  nat.,  3'  série,  1844, 
t.  I,  p.  160). 

{h)  Aider  and  Hancock,  Nudibr.  Molliisca  (texte  explicatif  de  la  pi.  2  de  la  3'  série). 


DES    MOLLtSQLES    GASTÉROPODES.  o89 

là  rien  (|ui  i'(onnerait  ceux  qui  connaissent  les  moyens  dont  la 
Nature  fait  souvent  usage  pour  répondre  à  certains  besoins  de 
l'organisme  animal ,  et  nous  y  voyons  seulement  un  nouvel 
exemple  de  ces  emprunts  physiologiques  dont  il  a  déjà  été 
question  plus  d'une  fois  dans  le  cours  de  ces  Leçons. 

Chez  quelques  Gastéropodes  ,  cette  portion  de  l'appareil 
digestif  est  loin  de  présenter  la  complication  de  structure  qui 
la  rend  si  remarquable  chez  les  Éolides.  Ainsi,  chez  les  Pavois 
et  les  Chalides,  elle  n"est  pas  rameuse,  et  consiste  en  mie  ou 
deux  grandes  poches  membraneuses  qui  se  confondent  avec 
l'estomac  et  qui  paraissent  loger  les  IbUicules  hépatiques  dans 
l'épaisseur  de  leurs  parois  (1).  Dans  le  genre  Rhodope,  elle 
consiste  aussi  en  un  énorme  cul-de-sac  en  prolongement  de 
l'estomac;  mais  les  parois  de  cette  poche  se  dilatent  sur  plu- 
sieurs points  de  façon  à  former  de  petits  caecums  autour  des- 
quels se  groupent  les  follicules  biliaires  (2).  Une  disposition 
analogue  se  voit  chez  les  Diphyllidies  ;  seulement  les  appen- 


développés  dans  la  portion  anlérieure  terminale    de    l'appareil   digestif  ne 

du   tube  alimentaire,  ainsi  que  dans  manque  pas. 

l'eslomac  ;  mais  la  portion  terminalede  Chez  \e  Chalidis  cœrulea,  \a  por- 

Pinteslin  en  est  dépourvue.  En  gêné-  tion  centrale  ou  stomacale  de  cet  ap- 

ral,  ces  appendices  sont  disposés  par  pareil  se  continue  latéralement  avec 

bandes  longitudinales  (a).  une  paire  d'énormes  poches  qui   se 

(1)  Dans  le  Pelta  coronata  le  gésier  prolongent  en  cul-de-sac,  en  avant  sur 

est  suivi  d'une  énorme  poche  qui  se  les  côtés  de  la  masse  buccale,  et  en 

prolonge  en  avant  sur  les  côtés  de  cet  arrière    jusqu'au   fond   de    la  cavité 

organe,  de  façon  à  y  former  deux  gros  abdominale  (c). 

caecums  qui   sont  bossues  en  dessus  (2j  M.  Kijlliker,  ù  qui   l'on   doit  la 

aussi   bien   qu'en  arrière  (6).   M.  de  découverte  du  petit  Mollusque  désigné 

Qualrefages  n'a  pu  découvrir  Tintes-  sous  le  nom  de  Rhodope  Veranii,  a 

tin,  qui  d'ordinaire  naît  sur  le  côté  de  trouvé  que  l'estomac  de  cet  Animal 

l'estomac  et  va  déboucher  au  dehors  ;  présente  «en  avant   deux  prolonge - 

mais  il  est  probable  que  celte  portion  raentsen  forme  decœcums,  à  peu  près 


(o)  Lej-dig,  Lehrbuch  der  Histologie,  p.  331 . 

(6)  Qualrefages  ,  Mém.  siir  les  Gastéropodes  jildébentérés  {Ann.  des  sciences  nat.,   3'  série, 
d844,  I.  I,  p.  153,  pi.  4,  fig.  5). 

(f)  Quatrefaiies,  Op.  cit.  (Ann.  des  sciences  nat..  3*  série,  t.  I,  pi.  4,  Rg.  i). 


390  APPAREIL    DIGESTIF 

dices  hépatiques,  au  lieu  d'être  simples,  se  ramifient,  et  consti- 
tuent deux  séries  d'arbuscules  qui  se  logent  dans  l'épaisseur 
des  branchies  situées  sur  les  côtés  du  corps  (1). 

Dans  l'Éolide  papilleuse  et  quelques  autres  Mollusques  du 
même  genre,  la  portion  centrale  de  l'appareil  digestif  ressemble 
beaucoup  à  ce  que  nous  venons  de  voir  chez  les  Diphyllidiens; 
mais  le  grand  cul-de-sâc  postérieur  de  l'estomac  se  rétrécit  un 
peu,  tandis  que  les  canaux  qui  en  partent  pour  pénétrer  dans 
les  appendices  branchiaux  et  y  constituer  des  lobules  hépa- 
tiques, se  développent  davantage  et  s'élargissent  beaucoup,  de 
façon  à  former  un  système  de  tubes  rameux  en  communication 
facile  avec  la  portion  centrale  de  l'estomac  (2).  Dans  d'autres 


comme  chez  les  Pavois,  et  donne  nais- 
sance à  l'inlestin  du  côté  droit,  puis 
se 'prolonge  postérieurement  en  «ne 
énorme  poche  impaire  qui  se  termine 
en  cul-de-sac,  et  qui  porte  sur  sa  face 
dorsale  un  nombre  considérable  de 
petits  appendices  pyriformes  de  nature 
glandulaire  (a). 

(1)  Cette  disposition,  qui  avait  été 
imparfaitetnent  aperçue  par  J.  Meckel , 
est  très  bien  représentée  dans  les 
planches  anatomiques  de  M.  Délie 
Chiaje  et  de  Souleyet  (6).  Il  n'existe 
aucune  ligne  de  démarcation  entre 
l'estomac,  d'où  naît  l'intestin,  et  l'é- 
norme cul-de-sac  qui  se  prolonge  jus- 
qu'à l'extrémité  postérieure  du  corps, 
et  qui  porte  en  dessus  deux  ran- 
gées de  canaux  hépatiques,  lesquels 
passent  entre  les  muscles  sous-cutanés 
et  vont  se  ramifier  dans  l'épaisseur 


des  appendices  branchiaux.  Là  ils 
s'entourent  d'un  tissu  glandulaire,  et 
forment  autant  de  petites  tourtes  hépa- 
tiques. 

(2)  Chez  VEolis  papillosa,  il  n'y  a 
aucune  ligne  de  démarcation  entre  la 
portion  antérieure  de  la  grande  poche 
stomacale  où  se  trouve  le  pylore,  et  où 
par  conséquent  l'intestin  prend  nais- 
sance, et  le  cul-de-sac  conique  qui  se 
prolonge  jusqu'à  l'extrémité  posté- 
rieure du  corps.  Les  branches  laté- 
rales qui  s'en  détachent  proviennent, 
les  unes  de  la  portion  antérieure  de 
la  poche  gastrique  au-devant  de  l'ori- 
gine de  l'intestin,  les  autres  du  côté 
de  la  portion  rétrécie  et  postérieure 
de  la  poche  médiane.  Elles  sont  très 
larges,  et  se  divisent  chacune  en  deux 
ou  plusieurs  branches  qui  se  dirigent 
transversalement  en  dehors  et  don- 


(à)  kôltiker,  Rhodope,  nuovo  génère  di  Gasteropodi,  f\g.  i  {Giorn.  del  Istit.  Lombardo-Venet., 
1847). 

(&)  J.  F.  Meckel,  Beschreibung  einer  neuen  Molluska  {Deutsches  Archiv  fur  die  Physiologie, 
1823,  t.  VIII,  p.  190,  pi.  2,  fig.  4). 

—  Délie  Chiaje,  Descrixione  e  notomia  degli  Animali  invertebrati  délia  Sicilia  citeriore,  t.  II, 
p.  42,  pi.  45,  fig-.  14. 

—  Souleyet,  Voyage  de  la  Bonite,  Zool.,  l.  II,  p.  458,  pi.  24  E,  %.  4,  5  et  10. 


DES  MOLLUSQUES  GASTÉROPODES.      '       o9t 

Mollusques  de  la  famille  des  Éolidiens,  ce  même  prolongement 
postérieur  de  la  poche  stomacale  se  rétrécit  encore  davantage,  de 
façon  à  prendre  la  forme  d'un  vaisseau  cylindrique,  et  ailleurs 
cet  appendice  médian  se  bifurque,  ou  se  trouve  représenté  par 
deux  tubes  membraneux  qui  naissent  de  l'estomac  et  qui  se 
ramitient  dans  les  parties  périphériques  de  l'organisme  (1). 


nent  naissance  aux  caecums  qui  pénè  - 
trent  dans  les  branchies  dorsales  fa). 
La  disposition  de  cet  appareil  est  à 
peu  près  la  même  cliez  VEolis  Cu- 
vierii  (6). 

Chez  VEolis  coronata  et  VE.  oliva- 
cea,  la  partie  centrale  de  l'appareil  di- 
gestif se  divise  en  deux  portions  assez 
distinctes  :  l'une,  qui  est  située  au- 
devant  du  pylore ,  reste  renflée,  et 
constitue  alors  l'estomac  proprement 
dit  ;  l'autre,  qui  fait  suite  à  celle-ci,  se 
rétrécit  de  façon  à  devenir  tubu- 
laire  et  à  avoir  l'apparence  d'un  ap- 
pendice gastrique  ou  d'un  gros  canal 
biliaire  (c). 

Le  grand  tronc  gastro-hépatique  est 
également  impair  chez  le  Fionia  no- 
bilis  (cl),  VEmbletonia  pulchra  (e),  le 
Tergipes  Edwardsii  (/"),  etc. 

(1)  Ainsi  que  je  l'ai  déjà  dit,  ce 
mode  d'organisation  se  voit  chez  les 
Calliopées,  et  il  se  lie  à  celui  des  Cha- 
lides  de  la  même  manière  que  la  dis- 
position de  l'appareil  gastro-hépatique 
des  Éolides  se  rattache  à  celle  des 
Pavois.  Chez  lesGhalides,  nous  avons 


vu  l'estomac  se  prolonger  en  deux 
grands  culs-de-sac  {g)  ;  chez  les  Actéo- 
nies  ,  la  grande  poche  stomacale  est 
bifurquée  dans  presque  toute  sa  lon- 
gueur, et  envoie  latéralement  cinq  ou 
six  prolongements  dans  les  appendices 
branchiaux  [h]. 

Chez  YHermœa  dendritica  ,  les 
deux  caecums  postérieurs  sont  encore 
assez  larges  dans  le  voisinage  immé- 
diat de  l'estomac  proprement  dit, 
mais  se  rétrécissent  bientôt  de  façon 
à  ne  constituer  qu'une  paire  de  vais- 
seaux à  peu  près  cylindriques,  qui  se 
prolongent  jusqu'à  l'extrémité  posté- 
rieure du  corps,  et,  chemin  faisant, 
fournissent  beaucoup  de  branches  dont 
les  unes  se  ramifient  sous  les  tégu- 
ments communs  du  dos,  et  les  autres 
pénètrent  dans  les  branchies  pour  y 
constituer  les  grands  caecums  hépa- 
tiques. Une  autre  paire  de  vaisseaux 
rameux  naît  de  la  partie  anlérieure 
de  l'estomac,  et  paraît  correspondre 
aux  cornes  antérieures  de  la  poche 
hépato  -  gastrique  des  Chalides.  Ces 
derniers   canaux  se   ramifient   dans 


(a)  Hancock  and  Embleton,  On  the  Anatomy  of  EoUs  (Ann.  of  Nat.  Hist.,  t.  XV,  pi.  2,  fig.  9). 
—  Aider  and  Hancock,  Monogr.  of  the  Nudibr.  Mollusca,  fam.  3,  pi.  7,  fig.  1,  2  et  13. 

(b)  Souleyet,  Voyage  de  la  Bonite,  t.  11,  p.  423,  Mollu50UE3,  pi.  24  A,  pi.  11  et  12. 

(c)  Hancock  and  Embleton,  Op.  cit.  {Ann.  of  Nat.  Hist.,  t.  XV,  pi.  3,  fig.  1  et  2,i. 

(d)  Aider  and  Hancock,  Nudibr.  Mollusca,  fam.  3,  pi.  38  A,  fig.  2  et  10. 

(e)  Aider  and  Hancock,  Op.  cit.,  fam.  3,  pi.  38,  fig.  2  et  i. 

{/■)  Nordmann ,   Versuch  einer  Monographie  des  Tergipes  Edwarsii ,  pi.  2  {Mém.  de  l'Acad.  de 
Saint-Pétersbourg  ,  Savants  étrangers,  t.  IV). 
(g)  Voyez  ci-dessus,  page  385. 
(h)  Qualrefages,  Op.  cit.  (Ann.  des  sciences  nat.,  3"  série,  t.  I,  [d.  4,  fig.  3). 


^92  APPAHEiL    DIGI^STIF 

Chez  beaucoup  d'Éolidiens,  ces  canaux,  ainsi  que  je  l'ai  déjà 
dit,  sont  assez  larges  pour  se  laisser  pénétrer  par  les  aliments 
incomplètement  digérés,  et  ils  constituent  alors  ce  que  j'ai  appelé 
un  système  gastro-vasculaire ;  mais  ailleurs  ils  deviennent  trop 
étroits  pour  livrer  passage  à  ces  substances,  et  ne  servent  plus 
qu'à  conduire  vers  l'estomac  proprement  dit  les  liquides  sécrétés 
par  les  giandules-biliaires  dont  leurs  branches  terminales  sont 
entourées.  Ainsi  la  portion  de  l'appareil  digestif  qui,  chez  les  uns, 
constitue  une  partie  de  l'estomac  et  ne  consiste  qu'en  un  grand 
prolongement  terminé  en  cul-de-sac,  devient  chez  d'autres  un 
tube  rameux,  et  chez  d'autres  ^encore,  se  transforme  en  un 
système  de  canaux  efférents  pour  l'appareil  hépatique  (1). 

la   têle  et  s'avancent  jusque  dans  les  voit  clans  le  genre  Janiis  de  M.  Ve- 

tubercules    frontaux  ;    leurs     patois  rani  ,  ou  Antiopa  de  MM.  Aider  et 

sont  garnies  de  glandules   biliaires,  Hancock  [h). 

comme  dans  tout  le  reste  de  l'appa-  Chez  les  Actéons(ouÉlysies),  le  foie 

reil  [a] .  est  également  diffus  et  relie  à  l'eslo- 

Chez  d'autres  Éolidiens,  ce  système  mac  par  un  système  de  tubes  étroits 

rie  canaux  est  disposé  à  peu  près  de  dont  les  ramifications  s'étendent  dans 

même,  et  les  principaux  groupes  de  presque  toutes  les  parties  du  corps  (c). 

glandules  biliaires  sont  également  lo-  (1)  MM.  Hancock  et  Embleton  ont 

gés  dans  les  appendices  branchiaux  ;  cru  que  chez  les  Éolides  ces  canaux 

mais  ces  canaux,  dans  le   voisinage  s'ouvraient  au  dehors,  à  l'extrémité  de 

immédiat  de  l'estomac,   deviennent  chaque  appendice  branchial  {d).  On 

fort  grêles,  et  se  trouvent  ainsialfectés  voit,  en  eiïet,  au  sommet  de  ces  or- 

uniquement  au  transport  des  produits  ganes,  un  orifice  :  mais  M.  de  Quatre- 

de  la  sécréiion  biliaire.  Il  est  aussi  à  fages  a  constaté  que  ce  pore  ne  com- 

noler  qu'ils  se  réunissent  tous  (ceux  munique  pas  avec  l'appareil  gastro- 

de  la   lêle  comme  ceux  dé  la  région  hépatique,  et  appartient  à  une  petite 

dorsale)   en  deux   troncs  principaux  poche  qui  sert  de  réservoir  pour  des 

qui  vont  déboucher  sur  les  côtés  de  némalocystes  ou  capsules  filifères  urli- 

i'eslomac.  Ce  mode  d'organisation  se  canies  (e).  Souleyet  pense  même  que 

(a)  Aider  and  Hancock,  Monogv.  of  IheNudïbr.  Mollusca,  fam.  3,  pi.  40,  fig.  1. 

{b)  DcUe  Chiaje,  Descriz.  e  notom.  degli  Animali  invertebr.  délia  Sicilia  citer.,  pi.  88,  Rg.  2. 

—  Blanchard,  Op.  cit.  {An7i.  des  se.   nat.,  3"  série,  18-48,  t.  IX,  p.  ISS,  et  t.  XI,  pi.  3,  fig.  i). 

—  Aider  and  Hancock,  Nudibr.  Mollusca,  fam.  3,  pi.  43,  fig.  i  et  2. 

(e)  Qualrefag-es,  Mém.  sur  les  Mollusques  phlébentérés  {Ann.  des  sciences  nat.,   1844,  t.  I, 
p.  141,  pi.  4,'fig.  2). 

—  AUinan,  Un  Ihe  Analomy  of  Actœoii  (Ann.  of  Nat.  liist.,  1845,  t.  XVI,  p.  148,  pi.  C). 

—  Sonlejet,  Voyage  de  la  Bonite,  Zool.,  I.  II,  p.  486,  Mollusques,  pi.  24  U,  fi^.  7. 
{d]  Hancock  and  Emblelon,  Op.  cit.  {Ann.  ofNat.  Hist.,  t.  XV,  p.  8,  pi.  4,  fig-,  9). 
(e)  Souleyet,  Voyage  de  la  Bonite,  \.  il,  p.  424. 


DES    MOLLUSQUES    GASTÉROPODES.  SOo 

Chez  les  Éolidieiis,  le  foie  est  donc  épars  et  se  trouve  repré- 
senté par  les  branches  terminales  du  système  de  canaux  gastro- 
vasculaires  qui  sont  en  quelque  sorte  la  continuation  de  la  poche 
stomacale.  Celte  glande  ne  se  compose,  par  conséquent,  que 
d'un  certain  nombre  de  cœcums  dont  les  parois  sont  occupées 
par  les  follicules  ou  cellules  hépatiques,  et  ces  caecums  sont 
logés  principalement  dans  les  appendices  respiratoires  dont  le 
dos  de  l'Animal  est  couvert. 

Mais  chez  la  plupart  des  Gastéropodes ,  l'appareil  hépatique 
est  centrahsé  (1);  les  cœcums  sécréteurs  se  multiplient  beau- 


Foie, 


cette  poche  ne  s'ouvre  pas  extérieu- 
rement, mais  cette  opinion  ne  me 
paraît  pas  être  fondée. 

Ces  ca-cums  terminaux  de  l'appa- 
reil gastro-hépatique  sont  en  général 
plus  ou  moins  élargis,  et  paraissent 
être  quelquefois  des  cylindres  simples 
à  parois  folliculifères  :  par  exemple, 
chez  VEolis  concinna  [a)  ;  mais 
d'autres  fois  ils  deviennent  comme 
framboises  ou  se  couvrent  de  végéta- 
lions  de  tissu  glandulaire  [b]  ;  ils  de- 
viennent  alors  plus  ou  moins  lobules 
tout  autour,  et,  dans  quelques  espèces, 
le  canal  qui  en  occupe  le  centre  se 
ramifie  d'une  manière  très  élégante 
dans  l'intérieur  de  ces  prolongements 
latéraux,  ainsi  que  cela  se  voit  chez 
VHermœa  biftda  (e). 

Souvent  le  même  tissu  glandulaire 
se  voit  sur  les  parois  des  gros  troncs, 
et  quelquefois  il  s'en  trouve  des  pe- 
tites masses  qui  naissent  directement 
sur  les  parois  de  l'estomac  :  chez  le 
Dendronotus,  par  exemple  {d;. 


(1)  L'état  diffus  de  l'appareil  hépa- 
tique est  très  ordinaire  chez  les  Gas- 
téropodes de  l'ordre  des  Opisthobran- 
ches,  mais  ne  se  rencontre  pas  chez 
les  Prosobranches,  les  Pulmonés  et 
les  Héléropodes, 

Chez  les  Onchidies,  le  foie  offre, 
comme  d'ordinaire,  les  caractères  d'une 
glande  conglomérée,  mais  il  n'est  pas 
réuni  en  une  seule  masse,  et  forme 
trois  lobes  parfaitement  indépendants 
les  uns  des  autres.  Le  foie  antérieur 
est  situé  à  gauche,  vers  le  milieu  de  la 
masse  viscérale  ,  et  débouche  dans 
l'œsophage,  près  du  cardia  ;  le  second 
lobe,  moins  grand  que  le  précédent, 
est  situé  à  droite,  plus  en  arrière,  et 
s'ouvre  dans  la  même  partie  du  tube 
alimentaire  ;  enfin  le  troisième,  beau- 
coup plus  petit  que  les  deux  autres,  est 
situé  sur  le  dos,  derrière  l'eslomac, et 
s'ouvre  dans  le  gésier  (e). 

Chez  la  Limace,  le  foie  se  compose 
de  beaucoup  de  lobules  agglomérés 
en  cinq  lobes,  dont  les  canaux  excré- 


(a)  Hancock  ami  Erablelon,  Op.  cit.  {Ann.  of  Xat.  Hist.,  t.  XV,  pi.  4,  fig.  1). 

(h)  Exemple  :  Eolis  papillosa  (voy.  Hancock  and  Embleton,  loc.  cit.,  pi.  i,  fig.  A  et  5). 

(c)  Aider  and  Hancock,  Sudibr.  Mollusca,  fam.  3,  pi.  39,  Rg.  3  et  4. 

{(l)  Aider  and  Hancock,  Op.  cit.,  f.mi.  3,  pi.  2,  (ig.  2. 

(c)  Cuvier,  Mém.  sur  VOnchidie,  p.  0,  pi.  1,  fi?.  4  {.inn.  du  Muséum,  t.  V,  1804), 


accessoires. 


394  APPAREIL    DIGESTIF 

coup,  et  les  tubes  rameux  qui  les  porteni  se  raccourcissent,  de 
façon  que  toutes  ces  pardes  rentrent  dans  la  cavité  abdominale 
et  se  groupent  autour  du  tube  digestif  sous  la  forme  d'une 
masse  lobuleuse. 

En  général,  le  foie,  ainsi  constitué  par  une  multitude  de 
petits  csecums  disposés  en  grappe  autour  des  ramuscules  des 
canaux  biliaires,  est  très  volumineux  et  plus  ou  moins  entremêlé 
avec  les  organes  de  la  génération,  de  taçon  à  former  avec  la 
portion  voisine  du  tube  digestif  une  masse  viscérale  qui  est 
revêtue  d'une  tunique  membraneuse  assez  serrée  et  qui  se  loge 
dans  la  région  dorsale  du  corps,  sous  la  coquille  (1). 
aiandes  Quclqucs  aiiatomistcs  donnent  le  nom  de  pancréas  à  un  petit 

prolongement  en  cul-de-sac  qui  se  voit  à  côté  du  pylore,  à 
l'extrémité  de  l'estomac  simple  de  divers  Mollusques  Gastéro- 
podes, les  Doris,  par  exemple  (2);  mais  rien  n'établit  que  cet 
appendice  soit  un  organe  sécréteur  particulier ,  et,  lors  même 
que  ses  parois  seraient  glandulaires,  il  n'y  aurait,  dans  l'état 

teurs  se  réunissent  tous  en  deux  troncs  plus  développé  que  son  congénère  {d}, 

qui  vont  déboucher  dans  le  fond  de  Les  ampoules  ou  organites  sécréteurs 

Teslomac,  près  du  pylore  (a).  qui   terminent  les  ramuscules  de  ces 

Chez    le  Colimaçon,  il    n'y  a  que  lubes   hépatiques   sont    garnis    iulé- 

quatrc  lobes  hépatiques,  et  tous  les  rieurement  de    cellules    épiihéliqnes 

conduits  biliaires  se  réunissent  en  un  dans  la  cavité  desquelles  on  distingue 

seul  canal  qui  s'ouvre  également  à  souvent  des  gouttelettes  graisseuses, 

côté  du  pylore  (6).  La  structure  en  a  été  étudiée,   chez 

EaOn,  chez  les  Tesiacelles  ,  le  foie  le  Colimaçon,  par  M.  Laidy  (e). 
est  réduit  à  deux  lobes  (c).  (2)    Ce  petit  caecum    naît  du  py- 

(1)  Les  canaux  biliaires,  qui  dél^ou-  lore  [f),  et  se  voit  aussi,  mais  moins 

.  chent  dans  l'estomac,  sont  en  général  bien  développé,  chez  les  Téthys. 
très  larges,  et  celui    de  gauche  est 

(o)  Cuvier,  Mém.  sur  la  Limace  et  le  Colimaçon,  p.  19,  pi.  2,  fig.  42  (Ann.  du  Muséum,  l.  VII). 

—  Délie  Chiaje,  Descrizione  e  notomia  degli  Animali  invertebrati,  pi.  37,  fig.  6. 

(b)  Cuvier,  loc.  cit.,  pi.  i ,  fig.  3. 

(c)  Moquin-Tandon,  Histoire  des  Molhisques  terrestres  et  fluviatiles,  t.  I,  p.  52. 
{d)  Voyez  I^oli,  Testacea  utriusque  Sicilice,  t.  111,  pi.  5,  fig.  8. 

—  Délie  Chiaje,  Descri%.  cnolom.  derjli  Animah  invertebrati,  pi.  58,  fig.  3. 

(e)  J.  Laidy,  Researches  into  the  comparative  Structure  of  the  hiver,  pi.  1,  fig'.  15  à  24 
(exlr.  de  V American  Journ.  of  Médical  Science,  1848). 

(f)  Aider  and  Hancock,  Nudibr.  Mollusca,  fam.  4,  pi.  2,  lisr.  1  i. 


DES  MOLLUSQUES  GASTÉROPODES.  395 

actuel  de  la  science,  aucun  motif  pour  le  considérer  comme 
l'analogue  du  pancréas  des  Animaux  supérieurs. 

§  17.  —  L'intestin,  qui  fait  suite  à  l'estomac  et  qui  est  le  plus  intestin. 
souvent  en  grande  partie  caché  entre  les  lobules  du  foie,  varie 
beaucoup  en  longueur  et  ne  présente  dans  sa  structure  rien 
d'important  à  noter.  Sa  portion  terminale,  qu'on  désigne  d'or- 
dinaire sous  le  nom  de  rectum^  traverse  le  cœur  chez  les  Haho- 
tides,  et  il  est  probable  que  chez  tous  les  Animaux  de  cette 
classe  il  débouche  au  dehors  par  un  orifice  anal,  bien  que  chez 
quelques  petites  espèces  cette  disposition  n'ait  pu  être  con- 
statée (1). 

La  position  de  l'anus  varie  beaucoup  ;  mais  presque  toujours 


(l)   Plusieurs  des  petits  Mollusques  niant  des  anses  fort  remarquables  (6). 

chez  lesquels  on  avait  d'abord   mé-  Chez  les  Oscabrions,  dont  l'estonaac 

connu  Texistence  de  l'anus   en  sont  est  aussi  très  simple  et  de  médiocre 

incontestablement  pourvus  («)  ;  mais  grandeur,  l'intestin  est  extrêmement 

jusqu'ici    on   n'est   pas  parvenu    à  long  et  forme    diverses  circonvolu- 

découvrir   cet  orifice    chez  certains  tions  (c). 

Opisthobranches,  et  notamment  chez  Chez  le  grand  Triton  de  la  Rléditer- 

les  Pavois  et  les  Chalides,  ranée,  l'intestin  ne  diffère  que  peu  de 

L'intestin  des  Gastéropodes  paraît    ■  l'estomac,  et  décrit  à  peine  quelques 

être  généralement  plus  long  chez  les  circonvolutions  (c/).  lien  est  de  même 

espèces  phytophages  que  chez  celles  ciiezlaJanthine  (e)  ;  mais  c'est  chez  les 

dont  le   régime  est  carnassier.  Quel-  Gastéropodes  phlébentérés  ,  c'est-à- 

quefoislïnlestin  semble  aussi  compen-  dire  dont  l'appareil  gastro-hépatique 

ser  par  sa  grande  longueur  le  peu  de  se  développe  en  manière  de  gros  tubes 

développement  de  l'estomac.   Ainsi,  rameux.querinlestin  est  le  plus  réduit, 

chez  les  Patelles,  011  l'œsophage  est  très  Ainsi  chez  l'Actéon  il  ne  consiste  qu'en 

court  et  l'estomac  petit,  cette  portion  un  petit   cylindre   membraneux  très 

du  canal  alimentaire  fait  plusieurs  fois  court  qui  se  porte  presque  directement 

le  tour  de  la  cavité  abdominale  en  for-  de  l'estomac  à  l'anus,  situé  tout  au- 


(fl)  Quatrefages,  Mém.  sur  les  Mollusques  phlébentérés  {Ann.  des  sciences  nat.,  2"  série,  1844, 
t.  I,  p.'d76). 

(6)  Cuvier,  Mém.  sur  l'Haliotide,  etc.,  pi.  2,  fig.  9  et  12. 

(c)  Cuvier,  loc.  cit.,  pi.  3,  fig.  M    et  13. 

—  Délie  Chiaje,  Op.  cit.,  pi.  "4,  fig.  13. 

—  Middendorff,  Beitrâge  zu  einer  Malaco%oologia  Rossica  {Mémoires  de  l'Académie  de  Saint- 
Pétersbourg,  &'  série,  1849,  Sciences  naturelles,  t.  VI,  pi.  6,  fig.  1  et  2). 

(d)  Milne  Edwards,  Voyage  en  Sicile,  t.  1,  pi.  25. 

^e)  Délie  Chiaie,  Op.  cit.,  pi.  67,  fig.  3  ;  pi.  68,  fig.  11. 


396  APPAREIL    DIGESTIF 

posiiion     cet  orifice  se  trouve  dans  le  voisinage  de  la  nuque,  soit  sur  le 

de  l'anus.  ,  i         a  ,  --    i       -,    t  •.         i  ,      r      ,  , 

dos,  soit  sur  le  cote  droit  du  corps,  et  il  se  loge  en  gênerai  sous  le 
manteau  ou  même  dans  une  grande  cavité  formée  par  un  pro- 
longement de  ce  repli  cutané.  L'oviducte  et  l'appareil  urinaire 
s'ouvrent  d'ordinaire  dans  la  poche  membraneuse  ainsi  formée, 
et  celle-ci  remplit  par  conséquent  les  fonctions  d'un  cloaque. 
Chez  les  Patelles,  elle  n'a  pas  d'autre  usage  (1),  mais,  dans  la 
grande  majorité  des  cas,  les  branchies,  ou  le  réseau  des  vais- 
seaux pulmonaires,  viennent  s'y  loger,  et  elle  devient  ainsi  une 
chambre  respiraloire.  Comme  telle,  nous  avons  déjà  eu  Tocca- 
sion  d'en  étudier  le  mode  de  conformation  (2),  et  par  consé- 
quent je  ne  m'y  arrêterai  pas  ici.  J'ajouterai  seulement  que  le 
rectum  longe  la  voûte  de  cette  cavilé  du  côté  droit  et  débouche 
près  de  son  bord  antérieur,  de  façon  à  se  trouver  sur  le  trajet 
du  courant  expiratoire  (3).  Chez  les  Opisthobranches  et  un  petit 
noÎTîbre  de  Pulmonés  où  cette  cavittî  palléale  n'existe  pas,  l'anus 
se  voit  tantôt  dans  le  sillon  qui  sépare  le  manteau  du  pied, 
d'antres  fois  vers  le  miUeu  du  dos,  entre  les  appendices  bran- 
chiaux, et  presque  toujours  il  y  a  connexité  entre  ces  or- 


près  (a),  el  chez  la  pluparl  des  Éoli-  et  sons  le  bord   anlérieur  du  nian- 

diens  il  est  également  fort  court  et  teau  (c). 

très  simple  [b).  (2)  Voyez  tome  If,  page  56  et  suiv. 

(1)  La  chambre   palléale   des    Pa  -  (3)  Chez  les  Haliotides,  le  rectum  fait 

telles  est  assez  grande,  quoique   les  saillie   dans  la  chambre  cloacale  ou 

organes    respiratoires   ne  s'y   logent  respiratoire,  entre   la  base  des  deux 

pas,  et  elle   s'ouvre   au  dehors  par  branchies  {cl)  ;  mais  chez  la  plupart 

une   large   fente   transversale   située  des  l'rosobranches  il  est  placé  ù  droite 

derrière   la   tête,  au-dessus    du  dos  de  ces  organes ,  et  marche  parallèle- 

(a)  Allman,  On  the  Anatomy  of  Actœon  {Ann.  of  Nat.  Hist.,  4845, t.  XVI,  p.  147,  pi.  Gg). 

—  Souleyet,  Voyage  de  la  Bonite,  Mollusques,  pi.  24  D,  %.  7  et  8. 

(b)  Hancock  and  Embleton,  Analomy  of  Eolis  {Ann.  of  Nat.  Hist.,  l.  XV,  pi.  2,  fig.  9;  pi.  3, 
fis-  1,  2,  4). 

—  Souleyet,  Op.  cit.,  pi.  24  A,  ûg.  H  et  12. 

(c)  Cuvier,  Mém.  sur  l'Haiiotide,  etc.,  pi.  2,  lig.  8. 

—  Poli,  Testacea  utriusque  Siciliœ,l.  111,  pi.  55,  fij.  26. 

—  Milne  Edwards,  Voyage  en  Sicile,  t.  I,  pi.  27,  d^,  2. 

(d)  Cuviev,  Mém.  sw  l'Haiiotide,  etc.,  pi.  1 ,  fig.  12  et  14. 

—  Milne  Edwards,  Op.  cit.,  pi,  20,  fig'.  1 . 


D!£S    MOLLUSQLiiS    GASTliKOrODES.  o'Jl 

gnnes  (1).  Les  Gastéropodes  chez  lesfjuels  l'anus  se  trouve  sur 
la  ligne  médiane  sont  en  très  petit  nombre,  et  il  est  encore 
plus  rare  de  trouver  cet  orifice  à  l'extrémité  postérieure  du 
corps,  disposition  qui  existe  cependant  chez  les  Oscabrions  et 
les  Onchidies  (2). 

ment  à  la  partie  terminale  de  i'ovi-  fice  des  organes  génitaux,  et  non  con- 

dncte,  jusque' dans  le  voisinage  de  la  fondu  avec  celni-ci,  comme  le  pensait 

tète  (a).  11  en  est  de  même  chez  le  Cuvier  (f). 
Colimaçon  (b),  les  Agathines  (c),  etc.  Dans  le  genre  Jam(s  ou  ^nhopa,  cet 

(l)  Chez  les  Gastéropodes  Opistho-  orifice  se  porte  beaucoup  plus  loin  en 

branches,  l'anus    est    souvent    placé  arrière  ,  presque  sur  la  ligne  médiane 

beaucoup  plus  en  arrière  que  chez  les  du   dos  (g).  Il  en  est  de  même  dans 

Prosobranches.  Ainsi,  chez  les  Pleuro-  les  genres  Proctonotus  ou  Venilia  {h) 

branches,  il  est  situé  à  la  base  de  la  et  Alderia   (i).   C'est  aussi  la  place 

branchie,  vers  les  trois  quarts  posté-  qu'il  occupe  chez  les  Doridiens,  où 

rieurs  du  sillon  qui  sépare  le  manteau  il  se  trouve  vers  le  tiers  postérieur 

du  pied  (d),  et  chez  les  Aplysies  il  se  du  corps  plus  ou  moins  complètement 

trouve  du  même  côté,  mais  encore  entouré  par  les  branchies  (j).  Enfin 

plus  en  arrière  (e).  dans  les  genres  Hermœa  et  Stiliger  de 

Chezla  plupart  des  Éolidiens,  l'anus  la  famille  des  Éolidiens,  il  est  égalc- 

tend  à  devenir  dorsal ,  mais  se  trouve  ment  dorsal,  mais  se  trouve  à  la  partie 

encore  du  côté  droit,  à  la   base  des  antérieure  du  corps  {k). 
branchies,  à  quelque  distance  de  l'ori-  (2)  Chez  l'Onchidie  de  Pérou,  où  il 

(a)  Exemples  :  Turbo  pica  (voy.  Cuvier,  Mém.  sur  la  Vivipare,  etc.,  ûg.  7). 

—  Turbo  marmoratus  (voy.  Quoy   et  GaimarJ,    Voy.  de  l'Astrolabe,  Moll.,  pi.  59,  fig.  10). 

—  La  Phasianelle  {\oy.  Cuvier,  Mém.  sur  la  Janthine,  etc.,  flg-.  H  et  12). 

—  La  Porcelaine  (voy.  Quoy  et  GaiiiiaH,  Op.  cit.,  pi.  49,  fig.  i). 

—  La  Tonne  ou  Dolium  galea  (voy.  Poli,  Op.  cit.,  t.  III,  pi.  50,  fig.  1). 

—  Le  Triton  de  la  Méditerranée  (voy.  Milne  Edwards,  Voyage  en  Sicile,  t.  I,  pi.  25). 

—  L'Ampullaire  de  Célèbes  (vny.  Quoy  et  Gaimard,  Op.  cit.,  pi.  57,  fig-.  0  et  7). 

—  La  Janthine  (voy.  Délie  Cliiaje,  Descriz.  e  notom.  degli  Anim.  senza  vertebr.  dMa  Sicilia 
citeriore,  pi.  67,  fig.  3  ;  pi.  G8,  fig.  11). 

(6)  Cuvier,  Mém.  sur  la  Limace,  etc.,  pi.  1,  fig.  2  et  3  {Ann.  du  Muséum,  t.  VII). 

(c)  Quoy  et  Gaimard,  Voyage  de  l'Astrolabe,  Mollusques,  pl.  49,  fig.  21,  et  Allas  du,  Règne 
animal  de  Cuvier,  Mollusques,  pl.  25,  fig.  1  a. 

{d)  Cuvier,  Mém.  sur  la  Phyllidie,  etc.,  fig.  2  (Ann.  du  Muséum,  t.  V). 

(e)  Cuvier,  Mém.  sur  l'Aplysia,  pl.  2,  fig.  3  {Ann.  du  Muséum,  1802,  t.  II). 

—  Délie  Cliiaje,  Descriùone  e  notomia  degli  Animali  senza  vertèbre  délia  Sicilia  citeriore, 
pl.  58,  fig.  1. 

if)  Hancock  and  Embleton,  Anat.  of  Eolis  {.inn.  of  Nat.  Hist.,  t.  XV,  pl.  5,  fig.  16). 

(g)  Blanchard,  Op.  cit.  (Ann.  des  sciences  nat.,  3"  série,  t.  Il,  pl.  3,  fig.  1  ;  pl.  4,  fig.  2). 

—  Aider  and  Hancock,  Monogr.  of  the  Brit.  Nudibr.  Mollusca,  fam.  3,  pl.  43,  fig.  2. 

(h)  Aider  and  Hancock,  Descr.  of  a  neiu  Genus  of  Nudibr.  Mollusca  (Ann.  ofNat.  Hist.,  2°  série, 
1844,  t.  XllI,  pl.  2,  fig.  1). 

(i)  Aider  and  Hancock,  Monogr.  of  the  British  Nudibraneliiate  Mollusca,  fam.  3,  pl.  41,  fi"-.  1. 
(j)  Cuvier,  Mém.  sur  le  genre  Boris,  pl.  2,  fig.  1  (Ann.  du  Muséum,  t.  IV). 

—  Délie  Chiaje,  Bescriz.,  pl.  40,  fig.  3  ;  pl.  41,  fig.  12. 
• —  Aider  and  Hancock,  Op.  cit.,  fam.  1 ,  pl. 

(k)  Aider  and  Hancock,  Op.  cit.,  p.  13. 


Appareil 

digestif 

des 

Ptéropodes. 


Tentacules. 


398  APPARESL    DIGESTIF 

§  18.  —  Dans  le  petit  groupe  des  Ptéropodes,  l'appareil 
digestif  ressemble  beaucoup  à  ce  que  nous  avons  vu  chez  les 
Gastéropodes  de  l'ordre  des  Prosobranches ,  mais  présente 
quelques  particularités  dignes  de  remarque  ;  et  il  est  à  noter 
que  chez  les  uns  sa  portion  antérieure  est  fort  bien  consti- 
tuée, tandis  que  sa  portion  profonde  est  disposée  d'une  manière 
beaucoup  moins  parfaite,  mais  que  chez  les  autres  c'est  le 
contraire  qui  se  voit  :  les  organes  qui  avoisinent  la  bouche 
sont  plus  ou  moins  rudimentaires ,  tandis  que  l'estomac  et 
le  foie  ont  une  structure  plus  complexe.  Le  premier  de  ces 
modes  d'organisahon  se  voit  chez  les  Ptéropodes  nus,  c'est- 
à-dire  qui  n'ont  pas  de  coquille;  le  second,  chez  les  Ptéropodes 
conchylifères. 

Ainsi,  chez  quelques  Ptéropodes  nus,  les  Clios  et  les  Pneumo- 
dermes,  par  exemple,  l'appareil  digestif  est  enrichi  d'organes^ 
pr'éhensiles  qui  sont  aussi  des  instruments  de  locomotion,  et  qui 
ont  quelque  analogie  avec  les  bras  circumbuccaux  des  Céphalo- 
podes :  ce  sont  des  appendices  labiaux  en  forme  de  papilles  on 
de  tentacules  fort  courts  dont  la  surface  est  hérissée  de  petites 
ventouses  susceptibles  d'adhérer  fortement  aux  corps  étran- 


existe,  comme  nous  l'avons  déjà  vu, 
trois  estomacs  (a),  l'intestin  qui  fait 
suite  à  ces  organes  a  environ  deux  fois 
et  demie  la  longueur  du  corps,  et  va 
déboucher  au  dehors  à  l'arrière  de 
l'abdomen  ,  sur  la  ligne  médiane  , 
entre  le  pied  et  le  manteau ,  au- 
dessous  de  l'ouverture  de  la  poche 
pulmonaire  (6). 


Chez  les  Oscabrions,  l'anus  est  placé 
de  même  à  l'arrière  du  corps,  entre 
le  manteau  et  le  pied  (c),  et  il  occupe 
la  ligne  médiane. 

M,  de  Quatrefages  a  cru  trouver 
un  anus  à  l'extrémité  postérieure  du 
corps  chez  l'Acléon  [d)  ;  mais  cet 
orifice  est  placé  sur  le  côté  droit  du 
cou  (e). 


(a)  Voyez  ci-dessus,  page  385. 

(b)  Cuvier,  Mém.  sur  VOiichidie,  pi.  1,  fig.  2  el  5. 

(c)  Idem,  Mém.  sur  l'Haliotide,  etc.,  pi.  1 ,  fig.  9  et  13. 

(d)  Quatrefages,  Mém.  sur  les  Molhisques  phlébentérés  {Ann.  des  sciences  nat.,  2°  série,  1844, 
1,  p."  4  38. 

(e)  AUman,  On  the  Anatomy  of  Actœon  {Ann.  of  Nat.  Hist.,  1845,  t.  XVI,  p.  147,  pi.  (j). 
—  Souleyet,  Voyage  de  la  Bonite,  Mollusques,  pi.  24  D,  fig.  7  el  8. 


DES    MOLLUSQUES    PÏÉROPODES.  399 

gers  (1).  Chez  les  Hyales  et  les  autres  Ptéropodes  conchyli- 
tëres,  on  ne  voit  rien  de  semblable. 

Chez  les  Ptéropodes  nus,  1^  bouche  se  prolonge  souvent  en 
forme  de  trompe  rétractile  ('2)  ;  et  non-seulement  elle  est  armée 
d'un  appareil  lingual  fort  complexe  et  semblable  à  celui  des 
Gastéropodes,  mais  parfois  aussi  e|le  est  garnie  d'organes  pré- 


Armature 

buccale. 


(1)  Chez  les  Glios,  la  bouche  est 
entourée  d'un  certain  nombre  de  pe- 
tits appendices  coniques  et  rétvactiles 
dans  un  repli  cutané  que  Palias  a 
comparé  à  un  prépuce  (a)  ;  ce  ne  sont 
pas  des  tentacules  labiaux  ordinaires, 
comme  le  supposait  Cuvier  (b),  car  le 
proi'esseur  Eschricht  (de  Copenhague) 
a  trouvé  que  leur  surface  est  garnie 
de  ventouses  microscopiques,  et  par 
conséquent  on  peut  les  considérer 
comme  analogues  aux  bras  des  Cé- 
phalopodes (c).  Chez  le  Clio  borealis, 
il  y  a  trois  paires  de  ces  organes,  et 
chez  le  Clio  lonyicaudatus  deux  paires 
seulement,  mais  ils  sont  plus  déve- 
loppés {dj. 

Chez  les  Pneumodermes,  on  voit 
également  sur  les  côtés  de  la  bouche 
un  appareil  préhensile  de  ce  genre.  Il 
se  compose  de  deux  appendices  mem- 
braneux et  lentaculiformes,   portant 


une  douzaine  de  ventouses  pédoncu- 
lées.  (e)  Ce  mode  d'organisation  existe 
aussi  dans  le  genre  Spongiobranchia 
d'Alc.  d'Orbigny  (f).  Dans  le  genre 
Euribia,  on  trouve,  sur  les  côtés  de  la 
bouche  ,  des  appendices  analogues  , 
mais  qui  paraissent  être  dépourvus 
de  suçoirs  {g). 

(2j  La  trompe  est  très  grande  et  fort 
charnue  chez  les  Pneumodermes  (h) 
el  les  Spongiobranches  {i)  ;  mais  chez 
les  Ciios  cet  organe  manque  ,  et  la 
bouche  n'est  pas  protractile. 

Chez  les  Hyales,  cette  ouverture  est 
située  au  fond  de  l'échancrure  qui 
sépare  en  avant  les  deux  nageoires,  et 
ses  bords  sont  à  peine  saillants  (j). 
Les  Cléodores  et  les  Guviéries  sont 
également  dépourvus  de  trompe. 

Il  en  est  de  même  chez  les  Cymbu- 
lies,  mais  leur  lèvre  supérieure  se  pro- 
longe en  forme  de  voile  plissé  (k). 


(a)  Palias,  Spicilegia  Zoologica,  x,  p.  28. 

(6)  Cuvier,  Mém.  sur  le  Clio  borealis,  p.  5  {Ann.  du  Muséum,  4  802,  l.  I). 

(c)  Eschricht,  Anatomische  Untersuchungen  ûber  die  Clio  borealis,  1838,  p.  7  et  suiv.,  pi.  11, 
Rg.  12  et  13. 

—  Souleyet,  Voyage  de  la  Bonite,  Mollusques,  pi.  15  bis,  fig.  5  et  6. 

(d)  Souleyet,  Op.  cit.,  t.  II,  p.  279,  pi.  14,  %.  20. 

(e)  A.  d'Orbigny,  Voyage  dans  l'.Amérique  mérid.,  t.  V,  Moll.,  p.  129,  pi.  9,  lig.  10  et  11. 

—  Van  Beiieden,  Exerc.  %ootom.,  pi.  47,  et  Mém.  de  VAcad.  deBriix.,  t.  XI,  pi.  3,  fig.  1  et  2. 
Gegenbaur,  Unterstuilnmgen  ûber  Pteropoden,  pi.  IW,  i\g.  10. 

(/■)  D'Orbigny,  Op.  cit.,  pi.  9,  fig.  1  à  6. 
(g)  Souleyet,   Op.  cit.,  t.  II,  p.  245,  pi.  15,  fig.  1  et  3. 
{h)  Souleyet,  Op.  cit.,  pi.  14,  fig.  12. 

(i)  D'Orbigny,  Voyage  dans  l'Amérique  méridionale,  Mollusques,  |i1.  9,  fig.  1. 
(j)  Gegenbauer,  Op.  cit.,  pi.  1,  fig.  1  ■ 

(k)  Vau  Beneden,  Mém.  sur  la  Cymbulie  de  Péron,  p.  15,  pi.  1,  fig.  3  {Exercices  Aootomiques, 
et  Mém.  de  l'Acad.  de  Bruxelles,  t.  XII). 

—  Souleyet,  Op.  cit.,  t.  II,  p.  232,  pi.  15  6is,  fig.  20,  21. 


/|00  .  APPAREIL    DIGlibTlF 

hensiles  latéro-supérieiirs  tort  grands  qui  sont  comparables  aux 
mâchoires  de  ces  derniers  Mollusques.  Cljez  les  Ptéropodes 
nus,  la  masse  linguale  est  petite,,  son  armature  est  moins  com- 
pliquée (1),  et  il  n'y  a  que  des  rudiments  de  mâchoires  !^2). 


(1)  L'appareil  lingual  des  Ptéro- 
podes est  disposé  à  peu  près  comme 
celui  des  Gastéropodes.  Ainsi,  chez  le 
Clio  boréal,  la  râpe  se  compose  d'une 
série  longitudinale  de  pièces  rachi- 
dienncs  mousses  et  d'un  grand  nom- 
bre de  crochets  qui  forment  de  chaque 
côté  de  celles-ci  vingt  séries  transver- 
sales (a). 

Chez  les  Hyales  (6)  et  les  Lyma- 
cines  (c) ,  l'appareil  lingual  est  peu 
volumineux  et  ne  se  compose  que  de 
trois  rangées  longitudinales  de  pièces 
coVnées,  consistant  en  un  crochet  mé- 
dian et  une  paire  de  crochets  laté- 
raux. Chez  les  Hyales,  ces  dents  sont 
disposées  sur  huit  ou  dix  rangées 
transversales.  Chez  le  Cleodora  tri- 
phtjUis,  il  n'y  a  que  cinq  rangées  trans- 
versales de  dents  {d). 

(2)  Les  mâchoires  des  Ptéropodes 
diffèrent  beaucoup  de  celles  des  Gasté- 
ropodes. Ainsi  chez  les  Cliosces  organes 
consistent  en  une  paire  de  tubercules 
charnus  qui  sont  logés  dans  une  gaîne 


membraneuse  en  forme  de  caecum,  et 
qui  [jortent  une  série  d'appendices 
cornés  disposés  en  faisceau  ou  comme 
les  dents  d'un  peigne  (e). 

Chez  les  Pneiimodermes,  celte  par- 
tie de  l'appareil  buccal  est  encore  plus 
remarquable.  Hé  chaque  côté  de  la 
masse  linguale  se  trouve  un  grand 
appendice  cylindrique  qui  se  dirige 
en  arrièie,  au-dessous  de  la  masse 
viscérale,  se  termine  en  cul-de-sac,  et 
renferme  dans  son  intérieur  un  tube 
cartilagineux  de  même  forme,  qui  est 
hérissé  de  crochets,  et  qui  est  suscep- 
tible de  se  dérouler  au  dehors,  ou  de 
rentrer  dans  sa  gaîne  par  le  jeu  de 
différentes  fibres  nuisculaires  logées 
dans  celle-ci  (/'). 

Chez  les  Cliopsis ,  qui  du  reste 
ressemblent  extrêmement  aux  Clios, 
il  y  a  trois  mâchoires  hérissées  de 
pointes  {g}. 

Enfin,  chez  les  Hyales,  les  Cléodores 
et  les  Cymbulies,  les  mâchoires  sont 
représentées  par  deux  séries  de  petites 


(a)  Eschricht,  Op.  cit.,  pi.  3,  Rg.  22. 

—  Lovén,  Op.  cit.  pi.  3  {Ofversigt  afK.  Vetenskaps-Akad.  Forhandlinyar.,  1847). 

—  Troscliel,  Das  Gebiss  der  Schnecken,  pi.  3,  lig.  8. 

(6)  Lovén,  Op.  cit.,  pi.  3  (Revue  des  travaux  de  U Académie  de  Stockholm,  18i7). 

—  Souleyet,  Op.  cit.,  pi.  9,  fig.  9  etlO. 

—  Troscliel,  Das  Gebiss  der  Schnecken,  pi.  2,  lig.  17. 

(c)  Lovén,  loc.  cit.,  pi.  3. 

—  Troscliel,  Op.  cit.,  pL  2,  fi^.  15. 

(d)  Troscliel,  Op.  cit.,  p.  51. 

(e)  Eschricht,  Op.  cit.,  pL  3,  fig.  20,  21  a. 

—  Souleyet,  Op.  cit.,  pi.  15  bis,  fig.  10  et  H. 

(/•)  V.in  Beneden,  Recherches  stir  le  Pneumoderraon  violacomn  (Exercices  z-ootomiques,  p.  47, 
pi.  1,  fig.  5,  et  Mém.  de  l'Acad.  de  Bruxelles,  t.  XI). 

—  Soule^'et,  Op.  cit.,  t.  II,  p.  262,  pi.  14,fig.  13,  et  |d.  15,  fig.  17,  18,  19  et  20. 

—  Gegenbauer,  Untersuchungen  ilber  Pterojmden,  \i\.  10,  lig.  10. 

(g)  Troscliel,  Beltràge  î-uc  KeniUniss  der  Pleropoden  (Archiu  fur  Nalurgeschichlc,  1854,  t.  I, 
p.  222,  pi.  lO.fig.  10). 


Glandes 
salivairos. 


DES    MOLLUSQUIiS    PTÉROPODES.  /lOl 

Enfin ,  chez  ces  derniers,  les  organes  salivaires  manquent 
complètement  ou  n'existent  qu'à  l'état  rudimentaire,  tandis  que 
chez  les  Ptéropodes  nus,  ils  sont  en  général  très  volumineux, 
et  consistent  en  une  paire  de  longs  cœcums  à  parois  glandu- 
laires (1). 

L'estomac  est  d'une  structure  fort  simple  chez  les  Clios  et     Estomac 
les  autres  Ptéropodes  sans  coquille  ;  il  ne  consiste  qu'en  une 
poche  membraneuse  aux  parois  de  laquelle  le  tissu  hépatique 
adhère  directement ,  ainsi  que  nous  l'avons  vu  chez  les  Mol- 
lusques Acéphales  ('2).  Chez  les  Ptéropodes  conchylifères,  cette 


plaques  cornées  qui  sont  très  petites 
et  difficiles  à  apercevoir  ;  aussi  ont- 
elles  échappé  à  l'attention  de  la  plu- 
part des  zoologistes  («).  MaisiM.Tros- 
chel  en  a  constaté  l'existence  (6). 

Chez  les  Tiedemannies,  il  ne  parait 
y  avoir  aucune  pièce  dure  dans  la 
cavité  buccale  (c). 

(1)  Les  glandes  salivaires  des  Clios 
consistent  en  une  paire  de  caecums 
glandulaires  qui  descendent  sur  les 
côtés  de  l'œsophage  et  se  renflent  un 
peu  vers  le  fond  {d). 

Chez  les  l'neumodermes,  leur  dispo- 
sition est  à  peu  près  la  même,  si  ce 
n'est  qu'on  remarque  une  petite  dila- 
tation en  forme  de  vésicule  sur  le 
trajet  de  leur  canal  excréteur  (e). 


Chez  les  Euribies,  ces  organes  sont 
simples  et  plus  courts  (/"). 

Chez  les  Hyales,  les  glandules  sali- 
vaires sont  rudimentaires  et  ne  con- 
sistent qu'en  une  paire  de  petits  corps 
globuleux,  situés  derrière  la  cavité 
buccale,  et  s'ouvrant  dans  celle-ci  par 
des  canaux  excréteurs  filiformes  (g). 
Il  en  est  à  peu  près  de  même  chez 
les  Cuviéries. 

Chez  les  Cymbulies,  ces  organes 
manquent  complètement  (h)  ou  sont 
tout  au  moins  réduits  à  de  simples 
vestiges  (i).  On  n'en  a  pas  trouvé  de 
traces  chez  les  Tiedemannies  (j). 

("2)  Chez  les  Pneumodermes,  l'œso- 
phage est  long  et  cylindrique.  L'esto- 
mac, qui  y  fait  suite,  a  la  forme  d'une 


(a)  Sonleyot,  Voyage  de  la  Bonite,  t.  II,  p.  59. 

(h)  Troscliel,  Op.  cit.  [Archiv  fur  Naturgeschichte,  1854,  t.  I,  p.  199  elsuiv.). —  Das  Gebiss 
der  Schnecken,  p.  50  et  siiiv.,  pi.  3,  fig-.  4  et  5. 

(c)  Van  Beneden  ,  Méni.  sur  un  nouveau  genre  de  Mollusques  voisins  des  Ojinbulies,  p.  26 
{Mém.  de  l'Acad.  de  Bruxelles,  t.  XII). 

(d)  Cuvier,  Mém.  sur  le  Clio  {Ann.  du  Muséum,  1802,  t.  I,  pi.  17,  ùg.  4,  ot  Mém.  pour  servit' 
à  l'histoù'e  des  Mollusques). 

—  Soulejet,  Op.  cit.,  pi.  15  bis,  fig.  8  et  9. 

(e)  Cuvier,  Mém.  sur  l'Hyale,  etc.,  p.  9,  pi.  B,  iig.  8  (Ann.  du  Muséum,  t.  IV,  1804,  et  Mém. 
pour  servir  à  l'histoire  des  Mollusqices) . 

—  Van  Beneden,  Op.  cit.  {Mém.  de  lAcad.  de  Bruxelles,  t.  XI,  pi.  1,  fig.  4). 

—  Souleyet,  Op.  cit.,  pi.  15,  fig.  17. 
(/■)  idem.,  ibld.,  pi.  15,  fig.  4. 

(g)  Idem.,  ibid.,  t.  II,  p.  114,  pi.  9,  fig.  8s. 

(/()  Van  Beneden,  Mém.  sur  la  Cymbulie  de  Pérou,  p.  17  {Mém.  de  l'.icad.  de  Bruxelles,  t.  XII). 

(i)  Souleyet,  Op.  cit.,  t.  Il,  p.  234. 

(  j)  Van  Beneden,  Mém.  sur  ion  nouveau  genre  de  Mollusques  voisins  des  Cymbulies,  p.  27, 

V.  26 


Foie. 


Anus. 


402  .  APPAREIL    DIGESTIF 

portion  du  tube  digestif  est  au  contraire  divisée  en  deux  ou 
plusieurs  chambres ,  et  un  de  ces  estomacs  est  armé  intérieu- 
rement de  plaques  cornées  dentiformes,  de  façon  à  remplir  les 
fonctions  d'un  gésier  masticateur.  Entin,  le  foie  constitue  un 
organe  glandulaire  distinct  et  d'un  volume  considérable,  qui  est 
séparé  du  tube  alimentaire  et  y  verse  la  bile  par  un  canal  par- 
ticulier. Il  est  aussi  à  noter  que  l'anus  se  trouve  sur  le  côté  du 
corps,  vers  sa  partie  antérieure,  à  droite  chez  les  Ptéropodes 
nus,  et  à  gauche  chez  la  plupart  des  Ptéropodes  conchyli- 
fères  (i). 


grande  poche  oblongue  ;  il  se  termine 
en  cul-de-sac,  et  communique  avec 
l'intestin  par  une  ouverture  pylorique 
située  à  droite,  assez  près  du  cardia  ; 
les  follicules  hépatiques  le  recouvrent 
extérieurement  et  y  déboucheat  par 
un  grand  nombre  de  caecums  à  large 
orifice,  à  peu  près  comme  chez  les 
Acéphales.  L'intestin  est  très  court,  et 
l'anus  se  trouve  à  droite,  près  du  bord 
postérieur  de  la  nageoire  cervicale  (a). 
La  disposition  de  ces  parties  est  à  peu 
près  la  même  chez  les  Glios  (6). 

Chez  l'Euribie,  l'estomac  est  égale- 
ment enveloppé  par  la  substance  du 
foie,  et  se  prolonge  au-dessous  du  py- 
lore en  un  grand  cul-de-sac,  mais  il 
présente  du  côté  droit  une  dépression 
dans  laquelle  un  corps  dur  et  jaunâtre 
a  été  trouvé  enci)âssé.  L'intestin  est 
beaucoup  plus  long  que  dans  les  gen- 
res précédents,  et  décrit  quelques  cir- 


convolutions autour  de  la  masse  hépa- 
tique, avant  de  remonter  à  côté  de 
l'œsophage,  et  de  gagner  l'anus,  qui  se 
trouve  à  droite,  près  de  la  base  des 
nageoires  (c). 

(1)  Chez  l'Hyale,  l'œsophage  se  di- 
late inférieuremenl  en  une  espèce  de 
jabot  plissé  longitudinalement,  qui  se 
continue  avec  une  portion  plus  mus- 
culaire du  tube  digestif  (d),  que  Ton 
désigne  généralement  sous  le  nom  de 
gésier,  à  raison  de  son  armature.  En 
effet,  ses  parois  sont  revêtues  de  qua- 
tre plaques  connées  et  jaunâtres,  dont 
la  surface  libre  est  liérissée  de  deux 
ou  trois  côtes  saillantes  (e).  Le  pylore, 
qui  en  occupe  l'extrémité  inférieure, 
communique  avec  un  caecum  grêle  et 
allongé,  à  l'ouverture  duquel  viennent 
aboutir  les  canaux  biliaires.  M.  Van 
Beneden  a  considéré  cet  organe  comme 
une  dépendance  de  l'estomac  {f),  et 


(b) 
t.  IV) 

(c) 
(d) 
(e) 

Ûg.  2 
(f) 


Cuvier,  Mém.  sur  le  Clio  (Ann.  du  Muséum,  t.  I,  pi.  17,  fig.  A). 

Cuvier,  Mém.  concernant  l'animal  de  l'Hyale,  etc.,  p.  8,  pi.  i  B,  fig.  7  {Ann.  du  Muséum, 

Souleyet,  Voyage  de  la  Bonite,  ZooL,  t.  Il,  p.  262,  pi.  15,  fig.  13  et  17. 

Idem.,  ibid.,  t.  II,  p.  246,  pi.  15,  Rg.  A. 

Cu\ier,  Mém.  concernant  l'animal  de  l'Hyale,  etc.,  p.  8,  pi.  A,  fig.  6  et  7. 

Blaiii-ville,  art.  Hyale  (Dictionnaire  des  sciences  naturelles,  1821,  t.  XXII,  p.  73). 

Van  Beneden,  Mém.  sur  l'anatomie  des  genres  Hyale,  Cléodore  et  Cuviérie,  p.  38,  pi.  3, 

,  3  (Exercices  %ootomiques). 

Souleyet,  Op.  cit.,  t.  Il,  p.  112,  pi.  9,  fig.  7,  H,  14,  etc. 

Van  Beneden,  Mém.  sur  l'anatomie  des  genres  Hyale,  etc.,  p.  38. 


DES    MOLLUSQUES    CÉPiLVLOPODES.  403 

§  19.  — En  général,  dans  la  classe  des  Céphalopodes,  la 
préhension  des  aliments  est  effectuée  par  l'action  des  organes 
locomoteurs  dont  la  bouche  est  entourée  et  par  le  jeu  des 
parties  dures  dont  cet  orifice  est  armé. 

Chez  le  Nautile,  les  divers  appendices  céphaliques  ne  parais- 
sent pas  être  susceptibles  de  remplir  des  fonctions  de  ce  genre  ; 
mais  chez  les  Poulpes,  les  Sèches,  les  Calmars  et  les  autres 
Céphalopodes  dlbranchiaux,  les  bras  qui  naissent  de  la  partie 
antérieure  de  la  tête  sont  des  organes  de  préhension  très  puis- 
sants (1);  nous  en  étudierons  la  structure  lorsque  nousTious 


Appareil 

digestif 

des 

Céphalopodes. 


Organes 
préhenseurs. 


Souleyel  la  décrit  sous  le  nom  de  vési- 
cule biliaire  (a).  Le  foie  est  voliimi- 
neus  et  de  couleur  verdàtre;  il  est 
divisé  en  deux  lobes,  et  se  compose 
d'une  multitude  de  petits  caecums  qui 
ont  l'apparence  de  granules.  Enfin, 
l'intestin  contourne  cette  glande,  puis 
remonte  à  côté  de  l'œsophage,  et  va 
déboucher  au  dehors  sous  le  bord  du 
manteau,  à  la  face  inférieure  du  corps 
du  côté  gauche  (6). 

L'appareil  digestif  des  Gléodores  ne 
diffère  pas  notablement  de  celui  des 
[lyales  (c).  Chez  les  Cuviéries  (cl),  les 
Cymbulies  (<?)  et  les  Tiedemannies  'f), 
on  trouve  la  même  armature  stoma- 
cale, et  l'anus  est  placé  également  du 
côté  gauche  ;  mais  dans  le  genre  Li- 
macine,  où  le  gésier  est  conformé  de 
même,  on  trouve,  un  peu  plus  en  ar- 
rière, une  troisième  dilatation  stoma- 
cale, et  l'anus  est  placé  à  droite,  comme 


chez  les  Ptéropodes  nus  (g).  Chez  le 
Creseis  acicula,  l'estomac  est  simple 
et  inerme ,  mais  se  prolonge  posté- 
rieurement en  un  long  caecum  grêle 
et  cylindrique  (h). 

(l)  Les  Poulpes  sont  carnassiers  et 
très  voraces;  ils  se  nourrissent  prin- 
cipalement de  Crustacés  et  de  Pois- 
sons, et  les  pêcheurs  des  côtes  de  la 
Manche  les  considèrent  comme  l'en- 
nemi le  plus  redoutable  pour  les 
Homards.  Leur  puissance  musculaire 
est  très  grande,  et  leurs  nombreuses 
ventouses  adhèrent  si  fortement  aux 
corps  sur  lesquels  elles  s'appliquent, 
qu'il  est  fort  difficile  de  s'en  débar- 
rasser. Dans  nos  mers,  ces  Mollusques 
sont  d'assez  grande  taille,  et  leurs  bras 
ont  souvent  près  d'un  mètre  d'enver- 
gure; mais  dans  l'océan  Pacifique  il  en 
existe  qui  sont  beaucoup  plus  grands 
et  plus  puissants.  Ainsi,  pendant  le 


if) 

%.  i 

ig) 


Souleyet,  Voyage  de  la  Bonite,  Zool.,  t.  II,  p.  H4. 

Gegenbauer,  Uatersiichungeii  ïïber  Pteropoden,  pi.  i ,  fig.  1 . 

Van  Beneden,  Op.  cit.,  pi.  4  A,  fig'.  5. 

Souleyet,  Op.  cit.,  t  II,  p.  113,  pi.  10,  fig.  i,  9,  44;  pi.  11,  fig.  3,  etc. 

Van  Beneden,  Op.  cit..  pi.  4  B,  flg.  3. 

Souleyet,  Op.  cit.,  t.  II,  p.  Hl  et  suiv.,  pi.  12,  fig.  16,  23  et  29. 

Van  Bcnelen,  }Iém.  sur  la  Cymbulie,  pl.  1,  fig-  3. 

Idem.,  Mém.  sur  un  nouveau  genre  de  Mollusques  voisins  des  Cymbulies,  p.  26,  pl.  2, 

Idem.,  Mém.  sur  le  Limacina  arctica,  p.  55,  pl.  5,  fig.  5,  6  et  7, 
Gegenbauer,  Op.  cit.,  pl.  2,  fig.  1. 


m 


APPAREIL    DIGESTIF 


occuperons  de  l'appareil  locomoteur  des  Mollusques,  et  je  me 
bornerai  à  dire  en  ce  moment  que  par  l'action  des  faisceaux 
musculaires  dont  ils  sont  pourvus,  ils  peuvent  non-seulement 
s'étendre  ou  se  raccourcir,  mais  s'enrouler  autour  des  corps 
étrangers  avec  beaucoup  de  force,  et  qu'ils  ont  la  faculté  d'y 
adhérer  à  l'aide  d'un  système  de  ventouses  dont  leur  face  interne 
est  garnie;  disposition  qui  a  fait  donner  à  ces  Animaux  le  nom 
de  Céphalopodes  acétabulifères.  Chez  les  Poulpes,  il  existe  huit 
de  ces  appendices  préhensiles,  dont  la  longueur  est  très  consi- 
dérable; mais  chez  les  Sèches,  les  Calmars  et  les  autres  genres 
de  la  même  famille,  on  en  trouve  dix  (1),  dont  deux  diffèrent 
des  autres  par  leur  forme,  et  semblent  être  surajoutés  à  la  cou- 
ronne tentaculaire  ordinaire  ('ij. 


premier  voyage  de  Cook  dans  ces  pa- 
rages, Banks  cl  Solander  trouvèrent 
la  carcasse  d'un  Poulpe  gigantesque 
qui,  à  en  juger  par  les  débris  con- 
servés dans  !e  musée  lluntérien  à 
Londres,  devait  avoir  environ  h  mè- 
tres d'envergure  (a).  Les  natifs  des 
îles  polynésiennes  qui  font  la  pêche 
en  plongeant  au  fond  de  la  mer,  re- 
doutent extrêmement  ces  Céphalo- 
podes ,  et  leurs  craintes  ne  sont  pas 
mal  fondées  ;  mais  quelques  écrivains 
ont  singulièrement  exagéré  la  force  et 
la  taille  de  ces  animaux  (6). 

(1)  De  là  la  division  des  Céphalo- 
podes dibranchiaux  en  deux  sections; 
1°  les  Octopodes,  comprenant  les 
Poulpes,  le  Élédons  et  les  Argonau- 
tes ;  '2°  les  Décapodes,  comprenant  la 
famille  des  Sèches,  la  famille  des 
Teuthides  {genres  Calmar  ou  Loligo, 
Sépioteuthe,   Onychoieuthe,   Rossia, 


Sepiola,  Loligopsis,  etc.),  les  Spirule 
et  les  Bélemnites. 

(2)  C'est  chez  les  Poulpes  que  l'ap- 
pareil brachial  présente  le  mode  d'or- 
ganisation le  plus  simple.  Il  se  com- 
pose de  quatre  paires  d'appendices 
coniques  très  allongés,  qui  sont  insérés 
en  cercle  sur  la  partie  antérieure  de 
la  têie,  autour  de  la  bouche,  et  qui 
ont  tous  la  même  forme.  Chacun  de 
ces  organes  présente  vers  l'axe  un  ca- 
nal longitudinal  qui  renferme  un  gros 
nerf  et  qui  est  enlouré  de  fibres  muscu- 
laires disposées  radiairement  ;  d'autres 
faisceaux  charnus  qui  en  occupent 
la  base  s'élargissent  et  s'entrecroisent 
de  façon  à  se  réunir  et  h  constituer 
une  sorte  d'entonnoir  contractile  qui 
entoure  l'appareil  buccal,  et  s'insère 
postérieurement  sur  la  charpente  so- 
lide de  la  tête,  formée  par  un  carti- 
lage annulaire  (c).  La  peau  qui  revêt 


(a)  Owen,  art.  Cephalopoda  (Todd's  Cyclop.  of  Anat.  and  Phys.,  t.  (,  p.  529). 
(6)  Denis  de  Montfort,  Histoire  naturelle  des  Mollusques,  t.  I,  p.  256  et  suiv. 
(c)  Cu\ier,  Mém.  sur  les  Céphalopodes  et  leur  anatomie,  p.  10,  pi.  t,  fig.  1,  2  ;  pi.  2,  fia^.  1 
(Mém.  pour  servir  à  l'histoire  et  à  V anatomie  des  Mollusques,  1817). 


DES    MOLLUSQUES    CÉPHALOPODES.  Û05 

La  bouche,  située  au  centre  de  l'appareil  brachial,  est  entourée      Lèvres. 
d'une  lèvre  membraneuse  circulaire  à  bord  plus  ou  moins 


ces  prolongements  céplialiques  consti- 
tue à  leur  base  une  série  de  palmures 
plus  ou  moins  grandes,  et  cliez  quel- 
ques animaux  de  celle  famille  ,  le 
Cirroteulhis  de  M.  Eschriclil  (a),  ou 
Sciadephorus{h),  par  exemple,  trans- 
forme (le  la  sorte  tout  ce  système  ap- 
pendiculaire  en  un  vaste  entonnoir  ou 
ombrelle  péristomienne.  Les  ven- 
touses occupent  la  face  interne  des 
bras  dans  toute  leur  longueur.  Chez 
les  Poulpes  proprement  dits,  elles  sont 
disposées  sur  deux  rangées,  excepté 
dans  le  voisinage  de  la  bouche,  où 
les  rangées  longitudinales  sont  sim- 
ples (c);  mais  dans  une  autre  division 
de  la  même  famille,  le  genre  Elédon, 
elles  ne  forment  partout  qu'une  seule 
série  [d).  Ces  organes  ont  à  peu  près 
la  forme  d'une  cupule  semi-sphé- 
rique,  de  la  convexité  de  laquelle  des 
faisceaux  musculaiies  s'étendent  vers 
les  parties  adjacentes  du  bras  ;  en  de- 
dans on  y  distingue  un  disque  concave 
qui  est  garni  de  plis  radiaires  renfer- 
mant des  faisceaux  musculaires,  et  qui 
est  percé  au  centre  par  l'ouverture 
d'une  fossette,  au  fond  de  laquelle 
s'élève  une  sorte  de  caroncule  en 
forme  de  tampon  (e)o  Ce  tubercule 
central  est  susceptible  de  s'avancer  de 
façon  à  remplir  le  irou  du  disque,  ou 


à  se  retirer  en  arrière,  de  manière  à 
agrandir  la  capacité  de  la  fossette  qui 
le  renferme,  et  par  conséquent  la  ven- 
touse peut  s'appliquer  à  plat  sur  un 
corps  étranger,  puis,  par  la  rétrac- 
tion de  l'espèce  de  piston  ainsi  con- 
stitué, produire  dans  la  partie  centrale 
du  disque  un  vide,  en  raison  duquel 
celui-ci  adhère  avec  force  à  la  surface 
sous-jacente. 

Il  est  aussi  à  noter  que  le  Poulpe 
peut  à  volonté  mettre  ses  ventouses  en 
jeu,  ou  faire  cesser  l'espèce  de  succion 
à  l'aide  de  laquelle  ces  organes  se 
fixent  aux  corps  étrangers.  Chez  le 
Poulpe  commun,  on  compte  ù  peu 
près  deux  cent  quarante  ventouses 
sur  chaque  bras,  et  par  conséquent 
leur  nombre  total  s'élève  à  environ 
mille. 

Chez  les  Sèches,  il  y  a,  outre  les 
huit  bras  qui  sont  disposés  5  peu  près 
comme  ceux  des  Poulpes,  mais  qui 
sont  plus  courts  et  garnis  de  quatre 
rangées  de  ventouses ,  une  paire 
d'appendices  dont  le  mode  d'inser- 
tion est  un  peu  différent.  Ces  bras 
complémentaires  naissent  du  carti- 
lage céphalique  en  dedans  et  en 
avant  des  précédents,  et  traversent 
une  cavité  séreuse  pour  arriver  au 
dehors,  entre  les  bras  ordinaires  de 


(a)  Eschriclit,  Cirroteulhis  Mûlleri,  eine  neue  Galtung  der  Cephalopoden  bildend  {Nova  Acta 
Acad.  nat.  curios.,  t.  XVIII,  pi.  4G  et  47). 

{b)  J.  T.  Reinhardt  og  V.  Proscli,  Om  Sciadephorus  Miilleri  [Mém.  de  l'Acad.  de  Copenhague, 
1840,  t.  XII,  p!.  1). 

(c)  Needham,  Nouvelles  découvertes  faites  avec  le  microscope,  trad.  par  Tremblay,  chap.  ii, 
p.  25  et  siiiv.,  p!.  1. 

—  Savigny,  Egypte,  Mollusques  Céphalopodes,  pi.  1,  fig.  1  (ou  Atlas  du  Règne  animal  de 
Cuvier,  Mollusques,  pi.  1,  fig.  d). 

(d)  Voyez  Férussac,  Histoire  des  Mollusques  Cryptodibr anches,  genre  Elédon,  pi.  1  et  2,  ou 
Règne  animal  de  Cuvier,  Mollusques,  pi.  2,  fig.  1. 

(e)  Savigny,  loc.  cit.,  pi.  i,  fig.  1  W  (  ou  Règne  animal  de  Cuvier,  Mollusques,  pi.  1, 
fig.  Ig,  Ih). 


llOij  APPAREIL    DIGESTIF 

frangé,  qui  est  garnie  intérieurement  d'un  muscle  sphincter  et 
de' fibres  charnues  rétractrices,  disposées  radiairement  (1). 
En  se  dilatant ,  ce  voile  complexe  laisse  à  découvert  un  appa- 


la  troisième  et  quatrième  paire,  à 
l'intérieur  de  la  couronne  formée  par 
ces  organes.  Ils  sont  beaucoup  plus 
longs  que  ceux-ci  et  très  rétractiles; 
dans  la  plus  grande  partie  de  leur 
étendue,  ils  sont  grêles,  cylindriques 
et  inermes;  mais  vers  le  bout  ils  sont 
élargis  et  garnis  de  ventouses.  J'ajou- 
terai que  les  suçoirs  des  Sèclies  sont 
pédicules  et  plus  mobiles  que  ceux 
des  Poulpes  ;  on  y  remarque  égale- 
ment une  petite  bordure  denticulée, 
et  souvent  ils  varient  beaucoup  entre 
eux,  sous  le  rapport  de  la  gran- 
deur (a). 

Dans  la  famille  des  Calmariens,  ou 
Teuthides,  la  disposition  générale  de 
l'appareil  brachial  est  à  peu  près  la 
même  que  chez  les  Sèches  ;  mais  les 
bras  complémentaires  acquièrent  quel- 
quefois une  longueur  excessive,  par 
exemple,  chez  le  Loligopsis  Vera- 
nii  (6),  et  il  existe  souvent  des  parti- 
cularités remarquables  dans  l'arma- 
ture de  ces  appendices.  Ainsi,  chez 
les  Calmars,  les  ventouses  sont  pour- 
vues d'un  disque  annulaire  carti- 
lagineux dont  le  bord  antérieur   se 


prolonge  de  façon  à  constituer  une 
série  de  crochets  aigus  (c),  et  chez  les 
Onychoteuthes  ces  appendices  pren- 
nent la  forme  de  grosses  griffes  ré- 
tractiles [d).  Il  est  aussi  à  noter  que 
chez  ces  derniers  Céphalopodes,  les 
deux  longs  bras  adhèrent  entre  eux  à 
l'aide  d'un  groupe  de  ventouses  ordi- 
naires, situées  à  la  partie  postérieure 
de  la  portion  terminale  ou  spatuli- 
forme,  qui  est  armée  de  crochets,  et 
ces  organes  constituernt  ainsi  une  es- 
pèce de  pince  protractile  (e). 

Les  Bélemnites,  qui  n'existent  plus 
à  l'époque  actuelle,  mais  qui  vivaient 
en  grand  nombre  dans  les  mers  des 
périodes  secondaires,  avaient  aussi  les 
bras  armés  de  crochets  très  puissants, 
ainsi  que  M.  Owen  a  pu  le  constater 
par  l'étude  des  fossiles  {f). 

(1)  Le  voile  labial  des  Céphalo- 
podes est  double.  Chez  le  Poulpe,  il 
est  peu  développé  et  d'une  structure 
assez  simple  (^j  ;  mais  chez  d'autres 
Mollusques  de  cette  classe  il  se  com- 
plique à  divers  degrés.  Ainsi,  chez  les 
Calmars,  la  lèvre  interne  est  frangée  et 
entourée  par  une  lèvre  externe  qui  se 


(a)  Voyez  V Atlas  du  Règne  animal  de  Cuvier,  Mollusques,  pi.  4,  fîg.  2,  2  a,  2  6,  2  c. 
(&)  Féi'ussac,  Histoire  des  Mollusques  Cryplodibranches,  genre  Calmaret,  pi.  2. 

—  Voyez  aussi  le  Règne  animal  de  Cuvier,  Mollusques,  pi.  6,  fig.  -1. 

(c)  Lesueur,  Descript.  of  Several  Neio  Species  Cuitle-fish  [Journ.  ofthe  Acad.  of  PhUad.,  1820, 
t.  II,  pi.  8,  fig.  d). 

—  Férussac,  Op.  cit.,  genre  Calmar,  pi.  3,  fig.  8  ;   pi.  H,  fig.  ia,  1  &,  etc. 

—  Délie  Chiaje,  Descriz.  e  notomia  degli  Animali  invertebr.,  pi.  10,  fig.  6,  7. 

(d)  Lesueur,  Op.  cit.  {Journ.  of  the  Acad.  ofPhilad.,  1821,  t.  II,  p.  I  3,  pi.  9,  fig.  d,  e). 

—  Férussac,  Op.  cit.,  genre  Oiiychoteuthe,  pi.  l.fig.  1,  2  6,  Ib^,  16^;  pi.  1,  fig.  1,  3,  4,  etc. 

—  Deshayes,  Atlas  du  Règne  animal  de  Cuvier,  Mollusques,  pi.  3,  fig.  1,1a,  16. 

(e)  Owen,  art.  Cephalopoda  (Todd's   Cyclopœdia  of  Anatomy  and  Physiology,  t.    I,  p.  529, 
fig.  215). 

(/■)  Owen,  A  Description  of  certain  Bélemnites  preserved  with  a  great  Proportion  of  their 
soft  Parts  in  Ihe  Oœford-clay  (Philos.  Trans.,  1844,  p.  73,  pi.  3,  4,  5  et  6). 
{g)  Cuvier,  Mém.  sur  les  Céphalopodes ,  pi.  3,  fig.  3,  4,  5. 


DES    MOLLUSQUES    CÉPHALOPODES.  407 

reil  maxillaire  très  puissant,  qui  se  compose  de  deux  mandibules  Mâchoires. 
impaires  et  médianes,  de  consistance  cornée,  dont  l'aspect  est 
fort  semblable  à  celui  d'un  bec  de  Perroquet.  Ces  organes  séca- 
teurs sont  portés  sur  une  masse  charnue  de  forme  sphéroïdale, 
et  se  composent  chacun  de  deux  lames  sohdes  convexes  et  con- 
centriques qui  sont  écartées  entre  elles  postérieurement  pour 
loger  leurs  muscles  moteurs ,  mais  se  confondent  antérieure- 
ment en  un  bord  tranchant  dont  la  partie  médiane  se  prolonge 


prolonge  en  pointe  vers  la  base  de  et  une  lèvre  externe  à  huit  divisions; 
cliacun  des  huit  bras  ordinaires  (a),  mais  celle-ci  est  inerme  [f). 
et  porte  quelquefois  de  petites  ven-  Chez  les  Nautiles,  l'appareil  labial 
touses  assez  bien  constituées  (6).  est  beaucoup  plus  développé  que  chez 
Chez  les  Sépioteuîhes,  la  lèvre  in-  les  Céphalopodes  dibranchiaux.  Au- 
terne  est  épaisse  et  plissée;  elle  paraît  devant  des  mandibules  se  trouve 
papilleuse,  et  elle  est  entourée  de  deux  d'abord  une  lèvre  intérieure  circulaire 
autres  replis  labiaux  dont  l'externe  se  et  à  bord  frangé;  puis,  plus  en  de- 
proionge  en  huit  points,  comme  chez  hors, une  couronne  labiale  extérieure, 
les  Calmars,  mais  ces  appendices  ne  composée  de  quatre  grands  lobes,  dont 
sont  pas  libres  au  bout  et  sont  fixés  le  bord  est  gariii  d'une  série  d'appen- 
entre  la  base  des  bras  ;  chez  quelques  dices  cylindro-coniques,  qui  sont  ré- 
espèces, on  y  aperçoit  aussi  de  petites  tractiles  {g).  Ces  tentacules  ou  cirres 
ventouses  (c).  Cliez  les  Onycholeu-  ont  la  même  structure  que  ceux  dont 
thés  la  lèvre  externe  est  quelquefois  la  tête  est  entourée ,  et  M.  Valen- 
très  développée  et  l'interne  épaisse  (cZ).  ciennes  les  considère  comme  les  repré- 
dhez  les  Loligopsis,  la  lèvre  externe  sentants  des  ventouses  dont  sont 
s'étend  beaucoup  (e).  Enfin,  chez  la  pourvus  les  Céphalopodes  dibran- 
Sèche,  il  y  a  une  lèvre  interne  frangée  chiaux  {h). 

(a)  Voyez  Lesucur,  Op.  cit.,  pi.  8,  fig.  e. 

—  Férussac,  Op.  cit.,  genre  Calmar,  pi.  5,  fig.  4. 

—  Milne  Edwards,  Voyage  en  Sicile,  1. 1,  pi.  18  et  19. 

(b)  Exemple  :  Loligo  Pealeli  (voy.  Férussac,  Op.  cit.,  a;enre  Calmar,  pi.  11,  fig.  3). 

(c)  Exemple  :  le  Sépioteuthe  de  Maurice  {voy.  Quoy  et  Gaimard,  Voyage  de  l'Astrolabe,  Mol- 
lusques, pi.  4,  fig.  3j. 

(d)  Voyez  Férussac,  Op.  cit.,  genre  Onychoteuthe,  pi.  3  bis,  fig:  4  ;  pi.  4,  fig.  3,  etc. 

—  Quoy  et  Gaimard,  Op.  cit.,  pi.  5,  fig.  17,  et  Atlas  du  Règne  animal  de  Cuvier, Mollusques, 
pi.  3,  fig.  A. 

(e)  Verany,  Mollusques  méditerranéens,  1. 1,  pi.  39. 

(f)  Voyez  Férussac,  Op.  cit.,  genre  Sèche,  pi.  3  bis,  fig.  3. 

—  Quoy  el  Gaimard,  Op.  cit.,  pi.  1,  fig.  3  et  13  ;  pi.  2,  fig.  3,  6. 

{g)  Owen,  Mem.  on  the  Pearly  NaïUilus.  —  Sur  l'Animal  du  Naxitile  [Ann.  des  sciences 
nat.,  1833,  t.  XXVIll,  p.  100,  pi.  2,  fig.  1). 

(h)  Valenciennes,  Recherches  sur  le  Nautile  flambé  [Arcinves  du  Muséum,  t.  Il,  p.  276, 
pi.  il,  fig.  1). 

Voyez  aussi  à  ce  sujet  :  Owen,  On  the  Structxtre  and  Homology  of  the  Cephalic  Téntacks  in 
the  Pearly  Nautilus  {Ann.  ofNat.  Hist.,  1843,  t.  XII,  p.  305). 


408  APPAREIL   DIGESTIF 

en  manière  de  crochet  (i).  Ils  se  meuvent  verticalement  et  se 
rapprochent  par  leur  bord  tranchant  comme  des  ciseaux  cour- 
bes, mais  ils  agissent  surtout  en  déchirant  la  proie  à  l'aide  de 
leur  crochet  terminal. 
Langue.  Enfin  l'armaturc  de  la  bouche  est  complétée  par  une  râpe  lin- 
guale fort  semblable  à  celle  que  nous  avons  vue  chez  la  plupart 
des  Gastéropodes,  et  portée  sur  une  masse  charnue  d'un  volume 
considérable.  Au-devant  de  cet  organe  on  remarque  aussi  des 
papilles  charnues  qui  paraissent  constituer  un  instrument  de 
dégustation,  et  le  fond  de  la  cavité  pharyngienne,  qui  loge  toutes 
ces  parties,  est  garni  latéralement  de  papilles  qui  sont  tantôt 
molles  ,  d'autres  fois  dures  et  spiniformes  ('2). 


(1)  Cliacune  de  ces  mandibules  res-  celui  décrit  par  M.  Valencieiines,  rien 

semble  à  un  fer  à  cheval  concave,  ou  de  semblable  ne  se  remarquait  (c). 

plutôt  à  une  demi-cuiller  dont  le  bec  (2)  La  râpe  linguale  du   Calmar  a 

serait  crochu   et  le  bord  postérieur  été  assez  bien  représentée  par  Need- 

échancré  au  milieu.  La  lame  interne  ham   (d).  Celles   du  Poulpe  et  de  la 

se  prolonge  plus  loin  en  arrière  que  la  Sèche  ont  été  mieux  ligurées  par  Sa- 

lameexterne,maiscelle-ciestpluslarge  vigny  (e),  et  l'oli  a  étudié  avec  soin 

postérieurement  (a).  La  forme  de  ces  cette  partie  de  l'appareil  digestif  chez 

organes  varie  un  peu  suivant  les  es-  l'Argonaute  (f).  Enfin  M.  Lovén  a  fait 

pèces;  mais,  en  général,  le  crochet  connaîtie  avec  plus  de  précision  la 

de  la  mandibule  inférieure  s'avance  forme  des  crochets  constitutifs  de  cette 

beaucoup  au-devant  de  celui   de   la  armature  chez  l'Élédon,  la  Sépiole  et 

mandibule  supérieure.  le  Calmar  (g)  ;  mais  pour  la  disposition 

La  conformation  des  mandibules  est  générale  des  diverses  parties  de  la 

la  même  chez  le  Nautile.  Dansl'exem-  cavité  buccale,  je  renverrai  de  préfé- 

plaire  disséqué  par  M.  Owen,  le  bord  rence  à  une  ligure  faite  d'après  TOny- 

libre  de  ces  organes  élait  recouvert  choteuthe  par  M.  Owen  (h). 

d'un  dépôt  calcaire  (b);   mais,  dans  La  langue  de  ce  Mollusque,  consi- 

(a)  Swammerdara,  Biblia  Nalurœ,  t.  II,  pi.  50,  iig.  11. 

—  Cuvier,  Mém.  sur  les  Céphalopodes,  pi.  3,  ûg.  6  (Mém.  sur  les  Mollusques,  1817). 

—  Savigny,  Op.  cit.  pi.  1,  fig.  1^,  l^  fig.  3^,  3^  3*. 

—  Délie  Chiaje,  Op.  cit.,  pi.  10,  fig.  9. 

(b)  Owen,  Sur  le  Nautile  {Ann.  des  sciences  nat.,  t.  XXVIlI,  p.  110,  pi.  i,  fig.  2-4.). 

(c)  Valfiiciennes,  Recherches  siir  le  Nautile,  p.  280,  pi.  8,  fig.  3,  et  pi.  11,  fig.  1  et  2. 

(d)  Needliam,  Nouvelles  découvertes  faites  avec  le  microscope,  pi.  3,  fig.  1. 

(e)  Savigny,  Egypte,  Mollusques  Céphalopodes,  pi.  1,  fig.  ie,  3  e,  3",  etc. 

(f)  Poli,  Testacea  utriusque  Siciliœ,  t.  III,  pi.  42,  fig.  5-9. 

(g)  Lovén,  Op.  cit.  [Ofversigt  of  Vetenskaps-Akademiens  Forhandlingar,   184G,  p.  188,  pi.  3). 
[h)  Owen,  art.  Cephalopoda  (Todd's  Cyclopiedia  of  Anat.  and  Physiol.,  I.  1,  p.  532,  fig.  21), 


DE»    MOLLUSQUES    CÉPHALOPODES.  409 

§  20.  —  L'appareil  salivaii^e  n'est  que  rudimentaire  chez  le 
?\autile ,  mais  chez  la  plupart  des  Céphalopodes  dibranchiaux 
il  est  très  développé,  et  ressemble  beaucoup  à  ce  que  nous 
avons  déjà  vu  chez  les  Gastéropodes.  Il  se  compose  de  deux 
paires  de  glandes  dont  l'une  est  logée  dans  la  tête  et  appliquée 
contre  la  partie  latérale  et  postérieure  de  la  masse  buccale , 
tandis  que  l'autre  est  située  beaucoup  plus  loin  en  arrière,  et  se 
trouve  à  la  partie  antérieure  de  la  cavité  abdominale,  sur  les 
côtés  de  l'œsophage-  Les  glandes  salivaires  antérieures  sont 
multilobulées  et  s'ouvrent  isolément  à  l'entrée  de  l'œsophage; 
celles  de  la  seconde  paire  donnent  naissance  à  un  conduit  excré- 
teur commun  très  long  qui  débouche  à  la  base  de  la  langue  (1). 


Glandes 
salivaires. 


dérée  dans  son  ensemble,  forme  une 
masse  ovalaire  qui  occupe  la  totalité 
de  Tespace  compris  entre  les  deux 
branches  de  la  mâchoire  inférieure. 
Sa  portion  antérieure  conslilue  une 
sorte  de  caroncule  charnue  dont  la 
surface  esl  garnie  de  papilles  et  pré- 
sente des  orifices  de  cryptes  mu- 
queux.  La  portion  moyenne  de  la 
langue  porte  la  ràpc,  qui  est  ployée  à 
angle  droit  et  composée  de  crochets 
cornés  dirigés  en  arrière.  Enfin  sa 
portion  postérieure  est  papilleuse  et 
logée  entre  deux  replis  de  la  mem- 
brane pharyngienne  dont  la  surface 
est  armée  de  crochets  épidermiques. 
La  râpe  se  compose  ordinairement 
d'une  dent  médiane  et  de  trois  paires 
de  crochets  latéraux  par  rangée  trans- 
versale (a). 

La  disposition  de  l'appareil  lingual 
est  à  peu  près  la  même  chez  le  Nautile, 
si  ce  n'est  que  la  caroncule  antérieure 


est  plus  développée  et  divisée  en  trois 
lobes  médians  (6),  La  râpe  descend 
dans  un  cul-de-sac  où  se  trouve  un 
organe  qui  paraît  être  chargé  de  re- 
produire les  dents  spiniformes  (c), 
ainsi  que  nous  l'avons  déjà  vu  chez 
les  Gastéropodes.  Les  papilles  de 
la  portion  postérieure  de  la  langue 
sont  molles,  larges  et  épaisses.  Enfin, 
sur  les  côtés,  on  voit  deux  appendices 
charnus  très  larges,  dont  la  surface 
est  également  papilleuse  et  présente 
au  milieu  une  ouverture  salivaire. 

(1)  Chez  le  Poulpe,  les  glandes  sali- 
vaires antérieures  ou  pharyngiennes 
sont  divisées  très  irrégulièrement  en 
plusieurs  lobes.  Celles  de  la  seconde 
paire  sont  beaucoup  plus  grosses, 
et,  quoique  subdivisées  en  lobules, 
sont  concentrées  de  façon  à  former 
deux  masses  à  peu  près  ovalaires 
et  à  surface  presque  lisse  [cl).  Ces 
organes  se  composent  d'une  réunion 


(a)  Lovén,  Op.  cit.  {Ofversigt  of  Vetenskaps-Akademiens  Fôrhandlingar ,  1847,  pi.  3j. 

(b)  Owen,  Op.  cit.  (Ann.  des  sciences  nat.,  I.  XXVlII,pl.  4,  fig.  1). 

—  Valeiiciennes,  Op.  cit.,  pi.  la,  fip.  3  et  4. 

(c)  Idem.,  Op.  cit.,  pi.  10,  fig.  4. 

(d)  Cuvier,  Mém.  sur  les  Céphalopodes,  pi.  3,  fig.  3. 

—  Miliie  Edwards,  Voyage  en  Sicile,  t,  I,  pi.  11,  et  Atlas  du  Règne  animal  de  Cuvier,  Mol- 
lusques, pi.  le. 


MO  APPAREIL    DIGESTIF 

Canal  digestif.  §21.  —  L'œsoplioge  dcs  Céphalopodes  est  long  et  grêle;  il 
présente  à  l'intérieur  beaucoup  de  plis  longitudinaux,  et,  après 
avoir  traversé  le  cartilage  céphalique,  il  arrive  dans  l'abdomen, 
où  il  se  dilate  parfois  pour  constituer  une  première  poche  sto- 
Jabot.  macale  ou  jabot.  Chez  les  Poulpes  et  l'Argonaute,  cette  seconde 
portion  du  canal  ahmentaire,  élargie  de  la  sorte,  est  libre  dans 
la  grande  cavité  péritonéale,  qui,  ainsi  que  nous  l'avons  déjà 
vu,  remplit  les  fonctions  d'un  réservoir  veineux  (1)  ;  mais  chez 
les  Céphalopodes  décapodes  elle  reste  étroite,  et  elle  adhère  aux 
viscères  circonvoisins,  (|ui  ne  laissent  entre  eux  aucun  vide 
dans  la  région  abdominale.  Ses  parois  logent  dans  leur  épais- 
seur des  follicules  glandulaires  (2).  Un  second  estomac  fait 

de  petits  caecums  grêles  et  disposés  en  gicns,  et  s'ouvrent  dans  la  bonclie  par 

grappe  (a).  un  petit  orifice  situé  au  centre  de  ces 

Chez  les  Onyciioleulhes,  les  glandes  appendices  charnus  (i). 
salivaires  antérieures  ne  sont  pas  sim--  (1)  Voyez  tome  HT,  page  168. 

plenient  accolées  à  la  masse  charnue  (2)    Chez    le    loiilpe  (e) ,  le  jahot 

de  la  bouche,  comme  chez  le  Poulpe,  commence  à  peu  de  distance   de  la 

mais  se  prolongent  dans  l'épaisseur  tête,  et  se  dilate  brusquement  en  un 

des  deux  replis  de  la  membrane  mu-  grand  cul-de-sac  dont  le   fond  ,   di- 

queuse  du  pharynx,  qui  se  trouvent  rigé  en  avant,  s'avance  parallèlement 

sur  les  côtés  de  la  base  de  la  lan-  à  l'œsophage  et  occupe  la  partie  an- 

gue  (6),  Les  glandes  salivaires  de  la  térieure  de   la   cavité   viscérale.   En 

seconde  paire  sont  en  général  dispo-  arrière ,   cet  organe  se  rétrécit  gra- 

sées  comme  chez  le  Poulpe  ;   mais  duelkment  et  se  continue  avec  le  se- 

ces  organes  paraissent  manquer  chez  cond  estomac  dont  il  est  séparé  par 

les  Loligopsis  (c).  un  sphincter. 

Chez  le  Nautile,  l'appareil  salivaire  La  conformation  de  ces  parties  est 

ne  paraît  être  représenté  que  par  une  à  peu  près   la    même  chez    i'Argo- 

paire    d'organes    glandulaires   lo[;és  naute  (/'). 
dans    l'épaisseur  des  replis  pharyn-  11  existe  aussi  un  jabot,  très  bien 

(a)  3.  Millier,  De  glandalaruin  secernentium  structura  penitiori,  p.  54,  pi.  5,  fig.  9. 

(b)  Owcii,  art.  Cephalopoda  (Totid's  Cyclopœdia  ofAnat.  and  Physiol.,  t.  I,  p.  532,  fig.  218). 

(c)  Owen,  Op.  cit.,  p    533. 

{d)  Owen,  Sur  le  Nautile  (Ann.  des  sciences  nat.,  t  XXVllI,  p.  114). 
(e)  Cu\ier,  Méni.  sur  les  Céphalopodes,  pi.  4,  fig.  2. 

—  Férussac,  Hist.des  Mollusques  Crtjptodibranches,  pi.  13,  fig.  9. 

—  Wagner,  Ico7ies  z-ootomicœ,  pi.  29,  fig.  14. 

—  Milne  Edwards,  Atlas  du  Règne  animal  de  Ciivier,  Mollusques,  pi.  le, 

—  J.  Canis,  Icônes  anatomicœ,  pi.  22,  fig.  17. 

(/■)  Poli,  Testacea  utriusque  Siciliœ,  t.  111,  pi.  43,  fig.  1  et  2. 

—  Van  Beneden,  Mém.  sur  l'Argonaute  (Exercices  xootomiqttes ,  pi.  3,  fig.  3) 

—  J.  Cariis,  Icônes  Motomicce,  pi.  22,  fig.  16. 


DES    MOLLUSQUES    CÉPHALOPODES.  ÙH 

SLiile  à  cet  organe,  et  constitue  un  gésier  dont  les  parois  sont  en 
général  très  charnues  et  les  deux  orifices  fort  rapprochés.  La 
tunique  épithélique  qui  le  tapisse  est  épaisse  et  offre  souvent  une 
consistance  presque  cartilagineuse  (1). 

A  côté  du  pylore  se  trouve  l'entrée  d'un  autre  sac,  qui  est 
en  général  étroit,  allongé  et  contourné  en  spirale,  disposition 
en  raison  de  laquelle  Aristote  l'a  comparé  à  une  coquille  de 
Colimaçon.  Les  fonctions  de  cet  appendice  ne  sont  pas  bien 
connues.  Quelques  naturalistes  le  considèrent  comme  un  organe 
sécréteur,  et  l'assimilent  au  pancréas  des  Animaux  supérieurs  ; 
mais  il  n'offre  aucun  des  caractères  de  cette  glande  et  res- 
semble davantage  à  un  réservoir  biliaire,  car  les  conduits  hépa- 
tiques viennent  y  déboucher  (2). 


Gésier. 


Appendice 
pylorique. 


développé  chez  le  Nautile,  mais  cette 
poche  est  plus  dilatée  en  arrière  qu'en 
avant,  et  communique  avec  le  second 
estomac  par  un  canal  étroit  (a). 

Chez  les  Calmars  et  les  Sèches, 
l'œsophage  conserve  à  peu  près  le 
même  calibre  jusque  dans  la  région 
du  cœur,  et  il  n'existe  pas  de  ja- 
bot (6). 

(1)  Cliez  le  Poulpe,  ce  gésier  est  de 
forme  ovale  et  logé  dans  un  comparti- 
ment particulier  de  la  grande  poche 
péritonéale,  qui  sert  de  réservoir  pour 
le  sang  veineux  et  qui  est  traversé  par 
l'artère  aorte  (c).  Sa  surface  interne 
est  profondément  sillonnée. 

Chez  la  Sèche,  cet  organe  est  plus 
grand,  mais  ses  parois  sont  moins 
musculaires  {cl). 

Dans  le  Nautile,  la  disposition  du 


gésier  est  à  peu  près  la  même  que 
chez  le  Poulpe  (e). 

(2)  Chez  le  Poulpe,  l'orifice  de  sortie 
du  premier  estomac  conduit  presque 
aussi  facilement  danscecaecum  ou  dans 
l'intestin  que  dans  le  gésier  (/■).  Cetap- 
pendice  est  logé  h.  gauche  et  un  peu  en 
arrière  de  ce  dernier  organe,  dans  une 
cavité  dépendante  du  réservoir  périto- 
néal,  de  sorte  qu'il  baigne  dans  le  sang 
veineux,  comme  le  font  les  deux  esto- 
macs (^).  C'est  un  caecum  assez  gros  et 
intestiniforme,  contourné  en  spirale  et 
décrivant  un  tour  et  demi;  à  l'intérieur 
il  est  garni  d'une  double  lame  saillante 
longitudinale,  et  ses  parois  renferment 
beaucoup  de  follicules  sécréteurs.  En- 
fin les  canaux  biliaires  rampent  dans 
sa  columelle,  et  s'y  ouvrent  près  de  sa 
pointe,  de  façon  que  c'est  dans  son  in- 


{a)  Owen,  Sur  le  Nautile.  [Ann.  des  sciences  nat.,  t.  XXVIII,  pi.  2,  fig.  \). 
(6)  Voyez  Carus  et  Olio,  Tai.  Anatom.  compar.  illustr.,  pars  iv,  pi.  2. 

(c)  Milne  EtUvards,  Op.  cit.  {Voyaqe  en  Sicile,  pi.  ■15). 

(d)  Brandi  et  Ratzeburg,  Medizinische  Zoologie,  l.  II,  pi.  32,  fig.  3. 

(e)  Owen,  Sur  le  Nautile  [Ann.  des  sciences  nat.,  t.  XVlII,  pi.  2,  fig.  i). 
{[}  Ciivier,  Mem.  sur  les  Céphalopodes,  pi.  i,  fig.  2  et  3. 

—  Férussac,  Hisloire  des  Mollusques  Cryptodibr anches,  genre  Poulpe,  pi.  4  3,  fig.  i, 
(g)  Milne  Edwards,  Voyage  en  Sicile,  t.  1,  pi.  1.5. 


412  APPAREIL    DIGESTIF 

Il  est  d'ailleurs  à  noter  que,  chez  la  plupart  des  Céphalopodes, 
on  trouve  dans  le  voisinage  de  ces  derniers  canaux  un  petit 
organe  glandulaire  qui  est  souvent  disposé  en  grappe,  et  qui 
semble  avoir  beaucoup  plus  d'analogie  avec  le  pancréas  (1). 


lérieur  que  les  matières  alimentaires 
se  mêlent  ù  la  bile  {a).  Duvernoy  a  fait 
remarquer  que  cet  organe  a  plus  d'a- 
nalogie avec  le  duodénum  des  Verté- 
brés qu'avec  le  pancréas  de  ces  Ani- 
maux (6);  mais  il  faudrait  le  comparer 
plutôt  à  la  vésicule  du  fiel. 

Chez  l'Argonaute,  l'appendice pylo- 
rique  est  plus  large  et  beaucoup  plus 
court  que  chez  le  Poulpe  (c);  sa  dis- 
position est  à  peu  près  la  même  chez 
les  Sèches  [d)  et  les  Sépioles,  où'  une 
grande  valvule  spirale  en  divise  l'in- 
térieur (e). 

Chez  les  Calmars,  cet  organe  est,  au 
contraire,  beaucoup  plus  long.  Dans 
quelques  espèces  il  est  grêle  et  enroulé 
en  spirale:  par  exemple,  chez  le  Cal- 
mar sagilté  (/■)  ;  mais  chez  d'autres, 
tels  que  le  Calmar  commun,  ou  Loligo 
todarus ,  il  constitue  un  grand  sac 
membraneux  et  pyriforme,  qui  offre  à 
peine  quelque  indice  de  contourne- 


ment  et  se  prolonge  jusqu'à  l'extré- 
mité postérieure  du  corps  (g).  Il  est 
aussi  à  noter  que  chez  ces  Animaux, 
l'extrémité  de  la  valvule  spirale  fait 
office  de  soupape,  et  tend  à  empêcher 
les  aliments  de  passer  directement  du 
gésier  dans  l'intestin. 

Dans  le  Céphalopode  du  genre  Loli- 
gopsis,  que  M.  Ilathke  a  décrit  sous 
le  nom  de  Perothis  Eschscholtzii,  cet 
organe  est  représenté  par  une  poche 
arrondie  {h).  Il  en  est  de  même  dans 
le  genre  Rossia  {i). 

Chez  le  Nautile,  l'appendice  pylo- 
rique,  ou  pancréas  (Owen),  est  une 
poche  globulaire  appenduc  au  com- 
mencement de  l'intestin  et  divisée 
intérieurement  par  de  larges  lames 
parallèles,  froncées  transversalement, 
qui  logent  dans  leur  épaisseur  des 
follicules  (j).  La  bile  y  arrive  par  un 
large  canal. 

(1)  Ces  glandules,  de  couleur  jau- 


(a)  Cuvier,  Méni.  sur  les  Céphalopodes,  p.  29,  pi.  i,  llg.  2. 

(6)  Duvernoy,  Additions  à  l'Anatomie  comparée  do  Cuvier,  f.  V,  p.  45.    ' 

(c)  Poli,  Testacea  lUriusque  Siciliœ,  t.  III,  pi.  43,  fig.  2. 

—  Van  Beneden,  Op.  cit.  {Exercices  zootomiques,  pi.  3,  fig.  3). 
{d}  Swammerdani,  Biblia  Naturœ,  t.  Il,  pi.  5,  fig-.  5. 

—  Dalle  Cliiaje,  Descrizione  e  notomia  degli  Animali  sema  vertèbre  délia  Sicilia  citeriore, 
pi.  15,  fig.  2. 

—  Brandt  et  Pvaizeburg,  Medizinische-Zoologie,  t.  II,  pi.  32,  fig.  2t. 

(e)  Grant,  On  the  Anatomy  of  Scpiola  vulgaris  (rrans.  of  the  Zool.  Soc.ofLondon,  t.  I,  p.  8t, 
pi.  H,fig.  7  et  8). 

(f)  Cuvier,  Op.  cit.,  p.  52. 

—  Honie,  Lectures  on  Compar,  Anal.,  pi.  83. 

—  Owen,  art.  Cephalopoda  (Todd's  Cyclop.  ofAnat.  and  Physiol.,  t.  I,p.  535,  fig.  221). 

(g)  Monro,  The  Structure  and  Physiology  ofFishes,  pi.  4.2. 

—  Délie  Cliiaje,  Descriz.  e  notom.  degli  Animali  invertebrati,  pi.  10,  fij.  3. 

—  Milne  Edwards,  Voyage  en  Sicile,  1.  I,  pi.  18. 

(/i)Batlike,  Perothis,  ein  neues  Genus  der  Cephalopoden  {Mém.  de  L'Acad.  de  Saint-Pétersbourg, 
Savants  étrangers,  1835,  t.  II,  p.  159,  pi.  2,  fig.  10  cl  12). 

—  Owen,  Cephalopoda  (Todd's  Cyclop.,  t.  I,  p.  537,  fig.  223). 

(i)  Owen,  \oy.  Appendix  to  Ross's  Voyage,  p.  xcvi,  pi.  c,  fig.  2  et  3. 

(j)  Owen,  Sur  le  Nautile  (Ann.  des  sciences  nat.,  t.  XVIII,  p.  cxvi,  pi.  2,  fig.  1  g). 


DES    MOLLUSQUES    CÉPHALOPODES.  lï\6 

Le  foie  des  Céplialopodes  est  iiiic  ghmde  1res  volumineuse, 
de  couleur  rouge  brunâtre,  qui  occupe  presque  toute  la  porlie 
inférieure  et  antérieure  de  la  cavité  abdominale;  elle  est  séparée 
du  tube  digestif  par  une  cloison  membraneuse  et  n'est  que 
rarement  divisée  en  lobes  (4). 

Enfin  l'intestin,  qui  est  court  et  d'une  structure  assez  simple, 
se  dirige  en  avant,  et  va  se  terminer  sur  la  ligne  médiane  du 
corps,  vers  la  partie  antérieure  de  la  cavité  branchiale,  à  la  base 
de  l'entonnoir,  de  façon  que  l'anus  se  trouve  sur  le  trajet  du 
courant  expiratoire,  et  celui-ci  entraîne  directement  au  dehors 
les  matières  fécales  ^2). 


Foie. 


nâtre,  sont  très  développées  dans  le 
genre  Rossia,  où  elles  constituent  une 
masse  arborescente  qui  naît  des  deux 
conduits  biliaires,  près  de  l'extréinilé 
postérieure  du  foie,  et  recouvre  la 
moitié  antérieure  de  Testomac  et  de 
l'appendice  pylorique  (a).  Elles  sont 
assez  volumineuses  chez  le  Loligop- 
sis  {b],  et  se  voient  aussi  très  facile- 
ment chez  le  Calmar  (c) ,  ainsi  que 
chez  les  Sépioles,  les  Onychoteuthes 
etlesSépioteulhes  (d).  Chez  le  Poulpe, 
elles  sont  représentées  par  des  folli- 
cules logés  dans  l'intérieur  de  la 
capsule  hépatique  (c,.  Hunter  fut  le 
premier  à  les  comparer  au  pancréas 
des  Vertébrés  (f). 

(1)  Chez  le  Poulpe,  le  foie  constitue 
une  grosse  masse  ovalaire  tronquée 


postérieurement;  deux  canaux  excré- 
teurs s'en  détachent  dans  le  voisinage 
du  pylore,  et,  après  avoir  embrassé 
l'intestin ,  se  réunissent  en  un  seul 
tronc  pour  s'engager  dans  la  colu- 
melle  de  l'appendice  pylorique  en 
spirale  {g). 

D'après  M.  Grant,  le  foie  serait  qua- 
diilobé  chez  le  Loligopsis  guttata  {h). 
Les  deux  canaux  biliaires  se  réunis- 
sent après  leur  sortie  du  foie,  chez  les 
Calmars  (i). 

(•i)  En  général,  on  remarque  à  l'in- 
térieur de  l'intestin  deux  replis  longi- 
tudinaux adossés  l'un  à  l'autre  et  en 
continuité  avec  ceux  dont  l'intérieur 
de  l'appendice  pylorique  est  garni  (_/). 
La  muqueuse  de  cette  porUon  du  tube 
digestif,  ainsi  que  celle    du  caecum 


la)  Owen,  On  Rossia  {Appendix  to  Sir  J.  Ross's  Voyage,  p.  xcvi,  pi.  2,  fig.  2  et  3). 
(&)Rathke,  Op.  cit.  (Mém.  de  VAcad.  de  Saint-Pétersbourg,  Sav.  étrang.,  1835,  i.  II,  pi.  2;. 

(c)  Monro,  Struct.  and  Anat.  of  Fishes,  pi.  41,  L. 

(d)  Owen,  Cephalopoda  (Todd's  Cyclopœdia  nf  .\nat.  and  Physiol.,  t.  I,  p.  537). 

(e)  H.  Millier,  Bau  der  Cephalopoden  {Zeitschr.  fur  wissensch.  Zool..  1852,  t.  IV,  p.  343). 
(/■)  Catalogue  of  the  Physiol.  Séries  ofihe  Hunterian  Muséum,  t\°  175,  t.  I,  p.  229. 

-^  Uello  Cliiaje,  Descriz.  e  notom.  degll  Animali  invertebrati  délia  Sicilia  ciieriore,  pi.  13, 
fig.  8  et  10. 

(g)  Cuvier,  Mém.  sur  les  Céphalopodes,  i>l.  i,  Rg.  A. 

—  Férussac,  Histoire  naturelle  des  Mollusques,  pi.  14,  &g.  G. 

{h)  Granl,  On  the  Structure  and  Characters  ofthe  Loligopsis  (Tram,  of  the  Zoological  Society, 
t.  I,  p.  25,  pi.  2,  fîg.  7). 

(i)  Délie  Chiaje ,  Descriz.  e  notom.  degli  Animali  invertebrati,  pi.  13,  fig.  16. 
•  (j'j  Cuvier,  Op.  cit.,  pi.  4,  fig.  2. 


Intestin. 


Uill        APPAREIL    DIGESTIF    DES    MOLLUSQUES    CÉPHALOPODES. 

Résumé.  §  22.  —  En  résumé,  nous  voyons  donc  que  chez  les  Mol- 
lusques les  plus  élevés  en  organisation,  de  même  que  chez  les 
Molluscoïdes  les  plus  dégradés,  la  cavité  digestive  est  consti- 
tuée par  un  tube  à  parois  propres,  qui  est  recourbé  en  forme 
d'anse,  de  façon  à  communiquer  au  dehors  par  une  bouche  et 
un  anus  situés,  non  aux  deux  extrémités  opposées  du  corps, 
comme  nous  le  verrons  dans  l'embranchement  des  Animaux 
annelés,  mais  dans  des  régions  voisines.  Ce  rapprochement 
entre  les  orifices  du  canal  alimentaire  n'est  pas  un  caractère 
constant  de  la  division  des  Mollusques,  mais  nous  l'avons  ren- 
contré chez  la  plupart  de  ces  Animaux,  et,  en  terminant  l'étude 
de  l'appareil  digeshf  dans  ce  groupe  zoologique,  j'appellerai 
de  nouveau  l'attention  sur  le  défaut  de  symétrie  que  nous  y 
avons  souvent  remarqué. 

pylorique,  est  garnie  de  cils  vibra-  En  général,  rextrémiié  de  l'iii- 
tiles  {a).  testin  fait  saillie  dans  la  cavilé  bran- 
chez le  Poulpe,  l'inleslin  décrit  chiale.  L'anus  est  simple  cbez  les 
quelques  circonvolulions  avant  de  Poulpes  (d)  ,  mais  chez  les  Cal- 
gagner  la  face  inférieure  du  foie  et  mars  (e),  les  Loligopsis  [f)  et  les  Sé- 
de  se  terminer  à  Panus  {b)  ;  mais,  pioteulhes  {g),  il  est  bordé  par  deux 
chez  les  Calmars,  il  est  plus  court,  et  petits  appendices  membraneux  qui 
se  porte  presque  directement  en  ont  la  forme  de  feuilles  ou  d'ailes  et 
avant  (c).  sont  dirigés  en  avant. 

(a)  H.  Millier  et  Kôlliker,  Bericht  ûber  einige  im  Ilerbste  1852  in  Messlna  angestelUe  vergl. 
anat.  Untersuch.  (Zeitschr.fûr  ivissenschaftl.  ZooL,  1S53,  t.  IV,  p.  343). 

(b)  Voyez  V Atlas  du  Règne  animal  de  Cuvier,  Mollusques,  pi.  1  c. 

(c)  Voyez  Owen,  Cephalop.  (Todd's  Cyclop,  t.  I,  p.  535,  fig.  221). 

Gai-us  elOtto,  Tab.  Anatom.  compar.  illustr.,  pars  iv,  pi.  2,  fig.  11. 

(d)  Voyez  V Atlas  du  Règne  animal  de  Cuvier,  Mollusques,  pi.  1  a. 

(e)  Milne  Edwards,  Voijage  en  Sicile,  t.  1,  pi.  18. 

(f)  Ralhke,  Op.  cit.  {Mém.  de  VAcad.  de  Saint-Pétersbourg,  1835,  Sav.  étrang.,  i.  II,  pi.  2). 

(g)  Owen,  Descript.  of  some  new  and  rare  Cephalopoda  (Trans.  of  the  Zool.  Soc.  of  London, 
t.  II,  pi.  21.' fig.  16). 


QUARANTE -NEUVIEME  LEÇON. 

De  l'appareil  digestif  chez  les  Vers. 


§  1 .  —  Dans  renjbranchement  des  Animaux  annelés,  la  caractères 
cavilé  digestive  se  compose  d'ordinaire  d'un  tube  ouvert  à  ses  ^''"^'''""'' 
deux  extrémités,  comme  chez  les  Mollusques ,  mais  dont  les 
orifices,  au  lieu  d'être  rapprochés,  sont  situés  le  plus  loin  pos- 
sible l'un  de  l'autre,  et  dont  la  disposition  générale  est  symé- 
trique :  la  bouche  se  trouve  à  la  face  inférieure  de  la  tête,  et 
l'anus,  placé  également  sur  la  ligne  médiane  ,^  occupe  l'extré- 
mité postérieure  du  corps.  Mais  dans  ce  groupe,  de  même  que 
dans  les  deux  grandes  divisions  zoologiques  dont  j'ai  traité  dans 
les  dernières  Leçons,  ce  mode  d'organisation  ne  se  rencontre 
pas  toujours,  et  il  existe  quelques  espèces  qui  offrent  sous  ce 
rapport  des  caractères  d'infériorité  très  remarquables.  En  effet, 
chez  quelques  Vers,  l'appareil  digestif  tout  entier  paraît  man- 
quer pendant  une  certaine  période  de  la  vie,  sinon  toujours, 
et  chez  d'autres  la  cavité  alimentaire  ne  communique  au 
dehors  que  par  un  seul  orifice,  comme  chez  la  plupart  des 
Zoophytes  inférieurs;  mais  ces  exceptions  sont  fort  rares,  et, 
dans  l'immense  majorité  des  cas,  l'appareil  digestif  est  con- 
formé d'après  le  plan  que  je  viens  d'indiquer,  et  offre  même 
une  structure  très  perfectionnée  dans  tout  ce  qui  a  rapport  à 
son  action  mécanique. 

Pour  le  moment  je  laisserai  de  côté  les  anomalies  que  je 
viens  de  signaler,  et,  pour  donner  une  idée  nette  de  la  dispo- 
sition typique  de  l'appareil  digestif  de  l'Entomozoaire  ou  Animal 
annelé  réduit  à  sa  plus  grande  simplicité,  je  choisirai  mes  pre- 


[li6  APPAREIL    DIGESTIF 

miers  exemples  parmi  les  Vers  intestinaux  de  la  classe  des 
Appareil     Nématoïdes  (1)  ou  des  Helminthes  proprement  dits  ("2).  Chez 


diMSlif 


dans  fa  classe  Ics  Stronglcs,  Ics  Ascarides,  les  Pilaires  et  la  plupart  des  autres 


des 


Nématoïdes.  Animaux  de  ce  groupe,  il  ne  consiste  qu'en  un  tube  presque 
droit,  qui  présente  à  peu  près  les  mêmes  dimensions  et  une 
structure  identique  dans  toute  sa  longueur,  excepté  dans  la 
partie  antérieure,  où  il  est  plus  étroit  et  plus  musculaire,  de 
façon  à  constituer  un  oesophage  bien  caractérisé.  D'ordinaire 
on  ne  peut  y  reconnaître  un  estomac  distinct  de  l'intestin  (3), 


(1)  C'est-à-dire  filiformes  (de  v«p.a, 
fil,  et  sl'^o;,  apparence. 

(2)  Jusque  dans  ces  dernières  an- 
nées les  zoologistes  réunissaient  dans 
une  même  classe,  sous  le  nom  com- 
mun d'Helminthes  ou  de  Vers  intes- 
tinaux, des  Animante  qui  se  ressem- 
blent par  leur  manière  de  vivre  en 
parasites  dans  l'intérieur  de  diverses 
parties  du  corps  d'autres  Animaux, 
principalement  les  intestins,  mais  qui 
diffèrent  beaucoup  entre  eux  par 
leur  mode  d'organisation.  Aujour- 
d'hui on  est  assez  généralement  d'ac- 
cord sur  la  convenance  de  les  répar- 
tir dans  plusieurs  classes  dislitictes, 
et  d'élever  à  ce  rang  l'un  des  grou- 
pes qui  avait  été  considéré  précé- 
demment comme  formant  seulement 
un  ordre  ou  famille  naturelle,  sa- 
voir :  les  Nématoïdes  de  Rudolphi, 
ou  Vers  cavitaires  de  Cuvier  {a). 
M.  Blanchard  et  quelques  auteurs 
réservent  aux  Vers  de  cette  division 
le  nom  d'Helminthes  (6)  ;  mais  cette 
expression  est  généralement  employée 
dans  une  acception  beaucoup  plus 
large,  et  l'on  ne   peut  sans   incon- 


vénient le  restreindre  de  la  sorte, 
car  cela  occasionnerait  beaucoup  de 
confusion  dans  le  langage  zoolo- 
gique. 

(3)  Chez  l'Ascaride  lombricoïde , 
Ver  d'assez  grande  taille,  qui  habite 
l'intestin  de  l'Homme,  la  bouche,  si- 
tuée à  l'extrémité  antérieure  du  corps, 
est  triangulaire  et  entourée  de  trois 
tubercules  arrondis,  qui,  en  s'écar- 
tant  plus  ou  moins  ,  dilatent  cet  ori- 
fice, ou  bien  ne  laissent  libres  que 
trois  petits  espaces  ayant  l'apparence 
de  pores,  disposition  qui  en  a  imposé 
à  quelques  hclmintliologistes  (c).  Un 
œsopliage  musculaire  et  un  peu  élargi 
postérieurement  f.iit  suite  à  cette  ou- 
verture ;  ii  est  attaché  aux  parties 
voisines  des  parois  de  la  cavité  vis- 
cérale par  des  brides  membraneuses, 
et  il  présente  à  l'intérieur  trois  rai- 
nures longitudinales,  de  façon  que  sa 
cavité  est  triquètre.  Un  étranglement 
le  sépare  de  l'estomac,  qui  a  la  forme 
d'un  boyau  cylindrique  et  libre ,  et 
se  dilate  ini  peu  vers  l'arrière  du 
corps.  Quelques  anatomistes  don- 
nent le  nom  cVintestin   à  sa  partie 


(«)  P.udolplii,  Entozoorum  sive  Vermium  inteslinalium  hisloria  naturalis,  1808,  t.  II,  p.  1. 
—  Cuvier,  Règne  animal,  ^8il,  2«  édit.,  t.  IV,  p.  29. 

(b)  Blanchard,  Recherches  sur  l'organisation  des  Vers  (Voyage  en  Sicile,  t.  Il,  p.  19  et  216). 

(c)  Brera,  Memorie  fisico-mediche ,  pi.  3,  fig.  19. 


DES    VERS    DE    LK    CLASSE    DES    NÉMATOÏDES.  417 

et   il  traverse    plus   ou    moins  librement   la   grande  eavité 
viscérale,  ou   n'y   est  retenn   que  par   des  lames  mésenté- 


poslérieure  ;  mais  il  n'y  a  ni  lélrécis- 
sement  bien  marqué,  ni  différence  de 
structure  dans  les  parois  de  ses  deux 
portions,  et  partout  ses  tuniques  sont 
minces  et  transparentes ,  mais  con- 
tractiles (a).  La  tunique  muqueuse  est 
garnie  d'une  multitude  de  villosltés 
microscopiques  qui  donnent  à  sa  sur- 
face un  aspect  velouté  (6). 

La  structure  de  cet  appareil  est  la 
même  chez  l'Ascaride  du  Cheval  (c) 
et  l'Ascaride  de  l'Ours  ;  mais,  chez 
d'autres  espèces,  lelles  que  VAscaris 
heterura  et  VA.  semiteres  [d) ,  on 
aperçoit  à  la  hase  de  l'œsophage  une 
petite  expansion  latérale  en  forme 
de  caecum.  Il  en  est  de  même 
chez  l'Ascaride  des  l'oissons,  ou  Asca- 
ris capsularia  (e),  et  chez  VHetero- 
cheilus  tunicatus,  espèce  d'Ascari- 
dien  qui  vit  sur  le  Dugong,  cet  ap- 
pendice est  assez  allongé  et  dirigé  en 
avant  parallèlement  à  l'œsophage  (f). 
11  est  également  très  développé  chez 
VAscaris  depressa,  VA.  acula,  VA. 
angulata  et  VA.  mucronata;  enfin, 
chez  r^.  speculigera  et  VA.  oscnlata, 
il  se  prolonge  jusqu'à  l'extrémité  cé- 
phalique  du  corps  {g). 


Chez  le  Filaire  du  Cheval,  la  struc- 
ture du  tube  digestif  est  à  peu  près  la 
même  que  chez  l'Ascaride  lombri- 
coïde  ;  mais  la  longueur  de  cet  or- 
gane, comparée  à  celle  du  corps,  est 
plus  grande,  de  sorte  qu'il  se  con- 
tourne un  peu  sur  lui-même  (h). 

Le  canal  alimentaire  ne  présente 
rien  de  particulier  chez  le  Sclérostome 
du. Cheval,  si  ce  n'est  que  la  cavité 
buccale  est  entourée  de  beaucoup  de 
fibres  musculaires  qui  constituent  un 
bulbe  pharyngien  ovalaire  (i). 

Chez  l'Oxyure  vermiculaire  {Asca- 
ris vermicularis  ,  L.  )  ,  qui  habile 
dans  le  gros  intestin  de  l'IIoinme,  il 
existe  entre  l'œsophage  et  l'intestin 
une  dilatation  particulière  du  tube 
alimentaire,  qui  est  de  forme  globu- 
laire et  peut  être  considérée  comme 
un  estomac  distinct,  ou  plutôt  comme 
un  gésier.  Il  est  aussi  à  noter  que 
chez  ce  Ver  l'anus  se  trouve  à  quelque 
distance  de  l'extrémité  postérieure  du 
corps  (jj.  Ce  mode  d'organisation  se 
voit  aussi  chez  VOxyuris  acumi- 
nata  (k).  Enfin,  chez  VOxyuris  or- 
nata,  dont  la  structure  a  été  étudiée 
avec  soin  par  J\L  VValter,  le  jabot  est 


[a]  i.  Cloquet,  Anatomie  des  Vers  intestinaux,  p.  26,  pi.  1,  fig.  2  et  4  ;  pi.  2,  fig.  t. 
(6)  Morren,  Quelques  remarques  sur  l'anatomie  de  l'Ascaride  lombricotde  {Bulletin  de  l'Acad. 
de  Bruxelles,  t.  V,  p.  172,  fig.  7,  11  et  12). 

(c)  Blanchard,  Op.  cit.  {Voyage  en  Sicile ,  t.  III,  p.  223,  pi.  18.  fig^.  1  a,  1  b). 

(d)  Mehlis,  nemerkungen  (Isis,  1831,  p.  91,  pi.  2,  Rg.  16,  17). 

(e)  Siebold,  Helminthologische  Beilrttge  {Archiv  fur  Naturgesch.,  1838,  t.  I,  p.  309). 

—  Blanchard,  Op.  cit.,  1. 111,  pi.  19,  fig.  2. 

{f}  Diesing,  Neue  Gatlungen  von  Binnenwïcrmern  {Annalen  des  Wiener  Mus.,  t.  Il,  p.  231, 
pi.  19,  %.  3,  4  et  12). 

(O)  Mehlis,  Op.  cit.  {Isis,  1831,  pi.  2,  fig.  18). 

{h)  Blanchard,  Op.  cit.,  t.  III,  p.  233,  pi.  19,  fig.  3. 

(i)  Idem,  iMd.,  pi.  21,  tig.  2  a,  2  6. 

(j)  Diigès,  Recherches  sur  l'organisation  de  quelques  espèces  d'Oxyures  et  de  Vibrions  {Ann, 
des  sciences  nat.,  1826,  t.  IX,  p.  228,  pi.  47,  fig.  1). 

—  Blanchard,  Op.  cit.,  t.  III,  p.  247,  pi.  20,  fig.  3. 

(fc)  Mayer,  Bcitrdge  *Mr  Anatomie  der  Entozoen,  p.  15,  pi.  3,  fig.  16. 

V.  27 


418  APPAREIL    DIGESTIF 

roïdes  (1).  La  bouche  est  presque  toujours  inerme  et  entourée 
seulement  par  quelques  papilles.  Enfin,  le  système  glandulaire 
dépendant  de  cet  appareil  est  rudimentaire  ;  il  n'y  a  pas  un  foie 
distinct,  et,  dans  un  petit  nombre  de  cas  seulement,  l'appareil 
salivaire  paraît  être  représenté  par  quelques  appendices  en  forme 
d'ampoules,  groupés  autour  de  la  région  buccale  (2). 
Cette  classe  de  Vers  renferme  aussi  des  espèces  qui  ne  sont 


garni  intérieurement  de  trois  émi- 
nences  coniques  qui  sont  revêtues  de 
chitine,  et  constituent  une  armature 
triturante  {a). 

Citez  le  Spiroptera  sanguinolenta 
l'œsophage  est  remarquablement 
long  (6),  et  chez  les  Trichocéphales 
cette  portion  du  canal  alimentaire  dé- 
passe de  beaucoup  en  étendue  la  por- 
tion stomacale;  on  y  aperçoit  aussi 
des  stries  transversales  qui  y  donnent 
une  apparence  moniliforme,  et  JMayer 
pense  que  ses  parois,  dont  l'épaisseur 
est  considérable,  renferment  un  tissu 
glandulaire  assez  semblable  à  un  ap- 
pareil salivaire  (c).  M.  Biisk  considère 
la  conformation  du  canal  alimentaire 
du  Trichocephalus  dispar  comme 
étant  moins  simple  que  chez  la  plupart 
des  JNématoïdes.  Il  y  a  remarqué,  à  la 
suite  d'un  oesophage  court  et  grêle, 
un  estomac  étranglé  de  distance  en 
distance,  de  façon  à  paraître  monili- 
forme ,  et  un  intestin  dans  lequel  il 
croit  devoir  distinguer  trois  parties 
sous  les  noms  de  caecum,  de  côlon  et 
de  rectum  {d). 

(1)  Le  Strongle  géant  présente  une 


particularité  organique  remarquable 
dans  le  mode  d'attache  de  ce  tube, 
qui,  au  lieu  de  flotter  librement 
dans  la  cavité  viscérale,  comme  d'or- 
dinaire, est  fixe  aux  parois  du  corps 
dans  toute  sa  longueur,  par  quatre 
rangées  de  brides  mésenlériques  com- 
posées principalement  de  fibres  mus- 
culaires. Il  est  aussi  à  noter  que 
chez  cet  Animal  l'œsophage  est  moins 
distinct  du  reste  du  canal  diges- 
tif que  chez  la  plupart  des  Néma- 
toïdes. 

(2)  M.  de  Siebold  est  disposé  à  rap- 
porter à  l'appareil  salivaire  un  an- 
neau circumbuccal  que  Mehlisa  figuré 
comme  un  vaisseau  chez  le  Strongylus 
armatus  (e)  ;  mais  cette  détermina- 
tion (/■)  ne  me  paraît  pas  admissible, 
et  la  partie  en  question  me  semble 
devoir  être  plutôt  le  système  ner- 
veux. 

M.  Oweu  a  trouvé  chez  des  Vers 
intestinaux  qui  ont  beaucoup  d'ana- 
logie avec  les  Strongles,  mais  qui  en 
ont  été  distingués  sous  le  nom  géné^ 
rique  de  Gnathostoma,  quatre  tubes 
terminés  en  caecum  et  insérés  autoui' 


(a)  G.  Waller,  Beitràge  zur  Anatomie  und  Physiologie  von  Oxyuris   ornata  (Zeitschr.  fur 
luissensch.  Zool.  von  Siebold  und  KôUiker,  1857,  t.  VIII,  p.  192,  pi.  è,  dg.  20,  25). 
(6)  Blanchard,  Op.  cit.  {Voyage  en  Sicile,  t.  III,  pi.  20,  %.  l  a,  i  li). 

(c)  F.  Mayer,  Beiirâge  zur  Anatomie  der  Enlozoen,  18 
fig'.  1 . 

(d)  Busk,  Observ.  on  the  Anat.  o/"  Trichocephalus  dispar,  1 

(e)  Voyez  Blanchard,  Op.  cit.,  t.  III,  p.  267,  pi.  22,  litj.  1. 
(/■)  Mehlis,  Op.  cit.  {Isis,  1831,  pi.  2,  %.  6  y). 


p.  6,  pi.   1 ,   fig-.  1  et  7,  et  pi.  2, 
i,  p.  33. 


DES    VERS    DE    LA    CLASSE    DES    NÉMATOÏDES.  419 

pas  parasites,  et  dont  le  mode  d'organisation  ne  diffère  pas 
notablement  de  ce  que  nous  venons  de  trouver  chez  les  Ento- 
zoaires  précédents.  Ainsi,  cliez  l'Anguillule,  ou  Vibrion  du 
vinaigre,  il  existe  aussi  un  tube  digestif  à  peu  près  droit,  étendu 
d'un  bout  du  corps  à  l'autre  et  ouvert  à  ses  deux  extrémités; 
mais  dans  d'autres  Animaux  appartenant  à  ce  type  zoologique,  la 
portion  postérieure  de  ce  canal  paraît  ne  pas  se  développer,  ou 
bien  s'airophie  par  les  progrès  de  l'âge,  car  il  semble  se  ter- 
miner en  cul-de-sac.  Enfin,  il  y  a  même  des  Vers  de  ce  groupe 
chez  lesquels  on  n'a  pu  découvrir  ni  bouche  ni  anus  :  tels  sont 
les  Dragonneaux  ou  Gordius  (i). 


de  la  bouche  (a).  Il  les  considère 
comme  étant  des  glandes  salivaires, 
mais  il  les  compare  aux  vésicules  dont 
le  pharynx  des  Holothuries  est  en- 
touré, lesquelles  n'ont  aucune  com- 
munication ni  avec  le  canal  digestif, 
ni  avec  l'extérieur.  Des  appendices 
semblables  se  voient  chez  les  Cheira- 
canthus  et  les  Ancyracanthus,  décrits 
par  M.  Diesing  {b}.  M.  de  Siebold  pense 
que  deux  caecums  situés  sur  les  côtés 
de  l'œsophage,  chez  le  Strongijlus 
striatus,  sont  également  des  organes 
salivaires  (c). 

Des  uiricules  d'une  forme  particu- 
lière, et  offrant  une  teinte  jaune  ou 
verdàtre,  se  voient  dans  l'épaisseur 
des  parois  de  la  portion  antérieure  de 
l'intestin,  et  paraissent  être  des  glan- 
dules  hépatiques  (d). 

(1)  Le  tube  digestif  de  l'Anguillule 
du  vinaigre  {Rhabditis  aceli,  Dujar- 
din)  est  conformé  à  peu  près  comme 


celui  de  l'Oxyure  vermiculaire,  dont  il 
a  été  question  ci-dessus  (e).  Mais  chez 
l'Anguillule  du  blé  niellé  l'orifice  anal 
paraît  manquer.  Ces  Vers  ont  la  ca- 
vité buccale  armée  d'un  stylet  conique 
qui  est  protractile  et  rétractile.  En 
arrière  du  bulbe  pharyngien  qui  loge 
cet  organe,  le  lube  alimentaire  pré- 
sente un  renflement  fusiforme ,  puis 
un  bulbe  dit  œsophagien,  qui  est  ar- 
rondi et  sans  cesse  agité  de  mouve- 
ments rhythmiques  ;  une  quatrième 
dilatation,  que  l'on  désigne  sous  le 
nom  cVestomac,  est  pyriforme,  et  se 
continue  en  arrière  avec  un  intestin 
irrégulièrement  contourné  sur  lui- 
même  et  logé  dans  l'intérieur  d'un 
mésentère  tubuleux.  La  partie  posté- 
rieure de  cet  intestin  se  rétrécit  gra- 
duellement, et  paraît  se  terminer  en 
un  cul-de-sac  qui  serait  rattaché  à  une 
fossette  anale  imperforée  par  un  cor- 
don membraneux.  Le  sac  mésenté- 


(a)  Siebold  et  Stannius,  Nouveau  Manuel  d'anatomie  comparée,  l.  I,  p.  ISS. 

(6)  Owen,  On  two  Entozoa  infesting  the  Stomach  of  the  T'iger  {Proceedings  of  the  Zool.  Soc. 
ofLondoi,  1836,  t.  IV,  p.  125). 

(t)  Diesing,  iVede  Gatlungen  Von  liinnenivûrniei'ii  [Annalen  des  Wiener  Mus.,  l.  Il,  ni.  [Q. 
iig.  13  ;  pi.  17,  fig.  8,  0  ;  pi.  18,  11g-.  3). 

{d}  Siebold  et  Stannius,  Nouveau,  Manuel  dJ anatomie  comparée,  t.  I,  p.  133. 

(e)  Dugès,  Op.  cit.  (Ann.  des  sciences  nal.,  1842,  t.  IX,  p.  229,  pi.  47,  fig.  2). 


420 


APPÀUEIL    DIGESTIF 


Anomalie 
chez  les 


On  peut  ranger  aussi  dans  la  classe  des  Nématoïdes  certains 
ÉchinoriiÎKiucs  Vcrs  intcstinaux  d'assez  grande  taille,  qui  constituent  le  genre 
Échinorhynque,  et  qui  se  font  également  remarquer  par  l'ab- 
sence d'une  cavité  digestive,  bien  que  l'extrémité  antérieure  de 
leur  corps  ait  la  forme  d'une  sorte  de  trompe  spinifère  et  qu'on 
y  distingue  même  une  petite  fossette  stomatoïdienne.  Il  y  aurait 
beaucoup  d'intérêt  à  suivre  le  développement  de  ces  singuliers 
Animaux,  et  à  chercher  si  dans  le  jeune  âge  ils  ne  posséderaient 
pas  un  tube  alimentaire  :  quelques  observations  faites  par 


rique  s'clend  en  ligne  droite  d'un 
bout  du  corps  à  l'autre  ;  i!  commence 
en  arrière  du  renflement  stomacal,  où 
il  occupe  toute  l'épaisseur  du  corps,  et 
il  se  rétrécit  en  arrière;  enfin,  il  est 
coiistilué  par  une  membrane  mince,  et 
renferme  une  subslance  granuleuse  de 
nature  albumino-graisseuse  qui  pour- 
rait bien  cire  un  tissu  hépatique  (a). 

Chez  les  Nématoïdes  dont  M.  Du- 
jardin  a  formé  le  genre  Mermis,  on 
aperçoit  aussi  une  bouche,  un  œso- 
phage et  un  tube  stomacal  intestini- 
forme,  mais  on  n'a  pu  découvrir  au- 
cune trace  d'anus  (6). 

D'après  ce  zoologiste ,  le  Gordius 
aquaticus  et  !c  G.  iolosanus  seraient 
même  dépourvus  de  bouche  et  d'a- 
nus, ainsi  que  de  tout  aulre  organe 
digestif  (c)  ;  et  M.  de  Sicbold  consi- 
dère ce  mode  d'organisation  comme  se 
trouvant  aussi   chez  le  Sphœriilaria 


Bomhi  {cl)  et  chez  le  Filaria  riçjida 
qui  vit  dans  l'intérieur  du  corps  de 
VAphodius  ftmetarius  (e)  ;  mais  je 
dois  faire  remarquer  que  ces  orifices, 
ainsi  que  le  tube  digestif,  ont  été  décrits 
cl  figurés,  chez  \(i  Gordius  aquaticus 
par  M.  Berthold  {f). 

Le  Syngamus  trachealis  ,  Ver  très 
singulier  qui  se  trouve  dans  la  tra- 
chée des  Oiseaux,  et  qui  paraît  bifur- 
qué antérieurement,  par  suite  de  la 
soudure  du  mâle  et  de  la  femelle, 
présente  un  mode  d'organisation  ana- 
logue. Chaque,  individu  est  pourvu 
d'une  bouche,  d'un  œsophage  muscu- 
laire et  d'un  cslomac  intesliniforme 
qui  paraît  se  terminer  en  cul-de-sac. 
Chez  le  grand  individu ,  qui  est  la 
femelle,  la  bouche  est  placée  dans 
une  cupule  cornée  et  armée  de 
crochets ,  comme  chez  les  Scléro- 
stomes  {(f,. 


{a]  Davainc,  Recherches  sur  l'Anguillule  du  blé  niellé,  1857,  p.  24,  pi.  2,  fig:.  12-15  (exlr. 
des  Mém.  de  la  Soc.  de  biologie,  2"  série,  t,  III). 

(6)  Dujardin,  Mém.  sur  la  structure  anatomiquc  des  Gordius  et  d'un  aulre  Helminthe,  le  Mer- 
mis, qu'on  a  confondu  avec  eux  {Ann.  des  sciences  nat.,  2"  série,  184ii,  t.  XVIII,  [}.  140). 

(c)  Siebold,  Helminthologische  Beitrdge  {Archiv  fur  Naturgeschichte,  1838,  l.  I,   p.  303). 
—  Dujardin,  Op.  cit.  (Ann.  des  sciences  nat.,  2°  série,  1842,  1.  XVIII,  p.  149). 

(d)  Sieliold,  Nouveau  Manuel  d'anatomie  comparée,  t.  I,  p.  131. 

{e)  Siebold,  Ueber  die  Spermatozoen  der  Crustaceen,  Insecten,  etc.  (Miiller's  Archiv  fur  Anat. 
und  Physiol.,  1836,  p.  33). 

(f)  A.  Berlhold,  Ueber  de'i  Bau  des  Wasserkalbes,  p.  13,  fig.  1  et  17  (Gôltingue,  1842). 

[g)  Owen,  art.  Entozoa  (Todd's  Cyclopxdia  of  Anat.  and  Physiol,  t.  Il,  p.  134). 


DES    VERS    DE    LA    CLASSE    DES    NÉMATOIDES.  421 

M.  Blanchard  tendent  à  faire  supposer  qu'il  en  est  ainsi,  et  que 
cet  organe  s'atrophie  lorsque  l'appareil  reproducteur  se  déve- 
loppe (1).  Du  reste,  les  Échinorhynques  vivent  au  milieu  de 
matières  alimentaires  déjà  digérées  par  leur  hôte,  et  les  parois 
de  leur  corps  sont  clouées  d'une  puissance  absorbante  très 
grande  ;  par  conséquent,  on  conçoit  que  ces  parasites  puissent 
se  sustenter  malgré  l'absence  d'instruments  spéciaux  pour 
l'élaboration  de  leur  nourriture  (2). 

Quant  à  l'armature  dont  la  bouche  de  quelques  Nématoïdes 


(1)  L'Échinoiiiynqne  géant,  qui  se 
trouve  dans  l'intestin  grêle  du  Porc,  et 
qui  a  souvent  plus  de  3  décimètres  de 
long ,  présente  à  l'extrémité  anté- 
rieure de  son  corps  une  trompe  pro- 
tractile  et  rétractile,  de  forme  globu- 
leuse et  armée  de  cinq  ou  six  rangées 
de  crocliels.  Cet  organe  est  muscu- 
laire, et  sa  base  se  prolonge  dans  la 
partie  antérieure  de  la  cavité  viscérale 
où  se  logentses  muscles  rétracteurs  (a). 
Au  milieu  de  son  extrémité  anté- 
rieure, on  y  aperçoit  une  petite  dépres- 
sion qui  ressemble  à  un  pore  buccal, 
et  son  axe  paraît  être  occupé  par  un 
petit  canal  ;  mais  on  ne  trouve  aucun 
orifice  à  sa  partie  postérieure,  et  il 
n'est  pas  suivi  d'un  tube  alimentaire. 
Il  ressemble  donc  à  un  bulbe  pliaryn- 
gien  qui  aurait  persisté  après  la  des- 
truction de  tout  le  reste  du  tube  di- 
gestif, et  qui  se  serait  oblitéré  posté- 
rieurement. En  effet,  chez  ces  Vers  à 
l'état  adulte,  on  ne  voit  dans  la  cavité 
viscérale  aucune   trace  de   tube  ali- 


mentaire. Mais  M.  Blanchard  a  décou- 
vert, chez  quelques  jeunes  individus 
d'une  autre  espèce  du  même  genre 
(  VEchùwrhynchus  froteus,  qui  vit 
sur  la  Perche),  un  appendice  mem- 
braneux faisant  suite  à  la  trompe, 
et  cet  organe  lui  a  paru  être  un  tube 
digestif  en  voie  d'atrophie  [b). 

On  ne  sait  rien  sur  les  fonctions  de 
deux  organes  appendiculaires  qui  sont 
suspendus  aux  côtés  de  la  trompe,  et 
qui  ont  été  désignés  sous  les  noms  de 
lemnisques  ou  de  bandelettes  latérales. 
Gœze  a  cru  distinguer  dans  chacune 
de  ces  bandelettes  un  tube  garni 
de  sacs  ovoïdes  (c)  ;  et  effectivement 
elles  sont  creusées  d'un  canal  cen- 
tral qui  donne  naissance  à  quelques 
ramifications,  ainsi  qu'à  des  vési- 
cules(f/;.  Mais  ce  canal  ne  paraît  avoir 
aucune  communication  ni  avec  l'exté- 
rieur, ni  avec  ta  cavité  delà  trompe (e). 
M.  Dujardin  suppose  que  ces  lemnis- 
ques  sont  des  organes  salivaires  (/"). 

(2)  On  doit  à  Treutler,  à  Rudolphi  et 


(a)  Rudolplii,  Entoz-oorum,  t.  I,  p.  252. 

—  Cloquet,  Anatomie  des  Vers  intestinaux,  p.  76,  pi.  5,  fig.  3. 

—  Blanchard,  Rech.  sur  l'organis.  des  Vers  [Voyage  en  Sicile,  t.  III,  p. 289,  pi.  24,  fig.  5). 
(t)Idem.  ibid.,  p.  290. 

(c)  Gôze,  Versuch  einer  Naturgeschichte  der  Eingeweidewûrmer  thierischer  Kôrper,  p.  4  47. 

(d)  Cloquet,  Op.  cit.,  p.  84. 

(e)  Blanchard,  Op.  cit.,  p.  292. 

(/■)  Dujardin,  Histoire  naturelle  des  Helminthes,  p.  492. 


APPAREIL    DIGESTIF 


est  pourvue,  elle  paraît  être  destinée  à  intervenir  dans  les  phé- 
nomènes de  la  locomotion  plutôt  que  dans  le  travail  de  la  diges- 
tion. Tantôt  elle  consiste  en  une  espèce  de  dard  ou  de  stylet 
que  l'Animal  emploie  pour  perforer  les  tissus  à  travers  lesquels 
il  a  besoin  de  se  frayer  un  chemin  (l);  d'autres  fois  ce  sont 
de  petits  crochets  qui  lui  permettent  de  se  cramponner  sur  les 
membranes  auxquelles  il  doit  adhérer  (2). 


à  M.  J.  Cloquet  quelques  expériences 
sur  le  pouvoir  absorbant  de  la  surface 
du  corps  de  ces  Helminthes  (a)  ;  mais 
on  ne  sait  rien  de  satisfaisant  tou- 
chant leur  mode  de  nutrition. 

(1)  Plusieurs  des  petils  Néinatoïdes 
qui  s'enkystent  dans  le  corps  des  In- 
sectes ,  des  Poissons  et  même  des 
Mammifères,  et  qui  ont  été  décrits 
soHs  les  noms  de  Pilaires  ou  d'Asca- 
rides, mais  qui  ne  sont  que  dos  lar- 
ves de  Vers  d'espèces  indéterminées 
et  qui  achèvent  leur  développement 
dans  d'autres  gîtes  ,  ont  la  bouche 
armée  d'un  stylet  ou  dard  corné,  ainsi 
que  cela  a  été  constaté  par  M.  i-tein 
et  par  plusieurs  autres  lielmintholo- 
gistes  [h). 

Dans  d'autres  Vers  de  cet  ordre,  la 
bouche  renferme  deux  petits  stylets  ou 
mûchoires  très  grêles  :  par  exemple, 
chez  le  Bhabdites  bioculata  et  le  Diplo- 
gaster  micans  de  !\I.  îMaxSchuIze  (c). 

('2)  Chez  VAncijloitumum  cluode- 
nale,  dont  le  tube  digestif  est  con- 


formé de  la  même  manière  que  chez 
les  Ascarides,  la  bouche  a  la  forme 
d'une  cupule  rigide,  et  son  bord  su- 
périeur est  armé  de  deux  paires  de 
crochets  cornés  (rf). 

Chez  le  Gnathostoma  spinigerum, 
la  bouche  est  entourée  d'une  sorte  de 
lèvre  renflée  et  garnie  de  six  ou  sept 
rangées  circulaires  de  crochets  mi- 
croscopiques ;  on  aperçoit  aussi  en 
dedans  de  la  fente  buccale  une  paire 
de  replis  membraneux  maxilliformes 
dont  le  bord  antérieur  est  armé  de 
pointes  cornées  (e). 

Chez  quelques  Nématoïdes,  le  bulbe 
pharyngien  est  non-seulement  charnu, 
comme  chez  les  Sclérostomes,  mais 
garni  intérieurement  de  pièces  solides 
de  consistance  cornée. 

Chez  le  Strongylus  urmatus,  où 
celte  disposition  existe,  le  bord  labial 
est  armé  en  outre  d'une  série  de  pe- 
tites pointes  épiderniiques  (/). 

L'armature  céphalique  des  Echino- 
rhynques  est  plus  puissante,  et  l'on  a 


(a)  Treutler,  De  Echinoi'liynchoritm  natuva.  Lipsia3,  i1%\. 

—  RuJolplii,  Entoioorum  sive  Vermium  intestinalmm  histm'ia  naluralis,  t.  I,  p.  252. 

—  Cloquet,  Analomied.es  \evs  intestinaux,  p.  87. 

[h)  Steiii  ,  Beitrâge  zur  Entwickekmgsgescliichte  der  Eingeweidewûrmer  { Zeitschrift.  fur 
vj'issensch.  Zool.  von  Siebold  und  Kolliker,  1852,  t.  IV,  p.  200,  pi.  10,  fig.  5,  6,  8). 

(c)  Voyez  J.  Carus,  Icônes  xooto7nicœ,  pi.  S,  ûg.  1  et  2. 

(dj  Dubini,  Nuovo  Vernie  intestinale  [Annali  univ.  di  Medicina  di  Omodei,  1843,  t.  CVI,  pi  1, 
fig.  4). 

(e)  Owen,  Op.  cit.  {Proceed.  of  Ihe  Zool.  Soc.  1856,  t.  IV,  p.  124). 

if]  A.  Westrimib,  Beitr.  %ur  Anat.  des  Strongylus  armatus  (/sis,  1822,  p.  685,  pi.  6). 

--  Leblond,  Quelques  matériaux  pour  servir  à  l'histoire  des  Fllaires  et  des  .Stronqles,  1836, 
p.  31,pl.4,  fig.  2  et  3. 

—  Schmilz,  Tahulœ  Anatomiam  Enlonoorum  ilhislrantes,  pi.  18,  llg.  11 . 


DES  VERS  DE  LA  CLASSE  DES  GEPHYRIENS. 


423 


§  2,  —  Chez  les  Vers  qui  ont  été  désignés  par  M.  de  Quatre-  ciasse 
fages  sous  le  nom  commun  de  Géphyriens,  et  qui  semblent  être  céphyriens. 
intermédiaires  entre  les  Annélides  et  les  Échinodermes  de 
l'ordre  des  Holothuriens ,  l'appareil  digestif  est  également  très 
simple,  et  parfois  ne  diffère  que  peu  de  ce  que  nous  venons  de 
voir  chez  les  Nématoïdes.  Ainsi ,  chez  les  Échiures  et  les 
Bonellies,  il  ne  consiste  qu'en  un  tube  à  peu  près  cylindrique 
qui  est  ouvert  aux  deux  extrémités  du  corps  (1)  ;  mais  dans  la 


constaté  expérimentalement  l'emploi 
que  ces  Vers  en  font  pour  attaquer  les 
tissus  auxquels  ils  s'attachent  {a).  Le 
nombre  et  la  forme  des  crochets  de 
la  trompe  varient  un  peu  suivant  les 
espèces  (b). 

(1)  Chez  les  Échiures,  le  tube  diges- 
tif est  beaucoup  plus  long  que  le  corps 
et  décrit  plusieurs  circonvolution» 
dans  la  grande  cavité  viscérale  où  il 
flotte,  attaché  à  un  repli  membraneux 
qui  fait  office  de  mésentère  (c),  ou 
à  des  brides  qui  remplissent  les  mê- 
mes fonctions  (d).  On  y  distingue  trois 
parties  principales.  La  portion  anté- 
rieure, dont  les  parois  sont  d'abord 
membraneuses,  puis  très  charnues  et 
rigides,  correspond  à  l'œsophage  mus- 
culaire des  Ascarides,  et  a  été  consi- 
dérée comme  un  estomac  par  Pallas  (e) 
et  comme  une  trompe  par  M.  de 
Quatrefages,  qui  en  a  fait  une  étude 


approfondie  {f).  La  portion  moyenne 
du  canal  alimentaire  est  boursouflée, 
de  façon  à  rappeler  par  son  aspect 
le  gros  intestin  des  Mammifères  ; 
elle  me  paraît  représenter  l'estomac. 
Enfin  la  portion  postérieure  est  grêle, 
et  près  de  son  extrémité  elle  donne 
insertion  à  une  paire  d'appendices 
tubuieux  qui  ont  quelque  analogie 
avec  l'appareil  aquifère  des  Holothu- 
ries, et  qui  sont  probablement  des 
organes  de  respiration  (g). 

Chez  le  Bonellia  viriclis,  l'appareil 
digestif  présente  les  mêmes  caractères 
généraux,  mais  la  bouche  ne  paraît  pas 
être  terminale,  car  la  portion  frontale 
du  corps  se  prolonge  de  façon  a  con- 
stituer un  énorme  tentacule  labial  qui 
est  bifide  au  bout  et  creusé  en  gout- 
tière à  sa  face  inférieure  (h).  On  désigne 
communément  cet  appendice  sous  le 
nom  de  trompe ,  mais  il  ne  ressemble 


(a)  Cloquet,  Anatomie  des  Vers  intestinaux. 

(b)  Voyez  Weilrnmh,  De  Helminthlbus  acanthocephalis,  I8'2l,  pi.  1. 

—  Diijardin,  Histoire  naturelle  des  Helminthes,  pi.  7. 

—  Diesing,  Ziuôlf  Arien  von  Acanthocephalen  (Mém.  de  l'Acad.  de  Vienne,  1856,  t.  XI,  pi.  1, 
%.  6,  19,  29;  pi.  <2,.ûg.  15  ;  pi.  3,  fig.  14,  elc). 

(c)  Voyez  l'Atlas  du  Règne  animal  de  Cuvier,  Zoophytes,  pi.  23,  fig.  1  a. 

(d)  Forbes  and  Goodsir,  On  the  Nat.  Hist.  and  Anat.  of  Thalassema  and  Echiurus  {Edinburgh 
netu  Philos.  Journal,  1841,  t.  XXX,  p.  373). 

(e)  Pallas,  Specilegia  z-oologica,  1774,  fasc.  x,  p.  7. 

(/■)  Qualrefiiges,Mem.OTi?'  l'Échiurede  Gœrtner  {Ann.  des  sciences  nat.,  5'  série,  1847,  t.  VII, 
p.  318,  et  Voyage  en  Sicile,  t.  II,  p.  232). 
{g)  Voyez  ci-dessus,  t.  II,  p.  9. 
[h]  Voyez  VAtlas  du  Règne  animal,  Zooph.,  pi.  21 ,  fig.  3,  3  a. 

—  Lacaze-Dutliiers,  Mém.  sur  la  Bonellie  {Ann.  des  sciences  nat.,  1858,  4"  série,  1.  X,  pi.  1, 
fig.  1  et  2). 


Classe 

des 

Annélides 


424  APPAREIL    DIGESTIF 

famille  des  Siponcles,  où  sa  conformation  générale  est  à  peu 
près  la  même,  il  offre  une  disposition  qui  rappelle  jusqu'à  un 
certain  point  celle  que  nous  avons  rencontrée  chez  quelques 
Échinodermes  et  chez  tous  les  Mollusques  :  car  l'anus,  au  lieu 
d'être  terminal,  est  fort  rapproché  de  la  bouche,  et  se  trouve 
vers  le  tiers  antérieur  du  corps,  bien  que  l'intestin  se  prolonge 
beaucoup  plus  loin  en  arrière,  sous  la  forme  d'une  anse  (1). 

§  3.  —  Chez  les  Annélides,  la  bouche  et  l'anus  se  trouvent 
toujours  aux  deux  extrémités  du  corps,  et  en  général  le  tube 
digestif  s'étend  en  hgne  droite  de  l'un  de  ces  orifices  à  l'autre; 
mais  souvent  sa  structure  se  complique  plus  que  dans  les 
classes  dont  je  viens  de  parler,  et  les  organes  deshnés  à 
la  préhension  des  aliments  se  perfectionnent  parfois  d'une 
manière  assez  remarquable.  Du  reste,  ces  dernières  parties 


en  rien  h  la  trompe  des  autres  Vers, 
qui  est  formée  par  une  portion  exser- 
tile  du  canal  digestif,  tandis  que  la 
bouche  est  située  sous  la  base  de 
Torgane  dont  il  est  ici  question.  Le 
tube  alimentaire  de  ces  Vers  est  très 
long;  il  se  contourne  autour  d'une 
partie  de  l'appareil  génital,  et  est 
attaché  aux  parois  de  la  cavité  vis- 
cérale par  des  brides  mésenlériques. 
Sa  portion  antérieure  n'est  pas  droite 
et  rigide  comme  chez  l'Échiure;  mais 
sa  portion  moyenne  présente  la  même 
disposition  bouillonnée,  et  ses  parois 


sont  colorées  en  jaune  par  des  cellules 
hépatiques  (a). 

Chez  le  Sternapsis,  le  tube  alimen- 
taire est  presque  cylindrique,  et  paraît 
n'offrir  rien  de  remarquable  (b). 

(1)  Le  tube  digestif  des  Siponcles 
est  très  long,  et  se  contourne  en  spi- 
rale de  façon  à  se  pelotonner  (c)..  La 
bouche  est  garnie  d'une  frange  la- 
biale, et  toute  la  portion  antérieure 
du  corps  est  susceptible  de  ren- 
trer en  dedans  ou  de  se  dérouler 
au  dehors,  de  manière  à  simuler  une 
trompe. 


(a)  Sclimarila,  Zur  Naturgeschichte  (1er  Adria  (Mém.  de  l'Acad.  des  sciences  de  Vienne,  1852. 
t.  IV,  p.  118,  pi.  5,  fig.  1). 

—  J.  Cariis,  Icônes  zootomicœ,  pi.  8,  ûg.  21. 

—  Lacaze-Duthiers,  Recherches  sur  la  Bonellie  [Ann.  des  sciences  nat.,  4°  série,  1858,  t.  X, 
p.  67,  pi.  2,fig.  1). 

(h)  A.  G.  Otio,  De  Sternapside  thalassemides,  etc.,  pi.  1 ,  et  Allas  du  Règne  animal  de  Ciivier, 
ZOOPHYTES,  pi.  22,  fig.  3f. 

—  Max.  Mueller,  Observationes  anatomicœ  de  vermibus  quibusdam  maritimis  (dissert,  inaug'.). 
Berolini,  1852,  pi.  1,  fig.  13. 

(c)  Voyez  Délie  Chiaje,  Descrizione  e  notomia  degli  Animali  invertebrati  délia  Sicilia  cileriore, 
pi.  108,  fig.  5  et  6. 

—  Grube,  Versueh  einer  Anatomie  des  Sipunculus  nudus  (MiiUer's   Archiv  fur  Anat.  und 
Physiol.,  1837,  p.  245,  pi.  11,  fig.  1  et  4). 

—  Blanchard,  Atlas  du  Règne  animal  de  Ciivier,  Zoophytes,  pi.  22,  fig.  2. 


DES  VERS  DE  L\  CLASSE  DES  ANNÉLIDES.        425 

varient  beaucoup  suivant  le  régime  de  l'Animal,  et,  à  cet 
égard,  on  remarque  des  différences  très  grandes  entre  les  Ché- 
topodes,  ou  Annélides  sétifères,  et  les  Hirudinées,  ou  Anné- 
lides  suceurs.  En  effet,  les  premiers  sont  destinés  à  se  nourrir 
d'aliments  solides,  tandis  que  les  secondes  ne  vivent  guère  que 
de  liquides ,  et  ont  par  conséquent  la  bouche  organisée  en 
manière  de  ventouse. 

Chez  les  Chétopodes  ,  cette  ouverture  occupe  la  face  infé- 
rieure de  la  tête,  dont  la  région  frontale  s'avance  plus  ou  moins  ; 
ses  bords  sont  en  général  protractiles,  et  chez  quelques-uns 
de  ces  Annélides  les  appendices  céphaliques  qui  l'entourent 
sont  disposés  de  façon  à  y  diriger  les  corpuscules  charriés  par 
les  courants  respiratoires  ;  mais  d'ordinaire  les  aliments  sont 
saisis  directement  par  une  trompe  plus  ou  moins  exsertile. 

Le  premier  de  ces  modes  d'organisation  se  voit  chez  beau- 
coup d'Annélides  sédentaires  ou  tubicoles  :  les  Serpules  et  les 
Sabelles,  par  exemple,  où  la  bouche  est  située  au  fond  d'une 
couronne  de  longs  tentacules  ciliés  qui  ont  la  forme  de  pana- 
ches, et  qui  servent  aussi  à  la  respiration  (1). 

Les  Annélides  errants  ou  dorsibranches  ont  en  général  une 
trompe  rétractile,  qui  est  très  musculaire  et  susceptible  de  s'a- 
vancer au  dehors,  à  une  distance  plus  ou  moins  grande,  pour 
saisir  les  aliments  par  l'oriiice  dilatable  situé  à  son  extrémité 
antérieure  et  conduisant  dans  l'œsophage  (2).  Tantôt  cet  organe 


Appareil 

digestif 

des 

Cliétopodes. 


Trompe. 


(1)  Voyez  ci-dessus,  tome  II,  page 
103. 

Chez  les  PolyophUialmes,  il  existe 
de  chaque  côté  de  la  tète  un  organe 
protractile  et  cilié  qui  paraît  être  spé- 
cialement destiné  à  produire  des  cou- 
rants dirigés  vers  cet  orifice ,  et  à  y 
envoyer  de  la  sorte  les  corpuscules 
alimentaires  en  suspension  dans  l'eau 


circonvoisine.  Chacun  de  ces  organes 
consiste  en  une  sorte  de  pelote  bilobée 
et  couverte  de  longs  cils  vibratiles  (a); 
ils  ne  sont  que  peu  vasculaires,  et  ne 
paraissent  servir  ni  à  la  respiration, 
ni  à  la  locomotion. 

(2)  La  trompe  des  Annélides  est 
toujours  formée  par  la  portion  anté- 
rieure du  tube  digestif,  qui  est  dis- 


(a)  Quatrefages,  itfe'm.  sur  la  famille  des  Polyophthalmiens  {Ann.  des  sciences  nat.,  1850, 
t.  XIII,  p.  14,  pi.  2,  fig.  ^,  2  et  3). 


426  APPAREIL    DIGESTIF 

est  inerme,  mais  d'autres  fois  il  est  armé  de  crochets  ou  de 
lames  cornées  qui  font  office  de  mâchoires,  et  qui  constituent, 
chez  certaines  espèces,  un  appareil  sécateur  fort  complexe. 


posée  de  façon  à  pouvoir  se  renverser 
au  dehors  comntie  un  doigt  de  gant 
que  l'on  retourne,  ou  à  rentrer  dans 
l'intérieur  du  corps.  Quand  elle  est 
dans  cette  dernière  position,  on  y 
distingue  deux  portions  ;  l'une,  anté- 
rieure et  flexible,  qui  fait  suite  aux 
bords  labiaux  ;  l'autre  qui  est  située 
plus  en  arrière  et  qui  a  des  parois  très 
musculaires.  Lors  de  la  protraclion,  la 
partie  antérieure  de  la  trompe  s'avance 
au  dehors  en  se  renversant  de  manière 
que  sa  surface  libre,  au  lieu  d'être  in- 
tevne,  devient  extérieure,  et  constitue 
une  sorte  de  gaîne  au  centre  de  la- 
quelle se  loge  la  portion  suivante, 
jusqu'à  ce  que  le  tout  se  soit  déroulé. 
Chez  quelques-uns  de  ces  Animaux,  cet 
organe  a  une  longueur  très  considé- 
rable :  par  exemple,  chez  les  Phyllo- 
doces,  où  il  est  un  peu  claviforme(a). 
Chez  d'autres,  tels  que  les  Lombrics  ou 
Vers  de  terre  (b),  et  les  Arénicoles  (c), 
il  est  au  contraire  fort  court,  et  chez 
certaines  espèces  il  est  même  tout  à  fait 
rndimentaire  :  par  exemple,  les  Cirra- 


tules  {d).  Son  extrémité  antérieure  est 
tantôt  simplement  plissée,  ainsi  que 
cela  se  voit  chez  les  Euphrosines  (e) , 
ou  granuleuse,  comme  chez  la  Phyllo- 
doce  clavigère  (/")  ;  mais  d'autres  fois 
elle  est  garnie  d'une  ou  deux  rangées 
de  papilles  tentaculiformes,  chez  les 
Nephthys,  par  exemple  (g). 

Chez  la  plupart  des  espèces  que  je 
viens  de  citer,  la  trompe  est  inerme  ; 
mais  chez  d'autres  elle  est  plus  ou 
moins  fortement  armée,  et  la  disposi- 
tion des  pièces  dentaires  dont  elle  est 
pourvue  varie  dans  les  différents  gen- 
res. Ainsi,  chez  les  Néréides,  il  existe 
tout  autour  de  sa  surface  externe  un 
nombre  considérable  de  petits  tuber- 
cules ou  pointes  cornées,  et  son  extré- 
mité est  garnie  d'une  paire  de  mâ- 
choires latérales  qui  ont  la  forme  de 
crochets  lameileux,  tantôt  simples, 
tantôt  denticulés  sur  le  bord  in- 
terne (h).  Chez  quelques  espèces  du 
genre  Glycère,  l'entrée  de  la  trompe  est 
armée  de  quatre  petites  mâchoires 
pointues,  disposées  en  croix  (ï),et  chez 


(a)  Voyez  Milne  Edwards,  Annelida  (Todd's  Cyclop.  of  Anat.  and  Physiol.,  t.  I,  p,  168,  fig'.  G6, 
et  Atlas  du  Règne  animal  de  Cuvier,  Annélides,  pi.  13,  fig.  la  et  3ft). 

—  Qualrefages,  Description  de  quelques  espèces  nouvelles  d' Annélides  {Magasin  de  zoologie, 
de  Guérin-Méneville,  1843,  pi.  1,  fig.  1). 

(6)  Voyez  Pontallid,  Observations  sur  le  Lombric  terrestre  {Ann.  des  sciences  nat.,  3°  série, 
1853,  t.  XIX,  p.  18). 

(c)  Voyez  Milne  Edwards,  Annélides  de  VAtlas  du  Règne  animal  de  Cuvier,  pi.  8,  fig.  1  a. 

(d)  Voyez  VAtlas  du,  B.ègne  animal  de  Cuvier,  Annélides,  pi.  17,  fig.  3  6. 

(e)  Savigny,  Système  des  Annélides  d'Egypte,  pi.  2,  fig.  1  ■'  et  l**. 

(/■)  Audouin  et  Milne  Edwards,  Annélides  des  côtes  de  la  France  {Ann.  des  sciences  nat., 
1833,  t.  XXIX,  pi.  16,  fig.  10). 

(s)  Voyez  VAtlas  du  Règne  animal  de  Cuvier,  pi.  15,  fig.  2  a,  2  6. 
{h}  Savigny,  Op.  cit.,  pi.  4,  fig.  ^^,  P,  etc. 

—  Audouin  et  Milne  Edwards,  Op.  cit.  {Ann.  des  sciences  nat.,  t.  XXVII,  pi.  23,  fig.  2  et  3,  etc. 
et  Atlas  du  Règne  animal,  Annélides,  pi.  12,  fig.  1  a,  1  &,  1  c). 

(i)  Voyez  VAtlas  du  Règne  animal  de  Cuvier,  Annélides,  pi.  14,  fig.  1 . 


DES  VERS  DE  LA  CLASSE  DES  ANNÉLIDES.        h'21 

Ainsi  que  je  l'ai  déjà  dit,  le  tube  alimentaire  de  ces  Animaux 
s'étend  d'ordinaire  en  ligne  droite  depuis  le  pharynx  jusqu'à 
l'anus  (1).  Sa  portion  œsophagienne  est  libre  dans  les  espèces 


Canal 
alimentaire. 


les  Goniacles  OÙ  ces  organes  manquent, 
ou  ne  sont  qu'au  nombre  de  deux,  on 
remarque  à  la  face  inférieure  de  la 
trompe  une  paire  de  râpes  constituées 
par  une  série  de  crêtes  cornées  en 
forme  de  V  (a). 

Chez  les  Aphrodisiens,  la  trompe  est 
pourvue  de  quatre  mâchoires  réunies 
par  paires  ,  deux  du  côté  dorsal  et 
deux  du  côté  ventral,  et  opposées  par 
leurs  bords.  Chez  les  Polynoés  [b]  et 
les  Polyodontes  (c),  elles  sont  très 
fortes,  mais  chez  les  Aphrodites  elles 
ne  sont  que  peu  développées. 

Enfin,  chez  les  Eunices,  cet  appareil 
maxillaire  se  complique  davantage.  Le 
plancher  de  la  cavité  buccale  est  garni 
d'une  paire  de  pinces  cornées  qui  ont 
été  désignées  sous  le  nom  de  lèvre 
inférieure  {d)  ;  elles  sont  géminées 
comme  les  mâchoires  des  Aphrodi- 
siens et  terminées  en  avant  par  un 
bord  tranchant.  Au-dessous  se  voit 
une  double  série  de  dents  qui  sont 
portées  sur  une  pièce  basilaire,  et  dis- 
posées de  façon  à  se  renverser  au 
dehors  latéralement,  quand  l'Animal 
fait  saillir  sa  trompe.  On  en  compte 
trois  d'un  côté  et  quatre  de  l'autre  : 


celles  de  la  première  paire  sont 
crochues  et  très  fortes  ;  les  autres 
sont  lamelleuses  et  denticulées  sur 
leur  bord  ;  toutes  se  rapprochent  sur 
la  ligne  médiane  lors  de  la  rétrac- 
tion (e).  La  disposition  de  cet  appa- 
reil est  à  peu  près  la  même  chez  les 
Aglaures  (/),  les  Lysidices  et  les  Lom- 
brinères  {g). 

Il  est  aussi  à  noter  que  la  surface  de 
la  trompe  des  Annélides  est  souvent 
garnie  d'une  multitude  de  petites  pa- 
pilles qui  sont  considérées  par  quel- 
ques naturalistes  comme  étant  des 
organes  sécréteurs  (h)  ;  mais  cette 
opinion  ne  repose  sur  aucune  obser- 
vation positive. 

(1)  Chez  quelques  Annélides  Chéto- 
podes,  le  canal  digestif  est  au  con- 
traire beaucoup  plus  long  que  le 
corps  et  forme  des  anses  ou  des  cir- 
convolutions plus  ou  moins  nom- 
breuses. Ainsi,  chez  l'Amphitrite  auri- 
come,  l'estomac,  qui  est  séparé  de 
l'œsophage  par  un  sphincter  et  qui  a 
des  parois  très  vasculaires,  est  reployé 
sur  lui-même  en  forme  d'U,  et  l'in- 
testin grêle  qui  y  fait  suite  décrit  plu- 
sieurs  courbures  ;   enfin   la   portioi> 


(a)  Audouin  et  Milne  Edwanls,  Op.  cit.  {.inn.  des  sciences  nat.,  t.  XXIX,  pi.  18,  fisj.  4  et  5). 

(b)  Savigny,  Egypte,  Annélides,  pi.  3,  fig-.  4^,  16,  2-''. 

—  Quatrefages,  Atlas  du  Règne  animal  de  Cuvier,  Annélides,  pi.  19,  fig.  2  e,  2  A 

(c)  Délie  Chiaje,  Descrizione  e  notomiadegli  Animali  invertebrali  délia  Sicilia  citer iore,  pi.  99, 
fig.  2). 

(d)  Savigny,  Système  des  Annélides,  p.  48. 

(e)  Savigny,  Egypte,  Allas,  Annélides,  pi.  5,  fig.  !•'  à  1'"^. 

—  Audouin  et  Milne  Edwards,  Op.  cit.  {Ann.  des  se.  nat.,  t.  XXVIT,  pi.  11,  fig.  10  et  11). 
(/■)  Savigny,  Egypte,  Annélides,  pi.  5,  fig.  2^. 

{g)  Audouin  et  Milne  Edwards,  Op.  cit.  {Ann.  des  sciences  nat.,  t.  XXVII,  pi.  12,  fig.  11). 
{h)  T.  Williams,  Report  on  the  British  Annelida  (British  Association  for  the  advancement 
of  science,  1851 ,  p.  232). 


428  APPAREIL    DIGESTIF 

à  trompe,  protractile,  et  se  contourne  plus  ou  moins  quand  cet 
organe  est  rentré  ;  mais  la  portion  suivante  est  \\\ée  aux 
parois  de  la  grande  cavité  viscérale  par  des  brides  ou  des 
cloisons  membraneuses,  et  dans  beaucoup  d'espèces  les  expan- 
sions mésentéroïdes  ainsi  constituées  l'étranglent  un  peu  au 
niveau  de  chaque  sillon  interannulaire  du  corps,  de  façon  que 
dans  les  espaces  intermédiaires  il  offre  des  boursouflures  plus 
ou  moins  marquées.  Sa  surface  interne  est  garnie  de  cils 
vibratiles  (i).  On  y  distingue  aussi  une  tunique  musculaire,  et 
près  de  sa  surface  externe  se  trouvent  des  follicules  et  d'autres 
organiles  sécréteurs  dont  le  développement  varie  beaucoup. 
Naïs,  eic.  Daus  quclqucs  espèces,  la  disposition  de  ces  parties  est  à  peu 
près  la  même  dans  toute  la  longueur  du  corps,  et  la  structure 


pGslérieure  de  l'inteslin,  qui  esl  dila-  Polyophtlialmes  et  beaucoup  d'autres 

tée,   se    dirige   de  nouveau    en  ar-  Annélides  (g). 

rière  (a).  M.  0.  Schmidt  a  cru  apercevoir  que 

Chez  le  Siphonostoma  plumarum,  chez  les  Naïs  du  genre  Chœtogaster, 

le  tube  digestif  est  également  reployé  l'action  de  ces  cils  vibratiles  dans  le 

deux  fois  sur  lui-même  [b],  et  il  ofl're  bulbe  œsophagien  et  dans  la  portion 

la  même  disposition  chez  les  Chlo-  terminale  de  l'intestin  est  soumise  à 

rèmes  (c).  la  volonté  de  l'animal.  Quoi  qu'il  en 

(1)   Le  mouvement  ciliaire  sur  la  soit  de   cette  particularité,  il    a   pu 

surface  interne  du  tube  digestif  des  constater  l'existence  de  ces   appen- 

Annélides  a  été  constaté  d'abord  chez  dices  épilhéliaux  dans  toute  la  lon- 

les  Aphrodites  par  M.   Sharpey   {cl).  gueur  du  tube  digestif  de  cet  Anné- 

M.  Henle  l'a  observé  ensuite  chez  les  lide.  11  a  remarqué  aussi  que  ces  cils 

Nais  et  les  Lombrics  (e),  et  plus  ré-  sont  extrêmement  longs  dans  la  partie 

cemment  le  même  phénomène  a  été  antérieure  du  canal  intestinal  chez  le 

signalé   chez  les  Chlorèmes  (/"),  les  Naïs  elinguis  {h). 

(a)  Ratlike,  Beitrâge  sur  vergl.  Anat.  U7id  Physiol.,  1842,  p.  64,  pi.  5,  fig.  4  et  5. 
(6)  Idem,  ibid.,  p.  86,  pi.  6,  ùg.  5. 

(c)  Quatrefages.  Op.  cit.  {An7i.  des  sciences  nat.,  3'  série,  4849,  t.  XIF,  pi.  9,  fig.  3). 
\d]  Sharpey,  Cilia  (Todd's  Cyclop.  of  Anat.  and  Physiol.,  t.  I,  p.  618). 

(e)  Henle,  Ueber  Enchytrœus,  eine  neue  Anneliden-Gattung  (Miiller's  Archiv  fur  Anal,  und 
Physiol.,  1837,  p.  81). 

(f)  Quatrefages,  Mém.  sur  la  famille  des  Clilorémiens  {Ann.  des  sciences  nat.,  3"  série,  1849, 
t.  XIl,  p.  298). 

{g)  Quatrefages,  Mém.  sur  la  famille  des  Polyophthalmiens  (Ann.  des  sciences  nat.,  3«  série, 
1850,  t.  XIII,  p.  16). 

(/()  Ose.  Schmidt,  Beitrdge  %ur  Anatomie  imd  Physiologie  der  Naïden  (Miiller's  Archiv  fur  Anat. 
und  Physiol.,  1846,  p.  410,  et  Ann.  des  sciences  nat.,  3°  série,  1847,  t.  VII,  p.  185). 


DES    VERS    DE    L.V    CLASSE    DES    ANJNÉLIDES.  429 

de  l'estomac,  ou  intestin,  comme  on  voudra  l'appeler,  est  très 
simple.  Dans  divers  Naïs,  par  exemple,  le  canal  alimentaire, 
après  avoir  constitué  un  œsophage  assez  court,  prend  la  forme 
d'un  cylindre  dont  les  parois  logent  une  multitude  d'ulricules 
d'un  brun  jaunâtre,  surtout  vers  sa  partie  moyenne  (1).  Mais  Térébeiies,  eic 
ans  d'autres  Annélides  de  la  même  famille,  on  remarque  à  peu 
de  distance  de  l'œsophage  un  renflement  stomacal  qui  est  très 
musculaire  (2),  et  cette  espèce  de  gésier  acquiert  même  un 


(1)  Ce  mode  d'organisation  se  ren- 
contre chez  le  ïubifex  des  ruisseaux. 
Le  bulbe  pharyngien,  qui  est  prolrac- 
tile,  se  continue  postérieurement  avec 
un  œsophage  étroit  et  incolore,  situé 
dans  les  troisième  et  quatrième  an- 
neaux du  corps.  La  portion  suivante 
du  tube  digestif  est  plus  large,  colorée 
en  brun  jaunâtre  et  légèrement  étran- 
glée d'anneau  on  anneau  par  des  cloi- 
sons musculo-mcmbraneuses  qui  re- 
présentent autant  de  petits  diaphrag- 
mes. Les  cils  vibratiles  qui  garnissent 
la  surface  interne  de  ce  tube  sont  très 
apparents  dans  le  voisinage  de  ses 
deux  extrémités.  Enfin,  on  distingue 
dans  ses  parois  des  glandules  de  deux 
sortes  :  les  unes  sont  des  utricules 
contenant  un  nucléole  ainsi  qu'un  li- 
quide jaunâtre,  et  paraissent  s'ouvrir 
dans  l'intestin  comme  autant  de  petits 
caecums;  les  autres  offrent  une  struc- 
ture analogue,  mais  contiennent  un 


liquide  incolore  dans  lequel  nagent 
des  gouttelettes  de  graisse  (a). 

Comme  exemple  d'un  tube  digesUf 
olfrant  à  peu  près  la  même  structure 
dans  toute  sa  longueur,  je  citerai  aussi 
celui  de  VAmphicora  (b).  Chez  les 
Sabelles,  le  rétrécissement  œsopha- 
gien est  aussi  à  peine  marqué,  et  la 
portion  stomaco-intestinale  offre  par- 
tout le  même  diamètre,  si  ce  n'est 
dans  les  points  où  elle  est  resserrée 
par  les  cloisons  transversales  de  la 
cavité  viscérale  qui  correspondent  à 
chaque  sillon  interannulaire  (c)  :  ce 
sont  les  boursouflures  ainsi  produites 
qui  ont  été  figurées  comme  des  cir- 
convolutions par  Vivian!  {d). 

(■2)  On  ne  voit  pas  de  dilatation 
stomacale  chez  les  Naïdes  des  genres 
Tubifex,  Lumbriculus  ,  Euaxes  (e)  et 
Capitella  (f)  ;  elle  manque  aussi  dans 
la  plupart  des  espèces  du  genre  En- 
chytcerus  {g) ,  mais  se  rencontre  chez 


(a)J.  d'Udekeni,  Histoire  naturelle  du  Tubifex  des  ruisseaux,  p.  15,  pi.  l,  fi-.  3  et  12 
(exir.  des  Mém.  de  l'Acad.  de  Bruxelles,  Savants  élrançjers,  t.  XXVIJ. 

(h)  E.  0.  Schmidt,  Neue  BeiCrage  Aur  Naturgeschichte  der  Wûrmer,  pi.  2,  fi^.  6  (lena,  1848). 

(ci  Milno  Edwards,  Annélides  de  VMlas  du  Règne  animal  de  Cuvier,  pi.  4c,  iig.  2. 

{d)  D.  Viviani,  Pliosphorescentia  maris,  1805,  pi.  5,  Rg.  7. 

(e)  Udekeni,  Nouvelle  classification  des  Annélides  séligères  abranches,  p.  9  (e.tlr.  des  Mém. 
de  l'Acad.  de  Bruxelles,  t.  XXXI). 

if)  Van  Beneden,  Histoire  naturelle  du  genre  Capitella,  ou  Lumbriconaïs,  p.  H,  pi.  1,  Rg.  2 
(exIr.  du  Bulletin  de  V.icad.  de  Bruxelles,  2'  série,  t.  lit). 

(g)  Udekem,  Description  d'ïine  nouvelle  espèce  d'Enchgtrœus  (Bulletin  de  l'.\cad.  dcBruxelles, 
t.  XXI,  pi.  1,  fig.  1). 


il30  APPAREIL    DIGESTIF 

développement  très  considérable  chez  quelques  Tubicoles  :  les 
Térébelles,  par  exemple  (1). 

II  est  aussi  à  noter  que  chez  divers  Annélides  on  voit  accolés 
à  l'œsophage  un  certain  nombre  d'organes  glandulaires  qui 
ont  été  considérés  par  quelques  auteurs  comme  constituant  un 
appareil  salivaire,  mais  qui  ne  sont  encore  que  très  imparfaite- 
ment connus  sous  le  rapport  de  leur  mode  d'organisation  aussi 
bien  que  de  leurs  fonctions  (2). 


VEnchytœrus  venir  icnlosus  (a)  et  chez 
les  Nais  proprement  dits  (6),  ainsi  que 
chez  les  Lombrics  (c).  Chez  le  Chœto- 
gaster  diaphanus  on  volt  deux  dila- 
tations stomacales  séparées  par  un 
détroit  (cl). 

(1)  En  général  ,  cet  estomac  mus- 
culaire, de  forme  cylindrique,  est  situé 
près  delà  bouche,  et  paraît  correspon- 
dre anatomiquement  au  bulbe  charnu 
qui,  d'ordinaire,  l'orme  la  portion  basi- 
laire  et  interne  de  la  trompe.  Telle  est 
sa  disposition  chez  les  Térébelles,  par 
exemple,  où  la  portion  pharyngienne 
du  tube  alimentaire  n'est  cependant 
pas  protractile.  Chez  l'Arénicole,  le 
gésier  est  situé  à  peu  près  de  même, 
et  cependant  ne  pénètre  pas  danus  la 
trompe,  quand  cet  organe  se  déve- 
loppe au  dehors  (e);   mais  chez  les 


Ilermelles  il  se  trouve  beaucoup  plus 
en  arrière,  et  affecte  une  forme  globu- 
laire (/■).  Chez  ce  dernier  Annélide  la 
portion  suivante  du  tube  digestif  se 
distingue  de  la  portion  terminale  par 
sa  forme  boursouflée  et  par  la  cou- 
leur jaunâtre  de  ses  parois;  la  por- 
tion terminale,  qu'on  peut  considérer 
comme  étant  l'intestin,  est  lisse  et 
incolore  (g). 

(2)  Chez  les  Lombrics,  il  existe  de 
chaque  côté  de  l'œsophage  une  agglo- 
mération de  glandules  disposées  en 
forme  de  cordon  cylindrique,  qui  offre 
plusieurs  circonvolutions  et  sécrète 
un  liquide  visqueux  (h).  M.  de  Siebold 
pense  que  ces  organes  peuvent  être 
considérés  comme  des  glandes  sali- 
vaires  buccales  («).  M.  Ilenle  attribue 
le  même  rôle  à  quatre  paires  de  vési- 


(a)  Exemple  :  le  Nais  prohoscidea  (voy.  Gruitlutisen,  Anat.  der  Ge%ûngelten  Naide,  in  Nova  Acla 
Acad.  nat.  curios.,  l.  XI,  pi.  35,  fig.  1). 

(6)  Morren,  De  Lumbrici  terrestris  kistoria  naturali  necnon  anatomiœ  tractatus  ,  p.  132, 
pi.  7,  fig.  1  m  (Bruxelles,  1829). 

—  Quatrefages,  Annélides  du  Règne  animal  de  Cuvier,  pi.  21,  fig.  1  g. 

(c)  Gruithuisen,  Ueber  die  Nais  diaphana  {Nova  Acta  Academice  naturœ  curiosorum,  t.  XIV, 
pi.  25,  fig.  2). 

(d)  Milne  Edwards,  Annélides  de  V Atlas  du  Règne  animal  de  Cuvier,  pK  1  &  et  pi.  1  c,  fig.  1 . 

(e)  Home,  Lectures  on  Comp.  Anat.,  pi.  140,  fig.  1. 

—  Milne  Edwards,  Op.  cit.,  pi.  1,  fig.  1  a. 

—  Grube,  Zur  Anat.  und  Physiol.  der  Kiemenwûrmer ,  pi.  1,  fig.  1. 
{f)  Milne  Edwards,  Op.  cit.,  pi.  1  &  et  1  c,  fig.  1. 

(g)  Quatrefages,  Mcm.  sur  la  famille  des  Hermellieus  {.Ann.  des  sciences  nat.,  3°  série,  1848, 
t.  X,  p.  39). 

{h)  Morren,  De  Lumbrici  terrestris  hist.  nat.  necnon  anat.  tractatus,  p.  1 29,  pi.  1 0  bis,  fig.  1 . 
(i)  Siebold  et  Stannius,  Nouveau  Manuel  d'anatomie  comparée,  t.  I,  p.  207. 


DES    VERS    DE    LA    CLASSE    DES    ANNÉLIDES.  kM 

Chez  l'Arénicole,  l'appareil  digestif  se  complique  davantage. 
L'œsophage  est  suivi  par  un  gésier  musculaire  de  forme  cylin- 
drique, à  l'extrémité  postérieure  duquel  sont  appendus  deux 
caecums  volumineux  ;  un  estomac  renflé,  dont  les  parois  sont 
très  vasculaires  et  offrent  une  multitude  de  petites  bosselures , 
occupe  la  portion  moyenne  du  corps  ;  on  distingue  ensuite  un 
intestin  grêle  dont  les  parois  sont  garnies  extérieurement  d'une 
foule  de  caecums  filiformes  qui  sécrètent  un  liquide  jaune,  et 
qui  paraissent  constituer  un  appareil  hépatique  ;  enfin  la  por- 
tion terminale  du  tube  alimentaire  qui  se  trouve  en  arrière 


Arénicoles. 


cules  transparentes  tfu'il  a  vues  s'ou- 
vrir clans  l'œsophage  chez  les  Naïdéens 
du  genre  Enchytrœus  (a). 

Chez  les  Néréides,  on  voit  de  chaque 
côté  de  la  base  du  bulbe  pharyngien, 
sous  les  muscles  rélracteurs  de  la 
trompe,  un  corps  d'apparence  glan- 
dulaire qui  est  probablement  un  or- 
gane salivaire  (ô). 

Chez  les  Arénicoles,  ces  glandes  sont 
représentées  par  une  paire  d'appen- 
dices beaucoup  plus  volumineux,  qui 
ont  la  forme  de  sacs  cylindrico-coni- 
ques  et  s'ouvrent  dans  le  (ube  dit^estif, 
immédiatement  en  arrière  du  gé- 
sier (c).  Quelques  auteurs  ont  pensé 
qu'ils  pouvaient  être  assimilés  au  foie 
des  Animaux  supérieurs  (cl)  ;  d'autres 


supposent  qu'ils  sécrètent  un  suc  pan- 
créatique (e).  Un  mode  d'organisation 
analogue  se  rencontre  aussi  dans  le 
genre  Ammotrypane  (/"). 

Chez  les  Syllis,  on  trouve  en  arrière 
du  gésier  deux  paires  de  petits  caecums 
gros  et  courts  qui  semblent  également 
être  des  organes  glandulaires  (g). 

On  peut  rapporter  aussi  à  cette 
classe  d'organes  une  paire  de  gros 
caecums  qui,  chez  les  Siphonoslomes, 
naissent  beaucoup  plus  en  avant  sur 
les  côtés  de  la  bouciie  (h).  Ces  appen- 
dices sécréteurs  sont  disposés  de  la 
même  manière  chez  les  Chlorèmes,  où 
ils  renferment  vui  liquide  limpide  qui 
tient  en  suspension  quelques  globules 
diaphanes  {i). 


(a)  Henle,  Op.  cit.  (Mliller's  Archiv  fur  Anal,  uncl  Physiol,  1837,  p.  79,  pi.  G,  fig.  0). 

(6)  Ralhke,  De  Bopyro  et  Néréide  comment.,  1837,  pi.  2,  fl-.  7  et  8. 

— ■  Milne  Edwards,  Annélides  du  Règne  animal  de  Cuvier,  pi.  1  a,  (îg.  \  j. 

(c)  Home,  Lectures  on.  Comparative  Anatomy,  pi.  4  40,  fîg:.  1. 

—  Milne  Edwards,  Annélidiîs  du  Règne  animal,  pi.  1,  fig.  i  et  2  e. 

(d)  SieboldetStànnius,  Nouveau  Manuel  d'anatomie  comparée,  t.  I,  p.  20  7 

(e)  Meckel,  Anatomie  comparée,  t.  VII,  p.  106. 

if)  Rathke,  Beitrâge  %ur  Fauna  Norwegens,  p.  197,  pL  1  0,  fig-.  13  h. 

(g)  Milne  Edwards,  AnnÉlides  du  Règne  animal  de  Cuvier,  pi.  15,  fig'.  1  a,  g. 

{h)  Rathke,  Beitrâge  zurvergl.  Anat.  und  Physiol.,  p.  87,  pi.  6,  fig.  5c,  c. 

—  Délie  Chiaje,  Descrizione  e  notomia  degli  Ànimali  invertebrati  délia  Sicilia  citeriore,  pi.  94 , 
fig.  6. 

(i)  Quatrefages,  Jlém.  sur  la  famille  des  Cliloréniiens  (Ann.  des  sciences  iiat.,  3'  série,  t.  XII, 
p.  297). 


Aphrodisiens 


Organes 
glandulaires. 


[l2>'2  APPAREIL    DIGESTIF 

de  la  région  branchifère  du  corps  a  des  parois  lisses,  minces 
et  fixées  aux  parties  voisines  par  un  grand  nombre  de  brides 
membraneuses  (1). 

La  structure  de  l'appareil  digestif  des  Apbrodites  est  aussi  fort 
remarquable.  En  effet,  de  chaque  côté  de  l'estomac  se  trouve 
une  rangée  de  grands  appendices  tubuleux  qui  se  terminent  en 
cul-de-sac  près  de  la  base  des  pattes,  et  qui  envoient  des  prolon- 
gements ciBcaux  dans  les  tubercules  cutanés  situés  entre  les 
expansions  foliacées  dont  le  dos  de  ces  Annélides  est  couvert  ('2). 
Le  tissu  glandulaire  hépatique,  qui,  chez  la  plupart  des  Anné- 
lides, est  appliqué  directement  sur  les  parois  du  tube  digestif 
et  en  rend  la  surface  extérieure  lomenteuse  (3),  est  disposé 


(1)  L'appareil  digestif  de  rArénicoIe 
des  pêcheurs  a  été  souvent  figuré  par 
les.analomistes  (a). 

('2)  Cliez  VAphrodita  aculeata,  dont 
Panatomie  a  été  faite  par  Redi  et  par 
Pallas  (5),  le  bulbe  pharyngien  qui 
concourt  à  la  forma  lion  de  la  trompe 
est  très  volumineux  ;  et  lorsque  ce 
dernier  organe  est  rentré,  il  se  loge 
en  partie  sous  Testomac,  de  façon  à 
entraîner  l'œsophage  d'avant  en  ar- 
rière (c).  L'estomac  est  presque  cylin- 
drique et  assez  large,  mais  se  rétrécit 
•postérieurement  dans  le  voisinage  de 
l'anus.  Les  caecums  qui  en  naissent  de 
chaque  côté,  et  se  portent  transversa- 
lement en  dehors,  sont  d'abord  assez 


grêles,  maisse  renflent  vers  leur  partie 
terminale,  qui  est  recourbée  en  dessous 
et  en  dedans  ;  enfin  chacun  de  ces  ap- 
pendices porte  en  dessus  trois  ou  quatre 
petits  caecums  secondaires  qui,  vers  la 
partie  moyenne  du  corps,  se  ramifient 
plus  ou  moins  sous  les  téguments.  On 
en  compte  une  vingtaine  de  paires. 

Chez  les  Polynoés,  ces  appendices 
gastriques  existent  aussi  et  sont  dis- 
posés à  peu  près  de  même,  mais  sont 
moins  développés  {cl). 

(3)  Ce  tissu  glandulaire,  dont  j'ai 
déjà  dit  quelques  mots  en  parlant  des 
Nais  et  des  Arénicoles,  s'observe  chez 
tous  les  Annélides  Chétopodes.  Chez 
les  Lombrics,  par  exemple,  il  est  très 


(a)  Voyez  Home,  Lectures  on  Comparative  Anaioimj,  pi.  40,  fig-.  2  cl  3. 

—  Milnc  Edwards,  Atlas  du  Règne  animal  de  Cuvier,  Annélides,  pi.  1,  fig-.  1 . 

—  Grube,  Zur  Anat.  und  Physiol.  der  Kienienivûrmer,  pi.  1,  fig.  i. 

—  .1.  Carus,  Icônes  zootomicœ,  pi.  9,  lig.  i. 

[h)  Redi,  De  AnimalcuUs  vivis  quœ  in  corporibus  Animalium  vlvorum  reperiunlur  observa- 
tiones,  p.  279,  pi.  25,fig.  3  {Opuscula,  t.  lit). 

—  Pallas,  Miscellanea  xoologica,  p.  85,  pi.  1,  fig.  10  et  H. 

(c)  Treviranus,  Ueber  den  innern  Bau  der  stachlichten  Aphrodite  (Zeilschrifl  fiir  Pliysiologie, 
4829,  t.  m,  p.  161,  pi.  12,  fig.  9). 

—  Milne  Edwards,  Annélides  de  V Atlas  du  Règne  animal  de  Cuvier,  pi.  2,  fig.  1. 

(d)  Pallas,  Op.  cit.,  p.  94. 

—  Grube,  Zur  Anatomie  und  Physiologie  der  Kiemeniuûrmer ,  p.  G2,  pi.  2,  fig.  13. 

—  T.  Williams,  Report  on  Ihe  Drilish  Annelida,  pi.  10,  fig.  62  {Brit.  Assoc,  1851). 


DES    VERS    DE    LA    CL.VSSE    DES    ANNÉLIDES.  ^33 

exclusivement  autour  de  la  portion  terminale  de  ces  caecums,  et 
par  conséquent  ces  appendices  peuvent  être  considérés  comme 
constituant  un  foie  diffus;  mais,  d'après  le  calibre  de  leur 
cavité,  il  est  probable  que  les  produits  de  la  digestion  v 
pénètrent,  et  que  par  conséquent  ils  remplissent  des  fonctions 
analogues  h  celles  des  canaux  gastro-hépatiques  des  Mollusques 
dits  phlébentérés  (1). 


développé,  et  il  paraît  constituer  ce 
que  Morren  a  décrit  sous  le  nom  de 
chloragogena  (a). 

En  général,  les  glandes  gastriques 
sont  colorées  en  jaune;  mais  chez 
quelques  espèces,  par  exemple,  les 
Aphrodites  et  les  Phyliodoces,  elles 
sont  chargées  d'une  matière  verte,  et 
M.  Williams  pense  que  cette  particu- 
larité se  lie  à  l'absence  d'hémalosine 
dans  le  sang,  qui  chez  ces  Annélides 
est  incolore  [b). 

Il  existe  chez  les  Lombrics  un  or- 
gane fort  singulier  que  Wiliis  a  ap- 
pelé un  intestin  dans  l'intestin,  et  a 
considéré  comme  étant  une  glande 
hépatique  (c).  Morren,  qui  lui  a  donné 
le  nom  de  typhosoliis,  est  porté  à  le 
regarder  comme  un  réservoir  du 
chyle  {d),  et  M.  Siebold  partage  celte 
opinion  (e),  tandis  que  Dnvernoy  le 
compare  à  une  veine  mésentérique  (f). 
C'est  un  repli  membraneux  longitu- 
dinal qui  fait  saillie  dans  la  cavité  de 
Tintestin ,  et  qui   adhère  à  sa  paroi 


supérieure  dans  les  trois  quarts  de  la 
longueur  de  ce  tube  ;  dans  sa  moitié 
antérieure  il  est  froncé  transversale- 
ment, et  en  arrière  il  affecte  la  forme 
d'un  cylindre  droit  ;  enfin  il  est  creusé 
d'un  canal  longitudinal  qui  est  fermé 
à  ses  deux  extrémités  et  ne  com- 
munique pas  avec  la  cavité  intesti- 
nale (g).  Enfin  il  est  composé  d'utri- 
cules  sécréteurs  (h).  Dans  l'étal  actuel 
de  nos  connaissances,  on  ne  peut  for- 
mer que  des  conjectures  très  vagues 
touchant  les  fonctions  de  cet  organe. 

(i)  Il  est  cependant  à  noter  qu'il 
paraît  y  avoir  un  sphincter  à  l'entrée 
de  chacun  de  ces  appendices,  et  le 
liquide  contenu  dans  leur  intérieur 
ne  ressemble  jamais  aux  matières  lo- 
gées dans  l'intestin.  M.  de  Quatre- 
fages  et  M.  Wilhams  pensent  qu'ils 
servent  à  établir  des  relations  entre 
les  produits  de  la  digestion  et  le 
fluide  respirable  {i),  mais  ils  me 
paraissent  être  plutôt  des  organes 
hépatiques. 


{a)  Morren,  De  Lumbrici  tevrestris  hist.  nat.  necnon  anat.  tractalus,  p.  142,  pi.  15,  16,  ûg.  3. 
(6)  T.  Williams,  Report  on  the  British  Annelida  (Brit.  Assoc,  1851,  p.  233).  ^ 

(c)  Wiliis,  De  anima  brutorum  exercitatlones,  1692,  p.  97,  pi.  i,  fig-.  1,  k. 

(d)  Morren,  Op.  cit.,  p.  138,  pi.  16,  fig.  1. 

(e)  Siebold  el  Stanniiis,  Xouveau  Manuel  d'anatomie  comparée,  t.  I,  p.  208. 
(D  Voyez  Cuvier,  Leçons  d'anatomie  comparée,  2"  édit.,  t.  V,  p.  334. 

(g)  Voyez  Home,  On  the  double  Organs  of  Génération  of  the  Lamprey,  etc.  {Philos.  Trans., 
1823,  p.  148,  pi.  18,  fig.  1). 

(h)  C.  B.  Jones,  On  the  Structure  of  the  Liver[Phil.  Trans.,  1849,  p.  111,  pi.  9,  %.  5). 

(i)  De  Qiuitrefagcs,  Note  sur  le  phlébentérism^  {Ajjii,  des  se.  nat.,  3«  série,  1845, 1.  IV,  p.  91). 

—  Williams.  Op.  cit.,  p.  237. 

V.  28 


Appareil 

digestif 

des 

Hirudinées. 


Ventouse 

orale. 

des  Sangsues. 


^3/|.  APPAREIL    UIGESTIF 

§  4.  —  Dans  la  seconde  grande  division  de  la  classe  des 
Annélides,  l'ordre  des  Hirudinéks,  le  régime  n'est  pas  le  même 
qae  chez  les  Chétopodes,  et  se  compose  principalement,  sinon 
exclusivement,  de  sang  puisé  directement  dans  le  corps  d'autres 
xVnimaux  :  aussi  l'appareil  digestif  n'est-il  que  faiblement 
pourvu  des  organes  sécréteurs  qui  sont  chargés  de  produire  les 
sucs  propres  à  attaquer  et  à  dissoudre  les  alimenls;  mais  l'ori- 
fice  préhenseur  affecte  une  disposition  particulière,  en  accord 
avec  ce  mode  de  nutrition,  et  la  cavité  stomacale  se  développe 
de  façon  à  devenir  un  vaste  réservoir  pour  les  liquides  ingur- 
gités. La  bouche  est  conformée  pour  la  succion  et  est  aidée 
dans  son  action  par  le  jeu  d'une  partie  de  l'appareil  de  la  loco- 
motion qui  se  couipose  de  deux  ventouses  situées  aux  extrémités 
du  corps.  En  effet,  cet  orifice  occupe  le  centre  de  la  ventouse 
céphalique ,  et  celle-ci  est  disposée  de  façon  à  pouvoir  s'ap- 
pliquer très  exactement  sur  la  surface  des  corps  étrangers  et 
à  y  adhérer  fortement  ;  de  petites  mâchoires  cornées,  dont 
le  bord  labial  est  en  général  armé ,  peuvent  alors  entamer 
cette  surface,  pom^  peu  qu'elle  soit  d'une  texture  délicate,  et  les 
mouvements  de  succion  opérés  par  le  pharynx  déterminent 
l'écoulement  du  liquide  sous-jacent  et  le  portent  jusque  dans  le 
réservoir  stomacal  de  l'Animal.  Ce  mode  d'alimentation  a  valu 
à  ces  Vers  le  nom  commun  de  Sangsues,  mais  les  zoologistes 
réservent  plus  particulièrement  celte  appellation  aux  espèces 
qui  forment  une  des  divisions  génériques  de  ce  groupe,  et  qui 
sont  employées  en  médecine  pour  opérer  des  saignées  locales. 

Quand  on  veut  étudier  le  mode  d'action  de  cette  ventouse  orale^ 
il  est  bon  d'examiner  d'abord  la  manière  dont  l' Animait 'applique 
sur  le  corps  auquel  il  veut  se  fixer,  et  pour  cela  de  placer  une 
Sangsue  ordinaire  sur  une  lame  de  verre,  afin  de  voir  à  travers 
cette  substance  diaphane  ce  qui  se  passe  dans  la  région  circum- 
buccale.  En  observant  de  la  sorte  un  de  ces  Annélides,  on  le  voit 
alors  donner  à  sa  ventouse  la  forme  d'une  cupule,  puis  en  faire 


DES    VERS    UE    LA    CLASSE    DES    ANNÉLIDES.  /|35 

saillir  le  fond  comme  une  espèce  de  bourrelet  et  le  coller  sur 
le  point  dont  il  a  fait  choix;  ensuite  il  abaisse  de  dedans  en 
dehors  les  bords  du  godet,  et  apphque  si  exactement  la  totalité 
du  disque  péristomien  sur  le  verre  ,  qu'il  ne  reste  pas  la 
moindre  bulle  d'air  entre  les  surfaces  ainsi  amenées  en  contact. 
Le  fond  de  la  ventouse  tend  alors  à  reprendre  sa  position  pri- 
mitive et  à  devenir  concave  :  sur  un  corps  rigide  comme  le 
verre  il  n'y  parvient  pas  ;  mais  si  la  surface  d'application  est 
extensible,  comme  l'est  d'ordinaire  la  peau  des  Animaux  que  les 
Sangsues  attaquent,  elle  suit  ce  mouvement  et  s'avance  jusque 
dans  la  cavité  buccale ,  où  elle  est  saisie  et  coupée  par  les 
mâchoires  de  cet  Annélide  suceur  (i).  Enfin  des  contractions 
péristaltiquess'élahlissentdans l'œsophage,  etlesangquis'écoule 
de  la  jietite  blessure  ainsi  produite  est  pompé  avec  force  et 
porté  dans  l'estomac  du  Yer.  L'aspiration  opérée  de  la  sorte 
dépend  uniquement  du  jeu  de  la  ventouse  orale  et  du  pharynx, 
qui  est  entouré  de  fibres  musculaires  divergentes  aussi  bien 
que  concentriques  :  l'estomac  ou  les  autres  parties  du  corps  de 
la  Sangsue  n'y  contribuent  en  rien.  En  effet,  le  courant  ne 
s'arrête  pas  quand,  d'un  coup  de  ciseau,  on  coupe  en  deux  le 
corps  d'un  de  ces  Animaux  en  train  de  se  repaître,  et  qu'on 
ne  laisse  adhérente  à  la  piqûre  que  la  portion  céplialique  de  la 
Sangsue  ainsi  mutilée  (2). 


(1)  Jusque  vers  le  milieu  du  siècle  premier  qui  ail  bien  vu  les  espèces  de 

dernier  les  médecins  se  formaient  des  màclioires  ou  de  râpes  dont  la  bouche 

idées  U'ès  fausses  sur  la  manière  dont  de  ces  Vers  est  pourvue,  et  qui  ait 

la  Sangsue  entame  la  peau  de  l'Homme  donné  une  explication  passablement 

ou  des  Animaux  dont  elle  prend  le  juste  de  leur  mode  d'action  ;  ses  ob- 

sang  :  les  uns  pensaient  qu'elle  était  servations  ont  été  publiées  et  confir- 

pourvued'unaiguillou,d'autresqu'elle  mées  par  Morand  {a). 

déterminait  la  rupture  de  cette  niera-  (2)  Quelques  naturalistes  ont  pensé 

brane  par  la  seule  force  de  succion.  que  dans  le  mécanisme  de  la  succion 

Un  chartreux,  D.  Allou,  paraît  être  le  la  partie  postérieure  du  corps  de  la 

(a)  Morand  ,  Observations  sur  l'anatoynie  de  la  Sangsue  (Mém.  de  l'Académie  des  sciences, 
1739,  p.  189,  %.  E,  F). 


/ir)G  APPAREIL    DIGESTIF 

La  iorine  de  la  vcnloiise  orale  varie  un  peu  :  chez  rjuel(]ues 
Hiriidinées,  telles  que  les  Pontobdelles  et  les  Piscicoles ,  elle 
est  presque  hémisphérique  et  séparée  du  reste  du  corps  par  un 
étranglement  (1)  ;  mais,  en  général,  il  n'existe  pas  de  rétrécis- 
sement à  sa  base,  et  elle  est  constituée  principalement  par  le  bord 
frontal  de  l'extréniité  antériem^e  du  corps  qui  s'avance  en  ma- 
nière de  voûte  (2).  Des  différences  plus  importantes  se  remar- 


Sangsuc  faisail  fouclion  do  pompe 
aspirante  (a).  Thomas  a  réfuté  cette 
opinion  par  l'expérience  citée  ci-des- 
siis,  mais  il  combat  également  l'ex- 
plication fondée  sur  l'action  de  la 
ventouse,  et  il  attribue  l'afflux  du 
sang  seulement  ù  l'irritation  déter- 
minée dans  la  plaie  par  la  morsure  de 
la  Sangsue.  Il  se  fonde  sur  ce  qu'il  a 
vu  une  Sangsue  rester  attachée  pen- 
dant quelques  minutes  à  un  cœur  sai- 
gnant placé  sous  le  récipient  de  la 
pompe  pneumatique  où  il  faisait  le 
vide  (6);  mais  cette  expérience,  qui  est 
en  désaccord  complet  avec  les  résul- 
tats obtenus  par  Du  liondeau  (c),  ne 
paraît  pas  avoir  été  fuite  de  façon  à 
prouver  que  dans  les  circonstances 
ordinaires  la  ventouse  n'agit  point  par 
succion,  et  iM.  Fermond,  en  substi- 
tuant à  la  lame  de  verre  mentionnée 
ci-dessus  un  disque  de  baudruche 
humide  et  médiocrement  tendu,  a  vu 
que  cette  membrane  extensible  était 
attirée  dans  l'intérieur  de  la  ventouse. 


quand  la  Sangsue  s'y  attachait.  Il  com- 
pare donc  avec  raison  cet  organe  à 
l'instrument  connu  sous  le  nom 
d'aiTache-pierre  {d). 

(1)  Chez  les  Pontobdelles,  Ilirudi- 
nées  qui  habitent  la  mer  et  se  tiennent 
sur  divers  Poissons,  la  ventouse  orale 
est  grande,  très  concave,  en  forme  de 
godet,  el  garnie  d'un  bord  pourvu  de 
tubercules  (e). 

Chez  les  Piscicoles,  ou  Hœmochan's, 
qui  s'attaquent  aussi  aux  Poissons, 
mais  vivent  dans  les  eaux  douces, 
cette  ventouse  est  également  assez 
grande,  quoique  peu  concave  (/). 

Chez  les  Branchellions,  cet  organe 
est  rétréci  à  sa  base,  comme  chez 
les  espèces  précédentes,  mais  plus 
petit  (g). 

(2)  Chez  les  Sangsues  proprement 
dites ,  les  Haemopis ,  les  Aulasto- 
mes,  etc.,  la  ventouse  orale  est  sans 
étranglement,  et  plus  ou  moins  dis- 
tinctement bilabiée.  La  lèvie  supé- 
rieure s'avance  en  forme  de  bec  de 


(a)  Du  Rondeau,  Mém.  sur  la  Sangsue  médicinale  {Journal  de  physique,  1782,  I.  XX,  p.  288). 

(b)  Tliomas,  Mém.  pour  servir  à  l'histoire  naturelle  des  Sangsues,  1806,  p.  40. 

(c)  Du  Rondeau,  Op.  cit.  (Journal  de  physiqiie,  t.  XX,  p.  291). 

{d)  Fermond,  Monographie  des  Sangsues  médicinales,  1854,  p.  94. 

{e)  Voyez  Délie  Chiaje,  Mem.  sulla  storia  e  notomia  degli  Animali  sen%a  vertèbre  di  Napoli, 
t.  I,  pi.  1,  fig.  14. 

—  Qualrefages,  Annélides  du  Règne  animal  de  Cuvier,  pi.  23,  ûg,  2. 
if)  Kosel  von  Rcsenliof,  Insecten-Belusligung ,  t.  III,  pi.  32,  fig.  1. 

—  Quaticfagcs,  Annélides  Au  Règne  animal  de  Cu\icr,  pi.  23,  fig.  1. 

{g)  Idem,  Mém.  sur  le  Brancliellion  [Anii.  des  sciences  nat.,  3"  série,  1852,  t.  XVIII,  p.  294, 
pl.  G.  fig.  1). 


DES    VERS    DE    LA    CLASSE    DES    ANNÉLIDES.  Û37 

quent  dans  son  armature.  Chez  la  Sangsue  médicinale,  la  bouche, 
située,  comme  je  l'ai  déjà  dit,  au  milieu  de  la  ventouse  antérieure, 
est  de  forme  à  peu  près  triangulaire  et  garnie  de  trois  papilles 
ovalaires  qui  sont  divergentes  et  pourvues  chacune  d'une  crête 
médiane  convexe  et  denticulée  (1).  Ces  papilles  sont  autant  de 
mâchoires  et  sont  mises  en  mouvement  par  des  fibres  muscu- 
laires propres,  de  façon  à  agir  comme  de  petites  scies  courbes, 
et  à  inciser  par  déchirure  la  portion  de  la  peau  sur  laquelle 
ces  Annélides  ont  appliqué  leur  bouche.  L'appareil  maxillaire 
est  conformé  de  la  même  manière  chez  les  Hirudinées  des 
genres  Hœmopis,  J ulastoma ^BdeWe  ou  Limnatis^  et  Trocbeta; 
mais  chez  les  Branchiobdelles  il  n'y  a  que  deux  mâchoires,  et 
chez  les  Pontobdelles  et  les  Piscicoles  ces  organes  sont  rudi- 
mentaires  (2)  ;  enfin,  chez  les  Néphélis  et  les  Branchellions, 


Mâchoires 
des  SaiiETSues 


cuiller  renversé  ,  et  se  compose  de 
trois  ou  quatre  segments  transversaux 
suivis  de  trois  anneaux  dont  la  por- 
tion inférieure  ou  sternale  forme  la 
lèvre  inférieure  (a).  Dans  l'état  de 
repos  ,  ces  deux  lèvres  se  rappro- 
chent et  la  ventouse  se  ferme;  mais, 
dans  l'état  d'activité  ,  elles  s'écartent 
et  la  lèvre  supérieure  se  projette  en 
avant. 

Chez  les  Malacobdelles ,  au  con- 
traire, elle  est  peu  développée  (6). 

(1)  C'est  à  cause  de  cette  disposition 
que  la  plaie  faite  par  ces  Animaux  a 
la  forme  d'une  petite  étoile  à  trois' 
branches  (c). 

(2)  Les  mâchoires  des  Sangsues 
proprement  dites   sont  à  peu   près 


ovalaires  et  très  comprimées;  leur 
longueur  est  de  2  à  3  uiillimèlies,  et 
leur  bord  médian  ou  crête  porte  une 
rangée  d'environ  soixante  dcnticules 
en  forme  de  V,  qui  sont  disposées 
comme  des  chevrons  avec  leur  angle 
dirigé  vers  la  bouche.  L'une  de  ces 
mâchoires  est  anlérieure  ou  supé- 
rieure, les  autres  sont  latéro-posté- 
rieures  ou  inférieures  ;  elles  sont  dis- 
posées en  triangle  et  logées  chacune 
dans  un  sillon  buccal  ou  gaîne  dont  les 
bords  sont  élevés.  Les  denlicules  dont 
elles  sont  armées  paraissent  naître 
chacune  d'une  capsule  particulière  {d). 
Beaucoup  d'auteurs  ont  considéré  ces 
points  comme  étant  séparés  sur  la 
ligne  médiane,  et  par  conséquent  dis- 


(fi)  Moquiii-Tandon,  Monographie  de  la  famille  des' Hirudinées,  1846,  p.  52,  pi.  8,  ùg.  tO. 
{b)  Blanchard,  Mémoire  sur  la  Mulacobdelle  {Ann.   des  sciences  nal.,  3°  série,  ■1845,  t.  IV, 
pi.  18,  fig.  -1). 

(c)  Morand,  Observations  sur  l'anatomlé  de  la  Sangsue  [Mém.  de  l'Acad.  des  sciences,  1739, 
p.  192,  fig-.  C). 

(d)  Quairefages,  Noie  sur  Vanatomic  des  Sangsues  {Ann,  des  sciences  nat.,  3°  série,  1847, 
t.  VIII,  p.  38). 


/lâ8  APPAlUill,    DIGKSTIF 

ils  manquent  complètement  :  il  en  est  de  même  chez  les  Glos- 
siphonies  ou  Clepsines,  mais  celles-ci  sont  pourvues  d'une 
trompe  exsertile  semblable  à  celle  de  la  plupart  des  Annélides 
Chétopodes  (1). 
Mode  Les  Sangsues  proprement  dites  et  les  Hsemopis  sont  des 

d'alimentation      ..  -,       .  ,  ,  ..  .'ii 

des       Animaux  exclusivement  suceurs,  et  se  nourrissent  essentielle- 
Hirudinees.    ^^^^  ^^  ^^^^  ^^^  dlvers  Vcrtébrés  qu'elles  peuvent  mordre  : 


posés  par  paires  sur  deux  rangs  ;  mais  Chez  la  Trochète,  les  mâchoires  sont 

M.  Brandt  a  constaté  que  cette  dispo-  très  petites  et  tranchantes,  mais  sans 

sillon  n'existe  pas  (a).  denlicuies   {f).  Leur  position  est  in- 

Chez  les  Hsemopis,   les  mâchoires  verse  de  celle  des  Sangsues  :  deux  se 

sont  plus  petites,  moins  comprimées  trouvent  en   avant   ou  au-dessus  de 

et  armées  d'un  moindre  nombre  de  l'ouverture  buccale,  et  une  seule  en 

denlicuies  (6).  arrière. 

Chez  les  Aulaslomes  (c),  les   ma-  Chez  la  Bianchiobdelle,  lesmâchoi- 

choires    sont    presque   parallèles    et  res,  au  nombre  de  deux,  sont  mé- 

moins  enfoncées;  chacune  est  année  dianes,  cornées  el  noires;  Rôsel  les 

d'environ   quatorze  denlicuies    assez  a  prises  pour  des  yeux  ((/).  L'une  est 

grosses  et  obtuses  [d),  située   au-dessus,  l'autre  au-dessous 

Chez  les  Bdelles,  ou  Z.m?(ah's,  ces  de  la  bouche  [h). 

organes  ont  une  carène  peu  saillante  (1)  La  trompe  des  Glossiphonies  a 

et  dépourvue  de  denlicuies  ou  de  dé-  été  aperçue  d'abord  par  Bergmann,  et 

coupures  quelconques  (e).  ensuite    mieux   observée    par   John- 


(a)  Brandi  et  Ratzeburg,  Medicmische  Zoologie,  t.  II,  p.  245,  pi.  29  A,  fig.  13-18. 

—  Quatrefages,  Annélides  du  Règne  animal  de  Cuvier,  pi.  iil,  fig.  3,  3  a. 

—  Moquiu-Tandon,  Monographie  de  la  famille  des  Hirudinées,  pi.  9,  fig.  12  à  16. 

—  Fermond,  Monographie  des  Sangsues  médicinales,  pi.  2,  fig.  32. 
(&)  Sa\igny,  Op.  cit.,  pi.  1,  fig.  5. 

—  Qiiekett,  Lectures  on  Hlstology,  t.  II,  p.  381,  fig.  344. 

(c)  h'Aulastoma  gulo  a  élé  souvent  confondu  avec  VHœmopis  sanguisiiga  ou  H.  vorux,  et  c'est 
sous  ce  dernier  nom  que  les  mâchoires  de  cette  Hirudinee  ont  été  représentées  dans  l'Atlas  du  Règne 
animal,  Annélides,  pi.  21,  fig.  4^. 

—  Moquin-Tandon,  Op.  cit.,  pi.  6,  fig.  9  et  10.' 

(d)  Caréna,  Monographie  du  genre  Hii'udo  {Mem.  délia  R.  Accad.  di  Torino,  1 820,  t.  XXV,  pi.  2, 
fig.  25;  pi.  24). 

—  Pelletier  et  Huzard,  Recherches  sur  le  genre  Hirudo  (Journal  de  pharmacie,  1825,  pi.  i, 
fig.  5,  0,  7). 

—  Brandt  et  Ratzeburg,  Op.  cit.,  pi.  29  B,  fig.  13  à  17. 

—  Moquin-Tandon,  Op.  cit.,  pi  5,  fig.  12,  13,  14. 

(e)  Savigny,  Annélides  AeVÉgypte,  pi.  5,  fig.  4^,  4^. 
if)  Moquin-Tandon,  Op.  cit.,  pi.  4,  fig.  11. 

(g)  Rosel  \on  Rosenhof,  Insecten-Belustigung ,  1755,  t.  III,  p.  327. 

{hj  Odier,  Mém.  sur  la  Branchiobdelle  (Mém.  de  la  Société  d'histoire  naturelle  de  Paris,  1823, 
t.  I,  p.  71,  pi.  4,  fig.  5,  8,  11,  12,  17). 

—  Henle,  Veber  die  Gattung  Branchiobdella  (Miiller's /irc/iw  fïir  Anat.  und  Physiol.,  1835, 
pi.  14,  fig.  1). 


DES    VI;RS    T)K    la    CL.VSSE    DKS    ANNÉLIUES.  lio9 

il  est  aussi  à  noter  que  ce  sont  les  seules  Hirudinées  qui  nient  la 
faculté  d'entamer  la  peau  de  l'Homme  (1)  :  les  Aulastomes 
déchirent  leur  proie  et  en  avalent  des  lambeaux;  enfin,  les 


son  (a).  La  structure  en  a  été  étudiée 
avec  soin  par  M.  F.  de  Filippi,  et  sur- 
tout par  M.  Budge  (6).  C'est  un  tube 
plîaryngien  charnu,  cylindrique  et 
susceptible  de  se  dérouler  au  dehors 
ou  de  rentrer  comme  un  doigt  de  gant. 

M.  Leydig  a  trouvé  une  trompe 
semblable  chez  le  Branchellion ,  et 
I\l.  de  Quatrefages,  qui  en  a  également 
fait  Tanalomie,  s'est  assuré  qu'elle  est 
complètement  inerme  (c). 

(1)  Ainsi  que  chacun  le  sait,  on  fait 
en  médecine  un  grand  usage  de  ces 
Animaux  pour  opérer  des  saignées 
locales.  Pour  la  France  seulement,  on 
en  consomme  de  la  sorte  plus  de 
30  millions  d'individus  par  an  ,  et 
quelquefois  beaucoup  plus  :  ainsi  en 
1832  on  en  a  importé  57  Zi9i  000  (d). 
ils  appartiennent  tous  au  genre  Hi- 
rudo,  et  sont,  pour  la  plupart,  de 
simples  variétés  de  l'espèce   connue 


sous  le  nom  de  Hirudo  medicinalis  o\i 
de  H.  troctina.  VHœmopis  sangui- 
suga  (ou  Sangsue  de  Cheval),  qui  se 
rencontre  en  Espagne  et  en  Afrique, 
ne  peut  entamer  facilement  que  les 
membranes  muqueuses,  et  donne  sou- 
vent lieu  à  des  accidents  graves  en 
s'introduisant  dans  les  fosses  nasales 
ou  les  autres  cavités  du  corps  (e). 

Les  marais  de  l'Europe  n'ont  pas 
suffi  pour  alimenter  le  commerce  dont 
les  Sangsues  sont  l'objet,  et  depuis 
plusieurs  années  on  en  tire  de  l'Asie 
Mineure  et  de  la  Syrie,  aussi  bien  que 
de  l'Algérie  ;  enfln  on  s'est  appliqué 
à  en  élever  artificiellement,  et  dans 
quelques  parties  de  la  France,  parti- 
culièrement aux  environs  de  Bor- 
deaux, Vhirudiniculture,  comme  on 
l'appelle,  est  devenue  une  branche 
d'industrie  agricole  irèsimportante  (/"). 
Pour  nourrir  les  Sangsues,  on  emploie 


{a)  T.  Bergmann,  Afhandliiuj  om  Iglar  {Vetenskaps  Acad.  Handlingar  for  dr  1757,  t.  XVIII, 
p.  H 3). 

—  Johnson  ,  Observations  on  the  Hirudo  complanata  and  H.  stagnalis  ,  noiv  formed  into  a 
distinct  Genus  under  the  Name  ()/■  Glossopoi-i  (Philos.  Trans.,  181G,  p.  341,  pi.  17,  fig.  9 
et  10). 

(6)  F.  de  Filippi,  Lettera  al  D.  Rusconi  sopra  Vanatomia  e  lo  sv'duppo  délie  Clepsiiie,  p.  12, 
pi.  1,  fig.  1  et  ii  (e.\tr.  du  Giornale  délie  scienze  medico-chirurgicale  di  Pavia,  l.  XI). 

—  Budge,  Clepsine  bioculata  {Verhandlungen  des  Nalurhist.  Vereins  derpreussischenRhein- 
lande  und  Westphalens,  6.  Jahrgang  18-i9,  p.  97,  pi.  5,  fig.  13  et  15). 

(c)  Leydig,  Anatomisches  ûber  Branchellion  und  Pontobdella  (Zeitschrift  fur  ivissensch.  Zool., 
1851,  t.  m,  p.  314). 

—  Quatrefages,  Mém.  sur  le  Branchellion  [Ann.  des  sciences  nat.,  3=  série,  1852,  t.  XVIII, 
p.  296,  pi.  0,  lîg.  3). 

id)  Fermond,  Monographie  des  Sangsues  médicinales,  p.  255. 

(e)  Guyon,  Note  sur  i'Hsemopis  vorax  {Comptes  rendus  de  l'Acad.  des  sciences,  1841,  t.  XIII, 
p.  785,  etc.). 

(f)  Voyson,  Guide  pratique  des  éleveurs  de  Sangsues.  Bordeaux,  1852. 

—  Masson,  Elève  des  Sangsues.  Paris,  1854. 

- — Laurens,  L'élève  des  Sangsues.  Bordeaux,  1854. 

—  Busquet,  Manuel  d'hirudiniculture.  Bordeaux,  1854. 

—  Soubeiran,  De  la  mulliplication  des  Sangsues  dans  les  Landes  {Ann.  de  l'agriculture 
française,  1854). 

—  Ebrard,  Nouvelle  monographie  des  Sangsues,  1857,  p.  239  et  suiv. 


khO  APPAREIL    DIGESTIF 

Troclièles  dévorent  des  Lombrics  et  les  larves  aquatiques  par 
tronçons  ou  même  tout  entiers.  Du  reste,  tous  ces  Animaux 
sont  d'une  voracité  extrême,  et  la  quantité  d'aliments  qu'ils 
prennent  en  un  seul  repas  est  souvent  énorme  :  ainsi,  on  a 
vu  des  Sangsues  médicinales  se  gorger  au  point  d'augmenter 
près  de  sept  fois  le  poids  de  leur  corps  (1),  et  par  conséquent 


généralement  de  vieux  Chevaux  que 
Ton  fait  entrer  dans  les  étangs  où 
ces  Annélides  sont  parqués  ;  ceux-ci 
s'y  attachent  en  choisissant  de  pré- 
férence les  parties  du  corps  où  la 
peau  est  In  moins  résislante,  la  face 
interne  des  cuisses,  les  jambes  et  le 
dessons  du  ventre,  par  exemple,  et  se 
gorgent  avec  une  grande  avidité.  Ils 
ne  sucent  pas  les  cadavres ,  et  ne 
paraissent  pas  capables  de  boire  du 
sang  liquide  dans  lequel  on  les  plon- 
gerait {a)  :  mais  si  on  leur  fournit 
comme  point  d'appui  un  tissu  spon- 
gieux imbibé  de  ce  liquide,  ils  s'en 
repaissent  sans  difficulté,  et  l'une  des 
méthodes  employées  pour  l'élevage 
de  ces  Vers,  celle  de  ]\I.  Borne  [h), 
est  fondée  sur  la  connaissance  de  ce 
fait.  Quelques  agronomes  ont  pensé 
que  le  sang  obtenu  par  l'ahatage  des 
Animaux  de  boucherie,  et  rendu  in- 
coagulable  par  la  flagellation  ,  lors 
même  qu'on  l'emploie  tout  de  suite, 
ne  leur  était  pas  aussi  utile  que  celui 
puisé  directement  sur  un  Animal  vi- 
vant (c)  :  mais  cette  opinion  ne  paraît 


pas  être  fondée.  Les  Sangsues  peuvent 
se  gorger  aussi  de  sang  coagulé,  mais 
en  le  suçant,  et  non  en  avalant  le  caillot 
lui-même. 

(1)  Les  Sangsues  ne  se  gorgent  que 
très  rarement  à  ce  point,  et  il  existe 
beaucoup  de  variations  dans  la  quan- 
tité de  sang  dont  elles  peuvent  char- 
ger leur  estomac.  Ces  dilîérences  dé- 
pendent en  partie  de  l'âge,  en  partie 
des  races.  Dans  une  série  d'expérien- 
ces faites  par  M.  Ad.  Sanson,  l'aug- 
mentation du  poids  du  corps  a  varié 
entre  3,8  et  6,7  {cl),  et  dans  d'autres 
pesées  faites  par  M.  Moquin-Tandon, 
les  extrêmes  ont  été,  d'une  part, 
2,  et  d'autre  part  5  ^  (e).  M.  Ébrard 
a  trouvé  que  les  très  gros  individus 
(dits  Sangsues  vaches)  triplaient  de 
poids  seulement,  tandis  que  les  indi- 
vidus connus  dans  le  commerce  sous 
la  dénomination  de  petites  moijennes 
devenaient  quatre  fois  plus  pesantes  ; 
et  les  petits  individus,  dits  filets, 
acquéraient  quatre  fois  et  demie  leur 
poids  initial  (/).  !\1.  Moquin  -  Tan- 
don évalue  en  moyenne  à  environ 


(a)  Ébrard,  Nouvelle  monographie  des  Sangsues  médicinales,  1857,  p.  t62, 

(b)  Clievallier,  Rapport  sur  un  mémoire  de  M.  Borne  relatif  à  la  conservation  et  à  la  reproduc- 
tion des  Sangsues  {Bulletin  de  la  Société  d'encouragement  pour  l'industrie  nationale,  4854). 

—  Soubeiraii,  Note  sur  les  marais  à  Sangsues  de  Clairfontaine ,  1854. 

(c)  Quenard,  De  l'élève  et  de  la  multiplication  des  Sangsues  {Bidlelin  de  la  Société  centrale 
d'agriculture,  1854,  p.  277). 

(d)  J.  Martin,  Histoire  pratique  des  Sangsues,  1845,  p.  44, 

(e)  Moquin-Tandon,  Monographie  des  Hirudinées,  p.  268. 

(f)  Ébrard,  Nouvelle  MonograjMe  des  Sangsues,  p.  219, 


BES    VKIIS    !)E    LA    CLASSE    DES    ANNÉLiDES.  /|Ûl 

nous  pouvons  prévoir  que  In  capacité  de  leur  eslomac  doit  être 
énorme.  Effectivement ,  c'est  ce  qui  s'observe  chez  presque 
toutes  les  Hirudinées. 

Le  tube  digestif  de  quelques-uns  de  ces  Animaux  est  simple  canai  digestif 
et  cylindrique  dans  toute  sa  longueur,  chez  les  Malacobdelles 
et  les  Néphélis,  par  exemple  (1)  ;  mais  chez  les  Sangsues  pro- 


des 
Hirudinées, 


15  grammes  la  quantité  de  sang  sucé 
par  unegrosse  Sangsue  marchande,  de 
bonne  race,  telle  que  la  variété  verte 
de  Turquie;  mais  cette  estimation  me 
paraît  un  peu  exagérée.  En  effet,  dans 
les  expériences  publiées  par  î\l.  de 
Quatrefages,  la  quantité  de  sang  pris 
par  les  Sangsues  bordelaises  n'était 
en  moyenne  que  d'environ  12  gram- 
mes, et  les  Sangsues  dites  Dragonnes 
{Hirudo  troctina)  se  sont  chargées 
d'un  peu  moins  (a). 

Du  reste,  la  capacité  de  ces  Ani- 
maux paraît  dépendre  essentielle- 
ment du  degré  d'extensibilité  de  leur 
estomac.  M.  Ébrard  a  trouvé  que, 
proportionnellement  à  leur  poids,  ils 
prennent  d'autant  phis  de  sang  qu'ils 
sont  moins  vieux,  et  les  médecins  ont 
remarqué  que  si  d'un  coup  de  ciseau 
on  coupe  en  travers  la  partie  posté- 
rieure du  corps  de  l'un  de  ces  Animaux 
en  train  de  se  gorgcr,  il  continuera  à 
sucer  pendant  très  longtemps,  et  que 
le  sang  s'écoule  goutte  à  goutte  par  la 
troncature  (6). 

(1)   Le  tube  digestif  des    Malaco» 


bdelles  est  d'une  structure  très  simple  : 
sa  portion  pharyngienne  est  courte, 
droite  et  garnie  intérieurement  de 
papilles  épidermiques  ;  la  portion  sto- 
macale est  membraneuse,  cylindrique 
et  légèrement  flexucuse  (c). 

Chez  les  Néphélis,  le  tube  digestif 
est  cylindrique,  et  s'étend  en  ligne 
droite  d'un  bout  du  corps  à  l'autre  {(l)\ 
on  y  distingue  une  portion  œsopiia- 
gienne  qui  est  garnie  intérieurement 
de  stries  longitudinales,  et  une  portion 
moyenne  ou  stomacale  qui  ne  présente 
rien  de  remarquable  (e). 

Chez  les  Trochètes,  ou  Géobdellcs, 
l'estomac  est  divisé  intérieurement  en 
cinq  chambres  par  une  série  de  brides 
transversales;  l'intestin  est  également 
divisé  en  deux  portions  par  un  étran- 
glement. L'œsophage  est  chainu  et 
présente  des  plis  longitudinaux  dont 
un,  situé  en  dessus,  est  très  gros  {f). 

L'estomac  des  Branchiobdclles  est 
également  dépourvu  d'appendices  , 
mais  on  y  remarque  des  étrangle- 
ments qui  le  divisent  en  plusieurs 
loges  arrondies  {g). 


(a)  Quatrefages,  Note  sur  quelques  expériences  relatives  à  V emploi  des  Sangsues  algériennes 
[Comptes  rendus  de  l'Acad.  des  sciences,  1857,  t.  XLV,  p.  681). 
(&)  J.  R.  Johnson,  A  Treatise  on  the  médicinal  Lee.ch,  1816,  p.  l-i2. 

(c)  Blanchard,  ili^moiî'e  sur  la  Malacobdelle  {Ann.  des  sciences  nat.,  3"  série,  1845,  t.  IV,  p.  367, 
pi.  18,  îig.  1  et  2). 

(d)  F.  de  Filippi,  Memoria  sugli  AnelUdi  dclla  famiglia  délie  Sanguesughe.  Milan,  1837,  pi.  1, 
Rg.  4. 

(e)  Moquin- Tandon,  Op.  cit.,  p.  102,  pi.  3,  fig.  17. 

(f)  Idem,  ibid.,  p.  102,  pi.  4,  fig.  9. 

(g)  Henle,  Op.  cit.  (Miiller's  Archiv  fur  Anat.  und  Physiol,  1835,  pi.  14,  (Ig.  1), 


4/[2  AP1>AUEÎL    DlGiiSTlF 

prement  dites  eL  la  plupart  des  autres  Hirudinées,  restomac 
se  prolonge  latéralement  de  façon  à  constituer  de  grands 
réservoirs  en  forme  de  sacs. 

Ainsi,  chez  les  Ponlobdelles,  l'estomac,  divisé  intérieurement 
en  une  série  de  cinq  ou  six  chambres  par  des  cloisons  membra- 
neuses, se  continue  postérieurement  sous  la  forme  d'un  vaste 
caecum  impair  et  médian  qui  recouvre  l'intestin  (1). 

Chez  les  Aulastomes,  l'estomac  est  également  cylindrique, 
mais  donne  naissance  postérieurement  à  deux  grands  appen- 
dices ou  cgecuQis  qui  se  prolongent  sur  les  côtés  de  Tin- 
testin  (2). 

Chez  les  Sangsues  proprement  dites,  l'estomac  est  divisé  en 
une  série  de  chambres  comme  chez  les  Pontobdelles;  mais  ces 
loges,  au  lieu  d'être  simples,  se  renflent  de  chaque  côté  de  façon 
à  fprmer  des  sacs  plus  ou  moins  grands  et  oblongs.  On  compte 


(1)  La  porlion  antérieure  du  canal  d'antre  part  avec  un   intestin    grêle 

digestif  des  Ponlobdeilcs  constitue  un  cylindrique  (a). 
œsophage  cylindrique    qui    sV-largit  (2)  Le  pharynx   ou    œsophage  des 

peu  à  peu  et  se  confond  postérieure-  Aulastomes  est  remarquable  par  sa 

ment  avec  l'estomac.  Celui-ci  paraît  structure  charnue  et  les  plis  longilu- 

simple  extérieurement,  mais  à  Finie-  dinaux    saillants    qui    en   garnissent 

rieur  il  est   divisé   par  une  série  de  l'intérieur  ;  on  en  compte  douze,  dont 

cloisons  transversales  qui  sont  perfo-  trois,  plus  grands  que  les  autres,  cor- 

rées  au  milieu,  et  garnies  chacune  de  respondent  àla  base  des  mdchoires  (6). 

fibres  musculaires  disposées  en  ma-  L'estomac  offre  quelques  indices  d'une 

nière  de  sphincter.  La  dernière  des  division  en  neuf  chambres  égales,  et 

chambres  ainsi  constituées  se  Irouve  les  deux    cœcums  qui  le  terminent 

vers  le  tiers  postérieur  du  corps,  el  .sont  très  grêles.  L'intestin  est  au  con- 

communique  d'une  part  avec  l'appen-  traire  fort  grand,  et  présente  Jatéra- 

dice     caecal    mentionné     ci-dessus  ,  lement  des  boursouflures  (c). 


(a)  Bibiena,  De  Hirudine  sennones  quinque  (Commentarii  Instituti  Bo7ioniensis ,  1791,  t.  VII, 
pi.  S.fig.  5). 

—  Délie  Chiaje,  Memorie  sulla  storia  e  nolomia  degli  Animali  senza  vertèbre  di  NapoH,  t.  I, 
pi.  1,  fig.  14. 

—  Moquin-Tandon,  Monographie  de  la  famille  des  Hirudinées,  pi.  2,  ûg.  1  et  0. 

(6)  Pelletier  et  Huzard,  Op.  cit.  {Journal  de  pharmacie,  i  825,  t.  I,  pi.  i ,  fig.  5  et  1 2) 
(c)  Dellc  Chiaje,  Op.  cit.,  I.  I,  pi.  1,  flg.  10. 

—  Moquin-Tandon,  Op.  cit.,  p.  105,  pi.  9,  Ûg.  41, 

—  Milne  Edwards,  Annélides  du  Règne  animal  de  Cuvier,  pi.  2,  fig.  3. 


DES    VERS    DE    LA    CLAUSE    DES    AîNNÉLlDÉS.  .     hk'è 

onze  paires  de  ces  appendices  qui  sont  d'autant  plus  développés 
qu'ils  sont  situés  plus  loin  de  l'œsophage;  ceux  de  la  première 
paire  sont  à  peine  indiqués,  tandis  que  ceux  de  la  dernière 
paire  sont  très  vastes  et  se  prolongent  jusque  dans  le  voisinage 
de  l'anus,  de  chaque  côté  de  l'intestin  (1). 


(1)  L'œsophage  des  Sangsues  pro- 
prement dites  est  court,  membraneux, 
faiblement  plissé  en  long,  et  terminé 
par  un  sphiacter  puissant  qui  s'op- 
pose à  la  régurgitation.  Il  est  aussi  à 
noter  que  des  brides  musculaires  s'é- 
tendent de  sa  surface  externe  aux 
parties  voisines  des  parois  du  corps, 
et  ces  fibres  paraissent  jouer  un  rôle 
important  dans  la  succion.  L'estomac 
est  divisé  en  onze  chambres,  dont  la 
première  n'olfre  que  des  vestiges 
d'appendices.  Les  poches  stomacales 
des  premières  paires  sont  simples  et 
arrondies,  mais  les  suivantes  se  re- 
couibent  en  arrière,  et  se  recouvrent 
un  peu  mutuellement  quand  elles  sont 
gonflées;  celles  des  parties  moyennes 
de  la  série  sont  faiblement  bilobées, 
et  celles  de  la  dernière  paire  sont  un 
peu  étranglées  de  distance  en  dis- 
tance. Le  pylore,  ou  entrée  de  l'intes- 
tin, est  infundibuliforme  et  pourvu 
d'un  sphincter  très  fort  (a).  L'intes- 
tin, qui  naît  de  l'extrémité  postérieure 
de  la  portion  médiane  de  l'estomac  et 
se  trouve  logé  entre  les  deux  poches 
gastriques  de  la  dernière  paire,  est 
grêle  et  présente  à  sa  partie  terminale 


un  renflement  que  les  naturalistes  ap- 
pellent cloaque^  mais  qui  ne  mérite  pas 
ce  nom,  car  ce  n'est  pas  un  émonctoire 
commun,  et  aucun  autre  appareil  ex- 
créteur n'y  débouche.  Enfin  l'anus  est 
situé  du  côté  dorsal  du  corps,  à  la 
base  de  la  ventouse  postérieure.  Cet 
orifice  est  difficile  à  apercevoir,  et  pen- 
dant longtemps  il  avait  échappé  aux 
recherclies  des  anatomistes  (6).  Du 
Rondeau  fut,  je  crois,  le  premier  à 
en   constater  l'existence  (c). 

Quelques  auteurs  considèrent  les 
poches  stomacales  postérieures  comme 
étant  des  réservoirs  alimentaires  seu- 
lement, mais  ces  appendices  ne  pa- 
raissent pas  diff'érer  des  autres.  Quand 
la  Sangsue  se  i;orge,  les  contractions 
péristailiques  de  son  corps  et  de  son 
estomac  poussent  tout  de  suite  le  li- 
quide alimentaire  dans  ces  poches  qui 
se  remplissent  les  premières,  mais  le 
sang  ne  s'y  accumule  que  par  l'efi^et 
de  la  pesanteur  ;  et  quand  l'Animal 
est  placé  la  tète  en  bas,  ou  suspendu 
de  manière  à  décrire  une  anse,  les 
matières  contenues  dans  son  tube  di- 
gestif affluent  toujours  dans  la  partie 
la  plus  déclive  (d). 


[a)  Voyez  Brandt  et  Ratzeburg,  Medicinliche  Zoologie,  t.  II,  pi.  29  A,  fig-.  19  et  20. 

^-  Moquin-Tandon,  Monographie  des  Hirudinées ,  pi.  9,  fig.  9. 

—  Quatrefages,  Annélides  du  Règne  animal  de  Cuvior,  pi.  24,  fig.  i  {c'est  aussi  à  ceUe  espèce 
qu'appartient  l'appareil  digestif  représenté  dans  le  même  ouvrage,  pi.  2,  fig.  2,  sous  le  nom  à'Hœ- 
mopis). 

(6)  Morand,  Op.  cit.  (Mém.  de  VAcad.  des  sciences,  1739,  p.  195). 

(c)  Du  Rondeau,  Op.  cit.  (Journal  de  physique,  1782,  t.  XX,  p.  286). 

(d)  Ébrard,  Noxwelle  monographie  des  Sangsues,  p.  170.  , 


hhfl      -  APPAREIL    DIGESTIF 

La  conformation  de  la  cavité  digeslive  est  à  peu  près  la  même 
chez  les  Hœmopis,  mais  les  poches  stomacales  sont  plus  forte- 
ment lobulëes  (1). 

CIiezlesBranchellions,  il  existe  aussi  de  chaque  côté  de  l'es- 
tomac une  série  de  poches  bilobées,  mais  ces  appendices  sont 
moins  nombreux  (2). 

Enfin,  chez  les  Glossiphonies  ou  Clepsines,  où  le  nombre  des 
poches  gastriques  est  également  réduit  à  six  ou  sept  paires,  ces 
appendices  sont  très  grêles,  et  ne  communiquent  avec  la  por- 
tion centrale  de  l'estomac  que  par  des  orifices  étroits;  dans  quel- 
ques espèces  elles  sont  plus  ou  moins  lobulées,  et  celles  de  la 
dernière  paire  sont  quelquefois  rameuses.  L'intestin,  qui  fait 
suite  à  l'estomac,  est  garni  aussi  de  cœcums  latéraux,  mais  les 
aliments  n'y  pénètrent  pas  directement  comme  dans  les  appen- 
dices stomacaux,  qui,  à  raison  de  cette  circonstance  et  de  la 
transparence  des  téguments,  sont  très  faciles  à  observer  (3). 


(1)  Cliez  l'Haemopis,  cliaciiiie  des 
poches  slomacales  est  bilobée,  et  le 
lobe  postérieur  tend  à  se  subdiviser 
en  lobules.  Celte  disposition  est  sur- 
tout remarquable  dans  les  sacs  de  la 
dernière  paire  (a).  M.  de  Filippi  a 
donné  une  description  très  différente 
de  l'appareil  digestif  de  ces  Hirudi- 
nées,  mais  ses  observations  se  rap- 
portent à  rAuiastonic  (h). 

i'I)  M.  Moquin  -  Tandon  a  trouvé 
chez  le  Branchellion  Torpedinis  six 
paires  de  poches  slomacales  bilobées, 
et  a  vu  les  deux  postérieures  se  pro- 
longer sur  les  côlés  de  Tin  teslin,  comme 
chez  la    plupart   des  autres  Ilirudi- 


nées  (c).  Mais  dans  le  Branchellion 
Orbigniensis  M.  de  Quatrefages  a  ren- 
contré une  paire  de  poches  stomacales 
dans  chaque  anneau  du  corps  jusqu'à 
Tanus  (rf). 

(3)  Chez  le  Glossiphonia  bioculata, 
on  voit,  derrière  le  pharynx  renfer- 
mant la  trompe,  un  estomac  cylindri- 
que garni  latéralement  de  six  paires 
d'appendices  ou  caecums  simples  :  ceux 
de  la  dernière  paire  sont  beaucoup 
plus  grands  que  les  autres,  et  se  pro- 
longent sur  les  côtés  de  la  portion 
suivante  du  tube  intestinal  qui  donne 
naissance  à  quatre  paires  de  poches 
latérales  ;  enlin  la  portion  terminale 


[a)  Moquin-Taiidon,  Op.  cit.,  pi.  G,  Cig.  S. 

(fe)  F.  de  iMlipfii,  Mem.  sugli  Anellidi  délia  fandglia  délie  SaïKjuesughe,  p.  M  ,  pi.  i ,  fig.  3. 

(c)  Moquin-Taiidon,  Op.  cit.,  p.  100,  pi.  1,  fig.  G. 

(d)  Quatrefages,  Mém.  sur  le  Branchellmi  [Ann.  des  sciences  nat.,  3°  série,  4852,  t.  XVlIi, 


D!:S    YEUS    DE    LA    CLASSE    DES    A>\>ÉL!DES. 


m 


Les  Hiriidinées  sont  pourvues  crun  appareil  snlivaire  composé     oi-anes 
d'une  multitude  de  petites  vésicules  disposées  en  grappes  et  réu-    ^''"dej""^' 

11)  1  /•  »  \     r\  ■  Hirudinces, 

mes  en  masse  autour  de  1  œsophage  (1).  On  remarque  aussi  sur 
les  parois  de  leur  estomac  une  couche  de  tissu  utriculaire  qui 
paraît  être  un  organe  hépatique  (2).  Mais  le  système  glandu- 


de  l'intestin  est  simple  et  flexueuse  (a). 

Cliez  la  Piscicole  géométrique  (ou 
Hœmocharis,  Sav.),  l'appareil  digestif 
est 'conformé  à  peu  près  de  même,  si 
ce  n'est  que  les  poclies  stomacales  sont 
beaucoup  plus  larges  et  plus  nom- 
breuses ,  car  on  en  compte  dix 
paires  (6). 

Chez  d'autres  Glossiphonies,  les  ap- 
pendices stomacaux  sont  grêles  et  plus 
ou  moins  branchus.  Celte  disposition 
se  voit  très  bien  chez  le  G.  sanguinea, 
quand  l'Animal  est  repu  de  sang  (c). 
Elle  est  encore  plus  marquée  chez 
le  Glossiphonia  catenigera  (cl)  et  le 
G.  marginata  (e). 

(1)  Les  glandes  salivaires  des  Sang- 
sues, découvertes  par  M.  Brandt,  con- 
sistent en  petites  ampoules  blanchâtres 
dont  les  canaux  excréteurs  se  réunis- 
sent entre  eux  et  débouchent  dans 
l'œsophage  (/").  Elles  forment,  par  leur 
assemblage,  une  masse  d'apparence 
grenue. 

La  structure  de  ces  glandes  est  à 
peu  près  la  même  chez  i'Uaemopis, 


mais  elles  forment  deux  masses  très 
distinctes  {g).  On  a  constaté  aussi 
l'existence  de  ces  glandes  salivaires 
chez  les  Ponlobdelles  et  chez  les  Bran- 
chiobdelles.  Chez  ces  dernières,  elles 
consistent  en  sixpairesde  petits  paquets 
d'uiricules  dont  les  canaux  excréteurs 
se  réunissent  autour  de  l'œsophage, 
et  la  base  de  la  trompe  {h). 

M.  Moquin-Tandon  considère  comme 
étant  aussi  des  glandes  salivaires  deux 
petits  organes  irrégulièrement  arron- 
dis et  rougeàtres,  qui  se  irouvcnt  dans 
les  quatrième  et  cinquième,  ainsi  que 
dans  les  sixième  et  septième  anneaux 
du  corps  de  la  Branchiobdelle,  et  qui 
paraissent  débouchei'  dans  la  portion 
antérieure  du  canal  digestif  (ij. 

(2j  Le  tissu  glandulaire  dont  il  est 
ici  question  constitue  ce  que  quelques 
anatomistes  ont  appelé  la  tunique 
villeuse  de  l'estomac.  Il  se  trouve 
principalement  vers  la  partie  centrale 
de  cet  organe,  dont  il  occupe  la  face 
inférieure  aussi  bien  que  la  face  supé- 
rieure. Sa  couleur  est  brunâtre,  et, 


(a)  Biidjo,  Op.  cit.  {Vei'handl.  des  NcUur .-historischen  Vereines  der  preussischen  Rhcinlande, 
1849,  pi.  5,fig.  13). 

{b)Leydis;,  Zur  Anatomie  von  Piscicola  gooiEolrica  {Zeilschr.  fur  wissensch.  Zool.,  1849, 
t.  I,  p.  110,  pi.  8,  fig.  24). 

(c)  Filippi,  Op.  cit.,  pi.  1,  fig.  15. 

(d)  Moquin-Tandon,  Op-  cit.,  pi.  14,  fig.  9. 

(e)  Fr.  Mi-iiler,  Ueber  Hirudo  lessellala  ztnrf  riiargiiiala  (Archiv  fur  Naturgeschichle,  1844,  t.  I, 
pi.  dO.fig.  14). 

(/■)  Brandt  et  Ralzeburg,  Medicinisclie  Zoologie,  t.  II,  p.  247,  pi.  29  A,  Cig.  22  cl  23. 
(g)  Moquin-Taiidon,  Op.  cit.,  p.  109,  pi.  6,  fig.  11. 

{h)  Quatrefages,  Op.  cit.  {.inn.  des  sciences  nat.,  3°  série,  1852,  t.  XVIll,  p.  296,  pi.  G, 
fig.  3). 

(i)  Moquin-Tandon,  Op.  cit.,  p.  109. 


4/|6  Al'PARKlL    DIGKSTIF 

Lenieur     lalrc  cst  très  peu  développé  chez  ces  Aniiiiaux,  et  en  général 

de 

la  digestion   leuF  ûigestion  ne  se  fait  qu'avec  une  grande  lenteur  (\).  Ainsi, 

chez  ^  r    r  '  ^ 

les  Sangsues,  lorsqu  uHC  Sangsuc  a  ete  gorgée,  elle  reste  pendant  plusieurs 
mois  sans  prendre  de  nourriture,  et  souvent  on  retrouve  du 


examiné  au  microscope,  il  se  monlre 
composé  d'une  multitude  d'utricules 
de  forme  irrégulière.  M.  Briindt 
considère  comme  des  canaux  excré- 
teurs les  prolongements  grêles  qu'on 
ea  voit  partir,  et  pense  que  ces  tubes 
vont  débouclier  dans  l'estomac  (a)  ; 
mais  M.  Leydig,  qui  vient  d'étudier 
de  nouveau  ces  organes,  n'adopte  pas 
cette  manière  de  voir.  Ce  naturaliste 
est  même  porté  à  croire  que  cette 
couche  n'est  pas  un  organe  hépatique, 
corfime  le  supposent  la  plupart  des 
auteurs  (6),  et  n'est  que  du  tissu  grais- 
seux, semblable  à  celui  qui  se  trouve. 
sur  d'autres  viscères  [c).  il  est,  en 
effet,  probable  que  des  cellules  adi- 
peuses s'y  rencontrent  ;  mais  la  ma- 
tière verdàtre  qui  est  souvent  évacuée 
par  les  Sangsues  paraît  être  un  pro- 
duit biliaire,  et  il  y  a  lieu  de  croire 
qu'elle  provient  des  glandules  logées 
dans  la  couche  tomenteuse  dont  l'es- 
tomac est  revêtu.  Cette  évacuation  de 
matières  verdîllres  par  l'anus  s'ob- 
serve surtout  chez  les  individus  qui 
sont  à  jeun  depuis  longtemps,  et  dans 
le  commerce  on  la  considère  comme 
un  signe  de  l'état  de  vacuité  des  or- 
ganes digestifs  et  d'aptitude  à  bien 
piquer  {d). 


(1)  Dans  une  série  d'expériences  faites 
par  M.  Ébrard,  la  digestion  a  duré,  en 
général,  plus  de  dix-huit  mois  ;  mais 
lorsque  les  Sangsues  sont  en  liberté  et 
dans  les  conditions  normales,  ce  «tra- 
vail est  beaucoup  moins  long  :  il  ne  pa- 
raît être  que  de  six  semaines  ou  deux 
mois  pour  les  trèsjeunes  individus,  dits 
germemenis;  de  trois  à  six  mois  pour 
les  individus  âgés  d'un  an,  dits  filets  ; 
de  cinq  ù  neuf  mois  pour  les  individus 
âgés  de  deux  à  trois  ans  ;  et  de  six  à 
quinze  mois  pour  les  vieux  individus, 
dits  vaches.  Il  est  aussi  à  noter  que 
la  digestion  est  ralentie  par  l'action 
du  froid  et  s'active  pendant  l'été.  Du 
reste,  les  Sangsues  sont  disposées  à 
piquer  de  nouveau  longtemps  avant 
que  d'avoir  digéré  tout  le  sang  dont 
leur  eslomacs'était  chargé  pendantun 
précédent  repas  (e).  Quand  elles  sont 
repues,  il  est  aussi  très  facile  de  les 
faire  dégorger  :  par  exemple,  en  les 
plongeant  pendant  quelques  instants 
dans  de  l'eau  salée,  puis  en  les  pres- 
sant entre  les  doigts;  et,  après  une 
huitaine  de  jours  de  repos,  elles  sont 
aptes  à  sucer  de  nouveau,  il  existe 
beaucoup  de  préjugés  relatifs  à  l'em- 
ploi des  Sangsues  qui  ont  déjà  servi, 
mais  la  pratique  des  hôpitaux  prouve 


{a)  Brandt  et  Ratzeburg,  Medicinische  Zoologie,  t.  II,  p.  246. 
(6)  Carus,  Traité  d'anatoniie  comparée,  t.  II,  p.  253. 

—  Blainville,  art.  Sangsues  {Dictionnaire  des  sciences  naturelles,  1827,  t.  XLVH,  p.  214). 

—  C.  B.  Jones,  On  the  Structure  of  the  Liver  {Philos.  Trans.,  1849,  p.  102). 

—  Moquin-Taudon,  Op.  cit.,  p.  109. 

(c)  Leydig-,  Lehrbuch  der  Histologie  des  Menschenund  der  Thiere,  1857,  \<.  366. 

(d)  Charpentier,  Monographie  des  Sangsues  médicinales,  1838. 

(e)  Ébrard,  Nouvelle  monographie  des  Sangsues,  p.  169  et  suiv. 


DES    VERS    DE    LÀ    CLASSE    DES    LEPTOZO.URES.  I\li1 

sang  dans  son  estomac  un  an  après  ce  repas.  Il  est  aussi  à 
noter  que  ce  lifjuide  ne  s'y  putréfie  pas,  et  que  son  mélange  avec 
les  sucs  gastriques  lui  fait  perdre  immédiatement  la  propriété 
de  se  coaguler  spontanément  (I). 

§  5.  — •  Le  mode  d'organisation  que  nous  venons  d'étudier 
chez  les  Annélides  suceurs  conduit  à  celui  qui  domine  dans 
une  classe  de  Vers  que  je  désignerai  ici  sous  le  nom  de  Lepto- 
zoAiREs  (2),  afin  de  rappeler  la  forme  déprimée  de  ces  Animaux, 
dont  les  uns  sont  parasites  et  constituent  l'ordre  des  Tréma- 
Iodes,  et  dont  d'autres  mènent  une  vie  errante  et  se  répartissent 
en  plusieurs  groupes,  tels  que  les  Planariés  et  les  Némer- 
tiens  (o).  En  efl'et,  chez  ces  Annelés  inférieurs,  l'analogue  de 


Appareil 

dig;estif 

des 

Leptozoaires. 


que  CCS  réapplica lions   sont  sans  in- 
convénient pour  les  malades  (a). 

La  digestion  s'eftecdie  beaucoup 
plus  rapidement  chez  les  Aulastonies. 
Ainsi,  dans  des  expériences  faites  par 
Johnson,  trois  de  ces  Animaux  n'of- 
fraient, au  bout' de  cinq  jours,  aucun 
vestige  du  corps  d'autres  Sangsues 
qu'ils  avaient  dévorées;  et  chez  un 
quatrième  individu  le  cadavre  trouvé 
dans  son  estomac,  après  un  séjour  de 
même  durée,  était  à  moitié  digéré  (6). 

(1)  Le  siuig  éprouve  d'autres  alté- 
rations par  son  séjour  dans  Testoniac 
des  lliradinées;  il  s'épaissit,  devient 
visqueux  et  noircit. 

(2)  De  XsTîTÔ;,  mince,  et  'Cwov,  ani- 
mal. 

(3)  Dans  l'état  actuel  de  la  science, 
il  est  très  difficile  de  bien  classer. les 
Animaux  dont  se  compose  le  sous- 
embranchement  des  Vers,  non-seule- 
ment parce  qu'il  règne  beaucoup 
d'incertitude  relativement  à  la  struc- 


ture intérieure  de  plusieurs  d'entre 
eux,  mais  encore  parce  que  nous  ne 
connaissons  pas  encore  d'une  manière 
suffisante  la  valeur  zoologique  des 
modifications  qui  se  remarquent  dans 
leur  organisation  ;  aussi  y  a-t-il  pres- 
que autant  de  systèmes  difterenls  de 
classification  pour  ces  Animaux  qu'il 
y  a  d'ouvrages  consacrés  à  leur  étude, 
et  il  est  très  difficile  de  se  faire  bien 
entendre  quand  on  fait  usage  de  la 
plupartdesnoms  de  groupes  générale- 
ment usités,  parce  que  ces  noms  sont 
employés  dans  un  sens  un  peu  différent 
par  chaque  auteur.  Je  ne  pourrais, 
sans  sortir  du  cadre  tracé  pour  ce 
Cours,  discuter  ici  la  valeur  des  divi- 
sions adoptées  par  les  divers  zoolo- 
gistes du  moment  actuel,  ni  exposer 
les  raisons  qui  me  portent  à  réunir 
dans  une  même  classe  les  Turbellariés 
de  M.  Ehrenberg,  les  Trématodes  et 
même  les  Gestoïdes  ;  mais  à  mesure 
que   nous   avancerons    dans   l'étude 


(a)  Soubeiran,  Sur  le  commerce  des  Sangsues,  sur  les  moyens  de  les  multiplier,  et  sur  l'emploi 
des  Sangsues  qui  ont  déjà  servi,  p.  27  (extr.  du  Bulletin  de  l'Acad.  de  médecine,  1848). 
(())  Johnson,  A  Treatise  on  Ihe  médicinal  Leech,  p.  56. 


[idS  APPAREIL    DIGKSTIF 

l'intestin  des  Sangsues  disparaît  d'ordinaire,  ainsi  que  l'anus,  et 
l'appareil  digestif  est  réduit  aux  parties  correspondant  à  celles 
qui  composent  la  bouche ,  le  pharynx  et  l'estomac  rameux  de 
ces  derniers  Vers.  Il  en  résulte  que  chez  la  plupart  des  Lepto- 
zoaires,  sinon  chez  tous,  la  cavité  ahmentaire  ne  communique 
au  dehors  que  par  un  seul  orifice,  la  bouche,  comme  chez  les 
^oophytes  inférieurs. 
orjro  Chez  les  Trématodes,  cette  ouverture  se  trouve  vers  l'extrémité 

des 

T, cmatodes.  antéricurc  du  corps  (1),  et  quelquefois,  chez  les  Fascioles  (2) 
ou  Distomes,  par  exemple,  elle  occupe  le  fond  d'une  ventouse 
céphalique,  comme  chez  les  Sangsues.  D'autres  fois  la  bouche 
est  située  entre  deux  de  ces  organes  préhensiles,  disposition  qui 
se  voit  chez  les  Tristomes.  Enfin  il  est  aussi  des  Animaux  de 
ce  groupe,  tels  que  les  Polystomes,  où  les  ventouses  manquent 
complètement  dans  cette  région  du  corps,  et  alors  cet  orifice 
est  pourvu  d'un  bulbe  charnu  pharyngien  (Ô).  La  portion  sui- 
vante delà  cavité  alimentaire  est  toujours  courte,  et  d'ordinaire 
se  bifurque  bientôt  pour  constituer  deux  longs  caecums  qui  sont 
tantôt  simples,  d'autres  fois  plus  ou  moins  rameux  {k), 

anatomique  et  physiologique  du  règne  coup  de  Piumluauls,  ainsi  que  chez  le 

Animal,  j'aurai  souvenl  l'occasion  de  Clieval,  le  Lapin,  le  Cochon,  clc. 

montrer  comhien  ces  Vers  ont  réelle-  (3)  Dans  le  genre  Rhopalophorus, 

ment  entre  eux  des  liens  de  parenlé  où  l'appareil  digestif  est  conformé  de  la 

zoologique.  même  manière  que  chez  les  Bislomes, 

(1)  Le  Gasterostomum  fimbriatmn  il  existe  de  chaque  côlé  de  la  ventouse 
fait  exception  à  cette  règle  :  sa  houche  buccale  un  appendice  prolraclile  et 
est  située  vers  le  milieu  de  la  face  in-  cylindrique  qui  a  l'apparence  d'une 
férieure  de  son  corps  (a).  trompe  et  qui  est  hérissé  de  crochets. 

(2)  Le  genre  Fasciola  (sous-genre  Ces  singuliers  organes  ressemblent 
Cladocœlium  de  i\l  Dujardin)  est  con-  beaucoup  aux  appendices  cépliaiiques 
fondu  avec  celui  des  Disiomcs  par  la  des  Tétrarhynques,  et  servent  à  l'Ani- 
[)lupart  des  auteurs,  mais  doit  en  être  mal  pour  s'accrocher  aux  parois  de 
séparé;  il  ne  renferme  que  la  Douve  l'intestin  des  Sarigues,  où  il  vit  (6). 
du  foie,  qui  se  rencontre  chez  beau-  (/j)  La  bifurcation  de  la  cavilé  di- 

(a)  Siebold  etSlannius,  Nouveau  Manuel  d'anatomie  comparée,  1. 1,  p.  130. 
(6)  Diosing,  Sechszelm  Gattungen  von  Binnemuûrineru  und  ihre  Arien,  pi.  1,  llg.  7  (Mém.  de 
l'Acad.  de  Vienne,  1855,  l.  IX). 


DES    VEHS    DE    LA    CLASSE    DES    LEPTOZOAIKES.  lik^d 

Ce  dernier  mode  d'organisation  est  facile  à  constater  chez 
la  Douve  du  foie ,  qui  se  rencontre  très  communément  dans 
les  vaisseaux  hépatiques  du  Mouton.  En  effet,  ces  Vers  sont 
en  général  gorgés  de  bile,  et  la  couleur  foncée  de  cette  sub- 
stance rend  leur  appareil  digestif  fort  apparent  à  travers  les 
téguments.  En  les  observant  à  la  loupe,  dans  cet  état  de  réplé- 
tion,  ou  mieux  encore  après  avoir  injecté  dans  leur  estomac 
une  matière  colorante  telle  que  l'indigo,  on  voit  que  cette  cavité 
est  constituée  par  une  paire  de  canaux  rameux  dont  les  arbo- 
risations s'étendent  dans  toutes  les  parties  du  corps  et  sont 
partout  terminées  en  csecums  (1).  La  disposition  de  ce  système 


gestive  (appelée  laniùt  estomac,  d'au- 
tres fois  intestin,  par  les  diiïérents 
auteurs)  est  presque  générale  chez  les 
Trématodes,  mais  ne  s'observe  pas 
chez  le  Diplozoon  paradoxum,  où  un 
gros  tronc  stomacal  médian  règne  dans 
toute  la  longueur  du  corps  et  fournit 
de  chaque  côté  un  grand  nombre  de 
branches  rameuses.  Lorsque ,  après 
l'accouplement  ,  les  deux  individus 
conjugués  se  sont  soudés  entre  eux  de 
façon  à  affecter  la  disposition  bizarre 
qui  se  voit  dans  les  figiu-es  de  ces' 
Vers  données  par  M.  Nordmann ,  il 
y  aurait,  d'après  ce  zoologiste,  une 
communication  directe  entre  les  deux 
cavités  digestives  (a)  ;  mais  M.  Van 
Beneden  a  constaté  récemment  que 
cette  disposition  n'existe  pas  {b).  Il 
est  aussi  à  noter  que  chez  ce  singulier 
Trémalode,  on  aperçoit  dans  le  pha- 
rynx un  organe  conique  et  très  mobile 


qui  paraît  être  analogue  à  la  trompe 
des  Glossiphonies,  etc. 

Chez  VAspidogaster  conchicola  la 
poche  stomacale  est  également  im- 
paire, mais  elle  ne  donne  pas  nais- 
sance à  des  branches  latérales,  et  reste 
simple  dans  toute  sa  longueur  (c). 

(1)  La  bouche  de  la  Fasciole ,  ou 
Douve  du  foie,  a  la  forme  d'une  cnpule 
dont  les  parois  sont  de  consistance  car- 
tilagineuse et  revêtues  d'une  masse 
charnue  qui  constitue  un  bulbe  pha- 
ryngien. Un  tube  droit  en  part,  et  pres- 
que aussitôt  se  divise  en  deux  troncs 
qui  se  portent  à  peu  près  parallèle- 
ment jusqu^à  l'extrémité  postérieure  du 
corps,  et  qui, chemin  taisant,  donnent 
naissance  à  une  multitude  de  branches. 
Les  principales  divisions  ainsi  formées 
se  ramifient  beaucoup, et,  en  se  portant 
en  dehors,  gagnent  les  côtés  du  corps. 
Toutes  ont  la   forme  de  vaisseaux  à 


(a)  î\orimaan,  Mikrograpliische  Bellrâgezior  Naturgeschlchle  der  lulrbellosen  Thiere,  t.  1,  (.l.  5, 
%.  2. 

(6)  Van  Bonoileii,  Mém.  sur  les  Vers  intestinaux,  p.  39,  pi.  i,  fig-.  1. 

((.•)  Baer,  [ieitrage  xur  Kenntniss  der  niederii  Thiere  {Nova  Acta  Acad.  Cœs.  Leupold.  Carol. 
Naturoi  curiosorum,  1827,  t.  XIU,  pi.  18,  fig.  4,  etc.). 

—  Aubcrt,  Ueberdus  Wassergefàsssijstem,  die  Eibildung  und  die  Entivickelung  des  Aspidogaster 
{Zcilschr.  fiir  luissensch.  Zoologie,  1854,  t.  VI,  pi.  14,  fiij.  1). 

V.  29 


/i.50  APPAREIL    DIGESTIF 

gastro-vascuîaire  ressemble  beaucoup  à  celle  des  canaux 
hépatiques  que  nous  avons  vue  chez  les  Gastéropodes  dits 
Phlébentérés.   Seulement ,  ici ,   la  poche  stomacale  et  l'in- 


parois  minces  et  gibbeuses  ;  elles  ne 
s'anastomosent  jamais  entre  elles  et 
se  terminent  chacune  en  cul-de- 
sac  (o). 

Chez  le  Polystome  de  la  Grenouille 
(P.  integerrimum),  l'appareil  dipestif 
affecte  également  la  forme  d'un  sys- 
tème gastro-vasculaire  fort  rameux  ; 
mais  les  deux  troncs  principaux  sont 
plus  écartés  et  se  réunissent  entre 
eux  dans  la  partie  postérieure  du 
corps  ;  il  est  aussi  à  noter  que  plu- 
sieurs des  grosses  branches  qui  en 
naissent  s'anastomosent  directement 
entre  elles  dans  la  région  dorsale  (b). 

Chez  VOnchocotxjle  appendiculata. 
Ver  très  voisin  des  précédents,  les 
deux  grands  caecums  intestinaux  sont 
couverts  de  végétations  creuses  qui 
donnent  à  leurs  parois  l'apparence 
d'un  tissu  glandulaire  (c).  Il  en  est  à 
peu  près  de  même  chez  le  Calceo- 
stoma  elegam  [d). 

La  disposition  de  l'appareil  digestif 
est  à  peu  près  la  même  chez  le  Tri- 
stoma  coccineum.  Le  bulbe  buccal  est 
suivi  d'un  œsophage  très  court  qui  se 


sépare  bientôt  en  deux  tubes  stoma- 
caux subcylindriques.  Ceux-ci,  après 
s'être  beaucoup  écartés  l'un  de  l'au- 
tre, se  réunissent  au-devant  de  la 
ventouse  postérieure,  de  manière  à 
former  un  cercle,  et  ils  donnent  nais- 
sance à  un  grand  nombre  de  branches 
rameuses  ;  mais  ces  dernières  sont 
plus  grêles  que  chez  les  Douves  (e). 

Chez  VEpibdcUa  hijpoglossi,  qui  a 
été  jusque  dans  ces  derniers  temps 
considéré  comme  une  Hirudinée,  mais 
qui  paraît  être,  en  réalité  ,  un  ïristo- 
mien,  l'appareil  digestif  est  disposé  à 
peu  près  de  même  que  chez  les  Tri- 
slomes;  seulement  les  branches  qui 
naissent  de  la  grande  anse  stomacale, 
au  lieu  d'avoir  la  forme  de  vaisseaux 
rameux,  consistent  en  gros  caecums 
branciius  (/■). 

Le  Nitschia  elegans,  que  quelques 
auteurs  ont  rangé  aussi  parmi  les  Hiru- 
dinées  ig) ,  présente  le  même  mode 
d'organisation  (h),  et  doit  prendre  éga- 
lement place  dans  la  tribu  des  Tristo- 
miens.  La  même  remarque  s'applique 
au  genre  Axine  [i). 


(a)  Mehlis,  Observaliones  anatomieœ  de  Distomate  hepatico  et  lanceolato,  p.  1-4,  fig.  4. 

—  Blanchard,  Recherches  sur  l'or ganisatmi  des  Vers,  pi.  i,  fig.  1  (Voyage  en  Sicile,  t.  III). — 
Atlas  du  Règne  animal  àe  Cuvier,  Zoophytes,  pi.  36,  fig.  1. 

(6)  Baer,  Beitrâge  stw  Kenntniss  der  niedern  Thiere  [Nova  Acta  Acad.  Nat.  curios.,  1827, 
t.  XllI,  pars  II,  pi.  32,  fig.  7). 

—  Blanchard,  Recherches  sur  l'organisme  des  Vers,  p.  135,  pi.  6,  fig.  4. 

(c)  Van  Beneden,  Mém.  sur  les  Vers  intestinaux,  p.  56,  pi.  5,  fig.  2  et  8  (extr.  du  Supplément 
aux  Comptes  rendus  de  l'Acad.  des  sciences,  1859,  1. 11). 

(d)  Van  Beneden,  Op.  cit.,  pi.  7,  fig.  3. 

{e)  Blanchard,  Op.  cit.,  p.  127,  pi.  H  ,  fig.  1  b,  et  Atlas  du,  Règne  animal  de  Cuvier,  Zoophytes, 
pi.  36  bis,  fig.  1  b. 

(f)  Van  Beneden,  Op.  cit.,  p.  24,  pi.  2,  fig.  3. 

[g)  Moquin-Tandon,  Monographie  des  Hirudinées,  1846,  p.  394. 

(h)  Baer,  Beitrâge  %ur  Kenntniss  der  niedern  Tliiere  {Nova  Acla  Acad.  Nat.  curios.,  1827, 
t.  Xm,  pars  II,  pi.  32,  fig.  2). 

(i)  Van  Beneden,  Mém.  sur  les  Vers  iiiteslinaux,  p.  52. 


DES    VERS    DE    LA    CLASSE    DES    LEPTOZOAIRES.  451 

testin  dont  ces  Mollusques  sont  pourvus  manquent  complè- 
tement. 

Comme  exemple  de  Trématodes  à  caecums  gastriques  simples, 
c'est-à-dire  non  ramifiés,  je  citerai  les  Distomes  proprement 
dits,  les  Monostomes,  les  Amphistomes  et  les  Holostomes  (1). 


(1)  Chez  les  Distomes  proprement  La  forme  des  caecums  est  la  même 
dits,  l'œsopliage  est  plus  allongé  que  chez  les  Brachylèraes  (e).  Dans  quel- 
chez  les  Douves,  et  décrit  quelquefois  ques  figures  ces  appendices  sont 
plusieurs  courbures  avant  de  se  bifur-  représentés  comme  se  réunissant  à 
quer  :  par  exemple,  chez  le  Distoma  leur  extrémité  postérieure  chez  le 
perlatum,  qui  vit  dans  l'intestin  de  la  Distoma  tereticoUe{f),  mais  c'est  une 
Tanche  (a).  Dans  ce  genre,  les  deux  erreur  du  dessinateur  (51). 
grandscsecumsquiennaissentsonttrès  Les  caecums  gastriques  sont  égale- 
étroits  et  à  peine  dilatés  postérieure-  ment  grêles  et  allongés  chez  les  Holo- 
ment,  où  ils  se  terminent  isolément  (6).  slomes  (h)  et  la  plupart  des  Mono- 

Ghezle  Distoma  Buccinimutabilis,  stomes  (i). 
l'extrémité  postérieure  de  l'œsophage  Chez  les   Diplostomes  ,   l'appareil 
est  plus  renflée  (c),  et  une  disposition  digestif  présente  aussi  ce  mode  d'or- 
analogue  se  remarque  chez  le  Z)/sfoma  ganisation  ,    mais   les  deux  caecums 
globiporum  (d).  se  renflent  graduellement  d'avant  en 


(a)  Nordraann,  Mikvographische  Beitrâge  *U7' Natiirgeschichte  der  wirbellosen  Thiere,  1. 1,  pi.  9, 
fig.  i  {Aim.  des  sciences  nat.,  t.  XXK,  pi.  19,  fi^.  i). 

{b)  E.xemples  :  le  Distoma  gloUporum  (voy.  Ehrenbei-g,  Ziisâtze  zur  Erkenntniss  grosser  orga- 
nischen  Ausbildung  in  deii  klelnstea  thierischeii  Organismen  {Mén.  de  l'Acad.  de  Berlin  pour 
1835,  p.  178,  pi.  i,ùg.  1). 

—  Le  Distoma  lanceolatum  (voy.  Blanchard,  Op.  cit.,  pi.  8,  fig.  1). 

—  Le  Distoma  korridum,  trouvé  dans  les  uretères  du  Boa  constrictor  (voy.  Leidy,  Descript.  of 
tiuo  species  of  Distoma,  in  Joiirn.  of  the  Acad.  of  Nat.  Hist.  of  Philadelphia,  2»  série,  t..  I,  pi.  43, 
Ûg.  2). 

—  Le  Distoma  militare  Erinacei  (voy.  Van  Beneden  ,  Mém.  sur  les  Vers  intestinaux,  pi.  9, 
fig.  8  et  9). 

(c)  Voyez  P.  de  Filippi,  Mém.  pour  servir  à  l'histoire  génétique  des  Trématodes  {Mém.  de  l'Acad. 
de  Turin,  2=  série,  t.  XVI,  pi.  2,  ûg.  16). 

(d)  Burmeisler,  Distomum  globiporum  ausfûhrlich  beschrieben  {Archiv  fur  Naturgesch.,  1835, 
t.  II,  pi.  2,  tig.  1). 

(e)  E.\emple  :  le  Brachylœmus  cylindraeeus  (voy.  Mayer,  Beitrâge  x,ur  Anatomie  der  Entowen. 
1841,  pi.  3,  fig.  17  ;  —  Blanchard,  Op.  cit..  pi.  8,  fig.  2  a). 

—  Brachylœmus  Erinacei  (voy.  Blanchard,  Op.  cit.,  pi.  6,  fig.  2). 

ifj  Voyez  Jurine,  Note  sur  la  Douve  à  long  cou  (Fasciola  Lucii)  {Ann.  des  sciences  nat.,  1823, 
t.  II,  p.  493,  pi.  23,  fig.  4). 

—  Schmatz,  Tab.  Anat.  Entozoorum,  pi.  8,  fig.  2  et  3. 

(g)  Siebold  et  Stannius,  Nouveau  Manuel  d' anatomie  comparée,  1. 1,  p.  131. 

—  Jurine,  Op.  cit.  (Mém.  de  la  Société  d'histoire  naturelle  de  Genève,  1823,  t.  M,  pi.  4, 
%.  4,  5). 

(h)  Exemple  :  VHolostomum  alatum,  qui  se  rencontre  dans  l'intestin  du  Pienard  (voy.  Blanchard, 
Op.  cit.,  pi.  7,  fig.  1  a). 

(i)  E»mple  :  le  Monostoma  verrucosum,  qui  se  trouve  dans  les  intestins  du  Canard  (voy.  Blan- 
chard, Op.  cit.,  pi.  9,  fig.  2). 


/|52  APPAREIL    DIGESTIF 

Vers  cesioides.  §  6.  — ■  Lcs  flcux  tiibes  cligestils  que  nous  venons  de  trouver 
chez  les  Distomes  ressemblent  beaucoup  à  des  canaux  longitu- 
dinaux qui  se  voient  sur  les  côlés  du  corps  chez  les  Ténias  et 
les  autres  Vers  de  la  division  des  Cestoïdes;  mais  chez  ces 
derniers  Entozoaires  il  ne  paraît  exister  aucune  communica- 
tion entre  ces  vaisseaux  latéraux  et  une  ouverture  buccale; 
aussi ,  quoique  la  plupart  des  zoologistes  les  considèrent 
comme  remplaçant  les  fonctions  d'un  appareil  digestif,  quelques 
observateurs  leur  refusent  ce  nom,  et  les  rapportent  à  un 
appareil  sécréteur  dont  nous  aurons  à  nous  occuper  ailleurs. 
Dans  l'état , actuel  de  nos  connaissances  ,  la  question  peut 
paraître  indécise  ,  et  je  me  bornerai  à  y  ajouter  que,  chez  le 
Ténia,  ces  tubes,  au  nombre  de  deux,  communiquent  entre 
eux  d'anneau  en  anneau  par  une  séri*e  de  branches  transver- 
sales simples  (i).  Chez  plusieurs  Cestoïdes  on  aperçoit,  entre 


arrière  (a).  Enfin,  ciiez  les  Aniphislo-  orale,  est  une   masse  nuiscnlaire  de 

mes,  ils  sont  I)eauconp  plus  larges,  et  forme  ovalaire  dont  l'axe  est  parcouru 

ressemblent  à  des  sacs  allongés  plutôt  par  le  commencement  du  canal  ali- 

qu'à  des  tubes  (6).  Ces  organes  sont  menlaire.  La  structure  en  a  été  étu- 

encore  plus   renllés   chez  le  Mono-  diée  par  M.  Van  Beneden  (e). 
stomabijugum{c)  ;  enfin,  chez  le  J/o-  (1)  Les  canaux  latéraux  du  Ténia, 

nostomamutabile,oii\hson[é[roils,i\s  qu'il  ne  faut  pas  confondre  avec  les 

se  réunissent  et  communiquent  entre  vaisseaux  beaucoup  plus  grêles  dont 

eux  par -leur  extrémité  postérieure,  j'ai  déjà  eu  l'occasion  de  parler  en 

de  façon  à  former  une  anse  {d).  faisant  l'histoire  des   organes   de   la 

Il  est  aussi  à  noter  que  chez  les  circulation  (/"),  sont  des  tubes  cylin- 

Trémalodcs  le  bulbe  pharyngien,  qui  driques  à  parois  membraneuses ,  qui 

es!  situé  immédiatement  derrière  la  régnent  sans  interruption  dans  toute 

bouche,  et  semble  quelquefois  se  con-  la  longueur  du  corps  de  l'animal,  ou 

fondre  avec  la  base  de  la  ventouse  de  la  série  des  Animaux  réunis  en 

(a)  Exeni[jle  ;  lo  Diplostomum  volvens,  qui  se  trouve  dans  le  corps  vitré  de  l'œil  chez  la  Perche  et 
plusieurs  aulres  Poissons  (voy.  Nordmann,  Op.  cit.,  pi.  3,  fig.  1  et  2  ;  pi.  i,  [\g.  G;  — Ann.  des 
sciences  nnl.,  l.WS.,  ]i].  18,  fig.  i  et  2;  pi.  '19,  fig'.  i). 

(b)  Exemple  :  yAmpliistomum  conicum  (voy.  Laurer,  DisqulsUiones  anatomicœ  de  Amphistomo 
co?iico,  disscrl.  inaug.,  Gryphix,  1S:10.  fij.  12,  21 ,  22  ;  — Blanchard,  Op.  cU.,p\.  10,  fig.  2  6.  2  c). 

(c)  Miescher,  neschi'eUning  und  Udlersuchung  der  Monusloma  bijugum,  11,'.  7.  liaslc,  183S. 

(d)  Van  Boni'dcn,  Ulém.  sur  les  Vers  intestinaux,  \k  71,  pi.  12,  fig.  3. 
{c)  Idem,  ibii/.,  [)l.  8,  fig.  4',  10,  H ,  etc. 

(/■)  Tome  111,  [lage  286. 


DES    VERS    DE    L.V    CLASSE    DES    LKPTOZOAlRES.  /lOO 

les  ventouses  céplialiqiies  ou  les  poches  qui  en  tiennent  lieu, 
et  qui  logent  des  appendices  proboscidiformes,  une  petite  fos- 
sette que  beaucoup  de  naturalistes  considèrent  comme  une 


chaîne  (ou  strobile';,  si  l'on  considère 
chaque  segment,  ou  cuculan,  comme 
formanl  im  individu  disUnct  (on  pro- 
ylottis),  opinion  qui  aujourd'hui  pré- 
vaut parmi  les  zoologistes.  Souvent  il 
est  facile  de  distinguer  ces  canaux  à 
travers  les  téguments,  sans  prépara- 
lion  ;  mais  pour  les  mettre  bien  en 
évidence,  il  est  bon  de  les  injecter 
comme  l'ont  fait  Ernst ,  Carlisle  et 
beaucoup  d'autres  helminlhologis  - 
les  (a).  On  voit  alors  qu'ils  sont  sim- 
ples et  ne  se  ramifient  pas,  mais  com- 
muniquent entre  eux  par  une  branche 
anastomotique  transversale  près  du 
bord  antérieur  de  chaque  segment,  ou 
progîottis.  Les  anciens  helmintholo- 
gistes  croyaient  qu'ils  débouchaient 
au  dehors  par  les  pores  génitaux  qui 
se  trouvent  sur  les  côtés  du  corps,  et 
dans  les  figures  anatomiques  que 
M.  Délie  Chiajc  en  a  données,  cette 
disposition  est  nettement  indiquée  (6), 
de  façon  à  faire  considérer  ces  ori- 
fices comme  étant  autant  d*e  bouches  ; 
mais  il  n'y  a  en  réalité  aucune  com- 
munication de  ce  genre,  et  ces  canaux 
sont  complètement  fefmés  latérale- 
ment (c;.  ^I.  Platner  a  cru  aper- 
cevoir des  valvules  dans  leur  intes- 


tin [d)  ;  mais  ses  observations  ont  été 
infirmées  par  les  recherches  plus  ré- 
centes de  ^I.  Van  Beneden  (e).  Ces  ca- 
naux naissent  à  la  base  des  ventouses 
qui,  au  nombre  de  quatre,  garnis- 
sent l'extrémité  antérieure  du  Ver, 
et  quelques  zoologistes  ont  considéré 
ces  derniers  organes  comme  étant 
des  l)ouc.hes,  tandis  que  d'autres  ont 
pensé  qu'il  existe  entre  ces  suçoirs 
un  pore  buccal  central  ;  mais  il  est 
bien  reconnu  aujourd'hui  qu'il  n'y  a 
dans  ce  point  aucune  commuiiicaiion 
directe  entre  les  canaux  latéraux  et 
l'extérieur.  M.  Blanchard  pense  qu'à 
leur  extrémité  antérieure  ces  tubes 
sont  en  rapport  avec  une  sorte  de  la- 
cune où  les  matières  alimentaires  ar- 
riveraient à  travers  le  tissu  perméable 
des  ventouses,  et  que  c'est  par  cette 
voie  que  ces  matières  pénétreraient 
dans  leur  intérieur  (/").  :\Iais  M.  Van 
Beneden,  en  se  fondant  sur  des  re- 
cherches faites  sur  d'autres  Vers  de  la 
mèmeclasse,  repousse  cette  opinion, et 
croit  devoir  admettre  que  les  tubes  la- 
téraux de  tous  ces  Animaux  ne  sont 
pas  des  cavités  digestives  ,  mais  des 
organes  sécréteurs. 

Les  observations  de  ce  dernier  natu- 


(a)  Ernst,  Dissertatio  de  Tœnia.  Basileae,  1743,  p.  31. 

^  Carlisle,  Observ.  upon  the  Structure  and  Œconomy  of  Tœnia  {Trans.  oflhe  Linnean Society, 
■l'9-i,t.ni. 

(6)  Délie  Chiaje,  Compendio  di  elmintografia  umana,  1825,  pi.  7,  fig.  2,  el  Mein.  suUastona 
e  notomia  degli  Animall  senza  vertèbre  di  Napoli,  1. 1,  pi.  12,  fîg.  2. 

iciRudolphi,  Entrjzoorumhist.  nat.,  t.  I,  p.  266  et  suiv. 

—  Owen,  art.  EStozoa  (Todd's  Cyclop.  of  Anat.  and  Physiol.,t.  H,  p.  131). 

—  Blanchard,  Op.  cit.,  pi.  14,  fiir.  2. 

(d)  Platner,  Beobachtuiig  ara  Darmkanal  der  Taenia  soliura  {:Mûller's  Archiv  fur  Anat.  und 
PhysioL,  1838,  p.  572,  pi- 13,  %.  4  et  h): 

(e)  Van  Beneden,  Recherches  snr  la  Faune  liltoraU  de  Belgique  :  Vers  cestoïdes,  p.  40  (extr. 
des  Mém.  de  VAcad.  de  Bi-uxelles,  1  850,  t.  XXV). 

if)  Blanchard,  Op.  cit.,  p.  152. 


/|54  APPAREIL    DIGESTIF 

bouche ,  mais  cette  cavité  se  termine  presque  aussitôt  en  cul- 
de-sac  et  ne  peut  avoir  aucune  importance  physiologique  (1). 
Quoi  qu'il  en  soit  de  la  détermination  de  ces  parties,  il  est  pro- 


raliste  portent  principalement  siirl'ylM- 
thobothrium  cornucopia,  VEcheneibo- 
thrium  variabile,  et  le  Ligula  simpli- 
cissima;  mais,  d'après  la  description 
qu'il  donne  des  canaux  latéraux  de  ces 
Vers,  il  me  paraît  probable  que  ses  ob- 
servations s'appliquent  aux  analogues 
des  vaisseauxqui,chezle  Ténia,  coexis- 
tent avec  les  tubes  réputés  gastriques  et 
qui  ont  été  considérés  par  M.  Blanchard 
comme  constituant  un  appareil  circula- 
toire. En  effet,  M.  Van  Benedenditque 
de  chaque  côté  du  corps  il  y  a  deux  ou 
même  trois  de  ces  vaisseaux,  et  qu'ils 
sont  reliés  entre  eux  par  des  branches 
transversales  beaucoup  plus  nom- 
breuses que  dans  l'appareil  dit  gastro- 
vasculaire  du  Ténia  (a).  Or  ces  ca- 
ractères se  remarquent  précisément 
dans  le  système  réputé  vasculaire  qui, 
chez  ce  dernier  Ver,  coexiste  avec  les 
grands  canaux  latéraux,  ainsi  qu'on 
peut  s'en  convaincre  en  jetant  les 
yeux  sur  les  figures  que  M.  Blanchard 
en  a  données  (6).  M.  Van  Beneden 
ajoute  que,  chez  Y Echeneibothrium, 
chacun  des  deux  vaisseaux  du  même 
côté  pénètre  dans  la  bothridie  cépha- 
lique  correspondante,  s'y  recourbe  en 
anse,  et  après  y  avoir  fourni  des  ra- 
muscules ,  redescend  pour  s'anasto- 
moser avec  son  congénère  ;  enfin  qu'à 
l'extrémité  postérieure  du  corps,  tous 
ces  vaisseaux  longitudinaux  se  ter- 


minent dans  une  petite  vésicule  mé- 
diane qui  à  son  tour  débouche  au  de- 
hors par  un  pore  (c).  Ce  serait  là, 
comme  on  le  voit,  une  disposition 
semblable  à  celle  du  système  vascu- 
laire des  Douves  {d),  lequel  n'a  aucune 
relation  avec  l'appareil  digestif  de 
ces  Animaux ,  et  est  considéré  par 
M.  Van  Beneden  comme  un  système 
urinaire,  tandis  que  M.  Blanchard  le 
regarde  comme  un  système  circula- 
toire. 11  reste  donc  à  savoir  si,  chez  les 
Cestoïdes  dont  il  est  ici  question,  les 
analogues  des  tubes  réputés  gaslro- 
vasculaires  chez  les  Ténias  manque- 
raient ou  seraient  unis  aux  vaisseaux 
décrits  par  M.  Van  Beneden. 

(1)  Cette  fossette,  en  forme  de 
bouche ,  a  été  aperçue  chez  des 
Bothriocéphales  par  Bremser  et  par 
F.  Leuckart  (e).  Chez  les  Scolex,  ou 
individus  agames  de  quelques  espèces 
de  Télrarhynques  ou  de  Phyllo- 
bolhrium,  cet  orifice  occupe  le  sommet 
d'un  tubercule  céphaloïde,  et  se  laisse 
apercevoir  très  distinctement(/")  ;  mais 
chez  les  Strobiles  on  n'en  dislingue 
que  rarement  des  traces. 

Quelques  anatoraistes  ont  pensé  que 
les  gaines  des  appendices  proboscidl- 
formes  des  Tétrarhynques  remplis- 
saient le  rôle  de  cavités  digestives  (g), 
mais  cette  opinion  ne  paraît  avoir 
aucun  fondement  soUde. 


(a)  Van  Beneden,  Recherches  sur  la  Faune  litt.  de  Belgique:  Vers  cestoïdes,  p.  38. 

(6)  Blanchard,  Rech.  sur  l'organisation  des  Yej's  {Voyage  en  Hicile,  t.  111,  pi.  14,  Hg.  2  et  4) 

(c)  Van  Beneden,  Op.  cit.,  p.  40,  pi.  3,  fig.  2  et  13. 

(d)  Voyez  ci-dessus,  tome  111,  page  279. 

(e)  F.  S.  Leuckart,  Zoologische  Briichstucke,  1819,  p.  22. 
(0  Voyez  Van  Beneden,  Op.  cit.,  pi.  1,  lig.  2,  6,  7,  etc. 

(9)  J.  Mùller,  Berlcht,  Archiv  fur  Anat.  iind  Physiol.,  1836,  p.  cvî. 


des 
Planoriées, 


DES    VERS    DE    LA    CLASSE    DES    LEPTOZO AIRES.  ^55 

bable  que  ces  Helminthes  se  nourrissent  principalement,  sinon 
exclusivement,  par  l'absorption  des  matières  déjà  digérées  par 
les  Animaux  dans  l'organisme  desquels  ils  vivent,  absorption 
qui  doit  pouvoir  s'effectuer  par  tous  les  points  de  la  surface  de 
leur  corps,  et  qui  paraît  devoir  rendre  inutile  l'existence  d'une 
cavité  stomacale  (i). 

§  7.  __  Dans  le  groupe  des  Planariées,  ou  Dendrocéliens  de  Appm^J 
M.  Ehrenberg  (2),  la  disposition  de  l'appareil  digestif  ressemble 
beaucoup  à  ce  que  nous  venons  de  rencontrer  chez  les  Fasci- 
coles,  ou  Douves  :  seulement  il  n'y  a  pas  de  ventouses  ;  la 
bouche  est  reportée  plus  en  arrière,  vers  le  milieu  de  la  face 
inférieure  du  corps  (3);  il  y  a  souvent  une  trompe  protractile, 
et  l'œsophage  est  remplacé  par  une  poche  stomacale  assez  vaste, 
d'où  partent  les  nombreuses  branches  d'un  système  gastro- 
vasculaire.  De  même  que  chez  les  autres  Leptozoaires  dont  il 
vient  d'être  question,  l'anus  manque  (II). 

(1)  Par  l'absence  d'une  cavité  sto-  rieure  du  corps,  et  qui  ont  été  con- 
macaie,  ces  Vers  ressembleraient  donc  fondus  avec  les  Planariées  par  la  pUi- 
aux  Écliinorhynques,  dans  la  division  part  des  anatomistes  ,  appartiennent 
des  Nématoïdes  (a).  à  des  groupes  voisins  :  les  uns  sont 

(2)  Il  existe  beaucoup  d'incertitude  des  Rhabdocéliens,  les  autres  des  Né- 
relativement  aux  limites  naturelles  de  niertiens. 

l'ordre  des  Planariées,  et  la  plupart  Chez  quelques  espèces,  cet  orifice 

desanatouiistesy  ontrangédes  espèces  est  situé  à  peu  de  dislance  de  l'extré- 

qui  paraissent  devoir  prendre  place,  mité  antérieure  du  corps,  par  exemple 

soit  dans  le  groupe  des   Rhabdocé-  dans  les  genres  Proceros  et  Frosthio- 

liens,  soit  dans  celui  des  Némertiens.  stomum  (c)  ;  mais,  en  général,  il  se 

J'y  réunis  tous  les  Leptozoaires  mo-  trouve  beaucoup  plus  loin  en  arrière, 

noïques  acolytes  (6)  et  à  estomac  ra-  et  occupe  à  peu  près  le  milieu  de  la 

meux.  face   inférieure   du  corps,  ainsi  que 

(3)  Les   Prostomes  et  les   autres      cela  se  voit  chez  le  Polycœlis  lœvi- 
Leptozoaires    acolytes ,    qui    ont   la      gatus  (d). 
bouche   située    à    l'extrémité    anlé-  (/i)  L'existence  d'un  anus  n'a  été 

(a)  Voyez  ci-dessus,  page  420. 

{b)  C'esl-à-dire,  dépourvues  de  ■ventouses. 

(c)  Quairefages,  Mém.  sur  quelques  Planariées  marines  {Voyage  en  Sicile,  1. 11,  pi.  6,  fig.  6  et  4), 

(d)  lA&m,  ibid.,  pi.  i,  fig.  2&,  et  Atlas  du  Règne  animal  de  Cuvierj  Zoophvtes  ,  pi.  38, 
fig'.  "U. 


456  APPAUKIL    DIGESTIF 

Le  suçoir  de  ces  Vers  à  corps  déprimé  varie  beaucoup  dans 
sa  forme.  Chez  les  uns,  il  est  cylindrique,  et  ressemble  à  la 
trompe  que  nous  avons  déjà  vue  chez  divers  Annélides  infé- 
rieurs ;  chez  d'autres,  il  s'élargit  vers  le  bout,  de  façon  à  res- 
sembler à  une  trompette;  enfin,  chez  plusieurs  de  ces  Animaux, 
il  consiste  en  un  disque  ou  un  grand  voile  disposé  en  manière 
d'entonnoir  et  plissé  ou  même  fortement  lobé  sur  le  bord.  Dans 
l'état  de  rétraction ,  cet  organe  se  loge  dans  une  grande 
cavité  buccale,  et,  lorsqu'il  se  déploie  au  dehors,  il  acquiert  en 
général  une  longueur  très  considérable  (1). 


bien  constatée  chez  aucun  Ver  de  cet 
ordre.  L'orifice  que  M.  Dellc  Chiaje  a 
figuré  sous  ce  nom  chez  son  Planaria 
auranliaca  n'est  autre  chose  que  le 
pore  géniial,  et  n'a  aucune  relation 
avec  rappareil  digestif  [a). 

(1)  Les  Ibnctions  de  la  trompe  des 
Planariées  a 'été  bien  constatée  pour 
la  première  fois  par  J.  Johnson  (6); 
mais  le  jeu  en  a  été  mieux  observé 
par  Dugès,  à  qui  l'on  doit  beaucoup 
do  recherches  intéressantes  sur  l'ana- 
tomie  et  la  physiologie  de  ces  Ani- 
maux (c).  La  disposition  de  cet  organe 
dans  l'état  de  repos  se  voit  très  bien 
dans  "les  figures  anatomiques  données 
par  M.  de  Quatrefages  [d). 

Comme   exeriiple  de  Planariées  à 


trompe  cylindrique  et  charnue,  je 
citerai  le  Prostoma  lineare,  où  la  por- 
tion antérieure  de  cet  organe  est 
hérissée  de  petites  pointes  épider-  • 
miques  (e),  et  le  Polycladus  Gayi,  où 
il  est  terminé  par  deux  bourrelets 
labiaux  (f).  La  trompe  du  Planaria 
torvd,  ou  P.  subtentaculata  de  Du- 
gès ((/),  et  du  Planaria  lactea  (h),  est 
également  cylindrique  dans  l'état  de 
repos,  mais  s'évase  en  forme  de  trom- 
pette, lorsqu'elle  se  déploie  au  de- 
hors. 

Chez  d'autres  espèces ,  cet  organe 
s'élargit  et  s'arrondit  en  forme  de 
disque  ou  de  cupule  :  par  exemple, 
chez  le  Stylochus  maculatus  (^},  etc. , 
Chez  le  Leptoplana  tremellaris  (j),  le 


(a  Délie  Chiaje,  Descrix-ione  e  notomia  degli  Animait  invertebrati  délia  Sicilia  citeriore,  t.  Ht, 
p.  134,  pi.  109,  fig-.  19.  .     ,., 

{b)  i.  Pi.  Jolinson,  Ûbserv.  on  the  genus  Planaria  (Philos.  Trans.,  1822,  p.  437). 

(cj  Dugès,  Recherches  sur  l'organisation  et  les  mœurs  des  Planariées  (Ann.  des  sciences  nat., 
i"  série,  1828,  t.  XV,  p.  152). 

{d}  Quatrefages,  Mém.  sur  quelques  Planariées,  pi.  G,  fig.  4  ot  5  ;  pi.  7,  fig.  4. 

(e)  ŒrsteJ,  System.  Eùilheilung  der  Plattwiirmer,  pi.  1,  fig.  13. 

(f)  Blanchard,  Rechej'ches  sur  V organisation  des  Vers  [Voyage  en  Sicile,  t.  I,  pi.  1,  fig.  1  B, 
1  c,  1  d). 

{(])  Dugès,  Op.  cit.,  pi.  4,  fig.  18  et  23. 

(h)  Baer,  Beitrdge  %ur  Kenntniss  der  niedern  Thiere  [Nova  Acta  Acad.  Nat.  curios.,  1827, 
t.  XIll,  pi.  33,  fig.  8  et  9). 

—  (Ersted,  Op.  cit.,  pi.  l,fig.  14  et  15, 
(i)  Quatrefages,  0;).cU.,  pi.  6,  fig.  2, 
(i)  Dugès,  Op.  cit. 


DES    VERS    DE    LA    CLASSE    DES    LEPTOZOAIRES.  /i57 

L'ouverture  pharyngienne  de  cette  trompe  est  entourée  d'un 
sphincter  qui  affecte  parfois  la  forme  d'un  bulbe  musculaire, 
et  elle  débouche  en  général  directement  dans  la  poche  stoma- 
cale. Celle-ci  est  tantôt  arrondie,  d'autres  fois  très  allongée,  et 
presque  toujours  elle  donne  naissance  latéralement  à  un  certain 
nombre  de  canaux  qui  se  ramifient  dans  les  parties  périphériques 
du  corps,  et  y  constituent  souvent,  en  s'anastomosant  entre  eux, 
un  lacis  gastro-vasoulairc  très  riche.  En  dernier  Heù,  toutes  ces 
branches  se  terminent  en  caecums,  et  chez  la  plupart  de  ces 
Animaux  on  n'a  remarqué  rien  de  particulier  dans  la  structure 
de  ces  canaux  ;  mais  dans  quelques  espèces  de  Planariées  dont 
le  dos,  au  lieu  d'être  lisse,  comme  d'ordinaire,  est  couvert  de 
gros  tubercules  papilliformes,  il  en  est  autrement;  car  le  sys- 
tème gastro-vasculaire  envoie  dans  -chacun  de  ces  appendices 
cutanés  un  prolongement  en  forme  d'ampoule,  qui  est  très 
contractile,  et  qui  ressemble  beaucoup  aux  caecums  terminaux 

Planocera  peUucida  (a,  et  quelques  sucer  le  sang    Leur  U'ompe,  formée 

autres  espèces,  il  s'élargit  au  point  de'  par  un  repli  circulaire  de  la  membrane 

ressembler  aux  filets  que  les  pêcheurs  muqueuse  du  pharynx,  est  garnie  de 

connaissent  sous  le  nom  d'éperviers.  fibres  musculaires  disposées,  les  unes 

Enfin,   chez    la  Planaire  lichénoïde,  circulairement,  les  autres  d'une  ma- 

son  bord  libre  s'étend  sous  la  forme  nière  radiaire,  et  l'irritabilité  de  cet 

de  grands  lobes  froncés  et  d'une  lar-  organe  est  si  persistante,  que  souvent 

geur  remarquable  (6;.  on    le   voit  continuer  à   fonctionner 

D'ordinaire    ces   Vers    s'enroulent  pendant  fort  longtemps  après  avoir 

autour  du  corps  dont  ils  veulent  se  été  séparé  du  reste  du  corps  :  par 

repaîlre,  et  y  appliquent  l'extrémité  son  extrémité  antérieure  il  continue 

libre  de  leur  trompe.  Quand  la  proie  à  s'emparer  des  corpuscules  qu'il  ren- 

n'est  pas  trop  volumineuse  pour  pas-  contre,  et  les  fait  passer  par  l'orifice 

ser  par  l'orifice  pharyngien,  ils  l'en-  opposé,  qui  est  devenu    libre,   mais 

gloutissent  promptement;  mais,  dans  qui,  dans   l'état  normal,   conduisait 

le  cas  contraire,  ils  se  bornent  à  en  dans  l'estomac  {c\ 


(a)  Merlens,  Untersuchunocn  ûber  den  innera  Bail,  vevschiedenei'  in  der  See  lebender  Plana- 
rien  {Mém.  de  l'Acad.  de  Saint-Pétersbourg,  G=  série,  1833,  t.  II,  pi.  2,  fig.  3,  4  et  5j. 

(b)  Mertens,  Op.  cit.,  pi.  1,  fig.  3. 

—  Œrsled,  Op.  cit.,  pi.  d  2,  fig.  2. 

(c)  Dugès,  Op.  cit.,  p.  155. 

—  Baer,  Op.  cit.,  pi.  33,  fig.  19. 


/|58 


APPAREIL    DIGESTIF 


du  système  des  tubes  gastro-liépa tiques  dans  les  branchies  dor- 
sales des  Mollusques  de  la  famille  des  Éolidiens  (1). 


(1)  M.  de  Qiiatrefages  a  étudié  très 
attentivement  le  mode  de  conforma- 
tion de  l'estomac  et  de  ses  dépen- 
dances chez  plusieurs  espèces  de 
Planariées,  et  a  montré  qu'il  existe 
à  cet  égard  de  nombreuses  varia- 
tions. 

Chez  le  ProsthiosLomum  arctum  (o), 
l'orifice  postérieur  de  la  trompe  donne 
directement  dans  une  poche  stoma- 
cale conique  très  allongée,  qui  occupe 
la  ligne  médiane  du  corps  et  se  pro- 
longe jusqu'à  son  extrémité  posté- 
rieure. De  chaque  côté  ce  réservoir 
central  donne  naissance  à  une  série 
de' tubes  qui  ne  tardent  pas  à  se  rami- 
fier. Ceux  de  la  première  paire,  plus 
gros  que  les  autres,  se  portent  en 
avant,  de  chaque  côté  de  la  cavité 
pharyngienne,  et  arrivent  jusque  dans 
la  région  frontale,  après  avoir  fourni 
un  grand  nombre  de  branches  laté- 
rales; les  suivants  se  dirigent  direc- 
tement en  dehors,  et  se  ramifient  de 
façon  à  fournir  chacun  une  douzaine 
de  caecums  terminaux.  Les  divisions 
de  ce  système  gaslro-vasculaire  se 
trouvent  ainsi  répandues  dans  toutes 
les  parties  du  corps,  et  il  est  à  noter 
que  nulle  part  elles  ne  s'anastomosent 
entre  elles. 

La  disposition  de  l'appareil  digestif 
est  à  peu  près  la  même  chez  le  Poly- 


clados  Gayi  et  le  Proceros  velutimis, 
dont  M.  Blanchard  a  fait  connaître  la 
structure  ;  seulement ,  chez  la  pre- 
mière de  ces  Planariées,  les  branches 
secondaires  du  système  gastro  -  vas- 
culaire  sont  plus  allongées  et  sub- 
parallèles (6),  et  chez  la  seconde  les 
branches  de  la  paire  antérieure  ne 
sont  pas  plus  développées  que  les 
suivantes  (c). 

Chez  le  Proceros,  oii  l'estomac  est 
également  allongé  et  intestiniforme, 
la  moitié  postérieure  de  cet  organe 
ne  fournit  aucune  branche  et  con- 
stitue un  cul-de-sac  simple,  tandis 
que  les  prolongements  nés  de  la  moi- 
tié antérieure  se  ramifient  dans  toute 
l'étendue  du  corps  [d). 

Chez  les  Planariées  dont  la  bouche 
est  située  vers  le  milieu  de  la  face 
inférieure  du  corps,  l'orifice  pharyn- 
gien est,  en  général,  recouvert  par  la 
poche  stomacale,  et  ce  réservoir,  dont 
la  forme  est  ovalaire,  ne  se  prolonge 
que  peu  en  arrière,  mais  fournit  laté- 
ralement et  en  avant  plusieurs  grosses 
branches  qui  divergent  dans  tous 
les  sens  et  se  ramifient  partout.  Chez 
le  Planaria  lactea  (e),  le  Planocera 
pellucida  {f)  ^  le  Polycelis  paUidus  {g), 
le  Stylochus  maculatus  {h) ,  les  ca- 
naux ainsi  constitués  ne  s'anasto- 
mosent pas  entre    eux  ;   mais,  dans 


(a)  Quatrefages,  Mém.  sur  les  Planariées  {Voijage  en  Sicile,  t.  II,  pi.  6,  fig.  4). 
(!))  Blanchard,  Organisation  des  Vers  {Voyage  en  Sicile,  t.  III,  pi.  1,  fig.  1  6). 
(c)  Idem,  ibid.,  pi.  3,  fig.  2  c. 
{d)  Quatrefages,  Op.  cit.,  pi.  6,  fig.  5. 

(e)  Baer,  Op.  cit.  (Nova  Acta  Acad.  Nat.  curies.,  1.  XllI,  pi.  33,  fig.  8). 
—  Diigès,  Op.  cit.  (Ann.  des  sciences  nat.,  t.  XV,  pi.  4,  fig.  IT). 

(f)  Mertens,  Op.  cit.  (Mém.  de  l'Acad.  de  Saint-Pétersbourg,  6'  série,  t.  Il,  pi.  2,  fig.  i  à  i). 
{g)  Quatrefages,  Op.  cit.,  pi.  6,  fig.  l. 

(ft)ldera,  ibid.,  pi.  6,  fig.  2. 


DES    VERS    DE    LA    CLASSE    DES    LEPTOZOAIRES.  459 

§  8,  —  L'appareil  digestif  des  Rhabdocéliens  (1)  ressemble 
beaucoup  à  celui  des  Planariées ,  si  ce  n'est  que  l'estomac 
rameux  de  ceux-ci  est  remplacé  par  une  grande  poche  simple, 
terminée  en  cul-de-sac  et  revêtue  intérieurement  de  cils  vibra- 
tiles.  La  bouche  de  ces  Vers  varie  beaucoup  dans  sa  position,  et 
se  trouve  quelquefois  vers  le  tiers  postérieur  de  la  face  infé- 
rieure du  corps  (2).  En  général,  la  trompe  est  très  forte,  mais 
courte,  et  elle  est  inerme,  comme  chez  les  Planariées. 


Appareil 

digestif 

des 

Rhabdocéliens. 


tl'aiUres  Planariées ,  ils  se  ramifient 
de  façon  à  former  un  réseau  à  mailles 
serrées.  Cetle  disposition  a  été  con- 
statée par  M.  de  Quatrefages  chez  les 
espèces  à  dos  papilleux  dont  il  a 
formé  le  genre  Eolideceros  (a),  groupe 
qui  ne  paraît  pas  différer  du  genre 
Thysanozoon  de  iM.  Grube.  C'est  des 
points  de  réunion  de  ces  branches 
anasiomotiques  que  naissent  les  cae- 
cums ou  ampoules  qui  se  logent  dans 
les  appendices  papilliformes  du  dos 
de  ces  Animaux.  11  est  aussi  à  noter 
que,  chez  ces  dernières  [%nariées, 
l'estomac,  qui  est  grand  et  allongé, 
est  rattaché  à  l'extrémité  postérieure 
du  pharynx  par  un  œsophage  étroit. 

M.  Délie  Chiaje  a  figuré  aussi  le 
système  gastro-vasculaire  sous  la  forme 
d'un  réseau  chez  la  Planariée  qu'il 
désigne  sous  le  nom  de  P.  auran- 
tiaca  (b). 

(1)  Le  nom  de  Rhabdocœîa  a  été 
introduit  dans  la  science  par  M.  Ehren- 
berg  (c),  mais  en  y  donnant  une  ac- 
ception beaucoup  plus  étendue  que  je 


ne  le  fais  ici,  car  ce  zoologiste  l'appli- 
quait aux  Gordius,  aux  Nais,  aux 
i\émertes ,  etc.  M.  OErsted  l'a  res- 
treint aux  Animaux  dont  il  est  ques- 
tion ici  (d),  et  j'ajouterai  que  le  groupe 
ainsi  composé  me  semble  devoir  con- 
stituer, avec  les  Planariées,  une  divi- 
sion naturelle  à  laquelle  on  pouvait 
conserver  le  nom  de  Tarbellaria,  que 
M.  Ehrenberg  employait  dans  un  sens 
plus  large,  mais  moins  convenable,  à 
mon  avis. 

(2)  Dans  les  genres  Vortex  et  Dero- 
stoma,  la  bouche  est  située  à  la  face 
inférieure  du  corps,  mais  à  peu  de 
distance  du  bord  frontal,  et  livre  pas- 
sage à  une  trompe  charnue  de  forme 
plus  ou  moins  ovoïde  qui,  dans  l'état 
de  rétraction,  se  place  symélrique- 
ment  sur  la  ligne  médiane  du 
corps,  et  paraît  être  suivie  immédiate- 
ment par  un  grand  sac  stomacal  qui 
se  prolonge  jusqu'à  la  partie  posté- 
rieure du  corps.  De  chaque  côté  de 
l'œsophage  M.  Schultze  a  trouvé  un 
petit  groupe   d'utricules  pédoncules 


(a)  Quatrefages,  Op.  cit.,  pi.  5,  ûg.  i  c. 

(6)  Délie  Chiaje,  Descri%.  e  notom.  degli  Anîmali  invertehr.  délia  Sicilia  citeriore,  pi.  109, 
fig.  19. 

(c)  Ehrenberg,  Symbolcephysicce,  seu  Icônes  et  descriptiones  Animalium  evertebratorum  sepo- 
sitis  Insectis,  quœ  ex  itinere  Africam  borealem  et  Asiam  occidentalevi  F.  Hcmprich  et  C.  Ehren- 
berg sttidio  novœ  aut  illustratœ  redierunt.  Decas  1  :  Phytozoa  turbellaria,  1831. 

[d)  OErsted,  Platttvûrmer,  p.  59. 


Appareil 

digestif 

des 

Némerliens. 


Zl60 


APPAREIL    DIGESTIF 


§  9.  —  Les  Némertiens  (1),  qui  par  leur  forme  générale 
ressemblent  beaucoup  aux  Planariées  et  davantage  encore  aux 
Rhabdocéliens,  .mais  qui  s'en  éloignent  par  plusieurs  caractères 
organiques  d'une  grande  importance,  sont  très  difficiles  à  bien 
étudier.  En  effet,  leur  corps  est  si  contractile  et  si  facile  à 


qui  paraissent  consliluer  des  glandes 
salivaires  [a). 

Cliez  les  Macrostomes,  la  bouche, 
qui  a  la  forme  d'une  grande  fcnle 
longitudinale,  se  trouve  beaucoup  plus 
en  arrière,  et  il  ne  paraît  pas  y  avoir 
de  trompe  ni  de  bulbe  pharyngien 
charnu  (6). 

Dans  le  genre  Mesostomum  (c),  la 
bouche  se  trouve  vers  le  tiers  posté- 
rieur du  corps,  et  la  trompe  a  la  forme 
d'uji  disque  ou  d'une  cupule  à  peu 
près,  comme  nous  l'avons  vu  chez 
plusieurs  Planariées. 

Dans  le  genre  Opistomum,  celte 
ouverture  est  rejetée  encore  plus  loin 
en  arrière,  et  la  trompe,  qui  est  grosse 
et  cylindrique,  se  place  obliquement 
dans  l'élat  de  rétraction  (d). 

Le  genre  !\licroslome  paraît  établir 
le  passage  entre  les  Pdiabdocéliens  or- 
dinaires et  les  ^émertiens,  car  les  sexes 
y  sont  séparés  comme  chez  ces  der-^ 
niers.  Mais  l'appareil  digestif  est  dis- 
posé comme  chez  les  premiers.  La 
bouche,    dépourvue   de   trompe,    se 


trouve  vers  le  tiers  antérieur  du  corps 
et  donne  immédiatement  dans  une 
grande  poche  stomacale  qui,  suivant 
M.  Schultze,  s'ouvrirait  au  dehors  par 
un  pore  anal  si\ué  à  l'extrémité  posté- 
rieure du  corps  (e). 

(1)  Les  Némertienset  les  Planariées 
sont  les  principaux  membres  de  la 
classe  des  Turbellariées,  telle  que 
\1.  Ehrenberg  a  établi  cette  divi- 
sion (/).  l\lais  M.  Blanchard,  qui  réu- 
nit les  Planaires  aux  ïrématodesdans 
la  classe  des  Anévormes,  en  exclut 
les  Némertiens,  qu'il  considère  comme 
devant  constituer  une  classe  particu- 
lière (g).  Quelques-uns  de  ces  Vers 
sont  remarquables  par  leur  grandeur. 
Ainsi  \eBorlasia  Angliœ  {h)  s'allonge 
souvent  de  façon  à  avoir  3  ou  Zi  mè- 
tres de  long,  et  ÎMontagu  parle  d'un, 
individu  qui  aurait  eu  30  yards  de 
longueur,  c'est-à-dire  environ  30  mè- 
tres («').  Tous  ces  Animaux  parais- 
sent se  nourrir  en  suçant  le  corps  de 
divers  Mollusques  ou  en  avalani  des 
Infusoires. 


(a)  Scliiiltze,  Beitvàge  %ur  Katurgeschichte  der  Turbellarien,  1851,  pi.  3,  fig.   i,  et  pi.  4, 
ùg.  1  et  2. 

(6)  Idem,  ibid.,  pi.  5,  fig.  3  et  4. 

(c)  Exemples  ;  Mesostomum  Ehrenbergi  (voy.   Focke,  Planarla  Ehrerlbergi,  Ann.  des  M'ienev 
Muséum,  t.  I,  pi.  17,  fig.  1). 

—  Mesostomum  oblusum  et  M.  marmoi'atum  (voy.  Sciiultze,  Op.  cit.,  pi.  5,  fig.  1  cl  2). 

(d)  Schullze,  Op.  cit.,  pi.  3,  fig.  1  et  2. 

(e)  Idem,  Ueber  die  Milirostomeen,  eine  Familie  der  Turbellarien  (Archiv  fur  Naturgeschichte, 
1849,  1. 1,  p.  280,  pi.  (i,  fig.  1). 

(f)  Ehrenlierg,  Symbolœ  physicœ. 

(g)  Blanchard,  Recherches  siir  l'organisalioii-des  Vers,  p.  47  {Voyage  en  Sicile,  t.  III). 
(Il)  Voyez  Qualrefages,  Atlas  du  Règne  animal  de  Cuvier,  Zoophytes,  pi.  33. 

(i)  Montagu,  Descript.  of  several  Marine  Animais  found  on  ihe  South  coast  nf  Devonshire 
[Tr ans.  of  the  Linnean  Society,  1804). 


DES    VEllS    DE    LA    CLASSE    DES    LEI'TOZOAlliES.  /|61 

rompre,  qu'il  est  presque  impossible  de  les  disséquer  d'une 
manière  satisfaisante,  et  en  général  leurs  téguments  sont  trop 
opaques  pour  se  prêter  à  l'observation  des  organes  intérieurs 
par  transparence.  Aussi  y  a-t-il  peu  d'Animaux  sur  la  structure 
desquels  plus  d'opinions  discordantes  aient  été  émises,  et,  dans 
l'état  actuel  de  la  science,  il  serait  prématuré  de  se  prononcer 
sur  plusieurs  questions  dont  la  solution  est  en  général  très 
facile  :  par  exemple ,  la  présence  ou  l'absence  d'un  arius,  et 
même  sur  la  détermination  de  la  partie  fondamentale  de  l'ap- 
pareil digestif,  c'est-à-dire  la  cavité  stomacale. 

Deux  ouvertures  sont  en  général  fort  apparentes  à  l'extré- 
mité antérieure  du  corps  :  l'une  terminale,  l'autre  située  à  la 
face  inférieure  de  ce  que  l'on  pourrait  appeler  la  tête  du 
Némertien.  Le  premier  de  ces  orifices  livre  passage  à  une 
énorme  trompe  (1)  qui  est  creusée  d'un  canal  central,  et  qui  se 
continue  postérieurement  avec  un  tube  membraneux  intestini- 


(1)  Othon  Fabricius,  zoologiste  da-  de  cet  organe  et  ses  rappoiis  avec  les 

nois  fort  distingue  du  siècle  dernier,  parties  voisines  ;  ils   l'ont   considéré 

a   constaté  l'existence  de  la  trompe  comme  étant  la  voie  par  laquelle  les 

des  Némerliens,  mais  il  a  cru  que  cet  aliments   arrivent   dans  l'organisme, 

organe  naissait  de  rorifice  céplialique  et    par  conséquent   ces    auteurs  ap- 

postérieur  (a).  Quelques  auteurs  plus  pellcnt  bouche  Torifice  aniérieur  par 

modernes  ont  pris  cet  appendice  pro-  lequel  cet  appendice   se  déroule  au 

tractile   pour   un  pénis    {b).    Dugcs,  dehors  (c).  La  même  détermination  a 

.M.  Ehrenberg  et  Johnson  furent  les  été  adoptée  par  MM.  de  Quatrefages, 

premiers  à  faire  connaître  la  structure  (loodsir  et  Williams  {d). 

(a)  0.  Fabricius,  Beskrivelse  over  i  Met  bekjende  Fiai-Orme  {Sknvter  af  Xaturhistorle-Sels- 
kabet,  1798,  t.  II,  part.  2,  pi.  xi,  fi?.  -H). 

(b)  Hiischlie,  Beschreibimg  uni  Anatomie  eines  neueii  bei  Sicilien  gefundeneii  ileerwurmes  : 
Notospcrraus  drenanensis  (Isis,  1830,  t.  XXIII,  p.  681,  pi.  7,  fig.  2  à  5). 

—  Œrsied,  Etitwurf  elner  systemallschen  Eintheilung  uni  speciellen  Beschreibung  der  Plalt- 
7uûrmer,  pi.  3,  fij.  41 . 

(c)Dugès,  AperçAi  de  quelques  observations  nouvelles  sur  les  Planaires,  etc.  (Ann.  des  sciences 
nat.,  1"  série,  1830,  i.  XXI,  p.  140). 

—  Ehrenborsr,  Symbolœ  physicœ  Anim.  evcrtebr.  :  Polyioa  lurbellar'ia,  ii°  30. 

—  Jolinson,  Mscellanea  Zoologica  (Mag.  ofZool.  ani  Botany,  1837,  t.  I,  p.  530). 
(d)  Quairefjgcs,  Méni.  sur  la  famille  des  Xémertiens  {Voyage  en  Sicile,  t.  II,  p.  1 57) . 

—  Goodsir,  Descript.  nf  sortie  giganlic  Formes  of  Iiwertebrate  Animais  {Ann.  of  Nat.  Ilist., 
1845,  t.  XV,  p.  279). 

—  Vi'iWiams,  Bejiort  on  the  British  Annelida  {Beport  of  the  21"  Meeting  of  the  British  Asso- 
ciation held  at  Ipswich  in  1851,  p.  343,  1852). 


462  APPAREIL    DIGESTIF 

forme  dont  l'extrémité  est  fermée  (1).  La  seconde  ouverture 
céphalique  conduit  dans  une  grande  cavité  qui  règne  dans  toute 
la  longueur  du  corps,  qui  d'ordinaire  présente  de  chaque  côté 
une  série  de  prolongements  en  forme  de  caecums,  et  qui  ne  pa- 
raît avoir  aucune  communication  directe  avec  l'intérieur  du  tube 
intestiniforme  dépendant  de  la  trompe  (2).  M.  de  Quatrefages, 
qui  a  publié  un  beau  travail  anatomique  sur  ces  Animaux,  pense 
que  cette  dernière  cavité  n'est  autre  chose  qu'une  chambre 
viscérale ,  que  l'orifice  situé  à  sa  partie  antérieure  est  un  pore 
génital,  et  que  le  tube  aveugle  qui  fait  suite  à  la  trompe  est  un 
estomac  terminé  en  cul-de-sac;  mais  d'autres  naturalistes  con- 


(1)  M.  T.  Williams,  dont  les  ob- 
servations sur  la  disposition  générale 
de  -la  trompe  des  Némertiens  et  des 
annexes  de  cet  organe  s'accordent, 
pom*  la  plupart,  avec  celles  faites  pré- 
cédemment par  M.  de  Quatrefages, 
décrit  et  figure  le  tube  intestiniforme 
en  question  comme  ouvert  à  son 
extrémité  postérieure,  et  débouchant 
au  dehors,  sur  le  côté,  vers  le  tiers 
antérieur  du  corps  (a).  Johnson  avait 
cru  voir  ce  même  tube  se  prolonger 
jusqu'à  l'extrémité  postérieure  du 
corps  et  s'y  ouvrir  par  un  anus  ter- 
minal (6),  mais  ni  l'une  ni  l'autre 
de  ces  dispositions  n'existe.  M.  de 
Quatrefages  a  très  bien  constaté  que 
le  tube  qui  fait  suite  à  la  trompe,  et 
qui  est  désigné  sous  le  nom  d'intestin, 
se  termine  en  cul-de-sac  (c),  et  der- 
nièrement ce  fait  a  été  vérifié  par 
M.  Schultze  {d). 

(2)  L'absence  de  toute  communica- 


tion directe  entre  le  canal  du  tube 
intestiniforme  et  la  grande  cavité 
située  au-dessous  n'est  mise  en  doute 
par  aucun  des  anatomistes  qui,  depuis 
quelques  années,  se  sont  occupés  de 
l'étude  des  Némertiens;  et,  par  con- 
séquent, la  plupart  des  auteurs  qui 
considèrent  ce  dernier  réservoir  comme 
un  estomac  admettent  que  les  aliments 
y  arrivent  par  l'orifice  céphalique 
postérieur,  sans  passer  parla  trompe. 
Mais  M.  Williams  conçoit  les  choses 
autrement  :  il  décrit  la  grande  cavité 
en  question  comme  étant  fermée  de 
toutes  parts,  mais  il  y  attribue  les 
fonctions  d'une  poche  digeslive,  et 
suppose  que  les  matières  nutritives  y 
sont  transmises  de  l'intestin  (ou  tube 
postproboscidien  )  par  endosmose.  Il 
y  donne  le  nom  de  grand  cœcum 
alimentaire  (e),  mais  il  n'apporte  à 
l'appui  de  son  opinion  aucun  fait  pro- 
bant. 


(a)  Williams,  Op.  cit.  (Brit.  Associât.,  1851,  p.  244). 

(b)  Johnson,  Op.  cit.  (Mag.  ofZooL,  t.  I,  p.  580,  pi.  11,  fig.  5). 

(c)  Quatrefages,  Mém.  sur  la  famille  des  Némertiens  (Voyage  en  Sicile  ,  t.  Il,  p.   167,  pi.  18, 
fig.  la;  pi.  20,  (ig.  4  et  6). 

(d)  Max.  Schultze,  Beitrâge  zur  Naturgeschichte  der  Twbellarlea,  pi.  6,  fig.  2. 
(ej  Williams,  Op.  cit.  (Report  of  tke  British  Assoc.  for  1851,  \>.  245). 


DES    VERS    DE    LA    CLASSE    L>ES    LEPTOZOAIKES.  kQc) 

sidèrent  la  grande  cavité  longitudinale  comme  étant  l'eslo- 
mac  (l) ,  et  regardent  la  trompe  comme  étant  un  organe  de 
fixation  com.parable  à  celle  de  différents  Vers  intestinaux,  et  ne 
constituant  pas  l'entrée  des  voies  digestives  (2).  Faute  d'obser- 


(1)  Jusque  dans  ces  derniers  temps 
presque  tousles  zoologistes  qui  avaient 
observé  les  Némertiens  considéraient 
Pouverture  qui  se  voit  d'ordinaire  très 
facilement  à  la  face  inférieure  du  corps, 
un  peu  en  arrière  de  l'extrémité  fron- 
tale, comme  étant  la  bouche  de  ces 
Animaux  la).  Mais  M.  Ebrenberg,  ayant 
admis  que  le  pore  cépbalique  anté- 
rieur était  l'entrée  des  voies  diges- 
tives, attribua  à  ce  second  orifice 
d'autres  usages,  et  le  décrivit  comme 
étant  la  terminaison  de  l'oviducte  (6)  ; 
enfin  M.  de  Quatrefages,  qui  a  adopté 
une  opinion  analogue,  l'appelle  le 
pore  (jénital  c).  Il  est  aussi  à  noter 
que  ce  dernier  anatomiste  n'a  pu  dé- 
couvrir aucune  trace  de  cet  orifice 
chez  quelques  Némertiens,  ce  qui  Ta 
conduit  à  penser  que  son  existence 
n'est  pas  constante  à  toutes  les  pé- 
riodes de  la  vie  de  ces  Animaux  [d). 

Quoi  qu'il  en  soit,  celte  grande  ca- 
vité est  tapissée  par  une  membrane 
très  mince.  Quelquefois  elle  paraît 
être  simple ,  par  exemple  chez  le 
Tetrastemma  obscurum  le).  Mais,  en 


général  ,  elle  paraît  communiquer 
latéralement  avec  une  série  de  loges 
autour  desquelles  sont  groupés  les  or- 
ganes génitaux,  disposition  à  raison 
de  laquelle  on  remarque,  dans  une 
section  transversale  et  verticale  du 
corps  de  ces  Vers,  trois  cavités  :  une 
médiane  et  deux  latérales  (/). 

Beaucoup  de  zoologistes  pensent 
que  la  grande  cavité  abdominale  ou 
stomacale  des  Kémertiens  s'ouvre  au 
dehors  par  un  pore  situé  à  l'extrémité 
postérieure  du  corps,  et  désignent  cet 
orifice  sous  le  nom  d'anus  [g]  :  mais 
d'autres,  par  exemple  .M.  de  Quatre- 
fages, M.  Goodsir  et  M.  Williams, 
pensent  que,  dans  l'état  normal,  cette 
disposition  n'existe  pas,  et  que  ce 
prétendu  anus  n'est  que  le  résultat  de 
la  division  accidentelle  de  la  portion 
postérieure  du  corps,  dont  les  tron- 
çons se  détachent  avec  une  faciUté 
extrême. 

(2)  Lorsque  la  trompe  des  ÎS'émer- 
tiens  est  dans  l'état  de  repos,  c'est-à- 
dire  de  rétraction,  on  voit  que  le  pore 
céphalique   antérieur   est  suivi  d'un 


(a)  Blainville,  art.  Vers  {Dictionnaire  des  sciences  nat.,  1828,  1.  LVII,  p.  575). 

—  Délie  Chiaje,  Bescrizione  e  notomia  degli  Ariijnali  invertebrati  délia  Sicilia  citeriore,  t.  III , 
p.  128,  129,  pi.  101,  Og.  2. 

—  Ratlike,  Beitrâge  zur  vergleich.  Anat.  und  PhysioL,  p.  94,  pi,  6,  fig.  8  [Aeiteste  Schriften 
der  naturforschendeii  Gesellschaft  in  Damig,  iSi-2,  Heft  4). 

—  Sieboldet  Stannius,  yoiiveiu  Manuel  d'anatomie  comparée,  t.  II,  p.  202. 
(6)  Ehreuberg,  Symbolœ  physicœ  [loc.  cit.). 

(c)  Qualrefages,  Op.  cit.  {Voyage  en  Sicile,  t.  III,  p.  97,  eic). 

{djUem,  ïbid.,  p.  110. 

{e)  Schullze,  Beitr.  %ur  Naturgesch.  der  Turbellarien,  pi.  G,  fig.  2. 

(/■)  Quatrefages,  Op.  cit.,  pi.  18,  fig.  1,  la;  pi.  20,  fig.  4;  pi.  21,  fig.  1. 

{g)  Ehrenberg,  Symb.  phys.  (art.  Nemertes,  sans  pagination). 

—  Johnson,  Op.  cit.  [Mog.  ofZool.  and  Botany,  t.  I,  p.  330). 

—  Œrsled,  System.  Eintheilung  der  Plattwûrmer,  p.  81. 

—  Siebold  et  Stanuius,  Xouveau  Manuel  d'anatomie  comparée,  t.  1,  p.  204 

—  Schultzc,  Op.  cit.,  pi.  6,  fig.  1  h. 


m 


APfARElL    DlGIiSTlF 


vations  directes  sur  les  fonctions  de  ces  organes,  je  n'érnettrai 
aucun  avis  sur  leur  rôle  physiologique,  mais  j'engagerai  beau- 
coup les  zoologistes  qui  habitent  les  bords  de  la  mer  à  faire  sur 
ces  Animaux  de  nouvelles  recherches. 

Quoi  qu'il  en  soit,  la  structure  de  la  trompe  des  Némertiens 
présente  plusieurs  particularités  remarquables.  En  effet,  cet 


long  Uibe  à  parois  minces ,  dont  la 
surface  interne  est  papilleuse  et  dont 
rexlrémilé  postérieure  est  fixée  à  un 
bulbe  charnu  {a).  L'axe  de  ce  ren- 
flement musculaire  est  creusé  d"un 
canal  élroit  qui  est  en  communicalion  . 
avec  le  conduit  dont  je  viens  de  par- 
ler et  avec  un  autre  tube  inteslini- 
forme  appendu  à  sa  partie  postérieure. 
Ce  dernier  décrit  des  circonvolutions 
plus  ou  moins  nombreuses,  et  s'a- 
vance en  général  jusque  vers  le 
tiers  postérieur  du  corps ,  puis  se 
recourbe  en  avant  et  se  termine  on 
cul-de-sac.  Son  exlrémilé  aveugle  est 
attachée  aux  parois  du  corps  par 
un  prolongement  cylindrique  ou  par 
des  brides  rameuses,  et  sa  surface 
interne  est  garnie  de  cils  vibralilcs. 
Enfin,  tout  ce  long  canal  est  logé 
dans  un  repli  membraneux  qui  se 
trouve  suspendu  à  la  paroi  supé- 
rieure de  la  grande  cavité  médiane 
(ou  cavité  viscérale  de  JM.  de  (Jualre- 
fages,  et  estomac  de  IMM.  de  Siebokl, 
Schullze,  etc.). 

Quand  le  INémerlien  veut  prendre 
de  la  nourriture,  il  darde  au  dehors 
sa  longue  trompe,  et  alors  les  parties 


que  je  viens  de  décrire  changent  de 
position  ;  la  portion  antérieure  et 
papillifère  du  tube  se  renverse  à 
l'extérieur,  de  façon  que  sa  surface 
libre,  au  lieu  d'être  interne,  devient 
externe,  et  que  son  extrémité  posté- 
rieure se  trouve  portée  en  avant.  Le 
bulbe  charnu  en  occupe  alors  l'extré- 
mité libre,  et  la  portion  suivante  du 
tube  iïitestiniforme  s'y  engage  comme 
dans  une  gaîne  (6). 

Chez  quelques-uns  de  ces  Vers, 
par  exemple  les  Borlasies  et  la  plu- 
part des  espèces  appartenant  au  genre 
Némerle  proprement  dit,  la  trompe 
est  iiierme  (c),mais  en  général  elle  est 
armée  d'une  manière  puissante.  On  y 
rcmaripie  d'abord  un  gros  stylet  im- 
pair, qui  est  rentlé  à  sa  base  et  inséré 
sur  le  .bulbe  charnu.  D'autres  stylets 
plus  petiis  sont  placés  de  chaque  côté, 
et  quand  la  trompe  est  dans  l'élat  de 
rétraction,  ils  se  replient  dans  des 
fossettes  latérales,  de  façon  à  paraître 
comme  s'ils  étaient  logés  dans  une 
capsule;  mais  quand  cet  organe  se 
déroule  au  dehors,  ils  se  redressent  et 
se  montrent  à  découvert.  Leur  dispo- 
sition a  été  indiquée  par  Johnstpn, 

(a)  Dans  la  noinenclalure  cmiiloyée  par  M.  de  Quatrefag-es,  la  portion  do  cet  appareil  qui  précède 
le  bulbe  charnu  est  appelée  trompe.  Le  bulbe  est  pour  cet  anatomisle  un  œsophage,  et  la  portion  posté- 
rieure du  tube  est  appelée  intestin.  Elles  sont  très  bien  représentées  daiis  les  belles  figures  dont  son 
mémoire  est  accompag-né.  {Op.  cit.,  pi.  18,  fig.  1  et  t  a  ;  pi.  19  ;  pi.  20). 

(&)  Voyez  Qiialrefages,  Op.  cit.,  pi.  20,  (Ig.  1. 

—  Williams,  Op.  cit.,  pi.  1 1 ,  fig.  04 

—  Schullze,  Op.  cit.,  pi.  0,  fig.  3. 
(c)  Quatrcfages,  Op.  cit.,  p.  1()3. 


ui;s  VERS  dl:  la  classa  des  uotaticlus.  /l65 

urgiuie,  cxtrèinemenl;  long,   est  presque  (oujouis  armé  {\\ui 
gros  slyiet  médian  et  exserlile,  qui  ressemble  à  un  dard. 

§  10.  —  Les  Rotateurs,  qui  pendant  longtemps  ont  été  jJ^p^'i-J 
confondus  avec  les  Infusoires,  mais  qui  en  cliiïèrent  extrême-  ^'«^ 
ment  par  leur  mode  d'organisation  ,  me x paraissent  devoir 
prendre  place  dans  le  sous-embranchement  des  Vers,  et  par 
conséquent  je  ne  puis  terminer  celte  Leçon  sans  avoir  parlé 
de  leur  appareil  digestif,  bien  que  sa  structure  soit  fort  diffé- 
rente de  celle  que  nous  venons  de  rencontrer  chez  les  Némer- 
liens  ou  les  Trématodes.  Ces  Animaux  sont  de  si  petite  taille, 
qu'on  ne  peut  les  apercevoir  qu'à  l'aide  du  microscope,  et 
il  en  résulte  qu'on  ne  peut  les  disséquer  ;  mais  leurs  téguments 
sont  assez  transparents  pour  permettre  à  l'observateur. de  dis- 
tinguer les  parlies,  même  les  plus  profondes,  de  leur  organisme, 
et  M.  Ehrenbcrg  est  parvenu  de  la  sorte  à  faire  connailre 
admirablement  bien  leur  structure  intérieure.  Ainsi  que  je  l'ai 
déjà  dit  (1),  cet  habile  zoologiste  a  fait  laire  des  progrès 
immenses  à  l'histoire  des  Animalcules  microscopiques ,  et 
presque  tout  ce  que  nous  savons  de  l'appareil  digestif  des 
Rotateurs  lui  est  dû.  Or,  dans  l'immense  majorité  des  cas , 
sinon  toujours,  cet  appareil  est  fort  complexe,  et  offre  des 


mais  M.  de  Qiialrefages  les  a  fait  con-  Tapparcil     proboscidiforme    ou    par 

naître  d'une  mani«ire   beaucoup  i)lu.s  quelque  organe  glandulaire  adjacent, 

complète  (a).  l'ans  l'hypothèse  suivant  laquelle  la 

Quand  un    Xémertien   attaque   sa  trompe    ne   conduirait   pas    dans   la 

proie ,  il  fait  pénétrer  ses  stylets  dans  cavité  digesîive,  et  serait  seulement 

le  corps  de  .':a  victime,  qui  paraît  être  un  organe  de  préhension  ou  de  fixa- 

presque  aussilôt  frappée  de  mort.    11  lion,   on    expliquerait    de    la    sorte 

est  donc  probable  qi!c  cette  arme  verse  l'exislcncc  du  long  cœcum  intestini- 

dans  la   plaie  quelque  liquide  véné-  forme  qui  se  voit  en  arrière  du  bulbe 

neux,  et  que  celui-ci  est  sécrété,  par  slylifère. 
les  parois  de  !a   portion  suivante  de  (1)  Voyez  ci-dessus,  page  301. 


(a)  Jolmson.  Op.  cit.  {Mag.  of  Zool.  and  Botaiiy,  1837,  t.  1,  p.  531,  fig.  1  el  -2). 
—  Quuli'efagcs,    Op.  cit.,  p.  1C3  et  siiiv.,  pi.  16,  fi-^'.  1-2;  pi.  17,  lijr.  7,  10,  M,  17  ;  pi.  10, 
IJLj.  -2. 

V.  30 


Ii6i)  AI'l^ARElL    DiGESTIF 

caractères  de  supériorité  physiologique  qui  ne  se  rencontrent 
pas  clans  les  Animaux  de  {aille  beaucoup  plus  considérable 
dont  l'étude  vient  de  nous  occuper,  et  se  rapproche  de  ce 
que  nous  avons  vu  chez  les  Annélides  les  plus  parfaits.  Ainsi, 
presque  toujours  il  existe  chez  ces  petits  êtres  un  tube  ali- 
mentaire étendu  d'un  bout  du  corps  à  l'autre  et  ouvert  à 
ses  deux  extrémités ,  un  appareil  maxillaire  très  complexe , 
un  estomac  distinct  de  l'inteslin,  et  des  organes  glandulaires 
particuliers  qui  versent  dans  la  cavité  alimentaire  les  pro- 
duits de  leur  sécrétion,  Lesanomahes  sont  extrêmement  rares 
dans  cette  classe  zoologique;  mais  je  dois  dire  que  si  les  obser- 
vations récentes  de  quelques  micrographes  habiles  ne  sont 
pas  entachées  d'erreur,  il  y  aurait  chez  un  petit  nombre  de 
Rotateurs  une  dégradation  organique  des  plus  remarquables. 
Ainsi,  non-seulement  on  connaît  une  espèce  où  l'anus  paraît 
manquer,  mais  chez  une  autre  où  la  femelle  est  organisée  de 
la  manière  ordinaire,  il  paraît  n'y  avoir  chez  le  mâle  aucime 
trace  d'un  appareil  digestif  quelconque  (1).  Si  nous  laissons 

(1)  M.  Dalryinplc,  qui  a  lait  une  inâie  ni  bouche,  ni  bulbe  pharyngien, 

étude   très   aUenlive    d'une    grande  ni  estomac  ;  mais  il  a  remarqué  dans 

espèce   de    r.otateur  appartenant   au  la  cavité  ai3dominale  un  amas  de  tissu 

genre  Notominata  de  AI.  Ehrenbeig,  utiiculaiie  qu'il  considère  comme  le 

y   a    trouvé    l'appareil    digestif   très  produit  d'un  srrèt  de  développement 

développé    chez     les     individus    fe-  du   blastème    destiné   d'ordinaire    à 

melles,  mais  n'a   pu   en  apercevoir  constituer  les  organes  digestifs.  Chez 

aucune  trace  chez  les  individus  mâles,  la  femelle,  il  n'a  aperçu  rien  de  sem- 

où   cependant    tous    les    autres    or-  blable  (6). 

ganes  intérieurs  se  distii)guaient  faci-  L'absence  d'un  orifice   anal  a  été 

lement  (a).  signalée  aussi  par  chacune  de  ces  ob- 

M.  Leydig,  qui   est  également  un  servations  chez  les  individus  femelles 

micrographe  très  habile,  est  arrivé  au  du   Notommata   anglica  ,    Rotateurs 

même  résultat  en  étudiant  le  Notom-  dont  les  mâles  présentent  la  singu- 

mata  Siebuldii.  Il  n'a  trouvé  chez  le  lière  anomalie  que  je  viens  de  men- 

(a)  J.  Dalrymple,  DescHpHon  of  an  Infusory  Animalcule  alliedto  the  genusNotommala  of  Ehrm- 
herg  hitherto  undesmbed  {Philos.  Trans.,  1849,  p.  342,  yl.  34,  fîg.  H  et  121. 

(6)  Fr.  Lej'dig,  Ueber  den  Bau  xmd  die  syst.ematische  Stelluny  der  Mderthiere,  p.  32,  pi.  2, 
fig-.  12  et  13  (exlr.  tlii  Zeitschr.  fur  wisscnsch.  Zool.,  1854,  t.  VI). 


DES  Vers  de  la  cl\sse  des  rotateurs.  /l()7 

de  côté  ces  exceptions  peu  nombreuses,  nous  trouvons  une 
très  grande  uniformité  dans  la  structure  des  organes  digestifs 
des  Rotateurs.  Ces  petits  êtres  se  nourrissent  principalement 
de  Monades ,  de  Navicules,  de  Conferves  ou  de  Crustacés  mi- 
croscopiques qui  nagent  dans  l'eau  où  ils  habitent,  et  qui  sont 
amenés  vers  leur  bouche  par  l'action  des  lobes  ciHés  dont 
l'extrémité  antérieure  de  leur  corps  est  garnie,  et  dont  nous 
avons  déjà  étudié  le  rôle  dans  le  travail  respiratoire  (1).  Ces 
organes  varient  dans  leur  forme  ,  mais  sont  toujours  disposés 
de  façon  à  entourer  presque  complètement  ou  à  occuper  les 
deux  côtés  de  l'orifice  buccal,  qui  est  en  général  susceptible 
de  s'élargir  beaucoup  (2).   Cet  orifice  n'est  presque  jamais 


tionner  (a).  M.  Leydig  pense  que  le 
Xotommata  myrmeleo  est  cgaleracnt 
dépourvu  d'un  anus,  el  il  se  fonde, 
non-seulement  sur  les  résultats  néga- 
tifs fournis  par  toutes  los  recherches 
faites  pour  découvrir  celte  ouverture, 
mais  aussi  sur  le  mode  d'évacuation 
du  résidu  laissé  dans  l'estomac  par  le 
travail  digestif,  car  il  a  toujours  vu 
ces  matières  sortir  par  la  houche  après 
avoir  séjourné  dans  l'estomac,  dont  le 
fond  paraît  être  dispor.é  en  cul-de- 
sac  (6).  Ce  zoologiste  pense  que  la 
même  anomalie  existe  aussi  cisez  le 
Notommata  syrinx  ,  YAscomorpha 
helvetica  et  VA.  germanica  (c). 

(1)  Voyez  ci-dessus,  tome  II,  p.  97. 

('i)  Chez  les  espèces  dont  l'extré- 
mité antérieure  des  corps  est  garnie 
d'un  seul  lobe  ou  disque  cilié,  la 
bouche  occupe  à  peu  près  le  centre 
de  cet  organe,  et  correspond  à  l'exiré- 


miié  supérieure  de  l'échancrure  qui 
se  trouve  à  sa  partie  inférieure,  ainsi 
que  cela  se  voit  chez  les  Lacinul- 
laires  et  les  Alégalroques  {d).  Chez 
les  liotateurs  à  deux  roues  ou  lobes 
ciliés,  par  exemple  chez  le  Rotifer 
vidgaris  [e),  elle  i-e  trouve  entre  la 
base  de  ces  organes  sous  un  |  rolon- 
gement  céphalique  qui  porte  les  points 
ocuUforraes.  La  manière  dont  les 
particules  solides  qui  floltcut  dans 
l'eau  circonvoisine  se  trouvent  diri- 
gées vers  l'entrée  de  la  cavité  diges- 
tive  par  l'action  de  ces  cils  peut  être 
très  bien  mise  en  évidence  ,  si  l'on 
suspend  de  l'indigo  ou  du  carmin  en 
poudre  dans  ce  liquide  (f. 

Chez  les  Stephanoceros,  où  les  ap- 
pendices ciliés  se  prolongent  en  forme 
de  tentacules  céphaliques  ou  de  bras, 
la  préhension  des  aliments  est  sou- 
vent effectuée  par  la  contraclion  de 


(a)  Da'.nmpte,  loc.  clt.,\>.  333,  pi.  33,  Rg.  i  el  0. 

(6)  Ley.ïi-,  loc.  cit.,  p.  21,  pi.  i,  Rg.  30. 

(c)  Leydiir,  loc.  cit.,  y.  li. 

(dj  Elirenberg,  Die  hiftislonslhici'chen,  pi.  S 4,  llg.  3  el  4. 

ig)  lilem.  ibid.,  pi.  r.O,  fi-.  i. 

<f)  IdciD,  ibid.,  pi.  GO,  fij.  3,  clc; 


ii68 


API'AUEIL    DIGESTIF 


llâi-'lioiics. 


ineruie,  et  d'ordinaire  il  est  suivi  d'un  gros  bult)C  ebarnu  dont 
l'arnialnre  est  fort  remarquable  (i).  Effectivement,  il  est  garni 
latéralement  de  mâchoires  très  dures  qui  sont  disposées  de  façon 
à  s'écarter  ou  à  se  rapprocher  de  la  ligne  médiane,  etijui  peu- 
vent même  se  porter  au  dehors  pour  saisir  la  proie  ou  couper 
les  aliments  au  moment  de  leur  inglutilion.  Les  muscles  qui 
metteTit  cet  appareil  en  action  se  contractent  presque  sans  cesse 
avec  beaucoup  de  régularité,  et  avant  que  M.  Ehrenberg  eût 
fait  connaître  leurs  véritables  usages,  plusieurs  micrographes 
avaient  pris  ce  bulbe  pharyngien  pour  un  cœur,  à  cause  de 
ses  mouvements  rhythmi(]ues  ('2).  La  forme  et  la  disposition 
des  mâchoires  varient.  Tantôt  ces   organes  sont  simplement 


ces  organes,  qui,  en  se  recoiirliant  en 
dedans,  se  rabatlent  sni  ]a  bouche  (a). 
La  cavité  buccale  est  susccpiibie  de 
se  (liialer  en  forme  d'enionnoir,  et 
ses  parois  sont  presque  toujours  gar- 
nies de  cils  vibratiies.  Ces  appendices 
épilbéliques  paraissent  manquer  chez 
les  Fbscularia  et  les  Lindia  [h)  ; 
leur  disposition  a  éié  étudiée  avec 
soin  chez  les  Melicerta  ringens  p;ir 
M.  VVilliamson,  et  chez  les  Lacinu- 
laria  socialis  par  M.  Huxley  (c). 
Chez  le  Floscularia  et  le  Stephano- 
ceros,  la  cavité  buccale  se  dilate  laté- 
ralement en  un  réservoir  comparable 
à  des  abajoues,  et  désigné  par  quel- 


ques naturalistes  sous  le  nom  de 
proventricule  [d). 

(1)  M.  Elirenbeiga  désigné  sons  le 
nom  commun  cVAgomphes  les  Uota- 
tcursqui  sont  dépourvus  de  mâchoires, 
et  il  a  constaté  ce  caractère  chez  VEn- 
teroplea  (e),  ainsi  que  dans  les  genres 
Ichthydium  {()  et  Chœtonotu.y  {g); 
mais  ces  deux  derniers  groupes  ne 
paraissent  pas  appartenir  à  la  classe 
des  iîotateurs.  Ce  naturaliste  n'avait 
pas  vu  les  mâchoires  des  liattiUus , 
mais  ces  organes  paraissent  avoir  été 
observés  par  M.  Weissc  [h]. 

{'i;  Par  exemple,  Bory-Saint-Vincenl 
en  1828  («). 


(a)  Voyez  Ehrenberg,  Die  Infusionslhierchen,  pi.  45,  lig-.  2,  ^. 

(b)  Dujanlin,  Histoire  naturelle  des  Infusoires,  p.  583. 

(c)  Williainson  ,  On  the  Anatomy  of  Moliccrla  ringens  {Quartei'ly  Journal  of  Mi'-roscopical 
Sciences,  1852,  t.  I,  p.  70,  pi.  2,fig-.  28). 

—  Huxley,  Lacinularia  socialis.  A  Contribution  to  the  Anatomy  and  l'Iiijsiuloijij  nf  l{otij\ra 
[Q'.iarterlij  Journal  of  Microscopicnl  Sciences,  1  852,  t.  I,  Transactions,  p.  3,  pi.  2). 

[di  Leydig,  Op.  cit.,  p.  4  ot  9,  pi.  1 ,  fig-,  i . 

(fi)  Elircnberg,  Die  [nfusionstliierchen,  pi.  43,  fig.  2. 

(0  Mom,  ibid.,  pi.  43,  fig.  3,  4,  5. 

(il)  Icicin,  ibid.,  pi.  47,  fig.  d. 

(lu  \Veissc,  i\eue  Infusonen  {Dutkiiii  de  la  classe  pliysico-malheinalique  de  l'Acud.  de  Sjiiil- 
l'étersboura,  -1847,  l.  V,  p.  228,  lig.  4). 

[i)  IJury,  arl.  ilOTiFÈruîS  du  Diclvinnairc  classujuc  d'histoire  naiurell:,  l.  XIV,  p.  085.' 


DES    VERS    DE    LA.    CLASSE    DES    ROTATEURS.  /l69 

impjanlés  dans  le  bulbe  charniî  qui  les  porte,  et  ils  ressem- 
blent aux  deux  branches  d'une  pince  terminées  par  une  ou  par 
plusieurs  denticules  ;  .d'autres  fois  ils  sont  logés  dans  une 
espèce  de  cadre  qui  a  la  forme  d'un  étrier  dont  le  marche- 
pied serait  évidé  et  laisserait  passer  leur  exlrémité  libre. 
M.  Ebrenberg  a  appelé  Gymnogom'phia  les  Rotateurs  dont  les 
mâchoires  présentent  la  première  de  ces  deux  dispositions, 
c'est-à-dire  dont  les  dents  sont  nues  ou  libres,  et  Desmogomphia 
ceux  dont  les  dents  sont  enclavées  dans  une  charpente  solide 
à  deux  ou  à  plusieurs  branches.  Il  a  fait  connaître  aussi  beau- 
coup de  modifications  d'une  importance  secondaire  dans  la 
conformation  de  chacune  de  ces  sortes  de  mâchoires  ;  mais 
l'étude  de  ces  détails  nous  entraînerait  trop  loin,  si  nous  nous 
y  arrêtions  ici  (i). 


(I)  Clicz  les  Gymnogomphes  de 
M.  Khrenberg  (a),  chaque  mâchoire 
se  compose  de  deux  pièces  :  l'une, 
antérieure  ou  dentaire,  qui  est  libre 
et  dirigée  en  deJans  (6)  ;  l'autre, 
basilairc  ,  qui  est  articulée  a  l'exlré- 
niilé  externe  de  la  précédenlc,  et 
dirigée  en  arrière  de  façon  à  faire  avec 
elle  un  coude  très  prononcé  et  à  s'en- 
foncer dans  la  niasse  charnue  du 
bulbe  pharyngien  (c).  Enfin,  on  dis- 
tingue en  général  entre  les  deux 
pièces  basilaires  une  pièce  médiane 
ou  support  qui  avait  presque  entièic- 
menl  échappé  aux  recherches  de 
M.  Ehrenberg,  et  qui  paraît  destinée, 


soit  à  donner  attache  aux  muscles 
adducteurs  des  mâchoires,  soit  à  four- 
nir un  point  d'appui  à  ces  organes 
eux-mêmes  (d). 

Tantôt  la  pièce  dentaire  est  simple, 
et  par  conséquent  l'appareil  préhen- 
seur n'est  armé  que  d'une  paire  de 
crochets,  disposition  qui  se  voit  chez 
les  Gymnodontes  que  i\î.  Ehrenberg 
appelle  Monogomphes  :  par  exemple, 
VAlbertia  vermicularis  (e),  le  No- 
tommata  aurita  (/)  ,  et  surtout  le 
Notommata  mijrmeleo  (g),  ou  le  Di- 
glena  grandis  {h)  ,  espèces  irès  car- 
nassières, où  ces  crochets  sont  remar- 
quablement   grands    et    proiracliles. 


(a)  Ehrenberg ,  Recherches  sur  les  Infusoires  (Ann.  des  sciences  nat.,  2°  séi'ie, 'IS.'i.i,  i.  X, 
p.  272  et  suiv.j. 

{b)  C'est  \e  processus  anterior  de  M.  Ehrenberg-,  et  l;i  pièce  appelée  acies  par  M.  Dii.inrcliii. 

ic)  Processus  posterior,  Etirenberj;-  (scai)hu,s,  Uiijarflii]). 

{(Z)  Ligament  transversal,  Elireiibcrg  (fuUruin,  Diijariliii'. 

{e)  Dujardin,  Méni.  sur  un  Ver  parasite  constituant  un  nouveau  genre  voisin  des  Roiifères 
(Ann.  des  sciences  nat.,  2"  série,  1832,  t.  X,  pi.  2,  fiic.  3). 

(/■)  Ehrenberg,  Die  Infusionsthierchen,  pi.  52,  f\g.  :■!. 

(tj)  Idem,  ibid,,  pi.  49,  fig.  1. 

[h]  Idem,  ibid.,  pi.  5t,  fig.  5. 


/l70 


APPAREIL    DIGESTIF 


Tube  (ligcsiif.  Le  canal  alimentaire  s'étend  dans  presque  toute  la  longueur 
du  cor[)s  et  est  ouvert  à  ses  deux  extrémités.  Sa  portion  anté- 
rieure est  étroite  et  constitue  un  œsophage  plus  ou  moins 
allongé  (1)  ;  sa  portion  moyenne  pu  stomacale  est  en  général 


Il  est  aussi  à  noter  que  souvent  ces 
mâchoires  sont  solidement  articulées 
par  leur  base  sur  le  support  mé- 
dian {a'\  de  façon  à  avoir  beaucoup 
de  ressemblance  avec  la  partie  prin- 
cipale de  l'appareil  maxillaire  des 
Aiinélidcs  du  [j;cnre  Lysidicc  (6). 

?,î.  Eliren!)crg  désigne  sous  le  nom 
de  rulijrioinphes  IcH  Uotateurs  gynnio- 
gomphes  dont  les  pièces  dentaires 
sont  leriniuécs  par  deux  ou  plusieurs 
pointes  disposées  comme  les  doigts  de 
la  main  ou  les  dents  d'un  râteau,  et 
il  a  remarqué  que  ces  Animalcules  se 
nourrissent  piincipalcment  de  sub- 
slauces  végétales.  Tels  sont  le  Notom- 
mata  tuba  [c],  le  X.  davulala  (r/j, 
VHydatina  senla  (e  . 

Clicz  les  lloiateurs  dils  Desmo- 
cjomphcs,  le  cadre  maxillaire  se  com- 
pose généralement  de  trois  pièces 
courbes  réunies  par  leurs  extrémi- 
tés ;  uu  arc  supérieur  et  un  arc 
inférieur  qui  sont  situés  plus  en 
dedans,  et  disposés  de  façon  à  re- 
présenter le  marchepied  de  l'étrier, 
tandis    que    l'arc     externe   en   con- 


stitue la  voûte.  Les  pièces  dentaires 
sont  stylilbrmcs ,  reposent  par  leur 
base  sur  ce  dernier  arc  ,  et  traver- 
sent l'espèce  d'anneau  fourni  par 
les  pièces  internes,  de  façon  à  simu- 
ler grossièrement  un  arc  garni  de* 
flèches.  Ciiez  quelques-uns  de  ces 
animaux  (que  M.  Ehrenberg  appelle 
Zygogomphes),  il  n'y  a  de  chaque 
cùlé  que  deux  aiguilles  dentaires  ; 
mais  chez  d'autres  (les  Lochogom- 
phex),  il  y  en  a  un  plus  grand  nom- 
bre rangées  parallèlement.  Comme 
exemple  des  premiers,  je  citerai  les 
iîolifèrcs  proprement  dits  (/"),  les  Ac- 
linuies,  les  Monolabics  et  les  Philo- 
dincs  {g).  Pour  les  Locliogomphes  , 
je  prendrai  comme  exemple  les  Cono- 
cliiles  (h)  et  les  Méliccrtes,où  le  cadre 
maxillaire  est  disposé  d'une  manière 
un  peu  dillérente  ({) ,  et  les  stylets 
dentaires  deviennent  quelquefois  si 
nombreux ,  qu'ils  semblent  former 
par  leur  réunion  une  grande  lame 
striée  [j]. 

(l)   L'œsophage   est   remarquable- 
ment long  chez  VEnteroplea  hyda- 


(a)  Exemples  :  Notommia,  Dulrymple,  Op.  cit.  (Pldlos.  Trans.,  1849,  pi.  33,  fig.  3  et  4). 

—  Lcydii;,  Op.  cit.  (Zeitschvift  fur  wissensch.  Zool.,  t.  VI,  pi.  2,  fig.  10). 

(h)  Voyez  ci-dessus,  page  427. 

(c)  Elirenberg,  Op.  cit.,  pi.  40,  fig.  3. 

id)  Idem,  ibid.,  pi.  50,  fig.  5. 

(c;  Idem,  ibid.,  pi.  47,  fig.  2. 

(/■)  Idem,  ibid.,  pi.  GO,  fig.  8. 

(fli  Idem,  ibid.,  pi.  61,  fig.  8. 

{hj  Idem,  ibid.,  pi.  43,  fig.  8. 

(i)  Gosse,  On  the  Structure,  Fondions,  Habits  and  Development  of  Melicerta  ringens  {Quarterlij 
Journal  of  Microscopical  Sciences,  1852,  t.  I,  p.  71,  pi.  2,  fig.  16  à  21). 

(j)  Williamson,  On  the  Anatomy  of  UcWcerin  [Quart erly  Jotmial  of  Microscopical  Sciences, 
18^52,  t.  I,p.  06,  pi.  1,  fig.  17]. 


DES    VKUS    DE    LA    CLASSE    DES    ROTATEURS.  671 

très  élargie,  et  il  se  termine  par  un  intestin  dont  !a  forme  et  la 
grandeur  varient  dans  les  différentes  espèces  (1).  Les  parois 
de  l'estomac  sont  garnies  de  cils  viiiratiles  dont  l'action  est 
parfois  très  énergique ,  et  elles  offrent  aussi  dans  lem^  épais- 
seur une  multitude  d'utricales  qui  sont  souvent  colorés  en 
jaune  et  paraissent  être  des  organes  hépatiques  (2).  En  général, 
on  y  remarque  aussi  beaucoup  de  petites  boursouflures;  et,  chez 


tina  (a),  \e.  Notommata  syrinx  (6),  etc.  ; 
tandis  que,  chez  d'autres  PiOtateurs, 
il  est  si  couit,  que  re.stoniac  semijle 
naître  directement  du  iîiilije  pharyn- 
gien :  par  exemple,  cliez  VEuclanis 
triquetra  (c)  et  VAmirœa  acumi- 
nata  [d).  Entre  ces  deux  extrêmes 
on  trouve  une  multitude  d'intermé- 
diaires. 

Chez  plusieurs  iiotateurs,  tels  que 
les  Lacinulaires  et  les  Brachions,  on 
a  distingué,  de  chaque  côté  du  pha- 
rynx, un  corps  jaimâtre,  et  M.  Leydig 
a  pensé  que  ces  organes  pourraient 
bien  être  des  glandes  salivaires  (e); 
mais  les  recherches  de  M.  Huxley 
tendent  à  établir  que  ce  sont  seule- 
ment des  lames  cliitineuses  servant  à 
renforcer  les  parois  de  cette  portion 
du  canal  digestif  (/"). 

(I)  M.  Ehrenberg  a  pensé  qu'il 
serait  utile  de  donner  des  noms  parti- 
culiers aux  Rotateurs  qui  présentent 


des  différences  notables  dans  la  con- 
formation de  leur  tube  digestif  [g). 
Ainsi,  il  appelle  Trachelogastrica 
ceux  où  ce  tube  est  simple  [h);  Cœlo- 
fjasirica,  ceux  qui  ont  nu  œsophage 
court  et  un  grand  estomac  oblongo- 
conique  suivi  d'un  intestin  court  et 
simple  [i]  ;  Gasterodela,  ceux  où  l'es- 
tomac est  en  forme  de  poche  et  est 
séparé  par  un  étranglement  d'un 
intestin  également  renflé  (j)  ;  enfin 
Trachelocystica,  ceux  dont  le  canal 
intestinal  est  très  délié  dans  toute  sa 
longueur,  excepté  dans  la  région  anale, 
où  il  s'élargit  en  forme  de  cloaque  {k). 
.Mais  ce  zoologiste  a  soin  de  faire 
remarquer  que  les  distinctions  établies 
de  la  sorte  ne  correspondent  en  au- 
cune façon  aux  divisions  naturelles 
de  la  classe  des  Rotateurs. 

(;l)  Chez  le  Notommata  anglica,  la 
disposition  sacculée  des  parois  de 
l'estomac  est  très  marquée,  et  M.  Dal- 


{a]  Elireiiberc:,  Die  Infusioiisthierchm,  pi.  47,  fi?.  l . 
(6)  Idem,  ibi'd.,  pi.  49,  fig.  2. 
(c)  Idem,  ibid.,  pi.  51,  iig.  8. 
(rf)Ideiii,  ibid.,p\.  02,  li-.  9. 

le}  LeyUiLî,  Ueber  de)'  Bau  und  die  systeinalisclie  Stelluiuj  der  Raderthiere,  p.  70. 
If}  Huxley.  On  Lacinularia  socialis  [Quarierly  Jouni.  of  Micvos.  Se,  t.  I,  Trans.,  p.  3). 
[ij]  EhTanberç:,  Ueber  die  EnHvickelung  und  Lebdnsdaucr  der  Infusionslhiere  (Mém.  de  l'Acad. 
de  Berlin  pom- '183-2,  p.  40,  pi.  3,  cl  Ann.  des  sciences  nat.,  -2°  i-orie,  t.  I,  p.  260). 
(h)  Exemples  :  Ichthydium  (voy.  Ehrenhers;,  Die  [nfusionsthiere,  pi.  43,  fig.  2). 
—  Chœionotus  (/oc.  cit.,  pi.  43,  fis;.  3,  4  et  5). 
(i)  Exemple  :  Hydalina  [loc.  cit.,  pi.  47,  lîg.  2). 
Ij}  Exemple  :  Brachionus  (loc.  cit.,  pi.  03,  fig.  -1). 
{k)  Exemples  :  Rotifer  {loc.  cit.,  pi.  00,  fig.  2). 
— ■  Aciinurus  (loc.  cit.,  pi.  01,  fig.  1). 


Organes 
sér.i'clenr?. 


Ill'2  AVPAUEIL    DIGESTIF 

quelques  espèces,  celle  grnmie  poche  digesEive  est,  pourvue 
(i'iHî  certain  iioiiiibre  de  c«ciuns  très  allongés  qui  paraissent 
être  aussi  de  nature  glandulaire  (1). 

D'autres  organes  sécréteurs,  beaucoup  plus  remarquables, 
se  voient  près  de  l'extrémité  antérieure  de  l'estomac,  de  chaque 
côté  de  l'œsophage.  Ce  sont,  esi  général,  des  corps  ovoïdes  ou. 
réniformes,  d'un  volume  considérable,  qui  communiquent  avec 
le  tube  alimentaire  à  l'aide  de  canaux  excréteurs,  et  y  versent 
probablement  quelque  liquide  digestif.  La  plupart  des  zoolo- 
gistes les  considèrent  comme  des  glandes  pancréatiques,  mais 
on  ne  sait  rien  de  positif  quant  à  la  nature  de  leurs  produits  ("i). 


rymple  a  constaté  que,  dans  chacune, 
(les  boursouflures,  il  existe  une  grande 
cellule  nucléolée  (a). 

|1)  Ces  caecums  gastriques  sont  très 
erands  chez  le  Notommata  clavu- 
lata  (6). 

D'après  M.  Ehrenbcrg,  rcslomac 
du  Philodina  roseola  paraît  être  en- 
tièrement couvert  de  petits  caecums 
filiformes  très  serrés  les  uns  contre 
les  autres  (c). 

(2)  Chez  la  plu  paît  des  iiotatcurs, 
il  n'y  a  qu'une  pnireîde  ces  glandes 
épigastriques  ;  mais  'chez  quelques 
espèces ,  telles  que  le  Notommata 
myrmeleo  {d),  le  N.  hyptopus  («)'et  le 
Lacinularia,  on  en  trouve  deux  pai- 
res. En  général,  elles  sont  globuleuses 
ou  ovoïdes,  et  appliquées  directe- 
ment contre  le  bord  antérieur  de  la 


grande  poche  stomacale,  ainsi  que 
cela  se  voit  chez  le  Notommata  cm - 
taura,  par  exemple  (/■).  Chezquelciues 
espères  elles  sont  pédonculées,  et  pa- 
raissent attachées  à  l'exi rémité  de 
l'œsophage  plutôt  qu'à  l'estomac  :  par 
exemple,  chez  le  Brachionus  milita- 
ris  iy).  Enfin,  chez  un  petit  nombi'e 
de  iiotateurs,  ces  organes  sont  allon- 
gés (h),  et  quciquetbis  ils  sont  bifur- 
ques, ainsi  que  cela  se  voit  chez  le 
Difilena  grandis  [i]  et  le  Brachionus 
Miilleri  ij).  Ils  sont  revêtus  d'une 
Cfipsule  membraneuse  très  délicate, 
et  se  composent  d'un  tissu  granulaire 
renfermant  des  cellules  nucléolées. 
Dans  quelques  espèces  on  a  pu  y  dis- 
tinguer un  conduit  excréteur  qui  dé- 
bouchait dans  l'estomac  [k]. 


(a)  Dalrymple,  Oiicit.  iPhllns.  Trans.,  1849,  p.  333). 

(b)  Elirenhera;,  Op.  cit.,  pi.  50,  fiç.  5,  fj. 

(c)  Iflein,  Ueber  die  Entivickelung  und  Lebensdauer  der  Infusionslhiere,  pi.  3,  fis'.  10  (.Vcm. 
de  l'Acad.  de  Berlin  pour  1832). 

((/)  Leydig',  Op.  cit.,  pi.  4,  fig.  30. 

(e)  Elirenberg,  pi.  51 ,  fîg-.  6,  gji. 

{[)  Idem,  Diî  Infusionsthierchen,  pi.  51,  fij.  2. 

[(i)  idem,  ibid.,  pi.  (J4,  fig.  3. 

(//)  Exemple  :  Notommata  clavulata  (voy.  Elircnltorg-,  Op.  cit.,  pi.  50,  fi.;-.  5). 

(/)  Idem,  ibid,  pi.  54,  fig.  4,  gp. 

ij)  Idem,  ibid.,  pi.  03,  {[g.  5. 

(A)  Dnlrymple,  Op.  cit.  (Philos.  Tmiif;.,  1840,  p.  333). 


DKS    VKRS    l)\l    LA    CLASSl']    DES    ROTATELP.S.  /l73 

Eiilin,  ramis  (I)  s'ouvre  ù  la  face  dorsale  du  corps,  près  de 
la  base  de  l'espèce  do  pied  ou  de  queue  qui  fornie  l'extréuiilé 
postérieure  de  ces  Animalcules. 

(1]  La  position  de  l'anus  se  voit  très  reporté  un  peu  plus  en  avant,  et  alors 

bien  dans  quelques-unes  des  ligures  rinteslin    esl    souvent    recourbé   sur 

données    par    M.     Elirenbeig   :    par  lui-même,  ainsi  que  cela  se  voit  chez 

exemple,   dans  celles  de  VHydatina  le  Melicerla  ringens  {d) ,  et,  mieux 

senta  [a),  du  Xutommata  capeus  (6)  encore,    cliez    le    Li innias     cerato- 

et  du  Diijlena  grandis   (c .  Cliez  les  phylli  (e). 
lîotateurs  à  fourneau,  cet  orilice  e.st 

(a)  Elirciiborp:,  Op.  cit.,  pi.  47,  ûç;.  2. 

(b)  Idem,  ibid.,  pi.   51,  fîg-.  4.      ' 
{c)  Idem,  ibid.,  pi.  5i.  ûg.  5. 

W)  Williamson,    Op.   cit.   (Quarlertij  Jtmvnnl  of  Mirroscnpir.al   Sciences,    'IS'iS,  I.  l,  |il.  ■! , 
fi-.'  1  i,  h). 

{e)  ElirciiljLTi;-,  Op.  cit.,  pi.  4(j,  fi^.  0,  ii). 


Disposition 

geiiérale 

de   r;ip|iarcil 


Coiislilulio)! 

tic 

l'iippareil 


GLNQUANTIÈME  LEGON. 


De   l'appareil   digestif  chez  les   Animaux  articulés.  —  Armature  buccale  des 
Crustacés,  des  Myriapodes,  des  Insectes  et  des  Arachnides. 


§  1.  —  Dans  le  sous-embranchement  des  Animaux  articu- 

és,  comprenant  les  Crustacés,  les  Arachnides,  les  Myriapodes 

digestif     gf  }gg  Insectes,  l'appareil  digestif  se  perfectionne  beaucoup  sous 

Ariici.iés.     jg  rapport  mécanique,  et  la  bouche,  «pii  est  toujours  distincte 

de  l'anus  et  située  à  la  face  inférieure  de  la  portion  céphalique 

du  corps  (1),  se  trouve  entourée  d'un  système  de  leviers  fort 

complexes  destinés  à  effecîuer  la  préhension  des  aliments. 

'Le  régime  de  ces  Animaux  est  très  varié  :  les  uns  se  nour- 
rissent de  matières  solides,  les  aulres  ne  vivent  que  de  liquides, 
buccal,  gj  |.^  conformation  de  la  bouche  diffère  suivant  le  mode  d'action 
qu'elle  est  destinée  à  exercer.  Tantôt  elle  est  garnie  de  mâ- 
choires disposées  en  manière  de  pince ,  d'autres  fois  elle 
affecte  la  Ibrmc  d'une  trompe;  et  au  premier  abord  on  pouvait 
croire  qu'il  n'existait  presque  rien  de  commun  dans  sa  struc- 
ture, non-seulement  chez  les  Articulés  appartenant  à  des  classes 
distinctes,  mais  aussi  chez  les  espèces  de  la  même  classe  qui 
sont,  les  uns  des  Animaux  masticateurs,  les  autres  des  Animaux 
suceurs  (t>).  Cependant  Savigny  a  fait  voir  qu'il  n'en  est  pas  ainsi, 

(1)  Lorsque  les  moyens  d'observa-  rite  comme  étant  un  des  caractères 

lion   dont  on   disposait  étaient  moins  du  genre  OEstrus  ;  mais  cet  orifice, 

parfaits  que  ceux  dont  nous  sommes  quoique   fort  réduit,  existe  citez  ces 

aujourd'luii  redevables  aux  opticiens,  Diptères  comme  chez  tous  les  autres 

les  eniomologistas  pensaient  que  di-  Insectes  (a). 

vers  Insectes  manquaient  de  bouche.  (2)   Les  variations  qui   se  remar- 

Ainsi  Linné  indiquait  celte  parlicuia-  quent  dans  la  structure  de  la  bouche 

(a)  Joly,  Reclierches  sur  1»s  Œstres,  ISiG,  p.  49. 


APPAREIL    DIGESTIF    DEo    ANIMAUX.    ARTiCLLÉS.  /j75 

et  qu'il  règne  une  uniformité  remarquable  dans  les  maiériaux 
dont  la  Nature  fait  usage  pour  la  construetion  de  ces  appareils 
divers.  Il  a  constaté  que  chez  tous  les  Insectes,  quel  que  soit  leur 
régime,  la  bouche  est  pourvue  d'un  même  ensemble  de  mem- 
bres articulés  ou  appendices,  et  que  c'est  par  suite  de  change- 
ments introduits  dans  la  forme  et  les  dispositions  accessoires 
de  ces  parties,  qu'elles  constituent  ici  des  organes  sécateurs,  là 
une  sorte  de  pipette  ou  de  (rompe.  Enlhi  il  a  reconnu  aussi  que, 
sous  ce  rapport,  il  y  a,  chez  tous  les  Animaux  articulés,  unilé  de 
plan  fondamental  et  tendance  à  l'unité  de  composition,  malgré 
des  variations  sans  nombre  dans  les.  caractères  accessoires. 

Savigny  fut  un  des  premiers  à  enrichir  la  science  de  résultais 
généraux  de  cet  ordre,  et  à  diriger  les  esprits  vers  la  recherche 
des  parties  correspondantes  ou  analogues  dont  la  Nature  peut 
faire  usage  dans  la  constitution  d'organes  différents  par  leurs 
formes  et  leurs  usages.  Cet  habile  observateur,  de  même  que 
Gœthe  et  Geoffroy  Saint-Hilaire,  doit  être  rangé  au  nombre  des 
fondateurs  de  cette  branche  de  l'étude  des  êtres  organisés  qu'on 
appelle  aujourd'hui  Vanaiomic  philosophique^  pour  la  distinguer 
de  Vanatomie  descriptive;  et  si  le  nom  de  ce  savant  modeste 

(les  Insectes  l'oiiruissent  irexcellenls  donné  l'emploi  exclusif  des  caractères 

caractères   pour    la    classitication  de  foin-nis  par  l'appareil  bnccal,  mais  on 

ces  Animaux.  Vers  !e  milieu  du  siècle  en  fait  toujours  un  U-ès  grand  usage, 

dernier, un nalnralisle  suédois,Cliarlos  et  dans  presque  tous  les  travaux  des- 

deGcer,  décrivit  avec  soin  cet  a|)pa-  criptifs  qui  paraissent  journellement 

reil  dans  un  très  grand  nombre  d'es-  sur  l'histoire  des  Insectes,  des  Crus- 

pèccs  différentes  (a),  et  bientôt  après  tacés.  etc. ,  on  entre  dans  beaucoup  de 

J.-C.  l-'abricius,  de  Copenliague  ,   le  détails  à  ce  sujet,  de  sorte  qu'on  a  en- 

prit   pour    base  de   tout  un   système  registre   une    foule    presque  innom- 

entomologique  (6).  Depuis  l'inlroduc-  brable  de  particularités  relatives  à  la 

tion   de   la   niétliode    naturelle   dans  conformation  de  cette  partie  de  l'orga- 

cette  partie  de  la  zoologie,  on  a  aban-  nisation  des  Animaux  articulés. 

(a)  De  Geer,  Mémoires  pour  servir  à  l'histoire  des  Insectes,  "i  volumes  iii-4,  Stockholm,  1752 
à  1778. 

(b)  J.  Clir.  Fabricius,  Systema  entomologiœ.   In-8,  1775.  —  Ent.omologia  systematica.  5  vol., 
1795  à  1798,  —  et  plusieurs  irnilds  spéciaux  sur  les  principaux  ordres  de  la  classe  des  Insectes. 


Appareil 
buccal 

des 


/i76 


APPAREIL    DIGESTIF. 


est  moins  populaire  que  ceux  des  hommes  de  génie  auxquels 
je  l'associe,  sa  gloire  ne  sera  pas  moins  durable,  car  ses  travaux 
sont  non  moins  solides  que  brillants ,  et  ils  ont  exercé  une 
grande  influence  sur  la  marche  de  la  science  depuis  plus  d'un 
demi-siècle  (1). 

§  2.  —  Pour  facihter  l'étude  de  l'appareil  buccal  des  Animaux 
articulés,  il  me  semble  utile  de  commencer  par  l'examen  des 

Cruslaccs 

niasucaicurs.  Crustacés  masticatcurs.  La  bouche  de  ces  Animaux  est  située  à 


(1)  Jules-César  Lelorgne  de  Savi- 
GNY,  né  à  Provins  en  1777,  fit  paiiie 
de  la  Commission  scientifique  qui,  ou 
1798,  accompagna  l'armée  française 
en  Égypie.  De  retour  en  France  à  la 
fiu  de  1801,  il  entreprit  l'étude  des 
riches  collections  zoologiques  qu'il 
avait  formées  en  Orient,  et  il  prépara, 
pour  le  grand  ouvrage  sur  l'Egypte 
publié  aux  frais  de  l'État,  une  magni- 
fique série  de  planches  relatives  à 
l'histoire  des  Animaux  invertébrés.  De 
181/1  à  1817  il  publia  un  beau  travail 
sur  les  Annélides,  une  série  de  mé- 
moires sur  les  Ascidies  qui  font  épo- 
que dans  l'histoire  de  cette  partie  de 
la  zoologie,  et  des  recherches  capi- 
tales sur  la  structure  de  la  bouche 
des  Insectes.  Eu  1821,  il  fut  nommé 
membre  de  l'Institut  de  France.  Mais 
déjà,  depuis  quelques  années,  une 
afl'eclion  nerveuse  qui  lui  rendait  l'ac- 
tion de  la  lumière  impossible  à  sup- 
porter avait  interrompu  toutes  ses 
lecherches  anatomiques.  Il  ne  mourut 


qu'en  1851,  mais  les  trente  dernières 
années  de  sa  vie  ne  furent  qu'une 
longue  suite  de  souffrances. 

L'ouvrage  que  je  cite  dans  celte 
leçon  porte  pour  devise  :  Patieniia,  et 
se  fait  remarquer  par  l'exactitude  des 
détails  aussi  bien  que  par  la  grandeur 
des  vues  générales.  Il  est  intitulé  : 
Théorie  des  organes  de  la  bouche  des 
Animaux  invertébrés  et  articulés 
compris  par  Linné  sous  le  nom  d'In- 
sectes ;  il  parut  en  1816,  et  forma  le 
premier  fascicule  des  Mémoires  sur 
les  Animaux  sans  vertèbres ,  par 
J.-C.  Savigny  (Paris,  i  vol.  in- 8"  avec 
planches). 

L'étude  comparative  des  différents 
appendices,  et  principalement  des  piè- 
ces de  la  bouche,  a  été  repri.se  en- 
suite, mais  d'une  manière  peu  fruc- 
tueuse, par  Latreille  (a).  J'ai  publié 
aussi  quelques  observations  à  ce  su- 
jet (6).  Enfin  M.  Bruilé  en  a  fait  l'ob- 
jet d'un  travail  important  que  j'aurai 
souvent  à  citer  (c). 


{a)  Latreille,  Observations  nouvelles  sur  iorganisation  extérieure  et  générale  des  Animaux 
articulés  et  à  pieds  articulés,  et  applications  de  ces  connaissances  à  la  nomenclature  des  prin- 
cipales parties  des  mêmes  Animaux  (Mém.  du,  Muséum,  1822,  t.  VIII,  p.  d69).  —  Art.  Bouche 
(lu  Dictionnaire  classique  d'histoire  naturelle,  t.  11,  1822,  p.  428. 

(/;)  Milne  Edwards,  iVem.  siir  l'organisation  de  la  bouche  des  Crustacés  suceurs  (Ann.des 
sciences  nat.,  i"  série,  18.13,  t.  X.WIII ,  p.  78).  — Histoire  naturelle  des  Crustacés,  i.  1, 
p.  (il,  etc.  —  Observ.  sur  le  squelette  tégumentaire  des  Crustacés  Décapodes  [Ann.  des  sciences 
nat.,  3' série,  1851,  t.  XVI,  p.  265). 

(c)  BriiUé,  Recherches  sur  les  transformations  des  appendices  dans  les  Articulés  {Ann.  des 
sciences  nat.,  3'  série,  1844,  t.  II,  p.  271). 


AUMATURi-:    BUCCAL îi    DES    CRUSTACÉS.  kll 

la  lace  inférieure  de  la  tête,  enlre  la  base  d'une  série  d'appen- 
dices articulés  qui  sont  disposés  par  paires  de  cliaque  côté  de 
la  ligne  médiane  du  corps,  et  qui  sont  employés  par  la  Nature 
pour  constituer  les  organes  de  la  locomotion  aussi  bien  que  les 
instruments  de  la  mastication,  et  d'autres  parties  dont  il  est 
inutile  de  nous  occuper  en  ce  moment.  Chez quelquesCrustacés, 
aucune  division  de  travail  n'est  introduite  dans  la  portion 
céphalo-thoracique  de  ce  système  d'appendices,  et  chacun  des 
membres  dont  elle  se  compose  est  chargé  de  remplir  les  triples 
Ibnctions  d'une  patte  pour  la  locomotion,  d'une  sorte  de  main 
pour  la  préhension  des  aliments,  et  d'une  mâchoire  pour  la 
mastication.  Ce  cumul  physiologique  se  rencontre  chez  les 
Limules,  qui  sont  connues  aussi  sous  le  nom  de  Crabes  des 
Moluqiœs ,  mais  qui  ne  ressemblent  pas  aux  Crabes  propre- 
ment dits,  et  ont  le  corps  divisé  en  deux  grands  segments,  dont 
l'antérieur,  ou  céphalothorax,  a  la  forme  d'un  lerge  bouclier, 
et  le  second  porte  les  branchies  à  sa  face  inférieure  et  une 
queue  styliforme  en  arrière.  Les  membres  qui  naissent  de  la 
face  inférieure  du  céplialothorax  sont  allongés,  à  peu  près 
cylindriques  .,  et  composés  d'une  série  de  leviers  placés  bout  à 
bout  et  mobiles  les  uns  sur  les  autres.  A  raison  de  cette  dispo- 
sition et  des  muscles  dont  chaque  article  est  pourvu,  ils  peuvent 
s'allonger  ou  se  raccourcir  et  changer  de  direction,  de  façon 
qu'ils  sont  aptes  à  agir  comme  autant  de  pattes  ambulatoires; 
mais  à  leur  extrémité  ils  sont  bifides,  leur  pénultième  article 
donnant  naissance  à  un  prolongement  digitiforme  qui  s'avance 
parallèlement  à  leur  article  terminal.  Cette  dernière  pièce  est 
susceptible  de  se  mouvoir  sur  sa  base  comme  sur  une  char- 
nière, et  de  s'écarter  ou  de  se  rapprocher  de  l'apophyse  dont  je 
viens  de  parler  ;  elle  forme  par  conséquent  avec  elle  une  pince 
à  deux  branches,  et  c'est  à  l'aide  de  cet  instrument  que  l'Animal 
saisit  SCS  aliments  et  les  porte  vers  sa  bouche.  Enfin  rarticle 
basilaire  de  ces  mêmes  pattes,  que  l'on  pourrait  appeler  la 


Linuilcs 


Ms 


APPAREIL    DIGESTIF. 


hanche^  se  prolonge  du  côté  interne,  de  manière  à  constituer 
un  gros  tubercule  ou  une  lame  armée  de  denticules  qui  s'avance 
vers  le  milieu  de  la  bouche  et  y  rencontre  sa  congénère  du 
côté  opposé  du  corps.  Ces  hanches  sont  aussi  articulées  en 
charnière  sur  les  côtés  de  cet  orifice,  et  elles  peuvent,  en  exé- 
cutant un  mouvement  de  bascule,  s'éloigner  ou  se  rapprocher 
de  la  ligne  médiane  ;  de  sorte  que  la  base  de  chaque  paire  des 
membres  céphalo-thoraciques  constitue  une  espèce  d'étau  ou  de 
pince  à  deux  branches  occupant  l'entrée  des  voies  digestives  (1). 
Mais  un  organe  qui  fonctionne  alternativement  comme  patte 
ambulatoire,  comme  pince  et  comme  mâchoire,  ne  peut  bien 
remplir  aucun  de  ces  rôles  ;  car  les  conditions  qui  seraient 
favorables  à  son  action  comme  instrument  de  préhension  nui- 
raient à  son  jeu  comme  levier  moteur,  et  celles  qui  contri- 


(1)    Les  Limiiles,   ou  Xipliosures, 
sont  les  seuls  Crustacés  chez  lesquels 
ce  mode  d'organisalion  se  rencontre. 
La  bouclic  est  située  vers  le  tiers  poslé- 
rieur  du  bouclier  ccplialo-tlioracique, 
au  centre  du   groupe  formé  par  les 
pattes-mâchoires  dont  il  vient  d'être 
question    (a).   Ces  membres  sont  au 
nombre  de  six  paires.  Ceux  de  la  pre- 
mière   paire    sont    beaucoup    moins 
grands  que  les  autres,  et  prennent  leur 
insertion  sur  une  pièce  solide  impaire 
qui  garnit   le  devant  de   Pouverture 
buccale  et  fait  office  de  lèvre  supé- 
rieure, mais  paraît  correspondre  aux 
deux  pièces  basilaires  ou  hanches  con- 
fondues entre  elles  sur  la  ligne  mé- 
diane. Les  hanches  des  quatre  paires 
suivantes  sont  distinctes,  très  grosses 
et  fortement  armées  d'épines  et  de 


denticules  sur  leur  face  interne  ,  qui 
se  prolonge   en    forme    de   lobe  ou 
de   couperet.    L'article    basilnire  des 
pattes-mâchoires  de  la  dernière  paire 
est   encore  plus  forte  ,   et  porte  en 
dedans  un  gros  tubercule  qui,  en  s'a- 
vançnnt   dans  la  bouche,  agit   à   la 
façon  d'une   dent   molaire    Enfin  le 
bord   postérieur    de    la   bouche   est 
garni  d'une   paire  de  lames  cornées 
à  bords  épineux,  qui  semblent  cor- 
respondre à    une  septième  paire  de 
membres   avortés  et   réduits  à   leur 
article  basilaire. 

Pour  plus  de  détails  sur  la  confor- 
mation de  ces  paltes-màchoires,  je 
renverrai  à  la  monographie  des  Li- 
mules  par  M.  Van  der  ilœven,  pro- 
fesseur de  zoologie  à  Leyde  (6). 


{a)  Savigiiy,  Théorie  des  organes  de  la  bouche,  p.  G4,  pi.  8,  fig.  1. 

—  Milno  Edwards,  Crustacés  de  V Atlas  du  Règne  animal  de  Cuvier,  pi.  70,  fig.  2,  2a  à  2«. 
ib)  Van  dcr  Hœven,  Recherches  sur  l'histoire  7iaturelle  et  l'anatomie  des  Limules,  p.  12, 
pi.  1,  fig.  2  à  9.(Lejde,  d838,  in-fol.). 


ARMATURl!:    BUCCALE    DES    CRUSTACÉS.  /i79 

hueraient  à  son  perfectionnement  comme  agent  locomoteur 
seraient  nuisibles  au  développement  de  la  puissance  dont  il  a 
besoin  pour  bien  mâcher  les  aliments.  Ce  genre  de  cumul 
entraîne  donc  nécessairement  un  certain  degré  d'infériorité 
physiologique  dans  deux  grandes  fonctions,  la  digestion  et  la 
locomotion;  aussi  ne  se  rencontre-t-il  que  très  rarement  dans 
la  classe  des  Crustacés,  et  chez  tous  les  autres  Animaux  de 
ce  groupe  la  division  du  travail  s'établit  dans  la  série  des 
appendices  ou  membres  qui,  chez  les  Limules,  sont  à  la  fois     Division 

,  1  \    1      •  •  T  4        clu  travail 

des  pattes  et  des  mâchonnes  :  ceux  qui  entourent  directement       ciiez 

les  GruslciCGS 

la  bouche  sont  affectés  exclusivement  au  service  de  l'alimenta-  ordinaires. 
tion,  et  ceux  qui  sont  situés  plus  en  arrière  sont  des  pattes 
seulement.  Les  appendices  qui  deviennent  ainsi  des  instru- 
ments spéciaux  de  mastication  ressemblent  encore  plus  ou 
moins,  soit  aux  pattes-mâchoires  des  Limules,  soit  aux  pattes 
ambulatoires  des  Crustacés  supérieurs  ;  mais  c'est  surtout 
leur  partie  basilaire  qui  se  développe  :  les  arhcles  qui  cor- 
respondent à  la  cuisse,  à  la  jambe  et  au  pied  de  celles-ci, 
deviennent  de  plus  en  plus  rudimentaires,  et,  lorsque  l'adapta- 
tion est  caractérisée  de  la  manière  la  plus  complète,  le  membre 
se  trouve  peu  réduit  au  coxognatliite ,  c'est-à-dire  à  la 
pièce  basilaire  qui  est  ailleurs  la  hanche  seulement  (1).  Du 

tl)  Lorsqu'on  veut  approfondif  l'é-  Décapodes  ,  j'ai  proposé  un  système 

tilde  comparative  du  système  appen-  de   nomenclaUire   de   ce   genre   que 

diciilaire  des    Crustacés,   il    devient  j'emploie ,  avec  quelques  légères  mo- 

nécessaire  d'employer  des  noms  par-  dificalions,  dans  mes  leçons  sur  l'en- 

liculiers  pour  désigner,  d'une   part,  tomologie  ,  au  Muséum  d'histoire  na- 

cliacun  des  articles  ou  éléments  ana-  tiirelle.  J'aurai  à  y  revenir  quand  je 

tomiques  qui  enirent  dans  la  consti-  traiterai  des  organes  de  la  locomotion 

tution  des    membres  ;    d'autre   part,  des    Animaux   articulés  ;   mais  ,   afin 

certains  organes  qui  peuvent  être  for-  de  pouvoir  introduire  de  la  précision 

mes  de  deux  ou  de  plusieurs  de  ces  dans  le   langage  dont  je   fais  usage 

pièces,  et  qui  sont  caractérisés,   soit  en  ce  moment,  il    me  semble  utile 

par  leur  position,  soit  par  leur  forme  d'en  donner  ici  la  clef  pour  ce  qui 

et  leurs  u.sages.    Dans  un  travail  spé-  concerne  Tappareil  buccal, 
cial  sur  le  squelette  tégumcntairc  des  Lorsqu'il  s'agit  d'étudier,  au  joint 


/i80  A!'I'AKi:iL    DlGi:STir. 

reste,  il  existe,  à  eet  égard,  une  mulliliule  do  variations,  et 
le  partage  du  système  appendiciiiaire  entre  i^ippareil  digeslil' 
el:  l'appareil  de  la  locosr.otion  ne  se  fait  ])as  toujours  de  la 
même  manière.  Dans  l'immense  majorité  des  eas,  on  trouve 
dans  eetle  région  du  corps  le  même  nombre  de  membres  ; 
mais,  ehez  les  Crustacés  les  plus  élevés  en  organisation,  il  y  a 
plus  d'appendices  buccaux  que  chez  les  autres,  et  celte  aug- 
mentation s'obtient  aux  dépens  de  l'appareil  locomoteur,  qui 
est  réduit  d'autant.  Je  ne  décrirai  pas  ici  toutes  les  modifi- 
cations qui  se  remarquent  dans  la  conformation  de  l'appa- 
reil masticateur  ainsi  constitué;  mais,  pour  en  faire  connaître 


de  vue  théorique,  les  différenls  mem- 
bres dont  cet  appareil  se  compose, 
sans  avoir  égard  à  l'emploi  que  \-\ 
Vaturc  peut  avoir  fait  de  ces  appen- 
dices, je  les  désigne  sous  le  nom  com- 
iiain  (le  (jnathis ,  et  je  les  dislingne 
cnlre  eux,  d'après  leur  rang  dans  la 
série,  par  l'adjonction  d'imc  racine 
u'Jjcctive.  Ainsi  j'appelle  protognuthes 
les  membres  qui  consliUienl  les  ap- 
pendices buccaux  de  la  première  paire, 
ou  mandibules  ;  deutognatkes,  ceux 
(|ui  iormcnt  les  appendices  buccaux 
de  la  seconde  paire,  ou  màcboires  de 
lu  première  paire ,  et  ainsi  de  suite, 
on  complant  d'avant  en  arrière  (a). 

Lorsque  ces  membres,  ou  tout  autre 
organe  correspondant,  une  patte  am- 
bulatoire ou  une  antenne,  par  exem- 
ple, ariivenl  à  un  baut  degré  de  dé- 
veIoi)pement,  ils  se  dédoublent  pour 
ainsi  dire  dans  leur  portion  terminale, 
et  se  composent  d'une  branche  prin- 
cipale accompagnée  d'une,  de  deux  ou 


même  de  trois  branches  accessoires. 
Je  désigne  d'une  manière  générale  la 
branche  principale  du  membre  sjus 
]i'.  nom  de  protopodite  (6),  et  sous 
celui  de  parergopodites  (c)  les  bran- 
ches accessoires ,  que  je  distingue 
entre  elles,  d'après  leur  position  eu 
mésopodites,  exopodites  ci  épipodiles; 
ou  bien  encore  en  mcsognatlie,  exo- 
gnathe,  etc.,  quand  il  s'agit  spéciale- 
ment de  ces  parties  dans  l'appareil 
buccal. 

Le  protopodite,  dans  son  état  de  dé- 
veloppeiTient  normal,  se  composed'uiie 
série  d'articles  placés  bouta  bout, dont 
six  principaux,  et  d'autres  accessoires 
produits  par  le  fractionnement  des 
précédents.  Pour  désigner  ces  pièces, 
j'ai  cessé  d'employer  une  partie  dis 
noms  dont  j'avais  d'abord  fait  usage 
quand  je  m'occupais  des  Crustacés 
seulement,  et  je  les  appelle  d'une  ma- 
nière générale  :  coxite,  trudiite,  mi- 
roïle,  sqiiélile  ,   tarsite  et  dact>;lili!, 


((()  Mitiie  Edwards,  Observations  sur  le  squelette  téijumentaire  des  Crustacés  Décai-cd:s  -ÎL'- 
Uiiiges  carcinologùiues.  ci  Ann.  des  sciences  nal.,  1851,  3°  fcric,  (.  XVI,  [•.  '2U7). 
{())  DcTTOoiTo;,  iiruicipal,  et  Ttovr,  p.'iUc. 
[c]  De  i^i;toyj%,  accessoire,  ol  -ov.;,  l'aUc, 


ARMATURE    BUCCALE    DES    CRUSTACÉS.  481 

la  structure  d'une  manière  suffisante,  il  me  semble  nécessaire 
d'entrer  dans  quelques  détails,  et  d'indiquer  les  caractères 'prin- 
cipaux qui  s'y  remarquent  dans  chacun  des  types  carcino- 
logiques  principaux. 

Je  prendrai  pour  premier  exemple  la  Langouste,  qui  est  très 
commune  sur  nos  marchés  de  comestibles,  et  qui  est  un  excel- 
lent représentant  de  la  grande  division  des  Crustacés  Déca- 
|)odes.  De  même  que  chez  les  autres  Animaux  de  cet  ordre, 
l'appareil  buccal  est  logé  dans  une  sorte  de  fosse  limitée  en 
avant  par  la  région  antennaire,  sur  les  côtés  par  les  prolonge- 
ments ptérygostomiens  de  la  carapace  ,  et  en  arrière  par  le 
plastron  sternal  (1).  Il  se  compose  essentiellement  d'un  lobule 


Appareil 

buccal 

des 

Décapodes. 


parce  qu'elles  constituent  crordinaire 
la  hanche,  le  tiochanter,  la  cuisse,  la 
jambe,  le  tarse  et  le  doigt  ou  crochet 
terminal  d'une  patte.  Je  désigne  aussi 
sous  le  nom  de  basitrochite  un  article 
qui  se  forme  parfois  aux  dépens  du 
Irochile,  et  qui  sert  à  l'articulation  avec 
le  coxite.  Quant  aux  divisions  qui  se 
rencontrent  souvent  dans  le  tarsite, 
il  m'a  paru  suffisant  de  leur  donner 
des  numéros  d'ordre.  Enfin  ,  lorsque 
je  veux  parler  d'une  manière  parti- 
culière de  ces  articles  employés  dans 
la  constitution  de  l'un  des  membres 
de  l'appareil  buccal,  j'abrège  parfois 
en  les  appelant  coxognathite ,  tro- 
chognalhite  ,  etc.  ;  ou  bien  encore 
coxopodite,  etc.,  s'ils  appartiennent 
aux  pattes  ambulatoires,  et  coxocé- 
rites,  etc.,  quand  ils  entrent  dans  la 
composition  d'une  antenne.  Dans  des 
circonstances  semblables  ,  j'appelle 
aussi  épignathe,  exognathe  et  méso- 
gnathe  les  trois  branches  accessoires 
qui,  chez  les  Crustacés,  peuvent  se 


trouver  fixées  à  la  base  du  proto- 
podite  du  côté  externe. 

Au  premier  abord,  cette  nomencla- 
ture peut  paraître  trop  compliquée, 
mais  dans  la  pratique  elle  est  en  réalité 
fort  commode. 

(1)  Chez  les  Macroures,  les  Ano- 
moures  et  certains  Brachyures ,  la 
fosse  buccale  est  ouverte  en  avant  et 
n'est  bien  délimitée  que  sur  les  côtés, 
où  se  trouve  le  bord  inféro-interne 
du  canal  expirateur  formé  par  la  par- 
tie interne  de  la  région  ptérygosto- 
mienne  de  la  carapace.  Mais,  chez  la 
plupart  des  Brachyures,  elle  est  plus 
ou  moins  complètement  fermée  en 
avant  par  une  crête  transversale  qui 
sépare  la  portion  antérieure  de  sa 
voûte  (ou  endostome)  de  l'espace  si- 
tué à  la  base  des  antennes,  et  nommé 
épistome  (a).  Les  bords  de  cette 
fosse  ,  où  se  logent  les  appendices 
buccaux,  constituent  ce  que  j'ai  appelé 
le  cadre  buccal,  partie  dont  la  forme 
varie  beaucoup   dans  les  diderentes 


{a)  Voyez  l'atlas  de  la  grande  ûdilioii  du  Rù'jii&  animai  de  Cuvier,  Gp.UstagÉ5,  pi.  '3,  lig-,  2  et  o  ; 
pi.  29,  flg.  2a;  pi.  34  bis,  1%.  1  a,  etc. 


V. 


31 


/i.82  APPAREIL    DIGESTIF. 

médian  ou  lèvre  supérieure,  d'un  repli  latéral  postérieur  qui  est 
bifide  (1),  et  de  six  paires  de  membres  qui  diffèrent  beaucoup 
entre  eux  par  leur  forme,  et  qui  sont  le  plus  ordinairement 
désignés  par  des  noms  particuliers.  Ceux  de  la  première  paire, 
appelés  mandibules,  occupent  les  côtés  de  la  bouche,  et  sont 
couverts  en  dessous  par  les  autres.  Ils  sont  très  gros,  d'une  soli- 
dité remarquable,  et  se  terminent  du  côté  interne  par  une  surface 
masticatrice  large  et  garnie  d'un  bord  tranchant  ;  leur  bord  anté- 
rieur donne  insertion  à  un  petit  appendice  coudé  qui  ressemble 
à  une  patte  rudimentaire,  et  qui  est  désigné  par  les  zoologistes 
sous  le  nom  de  palpe  maxillaire;  enfin  ils  sont  articulés  sur 
les  parties  voisines  du  squelette  tégumentaire  par  deux  points 
diamétralement  opposés  de  leur  bord,  et  ils  sont  pourvus  de 
muscles  très  puissants  qui  les  renversent  au  dehors  de  façon 
à  les  écarter  entre  eux,  ou  les  rapprochent  de  manière  à  couper 
ou  à  broyer  les  aliments  qu'ils  saisissent  (2).  Les  deux  paires 


familles  naturelles  de  cet  ordre,  et 
fournit  d'excellents  caractères  pour 
les  distinctions  zoologiques  (a). 

(1)  Ces  lobes  labiaux,  qu'on  appelle 
d'ordinaire  la  lèvre  supérieure  et  la 
lèvre  inférieure,  ne  sont  pas  pour- 
vus de  muscles  moteurs,  et  n'appar- 
tiennent pas  au  système  appendicu- 
laire.  Le  premier,  épais  et  impair, 
naît  de  l'endostome  et  s'avance  un 
peu  au-dessus  de  la  ligne  de  ren- 
contre des  mandibules.  La  lèvre  infé- 
rieure ou  postérieure  se  compose  aussi 
d'un  tubercule  médian,  mais  présente 
en  outre  deux  expansions  lamelleuses 
qui  s'appliquent  sur  la  partie  pos- 
térieure  des  mandibule?.    La   forme 


de  ces  parties  varie  suivant  les  es- 
pèces (6). 

(2)  Ces  organes  sont  par  conséquent 
formés  essentiellement  par  les  coxo- 
giiathltes  de  la  première  paire,  qui 
paraissent  être  soudés  intimement  à 
l'arlicle  suivant  ou  trochognathite. 
Leur  palpe  est  constitué  par  la  portion 
suivante  du  protopode,  et  se  compose 
généralement  de  trois  articles  qui  pa- 
raissent être  le  méroïte,  le  carpile  et 
le  squélite.  La  portion  terminale  du 
luembre  ne  se  développe  jamais  dans 
ces  organes,  qui  n'olïrent  non  plus 
aucune  trace  de  parergopodiles. 

Chaque  mandibule  offre  à  peu  près  la 
forme  d'un  demi-cylindre  placé  trans- 


(a)  Voj'sz  Milno  Edwards,  Histoire  nalurelle  des  Crustacés,  t.  I,  p.  252,  etc. 
(6)  Voyez  Savigny,  Egypte,  Crustacés,  pi.  i,  fig.  7,  etc.  ;  pi.  8,  Rg.  i ,  etc.  j  à  lèvre  supérieure 
et  à  lèvre  inférieure. 


ARMATURE    BUCCALE    DES    CRUSTACÉS.  /iSS 

de  membres  suivants  sont  appelées  mâchoires  proprement  dites, 
mais  elles  sont  presque  lamelleuses,  et  servent  à  retenir  les 
aliments  contre  la  bouche  plutôt  qu'à  les  diviser;  l'une  d'elles 


veisalement  et  dont  la  convexité  est 
tournée  en  dessous,  c'est-à-dire  à  l'ex- 
térieur (a)  ;  elle  est  libre  à  sa  partie 
interne,  et,  dans  le  reste  de  son  éten- 
due, elle  est  1res  solidement  attachée 
aux  parties  voisines  du  squelette  tégu- 
mentaire,  à  l'aide  d'une  membrane  arti- 
culaire et  de  deux  cliarnières  occupant 
les  extrémités  d'une  ligne  oblique  di- 
rigée d'avant  en  arrière  et  de  dedans 
en  dehors  et  situées,  l'une  au  sommet 
d'un  gros  tubercule  conique ,  l'autre 
à  l'angle  posléro-externe  de  son 
bord.  La  mandibule  pivote  sur  ces 
deux  points  d'appui,  et,  en  s'abais- 
sant,  s'écarte  de  sa  congénère.  Ses 
muscles  moteurs  s'insèrent,  l'un  à  son 
bord  antérieur ,  l'autre  à  son  bord 
postérieur  ;  et  ce  dernier,  qui  déter- 
mine la  clôture  de  l'espèce  de  pince 
dont  chacun  de  ces  organes  constitue 
une  des  branches,  est  disposé  d'une 
manière  très  favorable  au  déploiement 
d'une  foixe  considérable,  car  il  se  fixe 
sur  ce  levier,  très  près  de  l'extrémité 
triturante  de  celui-ci  ,  et  il  remonte 
presque  à  angle  droit  pour  prendre 
son  point  d'attache   opposé    sous   la 


voûte  formée  par  la  carapace,  où  il 
occupe  un  espace  considérable  sur  les 
côtés  de  l'estomac. 

La  conformation  des  mandibules 
est  à  peu  près  la  même  chez  les  autres 
Décapodes  ;  seulement,  chez  les  Bra- 
chyures,  leur  partie  externe  se  rétrécit, 
et  leur  portion  interne  ou  masticatoire 
se  recourbe  plus  ou  moins  en  avant, 
et  se  trouve  d'ordinaire  séparée  du 
reste  par  un  étranglement  (6).  L'extré- 
mité triturante  de  ces  organes  olfre 
en  général  une  surface  large,  inégale 
et  d'une  grande  durelé  ;  mais  sa 
forme  varie  suivant  les  espèces,  et 
paraît  être  en  rapport  avec  la  nature 
des  substances  dont  ces  Animaux  se 
nourrissent  (c).  Quelquefois  elle  se 
bifurque,  et  constitue  un  tubercule 
triturant  ou  molaire  et  une  crête 
ou  lame  incisive  :  par  exemple , 
chez  l'Alphée  rouge  de  la  Méditer- 
ranée (d). 

Chez  les  Crangons ,  ces  organes 
sont  grêles  et  dépourvus  d'appendice 
palpiforme  (e).  La  même  anomalie  se 
rencontre  dans  les  genres  Atya  et  Lys- 
mata  {f). 


(a)  Les  appendices  buccaux  des  Langoustes,  ou  Palinurus,  ont  clé  très  bien  ligures  |iar  Do  Ilaan 
dans  son  grand  travail  sur  les  Crustacés  public  dans  le  Fauna  japonica  de  Siebold  (pi.  M).  On  peut 
s'en  former  aussi  une  idée  assez  juste  d'après  les  figures  représentant  les  mêmes  partios  cliez  le  Scyllare 
(Savigny,  Egypte,  pi.  8). 

[h]  l'ar  cxLMup'c,  ilirz  le  Maia  squinado  (voy.  l'Atlas  du  Règne  animal,  CnUàr.ACiîs,  pi.  4, 
lig.  \ ,  D). 

(c)  Voy(!z  les  figures  données  par  Savigny  dans  le  grand  ouvrage  sur  l'Egypte  (CltUSTACiU  ,  pi.  1 
à  10),  celles  faites  par  De  Haan  {Op.  cit.,  pi.  A  à  pl.Q),  ou  bien  encore  l'atlas  des  CKUSTACÉi  dans  la 
jjrande  édilinn  du  liègne  animal  de  Cnviur. 

(d)  Milne  Edwards  Cl\USTACÉ3  de  VAllns  du  Hègnc  animal,  pi.  ."i3,  fig.  1  b. 

(e)  Idem,  Ihsloire  des  Crustacés,  i.  IL  p.  .'MO,  pi.  55,  lig.  1  5,  et  Giiustacés  du  nègne  animal  de 
Ciivicr,  pi.  51 ,  fig.  i  a. 

(/')  Idcin,  ibid.,  t.  H,  p.  '385,  pi.  25,  fig.  \  1,  et  Hàjne  animal  de  Cuvior,  pi.  54,  lig.  3  a,  e;t, 


llSIi  APPAREIL    DIGESTIF. 

est  employée  aussi  comme  instrument  moteur  dans  l'appareil 
de  la  respiration  (1).  Enfin  les  appendices  buccaux  des  trois 
dernières  paires,  nommés  pieds -mâchoires,  sont  plus  allongés 
et  ressemblent  davantage  à  des  pattes;  mais  ils  sont  reployés 
en  avant  sous  la  bouche  et  servent  essentiellement  à  retenir  les 
aliments  (2). 


(1)  Voyez  tome  II,  page  136. 

(2)  Les  mâchoires  de  la  première 
paire  sont  presque  foliacées,  et  se  com- 
posent d'un  coxite  ou  pièce  basilaire 
suivie  de  trois  articles,  dont  deux  se 
recourbent  en  dedans  pour  former  la 
partie  préliensile  de  Torgane,  et  l'au- 
tre, situé  du  côté  externe,  constitue 
une  espèce  de  palpe.  Les  deux  lobes 
internes  sont  garnis  de  soies  roides 
le  long  de  leur  bord  interne,  et  s'ap- 
pliquent sur  les  mandibules.  La  con- 
formation de  ces  organes  ne  varie  que 
peu  chez  les  divers  Décapodes  ;  cepen- 
dant leur  lobe  interne  devient  souvent 
fort  grêle ,  et  leur  lobe  externe  ou 
terminal  se  compose  parfois  de  deux 
articles  placés  bout  à  bout  (a). 

Les  mâchoires  de  la  seconde  paire 
sont  rejetées  plus  en  dehors,  et  sont 
d'une  structure  plus  compliquée; leur 
branche  principale  n'est  que  peu  dé- 
veloppée,' mais  elles  portent  en  de- 
hors un  énorme  lobe  qui  paraît  être 
formé  par  leur  épignatiie,  et  qui  con- 
stitue la  valvule  dont  nous  avons  étu- 
dié ailleurs  le  rôle  dans  le  mécanisme 
de  la  respiration  (b). 


Toutes  les  mâchoires  auxiliaires  ou 
pieds-mâchoires  des  Décapodes  arri- 
vent à  un  haut  degré  de  complication, 
et  présentent,  outre  leur  branche  in- 
terne ou  protopodite,  au  moins  deux 
parergognathites  ou  branches  acces- 
soires ,  dont  une ,  appelée  épigna- 
thite  (c),  se  relève  dans  l'intérieur  de 
la  cavité  branchiale,  et  constitue  l'ap- 
pendice lamelleux  et  flagelliforme  (lue 
j'ai  déjà  eu  l'occasion  de  mentionner 
en  décrivant  l'appareil  lespiraloire 
de  ces  Animaux(d).  Un  autre  parergo- 
podite  se  porte  en  avant,  parallèle- 
ment au  protopodite,  et,  à  raison 
de  sa  position  ,  je  l'ai  appelé  exo- 
gnathite  (e).  Chez  la  Langouste  et 
quelques  autres  Macroures,  il  est  la- 
melleux et  s'atténue  graduellement 
vers  le  haut  ;  mais  en  général  il  se 
compose  d'une  portion  basilaire  en 
forme  de  tige  ou  manche  (  le  scapto- 
gnathite),  et  d'un  appendice  terminal 
et  muUiarliculé,  qui  est  flabelliforme. 

Les  pieds-mâchoires  de  la  première 
paire  sont  encore  plus  compliqués, 
car  on  y  trouve  une  branche  acces- 
soire moyenne,  ou  mésoijnathite;  mais 


(a)  Voyez  les  planches  citées  ci-dessus  dans  les  ouvragées  de  Savigny,  De  Hann  ,  Milnc  Ed- 
wards, Ole. 

(b)  Voyez  tome  II,  ]iag;o  136. 

(c)  Celte  partie  des  pattes-mâchoires  manque  généralemenl  dans  les  figures  de  ces  organes  données 
par  Savigiiy,  Do  Haan,  etc.  ;  e!le  se  trouve  repiésenlée  dans  d'autres  ouvrages  plus  rcccnis  (voy.  Milne 
Edwards,  Histoire  naturelle  des  Crustacés,  t.  1,  |il.  o,  lig.  8,  9  cl  10  ;  — Allas  du  nêgne  uninial 
de  Cuvier,  Guustacés,  pi.  4,  lig.  i.  G,  H,  1,  c,  etc.,  etc.). 

(dj  Voyez  tome  II,  page  13G. 

(c)  Voyez  VAtlas  du  Règne  animal,  pi.  4,  lig.  t ,  G,  11,  1,  b. 


ARMATURE    BUCCALE    DES    CRUSTACÉS.  ^85 

La  conformation  de  ces  divers  organes  est  à  peu  près  la 
même  chez  l'Écrevisse  et  tous  les  autres  Crustacés  décapodes 
de  l'ordre  des  Macroures.  On  les  trouve  aussi  disposés  presque 
de  la  même  manière  chez  les  Crabes  et  tous  les  autres  Décapodes 
brachyures  ;  mais  dans  ce  groupe  zoologique  les  pieds-mâchoires 
externes  ^ ou  postérieurs)  afiectentune  forme  un  peu  différente, 


leur  branche  principale  est  peu  déve- 
loppée, et  ne  se  compose  que  d'un 
coxite  portant  deux  articles,  dont  l'un 
très  petit,  et  l'autre  étendu  en  forme 
de  lame  arrondie  et  ciliée  sur  le  bord 
interne  (a).  Le  mésognathite  est  rudi- 
mentaire  chez  la  Langouste  et  beau- 
coup d'autres  iDécapodes  macrou- 
res (6).  Mais,  chez  les  Crabes,  il  s'a- 
vance au  delà  du  protognathite,  et  a 
la  forme  d'une  lame  étroite  à  sa  base, 
mais  élargie  vers  le  bout,  oîi  il  con- 
court à  former,  sous  Tépistome,  le 
plancher  du  canal  expirateur  (c;.  Enfin 
Vexognathite,  ou  branche  externe,  est 
grêle  et  très  allongé  ;  quelquefois  il 
porte  à  sa  base  une  expansion  lobi- 
forme  (d). 

Les  pieds-mâchoires  de  la  seconde 
paire,  qui  naissent  derrière  les  pré- 
cédents et  s'avancent  au-dessous 
d'eux,  ne  varient  que  peu  dans  leur 
structure  ,  et  leur  protognathite  ou 
branche  principale  ressemble  davan- 
tage à  une  petite  patte  qui  serait  re- 
pioyée  sous  la  bouche.  Leur  mé- 
roïle  est  très  allongé,  et  leurs  trois 
derniers  articles ,   de   grandeur  mé- 


diocre et  garnis  de  poils  roides,  se 
recourbent  en  dedans,  en  manière  de 
gratloire,  sous  la  bouche.  Leur  exo- 
gnaihite  ne  présente  rien  de  parti- 
culier (e). 

Les  pieds-mâchoires  externes  varient 
beaucoup  plus  dans  leurs  formes  :  ils 
portent  aussi  un  exognathe,  et  en  gé- 
néral un  épiguathe  assez  semblable  à 
ce  que  nous  venons  de  voir  chez  ceux 
des  deux  paires  précédentes,  mais  leur 
protognathite,  ou  branche  principale, 
est  beaucoup  plus  développé.  Chez 
quelques  Macroures ,  cette  partie  est 
très  grêle  el  s'allonge  excessivement, 
de  façon  à  ne  pas  différer  notablement 
des  pattes  suivantes  :  par  exemple, 
dans  le  genre  Pandalus  (/").  Mais  chez 
la  Langouste  (g)  et  la  plupart  des  autres 
Macroures,  elle  est  trapui',  et  sa  por- 
tion moyenne,  formée  par  le  iro- 
chite  et  le  méroïte,  est  disposée  de  fa- 
çon à  fonctionner  à  la  manière  d'une 
mâchoire,  cai'  le  bord  iiuerue  de  ces 
deux  articles  est  large  et  armé  d'une 
multitude  de  tubercules  ou  de  dénis, 
ainsi  que  de  touffes  de  poils  roides. 
La  première  de  ces  deux  pièces  ren- 


ia) Op.  cit.,  pL  4,  fig.  2,  G. 

(b)  Exemple  :  le  Maia  (voy.  le  Règne  animal  de  Cuvier,  Crustacés,  pi.  4,  Rg;.  i,  G,  a). 

(c)  Milne  Edwards,  Recherches  sur  le  mécanisme  de  la  respiration  chez  les  Crustacés  {Ànn.  des 
sciences  nat.,  2«  série,  t.  XI,  p.  133,  pL  4,  fig.  3  et  i}.  — Règne  animal  de  Ciivier,  Crustacés, 
pi.  7,  fig.  1*  et  t  f,  elc. 

(d)  Exemple  :  Palémon  squille  (Règne  animal,  pi.  4,  fig.  2,  G,  6). 

(e)  Exemple:  le  3Iaia  (voy.  le  Règne  animal.  Crustacés,  pi.  4,  fig.  ■!,  H.  elc). 
(/■)  Voyez  Milne  Edwards,' Crustacés  du  Règne  animal,  pi.  54,  11g.  2,  2  c 

(g)  Op.  cit.,  pi.  4G,  fig.  i  b. 


/|86  APPAREIL    DIGESTIF. 

et  s'élargissent  de  façon  à  constituer  une  paire  d'opercuîrs 
qui  se  rabattent  dans  le  cadre  circuinbuccal  comme  une  porte 
à  deux  vantaux.  Chez  tous  ces  Crustacés,  les  cinq  paires  de 
membres  qui  font  suite  à  cet  appareil  buccal  constituent  les 
pattes  proprement  dites,  et  servent  principalement  à  la  loco- 
motion. Chez  la  Langouste  et  quelques  autres  Animaux  de  cet 
ordre,  ils  n'ont  pas  d'autres  usages  ;  mais,  chez  la  plupart  des 
Décapodes,  les  pattes  de  la  première  paire  sont  délournces  de 
leurs  fonctions  ordinaires  [)0ur  devenir  des  organes  de  pré- 
hension et  de  défense.  A  cet  effet,  elles  sont  terminées  par  une 
sorle  de  main  conformée  en  manière  de  pince,  et  l'on  peut  les 
coFisidérer  comme  des  parties  complémentaires  de  l'appareil 
digestif,  bien  qu'elles  ne  soient  pas  appliquées  contre  la  bouche, 
comuïe  les  pieds-màchoires.  Quelquefois  les  pattes  de  la  seconde 
etmrnne  celles  de  la  ti'oisième  paire  sont  également  terminées 
par  une  pince  didactyle  ;  mais  les  organes  de  préhension  ainsi 
constitués  ne  servent,  en  général,  que  peu  ou  point  dans  l'ali- 
mentation, et  c'est  surtout  comme  leviers  locomoteurs  que  ces 
membres  sont  deshnés  à  agir  (IV 

contre  sa  congéiifTC  sur  la  li^nc  nié-  le    nom   de  gnathostégite  [a).   On    y 

(Jiane  de   la   région  buccale,  et  une  remarque  de   nombieuses    variations 

espèce  de  duliîl  formé  parles  troisder-  de    formes   qui    fournissent   d'excel- 

niers  articles  du  membre  se  recourbe  lents    caractères    pour    les    divisions 

contre  le  bord  int(?rne  du  méroïte.  génériques    établies   parmi  ces  Ani- 

Clicz  les  Brachyures,  cette  portion  maux,  aussi  irouve-t-on  ces  organes 

terminale  des    pieds  -  mâchoires  ex-  représentés   avec  soin  dans  tous  les 

ternes  se  trouve    réduite    à    de    très  ouvrages  modernes  sur  l'iiistoire  na- 

pelltcs  dimensions,    et  constitue    un  turelle  des  Crustacés  ;  mais  les  mo- 

appendice  palpiforme,  situé  à  l'extré-  difications  qu'on  y  rencontre  n'odrent 

mité  de  la  portion  moyenne,  qui  est  que   peu  d'intérêt  au  point  de   vue 

au  contraire    fort   élaigie.    En  effet,  anatomique  et  physiologique,  par  con- 

ici  le  irochile  et   le  méroïte  consti-  séquenl  je  ne  m'y  arrêterai  pas  da- 

tuent  une   espèce   d'opercule   on  de  vanlage  ici. 

porte  qui  clôt    en    dessous   la    fosse  (1)  Les  pinces  didactyles  des  IJo- 

buccale,   et  qui  a  été   désignée  sous  mards,  des  Écrevisses,  des  Crabes  et 

(a)  Milne  Edwards,   Observ.  sur  le  squelette  léfjumentairc  des  Crustacés  {Ami.  des  sciences 
nat.,  3«  série,  t.  XVI,  p.  288,  pi.  10,  fig-.  8). 


ARMATljKli    BUCCALK    DES    CRUSTACÉS.  /l87 

Chez  d'autres  Crustacés,  les  Squilles,  par  exemple ,  l'appa- 
reil buccal  se  complique  davantage  ;  il  ne  reste  plus  que  trois 
paires  de  membres  thoraciques  pour  constituer  des  pattes  pro- 
prement dites ,  et  indépendamment  des  mandibules,  des  deux 
paires  de  mâchoires,  d'une  paire  de  pieds-mâchoires  (ililbrmes, 
et  d'une  paire  de  grands  bras  préhenseurs  constitués  par  les 
représentants  des  pieds -mâchoires  de  la  seconde  paire  des 
Crabes,  il  y  a  trois  paires  de  pieds -mâchoires  accessoires  qui 
s'appliquent  sur  la  bouche  et  qui  sont  préhensiles  à  leur  extré- 
mité (1). 


Appareil 
buccal 

des 
Squilles. 


des  autres  Cruslacés  du  même  ordre 
sont  formées  par  le  tarsite  ou  pénul- 
tième article,  qui  d'ordinaire  s'élargit 
alors  en  forme  de  main,  et.  se  pro- 
longe au-dessous  de  l'article  suivant 
ou  didactyiite,  de  façon  à  constituer 
une  espèce  de  doigt  immobile  ou  index 
sur  lequel  cette  dernière  pièce  se 
rabat  en  manière  de  pouce.  Le  bord 
préhensile  de  chacune  des  branches 
de  la  pince  ainsi  constituée  est,  en 
général,  garni  de  tubercules  arrondis 
ou  de  denlicules  tranchantes,  et  cet 
instrument  s'ouvre  ou  se  ferme  par 
l'action  de  deux  muscles  situés  dans 
la  portion  palmaire  du  tarsite. 

Chez  les  Bracbyures ,  ce  mode 
d'organisation  n'existe  qu'aux  patles 
thoraciques  de  la  première  paire,  et 
les  membres  des  quatre  paires  sui- 
vantes sont  affectés  uniquement  à  la 
locomotion  (a).  Il  en  est  de  même 
chez  beaucoup  de  Décapodes  ano- 
moureset  macroures;  mais  chez  quel- 


ques-uns de  ces  Animaux,  tels  que  les 
Langoustes,  les  .Scyllares  et  les  Rémi- 
pèdes  (6),  les  pattes  antérieures  sont 
monodactyles,  tandis  que  chez  d'au- 
tres Crustacés  du  même  ordre,  celles 
de  la  deuxième  et  même  de  la  troisième 
paire  sont  terminées  en  pince  didac- 
tyle.  Chez  les  Écrevisses  et  les  Ho- 
mards où  cette  disposition  se  rencon- 
tre, ce  sont  cependant  les  pattes  de  la 
première  paire  qui  seules  acquièrent  un 
grand  degré  de  développement,  et  ser- 
vent d'ordinaire  à  la  préhension  (c). 
IVlais  dans  le  genre  Stenopus,  ce  sont 
les  pattes  de  la  troisième  paire  qui  de- 
viennent les  plus  fortes  et  qui  s'avan- 
cent en  forme  de  bras  {d)  ;  chez  les 
Callianasses,  cette  terminaison  en  pince 
didactyle  est  même  pins  ou  moins 
visible  dans  toutes  les  pattes  thora- 
ciques (e), 

(1)  Les  mandibules  des  Squilles, 
formées  comme  d'ordinaire  par  les 
pro-coxognathites,  et  portant  chacune 


(a)  Cette  disposition  se  voit  très  bien  dans  toutes  les  figures  destinées  à  représenter  les  Décapodes 
Brachjures  (ou  Crabes)  :  par  exem|ile,  dans  celles  de  V Atlas  du  Règne  animal  àe  Cuvier. 

(6)  Voyez  V Atlas  du  Règne  animal  de  Cuvier,  Crustacés,  pi.  42,  fig;.  \  ;  pi.  45,  tv^.  \  ;  pi.  40, 
fig.  1 ,  etc. 

(c)  Voyez  le  même  ouvrage,  pi.  49,  fig'.  2  et  3. 

(d)  Voyez  V Atlas  du  Règne  animal,  Crustacés,  pi.  50,  fij.  2. 

(e)  Voyez  le  même  ouvrage,  pi.  48,  fig.  3. 


hss 


APPAREIL    DIGESTIF. 


Appareil         Daiis  1106  autre  grande  division  de  la  classe  des  Crustacés, 

buccal 

des       celle  des  Edriophthalmes,  qui  comprend  les  Amphipodes,  les 

Edriophthalmes  •  ^       ' 

Isopodes  et  les  Lœmipodes,  l'appareil  buccal  est  au  contraire 
réduit  à  quatre  paires  de  membres,  et  les  appendices  qui,  chez 
les  Crabes  ou  les  Écrevisses,  constituent  les  pieds -mâchoires 
des  deux  dernières  paires,  sont  transformés  en  pattes,  de  façon 
que  le  nombre  de  ces  derniers  organes,  au  lieu  d'être  de  dix, 
comme  dans  l'ordre  des  Décapodes,  s'élève  à  quatorze.  Il  est 
aussi  à  noter  que  chez  la  plupart  de  ces  Animaux  les  pieds- 
mâchoires  s'unissent  entre  eux  par  la  base,  et  forment  à  la  partie 


un  petit  palpe,  sont  armées  du  côté 
interne,  de  deux  grosses  dénis  co- 
niques et  à  liords  denticulés  ,  dont 
l'une  se  dirige  liorizontalement  en 
dedans,  tandis  que  l'autre  se  relève 
à  angle  droit,  de  façon  à  se  loger  dans 
l'œsopliage  età  pénétrer  même  jusqu'à 
l'entrée  de  l'estomac,  qui  est  située 
au-dessus  (a). 

Les  mâchoires  de  la  première  paire 
sont  très  petites,  et  réduites  à  un 
article  basilaire  portant  deux  lobes 
presque  membraneux.  Celles  de  la 
deuxième  paire  sont  formées  seule- 
ment par  un  protognathile  divisé  en 
une  série  de  cinq  petits  articles  lamel- 
leux,  et  elles  n'offrent  aucune  trace 
de  l'épLgnathe,  qui  est  si  développé 
chez  les  Décapodes. 

Les  tétartognathes ,  ou  pieds-mà- 
choires  antérieurs ,  sont  constitués 
aussi  en  majeure  partie  parla  branche 
principale  qui  est  grêle,  et  très  allon- 
gée; mais  on  voit  à  la  base  de  chacun 


de  ces  appendices  un  petit  lobe  pédi- 
cule ,  ou  vésicule  comprimée,  qui  est 
formé  par  un  épignathe. 

Les  pemptognathes ,  ou  pieds-mà- 
choires  de  la  seconde  paire,  offrent 
un  développement  énorme,  et  leur 
branche  principale  constitue  une  paire 
de  grandes  pattes  diles  ravisseuses, 
qui  sont  susceptibles  de  se  roployer 
contre  la  bouche  ou  de  s'étendre  fort 
loin,  soit  en  avant,  soit  sur  les  côtes 
de  la  tète.  Chez  les  Squilles  pro- 
prement dites ,  leur  dactylite  con- 
stitue une  griffe  1res  puissante  dont 
le  bord  interne  est  armé  de  grosses 
dénis  spiniformes ,  et  disposé  de  fa- 
çon à  se  reployer  contre  le  bord  in- 
terne du  tarsite  ,  qui  est  également 
épineux  et  pourvu  d'une  rigole  pour 
recevoir  les  crochets  de  l'espèce  de 
doigt  mobile  dont  je  viens  de  par- 
ler. 

Enfin  les  membres  des  trois  paires 
suivantes,   correspondants  aux  hexo- 


ffl)  Milne  Edwards,  Histoire  naturelle  des  Crustacés,  t.  II,  p.  491 ,  pi.  27,  fig.  3. 

— •  Duvernoy,  Mém.  sur  quelques  points  d'organisation  concernant  les  appareils  d'alimentatio)i 
et  de  circulation  des  Squilles  (Ann.  des  sciences  nat.,  2*  série,  1837,  t.  VIII,  p.  i9,  pi.  2, 
fig.  4  à  7). 

—  Dalle  Chiaje,  DescriMone  e  notomia  degli  Animali  invevtebrati  délia  Sicilia  citeriore,  pi.  80, 
fig.*. 


ARMATURE    BUCCALE    DES    CRUSTACÉS.  /l89 

postérieure  de  la  bouche  un  organe  impair  que  les  zoolo- 
gistes comparent  souvent  à  une  lèvre  intérieure.  J'ajouterai 
que  chez  quelques  Amphipodes,  par  exemple  chez  la  Talitre, 
qui  abonde  sur  nos  côtes  sablonneuses  et  s'y  fait  remarquer 
par  la  vivacité  de  ses  sauts  ,  les  mandibules  sont  dépour- 
vues de  la  petite  branche  palpiforme  qui  d'ordinaire  indique 
l'analogie  de  ces  organes  avec  les  autres  membres,  et  elles 
ne  se  composent  que  d'une  seule  pièce  comparable  à  une 
hanehe  sans  cuisse  ni  autre  partie  appendiculaire ,  disposition 
qui  se  rencontre  aussi  chez  un  petit  nombre  de  Décapodes 
macroures  (1). 


gnathes  et  aux  patles  thoraciques  des 
deux  premières  paires  cliez  les  Déca- 
podes, sont  conformés  à  peu  près  de  la 
même  nianière  ,  si  ce  n'est  que  leur 
larsile,  au  lieu  d'être  très  allongé,  est 
fort  court  et  arrondi;  que  leur  grilTe 
terminale  est  simple  et  petite  ;  enfin, 
que  dans  la  position  ordinaire,  ces  or- 
ganes sont  dirigés  en  avant,  entre  la 
base  des  pattes  ravisseuses,  et  appliqués 
contre  la  bouche,  de  façon  que  l'espèce 
de  main  discoïde  qui  termine  chacun 
d'eux  sert  à  retenir  les  aliments  près 
des  mandibules  (a).  De  même  que 
les  pemptognalhes  ,  chacun  de  ces 
membres  porte  à  sa  base  un  lobe  pé- 
dicule semblable  à  ceux  que  nous 
avons  déjà  vus  fixés  aux  pieds-raà- 
choires  de  la  première  paire.  Ce  sont 
des  vésicules  qui  paraissent  servir  à  la 
respiration  (6). 

Pour  la  comparaison  de  cette  série 
d'appendices  avec  les  pièces  de  l'ap- 


pareil buccal  des  Décapodes,  je  ren- 
verrai aux  figures  que  j'en  ai  données 
dans  l'atlas  de  la  grande  édition  du 
Règne  animal  de  Cuvicr  (Crdstacés, 
pi.  Zi). 

L'appareil  buccal  est  conformé  de  la 
même  manière  chez  les  Alimes  et  les 
Érichthes  (c).  Chez  les  Gonodaclyles, 
qui,  du  reste,  sont  extrêmement  voi- 
sins des  Squilles ,  le  dactylite  des 
pattes  ravisseuses  n'a  pas  la  forme 
d'une  griffe,  mais  est  droit  et  très 
élargi  à  sa  base  [d). 

(1)  Pour  plus  de  détails  relatifs  à 
la  conformation  des  appendices  buc- 
caux des  Crustacés  de  la  division  des 
Édriophthalmes,  je  renverrai  aux  tra- 
vaux de  Savigny,  et  à  divers  ouvrages 
spéciaux  dans  lesquels  j'en  ai  traité. 
M.  Kroyer  et  M.  Dana  ont  fait  con- 
naître aussi  beaucoup  de  variations  de 
forme  dans  les  appendices  buccaux 
chez  ces  Animaux,  et  M.  Lereboullet 


{a)  Voyez  tome  II,  page  128. 

(6)  Milne  Edwards,  Histoire  naturelle  des  Crustacés,  pi.  27,  fig.  2  et  10.  —  Atlas  du  Règne 
animal  de  Cuvier,  Crustacés,  pi.  55,  fig.  1  a,  et  pi.  56,  fig.  1 . 

(c)  Voyez  l'Atlas  du  Règne  animal  de  Cuvier,  Crustacés,  pi.  57,  fig.  1,  1  c,  i  d,  Z,  elc. 

[d)  Ibid.,  Crustacés,  pi.  55,  fis-.  2. 


490  APPAREIL    DIGESTIF. 

"^ITcaf         f^'ifi",  chez  les  Branchiopodes,  l'appareil  buccal  se  simplifie 
des       davantage;  les  mandibules  sont  robustes  et  disposées  comme 

Brancliiopoiles.    -,,  . 

d  ordinaire,  mais  elles  ne  sont  suivies  que  d'une  ou  de  deux 
paires  d'appendices  foliacés  qui  paraissent  correspondre  aux" 
mâchoires  des  Crustacés  supérieurs  ,  et  les  pieds-mâchoires 
manquent  complètement,  ou  plutôt  sont  transformés  en  pattes 
natatoires  (1). 
Appareil         Lcs  Balanos,  qui  demeurent  fixées  sur  les  rochers  ;  les  Ana- 

buccal  .„  .       ^    ,    , 

des        tites,  qui,  a  1  état  adulte,  sont  également  condamnés  à  une  vie 

Cirrliipcdes.  , 

complètement  sédentaire,  et  les  autres  Animaux  marins  dont  se 
compose  le  groupe  des  Cirrhipèdes,  diffèrent  beaucoup  des  Crus- 
tacés ordinaires  i)ar  leur  forme  extérieure,  mais  appartiennent  au 
même  type  organique  fondamental,  et  paraissent  devoir  prendre 
place  dans  la  même  classe.  Aussi  l'appareil  buccal  de  ces  sin- 

a  décrit  avec  soin  cet  appareil  cliez  les  Chez  les  Cypris,  on  ne  trouve,  à  la 

Cloporlides  (a).  suite  des  mandiiîulos,  que  deux  paires 

Cliez  les  Cyclopes  et  les  autres  pe-  de  mâchoires  fort  petites  (c). 
tits  Crustacés  de  l'ordre  des  Copépodes,  (1)  Chez  VApus  cancriformis ,  le 
il  y  a  une  paire  de  mandibules  très  labre  est  très  grand  ;  les  mandibules 
fortes  et  portant  souvent  un  appen-  sont  robustes  et  denticulées,  mais  dé- 
diée jialpiforme  assez  grand  ;  deux  pourvues  d'un  appendice  palpiforme  ; 
paires  de  mâchoires  et  une  paire  de  la  paire  de  mâchoires  antérieures  se 
pieds-mâchoires  larges  et  terminés  par  compose  de  deux  lames  simples  et 
deux  branches  garnies  de  longs  poils  presque  quadrilobées,  articulées  par 
plumeux  {b).  leur  bord  postérieur,  et  épineuses  sur 

(a)  Savigny,  Théorie  des  organes  de  la  bouche,  p.  51,  pi.  i,  et  Description  de  l'Égyple,  Crus- 
tacés, [il.  11. 

—  Milnc  Edwards,  Recherches  pour  servir  à  l'histoire  des  Crustacés  Amphipodes  {Ann.  des 
sciences  nat.,  1 '•  série,   1830,  t.  XX,  pi.  10  et  11).  — Histoire  naturelle  des  Crustacés,  t.  III. 

—  Atlas  du  Règne  animal  de  Cuvier,  Crustacés,  pi.  58  .h  61. 

—  Kroyer,  Gronlands  Amfipodes  {Mém.  de  l'Acad.  de  Copenhague,  1838,  t.  VII). 

—  Zenker,  De  Gammari  pulicis  liist.  nat.,  pi.  1,  ii.ç.  D-G.  lenœ,  1832. 

—  D.ina,  Crustacea,  pi.  46  à  G7  {United  States  exploring  Expédition  under  Ihe  Command  of 
C.   VV'iiftM,  Philadelphia,  1855). 

—  Lereboullet,  Mém.  sur  les  Crustacés  de  la  famille  des  Cloportides  qui  habitent  les  environs 
de  Strasbourg,  p.  75  et  suiv.,  pi.  i. 

(b)  Milne  Edwards,   Atlas   du.  Règne   animal   de  Cuvier,  Crustacés,  pi.  72,  fi^-.  2  î;  à  2  e,  et 
fin;.  3  à  5. 

—  Dana,  Op.  cit.,  pi.  75,  fig.  1  6. 

—  Liljeburg-,  De  Crustaceis  ex  ordinibus  tribus  :  C^adogera,  Ostracoda  e^CoPEPODA,  in  Scania 
occurrenlibus,  y\.  U,  fig.  5  ;  p].  4  6,  fig.  3.  Lund,  1850. 

(c)  Straiis,  Mém..  sur  les  Cypris,  p.  15,  pi.  1,  fig.  7,  8  et  9  (extr.  des  Mém.  du  Muséum,  t.  VII). 

—  Atlas  du  Règne  animal,  pi.  73,  fig.  i  da  if. 


ARMATURE    BUCCALE    DES    CRUSTACÉS.  /|91 

guliers  Animaux  est-il  constiliié  à  peu  près  de  mAine  (pie  clie/ 
plusieurs  des  espèces  dont  je  viens  de  parler;  mais  les  membres 
qui  chez  celles-ci  sont  affectés  à  la  locomotion,  et  deviennent  des 
pattes  ambulatoires  ou  des  rames  natatoires,  ne  servent  plus, 
chez  les  Cirrhipèdes,  qu'à  amener  vers  la  bouche  les  matières 
nutritives  en  même  temps  qu'ils  établissent  des  courants  néces- 
saires à  l'entretien  du  travail  de  la  respiration.  Chacun  de  ces 
appendices  se  termine  par  deux  branches  grêles  et  allongées 
divisées  en  une  mulhtude  de  petits  articles  et  garnies  de  longues 
soies  ;  sans  cesse  ils  se  déploient  au  dehors,  puis  se  recourbent 
ens  en  scontraire,  et  se  rabattent  sur  l'entrée  des  voies  diges- 
tives.  On  peut  donc  considérer  ces  organes  comme  étant  en 
quelque  sorte  des  mâchoires  axillaires  ou  pieds-màchoires,  et, 
en  se  plaçant  à  ce  point  de  vue,  on  peut  dire  que,  chez  les 
Cirrhipèdes,  la  totalité  du  système  appendiculaire  se  trouve 


leur  bord  inlerne  ;  les  mâchoiies  de  la  rieure  et  les  mandibules  sont  confor- 

secondc  paire  sont  représentées  par  mées  à  peu  près  comme  chez  l'Apus, 

des  appendices   foliacés  et  bilobés  ;  mais    ne   sont   suivies  que   par  une 

enfin  il  existe  derrière  la  bouche  une  paire  de  mâchoires  presque  rudimen- 

pince  transversale  que  Savigny  con-  taires  (c).    Il  en   est  à   peu  près  de 

sidère  comme  l'analogue  de  la  lèvre  même  chez  les  Artémies  {d),  les  Lim- 

inférieurc  des  Crustacés  Édriophlhal-  nadies  (e)  et  les  Limnéties  (/"). 

mes    ou  des   Décapodes,  et  qui,  en  Chez  les  Daphnies,  on  ne  trouve 

effet,    ne   paraît   pas    appartenir    au  aussi  en  arrière  des  mandibules  qu'une 

système  appendiculaire  {a).  Un  mode  paire  de  mâchoires,  mais  ces  organes 

d'organisation  analogue  se   voit  chez  sont   bien  développés  et   armés   de 

VIsaura  crjcladoides  (6).  crochets  puissants  {g). 


Chez  les  Branchipes,  la  lèvre  siipé- 


(a)  Savigny,  Théorie  des  organes  de  la  bouche,  p.  63,  pi.  7. 

—  Voyez  aussi  l'Atlas  du  Règne  animal  do  Ciivier,  Crustacés,  pi.  75. 

{h}  Joly,  Recherches  zoologiques,  anatomiques  et  physiologiques  sur  Tlsaiira  cycladoiJes  (inn. 
des  sciences  nat.,  2-  série,  ■1842,  t.  XVII,  p.  296,  pi.  8,  fig-.  22  et  23). 

(c)  Voyez  VAtlas  du  Règne  animal,  CrsusTACÉs,  pi.  74,  ïig.  3  a,  3  c,  3  d. 

(d)  Joly,  Histoire  d'un  petit  Crustacé  auquel  on  a  faussement  attribué  la  coloration  en  rouge 
des  marais  salants  (Ann.  des  sciencesnat.,  2"  série,  4840,  I.  XIII,  p.  234,  pi.  0,  fig.  2  et  3). 

(e)  Milne  Edwards,  Atlas  du  Règne  animal,  Crustacés,  pi.  74,  fig.  1  b,  i  c. 

(/■)  Grubo,  Pemerli.  iiber  die  Plnjllopodea  [Archiv  fiir  Naturgesch.,  1853,  t.  I,  pi.  7,  fig.  24). 
(g)  Slraus,  Mém.  sur  les  Daphnies,  p.  20,  pi.  29,  fig.  8  et  9  (extr.  des  Mémoires  du  Muséum, 
».  V). 

—  Liljeborg,  Op.  cit.,  pi.  i,  fig.  6,  etc. 


Appareil 
buccal 


492  APPAREIL    DIGESTIF. 

affectée  au  service  de  la  digestion  et  employée  dans  la  con- 
stitution de  l'appareil  de  la  mastication  ou  de  ses  dépen- 
dances (1). 

§  3.  —  Chez  les  Crustacés  suceurs ,  qui  vivent  en  général 
des  Crustacés  fjxés  sur  Ic  corps  dcs  Poissons,  et  qui  se  nourrissent  à  l'aide  des 

suceurs.  ^  '  ' 

fluides  qu'ils  y  puisent,  la  bouche  affecte  la  forme  d'une  petite 
trompe  conique  dans  l'intérieur  de  laquelle  se  trouvent  des 
stylets  aigus,  et  de  chaque  côté  de  cet  organe,  on  voit,  à  la  (ace 
inférieure  de  la  tête,  un  ou  plusieurs  appendices  au  moyen  des- 
quels l'Animal  se  cramponne  sur  sa  proie.  Chez  les  Caliges  et 


(1)  Chez  les  Balanes,  qui  se  trouvenl 
dans  une  position  renversée  à  l'inté- 
rieur de  l'espèce  de  loge  conchyli- 
forme  dont  leur  corps  est  revêtu,  la 
bouche  est  située  au-dessous  du  pa- 
nache formé  par  leurs  tentacules  ou 
pattes-mâchoires.  Elle  occupe  le  cen- 
tre d'une  petite  éminence,  et  présente 
du  côté  frontal  une  lèvre  supérieure 
très  développée.  Latéralementony  voit 
une  paire  de  mandibules  fortement 
dentées  et  portant  un  appendice  ia- 
melleux  qui  est  analogue  à  la  branche 
palpiforme  dont  ces  organes  sont  gé- 
néralement pourvus  chez  les  Crustacés 
supérieurs,  mais  se  trouve  soudé  au 
labre  près  de  sa  base.  A  la  suite  de 
cette  paire  de  membres  vient  une 
paire  de  mâchoires  lamelleuses,  puis 
une  sorte  de  lèvre  inférieure  formée 
par  une  paire  de  branches  élargies  et 
biarticulées  ,  insérées  par  une  pièce 
basilaire  impaire  et  médiane.  Ce  der- 
nier organe  semble  résulter  de  la  réu- 


nion d'une  paire  de  mâchoires,  et  res- 
semble beaucoup  à  l'appendice  buccal 
médian  qui  ,  cliez  les  Aniphipodes 
sédentaires,  est  constitué  de  la  sorte 
par  la  jonction  des  deux  mâchoires 
auxiliaires.  Enfin  derrière  cet  assem- 
blage de  pièces,  on  voit  naître  une 
série  de  six  paires  d'appendices  por- 
tant chacune  deux  longues  branches 
tentaculiformes  etmultiarticulées,  qui 
se  dirigent  en  haut,  puis  se  recourbent 
en  avant,  au-dessus  de  la  bouche  («), 
Chez  les  Anatifes,  l'appareil  buccal 
est  disposé  à  peu  près  de  la  même 
manière.  M.  Martin  Saint-Ange  décrit, 
il  est  vrai,  une  paire  de  mâchoires  de 
plus  que  je  n'en  ai  compté  chez  les 
Balanes,  mais  cela  me  paraît  dépendre 
de  ce  qu'il  considère  comme  des 
mandibules  les  lames  ou  palpes  qui 
naissent  sur  ces  organes  (b).  M.  Dar- 
win a  donné  une  description  plus 
exacte  de  l'appareil  buccal  de  ces 
Animaux  (c). 


(a)  Milne  Edwards,  Atlas  du  Régne  animal  de  Cnvier,  Mollusques,  pi.  138,  lig.  2  a,  ^c,°f. 
—  Voyez  aussi  à  ce  sujet  Darwin,  A  Monogr.  of  thu  sub-class  Cirrhipeda,  Balanid.'E,  p.  74, 

pi.  20,  fig.  2,  3,  4  (Ray  Society,  1854). 

(b)  Martin  Saint-Ange,  Mém.  siir  l'organisa  lion  des  Cirrhipèdes,  p.  15,  pi.  i,  (ig.  0,  el  pi.  i, 
ùg.  U  (exlr.  des^e'm.  des  Savants  étrangers,  t.  Vl). 

(c)  Darwin,  Op.  cit.  (Lepadid.e,  p.  39  etsuiv.,  pi.  x,  fig,  1  à  17  {Ray  Society,  1851), 


AH  MATURE    BUCCALE    DES    CRUSTACÉS  !  /l.93 

les  autres  petits  Crustacés  de  l'ordre  des  Sipbonostomes,  ces 
organes  de  fixation  sont  au  nombre  de  trois  paires;  mais  chez 
les  Lernéens,  qui  sont  des  représentants  dégradés  du  même 
type  zoologique,  on  n'en  trouve  d'ordinaire  qu'une  seule  paire 
dont  la  forme  est  souvent  très  bizarre.  Diverses  considérations 
m'ont  conduit  à  penser  que  ces  membres  correspondent  aux 
pieds-màchoires  des  Crustacés  supérieurs,  et  que  les  stylets  du 
suçoir,  ainsi  que  plusieurs  appendices  rudimentaires  situés 
auprès,  sont  constitués  par  les  éléments  organiques  qui  ailleurs 
forment  les  mandibules  et  les  mâchoires;  enfin,  que  la  gaine 
conique  de  cet  appareil  est  l'analogue  de  la  lèvre  supérieure  (1). 


(i  i  J'ai  constaté  que  chez  le  Panda- 
rus,  le  bec  ou  suçoir,  qui  se  voit  vers 
le  milieu  de  la  face  inférieure  du  bou- 
clier céphaiique,  est  composé  de  deux 
pièces  médianes  qui,  de  chaque  côté, 
vers  leur  base,  laissent  entre  elles  un 
vide  ,  mais  se  réunissent  en  forme 
de  tube  vers  le  bout,  et  qui  m'ont 
paru  devoir  être  considérées  comme 
les  représentants  de  la  lèvre  supérieure 
ou  labre,  et  de  la  lèvre  inférieure  ou 
postérieure  des  Crustacés  supérieurs. 
De  chaque  côté  de  la  base  de  cet  or- 
gane se  trouve  une  paire  de  petits 
appendices  styliformes,  et  une  apo- 
physe cornée  ;  enfin,  dans  son  inté- 
rieur se  logent  deux  aiguilles  rigides, 
et  d'après  Tordre  d'insertion  de  ces 
parties  j'ai  été  conduit  à  les  regarder 
comme  les  analogues  des  mandibules 
et  des  mâchoires.  Enfin,  une  paire  de 
gros  appendices  terminés  par  une 
griffe  se  trouve  refoulée  en  avant  de 
la  bouche  ;  une  seconde  paire  de  mem- 


bres coudés  s'insère  sur  les  côtés  de 
cet  organe,  et  une  troisième  paire 
d'appendices  crochus  au  bout  est 
placée  en  arrière  des  précédentes  et 
au-devant  de  la  série  des  pattes  nata- 
toires. Conformément  aux  principes 
des  analogies,  j'ai  rapporté  ces  six 
organes  de  fixation  aux  mâchoires 
auxiliaires  qui,  chez  les  Crustacés  su- 
périeurs, occupent  la  même  position 
dans  la  série  des  appendices  céphalo- 
thoraciques  [a). 

La  conformation  de  ces  pattes-mâ- 
choires ,  dites  ancreuses  ,  présente 
quelques  variations  remarquables  chez 
certaines  espèces  de  l'ordre  des  Si- 
pbonostomes. Ainsi,  chez  le  Dichéles- 
lion,  qui  vit  sur  l'Esturgeon,  la  pre- 
mière paire  de  ces  appendices  est 
portée  encore  plus  en  avant  que  chez 
les  Pandarus  ou  les  autres  Caligiens, 
et  constitue  une  paire  de  cornes  ter- 
minées par  une  sorte  de  pince  bi- 
fide  (6)  ;   enfin  ,  chez    les   Argulcs , 


{a)  Milne  Edwards,  Mém.  sur  l'organisalicn  de  la  bouche  che%  les  Crustacés  suceurs  {Ann.  des 
sciences  nat.,  1"  série,  1833,  t.  XXVIII,  p.  78,  pi.  S,  ûg.  3  à  10). 
(bj  Hermani),  Mémoire  aptérologique,  1804,  pi.  7,  Rg.  7. 

—  F.atliko,  Bemerkungen  ûker  den  Bau  des  Dicheleslhiuui  Sliirionis  {^'ova  Acla  Acad.  nat. 
cunos.,  t.  XIX,  pi.  17,  iig.  1). 

—  Milne  Edwards,  Atlas  du  Règne  animal  de  Cuvier,  Ckustacé?,  pi.  79,  lij.  2  et  2a. 


Û9^  APPAREIL    DIGESTIF" 

Mais  je  ne  discuterai  pas  ici  cette  question,  parce  que  les  rela- 
tions entre  des  parties  correspondantes  du  même  ordre  sont 
beaucoup  plus  faciles  à  saisir  chez  d'autres  Animaux  articulés 
dont  nous  allons  bientôt  nous  occuper. 
1)Tcaf  ^  ^*  —  ^^"^  ^^  petite  CLASSE  DES  MYRIAPODES,  la  bouchc  est 
des  Myriapodes,  prcsquc  toujours  organiséc  pour  la  préhension  et  la  mastication 


ces  patles-mâchoires  ancreuses  de  la  chets,  et  souvent  on  distingue,  auprès 

première  paire   ont  la  forme  de  petits  de  la  Ijase  de  cet  organe,  des  appen- 

crochets,  et  celles  de  la  paire  suivante  dices  rudimentaires  qui  sont  évidem- 

s'élargissent  au   bout  et  se  creusent  ment  les  analogues  de  certaines  pièces 

d'une  cavité  cupuliforme ,  de  façon  à  mentionnées  ci-dessus  chez  les  Cali- 

ressembler  à  des  ventouses  (a).  giens:  par  exemple,  chez  le  Le?Tieoce?-a 

I.a  structure  du  suçoir  ne  paraît  eyprinacea    (c) ,   VAchtheres  Perca- 

olfrir  que  peu  de  variations  chez  les  rum  {d),\<iBrachiellauncinata{e),  \g 

Crustacés  de  ce  groupe  ;  la  forme  des  Chondracanlhus    Triglœ  (  /")  ,   et  le 

stylets  maxillaires  se   modifie,  et  les  Chondracanlhus  Merlucii  (g).  Enfin, 

rudiments    d'appendices    maxillaires  il  existe  aussi,  chez  quelques-uns  de 

situés  de   chaque   côté   ne  sont  pas  ces  Crustacés  parnsites,  des  organes  de 

constants  (b),  mais  ce  sont  là  des  dé-  fixation  qui  pourraient  bien  être   des 

tails  sans  importance.  pieds-mâchoires  déformés  :  parexem- 

Chez les Lernéens,  il  existe  également  pie,  chez  le   Tracheliastes  polycol- 

un  suçoir  conique  dans  l'intérieur  du-  pus  {h),  le  Brachiella  impudica  (t)  et 

([uel  se  voient  deux  slyiets  ou  cro-  la  Penella  Blainvillei  (/). 

(a)  Jurine,  Mém.  sur  l'Argule  {Ann.  du  Muséum,  t.  VII,  pi.  26). 

Dana  and  Horrick,  Descript.  of  Ihe  Argulus  Catostomi  {American  Journal  of  Science,  t.  XXXI, 

pi.  3,  dg.  1). 

—  Milne  Edwards,  Crl'staciÎs  de  V Atlas  du  Règne  animal  de  Cinicr,  pi.  78,  ûg.  i  a. 

(b)  Voyez,  par  exemple,  ces  organes  chez  le  Caligus  Nordmannii  (Milne  Edwards,  Atlas  du  Règne 
animal,  Crustacés,  pi.  77,  fig.  i  a,  i  b  k  i  f). 

Le  Dinematura    gracilis    (  Burmeister    Beschr.    einiger  neuen  oder  weniger  bekannlen 

Schmarotzerkrebse  {Nova  Acta  Acad.  Nat.  curios.,  t.  XVIÏ,  pi.  13,  fig.  3  à  6). 

Le  Caligus  americanm;  (Pickering  and  Dana,  Descript.  of  a  Species  of  Caligus  {American 

Journal  of  Sciences,  t.  XXXIV,  pi.  d,  fig.  1  ;  pi.  2,  fig.  12  à  17). 

—  Le  Nicothoa  Astaci  (Milne  Edwards,  Op.  cit.,  pi.  79,  fig.  1  a). 

Le  Dichéleslion  (Rathkc,  Op.  cit.  ;  Milne  Edwards,  Op.  cit.,  pi.  79,  fig,  ^a»^c}. 

VElytrophora  brachyptera  {\oy.  Gerstacker,  Ueber  eine  neue  Siphonostomen-Gattung.,  in 

Àrchiv  fi'ir  Natnrgeschichte,  1853,  pi.  3,  fig.  12). 

(c)  Burmeister,  Op.  cit.,  pi.  24  A,  fig.  2  et  3  {Nova  Acta  Acad.  Nat.  curios.,  t.  XVIl). 

{d]  Nordmann,  Micrographische  Beitruge  »Mf  Naturgeschichte  der  wirbellosen  Thiere,  pi.  5, 

f,,r.  1  à  G. Allas  du  Règne  animal  de  Cuvier,  Zoophytes,  pi.  30,  fig.  1  b,  etc. 

"(e)  Nordmann,  Microscop.  Beitr.,  t.  II,  pi.  8,  fig.  12.  —  Règne  animal  de  Cuvier,  Zoophytes, 
pi.  31,  fig.  4  c. 

(/■)  Nordmann,  Microscop.  Beitr.,  pi.  9,  fig.  9,  10,  etc. 

(y)  Milne  Edwards,  Allas  du  Règne  animal  de  Cuvier,  Zoophytes,  pi.  32,  fig.  2,  2  b. 

(//)  Nordmann,  Op.  cit.,  pi.  7,  fig.  1. 

(;,Hdem,  i6i.(/.,  pi.  8,  fig.  1  et  2.  —  Allas  du  Règne  animal, '/mopUyt es,  pi.  31,  ûg.  i. 

{jl  Milne  Edwards,  Atlas  du  Régne  animal  de  Cuvier,  Zoophytes,  pi.  31 ,  fig.  2  ,  2  a. 


ARMATURE    ËUCCALE    DES    MYRIAPODES.  /jOS 

d'aliments  solides  ;  sa  structure  se  rapproche  beaucoup  do  ce 
que  nous  avons  vu  chez  certains  Crustacés,  mais  elle  présente 
diverses  particularités  dignes  d'attention  ,  et  l'on  y  distingue 
deux  formes  principales  appartenant,  l'une  à  la  division  des 
Scolopendres,  l'autre  à  celle  des  Iules. 

Chez  les  premières,  dont  Latreille  a  formé  l'ordre  des  Ghilo- 
podes  (1),  on  trouve  sous  le  front  une  lèvre  supérieure,  ou 
labre  ,  formée  par  une  pièce  cornée  médiane  large,  courte  et 
cintrée  ;  puis  quatre  paires  d'appendices,  savoir  :  une  paire  de 
mandibules  formées  chacune  d'un  article  disposé  transversare- 
ment  et  armée  à  son  bord  interne  de  dents  qui  garnissent  les 
côtés  de  l'ouverture  buccale  (2)  ;  une  paire  de  mâchoires  anté- 
rieures, qui  sont  grosses,  trapues,  dirigées  en  avant  et  termi- 
nées par  une  surface  triturante  fort  large  (3);  une  paire  de 

(1)  C'est-à-dire  ayant  la   lèvre  for-  gie  transversalement,  et  leur  extrémiK; 

mée  par  des  pieds  (de  /.sï^-o?,  lèvre,  antérieure   recourbée    en  dedans  de 

et  iToù;,  pied).  façon  à  se  rencontrer  en  manière  de 

('2)  Par   leur    forme   générale,  les  pince  ;  enfin,  on  y  distingue  cinq  ar- 

mandibules  des   Chilopodes    resseni-  ticles  placés  bout  à  bout,  et  entre  leur 

blent  beaucoup  à  celles  des  Crustacés,  base  on  aperçoit  une  paire  de  petites 

et  elles  se  composent  essenliellement  pièces  que  Sa vigny  considérait  comme 

d'un  coxile  (a).  les  représentants  d'une  seconde  paire 

Ces  organes  sont,  évidemment  les  de  mâchoires  (c),  mais  que  Newport  a 

analogues  de  ceux  qui,  chez  les  Crus-  reconnu  être  constituées  par  les  par- 

tacés  et  les  Insectes,  portent  aussi  le  ties  de  l'arceau  sternal  correspondant 

nom  de  mandibules.,  et  ce  serait  inlro-  appelées  épwiérites  [d).  Ces  membres, 

duire  dans  le  langage  entomologiquc  et  les  pièces  mitoyennes  dont  je  viens 

une  confusion  fâcheuse,  si  on  les  ap-  de  parler,  appartiennent  au  segment 

pelait  des  mâchoires,  comme  le  vou-  postmandibulaire  de  la   tète,  et  doi- 

draient  certains  auteurs  {h).  vent,  par  conséquent,  être  assimilés, 

(o)  Les  mâchoires  antérieures  des  non  aux  deux  paires   de  mâchoires 

Scolopendres  ressemblent  à  une  paire  des   Crustacés,  mais  seulement    aux 

de  petites  pattes  grosses,   courtes  et  deutognathes  ou  mâchoires  anlérieii- 

tronquéesau  bout;  leur  base  est  élar-  res  de  ces  Animaux.  Quelques  entomo- 

(a)  Savigny,  Théorie  des  pièces  de  la  bouche,  2*  mémoire,  pi.  2,  fig.  1  i,  2  i. 

(b)  Walclienaer,  Histoire  naturelle  des  Insectes  aptères ,  t.  IV,  p.  vij. 

(c)  Savigny,  loc.  cit.,  fig.  1  o,  2  o. 

(d)  Newpo'ii,  )[oiwgraph  of  the  Class  Myriapod.4,  p.  297,  pi.   33,  fig.  6,  c,  c  (Linn.  Trans.. 
{■Hii,  t.  XIXj. 


496  APPAREIL    DIGESTIF. 

mâchoires  postérieures,  qui  sont  grêles  et  palpiformes  (1);  enfin 
une  paire  de  mâchoires  auxihaires,  ou  pattes-mâchoires,  qui  sont 
terminées  par  un  gros  crochet  mobile,  et  réunies  à  leur  base  sur 
une  grande  plaque  médiane,  de  façon  à  clore  en  dessous  l'ap- 
pareil buccal  et  à  constituer  une  sorte  de  lèvre  inférieure  ou 
plutôt  de  mentonnière  (2).  C'est  à  l'aide  de  ces  pieds-mâchoires 


logistes  les  désignent  sous  le  nom  de 
palpes  maocilliformes ,  et  appellent 
langue  ou  languette,  la  paire  de  lames 
épislernales  placées  entre  leur  base  (a). 

(1)  Les  mâchoires  postérieures  des 
Scolopendres  correspondent  aux  trilo- 
gnathes  ou  mâchoires  de  la  seconde 
paire  des  Crustacés,  et  non  aux  pieds- 
mâchoires  antérieurs  deces  Animaux, 
conime  le  supposait  Savigny.  Newport 
leur  donne  le  nom  de  palpes  labiaux, 
et  Walckenaer  les  appelle  des  palpes 
maxilliformes.  Effectivement  ils  ont 
à  peu  près  la  forme  d'appendices  de 
ce  genre,  ei  ils  servent  aussi  h  ra- 
moner entre  les  mandibules  et  les 
mâchoires  antérieures  les  matières 
alimentaires  que  ces  organes  doivent 
diviser.  Leur  article  basilaire  est  un 
peu  élargi,  de  façon  à  se  joindre  à 
son  congénère  sur  la  ligne  médiane, 
et  les  pièces  suivantes,  au  nombre  de 
quatre,  sont  cylindriques  et  de  plus  en 
plus  grêles  (6). 

(2)  Les  mâchoires  auxiliaires  ou 
pattes -mâchoires  des  Scolopendres 
sont  désignées  par  Newport  et  Walc- 
kenaer sous  le  nom  de  mandibules, 
que  la  plupart  des  entomologistes  appli- 


quent aux  appendices  buccaux  de   la 
première  paire. 

Ces  pieds-mâchoires,  ainsi  qu'une 
paire  de  pattes  ambulatoires,  naissent 
du  segment  poslcéphajique  ;  ils  sont 
très  robustes  et  s'articulent  sur  une 
sorte  de  mentonnière  fort  large  qui 
s'avance  entre  leur  base,  au-dessous 
de  la  bouche  (c),  et  qui  est  formée  par 
les  pièces  sternalcs  de  l'anneau  dont  ils 
dépendent.  Dans  le  jeune  âge,  cette 
portion  basilaire  médiane  est  divisée 
en  deux  moitiés  par  une  suture  lon- 
gitudinale (d)  ;  mais  par  les  progrès  du 
développement,  elle  se  consolide  d'une 
manière  complète  et  constitue  une 
grande  plaque  impaire  qui  se  termine 
antérieurement  par  une  paire  de  lobes 
denticulés  sur  le  bord  (e).  Elle  consti- 
tue ce  que  Newport  appelle  la  lèvre 
inférieure ,  et  elle  est  considérée 
par  Savigny  comme  l'analogue  des 
hanches.  Souvent  les  coxites  y  sont 
soudés,  ainsi  que  cela  se  voit  dans  le 
genre  Scolopendra  proprement  dit; 
mais  d'autres  fois,  par  exemple,  dans 
les  genres  Mecistocephalus  et  Geo- 
philus,  ils  sont  libres.  Le  second  ar- 
ticle   des    mâchoires    auxiliaires    est 


(a)  Walckenaer,  Histoire  naturelle  des  Insectes  aptères,  1.  IV,  p.  vj. 

(b)  Savigny,  Théorie  delabouche,  pi.  2,  lig-.  16,  2  6. 

—  Newport,  Op.  cit.  {Liiin.  Trans.,  t.  XIX,  pi.  33,  fig-.  G). 

(c)  Savigny,  toc.  cit.,  pi.  2,  fig.  2  t. 

(d)  Newport,  Op.  cit.,  pi.  33,  fig.  30. 

(e)  Idem,  ibid.,  pi.  33,  lig.  31,  32,  etc. 


ARMATURE    BUCCALE    DES    MYRIAPODES.  /i97 

que  les  Scolopendres  saisissent  leur  proie;  et  il  est  à  noter  que 
le  conduit  excréteur  d'une  glande  vénéneuse  vient  s'ouvrir 
*  près  de  la  pointe  des  crochets  qui  les  terminent,  et  rend  la 
morsure  de  ces  Animaux  fort  redoutable. 

Dans  l'ordre  des  Chilognathes  (l),  comprenant  les  Iules  et  les 
genres  voisins,  l'appareil  buccal  se  simplifie  davantage,  et  d'or- 
dinaire se  réduit  en  réalité  à  un  labre  rudimentaire  suivi  d'une 
paire  de  mandibules  et  d'une  paire  de  mâchoires  disposées  en 
manière  de  lèvre  inférieure  ;  mais  les  pattes  des  deux  paires 
suivantes  diffèrent  de  peu  des  autres,  et  concourent  à  assurer 
le  travail  de  la  mastication  en  retenant  les  matières  alimen- 
taires f"2).  Enfin,  dans  les  genres  Polyzonum,  Siphonotus  et 
Sipfionophora,  l'appareil  masticatoire  manque,  et  la  bouche  est 
allongée  en  un  petit  suçoir  conique  (3). 


grand  et  souvent  armé  d'un  prolon- 
gement dentiforme  sur  son  bord  in- 
leriie.  Enfin,  ces  organes  se  termi- 
nent chacun  par  un  gros  crochet  dirigé 
en  dedans.  Le  nomhre  de  leurs  arti- 
cles varie  un  peu  dans  les  différents 
genres. 

(1)  C'est-à-dire  ayant  la  lèvre  for- 
mée par  les  mâchoires  (de  y.cl/.o;,  lè- 
vre, et  7vâ9o?,  mâchoire). 

(2)  Chez  les  Iules  (a),  le  labre  est 
confondu  avec  le  chaperon  ou  partie 
antérieure  de  la  tête.  Les  mandibules 
sont  grosses,  courtes  et  fortement  den- 
tées. Les  mâchoires  sont  réunies  en 
une  sorte  de  lèvre  inférieure  médiane 
dans  laquelle  on  distingue  une  por- 
tion moyenne  composée  d'une  paire 
de  branches  internes,  terminées  cha- 


cune par  un  petit  lobe,  et  une  portion 
externe  portant,  en  avant,  deux  pe- 
tits articles.  Savigny  considère  les 
branches  internes  comme  représentant 
une  troisième  paire  de  membres  buc- 
caux ;  et  par  conséquent,  pour  cet 
anatomiste,  l'espèce  de  mentonnière 
dont  il  est  ici  question  serait  l'analo- 
gue des  deux  paires  de  mâchoires  des 
Crustacés  :  mais  la  ressemblance  de  ces 
parties  avec  celles  que  je  viens  de  dé- 
crire chez  les  Scolopendres,  et  les  ob- 
servations de  Newport  sur  ces  derniers 
Animaux,  sont  contraires  à  cette  ma- 
nière de  voir. 

(3)  La  structure  de  ce  suçoir  n'est 
que  très  imparfaitement  connue  ; 
son  existence  a  été  signalée  par 
M.  Brandt  (6). 


(a)  Pour  les  pièces  de  la  bouche  de  ces  Myriapodes,  voyez  :  Savigny,  Op.  cit.,  2'  mém.,  pi.  4. 

—  Blanchard,  .\tlas  du  Règne  animal  de  Cuvier,  Insectes,  pi.  ii,  Cig.  2  6,  2  c. 

(6)  Brandt,  Noie  sur  un  ordre  nouveau  de  la  classe  des  Myriapodes  [Bulletin  de  l'Acad.  de 
Saint-Pétersbourg,  1. 1,  et  Ann.  des  sciences  nat.,  2»  série,  1837,  t.  VIII,  p.  376). 

—  Walckenaer  et  Gervais,  Histoire  des  Insectes  aptères,  t.  IV,  p.  203. 


V. 


32 


biiccy 

!S    IlISCI 

maslicateurs 


498  APPAREIL    DIGESTIF. 

Appareil  §  5.  —  L'appareil  buccal  des  Insectes  masticateurs,  c'est-à- 
des  Insectes  dirc  clcs  cspcces  qui  sont  organisées  pour  se  nourrir  de  matières 
solides,  n'offre  pas  des  variations  comparables  à  celles  que 
nous  avons  renconirées  dans  la  classe  des  Crustacés  ou  même 
dans  celle  des  Myriapodes  ;  il  présente  dans  sa  composition 
une  fixité  remarquable,  et  Ton  n'y  rencontre,  même  dans  les 
différents  ordres  constitués  par  ces  Animaux,  que  des  modifi- 
cations de  peu  d'importance  quant  à  la  forme  de  ses  principales 
parties. 

Effectivement,  chez  tous  ces  Insectes,  l'appareil  buccal  se 
compose  d'un   même  nombre  d'appendices,  et  ces  organes 
affectent  constamment  la  même  disposition  en  tout  ce  qui  est 
essentiel.  Le  devant  de  la  bouche  est  toujours  garni  d'une  pièce 
médiane  et  transversale  qui  dépend  de  la  région  frontale,  et  qui 
est  désignée  par  les  entomologistes  sous  le  nom  de  labre  ou  île 
lèvre  supérieure.  Sur  les  côtés  de  celte  ouverture  se  trouve 
une  paire  de  mandibules  qui  ne  portent  jamais  d'appendice 
palpitbrme,  et  qui  jouent  sur  une  articulation  en  charnière,  de 
façon  à  se  rapprocher  entre  elles,  ou  à  s'écarter  en  se  portant 
en  dehors ,   comme  nous  l'avons  déjà  vu  chez  les  Crusiacés 
broyeurs.  Une  seconde  paire  d'appendices  maxillaires  s'insère 
un  peu  plus  en  arrière,  et  conshtuedes  mâchoires  qui  se  portent 
en  avant,  au-dessous  des  mandibules.  Leur  structure  est  plus 
compliquée  et  rappelle  ce  que  nous  avons  déjà  vu  chez  quelques- 
uns  des  appendices  buccaux  des  Crustacés.  En  effet,  quand 
ces  organes  sont  le  mieux  constitués,  ils  ressemblent  chacun 
à  une  pehte  patte  dont  la  portion  basilaire  serait  robuste  et 
pourvue  de  deux  branches  accessoires,  et  la  portion  termi- 
nale très  grêle,  de  façon  à  mériter  le  nom  de  palpe.  Mais 
ici  les  branches  accessoires    sont    situées    du    côté    interne 
du  membre ,   et  en  deviennent  les  parties  les  plus  utiles  : 
en  effet,  c'est  l'une  de  ces  parties  qui,  en  se  rencontrant 
avec  sa   congénère  ^   constitue  l'espèce  de  pince  à  l'aide  de 


ARMA.TLIU':    RUCCALK    DES    INSKCTKS.  !i9\) 

laquelle  les  mâchoires  i)ortent  les  nliirients  entre  les  mnn- 
dibiiles  et.  les  y  retiennent  pendant  qne  la  mastication  s'ef- 
fectue. 

Une  autre  paire  de  membres  buccaux  aide  ces  mâchoires 
dans  l'accomplissement  de  leurs  fonctions,  et  complète  l'appareil 
masticatoire  en  arrière ,  où  elle  constitue  l'organe  que  les 
entomologistes  désignent  sous  le  nom  de  lèv7'e  inférieure.  Ces 
appendices  ressemblent  aussi  à  deux  petites  pattes  ;  mais , 
au  lieu  d'être  séparés  à  leur  base,  comme  le  sont  les  mâ- 
choires, ils  sont  réunis  par  leur  partie  postérieure,  de  façon 
à  constituer  une  espèce  de  support  médian  qui  donne  nais- 
sance antérieurement  à  une  paire  de  palpes  formés  par  la 
portion  terminale  de  leur  branche  principale  et  à  des  lobes 
intcrmcdian^es  formés  par  des  branches  accessoires  et  con- 
stituant ce  que  l'on  appelle  la  languette.  Cette  lèvre  infé- 
rieure se  loge  en  grande  partie  entre  la  base  des  deux  mâ- 
choires,  et  s'avance  au-dessous  de  ces  appendices  et  des 
mandibules  ;  mais  elle  prend  son  origine  plus  en  arrière,  et  elle 
représente  la  troisième  et  dernière  paire  des  membres  cépha- 
liques  em[>loyés  dans  la  constitution  de  l'appareil  buccal  des 
Insectes  (i).         • 

(l)  En  résmiKî,  nous  voyons  donc  gue  alors  en  palpes  maxillaires  ex- 
que  la  bouche  des  Insectes  mâcheurs  lernes,  et  palpes  maxillaires  internes 
est  pourvue  tantôt  de  six  palpes,  tan-  on  accessoires.  Ce  dernier  nombre 
lot  seulement  de  quatre  de  ces  petits  se  rencontre  chez  les  Carabes  et  les 
appendices  dactylilormes  ;  qu'il  existe  autres  Coléoptèics  delà  famille  des 
toujours  une  paire  de  palpes  labiaux  Carnassiers  (a)  ;  le  premier,  chez  le 
et  au  moins  une  paire  de  palpes  Hanneton  et  une  mullituile  d'autres 
maxillaires,  mais  quelquefois  deux  Coléoptères,  aussi  bien  que  chez  les 
paires  de  ces  derniers,  que  l'on  distin-  Orthoptères,  elc  (6). 

(a)  Exemple  :  le  Carabus  uuratus  (voy.  YAllas  du  Règne  animal  de  Cuvicr,  Insectes,  pi.  2-i, 
iig.  tSc,  on  lout  ouvrage  clémenlaire  d'entomologie), 
(ft)  Exemples  :  le  Uannclon  [Op.  cit.,  pi.  42,  dg.  7  c).   ^ 

—  WAteuchus  sacer,  on  Scarabée  sacré  des  miciens  Ei,'jplicns  (Op.  cit.,  fil.  o9    fig'.  1  c), 

—  Lii  Canlliaride  (Op.  cit.,  (il.  55,  fu'.  3  c). 

—  Lrs  Sauterelles  (Op.  cit.,  |d.  82,  fi,;'.  3  c). 

.—  La  Demoiselle,  ou  Ayrion  virrjo  {Op.  cit.,  pi.  101,  liy.  Sa). 


500  APPARlilL    DIGESTIF. 

Ainsi,  en  admeltant  que  les  mandibules  des  Insectes  et  des 
Crustacés  soient  constituées  par  la  même  paire  de  membres 
céphaliques,  liypothèse  qui  réunit  en  sa  faveur  un  grand  nombre 
de  faits  anatomiques  et  embryologiques  dont  il  sera  rendu 
compte  dans  une  autre  partie  de  ce  cours,  on  voit  que  les 
mâchoires  des  Insectes  doivent  correspondre  aux  appendices 
que  nous  avons  appelés  mâchoires  antérieures  chez  les  Crus- 
tacés ,  et  que  les  mâchoires  de  la  seconde  paire  chez  ces  der- 
niers Animaux  sont  les  analogues  de  la  lèvre  inférieure  des 
Insectes.  Or,  ce  sont  précisément  là  les  trois  paires  de  mem- 
bres (|ui  ne  manquent  presque  jamais  dans  l'appareil  buccal 
des  Crustacés ,  tandis  que  les  appendices  complémentaires 
auxquels  nous  avons  donné  les  noms  de  mâchoires  auxiliaires 
ou  de  pieds-mâchoires ,  organes  dont  l'emploi  varie  beaucoup 
chez  ces  divers  Animaux ,  sont  ceux  qui  n'ont  jamais  de  repré- 
sentants dans  le  groupe  des  membres  céphaliques  de  l'Insecte. 

§  6.  —  Les  Insectes  maxillés  ou  broyeurs  sont  très  nombreux. 
A  l'état  de  larves,  presque  tous  les  Animaux  de  cette  classe  sont 
pourvus  des  instruments  de  mastication  que  je  viens  de  nom- 
mer, et  les  espèces  qui,  sous  ce  rapport,  offrent  le  môme  mode 
d'organisation  à  l'état  adulte,  constituent  l'immense  groupe  des 
Coléoptères ,  l'ordre  des  Orthoptères  et  celui  des  Névroptères, 
ainsi  que  quelques  petites  divisions  de  moindre  importance. 
Leur  régime  est  fort  varié  :  les  uns  sont  carnassiers  et  ne  se 
nourrissent  que  de  proie  vivante  ;  d'autres  se  rei^aissent  de 
matières  animales  en  voie  de  décomposition  ;  beaucoup  sont 
frugivores  ou  herbivores,  et  il  en  est  qui  rongent  le  bois  ou 
les  racines  des  arbres  (1).  Enfm  on  connaît  aussi  quelques 
Insectes  qui,  à  l'état  parfait,  ne  sont  destinés  à  vivre  que  fort 
peu  de  temps,  et  qui  durant  cette  période  de  leur  existence  ne 


(1)  Lorsque  je  Irailerai  de  rinslincl  clicz  les  Insccles,  je  rcvieiulrai  hiir  ce 
siijel. 


ARMATURE    RUCCALE    DES    INSECTES.  501 

prennent  aucune  nourriture  (1).  Or,  ces  différences  dans  le 
mode  d'alimentation  coïncident  avec  des  particularités  dans 
la  conformation  des  diverses  parties  de  l'appareil  buccal,  et  par 
conséquent  on  rencontre  dans  la  disposition  de  ces  organes  de 
nombreuses  modifications  :  tantôt  ils  sont  réduits  à  l'état  rudi- 
mentaire,  comme  cela  se  voit  chez  les  Éphémères  ;  d'autres 
fois  ils  sont  constitués  d'une  manière  très  puissanle,  et  leur 
structure  varie  avec  le  régime;  mais  on  y  remarque  aussi 
d'autres  différences  de  forme  dont  la  signification  physio- 
logique ne  nous  est  pas  connue,  et  dont  on  ne  saisit  de  rela- 
tions qu'avec  les  divisions  que  la  Nature  semble  avoir  établies 
parmi  ces  petits  êtres.  L'étude  approfondie  de  toutes  ces  varia- 
tions est  du  ressort  de  la  zoologie  descriptive,  et  je  ne  l'abor- 
derai pas  ici;  mais,  afin  d'en  donner  une  idée  générale,  je 
citerai  ici  quelques  exemples. 

Chez  les  Sauterelles,  les  Criquets  et  beaucoup  d'autres 
Orthoptères  qui,  à  raison  de  leur  grande  taille  et  du  dévelop- 
pement considérable  de  leur  appareil  mashcateur,  se  prêtent 
très  bien  à  l'étude  des  diverses  parties  de  la  bouche,  le  labre 
est  un  lobe  corné,  de  forme  discoïde,  qui  est  attaché  au  bord 
inférieur  de  la  partie  frontale  de  la  tête  appelée  épislomc  par 
une  articulation  linéaire  transversale,  et  qui  descend  au-devant 
des  mandibules  en  manière  d'écran  ("2).  Chez  beaucoup  d'autres 


(1)  Les  Éphémères  et  quelques  au-  tème  des  membres  ou  appendices  de 
très  Mévropières  sont  dans  ce  cas,  et,  ces  Animaux,  et  me  paraît  devoir  être 
à  l'état  parfait,  leurs  appendices  bue-  considéré  comme  une  dépendance 
eaux  sont  rudimenlaires  ,  bien  que  de  la  portion  sternale  de  l'anneau  cé- 
chez  la  larve  ces  parties  aient  été  pbalique  préstomien.  Lorsque  je  trai- 
bien  développées  ,a).  terai  de  la  théorie  du  squelette  légu- 

(2)  Ainsi  que  je  l'ai  déjà  dit  en  par-  mentaire  des  Animaux  articulés, 
lantdesCrustacés,  le  labre  des  Insecles  j'exposerai  les  raisons  sur  lesquelles 
ne  me  semble  pas  appartenir  au  sys-  je  me  fonde;  mais  je  dois  ajouter  ici 


(a)  Voyez  Pictct,  Histoire  générale  et  particulière  des  Insectes  névroptères  ,  fam.  des  Ephémé- 
ricns,  ■1843,  p.  79  et  suiv. 


Labre. 


50"2;  appap.IlIl  digestif. 

Insectes,  cette  lèvre  supérieure  affec(c  la  forme  d'une  lame 
large  et  courte  qui  est  également  à  découvert  :  par  exemple, 
chez  le  Carabe  doré,  si  commun  dans  nos  jardins.  Ailleurs  elle 
est  cachée  sous  un  prolongement  de  l'épislome,  ainsi  que  cela 
se  voit  chez  le  Hanneton,  et  dans  quelques  espèces  elle  est 
rudimentaire  et  confondue  avec  cette  partie  de  la  tête,  comme 
chez  les  Lucanes.  Sa  forme  est  aussi  très  variable ,  et  chez 
quelques  Insectes  qui  ne  se  nourrissent  que  de  substances 
molles,  par  exemple  les  Copris  ou  Bousiers,  elle  est  d'une 
consistance  presque  meuibraneusc  :  mais,  en  général,  elle  est 
cornée  et  garnie  de  poils  à  son  bord  inférieur;  quelquefois 
môme  elle  est  armée  de  denticidcs  marginales,  et  d'ordinaire 
elle  est  susceptible  d'exécuter  quelijiies  légers  mouvements  de 
flexion  ou  d'élévation  par  l'action  d'une  paire  de  petits  muscles 
qui  s'insèrent  à  son  bord  supérieur  et  sont  logés  dans  la  parlie 
antérieure  de  la  cavité  céphalique  (1). 


que  M.  Ijrulle,  à  qui  on  doit  un  travail 
spécial  cl  tri's  approfondi  sur  riippareil 
buccal  des  Insectes,  ne  partage  pas 
cette  opinion,  et  pense  que  le  labre 
est  formé  par  une  paire  d'appendices 
analogues  au\  mandibules  et  soudés 
directement  entre  eux  ou  avec  une 
pièce  médiane  à  laquelle  il  donne  le 
nomdepa/a(u7n(rt).  Ed'eclivemcnt,  cet 
organe  n'est  pas  toujours  formé  d'une 
pièce  médiniie  unique;  souvent  on  y 
disiin;;ue  deux  ou  même  trois  pièces: 
cliez  les  Ateuchus,  ppr  exemple  ;  mais 
il  en  est  généralement  do.  même  pour 
l'arceau  sternal  dans  les  autres  par- 
lies  du  squelette  tégumenlaire  ,  et 
celte  disposilion  ne  saurait  être  invo- 
quée comme    preuve    de    la    nature 


ap[)endiculaire  de  ces  parties.  Du 
reste,  si  les  pièces  constitutives  du 
labre  des  Insectes  devaient  être  rap- 
portées au  système  appendiculaire  , 
elles  seraient  les  analogues  des  an- 
lennes  postérieures  des  Crustacés,  et 
non  des  mandibules  ou  des  mâ- 
choires. 

(1)  Les  muscles  élévateurs  du  labre 
ont  été  très  bien  représentés  cbez  le 
Hanneton,  dans  lebi?au  travail  anato- 
mique  de  M.  Straus-Durkbeim  {b). 
Qnand  leur  contraction  cesse,  le  la- 
bre se  rabat  sur  les  mandibules,  en 
vertu  de  l'élasticité  des  parties  qui 
constituent  son  articulation  épisto- 
mienne.  Cet  organe  buccal  sert  prin- 
cipalement à  empêcher  que  les  ali- 


(«)  BruUé,  Recherches  sur  les  transformations  des  appendices  dans  les  Articulés  (Ann .  des 
sciences  nat.,  3°  série,  1844,  t.  II,  p.  345). 

{b}  Straus,  Considérations  sur  Vanatomie  des  Animaux  articulés,  p.  I  53,  pi.  3,  fig,  1 ,  d. 


.  ARMATURE    BUCCALE    DES    INSECTES.  50,'^ 

§  7.  —  Les  mandibules  ont  beaucoup  plus  d'importance, 
et  constituent  la  partie  principale  de  l'appai-eil  masticateur.  De 
même  que  chez  les  Crustacés,  elles  sont  situées  sur  les  côtés 
de  la  bouche,  opposées  l'une  à  l'autre,  et  articulées  de  façon 
à  pouvoir  s'écarter  entre  elles  en  se  portant  en  dehors,  ou  se 
joindre  en  se  rapprochant  de  la  ligne  médiane.  Chacun  de  ces 
organes  est  formé  essentiellement  d'un  seul  article  plus  ou 
moins  conique,  dont  la  base,  tournée  vers  le  haut  et  évidée, 
présente  à  son  bord,  sur  des  points  diamétralement  opposés, 
deux  éminences  arrondies  ou  condyles  qui  sont  engagés  dans 
des  fossettes  correspondantes  ménagées  dans  les  parties  voi- 
sines de  la  charpente  solide  de  la  tête,  et  qui  constituent  avec 
elles  une  charnière  ou  articulation  en  ginglyme.  Deux  muscles 
situés  de  chaque  côté  de  la  tête,  dans  l'intérieur  de  la  boîte 
crânienne,  s'attachent  à  des  points  intermédiaires  du  même 


Mantiilnilcs. 


nienls  ne  s'échappent  au  dehors , 
quand  ils  sont  poussés  en  avant  par 
les  màclioires  et  pressés  pas  les  man- 
dibules. 

Ainsi  que  je  l'ai  déjà  dit,  la  forme 
du  labre  varie  beaucoup,  et  cela  même 
chez  les  Insectes  qui  ont  entre  eux 
une  parenté  zoologique  très  étroite. 
Ainsi,  chez  les  Cicindélètes  du  genre 
Mégacépliale ,  il  est  très  court,  ter- 
miné par  un  bord  presque  droit  et 
inerme  {a)  ;  tandis  que  dans  le  genre 
Oxycheila,  qui  appartient  à  la  même 
famille,  il  est  très  allongé  et  triangu- 
laire (6)  ;  et  que  dans  le  genre  Col- 
lyris,  é.;alenient  très  voisin  du  pre- 


mier, il  est  fortement  denticulé  en 
dessous  (c).  Chez  le  Hanneton,  il  est 
profondément  bilobé,  et  chez  les  Cé- 
toines il  est  entier  et  seulement  un 
peu  échancré  vei-s  le  milieu  de  son 
bord  inférieur.  Chez  les  irauterelles, 
les  Criquets  et  beaucoiip  d'autres  Or- 
thoptères, le  labre  est  presque  circu- 
laire et  bombé  en  avant  {d],  mais  chez 
les  Phasmes  il  est  bilobé. 

Quelques  entomologistes  ont  cru 
que  le  labre  manquait  chez  les  Scara- 
béides  (e)  ;  mais,  ainsi  que  l'a  très  bien 
fait  remarquer  M.  Newman  ,  cet  or- 
gane est  seulement  caché  sous  le 
chaperon  de  ces  Coléoptères  (/"), 


(a)  Voyez  V Atlas  du  Règne  animal  île  Cuvier,  Insectes,  pi.  dO,  fig.  2 a. 
(6)  Loc.  cil.,  fig.  3  a. 

(c)  Loc.  cit.,  pi.  82,  fig.  3(1. 

(d)  Loc.  cit.,  pi.  80,  fig.  \b,  \b. 

(e)  Olivier,  Entomologie,  Coléoptères,  I.  I,  Scarabée,  p.  3. 

(/■)  E.  Newman,  Osteology  or  External  .Anatomy  of  Insecls  (Entqmolofjical  Magasine,  4835, 
t.  II,  p.  74j. 


50/|.  APPAREIL    DIGESTIF. 

bord  basilaire  de  la  mandibule  ,  et,  en  se  contractant  alterna- 
tivement, ils  font  basculer  celle-ci  sur  cette  espèce  de  double 
pivot,  et  produisent  ainsi  les  mouvements  de  va-et-vient  néces- 
saires à  la  mastication  (1).  D'ordinaire  la  forme  générale  de 
ces  organes  est  celle  d'un  cône  ou  d'une  pyramide  trièdre 
dont  le  sommet  serait  dirigé  en  bas  et  recourbé  en  dedans, 
dont  la  face  externe  serait  bombée  et  le  bord  interne  armé 
de  prolongements  dentiformes,  ainsi  que  d'une  sorte  de  brosse 
située  près  de  sa  base  (2).  Mais  il  existe  dans  les  disposi- 
tions  secondaires  une  multitude  de  variations  qui  sont  en 
rapport  avec  la  manière  dont  ces  instrimients  doivent  fonc- 
tionner (3).  Ainsi  tantôt  les  mandibules  'sonl  préhensiles  senie- 


(1)  Les  muscles  moteurs  des  mandi- 
bules ont  été  très  bien  représentés 
par  M.  Slraus,  chez  le  Hanneton.  Le 
muscle  abducteur  s'insère  au  bord 
externe  de  la  uiandibuie  par  un  tendon 
rigide,  très  grêle,  et  il  prend  son  point 
d'attache  opposé  sur  les  côtés  des  pa- 
rois de  la  cavité  céplialiqne.  L'adduc- 
teur est  beaucoup  plus  puissant,  et  se 
fixe  au  milieu  du  bord  interne  de  la 
mandibule,  très  loin  de  la  charnière 
sur  laquelle  cet  organe  pivote,  et  p;ir 
conséquent  dans  une  position  favora- 
ble à  l'emploi  de  la  force  développée 
par  ses  contractions  ;  son  extrémité 
supérieure  est  très  volumineuse  et  se 
fixe  à  la  voûte  crânienne  {a). 

(2)  Chez  le  Hanneton,  celte  brosse, 
composée  d'une  touffe  de  poils  roides 
et  serrés,  est  très  grosse  (6)  ;  on  la 
rencontre  chez  la  plupart  des  Coléo- 


ptères, ainsi  que  chez  d'autres  Insectes, 
et  M.  Straus  pense  qu'elle  est  en 
partie  le  siège  du  sens  du  goût  ;  mais 
cette  opinion  ne  repose  sur  aucun  l'ait 
probant. 

(3)  Knoch  fut,  je  crois,  le  premier  à 
appeler  l'attention  des  entomologistes 
sur  les  relations  qui  existent  entre  la 
manière  d'agir  et  la  forme  de  ces 
organes,  et  il  les  a  distingués  par  les 
noms  de  mandibula  incisoria ,  M.  mo- 
laris ,  il/,  canina  ,  M.  dentata  et 
M.  palœformis  (c).  M.  Marcel  de 
Serres  a  publié  des  observations  sur  le 
même  sujet,  et  a  décrit  avec  détail, 
chez  les  Orthoptères,  la  disposition  des 
prolongements  ou  dents  dont  ces  or- 
ganes sont  armés  ;  d'après  leur  forme, 
il  les  distingue  comme  cellesdes  Mam- 
mifères, en  incisives,  laniaires,ou  ca- 
nines et  molaires  (d). 


(a)  Straus,  Considérations  générales  sur  Vanatomie  comparée  des  Animaux  articulés,  p.  154, 
pi.  3,  fig.  1  et  2. 

(6)  Idem,  ibid.,  p.  66,  pi.  i,  fig.  7. 

(c)  A.  W.  Knoch,  Neue  Beitrâge  Tiur  Insectenkunde,  1801,  1. 1,  p.  20. 

(d)  Marcel  de  Serres,  Comparaison  des  organes  de  la  mastication  des  Orthoptères  avec  ceux 
des  autres  Animaux  {Annales  du  Muséum,  1809,  l.  XIV,  p.  50). 


ARMATURE    BUCCALE    DES    INSECTES.  505 

ment,  et  alors  elles  s'allongent  en  forme  de  crocs  dont  la 
pointe,  courbée  en  dedans,  est  tantôt  simple,  d'autres  fois 
bifide,  mode  d'organisation  qui  est  très  bien  caractérisé  chez 
la  larve  des  Dytisques  (1),  et  qui,  en  s'exagérant,  donne  lieu 
à  la  formation  des  énormes  pinces  dont  la  tête  des  Lucanes, 
ou  Cerfs-Yolants,  est  garnie  (2).  D'autres  fois,  par  exemple 
chez  la  plupart  des  Coléoptères  carnassiers,  les  mandibules 
méritent  l'épithète  de  lacérantes,  car  non-seulement  elles  se 
terminent  par  un  croc  aigu,  mais  leur  bord  interne  est  garni 
de  prolongements  dentiformes  qui  sont  tranchants  ou  pointus, 
et  se  rencontrent  de  façon  à  pouvoir  déchirer  la  proie  dont  les 
Insectes  ainsi  armés  se  nourrissent.  En  général,  une  de  ces 
saillies,  située  près  de  la  base  de  la  mandibule,  est  beaucoup 
plus  robuste  que  les  autres,  et  on  la  désigne  souvent  sous  le 
nom  de  dent  molaire  (3).  Une  troirsième  forme  est  celle  des  man- 


(1)  Chez  la  larve  des  Dytisques,  les  Un  mode  de  conformation  analogue 

mandibules  constituent  une   paire  de  se  voit  chez   les   Coléoptères   longi- 

crochels  simples  qui  sont  saillants  au-  cornes  du  genre  Macrodontia,   mais 

devant  du  front, et  qui  servent  à  l'Ani-  chez   ceux-ci   les   mandibules    sont 

mal  pour  saisir  sa  proie  (a).  Ces  or-  dentelées  tout  le  long  de  leur   bord 

ganes  ont  la  même  forme  générale,  interne  (c/). 

mais  sont  encore  plus  grands  chez  les  Chez  les  Lucanides  du  genre  Chia- 

INévroplères   mâles  du  genre  Cory-  sognathe  ,  les    mandibules  du  mâle 

dalis  (b).  sont  également  préhensiles,  mais  s'al- 

('2)  C'est  chez   le  mâle   seulement  longent  d'une  manière  excessive,  et 

que  les  mandibules  des  Lucanes  pren-  deviennent  trop  grêles  pour  agir  avec 

nent  ce  grand  développement,   et  se  force  ;  leur  longueur  dépasse  de  beau- 

garnissent  des  prolongements  qui  don-  coup  celle  du  corps  (e). 

nent  à  ces  organes   une   apparence  (3)  Comme   exemple  d'Insectes   à 

branchue  (c).  mâchoires  lacérantes  ,  je  citerai ,  de 


(a)  Voyez  Lyonnet,  Recherches  sur  l'anatomie  et  les  métamorphoses  de  diverses  espèces  d'In- 
sectes, pi.  H ,  fig.  2. 

(b)  Voyez  V Atlas  du  Règne  animal  de  Cuvier,  Insectes,  pi.  104,  fig.  A. 

(c)  Op.  cit.,  pi.  43  bis,  fig-.  C. 
(â)  Op.  cit.,  pi.  64,  fig.  s". 

(e)  J.  Siephens,  On  Chiasognalhus  Grantii  (Trans.  of  the  Cambridge  Philos.  Soc,  1833,  t.  IV, 
p.  204,  pi.  9  et  10). 

—  Lesson,  Illustrations  de  xoologie,  pi.  24. 

—  Gay,  Historiade  Chile,  Coléoptères,  pi.  15,  fig.  1. 


506  .  APPAREIL    DIGESTIF. 

dihules  incisives,  qui,  destinées  à  couper  des  feuilles  ou  d'autres 
substances  végétales  d'une  faible  consistance ,  sont  robustes 
et  terminées  en  dedans  par  un  bord  tranchant  et  échancré 
comme  une  scie;  elle  est  nettement  caractérisée  chez  la  plupart 
des  Chenilles (1).  J'appellerai  mandibules  iroî/ewses,  celles  qui, 
tout  en  participant  de  la  structure  des  dernières,  sont  pkis  élar- 
gies et  garnies  vers  leur  base  de  tubercules  molaires  propres  à 
triturer  les  aliments,  ainsi  que  cela  se  voit  chez  les  Criquets  et 
les  Sauterelles  (2).  On  pourrait  distinguer  aussi  par  l'épithète 
de  rongeuses  les  mandibules  de  beaucoup  d'autres  Insectes  qui 
se  nourrissent  aussi  de  substances  végétales  plus  dures,  et  chez 
lesquels  ces  organes  sont  remarquablement  robustes  et  garnis 


préRhence  à  loiit  autre,  la  Maniicore, 
Clic'z  ce  Coléoptère  carnassier  ,  de 
mê'me  que  chez  la  plupart  des  autres 
espèces  du  même  ordre  qui  se  nour- 
rissent de  proie  vivante,  les  mandi- 
bules sont  très  pointues  ,  fortement 
courbées  en  dedans  vers  le  bout,  et 
susceptibles  de  se  croiser  de  façon  à 
faire  joindre  les  éminences  dont  la 
piirlie  moyenne  ou  inférieure  de  leur 
bord  interne  ou  concave  est  armée, 
éminences  qui  constituent  ce  que  l'on 
appelle  les  dénis  molaires,  et  sont  gar- 
nies de  grosses  pointes  comprimées  (a). 
En  général,  chez  los  Coléoptères  de 
la  famille  des  Carnassiers,  les  mandi- 
bules sont  moins  grandes,  mais  elles 
se  dirigent  toujours  en  avant,  et  con- 
stituent une  pince  aiguë  (ôj. 


(1)  La  Chenille  du  Cossus  ligni- 
perda  peut  être  choisie  comme  exem- 
ple pour  les  mandibules  incisives  ,  et 
Lyonnet  en  a  donné  de  très  belles 
figures  (c).  Ces  organes  offrent  les 
mêmes  caractères  généraux  chez  la 
Pyrale  de  la  vigne  (d),  la  fausse  Che- 
nille du  pin,  ou  Lophyrus  pini  (e), 
et  beaucoup  d'autres  larves  phyto- 
phages. 

(2)  Ici  la  portion  marginale  de  la 
mandibule  est  en  forme  de  cuiller 
denticulée,à  peu  près  comme  chez  les 
Chenilles  à  mandibules  incisives;  mais 
il  existe,  en  outre,  une  grosse  dent 
molaire  dont  la  surface  est  hérissée 
de  tubercules  et  de  stries.  Savigny  en 
a  donné  de  très  belles  figures  chez  \\n 
grand  nombre  d'Orthoptères  (f). 


{a)  VoyczY Atlas  du  Règne  animal  de  Ciivier,  Insectes,  pi.  16,  fig.  1  et  1  a. 
{!))  Exemples  :  les  Oxycheiles  {Hègne  animal.  Insectes,  pi.  16,  fig,  3  a). 

—  Les  Carabes  (Op.  cit.,  pi.  '■2k,  %.  M  el  12  6). 

(c)  Lyiinnet,  Traité  anatomique  de  la  Chenille  qui  ronge  le  bois  de  saule,  pi.  2,  fig.  1  à  5. 

(d)  Audouiii,  Histoire  des  Insectes  nuisibles  à  la  vigne,  pi.  7,  fig-.  4  et  5. 

(e)  Raizebiirg,  Die  Forst-Insekten,  t.  III,  pi.  2,  fig-.  13. 

(f)  Savigny,  Egypte,   Orthoptèkes,   pi.   3,   fig.   1  i;  pi.   4,   fig.  9i;  pi.  5,  fig.  1  i,  3  j  ;  pi,  6,. 
fig.  1  i;  pi.  7,  fig.  1  i,  elc. 

—  Voyez  aussi  quelques  figures  données  par  M.  Doyère  dans  V Atlas  du  Règne  animal  de  Cuviar, 
Insectes,  pi.  85,  fig.  46,  4c;  pi.  86,  fig.  4e,  4f,  etc. 


AUMATURE    BUCCALr:    UiîS    IKSFXIES.  507 

de  crêtes  tranchantes  du  côté  interne,  ainsi  que  cela  se  voit 
chez  les  Capricornes  et  d'autres  Coléoptères  longicornes  (Ij. 
Entin  j'appelle  mandibules  racolantes^  celles  qui  se  terminent 
par  un  lobe  membraneux  ou  semi-corné,  propre  à  récolter 
des  poussières  plutôt  qu'à  diviser  les  aliments,  et  qui  ne  sont 
conformées  pour  la  trituration  que  dans  leur  partie  basilaire, 
disposition  qui  se  rencontre  chez  les  Cétoines  (2),  et  qui 
semble  conduire  à  un  autre  mode  d'organisation  dans  lequel 
ces  organes  sont  simplement  foliacés,  c'est-à-dire  réduits  à  un 
petit  article  lamelleux  et  tlexible,  comme  cela  a  lieu  chez  cer- 
tains Névroplères  où  celte  portion  de  l'appareil  buccal  devient 
rudimentaire  (3).  Il  existe  aussi  d'autres  modifications  de  forme 
dont  il  est  souvent  nécessaire  de  tenir  compte  dans  l'étude 
physiologique  des  Insectes,  mais  sur  lesquelles  je  ne  m'arrê- 
terai pas  ici,  et  entre  les  divers  modes  de  structure  dont  je 
viens  de  parler  on  rencontre  aussi  une  multitude  d"intermé- 


(1)  Par  exemple,  chez  le  Ceramhijx 
héros  (a),  le  Callichromamoschata  (6), 
le  Scohjtus  destruclor  (c^,  la  Canllia- 
ride  (d),  etc. 

(2)  Les  figure.-;  au  trait  par  les- 
quelles ces  organes  sont  représentés 
dans  la  plupart  des  ouvrages  d'ento- 
mologie ne  peuvent  donner  qu'une 
idée  très  impartaile  de  leur  mode  de 
conformation.  Chez  le  Cetonia  aurata, 
les  mandibules  sont  presque  carrées, 
et  portent  en  dehors  une  lamelle 
étroite  et  allongée  qui  est  assez  rigide 
et  dépasse  un  peu  la  portion  princi- 
pale de  ces  organes,  qui  est  également 
lamelleuse,   mais    submenibraiieuse , 


faiblement  ciliée  sur  le  bord,  et  renflée 
en  forme  de  tubercule  ovalaire  vers 
son  angle  postéro-interne.  Chez  d'au- 
tres espèces  du  même  genre  ,  par 
exemple  le  Cetonia  flavo-marginata, 
ceUe  portion  tuberculeuse  se  déve- 
loppe beaucoup  plus,  et,  dans  quel- 
ques aulres  genres  de  la  même  fa- 
mille, au  lieu  d'être  simple,  elle  se 
complique  par  la  formation  de  crêtes 
et  de  dents  accessoires  :  par  exemple, 
chez  le  Goliath  brillant,  ou  Cerato- 
rhina  micans. 

(3)  Par  exemple,  chez  la  plupart 
des  l'erlides,  mais  surtout  chez  les 
Ephémères  (e). 


(a)  Atlas  du  Règne  animal  de  Cuvier,  Insectes,  pi.  66,  fîg.  3  a. 

(6)  Op.  cit.,  pi.  65,  flg-.  Sa. 

(c)  Op.  cit.,  pi.  61,  fig.  3û. 

\d)  Raizeburg,  Forst-'insekten,  t.  I,  pi.  2,  fig.  27  6. 

(e)  Voyez  Piclef,  Éphcmt'riens,  \>.  88. 


508  APPAREIL    DIGESTIF. 

diaires.  J'ajouterai  cependant  que  lorsque  les  mandibules  n'of- 
frent pas  le  haut  degré  de  consolidation  qui  est  en  général  si 
remarquable  dans  ces  organes,  et  qui  est  nécessaire  à  la  puis- 
sance de  leur  action  masticatoire,  on  y  aperçoit  souvent  cer- 
taines divisions  en  raison  desquelles  on  peut  présmner  que  leur 
composition  anatomique  n'est  pas  aussi  simple  qu'elle  en  a 
d'ordinaire  l'apparence.  Ainsi,  chez  les  Ateuchus  et  les  Cétoines, 
où  les  mandibules  sont  en  partie  membraneuses,  on  y  distingue 
plusieurs  pièces  solides  disjointes ,  et  chez  quelques  autres 
Insectes  où  la  consolidation  de  cette  portion  du  squelette  tégu- 
mentaire  est  plus  complète,  une  ou  deux  de  ces  parties  con- 
servent leur  individualité  et  constituent  des  prolongements 
mobiles.  Ainsi,  chez  certains  Staphyliniens ,  par  exemple,  on 
voit  près  de  la  base  de  chaque  mandibule  une  lamelle  acces- 
soire, et  chez  les  Hydrophiles  ces  organes  portent,  vers  le 
milieu  de  leur  bord  interne,  deux  petits  articles  mobiles  etdenti- 
formes  (1). 


(1)  M.  Brullé  a  été  le  premier  à  ap-  mandibules  indivises  des  antres  In- 

peler  l'attention  des  haturaiistes  sur  sectes;  de  sorte  qu'il  a  été  conduit  à 

la  structure  complexe  des  mandibules  penser  que  toujours  ces  organes  re- 

chez  certains  Insectes,  et  sur  les  con-  présentent,  non  pas  un  article  unique 

séquences  qu'on  peut  tirer  de  ces  faits  des  membres  suivants  (tel  que  la  han- 

relativement  à  la  théorie  anatomique.  che),  mais  résultent  de  la  soudure  ou 

Il  a  remarqué  que  chez  divers  Coléo-  fusion  des  principales  pièces  dont  ces 

ptères  phytophages  ou  coprophages,  derniers  appendices  se  composent, 

dont  les  mandibules  sont  imparfaite-  Ainsi,   chez  les  Ateuchus  (a),  on 

ment  développées  et  en  partie  mem-  trouve   réunies   par   une  membrane 

braneuses ,  ces  organes   otTrent  plu-  commune  :  l"  une  pièce  dorsale,  qui 

sieurs  pièces  cornées  distinctes  qui  sem-  occupe  le  bord  externe  de  la  mandi- 

blentètre  les  analogues  des  principaux  bule  ;  '2"  une  pièce  basilaire,dont  l'ex- 

articles  constitutifs  des  mâchoires  ou  trémité  interne  constitue  le  gros  tu- 

de  la  lèvre  inférieure,  et  il  a  cru  pou-  hercule  ou  dent  molaire  dont  la  partie 

voir  reconnaître  les  représentants  de  interne  de  la  mandibule  est  armée; 

ces  pièces  dans  certaines  portions  des  3"  une  pièce  marginale  interne,  qui  est 

(a)  Brullé,  Recherches  sur  les  transformations  des  appendices  des  Articulés  (Ann.  des  sciences 
nat.,  3»  série,  18U,t.  II,  p.  340,  pi.  14,  fig.  17). 


ARMATURE    UUCCALE    DES    INSECTES. 


509 


§  8.  —  Les  mâchoires  ont  une  structure  beaucoup  plus 
compliquée,  et  présentent  clans  leur  forme  des  variations  plus 
nombreuses.  Parfois  ces  différences  sont  même  si  grandes,  que 
les  entomologistes  ont  pendant  longtemps  méconnu  l'uniformité 
de  composition  qui  en  réalité  existe  dans  cette  partie  de  l'appa- 
reil buccal  chez  tous  les  Insectes  broyeurs,  et  que  l'on  a  donné 
plusieurs  noms  à  la  même  partie  plus  ou  moins  modifiée  (1). 


Mâchoires 


étroite,  garnie  de  poils,  et  disposée  le 
long  du  bord  interne  delà  mandibule; 
4°  enfin,  une  portion  apiciale  garnie 
de  poils  nombreux,  et  située  entre  la 
pièce  dorsale  et  la  pièce  marginale 
interne.  M.  RruUé  considère  la  pre- 
mière de  ces  pièces  comme  étant  l'ana- 
logue de  celle  qu'il  désigne  sous  le 
nom  de  maxillaire,  quand  il  parle  de 
mâchoire  ;  la  seconde  comme  repré- 
tant  son  sous-maxillaire  ;  la  troisième 
son  intermaxillaire,  et  la  quatrième, 
qui  est  demeurée  membraneuse,  com- 
me correspondant  au  galea. 

Chez  les  Géotrupes  (a)  et  beaucoup 
d'autres  Insectes  dont  la  mandibule 
n'offre  aucune  division  de  ce  genre, 
et  n'est  formée  en  apparence  que  d'un 
seul  article,  M.  BruUé  rapporte  à  ces 
divers  éléments  anatomiques  des  por- 
tions de  l'organe  qui  y  ressemblent 
par  leur  forme  et  leur  position.  En- 
fin, c'est  par  la  consolidation  com- 
plète d'une  portion  de  l'organe,  et  la 


non-soudure  de  la  partie  à  laquelle  il 
donne  le  nom  d'intermaxillaire,  que 
cet  entomologiste  habile  explique  le 
mode  de  structure  qui  se  remarque, 
non-seulement  chez  les  Hydrophiles, 
mais  aussi  chez  les  Passales  (6),  les 
Blaps(c), etplusieursautres  Insectesoù 
lesmandibulessontpourvuesde  parties 
accessoires  plus  ou  moins  remarqua- 
bles, notamment  les  Staphylins,  chez 
lesquels  Kirby  et  Spence  ont  trouvé 
près  de  la  base  de  ces  organes  une 
lamelle  pilifère  qu'ils  nomment  jiros- 
theca  id). 

(1)  Kirby  et  Spence  furent  les  pre- 
miers à  entreprendre  une  étude  com- 
parative des  parties  constitutives  de 
ces  organes,  et  à  faire  usage  d'un  sys- 
tème régulier  de  nomenclature  pour 
les  décrire.  Des  travaux  analogues  ont 
été  entrepris  par  plusieurs  autres 
entomologistes,  ^tels  que  :  Latreille  , 
M.  Slraus,  Audouin,  Newman,  M.  Bur- 
meisler,  etc.,  etc.  (e)  ;  mais  c'est  à 


(a)  Brullé,  loc.  cit.,  fig.  22. 

(6)  Idem,  ibid.,  %.  21.  ' 

(c)ldera,  ibid,  fig.  20. 

(rf)  Kirby  and  Spence,  An  Introduction  to  Entomology,  1826,  t.  III,  p.  439,  pi.  13,  fig.  7. 

—  Brullc,  Op.  cit.,  pi.  14,  fig.  19. 

(e)  Kirby  and  Spence,  Op.  cit.,  t.  III,  p.  439  et  suiv. 

—  Latreille,  art.  Bouche  du  Dictionnaire  classique  d'histoire  naturelle,  l.  II,  p.  431. 

—  Slraus,  Considérations  sur  l'anatomie  comparée  des  Animaux  articulés,  p.  68. 

—  Audouin,  Inskctes  de  l'atlas  de  la  grande  édition  du  Règne  animal  de  Cuvier,  explication  de 
la  planche  16,  fig.  1  6. 

—  Newnian,  Osteologg,  or  Externat  Anatoiwj  of  Insects  {Entomological  Magazine,  t.  II,  p.  82 
et  suiv.). 

—  Burmeister,  Handbuch  der  Entomologie,  t.  I,  p.  57  et  suiv.,  pi.  2. 


510  APPAREIL    DIGESTIF. 

Ainsi  que  je  l'ai  déjà  dit ,  ces  organes  ressemblent  beaucoup 
aux  mâchoires  auxiliaires  des  Crustacés  (1),  et  se  composent 
ordinairement  d'une  portion  basilaire  qu'on  peut  appeler  le 
corps  ou  support^  dont  naissent  trois  divisions  terminales 
ou  branches.  Ce  support  est  formé  de  deux  articles. principaux 
analogues  aux  pièces  constitutives  de  la  hanche  d'une  patte 
chez  tous  les  Animaux  articulés  (2).  La  branche  externe  est 


M.  Brullé  que  Ton  doit  les  recher- 
ches les  phis  approfondies  sur  ce 
sujet  [a). 

(1)  En  menlioniiant  ici  la  ressem-- 
biance  qui  existe  entre  les  mâchoires 
des  Insectes   et  les  mâchoires  auxi- 
liaires des  Crustacés,  je  dois  cependant 
insister  de  nouveau  sur  la  différence 
imporlanle  qui  existe  dans  la  position 
relative  des   parties  conslilulives   de 
ces  organes.    Chez  les  Crai)es  et  les 
Écrevisses,   la    branche    interne   des 
mâchoires  auxiliaires  correspond  évi- 
demment à  le  patte  ambulatoire  des 
membres  suivanls,  et  constitue  le  pro- 
lopodite,  tandis  que  le  palpe  ou  exo- 
gnathe,  ainsi  que  le  mésognatlie,  nais- 
sent du  côté  externe  du  membre,  et 
sont   constitués  par  des   parergopo- 
diles.   Il   en   est  de    même  chez  les 
Crevellines  ;  seulement  les  lames  cor- 
respondantes à  ces  parties  accessoires 
sont  portées   en   dessus  de  la  base  du 
membre  {b).  Mais,  chez  les  Insectes 
broyeurs,  le  prolopodite,  c'est-à-dire 
l'analogue  de  la  patte,  est  la  branche 
externe  du  membre,  et  constilue  le 
palpe,  tandis    que  les  deux    autres 
branches,  qui  sont  des  parties  acces- 


soires, naissent  du  côté  interne  de 
'a  première.  Cela  est  rendu  évident 
par  le  mode  de  conformation  des 
mâchoires  de  quelques  Névroplèros. 
Ainsi,  chez  le  Perla  rividorum.  ces 
organes  se  composent  d'une  série 
d'articles  cylindriques  placés  bout  à 
bout,  de  façon  à  former  une  sorte  de 
tige  qui  a  la  plus  grande  ressem- 
blance avec  une  palte,  et  qui  porte  à 
sa  base,  du  côté  interne  ,  deux  petits 
appendices  (c)  ;  or,  ces  derniers  cor- 
respondent aux  lobes  interne  et 
moyeu  des  mêmes  organes  chez  les 
autres  Insectes .  et  la  partie  princi- 
pale du  membre  n'est  autre  chose 
que  le  palpe  très  développé. 

(2)  Le  premier  article  des  mâchoires 
est  attaché  à  la  tète  par  une  jointure 
en  ginglyme,  et  correspond  à  la  pièce 
que  j'ai  désignée  d'une  manière  géné- 
rale sous  le  nom  de  coxite,  en  parlant 
des  Crustacés  [d).  Dans  les  écrits  des 
entomologistes,  il  porte  des  noms  très 
variés  :  ainsi,  c'est  le  cardo  ou  char- 
nière de  Kirby  et  Spence,  le  slyle 
dans  la  nomenclature  d'Audouin,  la 
branche  transversale  de  M.  Straus,  et 
\e  sous -maxillaire  de  M.  Brullé.  Chez 


(a)  Brullé,  Op.  cit.  {Ann.  des  sciences  nat.,  3«  série,  t.  II,  p.  289  et  siiiv.).  j 

(b)  Voyez  Y  Atlas  du  Règne  animal  de  Cuvier,  Crustacés,  pi.  60,  fig.  2  a,  Ta,  clc.  ' 

(c)  Vojez  Pictei,  Histoire  natitrelle  des  Insectes  névroptères  (Monographie  des  Perlides,  [il.  32,  ! 

fig.  8).  : 

{d)  Voyez  ci-dessus,  page  481;  i 


ARMATLT.t;    BUCCALK    DKS    I^'SECTKS.  .' !  1  l 

celle  (lout  la  disposition  varie  le  moins:  son  i)reinier  nrliele 
est  contbniJii  avec  le  support,  et  les  autres,  grêles  et  cylin- 
dricpies,  constituent  un  palpe,  c'est-à-dire  un  appendice  fili- 
forme et  très  mobile  qui  ressemble  un  peu  à  une  patte  rudi- 
mentaire  (1).    La  branche  movenne  de  la  mâchoire  affecte 


les  Insectes  parfaits,  il  est  souvent  très 
court,  mais  chez  les  larves  il  est  en 
général  plus  grand  proportionnelle- 
ment {a). 

Le  second  article  basilaire  de  la 
mâchoire,  qui  fait  suite  au  précédent, 
correspond  à  un  irochiie ,  et  con- 
stitue la  pièce  nommée  stipes  ou  tige 
par  Kirby  et  Spence,  style  par  Audouin, 
pièce  dorsale  par  M.  Straus,  maxille 
par  M.  Newman,  et  maxillaire  par 
M,  Burmeisteret  .M.  Brullé. 

A  partir  du  bord  antérieur  de  cet 
article,  le  membre  se  bifurque,  et  sa 
portion  externe,  représentant  la  suite 
(lu  protopodite ,  constitue  le  palpe, 
tandis  que  sa  portion  interne  donne 
naissance  aux  branches  accessoires  on 
parergopodites.  Mais  le  corps  de  la 
mâchoire  est  souvent  en  quelque 
sorte  complélé  par  deux  autres  pièces 
qui  en  occupent  les  angles  antérieurs, 
et  qui  sont  :  l'un?,  la  pièce  suivante 
du  protopodite,  appelée  le  palpiger; 
l'autre,  Tarlicle  dont  naissent  la  bran- 
che interne  et  la  branche  moyenne  de 
la  mâchoire.  En  général,  cette  der- 
nière pièce  est  plus  apparente  en  de- 
hors qu'en  dedans,  et,  à  cause  de  ses 
relations  avec  l'un  de  ces  lobes  plutôt 
qu"avec  Tautre,  on  la  désigne  souvent 


sous  le  uom  cVhypodactyle  'Audouin  , 
ou  de  sous-galea  (Brullé)  ;  dans  mes 
leçons  au  Muséum,  j'ai  préféré  l'ap- 
peler le  maxillaire  accessoire.  Elle 
n'est  jamais  distincte  chez  les  Ortho- 
ptères ,  et  quelquefois  même  toutes 
ces  pièces  sont  soudées  ensemble  ou 
confondues  en  un  seul  article  qui 
représente  aussi  la  branche  terminale 
moyenne  :  par  exemple,  chez  le  Sca- 
rabé  Hercule  [h]. 

(1)  Le  palpe  maxillaire  n'est  d'or- 
dinaire que  très  peu  développé  chez 
les  Insectes  à  l'état  de  larves  :  ainsi, 
chez  la  Chenille  du  Cossus,  il  n'est 
représenté  que  par  un  petit  mamelon 
conique  formé  de  deux  articles  'c), 
mais  il  est  néanmoins  la  conlinuaiion 
principale  de  la  portion  basilaire  et 
commune  de  ret  orirane.  Quelquefois 
il  reste  toujours  rudimentaire,  et  ne 
se  compose  que  d'un  très  petit  nombre 
d'articles  ,  par  exemple  chez  divers 
Charançonites  (d)  et  chez  les  Scoly- 
tes  (e)  ;  mais  d'autres  fois  il  s'allonge 
considérablement,  et  i'on  y  compte 
jusqu'à  six  articles  placés  bout  à  bout. 
Chez  beaucoup  d'Hyménoptères,  tous 
les  segments  du  protopodite  qui  vien- 
nent après  le  trochiie,  c'est-à-diie  le 
méroïte  et  les  articles  suivauls,   sont 


la)  Exemple  :  la  larve  du  Hanneton  fvov.  V Atlas  du  Règne  animal  de  Cuvier,  Insectes,  pi.  15, 
fig;  16). 

(6)  Voyez  V Atlas  du  Règne  animal,  pi.  iO  &w,  Gg.  1  c. 
(c)  Lyonnet,  Anatoniie  de  la  Chenille  du,  saule,  pi.  2,  ûg.  d . 
id)  Voyez  Y  Atlas  du  Règne  animal,  I.nsectes,  pi.  58,  fig.  9  c. 
(e)  Op.  cit.,  pi.  61,  fig.  3  &. 


512 


APPAREIL    DIGESTIF 


des  formes  très  variées  :  chez  les  Sauterelles  et  les  autres 
Orthoptères,  elle  s'élargit  en  manière  de  disque,  et  encapu- 
chonné pour  ainsi  dire  la  partie  adjacente  de  la  branche  interne, 
disposition  qui  lui  a  fait  donner  le  nom  de  casque  ou  galea; 
chez  d'autres  Insectes,  elle  s'inchne  en  dedans,  se  garnit  de 
poils  rigides,  et  devient  la  principale  partie  préhensile  de  l'or- 
gane, par  exemple  chez  les  Lucanes  et  les  Bousiers;  enfin, 
chez  d'autres  Coléoptères  qui  composent  la  famille  des  Carnas- 
siers, elle  devient  fihforme,  et  constitue  un  palpe  surnuméraire 
semblable  à  celui  formé  par  la  branche  externe  du  membre, 
mais  plus  petit  (1).  La  branche  interne  forme  quelquefois  à 


grêles,  cylindriques  et  réunis  pour  con- 
slituer  le  palpe  (a);mais,  en  général,  la 
première  de  ces  pièces,  ou  basitrochite, 
es-t  élargie  el  plus  ou  moins  confondue 
avec  la  pièce  maxillaire,  de  façon  à 
entrer  dans  la  composition  du  corps 
de  la  mâchoire,  et,  ainsi  que  je  l'ai 
déjà  dit,  la  plupart  des  entomologistes 
la  désignent  sous  le  nom  de  pal- 
piger.  Le  palpe  est  alors  composé  de 
cinq  articles  ou  d'un  nombre  moindre. 
Chez  les  Orthoptères,  on  y  compte 
toujours  cinq  articles  (6),  et  chez  les 
Coléoptèrer.  il  y  en  a  ordinairement 
quatre,  dont  le  premier  (  ou  tro- 
chite)  très  court,  et  le  dernier  est  de 
forme  variable,  suivant  les  genres  (c). 
Chez  la  plupart  des  Névroptères,  ces 
palpes  sont  également  filiformes  et 
composés  de  quatre  ou  cinq  arti- 
cles  (d).   Enfin  ,  les  entomologistes 


pensent  que  chez  les  Libelluliens 
ces  appendices  manquent  complète- 
ment ;  mais  ils  me  paraissent  être  en 
réalité  représentés  par  la  branche 
externe  de  la  mâchoire,  que  l'on  con- 
sidère généralement  comme  étant  le 
galea  (e). 

(1)  l^a  branche  moyenne  des  mâ- 
choires est  comparable  à  ce  que  j'ai 
appelé  le  mésognathite  chez  les  Crus- 
tacés, bien  qu'elle  naisse  du  côté  in- 
terne du  protopodite,  au  lieu  d'être 
placée  du  côté  externe  de  cet  or- 
gane. Lorsqu'elle  est  large  et  plus  ou 
moins  foliacée,  ou  en  forme  de  lame, 
Latreille  lui  donne  le  nom  de  lobe 
externe  chez  les  Coléoptères,  et  de 
galea  chez  les  Orthoptères  ;  Kirby  et 
Spence  rappellent  lobe  supérieur , 
et  Audouin  dactyle  ;  mais  lorsqu'elle 
devient  filiforme  et  articulée,  on  l'ap- 


(o)  Exemples  :  Andrœne  (Atlas  du  Règne  animal,  pi.  125,  fig.  3  c. 

—  Guêpe  (loc.  cit.,  pi.  d24,  fig.  5  c). 

—  Mutille  (loc.  cit.,  pi.  118,  %.  4  b). 

(b)  Exemple  :  Sauterelle  (Op.  cit.,  pi.  83,  fig.  1  a). 

(c)  Exemples  :  Cicindèle  {Op.  cit.,  pi.  16,  fig.  4c). 

—  Axine  [Op.  cit.,  pi.  33,  fig.  4). 

—  Hydrophile  (Op.  cit.,  pi.  38,  fig.  3  c). 

(d)  Exemples  :  Fourmilion  (Op.  cit.,  pi.  105,  fig.  1  b). 

—  Seinblide  {Op.  cit.,  pi.  l0.5,  fig.  1  b). 

(e)  Voyez  le  Règne  animal.  Insectes,  pi.  101,  fig.  1  a. 


Ali.MATlRt;    BLCCLAE    DE^    l.NSECTES.  olo 

elie  seule  la  portion  préhensile  de  la  niàclioire,  et  alors  elle 
se  termine  sonvent  [lar  une  sorte  de  griffe  ou  d'onale  mobile, 
ainsi  que  cela  se  voit  eliez  les  Cieindèles  ;  mais  d'autres  fois  elle 
est  lamelleuse  seulemi^nt.  ei  dans  riueli]ues  cas  elle  est  rudi- 
nientaire  (1). 

Le  bord  de  la  portion  [jréliensile  de  la  mâchoire  est,  en 


pelle  généralement  palpe  maxillaire 
interne,  ou  palpe  accessoire.  Il  se 
compose  alors  de  deux  articles. 

Chez  les  Orthoptères,  le  galea  est 
toujours  iuerme  ;  mais  chez  les  Coléo- 
ptères il  est  en  général  garni  de  soies 
marginales,  et  souvent  il  est  armé  de 
dents. 

La  branche  interne  des  mâchoires 
ne  se  compose  d'ordinaire  que  d'un 
seul  article  appelé  lacinia  par  Mac 
Leay,  lobe  interne  par  Latreille,  en- 
dognathe  par  Audouin,  manda  par 
M.  Burmeister,  stipes  par  Erichson, 
et  intermaxillaire  par  M.  Straus  et 
:\!.  Brullé. 

Chez  les  CicindélMes,  il  porte  à  son 
extrémité  un  article  mobile  qui  est  dis- 
posé en  manière  de  crochet  on  de 
gritTe  (o),  et  qui  est  appelé  onglet 
par  Latreille ,  et  prémaxillaire  par 
M.  Straus.  Chez  les  Libellules ,  ou 
trouve  aussi,  à  la  face  interne  de  la 
mâchoire ,  des  épines  mobiles  qne 
M.  Brullé  considère  comme  les  ana- 
logues de  cette  pièce  prémaxillaire. 

Chez  beaucoup  de  Coléoptères  car- 
nassiers qui  sont  très  voisins  des  Ciein- 
dèles, et  qui  constituent  le  groupe  des 
Carabiques,  la  portion  préhensile  de 
la   mâchoire  est   formée  aussi  par  la 


branche  interne  de  cet  organe  seule- 
ment, et  se  termine  d'ordinaire  par  un 
crochet  aigu  qui  ressemble  beaucoup 
ù  Tonglet  dont  je  viens  de  parler,  mais 
qui  est  immobile  (6).  Il  y  a  beaucoup 
de  raisons  pour  croire  que  c'est  Ta- 
nalogue  de  cet  article  sor.dé  à  l'in- 
termaxillaire. 

Chez  d'autres  Insectes  du  même 
ordre,  par  exemple  chez  les  Longi- 
cornesdugenreZ,a7?j/a(c),  oùla  bran- 
che moyenne,  au  lieu  d'être  paljii- 
forme ,  est  lamelleuse  et  arquée  du 
côté  interne  ,  le  bord  préhensile  de 
la  mâchoire  est  forméautant  par  cette 
pièce  que  par  l"intermaxillaire. 

Enfin,  dans  beaucoup  de  cas  Tinter- 
maxillaire  devient  très  petit  ou  même 
rudimentaire,  et  la  partie  préhensile 
de  la  mâchoire  est  formée  endèrement 
ou  piesque  entièrement  par  la  bran- 
che moyenne,  qui  alors  s'élargit  beau- 
coup: disposition  qui  se  voit  chez  la 
Phalérie  des  cadavres  [d),  le  Diapère 
du  bolet  (e),  etc. 

'l'  Chez  beaucoup  de  ces  Insectes, 
la  branche  interne  de  la  mâchoire 
n"est  représentée  que  par  une  petite 
bordure  lamelleuse  et  poilue  qui  occupe 
le  bord  interne  du  maxillaire,  et  toute 
la  porlion  terminale  du  corps  de  cet 


(a)  Voyez  l'.4f/as  du,  Règne  animal,  Lnsectes,  pi.  16,  fîg.  1  6  ,  4  c,  etc. 
(6)  Exemple  :  le  Carabe  doré  (Op.  cit.,  pi.  2i,  ûg.  12  c). 

(c)  Vojez  le  Règne  animal,  pi.  68,  ùg.  2  a. 

(d)  Op.  cit.,  pi.  50,  fig.  1  h. 

(e)  Op.  cit..  pi.  50,  %.  2  c. 

V. 


33 


inférjemc 


51 /j  APl'AUEiL    DIGESTIF. 

général,  garni  de  poinles  aiguës  chez  les  insectes  chasseurs, 
et  l'on  trouve  une  disposition  semblable  chez  beaucoup  d'espèces 
qui  se  nourrissent  de  substances  végétales  difficiles  à  ronger  (1)  ; 
mais  cette  partie  de  l'armature  buccale  est  destinée  principa- 
lement à  amener  les  aliments  sous  le  bord  tranchant  des  man- 
dibules ou  à  les  y  retenir,  et,  chez  les  espèces  qui  vivent  de 
!)oussières  végétales  ou  de  matières  animales  peu  résistantes  , 
ces  organes  se  terminent  en  général  par  une  large  expansion  en 
forme  de  pelle  plutôt  que  de  râteau  :  j)ar  exemple,  chez  les 
Cétoines  et  les  Bousiers (2). 
Lèvre  §  9.  —  Au  premier  abord  on  pourrait  croire  que  la  lèvre 

inférieure  des  Insectes  broyeurs  est  un  appendice  impair, 
car  elle  est  simple  à  sa  base  et  se  trouve  sur  la  ligne  mé- 
diane à  la  partie  postérieure  de  la  bouche  ;  mais  elle  est  en 
réalité  un  organe  appendiculaire  double  analogue  aux  mâ- 
choires et  composé  d'une  paire  de  membres  réunis  à  leur 
!)asc  (o).  Les  entomologistes  donnent  le  nom  de  menton  à  l'es- 
[)èce  (le  support  impair  consfilué  par  la  coalesccncc  de  la  por- 
tion coxale  de  ces  mâchoires  poslérieures  iji),  et  celui  de  palpes 

organe    esl    formée    par  la   branche  (2)  Ainsi,  ciiez  le  Bousier,  les  mâ- 

nioycnne,  qui  est  tanlùt  allongée  [a),  clioires  sont  foliacées  et  terminées  par 

d'autres  fois  courte,  mais  liés  large  {h).  une  large  lame  formée  par  la  branche 

Chez  quelques  espèces,  le  lobe  moyen  moyenne  de  ces  organes  [e)  ;  chez  les 

est  armé  de  grosses  dents  :  par  excm-  Cétoines,  ce  lobe  est  recouvertde  longs 

pic ,  chez  le  Hanneton  (c).  poils  très  serrés  {[). 

(1)  il  est  aussi  à  noter  que,  chez  (3)  C'est   surtout  chez  les   Ortlio- 

les  Insectes  dont   les  mâchoires  sont  ptères  que  cette  analogie  est  mani- 

armées   de    crochets   puissants ,   ces  feste. 

pointes  sont  presque  toujours  portées  [k)  Le   menton,   ou    ganache,    se 

par   la  branche   interne  de  ces    or~  trouve  engagé  entre  la  base  des  deux 

ganes  {d).  mâchoires,  et    articulé  par  son  bord 

(a)  Exemple  :  Cétoines  (voy.  YAtlas  du  Règne  animal  de  Cuvier,  Insiîctes,  ij1.  45,  lig.  6  a). 
(fc)  Exemple  :  Ateuchus  {Op.  cit.,  pi.  39,  fig.  i  c). 

(c)  Voyez  Straus,  Considér.  sur  Vanat.  comp.  des  Animaux  articulés,  pi.  1,  fig.  8  et  la. 

(d)  Exemple  :  Orthoptères  (voy.  l'Atlas  du  Règne  animal,   Insecte.?,   pi.  81,  fig.  le;  .pi,  82, 
fig.  3  c  ;  pi.  84,  fig.  1  a,  etc.). 

(e)  Voyez  V Atlas  du,  Règne  animal,  Insectes,  pi.  39  bis,  lig.  3  c. 
(/■)  Op.  cit.,  pi.  45,  fig.  6a. 


ArtMATURE    DL'CCALE    DES    LNSECTES.  515 

labiaux  à  une  paire  d'appendices  grêles,  et  ordinairement  tri- 
articulés,  qui  les  terminent  du  côté  externe.  Enfin  les  parties 
qui  se  trouvent  en  avant  du  menton  entre  les  deux  palpes 
constituent  ce  que  l'on  appelle  communément  la  languette; 
elles  correspondent  aux  branches  moyenne  et  interne  des  deux 


postérieur  à  une  pièce  transversale  du 
squelette  légumentaire,  qui  est  tanlùt 
mobile,  d'antres  fois  soudée  à  la  base 
de  la  boîte  crânienne,  et  qui  est  dési- 
gnée par  les  entomologistes  sous  les 
noms  de  submentum  (a)  ou  de  pièce 
prébasilaire  (b).  11  paraît  correspon- 
dre aux  deux  paires  d'articles  qui  con- 
stituent le  support  des  mâchoires, 
c'est-à-dire  les  coxiles  et  les  basi- 
trochites.  Enlin,  il  porte  à  ses  angles 
antérieurs  les  palpes  labiaux,  et  gé- 
néralement il  n'offre  snr  la  ligue  mé- 
diane aucune  trace  de  division,  mais 
quelquefois  il  est  incomplètement 
partagé  en  deux  moiliés  par  une 
petite  échancrure  ou  une  suture  mé- 
diane :  par  exemple,  chez  les  Or- 
ihoplères  des  genres  Xiphicère  et 
Truxale  (c). 

Les  palpes  labiaux  n'offrent  dans 
leur  disposition  rien  qui  soit  important 
à  noter;  mais  la  languette  présente 
des  aiodilîcations  très  nombreuses. 
C'est  chez  les  Orthoptères  qu'elle  se 
développe  de  manière  à  être  le  plus 
facile  à  étudier.  Chez  les  Phasmes,  par 
exemple  (d),  elle  se  compose  d'une 
première  paire  de  pièces  séparées  par 
une  suture  médiane  et  correspondante 


aux  articles  maxillaires  accessoires  des 
mâchoires,  qni  portent  chacune  deux 
lobes  terminaux.  Ceux-ci  sont  évidem- 
ment les  analogues  des  parergopo- 
dites,  qui,  dans  les  mâchoires,  con- 
stiuient,  d'une  part  le  galea  ou  les 
palpes  accessoires,  d'autre  part  l'in- 
termaxillaire  ou  lame  interne.  Les 
branches  de  la  paire  interne  peuvent 
être  appelées  endochilites  (e)  ;  les 
antres  ont  depuis  longtemps  reçu  le 
nom  de  paraglosses. 

Ciiez  la  Conrlilière  [Gryllotalpa  vul- 
garis),  ces  branches  sont  composées 
chacune  de  deux  articles  placés  bout 
à  bout,  et  au-dessus  d'elles  on  voit 
sur  la  ligne  médiane  un  organe  im- 
paire ;  mais  celui-ci  appartient  à  l'in- 
térieur de  la  bouche  et  ne  dépend  pas 
de  la  lèvie  inférieure  {[). 

Chez  beaucoup  d'Insectes,  la  par- 
tie basilaire  de  la  languette  (ou  basi- 
chilite)  n'est  constituée  que  par  une 
pièce  médiane  qui  représente  les  deux 
maxillaires  accessoires,  comme  dans 
le  cas  précédent  :  par  exemple,  chez  les 
Tétryx  {g).  Chez  ces  Orthoptères, 
ainsi  que  chez  plusieurs  autres,  on 
remarque  aussi  que  les  endochilites , 
ou  branches  internes  de  la  languette, 


(a)  Newport,  art.  Insecta  (Todd's  Cyclop.  ofAnat.  and  Physiol.,  t.  II,  p.  854). 

(b)  Slraus,  Considérations  sur  les  Animaux  articulés,  pi.  1,  fig.  3,  /". 

(c)  Voyez  Doyère,  Insectes  de  VAllas  du    Règne   animal  do  Ciivier,  pi.  85,  bg.  4  c,  et  84, 
lig.  2  d. 

'  (d)  Voyez  V Atlas  du  Règne  animal,  Insectes,  pi.  80,  fig.  2  d. 
(«)  De  jfîDoç,  lèvre,  et  îvcÎo'tepoç,  interne. 
if)  Voyez  Y  Atlas  du  Règne  animal,  Insectes,  pi.  81,  fig.  1  d 
{g}  Op.  cit.,  pi.  8(3,  fig-.  4(7. 


516  APPAREIL    DIGESTIF. 

mâchoires  proprement  dites.  Chez  quelques  Insectes,  elles  sont 
distinctes  les  unes  des  autres,  et  constituent  deux  paires  de 
petits  appendices  lamelleux  grêles  et  biarticulés  ;  mais,  en 
général,  ce  sont  de  simples  lobes,  et,  dans  beaucoup  de  cas, 
elles  manquent  en  partie,  ou  se  confondent  entre  elles  de  façon 
à  ne  constituer  qu'une  pièce  médiane  qui  à  son  tour  est  souvent 
complètement  souciée  au  menton.  Du  reste,  ces  modifications 
ne  paraissent  pas  avoir  beaucoup  d'importance,  et  c'est  surtout 
au  point  de  vue  de  la  classification  que  leur  étude  offre  de 
l'intérêt  (1). 


lont  en  rcsiant  dislincls  enlre  eux, 
lendent  à  devenir  rudinienlaires  ;  et 
chez  d'autres  Insectes  du  même  or- 
dre, ces  parties  de  la  lèvre  inférieure 
disparaissent  complètement,  de  façon 
que  la  languette  n'est  représentée  que 
parles  deux  paiaglosses  ou  branches 
moyennes,  disposition  qui  se  voit  chez 
les  l'neumores,  les  Truxales,  les  Xi- 
phicères(a  ,  etc. 

Eniin ,  chez  d'autres  Insectes 
broyeurs  ,  la  languette  est  réduite  à 
une  seule  pince  médiane  :  par  exemple, 
chez  le  l''ourmilioa  (6) ,  le  Hanne- 
ton (c),  etc.;  et  souvent  cette  pièce  ter- 
minale est  même  complètement  con- 
fondue ù  sa  base  avec  le  menton,  ou 
n'est  représentée  que  par  un  ou  deux 
prolongements  du  bord  antérieur  de 
cette  j)ièce  qui  s'avancent  entre  les 
palpesenchevaucliatittanlôtau-dessus, 
tantôt  au-dessous  du  point  d'insertion 
de  ces  appendices.  Cette  fusion  de 
toutes  les  parties  basiiaires  et  acces- 


soires de  la  lèvre  inférieure  en  une 
seule  pièce  médiane  se  voit  chez  les 
Cétonides. 

(1)  Les  Coléoptères,  les  Orthoptères 
et  les  Névroplères  ne  sont  pas  les 
seuls  Insectes  dont  la  bouche  soit  orga- 
nisée pour  la  mastication,  et,  sous  ce 
rapport,  les  Thysanoures  présentent 
les  mêmes  caractères.  Chez  les  Lé- 
pismes ,  par  exemple ,  on  trouve 
toutes  les  parties  dont  il  vient  d'èlre 
question  très  bien  développées  :  sa- 
voir, un  labre,  une  paire  de  man- 
dibules .;  une  paire  de  mâchoires 
pourvues  d'un  palpe  et  d'un  petit 
galea  ;  eniin ,  une  lèvre  inférieure 
composée  d'un  menton  et  d'une  paire 
de  palpes  (d). 

Chez  les  Anoplures,  de  la  famille 
des  l'iicins,  Insectes  parasites  qui  vivent 
presque  tous  sur  des  Oiseaux,  la  bou- 
che est  également  armée  d'un  labre, 
d'une  paire  de  mandibules,  et  d'une 
lèvre   inférieure    portant   une    paire 


(a)  Atlas  du  Règne  animal  de  Ciivier,  Insectes,  pi.  84,  tig.  l  d  ei'id  ;  pi.  85,  lig-.  4e. 
(6)  Op.  cit.,  pi.  103,  fig-,  i  c. 

(c)  Slraus,  Considér.  sur  l'anal,  comp.  des  Animaux  articulés,  pi.  1,  fig.  13  b. 
{d)  Savigny,  Egypte,  MYRrAPODES,  pi.  1 ,  i'ig;.  1 ,  2,  i,  o,  u. 

--  Trcvii-amis,    Uebev  die  Saugwerhzeuge   der   insekten   {Vevmischte  Schviflen,   t.  U, 
lis-  ^î-»')- 


AP.MVTtlRf;    ÎÎUCCALK    t)F.S    i^■SECT^:S.  5l7 

Le  mode  d'organisation  que  je  viens  d'indiquer  se  rencontre 
chez  [jresque  tous  les  Insectes  masticateurs.  Il  y  a  cependant 
quelques  Animaux  de  cette  classe  dont  la  bouche,  tout  en  étant 
conformée  pour  la  préhension  d'alimenls  solides,  ne  présente 
pas  une  structure  si  compliquée  ;  les  appendices  dont  elle  est 
armée  tendent  parfois  à  rentrer  dans  l'intérieur  du  tube  digestif, 
et  à  se  cacher  plus  ou  moins  complètement  derrière  deux 
replis  cutanés  qui  représentent,  d'une  part  le  labre,  d'autre 
part  la  lèvre  inférieure  ;  enfin,  les  mâchoires,  aussi  bien  que  les 
mandibules,  sont  (pielqucfois  réduites  à  une  seule  pièce  cornée 
en  forme  de  crochet  articulé  sur  une  longue  lige  comparable 
aux  baguettes  qui,  chez  la  plupart  des  Arthropodaires,  rem- 
plissent les  fonctions  de  tendons.  Ce  mode  d'organisation  se 
voit  chez  la  plupart  des  Podurelles  (!). 


de  palpes  (a)  ;  mais  quelquefois  les 
mâchoires  sont  nidimentaircs ,  ou 
manqueiU  :  par  exemple,  dans  le 
genre  Trichodectes  (6). 

(1)  L'appareil  buccal  des  Podurelles 
a  été  étudié  avec  beaucoup  de  soin 
par  M.  Nicolet.  Cet  entomolcgisle  a 
trouvé  que  dans  le  genre  Achorutes . 
tous  les  appendices  masticaleurs 
manquent,  et  la  bouche  a  la  forme  d'un 
tubercule  conique  percé  au  sommet; 
mais  chez  les  autres  lnsec(es  de  cette 
famille  il  a  trouvé  un  labre,  une  paire 
de  mandibules,  une  paire  de  mâchoires 
dépourvues  de  palpes,  et  une  lèvre 
inférieure  large,  sans  palpes,  et  formée 
par  une  pièce   triangulaire  analogue 


au  nienlon.  Les  mâchoires,  et  surtout 
les  mandibules,  ont  la  forme  de  gros 
crochets  denticulés  sur  le  bord  (c). 

I,a  bouche  est  oignnisée  d'une  ma- 
nière analogue  chez  les  larves  de 
certains  Diptères  :  TOEstre  du  Cheval, 
par  exemple  ,  où  les  mandibules  con- 
stilricnt  une  paire  de  crochets  articu- 
léssur  une  pièce  médiane;  el  les  man- 
dibules sont  représentées  par  une  paire 
de  petites  pièces  cornées  denliculées 
sur  les  bords  [d). 

Chez  d'autres  larves  du  même  ordre, 
par  exemple  chez  le  Pîophtla  Pela- 
sionis,  on  ne  trouve  plus  qu'une  seule 
paire  de  crochets  qui  sont  constitués 
par  les  mandibules,  et  s'articulent  sur 


(a)  Lyonnet,  Recherches  sur  l'anatomie  et  les  métamorphoses  de  différentes  espèces  d'Insectes, 
pi.  5,  fîg.  7. 

—  Denny,  Moiiographia  Anoplurorvm  Britanniœ,  pi.  20,  fig.  2  c. 

(6)  Nilzicli,  Die  Familicii  und  Gattungen  der  Thierinsekteîi  (Germar's  Magasin  der  Entomo- 
logie, t.  m,  p.  294). 

(c)  Nicolet,  Recherches  pour  servir  à  l'histoire  des  Podurelles,  p.  33,  pi.  4,  fig-.  (i  Jt  8  (exir. 
des  Nouveaux  Mémoires  de  la  Société  helvétique  des  sciences  naturelles,  18-41 ,  I.  VI). 

{d)  Jo!y,  Recherches  z-oologiques,  anatomiques,  physiologiques  et  médicales  sur  les  Œslrides, 
p.  34,  p!.  5,  fig'.  3,  4,  :•. 


pharyngienne 


518  APPAREIL    DIGESTIF. 

Armature  §  10.  —  11  Gst  aussi  à  îioter  que,  indépendamment  de  l'ap- 
pareil dont  je  viens  de  parler,  il  existe,  en  général,  dans  l'inté- 
rieur de  la  bouche  des  Insectes  broyeurs,  des  parties  saillantes 
qui  paraissent  intervenir  dans  le  travail  de  la  mastication  en 
retenant  temporairement  les  aliments  dans  cette  cavité  pendant 
que  les  mandibules  les  écrasent  ou  les  hachent.  Ce  sont  de 
petits  lobes  saillants  qui  sont  iixés,  d'une  part  derrière  le  labre, 
à  la  face  supérieure  de  la  chambre  buccale,  d'autre  part  au 
plancher  de  cette  cavité,  en  arrière  de  la  languette.  Le  premier 
de  ces  organes  est  désigné  d'ordinaire  sous  le  nom  cVépipha- 
rynx^  el  constitue,  chez  beaucoup  de  Coléoptères,  un  lobe 
impair  garni  de  poils  qui  se  voit  immédiatement  derrière 
l'échancrure  médiane  du  labre,  ou  bien  encore  une  espèce  de 
bourrelet  saillant  (1).  Chez  les  Orthoptères  et  les  Névroptères, 
il  est  rudimentaire.  L'autre  lobe  intrabuccal,  appelé  hypo- 
pharynx,  à  raison  de  sa  position  à  la  partie  inférieure  du  vesti- 
bule digestif,  est  très  développé  chez  les  Libellules  et  quelques 
aufres  Névroptères,  où  il  constitue  une  éminence  trapézoïdale 


un  support  médian  formé  de  deux  ti-  il  constitue   un    lobe    médian  appli- , 

gelles  longitudinales  (a).  Swammer-  que   contre  la  lace  interne  du  ial)re. 

dam,  qui  les  avait  assez  bien  vus,  les  Chez  les  Copris  et  les  (léolriipes,  il  a 

comparait  à  la  griffe  d'un  épervier,  la  forme  d'un  bourrelet  saillant;  mais 

et  Réaumur  les  appelle  des  harpons.  cliez  d'autres  Coléoptères  de  la  même 

(1)  L'épipharynx,  ainsi  nommé  par  famille,  tels  que  le  Hanneton,  il  n'est 

Savigny,  a  été  décrit  par  quelques  au-  pas  développé.  Chez  les  Dytisques  ,  il 

teurs  comme  une  langue  palatine  (6),  est  au  cojitraire  fort  saillant,  el  se  loge 

et  a  été  appelé  aussi  l'epï'y/osse  (c).  Il  dans  une   cavité  située  vers  le  bord 

est  très  visible    chez  les  Coléoptères  supérieur  du  labre ,    entre  les  deux 

lamellicornes  des  genres  Afeuchus,  où  grands  lobes  mandibulaires  {d). 


(a)  Léon  Dufour,  Histoire  des  métamorphoses  et  de  l'anatomie  du,  Pioptiila  Petasionis  {Ann.  des 
sciences  nat.,  1844,  t.  I,  p.  372,  pi.  16,  fig.  8  et  10). 
(6)  Savigny,  Théorie  de  la  bouche,  p.  12. 

—  Kirby  and  Spence,  Introduction  to  Entomology ,  t.  III,  p.  358. 

(c)  Savigny,  Théorie  des  pièces  de  la  bouche,  p.  12. 

—  Latreillc,    Observations  s^ir   l'orga^iisation  extérieure  des  Anima^ix  articulés  [Mém.  du 
Muséum,  t.  Vm,  p.  185). 

(d)  Brullé,  Recherches  sur  les  transformations  des  appendices  dans  les  Articulés  (Ann.  des 
sciences  nat.,  3°  série,  1S44,  t.  Il,  p.  364). 


AP.MATURi:    iiUCCALE    DES    INSECTES.  519 

garnie  de  poils  et  appliquée  contre  la  base  île  la  lèvre  inr;'-- 
rieiire.  11  est  très  développé  aussi  eliez  les  Orthoptères,  où  il 
s'allonge  davantage,  et  se  divise  en  deux  portions,  de  façon  à 
ressembler  à  une  paire  de  mâchoires  rudimentaires.  Enfin, 
chez  les  Coléoptères,  il  est  quelquefois  rudiinentaire  et  ne  con- 
siste qu'en  deux  ou  trois  tubercules  velus:  mais  d'autres  l'ois  il 
s'allonge  considérableuient  et  ressemble  à  une  langue  bifide. 
Du  reste,  cet  organe,  de  même  que  l'épipharynx,  ne  paraît 
pas  appartenir  au  système  appendiculaire  dont  naissent  les 
mandibules,  les  mâchoires  et  la  lèvre  supérieure;  c'est  seule- 
ment un  repli  des  téguments  de  la  cavité  buceaie,  ipii  est  sou- 
vent fortifié  par  une  jiièce  cornée  particulière  (1). 

§  11.  —  Dans  une  autre  grande  division  de  cette  classe,  Appareil 
tormeepar  les  ^-sectes  lecheurs,  c  est-a-aire  eonx  riui,  a  1  état  desinsedes 
parfait,  se  nourrissent  de  matières  plus  ou  munis  injuides  dont 
ils  s'emparent  à  l'aide  d'une  sorte  de  langue  longue  et  flexible, 
l'appareil  buccal  ofl're  un  mode  d'organisation  ditïérent,  mais 
se  compose  des  mêmes  parties  que  chez  les  Insectes  mastica- 
teurs dont  nous  venons  de  nous  occuper.  Ainsi,  cliez  l'Abeille, 
le  Bourdon  et  les  autres  Hyménoptères  qui  récoltent  le  miel,  Hyménoptères, 


(1)  Divers  enloinoiogistes  donnent 
il  cet  organe  le  nom  de  /a/îg'.ff.  M-tIs 
beaucoup  d'autres  désignent  de  ia 
même  manière  la  partie  de  la  lèvre 
inférieure  que  nous  avons  appelée 
languette ,  et  il  règne  dans  leurs 
éciils  nue  grande  confusion  relati\e- 
menlàces  parties  de  i'appareil  buccal. 
Pour  plus  de  détails  à  ce  sujet,  je 
renverrai  à  un  travail  spécial  de 
M.  Brullé,  oti  la  questioR-  de  srao- 
nymie  a  été  très  bien  traitée  (a). 

Comme  exemple  des  Insectes  ayant 


un  hypopharynx  bien  déveiop  ;é.  je 
citerai  en  premier  lieu  le  Hanneton,  où 
cet  organe  a  éié  figuré  par  M.  Sîraus 
Durkheim.  C'est  une  petite  masse 
cliarnue  et  mobile  placée  au-dessus 
du  milieu  du  menton,  et  divisée  en 
quatre  lobes  garnis  de  papilles  ou  de 
poils  et  portés  sur  deu\  Olets  cornés 
(ou  apophyses  glosso-pharyugiennes) 
qui  se  prolongent  en  arrière  (6),  et 
qui  donnent  attache  à  une  partie  des 
fibres  couslitntivcs  des  muscles  du 
pharynx. 


(a)  Bnillé,  Recherches  mr  les  transformations  des  appendices  (loc.  cit.,  p.  .SSI  ei  suiv. 
i.V)  Slraus,  Considérations  sur  l'anatomie  des  Atiimavx  artifulés,  p.  T2,  pi.  1,  fig.  44. 


5Î20  Al>p.\iu-:iL  niGESTiP. 

on  trouve,  comme  d'ordinaire,  sur  le  devant  de  la  bouche,  une 
lame  médiane  qui  est  le  labre,  et  sur  les  côtés  une  paire  de 
mandibules  qui  sont  disposées  à  peu  près  de  la  manière  ordi- 
naire, bien  qu'elles  ne  servent  pas  à  la  préhension  des  aliments, 
et  sont  employées  comme  instruments  de  sculpture  dans  les 
travaux  architecturaux  de  ces  Animaux  (1).  Plus  immédiate- 
ment en  rapport  avec  l'entrée  du  canal  digestif,  on  remarque 
un  faisceau  de  baguettes  ou  lamelles  très  allongées.  On 
compte  facilement  sept  de  ces  appendices;  dans  quelques  genres 
de  la  même  famille,  tels  que  les  Panurges  et  les  Nomades,  on 
en  distingue  même  neuf  :  et  au  premier  abord  il  peut  paraître 
difficile  de  reconnaître  dans  ces  organes  filiformes  les  ana- 
logues de  mâchoires  et  de  la  lèvre  inférieure  d'un  Coléoptère; 
mais,  en  les  examinant  attentivement,  on  ne  tarde  pas  à  se 
convaincre  de  leur  similitude  fondamentale.  En  effet,  cinq  de 
ces  appendices  sont  portés  sur  une  pièce  cornée  impaire  qui 
est  placée  derrière  la  bouche,  et  qui  représente  évidemment  le 
menton  des  Insectes  broyeurs.  Les  appendices  de  la  paire  exté- 


(l)  Il  osl  à  noter  cependant  que  les  dans  une  caviié  close.  C'est  de  la  sorte 

mandibules  des  Abeilles,  au  lieu  de  se  que  pendant  la  campagne  de  Crimée, 

terminer    en  pointe,  comme   d'ordi-  on  a   trouvé  dans  des  cartoucbes  de 

naire,   sont  élarj^ies  vers  le  bout  {a)  ;  l'armée   russe   des  balles   de    plomb 

je  reviendrai  sur  les  particularités  de  qui    avaient    élé    perforées    par   des 

leur  structure,  lorsque  je  traiterai  des  Sirex  ou  Urocères  [b).  Du  reste,  dans 

travaux  d'architecture  de  ces  Animaux.  des  circonslances  analogues,  certains 

J'ajouterai  que  parfois  certains  Hy-  Coléoptères  taraudent  aussi  des  sub- 

niénoptères  parviennent,  à  l'aide  de  stances  1res  dures,  telles  que  le  piomb 

leurs  mandibules,  à  ronger  des  sub-  ou   l'alliage  des   caractères   d'impii- 

stances  très  dures,  qui  ne  leur  servent  merie  (c),  et  j'ai  observé  beaucoup  de 

pas  comme  nourriture,  mais  qui  s'op-  cas  dans  lesquels  des  lames  de  plâtre 

posentà  leur  passage  au  dehors,  quand  et  des  pierres  tendres  avaient  étéenta- 

ils  ont  achevé  leurs  métamorphoses  mées  par  les  mandibules  des 'J'ermi tes, 

(a)  Voyez  Y  Allas  du  Règne  animal  de  Cuvier,  pi.  dSO,  fig.  6&. 

(6)  Duméril ,  Recherches  historiques  sur  les  esj  èces  d'Insectes  gwi  rongent  et  perforent  le 
plomb  {Comptes  rendus  de  l'Académie  des  sciences,  1857,  t.  XLV,  p.  361). 

(c)  Desmarest,  Notice  sur  quelques  perforations  faites  par  des  Insectes  dans  des  plaques  métal- 
liques {Revue  i-oologique  de  Gnérin-Méneville,  lS44j. 


AftMATtiP.È    BUCCALE    DES    INSECTES. 


521 


rieure  naissent  aux  angles  antériwirs  de  ce  support,  et,  par  leur 
structure  aussi  bien  que  par  leurs  relations  anatomiques,  ils  cor- 
respondent aux  palpes  labiaux  ;  seulement  leur  premier  article,  au 
lieu  d'être  courtet  cylindrique,  est  devenu  excessivement  long  et 
lamelleux.  L'appendice  médian,  qui  est  la  partie  la  plus  impor- 
tante de  l'appareil  buccal,  car  il  constitue  l'espèce  de  langue 
déliée  et  Hexible  dont  l'Animal  se  sert  pour  lécher  le  miel,  est 
formé  par  la  réunion  des  parties  dont  se  composent  les  lobes 
moyens  de  la  languette  chez  un  Orthoptère.  Enfin,  de  chaque 
côté  de  la  base  de  cet  organe,  se  voit  une  lamelle  appelée  para- 
glosse^  qui  est  le  représentant  du  lobe  externe  de  cette  même 
languette  (1).  Ainsi,  chez  ces  Insectes  lécheurs,  toutes  les  parties 


(1)  Ainsi  la  langnelte  de  F  Abeille  est 
formée  par  la  portion  de  la  lèvre  in- 
férieure que  j'ai  appelée  VendochilUe, 
etelleporteà  sa  base  une  paire  de 
filaments  constitués  par  les  para- 
glosses.  Elle  est  filiforme,  très  poilue, 
et  divisée  en  une  multitude  de  petits 
segments  articulés  et  mobiles  :  son 
extrémité  est  un  peu  aplatie  en  forme 
de  spatule  (a;  ;  enfin  ,  sa  face  su- 
périeure est  sillonnée  sur  la  ligne 
médiane,  et  elle  paraît  êire composée 
de  deux  petits  cylindres  accolés  côte 
à  cote. 

Les  palpes  labiaux  sont  très  allon- 
gés, slyliformes,  et  composés  de  quatre 
articles  placés  bout  à  bout.  Cliez 
plusieurs  Mellifères,  les  deux  pre- 
mières pièces  sont  fortes,  et  les  deux 
dernières  rudimentaires  et  rejetées  en 
dehors,  de  façon  à  ressembler  à  un 
petit  palpe  accessoire. 

Les  principaux  muscles  moteurs  des 
pièces  appendiculairesde  la  lèvre  infé- 


rieure sont  logés  dans  une  sorle  de 
gouttière  formée  par  le  menton,  et  il 
est  à  noter  que  l'ensemble  de  cet  ap- 
pareil est  rendu  très  protractilepar  le 
jeu  d'une  pièce  cornée  de  forme  allon- 
gée qui  s'articule  avec  le  bord  posté- 
rieur du  menton,  et  qui  fonctionne  à 
la  manière  d'un  levier  pour  pousser 
celui-ci  en  avant  (b). 

Dans  l'état  de  repos,  la  langueite  est 
cachée  dans  une  espèce  de  gaine  for- 
mée par  les  palpes  labiaux  et  les  mâ- 
choires ;  mais  quand  l'Animal  veut 
s'en  5,ervir,  il  la  projette  rapidement 
en  avant,  et  par  des  mouvemenis  de 
va-et-vient  ramène  enire  les  valves  de 
l'étui  maxillaire  la  portion  terminale 
de  cet  organe  filiforme  dont  les  poils 
se  sont  chargés  de  sucs  visqueux  et 
sucrés  puisés  dans  la  corolle  des 
fleurs.  Ainsi  ce  n'est  pas  en  pompant 
les  liquides  que  l'Abeille  se  nourrit, 
mais  pour  ainsi  dire  en  lapant,  à  peu 
près  comme  le  fait  un  Chat. 


(a)  Swammerdam,  Diblia  Naturce,  pi.  17,  fig.  5. 

■ —  Brandt  et  Raizelmi-!;-,  Medlcinische  Zoologie,  t.  II,  pi.  25,  fig.  10. 

(b)  Savigny,  Egypte,  Insectes  hyménoptères,  pi.  1,  û'^.  1,  u. 

—  Newport,  Insecta  (Todd's  Cyclop.  of  Anat.  and  Plujsiol.,  t.  II,  p.  898,  lig'.  S73,  37  6). 


5^2  APPAREIL    DIGESTIF. 

constitutives  de  la  lèvre  inférieure  se  retrouvent  aux  mêmes 
places  que  cliez  les  Insectes  broyeurs,  seulement  elles  ont  changé 
(le  forme  et  d'usages  par  suite  de  leur  grand  allongement.  Les 
mâchoires  sont  également  reconnaissables,  malgré  des  modifi- 
cnlions  analogues  à  l'aide  desquelles  ces  organes,  au  lieu  de 
former  une  sorte  de  pince  accessoire,  constituent  une  espèce 
de  gaine  bivalve  destinée  à  protéger  la  languette  dans  l'état  de 
repos.  Ces  membres  occupent  comme  d'ordinaire  les  côtés 
de  la  bouche,  entre  les  mandibules  et  la  lèvre  inférieure,  et  se 
composent  principalement  d'une  pièce  basilaire  et  d'une  longue 
lauie  cornée  qui  s'atténue  vers  le  bout,  et  qui  est  l'analogue  du 
galea  d'un  Orthoptère  ;  mais  leur  palpe  ne  manque  pas  et  se 
trouve  à  sa  place  accoutumée,  seulement  il  est  réduit  à  de  très 
petites  dimensions.  Chez  d'autres  Hyménoptères,  ce  dernier 
nppendice  se  développe  même  beaucoup,  et  c'est  ainsi  que 
dans  les  espèces  dont  j'ai  parlé  comme  ayant  la  bouche  garnie 
de  neuf  organes  tilii'ormes,  les  branches  complémentaires  du 
faisceau  buccal  se  trouvent  constituées  (1). 

Chez  les  Guêpes,  la  languette,  formée  toujours  par  l'endo- 
chile,  ou  portion  médiane  et  terminale  de  la  lèvre  infériem-e, 
s'élargit  en  forme  de  spatule,  et  se  divise  à  son  extrémité  en 

(l)Cliez  les  Abeilles,  lii  palpe  maxil-  est  courte  ef  élargie,  comme  chez  les 
laire  est  tout  à  fait  rndimentaire,  elne  Fourmis  (c)  et  les  Crabro  (d).  Enfin, 
se  compose  que  d'une  seule  pièce  (a)  ;  chez  les  Mutilles,  le  palpe  se  développe 
mais,  chez  la  plupart  des  îlyméno-  davantage  encore,  et  la  branche  in- 
ptères.  on  y  dislingue  quatre  ou  cinq  terne  de  la  mâchoire  devient  rndimen- 
arlicles,  et  il  devient  parfois  aussi  long  taire,  de  façon  que  le  membre  tout  en- 
que  la  branche  interne  de  la  ma-  lier  prend  à  peu  près  la  forme  d'une 
choire  (6),  ou  même  la  dépasse  de  petite  patte  qui  porterait  à  sa  bnse  un 
beaucoup;  et  alors  celle  dernière  partie  lobule  aplati  (e). 

(a)  Brandt  et  Ratzeburg;,  Medicinische  Zoologie,  l.  Il,  pi.  25,  fig-.  -10  A,  f. 

(b)  Exemples  :  Nomades  (voy.  Curtis,  British  Entomology,  t.  IV,  pi.  419,  fig.  4)  —  Blancliarti, 
Atlas  du  Bègne  animal  de  Cmier,  Insectes  pi.  128,  fig.  3c. 

(c)  Atlas  du  Règne  animal  de  Cuvier,  Insectes,  pi.  1 17,  fig.  1  c. 
{d)  Op.  cit.,  pi.  122,  fig.  9  6. 

(e)  Op.  cit.,  pi.  118,  fig.  3  6,4  6. 


Appareil 

buccal 

des 


ARMATURE    BUCCALE    DES    INSECTES.    '  52o 

deux  lobes,  de  I^çon  à  ressembler  davantage  à  ce  que  nous 
avons  vu  dans  la  lèvre  inférieure  de  certains  Insectes  broyeurs 
et  chez  d'autres  Hyménoptères ,  cette  partie ,  ainsi  que  les 
mâchoires,  se  raccourcissant  plus  ou  moins,  et  établissant  tous 
les  intermédiaires  entre  les  formes  extrêmes  que  nous  venons 
dépasser  en  revue  (1). 

Enfin ,  les  Hyménoptères  se-  font  remarquer  aussi  par  le 
grand  développement  de  ieur  épipharynx.  Chez  les  Mellifères, 
par  exemple ,  cet  organe  constitue  un  lobe  membraneux  qui 
est  tout  à  fait  distinct  du  labre,  et  qui  est  soutenu  par  des  pinces 
cornées  particulières  (2).  L'hypopharynx,  au  contraire,  est  peu 
développé  et  quelquefois  rudimentaire  (3). 

§  12.  —  Ainsi  que  chacun  le  sait,  les  Chenilles  vivent  pour 
la  plupart  de  feuilles,  et  ont  toutes  la  bouche  puissamment 
armée  d'organes  masticateurs  ;  mais  lorsque  ces  Animaux  ont  Lépidopièr 


(1)  Chez  plusieurs  Hyménoptères,  par  exemple,  dans  le  genre  Stjnar- 

la    languette   ou   endochiiite  .se  rac-  çis  (c).  Du  reste,  c'est  chez  les  llasaris 

côurcit  beaucoup  ;  lesparaglossesman-  que  son  mode  de  conformation  est  le 

quent,etles  palpes  labiaux  prennentla  plus  remarquable.    En  efl'et,  la  lan- 

forme  de  petits  filaments  cylindriques  guette  bilide  de  ces  Insectes  est  d'une 

quadriarticulés,  de  façon  à  ressembler  longueur  extrême,  et  se  recourbe  en 

tout  à  fait  à  ceux  des  Coléoptères,  etc.:  anse  dans  une  sorte  de  gaine  qui  fait 

par  exemple,  chez  les  Andrènes  (a).  saillie  au  dehors,  en  arrière  du  men- 

Chez  d'autres,  au  contraire,  cet  organe  ton  {cl). 

acquiert  une   longueur  1res  considé-  (2)  Cet  organe  n'avait  pas  échappé 

rable  :  par  exemple,  chez  les  Guêpes  à  l'attention  de  Réaumur  (e). 

solitaires  du  genre    tiaphiglosse  (6).  (o)  Chez  les  Eucères,  l'hypopharynx 

En  général,  il  n'est  bifide  que  vers  le  est  solide  et  s'emboîte  avec  l'épipha- 

bout;  mais,  dans  quelques  insectes  de  rynx  (/■);  mais  c'est  surtout  chez  les 

cet  ordre,   ses  deux  moitiés  consli-  Fouisseurs,   tels  que  les  Spliex  et  les 

tuantes  sont  libres  jusqu'à  leur  base  :  Scolies,  qu'il  est  bien  développé. 


(a)  Voyez  V Atlas  du  Règne  animal  de  Cuvier,  Insectes,  pi.  125,  fig.  5  b. 

(b)  H.  de  Saussure,  Monographie  des   Guêpes  solitaires   de  la   tribu  des  Euménides,   pi.  2, 
fig.  1  a. 

(c)  Idem,  ibid.,  pi.  5,  fig.  2  a. 

(d)  làem,  Note  sur  les  organes  buccaux  des  Masaris   [Ann.  des  sciences  nat.,  ^i^"  série,  1857, 
t.  VU,  p.  107,  pi.  1,  fig.  1  à  7). 

{ej  Réaumur,  Mém.  pour  servir  à  l'histoire  des  Insectes,  t.  V,  pi.  28,  fig.  9. 

(f)  Savigny,  Théorie  de  la  bouche  {Mém-  sur  les  Anim.  sans  vertèbr.,  t  I,  p.  12). 


52/|.  APPAREIL    DIGESTIF. 

aclievé  leurs  inétamorphoses  et  sont  arrivés  à  l'état  de  Papillons, 
leur  régime  n'est  plus  le  même,  et  ils  se  nourrissent  exclusi- 
vement de  liquides  sucrés  qu'ils  vont  puiser  dans  l'intérieur 
des  fleurs.  Aussi ,  à  cette  période  de  leur  existence,  les  Lépi- 
doptères ont-ils  la  bouche  conformée  pour  la  succion  seule- 
ment, et  prolongée  en  une  sorte  de  pipette  flexible  qui  s'en- 
roule en  spirale  pendant  le  repos  ou  se  déploie  en  avant. 
Quelquefois  cette  trompe  est  d'une  longueur  très  considérable; 
mais  on  connaît  des  Insectes  de  cet  ordre  qui  jeûnent  pendant 
toute  la  durée  de  leur  état  adulte,  et  souvent  chez  ceux-ci  cet 
organe  est  complètement  rudimentaire.   11  consiste  en  un  tube 
composé  de  deux  pièces  semi-cylindriques  finement  striées  en 
travers,  creusées  longitudinalement  en  gouttière  sur  leur  face 
interne  et  réunies  par  leurs  bords.  De  chaque  côté  de  sa  base  on 
remarque  un  appendice  en  forme  de  palpe  qui  s'avance  comme 
une  sorte  de  corne,  et  qui  est  couvert  de  poils  très  serrés;  par 
un  examen  attentif,  on  découvre  aussi  au-devant  de  la  trompe 
trois  petites  pièces  semblables  à  des  écailles,  et  de  chaque  côté, 
fixé  à  la  base  de  cet  organe,  un  appendicuie  composé  de  deux 
ou  trois  articles  rudimentaires.  On  voit  donc  que  l'appareil 
buccal  des  Papillons  diffère  beaucoup  de  tout  ce  que  nous  avons 
rencontré  jusqu'ici  chez  d'autres  Animaux  de  la  même  classe; 
mais  Savigny  a  fait  voir  qu'il  se  compose  néanmoins  des  mêmes 
éléments  anatomiques.   En  effet,  il  a  reconnu,  dans  les  trois 
petites  pièces   sous-frontales  qui  sont   situées  au-devant  de 
la  trompe,  les  analogues  du  labre  et  des  deux  mandibules;  il 
a  constaté  que  les  deux  grands   palpes    qui  s'avancent  sur 
les  côtés  de  la  bouche,  et  qui  naissent  sur  un  article  trans- 
versal, ne  sont  autre  chose  que  la  lèvre  inférieure;  enfin  il  a 
montré  d'une  manière  satisfaisante  que  la  trompe  elle-même 
est  formée  par  les  mâchoires,   dont  le  palpe  devient  rudi- 
mentaire et  dont  la  branche  interne  s'allonge  excessivement, 
affecte  la  forme  d'une  sonde  cannelée,  et  se  joint  à  son  congé- 


ARMATUUii    BUCCALli    DES    INSECTES.  525 

nère  sur  la  ligne  médiane,  pour  constituer  avec  lui  un  tube 
aspirateur  (l). 

§  13.  —  Les  mêmes  matériaux  organiques,  employés  d'une     Appaieii 
manière  différente,  forment,  chez  les  Punaises  et  les  autres  des  Hémipières. 


(1)  Jusqu'au  moment  où  Savigny 
publia  son  beau  travail  sur  la  théorie 
des  organes  de  la  bouche  des  Insectes, 
la  plupart  des  anatomistes  pensaient 
que  les  Papillons  étaient dépourvusde 
mandibules,  et  que  dans  la  structure 
de  leur  bouche  on  ne  pouvait  décou- 
vrir aucune  trace  du  plan  d'organisa- 
tion propre  aux  Insectes  maxillés  (a). 
Latreille,  il  est  vrai,  avait  deviné  que 
les  grandes  lames  constitutives  de  la 
trompe  étaient  formées  par  les  mâchoi- 
res (6)  ;  mais  cette  vue  n'avait  été  ni 
développée  ni  suivie,  et  l'on  proposa 
même  de  donner  à  ces  Insectes  le  nom 
iVagnathes  (c).  Savigny  fut  le  premier  à 
avoir  une  idée  complète  de  l'appareil 
buccal  des  Lépidoptères.  Cet  habile 
observateur  a  trouvé  que  le  labre,  ou 
lèvre  supérieure  de  ces  Insectes,  est 
une  pièce  médiane  mince,  )nenibra- 
ueuse,  quelquefois  semi- circulaire  , 
mais  le  plus  souvent  allongée  en  pointe, 
qui  est  appliquée  contre  la  base  de  la 
trompe  et  reçue  dans  un  léger  écar- 
tement  existant  entre  les  deux  filets 
constitutifs  de  ce  tube  (d). 

Les  mandibules  sont  représenlées 
par  une   paire    de  petites   lamelles, 


peu  mobiles  ou  même  soudées  au 
chaperon  ,  et  situées  de  chaque 
côté  du  labre  sur  les  côtés  de  la 
trompe  ;  elles  sont,  en  général ,  moins 
grandes  que  les  écailles  épidermi- 
ques  qui  revêtent  cette  partie  de  la 
tète  (e). 

Les  mâchoires ,  lorsqu'elles  sont 
isolées,  ressemblent  beaucoup  à  celles 
des  Hyménoptères,  si  ce  n'est  que  leur 
palpe  est  plus  petit  et  leur  branche 
interne  plus  étroite,  plus  allongée  et 
plus  fortement  canaliculée  en  dedans. 

Le  palpe  maxillaire  se  compose  tan- 
tôt de  deux,  tantôt  de  trois  articles,  et 
il  est  assez  facile  à  apercevoir  chez 
quelques  Lépidoptères  nocturnes,  tels 
que  la  Teigne  du  blé,  où  il  n'avait  pas 
échappé  à  l'attention  de  Réaumur  (/) , 
et  chez  le  Galleria  cerella  {g).  Mais, 
en  général,  il  est  très  petit  et  quel- 
quefois même  tellement  rudimen- 
taire,  par  exemple  chez  les  Spliinx, 
que  son  existence  a  été  révoquée  en 
doute  '{h),  quoique,  en  réalité,  cet  ap- 
pendice ne  manque  jamais. 

La  trompe  est  souvent  très  longue  : 
chez  le  Sphinx  liguslri,  et  le  Macro- 
glossa  stellatarum,  par  exemple  {i)  ; 


(a)  Cuvier,  Leçons  d'anatomie  comparée,  dSOS.  t.  III,  p.  323. 

(b)  Lalreillc,  Histoire  des  Crustacés  et  des  Insectes,  t.  H,  P-  i^^- 

{c)  Spinola,  Consideraiioni  sulla  bocca  degli  Insetti,  p.  23  (Gènes,  sans  Jate).  ^ 

(d)  Savigny,  Op.  cit.  [Mém.  sur  les  Anim.  sans  vertébr. ,1.1,  p-  4.  pi.  1 ,  li?- 1  ;  'ig-  "^'^  el  o'^,a). 

—  Doyère,  Atlas  du  Règne  animal  de  Cuvier,  Insectes,  pi.  131,  fig.  1  b,  1  c,  a. 

—  Newport,  Insecta  (Todd's  Cyclop.,  t.  II,  p.  900,  fig.  377). 

(e)  Savigny,  Op.  cit.,  pi.  1,  fig.  i,  i. 

—  Doyère,  loc.  cit.,  pi.  131,  fig.  1  6,  1  c,  6. 

(/■)  Réaumur,  Mém.  pour  servir  à  l'histoire  des  Insectes,  t.  lit,  p.  280,  pi.  20,  tig.  16. 

(g)  Savigny,  Op.  cit.,  pi.  3,  fig.  3^. 

[h)  Newman,  On  the  Externat  Anatoimj  of  Insecls  (Entom.  Magax,.,  p.  84). 

(i)  Voyez  VMlas  du  Règne  animal  de  Cuvier,  Insectes,  pi,  147,  fig.  2  a. 


526  APPAREIL    DIGESTIF. 

Insectes  de  l'ordre  des  Hémiptères,  un  instrument  de  succion 
qui  n'est  pas  une  simple  pipette,  comme  la' trompe  des  Papil- 
lons, mais  un  appareil  perforant  que  je  comparerai  à  une  petite 
canule  renfermant  un  poinçon  aigu,  dont  les  chirurgiens  font 
usage  dans  l'opération  de  la  ponction  (1).  En  effet,  la  bouche 
des  Hémiptères  se  prolonge  en  forme  de  tube,  et  dans  l'intérieur 
de  cet  organe  on  trouve  deux  paires  de  stylets  mobiles  dont 
la  pointe  peut  dépasser  l'extrémité  de  leur  étui,  et  pratiquer 
dans  les  tissus  des  Animaux  ou  des  plantes  dont  ces  Insectes 


mais  dans  d'autres  espèces  de  la  même 
famille,  telles  que  \e  Smerintlms  ocel- 
lalus{a),  elle  est  fort  courte,  et  chezles 
llépiales  elle  est  rudimeii taire. Tantôt 
elle  est  presque  nue,  d'autres  fois  cou- 
verle  d'écaillés  épiderniiques,  et  sou- 
vent on  y  remarque  une  multitude  de 
papilles  qui  hérissent  en  avant  sa  par- 
tie terminale  :  par  exemple,  chez  les 
Vanesses  {h).  Ainsi  que  je  l'ai  déjà  dit, 
les  deux  demi-cylindres  qui  la  consti- 
tuent sont  creusés  d'une  gouttière  lon- 
gitudinale là  leur  face  interne,  et,  en 
se  réunissant ,  forment  ainsi  un  tube. 
Lorsqu'on  fait  une  section  transversale 
de  la  trompe  ,  on  voit  la  lumière  de 
ce  conduit  sur  la  ligne  médiane,  et  l'on 
remarque  aussi  un  tube  vers  le  centre 
de  chaque  filet  maxillaire  (c)  :  mais 
c'est  à  tort  que  quelques  auteurs  ont 
considéré  ces  dernières  cavités  comme 
servant  à  la  succion  (d);  elles  ne  s'ou- 


vrent pas  au  dehors,  et  sont  formées 
par  les  trachées  aérifères  entourées 
d'autres  parties  molles.  11  est  aussi  à 
noter  que  ces  deux  appendices  sont 
réunis  par  une  multitude  de  crochets 
microscopiques  qui  en  garnissent  le 
bord  interne  (e),  et  que  leur  face  in- 
terne est  simplement  membraneuse, 
tandis  que  leur  surface  extérieure  et 
convexe  est  de  consistance  couen- 
neuse.  Enfin ,  il  existe  dans  leur  inté- 
rieur des  fibres  musculaires. 

La  lèvre  inférieure  [f]  est  consti- 
tuée par  un  support,  ou  menton,  de 
forme  triangulaire,  sur  lequel  est  arti- 
culée une  paire  de  palpes  composés 
chacun  de  deux  ou  de  trois  articles, 
et  variant  beaucoup  quant  à  leurs  for- 
mes et  leurs  dimensions  {g).  Queloues 
auteurs  désignent  ces  appendices  sous 
le  nom  de  barbillons. 

(1)  Le  trocart. 


i  d. 
9,  H 


Oot  10. 


(a)  Voyez  Y  Atlas  du  Règne  animal  de  Cuvier,  Insectes,  pi.  14  7,  lig.  1  a. 
(h)  Newport,  Insecta  (Todd's  Cyclop.,  t.  Il,  p.  901,  fig.  378). 

(c)  Savigny,  Op.  cit.,  pi.  2,  fig.  1  e. 

—  Doyère,  Atlas  du  Règne  animal  de  Cuvier,  Insectes,  pi.  131,  ûg. 

(d)  Réaumur,  Mém.pour  servit-  à  L'hist.  des  Insectes,  t.  I,  p.  235,  pi 

(e)  liera,  ibid.,  t.  I,  p.  237,  pi.  9,  fig.  6. 

—  Newport,  Insecta  (Todd's  Cyclop.,  t.  Il,  p.  901,  fig.  378). 
(/■)  Savigny,  Op.  cit.,  pi.  1 ,  fig.  2  u,  etc. 

—  Doyère,  loc.  cit.,  pi.  131,  fig.  1  c. 

(g)  Exemples  :  VHerminia   emortualis,    où  les  palpes  labiau.K  sont  très  longs   (Règne  animal, 
pi.  15(5,  fig.  8  a),  et  le  Zerene  grossiilarlûta,  où  ils  sonl  très  petits  (Op.  cit.,  pi.  1  56,  fig.  6  a). 


AUMAÏLKE    BUCCALE    DES    INSECTES.  5*27 

veuleiit  sucer  les  humeurs  une  piqûre  dans  laquelle  ce  tube 
s'engage  ensuite  et  pompe  le  liquide  épanché  (1). 

La  lèvre  inférieure,  qui  est  presque  sans  usage  chez  les 
Lépidoptères,  joue  ici  un  rôle  important;  elle  constitue  la 
presque  totalité  de  la  canule  de  cette  espèce  de  trocart  ou 
pipette  armée.  En  effet,  la  portion  moyenne  de  ce  membre 
s'allonge  beaucoup,  et  ses  bords  latéraux  se  recourbent  en 
avant,  puis  en  dedans,  de  façon  à  se  rencontrer  dans  presque 
toute  leur  longueur  et  à  constituer  de  la  sorte  un  tube  (2).  En 
avant,  la  partie  basilaire  de  ce  conduit  est  complétée  par  le  labre, 
(jui  s'allonge  aussi  et  se  loge  dans  l'espace  laissé  entre  les  bords 
de  la  lèvre  inférieure.  Les  mâchoires  se  trouvent  ainsi  entourées 
par  les  deux  lèvres,  et,  s'allongeant  aussi  excessivement,  con- 
stituent dans  l'intérieur  de  cette  gaine  une  paire  de  stylets  grêles 
et  acérés.  Enfin,  les  mandibules,  qui  se  réduisent  à  l'état  de 
simples  vestiges  chez  les  Lépidoptères,  prennent  ici  un  déve- 
loppement semblable  à  celui  des  mâchoires,  et  constituent  une 
seconde  paire  de  stylets  dans  l'intérieur  du  tube  labial  (3).  La 

(1)  Linné  et  Fabncius  ont  désigné  trop  long  d'exposer  ici  me  portent  à 
cet  appareil  sous  le  nom  de  rostre  ;  penser  que  les  palpes  réunis  entre 
Kiri)y  l'a  appelé  promuscis.  eux,  comme  le  sont  les  deux  moitiés 

(2)  Le  tuije  labial  (a)  est  composé  en  du  menton  ,  constituent  les  trois  der- 
généial  de  quatre  articles  réunis  bout  niers  articles  de  la  gaine  lalMale. 

à   b;)ul,  et  il  présente  en  avant  une  (3)  Les  appendices  qui  représentent 

fente  médiane.   Cliez    quelques    Hé-  les  màcboires  et  les  mandibules  sont 

miptères,  les  Aèpes,  par  exemple,  on  des  stylets  très  grêles  et  renflés  à  leur 

remarque  de  chaque  côté  de  la  por-  base.  Leur  extrémité  est  tantôt  simple 

tion  basilaire  de  cet  organe  un  appen-  (par  exemple,  chez  les  Pentatomes), 

dicule  qui  est  généralement  considéré  d'autres  fois  armée  d'une  rangée  de 

comme  le  palpe  lingual  (6);  mais  cette  petites   pointes   récurrentes,   comme 

détermination  me  semble  très  criti-  une  flèche  barbelée,  ainsi  que  cela  se 

cable,  et  diverses  raisons  qu'il  serait  voit  aux  mâchoires  des  Nèpes  (cj. 

(a)  Savig-ny,  Théorie  de  la  bouche,  pi.  4,  fig.  ^^,  etc. 

—  Doyore,  Atlas  du  Règne  animal  de  Cuvier.  pi.  88,  ùg.  2  a,  elc. 

[b]  Savigny,  Op.  cil-,  pi.  i,  ûg-  3^,  3-,  o.  —  iM.  Doyère  a  trouvé,  chez  le  Ranalra  linearls, 
deux  petits  appendices  qui  naissent  du  troisième  article,  et  qu'il  assimile  à  ceu.x  observés  par  Savigny. 
Il  les  appelle,  mais  par  inadvertance,  sans  douty,  lÏQspalpes  maxillaires  {Atlas  du  Règne  animal  de 
Cuvier,  Insectes,  pi.  94,  fig.  3  a). 

{cj  Savigny,  Op.  cit.,  pi.  4,  fig.  3'  et  3o  . 


Appareil 

buccal 

des 

Diptères. 


528  APPAREIL    DiGKSÏlF. 

forme  et  les  caractères  accessoires  de  l'appareil  de  succion 
ainsi  conslitué  varient  un  peu  :  chez  les  Cigales,  par  exemple,  il 
se  trouve  refoulé  jusque  entre  la  base  des  pattes  antérieures, 
tandis  que  chez  les  Punaises  il  est  placé  sous  le  front;  mais  sa 
structure  est  partout  essentiellement  la  même  (1). 

§  1/l.  —  Les  Mouches  et  les  autres  Diptères  sont  aussi  des 
Insectes  dont  la  bouche  est  organisée  pour  la  succion  (2);  mais 
l'espèce  de  trompe  dont  ces  Animaux  sont  pourvus  ne  res- 
semble ni  à  la  pipette  des  Lépidoptères,  ni  au  suçoir  des  Hémi- 
ptères. Elle  se  compose  cependant  des  mêmes  matériaux 
organiques,  seulement  plusieurs  de  ces  parties  ont  subi  des 
modifications  plus  profondes;  on  y  rencontre  des  variations 
beaucoup  plus  considérables  que  dans  les  ordres  dont  l'étude 
vient  de  nous  occuper,  et  les  analogies  y  sont  souvent  plus 
difOcilcs  à  saisir  (o).  Chez  quelques  espèces,  cet  appareil  est 


(1)  Chez  la  Cigale  de  l'orme,  il 
existe,  indépendamment  de  la  gaine 
du  suçoir  formée  par  la  lèvre  infé- 
rieure et  le  labre,  et  des  quatre  slylcis 
conslilués  par  les  mandibules  et  les 
mâclioires ,  quelques  pièces  acces- 
soires qui  paraissent  correspondre  aux 
palpes  maxillaires  [a). 

Il  est  aussi  à  noter  que  chez  cer- 
tains Pucerons  cet  appareil  s'allonge 
beaucoup,  et  dans  le  repos  se  re- 
ploie en  arrière,  de  façon  à  dépasser 
beaucoup  l'abdomen  et  à  simuler  une 
queue  à  l'arrière  du  corps  de  l'In- 
secte (b).  Chez  les  Coccus,  le  tuhe  du 
suçoir  n'est  représenté  que  par  un 
tubercule  conique  très  court;  mais 
les  stylets  maxillaires  et  mandibulaires 
s'allongent   excessivement ,  et  se  re- 


plient en  forme  d'anse  dans  la  cavité 
abdominale ,  où  ils  paraissent  èlre 
logés  dans  une  gaîne  membra- 
neuse (c). 

(2)  Le  régime  des  Diptères  varie 
beaucoup.  Les  uns,  les  Cousins,  par 
exemple,  vivent  du  sang  de  l'Homme 
ou  de  divers  Animaux, dont  ils  piquent 
la  peau  pour  en  tirer  ce  liquide  ; 
d'autres,  tels  que  les  Empides,  font  la 
chasse  auxpelils  Insectes  dont  ilssucent 
les  humeurs;  il  en  est  aussi  qui  s'a- 
breuvent des  liquides  contenus  danr 
les  matières  animales  en  putréfaction, 
diverses  Mouches,  par  exemple;  mais 
la  plupart  des  Insectes  de  cet  ordre  se 
nourrissent  du  suc  des  Heurs. 

(3)  L'élude  de  l'appareil  buccal  des 
Diptères  n'a  été  qu'ébauchée  par  Savi- 


(d)  Branill  et  Ratzeburg,  Medicinische  Zoologie,  t.  II,  p.  207,  pi.  27,  fig-.  liai  'J. 

(b)  Rcaumur,  Mém.  pour  servir  à  l'histoire  des  Insectes,  t.  III,  pi.  29,  ficf.  i  1  à  14. 

(c)  Brandi  et  Ralzeburg,  Op.  cit.,  t.  II,  p.  215,  pi.  27,  fig.  1  à  4. 


ARMATURE    BUCCALE    DES    INSECTES.  529 

d'une  longueur  démesurée,  comparativement  à  la  grandeur  du 
corps  de  l'Animal  :  par  exemple,  chez  les  Némestrines  d'ÉgypIe, 
où  il  est  en  même  temps  extrêmement  grêle  (1  ).  Chez  d'autres, 
telles  que  la  Mouche  de  la  viande,  il  est  trapu,  coudé  et  terminé 
par  une  sorte  de  grand  disque  charnu.  Enfin  il  est  aussi  des 
espèces  où  il  est  fort  réduit,  et  l'on  remarque  également  des 
différences  importantes  dans  le  nombre  des  instruments  vuhié- 
rants  dont  il  est  pourvu. 

C'est  chez  les  Cousins  que  l'armature  buccale  paraît  avoir 
le  plus  haut  degré  de  comphcafion,  et,  à  raison  de  la  petitesse 
de  ses  parties  constitutives,  plusieurs  de  celles-ci  ont  échappé 
à  l'attention  de  la  plupart  des  observateurs.  On  y  remarque 
d'abord  une  sorte  d'étui  grêle  et  allongé  qui  en  occupe  la 
partie  inférieure  et  qui  loge  une  espèce  de  dard  ou  de  poinçon  ; 
puis,  insérée  près  de  sa  base,  une  paire  de  petits  pallies.  Ces 
parties  ont  été  aperçues  dès  qu'on  a  pu  se  servir  d'une  forte 
loupe  pour  en  faire  l'étude  ;  mais,  lorsqu'on  examine  de  plus 
près  l'espèce  de  dard  dont  je  viens  de  parler,  on  voit  qu'elle  est 
très  complexe,  et  se  compose  de  cinq  aiguilles  réunies  en  un 
faisceau  qui  est  en  partie  embrassé  par  une  sixième  lancette  un 


gny,  et  laisse,  encore  beaucoup  à  dési-  sur  la  théorie  de  sa  composiiion  ana- 

rcr.    Cependant ,    plus    récemment  ,  tomique  (a).  On  doit  aussi  à  .M.  Gerst- 

xNewport  a  fait  à  ce  sujet  des  recher-  feldt  des  observations  sur   le  même 

ches  importantes  ;  et  M.  Blanchard,  sujet  (6). 

après  avoir  donné,  dans  Patlas  de  la  (1)  La  Némestrine  d'Egypte  est  un 

grande  édition  du  Règne  animal  de  Diptère  à  corps  velu  de  la  famille  des 

Cuvier,  une  série  de  bonnes  figures  Tanystomes ,  voisin  des  Anthrax,  qui 

de  celte  partie  de  la  tète  dans  toutes  paraît   vivre  du   suc  des    fleurs;    sa 

les  principales  divisions  de  l'ordre ,  trompe   est   filiforme   et  a   trois  ou 

a  publié   une  note  très  intéressante  quatre  fois  la  longueur  du  corps  (c). 


(a)  Savigny,  Théorie  de  la  bouche,  p.  "13,  pi.  4,  fig.  1. 

—  Newport,  art.  Insecta  (Todd's  Cijclop.  of  Anat.  and  PhysioL,  1839,  t.  II,  p.  900  elsuiv.). 

—  Blanoliani,  De  la  composition  de  la  bouche  dans  les  Insectes  de  l'ordre  des  Diptères  (Comptes 
rendus  de  l'Acad.  des  sciences,  1850,  t.  XXXI,  p.  424). 

(b)  Gerslfeldt,  Ueber  die  Mundtheile  der  saugenden  Insecten  (dissert,  inaug.).  Dorpat,  1853. 

(c)  Voyez  l'Atlas  du  Règne  animal  de  Cuvier,  Insectes,  pi.  168,  fig.  5. 

V.  34 


530  APPAllEIL    DIGESTIF. 

peu  plus  large  et  infléchie  latéralement  en  manière  de  gouttière 
renversée.  Cette  dernière  pièce  est  impaire  et  s'insère  au  bord 
frontal  de  la  bouche  ;  elle  correspond  donc  au  labre  des  autres 
Insectes.  Les  deux  slylets  situés  immédiatement  au-dessous 
sont  pairs  et  dentelés  près  du  bout;  ils  doivent  être  considérés 
comme  les  analogues  des  mandibules.  Une  seconde  paire  d'ai- 
guilles cornées,  qui  ont  à  peu  près  la  même  forme,  représente 
les  mâchoires,  et,  quand  on  les  désarticule  avec  soin,  on  voit 
que  les  appendices  palpiformcs  dont  il  a  déjà  été  question  y 
sont  attachés;  ceux-ci  sont  par  conséquent  des  palpes  maxil- 
laires. Knfin,  la  sixième  aiguille  est  impaire,  et  elle  paraît  être 
formée  par  la  languette  ou  branche  interne  de  la  lèvre  infé- 
rieure, dont  les  branches  externes  ou  principales  constitueraient 
l'étui  où  tout  ce  faisceau  de  stylets  se  loge  quand  l'appareil  est 
au  repos  (1). 


(1)  Swammerdam  fut  le  premier 
à  faire  connaître  d'une  manière  gé- 
nérale la  conformation  du  suçoir 
des  Cousins,  et  bientôt  après,  Texa- 
men  de  cet  organe  fut  porté  plus 
loin  par  son  contemporain  Leeuwen- 
hoeli.  lîéaumtir  ajouta  de  nouvelles 
observations  sur  ce  sujet  (a);  mais, 
jusque  dans  ces  derniers  temps ,  la 
plupart  des  enloinoiogistes  «nt  lai.ssé 
inaperçues  plusieurs  des  parties  con- 
stituantes de  cet  appareil,  bien  qu'elles 
eussent  été  toutes  aperçues  et  figu- 
rées vers  le  milieu  du  siècle  der- 
nier par  un  naturaliste  italien,  l'abbé 
Roffredi  (6).  La  détermination  de  la 


plupart  des  pièces  énumérées  ci-des- 
sus ne  laisse  aucune  incertitude,  et 
tous  les  entomologistes  sont  aujour- 
d'hui d'accord  pour  considérer  la 
lamelle  impaire  supérieure  comme 
un  labre,  et  les  deux  paires  de  sly- 
lets comme  les  représentants  des 
mandibules  et  des  mâchoires.  Robi- 
neau-Desvoidy  avait  pensé  que  les 
palpes  appartenaient  à  la  lèvre  supé- 
rieure (c)  ;  mais  les  observations  de 
M.  Westwood  prouvent  qu'ils  dé- 
pendent des  mâchoires.  Il  est  évi- 
dent que  la  gaîne  ou  demi-étui  infé- 
rieur correspond  à  la  lèvre  inférieure. 
Reste  donc  seulement  le  sixième  sty- 


(a)  Swammerdam,  Histoire  générale  des  Insectes,  1G82,  pi.  3,  fig.  B,  G. 

—  Leeuwenhoek,  Avcana  Naturœ.,  epist.  lxiv,  fig.  1-9. 

—  Réaiimur,  Mémoire  pour  servir  à  l'histoire  des  Insectes,  I.  IV,  p.  G03,  pi.  41  et  42. 

(6)  Roffredi,  Mém.  sur  la  trompe  du  Cousin  et  sur  celle  du  Taon  (Mélanges  de  philosophie  et  de 
mathématiques  de  la  Société  royale  de  Turin  pour  1766  à  1709,  t.  IV,  p.  1,  pi.  1  à  3). 

(c)  Robineau-Desvoidy,  Essai  sur  la  tribu  des  Culicides  {Mém.  de  la  Société  d'histoire  naturelle 
de  Paris,  1827,  t.  III,  p.  399). 


A  r.  M  Ml  m-:  euccale   des  insectes. 


S.'^l 


Qiez  d'autres  Diptères,  les  Taons,  par  exemple,  la  bouelie 
est  constituée  à  peu  près  de  la  même  manière  1);  mais,  chez 
la  plupart  des  Insectes  de  cet  ordre,  on  y  remarque  de  grandes 
différences  dépendantes,  les  unes  de  la  substitution  de  certains 
appendices  impairs  à  des  pièces  qui  d'ordinaire  sont  doubles 
et  symétriques ,  d'autres  d'un  développement  excessif  de 
diverses  parties  de  la  lèvre  inférieure  et  du  chevauchement 
qui  parfois  en  résulte,  ou  bien  encore  de  l'atrophie  de  quel- 
ques autres  parties  de  cet  appareil  complexe.  Ainsi,  chez  les 
Tipulaires,  qui  sont  très  voisins  des  Cousins,  la  portion  basi- 
laire  de  la  trompe  se  développe  beaucoup  ;  il  en  est  de  même 
pour  les  [lalpes  maxillaires.  Mais  tous  les  appendices  qui 
constituent  les  organes  perforants  dont  je  viens  de  [larlcr  sont 


let,  qui  est  médian  et  qui  a  écliappé 
aux  reclierdies  de  la  plupart  des  au- 
teurs ,  excepté  RoflVedi .  Cuitis  et 
M.  Westwood  [a).  Ce  dernier  natura- 
liste le  considère  comnie  étant  l'ana- 
logue de  ia  languette,  et  je  partage  son 
opinion;  mais  je  dois  ajouter  que  cet 
organe  correspond  aussi  à  une  lame 
allongée  découverte  par  Savigny  dans 
la  trompe  d'un  autre  Diptère  (le  Ta- 
banus  italiens),  et  désignée  par  cet 
iinatomiste  sous  le  nom  d'hypopha- 
rynx,  parce  qu'il  Tassimilait  à  une 
partie  interne  de  la  bouche  dont  j'ai 
déjà  eu  l'occasion  de  parler  (b).  Quant 
à  la  gaîne  inférieure ,  elle  appartient 
certainement  à  la  lèvre  inférieure; 
mais  je  suis  porté  à  croire  qu'elle  n'est 
pas  fournie  par  la  portion  linguale  de 


cet  organe,  comme  on  l'admet  géné- 
ralement, et  qu'elle  se  compose  des 
deux  palpes  labiaux  réuiiiîj  sur  la 
ligue  médiane. 

(1)  Chez  les  Taons,  les  appendices 
buccaux  sont  moins  efBlés  que  chez 
les  Cousins,  et,  au-dessous  du  labre, 
on  trouve  une  paire  de  mandibules  en 
forme  de  lames  allongées,  une  paire 
de  mâchoires  dont  la  branche  prin- 
cipale est  styliforme  et  le  palpe  grand 
et  lamelle ux  ;  enfin,  une  Irvre  infé- 
rieure terminée  par  deu\  grands  lobes 
ovalaires,  et  entre  cet  organe  et  le 
labre  une  lame  impaire  que  Savi- 
gny considère  comme  une  langue  ou 
hypopharynx  (c  ,  mais  que  Newport 
a  mieux  déterminée  en  l'appelant  une 
languette  (d). 


(a)  Curlis,  British  Entomology,  t.  VIII,  pi.  537. 

—  Westwood,  Introduction  to  the  modem  Classificalwn  of  Inseets,  t840,  t,  II,  p.   5C 

(b)  V'oyez  ci-dessus,  page  518. 

(c)  Saviij'ny,  Théorie  de  la  bouche  des  Insectes,  p.  13,  pi.  4,  fig.  1. 

—  Gei-stfeldt,  Ueber  die  Muiultheile  der  saugenden  Insecten,  pi.  1 ,  fig.  S,  9  et  10. 

(d)  Newport,  art.  Ixsecta  (Todd's  Cyclop.,  l.  U,  p.  904). 


532  APPAREIL    DIGESTIF. 

en  général  rudimentaires  ou  représentés  seulement  par  des 
lobes  foliacés  (1). 

La  soudure  des  mandibules  entre  elles,  ou  la  substitution 
d'un  stylet  médian  à  ces  deux  organes  pairs ,  est  un  phéno- 
mène analogue  à  celui  dont  la  lèvre  inférieure  de  tous  les 
Insectes  nuus  offre  un  exemple,  et  elle  se  voit  chez  beau- 
coup de  Diptères.  Un  stylet  impair  se  trouve  alors  au-dessous 
du  labre,  qui  tantôt  conserve  la  forme  grêle  et  allongée  si 
remarquable  chez  les  Cousins,  d'autres  fois  se  raccourcit  ou 
disparaît  (2). 


(1)  La  forme  générale  de  l'appareil 
buccal  des  Tipules  a  élé  représentée 
par  liéaiimiir  (a);  mais  la  disposition 
des  parties  terminales  se  voit  mieux 
dans  une  figure  donnée  par  M.  Blan- 
chard. Les  palpes  sont  remarquable- 
ment longs  et  composés  de  six  arti- 
cles (6)  ;  du  reste,  il  existe  chez  les 
dilTérenls  Tipulaires  des  variations 
considérables  dans  la  conformation  de 
celte  espèce  de  trompe  protractile,  et 
quelquefois  elle  ressemble  beaucoup 
à  ce  que  nous  avons  rencontré  chez 
les  Cousins  (c). 

(•J)  Celte  transformation  des  man- 
dibules en  un  appendice  impair  et 
médian  a  été  constatée  d'abord  par 
Ncwport  citez  VAsilus  crahroniformis 
et  quelques  autres  Diptères  {d),  puis 
par  M.  Blanchard  chez  un  beaucoup 
plus  grand  nnmbre  de  ces  Insectes  (e\ 
D'autres  naturalistes  considèrent  ce 
stylet  comme  un  hypopharynx  (/"). 


Comme  exemple  de  ce  mode  d'orga- 
nisation chezlesinsectesdontl'appareil 
buccal  est,  du  reste,  disposé  à  peu  près 
comme  chez  les  Cousins,  je  citerai  les 
Empis.  On  leur  voit  :  i°  un  labre  séli- 
forme  et  très  long  ;  2°  un  grand  stylet 
maxillaire;  o"  une  paire  de  mâchoires 
également  séliformes  et  portant  à  leur 
base  des  palpes  simples  et  grêles; 
k°  une  lèvre  inférieure  très  allongée 
et  creusée  en  gouttière  à  sa  face  supé- 
rieure ig).  Chez  les  Bombyles,  la  lèvre 
supérieure  paraît  être,  au  contraire, 
très  courte  et  réduite  à  une  petite  lame 
obtuse,  tandis  que  les  autres  parties 
de  la  bouche  sont  fort  allongées.  Le 
stylet  mandibulaire  impair  est  ro- 
buste ;  mais  les  mâchoires  ne  sont  re- 
présentées que  par  une  paire  de  soies 
très  grêles  el  des  palpes  fort  réduits. 
Enfin ,  la  lèvre  inférieure  s'allonge 
excessivement  et  se  termine  par  deux 
branches  divergentes  [h). 


(a)  Réaimuir,  Mémoire  pour  servir  à  ilusloire  des  Insectes,  t.  V,  jjI.  'i,  lig-.  S. 

(b)  Blaiicliard,  Insectes  de  i' Atlas  du  Règne  animal  At  Ciivier,  pi.  162,  fi^.  5  a. 

(c)  Vojez  Westwuod,  An  Intrvd.  to  tlie  modem  Classilicalion  of  Insecls,  t.  It,  p.  513, 

(d)  Newpcrt,  Op.  cit.  (Todd's  Cyclop,  of  Anal,  and  Physiol.,  t.  II,  p.  904). 

(e)  Blaiictiard,  De  la  comjjosition  de  la  bouche  dans  les  Insectes  de  l'ordre  des  Diptères  {Comptes 
rendus  de  l'Académie  des  sciences,  ISSO,  t.  XXXI,  p.  425). 

if)  Savigny,  Théorie  de  la  bouche,  p.  13. 
■     —  Gerslfeldi,  Ueber  die  Mimdlheile  der  saugenden  Insecten,  p.  30. 

ig)  Blancliard,  Atlas  du  Règne  animal  de  Olivier,  Insectes,  pi.  ICb,  fig.  1  a,  l  b. 
(ti)  Idem,  ibid.,  pi.  167,  fig.  6a. 


Ar.MATip.r.  iiiccALE  di:s  insectes.  533 

Le  grand  développement  de  la  lèvre  inférieure  porte  quelque- 
fois sur  la  portion  basilaire  de  cet  organe,  qui  constitue  alors, 
pour  la  totalité  de  la  trompe,  une  espèce  de  support  mobile; 
d'autres  fois  il  affecte  la  portion  terminale,  qui  s'élargit  extrê- 
mement et  constitue  une  sorte  de  palette  ou  de  disque  charnu. 
Cette  disposition  se  remarijue  chez  les  Anthrax,  dont  la  bouche 
est  du  reste  conformée  à  peu  près  comme  celle  de  ])lusieurs  des 
Diptères  dont  je  viens  de  parler  (1)  ;  mais  elle  est  portée  beau- 
coup plus  loin  chez  les  Mouches,  où  elle  coïncide  avec  d'autres 
modifications  de  structure  très  considérables.  En  effet,  chez  ces 
Insectes,  l'appareil  buccal  consiste  en  une  grosse  trompe  coudée, 
qui  porte  en  dessus  une  paire  de  palpes,  qui  est  armée  de  deux 
stylets  médians,  et  qui  est  terminée  par  un  grand  disque  ou 
lobe  ovalaire.  Sa  portion  basilaire ,  dépendante  de  la  lèvre 
inférieure ,  est  membraneuse,  et  chevauche  sur  les  parties 
voisines  de  façon  à  les  engaîner  plus  ou  moins  complètement 
et  à  repousser  en  avant  le  labre,  qui  constitue,  comme  d'or- 
dinaire, un  stylet  médian,  et  qui  s'avance  au-dessus  de  la 
poilion  antérieure  de  la  lèvre  inférieiuv.  Un  second  stylet, 
également  impair  et  situé  au-dessus  du  précédent,  repré- 
sente les  mandibules,  et  se  continue  postérieurement  avec  une 
paire  de  branches  cornées  entre  lesquelles  se  trouve  un  troi- 
sième organe  impair.   Celui-ci   est  formé  d'une  large  lame 

(1)  Chez  les  Anthrax, l'appareil  bue-  formées  par  les   mâchoires  et    leurs 

cal  se  compose  de  deux  gros  slylels  palpes  (a). 

impairs  et  médians,  de  deux  paires  Chez  les  Mydas,  la  conformation  du 
d'appendices  sétacés  et  d'une  grosse  labre  et  du  slylet  miindibulaire  est 
lèvre  inférieure  charnue.  Le  stylet  mé-  la  même;  mais  les  mâchoires  sont 
dian  supérieur  est  le  labre  ;  le  second  réduites  à  une  paire  d'appendices 
stylet  impair  représente  les  mandi-  palpiformes,  tandis  que  la  lèvre  iu- 
bules  ;  enfm,  les  deux  paires  de  soies  férieure,  de  consistance  charnue,  de- 
allongées    situées    au-dessous    sont  vient  extrêmement  grosse  (6;. 


(a)  Blanchard,  Atlas  du  Règne  animal  Je  Cuviei-,  I>-secte~,  pi.  IfiS,  fig.  2  a. 

(b)  Idem,  ibid.,  pi.  172.  fi^.  2  a. 


53A  APPAREIL    DIGESTIF. 

médiane  ployée  lorigitadinalement  en  manière  de  gouttière  et 
cachée  dans  rintérieur  de  la  trompe ,  mais  portant  une  paire 
de  palpes  qui  se  montrent  au  dehors  à  la  partie  supérieure  de 
cet  organe;  il  correspond  aux  mâchoires  des  antres  Insectes. 
Enfin,  la  lèvre  inférieure  est  extrêmement  développée,  et  sa 
portion  terminale,  au  lieu  de  se  bifurquer  seulement,  se  ren- 
verse en  bas  et  en  dehors,  de  façon  à  constituer  une  espèce  de 
disque  ou  de  suçoir.  Ainsi,  chez  ces  Diptères,  tous  les  appen- 
dices principaux,  qui  d'ordinaire  sont  pairs  et  bilatéraux,  sont 
représentés  par  des  organes  impairs  et  médians  (1).  Chez 
d'autres  Insectes  du  même  ordre,  l'appareil  buccal  se  simplifie 
davantage,  et  (;hez  certaines  larves  les  mandibules  paraissent 
être  devenues  des  organes  de  fixation  plutôt  que  des  instruments 
destinés  à  effectuer  la  préhension  des  aliments  (2). 

(1)  M.  Blanchard  a  donné  une  très  devoir  représenter  les  mâchoires  (6). 
belle  figure  de  cette  partie  de  l'appa-  11  est  aussi  à  noter  que  ces  larves  sont 
reil  buccal  chez  la  Mouche  de  la  viande  pourvues  de  crochets  épidermiques  qui 
{Muscavomitoria), GliïàdélQvminé  les  entourenlleur  extrémitécéphalique,  et 
différents  appendices  comme  je  viens  qui  servent  également  à  les  (ixer  à  la 
de  l'indiquer,  non-seulement  par  leurs  membrane  muqueuse  sur  laquelle  elles 
rapports  de  position  ,  mais  par  la  con-  doivent  rester  cramponnées.  On  trouve 
sidéralion  des  nerfs  qui  s'y  rendent  (a).  un  mode   d'organisation    assez  ana- 

(2)  Ainsi  les  larves  d'OEstre  qui  vi-  logue  chez  la  larve  du  Sarcophaga 
vent  à  la  manière  des  Vers  intestinaux  hœmarrhoidalis  (c),  du  Piophila  Pe- 
dans  l'estomac  ou  dans  d'autres  cavi-  tasionis  (d),  du  Sapromyza  blephari- 
lés  intérieures  de  divers  Mammifères,  pteroides  (e).  Enfin,  chez  d'autres 
ont  la  bouche  armée  d'une  paire  de  larves,  ces  appendices  ne  consistent 
crochets  qui  ne  paraissent  être  autre  d'abord  qu'en  une  paire  de  papilles 
chose  que  les  mandibules.  On  y  trouve  molles  qui  se  transforment  en  mandi- 
aussi  deux  petites  pièces,  cornées  et  bules  cornées  vers  Tépoque  où  ces 
denticulées  sur  les  bords,  qui  semblent  Insectes  doivent  se  frayer  un  chemin 

(a)  Blanchard,  Atlas  du  Règne  animal  de  Cuvier,  Insectes,  pi.  178,  fig.  i  a,  il). 

(b)  Joly,  Recherches  ^-oologiques ,  anatomiques ,  physiologiques  et  médicales  sur  les  Œstrides, 
1846.  p.  34,  pi.  5,  fig-.  1  à  5,  etc. 

(c)  Léon  Dufour,  Études  anatomiqves  et  physiologiques  sur  une  Mouche,  p.  5,  pi.  t,  fis;.  1 
(extr.  lie  l'Académie  des  sciences,  Sav.  étrang.,  t.  IX). 

(d)  Idem,  Histoire  des  métamorphoses  et  de  l'anatomie  du  Piophila  Pclasionls  (Ann.  des  sciences 
nat.,  3'  série,  1844,  t.  I,  p.  372,  pi.  16,  ûg.  8  etlO). 

(e)  I  Jera,  Mém.  sur  les  métamorphoses  de  plusieurs  larves  fongivores  appartenant  à  des 
Diptères  (Annales  des  sciences  nat.,  2'  série,  1839,  t.  XII,  p.  5,  pi.  5,  fig.  75,  etc.,  et  t.  XllI, 
p.  148,  pi.  3). 


ARMATURE    BUCCALE    DES    INSECTES.  5o5 

Enfin,  d'autres  modifications  se  rencontrent  dans  la  bouche 
de  quelques  însecles  suceurs ,  tels  que  les  Hippobosques,  les 
Puces  et  les  Poux  ;  mais  elles  ne  paraissent  pas  porter  sur  le  plan 
fondamental  suivant  lequel  cet  appareil  est  généralement  orga- 
nisé dans  cette  classe  d'Animaux,  et  elles  ne  sont  pas  assez  bien 
connues  pour  que  je  m'y  arrête  ici  (1).  J'ajouterai  seulement 


dans  la  peau  des  Animaux  qu'ils  liabi- 
lent  :  cela  se  voit  chez  les  Strepsi- 
ptères  (a)  et  chez  les  jeunes  larves  de 
Microgaster  (5), 

(1)  L'appareil  buccal  des  Diptères  de 
la  famille  des  Piipipares  ou  Hippo- 
bosciens  est  très  remarquable  ;  mais, 
quoiqu'il  ait  été  étudié  successivement 
par  Lyonnet ,  Latreille  ,  Newport  , 
M.  Léon  Dufom'etM.Westwood,  on  ne 
le  connaît  encore  que  tiès  imparfaite- 
mont,  et  la  détermination  de  ses  diffé- 
rentes pièces  constitutives  est  fort 
incertaine  (c).  On  y  distingue  deux 
appendices  valvulaires  qui,  dans  l'état 
de  repos,  sont  rapprochés  et  dirigés  en 
avant,  de  façon  à  avoir  l'apparence 
d'un  rostre  cylindrique,  et  qui  logent 
entreeuxune  sorte  de  trompe  protrac- 
lile  composée  d'un  stylet  filiforme  im  - 
pair  (ou  peut-être  bifide),  emboîté 
dans  un  tube  résultant  du  rapproche- 
ment de  deux  appendices  sétacés.  La 
portion  basilaire  de  cette  trompe  est 


articulée  sur  des  branches  cornées 
courbes,  qui  sont  logées  dans  l'inté- 
rieur de  la  tête,  et  qui  paraissent  jouer 
le  rôle  de  ressorts  pour  déterminer 
la  protraction  de  l'appareil.  Dans  les 
genres  Hippobosca  et  0.xypteruin  [cl), 
la  trompe  est  courte  ;  mais  chez  le 
Melophagus,  elle  est  extrêmement 
longue  (e). 

La  bouche  des  Puces,  dont  la 
structure  a  été  entrevue  par  Leeuwen- 
hoek  et  par  plusieurs  autres  anciens 
micrographes  (f),  mais  bien  étudiée 
pour  la  première  fois  par  Savigny,  et 
décrite  avec  plus  de  détail  par  Du- 
gès  (g),  est  armée  de  slylets  à  peu  près 
comme  celle  de  quelques  Diptères  ; 
mais  les  zoologistes  ne  sont  pas  d'ac- 
cord sur  la  détermination  de  ces 
pièces.  On  y  remarque  d'abord  laté- 
ralement une  paire  d'appendices  la- 
melleux  qui  portent  à  leur  base  un 
palpe  articulé  [h)  et  qui  correspondent 
aux  mâchoires  ;  un  peu  en  avant  nais- 


{aj  Siebold,  Veber  Strepsipfera  [Archiv  fur  Naturgeschichtc,  1843.  t.  I,  p.  159,  pi.  7,  fig.  3). 
(6)  Ratzeburg,  Die  Forst-Insekteii,  t.  III,  pi.  9,  fig.  20  et  32. 

(c)  WesUvoDd,  Introd.  to  the  modem  Classific.  of  Insects,  i.  1!,  p.  581. 

(d)  Lyonnet,  Recherches  sur  Vanatomie  et  les  métamorphoses  de  différentes  espèces  d'Insectes, 
pi.  I,  fig.  5  à  13. 

—  Léon  Dufour,  Éludes  anatomiques  et  phijsiologiques  sur  les  Insectes  Diptères  de  la  famille 
des  Pupipares  {Ann.  des  sciences  nat.,  3"  série,  1845,  t.  III,  p.  52,  pi.  2,  fig.  I). 

(e)  Newport,  art.  Insecta  (Tocld's  Cijclop.,  l.  II,  p.  906,  fig.  381). 

(/■)  Leemvenlioek,  Arcana  Nalurœ  détecta,  1722,  p.  332,  fig.  8,  9  et  10. 

—  Hooke,  Micrographia ,  pi.  34  (1667). 

{g)  Savigny,  Théorie  des  pièces  de  la  bouche,  p.  28. 

—  Dugès,  Recherches  sur  les  caractères  s,oologiques  du  genre  Pulex  {Ann.  des  scienas  nat., 
1"  série,  1832,  t.  XXVII,  p.  149). 

(h)  Ces  palpes  maxillaires  ont  été  pris  pour  des  antennes  parFabriciiis  et  plusieurs  autres  entomo- 
logistes. 


536  appaueil  digestif. 

que,  dans  quelques  cas,  la  constitution  d'un  instrument  de 
succion  à  l'aide  des  matériaux  organiques  propres  à  former  un 
appareil  masticateur,  s'obtient  sans  aucun  des  changements 
considérables  que  nous  venons  de  passer  en  revue.  Ainsi,  chez 
la  larve  du  Fourmilion,  ce  résultat  est  réalisé  par  le  creusement 
d'une  gouttière  le  long  de  la  face  inférieure  des  crochets  man- 
dibulaires  que  l'Animal  enfonce  dans  la  proie  dont  il  veut 
pomper  les  humeurs  (1). 


sent  deux  lames  étroites  allongées  et 
denticulées  sur  les  bords,  qui  parais- 
sent être  les  analogues  des  mandi- 
bules, et  sur  la  ligne  médiane  un  stylet 
impair  qui  est  probablement  le  labre, 
mais  queSavignyregardecomme  étant 
la  langue  ou  hypopbarynx  [a).  Enfin, 
plusën  arrière  ou  en  dessous,  on  voit 
une  sorte  de  gaîne  bivalve  et  composée 
de  plusieurs  articles,  qui  paraît  être 
conslituée  par  les  palpes  labiaux,  et 
qui  est  courte  chez  le  Pulex  pene- 
trans  (b)  et  le  Pulex  Canis  (c),  mais 
aussi  longue  que  les  autres  appendices 
buccaux  chez  la  Puce  commune  ou 
Pulex  irritans,  et  les  recouvrant  pen- 
dant le  repos  {d}. 

L'appareil  buccal  des  Poux  est 
beaucoup  plus  simple  (e)  ;  il  se  com- 
pose d'une  sorte  de  trompe  molle  et 
garnie  de  crochets,  qui  est  rétraclile 
et  qui  loge  dans  son  intérieur  des 
petits  stylets  aigus. 

(1)  Réaumur  a  fait  connaître  cette 


disposition  curieuse.  Les  larves  du 
Fourmilion  se  bornent  à  sucer  le 
corps  des  Insectes  dont  elles  s'em- 
parent à  l'aide  de  leurs  puissantes 
mandibules  disposées  en  forme  de 
pince  au-devant  de  leur  tête,  et  il 
existe  à  la  face  inférieure  de  cha- 
cun de  ces  crochets  une  goullière  qui 
loge  les  mâchoires.  Ces  derniers  ap- 
pendices ont  la  forme  d'un  stylet 
courbe  et  sont  susceptibles  de  se  mou- 
voir d'avant  en  arriére  avec  une 
grande  rapidité,  lléaumur  les  a  vus 
fonctionner  de  la  sorte  avec  beaucoup 
d'activité  pendant  la  succion,  et  il  les 
considère  comme  agissant  à  la  manière 
du  piston  dans  une  pompe  {f). 

[1  en  est  à  peu  près  de  même  chez 
la  larve  de  l'Ilémérobe  (y)  et  chez  celle 
des  Dylisqnes,  où  les  mandibules  , 
con)me  nous  l'avons  déjà  vu,  sont  très 
allongées  et  canaliculées,  mais  ne  lo- 
gent pas  les  mâchoires  (h). 

J'ajouterai  que  chez  une  larve  inde- 


xa) D'après  Savigny,  le  labre  manquerait  {Théorie  des  pièces  de  la  bouche,  p.  28). 
(i)  Ougès,  Note  sur  les  caractères  zoologiques  des  Pulex  pénétrants  {Ann.  des  sciences  nat. 
2-  série,  t.  VI,  p.  133,  pi.  7,  flg.  d). 

(c)  Curlis,  Dritisli  Entomology,  t.  VII,  pi.  414,  fig.  A,  B,  C. 

(d)  Weshvooil,  Introd.  to  the  modem  Classific.  o'f  Insects,  t.  11,  p.  489,  fig.  123,  3  à  7. 

—  Oujardin,  Nouveau  Manuel  de  l'observateur  au  microscope,  alla*,  pi.  1  5. 

—  Swammcrdam,  Biblia  Naturœ,  pi.  2,  fig.  3  et  i. 

(e)  Blancliard,  Atlas  du  Règne  animal  de  Cuvier,  INSECTES,  pi.  14,  fig.  1  a,  1  6. 

(f)  Réaumur,  Mém.  pour  servir  à  l'histoire  des  Insectes,  t.  VI,  p.  361,  pi.  33,  fig'.  4  à  8. 

—  Gorstfcklt,  Ueber  die  Mundtheile  der  saugenden  Insecten,  pi.  2,  fig.  41  à  43. 
{g)  Raizehurg,  Dit  Forsl-Insekten,  t.  III,  pi.  IG,  fig.  6  *. 

(/).)Idem,  ibid.,  pi.  2,  flg.  40. 


âëMaTure  feL'CCALr:  des  arachnides. 


537 


§  15.  —  Les  Arachnides  sont  aussi  des  Animaux  qui,  pour 
la  plupart,  sont  destinés  à  vivre  de  liquides  seulement  (1),  et 
leur  bouche  est  par  conséquent  toujours  conformée  pour  la 
succion  ;  mais  ils  sont  en  général  chasseurs ,  et,  pour  s'em- 
parer des  Insectes  dont  ils  font  leur  proie  et  dont  ils  hument 
les  fluides  nourriciers,  il  leur  faut  de  puissants  organes  de 
préhension  (2).  Aussi  leur  bouche  est-elle  enlourée  d'instru- 
ments de  ce  genre,  et,  en  l'étudiant  attentivement,  on  a  pu 
reconnaître  que  son  armature  est  constituée  à  l'aide  de  maté- 


Appareil 

buccal 

des 

Araclinides. 


terminée,  mais  paraissant  appartenir 
à  quelque  Névroptère  voisin  des 
-Hémérobes,  M.  Grube  a  trouvé  deux 
tubes  suceurs  très  longs  et  fort 
grêles  qui  s'avancent  entre  les  an- 
tennes, et  qui  semblent  être  formés 
chacun  par  la  réunion  de  la  mandi- 
bule et  de  la  mâchoire  du  même  côté. 
Ces  appendices  conduisent  dans  la 
cavité  buccale  {a). 

(1)  Quelques-uns  de  ces  Animaux 
écrasent  leur  proie  et  en  avalent  des 
fragments.  Cela  a  été  constaté  d'abord 
pour  les  Galéodes  ou  Soipuges,  qui 
rongent  non-seulement  le  corps  des 
Insectes  dont  elles  font  leur  proie 
ordinaire,  mais  parfois  aussi  dévorent 
les  parties  molles  d'un  Lézard  ou  de 
quelque  autre  Animal  d'un  volume 
très  considérable  (6).  L'examen  des 
matières  contenues  dans  l'estomac  des 
Faucheurs  {Phalangium  opilio)  a  fait 
voir  aussi  que  ces  Arachnides  avalent 


les  parlies  dures  aussi  bien  que  les 
humeurs  des  Insectes  dont  ils  se  nour- 
rissent {c). 

(!2)  Les  Araignées ,  les  Scorpions  et 
la  plupart  des  autres  Arachnides  se 
nourrissent  principalement  d'Insectes 
vivants,  et  quelques-uns  de  ces  Ani- 
maux déploient  un  instinct  remar- 
quable dans  la  construction  des  toiles 
ou  autres  pièges  qu'ils  tendent  pour 
s'emparer  de  leur  proie.  On  en  con- 
naît qui  capturent  ainsi,  non  seule- 
ment des  Mouches  et  d'autres  Insectes 
d'un  volume  plus  considérable,  mais 
même  de  petiis  Oiseaux  (cl).  Du  reste, 
ils  sont  généralement  fort  sobres  et 
peuvent  supporter  l'abstinence  pen- 
dant très  longtemps.  Ainsi  diilérents 
entomologistes  ont  conservé  des  Scor- 
pions vivants  pendant  six  et  même 
neuf  mois  dans  des  boîtes  où  ces 
Animaux  ne  pouvaient  trouver  aucune 
nourriture  (e). 


(a)  E.  Grube  ,  Beschreibimg  ehier  auffallenden,  in  Sûssiuassurschivdmmen  lebenden  Larve 
{Archiv  fur  Naturgeschichle,  1843,  t.  I,  p.  332,  pi.  10,  fig.  i  et  2). 

(b)  Huiton,  Observ.  on  the  Habits  of  a  large  Species  of  Galéodes  {A:in.  of  Nat.  Hist.,  1843, 
t.  XII,  p.  81). 

(c)  Tulk,  0)1  the  Anatomy  o/"Pbalangium  opilio  {Ann.  of  Nat.  Hist.,  1843,  t.  XII,  p.  246). 

(d)  Walckenaei",  Histoire  des  Insectes  aptères,  t.  I,  p.  169. 

—  Mac  Leay,  On  Doubts  respecling  the  Existence  of  Bird-catching  Spiders  {Ann.  of  Nat.  Hist., 
1843,  t.  VIII,  p.  524). 

—  Shuckard,  On  Birâ-catching  Spiders  {Ann.  of  Nat.  Hist.,  t.  VIII,  p.  435). 

(e)  L.  Dufour,  Histoire  anatomique  et  physiologique  des  Scorpions,. p.  621  (exir.  des  Mém.  de 
l'Acad.  des  sciences ,  Savants  étrangers,  t.  XIV). 


538  APPAREIL    DIGESTIF. 

riaux  analogues  à  ceux  dont  se  compose  l'appareil  masticateur 
d'un  Insecte;  mais,  en  général,  les  appendices  qui,  chez  ces 
derniers,  jouent  le  principal  rôle,  manquent  pour  la  plupart  ou  ne 
se  trouvent  qu'à  l'état  rudimentaire,  et  les  parties  les  plus  impor- 
tantes sont  fournies  par  d'autres  membres  du  même  système. 
Scorpion.  Commc  premier  exemple,  prenons  un  Scorpion.  Sous  le  bord 
antérieur  de  la  tête  se  trouve  articulée  une  paire  de  petites 
pinces  didactyles  appelées  chélicères,  qui  se  portent  directement 
en  avant  et  qui  servent  à  saisir  les  aliments  (1).  Une  autre 
paire  de  membres  situés  sur  les  côtés  de  la  bouche  remplit  des 
fonctions  analogues,  mais  avec  beaucoup  plus  de  puissance.  Ce 
sont  des  pattes-mâchoires  qui  ont  la  forme  de  grands  bras  ;  elles 
se  dirigent  en  avant  et  se  terminent  par  une  grosse  main  à  deux 
doigts  conformés  en  manière  de  pince  (2).   Entre  leur  base, 


(1)  Ces  organes,  appelés  par  les  uns 
mandibules,  par  les  autres  forcipules-, 
ou  bien  encore  anlennes-pinces  et  ché- 
licères,  sont  composés  ciiacun  d'un 
article  basilaire  dont  Tangle  antéro- 
inférieur  se  prolonge  en  manière  de 
doigt,  et  d'un  article  terminal  qui  s'in- 
sère au-dessus  de  la  base  de  cet  apo  - 
physe  et  forme  avec  elle  une  pince  à 
deux  branches  (a). 

(2)  L'article  basilaire  ou  hanclie  de 
ces  pattes- mâclioires  est  dirigé  en 
avant,  et  présente  en  dedans  une  large 
surface  qui  est  souvent  garnie  d'une 
bordure  de  poils  roides  (6),  et  qui,  en 
s'appliquant  contre  son  congénère, 
constitue  une  sorte  de  pince  à  deux 
branches  ou  de  pressoir  dont  l'action 
sur  les  aliments  en  facilite  la  succion. 
Les  articles  suivants^  (  le  irochite,  le 
méroïte  et  le  sclérite)  sont  à  peu  près 


cylindriques  et  n'offrent  rien  de  re- 
marquable ;  enîin,  le  larsite  est  très 
renflé,  en  forme  de  main,  et  porte  à 
sa  partie  antérieure  un  prolont;empnt 
dactyliforme  contre  lequel  s'api)lique 
le  dactylite,ou  article  terminai,  de  fa- 
çon à  constituer  une  pince  semblable 
à  celle  des  Crabes  et  des  Ècrevisses. 
Les  Scorpions  font  la  chasse  le  soir,  et 
saisissent  avec  ces  pinces  leur  proie, 
qui  consiste  généralement  en  Insectes, 
puis  la  portent  près  de  leur  bouche,  où 
elle  est  promptement  écrasée  par 
l'action  des  coxognathites.  Lorsqu'ils 
se  sont  emparés  ainsi  d'un  insecte 
vigoureux,  ils  ont  quelquefois  recours 
à  leur  dard  caudal  pour  le  tuer  avant 
que  de  le  sucer;  mais,  en  général, 
cet  instrument,  dont  le  venin  est 
très  puissant,  est  seulement  employé 
comme  arme  défensive. 


(fl)  Voyez  VAllas  du  Règne  animal  de  Cuvier,  Arachnides,  pi.  17,  fig.  1,1c,  cl  pi.  18, 
fig.  1,1a. 

(b)  Savigny,  Egypte,  Arachnide?,  pi.  8,  fig.  1^. 


ARMATUilE    BUCCALE    DES    ARACHNIDES.  539 

qui  est  disposée  de  façon  à  pouvoir  saisir  les  aliments,  on 
trouve  un  tubercule  com[irimé  en  l'orme  de  carène,  qui  est 
garni  d'une  petite  pièce  solide  impaire  et  médiane  au-dessous 
de  laquelle  est  l'orifice  buccal  (1;.  Enfin,  la  partie  postérieure 
de  cet  appareil  péristomien  est  constituée  par  une  sorte  de  lèvre 
sternale  formée  d'une  pièce  médiane  semi-ovalaire  et  de  deux 
pièces  latérales  qui  ressemblent  à  des  mâchoires  et  qui  embras- 
sent la  précédente.  Ces  lames  maxilliformes  ne  sont  que  des 
prolongements  de  la  hanche  ou  article  basilaire  des  pattes 
de  la  première  paire,  qui  ressemblent  beaucoup  à  celles 
des  Crustacés  du  genre  Limule,  où  ces  organes  servent  à  la 
mastication  aussi  bien  qu'à  la  locomotion.  Enfin,  la  pièce 
médiane  est  constituée  de  la  même  manière  par  des  prolonge- 
ments de  l'article  coxal  des  pattes  de  la  seconde  paire,  qui,  au 
lieu  d'être  mobiles,  se  joignent  entre  eux  sur  la  ligne  mé- 
diane (2).  Au  premier  abord,  on  pourrait  croire  que  tous  ces 
organes  buccaux  sont  les  analogues  de  ceux  qui  remplissent  les 
mêmes  fonctions  chez  les  Crustacés  ou  les  Insectes ,  et,  en 
effet,  la  plupart  des  natin^alistes  ont  été  de  cet  avis;  mais,  en 
réalité,  cette  unité  de  composition  n'existe  pas,  et  nous  avons 
ici  un  nouvel  exemple  de  ces  emprunts  physiologiques  variés 


(1)  Cette  pièce  médiane  fa)  me  pa-  des  paltes  précédentes,  et  qui  est  eni- 
raît  être  Tanalogue  des  mandibules  brassée  latéralement  par  les  prolonge- 
confondiies  entre  elles,  comme  nous  mentscoxauxde  cesderniersmemijres. 
Tavons  déjà  vu  c'tiez  beaucoup  d"[n-  Ceux-ci  ont  à  peu  près  la  même  forme, 
secies  Diptères.  mais  chevauchent  sur  les  précédents, 

(2)  Les  prolongements  coxaux  des  de  façon  à  être  en  partie  cachés  par 
deux  pattes  de  la  seconde  paire  se  eux  et  à  ne  se  montrer  au  dehors  que 
réunissent  sur  la  ligne  médiane  par  sous  la  forme  de  grosses  dents  cour- 
une  suture  longitudinale,  de  façon  à  bées  en  dedans,  entre  le  bord  externe 
constituerune  sorte  de  mentonnière  qui  de  la  mentonnière  médiane  et  la  hase 
s'avance  horizontalement  entre  la  base  des  pattes-mâchoires  (6). 


{a)  Blaiicliard,  Organisation  du  Règne  animal.  Arachnides,  pi.  t,  fig.  Hb. 

{bj  Savigny,  Egypte.  Arachnides,  pi.  8,  ûg.  i,  *. 

—  Milne  Edwards,  Atlas  du  Règne  animal  deCiivier,  .Arachnides,  pi.  18,  fig.  1,  ta,  ib.  1c. 


Ô/iO 


Galéodes. 


AfP.VRElL    DIGESTIF', 

à  rtiide  desquels  la  Nature  constitue  souvent  des  instruments 
similaires  avec  des  matériaux  différents.  Ainsi,  les  chélicères 
ou  pinces  buccales  antérieures  des  Scorpions  et  des  autres 
Arachnides  ne  sont  pas  les  représentants  des  mandibules  ou 
des  mâchoires  d'un  Insecte  ou  d'un  Crustacé,  mais  des  organes 
constitués  avec  la  paire  d'appendices  frontaux  qui  chez  tous  les 
autres  Animaux  articulés  deviennent  des  antennes  ;  nous  en 
aurons  la  preuve  quand  nous  étudierons  le  système  ner- 
veux (1). 

Pour  arriver  à  la  détermination  analomique  des  autres  parties 
de  l'appareil  buccal  des  Scorpions,  il  est  nécessaire  de  connaître 
la  structure  des  mêmes  parties  chez  un  second  Animal  de  la  même 
classe,  le  Galéode,  où  quelques-unes  d'entre  elles  sont  mieux 
développées.  Chez  ce  dernier  Arachnide  on  trouve,  comme  chez 


(1)  Savigny  pensait  que  ,  chez  le 
Scorpion  et  les  autres  Arachnides,  les 
analogues  des  aiilennes  manquaient 
complélcnient  ;  que  les  chélicères 
représentaient  les  mandibules  des  In- 
sectes ;  que  les  bras,  ou  palpes,  cor- 
respondaient aux  mâchoires  de  ces 
derniers,  et  que  les  membres  employés 
à  former  la  lèvre  inférieure  de  ceux-ci 
devenaient  les  pattes  ambulatoires  de 
la  première  paire  chez  les  Arachnides: 
de  façon  que  chez  ces  Animaux,  de 
même  que  chez  les  Insectes,  la  série 
complète  des  organes  masticateurs  et 
ambulatoires  se  composerait  de  six 
paires  de  membres  céphalo-thoraci- 
ques  (a).  IWais  cette  théorie  si  simple, 
et,  par  cela  même,  si  séduisante  au 
premier  abord,  n'est  plus  en  accord 
avec  les  fiiits  connus  aujourd'hui,  et 
doit  être  abandonnée. 


Ainsi,  les  chélicères  ou  forcipulesdes 
Arachnides  ne  sont  pas  constituées  à 
l'aide  des  protognaihcs,  comme  le  sont 
les  mandibules  des  Insectes  ou  des 
Crustacés  ,  mais  bien  par  une  paire 
d'appendices  appartenant  à  un  autre 
groupe  de  membres  dépendant  de  la  ré- 
gion frontale  et  correspondant  aux  an- 
tennes. Latreille  avait  deviné  celle  ana- 
logie (6),  et  c'est  pour  l'exprimer  qu'il 
a  donné  à  ces  appendices  buccaux  le 
nom  de  chélicères  ou  antennes  pin - 
res  (c).  On  pouvait  cependant  croire 
que  leur  position  au  devant  de  la  bou- 
che était  seulement  le  résultat  d'un 
chevauchement  organiqui;  des  mandi- 
bules,semblable  à  celui  que  nous  avons 
déjà  rencontré  chez  quelques  Crusta- 
cés, les  Dichélestions,  par  exemple,  où 
les  pattes-mâchoires  antérieures  sont 
devenues  sous  frontales  ;  mais  l'étude 


(o)  Savigny,  Théorie  des  pinces  de  la  bouche,  p.  85. 

|b)  Latreille,  Familles  naturelles  du  Règne  animal,  p.  307. 

(C)  De  Yi^-riVri,  pied  fourcliu  ou  pince,  et  xe'paç,  corne  en  antenne. 


ARMATURE    BUCCALK    DES    ARACHMDtS.  5/ll 

le  Scorpion,  une  paire  de  chélicères  ou  pinces  frontales  (1), 
une  paire  d'appendices  en  forme  de  palpes,  qui  correspondent 
évidemment  aux  bras  des  Scorpions,  quoiqu'ils  ne  soient  pas 
terminés  par  une  pince,  et  plus  en  arrière  des  pattes  ambula- 
toires qui  sont  au  nombre  ordinaire  dans  cette  classe  d'Animaux. 
Mais  l'ouverture  buccale  située  entre  la  base  des  palpes  dont 
je  viens  de  parler  n'est  pas  garnie  seulement  d'une  pièce  cornée 
médiane  :  au-dessous  d'un  rudiment  de  labre,  on  observe,  de 
chaque  côté,  deux  petits  appendices,  le  premier  formé  d'un 
seul  article  lamelleux,  le  second  composé  d'une  pièce  basilaire 
et  d'un  palpe.  D'après  les  rapports  anatomiques  de  ces  pièces, 
il  fout  nécessairement  les  considérer  comme  les  représentants 
des  mandibules  et  des  mâchoires  antérieures  des  autres  Ani- 
maux arliculés.  Enfin,  une  petite  sailUe  tégumentaire,  située 
plus  en  arrière,  semble  correspondre  aux  mâchoires  de  la 
seconde  paire  des  Crustacés  ou  lèvre  inférieure  des  Insectes (2). 


des  rapports  de  ces  appendices  avec  le  membres  gnathiques  (a).  M.  Blanchard 
syslème  nerveux  a  Uanclié  la  question.  a  lait  la  même  observation  chez  les 
Nous  verrons  dans  une  anirc  partie  de  Galéodes,  et  il  en  a  conclu  avec  beau- 
ce  cours  que,  chez  les  Insectes  et  les  coup  de  raison  que  ces  organes  corres- 
Cruslacés,  les  nerfs  des  antennes  et  pondent  non  à  des  mandibules,  mais 
(les  autres  appendices  frontaux  sont  à  des  antennes  (6). 
fournis  par  les  ganglions  cérébroïdes,  (1)  Les  chélicères  des  Galéodes  sont 
tandis  que  ceux  des  mandibules  et  des  très  gros,  et  leur  article  basilaire  porte 
mâchoires  proviennent  des  ganglions  à  la  base  de  leur  doigt  immobile 
sous-œsophagiens.  Or,  Newport  a  con-  un  petit  appendice  articulé  et  palpi- 
sialé  que,  chez  le  Scorpion,  les  nerfs  forme  (c). 

des  forcipules  ou  chélicères  naissent  (!2)  La  bouche,  ainsi  entourée,  fait 

desganglionscérébroïdes,comraeceux  saillie  entre  la  base  des  chélicères  et 

des  antennes,  et  non  des   ganglions  celle  des  pattes -mâchoires.  Les  ap- 

sous-œsophagiens,  comme  ceux  des  pendices  dont  elle  est  garnie  ont  été 

(a)  Newport,  On  the  Structure,  Relations  and  Development  of  Ihe  nevvous  and  circulatory 
Systems,  etc.,  in  Jlijriapoda  and  Macrourous  Arachnida  {Philos.  Trans.,  4843,  p.^2Gl,  pi.  -12, 
fig.  1  5),  et  Atlas  du  Règne  animal  de  Cuvier,  Arachmdks,  pi.  d9  A. 

(6)  Blanchard,  Observ.  sur  Vorgani^alion  d'un  type  de  la  classe  des  .arachnides,  le  genre 
Galéode  (Ann.  des  sciences  nat.,  3'  série,  1847,  t.  VUl,  p.  231  et  suiv.). 

(c)  Voyez  l'Atlas  du  Règne  animal  da  Cuvier,  Arachnides  ,  pi.  20,  fig.  -1 ,  16  et  \v. 


5/l!2    "  APPAREIL    DIGESTIF. 

Les  membres  pédifonnes  ou  palpes  qui  viennent  ensuite,  et  qui 
sont  les  analogues  des  bras  du  Seorpion,  ne  peuvent  donc  être 
que  les  représentants  des  pieds-mâchoires  ou  mâchoires  auxi- 
liaires des  Crustacés,  et,  de  même  que  chez  ces  Animaux,  le 
nombre  total  des  appendices  céphalothoraciques  doit  être  plus 
grand  que  chez  les  Insectes.  Un  mode  d'organisation  analogue 
se  voit  chez  les  Chélifères,  les  Thélyphones  et  les  Faucheurs  (1) . 


très  bien  représentés  par  Savigny  et 
par  Ai.  Blancliard  (a).  Les  mandibules, 
attachées  à  rextréaiité  d'une  espèce  de 
support  saillant,  ont  la  forme  d'une 
serpetteet  sont  appliquées  l'une  contre 
l'autre  comme  deux  valvules.  Les  mâ- 
choires sontsiluées  au-dessous,  et  con- 
sistent chacune  en  un  lobe  basilaire 
poutant  un  appendice  sétiforme  qui 
représente  le  palpe  maxillaire  des  In- 
sectes. 

(1)  Chez  les  Chélifères  ou  Pinces,  la 
disposition  des  appendices  buccaux 
est  essentiellement  la  même  que  chez 
les  Scorpions;  seulement  leschélicères 
deviennent  souvent  très  petits,  les 
pattes-mâchoires  s'allongent  davan- 
tage (bj,  et  se  rencontrent  à  leur  base 
devant  la  bouche;  enfin,  les  pattes 
ambulatoires  ne  donnent  pas  naissance 
aux  prolongements  maxilliformes  qui 
constituent  la  mentonnière  des  x\ra- 
chnides  décrits  ci-dessus. 

Chez  les  Thélyphones  (c),  l'armature 
buccale  ressemble  beaucoup  aussi  à 
ce  que  nous  avons  vu  chez  les  Scor- 
pions ;  il  y  a  une  paire  de  chélicères 
didactyles ,  un  tubercule   oral  garni 


d'un  article  mandibulaire  médian  ,  et 
une  paire  de  grosses  pattes-mâchoires 
qui  s'avancent  en  manière  de  bras. 
Mais  la  forme  de  ces  derniers  appen- 
dices est  un  peu  différente  :  ainsi  les 
deux  premiers  articles  présentent,  du 
côté  interne,  de  gros  prolongements 
dentiformes  très  remarquables,  qui, 
en  se  rencontrant  sur  la  ligne  mé- 
diane au  devant  de  la  bouche,  peu- 
vent fonctionner  à  la  manière  de  te- 
nailles. Il  est  également  à  noter  que 
la  pince  terminale  ou  main  de  ces  mâ- 
choires est  au  contraire  moins  bien 
conformée. 

Chez  les  Faucheurs  (genre  Phalan- 
gium),  les  chélicères  se  développent 
davantage,  et  se  composent  d'un  grand 
article  basilaire  portant  une  sorte  de 
main  didactyle  qui  est  susceptible  de 
se  reployer  en  dessous  contre  la  bou- 
che, et  qui  présente  chez  le  mâle  une 
forme  très  bizarre  (rf).  W.  Tulk  adonné 
une  description  fort  détaillée,  mais  un 
peu  obscure ,  des  dillérenles  parties 
qui  entourent  directement  l'orifice 
buccal,  et  qu'il  nomme  labre  ou  épi- 
stome,  lèvre  inférieure,  mâchoires  de 


{a)  Savigny,  Egypte,  Arachnides,  pi.  8,  fig.  4^,  4  e,  4,  h,  etc. 
—  Blanchard,  Organisation  duRègne  animai,  Arachnides,  pi.  25,  lig.  5. 
(h)  Voyez  \ Atlas  du  Règne  animal   de  Cuvier,  Arachnides,  pi.  20  bis,  fig. 
5  6,  5c. 

(c)  Blanchard,  Op.  cit..  Arachnides,  p.  141,  pi.  8,  fig.  1  et  2. 

[d)  Voyez  V Atlas  du  Règne  animal  de  Cuvier,  Arachnidus,  pi.  23,  fig.  \b,  \c 


ia,  ic,  5a, 


ARMATURE    BUCCALE    DES    ARACHNIDES.  543 

Chez  les  Araignées,  la  bouche  est  constituée  à  peu  près  de  Aianéues. 
la  même  manière;  les  parties  qui  entourent  immédiatement  cet 
orifice,  et  qui  forment  ailleurs  les  mandibules  et  les  mâchoires, 
sont  rudimentaires  (1  )  ;  enfin  l'appareil  préhenseur  des  aliments 
se  compose  essentiellement  d'une  paire  de  chélicères  et  d'une 
paire  de  pieds-mâchoires,  en  arrière  desquels  se  développe  une 
lèvre  sternale  formée,  non  par  les  hanches  des  pattes  anté- 
rieures, comme  chez  les  Scorpions,  mais  par  une  pièce  sternale 
impaire  et  médiane  qui  dépend  de  l'anneau  dont  ces  membres 
naissent,  et  qui  est  comparable  à  la  mentonnière  des  Scolo- 
pendres. Ajoutons  que  dans  la  grande  famille  des  Aranéides,  les 
chélicères  ne  sont  pas  conformés  en  manière  de  pince  didactyle, 
et  leur  article  terminal,  qui  se  replie  comme  une  griffe  contre 
le  bord  de  l'article  précédent,  dorme  issue  à  un  liquide  veni- 
meux Iburni  par  une  glande  adjacente  (2).  îl  est  aussi  à  noter 
que  les  pattes- mâchoires  n'affectent  pas  la  forme  de  mains, 

la  première  paire  et  mâchoires  de  la  comprimé,  appelé  museau  par  quel- 

seconde  paire  (a).  Ces  dernières  me  ques  naliiralisles,  et  placé  ati  fond  de 

paraissent   être  analogues  aux  lobes  Tespèce  de  fosse  préstomienne  com- 

maxilliformes  de  rarlicle   coxal    des  prise  entre  les  chélicères,  la  base  des 

pattes  antérieures  chez  le  Scorpion,  et  patles-mâchoires  etla  mentonnière  (c). 

les  précédents  me  semblent  être  à  la  La  portion  supérieure  de  cette  crête 

fois  une  portion  de  l'article  basilaire  verticale    tient    lieu   de  lèvre   supé- 

des  pieds-mâchoires  et  des  appendices  rieure,  et  présente  une  pièce  solide 

correspondants  aux  mandibules  et  aux  qui  semble  représenter  les  appendices 

mâchoires  des  Galéodes  (6).  mandibulaires  ;  au-dessous  de  la  bou- 

(1)  L'orifice  buccal  des  Araignées  che  est  un  petit  prolongement  qui  pa~ 

est  extrêmement  petit  et  situé  à  peu  raît  correspondre  à  la  lèvre  inférieure 

près  comme  chez  les  Scorpions ,  vers  des  insectes  (d). 
la   partie   inférieure   d'un    tubercule  (2)  La  griffe  des  chélicères  se  re- 

(a)  Tiilk,  Upon  tlie  Analoniy  o/"  Phalangiura  opilio  {Ann.  of  Nat.  Hist.,  1843,  t.  XII,  p.  iQO, 
pi.  3,  fig.  3  à  14). 

(b)  Idem,  ibid.,  pi.  3,  fig.  12. 

(c)  Straus,  Considérations  sur  les  Animaux  articulés,  p.  244. 

—  Dugès,   Observations  sur  les  Aranéides  {Ann.  des  sciences  nat.,  2"  série,  1836,  l.  VI, 
p.  178),  et  Atlas  du  Règne  animal  de  Cuvier,  Arachnides,  pi.  3,  fig.  1  et  2. 

—  Wasiiiaiin,  Beilrâye  %ur  Anatomie  der  Spinnen  (Abliandl.  aus  dem  Gebiete  der  Naturwis- 
senschaften.  Herausgeyehn  von  dem  naturtuiss.  Verein  in  Hamburg,  1846,  1. 1,  pi.  13,  Hg.  10). 

{dj  Blanchard,  Organisation  du  Régne  animal,  Arachnides,  pi.  12,  lig.  8. 


hkli  APPAREIL    DIGKSTIF. 

mais  celle  de  palpes  grêles  et  cylindriques  terminés  par  nn 
petit  crochet.  Chez  le  mfde,  ces  appendices  sont  détournés 
de  leurs  usages  ordinaires  pour  être  employés  d'une  manière 


plie  coiilre  le  bord  inférieur  de  Tar- 
ticle  basilaire  de  ces  appendices  chez 
les  Mygales  {a),  et  contre  son  bord 
antérieur  chez  les  Araignées  dipneu- 
mones  (6).  Près  de  son  extrémité  se 
trouve  un  petit  orifice  destiné  à  livrer 
passage  au  venin  sécrété  par  une 
glande  logée  dans  l'article  basilaire  de 
cet  organe,  ou  dans  le  voisinage  de  la 
tête  (c). 

La  plupart  des  entomologistes  dési- 
gnent, sous  le  nom  de  lèvre,  la  plaque 
médiane  que  j'ai  appelée  ici  la  men- 
tonnière, afin  de  faire  bien  ressortir 
que  ce  n'est  pas  l'analogue  de  la  lèvre 
inférieure  des  Insectes.  Sa  forme  varie 
dans  les  différents  genres,  et  fournit 
de  bons  caractères  pour  la  classifica- 
tion {d). 

Les  pattes  -  màciioires  qui  s'insè- 
rent de  chaque  coté  de  cette  pièce 
impaire  ressemblent  beaucoup  à  de 
petites  pattes  ,  mais  leur  article  ba- 
silaire   se   prolonge    antérieurement 


en  forme  de  lobe,  et  constitue  ainsi 
une  paire  de  lames  qui  embrassent 
latéralement  la  mentonnière,  et  sont 
d'ordinaire  désignées  sous  le  nom  de 
mâchoires,  tandis  qu'on  appelle  palpe 
maxillaire  le  reste  du  membre.  Chez 
la  femelle,  ces  appendices  sont  grêles 
et  cylindriques  dans  toute  leur  lon- 
gueur; mais,  chez  le  niàle,  ils  sont 
renflés  vers  le  bout,  et  y  logent  un 
appareil  copulateur  particulier  dont 
je  ferai  connaître  la  disposition  quand 
je  traiterai  des  organes  de  la  généra- 
tion chez  ces  Arachnides  (e). 

l\Tns  le  genre  Phryné,  qui  prend 
place  à  côté  de  la  famille  des  Ara- 
néides,  le  lobe  maxilliforme  des  pieds- 
mâchoires  est  très  réduit ,  mais  le 
propodite  acquiert  des  dimensions 
considérables,  et  constitue  de  chaque 
côté,  au-devant  de  la  tète,  une  espèce 
de  bras  monodactyle  qui  est  très  fort 
et  hérissé  d'épines  sur  le  bord  in- 
terne (/■). 


(a)  \'o\;ci  Y  Atlas  du  Règne  animal  de  Cuvior,  Arachnides,  pi.  2,  fig.  1  et  i. 

(b)  Op.  cit.,  pi.  8,  fig.  3  b,  etc. 

le)  Treviranus,  Ueber  den  innern  Dau  der  Arachniden,  pi.  2,  fig-.  21. 

Braiidt  et  Raizeburg,  Medicinische  Zoologie,  t.  II,  pi.  15,  fig.  6. 

Dugès,  Allas  du  Régne  animal  de  Cuvicr,  Arachnides,  pi.  2,  fig.  G. 

Blanchard,  Organisation  du.  Règne  animal.  Arachnides,  pi.  tT,  fig.  i. 

(d)  Les  variations  de  forme  de  celle  lèvre  'siernalo  et  des  pâlies- mâchoires  adjacentes  ont  été  étu- 
diées, au  point  do  vue  zoologique,  par  Walckenaer,  et  sont  représentées  dans  tous  les  ouvrages 
descriptifs  qui  traitent  de  l'histoire  naturelle  des  Arachnides.  Je  me  bornerai  donc  à  citer  ici  le  prin- 
cipal travail  de  cet  cnlomologisie,  intitulé  Tableau  des  Aranéides  (1805),  et  à  renvoyer,  pour  plus  de 
détails,  à  VAtlas  du  Règne  animal  de  Cuvier,  où  toutes  les  ]ilanclies  relatives  à  la  famille  des  Ara- 
néidcs  ont  été  faites  par  Dugès. 

(e)  Voyez  Lyonnet,  Rech.  sur  l'anatomie  et  les  métamorphoses  de  différentes  espèces  d'Insectes, 
pi.  9,  fig.  i  à  1.^ 

—  sâvigny,  Egypte,  Arachnides,  pi.  d ,  fig.  3  e,  3  f,  etc. 

—  Brandt  et  lAatzeburg,  Op.  cit.,  pi.  1  5,  fig.  1  et  2. 

—  Dugès,  loc.  cit.,  pi.  8,  fig.  1  c,  3;/,  c(r. 

—  Menge,  Ueber  die  Lebermueise  der  Arachniden,  pi.  2,  fig.  13  à  27  {Neueste  Schriften  der 
Naturforschenden  Gesellschaft  in  Danzig,  1843,  t.  IV). 

—  Blanchard,  Organisation  dit  Règne  animal.  Arachnides,  pi.  17,  fig.  9  et  tO. 
(/■)  Voyez  le  Règne  animal,  Arachnides,  pi.  16,  fig.  1,16. 


buccnl 

des 

Acariens. 


AUMATIJKI£    UUCCALl';    DliS    ARACHNIDES.  5/l5  i 

fort  singulière  dans  l'acte  de  la  copulation;  enlin,  il  existe  à 
leur  base  un  prolongement  lamelleux  qui  s'avance  sous  la 
bouche,  à  peu  près  comme  le  font  les  lobes  coxaux  des  pattes  | 

antérieures  du  Scorpion,  et  qui  font  office  de  mâchoires.  La  ^ 

mentonnière,  ou  lèvre  sternale,  qui  s'avance  entre  ces  deux  j 

lames  maxiUiformes,  est  tantôt  mobile,  ainsi  que  cela  se  voit  j 

chez  les  Araignées  proprement  dites  ,  d'autres  fois  soudée  au  J 

plastron  sternal,  comme  chez  les  Mygales.  j 

§  16.  —  En  général ,  les  Acariens  ne  sont  pas,  comme  les  Appareil 
Araignées  et  les  Scorpions,  des  Animaux  chasseurs,  mais  des 
parasites  qui  mènent  une  vie  sédentaire  et  s'accrochent  à  leur 
proie;  aussi  leur  armature  buccale  est-elle  autrement  dis- 
posée (1).  Les  appendices  dont  cet  appareil  se  compose  sont 
réduits  à  de  très  petites  dimensions,  et  ilst  endent  à  rentrer  de 
plus  en  plus  complètement  dans  l'intérieur  de  la  tête,  ou  plutôt 
dans  une  gaine  tégumentaire  qui  est  formée  par  la  partie  circum- 
buccale  de  la  peau,  et  qui  constitue,  avec  plusieurs  de  ces  organes 
devenus  styliformes,  un  siphon  ou  suçoir.  Chez  quelques-uns 
de  ces  petits  Arachnides,  lesOribates,  par  exemple,  les  analogies 
qui  existent  entre  ces  parties  et  les  appendices  buccaux  d'un 
Scorpion  ou  d'une  Araignée  sont  faciles  à  constater;  mais  chez 
d'autres  Acariens,  tels  que  les  Ixodes  et  les  Sarcoptes ,  la 
dégradation  est  poussée  plus  loin,  et  il  est  difficile  d'établir  cette 
concordance  d'une  manière  satisfaisante. 

Chez  les  Oribates,  l'appareil  buccal  est  logé  dans  une  petite 
cavité  pratiquée  sous  la  partie  frontale  du  céphalothorax,  et  se 

(1)  M.  Diijardin  pense  que  les  Aca-  mais  ce  mode  d'organisation  ne   me 

riens  dont   Dugès  a   formé  le  genre  paraît  nnllement  démontré,  et  il  est 

Hypopus  sont  dépourvus  de  lîouche,  probable  que  l'orifice  buccal  existe, 

et  il  considère  ces  Animaux  comme  quoiqu'il  ait  échappé  aux  recherches 

étant   des    larves   de    Gamases    (a)  ;  de  ce  naturaliste. 

[a)  DujarJin,  Mémoire  sur  les  Acariens  sans  bouche  dont  on  a  formé  le  genre  Hypopus  [Ann. 
des  sciences  nat.,  3=  série,  I.  XII,  p.  343,  et  p.  259,  p).  II). 

V.  35 


546  APPAREIL    DIGESTIF. 

compose  d'un  faisceau  de  petits  appendices,  dont  les  uns  sont 
des  chélicères  à  pince  didactyle,  d'autres  des  pieds-mâchoires 
formant  chacun  un  palpe  et  une  branche  interne  ou  endo- 
gnathe,  bifurqué  au  bout  (1). 

Chez  les  Sarcoptes ,  l'invagination  de  cet  appareil  est  plus 
complète,  mais  sa  composition  paraît  être  à  peu  près  la 
même  (2),  tandis  que  chez  d'autres  Acariens  on  y  observe  des 


(1)  M.  Nicolet  a  étudié  et  figuré 
avec  beaucoup  de  soin  Taimature  buc- 
cale d'un  grand  nombre  d'Acariens 
delà  famille  des  Oribatides  {à).  Cet 
appareil  est  logé  dans  une  cavité  ap- 
pelée camérostome ,  qui  résulte  du 
prolongement  du  bord  frontal  du 
cépbaiolborax  en  une  sorte  de  rostre 
voûté  (6).  A  sa  partie  inférieure  et 
postérieure  on  aperçoit  une  lame  mé- 
diane qui  otTre  en  général  à  peu  près 
la  forme  d'un  triangle  dont  le  sommet 
serait  dirigé  en  avant.  M.  INicolet  dé- 
signe cette  pièce  sous  le  nom  de  lèvre, 
et,  en  efl'et,  elle  correspond  évidem- 
ment à  la  mentonnière  ou  lèvre  infé- 
rieure des  Araignées.  De  chaque  côté 
et  un  peu  plus  en  avant  se  trouve  un 
palpe  grêle  et  cylindrique  composé  de 
quatre  ou  cinq  articles  placés  bout  à 
bout,  et  en  connexion  par  sa  base  avec 
une  pièce  maxilliforme  qui  s'avance 
au-dessus  de  la  mentonnière  et  se  ter- 
mine par  deux  lobules  lamelleux  ou 
deux  articles  placés  côte  à  côte ,  de 
façon  à  ressembler  extrêmement  à  une 
mâchoire  d'Insecte   (c).   M.  Nicolet 


désigne  cet  organe  sous  le  nom  de 
mâchoire,  et  ne  s'explique  pas  nette- 
ment au  sujet  de  ses  rapports  avec  le 
palpe  ;  mais  il  me  semble  évident  que 
ce  sont  des  portions  d'un  seul  et  même 
membre,  lequel  correspond  à  une 
patte-mâchoire  d'Araignée  :  seulement 
ici  le  coxile,  au  lieu  de  se  prolonger 
en  un  lobe  maxillaire,  donne  nais- 
sance à  une  branche  accessoire  in- 
terne, comme  le  font  les  deutognathes 
chez  les  Insectes.  Enfin,  plus  en  avant 
et  au-dessus  de  ces  organes,  se  trouve 
une  autre  paire  d'appendices  confor- 
més en  manière  de  pince  didactyle, 
comme  chez  les  Scorpions  [d).  M.  Ni- 
colet les  appelle  mandibules  ;  et,  en 
effet,  ils  correspondent  évidemment 
aux  organes  que  la  plupart  des  ento- 
mologistes désignent  de  la  même  ma- 
nière chez  les  Araignées,  c'est-à-dire 
les  chélicères.  Un  mode  d'organisa- 
tion fort  analogue  se  retrouve  chez 
les  Trombidions  ,  les  Gamases ,  les 
Ixodes ,  et  beaucoup  d'autres  Aca- 
riens (e). 

(2)  La  bouche  du  Sarcopte  de  la 


(a)  Treviraiius,  Ueber  den  innern  Bau  der  ungeflûgelten  Insekten.  Die  milbenartigen  Insekten 
(Vermischte  Schriften,  1. 1,  p.  47,  pi.  5,(ig.  28  à  30;. 

—  Dujardin,  Mém.  sur  les  Acariens  {Ami.  des  sciences  nat.,  3°  série,  1855,  t.  III,  p.  \  0). 

(6)  Nicolet,  Histoire  naturelle  des  Acariens  qui  se  trouvent  dans  les  environs  de  Paris  [Archiv. 
du  Muséum,  1855,  t.  VU,  p.  403,  pi.  24,  fîg.  16,  18,  etc.). 

(c)  Atlas  du  Règne  animal  de  Cuvier,  Arachnides,  pi.  25,  lig.  2  a. 

(d)  Nicolet,  Op.  cit.,  pi.  33,  fig-.  le,  4c,  etc. 

(e)  Idem,  Op.  cit.,  pi.  33,  fig.  1  e,  etc. 


ARMATURE    LUCCALE    DES    ARACHNIDES.  5/|.7 

particularités  de  structure  qui  paraissent  avoir  de  l'analogie 
avec  certaines  dispositions  dont  les  Insectes  suceurs  de  l'ordre 
des  Diptères  nous  ont  déjà  offert  des  exemples.  Ainsi,  chez  les 
Ixodes,  indépendamment  des  palpes  et  d'une  paire  d'appen- 
dices allongés  et  barbelés  au  bout,  qui  paraissent  correspondre 
aux  chélicères  des  Araignées,  on  trouve  une  lame  médiane 
étroite  et  impaire  qui  est  également  denticulée,  et  qui  paraît 
résulter  de  la  soudure  des  branches  internes  des  deux  pattes- 
mâchoires  (1).  Il  est  aussi  à  noter  que  chez  plusieurs  Arachnides 


gale  est  très  difficile  à  bien  observer, 
à  cause  de  cette  invagination  et  de  la 
petitesse  des  parties.  Cependant,  quand 
on  compare  les  figuies  qui  en  ont  été 
données  par  MM.  Vandenhecke  et  Le- 
roy, ou  par  M.  Bourguignon  (a),  avec 
celles  de  l'appareil  buccal  d'un  Ori- 
batien,  on  y  reconnaît  une  grande 
analogie  ;  et  j'ajouterai  qu'au  moment 
de  mettre  cette  Leçon  sous  presse,  je 
vois  que  les  observations  de  ces  au- 
teurs s'accordent  très  bien  avec  les 
résultats  fournis  par  de  nouvelles  re- 
cherches dues  à  M.  Ch.  Fxobin  (6).  En 
effet,  M.  Vandenhecke  a  représenté 
sur  la  ligne  médio -inférieure  (sous 
le  n"  7)  une  pièce  impaire  qui  cor- 
respond évidemment  à  la  menton- 
nière ou  lèvre  inférieure;  puis,  sur 
les  côtés,  une  paire  d'appendices  co- 
niques qu'il  nomme  mâchoires ,  et 
que  M.  Bourguignon  appelle  mandi- 
bules, mais  que  je  considère  comme 


les  analogues  des  palpes  ou  branches 
principales  des  pattes  -  mâchoires. 
Entre  ces  deux  organes  on  voit,  de 
chaque  côlé,  une  pièce  allongée  et 
denticulée  à  son  extrémité  antérieure 
(5  et  8),  qui  me  semble  correspondre 
à  la  branche  interne  ou  maxilliforme 
de  ces  mêmes  pattes-mâchoires.  En- 
fin, au-dessus  de  ces  derniers  appen- 
dices, se  trouve  une  paire  de  pièces 
fusiformes  et  terminées  en  pince , 
qui  me  paraissent  être  des  chélicères 
réduits  à  un  état  presque  rudimcn- 
taire  :  M.  Bourguignon  les  a  décrits 
sous  le  nom  de  mandibules  secon- 
daires. M.  Dujardin  les  a  représentés 
dans  l'état  de  protraction  chez  l'Aca- 
rus  du  fromage  (cj  ;  enfin,  j'ai  publié 
dans  V Atlas  du  Régne  animal  de  Cu- 
vier  une  figure  de  l'ensemble  de  l'ap- 
pareil buccal  chez  ce  dernier  Aca- 
rien  {d). 

(1)  Lyonnet  a  figuré  ces  trois  lames 


{a)  Leroy  et  Vandenhecke,  Recherches  microscopiques  sur  TAcarus  scabiei,  p.  14,  pi.  4  (extr. 
des  Mémoires  de  la  Société  des  sciences  naturelles  de  Seine- et- Oise,  1835). 

Bourguignon,    Traité  entomologique  et  pathologique  de  la  gale  de  l'Homme,  pi.  5,  fig.  24 

à  32  (extr.  des  Mémoires  de  l'Académie  des  sciences,  Sav.  étrang.,  1852,  t.  XII). 

(6)  Robin,  Mém.  sur  la  composition  anatomique  de  la  bouche  ou  rostre  des  Arachnides  de  ta 
famille  des  'sarcoptes  (Comptes  rendus  de  VAcad.  des  sciences,  22  août  1859). 

(c)  Dujardin,  Nouveau  Manuel  de  l'observateur  au  microscope,  1842,  atlas,  pi.  17,  liç;.  11. 

[d]  Atlas  du  Règne  animal  de  Cuvier,  Arachnides,  pi.  26,  fig.  2  c. 


5/|S  API'AIÎIÏIL    DIGIÎSTIF. 

de  cet  ordre,  la  portion  basikiire  de  la  gaîne  tégiimentairc  (|ui 
entoure  ces  organes  pour  constituer  le  siphon  s'allonge  beau- 
coup, et  que  les  appendices  logés  dans  son  intérieur  deviennent 
grêles  comme  des  aiguilles  (1). 


denliciilées  chez  la  Tique  {Ixodes  ricî- 
nus)  ;  Treviraniis  et  Audoiiiii  les  ont 
représentées  chez  d'autres  espèces  du 
même  genre  ;  enfin  Dugès  a  fait  mieux 
connaître  leur  disposition  chez  l'Ixode 
plombé  (a).  Les  palpes  situés  de 
chaque  côlé  sont  également  lamel- 
leux,  el,  dans  Pélat  de  re|)Os,  engaî- 
nent  les  pièces  précédentes,  comme 
le  ferait  un  étui  bivalve.  Les  lames 
mandibuliformes  (ou  chéhcères)  sont 
étroites,  allongées  el  terminées  par 
un  onglet  mobile  et  denliculé,  ainsi 
que  par  une  sorie  de  grifTe  immobile. 
La  lame  impaire  ,  qui  a  été  consi- 
dérée comme  une  lèvre  inférieure  par 
Audouin  et  par  Dugès,  est  également 
très  allongée  et  concave  en  dessus, 
mais  garnie  on  dessous  de  crochets 
dont  la  pointe  est  dirigée  en  arrière,  de 
façon  à  simuler  sur  les  bords  des  dents 
de  scie. 

(1)  Ainsi ,  chez  la  Smaridie  papil- 
leuse,  l'appareil  buccal  se  compose 
d'une  sorte  de  U-ompe  cylindrique, 
qui  est  à  peine  visible  dans  le  repos, 
mais  qui  est  très  protractile,  et  qui 


porte  vers  sa  partie  antérieure  une 
paire  de  palpes.  Dans  son  intérieur 
se  trouvent  deux  stylets  aigus  qui 
représentent  les  chélicères  ou  bien  les 
branches  internes  des  paltes- mâ- 
choires (6),  et  qui  glissent  dans  une 
pince  médio-inférieure  en  forme  de 
goullière,  qui  est  probablement  l'ana- 
logue de  la  mentonnière  (c). 

il  est  aussi  à  noter  que  les  palpes  ou 
branches  principales  des  pattes-mâ- 
choires présentent  beaucoup  de  varia- 
lions  dans  la  disposition  de  leur  por- 
tion terminale.  Tantôt  ils  sont  anten  • 
niformes  ou  filiformes  :  par  exemple, 
chez  les  Scires  ou  Bdeiles  {d)  ;  d'autres 
fois  valvulaires,  ainsi  que  nous  l'avons 
déjà  vu  chez  les  Ixodes;  d'aulres  fois 
encore  ancreux ,  c'est-à-dire  armés 
de  pointes  vers  le  bout,  disposition 
qui  est  propre  aux  FJydrachnes  ou 
Acariens  aquatiques  (e);  enfin,  ils 
sont  appelés  ravisseurs  quand  leur 
premier  article  est  armé  d'un  ou  de 
plusieurs  crochets,  et  leur  article  ter- 
minal mousse  et  pyriforme,  de  façon  à 
rappeler  un  peu  les  pattes  ravisseuses 


(a)  Lyoniic't,  Recherches  sur  L'aiialomie  et  les  métamorplioses  de  différenles  espèces  d'Insectes, 
p.  57,  pi.  6,  lig.  i. 

—  Treviranus,  Ueber  den  Bau  der  Myua  (ZeUschrijt  fur  Physiologie,  t.  IV,  |i.  187,  pi.  4G, 
fig.  4  et  5). 

—  Audouin,   Lettre  conlenanl  des  recherches  sur  quelques  Arachnides  parasites  {Aun.  des 
sciences  nat.,  ^'°  série,  t.  XXV,  pi.  14,  fis;.  2,  3  et  4). 

—  Dugès,  Recherches  sur  l'ordre  des  Acariens,  3°  niciii.,  p.  18,  el.  7,  tv^.  1 1   (exir.  des  Ann. 
des  sciences  nat.,  2"  séiie,  1834,  I.  11). 

(6)  Diigos,  Op.  cit.,    \"   iiiéni.,  p.   31,  pi.   1,  lig.    14,   Hi  (Ann.  des  sciences  nul.,  2°  série, 
t.  I). 

(c)  Idem,  itiid.,  pi.  1,  lig.  15. 

(d)  Exemple  :  Scirus  taticornis  (Règne  animal  de  Guvicr,  Ap.acun'1des,  pi.  25,  fi^'.  4,  4  c) . 
(i;)  Op.  cit.,  pi.  28,  tig.  2  a,  etc. 


ARMATLUE    BLCCALE    DES    AP.ÀCilNlDES.  5/l9 

Eniin,  chez  les  Tardigrades,  qui  paraissent  devoir  être  ratta- 
chés à  l'ordre  des  Acariens,  l'appareil  buccal  est  réduit  à  une 
trompe  charnue  et  conique  qui  renferme  un  canal  corné  médian, 
dans  lequel  glissent  deux  stylets  (1). 

§  17.  —  En  résumé,  nous  voyons  que  chez  tous  les  Arthro-  Résumé, 
podaires,  ou  Animaux  arliculés  proprement  dits,  l'armature 
buccale,  malgré  la  variété  de  ses  formes,  est  composée  de 
matériaux  similaires,  et  que  ces  éléments  anatomiques  sont  des 
membres  disposés  par  paires  sur  les  deux  côtés  de  la  ligne 
médiane,  à  la  face  inférieure  du  corps,  et  analogues  aux  appen- 
dices que  la  Nature  emploie  pour  conslituer  des  patles  ambula- 
toires ou  des  antennes.  Mais  ce  que  Ton  pourrait  appeler  l'ori- 
gine commune  de  tous  ces  membres  destinés  à  des  fonctions 
variées  devient  encore  plus  évident  lorsque,  au  lieu  de  s'en  tenir 
à  l'examea  de  ces  parties  quand  leur  développement  est  achevé, 
on  les  étudie  aussi  pendant  les  premières  périodes  de  la  vie  de 
l'embryon.  En  eft^t,  on  voit  alors  que  leur  structure  est  d'al)ord 


des  Manies  :  par  exemple  ,   cliez  les  dans  lequel  les  slyiets  se  logent  me 

'l'rombidions  {a),  l'ciir  plus  de  détails  semble  être   ranalogiie   de   la    pièce 

à  ce  sujet,  je  renverrai  aux  mémoires  labiale  ou  menlionnicre  de  ces  mêmes 

de  Diigès  et  de  M.  Dujardin  (6).  Acariens.  Enfin,  les  deux  stylets  ont 

(i)  M.  Doyère  a  étudié  avec  beau-  une  très  grande  ressemlilance  avec  les 

coup  de  soin  l'organisation  de  la  ré-  deux  lames  dentées  que  nous  avons 

gion  buccale  de  ces  Animalcules.  Ce  vuesdansla  trompe  des  ixodes,elc.  (c). 

qu'il   décrit  sous  le    nom  à'anneau  Mais  chez  les  Tardigrades  on  n'aper- 

buccal  et  CCanneau  pharyngien  me  çoit  rien  qui  paraisse  ressembler  à  la 

paraît  correspondre  à  la  gaine  du  su-  lame  médiane  qui,  chez  ces  derniers, 

çoii-  des  Smaridies,  et  les  deux  petits  tient  probablement  lieu  de    la  paire 

tubercules  qui  en  garnissent  les  côtes  de  branches  internes  dépendantes  des 

pourraient  bien  être  des  vestiges  de  pieds-mâchoires  chez    la  plupart  des 

l)alpes  maxillaires.    Le  tube  intérieur  Arachnides. 

(a)  Allas  du  Règne  animal  àa  Cuvier,  Arachnides,  pi.  24,  fig.  1  fc. 

(6)  Dugès,  Recherches  sur  l'ordre  des  Acariens  {Ann.  des  sciences  nat.,  2"  série,  4834,  I.  I, 
p.  H  et  siiiv.). 

—  Dujardin,  Mém.  sur  les  Acariens  (Ann.  des  sciences  nat.,  3«  série,  18'i5,  t.  111,  p.  9  et 
suiv.). 

(c)  Dojère,  Mémoire  sur  les  Tardigrades.,  p.  33  et  57,  pi.  i2,  fig.  2  ;  pi.  U,  fig.  2  cl  3  (exir. 
des  Ann.  des  sciences  nal.,  2°  série,  1840,  t.  XIV). 


550    APPAREIL    DIGESTIF,  ARMATURE    Bl'CCALE    DES    ARACHNIDES. 

uniforme ,  que  dans  le  principe  ils  ont  tous  la  même  forme,  et 
que  c'est  à  mesure  qu'ils  se  développent  davantage  qu'ils 
acquièrent  les  particularités  d'organisation  à  raison  desquelles 
les  uns  deviennent  des  mandibules  ou  des  mâchoires,  les  autres 
des  pattes,  des  antennes  ou  même  d'autres  instruments  physio- 
logiques dont  nous  aurons  à  nous  occuper  par  la  suite  (1). 
Lorsque  je  traiterai  de  l'organogénie ,  je  reviendrai  sur  ce 
sujet  pour  l'étudier  d'une  manière  plus  complète  ;  mais,  dès 
aujourd'hui,  j'ai  dû  indiquer  le  fait  que  je  viens  de  signaler, 
car  il  prouve  la  vérité  des  rapprochements  auxquels  la  compa- 
raison seule  avait  d'abord  conduit. 


(1)  Cette  identité  apparente  dans  les  développement   de    l'Écrevisse  ,    par 

parties  de  l'embryon  qui  consliluent  celles  de  Newport  sur  l'embryologie 

les   premiers   rudiments  de   tout  le  des  Myriapodes  (a),  et  par  l'ensemble 

système  appendiculaire  d'un  Animal  des  faits  connus  relativement  aux  méla- 

arliculé  a  été  très  bien  établie  par  les  morphoses  des  Insectes, 
belles  recherches  de  M.  F.athke  sur  le 


(a)  Ratlike,  Untersuchuncjen  ûber  die  Bildimcj  und  Entwickelung  des  Flusskrebses ,  1829,  et 
Ann.  des  sciences  nat.,  1"  série,  ISSO,  t.  XX,  p.  442. 

—  Newport,  On  the  Organs  of  Reproduction  and  the  Development  of  Myriapoda  iPhilos. 
Trans.,  i8i\,  p.  99). 


CINQUANTE  ET  UNIÈME  LEÇON. 

Suite  de  l'histoire  des  organes  digestifs  des  Animaux  articulés.  —  Du  tube  alimentaire 
et  de  ses  annexes  chez  les  Crustacés,  les  Arachnides,  les  Insectes  et  les  Myria- 
podes. 


§  1.  — D'après  le  mode  d'organisation  complexe  et  puissant 
de  l'appareil  buccal  chez  les  Crustacés,  nous  aurions  pu  sup- 
poser que  les  aliments,  avant  d'arriver  dans  l'estomac  de  ces 
Animaux,  se  seraient  trouvés  dans  un  état  de  division  suffisante 
pour  rendre  efficace  l'action  des  sucs  digestifs,  et  n'auraient  pas 
à  subir  dans  l'intérieur  du  corps  une  nouvelle  trituration.  Mais 
il  en  est  autrement,  et  chez  les  Crabes,  les  Écrevisscs  et  tous 
les  autres  Crustacés  supérieurs,  l'estomac  est  le  siège  d'un 
travail  de  mastication  complémentaire  qui  est  opéré  par  un 
appareil  particulier  dont  la  structure  est  très  remarquable. 

En  effet,  chez  tous  les  Décapodes,  l'estomac  est  une  grande 
poche  arrondie  qui  surmonte  immédiatement  la  bouche,  et  qui 
n'en  est  séparée  que  par  un  œsophage  court  et  vertical  (1),  Cette 
chambre  digestive  se  trouve  par  conséquent  dans  la  tête,  et  la 


Appareil 

digestif 

des 

Crustacés. 


Estomac. 


(1)  L'œsophage  des  Crustacés  Déca- 
podes est  large,  plissé  lonsitiulinale- 
nient,  et  pourvu  de  fibres  musculaires 
transversales  très  puissantes,  qui  con- 
stituent un  sphincter.  Son  orifice  su- 
périeur, que  l'on  appelle  quelquefois 
le  cardia  (nom  emprunté  à  l'anatomie 
humaine),  débouche  vers  le  milieu  de 
la  face  inférieure  de  l'estomac,  et  se 
trouve  entouré  de  plusieurs  tubercules 
mous,  ou  replis  tégumentaires,  qui 


font  office  de  valvules,  pour  empêcher 
la  sortie  des  aliments  (a). 

Chez  les  Crustacés  inférieurs,  l'œso- 
phage ne  présente  en  général  rien 
de  particuher  ;  mais  il  est  à  noter 
que  chez  les  Cirrhipèdes,  qui  appar- 
tiennent au  même  groupe  zooiogique, 
cette  portion  vestibuiaire  du  canal  di- 
gestif se  termine  par  une  expansion  en 
forme  de  cloche  qui  maintient  la  partie 
cardiaque  de  l'estomac  dilatée  {b). 


[a]  Milne  Edwards,  Atlas  du  Règne  mriînal  de  Ciivier,  Crustacés,  p).  5,  ùg.  1  a  et  1  b. 

(b)  Mariiii-Saint-Aiige,  Mém.  sur  V  organisa  lion  des  Cirrhipèdes,  p.  16,  pi.  2,  fig.  i  D. 
—  Darwin,  A  Monograph  of  Cirripedia  :  Balanid.-e,  p.  85  [Ray  Society,  1854). 


b5'2  ORGANES    DE    LA    DIGESTION. 

région  qu'elle  occupe  est  d'ordinaire  reconnaissable  extérieu- 
rement, à  raison  d'un  sillon  de  la  carapace  qui  la  sépare  des 
parties  adjacentes  (1).  L'estomac  se  compose  de  deux  portions 
dont  la  structure  est  très  différente  :  dans  sa  moitié  antérieure 
ses  parois  sont  même  membraneuses  et  tlasques  (2);  mais 
dans  sa  moitié  postérieure,  au  fond  de  laquelle  se  trouve  le 


(1)  La  région  sloinacaie  de  la  cara- 
pace est  un  comp;irlimenl  de  ce  grand 
bouclier  céphalo-tlioracique  qui  se 
trouve  sur  la  ligne  médiane,  immé- 
dialenient  derrière  le  front.  Chez 
les  Écrevisses  ,  les  Homards,  etc., 
elle  se  confond  latéralement  avec  les 
régions  hépatiques,  et  n'est  bien  déli- 
mitée que  postérieurement ,  où  se 
trouve  un  grand  sillon  transversal  et 
oblique,  appelé  sillon  cervical  ;  mais 
chez  les  Cancériens  et  beaucoup  d'au- 
tres Brachyiues  ,  elle  est  séparée  de 
toutes  les  parties  voisines  de  la  sur- 
face supérieure  du  test  par  une  dé- 
pression linéaire  plus  ou  moins  pro- 
fonde (a). 

La  cavité  dans  laquelle  rcstomac  est 
logé  renferme  aussi  tous  les  autres 
viscères,  et  se  continue  dans  toute  la 
longueur  du  corps,  mais  elle  n'est 
élargie  que  dans  la  région  céphalique. 
Dans  la  région  thoraciquc,  elle  est 
resserrée  entre  les  cellules  épimé- 
riennes  qui  logent  les  muscles  de  la 
base  des  pattes,  et  se  trouve  adossée 
à  la  voûte  des  flancs.  Enfin,  dans  la 


région  abdominale,  elle  est  rendue 
étroite  par  la  forme  de  celte  partie 
du  corps,  chez  les  Brachyures,  et  par 
la  présence  des  muscles  de  la  queue 
chez  les  Macroures.  En  dessus  elle  est 
limitée  par  la  carapace. 

(2)  L'estomac  est  revêtu  extérieu- 
rement par  une  portion  de  la  tunique 
périlonéale,  membrane  séieuse  qui 
tapisse  la  totalité  de  la  chambre  viscé- 
rale et  qui  se  replie  autour  de  tous 
les  organes  contenus  dans  cette  grande 
cavité. 

La  tunique  interne  de  l'estomac  est 
revêtue  d'une  lame  épithélique  com- 
posée principalement  de  chitine,  qui, 
dans  certains  points,  acquiert  une  très 
grande  épaisseur,  et  s'ossifie  pour  ainsi 
dire  par  le  dépôt  de  matières  calcaires 
dans  son  intérieur.  On  y  remarque 
aussi  par  places  des  poils  ou  soies 
roides  dont  la  structure  est  souvent 
fort  remarquable  ;  ainsi  beaucoup  de 
ces  appendices,  au  lieu  d'être  siyli- 
formes ,  comme  d'ordinaire  ,  sont 
élargis  et  digilés  en  manière  de 
peigne  (b). 


(a)  Dcsmai'cst,  Considérations  générales  sur  la  classe  des  Crustacés,  dSSS,  p.  20. 

—  Milno  Edwards,  Histoire  naturelle  des  Crustacés,  1834,  t.  1,  p.  248,  pi.  14  bis,  fig.  2,  elc, 
—  Observations  sur  le  squelette  térjumenlaire  des  Crustacés  Décapodes  {Ann.  des  sciences  nat., 
2'  série,  I.  XVI,  pi.  8,  Rg.  5,  6,  etc.). 

(bj  Valenlin  ,  Ueber  das  Vorkommen  von  verschiedenartigen  und  eigenlhûmllchen  Haarfor- 
mationen  auf  der  innern  Oberflâclie  dcr  Schleimhaut  des  Nahrunskanates  (Reperlorium  fur  Anat. 
tmdPhysiol.,  1837,  t.  I,  p.  115,  pi.  1,  lig.  15-20). 

■ —  Œsierlen,  Ueber  den  Hlagen  des  Flusskrehses  (Miillcr's  Archiv  fiïr  Anat.  und  Physiol,  1840, 
p,  411,  pi.  12,  fig.  H  et  12), 


stomacale. 


TCCE    ALlMENTAlltE    Î)ES    CRUSTACÉS.  553 

pylore  ou  oritiee  conduisant  à  l'intestin,  ces  mêmes  parois  sont  Armature 
soutenues  par  une  charpente  solide,  composée  d'un  grand 
nombre  de  pièces  cornéo-calcaires  articulées  entre  elles,  et 
appartenant  au  système  épiihélique,  comme  le  squelette  exté- 
rieur (]j.  Plusieurs  de  ces  pièces  l'ont  saillie  dans  l'intérieur  de 
l'estomac,  et  y  constituent  des  tubercules  dentiformes  et  des 
espèces  de  cardes  qui  entourent  l'oritice  pylorique,  et  qui  sont 
disposées  de  façon  à  se  rencontrer.  Enfin  des  muscles  qui 
s'étendent  entre  ces  pièces  dans  l'épaisseur  des  parois  de  l'es- 
tomac, ou  qui  se  yiortent  des  principales  d'entre  elles  aux 
parties  voisines  de  la  carapace,  mettent  cet  appareil  en  mouve- 
ment, et  déterminent  l'écrasement  complet  des  matières  alimen- 
taires à  mesure  que  celles-ci  s'engagent  dans  le  pylore  pour 
se  rendre  à  l'intestin.  Les  principales  dents  stomacales,  ainsi 
constituées,  ont  la  forme  de  gros  tubercules  jaunâtres,  d'une 
grande  dureté,  et  sont  toujours  au  nombre  de  trois  :  l'une  est 
supérieure  et  occupe  la  ligne  médiane;  les  deux  autres  sont 


(1)  L'iirmaliire  slomacale  des  Crus-  mer  un  sac  niembraneiix  dans  lequel 
lacés  esl  sujcUc  à  des  mues  périodi-  le  résidu  des  aliments  est  évacué  au 
ques  ,  comme  les  autres  parties  du  dehors  par  l'anus.  M.  Darwin  a  con- 
squeletie  léj^umentaire  de  ces  Ani-  slaié  ce  singulier  phénomène  chez  les 
maux.  Ce  phénomène  a  été  connu  de  Anatifes  aussi  bien  que  chez  les  Ba- 
Van  Helmont  et  observé  par  plusieurs  lanes  (6).  C'est  probablement  une  dé- 
naturalistes pins  modernes  (a).  ponille  épiihélique  de  ce  genre  que 

Chez  les  Cirrhipèdes,  la  tunique  épi-  M.  Martin-Sainl-Ange  a  prise  pour  un 

théiique  de  l'estomac  se  détache  sou-  second  tube  intestinal  inclus  dans  le 

vent  tout  d'une  pièce,  de  façon  à  for-  premier  (c). 


{a)  Van  Helmont,  TractaHis  de  lithiasi  (Opuscula  medica,  idiS,  cap.  vu,  p.  67). 

—  GoofFroy,   Observations  sttr  les  Écrevisses  de  rivière  [Mcin.  de  l'Acad.  des  sciences,  1109, 
p.  309). 

—  Réaumnr,  Sur  les  diverses  reproductions  qui  se  fout  dans   les  Ecrevisses,  etc.  (Mém.  de 
l'Acad.  des  sciences,  1712,  p.  239). 

—  K.  E.  von  B:ur,  Ueber  die  sogenannte  Erneiierung  des  Magens  der  Krebsc  (Miiller's  Archiv 
fur  Anat.,  1834,  p.  TvlO). 

—  Œslcrlon,  Op.  cit.  (Miiller's  Archiv  fiir  Anat.  und  Physiol.,  1840,  p.  419). 

(6)  Darwin,  A  Monograph  of  Cirripedia  .-Lepadid.e,  p.  4G  ;  Balanid^  ,  p.  80   (F,ay  Society, 
1851,  1S,Ï4). 

(c)  Marlin-Sainl-Angc,  Mém.  sur  l'organisation  des  Cirrhipèdes,  p.  17,  pi.  2,  flg.  2  et  3. 


554  ORGANES    DE    LA    DIGESTION. 

paires,  hérissées  de  pointes  ou  de  poils  roides,  et  placées  sur 
les  côtés,  de  façon  à  se  rencontrer  et  à  s'opposer  également 
à  la  précédente.  Il  en  résulte  une  espèce  de  pince  à  trois 
branches,  que  les  aliments  sont  obligés  de  traverser  pour  arriver 
au  pylore;  et  en  général  d'autres  pièces  accessoires  latérales 
ou  inférieures  sont  disposées  de  manière  à  exercer  aussi  une 
action  triturante  et  à  compléter  cet  appareil  de  mastication  sto- 
macale (1). 


(1)  L'appareil  triturant  de  l'estomac 
des  Crustacés  Décapodes  a  été  étudié 
chez  l'Écrevisse  et  quelques  autres 
espèces  par  plusieurs  naturalistes  (a). 
Dans  mon  ouvrage  général  sur  les 
Crustacés,  j'ai  donné  ime  description 
détaillée  des  diiïérentes  pièces  dont 
il  se  compose  (6).  Ici  je  me  bornerai 
à  en  indiquer  les  dispositions  princi- 
pales. 

On  remarque  d'abord,  vers  le  mi- 
lieu de  la  face  supérieure  de  l'eslo- 
mac,  une  bande  cartilagineuse  trans- 
versale qui  est  composée  de  trois 
pièces  dites  cardiaques  (savoir,  une 
mésocardiaque  et  deux  ptérocardia- 
ques) ;  en  arrière,  elle  s'articule  avec 
une  pièce  impaire  et  médiane  qui  se 
prolonge  postérieurement  vers  le  py- 
lore, et  qui  peut  être  appelée  dentaire 
supérieure  ou  urocardiaque  ;  puis,  de 
l'extrémité  de  chacune  des  branches 
de  l'espèce  de  T  ainsi  formé,  part  une 


pièce  latérale  courbe,  qui  se  rend  vers 
le  bout  pylorique  de  la  pièce  dentaire 
supérieure,  et  s'y  articule  par  l'inter- 
médiaire d'une  autre  pièce  médiane 
nommée  pylorique  antérieure.  Vues 
en  dessus,  ces  pièces  latérales  sem- 
blent être  seulement  des  bandes  cor- 
néo-calcaires  étroites,  qui  simulent  la 
corde  tendue  d'une  arbalète  dont  la 
tige  et  l'arc  seraient  représentés  par 
les  pièces  réunies  en  forme  de  T;  mais 
postérieurement  elles  s'élargissent 
beaucoup  en  dessous  ,  et  elles  mé- 
ritent le  nom  de  pièces  dentaires 
latérales  (c).  En  effet,  à  leur  exlré- 
mité  postérieure,  ces  deux  pièces,  de 
même  que  la  pièce  dentaire  supé- 
rieure, se  renflent  en  dedans  de  façon 
à  faire  saillie  dans  l'intérieur  de  la 
cavité  de  l'estomac,  et  à  y  constituer 
un  gros  tubercule  dentiforme  dont 
la  disposition  varie  un  peu  suivant  les 
genres.    Au-dessous   de  chacune  des 


(a)  Rosel,  Insecten-Belustigwuj,  1. 111,  pi.  58,  fig.  12  et  13. 

—  Sucltow,  Anatomisch-physiologische  Untersuchungen  der  tnsektenund Krustenthiere,  1R18, 
p.  52,pl.  lO.fig.  11  et  12). 

—  Brandt  et  Ratzeburg,  Medizinische  Zoologie,  t.  M,  p.  62,  pi.  11  et  12. 

—  F.  Œsterlen,  Ueber  den  Magen  des  Flusskrebses  (Miiller's  Archiv  fur  An  ai.  und  Physiol., 
1840,  p.  390,  pi.  12). 

(b)  Milne  Edwards,  Histoire  naturelle  des  Crustacés,  1834,  t.  I,  p.  C7  et  suiv.,  pi.  4,  fig.  1,  0, 
7,  8,  9  et  10. 

(c)  Dans  mon  enseignenr.entau  Muséum  d'histoire  n'aturelle,  j'ai  substitué  ce  nom  à  celui  de  pièces 
cardiaques  latéro-inférieures,  que  j'avais  adopté  dans  mon  ouvrage  sur  l'histoire  naturelle  des 
Crustacés,  mais  que  j'ai  trouvé  d'un  emploi  incommode. 


TUBE    ALIMENTAIRE    DES    CRUSTACÉS.  555 

L'estomac  de  ces  Crustacés  est  donc  un  véritable  gésier, 
comparable  à  l'estomac  triturant  que  nous  avons  déjà  rencontré 
chez  divers  Mollusques,  les  Aplysies,  par  exemple;  mais  il  n'est 
pas  seulement  un  instrument  mécanique,  il  est  aussi  le  siège 
des  principaux  phénomènes  chimiques  de  la  digestion.  En 
effet,  la  bile  et    probablement   d'autres   sucs  dissolvants  y 


pièces  dentaires  latérales,  on  remarque 
sur  les  côtés  de  l'estomac  une  large 
plaque  cartilagineuse  qu'on  peut  ap- 
peler dentaire  accessoire  (ou  car- 
diaque latérale),  dont  l'angle  postéro- 
snpérieur  donne  également  naissance 
à  un  tubercule  dentiforme,  et  dont  le 
bord  interne  est  liérissé  de  poils. 
Enfin  la  paroi  postérieure  et  inférieure 
de  l'estomac  est  garnie  aussi  d'une 
plaque  médiane  nommée  cardiaque 
postérieure ,  qui  se  porte  obliquement 
vers  le  pylore,  et  se  termine  au-des- 
sous du  tubercule  médian  dépendant 
de  la  pièce  dentaire  supérieure,  en  con- 
stituant parfois  une  dent  médio-infé- 
rieure  très  remarquable  {a).  D'autres 
petites  pièces  solides,  d'une  moindre 
importance,  servent  à  réunir  les  précé- 
dentes entre  elles.  Enfin,  derrière  la 
pièce  à  trois  branches  formée  par  le  rap- 
prochement des  tubercules  dentiformes 
dépendants  des  trois  grandes  pièces 
déjà  décrites,  on  trouve  une  autre  char- 
pente composée  de  pièces  cartilagi- 
neuses dites  pyloriques,  qui  soutien- 
nent les  parois  du  fond  de  l'espèce 
d'entonnoir  conduisant  de  l'estomac 
à  l'intestin,  et  y  donnent  naissance 
à  divers  tubercules  ou  replis  mem- 
braneux dont  quelques-uns  fonction- 
nent à  la  manière  de  valvules  pour 


empêcher  le  retour  des  matières  ali- 
mentaires dans  l'eslomac  (6). 

Les  principaux  muscles  moteurs  de 
cet  appareil  de  trituration  consistent 
en  deux  paires  de  gros  faisceaux  char- 
nus qui  naissent  de  sa  partie  supé- 
rieure, et  vont  prendre  leur  point 
d'appui  sur  les  parties  adjacentes  de 
la  carapace.  Une  paire  de  ces  muscles, 
appelés  gastriques  antérieurs ,  se 
fixe  d'une  part  au  front,  et  d'autre 
part  à  la  traverse  formée  par  les 
pièces  ptérocardiaques;  l'autre  naît 
(le  la  région  pylorique  de  l'estomac,  et 
remonte  obliquement  en  arrière  pour 
s'insérer  à  la  partie  teruiinale  de  la 
région  stomacale  de  la  carapace.  Une 
troisième  paire  de  muscles  extrinsèques 
de  l'estomac,  beaucoup  plus  grêles 
que  les  précédents ,  descend  de  la 
portion  pylorique  de  ce  viscère  au  bord 
postérieur  de  la  bouche.  Enfin,  on 
trouve  aussi  divers  faisceaux  muscu- 
laires étendus  d'une  pièce  à  une  autre 
dans  l'épaisseur  des  parois  de  l'es- 
tomac. 

Il  est  aussi  à  noter  qu'à  l'époque  de 
la  mue,  une  sorte  d'ampoule  discoïde 
se  développe  de  chaque  côté  de  l'es- 
tomac, dans  l'épaisseur  des  parois  de 
sa  partie  cardiaque,  et  qu'une  concré- 
tion calcaire  se  forme  dans  la  loge 


(a)  Par  exemple,  chez  le  Paijurus  granulalus,  où  celte  pièce  constitue  sous  l'entrée  du  pylore 
une  dent  en  forme  de  fer  à  cheval  finement  striée  en  râpe. 

(b)  Milne  Edwards,  Crustacés  de  l'Atlas  du  Règne  animal,  pi.  5,  fig.  1  a  et  1  6. 


556  orCanes  De  la  digestion, 

afllLient  (1),  et  les  aliments  n'en  sortent,  ponr  se  rendre 
dans  l'intestin,  qu'après  avoir  été  transformés  en  une  pâte 
chymeuse. 

Chez  les  Squilles  et  les  Édriopbtbalmes,  la  charpente  solide 
de  l'estomac  se  simplifie  et  se  dégrade  beaucoup;  enfin,  chez 
les  Crustacés  inférieurs,  on  n'en  découvre  plus  de  trace  (2); 


ainsi  conslituée.  Celte  pièce  se  détache 
ensuite  et  devient  libre  dans  la  cavité 
de  l'estomac,  mais  ne  tarde  pas  à  dis- 
paraître, soit  parce  qu  elle  est  expulsée 
au  dehors,  soit  parce  qu'elle  est  ré- 
sorbée. Ce  sont  ces  concrétions  que 
les  pharmacologistes  désiL'naient  jadis 
sous  le  nom  û'rjeux  d'Écrevisse. 

(1)  Chez  la  plupart  des  Crustacés  il 
n'y  a,  dans  le  voisinage  de  l'estomac, 
aucun  organe  qui  puisse  être  consi- 
déré comme  une  glande  salivaire  ; 
quelques  auteurs  (a)  ont  pensé  que 
l'on  pourrait  attribuer  des  lonctions 
de  ce  genre  à  un  organe  verdàtre 
qui  se  voit  de  chaque  côté  de  l'œso- 
phage chez  l'Écrevisse  {b\  et  qui  est 
beaucoup  plus  développé  chez  le  Ho- 
mard; mais  j'ai  constaté  que  ces  glan- 
des débouchent  à  l'extérieur  du  corps 
par  un  orifice  pratiqué  dans  le  tuber- 
cule dit  auditif,  qui  se  remarque  à  la 
base  des  antennes  externes  de  tous 
les  Décapodes  ;  par  conséquent,  il  n'y 
a  aucune   raison   pour  regarder  ces 


organes  comme  étant  des  annexes  de 
l'appareil  digestif  (c).  Un  peu  en  ar- 
rière de  l'o'sophage,  on  trouve  ,  chez 
le  Homard,  une  seconde  paire  de  corps 
verdàtresqui  paraissent  être  aussi  des 
organes  sécréteurs,  mais  je  n"ai  pu 
leur  découvrir  aucune  connexion  avec 
la  cavité  alimentaire.  Chez  les  Cir- 
rhipècles,  au  contraire,  on  voit  autour 
de  l'extrémité  postérieure  de  l'œso- 
phage un  groupe  d'ampoules  dispo- 
séesen  grappes,  qui  paraissent  être  des 
organes  sécréteurs  de  ce  genre  {dj. 

!\I\I.  Pickeringct  Dana  allribucnldes 
fonctions  analogues  à  un  petit  organe 
glanduliforme  qu'ils  ont  trouvé  près 
de  la  bouche,  chez  les  Caligcs  (e). 

Enfin,  M.  Leydig  pense  qu'une 
paire  de  tubes  disposés  en  anse,  cl 
attachés  à  la  partie  postérieure  de 
l'œsophage,  chez  rx\rgule  foliacé,  est 
aussi  une  glande  salivaire  ou  un  ap- 
pareil vénénifique  (/). 

(*i)  Ainsi,  chez  les  Palémons,  presque 
toute  la  partie  supérieure  de  la  char- 


fa)  Carus,  Traité  élémentaire  d'anatomie  comparée,  t.  II,  p.  2-40. 

(b)  V,bi(i\,lnseklen-Bclusti(]imçj,  t.  III,  p.  3-22,  pi.  48,  fig.  d. 

(c)  Milîie  Edwanls,  Histoire  naturelle  des  Crustacés,  t.  I,  p.  124,  pi.  12,  fig.  10. 

(d)  Ces  grappes  ont  élé  l'cpicsunloes  clicz  les  Analil'cs  par  Cuvier  (il/cm.  sur  les  Animatox  des 
Anatifes  et  des  Balanes^  p.  10,  pi.  1,  fig.  9  cl  H.  Mém.pour  servir  à  l'histoire  des  Mollusques). 

—  Chez  les  Balancs,  elles  ont  été  observées  par  Karslen  (Disquisitlo  microscopica  et  ehemica 
hepatis  et  bilis  Crustaceorum  et  Molluscorum,  m  Nova  Acta  Acad.  Nat.  curios.,  t.  XXI,  pi.  20, 
fig.  1). 

(e)  Pickerini?  and  Dana,  Dcscript.  of  a  Speclcs  of  Caligiis,  p.  32,  |il.  4,  ùg.  0  cl  9  a  (American 
Jourii.  of  Science,  t.  XXXIV). 

(D  Le^rfig,  Ueber  Arguliis  (Zeitschrilt  fiiv  îvissensch.  /.oologie,  1850,  1.  II,  p.  333,  pi.  19, 
f.g.  2). 


TUni-:    ALIME.MAIUE    OKS    CIl'JSTACÉS. 


557 


mais  chez  presqno  tous  ces  Animaux  la  portion  postœsoplia- 
giennc  du  tube  aliinentaire  est  dilatée  en  manière  de  poche 


pente  solide  de  l'estomac  disparaît. 
Par  exemple,  chez  le  P.  jamaicensis, 
où  cet  organe  se  prolonge  poslérieu- 
remcnt  en  un  grand  cul-dc-sac  mem- 
braneux au-dessus  de  l'œsophage, 
on  y  voit  un  disque  carlilagineux 
qui  paraît  correspondre  à  la  pièce 
cardiaque  médiane  .  et  sou  plancher 
est  revêtu  d'une  pièce  disposée  eu 
forme  de  gouttière  et  analogue  à  celle 
que  j'ai  appelée  cardiaque  infé- 
rieure ;  enfin  l'entrée  du  pylore  est 
garnie  de  quelques  autres  pièces  dont 
une  inférieure  est  renflée  en  forme  de 
boîte.  Mais,  chez  d'autres  Salicoques, 
cet  appareil  est  très  d(iveloppé  et  pré- 
sente des  particularités  remarquables. 
Ainsi,  chez  le  Caridina  Desmarestii, 
^].  .!oly  a  trouve  à  la  partie  inférieure 
de  l'estomac  un  appareil  triturant 
bivalve  qui  est  très  complexe,  et  qui 
)ne  paraît  correspondre  aux  pièces 
dentaires  accessoires  de  l'Écrevisse  ; 
puis,  dans  la  portion  pylorique  de  ce 
viscère,  il  a  rencontré  d'autres  pièces 
dont  le  mode  d'action  n'a  pu  être  bien 
délerminé  (a).  Chez  les  Mysis  ,  au 
contraire  ,  Tar mature  stomacale  est 
réduite  à  un  très  petit  nombre  de 
pièces  peu  développées  (6). 

Chez  les  Scjuilles,  ainsi  que  je  l'ai 
déjà  dit,  l'armature  stomacale  est  en 
partie  remplacée  par  un  prolonge- 
ment des  mandibules  qui  s'élève  verti- 


calement dans  l'intérieur  de  l'esto- 
mac, au-devant  du  pylore  (c).  Il  y  a, 
en  outre,  des  plaques  cornées  qui 
garnissent  le  pourtour  de  cet  orifice. 
Il  est  aussi  à  noter  que  la  portion 
cardiaque  de  l'estomac  s'avance  dans 
la  tète,  très  loin  au-devant  de  l'ouver- 
ture œsophagienne. 
•  Diuis  la  grande  division  des  Édrio- 
phlhalmes,  l'armature  stomacale  est 
moins  puissan  te  que  chez  la  plupart  des 
Décapodes,  mais  sa  structure  est  ce- 
pendant en  général  Ibrt  compliquée  : 
ainsi,  chez  les  Cloportides,  où  l'esto- 
mac, logé  tout  entier  dans  la  tête,  est 
petit  et  globuleux ,  cet  organe  est 
pourvu  aussi  d'un  appareil  triturant 
fort  complexe  et  assez  semblable  à 
celui  des  Décapodes.  M.  Lereboullet  en 
a  donné  une  description  très  détaillée, 
et  y  a  reconnu  des  pièces  épithéliques 
analogues  à  celles  dont  il  vient  d'être 
question,  sous  les  noms  de  pièces  den- 
taires supérieures  et  latérales.  Mais 
les  pièces  cardiaques  manquent.  La 
portion  pylorique  de'  l'appareil  est  très 
développée  et  fort  compliquée  (d). 

M.  liathke  a  constaté  l'existence 
d'une  armature  stomacale  bien  déve- 
loppée chez  Vldothea  entomon  ;  mais 
la  description  qu'il  en  a  donnée  n'est 
pas  assez  détaillée  pour  que  l'on  puisse 
établir  utilement  une  comparaison 
entre  les  pièces  dont  cet  appareil  se 


(a)  Frey  et  Leuclcari,  Beilràge  sît/-  Kenntniss  wlrbelloser  Thiere,  p.  1 18. 
(6)  .loly,  Éludes  sur  les  mœurs,  le  développement  et  les  métamorphoses  d'une  petite  Salicoque 
d'eau  douce  {Ann.  des  sciences  nat.,  2»  série,  1843,  t.  XIX,  p.  74,  pi.  3,  fig.  27  à  3)). 

(c)  Dclle  Cliiaje,  Descriùoiie  e  nolomia  degli  Animali  invertebrati  délia  Sicilia,  cilcrlorc,  pi.  86, 
fig.  4. 

(d)  Lereboullet,  Mém.  sur  les  Crustacés  de  la  famille  des  Cloportides,  p.  85  et  suiv. ,  pi.  , 
lig-.  134  ùl3{),  et  [il.  G,  (iy.  131  (cxtr.  des  ;)/ei)i,  de  la  Société  d'histoire  naturelle  de  Slrasbourrj, 
t.  IV,  1853). 


L'intestin 

et  ses 

dépendances. 


558  ORGANES    DE    LA    DIGESTION. 

arrondie,  et  l'appareil  biliaire  débouche  dans  sa  partie  pylo- 
rique  (1). 

§  2.  —  L'intestin,  qui  naît  à  la  partie  postérieure  de  l'es- 
tomac, se  porte  généralement  en  ligne  droite  jusque  dans  le 
dernier  anneau  du  corps,  où  il  débouche  au  dehors  par  un  anus 
médian  situé  à  ]a^  face  inférieure  de  ce  segment.  Il  passe  sous 
le  cœur  et  repose  d'abord  sur  le  foie,  pais  sur  les  muscles 
fléchisseurs  de  l'abdomen.  Chez  les  Crustacés  supérieurs,  tels 
que  les  Crabes  et  les  Écrevisses,  il  est  étroit  et  cylindrique  dans 


compose  et  celles  de  la  charpente  so- 
lide de  l'estomac  des  Grustacés  supé- 
rieurs (a). 

Cliez  les  Cyames,  qui  vivent  en 
parasites  sur  la  peau  de  la  Baleine, 
l\estomac  présente  encore  des  vestiges 
de  l'appareil  de  trituration.  Roussel 
de  Vauzème  y  a  trouvé  une  paire  de 
colonnes  charnues  portant  chacune 
trois  arêtes  cartilagineuses,  dont  l'ex- 
irémilé,  bifide  et  libre  dans  la  cavité 
de  cet  organe,  est  opposée  à  une  pièce 
triangulaire  médiane  (6). 

L'appareil  triturant  paraît  manquer 
complètement  chez  quelques  autres 
Édriophthalmes,  tels  que  TZ/ypena  La- 
treillii{c)  et  le  Nelocira  bivittala(d). 

(1)  Chez  les  Limules,  la  conforma- 
tion du  tube  alimentaire  est  un  peu 
différente.  L'œsophage  se  dirige  hori- 
zontalement en  avant,  et  débouche 
dans  une  espèce  de  gésier  qui  se  re- 
courbe en  haut,  puis  en  arrière,  et 


qui  a  des  parois  charnues  très  épaisses 
garnies  intéiieurement  de  quinze  ran- 
gées longitudinales  de  tubercules  cor- 
nés. L'extrémité  postérieure  de  ce 
gésier  se  prolonge  en  un  cône  étroit 
qui  pénètre  dans  la  portion  suivante 
du  canal  digestif.  Celle-ci,  qui  peut 
être  considérée  comme  un  duodénum 
cylindrique  assez  large,  s'étend  en 
ligne  droite  vers  l'anus,  à  quelque  dis- 
tance duquel  elle  se  rétrécit  brusque- 
ment pour  constituer  un  intestin  rec- 
tum. En  (in  ,  de  chaque  côté  de  la 
partie  moyenne  du  céphalothorax , 
on  y  remarque  deux  pores  qui  sont 
les  orifices  de  l'appareil  hépatique. 
L'anus  se  trouve  à  la  partie  posté- 
rieure de  l'abdomen,  au-devant  du 
stylet  caudal  (ej. 

Chez  les  Isopodes  du  genre  Gyge, 
qui  vivent  en  parasites  dans  la  cavité 
branchiale  des  Gébies,  l'estomac  est 
ovoïde,  et  sa  surface  interne  est  garnie 


(a)  Rathke,  Anatomie  der  Idothea  entomon  {Beitrdge  zur  Geschichte  der  Thierwelt.  Schriften 
'.r  Naturforschenden  Gesellschaft  vu  Damig,  1820,  t.  1,  p.  120,  pi.  4,  fig.  19  et  20). 

(b)  Roussel  de  Vau/ème,  Mém.  sur  le  Cyamus  Ceti  (Aim-  des  sciences  nat.,  2'  série,  1834,  t.  I, 
,  251,  pi.  8,  ûg.  13  et  14). 

(c)  Straus,  Mém.  sur  les  Hiella ,   nouveau  genre  de  Crustacés  {Mém.  du  Muséum,  t.  XVIII, 
,  59). 

{d)  LerebouUet,  Op.  cit.,  p.  90. 

(e)  Van  der  Hœven,  Recherches  sur  l' lUsloire naturelle  et  l anatomie  des  Limules,  p.  17,  pi.  2, 
ç,  1  à  6. 


TIBE    ALIMENTAIRE    DES    CRUSTACÉS.  559 

toute  sa  longueur,  mais  divisé  plus  ou  moins  distinctement  en 
deux  portions  par  un  étranglement  qui  correspond  à  un  cercle 
de  petits  replis  valvulaires  de  la  tunique  interne.  La  première 
portion,  que  l'on  désigne  ordinairement  sous  le  nom  de  cluodé- 
num,  par  assimilation  à  ce  qui  existe  chez  les  Mammifères, 
varie  beaucoup  en  longueur  :  ainsi,  chez  les  Crabes,  elle  est 
courte  et  ne  constitue  pas  le  tiers  ou  même  le  quart  de  la  totalité 
du  tube  intestinal,  tandis  que  chez  le  Homard  elle  en  forme 
près  de  sept  huitièmes  (1).  En  général,  ses  parois  sont  assez 
épaisses,  et  souvent  leur  surface  interne  est  garnie  de  petites 
villosités;  enfin  on  y  voit  déboucher  quelques  appendices  tubu- 
laires  qui  paraissent  être  des  organes  sécréteurs.  Ainsi,  chez 


d'uue  multitude  d'appendices  fili  - 
formes,  semblables  à  de  grosses  vil- 
losités  qui  flottent  librement  dans  sa 
cavité  (a).  Une  structure  analogue  pa- 
raît exister  chez  les  Bopyres  [h). 

Jl  est  aussi  à  noter  que  chez  quel- 
ques espèces  de  Balanides,  telles  que 
\&,Coronula  halœnaris  et  le  Xenoha- 
lanus,  il  existe  à  la  partie  supérieure 
et  élargie  de  l'estomac  des  replis  lon- 
gitudinaux serrés  les  uns  contre  les 
autres  (c). 

(1)  La  ligne  de  démarcation  entre 
ces  deux  portions  du  tube  intestinal 
est  en  général  très  nettement  tracée, 
soit  par  la  présence  de  replis  valvu- 
laires, ainsi  que  cela  se  voit  chez  le 
Maia  (d)  ,  soit  par  un  changement 
dans  la  structure  de  la  tunique  mu- 
queuse. Ainsi,  chez  le  Homard,  cette 


membrane  est  lisse  dans  le  duodénum 
et  plissée  longitudinalement  dans  le 
rectum,  et  chez  l'Écrevisse  elle  est 
villeuse  dans  la  première  de  ces  deux 
portions  de  l'intestin  et  lisse  dans  la 
seconde. 

Chez  les  Cloportides ,  le  duodé- 
num est  très  dilatable,  et  se  trouve 
séparé  du  rectum  par  un  sphincter 
fort  large.  A  sa  surface  interne,  on 
remarque  un  sillon  médio-dorsal  qui 
loge  une  sorte  de  bourrelet  longitu- 
dinal élargi  en  an-ière,  et  qui  otTre  de 
chaque  côté  une  série  de  cellules.  On 
ne  sait  rien  quant  aux  usages  de  ces 
parties  (e). 

11  est  aussi  à  noter  que  chez  les 
Gypris,  l'intestin  est  pyriforme  et  sé- 
paré de  l'estomac  par  un  étrangle- 
ment très  marqué  (f). 


(a)  Cornalia  e  Panceri,  Osservazionisoologico-anatomiehe  sopra  un  nuovo  génère  de  Crostacei 
isopodi  sedentarii,  p.  15,  pi.  2,  fig.  9  (extr.  des  Mém.  de  VAcad.  de  Turin,  2«  série,  4858, 
t.  XIX). 

(6)  Ratlike,  De  Bopyro  et  Néréide,  p.  8. 

(c)  Darwin,  A  Monograph  ofthe  Cirripedia  :  Balancd.e,  p.  85.  ^ 

(d)  Milue  Edwards.  Atlas  du  Règne  animal  de  Cuvier,  Crustacés,  p.  5,  lig.  1  c. 

(e)  LerebouUet,  Op.  cit.,  p.  91,  pi.  5,  fig.  123;  pi.  6,  fig.  136  à  139. 

(/■)  Straus,  Mm.  sur  les  Cypris,  p.  18,  fig.  10  (exlr.  des  Mém.  du  Muséum,  t.  VII). 


MocUficalions 

de  l'appareil 

digestif 

chez 

les  Crustacés 

inférieurs. 


560  OliGANES    DE    LA    DIGESTION. 

les  Crai3es,  on  trouve,  à  peu  de  distance  du  pylore,  une  paire 
de  cœcums  longs  et  filiformes  qui  s'enroulent  sur  eux-mêmes 
en  manière  de  pelote,  et  qui  s'ouvrent  dans  la  partie  antérieure 
de  cet  intestin.  Un  troisième  organe  de  même  forme  est  []\6  à 
son  extrémité  postérieure.  Chez  les  Macroures,  ce  dernier  tube 
membraneux  manque  complètement,  et  les  deux  autres  ne  sont 
représentés  (lue  par  une  paire  de  petits  sacs  membraneux  (pii 
sont  larges,  très  courts  et  simplement  recourbés  (i). 

La  portion  terminale  de  l'intestin,  que  l'on  appelle  quelque- 
fois le  rectum,  n'offre  dans  sa  structure  rien  de  particulier. 

Chez  quelques  Crustacés  inférieurs ,  le  canal  digestif  est 
d'une  structure  plus  simple  ;  on  n'y  distingue  ni  renflement 
stomacal,  ni  rectum,  et  il  présente  dans  toute  sa  longueur  le 
même  aspect  (2).  Mais,  chez  d'autres  espèces  appartenant  aux 


(1)  Chez  le.  Carcinus  Mœnas,  par 
exemple,ces  appendices  pyloriqiies  sont 
très  développés.  Ils  consistent  chacun 
en  un  tube  niembianeux  et  fort  grêle, 
qui  est  beaucoup  plus  long  que  l'in- 
testin et  se  rétrécit  graduellement  vers 
son  extrémité  postérieure.  Dans  l'état 
naturel,  ils  sont  coniournés  et  pelo- 
tonnés de  façon  à  former  de  chaque 
côté  du  pylore  une  petite  masse  ar- 
rondie qui  est  accolée  à  la  face  laté- 
rale de  l'estomac.  Le  troisième  appen- 
dice, que  j'appelle  le  ccecum  duodé- 
nal,  est  de  même  structure  ,  et  dé- 
bouche, au  milieu  de  la  face  supé- 
rieure de  l'intestin,  immédiatement 
au-devant  des  valvules  qui  séparent 


le  rectum  de  cette  portion  du  tube 
digestif  (a). 

chez  rÉcre visse, les  appendices  py to- 
riques sont  remplacés  par  une  paire  de 
vésicules  ovoïdes  qui  se  remarquent  à 
la  partie  latérale  et  inférieure  du  py- 
lore {h).  Il  en  est  à  peu  près  de  même 
chez  le  Homard  et  les  autres  Macrou- 
res dont  j'ai  eu  l'occasion  d'examiner 
l'estomac. 

Chez  le  licrnard  Termite,  ou  Pa- 
gure, il  exisie  un  cœcum  duodénal 
lilifornie  et  très  long  (c). 

['!)  Ce  mode  d'organisation  a  été 
constaté  chez  le  Dichelestium  Slurio- 
nis  [d),  \(i  Lamproglena  j  idchelki  (e), 
et  quelques  autres  Lernéens. 


(a)  Milne  Edwards,  Atlas  du  Eègne  animal  de  Cuvier,  Crustacés,  pi.  5,  fig.  2  et  1  c. 
(6)  Hôsel,  Insecten-Belustigunq,  t.  III,  pi.  58,  fig.  22g. 

—  Suckow,  Anat.  physiol.  Unlersuchvnqen  cler  Insekten  und  Krustenlhiere,  pi.  10,  fig.  ii,i. 
(c)  Swammerdam,  Biblia  Naturœ,  pi.  Xi,  fig.  '6. 

\d)  Railiko,  Bcnievkungen  ûber  den  Bau  des  Diclie'.csliiini  Sturionis  {Nova  Acla  Acad.   Nat. 
ciirios.,  t.  XIX,  pi.  n,  fig.  2). 

(c)  Nordmann,  Mikrogr.  Beitrdge,  t.  11,  pi.  d,  fig.  i,  2,  4. 


TUBL:    ALlMIîNTAlRfc:    DES    CULSTACÉS.  561 

mêmes  groupes,  on  y  remarque  une  disposition  analogue  à 
celle  que  nous  avons  déjà  rencontrée  chez  beaucoup  de  Vers 
suceurs,  ainsi  que  chez  quelques-uns  des  Mollusques  gastéro- 
podes dits  ;3/i/e7;e«fëre5.  En  effet,  le  tube  alimentaire,  au  lien 
d'être  cylindrique  dans  toute  sa  longueur,  s'élargit  dans  cer- 
tains points,  de  façon  à  constituer  de  grandes  poches  latérales, 
ou  même  il  donne  naissance  à  des  prolongeaients  tubuliformes 
qui  se  terminent  en  cœcnmset  s'avancent  jusque  dans  l'intérieur 
des  pattes.  Le  premier  de  ces  modes  de  conformation  se  voit 
chez  un  petit  Crustacé  parasite  qui  vit  sur  les  branchies  du 
Homard  et  en  suce  le  sang  (1)  :  le  second,  chez  les  Pychno- 
gonides,  Animaux  qui,  par  leur  aspect  général,  ressemblent 
beaucoup  à  des  Arachnides  (2).  Enfin,  on  connaît  aussi  des 


(1)  Ce  sing;ulier  parasite,  que  nous 
avousfait  connaître,  V.  Audouin  et  moi, 
il  y  a  environ  irenle  ans,  présente  de 
chaque  côté  du  tliorax  un  énorme  sac 
dans  l'intérieur  duquel  se  logent  divers 
viscères,  et  notamment  l'un  des  deux 
cœcums  gastriques  dont  il  est  ici  ques- 
tion. Ces  appendices  de  l'estomac  sont 
très  grands,  et  l'on  y  remarque  des 
mouvements  péristaliiques  assez  éner- 
giques (a).  Nos  observations  à  ce  sujet 
ont  été  confirmées  par  les  recherches 
plus  récentes  de  M.  Van  Beneden  (6). 

('2)  Cette  particularité,  que  j'ai  fait 
connaître  chez  les  JNymphons  (c),  a 
été  l'objet  de  nouvelles  recherches 
faites  par  M.  de  Quatrefages  clicz 
les   Pycbnogonides  du  genre  Phoxi- 


chile  [d).  Un  œsophage  très  étroit 
conduit  dans  un  estomac  longitudinal 
d'où  naissent  cinq  paires  de  tubes 
membraueux  très  longs  et  très  grêles, 
ainsi  qu'un  petit  intestin  terminal. 
Ces  appendices  pénètrent  les  uns 
dans  la  tète,  les  autres  dans  les  pattes, 
et  arrivent  jusqu'auprès  de  l'extré- 
n)ité  de  ces  organes.  Eulin  ils  sont  le 
siège  de  contractions  périslal tiques, 
et  les  liquides  contenus  dans  leur 
intérieur  sont  chassés  par  ondées 
tantôt  dans  un  sens,  tantôt  dans  un 
autre. 

Chez  les  Daphnies,  on  voit  naître  de 
la  partie  antérieure  de  l'estomac  deux 
caecums  intestiniformes  (e),  qui  res- 
semblent un  peu  aux  prolongements 


(a)  Audouin  et  Milne  Edwards,  Mémoire  sur  la  Nicotitoé,  animal  sinoulicr  qui  suce  le  sang  des 
Homards  {Ann.  des  sciences  nat.,  1  "  série,  1  826,  t.  IX,  p.  350,  pi.  49  fi-    2  et  3). 

(b)  Van  Boneden,  Mém.  sur  le  développement  et  l'organisation  des  Nicothoes{Mcm.  delAcad. 
de  Bruxelles,  l.  XXIV,  et  Ann.  des  sciences  nat.,  3'  série,  1850,  t.  XIII,  p.  363). 

(c)  Voyez  Cuvier,  jRègne  animai,  2°  édit.,  l.  III,  p.  277,  .  .,     ,    ,,        .      ,   , 
{d)  Qualrefjgcs,  Mém.  sur  l'organisation  des  Pychnogonides  {Voyage  en  Sicile,  t.  Il,  p.  6,  pi.  1 , 

fig-.  1  ;  pi.  2,  tig.  1 ,  2,  3,  et  Ann.  des  sciences  nat.,  3'  série,  1845,  t.  IV). 
"  (e)  Jurine',  Histoire  des  Monocles,  p.  102,  pi.  8,  fig.  2  ;  pi.  10,  fig.  7,  etc. 


V. 


36 


562  ORGANES    DE    LA    DIGESTION. 

Crustacés  chez  lesquels  ces  tubes  stomacaux  se  ramifient  dans 
les  parties  latérales  du  corps,  de  façon  à  rappeler  tout  à  fait  le 
système  gastro-vasculaire  d'une  Douve  oud'uneÉolide,  L'Argule 
foliacé,  Animal  parasite  qui  vit  sur  le  Brochet  et  sur  quelques 
autres  Poissons  d'eau  douce,  présente  ce  singulier  mode  d'or- 
ganisation (1).  Les  matières  ahmentaires  pénètrent  dans  ces 
appendices  gastriques  et  y  sont  même  ballottées  *par  des  mou-, 
vements  de  va-et-vient  j  mais  cependant  ici ,  de  même  que  les 


latéraux  de  l'estomac  de  la  Nicotlioé, 
bien  qu'ils  soient  beaucoup  moins 
grands;  et  M.  Strans  pense  que  les 
matières  alimentaires  y  pénètrent  (a), 
mais  Jurine  assure  le  contraire,  et, 
d'après  la  couleur  verdàtre  ou  jau- 
nâtre du  liquide  qui  s'y  trouve,  il  y  a 
queJ-que  raison  de  croire  que  ce  sont 
des  appendices  l>iliaires  seulement. 

(1)  L'existence  de  ces  appendices 
rameux  de  l'estomac  des  Argules  a 
été  constatée  par  L.  Jurine,  et  ce  na- 
turaliste a  très  bien  reconnu  non- 
seulement  que  les  aliments  pénètrent 
dans  ces  tubes,  mais  que  ces  sub- 
stances y  sont  continuellement  agitées 
par  l'effet  des  contractions  péristal- 
tiques  dont  les  parois  de  ces  organes 
sont  le  siège  (6).  MM.  Vogt  et  Leydig 
ont  été  également  témoins  de  ces  mou- 
vements. Le  premier  de  ces  obser- 
vateurs a  cru  reconnaître  un  tissu 
glandulaire  autour  de  ces  tubes  ra- 
meux (c)  ;   mais    le  second   assure 


que  leurs  parois  n'en  contiennent  pas 
et  ressemblent  tout  à  fait  à  celles  de 
l'estomac.  Ce  dernier  organe  est  globu- 
leux et  séparé  de  l'intestin  par  un  étran- 
glement ;  de  chaque  côté  il  se  prolonge 
sous  la  forme  d'un  canal  cylindrique 
qui  bientôt  se  divise  en  deux  troncs 
dirigés  l'un  en  avant,  l'autre  en  ar- 
rière, lesquels  donnent  naissance  du 
côté  externe  à  une  série  de  branches 
ramifiées  dont  toutes  les  divisions  se 
terminent  en  caecums  (cl). 

Chez  quelques  Cirrhipèdes,  tels  que 
les  Anatifes ,  les  Conchodermes  et  le 
Balanus  perforatus,  l'estomac  donne 
aussi  naissance  à  des  caecums  qui  sont 
un  peu  rameux  et  tapissés  par  une 
tunique  chilineuse  comme  cet  organe 
lui-même  (e).  Chez  quelques  espèces 
de  Balanes,  ces  appendices  sont  sim- 
ples et  au  nombre  de  six  à  huit  ; 
enfin,  dans  les  genres  Coronule,  ïubi- 
cinelle,  Xenobalanus  et  quelques  au- 
tres, ils  manquent  complètement  (f). 


(a)  Straus,  Mém.  sur  les  Daphnies  (Mém.  du  Muséum,  t.  V,  pi.  29,  fig.  6).  —  Atlas  du  Règne 
animal  de  Cuvier,  Crustacés,  pi.  73,  fîg.  2  c. 

(b)  Jurine  fils,  Mém.  sur  l' Argule  foliacé  (Ann.  du  Muséum  d'histoire  naturelle,  1806,  t.  VII, 
p.  440,  pi.  26,fig.  1,  etc.). 

(c)  Vogt,  Beitrdge  zur  Naturgeschichte  der  schweizerischen  Crustaceen,  p.  8  (extr.  des  Nouv. 
Mém.  de  la  Société  d'histoire  naturelle  de  Neufchdtel,  1843,  t.  VII). 

(d)  F.  Leydig,  Ueber  Argulus  foliaceus  (Zeitschr.  fur  luissensch.  Zool.  von  Siebold  und  KôUikei', 
i850,  t.  H,  p.  332,  pi.  19,  flg.  2). 

(e)  Darwin,  A  Monogr.  of  Cirripedia  :  Balamd^,  p.  85. 

(f)  Martin-Saint-Ange,  Mém.  sur  l'organisation  des  Cirrhipèdes,  p.  6,  pi.  2,  fig.  1,  d'. 


hépatique. 


TUBE    ALIMENTAIRE    DES    CRUSTACÉS.  563 

Mollusques  dont  je  viens  de  parler,  ces  tubes  membraneux  qui 
se  terminent  tous  en  cul- de-sac  me  paraissent  correspondre  aux 
parties  qui,  chez  les  Crustacés  supériem^s,  constituent  les  canaux 
efférents  de  l'appareil  hépatique,  et  chez  les  Apus,  tout  en  ayant 
assez  de  largeur  pour  admettre  dans  leur  intérieur  les  aliments 
en  voie  de  digestion,  ils  s'entourent  d'une  multitude  de  petits 
csecums  glandulaires  et  constituent  avec  ces  organites  sécréteurs 
un  foie  ramifié  (1). 

Chez  quelques  Crustacés  inférieurs,  tels  que  les  Lernées,  la     Appareil 
bile  paraît  se  former  dans  des  cellules  qui  sont  logées  dans 
l'épaisseur  des  parois  du  tube  stomacal ,  ou  appliquées  en 
couche  mince  tout  autour  de  ce  canal  (2)  ;  mais  chez  les  Crus- 

(1)  L'estomac  de  rjpws-  cancrifor-  sur  la  face  externe  du  tube  diges- 
mis  est  une  dilatation  du  tube  intes-  lif  (6). 

tinal  qui  se  trouve  dans  la  tête,  et  Chez  beaucoup  de  Lernéens,  un 
qui  de  chaque  côté  se  prolonge  en  tissu  ulriculaire,  contenant  un  liquide 
une  sorte  de  corne  à  deux  branches  :  coloré,  est  disposé  par  traînées  sur  la 
l'une  de  celles-ci  s'avance  dans  le  surface  externe  du  tube  digestif,  de  la- 
front,  l'autre  se  porte  obliquement  en  çon  à  y  former  une  sorte  de  réseau  (c). 
arrière  et  en  dehors;  enfin  le  bord  Mais,  chez  le  Dichélestion,  M.  Rathke 
concave  de  l'espèce  de  croissant  ainsi  n'a  pu  découvrir  aucune  trace  d'un 
formé  donne  naissance  à  une  série  de  tissu  hépatique  quelconque  (d). 
gros  canaux  coniques  qui,  à  leur  tour,  Chez  les  Daphnies,  le  tube  digestif 
fournissent  un  grand  nombre  de  ra-  est  entouré  d'une  masse  d'utricules 
muscules  latéraux,  autour  desquels  d'un  volume  considérable  et  conte- 
se  groupent  de  petits  caecums  sécré-  nant  un  liquide  coloré.  M.  Jones, 
leurs  renflés  en  manière  d'am  -  qui  a  étudié  avec  soin  ce  tissu,  le 
poules  (a).  considère  comme  constituant  un  ap- 

(2)  Chez  VArtemia  salina,  le  foie  pareil  hépatique,  mais  il  n'a  pu  dé- 
paraît être  représenté  par  une  foule  couvrir  aucune  communication  entre 
de  petits  caecums  sécréteurs  insérés      ces  glandules  et  la  cavité  digestive  (e), 

{a)Zaddach,  De  Apodis  cancriformis  anatome  et  historia  evolutionis  (dissert,  inaug.)-  Bonn, 
1841,  p.  8,  pi.  1,  fig.  10  et  H. 

(b)  Joly,  Histoire  d'un  petit  Criistacé  auquel  on  a  faussement  attribué  la  coloration  en  rouge 
des  marais  salants  {Ann.  des  sciences  nat.,  2°  série,  1840,  t.  XIII,  p.  239). 

(c)  Par  exemple,  chez  le  Lerneopoda  elongata  (Grant,  On  the  Structure  of  Lernsea  elongala, 
in  Brewsler's  Edinburgh  Journ.  of  Science,  i S'il,  t.  VII,  p.  151). 

—  Le  Lerneocera  fluviatilis  (Nordmann,  Mierogr.  Beitrage,  t.  II,  p.  125,  pi.  6,  fig.  2  et  4). 

—  Le  Lamproglena  pulchella  (Nordmann,  Op.  cit.,  pi.  1,  fig.  4). 

(d)  Rathke,  Bemerkungen  ûber  den  Bail,  des  Dicheleslium  (Nova  Acta  Acad.  nat.  cunos., 
l.  XIX,  p.  143). 

[e)  C.  B.  Jones,  On  theStniclure  oflhe  Liver  (Philos.  Trans.,  1849,  p.  115). 


Foie 


564  ORGANES    DE    LA    DIGESTION. 

tacés  supérieurs,  l'appareil  hépatique  acquiert  une  existence 
indépendante  et  se  développe  beaucoup.  Ainsi,  chez  les  Crabes 
des  Décapodes,  ^t  Ics  Écrevisscs,  il  forme  de  chaque  côté  de  l'estomac  une 
grande  masse  glandulaire  de  couleur  jaunâtre,  qui  est  divisée 
en  plusieurs  lobes,  composés  eux-mêmes  de  lobules,  lesquels 
se  résolvent  à  leur  tour  en  lobulins  constitués  chacun  par  une 
multitude  de  petits  caecums  remplis  d'utricules  sécréteurs  et 
groupés  autour  d'un  canal  excréteur  rameux  dans  lequel  ils 
débouchent  (l).Unetunique  membraneuse  et  translucide,  dépen- 
dante du  péritoine,  revêt  extérieurement  le  foie,  et  se  replie  en 
dedans  entre  les  principales  divisions  de  ce  viscère;  enfin,  les 
conduits  excréteurs  qui  naissent  des  lobules  ou  paquets  de 
petits  CGBCums  sécréteurs  se  réunissent  entre  eux  de  façon  à 


elM.  ,de  Siebold  pense  que  les  iilri-  cavilé  viscérale  qui  se  trouve  comprise 

cilles  en  question  sont  seulement  des  entre  les  loges  épimériennes  ;  là  il  passe 

cellules  adipeuses  (a).  sous  le  cœur,  puis  il  se  prolonge  sur  les 

Une  structure  analogue  a  été  obser-  côtés  de  l'intestin,  mais  il  ne  s'avance 

véedans  la  couche  pulpeuse  qui  recou-  que  très  peu  dans  la  portion  abdorai- 

vre  l'estomac  des  Cirrliipèdes,  et  qui  nale  du  corps  {d}.  Chez  les  Kcrevisses, 

est  généralement  considérée  comme  les  Homards  et  la  plupart  des  autres 

étant  le  foie  de  ces  Animaux  (6).  Chez  Macroures,  cet  organe  s'élargit  beau- 

les  Analifes,  ces  glandules  paraissent  coup    moins    antérieurement  ,    mais 

être  un  peu  renflées  et  sont  en  général  s'étend  plus  loin  dans  l'abdomen  (e). 

disposées  en  séries  longitudinales  (c).  Enfin,  chez  le  Bernard-l'ermite ,  ou 

(1)  Chez  les  Décapodes  Bracbyures,  Pagure,   il  est  très  étroit  en  avant, 

le  foie  s'étend  beaucoup  de  chaque  mais  se  loge  presque  entièrement  dans 

côté  de  l'estomac,  où  il  est  recouvert  la  région  abdominale  du  corps,  et  s'y 

en  partie  par  les  ovaires  ou  les  testi-  prolonge  jusque  sur  les  côtés  de  l'a- 

cules.  Il  recouvre  à  son  tour  la  partie  nus  (f).  Swammerdam  a  connu  cet 

antérieure  des  chambres  branchiales,  organe,  mais  il  le  considérait  comme 

et  il  occupe  la  majeure  partie  de  la  une  sorte  de  pancréas  (g). 


a)  Siebold  et  Stannius,  Nouveau  Manuel  d'anatomie  comparée,  t.  II,  p.  446. 
—  Martin-Saint- Ange,  Mém.  sur  les  Cirrliipèdes,  p.  -10. 
(b)  Darwin,  A  Monoyraph  of  the  sub-class  Cirripedia  :  IîalaniD/K,  p.  86. 
(cl  Idem,  Oi>.  cit.  :  Lepadiu.-e,  p.  44. 

id)  Exemple  :    le  Tourteau,  ou  Platycarcinus  pagurus   {Atlas  du  Régne  animal  de  Cuvier, 
Crustacés,  pi.  1). 

(e)  MùUer,  De  glandularum  secernentium  structura  penUiori,  pi.  S,  ûg.  13. 
(/■)  Milne  Edwards,  Crustacés  de  l'Atlas  du  Règne  animal  de  Cuvier,  pi.  5,  iig.  3. 
{g)  Swanunerdara,  Biblia  Naturœ,  1. 1,  p.  262,  pi.  21,  lig.  5. 


TLBE  alime>;taire  des  crustacés.  565 

constituer  des  canaux  de  plus  en  plus  gros,  lesquels  se  dirigent 
vers  le  pylore  et  y  débouchent  de  chaque  côté  par  un  tronc 
unique  (1).  En  général,  les  deux  foies  ainsi  constitués  sont 


(1)  Chez  le  Maia  et  la  plupart  des 
autres  Brachyures,  les  caecums  termi- 
naux de  l'appareil  hépatique  sont  très 
courts,  et  renflés  de  façon  à  avoir  la 
forme  de  vésicules  gi'oupées  autour 
d'un  canal  excréteur  rameux  (a).  Chez 
le  Homard,  ils  sont  cylindriques  et  plus 
allongés;  chez  l'Écrevisse,  ils  s'al- 
longent encore  davantage  {b)  ;  enfin  , 
chez  le  Pagure  ou  Bernard-l'ermite,  ils 
ont  la  forme  de  tubes  grêles  disposés 
en  manière  de  frange  sur  le  canal  ex- 
créteur et  très  contournés  sur  eux- 
mêmes  (c). 

La  structure  intime  des  caecums 
hépatiques  a  été  étudiée  avec  soin  par 
MM.  Goodsir,  Schlemai,  H.  Karsten, 
H.  Meckel  et  Laidy  [cl).  On  y  trouve  une 
tunique  propre  qui  est  garnie  de  libres 
disposées  en  réseau  à  mailles  car- 
rées et  tapissées  intérieurement  d'une 
couche  d'utricules  sécréteurs  arrondis 
et  à  divers  degrés  de  développement; 
enlin  leur  axe   est   occupé  par  une 


cavité  en  continuité  avec  le  canal 
excréteur,  et  contenant  des  utricules 
hbres  ainsi  que  le  liquide  sécrété. 
D'après  M,  H.  Meckel,  cette  cavité 
serait  tapissée  par  une  cuticule  ou 
tunique  interne  ;  mais  cette  disposi- 
tion ne  me  semble  pas  exister,  et  la 
couche  utriculaire  me  paraît  y  être 
à  nu. 

Duvernoy  a  décrit  le  foie  des  Paié- 
mons  comme  étant  un  grand  sac  mem- 
braneux, à  cavité  anfractueuse,  divisé 
en  plusieurs  petites  poches  et  conte- 
nant une  matière  jaune  (e)  ;  mais  la 
structure  de  cette  glande  est  en  réa- 
lité semblable  à  celle  du  foie  chez  les 
autres  Décapodes ,  et  la  disposition 
observée  par  Fanalomiste  que  je  viens 
de  citer  ne  pouvait  être  que  le  résul- 
tat de  la  putréfaction  de  toute  la  por- 
tion essentielle  de  l'appareil  hépatique, 
dont  la  tunique  péritonéale,  vidée  de 
son  contenu,  constituait  probablement 
le  sac  en  question. 


(a)  Milne  Edwards,  Crustacés  de  V Atlas  du  Règne  animal  de  Cufier,  pi.  5,  ûg.  1. 

(b)  Idem,  art   CRUSTACEAiTodd's  Cyclopœdia  ol  Anatomy  a-ad  Physiology,  t.  1,  p.  774,  fig.  417). 

—  Suckoiv,  Anatorii.  phys.  Unters.  der  Insekien  und  Krusienthiere,  pi.  10,  fig-.  '14. 

—  Brandt  et  Ratzeburg-,  }ledizinisthe  Zoologie,  t.  II,  pi.  11,  fig.  9. 
— •  Milne  Edwards,  Histoire  des  Crustacés,  pi.  4,  fig.  -2. 

(c)  Voyez  l'Atlas  du  Régne  animal  de  Cuvier,  Crustacés,  pi.  5,  fig.  3a. 

—  Dalle  Chiaje,  Descri^ione.  e  notomia  degli  A7iimaliinvertebr.,  pi.  86,  ûg.  6. 

(d)  Goodsir,  Secreling  Structures  {Anatcmical  and  Physiological  Observations,  p.  30). 

—  Schlemm,  Le  hepate  ac  bili  Crustaceorum  et  ilolluscorurn,  quorumdara  (dissert,  inaug.). 
Berlin,  1844,  p.  -2,  pi.  2,%.  1. 

—  H.  Karsten,  Disquisiiio  microscopica  et  chimica  hepatis  et  bilis  Crustaceorum  et  Mollus- 
corum  (Nova  Acta  Acad.  nat.  curies. ,  t.  XXI,  p.  398,  pi.  i  9,  fig.  2  à  9). 

—  H.  Meckel,  Mikrographie  einiger  BrU^enapparate  der  niederen  Thiere  (Miiller's  Archiv  fur 
Anat.  und  Physiol.,  184(3,  p.  35 ,  pi.  1,  fig.  13  à  15). 

—  Laidy,  hesearches  on  the  comparative  Structure  of  the  Liver,  p.  4,  pi.  2,  fig.  8-13  (extr. 
de  V American  Journ.  ofrned.  science,  1848). 

(«I  Duvernoy,  Du  (oie  des  Aniraaux  sa/is  vertèbres,  en  général,  et  particulièrem.ent  sur  ceVui 
des  Crustacés  (Ann.  des  sciences  nat.,  2'  série,  ISStj,  t.  VI,  p.  250;, 


566 


ORGANES    DE    LA.    DIGESTION, 


Foie 
des  Squilles, 

des 

Édriophthal- 

mes,  etc. 


complètement  séparés  entre  eux;  mais,  chez  les  Maia  et  la 
plupart  des  autres  Brachyures,  ces  deux  glandes,  quoique  res- 
tant en  réalité  distinctes,  se  joignent  sur  la  ligne  médiane 
au-dessous  de  l'intestin,  et  y  donnent  naissance  à  un  lobe  mé- 
dian impair  (1). 

Chez  d'autres  Crustacés,  l'appareil  hépatique  présente  un 
mode  de  conformation  intermédiaire  entre  ces  deux  états 
opposés.  Ainsi,  chez  les  Squilles,  il  entoure  l'intestin  dans 
toute  la  longueur  de  cet  organe,  mais  en  outre  il  se  prolonge 
latéralement  en  un  certain  nombre  de  lobes  rameux  qui  en 
sont  parfaitement  distincts  (i2).  Chez  les  Bopyres,  il  est  con- 


(1)  Les  deux  moitiés  de  l'appareil 
hépatique  sont  toujours  symétriques, 
et  en  général  parfaitement  indépen- 
dantes Tune  de  l'autre  ,  ainsi  que 
cela  se  voit  chez  le  Homard  (a).  Quel- 
quefois elles  sont  plus  ou  moins  con- 
fondues sur  la  ligne  médiane ,  en 
arrière  de  l'estomac  ;  mais  elles  sont 
toujours  complètement  distinctes  phy- 
siologiquement ,  car  il  n'y  a  jamais 
anastomose  des  canaux  biliaires  de 
droite  et  de  gauche,  et  tous  les  cae- 
cums d'un  côté  se  rendent  au  conduit 
excréteur  qui  débouche  dans  le  py- 
lore du  même  côté. 

En  général,  on  dislingue  dans  cha- 
cune de  ces  deux  masses  glandulaires 
quatre  divisions  principales  ou  lobes, 
qui  sont  tantôt  simples  comme  chez 
FÉcrevisse,  d'autres  fois  profondément 
subdivisées  en  lobules.  Une  paire  de 
lobes,  qu'on  peut  appeler  céphaliques, 
s'avance  sur  les  côtés  de  l'estomac  ;  les 
deux  paires  suivantes,  que  je  nomme 


thoraciques,  se  placent  entre  les  deux 
flancs  où  ils  embrassent  l'intestin  ;  en- 
fin une  paire  de  lobes  postérieurs  se 
prolonge  jusque  dans  l'abdomen  au- 
dessous  de  l'intestin. 

Chez  le  Maia,  on  remarque  aussi 
derrière  l'estomac  un  lobe  médian  qui 
est  formé  par  la  réunion  d'une  partie 
des  lobes  thoraciques  antérieurs,  et 
qui  recouvre  la  portion  duodénale  de 
l'intestin  ;  les  lobes  postérieurs  sont 
également  confondus  en  une  niasse 
impaire  ;  enfin  les  lobes  céphaliques 
sont  divisés  en  plusieurs  lobules  de 
formes  très  variées  (b). 

(2)  Chez  les  Squilles,  l'inleslin  est 
très  étroit,  excepté  dans  le  voisinage 
de  l'anus,  où  il  se  renfle  un  peu,  et  il 
est  pour  ainsi  dire  enfoui  dans  le  tissu 
hépatique,  qui  à  son  tour  est  revêtu, 
comme  d'ordinaire,  par  une  tunique 
péritonéale.  Ce  tissu,  qui  est  très  mou, 
se  détruit  facilement  chez  les  individus 
qui  ont  été  mal  conservés  dans  de 


(a)  Audouin  et  Milne  Edwards,  Recherches  sur  la  circulation  chea  les  Crustacés  (Ann.  des 
sciences  nat.,  l"  série,  l.  II,  pi.  28,  fig.  2). 

(6)  Milne  Edwards,  Histoire  des  Crustoxés,  pL  4,  fig.  5,  et  Atlas  du  Règne  animal  de  Cuvier, 
Crustacés,  pi.  5,  fig.  i. 


TUBE    ALIMENTAIRE    DES    CRUSTACÉS.  567 

stitué  par  une  double  série  de  petits  paquets  d'ampoules  sécré- 
toires,  appendus  de  chaque  côté  de  l'intestin  par  autant  de 
canaux  excréteurs  (1).  Enfin ,  chez  la  plupart  des  autres 
Édriophthalmes  du  même  ordre,  il  affecte  la  forme  de  sacs 
grêles  et  très  allongés ,  qui  semblent  être  des  appendices 
tubuleux  de  l'estomac,  et  qui  ont  beaucoup  d'analogie  avec  les 
vaisseaux  malpighiens  des  Insectes,  dont  l'étude  nous  occupera 
bientôt (2). 


l'alcool  faible,  et  alors  l'intestiu  semble 
flotter  au  milieu  d'une  grande  poche 
membraneuse,  disposition  qui  en  a 
imposé  à  Duvernoy,  lorsque  cet  ana- 
toraiste  a  cru  reconnaître  dans  la 
tunique  du  foie  un  sinus  ou  réservoir 
veineux  (a). 

Ce  viscère  s'étend  depuis  la  partie 
postérieure  de  l'estomac  jusqu'à  l'ex- 
trémité de  l'abdomen  ;  il  est  placé  sous 
l'ovaire  ou  le  testicule,  organes  qui,  à 
leur  lour,  sont  recouverts  par  le  cœur, 
et  par  sa  face  inférieure  il  limite  en 
dessus  le  sinus  veineux  abdominal  (6)  ; 
latéralement  il  forme  dans  chaque  an- 
neau, tant  du  thorax  que  de  l'abdo- 
men, un  prolongement  plus  ou  moins 
branchu,  et  dans  le  dernier  segment 
du  corps  il  constitue  une  série  de  di- 
gitations  disposées  en  éventail  (c).  Les 
conduits  excréteurs  des  vésicules  dont 
il  se  compose  ne  se  réunissent  pas  en 
deux   gros  troncs,  comme  chez  les 


Décapodes,  mais  se  rendent  presque 
directement  à  l'intestin,  en  formant 
une  multitude  de  petits  canaux  ra- 
meux  dirigés  transversalement. 

(1)  M.  Rathke  a  trouvé  que  chez  le 
Bopyre  femelle  il  existe  dans  chaque 
anneau  du  thorax  une  paire  de  grappes 
hépatiques  attachées  au  tube  digestif, 
chacune  par  un  pédoncule  ou  conduit 
excréteur  particulier  ;  ces  glandes  sont 
situées  à  la  face  inférieure  du  corps, 
sous  les  ovaires,  et  quelques  lobules  de 
même  structure  se  montrent  à  la  face 
dorsale  de  cet  organe,  derrière  l'es- 
tomac {d). 

MM.  Dana  et  Pickering  ont  trouvé 
une  disposition  analogue  chez  les  Ca- 
liges  ;  de  chaque  côté  de  l'intestin  il 
existe  plusieurs  petites  masses  glan- 
dulaires arrondies,  qui  paraissent  sé- 
créter le  liquide  jaune  dont  ce  tube 
est  rempli  (e). 

(2)  Chez  les  Cloportides,  l'appareil 


{a)  Duvernoy,  Mém,  sur  quelques  points  d'organisation  concernant  les  appareils  d'alimen- 
tation et  de  circulation  et  l'ovaire  des  Squilles  {Ann.  des  sciences  nat.,  2°  série,  1837,  t.  VIII, 
p.  41 ,  pi.  3,  ;ig;.  3  et  i). 

(6)  Voyez  V Allas  du  Règne  animal  àe  Cuvier,  Crustacés,  pi.  56,  fig.  i  6. 

(c)  J.  MùUer,  De  glandulai'um  secernentium  structura  penitlori,  1830,  pi.  9,  fig.  1 ,  etc. 

—  Délie  Chiaje,  Descriaione  e  notomia  degli  Animait  invertebrati  délia  Sicilia  citeriore, 
pi.  86,  fig.  i. 

—  Duvernoy,  Op.  cit. ,  et  Mém.  sur  le  foie  des  Animaux  sans  vertèbres  (Ann.  des  sciences  nat., 
2*  série,  t.  VI,  p.  247,  pi.  15,  fîg.  1). 

(d)  Raihke,  De  Bopyro  et  Néréide  commentationes  anatomico-physiologicce  duœ.  Dorpat,  1837, 
p.  9,  pi.  l.fig.  7  et  8. 

(e)  Pickering  and  Dana,  DeseripU  of  a  Speciee  of  CaligUs ,  p.  32,  pi.  2,  fig.  9  {Americ.  Journ. 
of  science,  t.  XXXIV). 


Appareil 

digestif 

des 

Arachnides. 


Scorpion. 


568  APPAREIL    DIGESTIF. 

§  o.  —  Le  mode  d'organisation  du  tube  digestif  que  nous 
venons  de  rencontrer  chez  quelques  Crustacés  inférieurs  est 
dominant  dans  la  classe  des  Arachnides  ;  mais  chez  ces  derniers 
Animaux ,  d'une  part,  l'estomac  n'est  jamais  pourvu  d'un 
appareil  triturant  comme  chez  les  Crabes  et  les  Écrevisses,  et, 
d'autre  part,  le  système  glandulaire  annexé  au  canal  alimentaire 
se  perfectionne  et  se  complique  beaucoup  plus  que  chez  aucun 
de  ces  derniers  Articulés. 

Ainsi,  chez  le  Scorpion,  que  je  prendrai  comme  premier 
exemple,  l'orifice  buccal,  très  petit,  logé,  ainsi  que  je  l'ai  déjà 
dit,  au  fond  d'une  sorte  de  fosse  sous-frontale  (1),  et  occupant, 
comme  d'ordinaire,  la  ligne  médiane  du  corps  (2),  donne  accès 


liépalique  se  compose  de  deux  paires 
d'appendices  qui  ont  la  forme  de  sacs 
grêles  et  1res  allongés,  ou  plutôt  de 
tubes  membraneux  et  fermés  au  bout, 
situés  sur  les  côtés  de  l'intestin  et  s'é- 
tendant  jusqu'à  l'extrcmité  postérieure 
du  corps  (a).  Les  parois  de  ces  tubes 
présentent  de  petites  boursouflures 
arrondies,  disposées  en  spirale,  et  ils 
débouchent  dans  la  partie  pylorique 
de  l'esiomac,  de  chaque  côté,  par  un 
canal  commun  ;  enfin,  ils  renferment 
un  tissu  utriculaire  sécrétoire.  M.Kars- 
ten  a  représenté  ces  cellules  comme 
des  ampoules  pédiculées  (6)  ;  mais 
M.  Lereboullet,  a  constaté  que  cette 
apparence  est  accidentelle,  et  que  dans 
l'élat  normal  ce  sont  de  grosses  vési- 
cules closes  renfermant  dans  leur  in- 
térieur d'autres  vésicules  plus  petites, 


ainsi  que  des   globules  graisseux  (c). 

Chez  les  Lygies,  j'ai  trouvé  trois 
paires  de  ces  appendices  hépatiques 
cylindriques  [d),  et  M.  Rathke  les  a 
rencontrés  en  même  nombre  chez 
V/Ega  bicarinata  (e). 

Ce  mode  d'organisation  de  l'ap- 
pareil biliaire  existe  aussi  parfois 
chez  les  Crustacés  Décapodes.  Ainsi 
M.VL  Frey  et  Leuckart  ont  trouvé  que 
chez  les  Mysis  le  foie  n'est  pas  massif 
comme  chez  la  plupart  des  Animaux 
de  cet  ordre ,  mais  se  compose  de 
quatre  paires  d'appendices  étroits  et 
très  allongés,  qui  naissent  de  la  por- 
tion pylorique  de  l'estomac  (f). 

(1)  Voy.  ci-dessus,  page  539. 

[Tj  Savigny,  dont  les  descriptions 
sont  en  général  d'une  exactitude  re- 
marquable, s'est  trompé  au  sujet  de 


(a)  Lerehounei,  Mémoire  sur  les  Cloportides,  p.  96,  pi.  5,fig.  123(.1/em.  de  laSociété  d'histoii'e 
naturelle  de  Strasbourg,  t.  IV). 

(b)Brandt  et  Raizeburg,  Medizinische  Zoologie,  t.  II,  pi.  ^ô,  fig-.  39. 

(c)  H.  Karsten,  Disquisitio  microscopica  et  chemica  hepatis  et  bilis  Crustaceorum  et  Mollusco- 
rum  (Nova  Acta  Acnd.  nat.  curios.,  t.  XXI,  p.  296,  pi.  IS,  fig-.  1,  3). 

(d)  Milne  Edwards,  Histoire  naturelle  des  Crustacés,  pi.  4,  fig.  3. 

(e)  Rathke,  Beitrage  ;iur  Faiina  Noriuegens ,  p.   30  (extr.  des  Nova,  Acta  Ac.ad.  nat.  curies., 
1843,  t.  XX,  p.  30). 

(f)  F'rcy  et  Leuckart,  Beitrage  nur  Kenntniss  wirhellnser  Thiere,  p.  MO,  pi.  2,  fig.  13. 


TUBE    ALIMENTAIRE    DES    ARACHNIDES.  569 

dansun  tube  œsophagien  étroitdont  la  partie  postérieure  se  renfle 
de  façon  à  former  un  petit  jabot,  et  dont  les  parois  sont  garnies 
de  muscles  extenseurs  aussi  bien  que  de  fibres  charnues  annu- 
laires (1).  L'estomac,  placé  à  la  partie  postérieure  du  thorax, 
est  petit  et  ovalaire  ^2),  mais  se  continue  de  chaque  côté  avec 
deux  gros  appendices  tubuleux  qui  se  portent  en  dehors  et  se 
cachent  bientôt  dans  une  masse  de  tissu  glandulaire  située  dans 
la  région  frontale.  L'appareil  sécréteur,  ainsi  constitué,  verse 
dans  l'estomac  un  liquide  digestif  très  acide;  enfin,  il  se  com- 
pose d'une  multitude  d'utricules  disposés  en  lobules  irréguliers 
plutôt  qu'en  grappes,  et  d'une  paire  de  capsules  ovoïdes  ren- 
fermant chacune  un  long  tube  membraneux  terminé  en  caecum 
et  pelotonné  sur  lui-même  (o). 

l'entrée  des  voies  digestives  des  Ara-  (2)  La  distinction  enlre  l'estomac  et 
chnides;  il  n'a  pas  vu  rorifice  buccal,  l'intestin  n'est  bien  apparente  que 
et  il  attribue  à  ces  Animaux  un  double  chez  les  individus  très  frais,  et  dispa- 
pharynx  communiquant  au  dehors  par  raît  chez  ceux  qui  ont  élé  conservés 
deux  trous  «  imperceptibles  »  situés  dans  l'alcool.  Cette  circonstance  ex- 
sur  les  côtés  de  la  langue  (a).  plique  comment  le  premier  de  ces 
(1)  Vers  le  milieu  de  l'œsophage,  organes,  après  avoir  été  décrit  par 
on  voit  de  chaque  côté  de  ce  tube  une  Meckel  (c),  a  échappé  aux  recherches 
bandelette  musculaire  qui  se  porte  en  de  Treviranus  {cl).  Ses  parois  sont 
arrière,  et  un  peu  plus  loin  une  se-  minces  et  lisses  (e). 
conde  paire  de  faisceaux  semblables  (3)  Ces  glandes  gastriques  ont  été 
dirigés  en  avant.  Ces  brides  contrac-  considérées  par  J.  Millier,  Newport 
liles  se  fixent  aux  parties  voisines  du  et  la  plupart  des  autres  anatomisles, 
squelette  tégumentaire  et  doivent  dé-  comme  étant  des  organes  salivai- 
terminer  la  dilatation  de  celte  partie  res  (/");  mais,  ainsi  que  M.  Blanchard 
du  canal  digestif.  Il  est  donc  à  présu-  l'a  fait  remarquer,  elles  versent  les 
mer  qu'ils  interviennent  dans  le  méca-  produits  de  leur  sécrétion  non  dans 
nisme  de  la  succion  [h).  la  bouche,  mais  dans  l'estomac,  et  le 

(ffl)  Savigny,  Théorie  des  pièces  de  la  bouche  des  Insectes,  p.  57. 

(&)  Blanchard,  Organisation  du  Règne  animal,  Arachnides,  p.  tîO,  pi.  4,  ûg.  i. 

(c)  Meckel,  Traité  d'anatoniie  comparée,  t.  VU,  p.  241. 

(d)  Treviranus,  Ueber  den  innern  Eau  der  Arachniden,  p.  6. 

(e)  Blanchard,  Op.  cit.,  p.  01,  pi.  4,  i\g.  4  et  (3. 

(f)  i.  Mùller,  Beitrcige  %ur  Anatomie  des  Scorpions  (Meckel's  Archiv  fur  Physiologie  und  Ana- 
tomie,  1S28,  p.  52). 

—  Newport,  On  the  Structure,  Relations  and  Development  of  the  Nervous  and  Circulatory 
Systems  in  Myriojwda  and  Macrouroiis  Arachnida,  pi.  15,  fig.  39  {Philos.  Trans.,  1843). 

—  L.  Dufour,  Histoire  anatomique  et  physiologique  des  Scorpions,  p.  622  (Mém.  de  l'.Acad. 
des  sciences,  Savants  étrangers,  t.  XIV). 


570  APPAREIL    DIGESTIF. 

L'intestin,  qui  fait  suite  à  l'estomac,  est  un  long  tube  divisé 
en  deux  portions,  l'une  antérieure  et  très  étroite,  l'autre  posté- 
rieure et  plus  ou  moins  renflée  (1). 

L'intestin  grêle  occupe  toute  la  longuem^  de  la  portion  élargie 
de  l'abdomen,  et  ses  parois,  bien  que  très  minces,  se  composent 
de  deux  tuniques  et  logent  dans  leur  épaisseur  beaucoup  de 
granulations.  Latéralement,  cette  partie  du  canal  digestif  com- 
munique avec  l'appareil  hépatique  dont  le  développement  est 
très  considérable.  En  effet,  ou  voit  y  déboucher  de  chaque  côté 
cinq  canaux  grêles  qui  se  divisent  en  une  multitude  de  ramus- 
cules  autour  desquels  sont  groupés  des  multitudes  d'utricules 
sécréteurs,  et  dans  l'intérieur  de  ceux-ci  on  aperçoit  un  liquide 
contenant  des  granules  d'un  brun  verdâtre  (2). 


liqufde  qu'elles  élaborent  est  acide  ,  aussi  bien  que  sur  l'œsophage,  et  deux 

comme  l'est  tout  suc  gastrique  bien  latérales.    Il  se  compose  d'ampoules 

caractérisé  (a).  arrondies,  serrées  les  unes  contre  les 

Les  deux  capsules  ovoïdes  (b)  ren-  autres,  et  communiquant  avec  l'esto- 

fermant  les    tubes  contournés    sont  mac  par  deux  paires  de  canaux  larges 

réniformes,  et  reposent  sur  la  lame  et  courts. 

aponévrotique  qui  constitue  une  sorte  Les  usages  du  suc  gastrique  fourni 

de  diaphragme  entre  la  cavité  céphalo-  par  cet  appareil  ne  sont  pas  douteux  ; 

thoracique  et  l'abdomen.   Elles  sont  car,  en  y  plongeant  des  matières  ali- 

constituées  par  une  membrane  mince  mentaires,  M.  Blanchard  a  pu  opérer 

et  transparente.  Le  tube  qu'elles  ren-  des  digestions  artificielles  (d). 

ferment  est  long,  grêle  et  très  difficile  (1)  M.  Léon  Dufour  réserve  le  nom 

à  dérouler;  ainsi  que  je  l'ai  déjà  dit,  d'intestin  à  cette  dernière  partie,  et 

il  se  termine  en  cul  de- sac,  maison  appelle  la  portion  antérieure  le  tJenin- 

ne  connaît  pas  bien  ses  connexions  cule  chylifique  (e). 

avec  l'estomac  ou  avec  le  tissu  utricu-  ('2)  Le  foie  du  Scorpion,  après  avoir 

laire  adjacent  (c).  Celui-ci  constitue  été  sommairement   décrit  par  Mec- 

trois  masses  assez  distinctes  :  l'une  kel  (/■),  a  été  considéré  par  Treviranus 

médiane  ,  qui  repose   sur  l'estomac  et  quelques  autres  naturalistes  comme 


(a)  Blanchard,  Organisation  du  Règne  animal,  Arachnides,  p.  61. 

(b)  Ces  corps  sont  les  seules  parties  de  l'appareil  glandulaire  gastrique  qui  aient  été  décrites  dans 
la  monographie  anatoniique  de  M.  Léon  Dufour. 

(c)  Blanchard,  Op.  cit.,  p.  61,  pi.  4  et  6. 
{d)  Idem,  ibid.,  p.  66. 

(e)  L.  Dufour,  Op.  cit.,  p.  626. 

(f)  Meckel,  Traité  d'anatomie  comparée,  t.  VIT,  p.  239. 


TUBE    ALIMENTAIRE    DES    ARACHNIDES.  571 

Deux  paires  d'autres  canaux  s'ouvrent  aussi  dans  la  partie 
postérieure  de  l'intestin  grêle,  et  se  ramifient  entre  les  grappes 
formées  par  les  utricules  sécréteurs  dont  je  viens  de  parler, 
mais  ne  proviennent  pas  de  ces  organites,  et,  comme  nous 
le  verrons  dans  une  autre  Leçon,  ils  paraissent  constituer  un 
appareil  urinaire  (1). 


itant  seulement  un  corps  graisseux 
entourant  une  série  de  prolongements 
tubuleux  du  canal  digestif  (a);  mais 
les  recherches  plus  récentes  de  New- 
port,  de  M.  Léon  Dufour  et  de  M.  Blan- 
chard, ne  laissent  aucune  incertitude 
sur  la  nature  glandulaire  de  cet  organe 
et  sur  le  déversement  de  ses  produits 
dans  le  tube  alimentaire  (6).  C'est  une 
glande  volumineuse  très  molle  et  de 
couleur  jaunâtre,  qui  occupe  la  pres- 
que totalité  de  la  portion  renflée  de  la 
cavité  abdominale,  et  qui  se  compose 
de  deax  moitiés  parfaitement  dis- 
tinctes, logées  sur  les  côtés  du  tube 
digestif.  Elle  est  revêtue  d'nne  tu- 
nique péritonéale  très  mince,  qui  en- 
voie des  prolongements  latéraux  sur 
les  parois  de  la  cavité  viscérale ,  et 
elle  est  maintenue  aussi  en  place  par 
des  muscles  qui  sur  divers  points 
traversent  sa  masse.  Son  tissu  se  com- 
pose de  petits  sacs  ovoïdes  longs 
d'environ  un  quart  de  millimètre  et 
disposés  en  manière  de  grappes  au- 
tour de  petits  canaux  excréteurs  très 


déliés.  Ces  tubes  se  réunissent  entre 
eux ,  et ,  en  se  dirigeant  vers  l'in- 
testin ,  deviennent  ainsi  de  plus  en 
plus  gros  ;  enfin  ils  s'y  terminent 
sous  la  forme  de  cinq  paires  de  gros 
canaux  à  parois  membraneuses.  Les 
conduits  biliaires  des  quatre  premières 
paires  sont  dirigés  transversalement  ; 
mais  ceux  de  la  dernière  paire,  beau- 
coup plus  gros  que  les  autres  et  à 
ramifications  plus  fortes ,  marchent 
obliquement  d'arrière  en  avant  (c). 

Suivant  M.  Léon  Dufour,  le  nombre 
des  canaux  hépatiques  ainsi  constitués 
varierait  de  4  à  6  paires.  Le  calibre  de 
la  portion  terminale  de  ces  tubes  est 
assez  considérable  pour  que  les  ma- 
tières alimentaires  puissent  y  pénétrer 
facilement,  et  cette  introduction  paraît 
en  effet  avoir  lieu  {d)  ;  par  conséquent, 
ces  cliverticulum  intestinaux  doivent 
être  considérés  comme  ayant  des  fonc- 
tions analogues  à  celles  des  appendices 
gastro-hépatiques  des  Crustacés  infé- 
rieurs. 

(1)  Treviranus,  Audouin  et  les  au- 


ra) G.  R.  Treviranus,  Ueber  den  innern  Bau  der  Amchniden,  1812,  p.  0. 

—  J.  Mûller,  BeUrage  %ur  Anatomie  des  Scorpions  (Meckel's  Archiv  fur  Anal,  und  PhysioL, 

—  Audouin,  art,  Arachnida  (Todd's  Cyclop.  ofAnat.  and  PhysioL,  t.  I,  p.  204). 

(6)  L  Dufour,  Recherches  anatomiques  et  observations  sur  le  Scorpion  roussdtre  {Journal  de 
physique,  1817,  t.  LXXXIV,  p.  Ul).  —  Hisloire  anatomique  et  physiologique  des  Scorpions, 
p.  62T  {Mém.  des  Savants  étrangers,  t.  XIV). 

Blanchard,  Organisation  du  Règne  animal,  classe  des  Arachnides,  p.  63, 

—  Newport,  Op.  cit.  {Philos.  Trans.,  1843,  pi.  14,  %.  32). 
(c)  Blanchard,  Op.  cit.,  pi.  4,  fig.  4. 

{d)  Idem,  ibid.,  p.  67. 


Tliél.vphones. 


Galéodes. 


57:2  APPAREIL    DIGESTIF. 

Enfin  le  gros  intestin  commence  par  une  dilatation  assez 
brusque,  et  ses  parois,  plus  ou  moins  renflées  d'anneau  en 
anneau,  laissent  apercevoir  des  bandes  musculaires  disposées 
les  unes  en  long,  les  autres  en  travers.  L'anus  consiste  en  une 
fente  transversale  située  ïi  la  face  inférieure  de  l'abdomen,  entre 
le  dernier  anneau  du  corps  et  l'article  en  forme  de  crochet  qui 
constitue  le  dard  caudal  du  Scorpion. 

Chez  les  Thélyphones ,  la  structure  générale  de  l'appareil 
digestifestàpeuprèslamêmeque  chez  les  Scorpions,  si  ce  n'est 
que  l'estomac  se  développe  davantage  et  donne  naissance  à 
quatre  paires  de  gros  prolongements  qui  ont  la  forme  de  poches 
plutôt  que  de  tubes;  disposition  qui  établit  le  passage  vers  le 
mode  d'organisation  propre  aux  Aranéides  et  à  la  plupart  des 
autres  Animaux  de  la  même  classe,  où  les  espèces  de  diverticu- 
lum  ainsi  constitués  acquièrent  des  dimensions  énormes  (1). 

L'appareil  digestif  des  Galéodes  ou  Solpuges  présente  quelques 


très  naturalistes  qui  considéraient  le 
foie  comme  un  corps  adipeux ,  ont 
décrit  ces  vaisseaux  sous  !e  nom  de 
canaux  biliaires  (a).  M.  Léon  Dufour 
pense  que  ce  sont  des  filets  «  in  fonc- 
tionnels y),  représentants  inactifs  des 
vaisseaux  biliaires  des  Insectes  (6). 
M.  Blanchard  les  appelle  des  vais- 
seaux urinaires  ,  et  il  a  constaté 
l'existence  d'une  anastomose  fort  sin- 
g;ulière  entre  ceux  de  la  dernière 
paire  et  les  canaux  biliaires  posté- 
rieurs (c). 

(1)  On  voit  par  les  belles  figures 
anatomiques  de  la  Thélyphone ,  pu- 
bliées récemment  par  M.  Blan- 
chard (d),  que  chez  ces  Arachnides 


l'œsophage  est  grêle  et  fort  allongé  ; 
les  glandes  salivaires  sont  très  déve- 
loppées et  recouvrent  l'estomac  dans 
toute  la  longueur  de  la  région  thora- 
cique  du  corps;  les  caecums  gastri- 
ques, au  nombre  de  quatre  paires, 
sont  de  gros  tubes  terminés  en  cul-de- 
sac;  la  portion  antérieure  de  l'intestin 
est  renflée  vers  ses  deux  bouts,  et 
reçoit  latéralement  cinq  paires  de  ca- 
naux hépatiques  dont  les  ramifications 
prennent  naissance  dans  une  masse 
glandulaire  qui  occupe  la  plus  grande 
partie  de  l'abdomen  et  qui  constitue 
un  foie  lobule  ;  enfin,  la  portion  ter- 
minale du  tube  digestif  est  étroite  et 
s'engage  dans  la  base  de   la  portion 


(a)  Treviranus,  Ueber  den  innern  Bail  der  Arachniden,  p.  6,  pi.  1,  fig.  0,  i,  i, 
(h)  Léon  Dufour,  Histoire  anatomique  et  physiologique  des  Scorpions  {Mém.  des  Savants  étrang., 
t.  XIV,  p.  633,  pi.  3,  fig.  25). 

(c)  Blanobarrl,  Op.  cit.,  p.  65,  pi.  4,  fig.  4. 

(d)  Blanchard,  Organisation  du  Règne'animal,  Arachnides,  pi.  9,  fig.  :1 ,  2  et  3. 


TUBE    ALIMENTAIRE    DES    ARACHNIDES.  573 

particularités  remarquables  ;  les  appendices  cgecaux  de  l'estomac 
s'allongent  plus  que  chez  les  divers  Arachnides  dont  je  viens  de 
parler,  et  ceux  des  deux  dernières  paires,  au  heu  d'être  simples 
comme  d'ordinaire,  se  bifurquent.  Les  glandes  salivaires  sont 
formées  chacune  par  un  long  tube  tortueux  assez  gros  et  terminé 
en  csecum,  qui  est  peletonné  sur  lui-même,  et  qui  se  rend  dans 
une  masse  utriculaire  située  autour  de  la  portion  postérieure  de 
l'œsophage  et  la  partie  voisine  de  l'estomac.  Enfin,  le  foie  se 
compose  d'une  multitude  de  petits  sacs  presque  tubuliformes, 
réunis  en  groupes,  et  ressemblant  beaucoup  à  ceux  que  nous 
avons  vus  constituer  l'appareil  biliaire  chez  les  Crabes  et  les 
autres  Crustacés  supérieurs  (1). 

L'appareil  digestif  des  Aranéides  est  constitué  aussi  d'après  Aranéides 
le  même  plan  général  que  celui  des  Thélyphones,  miais  offre 
d'autres  particularités  de  structure  importantes  ànoter.  La  cavité 
pharyngienne  qui  surmonte  la  bouche  est  garnie  en  dessus 
d'une  pièce  cornée  longitudinale  et  convexe  qui  est  reçue  dans 
une  sorte  de  gouttière  cornéo-membraneuse  formée  par  la 
paroi  opposée  du  canal  (2).   Cette  première  portion  du  tube 

caudifornie  de  l'abdomen,  pour  ga-  complété  ses  premières  observations 

gnei'  l'anus,  qui  est  situé  à  la  face  in-  par  une  étude  plus  attentive  du  foie 

férieure  de  cette  partie  du  corps  (a).  et  des  glandes  qu'il  considère  comme 

(1)  M.  Blanchard  a  fait  connaître  la  des    organes   salivaires  ,    tandis   que 

conformation    du    tube   digestif  des  M.  Kittary  les  regarde  comme  étant 

Galéodes  en  18Zi7  ;  l'année  suivante,  les  analogues  du  pancréas.  M.  Léon 

des  recherches  sur  le  même  sujet  fu-  Dufour  a  présenté  à  l'Académie  des 

rent  publiées  par  .M.  Kittary  ;  enfin  le  sciences   une  monograpliie  anatomi- 

premier  de  ces  naturalistes  a  donné  que  des  Galéodes,  mais  ce  travail  est 

plus  récemment  de  très  belles  figures  encore  inédit, 

anatomiques  de   ces  Animaux,   et  a  (2)  Latreille  a  confondu  cette  pièce 

(a)  Blanchard,  Observations  sur  l'orga^iisation  d'un  type  de  la  classe  des  Arachnides,  le  genre 
Galéode  {Ann.  des  sciences  nat.,  3«  série,  184",  t.  VIII,  p.  i228  et  suiv.,  pi.  6,  flg.  1). 

—  Kittary,  Anatomische  Untersuchung  der  gemeinen  (Galéodes  aranoïJes)  und  der  fitrchtlosen 
(G.  intrepidà),Solpuga,  p.  35  et  suiv., pi. 8,  %.  12(exlr.  daBulletinde  laSoclété  des  naturalistes 
de  Moscou,  -1848,  t?XXI). 

—  Blanchard,  Organisation  du  Règne  animal,  Arachnides,  pi.  28,  fig.  -1 ,  4  et  5. 

—  L.  Dufour,  Anatomie,  physiologie  et  histoire  naturelle  des  Galéodes  (Comptes  rendus  de 
l'Académie  des  sciences,  1858,  t.  XL VI,  p.  1247). 


57/1 


APPAREIL    DIGESTIF. 


alimentaire  s'élève  à  peu  près  verticalement,  et  l'œsophage  s'en 
détache  sous  un  angle  presque  droit  pour  traverser  le  collier 
nerveux  et  se  rendre  à  l'estomac.  En  y  arrivant,  elle  débouche 
dans  une  cavité  à  parois  cartilagineuses  qui  est  disposée  de 
façon  à  agir  à  la  manière  d'une  pompe  aspirante,  et  qui  est 
pourvue  à  cet  effet  de  muscles  dilatateurs,  dont  l'un  monte  obli- 
quement vers  la  voûte  de  la  cavité  céphalothoracique  et  s'y 
insère  au  squelette  tégumentaire  (1).  Ce  jabot  aspirateur  se  con» 


palatine  avec  le  labre,  sous  le  nom 
de  camérostome  ;  mais  Dugès  en  a 
fait  mieux  connaître  la  disposition.  Ce 
dernier  le  compare  à  l'épipharynx  des 
Insectes  et  le  désigne  sous  le  nom  de 
palais.  De  même  que  les  autres 
parties  épithéliques,  cette  lame  chiti- 
neuse  se  renouvelle  à  chaque  mue,  et 
elle  s'emboîte  dans  la  pièce  pharyn- 
gienne inférieure,  que  Dugès  appelle 
la  langue.  Sur  la  ligne  médiane  de 
l'une  et  de  l'autre,  il  y  a  un  sillon  lon- 
■  gitudinal  qui  sert  pour  le  passage  des 
liquides  vers  l'estomac  (a). 

(1)  L'œsophage  est  très  grêle  et  ses 
parois  sont  membraneuses  en  des- 
sous, mais  de  consistance  cartilagi- 
neuse en  dessus.  Il  se  recourbe  en 
arrière,  et,  après  avoir  traversé  l'an- 
neau nerveux,  débouche  dans  une 
sorte  de  boîte  cartilagineuse  élargie 
en  arrière,  et,  garnie  de  quatre  crêtes 
longitudinales  qui  en  occupent  les 
angles.  Dans  l'état  de  repos,  les  parties 


comprises  entre  ces  crêtes  se  rappro- 
chent au  point  de  se  toucher  presque  ; 
mais,  par  l'action  des  muscles  circon- 
voisins,  elles  s'écartent  entre  elles  et 
dilatent  la  cavité  de  l'espèce  de  pompe 
ainsi  constituée.  Une  paire  de  ces 
muscles  aspirateurs  s'insère  sur  les 
côtés  de  la  boîte  cartilagineuse  dont 
je  viens  de  parler,  et  s'étend  trans- 
versalement jusqu'aux  parties  laté- 
rales de  l'endosquelette  ;  un  autre 
faisceau  charnu  naît  de  la  face  supé- 
rieure de  cet  organe,  et  va  prendre  son 
point  d'appui  sur  la  partie  dorsale  du 
système  tégumentaire,  verslemilieudu 
thorax,  en  traversant  l'anneau  formé, 
comme  nous  le  verrons  bientôt ,  par 
l'estomac  de  ces  Animaux.  Cet  appa- 
reil, qui  semble  devoir  servir  à  opérer 
la  succion,  a  été  vu  en  partie  par 
Lyonnet  et  par  Dugès  (6)  ;  M.  Brandt 
l'a  fait  mieux  connaître  (c)  ;  mais  c'est 
Wasmann  qui  l'a  décrit  et  figuré  de 
la  manière  la  plus  complète  {d). 


(a)  Dugès,  Observations  sur  les  Aranéides  (Ann.  des  sciences  nat.,  2°  série,  t.  VI,  p.  178,  et 
Atlas  du  Règne  animal  de  Cuviei*,  Arachnides,  pi.  3,  ûg.  1  et  3). 

(6)  Lyonnet,  Recherches  sur  l'anatomie  et  les  métamorphoses  de  différentes  espèces  d'Insectes, 
p.  97,  pi,  10,  fig.  4. 

—  Dug-ès,  Op.  cit. 

(c)  Brandt,  Recherches  sur  l'anatomie  des  Araignées  {Ann,  des  sciences  nat.,  2°  série,  1840, 
l.  Xlir,  p.  181  et  suiv.). 

—  Brandt  et  Ratzeburg,  Medizinische  Zoologie,  t.  II,  pi.  15,  fig.  6. 

(d)  A.  Wasmann,  Beitrdge  &ur  Anatomle  der  Spinnen  {Abhandlungen  aus  dem  Gebiete  der 
Naturwissenschaften  in  Hamburg,  1846,  t.  I,  p.  142,  pi.  13,  fig.  13,  jw,  et  17,  6;  pi.  12, 
fig.  i,  e). 


TUBE    ALIMENTAIRE    DES    ARACHNIDES.  575 

tiiiLie  avec  la  partie  postérieure  de  l'estomac,  et  celui-ci  donne 
naissance  antérieurement  à  deux  prolongements  qui  embrassent 
la  colonne  charnue  dont  il  vient  d'être  question,  et  se  réunissent 
entre  eux  au-devant  de  ce  muscle,  de  façon  à  constituer  un 
anneau  du  pourtour  duquel  on  voit  partir  une  série  de  grands 
tubes  gastriques  assez  semblables  à  ceux  de  l'estomac  simple 
des  autres  Arachnides  (1).  En  arrière,  ce  singulier  estomac, 


(1)  M.  Brandt  a  fait  bien  connaître 
cette  singulière  disposition  de  l'esto- 
mac antérieur,  ou  froventricule  des 
Aranéides ,  qui ,  au  lieu  d'être  une 
poche  arrondie  ou  fusiforme  comme 
d'ordinaire,  est  annulaire,  et  se  trouve 
traversé  par  un  gros  muscle  étendu 
obliquement  de  la  paroi  dorsale  du 
céphalothorax  à  la  pièce  cornée  du 
jabot  aspirateur  à  laquelle  cet  anato- 
naiste  applique  le  nom  d'hyoïde  [a). 

M.  Grube  a  trouvé  que  chez  les 
Argyronètes  et  quelques  Épéires  cette 
disposition  annulaire  est  plutôt  appa- 
rente que  réelle,  car  les  deux  bran- 
ches semi-circulaires  de  l'estomac  sont 
simplement  accolées  l'une  à  l'autre 
au-devant  du  muscle  central,  et  ne 
s'anastomosent  pas  entre  elles  (6). 
Mais  M.  Wasmann  s'est  assuré  que 
chez  les  Mygales  il  n'existe  en  ce  point 
aucune  cloison,  et  que  par  conséquent 
la  cavité  stomacale  est  annulaire, 
comme  la  forme  extérieure  de  cet 
organe  l'indique  (c). 

Le  second  estomac,  ou  ventricule 


chylifique,  pour  employer  ici  la  no- 
menclature adoptée  par  M.  Léon  Du- 
four  et  la  plupart  des  autres  entomo- 
logistes, naît  du  milieu  du  bord  pos- 
térieur de  cette  couronne,  et  une 
autre  poche  membraneuse  s'en  dé- 
tache inférieurement  pour  se  porter  en 
avant,  au-dessous  du  proventricule, 
et  constituer  un  estomac  accessoire 
inférieur.  Enfin,  de  chaque  côté  de 
l'anneau  gastrique  susmentionné,  on 
voit  partir  quatre  poches  tubulaires  (d) 
qui,  après  avoir  gagné  les  côtés  du 
corps,  se  recourbent  en  bas  et  en  de- 
dans, passent  enlre  les  muscles  de  la 
base  des  pattes  (e),  et  reviennent  en- 
suite en  dedans,  vers  l'estomac  acces- 
soire ou  poche  stomacale  inférieure. 
D'autres  appendices  plus  courts,  et 
dont  le  degré  de  développement  paraît 
varier  beaucoup  suivant  les  espèces  , 
naissent  de  la  partie  antérieure  de 
cet  estomac  annulaire  et  s'avancent 
plus  ou  moins  vers  le  front.  Chez  la 
Mygale  aviculaire,  ces  derniers  cae- 
cums sont  très  allongés  et  se  rendent 


(a)  Brandt,  Recherches  sur  l'anatomie  des  Araignées  {Ann.  des  sciences  nat.,  2»  série,  1840, 
t.  VI,  p.  182,  pi.  4,  fig.  2). 

(b)  Grube,  Einige  Resultate  ans  Untersuchungen  ûber  die  Anatomie  der  Aramideii  (MuUer's 
Archiv  fiir  Anat.  und  Physiol.,  1842,  p.  298). 

(c)  Wasmann,  Op.  cit.,  p.  144. 

{d}  Treviranus  n'a  représenté  que  deux  paires  de  ces  poches  chez  la  Tégénaire  domestique  {Ueber 
deii  innern  Bau  der  Arachniden,  p.  2,  fig.  24),  et  la  figure  qu'il  en  a  donnée  se  trouve  reproduite 
dans  plusieurs  ouvrages  modernes,  mais  ne  me  paraît  pas  être  exacte. 

(e)  Wasmann,  Op.  cit.,  pi.  13,  fig.  17. 


«Î^Ô  APPAREIL    DIGESTIF. 

en  l'orme  de  couronne,  donne  naissance  à  une  poche  gastrique 
inférieure  qui  se  porle  en  avant,  au-dessous  de  sa  portion  car- 
diaque ;  puis  il  devient  cylindrique  et  pénètre  dans  l'abdomen, 
ou  se  renfle  un  peu  de  nouveau,  et  reçoit  les  canaux  biliaires 
provenant  d'un  foie  très  volumineux  et  assez  semblable  à  celui 
des  Scorpions  (1).  Un  intestin  grêle,   un  peu  fluxueux,  fait 


à  la  base  des  pieds-mâchoires  (a). 
Il  en  est  de  même  chez  VEpeira  dia- 
dema  (6);  mais  chez  la  Mygale  de 
Leblond  (c),  et  chez  une  autre  espèce 
du  même  genre,  étudiée  par  M,  Was- 
mann,  celle  cinquième  paire  d'appen- 
dices gastriques  est  rudimen taire.  Sui- 
vant ce  dernier  anatomisie,  les  grands 
tubes  gastriques  se  ramifieraient  et 
s'anastomoseraient  en  ire  eux  à  leur 
extrémité  qui  se  recourbe  sous  le  pro- 
ventricule {d)  ;  mais  .\J.  Blanchard  a 
trouvé  qu'ils  s'unissent  aux  parois  de 
la  poche  slomacale  inférieure  ou  esto- 
mac accessoire,  et  il  pense  qu'au  lieu 
de  se  terminer  en  cul-de-sac,  ainsi 
que  le  font  les  appendices  gastriques 
analogues  chez  les  autres  Arachnides, 
ils  s'ouvrent  directement  dans  la  ca- 
vité de  ce  viscère,  de  façon  à  consti- 
tuer des  tubes  en  forme  d'anse,  el  non 
des  caecums. 

Sous  le  premier  estomac  on  trouve 
une  masse  glandulaire  qui  est  formée 
par  des  tubes  sécréteurs  pelotonnés, 
mais  on  ne  connaît  pas  bien  ses  con- 
nexions avec  la  cavité  digestive  [e). 
Elle  est  désignée,  par  M.  Blanchard, 


sous  le  nom  de  glande  gastrique,  et 
elle  paraît  être  l'analogue  de  l'organe 
que  les  anatomistes  appellent  tantôt 
glandes  salivaires,  tantôt  pancréas, 
chez  les  Scorpions  et  les  Galéodes. 

(1)  Cette  portion  du  canal  alimen- 
taire, c'est-à-dire  l'estomac  abdomi- 
nal ou  ventricule  chylifique  (f),  est 
élroite  en  avant,  mais  renflée  dans  sa 
partie  postérieure  qui  se  trouve  vers 
le  milieu    de   l'abdomen,   et  elle  se 
continue  postérieurement   avec    une 
paire  de  conduits  biliaires  très  larges. 
Le  foie,  composé  d'une  multitude 
de  pelites  ampoules  réunies  en  grap- 
pes, est  très  volumineux,  et  se  divise 
en    un     grand    nombre    de   lobules 
d'un  aspect  granuleux,  dont  les  canaux 
excréteurs  se  réunissent  successive- 
ment entre  eux   pour  constituer  de 
chaque  côté  une  série  de  troncs  prin- 
cipaux qui  se  dirigent  en  dedans  et 
vont  .s'ouvrir  dans  le  tube  digestif  {g). 
Ceux  des  deux  premières  paires  sont 
très  grêles;  mais  ceux  de  la  troisième 
paire  sont  assez  forts,   et  ceux  de  la 
paire  postérieure  .sont  si  larges,  que  les 
matières  alimentaires  doivent  facile- 


fa)  Dugès,  Arachnides  de  l'Atlas  du  Règne  animal  de  Cuvicr,  pi.  3,  fig.  6. 
(b)  Brandt  et  Ra.zeburg,  Mediainische  Zoologie,  t.  II,  p.  89,  i-l.  1  5,  fig.  6. 
—  Recherches  sur  l'anatomie  des  Araignées  {Annules  des  sciences  naturelles,  2°  sûiic,  t.  VI, 
pi.  4,  fig:.  2). 

le)  Blanchard,  Orga?nsation  du  Règne  animal.  Arachnides,  pi.  14,  fig-.  1  et  k. 

(d)  Wasiiiaun,  Op.  cit.,  pi.  13,  fig.  18. 

(e)  Blanchard,  Op.  cit.,  pi.  1-4,  %.  2,  c,  et  fig.  G. 

(/■)  Dugès,  Atlas  du  Règne  animal  de  Cuvier,  Arachnides,  [il.  3,  fig.  6  cl  7. 
(jf). Blanchard,  Op.  cit.,  pi.  14-,  fig.  1  et  0. 


Arancides 


TUBE    ALIMENTAIRE    DES    AKACHNIDES.  577 

suite  au  second  eslomac  ainsi  constitué,  et  débouclie  dans  un 
réservoir  fécal  en  forme  de  poche  arrondie,  où  vient  égale- 
ment s'ouvrir  une  paire  de  canaux  rameux  très  grêles,  qui  sont 
des  organes  sécréteurs  et  qui  paraissent  constituer  un  appareil 
urinaire  (1).  Enfin,  l'espèce  de  cloaque  ainsi  formé  s'ouvre 
au  dehors  par  l'anus,  qui  se  trouve  à  la  partie  inférieure  et 
postérieure  de  l'abdomen. 

Il  est  aussi  à  noter  que  chez  les  Aranéides  il  existe  de  chaque  .^lanaes 
cote  de  1  extrémité  antérieure  du  tube  digestif  un  organe  sécré-  ^  de^ 
teur  qui  paraît  être  l'analogue  d'une  glande  salivaire,  mais  qui 
est  destiné  à  produire  non  un  liquide  digestif,  comme  d'ordi- 
naire, mais  une  humeur  vénéneuse  à  l'aide  de  laquelle  ces 
Animaux  engourdissent  ou  tuent  leur  proie.  En  effet,  le  canal 
excréteur  de  ces  glandes  va  s'ouvrir  au  dehors  sous  la  pointe 
de  la  griffe  mobile  des  chélicères,  et  quand  elle  est  versée  au 
fond  de  la  petite  piqûre  faite  par  un  de  ces  instruments,  elle 
détermine  promptement  des  effets  toxiques  très  puissants  (2) . 
C'est  à  l'aide  de  cet  appareil  venimeux  que  les  Araignées  par- 


ment  y  pénétrer,  comme  cela  a  lieu  dont  elles  se  gorgent  paraissent  péné- 

dans  les  canaux   hépatiques  de  cer-  trer  non-seulement   dans  l'estomac, 

tains  Mollusques.        ,  mais  aussi  dans  les  grands   canaux 

Plusieurs  anatomisles  ont  considéré  biliaires  qui  communiquent  avec  cet 

le  foie  des  Araignées  comme  étant  seu-  organe  (6). 

lement  un  amas  d'ntricules  adipeuses,  (1)  Ces  tubes  (c),  qui  sont  extrême- 
et  l'ont  désigné  sous  le  nom  de  corps  ment  grêles  et  difficiles  à  bien  séparer 
graisseux  (a)  ;  mais  aujourd'hui  que  de  la  substance  du  foie,  ont  été  dé- 
la  structure  de  cet  organe  est  mieux  crits  sons  le  nom  de  vaisseaux  bi- 
connue,  il  ne  peut  y  avoir  aucune  liaires  par  les  anatomistes  qui  ont 
incertitude  quanta  sa  détermination.  méconnu  la  nature  du  foie,  et  ont  ap- 
11  est  aussi  à  noter  que  lorsque  les  Y)c\é  cet  ovgane  un  corps  adipeux  (d). 
Araignées  sont  repues,   les  liquides  (2)  On  trouve  dans  l'ouvrage  pos- 


{(7.)  Treviranus,  Ueber  den  innern  Bau  der  Arachniden,  p.  27. 

—  Audouin,  art.  Arachnida  dans  Todd's  Cycîopœdia  ofAnat.  and  Physiol.,  t.  I,  p.  203. 
(b)  Dugès,  Observations  sur  les  Aranéides  {Aim.  des  sciences  nat.,  2'  série,  t.  VI,  p.  M 
(v)  Voyez  Blanchard,  Organisation  dn  Règne  animal,  ARACHNiDiis,  pi.  14,  fig.  4  et  7. 
(d)  Treviranus,  Op.  cit.,  p.  3t,  pi.  2,  fig.  24,  B. 

—  Audouin,  Op.  cit.  (Todd's  Cijciopœd.,  t,  I.  [>.  203). 

V.  37 


578  APPAREIL    DIGESTIF, 

viennent  facilement  à  s'emparer  de  grosses  Mouches  et  d'autres 
Animaux  dont  la  taille  est  très  considérable  relativement  au 
volume  de  leur  propre  corps  ;  mais,  ainsi  que  nous  le  verrons 
plus  tard,  quand  nous  étudierons  les  instincts,  ces  Arachnides 
savent  aussi  dresser  des  pièges  pour  arrêter  leur  proie  au  pas- 


thume  de Lyonnet,  publié  en  1832  (a), 
une  description  de  l'appareil  veni- 
meux des  Araignées  dont  Treviranus 
avait  fait  connaître  la  disposition  en 
1812  (6),  De  chaque  côté,  dans  la  ré- 
gion frontale  de  la  tête,  ou  bien  dans 
l'article  basilaire  des  chélicères ,  il 
existe  une  poche  presque  cylindrique, 
formée  par  une  tunique  membrano- 
musculaire,  tapissée  intérieurement 
d'unja  couche  de  petites  cellules,  et 
débouchant  au  dehors  par  un  canal 
membraneux  qui  est  logé  dans  la 
gritTe  et  se  termine  à  l'orifice  pratiqué 
près  de  la  pointe  de  ce  crochet  (c). 
Chez  les  I\îygales ,  on  remarque  à 
l'extrémité  postérieure  de  ces  glandes 
un  petit  appendice  tubuleux  [d],  ou 
des  ligaments  suspenseurs  (e). 

La  petite  quantité  de  venin  qui 
peut  être  déposée  au  fond  de  la  plaie 
faite  par  le  chélicère  d'une  Araignée 
est  en  général  à  peine  suffisante  pour 


déterminer,  chez  l'Homme,  un  peu  de 
douleur  et  de  rougeur  de  la  peau  {f); 
mais  on  connaît  des  espèces  dont  la 
piqûre  n'est  pas  sans  danger.  Ainsi  la 
morsure  faite  par  le  'J'héridion  mar- 
mignatte  ou  malmignatle  {Latrodectus 
malmignattus ,  Walck.),  qui  habite 
quelques  parties  de  l'Italie  ,  de  la 
Corse,  etc. ,  est  parfois  suivie  de  sym- 
ptômes nerveux  graves  ;  elle  peut 
même  déterminer  la  mort  chez  les 
Oiseaux  et  les  Mammifères  de  petite 
taille  [g),  et  il  est  à  remarquer  que 
l'appareil  vénénifique  de  cette  Arai- 
gnée est  très  développé  (/i). 

Quelques  médecins  ont  attribué  à 
la  morsure  d'une  Araignée  appelée 
vulgairement  la  Tarentule,  mais  dont 
l'espèce  n'est  pas  bien  déterminée 
par  les  entomologistes  ,  des  accidents 
nerveux  fort  singuliers  ii)  ;  cependant 
celte  opinion  ne  paraît  reposer  sur 
aucun  fait  bien  constaté. 


(a)  Lyonnet,  Recherches  sur  l'anatomie  et  les  métamorphoses  de  différentes  espèces  d'Insectes, 
p.  92,  pi.  9,  fig.  16. 

(6)  Ti-eviranus,  Ueber  den  innern  Bau  der  Arachniden,  p.  31,  pi.  2,  fig.  21. 

(c)  Brandt  et  P.alzeburg,  Medicinische  Zoologie,  t.  II,  pi.  15,  fig.  6. 

(d)  Dugès,  Arachnides  de  VAllas  du  Règne  animal  de  Cuvier,  pi.  2,  fig.  6. 

(e)  Blanchard,  Organisation  du  Règne  aîiimal,  Arachnides,  pi.  17,  fig.  1. 

(f)  Dugès,  Observations  sur  les  Aranéides  (Ann.  des  sciences  nat.,  2°  série,  t.  VI,  p.  211). 

(g)  Toli,  Mem.  sopra  il  Falangio  o  Ragno  veneflco  delV  Agro  volterrano  (Atti  dell'Acad.  délie 
Scienxe  di  Siena,  1794,  t.  VII,  p.  245). 

—  Cauro,  Exposition  des  moyens  curatifs  de  la  morsure  du  Théridion  malmignatte  (ihèse). 
Paris,  1833. 

—  Raikem,  Recherches,  observations  et  expériences  sur  le  Théridion  marmignatte  de  Volteri'a 
et  sur  les  effets  de  la  morsure  {Awi.  des  sciences  nat.,  2'  série,  1839,  t.  XI,  p.  5). 

(h)  Lambotle,  Notice  sur  le  Théridion  marmignatte  {Bulletin  de  l'Académie  de  Bruxelles, 
1838,  t.  IV,  p.  488). 

(i)  Voyez  Walckenaer,  Hist.  nat,  des  Insectes  aptères,  t.  I,  p.  178. 


TUBE    ALIMENTAIRE    DES    ARACHNIDES.  579 

sage,  et  c'est  là  un  des  principaux  usages  des  toiles  légères 
qu'elles  tendent  avec  un  art  admirable. 

Les  poches  appendiculaires  de  l'estomac,  qui  sont  tubulaires 
chez  les  Araignées,  se  dilatent  beaucoup  plus  chez  les  Fau- 
cheurs, et  présentent  chez  ces  Animaux  une  structure  plus 
complexe.  On  compte  jusqu'à  trente  de  ces  organes:  mais 
l'appareil  hépatique  est  rudimentaire  (i). 


Estomac 

des 
Faucheurs 


(1)  Dans  le  genre  Phalangium,  de 
même  que  chez  les  Arauéides,  la  par- 
tie antérieure  du  tube  digestif  est  con- 
stituée par  un  pharynx  cornéo-mem- 
braneux  logé  dans  une  cavité  formée 
par  un  prolongement  du  squelette  té- 
gumentaire  que  ^1.  Tulk  a  décrit  sous 
le  nom  d'épipharynx  [a).  Sa  paroi  su- 
périeure est  garnie  d'une  crête  cornée 
longitudinale  qui,  par  son  bord  infé- 
rieur, rencontre  deux  autres  lamesana- 
logues  appartenant  aux  parois  latérales 
de  ce  conduit,  de  façon  a  circonscrire 
un  canal  triangulaire  ;  et  c'est  proba- 
blement celte  circonstance  qui  a  induit 
Savigny  en  erreur,  lorsque  cet  habile 
observateur  a  cru  qu'il  existait  chez  ces 
Animaux  trois  orifices  œsopliagiens. 
Des  prolongements  cornes  qui  naissent 
des  pièces  pharyngiennes  dont  je  viens 
de  parler  donnent  attache  à  divers 
muscles  ;  enfin  l'œsophage  qui  fait  suite 
à  cet  appareil  complexe  est  membra- 
neux, et,  après  avoir  traversé  le  collier 
nerveux,  présente  un  petit  renflement 
avant  que  de  s'ouvrir  dans  l'estomac. 
Cette  dernière  poche  ,  qui  est  très 
large  et  ovalaire,  donne  naissance  à 


un  grand  nombre  de  prolongements 
caecaux  (6)  ,  parmi  lesquels  on  re- 
marque :  i°  une  paire  de  grandes 
poches  postéro-dorsales  qui  occupent 
toute  la  longueur  de  l'abdomen  ,  qui 
laissent  entre  elles,  sur  la  ligne  mé- 
diane, un  sillon  où  se  loge  le  cœur,  et 
qui  adhèrent  à  l'intestin  ;  2'  quatre 
paires  de  poches  antéro  -  dorsales  , 
qui  sont  de  petites  dimensions  et 
se  trouvent  au  -  devant  des  précé- 
dentes, dans  la  région  céphalo-thora- 
cique  du  corps  ;  3"  une  paire  de 
grandes  poches  laléro-inférieures,  qui 
sont  très  allongées  et  se  placent  sur 
les  côtés  du  rectum  ;  W  quatre  paires 
de  petites  poches  iatéro-postérieures, 
qui  se  dirigent  de  côté  entre  les  poches 
postéro-dorsales  et  les  grandes  poches 
latéro -inférieures,  mais  qui  ne  nais- 
sent pas  de  celles-ci,  comme  Raradohr 
et  Treviranus  le  supposaient;  5^  enfin 
trois  paires  de  petites  poches  laléro- 
antérieiires,  qui  se  portent  en  dehors, 
au-dessous  du  caecum  dorsal  antérieur 
dont  il  a  été  déjà  question.  L'estomac 
descend  et  s'élargit  beaucoup  entre 
les    caecums    latéro -postérieurs;  en 


(a)  Tulk,  Upon  the  Aiiatomy  of  Phalangium  opilio  (Ann.  of  Nat.  Hist.,  lS4o,  t.  Xtl,  pi.  4, 
fîg.  15). 

(6)  Ramdohr,  Abhandlung  ûber  die  VerAa,mmgswerkx,euge  der  Inseclen,  p.  205,  pi.  29, 
fig.  1  à  5. 

—  Treviranus,  Ueber  den  Innerii  Bail,  der  ungeflûgelteii  Insekten  (Vermischte  Schriflen,  I.  I, 
p.  30,  pi.  3,  %.  16  et  17). 

—  Tulk,  Op.  cit.,  p.  246,  pi.  1-2,  fîg.  17  et  18. 


Estomac 

ries 
Acariens. 


580  AP)'ARE1L    UlGIiSTlF. 

Elnfin,  les  Acariens,  qui  se  nourrissent,  les  uns  de  sues  végé- 
taux, et  les  autres  des  liquides  qu'ils  prennent  dans  le  corps 
des  Animaux  sur  lesquels  ils  vivent  en  parasites,  sont  pourvus 
de  caecums  gastriques  dont  le  développement  est  non  moins 
remarquable.  En  effet,  ces  appendices  forment  de  chaque  côté 
de  l'intestin  une  ou  plusieurs  grandes  poches  lobulées,  ou 
même  rameuses,  et  souvent  c'est  aux  matières  alimentaires 
accumulées  dans  leur  intérieur  que  sont  dues  les  taches  ver- 
dâtres  ou  d'un  brun  rouge  qui  se  voient  sur  l'abdomen  de  ces 
petits  êtres  (1)  ;  mais  chez  quelques  Aiachnides  de  cet  ordre, 
le  canal  digestif  se  simplifte,  et  l'estomac  est  tubulaire,  .ou 
dilaté  seulement,  de  façon  à  offrir  une  multitude  de  petites 
boursoullures  (2). 


arrière,  il  se  conliiuie  avec  un  intestin 
ou  rectum  qui  se  dilate  Ijeaucoiip  , 
puis  se  termine  à  l'anus. 

Le  foie  paraît  être  représenté  par 
un  tissu  granuleux  disposé  en  bandes 
longitudinales,  de  façon  h  ofTrir  l'ap- 
parence d'une  série  de  canaux  vari- 
queux à  la  surface  inférieure  de  l'es- 
tomac («).  Enfin,  il  existe  au-dessus 
de  ce  viscère  deux  paires  de  tubes 
sécréteurs  fort  grêles  qui  ont  été  con- 
sidérés comme  des  vaisseaux  biliaires 
par  Treviranus  [b);  maison  ne  con- 
naît pas  leurs  connexions  avec  l'intes- 
tin, et  M.  Tulk  est  porté  à  croire  que 
ce  sont  des  glandes  salivaires,  parce 
qu'ils  lui  ont  paru  se  rendre  h  la  partie 
antérieure  du  tube  digestif  (c). 

Il  est  aussi  à  noter  que  chez  ces 


Arachnides  qui  ne  se  bornent  pas  à 
sucer  leur  proie,  mais  l'écrasent  et  en 
avalent  des  fragments,  les  parties  non 
digestibles  des  aliments  se  trouvent 
réunies  dans  l'estomac  en  une  masse 
ovalaire  revèUie  d'une  sorte  de  cap- 
sule membraniforme,  résultant  pro- 
bablement d'une  mue  de  la  tunique 
épithélique  de  ce  viscère  {d). 

(1)  Cette  circonstance  a  été  souvent 
notée  par  Dugès  :  par  exemple,  chez 
le  Tetraniclius  telarius,  qui  vit  sur  le 
tilleul,  le  rosier,  <^\<:.,ç.\.VEr\jthrœus 
ignipes,  qui  est  carnassier  (e). 

(2)  Nous  ne  savons  encore  que  fort 
peu  de  chose  relativement  à  la  struc- 
ture des  parties  intérieures  de  tous 
ces  petits  Arachnides;  mais  rien  ne 
me  paraît  justifier  l'opinion  émise  par 


(a)  Treviranus,  Op.  cit.  (Vermischte  Schriften,  1. 1,  pi.  3,  fig.  17). 
—  Tull<,  Op.  cit.  {Ann.  ofNat.  HisL,  I.  XII,  pi.  4,  fig.  18, Vj. 
{b)  Treviranus,  Op.  cit.,  pi.  3,  fig.  16. 
(c)  Tulk,  Op.  cit.,  pi.  4,  Rg.  17,  sv. 
{d)  Idem,  Op.  cit.,  p.  248. 

[e]  Dugès,  Recherches  sur  l'ordre  des  .\carieiis  (.\nn.  des  sciences  nal.,  -J.'  séiio,  1. 1,  p.  t!5,  44, 
pi.  1 ,  ûg.  27). 


TLBE    ALIMENTAIRE    DES    INSECTES.  581 

§  /l.  —  Le  canal  alimentaire  des  Insectes  est  constitué  comme     Apiweii 
chez  les  autres  Animaux  articulés,  par  une  membrane  muqueuse 
revêtue  d'une  couche  musculaire  et  garnie  extérieurement  d'une 


ligeslif 

(les 

Insectes. 


M.  Dujardin,  relativement  à  la  dispo- 
sition de  la  cavité  digcstive  des  Trom- 
bidions,  des  Leninocliaris ,  des  Hy- 
drachnés ,  etc.  ,  cliez  lesquels  ce 
zoologiste  a  bien  distingué  un  œso- 
phage et  un  orifice  anal ,  mais  n'a  pu 
apercevoir  de  parois  propres  à  l'esto  - 
mac  ;  d'où  il  conclut  que  cet  organe 
est  remplacé  par  des  lacunes  qui  exis- 
teraient dans  le  foie,  et  se  prolonge- 
raient entre  les  muscles,  etc.  ;  enfin, 
que  les  aliments  se  répandent  ainsi 
directement  entre  les  difTérenls  or- 
ganes intérieurs  (a).  M.  Bourguignon 
a  décrit  à  peu  près  de  la  même  ma- 
nière l'appareil  digestif  du  Sarcopte 
de  la  gale  {b),  mais  il  y  a  tout  lieu  de 
croire  que  c'est  In  ténuité  des  [uniques 
membraneuses  de  l'esiomacquia  em- 
pêché CCS  observateurs  de  les  distui- 
guer,  et  que  cet  organe  ne  manque 
pas  de  parois  propres. 

En  elfet,  ïreviranus  a  trouvé  chez 
VIxodes  americanus  une  poche  sto- 
macale allongée,  qui  donne  naissance 
antérieurement  à  une  paire  de  cœ- 
cums  tubiformes  et  bifurques  vers  le 
bout  ,  et  postérieurement  à  une  se- 
conde paire  d'appendices  analogues, 
qui  bientôt  se  divisent  on  deux  bran- 
ches dont  l'une  se  trifurque  vers  le 
bout,  et  l'autre,  après  s'être  portée  en 


arrière ,  se  recourbe  en  bas  et  en 
avant.  L'intestin  est  très  court  et  situé 
vers  le  tiers  postérieur  de  la  face  infé- 
rieure de  l'abdomen.  De  chaque  côté 
de  cette  dernière  portion  du  canal  ali- 
mentaire se  trouve  un  tube  sécréteur 
que  Trevivanus  considère  comme  un 
vaisseau  biliaire.  Enfin  cet  anatomisle 
a  vu  dans  la  région  tlioracique  une 
autre  paire  de  caecums  longs  et  très 
grêles  qui  se  rendaient  vers  la  bou- 
che, et  qui  lui  ont  paru  être  des  vais- 
seaux salivaires  (c). 

M.  de  Siebold  est  arrivé  à  des  résul- 
tats analogues  par  l'examen  de  divers 
Ixodes  ;  et  cliez  les  Oribates,  où  cet 
anatomiste  avait  reconnu  également 
l'existence  des  parois  propres  du  tube 
intestinal  [d],  M.  JNicolet  a  vu  que 
ce  canal  se  contourne  beaucoup  sur 
lui-même  et  offre  des  boursouflures 
considérables ,  mais  ne  donne  pas 
toujours  naissance  à  des  appendices 
gastriques  :  par  exemple,  chez  VHoplo- 
phora  magna  (e).  Chez  le  Damœus  ge- 
niculatus,  cet  entomologiste  a  trouvé 
de  chaque  côté  de  l'estomac  un  appen- 
dice en  forme  de  poche  ovoïde  ;  enfin  il 
a  distingué  aussi  chez  cet  Acarien,  à  la 
suite  de  l'œsophage,  un  jabot,  un  esto- 
mac ou  ventriculechylifique,séparédu 
réceptacle  précédent  par  un  sphincter, 


la)  Duiardin.  Mémoire  sur  les  Acariens  {Ann.  des  sciences  nat.,  3»  série,  1845,  t.  III,  p.  15). 
(6)  Treviranus,   Ueher  den  Bau  der  Nigua  {Zeilschrift  fur  Physiologie,  183-2,  1. 1\  ,  p.  189, 

pi.  16,fig.  T  et8).  .    .        ,     ,   vTj  ao 

(c)  Bourguignon,  Traité  entomologique  et  pathologique  de  la  gale  del  Homme,  p.  99. 
td]  SieboM  et  Stannius,  Nouveau  Manuel  d'analomie  comparée,  t.  I,  p.  514. 
.e)Nicolet,  Histoire  naturelle  des  Acariens  qui  se  trouvent  aux  environs  de  Pans  {Archives 

du  Muséum,  1855.  t.  VU,  p.  4H,  pi.  24,  lig.  18). 


582 


APPAREIL    DIGESTIF. 


tunique  séreuse  (1);  mais  il  présente  de  nombreuses  modifica- 
tions de  forme  et  de  structure  :  on  n'y  rencontre  que  des  ves- 
tiges du  système  d'appendices  gastriques  qui  acquièrent,  comme 
nous  venons  de  le  voir,  un  si  grand  développement  chez  la  plu- 
part des  Arachnides,  et  ses  annexes  glandulaires  sont  généra- 
lement moins  nombreuses  que  chez  ces  Animaux.  L'étude  de  cet 
appareil  a  été  poursuivie  chez  un  très  grand  nombre  d'espèces 
par  un   des  entomologistes   les  plus  distingués  de  l'époque 


un  intestin  grêle,  et  un  rectum  qui  est 
aussi  long  que  l'estomac  et  séparé  de 
l'anus  par  un  léger  rétrécissement  (a). 

L'estomac  du  Sarcopte  de  la  gale  a 
été  décrit  par  M.  Lanquetin,  comme 
étant  placé  transversalement  à  la  suite 
de  l'/KSophage,  et  offrant  à  peu  près  la 
forme  d'un  rein  (b]. 

Chez  les  ïardigrades,  qui  se  rat- 
tachent au  groupe  des  Acariens,  et  qui 
ont  été  très  bien  étudiés  par  M.  Doyère, 
l'armature  pharyngienne  dont  j'ai  déjà 
parlé  (c)  est  suivie  d'un  bulbe  muscu- 
laire très  puissant  et  d'une  structure 
très  complexe, qui  paraît  être  un  organe 
de  succion.  Puis  vient  un  œsophage 
garni  d'un  sphincter  cardiaque  et  dé- 
bouchant dans  une  grande  poche  sto- 
macale dont  les  parois  offrent  une 
multitude  de  boursouflures  irrégu- 
lières et  ont  un  aspect  tomenteux  ;  on 
y  aperçoit  des  utricuies  sécréteurs  qui 
se  colorent  sous  l'influence  de  certains 
aliments  et  qui  constituent  probable- 
ment un  appareil  hépatique.  Posté- 
rieurement l'estomac  s'ouvre  dans  une 
espèce  de  cloaque  qui  conduit  à  l'anus. 


Enfin,  de  chaque  côté  du  pharynx  on 
aperçoit  une  glande  salivaire  d'nn 
volume  considérable  (d). 

(1)  La  tunique  interne  ou  muqueuse 
du  tube  intestinal  des  Insectes  est 
pourvue  d'une  couche  épithéliqne 
qui  présente  les  caractères  d'un  tissu 
sécréteur  dans  la  portion  moyenne  de 
cet  appareil ,  mais  qui  est  chilineuse 
vers  les  parties  terminales,  et  acquiert 
parfois  sur  certains  points,  une  con- 
sistance cornée.  Lors  de  la  mue,  il 
arrive  souvent  que  la  portion  posté- 
rieure de  ce  tube  intestinal  se  dé- 
pouille de  cette  tunique  sans  que 
celle-ci  cesse  de  tenir  aux  téguments 
extérieurs.  :  ce  phénomène  s'observe 
chez  le  Ver  à  soie,  par  exemple  (e). 

La  tunique  musculaire  se  compose 
de  deux  couches  de  fibres  :  les  unes 
transversales  et  circulaires,  les  autres 
longitudinales  ;  sa  puissance  -varie 
beaucoup  dans  les  différentes  parlies 
de  cet  appareil. 

La  tunique  externe  ou  péritonéale 
est  extrêmement  délicate. 

Enfin,  on   trouve  dans  l'épaisseur 


(a)  Nicolet,  Op.  cit.,  pi.  24,  fig.  4  7. 

(6)  Lanquetin,  Notice  sur  la  gale  et  sur  l'Animalcule  qui  la  produit,  1859,  p.  44. 

(c)  Voyez  ci-dessus,  page  549. 

(d)  Doyère,  Mémoire  sur  les  Tardigrades,  p.  62,  pi.  14,  fig.  1  et  2  ;  pi.  15,  fig.  1  i 
fig.  3  (extr.  des  Annales  des  sciences  nat.,  2"  série,  t.  XIII  et  XIV). 

(e)  Cornalia,  Monografia  del  Bombice  del  gelso,  p.  106. 


4;  pi.  10, 


TUBE    ALIMENTAIRE    DES    INSECTES.  583 

actuelle,  M.  Léon  Dufoiir  (1)-,  et  pour  en  faire  connaître  ici  la 
structure,  je  crois  utile  de  décrire  d'abord  d'une  manière  brève 
sa  constitution  chez  un  Insecte  où  il  offre  un  haut  degré  dô 
complication  ;  puis  de  passer  en  revue  les  principales  variations 
qui  se  rencontrent  dans  chacune  de  ses  parties  constitutives. 

Chez  une  Sauterelle  du  genre  Épippigère,  par  exemple,  le    Disposuion 
tube  digestif  est  étendu  presque  en  ligne  droite  d'un  bout  du  de  f^ap^pareii 
corps  à  l'autre  (2),  et  il  est  retenu  en  place,  au  milieu  de  la  les  saute'eiies. 

des  parois  ainsi  consliluées  un  grand  Diifour  que    l'on  doit  les  recherches 

nombre  d'ulricuies  sécrétoires  et  de  les  plus  variées   et  les  plus  conipa- 

ramifications  du  système  trachéen.  ralives  sur  ce  sujet  ;  ses  principaux 

(l)  Malpighi   et  Swammerdani  (a)  travaux    ont   été  publiés    dans   une 

furent  les  premiers  à  faire  bien  con-  série  de  monographies  sur  l'organi- 

naîlre  la  disposition  générale  de  l'ap-  salion    des    différents  ordres   de    la 

pareil   digestif  d'un  certain   nombre  classe  des  Insectes  (c)  ;  mais  il  a  con- 

d'Insectes,   et,  de  nos  jours  ,  l'ana-  signé  aussi  beaucoup  d'oiiservations 

tomie  en  a  été  faite  avec  soin  chez  importantes  dans  une  foule  de  mé- 

plusieurs  espèces  par  Ramdohr,  Tre-  moires  spéciaux  insérés  dans  ;les  An" 

viranus,  Suckow  et  quelques  autres  nales  des  sciences  naturelles. 

naturalistes  (6)  ;  mais  c'est  à  M.  Léon  {'2)  11  ne  présente  qu'une  seule  cir- 

(a)  Malpig;lii,  Disscrtatio  epistoHca  de  Bombyce  {Opéra  omnia,  1686,  t.  II). 

—  Swamtnerdam,  Biblia  Naturce,  2  vol.  in-fol.  avec  53  planclies,  dont  32  sont  relatives  à  l'or- 
ganisation des  Insectes,  publié  en  1767. 

(ft)  Ramdolir,  Abhandlung  ûber  die  Verdauungsvjerkzeuge  dcr  Insecteii,.  1  vol.  in-4  avec 
30  planches.  Halle,  1811; 

—  Posselt,  Beitrdge  ziir  Anatomie  der  Insekten.  Tiibingen,  1804. 

—  Marcel  de  Serres,  Observations  sîir  les  Insectes  considérés  comme  ruminants,  et  sur  les 
fonctions  des  diverses  parties  du  tube  intestinal  dans  cet  ordre  d'Animaux,  in-i,  1813  (extr. 
des  Annales  du  Muséum,  t.  XX). 

—  Gacde,  Beilrcige  zur  Anatomie  der  Insekten,  1815,  in-4  avec  2  planclies.  — Wiedemann's 
Zoologisches^  Magasin,  1817,  1. 1,  p.  87. 

—  Treviramis,  mber  die  Saugiverkx-euge  und  den  Sit%  des  Geruchssimis  bei  den  Insekten  {Ver- 
miscUte Schriften,  1817,  t.  Il,  p.  95  et  suiv.). 

—  Suckow,  Verdauungsorgane  der  Insekten  (Heusinger's  Zeltschrift  fiir  organische  Physik, 
1828,  t.  m,  p.  1,  pi.  1  à  9). 

(c)  li.  Dufour,  Recherches  anatomiques  sur  les  Carabiques  et  plusieurs  autres  Insectes 
coléoptères,  in-8  avec  28  planches  (extr.  en  majeure  partie  des  Annales  des  sciences  naturelles 
pour  les  années  1824,  1825  et  1826). 

—  Recherches  anatomiques  et  considérations  entomologiques  sur  quelques  Insectes  coléoptères 
compris  dans  les  familles  des  ^ermestins,  des  Byrrhiens,  des  Acanthopodes  et  des  Leptodactytes 
(Ann.  des  sciences  nat.,  2*  série,  1834-,  t.  I). 

—  Recherches  anatomiques  et  physiologiques  sur  les  Hémiptères,  in-4,  1833,  avec  19  planches 
(extr.  des  Mém.  de  l'Acad.  des  sciences,  Savants  étrangers,  t.  IV). 

—  Recherches  anatomiques  et  physiologiques  sur  les  Orthoptères,  les  Hyménoptères  et  les 
Névroptères,  in-4,  1841,  avec  13  planches  (extr.  des  Mém.  de  l'Acad.  des  sciences,  Sav.  étrang., 
t.  VU). 

—  Études  anatomiques  stir  une  Mouche,  in-4,  1848,  avec  3  planches  (extr.  des  Mém.  de 
l'Acad.  des  sciences,  Sav.  étrang.,  t.  IX). 

— -  Recherches  anatomiques  et  physiologiques  stir  les  Diptères,  1851,  in-4,  avec  11  plnnclios 
(extr.  des  Mém.  de  l'Acad.  des  sciences,  Sav.  étrang.,  t.  XI). 


i)Sh  APPAREIL    DIGESTIF. 

grande  cavité  viscérale,  par  des  brides  membraneuses,  et  une 
multitude  de  petites  trachées  qui  naissent  des  conduits  aériens 
voisins  et  qui  vont  se  ramifier  dans  l'épaisseur  de  ses  parois. 
On  y  distingue  :  1°  un  œsophage,  qui  se  dilate  graduellement, 
de  façon  à  constituer  dans  sa  portion  postérieure  un  premier 
réservoir  alimentaire  que  l'on  désigne  sous  le  nom  de  jabot; 
1°  un  gésier,  ou  estomac  triturant /qui  est  garni  intérieurement 
de  plusieurs  arêtes  longitudinales  en  forme  de  râpes  composées 
de  séries  de  pièces  épithéliques  triangulaires  et  de  consistance 
cornée  ;  3°  un  estomac  proprement  dit ,  ou  ventricule  chyli- 
fique  (1),  dont  la  partie  antérieure  se  prolonge  latéralement 
de  façon  à  donner  naissance  à  une  paire  de  sacs  ou  appen- 
dices caecaux,  appelés  bourses  ventriculaires ;  k"  un  intestin 
grêle,  qui  est  cylindrique  ;  et  5"  un  gros  intestin,  dont  la  por- 
tion'antérieure  se  dilate  de  façon  à  constituer  un  réservoir 
stercoral  qui  est  garni  de  six  bandes  musculaires  écartées  entre 
elles  et  croisées  par  des  faisceaux  charnus  transversaux,  de 
manière  à  circonscrire  des  boursouflures,  et  dont  la  portion  pos- 
térieure, d'une  structure  plus  simple,  est  communément  dési- 
gnée sous  le  nom  de  rectum.  Sur  les  côtés  de  l'œsophage, 
on  remarque  un  appareil  salivaire  très  volumineux  et  d'une 
structure  fort  complexe.  Enfin,  un  nombre  considérable  de 
tubes  sécréteurs  très   longs,  simples,  fort  grêles  et  terminés 


convolution  dans  sa  portion  intesli-  sur  des  considérations  physiologiques 

nale,  et  sa  longueur  ne  dépasse  que  que  je  ne  puis  admettre  sans  beau- 

de  peu  celle  du  corps.  Pour  ce  qui  est  coup  de  réserves  ,  mais  il  est  assez 

relatif  à  sa  forme  générale  et  à  ses  généralement    adopté  par  les   ento- 

diJférentes  parties    constitutives ,  je  niologistes,  et  je  ne   vois  aucun  in- 

renverrai  à  la   figure  qui  en  a  été  convénient  à  en  faire  usage   comme 

donnée  par  M.  Léon  Dufour  (a).  synonyme  du  mot   estomac  propre- 

(1)  Ce    nom ,   introduit    dans    la  ment  dit. 
science  par  M.  Léon  Dufour,  est  fondé 


(a)  L.   Diifour,  Recherches  anatomiques  et  physioloqiques  'sur  les  Orthoptères,  etc.,  pi,   3, 
fig.  35. 


TUBE    ALIMENTAIRE    DES    INSECTES.  585 

en  caecum  par  un  de  leurs  bouts  qui  est  libre,  s'insèrent  à 
l'extrémité  postérieure  du  ventricule  chylifique  et  débouchent 
dans  la  cavité  de  cet  estomac.  La  plupart  des  entomologistes 
les  désignent  sous  le  nom  de  vaisseaux  biliaires^  mais  d'autres 
les  considèrent  comme  des  glandes  urinaires  ;  et  afin  de  ne  rien 
préjuger  quant  à  leurs  fondions,  beaucoup  de  physiologistes 
préfèrent  les  appeler  tubes  de  Malpighi,  d'après  le  naturaliste 
illustre  à  qui  on  en  doit  la  découverte.  Je  dois  ajouter  que  chez 
cet  Orthoptère  on  ne  trouve  pas  de  glandes  anales  groupées 
autour  de  l'intestin,  mais  que,  chez  beaucoup  d'autres  Insectes, 
des  organes  de  ce  genre  existent,  et  que  parfois  ils  prennent 
un  développement  considérable  (1). 


(1)  On  trouve  une  figure  de  l'appa- 
reil digestif  de  la  giaiide  Sauterelle 
verle  (  Locusta  viridissima  )  dans 
l'ouvrage  de  Uaindolir ,  et  celui  de 
VEphippigera  diurna  a  été  très  bien 
représenté  par  M.  L.  Dufour  (a).  Le 
jabot  est  plissé  longiludinalenient  ;  le 
gésier  est  petit  et  globuleux;  les  pla- 
ques cornées  qui  en  constituent  l'ar- 
mature intérieure  ont  la  forme  de  che- 
vrons placés  à  la  file,  avec  leur  angle 
médian  dirigé  endedans  et  en  avant  (6); 
enfin,  dans  les  sillons  qui  séparent  les 
arêtes  triturantes  ainsi  constituées,  se 
trouvent  des  tubercules  cornés.  Les 
deux  caecums  gastriques,  ou  boui'ses 
ventriculaires,  sont  arrondis  et  formés 
par  la  dilatation  des  angles  latéro-an- 
térieurs  du  ventricule  chylifique,  qui, 
dans  tout  le  reste  de  sa  longueur,  est 
cylindrique  et  intestiniforme.  Chez  les 
fiphippigères,  les  Phanéroptèreset  les 
Conocéphales,  il  est  assez  long  pour 


faire  une  circonvolution  sur  lui-même  ; 
mais  chez  les  Locustes  ou  Sauterelles 
proprement  dites  ,  il  est  court  et 
droit.  Les  tubes  malpighiens,  qui  s'in- 
icrenl  à  son  extrémité  postérieure, 
sont  très  nombreux  ,  fort  grêles  et 
souvent  colorés  en  violet  ou  en  brun. 
Us  sont  réunis  en  cinq  faisceaux  qui 
débouchent  chacun  dans  l'estomac 
par  un  petit  trou  commun;  enfin  plu- 
sieurs d'entre  eux  adhèrent  au  som- 
met des  bourses  ventriculaires  par  leur 
portion  supérieure,  de  façon  que  leurs 
bouts  flottants  constituent  une  sorte 
de  pinceau  ou  de  couronne  fixée  à  ces 
organes.  Mais  c'est  à  tort  que  quelques 
auteurs  ont  cru  qu'ils  s'ouvraient  dans 
celle  partie  du  canal  digesUf(c).  L'in- 
testin grêle  est  beaucoup  plus  long 
chez  la  Sauterelle  verle  que  chez 
l'Épliippigère,  mais  il  ne  présente 
rien  de  remarquable  dans  sa  struc- 
ture. 


(a)  Ramdohr,  Abhandl.  ûber  die  Verdauungswerkzeuge  der  Insecten,  pi.  1,  fi;:^.  3. 

—  L.  Dufour,  Recherches  anatomiques  sur  les  Orthoptères,  etc.,  pi.  3,  fig.  33. 

(6)  Ramdohr,  Op.  cit.,  pi.  t,  fig-.  T  et  8. 

(c)  Marcel  île  Serres,  Observ.  sur  les  Insectes  considérés  comme  ruminants,  p.  G9  et  73. 


De  l'œsophage 
et  du  jabot 
des  Insectes. 


586  APPAREIL    DIGESTIF. 

§  5.  —  La  série  des  réservoirs  alimentaires  que  je  viens 
de  décrire  n'existe  pas  toujours  d'une  manière  complète.  Le 
ventricule  chylifique  ne  manque  jamais  ;  mais  chez  un  grand 
nombre  d'Insectes  l'œsophage  est  très  réduit  (i),  et  l'on 
ne  trouve  ni  jabot ,  ni  gésier  :  par  exemple ,  chez  les  Crio- 
cères,  les  Leplures  et  les  Donacies,  parmi  les  Coléoptères  (2), 
ainsi  que  chez  beaucoup  de  larves  de  Diptères  (â).  Le  jabot 


(1)  Quelques  auteurs  ont  pensé  que, 
chez  les  Lépidoptères,  l'œsophage  était 
bifurqué  à  son  exlvéïiuté  antérieure 
pour  correspondre  aux  deux  tubes 
que  l'on  avait  cru  reconnaître  dans  la 
trompe  de  ces  Insectes  (a);  mais  ni 
l'une  ni  l'autre  de  ces  dispositions 
n'existent  en  réalité,  et  cette  portion 
vestibulaire  de  l'appareil  digestif  est 
toujours  un  canal  simple  et  médian^ 

(2)  Chez  les  Crioccres,  l'œsophage, 
court  et  cylindrique,  s'ouvre  directe- 
ment dans  un  estomac  ou  ventricule 
chylifique  très  simple,  dont  la  partie 
postérieure  est  rétrécie  et  donne  in- 
sertion à  trois  paires  de  tubes  mal- 
pighiens;  l'intestin  grêle  est  assez  long 
et  flexueux;  enfin  le  gros  intestin  est 
renflé,  et  donne  attache  à  l'extrémité 
postérieure  et  caecale  des  tubes  mal- 
pighiens,  de  façon  que  ceux-ci  sont 
disposés  en  forme  d'anse  (6). 


Chez  les  Leptures,  l'œsophage  est 
encore  plus  court  et  le  ventricule  chy- 
lifique presque  cylindrique,  mais  le 
gros  intestin  est  plus  allongé  (c).  Il 
en  est  à  peu  près  de  même  chez  les 
Anthrènes  {d),  les  Dryops  (e),  les  Co- 
laspis  (/■),  etc.,  ainsi  que  chez  beau- 
coup de  larves  :  par  exemple,  celles 
des  Priones  et  des  Ténébrions  {g). 

Chez  les  Donacies,  l'œsophage  s'al- 
longe davantage  et  devient  presque 
filiforme;  les  tubes  malpighiens  pré- 
sentent aussi  des  particularités  de 
structure  sur  lesquelles  je  reviendrai 
bientôt  (h). 

Il  en  est  à  peu  près  de  même  chez 
les  Urocérates  (z),  parmi  les  Hyméno- 
ptères. 

(3)  L'œsophage  est  très  court  et  dé- 
bouche directement  dans  l'estomac,  ou 
ventricule  chylifique,  non-seulement 
chezla  larve  de  divers  Diptères,  tels  que 


Idem,  ibid.,  pi.  7,  Rg.  2. 

I  Idem,  Recherches  anatomiques  sur  quelques  Insectes  coléoptères  compris  dans  les  familles 
)ermestins,  des  Byrrhiens,  etc.  (Ann.  des  sciences  nat.,  2'  série,  d834,  1. 1,  pi.  2,  dg.  8). 

î/1nin      ^'/ii/7        .-.1      Ci      r.-v.      A  O 


(a)  Treviranus,  Ueber  die  Saugiuerk%euQe  der  Insekten  (Vermichten  Schrifte,  t.  II,  p.  10^). 

—  Burmcister,  Handhuch  der  Entomologie,  t.  I,  p.  132. 

(b)  L.  Dufour,  Recherches  anatomiques  sur  les  Carabiques,  etc.  {Ann.  des  sciences  nat.,  t.  IV, 
pi.  7,  fig.  3). 

(c)  Idem,  ibid.,  pi.  7,  Rg.  2. 
{d]'- 

des  Der\ 

(e)  Idem,  ibid.,  pi.  2,  Rg.  10. 

if]  ^o\y,  Recherches  sur  les  mœurs ,  l'anatomie  et  l'embryologie  d'un  petit  Insecte  coléoplère 
(Colapsis  atra)  qidravage  les  luzernes,  etc.  [Ann.  des  sciences  nat.,  3=  série,  ■1844,  I.  II,  pi.  4, 
Rg.  i). 

(g)  Posselt,  Beitrage  xtir  Analomie  der  Insekten,  pi.  3,  fig-.  Il  et  22. 

[h)  L.  Dufour,  Rech.  sur  les  Carabiques.  etc.  [Ann.  des  sciences  nat.,  1"  série,  t.  IV,  pi.  7). 

(i)  Suckow,  Verdauungsorgane  der  Insekten  (S^BiKmscv' s  Zeitschrift  fur  die  organisehe  Phy~ 
sik,  1833,  t.  m,  pi.  8,  ùg.  14S). 

—  L.  Dufour,  Recherches  anatomiques  .tur  les  Hyménoptères  de  la  famille  des  Urocérates  (Ann. 
des  sciences  nat.,  i"  série,  1854,  t.  I,  pi.  4,  fig.  9). 


TUBE    ALIMENTAIRE    DES    INSECTES.  587 

est ,  en  général ,  comme  chez  les  Sauterelles ,  une  simple 
dilatation  de  la  portion  postérieure  de  l'œsophage  ;  mais,  chez 
divers  Insectes,  cette  poche  tend  à  se  séparer  du  canal  par- 
couru par  les  aliments,  pour  arriver  dans  l'estomac,  et  elle 
constitue  quelquefois  un  organe  appendiculaire  tout  à  fait, 
distinct  de  ce  tube.  Son  mode  de  formation  a  été  très  bien 
observé  chez  le  Papillon  du  chou  par  Hérold.  Quand  cet  Insecte 
est  à  l'état  de  larve  ou  de  chenille,  la  portion  œsophagienne  du 
canal  digestif  est  d'abord  courte  et  cylindrique;  mais,  par  les 
progrès  du  développement,  elle  s'allonge  plus  que  ne  le  fait  le 
ventricule  chylifique,  et  se  renfle  un  peu  vers  son  extrémité 
postérieure.  Ce  changement  se  prononce  davantage  quand 
l'Animal  est  arrivé  à  l'état  de  nymphe  ou  chrysahde,  et 
alors,  à  l'extrémité  de  l'œsophage,  qui  est  devenu  long  et 
grêle,  on  distingue  un  petit  jabot  fusiforme;  mais  cette  dila- 
tation ne  continue  pas  à  se  faire  d'une  manière  régulière, 
et  s'avance  du  côté  dorsal  seulement ,  de  façon  à  donner 
naissance  à  une  petite  poche  latérale  dont  le  fond  s'agrandit 
plus  que  l'entrée.  A  mesure  que  les  métamorphoses  du  Pa- 
pillon s'avancent,  l'appendice  œsophagien,  ainsi  constitué, 
grandit  rapidement  et  son  col  s'allonge  beaucoup,  de  sorte 
qu'au  terme  de  son  développement,  il  constitue  un  sac  pyri- 
forme  suspendu  à  la  partie  postérieure  de  l'œsophage  et  com- 
muniquant avec  l'intérieur  de  ce  tube  ahmentaire  par  un  canal 
étroit  (1). 


le  Cecidomyia  popuîi  {a),  mais  aussi  Hérold ,   sur  le  développement  des 

chez  quelques  Insectes  du  même  ordre  Papillons,  une  série  très  intéressante 

qui  sont  arrivés  à  l'état  adulte  :  par  de  figures  représentant  les  diverses 

exemple,  les  OEstres  (6).  formes  de  l'appareil  digestif  du  Poniia 

(1)   On   trouve  dans  l'ouvrage  de  ou  P<e?'2s  irassicœ  à  l'état  de  chenille, 

(a)  L.  Dufour,  Histoire  des  métamorphoses  des  Cécidomyies  du  pin  maritime  et  du  peuplier 
[Ann.  des  sciences  nat.,  ^840,  t.  XVI,  pi.  44,  ûg.  9). 

(6)  Joly,  Recherches  iooiogiques,  anatomiqties  et  médicales  sur  les  Œslrides,  p.  50,  pi.  G. 
fig.  3. 


588  APPAREIL    DIGESTIF. 

Lorsque  le  jabot  est  simplement  une  portion  dilatée  de 
l'œsophage,  il  ne  sert  que  comme  réservoir  pour  les  matières 
alimentaires,  qui  s'y  accumulent  avant  dépasser  dans  l'estomac 
proprement  dit,  et  qui  sont  parfois  destinées  à  être  régurgitées 
en  partie.  Ainsi  les  Abeilles,  après  avoir  recueilli  sur  les  fleurs 
des  liquides  sucrés,  retiennent  ces  matières  dans  leur  jabot 
pour  les  transporter  à  leur  demeure,  puis  en  regorgent  la 
majeure  partie,  soit  pour  nourrir  leur  reine  et  leurs  compagnes 
retenues  au  logis  par  d'autres  travaux,  soit  pour  constituer 
le  miel  dont  elles  emmagasinent  des  quantités  considérables 
dans  les  alvéoles  de  leurs  gâteaux,  afin  de  s'en  nourrir  en  temps 
de  disette  (I).  Quelquefois  il  en  est  de  même  chez  les  Insectes 


de  nymphe   et  d'Insecte  parlait  (a).  Les  métamorphoses  du  tube  digestif 

Des   observations     analogues,    mais  ont  ('té  étudiées  aussi  avec  beanconp 

moins  complètes,   ont  été  faites  par  da  soin  cA^cz  le  G astrophaga  pini  pav 

Newportsur  le  Sphinx  iigustri,  dont  Snckow  (e)  ;  mais  chez  ce  f^épidoptère 

cet  entomologiste  a  représenté  com-  il  ne  se  forme  pas  de  jabot,  comme 

parativement  l'appareil   digestif  chez  chez  la  plupart  des  Insectes  du  même 

la  larve  ,  la  nymphe  et  l'Insecte  par-  ordre. 

fait  (6).  Enfin,  les  transformations  su-  (1  )  Comme  exemples  d'hisectes  dont 

bies  par  le   tube  digestif  du  5om?^î/cc  le  jabot  est  bien  développé,  mais  ne 

mori  ont  été  décrites  par  M.  Corna-  consiste  qu'en  une  dilatation  régulière 

lia  (c).  Dulrochct  s'était  occupé  pré-  de  l'œsophage ,  je   citerai  les  Four- 

cédemment  du  même  sujet,  mais  ses  mis  (f) ,  les  Andrènes  (g),  les  Cy- 

observations  sont  très  incomplètes  et  nips  (/i),  les  Scolies  (»)  etles  Sphex  (7), 

souvent  inexactes  (d).  parmi  les  Hyménoptères  ;  les  Blattes  (/.;) 


(rt)  Herold,  Eiitwickelungsgeschichte  dei'  Sclimelterlinge,  '1815,  pi.  3,  ûg.  1  à  12. 
(6)  Newporl,   On  the  Nervous  System  of  the   Sphinx  Iigustri  {Philos.  Trans  ,  1834,  pi.  ■14, 
fig.  H,  12  et  13). 

(c)  Cornalia,  Monografia  del  Bomblce  del  gelso,  1856,  pi.  i,  fi^.  51;  pi.  10,  (ig.  141  et  153  ; 
pl.  12,  flg.  189  et  202. 

(d)  Duirocliei,  Recherches  sur  les  métamorphoses  du  canal  intestinal  che%  les  Insectes  {Journ. 
de  physique.  1818,  t.  LXXXVI.  p.  131.  fig.  1  à  8). 

(e)  Suckow,  Analomische  physiologische   Untersuchungen  der   Insekteii  und  Kruslenlhiere, 
1818,  t.  1,  pl.  2. 

(f)  Ramdolir,  Abhandlung  iiber  die  Yerdauungsiverkzeuge  der  Insecten,  pl.  14,  fig-.  3. 
—  L.  Diifour,  Recherches  sur  les  Orthoptères,  etc.,  pl.  7,  %,  86. 

(g)  Idem,  ihid,,  pl.  C\,  fig.  72. 
\h)  Idem,  ibid.,  pl.  9,  fig.  122. 
(i)  Idem,  ihid.,  pl.  8,  fig.  89. 

(j)  Ranidohr,  Op.  cit.,  pi.  14,  fi^'.  1 . 

(fe)  L.  Onfour,  Recherches  sur  les  Orthoptères,  etc.,  pl,  5,  fig.  44. 


TUBE    ALIMENTÂIHE    DKS    INSECTES.  58') 

OÙ  le  jabot  se  développe  latéralement  en  forme  de  panse  :  par 
exemple,  chez-  la  Courtilière  (1);  mais  quand  cet  organe  se 
sépare  davantage  du  canal  œsophagien  pour  constituer  un  sac 


parmi  les  Orllioplèies  ;  les  Phry- 
gaiies  (a)  et  les  Perles  (6),  parmi 
les  Névroplèies  ;  les  Lépismes  (c), 
parmi  les  Tliysonoiires  ;  enfin  les 
Carabes  (d),  les  Harpales  (e),  les  Ci- 
cindèles  {f),  dans  Tordre  des  Coléo- 
ptères. 

Chez  l'Abeille,  la  partie  poslérienre 
de  l'œsophage  se  dilate  moins  régu- 
lièrement, et  constitue  un  jabot  un 
peu  excentrique  dont  la  capacité  est 
considérable  {g]  :,  chez  le  Bourdon 
terrestre  (/i),  les  Guêpes  (t),  VAthalia 
centifoliœ  ( j) ,  les  Xylocopes  [k)  et 
quelques  autres  espèces  d'Hyméno- 
ptères, l'élargissement  de  cette  por- 
tion du  canal  digeslif  se  fait  principa- 
lement en  dessous,  de  façon  à  donner 
naissance  à  un  sac  qui  a  presque  la 
forme  d'une  panse. 


(1)  La  panse  de  la  Courtilière 
{Gryllotalpa  vulgaris)  est  une  poche 
ovoïde  qui  communique  latéralement 
avec  la  partie  postérieure  de  l'œso- 
phage, par  un  orilice  dépourvu  de 
valvules  (/),  et  non  par  deux  ouver- 
tures, comme  M.  Marcel  de  Serres 
l'avait  supposé  (m).  Ses  parois  sont 
principalement  musculaires,  et  M.  L. 
Dufour  a  reconnu  que  les  matières 
brunâtres  accumulées  dans  son  inté- 
rieur consistent  en  petits  fragments 
des  substances  végétales  dont  ces  In- 
sectes se  nourrissent.  Dans  le  Hrillon 
domestique,  qui  appartient  à  la  même 
famille,  le  jabot  est  quelquefois  déjeté 
de  côté(n),  mais  ce  réservoir  alimen- 
taire ne  constitue  pas  une  panse  laté- 
rale bien  caractérisée,  comme  chez  la 
Courtilière. 


(a)  L.  Dufour,  Recherches  sur  les  Orthoptères,  etc.,  pi.  13,  fig.  208. 

{b)ldem,ibul.,  pi.  i3,  fig.  198. 

(c)  Ramdolir,  Op.  cit.,  pi.  16,  fig.  3. 

((/)  Gaede,  Beitrâge  zur  Anatomieder  Insekten,  1815,  pi.  2,  fig.  4. 

—  Ramilohr,  Op.  cit.,  pi.  25,  (ig.  2. 

(e)  L.  Dufour,  Anatomie  des  Carabiques  {Ann.  des  sciences  nat.,  l.  II,  i-il.  21,  lis,',  'à)- 

(f)  Idem,  Op.  cit.  (Ann.  des  sciences  nat.,  t.  III,  pi.  10,  llg-.  2). 

(g)  Swararaerdam,  Biblia  Naturœ,  pi.  18,  fiir.  1. 

—  Treviranus,  Op.  cit.  [Verm.  Schrift.,  t.  II,  pi.  14,  fig.  3). 

—  Suekow,  Op.  cit.  (Heusinger's  Zeitschr.  filr  organ.  Physik,  t.  III,  pi.  6,  llg.  lil). 

.,     • — ■  L.  Dufour,  Recherches   anatomiques  et  physiologiques  sur  les  Orthoptères,  les  llijincuo- 
ptères  et  les  Névroptères,  pi.  5,  fig.  48. 

(h)  Ramdohr,  Op.  cit.,  pi.  13,  fig.  1. 

(i)  Idem,  ihirf.,  pi.  12,  %.  6. 

—  Suekow,  Op.  cit.  (Heusinger's  Zeitschr.,  l.  III,  pi.  5,  fig.  128). 

—  Burnieister,  Op.  cit.,  pi.  9,  fig.  10. 

())  Newport,  Observation»  on  Ihe  Anatomy,  Habits  and  Economy  of  Ihe  Alhalla  cuiilifolia;,  1 838, 
p.  7,  fig.  0  et  7. 

(k)  L.  Dufour,  Op.  cit.,  pi.  6,  fig.  122. 

(l)  Suekow,  Op.  cit.  (Heusinger's  Zeitschrift,  1833,  I.  III,  pi.  7,  fi..^-.  134), 

—  L.  Dufour,  Recherches  anatomiques  et  physiologiques  sur  les  Orthoptères,   1841,  p.  65, 
pi.  -2,  fig.  19. 

—  Burnieister,  Handbuch  der  Entomologie,  t.  I,  pi.  H,  fig.  7. 

(m)  Marcel  de  Serres,  Observations  sur  les  Insectes  considérés  comme  ruminants,  p.  08. 
(«)  Ramdohr,  Op.  cit.,  pi.  1,  fig.  1. 

—  Marcel  de  Serres,  Op.  cit.,  pi.  1,  fig.  1. 


590  APPAREIL    DIGESTIF. 

appendiciilaire,  ainsi  que  cela  se  voit  chez  les  Lépidoptères,  il 
paraît  être  quelquefois  destiné  à  intervenir  principalement  dans 
le  mécanisme  de  la  succion,  et  faire  fonction  de  pompe  aspi- 
ratoire;  du  reste,  son  jeu  n'est  pas  encore  connu  d'une  manière 
satisfaisante  (1).  Il  est  aussi  à  noter  que  dans  l'ordre  des  Di- 
ptères, où  le  jabot  présente  presque  toujours  ce  -mode  d'orga- 
nisation, cet  appendice  œsophagien  est  pourvu  d'un  col  étroit 
et  fort  long  qui  naît  dans  le  voisinage  de  la  bouche,  au  lieu  de 
se  détacher  du  tube  alimentaire  près  de  l'estomac,  comme  chez 
les  Papillons  (2). 


(1)   Chez  les  Lépidoptères,  cette  il  est  fort  réduit  (e);  enfin,  chez  le 

poche  ,  que  les  entomologistes  aile-  Chelonia  caja  (/'),  ainsi  que  chez  le 

mands    appellent    V estomac   suceur.  Cossus  ligniperda  et  le  Gastrophaga 

ou   vessie  aspiratoire   (a) ,   consiste  pini,  où  la  trompe  est  rudiraentaire, 

ordinairement  en  un  sac  arrondi  qui  cette  espèce  de  panse  paraît  manquer 

naît  à  angle  droit  de  l'œsophage  par  complètement  {g). 

uu  col  étroit,  et  se  prolonge  en  arrière  11  est  aussi  à  noter  que,  chez  les 

au-dessus  de  l'estomac   proprement  Lépidoptères,  cet  organe  ne  contient 

dit  (6).  Quelquefois  il  est  profondé-  ordinairement  que  de  l'air,  et  ce  serait 

ment  bilobé,  par   exemple  chez  les  en  cédant  à  la  dilatation  de  la  partie 

Zygènes  (c),  et   son   développement  voisine  de  la  cavité  viscérale,  qu'il 

paraît  être  généralement  en  rapport  pourrait  déterminer  dans  l'œsophage 

avec  celui  de  la  trompe.  Ainsi,  chez  un  mouvement  d'aspiration, 

le  Vanessa  urticœ,  cet  appendice  œso-  (2)  Chez  les  Diptères,  ce  jabot  ap- 

phagien    est  très  grand  (cl),  tandis  pendiculaire  contient  souvent  des  ma- 

que   chez  VAttacus    pavonia  minor  tières  alimentaires  (/i),  et  ses  fonctions 

(a)  Saugblase  (voy.  Treviranus,  Op.  cit.,  in  Verm.  Schrift.,  t.  II,  p.  104-). 

—  Saugmagen  (voy.  Burmeister,  Op.  cit.,  t.  I,  p.  134). 

(b)  Exemples  :  Pontia  brassicœ  (voy.  Nowport,  art.  Insecta  in  Todd's  Cyclopœdia  of  Anat.  and 
Physiol.,  1. 11,  p.  973,  fig.  431). 

— •  Sphinx  liguslri  (voy.  Newport,  art.  Insecta,  loc.  cit.,  p.  973,  fig.  430). 

—  Yponomeuta  evonymella {\'oy.  Suckow,  Verdauungsorg.  der  Insekten,mïieus\ngoT'sZeitschr. 
fur  org.  Physik,t.  III,  pi.  9,  fig.  161). 

(c)  Raradohr,  Verdauungswerkzeuge  der  Inseeten,  pi.  18,  fig.  1. 

—  Suckow,  Anat.  Physiol.  Uiitersuchungen  der  Insekten  und  Krustenthiere,  pi.  2,  fig.  10. 

(d)  Treviranus,   Ueber  des  Saugen  und  das  Geruchsorgan  der  Insekten  (Annalen  der    Wet- 
terauischen  Gesellscliaft  fiir  die  gesammte  Naturkunde,  1812,  t.  III,  p.  158,  pi.  IG,  fig.  7). 

(e)  Idem,  ibid.,  pi.  17,  fig.  8. 
if)  Idem,  ibid.,  pi.  17,  fig.  9. 

(g)  Treviranus,  Ueber  die  Sauwerkzeuge  und  den  Sitz  des  Geruchssins  bey  der  Insekten  (Verm. 
Schriften,  t.  II,  p.  109). 

[h)  Ramdolir,  Op.  cit.,  p.  173,  etc. 

—  Newport,  art.  Insecïa  (loc.  cit.,  t.  II,  p.  972). 

—  L.  Dufom-,  .inatomie  des  Diptères,  p.  253,  etc. 


TUBE    ALIMENTAIRE    DES    INSECTES.  591 

Les  parois  de  ce  premier  réservoir  alimentaire  sont  revê- 
tues, comme  l'œsophage,  d'une  couche  chitineuse  qui  est 
souvent  lisse  et  homogène,  mais  qui,  d'autres  fois,  s'épaissit 
sur  certains  points  plus  que  sur  d'autres,  et  donne  ainsi  nais- 
sance à  des  plaques  squamiformes  dont  le  sommet  se  dirige 


Armalui'c 
inlerne 
du  jabol. 


comme  organe  de  succion  me  paraissent 
encore  moins  probables  que  chez  les 
Lépidoptères.  Quoi  qu'il  en  soit ,  ce 
réservoir  ne  manque  presque  jamais 
dans  cet  ordre,  et  se  compose  généra- 
lement d'un  canal  cylindrique  très 
long  et  étroit  qui  se  termine  par  une 
dilatation  en  forme  de  poche  simple 
ou  bilobée.  Chez  !a  larve  de  la  grande 
Mouche  commune  {Sarcophaga  hœ- 
morrhoidalis),cet  appendice  œsopha- 
gien consiste  seulement  en  un  caecum 
membraneux  qui  prend  naissance  près 
de  la  bouche,  et  qui  est  susceptible  de 
se  distendre  beaucoup  (a)  ;  mais  chez 
l'Insecte  parfait  son  col  s'allonge  con- 
sidérablement, et  il  se  termine  par  un 
grand  sac  bilobé  (6).  Comme  exem- 
ples de  Diptères  à  panse  bilobée ,  je 
citerai  aussi  la  Mouche  de  la  Viande, 
ou  Sarcophaga  carnaria  (c),  YEphip- 


pium  thoracicum  {d)  et  le  Tabanus 
tropicus  (e). 

La  poche  terminale  de  cet  appen- 
dice œsophagien  est  même  nnilti- 
lobée  chez  quelques  Diptères  ,  tels 
que  la  Mouche  domestique  (  /"  )  , 
le  Bombyiius  major  (^),  le  Leptis 
tringaria  {h)  et  le  Dolichopus  niti- 
dus  [i). 

Cet  organe  est  au  contraire  simple 
chez  les  Cousins  (j),  la  pUipart  des 
Tipulaires  [k],  les  Dasypogons  (/),  le 
Scenopinus  fenestralis  (??^),etc. 

Chez  le  Phora  paUipes,  son  pédi- 
cule, au  lieu  de  naître  près  de  la 
bouche  comme  d'ordinaire,  provient 
de  la  partie  postérieure  de  l'œso- 
phage ,  comme  chez  les  Lépidop- 
tères !nj. 

Enlin,  la  panse  manque  chez  les 
Pupipares,  et  peut-être  aussi  chez  les 


(a)  L.  Dufour,  Études  anatomiques  et  physiologiques  sur  une  Mouche,  p.  38,  pi.  3,  fin'.  20 
(exlr.  des  îlém.  de  V Acad.  des  sciences,  Sav.  étrang.,  t.  IXj. 
(&)  L.  Dufour,  loc.  cit.,  pi.  3,  %.  27, 

(c)  Suckow,  Verdaimngsorgane  der  Insekten  (Heusing-cr's  Zeilschr.  fur  orgiin.  Phijsik  ,  t.  III, 
pi.  9,  fig.  ^53). 

(d)  L.  Dufour,  Recherches  mmtoniiqties  et  physiologiques  sur  les  Diptères,  pi.  4,  fig.  iS. 

(e)  Ramdohr,  Op.  cit.,  pi.  21,  fig.  l. 

—  h.'Quioxiv,  Recherches  anatoir^ques  et  physiologiques  sur  les  Diptères,  pl.  4,  Cg.  37. 
(/■)  Ramdohr,  Op.  cit.,  pl.  19,  fig.  2. 

(g)  Idem,  ibid.,  pl.  20,  fig-.  2. 

(/!)  L.  Dufour,  Op.  cit.,  pl.  0,  fig;.  70. 

(i)  Idem,  ibid.,  pl.  6,  fig.  73. 

(j)  Exemples  :  Tipula  lunata  (voy.  Ramdolir,  Op.  cit.,  pl.  20,  fig.  1). 

—  Tipula  oleracea  (voy.  L.  Dufour,  Recherches  anatomiques  et  physiologviues  sur  les  Diptères, 
pl.  3,  fig.  23). 

(k)  Exemple  :  Culex  annulatus  (voy.  Dufour,  Op.  cit.,  pl.  2,  fig-.  18). 
(J)  L.  Dufour,  Op.  cit.,  pl.  5,  fig.  52. 
(m)  Idem,  ibid.,  pl.  7,  fig.  84. 
{n)  Idem,  ibid.,  pl.  11,  fig.  134. 


59'2  APPAtŒIL    DIGESTIF. 

en  arrière,  ou  à  des  filamenls  qui  ressemblent  à  des  poils  (1). 
Entre  la  tunique  muqueuse  qui  porte  ce  revêtement  ëpithé- 


Asiles  («].  En  général,  les  larves  en 
sont  également  privées  (6). 

Plusieurs  Névroplèrcs  sont,  à  l'état 
adulte,  pourvus  d'une  panse  à  col 
étroit,  qui  naît  à  la  partie  postérieure 
du  jabot  :  les  Foumilions  (c) ,  les 
Corydales  (d),  les  Siaiis  (e) ,  les  Ilé- 
mérobes  [f)  et  les  Osmyles  [g) ,  par 
exemple  ;  mais  cet  organe  n'est  pas 
encore  développé  chez  leurs  larves  {h). 

11  n'en  existe  aucune  trace  chez 
d'autres  Insectes  parfaits  du  même 
ordre  ,  tels  que  les  Éphémères  (ij, 
les  Perles  (j) ,  les  Panorpes  {k),  les 
Phryganes  (/),  les  Termites  {m),  et 
les.LibelIuliens  (n). 


Chez  quelques  Hyménoptères,  il 
existe  une  panse  à  col  très  court  à  peu 
près  comme  chez  les  Lépidoptères  : 
par  exemple,  chez  les  Crabronites 
du  genre  Lyrops  (o),  le  Palarus  et 
le  Trypoxylon.  Mais  ,  en  général , 
dans  cet  ordre,  l'œsophage  ne  se  di- 
late que  circulairement,  de  manière 
à  constituer  un  jabot  simple.  Quel- 
quefois il  est  bilobé  de  façon  à  simu- 
ler une  double  panse  ,  disposition  qui 
se  voit  chez  plusieurs  Chrysidiens  {■[>). 

(1)  Ainsi,  chez  VOryctes  nasicor- 
nis,  la  couche  épithélique  du  jabot 
est  lisse  {q),  tandis  que  chez  les  Han- 
netons elle  est  hérissée  de  pointes  (r)  ; 


(a)  L.  Bixiom,  Recherches  anatomiques  et  physiologiques  sur  les  Diptères,  1242. 

(b)  Exemples:  Ceciiomijia pini  mantimœ  (voy.  L.  Diifour,  Histoire  drs  métamorphoses  des 
Cecidomyies,  dans  Ann.  des  sciences  nat.,  3"  série,  t.  VII,  pi.  14,  llg.  9). 

—  Supromyza  blepharipteroides  {voy.  L.  Diifour,  Mém.  sur  les  métamorpltoses  de  plusieurs 
larves  fonyivores,  dans  Ann.  des  sciences  nat.,  2"  série,  t.  XII,  pi.  1,  li;;.  4). 

(c)  Ramdohr,  Verdauungsweneuge  der  Inser.ten,  pi.  17,  lig.  2. 

—  L.  Diifour,  Recherches  sur  les  Orlhoplères,  les  Hyménoptères  et  les  Névroptères,  pi.  12, 
llg.  179. 

(d)  Lnidy,  On  the  internai  Anatomy  of  Coryilalus  corniitus  (Journal  of  the  American  Academy 
of  Arts  and  Sciences,  1848,  pi.  2,  fig-.  2). 

(e)  L.  Dnfour,  Op.  cit.,  pi.  12,  fig.  184. 

(f)  Ramdoln-,  Op.  cit.,  pi.  17,  fig.  G. 

—  L.  Dnfour,  Op.  cit.,  pi.  13,  fig.  191. 

(g)  L.  Dufoui-,  Recherches  sur  l'anatomie  et  l'histoire  ualurelle  de  TOsmylus  inaculalus  (Ann. 
des  sciences  nat.,  3°  série,  1848,  t.  L\,  pi.  10,  lig.  17). 

(h)  Exemple  :  la  larve  du  Fourmilion  (voy.  Ramdohr,  Op.  cit.,  pi.  17,  lig.  1). 

(i)  L.  Dulbur,  Op.  cit.,  pi.  11,  fig.  1G7. 

IJ)  Idem,  ibid.,  pi.  13,  fig.  198. 

(fc)kloni,  ibid.,  pi.  H,  fig.  109. 

{l)  Ramdohr,  Op.  cit.,  pi.  10,  fig.  1 .  ^ 

—  L.  Dnfour,  Op.  cit.,  pi.  13,  fig.  208. 
(m)  Idem,  ibid.,  pi.  13,  fig.  190." 

(n)  Ramdohr,  Op.  cit.  pi. 15,  fig.  3  cl  4. 

—  L.  Dufonr,  Op.  cit.,  pi.  11,  fig.  158. 

(o)  Idem,  ibid.,  pi.  8,  fig.  90,  97,  98  et  100. 

(p)  Exemples  :  Chrysis  fulgida  (voy.  L.  Dufour,  Op.  cit.,  pi.  9,  fig.  113). 

—  Hedychrum  luciduhim  (voy.  L.  Dufour,  Op.  cit.,  pi.  9,  fig.  IIG). 

(q)  H.  Meckol  ,  Mikrographie  einiger  Drilsenapparate  der  niederen  Thiere  (Miiller's  Archiv 
fur  Anal,  und  Physiol.,  1840,  p.  19. 

• —  Basth,  Unlcrsuchuny  iiber  das  chylopoctische  und  îwopoetische  System  der  Blatta  orienlalis 
(Sitaungsber.  der  Wietier  Akad.,  1858,  t.  XXXllI,  p.  241,  pi.  2,  fig.  2  et  3). 

—  Sirodoi,  Recherches  sur  les  sécrétions  chez  les  Insectes  (Ann.  des  sciences  nat.,  4"  série, 
1858,  l.  X,  p.  153). 

(r)  Slraus,  Considérations  sur  l'analoniie  comparée  des  Animaux  articulés,  pi.  5,  fig.  8. 


du 
gésier. 


TUBE    ALIMKISTAIUE    DES    INSECTES.  593 

lique  et  la  couche  musculaire  qui  l'enveloppe,  on  trouve  par- 
fois un  nombre  considérable  de  petites  cellules  ovoïdes  :  le 
développement  de  ce  tissu  utriculaire  paraît  être  en  raison 
inverse  de  celui  des  glandes  salivaires,  dont  j'aurai  bientôt  à 
parler,  et,  chez  les  Insectes  où  ces  divers  organes  sont  plus 
ou  moins  rudimentaires,  les  ampoules  en  question  ici  pré- 
sentent tous  les  caractères  de  follicules  et  communiquent  avec 
la  cavité  du  jabot  par  des  conduits  excréteurs  d'une  grande 
ténuité  (1). 

Le  gésier,  que  nous  avons  vu  faire  suite  aujabot  chez  la  Saute-  structure 
relie,  et  y  constituer  un  appareil  de  trituration,  est  également 
très  développé  et  armé  d'une  manière  puissante  chez  la  plupart 
des  Insectes  broyeurs  qui  se  nourrissent  d'herbes,  d'animaux  à 
téguments  coriaces,  ou  d'autres  substances  dont  la  consistance 
est  assez  considérable  pour  être  difficilement  attaquées  par  les 
sucs  digestifs  ;  mais  cet  organe  manque  ou  se  trouve  réduit  à  un 
état  rudimentaire  chez  les  espèces  dont  les  aliments  sont  Hquides 


mais,  dans  ce  cas,  cette  portion  du  ovoïdes  dont  il  a  vu  naître  des  cylin- 

tube  digestif  me  semble,  en  général,  dres  très  grêles,  et,  en  étudiant  ceux- 

mériter  le  nom  de  gésier  plutôt  que  ci,  il  a  reconniique  ce  sont  des  tubes 

celui  de  jabot.  d'une  ténuité  extrême  qui  vont  débou- 

(1)  M.  Sirodot  n'a  pu  découvrir  au-  cher  à  la  surface  interne  du  jabot  (a). 

cune  communication  entre  les  grandes  II  en  conclut  que  ce  sont  autant  de 

utricules  sous-muqueuses  du  jabot  et  glandes  simples,  et  des  considérations 

la  cavité  de  cet  organe  chez  les  Gril-  dont  j'aurai    à  parler  ailleurs  l'ont 

Ioniens,  qui  ont  un  appareil  salivaire  conduit  à   les  regarder  comme  des 

très  développé  ;  mais  chez  les  larvesde  organes  sécréteurs  de  la  salive.  Quel- 

VOryctes  nasicornis,  qui  sont  privées  quefois  les  glandulesdu  jabot  se  pro- 

de  glandes  de  ce  genre,  il  a  trouvé  longent  même  à  la  surface  externe  de 

sous  la  tunique  muqueuse   de  cette  cet  organe  sous  la  forme  de  petits 

portion  du  tube  digestif  une  couche  caecums  villeux  :  par  exemple,  chez 

épaisse  composée  de  grandes  utricules  les  Cicindèles  (6). 


(a)  Sirodot,  Op.  cit.  {Ann.  des  sciences  nat.,  4"  série,  t.  X,  p.  174  ot  suiv.,  pi.  il ,  fig.  1  à  4). 
(&)  L.  Uufoui-,  Reclierches  sur  les  Carabiques,  etc.  {.inu.  des  sciences  nat.,  1824,  t.  lU,  pi.  10, 
fi-.  2). 

V.  38 


594  APPAREIL    DIGESTIF. 

OU  très  mous.  Ainsi,  chez  tous  les  Orthoptères  (1),  il  existe  un 
gésier  très  bien  constitué  ;  chez  les  Grilloniens,  surtout  les  dents 
cornées  qui  garnissent  l'intérieur  de  cet  organe,  et  qui  consti- 
tuent six  râpes  disposées  de  façon  à  agir  les  unes  contre  les 
autres,  sont  extrêmement  nombreuses  et  fortes  ("i) .  Il  existe  aussi 
un  estomac  triturant  chez  un  grand  nombre  de  Coléoptères  qui 
se  nourrissent,  soit  de  matières  végétales  plus  ou  moins  dures, 


(1)  M.  Léon  Dufour  considère  les 
Criquets  ou  Acridiens  comme  faisant 
exception  à  cette  règle  ;  mais  La  por- 
tion de  leur  tube  digestif,  que  cet 
anatoraiste  appelle  jabot,  me  semble 
être  en  réalité  un  gésier.  En  effet,  la 
tunique  interne  de  cet  organe  est 
garnie  d'un  grand  nombre  d'arêtes 
linéaires  de  consistance  subcartilagi- 
neuse et  armées  d'une  série  de  petites 
pièces  dentiformes,  de  façon  à  agir 
à  la  manière  de  râpes  très  fines.  Ces 
plaques  épidermiques  manquent  à  la 
partie  antérieure  de  la  paroi  inférieure 
de  ce  premier  estomac,  où  l'on  re- 
marque un  espace  inerme  qui  est 
limité  par  un  filet  calleux  (a). 

(2)  Chez  la  Gourlilière,  par  exem- 
ple, le  gésier,  qui  est  d'une  forme 
ellipsoïdale  (6)  et  qui  se  trouve  à  la 
partie  antérieure  de  l'abdomen,  a  une 
consistance  cartilagineuse,  et  présente 
à  sa  surface  interne  six  côtes  longi- 
tudinales saillantes  et  armées  d'un 
nombre   très  considérable   de   dents 


chitiniques,  brunâtres,  disposées  sur 
cinq  rangées  longitudinales  et  offrant 
des  formes  variées  (c).  Les  sillons, 
situés  entre  les  espèces  de  râpes  ainsi 
constituées  présentent  chacun  deux 
filets  cornés  qui  donnent  insertion 
aux  fibres  musculaires  destinées  à 
mettre  en  mouvement  cet  appareil 
triturant. 

Chez  les  Blattes,  les  pièces  dentaires 
du  gésier  sont  moins  nombreuses,  mais 
plus  robustes  que  chez  la  plupart  des 
autres  Orthoptères  ;  elles  ont  une  du- 
reté presque  osseuse,  et  leur  forme 
varie,  les  unes  étant  simplement  co- 
noides,  les  autres  garnies  d'arêtes  den- 
ticulées  ;  par  leur  réunion  elles  con- 
stituent une  râpe  tabulaire,  et  quand 
on  les  renverse  en  dehors ,  en  re- 
tournant la  portion  du  canal  digestif 
dont  elles  dépendent,  elles  simulent 
une  rosace  à  six  branches  {cl).  La 
disposition  de  cet  appareil  triturant 
est  à  peu  près  la  même  chez  les 
Mantes  (e). 


L.  Dufour,  Recherches  si{,r  les  Orthoptères,  etc., 
5,  0,  7,  8). 


(a)  Exemple  :  l'Œdipoda  cœrulescens  (voy. 
pi.  1,  fie.  8  et  10). 

(6)  Kidd,  Oti  the  Anatomy  of  the  Mole-Cricket  {Philos.  Trans.,  1825,  pi.  iô,  fi 
—  L.  Dufour,  Op.  cit.,  pi.  2,  fig.  19). 

Suckow,  Op.  cit.  {Hcnsinger's  Zeitschr.  filr  oryan.  Physik,  1. 111,  pi.  7,  Cig.  130), 

Idem,  ibid.,  pi.  3,  fip;.  24. 

Ramdohr,  Abhandl.  ûber  die  Verdauiingswerkzeurje  der  Iiisecten,  pi.  1,  fig.  10  et  12. 

Marcel  de  Serres,  Observ.  sur  les  Insectes  considérés  comme  j'undnants ,  etc.,  pi.  2,  fig.  2 

•  L.  Dufour,  Op.  cit.,  pi.  4,  fig.  -iG. 
Marcel  de  Serres,  Op.  cit.,  pi.  2,  fig.  5. 


(c) 
id) 

et  3. 


TUBE    ALIMENTAIRE    DES    INSECTES. 


595 


soit  de  substances  animales  coriaces  qui,  pour  être  facilement 
digérées  ,  ont  besoin  d'être  très  divisées.  Chez  les  Cicin- 
déiètes ,  les  Carabes ,  les  Dytisques  et  les  Bostriches ,  par 
exemple,  le  gésier  est  bien  constitué  et  pourvu  d'une  armature 
puissante  (1);  mais  chez  les  Insectes  de  cet  ordre  qui  se  repais- 
sent de  débris  de  corps  organisés,  du  pollen  des  fleurs  ou  de 
feuilles  tendres,  ainsi  que  le  font  les  Coprophages,  les  Hanne- 
tons et  les  Coccinelles ,  on  n'en  trouve  aucune  trace.  Cet 
organe  manque  aussi  chez  beaucoup  de  Névroptères,  mais  est 
assez  puissamment  organisé  chez  les  Termites,  qui,  par  leur 
régime,  ressemblent  à  certains  Orthoptères,  et  qui  dévorent 
des  substances  très  dures  (2).  Enfin,  le  gésier  manque  ou  se 


(1)  Le  gésier  des  Colëopères  de  la 
grande  famille  des  carnassiers  est 
globuleux  ou  ovoïde  et  de  consistance 
cartilagineuse.  A  Tintérieur,  il  est 
garni  de  quatre  plaques  cornées  prin- 
cipales, qui  sont  échancrées  en  avant 
et  suivies  en  arrière  de  denticules 
acérées;  elles  laissent  entre  elles  au- 
tant de  sillons  longitudinaux  au  fond 
de  chacun  desquels  se  trouve  une 
arête  cornée  ;  enfin,  sur  les  côtés  de 
celle-ci  sont  rangés  des  poils  roides  et 
pointus  qui  sont  disposés  en  manière 
de  brosse  (a). 

Chez  les  Dytisques,  ces  huit  séries 
de  pièces,  alternativement  simples  et 
doubles,  sont  toutes  portées  sur  des 
tubercules  cliarnus  (6). 

Chez  les  Staphylins,  il  existe  aussi 


un  gésier  oblong  dont  'les  parois  ont 
une  consistance  rénitente  et  sont 
garnies  intérieurement  de  quatre 
arêtes  brunes;  mais  l'armature  de 
celles-ci  est  beaucoup  moins  puis- 
sante, et  ne  consiste  qu'en  denticules 
sétiformes  disposées  en  manière  de 
brosse,  avec  leurs  pointes  dirigées  vers 
l'axe  de  l'organe  (c). 

(2)  L'existence  d'un  estomac  tritu- 
rant chez  les  Termites  a  été  signalée  par 
M.  Burmeister  [d),  et  une  description 
détaillée  de  cet  organe  a  été  donnée 
par  M.  Lespés.  Sa  surface  interne  est 
garnie  de  douze  lames  cornées  et 
poilues,  qui  sont  reployées  sur  elles- 
mêmes  et  disposées  par  paires  sur  six 
tubercules  charnus  (e).  Il  existe  aussi 
un  estomac  triturant,  très  fortement 


(a)  Exemples  :  Carabus  auratus  (voy.  L.  Dufour,   Rech.  sur  les  Carabiques,  dans  Ann.  des 
sciences  nat.,  i"  série,  t.  II,  pi.  20,  dg.  2). 

—  Cicindela  canipestris  (voy.  RamJolir,  Op.  cit.,  pi.  3,  Rg.  1  et  4). 
(6)  Ranidolir,  Op.  cit.,  pi.  2,  fig.  4. 

(c)  Idem,  ibid.,  pi.  3,  fig.  7  et  «. 

—  Léon  Dufour,  Op.  cit.,  p.  25. 

(d)  Bm-meister,  HMidbuch  der  Entomologie,  p.  137,  pi.  H,  fig.  8,  9  et  40. 

{e)  Lespés,  Recherches  sur  l'organisation  et  les  mœurs  du  Termite  lucifuye  {Ann.  des  sciences 
nat.,  4»' série,  4  856,  t.  V,  p.  236,  pi.  6,  fig.  38). 


596  Al»l>AUElL    Î)1GESTIF. 

trouve  réduit  à  un  état  rudimentaire  chez  les  Hyménoptères  (1), 
les  Hémiptères,  les  Lépidoptères  et  les  Diptères,  dont  les  ali- 
ments, eomme  je  l'ai  déjà  dit,  sont  toujours  liquides  {'2). 
L'orifice  qui  conduit  soit  du  gésier,  soit  du  jabot,  ou  môme 


.Trmé,  chez  la  larve  du  Corydalus  cor- 
nutus.  Mais,  chez  le  même  Insecte  à 
Tétat  adulte,  les  plaques  dentaires  dont 
cet  organe  était  gainii  n'existent  plus, 
et  cette  portion  du  tube  digestif  ne  mé- 
rite plus  le  nom  de  gésier  (a). 

Chez  la  plupart  des  autres  Névro- 
ptères,  le  gésier  est  rudimentaire. 
Cependant,  chez  les  Fourmilions,  cet 
organe,  quoique  très  petit,  est  armé 
intérieurement  de  huit  écailles  ou 
pièces  cornées,  lancéolées  postérieu- 
rement et  disposées  en  entonnoir  (6). 
Chez  la  l'anorpe,  le  gésier,  qui  fait 
suite  à  l'œsophage,  est  plus  volumi- 
neux (c) ,  et  sa  tunique  épithélique 
est  garnie  de  poils  ou  appendicules 
cornés  disposés  en  brosse  {d).  Enfin, 
chez  les  llémérobes,  cet  estomac  tritu- 
rant est  globuleux  et  garni  seulement 
de  huit  petites  pièces  cornées  sub- 
triangulaires  et  linéaires  (e).  Chez  les 
Libelluliens,  les  ferles,  les  Sialis,  les 
Éphémères  et  les  Phryganes,  il  n'y  a 
pas  de  gésier. 

(1)  Chez  les  Hyménoptères,  il  existe 
généralement  un  gésier  rudimentaire 
qui  ressemble  à  un  sphincter  cardiaque 


plutôt  qu'à  un  véritable  estomac  tri- 
turant ,  et  qui  est  souvent  engaîné 
dans  la  partie  postérieure  du  jabot,  de 
façon  à  ne  pas  être  visible  extérieu- 
rement. Cette  dernière  disposition  se 
remarque  chez  l'Abeille,  le  Bourdon, 
la  Guêpe,  etc.,  où  le  gésier  est  garni 
intérieurement  de  quatre  petites  co- 
lonnes charnues  à  surface  calleuse,  et 
s'élève  en  forme  de  tubercule  au  fond 
de  la  cavité  du  jabot  (/"). 

(2)  Chez  les  Lépidoptères  qui  sont 
encore  à  l'éiat  de  larves  et  qui  se  nour- 
rissent d'aliments  solides,  on  trouve 
parfois,  à  la  suite  d'un  jabot  assez  dé- 
veloppé, un  gésier  charnu,  mais  dont 
la  tunique  interne  n'offre  pas  d'arma- 
ture comparable  à  ce  qui  se  voit  chez 
les  Orthoptères  et  beaucoup  de  Co- 
léoptères. Celte  disposition  organique 
est  très  bien  caractérisée  chez  la  che- 
nille du  Cossus  ligniperda,  où  le  jabot 
constitue  la  partie  du  tube  alimentaire 
que  Lyonnet  a  appelée  la  portion 
moyenne  de  l'œsophage,  et  le  gésier 
est  représenté  par  celle  que  cet  ana- 
tomiste  a  figurée  sous  le  nom  de 
portion  postérieure  de  l'œsophage  [g). 


(à)  Laidy,  Internai  Analomy  of  Corydalus  cornulus  (Journal  of  tlie  American  Academy  of  Arts 
and  Sciences,  1848,  pi.  2,  lig-.  G). 

(6)  L.  Dufour,  Recherches  sur  les  Orthoptères,  les  Hyménoptères  et  les  Névroplères,  p.  .333. 

(c)  Ramdohr,  Verdauungswerkzeuge  der  Insecten,  pi.  26,  fig.  1. 

(d)  L.  Dufoiir,  Op.  cit.,  p.  320,  pi.  ii,  lig.  169  et  170. 

(e)  Idem,  ibid.,  p.  338. 

if)  Exemples  :  Abeille  (voy.  Treviraiius,  Op.  cit.,  Vermischte  Schriften,  t.  H,  pi.  14,  fig.  3  ;  — 
L.  Dufour,  Op.  cit.,  pi.  5,  fig.  48). 

—  Dombus  (errestris  (voy.  L.  Dufour,  Op.  cit.,  pi.  5,  fig-.  .50,  51 ,  52). 

—  Vespacrabro  (voy.  Suckow,  Op.  cit.,  pi.  G,  fig.  128  et  129;  —  L.  Dufour,  Op.  cit.,  pi.  7, 
fig.  77,  79  et  80). 

((/)  Lyonnet,  .inatomie  de  la  Chenille  qui  ronge  le  bois  de  saule,  p.  463,  pi.  13,  tig.  1  et  2, 


TUBE    ALIMENTAIRE    DES    INSECTES.  597 

directement  de  l'œsophage  dans  le  ventricule  chylifique,  ou  esto- 
mac proprement  dit,  et^qui  peut  être  appelé  le  cardia  (1),  est 
généralement  pourvu  d'un]  sphincter,  ou  même  d'un  appareil 
valvulaire  disposé  de  façon  à  empêcher  le  passage  trop  facile  des 
aliments  de  l'une  de  ces  portions  du  tube  digestif  dans  l'autre. 
Chez  les  Orthoptères,  cet  appareil  cloisonnaire  est  très  déve- 
loppé, et,  chez  la  plupart  des  Hyménoptères,  le  gésier ,  fort 
réduit  et  enchatonné  dans  le  jabot,  remplit  les  mêmes  fonc- 
tions (2). 

§  6.  —  Le  ventricule  chylifique  constitue  toujours  la  partie     Estomac 

11.  1  1         T  '/^    1         T  '  I  1      proprement  [lit, 

la  plus  miportante  du  tube  digeshl  des  Insectes,  et  chez  quel- 
ques espèces  il  en  occupe  presque  toute  la  longueur,  son  déve- 
loppement étant  très  considérable ,  tandis  que  les  portions 
œsophagienne  et  intestinale  sont  d'une  brièveté  extrême.  Ce 
mode  d'organisation  se  remarque  chez  les  Chenilles  et  beau- 
coup  d'autres   larves,   mais  ne  persiste  que   rarement  chez 


ventricule 
chylifique. 


(1)  Quelques  auteurs  désignent  cet 
orifice  sous  le  nom  de  pylore,  parce 
qu'ils  considèrent  l'estomac  des  In- 
sectes comme  étant  l'analogue  de  l'in- 
teslin  duodénum  des  Animaux  ver- 
tébrés ;  mais  cette  opinion  ne  me 
paraît  pas  fondée,  et  puisque  le  ventri- 
cule chyliljque  est  le  siège  principal 
de  la  digestion,  je  réserve  le  nom  de 
pylore  à  l'ouverture  qui  conduit  de 
ce  réservoir  dans  l'intestin. 

(2)  Ainsi,  chez  les  Criquets,  l'orifice 
d'entrée  du  ventricule  ciiylifique,  est 
garni  d'une  valvule  conoïde  formée 
par  six  callosités  en  forme  d'Y  ren- 
versé ,  leurs  branches  étant  dirigées 
en  arrière  et  leurs  sommets  rappro- 


chés en  manière  de  nasse  {a).  Chez 
les  Grilioniens,  cette  valvule  est  dis- 
posée autrement,  et  consisle  en  quatre 
tiges  calleuses  qui,  rapprochées  en  un 
faisceau  conique ,  s'avancent  dans 
l'intérieur  du  ventricule  chylifique  et 
y  laissent  filtrer  les  aliments,  mais 
s'opposent  à  leur  régurgitation.  Enfin, 
chez  lesBIattaires,  la  valvule  cardiaque 
est  composée  de  six  mamelons  con- 
vergents en  forme  d'étoile  (6). 

Chez  les  [Jyménoplères,  où  le  gésier 
est  réduit  à  un  petit  cylindre  charnu 
inclus  dans  la  cavité  du  jabot,  son  ex- 
irémilé  antérieure  est  renflée  et  oflVe 
une  ouverture  cruciale  qui  fait  office 
de  valvule  cardiaque  (c\ 


(a)  L.  Dufour,  Recherches  sur  les  Orthoptères,  etc.,  p.  48,  pi.  2,  fig.  10. 

(b)  Idem,  ibid.,  p.  67  etlOi. 

(c)  Exemple  :  le  Bourdon  (voy.  L.  Diironr,  0;).  cit.,  pi.  S,  fig.  50  el  5'2), 


598  APPAREIL    DIGESTIF. 

l'Animal  dont  les  métamorphoses  sont  achevées.  Ainsi,  chez  la 
chenille  du  Papillon  du  chou,  dont  la  structure  et  le  dévelop- 
pement ont  été  étudiés  avec  beaucoup  de  soin  par  Hérold,  on 
trouve  un  œsophage  simple  et  très  court,  suivi  d'un  grand 
estomac  cylindrique  qui  s'étend  en  ligne  droite  jusque  dans  le 
voisinage  de  l'anus,  dont  il  n'est  séparé  que  par  un  intestin  fort 
court  et  également  droit;  mais,  chez  le  même  Insecte  à  l'état 
de  nymphe,  la  portion  stomacale  se  concentre  vers  le  milieu  du 
corps,  tandis  que  l'œsophage  s'allonge  ainsi  que  l'intestin  (1). 
Chez  quelques  Insectes  parfaits,  où  l'estomac  conserve  la 
prédominance  qui  est  ordinaire  cliez  les  larves,  cet  organe, 
au  lieu  d'être  étendu  en  ligne  à  peu  près  droite,  se  contourne 
beaucoup  et  acquiert  même  une  longueur  très  considérable. 
Cette,  disposition  est  portée  très  loin  chez  les  Copris  ou  Bou- 
siers, qui  se  nourrissent  de  la  fiente  des  x4nimaux  herbivores, 


(1)  tlerold  a  représenté,  dans  une  prédominance  de  l'esLomac  comparé 

série  de  figures  très  inléressanles,  ces  à  Tinleslin,  chez  la  larve,  et  le  déve- 

changements  successifs  du  tube  diges-  loppement  ultérieur  de  cette  dernière 

lit"  chez  le  Pontia  brassicœ  (a),  et  l'on  portion  du  tube  digestif  à  une  période 

doit  à  Suckow  des  observations  ana-  plus  avancée   de  la  vie,  quoique  se 

logues  sur  le  développement  de  cet  remarquant     aussi    chez     beaucoup 

appareil  chez  le   Bombyx  pini   (6).  d'autres  Insectes,  n'existent  pas  chez 

Enfin,  je  citerai  aussi  à  ce  sujet  trois  tous  les  Animaux  de  cette  classe,  et 

figures  comparatives  de  l'organisation  quelquefois  les  métamorphoses  amè- 

intérieure  du  Sphinx  ligustri  à  l'état  nent  des  changements  en  sens  inverse, 

de  chenille,  de  chrysalide  et  d'Insecte  Ainsi, chezlalarveduCopris,laportion 

parfait,  publiées  par  Newport  (c),  et  intestinale  du  canal  digestif  est  aussi 

des  observations  analogues  faites  ré-  développée  que  la  portion  stomacale, 

cemment  sur   le  Bombyx  mori  par  tandis  que  chez  l'Insecte  adulte  l'in- 

M.  Cornalia  (d).  testin  est  de  longueur  médiocre   et 

Du  reste,   il  est  à  noter  que  cette  l'estomac  extrêmement  allongé  (e). 

(a)  Herold,  Entwickelungsgeschichte  der  Schmetterlinge,  1815,  pi.  3,  fig.  1  à  12. 
(6)  Suckow,  Anatomisch-physiologische  Untersuchtmgen  der  Insekten  undKnistenthiere,  1818, 
p.  24  et  suiv.,  pi.  2,  C\g.  1  à  10. 

(c)  Newport,  On  the  Nervous  System  of  the  Sphinx  ligustri  (Philos.   Trans.,  1834,  pi.  14, 
fig.  11,  12  et  13). 

(d)  Cornalia,  Monografia  del  Bombice  del  gelso,  pi.  4,  fig.  51  j  pi.  10,  fig.   137,  et  pi.  ■IS, 
fig.  189  et  202. 

(e)  Posselt,  Beilrage  xur  Anatomie  der  Insekten,  pi.  2,  fig.  13, 15  et  37. 


TUBE    ALIMENTAIRE    DES    INSECTES. 


599 


aliments  dont  un  volume  considérable  est  nécessaire,  car  ils  ne 
contiennent  que  très  peu  de  principes  alibiles  (1) .  Le  ventricule 
chylifique ,  quoique  moins  long ,  est  aussi  très  développé 
chez  plusieurs  autres  Coléoptères  qui  vivent  de  matières  végé- 
tales (2);  mais  cette  particularité  de  structure  est  loin  d'être 
constante  chez  les  Insectes  phytophages  (3) ,  et  parfois  on  la 
rencontre  chez  des  espèces  dont  le  régime  est  différent  :  par 
exemple,  chez  les  Silphes,  qui  vivent  de  charognes  (h).  Par 
conséquent,  dans  l'élat  actuel  de  nos  connaissances,  on  ne 


(1)  L'œsophage  des  Bousiers  ou  Co- 
pris,  très  court  et  à  peine  dilaté  posté- 
rieurement, est  suivi  par  un  estomac 
cylindrique  qui  a  liuit  ou  dix  fois  la 
longueur  du  corps,  et  qui  se  replie 
plusieurs  fois  sur  lui-même  de  façon  à 
former  un  paquet  d'un  volume  considé- 
rable. Antérieurement  il  est  grêle,  mais 
il  se  dilate  un  peu  vers  son  extrémité 
postérieure,  et  sa  surface  externe  est 
recouverte  d'une  multitude  de  petits 
appendices  caecaux  et  filiformes  qui 
ressemblent  à  des  villosités  [a). 

(2)  Chez  le  Hanneton,  le  ventricule 
chylifique,  que  M.  Straus  appelle  ven- 
tricule succenturié ,  est  loin  d'être 
aussi  développé  proportionnellement, 
mais  il  est  néanmoins  fort  long,  et  il 
décrit  plusieurs  circonvolutions  dans 
l'intérieur  de  l'abdomen  (6). 

Comme  exemple  de  Coléoptères 
phytophages  dont  le  ventricule  chyli- 
fique est  très  long  comparativement 


au  reste  du  tube  alimentaire,  je  citerai 
aussi  les  Lamia  (c). 

Les  Hydrophiles,  qui,  tout  en  dévo- 
rant parfois  d'autres  Insectes,  se  nour- 
rissent principalement  de  matières  vé- 
gétales, ont  aussi  l'estomac  très  long 
et  enroulé  sur  lui-même  dans  la  cavité 
abdominale  [d),  tandis  qu'à  l'état  de 
larves,  quand  ces  Coléoptères  sont  es- 
sentiellement carnassiers,  cet  organe 
est  de  grandeur  ordinaire  et  ne  décrit 
que  peu  de  courbures  (e). 

(3)  Ainsi  chez  le  Cerambyœ,  qui  vit 
à  peu  près  de  même  que  le  Lamia  et 
qui  appartient  à  la  même  famille,  le 
ventricule  chylifique  est  remarquable- 
ment court  (/"). 

(û)  Chez  le  Silpha  obscura,  le  ven- 
tricule chylifique  est  très  long  et 
forme  dans  l'abdomen  plusieurs  cir- 
convolutions fort  remarquables  (g). 
Cet  estomac  est  aussi  très  développé 
chez  les  Blaps. 


■    (o)  L.  Dufour,  Recherches  sur  les  Carabiqiies  [Ann.  des  sciences  nat.,  1"  série,  i.  III,  pi.  ■14, 
fig.  3). 

(&)  Straus-Durkheim,  Considérations  sur  l'anatomie  comparée  des  Animaux  articulés,  p.  261, 
pl.  5,  fig.  6. 

(c)  L.  Dufour,  Rechei'ches  sur  les  Carabiqiies,  etc.  {Ann.  des  sciences  nat.,  1"  série,  t.  IV,  pl.  6). 

(d)  Suckow  ,  Respiration  der  Insekten  (  Heu.çingcr's  Zeitschrift  fiir  die  organische  Physik, 
i  828,  t.  11,  pl.  3,  fig.  25,  et  pl.  i,  lig.  27). 

(ê)  Idem,  ibid.,  pl.  4,  (ïg.  26. 

{f)  Léon  Dufour,  Op.  cil.  {Ann.  des  sciences  nat.,  i"  série,  l.  IV,  pl.  fi,  flg.  4). 

{g)  Ramdohr,  Yerdammgswei'kxeuge  der  Jnsecten,  pl.  27,  fig.  1. 


600 


A1»PAÎIEIL    DIGESTIF. 


peut  saisir  aucune  relation  physiologique  constante  entre  la 
capacité  du  tube  gastrique  des  Insectes  et  la  nature  de  leurs 
aliments  ;  on  remarque  seulement  que  l'estomac  ne  présente 
jamais  une  grande  longueur  chez  les  espèces  qui  se  nourrissent 
de  proie  vivante,  et  qu'il  est  généralement  court  ou  très  étroit 
chez  les  Insectes  suceurs  (1). 

En  parlant  de  l'estomac  de  ces  Animaux,  je  dois  signaler 
une  disposition  tort  remarquable  de  cette  portion  du  tube 
digestif  qui  se  voit  chez  les  Cigales  ainsi  que  chez  beaucoup 
d'autres  Hémiptères  de  la  même  famille,  et  qui  a  pu  facilement 


(1)  Chez  beaucoup  d'Hémiplèies, 
la  portion  du  tube  digeslif  qui  est 
comprise  entre  l'œsophage  et  le 
point  d'insertion  des  vaisseaux  de  JMal- 
pighi  est  fort  longue  ,  et  quelques 
anatomistes  la  considèrent  comme 
appartenant  tout  entière  à  l'estomac; 
mais  elle  est  d'ordinaire  divisée  en 
deux  portions  bien  distinctes  par  un 
étranglement  très  marqué,  et  le  pre- 
mier réservoir  alimentaire  ainsi  con- 
stitué me  paraît  devoir  être  consi- 
déré comme  un  jabot  (a).  Le  second 
réservoir,  ou  estomac  postérieur,  me 
semble  èlre  en  réalité  l'analogue  du 
ventricule  cliylifiqiie  des  autres  In- 
sectes. Enfin,  le  canal  étroit,  cl  souvent 
fort  long,  qui  réunit  ces  deux  poches, 
est  comparable  à  laporlion  postérieure 
du  gésier  de  divers  Hyménoptères,  où 
cet  organe  est  inclus  dans  le  jabot  et 
se  termine  par  un  tube  cylindrique  : 


par  exemple ,  chez  le  Bourdon  ter- 
restre (b);  seulement  cliez  les  ilémi- 
ptères  ce  détroit  s'allonge  beaucoup 
plus.  Ainsi,  chez  les  Ligies,  on  voit,  à 
la  suite  de  l'œsophage,  qui  se  renfle  un 
peu  postérieurement,  unegrandepoche 
subcylindrique  ou  bossuéc  constituant 
un  jabot,  et  se  continuant  avec  un  tube 
intestinifornie  et  contourné,  à  l'extré- 
mité duquel  est  un  second  réservoir 
ou  estomac  proprement  dit,  et  ce 
ventricule  chylifique  communique  à 
son  tour,  par  un  canal  court  et  étroit, 
avec  un  élargissement  où  débouchent 
les  vaisseaux  malpighiens  (c).  La  dis- 
position de  ces  parties  est  à  peu  près 
la  même  chez  les  Scutellaires  (d),  les 
Corises  (e),  etc.  Chez  la  Punaise  (f)  et 
les  Réduves  (g),  la  portion  postérieure 
du  ventricule  chylifique  est  grêle  et 
intestinifornie,  comme  sa  partie  anté- 
rieure. 


{a)  C'est  la  partie  désig'née  sous  le  nom  ù'esiomac  antérieur  par  M.  L.  Diifour  (voy.  ses  Recherches 
ir  les  Hémiptères,  pl/s,  fig.  13  et  19  ;  pi.  3,  fig.  22,  23,  etc.). 
{b)  L.  Dufonr,  Recherches  sur  les  Orlhoptères,  etc.,  pi.  5,  fig.  50. 

(c)  Idem,  Recherches  smî-  les  Hémiptères,  pi.  3,  ûg.  22  et  25. 

(d)  Idem,  ibkl.,  pi.  i  ,  fig-.  l. 

(e)  TJem,  ibid.,  pi.  2,  fig.  13. 
if)  Idem,  ibid.,  pi.  4,  fig.  44. 
(g)  idem,  ibid.,  pi.  4,  fig.  48. 


TUBE    ALIMENTAIRE    DES    INSECTES.  601 

induire  les  anatomistes  en  erreur,  touchant  la  route  parcourue 
par  les  aliments.  L'estomac  de  ces  Insectes  parait  se  continuer, 
d'une  part  avec  l'Intestin,  et  d'autre  part  avec  un  prolongement 
intestiniforme  qui,  recourbé  en  manière  d'anse,  revient  sur  lui- 
niême  et  semble  se  terminer  dans  l'organe  qui  lui  a  donné  nais- 
sance. On  a  cru  d'abord  que  cette  anse  communiquait  avec  la 
cavité  du  ventricule  chylitique  par  ses  deux  extrémités,  et  que 
les  aliments,  après  s'y  être  engagés,  devaient  par  conséquent 
revenir  dans  cet  estomac  pour  passer  ensuite  dans  l'intestin  ; 
mais  les  recherches  anatomiques  de  ^I.  Doyère  ont  fait  voir 
que  cette  anomalie  n'existe  pas  en  réalité,  et  que  la  portion 
récurrente  du  ventricule  chyhfique  ne  débouche  pas  dans  la 
portion  antérieure  du  même  organe;  qu'elle  s'y  accole  seule- 
ment, et  qu'elle  est  en  continuité  avec  l'intestin.  Enfin,  ce 
naturahste  a  constaté  que  cet  intestin  ne  communique  pas 
avec  la  portion  antérieure  de  l'estomac  dont  il  semble  naître, 
lorsqu'il  se  détache  seulement  de  ses  parois,  et  qu'il  ne  peut 
recevoir  les  matières  alimentaires  que  de  la  branche  récurrente 
de  cet  organe  (1).  La  seule  anomalie  qui  se  remarque  chez  ces 
Insectes  consiste  donc  dans  l'adhérence  intime  des  deux  por- 
tions du  tube  digestif  dans  leur  point  de  rencontre,  particularité 
qui  n'a  point  d'importance  physiologique. 

(1)    M.   Léon  Diifour    a    cru   que  tuniques  de  l'estomac  que  la  brandie 

l'estomac  revenait  s'ouvrir   dans   sa  récurrente  de  ce  tube  serpente  et  se 

propre  cavité,  non-seulement  chez  cache  complètement,  dans  une   cer- 

les  Cigales  ,  mais  aussi  chez  beaucoup  taine  longueur. 

d'autres  Homoplères  (a)  ;   cependant  II  est  aussi  à  noter  que  la  portion 

les  recherches  de  M.  Doyère  (6)  l'ont  adjacente  du  ventricule  chylifique  est 

conduit  à  reconnaître  la  non-existence  comme  suspendue  par  une  bride  mé- 

de  cette  anomalie  (c).  C'est  entre  les  sentérique  très  remarquable. 

(a)  h.  Dufour,  Recherches  sur  les  Hémiptères,  p.  92,  iOO,  102,  etc.,  pi.  8,  fig.  55,98; 
pi.  9,  %.  108. 

(6)  Doyère,  Note  sur  le  tube  digestif  de-:  Cigales  {Ann.  des  sciences  nat.,  2'  série,  1839, 
t.  XI,  p. 'si,  pi.  1,  fig.  3). 

(c)  L.  Dufour,  Quelques  observations  sur  la  note  de  M.  Doyère  relative  au  tube  digestif  des 
Cigales  {Ann.  des  sciences  nat.,  2'  série,  t.  XII,  p.  287). 


602  APPAREIL    DIGESTIF. 

Les  parois  de  l'estomac  proprement  dit,  ou  ventricule  chyli- 
fique,  pour  me  servir  du  nom  assez  généralement  employé  par 
les  entomologistes,  ne  sont  pas  conformées  de  la  même  manière 
que  celles  des  portions  vestibulaires  du  tube  digestif  qui  consti- 
tuent l'œsophage,  le  jabot  et  le  gésier.  Celles-ci  sont  revêtues, 
comme  je  l'ai  déjà  dit,  d'une  couche  chitineuse  plus  ou  moins 
épaisse  ;  mais  au  delà  de  la  valvule  cardiaque  cette  tunique  épi- 
théliale  est  remplacée  par  une  couche  de  tissu  utriculaire  de  con- 
sistance molle,  qui  offre  tous  les  caractères  d'un  épithélium 
muqueux.  Les  cellules  qui  le  composent  sont  à  peu  près  sphé- 
riques  et  n'adhèrent  entre  elles  que  très  faiblement;  enfin  elles 
sont  pourvues  d'un  noyau  granulé,  et  elles  paraissent  devoir  se 
renouveler  avec  une  grande  rapidité  (1).  x\u-dessous  de  ce  tissu 
utriculaire  se  trouve  une  membrane  transparente,  et  en  appa- 
rence homogène,  qui  présente  de  nombreuses  dépressions  dont 
la  grandeur  et  la  forme  varient.  Enfin  les  faisceaux  musculaires 
logés  entre  cette  tunique  muqueuse  et  la  tunique  externe  ou 
séreuse  sont  disposés,  comme  dans  l'œsophage,  sur  deux  plans 
et  dirigés  les  uns  en  travers ,  les  autres  longitudinalement  ; 
mais,  en  général,  ils  sont  plus  ou  moins  espacés  entre  eux,  de 
façon  à  déterminer  des  séries  de  rides  et  de  renflements  alter- 


(1)  M.  Sii'odot,  qui  a  étudié  avec  consolidation  de  cette  couche  mu- 
beaucoup  de  soin  la  constitution  de  queuse  autour  de  la  masse  alimen- 
répithélium  stomacal  chez  divers  In-  taire  (a),  phénomène  dont  nous  avons 
sectes,  fait  remarquer  que  la  disposi-  déjà  vu  plus  d'un  exemple  chez  les 
lion  singulière  observée  par  Rengger  Crustacés  et  chez  certains  Arachni- 
dans  Testomac  du  Hanneton,  où  cet  des  (6).  La  sortie  d'une  parlie  des  lu- 
auteur  a  cru  voir  la  membrane  mu-  niques  de  l'eslomac  que  Rengger  a 
queuse  flottante  librement  dans  un  observée  chez  des  Chenilles  (c)  me  pa- 
espace  annulaire,  n'est  en  réalité  que  raît  devoir  être  un  phénomène  du 
le  résultat  de  la  séparation  et  de  la  même  ordre. 

(a)  Sirodot,  Recherches  sur  les  sécrélions  chez  les  Insectes  (Ann.  des  sciences  naturelles, 
i'  série,  4  858,  t.  X,  p.  156). 

(6)  Voyez  ci-dessus,  pages  553  et  580. 

(c)  Rengger,  Physiologische  Untersicchungen  ûber  die  thierische  îlaushalluncj  der  Insckteii, 
p.  i3. 


TUBE    ALIMENTAIRE     DES    IN'SECTES.  60o 

natifs  (1).  11  est  aussi  à  noter  qii'enlre  les  deux  couches  muscu- 
laires ainsi  disposées,  on  découvre,  à  l'aide  du-  microscope,  des 
glandules  dont  la  conformation  varie,  comme  nous  le  verrons 
bientôt. 

Le  ventricule  chylifîque   est  dépourvu  d'appendices  chez  ^e^i^e^lon^aJ. 


(1)  Chez  beaucoup  d'Insectes,  les 
fibres  musculaires  de  Testomac  se 
développent  davantage  d'espace  en 
espace ,  de  façon  à  déterminer  la 
formation  d'une  série  régulière  de 
renflements  et  d'étranglements  aller- 
natifs.  Cette  disposition  s'observe  chez 
le  Hanneton  (a),  les  Oryctes  [b),  les 
Mylabres  (c)  ,  les  Méloés  {d) ,  etc., 
parmi  les  Coléoptères  ;  chez  les  Libel- 
lules (e)  et  les  Phryganes  (/),  dans 
l'ordre  des  INévroptères  ;  enfin,  chez 
beaucoup  d'Hyménoptères ,  tels  que 
les  Abeilles  [g],  les  Bourdons  {h],  les 
Andrènes  [i],  les  Scolies  ij),  eic. 

Chez  d'autres  Insectes ,  le  déve- 
loppement prédominant  de  certaines 
bandes  musculaires  longitudinales  dé- 
termine dans  cet  organe  une  forme 
différente.  Ainsi  chez  le  Ver  à  soie 
et  la  plupart  des  autres  Chenilles, 
où  l'estomac  est  à  peu  près  cylin- 
drique et  très  gros,  on  y  remarque 
sur  la  ligne  médiane,  tant  en  dessus 
qu'en  dessous,  un  sillon  longitudinal. 


et  de  chaque  côté  une  série  de  bour- 
souflures irrégulières  ;  disposition  qui 
est  due  à  la  résislance  plus  grande 
des  parois  de  cette  poche  sur  les  points 
qui  sont  garnis  de  fibres  musculaires, 
et  à  la  dilatation  de  leurs  tuniques 
membraneuses  dans  les  espaces  inter- 
médiaires. Une  paire  de  rubans  char- 
nus longe  la  ligne  médiane  à  la  face 
dorsale  de  l'estomac;  une  seconde 
paire  de  muscles  analogues  se  trouve 
à  la  face  inférieure  de  cet  organe,  et 
d'autres  faisceaux  plus  grêles  et  dis- 
posés moins  régulièrement  s'entre- 
croisent sur  ses  parties  latérales.  11  est 
aussi  à  noter  que  vers  les  deux  extré- 
mités de  cette  portion  du  tube  intes- 
tinal, des  faisceaux  musculaires  se 
détachent  de  ses  parois  latérales  pour 
aller  s'insérer  sur  les  parties  adjacentes 
de  la  cavité  abdominale  {k).  Chez  la 
larve  du  Cossus  ligniperda,  la  paire 
postérieure  de  ces  brides  charnues 
naît  plus  loin  en  arrière  et  se  détache 
du  gros  intestin  (/). 


(o)  L.  Dufour,  Recherches  sur  les  Carabiques,  etc.  {Ann.  des  sciences  nat.,  l"  série,  -1824, 
t,  III,  pi.  4  4,  fig.  4). 

(b)  Sirodot,  Op.  cit.  {.inn.  des  sciences  nat.,  i°  série,  t.  X,  pi.  14,  fig.  1). 

(c)  L.  Dufour,  Op.  cit.,  pi.  31,  %.  1. 
{d}  Idem,  ibid.,  pi.  31,  fig.  4. 

(e)  Idem,  Recherches  sur  les  Orthoptères,  etc.,  pi.  11,  fig.  158. 
If)  Ramdolir,  Yerdauungswerkzeuge  der  hisecten,  pi.  16,  fig.  2. 
—  L.  Dufour,  Recherches  sur  les  Orthoptères,  etc.,  pi.  13,  fig.  208. 
(g)  Idem,  ibid.,  pi.  5.  fig.  48. 
{h)  Raradnhr,  Op.  cit.,  pi.  13,  fig.  1. 
(i)  L.  Dufour,  Op.  cit.,  pi.  6,  fig.  72. 
(i)Idem,  jbt(f..,pl.  8,  fig.  89. 

(k)  Cornalia,  Monografta  del  Bombice  del  gelso,  p.  105,  pi.  4,  fig.  51  et  52. 
(;)  Lyonnet,  Traité  anatomiqiie  de  ta  Chenille  qui  ronge  le  bois  de  saule,  pi,  13,  fig.  1  et  2. 


60/j.  APPAREIL    DIGESTIF. 

quelques  Insectes  ;  mais,  chez  beaucoup  de  ces  Animaux,  il 
donne  naissance  à  des  prolongements  caecaux  qui  peuvent 
affecter  deux  formes  principales.  Tantôt  ce  sont  des  poches 
allongées  et  d'une  capacité  assez  grande  pour  que  l'introduction 
des  matières  alimentaires  dans  leur  intérieur  soit  possible; 
d'autres  fois  ce  sont  des  tubes  courts  et  d'une  grande  ténuité, 
qui  sont  serrés  les  uns  contre  les  autres  comme  les  poils  d'une 
brosse  molle.  Les  premières  sont  appelées  communément  des 
cœcums  gastriques^  ou  bourses  ventriculaires  ;  les  seconds  sont 
désignés  sous  le  nom  de  villosités. 

Les  csecums  gastriques  sont  très  développés  chez  la  plupart 
des  Orthoptères,  Insectes  qui  se  nourrissent,  comme  je  l'ai  déjà 
dit,  de  substances  végétales,  et  qui  sont  d'une  grande  voracité. 
Ainsi,  chez  les  Criquets,  l'extrémité  antérieure  du  ventricule 
chylifique  donne  naissance  à  douze  de  ces  appendices,  qui 
sont  de  forme  lancéolée  et  disposés  de  façon  à  constituer  une 
double  couronne,  les  uns  élant  dirigés  en  avant,  les  autres  en 
arrière  (1).  Chez  les  Mantes,  on  ne  compte  que  huit  de  ces 


(1)  M.  Léon  Dufour  donne  le  nom  naissent   de   leur    exlrémité    effilée  ; 

de  bourses  veniriculaires  principales  celles  de  la  série  postérieure  sont  ac- 

aux  appendices  caecaux  antérieurs,  et  colées  aux  parois  de  l'estomac.  Chez 

il  considère   les  autres  comme  étant  VOEdipoda  cœrulescens ,   elles  sont 

seulement  des  dépendances  des  pre-  presque  aussi  grandes  que  celles  de  la 

mièies,  parce    que  leur  volume  est  première  série  (a)  ;  mais  dans  d'autres 

plus  variable  suivant  les  espèces,  et  espèces  de  la  même  famille  elles  sont 

qu'elles   ne   communiquent    avec   la  très  réduites,  et  chez  VOEdipoda  bi- 

cavité  de  l'estomac  que  par  un  orifice  guttata,  par  exemple,  elles  sont  pres- 

linéaire  situé  vis-à-vis   du  point  de  que  rudimentaires. 

jonction   de  chacmie  d'elles  avec  le  Chez  le  Tetrix  subulata,  cet  appa- 

cœcum  antérieur  correspondant.  On  reil  appendiculaire  de  l'estomac  tend 

en  compte  six  dans  chaque  rangée.  à  disparaître,  et  n'est  représenté  que 

Celles  de  la  couronne  antérieure  sont  par  six  lobules   triangulaires.  Enfin, 

dirigées  en  avant  et  suspendues  aux  chez  \e  Tridactylus  variegatus,  on  ne. 

parois  du  thorax  par  des  brides  qui  trouve  plus  que  trois  prolongements 

[a)  h,  Diifiinr,  Recherches  sur  les  Ortho]Mères,  etc.,  p.  49,  pi,  2,  fig.  8. 


TUBE    ALIMENTAIRE   DES    liNSECTES, 


605 


caecums  gaslriques,  mais  ils  sont  beaucoup  plus  allongés,  et 
ressemblent  à  autant  de  petits  boyaux  cylindriques  qui  seraient 
terminés  en  cul-de-sac  à  leur  extrémité  libre  (1). 

Un  mode  d'organisation  analogue  se  voit  chez  quelques  Né- 
vroptères,  tels  que  les  Perles  (2),  et  chez  les  larves  de  plusieurs 
Coléoptères  phytophages  ce  système  d'appendices  gastriques 
est  encore  plus  développé,  mais  ne  persiste  pas  chez  l'Insecte 


gastriques  qui  naissent  de  la  partie 
supérieure  et  antérieure  du  ventri- 
cule chylifique ,  et  qui  se  confondent 
avec  cet  organe  postérieurement  (o). 

(1)  M.  Marcel  de  Serres  a  décrit  ces 
appendices  gastriques  sous  le  nom  de 
vaisseaux  biliaires  supérieurs,  sans 
doute  parce  qu'on  trouvé  souvent  dans 
leur  intérieur  un  liquide  jaunâtre  (6). 

Chez  les  Blattes,  il  existe  aussi  à 
l'extrémité  antérieure  du  ventricule 
chylifiques  une  couronne  appendicu- 
laire  composée  de  huit  petits  cae- 
cums (c). 

Chez  la  Courtilière  (  GrxjUotalpa 
vulgaris),  cet  appareil  est  représenté 
par  deux  grandes  poches  ovalaires 
qui  se  réunissent  à  leur  base,  et  com- 
muniquent avec  l'extrémité  anté- 
rieure du  ventricule  chylifique  par 
un  orifice   commun  (d).  Il  en  est  à 


peu  près  de  même  chez  les  Gril- 
lons (e). 

Enfin,  chez  les  Sauterelles,  l'extré- 
mité antérieure  de  l'estomac  se  dilate 
latéralement ,  de  façon  à  constituer 
aussi  deux  grandes  poches  arrondies  en 
avant,  mais  ces  prolongements  ne  sont 
pas  étranglés  à  leur  base  et  ressem- 
blent à  de  simples  élargissements  de 
cet  organe  (f). 

(2)  Chez  les  Perles,  l'extrémité  an- 
térieure de  l'estomac  est  garnie  de 
huit  prolongements  digitiformes,  dont 
deux  latéraux  plus  grands  que  les  au- 
tres [g).  Chez  le  Corydalus  cornutus, 
on  trouve  quatre  appendices  de  ce 
genre,  qui  ne  se  développent  que  lors- 
que l'Animal  arrive  à  l'élat  de  nym- 
phe (h).  Les  larves  du  Semblis  bicau- 
data  sont  pourvues  de  six  appendices 
de  même  nature  (i). 


(a)  L.  Diifour,  Recherches  sur  les  Orthoptères,  etc.,  p.  52,  pi.  1,  llg.  11. 

(6)  Marcel  de  Serres,  Observations  sur  les  Insectes  considérés  comme  r 

usages  des  diverses  parties  du  tube  intestinal  dans  cet  ordre  d'Animaux, 

—  Suckow,  Op.  cit.  (Heusinger's  Zeitschr.  fiir  die  oryan.  Physik,  t.  111, 

—  L.  Dufour,  Op.  cit.,  pi.  -4,  ûg.  38. 

(c)  RamJohr,  Verdauungswerkzeuge  der  Insecten,  pi.  1,  fig.  9. 

—  Marcel  de  Serres,  Op.  cit.,  pi.  2,  dg.  1. 

—  L.  Dufour,  Op.  cit.,  pi.  5,  Cig.  44. 

—  Gaede,  Beilrâge  suc  Anatomie  der  Insekten,  pi.  1,  fig.  7. 

(d)  L.  Dufuur,  Op.  cit.,  p.  67,  pi.  2,  fig.  19. 

(e)  Marcel  de  Serres,  Op.  cit.,  pi.  1,  fig.  1. 

(f)  L.  Dufour,  Op.  cit.,  p.  85,  pi.  3,  fig.  33. 

(g)  L.  Dufour,  Recherches  sur  les  Orthoptères,  etc.,  p.  347,  pi.  13,  fig.  1 
■ —  Pic\el,  Histoire  naturelle  des  Névroptères,  Perlides,  pi.  2,  fig.  1-5. 
(/!.)  Laidy,  Op.  cit.  {American  Academu  uf  Arts  and  Sciences,  1848,  pi.  2, 
{i)  Suckow,  Ueber  Semblis  bicaudala  (Heusinger's  Zeitschri]t  fiir  dÂe  orga 

t.  Il,  p.  267,  pi.  7,  fig.  7). 


uminants 
pi.  2,  fil 
pi.  7,  fi 


,  et  sur  les 
4. 
134). 


98. 

fig.  1,2, 
nische  Ph 


4  et  5). 
ysik,  1828, 


606  APPAREIL    DIGESTIF. 

adulte.  Ainsi,  chez  la  larve  des  Hannetons,  des  Cétoines,  de 
VOryctes  nasicornis  et  de  beaucoup  d'autres  Lamellicornes, 
l'estomac  présente  trois  groupes  de  ces  prolongements  digiti- 
formes,  situés,  l'un  à  son  extrémité  antérieure,  le  second  un 
peu  plus  en  arrière,  et  le  dernier  près  de  son  extrémité  posté- 
rieure (1);  mais,  chez  ces  mêmes  Insectes  à  l'état  adulte,  on 
n'aperçoit  plus  aucune  trace  de  ces  appendices  (2).  On  re- 


(1)  La  disposition  générale  des  ap- 
pendices gastriques  de  la  larve  de 
VOryctes  nasicornis  a  été  assez  bien 
représentée  par  Swammerdam  et  par 
Rôsel  (a),  mais  se  voit  mieux  dans  les 
figures  données  par  de  Haan  {b),  et 
surtout  dans  celles  publiées  récem- 
ment par  M.  Sirodot.  Ce  dernier  au- 
teur a  reconnu  que  le  groupe  antérieur 
de  ces  appendices  se  compose  d'une 
double  couronne  de  tubes  borgnes  très 
nombreux,  reployés  en  avant,  et  va- 
riant un  peu  dans  leur  forme,  les  uns 
étant  simples,  les  autres  plus  ou  moins 
digités,  soit  à  leur  extrémité  seulement, 
soit  latéralement  (c).  Les  caecums  de  la 
seconde  couronne  sont  dirigés  en  ar- 
rière, et,  de  même  que  les  précédents, 
disposés  symétriquement  de  chaque 
côté  de  la  ligne  médio-dorsale.  Enfin, 
ceux  du  troisième  groupe  sont  dirigés 
en  avant,  et  sur  les  côtés  de  l'estomac 


ils  sont  beaucoup  plus  longs  que  près 
de  la  ligne  médiane. 

La  disposition  générale  de  ces  ap- 
pendices est  à  peu  près  la  même  chez 
les  larves  des  Cétoines  (rf),  du  Hanne- 
ton commun  (e),  des  Scarabées  (/")  et 
de  plusieurs  autres  Lamellicornes. 

Chez  la  larve  du  Hanneton  foulon, 
les  caecums  du  groupe  moyen  sont 
très  courts  et  peu  nombreux  (g),  et 
chez  les  Trichies  (/t),  ainsi  que  chez  les 
Hoplies  (i),  il  n'y  a  d'appendices  gas- 
triques bien  caractérisés  qu'aux  deux 
extrémités  du  ventricule  chylilique. 
Enfin,  chez  la  larve  de  VAphodius 
nigripes,  ces  appendices  paraissent 
manquer  complètement  (j). 

(2)  Chez  VOryctes nasicornisixVétdil 
parfait,  le  ventricule  chylifique  est 
beaucoup  plus  grêle  que  chez  la  larve, 
et  ne  donne  naissance  à  aucun  pro- 
longement appendiculaire  {k).   il  en 


(a)  Swammerclim,  Biblia  Naturœ,  pi.  27,  fig.  H. 

— •  Rosel,  Die  Insecten-Belustigung,  t.  Il,  pi.  8,  Ç\g.  1  et  2. 

(b)  W.  de  Haan,  Mém.  sur  les  métamorphoses  des  Coléoptères  (Nouvelles  Annales  du  Muséum, 
1835,1.  IV,  pi.  16,  fia;.  A,  B,  G). 

(c)  Sirodot,  Recherches  sur  les  sécrétions  chez  les  Insectes  (Aim.  des  sciences  nat.,  4«  série, 
1858,  t.  X,  pi.  9,  fig.  1,  2,  3  et  4). 

(d)  Ramdohr,  Verdammgsiuerkzeuge  der  hisecten,  pi.  7,  fig.  2. 
—  De  Haan,  Op.  cit.,  pi.  17,  fig.  3. 

(e)  Newport,  Insecta  (Todd's  Cyclopœdia  of  Anatomy  and  Physiology,  1. 11,  p.  968,  dg.  425). 

(f)  De  Haan,  Op.  cit.,  pi.  17,  fig.  1. 
{g)  Idem,  ibid.,  pi.  18,  fig.  1. 

{h)  Idem,  ibid.,  pi.  18,  fig.  2. 

(i)  Idem,  ibid.,  pi.  18,  fig.  3. 

(j)  Idem,  ibid.,  p.  161 ,  pi.  18,  fig.  4. 

(fe)  Sirodot,  Op.  cit.  (Ann.  des  sciences  nat.,  4"  série,  t.  X,  pi.  14,  fig.  1). 


TUBE    ALIMENTAIRE    DES    INSECTES.  607 

marque  aussi  des  changements  analogues  dans  la  constitution 
de  l'appareil  digestif  de  quelques  Diptères  :  par  exemple,  des  Cé- 
roplates  (1)  ;  cependant,  chez  la  plupart  des  Insectes  de  cet  ordre, 
les  bourses  ventriculaires  existent  encore  chez  l'adulte  (2).  Il 


est  à  peu  près  de  même  chez  le  Han- 
neton (a)  et  chez  les  Cétoines,  si  ce 
n'est  que  l'estomac  de  ce  dernier  In- 
secte se  couvre  de  petites  villo  - 
sites  (6). 

(1)  Les  Géroplates,  qui  appartien- 
nent au  groupe  des  Tipulaires  fongi- 
coles,  sont  pourvus,  quand  ils  sont  à 
l'état  de  larves,  d'un  jabot  fusiforme, 
d'un  petit  gésier  ovoïde,  et  d'un  ven- 
tricule chylifique  variqueux  dont  Tex- 
trémité  antérieure  donne  naissance  à 
une  paire  de  tubes  cylindriques  et 
aveugles  qui  égalent  presque  cet  or- 
gane en  longueur  (c).  Chez  l'Insecte 
adulte,  ces  appendices  sont  représentés 
par  deux  petites  bourses  conico-trian- 
gulaires.  Chez  la  larve  du  Tipula  lu- 
nata,  il  existe  à  la  partie  antérieure  de 
l'estomac  quatre  bourses  ventricu- 
laires (rf). 

Comme  exemple  de  Diptères  ayant 
des  appendices  gastriques  très  bien 
développés  dans  le  jeune  âge,  mais 


ne  conservant  pas  ces  organes  à  l'état 
adulte,  je  citerai  aussi  la  Mouche  car- 
nassière (  Sarcophaga  hœmorrhoi  - 
dalis).  Chez  la  larve,  on  trouve  deux 
paires  de  longs  tubes  caecaux  insérés 
à  l'extrémité  antérieure  du  ventri- 
cule chylifique,  tandis  que  chez  l'In- 
secte parfait  ces  appendices  n'existent 
plus  (e). 

(2)  En  général,  ces  bourses  ventri- 
culaires naissent  très  près  de  la  tête, 
et  consistent  en  une  paire  de  caecums 
vésiculaires  ou  tubuliformes.  Chez 
les  Cousins  (/"),  le  Vappo  paUipen- 
nis  ig),  etc.,  elles  sont  très  petites; 
mais  elles  s'allongent  davantage  chez 
les  Taons  [h),  VEphippium  Ihoraci- 
cum  {i},  les  Dasypogons  {j],  les  Lep- 
tis  {k),  les  Dolicopes  (l),  etc. 

Chez  quelques  autres  Diptères,  ces 
appendices  ont  un  aspect  framboise  , 
par  exemple  chez  les  Bombyles  (m)  ; 
et  parfois  aussi  ils  se  développent  de 
façon  à  constituer  deux  paires  de  cae- 


(a)  L.  Dufour,  Recherches  anatomîques  sur  les  Carabiques,  etc.  (Ann.  des  sciences  nat., 
i"  série,  1824,  t.  III,  pi.  14,  fig.  4). 

—  Straus,  Considérations  sur  Vanatomie  des  Animaux  articulés,  pL  5,  fig.  6. 

(6)  L.  Diifour,  Op.  cit.  {Ann.  des  sciences  nat.,  i"  série,  t.  III,  pi.  15,  C\g.  1). 

(c)  Idem,  Révision  et  monographie  du  genre  Céroplate  {Ann.  des  sciences  nat.,  2'  série,  1839, 
t.  XI,  p.  50,  pi.  5,  fig.  23). 

((flldem.  Recherches  anatomiques  et  physiologiques  sur  les  Diptères,  pi.  4,  fig.  36. 

(e)  Idem,  Études  anatomiques  et  physiologiques  sur  une  Mouche  {Mém.  de  VAcad.  des  sciences, 
Sat;.  eîTOîiff.,  t.  IX,  pi.  3,  fig.  20  et  27J. 

(f)  Idem,  Recherches  anatomiques  et  physiologiques  sur  les  Diptères,  pi.  2,  fig.  18  et  19. 

(g)  Idem,  ibid.,  pi.  4,  fig.  45. 

(/i)  Idem,  ibid.,  pi.  4,  fig.  3"  et  39. 
(i)Idem,  ibid.,  pi.  4,  fig.  43. 
0)ldem,  ibid.,  pi.  5,  fig.  52. 
{k)  Idem,  ibid.,  pi.  6,  fig.  70. 
(/)ldem,  ibid.,  pi.  6,  fig.  73. 
(m)  Idem,  ibid.,  pi,  6,  fig.  62. 


608 


APPAREIL    DIGESTIF. 


en  est  de  même  chez  les  Anopleures  (1).  Enfin,  on  connak  aussi 
des  Coléoptères  qui,  à  l'état  parfait,  sont  pourvus  d'appendices 
de  ce  genre,  mais  ces  exemples  sont  rares  (2). 

La  structure  de  ces  dépendances  de  l'estomac  ne  présente 
d'ailleurs  rien  de  particulier  ;  on  doit  les  considérer  comme  de 


cums  ,  par  exemple  chez  le  Rhingia 
rostrata  [a).  Chez  le  Volvucella  zona- 
ria,  ceUe  bifurcation  coïncide  avec  un 
développement  beaucoup  plus  consi- 
dérable et  une  disposition  lobulée  (6). 
Chez  d'autres  r3iptères,  au  con- 
traire ,  le  ventricule  chylifique  ne 
donne  naissance  à  aucun  appendice, 
et  CCS  variations  se  rencontrent  chez 
des  espèces  appartenant  à  un  même 
genre  ou  du  moins  à  une  même 
famille  naturelle,  Comme  exemple 
de  ce  mode  de  conformation  ,  je 
citerai  le  Tipula  oleracea  (c)  ,  le 
Trichoptera  trifasciata  {d),VEchi- 
nomyia  grossa  (e)  et  le  Lucilia 
Cœsar  (f). 

(1)  L'estomac  du  Pou  commun  {Pe- 
diculus  capitis)  est  très  élargi  dans 
sa  moitié  antérieure,  et  présente  de 
chaque  côté  du  cardia  un  prolonge- 
ment digitiforme  {y). 

(2)  On  a  constaté  l'existence    de 


prolongements  de  ce  genre  à  la  partie 
antérieure  du  ventricule  chylifique 
d'un  petit  nombre  d'Insectes  de  cet 
ordre.  Ainsi,  chez  quelques  Taupins, 
tels  que  VElater  murinus,  cet  esto- 
mac se  dilate  antérieurement  de  façon 
à  former  de  chaque  côté  du  cardia  un 
sac  arrondi  dont  la  surface  est  héris- 
sée de  villosités  comme  l'est  celle  des 
autres  parties  du  ventricule  (/i),  et 
chez  les  Buprestes  ou  voit  naître  dans 
le  même  point  une  paire  d'appendices 
borgnes  et  intesiiniformes,  dont  la 
longueur  est  très  considérable  (i). 
Chez  les  Dermestes  il  existe  six  bourses 
ventriculaires  pyriformes  et  assez  bien 
développées  (j).  Enfin,  on  rencontre 
un  mode  d'organisation  analogue 
chez  le  Macronychus  quadrituber- 
culatus  {k)  ,  et  chez  les  Vrillettes 
l'extrémité  antérieure  de  l'estomac  est 
même  entourée  d'une  double  série  de 
petits  caecums  bilobés  (l). 


(a)  L.  Dufour,  Recherches  anatomiqjies  et  physiologiques  sur  les  Diptères ,  pi.  7,  fig.  79, 

(b)  Idem,  ibid.,  pi.  7,  l\g.  77  et  78. 

(c)  Idem,  ibid.,  pi.  3,  fig.  23. 
((Z)Idem,  ibid.,  pi.  3,  tig.  32. 
(e)  Idem,  ibid.,  pi.  8,  ûg.  96. 
(H  Idem,  ibid.,  pi.  9,  fig.  H2. 

(g)  Swammerdam,  Bibiia  Natui'œ,  pi.  2,  ûg.  3. 

{h)  L.  Dufour,  Description  de  l'appareil  digestif  de  i'Anobium  striatum  {Ann.  des  sciences  nat., 
i"  série,  4828,  t.  XIV,  p.  219,  pi.  12  A). 

(i)  L.  Dufour,  Recherches  sur  les  Carabiques,  etc.  {Aim.  des  sciences  nat.,  i"  série,  f.  III, 
pi.  12,fig.  3). 

(j)  Idem.,  ibid.,  pi.  12,  Cig.  1. 

(k)  Idem,  Recherches  anatomiq^les  sur  les  Coléoptères  des  genres  Macronique  et  Elmis  {Ann. 
des  sciences  nat.,  2»  série,  1835,  t.  III,  pi.  (5,  Cig.  17). 

(l)  Idem,  Recherches  anatomiques  sur  quelques  Insectes  coléoptères  compris  dans  les  familles 
des  Dermestins,  des  Byrrhiens,  etc.  (Ann.  des  sciences  nat.,  2'  série,  1834,  t.  I,  p.  67,  pi.  2, 
(îg.  1  et  2). 


TUBE    ALIMENTAIRE    DES    LNSECTES.  609 

simples  diverticiiles  de  cet  organe,  et  elles  ne  paraissent  pas 
être  chargées  spécialement  de  la  sécrétion  de  suc  gastrique  ou 
de  tout  autre  liquide  digestif. 

Chez  les  Insectes  dont  l'estomac  est  lisse  extérieurement, 
c'est-à-dire  dépourvu  de  villosités,  l'élaboration  du  fluide  pep- 
sique  paraît  être  dévolue  à  des  glandules  dont  j'ai  déjà  parlé 
comme  se  trouvant  dans  l'épaisseur  des  parois  de  ce  viscère. 
Ce  sont  des  follicules  microscopiques  logés  entre  les  faisceaux 
de  la  tunique  musculaire;  leur  forme  est  arrondie,  et  l'on  aper- 
çoit dans  leur  intérieur  des  utricules  contenant  des  granula- 
tions (1). 

Les  villosités  qui  font  saillie  à  la  surface  externe  de  l'estomac 
d'un  grand  nombre  d'Insectes  paraissent  être  produites  par  le 
grand  développement  de  petites  fossettes  analogues  aux  glandes 
gastriques  dont  je  viens  de  parler  (2),  et  tout  porte  à  croire 


Glandules 
pepsiques. 


(1)  Pour  bien  observer  ces  glan- 
dules, il  est  bon  de  laver  avec  de  reau 
aigyisée  par  de  l'acide  acélique  un 
fragment  de  l'estomac  de  l'insecte  dont 
on  a  fait  choix,  puis  de  l'étendre  sur 
une  lame  de  verre  qu'on  place  sous  un 
microscope  dont  le  pouvoir  amplifiant 
est  au  moins  de  150.  M.  Sirodot  a 
constaté  de  la  sorte  que  chez  VOryctes 
nasicornis  ces  follicules  sont  dispo- 
sés en  séries  annulaires  assez  régu- 
lières, et  leurs  parois  sont  formées 
par  une  dépression  de  la  membrane 
homogène  qui  constitue  la  base  de  la 
tunique  muqueuse  de  Testomac.  Les 
utricules  qui  en  occupent  l'intérieur 
sont  petites  et  arrondies  ;  enfin  on 
remarque  au  milieu  d'elles  une  goutte 
d'un  liquide  opalin  (a).  Chez  le  Gril- 


lon des  champs,  les  follicules  gastri- 
ques occupent  les  mailles  d'un  ré- 
seau formé  par  des  fibres  sinueuses 
de  tissu  conjonctif,  et,  d'après  les 
recherches  de  M.  Sirodot,  les  cellules 
incluses  dans  toutes  ces  glandules  ont 
beaucoup  d'analogie  avec  les  utricules 
sécrétoires  de  la  pepsine  chez  les  Ani- 
maux vertébrés  (b). 

(2)  On  trouve  une  foule  de  formes 
intermédiaires  entre  les  deux  états  ex- 
trêmes dont  il  est  ici  question.  Ainsi, 
chez  les  Cétoines,  les  Lucanes,  les 
Taupins  et  quelques  autres  Coléo- 
ptères phytophages,  les  glandules  gas- 
triques ne  sont  pas  enfouies  dans 
l'épaisseur  des  parois  de  l'estomac, 
comme  chez  les  Oryctes,  mais  sont  un 
peu  saillantes  à  la  surface  externe  de 


(a)  Sirodot,  Recherches  sur  les  sécrétions  che^  les  Insectes  {Ann.  des  sciences  nat.,  4'  série, 
1858,  t.  X,  p.  -183,  pi.  13,  llg.  1  et  2). 
(6)  Idem,  ibid.,  pi.  13,  fi^'.  3. 


Y. 


39 


610  APPAREIL    DIGESTIF. 

que  ce  sont  aussi  les  organes  chargés  plus  sjjécialement  de 
sécréter  le  suc  pepsique  ou  quelque  liquide  analogue  (1). 
On  les  trouve  chez  la  plupart  des  Coléoptères,  mais  principale- 
ment chez  les  espèces  de  ce  groupe  qui  se  nourrissent  de 
matières  animales  (2).  Ce  sont  de  petits  appendices  creux  qui 
ressemhlent  à  des  doigts  de  gant,  et  qui  sont  en  général  serrés 


cet  organe,  et  y  constituent  une  multi- 
tude de  petites  papilles  arrondies  (a). 
Chez  les  Copris,  qui  vivent  de raalièies 
fécales ,  ces  appendices  gastriques 
s'allongent  davantage  (6)  ;  mais  c'est 
chez  les  ColéopLères  carnassiers,  tels 
que  les  Carabes  et  les  Dytisques,  qu'ils 
acquièrent  les  dimensions  les  plus 
considérables  (c). 

(1)  Je  fais  cette  réserve,  parce  que 
les  re'cherches  récentes  de  M.  Basch 
tendent  à  établir  que,  chez  le  Blatta 
orientalis,  le  liquide  séci'été  par  les 
glandiiles  de  l'estomac  n'est  pas  acide 
comme  le  suc  gastrique  ordinaire, 
mais  alcalin,  et  susceptible  d'agir  sur 
les  aliments  à  la  manière  de  la  dia- 
slase  {(l).  Rengger  est  arrivé  à  un 
résultat  analogue,  en  étudiant  les  li- 
quides contenus  dans  l'estomac  de 
diverses  Chenilles  (e). 

(2)  Ainsi  les  villosités  gastriques 
sont  bien  développées  chez  les  Cicin- 


délètes,  les  Carabiques,  les  Dytisques, 
les  Staphyliniens,  les  Escarbots,  les 
Silphcs,  les  Diapères,  etc. 

Le  ventricule  chylifique  est ,  au 
contraire,  dépourvu  de  villosités  chez 
les  Coléoptères  des  genres  Buprestes, 
Lampyrus,  Telephoriis,  Malachius, 
Drilus,  Anobmm,  Clerus,  Geotrupes, 
Melolontha,  Hoplia,  OEdemera,  Mor- 
della,  Lytta,  Mijlabris,  Meloe,  Bos~ 
trichus,  Prionus,  Clytus,  Cassida, 
Timarcha,  Galleruca,  etc.  Or  tous 
ces  Insectes  sont  phytophage»;  mais 
il  existe  aussi  un  certain  nombre  de 
Coléoptères  dont  le  régime  est  ana- 
logue et  dont  l'estomac  est  plus  ou 
moins  villeux  :  par  exemple,  les  Sco- 
lytes ,  les  Ténébrions  ,  les  Charan- 
çons, etc.  Pour  plus  de  détails  à  ce 
sujet,  je  renverrai  aux  ouvrages  déjà 
cités  de  Hamdohr,  de  M.  Léon  Du- 
four,  etc. ,  ainsi  qu'à  divers  mémoires 
particuliers  (f). 


(a)  Exemples:  Cetonia  aurata  (voy.  L.  Dufoui*,  Recherches  sur  les  Carabiques  [Ann.  des  sciences 
mt.,  i"  série,  1824,  t.  III,  pi.  15,  fig-.  1). 

—  Lucanus  cervus  (voy.  L.  Dufour,  loc.  cit.,  pi.  15,  fig.  2  et  3). 

(6)  L.  Dufour,  loc.  cil.,  pi.  14,  fig.  3. 

(c)  Exemple:  Carabus  auratus  (voy.  L.  Dufour,  Op.  cit.,  dans  Ann.  des  sciences  nat.,  1'"  série, 
t.  Il,  pi.  20,  fig.  1  et  3). 

(rf)  Untersvchungen  ùber  des  chylopoetischc  und  tiropoetische  System  der  Blatta  orientalis 
[Sitzungsberichte  der  Wiener  Akad.,  1858,  t.  XXXIII,  p.  250). 

(e)  Rengger,  P/tysioL  Unters.  uber  die  thierische  Haushaltung  der  Insekten,  iSlT,  ]i.  21  et 
suiv. 

{[)  P.amdolir,  Abhandlung  ûher  die  Verdaiiungsiverkz-eiige  der  Insecten,  pi.  2  et  suiv. 

—  Idem,  Anatomie  des  Darmkanals  und  der  Geschlechlslhelle  voni  Carabus  monilis  {Mag.  der 
Gesellschaft  naturforschender  Freunde  au  Berlin,  1807,  t.  I,  p.  207,  pi.  4). 

—  l,.  Dufour,  Hecherches  sur  les  Carabiques,  etc.  (Ann.  des  sciences  nat.,  1"  série,  1824 
et  1825,  t.  m  et  IV). 

—  Idem,  Recherches anatomiques  sur  les  ColéojHères  compris  dans  les  familles  des  Dermeslins, 


TUBE    ALIMENTAIRE    DES    INSECTES.  611 

les  uns  contre  les  autres  comme  les  poils  d'une  brosse  molle  : 
leur  cavité,  terminée  en  cul-de-sac  du  côté  externe,  commu- 
nique avec  l'intérieur  de  l'estomac  par  son  extrémité  opposée, 
et  loge  des  utricules  sécrétoires  à  divers  degrés  de  développe- 
ment. Ils  sont  en  général  plus  nombreux  à  la  partie  antérieure 
de  l'estomac  que  vers  sa  partie  postérieure,  et  ils  cessent  tou- 
jours d'exister  à  quelque  distance  du  point  d'insertion  des  vais- 
seaux malpigliiens. 

Chez  les  Insectes  des  autres  ordres  on  ne  trouve  que  rare- 
ment des  traces  de  villosités  gastriques.  Comme  exemple  de 
cette  disposition,  je  citerai  cependant  le  Fourmilion,  parmi  les 
Névroptères  (1).  Elle  ne  se  rencontre  ni  chez  les  Orthoptères, 
ni  chez  les  Hyménoptères,  les  Lépidoptères  et  les  Diptères. 

§  7.  —  La  portion  intestinale  du  tube  digestif  qui  fait  suite 
à  l'estomac,  et  qui  se  compose,  ainsi  que  je  l'ai  déjà  dit,  de  deux 
parties  principales,  savoir,  un  intestin  antérieur  ou  intestin 
grêle,  et  un  intestin  postérieur  ou  réservoir  stercoral,  varie 
beaucoup  dans  son  degré  de  développement,   soit  chez  les 


(1)  Chez  la  larve  du  Fourmilion,  il  couvert   de   petits    Ccecums  verruci- 

existe  un  jabot  globuleux  qui  est  se-  formes.    Ces  appendicules  se  voient 

paré  du  ventricule  chylifique  par  un  aussi  chez  l'Insecte  parfait,  qui  est 

étranglemerit,  et  ce  dernier  organe  est  également  carnassier  (o). 


des  Byrrhiens,des  Acanthopodes  et  des  Leptodactyles  {Ann.  des  sciences  nat.,  2^  série,  1834, 
t.  I,  p.  56,  pi.  2  et  3). 

—  LJem,  Mém.surles  métamorphoses  et  l'anatomie  dw  Pyrochroa  coccinea  (Ann.  des  sciences 
liât.,  2"  série,  1840,  t.  XIII,  p.  321,  pi.  5,  fig.  5). 

—  Idem,  Histoire  des  métamorphoses  et  de  l'anatomie  des  Mordelles  (Ann.  des  sciences  nat., 
1840,  p.  225,  pi.  H,  flg.  9  et  10). 

—  Idem,  Histoire  comparée  des  métamorphoses  et  de  l'anatomie  des  Cetonia  aurata  et  Dorcus 
parallelipipedus  [Ann.  des  sciences  nat.,  2"  série,  1842,  t.  XVIII,  p.  162,  pi.  2,  fig.  3,  et  pi.  3, 
%■  18). 

—  Audouin,  Recherches  anatomiqiies  sur  le  Drile  flavescent  (Ann.  des  sciences  nat.,  i"  série, 
1824,  t.  II,  p.  447,  pi.  15,  ùg.  15  et  10). 

• —  Idem,  Recherches  pour  servir  à  l'histoire  naturelle  des  Cantharides  {Ann.  des  sciences 
nat.,  1"  série,  1826,  t.  IX,  p.  44,  pi.  42,  fig.  42). 

—  Burmeister,  Zur  Naturgeschichte  der  Gatlung  Calandra,  in-4,  Berlin,  1837  {appareil  digestif 
de  la  larve  du  Calandra  Sommeri,  Rg.  3). 

—  Idem,  Anat.  Observ.  upon  the  Larva  of  Calosoraa  sycoplianla  {Trans.  of  the  Entomol.  Soc. 
ofLondon,  1836,  t.  1,  p.  235,  pi.  24,  fig.  10). 

(a)  L.  Dufour,  Recherches  sur  les  Orthoptères,  etc.,  pi.  12,  fig.  175  et  179. 


Inlestin. 


Qi^I  APPAREIL    DIGESTIF. 

divers  Insectes,  ^-oit  chez  le  même  individu  à  différents  âges. 
Chez  les  Chenilles  et  chez  beaucoup  d'autres  larves,  elle  est 
extrêmement  courte,  et  chez  les  Hémiptères  elle  ne  s'allonge 
que  fort  peu  (1);  mais,  chez  la  plupart  des  autres  Insectes 
adultes,  elle  se  développe  beaucoup  plus  et  elle  acquiert  une 
structure  assez  complexe.  La  ligne  de  démarcation  qui  la  sépare 
de  l'estomac  n'est  pas  toujours  nettement  indiquée,  mais  cor- 
respond à  peu  près  au  point  d'insertion  des  tubes  malpigliiens. 
Seulement  il  est  à  noter  que  la  partie  du  canal  alimentaire  où 
ces  vaisseaux  débouchent,  et  que  j'appellerai  pylorique,  se 
confond  quelquefois  avec  l'estomac,  et  se  trouve  ainsi  placée 
au-devant  de  l'intestin,  tandis  que  d'autres  fois  elle  est  séparée 


(1)  Ainsi,  cliez  le  Papillon  du 
clioir  {a),  le  Dombyx  dn  pin  (6),  le 
Ver  à  soie  (c),  le  Sphinx  du  Iroëne  (d), 
la  Pyrale  de  la  vigne  (e)  et  la  plupart 
des  autres  Lépidoptères  à  l'état  de 
larves,  l'intestin  consiste  en  un  tube 
droit  et  presque  cylindrique,  qui  n'a 
guère  plus  d'un  quart  ou  même  un 
cinquième  de  la  longueur  du  corps,  et 
qui  se  divise  en  trois  portions  princi- 
pales auxquelles  on  peut  donner  les 
noms  dHntestm  antérieur,  d'intestiii 
moyen  et  d'intestin  postérieur.  L'in- 
testin antérieur  a  des  parois  très 
cliarnucs,  et  donne  insertion  aux  tubes 
malpigliiens;  l'intestin  moyen  est  plus 
rentli',  et  constitue  le  réservoir  sler- 
coral  ;  cnlin  l'inlestin  postérieur,  ou 
rectum,  est  très  dilatable,  mais  dans 
l'état  de  vacuité  il  ne  constitue  qu'un 


petit  canal  membrano-musculaire  qui 
aboutit  à  l'anus. 

En  observant  les  changements  suc- 
cessifs qui  s'opèrent  dans  la  confor- 
mation de  cette  portion  post-stoma- 
cale de  l'appareil  digestif,  pendant  que 
les  Lépidoptères  avancent  en  âge,  on 
remarque  d'abord  qu'elle  s'allonge 
beaucoup  plus  que  les  parties  voi- 
sines, et  l'on  voit  aussi  que  cet  accrois- 
sement porte  principalement  sur  la 
partie  de  l'intestin  antérieur  qui  est 
comprise  entre  le  lieu  d'insertion  des 
vaisseaux  malpighiens  et  le  réservoir 
stercoral  ;  un  long  tube  étroit  et  cyUn- 
drique  se  développe  ainsi,  et  constitue 
ce  que  l'on  appelle  communément 
Yintestin  grêle  de  ces  Insectes,  tandis 
que  la  partie  antérieure  de  l'intestin, 
qui  était  primitivement  bien  distincte 


(a)  Herold,  Entwickelungsgeschichte  der  Schmelterlinge,  p!.  3,  ûg.  i  a  i'2. 

((jjSiickow,  Anat.-physiol.  Uiitersuchunrjeii  dev  InseUen  und  Krustenthiere,  pi.  2,  fig-.  l  à  ■lO. 

(c)  Cornalia  ,  Monografm  del  Bombice  del  gclso,  pi.  4,  i\s;.   5'i  ;  pi.  10,  fig'.  133,  135,  137  ; 
pi.  l'2,fi-.  189. et  202. 

(d)  Nevvport,  On  tlie  Nervous  System  of  Ihe  Sphinx  ligiistri  [Philos.  Traiis.,  1834,  pi.  14, 
fig.  1,  1-2  et  13  . 

(e)  AiulouLii,  lltstoirc  des  Insectes  nuisibles  à  la  vigne,  pi.  7,  (ig.  10. 


TUBE    ALIMENTAIRE    CES    INSECTES.  61 S 

du  ventricule  chylifique  par  un  étranglement  et  ne  se  distingue 
pas  de  l'intestin  grêle.  Ce  dernier  mode  d'organisation  se  voit 
chez  les  Chenilles  où  la  portion  pylorique  du  tube  digestif  est 
cylindrique,  courte  et  plus  étroite  que  le  ventricule  qui  la 
précède  (1).  Une  disposition  analogue  se  voit  chez  quelques 
Hémiptères,  tels  que  les  Lygées,  où  l'intestin  grêle  est  représenté 
par  une  poche  arrondie,  et,  chez  quelques  autres  Insectes  du 
même  ordre,  toute  cette  partie  du  canal  digestif  reste  à  l'état 
rudimentaire,  de  façon  que  le  point  d'insertion  des  vaisseaux 
malpighiens  marque  la  limite  entre  l'estomac  et  le  gros  intestin 
ou  réservoir  stercoral  :  par  exemple,  chez  les  Capses  (2). 
Mais,  en  général,  c'est  la  disposition  contraire  qui  s'observe  : 


de  l'estomac,  se  confond  de  pins  en 
plus  avec  cet  organe,  de  façon  que 
cliez  l'Animal  adulte  remboucliure 
des  vaisseaux  malpighiens  ne  se 
trouve  plus  dans  Tintestin  proprement 
dit,  mais  à  l'extrémilé  du  ventricule 
chylifique  (a). 

Chez  les  larves  des  Coléoptères  de 
la  famille  des  Lamellicornes,  la  portion 
intestinale  du  tube  digestif  est,  au 
contraire  très  développée,  et  se  re- 
courbe sous  l'estomac  pour  se  porter 
d'abord  en  avant,  puis  en  arrière  ; 
enfin,  sa  partie  moyenne  est  renflée 
de  manière  à  constituer  une  grande 
poche  stercorale  ovoïde  et  à  parois 
boursouflées  (6). 

L'intestin  ofl"re  aussi  une  longueur 
assez  considérable  chez  la  larve  de 
quelques    autres    Coléoptères ,     par 


exemple  le  Calosoma  sycophanta , 
mais  il  ne  s'élargit  que  dans  le  voisi- 
nage de  l'anus  (c). 

(1)  Chez  la  Chonille  du  Cossus 
ligniperda,  cette  portion  de  l'intestin 
se  compose  de  deux  zones  assez  dis- 
tinctes par  la  structure  de  leur  tuni- 
que muqueuse,  et  c'est  dans  la  seconde 
que  s'ouvrent  les  tubes  malpi  - 
ghiens  {di. 

(2)  L'avorlement  de  toute  la  portion 
du  tube  alimentaire  correspondante  à 
l'intestin  grêle  de  la  plupart  des  In- 
sectes se  remarque  aussi  chez  les 
.Miris.  En  effet,  chez  ces  Hémiptères, 
l'estomac,  ou  ventricule  chylifique, 
que  Î\I.  Léon  Dufour  désigne  ici  sous 
le  nom  de  second  estomac,  n'est  sé- 
paré du  réservoir  stercoral  que  par 
un  étranglement  oîi  viennent  débou- 


(a)  Voyez  Herold,  Op.  cit.,  pi.  3,  fig.  12. 

—  Newport,  I.nsecta  {Todd's  Cyclop.  of  .inal.  and  Pliysiol.,  t.  II,  p.  972,  %.  430). 

(!))  Exemples  :  la  larve   de  l'Oryctes  nasicornis   (\oy.  Swammerdam,  Biblia  ?!aturœ,  pi.  27, 
(ig.  II  ;  —  De  Haan,  Op.  cit.  {Nouvelles  Annales  du  Muséum,  1835,  t.  IV,  pi.  10,  fig-.  A,  B,  C). 

—  La  larve  du  Hanneton  (voy.  Newport,  Insecta,  in  ToJd's  Cyclop.,  t.  Il,  p.  OUS,  fig.  425). 
(c)  hmmehier ,  .\natomical  Observations  uponthe  Larva  of  Calosoma sijcophania  (Transactions 

oflhe  Entomol.  Soc.  of  London,  1836,  t.  1,  p.  dd'i,  pi.  24,  iig.  10  et  11). 

{d)  Lyonnel,  Traité  analomiquc  de  lu  Chenille  qui  ronge  le  bois  de  saule,  p.  473,  pi   13,  fig-.  1. 


6i/l  APPAREIL    DIGESTIF. 

la  portion  pylorique  portant  les  embouclmres  des  tubes  de 
MaJpighi  se  confond  avec  l'extrémité  postérieure  de  l'estomac, 
et  la  partie  suivante  de  l'intestin  se  développe  en  un  canal 
grêle  et  cylindrique,  d'une  longueur  assez  grande,  qui  conduit 
de  ce  dernier  viscère  dans  le  réservoir  stercoral.  Ce  mode 
d'organisation  est  général  chez  les  Coléoptères  et  les  Ortho- 
ptères ;  il  ne  manque  que  rarement  chez  les  Hyménoptères, 
les  Névroptères,  les  Lépidoptères  et  les  Diptères  ;  enfin  il  se 
rencontre  aussi  chez  plusieurs  Hémiptères.  En  général,  l'in- 
testin grêle,  ainsi  constitué,  ne  présente  dans  sa  structure  rien 
qui  soit  important  à  noter,  mais  quelquefois  il  devient  très 
long  :  par  exemple,  chez  ïOryctes  adulte  (1),  où  il  se  renfle 


cher  les  tubes  malpigliiens  (a),  U  en 
est  de  même  chez  la  Punaise  des 
lits  (6),  les  Réduves  (c),  etc. 

La  portion  pylorique  de  l'intestin 
reste  au  contraire  distincte,  soit  de 
l'estomac,  soit  du  réservoir  stercoral, 
chez  la  plupart  des  autres  Hémiptères 
et  chez  plusieurs  de  ces  Insectes,  tels 
que  lesLygées  (d)  et  les  Gerris  (e)  ;  elle 
se  renfle  de  façon  à  former  une  grosse 
poche  arrondie,  sur  les  côtés  de  la- 
quelle viennent  s'ouvrir  les  tubes  mal- 
pighiens.  Chez  d'autres  Hémiptères 
de  la  même  famille,  cette  poche  de- 
vient excentrique  ,  par  exemple  chez 
les  Scutellaires  (/"),  et  chez  les  Pijr- 
rhocoris  ,  où  elle  est  profondément 
bilobée  {g). 


Enfin,  chez  divers  Hémiptères  qui 
appartiennent  aussi  à  la  grande  fa- 
mille des  Punaises,  l'intestin  antérieur 
devient  cylindrique,  grêle  et  allongé, 
et  le  point  d'insertion  des  tubes  mal- 
pighieus  se  trouve  à  la  ligne  de  jonc- 
tion de  cet  organe  avec  l'estomac. 
Cette  disposition  se  voit  chez  les 
Nèpes  [h),  les  Naucores  [i),  etc. 

(1)  La  tunique  interne  de  l'intestin 
grêle  forme  souvent  des  plis  longitu- 
dinaux, et  ce  sont  les  extrémités  de 
ces  duplicatures  qui  ont  été  décrites 
par  M.  Léon  Dufour  comme  consti- 
tuant une  espèce  de  valvule,  d'une 
part  à  l'orifice  postérieur  de  l'eslo- 
mac,  et  d'autre  part  à  l'entrée  du 
réservoir    stercoraL    Chez   quelques 


(a)  L.  Dufour,  Recherches  sur  les  Hémiptères,  pi.  3,  fig.  27. 
(&)  Idem,  iUd.,  pi.  4,  fig.  44. 

(c)  Idem,  ibid.,  pi.  4,  fig.  48. 

(d)  Idem,  ibid.,  pi.  3,  fig.  22  et  25. 

(e)  Idem,  ibid.,  pi.  5,  fig.  64. 
(/■)  Idem,  ibid.,  pl.l,  fig.  1. 
{g)  Idem,  ibid.,  pi.  2,  fig.  19. 
(;t)  Idpm,  ibid.,  pi.  0,  fig.  82. 
(i)  Idem,  ibid.,  pi.  0,  fig.  72. 


TUBE    ALIMENTAIRE    DES    INSECTES.  615 

beaucoup  vers  son  extrémité  postérieure  et  y  devient  très 
musculaire  (1). 

Le  réservoir  stercoral,  que  les  anatomistes  désignent  aussi  Gros  intestin 

_  ou 

sous  les  noms  de  gros  intestin^  de  côlon,  etc.,  est  d'ordinaire 
une  simple  dilatation  du  canal  alimentaire,  dont  les  fibres  mus- 
culaires sont  disposées  par  bandes  distinctes  et  dont  les  parois 
renferment  des  organes  glandulaires  particuliers  (2);  mais, 


réservoir 
stercoral. 


Coléoptères,  les  Cétoines  et  les  Lu- 
canes, par  exemple  (a),  cet  intestin 
est  fort  court;  tandis  que  chez  d'au- 
tres espèces  du  même  ordre,  telles 
que  le  Ténébrion  (6)  ,  et  surtout 
VOryctes  nasicornis ,  il  acquiert  une 
longueur  fort  considérable  (c).  En  gé- 
néral ,  11  est  lisse  extérieurement , 
mais  quelquefois  il  est  couvert  de 
petites  papilles  dans  une  grande 
partie  de  son  étendue  :  par  exemple, 
chez  les  Silphes  (d)  et  les  Nécro- 
phores  (e). 

(1)  Celte  disposition  est  très  remar- 
quable chez  le  Hanneton,  et  la  portion 
de  l'intestin  grêle  qui  est  ainsi  élargie 
constitue  ce  que  M.  Straus  a  appelé,  à 
tort,  le  gésier  de  ces  Insectes  (/').  Sa 
surface  interne  est  armée  de  six  séries 
longitudinales  de  mamelons  triangu  - 
laires  qui  garnissent  les  colonnes  for- 
mées d'ordinaire  par  un  simple  repli 
de  la  membrane  muqueuse  {g). 


(2)  Le  réservoir  stercoral  simple, 
c'est-à-dire  faisant  complètement  suite 
à  l'intestin  grêle  et  ne  se  prolongeant 
pas  antérieurement  en  cul-de-sac,  est 
presque  toujours  de  forme  ovoïde 
et  strié  par  six  bandes  musculaires, 
entre  lesquelles  on  remarque  sou- 
vent un  égal  nombre  de  tubercules 
arrondis  ou  ovalaires,  qui  sont  parfois 
transparents  au  centre  et  garnis  d'une 
sorte  de  cadre  corné  :  par  exemple, 
chez  les  Zabrus  (h),  parmi  les  Coléo- 
ptères, et  chez  la  plupart  des  Hymé- 
noptères. Chez  tous  les  MeUifères,  à 
l'exception  des  Bourdons,  ces  tuber- 
cules existent  aussi ,  mais  ils  ne  sont 
pas  toujours  encadrés  de  la  sorte,  et 
souvent  ils  sont  disposés  sur  deux 
rangées  transversales.  Chez  les  Cra- 
bronites,  les  Sphégides  et  beaucoup 
d'autres  Hyménoptères,  ils  s'allongent 
considérablement;  enfin,  les  Ichneu- 
monides  et  les  Gallicoles  paraissent  en 


(a)  L.  Dufour,  Recherches  sur  les  Carabiqties,  etc.  {Ann.  des  sciences  nat.,  1"  série,  -1824, 
t.  III,  pi.  15,  %.  1  et  2). 

(b)  Idem,  ibid.,  pi.  29,  lig.  6. 

(c)  Sirodot,  Recherches  siir  les  sécrétions  des  Insectes  {Ann.  des  sciences  nat.,  4"  série,  I.  X, 
pi.  14,  fig.  1). 

{d]  L.  bufoiir.  Op.  cit.  {Ann.  des  sciences  nat.,  1"  série,  t.  III,  pi.  13,  fig.  5  à  7). 

(c)  UAtzek,  Necrophororummonographiœ par ticula prima  {disserl.  inaug.).  Breslau,  1839,  pi.  3, 
%.  57). 

(f)  Siraus,  Considérations  swr  l'anatomie  comparée  des  Animaux  articulés,  p.  203,  pi.  5, 
%.  6,  h,  i. 

{g)  Idem,  ibid.,  pi.  5,  fig.  8. 

—  Suckow,  Verdauungsorgane  der  Inseklen  (Heusinger's  Zeitschrift  fur  die  organische  Physik, 
1833,  t.  111,  pi.  3,  fig.  93  et  94). 

{h}  Burmeister,  Handbuch  der  Entomologie,  t,  I,  p.  149, 


61(3  Âl'P.U'.ËIL    DIGESTIF. 

chez  quelques  Insectes  il  se  développe  latéralement,  de  façon  à 
former  une  poche  dont  le  fond  se  prolonge  beaucoup  en  avant 
du  point  où  l'intestin  grêle  vient  s'y  ouvrir  (1). 


être  privés  (a).  On  remarque  aussi 
des  boulons  en  nombre  variable 
dans  les  parois  du  réservoir  stercoral 
de  divers  Névroplères  ,  et  chez  les 
Piu-yganes  on  en  compte  environ 
vingt  {b}.  Chez  la  IMouche  domestique, 
on  n'en  aperçoit  que  quatre;  ils 
sont  coniques,  creux  et  hérissés  de 
petites  épines  cornées  (c).  Plusieurs 
entomologistes  pensent  que  ces  bou- 
tons sont  de  nature  glandulaire,  mais 
ils  paraissent  être  seulement  des  orga- 
nites  analogues  aux  papilles  que  nous 
verrons  à  la  surface  de  la  muqueuse 
digestive  chez  beaucoup  d'Animaux 
supérieurs. 

Quelquefois,  chez  le  Ver  à  soie,  par 
exemple,  cette  portion  du  canal  intes- 
tinal est  divisée  en  deux  loges  par  un 
étranglement  circulaire,  et  dans  cha- 
cun de  ces  compartiments  arrondis 
on  voit  quatre  paires  de  tubercules 
ou  plaques  cornées  ovalaires,  dispo- 
sées transversalement  en  forme  d'an- 
neau (d). 


(1)  Cette  disposition  paraît  être  géné- 
rale chez  les  Lépidoptères  adultes,  mais 
elle  n'existe  jamais  chez  ces  Insectes 
à  l'état  de  larves.  L'appendice  caecal, 
ainsi  constitué,  ne  s'avance  que  peu 
au-devant  de  la  terminaison  de  l'in- 
testin grêle  chez  quelques  espèces, 
telles  que  le  Pontia  brassicœ  (e).  Mais 
chez  d'aiUres,  le  réservoir  stercoral 
prend  la  forme  d'un  sac  ovoïde  à  col 
plus  ou  moins  étroit  :  par  exemple, 
chez  le  Sphinx  Ugustri  {[),  et  VA- 
cherontia  Atropos  (g). 

Ce  mode  d'organisation  est  au  con- 
traire très  rare  chez  les  Coléoplères  ; 
il  s'observe  cependant  chez  les  Dy- 
lisques  à  i'état  de  larves  (h)  aussi 
bien  qu'à  l'âge  adulte  (î)  ,  chez  les 
Ténébrions  (/),  le  Nécrophorfe  {k),  etc. 
Il  existe  aussi  chez  quelques  Hémi- 
ptères, tels  que  les  Pelogomis  (l), 
les  iîanatres  {m),  les  Kèpes  (n),  les 
INaulonectes  (o),  et  les  Dorthésies  (p). 
Enfin,  on  l'observe  également  chez 
la  larve  du  Tipula  lunata  {q)  parmi 


(a)  L.  Dufour,  Recherches  sur  les  Orthoptères,  etc.,  p.  132. 

(fc)  IJem,  ibid.,  p.  355,  pi.  13,  iig;.  208. 

(c)  Leyclig,  Lehrbuch  der  Histologie,  p.  339,  fig.  182. 

{dj  Cornalia,  Monografia  del  Bombice  del  gelso,  pi.  4-,  fig.  54,  55  et  56. 

{eJNewport,  Insect.'^  (Todd's  Cyclop.,  t.  Il,  p.  973,  fig-.'  431). 

(0  Treviranus,  Op.  cit.  {Vermischte  Schriflen,  t.  II,  pl.  11 ,  fig.  1  k). 

—  Newport,  Op.  cit.,  1. 11,  p.  973,  fig.  430. 

(g)  Suckow,  Aiiat.-phys.  Unlers.  der  Insekten  xmd  Knistenthiere,  pl.  2,  fig.  9  et  10. 
{h)  RamJohr,  Op.  cit.,  pl.  2,  fig.  2. 
(i)  IJem,  ibid.,  pl.  2,  fig.  1. 

—  L.  Diifour,  Rech.  sur  les  Carabiques,  etc.  (Ann.  des  se.  nat.,  i"  sdiie,  1. 111,  pl.  10,  fig.  3). 
(j)  Ramdohr,  Verdauungswerkzeuge  der  Insecten,  pl.  4,  fig.  2. 

(k)  Idem,  ibid.,  pl.  5,  fig.  1. 

(l)  L.  Hufoiir,  Recherches  sur  les  Hémiptères,  pl.  5,  fig.  58  bis. 

(m)  Idem,  ibid.,  pl.  G,  fig.  81. 

(n)  Idem,  ibid.,  pl.  6,  fig.  82. 

(o)  Idem,  ibid.,  pl.  7,  fig,  89. 

(p)  Idem,  ïbid.,  pl.  9,  lig.  108. 

{q)  Idem,  Recherches  sur  les  Diptères,  pl.  4,  fig.  30, 


TUBE    ALIMENTAIRE    DES    INSECTES.  617 

Le  rectum  n'offre  rien  d'important  à  noter. 

Chez  un  petit  nombre  d'Insectes  à  l'état  de  larves,  on  n'aper- 
çoit aucun  indice  d'évacuations  alvines,  et  l'ouverture  anale  a 
échappé  aux  investigations  des  anatomistes  (1).  Mais,  dans 


Anus. 


les  Diptères.  Je  n'en  connais  pas 
d'exemple  chez  les  Orthoptères,  les 
Kévroptères  et  les  Hyménoptères. 

(1)  La  plupart  des  entomologistes 
admettent  que  chez  plusieurs  larves 
d'Hyménoptères  et  même  chez  quel- 
ques autres  Insectes,  il  n'y  a  pas 
d'anus.  Ainsi  Réaumur  attribuait  ce 
mode  d'organisation  anormal  à  la 
larve  du  Fourmilion  (a),  el  l'opinion 
de  ce  naturaliste  illustre  a  été  partagée 
par  beaucoup  d'entomologistes  de  l'é- 
poque actuelle  (6)  ;  mais  elle  n'est  pas 
fondée,  car  M.  Léon  Dufour  a  con- 
staté que  chez  cet  Animal,  à  l'état 
de  larve  aussi  bien  qu'à  l'état  adulte, 
le  tube  intestinal  est  conformé  de  la 
manière  ordinaire  et  débouche  au 
dehors  par  un  anus  terminal  (c). 

Ramdohr  et  Siickow  ont  repré- 
senté l'appareil  digestif  de  la  larve 
des  Guêpes  comme  étant  formé  d'une 
grande  poche  stomacale  terminée  en 
cul-de-sac  et  n'étant  pas  pourvue  d'un 
intestin  {d).  M.  Burmeister  le  décrit 
de  la  même  manière  (e),  mais  New- 
port  y  a  constaté  l'existence  d'un  in- 
testin très  court,  où  viennent  débou- 
cher   les    canaux    malpighiens    {f). 


M.  Grube  a  donné  une  bonne  figure 
de  cette  portion  terminale  de  l'appa- 
reil digestif,  et  il  a  nettement  distin- 
gué son  ouverture  anale.  Cependant 
il  reste  encore  quelque  incertitude 
au  sujet  de  la  perméabilité  de  la  por- 
tion pylorique  de  ce  tube,  et,  d'après 
l'ensemble  de  ses  observations ,  ce 
naturaliste  pense  qu'à  cette  période 
de  la  vie  de  la  Guêpe,  l'estomac  ne 
communique  pas  avec  l'intestin  et  se 
termine  en  cul-de-sac;  enfin,  que  l'in- 
testin, ouvert  en  arrière,  est  aussi  un 
tube  caecal  en  continuité  avec  le  pre- 
mier par  sa  tunique  musculaire  et  sa 
membrane  externe  seulement  ((;).  Il  y 
aurait  donc,  comme  d'ordinaire,  une 
bouche  et  un  anus,  mais  le  tube 
étendu  entre  ces  deux  ouvertures  se- 
rait interrompu  par  un  cylindre  im- 
perforé dans  la  région  pylorique  ; 
disposition  qui  me  paraît  peu  pro- 
bable, et  je  suis  porté  à  croire  que 
l'oblitération  observée  par  ce  natura- 
liste tient  surtout  à  un  état  de  con- 
traction.pius  ou  moins  permanente  du 
sphincter  pylorique. 

La  larve  de  l'Abeille  a  été  décrite 
comme  ayant  aussi  l'estomac  terminé 


(o)  Rcaumur,  Mém.  your  servir  à  l'histoire  des  Insectes,  t.  VI,  p.  366. 

(&)  Lairei'.le,  Histoire  naturelle  des  Crustacés  et  des  Insectes,  t.  XUI,  p.  26. 

—  Diilrochet,  Op.  cit.  [Journal  de  physique,  1818,  t.  LXXXVI,  p.  134). 

—  Burmeister,  Handbuch  der  Entomologie,  f.  I,  p.  M:Q. 

—  Lyconlaire,  Introduction  à  l'entomologie,  1838,  t.  II,  p.  5. 

(c)  L.  Dufour,  Recherches  sur  les  Ortlioptères,  etc.,  p.  326,  pi.  12,  fig.  175. 

(d)  Ramclohr,  Op.  cit.,  pi.  12,  fig.  1. 

—  Suckow,  Op.  cit.  (Heusiug-er's  Zeitschrift  fur  die  organische  Physik,  t.  III,  pi.  0,  fig.  130). 

(e)  Burmeisler,  Handbuch  der  Entomologie,  I.  I,  pi.  9,  Qg.  9. 

(f)  Newjiort,  art.  Insecta  (Todd's  Cyclop.  of  Anat.  and  Physiol.,  t.  II,  p.  907). 

(g)  Ed.  Grube,  Fehlt  den  Wespen-und  Hornissenlarven  ein  After  oder  nicht  (Miiller's  Archiv 
fur  Anat.  und  Physiol.,  1849,  p.  47,  pl,  1,  fig,  (>). 


^■laiidiilaires. 


618  APPAREIL    DIGESTIF. 

l'immense  majorité  des  cas,  cette  ouverture  terminale  de  l'in- 
testin est  facile  à  reconnaître,   même  à  cette   période  peu 
avancée  de  la  vie,  et  chez  l'animal  «dulte  elle  se  voit  tou- 
jours, soit  à  l'extrémité  postérieure  du  corps ,  soit  dans  une 
espèce  de  cloaque  formé  par  l'invagination  des  derniers  zoonites 
de  l'abdomen  dans  l'un  des  anneaux  précédents  du  squelette 
tégumentaire  (1). 
Annexes        §  S-  —  Alnsl  quc  jc  l'ai  déjà  dit,  les  annexes  glandulaires 
du  canal  digestif  sont  de  différentes  sortes.  Indépendamment 
des  follicules   gastriques   que   nous    avons  rencontrés   dans 
l'épaisseur  des  parois  de  l'estomac,  ou  faisant  saillie  à  la  sur- 
face externe  de  ce  viscère  sous  forme  de  caecums,  on  trouve 
appendus  à  ce  tube  jusqu'à  trois  systèmes  d'organes  sécré- 
teurs, savoir  :  un  appareil  salivaire,  les  vaisseaux  malpighiens, 
et  des  glandes  anales. 

en  cul-de-sac  (a)  ;  mais  depuis  long-       renient  et  dépourvue  d'orifice  pylo- 
lenips  Swamnierdam  a  constaté  l'exis-  rique  (c).  Des  recherches  plus  appro- 
lence  de  l'inlestin  de  cet  Insecte  en  fondies  me  paraissent  cependant  né- 
voie  de  développement,  ainsi  que  les  cessaires  pour  établir  que  chez   ces 
connexions  de  cette  portion  terminale  larves  il  y  ait  réellement  absence  de 
du  tube  digestif  avec  les  téguments  toute  ouverture  anale, 
extérieurs  (6).  (1)   Cette  disposition  est  générale 
Newport,  en   étudiant  avec  beau-  chez  les  Coléoptères,  et  c'est  la  fente 
coup  de   soin  l'appareil    digestif  de  comprise  entre  les  deux  valves  de  la 
certaines  larves  d'Hyménoptères  qui  chambre  cloacale  ainsi  constituée  qui 
vivent  en  parasites  sur  d'autres  Ani-  est   communément  désignée  sous  le 
maux ,  par  exemple  du  Monodonto-  nom  û'anus  par  les  entomologistes. 
merus  nitidens,  dans  la  famille  des  Les  organes  de  la  génération  débou- 
Chalcidiles,  et  de  Vîchneumon  Atro-  chent  aussi  dans  cette  cavité,  sur  le 
pos,  n'a  pu  découvrir  chez  ces  lu-  mode  de  formation  de  laquelle  je  re- 
sectes aucune  trace  d'un  intestin,  et  viendrai  lorsque  je  traiterai  spécia- 
il   décrit  leur  estomac  comme  étant  lement  du  système   tégumentaire  de 
une  grande  poche  arrondie  postérieu-  ces  Animaux. 

(a)  Burmeister,  Handbur.h  der  Entomologie,  1. 1,  p.  -149. 

■ —  Lacordaire,  Introduction  à  l'Entomologie,  t.  1,  p.  126. 

(6)  Swamnierdam,  Biblia  Naturœ,  pi.  24.,'fig.  6. 

(c)  Kewport,  The  Anatomy  and  Development  of  certain  Chalcidœ  and  Ichneumonidœ  (Trans. 
ofthe  Linnœan  Society,  t.  XXI,  p.  68,  pi.  8,  fig.  9).  —  Art.  Insecta  (Todd's  Cyclopœdia  of  Ana- 
tomy and  Physiology,  t.  II,  p.  996). 


ANNEXES    DU    TUBE    ALIMENTAIRE    DES    INSECTES.  6i9 

Les  glandes  salivaires  paraissent  manquer  complètement 
chez  un  assez  grand  nombre  d'Insectes  (1),  et  chez  ceux  où 
elles  existent ,  on  remarque  de  grandes  différences  dans  leur 
mode  de  conformation.  Dans  leur  état  de  plus  grande  sim- 
plicité, elles  consistent  en  une  paire  de  tubes  grêles  qui,  d'une 
part  se  terminent  par  une  extrémité  aveugle  et  libre ,  et 
d'autre  part  s'insèrent  sur  les  parois  du  pharynx  ou  de  la 
bouche,  et  s'ouvrent  dans  la  cavité  de  cet  organe.  Cela  se 
voit  chez  les  Papillons  (2),  chez  divers  Coléoptères  (3),  chez 


Glandes 
salivaires. 


(1)  La  plupart  des  Goléoptcres  pen- 
tamères  paraissent  être  dépourvus  de 
glandes  appendiculaires  pour  la  sécré- 
tion de  la  salive  (a),  et  il  est  probable 
que  ce  liquide  est  formé  seulement 
par  les  follicules  qui,  chez  ces  In- 
sectes, sont  logés  dans  les  parois 
même  du  tube  digestif  (6).  Les  cae- 
cums que  Duvernoy  a  décrits  sous 
ce  nom  chez  les  Dermestes,  les  Vril- 
lettes  et  les  aiacroniques  (c),  ne  sont 
autre  chose  que  les  bourses  gastriques 
dont  il  a  déjà  été  question  ci-dessus 
(page  608).  M.  Léon  Dufour  a  décou- 
vert un  appareil  salivaire  spécial  chez 
les  Blaps  {d),  les  OEdémères  (e) ,  les 
Diapères  (f),  les  Wordelles  {g],  les 
Lixus  {h],  les  Coccinelles  (^)  et  quel- 
ques autres  Coléoptères. 


L'appareil  salivaire  spécial  paraît 
manquer  complètement  chez  les  Né- 
vroptères  appartenant  aux  familles 
des  Libellulines  et  des  Éphémé- 
rines  (j). 

(2)  chez  les  Lépidoptères  à  l'état 
parfait,  il  n'existe  qu'une  paire  de 
vaisseaux  sahvaires  simples  et  capil- 
laires {k)  ;  mais  chez  les  Chenilles  une 
seconde  paire  d'organes  analogues  à 
ces  glandes  constitue  un  appareil 
producteur  de  la  soie,  et  débouche  au 
dehors  par  ime  filière  pratiquée  dans 
la  lèvre  inférieure  (l).  Nous  revien- 
drons sur  l'étude  de  ces  derniers 
organes  dans  une  autre  partie  de  ce 
cours. 

(o)  Chez  les  Coléoptères,  en  très 
petit  nombre,  qui  possèdent  des  or- 


la)  L.  DufoLir,  Recherches  anatomiques  sur  les  Carabiques,  etc.  {Ann,  des  sciences  nat. 
1824,  t.  III). 

(6)Sirodot,  Recherches  sur  les  sécrétions  çhe»  les  Insectes  {Ann.  des  sciences  nat. 
1858,  t.  X,  p.  174  etsuiv.). 

(c)  Cuvier,  Leçons  d'anatomie  comparée,  2"  édit.,  t.  V,  p.  197. 

{d)  L.  Dufour,  Op.  cit.  (Ann.  des  sciences  nat.,  i"  série,  t.  III,  pi.  29,  fig.  4  et  5). 

(e)Idem,  ibid.,  pi.  30,  flg.  7  et  8. 

(f)  làem,  ibid.,  pi.  30,  fig.  3. 

(ff)  Idem,  ibid.,  p).  31,  fig.  1. 

(h)  Idem,  ibid.  [Ann.  des  sciences  nat.,  \"  série,  t.  IV,  pi.  5,  fie.  2). 

(i)  Idem,  ibid.,  pi.  8,  fîg.  7. 

(i)  Idem,  Recherches  sur  les  Orthoptères,  etc.,  p.  299. 

(Il)  Treviranus,  Op.  cit.  (Vermischte  Schriften,  t.  II,  pi.  H). 

{1}  Hcrold,  Entiuickelungsgeschichte  der  Schmetterlitige,  pi.  3,  fig.  1  à  5. 

—  Cornalia,  Monografia  del  Bombice  del  gelso,  pi.  4,  fig.  52,  et  pi.  10,  fig.  152. 


i"  série, 
4°  série, 


G'iO  APtAUElL    DIGESTIF. 

certains  Diptères  (1)  et  chez  un  petit  nombre  de  Névroptères  (2). 
Un  premier  degré  de  perfectionnement  dans  la  structure  de 
ces  organes  est  caractérisé  par  une  certaine  division  du  travail 
physiologique  dont  ils  sont  chargés  ;  la  partie  profonde  s'ap- 
proprie d'une  manière  plus  spéciale  à  la  production  du  liquide 
salivaire,  et  la  portion  terminale  du  tube  à  l'évacuation  de  cette 
humeur.  Celle-ci  devient  alors  un  conduit  excréteur  seulement, 
et  chez  quelques  Insectes  elle  se  modifie  de  façon  à  assurer  le 
bon  emploi  du  liquide  qu'elle  est  chargée  de  verser  dans  le  tube 
digestif.  En  effet,  elle  se  dilate  dans  une  portion  de  son  étendue, 
et  constitue  de  la  sorte  un  réservoir  salivaire  dans  lequel  les 
produits  sécrétés  peuvent  s'accumuler  quand  l'appareil  digestif 
est  au  repos,  et  se  trouver  en  quantité  considérable  au  mo- 
ment où  l'Animal  a  besoin  d'en  imbiber  ses  aliments.  Comme 
exemple  de  cette  disposition,  je  citerai  les  Sialis  (o);  mais,  en 


ganes  salivaires  spéciaux,  ceux-ci 
consistent  presque  loujours  en  une 
seule  paire  de  tubes  sécréteurs,  cylin- 
driques, capillaires,  plus  ou  moins 
longs  et  entortillés  sur  eux-mêmes, 
ou  seulement  llexueux.  Chez  quelques 
Charançonites,  tels  que  les  Lixus  et  les 
Pachygastres,  ces  vaisseaux  salivaires 
se  prolongent  jusque  dans  l'abdo- 
men (a).  Chez  les  Blaps  et  les  Cocci- 
nelles, ces  organes  ont  une  structure 
plus  compliquée.  D'après  llanidchr, 
il  n'y  aurait  qu'un  seul  vaisseau  sali- 
vaire impair  chez  le  Curculio  lapa- 
thi  (6),  espèce  du  genre  Cryptorhyn- 
chus,  mais  il  est  probable  que  cet 
anatomiste  a  commis  quelque  erreur 
dans  ses  observaUons. 


(1)  Il  y  a  aussi  une  seule  paire  de 
tubes  salivaires  chez  presque  tous  les 
Diptères  ;  mais,  chez  la  plupart  de  ces 
Insectes,  ces  organes  ne  sont  pas  capil- 
laires dans  toute  leur  étendue,  et  se 
renflent  vers  l'une  ou  l'autre  de  leurs 
extrémités,  pour  former  tantôt  une 
ampoule  initiale,  d'autres  fois  un  ré- 
servoir terminal. 

('2)  Ainsi  on  ne  trouve  qu'une  seule 
paire  de  tubes  salivaires  simples  et 
indivis  chez  le  Fourmilion  (c). 

(3)  Chez  les  Sialis,  on  trouve  de 
chaque  côté  de  l'œsophage  un  tube 
salivaire  très  court,  qui  est  grêle  dans 
sa  partie  terminale,  et  se  dilate  vers 
son  extrémité  antérieure  pour  former 
un  réservoir  ovoïde  dont   le  col  pé- 


(fl)  L.  Dufour.  Recherches  sur  les  Carabiques  {Ann.  des  sciences  nat.,  i'°  série,  t.  IV,  pi.  5, 
%•  2). 

(6)  Ramdolir,  Op.  cit.,  p.  55,  pi.  10,  fiij.  1 . 

(c)  L.  Diifoiir,  Recherches  ««?■  les  Orthoptères,  les  Hyménoplcres  cl  les  ISévropl ères,  etc.,  pi.  12, 

fie.  no. 


ANNlîXES    DfJ    TL'nR    ALIMENTAIUE    DES    INSECTES.  G21 

général,  quand  ce  liquide  digestif  doit  être  emmagasiné  de  la 
sorte,  la  Nature  crée  un  organe  spécial  pour  le  tenir  en  réserve, 
et  une  poche  particulière  appendue  au  canal  excréteur  se  con- 
stitue pour  le  recevoir.  Ainsi,  chez  la  plupart  des  Orthoptères, 
où  cet  appareil  arrive  à  un  haut  degré  de  développement,  on 
trouve  une  vésicule  salivaire  indépendante  du  conduit  excréteur 
de  la  glande  (1). 

La  portion  sécrétante  de  ce  même  appareil  présente  une 
série  plus  nombreuse  de  modifications  qui  tendent  à  en  aug- 
menter la  puissance.  Ainsi,  chez  beaucoup  d'Insectes,  les  tubes 
grêles  et  cylindriques  dont  je  viens  de  parler,  au  lieu  d'être 
uniques  de  chaque  côté  du  corps,  se  multiplient;  souvent  on  en 
compte  deux,  trois  ou  même  davantage  (2).  D'autres  fois,  au 
lieu  de  se  répéter  de  la  sorte,  les  vaisseaux  sahvaires  se  dédou- 
blent seulement  dans  leur  partie  profonde,  et  deviennent  plus 
•ou  moins  branchus  (o).  Enfin,  le  cul-de-sac  qui  termine  chacun 

nètre dans  la  tète  et  débouche  dans  le      sidérable  (e)  ;   mais,   dans  d'antres 
pharynx  (a).  espèces  du  même  genre,  M.  L.  Dufour 

Ce  type  organique  est  encore  mieux      n'a  pu  découvrir  aucune  trace  de  ces 
caractérisé   chez   certains    Diptères  ,      organes  sécréteurs, 
tels  que  le  Sarcophaga  hœmorrhoi-  Chez  les  Panorpes  (/"),  dans  l'ordre 

dalis  (6)  et  le  Lucilia  Cœsar  (c).  des  Névroptères,    il  y   a  aussi  trois 

(1)  M.  Léon  Dufour  a  donné  de  paires  de,  tubes  salivaires  simples, 
très  bonnes  figures  de  ces  réservoirs  mais  beaucoup  plus  longs  et  plus  gros 
salivaires  chez  la  Courtilière  {Gryllo-  que  chez  les  Coléoptères  dont  je  viens 
talpa  vulgaris],  une  Sauterelle  (Ephip-      de  parler. 

pigera  diurna],  la  Mante  commune  (3)  Cette  disposition  est  très  rare 

[Mantis  religiosa)  et  la  Blatte  (d).  chez  les  Coléoptères  ;  elle  existe  ce- 

(2)  Ainsi  chez  le  Coccinella  septem-      pendant  chez  les  Blaps,  où  les  tubes 
punctata ,   il  existe   trois   paires  de      salivaires  se  ramifient  i^eaucoup  (g)  ; 
tubes  salivaires  d'une  longueur  con-      mais  elle  est  dominante  chez  les  Or- 
fa)  L.  Dufour,  Recherches  sur  les  Orthoptères,  etc.,  p.  341,  pi.  12,  fig.  ISi. 

(6)  Ideui,  Etudes  anatomiques  et  physiologiques  sur  une  Mouche,  pi.  3,  fig'.  27. 

(c)  Idem,  Recherches  sur  les  Diptères,  pi.  9,  fig.  H 2. 

{d}  Idem,  Recherches  sur  les  Orthoptères,  etc.,  pi.  2,  fig.  19  ;  pi.  3,  fig-.  35  ;  pi.  4,  fig-.  38. 

(e)  L.  Dufour,  Recherches  sur  les   Carabiques,   etc.  {Atin.   des  sciences  nat.,  i"  série,  t.  IV, 
p.  121,  pi.  8,  %.  7). 

(/■)  Idem,  Recherches  sur  les  Orthoptères,  etc.,  pi.  11,  fig.  1G9. 

(g)  Idem,  Recherches  sur  les  Carabiques,  etc.  [.\nn.  des  sciences  nat.,  1"  série,  t.  III,  pi.  29, 
fig,  4  et  5). 


622  APPAUEIL    DIGESTIF. 

de  ces  tubes  simples  ou  ramifiés  se  renfle  lorsque  l'action 
sécrétoire  de  ceux-ci  doit  acquérir  un  nouveau  degré  de  puis- 
sance, et,  lorsque  cette  modification  organique  coïncide  avec 
la  forme  arborescente  du  canal  excréteur,  la  glande  offre  l'aspect 
d'une  grappe  de  raisin,  dont  les  grains,  très  petits  et  réunis 
en  groupes,  seraient  suspendus  à  un  pédicelle  tubulaire  (l). 

Ces  divers  genres  de  perfectionnement  organique  se  trou- 
vent tous  réunis  chez  la  plupart  des  Orthoptères,  où  l'appareil 
salivaire  acquiert  un  développement  très  considérable.  Chez  les 
Sauterelles,  par  exemple,  on  trouve  de  chaque  côté  de  l'œso- 
phage une  masse  glandulaire  très  volumineuse,  qui  se  compose 
d'une  multitude  de  petites  ampoules  ovoïdes  dont  partent  autant 
de  tubes  capillaires;  ces  canaux  excréteurs  se  réunissent  suc- 
cessivement entre  eux,  de  façon  à  constituer  des  troncs  de  plus 


thoptères  et  les  Hyménoptères,  ainsi  II  est,  du  reste,  à  noter  que  chez 

que  chez  divers  Névroplères,  où  elle  certains  Diptères  où  l'on  n'avait décou- 

coïncide  avec  d'autres  modifications  vert,  jusque  dans  ces  derniers  temps, 

organiques  (a).  qu'une  seule  paire  de  glandes  sali- 

(1)  Comme  exemple  d'Insectes  ayant  vaires,  il  existe  d'autres  organes  sécré- 

une  seule  paire  d'appendices  salivaires  tenrs  de  même  nature,  qui  sont  logés 

simples  et  renflés  en  ampoule  à  leur  dans    l'intérieur    de    la    tète.   Ainsi 

extrémité  libre,  je  citerai  d'abord  le  M.   Henry  Meckel  et  M.  Leydig  ont 

Tipulaoleracea  (6)  et  le  T.  tunata  (c).  trouvé  une  petite  glande  salivaire  im- 

Cette  disposition  est  dominante  parmi  paire  située  à  la  base  de  la  trompe  chez 

les  Diptères;  mais,  chez  beaucoup  de  \e  Muscavomitoria  el  chezla  Tabanus 

ces  Insectes,  le  renflement  initiai  du  bovinus  [d). 

tube  saUvaire  est  peu  marqué,  et  il  y  a  Chez  la  Puce,  il  y  a  de  chaque  côté 
des  nuances  Insensibles  entre  la  forme  du  corps  deux  petites  glandes  sali- 
d'ampoule  et  celle  d'un  tube  cylindri-  vaires  arrondies  ,  dont  les  conduits 
que  borgne  qui  se  confond  avec  le  sécréteurs  se  réunissent  bientôt  en  une 
canal  excréteur,  comme  chez  la  plu-  seule  paire  de  tubes  fort  grêles  et  très 
part  des  Coléoptères.  longs  (e). 

(a)  L.  Dufour,  Recli.  sur  les  Orthoptères,  les  Hyménoptères  et  les  Névroptères,  pi.  1  et  siiiv. 
(6)  Idem,  Recherches  sur  les  Diptères,  pi.  3,  fîg-.  23. 

(c)  Idem,  ibid.,  pi.  4,  fig.  36. 

(d)  H.  Meckel,  Mikrographie  einiger  Drûsenapparate  dcr  niederen  Thiere  (Muller's  Archiv  fur 
Allât,  und  Physiol.,  1846,  p.  27). 

—  Leydig-,  Zur  Anatomie  der  Insekten  {Archiv  fur  Anal,  und  Physiol.,  i859,  p.  69). 

(e)  Raindohi-,  Verdauungsuierkzeuge  der  Insecten,  pi.  23,  fig.  2. 


ANNEXES    DU    TUBE    ALIMENTAIRE    DES    INSECTES.  623 

en  plus  gros,  à  mesure  qu'ils  se  portent  en  avant  pour  gagner 
la  région  pharyngienne;  enfin,  on  voit  suspendue  à  la  partie 
antérieure  de  ce  système  de  tubes  une  poche  longue,  à  col  étroit, 
qui  fait  fonction  de  réservoir  salivaire,  et  emmagasine  le  liquide 
élaboré  dans  les  ampoules  sécrétoires  et  destiné  à  être  versé 
dans  le  canal  digestif  (1  ). 


(1)  La  conformalion  générale  de 
l'appareil  salivaire  chez  rEphippigera 
diurna  a  été  très  bien  représentée 
par  M.  Léon  Diifour  (a). 

La  disposition  de  ces  organes  est  à 
peu  près  la  même  chez  les  Grillo- 
niens  (6),  les  Blattes  (c)  et  les  Mantes  ; 
seulement ,  chez  ces  dernières ,  la 
glande  est  moins  lobiilée,  et  le  réser- 
vou'  naît  du  canal,  excréteur  à  une  dis- 
tance beaucoup  plus  grande  de  l'em- 
bouchure de  celui-ci  (cl;.  Chez  les 
Tridactyles,  ils  offrent  le  inême  mode 
d'organisation,'  mais  ils  sont  beaucoup 
moins  développés  (e),  et  chez  les 
OEdipodes,  où  ces  glandes  sont  égale- 
ment disposées  en  forme  de  grappe, 
le  réservoir  salivaire  manque  {f). 

Dans  Tordre  des  Hyménoptères,  on 
trouve  aussi  à  la  partie  antérieure  du 
thorax,  sur  les  côtés  de  l'oesophage, 
des  glandes  salivaires  très  dévelop- 
pées, dont  la  disposition  générale  a 
été  fort  bien  représentée  par  M.  Léon 
Dufour,  et   plus    récemment,   ainsi 


que  je  l'ai  déjà  dit,  des  organes  sécré- 
teurs de  même  nature  ont  été  dé- 
couverts dans  l'intérieur  de  la  tête 
de  plusieurs  de  ces  Insectes  par 
M.  Henry  Meckel  et  par  M.  I-eydig  (g). 
Il  est,  du  reste,  à  noter  que  dans  cet 
ordre  on  ne  rencontre  jamais  de  ré- 
servoir salivaire ,  comme  nous  en 
avons  vu  chez  la  plupart  des  Ortho- 
ptères. 

Chez  les  Abeilles,  les  glandes  sali- 
vaires postérieures  ou  thoraciques 
sont  constituées  par  des  caecums  ra- 
meux  et  un  peu  claviformes  vers  le 
bout  (h).  Les  glandes  salivaires  cépha- 
liques  sont  au  nombre  de  deux  paires 
et  disposées  en  forme  de  grappe  (i). 
Chez  la  Fourmi  il  y  a  aussi  trois  paires 
de  glandes  salivaires,  et  chez  les  Bour- 
dons M.  Leydig  a  trouvé  une  quatrième 
paire  de  ces  glandes  logée  sous  la 
i'acine  de  la  langue  (j).  Chez  le  Vespa 
crabro,  on  n'a  signalé  jusqu'ici  que 
deux  paires  de  ces  organes,  savoir  : 
une  paire  de  glandes  salivaires  thora- 


(a)  L.  Dufour,  Recherches  sur  les  Orthoptères,  etc.,  pi.  3,  fig.  33. 

(b)  Exemple  :  la  Courtilièra  (voy.  L.  Dufour,  Op.  cit.,  pi.  2,  fig.  4  9). 

(c)  L.  Dufour,  Op.  cit.,  pi.  i,  Rg.  38  et  39. 

(d)  Idem,  ibid.,  pi.  3,  fig.  Ai. 
{e)  Idem,  ibid.,  pi.  1,  fig.  11. 

(f)  Idem,  ibid.,  pi.  2,  fig.  8  et  9. 

(g)  H.  Meckel,  Mikrographie  einiger  Drûseiiapparate  der  niederen  Thlere  (Millier 's  Archiv  fiir 
Anat.  und  Physiol.,  1846,  p.  25  et  suiv.). 

—  Fr.  Loj'dig-,  Op.  cit.  (Archiv  fur  Anat.  und  Physiol.,  1859,  p.  60  et  suiv.). 

(h)  L.  Dufour,  Recherches  sur  les  Orthoptères,  etc.,  pi.  7,  fig.  48. 

(i)  Leydig,  loc.  cit.,  p.  61,  pi.  3,  fig.  21 . 

(j)  Idem,  ibid.,  p.  04.  't^ 


G"2/l  appareil  digestif. 

Enfin,  chez  d'autres  Insectes,  et  notamment  chez  la  plupart 
des  Hémiptères,  l'appareil  salivaire  se  complique  davantage,  et 
se  compose  de  deux  ou  de  plusieurs  paires  d'organes  sécré- 
teurs qui  n'ont  pas  la  même  structure,  et  qui  rempHssent  pro- 
bablement des  fonctions  différentes.  Ainsi,  chez  les  Réduves,  on 
voit  de  chaque  côté  du  corps  trois  glandes  salivaires  qui  sont 
pourvues  chacune  d'un  canal  excréteur  particulier  :  deux  de 
ces  organes  sécréteurs  sont  soudés  ensemble  de.  façon  à  former 
une  seule  masse  fusiforme  dont  partent  deux  conduits  excré- 
teurs; le  troisième  est  isolé.  Chez  d'autres  espèces  appartenant 
également  à  la  grande  famille  des  Punaises,  cette  dernière 
glande  est  représentée  de  chaque  côté  par  un  tube  sécréteur 
seulement,  ou  par  deux  appendices  de  ce  genre,  et  les  glandes 
géminées  se  développent  au  contraire  beaucoup  plus,  en  se 
digitant  et  en  affectant  des  formes  très  variées  (1). 


ciqucs  et  une  paire  de  glandes  céplia-  plères,  tels  que  les  Perles  (c),  les  Phry- 

liques.  Chez  quelques  Hyménoptères,  ganes  {cl)  et  les  Termites  (e).  Chez  ces 

tels  que  les  Andrènes  (a),  les  glandes  derniers,  il  existe,   comme  chez   la 

salivaires  thoraciques  sont  plus  volu-  plupart  des  Orthoptères,  un  réservoir 

mineuses  que  chez  les  Abeilles ,  et  parlicnlier  appendu  à  chacun  de  ces 

elles  ont  aussi  un  développement  con-  organes. 

sidérable  chez  beaucoup  d'autres  Hy-  (1)  Chez  la  Punaise,  des  lits  Tappa- 

ménoptères  nidifiants ,  tandis  qu'au  reil   salivaire   ne    présente   pas   une 

contraire  elles  sont  fort  réduites  chez  structure  si  compliquée,  et  il  se  com- 

certains  Térébranls,  tels  que  les Ghry-  pose   seulement   de  deux   paires  de 

sidiens,  qui  ne  bâtissent  pas  des  nids  petites  glandes  arrondies  et  libres  qui 

pour  leur  progéniture  (b).  ont  chacune  un  canal  excréteur  pro- 

On  trouve  aussi  une  paire  de  glan-  pre  ;  seulement  il  est  à  noter  que  la 

des  salivaires  rameuses  sur  les  côtés  forme  de  ces   organes   n'est  pas  la 

de  l'œsophage  chez  quelques  Névro-  même  {f).  Chez  le  Iléduve ,  l'une  de 

(a)  L.  Dufoiir,  Recherches  sur  les  Orthoptères,  etc.,  pi.  6,  fig.  7:2. 

(6)  Exemples  :  Parnopes  carnea  (voy.  L.  Dufoiir,  Op.  cit.,  pi.  9,  fig.  115). 

—  HedychrHin  lucidulum  (voy.  L.  Dufour,  Op.  cit.,  pi.  9,  Rg.  116). 
(e)  L.  Dufoiir,  Op.  cU.,  pi.  13,  fig.  198. 

{d)  Idem,  ibid.,  pi.  13,  fig.  208. 
(e)  Idem,  ibid.,  pi.  13,  fig.  196. 

—  Lespés,  Recherches  sur  l'organisation  et  les  mœurs  du  Termite  lucifuge  (.4;iK.  des  sciences 
nat.,  4'  série,  1850,  t.  VI,  pi.  6,  fig.  15). 

(/■)  L.  Dufour,  Recherches  sur  les  Hémiptères,  [d.  4,  fig.  44. 


ANNEXES    DU    TUBE    ALIMENTAIRE    DES    INSECTES.  625 

Quant  à  la  striicfiire  intime  des  organes  snlivaires  dont  nous 
venons  de  passer  en  revue  les  formes  extérieures,  je  me  bornerai 
à  dire  ici  que,  dans  les  parties  où  la  sécrétion  s'opère,  on 
trouve  un  tissu  utriculaire  très  développé,  et  quelquefois  même 
on  y  distingue  une  multitude  de  cellules  qui  ont  chacune  non- 
seulement  une  vésicule  centrale,  mais  aussi  un  canal  excréteur 
dont  l'extrémité  débouche  dans  le  tronc  commun  (1). 


ces  paires  de  glandes  est  représentée 
par  une  niasse  fusiforme  et  étranglée 
au  milieu,  que  M.  L.  Dufour  appelle 
la  glande  salivaire  principale,  mais 
qui  me  paraît  être  plutôt  un  organe 
double,  ou  glande  géminée,  car  cha- 
cune des  portions  ainsi  réparées  dé- 
bouclie  dans  le  tube  alimentaire  par 
un  conduit  particulier  (a). 

Chez  les  Gerris,  les  glandes  prin- 
cipales ont  à  peu  près  la  même  forme 
que  chez  les  Iléduves;  mais  les  glan- 
des accessoires,  au  lieu  d'être  lisses  à 
l'extérieur  et  cellulaires  en  dedans, 
sont  composées  d'une  réunion  d'am- 
poules (b).  Chez  les  Pijrrhocoris,  la 
glande  accessoire  se  simplifie  et  de- 
vient lubulaire,  tandis  que  les  glandes 
principales,  ou  géminées,  se  déve- 
loppent davantage  et  prennent  une 
forme  plus  compliquée  (c).  Enfin , 
dans  un  groupe  voisin,  le  genre  Ahj- 
dus,  ces  dernières  glandes  se  digitent, 
et  la  glande  accessoire,  au  lieu  d'être 
formée  par  un  seul  caecum  tubulaire, 
est  représentée  par  deux  appendices 
de  cette   nature  de  chaque  côté  du 


corps  (d).  Il  en  est  de  même  chez  les 
Corées  (e).  Cliez  les  Scutellaires,  les 
deux  lobes  de  la  glande  géminée 
diffèrent  davantage  entre  eux,  et  de 
même  que  chez  les  espèces  dont  je 
viens  de  parler  en  dernier  lieu,  le 
canal  excréteur  de  l'un  est  court  et 
presque  droit,  tandis  que  celui  de 
l'autre  est  devenu  extrêmement  long 
et  flexueux  {f). 

Enfin,  chez  les  Nèpes,  les  glandes 
géminées  se  séparent  entre  elles,  et 
l'on  remarque  sur  le  trajet  du  conduit 
excréteur  de  chacun  de  ces  organes, 
ainsi  que  sur  les  deux  lobes  corres- 
pondants aux  glandes  accessoires,  un 
renflement  vésiculaire  faisant  fonction 
de  réservoir  salivaire.  Il  est  aussi  à 
noter  que  la  structure  de  ces  glandes 
est  utriculaire  (g).  On  rencontre  beau- 
coup d'autres  variations  de  forme 
dans  l'appareil  salivaire  des  Hémi- 
ptères, et  pour  plus  de  détails  à  ce 
sujet,  je  renverrai  à  la  monographie 
anatomique  de  ces  Animaux,  publiée 
par  M.  Léon  Dufour. 

(1)  Je  reviendrai  sur  ce  sujet  lors- 


fa)  L.  Duiour,  Recherches  sur  les  Hémiptères,  pi.  i, 
{b)  Idem,  ibid.,  ni,  8,  fi!?.  64. 

(c)  Idem,  ibid.,']i\.  2,  t\g.  19. 

(d)  Idem,  i6i(Z.,pl.  2,  fig.  47. 

(e)  Idem,  ibid.,  pi.  2,  fig-.  13. 
(/')  Idem,  ibid.,  pi.  I ,  fig.  1  et  3. 

(g)  Ramdohr,  Op.  cit.,  pi.  23,  fig.  6. 
—  L.  Dufom',  Op.  cit.,  pi.  0,  fi-,  82. 


^0 


malpighiens 


626  APPAREIL    DIGESTIF. 

Tubes  §  9.  —  Lestubes  malpighiens,  que  la  plupart  des  anato- 

mistes  désignent  sous  le  nom  de  vaisseaux  biliaires,  varient 
beaucoup  quant  à  leur  nombre  et  à  leur  disposition.  Ils  sont 
toujours  très  grêles,  fort  longs,  contournés  sur  eux-mêmes,  et 
fixés,  au  moins  par  une  de  leurs  extrémités,  au  canal  digestif, 
dans  le  voisinage  du  pylore,  soit  au  fond  de  l'estomac,  soit  à  la 
partie  voisine  de  l'intestin  grêle.  Souvent  leur  extrémité  opposée 
est  libre,  et  ils  se  terminent  bien  évidemment  en  cul-de-sac  ; 
mais  d'autres  fois  ils  sont  disposés  en  forme  d'anse  et  fixés  au 
tube  alimentaire  parleurs  deux  bouts.  11  y  a  aussi  des  différences 
considérables  dans  le  point  où  se  fait  cette  seconde  insertion. 
Tantôt  les  deux  extrémités  de  chaque  tube  malpighien  sont  rap- 
prochées et  fixées  à  la  portion  pylorique  de  l'estomac  ;  d'autres 
fois  l'un  des  bouts  seulement  est  attaché  de  la  sorte,  et  l'autre 
se  réunit  à  la  portion  terminale  de  Tinteshn.  Jusque  dans  ces 
derniers  temps,  on  pensait  que  ces  vaisseaux  débouchaient 
alors  dans  le  canal  alimentaire  par  leurs  deux  extrémités  et 
envoyaient  une  portion  seulement  de  leur  contenu  dans  l'es- 
tomac, tandis  qu'une  autre  portion  de  produits  de  leur  sécré- 
tion était  versée  dans  le  gros  inteshn  :  cette  opinion  a  même 
conduit  quelques  physiologistes  à  attribuer  des  fonctions  diffé- 
rentes aux  deux  moitiés  de  chacun  de  ces  vaisseaux,  et  à 
donner  à  leur  portion  postérieure  le  nom  de  vaisseaux  uri- 
naires,  tout  en  conservant  à  leur  moitié  antérieure  le  nom  de 
canaux  biliaires  ;  mais  une  investigation  plus  attentive  de 


que  je   traiterai  spécialement  de  la  un  travail  intéressant,  publié  il  y  a 

structure  des  organes  sécréteurs,  et  quelques  années,   sur  ce  sujet  ,  par 

pour  plus  de  détails  relatifs  aux  or-  M.  H.  Meckel,  et  c'i  quelques  observa - 

ganes  salivaires  des  Insectes,  je  me  tions  plus  récentes  dues  à  M.  Leydig 

bornerai  actuellement   à  renvoyer  à  et  à  M.  Cornalia  (a). 

(a)  H.  Meckel,  Monographie  ehiigev  Drûsenapparate  dev  niederen  Thiere  (Miiller's  Archiv  fur 
Anat.  und  PhysioL,  1846,  p.  25  et  suiv.,  pi.  2,  fig.  19  à  22j.    . 

—  Leydig,  Lehrbuch  der  Histologie,  p.  350. 

—  Cornalia,  Monografia  del  Bombice  del  gelso,  p.  108,  pi.  5,  fig.  60  et  61 . 


ANNEXES    DU    TUBE    ALIMENTAIRE    DES    INSECTES.  627 

leurs  connexions  avec  le  canal  alimentaire  a  rectifié  les  idées 
à  cet  égard.  Dans  plusieurs  cas,  il  a  été  facile  de  reconnaître 
que  l'extrémité  postérieure  des  tubes  malpigliiens,  tout  en  s'at- 
tachant  au  gros  intestin,  ne  s'y  ouvre  pas,  mais  se  termine, 
comme  d'ordinaire,  en  cul-de-sac,  et,  dans  aucun  cas,  il  n'a  été 
possible  d'y  constater  l'existence  d'une  communication  entre 
leur  cavité  et  celle  de  cette  portion  terminale  du  canal  diges- 
tif (1).  Il  va  donc  tout  lieu  de  croire  que  jamais  cet  appareil 


(1)  L'adhérence  intime  de  l'extré- 
mité inférieure  des  vaisseaux  mal- 
pigliiens au  gros  intestin  ne  se  ren- 
contre guère  que  parmi  les  Coléo- 
ptères ,  chez  lesquels  ces  tubes  sont 
au  nombre  de  trois  paires  ou  davan- 
tage (a)  ;  je  n'en  connais  aucun  exem- 
ple chez  les  Orthoptères,  les  Hymé- 
noptères, les  Lépidoptères,  les  Hémi- 
ptères et  les  Diptères;  mais,  suivant 
Ramdohr  et  M.  L.  Dufour,  on  la  ren- 
contre d'une  manière  exceptionnelle 
dans  l'ordre  des  INévroptères ,  car  ces 
anatomistes  pensent  l'avoir  constatée 
chez  la  larve  du  Fourmilion  (6).  Je 
dois  ajouter  cependant  que,  d'après 
les  nouvelles  recherches  de  M.  Sirodot, 
cette  anomalie  n'existerait  pas,  et  la 
soudure  apparente  de  l'extrémité  pos- 
térieure de  ces  tubes  à  l'intestin  serait 
due  seulement  à  la  présence  de  quel- 


ques brides  du  tissu  conjonctif  ou  de 
ramuscules  trachéens  (c). 

La  continuité  entre  la  portion  gas- 
trique et  la  portion  postérieure  de  ces 
tubes  a  été  méconnue  par  plusieurs 
anatomistes  (d),  et  quelquefois  la  pre- 
mière a  été  décrite  comme  un  organe 
hépatique,  et  la  seconde  comme  un 
vaisseau  urinaire  (e).  Cependant  Ham- 
dohr  avait  déjà  constaté  cette  conti- 
nuité, ainsi  que  la  non-existence  d'une 
communication  entre  l'extrémité  de 
ces  vaisseaux  qui  est  adhérente  au 
gros  intestin  et  ce  dernier  organe  (/"), 
fait  anatomique  qui  vient  d'être  con- 
firmé par  M.  Sirodot  (g').  Dans  ses  pre- 
mières recherches  sur  l'anatomie  des 
Coléoptères,  M.  L.  Dufour,  tout  en 
confirmant  les  observations  de  P.am- 
dobr  touchant  la  continuité  des  por- 
tions antérieures  et  postérieures  des 


(a)  Ainsi,  les  vaisseaux  malpigliiens  sont  fixés  au  gros  intestin  chez  la  plupart  des  Coléoptères 
appartenant  aux  divisions  des  Héléromères  ,  des  Télramères,  des  Trirnères  :  par  exemple,  chez  les 
Blaps  (voy.  L.  Dufour,  Recherches  sur  les  Carabiques,  etc.,  dans  Ann.  des  sciences  nat.,  t.  III, 
pi.  29.  fig.  4)  ;  —  les  Ténébrions  (L.  Dufour,  Op.  cit.,  pi.  29,  fig.  6)  ;  —  les  Diapères  (L.  Dufour, 
loc.  cit.,  pi.  30,  fig.  3)  ;  —  les  Priones  (L.  Dufour,  Op.  cit.,  dans  Ann.  des  sciences  nat.,  t.  IV, 
pi.  6,  fig.  1)  ;  —  l'es  càssides  (L.  Dufour,  loc.  cit.,  pi.  8,  fig.  4)  ;  —  les  Coccinelles  (L.  Dufour, 
loc.  cit.,  pi.  8,  fig.  7). 

(6)  Ramdohr,  Op.  cit.,  pi.  17,  fig.  1. 

—  L.  Dufour,  Recherches  sur  les  Orthoptères,  etc.,  pi.  12,  fig.  174. 

(c)  Sirodot,  Recherches  sur  les  sécrétions  chez  les  Insectes  {Ann.  des  sciences  nat.,  i'  série, 
1858,  t.  X,  p.  254). 

(d)  Marcel  de  Serres,  Sur  les  Insectes  considérés  comme  ruminants,  etc.,  p.  46. 

{ej  Slraus,  Considérations  sur  l'anatomie  comparée  des  Animaux  articules,  p.  268  et  suiv. 

(/")  Ramdohr,  Verdauungswerkzeuge  der  Insecten,  p.  46. 

{g)  Sirodot,  Op.  cit.  (Ami.  des  sciences  nat.,  3«  série,  t.  X,  p.  256,  pi.  15,  fig.  1  et  2). 


Q-2S  APPAREIL    DlGESTiF. 

ne  débouche  ailleurs  que  dans  le  voisinage  immédiat  du'pylore; 
et  il  est  même  très  probable  fjue  dans  les  cas  où  les  tubes 
malpighiens  simulent  des  anses  qui  s'ouvrent  par  leurs  deux 
bouts  en  arrière  de  l'estomac,  ils  ont  en  réalité  la  structure 
cœcale  ordinaire,  mais  sont  réunis  deux  à  deux  par  leur  extré- 
mité postérieure ,  de  façon  que  chaque  moitié  de  l'anse  se 
trouve  constituée  par  un  tube  borgne  (l). 

Le  nombre  de  ces  vaisseaux  sécréteurs  varie  beaucoup  dans 
les  différents  ordres  de  la  classe  des  Insectes,  et,  lorsque  ce 
nombre  est  peu  élevé,  ils  sont  presque  toujours  pairs.  Souvent 
on  n'en  trouve  que  deux  de  chaque  côté  du  corps  ;  d'autres  fois 
il  y  en  a  plus  de  vingt,  et  dans  certaines  espèces  on  en  compte 
plus  de  cent.  Il  y  a  aussi  quelques  variations  dans  leur  mode  de 
groupement  et  dans  leur  forme. 

C'est  chez  les  Orthoptères  que  l'appareil,  ainsi  constitué, 
présente  le  plus  haut  degré  de  développement  et  de  centralisa- 
tion dans  sa  portion  terminale. 

Ainsi,  chez  les  Grilloniens,  il  existe  une  multitude  de  tubes 

lubes  malpighiens,  avait  cru  recon-  mais  I\l.  L.  Du  four  a  reconnu  qu'ils  se 
naître  une  embouchure  à  leurs  deux  séparent  ensuite  entre  eux,  et  se  ter- 
extrémités  (a).  Mais,  dans  des  publica-  minent  chacun  par  une  extrémité 
lions  plus  récentes,  il  est  revenu  de  caecale  distincte  (c). 
cette  opinion,  et  a  fait  voir  que  la  por-  (l)  M.  Sirodot  a  vu  que  chez  quel- 
lion  adhérente  de  ces  vaisseaux  passe  ques  Carabiques  les  deux  anses  ainsi 
entre  les  tuniques  de  l'intestin  sans  constituées  étaient  soudées  ensemble  à 
s'ouvrir  dans  la  cavité  de  cet  or-  leur  extrémité  postérieure,  et  il  pense 
gane  (6).  Souvent  ces  tubes  s'accolent  que  leur  anastomose  n'est  qu'appa- 
entre  eux  dans  leur  portion  termi-  rente  ;  cependant  il  n'a  pue  onstater 
nale  avant  de  s'enfoncer  ainsi  dans  Texistence  d'une  cloison  intermédiaire 
les  parois  du  gros  intestin,  de  façon  à  qui,  dans  cette  hypothèse  ,  séparerait 
former  en  apparence  un  tronc  unique  ;  chaque  anse  en  deux  portions  (d). 

(a)  L.  Duibm-,  Hecherclies  sur  les  Carabiques,  etc.  {Aim.  des  sciences  nal.,  i"  série,  18â5, 
l.  V,  p.  âTS). 

(b)  Voyez  celte  disposition  cliez  V Hammatichcerus  héros  (voy.  L.  Diifom-,  Op.  cit.,  dans  Aim. 
des  sciences  nat.,  2"  série,  1843,  t.  XIX,  pi.  6,  fig.  8  el  9). 

(c)  L.  Uiifour,  Métamorphoses  et  anatomie  des  Morddlcs  (Ann.  des  scienas  nat.,  2"  série, 
t.  XIV,  p.  235,  pi.  M,  fig.  U).  —Mém.  sur  les  vaisseaux  biliaires  ou  le  foie  des  Insectes  {Ann. 
des  sciences  nat.,  2°  séria,  t.  XIX,  pi.  tà,  fig.  8  et  9). 

(((]  Sirpdot,  Op.  cit.  (.Ann.  des  sciences  nat.,  4'  série,  t.  X,  p.  258). 


ANNEXES    DU    TUBE    ALIMENTaIUE    DES    INSECTES.  6^9 

malpighieiis  fort  courts  et  extrêmement  grêles,  qui  sont  dis- 
posés en  houppe,  libres  à  leur  extrémité  caecale,  et  fixés,  par 
leur  extrémité  opposée,  à  l'origine  d'un  conduit  excréteur 
unique,  lequel  débouche  à  son  tour  dans  la  portion  pylorique 
du  canal  digestif  (1).  Chez  les  autres  Orthoptères,  où  ces 
vaisseaux  sont  également  très  nombreux,  ils  se  rendent  isolé- 
ment à  l'estomac;  mais  quelquefois,  au  lieu  d'y  avoir  chacun 
une  embouchure  particulière,  ils  se  réunissent  en  faisceaux  au 
moment  de  se  terminer,  et  chacun  des  groupes  ainsi  formés 
débouche  par  un  canal  commun  (*2). 

(1)  Cette  disposition,  qui  est  tout  à  leur  exlriîmité  libre,  sur  le  sommet 

fait  exceptionnelle  dans  la  classe  des  des  bourses  ventriculaires  (rf),  de  façon 

Insectes,  a  été  constatée  par  Cuvier  et  qu'au  premier  abord  on  a  pu  croire 

l)ar  M.  Léon  Dufour  chez  la  Courti-  que  celles-ci  recevaient  une  portion  de 

lière   (a),  et    par  Bamdohr  chez    le  ces  vaisseaux  sécréteurs  (e). 
Grillon  champêtre  {b).  Les  tubes  mal-  Chez  les  Mantes,  cet  appareil   ne 

pighiens  sont  au  nombre  d'environ  présente  rien  de  particulier  (/"). 
cent,  et  ils  deviennent  excessivement  Chez  les  Blattes,  on   compte  une 

grêles  vers  leur  extrémité  libre.  soixantaine  de  tubes  malpij^hiens,  et, 

{">)  M.  L.Dufour  aconslalé  quechez  comme  d'ordinaire,  l'extrémité  libre 

quelques  Sauterelles, et  notamment  les  de  ces  vaisseaux  plonge  dans  le  tissu 

Éphippigères,  les  tubes  malpighiens  adipeux  circonvoisin  (g). 
se  groupent  en  cinq  faisceaux  qui  se  Chez  les  Forficules,  qui,  à  certains 

terminent  chacun  par  une  seule  ou-  égards,  diffèrent  beaucoup  des  Ortho- 

verture  ventriculaire  (c).  ptères  ordinaires,  et  ont  été  considérés 

Chez  les  Criquets,  où  ils  sont  éga-  par  quelques  auteurs  comme  devant 
lement  très  nombreux,  ils  paraissent  constituer  un  ordre  particulier,  les 
se  terminer  isolément  dans  le  canal  tubes  malpighiens  sont  moins  nom- 
digestif,  et  quelques-uns  d'entre  eux  breux,  mais  on  en  compte  toujours 
s'attachent,  à  une  certaine  distance  de      au  moins  trente  à  quarante  (h). 

(a)  Cuvier,  Mém.  sur  la  manière  dont  se  fait  la  nutrition  dans  les  Insectes  (Mém.  de  la  Société 
d'histoire  naturelle  de  Paris,  1799,  t.  I,  pi.  14,  fig.  8). 

—  L.  Dufour,  Recherches  anatomiques  et  physiologiques  sur  les  OrthoptèreSi  les  Hyménoptères 
et  les  Névroptères,  p.  70,  pi.  2,  fia;.  19. 

(b)  Hamdohr,  Verdauungstverkzeuije  der  Insecten,  pi.  1,  fig;-  1- 

(c)  L.  Dufour,  Recherches  sur  les  Orthoptères,  p.  80,  et  Mém.  sur  les  vaisseaux  biliaires  ou 
le  foie  des  Insectes  (Ann.  des  sciences  nat.,  2'  série,  t.  XIX,  pi.  6,  fig-.  1). 

(d)  Idem,  Recherches  sur  les  Orthoptères,  pi.  5,  fig.  44. 

(e)  Idem,  ibid.,  pi.  2,  fig.  8. 

(f)  M.  Marcel  de  Serres  a  appelé  la  portion  lerminale  des  tubes  ainsi  adhéreiils  aux  bourses  gas- 
triques, les  vaisseaux  biliaires  supérieurs  (Op.  cit.,  \<.  69,  pi.  i ,  fig.  1). 

(3)  L.  Dufour,  Op.  cit.,  pi.  4,  fig.  38. 

(/i)ldem,  Recherches  analnmiq2ies  sur  les  Labidovres  (Ann.  des  sciences  nat.,  18--S,  I.  XHl, 
p\.  iiO,  fig.  1). 


630 


APPAREIL    DIGESTIF. 


Dans  l'ordre  des  Hyménoptères,  les  vaisseaux  malpighiens 
sont  aussi  très  nombreux  et  libres  à  leur  extrémité  caecale,  ou 
du  moins  attachés  seulement  aux  parlies  adjacentes  du  tissu 
adipeux  par  des  brides  membraniformes  ;  mais  la  multiplicité 
de  ces  tubes  ne  s'observe  que  chez  les  individus  qui  sont  arrivés 
à  l'état  adulte,  et  chez  les  larves  ils  n'existent  qu'au  nombre 
de  deux  ou  trois  paires  (1). 

Chez  plusieurs  Névroptères,  les  tubes  malpighiens  sont 
également  en  nombre  considérable  :  par  exemple,  chez  les 
Libellules,  les  Éphémères  et  les  Perles;  mais  dans  d'autres 
groupes  du  même  ordre  on  n'en  trouve  que  trois  ou  quatre 
paires,  et  toujours  ils  ne  se  fixent  au  canal  digestif  que  par 
une  de  leurs  extrémités  (2). 


(1)  CéUe  différence  remarquable 
entre  le  même  Animal  à  deux  pé- 
riodes de  son  existence  a  été  con- 
statée par  Swammerdam  chez  l'A- 
beille (a)  ;  Ramdolir  Ta  observée  chez 
la  Guêpe  ordinaire  et  chez  un  Cim- 
bex  (6);  enfin  M.  L.  Dufour  l'a  signalée 
chez  le  Vespa  crabro  et  le  Cerceris 
bupresticida.  D'après  une  observation 
de  ce  dernier  anatomiste,  faite  sur  la 
Guêpe  frelon,  il  paraîtrait  que,  lorsque 
l'Insecte  est  à  l'état  de  nymphe,  les 
deux  paires  de  tubes  malpighiens  de 
la  larve  s'atrophient,  et  sont  rempla- 
cées par  un  faisceau  d'appendices  ana- 
logues, mais  beaucoup  plus  grêles  (c). 

Chez  les  Hyménoptères  adultes,  ces 
vaisseaux  sont  toujours  très  grêles, 


fort  nombreux,  et  insérés  autour  de  la 
portion  pylorique  du  canal  digestif 
par  une  de  leurs  extrémités,  tandis 
que  l'autre  bout  est  libre  ou  engagé 
dans  le  tissu  adipeux  de  la  cavité 
splanchnique.  Chez  quelques  espèces 
d'Ichneumonides,  M.  L.  Dufour  n'en  a 
trouvé  qu'une  quinzaine,  mais  presque 
toujours  il  y  en  a  plus  de  vingt.  Pour 
d'autres  détails  à  ce  sujet,  je  renver- 
rai aux  ouvrages  de  M.  L.  Dufour  et 
(les  autres  anatomistes  qui  ont  décrit 
l'appareil  digestif  de  ces  Insectes. 

(2)  Chez  les  Termites  {d),  les  Phry- 
ganes  (e),  les  Sialis  (/")  et  les  Panor- 
pes  (g),  il  n'existe  que  trois  paires  de 
tubes  malpighiens. 

Chez  les  Hémérobes  (h)  et  les  Four- 


(a)  Swammerdam,  Biblia  Naturœ,  t.  I,  p.  /|.08  et  454. 

(6)  Raradohr,  Verdauungswerkzeuge  der  hisecten,  pi.  12,  fig.  ■!,  4  et  6. 

(c)  L.  Dufour,  Recherches  sur  les  vaisseaux  biliaires  {Ann.  des  sciences  nat.,  2'  série,  t.  XIX, 
160,  pi.  l,Rg.  12  et  13). 

(d)  L.  Dufour,  Recherches  sur  les  Orthoptères,  etc.,  pi.  13,  fig.  196. 

(e)  Idem,  ïbid.,  pi.  13,  fig.  208. 
(H  Idem,  ibid.,  pi.  12,  Cg.  184. 
(g)  Idem,  iôid.,  pi.  H,  fig^.  169. 
(h)  Idem,  ibid.,  pi.  13,  fig.  191. 


AîiNEXES    DU    TUBE    ALIMENTAIRE    DES    INSECTES.  631 

Chez  les  Lépidoptères,  soit  à  l'état  de  chenilles,  soit  à  l'âge 
adulte,  il  y  a  toujours  trois  paires  de  tubes  malpighiens  à  extré- 
mité flottante  (1),  mais  ces  vaisseaux  ne  débouchent  dans  le 
canal  digestif  que  par  une  paire  d'orifices  (2). 

Chez  les  Coléoptères,  les  Hémiptères  et  les  Diptères,  ces 
appendices  sécréteurs  sont  également  en  nombre  très  hmité  ;  on 
n'en  trouve  jamais  plus  de  quatre  paires,  mais  leur  disposition 
est  plus  variée  :  car  souvent,  au  heu  d'avoir  un  bout  flottant, 
tandis  que  l'autre  s'insère  au  ventricule  pour  y  déboucher,  ils 
affectent  la  forme  d'anses  dont  les  deux  extrémités  sont  insérées 
comme  d'ordinaire  au  voisinage  du  pylore  et  s'y  ouvrent.  Ainsi, 
chez  les  Carabiques,  les  Cicindélètes,  les  Dytisques,  les  Staphy- 
lins  et  quelques  autres  Coléoptères ,  on  voit  deux  grandes 
anses  de  ce  genre  ;  et  par  conséquent,  si  l'on  admet  que  chaque 
anse  n'est  formée  que  par  un  même  tube,  on  ne  doit  compter 

milions  (o),  il  y  en  a  quatre  paires,  doutes  sur  l'exactitude  de  ses  obser- 

nombre   qui    est  fort   rare  chez  les  valions  à  ce  sujet. 

Insectes.  (2)  Cette  confluence  des  trois  tubes 

Chez  les  Libelluliens,  leur  nombre  malpighiens  du   même  côté   en  un 

paraît  être  d'environ  quarante,  mais  tronc  unique  paraît   être  constante. 

ils  sont  remarquablement  courts  (6).  M.  Léon  Dufour  considère  le  Ver  à 

Enfin,  chez  les  Éphémères  (c)  elles  soie  comme    faisant  exception   à   la 

Perles  (d),  ils  sont  si  nombreux  et  si  règle  {g);  mais  M.  Corualia  vient  de 

grêles,  qu'il  est  difficile  de  les  compter.  constater  qu'il  n'en  est  pas  ainsi.  Il  a 

(1)  Suckow  n"a  représenté  que  deux  vu  les  trois  tubes  se  réunir  de  ciiaque 

paires  de  tubes  malpighiens  chez  l'I'-  côté  en  un  tronc  unique  {h).  La  même 

'ponomeuta  evonymella  (e)  et  le  Ftero-  confluence  a  été  constatée  par  Andouin 

phorus  pentadactylus  (  f)  ;  mais ,  à  chez  la  chenille  de  la  Pyrale  (i),  que 

raison  de  la  petitesse  de  ces  Lépi-  M.  L.  Dufour  a  citée  à  tort  comme  ne 

doptères,  on  peut  conserver  quelques  l'offrant  pas. 

(a)  L.  Dufour,  Recherches  sur  les  Orihoptères,  etc.,  pi.  12,  fig.  179. 
(6;  Idem,  iiid.,  pi.  11,  fig.  158. 
(c)  Idem,  ibid.,  pi.  11,  fig.  167. 
(d)ldem,  iUd.,-pl.  13,  fig.  198. 

(e)  Suckow,  Op.  cit.  (Heusinger's  Zeitschrift  fur  die  organische  Physik,  t.  III,  pi.  9,  fig.  161). 
(Hldem,  ibid.,  pi.  9,  fig.  159. 

{g}  L.  Dufour,  Mém.  sur  les  vaisseaux  biliaires  ou  le  foie  des  Insectes  (Ann.  des  sciences  nat., 
2«  série,  t.  XIX,  p.  163). 

[h]  Cornalia,  Monografia  del  Bombice  delgelso,  p.  142,  pi.  4,  fig.  52  et  56. 

(i)  Audouin,  Histoire  des  Insectes  nuisibles  à  la  vigne,  p.  95,  pi.  7,  fig.  1 0  et  1 0  &,  h. 


632  APPAREIL    DIGESTIF'. 

chez  ces  Insectes  qu'une  seule  paire  de  ces  vaisseaux  ;  mais  si 
l'on  admet,  ainsi  que  cela  me  paraît  très  probable,  que  les  anses 
en  question  sont  constituées  chacune  par  la  soudure  de  l'extré- 
mité terminale  de  deux  tubes  aveugles,  on  doit  considérer  tous 
ces  Coléoptères  comme  ayant  en  réalité  quatre  vaisseaux  malpi- 
ghiens.  Chez  beaucoup  d'autres  Coléoptères,  ce  nombre  ne  peut 
être  révoqué  en  doute,  car  tous  ces  tubes  sont  indépendants 
entre  eux.  Enfin  il  est  aussi  un  grand  nombre  de  Coléoptères 
qui  possèdent  trois  paires  de  ces  appendices  sécréteurs  (1). 


(1)  Chez  presque  tous  les  Coléo-  Chez  les  Dermestins  {d),  les  Cle- 

plères  pentamères ,  il  y  a  seulement  rus  (e),    les  Nécrobies  (/),  les  Byr- 

deux  paires  de  vaisseaux  malpigliiens,  rlies  (^),  et  quelques  autres  Insectes 

soit  libres  (a),  soit  simplement  acco-  qui  appartiennent  à  cette  division  ar- 

lés  aux   parois  de  l'intestin  par  leur  tificielle  de  Tordre  des   Coléoptères, 

extrémité    postérieure  (6)  ,  ou   bien  il  y  a   trois  paires  de  ces  vaisseaux, 

une  paire  d'anses  qui  peuvent  être  nombre  qui   est  dominant   chez    les 

considérées  comme  correspondant  à  Coléoptères   hétéromères  [h),    létra- 

ce  nombre  (c).  mères  (i)  et   trimères  (j). 

(a)  Exemples  :    Telephorus    {h.   Dufour,  Recherches  sur  les  Carabiques,  etc.,  dans  Ann,  des 
sciences  nat.,  i'°  série,  t.  III,  pi.  4  3,  ûg.  1). 

—  Silpha  (L.  Dufour,  loc.  cit.,  pi.  3,  fig.  5). 

(b)  Exemple  :  Timarcha  (L.  Dufour,  Op.  ciL,  dans  Ann.  des  se.  nat..  i"  série,  t.  IV,  pi.  8,  fig.  d). 

(c)  Exemples  :  Carabus  auratus  (L.  Dufour,  Recherches  sur  les  Carabiques,  dans   Ann.  des 
sciences  nat.,  i"  série,  t.  II,  pi.  20,  fig.  1). 

—  Brachinus  (Ramdohr,  Yerdauungswerkaetige  der  Insecten,  pi.  25,  fig.  2). 

—  Cicindela  (L.  Dufour,  loc.  cit.,  t.  III,  pi.  10,  fig.  2). 

—  Dytisc^is  (L.  Dufour,  loc.  cit.,  t.  III,  pi.  10,  fig.  3). 

—  Hydi'ophilus  piceiis  (L.  Dufour,  Siw  les  vaissemix biliaires,  Ann., '2.°  sér.,  t.XIX,  pi.  6,  fig.  3). 

—  Staphijlinus  (1..  Dufour,  Recherches  sur  les  Carabiques,  etc.,  dans  Ann.  des  sciences  nat., 
1"  série,  t.  ILI,  pi.  10,  fig.  8). 

—  Buprestis  (L.  Dufour,  loc.  cit.,  pi.  12,  fig.  2). 

—  Elater  (L.  Dufour,  loc.  cit.,  pi.  12,  fig.  3  et  4). 

—  Lampynw  (L.  Dufour,  /oc.  ci(.,  pi.  12,  fig.  G). 

—  Cetonia  (L.  Dufour,  loc.  cit.,  pi.  13,  fig.  1). 

—  Lucanus  {L.  Dufour,  loc.  cit.,  pi.  13,  fig.  2  et  3). 

(d)  L.  Dufour,  Op.  cit.  (Ann.  des  sciences  nat.,  t.  111,  pi.  13,  fig.  3). 

(e)  idem,  Mém.  sîcr  les  vaisseaux  biliaires  [Ann.  des  sciences  nat.,  2=  série,  t.  XIX,  p.  150). 

(f)  Exemple  :  le  Dermestes  lardarins  (L.  Dufour,  Recherches  anatomiqnes  sur  qiielques  Insectes 
coléoptères,  dans  Ann.  des  sciences  nat.,  2*  série,  1834,  1. 1,  pi.  2,  fig.  1). 

(g)  L.  Dufour,  Op.  cit.  [Ann.  des  sciences  nnt.,  2"  série.  1. 1,  pi.  3,  fig.  13). 

[hj  Exemples  ;  les  Blaps  (L.  Dufour,  Recherches  sur  les  Carabiques,  etc.,  dans  Ann.  des  sciences 
nat.,  1"  série,  t.  111,  pi.  29,  fig.  4). 

—  Les  Diapères  (L.  Dufour,  loc.  cit.,  pi.  30,  fig.  3). 

(i)  Exemples  :  \es  Priones  (L.  Dufour,  Recherches  sur  les  Carabiques,  dans  Ann.  des  sciences 
nat.,  1"  série,  t.  IV,  pi.  6,  fig.  1). 

—  Les  Leptures  (L.  Dufour,  loc.  cit.,  pi.  7,  fig.  2). 

—  Les  Cassides  (L.  Dufour,  loc.  cit.,  pi.  8,  fig.  1). 

(;•)  Exemple  :  hs Coccinelles  (L.  Dufour,  Op.  cit.,  dans  Ann.  se.  nat.,  1  "  série,  t.  IV,  pi.  8,  fig-  7). 


ANNKXES    du    TL'ËE    ALlMENÏAlIlË    DES    INSECTES.  63o 

En  général,  les  tubes  malpighiens  des  différentes  paires  sont 
fort  semblables  entre  eux;  mais,  dans  quelques  cas,  deux  de 
ces  vaisseaux  sont  moins  gros  que  les  autres  et  ont  un  aspect 


M.  L.  Dufour  a  trouvé  que  chez  les 
Anthrènes  (a),  les  Histers  et  les  Hété- 
rocères,  il  existe  trois  anses  à  inser- 
tions ventriculaires,  et,  ainsi  que  le  fait 
remarquer  M.  Sirodot,  cette  disposi- 
tion rentre  dans  la  règle  commune,  si 
l'on  considère  cliaque  anse  comme 
étant  composée  d'une  paire  de  tubes 
malpigliiens  (6). 

Chez  VAnobium^W  existe  quatre 
anses  analogues  (c),  ce  qui  suppose- 
rait huit  tubes  malpighiens  ;  mais  il  est 
possible  que  l'une  des  exlrémilésde 
chacune  de  ces  anses  soit  simplement 
soudée  aux  parois  de  l'estomac  et 
terminée  en  caecum,  ce  qui  réduirait 
leur  nombre  à  deux  paires  :  en  effel, 
l'exislence  de  huit  orifices  sécréteurs 
n'a  pas  été  conslalée» 

Chez  les  Hémiptères,  il  y  a  généra- 
lement deux  paires  de  tubes  mal- 
pighiens à  extrémité  libre,  ou  bien 
une  seule  paire  d'anses  à  double  in- 
sertion ventriculaire.  Cette  dernière 
disposition  est  la  plus  fréquente  {d). 
La  seconde  se  voit    chez    le  Ploia- 


ria  (e),  le  Syromastes  et  le  Verlusia, 
parmi  les  Géocorises.  M.  Léon  Dufour 
a  pensé  qu'il  en  était  de  même  cliez 
les  Cigales  (f);  mais  M.  Doyère  a 
fait  voir  que  le  point  d'adhérence  de 
ces  tubes  au  jabot  n'est  pas  leur  point 
de  débouchement,  qu'ils  y  constituent 
des  anses  dans  l'épaisseur  des  parois 
de  cet  estomac,  puis  se  dirigent  en 
arrière  pour  aller,  suivant  toute  ap- 
parence ,  s'ouvrir  comme  d'ordinaire 
dans  la  portion  post- stomacale  du 
canal  digestif  {g). 

Il  est  aussi  à  noter  que  chez  quel- 
ques Hémiptères,  les  vaisseaux  mal- 
pighiens paraissent  manquer  :  ainsi 
lîamdohr  n'en  a  pas  trouvé  chez  le 
Coccus  alni  [h),  et  M.  Léon  Dufour 
s'est  convaincu  de  leur  non-existence 
chez  les  Pucerons  (i). 

J'ajouterai  que  M.  Siebold  n'a  pu 
en  découvrir  aucune  trace  chez  les 
Insectes  de  l'ordre  des  Strepsiptè- 
res  (j). 

Chez  les  Diptères,  les  tubes  mal- 
pighiens sont  en  même  nombre  que 


(a)  L.  Dufour,  Recherches  anatomiques  sur  quelques  Insectes  coléoptères  {Ann.  des  sciences 
nal.,  2»  série,  1. 1,  pi.  2,  fig.  8). 

(h)  Sirodot,  Recherches  sur  les  sécrétions  chez  les  Insectes  {Ann.  des  sciences  nat.,  i'  série, 
t.  X,  p.  i;00). 

(c)  L.  Dufour,  Recherches  sur  les  Carabiques,  etc.  (Ann.  des  sciences  nat.,  l"  série,  t.  XIV, 
pi.  12,  fig.  1). 

[dj  Exemples  :  les  Lygées  (L.  Dufour,  Recherches  sur  les  Hémiptères .^  pi.  33,  fig.  22). 

—  Les  Réduves  (L.  Dufour,  Op.  cit.,  pi.  4,  fig.  iS). 

—  Les  Nèpes  (L.  Dufour,  Op.  cit.,  pi.  G,  fig^.  82). 

(e)  L.  Dufour,  Mém.  sur  les  vaisseaux  biliaires  [Ann.  des  sciences  nat.,  2°  série,  t.  MX,  pi.  i, 
fig.  17). 

(f)  L.  Dufour,  Recherches  sur  les  Hémiptères,  p.  93,  pi.  8,  fig-.  95. 

(g)  Doyère,  Op.  cit.  (Ann.  des  sciences  nat.,  2-  série,  t.  XI,  p.  84,  pi.  t,  fig.  3). 
(h)  Raiiidolir,  Verdauungswevkzeuge  der  Insecten,  p.  198,  pi.  26. 

(i)  L.  Dufour,  Recherches  sur  les  Hémiptères,  p.  110. 

(j)  Sieliold  et  Stannius,  Nouveau  Manuel  d'anatomie  comparée,  1. 1,  p.  G05. 


63/|.  APPAREIL    DIGESTIF. 

particulier,  de  façon  qu'on  peut  supposer  qu'ils  sont  chargés 
de  quelques  fonctions  spéciales  (1). 

J'ajouterai  que  chez  un  grand  nombre  d'Insectes,  ces  tubes 
se  réunissent  entre  eux  à  quelque  distance  de  leur  embouchure, 
de  façon  à  former  de  chaque  côté  de  l'estomac  un  seul  (ronc 
excréteur  (2). 

Quant  aux  autres  variations  de  forme  qui  se  rencontrent  dans 
les  tubes  malpighiens,  il  est  à  remarquer  qu'en  général  ces 


chez  les  Hémiptères  ;  oiais  en  général 
ils  sont  tous  les  quatre  libres  à  leur 
exlréniilé  (a).  Comme  exemple  de  leur 
réunion  en  une  paire  d'anses,  je  citerai 
ceux  du  Tipula  oleracea  (6). 

(1)  Chez  VOnjctes  nasicornis,  par 
exemple, .celte  inégalité  entre  les  deux 
tubes  malpighiens  du  même  côté  est 
très  prononcée ,  et  les  circonvolu  - 
tiens  du  petit  vaisseau  occupent  tonte 
la  portion  post-venlriculaire  de  l'ab- 
domen, tandis  que  le  gros  vaisseau 
se  recourbe  en  avant,  et  décrit  beau- 
coup de  flexuosités  sur  les  côtés  de 
l'estomac  avant  de  se  porter  vers  la 
partie  postérieure  de  la  cavité  viscé- 
rale, où  il  se  pelotonne  de  même  sur 
le  côté  de  l'intestin  (c).  Celte  inégalité 


est  encore  plus  marquée  chez  certains 
Charançonites,  tels  que  les  IJxus  (d), 
et  chez  les  Galéruques  (e). 

(!2)  Chez  beaucoup  de  Diptères,  les 
deux  tubes  malpighiens  du  même  côté 
débouchent  dans  l'estomac  par  un 
canal  excréteur  commun  d'une  lon- 
gueur assez  considérable  :  par  exem- 
ple, chez  la  Mouche  appelée  Lucilia 
Cœsar  (/"),  V Echinomyia  grossa  {g) 
et  le  Nemopoda  cylindrica  {h).  Chez 
quelques-uns  de  ces  Insectes,  les  tubes 
des  deux  côtés  se  réunissent  en  un 
seul  tronc  près  de  leur  extrémité , 
à  peu  près  comme  nous  l'avons  déjà 
vuchezIaCourtiUère  {i):  par  exemple, 
chez  VEphippmm  thoracicum  {j)  et 
le  Vappo  pallipennis  (k). 


(a)  Exemples  :  Tipula  liinata  (L.  Dufour,  Rech.  anat.  sur  les  Diptères,  pi.  4,  fig.  3fl). 

—  Tabanus  tropicus  (L.  Dufour,  Op.  cit.,  pi.  4,  fig-.  il). 
■^  Dasypogon  teutomis  (L.  Dufour,  Op.  cit.,  pi.  5,  fig.  52). 

—  Bombylius  minor  (L.  Dufour,  Op.  cit.,  pi.  6,  fig.  62). 

—  Ltptis  tringaria  (L.  Dufour,  Op.  cit.,  pi.  6,  fïg.  70). 

—  Volucella  zonaria  (L.  Dufour,  Op.  cit.,  pi.  7,  fig.  77). 

—  Hypoderma  bovis  (L.  Dufour,  Op.  cit.,  pi.  8,  fig.  95). 

(b)  L.  Dufour,  Op.  cit.,  pi.  3,  fig.  23. 

(c)  Sirodot,  Op.  cit.  (Ann.  des  sciences  nat.,  i'  série,  t.  X,  pi.  14,  fig.  1). 

(d)  L.  Dufour,  Recherches  sur  les  Carabiques,  etc.  {Ann.  des  sciences  nat.,  l"  série,  t.  IV, 
pi.  5,  fig.  2). 

(e)  Idem,  ibid.,  pi.  8,  fig.  i. 

(/■)  Idem,  Recherches  sur  les  Diptères,  pi.  9,  fig.  1 12. 

(g)  Idem,  ibid.,  pi.  8,  fig.  96. 

(h)  Idem,  ibid.,  pi.  10,  fig.  129. 

(i)  Voyez  ci-dessus,  page  629. 

(j)  L.  Dufour,  Op.  cit..,  pi.  4,  fig.  43. 

(fc)  Idem,  ibid.,  pi.  4,  fig.  45. 


ANNEXES    DU    TUBE    ALIMENTAIRE    DES    INSECTES.  635 

vaisseaux  sont  cylindriques  et  atténués  vers  le  bout,  mais  que 
chez  quelques  Insectes,  surtout  parmi  les  Diptères,  ils  sont 
renflés  en  forme  d'ampoule  à  leur  extrémité  (1),  et  que  chez 
d'autres  espèces  ils  sont  comme  verruqueux  à  leur  surface,  ou 
même  quelquefois  garnis  latéralement  d'une  multitude  de  petits 
prolongements  csecaux.  Chez  le  Hanneton,  cette  disposition  est 
très  prononcée,  de  façon  que  chacun  de  ces  vaisseaux,  au  lieu 
d'être  simple,  ressemble  à  un  ruban  fort  grêle  qui  serait  garni 
de  franges  sur  ses  deux  côtés  (2). 

Il  est  aussi  à  noter  que  chez  quelques  Insectes  les  tubes 
malpighiens  se  dilatent  près  de  leur  embouchure,  de  manière 
à  constituer  pour  les  produits  de  chacun  de  ces  organes 
sécréteurs  un  petit  réservoir,  comparable  à  celui  que  nous 
avons  déjà  vu  se  développer  parfois  sur  le  trajet  des  vaisseaux 
salivaires  (3;. 


(1)  Ainsi,  chez  les  Diptères  du  genre  II  existe  aussi  une  mullitude  de 
Phora,  chacun  des  quatre  tubes  mal-  petits  caecums  latéraux  sur  la  surface 
pighiens  présente  à  son  extrémité  libre  des  tubes  malpighiens,  chez  le  Sphinx 
une  grosse  ampoule  ovalaire  (a).  Une  ligustri  à  l'élat  de  larve  et  chez 
disposition  analogue  ,  mais  beaucoup  beaucoup  d'autres  Chenilles  ;  mais 
moins  prononcée,  se  voit  chez  les  chez  les  mêmes  Insectes  à  l'état  de 
Cousins  (6)  et  quelques  autres  Diptères.  nymphes,  ces  prolongements  sont  ré- 
Piamdohr  a  représenté  de  la  même  duits  à  la  forme  de  tubercules  arron- 
manière  ces  organes  sécréteurs  chez  dis,  et  chez  l'Animal  à  l'état  parfait 
la  Puce  commune  (c).  ils  disparaissent  complètement,  ou  ne 

(2)  Cette  disposition  ne  règne  pas  sont  représentés  que  par  des  bosse- 
dans   toute  la  longueur  de  ces  tubes;  lures  peu  prononcées  (e). 

elle  s'étend  seulement  sur  environ  le  (3)  Cette  disposition  est    très  bien 

tiers  antérieur  de  ces  organes,  qui  sont  caractérisée  chez  quelques  Diptères, 

d'abord  simples  et  cylindriques  (d).  tels  que  les  Trichoptères,  où  il  existe 


(a)  L.  Dufour,  Recherches  sur  les  Diptères,  pi.  H,  fig.  134. 

(b)  Idem,  ibid.,  pi.  2.  fig.  18. 

(c)  Ramdohr,  Yerdauungsicerk^euge  der  Inser.ten,  pi.  23,  fig.  2. 

(d)  Ramdohr,  Op.  cif.,  pi.  8,  fig.  1  et  2. 

—  L.  Dufour,  Recherches  sur  les  Carabiques,  etc.  [Ann.  des  sciences  nat.,  i"  série,  t.  Ill, 
pi.  14,  fig.  4  et  5). 

(e)  Newport,  arl.  Insecta   (Todd's  Cijclopœdia  of  Anatomy  and  Plujslology,   t.    il,  p.  975, 
fig.  432). 


636  APPAREIL    DIGESTIF. 

La  cavité  qui  règne  dans  toute  la  longueur  des  tubes  mal- 
pighiens  est  tapissée  d'une  couche  épithéliale  dont  les  utricules 
constitutives  se  détachent  et  se  détruisent  très  facilement,  en 
laissant  échapper  leur  nucléus,  ainsi  que  les  divers  produits 
élaborés  dans  leur  intérieur  (1).  Le  hquide  fourni  par  ces 
organes  est  ,en  général  d'une  couleur  jaune  et  d'une  saveur 


quatre  Uibes  malpigliiens  qui  offrent 
chacun,  près  de  leur  insertion  ventrl- 
culaire,  un  renflement  fusiforme  d'une 
capacité  assez  considérable  {a).  Une 
vésicule  biliaire,  qui  paraît  être  con- 
stituée de  la  même  manière  par  l'élar- 
gissement d'un  tronc  commun  appar- 
tenant aux  deux  branches  de  chacune 
des  anses  malpigliiennes,  se  remarque 
de  chaque  côté  du  canal  digestif  chez 
plusieurs  Hémiptères,  et  afl'ecle  quel- 
quefois la  forme  d'une  vésicule  ar- 
rondie, par  exemple  chez  VAlydus 
apterus  [b]  ;  ou  bien  ce  réservoir,  se 
confondant  avec  son  congénère,  donne 
naissance  k  une  poche  impaire  qui  est 
appendue  au  canal  digestif  et  qui 
reçoit  les  tubes  sécréteurs,  ainsi  que 
cela  se  voit  chez  le  Pentatoma  bac- 
carum  (cj  et  les  Corises  {J). 

(1)  La  tunique  propre  des  vaisseaux 
malpigliiens  consiste  en  une  mem- 
brane d'une  grande  ténuité  et  d'une 
structure  en  apparence  presque  ho- 
mogène, qui  est  revêtue  intérieure- 


ment d'une  couche  de  grosses  utri- 
cules de  forme  arrondie  ou  ovalaires. 
Ces  cellules  contiennent  un  nucléus 
granuleux  à  nucléole  transparent, 
des  globules  graisseux  et  une  matière 
granulaire  tantôt  blanchâtre  ,  tantôt 
jaune  ou  brunâtre  (e).  Quand,  pour 
observer  au  microscope  leur  struc- 
ture intime,  on  place  un  de  ces  tubes 
dans  l'eau,  les  effets  d'endosmose 
qui  se  produisent  déterminent  si  ra- 
pidement la  rupture  de  ces  cellules 
membraneuses,  qu'il  est  très  difficile 
de  les  voir  en  place  et  de  distinguer 
le  canal  central  qu'elles  circonscri- 
vent; mais  si  l'on  emploie,  au  lieu 
d'eau,  un  peu  de  sérum,  la  couche 
épithéliale  ne  se  désorganise  pas  si 
vile  (/■).  C'est  probablement  à  cause 
de  l'action  de  l'eau  employée  pour 
mouiller  les  préparations,  que  M.  H. 
Meckel  n'a  pu  apercevoir  dans  l'inté- 
rieur de  ces  tubes  qu'une  agglomé- 
ration de  cellules,  sans  canal  cen- 
tral {g). 


(a)  L.  Dufour,  Recherches  sur  les  Diptères,  pi.  3,  fig.  32. 

{b)  Idem,  Recherches  sur  les  Hémiptères,  pi.  2,  fig.  1  9. 

(e)  Ramdohr,  Op.  cit.,  pi.  22,  {\g.  3. 

((/)  L.  Dufour,  Op.  cit.,  pi.  2,  %.  13. 

(e)  T.  Williams,  On  the  Physiology  of  Cells,  with  Ihe  View  to  ehicidate  Ihe  Laws  regulating 
the  Structure  and  Funclions  of  Glands  (Guy's  Hospital  Reports,  1846,  2"  série,  t.  IV,  p.  303 
et  suiv.). 

—  Leidy,  Researches  on  the  comparative  Structure  of  the  Liver,  pi.  t ,  fig'.  1  à  7  (Amei'ican 
Journal  of  the  Médical  Sciences,   1848). 

• —  Karsten,  liarnorgane  des  Bracliinus  complanatus  (Miiller's  .Archiv,  1848,  pi.  10,  fig.  0). 

(/■)  Sirodot,  Oji.  cit.  {.Ann.  des  sciences  nat.,  4"  série,  ISôS,  t.  X,  p.  269). 

(g)  H.  Millier,  Mikrographie  einiger  Drûsenapparate  der  niederen  Thiere  (Miiller's  Archiv  fi'ir 
Anaf.  und  Physiol.,  1846,  p.  42  et  suiv.,  pi.  2,  (ig.  28  à  33J. 


ANNEXES    DU    TUBE    ALIMENTAIIIE    DES    INSECTES.  Go7 

amère;  il  ressemble  done  beaucoup  à  de  la  bile,  el  jusque 
dans  ces  derniers  temps  la  plupart  des  naturalistes  n'hésitaient 
pas  à  Ini  donner  ce  nom.  Mais  on  sait  aujourd'hui  qu'il  ren- 
ferme les  principaux  produits  caractéristiques  de  la  sécrétion 
urinaire  :  c'est  donc  une  humeur  excrémentitielle  mixte,  qui 
représente  à  la  fois  l'urine  et  la  bile  des  autres  Animaux,  ou 
bien  de  l'mine  seulement  ;  et  les  physiologistes  qui  adoptent 
cette  dernière  manière  de  voir  pensent  que  la  sécrétion  hépa- 
tique est  effectuée  par  les  glandules  situées  dans  les  parois 
mêmes  de  l'estomac  (1).  Mais,  dans  l'état  actuel  de  la  science, 
les  faits   probants    manquent    pour    décider  cette  question, 


(Ij  Malpighi,  Swammerdam,  Lyon- 
net  et  les  autres  anatomistes  des 
xvii'^  et  xyiii*^  siècles  ne  se  pronon- 
cèrent pas  sur  les  fonctions  de  ces 
tubes  ;  mais  Cuvier  n'hésita  pas  à  les 
considérer  comme  des  organes  hépa- 
tiques (a),  et  son  opinion  fut  d'abord 
généralement  adoptée.  Gaede  y  fit 
quelques  objections,  et  chercha  à  éta- 
blir que  ces  tubes  sont  des  organes 
absorbants  (6).  Enfin  Ilerold  et  Reng- 
ger  furent  les  premiers  à  penser  que 
les  vaisseaux,  malpighiens  pourraient 
bien  être  des  glandes  urinaires  (c)  ; 
mais  ils  ne  s'appuyèrent  sur  aucun 
fait  probant.  L'existence  de  l'acide 
urique  ayant  été  constatée  dans  les 


excréments  du  Ver  à  soie  par  Bru- 
gnatelli  (d),  dans  les  produits  four- 
nis par  les  vaisseaux  malpighiens  de 
ce  Bombyx  par  Wurzer  (e),  et  dans 
ceux  du  Hanneton  par  M.  Che- 
vreul  (/),  cette  hypothèse  acquit  plus 
de  valeur  ;  mais  ce  fut  surtout  la  dé- 
couverte d'un  calcul  urinaire  dans 
l'intérieur  même  d'un  de  ces  tubes, 
faite  en  1836  par  Audouin,  qui  déter- 
mina la  plupart  des  physiologistes  à 
considérer  ces  organes  comme  tenant 
lieu  d'un  appareil  rénal  (g).  Aujour- 
d'hui quelques  auteurs  persistent  en- 
core à  ne  voir  dans  les  tubes  malpi- 
ghiens que  des  vaisseaux  sécréteurs 
de  la  bile  (h)  ;  mais   la  plupart  des 


(a)  Cuvier,  Leçons  d'anatomie  compai-ée,  1805,  t.  IV,  p.  153. 

(6)  Gaede,  Observ.  physiol.  sur  les  vaisseaux  biliaires  des  Insectes  {Ann.  gén.  des  sciences 
physiques,  1819,  t.  Il,  p.  \HG). 

(c)  Herold,  Entwickelungsgeschichte  der  SchmetterUnge,  1815,  p.  23. 

—  Reng-ger,  Physiologische  Untersuchungen  ûber  die  thierische  Haushaltung  der  Iiisecten, 
1817,  p.  21. 

(d)  Brugnatelli,  Osservaziom  sopra  l'ossiurato  d'ammoniaca  {Giornale  di  fisica,  1815,  t.  VllF, 
p.  42). 

(e)  Wurzer,  Chemische  Uiiters.  des  Sloffes,  ivelcher  sich  in  deii  sogenannten  Gallengefâssen 
des  Schmetterlings  der  Seidenraupe  befmdet  (Mockel's  Deutsches  Archiv  fur  die  Physiologie,  1818, 
t.  IV,  p.  213). 

(/')  Voyez  Straus,  Considérations  sur  l'anatomie  comparée  des  Animaux  articulés,  p.  251 . 

(g)  Audouin,  Lettre  concernant  des  calculs  trouvés  dans  les  canaux  biliaires  d'un  Cerf -volant 
(Ann.  des  sciences nat.,  2°  série,  1831),  t.  V,  p.  129). 

(h)  L.  Dufour,  Mém.  sur  les  vaisseaux  biliaires  ou  le  foie  des  Insectes  [Ann.  des  sciences  nat., 
2'  série,  1843,  t.  XIX,  p.  145  etsuiv.). 


638  APPAREIL    DIGESTIF. 

et  je  ne  m'y  arrêterai  pas  davantage  en  ce  moment,  me  pro- 
posant d'y  revenir  lorsque  je  traiterai  spécialement  des  sécré- 
tions. 
Glandes  anales,  §  10.  —  C'cst  également  cn  m'occLipant  de  l'histoire  de  ces 
dernières  fonctions  que  je  ferai  connaître  avec  plus  de  détails 
la  structure  et  les  usages  de  l'appareil  glandulaire  qui  est  annexé 
à  l'extrémité  anale  du  canal  intestinal  de  la  plupart  des  Insectes. 
En  effet,  les  organes  sécréteurs  qui  le  constituent,  tout  en 
pouvant  être  considérés  comme  des  dépendances  du  système 


physiologistes  les  regardent  comme 
étant  chargés  d'une  double  fonc- 
tion et  comme  représentant  à  la  fois 
l'appareil  urinaire  et  l'appareil  hépa- 
tique (a}.  Enfin  d'autres  naturalistes 
leur  refusent  toute  participation 
à  la  sécrétion  des  matières  carac- 
téristiques de  la  bile,  et  pensent  que 
ce  sont  des  organes  exclusivement 
urinaires  (6).  M.  Sirodot,  qui  partage 
celte  dernière  opinion,  n'a  pu  trou- 
ver de  la  ciiolestérine  dans  le  liquide 
fourni  par  ces  tubes,  mais  il  a  décou- 
vert dans  les  sucs  sécrétés  par.  les 
follicules  de  l'estomac  des  traces  de 
cette  matière  grasse  qui  est  un  des 
principes  caractéristiques  de  la  bile  (c). 
Cependant  les  faits  sur  lesquels  on 
s'appuie  pour  établir  que  les  vaisseaux 
raaipighiens,  tout  en  étant  des  organes 
urinaires,  ne  jouent  pas  aussi  le  rôle 
d'un  appareil  hépatique,  ne  me  sem- 


blent pas  décisifs,  et,  jusqu'à  plus 
ample  informé,  je  persiste  à  penser 
que  ce  sont  des  organes  à  fonctions 
mixtes.  En  effet,  la  transition  entre  le 
foie  d'un  Crabe  et  d'une  Écrevisse,  les 
tubes  hépatiques  des  Isopodes  et  les 
vaisseaux  malpighiens  des  Insectes , 
est  si  graduelle  et  si  manifeste,  qu'il 
est  difficile  de  penser  que  ces  derniers 
organes  ne  puissent  fonctionner  d'une 
manière  analogue  aux  premiers  ;  et  il 
est  aussi  à  noter  que  les  caractères 
chimiques  des  produits  de  la  sécré- 
tion biliaire  de  ces  Animaux  ne  sont 
pas  encore   assez  bien  connus  pour 
que  l'on  puisse  affirmer  que  certains 
de  ces  produits  n'existent  pas  dans 
les  liquides  fournis  par  les  tubes  mal- 
pighiens. Du  reste,  cette  question  sera 
discutée  plus  complètement  lorsque 
nous  étudierons  d'une  manière  spé- 
ciale les  sécrétions. 


(a)  J.  F.  Meckel,  Ueber  die  Gallenund  Harnorijane  der  Insecteii  (Archlv  fur  Anatonde  utid 
Physiologie,  4826,  p.  21). 

- —  Aiidouin,  Op.  cit.  (Ann.  des  s'dences  nat.,  2"  série,  t.  V,  p.  134). 

—  Burmeister,  Handbuch  der  Entomologie,  4832,  1. 1,  p.  406. 

■ — Lacorilaire,  Introduction  à  l'Entomologie,  1838,  I.  Il,  p.  53. 

—  J.  Millier,  Mamiel  de  physiologie,  trad.  par  Jourdan,  1845,  1. 1,  p.  424. 

—  Owen,  Lectures  on  the  comparative  Anatomy  and  Physiology  of  Invertebrate  Animais, 
4855,  p.  381. 

(6)  Siebold  et  Stannius,  Nouveau  Manuel  d'anatomie  comparée,  t.  I,  p.  588  et  604. 
(c)  Sirodot,  Recherches  sur  les  sécrétions  des  Insectes  (Ann.  des  sciences  nat.,  4°  série,  4858, 
t.  X,  p.  486  et  p.  301  et  suiv.). 


TUBE    ALIMENTAIRE    DES    MYRIAPODES.  639 

digestif,  quand  on  se  place  au  point  de  vue  anatomique  seule- 
ment, ne  concourent  pas  en  réalité  à  la  constitution  de  ce  sys- 
tème, et  leurs  produits  n'interviennent  pas  dans  le  travail  à 
l'aide  duquel  les  aliments  sont  rendus  aptes  à  nourrir  l'Animal  ; 
ces  glandes  sont  destinées  à  d'autres  usages,  et  par  conséquent 
ce  serait  interrompre  l'enchaînement  logique  de  nos  études  que 
de  nous  en  occuper  ici  (1). 

§  11.  —  Les  détails  dans  lesquels  je  suis  entré  relativement     Appareil 
à  la  constitution  de  l'appareil  digestif  des  Insectes  me  permet-      ^%lf^ 
tront  d'être  bref  en  traitant  des  parties  correspondantes  dans  la   '^^"'P'"*''- 
petite  CLASSE  des  Myriapodes,  dont  il  me  reste  encore  à  parler 
dans  cette  Leçon.  En  effet,  le  canal  alimentaire  et  ses  dépen- 
dances sont  conformés  sur  le  même  plan  général  dans  ces  deux 
classes  d'Animaux  articulés,  et  chez  les  Myriapodes  ces  organes 
ne  diffèrent  que  peu  de  ce  que  nous  avons  vu  chez  les  larves 
des  Insectes  de  l'ordre  des  Lépidoptères.  Le  canal  digestif 
s'étend  presque  toujours  en  ligne  droite  de  la  bouche  à  l'anus (2); 
l'œsophage  ne  se  dilate  que  rarement  en  forme  de  jabot  cylin- 

(1)  Les  glandes  qui  sont  annexées  à  un  appareil  urinaire  (6).   Du  reste,  la 

la  partie  terminale   de  Tintestin  des  structure  de   ces   appendices    sécré- 

Insectes  sont  en  général  destinées  à  leurs  varie  beaucoup  ;  et,  pour  s'en 

sécréter  du  venin  ou  d'autres  liquides  former  une  idée,  il  suffit  de  jeter  les 

excrénientitiels  que   l'Animal  utilise  yeux  sur  les  figures  relatives  aux  or- 

pour  sa  défense  ;  mais ,  quelquefois,  ganes  de   la  digestion,  publiées  par 

ces  organes  sont  détournés  de  leurs  M.  L.  Dufour,  car  dans  la  plupart  d^ 

usages  ordinaires,  afin  de  constituer,  ces  figures    ils    ont  été    représentés 

ainsi  que  nous  l'avons  déjà  vu   pour  comme  des  dépendances  du  gros  in- 

les  vaisseaux  salivaires,  un  appareil  testin.  Au  sujet  de  la  structure  inlé- 

producteur  de  la   soie,   à   l'aide   de  rieure  de  ces  organes,  je  renverrai 

laquelle  rinsecle    construit   un   ber-  aux  recherches  de  MM.  H.  Meckel  et 

ceau  pour   sa  progéniture   (a).  C'est  Karsten  (c). 

à   tort   que    quelques   physiologistes  (2)  Les  Glonieris  font  exception  à 

les  ont  considérés  comme  constituant  cet  égard  :  M.  Brandt  a  trouvé  leur 

{a)  Exemple  :  l'Hydrophile  (voy.  Lyonnet,  Recherches  sur  l'aiiatomie  et  les  métamorphoses  de 
différentes  espèces  d'Insectes,  pi.  13). 

(6)  Lacordaire,  Introduction  à  l'Entomologie,  t.  Il,  p.  5i.  , 

(c)  H.  Meckel,  Op.  cit.  (Muller's  Archiv,  1  846,  p.  45  et  suiv.). 
-  Kai-sten,  Op. cit.  (Muller's  Archiv,  1848,  p.  367,  pi.  10,  fig.  1-5). 


G/lO  API'AIŒIL    DIGESTIF. 

droïde;  l'estoinac  est  cylindrique  et.  suivi  d'un  inlestin  grêle 
fort  court;  puis  on  rencontre  un  gros  intestin  dont  la  première 
portion,  à  parois  très  musculaires,  correspond  à  celle  que 
nous  connaissons  sous  le  nom  de  réservoir  stercoral  chez  les 
Insectes;  un  rectum  fait  suite  à  cette  partie,  et  se  termine  à 
l'anus  (1).  Des  tubes  sécréteurs,  analogues  aux  vaisseaux  mal- 
pighiens  des  Insectes,  serpentent  sur  toute  la  longueur  du  canal 
ainsi  constitué,  et  vont  déboucher  dans  la  portion  postérieure 
de  l'estomac  (2).  Entin,  il  existe  également  des  glandes  sali- 
vaires  qui  versent  leurs  produits  dans  la  bouche,  ou  des  organes 
analogues  qui  sécrètent  du  venin  dont  l'Animal  fait  usage  pour 
tuer  sa  proie  (3). 


Uibe  digestif  reployé  deux  fois  siu" 
lui-même,  et  par  conséquent  beau- 
coup plus  long  que  le  corps  (a). 

(1)  Chez  les  Uiles,  Tœsopliage  se  di- 
late postérieurement  en  forme  de 
jabot  proprement  dit  [b)  ;  mais,  chez 
les  Lithobies  et  les  Scutigère?,  on 
n'aperçoit  rien  de  semblable  :  Testo- 
mac  commence  presque  immédiate- 
ment derrière  la  tête,  et  il  ne  paraît  y 
avoir  ni  jabot,  ni  valvule  cardiaque. 
Chez  les  Lithobies,  la  surface  externe 
de  cet  organe  est  lisse  (c);  mais,  chez 
les  Scutigères  (d),  elle  est  couverte  de 
petites  granulations  dues  à  l'existence 
de  follicules  gastriques  analogues  à 


ceux  que  nous  avons  rencontrés  chez 
les  Garabiques  et  beaucoup  d'autres 
Insectes. 

La  portion  intestinale  du  canal  di- 
gestif est  remarquablement  courte 
chez  les  Lithobies  ;  elle  est,  au  con- 
traire, beaucoup  plus  développée  chez 
les  Scutigères  et  chez  les  Iules  (e). 

(2)  Les  vaisseaux  malpigliiens  sont 
au  nombre  de  trois  paires  chez  les 
Iules  (/■)  ,  de  deux  paires  chez  les 
Scutigères  {g) ,  et  d'une  paire  seule- 
ment chez  les  Scolopendres  {h)  et  les 
Lithobies  {i). 

(3)  Les  glandes  salivaires  sont  très 
développées  et  en   forme  de  grappes 


(a)  Brandi,  Beitrâge  zur  Kenntniss  des  innern  Daues  von  Glomeris  marginata  (Miiller's  Archiv 
fur  Anat.  und  PlnjsioL,  i  837,  p.  322,  pi.  12,  fig.  2). 

(&)  Ramdolir,  Yerdauungswerk%euge  der  Insecten,  pi.  i  5,  fig.  d . 
—  Tievii-anus,  Op.  cit.  {Vermischte  Schriften,  t.  II,  pi.  8,  fig-.  6]. 

(c)  Treviraniis,  loc.  fit.,  pi.  5,  fig.  i. 

■ —  L.  Dufour,  Recherches  anatomiques  sur  le  Litliobius  forlicatiis  et  le  Sculigera  lineala  {Ann, 
des  sciences  nat.,  1824,  l"  série,  t.  11,  pi.  5,  fig.  ■)). 

(d)  kleni,  ibid.,  pi.  5,  fig.  i. 

(e)  Voyez  les  figures  déjà  citées. 

(f)  Treviraniis,  loc.  cit.,  pi.  8,  fig.  0. 

(g)  L.  Dufour,  loc.  cit.,  pi.  5,  fig.  4. 

(h)  i.  Millier,  Zur  Analomie  der  Scolopeiidra  niorsilaiis  (Isls,  1829,  p.  550,  pi.  2,  fig.  5). 
(i)  Treviranus,  loc.  cit.,  pi.  5,  fig.  4. 
■ —  L.  Dufour,  loc.  cil.,  pi.  5,  fig.  \, 


TL'Bt:    ALlMENTAlRIi    DES    MYRIAPODES.  6/i  1 

§  ll>.  —  En  résumé,  nous  voyons  donc  que  la  disposition 
dominante  de  l'appareil  digestif  diffère  dans  les  trois  grandes 
divisions  zoologiques  conslitnées  par  les  Animaux  inverté- 
brés :  chez  les  Zoopbyles,  la  cavité  alimentaire  est  générale- 
ment un  sac;  chez  les  Mollusques,  elle  consiste  d'ordinaire  en 
un  tube  reployé  en  forme  d'anse,  et  chez  les  Annelés  elle 
affecte  le  plus  souvent  la  forme  d'un  tube  ouvert  aux  deux 
extrémités  du  corps.  Cliez  les  premiers,  cet  appareil  ne  se 
perfectionne  que  peu,  soit  comme  instrument  mécanique  destiné 
à  diviser  les  aliments,  soit  comme  agent  producteur  des  sucs 
digestifs.  Chez  les  seconds,  les  organes  glandulaires  proî)res  à 
élaborer  ces  sucs  acquièrent  une  puissance  très  grande,  mais 
le  travail  mécanique  qui  doit  favoriser  l'action  cbimique  de  ces 
liquides  est  presque  ioujours  laible  et  incomplet.  Enfin,  chez  les 
derniers,  les  organes  sécateurs  destinés  à  cet  usage  se  multiplient 
considérablement,  et  deviennent  souvent  très  parfaits,  mais  la 
production  des  liquides,  dont  le  rôle  est  fondamental  pour 


Résume. 


clicz  les  Lilhol)ie.s  [a],  où  'J'rcviiamis 
les  a  prises  pour  des  ain;is  de  cellules 
graisseuses.  Chez  les  Scolopendres, 
il  y  en  a  deux  paires  {h).  Chez  les 
Scutigères,  leur  volume  est  moins 
considérable  (c).  Chez  les  Géophiles, 
ces  organes  consistent  en  deux  luhes 
très  grêles  elflexueux,  qui  sont  élargis 
vers  leur  extrémité  postérieure  et 
forment  de  chaque  côté  de  l'esto» 
mac  une  pelote  à  laquelle  ndhèrc  la 
partie  adjacente  des  luhes  de    i\Ial- 


pighi  [il],  ïreviranus  a  figuré  trois 
de  ces  vaisseaux  salivaires  (e),  mais 
Ramdohrn'ena  représenté  que  deux, 
et  l'exactitude  de  ses  observations  a 
élé  constatée  par  ^\.  Burnieisler  (/). 
On  trouve  un  mode  d'organisation 
analogue  chez  les  Glomeris  (g)  ;  enfin, 
chez  les  Iules,  il  existe  également 
deux  de  ces  tubes  qui  se  réunissent 
par  leur  extrémité  postérieure,  de 
i'açon  à  constituer  une  anse  [h]. 


(a)  L.  Diifour,  loc.  cit.,  pi.  5,  flg-.  t. 

(6)  Gaedc,  Dcitrdge  zur  Analomie  der  insekWi  (Wiedemann's  Zooloyisches  Magailn,  1817, 
t.  I,  p.  l'Jô,  pi.  i,  tig-.  7). 

— •  J.  Jliillcr,  Ziir  Anatomle  (/ec  Scolopoiidi'a  inorsilaris  (/*/*,  1829,  i.  XXII,  pi.  2,  lig.  5), 

(f)  L.  Dufoiir,  loc.  cit.,  pi.  5,  fig-.  i. 

(d)  Ranulolir,  Op.  cit.,  pi.  15,  lly.  -1. 

(€)  Ti'cvirniuis,  Op.  cit.,  pi.  7,  llg.  3. 

(/■)  Uiu'moisler,  Ueber  die  Respirationsorgaiie  voii  Iiilus  und  Lcpisma  {Isis,  1834-,  p.  130). 

(j/i  Sieboltl  et  Slaiiii'ns,  Nouveau  Manuel  d'analomie  comparée,  t.  1,  p.  444. 

(/t)  BiMiifli,  Op  rit.  (Miillor's  Avchir,  -1837,  p.  323,  pi.  I-J,  li-.  3). 

.V.  Zil 


6/l2  TLBK    DIGESTIF    DES    MYKIAI^ODES. 

l'accomplissement  de  la  digestion,  reste  très  iaible,  à  cause  du 
peu  de  développement  du  système  de  glandes  annexées  au  tube 
alimentaire. 

Dans  l'embranchement  des  Vertébrés,  dont  l'étude  doit 
maintenant  nous  occuper,  nous  verrons  l'appareil  digestif  parti- 
ciper à  la  fois  aux  caractères  que  je  viens  de  signaler  chez  les 
Mollusques  et  les  Arthropodaires,  mais  se  perfectionner  beau- 
coup plus  comme  puissance  chimique,  aussi  bien  que  sous  le 
rapport  de  son  jeu  mécanique. 


FIN    DU    TOME    CINQLIÈME 


TABLE  SOMMAIRE  DES  MATIÈRES 

DU  TOME  CINQUIÈME, 


QUARANTE-TROISIÈME  LEÇON. 

De  l'absorption. 1 

Preuves  de  l'existence  de  cette  fa- 
culté           1 

Opinions  des    anciens    physiolo- 
gistes  relatives  aux  vaisseaux 

absorbants 8 

Preuves  de  l'absorption  par  les 

veines 8 

Expériences  de  Magendie 9 

Preuves  de  l'absorption  par  les 

vaisseaux  lymphatiques 12 

Résumé 21 

Du  mécanisme  de  l'absorption.. .        22 
Perméabilité    des  tissus  organi- 
ques après  la  mort 23 

Perméabilité  des  tissus  vivants.  .        25 
Perméabilité  des  parois  des  vais- 
seaux sanguins 26 

Perméabilité  des  parois  des  lym- 
phatiques        28 

Causes    déterminantes   de   l'ab- 
sorption  /       29 

Influence  de   l'aspiration  thora- 

cique  sur  l'absorption 32 

Influence  du  courant  circulatoire .       34 
Découverte  des  phénomènes  d'en- 
dosmose         37 

QUARANTE-QUATRIÈME   LEÇON. 

Suite  de  l'histoire  de  I'absorption.       43 
Étude  des    forces  qui  intervien- 
nent dans  la  production  de  ce 

phénomène 43 

De  la  capillarilé 43 

Notions  préliminaires  relatives  aux 
actions  capillaires 44 


Loi  des  actions  capillaires 63 

Influence  de  la  température  sur 

ces  phénomènes 7i 

Influence  de  l'électricité 78 

De  l'inibibilion 80 

Pouvoir  absorbant  des  tissus  or- 
ganiques^         82 

Influence  dé  l'élasticité  des  tissus 
sur  leur  pouvoir  absorbant. . .        85 

Influence  de  la  nature  chimique 
des  liquides  sur  les  quantités 
absorbées 86 

Inlluence  des  actions  capillaires 
sur  la  composition  chimique 
des  liquides  absorbés 88 

Insuffisance  des  actions  capillaires 
pour  l'établissement  des  cou- 
rants observés  dans  le  phéno- 
mène physiologique  de  l'ab- 
sorption         91 

Étude  des  phénomènes  osmo- 
tiques 92 

Notions  préliminaires  :  action  des 
liquides  hétérogènes  les  uns 
sur  les  autres 93 

Cause  de  la  miscibilité  des  li- 
quides         94 

Action  dissolvante  des  liquides. .       96 

Etat  moléculaire  des  corps  en 
dissolution. 99 

Diffusion  des  liquides  dans  d'au- 
tres liquides .    .    100 

Lois  de  la  diffusion 10.'? 

Ditrusibiiité  inégale  de  différents 
corps 106 

Influence  de  la  diffusion  sur  la 
composition  chimique  des  li- 
quides       106 

Influence  des  diaphragmes  sur  la 
formation  des  mélanges 1 09 


0/1 /i 


TAiSLE    SOMMAIUE 


De  l'osmose 111 

Mécanisme  de  l'endosmose 112 

Établissement  d'un  contre-cou- 
rant, ou  exosmose  par  diflu- 
siou 114 

Résumé  relatif  à  la  nature  des 
phénomènes  d'endosmose  et 
d 'exosmose 119 

ittudc  des  équivalents  cndosmo- 
tiques 123 

Influence  de  l'étendue  de  la  sur- 
face perméable  sur  la  grandeur 
des  efl'ets  osmotiques 128 

Différences  dans  la  puissance  os- 
mogénique  des  divers  corps. .  .      1 29 

Cause  qui  détermine  la  direction 
du  courant  cndosmotique.  ...      132 

Influence  du  degré  de  concentra- 
tion des  liquides  sur  l'endos- 
mose        136 

Influence  des  modifications  pro- 
duites dans  la  pernléabilitédes 
cloisons  osmotiques  par  les  li- 
quides réagissants 140 

Différences  dans  le  mode  d'action 
des  deux  surfaces  d'une  même 
membrane 144 

Influence  des  liquides  préexistants 
dans  les  membranes  sur  les 
phénomènes  osmotiques 147 

Causes  des  variations  dans  le  cou- 
rant exosmotique 151 

Action  des  membranes  sur  la 
composition  chimique  des  li- 
quides qui  les  traversent 152 

Résumé 163 

Influence  de  la  température  sur 
les  phénomènes  osmotiques..     163 

Influence  de  Télectricité  sur  l'en- 
dosmose       165 

Relations  entre  l'osmose  et  cer- 
taines réactions  chimiques, . .      170 

Résumé  général 173 

QUARANTE-CINQUIÈME  LEÇON. 

Suite  de  I  l'histoire  de  I'absoiip- 
TION 176 

Du  rôle  de  l'endosmose  dans  l'ab- 
sorption physiologique 176 

Mécanisme  de  la  résorption  de  la 
sérosité  épanchée 177 

Mode  d'établissement  simultané 
de  l'absorption  et  de  l'exhala- 
tion dans  un  même  point 178 

Mécanisme    de    l'absorption   des 


UlCS    MATILK!:S. 

matières   étrangères  à    l'orga- 
nisme        182 

Exemples  d'actions  osmotiques 
dans   le  corps   vivant  ;   action 

des  purgatifs 183 

Mécanisme    de   l'absorption    des 

matières  salines 187 

De  l'absorption  élective 188 

Etude  des  circonstances  qui  in- 
fluent sur  l'activité  de  l'ab- 
sorption       192 

Influence  de   la  nature  chimique 

des  matières  à  absorber 193 

influence  de  la  richesse  du  sang.     194 
Influence    du     courant    circula- 
toire        195 

Influence  de    la   disposition   des 

membranes  absorbantes 199 

Action  de  l'épiderme 200 

Influence  des  humeurs  qui  lubri- 
fient les  surfaces  absorbantes.      200 
Comparaison  de  la  puissance  ab- 
sorbante des   diverses   parties 

de  l'organisme 201 

De  l'absorption  pulmonaire 201 

De  l'absorption  par  la  peau 206 

De  l'absorption  par  les  mem- 
branes muqueuses 214 

De  l'absorption  par  les  mem- 
branes séreuses 216 

De  l'absorption  par  le  tissu  con- 

jonctif  ou  cellulaire 216 

De  l'influence  de  l'état  de  réplé- 
tiou  des  vaisseaux  sur  l'absorp- 
tion       217 

Influence  de  l'état  des  capillaires.      218 
Influence  de  l'action  nerveuse  . .      219 
Influence    des    propriétés   physi- 
ques  des   fluides  sur  leur  ab- 
sorption      222 

De  l'absorption  des  matières  gras- 
ses       223 

De  l'absorption  du  mercure  ....      232 
Expériences  relatives  à  l'absorp- 
tion de  particules  solides 234 

Résumé  relatif  à  l'absorption 
physiologique 243 

QUARANTE-SIXIÈME  LEÇON. 

Dr  la  digestion 246 

Considérations  préliminaires.  . . .  246 
Notions  relatives  aux  aliments. .  .  2  48 
Phénomènes  généraux  de   la  di- 
gestion   250 

Opinions    des    anciens   physiolo- 


TAbLE    SOMMAIRE 


gisles  rclalhcs  ù  la  nature  du 

travail  digestif 

Expériences  de  Héaunmr 

Expériences  de  Stevens 

Expériences  de  Spallanzani 

Digestion  artificielle 

Principe  actif  du  suc  gastrique. . 
Utilité  de  l'action  d'autres  agents 

digestifs 

Caractères  généraux  de  l'appareil 

digestif. 

Réservoir  alimentaire 

Perfectionnement  par  la  division 

du  travail 

Organes  producteurs  des  liquides 

digestifs 

Appareil  biliaire 

Appareil  salivaire 

Appareil  pancréatique 

Usages  des  liquides  digestifs  ac- 
cessoires   

Utilité  de  l'existence  de  plusieurs 
réservoirs  alimentaires  dis- 
tincts  

Changements  déterminés  dans  la 
constitution  des  aliments   par 

les  sucs  digestifs 

Peptones 

Actions  adjuvantes 

Division  mécnnique  des  aliments. 

Appareil  masticateur 

Perfectionnement  de  l'appareil  di- 
gestif comme  instrument  d'ab- 
sorption  

Phlébentérisnie 

Résumé  des  phénomènes  de  la 
digestion 


2o0 
254 
259 
260 
260 
262 

263 

264 
265 

269 

270 
274 
274 
275 


278 


280 
281 
282 
282 
283 


28  i 
285 


28- 


QUARANTE-SEPTIEME  LEÇOX. 

De  l'appareil  de  la  digestion.  .  .  289 
Appareil  digestif  des  Zoophytes.  .  289 
Cavité    digeslive     adventive    de 

quelques  Sarcodaires 289 

Cavités  aquifères  etdigestives  des 

Spongiaires 291 

Cavité   digcstive   des    Zoophytes 

C(«lentérés 294 

Appareil  digestif  des  Hydres  et 

des  Sertulariens 295 

Appareil  digestif  des  Médusaires.  301 
Appareil   digestif  des    Acalèphes 

hydrostatiques 304 

Appareil  digestif  des  Coralliaires .  307 
Appareil     digestif    des    Échino- 

dermes 309 


DES    M.VTIÈllES.  ()[\~) 

Holothuries 311 

Échinides 31'. 

Stellérides 321 

QUARANTE-HUITIÈME  LEÇON. 

De  l'appareil  digestif  des  Mala- 

cozoaires 327 

Appareil   digestif  des  Infusoires 

ciliés 327 

.\ppareil  digestif  des  Mollusques 

de  la  classe  des  Bryozoaires.. .  341 
Appareil  digestif  des  iMolluscoïdes 

de  la  classe  des  Tuniciers. . . .  349 
Appareil  digestif  des  Molluscoïdes 

de  la  classe  des  Acéphales. .. .  355 

Brachiopodes 356 

Lamellibranches 361 

Solénocoques 305 

Appareil   digestif  des  Mollusques 

de  la  classe  des  Gastéropodes..  367 

Trompe 369 

Armature  buccale. 370 

Armature  gastrique 380 

Glandes  salivaires 381 

.labot 383 

Estomac 384 

Appendices  gastro-hépatiques.  . .  385 

Mollusques  phlébentérés 380^ 

Foie 393 

Glandes  accessoires 394 

Intestin 395 

Anus 395 

Appareil   digestif  des  Mollusques 

de  la  classe  des  Ptéroi)odes.  .  .  398 
Appareil  digestif  des  Mollusques 

de  la  classe  des  Cé|)halopodes.  403 

Organes  préhenseurs 403 

Lèvres 405 

Mâchoires 407 

Langue 408 

Glandes  salivaires 409 

Jabot 410 

Gésier 411 

Appendice  pylorique   411 

Foie 413 

Intestin 413 

Résumé 414 

QUARANTE-NEUVIÈME  LEÇON. 

De  l'appareil  digestif  des  Vers.. .  415 

Caractères  généraux 415 

Appareil  digestif  des  N'ématoïdes.  416 
Anomalies  chez  les  Échinorhyn- 

ques 420 


6M) 


TABLE    SOMMAIRE    DES    MATIÈRES. 


Appareil  digestif  des  Géphyriens.  423 

A'ppareil  digestif  des  Annélides. .  424 

Chétopodes . ; 425 

Hirudinées ....  434 

Armature  buccale  des  Sangsues. .  436 
Mode  d'alimentation  de  ces  Ani- 
maux   438 

Canal  digestif 441 

Organes  glandulaires  des  Hirudi- 
nées     445 

Axipareil  digestif  des  Leplozoaires .  HI 

Trématodes 448 

Cestoïdes 452 

Planariées 455 

Rhabdocéliens 4  59 

Némertiens 460 

Appareil  digestif  des  Rotateurs. .  465 

CINQUANTIÈME  LEÇON. 

De   l'appareil   digestif  des   Ani- 
maux articulés.  —  Armature 

buccale 474 

Constitution  de  cet  appareil 474 

De  l'appareil  bioccal  des  Crustacés 

masticateurs 476 

Pattes-mâchoires  des  Limules.  .  .  477 
Perfectionnement  par  la  division 

.     du  travail  physiologique 479 

Appareil  buccal  des  Décapodes.  .  481 

Appareil  buccal  des  Squilles. .  . .  487 
Appareil  buccal  des  Édriophthal- 

mes,   etc 488 

Appareil  buccal  des  Cirrhipèdes.  490 
Appareil  buccal  des  Crustacés  su- 
ceurs   492 

Appareil  buccal  des  Myriapodes. .  494 

Chilopodes 495 

Chilognathes 497 

Appareil  buccal  des  Insectes.  .  .  .  498 

Insectes  masticateurs 498 

Du  labre 501 

Des  mandibules 503 

De  la  lèvre  inférieure 509 

Armature  pharyngienne 514 

Appareil  buccal  des  Insectes   lé- 

cheurs  (Hyménoptères) 518 

Appareil  buccal  des  Insectes  su- 
ceurs    S19 

Trompe  des  Lépidoptères 523 

Bec  des  Hémiptères   525 

Trompe  des  Diptères 528 

Armature  buccale  des  Apbano- 

ptères,  etc 535 

Appareil  buccal  des  Arachnides.  537 


Chez  les  Scorpions 533 

Chez  les  Galéodes,  etc 540 

Chez  les  Araignées 543 

Chez  les  Acariens....! 545 

Résumé 549 

CINQUANTE   ET  UNIÈME  LEÇON. 

Suite  (Je  l'histoire  des  organes 
digestifs  des  Animaux  arti- 
culés        551 

Du  tube  alimentaire  et  de  ses  an- 
nexes chez  les  Crustacés 551 

Estomac 551 

Armature  stomacale 553 

De  l'intestin  et  de  ses  dépen- 
dances  .• 558 

Modiûcalions  de  l'appareil  diges- 
tif chez  les  Crustacés  infé- 
rieurs       560 

Appareil  hépatique 563 

Du  tube  alimentaire  et  de  ses  an- 
nexes chez  les  Arachnides. . . .      568 

Chez  les  Scorpions 568 

Chez  les  Thélyphones  et  les  Ga- 
léodes        572 

Chez  le.^  Aranéides 573 

Chez  les  Faucheurs 579 

Chez  les  Acariens 580 

Du  tube  digestif  et  de  ses  annexes 

chez  les  Insectes 58! 

Disposition  générale  de  cet  appa- 
reil chez  les  Sauterelles 585 

De   l'œsophage  et  du  jabot  chez 

les  divers  Insectes. 586 

Du  gésier  chez  les  divers  In- 
sectes.       593 

De  l'estomac  proprement  dit,  ou 
ventricule  chylifique  chez  les 

divers   Insectes 597 

Des  appendices  de  l'estomac. . . .      603 

Glandules  gastriques 609 

De  Fintestiu  chez  les  divers  In- 
sectes       611 

Du   gros  intestin ,    ou  réservoir 

stercoral 615 

Des  annexes  glandulaires  du  tube 

digestif 616 

Glandes  salivaires 617 

Tubes  malpighiens  (  dits  vais- 
seaux biliaires) 626 

Glandes  anales 638 

Du  tube  digestif  et  de  ses  annexes 

chez  les  Myriapodes 639 

Résumé 641 


wmâ 


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siâ^aift;