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LEÇONS
SUR
LA PHYSIOLOGIE
ET
L'ANATOMIB COMPARÉE
DE I/HOMME ET DES ANIMAUX.
(ÎJfJO.
I'.„.j^_ Iiiipi imcrie de L. Mahti:<et, rue Mi^nion, 2.
LEÇONS
LA PHYSIOLOGIE
KT
L'ANATOMIE COMPARÉE
DE L'HOMME ET DES ANIMAUX
FAITE? A LA FACULTÉ DES SCIENCES DE PARIS
PAli
H. 11IL.I%K GB^VARD^
0. L. H., C. L. N.
Doyen de la Kacullc des sci«nces de Paris, Professeur au Muséum d'Ilisloire nalurcUe;
Membre derinslitut,(Acadéniie des sciences) ;
des Sociélés royales de Londres et d'Edimbourg ; des Académies Ac Slocklioluv,
de Saint-Pclersbourg," de Berlin, de Kônigsberg, de Copcnliaguc, de Bruxelles, de Vienne,
de Hongrie, de Bavière, de Turin et de Naples ; de la Société Hollandaise des sciences ;
de l'Académie Américaine ;
De la Société des Naturalistes de Moscou ;
des Sociétés Linncenne et Zooloijique de Londres; de l'Académie
des Sciences naturelles de Pliiladelpliie ; du Lycéum de New-York; des Sociétés des Sciences
et d'Histoire naturelle do Munich, GOlbembourg, Somerset, Montréal, l'ile Maurice;
des Sociétés Enlomologiques de France et de Londres; des Sociélés Ethnologiques
d'Angleterre et d'Amérique; de l'Institut historique du Brésil ;
Do l'Académie impériale de Médecine de Paris;
des Sociétés médicales d'Edimbourg, de Suède et de Bruges; de la Société des l'iiariuaoien^
de l'Allemagne septentrionale;
Des Sociétés d'Agriculture de Paris, de New -York, d'Alli.uiy, etc.
TOME CINQUIÈME
PARIS
LIBRAIRIE DE VICTOR MASSON
PLACE DE l'ÉCOLE-DE-MÉDECKNE
M DCCC LIX
Droit Je IraJuclion réservé.
LEÇONS
SUR
LA PHYSIOLOGIE
ET
L'ANATOMIE COMPARÉE
DE L'HOMME ET DES ANIMAUX.
QUARANTE -TROISIÈME LEÇON.
DE L'ABSORPTION. — Preuves de la pénétration des matières étrangères jusque
dans le torrent de la circulation. — Du rôle des veines et des vaisseaux lym-
phatiques dans l'absorption. — Notions préliminaires sur le mécanisme de cette
fonction ; imbibition des tissus. — Insuffisance des anciennes théories pour
l'explication du mécanisme de l'absorption. — Découverte des phénomènes d'en-
dosmose.
§ 1. — L'absorption, c'est-à-dire rintrocUiction des matières preuves ]
, , . (le l'absorption
étrangères jusque dans la profondeur de l'organisme et leur chez tous i
,, 1 /i • 1 ■ • ^^^ Animaux. !
mélange avec les lluides nourriciers, est un phénomène qui >
s'observe chez tous les êtres vivants, et qui est rendu mani- ■
feste par une multitude de faits dont la connaissance est banale. ]
Je ne m'arrêterai donc pas longtemps à donner ici des preuves '
de l'existence de cette fliculté, soit chez l'Homme, soit chez les ^
Animaux inférieurs; mais afin de ne pas laisser sans démons-
tration un fait de cette importance, je citerai quelques expé-
riences qui le rendent évident.
V. 1 ^
. i
2 ABSORPTION.
Si nous plongeons dans de l'eau le eorps d'an Colimaçon,
en maintenant la tête de l'Animal au-dessus de la surface du
liquide, ou en lui fermant la bouche de façon à rendre toute
déglutition impossible, nous le verrons se gonfler peu à peu et
souvent doubler de volume dans l'espace de quelques heures.
En pratiquant la même expérience sur une Grenouille réduite
à un état d'émaciation par une abstinence prolongée, il nous sera
également facile de constater dans le poids du corps une grande
augmentation déterminée par le seul fait du contact de l'eau
avec la surface extérieure de la peau (1). 11 en faut conclure
que la Grenouille, de même que le Colimaçon, a absorbé, c'est-
à-dire fait pénétrer une certaine quantité de ce liquide dans
l'intérieur de son organisme, et que celle introduction s'est
effectuée par la surface générale du corps (2) .
Si nous injectons de l'eau dans l'estomac d'un Chien, et si
(1) Des faits de ce genre ont été été faites sur les Colimaçons et les Li-
conslatés par Treviranus et plusieurs maces par Spallanzani et par Nasse (c).
autres physiologistes (a). Ainsi, dans J'ai souvent eu l'occasion d'observer
les expériences de William Edwards, ce gonflement lorsque je déterminais
nous voyons des Grenouilles dont le l'asphyxie, soit des Gastéropodes dont
corps ne pesait qu'environ 33 gram- je viens de parler, soit des Doris, des
mes , augmenter en poids de plus de Pleurobranches et de beaucoup de
10 grammes, par suite de l'immersion Mollusques acéphales que je destinais
de leur corps dans l'eau et sans que a des recherches anatomiques. J'ajou-
ce liquide ait pu pénétrer dans les terai que des faits analogues ont été
voies digestives (5). Nous aurons à constatés chez différents Vers inlesti-
revenir sur ces expériences lorsque naux, tels que les Ascarides {d), les
nous étudierons d'une manière spé- Distoraes(e)etles Échinorhynques (/'),
ciale l'absorption cutanée. mais sont surtout remarquables chez
(2) Des expériences de ce genre ont les Rotifères et les 'J'ardigrades qui
(a) Voyez : Treviranus, Biologie, t. IV, p. 289.
— Bluff, Dissert, de absorptione cutis, p. 22 (d'après Burdacli, Traité de physiologie, t. IX,
p. 15).
(6) W. Edwards, De l'influence des agents physiques sur la vie, 1824, p. 596.
(c) Spallanzani, Mémoires sur la respiration, p. 137.
— Nasse, Untersuchungen zur Physiologie und Pathologie, t. I, p. 482.
(d) Cloquet, Anatomie des Vers intestinaux, p. 33.
\e) Mehiis, Observationes anatomiccc de Distomate, p. H
[t] Rudolplii, Physiologie, t. II, 2= partie, p. 266.
CONS!DÉHA'iiO?iS GÉ]NÉP.ALES. 3
nous lions les deux orifices de celte poche membraneuse de
façon à empêcher le liquide de remonter dans la bouche ou de
passer dans l'intestin, et si au hout de quelques heures nous
tuons l'Animal pour en faire l'autopsie, nous trouverons que
l'eau n'est pas restée emprisonnée dans son estomac, mais a été
absorbée en grande partie, ou même en totalité (1). Des expé-
ont été mis clans un état de mort ap-
parente par la dessiccation , et qui
se trouvent ensuite en contact avec de
l'eau (o),
(1) MM.TiedemannetGmelin ontfait
une série intéressante d'expériences
sur l'absorption d'un grand nombre
de matières différentes par la surface
des voies digestives. ils ont vu que
chez le Chien et le Cheval diverses
substances odorantes, telles que le
camphre, le musc, Talcooi, l'essence
de térébenthine, l'ail et l'asa fœlida,
introduites dans l'estomac , peuvent
être reconnues jusque dans la moitié
inférieure de l'intestin grêle, ou même
jusque dans le cœcum, mais dispa-
raissent peu à peu à mesure qu'elles
avancent dans cette portion du tube
digestif. Les matières colorantes dont
ils firent usage de la même manière
traversèrent en partie l'intestin dans
toute sa longueur , de façon à être
évacuées au dehors en quantité plus ou
moins considérable, mais furent aussi
en partie absorbées. 11 en fut de même
pour diverses matières salines, telles
que le prussiate de potasse (ou cyano-
ferrure de potassium), le sulfate de po-
tasse, l'hydrochlorate de fer, etc. {b).
Goodwyn, Schliipfer, Mayer et Go-
hier, avaient vu précédemment que
de l'eau peut être injectée en quantité
considérable dans les voies respira-
toires , et disparaît des poumons avec
une grande promptitude (c). On cite
aussi, comme preuve de l'absorption
des liquides par la surface des cellules
pulmonaires chez l'Homme, un acci-
dent qui s'est présenté dans le service
chirurgical de Desault, à l'Hôtel-Dieu
de Paris. Une sonde œsophagienne
ayant été introduite par erreur dans
la trachée , on injecta dans les voies
aériennes un bouillon que le chirur-
gien croyait pousser dans l'estomac
du malade, et il n'en résulta aucun
accident grave ; fait qui ne peut s'ex-
pliquer qu'en admettant que le liquide
avait été promptement absorbé (cl).
(aj Spallanzani, Observ. et expér. sur quelques Animaux surprenants que l'observateur peut
à son gré faire passer de la mort à la vie [Oimscules de physique animale et végétale, t. II,
p. 299).
— Doyère, llém. sur les Tardigrades (Ann. des sciences nat., 2» série, 1842, t. XVIII, p. 5).
(h) Tiedemann et Gmelin, Recherches siir la route que prennent diverses substances pour passer
de l'estomac et du canal intestinal dans le sang, etc., trad. par Heller, p. 51 et suiv.
(c) Goodwyn, The Connexion of Life luith Respiration, 1789 (trad. franc, par Halle, p. 10).
— Schliipfer, Dissert, sistens expérimenta de e/fectu liquidorum quorumdam medlcamento-
sorum ad vias aeriferas opplicatorum in corpus animale. Tubingen, 1810.
— Gohier, Mémoires et observations sur la chirurgie et la médecine vétérinaire, t. II, p. 419).
— Mayer, Ueber das Einsaugungsvermôgen der Yenen des grossen und kleinen Kreislauf-
systems (Meckcl's Deutsches Archiv fur die Physiologie, 1817, t. IIÎ, p. 493 et siiiv.).
(d) Desault, Œuvres chirurgicales, par Bichat, t. II, p. 266.
4 ABSORPTION.
riences analogues faites sur les autres cavités naturelles de l'or-
ganisme, l'intérieur du sac péritonéal ou de la plèvre, par
exemple, donneront des résultats semblables : l'eau disparaîtra
plus ou moins rapidement(l) ; et si, au lieu d'employer de l'eau,
nous faisons usage de certaines matières qui peuvent être iden-
tifiées avec le milieu des substances constitutives de l'organisme,
il nous sera également facile de constater que l'absorption a pour
effet de porter ces matières étrangères jusque dans l'intérieur de
l'appareil irrigatoire.
Ainsi, nous savons, par l'observation journalière, que cer-
taines substances qui ont été introduites dans notre estomac
avec nos aliments sont promptement expulsées au dehors
par les voies urinaires. D'autre part, des expériences dont je
rendrai compte ailleurs prouvent que les produits ordinaires
de la sécrétion rénale sont fournis par le sang, et l'anatomie
nous apprend qu'il n'existe ni dans le corps humain, ni dans
celui des Animaux , aucune communication directe entre la
cavité digestive et l'appareil urinaire. Par conséquent, les ma-
tières dont je viens de parler, pour passer du canal aHmen taire
dans l'appareil rénal, ont dû être absorbées dans le premier
de ces organes, et transportées dans le second par le torrent de
la circulation.
Une autre expérience très intéressante, sur laquelle j'aurai à
revenir dans une des prochaines Leçons, rend saisissables par
la vue les effets de cette absorption. Quand on mêle aux
aliments certaines substances colorantes, telles que la garance,
ces matières sont absorbées, et leur présence dans les parties
les plus profondes de l'organisme est décelée par un phéno-
(1) La rapidité avec laquelle les sorption très puissant. La môme re-
épançhements pleurétiques disparais- marque est applicable aux accumula-
sent dans quelques cas, suffirait pour tions de sérosité dans le tissu aréolaire
établir que chez rilomme la plèvre sous-cutané et dans beaucoup d'autres
peut être le siège d'un travail d'ab- parties du corps.
CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES. 5
mène fort remarquable : la teinture des os, dont le tissu se
colore en rouge (1).
Les effels toxiques qui dépendent de l'action toute locale
d'un grand nombre de poisons sur le cerveau ou sur d'autres
parties du système nerveux, et qui se manifestent à la suite de
l'application de ces substances sur la surface de la membrane
buccale, sur la conjonctive ou sur la peau dépouillée de son
épidémie, ainsi que de leur introduction dans l'estomac, dans la
cavité thoracique ou dans les aréoles du tissu conjonctif sous-
cutané, peuvent être invoqués également comme des preuves
de l'absorption de ces matières vénéneuses, et leur transport
rapide d'une partie quelconque de l'organisme jusque dans le
(1) En parlant de la circulalion la- la garance avec les aliments est aussi
ciinaire chez les Insectes, j'ai déjà eu un phénomène de teinture dû à la
l'occasion de citer des expériences présence de celte matière colorante
dans lesquelles des matières linclo- dans le sang et à sa lixation par les
liales introduites dans l'estomac ont sels calcaires. Je reviendrai ailleurs
manifesté leur présence dans le sang sur ce sujet, et je me bornerai à indi-
par la coloration, soit de ce liquide quer ici les principales sources où il
lui-même, soit de certains organes faudrait puiser pour obtenir plus de
qui y baignent (a). La coloration des renseignements sur ce phénomène
os en rouge par suite du mélange de intéressant (6).
(a) Voyez tome III, page 231.
(6) MizaUi (on Mizainl), Meinorabilium, sive arcanoriim omiiis generis centuriœ, 1572, p. ICI,
— Belchier, An Account of Bones of Animais being changea to a red Colour by Aliment alone
{Philos. Trans., 1730, t. X\XIX, p. 287 et 2U9).
— Ihiliamol, Sur une racine qui a la faculté de teindre en rouge les os des Animaux vivants
{Mém. de l'Acad. des sciences, 1739, p. 1),
— liaz.nnus. De coloratis animalium quorunulam vivorum ossibus {Commentarii Instit. Bolo-
gnensis, 174,5, t. Il, pars i, p. 12'J, et De ossium colorandorum artificio per radicem rubiœ
[Ibid., I. II, pars il, p. 124).
— J. Hunier, Expériences et observations sur le développement des os {Œuvres, t. IV, p. 409).
— Rulliorford, cité par Blake {Dissert, inaugur. de dentium fonnatione, 1798), d'après Gibson
(Op. cit., p. 154).
— Gibson, Observations on Ihe Effecls of Madder on the Bones of .\nimals {Memoirs of the
Liter. and Philosoph. Soc. of Manchester, 1805, 2° série, I. I, p. 14ii).
— Mourons, Recherches sur le développement des os {Airhives du Muséum d'hisl. nat., t. II,
p. 315 et suiv.).
— Pagel, De l'influence de la garance dans l'étude du développement des os {Gazette médicale
de Paris, 1840, p. 204).
— Serres et Doyèrc, Exposé de quelques faits rclalifs à la coloration des os chez les Animaux
soumis au régime de la garance {Ann. des sciences nat., 2° série, 1842, t. XVII, p. 153 et
suiv.).
— Brullie et Ilng;ucny, Expériences sur le développement des os dans les Mammifères et les
Oiseaux, faites au nioyen de l'alimentalion de la garance {Ann. des sciences nat., 3" série,
1845, t. IV, p. 283).
6 ABSORPTION,
point où leur présence détermine les symptômes caractéristi-
ques de leur action ne peut s'expliquer qu'en admettant qu'elles
ont pénétré dans le torrent de la circulation. Mais, pour mieux
établir cette conclusion, je citerai d'autres faits qui sont plus
probants.
Lorsqu'on introduit dans l'estomac d'un Chien de l'eau
tenant en dissolution certains sels métalliques qui normale-
ment n'existent pas dans l'organisme, et qu'au bout d'un temps
convenable on examine chimiquement le sang de l'Animal, on
y retrouve ces matières étrangères (1). Ainsi le prussiate de
potasse (ou le ferrocyanure de potassium, pour employer ici
le nom adopté aujourd'hui) , ingéré dans la cavité digestive ou
dans les voies respiratoires, ne tarde pas à pénétrer dans le
sang et à être ensuite expulsé de ce liquide par la sécrétion
rénale; de sorte qu'en versant un sel de fer soit dans le sérum,
soit dans l'urine, on obtient un précipité de bleu de Prusse (2)
Il me serait facile de multiplier beaucoup ici les faits du
(1) Ce fait paraît avoir été constaté à 0,8Z|0 (6). Il est vrai que la saignée
expérimentalement, vers le milieu du est en elle-même une cause d'appau-
siècle dernier, par Kaau-Boerhaave , vrissement du sang (c) ; mais la grande
neveu du célèbre médecin de ce augmentation dans la c^uantité d'eau
dernier nom {a), observée dans ce cas ne pouvait s'ex-
On peut constater aussi Tintro- pliquer de la sorte seulement, et dé-
duction de Feau dans le sang à la vait dépendre en grande partie de
suite de l'absorption de ce liquide par l'absorption des boissons.
la surface gastrique. Ainsi, dans une (2) En 1817, Mayer a constaté que du
expérience citée par Bérard, un Bœuf cyanoferrure de potassium dissousdans
qui avait été privé de boissons pen- l'eau, de même que divers autres
dant vingt-quatre heures, fut saigné sels, injecté dans les cellules aérifèrcs
avant et après qu'on l'eut fait boire, du poumon, se retrouve très prompte-
et l'on trouva que la proportion d'eau ment dans le sang, et se montre dans
contenue dans le sang, qui était de l'oreillette gauche du cœur avant que .
0,775 avant l'injeclion du liquide dans d'être arrivé dans l'oreillette droite,
l'estomac, s'était élevée bientôt après 11 a reconnu aussi la présence de ce
(a) Kaau-Boerliaa-ve, Perspiratio dicta liippocrati per universum corpus anatomice illustrata,
4738, § 469, p. 202.
(6) Bérard, Cours de physiologie, t. II, p. 595.
(c) Voyez ci-dessus, tome I, page 249,
CONSIDÉRATIONS GÉNÉUALES. 7
même ordre, mais ceux que je viens de citer prouvent suffi-
samment que les Animaux possèdent la faculté d'absorber
les liquides en contact avec les organes et de verser ces matières
étrangères dans le torrent sanguin en circulation dans leur
corps (1).
sel dans le sérum du sang, quand il
en avait introduit une certaine quan-
tité dans l'estomac (a).
Quelques années après, ^IM. Tie-
demann et Gmelin ont reconnu dans
le sang des Animaux soumis à leurs
expériences l'odeur du camphre et
du musc qui avaient été introduits
dans les voies digestives. Ils y ont
constaté aussi la présence du cyano-
ferrure de potassium , du sulfate de
potasse, d'un sel de plomb, etc., qui
avaient été absorbés de la même ma-
nière (6).
Une multitude de faits du même
ordre ont été constatés par plusieurs
autres expérimentateurs , tels que
Lebkiichner , Westrumb , Lawrence
et Coates, les membres de la Société
médicale de Philadelphie , Orfila ,
-MM. Panizza et Kramer , Cha-
tin , etc. (c).
Le passage du cyanoferrure de po-
tassium de l'extérieur jusque dans le
sang par la voie de l'absorption cu-
tanée a été constaté aussi chez les
Animaux inférieurs, parles expérien-
ces de Jacobson sur les Colimaçons (ci).
(1) Il arrive souvent que les ma-
tières étrangères dont l'absorption
n'est pas très rapide ne se reconnais-
sent pas dans le sang , bien qu'on les
retrouve dans les urines, dans le foie
ou dans d'autres parties de l'écono"
mie , et quelques auteurs ont été con-
duits de la sorte à supposer qu'il
existe des voies de transport pour les
substances absorbées, indépendantes
de l'appareil circulatoire (e) ; mais
cela tient en général à ce que les
(o) Mayer, Op. cit. (SleckA's Deutsches Archiv, t. III, p. 496).
(b) Tiedemaiin et Gmelin, Op. cit., p. 65.
(c) Lebkiichner, Dissertation inaugurale suv la perméabilité des tissus vivants. Tubingen,
4819 {Arch. géti. de méd., i" série, 1825, t. VII, p. 424).
— Canlu, Sur la présence de l'iode dans le sang (Journ. de chim. méd., 1826, t. II, p. 291).
— Westrumb, Physiol. Untersiich. iiber die Einsaugungskraft. der Yenen; — et Expériences
sur l'absorption cutanée (Arch. gén. de méd., 1829, t. XXI, p. 113).
— Experinients on Absorption by the Committee of the Acad. of Philadelphia {London Med.
and Phys. Journ., 1832, t. XL VII, p. 275).
— Lawrence et Coates, Accoimt of some furiher Experinients to deteiinine the absorbing
Power ofthe Veins and Lymphatics [Philadelphia Journal, 1823, n° 10).
— Panizza, Dell'assorbunento venoso {Mem. dell'lstit. Lombardo, t. I, p. 169).
— A. de Kramer, Ricerche per discopriere nel sangue, nelV urina ed in varie altre secrezioni
animali le combinazioni minerali amministrale per bocce {Memorie dell'Isliiulo Lombardo,
Milano, 1843, t. I, p. 115).
— Franchini, Pdcerche fisiologiche inlorno ail' assorbimento. Bologne, 1823, p. 2 et suiv.
— Orfila, Mém. sur l'empoisonnement (Mém. de l'Acad. de médecine, t. VIII, p. 375j.
— Cliaiin, Sur les fonctions des vaisseaux chylifères et des veines [Comptes résidus de l'Acad.
des sciences, 1844, t. XVIII, p. 379).
[dj Voyez Oersled , Oversigt over Selskabcts Forhandiinger og dets Medlemmers Arbeider fra
1824 m 1827 [Mém. de l'Acad. danoise, 1828, t. III, p. xix).
(e) Danger et Flanriin, De la localisation des poisons [Revue scienti/ique et industrielle, I84I).
— Orfila, Nén. siir l'empoisonnement [Mém. de l'Acad. de médecine, t. VIII, p. 521 , 540, elc).
r
relatives
aux vaisseaux
absorban(s.
8 ABSORPTION.
Opinions § 2. — L'existence de celte propriété pliysiologique était
des anciens ,. , i, a,/»-, i '
hysioiogistes coniuic longteiiips avant que 1 on eut tait aucune des expe-
riences dont je viens d'arguer ; et lorsque les découvertes
d'Aselli, de Pecquet et de leurs émules nous eurent appris que
des produits de la digestion passent de l'intestin dans les vais-
seaux lymphatiquesdu mésentère, puis dans le canal thoracique,
pour être ensuite versés dans les veines, et que des vaisseaux
du même ordre naissent dans toutes les parties du corps pour
aller se terminer de la même manière (1), on fut conduit à
penser que tout ce système de canaux centripètes devait être
affecté à des usages analogues, et constituer les voies par les-
quelles les matières étrangères à l'organisme, quelle qu'en fût
la nature, avaient à passer pour aller gagner le torrent circula-
toire et s'y mêler au sang.
Les -recherches des frères Hunter et de Monro contribuèrent
plus que toutes les autres à faire prévaloir cette opinion (2), et
vers la fin du siècle dernier elle paraissait si bien établie, que
la plupart des physiologistes ne désignèrent plus l'ensemble
des vaisseaux lymphatiques et chylifères que sous le nom de
système absorbant.
matières absorhéos sont éliminées du même sujet. La question de priorité
sang à mesure qu'elles arrivent dans relative à cette prétendue découverte
ce liquide, et |)ar conséquent ne s'y donna lieu à des discussions fort vives,
accumulent pas en quantité siiJlisantc etdontle tonétaitpeudigne d'iiommes
pour être reconnaissables par l'emploi aussi honorables {à). Du reste, le pre-
des réactifs mis en usage. mier auteur qui ait soutenu l'opinion
(1) VoycziomelV, page/ii7 et suiv. d'après laquelle l'absorption aurait
(2) Les vues de Hunier à ce sujet lieu exclusivement par les vaisseaux
furent d'abord rendues publiques par lymphatiques paraît être le célèbre
les leçons orales de ce professeur, et, Frédéric Hoffmann , qui vivait près
peu de temps après, Monro fit pa- d'un siècle avant (6).
raîfie ù Berlin une dissertation sur le
(a) Al. Monro, jun., De veiils lymphalicis valvtdosis, et de eanimiii primis origine. Berlin,
ilCA. — Obsevv. anat. and pbysioL, elc.
— W. Huiilcr, Médical Commentaries, part i, containing a plaiii and direct ansiver to
Prof. Monro jun., 17G2.
— Voyez aussi à ce sujet : Boslock, An Element'inj System of Physiology, t. H. p. 558.
(6) Hoffmann, Medicina ralionalis systematica, lib. I, secl. il, cap. 3, ILSO.
ROLE DES VEINES. 9
Il est en effet bien démontré que les lymphatiques sont des P'-euves
*• _ de l'absorption
vaisseaux qui absorbent et qui versent dans l'appareil circula- par
les veines.
toire les matières dont ils se sont chargés; mais le nom de
vaisseaux absorbants ne leur convient pas, car les expériences
de Magendie sont venues montrer qu'ils ne jouissent pas seuls
de la faculté de pomper en quelque sorte les fluides qui baignent
la surface des organes vivants, ou qui sont déposés dans la
profondeur de ceux-ci ; que ces conduits ne sont pas des
organes absorbants par excellence, et que les veines peuvent,
sans leur aide, s'emparer des mêmes substances et les mêler
au sang en mouvement dans l'économie (1).
Magendie obtint ce résultat important en faisant des recher-
ches sur une de ces substances vénéneuses dont diverses peu-
plades sauvages se servent pour empoisonner la pointe de leurs
flèches, Vupas tieuté, qui doit sa puissance à la strychnine.
Lorsqu'un peu de ce poison est déposé sous la peau de la patte
d'un Animal vivant ou dans toute autre partie du corps, il est
prompfenient absorbé; après avoir été mêlé de la sorte au sang
et avoir été transporté par le torrent circulatoire dans toutes
(1) Ces reclierclies expérimentales que, et inlroduisit dans l'estomac des
datent de 1809. Elles furent d'abord Animaux soumis à ses expériences
publiées à part, puis reproduites dans une infusion de rhubarbe; bientôt
le journal de physiologie cxpiMimen- après, la présence de cette substance
taie de Magendie (a). pouvait être constatée dans l'urine au
Peu d'années après (en IHli), moyen de la réaction déterminée par
Evèrard Home, sans connaître les ré- la potasse (6). Dans un premier tra-
sultats déjà obtenus par Magendie, a vail , Hoine avait supposé que le
cherché aussi à établir que les fluides passage entre l'estomac et l'appareil
absorl)és par l'estomac arrivent dans le urinaire était direct; mais, dans le
sangsans avoir passédans les vaisseaux mémoire que je viens de citer, il aban-
lymphatiquos. Il lia le canal thoraci- donna celte opinion erronée.
(ni Magendie, Mémoire siiv les ovyanes de l'absorjition chez les Mammifères, 1809 (Journal
de phjisiologie, -1821, t. I, p. tS).
(b) Home, Experiments to prcve that Flidds pass divecllij from the Stomach to the Circulation
of the Blood, and from thence into the Cells of the Spleen, the Gall Bladder and urinary Bladder ,
without going thi-ough the thoracic Duct [Philos. Trans., 1811, p.^163).
10 ABSORPTION.
les parties de l'organisme, il exerce sur la moelle épinière une
action puissante, et il détermine ainsi dans tous les muscles des
contractions spasmodiques d'une grande violence. Dans l'hypo-
thèse de l'absorption par les vaisseaux lymphatiques seulement,
qui régnait sans partage dans les écoles à l'époque où Magendie
commença ses expériences, on expliquait ce transport de l'upas
tieuté en supposant qu'il avait été pompé par les lymphatiques
de la patte ou de toute autre partie où le dépôt en avait été effec-
tué, puis charrié par la lymphe de ces vaisseaux jusque dans le
canal thoracique, qui l'aurait versé dans la veine sous-clavière,
laquelle à son tour l'aurait conduit au cœur, dont les contrac-
tions devaient le pousser ensuite à travers le reste du système
circulatoire jusque dans les vaisseaux capillaires du système
nerveux. Mais Magendie trouva que le poison suit une route
plus directe, et arrive dans les veines sans l'intermédiaire des
lymphatiques. Ainsi, dans une des expériences de ce physiolo-
giste éminent, l'abdomen d'un Chien ayant été ouvert et une
anse de l'intestin comprise entre deux ligatures, on lia égale-
ment tous les vaisseaux lymphatiques de la portion du tube
digestif ainsi isolée, et l'on en fit la résection, de façon à ne la
laisser en communication avec le reste de l'organisme que
par une artère et une veine, à l'aide desquelles la circulation
du sang s'y maintint ; puis on introduisit dans ce tronçon
d'intestin une certaine quantité d'upas tieuté, et on le replaça
dans l'abdomen. Six minutes après, les effets généraux du poison
se manifestèrent avec leur intensité ordinaire, et Magendie en
conclut avec raison que l'absorption de cette substance s'était
effectuée à l'aide de la veine mésentérique restée intacte.
D'autres expériences dans lesquelles la cuisse de l'Animal
fut divisée de façon à ne tenir au reste du corps que par le
tronc de l'artère crurale et sa veine satellite, donnèrent les
mêmes résultats. Mais nous savons qu'il existe des lymphatiques
dans l'épaisseur des parois des vaisseaux sanguins, et par con-
ROLE DES VEINES. 11
séquent on aurait pu arguer de cette circonstance pour soutenir
qu'ici encore l'absorption du poison avait été effectuée par des
conduits de ce genre. JMagendie prévit cette objection, et y
répondit en répétant l'expérience dont je viens de rendre
compte, et en maintenant la circulation dans le membre, non
à l'aide de l'artère et de la veine laissées intactes, mais au
moyen de deux ajutages métalliques par l'intermédiaire des-
quels la continuité fut établie entre le bout supérieur et le bout
inférieur des vaisseaux divisés. Or l'upas tieuté, déposé dans une
plaie faite à la patte ainsi isolée, n'en fut pas moins absorbé
comme dans le cas précédent, et lorsque, dans les expériences
de ce genre, on interrompait temporairement le passage du sang
veineux de la patte amputée vers le corps, on suspendait d'une
manière correspondante l'apparition des symptômes de l'em-
poisonnement.
Nous avons vu, dans une des dernières Leçons, que les
lymphatiques des membres ne débouchent jamais directement
dans les veines de ces parties du corps (1), et par conséquent
nous devons conclure de toutes ces expériences, comme l'a
fait Magendie lui-même , que les veines sont en réalité des
vaisseaux absorbants, c'est-à-dire des vaisseaux dans lesquels
les matières étrangères peuvent pénétrer directement, et être
charriées depuis leur point d'application jusque dans le cœur
qui les distribue ensuite avec le sang dans toutes les parties de
l'économie (2).
(1) Voyez tome IV, page 526. des piiblicalions ultérieures il crut
(2) Dans le beau travail dont je pouvoir aller plus loin, et révoquer
viens de donner l'analyse, Magendie, en doute leur aptitude à pomper au
tout en établissant que les veines sont dehors de l'organisme d'autres ma-
des vaisseaux absorbants, ne contesta tières que le chyle.
pas l'existence de propriétés analogues II est à noter que plusieurs physio-
dans les lymphatiques (a); mais dans logistes du xviir' siècle avaient sou-
(a) Boerhaave, Prœlectioties academicœ, edidit Haller, t. I, p. 402 et suiv.
Rôle
des vaisseaux
lymphatiques
dans
l'absorption.
12 ABSORPTION.
§ 3. — Ce résultat, obtenu il y a cinquante ans, fut
confirmé par un grand nombre d'autres faits, et aujourd'hui
tous les physiologistes l'admettent sans contestation. Mais le
changement dans les opinions régnantes qui s'opéra sous l'in-
fluence des travaux de Magendie, détermina bientôt une exa-
gération dans les conclusions que l'on en tira, et beaucoup
d'expérimentateurs crurent devoir soutenir que les lympha-
tiques n'interviennent jamais dans le travail d'absorption dont
l'organisme est le siège, si ce n'est pour introduire dans le sang
les produits de la digestion (1). Quelques auteurs crurent
même que la présence du chyle dans les lymphatiques de l'in-
testin n'était pas la conséquence d'un phénomène d'absorption,
mais devait être attribuée à une action sécrétoire analogue à
celle qui donne naissance au lait, à la bile ou à l'urine. Nous
terni que les veines sent les organes
par lesquels l'absorption s'effectue :
lloerhaave, par exemple; mais celte
opinion manquait de preuves, et était
généialement aiiandonnée depuis le
commencement du siècle aciuel.
(1) M. Ségalas a été conduit, par
diverses expériences, à penser que les
substances autres que le chyle, dépo-
sées dans le canal intestinal, ne pou-
vaient être absorbées que par les veines.
Il isola nne anse d'intestin et fit la
ligature des vaisseaux sanguins qui en
dépendent, mais laissa intacts les lym-
phatiques ; puis, iiyant introduit de la
noix vomlque dans le tronçon ainsi cir-
conscrit, il le remit en place, et ne
vit se manifester aucun des symptômes
d'empoisonnement qui résultent tou-
jours de l'absorption de cette sub-
stance. Dans une autre expérience, il
procéda de la même manière ; seule-
ment, au lieu d'interrompre la circu-
lation dans l'anse intestinale où était
emprisonnée la matière toxique, il
ouvrit la veine de cette partie et dis-
posa les choses de façon à faire couler
au dehors le sang qui y avait passé :
or, dans ce cas, de même que dans
l'expérience précédente, il ne se dé-
clara pas d'empoisonnement. On en
pouvait conclure que, dans les condi-
tions où M. Ségalas avait opéré, les
vaisseaux lymphatiques de l'intestin
n'avaient exercé aucune action absor-
bante appréciable (a).
Je citerai également ici quelques-
unes des expériences faites plus ré-
cemment sur le même sujet , par
M. Panizza. Ce physiologiste opéra sur
un Cheval, et ayant, à l'aide d'une
incision pratiquée aux parois de l'ab-
(a) Ségalas, Note sur l'absorption inlestinale {Journal de physiologie de Magendie, 1822, t. II,
p. in).
RÔLE DES VAISSEAUX LYMPHATIQUES. 13
reviendrons sur cette dernière manière de voir, lorsque nous
étudierons le cas particulier de l'absorption des matières ali-
mentaires élaborées dans le tube digestif, et ici je me bornerai
à examiner le rôle du système lymphatique dans l'absorption
générale, c'est-à-dire dans l'introduction des matières non
digérées du dehors dans l'intérieur de l'organisme; question
qui a beaucoup occupé l'attention des physiologistes, il y a un
quart de siècle, et qui a donné lieu à un grand nombre de
travaux.
Les principaux faits dont on a argué pour établir que les
vaisseaux lymphatiques sont susceptibles d'absorber les matières
étrangères autres que le chyle, sont fournis en partie par les
observations pathologiques, en partie par les expériences dans
lesquelles diverses substances, plus ou moins faciles à recon-
domen, fait sorlir au dehors une anse
d'intestin, il l'isola à l'aide de deux
ligatures placées de façon que le sang
de la partie ainsi délimitée ne retour-
nait au corps que par un seul tronc
veineux. 11 lia ensuite ce vaisseau et y
fit une ouverture, afin que la circula-
tion ne fût pas interrompue dans
l'anse intestinale, mais que le sang de
cette partie ne pût pas rentrer dans
le torrent circulatoire général; les
lymphatiques furent laissés libres, et,
à l'aide d'une ponction, une certaine
quanUté d'acide cyanhydrique fut in-
troduite dans l'anse intestinal ainsi
disposé. Aucun symptôme d'empoi-
sonnement ne se manifesta, et le sang
qui s'échappait de la veine ouverte
présenta bientôt l'odeur et les autres
signes indicatifs de la présence de
l'acide cyanhydrique. Dans une autre
expérience, les choses étant disposées
de même, le tronc veineux venant de
l'anse intestinale isolée ne fut ni lié
ni ouvert, mais simplement comprimé
entre lesdoigtsde l'opérateur, de façon
à empêcher le sang d'y passer. Aucun
symptôme d'empoisonnement ne se
manifesta à la suite de l'introduction
de l'acide cyanhydrique dans l'anse
intestinale; mais lorsqu'on cessa de
comprimer la veine, l'action toxique
de ce corps devint évidente en moins
d'une minute (a).
Les recherches de M. Fenwick por-
tèrent même ce physiologiste à penser
que l'absorption du chyle dépend uni-
quement de l'action de l'appareil cir-
culatoire, et que les lymphatiques ne
font fiue transporter une partie des
matières que les vaisseaux sanguins
ont reçues et leur transmettent (6).
(a) Panuza, Dello assorblmento venoso (Memorie delV Istituto Lombardo, 4843, t. I, p. 176),
(b) Fenwick, An Expérimental Inquinj into the Functions of the Lacteals and Lymphatic
ancet, 1845, 1. 1, p 29 et suiv.).
ILancet
1/^ ABSOKPTSON.
naître, ont été déposées dans différentes parties de l'organisme
et ont paru avoir passé dans la lymphe.
Je ne m'arrêterai guère sur les arguments en faveur de
l'absorption par les lymphatiques, qui ont été fournis par la
pathologie, parée qu'ils n'ont à mes yeux que fort peu de
valeur. Les médecins ont eu l'occasion de remarquer qu'à la
suite d'une blessure faite par un instrument chargé de matières
putrides, ou d'un virus quelconque, les vaisseaux lymphatiques
provenant de la partie lésée sont très aptes à s'enflammer, et
que les ganglions placés sur le trajet de ces mêmes vaisseaux
s'engorgent souvent. Ils ont vu des phénomènes analogues
se manifester dans le voisinage de certaines ulcérations dont le
pus est doué de propriétés contagieuses, et ils ont pensé que
cet état morbide des vaisseaux lymphatiques dépendait de l'irri-
tation produite sur leurs parois par le passage des virus qui,
dans ces circonstances, ont dû être introduits dans l'organisme
par voie d'absorption. La route mise ainsi hors d'état de ser-
vice semble en effet devoir être celle que ces matières toxiques
ont dû suivre, et l'on a cru voir là une preuve de l'action
absorbante des lymphatiques; mais il est fort possible que
l'altération des liquides en mouvement dans ces vaisseaux soit
la conséquence non de leur mélange avec les matières étran-
gères ou morbides déposées à la surface externe de la plaie,
mais bien du développement d'un travail sécrétoire dans leur
intérieur; travail qui serait provoqué par l'action du virus, et
qui aurait le même caractère que celui dont dépend la forma-
tion du pus excrété au dehors (i). J'en dirai autant des cas
(1) Les accidents de ce genre sont d'y donner lieu, est de cautériser
mallieureusemenl très fréquents par- immédiatement la plaie, afin de de-
mi les personnes qui se livrent à des iruire le virus, ou ferment patholo-
travaux anatomiques, et Fexpérience giquc, qui peut y avoir été déposé.
a prouvé que le meilleur moyen pour Gruiksliank attribue l'inflammation
empêclier les piqûres envenimées développée ainsi dans les lympliati-
RÔLE DES VAISSEAUX LYMPHATIQUES. 15
dans lesquels quelques chirurgiens ont trouvé les lymphatiques
gorgés d'un liquide purulent ; rien ne prouve que ce liquide
ait été puisé' dans les dépôts de pus adjacents, et qu'il ne soit
pas le résultat de l'état intlammatoire de la surface interne de
ces vaisseaux eux-mêmes (1).
ques au passage des matières irri-
tantes absorbées par ces vaisseaux, et
ne voyant pas de phénomènes mor-
bides du même genre se manifester
dans les veines, il en conclut que
celles-ci n'absorbent pas (a). Cette
manière de voir a été adoptée par
beaucoup d'autres physiologistes :
mais, ainsi que Bérard le fait remar-
quer avec raison, rien ne prouve que
la matière étrangère dont la pré-
sence dans la plaie détermine tous ces
désordres ait passé par les lympha-
tiques, et que Tinflammation de ces
vaisseaux soit due à son action directe
sur la surface interne de leurs pa-
rois (6). J'ajouterai que, dans beau-
coup de cas de ce genre, l'intoxication
générale me semble dépendre non de
l'absorption directe de la petite quan-
tité de virus déposée dans un point
très circonscrit de l'organisme, mais
de la dispersion consécutive des pro-
duits morbides dont la formation a
été déterminée dans ce point par le
contact du virus ; et si cela est, on
comprendrait facilement que la sé-
crétion pathologique ainsi provoquée
pût s'établir à la surface interne des
cavités lymphatiques situées dans la
substance des tissus malades, aussi
bien qu'à la surface externe des la-
melles ou des fibrilles constitutives de
ces mêmes tissus. Or, s'il en était
ainsi, la présence des matières irri-
tantes ou toxiques dans les vaisseaux
lymphatiques serait une conséquence
non de leur absorption du dehors,
mais de leur formation sur place dans
l'intérieur des radicules de ces con-
duits.
(i) « La preuve la plus forte qu'on
puisse donner que les lymphatiques
absorbent , dit Cruikshank , est que
toutes les fois que les fluides sont
extravasés sur des surfaces ou dans
des cavités, ou toutes les fois que de
pareils fluides distendent outre mesure
leur réservoir, on trouve les vaisseaux
lymphatiques appartenant à ces sur-
faces et à ces cavités entièrement
remplis du même fluide. La démons-
tration est encore plus évidente quand
les fluides dont nous parlons sont
fortement colorés. Nous avons ainsi
fréquemment vu, chez les Animaux
qui meurent d'hémoptysie , et chez
l'Homme même , les lymphatiques ,
qui, dans les autres circonstances, con-
tiennent un fluide transparent, être
gorgés du sang qu'ils avaient absorbé
des cellules aériennes (c). »
La présence d'une quantité plus ou
moins considérable de globules rouges
du sang dans les lymphatiques d'une
partie dont le tissu a été lacéré, ne
(a) Cruikshank, Anatomie des vaisseaux absorbants, p. 58.
(6) Bérard, Cours de physiologie, t. II, p. 643.
(c) Cruikshank, Op. cit., p. 88.
1() ABSORPTION.
Dans un grand nombre d'expériences faites par divers phy-
siologistes, on a cherché vainement à découvrir dans les liquides
contenus dans le canal thoracique, ou dans ses afférents, des
traces de l'existence de matières colorantes ou salines déposées
à la surface des membranes où ces vaisseaux prenaient nais-
sance (1). Aussi paraît-il bien démoniré aujourd'hui que les
lymphatiques ne jouent d'ordinaire qu'un rôle très secon-
daire dans le travail de transport des matières absorbées du
prouverait pas que ces derniers vais-
seaux absorbent dans les conditions
normales; car, ainsi que je l'ai déjà
dit, les communications accidentelles
s'établissent très facilement entre les
capillaires sanguins et les cavités radi-
culaires adjacentes du système lympha-
tique (a), et il y a tout lieu de croire
que dans les cas dont Cruikshank
parle, c'est de la sorte, plutôt que par
un véritable travail d'absorption, que
les vaisseaux blancs se sont remplis
de sang.
La présence de pus dans les lym-
phatiques, provenant d'une par[ic où
existait un dépôt purulent , a été
signalée par plusieurs pathologistes,
tels que Dupuytrea (6) ; mais, sauf
dans les cas de métrite, cela se voit
très rarement, et, dans plus de deux
cents autopsies faites à ce point de
vue par M. Andral, le liquide renfermé
dans ces vaisseaux n'a jamais offert de
rapport avec les humeurs contenues
dans les parties adjacentes (c). Bérard
a fixé aussi son attention sur ce point,
et n'a jamais rien trouvé qui fût de
nature à faire supposer que les lym-
phatiques eussent absorbé du sang
ou du pus (d).
Parfois on trouve aussi du pus dans
les veines, et quelques auleiirs ont
considéré ce fait comme une preuve
de la faculté absorbante de ces vais-
seaux (e) ; mais rien ne prouve que
la suppuration ne se soit pas établie
à leur surface interne aussi bien que
dans les parties adjacentes.
(1) Plusieurs anciens physiologistes
ont cru avoir constaté le passage des
matières colorantes ( notamment de
l'indigo ) de l'intestin dans les vais-
(a) Voyez tome IV, page 548 et suivantes,
(6) Voyez Cruveilhier, Essai sur l'anatomie pathologique, 1816, t. I, p. 200.
■ — - Danyau, Essai sur la métrlle gangreneuse. Thèse, Paris, 1829.
— Tonnelle, Des fièvres puerpérales observées à la Maternit.é en 1829 {Arch. gén. de méd.,
1" série, t. XXII, p. 345 etsuiv.).
— Nonat, De la métro-péritonite puerpérale compliquée de l'inflammation des vaisseaux lym-
phatiques de l'utérus. Thèse, Paris, 4 832.
— Duplay, De la suppuration des vaisseaux lymphatiques de l'utérus à la suite de l'accouche-
ment (Arch. gén. de méd., 1835, 2* série, t. VII, p. 293). — De la présence du pus dans les
vaisseaux lymphatiques de l'utérus (Arch., 2'. série, t. X, p. 308).
(c) Andral, Recherches pour servir à l'histoire des maladies du système lymphatique (Arch. gén.
de méd., 1824, 1" série, t. VI, p. 502).
(d) Bérard, Cours de physiologie, i. II, p. 044.
(e) Gendrin, Histoire anatomique des inflammations, t. I, p. 707.
— Kay, On the ulcerative Process in Joints [Med. Chir. Trans,, 1818, t. XVIII, p. 211).
ROLE DES VAISSEAUX LYMPHATIQUES. 17
lieu de dépôt de ces substances vers le centre de l'appareil
irrigatoire. ÎMais il faut bien se garder de les croire inaptes à
absorber; car il existe dans la science d'autres lails qui ne
seaux chylifères (a) ; et les expérien-
ces de J. Hunier ont été considérées
par VY. Ilunter comme démonstra-
tives de ce genre d'absorption. En
effet, J. Hunter, après avoir injecté de
l'indigo dans le péritoine d'un Animal
vivant, crut apercevoir celte subslance
fort peu de temps après dans les lym-
phatiques du mésentère (6); mais il
s'était probablement laissé induire en
erreur par quelque circonstance acci-
dentelle : car cette expérience a été
répétée par beaucoup d'autres phy-
siologistes et a toujours donné des
résultats négatifs, ou du moins fort
douteux; et M. IJ. iMayo , qui crut
d'abord avoir vérifié l'assertion de
Hunier, ne tarda pas à reconnaître
qu'il s'était lui-même trompé, et que
la teinte qu'il attribuait à la présence
de l'indigo était le résultat d'une alté-
ration cadavérique ordinaire (c;.
D'aulres matières colorantes, telles
que la garance et le curcuma, ont été
retrouvées dans les vaisseaux cliyli-
leres, mais c'était après que ces sub-
stances eurent été administrées fort
longtemps avant l'examen des hu-
meurs, et quand par conséquent elles
pouvaient être arrivées dans les lym-
phatiques par la voie des vaisseaux
sanguins (d).
Alagendie s'est élevé très fortement
contre l'opinion de Hunier (e), et, d'a-
près l'ensemble des résultais négatifs
obtenus par ce pliysiologiste et un
grand nombre d'autres expérimenta-
teurs, il paraît bien démontré aujour-
d'hui que les matières colorantes eu
question ne passent pas en quantité
appréciable dans les vaisseaux chyli-
fères (/"). Ainsi, dans une série nom-
breuse d'expériences sur l'absorplion,
faites par une commission de l'Aca-
dénùe médicale de l'hiladelphie , le
cliyle fut toujours trouvé incolore ,
malgré l'ingestion de l'indigo, de la
rhubarbe, de l'orcanette ou de la co-
chenille dans les voies digeslives (g).
L'absorption de quelques autres
(a) Martin Lister, Experiment made for altering the Colour of the Chyle {Philos. Tram.,
1683, t. XIII, p. 7).
— Musgrave, Letter concerning some Experiments made for Iransmiiting a Mue Colour Liquor
into theLacteals {Philos. Trans., 1701, t. XXIII, p. 996).
. — Hallor, Elementa physiologiœ, t. VII, p. 02.
— Ontyd, Disserl. acad. de causa absorptionis per vasa lymphalica. Leyde, 1795, p. 20.
(6) Voyez W. Huntor, Médical Commentaries, 1762, part, i, p. 44.
(c) Mayo, Anatomical and Physiologlcal Commentaries, t. H, p. 42.
{d) Seiier et Ficiiius, Yersuch ûber das Einsaugungsvermdgen der Yenen {Zeitschr. fiir nalur-
ûnd Heilkunde, i8<2i, t. Il, p. 317).
— Buisson, Coloration du chyle avec la garance {Gazelle médicale, 1844, p. 295).
(e) Ma^'endie, Précis élémentaire de physiologie, t. II, p. 201.
(/") Flandrin, Expériences sur l'absorption des vaisseaux lymphatiques des Animaux {Journal
de médecine, 1798, t. LXXXV, p. 372).
— • Lebliiichner, Dissert, inaug. swr la perméabilité des tissus, Tubingen, 1819 {Archives
générales de médecine, 1825, t. VII, p. 432.
— Blondlot, Traité analytique de la digestion, p. 426.
(g) Experiments on Absorption by a Committee of the Acad. of Med. of Philadelphia {London
Médical and Physical Journal, 1832, t. XLVII, p. 47).
18
ABSORPTION,
Preuves pGuvent laisser aucun doute, quant à la possibilité de leur
''" paï^icf"'" intervention dans cette portion du travail physiologique. Ainsi,
lymphaiiques. ^^^^^ ^^^^^^ J'unc circonstancc, les expérimentateurs qui se sont
occupés d'une manière spéciale de l'étude de cette question, ont
matières colorantes par les vaisseaux
lymphatiques paraît se faire plus fa-
cilement. Ainsi, dans le voisinage du
foie, on les a souvent trouvés colorés
en jaune par la présence de la bile
dansîeur intérieur ; et MM. Tiedemann
et Gmelin, dans des expériences siu-
les eilets produits par la ligature du
canal cholédoque , ont constaté la
présence des principes constituants de
cette humeur, non-senlement dans les
lymphatiques du foie et dans les gan-
glions que ces vaisseaux traversent,
mais jusque dans le canal thora-
cique (a). Quelques auteurs ont sup-
posé que la pénétration de la bile dans
les tissus absorbants était un phéno-
iiîène cadavérique seulement, et ne
dépendait pas de l'absorption physio-
logique. Mais Lebkitchner a constaté
expérimentalement que les principes
caractéristiques de ce liquide traver-
sent promptement le péritoine pen-
dant la vie aussi bien qu'après la
mort. Effectivement, ayant injecté de
la bile dans la cavité péritonéale d'un
Chat, et ayant tué l'animal douze mi-
nutes après l'opération, il trouva que
la matière jaune et la matière amère
de ce liquide avaient déjà pénétré dans
le tissu conjonctif sous-péritonéal (6).
Je dois ajouter que, dans un grand
nombre de cas, des réactifs chimiques,
tels que du cyanoferrure de potas-
sium et du sucre, ont été ingérés dans
l'appareil digestif et absorbés sans
qu'on ail pu en découvrir de traces
dans les vaisseaux chylifères ou dans
les autres parties du système lympha-
tique. Un résultat négatif de ce genre
fut obtenu par Haller en employant
un sel de fer (c). MM. Tiedemann et
Gmelin cherchèrent en vain dans les
liquides du canal thoracique des traces
de divers sels de fer, de plomb, de
mercure et de baryte dont ils avaient
déterminé l'absorption par les voies
digestives (cl). MM, Bouchardal et
Sandras n'ont pu y retrouver ni le
cyanoferrure de potassium, ni le sucre
qu'ils avaient administrés de la même
manière et qui se reconnaissent dans
le sang (e). Dans quelques expériences
faites par MM. Panizza et de Kramcr,
la présence des réactifs absorbés ne
put être démontrée nettement dans
le chyle (f). Je citerai également à
cette occasion des recherches infruc-
tueuses faites par Magendie, Mayer,
Westrumb, etc. {g). Enfin il est aussi
(«) Tiedemann et Gmelin, Recherches sur la digestion, t. II, p. 50.
(6) Lobkiichnei-, Op. cit. {Arch. gén. de médecine, 1825, l. VII, p. 439).
(c) Haller, Elementaphysiologiœ, t. Vil, p. G3.
(d) Tiedemann etGmelin, Recherches sur la route que prennent diverses substances pour passer
de l'estomac et du canal intestinal dans le sang, p. 00.
(c) Bouchardal et Sandras, De la digestion des matières féculentes et sucrées {Annuaire de thé-
rapeutique, 1846, supplément, p. 80 cl suiv.).
(/■) Panizza, Dell' assmiiimenlo venoso {Mem. dclV Istituto Lombarde, 1841, 1. 1, p. 173).
(g) Magendie, Précis élémentaire de physiologie, t. II, p. 202.
— Mayer, Op. cit. (Meckel's Deutsches Archiv fiïr die Physiologie, 1817, t. III).
— Weslruml), Op. cit. {Arch. gén, de méd., 1829, 1" série, t. XXI, p. 115).
RÔLE DES VAISSEAUX LYMPHATIQUES. 19
VU le cyanofeiTure de potassium qu'ils avaient injecté soit dans
les cavités séreuses, soit dans le tube digestif, ou qu'ils avaient
mis en contact avec le deraie déimdé, apparaître plus ou moins
promptement dans l'intérieur du système lymphatique (1). Il est
à noier que M. Chatin a trouvé des
traces d'arsenic dans !e sang d'un
Chien auquel il avait adminislré ce
poison , mais il n'a pu en découvrir
dans la lymphe du canal thoracique.
D'autres expériences, faites sur l'é-
métique , lui donnèrent des résultats
analogues [a).
Les résultats obtenus par l'enipioi
de diverses matières odorantes sont
moins nets, et parfois les expérimen-
tateurs ont cru reconnaître la pré-
sence de ces substances dans les
liquides du système chylifère.
(1) Par exemple , dans les expé-
riences de Foderà, faites sur déjeunes
Lapins, une infusion de noix de galle
ayant été injectée dans la plèvre ou
dans la vessie, et une solution de sul-
fate de fer dans la cavité péritonéale,
on trouva bientôt après un précipité
noir dans le canal thoracique, aussi
bien que dans d'autres parties du
corps (6). En introduisant de la
même manière une dissolution de
cyanoferrure de potassium dans l'ab-
domen ou une dissolution de sulfate
de fer dans la plèvre, on a trouvé
du bleu de Prusse dans les gan-
glions mé.«entériques et dans le canal
thoracique, aussi bien que dans les
veinules sous-péritonéales (c). Un
résultat analogue fiit obtenu en em-
prisonnant une solution de cyano-
ferrure de potassium dans une anse
intestinale dont la surface extérieure
fut ensuite mise eu contact avec une
solution de sulfate de fer {d). Enûn,
le cyanoferrure ayant été introduit
dans le tissu conjonclif sous-cutané
de la cuisse de plusieurs jeunes La-
pins, on constata la présence d'une
certaine quantité de ce sel dans le
canal thoracique, au bout d'une demi •
heure ou même de quelques mi-
nutes (e).
11 est, du reste, bon de noter que
dans ces expériences Foderà faisait
usage d'un peu d'acide chlorhydrique
pour aviver la couleur bleue du préci-
pité résultantde la rencontre du cyano-
ferrure de potassium avec le sel de
fer ; procédé à l'aide duquel il pouvait
rendre visibles des traces de cette sub-
stance, qui parfois auraient pu échap-
per à l'œil, s'il n'avait employé cet
artifice.
Des résultats analogues avaient été
obtenus précédemment par d'autres
physiologistes. Ainsi, dans quelques-
unes des expériences de Lawrence
et Goates sur l'absorption, faites sur de
jeunes Chats, le cyanoferrure de potas-
sium s'est moniré dans le canal iho-
(a) Chatin, Sur les fonctions des vaisseaux chyUfères et des veines {Comptes rendus de l'Acad.
des sciences, l. XVlII.p. 379).
(b) Foderà, Recherches expérimentales sur l'absorplion et l'exhalation, 1824, p. 22.
(c)Iclera, ibid., p. 24.
(d) Idem, ibid., p. 27.
te) Idem, ibid., p. 48.
20 ABSORPTION.
vrai que quelques physiologistes ont supposé que ces matières
avaient été absoitées parles veines et avaient été transmises des
capillaires sanguins aux radicules lymphatiques, comme cela a
lieu pour le plasma du sang (1) ; mais dans plusieurs cas cetle
raciqiie de deux à huit minutes après
son injection dans le tube digestif (a).
Mayera trouvé aussi le cyanoferrure
de potassium dans la lymphe du canal
thoracique, quand il introduisait cette
substance dans les voies respiratoires,
mais elle se montrait plus prompte-
ment dans le sang (6). Dans une des
expériences faites i)ar Westnimb, le
même sel, introduit dans l'organisme
par une portion dénudée de la peau,
se retrouva dans les ganglions de
l'aine et dans le canal thoracique ;
mais, dans d'autres expériences ana-
logues, ce physiologiste n'oblint que
des résultats négatifs (c).
Enfin des faits du même ordre ont
été constatés par Seiler et Ficinus ,
Lebldichner, Kay, Mac-Neven, M. Cl.
Bernard, llorner et plusieurs autres
physiologistes (d).
Les expériences relatives à l'absorp-
tion des substances odorantes par les
(o) Lawrence et Coales, Account ofsome fuvther Experiments io détermine the absorhinfj Power
of the Veins and lAjmphatics (Philaddphia Journal, 1823, n» i 0).
(b) Mayer, Op. cit. (Wockers Deutsches Archiv filr die Pliysiologic, 1817, t. III, p. 485).
(c) Weslrumb, Physiol. Untersuch. iïber die FAnsawj. der Vcncn. — E.ipériences sur V ab-
sorption cutanée {.\rchives générales de médecine, 1820, t. XXI, p. 113).
(d) MaK-Ncven, Expériences pour s'assurer de La non-décomposition des composés chimiques a
travers les fluides de l'économie animale [.Krchives générales de médecine, 1823, t. 111, p. 209,
ei New-York Med. and Phys. Journ., 1822).
— H. Seilpi-und D. Ficinus, Versuclie iïber das Einsaugmgsvermdgen der Venen und Unter-
suchung iiber die Saugadern der MHz (Zeitschr. fur Natur und Heilkunde l'on den Professoren
der Cliir.-Med. Akad. in Dresden, 1821, t. II, p. 317).
— Kiiy, 0(1 Ihe Ulcerative Process in Joints {Trans. of UieMed.-Chir. Soc. ofLondon, t.XVllI,
p. 213).
— Claude Bernard, Sur l'absorption {Union médicale, 1849, t. III, p. 445).
(c) Schrcger, De functione placenta: uterinœ. Erlangen, 1799.
if) Experiments on Absorption by the Committee of the Acad. of Philad. [London Med. and
Physiol. Journal, 1822, t. XLVII, p. 275).
ig) Buisson, De la coloration du chyle par la garance {Gazette médicale, 1844, p. 295), et
Études sur le chyle {loc. cit., p. 523).
— Fenwick, Expérimental Inquiry {Lancet, 1845, t. I, p. 29).
— Boucliardat et Sandras, Remarques nouvelles su;' la digestion {Annuaire de thérapeutique,
)845, p. 271).
lymphatiques n'ont pis donné des ré-
sultais aussi nets ; cependant, dans
quelques cas, divers physiologistes ont
cru reconnaître ces matières dans les
liquides tirés de ces vaisseaux. Ainsi,
■Schreg.n-, ayant eu l'occasion d'obser-
ver une femme chez laquelle un des
troncs lyinphatiques du pied avait élé
ouvert, et chez laquelle on pratiquait
une saignée, lit tles frictions sur le dos
du pied avec du musc, et bientôt
après il crut reconnaître l'odeur de
cette substance dans la lymphe recueil-
lie sous une ventouse {ej. Les mem-
bres de la commission médicale de
Philadelpliie p' nsent aussi avoir vu
l'asa fœtida passer de l'intestin dans
le chyle aussi bien que dans le
sang {f).
(i) Celte opinion a été professée par
MM. Bouisson, Fenwick et quelques
physiologistes (g;.
nOLE DES VAISSEALX LYMPHATIQUES. 21
hypothèse n'est pas admissible. Ainsi, M. Bischoff a reirouvé
dans la lymphe du eyanolerrure de potaLsium qu'il avait intro-
duit dans la |)alle d'un Animai après avoir suspendu la eircula-
tion dans ce membre (1), et, dans des expériences faites sous
mesyeuxparM. Colin, del'iodurede polutsium introduit dans le
canal digeslif d'un ]\louton s'est bientôt retrouvé dans le liquide
obtenu à l'aide d'une fistule du canal thoracique ; eniin du
cyanoferrure de potassium logé dans le tissu conjonctif sous-
culané de la tète d'un Cheval s'est montré en quelques minutes
dans la lymphe qui s'écoulait par un orifice pratiqué au tronc
lymphatique cervical du côté droit.
Dans l'état actuel de nos connaissances , il est donc impos-
sible de refuser aux vaisseaux lymphatiques en général l'aptitude
à se laisser pénétrer par des matières étrangères et à transporter
ces matières de la périphérie vers le centre de l'appareil irriga-
loire, par conséquent à (bnclionner, ainsi que les veines, comme
des instruments d'absorption.
Nous aurons à examiner quelle peut être la part de l'un
et de l'autre de ces systèmes de vaisseaux absorbants dans le
travail à l'aide duquel les substances qui se trouvent à l'exté-
rieur de l'organisme ou dans le corps vivant, bien qu'en
dehors du système irrigatoire, sont introduites dans le torrent
de la circulation. Mais, avant d'aborder cette question, il nous
faut étudier le mécanisme par lequel cette introduction s'effectue
dans un vaisseau quelconque, dans une veine comme dans un
lymphatique.
(l) Dans ces expériences, M. Bischoff lassiiim. L'al^sorplion de ces sub-
lia l'arière aorle ajjdcminale, puis il stances ne s'efùctiia que fort lente-
introduisil, dans Tune des pattes pos- nient , mais n'était pas douteuse , et
tcrieures où ia circulation du sang il n même constaté leur présence dans
se trouvait ainsi suspendue, des poi- la lymphe {a).
sons végétaux et du cyanure de po-
(a) Bischoff, Ueber die Résorption der narkolischen Gifte durch die Lymphgefdsse IZeitschrift
filr rationelle Medicin, 1840, t, IV, p. 62).
Résumé.
22 ABSORPTION.
Mécanisme § fi. — Lorsqu'uiie idée fausse a disparu de la science et n'y
l'absorption, a laissé aucune trace durable, je me garde bien d'en parler ici;
car dans ces Leçons je ne fais pas l'histoire des opinions émises
par les physiologistes, et je ne dois m'attacher qu'aux résultats
positifs obtenus par leurs recherches. Mais quand une théorie
erronée émane d'un homme de génie dont l'autorité est jour-
nellement invoquée dans nos écoles; quand elle trouve encore
des défenseurs, et qu'elle a exercé jusque dans notre temps une
grande influence sur les doctrines régnantes, je ne crois pas
pouvoir me dispenser d'en faire mention, ne l\jt-ce que pour
prémunir les étudiants de notre Faculté contre ce qu'elle peut
avoir de séduisant. II me paraît donc nécessaire de dire que
pour expliquer l'introduction des matières absorbées de l'exté-
rieur de l'organisme jusque dans l'intérieur des vaisseaux,
l'illustre Bichat supposait que ceux-ci s'ouvraient au dehors
par des espèces de bouches invisibles pour nos yeux, mais
douées de la faculté de choisir les substances qui se présentent
à elles, de se resserrer pour exclure les unes, et de se dilater
pour attirer les autres et les faire pénétrer dans leur inté-
rieur (1). Mais l'hypothèse de ces racines béantes d'un sys-
tème de vaisseaux absorbants n'a pas plus de fondement que
l'opinion relative aux vaisseaux exhalants dont j'ai rendu compte
dans une Leçon précédente. En effet, il est bien démontré
aujourd'hui que l'entrée des matières étrangères dans la pro-
fondeur de l'organisme, ainsi que leur mélange avec les liquides
nourriciers en circulation dans les vaisseaux est, de même
que l'exhalation, c'est-à-dire le passage en sens inverse, un
phénomène qui s'effectue sans l'intervention d'instruments
(1) L'hypothèse de l'absorption par générale, et a été professée dans nos
des bouches douées d'une sensibilité écoles médicales jusque dans ces der-
élective a été développée par Bichat nières années (a).
dans son célèbre Traité d'anatomie
[a] Bichat, Anatomîe générale, 1. 11, p. 125 et suiv. (édit. de 1818).
PERMÉABILITÉ DES TISSUS. 23
spéciaux et à l'aide de la perméabilité des tissus vivants qui
se trouvent interposés entre ces fluides en mouvement et l'exté-
rieur.
En traitant de la transsudation, j'ai fait voir que les parois des
vaisseaux, de même que toutes les autres parties de l'organisme,
sont plus 00 moins perméables aux fluides, et sont susceptibles
de s'imbiber d'eau tenant en dissolution des matières étran-
gères (1). îl nous est donc facile de comprendre que des tissus
qui se laissent traverser par les liquides de dedans en debors,
puissent livrer passage à des substances également fluides qui
tendraient à les pénétrer en sens inverse, et qui seraient pous-
sées par une force quelconque de l'extérieur des vaisseaux dans
l'intérieur de ces conduits. Mais en physiologie, comme dans
les autres sciences expérimentales, il ne faut pas se contenter
de lumières fournies par le raisonnement seul, et il faut cher-
cher les preuves matérielles de ce que l'esprit nous fait aper-
cevoir. Avant d'avancer davantage dans l'étude du mécanisme
de l'absorption , il me semble donc nécessaire de montrer
qu'effectivement les vaisseaux absorbants, c'est-à-dire les veines
et les lymphatiques, sont susceptibles de se laisser pénétrer
directement par les liquides qui les baignent extérieurement;
que ces liquides, en passant à travers leurs parois et les autres
tissus qui séparent le sang et la lymphe du milieu ambiant,
peuvent se mêler à ces humeurs, et que leur absorption est un
phénomène dépendant du jeu des forces générales dont l'étude
est du domaine de la physique.
§ 5. — Dans une des premières Leçons de ce cours, lorsque i„,bibiiioii
j'exposais la série de découvertes à l'aide desquelles nous tissus ''pmés
sommes arrivés à connaître la nature du travail respiratoire,
j'ai dit que Priestley avait constaté que l'interposition d'une
membrane organique entre l'oxygène et le sang n'empêche
(1) Voyez tome IV, page 392 et suivantes.
2/l ABS0RPT10i\.
pas le gaz de pénétrer dans ce liquide et d'en aviver la cou-
leur (!)• Or le même résultat est obtenu quand le sang, au lieu
d'être placé dans un vase de verre recouvert d'un morceau de
vessie, se trouve renfermé dans les vaisseaux qui lui sont
propres. Ainsi, prenons sur une Grenouille vivante le poumon
gorgé de sang, et après avoir placé une ligature autour de la
base de cet organe pour y emprisonner ce liquide, séparons-le
du reste du corps et suspendons-le alternativement dans de
l'oxygène et dans du gaz acide carbonique : dans le premier
cas, nous verrons le sang prendre une teinte vermeille, et dans
le second il ne tardera pas à présenter un ton rouge rabattu de
noir; cbangemenis qui dépendent, comme nous le savons, de
l'action difterente de ces deux fluides sur les globules héma-
tiques. Les gaz, en contact avec la surface extérieure de ce
poumon privé de vie, ont par conséquent traversé le tissu des
mcm!)ranes dans l'épaisseur duquel serpentent les vaisseaux où
le sang est icnlermé, et ont été se mêler à ce liquide, comme
dans les [)hénomènes d'absorption dont les êtres vivants sont
le siège.
Un résultat tout seml)lable s'obtient quand, au lieu d'em-
ployer des gaz, on se sert d'eau tenant en dissolution des
matières salines dont la présence est facile à constater au moyen
de quelques réactifs chimiques. Ainsi, prenons le poumon d'un
Lapin et laissons- le tremper dans une dissolution de cbromate
de plomb, ou bien introduisons cette dissolution saline dans
les voies aériennes; puis, après avoir attendu un certain temps
pour permettre à limbibilion de s'effectuer, injectons dans l'ar-
tère pulmonaire une dissolution d'acétate de plomb : nous ver-
rons aussitôt se foruier dans Tinlérieur des vaisseaux sanguins
un précipité jaune de cbromate de plomb, indice certain du
passage du cbromate de potasse de l'extérieur dans l'intérieur
de ces mêmes vaisseaux.
(1) Voyez tome \, page /lOO.
PERMÉABILITÉ DES TISSUS- 25
Les expériences de ce genre peuvent elre v.unées de mille
manières, et elles montrent toujours que sur le cadavre les
fluides peuvent pénétrer de l'extérieur jusque dans l'intérieur
de l'appareil de la circulation ; que, par conséquent, le premier
acte de l'absorption peut s'effectuer sans l'intervention de la
puissance vitale, et que ce résultat est une conséquence de la
perméabilité des tissus organiques (1). Pour établir ce fait, on
pourrait même se contenter des observations cadavériques qui
sont fournies journelleinent par les autopsies; et d'ailleurs tous
les physiologistes admettent depuis fort longtemps, qu'après la
mort les tissus organiques sont perméables aux liquides : mais
on devait se demander si pendant la vie les choses se passent
de la même manière.
Au premier abord, la réponse à cette question semblait
devoir être négative. Effectivement, sur le cadavre, la bile
transsude de la vésicule du fiel dans les parties voisines et teint
Pcrmcaliililé
des
tissus \ivanls.
(1) Magcndic, qui fut le premier à
bien nietlic en Uimière le rôle de
l'imbibition dans le mécanisme de
l'absorplion , employa souvent une
expérience peu dilTérente de celle
décrite ci-dcssiis. 11 prenait le cœur
d'an Chien mort dopnis la veille, et
poussaildans les artères de l'eau tiède ;
un courant s'établissait ainsi dans les
vaisseaux sanguins de ce \isccre et
s'en échappait par rorcillcltc droite.
On injectait alors dans le péricarde une
cerlaino, quantité d'eau légèrement
acidulée, et, au boni de quelques mi-
nutes, il devenait facile de constater
des signes d'acidité dans l'eau qui
s'échappait des veines du cœur [a].
On peut constater aussi la pénétration
des liquides acides de l'extérieur dans
l'intérieur d'une veine, en disposant
en lornic d'anse un de ces vaisseaux
piéalablement isolé, en plongeant sa
partie inférieure dans un bain acidulé
et en y faisant passer un courant d'eau
fournie ]iar un llacon - fontaine en
communication avec une de ses extré-
mités : l'eau qui sort du conduit ainsi
disposé ne tarde pas à donner des
signes d'acidité, comme il est facile
de s'en assurer à l'aide de la teinture
de tournesol. Celte expérience, faite
d'abord par Magendie, a été répétée
par un grand nombre d'autres phy-
siologistes (6).
(a) Magendie, Mémoire sur le mécanisme de l'absorplion chez les Animaiix à sang rouge et
chaud [Journal de physiologie, -1821, t. 1, p. -12).
(6) Idem, ibid., p. 8.
— Foderà, Recherches expérimentales sur l'absorplion et l'exhalation, 1824, p. 9,
26 ABSORPTION.
en jaune toutes ces parties, tandis que cliez le vivant on
n'aperçoit en général rien de semblable; et dans diverses expé-
riences où des matières colorantes, telles que de l'encre, ont
été introduites dans la cavité abdominale d'un Animal vivant,
on a vu que les tissus situés à une petite distance de la surlace
en contact avec ce liquide avaient conservé leur aspect nor-
mal (1). Cependant on pourrait expliquer ces laits d'une autre
manière, et croire que si les liquides en questionne s'infiltraient
pas au loin dans les organes vivants comme dans les tissus
morts, cela dépendait non pas d'un défaut de perméabilité dans
les premiers, mais de ce que les matières qui y pénètrent, ren-
contrant sur leur passage une foule de courants rapides formés
par le sang en circulation, avaient été entraînées au loin, avant
de pouvoir gagner la rive opposée de ces torrents et d'y être
imbibées par les tissus sous-jacents. C'est de la sorte que
Magendie se rendait compte des ditférences dans les efiéts
produits par le contact des matières tinctoriales avec les tissus
perméables de l'économie après la mort et durant la vie, et une
multitude de faits tendent à prouver qu'il avait raison.
Perniéabiiiié Alnsi, cc physlologistc ayant mis à découvert la veine jugu-
cirveTnés. laire externe d'un jeune Chien, et s'étant assuré que dans
la partie observée ce vaisseau ne recevait aucune brandie, le
sépara des tissus adjacents, et l'isola en plaçant entre ceux-ci et
sa face externe une carte (ou mieux encore une lame de plomb) ;
puis il appliqua sur la veine dénudée de la sorte une certaine
quantité d'extrait de noix vomique. Il avait détruit toutes les
(1) Dans quelques cas, Wagendie a d'un jeune Chien (ou mieux encore
vu que, même chez les Animaux vi- d'un Lapin ou d'un Cochon d'Inde), il
vants, les membranes se pénétraient a trouvé qu'en moins d'une heure, la
des matières colorantes avec lesquelles plèvre, le cœur, et même les muscles
elles se trouvaient en contact. Ainsi, intercostaux, peuvent se colorer en
en injectant de l'encre dans la plèvre noir (a).
(a) Magendie, Mém. sur le mécanisme del'aisorplion {Journalde physiologie, iS^l , t.l,f AS),
PERMÉABILITÉ DES TISSUS. 27
connexions qui existaient entre la portion du vaisseau dont les
parois étaient en contact avec ce poison et les parties voisines;
mais le sang coulait, comme d'ordinaire, dans l'intérieur de la
veine, et par conséquent si la noix vomique pouvait pénétrer à
travers le tissu des parois de ce vaisseau, cette substance devait
être absorbée, et donner lieu aux symptômes caractéristiques de
l'empoisonnement par la strychnine. Or, c'est là effectivement
ce qui eut lieu, et il fallait nécessairement en conclure que les
parois de la veine s'étaient laissé pénétrer par le poison (1).
Dans une expérience faite , il y a plus de trente ans, par
Foderà, une solution de cyanoferrure de potassium fut introduite
dans la cavité de la plèvre, et une solution de sultate de fer
dans l'abdomen d'un Lapin. Au bout de trois quarts d'heure,
l'Animal fut tué, et l'on trouva le diaphragme qui sépare ces deux
cavités coloré en bleu, ainsi que toutes les parties voisines, et à
l'aide de la loupe on pouvait se convaincre de l'existence du
précipité de bleu de Prusse jusque dans l'intérieur de beaucoup
de veinules qui se trouvaient au milieu des parties teintes de la
sorte (2).
Dans d'autres expériences, toutes les communications entre
(1) En répétant cette expérience sur sang que le poison se retrouvait dans
un Chien adulte, l'absorption de la l'intérieur de ce vaisseau, 11 est d'ail-
noix vomique par les parois de la leurs bien entendu qu'il avait pris
veine était encore bien manifeste; toutes les précautions nécessaires pour
mais les effets produits étaient moins s'assurer que ni les veines, ni l'artère
intenses , ce qui s'explique par l'é- sur lesquelles il expérimentait n'of-
paisseur plus considérable des tuniques fraient, ni solution de continuité, ni
du vaisseau sanguin. vaisseaux lymphatiques accolés à leurs
Magendie oblint des résultats sem- parois (a).
blables en appliquant la noix vomique ('2) Nous reviendrons ailleurs sur
sur la surface externe de l'artère caro- les conditions dans lesquelles Foderà
tide chez un Lapin, et, après la mort de a vu cette imbibition s'effectuer avec
l'Animal, il reconnut au goût amer du le plus de rapidité (6).
(o) Magendie, Op. cit. {Journal de physiologie, 1821, 1. 1, p, 10).
(&) Foderà, Recherches expérimentales sur l'absorption et l'exhalation, p. 24,
Poniicabililé
des parois
dos
Iym|ilialif|ues.
28 ABSORPTION.
une anse d'inlestiii et le reste de l'organisme ont été inter-
rompues à l'aide de ligatures, et cependant les poisons ou les
réactifs chimiques introduits dans cette portion du canal diges-
tif ont été absorbés et se sont mêlés au sang en circulation dans
les parties voisines (1) ; par conséquent, ces substances étran-
gères ont dû traverser les tissus vivants des tuniques intesti-
nales, et c'est par un phénomène d'imbibition seulement qu'on
peut expliquer ce passage.
§ 6. — Les recherches dont je viens de rendre compte, et d'au-
tres expériences qu'il serait trop long de décrire ici, nous mon-
trent que tous les tissus constitutifs de l'organisme sont plus ou
moins perméables et s'imbibent des liquides qui se trouvent en
contact avec leur surface. Sons ce rapport, lesparoisdes vaisseaux
lymphatiques ne diffèrent pas des tuniques des veines, et par
conséquent tout ce que je viens de dire relativement au méca-
nisme de l'introduction des fluides dans ces derniers vaisseaux
est applicable aux premiers. Mais nous avons vu que le sang
circule dans les uns avec une grande rapidité, tandis que la
(1) Je pouiTais ciler égaleniont ici
une expérience que je fis il y a forl
longlenips, pour montrer à lu fois la
possibilité de la Iransniission d'un
poison par inibibilion seulcmenl d'une
exlrémilé de l'organisme à i'aulie, et
la grande influence que le lorrent cir-
culatoire exerce d'ordinaire sur le
temps nécessaire pour ell'ectuer la ré-
partition des malières absorbées dans
l'ensemble de l'économie. Le thorax
d'une Crenouille vivante ayant été
ouvert, une ligature fut passée autour
du faisceau des gros vaisseaux san-
guins auxquels le cœur est suspendu,
puis de la stryciinine fut introduite
dans le tissu conjonctif sous-cutané de
l'une des pattes postérieures. Les
symptômes nerveux indicatifs de l'ac-
tion de celte substance sur la moelle
épinière ne se déclarèrent pas au bout
de quelques minutes , comme cela
aurait été le cas si l'animal fût resté
dans son état normal, mais se mani-
festi>rent au bout d'une lieure environ.
Or, la ligature placée autour du cœur
avait complètement interrompu la
circulation, et avait rendu impossible
l'envoi des liquides contenus soit dans
le système veineux, soit dans le sys-
tème lymphatique, des membres infé-
rieurs vers le rachis.et par conséquent
la progression lente de la strychnine
depuis l'extrémité de la patte jusque
dans la moelle épinière devait s'être
effectuée de proche en proche et par
imbibilion seulement.
FORCIî MOTRICE, 29
progression des liquides est lente dans les autres ; nous pou-
vons donc comprendre que la part de ces deux ordres de con-
duits doit être très inégale dans l'accomplissement du travail
de l'absorption considéré dans son ensemble, et (jue, dans les
circonstances ordinaires, l'absorption veineuse doit avoir le
plus d'importance. Ce sera donc de ce dernier phénomène que
je m'occuperai principalement en ce moment, me réservant de
reprendre l'étude de l'action des lymphatiques dans une autre
occasion.
§ 7. — J'ai fait voir au commencement de cette Leçon, que causes
- . . délerniinanlis
sur le vivant comme dans le cadavre, tous les tissus organiques de
sont plus ou moms perméables, et qu a raison de cette propriété
physique, ils n'opposent aucun obstacle invincible au passage
des fluides de l'extérieur jusque dans l'intérieur des vaisseaux
sanguins. Mais, pour quece mouvement s'accomplisse, il ne suffit
pas qu'un chemin praticable soit ouvert pour le j)assage de ces
substances étrangères : il faut aussi qu'une force motrice inter-
vienne pour faire avancer les molécules qui se présentent à
l'entrée de ces voies et pour les faire pénétrer jusque dans le
torrent circulatoire, qui ensuite les entraîne au loin et les dis-
tribue dans loutes les parties de l'économie. Or jusqu'ici nous
n'avons étudié que la route suivie ()ar les matières étrangères
qui s'introduisent ainsi dans l'organisme, et nous ne connais-
sons pas encore les forces qui déterminent leur mouvement de
dehors en dedans. Il nous faut donc chercher maintenant
quelles peuvent être les causes de cette translation.
En étudiant les phénomènes de iranssudation que les êtres
vivants nous offrent, nous avons vu les conditions hydrostati-
ques influer beaucoup sur la rapidité avec laquelle les humeurs
filtrent à travers les membranes animales (i), et il est facile
de montrer que toute pression exercée par un fluide sur une des
(1) Voyez tome IV, page /i02 et suivantes.
30 ABSORPTION.
surfaces de celles-ci tend à accélérer le passage de ce corps à
travers la substance poreuse de ces tissus perméables. Des
expériences faites, il y a quelques années, par M. Liebig, et
d'autres recherches analogues dues à M. Cima, mettent très
bien en évidence, non- seulement la possibiUté de cette fdtra-
tion forcée sous l'influence de pressions médiocres, mais
aussi la facilité variable que les divers tissus organiques offrent
pour le passage des hquides en général, et les différences qui
existent dans la grandeur des forces nécessaires pour déter-
miner ce passage à travers une même membrane, suivant la
nature de la substance dont celle-ci s'imbibe (1). Les physio-
(1) Dans ces expériences, M. Liebig
fait usage d'an siplion dont la petite
branche se termine par une portion
élargie qu'il ferme à l'aide de la mem-
brane dont il veut mesurer la per-
méabilité. Il introduit ensuite dans le
tube le liquide qui doit filtrer à travers
cette cloison, et après l'avoir fait mon-
ter dans la petite branche du siphon
de manière à l'amener en contact avec
la membrane, il verse du mercure
dans la grande branche de l'instru-
ment, de façon à exercer de bas en
haut sur le liquide contenu dans la
petite branche une pression plus ou
moins considérable. Or, sous l'in-
fluence de cette pression , le liquide
emprisonné sous la membrane tra-
verse celle-ci, et s'écoule au dehors
avec une rapidité variable.
Ainsi, en employant pour filtre un
morceau de vessie de Bœuf d'un
dixième de ligne d'épaisseur, i\i. Lie-
big a vu l'eau transsuder sous une
pression de 12 pouces de mercure ;
une solution concentrée de sel marin,
pour passer de même, nécessitait une
pression de 18 t'i 20 pouces. L'huile ne
suintait que sous une pression de
3li pouces, et sous une pression de
Zi8 pouces de mercure l'alcool ne pas-
sait pas encore.
En employant de la même manière
un morceau de péritoine d'un Bœuf,
M. Liebig a trouvé que des effets ana-
logues étaient obtenus beaucoup plus
facilement. Ainsi le suintement du li-
quide se produisait sous l'inlluence
d'une pression de :
8 à 10 pouces de mercure avec l'eau,
d2 à 16 — • — avecla solution
saline,
22 à 24 — — avec l'huile,
36 à 40 — — avec l'alcool.
En employant une lame extrêmement
mince du péritoine qui recouvre le foie,
chez le Veau, ce chimiste a obtenu
non-seulement des résultats sembla-
bles sous l'influence de pressions plus
faibles, mais il vu que l'huile passait
plus facilement que l'eau; particu-
larité dont je donnerai l'explication
dans la Leçon prochaine.
Enfin M. Liebig a vu que cette fil-
tration forcée devient plus facile à
mesure que l'expérience a duré plus
longtemps; circonstance qui est im-
FORCE MOTRICE. ol
logistes pouvaient donc prévoir que toute la pression exercée
de dehors en dedans devait tendre à déterminer l'introduction
des fluides en contact avec la surface des tissus perméables de
l'économie; et d'aiileurs les médecins avaient remarqué depuis
longtemps que l'absorption de diverses substances médica-
menteuses est beaucoup accélérée par des actions mécaniques
de ce genre. Pour en donner la preuve, il suffit de rappeler le
mode d'administration de certaines préparations mercurielles
qui, appliquées simplement sur la peau, ne pénètrent pas en
quantités sensibles, mais qui , employées en frictions sur la
même surface, s'introduisent rapidement dans l'organisme.
Or chacun sait que l'atmosphère exerce sur la surfoce exté-
rieure des êtres vivants, comme sur tous les autres corps
répandus sur la terre, une pression énorme; et la pratique
nous apprend qu'en soustrayant à cette pression la portion de
cette surface sur laquelle une substance vénéneuse a été
déposée, on parvient souvent à empêcher celle-ci d'être absor-
bée. C'est pour cette raison qu'il est utile de sucer les plaies
empoisonnées , et qu'on obtient des effets encore meilleurs
portante à noter pour la théorie de quand il faisait usage d'un morceau de
cerlains phénomènes d'endosmose, et péritoine de Bœuf de 1/20^ de h'gne
qui s'explique d'ailleurs très bien par d'épaisseur que lorsqu'il employait
l'agrandissement des canaux capil- de la vessie de Bœuf épaisse de 1/10'=
laires du tissu, qui a dû être déterminé de ligne. Avec le péritoine de Veau
par l'action dissolvante du liquide sur épais de 1/166* de ligne, la pression
la substance de celui-ci (a). nécessaire pour déterminer la transsu-
Les expériences de M. Gima ont dation de l'eau était près de 1/180<= de
montré aussi que la pression néces- fois moindre que celle employée pour
saire pour faire filtrer les liqyides au produire le même effet avec la vessie
travers de diverses membranes était de Bœuf. Avec l'huile, la différence n'é-
très différente. Elle était générale- tait que dans la proportion de 1 à 16
ment d'environ un tiers moins grande avec les mêmes membranes {b\
(a) Liebig, Recherches sur quelques-unes des causes du mouvement des liquides dans l'orga-
nisme animal {Annales de chimie et de physique, 1849, 3' série, t. XXV, p. 372 et suiv.l.
(&) Cima, SuW evapora&ione e la transudax,ione dei liquidi attraverso le membrane aniniali
(Mem. delV Accad. di Torino, 1853, 2« série, t. XHI, p. 279J.
32 ABSORPTION.
par l'application d'une ventouse sur la partie lésée (1). Il est
vrai que dans les circonstances ordinaires, la pression atmos-
phérique est balancée par l'élasticité de l'air contenu dans les
cavités de l'organisme, ou par celle des parties constitutives de
l'économie; mais en étudiant le mécanisme de la respiration
innucnce chcz l'Homme et beaucoup d'Animaux, nous avons vu que le
'uHj^'rad" jeu delà pompe thoracique détermine à chaque mouvement d'in-
spiration une diminution très notable dans la pression à laipielle
sont soumises les parois des grosses veines contenues dans
celle cavité, et par conséquent aussi dans la pression supportée
parle sang inclus dans ces vaisseaux. 11 est donc évident (pie,
dans la sphère d'action de la force aspirante développée de la
(1) Cette pratique date de l'anti- cienne tombèrent on discrédit, on
quité la plus reculée. Les jongleurs de cessa de préconiser l'emploi de ce
l'Egypte, appelés psylles, avaient l'ha- moyen mécanique, et l'on n'y revint
bitude de sucer les plaies produites que de nos jours. Orlila conseilla l'ap-
paria morsure desSerpents venimeux, plication d'une ventouse sur la plaie
et Plutarque raconte qu'à raison de la produite par la morsure d'un Chien
fréquence des accidents de ce genre enragé. Enlin, D. Barry montra, par
parmi les soldais de l'armée d'Afrique, un grand nombre d'expériences, qu'à
commandée par Calon d'Utique , ce l'aide de ce moyen, on pouvait retar-
chef attacha au service de son camp der beaucoup, ou même cnipcclier
un certain nombre de ces empy- pendant très longtemps l'absorption
riques {a). Celse, qui exerçait la mé- des substances vénéneuses en con-
decine à Rome du temps de Tibère, tact avec la surface sur laquelle cet
recommande de la manière la plus instrument était placé {d). L'exac-
formelle l'emploi de ventouses pour tilude des faits annoncés par ce phy-
le traitement des plaies empoison- siologiste fut reconnue par une com-
nées (6); Redi suivit son exemple, mission chargée d'examiner sou travail
et Boerhaave parla aussi de ce pro- et par plusieurs autres expérimenta-
cédé curalif(c). Mais lorsque les doc- teurs (e); mais il exagéra beaucoup
trines de l'école iatro - malhémali- les conséquences à tirer de ces faits.
(a) Plutarque, Vies des hommes illustres, traJ. de Ricard, t. II, p. 2G2.
(b) Aurelius Cornélius Celsus, De re medica, lib. V, cap. tiô.
(c) Redi, Observaliones de vipcris (Opiiscvla, t. II, p. 155 et suiv.).
(d) Orfila, Traité des poisons, t. Il, p. 508.
— D. Barry, Expérimentai Researches on the Influence of Atmospheric Pressure upon the
Progression ofthe Blood on the Yeins, upon that Fitnction called Absorption, and upon the pre
venlion ofthe Symptômes caused by the Biles of Babid or venemous Animais, 1826.
(e) Adelon, Orfila, Ségalas, Andral et Pariset, Rapport fait à l'Académie de médecine {Examen
de rapport, par Gondret, in-8, Paris, 1826, p. 3 et suiv.).
FORCE MOTRICE. âS
sorte par les mouvements respiratoires, l'équilibre doit se trou-
ver rompu entre la pression extérieure et la résistance inté-
rieure, et que les liquides adjacents doivent être attirés vers le
cœur, comme l'air du dehors est attiré dans les poumons. Un
physiologiste distingué, dont j'ai déjà eu l'occasion de citer le
nom, David Barry, a cru pouvoir attribuer à cette force mé-
canique la faculté absorbante dont l'économie animale est
douée (1). Mais tout en reconnaissant que la pression négative
développée de la sorte peut avoir quelque influence sur la
marche de ce phénomène, il est facile de voir que l'action
aspirante du thorax ne saurait être la cause qui détermine
l'entrée des matières absorbées du dehors dans le torrent de la
circulation : d'abord parce que chez tous les Animaux l'absorp-
tion s'effectue, et que chez la plupart il n'existe aucune pompe
aspirante comparable à la chambre thoracique de l'Homme et
des Mammifères ; et en second lieu parce que chez l'Homme lui-
même, ainsi que chez les autres Mammifères, l'action aspirante
de cette cavité dilatable ne fait sentir son influence qu'à peu de
(1) Pour arriver à cette conclusion, du système circulatoire et y appelle
Barry se fonda principalement : 1" sur les liquides du dehors, il faudrait que
les expériences dont j'ai déjà parlé en les parois des veines, au lieu d'être
traitant de l'action aspirante des mou- flasques , fussent assez rigides pour
vements du thorax sur le sang vei- résister à la pression atmosphérique,
neux (a) ; 2" sur les expériences dans Or nous avons vu que cela n'est pas.
lesquelles il empêchait ou retardait Quant à la cause de l'influence de
l'absorption de matières toxiques dé- la ventouse sur l'absorption des poi-
posées sur une surface absorbante, sons ou autres substances en contact
lorsqu'il appliquait sur celle-ci une avec une surface saignante, il est facile
ventouse de façon à y établir une suc- de s'en rendre compte , puisque la
cion énergique (6). Mais pour admet- succion exercée de la sorte détermine
tre que la pression négative dévelop- l'écoulement d'une quantité considé-
pée dans la portion centrale de l'éco- rable de sang, et que ce sang entraîne
nomie par la dilatation du thorax, se au dehors la matière étrangère qui se
fasse sentir sur la partie périphérique trouve sur son passage.
(a) Voyez lome IV, page 312 et suiv,
(6) D. Barry, Mémoire sur Vabsorytion {Ann. des sciences nat., 1" série, 1826, t. VIII p. 315)
e*- Experimenlal Researehes on Ihe Influence ofAiînospheric Pressure, p. 9i eîs'im. ' ' '
V- 3
gl^ ABSORPTION.
distance, ainsi que nous l'avons vu en étudiant les accidents
produits par l'introduction de l'air dans les veines pendant les
opérations chirurgicales (1). Du reste, il est facile de prouver
expérimentalement que l'absorption n'est pas subordonnée au
jeu de la pompe respiratoire. En effet, j'ai souvent eu l'occasion
d'entretenir la vie, à l'aide de la respiration artificielle, chez
des chiens dont le thorax avait été largement ouvert ; et bien
que j'eusse soin de refouler l'air dans les poumons pour effec-
tuer l'inspiration, et de comprimer ensuite ces organes pour en
chasser ce fluide, j'ai plus d'une fois constaté que l'absorption
d'un poison déposé dans des parties éloignées du corps ne s'en
effectuait pas moins. Or, dans ces circonstances, l'action aspi-
rante du thorax était abolie.
^ 8. _ Plus récemment, un autre physiologiste anglais,
du courant lyr .B^Kinsou a CTU pouvoir expliquer le mécanisme de l'ab-
sorption physiologique en invoquant un principe bien connu
d'hydrodynamique. Nous savons que les Hquides en mouvement
qui mouillent les parois des canaux dans lesquels ils coulent
adhèrent plus ou moins fortement à la surface de ces parois,
et sont retardés dans leur marche par cette adhérence , mais
que ces attractions sont réciproques, et que par conséquent la
couche externe de la veine fluide tend à déplacer et cà entraîner
avec elle les molécules de la gaine solide adjacente. Il en résulte
que si ces molécules étaient suffisamment mobiles, elles pour-
raient être entraînées par le courant, et, dans certains cas, il
s'établit de la sorte un appel qui fait pénétrer dans l'intérieur
du tube contenant le liquide en mouvement les fluides adjacents
qui peuvent y avoir accès. Ainsi, quand de l'eau s'échappe d'un
réservoir avec une certaine vitesse en traversant un ajutage
cyhndrique d'un diamètre voulu, on voit que le courant déve-
loppe une pression négative sur les parois de ce tuyau au
(1) Voyez lome IV, page 315.
FORCE MOTRICE. §5
moment où il y pénètre; et, pour le prouver, il suffît de faire
communiquer dans ce point la surface de la veine fluide avec
un tube recourbé dont l'extrémité inférieure plonge dans un
liquide coloré , car on voit alors celui-ci monter dans le tube,
et, si le courant est suffisamment rapide, être attiré jusque dans
le canal occupé par celui-ci et entraîné au debors par le jet qui
s'échappe (1). M. Robinson a pensé que les choses devaient se
passer de la même manière dans toute l'étendue du système
de tubes formé par les vaisseaux sanguins, et que par consé-
quent l'appel résultant du mouvement circulatoire du sang
devait être une force capable d'attirer dans l'intérieur de ces
canaux les liquides qui occupent les passages capillaires creusés
dans leurs parois. Il considère donc cet appel comme étant la
force motrice dont dépend le phénomène de l'absorption (2).
(l) L'influence du courant sur l'état
des liquides adjacents est mise aussi
en évidence par une expérience de
M. Kiirschner relative à la traussuda-
tion. Ayant plongé la partie inférieure
d'une anse d'intestin dans un bain de
sulfocyanure de potassium, et ayant
fait arriver dans l'intérieur du tube
en U ainsi constitué une dissolution
de perchlorure de fer, ce physiolo-
giste remarqua que ce dernier sel
traversait les parois de l'intestin, et se
répandait dans le bain extérieur en
beaucoup plus grande quantité quand
le liquide intérieur était en repos que
lorsqu'il était en mouvement , et
qu'en imprimant à ce courant inté-
rieur une certaine vitesse, on empê-
chait presque complètement la trans-
sudation (a). Or, cela ne pouvait
dépendre que de l'appel produit du
dehors en dedans par le courant qui
occupait l'intérieur de l'intestin.
(2) M. Robinson argue aussi d'ex-
périences dans lesquelles un poison
déposé dans une plaie faite à la patte
d'un Animal vivant, où la circulation
était suspendue, a pu y rester pendant
fort longtemps sans donner lieu aux
symptômes qui suivent toujours l'ab-
sorption de la substance vénéneuse
employée et son arrivée dans certaines
parties de l'organisme (6). Mais ce
fait prouve seulement que le transport
des matières étrangères par imbibi-
tion seulement ne s'opère que très
lentement , et que les molécules ab-
sorbées dans une partie circonscrite
du corps ont besoin d'être charriées
par le torrent circulatoire pour par-
venir promptement dans un lieu éloi-
gné de leur point de départ. Le même
(a) Kiirschner, art. Aufsaugung (Wagner's Handwôrterbuch der Physiologie, t. I, p. 64).
(6) G. Robinson, On the Mechanism of Absoi'ption {London Med. Gazette, 1843, t. XXXII,
p. 318, et Contributions ta the Physiology and Pathology of the Blood, -1857, p. 53 et suiv.).
36 ABSORPTION.
Mais l'expérience nous a déjà appris que dans le système circu-
latoire , le courant sanguin , loin de produire à la surface
interne des vaisseaux une pression négative , y exerce tou-
jours une poussée considérable : l'élévation du sang dans
les piézomètres adaptés à ces conduits le démontre ; et
d'ailleurs il aurait suffi d'un examen attentif des conditions
dans lesquelles la circulation du sang s'opère, pour voir que
partout, excepté à l'entrée de l'aorte et de l'artère pulmonaire,
la veine fluide ne doit pas se contracter de façon à pro-
duire les effets constatés dans l'expérience hydraulique dont
je viens de parler. Nous ne pouvons donc nous contenter de
l'hypothèse de M. Robinson, et j'ajouterai même que si l'on
prend en considération, d'une part la grande rapidité avec
laquelle l'absorption fait souvent pénétrer les matières étran-
gères jusque dans le sein du torrent circulatoire, d'autre part
les fortes résistances que les attractions moléculaires exercées
par les parois des passages capillaires des tissus organiques
sur les liquides inclus dans ces cavités étroites doivent opposer
à tout mouvement de translation de ces matières , qui serait
provoqué seulement par quelque inégalité de pression hydro-
statique , on doit être peu disposé à croire que ce phénomène
physiologique puisse dépendre d'une cause de ce genre, et
l'on doit être porté à en chercher plutôt la raison d'être dans le
jeu de forces moléculaires.
Quoi qu'il en soit, nous voyons donc que toutes ces hypo-
thèses sont insuffisantes, et que, pour expliquer le mécanisme
de l'absorption, il nous faut découvrir d'autres agents ou mon-
résultat aurait été obtenu, si le poison toire, l'absorption locale ne puisse
avait été injecté directement dans une avoir lieu, et la rnalièie étrangère ar-
veine, pourvu que le sang fût stagnant river jusque dans l'intérieur des vais-
dans ce vaisseau. Par conséquent, cette seaux sanguins voisins de la surface
expérience ne prouve en aucune façon avec laquelle cette matière est en
qu'en l'absence du courant circula- contact.
FORCE MOTRICE. 37
trer comment l'inlervention de forces physiques dont jusqu'ici
nous n'avons pas tenu compte peuvent déterminer l'introduc-
tion des matières étrangères jusque dans la profondeur de
l'organisme, et leur mélange avec la masse des liquides en
mouvement dans l'appareil circulatoire.
§ 9. — Ce sujet d'étude n'avait fixé que peu l'attention des Découverte
- , ^ du phénomène
expérimentateurs, lorsque Dutrochet, homme d'un esprit fin et de
l'endosmose,
ingénieux, découvrit toute une série de phénomènes d'un haut
intérêt, dont la connaissance est également précieuse pour
l'explication des phénomènes de la vie chez les Végétaux et
pour l'intelligence du mécanisme de l'absorption chez les Ani-
maux (1). En observant les effets de l'action de l'eau sur les fila-
ments de quelques moisissures, il fut conduit à penser que le
passage des liquides à travers les membranes organiques devait
dépendre surtout de la nature des substances qui se trouvent
du côté opposé de ces espèces de filtres, et en renfermant
{i) Henri Dutrochet naquit en travaux les plus imi)ortants sont ceux
1776, et commença sa carrière comme relatifs à Tendosmose, dont la publi-
médecin militaire; il exerça ensuite la cation commença en 1826 (a). La
profession médicale à Château-Renaud , plupart de ses mémoires se trouvent
et ne se fixa à Paris que dans les der- réunis dans un recueil spécial (6). Il
nières années de sa vie. On lui doit s'occupa aussi beaucoup de l'étude
des travaux importants sur la consti- des mouvements de certains corps
tiilion de l'œuf des divers Vertébrés, légers sur la surface de l'eau (c), et il
sur la structure intime des végétaux, porta dans toutes ses recherches une
sur leur accroissement , sur leurs intelligence vive, un grand talent
mouvements, et sur beaucoup d'autres d'observation et une activité infati-
questions physiologiques; mais ses gable. 11 mourut à Paris en 18/|7 (c?).
(a) Dulrochet, L'agent immédiat du mouvement vital dévoilé dans sa nature et dans son mode
d'action chez les Végétaux et chez les Animaux. In-8, Paris, 1826.
— Nouvelles rectierches sur l'endosmose et l'exosmose. In-8, Paris, 1828.
■ — • De l'endosmose (Mémoires, t. I, dSST).
— Article Ekdosmosis (Todd's Cyclopœdia ofAnat. and Physiol., 1839, t. II, p. 98).
(b) Dulrocliel, Mémoires pour servir à l'histoire anatomique et physiologique des Végétaux et
des Animaux. 2 vol. in-8, Paris, 1837.
(c) Dutrochet, Becherches physiques sur la force épipolique. In-8, 1842. — Nouvelles recherches
sur la force épipoUque. In-8, Paris, 1843.
(d) Voyez A. Brongniart, Notice sûr Dutrochet (Mém. de la Société centrale d/ agriculture, 1852,
2= partie, p, 421 et suiv.).
38 ABSORPTION.
diverses substances, telles que de la gouime, du sucre ou de
l'albumine, dans des poches dont les parois étaient formées
de tissus de ce genre, il a vu l'eau, mise en contact avec la
surface extérieure de ces réceptacles , pénétrer avec rapidité
dans leur intérieur et les distendre. En adaptant à une des
poches ainsi disposées et plongées dans un bain un tube verti-
cal, il a vu Tabsorption du liquide extérieur s'opérer avec assez
de force pour faire monter le liquide intérieur à une hauteur
considérable ; et en variant ses expériences, il a reconnu que dans
les circonstances dontje viens de parler, la m_embrane organique
était traversée en sens contraire par deux courants d'inégale
intensité : l'un dirigé de dehors en dedans, l'autre de dedans
en dehors, et que les résultats observés dépendaient de la pré-
dominance du premier de ces mouvements sur le second (1).
De là les noms d'endosmose et d'eœosmose dont Dutrochet fit
(i) Longtemps avant que Dutrochet
eût fait la découverte à laquelle son
nom doit rester attaché, certains résul-
tats dus à l'endosmose avaient été re-
marqués par divers physiciens ; mais
les faits constatés de la sorte demeurè-
rent stériles entre les mains de ces ex-
périmentateurs, et passèrent inaperçus
jusqu'au moment où ce naturaliste,
frappé de la vue de phénomènes nou-
veaux, quoique du même ordre, en
eut saisi la porlée et fait comprendre
l'importance. C'est donc bien réelle-
ment à Dutrochet que la physiologie est
redevable de ce service signalé ; ce-
pendant il ne faut pas oublier les ob-
servateurs qui l'ont devancé sur quel-
ques points, et parmi ceux-ci il faut
placer en première ligne l'un des
membres de notre ancienne Académie
des sciences, l'abbé Nollet.
Ayant rempli d'alcool un flacon cy-
lindrique et ayant bouché ce vase avec
un morceau de vessie, Nollet le plaça
dans un bain d'eau, et il vit avec sur-
prise qu'après cinq ou six heures
d'immersion, le liquide ainsi empri-
sonné avait augmenté notablement de
volume ; la vessie qui bouchait le
vase était devenue convexe et telle-
ment distendue , que, lorsqu'il y lit
une petite ouverture, le liquide s'é-
chappa en formant un jet de plus
d'un pied de hauteur. Puis, en ren-
fermant de l'eau dans le flacon bou-
ché par une vessie et en le plon-
geant dans de l'alcool, Nollet obtint
un résultat inverse. Enfin , il s'as-
sura que ces déplacements de l'eau
ne dépendaient pas de quelque va-
riation de température, et qu'ils ne
se produisent pas quand les deux
surfaces de la membrane ne sont pas
en contact direct avec les liquides
réagissants. Le phénomène observé
par Nollet était donc un phénomène
FORCE MOTRICE. 39
usage pour désigner les courants produits à travers les cloi-
sons poreuses par l'action de liquides dissemblables. Il donna
ensuite une acception plus large au mot endosmose, et l'appliqua
à tout transport de liquides qui, dans des circonstances de ce
d'endosmose parfaitement caractérisé.
Or, les expériences de ce physicien
datent de 17/i8 (a).
Dans une dissertation publiée en
1802, Parrot fit mention de la tur-
gescence produite par l'entrée spon-
tanée de l'eau dans un œuf sans
coquille, et renfermé seulement dans
sa tunique membraneuse, à travers
laquelle ce liquide avait pénétré (6) ;
mais il n'étudia pas les circonstances
de ce phénomène avec autant de soin
que l'avait fait NoUet un demi-siècle
avant.
On peut considérer comme se rat-
tachant également aux phénomènes
osmotiques les faits relatifs à la con-
densation des liqueurs spiritueuses
par l'évaporation de l'eau à travers
les membranes animales , observés
en 1812 par Sœmmering, le fils du
célèbre anatomiste. 11 a trouvé que
les mélanges d'eau et d'alcool n'é-
prouvent aucun changement sen-
sible par suite de ce phénomène,
quand le liquide est séparé de l'atmos-
phère par une cloison ligneuse, mais
se concentre quand cette cloison est
une membrane animale, telle qu'une
peau ou une vessie. Cela dépend de
ce que ces divers tissus laissent passer
l'eau beaucoup plus facilement que
l'alcool (c) ; et, ainsi que l'a fait re-
marquer Van Mons, cela explique la
préférence que l'on accorde assez gé-
néralement aux outres pour la cour
servation des liqueurs spiritueuses
dans les pays chauds. Mais ni ce der-
nier chimiste, ni Sœmmering, ne
firent aucune application de ces faits
à l'inlerprélation des phénomènes de
l'absorption {d}.
Ainsi que nous le verrous ailleurs,
un physicien anglais, Porret, décou-
vrit, en 1816, qu'un courant galva-
nique peut entraîner de l'eau à travers
une cloison memi^raneuse, et détermi-
ner l'accumulation de ce Uquide au-
tour du pôle négatif (e).
Un exemple plus net des phéno-
mènes d'endosmose fut constaté en
1822 par le professeur Fischer, de
Breslau.
Ayant plongé dans une dissolution
d'un sel de cuivre le bout inférieur
d'un tube fermé en dessous par une
vessie, et contenant de l'eau distillée
ainsi qu'un fil de fer, ce physicien vit
(o) NoUet, Recherches sur les causes du bouillonnement des liquides {Mém. de l'Acad. des
sciences, 1748, p. 101).
(b) Parmi, Ueber den Einfliiss der Physik und Chemie aufdie Arzneikunde (cité par ce physicien
dans une note intitulée : Phénomène frappant d'endosmose dans l'organisation animale, et publié
dans le Bulletin scientifique de l'Académie de Pélersbourg, 1840, t. VIL p. 346).
(c) Sœmmerinp, Ueber das Yerdûnsten des Weingeists durch Ihierische Haute und durch
Kautschuck (Gilbert's Annalen der Physik, 1819, t. LXI, p. 104).
(d) Van Mons, Sur la perméabilité à l'eau des vessies et autres membranes animales, et appli-
cations de celte propriété à la rectification à froid de l'alcool {Annales générales des sciences
physiques, Bruxelles, 1819, t. I, p. 76).
(e) Porret, Curions Galvanic Experiments {Annals of Philosophy, 1816, t. VIII, p. 74, et Ann.
de chimie et de physique, 1810, t. II, p. 137).
ko ABSORPTION.
genre, produit une augmentation dans la quantité d'eau située
du côté vers lequel le courant se dirige ; et dans ces derniers
temps, afin d'éviter la confusion d'idées qui parfois peut résulter
de ces expressions, quelques physiciens ont proposé d'appeler
osmose tout transport d'eau qui s'effectue de la sorte, quelle
qu'en soit la direction ou la puissance, comparée à celle du
mouvement inverse dont peut être animée une portion du
liquide opposé (1).
Les physiologistes accueillirent avec un vif intérêt les décou-
vertes deDutrochet, et se livrèrent à une multitude d'expériences
variées sur cette espèce d'absorption qui ressemblait tant à celle
dont les Animaux et les plantes sont le siège, mais qui s'effec-
tuait dans un appareil inerte et sans le concours de la puissance
vitale. Des recherches entreprises par des physiciens habiles
vinrent aussi jeter de nouvelles lumières sur ces phénomènes
remarquables; un grand nombre de faits importants furent de
le sel de cuivre pénétrer dans l'appa- trochet désigna, sous le nom de cou-
reil, se décomposer sous l'influence rant endosmotique, le flux d'eau qui
du fer, et le liquide intérieur s'élever pénilîlre du dehors dans l'intérieur
dans le tube à une hauteur considé- d'un réservoir à parois membra-
rable au-dessus du niveau du bain. neuses, où se trouve du sucre ou toute
Mais ni Fischer, ni les autres expé- autre substance analogue, et courant
rimentateurs qui l'avaient précédé exosmotique, celui qui se dirige en
dans celte voie, ne semblent avoir sens contraire, c'est-à-dire de dedans
saisi la portée des faits dont ils avaient en dehors (b) ; mais, dans les derniers
été témoins (a), et c'est à Dutrochlt temps de sa vie, il généralisa davan-
qu'apparlient le mérite d'avoir le pre- tage le sens des mots endosmose et
mier mis en lumière le phénomène de exosmose, et, sans avoir égard à la
Vendosmose, et d'en avoir fait com- forme de la cloison à travers laquelle
prendre l'importance. Il en a poursuivi le phénomène se produit , il appliqua
l'étude avec ardeur, et il est arrivé le premier ces mots au courant fort,
ainsi à un grand nombre de résultats quelle qu'en soit la direction, et le
pleins d'intérêt pour la physiologie. second au courant faible, de sorte que
(1) Dans ses premiers écrits, Du- endosmose devint synonyme d'aug-
(a) N. W. Fischer, Ueber die }YiederhersteUung eines iletalls durch ein anderes und ûber die
Eigenschuft der thierischen Blase, Fliissigkeiten durch sich hindurch %u lassai und sic in einigen
Fâllen an%uheben (Gilberl's Annalen der Physik, 1822, t. LXXII, p. 301).
(b) Dulrochet, L'agent immédiat du mouvement vital, 1826, p. 115,
FORCE MOTRICE. Ûi
la sorte acquis à la science, et plusieurs auteurs crurent même
pouvoir en donner la théorie. Jusqu'ici cependant l'osmose ne
me semble pas avoir été expliquée d'une manière satisfaisante;
et pour bien comprendre ce qui se passe dans les expériences
dont je viens de dire quelques mots, aussi bien que dans le
travail physiologique de l'absorption, il me paraît nécessaire de
remonter plus haut qu'on ne le fait d'ordinaire, et de chercher
d'abord à se former une idée nette des forces qui inter-
viennent dans des phénomènes moins complexes , mais du
même ordre.
Pour exposer clairement ma pensée à cet égard, il me faut
revenir sur un sujet dont j'ai déjà eu l'occasion de dire quelques
mots dans la Leçon sur la transsudation, et examiner de plus
près les phénomènes de capillarité. Du reste, je me Hvre à
cette digression d'autant plus volontiers, que dans la plupart
des traités de physique dont les étudiants de nos universités
mentation du volume dans Vnn des li- nomenclature peut présenter, et il a
quides réagissants, et exosmose signifia proposé d'appeler simplement osmose
le transport d'une porlion de ce même (ùcaiic, impulsion), le mouvement qui
liquide en sens inverse. Ainsi, quand il détermine une accumulalion d'eau de
dit qu'une dissolution sucrée en pré- l'un des côtés d'une cloison membra-
sence de l'eau détermine l'endosmose, neuse. La force osmotique est donc la
cela signifie que le courant d'eau qui se force qui détermine celte accumula-
dirige verscettesubstanceet y pénètre, tion, et quant au mouvement en sens
est plus rapide que le courant formé inverse d'une porlion des particules
par la matière sucrée qui se rend du sel ou de la substance quelconque
dans l'eau, et cela, soit que le sucre se dont l'aclion détermine l'osmose, il
trouve à l'intérieur ou à l'extérieur du le considère comme un phénomène
réservoir membraneux à travers les de diffusion. Dans ce langage, les effets
parois duquel l'échange s'établit (a). de l'osmose deviennent donc positifs
M. Graham, à qui l'on doit une ou négatifs, suivant que le volume de
série d'expériences très importantes l'eau attirée est supérieur ou infé-
sur les phénomènes de cet ordre, a rieur au volume de l'autre liquide qui
été frappé des inconvénients que cette passe en sens opposé (6).
(a) Dutrootiet, De l'endosmose (Mémoires pour servir à l'histoire anatomique et physiologique
des Végétaux et des Animaux, 1837, t. I, p. -10).
(6) T. Graham, On Osm.otic Force (Philos. Trans., 1854, p. 177).
II""! ABSORPTION.
font usage, les questions relalives aux altracdons moléculaires
ne me semblent pas démontrées de manière à être facilement
saisies par beaucoup de naturalistes , et que la connaissance
de ces actions est d'une haute importance pour l'appréciation
et l'explication d'un grand nombre de faits qui sont du domaine
de la physiologie.
QUARANTE - QUATRIÈME LEGON.
Suite de l'histoire de l'absorption. — Étude des forces qui interviennent dans la
production de ce phénomène. — Actions capillaires ; théorie physique du
déplacement des liquides dans leur point de contact avec des corps solides ;
circonstances i}ui font varier ces effets. — Étude physique des phénomènes
d'imbibition. — Insuffisance de ces actions pour l'explication des phénomènes
d'absorption. — De la diffusion des liquides et de son rôle dans le mécanisme
de l'absorption. — Des phénomènes d'osmose : endosmose et exosmose ; leur
nature. — Influence des membranes perméables sur les produits du travail
endosmotique et de la diffusion ; influence des agents physiques sur le déve-
loppement des forces dont dépend l'osmose ; actions chimiques qui l'accom-
pagnent.
§ 1. — Ainsi que je l'ai dit en terminant la dernière Leçon,
lorsqu'on veut se rendre compte, soit de la nature du phéno-
mène appelé endosmose, soit du mécanisme de la fonction que
les physiologistes désignent sous le nom d'absorption , il faut
examiner attentivement l'influence que les forces physiques
peuvent exercer sur l'introduction des substances étrangères
dans l'organisme, et chercher en premier lieu à se former une
idée nette des actions dites de capillarité , en vertu desquelles
on voit l'eau et beaucoup d'autres liquides s'élever dans les
tubes étroits, malgré l'influence de la gravitation qui tend tou-
jours à les faire tomber vers la terre (1).
(1) Le fait de l'élévation de l'eau observé au commencement du xvii'
au-dessus du niveau de la surface siècle par un des membres de l'Acadé-
générale de ce liquide dans l'intérieur mie florentine del Cimento, nommé
d'un tube fin, qui est ouvert aux Kicolas Aggiunti (a), mais ne com-
deux bouts et qui y baigne par son mença à occuper l'attention des phy-
extrémité inférieure, paraît avoir été siciens que postérieurement à l'époque
(a) Voyez Nelli, Saggio di storia letteraria Fiorentina, 1759, p. 92.
De
la capillaiilé.
lik ABSORPTION.
Notions § 2. — Chacun sait que pour expliquer les mouvemenls
préliminaires. -, -, \
des planètes, et pour se rendre compte d'un grand nombre
d'autres phénomènes physiques , tels que la chute des corps ,
il faut admettre que les molécules de la matière pondé-
rable sont douées d'une propriété ou force particulière en
vertu de laquelle ces molécules tendent à se rapprocher
entre elles. Cette force, inconnue quant à sa nature, mais
manifeste par les déplacements ou les résistances qu'elle dé-
termine, est désignée d'une manière générale sous le nom
d'attraction. On l'appelle gravitation lorsqu'elle s'exerce entre
des corps séparés par un espace perceptible, et Newton, cou-
ronnant l'œuvre commencée par Galilée et par Kepler, découvrit
où l'ascal composa son traité sur capillaires, et que la hauteur à la-
l'équilibre des liquides (a), c'esl-à- quelle les divers liquides s'élèvent
dire vers 16/i&. Boyle en parla comme dans ceux-ci n'est pas, comme dans le
d'un phénomène nouvellemenl décou- tube barométrique, en raison inverse
vert en France (6) , et , en 1667, de leur pesanteur, car l'eau y monte
Montanari en traila avec plus de plus haut que l'alcool, dont la den-
délail (c). silé est moindre (cl). Voscius et quel-
On allribua d'abord l'ascension des qucs autres physiciens de la même
Uquides dans les tubes capillaires à époque furent moins éloignés de la
l'action de l'air, et l'on chercha à s'en vérilé, en attribuant l'ascension de
rendre compte en supposant que les l'eau dans les tubes capillaires à l'ad-
niolécnles de ce lluide ne pouvaient hésion de ce liquide contre les pa-
pénétrer dans les canaux étroits où rois de ces conduits ; mais on ne
l'eau aurait été poussée par la près- tarda pas à reconnaître que cette hy-
sion de l'atmosphère. Mais, vers le pothèse ne suftirait pas pour expli-
coramencenient du siècle dernier, quer ce qui se passe dans les phéno-
Uauksbee et Biilffinger firent voir mènes de cet ordre. Déjà, vers 1717,
que l'air n'est pas exclu des tubes Newton et son ami Ilauksbec (ou
(a) Voyez Desmarest. Histoire critique des systèmes que l'on a imaginés pour expliquer les
phénomènes des tubes capillaires (dans la Iraduction française de l'ouvrage rie Haukbee, t. II,
p. 168).
(6) Boj'le, New Experiments Physico-Mathematical touching the Spring of the Air (Works, 1. 1,
p. 80).
(c) G. Monlanari, Pensieri fisico-mathemalico. Bologna, 1667.
(d) Haiiksbee , An Exper. mode at Gresham Collège showing that the seemingly Spontaneou»
Ascension of Water in Small Tubes open at both Ends is the same In vacuo as in the Open Air
(Philos. Trans., 1705, t. XXV, p. 2223).
— Bùiffinger, De tubulis capillaribus dissertatio experimentalis (Commentarii Acad. scient.
Petropolitanœ, 1727, t. II, p. 251 et suiv.).
ACTION DE LA CAPILLARITÉ. /[.S
les lois qui, dans ce cas, en règlent l'action; car il prouva que
les effets dus à cette puissance universellement répandue sont
alors en raison directe de la masse des corps réagissants et en
raison inverse du carré de la distance qui sépare ceux-ci
entre eux. Mais lorsque cette distance diminue au poiut d'être
insensible pour nos moyens d'observation , l'attraction cesse
d'être soumise à des lois si simples , et elle donne naissance à
des résultats qui varient suivant des circonstances dont nous
Hawksby) avaient eu recours à Pat-
traction pour s'en rendre compte, et
ce dernier physicien appuya son
opinion sur un grand nombre de
faits constatés expérimentalement (a).
La tiiéorie qu'il donna des effets ca-
pillaires pèche à certains égards;
mais le principe qui en forme la
base est aussi le point de départ de
l'explication adoptée de nos jours (h).
Les recherches expérimentales faites
par Jurin, par Weitbrecht et quelques
autres physiciens du siècle dernier,
contribuèrent aussi beaucoup à l'avan-
cement de nos connaissances sur cette
matière (c). Enfin, Clairault chercha
à donner, des effets capillaires, une
théorie mathématique fondée sur les
principes de l'équilibre des fluides (d).
Ce sujet délicat fut traité de nouveau
par l'illustre géomètre Laplace, par
Poisson et par Gauss (e) ; enfin, les
recherches expérimentales de Gay-
Lussac et d'un grand nombre de
savants de l'époque actuelle ont fait
faire de nouveaux progrès à cette
partie intéressante de la physique
moléculaire. Cependant, en y regar-
dant de près, on y aperçoit bien des
questions qui sont encore très obs-
cures, et dont l'étude jetterait pro-
bablement d'utiles lumières sur les
rapports des forces dites physiques
avec celles qu'on en distingue sous le
nom d'affinités chimiques.
(a) Xewton, Traité d'optique, livre III, quest. 31, Irad, franc-, P- 573 et suiv.
(6) Hauksbee , Expériences physico-mécaniqiies sur différents sujets, trad. par de Brémond,
1754, t. II, p. 1 et suiv.).
(c) Weitbreclit, Tentamen theoriœ qua ascensus aquœ in tubis capillaribus explicatur {Com-
mentarii Acad. scient. Petropolitanœ, 1736, t. Vlll, p. 261). — Explicatio difficiliorum expe-
rimentorum circa ascensum aquœ in tubos capillares {Op. cit., 1737, l. IX, p. 275).
(d) Jurin, An Account of some Experimenls shoiun before the Royal Society, ivith an Inquiry
inlo the Cause of the Ascent and Suspension of Water in Capillary Tubes [Philos. Trans.,
1718, t. XXX, p. 739).
(«) Clairault, Théorie de la figure de la terre, tirée des principes de l'hydrostatique, chap. x ;
De l'élévation ou de l'abaissement des liquides dans les tuyaux capillaires, 1743, p. 105 et
suiv.
— Laplace, Mécanique céleste, supplément au livre X {Œuvres, t. IV, p. 389).
— Gauss, Principia generalia theoriœ jluidorum in statu œquilibrii {Commentationes Soc.
scient. Gotûngensis, 1829-183-2, t. VII, cl. Malh., p. 39).
— Poisson, Nouvelle théorie de l'action capillaire, 1831.
— Voyez aussi à .ce sujet : Desains, Recherches sur les phénomènes capillaires {Annales de
chimie et de physique, 1857, 3' série, t, Ll, p. 385).
[iQ ABSORPTION.
ignorons la nature, et au nombre desquelles il faudra ranger
probablement la forme des molécules ou le mode de groupe-
ment des atomes dont celles-ci se composent. On la désigne
alors sous le nom d'attraction moléculaire^ quand son action
paraît agir seulement sur l'ensemble de ces agrégats primaires,
de façon à les rapprocher ou à résister aux forces qui tendent à
les éloigner entre eux; et on l'appelle affinité chimique^ quand
elle paraît exercer sur ces groupes d'atomes une influence plus
grande, et déterminer un nouveau mode d'arrangement des
particules constitutives de ces molécules. Enfin, pour bien pré-
ciser ce dont j'ai à parler ici, il est bon de rappeler une autre
distinction qui est moins importante que les précédentes, mais
dont nous aurons besoin dans nos études actuelles : quand on
parle de la force physique qui tient unies, ou du moins rappro-
chées, les molécules d'un même corps, on appelle cette attrac-
tion cohésion, et quand l'attraction moléculaire s'exerce entre
des corps différents qui sont simplement en contact apparent,
on l'appelle adhésion (1).
Cohésion Les effets dus à la force de cohésion des molécules des corps
solides sont trop bien connus, même du vulgaire, pour que
nous ayons à nous y arrêter ici ; mais, au premier abord, il est
moins facile de concevoir l'action de cette puissance entre les
molécules des corps à l'état liquide, car on sait que ces
molécules se déplacent avec une si grande facilité, que la
(1) Alin d'introduire plus de préci- appellent prosaphie, l'attraction exer-
sion dans le langage employé dans cée par les molécules du corps solide
l'étude de ces phénomènes, quelques sur les molécules liquides adjacentes,
physiciens désignent sous le nom de et vice versa, c'est-à-dire la force
synap/iie, l'attraction réciproque exer- d'adhérence dont jouissent ces molc-
cée par les molécules d'un même corps cules hétérogènes. Mais ici je crois
les unes sur les autres, c'est-à-dire préférable de ne faire usage que de
la force de cohésion de ce corps, et mois vulgaires (a).
(a) M. L. Frankenheim, Die Lehre von der Cohésion. Breslaii, 1835, p. fil
des liquides.
ACTION DE LA CAPILLARITÉ. /j.7 ^
masse constituée par leur réunion affecte d'ordinaire une |
forme qui est déterminée, d'un côté par la pesanteur, d'un |
autre côté par les résistances extérieures qui balancent Fin- '
fluence de l'attraction terrestre. Pour mettre en évidence
l'action de la force cohésive des liquides, il suffit cependant 4
de quelques expériences d'une grande simplicité. x4insi, cha- ■
cun sait que lorsqu'une petite masse d'eau tombe librement j
dans l'espace, elle affecte une forme constante, et le calcul i
montre que cette forme est précisément celle qui résulte \
du plus grand rapprochement possible de ses molécules entre l
elles, savoir, la forme sphérique. Il est donc légitime de \
supposer que cette forme particulière est déterminée par l'at- \
traction mutuelle des molécules de l'eau, c'est-à-dire la force i
de cohésion de cehquide. Mais cela devient encore plus visible 'i
quand on place deux de ces globules d'eau sur la surface hori- 1
zontale d'une lame de verre enduite de graisse : les gouttes !
conservent à peu de chose près leur forme propre tant qu'elles I
restent à une distance sensible l'une de l'autre; mais, dès
qu'elles viennent à se toucher par un point de leur circonfé- ]
rence, on les voit se confondre, et constituer par le rappro- ••
chement de leurs molécules une seule masse de forme sphé- ^
roïdale (1). '
Si, au lieu de déposer la goutte d'eau sur un corps Aitracuon
gras, on la place sur une lame de verre dont la surface est
horizontale et parfaitement nette, les choses ne se passeront
(1) Cette expérience est également par l'atmosphère; mais les membres
facile à faire avec des globules de de l'Académie del Cimento firent voir
mercure sur une lame de verre un que cette forme se conserve dans le
peu humide. On avait d'abord sup- vide aussi bien qu'à l'air , et ne
posé que la forme sphérique des li- peut dépendre que d'une force inlé-
quides divisés en gouttelettes dépen- rieure [a).
dait de la pression extérieure exercée
(a) Saggidi naturali esperienne fatte nelV Accademia del Cimento, p. 78 (édit. de 1616).
adhésive.
llS ABSORPTION.
plus de la même manière : le globule liquide ne conservera pas
sa forme sphérique, mais s'aplatira rapidement, et s'étalera
comme une lame mince sur la surface sous-jacente (1). 11 faut
donc qu'une force étrangère ait balancé l'action de la cohésion
de l'eau , et il est facile de montrer que cette force réside
dans le verre. Pour s'en convaincre, il suffit d'incliner le pla-
teau qui supporte le globule : quand la surface de ce corps
a été graissée, et que la goutte d'eau y a conservé sa sphéricité,
celle-ci, obéissant à l'action de la pesanteur, roule vers la partie
la plus déclive du plateau, et, s'en détachant sans peine, tombe
vers la terre; tandis que la petite masse d'eau étalée à la surface
du verre non graissé se rassemble en partie sous forme de
goutte au bord inférieur de celui-ci, mais y reste suspendue (2).
Il y a donc entre les molécules de l'eau et les molécules du
vçrre une certaine action attractive ou force d'adhésion, et celte
force n'existe pas au même degré entre l'eau et les corps gras.
On ne peut apercevoir aucune différence sensible dans les
distances qui existent entre l'eau et les deux solides avec la
surface desquels nous venons de supposer ce liquide en con-
(1) Pour que cet effet se produise versa. Ainsi quand une goulte d'eau
d'une manière complète, il faut que est déposée sur la surface d'un corps
la surface du verre ne soit souillée sur lequel elle ne s'étale que peu, elle
par aucune matière étrangère, et il conserve en dessus une forme bom-
est si difficile de la nettoyer parfaite- bée ; mais si l'on approche une ba-
ment, que pour faire l'expérience en guette de verre du sommet de la sur-
question, il est bon d'employer la sur- face courbe par laquelle elle se termine,
face d'une cassure faite au moment on verra celle-ci changer de forme
même. (lès que le contact se sera établi. L'eau
(2) On trouve dans les mémoires de s'élancera, pour ainsi dire, contre la
Weitbrecht et de quelques autres phy- baguette de verre, s'y étalera, et les
siciens du siècle dernier, beaucoup parties latérales de la goutte, au lieu
d'expériences curieuses relatives à d'être convexes , deviendront con-
l'attraction du verre pour l'eau, et vice caves (a).
(a) Weitbreclit Tentamen theorice qua ascensus aquce in tuhis capillaribus explicalur {Com-
mentarii Acad. scient. PetropoUtanœ, 1736, t. VIII, p. 265, pi. 22, lig. 2 et 3).
ACTION DE LA CAPILLARITÉ. A9
tact; et par conséquent nous pouvons conclure de cette expé-
rience, non-seulement que l'attraction s'exerce entre les molé-
cules du verre et celles de l'eau, comme elle s'exerce entre ces
dernières, mais que l'intensité de cette force adhésive varie
suivant la nature des corps réagissants (1).
Une autre expérience très simple, et également propre à
mettre en évidence la force d'attraction mutuelle développée à
des distances insensibles entre le verre et divers liquides, peut
servir à montrer que la force de cohésion qui tend à rap-
procher entre elles les molécules de ces derniers corps varie en
Rapports
entre
la cohésion
des liquides
et
leur adhérence
aux solides.
(1) Sous ce rapport, il existe donc
une différence très grcinde entre les
effets de la gravitation universelle,
suivant que cette force agit à des
distances sensibles ou à des dislances
insensibles. Dans le premier cas, ainsi
que je viens de le montrer, la nature
chimique des corps réagissants influe
beaucoup sur leur attraction mutuelle ;
dans le second, elle n'exerce aucune
action appréciable. Ainsi, on sait que
dans le vide tous les corps tombent avec
la même vitesse , et les observations
astronomiques montrent que l'action
attractive des planètes les unes sur
les autres n'est réglée que par la dis-
lance qui sépare ces corps et par la
quantité de matière dont ils se com-
posent. Or, on sait également que la
densité de celte nintière planétaire
varie considérablement d'une de ces
étoiles à une autre ; que la densité
moyenne de la terre, par exemple ,
étant de 5,[i!x , celle de i\lercure
est 15,99 ; celle de Jupiter, 1,'29, et
celle de Saturne seulement 0,7ô. Des
différences de cet ordre ne peuvent
être attribuées à des inégalités dans
la température de ces planètes, et par
conséquent il est très probable que la
V.
nature chimique de leur substance
constitutive n'est pas la même. L'uni-
formité de leur mode de gravitation
serait donc encore une preuve de la
non-intervention de la nature intime
des coips dans le jeu de l'attraction
entre les corps situés à une distance
sensible les uns des autres. Mais si j'in-
siste sur les ditférences qui existent à
cet égard entre les effets de Tallraction
planétaire et ceux de l'attraction ca-
pillaire, ce n'est pas que je suppose
ces forces distinctes dans leur essence ;
tous ces effets semblent devoir être
rapportés à une seule et même cause ;
mais la force de répulsion intermolé-
culaire que l'on attrii)ae à la chaleur,
et que l'on doit considérer comme
balançant plus ou moins l'attraction,
décroît si rapidement avec la distance,
qu'elle ne produit aucun elTet appré-
ciable quand celle distance est sen-
sible , tandis qu'elle joue un rôle
important quand la distance cesse
d'être visible , et , comme nous le
verrons bientôt, les résultats qu'elle
produit varient eu grandeur suivant
la nature intime des corps qui la dé-
veloppent.
50 ABS0U1>TI0N.
intensité suivant la nature de ceux-ci. Suspendons au fléau d'une
balance, d'un côté un disque de verre bien horizontal, et de
l'autre côté des poids qui le mettent en équilibre ; puis, plaçons
sous le plateau de verre un vase contenant de l'eau, et faisons
monter celui-ci graduellement jusqu'à ce que la surface du
liquide arrive en contact avec la face inférieure du tlisque. Le
fléau restera immobile ; mais si nous ajoutons alors des poids dans
le plateau opposé, nous verrons que, au lieu de faire trébucher
immédiatement la balance, comme cela avait lieu avant l'éta-
blissement du contact entre le plateau de verre et l'eau sous-
jacente, il faudra exercer de la sorte un effort considérable pour
enlever ce disque et le détacher du liquide auquel il adhère. Or,
la surface du verre, en se séparant du bain, reste mouillée; elle
emporte donc avec elle une lame mince d'eau, et la force em-
pl'oyée pour faire trébucher la balance n'est pas celle qui aurait
été nécessaire pour rompre l'adhérence établie entre ce corps
solide et l'eau , mais seulement celle employée pour vaincre
la résistance opposée par la force de cohésion du liquide. Or, si
l'on répète cette expérience en substituant à l'eau de l'alcool,
de l'essence de térébenthine ou tout aulre liquide susceptible
de mouiller le verre , on obtient des résultats analogues ; mais,
pour détacher le disque, il faut des poids variables suivant la
nature de ces corps. Par conséquent, la force de cohésion de
ceshquides varie quant à sa puissance (1).
(1) Gay-Lussac a fait quelques ex- pour vaincre la cohésion d'un corps
périences de ce genre pour vérifier les solide ; car, à mesure que la distance
résultais tliéoriques obtenus par La- entre la surface inférieure du disque
place (a). 11 est, du reste, essentiel de et le niveau général du bain augmente,
noter que, dans les circonstances indi- les côtés de la colonne d'eau soulevée
quées ci-dessus, les choses ne se pas- se rapprochent de plus en plus, de sorte
sent pas comme dans celles où l'on que le diamètre de cette colonne vers
emploie une certaine force de traction la moitié de sa hauteur diminue de
(a) Voyez Laplace, Op. cit. {Œuvres, t.* IV, p. 527).
ACTION DE LA CAPILLARITÉ. ëli
J'appellerai aussi l'attention sur une autre conséquence qui
peut se déduire de ces faits. Nous avons vu que le plateau
soulevé par un certain poids entraînait avec lui une lame mince
de liquide. La résistance opposé^e par la cohésion de celui-ci
est donc moins grande que celle développée par l'attraction
adhésive du verre sur le liquide sous-jacent: et j'insiste sur
celte circonstance, parce que nous verrons bientôt cette inéga-
lité dans ces deux forces dont la direction est contraire, jouer
un grand rôle dans les phénomènes dont l'étude doit nous
occuper maintenant.
Pour avancer davantage dans l'examen de ces questions, il est
bon de considérer de plus près ce qui se passe dans une goutte
d'eau qui repose sur un corps que ce liquide ne mouille pas,
et qui augmente de volume par l'adjonction de nouvelles quan-
tités de matière. Nous avons vu que si le globule ainsi constitué
est très petit, il conserve une forme sensiblement sphérique,
et cela suppose que l'attraction, cohésive des molécules de
hquide suffit pour faire équilibre à la pression exercée par une
colonne verticale du liquide ayant pour hauteur le diamètre
de cette sphère. Mais si le volume du globule vient à augmen-
ter, il arrive un moment où la force d'attraction réciproque
des molécules de l'eau ne suffit plus pour balancer la pres-
sion développée par les particules élevées ainsi au-dessus de
leur base de sustentation, et où l'inégalité de ces deux forces
contraires déterminera la déformation du sphéroïde. Alors, par
plus en plus, et que la rupture s'effec- faudrait tenir compte de l'influence de
tue quand cette portion étranglée est la forme des surfaces libres, c'est-à-
devenue très grêle fa). Le phénomène dire latérales, de la colonne liquide
est donc beaucoup plus complexe qu'on soulevée sur l'équilibre de ses mole -
ne serait porté à le supposer au pre- cules constitutives,
niier abord, et, pour l'analyser, il
(a) Donny, Mémoire sur la cohésion des Uq^ndes et sur leur adhérence aux corps solides (An-
nales de chimie et dephysique, 3" série, 1846, t. XVI, p. 167).
52 ABSORPTION.
l'addition de nouvelles (juantités de matière, le globule ne
s'élèvera plus, mais s'élargira seulement, et prendra peu à peu
la forme d'un disque dont la surface supérieure tendra à devenir
plane et horizontale , tandis que les bords resteront arrondis
et leur seclion méridienne sera sensiblement égale à la demi-
circonférence d'un cercle qui aurait pour diamètre l'épaisseur
du disque. Supposons maintenant que la masse de liquide ayant
cette forme vienne à rencontrer un obstacle qui s'oppose à son
élargissement ultérieur, et que cet obstacle soit un plan solide
vertical dont la substance n'exerce sur les molécules de l'eau
aucune intluence attractive appré(iiable. Il est visible que par
l'accroissement de sa masse le disque liquide augmentera
d'épaisseur, et que la poussée déterminée par son poids contre
l'enceinte constituée de la sorte modifiera la forme de la portion
du "bord du disque liquide qui se trouve au-dessous du premier
point de contact de ce bord avec l'obstacle, c'est-à-dire au-
dessous d'un plan horizontalpassantpar le centre de courbure
de la seclion méridienne représentée par ce même bord ; mais
cette poussée n'aura point d'induence sur l'équilibre des mo-
lécules situées au-dessus du plan horizontal que nous venons
d'imaginer, et par conséquent, quelle que soit la profondeur du
bain ainsi délimitée, sa partie supérieure se trouvera terminée
latéralement par une surface convexe dont le rayon de courbure
sera déterminé par la grandeur de la force de cohésion du
liquide.
Action Cet état d'équilibre setrouve réalisé, à peu de chose près , quand
'des vasel' de l'eau est déposée dans un vase dont les parois sont imprégnées
'"ViiVS^' de graisse, mais est plus facile à constater dans une cuve à mer-
tontenus. ^^^^ ^^ ^^^^ j^ ^^^^ ^»^j^ baromètrc ordinaire dont le calibre
est très grand. La surface supérieure de ce métal liquide est
horizontale à une certaine distance des parois du vase; mais,
dans leur voisinage immédiat, elle s'incline et ne rencontre la
surface de ces parois qu'à une certaine distance au-dessous du
ACTION DE LA CAPILLARITÉ. 53
niveau général du bain. Or, le liquide est alors en repos, et
par conséquent toutes les séries verticales de ses molécules se
font équilibre mutuellement : près du bord, ces filets verticaux
sont moins hauts que dans la portion du bain où la surface libre
est horizontale. Nous savons que les liquides ne sont pas sen-
siblement compressibles ; la densité de ces filets ne peut donc
différer d'une manière appréciable, et le poids de la tranche
supérieure du filet central qui dépasse le niveau de l'extrémité
supérieure du filet marginal ne peut être soutenu que par l'ac-
tion d'une force déprimante agissant sur ce dernier. Cette force
n'est autre que l'attraction réciproque des molécules du liquide,
c'est-à-dire la cohésion de celui-ci ; et puisqu'elle tient en
équilibre la couche fluide comprise entre la surface générale
du bain et le plan horizontal suivant lequel cette surface ren-
contre les parois du vase, elle doit être égale en puissance à la
pression verticale exercée par chaque filet vertical constituant
cette même couche, ou, en d'autres mots, d'une colonne de ce
liquide dont la hauteur serait égale au sinus de l'arc décrit par
la section méridienne de la surface convexe.
Mais si la masse aqueuse, qui, en grossissant, a cessé d'être
sphérique et s'est élalée en forme de disque à bords convexes,
rencontre un obstacle constitué par un solide dont la substance,
au lieu d'être sans influence appréciable sur ses molécules,
exerce sur celles-ci une action atlractive comme celle que nous
avons vue se manifester quand une goutte d'eau est mise en
contact avec une lame de verre, les choses ne se passeront plus
de la même manière, car l'attraction exercée par ce corps a
balancé , dans une certaine mesure , la force de cohésion
qui tend à maintenir les molécules liquides le plus rapprochées
possible, et par conséquent les effels de cette force cohésive
seront diminués d'autant. Il en résulte que la forme de la sur-
face du hquide sera modifiée dans le voisinage immédiat des
parois de l'enceinte constituée par ce solide , et que l'état
54 ABSORPTION,
d'équilibre sera déterminé, non pas uniquement par la résultante
des deux forces inhérentes aux molécules du liquide, savoir,
leur cohésion et leur poids , mais par la résultante de trois
forces : dont une, celle de la cohésion, tend à abaisser la ligne
de contact du liquide avec le solide ; dont la deuxième , la
poussée ou pression développée par les parties voisines du
liquide, tend à élever celte même ligne au niveau de la surface
générale du bain ; et dont la troisième , dépendante du solide
adjacent, tend à soulever les molécules de l'eau qui se trouvent
dans sa sphère d'attraction. Il est donc facile de concevoir que
si la force attractive du solide est moins grande que l'excédant
de l'effet de la cohésion sur la pression dont je viens de parler,
la portion adjacente de la surface du bain conservera une forme
convexe dont le rayon de courbure variera suivant la grandeur
delà résultante de ces trois forces; mais que si cette force
attractive devient égale à l'excédant de la cohésion sur la
poussée du liquide , la surface du baiti deviendra horizontale
au point de contact avec le solide comme ailleurs ; enfin que
dans le cas où la puissance d'attraction développée par ce
solide s'accroît encore, et devient , par conséquent , plus
grande que la résultante dont je viens de parler, elle dimi-
nue d'autant les effets de la pesanteur sur les filets marginaux
du liquide, et ceux-ci, pour faire équilibre aux filets adja-
cents, doivent avoir plus de hauteur, de sorte que la ligne de
joncfion du liquide avec le solide se trouve élevée au-dessus
du niveau général du bain et se relie à celui-ci par une surface
concave (1).
(l) Il ne seia peut-être pas inutile la ligne de jonction de la surface libre
de faire remarquer ici que l'attraction du liquide avec la surface adjacente
dont résulte le déplacement du liquide du solide. En etïet, la force attractive
n'est pas exercée par les molécules du qui agit latéralement et qui tend
solide qui sont en contact apparent à rapproclier deux molécules si-
avec celui-ci, mais par celles qui se tuées sur un même plan horizontal ,
trouvent immédiatement au-dessus de et qui fait équilibre aune force ré-
ACTION DE LA CAPILLARITÉ. 55>
Or, les inégalités dans la pression déterminée parles divers
tllets d'eau que nous venons de considérer sont la conséquence
de l'action des deux forces attractives antagonistes que nous
pulsive d'une iiitensilé donnée, ne
peut ni abaisser ni élever liin ou
l'autre de ces corps ; les molécules li-
quides qui se trouvent au-dessous de
la ligne de jonction dont je viens de
parler sont également sollicitées à
s'élever et à s'abaisser par l'action
attractive des molécules du verre si-
tuées immédiatement au-dessus et
au-dessous du plan liorizontal passant
par le centre de chacune d'elles, et
par conséquent le voisinage du solide
ne peut déterminer leur déplacement;
mais les molécules immobiles qui se
trouvent immédiatement au-dessus de
la ligne de jonction précédemment
indiquée, c'est-à-dire au-dessus de la
surface libre du liquide, en alliranl
obliquement les molécules adjacentes
de ce dernier corps, doivent tendre à
les élever et diminuer proportionnel-
lement la pression qu'elles exercent
sur les portions voisines du fluide.
Ainsi le raisonnement nous conduit à
trouver que l'ascension ou la dépres-
sion des liquides dans les tubes capil-
laires dépend de l'action de la portion
de la surface intérieure de ceux-ci qui
surmonte immédiatement la ligne de
rencontre de cette surface avec celle
du liquide inclus.
Du reste, ce fait peut être démontré
matériellement par une expérience
très simple due à Jurin.
Ainsi que nous le verrons bientôt,
la hauteur à laquelle l'eau monte dans
un tube étroit est en raison inverse
du diamètre de la cavité cylindrique
de ce tuyau. Or, si l'on soude à l'ex-
trémité d'un tube capillaire dont le
diamètre est égal à 10 un second tube
dont le diamètre intérieur n'est égal
qu'à 1, et qu'on plonge l'extrémité
libre du gros tube dans l'eau, on verra
le liquide s'y élever jusqu'à une cer-
taine hauteur que je suppose inférieure
à l'extrémité supérieure de cette pre-
mière portion de l'appareil; mais si
l'on enfonce davantage le tube dans
l'eau, de façon que l'extrémité su-
périeure de la colonne liquide ainsi
élevée, arrive en contact avec l'extré-
mité inférieure du tube étroit qui
forme en quelque sorte l'étage supé-
rieur de l'appareil, on verra aussitôt
la hauteur de la colonne augmenter et
devenir proportionnelle au diamètre
de ce second tube, de manière que le
tout se maintiendra au-dessus du ni-
veau général du bain, comme si le
tube avait dans toute sa longueur les
dimensions qu'il ollre dans le point où
ses parois se joignent à la surface
libre du liquide inclus (a). L'étendue
de la surface du tube située au-dessous
de cette ligne de jonction, et le dia-
mètre de la portion sous-jacente de la
colonne liquide soulevée, n'exercent
donc aucune influence appréciable sur
la hauteur de la colonne, et l'élévation
est déterminée seulement par l'an-
neau du tube qui surmonte immédia-
tement la surface supérieure de cette
colonne.
(a) Jurin, An Account of some Experiments, etc. ; with an Inquiry into Ihe Cause of the Ascenl
and Suspension of ^'ater in Capillary Tubes [Philos. Tmns., 1748, t. XXX, p. 743j.
5(5 ABSORPTION.
avons appelées cohésion et attraction adhésive; par conséquent,
la forme de la surface libre du liquide dépendra en dernier
ressort de Tintensité relative de ces deux puissances : quand
la cohésion l'emporte sur l'attraction adtiésive, la portion de
cette surface qui est adjacente au solide sera convexe; et quand
c'est au contraire l'attraction adhésive qui devient plus puissante
que la cohésion, cette surface se relèvera sur les bords et
deviendra concave.
C'est de la sorte que de l'eau dont on remplit incomplète-
ment un verre se relève contre les parois du vase, et que la
surface de ce liquide devient au contraire convexe lorsqu'on
remplit le vase à pleins bords, car dans ce dernier cas la puis-
sance attractive du verre agit de bas en haut sur la couche
d'eau qui dépasse son niveau supérieur, et vient en aide à
la cohésion pour le retenir et le mettre en équilibre avec les
parties centrales de la colonne fluide qui s'élèvent davan-
tage (1).
Du reste, les phénomènes de ce genre ne se manifestent pas
seulement sur les bords des vases, et se produisent de la même
(1) Pour metlie mieux en évidence conformément aux lois de l'équilibre
l'obstacle que l'aUrnclion du verre sur dans les vases communicants, le
l'eau oppose au déversement de ce même niveau se soit établi de part et
liquide, il suffit de répéter une expé- d'autre; mais si l'une des branches
rience très simple que l'on attribue de ce siphon renversé est formée par
généralement à l'un des membres de un tube capillaire, le plan horizontal
notreancienne Académie des sciences, passant par la surface du liquide
C. -F. du Fay (a), mais qui appartient dans l'autre branche sera inférieure
en réalité à Aggiunti (6). Si l'on verse à celui qui correspondra à cette sur-
de l'eau dans une des branches d'un face dans la branche capillaire, et
tube de grand diamètre et recourbé en la diiïérence des niveaux sera pro-
forme d'U, le poids du liquide dans porlionnée aux efiets produits par
cette branche fera monter l'eau dans l'attraction de la surface intérieure
la branche opposée, jusqu'à ce que, des parois de ce dernier tube sur l'eau
(o) C.-F. (iii Fay, De l'ascension des liqueurs dans les tuyaux capillaires (Hist. de l'Acad. des'
sciences, d72i).
{b} Voyez Nclli, Op. cit., p. 02, fig-. 19.
ACTION DE LA CAPILLARITÉ. 57
manière lorsqu'on plonge dans un bain liquide, sur un point
quelconque de sa surface, la partie inférieure d'un corps
solide : la ligne de contact des deux substances s'élève ou
s'abaisse suivant l'intensité relative de la cohésion du liquide et
de l'attraction adhésive exercée sur les molécules de celui-ci
par le solide incomplètement immergé. En effet, les molécules
du liquide qui baignent l'une quelconque des surfaces latérales
du solide se trouvent alors soustraites à l'influence de la force
attractive des molécules liquides situées du côté opposé de
l'espèce d'écran que ce solide constitue, et sont placées dans
les mêmes conditions que celles situées au bord externe de
la surface libre du bain. Ainsi, quand on plonge verticalement
le bord inférieur d'une lame de verre dans de l'eau en repos ,
on voit le liquide prendre une forme concave et s'élever à une
certaine hauteur contre sa surface; puis, en répétant la même
expérience sur un bain de mercure, on observe un résultat
inverse : la surface du métal s'abaisse et devient convexe dans
ses points de jonction avec le verre.
Ces effets sont produits avec le même degré d'intensité, quelle
que soit la minceur de la lame de verre immergée de la sorte.
Dans tous les cas, les molécules du liquide situées de l'un des
adjacente dont la surface deviendra qui y fait équilibre dans la branche
concave. Cet état de choses persistera capillaire, et d'autre part, que cette
tant que la colonne de liquide, dans dernière surface deviendra convexe,
cette dernière branche de l'instru- L'attraction exercée par les parois du
ment, n'aura pas monté jusqu'au bord tube capillaire sur l'eau qui, dans le
libre du tube capillaire ; mais lorsque premier cas, faisait équilibre à une
ce terme sera atteint, l'attraction exer- force agissant de haut en bas et contre-
cée par ces mêmes parois sur l'eau balançait en partie l'action de la pe-
tendra à l'empêcher de sortir, et si sanleur, agira alors en sens inverse, et
l'on continue à verser doucement du fera équilibre à la charge constituée
liquide dans la grande branche du par la couche du liquide qui, dans la
siphon renversé , on remarquera, grande branche, dépasse le niveau de
d'une part, que le niveau pourra s'y l'extrémité supérieure de la petite
élever notablement au-dessus de la branche et tend à y élever l'eau,
surface supérieure de la colonne fluide
58 ABSORPTION.
côtés de cet écran sont complètement soustraites à l'influence
attractive des molécules de même nature qui se trouvent du
côté opposé, et qui sont séparées des premières par la lame
solide : la grandeur de la distance à laquelle ces molécules sont
éloignées les unes des autres ne fait pas varier la grandeur de
la résultante de leur force de cohésion combinée avec la force
attractive du verre, et ce fait jette de nouvelles lumières sur le
mode d'action de ces forces.
Effectivement, si les effets de l'attraction cohésive de deux
molécules liquides A et B se trouvent annulés par l'interposition
d'un troisième corps C, quelle que soit la faible épaisseur de
ce dernier, et si la force d'attraction adhésive que C exerce
sur A et B reste la même, quelle que soit l'épaisseur de ce
corps, il en faut conclure que l'une et l'autre de ces forces
ne produisent des effets sensibles qu'à des distances imper-
ceptibles (1).
Les physiciens ne connaissent pas la loi suivant laquelle l'ac-
tion de ces forces diminue à tnesiire que la distance entre les
molécules réagissantes augmente ; mais, d'après les expériences
dont je viens de parler, et beaucoup d'autres faits du même
ordre, il est visible que l'intluence, soit de la cohésion , soit dé
(1) Hauksbee constata que l'eau verre sur les molécules de l'eau ne peut
monte sensiblement à la même hau- s'étendre qu'à des distances impei'cep-
teur dans des tubes capillaires dont tibles, et il en fit la base de sa théorie
l'épaisseur est variable (a), et Weit- mathématique des elïéts de la capil-
brecht vit que celte hauteur restait la larité (c).
même, soit que le tuyau dépassât de Des recherches plus récentes, faites
peu ou de beaucoup le sommet de la par M. Bède, montrent que les résul-
colonne liquide déplacée (b). En- tats fournis par les expériences de
fin , Laplace tira des expériences de Hauksbee ne sont pas d'une exacti-
Hauksbec cette conclusion , que la tude complète, et que l'élévation de
sphère d'attraction des molécules du l'eau, ou l'abaissement du mercure
(a) Hauksbee, Expériences physico-chimiques, trad. par Desmarest, t. II, p. 27 et 127.
{b) Weitbrecht, Op. cit. {Comment. Acai. scient. Petropol., nSG, t. VUI).
(e) l-aplace, Mécanique céleste, supplément du livre X {Œiivres, t. iV, p. 391),
ACTION DE LA CAPILLARITÉ. 59
l'attraction adhésive, cesse d'être appréciable à des distances
extrêmement petites.
Mais, s'il est démontré que la puissance attractive du verre,
ou de tout autre corps jouant un rôle analogue, ne puisse pro-
duire des effets sensibles qu'à des distances imperceptibles, ou
tout au moins extrêinement petites , comment expliquer ce qui
a lieu quand une lame de verre est partiellement immergée
dans de l'eau, car dans ce cas ce n'est pas seulement une
Couche d'eau excessivement mince qui est soulevée par le verrCj
mais une masse assez considérable de ce liquide, masse dont
la surface libre devient concave et dont la base s'élend asseîî;
loin de la surface attirante.
Ici la force cohésive du liquide intervient de nouveau, et^
pour bien saisir le mécanisme de ce phénomène, il est utile
d'avoir recours à un artifice de raisonnement dont nous avons
déjà eu l'occasion de faire usage.
Isolons par la pensée une lame verticale d'eau qui viendrait
rencontrer à angle droit la surface du verre, et imaginons cette
tranche divisée en une série de filets verticaux dont l'épaisseur
ne serait pas sensible; enfin, admettons encore que chacun
de ces filets marginaux, que j'appellerai m, m', m", etc., soit
est un peu plus considérable dtins les ciens reconnaissent aujourd'hui que
tubes capillaires à parois épaisses que les effets sensibles des attractions
dans ceux dont les parois sont min- cohésives et adhésives ne sont appré-
ces (a) : mais ces perturbations s'ex- ciables qu'à des distances très petites,
pliquent par l'action attractive de la plusieurs expérimentateurs pensent
surface horizontale du bout immergé que la sphère d'activité de ces forces
du tube, et n'infirme en rien les dé- s'élend un peu plus loin que ne l'ad-
ductions tirées par Laplace touchant mettait Laplace, et sonl susceptibles de
la distance à laquelle la substance du produire des effets sensibles à des dis-
verre cesse d'exercer une action sen- tances perceptibles , quoique très
sible sur l'eau. courtes ; question sur laquelle nous
Du reste, bien que tous les physi- aurons l'occasion de revenir bientôt.
(o) Bède, Mém. sur l'ascension de l'eau et la dépression du mercure dans les tubes capillaires
Mémoires couronnés par l'Académie de Bruxelles, t. XXV).
60 ABSORPTION.
relié à un filet vertical semblable, c, c, etc., situé vers le
milieu du bain, au moyen d'un filet horizontal placé à quelque
distance de la surface du liquide, soit /i, h\ etc. Chacun des
systèmes formés par m, /t, c, ou par m', h\ c', etc., se trou-
vera au sein du milieu ambiant dans les mêmes conditions
que les deux colonnes fluides qui se balancent dans les branches
montantes d'un tube en U, ou siphon renversé. Le filet mar-
ginal m, par exemple, pressera par sa base sur le filet c, et
tendra à le faire monter; mais c pressera également sur la base
de m, et tendra à produire sur celui-ci le même effet : de sorte
que si le poids de ces deux filets est le même, ils resteront
stationnaires, conformément au principe de l'équilibre des
liquides dans les vases communicants. Si m n'était soumis à
l'influence d'aucune force étrangère, ces conditions d'équilibre
seraient réalisées quand sa surface serait au même niveau que
celle de c, car le liquide ayant partout la même densité, la
pression p exercée par m serait égale à la pression p' de c quand
ces colonnes auraient la même hauteur. Mais le filet m, étant en
contact avec le verre, se trouve soumis à l'action attractive de
ce corps, et cette force tendant à le faire monter, que j'appel-
lerai a, doit balancer une partie de celle qui tend à faire des-
cendre ce même filet, c'est-à-dire p. Ce sera donc jo — a qui se
trouvera opposé à p\ et par conséquent m s'élèvera .au-dessus
du niveau de c jusqu'à ce que la différence dans la hauteur
relative de ces deux colonnes liquides suffise pour compenser
l'action attractive du verre. Si cette puissance attractive était
considérable, la différence des niveaux serait très grande, pourvu
qu'aucune autre force n'intervînt dans ce phénomène, car nous
avons supposé le filet m extrêmement mince, et par conséquent
très léger; mais m n'est pas libre, et, à raison de la force de
cohésion de l'eau, se trouve comme enchaîné à m', c'est-à-dire
au filet hquide suivant. En s'élevant le long de la surface du
verre, il agira donc sur m' de la même manière que le verre a
ACTIOiN DE LA CAPILLARITÉ. 61
agi sur lui, et, en appliquant au système de filets m', c', le
raisonnement que je viens de faire pour le système m^ c, nous
voyons que m' s'élèvera d'une certaine quantité au-dessus du
niveau de c, c'est-à-dire au-dessus du niveau général du bain.
Or, la puissance attractive de m' sur m est égale à celle de m
sur m', etparconséquentce second filet liquide, en s'élevant sous
Tinfluence du premier, réagira aussi sur celui-ci, et l'empêchera
de monter aussi haut qu'il l'aurait fait s'il avait été libre. Des
relations semblables existent entre les filets verticaux suivants,
c'est-à-dire entre m' et m", entre m" et m'", etc. ; de façon que
les effets de l'action attractive du verre portent en réalité sur
un nombre plus ou moins considérable de ces petites colonnes
liquides, et s'étendent à une certaine distance du bord vers le
milieu du bain. Mais, ainsi que nous l'avons déjà vu, la force
de cohésion de l'eau est inférieure à la puissance attracfive du
verre; l'attraction exercée par m sur m' sera donc moindre
que a ; et m' ne s'élèvera pas aussi haut que ?w pour faire équi-
libre à c. Ainsi la ligne passant par le sommet de ces deux filets
rencontrera la surface du verre sous un certain angle, et la
hauteur à laquelle m" sera élevée, par suite de la cohésion qui
l'unit à m', sera encore plus faible , car les molécules des
liquides , tout en étant maintenues à une certaine distance les
unes des autres par l'attraction cohésive, sont parfaitement
libres de se mouvoir autour les unes des autres, et par consé-
quent la position dans laquelle la molécule terminale du filet m'
se placera par rapport à la molécule supérieure du filet m sera
déterminée par la résultante de deux forces contraires, l'attrac-
tion de m, qiii agit obliquement, et la pesanteur qui agit suivant
la verticale; in" restera donc comme suspendu à m' sans attein-
dre son sommet. Il en sera de même pour m'" par rapport
à m", et ainsi de suite. Or, l'observation, de même que le
calcul, montre que la ligne passant parle sommet de ces verti-
cales s'abaisse de plus en plus, et décrit une certaine courbe
62 ABSORPTION.
qui, par ses deux extrémités, se confond, d'une part avec la
surface verticale du verre, et d'autre part avec la surface horizon-
tale du bain.
Ainsi, l'attraction adhésive exercée par le verre, d'une part,
et l'attraction cohésive exercée par les molécules d'e^u, d'autre
part, déterminentdans le voisinage du contact du prefliier de ces
corps avec Je second, l'élévation d'un certain volume de liquide
qui se terniine par une surfece concave, et qui se compose d'une
lame verticale très mince adhérant au verre et d'une masse
d'eau qui est comme suspendue à la face opposée de cette lame
fluide, et qui, à raison de sa pesanteur, diminue d'autant la
hauteur à laquelle celle-ci peut monter.
Il est donc visible que si, par une cause quelconque, la
résistance opposée à l'ascension des lames aqueuses les plus
rapprochées du verre par celles qui sont plus éloignées de ce
corps pouvait être diminuée ou annulée, l'élévation de la por-
tion marginale du bain au-dessus du niveau général de celui-ci
augmenterait, la force attractive du verre restant la même. Or,
il est facile de réaliser ces conditions.
Effectivement, si au lieu d'employer dans ces expériences
une seule lame verticale de verre, on immerge incomplètement
dans l'eau deux de ces lames placées parallèlement, et si l'on
rapproche graduellement ces deux plans, qui d'abord étaient très
éloignés entre eux, il arrivera un moment où les deux portions
concaves de la surface du liquide intermédiaire viendront à se
rencontrer. Ce résultat sera obtenu quand la moitié de la dis-
tance comprise entre les deux verres sera égale à la largeur de
l'espace dans lequel l'action de chaque verre exerce sur la
surface de l'eau une influence sensible; et si l'on continue à
rapprocher de plus en plus les deux verres, on annulera les
résistances dues à la portion de chacune des masses liquides
soulevées qui se trouvait entre cette première Hgne de jonction
et le point actuel de rencontre des deux moitiés de la courbe
ACTION DE LA CAPILLARITÉ. 6â
décrite par la surface de la masse liquide soulevée. Les deux
lames d'eau qui adhèrent aux verres, et qui peuvent être consi-
dérées comme les agents moteurs de tout ce système de molé-
cules liquides, se trouveront donc allégées d'autant, et par
conséquent, pour faire équilibre aux pressions exercées par les
portions circonvoisines du bain, devront s'élever davantage.
Plus la distance comprise entre les deux plans du verre décroî-
tra, plus l'effet produit de la sorte devra être considérable, et
l'expérience, de même que le calcul, montre qu'effectivement
il en est ainsi, et que, toutes choses étant égales d'ailleurs,
les hauteurs auxquelles les liquides s'élèvent ou s'abaissent
pntre deux plans solides parallèles et verticaux sont en raison
inverse de la distance qui sépare ces plans (1 ).
A l'aide de quelques données fournies par la géométrie
élémentaire, il est facile de déduire de cette loi le mode d'ac-
(1) Poisson atiribue l'établissement
de cette loi fondamentale à Jurin (a) ,
qui effectivement l'exposa en ] 71S (b) ;
mais dans une note jointe à son mé-
moire, ce physicien reconnaît que
Newton l'avait devancé. Voici en
quels ternies ce dernier philosophe en
parle :
« Si deux plaques de verre, planes
et polies (supposez deux pièces d'un
miroir bien poli), sont jointes ensem-
ble, leurs côtés parallèles et à une
distance très petite l'une de l'autre,
et que par leur extrémité d'en bas on
les enfonce un peu dans un vase plein
d'eau , cette eau montera entre les
deux verres; et à mesure que les
plaques seront moins éloignées, l'eau
s'élèvera à une plus grande hauteur.
Si leur distance est environ la cen-
tième partie d'un pouce, l'eau mon-
tera à la lj§uteur d'environ un pouce,
et si la distance est plus grande ou
plus petite en quelque proportion qiie
ce soit, la hauteur sera à peu près en
proportion réciproque à la distance ;
car la force attractive des verres est
la même, soit que la distance qu'il y a
entre eux soit plus grande ou plus
petite ; et le poids de l'eau attirée en
haut est le même, si la hauteur de
l'eau est réciproquement proportion-
nelle à la distance des verres. C'est
encore ainsi que l'eau monte entre
deux plaques de marbre poli, lorsque
leurs côtés sont parallèles et à une fort
petite distance l'un de l'auire (c). »
(a) Poisson, Nouvelle théorie de l'action capillaire, p. 2.
(6) Jurin, An Account of sonie Experiments, etc. ; luith an Inquiry into the Cause of the Ascent
and Suspensionof Waterin Capillary Tubes {Philos. Trans., 1718, t. XXX, p. 739).
(c) Newton, Traité d'optique, p. 573.
64 ' ABSORPTION.
tion des tubes capillaires qui sont ouverts à leurs deux bouts,
et qui plongent dans un liquide par leur extrémité inférieure.
Effectivement, nous venons de voir qu'entre deux plans de
verre verticaux parallèles et fort rapprochés , l'eau s'élève de
façon à y constituer une lame dont la hauteur est en raison
inverse de la distance des deux verres, c'est-à-dire de son
épaisseur, et dont la longueur peut être quelconque. Or, con-
sidérons en particulier une lame semblable d'une longueur
seulement égale à son épaisseur, et achevons de la circonscrire
complètement en ajoutant à ces deux plans de verre deux nou- "
veaux plans parallèles perpendiculaires aux premiers , et situés
à la même distance, de manière, en un mot, à limiter ainsi un
tube prismatique à base carrée ; il est clair que la force qui
agit sur le liquide intérieur étant ainsi doublée, le volume du
liquide soulevé sera lui-même doublé. D'ailleurs, la force attrac-
tive étant également répartie entre les quatre faces du prisme,
elles pourront être considérées comme soulevant quatre masses
prismatiques de liquide dont les bases seraient les triangles
isocèles déterminés par les deux diagonales du carré. Chacun
de ces triangles a lui-même pour base un côté du carré et une
hauteur égale à la moitié de la distance de deux faces parallèles ;
en sorte que pour les tubes prismatiques à base carrée on est
autorisé à dire que les colonnes de liquide soulevées sont inver-
sement proportionnelles au rapport de la surface qui leur sert de
base et au périmètre de cette même base. Au moyen d'un arti-
fice semblable, c'est-à-dire par une décomposition en triangles
isocèles, il est aisé de voir géométriquement, et j'admets ici
comme acquis, que ce principe subsiste quand on remplace le
carré qui sert de base au prisme par un polygone régulier
quelconque ; et l'aire d'un polygone régulier quelconque étant
égale au produit de son périmètre multiplié par la moitié du
rayon du cercle inscrit, il s'ensuivra que les hauteurs dans les
tubes prismatiques réguliers seront en raison inverse du rayon
ACTION DE LA CAPILLARITÉ. 65
du cercle inscrit. Enfin en passant, comme on le fait en géo-
métrie, des polygones réguliers au cercle, qui peut être assimilé
à un polygone régulier d'un nombre infini de côtés, on en con-
clut rigoureusement que, dans les tubes cylindriques, les hau-
teurs sont en raison inverse des rayons de la base, et, pour
chacune d'elles, sont deux fois plus grandes qu'entre deux sur-
faces planes parallèles ayant pour distance le diamètre du tube
cylindrique.
Les mouvements dus à l'attraction moléculaire des solides
sur les liquides sont par conséquent plus faciles à observer
dans les tubes étroits qu'entre des surfaces planes, et c'est prin-
cipalement à l'aide d'instruments de ce genre que l'étude en a
été faite. De là les noms d'attraction capillaire et de 'phénomènes
de capillarité que l'on donne généralement aux forces et aux
effets- dont nous nous occupons en ce moment.
D'après ce que j'ai déjà dit relativement à la courbure de la
surface des liquides dans le voisinage immédiat de leur point
de contact avec un plan solide, nous pouvons prévoir que, dans
un tube capillaire, ils se termineront par une surface de révo-
lution qui sera convexe quand la force attractive de la substance
dont se composent les parois du tuyau n'est pas égale en puis-
sance à la moitié de la force cohésive du liquide, et concave
quand l'attraction adhésive sera supérieure à la moitié de cette
force de cohésion. Quant à la nature de celte courbe, on peut
déduire aussi des faits exposés précédemment que, pour des
tubes d'un certain diamètre, la surface de révolution doit être
sensiblement un segment de sphère, et que le rayon de cette
sphère doit diminuer dans un certain rapport avec le dia-
mètre du tube ainsi qu'avec la hauteur de la colonne liquide
déplacée.
L'étude attentive des propriétés hydrostatiques de ces sur-
faces concaves ou convexes permet aux physiciens de calculer
les conditions de l'équilibre des divers liquides dans l'intérieur
V- 5
66 ABSORPTION.
des tubes capillaires, et c'est de la sorte que Laplace est arrive
à une théorie mathématique de la plupart de ces phéno-
mènes (1). 11 ne conviendrait pas de nous arrêter ici sur le
détail de ces considérations, dont les conclusions seules impor-
tent à la physiologie, et, pour le but que je me propose d'at-
teindre à l'aide de cette digression, il me suffira d'ajouter
(1) Laplace a fait voir que la pres-
sion qu'une masse fluide terminée par
une surface sphérique concave ou
convexe exerce par sa base sur la co-
lonne fluide verticale sous-jacente, et
par conséquent sur la poussée de
celle-ci sur les parties circonvoisines
du fluide, est plus grande ou plus pe-
tite que si sa surface était plane. Il
existe donc une dépendance néces-
saire entre la forme de la surface libre
de la colonne liquide intérieure à
l'espace capillaire, et son élat d'ex-
haussement ou de dépression. Laplace
a démontré que cette dépendance
pouvait èlre établie directement sans
considérer l'action des parois sur
le liquide, et, dans sa théorie mathé-
matique des actions capillaires, l'en-
semble des phénomènes observés se
déduit de la forme des surfaces des
fluides (a).
Un médecin anglais, Th. Young, dont
j'ai eu déjà l'occasion de citer le nom,
et dont l'attention avait été flxée sur ce
sujet (6), présenta quelques objections
graves à la théorie de Laplace (c), et
Poisson remarqua que ce grand géo-
mètre avait omis dans ses calculs une
circonstance physique dont la consi-
déi'aiion paraissait êlre essentielle ,
savoir : la variation rapide de la den-
sité que le liquide éprouve près de sa
surface libre et près île la paroi du
tube. En tenant compte des variations
que ces changements dans la densité
de la couche très mince qui termine
la masse liquide doivent exercer sur
les pressions dont dépend la position
d'équilibre des diverses parties de
cette masse, l'oisson a fondé une autre
théorie mathématique des actions capil-
laires (d) ; mais le grand travail auquel
il se livra à celte occasion ne paraît
pas avoir beaucoup avancé la question
fondamentale, et aujourd'hui la plupart
des physiciens considèrent les vues de
Gauss comme étant préférables. Ce
dernier géomètre établit ses calculs
sur la considération de l'action de la
pesanteur, des attractions mutuelles
des molécules mobiles du liquide et
des attractions exercées sur ceux-ci
par les molécules fixes de la surface
des tubes ; puis il a recours au prin-
cipe des vitesses virtuelles pour éta-
blir les équations de l'équihbre (e).
(a) Laplace, Mécanique céleste, supplément au livre X {Œuvres, t. IV, p. 389 et suiv.).
(b) Young, An Essay on the Cohésion of Fluids {Philos. Trans., 1805, p. 65 et suiv.).
(c) Young, art. Cohésion of Fluids {Supplément to the Encyclopœdia Britannica, 1824, t. III,
p. 211 et suiv.).
{d) Poisson, Nouvelle théorie de l'action capillaire. Paris, 183i .
(«) C.-F. Gauss, Principia generalia theoriœ figura fliiidorum in statu œquilibrii {Coinmen
tationes Soc. scient. Gottingensis, cl. math., 1832, t. VII, p. 39 et suiv.).
ACTION DE LA CAPILLARITÉ. 67
qu'il existe nue relation constante entre la forme du ménisque
terminal de la colonne liquide soulevée ou déprimée de la
sorte et la grandeur des effets produits, c'est-à-dire la distance
à laquelle la surface du liquide déplacé se trouve portée au-
dessus ou au-dessous du niveau général du bain.
Il me semble cependant nécessaire d'entrer plus avant dans
l'examen de certaines questions que soulève l'étude des phéno-
mènes de capillarité, et de chercher à nous éclairer davantage
sur les circonstances qui, indépendamment des dimensions des
espaces étroits occupés par les liquides, peuvent influer sur la
grandeur des effets produits.
Nous savons déjà que dans les tubes de verre à très petit
calibre l'eau s'élève à une certaine hauteur, qui est en raison
inverse du diamètre de ces tuyaux, et que le mercure y descend
au-dessous du niveau général du bain circonvoisin. Il existe
entre ces deux résultats si différents une multitude de degrés
intermédiaires. Ainsi, l'alcool s'élève dans les tubes de verre
comme le fait l'eau, mais à une hauteur moindre; il en est
à pen près de même pour diverses dissolutions salines ; l'élher
sulfurique monte aussi, mais reste à un niveau inférieur à celui
des liquides dont je viens de parler, et pour l'eau chargée de
certaines matières minérales le contraire s'observe, et la colonne
liquide dépasse en hauteur celle formée par de l'eau pure (1).
(1) Carré, un des membres de notre beaucoup moins haut que ne le fait
ancienne Académie des sciences, fut l'eau distillée (a).
l'un des premiers à étudier compara- Plus récemment , Emmelt et un
livement l'influence des tubes capil- grand nombre d'autres physiciens ont
laires sur l'ascension de divers li- fait des expériences analogues (6), et,
quides, et il trouva que, toutes choses pour bien fixer les Idées à ce suje',
étant égaies d'ailleurs, Fesprit-de-vin je rappellerai ici quelques résultats
et l'essence de térébenthine montLait numériques tirés d'un travail publié
(a) Carré, Expériences sur les Imjcntx capillaires (Mém. de l'Acad. des sciences, 1725, p. 241).
(6) Emmetl, On Capillary Allraclion (The Philosophical Magazine, 2' série , 1827, t. I,
p. 33i).
68 ABSORPTION.
Nous avons vu que ces différences dépendaient essentiellement
des rapports de grandeur do deux forces contraires : l'attraction
adhésive du solide pour le liquide et la cohésion de celui-ci.
Mais ne pourrions-nous pas avancer davantage la question qui
dernièrement par Simon (de Metz).
Cet expérimonlateur a pris pour unité
la liauteur à laquelle l'eau distillée
s'élève dans des tubes capillaires d'un
certain diamètre, et en opérant dans
les mêmes conditions, sur diverses
dissolutions saturées, il a observé les
élévations suivantes :
Clilorliydralo d'ammoniaque . 1,077
Sulfhydrale de potasse .... 1,020
Nilrale de cuivre 1,012
Sulfate dépotasse 1,007
Sulfate de fer 0,989
Acide siilfurique 0,824
Sulfure de carbone 0,476
Hydrate de méthylène 0,359
Élhcr sulfurique 0,280 (a)
Ainsi la présence de certains sels
augmente l'action de la capillarité ,
tandis que d'autres substances du
même ordre produisent des efTels
contraires.
On voit aussi, par dos expériences
faites comparativement sur des disso-
lutions salines ei divers degrés de con-
centration, que dans certaines limites
au moins la modification détermi-
née dans l'ascension de l'eau par son
mélange avec des substances sol u blés
croît proportionnellement à la quan-
tité relative de ces dernières. Ainsi,
dans des expériences faites par Du-
trochet sur de l'eau cliargée de cblo-
rure de sodium, la hauteur de la
colonne était :
Pour l'eau pure 12
Pour la dissolution saline faible
(densité : 1,0G) 91
Pour la dissolution concentrée
(densité : 1,12) , . 61
Mais, à densités égales, les solu-
tions salines de nature ditférente ne
donnent pas des résultats seiiiblables.
Ainsi Dutrochet a vu que de l'eau
chargée de sulfate de soude ne s'éle-
vait qu'à 8 lignes dans les condi-
tions où celle cliargée de chlorure de
sodium, do incon à avoir la même
densité (savoir 1,085), montait à
10 lignes (ô).
Emmelt a trouvé aussi qu'il n'existe
aucune relation entre la densité de
l'eau alcoolisée et la hauteur à la-
quelle ce mélange s'élève dans les
tubes de verre ; ainsi il a obtenu :
Pour l'alcool 0,5
Pour un mélange de 83 parties
d'alcool et 100 parties d'eau. 6,7
Pour le même mélange étendu
de -, d'eau 10,5
Pour le premier mélange étendu
de 7 j d'eau 13
Pour l'eau pure 16
Par conséquent, l'addition d'une très
petite quantité d'alcool diminue beau-
coup le pouvoir ascensionnel de l'eau,
(a) Simon, Recherches sur la capillarité {Annales de chimie et de physique, 3" série, 1851,
t. XXXII, p. 15).
(h) Dutrochet, De l'endosmose (Mém. pour servir à l'histoire anatomique et pliysiologiqite des
Végétaux et des Animaux, t. I, p. 83 et suiv.).
ACTION DE LA CAPILLARITÉ. ' 69
nous occupe, et nous former une idée de la cause de ces
différences dans la puissance de ces agents physiques ?
Les attraclions moléculaires dont les effets de capillarité
et l'addition d'une quanlité assez con-
sidérable d'eau n'atigmenle que fort
peu la hauteur atteinte par l'ai -
cool (a). On voit, par les expériences
de M. Valson , que la présence de
~^ d'alcool produit sur une colonne
capillaire d'eau de /il""",i8 de liau-
teur une variation de O''"",^ (6).
On avait supposé d'aijord que la
densité relative du liquide et du so-
lide réagissants pouvait èire la cause
de la prédominance de Tatlraction
cohésive sur l'attraction adliésive, ou
vice versa; mais, ainsi que je l'ai fait
remarquer, il n'existe aucun rapport
constant entre la hauteur à laquelle
divers liquides s'élèvent dans un tube
de verre dont la densité ne varie pas
et la pesanteur spécifique de ces sub-
stances.
Il y a lieu de croire que la force de
cohésion des liquides peut être consi-
dérablement altérée , et par consé-
quent les actions capillaires modiliécs
par la présence de petites proportions
de certains corps étrangers.
.l'ai déjà parlé de la diminulion
considérable que la présence d'une
très petite proportion d'alcool déter-
mine dans la hauleur à laquelle l'eau
s'élève dans les tubes de verre, et
j'ajouterai que, par les expériences de
Dulong, on sait que le mercure mêlé
à une petite quantité d'oxyde de ce
métal, au lieu de se terminer par un
ménisque convexe dans l'intérieur des
tubes barométriques, devient adhérent
à leurs parois (c).
11 est aussi à noter que les effets de
la capillarité se compliquent par suite
de Tattraclion adhésive plus ou moins
puissante qui peut se développer entre
la surface du solide ou celle du liquide
et l'air atmosphérique. C'est pour
écarter l'obstacle créé de la .sorte
que les physiciens chaulïent préala-
blement les tubes en présence des
liquides sur lesquels ils veulent faire
leurs expériences, et les dillérences
dans la grandeur des résultats sont
parfois très considérables, lors même
que le gaz interposé ne serait pas vi-
sible. Comme exemple de l'inlluence
que cette circonstance peut exercer
sur les effets de l'attraction adhésive
entre le verre et certains liquides, je
citerai les faits observés par M. Donny
dans ses expériences ^ur l'acide sul-
fuiique. En plaçant sous le récipient
de la machine pneumatique un ma-
1 omètre rempli de ce liquide, et en
faisant le vide, il a vu l'acide rester
en suspension dans le tiibe, formant
cloche à une hauleur de l'",'25 au-
dessus du niveau du bain, lorsque
l'appareil était complètement purgé
d'air; tandis que dans le cas con-
traire, le niveau devenait le même
dans les deux brancb es de 'instru-
ment {d).
(a) Emnielt, On Capillary Altraclion (Philos. Maga%ine, 18-27, t. I, p. 335).,
(b) Valson, Sur la théorie de l'action capillaire [Comptes rendus de l' Académie des sciences,
1857, t. XLV.p. 103).
(c) Voyez Poisson, Nouvelle théorie de l'action capillaire, p. 291.
(d) Donny, HiUm. sur la cohésion des liquides et sur leur adhérence aux corps solides {Annales
de chimie et de physique, 3° série, 1840, t. XV(, p. 171).
70 ABSORPTION.
dépendent ne produisent des effets sensibles qu'à des distances
très petites, nous en avons eu des preuves multipliées ; mais ces
distances ne sont pas nulles, et, d'après l'analogie, nous devons
être porté à croire que la grandeur de ces effets doit varier avec
la grandeur de l'espace compris entre les particules de matière
réagissantes. Or, la physique nous enseigne que les molécules de
tous les corps, des solides aussi bien que des fluides, bien que
se touchant en apparence, sont en réalité placées à distance, et
que cette distance est suscephble de varier beaucoup , soit
d'un corps à un autre, soit dans le même corps à des tempéra-
tures différentes. Il est donc à présumer que l'intensité des effets
dus à la capillarité doit varier suivant trois conditions : 1" le
degré d'écartement des molécules du liquide , circonstance
qui, toutes choses étant égales d'ailleurs, détermine le degré
de cohésion de ce corps ; 2° la distance qui sépare les molécules
du liquide des molécules occupant la surfiice adjacente du solide,
distance dont l'augmentation déterminerait, suivant une certaine
loi, l'affaiblissement de l'action attractive exercée par ces molé-
cules hétérogènes les unes sur les autres; 3° enfin, l'écarté -
ment plus ou moins grand des molécules du solide entre elles,
circonstance qui ferait varier le nombre des molécules solides
dans la sphère d'attraction desquelles chaque molécule adja-
cente du liquide se trouverait placée, pour peu que le rayon
de cette sphère fût notablement plus grand que la distance
intermoléculaire , condition qui, dans la plupart des cas au
moins, parait être réaUsée (1).
(1) Ainsi que je l'ai déjà dit, La- et que dans certaines circonstances on
place et la plupart des physiciens de pourrait l'évaluer numériquement,
l'époque actuelle admettent que Fat- Un des arguments que ces auteurs
traction adhésive ne produit des effets emploient pour établir leur opinion est
sensibles qu'à des distances imper- tiré des expériences dans lesquelles on
ceptibles ; mais divers faits semblent mesure l'ascension de l'eau dans des
montrer que la sphère d'activité des tubes formés de substances difiérentes
corps solides est un peu plus étendue, et dont la surface interne a été préa-
ACTION CE LA CAPILLARITÉ. 71
Les résultats fournis par les expériences relatives à l'in-
fluence de la chaleur sur les effets de la capillarité viennent à
l'appui de ces vues. On sait depuis longtemps que ces effets
diminuent généralement avec l'élévation delà température;
mais c'est dans ces derniers temps seulement que les variations
déterminées de la sorte ont été l'objet de recherches attentives,
et les faits constatés ainsi par un des jeunes docteurs de notre
Faculté, M. Wolf, offrent beaucoup d'intérêt. Ce physicien a
lablenient mouillée. La couche mince
du liquide qui y reste adhérente forme
un cylindre creux dans l'intérieur du-
quel l'eau du bain monte lorsqu'on
plonge l'extrémité inférieure du tube
dans ce dernier liquide. Or, on n'avait
aperçu dans ces cas aucune difléience
dans la hauteur de la colonne d'eau
soulevée par des tubes de nature diffé-
rente, et par conséquent on admet-
tait que l'élévation du liquide était
duc uniquement à l'action de la
gaîno aqueuse dont le tube solide
était revêtu, et que l'écartement dé-
terminé par la présence de cette lame
liquide extrêmement mince, entre la
colonne aqueuse soulevée et les parois
du tube, suffisait pour soustraire com-
plètement la première à l'influence de
celui-ci; influence qui, en variant avec
la nature de la substance conslilulive
de l'appareil, aurait amené des dilfé-
rences dans les hauteurs observées.
Mais si les choses se passent ainsi
dans quelques cas, il n'en est pas tou-
jours de même, et dans d'autres cir-
constances on a vu l'action attractive
du Solide sur le liquide se manifester
à travers la couche mince en question,
et s'exercer par conséquent à une
distance appréciable. Ainsi, dans les
expériences de M. Linck , faites sur
des lames parallèles de diverses na-
tures et préalablement mouillées,
l'ascension du liquide est restée à peu
près la mèuie quand c'était de l'eau
qui se trouvait en contact soit avec du
verre, du zinc ou du cuivre; mais la
hauteur à laquelle l'alcool, l'éther sul-
furique, la potasse en dissolution, l'a-
cide sulfurique, etc., s'élevaient entre
les la mes également écartées, varia très
notablement, suivant qu'on employait
l'une ou l'autre de ces substances.
Par exemple, elle était pour l'alcool,
8 avec le verre , 9,5 avec le zinc, et
10 avec le cuivre. Tour l'acide sul-
furique, elle était de 11,0 pour le
verre ou le cuivre, et de 15,0 avec
le zinc (a).
Les recherches de M. Bède condui-
sent à un résultat analogue. Ce phy-
sicien a trouvé que les hauteurs
observées dans les expériences com-
peualives sur l'ascension de l'eau ,
dans les tubes capillaires de ditlérents
calibres, ne s'accordent pas exacte-
ment avec celles indiquées par le
calcul ; et M. Plateau a fait remarquer
que, pour se rendre compte de ces ano-
(a) Lincls, Forlgeset:ite Versuche iiber die Capillaritdt (Pojgeiiiioi-fr's Annalen der Physik und
Chenue, 1834, t. XXXI, p. 595 el suiv.).
72 ABSORPTION.
constaté que l'élévation de la température produit des change-
ments si considérables dans la résullante des diverses forces
dont dépend l'ascension des liquides dans les tubes de verre à
cavité capillaire, que la surface terminale du fluide placé dans
l'intérieur de ceux-ci peut, sous l'influence de cet agent, cesser
malies, il fallaitdéduiredii diamèlre du
tuyau l'épaisseur de la couche de li-
quide qui adhère directemenlau verre,
et quicoustitue pour ainsi dire un luhe
aqueux dans rinlérieur duquel le cy-
lindre fluide s'élève en vertu de Pal-
traction de l'eau sur elle-même. Or,
pour faire coïncider de la sorte les
résultats de l'observation et du cal-
cul, il faut attribuer à cette couche
adhérente une épaisseur constante
d'environ 0""",0()]. Par conséquent,
les effets sensibles de l'attraction du
verre sur les molécules de l'eau s'é-
tendraient dans ces circonstances à
une distance de ~^, de millimètre (a).
Si les expériences de Simon sur
l'ascension comparative des liquides à
la surface de lames planes et dans
l'intérieur de tubes capillaires sont
exactes, on serait porté à croire que
cette sphère d'activité sensible est en-
core plus étendue. Ainsi que je l'ai dit
ci-dessus , dans l'hypothèse adoptée
par Laplace et la plupart des antres
physiciens, les rapports de hauteur du
liquide déplacé entre deux plans pa-
rallèles et dans l'intérieur d'un tube
cylindrique seraient à peu près dans la
proportion de l à '2. Mais Simon a
trouvé la hauteur relative beaucoup
plus grande dans ces derniers, et,
suivant lui, les ascensions entre les
glaces et dans les tubes seraient
dans les rapports du diamètre à la
circonférence, c'est-à-dire à peu près
comme o est à 1 (6). Or cela sem-
blerait indiquer que l'action attrac-
tive du verre s'étend à une certaine
distance sensible ; de sorte que cette
attraction exercée par chaque molé-
cule de ces corps produirait des ofl'ets
appréciables non-seulement sur le fdet
linéaire du liquide normal à la surface
de celui-ci, mais sur les filets circon-
voisins. La molécule du liquide située
à une certaine distance de la surface
attractive seiait donc sollicitée par
l'action combinée d'un nombre plus ou
moins considérable de molécules du
solide ; circonstance qui permettrait
à la forme de cette surface d'influer
sur la j^randeur de la résultante, et qui
amènerait la production d'effets plus
considérables dans l'intérieur d'un
cercle qu'entre deux surfaces planes
et parallèles. Mais je ne signale ici ces
résultats qu'avec beaucoup de réserve,
à cause des objections qui peuvent
être faites au procédé expérimental
dont Simon faisait usage. Il est aussi
.'i noter que , d'après la théorie de
Gauss, la diirérenco entre les altitudes
déterminées par un tube capillaire ou
par deux plans parallèles dont la dis-
tance égale le diamètre du tube serait
(a) Bède, Mémoire sur l'asLxns'wn de l'eau et. la dépression du mercure dans les titbes capil-
laires, p. i\ {mémoires couronnes par l'Académie de Bruxelles, 1853, t. XXV).
(6) Simon, liecherches sur la capillarité [Annales de chimie et de physique, 3" série, 485-1,
t. XXXIl, p. 19).
ACTION DE LA CAPILLARITÉ. 73
d'être concave et devenir plane, ou même se transformer en
un ménisque convexe, et que par conséquent le niveau de
la colonne terminé de la sorte, au lieu de se trouver à une
hauteur plus ou moins considérable au-dessus du niveau de la
surface générale du bain circonvoisin, pourra descendre au-
dessous de ce même niveau (1).
précisément la moitié du rapport
trouvé par Simon, savoir : 1,57 : 1
au lieu de 3, là : 1 («).
(1) Le fait de la diminulion des
effets de capillarité par l'élévation de
la température a été indiqué som-
mairement, il y a près d'un sii-cle,
par de la Lande (6), et a été mieux
observé par Emmett (c). Plus récem-
ment . de nouvelles recherches à ce
sujet ont été faites par plusieurs phy-
siciens de l'Allemagne (d) ; mais ce
sont les expériences de M. Wolf qui,
dans ces derniers temps, ont conduit
aux résultats les plus inléressants.
D'après les théories mathématiques de
Laplace et de Poisson, on avait été
assez généralement conduit à penser
que, pour chaque liquide susceptible
de mouiller les tubes, l'ascension de-
vait être en raison inverse de la den-
sité de cette substance ; mais celte loi
n'est pas en accord avec l'expérience.
Effectivement, M. Wolf a constaté que
non-seulement le décroissement des
hauteurs avec l'élévation de la tempé-
rature est beaucoup plus rapide que
la diminution de la densité, mais qu'il
n'existe même entre ces deux phéno-
mènes aucun rapport constant. En
effet, la hauteur de la colonne déplacée
peut diminuer quand la densité aug-
mente, et inversement. Ainsi, au-
dessous de /i degrés, l'élévation delà
colonne capillaire d'eau croît rapide-
ment avec l'abaissement de la tem-
pérature, et cependant la densité du
liquide diminue.
A une certaine température, l'élé-
vation des liquides qui mouillent les
(a) Gilbert, Noie sur la théorie des phénomènes capillaires (Comptes rendus de l'Académie des
sciences, 1857, t. XLV, p. 771).
(6) De la Lande, Lettre sur les tubes capillaires {Journal des savants , 1768, p. lii).
(c) J.-B. EmmeU, On Capillary Attraction (The Philosophical Magazine, 2' série, 1827, t. T,
p. H6).
(d) Franlienheini, Die Lehre von der Cohâsion, 1835, p. 12â et suiv.
— Sondliauss, Deviquam calor habet in fluidorum capillaritale. Dissert, inaug-., 1841 (Erdm.
et Mardi., t. XXIII, p. 401).
. — HilJebrand, De cohœsiouis et ponderis spccifici commulalionibns quœ innonnullis jluidis
vi coloris efflciuntur. Dissert, inaiig., 1844.
— A. Moritz, Einige Bemerkungen itber Coulomb' s Verfahren, die Cohâsion der Flûssigkeiten zu
bestimmen (PoggendorfTs Annalen der Physikund Chemie, 1847, t. LXX, p. 74, el Archives des
sciences physiques et naturelles de Genève, 1847, t. IV, p. 391).
— Brunner, Untersuchungen iiber die Cohâsion der Flûssigkeiten (PoggendorfCs Annalen der
Physik «Hd Chemie, 1847, t. LXX, p. 481).
— Holtzmann, Ueber die Cohâsion des Wassers (Pot^gendorfTs Annalen, 1849, t. LXXI,
p. 463).
— Buys-Ballot, Ueber den Einfluss der Temperatur aufdie Synaphie (Poggendorff's Annalen,
1. LXXI, p. 177).
— Frankenheim, Ueber die Abhàngigkeit einiger Cohdsionserscheinungen [Iv.ssiger Kôrper von
der Temperatur (PoggendorfTs, Annalaii, t, LXXII, p. 177).
lll ABSORPTION.
Au premier abord, on pourrait être porté à attribuer cette
décroissance dans les effets de l'attraction adhésive du verre
sur l'eau, ou sur tout autre liquide qui dans les circonstances
ordinaires est susceptible de mouiller la surface de ce corps
solide, à la diminution de la densité que l'élévation de la tem-
pérature détermine dans le liquide, c'est-à-dire à l'écartement
plus considérable des molécules de celui-ci et à aucune autre
cause. Les théories mathématiques de l'action capillaire in-
ventées par Laplace et par Poisson le supposaient, et con-
duisaient à admettre que les liquides susceptibles de mouiller
les tubes capillaires s'y élevaient à des hauteurs proportion-
nellement inverses à leurs densités; mais l'expérience a
montré que les choses ne se passent pas de la sorte. La
diminution dans la hauteur de la colonne soulevée n'est pas
en raison de la diminution que l'élévation de la température
amène dans la densité du liquide, et dans certaines circonstances
ces deux phénomènes peuvent suivre une marche inverse.
Il faut donc chercher une autre explication du mode d'action
de la chaleur, et, pour en trouver la clef, il suffit, ce me semble,
de faire entrer dans la question un autre élément du même
paroisdu tube capillaire devient nulle, lions de pression qui empêchaient la
et la colonne contenue dans rintérieur transformation de ces liquides en
de ces tuyaux, au lieu de se terminer vapeur (a).
par une surface concave, présente une II est également à noter que Télé-
surface plane, ou peut même affecter vation plus ou moins grande de la
la forme d'nn ménisque convexe, et colonne liquide, suivant la tempéra-
descendre alors au-dessous du niveau turc, dépend essentiellement de la
général du bain. M. Wolf a constaté température de la portion voisine de
ces faits en observant la marche de la surface, et n'est influencée que peu
Péther sulfurique, du sulfure de car- par celle des parties inférieures du
bone, de Talcool, etc., à des tempe- cylindre fluide contenu dans le
ratures élevées et dans des condi- tube {h).
(a) Wolf, De l'influence de la température sur les phénomènes qui se passent dans les tubes
eapillaires. Thèses, Faculté des sciences de Paris, 4856, n° 199. (Reproduite dans les Annales de
ehimie et de physique, 3» série, 1857, t. XLIX, p. 230.)
(&) Enimett, Op. cit. {Pliilosophkal Magaùne, 4827, 1. 1, p. 332).
ACTION DE LA CAPILLARITE. 75
ordre dont les physiciens ne me paraissent pas avoir tenu
compte, savoir, l'écartement que l'élévation de la température
doit déterminer entre les molécules du solide et du liquide
qui se trouvent en contact apparent. Effectivement, l'augmen-
lation produite de la sorte dans la distance comprise entre
la molécule du verre et la molécule de l'eau qui réagissent
l'une sur l'autre doit entraîner une décroissance plus ou moins
rapide dans les actions attractives réciproques exercées par
ces moléculea, et suivant la valeur relative du coefficient de
la dilatation produite par la chaleur dans le système hétéro-
gène formé de ces deux molécules comparé à celui de la
dilatation du liquide considéré en lui-même , les conditions
dont nous avons vu dépendre le caractère des effets capillaires
pourrait changer.
Ceci nous permet de concevoir comment, à la température
ordinaire, les différences que nous avons rencontrées dans l'ac-
tion attractive d'un môme solide sur divers liquides, ou de di-
vers sohdes sur un même liquide, peuvent exister, sans que pour
expliquer ces phénomènes il faille supposer que cette force molé-
culaire varie avec la nature des corps réagissants, hypothèse
qui cadrerait mal avec la simplicité ordinaire des agents phy-
siques. En effet, nous savons que le coefficient de la dilatation
peut varier suivant la nature soit des solides, soit des liquides;
il est donc légitime de supposer que le coefficient de l'écartement,
c'est-à-dire l'augmentation de la distance imperceptible qui
existe entre deux corps en contact apparent, un solide et un
hquide, par exemple, correspondant à un accroissement donné
de température, puisse varier aussi avec la nature de ces corps.
Admettons donc que le coefficient de la dilatation de l'eau soit
beaucoup plus petit que celui de l'écartement ou de l'accroisse-
ment de l'espace compris entre les surfaces de jonction appa-
rente de l'eau et du verre; il arrivera un moment où, par l'élé-
vation de la température sous une pression extérieure suffisante
76 ABSORPTION.
pour empêcher la volatilisation du liquide, l'attraction adhésive
du verre, diminuant avec l'augmentation de la distance comprise
entre les molécules du verre et les molécules adjacentes du
liquide, deviendra trop faible pour balancer l'attraction cohésive
des molécules de l'eau, et alors celles-ci, obéissant aux lois
d'équilibre indiquées précédemment, se grouperont de façon à
présenter en dessus une surface convexe, conditions dans les-
quelles la colonne fluide logée dans le tube capillaire devra
s'abaisser au-dessous du niveau général du bain, au lieu de
s'élever à un niveau supérieur. Or, les expériences de M. Wolf
prouvent que ces conditions sont réalisées pour l'éther sulfu-
rique et le verre à une température de 191 degrés ; et pour l'eau
le même résultat paraît être produit à une température infé-
rieure au rouge, car on sait que des gouttes de ce liquide
projetées sur une plaque de fer fortement chauffée ne s'y
étalent pas, mais conservent leur forme sphérique jusqu'à ce
qu'elles se soient réduites en vapeur, phénomène qui me paraît
être du même ordre que ceux dont l'élude nous occupe en ce
moment (1).
Ainsi la différence qui se remarque entre l'action capillaire
du verre sur l'eau ou sur le mercure semble devoir dépendre
seulementde ce que la distance à laquelle la puissance attractive
du verre devient inférieure à la moitié de la puissance cohésive
du liquide adjacent est atteinte par l'influence dilatante de la
chaleur à la température ordinaire dans un cas, et seulement
à une température voisine de la chaleur rouge dans l'autre.
Quant à la nature des puissances qui entrent en jeu pour
produire les phénomènes dont l'étude vient de nous occuper,
je ne pourrais rien préciser ; mais il est à noter que ces attrac-
(1) C'est de la sorte que les phéno- nom d'état sphéroïdal me paraissent
mènes désignés par Boutigny sous le devoir être expliqués (a).
[a] Boutigny, Nouvelle branche de physique, ou Etudef^ sur les corps à l'état sphéroïdal, 1 847, ■
ACTION DE LA CAPILLARITÉ. 77
tions physiques diffèrent moins de l'aftinité chimique qu'on ne
serait porté à le supposer au premier abord , et beaucoup de
faits tendent même à faire penser que toutes ces actions molé-
culaires ne dépendent que d'une force unique. Ainsi M. Pouillet
a constaté que toutes les fois qu'un corps solide quelconque vient
à être mouillé par un liquide, l'union qui s'établit ainsi entre les
molécules hétérogènes est accompagnée d'un dégagement de
chaleur, comme le sont les combinaisons chimiques (1). Et, plus
récemment, d'autres expérimentateurs, en étudiant l'action que
divers liquides non miscibles exercent les uns sur les autres,
ont découvert des faits qui semblent indiquer l'existence de
certaines relations entre l'affinité chimique et l'attraction adhé-
sive (2).
(1) Ce physicien a fait des expé-
riences sur un nombre considérable
de corps, et il a trouvé que Téléva-
lion de lempéralure est à peu près la
même pour les diirérents solides avec
le même liquide, et pour le même
solide avec les liquides différents (a).
(2) On doit à M. VVilson, professeur
dechimie à Edimbourg, une série d'ob-
servations très intéressantes sur les
actions capillaires produites par divers
liquides les uns sur les an très. Elles ten-
dent à établir l'existence d'une liaison
intime entre l'attraction adbésive et
l'affinité chimique, ou plutôt à faire
penser que les effets mécaniques et
chimiques dus aux actions molécu-
laires ne dépendent que d'une seule
et même force. Quand on laisse tom-
ber dans de l'eau une goutte de chlo-
roforme, celle-ci ne se mouille que
difficilement, et à raison de sa den-
sité supérieure à celle du liquide am-
biant, descend vers le fond du vase
en y conservant une surface convexe
et une grande mobilité ; mais si l'on
ajoute à l'eau du bain un peu de po-
tasse, de soude ou d'ammoniaque, on
voit aussitôt le globule de chloroforme
s'aplatir et s'étaler en forme de disque
mince; puis, si l'on neutralise l'alcali
par un acide, le chloroforme reprend
sa forme arrondie. Des phénomènes
analogues se produisent dans les tubes
capillaires : le chloroforme s'élève
dans ceux-ci à une certaine hauteur,
et s'y termine par un ménisque con-
cave ; mais si l'on verse soit de l'eau,
soit de l'acide sulfurique étendu ou
une autre dissolution analogue sur la
surface du liquide ainsi suspendu dans
le tube, cette surface change immé-
diatement de forme et devient con-
vexe ; enfin si au lieu d'acide on verse
une dissolution alcaline sur la colonne
capillaire, on voit la surface de celle-ci
(a) Pouillet, Sur de nouveaux phénomènes de production de chaleur {Annales de chimie et de
physique, 1822, t. XX, p. 1-il).
78 ABSORPTION.
J'ajouterai que l'étal électrique des corps réagissants exerce,
de même que la chaleur, une grande influence sur la puissance
de leur attraction adhésive (1). Ainsi, quand un courant galva-
nique d'une certaine intensité passe de l'électrode positive dans
une goutte d'eau, et de là dans un bain de mercure, pour se
rendre au pôle négatif de la pile, l'eau, au lieu de conserver
sa forme sphérique, s'étale en lame plus ou moins mince, et
devenir presque plane. La liqueur des
Hollandais et le sulfure de carbone
se comporlent de même , et Ton
observe des phénomènes analogues
quand on met dans un bain laniôt
alcalinisé , tantôt acidulé , diverses
essences, telles que l'essence de gi-
rofle, de sassafras, etc., et même le
brome (a).
M. Swan a vérifié les résultats ob-
tenus par M. Wilson, et a constaté des
faits du même ordre en étudiant les
rapports qui s'établissent entre l'huile
d'olive et de l'eau, des dissolutions
alcalines ou acides, de l'alcool ou de
l'élher. Enfm , ce physicien a montré
que les changements observés dans la
forme du ménisque dans les tubes
capillaires, sous l'influence de tel ou
tel réactif, ne dépendent ni de l'at-
traction adhésive existant entre ces
derniers liquides et les parois du tube,
ni de la densité relative des liquides
en présence, et ne peuvent être attri-
bués qu'aux propriétés chimiques de
ceux-ci (6).
Je rappellerai aussi, à celte occa-
sion, les différences qui se remar-
quent dans les relations qui existent
souvent entre l'aptitude d'un liquide
à mouiller im solide et à le dissoudre.
Chacun sait que le mercure ne mouille
ni le verre, ni le fer, et ne peut dis-
soudre ni l'un ni l'autre de ces corps ;
mais il mouille l'argent, l'or, le plomb,
1 etain, etc., avec lesquels il forme des
amalgames liquides, il paraîtrait aussi,
d'après les expériences de Ouyton-
Morveau, que la force nécessaire pour
séparer de la surface d'un bain de
mercure des disques mélalliques de
nature différente croît proportion-
nellement à l'aplilude des métaux à
former des amalgames (c).
(i) Vers le milieu du siècle dernier,
Boze et JNollet virent que la vitesse
avec laquelle l'eau s'écoule d'un tube
capillaire sous une charge constante,
augmente beaucoup quand on élec-
Irise le vaisseau, et que le change-
ment produit de la sorte est d'autant
plus marqué, que le conduit est plus
étroit (d). Or, ce qui relarde l'écou-
lement dans ces tubes, c'est l'adhé-
(a) C. Wilson, On somc Phenomena of Capillary AltracHon observed with Cliloroform, Bimlphu-
ret of Carbon and other Liquids {Quarterhj Journal of Chemical Science, 1849, t. I, p. 174).
(6) W. Swan, On certain Phenomena of Capillary Attraclion exhibited by Chloroform, the flxed
Oils and other Liquids, ivith an Inquiry into some of Ihe Causes which modify the Form of the
inutual surface of two immiscible Liquids in contact with the walls of the vessel in which tliey
are contained (Philos. Magazine, 1848, t. XXXIII, p- 36).
(c) Guyton-Morveau, art. Adhérence et Adhésion de l'Encyclopédie par ordre de matières {Chi-
mie, t. I, p. 466).
[d) NoUet, Des effets de l'électricité sur les corps organisés {Hist. de l'Acad, des sciences, 1748,
p. 2, et suiv.).
ACTION DE LA CAPILLARITÉ. 79
mouille la surface adjacente du mêlai, il y a même des raisons
pour croire que les corps qui adhèrent entre eux sont dans un
état électrique différent, et quelques physiciens pensent même
que l'attraction qui est alors en jeu n'est autre chose que la
force électrique, de sorte que les phénomènes de capillarité
dépendraient de cet agent (1); mais ce sont là des vues de
l'esprit dont nous n'avons pas à nous occuper ici.
rence du liquide aux parois du canal.
Plus récemment, Fisclier (de Bres-
au) a conslatc que lorsqu'il existe
dans les parois d'un vase de verre des
fêlures d'une si grande finesse, que
dans les circonstances ordinaires les
liquides ne peuvent traverser ces
fentes, ni pour se mettre en équilibre
hydrostatique avec le milieu ambiant,
ni pour obéir à des attractions chimi-
ques, le passage de ces substances
peut être déterminé par l'action du
galvanisme. Ainsi, une dissolution
d'azotate d'argent renfermée dans un
vase étoile de la sorte et plongé dans
un bain d'eau peut y rester pendant
plusieurs jours sans que la moindre
parcelle du sel d'argent passe dans
l'eau du bain extérieur ; mais dès
qu'on vient à y établir im courant
galvanique, la transsudation du sel
d'argent dans le liquide extérieur
s'effectue (c).
(1) M. Draper, professeur de chi-
mie à New-York, a proposé une nou-
velle théorie des attractions capillaires
qui ne changerait rien aux conditions
d'équilibre dont i! a été question ci-
dessus, mais qui attribuerait à l'état
électrique des corps en contact la
force attractive en vertu de laquelle
ils adhèrent ou n'adhèrent pas entre
eux. Il cite, à l'appui de son opinion,
diverses expériences dans lesquelles
on peut constater que les corps qui
ont contracté entre eux une cer-
taine adhérence donnent des signes •
d'électricité différente : ou bien encore
qui montrent qu'en troublant l'état
électrique normal des corps juxta-
posés, on peut modifier les effets de
capillarité produits par ce contact.
Ainsi, quand on place du mercure
dans un verre de montre, et qu'on
dépose sur ce métal une petite goutte
d"eau , celle-ci conserve une forme à
peu près sphérique; mais si l'on met
le mercure en communication avec
l'électrode négative, et la goutte d'eau
en communication avec le pôle posi-
tif d'une pile d'une certaine puis-
sance, on voit l'eau s'aplatir en forme
de disque et mouiller le mercure. Si
l'on place du mercure dans un tube en
U, dont l'une des branches est capil-
laire, le métal, comme on le sait,
s'élève moins haut dans celte branche
que dans l'autre ; mais si, après avoir
versé un peu d'eau sur la surface du
mercure ainsi déprimée dans la bran-
che capillaire, et avoir plongé dans
cette eau l'extrémité d'un fil conduc-
teur en connexion avec le pôle positif
d'une pile, on fait communiquer
(a) Fischer, Ueber das Verkalten der Rme in Glâsern su den darin enthaltenen Flûssigkeiten
(PoggeniorS' s Annalen, 1827, t. X, p. 480).
80 ABSORPTION.
En résumé , nous voyons donc que les effets capillaires
dépendent des rapports qui existent entre la cohésion , c'est-
à-dire la force d'attraction des liquides pour eux - mêmes ,
l'attraction adhésive exercée sur ceux-ci par les solides adja-
cents, enfin la pesanteur du liquide déplacé; que les forces
attractives qui réagissent ainsi ne produisent des effets sensibles
qu'à des distances insensibles, et que la grandeur de chacune
d'elles paraît être liée à la distance qui sépare entre elles les
molécules réagissantes.
imbibi.ion § o. — Nous avons vu aussi que la forme des cavités cir-
capmadté. consentes par les corps solides, et ouvertes aux liquides, pouvait
influer beaucoup sur la grandeur apparente des effets produits
de la sorte , mais ne changeait rien au caractère essentiel du
phénomène. Nous pouvons donc prévoir que si nous substituons
aux tubes capillaires dont nous avons fait usage dans les expé-
riences précédentes des corps criblés de petites cavités en
communication les unes avec les autres et ouvertes au dehors,
par exemple une certaine masse formée de grains de sable
amoncelés ou de fragments de verre réduits en poudre llne, on
obtiendra des effets analogues, car ces corpuscules ne se tou-
cheront que très incomplètement, et laisseront entre eux des
passages étroits et irréguliers dont les surfaces pourront agir
l'éleclrode négative avec le mercure répulsive qui balance plus ou inoins
contenu dans la grande branche de l'attraction moléculaire est soumis à
l'appareil, on voit aussitôt le métal riufluence de l'électricité aussi bien
s'élever dans la branche opposée, puis qu'à celle de la chaleur, et contribue
redescendre à son niveau primitif, ainsi à faire varier le degré d'écarte-
quand on interrompt le circuit (a). meut des molécules hétérogènes, qui.
Ces faits sont intéressants , mais en s'attirant, produisent des effets de
ils me paraissent indiquer seulement capillarité.
que le développement de la puissance
(a) J. W. Draper, Is Capillanj Attraction an Electric Pheiwmenon'! [Philos. Magazine, 3- série,
1845, t. XXVI, p. 185 et suiv.l.
JMBIBITION PAR CAPILLARITÉ. 81
à la manière de celles* des tuyaux fins dont je viens de
parler (1).
Or, tous les tissus organiques de l'économie animale res-
semblent plus ou moins à ces substances poreuses: leurs parties
(1) Comme exemples de rélévaliou limèlres; enfin dans la scinre de bois,
des liquides à diverses hauteurs dans i'ean n'est montée qu"à 60 millimè-
des masses poreuses de ce genre, je très, tandis que Talcool s"est élevé à
citerai les résultats obtenus récem- 125 millimètres.
ment par M. Matteucci , en immer- Un autre fait conslaté par le même
géant dans des bains de nature difTé- physicien est moins facile à com-
rente, mais de même densité, des prendre, car il est en opposition avec
tubes remplis de sable fin. Los leni- ce que nous avons vu précédemment
pératures étant les mêmes, Timbibi- touchant Tinfluence de la température
lion, au bout d'un temps donné, s'est sur les effets de capillarité. En com-
étendue aux hauteurs suivantes : parant l'ascension de l'eau dans des
M I „ ci.ei li'bes remplis de sable, M. .Matteucci a
SoluliondeearbonaledesouJe. . 85 ^"" q'"^ l'élévation du liquide était
Solution de sulfate de cuivre . . 75 beaucoup plus rapide à la température
Sérum 70 de 55° qu'à 15" : au bout de soixante-
Soiution de carbonate d'animo- dix secondes les doux hauteurs étaient
niaque 02 de 10 et de G millimètres, et au bout
^^" ''•^''"'^'= ^^ de onze minutes l'eau chaude était
Solution de sel marin 58 ^^^^^^^.^ .., j^^- ,„i||i,„^.,,es^ ta,jdi3 ^„e
Blanc d'œuf étendu de son vo- ,. ^ ., ,. . ,,.„.,
leau froide n était encore qu a 12 mil-
lume d eau Sa
Lait 55 l'mèlres(a).
Magendie avait déjà remarqué des
On remarquera que dans le sable différences analogues dans la rapidité
les effets relatifs de la capillarité sur avec laquelle des substances d'origine
ces diverses substances ne sont pas les organique (du linge, par exemple)
mêmes que dans les tubes capillaires s'imbibent d'eau à la température
de verre. En remplaçant le sable tan- de 15° ou à celle de 60° (6).
tôt par du verre pilé, d'autres fois par II est à présumer que l'élévation de
de la sciure de bois, et en employant la température, en diminuant l'adhé-
comparalivement de l'eau distillée et sion des grains de sable entre eux,
de l'alcool, M. Matteucci a observé des avait augmenté le nombre des voies
différences encore plus grandes. Dans capillaires aptes à pomper l'eau. Ce
le verre pilé, l'eau s'est élevée à serait probablement un phénomène
182 millimètres et n'a dépassé l'alcool analogue à celui qui paraît se mani-
que de 7 millimètres; dans le sable, festcr dans les métaux, quand ceux-ci,
l'eau n'est montée qu'à 175 milli- étant dilatés par l'action d'une très
mètres et a dépassé l'alcool de 90 mil- forte chaleur, paraissent devenir per-
(a) Matteucci, Leçons sur les phénomènes physiques de la vie.
(b) Magendie, Leçons sur les phénomènes physiques de la vie, 1836, t. I, p. 27.
V- 6
Pouvoir
absorbant
des lissus
organiques.
32 ABSORPTION.
*
constitutives laissent toujours entre elles des espaces <|ui tantôt
sont visibles pour l'œil , mais qui d'autres fois sont si étroits,
que nous ne pouvons les apercevoir, mênae avec le secom^s du
mieroseope, et qui forment par leur réunion un système de ca-
vités capillaires dont les parois agissent sur les liquides adjacents
à la manière des tubes et des lames dont nous venons d'étudier
la puissance attractive.
C'est à raison de ce mode d'action que l'huile d'une lampe
monte dans la mèche de coton dont on garnit cet appareil; et,
pour mettre ce phénomène encore mieux en évidence, il suffît
de disposer en manière de siphon un gros écheveau de filaments
de la même matière, car on parvient ainsi à faire monter l'eau
par-dessus le bord du vase qui la contient, et à vider celui-ci
plus ou moins rapidement (1).
C'est aussi en majeure partie de l'action capillaire que dépend
le gonflement qui s'opère dans la plupart des tissus animaux,
lorsque, après avoir été desséchés, ils se trouvent en contact
avee t'eau. Le hquide s'introduit alors dans les interstices de
leur substance, comme il monterait dans un système de tubes
de verre de très petit calibre; mais le fluide qui pénètre dans
chacune de ces cavités et s'y accumule, exerce, à raison de sa
cohésion, une certaine pression sur les parois de celles-ci ; ces
parois sont extensibles, et par conséquent, au lieu de conserver
son diamètre initial, chacun de ces filets liquides s'élargit et dis-
tend l'espèce de réservoir où il s'est logé. Le tissu augmente
méables pour certains corps étrangers
et s'en imbibent (a).
(1) Cette expérience est bonne pour
démontrer, dans un cours public ,
l'action des attractions moléculaires ;
mais le résultat obtenu ne dépend pas
seulement des forces de cet ordre, et
se trouve compliqué par la pression
atmosphérique: ainsi, dans le vide, la
mèche s'imbiberait sans donner lieu
à un courant allant du vase à l'ex-
térieur.
(a) Henry, Observations on Capillarily {Proceedings of ihe American physioloyical Society, et
Philos. Magaz., 1846, t. XXVIII, p. 343).
■ — Horsford, On the Permeability of Metals to Mercury (Sillinian's American Joiirn. of Scienc,
4852, t. XIII, p. 305).
— Niolès, Sur la perméabilité des métaux par le mercure [Comptes rendus de l'Académie des
sciences, 1853, t. XXXVI, p. 1 54).
IMBIBITIO' PAR CAPILLARITÉ. 83
donc de volume, et oppose d'autant plus de résistance à l'intro-
duction de nouvelles quantités d'eau, que son élasticité a été
plus fortement mise en jeu.
Pour constater que la turgescence des tissus organiques ainsi
gorgés d'eau est due principalement à l'action des fondes pliy-
siques dont l'étude vient de nous occuper, il suffit de prendre
en considération les résultais fournis par une série d'expé-
riences dues à M. Chevreul. Effectivement, ce chimiste a fait
voir que, par l'emploi de forces mécaniques, on pouvait enlever
à la chair musculaire, aux tendons, au tissu jaune élastique,
aux membranes et à la plupart des autres parties de l'économie
animale , une quantité considérable de l'eau interposée dans
leur substance; que, desséchés de la sorte, ces tissus se res-
serraient, devenaient transparents, et perdaient la plupart de
leurs propriétés physiques les plus importantes ; mais que, mis
en contact avec l'eau, ils s'en imbibaient de nouveau, se gon-
flaient et reprenaient leur aspect accoutumé (i).
Si l'on chasse l'eau des tissus organiques par l'emploi de
forces plus grandes, mais qui ne sont cependant pas de nature
à détruire les combinaisons chimiques que cette substance
pourrait avoir contractées avec la matière constitutive de ces
corps , on fait subir à ceux-ci des pertes encore plus considé-
(1) M. Chevreul a vu que les ten- sieurs fois de suite sans qu'il en ré-
dons, eu se desséchant, diminuent suite aucune altération appréciable
beaucoup de volume, surtout dans le dans leur substance. La quantité d'eau
sens de leur épaisseur; ils perdent qu'un tendon frais perd par l'exposi-
leur blancheur, leur éclat satiné, leur tion à l'air ou dans le vide sec est, en
extrême souplesse et deviennent jau- général, d'environ 50 p. 100 de son
nâtres,demi-transpnrenls et beaucoup poids; quelquefois plus de 60 p. 100.
moins élastiques que dans l'état frais; Après avoir été desséché, il peut ab-
mais que si on les plonge dans l'eau, sorber beaucoup plus d'eau qu'il n'en
ils reprennent peu à peu leurs pro- renferme naturellement. Parla des-
priétés premières, et ces changements siccation, la fibre musculaire se réduit
alternatifs peuvent être effectués plu- à environ 1/5^ de son poids initial {a).
(a) Clievreul, De l'influence que l'eau exerce sur plusieurs substances azotées solides (Annales
de chimie et de physique, 1821, t. XIX, p. 33).
84 ABSORPTION.
rables. Ainsi, par la dessiccation à l'air libre, ou mieux encore
dans le vide seiî, on parvient souvent à enlever à ces tissus
moitié plus d'eau qu'on ne l'avait fait au moyen de la pression
mécanique (1) : et cela se comprend facilement; car le liquide
qui a pénétré entre les molécules du solide ou qui adhère direc-
tement à la surface des aréoles plus grandes dont la substance
de celui-ci est creusée, y est retenu avec bien plus de force que
celui qui, à raison de sa cohésion seulement, a été entraîné par
son envelop|)e fluide dans l'intérieur de ces cavités. Ce que l'on
chasse d'abord, c'est donc l'eau qui occupe le centre ou l'axe
des filets liquides logés dans les interstices du tissu , et ce qui
reste le plus obstinément, c'est la couche périphérique de ces
mêmes filets.
On verra bientôt pourquoi j'insiste sur cette circonstance (2).
Les attractions moléculaires qui déterminent cette union entre
l'eau et les tissus organiques, tant animaux que végétaux,- sont
très puissantes. x4insi, chacun sait qu'un coin de bois enfoncé
dans une fissin^e de rocher se gonfle avec tant de force en
s'imbibant d'eau, qu'il fait souvent éclater la pierre, et qu'une
corde, en se mouillant, se tend de façon à développer une force
énorme. Il est aussi à remarquer que ces actions moléculaires
sont accompagnées d'un dégagement de chaleur qui est souvent
assez considérable, et qui semble indiquer l'existence d'une cer-
taine condensation de la matière sur laquelle ces forces s'exer-
cent (3). Enfin la puissance des effets produits de la sorte res-
(1) En sonmellant à l'action môcani- M. Ponillet, dont j'ai déjà eu l'occa-
qiie d'une presse à papier des tendons sion de parler, la soie, h laine, les
frais, ces tissus ont perdu 37 pour peaux , les membranes de l'esto-
100 de leur poids; tandis que par la mac, etc., après avoir été desséchées,
dessiccation à l'air ils auraient perdu ont produit, lorsqu'on venait à les
53 pour 100 (a). mouiller, une élévation de tempéra-
(2) Voyez page 88. ture de 2 degrés ou davantage, quel-
(3) Ainsi, dans les expériences de quefois jusqu'à 10 degrés (6).
(a) Cliovrcul, Op. cit. (Annales de chimie et de physique, 1821, t. XIX, p. 50).
(&) Pouillct, Op. cit.{Ibid., 1822, t. XX, p. 151).
IMBIBITION PAR CAPILLARITÉ. 85
sort également du phénomène de la fixation de la vapeur
aqueuse par un grand nombre de ces tissus avides d'eau , car
les propriétés hygrométriques dont les cheveux et beaucoup
d'autres substances animales sont doués dépendent du jeu des
mêmes forces (1).
Quant à la proportion d'eau dont un tissu organique peut innuence
de l'élasticité
s'emparer par voie d'imbibilion , elle varie beaucoup, toutes des ussus
, , • ' I I • • 1 ^"'' '^""^ pouvoir
choses étant égales d'ailleurs , suivant la quantité de liquide absorbant.
déjà existante dans la substance de ce corps solide. A mesure
que cette quantité augmente, la résistance que l'élasticité du
tissu oppose à l'introduction de quantités additionnelles s'ac-
croît d'une manière plus ou moins rapide (2); mais la dis-
tension croissante des cavités capillaires occupées par l'eau
permet à celles-ci d'utiliser d'une manière plus complète le
pouvoir attractif dont leurs parois sont douées. Du reste ^
(1) La condensation de la vapeur plus ou moins liygroméliiqiics (6).
aqueuse par les matières organiques Par conséquent, il faut ranger Fattrac-
liygromélriques est considérée, par la tion moléculaire dont déjjcnd cette
plupart des physiciens, comme dépen- condensaiioii dans la catégorie des
dant du jeu de forces chimiques, et agents que Ton désigne généralement
par conséquent comme ne pouvant sous le nom de forces pMjsiques. Je
êlreassimiléeauxaclionscapillaires(a'. ferai remarquer cependant que dans
Mais M. Pouillet a constaté des etfets la classification adoplée aujoiud'hui
du même ordre produits sur la vapeur par M. Chevrenl, Fallraclion capillaire
aqueuse par des corps dont la nature prend place parmi les foices cliimi-
chimique ne paraît pas susceptible de ques, et se trouve désignée sous le nom
modifications dans des circonstances (.Vafjinité capillaire (c).
de ce genre. Ainsi il a vu que Par- (2) Au sujet des rapporis qui exis-
gent et le platine se couvrent d'une tenl entre rallongement et les charges,
couche d'eau dans Pair très humide, on peut consulter le travail de M. VVer-
mais non saturé, et ses expériences theim sur l'élasticité des (issus orga-
Pont conduit à cette conclusion, que niques (cl).
tous les corps qui se mouillent sont
(a) Chevreul, Op. cit. {Annales de chimie et de physique, t. XIX, p. 50).
(6) Pouillet. Op. cit. {loc. cit., p. 156).
(c) Voyez l'article de ce savant sur la Mécanique chimique, dans le Cours de chimie générale de
MM. Pclouze et Frcmy, 1850, t. 111, p. 890.
{d) G. Werdipira, .Mémoire sur V élasticité et la cohésion des principaux tissus du corps humain
{Annales de chimie et de physique, 4847, t. XXI, p. 385).
86 ABSORPTION.
l'augmentation dans la puissance d'imbibition due à cette der-
nière cause est très petite, comparativement à la progression
négative déterminée par la réaction du tissu élastique , et il
arrive toujours un moment où celle-ci fait équilibre à l'attrac-
tion capillaire. L'imbibition est alors parvenue à son terme, et
c'est pour désigner cet état que les physiologistes, emprun-
tant leurs expressions au langage de la chimie, disent que
les tissus sont arrivés à leur point de saturation. Ainsi, plus
un tissu organique est éloigné de cet état de saturation,
plus il aura de tendance à s'emparer de l'eau avec laquelle
il se trouve en contact. Or, nous verrons bientôt que l'ab-
sorption suit cette loi chez l'animal vivant aussi bien que sur
le cadavre.
Influence Lcs différeuces que nous avons déjà eu l'occasion de remar-
' chimique ^ qner dans le mouvement ascensionnel de divers liquides dans
es ^iqmdes j^^ petits tubcs dc verre s'observent aussi dans le degré d'ac-
donmbïïuon. t'vité avec lequel les tissus organiques s'imbibent de substances
dont la nature chimique varie. Ainsi un morceau de tendon
préalablement desséché et plongé dans l'huile n'éprouvera
presque aucun changement, et son poids n'augmentera que
très peu ; dans l'alcool , il se chargera d'une quantité un peu
plus considérable de liquide, mais il ne reprendra ni son
volume ni son aspect naturels, tandis que dans l'eau son poids
doublera bientôt, et pourra même tripler ou quadrupler; et en
se gonflant de la sorte il retrouvera ses propriétés physiques
ordinaires. Des différences analogues s'observent quand on
compare l'action absorbante des tissus organiques sur l'eau et
sur les dissolutions salines. Ainsi, dans les expériences inté-
ressantes faites sur ce sujet, il y a près de quarante ans, par
M. Chevreul, le tissu jaune élastique, préalablement dessé-
ché, ne s'est emparé que d'environ 57 centièmes d'eau quand
on le plongeait dans une dissolution saturée de chlorure de
sodium , tandis qu'il se chargeait de 240 centièmes de liquide
IMBIBITION PAR CAPILLARITÉ. 8/
quand c'était de l'eau pure avec laquelle il se trouvait en con-
tact (1).
Un pouvait donc prévoir qu'en faisant varier le degré de
conceniration des dissolutions salines dans lesquelles on plon-
gerait un corps analogue, on déterminerait des différences
correspondantes dans les quantités de liquide dont celui-ci
s'imbiberait; et, en effet, les recherches plus récentes de
ï\[. Liebig et de M. Cloetta montrent que les choses se passent
de la sorte ("2).
(1) L'augmentation de. poids obser-
vée par M. Chevreiil n'était que de 3
à 8 pour iOO, lorsqu'il plaçait du tissu
élastique jaune, des tendons, des li-
gaments, etc., dans de l'iiuile pendant
onze heures, terme au delà duquel
le poids de ces substances resla sla-
tionnaire.
Dans ces mêmes expériences , la
quantité d'eau dont les tissus orga-
niques s'imbibaient était toujours plus
petite quand ils étaient immergés dans
de l'eau salée que lorsqu'ils étaient en
rapport avec de l'eau pure: mais, en
général, la différence n'était pas aussi
considérable que dans l'exemple cité
ci-dessus. Ainsi 100 parties de tendon
d'l<]léphanl desséchées ont pris en
vingt-quatre heures 178 parties d'eau,
tandis que le même tissu égalemint
desséché, mais plongé dans de l'eau
saturée de chlorure de sodium, a ga-
gné en poids 138 pour 100 ; et, pour
arriver à ce degré de saturation, il a
fallu prolonger l'immersion pendant
vingt et un jours (a).
(2) Ainsi M. Liebig a trouvé que
100 parties du tissu desséché de la
vessie du Bœuf prenaient par imbi-
bilion, en vingt-quatre heures :
268 volumes d'eau pure,
133 volumes d'une dissokilion conceii-
Irée de chlorure de sudium (den-
sité, 1,204).
En quaranle-luiit heures la quan-
tité de liquide absorbé était de :
310 volumes d'eau pure ;
288 volumes de dissolution saline con-
tenant i d'eau et 7 do la dissolu-
tion précédente ;
235 volumes du même mélange dans
les proportions de ~ d'eau et \ de
la dissolution concentrée ;
219 volumes du mélange contenant \
d'eau el 7 de la dissolution con-
centrée de sel marin.
Avec la vessie de Porc desséchée,
les différences furent encore plus
grandes. En vingt - quatre heures
100 parties absorbèrent :
356 volumes d'eau distillée,
1 59 volumes d'eau saturée de chlorure
de sodium {b).
Dans une expérience analogue,
(a) Chevreul, Op. cit. (Annales de chimie et de physique, 1821 , t. XIX, p. 52).
(b) Liebig, Recherches sur quelques-unes des causes du mouvement des liquides dans l'orga-
nisme animal {Annales de chimie et de physique, 1849, 3" série, t. XXV, p. 3'74).
88 ABSOUPTION.
Influence § û- — L'étucle attentive des phénomènes qui accompagnent
'^'''^"'"'''^l'imbibition des dissolutions salines par les tissus organiques
'%'h!miq!!e°" a permis aux physiologistes de découvrir certains eiïets de
des liquides. ^gpjiij^,j,j{(^ fJQ^t les physiciens ne pouvaient soupçonner l'exis-
tence tant qu'ils ne se servaient que de tubes de verre de petit
calibre pour leurs expériences sur les attractions moléculaires,
et dont la connaissance est d'une grande valeur pour la
philosophie chimique ainsi que pour l'explication des actes
physiologiques.
Je viens de montrer que l'attraction adhésive exercée par
les tissus organiques sur Teau et sur le sel commun n'est pas
également énergique. Nous en pouvons conclure qu'en pré-
sence d'un mélange de molécules de ces deux substances, ces
tissus attireront dans leurs interstices les unes avec plus de
force que les autres, et s'en chargeront en plus grande propor-
tion. Ainsi, quand un tissu perméable est plongé dans une
dissolution saline, le liquide qu'il accumule dans son intérieur
est moins riche en sel que ne l'est le bain circonvoisin, et la
différence est d'autant ])his marquée, que l'imbibition s'est
effectuée par l'action attractive de cavités plus petites.
En étudiant les phénomènes de transsudation dont lorga-
nisme est le siège, j'ai déjà eu l'occasion de mentionner des
faits du même ordre, et de les attribuera ce que j'ai appelé une
filtration élective (■]). Nous aurons bientôt l'occasion d'v revenir
M. Cloelta a constaté une absorp- Avec le sulfate de soude la quantité
lion de : de liquide absorbé était de :
5,4 pour 1 00 d'une dissolution de sel ^ _i 5 c^uanA la dissolulion était chargée
commun dont la densité était de 5,5 pour 100 de sel ;
■1.35; 0,80 quand elle contenaitH ,7 pour i 00
24,3 pour 100 d'une dissolulion scm- jjg gg] /^i
blable, mais n'ayant que 1,01
de densiic. (1) Voy. ci-dessus, tome IV, p. 623.
(a) Cloella, Diffusionsversuclie durch Mcmbranen mit %wà SaUm. Zurich, 1851.
INFLUENCE DE LA CAPILLARITÉ SUR LES MÉLANGES. 89
encore une fois, et je me bornerai à ajouter ici que cette
influence remarquable des effets de la capillarité sur la compo-
sition chimique des liquirles s'explique facilement par l'indé-
pendance des actions attractives exercées par le corps solide
sur les- molécules de l'eau et sur les molécules du sel qui se
trouvent mélangées avec les premières. Le tissu perméable
attire plus fortement l'eau ; cette substance doit donc tendre à
s'accumuler contre la surface des cavités capillaires du tissu
organique, et à constituer dans celles-ci une sorte d'enveloppe
à l'intérieur de laquelle se trouvera la dissolution saline non
modifiée (1).
(1) M. Briiclce fut le premier à ap-
peler l'attention clos physiologistes
sur la faculté que les tissus perméa-
bles ont de séparer l'eau d'une disso
lution saline, et par conséquent de
modifier le degré de concentration de
celle-ci (a). Je reviendrai sur ses cx-
périencer, quand je parlerai plus par-
ticulièrement de l'endosmose. M. Lud-
wig alla plus loin, et fit voir que le
mécanisme du phénomène devait être
celui indiqué ci- dessus. Ce physiolo-
giste compara d'abord avec beaucoup
de soin les proportions d'eau et de
matières salines contenues dans le
liquide que le tissu organique enlevait
à une dissolution dont la composition
était connue. Il opéra tantôt avec du
chlorure de sodium, tantôt avec du
sulfate de soude, et toujours il trouva
que la proportion d'eau devenait plus
forte dans la dissolution dont le tissu
organique préalablement desséché s'é-
tait imbibé que dans le bain dont ce
liquide provenait. Ainsi, en employant
comme bain de l'eau chargée de
7,220 pour ICO de sulfate de soude, il
trouva que le liquide imbibé par le
tissu de la vessie de Cochon desséchée
ne renfermait que /i,'i3 pour 100 de
sel, et en plongeant un morceau des
parois de l'aorte du Bœuf dans de
l'eau chargée de 19,79 centièmes de
chlorure de sodium, il reconnut que
la dissolution perdait environ 3 pour
100 de sel en pénétrant dans ce tissu
spongieux.
Pour vérifier ou infirmer les vues
théoriques de M. Briicke, relativement
à la cause de cette différence et au
mode (le distribution de l'eau et de la
matière saline dans les capillaires des
tissus animaux, M. J,udwig fil une
autre série d'expériences. Il est évi-
dent que si celle théorie est l'exprès-^
sion des faits, la dissolution saline
dont le tissu s'est chargé ne doit pas
être homogène dans toutes ses parties ;
que dans le voisinage immédiat des
surfaces dont l'attraclion adhésive
détermine la séparation de l'eau et
du sel, il doit y avoir une couche
(fl) E. Briiclve, De di/fusione humorum per septa mortua et viva. Berlin.. t84t. ^ Beïlrdge
%i<r Lehre von der Diffusion tropfbarflûssiger Kiirper durch porôse Seheidevjànde (Pojjg'f ndorff"*
Annalen, 1843, t. LVIII, p. 77).
90 ABSORPTION.
Cette couche périphérique, composée d'eau pure ou d'eau
avec très peu de matières étrangères, adhère nécessairement
avec plus de force aux parois des cavités interstitielles, et ne
peut être que très difficilement chassée de celles-ci par une
pression mécanique ; aussi quand on examine comparativement
le degré de concentration d'une dissolution saline qui va se
trouver en contact avec un tissu organique apte à s'en imbiber,
la densité moyenne de cette même dissolution après son entrée
dans ce corps poreux, et la composition du liijuide qui s'écoule
ensuite de celui-ci sous l'inlluence de la pression, trouve-t-on
que les proportions relatives d'eau et de sel varient d'une
manière conforme à ce que la théorie indique.
Pour rendre les effets de ces actions moléculaires saisissables
mince de la première de ces sub-
staïKCs, sinon à Tétai de pureté, an
moins trôs peu cliargée de parliculos
salines, et que la densité de la disso-
lution doit augmenter de la circonfé-
rence vers Taxe de chacun des petits
conduits occupés par le liquide ab-
sorbé. 11 est évident aussi que la cou-
che fluide qui adhère directement aux
parois de ces cavités capillaires doit
y être retenue beaucoup plus forte-
ment que les couches centrales de ces
petits lilels liquides, et que par con-
séquent ce sera d'abord cette dernière
portion qui sera chassée au dehors
par l'action d'une pression mécanique
exercée sur le tissu ainsi chargé de
liquide. Si la théorie de M. Uriickc
est vraie, il faut donc que l'eau qui
s'échappera d'un tissu spongieux im-
bibé d'une dissolution saline soit plus
riche en sel que ne l'est en moyenne
le liquide qui occupe la totalité des
cavités inlerslilielles de ce tissu.
M. Ludwig compara donc la composi-
tion de la dissolution saline existant
dans la substance spongieuse de di-
vers tissus animaux et celle du liquide
qui s'échappait de ceux-ci sous l'in-
fluence d'une pression mécanique, et
il trouva qu'elfeclivement ce dernier
était notablement plus chargé de sel,
mais ne diflérait pas beaucoup en
densité de la dissolution dans laquelle
le tissu avait puisé le liquide dont il
s'était imbibé; de sorte que la ditfé-
rcnce entre la composition de ce der-
nier et celle du liquide absorbé devait
être attribuée à l'introduction d'une
couche d'eau pure ou presque pure,
puisée dans le bain salin et appliquée
immédiatement contre les parois des
cavités capillaires, en manière de
gaine autour des iilets de dissolution
entraînés dans ces mêmes cavités par
suite des actions de capillarité (a).
(a) C. Ludwig, Ueber die endosmolisclien .équivalente und die endosmoUsche Théorie (Zeit~
schrift fur rationelle Medicin, 1849, t. VIII, p. 1 5 cl suiv.). — Lehrbuch der Physiologie des
Menschen, -1852, t. l, p. 62.
INFLUENCE DE LA CAPILLARITÉ SUR LES MÉLANGES. 91
à la vue, j'aurai recours à une expérience faite par M. Ludwig.
Plaçons dans deux flacons munis de bouchons de cristal bien
rodés, de façon à empêcher l'évaporation du liquide inclus,
une solution saturée à froid de chlorure de sodium, et, avant
de les fermer, introduisons dans l'un des vases un morceau de
vessie préalablement desséchée. Dans le flacon où il n'y a que
la dissolution saline, celle-ci ne donne Heu à aucun dépùt de
cristaux ; mais dans celui où se trouve le tissu organique, les
choses ne se passent pas de même : le tissu ne tarde pas à
s'imbiber du hquide dans lequel il baigne: mais, comme il
enlève à celui-ci plus d'eau que de sel, et que la dissolution
dont le bain se compose est saturée, il ne peut effectuer cette
soustraction qu'en déterminant la solidification d'une certaine
quantité de la matière saline, et effectivement on le voit se
couvrir de cristaux abondants.
§ 5. — En résumé, nous voyons donc qu'à raison même insuffisance
, ^ . , , , . , ' . -,. -, 11) • •! des actions
des propriétés physiques des parties solides de l organisme, il capinaircs
existe, chez les animaux comme chez les plantes, une force i-éiabiisscment
T,p. // 1 1 r-j 11" lies couranis
qui tend a taire pénétrer dans la protondeur des tissus pei- oisenés.
méables de ces êtres l'eau et beaucoup d'autres liquides avec
lesquels la surface de leurs organes se trouve en contact.
Nous voyons aussi que les eftets dus à ces actions capillaires
doivent varier d'intensité et même de signe, suivant la nature
des substances en contact avec les tissus organiques , suivant
les propriétés de ceux-ci, et suivant les dimensions des espaces
confluents dont ils sont creusés. Xous aurons à revenir bientôt
sur ces conditions , dont dépend le degré d'activité avec
lequel l'imbibition s'opère; mais, en ce moment, une autre
question doit nous préoccuper, et nous devons nous demander
si Tatlraction capillaire exercée par les solides de l'économie
animale peut suffire à l'étaWissement de courants, soit de l'exté-
rieur du corps vivant jusque dans les cavités dont se compose
l'appareil circulatoire, soit du bain où Dutrochet a découvert
92 ABSOUPTION.
les phénomènes osmotiques jusque dans l'intf'îrieur des poches
membraneuses employées dans les expériences de ce physiolo-
giste ingénieux?
Quelques auteurs ont supposé qu'il en était ainsi (1) ;
mais il suffit de considérer attentivement le jeu des forces dont
dépend l'élévation d'un hquide dans un tube capillaire, pour
reconnaître que cette hypothèse est inadmissible. Effective-
ment, la puissance attractive qui fait monter le liquide de la
sorte pourrait bien faire arriver celui- ci jusqu'au bord supérieur
du canal, si son intensité était suffisante ; mais elle ne pourrait
jamais le déterminer à se déverser au dehors, et établir de la
sorte un courant comme on en observe souvent dans les expé-
riences sur l'osmose, car, dès que le liquide en mouvement
dans l'endosmomètre dépasserait le niveau de l'extrémité supé-
rieure du tube capillaire, elle agirait en sens inverse et tendrait
à retenir ce même hquide. Les anciennes expériences de
du Fay, dont j'ai déjà eu l'occasion de parler (2), montrent que
l'attrachon adhésive exercée par les parois d'un tube capillaire
sur le liquide inclus peut balancer les effets d'une pression hy-
drostahque très notable, et devient un obstacle à l'écoulement
de celui-ci au dehors.
Ainsi l'action capillaire dépendante de la surface des cavités
invisibles dont les membranes organiques sont creusées pourra
suffire pour amener des liquides de l'une des surfaces de ces
corps solides jusque dans le voisinage immédiat de la surface
opposée, et pour produire l'imbibition des tissus de l'organisme,
mais sera toujours insuffisante pour faire avancer ce liquide
plus loin et pour établir à travers la substance de ces corps
(1) Magendie, par exemple, sup- qu'en une imbibilion à double cou-
posait que les phénomènes d'endos- rant (a).
mose et d'exosmose ne consislaient ('i) Voyez ci-dessus, page 56.
(a) Magfendie, Leçons sur les phénomènes physiques de la vie, t. I, p. 83.
Action
des liquides
ACTION DES LIQUIDES LES L^S SUR LES AUTRES. 93
un courant quelconque. Tout en attribuant beaucoup d'impor-
tance aux effets de la capillarité dans la production des phéno-
mènes complexes dont l'étude nous occupe ici, nous ne pouvons
donc expliquer par le jeu des forces attractives que possèdent
les tissus organiques, ni les phénomènes osmotiques, ni l'ab-
sorption qui fait pénétrer les matières étrangères de l'extérieur
des vaisseaux jusque dans le torrent de la circulation. Ce mou-
vement ne peut être déterminé que par l'intervention de quelque
autre force, et, pour en découvrir la cause, cherchons d'abord
à nous rendre compte de l'action que le milieu en rapport avec
la surface vers laquelle le courant se dirige peut exercer sur les
liquides dont les cavités capillaires de la cloison se sont rem-
plies.
§ 6. — Si la cloison qui sépare entre eux deux liquides est éga-
lement perméable dans tous les sens, et si ces deux liquides sont ''^'f^^S'^
doués des mêmes propriétés, l'influence de ceux-ci ne produira ""■ '^^ ""'"""^
aucun effet sensible sur l'état d'é(juilibre du fluide logé dans les
canaux capillaires dont cette cloison est creusée (1). Mais si ces
liquides sont hétérogènes, il pourra en être autrement, car l'at-
traction exercée par les molécules du liquide intérieur sur celles
du liquide extérieur pourra l'emporter sur la force qui fait ad-
hérer ces dernières aux parois des conduits capillaires intermé-
(1) Si le fluide que j'appellerai pourrait repousser le liquide B ni être
interstitiel élail compressible comme repoussé par lui, puisque nous avons
le sont les gaz, son volume diminue- supposé l'action capillaire égale de
rait par l'effet de la pression exercée part et d'autre; par conséquent il n'y
en sens opposé par les deux filets aurait établissement d'aucun courant,
liquides attirés dans le canal capillaire Enfin, si le canal capillaire est déjà
parles exlrémitésopposées de celui-ci; occupé par un liquide identique avec
mais cette pression étant égale de part A et 13, ceux-ci ne pourront pénétrer
et d'autre, il resterait stationnaire au ni l'un ni l'autre, parce que l'attraction
milieu de la cloison et continuerait à exercée par les parois de ce conduit
former écran. Si le canal capillaire sur le liquide cavitaire sera égale à
était vide, les deux filets liquides s'y celle que ces mêmes parois exercent
rencontreraient et formeraient une sur A et sur B, et il n'y aura la
masse continue, mais le liquide A ne aucune cause de déplacement.
9i ' ABSORPTION.
diaires, ainsi que sur la force qui tendrait à faire pénétrer le
liquide intérieur dans ces mêmes canaux et à s'opposer au pas
sage du liquide extérieur. Celui-ci serait alors sollicité à avancer
davantage et à se réunir au liquide intérieur; enfin, si l'attrac-
tion exercée de la sorte par l'un des liquides sur l'autre était
suffisamment grande, il en résulterait un mouvement d'afflux
de l'extérieur à l'intérieur, c'est-à-dire un courant endos-
motique, et un phénomène analogue à celui qui constitue l'ab-
sorption.
Pour avancer dans l'étude du mécanisme du transport des
matières étrangères de l'extérieur de l'organisme ou des cavités
circumvasculaires jusque dans le torrent de la circulation, nous
avons donc besoin de connaitre le mode d'action des liquides
sur les liquides, et je me vois conduit de la sorte à faire une
nauvelle excursion sur le domaine des sciences physico-
chimiques.
Cause ^ '^- — Chacun sait que les liquides, quand ils sont en
'j^^"!'2"J''' contact, se comportent d'une manière très variable : les uns
sont miscibles, les autres ne se mêlent pas; et lorsqu'on veut
se rendre bien compte de la cause de ces différences, il est bon
de revenir au point de départ que j'ai choisi pour l'étude des
actions capillaires, et de considérer ce qui se passe quand de
très petites masses ayant la forme de gouttes sont en pré-
sence.
\ Nous avons déjà vu qu'il existe de très grandes variations
dans l'intensité relative de la force de cohésion qui tient unies
les molécules des divers liquides et de l'attraction adhésive
que les corps solides exercent sur ces substances. 11 en est de
même pour les réactions des différents liquides les uns sur les
autres. Ainsi, quand une goutte d'eau roule sur une surface où
elle conserve sa forme sphérique et qu'elle vient à rencon-
trer un globule de mercure, elle ne se confond pas avec
celui-ci et reste arrondie, parce que la force d'attraction des
ACTION DES LIQUIDES LES UNS SUR LES AUTRES. 95
molécules de l'eau pour elles-mêmes est supérieure à la force
d'altraction agissant entre ces molécules et celles du mercure,
qui, de leur côté, sont maintenues le plus rapprochées possible,
c'est-à-dire en boule, par une force de cohésion supérieure à
l'attraction dont je viens de parler. Il en est encore de même
quand des globules d'ea.i et d'huile viennent à se rencontrer;
mais, quand une goutte d'eau arrive en contact avec une goutte
d'alcool , les choses se passent tout autrement ; les deux glo-
bules se confondent rapidement, et ne forment plus qu'une
nrasse unique. En effet, l'attraction des molécules de l'eau pour
celles de l'alcool, et réciproquement, est plus énergique que
l'attraction cohésive des molécules de l'un ou de l'autre de ces
liquides pour elles-mêmes, et cette attraction détermine leur
rapprochement.
Il y a donc des différences très considérables dans le degré
de puissance avec lequel les liquides hétérogènes s'attirent
mutuellement.
Pour mieux apprécier l'intluence de cette inégalité dans la
force adhésive, examinons de plus près ce qui se passe quand
l'eau est en présence de l'huile ou de l'alcool.
Chacun a pu remarquer que l'huile versée sur l'eau surnage
à raison de sa moindre densité, et que si la quantité d'huile
déposée ainsi est très petite, ce liquide conservera en dessous
une surface convexe, tout en s'étalant en lame mince, et ne se
mêlera pas à l'eau; bien plus, si l'on agite le vase de façon à
diviser l'huile en parcelles très minimes et à éparpiller celles-ci
dans tous les sens au milieu de l'eau, on la voit, par le repos,
se réunir plus ou moins rapidement à la surface de ce liquide,
et reprendre la position que l'équihbre hydrostatique lui assigne.
Ainsi le mélange opéré artificiellement n'est pas permanent.
Si, au lieu d'employer de l'huile, on verse doucement à la
surface de l'eau une certaine quantité d'alcool, ou mieux encore
du vin coloré, afin de rendre les phénomènes plus visibles, on
96 ABSORPTION.
remarque aussi que ce dernier liquide forme au-dessus de la
première une couche distincte ; mais la ligne de démarcation
cesse bientôt d'être nelte, et l'on voit le vin, malgré sa légèrelé,
descendre peu à peu dans l'eau et la teinter de plus en plus ; au
bout d'un certain temps, le mélange se sera complété spontané-
ment, et, lorsque ce résultat sera obtenu, ou lorsqu'on aura mêlé
les deux liquides en les agitant, la différence de leur pesanteur
spécifique ne suffira plus pour les séparer : les molécules du
vin se seront distribuées d'une manière uniforme dans toutes
les parties de la masse d'eau sous-jacente. Ces deux liquides
sont donc miscibles, et la force qui tient les molécules du vin
unies aux molécules de l'eau balance non -seulement l'attrac-
tion cohésive de ces deux substances , mais aussi la force
hydrostatique due à leur densité inégale, qui tend à faire monter
les premières et descendre les secondes.
Action Des phénomènes analogues s'observent quand on met en
des'uquwï. présence un corps solide et un liquide qui est susceptible, non-
seulement de mouiller le premier, mais aussi de le dissoudre.
Les mêmes forces déterminent les dissolutions aussi bien que
les mélanges permanents dont je viens de parler, et, pour
arriver à des idées nettes louchant l'action réciproque des
liquides, il me paraît indispensable de considérer d'abord ce
qui se passe dans le travail de la dissolution.
Prenons pour exemple un morceau de glace, et plaçons-le
en rapport avec de l'acide sulfurique concentré : la glace se
dissoudra, c'est-à-dire fondra et se dispersera dans l'acide,
jusqu'à ce que celui-ci se soit chargé d'une certaine propor-
tion d'eau. L'attraction exercée par l'acide sulfurique sur les
molécules de la glace aura donc vaincu la force de cohésion
qui retenait celles-ci comme enchaînées entre elles et leur
donnait l'état solide ; elle aura produit sur ces particules un
effet analogue à celui qui résulte de leur combinaison avec une
quantité considérable de chaleur, et l'eau ainsi Hquéfiée aura
ACTIONS MOLÉCULAIRES DES LIQUIDES. 97
été introduite dans la masse de l'acide et distribuée d'une ma-
nière uniforme dans toutes les parties de celle-ci, car la combi-
naison ou mélange ainsi produit sera identique sur tous les
points. Pour arriver au but que je me propose d'atteindre, nous
n'avons pas besoin d'examiner ici quel est le caractère de la
force attractive déployée par l'acide sulfurique , et de chercher
si elle modifie ou non le mode de groupement atomique des
corps réagissants ; que cette force soit l'affinité chimique ou
l'agent que nous avons vu intervenir dans la production des
phénomènes de capillarité, et que nous avons appelé attraction
adhésive^ les effets dynamiques pourraient différer quant à leur
intensité , mais resteraient les mômes en ce qui touche au chan-
gement d'état du corps dissous et à son mode de répartition
au sein du menstrue, c'est-à-dire du fluide dissolvant; et
toujours l'action dissolvante de celui-ci se prolongera tant qu'il
n'y aura pas équilibre entre la puissance attractive dont ce
menstrue est doué et la somme des forces contraires qui ten-
dent à maintenir les molécules de l'eau à l'état de glace séparées
de celles-ci et réunies entre elles sous la forme solide. Le degré
de solubilité de la glace dans l'acide sera donc déterminé par
la résultante de ces forces contraires ; et quand cette résultante
deviendra égale à zéro, la dissolution de l'eau dans l'acide sera
dans l'état d'équilibre que les chimistes appellent saturation.
Mais les molécules de l'acide et celles de l'eau à l'état soUde
n'en persisteront pas moins à s'attirer réciproquement avec un
certain degré de force; et il est visible que si l'on supprimait
l'influence de la cohésion de la glace qui balance cette attrac-
tion, celle-ci continuerait à déterminer le rapprochement entre
les particules de ces deux corps hétérogènes, et une nou-
velle quantité d'eau pénétrerait entre les molécules de l'acide.
Or, cette désagrégation des particules de l'eau solide s'effectue
par l'action de la chaleur, quand la glace vient à fondre sous
l'influence de cet agent physique, et par conséquent l'acide sulfu-
V. 7
98 ABSORPTION,
rique, en vertu des forces attractives dont nous venons d'exa-
miner le jeu, pourra se pénétrer d'une quantité d'eau liquide
supérieure à celle dont il s'emparerait si ce dernier corps était à
l'état solide. Il en résulte que des phénomènes du même ordre
que ceux qui caractérisent l'action dissolvante peuvent se pro-
duire quand deux liquides sont en contact, et déterminer la
répartition uniforme des molécules de l'un dans la masse con-
stituée par l'autre.
Nous verrons bientôt que l'attraction développée de la sorte
est une cause de mouvement pour les dissolutions salines et les
autres liquides qui se trouvent en rapport avec les humeurs de
l'organisme, et joue un rôle considérable soit dans l'endosmose,
soit dans l'absorption physiologique; mais, avant d'examiner
ce point, cherchons à compléter l'idée que nous devons nous
former de la réaction des liquides miscibles qui viennent à se
rencontrer.
Mode Si la force qui détermine le rapprochement des molécules
de l'acide sulfurique et de l'eau était seulement l'aftinité chi-
en ïssSon. ^liquc, Ic mélaugc spontané de ces deux liquides ne se produi-
rait plus du moment que cette affinité serait sahsfaite, et, en
admettant même qu'à raison de celte force chaque molécule
d'acide pût agglomérer autour d'elle un très grand nombre
de molécules d'eau, les effets ainsi produits auraient un terme,
et, passé ce terme, rien ne solliciterait les particules d'acide
hydraté à se répandre dans un volume d'eau plus considé-
rable. Il en serait encore de même si le mélange des deux
liquides n'était provoqué que par l'attraction adhésive agissant
seule ou conjointement avec l'affinité; car, d'une part, la sphère
d'activité sensible de cette force aurait aussi des limites, et,
d'autre part, dès que la molécule d'acide serait en équilibre
au miheu d'un groupe de molécules occupant la totalité de
l'espace correspondant à cette sphère, elle y resterait station-
naire tant qu'une autre cause ne viendrait pas troubler cet
ilo distribution
lies molccule;
ACTIONS MOLÉCULAIRES DES LIQUIDES. 99 ':
équilibre. Or, le voisinage d'une masse plus ou moins consi- i
dérable d'eau située au delà de ces limites ne saurait produire !
cet effet. Cependant l'expérience nous apprend que si l'on met j
en contact de l'acide sulfurique et de l'eau, le premier de ces i
corps se répartira uniformément dans le second et y restera
distribué de la sorte, quel que soit le volume de ce dernier ;
liquide. Ainsi, dix molécules d'acide qui se placeront à égale ,j
distance dans un volume d'eau constitué par mille molécules j
de ce corps, se répartiront de la même manière dans un volume |
composé d'un million ou de cent millions de ces mêmes mole- !
cules; de sorte que des portions du mélange prises dans des \
parties quelconques de la masse formée par celui-ci offrent les
mêmes proportions d'eau et d'acide. j
L'explication de ce phénoinène a été donnée par un des ■
physiciens que la Faculté des sciences de Paris est heureuse de
pouvoir compter au nombre de ses membres : Gay-Lussac (1). i
Chacun sait que les corps, tant solides que liquides, changent i.-état des corps
d'état sous l'inlluence d'une température suffisamment élevée, TstanTioVuT
pourvu qu'ils ne soient pas décomposés préalablement par cette
force, et que lorsque leurs molécules constitutives ont été de la
sorte écartées entre elles, celles-ci cessent d'exercer sur elles-
mêmes une attraction réciproque appréciable, mais obéissent à
la force répulsive que la chaleur leur communique, et tendent
en conséquence à se répartir uniformément dans l'espace;
quand des obstacles s'opposent à leur dispersion, elles pressent
(1) Gay-Lussac clait à la fois lui qui a été Torigine de nos connais -
grand chimiste et un des physiciens sances sur les radicaux composés, et
les plus illustres de son époque. On un grand nombre de travaux d'une
lui doit la découverte de la lui dite grande importance. Il naquit en 1778
des volumes, qui régit les combinai- et mourut en 1850. Arago et M. Biot
sons des gaz ; un travail capital sur ont publié l'un et l'autre des notices
l'iode, la découverte du cyanogène, sur ses ouvrages (a).
(a) Arago, Notices biographiques, t. III {Œuvres).
— Biot, Notice sur Gay-Lussac [Journal des savants, d850).
en drssolution
«st analogue
celui des gaz.
100 ABSORPTION.
contre ceux-ci, et, qunnd elles cessent d'être confinées, elles se
répandent au loin. Nous avons déjà eu l'occasion de voir qu'en
vertu de ce pouvoir expansif, les gaz occupent tous les espaces
vides où ils ont accès, et se logent aussi dans les interstices
que les molécules des fluides laissent entre elles (1). Or, les mo-
lécules d'un solide ou d'un liquide qui, par l'action dissolvante
d'un menstrue , se trouvent écartées entre elles de la même
façon, doivent se comporter d'une manière analogue; et par
conséquent si les forces attractives qui déterminent le groupe-
ment d'un certain nombre de molécules du corps dissolvant
autour de chaque molécule du corps sokible conservent une
action sensible à des distances où déjà la force de répulsion
l'emporte sur la force de cohésion, ces molécules doivent se
comporter comme le font les particules d'un gaz ou d'une va-
peur, c'est-à-dire se repousser mutuellement et tendre à se
répartir uniformément dans la totalité de l'espace que le
menstrue leur offre. C'est précisément de la sorte qu'on les
voit se répandre au loin , et par conséquent le phénomène de
la diffusion des liquides dans les liquides, de même que l'expan-
sion des gaz dans l'espace, s'explique par l'inégahté dans la
loi de décroissance des forces attractives et répulsives avec les
distances, décroissance qui amène la cessation des effels sen-
sibles de l'attraction quand les molécules réagissantes sont arri-
vées à un certain degré d'écartement, mais qui ne modifie pas
de la même manière la puissance répulsive, dont l'intensité ne
diminuerait pas aussi rapidement avec l'augmentation de la
distance et produirait seule des effets appréciables au delà des
limites que je viens d'indiquer.
Diffusion Le mélange spontané des liquides miscibles qui se trouvent
dïfsKres en contact est donc un phénomène complexe et peut être déter-
miné par deux causes : par les forces attractives chimiques ou
{i) Voyez tome 1", page Z|56 et suivantes.
liquides.
DIFFUSION DES LIQUIDES. 101
physiques qui sollicitent les molécules hétérogènes à se rappro-
cher, et par la force répulsive qui, due à la chaleur ou à tout
autre agent, tend à écarter entre elles les molécules homogènes,
et n'est plus balancée par l'attraction réciproque de celles-ci dès
que ces mêmes molécules sont situées à une certaine distance
les unes des autres. Ce sont les effets dus à cette action répul-
sive qui constituent essentiellement le phénomène que les phy-
siciens désignent sous le nom de diffusion des fluides, et il est
facile de concevoir qu'une puissance tendant à faire pénétrer
les molécules d'un corps du sein d'un liquide dans la substance
d'un liquide adjacent, doive jouer un rôle considérable dans
l'absorption physiologique, phénomène par suite du(juel les
fluides en contact avec la surface humide de nos organes
pénètrent jusque dans la masse des liquides nourriciers en cir-
culation dans l'organisme.
Tout ce que je viens de dire au sujet du mécanisme de la
dissolution de la glace dans l'acide sulfurique, et de la diffusion
subséquente des molécules de l'acide hydraté au sein d'un
volume quelconque d'eau liquide, est applicable au phénomène
de la dissolution en général, quel que soit le corps solide dont
le liquide s'empare, et quel que soit le menstrue qui produit cet
effet (1). Pour arriver au but que je me propose, il n'est pas
[i] Ainsi quand l'eau dissout du sel, rique, elle s'empare donc d'une quan-
ce dernier corps est liquéfié par l'action tité correspondante de chaleur, et en
attractive de ce menstrue, tout comme soustrayant celle-ci aux corps envi-
nous avons vu la glace fondre au con- ronnants , produit du froid. Aussi
tact de l'acide sulfurique. Or nous malgré le dégagement de chaleur
savons que les corps, en changeant qui résulte en même temps de l'union
d'état, rendent latente une quantité de l'acide sulfurique avec un certain
plus ou moins considérable de chaleur, nombre de molécules du liquide, et
et que l'eau, par exemple, pour pas- qui balance en partie cet effet frigo-
ser de i'élat solide à l'étal liquide, rifique, peut-on obtenir ainsi un grand
sans changer de température, absorbe abaissement de température : par
79 calories par kilogramme. Quand exemple, en mêlant 8 parties de neige
la glace se dissout dans l'acide sulfu- et 10 parties d'acide sulfurique étendu,
102 ABSORPTION.
nécessaire de chercher à démêler la part que l'affinité chimique
peut avoir dans l'action attractive exercée par le dissolvant sur
les particules du corps soluble ; la distinction serait d'ailleurs
bien difficile à étabhr (1), et nous pouvons également nous dis-
penser de l'examen des lois de la dissolution. Mais, d'après ce
que nous savons déjà concernant la diffusion des liquides, les
physiologistes conviendront avec moi qu'il peut nous être
on parvient à faire descendre le ther-
momètre jusqu'à 68 degrés au-dessous
de zéro.
La même alisorption de chaleur se
fait quand un sel se dissout dans l'eau.
Ainsi en mettant en présence des par-
ties égales d'azotate d'ammoniaque et
d'eau, on détermine dans le mélange
un abaissement de température de
près de oO degrés.
Mais les effets frigorifiques dépen-
dants des phénomènes de la dissolu-
tion ne tiennent pas seulement à la
fusion du solide dissous, et continuent
de se produire après que ce résultat a
été obtenu. Ils sont alors dus à la
diffusion des molécules du corps en
dissolution dans l'espace que lui offre
le menstrue. Cette diffusion, ai-je dit,
est un phénomène analogue à l'ex-
pansion d'un gaz dans le vide. Cette
expansion est toujours accompagnée
d'une production de froid, et par coa-
séquent la diffusion d'un liquide dans
un autre doit être accompagnée aussi
d'une absorption de chaleur. L'abais-
sement de température produit de la
sorte peut souvent être reconnu au
thermomètre ; mais dans d'autres cas
il est masqué par le dégagement de
chaleur déterminé par le rapproche-
ment des molécules du corps dissous
et des molécules du menstrue qui
viennent se grouper autour de cha-!-
cune des premières.
Conune exemple des effets calori-
fiques complexes qui peuvent se pro^
duire dans l'acte de la dissolution, je
rappellerai qu'un équivalent de sulfate
de magnésie anhydre, en se dissolvant
dans une quantité déterminée d'eau,
produit une élévation de température
de k",'ào ; tandis que la dissolution du
même sulfate cristallisé, et contenant
7 équivalents d'eau , détermine un
abaissement de température de 0'',92,
La quantité totale de chaleur dégagée
par l'action de MgOjSO^surHOadonc
été de li\33 -^ 0",92 = 5",23 (a).
(1) Ainsi, quand on mêle de l'eau
et de l'acide suifurique, on observe
une diminution dans le volume des
liquides, un grand dégagement de
chaleur et tous les signes d'une com-
binaison chimique ; mais une cer-
taine élévation de température se pro-
duit encore lorsque l'acide a déji'i
reçu une quantité d'eau si grande,
qu'il est difiicile de croire que l'hy-
drate formé puisse s'unir chimique-
ment à un nombre plus considérable
d'atomes de cette substance basique.
Par exemple, dans les expériences de
M. Graham, un dégagement de cha^.
(a) Graham, Op. cit. {Annales de chimie, 3* série, t. VIII, p. 159),
DIFFUSION DES LIQUIDES. 103
utile d'approfondir davantage l'étude de ce dernier phéno-
mène (1).
§ 8. — Si Ton met en contact de l'eau pure et une dissolution ^ou
, , , , - . , de la diffusion.
de sel commun, on voit que les molécules de cette dernière sub-
stance s'échappent en partie du menstrue qui les contient, et •
que cette diffusion se poursuit jusqu'à ce que la proportion des
molécules salines et aqueuses soit devenue égale de part et
leur très sensible s'observa lorsqu'on
ajoutait de l'eau à de l'acide sulfurique
précédemment dilué au point 'de con-
tenir /|8 équivalents de base pour
un équivalent d'acide (a). Or, dans
les cas de ce genre, faut-il attribuer
le dégagement de chaleur à des ac-
tions moléculaires de l'ordre de celles
qui déterminent l'adhésion de l'eau
sur tout corps solide que ce liquide
est susceptible de mouiller, et qui,
en s'exerçant , produisent , comme
M. Pouillet l'a constaté, une certaine
élévation de température [b] ? Ou bien,
faut-il supposer que l'affinité chimique
de l'acide pour l'eau puisse s'étendre
sur un groupe extrêmement consi-
dérable de molécules de ce liquide
basique"? et alors, de même que dans
le premier cas, où sera la limite de
cette intluence? Dans l'état actuel de
la science, ces questions ne me pa-
raissent pas solubles, et d'ailleurs je
ne crois pas que la distinction entre
les forces attractives dites chimiques
et physiques soit aussi fondée qu'on
l'enseigne généralement dans nos
écoles.
(1) Le phénomène de la diffusion
des liquides dans les milieux liquides
a été étudié avec beaucoup d'attention
par l'un des chimistes les plus habiles
de l'Angleterre, Al. Th. Graham (c).
Pour mesurer le pouvoir diffusif
d'une dissolution saline ou de toute
autre substance dans un milieu quel-
conque, ce savant a fait usage d'une
méthode expérimentale très simple.
Un flacon à large goulot est rempli
de la dissolution saline et placé dans
un grand vase que l'on remplit ensuite
avec de l'eau pure, de façon que
ce dernier liquide dépasse de beau-
coup le bord supérieur du flacon, et
que pendant l'opération la dissolu-
tion sahne n'ait pas été notablement
agitée par des courants produits dans
le bain où elle plonge. Au bout d'un
certain temps, on recueille une cer-
taine quantité de l'eau du bain, et l'on
détermine, par évaporalion ou par
l'emploi de réactifs titrés, la propor-
tion de matière saline qui s'y trouve
répandue et qui lui a été fournie par
la dissolution contenue dans le flacon
ouvert et immergé (d).
[a) Gïaham, Expériences sur la chaleur dégagée par les combinaisons chimiques {Annales de
chimie et dephysique, 3= série, 1843, t. VIII, p. -175j.
(b) Voyez ci-dessus, pages 77 et 84.
(c) Grahym, On the Diffusion of Liquids {Philos. Trans., 1840, p. 1). — Supplément. Observ,
on the Diffusion of Liquids [Philos. Trans., 1850, p. 805). — Additional Observ. on tke Diffw
sien of Liquids {Philos. Trans., 1857, p. 483).
[d) T. Graham, Op. cit. {Philos. Trans., 1849, p. 4, fig. 2).
104 ABSORPTION,
d'autre ; mais que ce mouvement expansif diminue d'intensité
à mesure que l'expérience avance et que l'équilibre parfait ne
s'établit que très lentement. En effet, la diffusion est d'autant
plus rapide, que la différence est plus grande entre la proportion
du sel dans les deux liquides; et pour mieux constater cette
proportionnalité entre la quantité de la matière saline qui existe
dans une dissolution et celle qui se répand dans un liquide
adjacent, il suffit de placer dans autant de bains de même vo-
lume quatre vases contenant de l'eau chargée de chlorure de
sodium dans les proportions de 1, 2, 3 et li centièmes, puis,
au bout d'un temps voulu, une semaine, par exemple, de déter-
miner la quantité de sel qui se sera répandue dans l'eau de
chacun de ces bains : on verra que ces quantités seront entre
elles dans les mêmes rapports que dans les dissolutions, c'est-
à-dire comme 1, 2, 3, 4 {]).
Il résulte aussi des expériences de M. Graham que la rapidité
de la diffusion croît, dans certaines Hmites, avec l'élévation de
la température (2).
La rapidité avec laquelle la diffusion s'effectue varie beau-
coup, suivant la nature des substances qui se répandent dans
(1) Ces expériences ont été faites ciilorure de sodium ont répandu dans
par M. Graham (a); mais je dois ajou- le bain circonvoisin 10 parties de sel
ter que plus récemment M. Beilslein, quand la température était d'environ
sous la direction de M. Jolly, a exa- /i degrés, et 13,6 quand la tempéra-
miné la proposition de ce chimiste, ture était d'environ 19 degrés (c).
relative aux rapports existant entre L'influence accélératrice de l'éléva-
la rapidité de la diffusion et la pro- tion de la température sur le pouvoir
portion de sel, et qu'il n'a pas trouvé diffusif de diverses dissolutions salines
un accord si parfait; il pense donc est également mise en évidence par les
que cette loi n'a qu'une exactitude expériences suivantes, faites, les unes
approximative (6). à 15 degrés, les autres à 3 degrés, avec
(2) Ainsi, dans des temps égaux, des des liquides contenant un dixième de
dissolutions également chargées de matière saline. La quantité de sel
(a) Gratiam, Op. cil. (Philos. Trans., dS50, p. 6),
(6) Beilslein, Ueber die Diffusion von Flûssigkeiten (Liebig's Annalen, 4856, t. XCIX, p. 165}.
(c) Graliam, Op. cit., p. 0.
DIFFUSION DES LIQUIDES. 105
un menstrue et aussi suivant la nature de celui-ci. Par exem-
ple , dans une série d'expériences comparatives faites par
M. Graham dans des conditions semblables , le temps employé
pour la diffusion de 3 parties d'albumine dans un bain d'eau
pure a suffi pour la dispersion de 13 de gomme, de 2G de
sucre, de 51 de nitrate de soude , de 58 de chlorure de so-
dium, et de 69 d'acide sulfurique monohydraté. L'alcool ne
possède qu'environ la moitié du pouvoir diffusible de ce der-
nier corps ; mais l'ammoniaque, la potasse, et surtout l'acide
chlorhydrique, se répandent dans l'eau avec une rapidité beau-
coup plus grande (i).
Ces différences ne coïncident pas avec le degré d'affinité plus
ou moins considérable des substances solublesdansle menstrue.
Ainsi le chlorure de sodium a plus d'atTinité pour l'eau que le
Diffusibililé
inégale
des différenls
corps.
supposé anhydre , qui s'est répandue
dans le bain pendant des temps égaux,
était dans la proportion suivante :
T. = 15-. T. = 3».
Chlorure de sodium.
32,2
22,5
Nitrate de soude . .
30,7
22,8
Chlorure d'ammo-
nium
40,2
31,1
Amylale de potasse.
35,5
28,7
— d'ammoniaque. .
35,3
29,2
Chlorure de baryum.
27,0
21,1
Sulfate d'eau ....
36,8
29,8
Sulfate de magnésie.
15,4
13,1
Sulfate de zinc . . .
15,8
12,6
On voit qu'en général l'accroisse-
ment de la diffusibilité qui accom-
pagne l'élévation de la température
est d'autant plus grand que le pouvoir
diffusif est lui-même plus considé-
rable (a).
(1) Ainsi, dans des solutions d'égale
densité, lorsque les produits de la dif-
fusion du chlorure de sodium étaient
12 et ceux de l'acide sulfurique 18, la
quantité d'acide nitrique dispersée
était de 28, et celle de l'acide chlorhy-
drique de 3/i (6),
Les expériences de M. Beilstein ont
conduit ce physicien à évaluer de la
manière suivante le pouvoir diffusif
des divers sels qu'il a t'tudiés , la dif-
fusion de chlorure de potassium étant
prise pour unité :
Chlorure de potassium. ... 1
Salpêtre 0,9487
Chlorure de sodium 0,8337
Bichromate de potasse. . . . 0,7453
Carbonate de potasse . . . . 0,7371
Sulfate de potasse 0,6987
Carbonate de soude 0,5436
Sulfate de soude 0,5369
Sulfate de magnésie 0,3857
Sulfate de cuivre 0,3440 [c)
(a) Graham, Op. cit. (Philos. Trans., 1850, p. 12).
(6) Idem, ibid. {Philos. Trans., 1850, p. 10).
(c) Beilstein, Op. cit. (Ann. fur Chemie und Pharm., 1856, t. XCIX, p. 165).
Influence
de la diffusion
sur
la composilion
chimique
des liquides.
106 ABSORPTION.
chlorure de potassium ; mais ce dernier sel, étant dissous, se
répand plus rapidement dans ce liquide (1).
Lorsque deux sels qui sont susceptibles de se mêler sans se
combiner ni se décomposer, coexistent dans unedisso-lution, ils
se répandent dans l'eau adjacente d'une manière presque indé-
pendante et avec un degré de vitesse qui est réglé principale-
(1) On peut, jusqu'à un certain mosphère, question qui avait été d(?jà
point, estimer l'affinité d'un sel pour étudiée par M. Bliicher et quelques
l'eau par la force de résistance que ce autres physiciens (6), M. Harzer a dé-
corps oppose à la transformation de terminé avec beaucoup de soin l'aug-
ce liquide en vapeur, ou, en d'autres mentation de poids qu'elles offrent par
termes, par l'élévation du pointd'ébul- suite de leur exposition à l'air, dans
lition de la dissolution saturée. Or la des conditions identiques, et a obtenu
comparaison des données fournies de ainsi les résultats numériques sui-
la sorte avec la quantité des produits vants :
de la diffusion ne laisse apercevoir Augmentaiion
aucune relation constante entre ces pou'I mo'p'it.
deux pllénomènes. On en pourra ju- Acide sulfurique monohydraté. 165,1
ger par les exemples suivants : Sulfate de soude 50,7
Acide acétique -10,7
ii'ébuii'itioii. <i'o la' Glilorui'e de sodium. ..... 39,3
diffusion. Chlorure d'ammonium .... 28,3
Chlorure de sodium . . 107,7 100,0 nui j » ■ ce o
' ' Chlorure de potassium .... 22,8
Chlorure de potassium. 105,0 118,7 o if . j - • on
' ' Sulfate de magnésie 8,0
Nitrate dé soude. . . . 104,4 96,4 n. ■ . j 1 r a, ^
Phosphate de soude 4,2 (c)
Bisulfate de potasse . . 103,9 118,2
Sulfafe de magnésie. . 101 ,1 95.5 Qj. j^^^^g ^^,^0,^3 ^^^ ^.^jj. q^,g jg p^^,.
Sulfate de cuivre. . . . 100,8 28,7 • t,v -f 1 i 1 1 V-
' voir ditiusif du chlorure de sodium
Je dois ajouter cependant que est presque aussi élevé que celui de
M. Grahatn considère l'ensemble de l'acide sulfurique, et les expériences
ses recherches comme étant favorable de M. Graham montrent que la diffu-
à riiypolhèse d'une relation entre la sion du chlorure de poiassiuiw se fait
diffusibilité et l'affinité (a). plus rapidement que celle du chlorure
Pour apprécier le degré relatif de de sodium, tandis que, sous le rapport
la puissance attractive exercée par du pouvoir hygroscopique, la première
diverses substances chimiques sur la de ces substances est inférieure à la
vapeur aqueuse répandue dans l'at- seconde.
(a) Graham, On the Diffusion of Liquida (Philos. Trans., 1849, p. 5).
(6) H. von Bliicher, Ueher das Vermôgen verschiedener Salxe Wasser aus der Atmosphore
aus%u%iehen (Poggendorff's Annalen, 1840, t. L, p. 541),
— Schwede, De hygroscopicilate, dissert. inaug. Dorpat, 1851.
— Buckheim, Beitrdge %ur Lehre von der Endosmose [Arch. fur physiol. Heilk., 1853, t. XII,
p. 217).
(c) Harzer, Beitrâge »ur Lehre von der Endosmose (Archiv fur physiologische Heilkunde,
J856, t. XV, p. 232 et 235).
DIFFUSION DES LIQUIDES. 107
ment par la diff Lisibilité propre de chacune de ces substances ;
souvent même l'inégalité qui existe à cet égard se prononce
davantage, et il résulte de ces différences dans le mouvement
expansif que la diffusion peut devenir une cause de séparation
entre les matières diverses mélangées dans un même menstrue.
Ainsi les sels à base de potasse sont plus diffusibles que ceux à
base de soude, et par conséquent, si une dissolution contenant
une proportion déterminée de deux de ces sels se trouve en
contact avec de l'eau pure, elle perdra, dans les premiers temps
de l'expérience, plus du sel potassique que du sel sodique, et
les proportions relatives de ces deux sels changeront tant dans
la dissolution primitive que dans le bain (1) ; circonstance dont
il faut tenir grand compte lorsqu'on veut analyser les phéno-
mènes qui accompagnent le transport des liquides de l'extérieur
dans l'intérieur de l'économie animale.
Enfin il est également important de noter que la diffusion
d'un sel n'est pas notablement ralentie par la préexistence d'un
autre sel dans le liquide où il se répand, particularité qui con-
(l) Dans une des expériences faites en sel commun. Dans une expénence
par M. Graham, une disso!u;ion de analogue faite sur un mélange de caiv
poids égaux de carbonate de soude bonate dépotasse et de car])onale de
anhydre et de chlorurede sodium dans soude en poids égaux, les produits de
100 parties d'eau fut placée dans un la diffusion furent dans la proportion
vase ouvert au fond d'un bain d'eau d'environ 36 p. 100 de ce dernier sel
distillée. Après sept jours de contact, pour tjZi du premier. Quelquefois même
le bain contenait un mélange des deux la diffusibilité inégale de deux sels sus-
selsdans la proportion deoi,o de car- ccplibles de naître par double décom-
bonale de soude pour 68,7 de chlorure position peut devenir la cause détei--
de sodium. Dans le réservoir intérieur, minante de cetle décomposition. Ainsi
contenant la dissolution primitive, la du bisulfate de potasse peut être trans-
proportion de carbonate, au lieu d'être formé de la sorte en sulfate neutre de
de 50 pour 100, comme aucommen- potasse et en sulfate d'eau ou acide
cernent de l'expérience, s'était donc sulfurique hydraté. L'alun potassique
élevée après de 69 pour 100, et celte se modifie également sous l'influence
dissolution s'était surtout appauvrie de cette force moléculaire (a).
(a) Graham, Op. cit. (Philos. Trans., 1849, p. 15, 17 et 19),
108 ABSORPTION.
stitue un nouveau trait de ressemblance entre ce phénomène et
l'expansion des gaz.
Déplacement Dgns Ics cas de mélanges de liquides dont ie viens de parler,
réciproque ' " '
des liquides, je n'ai tenu compte que de la manière dont la substance logée
dans le réservoir intérieur se répand dans le menstrue exté-
rieur, et je ne me suis pas occupé de ce qui pourrait s'introduire
de ce dernier milieu dans le liquide dont le réservoir est rempli.
Effectivement, dans certaines circonstances ce déplacement est
nul ou tout au moins insignifiant. Ainsi, quand le degré de
dilution de la liqueur saline est tel que la distance entre les
molécules du corps dissous est supérieure au double du rayon
de la sphère d'attraction sensible de chacune de ces molécules
sur la substance du menstrue, il est évident que cette attrac-
tion ne saurait exercer aucune influence appréciable sur les
molécules du bain extérieur qui se trouvent à une distance
plus grande, et que par conséquent aucune force ne sollicitera
celles-ci à pénétrer dans le sein de la dissolution saline qui
occupe l'intérieur du réservoir. Le mélange ne sera déterminé
que par la répulsion mutuelle des molécules du corps en
dissolution, et la distribution uniforme de celles-ci dans les
diverses parties des deux liquides ne sera produite que par le
passage d'un certain nombre de ces particules de l'un des
menstrues dans l'autre.
Mais si la dissolution saline ou autre dont le réservoir diffu-
sant se trouve chargé est dans un état de concentration tel
que les effets de l'attraction mutuelle des molécules du corps en
dissolution et du menstrue se fassent sentir au delà des Hmites
du groupe de particules du liquide dissolvant dont chaque
particule du corps dissous est entouré, le phénomène deviendra
plus complexe. Les molécules du corps dissous, en même temps
qu'elles tendent à s'écarter entre elles et à se répandre au loin
dans le nouveau milieu qui leur est ouvert, attireront aussi à
elles un nombre plus considérable de particules du menstrue,
PHÉNOMÈNES OSJIOTIQUES. 109
et, pour obéir à cette attraction, une portion du liquide extérieur
pourra pénétrer dans le réservoir et s'y mêler à la substance
constitutive de la dissolution. Il y aura donc entre les deux
masses fluides deux mouvements en sens opposé, un courant
de diffusion qui se portera de la dissolution dans le liquide
adjacent, et un courant déterminé par l'attraction moléculaire
qui ira de ce dernier milieu dans la dissolution.
§ 0. — Faisons maintenant un pas de plus : supposons que Muence
. , , " d'un liquide
deux liquides miscibles et de nature différente, que j'appellerai intermédiaire
, . sur la
A et B, soient places dans un vase cylindrique et séparés entre formation
• . < 1 • • 1 /-. 1 » -1 'T. • , des mélanges.
eux par un troisième liquide L, d un poids specitique intermé-
diaire, qui ne serait miscible qu'à l'un des premiers, par exemple
à B, et appliquons à l'examen des phénomènes qui doivent se
produire les principes fournis par l'étude de la diffusion.
Il est évident que B et C se mêleront d'abord, et que par
conséquent un certain nombre des molécules de B se réparti-
ront d'une manière uniforme dans l'espace occupé par C. Une
partie de ces molécules, en parvenant ainsi à la surface opposée
de C, se trouveront par conséquent en contact avec A . Or, A et B
sont miscibles, et par conséquent les molécules de B doivent
pénétrer aussi dans l'espace occupé par A, soit pour s'y ré-
pandre en obéissant seulement à la force diffusive qui les anime,
soit pour satisfaire à la force d'attraction adhésive ou à l'affinité
chimique qui peut exister entre elles et les molécules de A. Le
liquide A, n'étant pas miscible à C, ne pourra se déplacer de la
même manière pour aller vers B, et par conséquent le mouve-
ment de translation ne se fera que dans une seule direction ;
C sera traversé par un courant du liquide B qui passera peu à
peu dans A, et ce déplacement ne devra s'arrêter que lorsque
la totalité de B aura pénétré dans C, et que celles de ses molé-
cules qui y seront demeurées s'y trouveront à des distances
compatibles avec la nouvelle constitution du liquide A.
M. Lhermile a réalisé ces conditions en plaçant dans un tube
110 ABSORPTION.
une colonne de chloroforme, puis une couche d'eau, et au-
dessus de l'eau une couclie d'éther. Le chloroforme ne pénètre
pas dans l'eau, mais l'éther se répatid peu à peu dans ce liquide,
et arrive ainsi en rapport avec le chloroforme pour lequel il à
de l'affinité ; il passe donc graduellement dans ce dernier
hquide, et ce mouvement- persiste jusqu'à ce que la totalité de
la couche d'éther superposée à l'eau ait disparu en s'enfonçant
dans les liquides sous-jacents; enfin, on remarque en même
temps que le chloroforme augmente de volume , tandis que la
couche d'eau conserve, à peu de chose près, son épaisseur
primitive (1).
§ 10. — Substituons maintenant à la couche d'eau qui, dans
^'ÏS"*^^ l'expérience précédente, séparait entre eux le chloroforme et
^Hes roïaTes" l'éthcr, uue cloison poreuse. Si ce diaphragme est également
perméable aux deux liquides, il est visible que sa présence ne
pourra que ralentir leur mélange et n'introduira aucun chan-
gement important dans le caractère de ce phénomène (2). Une
Influence
(1) M. Lhermite a varié ces expé-
riences sur les phénomènes osmoli-
ques déterminés par l'interposition
d'une cloison fluide entre deux liqui-
des miscibles, et il a vu que toujours
les résultats étaient conformes à ce que
la théorie indique eu égard à la solubi-
lité connue des liquides réagissants (a).
(2) Il est probable que c'est à rai-
son d'une disposition de ce genre
que les effets osmotiques sont tou-
jours très faibles ou même nuls ,
quand on sépare entre eux les li-
quides réagissants à l'aide de cloi-
sons faites avec diverses substances
inorganiques très perméables, telles
que des lames minces de grès tendre,
de calcaire grossier ou de porcelaine
dégourdie. En employant ces corps,
Dutrochet n'a pu obtenir aucune action
endosmotique sensible à l'aide du su-
cre, de la gomme ou de l'alcool : les
liquides prenaient le même niveau
dans le bain exiérieur et dans Tendos-
momètre. Mais en employant dans les
mêmes conditions des lames d'argile
blanche (ou terre de pipe), ce physio-
logiste a obtenu une ascension assez
grande du liquide dans l'intérieur de
l'instrument (6). Des résultats sem-
blables ont été obtenus par M. Gra-
ham à l'aide d'un endosmomètre dont
le réservoir était formé par un de ces
vases poreux de terre cuite dont on
fait usage dans la construction de la
pile galvanique de Grove (c).
(a) Lhermite, Recherches sur l'endosmose {Comptes rendus de l'Académie des sciences, 1854,
t. XXXIX, p. dnO, eiAnn. des sciences nat., partie botanique, 4* série, t. III, p. 78).
(6) Dulrochet, Op. cit. (Mémoires, t. I, p. 21 et suiv.).
(cj Graliani, On Osmolic Force (Philos. Trans., 1854, p. 180).
PHÉNOMÈNES OSMOTIQUES. . 11 1
partie de l'éther se répandra dans le chloroforme, et une partie
du chloroforme se distribuera dans l'espace occupé par l'éther;
Mais si la substance de la cloison perméable ressemblait à celle
de l'eau, en ce sens qu'elle se laisserait traverser par l'éther sans
livrer passage au chloroforme, il est évident que les effets pro-
duits par la juxtaposition de ces deux liquides seraient très diffé-
rents et ressembleraient en tout* à ce que nous avons vu dans
l'expérience précédente. L'éther, appelé dans les lacunes inter-
stitielles du diaphragme par l'attraction capillaire, arriverait en
contact avec le chloroforme, et là serait sollicité à pénétrer dans
ce liquide par l'attraction chimique ou physique exercée sur ses
molécules par celles de ce dernier hquide. Le chloroforme
enlèverait donc sans cesse à la cloison une portion de l'éther
dont elle serait imbibée, et la cloison à son tour en absorberait
une quantité correspondante puisée dans le hquide en contact
avec sa surface opposée. Un courant se dirigeant de l'éther
vers le chloroforme serait donc établi à travers le diaphragme,
et le premier de ces liquides se trouverait transporté dans le
sein du second, dont le volume augmenterait proportionné-
ment à la quantité d'éther qui aurait été de la sorte ajoutée à
sa propre substance. Il y aurait donc là production d'un phé-
nomène d'o5mo5e, et ce phénomène serait la conséquence des osmose.
effets combinés de trois forces : la résistance opposée par le
diaphragme à tout passage du chloroforme vers l'éther; l'ac-
tion capillaire de celte cloison sur l'éther, achon qui amènerait
ce liquide de l'une de ses surfaces à l'autre et le mettrait à la
portée du chloroforme; enfin, l'attraction mutuelle de ces deux
hquides.
. Des résultats analogues s'obtiennent dans d'autres expé-
riences. Ainsi Dutrochet a vu que si l'on place entre un certain
volume d'eau et une quantité quelconque d'alcool une cloison
mince de caoutchouc, le volume de l'eau ne tarde pas à aug-
menter aux dépens de celui de ce dernier liquide. Tant que la
112 ABSORPTION.
cloison conserve ses qualités normales, elle ne se laisse pas
traverser par l'eau, mais elle livre passage à l'alcool, qui se
trouve alors attire^ par l'eau adjacente et s'y mêle en quantité
considérable (1).
Mécanisme Pour quc la cloisou poreuse placée entre deux liquides
i'endosmose. hétérogèues et miscibles détermine l'accumulation d'une de
ces substances dans l'espace o'ccupé par l'autre, et l'augmenta-
tion du volume de cette dernière, il n'est pas nécessaire que
ce diaphragme soit imperméable pour l'une et admette l'autre :
il suffit que Faction capillaire qu'elle exerce sur les deux
liquides soit inégale en intensité, condition qui est presque
toujours réalisée quand les cavités confluentes creusées dans
son épaisseur et ouvertes à ses deux surfaces opposées sont
de très petites dimensions, ainsi que cela a lieu dans les
membranes organiques : par exemple, dans les tuniques de la
vessie ou de l'intestin d'un Animal quelconque. Effective-
ment , le géomètre Poisson a montré que dans ce cas les
deux liquides peuvent de prime abord s'engager dans les deux
extrémités de ces canaux capillaires , mais que celui de ces
corps qui y est appelé avec le plus de force doit repousser
l'autre, et s'avancer dans toute l'étendue de ces passages jus-
qu'à la surface opposée, pourvu que ceux-ci n'aient pas une
longueur trop considérable. Afin de simplifier l'examen de ce
phénomène, supposons que la cloison perméable soit repré-
sentée par un seul canal de très petit diamètre, un tube capil-
laire de verre, par exemple, et que les deux liquides mis en
relation par ce conduit étroit soient de l'eau et de l'alcool. Nous
(1) L'étoffe dont Dutrochet a fait verrons bientôt qu'après un certain
usage dans cette expérience était du temps, cette étoffe, employée de la
taffetas goinmé, c'est-à-dire enduit de sorte , cesse d'être imperméable à
gomme élastique ou caoutchouc. Nous l'eau (a).
(a) Dutrochet, De l'endosmose (Méin. pour servir à l'histoire anatomique et physique des Végé-
taux et des Animaux, t. I, p. 19).
PHÉNOMÈNES OSMOTlQUES. 113
avons vu au commencement de cette Leçon que cliacune de
ces substances est susceptible de mouiller le verre, et que par
conséquent elle s'élève dans des tubes de ce genre en y for-
mant un ménisque concave et en faisant équilibre à une certaine
traction hydrostatique s'exerçant en sens contraire. Nous avons
vu aussi que, toutes choses étant égales d'ailleurs, l'eau monte
de la sorte beaucoup plus haut que ne le fait l'alcool. L'action
capillaire exercée sur l'eau est donc beaucoup plus énergique
que celle dont dépend l'ascension de l'alcool, et par conséquent,
si ces liquides rencontraient des obstacles, ils tendraient à les
vaincre avec des puissances inégales. Or, la colonne d'eau
qui pénètre dans le canal capillaire y rencontre la colonne
d'alcool qui s'oppose à sa marche, tout comme elle met de son
côté obstacle à la progression de l'alcool. Ces deux colonnes,
pour obéir à l'attraction capillaire, se repousseront donc mu-
tuellement ; mais, comme la force qui tend à faire avancer l'eau
est beaucoup plus grande que celle qui sollicite l'alcool à mar-
cher en sens inverse, ce sera l'alcool qui cédera, et l'eau con-
tinuera à se diriger vers l'extrémité opposée du conduit, et ce
liquide en envahira peu à peu toute la longueur, pourvu que la
différence enh^e les deux forces contraires dont je viens d'expli-
quer le jeu soit assez grande pour effectuer ce mouvement. L'eau
sera donc transportée à la surface de la cloison où se trouve
l'alcool, et là elle sera sollicitée à se répandre dans la substance
de ce hquide, soit par l'attraction adhésive et par l'affinité chi-
mique qui tendent à les unir, soit par la force de répulsion que
les molécules de l'eau exercent les unes sur les autres, quand,
par suite de leur dispersion dans l'alcool, elles se trouvent à une
certaine distance et doivent obéir aux lois de la diffusion (1),
(1) Les remarques faites par Toisson doivent s'exercer de la sorte («), et,
montrent que les relions tapiilaiics pour rendre le phénomène visible à
(a) Poisfon, Note svr des effets qui peuveiil être produits par la eapillarilé et l'affinité des
!-ribstar,ces lictéi cgèî'es (Journal de phisiologie iayh\s,enii\e, 1826, t. VI, p. 3G-I, cl Annales de
chinàe et de jhyuique, 1827, t. XXXV, p. 1)8).
V. 8
il II ABSORPTION.
Il y aura donc établissement d'un courant d'eau qui traversera
le tube capillaire pour aller se répandre dans l'alcool et grossir
le volume du liquide situé du côté de la cloison où se trouve
cette dernière substance. Enfin celle-ci devra être considérée
comme la cause de ce transport , et appelée en conséquence
Y agent osmogène.
Le phénomène que je viens de décrire est donc en tout sem-
blable à celui que nous avons vu se produire en sens inverse,
quand l'alcool était séparé de l'eau par une lame de caoutchouc
qui ne livrait point passage à ce dernier liquide . et la théorie
que j'ai donnée de l'une de ces expériences est applicable à
Éiabussement l'autrc. Mais, daus le cas dont il est ici question, de même que
contre-courant, daus la plupart dcs phenomencs osmotiques, il y a quelque
chose de plus : les effets se compliquent davantage, et pendant
que le courant du liquide le plus facile à transporter traverse la
l'œil nu aussi bien qu'à l'esprit, il
suffit de répéter une expérience faite
par le professeur Briicke de (Vienne).
Si l'on dépose sur Ja surface d'une
lame de verre bien nette une petite
goutte d'huile d'olive, celle-ci conser-
vera une forme convexe et ne mouillera
pas le verre ; mais il n'en sera pas de
même si l'on dépose sur le verre un peu
d'essence de térébenthine : ce liquide
s'y étalera aussitôt en couche mince
et mouillera la surface sous-jacenle.
L'attraction capillaire exercée par le
verre sur ces deux hquides est donc
d'inégale intensité ; elle est plus grande
entre l'essence et le verre qu'entre le
verre et l'huile. Cela établi, amenons
la nappe d'essence en contact avec la
gouttelette d'huile. D'après ce qui pré-
cède, on voit que l'essence, en tendant
à s'étaler sur le verre pour obéir à l'at-
traction adhésive dont je viens de par-
ler devra repousser l'huile, et efl'ecti-
vement c'est ce qui a lieu. Dans un
tube capillaire le résultat du jeu de
ces forces moléculaires sera encore
plus manifeste, et l'huile, tout en se
mêlant à une certaine quantité d'es-
sence, sera repoussée par ce dernier
liquide, qui s'insinuera entre elle et la
surface du verre (a).
C'est à raison d'actions attractives
analogues que l'huile dont un tissu
organique se trouve imprégné est peu
à peu expulsée de celui-ci, quand on
place le tissu ainsi chargé dans de
l'eau ou dans une dissolution saline
liquide, qui ont sur la substance de ce
corps poreux une attraction plus éner-
gique que l'huile.
(a) Briiclie , Ëeiiràge %tir Lehre von der Diffîision tropfbarflûssiner Kbrper durch porôse ScheidC'
îvânde (Poggendorff's Annalen, 1848, t. LVIII, p. 77).
PHÉNOMÈNES OSMOTIQUES. 151
cloison perméable pour aller s'unir à la substance osmogène, un
courant inverse s'établit dans cette même cloison, et verse une
certaine quantité de ce dernier corps dans le liquide situé du
côté opposé. Ainsi , pendant que l'eau traverse la membrane
perméable pour se rendre dans l'alcool, et que le mélange formé
par ces deux liquides augmente de volume aux dépens de l'eau
située de l'autre côté du diaphragme, de l'alcool passe en sens
inverse et va se mêler à l'eau. Il y a donc en réalité échange
entre les deux liquides, et les différences de volume qui résul-
tent de ces mouvements dépendent de la valeur inégale des deux
courants qui se croisent dans l'intérieur de la cloison. Pour s'en
convaincre, il suffit d'analyser les deux liquides ; on trouvera
que la proportion d'eau unie à Talcool augmente à mesure que
l'expérience avance, et qu'en même temps l'eau située du côté
opposé de la cloison se charge d'une quantité croissante d'alcool
jusqu'à ce qu'enfin le mélange soit devenu uniforme de part et
d'autre.
Au premier abord, on pourrait croire que l'établissement de L-exos
ces courants contraires dépend de l'existence de passages dif- „„ pi
férents qui existeraient dans la substance de la cloison, et qui ''" '''*^""°"
seraient aptes à attirer avec plus de force dans leur intérieur
les uns de l'alcool, les autres de l'eau ; mais cette hypothèse
ne résisterait pas à la discussion, et d'ailleurs il est facile à
montrer que les choses pourraient se passer de la même manière
s'il n'existait qu'une seule voie de communication entre les
deux liquides. En effet, nous venons de voir que l'eau appelée
dans l'intérieur du canal pratiqué à travers le diaphragme arrive
en contact avec l'alcool qui baigne l'une des surfaces de cette
cloison. Conformément aux lois de la dissolution des corps et
de la diffusion des liquides miscibles les uns dans les autres,
les molécules d'alcool qui se trouvent ainsi en rapport avec une
colonne capillaire d'eau doivent s'y répandre et s'y disperser;
si la rapidité avec laquelle elles y progressent est supérieure à
mose
est
le'iomène
116 ABSOliPTlON.
celle du courant formé par cette même colonne aqueuse, elles
parviendront ainsi, par l'intermédiaire de celle-ci, jusque dans
la masse d'eau située du côté o[)posé de la membrane et s'y
répandront. Il pourra donc y avoir dans le même canal un
courant d'eau qui, mis en mouvement par l'action capillaire de
la membrane et par la puissance attractive de la substance
osmogène , ira vers cette dernière, et un courant opposé formé
par les molécules de celle-ci qui se répandent dans l'eau par
diffusion (1).
Dutrochet, à qui l'on doit la connaissance de la plupart des
faits fondamenlaux relatifs aux phénomènes osmotiques, a par-
faitement démontré l'existence de ces courants inverses, et les
a désignés sous des noms différents. Ainsi que nous l'avons
,(1) Diilrochet supposait que l'en- sujet, et pensa pouvoir explique!' tous
dosmose était produite soit par l'élec- les faits observés en tenant compte :
tricilé (a) , soit par quelque force 1° de l'inégalité de la force d'attrac-
inconnue liée à l'action vitale (6) ; lion entre les molécules des liquides
mais celte hypothèse ne pouvait sou- dilférents ; 2" de la facilité inégale avec
tenir un examen sérieux. laquelle les divers liquides traversent
Poisson a très bien rendu compte la même ouverture capillaire [d], Ef-
du rôle que les actions capillaires feclivemont cela rendrait compte de
jouent dans le transport de l'un des l'inégalité de niveau entre les deux
liquides vers l'autre à travers la sub- liquides séparés par une membrane
stance de la cloison perméable, mais perméable, mais n'expliquerait pas le
il n'a pris en considération qu'une double transport en sens inverse qui
porlion des phénomènes osmotiques, s'opère à travers celte cloison. Quel-
et, par conséquent, la théorie qu'il ques années plus lard, M. Hainey in-
cherche 'd en donner ne peut salis- voqua la force de diffusion des molé-
faire ni les physiologistes ni les physi- cules en dissolution, pour expliquer
ciens (c). ce qui se passe dans les actions osmo-
j\l. Magnus s'occupa aussi du même tiques (e) ; mais cet auteur ne s'ap-
{a) UiUroclict, L'agent immédiat du mouvement vital dévoilé, p. 133 et suiv.
— Becquerel, Traité de l'électricité, t. IV, p. 197 et suiv. — Traité de pliysiclue considérée
dans ses rapports avec la chimie et les sciences naturelles, 4844, t. U, p. 214 et suiv.
(b) Diitroclict, art. END0SM0SI3 (ToilH's Cijclop. of Anat. and Physlol., 1839, t. Il, p. dtO).
(<)roisfon. Op. cit. {Journal de physiologie do Mag-endic, 1820, 1. VI, p. 301).
(d) Magnus, Uelier einige Ers( heinungen der Capillaritdt (Pog'gendorfl''s Annalen, 1827, t. X,
p. 81), cl Sur quelques phénomènes de capillarité (Annales de chimie et de physique, 1832, t. LI,
p. 173 et suiv ).
(fi) G. lïainey. On the Cause of Endosmose and Exosmose (Philosophical Magasine, 1840
t. XXIN, p. 17'J).
PHÉNOMÈINES OSMOTIQL'ES. 117
déjà vu, le courant fort, c'est-à-dire celui qui se rend au liquide
dont le volume augmente , est appelé par ce physiologiste ie
courant endosmotique ; l'autre, qui répand une certaine quantité
de la substance osmogène dans le liquide au\ dépens duquel
l'endosmose s'effectue, est dit communément le courant exos-
molique; mais quelques auteurs préfèrent l'appeler le courant
de diffusion.
Afin de rendre l'exposé des faits et les raisonnements qui s'y Effets
osmoliques
rattachent plus faciles à suivre, ie n'ai parlé jusqu'ici que des produits
, " • 1 ' 1 1 P*' ^^^ liquides
phénomènes produits par la réaction de liquides dont la nature anaio-ues,
, ,, 1 • 1 mais d'inégale
fondamentale est différente, telle que 1 eau et 1 alcool ; mais la densité.
théorie que j'en ai donnée est également applicable aux effets
osmoliques qui peuvent être déterminés par l'interposition d'une
puya pas sur des faits assez probants des forces qui concourent avec l'at-
pour faire prévaloir son opinion. La traction capillaire, et Tadiiésion ou
question du mécanisme de ces échan- l'affinité des liquides hétérogènes, à
ges inégaux fut discutée aussi par produire les ellets dont l'osmose est
plusieurs physiologistes de l'Aile- accompagnée (6). Je dois ajouter cepen-
magne, et les faits introduits dans dant que ce dernier expérimentateur
la science par quelques-uns de ces ne me semble pas tenir assez compte
savants sont d'une grande impor- du rôle de la capillarité dans la pro-
tance (a) ; mais ce sont surtout les re- duction de ces phénomènes, et que je
cherches plus récentes de ;\i:\I. Briicke, ne saurais adopter ses vues théoriques
Ludwig et Grahain qui m'ont fourni relatives à l'origine toute chimique
les principales vues exposées dans la des forces osmotiques.
suite de cette Leçon, touchant le jeu
(a) Jericliau, Veher das Zusammenstrômen flûssigev Korper, welche durch porôse Lamellen
gelrennt sind (Poggendorff's Annalen der Physik iind Chemie, 1835, t. XXXIV, p. (513).
— Kiirschner, art. Aufsaugung (Wagner's Handwortevbuch der Physiologie, 1842, t. I, p. 5 4).
— Vierordt, Bericht iiber die bislierigen die Endosmose belreffcndeii Untei'suchungen {Archiv
fur physiologische Heilkunde, 1846, t. V, p. 479). — Physik des organischen Sloffwechsels
{Op. cit., 1847, t. VI, p. 651).
— Ph. Jolly, Experimentaluntersuchungen iiber Endosmose (Zeitschr. fur rationelle Medicin,
1849, t. VIT, p. 138 etsuiv.).
(6) Briicke, De diffusione hiimorum per septa mortua et viva (Dissert, inaug.). Berlin, 1843.
— • Beitrûge iur Lchre von der Diffusion tropfbarfliissiger Korper durch Scheideiuânde (Poggen-
dorfTs Annalen, \ 843, t. LVIll, p. 77).
■ — Ludwig, Ueber die endosmotischen ^Equivalente und die endosmotische Théorie {Zeitschr.
fiir rationelle Medicin, 1849, t. VIII, p. 15 et suiv., et Lehrbiich der Physiologie des Menschen,
1852, t. I, p. 61).
— Th. Graham, On Osmotic Force {Philos. Trans., 1854, p. 179).
Et comme préliminaires des reclierches de cet auteur sur la diffusiou des liquides, voyez ci-dessus,
p, 103 et suiv.).
118 ABSORPTION.
cloison perméable en ire deux portions d'un même liquide qui
se" trouvent inégalement chargées d'une substance étrangère
en dissolution dans leur intérieur ou entre deux liquides de
même nature dont l'un serait pur et l'autre servirait de
menstrue à une certaine quantité de matière étrangère , par
exemple de l'eau distillée, et une solution aqueuse de chlorure
de sodium. Nous savons que le sel commun est un corps qui
attire l'eau avec une cerlaine force ; l'étude des phénomènes
d'imbibition nous a appris que les tissus organiques exercent
une action capillaire plus intense sur l'eau que sur la dissolution
saline. Nous pouvons donc prévoir que si de l'eau pure est
séparée d'une dissolution concentrée de chlorure de sodium
dans de l'eau par une cloison membraneuse, le sel déterminera
un courant endosmotique et appellera ainsi dans son sein l'eau
dû dehors. Mais nous avons vu aussi que les molécules de
chlorure de sodium en dissolution dans un liquide tendent à se
répandre uniformément dans la totalité de l'espace qui leur est
offert par ce menstrue ; elles doivent donc faire effort pour
s'avancer dans l'eau qui arrive dans la dissolution où elles se
trouvent, et pour occuper ensuite l'espace que leur présente le
volume du même liquide qui se trouve au delà du diaphragme.
Ces molécules, en obéissant aux lois de la diffusion, formeront
donc dans le liquide en mouvement dans les canaux de la cloi-
son un contre-courant dirigé de la dissolution vers l'eau, et
arriveront avec une certaine vitesse dans ce dernier liquide
pendant qu'une portion de celui-ci se déplacera en sens inverse
pour aller s'accumuler du côté du diaphragme où se trouve la
dissolution saline, et se confondre avec celle-ci.
Ces échanges devront s'effectuer aussi entre les deux liquides
lorsque ceux-ci seront des dissolutions de la même substance
dans un menstrue identique, mais d'inégale densité, c'est-à-dire
dont l'un contiendra une proportion plus grande de la matière
dissoute, et les deux courants contraires ne devront cesser
PHÉNOMÈNES QSMOTIQUES. H9
complètement que lorsque la distance entre les molécules de
cette matière sera égale des deux côtés de la cloison, ou, en
d'autres mots, le degré de concentration de la dissolution iden-
tique dans les deux volumes du liquide séparés par la cloison
perméable.
Nous voyons donc que pour se former une idée nette de ces
phénomènes, il ne faut pas considérer les passages capillaires de
la cloison osmotique comme étant traversés à la fois par un ''l'eSsmoT'
courant du menstrue qui se dirigera vers la dissolution, et '''''''•''°''"°'^-
un courant de la dissolution qui se rendrait dans le menstrue,
mais comme logeant un seul courant du liquide dissolvant dans
l'intérieur duquel des molécules de la substance en dissolution
se meuvent en sens inverse (1) ; et cette indépendance des mou-
Résumé
relatif
à la nature
(1) Dutrochet, et la plupart des
autres physiologistes ou chimistes
qui ont écrit sur l'endosmose, n'envi-
sagent pas ce phénomène d'une ma-
nière aussi simple, et pensent que
l'échange entre les deux liquides ne
consiste pas seulement dans le trans-
port de l'un à traTers la cloison et la
diffusion des molécules en dissolu-
tion dans la totalité de la masse du
menstrue, mais résulte de l'établisse-
ment de deux courants plus considé-
rables. Ainsi, quand de l'eau salée est
dans l'endosmomèlre et de l'eau dis-
tillée dans le bain extérieur, ils suppo-
saient que l'exosmose consiste non pas
dans la sortie d'un certain nombre de
molécules de sel seulement, mais
dans le passage du dedans au dehors
d'un courant d'eau salée, c'est-à-dire
de ces mêmes molécules escortées des
molécules d'eau dont elles étaient en-
tourées dans la dissolution ; mouve-
ment qui serait accompagné d'un
transport en sens inverse d'un volume
d'eau égal à celui de la dissolution qui
s'échappe et à la différence qui se
manifeste entre la quantité initiale et
la quantité finale du liquide empri-
sonné dans l'endosmou^ètre. Dutro-
chet dit positivement que ces deux
courants doivent se trouver réunis
dans chacun des canaux capillaires
formés par les cavités interstitielles
de la cloison endosmique (a); et
M. Liebig semble avoir voulu donner
une démonstration matérielle de ce
mode d'échange, lorsque, au lieu de
charger son endosraomètre d'une
dissolution sahne oïdinaire, il y place
du sel dissous dans de l'eau colo-
rée en bleu. Effectivement , dans
celte expérience, on voit la teinie
bleue se répandre de proche en pro-
che dans le bain pendant que l'eau de
celui-ci traverse la meiiibrane en sens
inverse pour entrer dans l'appareil et
s'y mêler à la dissolution saline (6) ;
(a) Dutrochet, De l'endosmose {Mémoires, t. I, p. 97).
(6j Liebig, Op. cit. (Annales de chimie et de physique, 3" série, 1849, t. XXV, p. 382).
120 ABSORPTION
vemeuts des molécules de ce dernier corps, lors même (jue
celui-ci serait uni à la substance du menstrue par des attractions
puissantes, est fiicile à comprendre, car elle serait assurée au
moyen d'une série de décompositions et de recompositions suc-
cessives des g'roupes d'atomes constitués par les deux corps en
présence. Supposons, par exemple, que la dissolution soit for-
mais ce phéîiomène ne prouve en au-
cune façon que de l'eau soit sortie de
rendosmomt'lre en même temps que
de l'eau y entrait ; car du moment que
la dissolution de matière tinctoriale se
trouvait en contact avec de l'eau pure,
les molécules de cette matière, en
vertu des lois de la diffusion , de-
vaient tendre à se distribuer unifor-
mément dans cette eau et à se ré-
pandre dans le bain circonvoisin, ab-
solument comme le font les molécules
salines dans les expériences de ditfu-
sion ordinaire. Je ne comprendrais
pas comment un courant d'eau char-
gée de sel ou de matière colorante
pourrait avancer dans un canal étroit
qui est parcouru en sens inverse par
un courant dont la direction est con-
traire et dont la puissance est plus
grande ; mais il est facile de concevoir
le mouvement progressif des molé-
cules de sel ou d'indigo dans le sens
de chacun des filets capillaires d'eau
qui s'avancent en sens inverse : et lors
même que ces molécules seraient
unies h un groupe plus ou moins
considérable de particules d'eau, soit
par le jeu d'affinités chimiques, soit
par simple attraction adhésive, leur
transport indépendant n'en serait pas
plus difficile à comprendre, car il
s'effectuerait, à l'aide d'une série de
décompositions et de recompositions
successives de ces groupes molécu-
laires, de la même manière que l'hy-
drogène séparé de l'oxygène par la
décomposition de l'eau, au pôle po-
sitif de la pile, se trouve transposé au
pôle négatif à travers le bain intermé-
diaire, phénomène qui a été donné, il
y a plus d'un demi-siècle, par Gro-
thuss.
Ce sont principalement les recher-
ches importantes de M. Briicke et de
M. Graham qui ont fait connaître le
rôle de la diffusion dans la production
des phénomènes osmotiques (a).
En effet, l'iudépendance des mou-
vements de l'eau dans les cas d'en-
dosmose, et par conséquent la possi-
bilité d'une indépendance égale pour
les molécules d'un sel ou de tout autre
corps en dissolution, a été mise en
lumière par une expérience de
M. Briicke. Ce physiologiste a constaté
que si l'on plonge dans une dissolu-
tion d'acétate de plomb la cloison
membraneuse formée par un mor-
ceau de vessie et fixée à l'extrémité
inférieure d'un tube , et si , après
l'avoir laissée s'imbiber de ce réactif,
on verse dans le tube une dissolution
de bichromate de potasse, ce dernier
sel pénètre promplement dans la
membrane et y donne lieu à un pré-
fa) Briicke, Beitrage zur Lehrevon der Diffusion tropjbarflûssiger Kurpar durchporôse Scheide-
waiide (PoggendorfT's Annalen der Plujsik uiid Cliimie, 1843, t. LVIIt).
— Graliani, On Osmotic Force {Philos. Trans., 1854, p. 178).
PHÉNOMÈNES OSMOTIQUES. 12'1
mée par du chlorure de sodium dans de l'eau, et que ce soit
aussi dans de l'eau que la diffusion s'opère : les molécules d'eau
qui, dans le premier de ces liquides, entourent chaque molécule
de sel, resteront en place et n'accompagneront pas cette der-
nière dans son voyage ; chaque groupe de molécules déjà
formé d'après les lois de la dissolution abandonnera des molé-
cipité de chiomate de plomb ; mais,
de même que l'acélate de plomb, il
ne pénètre pas au delà, et il ne se
forme de précipilé ni dans l'un ni
dans rautre des deux liquides. Cepen-
dant; si Ton salure alors avec du sucre
la solution d'acétate de plomb, on voit
le volume de celui-ci augmenter pen-
dant plusieurs jours aux dépens de
l'eau de la dissolution de chromate de
potasse, sans que la transparence des
liquides soit troublée ni d'un côté
de la cloison membraneuse ni de
l'autre. Il est donc visible que c'est
de l'eau pure qui a passé à travers
celle-ci pour se rendre de la solutiou
plombique dans la dissolution du chro-
mate, et que l'action osmotique ou
capillaire de la membrane a déterminé
la séparation des molécules d'eau et
de chromate potassique qui se trou-
vaient mêlées ou combinées dans la
dissolution située du côté électro-
positif de l'appareil (a).
M. Buckheim (de Dorpat) a donné
plus récemment une nouvelle théorie
des phénomènes osmoliques, qui, au
premier abord, peut sembler très dif-
férente de celle adoptée dans ces leçons,
mais qui, en réalité, y ressemble beau-
coup , excepté par les mots employés
pour désigner les forces moléculaires
réagissantes. M. Buckheim distingue
dans le tissu de la membrane osmotique
les parties solides et les parties po-
reuses ou lacunaires, et, eu ce qui
concerne les premières, il pense que
l'imbibition n'est pas un phénomène
de capillarité, mais le résultat d'une
combinaison chimique entre l'eau et
la substance constitutive du tissu. Les
molécules d'hydrate ainsi formées,
qui occupent la surface en contact avec
la matière osmogène , laquelle est
avide d'eau, seraient décomposées par
celle-ci et lui céderaient en totalité ou
en partie leiu- eau constitutive, mais
se reconstitueraient aussitôt en enle-
vant aux molécules d'hydrate de la
couclie suivante une partie de l'eau
constituée de celles-ci qui, à leur tour,
en prendraient aux molécules d'hy-
drate adjacentes, et ainsi de suite,
depuis la surface de la membrane qui
est en contact avec l'agent osmogène
jusqu'à celle qui est en contact avec
l'eau pure et qui se réhydraterait aux
dépens de ce dernier liquide. Il y au-
rait donc de la sorte un courant établi
à travers la substance de la mem-
brane du bain jusque dans le liquide
osmogène, tout comme dans le cas où
l'eau imbibée par la membrane y se-
rait appelée et retenue par l'attraction
adhésive au lieu de l'afiTmité chimique.
Quant au courant inverse formé par
les molécules du sel ou de tout autre
agent osmogène, M. Buckheim en rend
{a) Brûcke, Op. cit. (Poggendorff's Annalen, t. LVIII, p. 89),
122
ABSORPTION.
Cilles salines aux molécules aqueuses voisines pour leur fournir
les éléments d'un groupe semblable ; il se reconstituera ensuite
aux dépens du groupe qui le suit, et ainsi de procbe en proche.
L'espèce d'atmosphère aqueuse dont chaque particule de sel
est entourée conserve sa forme et sa grandeur ; mais sa matière
constitutive change à mesure que sa translation s'effectue, et ce
renouvellement s'opère sans difficulté, les forces attractives élant
égales de part et d'autre, tout comme l'hydrogène dégagé de
l'eau par la décomposition de ce liquide au pôle positif de la
pile galvanique se transporte en apparence à travers le bain
jusque dans le voisinage du pôle négatif par la décomposition et
la recomposition de la série des atomes d'eau intermédiaires
aux deux électrodes : phénomène dont la théorie, donnée par
compte par la diffusion à travers les
pores ou cavités interstitielles de la
membrane; il admet que la substance
de celle-ci n'est pas apte à former avec
ces matières des combinaisons chimi-
ques comme elle en constitue avec
l'eau, et que par conséquent le trans-
port de ces molécules vers le bain ne
peut se faire par les parties compactes
de la cloison membraneuse, et a lieu
seulement par les pores ou passages
capillaires (a).
En réalité, la valeur proportionnelle
des deux courants endosmotique et
exosmotique serait donc réglée par le
rapport existant enire la somme des
espaces capillaires d'un certain calibre
où les molécules de l'agent osmogène
peuvent passer, et celle des parties
d'une structure plus serrée où le li-
quide dont cet agent est avide peut
seul pénétrer; et la différence entre
la théorie de M. Buckheim et celle de
MM. Briicke et Ludwig se réduit à con-
sidérer la pénétration de ce liquide
dans la portion compacte de la mem-
brane osmotique comme élant déter-
minée par le jeu d'affmités chimiques
faibles, au lieu d'être due à l'altraction
adhésive ou effet de capillarité. Nous
avons déjà vu que la ligne de démar-
cation entre ces forces moléculaires est
très difficile à établir, en supposant
même que, d'après la nature des cho-
ses, il soit possible de la tracer autre-
ment que d'une manière arbitraire ; et
l'on rendrait la conception des phéno-
mènes ciiimiques ordinaires moins fa-
cile et moins nette, si l'on attribuait à
l'affinité tous les effets du même ordre
que ceux dont il est ici question, car
on se trouverait conduit de la sorte à
considérer comme «ne combinaison
chimique toute unionquis'établit entre
un liquide et un solide, quand le pre-
mier mouille le second.
(a) Buchlieim, Beitrdge %ur Lehre von der Endosmose (Archiv fur physiologische lleilkunde,
1853, t. XII, p. 217).
PHÉNOMÈNES OSMOTIQUES. 123
Grothus, il y a plus d'un demi-siècle, est admise aujourd'hui
par tous les physiciens.
En résumé, nous devons donc considérer les phénomènes Équivalents
osmotiques comme consistant essentiellement en un échange «"'i°^°^°'"i"''^'
entre deux liquides miscibles qui est déterminé à la fois par les
attractions physiques ou chimiques exercées par les molécules
hétérogènes de ces corps les unes sur les autres, et par le
pouvoir diffusif des molécules des substances en dissolution ;
échange qui est réglé, quant aux proportions dans lesquelles il
s'effectue, par l'action capillaire inégale que la cloison perméable
exerce sur les matières que cette cloison sépare.
On désigrfe généralement sous le nom d'équivalents endos-
motiques les quantités des diverses substances réagissantes qui,
par suite de ces échanges, se substituent à une unité de volume
de l'une d'elles dans l'espace occupé par celle-ci, et il est
évident que les changements qui s'observent dans le volume
de chaque liquide à mesure que l'action osmotique se poursuit,
doivent dépendre de la valeur de cet équivalent. Enfin il est
également aisé de comprendre que pour évaluer la puissance
osmogène d'un corps, il faut tenir compte, non-seulement de
l'accroissement déterminé de la sorte dans son volume, mais
aussi des pertes de substance qu'il subit pendant que ce phéno-
mène se produit, et qui sont masquées par l'effet de cette
substitution (1).
(1) M. Ph. Jo)Iy fut le premier à dosmotique d'un corps, M. Jolly place
faire une élude spéciale des substltu- un poids connu de cette substance
tionsosmotiques,et à désigner, sous le soit à l'état solide, soit en dissolu-
nom d'egwù'a/e^iis e?îc?o5/?7o<?"'7i(es, les tion, dans un vase dont le fond est
quantités d'une substance qui rem- formé par une membrane perméable
place une autre dans les éclianges ainsi (de la vessie de cochon), et plonge de
effectués; mais cet expérimentateur quelques millimètres seulement dans
pensait que ces quantités sont con- un bain d'eau distillée, dont le volume
stantes, opinion qui a dû être aban- est très considérable et que l'on re-
donnée, nouvelle souvent, ou mieux encore
Pour déterminer Véquivalent en- qui se renouvelle sans cesse à l'aide
12/l ABSORPTION.
Je ne prétends pas que les forces moléculaires dont je viens
d'expliquer le jeu soient les seules qui puissent contribuer à
la production des effets osmotiques, mais elles peuvent suffire
pour déterminer les déplacements de matière qui constituent
le phénomène dont l'étude nous occupe ici, et, dans la plupart
d'un courant, de ntianièreà rester tou-
jours à peu près pure, malgré la dif-
fusion de la matière osmogène. L'ap-
pareil est disposé de façon à maintenir
à peu près l'équilibre hydrostatique
entre les deux liquides, malgré l'aug-
mentation de volume de celui qui oc-
cupe l'intérieur de l'endosmomètre, et
l'expérience se prolonge jusqu'au mo-
ment où la totalité de la substance
osmogène déposée dans cet instru-
ment s'est répandue au dehors et a
été remplacée par de l'eau que l'on
peut considérer comme pure. On dé-
termine alors le poids du liquide qui
s'est substitué ainsi au corps osmo-
gène, et l'on compare ce poids à celui
de ce dernier corps au commence-
ment de l'expérience, en ramenant
ce dernier poids à une valeur con-
stante choisie comme unité de me-
sure : un gramme , par exemple. En
expérimentant de la sorte, M. Jolly
a trouvé que, dans les conditions où
il se plaçait, les quantités d'eau accu--
mulées dans l'endosm|>mètre en rem-
placement d'une même substance os-
mogène ne variaient que peu, mais
que ces quantités différaient beaucoup
suivant la nature de ces substances (a).
Le tableau suivant résume les résul-
tats ainsi obtenus , en supposant que
le poids de chaque substance osmo-
gène était d'un gramme :
NOM DE LA SUBSTANCE OSMOGENE.
EQUIVALENTS ENDOSMOTIQUES.
TERME MOYEN,
Chlorure de sodium . ,
Sulfate de soude. . . .
Sulfate de potasse . . .
Sulfate de magnésie . .
Sulfate de cuivre. . .
Bisulfate de potasse .
Sulfate d'eau (SO^HO).
Potasse hydratée . . .
Alcool
Sucre
Gomme
4,
12,
12,
H,
9,
2
o!
231,
i,
7,
il,
316
440
760
802
564
345
391
400
336
250
790
3,820
11,066
11,420
11,503
0,308
200,090
4,132
7,064
4,223
11,628
12,277
11,652
0,349
215,745
4,169
7,157
PI tis récemment, un des jeunes phy-
siologistes de l'école de Dorpat, M. Har-
zer, a fait de nouvelles recherches sur
ce sujet , en évitant quelques causes
d'erreur dont M. Jolly ne s'était pas
préservé, et en variant la nature des
membranes à travers lesquelles les
échanges osmotiques s'effectuaient.
(a) Ph. Jolly, Experimentaluntersuchungen ûber Endosmose ( Zeitschrifù fur rationelle
in, 1849, I. Vil, p. 83).
PHÉNOMÈNES OSMOTlQUES. 1^5
des cas, les circonstances qui font varier les résultais obtenus
n'interviennent qu'en influant sur le degré d'intensité avec
lequel l'une ou l'autre de ces puissances exerce son action.
Pour le moment, je laisserai donc de côté la recherche des
forces accessoires quij dans certains cas, peuvent provoquer
des mouvements analogues, et je m'attacherai d'abord à l'étude
des conditions qui d'ordinaire déterminent ou règlent les
échanges dont il vient d'être question.
Pour évaluer ces échanges, on peut se contenter de calculer
les profits et les pertes de l'un des liquides réagissants, et, pour
faire cette estimation, on emploie communément un appareil
très simple que Dutrochet a désigné sous le nom (ïendosmo-
mètre. C'est un réservoir dont la paroi inférieure est formée
par une lame perméable , le plus souvent une membrane ani-
Or il a trouvé ainsi que la qiianlilé
d'eau attirée dans l'intérieur de l'en-
dosmomètre, pendant la période de
temps employé par la substance os-
mogène pour se répandre au dehors
dans le bain adjacent, pouvait varier
dans la proportion de 1 à 6, suivant
que la membrane à travers laquelle
ces mouvements de translation s'ef-
fectuaient élait préparée de manière
à être plus ou moins perméable à la
substance employée {a\
M. I^udwig a publié aussi des recher-
ches sur la valeur des équivalents en-
dosmotiques d'une même subslance.
Il a fait varier soit la durée de l'ex-
périence, soit le degré relatif de con-
centration des deux liquides, et il a
obtenu de la sorte des différences très
considérables. Ainsi, en plaçant du
chlorure de sodium cristallisé dans
un endosmomètre et en mettant cet
instrument en rapport avec l'eau
pure, il a vu que l'équivalent était,
dans une expérience, de 3,k au bout
de soixante-huit heures, et de 5,7 au
bout de deux cent trente-quatre heures;
dans une autre expérience, à la pre-
mière de ces périodes, de Zi,0, et après
la seconde, de 6, '2. Cela indique que la
dissolution très concentrée du sel laisse
échapper par diffusion une plus grande
proporlion de molécules salines que la
dissolution étendue. Du reste, on re-
marque beaucoup d'irrégularité dans
la marche de ces expériences (6).
On doit également à M. Cloetta des
recherches sur les équivalents endos-
motiques (c).
la) Harzer, Beitfâge mr Lehre vom Endosmose {Àrchiv fur physiologische HeilkunJe, i856,
t. XV, V. d94).
(b) Luilwic;, Ueber die eudosmotischeii ^équivalente und die endosmotische Théorie {Zeitschr,
fur ralionelle Medicin, 1849, t. VllI, p. 8).
(c) CloeUa, Diffusionsversuche durch Membranen mit l2 Salzen. Zurich, 1851.
126 ABSORPTION.
maie, un morceau de vessie, par exemple, et dont la partie
supérieure est fermée, sauf dans le point où se trouve insérée
l'extrémité d'un tube vertical ouvert par le haut. On renferme
dans cet instrument le liquide dont on veut étudier Faction
osmogène, et l'on met la surface extérieure de la paroi perméable
du réservoir en contact avec le second liquide en la faisant
plonger plus ou moins dans le bain constitué par celui-ci ; puis
on note le point correspondant au niveau du liquide intérieur
dans le tube vertical de l'endosmomètre, et l'on évalue les chan-
gements de volume que ce liquide éprouve en conséquence des
actions osmotiques, par le déplacement de ce niveau qui monte
ou qui descend dans le tube proportionnellement à ces chan-
gements (1).
(1) Dans les premières expériences
fuites par Dulrochet, le réseivoi"; de
rendosniomèlre était formé par un
sac membraneux, tel que le cœcum
de l'intestin d'un Poulet ou la vessie
natatoire d'un frisson (a) ; mais il ne
tarda pas à faire usage de l'instrument
décrit ci- dessus (6).
Afin d'éviter les erreurs d'observa-
tion qui pourraient résulter de la cour-
bure de la cloison membraneuse sous
la pression exercée par le liquide su-
perposé, M. Graham place ce genre
d'endosmomètre sur une lame rigide
criblée de trous et supportée par un
trépied (c). Enfin, pour diminuer les
complications dues à la transsudalion
que pourrait déterminer la même pres-
sion hydrostatique, il a soin d'élever le
niveau du bain extérieur à mesure que
l'endosmose augmente, de façon à
maintenir ce niveau à une petite dis-
tance seulement au-dessous du niveau
du liquide intérieur. Pour se mettre
plus sûrement à l'abri de cette der-
nière cause d'erreur, M, Ludvvig a fait
usage d'un tlacou qui avait pour fond
la cloison perméable et qui était sus-
pendu à l'aide d'une poulie, de façon
cl descendre dans le bain à mesure
que la quantité de liquide qui s'accu-
mulait dans son intérieur augmentait.
Les eflèls endosmotiques étaient éva-
lués non par l'élévation du liquide
dans un tube, mais par les diiïéren-
ces de poids avant et après l'expé-
rience (d).
MM. Matieucci et Cinia ont substitué
à l'appareil de Dutrochet une espèce
d'endosmomètre différentiel, composé
d'un réservoir divisé en deux compar-
timents par une cloison membraneuse
verticale, et se continuant, par cha-
cune des cellules ainsi établies, avec
(a) Dutrochet, L'agent imn^édiat du mouvement vital dévoilé, p. 130 et suiv,
(6) Dutrochet, Nouvelles recherches expérimentales sur l'endosmose et V exosmose,
pi. 1 , fig. 1 .
(c) Gra-ham, Op. cit. {Philos, Trans., 1854, p. 185, fig. 2, 3 et 4).
(d) Ludwig, Lehrbuch der Physiologie, 1. 1, p. 64, fig. 7.
PHÉNOMÈNES OSMOTIQUES. 127
Les expériences pratiquées de la sorte, ou faites d'après des
méthodes analogues, rendent visible à l'œil la résultante des
échanges osrnotiques, mais ne suffisent pas lorsqu'on veut
approfondir l'étude de ces mouvements, et déterminer, soit le
pouvoir osmogène d'un corps, c'est-à-dire la quantité d'une autre
substance qu'une quantité donnée de ce corps est susceptible
d'attirer dans son sein en l'enlevant cà la cloison perméable
adjacente, soit Véquivalent endosmolique de cette substance,
c'est-à-dire le volume du liquide extérieur qui se substitue à
chaque unité de volume de celle-ci, ou, en d'autres mots, la
balance entre les gains déterminés par le jeu des forces attrac-
tives dont dépend l'endosmose, elles pertes occasionnées par la
diffusion des molécules de la matière osmogène dans le second
liquide. Dans ce cas, l'observation des volumes ne nous éclai-
rerait en rien, et il faut constater les changements opérés dans la
composition des deux masses liquides qui sont séparées par le
diaphragme perméable, et déterminer les proportions dans les-
quelles l'une des substances réagissantes entre dans la consti-
tution de ces volumes avant et après la réalisation de l'échange
osmotique (1).
un tube vertical ouvert par le haut et ham a fajt usage d'un endosmomètre
muni d'une échellec Les deux liquides dont le réservoir était constitué par
sont déposés dans les deux comparli- un des vases poreux que les pliysi-
nienlsde l'instrument, et chacun d'eux ciens emploient pour la construction
s'élève à une certaine hauteur dans le des piles de Grove, et il y adaptait un
tube correspondant. On établit d'abord tube vertical à l'aide d'un ajutage de
le même niveau dans les deux bran- gutta-percha (c). Il s'est servi aussi
ches de ces vases communicants, et, de ces pots sans ajutage, en évaluant
par l'inégalité de niveau due à l'action les produits des échanges par des pe-
osmolique, on juge des résultats ob- sées ou des dosages chimiques,
tenus (a). M. Vierordt a employé un (1) Ainsi, dans toutes les expériences
appareil analogue (6). dont je viens de parler, l'effet appa-
Dans d'autres expériences, M. Gra- rent, c'est-à-dire le changement dans
(a) Matteucci et Cima, Mém. sur l'endosmose [Annales de chimie et de -physique, 3' série, 1845,
t. XIll, p. 63, pi. d).
(6) Vierordt, PhysiK des organischen Stoffvjechsels {Archiv fiir physiologUche Heilkunde, 4847,
t. YI, p. 655, pL).
(c) Graham, loc. cit., p. 180, fig. 1.
^28
ACSOHPTION.
Un premier résullat qui a été donne par les expé-
Indiience
deia^urface rienccs pratiquécs de la sorte, et qui était facile à prévoir par
permea e. j^ théorie, cst que , toiites choses étant égales d'ailleurs^ la
quantité de liquide introduit dans une cavité de l'endosmomèlre
est prûportio7melle à l'étendue de la cloison perméable à travers
Je volume ou dans le poids du liquide
que j'ai appelé osmogène, paixe qu'il
est la cause principale du phéno-
mène, n'est que le produit de la dif-
férence entre les quantités de matières
déplacées dans un sens par le courant
endosmolique qui pénètre dans ce li-
quide, et en sens contraire par l'ex-
pansion diffusivedes molécules en dis-
solution dans ce dernier milieu ou
courant exosmotique, pour employer
ici jes expressions adoptées par Du-
trochet. Pour évaluer la puissance
osmotique déployée dans ces circon-
stances, il faudrait donc ajouter aux
effels apparents la valeur des pertes
subies par l'agent osmogène. Par
exemple, quand l'endosmomètre est
amorcé avec une dissolution de sucre
et plongé dans un bain d'eau distillée,
la quantité de ce dernier liquide qui
pénètre dans l'intérieur de l'instru-
ment pour obéir à l'action attractive
du sucre est en réalité beaucoup plus
grande qu'on ne le croirait au premier
abord, car elle correspond en même
temps à l'excédant de volume final du
liquide intérieur comparé au volume
initial de celui-ci, et à la quantité de
sucre qui s'esl échappée au dehors et
qui a été remplacée par de l'eau dans
la cavité de l'endosmomètre. Or, les
expériences de M, Grabam montrent
que le poids du sucre qui s'échappe
de l'instrument par TelTet de la dill'u-
sion est d'ordinaire égal à environ
1/5^- du gain réalisé par la dissolution
sucrée, par suite de ces échanges. Il en
résulte que la quantité d'eau qui, sous
l'influence attractive du sucre, a tra-
versé la cloison membraneuse , est
aussi d'environ 1/5' plus considérable
que celle indiquée par la comparaison
des volumes du liquide intérieur au
commencement et à la fin de l'expé-
rience.
Ainsi, dans une série de huit expé-
riences faites avec des dissolutions de
sucre à divers degrés de concentra-
tion (depuis 1 jusqu'à 10 pour 100 de
sucre), la proportion entre les pro-
duits de la diffusion, c'est-à-dire la
quantité de sucre répandue au dehors,
et les produits apparents de l'osmose,
c'est-à-dire l'augmentation de poids
déterminé dans la dissolution sucrée
par l'endosmose, n'a varié que peu.
Elle était en moyenne de oS",82/t.de
sucre épanché au dehors, eldel78^639
de gain réalisé par la dissolution. IViais
la quantité d'eau reçue par ce dernier
liquide se composait à la fois du volume
correspondant à ce dernier poids, et de
ce qui avait remplacé les Ss^S'i'i de su-
cre perdu, volume qui peut être estimé
à ■is'',25. Par conséquent, pour û5',82Zj.
de sucre déplacé par la diffusion, il
était entré 19s',>:82 d'eau, ce qui cor-
respond à 5,2 parties d'eau pour rem-
placer 1 partie de sucre. Dans d'autres
expériences analogues faites avec des
dissolutions à divers degrés de con-
centration, M. Graliam a oblenu à peu
près les mêmes rapports : ainsi, pour
PHÉNOMÈNES OSMOTIQUES. 129
laquelle ce passage s' effectue (\) . Nous verrons bientôt qu'il en
est de même pour l'absorption, et que par conséquent un des
moyens employés par la Nature pour accroître la puissance
absorbante d'un organe, c'est d'augmenter la surface par
laquelle celui-ci se met en rapport, d'une part avec la matière
qui doit pénétrer dans l'économie , et d'autre part avec le
fluide destiné à la recevoir, c'est-à-dire le sang.
§ 12. — Lorsqu'on varie les substances dont l'endosmo-
mètre est chargé, et qu'on opère d'ailleurs dans des condi-
tions identiques, on ne tarde pas à reconnaître que les effets
obtenus diffèrent beaucoup suivant la nature chimique de ces
corps.
Ainsi, prenons une série d'instruments de ce genre d'égale
capacité et garnis tous avec la membrane muqueuse de la vessie
du Bœuf; plaçons dans chaque endosmomètre une quantité de
liquide suffisante pour que la surface de celui-ci arrive au
niveau du zéro dans le tube gradué, et choisissons pour les
charger ainsi des dissolutions aqueuses de divers chlorures
dans la proportion de 1 en poids pour 100 parties d'eau ; enfin,
plongeons la parUe inférieure de chacun des instruments ainsi
Différences
dans
la puissance
osmogéniquo
des corps.
1 partie de sucre déplacée par diffusion
ou exosmose, l'eau ajjsorliée était de :
5.21 par la dissolution à 1 p. 100 de sucre.
5,85 — à 2 p. 100 —
5.22 — à 5 p. 100 —
4,43 — à 10 p. 100 —
4,66 — à 20 p. 100 —
La moyenne était de 5,07 parties
d'eau se substituant à 1 partie de
sucre (a).
(1) Ainsi, dans une expérience com-
parative faite parDutrocliet, les réser-
voirs des deux endosmomèlres con-
struits avec les mêmes matériaux et
amorcés avec les mêmes substances,
mais dont les cloisons perméables
avaient des diamètres dans le rapport
de 1 à 2, furent pesés avant leur im-
mersion dans l'eau et après un séjour
de deux heures dans ce liquide. Le
grand présenta une augmentation de
poids quatre fois plus considérable
que le petit; rapport qui était préci-
sément proportionnel aux différences
des surfaces absorbantes (6).
(a) Graham, On Osmolic Force (Philos. Trans., 1854, p. 197).
(6) Duirochet, Op. cit. [Mémoires, t. I, p. 28).
130 ABSORPTION.
préparés dans un bain d'eau distillée : au bout d'un certain
temps le liquide contenant le cblorure de sodium sera monté
de 12 millimètres ; celui contenant du chlorure de potassium
sera monté à 1 8 ; la dissolution de chlorure de strontium se
trouvera à 26 millimètres; la dissolution de chlorure de man-
ganèse à 36 millimètres ; celle de chlorure de nickel à 88 milli-
mètres ; celle de bichlorure de mercure à 121 millimètres; celle
de chlorure de cuivre à 351 millimètres ; enfin celle de chlorure
d'aluminium à 5/iO milhmètres (1).
Nous verrons bientôt qu'il existe une certaine proportionna-
lité entre le degré de densité d'une dissolu tian saline ou sucrée
et la grandeur des effets osmotiques déterminés par cette sub-
stance. Par conséquent, on pourrait croire au premier abord
qu'il doit y avoir des relations analogues entre la pesanteur spé-
cifique de corps de nature différente , et l'intensité de la force
motrice qu'elles sont susceptibles de déployer dans les circon-
stances dont l'étude nous occupe en ce moment. Mais il suffit
d'un petit nombre d'observations pour prouver que les choses
ne se passent pas ainsi. Par exemple, le chlorure de potassium,
qui donne des effets endosmotiques plus considérables que
le chlorure de sodium, est moins dense que ce corps, et les
chlorures de baryum et de calcium en diffèrent à peine sous
le rapport osmotique, quoique la densité du premier soit 3,9
et celle du second seulement 2,2. Du reste, pour mettre bien
en évidence ce défaut de relation entre la pesanteur spécifique
des corps et leur pouvoir osmogène, il suffit de comparer les
résultats fournis par l'emploi de dissolutions d'égale densité de
certaines substances, telles que du carbonate de potasse, du car-
bonate de soude, de l'acide oxalique ou de l'acide chlorhydrique :
(1) Les résultats indiqués ici sont trouve dans le mémoire de ce chi-
ceux obtenus dans les expériences miste beaucoup d'autres faits analo-
comparalives de M. Graham. On gués (o).
(a) Graliam, On Osmotic Force (Philos. Trans., 1854, p. 225.
PHÉNOMÈNES OSMOTIQUES. 131
avec ces sels basiques, la colonne endosmomélrique s'élèvera
rapidement; avec les acides convenablement dilués, elle s'abais-
sera d'une manière non moins remarquable, el descendra beau-
coup au-dessous du niveau du bain extérieur (I).
Ces faits, et beaucoup d'autres du même ordre que je pour-
rais invoquer si je ne craignais de m'arrêter trop longtemps sur
l'examen de cette question, prouvent aussi d'une manière sur-
abondante que la valeur des effets endosmotiques n'est pas liée
uniquement à la grandeur des forces attractives développées
entre les deux liquides réagissants ; et d'ailleurs le raisonne-
ment suffirait pour établir qu'il ne saurait y avon^ de connexité
nécessaire entre l'avidité plus ou moins grande d'une substance
pour une autre et l'accumulation des molécules de ces corps
dans l'espace occupé par l'un plutôt que dans celui occupé par
l'autre. Effectivement, si le corps A attire le corps B, celui-ci
doit agir de la même manière sur A, et par conséquent le
(1) Les effets négatifs de l'acide
oxalique n'ont pas échappé à l'atten-
tion de Dutrochet, et contribuèrent
beaucoup à rectifier les opinions de
cepiiysiologisie, relatives à l'ensemble
des phénomènes osmotiques. Il vit
aussi que des effets analogues pou-
vaient être produits par l'acide chlor-
hydrique, l'acide sulfhydrique et plu-
sieurs autres substances acides, mais
que cela était subordonné au degré de
dilution de ces corps dans l'eau {a).
M. Graham a repris plus récemment
l'étude de l'action osmolique de ces
substances, et a trouvé que le courant
dirigé de l'acide vers l'eau était le plus
puissant quand on chargeait l'endos-
momètre avec une dissolution d'acide
oxalique au titre de 1 p. 100.
L'acide sulfurique produit des effets
tantôt négatifs, tantôt positifs, lors-
qu'il est étendu dans 1000 parties
d'eau,
i\L Graham a observé des varia-
tions plus considérables dans ses ex-
périences sur d'autres acides, et il a
constaté que, sous ce rapport, quel-
ques-uns de ces corps changent de
caractère par le seul fait de leur fusion
ignée. Ainsi une dissolution faite avec
de l'acide citrique ou de l'acide tar-
trique, au litre de 1 p. 100, donne
des produits osmotiques positifs, tan-
dis que, préparées avec ces mêmes
acides préalablement fondus par la
chaleur, ces dissolutions donnent des
effets négatifs [h).
(a) Dutrochet, Sur V endosmose (Mémoires, 1. 1, p. 46 et suiv.).
(b) Graham, Op. cit. [Philos. Trans., 1854, p. 191).
membrane.
1 32 ABSORPTION .
déplacement de l'un ou de l'autre sera déterminé, non par le
degré d'intensité de cette attraction mutuelle, mais par la résis-
tance différente que cette force rencontrera pour mouvoir de la
sorte A et B. Or, la résistance inégale à vaincre dans cette
circonstance est due essentiellement à l'obstacle que le dia-
phragme situé entre les deux liquides oppose à leur passage.
Ladireciion Nous avons déjà vn que la direction du courant principal, ou
cnîosmotiq"ue couraut cndosmotiquc , c'est-à-dire celui qui baigne directe-
^pafSi'ôr ment les parois des passages interstitiels de la cloison placée
'ïk"" entre les deux liquides, est déterminée par la prédominance de
l'action capillaire exercée par cette cloison sur l'un de ces
liquides, lequel vient occuper ces passages, et traverse ainsi le
diaphragme pour se mêler ensuite à l'autre liquide. La théorie
nous conduit donc à poser en principe que, toutes choses étant
égales d'ailleurs , celui des deux liquides miscibles réagissants
qui sera attiré avec le plus de force par la substance de la cloison
perméable sera versé dans l'autre et en augmentera la masse.
Connaissant la force de pénétration relative avec laquelle
deux liquides s'accumulent dans un tissu organique, nous pour-
rons donc déterminer à priori celui vers lequel le courant
endosmotique se dirigera quand celui-ci sera séparé de l'autre
liquide par une cloison mince composée de ce même tissu. Ce
sera toujours le liquide le moins apte à s'insinuer dans la sub-
stance du diaphragme qui augmentera de volume aux dépens
de l'autre.
Voyons si l'expérience confirme ce raisonnement.
Nous savons, par l'étude des phénomènes d'imbibition, que
la force avec laquelle les divers liquides sont attirés dans les
espaces interstitiels d'un même tissu organique varie beaucoup
suivant la nature chimique de ces corps et suivant les condi-
tions dans lesquelles la réaction s'opère. Le volume du liquide
dont le tissu s'imprègne est réglé par le rapport entre cette
force qui tend à accumuler de la matière dans ses cavités à
PHÉNOMÈNES OSMOTIQUES. 133
parois extensibles et la résistance que la substance élastique
de ces mêmes parois oppose à la distension ; en sorte que si la
nature de cette substance reste la même, on peut juger delà
puissance d'imbibition par le degré dégonflement du tissu, ou,
ce qui revient au même, par le poids du liquide qu'il est sus-
ceptible d'accumuler dans son intérieur. Or, nous avons vu que
les tissus animaux, après avoir été privés d'eau par la dessicca-
tion, se gorgent d'eau quand on les plonge dans ce liquide, et
que si, au lieu de les placer dans l'eau, on les immerge dans
une dissolution aqueuse de sel commun, ils absorbent aussi
une certaine quantité de liquide, mais beaucoup moins que s'ils
étaient en présence d'eau pure(l). Nous savons également que
ces mêmes tissus se laissent pénétrer par l'alcool, mais n'ad-
mettent que fort peu de ce liquide.
D'après les principes établis ci-dessus, nous pouvons donc
prévoir que lorsque de l'eau se trouvera en contact avec une
des surfaces de la cloison osmolique formée par une membrane
organique de ce genre et de Talcool en contact avec la surface
opposée, le courant endosmotique se portera de l'eau vers l'al-
cool, bien que ce dernier liquide soit moins dense que le pre-
mier; et, effectivement, c'est ce que l'expérience nous montre.
Ainsi, quand on place de l'alcool dans le réservoir del'endos-
momètre garni d'un diaphragme fait avec de la vessie et qu'on
met de l'eau en contact avec l'extérieur de l'instrument, le
liquide intérieur augmente de volume et monte dans le tube
qui termine supérieurement cet instrument ; tandis que si le
même endosmomètre est chargé d'eau et plongé dans un bain
d'alcool, le liquide intérieur, au lieu de s'éiever, descend plus
ou moins rapidement, et sa surface peut être portée ainsi beau-
coup au-dessous du niveau du bain circonvoisin (2).
(1) Voyez ci -dessus, page 81 el Diiirochet avaient porté ce pliysiolo-
suivantes, gisle à penser que rcndosniose s'éta-
(2) Les premières expériences de blissait toujours du liquide le moins
134 ABSORPTION.
Nous avons déjà eu l'occasion de voir qu'il en est de
même quand une dissolution de chlorure de sodium, sub-
stance qui ne pénètre que faiblement dans un tissu animal,
est séparée d'un bain d'eau pure par une cloison formée
d'une membrane de ce genre. C'est l'eau qui traverse le dia-
phragme osmotique pour aller grossir le volume de la disso-
lution saline.
Je viens de dire qu'un endosmomètre chargé d'acide chlor-
hydrique dilué, et plongé dans de l'eau pure, donne lieu à une
osmose négative, c'est-à-dire que le courant dominant se porte
de l'intérieur à l'extériem^ et que c'est le volume de l'eau qui
augmente. Nous en pouvons conclure que la substance animale
dont la cloison se compose se gonflera davantage dans une dis-
solution semblable d'acide chlorhydrique que dans un bain d'eau
distillée; et, effectivement, des expériences faites dans une
tout autre vue, et dont j'aurai à rendre compte en traitant de
la théorie de la digestion, montrent que les choses se passent
de la sorte (1).
Les faits nous manqueraient bientôt, si nous voulions vérifier
l'exachtude de cette application des lois de la capillarité à tons
les cas particuliers où le courant endosmotique s'établit dans
une direction déterminée. Je ne pousserai donc pas cet examen
plus loin , mais il me semble nécessaire de dire que dans un
dense vers le liquide le plus dense (o); musculaire, des membranes el autres
mais ses recherches ultérieures lui matières animales immergées pendant
ont fait voir que cela n'est pas, et que, quelques heures dans de l'eau aiguisée
dans im grand nombre de circon- d'acide chlorhydrique se sont gorgées
stances, le contraire s'observe (6). d'une quantité si considérable de ce
(1) Dans les expériences t'ailes par liquide, qu'elles se sont gonflées énor-
MM. Bouchardat et Sandras sur les mément et sont devenues transpa-
digestions artificielles de la chair rentes comme de la gelée (c).
{a} Dutrochct, L'agent immédiat du mouvement vital, p. 120 et suiv.
{b) Idem, De l'endosmose {Mémoires, t I, p. 40).
(c) Dumas, Rapport sur un Mémoire de MM. Sandras et Bouchardat, relatif à la digestion
{Comptes rendus de l'Académie des sciences, 1843, t. XVI, p. 254).
PHÉNOMÈNES OSIMOTIÛUES. 155
grand nombre de cas on voit cette direction varier avec la
nature de la cloison osmotique. Ainsi, Dutrochet a remarqué
que si l'on substitue à la cloison perméable faite avec un mor-
ceau de la membrane muqueuse de la vessie un diaphragme
analogue composé de la membrane interne du gésier d'un
Poulet, le courant endosmotique déterminé par la réaction de
l'eau et de l'alcool ne se dirige plus, comme dans le premier
cas, de l'eau vers l'alcool, mais en sens contraire : c'est
l'alcool qui forme le courant dominant et qui se verse dans
l'eau (1).
Il en résulte que cette direction ne saurait dépendre des rap-
ports existant entre les propi-iélés physiques des deux liquides,
comme l'ont supposé quelques physiologistes, car ces propriétés
ne sont pas changées par le fait de la substitution de tel dia-
phragme à tel autre ; et cependant nous venons de voir qu'une
substitution de ce genre peut déterminer le renversement du
mouvement endosmotique (2).
(1) Cette observation de Du- tablit du liquide dont la capacité calo-
trochet a été vérifiée par M. Mat- rifique est la plus grande vers celui .
teucci {a). qui possède à un moindre degré cette
Le premier de ces expérimenta- capacité, et même que l'intensité du
teurs a vu aussi qu'en chargeant l'en- courant est proportionnée à la dille-
dosniomèire d'une dissolution d'acide rence des chaleurs spécifiques pour
sulfhydrique d'une densité de 1,106, les liquides qui se mêlent en toutes
le courant endosmotique s'établissait proportions (c). Ainsi, quand on fait
toujours vers l'eau quand la cloison usage d'éther et d'alcool, le courant
perméable était une membrane aiii- principal se porte de ce dernier liquide
maie , et au contraire de l'eau vers vers le premier, et l'on sait que les
l'acide, quand cette cloison était un chaleurs spécifiques sont : 0,503 pour
tissu végétal (6). l'élher et 0,6/i/i pour l'alcool; mais,
(2) M. Béclard a remarqué que dans si l'on emploie de la même manière de
les expériences endosmomélriques l'élher chargé d'une certaine quantité
faites avec les membranes commune- d'eau, la chaleur spécifique du mé-
ment employées comme cloison per- lange peut être rendue supérieure à
méable, le courant endosmotique s'é- celle de l'alcool, et alors le courant
(a) Malteucci, Leçons sur les phénomènes physiques de la vie, p. 57.
(b) Dulrochct, art. Endosmosis (Todd's Cyclop. of Anat. andPhysiol., t. II, p. 108).
le) J. IBéclard, Mémoire sur la théorie de l'endosmose (Gazette des hôpitaux, 1851 , p. 323).
Influence
du degré
de
conceniralion
des liquides
sur
l'endosmose.
136 ABSORPTION.
§ 13. — La direction du courant endosmotique étant
déterminée par le jeu des actions capillaires dont la cloison
perméable est le siège, le second acte du phénomène com-
mence : le liquide amené à l'extrémité des passages interstitiels
est appelé au delà, et se disperse plus ou moins rapidement
dans le liquide adjacent dont il augmente le volume. Ce mou-
vement de progression dépend, comme nous l'avons déjà vu,
des attractions adhésives ou chimiques exercées par les molé-
cules de l'une des substances réagissantes sur celles de l'autre.
11 est donc évident que si toutes les autres conditions restaient
identiques, le déplacement devrait être d'autant plus rapide
que la molécule qui arrive dans l'espace occupé par le liquide
endosmotique se dirige de l'éther vers
l'alcool.
M. Béclaid s'appuie aussi sur les
fails suivants :
i' Alcool (dial. spccif. 0,044) et eau (chai.
spécif. 1,0), courant principal vers
l'alcool.
2° Alcool (0,644) et esprit de bois (chai,
spe'cif. 0,671), courant principal faible
vers l'alcool.
3° Alcool (0,044) et essence de térében-
thine (chai, spécif. 0,467) , courant
principal vers l'essence.
4° Alcool (0,644) et huile d'olive (chai.
spécif. 0,309), courant principal vers
l'huile.
5» Élher acétique (0,484) et essence de
térébenthine (0,467), courant princi»
pal vers l'essence.
G" Éther acétique (0,484) et éther sulfu'=
rique (0)503), courant principal vers
l'éther acétique.
7° Essence de térébenthine (0,407) et es"
prit de bois (0,671), courant princi-
pal vers l'essence.
8" Essence de térébenthine (0,407) et
étlior sulfuriquo (0,503), courant
principal vers l'essence.
9° Essence de térébenthine (0,467) et
huile d'olive (0,309), courant prin-
cipal vers l'huile.
Cette concordance entre la direc-
tion du courant osmotique du liquide
dont la chaletu- spécifique est la plus
élevée vers celui qui a une chaleur
spécifique moindre, est très remar-
quable, et semble indiquer Texistence
d'un certain rapport entre la grandeur
de la capacité calorifique de ces sub-
stances et le degré de puissance de
l'attraction adhésive qui se développe
entre chacune d'elles et la membrane
animale. Mais, ainsi que je l'ai déjà
fait remarquer, le phénomène de l'os-
mose ne peut dépendre de cette cir-
constance, car, en faisant varier la
nature des diaphragmes, on ne change
on rien les îapports entre la chaleur
spécifique des liquide.? en présence^
et, par conséquent, si l'hypothèse de
M. Béclard était fondée, la direction
de l'endosmose ou du courant prin-
cipal devrait rester invariable, tandis
que dans beaucoup de circonstances
cette direction est renversée.
PHÉNOMÈNES OSMOTlQUES. 1 37
en repos se trouverait dans les limites de la sphère d'attraction
d'un plus grand nombre de molécules de ce dernier corps, et,
toutes choses étant égales d'ailleurs, ce nombre est réglé par le
degré de concentration du liquide contenant ces mêmes molé-
cules. Or, dans une dissolution saHne ou sucrée, ce sont les
particules de sel ou de sucre qui déterminent le déplacement
des molécules d'eau situées à l'embouchure des passages inter-
stitiels de la cloison; les particules d'eau qui s'y trouvent
associées ne peuvent produire aucun effet de ce genre, et par
conséquent si les résistances à vaincre ne changent pas, et si
les autres conditions de l'expérience restent invariables, les
effets endosmotiques devront croître avec le nombre de molé-
cules de sel ou de sucre qui se trouvent comprises dans
un espace déterminé, ou, en d'autres mots, être proportion-
nels au titre de la dissolution comparée à celui du liquide
affluent.
Mais, pour que le liquide contenu dans les canaux capillaires
du diaphragme soit tiré de ces passages, il y a des résistances
à vaincre, car les molécules constitutives de la couche périphé-
rique de chaque petit courant adhèrent aux parois de ces canaux.
Nous savons aussi que les résistances dues aux frottements de
ce genre augmentent très rapidement avec la vitesse du mou-
vement. Il en résulte que les obstacles à surmonter pour que
le courant endosmotique satisfasse à la puissance attractive
croissante développée par l'intervention d'une quantité du
corps osmogénique qui elle-même croîtrait, grandiront rapi-
dement avec la vitesse des courante; et détermineront dans les
effets du travail de translation une diminution d'autant plus
marquée que cette vitesse deviendra plus considérable.
Ainsi la théorie physique des phénomènes osmotiques nous
fait prévoir que les changements de volume effectués dans des
temps égaux doivent être liés d'une manière intime à la pro-
portion de la substance osmogénique qui se trouve dans le
158 ABSORPTION,
liquide vers lequel le courant se dirige ; mais que la raison
suivant laquelle les produits du travail de translation augmen-
teront ne sera pas la même que la progression des quantités
de la matière agissante, et que, toutes choses restant égales
d'ailleurs, le volume de liquide déplacé en une certaine unité
de temps par chaque unité de la matière osmogénique dimi-
nuera, suivant une certaine loi, avec l'augmentation de la quan-
tité de cette matière.
L'expérience est en accord avec ces vues théoriques. Quand
on place dans des endosmomètres à diaphragme membraneux
diverses dissolutions aqueuses d'une même substance, on voit
que la hauteur à laquelle le liquide intérieur s'élève en un
temps donné augmente avec le degré de concentration de la
dissolution , et que dans certaines limites la progression dans
la quantité d'eau dont l'instrument se charge est, à peu de chose
près, proportionnelle à l'accroissement de la densité du liquide
intérieur comparée à celle du bain extérieur. Ces relations ont été
mises en lumière par les expériences de Dutrochet et ressortent
également des résultats obtenus par MM. Vierordt, Ludwig et
Graham (1). Mais quand la concentration du liquide osmo-
(1) Dans une première série de portionnelles de l'endosmose 19 1/2,
recherclies faites par Diitrocliet, le 39,78 ; nombres qui s'éloignenl beau-
sirop, dont la densité moyenne pen- coup de ceux donnés par l'expé-
dant la durée de Texpérience était rience. Il n'y a aussi aucune relation
1,080, donna en une heure et demie entre les nombres observés et ceux
une ascension de 19 1/2 degrés. correspondant aux densités respec-
Avec une dissolution, dont la den- tives des trois sirops, ftlais il y a un
site moyenne était l,lZil, la colonne accord très grand entre ces quantités
s'éleva, dans le môme .espace de et Cf lies que donne la progression des
temps, à 3/i degrés. Enfin, avec une excédants de la densité du sirop sur la
dissolution, dont la densité moyenne densité de l'eau. EfTectivement, la pro-
était 1,222, l'ascension était de 53 de- gression, dont le premier terme serait
grés. Les quantités de sucre employé 19 1/2, et qui serait comme les nom-
étaient comme 1, 2, i. Or, en prenant bres 0,80, O.l/il, 0,222, donnerait
pour base d'une pareille progression 19 1/2, 'àà, 5U. Or les nombres trou-
19 1/2, on aurait pour les vitesses pro- vés par l'expérience étaient, comme je
PHÉNOMÈNES OSMOTIQUES. 1S9
gène dépasse un certain degré , la valeur des produits cesse
d'être sensiblement proportionnelle à la quantité de la matière
attractive ; on y remarque un déficit de plus en plus considé-
rable, et l'on voit que l'effet utile de la force motrice dévelop-
pée par chaque molécule osmogénique diminue avec raccroisse-
ment du nombre de ces molécules dans un espace donné (1).
l'ai déjà dit, 19 1/2, 34 et 53. Deux
autres séries d'expériences, discutées
de la même manière, donnèrent :
iNM.
N''2.
Résultats observés
1. Rési
iltati calculci.
10,25
10,25
1"
16,30
32,52
32,30
9
9
1-1,50
15,60
30
28
On voit que les résultats du calcul
ne s'éloignent que très peu de ceux
fournis par rexpérience, et Dutrochet
pensait que les écarts pouvaient s'ex-
pliquer par certains changements dans
le degré d'imbibition de la cloison os-
raotique («'.
De nouvelles recherches faites avec
plus de précision par 11. Vierordt sont
venues confirmer, dans certaines li-
mites, la loi établie par Dutrochet (6).
Enfin, M. Graham a fait également
diverses séries d'expériences analo-
gues, d'où il résulte qu'entre Ip. 100
et 10 p. 100 de sucre, la progression
des effets eudosmoiiques était à peu
près proportionnelle aux quantités re-
latives de cette substance. Ainsi, dans
une de ces expériences, la hauteur de
la colonne endosmométrique était de
10 ou 12 avec la dissolution contenant
1/lOU de sucre , de 24 avec 2/100 de
sucre , de 64 avec 5/100, et d'environ
100 avec 1/10 de sucre. !\Iais avec des
dissolutions contenant 1/5, les effets
ne s'accrurent pas dans la même pro-
portion, et la colonne ne s"éleva en
moyenne qu'à environ 129 millimè-
tres. Or celte diminution dans la va-
leur des effets produits par des quan-
tités égales de matière n'était pas due
à une augmentation dans les pertes
par diffasiou , car celles-ci diminuè-
rent dans une proportion encore plus
forte (c).
(1) Dutrochet el quelques autres
expérimentateurs, en n'opérant que
sur des dissolutions dont la densité ne
variait que peu, ou en n'examinant
pas d'assez près l'easemble du phéno-
mène, avaient été conduits à penser
que la proportionnalité entre la ri-
chesse de la dissolution et la gran-
deur des effets endosmoliques existait
pour les maUères salines aussi bien
que pour les substances peu actives ,
telles que le sucre; mais \'.. Ludwig,
en étudiant avec plus de soia cc qui
se passe quand on fait usage de chlo-
rure de sodium, ou de sulfate de soude
à divers degrés de concentration, a vu
que les valeurs des produits n'aug-
mentent pas suivant la même loi que
le titre des dissolutions, et devaient
(a) Dulrochet, Op. cit. (ilémoires, p. 30 et suiv.).
(6) Vierordt, Physik des organischen Stoffwechsels [Archiv fur physiol. Heilk., t. VI, p,
et saiv.).
(C) Graham, On Osmotic Force (Philos. Trans., 1854, p, 196).
140 ABSORPTION.
Influence § 1^ • — D^ns la discusslon de ces questions délicates, il faut
modifications avoir aussl égard aux modifications que les matières réagissantes
''osmoii'que" pcuvcnt déterminer dans la constitution physique ou chimique
,.ar°ie™î!îuides dc la cloisou osmotiquc, et aux changements qui peuvent en
employés, p^g^jf^j. ^^iDs Ic dcgré dc perméabilité de ce diaphragme. En
effet, quand celui-ci est formé par un tissu très extensible et
fort élastique, comme le sont la plupart des membranes ani-
males, le contact d'une dissolution saline concentrée peut y
déterminer une rétraction considérable, et diminuer beaucoup
la capacité de ses cavités interstitielles. Ainsi, un morceau de
vessie qui, en s'imbibant d'eau pure, serait susceptible de se
charger de 5 volumes de liquide, ne pourra en contenir que
2 volumes si l'eau est saturée de chlorure de sodium, et l'on
conçoit que le resserrement des voies de communication dépen-
dant de causes de ce genre puisse amener une telle diminution
dans le débit de ces conduits, que l'afflux du liquide vers la sub-
stance osmogène devient insuffisant pour ahmenter le travail
osmotique que celle-ci tend à effectuer, ou même pour rendre
les f>roduits de ce travail inférieurs à ceux que donnerait l'ac-
tion d'une dissolution faible.
Les modifications que l'action des substances différentes peut
déterminer dans l'extensibilité des tissus organiques, et par
être représentées non par une droite,
mais par une ligne courbe (a).
M. Graham a étendu plus loin ses
observations, et a soumis et ce genre
d'examen un grand nombre de sub-
stances salines et autres. On pourra
juger des effelsde la concentration par
les résuliaîs suivants obtenus en char-
geant l'endosmomètre de dissolutions
de sulfiite de magnésie à divers degrés
de concentra lion :
PROPORTION
ÉLÉVATION
DU SEL
dc la
pour 100 parties
COLONNE ENDOSMOMÉTRIQUE,
d'eau.
Maximum,
Miiiinuim.
2
33
30
5
70
73
10
4 52
134
20
1
283
238(6)
(a) Ludwig, Op. cit: {Zeltschr. fur rationelle Medicin, 1849, t. VllI, p. 9).
(6) Graham, Op. cit. {Philos. Trans., 1854, p. 199j.
PHÉNOMÈNES OSMOTIQUES. l/ll
conséquent sur la dilatation des passages osmotiques sous l'in-
fluence d'une force constante qui tend à accumuler des volumes
croissants de liquide dans ces cavités , sont mises également
en évidence par les expériences dans lesquelles on mesure les
produits de la fdtration sous l'influence d'une pression donnée.
Plus une membrane perméable sera extensible, plus, sous
l'action d'une force d'impulsion de même intensité , ses pores
se laissent distendre, et plus aussi ces orifices débiteront de
liquide. Or, une membrane qui, en présence d'un réactif donné,
résistera à la poussée du liquide de façon à ne laisser passer
qu'un volume de celui-ci pendant chaque unité de temps, pourra
être traversée pendant le même espace de temps par près de
200 volumes d'une autre substance. Un physicien de Pise,
M. Cima, a fait des expériences de ce genre, et dans l'une
d'elles on voit que, pour faire filtrer à travers la membrane
muqueuse du jabot d'une Poule, sous une pression de 40 centi-
mètres de mercure, un certain volume d'eau, il a suffi de
18 secondes, tandis que pour faire passer un même volume
d'eau contenant un peu d'ammoniaque, il fallait 92 minutes
30 secondes. La valeur des courants qu'un même degré de
force osmotique est apte à établir dans l'épaisseur d'une mem-
brane animale doit par conséquent être susceptible de varier
beaucoup avec la nature des substances qui constituent, d'une
part cette cloison, d'autre part le liquide qui en occupe les
cavités intersfitiefies. Or, l'action exercée de la sorte sur l'état
physique d'un tissu organique par un réactif donné varie beau-
coup en intensité, suivant la nature des membranes, et il en
résulte que, toutes choses étant égales d'ailleurs, il y aura
là une cause de différences dans les produits du travail endos-
mique.
Supposons, par exemple, l'endosmomètre chargé d'une sub-
stance qui serait également avide d'eau et d'alcool : si la cloison
de l'instrument est faite avec un morceau de vessie de Bœuf,
Î4'2 ABSORPTION.
le volume de liquide qui pénétrera de l'extérieur dans l'inté-
rieur de l'instrument en un temps donné pourra être de 1 pour
l'alcool et de 2 pour l'eau; mais, en employant une cloison
faite avec le jabot d'une Poule, la différence pourrait être dans
le rapport de 1 à 8, ou même beaucoup plus (1).
Je m'explique delà sorte, au moins en partie, les changements
que la présence de certaines substances détermine parfois dans
la valeur des effets osmotiques produits par les agents auxquels on
les associe. Ainsi, la présence d'une très petite proportion d'acide
chlorhydriquedans la dissolution de chlorure de sodium dont on
charge un endosmomètre, loin de produire une osmose négative,
(1) Dans les expériences de M. Ciina
sur la fillration forcée de divers li-
quides au travers de membranes difTé-
rentes, on voit que le temps employé
par le passage d'un volume constant,
sous l'influence d'une pression de
10 centimètres de mercure, a varié de
la manière suivante :
LIQUIDE EMPLOYE.
Dissolulioii aqueuse d'ammoniaque {■^).
Eau pure
Dissolution saturée de sel commun. . .
Alcool ,
14' 10'
19 35
129 9
no 0
20' 0"
29 0
33 22
37 16
Sous une pression de 30 centimètres
de mercure, les résultats ont été :
Dissolution ammoniacale.
Eau
Dissolution saline. . . .
Jabot. Vessie.
0'33" 4'53"
2 9 5 48
16 45 6 2
Alcool 112 3
10 11
Enfin, sous une pression de AO cen-
timètres , la durée de la filtration a
été de :
0'18" avec la dissolution ammoniacale ;
119 avec l'eau ;
10 52 avec la dissolution saline ;
92 30 avec l'alcool.
Ainsi l'accroissement du débit dé-
terminé par une augmentation de la
pression comme 1 à Zi, a été, avec la
membrane du jabot, dans le rapport
d'environ 1 à 17 pour l'eau, de 1 à 12
pour la dissolution de sel commun, et
de 1 à 10 pour l'alcool (a).
(a) Cima, SulV evaporazione e la transuda%ione dei liquidi attraverso le membrane animali
(Memor. deW Accadem. délie scienae di Torino, 2° série, 1853, t. XIII, p. 281),
PHÉNOMÈNES OSMOTIQUES. l/l3
coQime si elle était seule, augmente considérablement les effets
déterminés par celte substance saline : et cela se conçoit faci-
lement. Le chlorure de sodium provoque le resserrement des
tissus organiques ; l'acide chlorhydrique paraît diminuer la
force de résistance de la substance constitutive des membranes
animales, et par conséquent son action sur celles-ci doit balan-
cer plus ou moins l'influence du sel et rendre les passages
interstitiels plus extensibles ; circonstance qui aura pour effet
de rendre l'afflux de l'eau vers l'agent osmogénique plus facile,
et par conséquent aussi d'augmenter les produits du travail
endosmotique.
L'addition d'une petite quantité de chlorure de sodium suffit
d'ordinaire pour produire un effet contraire et pour diminuer
notablement les produits endosmotiques dus à l'action des ma-
tières auxquelles on l'associe ; or, ce résultat est également en
parfait accord avec ce que je viens de dire touchant l'action
constrictive de cette substance et l'influence que cette constric-
tion doit avoir sur le débit des passages capillaires traversés par
les courants endosmotiques (1).
Je suis porté à croire aussi que certaines différences dans
l'extensibilité des tissus d'une même membrane vers les deux
surfaces opposées de celle-ci, et les modifications qui peuvent
(1) Ainsi, dans une série d'expérien- tions, soit contenant 2 pour 100 de ce
ces faites à l'aide d'un endosmomètre à sel ; mais lorsqu'il employait une dis-
cloison de toile albuminée, M. Graham solution contenant 1 pour 100 de car-
a vu que le liquide intérieur s'élevait, bonate et 1 pour 100 de chlorure, la
dans l'espace de cinq heures, à envi- colonne endosmométrique ne montait
ron 25 millimètres quand il employait que d'environ 60 ou 70 millimètres. Le
une dissolution chargée de 1 centième mélange de ces deux substances avait
de chlorure de sodium, et à IZiO ou à donc diminué de plus de moitié la
150 millimètres quand il faisait usage somme des effets osmotiques qu'elles
d'une dissolution de carbonate de auraient produit si elles avaient agi
soude , soit dans les mêmes propor- isolément (a).
(a) Graharn, On Osmotic Force {Philos. Trans., 1854, p. 209).
Mld ABSORPTION.
Diffénnces eii résLilter dans la forme aussi bien que dans le calibre des
dans
le mode d'action passages intcrsUtiels, sont en partie la cause de l'inégalité qui
des
deux surfaces s'obscrvc parfoïs dans les produits du travail osmotique quand
d'une . 1 1 1 • f
membrane. 00 varic les rapports de la cloison perméable avec les liquides
réagissants.
MM. Matteucci et Cima ont vu qu'en prenant pour diaphragme
osmotique un morceau de la peau d'une Torpille, en chargeant
l'instrument avec une dissolution de gomme et en le plongeant
dans un bain d'eau pure, le courant endosmotique faisait monter
le liquide intérieur à une hauteur de 30 millimètres quand la
gomme était en rapport avec la surface externe de la peau, et
de .6 à 13 millimètres seulement quand celte membrane était
tournée en sens inverse. L'eau a donc passé beaucoup plus
facilement de la surface interne de la peau au dehors que de la
siirface épidermique de celle-ci en dedans. Des résultats ana-
logues ont été obtenus avec la peau de la Grenouille (1) ; et
(1) Voici les résultats numériques de peau de Grenouille et chargé de
obtenus par MM. Matteucci et Cima, sucre donnait une élévation de 50 ou
en mettant alternativement les sur- même 80 millimètres lorsque la face
faces opposées des membranes en rap- intérieure de la membrane était en
port avec l'eau et en chargeant l'in- contact avec l'eau extérieure, et seu-
strument avec diverses matières. lement de 2 millimètres quand c'était
Le liquide intérieur s'est élevé aux la surface épidermique qui était en
hauteurs suivantes, l'eau du bain rapport avec ce dernier liquide. Owand
étant en contact avec les surfaces in- la peau d'Anguille a été détachée du
diquées ci-dessous. corps de l'Animal depuis plusieurs
n ,,. .,, , ,. , Externe. Interne. ïQurs , la différence dcvicnt nulle ;
Peau d Anguille et dissolu- ■* '
lion de sucre 20-30 à 40- P^i"' la P^au de Grenouille, au con-
Mème membrane et disse- traire, elle augmente pendant un cer-
luiion de gomme 13 26 tain temps après le commencement de
Peau de Grenouille et dis- l'expérienCC (a).
solution de sucre 24 3G M. Graliam pensc que ces dille-
Même membrane et disso- rcHces dépendent seulement de la pu-
lution d'albumine d2 32 trescibilité plus ^grande des fibres
Quelquefois l'endosmomètre garni musculaires adhérentes à la face in-
fo) Matteucci et Cima, Op. cit. {Annales de chimie et de physique, 3° série, 1845, p. CG et
suiv.).
PHÉNOMÈNES (Ji-MOTIQUKS. 145
d'autres expériences faites sur la résistance hydrostati(jue des
membranes animales montrent que la transsudation se fait aussi
beaucoup plus facilement dans le même sens que dans la direc-
tion opposée (1). Or, nous avons vu que les effets de l'action
capillaire sont en raison inverse des diamètres des tubes dans
l'intérieur desquels les liquides sont contenus, élevés à la-
quatrième puissance (2) ; et par conséquent on conçoit que
l'effort nécessaire pour déterminer l'écoulement varie considé-
rablement, suivant que les orifices de sortie offrent des dimen-
sions plus grandes ou plus petites, genre de différence dont
l'existence est présumable dans les orifices par lesquels les cavités
interstitielles débouchent aux surfaces opposées des membranes.
Ainsi que je viens de le dire, la rapidité avec laquelle l'en-
dosmose s'effectue est nécessairement subordonnée à deux
circonstances : d'une part, à la grandeur des puissances attrac-
tives qui déterminent le mélange des liquides réagissants ;
terne de la peau; car, en faisant quand la position de celle-ci était ren-
des expériences sur des morceaux versée. La différence devenait même
de vessie, il a vu que les variations beaucoup plus considérable sous une
déterminées par les changements de pression de 50 centimètres de mer-
position de la membrane disparais- cure. Il est aussi à noter que l'iné-
saicnt presque totalement lorsqu'on galité déterminée ainsi dans les pro-
avait soin de dépouiller celle-ci aussi duits de la transsudalion était beau-
complètement que possible du tissu coup plus grande avec une dissolution
charnu adjacent {a) ; mais celte opi- saturée de chlorure de sodium, et au
nion ne me paraît pas admissible. contraire plus petite avec une dissolu-
(1) Ainsi, dans les expériences de tion ammoniacale. Dans le premier
M. Cima , le temps employé pour cas , les produits obtenus dans des
effectuer l'écoulement d'un volume temps égaux, sous une pression de
d'eau à travers la peau de la Gre- 10 centimètres, ont été dans le rap-
nouille, sous une pression de 10 cen- port de 1 à 10, ou même de 1 à 17,
timètres de mercure, clail d'environ tandis qu'avec l'ammoniaque la diffé-
5 minutes quand le liquide élait en rence n'était que dans le rapport de
contact avec la face interne de cette 1 à 2 ou 3 {h).
membrane, et d'environ û7 minutes (2) Voyez tome IV, page 273.
(a) Grafiam, On Osmotic Force {Philos. Trans., p. 187).
(6) Ciina, Op. cit. [Mémoires de V Académie de Turin, 2° série, -1853, t. Xltl, [i, !i84).
V. ,10
14() ABSORPTION.
d'autre part, le degré de résistance que ces forces ont à vaincre
pour déplacer l'un de ces corps et pour l'introduire dans l'es-
pace occupé par celui qui se trouve du côté opposé de la cloi-
son. Or, l'attraction adiiésive qui fait pénétrer le liquide absorbé
dans les cavités interstitielles de la membrane, et qui le met ,
pour ainsi parler, à la portée de la substance osmogène, tend
à le retenir dans ces mêmes cavités et s'oppose par conséquent
à son écoulement dans ce dernier liquide. Il en résulte que,
toutes choses étant égales d'ailleurs, plus cette attraction capil-
laire sera grande, moins le courant endosmotique sera intense.
Nous savons déjà, par la différence des hauteurs auxquelles
les divers liquides s'élèvent dans les tubes capillaires, que cette
attraction adhésive peut varier en puissance suivant la nature
chimique, soit de la substance qui constitue le tube , soit de la
matière qui y pénètre, et, en étudiant les mouvements des
fluides dans les tuyaux de petit calibre, nous avons vu aussi
que parfois ces circonstances influent beaucoup sur le débit d'un
canal quand la force motrice reste constante. Nous pouvons
donc prévoir que, toutes choses étant égales d'ailleurs, le temps
nécessaire pour la réalisation du phénomène endosmotique sera
d'autant plus long que le liquide absorbé sera plus fortement
attiré par la substance de la membrane perméable, et que la
route qu'il aura à y parcourir sera plus longue (1). Plus cette
(1) Les expériences de M. Poi- lement de l'eau est ralenti par la
seuille, dont j'ai déjà eu l'occasion de présence d'une certaine quantité de
parler [a], montrent que le niouve- sulfate de potasse ou de magnésie en
ment de l'eau dans les tuyaux capil- dissolution dans ce liquide, mais s'ac-
laires peut, la force motrice étant célère quand on substitue à ces sels
constante, devenir plus rapide ou plus du nilrale de potasse ou de l'iodure
lent, suivant que ce liquide se trouve de potassium (6). On conçoit donc
chargé de telle ou de telle autre ma- que, toutes choses étant égales d'ail-
tière saline. Par exemple, que l'écou- leurs, l'eau qui pénètre dans l'endos-
(a) Voyez ci-de?sus, tome IV, page 248 et suiv.
(6) Poiseuille, Recherches expérimentales sur le mouvement des liquides de nature différente
dans les tubes de très petits diamètres (Annales de chimie et de plujsiqiie, 3» série, 1847, t. XXI,
p. no).
PHÉNOMÈNES OSMOTKjUES. l/l7
cloison sera mince , poreuse et indifférente pour le liquide (jui
la traverse, plus le courant endosmolique sera rapide sous
Tinfluence d'une force osmogène dormée. Pour qu'il y nit
endosmose, il faut que radraction adhésive exercée par la
membrane sur l'un des deux liquides réagissants soit assez
puissante pour l'emporter sur l'aclion capillaire (]ue celle-ci
exerce sur l'autre liquide: mais, pourvu i:[ue cette condition se
trouve remplie, l'accomplissement du phénomène sera d'autant
plus facile, et par conséquent plus rapide, que ces attractions
seront plus faibles.
Il est une autre circonstance dont il faut également leiiii' influence
compte dans l'étude des phénomènes osmotiques„ c'est la préeid^LÏ
nature du liquide dont la substance de la cloison perméable la membrane,
peut se trouver imprégnée avant le commencement de l'expé-
rience. Nous avons déjà vu que les liquides adhèrent souvent
d'une manière si forte aux corps solides mouillés par eux, qu'il
est extrêmement difficile de les en détacher com[)létement, et
que la présence d'une couche de matière étrangère, tellement
mince qu'elle échappe à l'observation, peut suflire pour empê-
cher la surtace ainsi souillée d'exercer sur un autre liquide son
action attractive ordinaire. Les effets de capillarité jouant un
grand rôle dans le passage des liquides au travers des cloisons
perméables , passage qui constitue la base des phénomènes
osmotiques., nous devons donc nous attendre à voir ceux-ci être
subordonnés, dans certaines limites, non-seulement à la na-
ture chimique de la substance constitutive du diaphragme, mais
aussi aux qualités des hquides dont cette substance peut se
momètre peut y arriver tantôt plus
vite et d'autres fois plus lentement,
suivant que ce liquide est exempt de
tout mélange, ou bien quïl se trouve
chargé de matières qui augmentent ou
qui diminuent le degré de son adhé-
rence aux parois des cauaux capillaires
dont la membrane osmotique est
creusée. Au sujet de rinflueuce de
l'épaisseur de la membrane sur la
rapidité des courants osmotiques, je
renverrai à ce que j'ai déjà dit sui-
tes mouvements des liquides dans les
tubes capillaires (lome IV, page 272).
148 ABSORPTION.
trouver imprégnée. L'expérience prouve qu'effectivement il en
est ainsi, et, en variant les liquides dont la paroi perméable
d'un endosmomètre est imbibé, on peut même changer la direc-
tion du courant qui la traverse. Par exemple, si l'on place de
l'eau dans un vase de terre, et qu'on immerge celui-ci dans un
bain d'alcool, ce dernier liquide mouillera le vase moins rapi-
dement que ne le fera l'eau, et bientôt un courant s'établira de
dedans en dehors de la même manière que dans une des expé-
riences dont j'ai déjà rendu compte en traitant de l'action
osmotique des membranes animales (1); mais si le vase poreux
a été préalablement imprégné d'une matière grasse qui y
adhère beaucoup, un phénomène inverse se produira ; ce sera
l'alcool qui Iraversera la cloison pour aller se mêler à l'eau
extérieure, tout comme dans le cas où nous avions choisi pour
diaphragme entre ces deux liquides une lame mince de caout-
chouc (2).
L'activité du courant endosmotique que détermine une sub-
stance donnée peut être accrue ou diminuée par la présence
d'une très petite quantité de certaines matières qui semblent
rendre le tissu de la cloison osmotique tantôt plus, tantôt moins
apte à se laisser imbiber (5). Ainsi, M. Graham a remarqué
(1) Voyez ci-dessus, page 113. pour dimiiuier beaucoup les effets en-
(2) M. Lherrnite a fait cette expé- dosmotiques produits d'ordinaire par
rience en impréguant le vase poreux ces substances, et qu'en augmenlant la
avec de l'huile de ricin (a); mais il est dose de cet acide il déterminait un
à noier que l'effet ainsi obtenu n'est abaissement dans le niveau du liquide
pas permanent, et qu'au bout d'un intérieur. Il avait d'abord supposé que
temps plus ou moins long, l'huile est l'acide sulfhydrique possédait la fa-
déplacée, culte de s'opposer à l'action endosmo-
(3) Dutrochet a constaté que la pré- tique (6), et celle opinion a été l'objet
sence d'une très petite proportion de critiques trop vives (c); mais il ne
d'acide sulfhydrique dans une disso- tarda pas à reconnaître que le phéno-
lution dégomme ou de sucre suffit mène en question dépendait de l'inlen-
(ffl) Lliermile, Recherches sur l'endosmose {Comptes rendus de l'Académie des sciences, 1854,
t. XXXIX, p. 1179).
(6) Dulrocliet, L'agent immédiat du mouvement vital dévoilé.
(c) Magcndie, Leçons sur les phénomènes physiques de la vie, t. I, p. 96, etc.
PHÉNOMÈNES OSMOTIQUES. l/lO
que les tissus enduits d'albumine coagulée donnaient, avec le
sulfate de soude, des produits beaucoup plus considérables que
d'ordinaire quand ils avaient subi préalablement l'action d'une
dissolution même extrêmement faible de carbonate de potasse,
et que la modification effectuée de la sorte persistait pendant
fort longtemps, malgré le lavage de la membrane, mais n'était
pas permanente (1).
On voit donc que les propriétés osmotiques des membranes
animales peuvent être grandement modifiées par le seul fait
de l'introduction dans leur épaisseur d'un liquide déterminé ou
de la présence de celui-ci à leur surface, et j'insiste sm^ ce
point, parce que certains phénomènes d'absorption dont nous
silé relative des deux courants contrai-
res, l'acide donnant lieu à un courant
vers Peau dont les effets masquent plus
ou moins oudépasseni ceuxd(5pendants
du courant de l'eau vers le sucre (a).
Des faits du même ordre , et non
moins remarquables, ont été consta-
tés par M. i'oiseuille en mêlant de
très petites quantités de chlorhydrate
de morphine à cerlaines dissolutions
salines. Ainsi, en chargeant l'endos-
momètre avec une dissolution de chlo-
rure de potassium et en plongeant
l'instrument dans un bain de sérum,
ce physiologiste vit le liquide inté-
rieur s'élever assez rapidement à une
liauteur de 9 millimètres; mais, en
substituant à la dissolution du sel po-
tassique pur une dissolution du même
sel mêlé à du clilorhydrate de mor^
phine en très petite proportion , le
mouvement endosmotique n'a été que
de 6 millimètres et a été bientôt suivi
d'un phénomène d'exosmose très pro-
noncé (6).
(1) En employant pour cloison os-
motique une doui)ic membrane , la
dissolution de sulfate de soude parfai-
tement neutre et au litre de J/100,
M. Graham obtint une ascension de
20 ou de 21 millimètres; mais, eu
ajoutant à cette dissolution saline un
dix-millième de carbonate de potasse,
il faisait monter la colonne endosmo-
tique à 101 et même à 167 millimètres.
Or, le carbonate alcalin employé seul
dans les mêmes proportions n'aurait
donné que de 17 à 23 millimètres, et,
après avoir fait macérer la cloison
ainsi imprégnée dans de l'eau pendant
toute une nuit, M. Graham trouva
qu'elle produisait avec la dissolution
de sulfate de potasse pure une ascen-
sion de 65 millimètres au lieu de 20,
comme avant son imprégnation de
carbonate alcalin (c).
(a) Dutrochet, De l'endosmose {Mémoires, t. î, p. 65).
(6) Poiseuille, Recherches expérimentales siir les médicaments {Comptes rendus de l'Académie
des sciences, 1844, t. XIX, p. lOOi).
(c) Graham, On Osmolic Force {Philos. Trans., p. 2H).
150 ABSORPTIOjS*.
aurons bientôt à nous occuper trouveront ainsi leur explica-
tion.
Je suis porté à croire aussi que Tinégalité dans l'intensité de
l'action osmotique qui, dans certains cas, s'observe entre les
deux surfaces d'une même membrane animale, dépend souvent
de quelque circonstance de ce genre, c'est-à-dire d'une diffé-
rence dans la nature chimique, soit du tissu, soit des li(juides
dont ce tissu est imprégné, dans le voisinage immédiat de ses
surfaces (l). Peut-être faudra-t-il attribuer également à des
modifications du même ordre les phénomènes qui se mani-
(1) MM. Matleucci et Cima ont vu
qu'en employant comme cloison per-
méable la peau de divers Animaux, et
en chargeant rendosmomètre avec de
l'akool, le courant s'établit toujours
de l'eau vers ce liquide, mais que l'in-
lensité du courant, endosmotique va-
rie beaucoup suivant que leau entre
dans la substance de ce tissu orga-
nique par la face interne ou par la
face épldermique de la membrane.
L'eau qui serendait à l'alcool, en pas-
sant de la face épidermique vers la
face interne de lu peau de la Gre-
nouille, faisait monter la colonne en-
dosmomélrique jusqu'à une hauteur
de /lO millimètres, tandis que dans
les cas où la surface épidermique était
en contact avec l'alcool et la lace
interne de la membrane en rapport
avec l'eau, l'ascension ne dépassait pas
20 miUimèlres.
Avec la peau d'Anguille, ces diffé-
rences sont en sens inverse ; le cou-
rant endosmotique formé par l'eau qui
se rend à l'alcool est le plus puissant
quand le premier de ces liquides
arrive par la surface interne du
derme (a).
Il me paraît probable que ces diffé-
rences dépendent du mode de distri-
bution de la matière grasse dans la
substance de la peau de ces Animaux.
I^es hislologistes savent qu'elle n'est
pas répandue d'une manière uni-
forme, mais logée dans des utricules
spéciaux. Eifeciivement, il suflirait de
l'existence d'un nombre plus considé-
rable de ces points imperméables à
l'eau vers la surface interne du derme
ou à sa surface externe pour rendre
l'imbibition de ce liquide plus facile
par l'une ou par l'autre de ces voies,
et pour changer par conséquent la
puissance du courant osmotique, sui-
vant que l'eau se trouve en contact
avec l'une ou avec l'autre de ces sur-
faces. Or, il ne serait pas im ossible
que la distribution de la graisse ne fût
pas la même dans la peau de l'An-
guille et dans celle de la Grenouille.
Avant de rien conclure de ces faits,
il faudrait donc en faire une élude
plus approfondie.
(fl) Matteucci et Cima, Op. cit. {Ann. de ohimie et de physique, 1845, 3° série, t. Xlll.p. 68)..
Causes
PHÉNOMÈNES OSMOTlQL'ËS. l5l
Testent quand l'osmose s'elïectiie sous l'inikience de forces
électriques ; mais, pour le moment, je n'aborderai pas cette
question, voulant, au préalable, compléter l'exposé des faits
fondamentaux de l'histoire des actions osmotiques.
§ 15. — Si nous cherchons maintenant à nous rendre compte ^^^ .aHation*
des circonstances qui peuvent influer sur le courant exosmo- ,^ ^^^^'^^^
tique, c'est-à-dire sur la diffusion des molécules de la matière <^>^05™'"'q"e-
active en sens inverse du mouvement d'afflux déterminé par
celle-ci, nous aurons à considérer en premier lieu les relations
qui peuvent exister entre la rapidité avec laquelle ce pliénomène
se produit et la valeur des résultats fournis par le jeu des mêmes
forces dans un milieu où ces molécules se meuvent librement.
Nous avons déjà vu que la rapidité avec laquelle diverses sub-
stances se répandent au loin dans le sein d'un même liquide
varie beaucoup, ^ il ne me parait pas douteux que la facilité
plus ou moins grande de ce transport contribue à régler
le mouvement des courants exosmotiques : ainsi les deux
substances que jai citées comme étant remarquables par la fai-
blesse de leur pouvoir diffusif dans l'eau, l'albumine et la
gomme, sont aussi, de tous les agents osmogènes connus,
ceux qui fournissent le moins de matière au bain situé du côté
opposé d'une cloison membraneuse. D'autre part, nous voyons
que les acides, dont la diffusion se fait toujours avec un grande
rapidité, sortent de l'endosmomètre en volume presque égal ou
même supérieur à celui de l'eau qu'ils y attirent du dehors.
Mais les relations entre la dilfusibilité des corps dans un
liquide libre et leur pouvoir exosmotique sont loin d'être con-
stants, et souvent on voit deux substances qui, sous le premier
rapport, diffèrent à peine l'une de l'autre, remonter les courants
cndosmotiques et traverser les cloisons perméables pour se
répandre dans le Hquide adjacent avec des vitesses très diffé-
rentes; entin, dans certains cas, les résultats de la diffusion
libre et de la diffusion à travers les passages capillaires sont
152 ABSORPTION.
dans un désaccord plus grand encore, car c'est la matière la
moins diffusible dans les circonstances ordinaires qui alors se
déplace avec le plus de rapidité.
Pour faire un pas de plus dans l'étude de cette question,
il nous faut donc examiner l'action que la cloison au travers
de laquelle la diffusion exosmotique s'opère, peut avoir sur le
déplacement de matière que cette force répulsive tend à opérer,
et, pour comprendre comment cette aclion s'exerce, il est
nécessaire de se rappeler la manière dont les molécules d'une
dissolution saline- se distribuent dans l'intérieur d'une cavité
capillaire. En étudiant les phénomènes d'imbibition (1), nous
avons vu que les particules des corps en dissolution ne sont pas
réparties uniformément dans toutes les couches du menstrue
ainsi placées, quand celui-ci exerce sur la substance des parois
deja cavité une action attractive plus grande que celle de ces
mêmes particules; qu'il se fait alors, sous l'influence de la
paroi à laquelle le liquide adhère , une séparation entre les
molécules qui sont associées dans la dissolution , et que ,
par suite de ce départ, la couche extérieure du liquide ne
se trouve contenir que peu ou point de la matière dissoute,
mais que la proportion de celle-ci augmente progressivement
de la circonférence vers le centre de la masse fluide ainsi
entourée (2).
Or, ce qui a lieu pour un mélange qui était uniforme dans sa
constitution doit avoir lieu, à plus forte raison, pour un mélange
(1) Voyez ci-dessus , page 88 el série de reclierclies pour soumellre
suivantes. celte tliéorie a i'éprciive de l'expé-
('2j M. Finie a fait voir que celle rience. Les résultais qu'il a oljtenus
conséquence découle des vues théo- ne sont pas tous concluants, mais pa-
riques de M. Bri'icke, relatives au raissent être généralement favorables
mode de diflusion des liquides au tra- à cette manière d'exj)liqiicr les phé-
vers des membranes, et il a fait une nomènes osmotiques [a).
(a) Fiiik, Veber Diffusion (PoiïîîonilorIT's Annalen der Pliysik und Chemie, 18r)5, t. XCIV,
p. 59).
wîénomèxes osmotiques. ^53
qui [end à s'élablir. et par consi'qut'iit chacun des petits fdets
d'eau qui occupent les passages capillaires de la cloison osmo-
tique, et qui constituent les voies par lesquelles la diffusion de
la substance osmogénique s'opère, doit opposer moins d'obstacle
à la pénétration près de son axe que près de sa surface. Nous
savons aussi, par l'exa^nen que nous avons fait des actions
capillaires, que l'intluence attractive des parois d'un canal de
ce genre décroit très rapidement avec la dislance, et par con-
séquent la couclie liquide où l'équilibre entre les molécules du
rnenstrue et de la nii.tiere dissoute se trouve ainsi troublé ne
peut avoir qu'une faible épaisseur. Il en résultera donc que
l'obstacle né de la plus grande intensité de l'action attractive
des parois sur les molécules du rnenstrue aura d'autant moins
d'influence sur le courant exosmotique que l'épaisseur de cette
couche peu ou point accessible à ces molécules sera une fraction
plus petite du rayon du cylindre liquide dans lequel la dilfusion
s'effectue.
Ainsi, supposons que, dans un cumluit de ce genre, une
dissolution chargée d'une quantité donnée de chlorure de
sodinm se modifie de façon que la couche liquide en contact
avec les parois ne contienne en moyenne que 70*00 fie sel et
qu'elle ait jf^ de millimètre d'épaisseur, tandis que la portion
centrale du cylindre hquide contienne 70 de sel : il est visible
que l'existence de la couche formée de la dissolution faible
n'aura aucune influence notable sur le degré de concentration
de la quantité totale du liquide, si le canal a un millimètre de
diamètre, mais en exercerait une très grande si ce même
canal n'avait que ï^ de millimètre , et diminuerait encore
davantage le titre de la dissolution à laquelle le conduit livrerait
passage, si le calibre de celui-ci était réduit à fiir de milli-
mètre, car alors il ne se laisserait traverser que par la couche
chargée de tôVû de sel.
Nous pouvons donc prévoir que dans les canaux capillaires
i 5il ABSORPTION.
de grande section la diffusion s'effectuera à peu près comme
dans un liquide libre, et que sa rapidité ne sera guère dimi-
nuée que par celle du courant en sens inverse que les molé-
cules mises en mouvement par leur force répulsive auront à
remonter pour gagner le liquide situé de l'autre côté de la cloi-
son perméable ; mais que dans les voies capillaires très étroiles
il en sera autrement, et que les produits de la diffusion pendant
un temps donné décroîtront à mesure que le calibre des pas*
sages interstitiels deviendra plus petit.
Il en résulte que l'équivalent endosmotique d'un corps, c'est-
à-dire la quantité d'un autre corps qui se substituera à une
quantité déterminée du premier par l'effet des écbanges osmo-
tiques, ne saurait être une valeur conslante, et doit varier avec
les dimensions des passages interstitiels à travers lesquels ces
écbanges s'effectuent. Toutes choses étant égales d'ailleurs, cet
équivalent devra s'élever, suivant une certaine loi, avec l'abais-
sement du diamètre des conduits capillaires dont la cloison
osmotique est creusée (1).
(1) M. Grahara n'a pas pris en con- miné comme diaphragme et ime tlis-
sidéralion les relations qui peuvent solution de carbonaie de soude au
exister entre le degré de perméabilité même titre (10 pour 100), la résis-
des cloisons osmotiques et les quan- tance hydrostatique était de 12 dans
tités de la matière qui s'échappe par un cas et de 6 seulement dans l'autre,
voie de diffusion comparées à celle de Or, dans la première expérience, l'as-
l'eau qui vient en occuper la place; cension du liquide intérieur é'.ait de
mais on trouve dans les détails de ses 20Zi et la diffusion de is',56; dans la
expériences plusieurs faits qui vien- seconde, l'ascension était de 163 de-
nent à l'appui des vues exposées ci- grés et la diffusion de ls',i3. Par con-
dessus. Ainsi, ce savant a souvent séquent, une même quantité de sel a
évalué la résistance hydrostatique du été remplacée par environ IZi volumes
diaphragme de l'osmomètre par le quand la résistance hydrostatique était
temps écoulé entre la chute de deux considérable, et par 8 volumes d'eau
gouttes d'eau distillée filtrant à raison quand cette résistance était moitié
de son poids au travers de cette cloison moindre. Je trouve aussi dans cette sé-
membraneuse quand l'instrument était rie d'observations faites avec des disso-
suspendu dans l'air; et, dans deux huions du même sel au titre de 1/100,
expériences faites avec un tissu albu- des cas dans lesquels les résistances
PHÉNOMÈNES OSMOTIOUES. 155
Ces considérations théoriques nous donneront la clef de
divers phénomènes osmotiques qui ont été enregistrés par les
expérimentateurs, et qui semblaient de prime abord inexpli-
cables.
Ainsi un jeune physiologiste de l'école de Dorpat, M. Harzer,
a fait dernièrement une série d'expériences comparatives sur
les équivalents endosmotiques du chlorure de sodium séparé
de l'eau pure par des membranes animales dont le tissu était
tantôt dans son état naturel, et dans d'autres cas avait été
rendu plus dense ou plus lâche par l'action de divers réachfs
chimiques. 11 a trouvé qu'en garnissant son endosmomètre avec
un morceau de péricarde de Bœuf à l'état frais, un volume de
sel commun était remplacé dans l'instrument par près de
5 volumes d'eau; mais que si la même membrane avait été
préalablement attaquée par de l'acide sulfurique faible, l'équi-
valent de chlorure de sodium descendait au-dessous de Zi.
L'action de l'acide tannique sur la même cloison osmotique
déterminait une augmentation de l'équivalent qui, dans une
expérience, s'est trouvé être alors 7,6; enfin, en soumettant la
hydrostatiquos étaient de 3 et de 6 : amener l'échange d'un même poids
dans la première, 1 centigramme de sel de sel pour moins de 1 volume
a été remplacé par 11 volumes d'eau, d'eau (a).
et dans le second par 10 volumes du Dans une autre série d'expériences,
même liquide. Enfin, en opérant avec portant sur un mélange de nitrate
une dissolution au litre de l/lOOO, d'urane et d'acide nitrique, pour un
et une cloison dont la résistance hy- même volume d'eau absorbée, les
drostatique était représentée par 10, pertes par dififusion ont étéde A6 avec
l'unité en poids du carbonate potas- une résistance hydrostatique repré-
siqne était remplacée par plus de sentée par 1, et de 19 avec une résis-
37 volumes d'eau ; tandis qu'avec une tance hydrostatique de 3 (.6;.
dissolution plus concentrée (1 p. 100) Ainsi, dans tous ces cas, l'équiva-
et une résistance hydrostatique de 6, leqt endosmotique s'est élevé lorsque
la ditïusion s"esL accrue de façon à la cloison était moins perméable.
(a) Graham, On Osmotic Force [Philos. Trans., p. 209).
(6) Idem, iMd., p. 222.
156 ABSORPTION.
membrane à l'action de l'acide chromiqiie avanl de l'employer
à la construclion de l'endosmomètre , il a obtenu pour équiva-
lent de sel commun jusqu'à 25,4. Dans ce dernier cas, chaque
molécule de chlorure avait été remplacée par environ six fois
plus d'eau que dans l'expérience où l'absorption de l'eau s'était
effectuée à travers une membrane attaquée par l'acide sulfu-
rique (1). Or, nous savons, par d'autres observations dont les
anatomistes ont tiré grand profit, que l'immersion des tissus
animaux dans une dissolution d'acide chromique les rend plus
consistants, plus denses; nous savons aussi que le tannage pro-
duit sur les membranes animales un effet analogue, tandis que
l'immersion dans l'acide sulfurique dilué en augmente la per-
méabilité. Les résultats obtenus par M. Harzer sont donc en
parfaite harmonie avec les données fournies par la théorie
physique des phénomènes osmotiques.
Une autre conséquence de ce mode de distribution des par-
ticules du corps dissous dans les diverses couches de chacun
des petits filets liquides renfermés dans les canaux capillaires
de la cloison, c'est que le rapport entre la quantité du liquide
extérieur qui pénètre dans l'endosmomètre et la quantité de
matière osmogène qui s'échappe au dehors par diffusion doit
varier avec le degré de concentration de la dissolution, et que
l'équivalent doit croître avec la densité de celle-ci.
Cette diminution relative dans les produits de la diffusion
(1) Ces expériences se trouvent des membranes à déterminer l'en-
dans le mémoire que j'ai déjà eu l'oc- dosmose ; mais il n'a pas examiné le.s
casion de citer {a). M. Langeau a changements que la modification du
étudié aussi l'influence que le tannin, tissu produit de la sorte peut exercer
le sublimé corrosif et quelques autres sur la valeur des équivalents endos-
substances exercent sur l'aptitude motiques (6).
(n) Harzer, Beitrâge zur Lehre Von der Endosmose {Arch. fur physioL Meilkunde, 4856,
t. XV).
(6) Langeau, Note sur certaines substances auxquelles on attribue la propriété de prdvenir
l'absorption en déterminant l'obstruction des vaisseaux capillaires superficiels [Comptes rendus
de la Société de biologie, 2' série, 1855, t. II, p. 38).
PHÉNOMÈNES OSMOTIQUES. 157
comparés à la recelte endosmotique, à mesure que la quantité
de matière à la fois diffusible et osmogène augmente, est
facile à constater expérimentalement , et je m'étonne que
M. Graham n'en ait pas été frappé, car elle est manifeste
dans plusieurs des séries de résultats consignés dans le travail
de ce chimiste habile. Je me bornerai à en citer ici un exemple.
En employant une dissolution de sulfate de magnésie à divers
degrés déconcentration, une partie de ce sel s'est répandue au
dehors pendant que l'instrument se chargeait de :
5,16 volumes d'eau avec la dissolution chargée de 2 pour 100 de sel;
5,76 volumes d'eau avec la dissolutron à 5 pour 100 ;
6,01 volumes d'eau avec la dissolution à 10 pour 100 ;
6,57 volumes d'eau avec la dissolution à 20 pour 100 (1).
Mais lorsque la substance de la cloison perméable est en
partie dissoute par l'action du réactif employé, circonstance
qui doit amener l'agrandissement des passages capillaires, la
proportion de la matière osmogénique qui s'échappe par
diffusion, comparée à la quantité d'eau qui pénètre dans l'en-
(1) Dans une autre série d'expé- en poids à 1,1 ou 1,2, avec desdisso-
riences faites également avec du sul- lutions à 2 pour 100, et à 2,2 avec
fatc de magnésie, M. Graliam a obtenu une dissolution chargée de 10 pour
comme équivalent endosmotique de 100 de sel (6) ; mais je dois ajoutei-
ce sel : que, dans des expériences faites avec
5,3 avec la dissoiuiion à 2 pour 100; unc double cloison, les résultats ont
5,9 avec la dissoiuiioa à 5 pour 100; bcaucoiip varié. Voici uu autre exem-
6,3 avec la dissolution à 10 pour 100 (a). pie fourni par le clilorure de calcium :
Je vois aussi que, dans une série l'équivalent endosmotique était de 0,3
d'expériences faites avec un endos- avec la dissolution de 2 pour 100 ;
momètre à membrane simple qui de 0,8 avec la dissolution à 5 pour
offrait une résistance hydrostatique 100; et de 2,3 avec la dissolution
uniforme, l'équivalent endosmotique à 10 pour 10J3, la résistance hydro-
du chlorure de sodium s'est élevé statique restant constante (c).
(a) Graham, On Osinotic Force {Philos. Trans., 1854, p. 201).
(6) Idem, ibid., p. 202, tab. 8.
(c)ldem, ibid.,f. 204.
1«58 ' ABSORPTION.
dosmomètre, augmente avec la concentralioii de la dissolution
employée (1).
La persistance de la distension du tissu perméable déterminée
par l'inliltration capillaire paraît susceptible de diminuer l'élas-
ticité de ces corps, et d'amener ainsi un élargissement dans le
calibre des passages interstitiels à travers lesquels la diffusion
exosmotique s'effectue. Cela explique comment des cloisons
qui, au comuiencement d'une expérience, donnent lieu à
rétablissement d'un certain équivalent endosmotique, fournis-
sent souvent un équivalent plus faible quand l'épreuve a duré
longtemps (2).
11 me semble probable que les différences observées dans le
volume des équivalents endosmotiques d'une même substance,
quand on emploie diverses membranes animales comme cloi-
son osmotique, dépendent en partie de l'inégalité dans le
(1) Ainsi, en employant une disso-
hUion de carlwnate de potasse au
litre de 2/100, M. Graham a vu que
la résistance liydrostatique était de 20,
et l'équivalent a été en moyenne de
5,6 ; tandis qu'avec une dissolution
au litre de 10/100, la résistance hy-
drostatique est descendue à 16, et
l'équivalent endosmotique est tombé
à 13 (a).
(2) Un exemple très remarquable
de variations dans les produits du
travail osmotique dont l'explication
semble être donnée de la sorte, nous
est ollert par une expérience de Du-
trochet, dont j'ai déjà eu l'occasion de
dire quelques mots. Ce physiologiste
a vu qu'en employant comme dia-
phragme osmotique un morceau de
taffetas gommé, c'est-à-dire un tissu
revêtu d'une couche mince de caout-
chouc, et le plaçant entre de l'eau et
de l'alcool, le courant endosmotique
s'établissait de ce dernier liquide vers
le premier. Il a vu aussi que, pendant
les premiers temps de l'expérience, il
ne passait pas d'eau en sens inverse ,
mais qu'après une certaine durée de
l'action endosmotique, une petite quan-
tité de ce liquide traversait la cloison
de caoutchouc pour se répandre dans
l'alcool (6). Ce phénomène de diffu-
sion ne s'est donc produit que lorsque
l'alcool dont la cloison de caoulchouc
s'était pénétré avait eu le temps né-
cessaire pour élargir à un certain de-
gré les interstices capillaires de cette
substance en balançant sa force élas-
tique.
(a) Graham, loc. cit., p. 206, tab. 13.
(6) Dulrochel, De l'endosmose {Mémoire pour servir à l'histoire anatomique et physiologique
des végétaux et des animaux, t. I, p. 19).
PHÉNOMÈNES OSMOTIQUES. 159
calibre des passages que ces tissus organiques offrent pour
l'accomplissement des échanges entre les liquides hétérogènes.
Comme exemple de ces différences, je citerai encore une expé-
rience de M. Harzer. En employant comme cloison osmotique
le péricarde du Bœuf, l'équivalent de sel commun était 4, et,
en substituant à cette membrane un morceau de la vessie du
même Animal, cet équivalent a dépassé 6 (1).
D'après ce que nous savons de la grande inégalité des actions
capillaires exercées par un même tissu perméable sur des
liquides de nature différente, ou par des tissus différents sur un
même liquide, nous devons penser aussi que les obstacles
opposés à la diffusion des molécules en dissolution par les
parois des canaux capillaires varieront également en force sui-
vant la constitution chimique des substances qui forment ces
parois, et qu'il y aura là une nouvelle cause de variations dans
la valeur des équivalents endosmotiques.
Comme exemple de l'influence que la cloison perméable
peut exercer sur les produits de la diffusion de diverses sub-
stances, je citerai en premier lieu les résultats obtenus par
M. Mialhe en étudiant les courants exosmotiques qui s'établissent
au travers de la membrane interne de la coquille de Tœuf de
la Poule, quand on la dénude et qu'on la met en contact avec
l'eau. Des phénomènes endosmotiques se manifestent bientôt;
(1) Voici quelques-uns des résultats -^,3 avec la vessie de Cochon ;
numériques obtenus dans des expé- ^'* avec la vessie de Bœuf (a).
riences comparatives faites avec des r> ^ • ■ i
^ Dans des expériences analogues
membranes dont le tissu était plus ou ,. ., »! ,-,1 u
•^ faites par M. Olechnowicz, en em-
moins serré. L'éciuivalent du chlorure , , ■ .
, , ' ployant comme cloison osmotique
de sodium s'est trouvé de : , . , ,, ,. ,,,
une lame mince de coilodium, l e-
2,9 avec la vessie natatoire d'un Poisson ; quivalent du sel COmmun s'cst élevé
4,0 avec le péricarde de Bœuf ; à 10,2 (6).
(a) Harzer, Beitrâge zur Lehre von der Endosmose {Avcidvfûi' physioloylsche Ueilkmide, 1850,
t. XV, p. 202etsuiv).
(6) F. OlecbnoY/icz, Expérimenta quxdam de endosniosi {liisscrt. inaug.). Dorpat, 1851.
160 ABSOai'TlON.
l'eau du dehors pénètre dans l'intérieur de l'œuf, et une partie des
matières salines qui se trouvent dans ce corps s'en échappent
pour se répandre dans le bain extérieur ; mais M. Mialhe assure
que l'albumine de l'œuf ne passe pas. Quand on emploie la mem-
brane externe de l'œuf de la même manière, en y plaçant du
sucre ou du sel commun pour exciter l'action osmotique, l'eau
du dehors y pénètre et s'y accumule également ; mais il y a en
même temps exosmose, et le sucre, ainsi que le sel, se répand
dans le bain extérieur. Par conséquent, la diffusion de l'albu-
mine est empêchée ou rendue extrêmement fliible par une
cloison perméable qui non-seulement se laisse traverser par
l'eau, mais qui permet la diffusion du sucre et du sel (1).
Nous avons déjà vu que dans certains cas les deux surfaces
opposées d'une membrane animale n'exercent pas la même
action capillaire sur les liquides qui les baignent, et qu'il en
résulte des variations dans l'intensité du courant endosmotique,
quand les rapports entre la cloison perméable et la substance
osmogénique viennent à changer. Il paraît en être de même
pour le passage de ces dernières matières par voie de diffusion
dans l'intérieur des courants affluents jusque dans le bain adja-
cent, et il en résulte que le produit de l'échange osmotique peut
être augmenté ou diminué par l'influence exercée de la sorte
(1) Pour pratiquer celle expérience, stance dans son état naturel, soit
M. Mialhe enlève une petite porlion qu'on la batte préalablement avec
delà coquille à Tune des extrémités de de l'eau et qu'on la filtre avant d'en
l'œuf et soutient la membrane dénu- charger l'endosmomèlre. M. Mialhe
dée à l'aide de bandelettes de liégc a obtenu les mêmes résultais en sub-
entrecroisées ; puis il fait un trou à slituant au blanc d'œuf du sérum du
l'extrémité opposée de l'œuf, et y sang (a). Mais je dois ajouter que,
adapte un tube qu'il lute avec delà dans des expériences analogues faites
cire. Il assure que l'albumine reste par M. Béclard, les mêmes résultats
emprisonnée dans le réservoir ainsi n'ont pas été obtenus, et le passage
constitué, soit qu'on laisse celte s ub- de l'albumine a pu être constaté (6).
(a) Mialile, Chimie appliquée à la physiologie, p. 139 et suiv.
ib) Béclard, Mémoire sur la théorie de l'endosmose {Canette des hôpitaux, 1851, p. 3^4).
l'HÉNOMÈNES OSMOTIQUES. IGl
sur l'exosmose aussi bien que sur l'endosmose. Ainsi, quand
on fait usage de la muqueuse gastrique de l'Agneau, et qu'on
charge l'instrument avec une dissolution d'albumine, l'eau exté-
rieure pénètre en plus grande quantité à travers la membrane
lorsque celle-ci est en contact avec ce dernier liquide par sa sur-
face péritonéalej mais si l'on substitue à l'albumine un dissolu-
tion de sucre, l'ascension du liquide intérieur est la plus consi-
dérable quand l'eau arrive par la surface épithélique. Or, dans
le premier cas, quelle que soit la direction du courant endos-
motique, les produits du courant contraire, c'est-à-dire la fpian-
tité d'albumine répandue au dehors est très faible ; et nous
pouvons conclure de ce fait que les différences dans les résul-
(ats de l'expérience, quand on change les rapports de la mem-
brane avec les liquides réagissants, dépendent principalement de
la pénétration plus facile de l'eau par la surface musculaire ou
péritonéale de la muqueuse que par sa surface épithélique. Mais
les résultats, ai-je dit, sont autres quand on substitue à l'albu-
mine une dissolution de sucre. Cela ne semble pas devoir
dépendre d'une influence inégale que le sucre exercerait sur le
courant endosmotique, quand cette substance est en contact
avec telle ou telle surface de la membrane, mais plutôt à la
facilité plus grande que le courant contraire formé par les
molécules de sucre qui s'échappent par diffusion trouve à tra-
verser la muqueuse gastrique quand ces molécules y pénètrent
par la surface épithélique, au lieu d'y arriver par la surface
détachée des autres tuniques de l'estomac (1)
(1) Il est aussi à noler qu'en faisant était en contact avec la suiTace épi-
usage de la muqueuse s^astrique de thélique, et l'eau en rapport avec la
divers Carnivores, ]\1M. Matteucci et surface péritonéale ; mais lorsque
Cimaontobtenudes résultats inverses. l'eau baignait la surface épithélique
Ainsi, avec la tunique interne de l'es- delà muqueuse, le liquide n'est monté
tomac du Chien, ils ont vu la colonne dans l'endosmomètre qu'à 8 milli-
endosmométrique s'élever à 60 milli- mètres.
mètres quand la dissolution sucrée Dans les expériences citées ci-des-
V. 11
] 62 ABSORPTION.
L'influence que la nature chimique du liquide logé dans les
cavités capillaires d'un tissu organique peut exeixîer sur la
diffusion de la matière osmogène à travers ces passages, ou,
en d'autres mots, sur l'intensité du courant exosmotique, et
par conséquent aussi sur la valeur du produit de l'échange, est
mise en évidence par l'expérience suivante. Si l'on emploie
comme cloison osmotique la membrane interne de la coquille
de l'œuf, et qu'on charge l'instrument ainsi préparé avec de
l'albumine, cette matière ne s'échappera pas en quantité notable
si le liquide réagissant est de l'eau pure ; mais si l'on substitue
à ce bain une dissolution de chlorure de sodium, une quantité
considérable d'albumine se répandra au dehors^ bien que le
courant endosmotique continue à se diriger vers l'intérieur du
réservoir et à augmenter le volume de la dissolution albumineuse
qui s'y trouve logée (1).
sus, les hauteurs observées furent,
avec la membrane gastrique de l'A-
gneau et le sucre :
66 à 72 millimèlres, quand l'eau élait eu
contact avec la surface épitlié-
lique de la membrane.
54 à 56 millimètres, quand l'eau était en
contact avec l'autre surface de
la membrane, et le sucre en
rapport avec sa surface épitlié-
lique.
Avec le blanc d'œuf:
11 à 22 millimètres, quand l'eau baignait
la surface épithélique, et l'albu-
' mine la surface péritonéale.
23 à 35 millimètres, quand l'eau était en
contact avec la surface périto-
néale, et l'albumine en contact
avec la surface épithélique.
Avec la tunique muqueuse de Tes-
tomac du Chat, une dissolution gom-
meuse a donné une ascension de :
38 millimètres, quand l'eau était en contact
avec la surface viscérale, et la gomme
en rapport avec la surface cpitliélique.
4 4 millimètres, quand l'eau était en contact
avec la surface épithélique (a).
(1) En opéiantde la sorte avec une
cloison osmotique formée par la mem-
brane interne de la coquille de l'œuf,
M. Wittich a vu qu'en présence de
l'eau pure, 2 centimètres cubes d'une
dissolution albumineuse augmentaient
en volume de 3" ,5 et ne laissaient
échapper que Os',015 de substance
organique.
Mais , en substituant au bain d'eau
distillée un bain d'eau salée contenant
3,7 pour 100 de chlorure de sodium,
la même quantité de dissolution albu-
(a) MaUeucci cl Cima, Op. cit. {Annales de chimie et de physique, o° série, 1845, t. XIII, p. 73 i
et suiv.). )
PHÉNOMÈNES OSMOTIQUES. 16o
Il est aussi à noter (|iie le degré d'intensité des courants
exosmotiques peut être augmenté on diminué par le fait de l'as-
.sociation de certaines matières osmogènes.
§ 16. — En résumé, nous voyons donc que tous les fails Résumé.
Ibndamentaux de l'hisloire des phénomènes osmotiques trouvent
leur explication dans les lois connues de la capillarité, de l'at-
traction adhésive ou de l'affinité chimique des liquides héléro-
gènes, et de la diffusion des corps en dissolution ; mais il ne
faudrait pas en conclure que des effets analogues ne puissent
être dus à d'autres causes, ni que des forces dont je n'ai pas
tenu compte jusqu'ici n'exercent aucune influence sur la valeur,
ou même sur le caractère des résultats obtenus de la sorte. Ce
serait tomber dans une erreur grave, et le physiologiste a par-
ticulièrement besoin de connaître le rôle de ces agents acces-
soires.
§ 17. — Ainsi, la chaleur peut déterminer de grandes modi- i„nuenœ
lications dans le jeu des forces dont dépendent les mouvcmenls i^ lempLtme
de translation et les échanges qui constituent le phénomène com- ,^3 phlnomènes
])lexe dont l'étude nous occupe ici. Nous avons vu précédem- "-'"'"'"i"'''
ment que l'élévation de la tenifiératurc tend à diminuer les
effets dus aux actions capillaires, mais active le travail ],iar
lequel l'imbibition des substances poreuses s'accomplit. La
mineuse a gagné seulement 2'<',1 en amniotique, et cliargés de sérum du
volume, et a perdu, par diffusion, sang de Bœuf, furent plongés, Tiin
0s',û31 de matière organique (a). dans un bain d'eau, l'autre dans de
Dans des expériences faites récem- l'urine acide; au bout de vingt-quatre
ment par M. Ueynsius, en vue d'é- heures, le premier avait laissé échap-
clairer l'histoire de la sécrétion uri- pcr beaucoup d'albumine, le second
naire , des fails analogues ont été pas; mais lorsque l'urine était alca-
observés. Deuv endosmomèlres fer- Hue, l'albumine passait au travers de
mes par un morceau de la membrane la cloison osmotiquc (6).
{«) Wilticli, Uebet' Ekveiss-Dlff'usion (Miiller's Arcliiv fur Ànat. und Pliijsiol., 1856, p. 304).
(6) Heynsius, Ziir Théorie der Harnseireiioii (Archiv fiir die Hollâiidischen Beitrâge z-ur Nntnr-
nnd Heilkunde von Donders mid W., Rcrlin, 185S, t. I, p. 205).
1 G/l ABSUKPTION.
clialeur accélère aussi les mouvements osmotiques , et cela
semble pouvoir dépendre principalement de deux circonstances
différentes : 1° de la diminution dans les résistances opposées
an passage des liquides dans les cavités capillaires de la mem-
brane, résultat qui est produit tant par l'affaiblissement que la
chaleur détermine dans l'attraction adhésive développée entre
les deux corps en contact, que par la dilatation du tissu per-
méable ; 2° du développement de la puissance attractive réci-
proque, ou affinité , exercée par les liquides miscibles réagis-
sants, qui est aussi, dans certaines limites, une conséquence
ordinaire de l'élévation de la température.
Cette influence accélératrice de la chaleur sur le travail
endosmotique a été mise en évidence par les expériences de
Dutrochet. Ce physiologiste a vu un même endosmomètre,
chargé avec des dissolutions identiques de gomme, n'absorber
en un temps donné qu'un volume d'eau à la température de
0 degré, et prendre 3 volumes d'eau à la température d'en-
viron 34 degrés (i). En employant de l'acide chlorhydrique,
il obtint des résultats encore plus remarquables, car une disso-
lution de ce réactif dans une proportion voulue d'eau lui donna
des effets négatifs à la température d'environ 20 degrés, tandis
qu'à 10 degrés cette même liqueur déterminait un courant en
sens contraire et faisait monter le liquide dans l'intérieur de
l 'endosmomètre (2). Ainsi, par le seul fait d'un léger chan-
(1) Ces expériences furent faites 10 1/2 grains à 0 degré, et de 37 grains
avec un caecnni de Poulet chargé à environ 3/i degrés (a).
d'une dissolution de gomme, adapté à (2) Dutrochet a trouvé qu'en plaçant
un tube de verre, et plongé dans un dans un endosmomètre garni d'un
bain d'eau distillée. L'augmentation morceau de vessie de l'acide chlorhy-
de poids fut, dans une expérience, de drique étendu d'eau, et en opérant à la
13 grains à 5 degrés, et de 23 grains à température de 10 degrés, le courant
environ ù2 degrés. Dans une autre principal s'établissait de l'acide vers le
expérience , l'appareil se charge de bain extérieur lorsque la densité de la
(a) Dulrocliol, De Vendosmoae {Méiuoii'cn, L 1, p. 27).
PHÉNOMÈNES OSJIOTIQUES. 165
gement de température, l'attraction capillaire exercée par une
membrane sur l'eau acidulée peut devenir supérieure ou infé-
rieure à celle que cette même membrane exerce sur l'eau pure,
et la direction du courant endosmotique peut être de la sorte
iutervertie (1).
^ 18. — En étudiant les effets de capillarilé, nous avons vu influence
de l'électricité.
que l'état électrique des corps réagissants exerce parfois une
grande influence sur le jeu des attractions moléculaires dont
ces phénomènes dépendent. Il en est de même pour les actions
osmotiques.
xAinsi, on sait depuis longtemps qu'un courant galvanique,
en traversant l'eau pour se rendre du pôle positif au pôle né-
gatif, détermine un certain déplacement des molécules de ce
liquide, de taçon que si, à l'aide d'un diaphragme perméable,
dissolution acide élaitinférieureà 1,0L',
et que le courant se portait de l'eau
vers l'acide quand la densité était plus
grande; mais qu'à la tenipéraliire de
22 degrés, le courant s'intervertissait
quand la densité de l'acide dépas-
sait 1,003. Ainsi l'acide chlorhydrique
au même titre peut donner lieu à des
efl'ets de signe opposé, suivant que la
température dépasse 20 ou s'ai)aisse
à 10 degrés, et Dulrochet est arrivé
à cette conclusion : Pour que les ré-
sultats endosmotiques soient sembla-
bles à des températures qui ne va-
rient que de 12 degrés, il faut que
les densités de la dissolution d'acide
clilorhydrique changent dans le rap-
port d'environ 1,003 à 1,027, c'est-
à-dire que la liqueiu- doit contenir
à peu près six fois plus d'acide quand
la température est basse que lois-
qu'elle est élevée (a).
(1) Si l'élévation de la température
diminuait dans le même rapport la
puissance de l'attraction adhésive
exercée par les parois des conduits
capillaires sur les deux liquides réa-
gissants, la chaleur ne changerait pas
la direction du courant endosmotique,
et tendrait seulement à en accélérer
le mouvement ; mais, en étudiant les
phénomènes de capillarité, nous avons
vu que le coefficient de l'écarlement
moléculaire entre les solides et les
liquides en contact apparent, déter-
miné par l'élévation de la tempéra-
ture, semble varier avec la nature
chimique des corps en présence [h),
et par conséquent on conçoit facile-
ment que dans certains cas les chan-
gements de température puissent
rendre l'action capillaire de A sur B
plus grande ou plus petite que colle
de B sur C.
(o) Diilrocliel, art. Enuosmosis (ToJil's CrjcUqiϞia of Anat. and PhysioL, t. II, p. 108).
(bj Viijez ri-tlessus, pape Ti et ?uivaiiles.
166 ABSORPTION.
on sépare en deux portions la masse formée par celui-ci,
le volume de la portion située entre la cloison et le pôle
positif diminuera, et le volume de celle comprise entre le côté
opposé de la cloison et l'étectrode négatif augmentera. Ce fait,
constaté pour la première fois il y a plus de quarante ans par
un physicien anglais nommé Porretf, a été depuis lors observé
par plusieurs expérimentateurs, et montre que des effets sem-
blables à ceux de l'endosmose peuvent être produits par le
jeu des forces électriques. On a trouvé aussi que lorsque dans
ces circonstances l'eau est décomposée par l'action de la pile, un
volume de ce liquide proportionnel à la grandeur de cette action
accompagne pour ainsi dire l'hydrogène qui s'accumule autour
du pôle négatif (l), et ce déplacement parait être dû à la résis-
tance que l'eau oppose au passage de l'électricité positive (2);
(1) Plusieurs années avant la pu-
blication des travaux de Dutrochel
sur l'endosmose, Porrelt avait remar-
qué que si l'on plonge les deux con-
ducteurs d'une pile galvanique dans
les deux coniparliments d'un vase
conlenant de l'eau et divisé par une
cloison membraneuse , le niveau du
liquide s'abaisse dans le compartiment
en rapport avec le pôle positif et s'é-
lève dans l'autre [a). Cet efl'et singu-
lier semblait indiquer que le courant
électrique, eu passant du pôle positif
au pôle négatif, entraîne avec lui une
certaine quantité d'eau à travers les
pores de la cloison membraneuse, et
M. VViedemann, en approfondissant
l'étude de ce pbénoniène, a constaté
que le volume de l'eau qui accompagne
riiydrogène pour s'accumuler autour
du pôle négatif est toujours propor-
tionnel à la quantité d'eau décom-
posée, et est indépendant de l'étendue
et de l'épaisseur du diaphragme per-
méable. 11 est aussi à noter que celte
quantité est d'autant plus grande que
le liquide employé conduit moins bien
l'électricité {h).
('i) La physique nous apprend que
l'électricité positive, quand elle est en
mouvement, possède la faculté de ren-
verser les obstacles qui se présentent
sur sa loule. On sait également que
l'eau est un mauvais conducteur de
l'électricité, et par conséquent l'eau
qui se trouve dans les canaux de la
membrane doit être un obstacle au
passage du courant électrique qui se
rend au pôle négatif. Ce courant devra
donc tendre à déplacer ce liquide, et,
{a) PorreU, Curions Galvanic ET.perime7its (Ann. of Philosophy , 1816, l.Vttl.p. 74, et Annales
de chimie et de physique, 1816, t. II, p. 137).
(6) Wiedemarin , Ueber die Bewecjung von Flûssigkeiten im Kreise der geschlossenen galvnnischen
saule (Poggend.irff's Annalen, 1852, t. LXXXVtl, p. 321 ; — 1856, 1. XGIX, p. 177).
PHÉNOMÈNES OSMOTIQUES. 107
mais, quoi qu'il en soit de l'explieation du phénomène, on peut
conclure légitimement de ces faits que dans d'autres circon-
en le déplaçant, tendre à le pousser
dans la cellule en rapport avec l'élec-
trode négatif. M. Becquerel explique de
la sorte le phénomène constaté par
Porrett, et, à l'appui de celte théorie,
il fait remarquer que l'accumulation
du liquide vers le pôle négatif ne se
produit que lorsque l'eau conserve le
faible pouvoir conducteur qui est na-
turel à cette substance, et que l'expé-
rience ne réussit pas si ce liquide se
trouve mêlé à un acide ou à un sel
dont la présence rend le passage de
l'électricité facile (a>
11 serait possible cependant que
l'inégalité de niveau du liquide dans
les deux compartiments du bain tînt
à quelque dilférence dans le mode de
groupement moléculaire des atomes
d'eau ou de leurs éléments constituants
qui, sous l'influence du courant élec-
trique, constitueraient des particules
de composés différents douées , les
unes de propriétés électro-positives ,
les autres de propriétés électro-néga-
tives et ayant des volumes inégaux;
mais ce sont là des questions théori-
ques qui ne peuvent être discutées
ici (6).
Quant aux phénomènes osmotiques
que l'électricité détermine dans les
dissolutions salines ou autres, les expé-
riences de V. Raoult tendent à établir
qu'ils sont dus à des décompositions
cl au volume relatif des substances
qui se rendent à l'un ou à l'autre
pôle. Ce physicien considère toute
dissolution comme étant une véritable
combinaison chimique dans laquelle
l'eau joue tantôt le rôle d'élément
électro-positif, tantôt celui d'élément
électro-négatif, suivant la nature acide
ou basique du corps dissous ; que sous
l'influence d'un courant électrique,
cette combinaison se sépare en deux
parties , l'une formée d'eau pure ,
l'autre ronformant toute la substance
dissoute ; enfin, que les matières ainsi
dissociées se .transportent aux pôles
opposés, de façon que si le liquide
compris entre ces pôles est divisé en
deux portions par une cloison per-
méable, le volume de l'une de ces
portions augmente ou diminue suivant
que la substance qui s'y trouve ainsi
transportée est plus ou moins volu-
mineuse que la substance attirée par
l'autre pôle. Or, dans ces liquides,
chaque équivalent de l'acide , de la
base, du sel ou de toute autre sub-
stance en dissolution, se trouve asso-
cié à plusieurs équivalents d'eau , et
par conséquent c'est du côté où se
rend l'eau que l'endosmose se ma-
nifeste. M. liaoulta constaté aussi que
dans les réactions de ce genre, quand
deux liquides différents sont séparés
par une cloison perméable et sont
traversés par un courant électrique,
le niveau baisse toujours dans celui
(jui abandonne son eau avec le plus
de facilité (c).
(a) Becquerel, Traité expérimental de V électricité, 1830, t. IV, p. 200.
(6) Voyez à ce sujet le mémoire de M. Graliam Sur la force osmotique (l'hUos. Trans., 1854
p. d84).
(c) Raou'.t, Causes des phénomènes d'endosmose électrique {Comptes rendus de l'Académie des
sciences, 4 853, t. XXXVI, p. 826).
168
ABSORPTION.
Stances où des forces analogues se développent , celles-ci de-
vront tendre à produire des mouvements du même genre.
Diverses expériences prouvent d'ailleurs que l'électricîité est
apte a exercer une influence considérable sur les phénomènes
osmotiques (1). Ainsi, un chimiste de Genève, M. Morin, a
constaté que des membranes organiques qui, dans les circon-
stances ordinaires, ne se laissent pas traverser par certaines
substances, leur livrent parfois passage quand les forces élec-
triques interviennent, et que des phénomènes du même ordre
se manifestent dans les expériences osmoti(]ues, lors même
qu'on emploie comme cloisons perméables des matières miné-
rales. Ainsi, en opérant à la température d'environ 30 degrés
sur des endosmomètres garnis de la tunique muqueuse du duo-
dénum, M. Morin a vu que le sucre passait, tandis que ni le
caséum, ni la gomme, ni les graisses, ne traversaient la inem-
(1) Lorsque Diitrochet commença à
étudier les cfl'els osmoliqucs, il élait
porté à les considérer comme dépen-
dant essentiellement du jeu des forces
électriques (a) ; mais il ne chercha
pas à expliquer comment ces forces
pouvaient produire les résultais ob-
servés. M. Becquerel a cru pouvoir
aller plus loin, et donner la théorie de
ces phénomènes.
« Une solution saline concentrée,
dans sa réaction sur l'eau, dit ce phy-
sicien, prend rélectricité positive et
donne à Teau l'électricité contraire.
L'effet ayant lieu entre les pores de la
membrane ou de la cloison sépara-
trice, la recomposition des deux élec-
tricités s'effectue par l'intermédiaire
de ses paiois, quand bien même la
membrane ou corps intermédiaire
n'est pas conductrice de l'éleclriciié.
Il doit donc y avoir probablement au-
tant de courants électriques partiels
qu'il y a de pores ; ces courants sont
tous dirigés de l'eau vers la solution
saline. L'eau pure étant im mauvais
conducteur, le courant positif fera
passer facilement l'eau au travers de la
membrane dans le compartiment où
se trouve la solution ».
Mais M, Becquerel, tout en con-
sidérant l'électricité comme étant
au nombre des causes productrices
de l'endosmose , a soin de faire re-
marquer qu'elle ne saurait être celle
qui a le plus d'influence, car il arrive
souvent que les effets produits sont
dans une direction inverse de ceux
que l'on aurait obtenus si elle eût agi
seule (6).
(a) Dulrodicl, L'aqent immédial du mouvement vllal dévoil(', p. 133 et siiiv.
(6) Becquerel, Traité de l'éleclriciié, t. IV, p. 200 cl 201.
PHÉNOMÈNES OSMOTIQUES. 169
brane; mais qiren taisant intervenir l'action d'un courant
galvanique modéré, les matières grasses du lait passaient tout
comme le sucre, puis s'arrêtaient dès que l'action électrique
était interrompue (1).
(1) Une partie des expériences de
M. Morin portent sur la membrane
placentaire des Taiminants. Il a vu
que la portion munie de cotylédons lais-
sait passer Témulsion de jaune d'œuf
(corps gras et matières albumineuses),
ainsi que le sucre et le sérum du lait,
mais excluait les matières grasses et le
caséum de ce dernier liquide.
Les parties de la même membrane
qui étaient dépourvues de cotylédons
se laissaient traverser par l'albumine
du jaune d'œuf, mais ne livraient pas
passage à la matière grasse du vi tell us.
Le courant élcclrique fit passer les
matières grasses du lait même au tra-
vers de la partie de cette membrane
qui est dépourvue de cotylédons, et
cela quel que fut le sens du courant
galvanique , mais plus rapidement
quand le lait était en rapport avec
l'électrode négatif.
Quand, en opérant sur la muqueuse
intestinale sans le concours du galva-
nisme, les corps gras, le caséum et la
gomme ne passaient pas, le sucre pas-
sait et la membrane admettait ou cé-
dait de la gélatine. En faisant interve-
nir la chaleur et l'électricité, on
déterminait le passage du corps gras
et de la gélatine ; mais cette dernière
substance ne traversait que pour se
rendre du pôle positif au pôle négatif.
Le caséum et la gomme ne passaient
pas.
Lorsque la muqueuse intestinale
avait été imbibée de potasse , puis
lavée jusqu'à ce que la neutralité y
fût revenue, tous les principes du lait
passaient sous l'influence de la pile et
d'une température de 30 degrés. Ce
transport s'efî'ectuait alors le plus
facilement de — en -(- ; mais lorsque
le liquide était légèrement alcalinisé ,
le mouvement s'établissait le plus faci-
lement en sens contraire.
En employant de la baudruche
(c'est-à-dire une double membrane
péritonéalc aluminée, puis desséchée
et vernieà l'albumine), une dissolution
d'albumine n'a déterminé que très peu
d'alllux osmotique et ne s'est pas ré-
pandue au dehors. En ajoutant du
sucre à l'albumine , on a rendu l'en-
dosmose beaucoup plus active , et il
y a eu passage en sens inverse de
sucre , d'albumine , etc. Mais ni sans
ni avec le concours de la chaleur et
de l'électricité, le passage de l'albu-
mine n'est devenu abondant, et la
matière albuminoïde abandonnée par
la membrane n'était pas coagulable
par la chaleur.
Eufin, en employant des godets po-
reux de grès d'une structure grenue,
M. Morin a vu que divers liquides,
tels que du lait, une émulsion de jaune
d'œuf et une dissolution d'albumine,
filtraient au dehors quand les vases
étaient à l'air, mais ne passaient pas
dans l'eau du bain , où l'on plongeait
ceux-ci de façon à empêcher toute
pression hydrostatique. Le sucre pas-
sait très lentement. Or, en faisant
agir à la température ordinaire un
faible courant galvanique, de petites
170 ABSORPTION.
Relations II est cloiic bieii démontré que les forces électriques peu-
entre l'osmose . • i r i i i • i
et les réactions vcnt exerccF une inlluence considérable sur la production des
chimiques. .„ . • ii îm -p •
enets osmotiques, et 1 on sait d autre part qu il y a maniiestation
de ces forces toutes les fois que des corps hétérogènes arrivent
en contact, mais surtout quand ce contact est suivi de quelque
combinaison ou décomposition chimique. Or, des réactions
chimiques accompagnent presque toujours , sinon constam-
ment, les phénomènes osmotiques; en général, elles s'établis-
sent non-seulement entre les liquides hétérogènes qui s'unissent,
mais aussi entre ceux-ci et la substance des cloisons per-
méables que ces liquides traversent. M. Graham, l'un des
chimistes les plus distingués de l'Angleterre, après avoir fait
une étude approfondie de ces questions, a été même conduit à
penser que le jeu des affinités était une condition essentielle du
développement de toute puissance osmotique. Cette opinion ne
me paraît pas fondée; mais il semble y avoir quelque liaison
entre tout grand déploiement de cette force et la réalisation de
quelque travail chimique.
Ainsi, en opérant avec des endosmomètres à parois inorga-
niques, M. Graham a constaté une certaine coïncidence entre
la manifestation des courants osmotiques et l'altération des pa-
rois du vase par les agents employés (1). Il a vu que les mem-
qiiaiitités d'albumine passèrent dans gras du lail et du jaune d'œuf ne
le bain extérieur. L'exosmose de passèrent pas (a).
l'albumine n'augmenta que peu lors- (1) En employant des godets formés
que la température s'est élevée de de gypse, de charbon comprimé ou
35 à 50 degrés, et se fit à peu de cuir tanné, substances qui n'étaient
près de même, quelle que fut la di- pas attaquées par les sels dont il lai-
rection du courant galvanique. Le sait usage, M. Graham n'a obtenu au-
caséum du lait passait pour se rendre cun elfet osmotique, et, en examinant
vers le pôle négatif; mais les corps les matières qui provenaient des vases
(a) A. Morin, Nouvelles expériences sur la perméabilité des vases poreux et des membranes
desséchées par les substances nutritives {Mémoires de la Société de physique et d'histoire natn-
relle de Genève, 1854, t. XIII, p. 251 et suiv.).
PHI'NOMÈÎSES OSMOTIQUES. 171
branes organiques qui fonctionnent de la sorte sont d'or-
dinaire plus ou moins fortement attaquées par les matières
salines qui les traversent. Enfin il a remarqué que les sub-
stances qui possèdent un pouvoir osmotique très considé-
rable sont toutes des matières qui se décomposent le plus
facilement en présence, soit des menstrues, soit des tissus
dont on fait usage, ou qui attaquent le plus énergiquement
ceux-ci.
Afin de mettre en évidence ces rapports, M. Graham a
classé par ordre de puissance osmotique les diverses sub-
stances minérales dont il a mesuré l'action, et, si l'on jette les
yeux sur cette liste (1), on ne peut (ju'être frappé de la coïnci-
dence signalée par cet expérimentateur. On remarque, en effet,
que ce sont les acides , les sels alcalins et les composés les
moins stables qui donnent lieu aux courants, soit positifs, soit
négatifs, les plus puissants , et que les sels les plus stables
occupent la région moyenne de la série, c'est-à-dire produisent
le moins de changements dans les volumes des liquides réa-
de terre cuite où il avait réalisé des (l) Dans ce tableau, M. Graham
effets osmoliques considérables, il y a a représenté par des valeurs posi-
toujours reconnu des composés ù base tives ou négatives les différences de
de chaux et d'alumine. Il lui fut im- poids déterminées dans leur masse
possible d'épuiser les parois des go- par les échanges opérés de la sorte
dets en les lavant, soit avec de l'eau, en un temps donné (6). Ces résul-
soit avec des acides étendus, et le tra- tats ont été fournis par des expé-
vail de décomposition dont leursub- riences faites à l'aide de membranes
stance était le siège lui paraissait animales identiques, et avec des dis-
indéfiiii. Dans d'auires cas, des quan- solutions contenant nn centième du
tités considérables de matières salines poids de la substance osmogène.
étaient arrêtées au passage et fixées Les effets sont représentés par l'é-
dans l'épaisseur des parois de ces vases lévation ou la dépression du ni-
poreux (a). veau du liquide dans le tube de
(a) Graham, On Osmotic Force {Philos. Trans., -ISSi, p. -183).
(6) Idem, Op. cit. {Philos. Trans., 4854, p. 225),
172 ABSORPTION.
gissanis (1). Il est aussi à noter que la plupart de ces matières
salines attaquent les tissus organiques. L'eau elle-même agit
chimiquement sur les substances albuminoïdes, et les inou-
vements osmotiques sont souvent accompagnés d'altérations
profondes dans le mode de constitution de ces corps, dues
à la séparation du chlorure de sodium ou d'autres sub-
rosinomètre, évaluée en millimèlres.
Acide oxalique — 148
Acide chlorhydrique (0,'l p. 4 00). — 92
Ti'ilochlorure d'or — 54
Bichloruic d'étain — 46
Nitrate de magnésie — 22
Clilorure de magnésium — 2
Chlorure de sodium ►]- 12
Clilorure de potassium -[- 18
Nitrate de soude -}- 14
Nitrate d'argent -[- 34
Sulfate de fer -f 20 à 25
Sulfate de potasse -(- 21 à GO
Sulfate de magnésie -|- 14
Chlorure de calcium -|- 20
Chlorure de baryum -|- 21
Chlorure de sironlium -|- 20
Chlorure de cobalt -j- 20
Chlorure de manganèse -j- 34
Chlorure de zinc . _j_ 45
Chlorure de nickel -j- 88
Nitrate de plomb -|- 204
Nitrate de cadmium 4-137
Nitrate d'uranium -|" "158
Nitrate de cuivre -(-204
Cldorure de cuivre -[- 351
Protochlorure d'étain -j- 289
Protochlorure de fer -|- 435
Chlorure de mercure -|- 121
Protonitrate de mercure -|- 350
Pernitrale de mercure -j- 470
Acétate de sesquioxyde de fer . . -(- 194
Chlorure d'aluminium -\- 540
Phosphate de soude -(- 31t
Carbonate de potasse -|- 439
M. Cifaliam a beaucoup insisté sur
la coïncidence des actions chimiques et
osmotiques. Il ne s'explique pas sur
les relations qui doivent exister entre
ces actions chimiques et le jeu de
forces électriques ; mais il pense que
la condition essentielle pour la pro-
duction de l'osmose, c'est le dévelop-
pement d'actions chimiques différentes
des deux côtés de la cloison per-
méable (a).
(1) Ainsi nous savons que les car-
bonates alcalins attaquent fortement
les matières albuininoïdes, et les expé-
riences de M. Graliam montrent que
le carbonate de potasse qui traverse
la membrane organique de l'endosmo-
mèlre contracte des combinaisons
nouvelles en passant dans la substance
de celte cloison. Le pouvoir osmo-
gène de la potasse hydratée est égale-
ment très grand ; mais ce réactif dé-
truit si promptement les membranes
organiques, que celles-ci perdent très
vite la faculté de fonctionner de la
sorte.
Le sulfate de fer, qui est très stable,
n'a qu'un très faible pouvoir osmogé-
nique ; le sesquiazotate de fer produit
au contraire des effets très considé-
rables; mais aussi, en s'échappant par
diffusion à travers la membrane, il se
décompose et laisse un sel basique du
côté interne de la cloison, tandis que
(a) Graham, Op. rit. {Philos. Trans., 1854, p. 225). ^
PHÉNOMÈNES USMOTIULES. 173
stances minérales qui y étaient combinées (1). En un mot,
des phénomènes résultant du jeu des affinités chimiques
accompagnent presque toujours, peut-être même toujours, la
production des effets osmotiques; mais, dans l'état actuel de
la science, il ne me semble y avoir aucun motif pour consi-
dérer ces derniers comme dépendants des premiers, et l'on
ne voit pas comment dans ces cas la puissance chimique se
transformerait en une puissance motrice. Nous avons vu ,
d'ailleurs, que tout ce qui est essentiel dans le travail osmo-
tique trouve son explication dans les lois de la physique géné-
rale, et si les influences chimiques, de même que les forces
électriques, interviennent dans l'accomphssement de ces actes,
il est probable que c'est à la manière de la chaleur, en modi-
fiant les conditions dont dépend le développement plus ou
moins énergique de l'une ou de plusieurs des forces molécu-
laires dont nous avons étudié le rôle au commencement de
celte Leçon.
§ 19. — En résumé, nous voyons donc que les phéno- Résume
mènes osmotiques sont beaucoup plus complexes qu'on ne
c'est 1111 nitrate acide qui se répand osmogénique est le plus considé-
dans le jjain adjacent. rable.
L'acétate d'ahimine se décompose (1) Dutrocliet a remarqué que le
très facilement de la sorte par le seul blanc d'œuf mis en contact avec l'eau
fait de sa diffusion dans l'eau, et de .se coagule à .sa surface de façon à y
même que les autres sels d'alumine former une pellicule blanchâtre (o).
dont le pouvoir osmogénique est gé- Cetli; action a été étudiée avec plus
néralement grand, il se combine forte- de soin par Jl. Virchow et par M. Wit-
meut avec les matières albuminoïdes. lich, qui ont fait voir que dans ce cas
Chacun sait que sous ce dernier l'eau enlève à la matière proléique
rapport le chlorure de mercure est une portion de chlorure de sodium
également remarquable, et c'est aussi qui lui était associée et qui lui donnait
une des substances dont le pouvoir de la tluidité (6).
{a] Dulrochet, De l'endosmose (Mémoires, t. I, p. 42).
[b] Virchow, Ueber ein eigenthûmliches Verhalten albuminuser FlûssiQkeiten bel Xttsalz von
SaUeii (Arch., t. VI, p. 572).
— ^ViUicll, Ueber Eiu'eiss-lHlfusioii (iMiillcr's Archiv, 1856, p. 286).
général.
17/l. ABSORPTION.
serait porté à le supposer au premier abord; que les échanges
qui s'établissent entre les liquides séparés par une membrane
animale ou toute autre cloison analogue peuvent être déter-
minés par deux causes : l'attraction physique ou chimique de
ces corps l'un pour l'autre, et la force répulsive, qui tend à
effectuer la diffusion uniforme des particules à l'état de disso-
lution dans la totahté du menstrue où elles peuvent avoir accès:
que l'inégalité des résultats de cet échange dépend delà facilité
relative du passage des deux substances réagissantes à travers
les cavités interstitielles de la cloison, et que cette perméabilité
pour un liquide déterminé varie suivant la nature de celui-ci, la
nature de la cloison elle-même, le diamètre des passages capil-
laires dont cette cloison est creusée , et les circonstances dans
lesquelles la réaction s'opère; enfin que la chaleur, l'état élec-
trique, le jeu des forces chimiques, et d'autres influences dont
il n'est pas possible de déterminer avec précision le rôle,
modifient les effets produits de la sorte. Dans l'état actuel de la
science, nous ne possédons pas une théorie assez parfaite de
ces phénomènes pour pouvoir calculer ce qui doit arriver dans
tous les cas particuliers ; mais nous pouvons au moins prévoir
ce qui se passera dans un grand nombre de circonstances, et
nous rendre nettement compte du mécanisme à l'aide duquel
le déplacement des liquides et leur accumulation de l'un ou de
l'autre côté d'une membrane animale s'effectuent d'ordinaire.
Cette étude, qui vient de nous occuper un peu longuement, nous
permettra donc de faire à la physiologie d'utiles applications
de la physique moléculaire, et un examen approfondi des ques-
tions que nous avons passées en revue dans cette Leçon était
nécessaire aussi pour nous mettre en garde contre l'explica-
tion erronée d'un grand nombre de faits dont les naturalistes
croient souvent pouvoir se rendre compte en les attribuant à
l'endosmose, bien que ces phénomènes n'aient en réalité rien
de commun avec les effets osmotiques.
PHÉNOMÈNES OSMOTIQUES. 175
Le transport des liquides qui s'effectue de la sorte, je te
répète, ne dépend pas d'un agent spécial, et s'effectue sous
rinlluence de la résultante de plusieurs forces physiques ou
chimiques ; mais, pour la commodité du discours, il est bon
de personnifier en quelque sorte celte cause de mouvement.
Je continuerai donc à la désigner sous le nom de puissance
osmogénique, et à appeler endosmose l'accumulation de liquide
qui est produite par son action.
QUARANTE -CINQUIÈME LEÇON.
Suite de I'Histoire de l'absorption. — Application des lois des phénomènes
osmotiques à la connaissance de l'action absorbante des corps vivants. — Cir-
constances qui influent sur la rapidité avec laquelle cette fonction s'exerce.
Du rôle § 'l • — La connaissance des phénomènes osmotiques que nous
de 1 ^n<J^°^""^«° avons acquise dans la dernière Leçon nous permettra d'expliquer
piiySoffi'qTe. en grande partie ce qui se passe dans l'organisme de l'Homme et
des autres Animaux, quand de l'eau ou un liquide quelconque
arrive en contact avec la surface extérieure du corps ou pénètre
dans une des cavités qui communiquent librement au dehors.
Effectivement, nous trouvons réunies dans ces points toutes les
conditions physiques dont nous avons vu dépendre l'absorption
des liquides dans un endosmomètre : car les membranes (\m
constituent ces surfaces sont perméables ; d'un côté elles sont en
contact avec de l'eau ; du côté opposé se rencontrent le sang et
la lymphe qui circulent dans les vaisseaux qui leur sont propres,
et ces liquides, plus ou moins chargés de matières organiques
et salines, sont aptes àjouer le rôle d'agents osmogènes. A moins
de supposer que l'organisme vivant soit soumis à des forces
qui balanceraient les actions dont résulte l'osmose, il faut
donc admettre que dans ces points des courants semblables à
ceux que nous avons vus traverser la paroi poreuse de l'en-
dosmomètre s'établiront , et que par l'effet de ces mouve-
ments l'eau pénétrera du dehors dans l'intérieur du système
vasculaire pour s'unir aux humeurs de l'économie, ou, en
d'autres mots, que l'absorption de ce liquide sera réalisée. Or,
nous avons déjà vu que, dans ces dernières circonstances, l'eau
est en réalité absorbée, et [)ar conséquent il est légitime d'at-
THÉORIE DE CE PHÉNOMÈNE. 177
tribiier cette absorption, au moins en partie, au jeu des forces
osinotiques. ^
Tous les faits dont je vais avoir à rendre compte dans cette Leçon |
viennent à l'appui de cette conclusion. Je ne dis pas que l'endos- ^
mose et la diffusion soient les seules causes qui déterminent le
passage des matières circonvoisines jusque dans le torrent circu- ]
latoire, mais elles jouent évidemment un grand rôle dans l'accom- ^ "■
plissement de ce transport, et par conséquent, avant de chercher >
quelles peuvent être les autres forces qui interviennent pour ]
déterminer l'absorption physiologique, il nous faut examiner ]
attentivement la part qui revient à ces actions physiques. '
§ i2. — Pour procéder méthodiquement dans cette étude du Résorption ■
/ . 1 > 5 1 ■ • ' ' 1 • I 11 I 1 do la st'rosilé ;
mécanisme de 1 absorplion en goneral, il me semble convenable épanchée. i
d'examiner d'abord ce qui doit se passer entre le sang ou la i
lymphe (jui se trouvent dans l'intérieur des vaisseaux irrigatoires |
et les liquides qui baignent la surface extérieure de ces mêmes i
vaisseaux, et qui occupent les aréoles du tissu conjonclif. '
Dans une précédente Leçon, nous avons vu que ces liquides 1
cavitaires, connus sous le nom général de sérosité, se com- i
posent d'eau et de diverses matières organiques et minérales 4
qui se rencontrent également dans le plasma, soit du sang, soit
de la lymphe, mais qui s'y trouvent en moins grande propor- ]
tion que dans ces fluides nourriciers (1). Nous savons égale- ■
ment que les parois de ces vaisseaux sont perméables (2), et \
par conséquent, d'après les lois connues de l'osmose, la séro- ;
site doit céder au sang et à la lymphe une partie de son eau, ou, . ■
en d'autres mots, un courant endosmotique doit s'établir de
la sérosité des espaces interorganiques vers les liquides conte- J
nus dans le système vasculaire, courant qui diminue le volume j
desi humeurs épanchées dans les aréoles du tissu conjonctif et I
qui augmente celui des liquides en circulation dans l'organisme. • >
(1) Voyez tome IV, page Zil7 et (2) Voyez tome IV, page o\)2 et ■'
suivantes. suiv. ; tome V, page 23 cl suiv.
V. \2 l
178 ABSORPTION.
Ce courant endosmotique doit être d'autant plus puissant que
la différence dans le titre, ou ce qui, dans ce cas, revient au
même, dans la densité des liquides réagissants, est plus con-
sidérable, pourvu que toutes les autres conditions du phénomène
restent invariables. Or, nous savons que les matières osmo-
gènes, c'est-à-dire les principes organiques, tels que l'albumine
et les substances salines qui se trouvent associées à l'eau dans
ces divers liquides, sont en proportion plus grande dans le sang
que dans la lymphe. Par conséquent aussi, conformément aux
lois de l'osmose, l'action absorbante exercée sur le sérum doit
être plus puissante que celle de la lymphe sur ce dernier liquide.
Nous verrons bientôt qu'effectivement les choses se passent de
la sorte dans l'organisme vivant, et, comme tout ce que j'ai à
dire de l'absorption parles vaisseaux lymphatiques est appli-
cable aux vaisseaux sanguins, que les effets produits par ces
derniers sont plus grands et que l'étude en est beaucoup plus
facile, il me paraît inutile de compliquer nos études actuelles
par la considération simultanée des fonctions de ces deux
ordres de vaisseaux, et, laissant de côté pour le moment ce qui
est relatif au système lymphatique, je concentrerai mon atten-
tion sur les phénomènes d'absorption dont le système circula-
toire est le siège.
Mode § 3. — Au premier abord, il pourrait sembler étrange
"^îmîiTianT"' d'admcttrc que là où nous avons constaté l'existence d'une
de l'absorption tpaj|SSudation , c'est-à-dn^e d'un mouvement des liquides du
""^^ïnî''"" dedans au dehors des vaisseaux sanguins, il puisse y avoir
le même point. ^^ niêmc tcmps, ainsi que je viens de l'avancer, absorption
ou transport de matières de l'extérieur à l'intérieur des mêmes
parois. Mais le fait est facile à constater, et il est non moins
facile à expliquer, lors même que les courants en sens inverse
seraient formés les uns et les autres par des liquides iden-
tiques.
Effectivement, les tissus constitutifs des parois vasculaires,
THÉORIE DE CE PHÉNOMÈNE. 179
de même que les autres membranes organiques de réconomie
animale, sont creusés de cavités interstitielles très irrégulières
par leur calibre aussi bien que par leur forme et leur direction ;
et parmi les passages ainsi établis , les uns sont assez larges
pour agir à la manière de filtres , et pour laisser i)asser, sous
l'influence delà pression hydrostatique exercée par le sang, une
certaine quantité de sérum dépouillé d'une partie des matières
solubles dont ce liquide est chargé : de là transsudation plus
ou moins rapide d'une portion des matériaux les plus lluides
du sang de l'appareil circulatoire dans les aréoles adjacentes du
tissu conjonctif. Mais d'autres pores ou lacunes interstitielles
de la même membrane sont de plus petit cidibro, et leur action
capillaire ne permet pas à la poussée latérale exercée par le sang
de déplacer les liquides logés dans leur intérieur ; là, par con-
séquent, il n'y a point de courant sortant, point de transsuda-
tion ; mais, par le jeu des forces dépendantes des actions
moléculaires entre ces liquides et ceux qui baignent les deux
surfaces de l'espèce de cloison tonnée par la paroi du vaisseau,
un courant osmotique s'établit de l'extérieur vers l'intérieur,
car l'eau se trouve en moins grande pro])orlion dans le liquide
qui occupe l'intérieur de cet organe que dans la sérosité qui
en baigne la surface externe. Ainsi la théorie nous conduit
à prévoir que les parois des veines doivent être le siège de
deux courants de direction contraire dus à des forces diffé-
rentes , d'un courant de transsudation déterminé par la pres-
sion hydrostatique, et d'un courant centripète dépendant des
actions moléculaires dont l'ensemble détermine l'endosmose.
Les effets apparents de ces deux courants d'extravasation et
d'absorption doivent se balancer plus ou moins, et si leur puis-
sance est égale, ils pourront facilement échapper aux investi-
gations du physiologiste, car ils n'auront alors aucune influence
sur le volume des liquides situés de l'un ou de l'autre côté de
la membrane perméable, et tout paraîtra en repos; mais, pour
180 ABSORPTION.
peu que l'un d'eux acquière une puissance relative plus grande,
son existence se manifestera par une augmentation dans la
quantité de liquide vers lequel celui-ci se dirige, et, au premier
abord , on pourrait croire que dans ce cas il y a seulement
absorption ou seulement transsudation. Nous verrons cependant
que toujours , ou presque toujours , ces deux mouvements
coexistent partout dans l'organisme, de façon qu'il y a dans
l'économie animale circulation des fluides nourriciers, non-
seulement dans le système des vaisseaux irrigatoires, mais
dans la profondeur des tissus intermédiaires, entre ces canaux
et les cavités interstitielles circonvoisines, et cela sur tous les
points où ces vaisseaux existent : circonstance dont nous ver-
rons plus tard l'utilité quand nous étudierons les phénomènes
de nutrition.
Dans ce que je viens de dire des échanges effectués entre
l'appareil vasculaire et le système aréolaire circonvoisin, il n'a
été question que de l'eau qui s'échappe du plasma pour con-
courir à former la sérosité, ou qui est enlevée à ce dernier
liquide pour être portée dans le sang. Mais cette eau, de part
et d'autre, lient en dissolution diverses matières organiques et
minérales ; d'autres substances peuvent y être ajoutées acci-
dentellement, et par conséquent, pour compléter cette investi-
gation préliminaire des phénomènes de l'absorption, il faut
chercher comment se comportent les molécules hétérogènes
qui se trouvent disséminées dans ce menstrue.
Nous avons eu déjà plusieurs fois l'occasion de reconnaître
que l'attraction adhésive exercée par les surfaces des tissus
organisés sur les molécules de l'eau est plus puissante que celle
que ces mêmes surfaces exercent sur les molécules de la plupart
des nvatières salines ou organiques en dissolution dans ce liquide.
Nous savons aussi que, par suite de cette inégalité, les passages
étroits dont ces tissus sont creusés effectuent une sorte de triage
dans les molécules qu'ils admettent, et qu'ils laissent passer
THÉORIE DE CE PHÉNOMÈNE. 181
l'eau en plus grande proportion ; que cette action moléculaire
ne s'exerce qu'à de très petites distances, et que par conséquent
ses effets ne sont sensibles que quand les canaux sont très
étroits ; enfin que les différences déterminées ainsi dans le degré
de concentration des liquides qui traversent les membranes
sont d'autant plus marquées, que les cavités interstitielles par
lesquelles ils passent sont plus petites (1). En étudiant le phé-
nomène de la transsudation, nous avons vu que le plasma du
sang est de la sorte très appauvri par le fait de sa filtration au
travers des parois des vaisseaux, et que, par suite de cette ac-
tion, la sérosité déposée soit dans les aréoles du tissu conjonctif,
soit dans les poches séreuses, contient de l'eau en plus grande
abondance. Or, tout ce que je viens de dire des modifications
que la filtration détermine dans la composition du courant effé-
rent est à plus forte raison applicable au courant afférent qui
ramène dans les vaisseaux sanguins une portion de la sérosité
des cavités d'alentour ; car nous avons vu que ce transport, dû
à l'endosmose, se fait par des passages plus étroits que ceux à
l'aide desquels la pression hydrostatique détermine la transsu-
dation, et par conséquent le hquide absorbé doit être aussi moins
riche en matières solubles que la sérosité dont il provient. La
résorption d'une portion des liquides épanchés dans les cavités
closes de l'organisme doit donc tendre à produire une certaine
concentration dans la portion qui reste en place, et si d'autres
causes ne balancent les efl^ets produits de la sorte, l'espèce de
circulation locale et interstitielle qui s'établit ainsi entre les
cavités vasculaires et les cavités séreuses en général amènerait
une accumulation de matières solubles dans ces dernières. Du
reste, cette accumulation a souvent lieu, et nous en avons déjà
eu des exemples en étudiant les changements qui se manifestent
à lalongue dans la composifion des produits de la transsudation (2).
(1) Voyez ci-dessiis, page 88 et (2) Voyez tome IV, page ^35 et
suivantes. suivantes.
182 ABSORPTION.
Mécanisme La quantité des matières albuminoïdes et minérales qui se
de l'absorption »ip-i i i ^ r • r i
des matières trouvcnt 0 1» tois dafis le sang et dans la sérosité sera donc aug-
àrorïadsm'e. mentée dans ce dernier liquide plutôt que diminuée, par l'effet
des courants et contre -courants dont résultent l'absorption et
la transsudation dont une même surface organique est le siège ;
mais si la sérosité vient à se charger de quelque substance qui
n'existe pas dans le sang ou qui n'y existe qu'en moindre pro-
portion, le résultat, en ce qui concerne cette substance, sera très
différent, et l'ensemble du phénomène pourra même changer
de caractère.
Supposons d'abord que la substance étrangère en dissolution
dans la sérosité soit apte à agir comme agent osmogène, et
soit en proportion suffisante pour que ses effets l'emportent
sur ceux du sang. Le courant osmotique qui traverse la paroi
vasculaire changera alors de direction , et le sang , au lieu
de prendre de l'eau à la sérosité circonvoisine , en fournira
à ce dernier liquide ; il y aura endosmose centrifuge du
vaisseau sanguin dans les aréoles du tissu conjonctif adjacent,
et les produits de ce courant efférent viendront grossir ceux
de la transsudation ordinaire. Dans ce cas, l'endosmose ne
contribuera donc en rien au transport de cette matière étran-
gère de l'extérieur du vaisseau jusque dans le torrent cir-
culatoire, c'est-à-dire à son absorption. Mais nous avons vu
qu'à raison du pouvoir diffusif dont les molécules des corps
en dissolution sont douées, ces molécules tendent à se répartir
uniformément dans la totalité de l'espace occupé par le men-
strue, et par conséquent à se répandre dans les courants
afférents qui , en traversant les membranes , donnent lieu à
l'endosmose ; ces mêmes molécules tendent aussi à se répandre
d'une manière semblable dans le liquide situé au delà de la
cloison constituée par ces membranes, et elles forment de la
sorte un contre-courant ou courant exosmotique qui est dirigé
de la sérosité vers le sang. Dans ce cas, en vertu des actions
THÉORIE DE CE PHÉNOMÈNE. 183
moléculaires que nous avons vues intervenir dans la production
des phénomènes osmotiques, il y aura donc encore absorption
de la matière étrangère, c'est-à-dire transport des molécules
de cette matière de l'extérieur des vaisseaux sanguins dans
l'intérieur de ces conduits, où elle se mêlera au liquide nourri-
cier en circulation ; seulement cette absorption , effectuée par
la diffusion seulement, sera très lente. Du reste, il est évident
que par l'effet même des courants centrifuges ainsi établis ,
l'agent osmotique s'affaiblira de plus en plus , car, en même
temps qu'une portion de sa substance pénétrera dans le vaisseau
sanguin par diffusion, ce qui en restera se trouvera mêlé à une
proportion toujours croissante de sérosité, et il arrivera ainsi
un moment où son action deviendra insuffisante pour balancer
celle du sang, dont la direction est inverse ; le sens du mou-
vement endosmotique sera alors interverti, et le courant s'éta-
blira de la sérosité encore chargée d'une certaine quantité de la
substance étrangère vers le sang en circulation.
Ces conditions sont faciles à réaliser dans des expériences phénomènes
, -ri osmotiques
osmotiques, et n est également aise de constater que sous ce déterminés
rapport les choses se passent dans l'organisme vivant comme les purgatifs.
dans un endosmomètre inanimé. Pour le prouver, il me suffira
de répéter une des expériences faites par M. Poiseuille dans le
but de s'éclairer sur le mode d'action des médicaments purga-
tifs. Plaçons dans un réservoir endosmométrique une dissolu-
lion un peu concentrée d'un de ces sels neutres à base alcaline
que l'on administre souvent aux malades pour provoquer les
évacuations alvines, et qui ne se trouvent pas normalement
dans le sang ou n'y existent qu'en proportions extrêmement
faibles, du sel de Glauber ou sulfate de soude, par exemple,
ou bien encore de Feau de Sedlitz, qui est riche en sulfate
de magnésie, et plongeons l'instrument dans un bain formé
de sérum. Un courant osmotique ne tardera pas à s'établir au
travers delà membrane, et se dirigera du sérum vers l'eau de
184 - ABSORPTION.
Sedlitz : celle-ci augmentera de volume, et cet accroissement
sera marqué par l'ascension de la colonne endosmométrique;
l'eau du sérum, en passant dans la dissolution purgative,
aura emporté avec elle une certaine quantité d'albumine qui
se retrouvera dans l'eau de Sedlitz; enfin le courant endos-
motique dont dépendent ces transports de matières aura été
accompagné d'un mouvement de diffusion en sens contraire,
ou phénomène d'exosmose , ayant pour résultat le passage
d'une certaine quantité de sulfate de magnésie de l'intérieur de
l'endosmomètre dans le bain adjacent formé par le sérum.
Supposons maintenant que le réservoir endosmotique dont je
viens de faire usage, au lieu d'être formé par une membrane
muqueuse prise sur le cadavre, soit l'intestin d'un Animal
vivant. Si les actions physiques qui ont déterminé les échanges
dans l'expérience précédente s'exercent de la même manière,
nous devons être témoin de résultats analogues, car la substance
purgative sera séparée du sérum qui circule avec les globules
hématiques dans les vaisseaux sanguins de la muqueuse par
une couclie mince de tissu perméable réunissant toutes les con-
ditions voulues pour fonctionner à la manière d'un diaphragme
osmotique. Il devra donc y avoir, comme conséquence de l'en-
dosmose provoquée par l'eau de Sedlitz, transport d'une cer-
taine quantité de sérum, c'est-à-dire d'eau chargée d'albumine,
des vaisseaux sanguins dans l'intérieur du tube intestinal, mou-
vement qui amènera une augmentation du volume des liquides
renfermés dans cette cavité, et il y aura en même temps, comme
conséquence du courant de diffusion ou courant exosmotique,
absorption d'une certaine quantité de sulfate de magnésie et des
autres matières salines contenues dans l'eau de Sedlitz, et ver-
sement de ces matières dans le torrent de la circulation. Or, ce
sont précisément là les principaux phénomènes qui sont déter-
minés par l'administration de cette eau médicamenteuse :
l'excrétion d'un liquide chargé d'albumine est provoquée à la
185
THEORIE DE CE PHENOMENE.
surface libre de la muqueuse intestinale, et en même temps les
matières salines de l'eau de Sedlitz passent dans le sang, puis
dans les urines, ainsi qu'on s'en est assuré par l'analyse chi-
mique de ces humeurs (1).
(1) On sait généralement que les
sels dont il est ici question, de même
que beaucoup d'autres médicaments
dits purgatifs, déterminent par leur
présence dans le tube intestinal l'éva-
cuation d'une quantité considérable
d'eau plus ou moins chargée de ma-
tières organiques, et que ce liquide est
fourni par les parois de la cavité di-
geslivo. Or, en examinant chimique-
ment ce produit dont l'abondance est
en général très grande, on y trouve
des quantités assez considérables d'al-
bumine, substance dont on ne dé-
couvre que des traces dans les déjec-
tions alvines ordinaires, mais dont la
présence dans ces circonstances s'ex-
plique parfaitement par l'afïlux de
sérum du -sang que l'action osmo-
gène du purgatif a provoqué. D'un
autre côté, en examinant la compo-
sition de l'urine chez les personnes
soumises à ce genre de médication,
on reconnaît dans ce liquide une quan-
tité considérable du sel qui a été ad-
ministré par les voies digeslives, et
qui n'a pu arriver dans l'appareil
rénal qu'après avoir été absorbé dans
l'intestin.
En faisant des expériences endos-
raotiques avec le sérum du sang et
d'autres eaux minérales purgatives
( telles que l'eau de Piillna ) , ou bien
encore des dissolutions de sulfate de
soude, de sulfate de magnésie, de sel
commun, de nitrate de potasse, de
phosphate de soude, etc., à des de-
grés voulus de concentration, M. Poi-
seuille a obtenu des résultats sem-
blables à ceux fournis par les expé-
riences décrites ci - dessus. A un
certain degré de concentration, ces
dissolutions salines déterminaient tou-
jours l'étabUssement d'un courant en-
dosmotique alimenté par le sérum, et
à un certain degré de dilution, au
contraire, elles étaient attirées par le
sérum et formaient un courant dirigé
vers ce dernier liquide ; enfin, dans
toutes ces expériences, il y avait en
même temps passage en sens inverse,
soit d'une certaine quantité d'albu-
mine dans la dissolution saline, soit
d'une portion de sel dans le sérum (a).
Ces expériences donnent la théorie
d'une partie du mode d'action de ces
médicaments purgatifs ; mais les effets
que ces substances produisent ne con-
sistent pas seulement dans ces cou-
rants osmotiques , et les phénomènes
provoqués par leur présence dans les
voies digestives sont en général beau-
coup plus complexes, comme nous le
verrons ailleurs. Je dois ajouter que
M. TJebig était arrivé précédemment
à des résultats analogues, et attribuait
aussi l'action des purgatifs au jeu des
forces osmotiques (6) ; mais, dans ces
(a) Poiseuille, Recherches expérimentales sur les médicaments {Compte» rendus de l'Académie
des sciences, 1844, t. XIX, p. 194 et siiiv.).
(6) Liebig, Untersuchung der Mineralquelle zu Soden und Hemerkungen ûber die Wirkimg
der Sahe aiifden Orgnnismvs. Wiesbaden, 1 839.
186 ABSORPTION.
Nous verrons dans une autre occasion que ces mouvements
osmotiques ne sont pas les seuls résultats fournis par l'action
des purgatifs sur la muqueuse intestinale, mais ce sont les
phénomènes fondamentaux, essentiels, que cette action déter-
mine ; et ce qui a lieu de la sorte dans le tube intestinal d'un
Animal vivant se produirait d'une manière analogue dans toutes
les autres parties de l'organisme où les mêmes conditions phy-
siques se trouveront réunies, c'est-à-dire où un agent osmo-
gène plus puissant que le sang sera séparé de ce liquide par
les parois perméables des vaisseaux ou par des tissus ana-
logues.
Absorpiion Voyons maintenant ce qui doit avoir lieu dans le cas où la
des matières ' i , . , , . r , . /
salines, etc. substaucc dont la sérosité du tissu areolaire est chargée ne
serait pas douée d'une force suffisante pour balancer l'action
osmogène du sang, soit à raison de sa nature chimique, soit
parce qu'elle se trouverait unie à une trop grande proportion
d'eau.
dernières années, ce sujet a été étu- et Poiseiiille. Il a été conduit de
dié de nouveau par M. Aubert, et la sorte à penser que ce n'est pas
paraît èlre plus compliqué qu'on n'au- en provoquant un courant endosmo-
rait été porté à le supposer. En effel, tique des vaisseaux de la muqueuse
ce médecin a vu que des sels neutres inleslinale dans l'intérieur de ce tube
pouvaientdéterminer des phénomènes que les médicaments en question
ordinaires de purgation sans avoir été déterminent la purgation {a). Mais
ingérés dans le tube digestif, mais étant le fait de la diffusion de l'albumine
injectés directement dans les veines. du sérum dans les liquides contenus
II n'a pas trouvé que la- quantité de dans l'intestin me semble avoir été
l'évacuation fût en rapport avec le mis hors de doute , non-seulement
degré de concentration de la disso- pai' les expériences de M. Poiseuille,
lution saline introduite dans l'in- mais aussi par les recherches plus
testin , et il n'a pas reconnu la pré- récentes de M. Knapp sur les phé-
sence de l'albumine dans ees produits, nomènes que la présence de l'eau
circonstance qui est défavorable à détermine dans l'intestin grêle du
l'explication adoptée par MM. Liebig Lapin (6).
(a) Aubort , Experimental-Untersuchungen ûber die Frage ob die Miltelsal%e auf endosmo-
tischem Wege abfûhren {Zeitschrift fur rationelle Medicin, 2' série, 1852, t. II, p. 225j.
(b) Knapp, De l'absorption de l'albumine dans l'intestin grêle {Gazette hebdomadaire de méde-
cine, 1858, t. IV, p. 308).
THÉORIE DE CE PHÉNOMÈNE. 187
Prenons pour exemple une dissolution étendue de cyano-
ferrure de potassium. Étant séparée du sérum du sang par une
membrane perméable, l'eau de la dissolution sera attirée par
ce dernier liquide et constituera un courant endosmotique dirigé
vers celui-ci. Mais l'eau, en pénétrant dans les passages inter-
stitiels de la membrane, ne se séparera pas de toutes les molé-
cules du cyanure dont elle était chargée, et par conséquent le
courant endosmotique ainsi établi transportera une certaine
quantité de cette substance de l'extérieur jusque dans la cavité
où se trouve le sérum. Un mouvement analogue, dû à la diffu-
sion, se produira dans les conduits plus larges par lesquels le
sérum transsude au dehors, et par conséquent le passage du
cyanoferrure de la dissolution dans le sérum sera déterminé à
la fois par le jeu des forces moléculaires dont dépendent l'en-
dosmose et l'exosmose, et s'effectuera d'autant plus rapide-
ment, que les circonstances seront plus favorables à leur déve-
loppement.
Nous avons vu, dans une précédente Leçon, que le cyano-
ferrure de potassium déposé dans les lacunes aréolaires du
tissu conjonctif, ou introduit dans l'une quelconque des grandes
cavités du corps, ne tarde pas à être absorbé et à se montrer
dans le sang. Pour nous rendre compte des causes de ce
phénomène, il nous suffit donc d'invoquer les actions osmo-
tiques dont nous venons d'être témoin, et tout ce que je viens
de dire au sujet de cette matière saline est applicable aux
autres substances étrangères à l'organisation qui sont miscibles
au sérum ou solubles dans ce liquide, et qui se trouvent en
contact avec une surface absorbante, le sucre, par exemple (1).
(1) Le mode d'absorption du sucre montré en tout conforme aux lois
par la membrane muqueuse du tube connues des phénomènes osmotiques.
alimentaire a été étudié récemment Ainsi, quand une dissolution concen-
avec beaucoup de soin par le docteur trée de sucre est emprisonnée dans
F. von Becker, de Helsingfors, et s'est une portion de l'intestin d'un Animal
li
ABSORPTION.
Absorption
élective.
Ln connaissance que nous avons acquise de ces phénomènes
physiques, dont le développement est indépendant de toute
influence vitale, nous permet aussi de concevoir comment dans
l'organisme vivant une surface absorbante , tout en laissant
pénétrer dans l'économie certaines matières étrangères, pourra
refuser le passage à d'autres substances. A raison du jeu des
attractions moléculaires dont dépendent les phénomènes de
capillarité, un tissu donné pourra s'imbiber de tel liquide et
être imperméable à tel autre, par conséquent être apte à
absorber le premier et incapable de conduire le second de
l'extérieur jusque dans le torrent de la circulation. Ainsi, on
a remarqué depuis longtemps que certains poisons déposés
à la surface d'une plaie saignante sont absorbés avec rapidité
vivant à l'aide de deux ligalufes qui
ne gênent pas la circulation du sang
dans les patois de l'organe , on voit
que l'endosmose provoquée par ce
corps étranger détermine la transsu-
dation d'une certaine quantité de li-
quide provenant du sang, et qu'en
même temps une certaine quantité de
sucre passe en sens inverse de l'in-
testin dans le torrent de la circula-
tion ; que ce courant exosmotique ou
de dilïusion dont résulte l'absorption
du sucre est d'autant plus intense,
que le liquide logé dans l'intestin est
plus chargé de cette substance, et que
l'activité de l'endosmose est en même
temps proportionnelle à la richesse
de cette même dissolution sucrée.
Le liquide intestinal devient donc de
moins en moins chargé de sucre, parce
qu'il y arrive de l'eau fournie par le
sang et parce qu'il en sort du sucre
qui se répand dans les liquides adja-
cents. Arrivée à un certain degré de
dilution, la dissolution de sucre cesse
de provoquer un courant endosmo-
tique aux dépens du sang ou des
autres liquides contenus dans les pa-
rois de l'intestin, et la diffusion du
sucre dans ces derniers liquides de-
vient aussi très faible, mais ne s'ar-
rête pas, puisque ceux-ci sont encore
plus pauvres en molécules de matière
sucrée ; et il arrive ainsi un moment
où le liquide intestinal, devenu infé-
rieur au sérum quant à la force os-
mogène , est à son tour déplacé par
endosmose et porté en totalité ou
en partie dans le sang. M. von Becker
a constaté aussi que la diffusion (ou
absorption du sucre) , de même que
l'endosmose, qui porte les liquides
de l'organisme dans la cavité de
l'intestin , est d'autant plus active
que la dissolution sucrée est plus
riche (a).
(a) F. J. von Beckci-, Ueber das Verhalten des Zuckers beim thierinchen Stoffwechsel [Zeit-
schrift fur wisseiischaftUche Zoologie, 1854, t. V, p. 137 et suiv.).
THÉORIE DE CE PHÉNOMÈNE. 189
et déterminent ainsi une mort prompte, mais peuvent être
impunément introduits dans le canal digestif, où cependant les
substances étrangères sont d'ordinaire absorbées avec une
grande force. Le venin de la Vipère, et le curare, dont les
Indiens des bords de l'Orénoque se servent pour empoisonner
leurs tlèches, présentent cette singularité (1), et au premier
abord on pourrait être disposé à attribuer l'innocuité de la sub-
(1) Les anciens savaient que le ve-
nin des Serpents peut être mis en
contact avec nos lèvres sans qu'il en
résulte aucun accident, et Uedi, dans
ses expériences sur le venin de la
Vipère, a constaté l'innocuité de cette
matière quand on l'introduit dans
l'estomac (a). U a vu aussi que la sub-
stance toxique dont les Javanais endui-
sent la pointe de leurs flèches, et dont
les effets sont foudroyants quand elle
est introduite dans une plaie, n'exerce
en général aucune action nuisible sur
l'économie animale, quand elle est
ingérée dans les voies digestives (6).
Gumilla , la Condamine , de Hum-
boldt et plusieurs autres voyageurs,
ont eu l'occasion de reconnaître que
le poison dont les Indiens de l'Amé-
rique méridionale se servent dans
leurs chasses, c'est-à-dire le ourari,
ivoorara on curare (c), se comporte de
la même manière {d). Enfin MM. Pe-
louze et Cl. Bernard ont reconnu que
l'innocuité du curare, quand on l'in-
troduit dans l'estomac, ne tient pas à
l'altération de celte substance végé-
tale par l'action des organes digestifs,
mais dépend de ce qu'elle n'est pas ab-
sorbée. Or, cette non-absorption est à
son tour une conséquence de l'inapti-
tude des membranes muqueuses à se
laisser pénétrer par le curare. En effet,
!\1M. Bernard et Pelouze ont constaté
que si l'on garnit un endosmomètre
avec un fragment frais de la mu-
queuse gastrique d'un Chien ou d'un
Lapin, et qu'après avoir chargé l'in-
strument d'un sirop de sucre, on le
plonge dans un bain formé par une
dissolution aqueuse de curare, il y
aura endosmose, mais que de l'eau
seulement traversera la membrane,
et que le curare n'accompagnera pas
le courant endosmotique formé par
ce liquide («).
La membrane muqueuse de la ves-
sie, la conjonctive, etc., sont égale-
ment imperméables au curare chez
les Mammifères; mais chez les Oi-
seaux cette substance est absorbée
facilement par la muqueuse du ja-
bot if).
Chez les Mammifères et les Oiseaux,
(a) Redi, Observationes deviperis [Opusculorum pars secunda, p. 163 et suiv.).
(b) Celte substance, que Redi appelle le poison des flèches de Bantam, était probablement Vupas
anliar.
(c) Voyez tome IV, page 142.
(d) Voyez Reynoso, Recherches sur le curare, 1855, [i. 18 et suiv.
(e) Pelouze et Cl. Bernard, Recherches sur le curare {Comptes rendus de l'Acad. des sciences,
1850, t. XXXI, p. 536).
(/') Cl. Bernard, Cours de médecine : leçons sur les effets des substances toxiques, etc., 1857,
p. 287.
190 ABSORPTION.
stance toxique introduite dans l'estomac à une puissance vitale
dont cet organe serait doué, à une sorte de sensibilité particu-
lière qui le porterait à repousser ce qui est nuisible, tandis qu'il
laisse passer ce qui est utile à l'organisme. Mais on a constaté
expérimentalement qu'il n'en est pas ainsi, et que l'exclusion
du curare est la conséquence des propriétés physiques de la
membrane stomacale, qui, sur le cadavre aussi bien que chez
l'Animal vivant, est perméable à l'eau, aux dissolutions salines,
au sucre et à une multitude d'autres substances, tout en étant
imperméable pour la matière particulière dont il est ici question.
L'explication du phénomène nous est donc donnée par la théorie
physique de l'absorption.
11 en sera de même dans une foule d'autres circonstances.
Je ne prétends pas que les forces osmoliques soient les seules
qui puissent intervenir dans l'accomplissement de la fonction
physiologique de l'absorption, et je chercherai bientôt à mettre
en lumière l'influence d'autres agents; mais, dans la plupart
des cas, il me parait évident que l'osmose est la cause prin-
le curare n'est pas absorbé par la constaté beaucoup de faits de ce
peau (o), mais chez les Grenouilles il genre. Ainsi il a vu que la chair des
l'est, quoique lentement (6). Animaux morts du charbon, la ma-
il est probable que c'est aussi de tière virulente de la morve, et d'autres
l'inaptitude de la membrane mu- poisons analogues dont l'inoculation
queuse des voies alimentaires à se est généralement mortelle, peuvent
laisser traverser par les virus orga- être mêlés aux aliments et introduits
niques que dépend l'innocuité de cer- dans les voies digestives du Chien, du
taines substances d'origine animale, Porc et de la Poule, sans déterminer
quand elles sont introduites dans l'es- aucun trouble dans l'organisme de
tomac, bien que leur contact avec ces Animaux. Chez le Mouton , la
une plaie soit suivi d'accidents des Chèvre et le Cheval, l'absorption peut
plus graves. M. Kenault , directeur au contraire en être effectuée par les
de l'École vétérinaire à Alfort , a parois de l'estomac (c).
(a) Virchow et Mutiter (voyez Reynoso, Op. cit., p. 22).
(6) Cl. Bernard, Op. cit., p. 292.
(c) Renault, Études expérimentales et pratiques sur les effets de l'ingestion des matières viru-
lentes dans les voies digestives de l'Homme et des Animaux domestiques {Recueil de médecine
vétérinaire, 1851, t. XXVIII, p. 873).
THEORIE DE CE PHENOMENE.
191
cipale du passage des matières étrangères de l'extérieur dans
l'intérieur de l'appareil circulatoire, et la légitimité de cette
opinion deviendra de plus en plus manifeste à mesure que
nous avancerons dans l'étude des circonstances qui sont ou
favorables ou défavorables, soit à la rapidité de l'absorption
physiologique, soit à la production d'effets osmotiques consi-
dérables (1).
(1) M. Longet, tout en admettant
que beaucoup de substances puissent
pénétrer dans le corps vivant en vertu
de la force d'endosmose, pense que
souvent les phénomènes d'absorption
physiologique sont en contradiction
avec ce qui s'observe dans les expé-
riences faites avec des tissus privés
de vie, et que dans raccomplissement
de cet acte les forces mécaniques,
physiques et chimiques sont dominées
par la force vitale (a). J'examinerai
ailleurs l'influence que la puissance
propre aux êtres vivants semble sus-
ceptible d'exercer sur la marche de
l'absorption ; mais , pour justifier l'o-
pinion que j'ai émise ici, il me paraît
nécessaire d'examiner les faits que
M. Longet considère comme étant en
opposition avec la théorie physique
de cette fonction, a Et d'abord l'expé-
rimentation, dit ce physiologiste, éta-
blit que, chez l'Animal vivant, en
injectant dans plusieurs anses intes-
tinales des dissolutions de sucre de
densités variables, les dissolutions très
concentrées, et notablement plus den-
ses que le sérum, disparaissent tout
aussi vile que les plus étendues. Elles
démontrent aussi que des solutions de
nitrate de potasse ou de sulfate de
soude, qui, douées d'un pouvoir en-
dosmotique considérable , et offrant
plus de densité que le sérum du sang,
l'attirent dans le tube de l'endosmo-
mètre, font précisément le contraire
quand on les injecte dans le tissu
cellulaire sous -cutané d'un Animal
vivant, c'est-à-dire qu'après peu d'in-
stants on ne retrouve plus aucun
vestige de ces solutions, qui, vite ab-
sorbées , ont été entraînées dans le
torrent circulatoire (h) ». Effective-
ment, les choses peuvent se passer de
la sorte dans l'économie animale, et,
dans les expériences de M. von Bec-
ker, dont il a déjà été question (c),
nous en avons vu des exemples;
mais il suffit d'analyser ces faits
pour voir qu'ils ne sont pas en dés-
accord avec la théorie physique de
l'absorption exposée ci-dessus. Quand
du sucre, du nitrate de potasse ou
du sulfate de soude en dissolution
.se trouve en présence du sérum ,
dont une membrane perméable le
sépare , la puissance osmogène du
sucre ou du sel peut déterminer la
sortie d'une certaine quantité de l'eau
du sérum, et produire ainsi un phé-
nomène d'endosmose dont la direc-
tion sera opposée à celle que les
(a) Longet, Traité de physwlogie, t. I, 2"^ partie, p. 291 , 401 et suiv.
(6) Idem, iiid., p. 402.
(c) VonBecker, Op. cit. {Zeitschr. fur missenschafll. Zoologie, 1854, t. V, p. 137 et suiv.)
192
ABSORPTION.
Examinons donc de plus près quelles sont ces circonstances
et quel degré d'influence elles peuvent avoir.
circonsiances § /!|.. — Il cst évldeut quc, toutes choses étant égales d'ail-
sur ' racfivL Icurs, Ic couraut endosmotique déterminé par le sérum du
a sorpiion. ^^^^ (jgvra êtrc d'autant plus puissant, que la force osmogène
propre à ce liquide est plus grande comparativement à celle
de l'autre liquide réagissant , c'est-à-dire la sérosité du tissu
conjonctif, ou le liquide en rapport avec la surface libre des
molécules de sucre devront suivre
pour pénétrer dans ce dernier liquide ;
mais cela ne les empêchera pas d'o-
béir aux lois de la difl'usion, et de se
répandre par conséquent dans le sé-
rum par voie d'exosmose. Or, le cou-
rant exosmolique ou de dillusion devra
eue d'autant plus rapide que la dis-
solution sucrée ou saline sera plus
concentrée; et il en résulte que si
l'absorption physiologique était dé-
terminée seulement par le jeu des
forces physiques ou chimiques dont
dépendent les phénomènes osmoli-
ques, il y aurait, comme dans les
expériences citées par M. Longet ,
passage du sucre ou de la matière
saline de l'extérieur à l'intérieur des
vaisseaux sanguins , c'est-à-dire ab-
sorption de ces substances; et quant
à la sérosité, dont la transsudation
aurait été provoquée par la présence
de la substance osmogène dans l'in-
testin ou dans les aréoles du tissu
conjonctif sous-cutané, elle devrait être
résorbée à son tour par endosmose,
quand les molécules de sucre ou du
sel, obéissant à la force de diffusion,
auraient pénétré dans le sang en quan-
tité suffisante pour y être en équilibre
avec celles restées dans le liquide exté-
rieur. Je ne vois donc là rien qui soit
incompatible avec l'explication phy-
sique des phénomènes physiologiques
de l'absorption , et la dissidence de
nos opinions me semble dépendre de
ce que mon savant confrère et ami
M. Longet ne tient pas compte du
pouvoir diffusif des matières en dis-
solution. Ce physiologiste éminent se
fonde aussi sur la faculté que pos-
sèdent les Animaux d'absorber les
matières grasses, sujet sdr lequel je
reviendrai bientôt ; enfin , il argue
également de l'espèce de triage des
matières absorbées dans diverses par-
ties de l'organisme, phénomène qui
se lie trop intimement au travail chi-
mique des sécrétions pour que je
puisse l'examiner utilement ici. Mais
je crois devoir rappeler que les forces
physiques dont le jeu détermine les
mouvements osmotiques ne sont pas
sans influence sur la composition des
liquides qui traversent les membra-
nes ; nous en avons eu des preuves
en étudiant les phénomènes de fillra-
tion élective et certains résultats four-
nis par les expériences sur l'endos-
mose [a).
((t) Voyez ci-dessus, piige 88.
CIKCONSTANCES QUI INFLUENT SUK CETTE FONUTlUxN. 195
membranes tégumentaires, soit externes, soit internes, de l'or-
ganisme.
Nous savons, par les expérienees de jM. Graham, que le pou- inuuence
. , ., de la
voir endosmotique du sérum n'est pas très considérable ; qu'il nature chimique
, . des malières
est de beaucoup intérieur à celui d une dissolution saline con- à absorber.
tenant seulement un centième de phosphate ou de carbonate
de soude: mais que, d'autre part, il est beaucoup plus grand
(jue celui de plusieurs autres dissolutions salines, et qu'il est
même très grand comparativement à celui des acides dilués (1).
Par conséquent , l'action osmogène du sérum doit suftire
pour déterminer l'absorption , non-seulement de l'eau, mais
aussi de diverses dissolutions, et en s'exerçant sur un acide
dilué, elle doit l'aire naître des courants endosmoliques très
[)uissants, ou, en d'autres mots, déterminer l'entrée rapide de
ces substances dans le torrent de la circulation. Nous avons vu
aussi que la présence dïine petite quantité d'acide, surtout
d'acide chlorhydrique ou d'un acide organique, diminue beau-
coup le pouvoir osmotique d'une substance (2), et par conséquent
nous devons prévoir que le mouvement endosmotique déter-
miné par le sérum produira des effets beaucoup plus considé-
rables sur un liquide légèrement acidulé que sur un liquide
neutre ou basique. Si dans l'estomac d'un Animal on introdui-
sait une dissolution aqueuse d'acide oxalique ou d'acide citrique
au titre d'un centième, et si les vaisseaux sanguins de ce vis-
cère ne contenaient que de l'eau pure, il y aurait une absorption
rapide du liquide acidulé qui serait transporté en grande partie
(1) Dans une série d'expériences attribue ia faible action cndosmo-
comparatives , l'élévation de la co- tique du sérum à la présence du clilo-
lonne endosmométrique n'a pas dé- rure de sodium, qui fort souvent dimi-
passé 39 millimètres avec le sérum nue la puissance osmogène des sels
de Bœuf, et a atteint environ 200 basiques, tels que le phosphate de
avec une dissolution de phosphate de soude (a).
soude à 1 pour 100. M. Graham {'i) Voyez ci-dessus, page IZiS.
(a) Graham, On OsmoHc Fuvce (Pliilos. Traus., 1S54, p. 209).
V. 1 3
194 ABSORPTION.
de la caviié gastrique dans l'intérieur des veines; à plus forte
raison, quand ces derniers vaisseaux sont occupés par du sang,
le niêuie phénomène devra-t-il se produire. L'acide chlor-
bydrique détermine aussi avec beaucoup d'énergie l'osmose
négative, c'est-à-dire le passage du liquide à travers la mem-
brane perméable vers l'autre liquide réagissant, et nous verrons
bientôt que cette circonstance a une grande influence sur
l'activité de l'absorption dans certaines parties du corps com-
parées là d'autres, et notamuient sur le rôle de l'estomac dans
cette fonction ; mais en ce moment je ne cherche qu'à étabbr
les principes qui doivent nous guider dans l'appréciation des
phénomènes de ce genre, et par conséquent je ne m'arrêterai
pas sur les faits de détail.
inauencc § 5. — La counaissancc des lois qui régissent le dévelop-
dulânir" pement des phénomènes osmotiques nous permet également
de prévoir comment les variations dans la composition du sang
doivent influer sur la rapidité avec laquelle l'absorption en
général , ou l'absorption de certaines substances en particulier
sera effectuée.
Ainsi le pouvoir osmogène du sang est dii en grande partie
aux matières albuminoïdes dont ce liquide est chargé. 11 en
résulte donc que, toutes choses étant égales d'ailleurs, l'ab-
sorption déterminée par cette force sera d'autant plus rapide
que le sang contiendra une moindre proportion d'eau. Cet
abaissement dans la quantité relative d'eau peut être déter-
miné de dillerentes manières. Ainsi, il peut être l'effet d'une
évaporation abondante qui, en enlevant de l'eau aux tissus
superficiels de l'organisme, rend ceux-ci plus aptes à en sous-
traire aux fluides en circulation dans leur intérieur. îl peut
être amené aussi par l'établissement d'une excrétion osmotique
ou autre dans un point déterminé de l'économie ou par une
production surabondante de fibrine, ainsi qu'on en voit dans
les états inflammatoires, et par conséquent, dans tous ces cas.
CIRCONSTANCES QUI INFLUENT SUR CETTE FONCTION. 195
nous devons nous attendre à trouver que l'activité fonction-
nelle de l'absorption augmente. En un temps donné, une même
surface fera donc pénétrer dans l'appareil circulatoire un volume
d'eau et de matières étrangères d'autant plus considérable, que
ce liquide tiendra en dissolution une plus grande proportion de
matières solides.
La composition chimique du sang devra exercer une influence
analogue sur les produits de l'absorption, quand celle-ci est la
conséquence du pouvoir diffusif des substances en dissolution
dans le liquide en contact avec la surface externe des vais-
seaux ou avec les tissus situés entre ces organes et l'extérieur
du corps. Or la diffusion, comme nous l'avons vu, joue un
rôle important dans le mécanisme de cette fonction ; et moins
le sang contiendra de molécules de la nature de celles dont est
formé le corps qui tend à y pénétrer de la sorte, plus les
particules de celui-ci trouveront de facilité pour y pénétrer. Par
conséquent, toutes choses étant égales d'ailleurs, l'entrée d'une
substance diffusible dans l'appareil circulatoire sera d'autant plus
facile, qu'il y aura moins de cette même substance préexistante
dans le sang en contact avec la surface opposée de la membrane
absorbante. Ainsi, quand toutes les autres conditions du phé-
nomène restent invariables, les substances qui ne se trouvent
pas dans le sang doivent y arriver plus vite que celles dont ce
liquide est déjà chargé, et doivent en général y pénétrer d'au-
tant plus rapidement, qu'elles se trouvent en plus forte propor-
tion dans le liquide qui les fournit à l'organisme (1).
§ 6. — Les principes fournis par l'étude des phénomènes
osmotiques nous permettent également de comprendre quel
(1) Ainsi, duus les expériences sur dilé avec laquelle cette substance pas-
l'aijsorplion du sucre dans le canal sait de Tintestia dans le san"- éiail
digestif dont il a déjà été gueslioa, proportionnelle à la richesse de la
M. von Becker a trouvé que la rapi- dissolution employée (a).
(a) Von Becker, Op. cit. {Zeitschrlft fur wissenschafil. Zoologie, 185i, t. V, p. I5GI.
Influence
riu courant
circulaloire.
196 ABSOKPTION.
genre d'influence le mouvement circulaloire du sang doit avoir
sur les actions moléculaires dont dépend en grande partie le
travail de l'absorption. Le renouvellement continuel de la por-
tion du sang qui est en contact direct avec la face interne de
la membrane absorbante a pour effet de maintenir constant le
pouvoir osmogène de ce fluide, ainsi que son degré d'aptitude
à.recevoir dans sa masse les molécules qui tendent à y pénétrer
pour obéir à la force diffusive dont elles sont douées. Si le
sang était en repos, comme l'est le liquide osmogène dans le
réservoir d'un endosmomètre ordinaire, la couche en contact
direct avec la membrane absorbante perdrait de son activité
comme agent endosmotique, à mesure que le liquide extérieur
y arriverait, et bientôt ne continuerait à attirer celui-ci que
parce qu'elle céderait aux couches de sang situées plus loin
une portion des matières dont elle s'était chargée. La rapidité
du courant endosmotique se trouverait donc subordonnée à la
facilité avec laquelle ce transport s'effectuerait dans le sein
du fluide nourricier, et tout ce que je viens de dire relative-
ment à l'affaiblissement progressif des effets de l'endosmose
est également a[)plicable à l'arrivée des molécules du dehors,
par suite de leur répulsion mutuelle dans le sein du liquide
où elles sont en dissolution. Mais le mouvement circulatoire
détermine à chaque instant le renouvellement de la portion
du sang qui sert à la fois comme agent osmogène et comme
menstrue pour les molécules en voie de diffusion , et par
conséquent ce mouvement maintient toujours intacte la puis-
sance de réception , ainsi que la puissance attractive de cette
humein^ tant que sa masse tout entière n'a pas été modifiée
dans sa constitution chimique par les effets de cette absorption
locale.
Si ces conclusions avaient besoin de nouvelles preuves pour
être admises parles physiologistes, je citerais ici l'intluence que
l'agitation du bain extérieur exerce sin^ la valeur des produits
CIRCONSTANCES Ql'I INFLUENT SUR CETTE FONCTION. 197
de l'endosmose, lorsqu'on emploie le sérum du sang pour dé-
terminer le déplacement d'une dissolution saline dans des vases
inertes. Il arrive souvent dans ces expériences, lorsque l'ap-
pareil est en repos, que le courant endosmotique, après avoir
duré quelque temps, s'arrête, mais reprend dès que l'on agite
le liquide osmogène de façon à disperser dans la masse tout
entière de celui-ci la quantité de l'autre liquide qui avait déjà
pénétré dans les couches en rapport immédiat avec la membrane
osmotique, et qui avait dilué ces couches au point de les rendre
inactives (1).
Ainsi, la rapidité du torrent circulatoire est une circonstance
(J) Comme exemple de la recru-
descence de l'endosmose déterminée
parle renouvellement des portions du
bain en contact avec la memijrane os-
motique, je citerai Texpérience sui-
vante, faite par M. Poiseuille. Ce phy-
siologiste a reconnu qu'en plaçant
dans son endosmomètre une dissolu-
lion de phosphate de soude au titre
de 1 pour 100 et en plongeant l'in-
strument dans un bain de sérum, il
y avait osmose de la dissolution saline
vers ce dernier liquide, et par consé-
quent abaissement du niveau de la
colonne fluide intérieure ; tandis qu'a-
vec une dissolution au titre de li pour
100, l'endosmose s'établissait en sens
inverse, c'est-à-dire au profit de la dis-
solution saline, et faisait monter celle-ci
dans l'endosmomètre. Dans ce der-
nier cas, il vit le liquide monter jus-
qu'à une hauteur de 3/i millimètres;
mais, au bout de quelques heures,
l'appareil étant dans un repos com-
plet, la colonne commença à redes-
cendre et ne se trouva bientôt qu'à
à millimètres au-dessus du bain ex-
térieur. Alors il lui suffit d'agiter
celui-ci pour foire renaître le mouve-
ment ascensionnel à raison d'abord de
/i millimètres par heure. Ces varia-
tions ne . dépendaient donc pas de
changements survenus dans la résis-
tance hydrostatique de la membrane,
mais de changements dans la direction
du courant osmotique qui se portait
d'abord du sérum vers la dissolution
concentrée de phosphate de soude,
et qui se ralentissait à mesure que les
couches adjacentes de cette dissolu-
tion s'affaiblissaient par suite de l'ar-
rivée du sérum, et qui changeait de di-
rection quand, par suite des échanges
effectués de la sorte et du transport
d'une certaine quantité de phosphate
dans la portion voisine du bain formé
par le sérum, l'action osmogénique
de ce dernier liquide était devenue
apte à balancer celui de la dissolu-
tion alTaiblie. Mais ces changements
de densité étaient locaux , et les
effets qui en résultaient ont cessé
lorsqu'en agitant le bain, on a dissé-
miné les portions modifiées de l'un
et de l'autre liquide dans la masse
entière de chacun d'eux, ce qui a ré-
tabli les rapports de pouvoir osmo-
tique dont résultait au commencement
198 ABSORPTION.
qui favorise le jeu des forces osmoliqiies et qui tend à activer
l'absorption, indépendamment de rinfluence mécanique que ce
mouvement de translation peut avoir sur l'arrivée plus ou moins
facile des courants endosmotiques dans la colonne sanguine et
sur le mode de répartition des matières absorbées dans les par-
ties éloignées de l'organisme, circonstances sur lesquelles nous
aurons bientôt à revenir.
iiinuencc § 7. ■ — D'après ce que nous savons des effets osmotiques,
Je la disposition -, • , -• • '•'
de nous pouvons comprendre aussi comment les propriétés ana-
'absOTbantT touiiqucs ct chimiqucs des membranes par lesquelles l'ab-
sorption physiologique s'effectue peuvent exercer une grande
influence sur le degré de puissance avec lequel cette fonction
s'accomplit.
"* Le raisonnement, aussi bien que l'expérience, montre que
l'absorption, de même que l'endosmose, doit, toutes choses
étant égales d'ailleurs, donner un produit d'autant plus grand,
qu'elle se fera par l'intermédiaire d'un diaphragme dont la
surface de contact avec les liquides réagissants sera plus
étendue (i).
tnfluenee L'uue dc ces surfaces de contact est constituée par la paroi
du degré (jgg vaisseaux dans lesquels le sang circule, et par consé-
dc \ascularite *■ >■' ' '
dutissu^ quent, en cas de parité des autres conditions, l'absorption sera
de l'expéi'ie'nce l'afïlux du sérum dans
le réservoir occupé par le phosphate
de soude (a).
M, Liebig a montré également que si
de l'eau est renfermée dans une anse
d'intestin dont la surface extérieure
baigne dans une dissolution saline, le
passage du premier de ces liquides
dans le second devra se faire plus ra-
pidement si celui-ci est en mouvement
que s'il était en repos, car cela est
une conséquence du rapport qui existe
entre le degré de richesse de la solu-
tion osmogène et la grandeur des
effets osmotiques qu'elle détermine ;6).
(1) Voyez ci-dessus, page 128.
(a) Poiseuille, Recherches expérimentales sur les médicamenls {Comptes rendus de V Académie
des sciences, 1844, t. XIX, p. 997),
(6) Liebig, Recherches sur quelques-unes des causes dxi mouvement des liquides dans l'ûrga~
nisme animal {Ann. de chimie et de physique, 3" série, 1849, t. XXV, p. 41 3).
CIRCONSTANCES QUI INFLUENT SUR CETTE FONCTION. V^^
d'autant plus rapide, que l'organe qui Teffectue es! plus vas-
culaire.
L'autre surface, c'est-à-dire la surface libre du tissu dans
l'épaisseur duquel sont creusés les vaisseaux sanguins dont
je viens de parler, est celle en rapport avec la substance absor-
bable. Par conséquent, toute disposition qui tend à agrandir
cette surface sera favorable r.u développement de sa puissance
absorbante, et nous devons nous altendre à voir la Nature
adopter dans la structure des organes des dispositions analo-
miques conformes à ce principe (1). J'ai déjà eu l'occasion de
montrer qu'effectivement c'est là un des procédés mis en usage
pour perfectionner l'appareil respiratoire, qui est un instrument
d'absorption, et, lorsque nous étudierons d'une manière spé-
ciale le mode d'introduction des produits de la digestion dans
la profondeur de l'économie animale, nous verrons aussi que
les surfaces en contact avec ces matières, deviennent d'autant
plus étendues, que la fonction dont elles sont chargées doit être
plus active.
Il est également aisé de comprendre que la puissance absor-
bante d'une surface doit être en rapport avec le degré de per-
méabilité du tissu qui la constitue et l'épaisseur des couches
poreuses que les liquides ont à traverser pour passer de Texte*
rieur jusque dans les vaisseaux sanguins adjacents.
Inflnenco
de l'élenduc
de la surface
libre.
Influoiice
de la densité
(les tissus.
(1) Les expériences de M. von Bec-
ker, citées ci-dessus , paraissent ne
pas s'accorder avec cette proposition,
car il a trouvé que la quantité de
sucre absorbée était, dans certaines
limites, à peu près la même quand
celte substance était en contact avec
une étendue considérable de la mem-
brane muqueuse intestinale ou circon-
scrite dans un tronçon assez court du
tube digestif (:/) ; mais il me paraît
probable que cela devait tenir à ce
que, dans tous les cas, la surface ab-
sorbante était suffisante pour fournir
à la masse du sang en circulalion la
quantité de molécules de sucre né-
cessaire pour établir l'équilibre entre
ce liquide et la dissolulion sucrée
contenue dans l'inlestin.
(a) Von Becker, Op. cit. (Zeilschrift. fur wisstnschafil. Zool., 4 854, t. V, p. 148).
200 ABSORPTION
Obstacle Ainsi que je l'ai déjà dit et que je le montrerai plus en détail
par ivp'idermo. dans unc autre partie de ce cours, le tissu épithélique qui revêt
extérieurement la peau aussi bien que les muqueuses, et qui
tapisse de la même manière les vaisseaux irrigatoires, ne renferme
pas de vaisseaux sanguins dans son épaisseur, et n'offre que peu
de lacunes confluentes qui puissent remplir le rôle de canaux
capillaires pour le passage des liquides, tandis que le derme et
les autres tissus sous-jacents sont à la fois très vasculaires et
d'une structure lacunaire, car ils se composent de fibrilles ou de
lamelles qui se rencontrent sous divers angles et laissent entre
elles des espaces vides en communication les unes avec les
autres. La présence dsi tissu épitbéliquc entre les matières qui
doivent être absorbées et les vaisseaux où ces substances ont à
pénétrer, est donc un obstacle à l'absorption de celles-ci, et cet
obstacle doit être d'autant plus grand, que la coucbe ainsi con-
stituée est plus épaisse et plus dense.
Or, il existe à cet égard des différences très grandes dans
les diverses parties qui sont aptes à recevoir le contact des
matières dont l'absorption est voulue, et par conséquent il y a
là encore une source d'inégalité dans la puissance absorbante
de ces surfaces.
Influence En étudiaut , dans la dernière Leçon , les phénomènes de
lies luimeurs •^^ • , ' l ^ . l' ^
qniuibrinent capularite et les mouvements osmotiques, nous avons vu (pie
IbsoiSes. b\ présence de quantités très petites de certaines substances sur
les parois des cavités étroites destinées à recevoir un liquide
peut avoir nne influence très considérable sur les effets de
Taction attractive exercée sur celui-ci par ces mêmes parois.
Nous pouvons donc prévoir que si les choses se passent dans
l'organisme vivant comme dans nos appareils osmométriques,
la puissance absorbante d'une meuibrane pourra varier suivant
que celle-ci se trouvera lubrifiée par une humeur de telle ou
telle nature, et que la uiatière dont elle sera imbibée pourra
être un obstacle à l'introduction de certains liquides, tout en
PAR LES VOIES RESPIRATOIRES. -^^ ^ \
favorisant l'entrée d'autres substances (1). Ainsi, une mem- \
brane déterminée, si elle vient à être mouillée par une bumeur •!
alcaline, n'agira pas toujours de la même manière que si elle j
était imprégnée d'un acide, et la présence d'une quantité plus i
ou moins considérable de graisse dans son tissu modifiera aussi •
son mode d'action comme organe d'absorption. Par conséquent, i
dans l'examen des phénomènes dont l'étude nous occupe ici, ■
il faut avoir égard, non-seulement à la texture des parties, mais ;
aussi à la nature des sécrétions dont les surfaces absorbantes \
peuvent être le siège (2). =
En tenant compte des circonstances anatomiques et chimiques comparaison . i
i ^ lie la puissance
dont je viens de parler, on peut en général juger assez exacte- absoAame !
ment de la puissance absorbante d'une partie déterminée de l'or- 'iwers organes, i
ganisme.
§ 8. — Ainsi chez l'Homme, de même que chez les Animaux p^în°S°".
plus ou moins inférieurs, l'appareil respiratoire est de toutes les
parties de l'économie celle qui réunit au plus haut degré les -^
conditions de perfection comme instrument absorbant, et celle \
aussi où l'introdiiction des matières étrangères jusque dans le ;
torrent de la circulation est le plus facile et le plus rapide. j
C'est pour cette raison que des substances gazeuses et des j
vapeurs délétères qui ne peuvent exercer leur influence nuisible ;
qu'à la suite de leur absorption et de leur transport par le i
torrent circulatoire dans les profondeurs de l'organisme, déter- '
minent souvent avec une grande promptitude des accidents
graves, et même la mort, quand elles arrivent en contact avec \
la surface respiratoire. I
J'ai déjà eu l'occasion de dire quelques mots des empoison- ..
(1) Voyez ci-dessus, page IZiS. des différences qui se manifestent sou-
(2) Les variations qui se produisent vent dans le pouvoir aJDSorbant d'une
dans les qualités des liquides sécrétés même membrane , quand les autre
par les surfaces absorbantes me pa- conditions physiques et physiologiques
raissent être une des principales causes semblent être restées identiques.
202 ABSORPTION
nements qui peuvent être produits de la sorte par la pré-
sence d'une petite quantité de quelque gaz toxique dans l'air
que nous respirons (1) ;' mais pour mettre mieux en évidence
la rapidité avec laquelle des vapeurs et des gaz sont absor-
bés par la surface des cellules pulmonaires, je citerai ici
quelques autres exemples d'une mort foudroyante due à cette
cause.
L'acide cyanhydrique est un poison violent qui, introduit
dans le torrent de la circulation, exerce principalement son
influence délétère sur le système nerveux, et qui détruit l'irrita-
bilité des muscles. Il n'agit donc qu'après avoir été absorbé, et
ses effets sont d'autant plus terribles, que son absorption s'ef-
fectue plus rapidement. Or, il suffit d'approcher des narines
d'un Chien ou d'un Lapin un tlacon ouvert où se trouvent
quelques gouttes de cette substance à l'état de pureté, pour que
la vapeur qu'elle dégage tue l'Animal en quelques secondes (2).
(1) Voyez tome I, page /i51. vapeur avant que d'avoir été absorbé
(2) Dans une expérience dont je me en quantité suffisante pour déterminer
souviensd'avoir été témoin, Magendie des accidents graves (a). Magendie
ayant mouillé le bout d'une baguette cite une autre expérience dans laquelle
de verre avec de Tacide cyanhydrique l'Animal tomba comme foudroyé,
anhydre étendu d'un peu d'alcool, et parce qu'on avait passé rapidement
l'ayant introduit brusquement dans la sous ses narines un flacon débouché
gueule d'un Chien vigoureux, vit l'a- contenant de l'acide cyanhydrique
nimal faire aussitôt quelques grandes anhydre (6).
inspirations, et au bout de quelques II est aussi à noter que le curare,
secondes tomber mort. Le même poi- dont l'absorption par la peau ou par
son, appliqué sur la conjonctive, pro- la muqueuse digestive n'est pas assez
duit des effets semblables, mais moins rapide pour donner lieu à des sym-
rapidement, et, introduit dans laça- plômes d'empoisonnement, détermine
vile péritonéale ou déposé dans le promptement la mort quand il arrive
tissu conjonctif sous-cutané, il tue en contact avec la surface pulmo-
plus lentement. Enfin, mis en contact naire (c).
avec la peau, il se dissipe souvent en
(a) Magendie, Recherches physiologiques et cliniques sur l'emploi de l' acide prussique ou hydra-
cyanique. Ia-8, Paris, 1819, p. 4.
(6) Magendie, Leçons sur les phénomènes physiques de la vie, t. I, p. ^3-2.
(c) Cl. Bernard, Cours de médecine : Leçons sur les substances toxiques, p. 287.
PAR LES VOIES RESlMPiATOlRES. 203
Plus d'un accident funeste a été causé par l'absorption pulmo-
naire, et je ne saurais mettre les élèves de nos laboratoires trop
en garde conlj-e les dangers invisibles qu'ils affrontent souvent
sans les connaître, quand ils respirent un air chargé de vapeurs
toxiques. C'est de la sorte que la science a été privée d'un des
chimistes les plus distingués de Munich, Gehlen (1). Ce savant
s'occupait de l'élude d'un gaz récemment découvert, et composé
d'hydrogène uni à l'arsenic; voyant que le dégagement ne s'en
faisait pas bien, et pensant que son appareil perdait, il flaira les
bouchons pour reconnaître les fuites à l'odeur qui se répan-
drait. La quantité d'hydrogène arséniqué attiré de la sorte dans
ses poumons devait être bien faible, et cependant en moins
d'une heure il commença à en ressentir l'atteinte mortelle, et,
après avoir langui quelques jours en proie à de vives souf-
frances, il périt victime de son imprudence. Il ne faut pas
croire que les gaz délétères ne soient redoutables que lorsqu'on
les respire en proportion suffisante pour en être asphyxié ; l'hy-
drogène arséniqué n'est pas le seul fluide aériforme qui, absorbé
par les poumons, même en quantité peu considérable, puisse
être un poison mortel (2), et toutes les vapeurs qui se trouvent
(1) Ce savant s'était fait connaître l'action de vapeurs alcooliques répau-
par des recherches sur l'éther et sur dues dans l'air que l'on respire. Ce
diverses questions de chimieminérale. fait a été constaté expérimentalement
Il publia pendant plusieurs années, à par :\I. Pioliet (6), et s'explique par
Berlin, un journal de chimie intitulé l'absorption pulmonaire , car l'alcool
d'abord Neues allgemeines Journal ne détermine cet état qu'après avoir
der Chemie (1803 à 1806), puis Jour- été introduit dans le torrent de la cir-
nal fur der Chemie und Physik culalion et porté jusqu'au cerveau.
(1806 à 1810). Il mourut empoisonné L'absorption de la vapeur d'iode
parl'hydrogènearséniqué, enl815(o). par les voies repiratoires a été con-
(2) Il est d'observation vulgaire statée expérimentalement par M. Pa-
que l'ivresse peut être causée par nizza (c).
(a) Schweigger, Zu Gehlens beiliegendem Bildnisse (Journ, fur Chemie und Physik, 1815,
t. XV. p. 1, et A72nals of Philosophy, 181(3, t. VUl, p. 40-1).
(b) Pioliet, De l'absorption pulmonaire {Archives générales de médecine, 1" série, 4825,
t. IX, p. 611).
(e) Paniz2a, DelVassorbemento venoso [Mem. delVIslil. Lomb., 1843, 1. 1, p, 181).
204 ABSORPTION
mêlées à l'air peuvent arriver avec une grande rapidité jusque
dans notre sang, quand nous les respirons (1). C'est par suite
de cette absorption que beaucoup de matières odorantes déter-
minent souvent dans notre organisme un trouble caractérisé
par de la céphalalgie ou d'autres accidents nerveux, et, dans
certains cas, il est facile de constater que la matière volatile
a pénétré dans la substance de notre corps, car, après y avoir
séjourné quelque temps, elle est rejetée au dehors avec l'urine
et donne à ce liquide une odeur particulière (2). Du reste, cette
(1) Ainsi, on connaît plusieurs cas
où la mort a élé déterminée par l'ab-
sorption du gaz nitreux par les voies
respiratoires sans qu'il y ait eu as-
phyxie (a).
('2) On sait que la vapeur odorante de
l'essence de térébenthine pénètre fa-
cilement dans l'économie par les voies
respiratoires, et manifeste sa présence
dans l'urine par l'odeur de violette
qu'elle communique à ce liquide. C'est
en majeure partie de l'absorption de
celte substance par les voies respira-
toires que dépendent les accidents
déterminés souvent par le séjour dans
un appartement nouvellement peint à
l'huile ou au vernis ordinaire.
Il faut attribuer aussi à l'absorption
des matières odorantes des fleurs par
les voies pulmonaires les accidents
plus ou moins graves, tels que cépha-
lalgie , nausées et même syncope ,
que le voisinage de certaines plantes
détermine chez quelques personnes.
Les essences extraites des mêmes
fleurs produisent ces effets avec beau-
coup plus d'intensité , parce qu'elles
dégagent des vapeurs semblables en
plus grande abondance. Orfila a réuni
plusieurs exemples curieux d'acci-
dents de ce genre produits par l'o-
deur des roses ou d'autres fleurs (?>),
et, d'après mon expérience person-
nelle , je puis ajouter que parfois
l'existence d une très petite quantité
d'essence de citron dans l'air confiné
suffit pour déterminer des symptômes
nerveux bien caractérisé?.
Depuis longtemps j'emploie avec
beaucoup de succès , pour détruire
les larves rongeuses dans les collec-
tions entomologiques, un procédé qui
repose sur l'absorption de vapeurs
par les organes respiratoires. La ben-
zine introduite de la sorte dans l'éco-
nomie est un poison pour les Mam-
mifères et les Oiseaux, mais agit avec
bien plus de force sur les Insectes et
les fait périr promptement (c). D'a-
près mes conseils, M. Doyère a mis
en usage des moyens analogues pour
détruire les Charançons dans les blés
attaqués par ces Insectes, et ses expé-
riences montrent que la vapeur de
(a) Voye^ Orfila, Traité des poisons, t. I, p. 152 et suiv. (édit. fie 1827).
(6) Orfila, Traité des poisons, 1827, t. Il, p. 467.
(c) Milne Edwards, Sur l'emploi de la benzine pour la deslruction des Insectes {Bulletin de la
Société rentrale d'agrimlttire, 1852, t. VIII, p. 40(!j.
l'AK LES VOIES KESlMKAiOlliES. "JOS
grande puissance absorbante est bien plus utile qu'elle n'est
nuisible ; c'est elle qui rend nos poumons aptes à satisfaire aux
besoins de la respiration, travail dont l'activité est dans un
rapi)ort nécessaire avec celui de tous les autres instruments
physiologiques qui constituent notre organisme, et, indépen-
damment de ce service normal, c'est encore elle qui rend
possible une des plus grandes merveilles de l'art médical :
la production de l'état d'anesthésie à l'aide duquel l'opé-
rateur préserve de toute souffrance physique et morale le ma-
lade dont il entaille les chairs. En effet, si le chloroforme ou
l'éther introduit sous la forme de vapeur dans nos poumons
nous plonge dans une sorte de sommeil durant lequel la faculté
de sentir est suspendue, c'est que la matière diffusible ainsi
répandue dans l'appareil respiratoire passe rapidement dans
le sang en circulation, et arrive ainsi en contact avec certaines
parties du système nerveux dont elle interrompt l'action. L'é-
lude de ce beau phénomène serait prématurée en ce moment;
mais nous aurons à y revenir, car nous y puiserons d'utiles
lumières, et même, en fùt-il autrement, nous ne pourrions passer
avec indiiïérence à côté d'une question physiologique qui touche
de si près aux intérêts de l'humanité (1).
sulfure de carbone remplit toutes les llier fut faite en I8/16, à Boston, par
conditions voulues pour assurer la M. M. Jackson, professeur de chimie,
conservation des céréales contre les et Morton, chirurgien -dentiste (6).
attaques des Insectes (a). L'emploi du chloroforme fut substitué
(1) On sait que la découverte de avec avantage à celui de l'éther, en
la production d'un état d'anesthésie 18^7, par M. Simpson, professeur
par l'inhalation de la vapeur d'é- d'accouchements à Edimbourg (c). Au
(a) Doyère, Mémoire sur l'emploi des anesthésiquespour la destruction des Insectes qui dévorent
les grains (Comptes rendus de l'Académie des sciences, 1857, t. XLIV, p. 993).
(6) Jackson, De l'inhalalion de l'éther pour suspendre la sensibilité chez des personnes sou-
mises à une opération chirurgicale {Comptes rendus de l'Académie des sciences, 18-47, t. XXIV,
p. 74).
— Voyez aussi Roux, Rapport sur les prix de médecine et de chirurgie [Comptes rendus de
l'Académie des sciences, 1850, t. XXX, p. 241).
[c) Simpson, Historical Researches regarding Ihe Superinduction of Insensibility to Pain in
Surgical Opérations, and Announcement of a New Anœsthelic Agent, Edinburgh, 1847 {voy.
Monthlg, Journ. of Med. science, 1847, t. YIII, p. 451).
Absorption
par lu peau
chez
les Animaux.
206 ABSORPTION
Quant à l'absorption rapide des liquides par la surface pul-
monaire, j'en ai déjà donné des preuves (i), et je me bornerai
à ajouter ici que, sous cette forme, les matières étrangères arri-
vent ainsi plus rapidement dans le torrent circulatoire que par
toute autre partie de l'organisme (2).
§ 9. — La peau est aussi une des voies par lesquelles l'ab-
sorption peut s'effectuer ; mais cette membrane tégumentaire
est spécialement destinée à protéger les parties sous-jacentes
de l'organisme, et, pour bien remplir cette fonction, elle doit
offrir une épaisseur et une densité qui sont peu favorables à la
sujet du mode d'action de ces siib-
slances sur le système nerveux, je ren-
verrai aux pujjlicalions de MM. Floii-
rens, Longet, etc. (a).
<1) Voyez ci-dessus, page 3.
(2) Ainsi, dans une des expériences
faites par Lebkiichner, une dissolution
de cyanoferrure de potassium fut in-
jectée dans les voies aériennes d'un
Chat, et, au bout de deux minutes, le
sang tiré de la carotide de Tanimal
donna, avec un sel de fer, un préci-
pité de bleu de Prusse (6), Mayer
avait obtenu précédemment un résul-
tat fort semblable (c).
Mageadie a constaté aussi que la
teinture alcoolique de noix vomique,
injectée dans le poumon d'un Chien,
est absorbée avec une grande rapi-
dité {d).
Enfin M. Ségalas a reconnu que
3 centigrammes d'extrait de noix vo-
mique, dissous dans 60 gram. d'eau,
produisaient la mort en deux minutes
quand il injectait ce poison dans les
voies respiratoires d'un Chien ; 10 cen-
tigrammes du même extrait ne pror
duisaient aucun elïet , étant portés
dans l'estomac d'un autre Animal de
même espèce, et 1 gros (c'est-à-dire
plus de 7 grammes et demi) de ce
poison, ayant été injectés dans la ves-
sie, ne déterminèrent des symptômes
d'empoisonnement qu'au bout de vingt
minutes (e).
De l'indigo, du safran, de la rhu-
barbe et d'autres matières colorantes
injectées dans les poumons par Leb-
kiichner n'ont pas été reconnus dans
le sang (/').
(a) Flourens, Notes touchant les effets de l'inhalation éthérée sur la moelle épinière, etc.
(Comptes rendus de l'Académie des sciences, d847, t. XXIV, p. 161, 253, 340).
■ — Longet, Expériences relatives aux eff'ets de l'inhalation de l'éther sulfurique sur le sys-
tème nerveux, lu-8, Paris, 1847.
(6) Lebkiichner, Sur la perméabilité des lisstis vivants (Arch. yen. de méd., 1" série, 1825,
t. VII, p. 432).
(c) Mayer, Op. cit. (Meckel's Deiitsches Archiv fur die Physiologie, 1817, t. III, p. 496).
{d) Magendie, Leçons sur les phénomènes physiques de la vie, t. 1, p. 32.
(e) Ségiilas, Note sur quelques points de physiologie {Journal de physiologie de Magendie, 1824,
t. IV, p. 285).
if) Lebkiichner, Op. cit., p. 434.
PAR LA PEAU. 207
réalisation des échanges osmotiques. Sous ce rapport, on y
remarque cependant de grandes différences chez les divers
Animaux. Tantôt elle est en totalité ou en majeure partie
revêtue d'une couche épidermique qui acquiert un haut degré
de développement, et qui se consolide par le dépôt de ma-
tières calcaires ou d'apparence cornée dans son épaisseur,
de façon à constituer une armure presque imperméable, telle
que la coquille des Mollusques et le squelette extérieur des
Crustacés ou des Insectes. D'autres fois cette membrane se
recouvre de plaques osseuses, d'écaillés ou d'appendices cor-
nés qui affectent la forme de plumes ou de poils, et qui la
préservent du contact direct des corps étrangers ; dans tous
les cas, les surfaces ainsi revêtues ne se laissent que très
difficilement traverser par les fluides adjacents (1). Mais,
chez d'autres Animaux , dans certaines régions du corps , la
peau n'est garnie que d'une couche mince de tissu épithélique,
et les zoologistes disent qu'elle est nue^ bien que sa partie
(1) L'existence d'écailles ne rend blement augmenté (a). Le même pliy-
pas la peau impénétrable à l'eau ; siologiste a constaté des phénomènes
mais il est probable que l'absorption analogues chez les Poissons (6).
de ce liquide a lieu principalement M. Longet cite aussi des expé-
par les espaces situés entre ces pla- riences dans lesquelles il a déterminé
ques solides. des accidents tétaniques chez des
L'absorption de l'eau par la peau Couleuvres, des Orvets et des Lézards
écailleuse des Lézards a été prouvée en appliquant une dissolution de
par les expériences de W. Edwards. chloi'hycU'ate de strychnine sur la sur-
Un de ces Reptiles, qui avait éprouvé face écailleuse de la peau du ventre
des perles considérables par évapora- de ces Animaux ; mais l'absorption
tion, fut assujetti dans un tube ouvert du poison ne se faisait que très lente-
aux deux bouts; on plongea alors dans ment, et les symptômes de l'intoxi-
un bain la moitié postérieure de son cation ne se manifestèrent qu'au bout
corps, et au bout d'uii certain temps de quelques heures (c).
on reconnut que son poids avait nota-
(a) W. Edwards, De l'inlluence des agents physiques de la vie, p< 34tj.
(6) Idem, Op. cit., p. 123.
(c) Longet, Traité de physiologie, 1859, l. I, p. 295.
;208 ABSORl^TlON
fondameiitale et vasculaire, c'est-à-dire le derme, ne se trouve
pas à découvert. Dans les parties disposées de la sorte, l'ab-
sorption est moins difficile que dans les parties mieux cuiras-
sées ; mais, sous ce rapport, il y a une distinction importante
à établir, suivant que les parties ainsi constituées sont habituel-
lement en contact avec l'air atmosphérique ou baignées par
l'eau. Chez les Animaux aquatiques à peau nue, le tissu épider-
mique ne se consolide que peu, se détache à mesure qu'il
s'accroît, et ne foruie que rarement autour du corps une
gaine épaisse et dense, tandis que cliez les Animaux terrestres
il se dessèche et se consohde davantage, au poiut de constituer
une tunique externe résistante et fort peu perméable. Dans le
premier cas, la surface tégumentaire est généralement douée
d'une puissance absorbante assez grande : ainsi chez une Limace
ou une Grenouille, par exemple, la peau livre facilement passage
aux liquides que les forces osmotiques tendent à faire pénétrer
dans l'intérieur de l'organisme (l). Mais, dans le second cas, il
en est tout autrement, et l'épiderme oppose de 1res grands ob-
stacles à toute introduction de ce genre (*2). Chez l'Homme, par
(1) Au sujet (le l'absorplion de l'eau expériences, l'aiigmentalion de poids
par la surface delà peau chez les Gre- déterminée de la sorte fut égale à
nouilles, je renverrai aux expériences environ les deux tiers du poids initial
de Townson (a) et de W. Edwards. de rAnimal (rf). Burdach cite aussi
Dans certaines circonstances, ces Ba- des expériences de Nasse, dans les-
traciens ont gagné ainsi en une heure quelles des Limaces placées dans du
environ 1/18" de leur poids (6). papier buvard humide augmentèrent
Des faits du même ordre ont été en poids d'environ un tiers dans l'es-
constatés par Blulï(c). pace d'une demi-heure (e).
Spallanzani a vu que chez les Lima- (2) Il est à noter que le passage de
çons l'absorption cutanée est remar- l'eau à travers l'épiderme est encore
quablement active; dans une de ses plus difficile de dedans en dehors que
(a) Townson, Observallones jjhijsioloyicœ de Amphihiis, 1795, p. 25 et sniv.
(6) W. Edwards, Injluence des agents physiques sur la vie, p. 98 cl suiv., t;ib. xi, p. SOtî, etc.
{c) Bluff, Dissert, de absorptione cutis (cité par Burdacli, Traité de physiulorjie, t. IX, p. 15).
(d) Spallanzani, Mémoires sur la respiration, xi. 137.
(e) Nasse, Untersuchtingeinur Physiolocjie, t. I, p. 482 (d'après Burdacli, Traité de physiologie,
t. IX, p. 15).
PAR L.V V\ikV. "209
exemple, la peau, dans son état normal, n'absorbe que très
lentement ; mais , pour peu que sa tunique ëpidermique
vienne à être enlevée, et le derme, c'est-à-dire la portion
vasculaire du système tégumentaire, mis à nu, les fluides
en contact avec sa surface externe pénètrent facilement dans
sa substance caverneuse, et passent avec rapidité jusque dans
les courants sanguins dont ses vaisseaux sont le siège (1).
de dehors eu dedans, et c'est pour
celte raison que la sérosité accumulée
sous cette meaibrane par TelTct de la
vésicalion ou de la brûlure ne s'en
échappe qu'avec une lenteur extrême.
Cette diflérencc entre les propriétés
absorbantes des deux surfaces de l'épi-
derme a été bien démontrée par Ma-
gendie. Ce physiologiste a vu que si
l'on renferme une certaine quaniilé
d'eau dans un morceau de peau dispo-
sée en manière de bourse, le liquide
s'échappe au dehors , et s'évapore
assez rapidement quand celui-ci est en
contact avec la surface externe de
l'épiderme ; tandis que dans le cas où
la face interne du derme était tournée
en dedans, l'eau, après avoir imbibé
celte membrane , s'accumulait sous
l'épiderme et le délachait, mais ne
la traversait que fort difiicilement, et
restait emprisonnée pendant plusieurs
jours (o).
(1) Les physiologistes, et surtout les
médecins, se sont beaucoup occupés
de la question du pouvoir absorbant
de la peau de l'Horame dans son état
normal. Je reviendrai bientôt sur ce
qui est relatif à l'introduction des ma-
tières étrangères sous l'influence de la
pression (des frictions, par exemple) ;
mais, au sujet de l'absorption spon-
tanée des liquides par cette voie ,
les opinions ont été fort partagées.
Pour montrer que l'enu peut arriver
ainsi dans l'intérieur de l'organisme,
on s'est appuyé d'abord sur des
preuves indirectes seulement : par
exemple, l'apaisement de la soif par
le fait de l'immersion du corps dans
un bain, fait que beaucoup de per-
sonnes ont pu remarquer, et dont la
médecine a pu tirer parti (6j; mais
quelques auteurs pensaient que les ef-
fets produits par l'immersion du corps
dans l'eau dépendaient seulement de
la diminution, ou de l'interruption
de lu déperdition due à la transpi-
ration cutanée et pulmonaire (c).
Cette opinion f;it fortement appuyée
par les expériences de Séguin (rf). Ce
chimiste pesa avec beaucoup de soin
le corps de différentes personnes avant
leur entrée dans un bain d'eau tiède
et après un séjour plus ou moins long
dans cette eau. Or, dans aucun cas, il
ne constata une augmentation de
poids ; toujours il y avait au con-
traire perte ; seulement cette perte
était beaucoup moins considérable
qu'elle ne l'aurait été pendant le
même espace de temps dans l'air : la
(«) Mageiidic, Leçons sur les phénoiiiùiies pitijsiques de la vie, I. I, [>. OU.
{b) Cruikshanks, Anatomi'i des vaisseaux iyinpliatiriaes, p. -218.
(c) Poulcau, Œuvres posthumes, t. I, p. 185 et suiv.
(d) Fourcroy, La médecine éclairée par les sciences physiques, 1192, t. III, p. 232.
V.
1^
210
ABSORPTION
C'est pour cette raison que lorsque l'épiderme a été enlevé
sur quelques points même assez circonscrits, il est souvent
fort dangereux de toucher certains poisons qui d'ordinaire
différence était généralement dans la
proportion de 13 à 23 (a). Séguin cher-
cha ensuite si des matières salines,
telles que du sublimé corrosif, dis-
soutes dans l'eau du bain, étaient ab-
sorbées par la peau, et, dans les cas
où l'épiderme n'était pas altéré , il
n'obtint le plus souvent que des résul-
tats négatifs, ou ne constata qu'une
faible absorption de la substance sa-
line, qui ne paraissait pas avoir été ac-
compagnée par de l'eau. Enfin, pour
rendre compte des résultats obtenus, il
crut devoir admettre que les vaisseaux
absorbants de la peau ne fonctionnent
pas quand l'épiderme est intact, et
que dans ces conditions c'est seule-
ment par pénétration dans les canaux
exhalants de cette membrane qu'une
petite quantité de matière étrangère
en dissolution dans le bain peut en-
trer dans l'organisme (6). Plusieurs
autres physiologistes ont nié aussi le
pouvoir absorbant de la peau de
l'Homme (c). Mais VV. Edwards a fait
voir que les faits constatés par Séguin
avaient été mal interprétés , et que
lors même que le poids du corps se
trouve diminué à la suite d'un séjour
plus ou moins prolongé dans l'eau,
cette diminution est loin de représen-
ter la totalité des pertes que l'orga-
nisme a dû éprouver pendant le
même espace de temps, et que la dif-
férence correspond à la quantité d'eau
absorbée par la surface cutanée {d).
Plus récemment, de nouvelles recher-
ches, faites par MM. Dill, Madden et
plusieurs autres physiologistes, sont
venues donner une démonstration
complète de la faculté absorbante de
la peau (e). Ainsi, M. Berthold, en
expérimentant sur lui-même , a con-
staté , dans certaines circonstances ,
une augmentation du poids du corps
par le fait de l'immersion prolongée
dans un bain tiède , et , en tenant
compte des pertes que l'organisme a dû
éprouver pendant ce temps, 11 évalue
à 1 once 7 gros 30 grains, c'est-à-dire
(a) A. Séguin, Premier Mémoire sur les vaisseaux absorbants, sur Les vaisseaux exhalants,
et sur les maladies qui proviennent ou d'un dérangement quelconque dans ces vaisseaux, ou des
altérations quelconques que peuvent éprouver nos humeurs, ou enfin de la relation de ces deux
causes {Annales de chimie, 1814, t. XG, p. i 85).
(6) Séguin, Suite du Mémoire sur les vaisseaux absorbants (Annales de chimie, 1814, t. XCII,
p. 35).
(c) Currie, Med. Reports on the Effects ofCold and Warm Waler, 1805, t. I, p. 320 et suiv.
— Bérard cite comme ayant soutenu cette opinion les auteurs suivants, dont je n'ai pas eu rocca-
sion de consulter les ouvrages :
— B. C. Rousseau, An Inaugural Dissertation on Absorplion. Pliiladelphia, 1800.
— Chapman, On Absorption [London Med. Repository, t. IX, p. 440).
— Dangerfield, An Inaug. Dissert, on cutaneous Absorption. Pliiladelphia, 1805.
— Gordon, Oiitlines of Lectures on Human Physiology. Edinburgh, 1817.
{d) W. Edwards, Influence des agents physiques sur la vie, p. 348 et suiv.
(e) Dill, Observations on cutaneous Absorption with Experiments [Trans. of the medico-
chirurg. Soc. of Edinburgh, 1826, t. II, p. 350 et suiv.).
. — Madden, An Expérimental Inquiry into the Physiology of cutaneous Absorption (Medico-
çhirurg. Rcview, nouyelle série, 1838, t. XXIX, p. 187).
PAR LA PEAU. 211
peuvent être iiiaiiiés sans inconvénients, et la médecine a
tiré profit de la connaissance de ce fait pour déterminer par-
fois l'absorption de médicaments que l'estomac se refuserait à
environ 59 grammes, la quantité d'eau
absorbée de la sorte en une heure (a).
M. Gollard (de Martigny) a fait aussi
beaucoup d'expériences pour démon-
trer l'existence de la faculté absor-
bante dans la peau de l'Homme. Celles
dans lesquelles ce physiologiste, à l'i-
mitation de quelques-uns de ses pré-
décesseurs (6), a cherché ù appré-
cier la diminution déterminée de la
sorte dans le volume du bain où une
partie du corps était plongée, sont
peu satisfaisantes (c); mais dans d'au-
tres, ayant déposé une petite quan-
tité d'eau, de vin ou de bouillon à
la surface de la peau sous un verre
de montre bien assujetti , il vit ces
liquides disparaître plus ou moins ra-
pidement. Il rapporte des faits ana-
logues observés par Al. Bon (ils et par
M. Margault, en opérant avec du lait
ou avec une décoction de ciguë (i).
Weslrumb a constaté cette absorption
d'une manière encore plus positive.
Ainsi, dans une expérience, il respi-
rait l'air puisé dans une pi^'ce voisine
à l'aide d'un tube, et il tint un de ses
bras plongé dans un bain chargé de
musc ; bientôt l'odeur de cette sub-
stance était reconnaissable dans son
haleine. Dans un autre cas, une par-
tie du corps fut plongée dans un bain
chargé, soit de cyanoferrure de po-
tassium, soit de rhubarbe, et ces sub-
stances se retrouvaient dans l'urine,
dans la sérosité d'un vésicatoire, et
dans le sang obtenu par l'application
d'une ventouse scarifiée (e).
Des faits analogues ont été constatés
par M. Homollc , en expérimentant
sur Tiodure de potassium et d'autres
substances minérales (/")„
En parlant de la respiration cuta-
née, j'ai déjà eu l'occasion de citer
divers faits qui prouvent que les gaz
peuvent être absorbés par la surface
de la peau (g). J'ajouterai que l'em-
poisonnement par l'acide sulfhydrique
a été déterminé par le contact de ce
gaz avec la peau chez des Animaux
dont les voies respiratoires étaient en
communication avec de l'air pur (/i).
11 est aussi à noter que, d'après les
expériences de Al. Collard (de Marti-
gny), l'absorption parla surface de la
peau serait beaucoup plus lente dans
(a) Beiihold, Einlge Versuche ûber die AufsaugunfjsthdligkeU (inhaVM'wu) (1er Haut. (Mùller's
Archiv lûr Aiiat. und Physiol., 1838, p. -IT/).
(6) Simpson, voy. Danvin, Zoonomia, t. I, p. 406.
(c) Collard (de Marliirny), Observ. et expér. siir L'absoi-ptiOJi cutanée de l'eau, etc. (Arch. gén.
de méd., i" série, 1826, t. Xt, p. '3;.
{d\ Collard (de Marligny) , Recherches expérimentales et critiques pour servir à l'histoire de
l'absorption (Nouvelle Bibliothèque médicale, 1827, l. III, p. 7 et suiv.).
(e) Weslrumb, Uiitersuchungen iiber die Einsaugungskraft der Haut (Meckel's .\rchiv fur Anat.
und PInjsiol., 1827, p. 469).
(f) Hcmoile, Expér. sur l'absorption par le tégument externe {Union médicale, 1853, t. VII,
p. 462).
(s) Voyez tome II, page 639.
<h) Cliaussier, Précis d' expériences faites sur les Animaux avec le gaz hydrogène sulfuré
{Bibliothèque médicale, t. I, p. 108).
. — Lebkiichner, Op. cit. {Arch. gén. de méd., t. Vît, p. 428).
21 "2 ABSOKPTION
gard'er (1). On cloune le nom de méthode endermique à ce mode
d'administration des substances absorbables (2).
certaines parlies du corps que dans
ù'aulres. Ainsi il vit m\ même nom-
bre de gouttes d'eau disparaître de la
r,orte en quatre heures sur la paume
de la main, à l'aine et au front ; en
cinq heures, à la partie interne des
cuisses ; en huit ou neuf heures, sur
la poitrine, l'abdomen ou la face dor-
sale de la main ; et en onze heures,
sur la face externe de la cuisse (a).
Dans ses expériences sur les Batra-
ciens, Townson a remarqué aussi que
chez les Rainettes l'absorption est plus
rapide par la peau du ventre que par
les autres parties de la surface du
corps (6).
"(1) Ainsi, Mageudie s'est souvent
exposé impunément au contact de la
salive des Chiens enragés, parce que
les parties de sa peaa qui étaient
baignées par ce liquide étaient revê-
tues de leur épidémie, tandis que ce
poison aurait probablement déter-
miné riiydrophobie s'il avait touché
le derme dénudé (c).
La facilité avec laquelle l'absorption
s'elï'cctue par la surface d'une plaie
récente est démontrée par la rapidité
ellrayanteavec laquelle les symplùmes
de Tempoisonnement se manifestent
parfois à la suite de la morsure des Ser-
pents venimeux. On sait que le venin de
ces Reptiles n'est pas absorbé en quan-
tité notable par l'épiderme, mais que,
déposé au fond d'une piqûre, il peut dé-
terminer la mort en quelques minutes.
Les chirurgiens emploient souvent
comme corrosifs des topiques dont
l'absorption peut donner lieu à des
accidents graves , la pâte arsenicale,
par exemple, et par conséquent ils
ont intérêt à savoir si l'introduction
des matières étrangères par cette voie
est moins facile à une période des
plaies qu'à une autre. Bonnet, de
Lyon , a fait une sçrie d'expériences
à ce sujet avec de la strychnine, pen-
dant vingt-quatre jours après l'éta-
blissement de la solution de conti-
nuité, et il n'a pu reconnaître aucune
(litTérence dans le degré d'activité de
l'absorption {d) ; mais la pratique mé-
dicale prouve que lorsque la surface
du derme vient d'être enlevée, l'ab-
sorption par la partie dénudée est beau-
coup plus active qu'elle ne l'est quel-
ques jours plus tard. Il est aussi à
noter que sur les cicatrices récentes où
l'épiderme est très mince et le derme
très vasculaire, l'absorption est éga-
lement plus facile que dans les points
où la peau est dans son état normal.
Le développement d'ini certain degré
d'inflammation à la surface du derme
peut accroître aussi le pouvoir absor-
bant de la partie ainsi modifiée. Ainsi,
les applications de tartre stibié sur la
peau déterminent le développement
de pblyctènes, et occasionnent quel-
quefois des vomissements sans que le
derme ait été mis à nu.
(2) Ce n'est pis seulement dans les
(a) Colliird, Hcch. expér. et crlt. pour servir à l'hisloire de V absorption [Noiiv. LiibL'wlh. méd.,
18-27, t. III. p. -14.).
((i) Towiisoii, Observ. pliysiol. de AmphibUs, \). 'M.
(e) Boiinci, iMém. sur la cautérisation considérée surtout coimm moyeu de guérir la phlébite et
l'infection purulente {Gazette médicale, 1843, p. 281).
j[i!) Ma^endie, Leçons sur les phénomènes physiques de la vie, t. I, p. 34.
PAR LA PEAU. 213
D'après ce que nous avons vu relativement à la filtration
élective et à l'influence des passages très étroits sur la compo-
sition chimique des mélanges liquides (i), nous pouvons pré-
voir que les membranes dont le tissu est très dense pourront se
laisser traverser par de l'eau plus facilement que par les ma-
tières en dissolution dans ce liquide, et opérer de la sorte un
certain triage dans les matières dont elles s'imbibent. La peau
humaine parait remplir ces conditions et être apte à absorber
de l'eau phitôtque des substances sahnes. Ainsi, dans une série
d'expériences sur l'aclion des bains, faite il y a quelques années
par M. Homolle, l'infroduclion d'une quantité considérable
d'eau dans l'organisme par la surface cutanée a été manifesle,
mais il n'a pas été possible de constater l'absorption du cyano-
ferrure de potassium, ni de plusieurs autres substances miné-
rales, par la même voie (2).
cas où radministralion de certains mé- riiitermédiaire du sang et de la circula-
dicaments, tels que l'acétate de moi- lion générale. L'altenlion des médecins
phine ou le sulfutc de quinine, par les fut appelée sur ce mode d'administra-
voies digeslives, présenterait cWs in- tion des médicaments absorliables par
convéuitnts, qu'il a été utile d'avoir MM. A. Lambert et J. Lesueur («).
recours à la méthode endermique; (1) Voyez ci-dessus, page 8S.
on s'en est servi avec avantage aussi ('2) M. Homolle, qui ne connaissait
dans quelques circonstances où il im- pas les faits constatés précédemment
portait d'agir d'une manière locale sur par .\i.M. Briicke, Ludwig et plusieurs
des parties situées à peu de dislance de autres physiologistes, relativement à
la peau ; car en appliquant la substance l'imbibition élective, a obtenu des ré-
absorbable sur le derme dénudé , on sultats qui s'accordent parfaitement
détermine l'imbibition de l'agenlthéra- avec les vues théoriques fondées sur
peutique parles tissus sous-jacents, et les recherches expérimentales de ces
son action s'exerce de la sorte directe- auteurs. Etï'eclivement, il est arrivé Ji
ment sur ces tissus aussi bien que par cette conclusion que, dans un bain
(fl) Lambert et Lesueur, Exposé sommaire d'une médication nouvelle par la voie de la pcd^i
privée de son épiderme, ou par celle des autres tissus accidentellement dénudés [Arch. gén. de
méd., l.'-24, t. V, p. 158).
— Lesueur, De la méthode endermique, thèse. Paris, 1825.
— Adelon, Rapport sur la médication endermique (Arch. gén. de méd., 4 820, t. XI, p. 20Sj.
■ — • Lambert, Essai sur la méthode endermique. ln-8, 1828.
— Piiour, Métlwde endermique en général, thèse. Paris, 1834.
— Voyez aussi à ce sujet les thèses de MM. GogalfParis, 1831), Porte (1834) et Protin (1835).
Absorption
par
la conjonclive.
Mk ABSORPTION
Les membranes muqueuses externes, la conjonctive qui
revêt antérieurement le globe de l'œil, par exemple, ont une
texture beaucoup plus délicate que la peau, et ne sont garnies
que d'une couche très mince de tissu épithélique; aussi sont-
elles douées d'un pouvoir absorbant beaucoup plus consi-
dérable (1).
l'eau pure est évidemment absorbée
par la peau, et que dans un bain
chargé de substances minérales ou or-
ganiques, cetteintrodiiclion d'eau dans
l'économie a lieu également , mais
n'est pas toujours accompagnée d'une
absorption des substances en disso-
lution dans ce liquide, de façon qu'il
se produit un départ entre les ma-
tières unies dans le bain, et que la
peau exerce une absorption élective
sur l'un des composants du mélange,
à l'exclusion de l'autre.
M. Homolleavu aussi que, dans des
expériences endosmoliques , la peau
ne laisse passer ni le ferrocyanure de
potassium ni plusieurs autres sub-
stances en dissolution dans l'eau,
tandis que ces matières traversaient
la membrane muqueuse intestinale (a).
On connaît aussi des substances qui
sont absorbées très facilement par les
voies digestives et respiratoires, mais
ne paraissent pas traverser la peau en
quantités appréciables. Ainsi, dans des
expériences faites récemment sous la
direction de M. Funke par M. Braune,
la vapeur d'iode qui se dégageait d'un
pédiluve contenant une certaine quan-
tité de teinture alcoolique de cette
substance a suffi pour modifier la sé-
crétion salivaire, par suite de son ab-
sorption par les poumons ; mais lors-
qu'on empêcha ce dégagement à
J'aide d'une couche d'huile répandue
sur le bain, aucun symptôme ana-
logue ne se manifesta, et l'iode ne
parut pénétrer dans l'organisme, ni à
la suite d'applications de ce genre sur
la peau, ni à l'aide de frictions (6).
(1) Ainsi Magendie, dans ses expé-
riences sur l'acide cyanhydrique an-
hydre, trouva que quelques gouttes de
ce poison, déposées sur la conjonctive,
produisaient la mort presque aussi
promplement que si elles avaient été
introduites dans les voies respira-
toires (c).
Bérard a pensé que, pour expliquer
la grande rapidité avec laquelle ce
poison agit sur le système nerveux
encéphalique lorsqu'on l'applique sur
l'œil, il ne suffit pas de supposer que
la matière absorbée a été transportée
dans le torrent général de la circula-
lion et envoyé par le cœur dans toutes
les parties du système artériel ; mais
qu'il faut admettre que le sang de la
conjonctive, qui passe en majeure par-
tie par la veine ophthalmique dans le
sinus caverneux, a pu refluer de là
directement dans les veines capillaires
(a) Homollc, Expériences s^ir l'absorption par le tégument externe chez l'Homme dans le bain
{Vnion médicale, 1853, t. VII, p. 402 et suiv.).
(b) Bi-aiine, De cutis facultate jodimiresorbendi dissert, Lipsiœ, 1856 {\o\ez Archiv fur pathol.
Anat. und PhysioL, t. IX, p. 295).
(c) Mag'endie, Recherches physiologiques et cliniques sur l'emploi de l'acide prussique, pi 5,
PAR LES VOIES DIGESTlVES.
215
La muqueuse de la face interne des lèvres est plus dense Absorption
T _ par îii tunique
que la conjonctive, mais est pourvue d'un réseau de vaisseaux " muqueuse
sanguins plus riche; elle présente donc des conditions anato- canaidiirestif.
miquestrès favorables à l'exercice de la faculté absorbante dont
toutes ces membranes sont douées. Il en est à peu près de
même des tuniques muqueuses qui se trouvent dans le voisi-
nage des orifices externes des autres cavités de l'organisme,
et, dans les parties profondes de celles-ci, le tissu épithélique
change généralement de caractère pour devenir mou et facile
à imbiber. Dans l'eslomac et dans l'intestin, par exemple, les
membranes tégumentaires offrent en général ce mode d'or-
ganisation, et par conséquent la faculté absorbante s'accroît
sans égaler toutefois ce que nous avons vu dans l'appareil res-
piratoire (1) ; mais ce sont là des particularités sur lesquelles
du cerveau (a). Ce reflux me semble
peu probable; mais, du moment que
l'acide cyanhydrique serait arrivé dans
le sang des sinus de la dure-mère, ou
conçoit la possibilité de sa prompte
dispersion dans tous les liquides adja-
cents, non par le fait du transport du
sang, mais par diifusion, et, comme
la distance à parcourir est très faible,
il serait fort possible que le poison
arrivât ainsi au cerveau plus vite par
les veines ophlbalmiques et les sinus
de la base du crâne que par la circu-
lation générale, dont la rapidité est
du reste exlrèmement grande chez les
petits Mammifères , ainsi que nous
l'avons déjà constaté (6).
(1) Nous verrons, dans une pro-
chaine Leçon, qu'il existe de grandes
variations dans le degré d'épaisseur
et de densité delà couche épilhéliale
de la membrane muqueuse de l'esto-
mac chez divers Animaux, et c'est à
raison du peu de perméabilité de cette
tunique que parfois l'absorption est
beaucoup moins rapide dans cette
portion du canal alimentaire que dans
l'intestin. Un exemple de celte dispo-
sition nous est fourni par le Cheval.
Ainsi M. Bouley et CoUn ont con-
staté que si l'on injecte dans les
voies digeslives d'un de ces Animaux
30 grammes d'extrait alcoolique de
noix vomique, ou 3 ou Zi grammes de
sulfate de strychnine , la mort arrive
d'ordinaire au bout d'un quart d'heure
par suite de l'absorption du poison ;
mais si préalablement on fait la liga-
ture du pylore, de façon à empêcher
le liquide injecté par l'œsophage de
pénétrer dans l'intestin , 1 empoison-
nement n'a pas lieu, et l'on peut re-
trouver la matière toxique dans l'es-
tomac au bout de vingt-quatre heures.
(a) BérarJ, Couru de physiologie, l. II, p. C60.
{h} Tome IV, page 36'i.
316 ABSORPTION
je ne m'arrêterai pas en ce moment, car j'aurai à y revenir
lorsque je traiterai de la structure et des fonctions de l'appareil
digestif.
Absorpiion § ^ 0. — Lcs grandcs cavités du corps qui sont tapissées par
les membranes l^s tuniqucs sércuscs sout disposécs aussi d'une manière favo-
somiscs. ^^^j^j^ ^,^ j^ rapidité de l'absorption, car ces membranes sont très
minces, leur tissu est fort perméable et de nombreux vaisseaux
capillaires serpentent près de leur surface adhérente. Ces con-
ditions sont remplies de la manière la plus parfaite par la
plèvre pulmonaire ; aussi l'absorption est-elle très active dans
l'intérieur de la cavité tapissée par cette membrane, et, pour se
convaincre de ce fait, il suffit des observations pathologiques
relatives à la disparition des épanchements pleurétiques(l).
Absorption Eufin, Ic tissu conjonctif qui occupe les interstices que les
cellulaire, dlvcrs orgaucs de l'économie laissent entre eux, et qui se com-
pose, ainsi que nous l'avons déjà vu, de fibres et de lamelles
réunies comme dans un feutre, de façon à circonscrire incom-
plètement une multitude de petites lacunes ou cellules con-
fluentes, est aussi très apte à servir de voie pour l'introduction
des fluides jusque dans le torrent de la circulation, car il se
laisse imbiber très facilement ; mais là où il forme des masses
considérables, il ne loge généralement que peu de vaisseaux
L'absorption du cyanoferrure de po- les expériences de Magendie sur la
tassiiim par les parois de l'estomac rapidité comparative de l'empoison-
paraît être aussi à peu près nulle chez nement par la noix vomiqne, quand
le Cheval. Chez le Chien, le Chat, le cette substance est intiodnite tantôt
Porc et le Lapin, l'absorption paraît dans la plèvre, tantôt dans la cavité
au contraire se faire à peu près aussi du péritoine. En opérant de la sorte
activement dans l'estomac que dans sur des Lapins, il a vu que la mort
l'intestin (a). arrivait beaucoup plus vite dans le
(1) Je citerai également à ce sujet premier cas que dans le second (6).
(a) H. Bonley, Recherches ««)• l'influence que la section des nerfs pneumoijastriques exerce
sur l'absorption stomacale (Bulletin de l'Académie impériale de médecine, 1852, 1. XVII, p. (547,
774, etc.).
— Colin, Physiologie des Animaux domestiques , t. II, p. 29 et siiiv.
(a) Magendie, Leçons sur les phénomènes physiques de la vie, 1. 1, p. 29,
Pau les membranes sérel'ses. '^17
sanguins, et par conséquent, sous ce dernier rapport, il n'est
pas favorablement disposé pour l'absorption. Cependant l'expé-
rience prouve que cette fonction peut s'y exercer d'une manière
active.
D'autres tissus n'absorbent, au contraire, que fort lentement
les liquides qui sont en contact avec leur surface ; les tendons,
les aponévroses et les nerfs sont dans ce cas, et cela s'explique
par le petit nombre de vaisseaux sanguins qu'ils renferment et
par la compacité de leur substance (1).
§ 11 . — La rapidité avec laquelle l'absorption s'effectue ne influence
de l'état
dépend pas seulement des conditions anatomiques que nous derépiéiion
. . des vaisseaux.
venons de passer en revue , et parmi les autres circonstances
qui influent sur la marche de ce phénomène, je citerai en pre-
mier lieu l'état de réplétion plus ou moins grande du système
vasculaire en général, et la vitesse du courant sanguin dans les
vaisseaux de la partie par laquelle l'introduction de la matière
étrangère s'effectue.
Les expériences de Magendie et celles de mon frère William
Edwards prouvent que, toutes choses étant égales d'ailleurs,
l'absorption est activée par la diminution de la proportion des
liquides dont l'organisme est chargé, et ralentie par l'état de
plénitude du système vasculaire (2).
(1) AinsiFonlana aîrouvéqae levé- saignéecopieuserabsorptionétaittelle-
nin de la Vipère eld'aiilres poisons ne meut aclivée, que dans quelques-unes
déterminent que peu ou même point de ses expériences les symplômes de
d'effets toxiques lorsqu'on les applique l'enipoisonneinent par Tintroduclion
à la surface dénudée de diverses par- de certaines subslances vénéneuses,
ties du système nerveux (a). Des fails qui d'ordinaire ne se déclaraient qu'a-
analogues ont élé constatés par Em- près la deuxième minute, se mani-
mert, Macarlney, Millier et d'autres Testaient avant la irenlième seconde,
expérimenlateurs (6). Dans d'autres expériences, ce physio-
(2) .Magendie a vu qu'après une logiste détermina un état de pléthore
((() Fonlana, Traité sur le venin de la Vipère, t. I, p. 273 et siiiv. ; t. Il, p. H 5 et siiiv.
(b) Enimert, Einige Uemerkiingen ûber die Wirhunasart der Gifle (Meckel's Deutsches Archiv
filr die Phtjsiologie, 1815, t. I, p. 176).
— Voyez Orfila, Traité des poisons, t. II, p. 518.
— Millier, Manuel de physiologie, t. I, p. 234.
218 ABSORPTION.
Influence Nous avoiis déjà VU commeiit le degré de rapidité du cou-
des capillaires, rant circulatoire influe sur les effets de l'absorption (1), et,
d'après ce que je viens de dire au sujet des conditions physio-
logiques qui favorisent l'exercice de cette fonction, il est aisé
de concevoir comment l'action de certaines substances dites
corrosives^ sur une membrane vivante, peut opposer de grands
obstacles à l'introduction rapide de ces matières dans l'éco-
nomie. En effet, si le contact de la substance irritante pro-
voque une exsudation abondante, et surtout si ce contact déter-
mine la stase du sang dans les capillaires adjacents, ou même la
coagulation de ce liquide et des autres humeurs albumineuses
dans la partie ainsi altérée, le passage, soit d'un courant endos-
motique, soit d'un courant de diffusion dans ce point, doit être
rendu presque impossible, et, lors même que l'imbibition s'effec-
tuerait, le transport au loin de la matière imbibée ne s'opérerait
pas (2) . Cela nous expHque en partie l'utilité des caustiques pour
empêcher l'absorption des virus déposés dans les plaies (3), et
en injectant de l'eau dans les veines désorganisent instantanément les tis-
d'unChien, etil vit que les symptômes sus sur lesquels on les applique ne
de l'empoisonnement dus à l'absorp- sont pas absorbées , même à l'état
tion de la matière toxique introduite liquide : par exemple, les acides sul-
dans la plèvre se montraient beau- furique et azotique concentrés (c).
coup plus tard que d'ordinaire (a). (3) Il est bien entendu qu'en tenant
Dans les expériences de William compte de l'utilité de Teschare comme
Edwards, la quantité d'eau absorbée barrière contre l'absorption des ma-
en un temps donné a été d'autant tières vénéneuses, il ne faut pas ou-
plus grande, que l'Animal était plus blier que dans un grand nombre de
éloigné de son élat de saturation. cas le caustique agit aussi sur le poi-
Ainsi, l'absorplion se ralentissait à me- son lui-même, et le détruit ou le mo-
sure que l'expérience se prolongeait difie de façon à le rendre innocent,
davantage (6), C'est à ce double titre que la cautéri-
(1) Voyez ci-dessus, page 195. sation, soit par le fer rouge, soit par
(2) M. Ségalas a constaté expéri- l'application du beurre d'antimoine
mentalement que les substances qui ou toute autre substance analogue, est
(a) Magendie, Mém. sur le mécanisme de l'absorption {Journal de physiologie, -1821, t. I, p, 4).
(6) W. Edwards, De l'influence des agents physiques sur la vie, p. 99.
(e) Ségalas, mtesur quelques points de physiologie (Journal de physiologie de Magendie, ^824,
t. IV, p. 287).
INFLUENCE DE l'aCTION NERVEUSE. 219
le mode d'action- de cerlains poisons qui produisent la mort
plus promptement quand ils sont délayés dans une grande
quantité d'eau que lorsqu'ils sont concentrés, circonstance qui
se remarque quand l'acide oxalique est introduit dans l'esto-
mac (1).
§ 12. — Il me paraît évident que la puissance absorbante
des diverses parties de l'économie animale est soumise aussi à
l'influence d'une force physiologique dont le mode d'action
n'est pas connu, mais dont les effets sont souvent bien mani-
festes : savoir, la force nerveuse.
Ainsi, dans beaucoup de cas, on a remarqué que les matières
étrangères en contact avec les parois de l'estomac arrivaient
moins promptement dans le torrent de la circulation quand les
principaux nerfs de ce viscère avaient été coupés que lorsque
ces derniers organes remplissaient leurs fonctions d'une ma-
nière normale (2). Il est possible que ce retard soit dû seule-
Influence
de l'aolion
nerveuse.
si Utile dans les cas de morsure par
un Ciiien enragé ou par un Serpent
venimeux.
(1) Celte parlicularité remarquable
dans les elTets toxiques de l'acide
oxalique a tHé parfaitement établie
par les observations et les expériences
de MM. Christison et Coindet. Admi-
nistré en dissolution très concentrée,
cette substance détermine la mort en
corrodant les tuniques de Testomac,
et n'est absorbée que lentement, tan-
dis que, étendue de beaucoup d'eau,
elle n'agit pas notablement sur les
parois de ce viscère , mais, étant ab-
sorbée rapidement, elle exerce sur le
système nerveux une influence toxique
qui produit promptement la mort (a).
M. Miahle a montré qu'il faut bien
se garder de négliger l'action coagu-
lante ou fluidifiante des agents toxi-
ques sur les tissus ou les liquides de
l'économie animale, quand on veut
se rendre compte des symptômes et
de la marche de l'empoisonnement
produit par l'absorption de ces ma-
tières (6).
(2) MM. Christison et Coindet, en
faisant des expériences sur les effets
toxiques de l'acide oxalique, ont re-
marqué que les symptômes dus à
l'absorption de ce poison par l'esto-
mac se déclaraient moins prompte-
ment quand les nerfs pneumogastri-
(a) Christison et Coindet, An Expérimental Inqidry on Poisoning by Oxalic Acid {Edinburgh
Med. and surg. Review, 1823, t. XIX, p. 165), ou Mémoire sur ïempoisonneinent par l'acide
oxalique [Arch. gén. de méd., 1823, t. I, p. 574 et suiv.).
(6) Miallie, Chimie appliquée à la physiologie et à la thérapeutique, p. 201.
2^0 ABSORPTION.
ment au trouble que la section des nerfs détermine dans la
circulation capillaire; mais, en présence d'un résultat pareil,
l'esprit se reporte nécessairement aux phénomènes dont nous
avons déjà été témoins lorsque nous avons vu l'influence que
le galvanisme exerce sur les courants endosmotiques. Nous
avons vu alors ces courants devenir plus rapides ou plus lents,
suivant qu'on faisait intervenir ou non l'électricité, et nous
avons pu constater que cet agent rend parfois les membranes
perméables à des substances que d'ordinaire elles se refusent
à admettre dans leur intérieur (1). H est aussi à noter que l'in-
fluence d'un courant galvanique paraît favoriser la production
ques avait^nt été coupés que dans les
cas ordinaires (a). M. Longet a ob-
tenu lin résultat analogue en admi-
nistrant comparativement, soit de Ta-
zotatede strychnine, soilderémélique,
à des Chiens dont les pneumogastri-
ques élaient intacts chez les uns et
coupés chez les autres (b). M. Gollard
(de Marligny) a vu que l'empoison-
nement par imbibition, déterminé par
Tinlroduction d'une certaine quantité
de noix vomique dans la patte, chez
des Chiens où la circulation était in-
terrompue dans ce membre par la
ligature des vaisseaux sanguins, était
retardée par la section des nerfs (c).
Mais les effets dont je viens de parler
ne se manifestèrent pas toujours, et
quelques physiologistes n'en ont ob-
servé aucune trace (rf). Il est presque
superflud'ajouler que Dupuy etM.Bra-
chet se sont évidemment trompés
quand ils ont cru constater que la sec-
tion des pneumogastriques empêchait
l'absorption de la noix vomique par
l'estomac (e). Le fait de l'empoisonne-
ment après cette section a été constaté
bien des lois, non-seulement par des
expériences faites avec cette sub-
stance if), mais à la suite de l'admi-
nistration de l'opium et de plusieurs
autres matières toxiques. AI. Brodie
a constaté aussi que la section de tous
les nerfs de la patte chez le Lapin
n'empêche pas l'animal d'être empoi-
sonné par suite de l'absorption du
woorara (ou curare) déposé dans le
tissu sous -cutané, à l'extrémité du
membre ainsi paralysé {g).
(1) Voyez ci-dessus, page 168.
(a) Clirislison etCoindcl, Op. cit. {Edinb. med. andsury. Journal, 1823, t. XIX, p. 103).
(b) Long:et, Anatomie et physiologie du système nerveux, t. II, p. 347.
(c) Collard (île Martigny), Rech. expérim. et critiqiies pour servir à l'histoire de l'absorplion
(Nouv. Bibliolh. médicale, t. lit, p. 25 et 26).
(d) Millier, Manuel de physiologie, t. 1, p. 407.
— Paiiizza, DeWassorbimento venoso (Mem. deW IstUulo Lombardo, 1843, t. I, p. 178).
— Bouley, Op. cit. (Bulleiin de l'Acad. dcméd., 1855, t. XVII, p. 047).
{e) Brachei, Hechei'ches expérimentales sur te système nerveux, p. 220.
(/■) Longet, Traité de physiologie, t. 1,2° partie, p. 379.
(g) Brodie, Exper. and Observ. on Ihe différent Modes in Which Death is prodticed by certain
Yegetable Poisons (Ptiilos. Trans., 181 1 , el Physiological Experiments, p. 05).
IMFLLÎEiNCE DE L'ACTlOrs INEKVEIJSE. -i2 1
des phénomènes d'imbibition chez les Animaux vivants aussi
bien que dans les vases inertes (1). Ces actions sont trop mal
connues pour que je puisse en tirer des lumières utiles à l'étude
de la question dont nous nous occupons en ce moment; mais
il y a souvent tant de ressemblance entre les effets produits -
par la force nerveuse et par l'électricité, qu'il y aurait intérêt
à examiner plus attentivement qu'on ne le foit encore le rôle
de ce dernier agent comme modificateur des phénomènes
d'absorption (2).
(1) Foderà a vu que s'il injectait
une dissolution de cyanoferrure de
potassium dans la vessie d'un Chien
vivant, et une dissolution de sulfate
de fer dans la cavité péritonéale du
même animal , les tissus intermé-
diaires s'iml3il)aient de ces liquides et
se coloraient par suite du précipité de
bleu de Prusse résultant de la réaction
de ceux-ci; mais que dans les circon-
stances ordinaires ce résultat ne s'ob-
tenait qu'au bout d'une demi-heure ou
davantage, tandis qu'il se produisait
en quelques secondes quand il faisait
passer un courant galvanique de l'un
de ces liquides à l'autre (a).
(2) Quelques physiologistes ont
pensé que la paralysie des parois des
vaisseaux lymphatiques par l'action
de certains poisons narcotico-àcres et
autres était la cause de la lenteur avec
laquelle l'absorption s'effectue parfois.
Dans des expériences faites il y a en-
viron quarante ans par Emmert, l'in-
terruption de la circulation sanguine
déterminée dans le train de derrière
d'un Animal parla ligature de l'aorte
ventrale a paru empêcher l'absorp-
tion des poisons végétaux dans les
membres postérieurs, et ne pas influer
de la même manière sur le passage
de matières salines telles que le cyano-
ferrure de potassium jusque dans le
torrent de la circulation, dans les par-
ties situées au-dessus de la ligature (6).
La non-absorption de divers poisons
qui agissent sur le système nerveux
avait été observée aussi dans des cir-
constances analogues par Schnell et
par Schabell, ainsi que par M. Kiirs-
chner (c), et M. Henle a cru pouvoir
expliquer ce phénomène en attribuant
à ces substances une action paraly-
sante sur les parois des lymphatiques
qui constituaient les seules voies de-
meurées libres pour le passage des
matières étrangères {cl). Celte opinion
fut corroborée par les expériences de
M. Behr. Celui-ci, après avoir prati-
qué la ligature de l'aorte abdominale.
(a) l"oil3rà, Rtcherches expérimentales sur l'absorption et l'exhalation, 1824, |i. 2-2.
(6) Emmert, Einige Bemerkungen iiber dis Wirkumjsart und chemische ZusammensetX:Unij
der Clfte (Meckel's Deutsihes Arcliiv fiir die Physiologie, 1815, t. I, p. 176).
(c) Sclinell, Dissert, inaug. slstens historiam veneni upas antiav. Tubingen, 1815.
— Schahel, De effectibus veneni radicis Veratri albi et Hellebori nigri. Tubingen, 1815.
— Km-schiier, art. Aufsaugung (Wajnoi-'s Handworterbuch der Physiologie, t. I, p. 46J.
(d) Hcnlo, Traité d'anatomie générale, t. Il, p. 101.
222
ABSORPTION.
Influence § 13. — D'après 06 que nous savons déjà touchant la nature
%ysiî"ef ' et le jeu des forces dont dépend l'osmose, et d'après l'impor-
des ^fluides i^j^çg ^^^ y^\q q^g j^qus voyons jouer par ce phénomène dans
leur absorption, j^ jnécanlsmc dc l'absorptiou physiologique, nous pouvons pré-
voir que les premières conditions requises pour qu'une sub-
stance étrangère arrive rapidement de l'extérieur de l'organisme
dans le torrent de la circulation, sont que cette substance soit à
l'état fluide, et soit apte, sous cette forme, à mouiller les tissus
qu'elle doit traverser, ou miscible aux humeurs dont ces tissus
sont imprégnés. Ainsi de l'eau injectée dans la cavité du péri-
introdiiisit sous la peau de la patle
postérieure , d'un côté du corps le
poison , et de Taiitre côté le cyano-
feriure; cette dernière substance se
montra bientôt dans l'urine , et par
conséquent elle avait été absorbée,
tandis qu'il ne se manifesta aucun
symptôme d'empoisonnement ; d'où
l'on pouvait conclure que le poison
n'avait pas été absorbé ou avait été
altéré dans les vaisseaux lymphati-
ques. Puis, dans une autre expérience
comparative, la circulation étant in-
terrompue de la même manière, les
deux substances furent déposées dans
la même plaie, et il n'y eut alors ab-
sorption appréciable ni de l'une ni de
l'autre (a) ; mais M. Bischolf, ayant re-
pris cette question, constata que si l'ab-
sorption est extrêmement lente dans
ces conditions, elle n'est pas complète-
ment arrêtée, et, au bout d'un certain
temps, il a presque toujours vu les
symptômes d'empoisonnement se ma-
nifester aussi bien que le transport du
cyanoferrure s'etTectuer jusque dans
l'appareil urinaire {b). M. Dusch a fait
diverses expériences dont les résultats
étaient favorables à l'hypothèse de
M. Henle (c). Cependant d'autres re-
cherches, dues à M. Bischoff et à
!\1. Ludwig, ne purent laisser aucune
incertitude sur la possibilité de l'ab-
sorption des poisons végétaux, tels que
la strychnine, dans des parties oii la
circulation était arrêtée (ci) ; et il pa-
raît résulter seulement des faits con-
statés par M. Henle et les autres
physiologistes cités ci-dessus, que l'in-
troduction des matières étrangères
dans les tissus vivants, ou leur trans-
port au loin dans l'économie est ra-
lenti par l'action locale des substances
toxiques en question; mais rien ne
me semble prouver que ce ralentisse-
ment soit dû à une paralysie des vais-
seaux lymphatiques, et je l'attribuerai
plutôt à l'immobilité du membre.
{a) Behr, Ueher das Ausschliessungsvermogen der Lymphgefdsse bei Résorption (Zeitschrift.fûr
rationelle Medicin, 1844, t. I, p. 35).
(6) Bischoff, Ueber die Résorption der narkotischen Gifte durch die Lymphgefdsse {Zeitschrift
fur rationelle Medicin, 1846, t. IV, p. 62).
(c) Dusch, Versuche ûber das Verhalten der Lymphgefdsse gegen die narkotischen Gifte
{Zeitschrift fur rationelle Medicin, 1846, t. IV, p. 368).
[d] Bischoff, Noch ein Wort ûber die Aufnahme der narkotischen Gifte durch die Lymphgefdsse
{Zeitschrift fur rationelle Medicin, 184-6, t. V, p. 293).
— Henle, Anmerkung %ur vorstehenden Abhandlung {Zeitschrift fur rationelle Medicin, t. V,
p. 306).
INFLUENCE DES PROPRIÉTÉS PHYSIQUES DES LIQUIDES. 22o
toine d'un Animal vivant est promptement absorbée , tandis
que de l'huile, liquide qui ne contracte pas d'adhérence avec la
surface de cette membrane séreuse, peut y séjourner fort long-
temps sans diminuer notablement de volume (1).
îl est aussi à noter que la pénétration des matières crasses Absorption
'^ '- _ des matières
dans les passages capillaires des membranes animales peut être s^'^^ses.
beaucoup aidée par la présence de certaines humeurs dont le
tissu de ces membranes serait préalablement imbibé. Nous
avons déjà vu que l'attraction adhésive exercée par l'eau sur
l'huile est considérablement augmentée quand le premier de
ces liquides est chargé d'une petite quantité de soude ou de
potasse (2); et par conséquent lorsqu'une substance perméable,
au lieu d'être mouillée par de l'eau, est imbibée d'un liquide
alcalin, l'action capillaire, au lieu d'être un obstacle à l'entrée
de la matière grasse, peut appeler celle-ci dans les cavités
interstitielles de ce corps. Ainsi la force nécessaire pour faire
filtrer de l'huile à travers une membrane animale diminue
beaucoup quand celle-ci est imprégnée de bile (3j, et j'insiste
sur cette circonstance parce que nous verrons bientôt que
la nature emploie ce procédé pour faciliter l'absorption des ma-
tières grasses dans l'appareil digestif.
Du reste, les matières qui ne sont susceptibles d'adhérer
(1) M. Ségalasa vu que de l'huile in- qu'en très petite quantité par la sur-
jectée dans la cavité abdominale d'un face péritonéale ; ils ont trouvé ce-
Chien s'y retrouve huit ou dix jours pendant des traces du passage de
après sans avoir subi de diminution ce liquide par les vaisseaux lympha-
appréciable, mais que la présence de tiques adjacents (6).
ce liqtiide détermine une inflamma- (2) Voyez ci-dessus, page 77.
lion vive du péritoine (a). Emmert (3) Ce fait a été constaté expéri-
et Hôring avaient fait précédemment mentalement par M. Wistingshausen
des expériences analogues, et avaient et par M. Hoffmann, en opérant sur
vu aussi que l'huile n'est absorbée des morceaux de muqueuse intesti-
(a) Ségalas, Note sur quelques points de physiologie {Journal de physiologie de Magendie, 1824,
t. IV, p. 286).
(b) Emmert und Hôriiig, Ueber die Yeranderungen, luelche einige Stoffe in dem Kôrper souiohl
hervorbringen als erleiden, wenn sie in die Bauchhôhle lébender Thiere gebracht werden
(Meckel's Deutsches Archiv fur die Physiol., 1818, t. IV, p. 522).
92/1. ABSOlil>T!OA'.
ni à la substance des tissus organiques, ni aux liquides dont ces
tissus sont enduits, ne sont pas nécessairement exclues de l'éco-
nomie animale; elles n'y ont que difficilement accès, mais
leur absorption peut avoir lieu dans certaines circonstances, et
paraît pouvoir être déterminée de deux manières : tantôt par
l'action mécanique d'un courant endosmotique, quand ce cou-
rant est rapide, que les matières solides ou non miscibles sont
tenues en suspension dans le liquide par lequel ce courant est
constitué, s'y trouvent dans un état de grande division, enfin
que les voies capillaires à parcourir sont larges; d'autres fois,
nale ou de vessie de divers Mammi-
fères , et en employant lanlôl des
alcalis purs, tantôt de la bile (a). L'al-
calinité des sucs intestinaux exerce
aussi beaucoup d'influence sur l'ab-
sorption des matières albuminoïdes (6),
ainsi que nous le verrons quand nous
nous occuperons de la digestion.
M. Malleucci a fait aussi quelques
expériences sur l'influence que les
alcalis exercent sur la perméabilité
des membranes animales pour les
corps gras. Ayant préparé une solu-
tion de ls',30 de potasse caustique
dans 300 grammes d'eau, il employa
une partie de cette liqueur à former
avec de l'huile d'ol.ve une émulsion
d'aspect lactescent qu'il renferma dans
un morceau d'intestin; puis il plon-
gea celui-ci dans un bain formé par
la même eau légèrement alcalinisée
de la sorte, et il reconnut bientôt, par
le trouble produit dans ce dernier
liquide, qu'une portion de la matière
grasse s'y était répandue. Dans une
autre expérience, l'endosmomètre fut
chargé d'eau légèrement alcalinisée
et plongé dans l'émulsion dont il vient
d'être question ; bientôt il y eut en-
dosmose , et l'émulsion pénétra dans
la solution alcaline. Enfin, dans une
troisième expérience , deux enton-
noirs fiuent remplis avec du sable
également tassé : sur l'un on versa
de l'eau, et sur l'autre une dissolu-
tion alcaline ; puis , lorsque ces li-
quides s'étaient écoulés , on déposa
sur chacun des deux filtres ainsi
constitués une même quantité d'huile,
et l'on vit que sur le sable mouillé
par la dissohuion alcaline ce corps
gras disparaissait promptement par
suite de son imbibition , tandis que
dans l'autre entonnoir il resta plu-
sieurs heures sans pénétrer dans la
substance poreuse sur laquelle il re-
posait (c).
(a) Wistingsliausen, Endosmollscke Versuche iiber die Wii'kung. der Galle bei der Absorption
der Fetêe. (Dissert, iiiaui;.). Dorpat, 1851.
' — C.-E. HolTuiami, Ueber die Aufaahme von Queciisilber und die h'elle in den Kreislaiif.
Wiirlzburg, 1854 (CanslaU's Jahreabei'., 4855, p. 80).
(b) Fuiilic, Ueber das endosmotische Verlialten (Vircliow's ArcMv fur Anal, und PhysioL, 1858,
t. Xm, p. 449).
(c) Matlcucci, Leçons sur les phénomènes physiques de la vie, p. 105.
iNFLUENCË DES PROPRIÉTÉS PHYSIQUES DES LIQUIDES. 225
lorsque, étant également sous la forme de particules très me-
nues, ces matières sont poussées dans les cavités interstitielles
des tissus absorbants par une pression extérieure.
Ainsi, les liquides qui ne sont pas aptes à mouiller une mem- influence
brane organique, c'est-à-dire à adhérer à sa substance, peuvent de divuL
cependant la traverser sous l'influence d'une pression plus ou "^''"Jlf""^^*
moins considérable. Par exemple, le mercure comprimé dans ^""^^ ^°''p^"'"-
une pochette de peau de chamois traverse cette membrane et
se répand au dehors sous la forme de très petites gouttelettes.
L'huile filtre aussi à travers un morceau de vessie, mais la
force nécessaire pour déterminer ce mouvement est beaucoup
plus considérable que celle employée pour effectuer le passage
de l'eau ou d'une dissolution sahne (1). Du resle, cela se con-
çoit facilement ; car pour séparer de la masse d'un de ces
liquides les filets capillaires d'une ténuité extrême qui doivent
s'engager dans les cavités interstitielles du tissu et traverser
ces passages, il faut vaincre, non-seulement les frottements
développés par ce mouvement, mais aussi la force de cohésion
en vertu de laquelle ces liquides résistent à l'attraction exercée
par la substance de ce tissu et ne le mouillent pas. On voit donc
que les obstacles à surmonter diminueraient beaucoup si les
particules de ces liquides, au lieu d'adhérer entre elles, étaient
isolées préalablement de façon à ne constituer que des petites
masses d'un volume approprié au diamètre des passages à tra-
(1) Ainsi, dans les expériences de cuie pour oljlcnir le même effet avec
M. Cinia sur la fiUration forcée des une dissolution concentrée de sel
liquides à travers les membranes commun , l'huile extraite des os ne
animales , nous voyons que dans les passait que sous une pression de
circonstances où une pression de 3/i pouces de mercure. En opérant
12 pouces de mercure déterminait la sur le péritoine du Bœuf, les diffé-
transsudation de l'eau au travers d'un rences étaient encore plus considé-
niorceau de vessie, et où il fallait une rablcs (crj.
pression de 18 à 20 pouces de mer-
fa) Cima, Sull'evapora&ione e la Iransuda&ione dei Uqiiidi attraverso le membrane animali
(Mémoires de l'Académie de Turin, 2' série, 1853, t. XllI, p. 279).
V. 15
226 ABSORPTION.
verser. Or, celte condition est toujours plus ou moins facile à
réaliser au moyen de l'émulsionnement.
Nous avons vu que lorsque deux globules liquides homogènes
viennent à se rencontrer, ils tendent à se confondre et à ne
former qu'une seule masse arrondie (1); mais quand la sur-
face de ces globules est revêtue d'une couche mince d'une autre
matière, l'attraction moléculaire, qui ne produit des effets appré-
ciables qu'à des distances insensibles, ne peut plus déterminer
ce rapprochement, et les petites masses de liquides tenues ainsi
à distance par une substance intermédiaire conservent leur
individualité. Cet effet se produit d'autant plus lîicilement que
les liquides hétérogènes en présence, sans être miscibles, sont
plus aptes à adhérer entre eux, et c'est de la sorte qu'en agitant
de l'huile dans un liquide albumineux, on divise peu à peu la
matière grasse en une multitude de globules qui restent distincts,
et qui deviennent de plus en plus petits à mesure que l'opé-
ration est poussée plus loin. Ce sont ces mélanges intimes de
liquides non miscibles que l'on désigne sous le nom (Vémul-
sions, et l'on conçoit que si le fractionnement de l'huile a été
porté assez loin pour que le diamètre de chacun des globules
microscopiques formé par cette substance soit inférieur au
calibre du conduit où le liquide circonvoisin est appelé par
le jeu des forces osmotiques, ces corpuscules pourront être
charriés par le courant , tout comme le sont les particules
de matières hétérogènes tenues en dissolution dans le même
véhicule.
Ainsi, en définitive, la condition essentielle pour qu'une
substance étrangère à l'organisme soit absorbable, c'est un état
de division ou de mobilité moléculaire suffisante, et cet état
peut être le résultat d'un fractionnement mécanique aussi bien
que de l'état de fluidité.
Pour montrer l'intluence que l'état de division d'un corps
(1) Voyez ci -dessus, page 9[\.
INFLUENCE DES PROPRIÉTÉS PHYSIQUES DES LIQUIDES. ^1^1
non miscible, soit aux liquides qui baignent une membrane, soit
à ceux dont le tissu de celle-ci est imprégné, peut avoir sur les
produits de l'endosmose, je citerai les expériences suivantes,
dues à M. Morin (de Genève). Si l'on prend pour cloison osmo-
tique la portion du placenta d'un Ruminant où se trouvent les
cotylédons, et si l'on charge successivement l'endosmomètre
avec divers liquides tenant en suspension des matières grasses,
on voit que tantôt ces matières ne passent pas avec les autres
substances en dissolution dans les liquides qui leur servent de
menstrue, mais que d'autres fois elles traversent la membrane,
et que cela a Heu quand elles sont émulsionnées d'une manière
très parfaite. Ainsi, dans ces expériences, les globules de
beurre en suspension dans le lait étaient retenus par la mem-
brane, tandis que les matières grasses émulsionnées dans le
jaune d'œuf, bien divisées dans l'eau, traversaient la cloison
osmotique (1).
Des différences analogues s'observent dans l'économie ani-
male. Ainsi, quand de l'huile, dans son état ordinaire, est em-
prisonnée dans une anse intestinale, le volume de ce liquide
ne change que très lentement, tandis qu'il disparaît prompte-
ment s'il a été préalablement émulsionné (2).
La connaissance des voies par lesquelles ce transport s'ef- Mode
fectue a été beaucoup avancée par les observations microsco- jéf mSeT
piques faites depuis quelques années sur certaines partie.-; de la
(1) Ainsi que nous le verrons bien- le courant qui les charriait devenait
lot, M. Morin a trouvé aussi que le plus rapide (a).
transport des particules de matières (2) Cette expérience a été faite d'une
grasses tenues en suspension dans un m;>nière comparative par M. Don-
liquide était d'autant plus facile, que ders (6) et par M. Jcannel (c).
(a) Morin, Nouvelles expériences sur la perméabilité des vases poreux et des membranes des-
séchées par les substances nutritives [Mém. de la Société de physique et d'histoire naturelle de
Genève, 1854, t. Xlll, p. 255 et 258).
(6) Doiiders, Ueber die Aufsaugung von Fett in dem Darmkanal (Molescliotl's Uatersuchungen
zur Naturlehre des Menschens und der Thiere, t. II, p. 103j.
(c) Juaniiel, Recherches sur l'absorption et V assimilat'ion des huiles grasses émulsionnées
(Comptes rendus de VAcad. des sciences, 1859, t. XLVIII, p. 581),
grasses.
t228 ABSORPTION.
tunique muqueuse de l'intestin pendant que l'absorption des
produits de la digestion est très active. En étudiant ainsi les
viilosités qui garnissent cette membrane, MM. Dclafond et Gruby
ont pu constater que les globulins de graisse pénètrent d'abord
dans l'intérieur des cellules cylindriques dont se compose le
revêtement épithélique de ces filaments perméables, et que ces
corpuscules traversent ensuite la substance amorpbe située
entre l'épithélium et les cavités adjacentes qui constituent, soit
les racines des lymphatiques, soit le réseau capillaire sanguin (1).
L'entrée des particules graisseuses dans la cavité de ces cellules
épithéliales a été observée plus récemment par un grand nombre
de micrographes, et ne peut être révoquée en doute; mais
nous ne savons pas encore d'une manière bien précise com-
(1,) Le fait de la pénétration de chaque cellule de l'épithélium des
particules graisseuses de la cavité de viilosités comme étant un organe
l'intestin dans l'intérieur des cellules chargé de recevoir dans son intérieur
épilhéliques des viilosités fulaperçu en les molécules graisseuses qui consti-
18/i2 par M, Goodsir (d'Edimbourg) ; tuent le chyle, et de les transmettre,
mais ce physiologiste distingué croyait par son extrémité effilée au tissu
que, dans l'acte de l'absorption, ces spongieux dans lequel est creusée la
appendices spongieux se dépouillaient cavité radiculaire du vaisseau lym-
de leur tunique épithéliale, et que les phatique correspondant. Les parti-
matières étrangères n'avaient qu'à cules de graisse logées de la sorte
traverser les tissus sous-jacenls pour dans les cellules épithéliales avaient
arriver dans le canal lymphatique de -p^ à ,-^„ de millimètre de dia-
creusé au centre de chaque villo- mèlre, et se voyaient chez les Ilerbi-
sité (a). vores aussi bien que chez les Carnas-
En 18Zi3, MM. Gruby et Delafond siers (6). Plus récemment, l'entrée de
décrivirent ce phénomène d'une ma- petites gouttelettes de graisse dans ces
nière plus exacte, et en comprirent cellulesa été constatée par M. Kflliker,
mieux la signification. Ils regardèrent M. Briicke et plusieurs autres.
(«) Goodsir, Structure and Functions of the Intestinal villi {Edinburgh Philosoph. Journal,
1842, et Anal, and Pathol. Observ., in-8, 1847, p. 6).
(b) (iruby et Delafond, Résultats de recherches faites sur l'anatomie et les fonctions des viilo-
sités intestinales, l'absorption, etc. {Comptes rendus de l'Académie des sciences, 1843, t. XVI,
p. 1194).
• — Briicke, Ueberdie Chylusgefdsse und die Résorption des Chijlus (Mém. de l'Acad. de Vienne,
1854, t. \:J, p. 99).
— Kolliker, Einige Bemerkimgen ûber die Résorption des Fettes in Darm {Yerhandl. der
Phys.-Med. Gesellscliaft in Wûrzbtirg, 1856, t. VII, p. 174).
INFLUENCE DES PROPRIÉTÉS PHYSIQUES DES LIQUIDES. 229
ment cette introduction s'opère. Il existe, à la surface libre des
cylindres épithéliaux des villosités, une couche assez épaisse
de substance albuminoïde qui en ferme l'entrée, et qui constitue
ce que les anatomistes appellent quelquefois le bourrelet de ces
cellules. M. Kôlliker et quelques autres micrographes pensent
qu'elle est formée par la paroi solide de l'utricule, et que cette
lame membraneuse est percée de pores ou lacunes, d'une ténuité
extrême, qui livrent passage aux graisses, et qui se laissent
même apercevoir sous l'apparence de stries perpendiculaires.
M. Brùcke la considère comme étant constituée par une matière
molle, élastique et glutineuse, qui serait comparable à la sub-
stance sarcodique des Animalcules les plus simples, et qui se
laisserait traverser par les particules étrangères sans offrir, pour
les recevoir, aucun passage préétabli (1). Je suis très disposé à
(1) Ainsi que nous le verrons plus ont considéré ce couvercle comme
en détail par la suite, la tunique épi- étant pourvu d'une ouverture cen-
théliale qui revêt la membrane mu- traie, diialalile et contractile, qui livre-
queuse de l'intestin se compose d'une rait passage aux particules de matières
couclie unique d'organites de forme grasses dont l'absorption est en voie
cylindrique ou conique, disposés pa- de s'accomplir [b).
rallèlement entre eux et soudés côte Cet orifice ne paraît pas exister, et
cl côte, de façon à être libres par M. Kôlliker a remarqué, dans l'épais-
une de leurs extrémités et à adhérer seur du bourrelet ou couvercle de
aux tissus sous-jacents par le i}out ces cellules, un grand nombre de stries
opposé, qui est toujours plus ou moins parallèles d'une finesse extrême et
aminci (a). L'intérieur de chaque cy- perpendiculaires à la surface libre de
lindre ou cellule est occupé par un la lame membraniforme ainsi consti-
noyau clair entouré d'une substance tuée. Il pense que ces lignes corres-
albuminoïde, et son extrémité libre pondent à autant de pores linéaires
est constituée par une sorte de cou- ou de passages conduisant de l'exté-
vercle assez épais qui est garni de rieur dans l'intérieur de l'utricule (c);
cils vibratiles. MM. Delafond et Gruby mais il résulte des recherches plus
(a) Henle, Symbolai ad anatomiam villorum inteslinaliuni, 1837, et Traité d'anatomie géné-
rale, X.l, p. 244, pi. i, ûg. 8.
(6) Delafond et Gruby, Résultats de rrxherches faites sur l'anatomie et les fonctions des villo-
sités intestinales, V absorption, etc. {Comptes rendus de l'Académie des sciences, 1843, t. XVI,
p. 1195).
(c) Kôlliker, Nachweis eines besonderen Baues der Gylinderzellen des Dûnndarmes der aur
Fettresorption in Bezug Ȕt stehenscheint (Verliandl. der Physikalisch-Med. Gesellschaft in
Wûrzbîirg, 1855, t. VI, p. 253), et Éléments d'histologie, p. 459.
^50 ABSORPTION.
croire que celte dernière opinion est l'expression de la vérité;
mais, dans l'état actuel de la science, la question ne me semble
pas pouvoir être tranchée , et par conséquent je ne la discuterai
pas en ce moment ; j'aurai d'ailleurs à y revenir quand je
traiterai d'une manière spéciale des actes complémentaires
de la fonction digeslive.
La pénétration des matières grasses dans l'intérieur des
cellules épithéliales ne se voit pas seulement à la surface des
villosités intestinales ; elle a été reconnue dans d'autres parties
du corps, et il est probable que c'est en passant par cette voie,
plutôt qu'en s'insinuant entre les utricules constitutives des tissus
épithéliques, que les liquides traversent en général la couche
récentes de MM. BreUauer et Steinach
que ces stries sont dues à une autre
disposition ; que le couvercle se com-
pose principalement d'un agrégat de
petits corpuscules filiformes ou bâton-
nets, qui ne sont probablement autre
chose que les cils vibraliles aperçus il
y a quinze ans par MM. Gruby et
Delafond, et observés plus récem-
ment par M. Funke ; que les lignes
parallèles décrites par M. Kôlliker
seraient dues, non à des pores, mais
à ces cils ou bâtonnets accolés les
uns aux autres, et que l'ensemble
formé par ceux-ci adhérerait au con-
tenu de la cellule sous-jacente bien
plus qu'aux parois latérales de cette
utricule (a).
Les observations de ces derniers
physiologistes sont par conséquent
favorables à l'opinion de M. Briicke (6),
et me portent à concevoir le phéno-
mène de l'absorption de la graisse
comme. s'effectuant de la manière sui-
vante. Les particules graisseuses dans
un état de division extrême s'engage-
raient entre les filaments constitutifs
de l'espèce de pinceau qui forme la
majeure partie du bourrelet ou cou-
vercle de la cellule, et rencontreraient
au-dessous une couche membrani-
forme de matière sarcodique qui se-
rait en continuité latéralement avec
la portion solide des parois de l'orga-
nite cylindrique, mais qui, n'étant pas
consolidée au même degré, céderait
sous la pression de ces particules et
les laisseraient passer jusque, dans
l'intérieur de la niasse albuminoïde
logée dans la cavité de celte cellule,
puis reviendrait sur elle-même et re-
prendrait sa forme primitive, ainsi
que cela se voit à la surface du corps
chez les Amibes et autres animalcules
du groupe des Sarcodaires, dont il sera
question dans la kl' Leçon.
(a) Breltauer et Steinach, Untersuchungen ûber das Cylinderepithelium der Darmzotten und
seine Be%iehung %ur Fettresorptioii {Sitxunosber. der Wiener Acad., 1857, t. XXllI, p. 303,
fig. 1-3).
(6) Briicke, Op. cit. (Denkschriften der Wiener Akad. der Wissensclmft.. 1854, t. VI, p. 99j.
INFLUENCE DES PROPRIÉTÉS PHYSIQUES DES LIQL'IDES. 231
formée par ceux-ci à la surface libre des membranes et arrivent
dans les aréoles des tissus sous-jacents (1). Mais on voi que pour
expliquer le mécanisme de cette transmission de l'utricule épi-
thélique aux parties voisines , il existe les mêmes difficultés
qu'au sujet du mode d'entrée des matières étrangères dans ces
cellules , et qu'à moins de supposer que celles-ci soient per-
cées de pores à leur paroi interne aussi bien qu'à leur sur-
face libre, on ne se rend bien compte du phénomène qu'en
adoptant l'hypothèse de M. Briicko et en admettant que la sub-
stance constitutive de ces parois est une matière sarcodique qui
ne se serait consolidée en forme de lame solide que latérale-
ment dans ses points de jonction avec ses semblables, et serait
restée à l'état semi-fluide aux deux pôles de l'utricule, tandis
que dans d'autres régions du corps , à la surface de la peau,
par exemple , cette consolidation se serait effectuée dans toute
l'étendue des parois des cellules épidiéliales (2).
(1) M. Viiclîow a constaté la péné- d'un sphéroïde, et il en conclut qu'elles
tration des matières grasses dans les doivent être limitées de tous les côtés
cellules épithéliales qui teipissent la par une paroi membraneuse (cy ; mais
vésicule biliaire (a) , et M. KoUiker a ces modifications ne me semblent pas
observé le même fait dans l'estomac incompatibles avec le mode de struc-
chez divers petits Mammifères à la ture indiqué ci-dessus, car le gonfle-
mamelle (6). ment peut être déterminé par la lur-
(2) M. Donders, qui partage l'opi- gescence de la matière albuminoïde
nion de M. Kôlliker, relativement à la logée dans l'intérieur de la cellule,
structure des cellules épithéliales des tout aussi bien que par la distension
villosités , oppose à l'hypothèse de directe des parois de celle-ci.
M. Brucke le fait du gonflement de Je dois ajouter que ce physiologiste,
ces utricules en présence de l'eau ou de même que M. Kulliker, a vu d^:s
d'une dissolution saline faible. Par traces de la présence de particules
reflet de cette turgescence , ces utri- graisseuses dans l'épaisseur même de
cules peuvent acquérir même la forme la couche superficielle de matière qui
(a) Virchow, Ueber das EpitheL der Gallenhlase, und ûber einen intermediâreii Sloffwechsel
des Fettes {Archiv fur pathol. Anat. und PhysioL, 1857, t. XI, p. 574).
(6) Kôlliker, Eiiiige Bemerkungen ûber die Résorption des Feltes im Darm {Yerhandl. der
phys.-med. Gesellschaft in Wilrxburg, 1856, t. Vit, p. 174). •
(c) Donders, Op. cit. (Moleschott's Untersuch. xur Nalurle'iire des Menschen und der Thiere,
1857, t. 11, p. 110).
232 ABSORPTION.
Aiwpiion § IZi. — Les graisses liquides ne sont pas les seules siib-
ilu mercure. . ., , ' , in
stances non miscibles aux nunfieurs de 1 organisme qui sont
susceptibles de pénétrer à travers les tissus vivants, et d'ar-
river jusque dans le torrent de la circulation. Ainsi la pra-
tique médicale nous a appris depuis longtemps que cer-
taines matières qui ne sont pas susceptibles de former une
émulsion avec de l'eau peuvent se diviser d'une manière ana-
logue dans un corps gras, et que sous cette forme leur absorption
devient plus facile que si on les appliquait sur la surface absor-
bante sans leur avoir fait subir cette préparation. Le mercure
nous en offre un exemple remarquable ; mis en contact avec
la peau quand il est à l'état liquide, ce métal ne pénètre dans
l'organisme qu'avec une lenteur extrême et en quantité fort
minime, tandis que, incorporé à de la graisse de façon à y être
comme à l'état d'émulsion, il est absorbé avec assez de rapidité
pour déterminer promptement certaines modifications dans les
fonctions des glandes (1).
recouvre l'épithélium des villosités; tion de ces parties, et peut déterminer
mais ce fait s'explique également bien la salivation, la cluite des dents, la
dans les deux hypothèses de l'existence paralysie, et même la mort. Comme
préalable de pores dans une lame exemple de ce mode d'action, je cite-
membraneuse solide ou de l'état semi- rai les accidents survenus à bord d'un
fluide de la matière constitutive de navire chargé de mercure, et sur le-
cette couche membraniforme. quel l'équipage tout entier fut atteint
(1) Lorsque le mercure arrive en par l'action toxique de la vapeur for-
contact avec les svu'faces absorbantes mée par cette substance (a).
de l'économie animale à l'état de va- Quand le mercure est sous la forme
peur, c'est-à-dire à l'élat de division liquide et ne se trouve pas dans un
extrême, ce métal pénètre facilement état de grande division, il peut rester
dans l'organisme, et, transporté par pendant fort longtemps en contact avec
le torrent de la circulation dans le une membrane absorbante sans y pé-
système nerveux, l'appareil salivaire nétrer en quantité appréciable. Ainsi
et d'autres organes, il exerce une in- on cite beaucoup de cas dans les-
fluence considérable sur le mode d'ac- quels ce métal a été introduit en doses
(a) Bunielt, An Account ofthe Effects ofMercurial Vapours on the Crew ofH, M' s ship Trinmph
{Philos. Trans., 4823, p. 402).
INFLUENCE DES PROPRIÉTÉS PHYSIQUES DES LIQUIDES. 283
Les voies par lesquelles l'absorption s'effectue sont en général
trop étroites et trop difficiles à parcourir pour que les liquides
non miscibles aux humeurs dont les tissus sont imbibés puissent
les traverser sous l'influence des courants endosmotiques seule-
considérables dans le tube digestif,
sans déterminer aucun accident (a).
On sait aussi que ce liquide injecté
dans les veines obstrue les vaisseaux
capillaires sanguins, et y arrête le
passage du sang (b). On aurait donc
pu croire que dans cet étal il ne pour-
rait être absorbé, et que dans les pré-
parations mercurielles au moyen des-
quelles on le fait pénétrer dans l'or-
ganisme, il devait èlre toujours dans
un état de combinaison cbimique qui
le rendrait soluble. Mais cela n'est pas.
Incorporé à de la graisse, il est simple-
ment divisé en globulins d'une très
grande ténuité, et sous cette forme il
est susceptible de passer dans les
vaisseaux sanguins. Ce fait a été con-
staté expérimentalement par Auien-
rielh et Zeller (c) , ainsi que par
plusieurs autres physiologistes. Par
exemple , Oesterlen, ayant rasé une
parlie du corps d'un Lapin, y prati-
qua des frictions avec de l'onguent
gris. Quelques heures après, il dé-
tacha un lambeau de peau à environ
un cenlimèlre au-dessus de l'endroit
frictionné , puis il ouvrit quelques-
unes des veines sous-cutanées, et en
examinant au microscope le sang ob-
tenu de la sorte , il y reconnut des
particules de mercure , tandis qu'il
ne put découvrir aucune trace de ce
métal dans le sang fourni par les
veines du côté opposé du corps {d).
•Précédemment , l'absorption du
mercure à l'état métallique avait été
constatée dans plusieurs cas, soitparce
que ce métal s'était retrouvé dans le
sang ou dans quelques autres parties du
corps, telles que les os ou le cerveau,
les articulations , dans l'intérieur de
l'œil ou dans le pus d'un abcès, soit
parce qu'après avoir traversé l'orga-
nisme il s'était échappé au dehors par
les voies urinaires (e) ; mais, ainsi que
je l'ai déjà dit, on n'était pas d'accord
sur le mode d'introduction de cette
substance dans l'économie , et quel-
ques physiologistes pensaient qu'avant
son absorption, le métal avait dû être
transformé en bichlorure de mercure
ou en quelque autre composé soluble.
Ainsi M. Miahle, ayant reconnu qu'en
présence de l'oxygène et d'un chlo-
rure alcalin ( surtout du chlorure
(a) Voyez Orfila, Traité des poisons, t. I, p. 352.
(&) Gaspard, Mémoire phijsiologique sur le mercure (Journal de ■physiologie àe Magendie, 1821,
t. I, p. 165).
(c) Autenrieth und Zeller, Ueber das Dasein von QuecksiWer das âusserlich angewendet worden
in der Blutmasse der Thiere (Reil's Archiv fur die Physiol., 1808, t. VIII, p. 228).
(d) Oesterlen, Uebergang des regulinischen QuecksiWers in die Blutmasse und die Organe
{Archiv fur physiologische Heilkunde, 1843, t. II, p. 536).
(e) Cantu, Presenza del merciirio nelle orino dei sifUilici doppo iremedii mercuriali adminis-
trati {Aimali di med. di med. di Omodei, 1824, t. XXXII, p. 53), et Speciraen chemieo-medicum
de mercxirii prœsenlia in urims syphiliticorum mercurialem curationem patientium (Mem. délia
Soe. délie scienz. di Torino, 1824, t. XXIXj.
— Voyez aussi : A. van Hasselt, Over het Vergiftig vermogen van metallisch kwik vooral in des
vloeibarten toestand {Nederlandsch Lancet, 2° série, t. V, p. 81).
234 ABSORPTION,
ment, et le concours d'une certaine pression paraît être toujours
nécessaire po^ir en déterminer l'entrée dans le torrent irriga-
toire. A plus forte raison, les membranes organiques opposent-
elles de grands obstacles à l'introduction de matières solides,
et lorsque celles-ci se trouvent à l'état massif ou même réduites
en poudre assez fine pour être apte à rester en suspension dans
un liquide, elles sont d'ordinaire inabsorbables. Ainsi, dans la
plupart des cas, les corps solides qui ne sont pas solubles dans
les humeurs de l'organisme ne peuvent y pénétrer, et lors-
qu'une force mécanique les pousse jusque dans la profondeur
d'un tissu vivant, ils y restent inaltérés. C'est de la sorte que
les particules de substances colorantes qui sont logées dans
l'épaisseur de la peau à l'aide du tatouage y forment des taches
indélébiles, et jusqu'en ces derniers temps tous les physiolo^
gistes s'accordaient à penser que l'état de fluidité était une con-
dition pour que l'absorption d'un corps quelconque fut possible.
Absorption Mais, cn examinant le cadavre de personnes dont la peau avait
présumée , , , , . , ,
des matières etc commc mcrustce par des dépôts de substances mmerales
insolubles employées pour y tracer des dessins, on a vu parfois
que des particules très ténues de ces matières colorantes en
avaient été détachées, suivant toute apparence, par l'efl^t du
frottement, et avaient été transportées dans des parties plus
ou moins éloignées de l'organisme (1). Or, ce transport ne
d'aranionium ) , ce métal entre dans quand le mercure est divisé en parti-
une combinaison de ce genre, a cru cules extrêmement lines et dans un
pouvoir établir que c'est seulement à état comparable à celui des graisses
l'état décomposé soliible qu'il est ab- dans une émuision, sa présence dans
sorbe (a). On a argué aussi des expé- les vaisseaux sanguins ne doit pas pro-
riences de Gaspard sur l'obstruction duire les mêmes effets que lorsqu'il
des vaisseaux capillaires par le riier- se trouve réuni en gouttelettes d'un
cure liquide injecté dans les veines (6), diamètre supérieur an calibre des ca-
pour soutenir que ce corps ne pouvait pillaires.
être absorbé à l'état métallique ; mais (1) Ainsi M. Cl. Bernard a trouvé
(a) Mialho, Chimie appliquée à la physiologie, p. 451,
(b) Gaspard, Mémoire sur le mercure (Journal de physiologie de Magendie, 1821 , 1. 1, p. 105},
INTRODUCTION DE COÎlPL'SCt'LES SOLIDES. 235
semblait pouvoir être expliqué qu'en supposant que ces cor-
puscules avaient été absorbés et charriés par les fluides nour-
riciers. On devait donc penser que les substances insolubles,
aussi bien que les liquides non miscibles aux humeurs, sont
absorbables à la condition d'être réduites en particules suffi-
samment ténues , et effectivement cela parait être ; seule-
ment, pour déterminer leur passage à travers les tissus
vivants et leur arrivée dans le torrent irrigatoire, il faut l'in-
tervention de forces mécaniques qui ne sont pas nécessaires
pour effectuer l'absorption des fluides miscibles aux humeurs
de l'économie.
Depuis quelques années, un grand nombre d'expériences
intéressantes ont été faites sur l'introduction de corpuscules
solides de l'extérieur de Torganisme jusque dans le sang, et si
elles n'établissent pas d'une manière satisfaisante la possibihté
de ce passage par suite du travail normal de l'absorption, elles
prouvent au moins que sous l'influence d'une pression peu
considérable, ces particules, quand elles sont très ténues,
peuvent se frayer un chemin jusque dans l'intérieur du système
vasculaire, et circuler dans l'organisme avec les fluides nourri-
ciers sans qu'il en résulte aucune lésion appréciable dans les
parties qu'elles ont traversées.
Ce fait a été aperçu, mais incomplètement démontré, il y a
environ quinze ans, par M. Herbst, dont j'ai déjà eu l'occasion de
citer les travaux sur le système lymphatique (1). Ayant ingéré
des granules de cinabre dans les gan- tion du passage des globules du lait
glions de l'aisselle chez un sujet qui de l'intesUn dans le chyle et dans le
portait sur le bras du même côté sang. Il opéra sur des petits Chiens
des tatouages colorés par cette sub- qui venaient de teter, et, après avoir
slance minérale (a). lié le canal thoracique, il examina au
(1) M. Herbst fit d'abord une série microscope le contenu de ce vaisseau,
d'expériences en vue de la constata- Parmi les corpuscules de différentes
(n) Cl. Bernani, Sur l'absorption {Union médicale, 4849, 1. Ill, p. 457).
'236 ABSORPTION.
dans le tube digestif de plusieurs Chiens des liquides tenant en
suspension des corpuscules insolubles fort petits et plus ou moins
faciles à reconnaître par le secours du microscope, des globules
de lait ou des granules de fécule, par exemple, ce physiologiste
trouva, tantôt dans le chyle, tantôt dans la lymphe, ou dans le
sang de ces Animaux, des particules solides qui avaient la même
apparence, et qui lui parurent appartenir à la matière étrangère
employée dans l'expérience. Peu de temps après, M. OEsterlen,
sans avoir eu connaissance des recherches de M. Herbst, arriva
à un résultat analogue en administrant à divers Animaux du
charbon réduit en poudre très fine, et plusieurs autres physio-
logistes annoncèrent avoir constaté des faits du même ordre (1);
grandeurs qui nageaient dans le chyle,
il s'en trouvait beaucoup qui lui pa-
raient êlre des globules du lait, et il
vit aussi des globules semblables dans
le sang (a) ; mais la distinction entre
les globules graisseux du chyle et
ceux du lait n'est pas toujours assez
nette pour que ce résultat ait pu être
considéré comme décisif. Dans d'au-
tres expériences, M. Herbst ingéra de
la fécule dans l'estomac, et, en ajou-
tant de l'iode , soit au chyle, soit au
sang, il vit une légère coloration bleue
qui semblait indiquer la présence d'un
peu de fécule dans ces liquides; mais
ici encore la réaction n'était pas assez
bien caractérisée pour décider la ques-
tion de l'absorption des granules amy-
lacés (6).
(1) Dans une première série d'expé-
riences, M. Oeslerlen étudia l'absorp-
tion du mercure (c) , puis il chercha
à constater la possibilité du passage
de corpuscules solides de la cavité
digestive jusque dans le chyle et le
sang, sans lésion apparente ni de la
muqueuse intestinale, ni des parois
vasculaires. Dans cette vue, il fit ava-
ler pendant plusieurs jours consécu-
tifs à un certain nombre de Lapins,
de Cliiens et d'Oiseaux, du charbon
réduit en poudre impalpable et délayé
dans de l'eau. Puis il tua ces Animaux
et examina au microscope du sang
extrait de leurs vaisseaux en prenant
toutes les précautions nécessaires pour
empêcher !e mélange de ce liquide
avec des matières étrangères quel-
conques. Toujours il y trouva en plus
ou moins grande abondance des cor-
puscules noirs anguleux et de diverses
formes, qu'il n'hésita pas à considérer
comme et uit du charbon ; la plupart
n'avaient que de ^ à -,'.0 de ligne de
diamètre; mais beaucoup avaient en-
viron t4i7 de long sur t-'-^ de ligne en
. (a) G. Herbst, Das Lymphgefdsssysteni- iind seine Vevrichtung , p. 165 et siiiv.
(6) Herbst, Op. cit., p. 323 et suiv.
(c) Oeslerlen, Uehergang des regîilinischen Quecksilbers in die Blutmasse und die Organe
{Archiv fur Physiol. Heilkunde, 1843, t. H, p. 536).
INTRODUCTION DE CORPUSCULES SOLIDES. 237
mais, dans toutes ces expériences, on pouvait concevoir des
doutes sur l'identité des corpuscules observés dans le sang ou
dans la lymphe et ceux déposés dans le tube digestif, et, pour
longueur, et l'on en voyait qui avaient
jusqu'à ~ de ligne. Ces corpuscules
abondaient principalement dans le
sang de la veine porte, et se voyaient
aussi en nombre considérable dans la
rate, les cavités droites du cœur et les
poumons ; mais on n'en aperçut pas
dans le canal thoracique. M. Oesterlen
administra de la même manière à des
Lapins et à un Coq du bleu de Prusse,
et il trouva dans le sang de ces Ani-
maux des corpuscules qui lui sem-
blèrent être formés de cette sub-
stance. Enfin il ne put constater ni à
l'œil nu ni an microscope aucune lé-
sion, ni dans les vaisseaux sanguins de
l'intestin, ni dans la muqueuse parla-
quelleles corpuscules solides auraient
dû passer pour aller du tube digestif
dans le torrent de la circulation (a).
En I8/47 , M. Eberhard répéta ces
expériences en se servant non-seule-
ment de mercure et de charbon, mais
aussi de soufre en poudre très fine,
et il arriva aux mêmes résultats. Des
particules qui lui parurent être for-
mées, les unes de charbon, les autres
de soufre, se rencontrèrent dans la
lymphe et dans le sang (6).
Des faits du môme ordre ont été
constatés par M. Claude Bernard et
par M. Bruch (c).
Les recherches de MiM. Donders et
Mensonides diminuèrent la valeur des
conclusions qu'on croyait être en droit
de tirer des résultats dont je viens de
parler , mais fournirent de nouvelles
preuves de la possibilité du passage
de corpuscules solides de la cavité de
rintestinj ou de la surface de la peau,
jusque dans l'intérieur du système
vasculaire. Ainsi, après avoir fait avec
de l'onguent mercuriel des frictions
sur la peau de quelques Lapins préa-
lablement rasée, ils retrouvèrent dans
le sang de ces Animaux des corpus-
cules qui pouvaient bien être de la
poussière de ce métal, mais dont la
détermination ne présentait rien de
précis. Leurs expériences sur le soufre
leur parurent encore moins con-
cluantes; chez les Grenouilles, les
résultats furent négatifs, et chez des
Lapins on trouva quelques corpus-
cules irrégulières qui semblaient être
des grains de soufre, mais on ne put
les identifier d'une manière satisfai-
sante. Dans d'autres expériences faites
sur des Lapins avec du charbon de bois
réduit en poussière très fine, ils trou-
vèrent dans le sang et dans le tissu
du poumon de ces Animaux des cor-
puscules noirs et anguleux qui avaient
l'apparence des particules de charbon
employées ; mais ayant examiné le
sang d'autres individus qui n'avaient
(a) Oesterlen , Ueber den Einlritt von Kohle und andern unloslichen Stoffen voin Darmkanal
aus in die Blutmasse {Zcitschr. fur rationelle Medicin).
(b) Eberhardt, Vevsiwhe iiber den Uebergang [ester Stoffe von Darm und Haut ans in die Sàfte-
masse des Kôrpers. Zuricli, 1847 (voyez Canslail's Jahresberichi, 1847, l. I, p. 120).
(c) Bernard, De quelques particularités sur l' absorption {Union médicale, 1849, t. III, p. 458).
■ — Bruch, Beitrage zur Anatomie und Physiologie der Dilnndarmschleimhaul {Zeitschr. fiW
ivissenschaftlkhe Zoologie, 1852, t. IV, p. 290).
:2â8
ABSOliPTlON.
bien établir que des matières solides peuvent être absorbées, il
fallait expérimenter sur des particules mieux caractérisées et
dont* la provenance ne pouvait être douteuse. C'est ce que
MM. Moleschott et Marfels ont cherché à Aiire à l'aide du sang
d'un Mammifère ingéré dans le tubedigestif d'une Grenouille.
En effet, les globules hématiques des Mammifères ne peuvent
pas élé nourris de la sorte, ils y trou-
vèrent aussi des corpuscules tellement
analogues aux précédents, que ce fait
leur ôta toute confiance dans la déter-
mination des précédents comme frag-
ments de cliaibon. Enfin ils portèrent
dans l'estomac de plusieurs Gre-
nouilles des granules d'amidon délayés
dans de l'eau , et quelques heures
après, en examinant le sang des veines
rfiésentériques , ils y virent quelques
particules qui bleuirent par l'action
de l'iode, et qui, par conséquent, de-
vaient être considérées comme étant
formées par de la fécule. Dans ce cas,
il ne pouvait donc y avoir aucun doute
quant à la nature des corpuscules en
question ni à leur provenance (a).
M. Funke a cherché à résoudre la
question de l'absorption de matières
solides à l'aide d'expériences faites
sur des substances grasses qui ne se
liquéfient pas à la température du
corps : de la stéarine et de la cire,
par exemple. Pour obtenir ces graisses
dans un état de grande division , il
les faisait fondre à l'aide de la cha-
leur et les émulsionnait alors en les
agitant dans une dissolution de gom'hie
où leurs particules restaient en sus-
pension après qu'elles eurent repris
l'élat solide par le refroidissement.
L'émulsion ainsi préparée fut intro-
duite, tantôt par l'œsophage, tantôt
directement dans l'intestin ; mais ja-
mais AI. Funke ne put reconnaître la
présence de ces graisses solides dans
les cellules de l'épithélium intestinal,
tandis qu'il vit toujours ces cellules
se gorger de particules graisseuses,
quand, au lieu de stéarine ou de cire,
il administrait des corps gras qui sont
fusibles à moins de /lO degrés >6).
Je dois ajouter que M. Miulhe, en
répétant les expériences de M. Oester-
len , n'a obtenu que des résultats né-
gatifs (c).
M. Hoffmann a l'ait des expériences
analogues, et n'a pu, dans aucun cas,
constater l'absorption , soit du mer-
cure métallique, soit de la poussière
de charbon (d), et Bérard est arrivé
au même résultat en employant du
noir de fumée (e).
(a) Ces recherclies, faites sous la direction de M. Donders, ont été publiées d'abord sous forme de
thèse par M. Mcnsonides {De absorptione moleciUarum soUdarum nonmilla, 1848), puis par lu
premier de ces auteurs dans un ouvrage spécial intitulé : Ondenoekingen omirent den overgang
van vaste moleculen in het vaatstelsetl (Nederlandsch Lancet, 2° série, 1848, t. IV, p. 141).
(6) Funke, Beitrâge zur Physiologie der Verdammg (Zeitschr. fur wissenschaftl. Zoologie,
t. VII, p. 315).
(e) Mialhe, Chimie appliquée à la physiologie, p. 19"?.
{d} HofFmanu, Ueber die Aufiiahme des Quecksilbers und der Fetle in den Kreislauf (dissert.
inaug-.). Wùrtzburg, 1854 (Canstatt's Jahresbercht, 1855, p. 80).
(e) Bérard, Cours de physiologie, l. II, p. 723.
INTRODUCTION DE CORPUSCULES SOLIDES. 2o9
être confondus ni avec ceux des Batraciens, ni avec aucun autre
produit de l'organisme de ces Animaux : par conséquent, si,
après en avoir introduit dans le canal alimentaire, on en trouvait
dans le sang, il fallait nécessairement admettre que ces corpus-
cules solides avaient traversé le tissu de la muqueuse intestinale
pour arriver jusque dans le torrent circulatoire, et si cette intro-
duction s'était effectuée sans lésion de cette membrane, on
devait croire qu'ils avaient été absorbés. Or, dans plusieurs
cas , ces deux auteurs reconnurent des globules du sang de
Mammifère employés de la sorte, soit dans le sang en circulation
dans l'intérieur des vaisseaux de la Grenouille, soit dans des
gouttelettes de ce liquide extraites du cœur ou de l'une des
grosses veines de ce Batracien (1). 11 est vrai que d'autres
physiologistes, en répétant cette expérience, n'ont obtenu que
(1) Dans les recherches de M. Mar-
fels, faites à l'instigation et sous la di-
rection de M. Moleschott, on a choisi
d'abord le sang de Brebis, parce que
les globules de ce liquide sont plus
petits que ceux des autres Mammifères
que l'on pouvait facilement se procu-
rer, et qu'à raison de la mollesse de ce s
corpuscules, on ne pouvait supposer
que leur présence dans le tube digestif
de la Grenouille serait une cause de
lésion mécanique pour la surface ab-
sorbante. Le sang fut introduit dans
l'estomacdes Grenouilles à l'aide d'une
seringue, et dans plusieurs cas, en exa-
minant, après un certain temps, diver-
ses parties de l'appareil circulatoire,
on trouva dans Tintérieur des vaisseaux
des globules hématiques qui offraient
tous les caractères de ceux de la Bre-
bis ; dans d'autres cas, on ne parvint
pas à en distinguer à travers les parois
vasculaires, mais on en reconnut dans
le sang extrait du cœur. Dans une de
ces expériences, M. Marfels trouva
même que les globules du sang de la
Brebis qui étaient mêlés de la sorte aux
globules hématiques de la Grenouille
étaient plus nombreux que ces derniers.
En employant de la même manière du
sang de Veau et de Bœuf, ce physiolo-
giste obtint des résultats analogues ,
mais plus difficilement. Enfin, dans une
autre série d'expériences , iM, Marfels
ingéra dans l'estomac de plusieurs Gre-
nouilles du pigment choroïdien des
yeux du Bœuf, après s'être assuré que
les corpuscules de cette substance
étaient reconnaissables dans le sang.
Observant ensuite la circulation sous
le microscope, il vit plusieurs fois des
particules de celle matière colorante
en mouvement dans l'intérieur des
vaisseaux mésentériques. Dans d'au-
tres expériences analogues, ce phy-
siologiste examina le contenu des
vaisseaux chylifères du mésentère, et
il y reconnut aussi la présence des
2/|0 ABSORPTION.
des résultats négatifs; mais le fait annoncé de la manière la
plus nette par MM. Moleschott et Marfels ne saurait être
révoqué en doute, car il est impossible de supposer que des
observateurs aussi habiles aient pu se tromper dans la détermi-
nation des petits globules liématiques circulaires et biconcaves
qui sont caractéristiques du sang des Mammifères, et qui se
trouvaient mêlés aux gros globules elliptiques et biconvexes du
sang de la Grenouille.
Reste donc à chercher la valeur qu'il convient d'attribuer
à ce fait.
En étudiant au microscope les tuniques intestinales des Gre-
nouilles qui avaient été nourries pendant un certain temps avec
des aliments mêlés de particules du pigment de la choroïde de
l'œil du Bœuf, M. Marfels a trouvé beaucoup de cellules épi-
théliales occupées par cette matière noire, et il pense par con-
séquent que les corpuscules solides de très petites dimensions
peuvent, de même que les globules de graisse, pénétrer dans
ces utricules d'une manière normale et passer de là dans les
vaisseaux sous-jacents. Dans une autre expérience, ce physiolo-
giste employa un tronçon d'intestin séparé du corps et rempli
de liquide chargé du même pigment ; il opéra à une chaleur
douce et soumit le tout à une certaine pression ; vingt-quatre
heures après, il examina au microsco[)e les parois de ce tube
membraneux, et y trouva sur plusieurs points des cellules épi-
théliales qui lui parurent contenir des particules du pigment (1).
corpuscules du pigment qui avait été inférieure d'un tube de verre. Une
mêlé aux aliments ingérés dans l'es- dissolution de sel commun tenant en
tomac du Batracien (a). suspension le pigment clioroïdien fut
(1) Dans une première série de ces introduite dans cet appareil à la liau-
expériences, M. Marfels fit usage d'un teur voulue pour déterminer dans
tronçon d'inteslin de Bœuf disposé l'inteslin une poussée égale à une
en manière de sac et fixé à l'extrémité pression de 9 à 10 centimètres de
(a) Marfels, Recherches sur la voie par laquelle de petits corpuscules solides passent de l'in-
testin dans l'intérieur des vaisseaux chylifèr es et sanguins (Ann. des sciences nal-, i° iér'ic,
1856, t. V, r- 144et suiv.).
INTRODUCTION DE CORPUSCULES SOLIDES. ' 241
Ce résultat est, comme on le voit, très favorable à l'opinion de
M. Brûcke, relativement au mode de constitution de ces cellules
et à leur rôle dans l'absorption de la graisse. Mais je dois ajouter
que M. Donders, ayant répété avec beaucoup de soin les expé-
riences de M. Marfels, est demeuré convaincu de l'impénétra-
bilité de ces cellules pour les particules solides, et pense que
c'est toujours en se frayant un chemin anormal que les cor-
puscules durs traversent les tissus organiques et arrivent jusque
dans les canaux occupés par les fluides nourriciers (1). D'autres
recherches dues à M. Hollander n'ont donné aussi que des résul-
tats négatifs (2). Enfin, la plupart des expériences faites sur le
merciiie. On opéra d'abord à la lem-
pératme ordinaire , et l'on n'obtint
que des résnltats négatifs ; mais d'au-
tres essais , faits à une chaleur de
3^ degrés, eurent un plein succès,
car au bout de vingt-quatre heures on
trouva dans les parois de la muqueuse
des particules de pigment qui paru-
rent être engagés dans l'intérieur des
celhiles épithéliques. Dans d'autres
expériences, on employa un morceau
d'intestin provenant du cadavre d'une
femme , et l'on obtint un résultat
analogue ; mais la plupart des cellules
épithéliales étaient détachées de la
muqueuse, et dans ce cas, aussi bien
que dans plusieurs autres expériences
analogues où la muqueuse s'était dé-
pouillée plus ou moins complètement,
on remarqua l'existence d'un grand
nombre de corpuscules pigmentaires
dans la substance des villosités [a).
M. Moleschott a répété ces expé-
riences sur des Animaux vivants, chez
lesquels il excitait de forts mouve-
ments péristaltiques des intestins au
moyen du galvanisme, et dans plu-
sieurs circonstances il a constaté de
nouveau la présence des particules
pigmentaires dans les cellules épithé-
liales ; mais dans la plupart des cas le
résultat était négatif (6).
(1) M. Donders a répété plusieurs
fois les expériences de MM. Marfels et
Moleschott, relatives au passage des
globules du sang de la Brebis, de la
cavité digestive des Grenouilles dans
le torrent circulatoire de ces Ani-
maux , sans pouvoir, dans un seul
cas, constater la présence d'un glo-
bule hématique de ce Mammifère dans
l'intérieur des vaisseaux sanguins des
Batraciens. Il n'a obtenu aussi que
des résultats négatifs en employant,
soit le pigment choroïdien , soit de
l'indigo, et en opérant sur des Lapins
aussi bien que sur des (îrenouilies (c).
(•2) M. Hollander a fait, sous la di-
(a) Marfels, Op. cit. (Ann. des sciences nat., 4" série, 1856, t. V, p. 159 ctsuiv.).
(b) Moleschott, Erneuter Beweis filv das Eindringen von festen Korpcrchea in die kegelfor-
migen Zellen dcr Darmschleimhaul {Unters. ziir Naturlehve des Menschen und der Tliiere 1857
t. II, p. 119). ' '
(c) Donders, Ueber die .iiifsaugung von Fett in dem Darmkanal (Molescliott's Untcrsiicliungen
zitr Naturlehre des Menschen und der Thieve, 1857, t. II, p. 1 1 3 et suiv.).
V. 16
2li2 ABSORPTION.
cadavre par M. Marfels lui-même me semblent devoir être con-
sidérées comme venant à l'appui de cette manière de voir, et,
dans l'état actuel de nos connaissances, la question en litige entre
ces physiologistes ne me semble pas résolue. Mais, quoi qu'il
en soit à cet égard, il me paraît bien démontré que sous l'in-
fluence d'une pression peu considérable, et qui ne dépasse pas
celle développée parfois par les contractions des fibres charnues
du tube intestinal, les particules solides d'une grande ténuité
peuvent facilement passer à travers la substance de la membrane
muqueuse et arriver jusque dans les courants lymphatiques ou
sanguins adjacents. Ce phénomène, il est vrai, n'est probable-'
ment pas un résultat normal de l'absorption , et me semble
devoir être considéré comme la conséquence d'une solution de
continuité produite par l'action du corpuscule solide sur la
matière constitutive de la membrane; mais cette matière est si
niolle, si extensible et si élastique, que la lésion microscopique
ainsi effectuée ne laisse aucune trace appréciable et ne déter-
mine aucun trouble dans les fonctions. Ce serait donc un phé-
nomène analogue à celui dont nous avons déjà été témoins en
étudiant le mode de passage accidentel des globules sanguins
reclion dn prol'esseur Bidder, de Dor- sables dans le sang de cet Animal
pat, d'autres expériences qui sont pendant plusieurs heures, il en in-
également défavorables aux vues de troduisit dans les voies digestives d'un
MM. Moleschoit et Marfels. Il a mon- nombre considérable de ces Batra-
tré qu'on ne pouvait attacher que peu ciens, dont il examina ensuite avec
d'importance aux essais faits sur l'ab- soin le sang à diverses périodes pen-
sorption de l'indigo en suspension dant et après la digestion. Or, dans
dans l'eau, de la fécule ou du charbon aucun cas, il ne put découvrir dans ce
en poudre, et, après avoir constaté liquide un seul globule de sang de
que les globules du sang de Bœuf Bœuf ou de Veau, et il en conclut que
que l'on injecte directement dans les ces corpuscules solides ne peuvent
veines delà Grenouille sont reconnais- être absorbés (a).
{a) G. HoUander, Quœstiones de corpusculoruin solidorum e tractu intestinali in vasa sangui-
fera transilu {dissert, iiiaug.), Dorpat, iS^Q {Zeitschr. fur rationelle Meiicin, 3° série, 1857,
1. 1, p. 180. Bericht fur 1856).
CARACTÈRE GÉNÉRAL DE CE PHÉNOMÈNE. 2/|.S
des vaisseaux capillaires dans les radicules du système lym-
phatique (1).
§ 15. — En résumé, nous voyons donc que l'absorption est Résumé.
un phénomène physique qui est subordonné aux relations de
grandeur entre les particules de matière qui se trouvent en
contact avec la surface d'un tissu organique et les cavités inter-
stitielles ou autres par l'intermédiaire desquelles cette surface
communique avec l'intérieur des canaux sanguins ou lympha-
tiques adjacents ; que par conséquent un certain degré de
division de la matière est la première condition qui doit être
remplie pour que l'absorption de cette substance soit possible;
que, toutes choses étant égales d'ailleurs, l'introduction de
celle-ci jusque dans le torrent circulatoire sera d'autant plus
facile que ses particules seront plus ténues et plus mobiles; et
que, dans l'immense majorité des cas, sinon toujours, ce degré
de division n'est atteint que si le corps sur lequel la puissance
absorbante tend à s'exercer se trouve à l'état fluide.
Il résulte également de ce qui précède que, toutes choses
étant égales d'ailleurs, la grandeur de la puissance absorbante
d'un tissLi vivant est proportionnelle à la brièveté et à la largeur
des voies interstitielles qui sont creusées dans son épaisseur et
qui font communiquer sa surface libre avec les canaux irriga-
toires adjacents, ou, en d'autres mots, avec son degré de per-
méabilité.
Nous avons vu aussi que les puissances motrices qui déter-
minent l'absorption sont principalement les attractions molé-
culaires qui entrent en jeu pour produire les phénomènes
osmotiques ; que la capillarité , la diffusion des liquides et les
courants dus à l'endosmose sont par conséquent les causes
principales de ce transport des matières de l'extérieur jusque
dans la cavité du système irrigatoire ; mais que d'autres
(1) Voyez tome IV, page 5/i8.
244 ABSORPTION.
forces mécaniques, et notamment la pression, peuvent inter-
venir.
Enfin nous avons vu que le degré de plénitude des vaisseaux
et la rapidité avec laquelle les tluides nourriciers se renou-
vellent dans les points par lesquels l'introduction s'effectue,
sont aussi des circonstances qui influent sur la quantité de
matière absorbée en un temps donné.
Cette quantité est donc nécessairement variable suivant le
lieu où l'absorption s'effectue, suivant l'état de l'économie, et
suivant la nature des substances qui se trouvent en contact avec
le tissu organique.
Ainsi, tout en étant un phénomène essentiellement physique,
l'absorption se trouve, jusqu'à un certain point, soumise à
l'influence de la puissance vitale. Celle-ci n'est pas la cause de
l'introduction des matières étrangères dans le torrent de la cir-
culation ; mais, d'une manière indirecte, elle règle en partie le
degré d'activité avec lequel ce transport s'effectue, car elle
détermine quelques-unes des conditions dont ce degré d'acti-
vité dépend : par exemple, la vitesse avec laquelle le fluide
nourricier se renouvelle dans le tissu absorbant, et probable-
ment aussi l'état de contraction tonique ou de relâchement de
ce tissu, ainsi que la nature des sécrétions dont sa substance
peut être lubrifiée.
En tenant compte des diverses circonstances que nous ve-
nons de passer en revue, on peut juger d'une manière approxi-
mative des résultats que l'absorption donnera ; mais nous
voyons que ce phénomène est en réalité très complexe, et que
les propriétés physiques des tissus vivants qui en sont le siège
peuvent être modifiées par l'action des forces physiologiques,
de sorte qu'il n'est pas toujours possible de calculer avec quelque
degré de précision les effets qui se produiront dans un cas
déterminé. Nous pouvons néanmoins nous former une idée
assez nette de la nature du travail qui s'effectue de la sorte
CARACTÈRE GÉ^'ÉRAL DE CE PHÉNOMÈNE. 245
dans l'organisme des êtres vivants, et prévoir ce qui doit arriver
dans la plupart des cas où il est appelé à intervenir.
L'absorption, comme je l'ai déjà dit, peut s'exercer de deux
manières et déterminer ainsi des résultats très différents. Elle
peut effectuer l'introduction de matières qui sont étrangères
à l'économie et qui se trouvent en contact seulement avec la
surface libre du corps, ou bien opérer l'enlèvement de sub-
stances qui sont logées dans la profondeur des tissus au milieu
desquels serpentent les courants irrigatoires formés par le
fluide nourricier. Le premier de ces actes est destiné à assurer
l'alimentation du travail chimique et histogénique dont la ma-
chine vivante est le siège ; le second est utihsé dans cette même
machine pour l'expulsion des matériaux dont le rôle physiolo-
gique est terminé. Nous aurons donc à étudier l'absorption
d'abord comme prélude, puis comme complément du grand
phénomène de la nutrition, et, en examinant tour à tour cette
fonction dans ses rapports avec l'assimilation et avec l'excré-
tion, il nous faudra chercher quelle part les veines et les vais-
seaux lymphatiques peuvent prendre dans le transport des
matières qui arrivent aux organes ou qui en sortent, sujet dont
la discussion serait prématurée aujourd'hui.
Sans nous arrêter davantage sur ces considérations géné-
rales, nous passerons donc à l'examen de l'un des cas parti-
culiers que je viens de signaler, et nous chercherons à nous
rendre compte de la manière dont l'introduction des matières
nutritives s'effectue.
Mais, avant d'aborder cette question, il me faudra traiter
d'une autre fonction. En effet, la plupart des substances que
les Animaux ont besoin de porter ainsi dans la profondeur de
l'économie ne se trouvent pas dans la Nature sous une forme
qui les rende absorbables, et, pour devenir aptes à pénétrer de
la sorte dans l'organisme, il faut qu'elles subissent une cer-
taine préparation. Au lieu d'achever immédiatement l'étude de
2/l6 ABSORPTION.
l'absorption, nous devrons par conséquent nous occuper main-
tenant de l'examen des actes physiologiques à l'aide desquels
les matières nutritives sont placées dans les conditions vou-
lues pour que leur arrivée dans l'appareil irrigatoire soit pos-
sible, actes qui constituent le phénomène de la digestion. Dans
la prochaine Leçon, nous commencerons donc l'histoire de
cette partie importante des fonctions de nutrition.
QUARANTE -SIXIÈME LEÇON.
De la digestion. — Nature de ce phénomène. — Agents qui le produisent. — Carac-
tères anatomiques et physiologiques de l'appareil de la digestion. — Mode de
perfectionnenient de cette fonction et des organes qui y sont affectés.
^ 1 . — Le sang, dont nous avons étudié le mouvement dans considérations
*^ _ préliminaires.
l'organisme au commencement de ce cours, doit en partie ses
propriétés vivifiantes à la présence de l'oxygène que nous avons
vu y pénétrer par les voies respiratoires ; mais ce liquide nour-
ricier, pour remplir son rôle physiologique, a besoin de rece-
voir aussi du dehors des matières combustibles et organisables.
Les Animaux ne possèdent pas la faculté de créer de toutes
pièces ces matières, et ne peuvent les trouver que dans la sub-
stance constitutive d'autres corps qui sont ou qui ont été doués
de la vie. Or, ces substances alimentaires qui doivent être
absorbées ne se rencontrent d'ordinaire qu'à l'état solide, et
nous avons vu dans la dernière Leçon que les tissus de l'orga-
nisme ne se laissent traverser facilement que par des tluides.
Pour que l'Animal puisse utiliser de la sorte la plupart des
matières étrangères que la Nature lui fournit, il faut donc qu'il
les transforme en liquide, ou, en d'autres mots, il faut qu'il
les digère, et, afin de pouvoir effectuei- ce travail, il est
pourvu d'instruments particuliers dont le plus important est
une cavité appelée estomac, et dont la réunion constitue ce que
l'on nomme un appareil digestif.
Les Plantes ont le pouvoir de former de toutes pièces c6s
matières organisables à l'aide de fluides qui se trouvent répan-
dus partout à la surface de la terre, et qui réunissent toutes tes
conditions voulues pour être absorbables. En effet, ces êtres
peuvent conshtuer les ahments dont ils ont besoin en puisant
2/l8 DIGESTION.
directement dans le milieu ambiant de l'eau, de l'acide car-
bonique et quelques autres substances qui s'y rencontrent à
l'état de gaz ou qui se trouvent en dissolution dans les liquides
dont leurs racines sont baignées. Elles peuvent donc se nourrir
sans foire subir aux substances qu'elles doivent absorber aucune
élaboration préliminaire, et par conséquent elles n'ont jamais
d'appareil digestif.
Dans une des précédentes Leçons, nous avons vu que l'Ani-
mal diffère de la Plante par son mode de respiration ; à ce
premier caractère vient donc s'en ajouter aujourd'hui un second,
tiré de l'existence de la faculté digestive et des instruments
physiologiques à l'aide desquels cette faculté s'exerce. Dans
l'immense majorité des cas, cette particularité anatomique est
bien prononcée et facile à constater. Une cavité qui commu-
nique librement avec le dehors, et qui est appelée estomac,
reçoit les ahments dans son intérieur, en opère la digestion, et
transmet ensuite au fluide nourricier les produits de son travail
L'existence d'un organe de ce genre suffit pour établir que
l'être chez lequel on l'observe appartient au Règne animal ; les
Végétaux n'en présentent jamais de trace; mais je dois ajouter
que, sous ce rapport comme sous tous les autres, la Hgne de
démarcation entre les deux grandes divisions de la Création
organique est moins nettement tracée qu'on ne pourrait le
croire au premier abord. En effet, chez quelques Animaux à
structure dégradée, l'appareil digestif s'amoindrit et disparaît
plus ou moins complètement. Mais ce sont là des exceptions
dont nous n'avons pas à nous occuper en ce moment, et la
digestion n'en est pas moins une des fonctions générales des
êtres animés qui leur appartiennent en propre.
Des aliments. ^2. — Si uous étious astrclut à suivrc rigoureusement ici
l'ordre méthodique dans lequel les idées s'enchaînent, nous ne
devrions aborder l'histoire de la digestion qu'après avoir étudié
les matières sur lesquelles cette fonction s'exerce, et par con-
CONSIDÉRATIONS PRÉLIMINAIRES. 2/19
séqaent j'aurais à traiter d'abord des aliments. Mais, ainsi que
je l'ai déjcà dit plus d'une fois, je n'hésite pas à me départir
de cette règle toutes les fois qu'une autre marche me semble
plus favorable à l'intelligence des choses dont j'ai à m'occuper.
Or, l'examen approfondi de la nature et des propriétés des
substances nutritives me semble trouver mieux sa place dans
la série de Leçons où j'aurai à parler de l'emploi de ces corps
dans le travail de la nutrition. Je ne m'y arrêterai donc pas
en ce moment, et je me bornerai à indiquer brièvement le sens
que le physiologiste doit attacher au mot aliment.
Dans le langage ordinaire, on désigne sous ce nom les sub-
stances qui se mangent, se digèrent et servent à l'entretien de
la vie ', mais on peut y donner une acception plus large, et l'ap-
pliquer à toute matière qui, introduite dans l'organisme, est
susceptible de servir, soit à l'entretien de la combustion phy-
siologique, soit à la constitution des tissus ou des humeurs de
l'économie animale. Ainsi, la digestibilité de ces matières,
c'est-à-dire leur aptitude à être modifiées d'une certaine ma-
nière dans leurs propriétés physiques ou chimiques avant leur
absorption et leur entrée dans le torrent circulatoire, n'est pas
une condition nécessaire à leur admission dans la classe des
aliments; et lors même qu'une substance introduite dans l'es-
tomac serait digérée , c'est-à-dire rendue absorbable, et irait
ensuite se mêler au sang, nous ne devrions pas la considérer
comme un aliment, si elle n'est pas propre à être employée
dans l'organisme et à fournir, soit des matériaux constitutifs
des tissus ou des humeurs, soit des combustibles propres à
l'entretien de la respiration. Ainsi, pour nous, l'eau est un
aliment aussi bien que le sucre ou la fibrine, car c'est une
matière indispensable à la nutrition du corps , et quelle que
soit la voie par laquelle ce liquide arrive dans l'économie, son
rôle est toujours le même. Le physiologiste doit donc classer
parmi les substances alimentaires des corps minéraux aussi
250 DIGESTION.
bien que des matières organiques; mais comme ce sont ces
dernières surtout qui se trouvent soumises aux forces diges-
tives, ce sont elles principalement dont nous aurons à nous
occuper en ce moment , et j'ajouterai qu'à raison de leur
nature chimique et de leurs propriétés, on les divise en deux
groupes, savoir : les a/men^i- p/as^wes, qui sont susceptibles
d'entrer dans la composition des tissus organiques et de deve-
nir ainsi des parties vivantes, et les aliments respiratoires,
dont le principal rôle est de fournir du carbone à la combustion
physiologique. Les aliments plastiques sont des matières orga-
niques azotées neutres, telles que la fibrine , l'albumine et la
caséine. Les aliments respiratoires sont des substances non
azotées qui sont riches en carbone et en hydrogène : elles se
ressemblent à beaucoup d'égards ; mais, pour la facilité de ildë
études, il est nécessaire de les diviser à leur four en deux
groupes comprenant, l'un les matières amylacées ou sucrées,
l'autre les matières grasses,
§ 3. — Les aliments, comme je l'ai déjà dit, sont en géné^
généraux fa] (jes corps solides, et si on les examine après qu'ils ont
de la digestion. *■ '
séjourné pendant un certain temps dans l'appareil digestif, oh
voit qu'ils y ont été ramollis, désagrégés et transformés en une
sorte de pâte plus ou moins liquide appelée chyme, qui exliale
une odeur à la fois acre et fade. A mesure que le travail
digestif s'avance, cette matière pultacée abandonne les sucs
dont elle est imprégnée, ainsi que les autres substances qiii
sont susceptibles d'être absorbées par les parties voisines dé
l'organisme; enfin, elle se trouve réduite à un magma dé
débris qui ont résisté à l'action des forces mises en jeu pour
les attaquer et qui doivent être rejetés au dehors.
Pendant longtemps les physiologistes n'ont pas cherché à se'
rendre nettement compte de la nature du travail qui s'effectue
W la nature ^g |g^ g^p^g ^jgjjg l'écouomie ammalc, et se sont bornés à énon-
du travail
digestif, ^gj, gj^ „j^ langage figuré le fait dont je viens de faire mention.
Phénomènes
Opinions
des anciens
physiologistes
NATURE CE CE fliÉNOMENE. ^51
Ainsi Hippocrate disait que la digestion est une coction ; mais,
en exprimant ainsi sa pensée, il ne prétendait ni expliquer le
phénomène , ni établir que les changements imprimés aux
ahments dans l'estomac fussent du même ordre que ceux dé-
terminés par la cuisson ; il voulait dire seulement que ces
matières sont préparées, élaborées, rendues aptes à servir à
nos besoins (1).
Quelques autres médecins de l'antiquité ont cru pouvoir
pénétrer plus avant dans ce mystère. Ainsi Érasistrate, ayant
probablement aperçu certains mouvements qui s'opèrent dans
l'estomac pendant la durée de la chymification , fut conduit
à penser que la digestion n'est qu'un travail mécanique ,
une sorte de tritm^ation des aliments. L'un des disciples de
Praxagore, Plistonicus, n'adopta pas cette hypothèse, et crut
voir dans le phénomène de la digestion une simple putréfac-
tion analogue à celle que la plupart des matières organiques
éprouvent spontanément quand elles restent exposées à l'actioii
de la chaleur, de Thumidité et de l'air. Enfin, Asclépiade,
l'ami de Cicéron, parait avoir pensé que la digestion consiste
en une sorte de dissolution des aliments (2).
(1) Hippociale n'avait évidemment important dans l'opération de la
que des idées très vagues à ce sujet, cliymiticalion ; mais il suppose que les
et, bien qu'il se serve en général du aliments sont transformés ainsi en
mot TTs'^'.ç, ou cuisson, quand il parle une substance analogue à celle dont
du travail digestif et qu'il attribue l'organisme se compose, et que cette
cette coction à la chaleur de l'esio- transformation est la conséquence du
mac, il paraît, dans quelques pas- mode d'aclionparliculier de l'estomac,
sages, regarder la digestion des aii- qui serait doué d'une faculté coc-
ments comme une sorte de putré- trice (a) ; selon lui, la digestion serait
faction. donc, non une simple cuisson, mais
Galien semble attacher à l'exprès- plutôt ce que l'on appelle aujourd'hui
slon de coction un sens différent ; il une élaboration.
fait jouera la chaleur un rôle plus (2)Lesidéesd'Ërasistrate, de Plisto"
[a) Galien, De naturalibus facultalibus, lib. II, cap. iv.
25*2 DIGESTION.
Ainsi nous trouvons déjà chez les anciens les germes des
principales théories qui jusque dans ces derniers temps ont
régné tour à tour dans nos écoles. Par exemple, l'expression
métaphorique employée par Hippocrate a fait naître la doctrine
de Vélixation (1) , et divers commentateurs de ce grand médecin
ont cru pouvoir assimiler la digestion au phénomène de la cuis-
son ; à leurs yeux, les changements que les aliments subissent
dans l'estomac étaient dus à la chaleur de cet organe (2) ;
mais, pour accepter une pareille idée, il fallait ignorer ce qui
se passe dans plus des neuf dixièmes du Règne animal, car
chez tous les Animaux la digestion s'effectue, et cependant
chez la plupart de ces êtres la température du corps ne diffère
nicus et d'Asclépiade sur la nature du
travail digestif ont été résumées de la
manière suivante par Celse :
« Exquibus, quia maxime pertinere
» ad rem concoctio videtur, huic po-
» tissimum insistunt ; et duce alii
» Erasislrato, teri cibum in ventre con-
» tendunt ; alii Plistonico Praxagorse
» discipulo putrescere ; alii credunt
» Hippocrati per calorem cibos con-
» coqui ; acceduntque Asclepiadis
» semuli qui omnia ista vana et super-
» vacua esse proponunt : nihil enim
» concoqui , sed crudam materiam,
» sicut assumpta est in corpus omne
» diduci (a). »
Asclépiade , dont il est ici question,
n'était pas un des descendants d'Escu-
lape, comme on pourrait le croire par
son nom ; il habitait Rome du temps
de Pompée, et y jouissait d'une très
grande réputation, mais il paraît avoir
été très ignorant en anatomie et en
physiologie. Galien dit aussi qu'il con-
sidérait la digestion comme le résultat
d'une simple division des atomes dont
se composent les aliments. Mais cette
opinion paraît avoir eu peu de parti-
sans, et Cicéron, qui avait des rela-
tions intimes avec Asclépiade, avance
de la manière la plus positive que la
digestion est une cuisson effectuée par
la chaleur (6).
(1) De elixare, cuire.
(2) Parmi les auteurs qui, dans
des temps plus modernes, ont cru
pouvoir expliquer le travail digestif
en le représentant comme une coction
opérée par la chaleur animale, je ci-
terai iMichel Servet (c).
J'ajouterai que, même au commen-
cement du siècle dernier, on se con-
tentait d'hypothèses de ce genre.
Ainsi Drake compare l'estomac à la
machine de Papin (d).
(a) C. Celsus, Medicinœ liher primus, p. 5 (édit. de Bianconi, 1785).
(b) De natura deorum, lib. II, § nv.
(c) Voyez Sprengel, Histoire de la médecine, t. III, p. 34.
(d) Anthropologia nova, 1717, p. 86.
NATURE DE CE PHÉNOMÈNE. 253
pas sensiblement de celle de l'atmosphère (1). La théorie toute
mécanique de la digestion par trituration a eu de nombreux
partisans, et a conduit même à la découverte de plus d'un fait
important, mais elle a donné lieu à un nombre bien plus
grand de vaines spéculations déguisées sous le masque de la
science positive (2). Enfin , l'hypothèse suivant laquelle la
digestion serait une sorte de fermentation, ou serait déterminée
par l'effet de dissolvants, a revêtu successivement diverses
formes, suivant la nature des idées régnantes parmi les chi-
mistes de chaque époque ; et si l'on s'en tenait aux mots au
lieu d'aller au fond des choses, on pourrait trouver dans les
écrits de plus d'un auteur des xvn* et xvni" siècles l'énoncé
succinct de la théorie généralement admise de nos jours. Mais
en réalité on ne savait alors rien touchant la nature du travail
digestif, et, jusque vers la fin du siècle dernier, presque tous
les faits fondamentaux sur lesquels la théorie de ce phénomène
repose étaient encore à découvrir (3). L'exposé des opinions et
(1) Voyez Haller, Elementa physio- ques médecins de mérite, même dans
logiœ, t. VI, p. 335. les temps modernes : Glieselden , par
(2) Gomme exemple de ces vues exemple (6).
toutes spéculatives des physiologistes L'hypothèse d'une fermentation di-
dits iatro-mathématiciens , je citerai gestive a été imaginée, vers le milieu
les hypothèses de Pitcairn sur la puis- du xvir siècle, par Van Helmont (c),
sance triturante de l'estomac, qu'il a dont j'ai déjà eu l'occasion de men-
cru pouvoir évaluer à 12 951 livres (a). tionner les travaux (d). Elle a eu
(3) L'assimilation de la digestion à beaucoup de partisans, parmi lesquels
la putréfaction ne pourrait résister à je citerai Sylvius, Willis, Boyle, Lo-
une simple discussion sérieuse, mais wer, Macbride, etc. (e). Mais il ne
a été soutenue cependant par quel- faut pas oublier qu'à cette époque, les
(a) Pitcairn, Dissertalio de motu quo cibi in ventriculo rediguntur ad formam sanguini refi-
ciendo idoneam (Dissertationes medicœ, p. 81, Piotterdam, 1701, et Elementa medicina physico-
mathematica, 1718, cap. v, p. 25).
(6) Cheselden, Anatomy of the Human Body, 1763, p, 155, 8» édit.
(c) Van Helmont, Sextuplex digestio alimenti humani (Ortus medicinœ, p. 1G7).
{d) Tome I, page 379.
(e) Sylvius (ou Dubois), Disserl. med. I, et Prnx.med., lib. VII, cap. vu.
— Willis, Defennentalione, cap. i, p. 17 (Opéra omnia, 1680, t. I).
— Boyle, Works, t. H, p. 622.
— Lower, De corde, p. 204.
— Macbride, Expérimental Essay on the Fermentation of Alimentary Mixture, 1 701 , p. 59.
— Leich, Discours e concerning Digestion [Philos. Trans., 1684, t. XIV, p. 694).
254 DIGESTION.
des conjectures qui ont précédé la connaissance de ces (aits
serait une tâche non moins oiseuse que longue. Je ne l'entre-
prendrai donc pas, et je me bornerai à rendre compte des
découvertes successives à l'aide desquelles la question si long-
temps en litige a été enfin résolue.
„ .. ^ h. — La première série d'expériences méthodiques et
Premières c r i i
recherches instructlvcs cntrcpriscs à ce sujet est due au célèbre Réaumur,
expérimentales ^ "
^"•" dont les beaux travaux sur l'histoire naturelle des hisectes
la digestion.
constituent une des principales richesses de l'entomologie (1).
connaissances chimiques touchant la
nature des phénomènes auxquels ou
donnait le nom de fermentation
étaient si vagues el si incomplètes,
qu'en réalité l'emploi de cette expres-
sion n'avançait guère la question, et
signifiait seulement que, dans l'o-
pinion de ces physiologistes , les
modifications éprouvées par les ali-
ments dans l'estomac sont le résultat
d'un changement qui s'opère dans
leur constitution , soit spontanément,
soit sous l'influence d'un agent com-
parable au ferment connu sous le nom
de levure, et non le résultat d'une
action mécanique ou d'une simple
dissolution. Du reste, la ligne de dé-
marcation entre la théorie de la diges-
tion par fermentation ou par dissolu-
tion était rarement indiquée d'une
manière nette ; dans cette dernière
hypothèse, on attribuait la désagréga-
tion et la transformation des aliments
en chyme à l'action d'un liquide pro-
duit dans l'estomac , et appelé suc
gastrique ; mais à cette époque l'exis-
tence de ce suc n'était nullement
démontrée, et les propriétés qu'on y
attribuait ne pouvaient s'expliquer en
aucune façon par les propriétés chi-
miques d'aucun corps connu. C'était
donc un être de raison seulement.
Ainsi Cureau de Lachambre, un des
premiers médecins qui aient soutenu
la théorie de la dissolution, admettait
que celte transformation était efléc-
tuée, non par une humeur aqueuse ou
acide, mais par des esprits dissol-
vants (a), et Lamy, son contemporain,
qui attribuait ce rôle à un suc gas-
trique, assurait que ce suc dissolvait
les métaux aussi bien que les ali-
ments [h). Quelques-uns de ces phy-
siologistes, il est vrai, avaient deviné
assez juste , et , comme exemple, je
citerai Grew (c) ; mais leur opinion
ne reposait sur aucune base solide,
et il suffit de hre l'exposé de l'état de
la question dans le grand ouvrage de
Haller, pour reconnaître combien il
régnait d'obscurité dans toute cette
portion de la physiologie (cl).
(1) René Ferchault de Réaumur
naquit à la Rochelle en 1683, et entra
(a) De Lachambre, Nouvelles conjectures sur la digestion. Paris, 1638.
(6) Lamy, Discours anatomiques. Paris, 4 675.
(c) Grew, Conip. Anatomy ofthe Stomach, p. 26.
(d) Haller, Elementa physiologiœ, lib. XIX, sect. v, t. V, p. 327 et suiv.
NATURE DE CE PHENOMENE.
255
On savait déjà, par les expériences faites à Florence par les
membres de l'ancienne Académie del Cimento, que des corps,
même des plus durs , introduits dans l'estomac de certains
Oiseaux, tels que l'Autruche, sont usés et souvent même réduits
en poudre par l'action de cet organe (1). On avait reconnu aussi
que chez ces Animaux les parois de cet organe sont garnies de
muscles puissants, et les partisans de la théorie mécanique de la
digestion arguaient de ces faits pour soutenir que cet acte phy-
siologique consistait essentiellement en un phénomène de tritu-
ration. Mais, d'un autre côté, les anatomistes avaient vu aussi
que chez l'Homme, ainsi que chez un grand nombre d'Ani-
maux dont la puissance digestive est assez grande, l'estomac
n'a que des parois minces et membraneuses plutôt que char-
à rAcadémic des sciences en 1708,
comme mathématicien. Il se fit con-
naître d'abord par plusieurs publica-
tions importantes sur la fabrication
de l'acier, du fer-blanc, des perles
fausses, etc., ainsi que par des tra-
vaux relatifs à divers points d'In'stoire
naturelle, et les perfectionnements
qu'il introduisit dans la construction
des thermomètres rendirent son nom
populaire. Mais son ouvrage le plus
important est une série de mémoires
sur les mœurs des Insectes, formant
six volumes in-/i et accompagnés de
nombreuses planches. Réaumur mou-
rut en 1757.
(1) U Accademia del Cimento, fon-
dée en 1657 par Léopold , grand-duc
de Toscane, et composée principale-
ment de disciples de Galilée, n'exista
que pendant un assez court espace de
temps, et s'occupa principalement de
questions de physique, mais fit aussi
diverses expériences sur la digestion.
Ainsi elle constata que chez des
Poules et des Canards , des boules
de cristal, des balles de plomb et
d'autres corps très durs introduits
dans l'estomac de ces Oiseaux sont
bientôt usés, tordus ou même i-éduits
en poudre [a).
Iledi, l'un des membres de cette
Société savante, fit beaucoup d'expé-
riences anaioiiues sur ces Oiseaux de
basse-cour, ainsi que sur une Autru-
che, et il eut le soin de déterminer la
perte de poids que les corps divers
subissaient dans l'intérieur de Testo-
mac de ces Animaux (b).
On cite aussi des expériences du
même genre faites vers la même
époque par M. Magalotti (c).
(a) Saggi di naturali esperienze fatte neU'Accademia del Cimento, 1667, esp. cclxviii,
2" édit.,'1691.
(b) Fr. Hedi, Opusculorum pars secunda, sive expérimenta circa varias res naturales, p. 102
et suiv. (éd. de Leyde, 4729).
(c) Magalotti, Sagio di naturali esperieme.
256 DIGESTION.
nues, de façon qu'il était difficile d'attribuer à ce viscère une
grande force musculaire. On avait recueilli également divers
faits qui tendaient à prouver que la digestion peut s'opérer
lors même que les parois de l'estomac restent écartées, et cela
chez les Oiseaux, où la puissance triturante de cet organe est le
plus développée (1). Réaumur se trouvait donc en présence de
deux opinions nettement formulées, touchant la nature du tra-
vail digestif : suivant les uns , c'était parce que les ahments
sont broyés dans l'estomac qu'ils sont transformés en cette
Expériences cspèce dc pâtc quc Tou nomme chyme; suivant les autres, ce
pa- Réaumur. résultat était dû à l'action dissolvante d'un agent chimique, d'un
suc digestif. Pour décider de quel côté était la vérité, Réaumur
eut l'heureuse idée de soumettre à l'action des forces digestives
de l'estomac divers aliments renfermés dans une enveloppe
soHde, de façon à les protéger contre toute pression, tout frotte-
ment, toute action mécanique quelconque , mais à les laisser
accessibles au contact des liquides qu'ils pouvaient rencontrer
dans la cavité stomacale. Les premières expériences exécu-
tées de la sorte ne donnèrent aucun résultat décisif, car elles
furent faites sur des Oiseaux dont le gésier est très puissant, et
les tubes de verreoude métal employés pour garantir les aliments
contre l'action triturante de ce viscère ne purent y résister ;
ils étaient brisés ou aplatis et tordus en peu de temps par les
contractions énergiques de l'estomac, et par conséquent les faits
observés n'ajoutaient rien à ceux constatés précédemment par
Redi et les autres académiciens de Florence. Réaumur répéta
donc ses essais, en faisant usage d'enveloppes plus résistantes,
(1) Ainsi Vallisneri, en faisant l'a- faisant saillie dans rintérieur de l'es-
natomie d'une Autruche, a trouvé un tomac, circonstance qui semble avoir
gros clou implanté dans les parois dû empêcher cet organe de se con-
charnues du gésier de cet Animal, et tracter comme d'ordinaire (a).
(a) Vallisneri, Notomia dello Struzzo {Opère fisico-mediche, t. I, p. 242, pi. 29, fig. 2).
NATURE DE CE PHÉNOMÈNE. 257
et, au premier abord, il put croire que l'action mécanique de
l'estomac était au moins une des conditions nécessaires pour
la transformation des aliments en chyme, car l'orge qu'il avait
renfermée dans des tubes métalliques d'une solidité convenable
et qu'il avait introduits ensuite dans le gésier de divers Oiseaux
de basse-cour, s'était retrouvée intacte après avoir séjourné fort
longtemps dans cet organe (1). Mais, en variant davantage ses
expériences, il ne tarda pas à reconnaître que souvent, sinon
toujours, la digestion peut s'opérer sans l'intervention d'aucune
force mécanique et par la seule influence des sucs gastriques.
Cette seconde série de recherches porta sur des Oiseaux à
estomac membraneux, et, afin de pouvoir multiplier facilement
ses observations, Réaumur mit à profit un fait bien connu de
toutes les personnes versées dans l'art de la fauconnerie. On
avait remarqué que les Oiseaux de proie rejettent facilement
par le bec les matières que leur estomac n'a pu digérer, et que
d'ordinaire ils se débarrassent de la sorte des plumes ou autres
dépouilles des Animaux dont ils se repaissent. Les fauconniers
avaient même l'habitude de leur faire avaler de grosses boules
de matières indigestes afin de provoquer des vomissements
qu'ils considéraient comme salutaires (2). Réaumur, au lieu de
sacrifier les Oiseaux soumis à ses expériences, se contenta donc
(l) Cette première série d'expé- il réussit en faisant usage de tubes de
riences fut faite sur des Dindons, des plomb d'une épaisseur considérable.
Canards et des Coqs, Réaumur em- Ceux-ci ne furent ni aplatis ni tordus
ploya d'abord des boules de verre par les contractions du gésier , mais
creuses dont on se sert pour fabri- les grains d'orge qu'il y renfermait
quer les perles fausses, puis de se retrouvaient sans altération notable
courts tubes de verre ou de fer-blanc; après un séjour fort long dans l'es-
mais ces corps ne résistaient pas à tomac (a).
l'action triturante du gésier, et furent (2) Ces bols vomitifs, que l'on dé-
promptement brisés ou aplatis; enfin signait sous le nom de cures, étaient
(a) Réaumur, Sur la digestion des Oiseaux (premier mémoire). Expériences sur la manière
dont se fait la digestion dans les Oiseaux qui vivent principalement de grains et d'herbes et dont
l'estomac est un gésier [Mém. de l'Acad. des sciences, 1752, p. 266).
V. 17
258 DIGESTION.
de faire descendre dans leur estomac des tubes métalliques
renfermant des aliments, et d'en examiner le contenu lorsque
l'Animal les rejetait spontanément. Les résultats obtenus de la
sorte furent décisifs. Des morceaux de viande convenablement
assujettis dans l'intérieur d'un tube à parois inflexibles et sous-
traits ainsi à toute pression exercée par l'estomac, n'en furent
pas moins digérés dans l'espace de quelques heures; tantôt on
retrouvait dans l'intérieur du tube métallique des portions sim-
plement ramollies ou transformées en pulpe à la surface, mais
encore intactes vers le centre, et d'autres fois le tout avait dis-
paru, bien que les deux extrémités du tube eussent conservé
intacts les grillages dont on les avait garnies pour empêcher le
passage de tout corps solide. Or, ce résultat ne pouvait être
produit par des forces mécaniques et s'exphquait facilement par
l'action d'un dissolvant.
' Réaumur pratiqua des expériences analogues en substituant
à la viande dont il venait de faire usage des os de Poulet, et
il vit que ces corps, bien que protégés efficacement contre
toute espèce de trituration , pouvaient être digérés par les
Oiseaux de proie; mais lorsqu'il remplaçait ces matières ani-
males par de l'orge ou d'autres grains, il n'y observa rien
de semblable ; ces aliments résistaient à l'action du dissolvant,
qui était si puissant pour transformer en chyme les aliments
azotés.
Convaincu ainsi de la nature chimique des forces qui, dans
un grand nombre de cas, sufiisent pour effectuer la digestion,
ce physiologiste illustre voulut iaire un pas de plus, et repro-
duire dans un vase inerte, à l'aide du suc gastrique, les phé-
nomènes dont l'estomac des Animaux vivants est le siège. Dans
cette vue , il chercha à se procurer une quantité suffisante de
formés en général de filasse ou de trait, les rendaient en général dans
plumes pressées et collées ensemble. les vingt-quatre heures.
î^es Épervlers , à qui on en adminis-
ences
de
NATURE DE CE PHÉNOMÈNE. i259
ce suc au moyen d éponges qu'il faisait avaler à des Oiseaux de
proie, et qu'il pressait après qu'elles avaient été rejelées au
dehors. Il soumit même à l'action du liquide ainsi obtenu
quelques aliments, mais il ne réussit pas à en opérer la diges-
tion artificielle, et il abandonna la tentative (1).
La découverte de la nature du travail digestif resta donc
incomplète entre les mains de Réaumur ; mais un demi-siècle
après, le résultat qu'il avait espéré obtenir fut réalisé par un
autre expérimentateur plus persévérant, l'abbé Spallanzani ,
dont j'ai déjà eu l'occasion de citer les beaux travaux, et dont
le nom reviendra souvent dans le cours de ces Leçons (2).
Pendant cet intei-valle de temps, un médecin écossais, Stevens, Expéri
fit sur l'Homme des ex{)ériences semblables à celles pratiquées stevens
sur les Oiseaux de proie par Réaumur. Ayant rencontré un
bateleur qui avait Fhabitude d'avaler des pierres, puis de les
rejeter par la bouche, il profita de cette circonstance pour sou-
mettre à l'action de l'estomac de cet Homme des substances
alimentaires renfermées dans une sphère métallique criblée de
trous, et pour examiner les altérations que ces matières éprou-
(1) Les expériences décisives dont tières végétales résister à la seule
il est ici question furent faites princi- action des sucs dont elles étaient bai-
palenient sur une Buse , et Réaumur gnées dans restomac de ces Animaux,
trouva que des fragments d"os proté- et il en conclut que la nature du tra-
gés de la sorte contre toute action nié- vail digestif n'est pas la même partout,
canique étaient attaqués et digérés par Les essais infiuciueux de digestion
les sucs gastriques de la même ma- artificielle tentés par Réaumur furent
nière que cela avait lieu pour la faits avec du suc gastrique obtenu
viande. Une expérience relative à la au moyen de morceaux d'épongé in-
digestion des os dans l'estomac du iroduils dans l'estomac d'une Buse.
Chien lui parut également favorable Ce liquide avait un goût acide et
à l'hypolhèse de la formation du rougissait le papier bleu de tour-
chyme par voie chimique ; mais chez nesol (a).
les Moutons, de même que chez les (2) Voyez tome 1, page /i 17.
Oiseaux de basse-cour, il vil les ma-
is) Réaumur, Sur la digestion des Oiseaux (second mémoire). De la manière dont elle se fait
dans l'estomac des Oiseaux de proie (Ulém. de l'Acad. des sciences, 1752, p. 461).
Expériences
de
Spallanzani.
Digestions
artificielles.
260 DIGESTION.
valent par leur séjour dans ce viscère. Il fit aussi des expé-
riences analogues sur des Chiens, et il reconnut, comme l'avait
fait Réaumur, que les aliments protégés de la sorte contre
toute action mécanique, et exposés seulement à l'influence des
liquides contenus dans l'estomac, peuvent être complètement
digérés (1).
Les expériences de Spallanzani portèrent sur un grand
nombre d'Animaux différents , et mirent également hors de
toute contestation le principal résultat obtenu par Réaumur, car
elles démontrèrent la possibilité de la digestion dans des circon-
stances où les ahments introduits dans l'estomac étaient sous-
traits à l'action mécanique de cet organe et accessibles à des
fluides seulement. Mais, ainsi que je viens de le dire, Spallan-
zani alla plus loin. Il constata que la digestion peut s'effectuer
dans l'estomac d'un cadavre aussi bien que dans celui d'un
Animal vivant. Enfin il parvint à opérer dans un vase inerte
des digestions artificielles, en faisant agir sur de la viande
le liquide extrait de l'estomac de divers Animaux. 11 reconnut
que la désagrégation des matières alimentaires qui amène leur
transformation en chyme ne dépend pas de leur putréfaction ;
que le suc gastrique est au contraire un agent qui s'oppose
à cette décomposition spontanée des substances organiques;
enfin il fit voir que la digestion n'est pas accompagnée des
signes ordinaires de la fermentation, et il établit que les phé-
nomènes physiologiques dont l'estomac est le siège dépendent
(1) Les expériences de Stevens datent
de 1777 (a); elles confirmèrent et éten-
dirent les résultats obtenus précédem-
ment par Réaumur, mais elles étaient
encore insuffisantes pour établir sur
des bases inattaquables la lliéorie chi-
mique de la digestion : car on pouvait
supposer encore que la transformation
des aliments en chyme était due à une
action vitale, une influence nerveuse,
hypothèse qui comptait déjà des par-
tisans célèbres et qui a été soutenue,
même de nos jours , par quelques
physiologistes.
(a) Stcvons, De aUmentorum concoclione, Edinb., 1777.
NATURE DE CE PHÉNOMÈNE. 261
essentiellement de la propriété dissolvante dont est doué le suc
gastrique, c'est-à-dire l'humeur particulière contenue dans ce
viscère (1).
Les recherches nombreuses et variées faites sur ce sujet par
les physiologistes de nos jours sont venues confirmer le résultat
important obtenu par Spallanzani, et donner gain de cause à
ceux qui voyaient dans la digestion un phénomène chimique.
Nous savons aujourd'hui, à ne plus en douter, que la transfor-
mation en chyme est due uniquement à Faction du liquide dont
ces matières s'imbibent dans l'estomac, et qu'à l'aide de ce suc
la digestion peut se faire dans un vase quelconque. Grâce aux
procédés commodes inventés pour obtenir cette humeur gas-
trique (2), les expériences de digestion artificielle sont devenues
(1) Je reviendrai bientôt sur ce tra-
vail important , et je me J)ornerai à
ajouter ici que dans ces expériences
de digestion artificielle, la désagréga-
tion des aliments, leur transformation
en une paie semblable au chyme, ne
s'effectuaient pas aussi rapidement
que dans l'estomac d'un animal vivant,
et que le concours d'une certaine cha-
leur était nécessaire à l'accomplisse-
ment du phénomène. Spallanzani re-
marqua aussi que le renouvellement
du suc gastrique accélérait beaucoup
la réaction (c).
Les expériences de Spallanzani fu-
rent commencées en 1777, mais ne
furent publiées que fort longtemps
après.
(2) Dans les recherches de Spallan-
zani, de même que dans celles de
Réauniur, le suc gastrique employé
pour les digestions artificielles était en
général obtenu par la régurgitation
d'épongés introduites dans l'estomac.
MM. Tiedemann et Gmelin eurent
recours à un procédé difl'érent : ils
firent avaler aux Chiens soumis à
leurs expériences des cailloux ou d'au-
tres corps inattaquables pour stimuler
les parois de l'estomac, puis ils tuèrent
ces Animaux pour recueillir la petite
quantité de suc gastrique qui pouvait
se trouver dans leur estomac [b].
Mais à la suite des observations inté-
ressantes faites par un médecin amé-
ricain, M. W. Beaumont, sur un
homme dont l'estomac était resté ou-
vert à la suite d'une blessure (c),
quelques physiologistes eurent l'idée
d'établir une communication perma-
(a) Spallanzani, Expériences sur la digestion de l'homme et de différentes espèces d'animaux,
avec des considérations par Senebier. In-8, Genève, 1783.
(b) Tiedemann et Gmelin, Recherches expérimentales physiologiques et chimiques sur la diges-
tion, 1827, t, 1, p. 92 etsulv.
(c) \V. Beaumont, Expérimenta and Observations on the Gasiric }uice and the Physiology of
Digestion, 1833.
Action
la pepsine.
262 DIGESTION.
vulgaires, et l'on a pu étudier la nature intime de cet agent
ainsi que ses propriétés physiologiques, et les modifications
plus ou moins profondes qu'il détermine dans la constitution de
certaines matières alimentaires. A l'époque où vivait Spallanzani
la chimie organique existait à peine, et ne pouvait nous fournir
à ce sujet aucune lumière utile ; mais , aujourd'hui , cette
science nous est d'un grand secours, et nous donne la clef de
tous les phénomènes fondamentaux de la digestion. Elle nous a
fait connaître les principes dont dépend la puissance du suc
gastrique, et nous a fourni même les moyens d'en produire
artificiellement (1). Bientôt j'exposerai tous les faits intéressants
nente entre cet organe et l'extérieur,
à l'aide d'une incision pratiquée aux
parois de l'abdomen chez des Ani-
maux vivants. Un médecin russe,
M. Bassow, fut le premier à appeler
l'attention du puljlic sur ce procédé
expérimental dont il fit usage avec
beaucoup de succès (a), et peu de
temps après, M. Blondlot, de Nancy,
arriva, de son côté, aux mêmes résul-
tats (6). C'est surtout ce dernier expé-
rimentateur qui a vulgarisé l'emploi
des fistules gastriques pour l'étude
des phénomènes de la digestion, et
lorsque je traiterai spécialement de la
chymification chez les Animaux supé-
rieurs, je ferai connaître le procédé
opératoire dont il fait usage.
(1) En 1839, M. Wasmann, de Ber-
lin, parvint à extraire la pepsine de la
membrane muqueuse de l'estomac du
Porc, et il reconnut que cette matière,
dissoute dans de l'eau aiguisée d'acide
chlorhydrique, détermine tous lesphé-
nomènes de la digestion artificielle,
comme le ferait du suc gastrique na-
turel (c). Depuis lors la préparation
de la pepsine et du suc gastrique
artificiel a été l'objet de beaucoup de
recherches dont il sera rendu compte
dans une des Leçons suivantes. Enfin
cette substance est tombée dans le
domaine de la thérapeutique {d), et
M. L. Corvisart a fait voir que dans
certains cas on pouvait employer le
suc gastrique artificiel comme mé-
dicament, pour suppléer à la sé-
crétion insuffisante de l'estomac dans
le travail physiologique de la diges-
tion (e).
(a) Bassow, Voie artificielle dans l'estomac des Animaux (Bulletin de la Société des natura-
listes de Moscou, 1843, t. XVI, p. 315).
(6) Blondlot, Traité analytique de la digestion, 1843, p. 201 et suiv.
(c) Wasmann, De digestione nonnuUa {disievt. inaug.). Berolini, 1839.
(d) Boudaiilt, Mémoire sur le principe digestif, etc. [Moniteur des hôpitaux, \ 854).
(e) Lucien Corvisart, Recherches ayant pour but d' administrer aux malades qui ne digèrent
pas des aliments tout digérés par le suc gastriqiie des Animaux (Comptes rendus de l'Acad. des
sciences, 1852, t. XXXV, p. 244).
— Dyspepsie et consomption. Ressources que la poudre nutrimentive (pepsine acidulée) offre
dans ce cas à la médecine pratiqice, 1854,
Nature de ce phénomène. 26o
dont l'histoire physiologique de la digestion a été enrichie de
la sorte ; mais en ce moment je cherche seulement à donner
une idée générale de la nature de cette fonction, et par consé-
quent je ne dois pas m'arrêter sur ces détails ; je me bornerai
donc à ajouter que les parties actives du suc gastrique sont un
acide et un principe immédiat qui porte le nom de pepsine (1).
C'est ce dernier agent qui joue le rôle le plus important dans
le travail de la chymification ; mais, pour opérer la désagréga-
tion et la dissolution des aliments qu'il est destiné à digérer, la
présence d'un acide est nécessaire, et par conséquent l'acidité
est un des caractères du suc gastrique. -
§ 5. — Du reste, toutes les substances nutritives que les
Animaux rencontrent dans la nature, et qu'ils pourraient intro-
duire dans leur estomac, ne sont pns susceptibles d'éprouver des
changements de ce genre en présence du suc gastrique ; il en
est beaucoup qui résistent à Faction digestive de ce liquide , et
par conséquent, pour utihser d'une manière complète les ali-
ments dont ils sont environnés, ces êtres auraient besoin de
les soumettre à l'influence d'autres agents. En» effet, nous avons
vu, par les expériences de Réaumur, que l'orge et le blé ne sont
pas attaqués par le suc gastrique, dans lequel la viande se dis-
sout (2); nous savons cependant que ces matières, et beaucoup umué
d,, 1, '',1 1' 1 -'l'i-- d'autres an-enîs
autres substances végétales douées de propriétés chmiiques digestif!
semblables, sont employées à l'alimentation de l'Homme et
d'une multitude d'Animaux. Il en résulte que les découvertes
(1) Le nom de pepsine, donné au auteurs onl appelé ce principe {/as-
principe actif du suc gastrique par térase ib) ou chymosine (c) , mais la
M. Schwann {a) vient du mot grec première dénomination a prévalu.
TTs'ii; (coction ou digestion). D'autres (2) Voyez ci-dessus, page '258.
(a) Schwann, Vehtr das Wesen des Verdauungsproeesses (Poggendorff's Annalen, 1836,
t. XXXVIII, p. 3(3-2,1.
(h) Payen, Note sur le principe actif du suc gastrique (Comptes rendus de l'Acad. des sciences,
1843, t. XVII, p. G56).
(c) Descharaps, De la présure [Journal de pharmacie, 1840, t. XXVI, p. 416j.
diffestif.
204 DIGESTION.
dont je viens de rendre brièvement compte ne nous fournissent
pas la clef de tous les phénomènes essentiels de la digestion.
Mais d'autres recherches, dont l'exposé serait prématuré en ce
moment, sont venues compléter la théorie générale de cette
fonction, et montrer que c'est par des procédés analogues que
les aliments rebelles à la puissance dissolvante du suc gastrique
sont rendus absorbables. C'est toujours par l'action de liquides
dont ces substances s'imbibent que leur constitution se trouve
modifiée de façon à rendre leur pénétration dans l'organisme
possible; seulement les propriétés chimiques de ces humeurs
varient suivant le rôle qu'elles ont à remplir dans l'économie,
et, de même qu'il y a différentes sortes d'aliments, il y a divers
sucs destinés à en effectuer la digestion.
Caractères § 6. — Ccs notious élémentaires sur la nature du travail
df1"a"eii digestif nous permettront de prévoir quelles sont les conditions
générales qui devront être satisfaites par tout appareil destiné à
en être le siège, et, en appliquant à ces données extrêmement
simples les lois physiologiques dont nous avons fait si souvent
usage dans le cours de ces Leçons, il nous sera facile de prévoir
aussi quels sont les moyens de perfectionnement à l'aide des-
quels le jeu de cet appareil augmentera de puissance chez les
Animaux dont la nutrition a besoin de devenir de plus en plus
active.
Puisque la digestion consiste essentiellement en une dissolu-
tion des substances solides qui doivent servir à la nutrition de
l'Animal , que cette dissolution s'effectue à l'aide de liquides
fournis par l'organisme, et que les produits ainsi obtenus doi-
vent pénétrer dans l'intérieur du corps pour se mêler au sang
et se répartir ensuite dans toutes les parties de l'économie, il
faut évidemment que l'appareil digestif se compose d'un vase
propre à contenir ces humeurs ; que ce réservoir soit en com-
munication avec l'extérieur, de façon à pouvoir recevoir du
dehors les aliments et se débarrasser du résidu qu'ils laisseront;
CONDITIONS DE PERFECTIONNEMENT. 265
qu'il soit pourvu d'agents moteurs susceptibles d'y déterminer
l'entrée de ces matières , et que des organes aptes à fournir
les agents chimiques dont la digestion dépend y versent les
liquides dissolvants ; enfin , que ses parois soient propres à
absorber les matières élaborées dans son intérieur. Ce travail
physiologique, réduit à sa plus simple expression, suppose donc
le concours de plusieurs actes : la préhension des aliments et
leur ingurgitation; la sécrétion, ou production du suc digestif;
l'absorption des matières digérées, et l'expulsion du résidu
fécal.
Considérons l'appareil digestif au point de vue de chacun de
ces usages, et voyons comment, d'après le principe connu du
perfectionnement des organismes par la division du travail phy-
siologique, il devra se modifier chez les Animaux de plus en
plus élevés.
Cet appareil, ai-je dit, doit être un vase, ou réservoir, dis-
posé de façon à admettre facilement dans son intérieur les sub-
stances alimentaires, à conserver le suc digestif qui y est versé
par l'organisme, et à rejeter au dehors les matières que ce suc
est impuissant à dissoudre. La forme la plus simple que l'on
puisse concevoir pour un pareil récipient est celle d'une fosse
ou poche dont l'orifice se dilaterait pour laisser entrer ou sortir
les substances alimentaires, mais resterait contractée pendant
la durée du travail digestif, afin de ne pas perdre le réactif à
l'aide duquel ce phénomène doit s'accomplir.
Si, comme je l'ai posé en principe au comuiencement de ce
cours, la Nature se montre toujours économe dans ses créa-
tions, et proportionne les moyens mis en œuvre à l'importance
du résultat à obtenir, nous devons donc trouver l'appareil di-
gestif constitué de la sorte chez les Animaux les moins perfec-
tionnés. Et, en effet, c'est là précisément le mode d'organisa-
tion qui domine dans l'embranchement des Zoophytes.
Chez la plupart des Radiaires, l'appareil digestif consiste
Réservoir
alimentaire.
Poche
stomacale,
"266 DIGESTION.
en une vaste cavité qui se termine en cul-de-sac, et qui ne
communique avec l'extérieur que par un seul orifice destiné à
servir tour à tour à l'entrée des aliments et à la sortie des fèces.
Tube digestif. Mais ccttc couformation si simple et si grossière ne se ren-
contre jamais chez les Animaux plus élevés, et un des premiers
indices du perfectionnement des types zoologiques consiste
dans l'introduction de la division du travail dans les relations
de la cavité digestive avec l'extérieur. Cette cavité s'ouvre alors
au dehors par deux orifices opposés, dont les fonctions sont
parfaitement distinctes: l'un sert essentiellement à l'entrée des
aliments, c'est la bouche ; l'autre livre passage au résidu laissé
par la digestion, et constitue l'anus. La cavité digestive, au lieu
d'avoir la forme d'une poche, devient alors un tube plus ou
moins renflé vers le milieu, mais ouvert aux deux bouts, et c'est
toujours d'avant en arrière que les ahmenis traversent ce conduit.
Spécialisation § 7. — Lc grand principe du perfectionnement des orga-
des
fonctions uismcs par la division du travail pliysiologique régit également
digesHvè." l'emploi de la cavité ainsi constituée. Nous avons vu, dans une
autre partie de ce cours, que chez beaucoup de Zoophytes, c'est
un seul et même appareil qui est chargé de l'élaboration et de
la distribution des liquides nourriciers : la cavité digestive tient
alors lieu d'un système irrigatoire ; parfois aussi elle paraît
être en même temps le siège principal delà respiration, et dans
toute une classe de Radiaires, celle des Coralliaires, elle remplit
aussi les fonctions d'une chambre génératrice, car elle loge les
organes reproducteurs et les jeunes y passent pour s'échapper au
dehors ; mais ce cumul physiologique cesse bientôt, et chez les
Zoophytes supérieurs, de même que chez les Animaux des trois
autres embranchements , on en voit rarement quelques traces.
Mode La même tendance à la division du travail, comme moyen
de constitution ^^ perfectionnement, se révèle dans le choix des matériaux
l'estomac. ^^^^ j^ Naturc fait usage pour constituer le réservoir alimen-
taire. Chez les Animaux les plus simples, cette cavité est creu-
CONDITIONS DE PERPECTIO^XEMEM. 2b7
see directement dans la substance générale du corps, et le
(issu qui en forme les parois ne diffère pas notablement de ce-
lui des parties circonvoisines ; mais chez tous les Animaux un
peu plus élevés, elle est tapissée par une membrane délicate et
d'une structure particulière, puis cette membrane propre se
sépare des tissus d'alentour, et constitue une poche ou un tube
suspendu plus ou moins librement au milieu d'une cavité gé-
nérale ; il y a toujours continuité entre les parois extérieures du
corps et les parois de la cavité digestive sur les bords des ori-
fices de celle-ci, mais partout ailleurs il y a indépendance plus
ou moins complète.
Comme exemple d'Animaux dont la cavité digestive se pré-
sente sous la forme d'une simple excavation creusée dans le tissu
commun de l'organisme, je citerai les Hydres ou Polypes à
bras, de nos eaux douces. Chez les 31éduses et les autres Aca-
lèphes, les parois de ce réservoir sont également en continuité
de substance avec lesparHes adjacentes de l'organisme, et il n'y
a point d'espace hbre entre ces parois et les téguments com-
muns, mais le revêtement intérieur de la cavité alimentaire
est formé par une membrane particuhère. Entin, chez les
Coralliaires , une portion de l'appareil digestif acquiert une
existence indépendante de celle de la cavité générale du corps,
et chez les Échinodermes, ainsi que chez tous les Mollusques,
les Annelés et les Vertébrés, cette séparation devient complète
et la cavité a partout des parois propres (1).
^ 8. — Le même procédé de perfectionnement se reconnaît structure
^ "^ r jgs parois
dans les modilicahons apportées à la structure des parois de la ^^ i^ cavité
'^ '■ ' _ digestive,
cavité digestive. Toujours ces parois sont composées essentielle-
(1) On donne quelquefois le nom cette dénomination à une des grandes
(['Animaux parenchymateux à ceux divisions des Vers intestinaux ; mais
dont la cavité digestive n'a point de elle n'y convient pas, car chez tous
parois libres, et semble être creusée ces Animaux l'appareil alimentaire est
directement dans la substance com- suspendu dans un^ cavité viscérale
mune du corps. Cuvier appliquait distincte.
268 DIGESTION.
ment d'une membrane dite muqueuse (1), qui est douée de la
faculté de sécréter certains liquides dont les aliments s'imbibent,
et est apte à absorber les matières fluides en contact avec sa
surface ; mais chez les Aniuiaux les plus simples elle a aussi
d'autres fonctions à remplir. Les matières alimentaires intro-
duites dans ce réservoir ne doivent pas y demeurer en repos;
pour en hâter la digestion, elles doivent y être agitées avec le
suc gastrique, et le résidu qu'elles laissent doit être expulsé au
dehors ; l'intervention de forces mécaniques est donc néces-
saire, et chez les Animaux les plus simples, c'est cette tunique
muqueuse qui est chargée de remphr aussi le rôle d'un agent
moteur. En effet, sa surface est pourvue de cils vibratiles et les
courants excités par ces petits appendices produisent le résul-
tat voulu. Mais chez les Animaux plus élevés, où les mouve-
ments de ce genre doivent être plus énergiques, la division du
travail s'établit sous ce rapport comme sous beaucoup d'autres,
et l'appareil digestif s'enrichit d'instruments moteurs spéciaux.
Une nouvelle tunique, composée de libres musculaires, se dé-
veloppe alors autour de la cavité alimentaire, et, par la con-
traction de ces fibres, les parois de celle-ci changent de forme
et de rapports, suivant les besoins de la fonction, et déplacent
les matières étrangères en contact avec leur surface. Enfin, la
couche de substances organiques qui recouvre tout l'appareil, et
(1) Par leur structure , les mem- dans répiihélium ; elle correspond
branes muqueuses ressemblent beau- au derme ou chorion de la peau, et a
coup à la peau. Leur surface libre est été appelée le feuillet muqueux pro^
occupée par une couche de tissu ulrl- prement dit. Enfin une troisième cou-
culaire qu'on désigne sous les noms che, composée principalement de tissu
à'épitkélium oad' épidémie muqueux. lâche et nommé tissu sous-^muqueux^
Plus profondément, on y trouve une l'unit aux tuniques sous-jacentes. Du
touche composée essentiellement de leste, les caractères de ces membranes
tissu conjonctif et de fibres élastiques, varient beaucoup dans les diverses
mais renfermant d'ordinaire aussi parties de l'appareil digestif et dans
des nerfs et des vaisseaux sanguins, les différentes classes d'Animaux ,
parties qui ne se rencontrent pas comme nous le verrons bientôt.
CONDlTlOiNS DE PERFECTIONNEMENT. 2G9
qui s'étend également sur les parois de la chambre viscérale, n'est
d'abord que du tissu connectif ordinaire; mais quand les mouve-
ments dont il vient d'être question deviennent plus étendus et
plus fréquents, elle se transforme en une membrane lisse, ana-
logue à celle que nous avons déjà vue se développer autour des
poumons et du cœur, et destinée à diminuer les frottements.
Ainsi les parois de la cavité digestive, au lieu d'être formées
par une membrane simple, sont composées alors de trois
couches distinctes : une membrane muqueuse, une tunique
musculaire et une enveloppe séreuse, ayant chacune des fonc-
tions spéciales. J'ajouterai que, chez les Animaux supérieurs,
cette dernière gaîne se perfectionne aussi de façon à bien as-
surer la fixation de l'appareil digestif dans la chambre viscé-
rale sans gêner ses mouvements, et, à cet effet, se prolonge
dans une grande partie de la longueur du tube alimentaire, de
la surface de celui-ci jusqu'à la paroi adjacente de l'abdomen, et
constitue ainsi une sorte de voile suspenseur nommé mésentère.
§ 9. — Les modifications qui se remarquent dans la forme Dwision
de ce réservoir s'expliquent d'après les mêmes principes. Chez travail digcsHf
, . . 11) • • n ■ ' entre
les Animaux dont l organisation est peu pertectionnee sous ce les diverses
relions
rapport, le tube alimentaire présente la même structure dans du^nai
toute sa longueur, et les voies par lesquelles les corps étrangers
y entrent ou en sortent sont de simples orifices à bords con-
tractiles. Quand ces orifices deviennent béants pour livrer pas-
sage aux ahments ou aux fèces, il doit y avoir, par conséquent,
tantôt une perte considérable des sucs digestifs qui s'épanchent
au dehors, et, d'autres fois, introduction de beaucoup de matières
inutiles à l'organisme. 11 y aurait donc avantage à substituer à ces
orifices des espèces de conduits étroits et assez longs pour qu'ils
puissent livrer passage aux matières alimentaires sans se dila-
ter dans toute leur étendue à la fois, et maintenir la séparation
toujours bien établie entre la portion de l'appareil où la diges-
tion s'opère et le milieu ambiant. Or, cette disposition se réalise
270 DIGESTION.
chez tous les Animaux d'une structure perfectionnée, et la cavité
digestive, au lieu d'être constituée par un estomac seulement,
se compose de trois parties distinctes : une portion étroite
et vestibulaire , nommée œsophage-, une portion principale et
élargie en manière de réservoir, V estomac, et une portion termi-
nale, rétrécie et plus ou moins allongée , qu'on appelle intestin.
^ 10. — La division progressive du travail se reconnaît aussi
Organes "^ r o
producteurs (tang Ics perfcctionncments de cet appareil, considéré sous le
des liquides
digestifs, rapport de la production des liquides digestifs. Chez les Ani-
maux les plus inférieurs, cette fonction sécrétoire n'est l'apa-
nage d'aucun organe en particuher, ef toules les parties de
l'économie sont aptes à produire du suc gastrique quand elles
sont stimulées par le contact des aliments. Une preuve de cette
diffusion de la facuUé sécrétoire nous est fournie par des expé-
riences dues à Tremblay et faites sur les Hydres ou Polypes à
bras, qui nous ont déjà offert des phénomènes physiologiques
si importants à connaître pour la philosophie de la science (1).
Le corps grêle et cylindrique de ces petits Zoophytes d'eau
douce est creusé dans toute sa longueur par une cavité de même
forme qui se termine inférieurement en cul-de-sac et est ou-
verte à son extrémité supérieure ; cette cavité est un estomac,
et son orifice, qui tient lieu de bouche et d'anus, est entouré
de tentacules longs et préhensiles. L'Hydre est carnassière et
se nourrit des x4nimalcules qui nagent dans l'eau, où elle fait sa
demeure ; quand elle introduit un de ces petits êtres dans son
estomac, on voit qu'elle le digère promptement, et qu'après en
avoir extrait les principes nutritifs, elle en rejette la dépouille ;
mais on n'aperçoit dans la structure de sa cavité alimentaire rien
qui dishngue celle-ci des parties voisines, et ce Zoophyte tout
entier ressemble à un simple sac étroit et contractile, dont
l'orifice serait frangé. Or, Tremblay s'est assuré qu'on pouvait
(1) Voyez tome I, page 18.
CONDITIOJSS DE PERFECTIONNEMEÎST. 5i71
facilement le retourner comme on le ferait d'un doigt de gant,
de façon à rendre intérieure la surface qui, naturellement, était
extérieure, et à substituer à celle-ci la surface gastrique. Il a fait
souvent cette expérience, et il a trouvé que le Polype disposé
de la sorte n'en continuait pas moins à se nourrir de la manière
ordinaire. Ce singulier Animal, ainsi retourné, introduit, comme
de coutume, sa proie dans l'espèce d'estomac adventif formé
par le renversement de la surface extérieure de son corps, et
limité par ce que l'on appellerait la peau, si le tissu constituant
cette surface était distinct du tissu subjacent ; les aliments ingur-
gités dans ces circonstances se digèrent de la manière accou-
tumée. En un mot , rien ne paraît cliangé dans les fonctions
digestives, et ce sont seulement les matériaux constitutifs du
réservoir alimentaire qui ne sont plus les mêmes : comme si la
forme de cette portion de l'organisme était la seule condi-
tion voulue pour la rendre apte à remplir les fonctions d'un
estomac (1).
(l) Le renversement de Testomac ments comme avant l'opération, et à
des Hydres est une opération délicate les digérer au moyen de son estomac
et assez difficile , mais, à Taide des de nouvelle formation. Un des Polypes
précautions indiquées par Tremblay, ainsi retournés a continué à vivre pen-
on y parvient presque à coup sûr (a), dant deux ans et a beaucoup raulli-
et Laurent, qui a répété les expériences plié.
de ce physiologiste avec un plein suc- Tremblay a vu aussi que de très
ces, a vu parfois ce phénomène se jeunes individus développés par bour-
produire spontanément (6). Trem- geonnement à la surface du corps
blay a remarqué qu'en général l'Ani- d'un Polype qu'on retourne ainsi,
mal ainsi retourné ciierche à re- et logés par suite de ce renverse-
prendie son état normal, ou, pour ment dans la cavité intérieure du
me servir de l'expression employée corps de l'individu souche, se re-
par cet auteur, à se « déretourner »; tournent spontanément, de manière à
mais, lorsqu'on l'en empêche, il re- faire de nouveau saillie à Textérieur,
commence bientôt à prendre des ali- et achèvent leur croissance dans cette
(a) Tremblay, Mémoires pour servir à l'histoire d'un genre de Polypes d'eau douce à bras en
forme de cornes, t. II, p. 212 et suiv.
(b) Laurent, Recherches sur l'Hijdre et l'Eponge d'eau douce, p.. 83 (exlr. du Voyage de la
Bonite).
272 DIGESTION.
Mais cette diffusion de la faculté de sécréter l'agent digestif
est extrêmement rare, et chez presque tous les Animaux la
production de ce principe est localisée et a son siège dans les
parois de l'estomac, dont la structure se modifie pour s'appro-
prier à l'exercice actif de cette fonction. En effet, chez les
Animaux supérieurs, cette portion de tube alimentaire s'enri-
chit d'une foule de petites cavités appelées follicules^ qui sont
creusées dans l'épaisseur de sa membrane muqueuse, et qui
servent spécialement à la sécrétion du suc gastrique. Enfin,
chez quelques espèces, la division du travail est portée encore
plus loin : ce liquide ne se produit pas dans l'organe où il
s'emploie, et, au lieu d'un seul réservoir, il y en a deux; un
premier estomac est alors chargé de fournir l'agent digestif
et d'en imbiber les aliments , tandis qu'un second estomac
reçoit ces matières ainsi préparées et les emmagasine pen-
dant que la chymification s'opère. Les Oiseaux nous offriron
des exemples de cette disposition. En effet, ils ont un estomac
sécréteur appelé le ventricule siiccenturié, et, en général,
un autre réservoir gastrique situé plus avant et nommé gé-
sier, où les ahments séjournent après avoir été imprégnés
du suc gastrique pendant leur passage dans la cavité précé-
dente (1).
Il est permis de supposer que les modifications à imprimer
Les Animaux ., ,. ,. i i ••lui
les pii.s simples aux maticres ahmentan^es pour les rendre assnmlables par un
carnaÏÏers. Animal doivcut êtrc d'autant plus grandes, et par conséquent
plus difficiles à effectuer, que ces substances diffèrent davan-
tage de celles dont l'organisme de cet être se compose. Nous
pouvons donc penser que, toutes choses étant égales d'ailleurs,
position ; de sorte que chez eux aussi jabot, le ventricule succenUirioi de-
là surface de rorganisme destinée à vient le second estomac, et le gésier
être extérieure devient la surface gas- le troisième ; mais ce changement
trique, et vice versa. n'influe en rien sur les rapports de
(1) Chez les Oiseaux pourvus d'un position que je viens d'indiquer.
CONDITIONS DE PKRFECTIONNEMENT. 27o
le travail digestif à l'aide duquel ces modifications s'obtiennent
sera plus facile à accomplir si l'aliment consiste dans le corps
ou une porlion du corps d'un Animal que si c'était un tissu
végétal. Il s'ensuit que les Animaux dont l'organisme est le
moins parfait et la puissance digestive la moins développée
doivent être carnassiers plutôt que phytophages. Effectivement,
dans les groupes zoologiques inférieurs presque tous les Animaux
se dévorent entre eux, et le régime herbivore ne s'observe
que fort rarement. Or, nous avons déjà vu que la chair
musculaire et les autres substances analogues qui constituent
en majeure partie le corps de tous les êtres animés sont sus-
ceptibles d'être digérées par le suc gastrique, ou plutôt par la
pepsine dont ce suc est chargé. Par conséquent aussi nous Perfectionne-
devons nous attendre à ne trouver chez les Animaux les plus du travail
1 ii'-iT -ni T 1 chimique
smiples qu un liquide digestil de ce genre, tandis que chez de la digestion,
les êtres mieux organisés qui ont le pouvoir d'utiliser plus com-
plètement les substances diverses contenues dans leur proie, ou
qui ont la faculté de se nourrir de végétaux, le suc gastrique
devra coexister avec d'autres humeurs du même ordre, mais
douées de propriétés différentes et aptes à attaquer les matières
organiques que le premier de ces agents ne saurait rendre
absorbables.
§ 11. — Lorsque la partie chimique du travail digestif se
perfectionne de la sorte, et que les subslances nutritives sont
soumises successivement à l'action de deux ou de plusieurs dis-
solvants doués de propriétés différentes, la production de ces
nouveaux sucs s'effectue d'abord dans les parois mêmes du tube
ahmentaire, dont certaines portions sont plus ou moins modi-
fiées pour s'adapter au rôle d'organe sécréteur spécial. Mais
chez les Animaux d'un mode d'organisation plus élevé, l'éla-
boration de ces sucs se fait principalement à l'aide d'instru-
ments nouveaux qui se développent autour de ce tube et qui
y versent leurs produits. Ce sont des organes nommés g lajides
V. 18
Division
du travail
entre
les organes
sécréleurB.
274 DIGESTION.
qui viennent ainsi s'ajouter aux parties fondamentales de l'ap-
pareil digestif, et leur position, ainsi que leur structure, varie
suivant la nature des humeurs qu'ils sont destinés à fabri-
quer.
biTire' ^' "'^' ^ ^^^^^ quelques Zoophytes et un petit nombre de Vers
dont l'appareil digestif ne présente aucune trace de complications
de ce genre, et pour peu que l'on s'élève dans l'une quelconque
des séries zoologiques, on voit presque toujours un liquide par-
ticulier, appelé bile, venir se mêler au chyme préalablement
élaboré dans l'estomac sous l'influence du suc gastrique. Ce li-
quide nouveau est en général reconnaissable à sa couleur jaune
ou verte et à son amertume ; il est doué de propriétés alcalines
et ressemble à une sorte d'eau savonneuse. Nous étudierons
plus tard sa nature et ses propriétés, ainsi que la structure des
organes à l'aide desquels il se produit, et je me bornerai à
ajouter ici que chez quelques Molluscoïdes il est sécrété par les
parois même de la portion de l'intestin qui fait suite à l'esto-
mac, et que chez quelques autres Animaux du même embran-
chement il se forme au fond de divers appendices dépen-
dants soit de cet intestin, soit de l'estomac lui-même ; tandis
que chez la plupart des Mollusques, ainsi que chez tous les
Animaux supérieurs, il provient d'une grosse glande appelée
foie.
Appareil Daus uu très grand nombre d'espèces, un troisième liquide
digestif, doué également de propriétés alcalines, mais qui d'ail-
leurs diffère beaucoup de la bile, et consiste principalement en
eau chargée de quelques sels et de quelques principes orga-
niques , la salive, est également versé sur les aliments pen-
dant leur passage dans le canal digestif; mais c'est dans la
première portion de ce tube, en avant de l'estomac, que ce
liquide afflue, et c'est aussi dans le voisinage de la bouche que
les organes spéciaux chargés de l'élaborer, et appelés glandes
salivaires, se développent.
salivaire.
CONDITIONS DE PERFECTIONNEMENT. 275
Enfin, chez les Animaux les plus élevés en organisation, les
aliments rencontrent aussi dans la portion post-stomacale du
tube digestif un quatrième dissolvant, qui ressemble un peu à la
salive, mais qui jouit de propriétés particulières : on lui a donné
le nom de suc pancréatique, et il a sa source dans le pancréas,
organe glandulaire situé près du foie.
Ces divers liquides qui viennent ainsi compléter l'action di-
gestive du suc gastrique sont destinés surtout à attaquer et à
rendre absorbables les matières végétales, ou, pour parler d'une
manière plus précise, les aliments organiques non azotés.
Pour s'en assurer, il suffit d'un petit nombre d'expériences
faciles à répéter.
Ainsi le pain, comme chacun le sait, n'est pas soluble dans
l'eau, et serait presque insipide s'il ne contenait du sel ; mais il
suffît de le bien imbiber de salive en le mâchant pendant
quelque temps dans la bouche pour y développer un goût
sucré dû à la transformation d'une certaine quantité de sa
matière féculente en dextrine, puis en glycose; et si l'on filtre le
liquide qui s'écoule delà pâte ainsi imprégnée, on peut, à Taide
de réactifs convenables, tels que la solution cupro-potassique,
y constater la présence du sucre formé de la sorte aux dépens
des principes amylacés. Cette expérience est due à l'un des
agrégés de noire Faculté de médecine, M. Miahle; mais je
dois ajouter que la découverte du mode d'action de la salive
sur les matières amylacées appartient à un physiologiste alle-
mand, M. Leuchs (1).
Appareil
pancréatique.
Usages
des liquides
digestifs
accessoires.
(1) Devant, dans une prochaine
Leçon , traiter d'une manière plus
complète du mode d'action de la sa-
live sur les aliments, je ne rendrai
pas compte ici des divers travaux qui
ont été faits sur ce sujet, et je ne
parlerai pas en ce moment de la com-
position chimique du suc salivaire, si
ce n'est pour dire que l'on trouve
dans ce liquide un principe particulier
apte à jouer le rôle de ferment, à peu
près comme nous l'avons vu pour la
pepsine, mais ayant la propriété d'a-
gir de la sorte sm- certaines matières
amylacées, et ne paraissant pas dif-
férer de la diastase qui se développe
276 DIGESTION.
Des expériences analogues, faites presque en même temps
par M. Valentin en Allemagne, et par MM. Bouchardat et San-
dras à Paris, montrent que le suc pancréatique agit de la même
manière sur les éléments amylacés, et contribue à en effectuer
la digestion (1). Il est aussi à noter que le suc formé par les
parois mêmes de l'intestin jouit de propriétés analogues (2), et
pendant la germination des graines. (1] En i8li^,M. Valentin a constaté
La découverte de M. Leuchs date ce fait en soumettant de l'empois à
de 1831 {a), et a été confirmée peu de Taclion d'une certaine quantité d'eau
temps après par les expériences de dans laquelle il avait fait infuser des
M. Scliwann, de M. Miahle et de plu- fragments du pancréas (d). L'année
sieurs autres physiologistes (5) ; mais suivante, MM. Bouchardat et Sandras
il est à noter que tous les liquides dé- ont obtenu le même résultat en opé-
signés sous le nom de salive ne pos- rant sur le suc pancréatique de la
sèdent pas les propriétés digestives Poule (e) , et plus récemment ces
dont il vient d'être question , et que expériences ont été répétées avec
c'est la salive mixte , telle que cette succès par beaucoup d'autres physio-
humeur existe dans la cavité buccale, logistes {f).
qui détermine la transformation de (2) Ce fait a été constaté par
l'amidon en dextrinc , puis en gly- M. Frerichs, ainsi quepar MM. Bidder
cose (c). et Schmidt (g).
(n) Leuclis, Ueber die Verzuckerung des Stârkmehls diirch Speichel {liAstaer' s Areh. fur die
gesammte Naturlehre, 1831, t. XXI, p. 106).
(6) Schwann, Ueber das Wesen des Verdauungsprocesses (Miiller's Archiv fur Anatomie und
Pftî/Motosie, 1836, p. 138).
— Sébastian, voyez Burciach, Traité de physiologie, t. IX, p. 268.
— Wright, Tke Physiology and Palhology of Saliva {The Lancet, 1841-1842, t. Il, p. 217).
— Miallie, Mém. sur la digestion et l'assimilation des matières amyloîdes et sucrées. Paris,
1846. — Chimie appliquée à la physiologie, p. 41.
— Jacubowitsch, De saliva (dissert, inaug.). Dorpat, 1848.
— Bidiler und Schraidt, Die Verdauungssâfte und der Stoffwechsel, p. 1 5.
— Longet, Traité de physiologie, t. 1, 2" partie, p. 171.
(c) Lassaigno, Recherches pour déterminer le mode d'action qu'exerce la salive pure siir l'ami-
don [Comptes rendus de l'Académie des sciences, 1845, t. XX, p. 1347, etc.).
— - Magendie, Étude comparative de la salive parotidienne et de la salive mixte du Cheval
(Comptes rendus de l'Académie des sciences, 1845, t. XXI, p. 902).
— Cl. Bernard, Mém. sur le rôle de la salive dans les johénomènes de la digestion {Arch. gén.
de médecine, 4° série, 1847, t. XIII, p. 1).
(d) Valentin, Handbuch der Physiologie, 1847, t. I, p. 350.
(e) Bouchardat et Sandras, Des fondions du pancréas et de son influence sur la digestion des
féculents {Comptes rendus de l'Académie des sciences, 1845, t. XX, p. 1088, et Suppléments à
l'Anmiaire de thérapeutique pour 1846, p. 147).
(/■) Cl. Bernard, Mém. sur le pancréas {Supplément aux Comptes rendus de l'Académie des
sciences, 1856, 1. 1, p. 410).
(g) Frerichs, Die Verdauung (Wagner's Handwôrterbuch der Physiologie, 1846, t. III, 1" par-
tie, p. 852).
,,..- Bidder und Schmidt, Die Verdauungssâfte und der Stoffwechsel, 1852, p. 281.
CONDITIONS DE PERFECTIONNEMENT. 277
mon savant collègue, M. Cl. Bernard , a souvent rendu les
élèves de cette Faculté témoins de Taction reuiarquable que
le suc pancréatique exerce sur les matières grasses (1). Il suffit,
en effet, d'agiter pendant quelques secondes une graisse liquide
avec quelques gouttes de cette humeur, pour la transformer en
une émulsion d'apparence laiteuse qui ressemble beaucoup à
un des produits du travail digestif, le chyle, dont l'étude nous
occupera bientôt. Enfin des expériences faites récemment par
M. L. Corvisart tendent à établir que le principe actif du suc
pancréatique jouit de la propriété d'attaquer et de rendre solu-
bles les matières albuminoïdes comme le fait le suc gastrique,
et cela en présence des alcalis aussi bien que des acides, de
façon que cette substance serait apte à continuer la digestion
commencée, soit par la salive, soit par la pepsine stomacale (2).
Quant au rôle de la bile dans le travail digestif, les résultats
sont moins nets ; mais, ainsi que je le ferai voir plus tard, il y
a tout lieu de penser que ce hquide attaque aussi les matières
grasses contenues dans les aliments, et les expériences endos-
Ci) En ISùli, M. Eberle reconnut de pancréatine (c) , peut être préci-
que le suc pancréatique jouit de la pilé par l'alcool , puis redissous dans
propriété de tenir les graisses en sus- l'eau sans perdre la propriété d'agir
pension sous la forme d'émulsion (a), comme ferment '^digestif. .M. L. Gor-
et plus récemment ce fait a été mis visart a constaté que cette substance,
en évidence d'une manière plus corn- soit à l'état acide ou à l'état alcalin,
plète par les expériences de M. Claude transforme la fibrine, l'albumine coa-
Bernard(fc). gulée, la caséine, etc., en peptones,
(2) Le principe actif du suc pan- comme le fait le suc gastrique {d)i
créatique , que l'on désigne assez gé- mais elle paraît ne pas exister tou-
néralement aujourd'hui sous le nom jours dans le liquide fourni par le
(a) Eberle, Physiologie der Verdàuung, 1834, p, 251.
(6) Cl. Bernard, Du six ■pancréatique et de son rôle ddiis la digestion {Ai'ch. gén. de méd.,
4" série, 1849, t. XIX).
— ilém. sur le pancréas (Supplém. aux- Comptes rendus de l'Acad, des scienceSi 1856, 1. 1,
p, 441 ei suiv.).
(c) Robin et Verdeil, Traité de cldinie analomique et physiologlqiu, t, III, p, 345.
(d) L. Corvisart, Sur une fonction peu connue du pancréas dans la digestion des aliments
azotés, 1858 (exlr, de la Galette hebdomadaire de médecine, 1857, t. IV, p. 250 et suiv,),
pour
de ces sucs
278 DIGESTION.
niotiques dont j'ai déjà rendu compte prouvent qu'il doit con-
tribuer à en faciliter l'absorption (l).
utilité § 12. — Pour tirer de ces divers agents chimiques tout le
de plusieurs . -i i 15 -i i- ,•/« 1 •, a t,
cavités parti possible, 1 appareil digestif doit être pourvu, non d un
successive^^ réscrvolr alimentaire unique, comme chez les Animaux oii le
suc gastrique intervient seul dans le travail de la digestion, mais
de plusieurs estomacs, ou tout au moins de plusieurs cavités où
les ahments peuvent séjourner en contact avec ces liquides,
Aussi, chez un assez grand nombre d'Animaux phytophages,
dont la digestion est puissante, trouve-t-on, au-devant de Festo-
mac proprement, dit un estomac accessoire qui est désigné
tantôt sous le nom de jabot, tantôt sous celui de panse^ et qui
sert de magasin pour les aliments déjà imprégnés de salive,
mais non encore soumis à l'action du suc gastrique.
^ Le réceptacle où les matières alimentaires sont mêlées à la
bile et au suc pancréatique fait généralement suite à l'estomac,
mais n'a pas, comme les cavités précédentes, la forme d'une
poche, parce qu'il doit servir aussi à un autre usage, et que
cette circonstance nécessite une disposition particulière ; mais
cette espèce d'estomac complémentaire n'en est pas moins
nettement délimité, et sa capacité est surtout très grande chez
les Animaux herbivores. Elle est formée par la première por-
tion du tube intestinal, et on la désigne généralement sous le
nom cVintestin grêle^ par opposition à la portion terminale du
pancréas (a), et, d'après les dernières MM. Bidder et Schmidt avaient con-
expériences faites par le jeune phy- staté précédemment qne les sucs in-
siologiste que je viens de citer, elle testinaux sont aptes à produire des
ne se produirait qu'au moment où effets analogues (c).
la digestion stomacale s'efl'ectue (6). (1) Voyez ci-dessus, page 223.
(a) MM.KefersteinetHahvachs n'ont obtenu que des résultais négatifs (voyez Schmidt's./a/irfcMCfte)',
4859).
(6) Corvisart, ConlribiUion à l'étude du pancréas dans la digestion (Comptes rendus de l'Aca
demie des sciences, 1859, t. XLIX, p. 43).
(c) Biddci- und Schmidt, Die Verdammgssâfle und der Stoffwechsel, 1852, p. 272 et suiv.
— l.elimann, Lelirbucli der physiologisclien Chemie, t. 11, p. 99.
CONDITIONS DE PERFECTIONNEMENT. 279
même conduit, qui, à raison de son volume, est appelée le gros
intestin et qui sert de réservoir pour le résidu excrémentitiel.
J'ajouterai que les physiologistes désignent souvent sous le
nom de chymification cette digestion complémentaire qui s'ef-
fectue dans l'intestin grêle, parce que l'un des produits les plus
remarquables de ce travail est un liquide généralement laiteux,
appelé chyle (1).
(1) La plupart des anciens physio-
logistes emploient presque indifférem-
ment les mots chyme et chyle pour
désigner les produits utiles de la di-
gestion slomacale. Ainsi Willis, Syl-
vius , Fabricius , Lower, F'itcairne ,
Riolan et Bartholin, parlent de la for-
mation du chyle dans l'estomac (a),
et Boerhaave ne paraît même avoir
reconnu aucune différence essentielle
entre les matières alimentaires élabo-
rées dans cet organe et dans Pin-
testin [b). Haller semble avoir en des
notions plus justes à cet égard, bien
qu'il ne s'en explique pas d'une ma-
nière précise. Cependant Juncker
avait déjà établi une distinction nette
entre les fonctions de ces deux por-
tions du canal digestif, car il a\aii
dit positivement que tes aliments sont
transformés en chyme dans l'esto-
mac, puis poussés dans le duodénum,
où ils se changent en chyle. par leur
mélange avec d'autres substances.
C'est dans cette dernière acception
que les mots chymification et chyli-
fication ont été employés par Sœm-
inering, Chaussier, iVlagendie et la
plupart des physiologistes du siècle
actuel (c). Quelques auteurs récents
en critiquent l'emploi, parce que ces
mots ne peuvent s'appliquer à aucun
résultat nettement délini , et qu'en
réalité la digestion commencée dans
l'estomac est continuée, dans l'intes-
tin. Mais ces objections ne me sem-
blent pas avoir beaucoup de valeur,
et il est utile de pouvoir désigner
par un nom particulier les deux pé-
riodes principales du travail digestif.
Ainsi j'emploie le mot chyme pour
désigner la matière pulpeuse obtenue
dans l'estomac par l'action du suc
gastViqiie acide et chargé de pepsine
sur les aliments, et chymification
l'acte qui amène ce résultat ; tandis
que je me sers de l'expression chyli-
fication pour indiquer la digestion
complémeniaire qui s'effectue dans
l'intestin à l'aide des sucs alcalins ou
neutres et plus ou moins chargés de
diastase, pliénomène qui d.'lermine
la formation du chyle ainsi que des
autres liquides nourriciers dont l'ab-
sorplion a lieu dans l'intestin grêle.
(}uant au mot chyle, on le réserve
généralement au fluide nourricier qui
pénùtre de l'intestin dans la portion
(a) Voyez Caslelli, Lexicon, art. Chvmus cl CHVLU3, 1712.
(b) Boeiliaave, Prœlect., §§ 78, 95.
(c) Sœnimeriiif , Corp. hum. fabr., t. VI, p. 306, etc.
— Cliaussier, Digestion {Dictionnaire des sciences médicales, t. IX, p. 400 et 429).
— Magendie, Précis élémentaire de physiologie, t. II, p. 87 et suiv.
— Bérard, Leçons de physiologie, t. III, p. 184, etc.
280 DIGESTION.
changemenis § 13. — Ls SUC gaslrique et les autres humeurs que les ali-
chimiques
déterminés meuts rencoutrent dans les diverses parties de l'appareil diges-
le suc gaslrique. tif DC déterminent pas seulement dans ces substances le chan-
gement d'état qui est nécessaire pour les rendre absorbables -,
souvent la constitution chimique de ces corps est profondément
moditiée par l'action de ces agents, et les transformations effec-
tuées de la sorte peuvent se produire dans les liquides aussi
bien que dans les solides. Il paraîtrait même que dans certains
cas les matières alimentaires, tout en présentant les conditions
voulues pour être absorbées, ne sont utihsables dans l'écono-
mie qu'après avoir éprouvé des changements de cet ordre.
Ainsi le sucre de canne, et le sucre de raisin , ou glycose, sont
l'un et l'autre très solubles dans l'eau et traversent assez faci-
lement les membranes organiques ; mais lorsque ces substances
se trouvent mêlées au sang et circulent dans l'économie ani-
male, elles ne se comportent pas de môme : le sucre de canne
est rapidement expulsé par les voies urinaires, tandis que la
glycose est d'ordinaire employée comuie combustible respira-
toire et utilisée de la sorte pour l'entretien du mouvement
vital (1). Le sucre de canne, néanmoins, est un aliment dont les
Animaux peuvent tirer grand parti, mais c'est à la condition
correspondante du système des vais- par la sécrétion rénale, sans avoir subi
seaux lymphatiques ou vaisseaux cliy- aucun changement, par conséquent
lifères, et qui présente d'ordinaire un sans avoir été utilisé dans le travail
aspect laiteux. Nous verrons plus loin chimique dont la machine vivante est
quelle idée doit y être attachée. le siège. I^a glycose, au contraire, dis-
(1) M. Cl. Bernard a obtenu la paraît rapidement du sang, et, dans la
preuve expérimentale de ce fait en plupart des cas, n'arrive pas dans les
injectant d'une manière comparative urines. Or, M. Cl. Bernard a reconnu
dans les veines de divers Animaux que le sucre de canne se transforme
vivants les deux espèces de sucre. Le en glycose sous l'intluence du suc
sucre de canne introduit ainsi direc- gastrique, et que si on l'injecte dans
lement dans le torrent de la circula- les veines après l'avoir mis en pré-
tion s'est montré bientôt dans les sence de cet agent, au lieu de Iraver-
urines, et a été expulsé de l'organisme ser simplement l'organisme, il devient
CONDITIONS DR PERFECTIONNEMENT. 281
de le transformer préalablement en glycose. Or, le suc gastrique
détermine ce changement, et par conséquent le sucre de canne,
tout en étant absorbable, a besoin d'être digéré, c'est-à-dire de
subir une certaine élaboration déterminée par l'action des agents
digestifs.
Les substances albuminoïdes sont également modifiées dans
leur constitution chimique par l'action de la pepsine et des
autres ferments qui interviennent dans le travail de la diges-
tion ; elles acquièrent ainsi des propriétés particuhères, et con-
stituent des matières que l'on désigne généralement sous le
nom de peptones (1) ; enfin, dans certains cas, les matières
utilisable dans l'économie (a). Or, suc gastiique, soit des liquides qui se
cette transformalion du sucre de canne rencontrent dans l'intestin (d).
en sucre de raisin ou en glycose, dans (l) M- Mialhe a appelé l'attention
l'intérieur de l'estomac des Animaux des chimistes et des pliysioloi;istes sur
vivants, est un des phénomènes ordi- les modificalions que le suc gastrique
naires de la digestion, ainsi que cela détermine dans les matières albumî-
a élé constaté par M\I. Sandras et noïdes (ej, et ce sujet a été éludié
Bouchardat , Lehmann , von Becker d'une manière plus complète par
et plusieurs autres physiologistes [h), ^]. Lehmann, qui donne à ces sub-
coiitrairement à l'opinion de MM. Fre- stances le nom de peptones quand
richs et Blondlot (c). Dans certains elles ont été transformées de la
cas, la modification de celte sub- sorte (/■). Je reviiMuhai sur ce phéno-
stance est portée même beaucoup mène lorsque je traiterai des produits
plus loin, et le sucre se trouve changé de la digestion,
en acide lactique par l'action soit du
(a) Cl. Bernard, Mémoire sur le suc gastrique el son rôle dans la nulrilion [Ga%eUe médicale,
1844).
(6) Boucliardat et Sandras, De la digestion des matières féculentes et sucrées, et du rôle que
ces substatices jouent dans la nutrition {Supplém. à l'Annuaire de thérapeutique pour t846,
p. 83 cl siiiv.).
— Lehmann, Lehrouch der physiologischen Chemie, t. Il, p. 255.
— Von Becker, Ueber das Vcrhalten des Zuckers beim thierischen Stoffwechsel (Siébold i\nd
Kôlliker's Zeitschrift fur wissenschaftl. Zoologie, 1854, t. V, p. 124).
— Lonset, Traité de physiologie, 1857, t. I, 2= partie, p. 2s(i.
(c) Frerichs, Verdauung (Wagner's Handwôrterbuch der Physiologie, t. Ill, p. 802).
^^ Blondlot, Traité analytique de la digestion, p, 299.
(d) Boucliardat et Sandras, Op. cit. (Supplément à l'Annuaire de thérapeutique pour 1846,
p. 102).
— Ch. Schmidt, De digestionis nalura (disserl. inaug-,), Dorpat, 184G, et Ann, der Chem. und
Pharm., t, LXI, p. 2'J.
— Lehmann, Lehrbueh der physiologischen Chemie, t. II, p. 249.
(e) Miahle, Mémoire sur la digestion et V assimilation des matières albuminoïdes, 1847, p. 3i
et suiv.
{f) Lehmann, Lehrbueh der physiologischen Chemie, t, II, p. 40 et suiv.
28-2 . DIGESTION.
grasses subissent aussi des transformations remarquables sous
l'influence des mêmes agents (1).
Nous voyons donc que la digestion n'est pas une fonction
aussi simple qu'on aurait pu le supposer d'après les résultats
obtenus par les recherches de Réaumur et de Spallanzani. Les
réactions chimiques qui en dépendent sont même très com-
plexes; mais, pour le moment, nous pouvons laisser de côté
l'étude des transformations qui sont effectuées ainsi dans la
nature des matières alimentaires, et ne prendre en considération
que les phénomènes les plus apparents et les plus généraux de
ce travail physiologique, c'est-à-dire le changement d'état qui
s'opère dans les aliments solides et qui les rend propres à péné-
trer à travers les tissus pour aller se mêler aux fluides nourri-
ciers de l'organisme.
§ l/l. — Indépendamment des actes essentiels que nous
venons de passer rapidement en revue, il en est d'autres qui
offrent parfois aussi une grande importance, et qui viennent
en aide aux précédents sans produire ce qui est fondamental
dans le phénomène de la digestion. Ainsi , quoique l'agent
par lequel ce travail s'accomplit soit un dissolvant chimique,
il est aisé de comprendre que le concours de puissances mé-
phénomènes cauiqucs puissc être très utile, ne fût-ce que pour diviser les
mécaniques, j^^gj-j^j^^g soumiscs à l'influeuce du suc gastrique ou autres,
et à multiplier ainsi leurs points de contact avec ces liquides.
La pression exercée sur les aliments, dans l'intérieur du tube
digestif, par la contraction des libres charnues dont ses pa-
rois sont garnies , peut suffire pour assurer cette division ,
et lorsqu'elle doit devenir très puissante, une portion parti-
culière dé ce conduit se trouve appropriée à l'exercice de cette
Aclions
adjuvantes.
(1) Dans certains cas, les matières gras ; mais en général les graisses
grasses ne litres paraissent pouvoir être sont absorjjées sans avoir subi aucune
décomposées en glycérine et en acides transformation.
CONDITIONS DE PERFECTIONNEMENT. 28o
fonclioli. De là encore une nouvelle complication de l'appa-
reil, et l'apparition d'un réservoir gastrique à parois essentiel-
lement charnues, qu'on nomme gésier. INÏais cette adaptation
d'une partie préexistante à des usages nouveaux ne suffit
pas toujours pour obtenir le résultat voulu, et la nature a alors
recours à la création d'instruments nouveaux qui viennent
s'ajouter aux organes déjà si nombreux, dont se compose le ^^0|:f^^^^_J^^
système digestif, et qui constituent un appareil de mastication.
Ces organes sécateurs ou triturants interviennent aussi d'une
manière active dans le phénomène de la préhension des ali-
ments, et chez beaucoup d'animaux cette portion préhminaire
du travail digestif s'effectue aussi à l'aide d'autres instruments
accessoires empruntés à des parties voisines de l'économie ou
obtenus par l'adaptation des bords de l'orifice buccal à ce genre
d'usages.
Il est aussi à noter que l'appareil masticateur est perfectionné
progressivement par les mêmes procédés que les autres organes
digestifs. La bouche ne tarde pas à s'enrichir de leviers qui
augmentent la précision et la force des mouvements déterminés
par la contraction des muscles qui l'entourent, et ces parties
rigides sont d'abord empruntées à l'appareil de la locomotion,
puis obtenus à l'aide d'une création organique spéciale. Ainsi,
chez certains Animaux, les pattes, ou des parties analogues à ces
appendices, constituent des mâchoires et des mandibules qui
agissent à la manière de pinces, soit pour saisir, soit pour couper
ou pour broyer les aliments; chez les Animaux supérieurs,
non-seulement les leviers buccaux sont le résultat d'une création
ad hoc, mais encore ils se garnissent d'instruments qui sont
destinés à en rendre le jeu plus parfait, et qui constituent l'ar-
mature dite dentaire. Or, ces organes complémentaires, qui
sont d'abord de simples tubercules ou crochets épidermiques,
sont bientôt constitués par des tissus spéciaux, et chez les Ani-
maux les plus élevés ils offrent dans les différentes parties de la
28/i DIGESTION.
cavité buccale des formes variées, de façon à être mieux appro-
priés à des modes d'action divers. La division du travail s'in-
troduit donc dans les phénomènes mécaniques de la digestion,
aussi bien que dans les actions chimiques dont il a été déjà ques-
tion, et en assure aussi le perfectionnement.
l'erfeciionne- § 15. — Eufio, Ics dispositious auatomiques à l'aide des-
derapîareii qucllcs la Naturc accroît la puissance de l'appareil digestif,
'TnÏÏrum°enr V^^^ rapport à l'utiUsation des produits du travail physio-
d absorption. jQgjq^g accompH dans son intérieur, c'est-à-dire considéré
comme un agent absorbant, sont également faciles à com-
prendre, et je dirai même à prévoir. En effet, la première con-
dition à remplir pour rendre facile et rapide ce passage des
matières liquéfiées de la cavité digestive dans la profondeur de
l'organisme, c'est de donner une étendue considérable à la sur-
face perméable baignée par ces matières, et cela peut s'obtenir
de diverses manières. Le procédé le plus simple consiste à sub-
diviser le réservoir alimentaire de façon à rétrécir beaucoup la
cavité dont il se compose sans en diminuer la capacité totale.
Chez beaucoup de Zoophytes, cette disposition se trouve réalisée
et coïncide avec l'adaptation de l'estomac à une autre fonction :
celle de l'irrigation physiologique. En étudiant les premières
ébauches de l'appareil circulatoire, nous en avons vu divers
exemples (1 ), et je me bornerai à ajouter ici que le développement
de certaines portions de la cavité digestive en tubes appendicu-
laires, tantôt siaiples, tantôt rameux, se voit aussi chez beau-
coup d'Animaux où la division du travail physiologique est
parfaitement établie entre les grandes fonctions de la vie végé-
tative, et où l'état imparfait du mouvement circulatoire des fluides
nourriciers ne semble commander en aucune façon cette parti-
cularité organique, mais où elle paraît être destinée seulement
à activer l'absorption des matières nutritives préalablement
(1) Voyez tome 111, page 55 el suivanies.
CONDITIONS DE PERFECTIONNEMENT. 285
élaborées dans l'estomac. Nous verrons bientôt que chez plu- Phiébemérisma
sieurs Vers, ainsi que chez certains Mollusques, les appendices
gastriques ainsi constitués affectent la forme de vaisseaux, et
composent parfois un système dendroïde des plus remarquables.
C'est ce mode particulier de conformation qui a été désigné
par M. deQuatrefagessousle nom de phlébentérisme ; et lorsque
nous étudierons le mode de formation de certaines glandes an-
nexées au tube digestif, le foie, par exemple, nous verrons que
c'est en empruntant les canaux gastro-vasculaires dont je viens
de parler, ou leurs analogues, que la Nature paraît avoir con-
stitué les canaux excréteurs de ces organes.
Ailleurs, les csecums ainsi développés autour du tube intes- vaivuies
tinal disparaissent ou cessent de recevoir dans leur intérieur et'viîbsués
les produits de la digestion, et, par conséquent, ne contribuent VteSc""'
plus à faciliter l'absorption des matières nutritives, mais cette
absorption est favorisée par une autre disposition anatomique.
La portion du canal alimentaire qui fait suite à l'estomac, et qui
est le siège du complément du travail digestif effectué à l'aide
de la bile, du suc pancréatique et de quelques autres hquides
analogues, s'allonge beaucoup et se recourbe sur elle-même ,
de façon à constituer une multitude de circonvolutions. Les ma-
tières élaborées par les sucs digestifs trouvent donc là une sur-
face absorbante très vaste où elles s'étalent en couche mince; et
chez les Animaux supérieurs l'étendue de cette surface est
encore augmentée par l'existence d'une multitude de replis,
ii\)\ie\és valvules conniventes^ que la membrane muqueuse intes-
tinale forme dans l'intérieur de ce conduit long, étroit et tor-
tueux. Souvent cette membrane se garnit même d'espèces de
franges molles et perméables, appelées villosités^ qui en aug-
mentent encore la puissance absorbante.
§ 16. — Ce coup d'reil rapide sur l'ensemble des phéno- Rés™é.
mènes de la digestion et sur les instruments qui y sont em-
ployés , nous fait voir que ce travail est fort complexe , et
286 DIGESTION.
résulte de deux séries d'actes principaux : les uns mécaniques,
les autres chimiques.
Les premiers ont pour objet la préhension des aliments,
leur division, leur introduction dans l'estomac et les autres
cavités où ils peuvent être soumis à l'influence des dissol-
vants chimiques ; puis l'expulsion des résidus qu'ils auront
laissés.
Les seconds sont destinés à donner à ces corps une forme
et des propriétés telles qu'ils puissent pénétrer de la cavité di-
gestive dans la profondeur de l'organisme, et y être employés
à la nutrition ; résultat qui s'obtient au moyen de certaines
transformations apportées dans leur constitution chimique, et
qui s'effectuent à l'aide de liquides particuliers tels que le suc
gastrique.
Pour compléter l'histoire de cette fonction importante, il
nous faudrait donc examiner le mode de production de ces
agents chimiques ; mais cette étude ne pourrait, sans inconvé-
nients graves, être séparée de celle du travail sécrétoire consi-
déré d'une manière générale, et par conséquent je ne l'abor-
derai pas en ce moment. En parlant ici de l'action des sucs
digestifs sur les aliments, je ne pourrais me dispenser de faire
connaître les organes qui en sont la source, et d'indiquer les
relations qui existent entre ces parties et les cavités digestives ;
mais je ne m'occuperai pas de la manière dont elles remplis-
sent leurs fonctions, et je me bornerai à étudier ceux de leurs
produits qui ont un rôle à remplir dans le travail de la
digestion.
Le transport des matières ainsi élaborées de l'intérieur de la
cavité alimentaire jusque dans le système irrigatoire ne dépend
pas du travail digestif lui-même, bien qu'il en soit le complé-
ment ; c'est un phénomène d'absorption, et il résulte, par con-
séquent, du jeu d'autres instruments. Chez les Animaux infé-
rieurs, les liquides nourriciers passent directement de l'estomac
CONDITIONS DE PERFECTIONNEMENT. 287
OU de l'intestin dans le sang, et les veines de ces organes sont
les canaux qui puisent en quelque sorte dans la masse alimen-
taire la totalité des matières récrémentitielles dont le sang s'en-
richit. Mais, ainsi que nous l'avons déjà vu, il existe chez
l'Homme et les autres Animaux supérieurs un système vascu-
laire spécial qui est annexé à l'appareil sanguin et qui est aussi
un instrument d'absorption , savoir, le système lymphatique (1).
Or, une partie notable des produits de la digestion traverse ces
conduits pour se rendre dans le torrent de la circulation, et la
portion du système lymphatique qui est employée de la sorte,
et qui se compose de vaisseaux dits chylifères ou lactés, est par
conséquent, de même que la portion correspondante du système
veineux, un auxiliaire nécessaire de l'appareil digestif: on pour-
rait même la considérer comme faisant partie de cet appareil.
Pour mettre dans nos études l'ordre désirable, nous n'aurons
donc à nous occuper d'abord que de la constitution de l'appareil
digestif, des actes mécaniques qui s'y accomplissent, et des
phénomènes chimiques dont il est le siège. Les deux premiers
points sont tellement connexes, que je ne crois pas devoir les
séparer ; mais la partie chimique du travail ne dépend pas de la
disposition matérielle des organes où elle s'accomplit, et son
examen devient plus facile quand on la sépare de tout ce qui
n'y est pas essentiel.
Je diviserai donc l'histoire de la digestion en deux parties.
Dans la première, je traiterai des instruments qui sont em-
ployés à l'exercice de cette fonction, de leur jeu et des phéno-
mènes mécaniques résultant de leur action. Dans la seconde,
j'étudierai les agents chimiques qui interviennent dans l'accom-
plissement de ce phénomène, et je ferai connaître les chan-
gements qu'ils déterminent dans la constitution des matières
alimentaires.
(1) Voyez lome IV, page hU7 et suivantes.
288 DIGESTION.
Enfin, après avoir exposé l'état actuel de la science en ce
qui concerne la digestion proprement dite , considérée ainsi
au point de vue de l'anatomie et de la physiologie, je passerai à
l'étude des actes complémentaires de la fonction, et j'examine-
rai comment les matières ainsi élaborées sont absorbées, soit
par les veines, soit par les lymphatiques, et mêlées au sang.
Dans la prochaine Leçon j'aborderai donc simultanément
l'examen de la constitution de l'appareil digestif et des actions
mécaniques qui s'y effectuent. Pour point de départ, je choisi-
rai, comme d'ordinaire, les Animaux dont l'organisation est la
plus simple, et je passerai successivement à ceux dont la struc-
ture est de plus en plus complexe. Mais afin de ne pas trop
scinder l'histoire de l'appareil digestif dans chacune des diverses
classes dont j'aurai à parler, je subordonnerai quelquefois cette
marche à la distribution méthodique des êtres qui se trouvent
liés entre eux par la sorte de parenté dont ie zoologiste cherche
à présenter le tableau dans ses systèmes de classification.
QUARANTE -SEPTIÈME LEGON.
De l'appareil de la digestion chez les Zoopliytes.
§ 1 . — Si les expériences curieuses de Tremblay, dont il a cavué digesuve
,, •iiT'\i- •< 1 adventive
ete question dans la dernière Leçon, ne nous avaient en quelque de quelques
sorte préparés à l'étude des faits que je vais exposer, il nous
serait difficile de comprendre comment la digestion peut s'opérer
chez quelques Animaux d'une simplicité extrême, qui, au pre-
mier abord, ne semblent consister qu'en une sorte de gelée
vivante, et qui appartiennent au groupe des Sarcodaires : les
Amibes , par exemple. Effectivement , chez ces Zoopbytes dé-
gradés, on ne trouve dans l'intérieur du corps aucune cavité
qui soit disposée pour recevoir des ahments , et là où il n'y a
pas d'estomac, comment supposer qu'une digestion puisse s'ef-
fectuer ? Mais l'observation nous apprend que la faculté existe
malgré l'absence de l'instrument, et qu'au moment où elle doit
entrer en jeu, l'organisme se modifie de façon à en rendre
l'exercice possible.
De même que chez le Polype de Tremblay, toutes les parties
du corps de l'Amibe paraissent être aptes à sécréter un liquide
digestif, et lorsque l'animalcule rencontre une substance dont
il veut se nourrir, on le voit s'y accoler, se prolonger tout
autour, et enfin l'envelopper complètement comme dans une
bourse. L'aliment reste assez longtemps emprisonné dans cette
espèce d'estomac adventif, s'enfonce plus ou moins profondé-
ment dans l'organisme de l'Amibe, s'y trouve baigné par un
liquide particulier, et, après avoir été en partie digéré, est
V. 19
290
APPAREIL DIGESTIF
rejeté au dehors ; ensuite la fossette ou vacuole qui le renfer-
mait s'efface et cesse d'exister (i).
§ 2. — Chez les Actinophrys, la digestion s'effectue à peu
près de la même manière, mais la préhension des aliments est
facilitée par l'action d'expansions filiformes et rétractiles qui
rayonnent de la surface du corps. Il n'y a ni bouche, ni esto-
mac, ni anus ; mais les matières nutritives se creusent en
quelque sorte une niche dans la substance molle du Sarcodaire,
s'y enfouissent complètement et y sont digérées ; puis le résidu
qu'ils laissent est évacué sans qu'il y ait rien de constant ou de
préétabh, soit pour leur entrée, soit pour leur sortie (2).
(1) Les Amibes, dont une espèce a
été décrite vers la fin du siècle der-
nier par Olhon Fréd. Miiller (a), sous
le nom de Proteus diffluens, sont des
Animalcules infusoires de consistance
gélatineuse, qui changent sans cesse
de forme en s'étalant, pour ainsi par-
ler, ou en se rétractant dans divers
sens par un mouvement lent. M. Dn-
jardin a très bien observé et décrit
les principaux phénomènes mention-
nés ci-dessus, et pense que la sub-
stance glutineuse de ces petits êtres
n'est pas limitée par une membrane,
et peut se creuser de vacuoles sponta-
nément aussi bien que sous l'influence
de la pression exercée par des corps
étrangers (6). Du reste, ce zoologiste
ne se prononce pas sur la nature du
travail effectué de la sorte,. et il pa-
raît même penser que les Amibes ne
se nourrissent que par une simple
absorption.
M. Carter a observé aussi le singu-
lier procédé d'ingurgitation à l'aide
duquel les Amibes introduisent dans
leur organisme des corps étrangers,
et il n'hésite pas à considérer cet acte
comme un phénomène d'alimenta-
tion (c).
Enfin, M. Claparède, à qui Ton doit
beaucoup de recherches délicates et
bien faites sur les Infusoires, vient de
décrire cet acte d'une manière plus
précise et de l'interpréter, à peu près
comme je le fais ici [d).
L'inglutition des ahments paraît se
faire chez les Difflugies à peu près de
même que chez les Amibes, mais seu-
lement à l'aide de la portion protrac-
tile du corps de ces Rhizopodes, qu'on
désigne d'ordinaire sous le nom de
pied (e).
(2) En 1777, Oth. Fréd. Miiller et
Wagler virent un Entomostracé mi-
croscopique logé dans l'intérieur du
{a) 0. F. Millier, Aiiimalcula infusoria, 1786, p. 9, pi. 2, fig. t à 12.
(6) Diijarclin, Histoire naturelle des Infusoires, 1844, p. 228.
(c) Schneider , Beitrdge %ur Nalurgeschichte der Infusorien (Miiller's Archiv fur Anat. uiid
Physiol., 1854, p. 204).
((i)E. Claparède, Ueber Actiiiop/irys Eichhornii (Miiller's Arch. fur Anat. und Physiol., 1854,
p. 408).
(e) H. J. Carter, Notes on the Species, Structure and Animality ofthe Fresh Water Sponges in
the Tanks of Bombay {Ann. and Mag. of Nat. Hist., 2' série, 1848, t. I, p. 311). — Notes on the
Fresh Water Infusoria ofthe Island of Bombay (Op. cit., 1856, t. XVIIl, p. 123).
CHEZ LES ZOOPHYTES.
291
Chez les Spongiaires, des voies permanentes sont disposées cavués |
aquifères j
pour donner accès aux particules solides dont ces singuliers et digestives ;
êtres se sustentent; mais les canaux destines à cet usage consti- spongiaires. !
tuent en même temps l'appareil respiratoire, et c'est t\ l'aide des
corps d'un Actinophrys, et ils en con-
clurent que ces Animalcules dévorent
la proie dont ils peuvent s'emparer [a).
Vers la même époque, Eichhorn fut
souvent témoin de phénomènes d'in-
gurgilation de ce genre (6), et M. Eh-
renberg, qui les a également constatés,
a été conduit à penser qu'il existe chez
les Actinophrys un nombre considé-
rable de cavités digestives ou esto-
macs (p) ; mais à une époque plus ré-
cente l'organisation de ces Sarcodaires
a été étudiée d'une manière plus appro-
fondie, et aujourd'hui presque tous
les micrographes sont d'accord pour
reconnaître qu'ils sont complètement
dépourvus de tout appareil digestif
spécial, et que les matières soUdes
dont ils se repaissent peuvent péné-
trer dans leur profondeur par un point
quelconque de la surface générale du
corps. M. Nicolet, qui fut, je crois,
le premier à signaler ce fait, remar-
qua qu'il se forme de temps en temps,
à la surface du corps de T Actinophrys,
une sorte de tumeur vésiculaire, et
que la proie amenée en contact avec
celle espèce d'ampoule par l'action
des expansions rayonnantes , y déter-
mine une dépression ou fossette plus
ou moins profonde qui se referme pour
emprisonner la matière alimentaire et
la digérer, puis, après avoir rempli le
rôle d'un estomac adventif, rejette les
fèces dont elle était restée chargée, et
s'efface (d). M. Kôlliker a publié, peu
de temps après, des recherches plus
étendues sur le même sujet, et comme
ce point de l'histoire de la digestion
olTre beaucoup d'intérêt et n'est encore
que peu connu de la plupart des phy-
siologistes, je crois devoir rapporter ici
les principaux faits observés par Cet
habile micrographe (e).
La manière dont s'effectue l'alimen-
tation de l'Actinophrys, dit M. Kôlli-
ker, est d'un grand intérêt. Quoique
ce petit être ne possède ni bouche ni
estomac, il prend des aliments solides
et rejette ce qu'il ne peut en digérer.
Ce phénomène, qu'on pourrait appe-
ler presque un miracle, s'effectue de la
manière suivante. L'Actinophrys se
repaît d'Infusoires de toutes sortes,
de petits Crustacés et d'algues (par
exemple , de Rolifères, de Lyncées et
de Diatomacées). Lorsqu'en nageant
dans l'eau il rencontre un de ces vé-
gétaux, ou lorsqu'un Infusoire s'en
approche et que ce corps étranger est
touché par un de ses filaments ten-
taculiformes , il y reste en général
accolé et se trouve peu à peu attiré
par la contraction de ces appendices.
Les filaments radiaires circonvoisins
s'y appliquent aussi, et la proie ainsi
[a] 0. F. Muller, AnimalcMa infusoria, 1786, p. 304.
(6) Eichliorn, Beitr. zur Kenntniss der kleinsten Wasserthiere, 1783, p. 15.
(c) Ehrenberg, Die Infusionsthierchen, p. 303.
(d) ^icolet, Observations sur l'organisation et le développement de V Actinophrus {Comptes
rendus de l'Académie des sciences, 1848, t. XXVI, p. 115).
(e) KôUilier, Das Sonnenthierchen, Actynophrys sol {Zeitschrift fur wissenschaftliche Zoologie,
1849, t. I, p. 201 et suiv., pi. 17, fig. 2 et 3).
292 APPAREIL DlGIiSTIF
courants déterminés par les cils vibratiles dont ces conduits sont
garnis que les substances alimentaires tenues en suspension
dans l'eau ambiante sont portées dans la profondeur de l'orga-
entourée est amenée lentementjusque
sur la surface du corps de TAnimal,
qui se déprime dans ce point pour le
loger comme dans une fossette. La
cavité ainsi formée devient peu à peu
de plus en plus profonde, et bientôt se
referme sur le corps étranger qui s'y
trouve logé, tandis que les filaments
tentaculiformes se déploient de nou-
veau et reprennent leur disposition
primitive. L'espèce de bourse ainsi
formée, après s'être fermée sur sa
proie, s'enfonce graduellement vers la
partie centrale de l'Actinophrys, et le
corps étranger emprisonné de la sorte
est p^u à peu digéré et absorbé. S'il est
susceptible de se dissoudre complète-
ment, comme cela a lieu pour un In-
fiisoire, la cavité qui le renferme se
contracte à mesure que la digestion
s'avance et finit par disparaître tout
entière ; mais s'il en reste quelques
portions indigestes, telles que l'enve-
loppe cutanée d'une Lyncée, ce résidu
est rejeté au debors en suivant à peu
près la même voie que lors de son in-
gurgitation ; puis le passage se ferme
et ne laisse aucune trace de son exis-
tence. IM. Koliiker ajoute que par des
observations multipliées et approfon-
dies, il s'est assuré que ni l'orifice
d'entrée servant de bouche, ni celui
de sortie qui tient lieu d'anus, ne
préexistent ni ne subsistent après que
le phénomène qui vient d'être décrit
s'est accompli ; que la fossette servant
d'estomac adventif peut se former
dans un point quelconque de la sur-
face du corps, et que souvent deux
ou plusieurs de ces cavités digestives
temporaires se constituent à la fois sous
l'influence du contact d'autant de
fragments de matières alimentaires
sur des points différents de la surfuce
du corps ; il en a compté jusqu'à dix
ou douze, et les seize estomacs décrits
par M. Ehrenberg étaient certaine-
ment des vacuoles produites de la
même manière. Enfin, M. KôUiker a
remarqué aussi que l'espèce de bol
alimentaire ainsi englouti dans le
corps de l'Actinophrys baigne dans
un liquide diaphane, mais il n'a pu
déterminer si ce fluide est de l'eau
provenant de l'extérieur ou le produit
d'une sécrétion. La digestion s'achève
ordinairement dans l'espace de deux
à six heures.
Les observations récentes de M. Cla-
parède sont venues confirmer pleine-
ment tous les résultats les plus impor-
tants annoncés par M. ICôlliker ; seu-
lement ce physiologiste n'est pas
tout à fait d'accord avec ses prédé-
cesseurs sur le mécanisme à l'aide
duquel l'estomac adventif se produit :
il pense que ce réservoir n'est pas
primitivement une dépression ou fos-
sette creusée dans la substance du
corps de l'Actinophrys, mais le résul-
tat d'une expansion glutineuse, qui
entoure la proie et l'enfouit, puis
rentre peu à peu avec elle dans la
profondeur de l'organisme. Cette in-
terprétation se rapproche, comme on
le voit, de celle adoptée par M. Nico-
let. Quoi qu'il en soit, la cavité ou va-
cuole ainsi constituée est occupée aussi
par un liquide qui, à raison de son
aspect, est considéré par M. Clapa-
CHEZ LES ZOOPHYTES. 293
iiisme. Là elles s'accumulent dans des vacuoles qui sont proba-
blement de même nature que les estomacs adventifs des Amibes,
rède comme étant probablement le
résultat d'une sécrétion, et qui paraît
jouer le rôle d'un suc gastrique. Les
Animalcules engloutis de la sorte con-
tinuent quelquefois h se mouvoir pen-
dant un certain temps, mais en général
ils meurentassez promptement, et sont
bientôt transformés en une petite masse
arrondie de matière informe [a).
Plus récemment encore de nou-
velles observations sur le mode d'ali-
mentation des Actinophrys ont été
publiées par M. Weston, qui a remar-
qué aussi le développement d'une ex-
pansion glutineuse autour de la proie
avant l'introduction de celle-ci dans
la substance du corps de l'animal (6).
Il est également à noter que, suivant ce
micrographe, le contact des filaments
tentaculaires produirait sur les Infu-
soires dont l' Actinophrys se repaît une
sorte de paralysie, opinion qui avait déjà
été émise par quelques naturaliste, et
notamment par M. Ehrenberg, mais
qui a été contestée par M. KôUiker.
J'ajouterai que M. Stein n'a pas été
témoin de ces phénomènes d'ingurgita-
tion , mais il a étudié le mode de produc-
tion des ampoules qui se développent
à la surface du corps de l' Actinophrys,
et il rend compte du mécanisme de
l'introduction des aliments à peu près
comme l'avait fait M. Nicolet (c).
MM. Claparède et Lachmann pen-
sent que les Opalines sont dépourvues
d'orifices digestifs (d). Du reste, la
nature de ces petits êtres est encore
fort obscure.
M. Dujardin range dans la famille
des Actinophryens le genre Acineta
de M. Ehrenberg, qui, effectivement,
a quelque ressemblance avecTActino-
phrys, à ra.son des rayons filiformes
dont il est garni (e) ; mais il paraî-
trait, d'après les observations récentes
de M. Lachmann, que la structure de
ces Animalcules serait en réalité fort
différente, et que chez les Acinètes
les prolongements filiformes seraient
des trompes ou suçoirs terminés par
une bouche, dont le rebord labial
ferait fonction de ventouse. Ces ap-
pendices sont susceptibles de s'allon-
ger beaucoup, et se fixent par leur
extrémité sur la proie dont l'Acinète
veut se repaître ; mais ce n'est pas
pour l'attirer seulement à lui qu'il
agit de la sorte, c'est pour en sucer
la substance, qui pénétrerait dans un
canal dont l'axe de chaque filament
serait creusé, et arriverait ainsi dans le
corpsdel'Animalcule (/"). Les Acinètes
seraient donc pourvus de plusieurs
bouches, et probablement d'un ou de
plusieurs estomacs. On ne sait rien au
sujet de l'anus de ces petits êtres.
(a) Claparède, Op. cit. (Miiller's Archiv fiir Anat. und Physiol., 1854, p. 406).
(b) Weston, On the Actinophrys sol {Quarterly Journal of Ihe Microscopical Society, 1856,
t. IV, p. 117).
(c) Stein, Die Infusionsthiere aufihre Entwickehmgsgeschichte untersucht, p. 153.
(d) Claparède et Lachmann, Études sur les Infusoires et les Rhizopodes, 1858, p. 40.
(e) Ehrenberg, Die Infusionsthiei'chen, p. 240, pi. 20, ûg. 8 à 10.
— Dujardin, Hist. nat. des Infusoires, p. 267, pi. 1, fig. 12.
(f) Lachmann, De Infusoriorum, imprimis Yoi-ticellinorum structura (dissert, inaug.). Berlin,
1855, p. 29, pi. 2, fig. 14. — Ueber die Organisation der Infusorien (Miiller's Archiv. fiir Anat.
und Physiol., 1856, p. 372, pi. 14, fig. 14).
294 APPAREIL DIGESTIF
et le résidu qu'elles y laissent est rejeté au dehors parles canaux
expirateurs (ij.
„ . ... .• § S. — Dans la eTande section des Zoophytes Coelentérés,
Cavité digeslive ^ '^ '
•^es , la division du travail phvsiolooique commence à s'établir, et
Cœlentérés. i ,j <^ i i
l'appareil digestif cesse d'être en même temps l'instrument
principal de la respiration, mais il continue à remplir les fonc-
(1) Les grands orifices qui existent
sur divers points de la surface des
Spongiaires n'ont pas échappé à l'at-
tention des premiers observateurs qui
se sont occupés de l'étude de ces corps
à l'état vivant (a) ; mais EUis, guidé
par une fausse analogie, a supposé que
ces trous étaient les ouvertures de
cellules ou loges occupées par des
Polypes (6), et cette opinion a régné
pendant fort longtemps parmi les
zoologistes (c), malgré les observa-
tions positives de Cavolini, d'Olivi et
de Moniagu et Schvs'eigger, sur l'ab-
sence de toute trace de corps de ce
genre (d).
L'existence de courants dans les
canaux dont la substance des Éponges
est creusée, et dont j'ai déjà indiqué
la disposition générale, avait échappé
à Cavolini et aux autres naturalistes
que je viens de citer, mais fut consta-
tée vers la même époque par M. Th.
Bell et par M. Grant (e). Ce dernier
a reconnu expérimentalement que
l'eau n'est pas attirée et expulsée al-
ternativement par les oscules de l'É-
ponge, ainsi que le supposaient Ellis,
Olivi, etc. , mais constamment rejelée
par ceux-ci, et qu'elle entraîne fré-
quemment au dehors des malièies
floconneuses. 11 ne s'explique pas sur
le mode de nutrition des Éponges,
mais il est évident qu'il leur suppose
quelques fonctions analogues à la di-
gestion, car il appelle les corpuscules
qui sont évacués comme je viens
de le dire, des fèces, et il désigne
toujours sous le nom d'ouvertures
fécales les orifices qui leur livrent
passage. Enfin, peu de temps après
la publication des beaux travaux
de M. Grant sur les Éponges, nous
avons , Audouin et moi , étudié at-
tentivement ces corps (f), et c'est
d'après les observations faites, soit à
cette époque, soit plus récemment,
que j'ai été conduit à professer depuis
fort longtemps à la Faculté l'opinion
annoncée ici , touchant l'espèce de
{a) Marsigli, Histoire physique de la mer, p. 59.
(b) Ellis, Essai sur l'histoire naturelle des Corallines et [d'autres ■productions marines du
mime genre, trad. de l'anglais, 1765, p. 94.
(c) Lamarck, Histoire des Animaux sans vertèbres, 1816, t. II, p. 348.
(d) Cavolini, Memorie per servïre alla storia de'Polipi marini, l'785, p. 23G et suiv.
— Olivi, Zoologia adriatica, 1792, p. 265 et suiv.
— Montagu, An Essaij on Sponges [Wernerian Memoirs, 1818, t. II, p. 71).
— • Schweigger, Beobachtungen auf naturhistorischen Reisen, 1819, p. 28 et suiv.
{e'i Th. Bell, Remarks on the Animal Nature of Sponges {Zoological Journal, 1825, t. I,
p. 203).
— Grant, Observations and Experiments on the Structure and Fimctions of Sponges {Edinb.
Philos. Journ., 1825, t. XIII, p. 94, et Ann. des sciences nat., 1827, t. XI, p. 150).
(f) Audouin et Milne Edwards, Résumé des recherches sur les Animaux sans vertèbres, faites
aux îles Chausey {Ann. des sciences nat., 1828, t. XV, p. 15 et suiv.).
CHEZ LES ZOOPHYTES. 295
tions d'un système irrigatoire, et à ce titre nous avons déjà eu
l'occasion d'en étudier la disposition générale.
Chez les Hydres, ou Polypes à bras, et chez les Sertulariens,
qui constituent la forme agame des Zoophytes nageurs, dont les scnuhricn
Acalèphes proprement dits sont les représentants complets, la
cavité stomacale règne dans toute la longueur du corps et se
termine inférieurement en cul-de-sac. L'orifice qui en occupe
Hydres
et
cumul physiologique des fonctions
digestives et respiratoires par les
canaux aquifères de ces Zoophytes
dégradés. Burdach et plusieurs antres
zoologistes ont admis aussi que ces
canaux tiennent lieu d'une sorte d'es-
tomac [a], mais un de mes confrères
de la Faculté de médecine, M. Bé-
rard, déclare que cette manière de
voir est inadmissible (6).
Elle vient cependant d'être confu'-
mée de la manière la plus nette par
les recherches de M. Carter, sur les
Spongilles d'eau douce. Après avoir
reconnu que chez ces Zoophytes, de
même que chez les Éponges marines,
la couche ou membrane tégumen-
taire est percée d'une multitude de
petits pores qui servent à l'entrée de
l'eau, tandis que ce liquide est expulsé
par les oscules ou grandes ouvertures
réparties de loin en loin, M. Carter a
mis des particules de carmin en sus-
pension dans l'eau où vivaient les
Spongilles soumises à ses expérien-
ces, et il n'a pas tardé à constater que
cette substance colorante, entraînée
par les courants d'eau inspirée, péné-
trait dans la substance du Zoophyte,
et allait s'accumuler dans des vacuoles
ou cellules qui se creusent dans le
tissu sarcodique de celui-ci. Ces par-
ticules organiques paraissent s'y en-
foncer de la même manière (|uc cela
a lieu chez les Amibes, et, après avoir
séjourné dans ces espèces d'esto-
macs adventifs, elles sont poussées
dans les canaux efférents et expulsées
au dehors, comme le sont les ma-
tières fécales ordinaires remarquées
par M. Grant. Aussi, d'après l'en-
semble de ses observations, M. Carter
n'hésite pas à admettre qu'un travail
digestif s'effectue dans ces cavités
temporaires chez les Spongiaires de
même que chez les Actinophrys,
etc. (c).
Quant aux mécanismes à l'aide des-
quels s'établissent les courants qui
amènent les matières alimentaires ,
ainsi que le fluide respirable, dans
l'intérieur du corps des Spongiaires,
nous avons déjà vu que ce résultat est
obtenu par le mouvement flagelliforme
de cils vibratiles disposés sur les pa-
rois des canaux respirateurs [d).
{a) Burdach, Traité de physiologie, t. IX, p. 4 34.
— Rymer Jones, General Outline of the Animal Kingdom, 1841, p. 1 5.
(h) Bérard, Cours de physiologie, t. II, |i. 500.
(c) Carter, On the Ultimate Structure of Spongilla (Ann. and Mag. of Nat. Hist., 2" série,
1857, t. XX, p. 28 et suiv.).
(d) Voyez tome II, page 2.
296 APPAREIL DIGESTIF
l'extrémité supérieure, et qui tient lieu de bouche et d'nnus, est
contractile, et ses bords sont garnis de longs appendices cylin-
driques disposés en couronne. Chez les Hydres, ces tentacules
sont préhensiles et s'enroulent autour des corps étrangers que
l'Animal veut introduire dans son estomac (1); mais chez les
(1) Les Hydres se nourrissent d'En-
tomostracés et de petits Vers qui
abondent dans les eaux stagnantes où
ces Polypes habitent, mais parfois elles
s'emparent aussi d'une proie beaucoup
plus volumineuse, et Tremblay les a
vues engloutir dans leur estomac, dont
les parois sont très extensibles, des
Myriopodes et même de jeunes Pois-
sons (o). Elles sont très yoracesetsem-
blenttendredes pièges pour leur proie
en laissant flotter les longs tentacules
filiformes ou bras, qui sont aussi pour
eux des organes de locomotion. Ef-
fectivement, dès qu'un Enlomostracé
ou quelque autre Animalcule, en pas-
sant auprès de l'Hydre, vient à tou-
cher un de ces appendices, il se trouve
arrêté, car le tentacule qu'il a ren-
contré adhère si fortement à son corps,
que, malgré les efforts violents qu'il
peut faire pour se dégager, il parvient
rarement à s'échapper, et d'ordinaire
il ne tarde pas à être saisi par d'autres
bras, puis attiré lentement vers la
bouche du l^olype, qui bientôt l'en-
gloutit dans son estomac. Quelquefois
la proie ne se débat même pas, et
semble être frappée de paralysie ou de
mort dès qu'elle a été touchée par les
bras de l'Hydre. Il n'est pas nécessaire
que le tentacule s'enroule autour du
captif pour le retenir prisonnier, il
suffit qu'il s'y applique ; et il résulte
des observations de Tremblay, que
l'action adhésive ainsi exercée est su-
bordonnée à la volonté de l'Hydre,
ou tout au moins à l'état physio-
logique de cet Animal, car celui-ci,
lorsqu'il est repu , n'arrête pas de
la sorte les corps étrangers qui vien-
nent se heurter contre ses tenta-
cules {b). L'imperfection des micros-
copes dont les naturalistes du xviii'
siècle pouvaient disposer ne permit
pas à Tremblay et à ses successeurs
immédiats (c) d'approfondir davan-
tage l'étude de ce phénomène singu-
lier ; mais depuis quelques années
plusieurs zoologistes ont fait à ce su-
jet de nouvelles recherches, et à l'aide
d'instruments plus puissants, ils ont
pu mieux comprendre le mécanisme
de la préhension des aliments chez ces
singuliers Zoophytes.
En effet, les bras des Hydres ont
une structure plus compliquée qu'on
ne le supposait autrefois. Ces appen-
dices filiformes sont garnis d'un grand
nombre de tubérosités verruciformes
qui sont disposées en spirale, et qui
recèlent dans leur intérieur une foule
(a) Tremblay, Mémoire pour servir à l'histoire d'un genre de Polypes d'eau douce à bras en
forme de cornes, l. l, p. 171 et suiv.
(b) Idem, ïbid., p. 223.
(c) Backer, Essai sur l'histoire naturelle du Polype insecte, p. i 06 et suiv.
— J. C. SchâffLT, Die Armpolypen (Abhandlungen von Insecten, 1764, t. I, p. 155 et suiv.).
— P.œsel, Insecten-Belustigung, t. III, p. 465 et suiv.
CHEZ LES ZOOPHYTES. 297
Sertulariens ils sont susceptibles seulement de s'étendre en
manière d'entonnoir ou de se recourber sur la bouche en se
contractant, et ils servent à diriger vers cet orifice les cor-
)3uscules tenus en suspension dans l'eau ambiante, plutôt qu'à
saisir ces matières alimentaires. Cependant, si quelque Animal-
cule vient à les toucher, ils se referment brusquement sur cette
de petites nématocystes ou capsules,
pourvues chacune d'un fil exsertile.
Ces fils, d'une ténacité extrême, sont
lancés au dehors quand le tentacule
est irrité par le contact d'un corps
étranger, et soit en s'enroulant au-
tour de la proie , soit en péné-
trant même dans sa substance, pa-
raissent en effectuer la capture. Ces
capsules filifères ont été étudiées
avec beaucoup de soin , d'abord par
MM. Corda, Ehrenberg et Erdl , puis
par M. Doyère (a), et ils ont beau-
coup d'analogie avec les nématocystes
ou organes urticants des Coralliaires
et des Acalèphes, dont il sera bientôt
question.
D'après ce dernier naturaliste, ils
sont de trois sortes. Les plus remar-
quables ont été décrits par M. Corda
sous le nom de hastœ, et occupent le
centre des tubérosités verruciformes;
ils consistent en un sac ovalaire et
transparent qui renferme dans son
intérieur un long filament pelotonné
et un dard qui, l'un et l'autre, sont
susceptibles de se renverser au de-
hors ; le fil , primitivement enroulé
au fond du sac, constitue l'espèce de
coussinet que M. 'Coi'da a décrit
sous le nom de vesica patellifor-
mis, et se retourne comme un doigt
de gant pour se dérouler au de-
hors. Le dard est une sorte d'é-
toile à trois branches, qui , réunies
en faisceau, peuvent saillir incomplè-
tement au dehors de façon à simuler
un stylet , et c'est dans cet état
que M. Corda les a observés et figu-
rés ; mais quand la projection du
contenu du sac est complète il se dé-
ploie en forme de calice à la base du
fil, qui alors tlotle librement au de-
hors, tout en adhérant par sa base
aux bords du goulot du sac. Enfin,
le calice étoile et le fil ainsi lancés au
dehors peuvent se détacher complè-
tement, et ils produisent alors l'appa-
rence qui a été figurée par M. Ehren-
berg ; mais dans l'état naturel des
parties, l'hameçon que ce naturaliste
a représenté comme terminant chaque
fil émis par l'Hydre n'occupe pas
l'extrémité libre de cet appendice et
se trouve à sa base, car ce n'est autre
chose que le calice ou dard. M. Doyère
(a) Corda, Anatome Hydrce fuscœ (Nova Acta Acad. nat. curios., t. XVIII, p. 299, pi. 15,
fig. 5-10).
— Ehrenberg, Ueber das Massenverhâltniss der jet%t lebenden Kiesel-Infusorien, etc. (Mém.
de l'Acad. de Berlinpour 1836, pi. 2, fig. 1).
— Erdl, Ueber die Organisation der Fangarme der Polypen (Miiller's Archiv fur Anat. und
PhysioL, 1841, p. 429. pi. 15, iig. 10 et 12).
— Doyère, Noie sur quelques points de l'anatomie des Hydres d'eau douce {Comptes rendus de
l'Acad. des sciences, 1842, t. XV, p. 429).
— Quatrefages, Atlas du Piègne animal de Cuvicr, Zoophytes, pi. 04, fig. 1 , la, 16, le.
298 APPAREIL DIGESTIF
proie et le poussent dans l'entrée de la cavilé digestive (1). Il
est aussi à noter que cette cavité se continue non-seulement
dans toute la longueur de l'espèce de tige formée par le corps
pense que l'action toxique exercée
par l'Hydre sur sa proie dépend d'une
piqûre faite par le dard quand ses
branches sont réunies en faisceau, et
de l'évolution subséquente du fil qui
pénétrerait par cette voie dans le corps
de la victime. Effectivement, il a eu
Tocrasion de voir les filaments enfon-
cés de la sorte dans le corps d'une
larve d'insecte dont une Hydre s'était
emparée.
Les capsules de la seconde espèce
sont plus petites que les sacs basti-
fères, et contiennent seulement un fil
exsertile enroulé en spirale, comme
dans les nématocystes ordinaires des
Coralliaires et des Méduses. Ce fil sort
comme le précédent, et le sac dans le-
quel il était engaîné le suit. Enfin,
les corps sacciformes de la troisième
sorte ne laissent apercevoir dans leur
intérieur qu'une masse muqueuse,
mais M. Ooyère pense que ce sont
des capsules hastifères en voie de dé-
veloppement.
Il est aussi à noter que tout aulour
des capsules hastifères siluées au
centre de chaque tubercule, on aper-
çoit un grand nombre (Vacicules ri-
gides qui se détachent avec beaucoup
de facilité. i\l. Corda les a décrits et
figurés sous le nom de poils ou cils
vibratiles, appendices dont j'ai eu sou-
vent à parler ailleurs ; mais M. Doyère
pense que ce sont des aiguilles sili-
ceuses.
(1) La bouche des Sertulariens se
prolonge en une sorte de trompe pro-
tractile et très dilatable, située au fond
de la couronne tenlaculaire. Celle-ci
est simple chez les Sertulaires (a),
les Campanulaires (6) , les Euden-
driums (c), mais est double chez les
Tubulaires {d), et dans les genres
Coryne ou Syncoryne (e), et Condy-
lophores [f), ces appendices sont dis-
fa) Voyez Ellis, Histoire naturelle des CoraUines, pi. 4, fig. G; pi. 5, fig. A, etc.
— Cavolini, Mem. per servire alla storia de' Polipi marini, pi. 8, fig. 9.
— Lister, Observ. on Polijpi, etc. (Philos. Trans., 4834, pi 8, fig. 3).
— Milne Edwards, Zoophytes de V Atlas dit. Règne animal de Cuvier, pi. G7, fig. 3 a.
(6) Voyez Ellis, Op. cit., pi. 12, fig. C.
— Cavolini, Op. cit., pi. 7, fig. 7.
— Lister, Op. cit.-, pi. 9, fig. d.
— Milne Edwards, Op. cit., pi. 66, fig. dff et 2 a.
— Meyen, Observ. zool. {Nova Acta Acad. nat. £urios., t. XVI, suppl., pi. 30, fig. 1).
— Van Beneden, Mém. sur les Campanulaires, pi. 1, fig. 2 et 3 (Mém. de l'Acad. de Bruxelles,
1844, t. XVII).
(c) Ellis, Op. cit., pi. 17, fig. A.
— Van Beneden, Recherches sur l'embryologie des Tubulaires [Mém. de l'Acad. de Bruxelles,
t. XVII, pi, 4, fig. d).
— Johnston, Hist. of British Zoophytes, t. II, pi. 4.
(d) Voyez Ellis, Op. cit.. pi. d6, fig. d6.
— Lister, Op. cit. (Philos. Trans., d834, pi. 8, fig. 1).
— Van Beneden, Recherches sur l'embryologie des Tubulaires, pi. 1, fig. d ; pi. 2, fig. 1 {Mém.
de l'Acad. de Brtixelles, t. XVII).
(e) Pallas, Spicilegia zoologica, fasc. x, p. 40, pi. 4, fig. 8.
— Van Beneden, Mém. sur l'embryologie des Tubulaires, pi. 3, fig. 12.
(0 Allman, On the Anatomy and Physiology of Condylophora {Philos. Trans., d853, pi. 25,
fig. 2).
CHEZ LES ZOOPHYTES. 299
du Polype et dans les prolongements radiciformes qui partent
de son extrémité inférieure, mais aussi dans les branches
constituées par les individus qui naissent de cette tige par
posés iiTégulièrement à des hauteurs
différentes. Le nombre de ceux qui
composent chaque couronne varie
avec l'âge, et paraît être d'abord de
quatre ou de huit seulement , mais
s'élève parfois à vingt - quatre ou
môme davantage.
Ils sont en général médiocrement
allongés et cylindriques, mais leur
portion terminale étant la plus con-
traclile, ils paraissent souvent renflés
en forme de bouton vers le haut ;
disposition qui a conduit M. Lôven
à penser que chez les Syncorynes ils
étaient terminés par une ventouse (o).
Chez les Tubulaires, ils ont des mou-
vements indépendants , et peuvent
s'enrouler de façon à constituer une
sorte de boule terminale ; mais chez
la plupart de ces Zoophytes , chez
les Campanulaires, par exemple, ils
se meuvent tous à la fois, et, quand
l'animal est en repos, il les étend en
forme d'entonnoir à bord renversé,
tandis qu'au contraire il les rac-
courcit et les recourbe seulement en
dedans , au-dessus de la bouche,
lorsqu'il se contracte et rentre dans
l'espèce de cloche formée d'ordinaire
par la portion terminale de son étui
tégumenlaire. Ces tentacules ne sont
pas garnis de cils vibratiles, mais leur
surface est verruqueuse, et les nodo-
sités qui s'y remarquent portent un
grand nombre de petites vésicules ur-
ticantes (6) dont la structure paraît
être très analogue à celle des néma-
tocystes de l'Hydre d'eau douce, dont
il a été déjà question. Chez rEleullié-
rie on trouve de ces capsules spiculi-
fères sur toutes les parties de la sur-
face du corps (c), et, comme nous le
verrons bientôt, le mêrac mode d'ar-
mature existe chez les Acalèphe?.
Quelques naturahstes pensent que les
tentacules de ces Animaux, de même
que ceux des Hydres, sont creusés
d'un canal longitudinal en commu-
nication avec la cavité digestive {cl} ;
mais ce mode de conformation ne me
paraît pas exister, et M. Van Beneden
considère aussi ces appendices comme
éUml pleins et divisés d'espace en es-
pace par des cloisons transversales (e).
Quelques auteurs réservent le nom
d'estomac à la portion de la cavité di-
gestive qui fait suite à la bouche des
Scriulariens , et qui s'étend jusqu'au
fond de la cloche tégumentairc (/").
En effet, les substçinces ah'menlaires y
sont d'ordinaire retenues pendant un
certain temps , et souvent un rétré-
(a) Lôven, Zoologiska Bidrag {Yetensk. Acad. Handl., 1835). — Observ. sur le développe-
ment, etc., desgenres Campanulaire et Syncoryne (Ann. des sciences nat., 2" série, 1841 , t. XV,
p. 170).
(6) Quatrefages, Mém. sur la Synhydre parasite (Ann. des sciences nat., 2' série, 1813, t. XX,
p. 240, pi. 9, fig. 5).
— ■ Dujardin, Mémoire sur le développement des Méduses et des Polypes hydraires {Anii. des
sciences nat., 3« série, 1845, t. IV, p. 259j.
(c) Quairefages, Mémoire sur l'Éleuthéris (Ann. des sciences nat., 2« série, 1842, t. XVIII,
p. 27éet 283, pi. 8, %. 3, 4, 5).
(d) Loven, Op. cit., p. 159.
(g) Van Beneden, Recherches stir les Tubulaires, p. 16 (Mêm. de l'Acad. deBruxelles, I. XVII).
(î) Cavolini, Memorie per servire alla storia de' Polipi marini, p. 120, 164, elc.
300 APPAREIL DIGESTIF
voie de bourgeonnement ; en sorte que la matière nutritive
prise par un de ces petits êtres profite à toute la colonie dont
celui-ci fait partie (i). Cette disposition permet même une sin-
gulière division du travail physiologique chez quelques-uns de
ces Zoophytes. M. de Quatrefages a trouvé que chez les Sertu-
lariens qu'il désigne sous le nom de Synhydres, il existe dans
chaque colonie deux sortes d'individus : les uns qui sont
pourvus, comme d'ordinaire, d'une bouche et d'un estomac;
et d'autres qui ont aussi un estomac, mais qui sont privés de
bouche et sont spécialement chargés du travail reproducteur,
tandis que les premiers sont les Polypes nourriciers de cette
association bizarre (2).
Du reste, la puissance digeslive de ces Zoophytes paraît
devoir être assez faible, et l'on ne distingue dans leur orga-
nisme aucun instrument spécial qui soit affecté à la sécrétion
des sucs gastriques (3).
cissement la sépare de la portion de
la même cavité qui occupe la tige du
Zoophyte (a) ; mais cette distinction,
qui est possible dans quelques espèces,
telles que les Campanulaires, ne l'est
pas chez d'autres et ne me semble
pas avoir de l'importance.
(1) M. Van Beneden a constaté que
le Coryne squarnata (Clava mvÀticor-
nis, Johnston) fait exception à cette
règle ; les divers individus d'une
même colonie fixés sur une expansion
membraneuse commune ont chacun
un estomac distinct et sans communi-
cation avec ceux de ses voisins (h).
(2) Les Synhydres sont des Polypes
marins qui ressemblent beaucoup aux
Corynes, et qui se trouvent souvent
sur nos côtes, fixés à des coquilles de
Buccin ou de Turbo habitées par des
Pagures. Les estomacs de tous les in-
dividus d'une même colonie commu-
niquent entre eux par leur partie infé-
rieure ; mais dans les individus repro-
ducteurs cette cavité se termine en
cul-de-sac supérieurement, tandis que
chez les individus nourriciers elle
communique librement au dehors par
un orifice buccal (c).
(3) M. Van Beneden pense que ces
Polypes ne se nourrissent guère que
de substances muqueuses tenues en
(a) Van Beneden, Sur les Campanulaires, p. 16 {Mém. de l'Aead. de Bruxelles, t. XVII).
(b) Idem, Recherches sur l'embryologie des Tubulaires, p. ■lO.
(c) Quaircfagcs, Mém. sur la Synhydre parasite (Ann. des sciences nat., 2" série, 4843, t. XX,
p. 230).
CHEZ LES ZOOPHYTES. 301
S û, — Chez les Médusaires, qui constituent les représen- Appareil
^ ^ , , ^ digestif
tants sexués de ces Zoophytes dimorphes ou à génération alter- >ies
, , Médusaires.
nante, l'appareil digestif est constitue d'abord a peu près de
même que chez les Sertulariens; mais, par les progrès du déve-
loppement organique, il se complique davantage, et l'estomac
s'entoure de prolongements en forme de loges ou de canaux
qui sont affectés d'une manière de plus en plus spéciale au ser-
vice de l'irrigation nutritive. Nous avons déjà étudié leur mode
de conformation lorsque nous nous occupions des premières
ébauches d'un système circulatoire chez les Animaux infé-
rieurs (1), et je n'y reviendrai pas ici ; mais je crois devoir
entrer dans quelques détails de plus relativement à la structure
de la portion centrale et essentiellement digestive de cet en-
semble de réservoirs.
Comme les Médusaires occupent en nageant une position in-
verse de celle des Polypes sertulariens, c'est au milieu de la
face inférieure de leur corps que se trouve la bouche. Quel-
quefois cet orifice est situé à l'extrémité d'un prolongement en
forme de trompe, ainsi que cela se voit chez les Géryonies (2) ;
suspension clans l'eau {a) ; mais plu- beaucoup le bord inférieur de ccl
sieurs observateurs ont vu des Ani- instrument. Chez la Géryonie hexa-
malcules solides dans leur cavité di- phylle, son extrémité libre est mem-
gestive (6). braneuse et élargie en forme d'en-
(1) Voyez tome III, page 55 et suiv. tonnoir (c) ; mais chez d'autres
(2) La trompe des Géryonies est espèces du même genre (c?), ainsi que
très allongée , et pend en forme chez les Orythies, les Lymnorées et
d'ombrelle sous le corps de ces Médu- les Favonies, où elle est aussi très
saires, de façon à ressembler au bat- allongée , son bord labial est sim-
tant d'une cloche, et à dépasser de pie (e).
(a) Van Beneden, Mém. sur les Campanulaires , p. 16 {Mém. de V Acad.de Bruxelles, t. XVII).
(6) Loven, Observ. sur les Campanulaires, etc. (Ann. des sciences nat., 2" série, 1828, t. XV,
p. 161).
— Rathlie, Bemerk. ûber die Coryna squamata (ylj'cft. fur Naturgesch., 1844, p. 155), ou
Observ. sur le Coryna squamata (Anîi. des sciences nat., S' série, 1844, t. II, p. 207).
(c) Voyez Péron et Lesucur, Voyage aux terres australes {Histoire générale et particulière des
Méduses, p). 4, fig. 5).
— Milne Edwards, Atlas du Règne animal de Cuvier, Zoophytes, pi. 52, Rg. 3.
(d) Voyez Pérou et Lesucur, Op. cit., pi. 4, fig. 1.
(e) Milne Edwards, loc. cit., pi. 52, fig. 1 et 2 ; pi. 54, fig. 3.
«^02 APPAREIL DIGESTIF
mais, en général , il est placé au centre de la base d'un fais-
ceau de gros tentacules ou bras à bords membraneux et con-
tractiles, qui sont suspendus à la face inférieure du disque ou
ombrelle représentée par le corps de l'Acalèphe (1).
L'estomac occupe aussi l'axe du corps et fait suite à l'ouver-
ture queje viens de décrire (2) : mais chez quelques Médusaires,
où la cavité gastrique est située de la manière ordinaire, cette
bouche centrale manque ; les bras sont complètement réunis
entre eux à leur base, et c'est par d'autres voies que les ahments
arrivent du dehors jusque dans l'appareil digestif. Ce mode d'or-
ganisation a été constaté par Cuvier chez un grand Acalèphe
très connu sur nos côtes, et a valu à ce Zoophyte le nom de
Rhizostome (o). Effectivement, dansées Animaux, le réservoir
central qui correspond à l'estomac des Méduses ordinaires est
bouché en dessous, mais communique latéralement avec une
(1) Ces bras ou tentacules labiaux cet organe et qui sont très mobiles,
sont généralement au nombre de Ils correspondent aux points occupés
quatre, etcomposés chacun d'une por- par les organes reproducteurs, et sont
tion médiane épaisse et subulée, de probablement des instruments de sé-
chaque côté de laquelle est suspen- crétion. M. Fritz Millier vient de
due une bordure membraneuse plus constater que ce ne sont pas des tubes,
ou moins froncée. Ils sont très dé- comme on l'avait pensé, mais des cy-
veloppés chez les Pélagies (a) et les lindres à axe solide ; et d'après quel-
Cyanées (6). Chez les Aurélies, ces ques expériences laites par ce natu-
appendices sont garnis d'une frange raliste, ils paraissent produire un suc
marginale (c). susceptible d'attaquer les aliments à
(2) Chez quelques Médusaires, tels la manière de la pepsine et d'en opé-
que les Pélagies (d), les parois lalé- rer la digestion; leur surface est gar-
rales de l'estomac sont garnies d'une nie de cils vibratiles (e).
multitude d'appendices tentaculifor- (3) De pii;!/., racine, et arofAst, bou-
mes qui font saillie dans la cavité de che.
[a) Voyez Milne Edwards, Atlas du Règne animal de Cuvier, Zoophytes, pi. 45, fig. 4.
(6) Voyez Milne Edwards, loc. cit., pi. 47, fig. 1,16.
(c) Voyez Ehrenberg, Ueber die Akalephen des rothen Meeves {Mém. de l'Acad. de Berlin pour
1835, pi. 3,fig. 1).
— Milne Edwards, loc. cit., pi. 48, iig. 1.
(d) Milne Edwards, Atlas du Règne animal ào Cuvier, Zoophytes, pi. 46, fig. i a.
(e) Fr. Millier, Die Magenfâden der Quallen {Zeitschr. fur wissensch. Zool., 1858, t. IX,
p. 542).
CHEZ LES ZOOPHYTES. 303
série de canaux rameiix. Ceux-ci descendent dans l'épaisseur des
bras, et s'ouvrent au deliors par une multitude de petits orifices,
qui sont autant de bouches. Par conséquent, au lieu d'une
bouche centrale, ils ont, comme leur nom l'indique, des
bouches multiples et radiciformes (1).
(1) Les bras des Rhizostomes, d'une
consistance subcartilagineuse, sont au
nombre de huit, et naissent par paires
(|e quatre pédoncules qui partent du
disque et se réunissent au - dessous
de l'estomac, en laissant entre eux
quatre espaces creux ou loges destinées
à contenir les organes reproducteurs.
L'extrémité libre de ces bras est un
peu renflée, et présente trois faces sé-
parées par des borùs arrondis vers les
parties inférieures desquelles on dis-
lingue un certain nombre de petites
ouvertures béantes, qui donnent nais-
sance à autant de canaux ascendants.
Ceux-ci se réunissent à la manière des
veines, et le tronc commun ainsi
formé se dirige vers l'estomac , mais,
chemin faisant, reçoit un certain nom-
bre de branches latérales dont les
racines sont situées dans des mem-
branes froncées et pourvues de franges
marginales qui garnissent la portion
moyenne de chaque bras, ainsi qu'un
appendice en forme d'auricule placé
plus haut, près du pédoncule (a). Or,
chacune des divisions terminales de
ces canaux latéraux, de même que les
branches .inférieures dont il a déjà élé
question, se termine par un orifice
extérieur , et M. Huxley a constaté
que les espèces de bouches ainsi con-
stituées tout le long du bord des
bras sont entourées par les membranes
frangées dont je viens de parler (6) ;
elles sont très dilatables et deviennent
souvent infundibuliformes. M. Huxley
les considère comme étant autant
d'estomacs comparables à ceux des
Stéphanomies , etc. La membrane
dont elles sont tapissées est garnie de
cils vibratiles, et en continuité de tissu
avec la tunique des canaux qui se
rendent à l'estomac central.
Il est aussi à noter que la portion
membraneuse des parois de l'estomac
central qui loge les organes repro-
ducteurs est garnie d'appendices ten-
taculiformes analogues à ceux des
Pélagies, mais moins allongés (c).
Les Gassiopées ressemblent aux
Rhizostomes par l'absence d'une bou-
che centrale, mais leurs bras sont
frangés jusqu'au bout {d), et, d'après
M. Délie Chiaje , les petites bouches
latérales seraient situées à l'extrémité
(a) Cuvier, Mém. sur V organisation des Méduses (Journal de physique, t. XLIX, p. 436).
— Eysenhardt, Zur Anat. und Naturgesch. der Quallen {Nova Acta Acad. natures curiosorum.
t. X, pi. 34).
— Milne Edwards, Atlas du Règne animal de Cuvier, Zoophytes, pi. 50.
— Délie Chiaje, Animali setixa verteire del regno di Napoli, pi. 143, ûg. 1 et 7.
(6) Huxley, On the Anatomy and the Afjinities ofthe Family ofMedusœ (Philos. Trans., 1849,
p. 415, pi. 3!^, flg. 28 ; pi. 39, fig. 29).
(c) Milne Edwards, Mém. sur la structure de la Méduse marsupiale, etc. (Ann. des sciences
liât., 1833, t. XXVlIl, pi. 13, fig. 3).
(rf) Tilesius , Beitrâge zur Naturgesch. der Medusen (Nova Acta Acad. nat. curios., 1831,
t. XV, p. 254, pi. 70, Bg. 1 ; pi. 72, fig. 1,5).
Appareil
digestif
des
Hydrostatiques.
âOZl APPAREIL DIGESTIF
Un mode d'organisation assez analogue se voit chez les Phy-
salies, les Stéphanomies et les autres Siphonophores ou Aca-
lèphes hydrostatiques, mais avec cette différence que la portion
profonde et centrale de l'appareil gastro-vasculaire tend à de-
venir rudimentaire et n'est affectée qu'à l'irrigation physiolo-
gique, tandis que sa portion vestibulaire ou buccale se perfec-
tionne et devient le siège principal du travail digestif. En effet,
ces Zoophytes sont pourvus d'un grand nombre d'appendices
en forme de trompes, qui font fonction d'autant de bouches et
d'estomacs, et (jui transmettent les produits de la digestion à
un système de canaux chargés de les répartir dans les autres
parties de Téconomie ('!).
globuleuse de filaments marginaux
chez la Cassiopea borbonica (a).
Dans le genre Céphée, l'appareil
digestif est organisé aussi sur le même
plan que chez les Rhizostomes, et il
est à noter qu'ici chacune des petites
bouches latérales portées par les
bras est entourée d'une membrane
labiale infundibulifornie (6), à quatre
languettes frangées, au lieu d'êlre
garnie seulement de deux replis mar-
ginaux en forme de voiles, conmie
chez les Rhizostomes.
(1) Chez la Physahe, les appendices
proboscidiformes,ou suçoirs, sont sus-
pendus sous la vessie hydrostatique,
au milieu d'un grand nombre d'au-
tres organes appendiculaires réunis
en paquet (c). Us consistent chacun
en une sorte de sac très allongé, ou-
vert à son extrémité inférieure et fort
dilatable, qui est susceptible de s'ap-
pliquer sur les corps étrangers à la
manière d'une ventouse, ou de s'élargir
en forme de cloche pour recevoir dans
son intérieur les raatièrcsalimentaires,
qui y sont digérées et transformées en
une espèce de pulpe ou chyme. Le
fond de chacune des trompes gastri-
ques se continue supérieurement sous
la forme d'un canal étroit, et commu-
nique avec une cavité commune si-
tuée entre les tuniques de la vessie
hydrostatique, ainsi qu'avec les con-
duits creusés dans l'épaisseur des
autres organes appendiculaires (d).
Chez les Stéphanomies, les Physo-
phores, les Agalmes, etc. , la confor-
mation des appendices proboscidifor-
mes, ou trompes gastriques, est à peu
près la même, mais ces organes sont
suspendus à une sorte de ruban com-
mun qui donne également insertion
aux appendices générateurs , urti-
(ft) Délie Cliiaje, Descr. e notom. degli Anim. genza vertèbre, t. IV, p. 95, pi. 140, Ut\.
(6) Huxley, Op. cit. {Philos. Trans., 1849, p. 415, pi. 39, fig. 35, 36).
(c) Olfers, Ueber die grosse Seeblase (Mém. de l'Acad. de Berlin pour 1831, p. 155).
(d) Quatrefages, Mém. sur V organisation des Physalies {Ann. des sciences nat., 4° série, 1854,
t.n, p. 114, etc., pi. 3, fig. 1).
CHEZ LES ZOOPH\TES. 305
L'appareil digestif des Acalèphes du genre Béroé offre une
disposition différente, qui est également digne d'attention. La
cavité centrale qui représente l'estomac des Méduses ordi-
naires est ouverte en dessous comme chez ces dernières, mais
fort réduite et dépourvue d'appendices labiaux ; du reste, elle
paraît être suppléée dans une partie de ses fonctions par une
chambre vestibulaire constituée à l'aide du disque de l'animal,
qui, au lieu de s'étendre en manière d'ombrelle, se contracte
en dessous, de façon à prendre la forme d'une bourse ovoïde,
dont l'orilicc, dirigé en bas, tient lieu de bouche (1).
cants, etc., el qui se termine snpé-
rieiirenient à l'appareil natatoire. Un
vaisseau en occupe toute la longueur,
et communique avec un canal prove-
nant de chacun des estomacs, ainsi
qu'avec des conduits appartenant aux
autres organes appendiculiformes (a).
Les zoologistes ne sont pas d'ac-
cord sur l'inlerprélation à donner à ce
mode d'organisation. Jusque dans ces
derniers temps on considérait géné-
ralement ces assemblages de suçoirs,
d'organes reproducteurs , d'instru-
ments de natation et de filaments ur-
ticants comme constituant un seul et
même animal ; mais depuis quelques
années plusieurs naturalistes ont été
conduits à le regarder comme un agré-
gat de divers individus héléromor-
plies, dont les uns auraient pour
fonction de pourvoir à la nourriture
de toute la colonie, d'autres de don-
ner naissance à des individus nou-
veaux, etc. (6). Dans cette hypothèse,
les parties décrites sous le nom de
trompes gastriques seraient des indi-
vidus nourriciers comparables aux
Polypes sertulariens. Mais quoi qu'il
en soit à cet égard, chacun des esto-
macs ainsi constitué est pourvu de
parois dans l'épaisseur desquelles on
dislingue un tissu glandulaire coloré
qui semble être le représentant de
l'appareil hépatique des animaux su-
périeurs.
(1) Cette grande cavité vestibulaire,
en forme de cloche, qui occupe presque
tout l'intérieur du corps des Béroïdes,
correspond en réalité à l'évasement de
la face inférieure de l'ombrelle des
Médusaires, et l'analogue de la bouche
de ces dernières se trouve au fond de
(a) Milne Edwards, Description du Stephanomia conlorla {Ann. des sciences nat., 2° série, t. XVI,
p. 221, pi. 7 et 9, fig. 1).
— Vogt, Recherches sur les Animaux inférieurs de la Méditerranée. Mém. sur les Sipho-
nophores, p. 46, 89, etc., pi. 4, fig. 5 ; pi. 8, fig. t ; pi. H, fig. 1 ; pi. 14, fig. 1, eic.
— R. Leuckart, Zoologische Untersuchungen, t. I, p. 12.
(b) Leuckart, Ueber die Morphologie der wirbellosen Thiere, 1848, p. 27 ; — L'eber den Poly -
inorphismus der Individuen, 1851. — Zoologische Untersuchungen, erstes Heft, 1853, p. 71.
— Huxley, Upon Animal Individuality {Ann. of Nat. Hist., 2° série, 1852, t. IX, p. 505).
— Kôlliker, Die Schwlmmpolypen von Messina, 1853, p. 04 et suiv.
— Vogt, Op. cit., p. 129 et suiv.
— Gcgenbauer, Beitrdge aur ncùhcrn Kennlniss der Scliiuimmpolypen, 185i,
V.
20
506 APPAREIL DIGESTIF
Chez plusieurs Acalèphes, l'appareil digestif est pourvu aussi
d'un certain nombre d'orifices, que les zoologistes considèrent
généralement comme des anus ; mais ces pores , situés d'or-
dinaire vers la partie périphérique de la portion vasculaire du
système irrigatoire, ne semblent pas être destinés à livrer
passage au résidu laissé par le travail digestif, et c'est par la
bouche que la sortie des fèces s'effectue (1).
Pespèce de sac ainsi constitué. Elle est
bordée seulement de deux lèvres
épaisses (a).
C'est une cavité analogue à cette
chambre vestibulaire ou pharyn-
gienne qui, très rétrécie et garnie in-
férieurement d'une bordure membra-
neuse, constilue l'estomac principal
des Lesueuries (6), des Alciopes (c),
des Gestes {d), etc., chez lesquels la
partie correspondante à l'estomac cen-
tral des Méduses est très réduile et
forme le confluent des canaux irriga-
toires que j'ai désigné sous le nom de
réservoir chylifique (e).
Une autre modificalion organique
se rencontre chez les Gydippes. La
cavité gastrique centrale prend desdi-
mensions considérables, et un prolon-
gement labial tubulaire,au lieu de s'a-
vancer au dehors en forme de trompe,
se renverse en dedans, de façon à oc-
cuper l'axe de l'estomac et à consti-
tuer une chambre pharyngienne inté-
rieure qui a beaucoup de ressemblance
avec l'estomac tubulaire des Alcyo-
naires, dont il sera bientôt question {f) .
(1) M. Ehrenberg fut le premier à
bien apercevoir ces pores excréteurs
chez les Méduses, où ils sont placés sur
le bord de l'ombrelle, au milieu de cha-
que espace compris entre les organes
ocuiiformes. Chez VAurelia (ou Mé-
dusa aurita), le canal gaslro- vascu-
laire marginal présente dans chacun
de ces points un petit prolongement
en forme de sac, à l'extrémité duquel
se trouve l'orifice en question ;
M. Ehrenberg en compte huit et les
a vus dégorger au dehors des matières
étrangères, de sorte qu'il n'hésite pas
à les appeler des anus (g).
Will a décrit une disposition ana-
logue chez le Cepliœa Wagneri {h).
Chez les Béroés, j'ai irouvé quelque
chose de semblable. La portion cen-
(a) Milne Edwards, Observ. sur le Beroe Forskalii {Ann. des sciences nat. ,2* série, 1841,
t. XVI, p. 211, pi. 5 et 6).
(6) Idem, Description tfw Lesueuria vitrea {Ann. des sciences nat., 2» série, t. XVI, p. 199,
pi. 3, ûg. 1 ; pi. 4, ti^'. 1).
(c) Idurn, Noie sur l'appareil gastro-vasculaire de quelques .Acalèphes {Annales des sciences
naturelles, 4° série, 1856, i. VII, pi. 14).
{d) Idem, (oc. cit., pi. 15 el 16, fig. 1.
(ej Vo^NBz tome 111, page 65.
{/') MUiie ÉAlwai-Lis, Allas du Règne animal de Cuvier, Zoophytes, pi. 36, fig. 2 b, et Note sur
l'appurtil gastro-vasculaire {Ann. des sciences nat., 4« série, 1856, t. VII, p. 287, pi. 16,
fig. 2).
13) Ehrenberg, Vorlaulige Mittheilung einigei' bisher unbekannter Slriicturverhàltnisse bei
Acalephen imd Echinodermen (MuUer's Archiv fiir Anat., 1834, p. 5G1,elAnn. des sciences
nat., 2° série, -i«35, t. IV, p. 294).
{h) Will, Horcc Tcrgestiinv, p. 00.
CHEZ LES ZOOPHYTES. 307
§ 5. — Dans la classe des Coralliaires, l'appareil digestif est
conformé à pea près de même que chez les Acalèphes, mais
la distinction entre la portion stomacale et la portion irrigatoire
de ce système de cavités tend à devenir plus complète (1).
Ainsi, chez les Alcyons, les Gorgones, le Corail et les autres
Alcyonaires, les bords de l'orifice buccal se continuent intérieu-
rement avec une membrane disposée en tube, qui est suspendue
au milieu de la grande cavité centrale du système gastro-vascu-
laire, et qui s'y ouvre par son extrémité opposée, mais est garnie
inférieurement d'un muscle sphincter, dont la contraction le
Appareil
di-eslif
des
Coralliaires
traie de la face supérieure du disque
de ces Acalèphes est occupée par une
fossellequi loge Torgane oculiforme, et
j'ai souvent vu deux vésicules se dé-
velopper sur les côtés de cette dépres-
sion, puis s'ouvrir à leur sommet et
laisser échapper au dehors le liquide
qui tourbillonnait daus leur intérieur,
puis s'all'aisser et disparaître. Ces
émonctoires communiquent avec la ca-
vité gastrique («). Nous verrons bientôt
que chez certains Coralliaires il existe
aussi, sur divers points du système
gasiro-vasculaire, des pores, mais ces
orifices ne me paraissent pas remplir
les fonctions d'un anus, et me sem-
blent être plutôt des dépendances de
quelque organe excréteur.
(1) La forme qui est dominante chez
les Médusaires se retrouve assez exac-
tement chez les Coralliaires de la divi-
sion des Podactinaires. En eilet, chez
les Lucernaires, qui constituent les prin-
cipaux représentants de ce groupe,
Torifice buccal est situé à l'extrémité
d'un prolongement proboscidilorme
qui occupe le milieu d'un disque con-
cave dont le pourtour est garni d'espace
en espace par des tentacules. L'esto-
mac qui fait suite e'i cette espèce de
trompe renferme un grand nombre
d'appendices filiformes, très contrac-
tiles, qui ressemblent beaucoup à
ceux de l'estomac des f^élagies, et il
se continue latéralement avec une sé-
rie de grandes loges disposées radiai-
rement; mais ici, au lieu d'être très
court, ainsi que cela se voit chez les
iMédusaires, il s'allonge en forme de
cylindre jusqu'à l'extrémité inférieure
du corps de l'animal, où il se termine
en cul-de-sac (6).
Chez les autres Coralliaires, la bou-
che n'est pas saillante, et la conforma-
tion générale de l'appareil digestif rap-
pelle davantage ce que nous venons
de voir chez les Acalèphes du genre
Cydippe.
(«) Milne Edwards, Observ. sur la structure et les fonctions de quelques Zoophy les, etc. {Ann.
des sciences nat., 2= série, 1841, t. XVI, p. 214, pi. ô,Jig. i; pi. 6, fig. 16).
— Agassiz, Contrib. to the Nat. Hist. of Acalephœ, pi. 5, fig. 9 [Mem. of the .iiner. Acad.,
1850, t. II).
(6) Milne Edwards, ZooPHVTES du Réijne animal do Cuvier, pi. 63, l]g. la, 1 e.
— Sars. Fauna llttoralis Noi'verjiic, pi. 3, fig. 6.
— - H. Frey et R. Lcuckarl, Beitrdge xur Kenntniss dev wirbellosen Thiere, 1847, pi. I , fig-. 3.
— J. Cariis, Icônes xootomicœ, pi. 4, fier. 2.
308 APPAREIL DlGIiSTlF
transforme en une sorte de poche où les alinienls se trouvent
arrêtés et plus ou moins complètement digérés avant que de
passer dans la portion irrigaloire du système. Les parois de ce
vestibule gastrique renferment un tissu glandulaire de couleur
jaune, qui semble être un organe hépatique, et la portion sui-
vante de l'appareil gastro-vasculaire se continue au loin dans
l'organisme sous la forme de loges radiaires et de canaux ra-
meux, dont nous avons déjà eu l'occasion d'étudier la disposi-
tion lorsque nous nous occupions de l'irrigation nutritive chez
ces Zoophyles (1). Je ne m'arrêterai donc pas davantage sur ce
sujet, et je me bornerai à faire remarquer (pie chez les Coral-
liaires de l'ordre des Zoanthaires, les Actinies, par exemple, le
vestibule gastrique est moins développé et moins contractile
inférieurement, de façon que chez ces Animaux les aliments
pénètrent souvent dans la cavité conmiune, située au-dessous,
avant que d'avoir été digérés (2). Il est aussi à noter que, chez
beaucoup de ces Radiaires, la portion périphérique du système
gastro-vasculaire communique avec l'extérieur à l'aide de
petits orifices particuliers; mais ici, de même que chez les
Acalèphes , ces pores sont des émonctoires pour le liquide en
circulation ou pour les produits de certaines sécrétions, et ne
(1) Voyez tome III, page 55 otsiii- bien que des Animalcules qui se trou-
vanlcs. vent en suspension dans l'eau dont
("2) La préhension des aiimenls se ils sont baignés. Dicquemare, nalura-
failsoit à l'aide de ces tentacules, soit liste qui habitait les côtes de la Nor-
par l'action de la bouche, dont les pa- mandie, et qui, vers le miMeu du siècle
rois sont très dilatables et garnies de dernier , a fait beaucoup d'observa-
cils vibratiics aussi bien que de fibres lions intéressantes sur les mœurs des
musculaires disposées en manière de Actinies, a vucesZoophytesdigérer des
sphincter. La puissance digestive de Moules, de la viande, etc., et rejeter
ces Zoophy tes est parfois assez grande, par la bouche les coquilles et les au-
et ils se nourrissent de Mollusques, de très résidus dont ils ne pouvaient tirer
Crustacés et de petits Poissons, aussi parti (a).
{a] Dicquemare, Mcmoirejmiv servir à l'Iiiatuire des Anémones de mer [t'hilv)!. Truns., 177 J,
p. 3(j]).
Échinodermes
CHEZ LES ZOOPHVTES. 309
paraissent pas devoir être considérés comme les représentants
de l'anus des animaux supérieurs. Chez plusieurs Actiniens,
ces ouvertures se trouvent à l'extrémité des tentacules dont
la bouche est entourée : chez d'autres, des pores en commu-
nication avec les loges périgastric[ues sont disposés tout autour
de la portion basilaire du corps, et, chez les Alcyonaires, des
orifices analogues se voient sur la sin^face du cœnenchyme,
ou tissu commun , situé entre les divers individus réunis eu
colonies (1).
Q 6. — Dans la classe des Échinodermes, la division du Ira- Appareil
«J^ ^ digestif
vail s'étabht d'une manière complète entre la digestion et l'irri- , des
galion. La cavité qui est destinée à recevoir les aliments ne
communique plus directement avec celle qui renferme le tluide
nourricier, et n'est pas creusée dans la substance commune de
(1) Les tentacules qui entourent niens (d) ; mais ces appendices ne
la bouche des Coralliaires, et qui sont jamais garnis laldraloment d'une
sont presque toujours disposés en bordure de cils vibratiles , ainsi
couronne, sont, en général, des ap- que cela a toujours lieu chez les
pendices coniques et simples (a) ou Bryozoaires.
irrégulièrement ramifiés (6) chez les II est aussi à noter que les tenta-
Zoanlhaires, mais garnis latéralement cules des Actinies sont doués de
d'une série de fdaments courts et cy- propriétés urticantes, et que leur con-
lindriques chez les Alcyonaires (c). Ils tact est en général promptement
sont très rétractiles, et susceptibles de mortel pour les Vers et les autres
se reployer en dedans, au-dessus de petits animaux dont ces Zoophytes se
la bouche. Quelquefois ils se lermi- nourrissent Des expériences intéres-
nent par un petit élargissement qui santés sur ce sujet viennent d'être
agit à la manière d'une ventouse, et faites par M. Waller, et il est pro-
adhère très fortement aux corps sur bable que l'action toxique de ces or-
lesquels il s'applique, disposition qui ganes est due à l'introducUon des fils
est très commune chez les Acti- de leurs nématocystes , ou capsules
(a) Par exemple, chez les Actinies (voyez V Atlas du Règne animal de Cuvior, Zoophytes, pi. Cl ,
lig. 1 et 2); et les Aslréens {Op. cit., pi" 83, fig. t et 2).
(b) Par exemple, chez les Aciiniens du genre Thalassianthe {Op. cit., pi. G2, fig. 3), et du genre
Phyllactis ou Methridium (Dana, Zoophytes, pi. 5, fig. 39 ; — Milne Edwards, Hist. naturelle des
Coralliaires, pi. C2, fig. \).
(c) Exemples : les Cornulaircs (.Mlas du Règne animal, Zoophytes, pi. 05, fig. 3) ; le Corail
{Op. cit., pi. 80, fig. ta); les Vérélillcs {Op. cit., pi. 91, fig. \) ; etc.
(d) Par exemple, chez les Actiniens du çcnrc Antmonia (voy. V.Mlas du Renne animal, Zooph.,
pi. 61, fig. 1).
oIO APPAREIL niGESTlF
l'organisme, mais a pour parois une membrane perméable et
se trouve suspendue dans la chambre qui sert de réservoir cen-
tral pour le sang (1). Par conséquent, chez ces Zoophytes,
l'absorption doit intervenir poin^ utiliser les produits de la
digestion elles porter dans le système irrigatoire.
Ce perfectionnement n'est pas le seul qui se fasse remarquer
dans la classe des Échinodermes. Chez quelques-uns de ces
Animaux, de même que chez tous les Zoophytes inférieurs
dont il a été question jusqu'ici, il n'existe qu'un seul orifice
pour l'entrée des aliments et pour l'évacuation des matières fé-
cales ; mais, chez d'autres, la division du travail physiologique
s'introduit aussi dans cette partie des fonctions digestives, et
l'estomac communique au dehors par deux ouvertures qui sont
affectées d'une manière toute spéciale , l'une à l'inglutition
des matières alimentaires, l'autre à la sortie du résidu laissé
par ces substances après qu'elles ont fourni à l'organisme tous
les principes nutritifs que les agents digestifs ont pu en extraire.
La bouche occupe toujours l'une des extrémités de l'axe du
corps, et se trouve au centre de la face inférieure ou à l'extré-
mité antérieure de celui-ci, suivant que l'animal a une forme
élargie ou allongée et qu'il se tient dans une position verticale
ou horizontale. Parfois l'anus est fort rapproché de cette ou ver-
urticantes, dans le corps des animaux continue par un col long et étroit dans
sur lesquels ils se fixent (a). le pédoncule de l'appendice, et se ter-
ChezlesLucernaires, quiappartien- mine par une seconde ampoule au
nent à l'ordre des Podactinaires, les centre du disque ; un liquide est ren-
tentacules ne sont pas de simples pro- fermé dans ce petit appareil, et retlue
longemenlstubulaires, et se terminent dans l'une ou l'autre ampoule termi-
par un petit disque préhensile. A la nale, quand la portion opposée se con-
base de chacun de ces appendices on tracte (b).
trouve une vésicule contractile qui se (1) Voyez tome III, p. 289 et suiv.
(a) Waller, On the Means by ivhicli Actiniœ kill their Prey (Proceed. of the P,oy. Soc, 1859,
t. IX, p. 722).
{b) Milne Edwards, Histoire naturelle des Coralliaires, 1. 1, p. 94, pi. AO, fig'. Ih, 1c, ol Atlns
du Règne animal de Ciivier, Zoophytes, pi. fiS, fig. 16, Ir, id.
CHEZ LES ZOOPHYTES. oll
tiire. mais il tend à s'en éloigner de plus en plus, et, chez les
espèces les plus élevées en organisation, il se trouve au pôle
opposé du corps.
L'appareil digestif de ces Zoophytes se perfectionne aussi
sous le rapport de la puissance productive des agents chi-
miques destinés à attaquer les substances alimentaires et è. les
dissoudre, car il s'enrichit d'organes sécréteurs spéciaux qui
versent dans l'estomac les sucs doués de cette propriété.
Enfin, la partie mécanique du travail digestif acquiert une
grande puissance chez quelques Échinodermes, et non-seule-
ment la préhension des aliments s'effectue bien mieux que
chez les autres Animaux radiés ; mais parfois aussi la division
de ces matières est opérée d'une manière très complète avant
leur introduction dans l'estomac, résultat qui ne s'obtient que
par l'intervention d'instruments particuliers de trituration dont
la bouche se trouve garnie.
L'appareil digestif se comphque donc beaucoup dans cette
classe de Radiaires ; mais les différents genres de perfection-
nements que je viens d'énumérer ne s'y introduisent pas si-
multanément, et les combinaisons organiques obtenues de la
sorte sont très variées.
§ 7. — Ainsi, chez les Holothuriens et les autres Èchino- Appareil
dermes de la même famille, la cavité digestive a la forme d'un 'def^
tube à parois contractiles, qui s'étend d'une extrémité du
corps à l'autre, et qui offre, par conséquent, sous le rapport de
sa conformation générale, un caractère de supériorité, compa-
rativement à ce qui existe chez la plupart des Animaux de cette
classe; mais les organes sécréteurs qui en dépendent sont peu
développés et les instruments préhenseurs des aliments sont
très imparfaits, de sorte que ces Zoophytes sont condamnés à
se nourrir presque exclusivement des Animalcules et des débris
organiques qui peuvent se trouver mêlés au sable dont ils
vivent entourés et dont ils introduisent des quantités considé-
Holothiiries
312 APPAREIL DIGESTIF
rables dans leur intestin. Il est cependant à remarquer que la
bouche est située au fond d'une couronne de tentacules préhen-
siles et entourée de pièces solides articulées entre elles de fa-
çonna former un anneau auquel s'insèrent des fibres muscu-
laires destinées à dilater cet orifice (1).
(1) M. A. de Oii^trefages a étudié
avec beaucoup d'attention le mode de
préliension des aliments chez les Ho-
lolhuriens du genre Synapte. La bou-
che de ces animaux est entourée d'une
couronne de tentacules pinnatifides
qui sont susceptibles de se déployerau
dehors par l'effet d'une sorte de tur-
gescence, ou de se contracter par le jeu
des fibres musculaires dont leurs pa-
rois sont garnies. Ces appendices sont
à la fois des organes de respiration et
de Ibcomolion, car la Synapte s'en sert
pour se frayer un chemin dans le sable
et pour se traîner à la surface des corps
résistants; mais ce sont aussi des in-
struments de préhension, et leur face
interne est garnie, à cet effet, d'une
double série de petits tubercules qui
paraissent jouer le rôle de ven touses(a) .
L'animal, quand il reste en place, fait
sans cesse mouvoir ces tentacules, qui
tour à tour se déploient et se renver-
sent au dehors, ou se contractent et se
recourbent en dedans, de façon à en-
trer dans la bouche, qui se dilate pour
les recevoir, et se resserre ensuite pour
lécher en quelque sorte chaque appen-
dice à mesure que celui-ci ressort. Cet
orifice est entouré d'un anneau solide,
composé de deux pièces subcartilagi-
neuses et articulées entre elles (6) qui
donnent insertion aux grands muscles
longitudinaux du corps, ainsi qu'aune
partie des fibres charnues des tenta-
cules, et à d'autres faisceaux de même
-nature qui se répandent dans le bord
labial. Celui-ci est garni aussi d'un
sphincter assez fort, au delà duquel la
cavité bucale s'élargit de façon à con-
stituer une sorte de chambre pharyn-
gienne dont le fond est entouré d'un
second sphincter. Au delà de ce se-
cond détroit, le canal digestif s'élargit
brusquement, et constitue un tube
cylindrique qui s'étend en ligne pres-
que droite jusqu'à l'anus, situé,
comme je l'ai déjà dit , à l'extré-
mité postérieure du corps. Ses pa-
rois sont très minces et transparentes
comme du cristal , mais on y dis-
tingue plusieurs tuniques, savoir : une
couche épithéliale très délicate, deux
couches de fibres musculaires , les
unes transversales, les autres longi-
tudinales; enfin, extérieurement, une
gaine épiihélique qui, d'espace en es-
pace, se continue sur des brides te-
nant lieu de mésentère. La structure
de ce canal paraît être la même par-
tout , et l'on n'y distingue aucun or-
gane qui puisse être considéré comme
instrument spécial de sécrétion ; il
représente tout à la fois l'estomac et
(a) Quatrefages, Mém. sxir la Synapte de Duvernoy (Ann. des sciences nat., 2« série, If
t. XVII, p. 63 et suiv.. pi. 4, fig-. \ ; pi. 5, fig. 3).
■ — .1. Miiller, Uebei- Synapla digilala, pi. 1, fig. 4 et G.
(b) Quatrefages, Op. cit., pi. 4, fig. 5; pi. 5, fig. 7.
— Millier, Op. cit., pi. 1, fii^. (1 et 10.
CHEZ LES ZOOPHTTES.
Dans un autre ordre de la classe des Échinodermes, celui des
Échinides, l'armature buccale, qui est si imparfaite chez les
Holothuries, se perfectionne d'une manière remarquable et pos-
sède une grande puissance. C'est chez les Oursins que cet appa-
reil arrive au plus haut degré de force et de comphcation; on le
Appareil
digestif
des
Ecliinides.
rintestin. D'ordinaire, cet appareil est
rempli de grains de sable qui sont
peu à peu évacués par l'anus, et ce der-
nier orifice est pourvu d'un muscle
sphincter bien caractérisé (a).
Chez les Chiridotes, qui sont très
voisins des Synaptes, l'anneau pha-
ryngien est garni de six gros tubercu-
les dentiformes, et le canal alimentaire
s'allonge beaucoup, de façon à for-
mer deux anses dirigées en sens op-
posés (6).
Chez les Holothuries, le mode
d'alimentation paraît être le même que
chez les Synaptes, et l'on trouve ordi-
nairement le tube digestif rempli de
sable (c). Les tentacules labiaux sont
dendroïdes, et la portion antérieure du
corps qui les porte est quelquefois
susceptible de rentrer sous l'enveloppe
cutanée générale, ou de se prolonger
au dehors en manière de trompe, dis-
position qui se voit chez \esPsolus ou
Holothuria phantapus (cl). L'anneau
pharyngien se compose d'une série de
pièces dures dans la constitution des-
quelles il entre beaucoup de carbonate
de chaux. On en compte généralement
dix, dont cinq plus développées et se
prolongeant intérieurement sous forme
de dents (e) ; mais dans les espèces
que j'ai eu l'occasion de disséquer,
elles ne m'ont pas paru susceptibles
de fonctionner à la manière d'un ap-
pareil masticateur. Dans une espèce
exotique qui paraît se rapporter au
genre Mulleria de Jœger, Duvernoy
n'a compté que huit de ces pièces, dont
quatre verlicales etquatre latérales [f).
Le tube alimentaire, qui fait suite à
la cavité pharyngienne, présente par-
tout à peu près le môme diamètre, si
ce n'est à son extrémité postérieure, où
il s'élargit beaucoup pour constituer le
cloaque dans lequel vient s'ouvrir,
comme nous l'avons déjà vu, l'appa-
reil respiratoire aquifère {g). La lon-
gueur de ce canal est très considéra-
ble: dans quelques espèces, telles que
VHolothuria mauritiana, elle paraît
être de 10 fois celle du corps, et sui-
vant Ouoy et Gaimard, elle serait
même de 16 fois la longueur du corps
chez VHolothuria guamensis (h) ; en
général, cependant, la différence est
bien moindre, et quand l'animal n'est
pas contracté sur lui-même, elle n'est
que dans le rapport de 1 à 3. L'espèce de
(a) Quatrefages, Op. cit., pi. 2, fig. \.
(6) Brandt und Grube, Echinodennen (Middendorff's Reise in den âusserslen Norden iind Osten
Sibiriens, Bd. II, Zool., tii. I, pi. 4, fig. 1 et 7).
(c) Redi, Observ. circa Animalia viventia, quœ in Animalibits viventibiis reperiuntur lOpus-
CMJrt:t. 111, p. 134).
(d) Voyez Wilne Edwards, Atlas du Règne animal de Cuvier, Zoophytes, pi. 20, fig. i.
(e) Tiederaann, Anatomie der Rohren-Hololhwie, pi. 2, fig. 4 et 5.
(f) Duvernoy, Leçons d'anatomie comparée de Cuvier, t. V, p. 385.
{(]} Voyez tome II, page 12.
[h) Quoy et Gaimard, Voyage de V Astrolabe, Zoologie, t. IV, p. 114.
Mk APPAREIL DIGESTIF
désigne souvent sous le nom de lanterne d'Jnstote, parce que ce
grand naturaliste a été le premier à le décrire, et que pour donner
une idée de son aspect, on l'a souvent comparé à un ustensile de
ce genre qui serait de forme pentagonale. 11 se compose de
vingt-cinq pièces principales , rigides et très riches en carbo-
nate calcaire, dont les plus importantes constituent par leur
réunion cinq grosses mâchoires , qui ont la forme de pyra-
boyau ainsi constitué se porte d'abord
en arrière sur le côté droit du corps,
puis revient sur lui-même en forme
d'anse, et arrivé dans le voisinage de
la bouclie, se recourbe de nouveau en
arrière (a). Sa portion antérieure est
libre, mais dans toute sa portion
moyenne et postérieure il est fixé à la
partie correspondante des parois de la
cavité générale du corps par des replis
membraneux ou mésentères. Cepen-
dant ce mode d'attache n'est pas as-
sez solide pour empêcher un phéno-
mène très remarquable de se produire
quand l'Animal se contracte avec force,
savoir, la rupture du tube alimentaire
près du pharynx, et son expulsion au
dehors par l'anus avec les autres vis-
cères et le liquide dont la cavité abdo-
minale était remplie (6). Les Holothu-
ries se vident ainsi avec une très
grande facilité, et peuvent continuer à
vivre pendant plusieurs jours après
avoir subi cette mutilation spontanée,
qui n'avait pas échappé à l'attention
des naturalistes de la renaissance (c),
et qui se produit presque toujours
quand ces animaux se trouvent à sec
ou dans un petit volume d'eau sta-
gnante (d).
La portion antérieure du tube ali-
mentaire de ces Échinodermes est
faiblement pourvue de vaisseaux san-
guins, et me paraît devoir être consi-
dérée comme un œsophage. Dans
quelques espèces on aperçoit dans son
intérieur des replis circulaires qui rem-
plissent les fonctions de valvules {e),
La seconde portion qui forme les
deux branches de la première anse a
au contraire des parois très vascu-
laires (f), et me paraît devoir jouer
le rôle d'un estomac. On y re-
marque souvent un liquide jaunâtre,
mais on ne sait rien au sujet des
organes producteurs de ce suc , et
c'est à tort que Blainville a cru
pouvoir assimiler à un appareil hé-
(«) Tiedemann, Anatomie der Rohrm-Holothurie, pi. 2, fig. 6.
— Délie Chiaje, Memorie sulla storia e notomia degli Aiiimali senza vertèbre del regno di
Napoli, t. I, pi. 8, fig. 1.
. — Rymer Jones, A General Outline of the Animal Kingdom, p. 175, fig. 74.
— Carus et Otto, Tahulœ Anatomiam comparativam illustrantes, pars iv, pi. 1, Rg. 21.
(6) C'est à tort que Mcckel décrit ce phénomène comme ayant lieu par la bouctie {Anat. comparée,
trad. par Riester et Sanson, t. VII, p. 94).
(c) Redi, Lettre à Cestoni (Collect. Académ., t. IV, p. 587).
— Bohudsch, De quibusdam Animalibus marinis liber, 1761 , p. 81.
{d) Délie Chiaje, Op. cit., pi. 7, fig. 1.
(e) Duvernoy a trouvé cette disposition dans une Holothurie inédite provenant de Waig'ou [Leçons
d'anatomie comparée de Cuvier, t. V, p. 384).
(f) Milne Edwards, Atlas du Règne animal de Cuvier, Zoophytes, pi. 18.
CHEZ LES ZOOPHYTES. 315
mides renversées et qui sont unies entre elles par des cloisons
musculaires. Ces mâchoires sont terminées inférieurement par
une dent tranchante, et les muscles qui s'y insèrent sont dis-
posés de façon à les. rapprocher ou à les écarter de l'axe du
corps, et, par conséquent, à dilater ou à resserrer le cercle
formé par leur assemblage (l). Le tube alimentaire commence
immédiatement au-dessus de cette couronne de dents et occupe
patiqiie les pinceaux vascnlaires si-
tués dans le mésentère adjacent (a),
car, ainsi que nous l'avons déjà vu,
ces parties ne sont que des plexus
vasculaires bipolaires appartenant au
système circulatoire et n'ayant au-
cune relation avec l'intéiieur de la
cavité digestive (6). Enfin , le tiers
postérieur du tube alimentaire est peu
vasculaire et ne me semble être le
siège d'aucun travail digestif, mais
servir seulement à compléter l'absorp-
tion des matières nutritives, et h con-
duire les fèces jusqu'au cloaque dont
son extrémité est séparée par un
sphincter.
Cuvier considérait les .çacs/biz()'?iiens
ou ceecums tubuleux qui sont grou-
pés autour du pharynx comme étant
des organes salivaires (c) ; mais, ainsi
que nous l'avons déjà vu, ces appen-
dices ne débouchent pas au dehors,
et font partie de l'appareil vascu-
laire [d).
Quelques anatomistes pensent que
les appendices glanduliformesqui sont
fixés aux parois de l'intestin un peu au-
devant de l'ovaire (e), et qui ont été
pris pour des testicules par M. Tie-
demann , ainsi que par Guvier et
!\1. Délia Chiaje(/'), constituent un ap-
pareil salivaire ((/); jusqu'ici on ne lui
a pas trouvé de canal excréteur et Ton
en ignore les usages.
Jaeger a désigné sous le nom d'an-
neau hépatique un amas de granules
situé près de la bouche, vers le point
d'attache des tubes foligniens [h) ; mais
on ne sait pas même si ce sont des fol-
licules sécréteurs, et dans tous les cas
je ne verrais aucun motif pour les
considérer comme étant chargés de
produire de la bile.
(1) Le squelette téguroentaire des
Oursins se termine inférieurement par
un cercle de pièces solides qui consti-
tue, en quelque sorte, le cadre de
Vespace péristomien et donne attache
à la membrane labiale {i). L'orifice
buccal en occupe le centre, et laisse
(a) Blainville, Manuel d'actinologie, p. 72.
(b) Voyez tome III, page 293. Ces mèches sont représentées dans la figure citée ci-dessus, sous les
lettres vr {Règne animal, Zoophytes, pi. -18).
(c) Cuvier, Règne animal, 1. 111, p. 238.
(cl) Voyez tome 111, page 294.
(e) Voyez llilne Edwards, Atlas du Règne animal de Cuvier, pi. 18, ap.
(f) Délie Cliiaje, Memorie siilla storia e notomia degli Animali senza vertèbre del Regno di
NavoU, 1. 1, pi. 8, fig. l 0.
(g) Siebold et Stannius, Nouveau Manuel d'anatomie comparée, t. I, p. 94.
[h) Jseger, De Holothuriis (dissert. inaug.K Turini, 1833, p. 42, pi. 3, llg. 2 g.
(i) Voyez ïiedemann , Anatomie dcr Ruhren- Holothurie des pomeranz-farbigen Seesterns und
Stein-Seeigeh, pi. 10, fig. 5.
310 APPAREIL DIGESTIF
le centre de la lanterne, où il constitue ce que l'on nomme le
pharynx, et présente à l'intérieur cinq bandes longitudinales
séparées par des lignes ligamenteuses et garnies de plis obliques
disposés en forme de chevrons.
Cet appareil masticatoire est très puissant, mais paraît être
passer plus ou moins le sommet de la
lanterne, ou appareil masticateur, qui
est suspendu au-dessus et qui a été dé-
crit par plusieurs anatomistes (a), mais
étudié avec le plus d'attention par
MM. Sharpey, Valentin, Rymer Jones
et Mayer (6). La charpente solide de
cet appareil consiste essentiellement en
deux séries de pièces disposées circu-
lairement autour de Taxe du corps;
savoir , cinq mâchoires et autant de
supports ou rayons pharyngiens. Les
màcîioires constituent par leur réunion
un cône renversé , et ont chacune à
peu près la forme d'une pyramide té-
traèdre dont le sommet serait dirigé
en bas, la base évidée, l'une de ses
arêtes tournée vers l'axe du sysième
et la face opposée légèrement bombée.
Leur structure est très complexe et l'on
y remarque d'abord deuxpartiesprin-
cipales: l'une extérieure ou engainante,
que j'appellerai Vexognathe, l'autre
intérieure ou dentaire , qu'on peut
désigner sous le nom d'endognathe.
L'exognathe, ou pyramide, se compose
d'une paire de pièces calcaires princi-
pales, ou exognathit es, qui constituent
chacune l'une de ses faces latéro-in-
ternes et la moitié de son pan externe.
La première de ces faces est formée
par une lame verticale qui est garnie
extérieurement d'une série de lignes
transversales saillantes; son bord in-
terne est libre et correspond à celui
de l'autre exognathile, de façon que
l'arête interne de la mâchoire est re-
présentée par un espace vide limité
de chaque côté par une lame denticu-
lée. Le bord externe de ce même pan
est réuni, sous un angle un peu aigu,
avec la lame qui constitue la moitié de
la face externe de la pyramide. Dans sa
moitié inférieure , cette dernière lame
se réunit à sa congénère par une suture
verticale, et à son extrémité supérieure
elle se prolonge aussi en forme d'arc-
boulant, de façon à rejoindre la partie
correspondante de l'autre exognathite ;
mais dans l'intervalle elle est profon-
dément échancrée, et par conséquent
il existe au milieu de la face externe de
chaque mâchoire, vers le haut, un grand
espace vide ou fenêtre. La pyramide
résultante de l'union des deux exo-
gnathilesest ouverte» sa base et creuse
dans toute sa hauteur. Sa cavité con-
stitue une loge ou alvéole, où se trouve
(a) Monro, The Structure and Physiology of Fishes, 1785, p. 67, pi. 43, fig. i, et pi. ii,
Rg. 13, dG, 17.
— Tiedemanii, Anatomie der Rohren-HolothiLrie, p. 72 ctsuiv., pi. 16, fig. 2.
(6) Sharpey, Echinodermata (Todd's Cyclop. of Anat. and Physiol., t. II, p. 38, fig. 17 et 18).
— Valentin, Anatomie du genre Echinus, p. 63 et suiv. (Agassiz, Monographies d'Echino-
derraes).
— Rymer Jones, A General Outline of the Animal Klngdom, 4 841 , p. IGC, fis;. 70 et 71 .
— Mever, Ueber die Lanterne des Aristoteles (Miiller's Archiv fiïr Anat. und Physiol., 1849,
p. 191).
CHEZ LES ZOOPHYTES. 317
destiné à diviser les substances végétales plutôt qu'à agir sur
une proie animale. Cependant les Oursins entassent dans leur
estomac beaucoup de fragments de coquilles, et il est probable
que ces Zoopbytes sont en réalité omnivores.
Dans le groupe des Clypéastrides, la boucbe est armée aussi
renfermée la pièce dentaire, ou endo-
gnathe. Celle-ci est une lame étroite,
arquée et carénée en dedans, qui est
appliquée contre lasympliyse ou ligne
articulaire externe des exognathiles,
et y glisse dans une rainure verticale.
Son extrémité inférieure est amincie
en forme de dent incisive de Rongeur,
et fait saillie au sommet de la pyramide
dont elle dépend. Enfin, supérieure-
ment, elle se pi-olonge au delà dubord
de la cavité alvéolaire, se recourbe
sm' elle-même, perd sa dureté, et con-
stitue ce que MM. Valentin et Agassiz
ont appelé la plume dentaire.
Les cinq mâchoires , ainsi consti-
tuées, sont appliquées les unes contre
les autres par leurs surfaces ialéro-
intenies, et, à l'extrémité supérieure
de leurs arêtes externes, elles se sou-
dent intimement avec de petites piè-
ces complémentaires (ou épiphyses),
par Tintermédiaire desquelles elles
s'articulent avec le système des
pièces basilaires ou supports pharyn-
giens.
Ce dernier système se compose de
deux séries de poutrelles calcaires ,
disposées en manière de rayons au-
dessus de la base de l'appareil maxil-
laire. On y remarque d'abord cinq
pièces qui alternent avec les mâ-
choires, et qui correspondent à la
ligne de jonction du bord supérieur de
ces organes ; on les a désignées sous le
nom de faux , et il est à noter que
l'extrémité externe de chacune d'elles
s'articule avec l'angle supérieur et
externe de deux mâchoires adjacentes ;
enfin, elles sont recouvertes par cinq
autres pièces basilaires qui ont la
forme de la lettre Y, et qui ont été ap-
pelées les compas. Celles-ci sont com-
posées à leur tour de doux portions
distinctes (a) ; leurs branches sont
dirigées vers la périphérie do l'appa-
reil et recourbées un peu vers le bas;
enfin elles donnent attache à des liga-
ments qui descendent obliquement
vers les bords du cadre périslomien,
et s'y fixent.
En résumé, on peut donc, ainsi que
le fait voir M. Mayer, compter /i5 pièces
constitutives de l'appareil maxillaire,
savoir : 5 dents , 10 endognathes ;
10 épiphyses, 5 faux, 5 pièces basi-
laires des compas et 5 pièces termi-
nales des mêmes organes. Mais l'u-
nion entre les pièces exognalhaires et
épiphysairesest si intime, qu'on peut,
en général, négliger cette distinction,
ainsi que celle dos deux moitiés de
chaque compas, de façon que le nom-
bre des organes distincts se réduit à
25; savoir: 5 dents, 10 exognathes,
5 faux et 5 compas.
Les muscles qui mettent en jeu cet
appareil masticateur sont très nom-
(a) Mcyer, Oi). cil. (Mullui-'s Arcliiu fiir Aaat. uiul l'hysiul., IsiU, p. l'J-i, (il, 2, li^-. 4).
318
APPAREIL DIGESTIF
d'un appareil masticatoire très compliqué, quoique beaucoup
moins parfait que celui des Oursins proprement dits. Mais dans
d'autres genres de la même grande famille, tels que les Spa-
tangues, il n'en est plus de même, et l'orifice oral est complète-
ment agnathe (1).
La portion du tube digestif qui surmonte l'appareil mastica-
toire des Oursins est étroite , et constitue un œsophage qui
remonte presque verticalement jusque dans le voisinage de
breiix. On distingue pour cliaque mâ-
choire :
l°Une puiredemuscles abducteurs,
qui s'attaciieut, d'une part a l'extré-
mité inférieure de l'exognallie , et
d'autre part à une portion du cadre
périslomien disposée en forme d'ar-
cade ou d'auriculc, au-dessous des
lignes ambulacraires (a).
2" Une paire de muscles adducteurs,
qui sont antagonistes des précédents,
et naissent de la portion interauricu-
laire (.lu cadre péristomien, pour re-
monter vers la base de la pyramide
maxillaire correspondante, et s'y fixer
à l'arc transversal formé au-dessus
de la fenêtre de l'exognathe par les
deux arcs-boutants décrits ci-dessus.
3° Un muscle intermaxillaire, qui se
tixe aux stries de la face latérale des
pyramides, et s'étend de l'un de ces
organes à l'autre, de façon à rappro-
cher ceux-ci.
Les pièces basilaires sont pourvues
aussi d'une série circulaire de cinq
muscles transverses, qui s'étendent
entre les compas. Enfin, il y a aussi
quelques faisceaux musculaires qui se
détachent des muscles des mâchoires
pour aller se fixer sur la membrane
qui enveloppe la plume dentaire.
Il est également à noter qu'une
membrane très fine, et pourvue de
cils vibratiles , revêt non-seulement
les pièces dentaires, mais toutes les
autres parties de cet appareil masti-
cateur.
(1) L'urclrc des Échinidcs se com-
pose de quatre familles , dans deux
desquelles, les Spatangides cl les Cas-
sidulidcs, l'appareil masticateur man-
que complètement. Dans les deux au-
tres, celles des Cidarides et des Cly-
péastridcs, il est au contraire toujours
bien constitué, et se compose de cinq
mâchoires dentifères, disposées à peu
près comme chez l'Oursin commun,
qui appartient au premier de ces
groupes.
Chez les Clypéastrides , les pièces
basilaires ne manquent pas, comme
l'avait supposé M. Agassiz, mais sont
réduites à un état plus ou moins rudi -
mentaire, tandis que les mâclioires
sont très massives. Ainsi, chez les
Clypéastres, où cet appareil a été dé-
crit d'abord par Klein, f'arra, etc. (6),
puis étudié plus complètement par
(a) Valenlin, Op. cit., pi. 3, lig-. " j.
(b) Klein, Oursins demer, pi. 20, lig. i. — Echmodevma, c'dit. de Leske, pi. 38. _
— A. l^ai-ni, Descvipcion de di/l'erenles piezos de Historla nalund. Havaiina, 478".
CHEZ LES ZOUPHYTES. 319
l'anus, puis se recourbe brusquement et débouche dans l'esto-
mac. Ce dernier organe a la forme d'un gros boyau qui se
porte horizontalement à droite, et décrit, en se contournant, un
cercle onduleux presque complet, puis se recourbe sur lui-même,
et marche en sens inverse pour suivre la même route et aller
entin se relever près de l'axe du corps pour gagner l'anus (1) .
Ses parois sont très minces et sa tunique interne est garnie
partout de cils vibratiles. Dans la portion oesophagienne on
M. Ch. Desmoulins et par J. Millier,
ces organes sont très larges et dépri-
més; ils constituent par leur assem-
blage une étoile pentagonale, et sont
surmontés par cincj petits supports, ou
pièces pharyngiennes, qui correspon-
dent aux faux des Échinides ; celles-ci
ont été désignées sous le nom de
rotules (a), et se trouvent logées entre
deux pièces épipliysaires bien distinc-
tes (6). Chez les Scntelles, qui appar-
tiennent à la même famille, ces pièces
basilaires ont une forme un peu dif-
férente (c), et l'on remarque quelques
variations dans la disposition des exo-
gnatiies et des dents : ainsi, chez les
Laganes , ces derniers organes sont
presque verticaux (i).
Chez les Spatangues et les autres
Échiniens sans mâchoires, la bouche
est généralement excentrique.
(1) Une multitude de brides mem-
braneuses tiennent lieu de mésentère ,
et fixent le bord externe du tube di-
gestif contre les parois de la cavité
viscérale. D'autres brides analogues
unissent entre elles les deux portions
de l'anse intestinale qui s'enroule delà
sorte autour de l'œsophage. La pre-
mière portion de l'estomac se pro-
longe plus ou moins en forme de cul-
de-sac, à côté du point où l'œsophage
vient s'y ouvrir, et en général il n'y
a aucune distinction à établir entre
les parties suivantes de ce tube (e).
Mais dans une espèce, dont l'anato-
mie a été faite par M. Délie Chiaje,
VEchinus ventricosus, il y a une po-
che stomacale large et de médiocre
longueur, qui est suivie d'un tube
cylindrique et beaucoup plus étroit,
lequel peut être considéré comme
un intestin proprement dit {f).
11 est aussi à noter que la tunique
externe du canal intestinal, qui se con-
tinue avec le mésentère e t avec la mem-
(a) Cil. Desmoulins, Etudes sur les Échinides, p. 66, pi. 2, ûg. 7 à 15.
(6) MùUer, Ueber den Bau der Echinodermen, p. 74, pi. 7, fig. 13, 14, etc. (exlr. des Mémoires
de l'Académie de Berlin pour 1853).
(c) Agassiz, Monographie des Scutelles, p. 15, pi. 16, fig. 4-7; pi. 17, fig. 7-9, etc.
{d} Agassiz, Op. cit., p. 106, pi. 22, fig. 26, etc.
(e) Tiedemann, Op. cit., pi. 10, fig. 1.
— Délie Chinje, Descri%. enotomia degll .Anim. senza vertèbre, pi. 121, fig. 1.
— Milne Edwards, Atlas du Règne animal de Cuvier, Zoophytes, pi. 11, fig. 2.
— Valenlin, Op. cit., pi. 7, fig. 127, 128, 130.
(f) Délie Clii.ije, Déserta, e notomla degti Anim. senza vertèbre del régna dl Napoli, pi. 122,
lig. 4.
320 APPAREIL DIGESTIF
y reconnaît aussi une foule de petits follicules qui sont des
organes sécréteurs; mais dans la portion gastrique ou intesti-
nale de ce tube, la structure aréolaire est beaucoup moins
marquée, et l'on ne voit y déboucher aucun organe sécréteur
spécial (1).
Chez les Spatangues, où la bouche est située près du bord
de la face inférieure du corps, et l'anus vers la partie opposée
de la même région, la direction suivie par le tube alimen-
taire est un peu différente, mais toujours il s'enroule horjyon-
talement (2).
brane périlonéale dont la cavité com-
mune est tapissée, est garnie comme
celui-ci de cils vibratiles, dontles mou-
vements déterminent des cornants dans
le liquide nourricier cavitaire (a).
(1) Chez le Spatangus piirpureus,
le tube alimentaire est presque cy-
lindrique et forme une grande anse
qui s'enroule à peu près comme chez
les Oursins, si ce n'est que la portion
antérieure se trouve en dessous de la
postérieure, et que celle-ci forme en
arrière une seconde anse pour gagner
l'anus (6). Mais, chez le Spatmigus
ventricosus, M. Délie Chiaje a trouvé
une disposition plus simple, car l'en-
roulcment se fait toujours dans le
même sens. Il est aussi à noter que,
dans cette dernière espèce, il existe,
appendu à la partie antérieure de
cette sorte de boyau, un gros prolon-
gement cœcal, ou estomac latéral (c).
("2) On remarque chez les Échinides
des différences très grandes dans la po-
sition de l'anus. Dans toute la grande
famille des Cidariles, la bouche est
centrale, et l'anus est diamétralement
opposé à cet orifice, de sorte qu'il se
trouve au sommet du disque. Dans la
famille des Ciypéastrides, ainsi que
dans celles des Cassidulides et Spatan-
gides, la bouche est le plus souvent
reportée un peu plus en avant, et l'a-
nus est toujours plus ou moins rap-
proché du bord opposé du test ; tantôt
il est situé à la face dorsale du corps,
à mi-distance du sommet et du bord:
chez les Nucléolites, par exemple (d) ;
d'autres fois, il est encore dorsal, mais
tout à fait marginal, ainsi que cela se
voit chez beaucoup de Dysasters (e).
Dans d'autres genres, il descend sous
le bord postérieur du test : par exem-
ple, chez les Galérites (f), les Anan-
(a) Sharpey, Cilia (ToiA's Cijclop. ofAnat. andPhysioL, f. I, p. 017).
(6) Milne Edwards, Atlas du Règne animal de Cuvier, Zoopiiytes, pi. H bis, dg. i.
(c) Délie Chiaje, Op.cif.,pl. 123, fig. 12.
— Carus et OUo, Tabiilœ Anatomiam comparalivam illustrantes, pars iv, pi. i, fig. 15.
(d) Exemple : Nucleolitcs recens (Miliic Edwards, Hègne animal de Cuvier, Zooi'HYTES, pi. 14,
fig. 3).
(e) Voyez Agassiz, Monographie des Dijsasiers, pi. 1, fig. ', 15, cle.
(/■) Voyez Milne Edwards, Règne animal de Cuvier, Zoophytes, pi. 14, fig. ia.
— Agassiz, Monographie des Galérites, pi. 1, fig. 3, C, 14, clc.
CHEZ LES zoorinTLS, ?>^li
Dans l'ordre des Stellérides, l'appareil digestif est beaucoup Apparc.i
, digeslif
moins bien constitué, comme instrument mécanique, mais se . Je»
Eloiles de mer.
perfectionne davantage comme producteur des agents chimiques
dont dépend la dissolution des aliments, et comme organe ab-
sorbant. L'estomac a la forme d'une grande poche arrondie qui
souvent ne communique au dehors que par la bouche, et cet
orifice est dépourvu d'organes spéciaux de mastication. Il est
vrai que ces Animaux peuvent saisir leur proie avec force, et
même parfois l'écraser contre les tubercules ou les épines dont
le pourtour de leur bouche est armé (1), car les branches radiaires
qui sont formées par les prolongements périphériques de leur
corps, et qui sont garnies de tentacules préhensiles, peuvent se
recom^ber en dessous et saisir les matières étrangères pour les
appliquer contre cet orifice ; mais celui-ci ne joue qu'un rôle
passif dans la déglutition et se dilate seulement pour laisser passer
les aliments (2). La portion voisine de l'estomac est susceptible
clîites (a), etc. Enfin, chez les Échi- qui est armé d'une manière plus ou
nonces, il se tiouve à environ égale moins puissante, de façon à constituer
dislance de la bouche et du bord pos- un organe broyeur, auquel quelques
lérieur du test (6). anatomistes ont donné le nom de
(l) Chez les Astériens, l'armalure main (c). Chez les Astéries, on y re-
buccale est constituée par une portion marque un tubercule ovalairc garni
du système des pièces solides qui se d'épines (d), et chez les Ophiures un
développent dans la peau et consti- tubercule denliforme (e).
tuent le squelette légumentaire de ces ("2) Quelquefois les Astéries se réu-
Echinodermes. Chaque portion inter- nissent plusieurs autour d'un Mol-
ambulacraire de ce système se termine lusque bivalve pour s'en repaître (f),
près de la bouche par un angle sail- et les pêcheurs assurent qu'elles dé-
lant qui s'avance vers cet orifice, et iruisent beaucoup d'Huîtres.
(a) Exemple : Ananchijtes ovatus (voyez Goldfuss, Petrefaeta Germaniœ, 1. 1, l'I. ii, l\g. l , elc).
(b) Exemple : Echinoneus semiluraris (voy. Milne Edwards, Zoophytes du Règne animal,
pi. 14, fig. la). — E. cruentatus (Agassiz, Op. cit., pi. 6, fig. 3, etc.).
'(c) Duvernoy, Leçons d'anatomie comparée do Guvier, t. V, p. 376.
jd) ?avigny, Échinodermes de l'Egypte, pi. 3, fig. i'^ ; pi. 4, fig;. V, 2^, elc. {Expédition de
l'Egypte, Hisi. nat., t. II).
— Dclle Chiaje, Animali senza vertèbre del regno di Napoli, pi. 129, fig. 9.
(e) J. Millier and Troschel, System der Asteriden, pi. 7, fig. 1-4; pi. 10, fig. 3.
if) Eudes Deslongchamps, Note sur l'Astéi'ie commune (Ann. des sciences nat., 1826, t. IX
p. 219).
V. 21
322 APPAREIL DIGESTIF
de se renverser au dehors et de s'appliquer sur les substances
alimentaires qui sont trop volumineuses pour passer par la
bouche ; il paraît même que par ce moyen celles-ci sont sou-
vent en partie digérées avant d'avoir été portées dans l'inté-
rieur du corps ; mais les résultats obtenus de la sorte ne
peuvent être que très imparfaits.
L'estomac, séparé de la bouche par un anneau contractile
seulement cliez les Ophiures et par un court tube œsophagien
chez les Astériens, remplit presque toute la porhon centrale
ou discoïde de la cavité viscérale. Ainsi que je l'ai déjà dit, il
consiste principalement en un grand sac membraneux qui
occupe l'axe du corps (1) ; mais latéralement il se prolonge de
façon à constituer des loges ou des tubes aveugles plus ou
moins compliqués, dont la disposition semble être empruntée
à l'appareil gastro-vasculaire des Médusaires.
Ainsi, chez l'Étoile de mer, qui abonde sur nos côtes et qui
porte le nom d'Astracanthion glacialis (2), l'estomac est globu-
leux, mais incomplètement divisé en deux portions par un re-
pli de sa membrane interne, et la première chambre, ainsi
délimitée, paraît être plus spécialement chargée de transformer
les matières alimentaires en une pâte liquide qui passe peu à
peu dans la chambre supérieure. Celle-ci se continue supé-
rieurement avec un petit intestin, et communique latéralement
avec cinq prolongements cylindriques qui ne tardent pas à se
diviser chacun en deux tubes très allongés et garnis d'une double
série d'appendices creux ramifiés et terminés en cul-de-sac (3) .
(1) La Uinique interne de l'estomac (3) Pour plus de détails sur l'ana-
est garnie de cils vibra tiles. lomie de cette espèce, je renverrai à
(2) Ou Asterias glacialis. 0. F. Miil- un mémoire de Konrad (a).
1er (voy. Zool. Danica, pi. ki). L'appareil digestif d'une autre es-
(a) Konrad, De Asteriarum fahrica (à\sserl. inaug.)- tfallae, fig-. l.
— Sharpey, art. Echinodermata (Todd's Cyclopcedia of Anal, and Physiol. , t. II, p. 37,
%• 16),
CHEZ LES ZUUPUYTCS. 32o
Ces organes s'avancent dans l'intérieur des rayons ou bras
dont le corps de l'Astérie est pourvu, et y sont fixés par des
replis de la membrane péritonéale qui se détachent de la tunique
séreuse de la grande cavité viscérale (1). Ils baignent dans
le liquide nourricier dont cette cavité est remplie, et ils sont
très dilatables, de façon que la matière pulpeuse élaborée dans
la portioli centrale de l'appareil digestif y pénètre facilement
Il en résulte que les produits de la digestion trouvent dans ces
appendices une surface absorbante d'une très grande étendue,
et doivent passer rapidement de là dans le fluide nourricier cir-
convoisin. Ces appendices de l'estomac paraissent être aussi
des organes sécréteurs, car leurs parois renferment un tissu
granuleux qui a l'aspect d'un amas de follicules, e! l'on trouve
dans leur intérieur un liquide jaunâtre, mais on n'est encore
que peu renseigné sur cette partie de leurs fonctions.
Chez les autres Astériens à larges rayons, la disposition de ce
système de csecums gasiriques est à peu près la même (2) ;
mais chez les Ophiures, dont les bras sont très grêles, ces ap-
pèce du même genre, VAstracan- bratiles qui mettent en mouvement le
thion rubens, a été figuré par J. Miil- liquide cavitaire (6).
1er et Troscliel (a). (2) Souvent les deux appendices cae-
(l)Ces replis mésentériques, au nom- eaux du môme bras, au lieu de naître
bre de deux pour cliaquecœcum péri- d'un tronc unique, comme cela se voit
gastrique, naissent de la paroi dorsale chez VAstracanthion rubens, sont dis-
des rayons et circonscrivent un espace tinclsdèsleur origine, defaçon quel'es-
longitudinal qui, dans le voisinage tomac donne directement naissance à
de l'estomac, communique avec la dix de ces organes. Celle disposition se
portion centrale et la cavité com- voildiezV Astropectenaurantiacus{c),
mune. Le péritoine s'étend aussi sur VArckaster typicus {d),]<tCulcita co-
l'estomac, et revêt la cavité viscérale. reacea{e), etc. Chez VAsteriscus pal-
Sa surface libre est garnie de cils vi- mipes, ces caecums sont très courts (/').
(a) 3. Millier uiid Troschel, System der Asteriden, pi. Il, fig-. 1.
— J. Carus, Icônes aootomicœ, 1857, pi. 15, fig. 15.
(h) Sharpey, Cilla (Todd's Cyclopœdia of Anatomy and Physlol., 1. 1, p. 016).
(c) Tiedemann, Op. cit., pi. 7.
(d) MuUer et Troscliel, Op. cit., pi. XI, (Ig. 3.
(e) Miillev et Troschel, Op. cit., pi. 12, fig. 1.
(/■) Meckel, Traité d'anatomie comparée, t. VU, p. 71.
3''24 APPARlilL DIGESTIF
pendices sont moins développés ; ils ne dépassent pas les limites
de la cavité centrale du corps, et ils paraissent être plus spécia-
lement destinés à sécréter les liquides qui se répandent dans
l'estomac (1). Enfin, chez les Astrophytes ouEuryales, ils sont
représentés par une rangée circulaire de csecums simples, mais
fort nombreux (2).
Un second appareil appendiculaire, beaucoup moins grand que
le précédent, et offrant d'une manière plus nette les caractères
d'un instrument de sécrétion, repose sur la face supérieure de
l'estomac. Il se compose de csecums plus ou moins rameux et
il renferme un liquide jaunâtre qui, par son aspect, ressemble
à de la bile et qui contient de l'acide urique. Les grappes ainsi
constituées alternent avec les précédents, et correspondent, par
conséquent, aux espaces inlerambulacraires. Dans les espèces
où il existe un intestin à la suite de l'estomac, c'est dans cette
deraière portion de l'appareil digestif que ces caecums épigas-
triques débouchent (3).
Chez les Ophiurides, ainsi que dans une des subdivisions de
la tribu des Astérides, comprenant les genres Jstropecten,
(1) Les caecums périgasUiques des Chiaje a trouvé l'estomac entoiiié
Ophiurides sont au nombre de dix, et d'un cercle radiaire formé de /i5 cœ-
repliés sur le pourtour de l'csto- cums, simples et effilés vers le bout;
mac; quelquefois ils paraissent avoir savoir: un pour cliaque espace inter-
une structure peu compliquée (a); ambulacrairo, el quatre à la base de
mais, dans d'autres espèces, chacun chacun des dix bras (c).
d'eux porte une double rangée de (3) Chez les Astérides du genre
tubes secondaires autour desquels Culcita, ces appendices sont très dé-
naissent un grand nombre de petits veloppés et disposés radiairement
prolongements plissés et groupés en dans les espaces interbrachiaux de la
forme de touffe foliacée (6). région dorsale du corps ; chacun d'eux
(2) ChezV Astrophy ton arborescens naît de l'estomac par un tube mem-
(Euryale de la Méditerranée), M. Délie braneux simple et assez large, mais ne
(a) Siebold el Stannius, Nouveau Manuel d'anatomie comparée, t. I, p. 92.
(h) Délie Ctiiaje, Memorie per servire alla storia degli Animali seiiza vet'lebre, l. II, pi. 20,
fig. 5, 7,8, el Descri%. e uotom. degli Animali invertebr., pi. 132, lig. 5,7, 8.
(c) Dellc ChiiiJG. Descrin. e notom , t. IV, p. 73, pi. 138, (ig. 2.
CHEZ LES ZOOMiVTKS. o'25
Ctenodisus et Luidia, l'estomac ne communique au dehors que
par la bouche, qui est située au milieu de sa face intérieure; et
jusque dans ces derniers temps, on croyait qu'il en était de
même pour tous les Échinodermes de cet ordre, excepté les
Comatuliens, mais chez la plupart de ces Zoophytes on a constaté
l'existence d'un pore anal vers le centre de la région dorsale
du disque, et un intestin rudimentaire y conduit (l).
Chez les Comatules, cette portion terminale de l'appareil di-
gestif est beaucoup plus développée ; l'estomac est petit et
arrondi ; l'intestin qui en naît est garni d'un prolongement
cœcal , puis contourne l'axe du corps pour gagner l'anus.
Enfin, celui-ci est situé à peu de distance delà bouche, sur la
face ventrale du disque ("2), position qui se remarque aussi
tarde pas à se l)ifnrqiiei' et à s'entou- sent manqner dans le genre Ltn*Jm(/').
ler de petits caecums groupés irrégii- (1) MM. Délie Chiaje et Sharpey (gi)
lièrement (a). ont décrit ce pelit intestin comme
Chez VArchasler typicus, ]eii cae- étant im appendice caecal de rcstomac,
cnms épigastriques sont disposés à mais sa véritable nature a été consla-
peii près de la même manière, mais lée par MM. AUilIcr et Troschel, qui
sont beaucoup plus courts, et ne se l'ont figuré chez VAstracanthion ru-
bifurquent pas toujours bien dislinc- bens et VArchasterhjpicus [h). Ainsi
tement (6). DànsVAstracanthion gla- que je l'ai déjà dit, les caecums épi-
cialis{c)elVAstracanthionrubens{d), gastriques y débouchent,
ils sont encore plus réduits et plus ir- D'après ces auteurs, toutes les As-
réguliers dans leiu' forme. Enfin, chez térides, à l'exception des trois genres
VAstropecten mirant iaciis, i\s riQ sonl mentionnés ci-dessus, sont pourvues
représentés que par deux petits cœ- d'un anus, et cet orifice est toujours
cums gibbeux (e), disposition qui se subcentral.
\0}t sussi chez \c Solaster papposus et (2) L'appareil digestif des Coma-
VAstra(joniumphrygianu))iAh])3ii-dis- Iules a été étudié par Heussinger («).
(a) J. Millier iind Troschel, System (1er Asleriden, pi. t2, fig'. t.
(6) Millier und Troschel, System der Asteriden, pi. Il, fig-. 2.
(c) Konnrd, De Asteriarum fabrica, Rg. 1.
(d) Millier et Troschel, Op. cit., pi. d d , fit?, t .
(e) Tiedemann, Anatomie der Roliren~IIolothurie, etc., pi. 7 6, 6.
— Délie Chiaje, Memorie per servire alla storia degli Animali senxa vertèbre, t. Il, pi. dQ,
fifr. ir. — Descriz. e notorn. degli Anim. invertebr., pi. 129, fig. t.
(/■) Millier et Tioscliel, Op. cit., p. 132.
(g) Sharpey, Echinodermata (Todd's Cyclop. of Anat., t. II, p 30).
{Il) Millier et Tro.^clicl, Op. cit., pi. i\, fig. 1 et 2.
(i) Heiissiiigcr , Anatomische Uniersucbung der Comaliila niediterranca {Zeilschrifl fur die
organische P-hysilc, 182(J, t. lit, p. 371, pi. x, fig. iO).
326 APPAREIL DIGESTIF CHEZ LES ZOOPHYTES.
chez les Crinoïdes, Échinodermes dont les mers étaient abon-
damment peuplées à des époques géologiques fort reculées.
Quant aux Si pondes et aux autres Animaux que Cuvier ran-
geait dans la même classe que les précédents, sous le nom
d'Échinodermes sans pieds, je n'en parle pas ici, car ils n'ap-
partiennent pas au type des Radiaires et se rapprochent des
Annélides ; j'y reviendrai donc dans une prochaine Leçon.
QUARANTE -HUITIÈME LEGON.
De l'appareil digestif chez les Infusoires ciliés , les Bryozoaires , les Tuniciers
et les Mollusques proprement dits.
§ 1. — Le mode d'organisation de l'appareil digestif que caractères
, ,, ., . 11 1 1 généraux
nous avons rencontre d une manière exceptionnelle chez quel- deiappareii
ques Zoophytes supérieurs est dominant dans le grand em-
branchement des Malacozoaires : chez tous les Animaux où ce
type zoologique est nettement caractérisé, la cavité alimentaire
affecte la forme d'un tube ouvert aux deux bouts; mais les ori-
fices ainsi constitués ne sont pas situés aux extrémités opposées
du corps, et l'anus est fort rapproché de la bouche, de façon que
ce canal est disposé en forme d'anse. 11 est aussi à noter qu'en
général, les instruments mécaniques qui entrent dans la compo-
sition de cet appareil sont peu perfectionnés, tandis que les or-
ganes sécréteurs qui y appartiennent se développent beaucoup.
Les Animalcules que nous avons choisis comme point de dé-
part dans l'étude des Zoophytes sont aussi ceux qui paraissent
avoir le plus d'affinité avec les représentants inférieurs du type
Malacozoaire. Les Molluscoïdes se hent intimement à certains
Infusoires ciliés, et ceux-ci, à leur tour, ontdes liens de parenté
intimes avec les 3Ionadaires ; en sorte que pour arriver à l'exa-
men des Mollusques en passant successivement des formes les
plus simples aux plus complexes, je crois devoir m'occuper
d'abord d'une classe nombreuse de petits êtres qui sont rangés
par la plupart des zoologistes dans l'embranchement des Zoo-
phytes, mais qui n'ont rien de radiaire dans leur structure, et
qui, de même que les Mollusques, sont généralement organisés
disrestif
t\9
Appareil
digestif
des
Infusoires
ciliés.
APPAREIL DIGESTIF
d'une manière asymétrique, suivant une. ligne courbe : ce sont
les Infusoires proprement dits (4).
§ 2. — Les moyens d'observation dont nous disposons n'ont
pas permis aux naturalistes de scruter d'une manière satisfai-
sante l'organisation inlérieure des Animalcules d'une petitesse
extrême qui constituent la division inférieure de celte classe,
c'est-à-dire les Monades et les autres Infusoircs fia gelli [ères [%.
(1) Ou Polygasliiques (le M. Eliren-
berg, moins les Rliizopodes et les vé-
gétaux microscopiques que ce nalura-
liste réunit dans la même classe.
En 1836, j"ai signalé les rossem-
Mances entre les Vorljcelliens et les
Bryozoaires, et j'ai émis l'opinion que
les Infusoircs devaient être considérés
comme se ratlacliant au type des Mol-
lusques plutôt qu'à tout autre embran-
chement zouldgifjuc (a). Enfin, dans
une autre publication dont la date est
à peu près la même, j'ai proposé de
réunir les Voriicelliens aux Fiustres,
aux Vésiculaires et aux autres Ani-
maux poiypiformes dont se compose
la classe des Bryozoaires, et de diviser
ce groupe appelé Tuniciens, ù cause
de ses aHinités avec les Tuniciers de
Lamarck, en deux sections: les Tuni-
ciens ciliés (V^orticelles, etc.), qui sont
dépourvus de tentacules, et les Tu-
niciens tentacules, ou Bryozoaires [b).
Cette nomenclature ne peut être con-
servée aujourd'hui, mais les groupes
dont il est ici question me paraissent
toujours bien fondés. Plus récemment
M. Agassiz, sans avoir connaissance de
ma manière de voir à cet égard, a été
conduit à rapprocher aussi les Vorti-
celles des Bryozoaires (c). D'autre part,
MiM. Claparède et Laclimann pensent
que cette idée ne mérite guère d'èlre
discutée, parce que le caractère essen-
tiel des Bryozoaires est d'avoir un canal
alimentaire continu, ouvert à ses deux
extrémités, et que ce caractère, ajou-
tent-ils, fait défaut aux Voriicelliens
comme aux Infusoircs en général (d);
mais nous verrons au contraire que,
d'après les observations de ces natu-
ralistes eux-mêmes, les Voriicelliens
ont une cavité digestive munie de
deux orifices très rapprochés, et à ce
trait de ressemblance vient s'ajouter la
disposition spirale de l'organisme, qui
ne se voit guère ailleurs que dans le
type malacozoaire.
(2) Au sujet de la classification des
Infusoircs, je renverrai ù un travail
récent publié par MM. Claparède et
Lachmann (e)„
(a) Voyez les noies jointes à la 2' cdilioii de l'ouvrage de Lamarck {Histoire naturelle des Ani'
maux sans vertèbres, d836, t. II, p. 55).
(6) Miliie Edwards, Classification naturelle des Polypes (Journal l'Institut, 1837, t. V,
p. 178).
(c) A?as?iz, Tlie Nalural Relations beiiveen Animais and tlie Eléments in ivliich Ihey live
(Sillimaii's American Journ. of Science and Arts, 2" série, 185(', t. IX, p. 309).
(rf) Claparède cl Lachmann, Études sur les Infusoircs el les Rliizopodes, p. 78.
(e) Claparède et Lachmann, Éludes sur les hifusoires et les Rhiznpodes. Genève, ISSfi.
CHEZ LKS INFUSOIRES CILIÉS. 329
Beaucoup de micrographes pensent qu'ils sont astomes(l), mais
dans certains cas on a vu des matières étrangères pénétrer dans
l'intérieur de leur corps, et celte introduction paraît se faire à
l'aide d'un orifice buccal situé à la base de l'appendice flabelli-
forme que quelques auteurs ont appelé une trompe. IMais nous
ne savons rien de positif quant à la disposition des parties inté-
rieures où la digestion s'opère, et les ligures théoriques qui ont
été données des estomacs multiples de ces Animalcules ne mé-
ritent aucune confiance (2).
(i) Par exemple, M. Sieboltl (a).
('2) M. Eb.renberg assure avoir vu
des Monades et d'aulres Animalcules
du même ordre avaler des corps
étrangers, emotamment des particules
de carmin ou d'indigo [b). i\l. Colin a
publié des observations analogues (c),
et dans quelques cas M. Perly a con-
staté des faits du même ordre : ainsi il
a trouvé im fragment de fibre ligneuse
dans l'intérieur d'un Infusoire flagel-
lifère de la famille des Astasiens,
V AmhUjophis viridis [d], et une Dia-
tomée dans l'inlérieur d'une antre
espèce du même groupe, le Paranema
protraclum (e). Enfin, MM. Claparède
et Lachmann ont été souvent témoins
de la manière dont le Bodo grandis (f)
avale des Vibrions qui sont trois ou
quatre fois plus gros que lui quand il
est dans son état ordinaire. Ils ont vu
aussi un Astasien, qui paraît être le
Trachelius trichophorm Aa M. Ehren-
berg {g), dévorer des Bacillariens {h).
M. Dujardin, il est vrai, suppose que
les matières étrangères ne pénètrent
que dans des fossettes adventives
creusées à la surface du corps de ces
Animalcules (/) ; mais dans beaucoup
de cas cela n'est guère probable, et il
est même des Monadaires dont la bou-
che est munie d'une armature solide
fort analogue à celle que j'aurai bien-
tôt à faire connaître chez les Dysté-
riens (j).
Quant à la disposiiion de la cavité
stomacale de ces Animalcules, nous ne
savons rien de satisfaisant. M. Ehren-
berg pense qu'ils sont pourvus d'un
nombre plus ou moins considérable de
petits cascums réunis en faisceaux et
débouchant directement au dehors {k);
[a) Sicbold et Slannius, Nouveau Manuel d'anatomie comparée, t. I, p. 8.
{b} Elirenberg', Die Infusionsthierchen, iSSB, p. 8.
(c) Colin, Enlivick. der Algen tmd Pilze, p. 08.
{d) Voyez Ehrcnberg, Die Infusionsthierchen, pi. 7, fig. 5.
(e) ferly, Zur Kenntniss der kleinsten Lebensformen, 1852, p. Gl.
(0 Vovez Ehrenberg, Op. cit., pi. 2, fig-. 12.
((■/) lilcm, iliid.,f\. 33, lig. 11.
Ih) Claparède et Lachmann, Etudes sur les Infusûlres, p. 41.
(i) Dujardin, Histoire naluielle des hifusoires, p. 7 5 et suiv.
(j) Claparède et Lachmann, Op. cit., p. 42.
(/c) EhrcnLerg, Recherches sur les hifusoires {.\nn. des sciences nat., 2° série, I. I, pi. iî,
fig. 2).
3o0 APPAREIL DIGEgtlF
L'appareil digestif des Vorticelliens et de la plupart desautres
Infusoires cillés est moins imparfaitement connu. Les cils vi-
bratiles dont j'ai déjà eu l'occasion de parler comme étant à la
fois les organes de la respiration et les instruments ordinaires
de la locomotion (1), en déterminant des courants dans l'eau
circon voisine, amènent vers l'entrée de cet appareil les corpus-
cules nutritifs qui flottent dans ce liquide ; ces appendices sont,
par conséquent aussi, les organes préhenseurs des aliments, car
ces corpuscules, parvenus dans rorifice buccal, sont portés
bientôt dans l'intérieur du corps de l'Animalcule et servent à le
nourrir. Le spectacle des tourbillons produits de la sorte par
ces petits êtres a souvent fixé l'attention des micrograpbes, et
afin de s'éclairer sur la nature de certains points que l'on
aperçoit dans l'intérieur de l'organisme de la plupart des Infu-
soires, un physiologiste allemand du siècle dernier, Gleichen,
eut l'heureuse idée de répandre, dans l'eau avoisinant les Ani-
malcules dont il faisait l'étude, du carmin en poussière très fine.
Il vit alors cette matière colorante pénétrer dans le corps de
quelques-uns de ces Animalcules, et s'y accumuler sur certains
points, mais il ne tira de ce fait aucune conclusion touchant la
disposition des organes digestifs, et ce procédé d'expérimen-
tation resta stérile jusqu'au moment où M. Ehrenberg y eut
recours pour étudier la structure interne de ces petits êtres (2).
delà le nom dMnenfera qu'il donne à idées, ce physiologiste les considéra
l'ordre comprenant tous les Infusoires comme favorables à l'opinion d'après
flabellifères, etc. Mais il est plus pro- laquelle les sphérules auraient été des
bable que la cavité digestive est simple. œufs (a).
(1) Voyez tome II, page 13. Du reste, jusqu'au moment où
(2) Les expériences de Gleichen M. Ehrenberg publia ses recherches
datent du siècle dernier ; mais, par sur ce sujet, la plupart des zoologistes
un singuHer entraînement dans les persistaient 'i considérer tous les Ani-
(a) Gleichen, Dissertation sur la génération des Animalcules spermatiques et ceux des Infu-
soires, trarl. He rallematul, an Vil, p. 4 97.
CHEZ LKS INFUSOIP.ES CILIÉS. 3ol
Je ne saurais admettre tons les résultats que cet habile obser-
va leur a cru pouvoir tiéduire de ses nombreuses et intéressantes
recherches sur l'alimentation des Infusoires avec de Findigo, du
carmin ou d'autres matières colorantes. Mais avant de réfuter
c{ueîques-unes de ses opinions, je crois devoir, en bonne justice,
dire le bien que je pense de l'ensemble de ses travaux. C'est à
M. Ehrenberg que la science doit presque tout ce que l'on sait
de plus important sur le mode d'organisation des Infusoires; il
a changé le caractère des études dont ces petits êtres avaient été
jusqu'alors l'objet, et il a fait dans cette partie de la zoologie des
découvertes presque innombrables ; enfin il a montré que ces
êtres, malgré leur exiguïté, jouent un grand rôle dans les
phénomènes géologiques, et que, par la perfection de leur
structure, ils rivalisent souvent avec les géants de la création.
Depuis longtemps, les observateurs au microscope avaient
remarqué dans l'intérieur du corps de divers Infusoires des
espaces clairs qui avaient l'aspect de petites bulles, et qui res-
semblaient à des cavités arrondies contenant de l'eau. En nour-
rissant ces Animalcules avec du carmin ou de l'indigo,
M. Ehrenberg vit des dépôts de ces matières colorantes se for-
mer sur divers points et affecter la même disposition ; les sphé-
rules de carmin ou d'indigo avalées par les Infusoires avaient un
volume à peu près constant chez les différents individus d'une
même espèce, et après avoir séjourné plus ou moins longtemps
malculesdont îl est ici question comme après dans les Mémoires de cette So-
étant astomes (a). Ses travaux sur ce ciété savante. On en trouve des ex-
sujet furent présentés à l'Académie traits dans les Annales des sciences
de Berlin en 1830, et publiés bientôt naturelles (6).
(a) Lamarck, Histoire des Animaux sans vertèbres, t. I, p. 392.
— Cuvier, Règne animal, 2" édition, 1820, t. III, p. 325.
(6) Elirenberg, Beitrâge %ur Kenntniss der Organisation der Jnfusorien {Abhand. der Akad.
der Wissensch. s« Berlin ans dem Jalire 1830 (publié en 1832). — Dritter Beitrag x,ur
Erkenntniss grosser Organisation in der Richtung des kleinsten Baumes (Mém. de l'Acad. de
Berlin, 1833). — Recherches sur l'organisation et la distribution des Infusoires, ■particuliè-
rement ceux de la Sibérie (Ann. des sciencesnat., 2" série, 1834, t. I, p. 129 et .çuiv.). Je citerai
aussi son grand ouvrage intiliilé : Die Infusionsthierchen ois vollkommene Organismen, in-fol.
Tierlin, 1838.
33^ APPAREIL DIGESTIF
dans l'intérieur de l'organisme, elles étaient évacuées au dehors,
comme le seraient des matières fécales. Il en conclut que la
formation de ces bols colorés était due à l'accumulation de la
matière tinctoriale dans autant de petites poches arrondies; que
chacune de ces poches était un estomac, et que l'introduction
des aliments dans l'intérieur de ces réservoirs, ainsi que l'éva-
cuation des fèces, devait s'opérer au moyen d'un canal commun
ou intestin autour duquel ces poches seraient appendues. Dans
quelques cas, M. Ehrenberg crut même pouvoir distinguer
nettement le trajet de ce canal intestinal et ses connexions avec
une multitude d'ampoules pédonculées. Enfin, généralisant les
conclusions tirées de ces observations et de celles qu'il avait
faites également sur les Infusoires flagellifèrcs, il admit comme
démontré, que cliez tous ces Animalcules il existe un nombre
considérable de poches stomacales distinctes, et ce fut pour
rappeler cette disposition qu'il désigna sous le nom de Pohj-
gastrica la classe formée par la réunion de tous ces petits
êtres (1).
Mais les apparences sur lesquelles M. Ehrenberg se fonde
pour admettre la multiplicité des estomacs chez les Infusoires
ciliés sont susceptibles d'une autre interprétation, qui me paraît
être l'expression de l'état réel des choses. On peut supposer
que les espèces de globes colorés qui se montrent dans l'inté-
rieur du corps de l'Animalcule repu de carmin ou d'indigo ne
sont pas limités par une membrane, et ne sont pas dus à l'ac-
cumulation de ces matières colorantes dans autant de petites
poches, mais consistent dans des espèces de bols constitués
par la matière alimentaire dont chaque gorgée, réunie en une
masse arrondie, serait poussée dans une substance pâteuse où
(1) L'opinion de M. Ehvenljerg, au cales inullipies, a été souleniic par
snjet de l'existence de cellules stonia- M. Fxkard (a).
(a) Eclihard, Die Organisalionsverhàltiiisse (hr pohjgastvichcn hifusorien (Wicgniann's Archiv
fur NaturgescMchie, 1846, t. I, p. 209).
CHblZ LliS INFUSOIUES CILIÉS. 333
elle ne se disperserait pas, et continuerait à avancer en conser-
vant sa forme. En effet, ces spbérules de matière alimentaire
changent de place, et, en cheminant de la bouche vers l'anus,
on les voit souvent se dépasser les unes les autres d'une manière
qui semble être incompatible avec leur emprisonnement dans des
appendices qui seraient attachés d'espace en espace à un canal
intestinal (1). Cette explication des phénomènes observés par
M. Ehrenberg a été donnée pour la première fois par mon
savant collègue de la faculté des sciences de Rennes, M. Du-
jardin, et aujourd'hui elle est adoptée par presque tous les
naturalistes qui ont fait des Infusoires une étude attentive; mais
il existe parmi ceux-ci des divergences d'opinion au sujet du
mode de constitution de la cavité où les bols alimentaires se
logent. Le zoologiste que je viens de citer pense que chez ces
Animaux, de même que chez les Rhizopodes, le corps n'est
(1) Ces mouvements des bols ali- pas à s'entremêler d'une manière iiiex-
mentaires , observés d'abord par tricable (6).
Gruithuisen.M. CarusetM. Focke(a), M. Griffilh a chercbé à rendre
supposeraient le déplacement des es- compte de ce mode de déplacement
tomacs eux-mêmes; car ce n'est pas des bols alimentaires, en supposant
en revenant vers l'axe du corps, puis qu'ils étaient logés dans un tube intes-
on retournant vers la périphérie, que linal à circonvolutions nombreuses qui
ces sphérules cheminent, mais en les embrasseraient étroitement et les
descendant d'un côté et en remontant pousseraient par des contractions péri-
de l'autre; et, ainsi que l'a fait re- staltiques ; mais s'il en était ainsi, ces
marquer M. Focke, elles se dépassent sphérules devraient se trouver toujours
et s'entrecroisent souvent, de telle dans le même ordre, tandis que sou-
sorte que si elles étaient logées dans vent elles se croisent et sedépassent les
des caecums adhérents à un intestin unes les autres (c).
centrai, et si leur déplacement dépen- Krdl a publié aussi quelques obser-
dait des mouvements exécutés par vations sur le mode de déplacement
ces appendices, ceux-ci ne tarderaient des bols alimentaires {d).
(a) Cariis, Traité élémentaire d'analnmie comparée, t. II, p. 6.
(b) Focke, Ueber einige Organisationsverhâltnisse der polygastricheii Infusorien und HMer-
lhiere{Isis, 1836, p. 785).
(c) W. Grifflth, On the sacculi of the Polygastrica (Ann. and Mag. of Nat. Hist., 1843, t. XI,
p. 438).
(d) Enll, Ueber den lireislauf der Infusonea (MuUor's Archiv fUr Anat. und PhgsioL, 1841,
p. -278).
3o/i APPAREIL DIGESTIF
formé que par une substance molle et glutineuse dont j'ai déjà
eu l'occasion de parler sous le nom de sarcode; que les matières
alimentaires s'y tracent un chemin, et qu'il n'y a pour les rece-
voir aucune cavité préexistante, aucun estomac (1). M. Meyen
envisage ces faits autrement, et il me semble s'être rapproché
davantage de la vérité lorsqu'il représenta ces petits êtres comme
étant creusés d'un grand estomac simple occupé par une matière
pulpeuse plus ou moins analogue au mucus des Animaux supé-
rieurs , matière dans laquelle les masses alimentaires s'enfon-
ceraient successivement (2). En effet, toutes les observations
(1) M. F. Diijardin fut un des pre-
miers à s'élever contre l'opinion de
M. Ehrenberg, relativement à l'exis-
tence d'estomacs multiples chez les
Infusoires, et il se laissa d'abord en-
traîner à des exagérations en sens con-
traire. Ainsi il affirma que chez ces
Animalcules il n'existe ni bouche, ni
anus, ni cavité digeslive préformée,
et que les espaces où les matières ali-
mentaires pénètrent sont seulement
des vacuoles creusées par ces sub-
stances elles-mêmes dans la masse de
sarcode dont le corps de l'être se
composerait (a). Dans ses publications
subséquentes ce savant distingué ne
tarda pas à reconnaître qu'il s'était
trompé au sujet de la non-existence
d'une bouche (6) , mais il persista
dans sa première opinion, non-seu-
lement au sujet de l'absence de parois
propres pour les cavités contenant les
bols alimentaires, c'est-à-dire les esto-
macs multiples de M. Ehrenberg,
mais relativement à la non-existence
d'une cavité digcstive préformée et
d'un anus, Témonctoire par lequel les
fèces s'échappent au dehors n'étant,
d'après lui, qu'un orifice accidentel qui
se produisait sous l'influence de la pres-
sion exercée par ces matières, et dis-
paraissait aussitôt après leur sortie (c).
M. Perty, H. Stein et Carter, ont
adopté l'opinion de M. Dujardin, au
sujet de la pénétration des aliments
dans la substance sarcodique du
corps (d), et M. Siebold ne s'en éloi-
gne que. fort peu (e).
(2) Après avoir parlé de l'impossi-
bilité qu'il avait toujours rencontrée à
découvrir les moindres traces d'un
intestin central, et de la manière dont
il avait vu neuf ou dix globules tourner
autour d'un centre chez les Vorticelles,
(a) Dujardin, Sur les prétendus estomacs des Aiiimalcules infusoires, et sur une substance
appelée sarcode [Ann. des sciences nat., 2» série, '1835, t. IV, p. 364 et suiv.).
(!)) Idem, Recherches sur les organismes inférieurs {Ann. des sciences nat., 2° série, 1830,
t. V, p. 195).
(c) Idem, Histoire naturelle des Infusoires, 1841 , p. 54, etc:.
(d) Perly, Zur Kenntniss der kleinsten Lehensformen, \<. 58.
— Slein, Neue Beitrdge zur Kenntniss der Entwiclclunijsfjeschichte und des feineren Baues der
Infusionsthiere {Zeitschr. fur wissenschtaftliche Zoologie, 1851, I. lU, p. 487, 501, etc.), cl
Die Infusionsthiere.
(e) Siebold et Stannius, Nouveau Manuel d'anatomie comparée, 1854, t. I, p. 10, 114, olc.
CHEZ LES INFUSOIRES CILIÉS. 335
les plus récentes tendent à établir que l'appareil digestif des Infu-
soires ciliés se compose généralement : 1° d'une bouche dis-
tincte; 2° d'un canal pharyngien dans lequel les aliments pren-
nent souvent la forme d'un bol : 3° d'un grand estomac à parois
distinctes et plus ou moins éloignées de la membrane tégumen-
taire commune : k" enfin d'un orifice excréteur ou anus.
La bouche des Infusoires présente des différences très
grandes quant à sa position et à son mode de conformation.
M. Meyen expose de la façon suivante
ses vues sur la constitution de ces Ani-
malcules. « Les vérilables Infusoires,
dit-il, sont des êtres vésiculeux dont
l'intérieur est rempli d'une substance
muqueuse ; l'épaisseur de la membrane
qui forme la vésicule est facile à aper-
cevoir dans quelques-uns de ces ani-
maux et présente parfois une struclure
spirale. Dans les gros Infusoires, un
canal cylindrique traverse oblique-
ment celte membrane, et se dilate vers
sa partie inférieure, où il est garni de
cils vibratilcs qui font tourner sur
elles-mêmes les matières alimentaires
et les réunissent ea boule ; cette boule
est ensuite poussée dans la cavité si-
tuée au-dessous, et de nouvelles ma-
tières alimentaires transmises par la
boucbe sont pétries en un second bol,
qui bientôt suit le premier, et ainsi
pour les autres. Ces bols sont formés
principalement de mucus, et quelque-
fois on voit deux de ces sphérules,
pressées fortement l'une contre l'au-
tre, s'unir (a). »
Cette manière de voir ne diffère en
rien d'essentiel de l'opinion professée
par MM. de Quatrefages (b). Colin (c),
Haim (d) , Carpenter (e), etc. Elle
vient d'être développée d'une ma-
nière plus complète et appuyée sur de
nouvelles observations par i\JM, Gla-
parède et Lachmann (/). Enfin
^]. Carter applique, il est vrai, le nom
de sarcoJe à la matière muqueuse
qui remplit la grande cavité dont le
corps est creusé, mais il considère
celle-ci comme étant limitée par des
parois solides, et la description qu'il
donne de l'appareil digestif des Pa-
raméciens et des Vorticelles s'accorde
très bien avec ce que j'ai dit ci-
dessus {g).
(a) J. Meyen , Einige Bemerkungen ûber den Verdauimgsapparat dev Infusorien (Mùller's
Archiv fur Anat. itnd Phijsiol., 1839, p. 74), et Irad. en franc. (Ann. des sciences nat., 2» série,
4839, t. XII, p. 122).
(6) Voyez Dujardin, art. Infusoires {Dictionnaire universel d'histoire naturelle de d'Orbigny,
1845, t. VII, p. 46).
(c) Colm, Beitrâge aur Entwickelungsgeschichte der Infusorien (Zeilschrift fur wissenschaft-
liche Zoologie, 1851, t. III, p. 26).
{d) Haime, Op. cit. {Ann. des sciences nat., 3° série, t. XIX, p. 119).
(e) Carpenler, Prineiples of Comparative Phijsiology, p. 156.
— Greene, A ilanual of the subkingdom Protozoa, 1859, p. 63.
(/■) Claparède et Laclimanii, Études sur les Infusoires et les Rhizopodes, 1858, p. 28 et suiv.
[g] Carter, Notes on the Freslnuater Infusoria of the Island of Bombay (A?!w. of Nat. Hist.,
2" série, t. XVIII, p. 122, pi. 6, fig. 65, et pi. 7,%. 74).
3o6 APPAREIL DIGESTIF
Chez beaucoup de ces Animalcules, elle occupe le fond d'une
fossette ou vestibule, et souvent les bords de celte dépression
sont garnis de cils très développés dont les mouvements déter-
minent l'arrivée des matières alimentaires dans cette cavité.
Ainsi, chez les YorticelHens, dont le corps s'évase antérieure-
ment en forme de clochette ou de cornet, et se termine par un
bord contractile ou péristome au dedans duquel se trouve une
espèce de couvercle cilié, on voit, dans le sillon circulaire qui
sépare cet opercule du péristome dont je viens de parler, une
fossette béante au fond de laquelle est située l'entrée de l'appa-
reil digestif (1). La frange ciliée qui borde l'opercule descend
dans ce vestibule en décrivant une spirale, et se prolonge même
jusque dans le canal œsophagien qui y fait suite. C'est par l'ac-
tion de ces appendices que l'ingurgitation des aliments paraît
s'effectuer, et l'on n'aperçoit pas de mouvements de déglutition
proprement dits (2).
(1) Pour la forme générale des Vor-
ticelliens et la position de la fossette
buccale ou vestibule, que l'on confond
souvent avec la bouclie elle-même, je
renverrai aux planches de M. Ehren-
berg et à une figure donnée par M. de
Quatrefages (a) ; mais, pour la dispo-
sition de la spire ciliée dans Pin té -
rieur de celte cavité et les détails de
sa structure, je citerai de préférence
les figures faites plus récemment par
M. Lachmann (6) et la description
plus circonstanciée que ce zoologiste
vient d'en publier conjointement avec
M. Claparède (cj.
(2) Chez les Stentors, les Bursaires
Cl les autres Infusoircsdont MM, Cla-
parède et Lachmann ont formé la
famille des Bursarieiis , la bouche
est garnie d'une rangée de cils très
gros, disposés en spirale. Dans le
genre Chœtospira, celle frange vibra-
tile est portée sur un processus en
forme de bande étroite, qui occupe
l'extrémité antérieure du corps {d}.
Chez certaines espèces du genre Frem,
celle même frange garnit un prolonge-
ment infundibuliforme et hilobé (e).
Chez les Stentors, elle entoure une
sorte de disque frontal circulaire ,
{a) Elirenljci-g-, Die Infusions Ihicrchen, pi. 45 ù 19.
— Qualrefages, voyez Allas du Règne animal de Cuvier, Zoophytes, pi. 64, ïv^. 4.
(b) Lachmann , De Infusorionim, iniprimis Yoriicellinorum structura (dissert, iiiaiiy
pi. d, fig. 1 et 2.
(c) Claparède et Lachmann, Etudes sur les Infiisoires, p. 80 et siiiv.
{d) Lachmann, De Infusoriortun structura, pi. 1, fig;. 0 et 7.
(e) Claparède et Lachmann, Études, pi. 10, fi^. 1 tt 0.
1835,
CHEZ LES INFUSOIUES CILIÉS. - 337
Chez d'aiilres Infiisoires ciliés, la bouche esl à découvert ou
se trouve au fond d'une échancrure qui ne présente dans sa
structure rien de particulier ; mais alors cet orifice est contrac-
tile et préhensile (1); quelquefois même la partie antérieure du
canal alimentaire est susceptible de se renverser au dehors en
forme de trompe (2), et dans un assez grand nombre d'espèces
elle est pourvue d'une armature particulière composée d'un
faisceau de soies rigides disposées en forme de nasse, et sus-
ceptible de se dilater ou de se resserrer suivant les besoins de
l'Animal (3).
sur le bord duquel est située la fos-
sette ou vestibule infundibulaire qui
précède la bouche, et qui loge la por-
tion terminale de la spire vibratile
dont la direction est inverse de celle
des Vorlicelliens (a). Chez les lUir-
saires, la fosse buccale ou vestibule est
très grande, et indépendamment des
cils qui en garnissent le pourtour, on
voit dans sa cavité une crête ciliée ;6).
(1) Cette espèce de prolapsus de
l'œsophage a été observé par i\lM. Cla-
parède et Lachmann chez les Para-
méciens, les Stentors, etc. (c).
(2) Ainsi Haime a vu que chez le
Trichoda lijnceus la préhension des
aliments se fait directement par l'ac-
tion des lèvres mobiles dont la bouche
esl garnie {d).
(3) Cette armature dentaire, dont la
découverte est due à M. Ehrenberg, se
voit cliez les Nassules, les Ghilodon, les
Prorodons et quelques autres Infu-
soires ciliés. Elle est protraclile, et se
compose d'un faisceau de stylets d'une
finesse extrême , disposés parallèle-
ment en cercle, nu nombre de 16 à
30. Souvent elle reste dilatée pendant
que les corpuscules alimentaires en-
traînés par les courants la traversent
pour descendre vers l'estomac ; mais
dans d'autres moments, quand des Ani-
malcules d'un certain volume s'y en-
gagent, on voit les baguettes qui le
constiluent se rapprocher par leur
extrémité antérieure, et presser forte-
ment sur la substance alimentaire in-
cluse dans cette espèce de cylindre ou
de nasse. Il est aussi à remarquer que
cet appareil masticateur se développe
avec une très grande rapidité dans les
porlions du corps qui tendent à s'iso-
ler pour constituer, par fissiparité, de
nouveaux individus. C'est de la sorte
qu'on en voit quelquefois deux chez le
même Animalcule.
Chez quelques espèces les baguettes
dentaires paraissent être composées
de chitine ou de quelque substance
analogue ; car M, Dujardin a vu que
{a) Ehrenberg', Die Infusionsthiere, pi. 23, fig'. 1, etc.
— Lnchmann, Op. cit., pi. 1, Cig. 8.
(6) Clap:ircde et Lachmann, Éludes, pi. 13, fig. 1.
(c) Claparèile et Lachmann, Éludes sur les Infusoires, p. 34.
{d) Haime, Observations sur les métamorphoses et sur l'organisaliou dit Trichoda lyncens {Ann.
des sciences nat., 3° série, t. XIX, p. 118).
V. 22
338 APPAREIL DIGESTIF
Le pharynx OU œsophage, qui fait suite à la bouche, se dirige
en général obliquement en arrière ; quelquefois il est muni de
côtes longitudinales qui simulent des baguettes dentaires, mais
qui ne sont que des phs (i). Enfin, chez quelques Infusoires,
on remarque dans l'intérieur de cette portion de l'appareil
digestif un organe vibratile particulier, qui se compose de cils
très forts. En général, elle se termine dans une grande cavité
stomacale dont la tunique ne se distingue pas nettement de la
substance générale du corps, et dont l'intérieur paraît être
occupé par un liquide visqueux ou une pâte semi- fluide. Quel-
quefois ce tube œsophagien se prolonge assez loin dans cette
cavité, et s'y trouve suspendu librement, à peu près comme
nous l'avons vu chez les Coralliaires : ainsi, chez le Chilodon
cucullus, il atteint presque l'extrémité postérieure de la cavité
digestive. Enfin, d'autres fois, au lieu de se terminer brusque-
ment, il se confond avec l'estomac, qui affecte alors la forme
d'un tube, et correspond assez bien à l'idée que M. Ehrenberg
s'était faite de la disposition de l'intestin chez tous les Infusoires
ciliés.
Ainsi , chez le Trachelius ovum , l'estomac paraît être
tubulaire et suspendu au milieu d'une cavité viscérale par un
nombre considérable de prolongements ramifiés ("2). Cette
chez le Chilodon cucuUus elles ré- (2) En 18Zi7, en examinant quel-
sistent à l'action de la potasse ; mais ques - unes des préparations que
chez les Nassules il les a vues se dis- M. Ehrenberg a eu l'obligeance de me
soudre dans ce réactif (a). communiquer, j'ai aperçu assez dis-
(1) Ces plis longitudinaux du pha- linctement cette disposition dont ce
rynx se voient chez le Lacrymaria savant a donné une figure dans son
olor, VEnchelydon forcatus^ etc. (6). grand ouvrage (c). M. ilymer Jones
(a) Diijardin, Histoire naturelle des Zoophytes infusoires, p. 49.
(b) Exemples : Nassula elegans (Ehrenberg, pi. 37, fig-. 1). — N. cornuta (Ehrenberg', Op. cit.,
pi. 37, fig. 2). — N. aurea (Ehrenberg, Op. cit., pi. 37, fig. 3). — N. viridis (Dujardin, Op. cit.,
pi. 11, fig. 18 a). — Chilodon cucullus, C. uncinatus, C. oriialus (Ehrenberg, Op. cit., pi. 36,
fig. 7, 8, 9). — Loxades dentatus (Dujardin, Op. cit., p. 153, pi. 14, fig. 10a). — Prorodon
niveus , P. teres (Ehrenberg, Op. cit., pi. 32, fig. 10, H). — Chlamidodon Maemosyne (Ehren-
berg, Op. cit., pi. 42, fig. 8).
(c) Claparède el Lachmann, Op. cit., p. 32.
CHEZ LES INFUSOIRES CILIÉS. o39
disposition rappelle, ce que nous avons déjà vu chez certains
Zoophytes, tels que les Astéries, et se retrouvera chez divers
Mollusques ainsi que chez beaucoup de Vers. Or, il est pro-
bable que chez la Trachélie les aliments peuvent pénétrer dans
les appendices gastriques , car cela se voit chez la plupart des
Animaux dont je viens de parler. Par conséquent, dans ce cas,
un mode d'organisation fort analogue à celui que M. Ehrenberg
attribuait à tous ses Polygastriques se trouve réalisé en grande
partie; mais cette disposition est très rare dans cette classe
d'Animaux, et, dans la grande majorité des cas, l'estomac
paraît être une grande cavité indivise.
C'est à la partie inférieure du pharynx ou œsophage, dilatée
en manière de cloche, que se forment les bols sphériques
de matières alimentaires, qui, poussés ensuite dans l'estomac,
y nagent dans un liquide plus ou moins épais, et constituent,
ainsi que nous venons de le voir, les corps que M. Ehrenberg
considère comme des cellules stomacales. Le volume de ces
bols est déterminé par les dimensions de l'espèce de moule où
ils se forment, et en général ne varie que peu chez le même
individu ou chez les différents individus de la même espèce.
Ainsi ils sont très petits chez les Paramécies, divers Trichodes
et plusieurs Trachéhes, tandis qu'ils sont de moyenne gros-
seur chez le Colpoda cucuUus^ le Glaucoma scintillans, etc.,
et qu'ils sont très grands chez les Stentors, le Paramecium
Aurélia et quelques autres. Leur progression est en général
paraît avoir eu le même avantage (a); recherches de M. Gegenbauer (6), de
et plus récemment l'exactitude des ob- M. Lieberkiihn et de MM. Glaparède et
servations de M. Ehrenberg, au sujet Lacbmann. M. Lieberkiihn a constaté
de la disposition de l'appareil digestif un mode d'organisation semblable chez
de cet Infusoire, a été confirmée par les le Loxades rostrum (c).
(a) Rymer Jones, article Polygastrica (Todd's Cyclopcedia of Aiiat. and Physiol., t. IV, p. H),
(6) Gegenbauer, Bemerkuiigeii îifeer Trachelius ovum (MùUer's Archiv fur Anal, und Phijsiol.,
1857, p. 309).
(s) Glaparède et Lachmann, Études sur les Infusoires, p. 33.
340 APPAREIL DIGKSTIF
lente, mais quelquefois se fait très rapidement : chez le Para-
mecium bursaria, par exemple , ils descendent d'un côté du
corps et remontent de l'autre ; mais on ne connaît pas le mé-
canisme à l'aide duquel leur déplacement est effectué (l).
Enfin, ils se réunissent dans la région anale, et sont expulsés
au dehors par un orifice particulier.
La position de l'anus varie beaucoup plus que celle de la
bouche (2j. Chez les Vorticelliens, ces deux orifices sont très
rapprochés l'un de l'autre au fond de la fossette vestibulaire (3).
(1) 11 me paraît probable que le
mouvement rotatoire des matières
contenues dans l'estomac des Infu-
soires est dû à l'action de cils vibra-
liles très fins, dont les parois de cette
cavité seraient garnies; mais jusqu'ici
il n'a pas été donné aux observateurs
de les apercevoir. Qaant aux diverses
explications qui ont été proposées pour
rendre compte du transport des bols
alimentaires, je n'en vois aucune qui
soit acceptable (a;.
(2) L'évacuation des fèces par les
Infusoires a été observée vers la fin du
siècle dernier par O.-F. Miiller (6), et
constatée par la plupart des microgra-
phes de l'époque actuelle ; mais les
zoologistes ne sont pas d'accord sur
la manière dont ce phénomène a lieu.
M. Dujardin pense que ces Animal-
cules n^nt pas d'anus, et que les ma-
tières fécales s'échappent de leur corps
par des ouvertures accidentelles qui
seraient déterminées par la présence
de ces matières, et qui se referme-
raient aussitôt, sans laisser de trace de
leur existence (c). Une opinion ana-
logue au sujet de la plupart des Infu-
soires a été émise par ]\1. Stcin et
par M. Perty (d) ; M. Ebrenberg, au
contraire, regarde cette ouverture
comme étant préexistante et perma-
nente. Cette manière de voir est adop-
tée par la plui)art des observateurs
qui depuis quelques années ont fait
une étude spéciale de l'organisation
des Infusoires (e), et me paraît être
la seule admissible.
(3) Chez les Vorticelliens le vestibule
préstomien est très profond, et a été
souvent pris pour la bouche elle-
même; par conséquent on a pu croire
que chez ces Animalcules il n'existe
qu'un seul orifice digestif, mais en
réalité les fèces sortent par une ouver-
ture qui se trouve à côté de celle par
où les aliments passent. Cela a été
distinctement vu par beaucoup de mi-
crographes et très bien représenté par
]\I. Lachmann et par M. Carter {/').
(a) Voyez Claparède et l.achmann, Op. cit., p. 37 el siiiv.
(6) 0. F. Millier, Animalcula infusoria, ITSG, p. 240.
(c) Dujardin, Histoire naturelle des Zoophytes infusoires, p. 54 et suiv.
(d) Pcriy, Zur Kenntniss der kleinsten Lebensformen, p. 58.
— Slein, Die Infusionsthiere, p. 17.
(e) Voyez à ce sujet Claparcde et Lachmann, Op. cit., p. 30 et 31.
(/■) Lachmann, De Infusoriorum structura (dissert, inaiig.), 1855, pi. 1, iig. 1 et 'i.
— Carter, Notes on the Freshwater Infusoria of Bombay {Ann. of Nat. Hist., 2' série, 1853,
t. XYIII, pL n, fib'. 7i).
DES MOLLl'SCOÏDES LRVOZOAlRES. t>lii
Chez les Stentoriens, l'anus est encore fort rapproché de la
bouche, mais se trouve au dehors de la spire ciliée qui entoure
cette dernière ouverture (1). Chez d'autres Bursariens, tels que
les Leucophrys, il est situé sous le bord postérieur du corps ;
enfin il est placé sur la face ventrale du corps chez les Oxy-
trichions.
§ 3. — Le grand embranchement des Malacozoaires se com-
pose, comme on le sait, de deux groupes principaux : les
Mollusques et les Molluscoïdes. Parmi ces derniers, les Ani-
maux polypiformes qui constituent la classe ces Bryozoaires (2)
occupent le rang le plus inférieur, et quelques-uns de ces petits
êtres ont beaucoup de ressemblance avec les Vorticelliens,
non-seulement par leur forme générale, mais aussi par la dis-
position de leur appareil digestif. Enfin, chez les Bryozoaires,
de même que chez les Vorticelliens, le corps est en forme
d'urne , de cornet ou d'ampoule ; la bouche en occupe la
partie antérieure, et les particules alimentaires en suspension
dans l'eau d'alentour sont dirigées vers cette ouverture par
l'action flagellante de cils vibraliles qui sont en même temps
des organes de respiration. Mais ici ces cils, au lieu d'être
insérés directement sur une sorte de plateau ou de lobe
épistomien, sont portés par un certain nombre d'appendices
tentaculaires grêles et allongés, qui sont disposés en manière
de couronne autour de la bouche, et qui, en s'écartant vers
Appareil
digestif
des
Bryozoaires,
(1) M. Lachmaniî pense que chez
ces Infusoires l'anus est séparé de la
grande cavité slomacale par un com-
partiment particulier où les fèces
s'amassent, et que l'on devrait con-
sidérer comme une sorte de gros in-
testin OH rectum. L'orifice anal est
situé du côté dorsal du corps, immé-
diatement au-dessous de la frange
ciliée spirale qui aboutit à la bouche
du côté ventral (a).
(2) J'ai déjà eu l'occasion d'expli-
quer pourquoi je conserve ce nom, de
préférence à celui de Polyzoaires que
beaucoup d'auteurs ont adopté {b].
(a) Claparède et Laclimann, Eludes sur les Infusoires, p. 223.
(b) Voyez lome III, pag-e 77.
342 APPAREIL DIGESTIF
le bout , constituent une sorte d'entonnoir vestibulaire. Ces
appendices sont rétractites, et une bordure membraneuse ana-
logue au péristome des Vorticelliens entoure leur base; sou-
vent même une portion de cette bordure se développe beau-
coup, et constitue un opercule comparable à un volet qui se
rabat sur la partie voisine de la gaine tégumentaire de l'Ani-
mal, quand celle-ci se contracte (1). Chez les Bryozoaires ma-
(1) Cette disposition se voit cliez
tous les Bryozoaires de la famille des
Eschariens, comprenant les Eschares,
les Flustres, les Salicornaires, etc.
L'opercule de ces animaux est un lobe
péristomien en forme de disque cir-
culaire plus ou moins tronqué, qui
tient au côté ventral du bord antérieur
de la loge tégumentaire ou polypier, et
qui est susceptible de se relever ou de
se rabattre sur l'ouverture circon-
scrite par ce même bord. Une paire
de muscles abaisseurs qui s'insèrent à
sa face inférieure, et qui vont prendre
leur point d'appui sur les parois de la
grande cavité viscérale, détermine la
clôture de cet appareil (a). C'est en rai-
son de cette disposition que M. Busk a
donné à cette famille le nom deCheilo-
stomata (6). D'après Cavolini, la dis-
position de l'opercule serait différente
chez le Myriapora truncata (c) , et
cette considération m'avait porté à sé-
parer ces Bryozoaires des Eschariens
pour en former une famille dis-
tincte {cl) ; mais j'ai reconnu depuis
qu'il n'existe à cet égard aucune dif-
férence notable entre ces animaux (e).
En général, l'opercule est calcaire ,
mais chez quelques espèces il est sim-
plement membraneux et ressemble à
une lèvre semi-circulaire : par exem-
ple, chez le Tendra zostericola (/").
Chez les Bryozoaires de la famille
des Tubuliporiens, le péristome est cir-
culaire et simple, c'est-à-dire ne porte
pas d'opercule , et l'espace membra-
neux compris entre ce rebord et la
base des tentacules est très développé,
de façon que la couronne labiale s'a-
vance beaucoup hors de la cellule té-
gumeniaire (g). Dans la famille des
Vésiculariens, le péristome est égale-
ment membraneux, etprend une forme
bilabiée dans l'état de contraction,
mais devient circulaire dans l'état
d'expansion et est souvent armé de
soies rigides {h).
(a) Milne Edwards, Recherches sur les Eschares, pi. 1, fig. le et li (Recherches anatomiques,
physiologiques et écologiques sur les Polypes, et Atm, des sciences nat., 2* série, 1836, t. VI,
pi. 1).
(6) Busk, Voyage of the Ratllesnake, t. I, appendix, p. 346.
(c) Cavolini, Mfmorie per servire alla storia de' Polipi marini, pi. 9, fig. 7.
(d) Milne Edwards, Classification des Polypes {l'Institut, 1837, t. V, p. 178).
(e) Milne Edwards, Zoophytes de V Atlas du Règne animal de Cuvier, pi. 89, fig'. 2 6.
(/■) Nordmann, Faiina pontica, Polypi, pi. "2, fig. 3 [Voyage en Crimée, par Demidoff).
(g) Milne Edwards, Mém. sur les Tubulipores {Ann. des sciences nat., %° série, 1837, t. VIII,
pi. 12, fig. Ib) — Mém. sur les Crisies, etc. {Ann. des sciences nat., 2° série, 1 838, t. IX, pi. 6,
fig. le).
[h] Farre, Observ. on the Minute Structure of some of the Higher Forms of Polypi, pi. 21 ,
Hg. 12, l-i, elc. (Philos. Trans., 1837).
DES MOLLUSCOÏDES BRYOZOAIRES. S43
rins, ou Stelmatopodes , la partie de la région circiimbuccale
qui porte les tentacules, et qui a été désignée sous le nom de
lophophore (i), est indivise, et tous ces appendices en naissent
au même niveau, de façon à former une couronne ou cloche
régulière. Chez les Bryozoaires d'eau douce, ou Lophopodiens^
elle est au contraire presque toujours divisée en deux lobes, sur
les bords desquels les tentacules s'insèrent de manière à repré-
senter par leur assemblage un double panache (2).
(1) M. Allraan, à qui on doit une
très bonne monographie des Bryo-
zoaires d'eau douce, a désigné de la
sorte le support tentacnlaire (o), et ce
nom serait très bien choisi, s'il n'ap-
partenait déjà à un genre d'Oiseaux
de la famille des Gallinacés.
(2) C'est en raison de cette disposi-
tion que Tremblay et les autres natu-
ralistes du siècle dernier appelaient
ces animaux des Polypes à pana-
ches (6). En général, le lophophore
des Bryozoaires d'eau douce est très
développé et s'avance en forme de fer
à cheval au devant de la bouche [c].
Les Animaux polypiformes qui of-
frent ce caractère composent la divi-
sion des Polypiaires douteux de Blain-
\"ille(fZ;, les Hypocrépieus de M. Ger-
vais (e) , et des Lophopodiens de
M. Van der IJœven (/"). Le lophophore
n'est jamais bilofaé chez les Bryozoaires
marins, et ce caractère manque aussi
dans le genre Paludicella, parmi les
espèces d'eau douce (g); il est aussi
à peine marqué dans le genre Fre-
dericella, de sorte que les tentacules
forment une couronne circulaire assez
régulière {h). Chez les Pédicellines, il
en est de même ; mais le lophophore,
sans être bilobé, offre d'un côté une
écliancrurc étroite et profonde au fond
de laquelle se trouve l'anus (^). Chez
tous les autres Bryozoaires , le lopho-
phore est régulièrement annulaire, et
tous les tentacules se terminent à la
même distance de la bouche, de façon
à circonscrire un cercle. Cette disposi-
tion caractérise l'ordre des Infundi-
bulés de >L Gervais ou des Stelmato-
podes de M. Van der Hœven ( j .
Il est aussi à noter qu'en général le
bord externe du lophophore se pro-
longe plus ou moins en forme de gaîne
autour de la base de l'appareil tenta-
culaire.
(a) AUman, A Monograph of the Freshwater Poly%oa, p. 8.
(6) Tremblay, Mémoires pour servir à l'histoire d'un genre de Polypes d'eau douce, t. II, p. 126
et suiv.
(c) Voyez l'Atlas du, Règne animal de Cuvier, Zoophytes, pi. 04, fig-. 3, ou toute autre figure
de Cristatelle, d'Alcyonelle, etc.
{d) Blainville, Manuel d'actinologie, -1834, p. 489.
(e) Gervais, Recherches sur les Polypes d'eau douce {Ann. des sciences nat,, 2° série, 1837,
t. VII, p. 77).
if) Van der Hœven, Handboek der Dierkunde, 1849, t. I, p. H 5.
{g) Voyez Allman, Op. cit., pi. 10, fig. 4 et 5.
(h) Idem, ibid., pi. 9, fig. 2 et 7.
(i) Idem, ibid., p. 20. fig. 3 et 4.
(j) Van der Hœven, Handboek der Dierkunde, t. I, p. 115.
?<hfX AfPAUElL DIGESTIF
La bouche, toujours inerme, et située au fond de l'espèce
d'entonnoir tentaculaire (1), est tantôt nue, tantôt précédée d'un
prolongement labial très mobile, en forme de corne, que l'on a
appelé Vépistome ("2). Ces caractères ont été employés par les
zoologistes pour diviser la classe des Bryozoaires en deux
ordres naturels, les Phylactolsemates et les Gymnotemates (3).
Mais on ignore les usages de cet organe.
La cavité digestive des Bryozoaires a toujours la forme d'un
canal ouvert aux deux bouts, plus ou moins élargi dans sa
partie moyenne et recourbé en manière d'anse, de façon que
l'anus se trouve fort rapproché de la bouche. La première por-
tion constitue le pharynx ou œsophage, la deuxième l'estomac,
et la troisième se rétrécit de nouveau pour donner naissance
à un tube évacuateur, ou intestin (/i).
Chez les Bryozoaires marins du genre Pédicellaire, qui vivent
(1) La boiiclio est généralement cir-
culaire, mais quelquefois un peu cour-
bée en forme de croissant, comme
cela se voit chez la plupart des es-
pèces de Lophopodiens,
(2) Cet organe ressemble un peu à
l'épiglotle par la manière dont il est
placé obliquement au-devant de l'ori-
fice buccal. Il est creux, et sa cavité
communique avec l'exlérieur par un
orifice pratiqué dans le lophopliore.
A l'extérieur il est garni de cils vibra-
tiles, et il exécute sans cesse des mou-
vements d'élévation et d'abaissement
dus à l'aclioii de faisceaux musculaires
qui sont visibles dans ses parois {a).
(3) Cette classification est due à
M. Allman. Dans l'ordre des Phylacto-
lœmata (de cp'jXâaaw, garder, et Xalaa,
gosier), il y a un épislome et le lopho-
phore est bilatéral. On y range la
plupart des Bryozoaires d'eau douce
ou Lophopodiens, ainsi que le genre
Pédicelline.
Dans Tordre des Gymnolœmata (de
-j'uy.vc);, nu, et Xalu,a, gosier) , il n'y a
pas d'épistome , et le lopliopbore est
orbiculaire. Celte division comprend
la presque totalité des Bryozoaires
marins ou Stelmatopodes de M. Van
der Hœven, et les Paludicelles (6).
(Zi) La disposition générale de l'ap-
pareil digestif des Lophopodiens a été
reconnue en grande partie par Trem-
blay (cj , et l'expulsion des matières
fécales par un orifice anal distinct fut
(a) Allman, ,1 Monograph of Ihe Fveshivaler Polyzoa, p. 10, \A. 2, fig. 2i.
(b) I.luni. ibid., p. 10.
(c) Ti'cuiblay, iVémoires pour servir ù Vhislo'tvc d'nn genre de Polypes d'eau douce, I. II, pi. 4 0,
H. 8.
DES M0LLUSC01DE3 BP.VoZOAlRES.
m
fixés à l'aide d'un pédoncule, comme les Vorticelles, et qui, par
leur forme générale, ressemblent beaucoup à ces ïnfusoires, la
disposition des cavités alimentaires ne paraît différer aussi que
très peu de ce que nous avons rencontré chez ceux-ci. Seule-
ment un espace libre qui se trouve entre les parois de l'estomac
observée aussi vers le milieu du
siècle dernier, par Baker, par Rœsel
et par O.-F. Millier (a) ; mais jus-
qu'en 1828 les zoologistes n'avaient
pas découvert la parenté qui existe
entre ces Animaux et les Escliares,
les Fluslres et beaucoup d'autres Po-
lypes marins. Spallanzani, il est vrai,
avait aperçu le tube alinienlaire des
Escharres recourbé en forme d'anse,
mais il l'avait pris pour le corps tout
entier de l'Animalcule (6). En 1827,
M. Grant a mieux observé la dispo-
sition de cet appareil chez les Ehis-
tres; cependant il ne leur découvrit
aucun orifice anal (c) , et l'on en
était resté à de simples conjectures, au
sujet de Texistence de cet -émonc-
toire {d); mais, en 1828, de nouvelles
recherches faites sur ces Animaux,
aux îles Chausey, par Audouin et par
moi, avancèrent davantage nos con-
naissances relatives au mode d'orga-
nisation de ces prétendus l^olypes, et
firent voir qu'ils ont un anus parfai-
tement distinct de la bouche et un
tube digestif disposé à peu près comme
celui des Ascidies (e). Plus récem-
ment de nouvelles observations ont été
faites sur l'anatomie de ces Bryo-
zoaires par M. Lister (/"), par moi-
même (t/),par M. Farre [h], M. Nord-
mann («'), M. Van Beneden (j), et plu-
sieurs autres naturalistes.
L'appareil digestif des Lophopo-
diens a été étudié aussi avec plus de
(a) Balier, Employment for ihe Microscope, 1753, p. 310.
— Rœsel, Insecten-Itelustigungeti, t. III, pi. 75, fig. 23.
— 0. F. Mùller, Anim. infus., pi. 24.
(6) Spallanzani, Viaggi aile due Sicilie, t. IV, p. 260.
(c) Grant, Observ. on Vie Nature and, Structure of Flustra {Edinb. neiv Philos. Journ., 1827,
t. III. p. 107).
{d) Blainvillc, art. Flustrk {Dictionnaire des sciences naturelles, 1820, t. XVII, p. 173).
(e) Audouin et Milne Edwards, Résumé des recherches faites aux îles Chausey {Ann. des sciences
nat., 1828, t. XV, p. 12).
(/■) Lister, Observ. on the Structure and Functions of Tubular and Cellular Pohjpi, etc. {Philos.
Trans., 1834, p. 384, pi. 12, fig. 2, 3).
((/) Milne Edwards. Recherches anatnmiques, physiologiques et zoologiqites sur les Eschares
{Ann. des sciences nat., 2" série, t. VI, pi. 1, fig-. lo). — Méni. sur les Polypes du genre des
Tubuliijores {Ann. des sciences nat., 2" série, 1837, t. VIII, p. 321, pi. 12, fig. Iti). — Mém.
sur les Crisies, les Hornères, etc. {.\nn. des sciences nat., 2' série, 1838, I. IX, p. 193, pi. C,
fig. le).
{h) Farre, Observations on the Minute Structure of some of the higher Forms of Polypi {Philos.
Trans., 1837, p. 387, pi. 20, fig. 3, etc.).
(i) Nordmanii, Recherches .>■•!()• le Tendra zoslericola. — Cellularia ovicularia. — Recherches sur
le Pluniatella {Voyage dans la Russie méridionale etla Crimée, par DemidolT, t. III, p. G51 et suiv.,
Polypes, pi. 1-3).
( j) Van Beneden, Recherches sur l'organisation des Laguncnla {Mém. de l'Acad. de Bruxelles,
1845, t. XVIII'. — Reclierches sur l'anatomie, la physiologie et le d'veloppement des Bryozoaires
qui habitent la cale d'Ostende {toc. cil.).
346 APPAREIL DIGESTIF
et l'enveloppe générale du corps, c'est-à-dire une chambre viscé-
rale, se développe beaucoup et devient facile à distinguer. Un
œsophage fort simple, mais très dilatable et cilié à l'intérieur,
descend obliquement de la bouche vers l'estomac, qui est 1res
grand et occupe presque tout le corps. Des cils vibratiles dispo-
sés dans l'intérieur de cette cavité y font tournoyer les matières
alimentaires, et les poussent de l'œsophage vers l'orifice opposé,
ou pylore, qui est garni d'un sphincter, et se dilate de temps en
temps pour laisser passer ces substances rassemblées en sphérules
ou bols, dont l'aspect rappelle ce que nous avons vu chez les Infu-
soires; ces petites masses pilulaires pénètrent ensuite dans l'in-
testin et y séjournent quelque temps, puis sont brusquement
rejetées au dehors par l'anus. La portion du conduit digestif
située entre l'estomac et cet orifice, et faisant ainsi fonction de
réservoir fécal, est très courte et couchée obliquement sur l'es-
tomac. Enfin l'anus est placé tout à côté de la bouche, et semble
au premier abord être logé avec celle-ci dans la fossette vesti-
bulaire qui est circonscrite par les tentacules, et occuper par
conséquent l'intérieur du lophophore; mais il est en réalité
logé dans une échancrure étroite pratiquée dans celle-ci, et
par conséquent ne se trouve pas complètement entouré par le
cercle tentaculaire (1).
soin par MM. Raspail (a), Dumor- eu l'occasion de constater ce mode
tier (6) , Van Beneden (c) , Han- d'organisation cliez une Pédicelline
cock (d) et Allraan (/j). des îles Cliausey qui me paraît dis-
(1) En 1828, Audouin et moi avons lincte de celles décrites par les autres
(a) Raspail, Histoire naturelle de l'Alcyonelle fluviatile (Mémoire de la Société d'histoire natu-
relle de Paris, 1828, t. IV, p. 75).
(6) Dumortier, Mém. sur l'anatomie et la physiologie des Polypes d'eau douce {Bulletin de
l'Acad. de Bruxelles, 1885).
— Dumortier et Van Beneden, Histoire naturelle des Polypes composés d'eau douce {Mém. de
l'Acad. de Bruxelles, t. XV).
— Van Beneden, Recherches sîcr les Bryozoaires fluviatiles de la Belgique {Mém. de l'Acad.
de Bruxelles, 1848, t. XXV).
(c) Hancock, On the Anatomy of Freshwater Byyo%oa {Ann. of Nat. Hist., i' série, 1850, t. V,
p. 175, pi. 2-5).
{d} Allman, A Monograph oft.he Freshwater Polyaoa {Roy. Society, 185G).
DES MOLLUSCOÏDES BRYOZOAIRES. S/l?
Chez les autres Bryozoaires, l'anus s'éloigne davantage de la
bouche, et se trouve sur le côté, à quelque distance au-dessous
de la base de la couronne tenfaculaire.
Le pharynx ou œsophage acquiert des parois plus épaisses, et
s'entoure de muscles rétracteurs très puissants ; il se trouve
plus nettement séparé de l'estomac par un sphincter, et chez
quelques-uns de ces Animaux il présente à sa partie inférieure
un renflement charnu qui constitue une sorte de gésier ou
organe de trituration (j).
r^'estomac est très grand et se prolonge inférieurement en
naturalistes, mais qui ne fut désignée
par nous que sous le nom vague de
Vorticelle (a). J'ai proposé plus tard
d'en former un genre particulier ap-
pelé Lusia (b] ; mais, h mon insu,
M. Sars,de Bergen, m'avait devancé et
avait donné à un groupe semblable le
nom de PedicelUna (c). J\1. Lister et
M. Van Reneden en ont fait connaître
la structure avec plus de détails, et les
observations de ces auteurs s'accor-
dent très bien avec les miennes (d). J'ai
souvent vu les boulettes de matières
excrémentitielles sortir par l'anus ,
et j'ai pu m'assurer ainsi de la position
de cet orifice que le savant observa-
teur de Louvain n'est point parvenu
à apercevoir. Jusqu'en ces derniers
temps, tous les observateurs s'accor-
dent à considérer la couronne tenta-
culaire comme entourant complète-
ment l'anus aussi bien que la bouche
de ces Bryozoaires; mais les recher-
ches récentes de M. Allman nous
apprennent que le premier de ces
orifices est en réalité situé au fond
d'une échancnire très profonde du
lophophore , ou membrane circum-
iabiale qui porte les tentacules (e).
(l) On doit la découverte de ce
mode d'organisation à M. Farre. Le
gésier, que ce naturaliste a trouvé chez
les Vésiculariens du genre Boiverban-
kia. est un organe globuleux, garni
intérieurement de deux tampons ova-
laires qui sont opposés l'un à l'autre
et d'une structure radiaire. Dans l'es-
pace intermédiaire on aperçoit une
multitude de pointes squamiformes
arrangées avec beaucoup de régula-
rité, et paraissant remplir les fonctions
d'un appareil dentaire, ou plutôt d'une
(a) Audouin et Milne E.iwards, Op. cit. (Ann. des sciences nat., i" série, 1828, t. XV, p. 44).
(b) Voyez Lamarck, Histoire des Animaux sans vertèbres, 2" édit., t. II, p. 72, note.
(c) Sars, Beskrivelser og Jagttagelser, p. i, pi. 1, fitr. 4.
{i) Lister, Observ. on the Structure and Functions of Tubular and Cellular Polypi, etc. {Philos.
Traiis., 4834, p. 385, pi. 12, flg. 6).
— Van Beneden, Recherches sur l'anatomie. la physiologie et le développement des Bryozoaires
(Hist. nat. du genre Pedicellina, p. 73, pi. 9, fig-. 1-4, extr. des Mém. de l'Acad. de Bruxelles
4845, t. XIX). '
(e) Allman, A Monngraph of Freshivater Polyx-oa, p. 20, fig. 4,
348 appaueil digestif
un vaste cul-de-sac ; enfin ses parois, généralement teintes en
jaune, renferment une multitude de petites cellules qui parais-
sent être des organes sécréteurs, et qui sont probablement les
représentants d'un appareil hépatique. Parfois on aperçoit aussi
des points glanduliformes dans les parois de l'œsophage (1),
sorte de râpe (a). On trouve le même
mode d'organisation cliez le Vesicu-
laria spinosa [b).
M. deSieboid avait crudislinguer un
gésiei" chez les Alcyonelles (c) ; mais
M. Allman s'est assuré de la non-exis-
tence de cet organe chez ces Mollus-
coïdes, ainsi que chez tous les autres
Lophopodiens {d}.
Le gésier manque aussi complète-
ment dans les genres Valkeria et
Lagenella, ou Laguncula, parmi les
Vésiculariens (e), et chez tous les Es-
chariens ou Bryozoaires operculés,
excepté chez VHistopia lacustris, qui
du reste ressemble beaucoup aux
Flustres (f). Jusqu'ici on n'a trouvé
aucun exemple de ce mode d'orga-
nisation chez les Tubuliporiens ((/).
(1) La première portion de l'esto-
mac est en général allongée, et suit les
mouvements de l'œsophage, de façon
à se porter en avant quand l'animal
déploie ses tentacules, et à se renver-
ser en arrière lors de la rétraction de
ces appendices. C'est cette portion de
l'estomac que MM. Dumortier et Van
Beneden ont décrite sous le nomd'œ-
sophage chez les Alcyonelles, etc., et
la valvule dont ces auteurs parlent
comme existant entre le pharynx et
l'œsophage est ce qu'on regarde gé-
néralement comme le cardia {h). La
seconde portion de l'estomac descend
en forme de cul-de-sac plus ou moins
étroit, vers le fond de la cavité géné-
rale; et la troisième, qui remonte pa-
rallèlement à la première dans l'état
d'extension, se termine au pylore. Les
parois de celte giande poche sont
épaisses et contractiles. En général,
elles sont teintes en jaune , et
M. Allman y a reconnu trois couches,
dont la plus interne se compose de
cellules sécrétoires. La coloration des
matières alimentaires qui se remarque
dans l'estomac paraît être due à leur
mélange avec le liquide versé par ces
organiles («j.
(o) Fai-re, Op. cit. {Philos. Trans., 1838, p. 392, p!. 20, (î-. 3, 4, 5 et G).
(()) Idem, ibid., p. 401, pi. 22, ûg. 3.
— Van Beneden, Op. cit. {Mém. del'Acad. de Bruxelles, t. XVIII, pi. 4, fig-. 6).
(c) Siebold et Stannius, Nouveau Manuel d'anatomie comparée, t. I, p. 40.
\d) AUmaii, A Monograph. of Freshwater Polyzoa, p. 4 6.
(e) Fnrre, loc. cit., p. 402 et 403, pi. 23, fig-. 5, et pi. 24, fig. 8.
— Van Ueneden, Op. cit., pi. 1, fig. I.
(/■) Carter, Description of a Lacustrine Bryozoon allied to Fiustra (Ann. of Nat. Hist., 3' série,
1858, t. I, p. 170, pi. 7, fin-. 2).
(g) Miliio Edwards, Op. cit. (Ann. des sciences nat., 2' série, t. Vlll, pi. ■12, i\g. id; et I. IX,
pi. G, ils;. le, elc).
(h) Van Beneden et Duniorlier, Histoire naturelle des Polypes composés d'eau douce, p. 74
(exlr. des Mém. de l' Acad. de Bruxelles, t. XVI).
[i] Allman, Op. cit., p. 47, pi. 2, fig'. G et 7.
DES MOLLUSCOÏDES TUNICIERS. 349
Mais jusqu'ici on n'a trouvé aucune glande annexée à l'appa-
reil digestif de ces Molluscoïdes. L'intestin remonte parallèle-
ment à l'œsophage, et ne présenle rien d'important à noter.
§ II. — La CLASSE DES TuNiciERs uous oftYc chcz les Ascidiens
un appareil digestif peu différent de celui que nous venons
d'étudier chez les Bryozoaires , et les particularités qui s'y
remarquent dépendent pour la plupart de la rentrée de l'appa-
reil ciliaire dans l'intérieur du corps. En faisant l'histoire des
organes de la respiration, j'ai déjà eu l'occasion de dire que
chez ces Molluscoïdes toute la partie antérieure du corps est
occupée par une grande cavité dont les parois sont garnies
de franges vibraliles et de fentes pour le passage de l'eau, et
que ces parties correspondent au système tentaculaire des
Bryozoaires, qui, au lieu de se déployer au dehors, resterait
renfermé dans une gaine cutanée (1). Cette chambre bran-
chiale constitue par conséquent le vestibule de l'appareil
digestif, et l'orifice par lequel les aliments, aussi bien que le
fluide respirable, y pénètrent, devient la bouche (2).
L'entrée de l'œsophage fait face à cet orifice, et se trouve par
conséquent au fond de la cavité respiratoire, dans le point où
Appareil
digestif
des
Tuniciers,
Ascidies.
(1) Voyez tome IF, page 17.
(2) Il en résulte que la bouche de
TAscidie n'est pas l'analogue de la
bouche du Bryozoaire, mais corres-
pond au bord péristomien ou entrée
de la cellule polypiéroïde de celui-ci.
Cet orifice est circulaire, et la partie
cu'con voisine du système tégumentaire
y constitue un cercle de lobules qui
sont presque toujours au nombre de
quatre ou de six (a).
A l'intérieur, on y remarque des
ciires ^ui s'avancent vers l'axe de
cet anneau (6) et qui semblent corres-
pondre aux soies que nous avons vues
garnir le péristome de quelques Bryo-
zoiiies (c). Généralement ces appen-
dices sont filiformes, mais quelquefois
ils sont rameux, ainsi que cela se voit
chez les Ascidies simples du genre
fioltenia et chez quelques espèces du
genre Cynthia [d).
(a) Savigny, Mémoires sur les Animaux sans vertèbres, 2= partie, pi. 1 , fig. 1 , etc., etc.
(6) Idem, ibid., pi. 8, fig. 1*, 2i ; pi. 9, fig. 2, etc.
— Milne F.Jwards, Recherches sur les Ascidies composées, pi. 2, fig. ■16; pi. 8, fig-. ia, etc.
(c) Voyez ci-dessus, page 342, note.
(d) Savigny, Op. cil., pi. 5, fig. 1 ^ ; pi. 0, fig. 1-, clc.
350 APPAREIL DIGESTIF
viennent aboutir les sillons longitudinaux compris entre les
replis de la membrane branchiale. A peu de distance de ce
point, le canal digestif s'élargit pour cotistituer l'estomac ;
puis, sous la forme d'un intestin dont la longueur est assez
considérable, il se recourbe sur lui-même, et va se terminer
au-dessus de la face dorsale de la chambre branchiale, dans une
cavité qui est traversée par les produits de la génération aussi
bien que par le courant expiraioire, et qui conslitue de la sorte
un cloaque (i). Ce mode d'organisation se retrouve chez toutes
les Ascidies, mais les dispositions accessoires varient.
Ainsi, chez les Clavelines, ou Ascidies sociales, et les Asci-
dies composées de la division des Polycliniens, le tube digestif
et ses annexes se trouvent suspendus au-dessous de la cavité
respiratoire et au-dessus des organes reproducteurs ; tandis que
chez les Ascidies simples, ils sont refoulés sur le côté de cette
poche branchiale (2) .
(1) Il est aussi à noter que chez (*2) Savigny a fait connaître d'une
tous ces Molluscoïdes la masse viscé- manière remarquablement exacte la
raie est logée dans une poche meni- disposition de l'appareil digestif des
braneuse, ou sac péritonéal , qui fait Ascidies composées (b), qui avait été
aussi fonction de réservoir sanguin, et précédemment indiquée, seulement
qui communique avec les vaisseaux d'une manière sommaire, par Phipps
de l'appareil respiratoire (a). Chez les chez les Synoïques, et par Demarest
Ascidies sociales et composées, ce sac et Lesueur chez les Botrylles (c).
donne naissance à des prolongements Chez les espèces que j'ai réunies
tubuleux à l'extrémité desquels nais- dans le groupe des Polycliniens, de
sent parbourgeonnement les nouveaux même que chez les Clavelines, cet
individus, de sorte que la tunique appareil est logé dans la région
péritonéale est commune à toute la moyenne du corps {d) ; chez les
colonie produite de la sorte. Didémiens, il est réuni aux organes
(a) Voyez tome III, pag'e 87 et suiv.
(6) Savigny, Observ. sur les Alcyons gélatineux à six tentacules simples [Mêm. sur les Animaux
sans vertèbres, 2= partie, 4 816, avec 24 planches).
(c) Phipps, Voyage au pôle boréal, fait eu 1773, p. 203, pi. 12, fig. C.
— A. Dosmaresl el Lesueur, Mém. sur le Dotrylle étoile, p. 6 (cxlr. du Bulletin de la Société
philomalique, ISIS).
(d) Milne Edwards, Observ. sur les Ascidies composées des côtes de la Manche, p. 65, pi. 3,
fig. 1, etc. (exlr. des Mém. de l'.icad. des sciences, t. XVIII).
DES MOLLUSCOÏDES TUNICIERS. 351
Une autre différence plus iaiportante à noter dépend de
la conforuiation des organes sécréteurs dont l'estomac est
entouré. Chez les Ascidies composées, les parois de ce viscère
reproducteurs, dans un abdomen très
court (c) ; enfin, chez les Botrylliens,
tous ces viscères sonl accolés à la
poche branchiale et logés avec elle
dans la région thoracique {b). L'es-
tomac est généralement de forme
ovoïde, et ses parois, assez épaisses,
sont tantôt légèrement plissées à l'ex-
térieur (c), d'autres fois comme fram-
boisées [d], d'autres fois encore assez
profondément costulées (e). En géné-
ral, elles sont colorées d'une manière
assez intense, soit en jaune, soit en
rouge.
L'inleslin qui fait suite à l'estomac
est en général divisé en trois portions
par une large bande d'aspect glandu-
laire qui en occupe la partie moyenne,
et qui est souvent colorée comme
l'estomac. Les matières fécales s'accu-
mulent dans la portion ascendante de
l'intestin sous la forme de boulettes
dont la couleur est généralement bru-
nâtre.
Chez les Ascidies simples, la dispo-
sition générale de l'appareil digestif
a été très bien indiquée par Cuvier '/")
et par Savigny. Ce dernier a remar-
qué que c'est toujours du côté droit
que le paquet viscéral se trouve placé
normalement, mais qu'il existe par-
fois des transpositions. L'œsophage
est toujours très court, et souvent
Tesloiiiac est à peine dilaté , par
exemple chez le Cynthia Momus [g)
et l'Ascidie ampulloïde [h) ; mais en
général ce viscère est très élargi [i), et
quelquefois il acquiert des dimensions
fort considérables, ainsique cela se voit
dans le genre Cijstingia (j) ; souvent
il est plus ou moins costulé extérieu-
rement, par exemple chez le Cynthia
campus {k) et le rhallusia lur-
cica (l). L'intestin forme une anse plus
ou moins allongée, el ressemble en gé-
néral à ce que nous avons vu chez les
Ascidies composées. M. Van Beneden
a trouvé dans l'intérieur de ce tube.
(a) Voyez Savigny, Op. cit. {Mém. sur les Animaux sans vertèbres, 'i' pai-lie, pi. 20, fig. d .
— Milne Edwards, Op. cit., p. "9, pi. 7, fig. 5.
(6) Voyez Savigny, Op. cit., pi. 20, fig. 5.
— Miine Edwards, Op. cit., p. 84, pi. 7, fig. t.
(c) Exemple ; Arnaroucium proliferum (Milne Edwards, Op. cit., pi. 3, fîg. 2).
{d) Exemple : Amarouciura Argus (Milne Edwards, Op. cit., pi. 3, flg. 1, ia).
(e) Exemples : SigilUna aiistralis (Savigny, Op. cit., pi. ti, fig. t^i. — Aplidium lobatum
(Savigny, Op. cit., pi. 16, fig. 1^). — Botrylliis pobjcycleus tSavigny, Op. cit., pi. -21 , Rg. i^}.
Botrylloides rotifera (Milne Edwards, Op. cit., pi. 7, fig. 1).
if) Cuvier, Mém. sur les .Ascidies et leur anatomie {Mém. du Muséum, 1804, t. Il, pi. 1,2^ 5
et 8; pi. -2, fig. 3).
(g) Savigny, Op. cit., pi. 6, fig. 1=.
[h) Van Beneden, Recherches sur l'embryologie, l'anatomie et la physiologie des Ascidies simples,
pi. ■! , fîg. 2 {Mém. de l'Acad. de Bruxelles, t. XX).
(i) Exemples : Cynthia papillosa (Savigny, Op. cit., pi. 6, fig. 4). — Phallusia intestinalis
(Délie Chiaje, Descriz. e notom. degli Animali invertebr., pi. 82, fig. 12).
{jj Mac Leav, Anat. Observ. on the Natural Group of Tunicata [Trans. ofthe Linn Soc 18^3
t. XIV, pi. 19, fîg. 3). . ., - ,
(k) Savigny, Op. cit., pi. 8, fig. 1-.
(l) Idem, ibid.., pi. 10, fîg. 1'.
352 APPAREIL DIGESTIF
sont épaisses, et logent dans leur intérieur des follicules hépa-
tiques, mais il n'y a pas de foie proprement dit; tandis que
chez beaucoup d'Ascidies simples, l'estomac et le commence-
ment de l'intestin se trouvent comme enfouis au milieu d'une
masse de substance molle et jaunâtre qui constitue une glande
hépatique indépendante et versant les produits de sa sécrétion
dans la cavité stomacale par plusieurs orifices parhculiers (1).
On rencontre aussi des modifications remarquables dans la
disposition du cloaque qui est situé entre la terminaison de
l'intestin et l'orifice excréteur commun. Ce réceptacle est formé
par la portion dorsale de la grande cavité péripharyngienne,
dans laquelle le sac branchial se trouve suspendu, et dans
laquelle l'eau introduite pour le service de la respiration passe
en traversant les fentes en boutonnière dont cet appareil est
che^ TAscidie ampulloïde, une sorte ces ovganiles sécréteurs qui paraissent
de gouttière longitudinale à bords très verser dans ce viscère le liquide amer
saillants, qui en occupe presque toute et jaune brunâtre que l'on y rencontre
la longueur, et qui paraissait servir à en abondance [d). Cuvier a trouvé un
mouler les matières excrémentitielles foie de structure granuleuse et d'un
en forme de cordons [a]. Chez le Cyn- volume assez considérable chez l'As-
thia microcosmus cette disposition cidie microcosme (e). Cet organe est
n'existe pas (6). de couleur verdâtre et adhère intime-
Ci) Sa vigny a signalé l'absence du mentà l'estomac, dans la cavité duquel
foie chez les Cynthies (c). Chez l'As- il débouche par plusieurs orifices (/").
cidie ampulloïde, décrite par M. Van Dans le genre Chelyosoma, le foie
Beneden, cette glande manque égale- est formé par un gros paquet de cae-
ment, et paraît être remplacée, comme cums lubulaires qui entoure l'esto-
chez les Ascidies composées, par des mac {g)., et chez les Boltcnies , où
follicules hépatiques logés dans l'épais- il est lobule, ces appendices sécréteurs
seur des parois de l'estomac. Ce sont sont rauieux {h).
(a) Van Beneden, Op. cit., p. 18, pi. i , flg. 7.
(6) Milne Edwards, Atlas du Règne a7iimal de Cuvier, Mollusques, pi. 126, llg. ia.
(c) Savigny, Op. cit., p. 95 et 99.
(d) Van Beneden, Recherches sur les Ascidies simples, p. 1 9, pi. 1 , fig;. 2 et 8 (Mém. de l'Acad.
de Bruxelles, t. XX).
(e) Cuvier, Op. cit., 'p. 13, pi. 1, fig'. 5.
(f) Savigny, Op. cit., p. 91.
{g) Escliriclit, Analomisk Beskrlvelse af Che\yosomn Macleayanuni, p. 12, pi. 1, fig. i (exlr. des
Mém. de l'Acad. de Ccpenhague, 4° série, t, IX).
(h) Mac Lcay, On the Nat. Group of Tunicata {Trans. of Ihe Linn. Soc , 1825, t. XIV).
DES MOLLISCOÏUKS TU.NICIKHS. 353
criblé (1). Chez les Ascidies simples et sociales, ainsi que
chez plusieurs Ascidies composées ("2), il débouche au dehors
par un orifice isolé qui se trouve plus ou moins près de la
bouche; mais chez un grand nombre d'Ascidies composées,
il se réunit à la portion terminale de la cavité cloacale des
individus adjacents, et donne ainsi naissance à un cloaque com-
mun à tout un système d'Animaux. Tantôt, comme chez les
Botrylles, ce cloaque commun est une fossette simple autour
de laquelle tous les membres de cette singulière association
sont rangés en cercle, de façon à représenter les rayons d'une
étoile (3); mais d'autres fois, par exemple dans le genre Ama-
rouque, où les associés sont plus nombreux, il se complique
davantage, et forme un grand nombre de canaux ramifiés qui
se réunissent comme autant d'égouts autour d'un émonctoire
central {(i).
(1) Pourpliisdedélniisà ce sujet, je
renverrai à la dcsciiplion analomique
de la Claveline Icpadiforme que j'ai
donnée dans mon travail sur les Asci-
dies composées des côtes de la Man-
che (a),, et à mes dessins relatifs à l'a-
natomie de^V Ascidia microcosnnis [b].
Dans le genre CJwndrostachys, le
rectum remonte parallèlement au sac
respiratoire, jusque dans le voisinage
de Torifice du cloaque [c).
(2) Comme exemple d'Ascidies
composées à cloaques individuels ,
je citerai les Diazones {d} et les Sigel-
lines (e).
(ù) Le cloaque commun situé au
centre de chacun de ces systèmes
étoiles est très profond chez les Bo-
trylles, et ses bords se relèvent en
forme de cône tronqué (/"). Diins le
genre Sijnoicum, les anus des divers
individus d'un même groupe sont
réunis autour d'une fossette centrale ;
mais celle-ci ne constitue pas un
cloaque commun (g).
(/i) Dans une des planches de l'atlas
■ (a) Miine Edwards, Recherches sur les Ascidies composées, p. 54 cl siiiv., pi. 2, (Ig-. t.
(6) Atlas du Règne animal de Cuvier, Mollusques, pi. 126, fig. i, la, ib.
(c) J. Macdonald, Anatomical Observ. o.i a new form ofCompound Ascidia {Aiui. of Nat. Hisl.
3' série, 1858, t. I. pi. 11, fig. 2).
(d) Savigny, Op. cit., pi. 2, fig. 3, et pi. 12, fig. 1.
(«) Idem, ibid., pi. 3, fig. 2, et pi. 14, fig. 1.
(/■) Idem, ibid., pi. 2l,Vig. 1.
— Milne Edwards, Op. cit., pi. (î, fig. 4 a, 5fl, 6 a.
[g) Savigny, Op. cit., pi. 15, fig. 1. ' -i
V.
Ti
35/i. APPAREIL DIGESTIF
§ 5. — L'appareil digestif des Pyrosoiiies ne diffère que peu
de celui des Ascidies composées (1).
§ 6 — Enfin, dans l'ordre des Biphores ou Salpiens, l'ap-
pareil digestif est conformé aussi sur le même plan général, et
se trouve logé dans une petite cavité abdominale qui se fait
remarquer par sa coloration intense, et qui est désignée d'or>
dinaire par les zoologisies sous les noms assez mal choisis
de tubercule ou de nucléus. L'entrée de l'œsophage est située
au fond de la grande chambre branchiale, et l'anus s'ouvre à
la base du cloaque formé par la portion dorsale et efférente de
cette cavité (2).
du Règne animal de Cnvier, j'ai repré-
senté ce système d'égoiits rameux in-
jectés en noir (a). On trouve aussi
un cloaque commun ramifié dans les
genres Leptocline et Botrylloïde (6).
(1) L'organe costulé que Savigny a
considéré comme étant le foie de ces
Animaux (c) paraît être une glande sper-
matogène (du La disposition générale
du canal alimentaire a été indiquée
par Lesueur (p), et mieux étudiée par
Savigny. L'œsophage est parsemé de
cellules pigmenlaircs, et l'estomac est
subquadrilatère. Un système de tubes
rameux se trouve appendu à l'intestin
et constitue probablement un appareil
sécréteur; l'intestin se termine sur le
côté de l'estomac {f).
(2) La bouche des Biphores est une
grande ouverture bilabiéequi se trouve
à l'extrémité antérieure de leur corps,
et qui donne dans la cavité respira-
toire où se trouve suspendue oblique-
ment la branchie. L'entrée de l'œso-
phage est située au-dessous de l'extré-
mité postérieure de cet organe, et par
conséquent au fond de la cavité bran-
chiale ou pharyngienne. Une gouttière
longitudinale formée par deux replis
de la tunique interne de cette grande
cavité, et faisant face à la branchie,
conduit vers cet orifice. L'œsophage
est très court, et l'estomac a la forme
d'un sac ovalaire qui semble en naître
latéralement plutôt qu'en être la
continuation. L'intestin commence
dans le voisinage immédiat de la ter-
minaison de l'œsophage, et après avoir
décrit une anse, remonte brusquement
pour aller s'ouvrir dans le cloaque,
au-dessus de la base de la branchie, et
par conséquent à peu de distance de
(a) Op. cit., MoLLUSQURS, pi. 130, fig. ia.
(b) Milne Edwards, Recherches sur les Ascidies composées, pi. 6, fig. la ; pi. S, fig. 5 a.
(c) Savigny, Op. cit., p. 56, pi. 22, fig. 1», i*, etc. " P'.
(d) Huxley, Observ.upon the Anaiomy and Physiology of Salpa and Pyrosoma, p. 583 {Philos.
Trans., 1851).
(e) Lesueur, Mémoire sur l'organisation des Pijrosomes, p. ltj(extr. du Bulletin de la Société
philomatique, 1815).
(f) Huxley, Op. cit., pi. 17, fig. 1.
DES MOLLUSQUES ACÉPHALES. 355
§ 7. — Dans ]a grande division des Mollusques proprement
dits, l'appareil digestif est constitué d'après le même plan
général que chez les Molluscoïdes dont je viens de parier,
mais il se perfectionne davantage ; le tube aliaientaire affecte
d'ordinaire la forme d'une anse, et presque toujours l'anus est
encore plus ou moins rapproché de la bouche ; mais les organes
sécréteurs dont ce canal s'enloure acquièrent im très grand
développement : le foie surtout devient fort volumineux, et des
glandes salivaires très remarquables ne tardent pas à se mon-
trer dans le voisinage du pharynx ; souvent la bouche est armée
d'un appareil sécateur puissant; enfin les instruments de pré-
hension dont cet orifice s'entoure arrivent parfois à un haut
degré de complication. Mais ces divers perfectionnements ne
sont introduits que successivement, et un grand nombre de
ces Animaux , de même que les Molluscoïdes, ne peuvent se
nourrir que des Animalcules ou des petits fragments de matières
ahmentaires tenues en suspension dans les courants que l'ap-
pareil respiratoire dirige vers la bouche.
§ S. — Tel est en effet le régime de l'Huître et de tous les
autres Mollusques dont se compose la classe des Acéphales, et
chez tous ces Animaux l'orifice buccal se trouve logé plus ou
moins profondément dans l'espèce de chambre branchiale for-
Appareil
digestif
lies
Mollusques
proprement
dils.
Appareil
digestif
des
Acéphales.
l'ouverture œsophagienne {a). Les pa-
rois de l'estomac ont une structure
glandulaire, et M. Huxley a découvert
récemment un système de tubes ra-
meux qui débouchent dans la partie
inférieure de celte poche et qui pour-
raient bien constituer un appareil iic-
patique (6). Une masse utriculaire
entoure ces parties, et se trouve ren-
fermée avec elles dans le petit sac pé-
ritonéal qui circonscrit la cavité abdo-
minale; quelques auteurs ont consi-
déré ces cellules comme étant un foie,
et je les avais prises pour l'ovaire ; mais
il paraîtrai!, d'après des recherches
plus récentes, qu'elles ne peuvent être
rapportées ni à l'un ni à l'autre de ces
organes ; elles contiennent en général
une matière huileuse, et M. Krohn les
a désignées sous le nom d'élœoblastes.
(a) Voyez Milne Edwards, Atlas du Règne animal de Cuvier, Mollusques, pi. 1 21 , fig. 2 c et 2 ci ;
pi. 120, fig. la.
(6) Huxley, Op. cit., p. 510, pi. 15, fig. 5 et 6 {Philos. Trans., 1851).
Bracliiopodes.
356 APPARlilL DIGîîSTlF
mée, comme nous l'avons déjà vu, par le rapprochement des
deux grandes expansions du système cutané dont se compose
le manteau (I). Il n'existe pas de glandes salivaires dis-
tinctes (2) ; enfin, le tube alimentaire et le foie, ainsi que les
organes de la reproduction , sont réunis en une masse viscé-
rale dans le voisinage de la région dorsale, où se trouve la
charnière de la coquille, et s'avancent plus ou moins dans
l'intérieur du pied, quand la partie ventrale du corps se déve-
loppe de façon à constituer un organe de progression.
C'est dans Tordre des Brachiopodes que l'appareil digestif
est le moins compliqué, et ressemble en général le plus à ce
que nous avons vu chez les Tuniciers. Si les résultats fournis
par les recherches anatomiques les plus récentes sont exacts,
ces Mollusques nous offriraient même des exemples de dégra-
dation que nous n'avons rencontrés ni chez les Bryozoaires, ni
chez les Tuniciers, car dans plusieurs espèces l'oritlce anal
manquerait et l'intestin se terminerait en cul-de-sac ; mais je
conserve encore beaucoup de doutes au sujet de l'existence de
cette imperforation (3). La bouche est située sur la ligne mé-
(1) Voyez tome II, page 23. ciine trace de l'existence d'an orifice
('i) Quelques anatomisles ont con- anal dans les Térébratules des genres
sidéré les lobes antérieurs du foie, Rhijnchonella el Waldheimia, dont'û
chez les Brachiopodes, comme étant a fait l'analomie, et il pense que l'in-
les glandes salivaires [a] : mais toutes testin de ces Mollusques se termine
les masses glandulaires qui entourent en cul-de-sac (c). Plus récemment,
l'estomac de ces Mollusques offrent les i\l. Hancock est arrivé au même résul-
mèmes caractères, et doivent être tat en étudiant, soit les deux genres
rapportées à l'appareil hépatique (6). dont il vient d'être question, soit le
(3) M. Huxley n'a pu découvrir au- Terebratula caput serpentis {d) ; et il
(a) Cuvier, Mém. sur l'analomie de la Lingide, p. 7 {Mém. dit, Muséum, l-'i^, cl Mém. pour
servir à l'histoire des Mollusques).
— Vogt, Aiiatomie der Lingula aiiatina, p. 12 (extr. des Nouv. Mém. de la Soc. d'hist. nat.
suisse. t.Vll, Neufchâlel, 4 843).
(b) Owen, On the Anatomy of Drachiopoda {Trans. of Ihe Zoological Society, t. I, p. 152 et
157).
(c) Huxley, Contributions to the Anatomy of the Brachiopoda {Proceedings of the Royal Society
ofLondon, 1854, t. VIII, p. 106, fig. 1 et 2).
{d} Hancock, On the Organisation of Drachiopoda [Philos. Trais., 1858, p. 814).
DES MOLLUSQUES ACÎîr-H.vLES, 357
diane, entre deux grands appendices qui s'enroulent en spirale
et qui semblent tenir lieu des lophopbores ou lobes lentaculi-
fères que nous avons vus cbez les Bryozoaires d'eau douce.
Chez les Térébratules , ces appendices, communément appelés
bras, acquièrent un développement énorme, et sont portés sur
une sorte de charpente intérieure de nature calcaire, qui pré-
sente en général la forme d'un fer à cheval reployé sur lui-
même, de façon à avoir sa portion transversale dirigée en
arrière, et située au-dessous de la partie basilaire de ses deux
branches, dont l'extrémité est fixée à la valve dorsale de la
coquille, près de la charnière (1). Ils sont peu prolractiles, mais
est à noter que le point où celte por-
tion du tube alimentaire vient abou-
tir, et où quelques anatomistes suppo-
saient qu'il y avait un anus {a) , le
corps est recouvert par la coquille, de
façon que les fèces ne trouveraient
aucune voie libre pour continuer leur
route vers le dehors. Mais avant d'ad-
mettre l'existence d'une disposition si
anormale dans l'embranchement des
Mollusques, il faudrait être bien cer-
tain que le cul-de-sac observé par
MM. Huxley et Hancock est bien la
portion terminale derinleslin, et non
un appendice analogue à celui qui
naît de l'estomac chez beaucoup d'A-
céphales lamellibranches ; enfin il
faudrait s'assurer de la non-existence
de tout prolongement latéral, qui
pourrait aller déboucher au dehors, et
qui constiluerait alors l'intestin pro-
prement dit. Ainsi que nous le ver-
rons bientôt, il n'y a aucune incer-
titude quant à la position de l'anus
chez les Lingules.
(1) Chez les Térébratuliens du
genre Rhynchonella, cet appareil apo-
physaire n'est conslilué que par une
paire de petites lames calcaires allon-
gées et courbes, qui s'attachent posté-
rieurement à la valve dorsale de la
coquille, près de l'échancrure articu-
laire [h) ; mais, en général, ces deux
pièces se confondent entre elles sur la
ligne médiane par leur extrémité an-
térieure, de façon à donner naissance
à une arcade transversale, ou anse en
forme de fer à cheval, qui tantôt ne
se prolonge que médiocrement et reste
à peu près horizontale (c), mais qui,
d'autres fois, après s'être avaucée très
loin au-devant des muscles adducteurs
de la coquille, se recourbe en bas,
puis en arrière, de manière à offrir
la disposition indiquée ci-dessus (d) .
L'extrémité postérieure de chaque
(a) Gratiolel, Recherches sur l'anatomie de la Térébralule auzlrale {Comptes nndus de l'Acad.
des sciences, 1853. i. XXXVII, p. 47).
(6) Exemple : Terebratula (ou Rhynchonella) psitlacea (voy. Davuiion, Brillsh fossil Drachio
poda , iiilroduclion, Palœonl. Soc., 1853, p. 94, fig. 31).
(c) Exemplo : Terebralula vilrea (voy. Davidson, Op. cit., pi. 0, fig. 2).
(i/) Exemples : Terebratula {Waldheimia} auslralis (voy. Davidson, Op. cit., p. 04, fig'. G, et
Hancoclv, Op. cit., pi. 55, lig. 4). — T. jlavcscens (voy. Owen , Lectures on the Coitrp. Anat, o
Inverlebr. Animais, iSoo, p. 4iS7).
358 APPAREIL DIGESTIF
les franges qui les garnissent sont très mobiles, et des cou-
rants, déterminés probablement par l'action de cils vibratiles,
s'établissent à leur surface, et suivent une sorte de gouttière
longitudinale qui est creusée à leur face interne et va aboutir
sur le côté de la bouche. Chez les Orbicules et les Lingules,
ces bras sont très élargis à leur base , mais peu développés
dans leur portion enroulée, et s'insèrent seulement sur les
apophyse, ou de chaque moitié du
fer à cheval ainsi constitué, est gé-
néralement bifurquée , et c'est par
leur branche supérieure qu'elles s'u-
nissent entre elles: l'autre branche est
le plus ordinairement libre ; mais chez
quelques-uns de ces Mollusques elle se
réunit à sa congénère, de façon à
former une seconde arcade transver-
sale, et à changer l'anse en un an-
neau fermé, disposition qui se voit
dans le genre TerebratuUna (a).
Dans le petit groupe dont d'Orbigny a
formé le genre Terebratella, un pro-
longement droit naît du bord dorsal
de chaque lîioitié de l'anse , et après
s'être réuni à son congénère sur la
ligne médiane, se soude aussi en des-
sus à la valve dorsale de la coquille (6).
Enfin, dans d'autres familles du même
ordre, la charpente brachifère ac-
quiert un développement encore plus
considérable: ainsi, chez lesThécidies
elle prend la forme de grandes crêtes
contournées d'une manière fort com-
plexe (c) , et chez les Spirifères elle
constitue deux longues lames enrou-
lées en spirale, qui occupent la plus
grande partie de l'espace compris en-
tre les deux valves de la coquille {d).
Chez les Lingules et les Orbicules, au
contraire, on ne trouve plus aucune
trace de cette charpente intérieure.
C'est par l'intermédiaire d'une
membrane aponévrotique disposée
de façon à constituer la paroi anté-
rieure de la cavité viscérale, que les
bras sont fixés à la charpente inté-
rieure dont il vient d'être question.
Ces tentacules consistent chacun en
une sorte de tige creuse dont le côté
externe est garni d'une gouttière lon-
gitudinale de consistance subcartila-
gineuse, et porte une série d'appen-
dices grêles et cylindriques disposés
comme les dents d'un peigne, ou plu-
tôt en forme de frange. M. Owen n'a
observé qu'une série simple de ces
cirres ou fdaments (e) , mais dans
toutes les espèces dont M. Hancock
a fait l'anatomie ils étaient insérés
sur deux rangs (f). Leur longueur di-
(a) Exemple : Terebratula (ou Terebralulina) caput serpentis (voy. Davidson, Op. cit., p. 63,
%• 4).
(6) Exemples : Terebratula (Terebratella) chilensis (voy. Owen, On Ihe Anat. ofthe Brachio-
poda , in Trans. of the Zool. Soc, t. I, pi. 2ï!, fig. 4). — Terebratella dorsata (voy. Davidson,
loc. ci«.,p. 66, fig. 9).
(c) Exemple : Thecidia vermicularis, voyez Suess, Notice sitr l'appareil brachial des Thécidés,
dans Méin. de la Soc. linn, de Normandie, 1855, t. X, pi. 3, fig. 7).
(d) Exemple : Spirifer strialus (voy. Davidson, Op. cit., pi. 6, fig. 48).
(e) Owen, Lectures on the Comp. Anat. of hiver tetr. Animais, p. 491.
(f) Hancock, Op. cif., p. 807.
DES MOLLUSQUES ACÉPHALES. 359
parois membraneuses de la cavité abdominale, sans y trouver
une charpente calcaire pour les soutenir. Chez ces derniers
Mollusques, le tube alimentaire ne s'élargit que peu pour con-
stituer l'estomac, et, après avoir décrit plusieurs courbures,
va s'ouvrir au dehors, sur le côté droit du corps, entre les lobes
du manteau (1). Chez les Térébratules, l'estomac est au con-
traire fort renflé et occupe la partie dorsale de l'espèce de siphon
représenté par l'ensemble de l'appareil. L'intestin redescend
vers la valve ventrale, et s'y recourbe brusquement sur le côté
minue graduellement de la base à
l'extrémilé libre du bras , de façon
que celui-ci se rétrécit de plus en
plus, et se termine en pointe. A leur
base, les bras sont unis entre eux sur
la ligné médiane, el chez les Térébra-
tules ils se portent d'abord en avant,
en longeant en dehors la portion su-
périeure de l'apophyse calcaire, puis
se recourbenlbrusquemenl en arrière,
jusque vers leur base, et ensuite s'en-
roulent en spirale, de façDu à former
deux cônes frangés, unis entre eux
par une bande aponévrotique mé-
diane et non déroulables (a).
Les mouvements de ces appendices
ont été observés sur le vivant par
W. Barrett (6), et sont dus en partie
à des libres musculaires logées dans
leur tige, en partie à l'afflux du li-
quide contenu dans les canaux longi-
tudinaux dont celle-ci est creusée.
L'un de ces canaux, le plus grand, se
termine à sa base par une ampoule,
ou renflement fermé, qui se trouve
sur le côté de la bouche ; l'autre com-
munique avec le système lacunaire
viscéral. L'our plus de détails relatifs
à la structure de ces organes, je ren-
verrai au mémoire de M. Vogt sur
la Lingule, et au travail récent de
M. Hancock sur les Térébratules (c).
(1) L'œsophage est de longueur
médiocre, et, de même que l'estomac
et la portion antérieure de l'intestin,
il occupe la ligne médiane du corps ;
la porlion moyenne de l'intestin
forme plusieurs circonvolutions , et
sa porlion terminale se dirige en
avant (d).
(a) Voyez Owen, Anat. of Terebraiula, in Davidson's Briiish fossil Brachiopoda, pi. 2, fij, 1
el2; pi. 3, fig. 2.
— Hancock, Op. cit., pi. 55, fig. 1, 2, 3 ; pi. 57, fig. 2 ; pi. 60, fig. 3 ; pi. 61, fig. 2.
(6) Barrett, Notes on the Brachiopoda observed in a dredging tour {Ann. ofNat. Hist., 2° série,
t. XVI, p. 258).
(c) Vogt, Anatomie der Lingula anatina, p. 4, pi. 2, fib. 13-16 (extr. du Neuen Denkschriften
des Schweizerischen Gesellschaft, 1843).
— Hancock, Op. cit. {Philos. Trahis., 1858, t. CXLVUI).
{d) Cuvier, Mémoire sur V anatomie de la Lingule {Ann. du Muséum, 1802, t. I, pi. G, fig. 10
à 13).
— Vogt, Op. cit., pi. 1, fig. 10.
— Hancock, Op. cit., pi. 65, fig. d , 3 et 4 ; pi. 66, fig. 3.
— Owen, Anat. of Terebratula, m Davidson's British fossil Brachiopoda, pi. l, fig. 6 {Roy,
Society, 1853).
360 APPAREIL DIGESTIF
pour se terminer par un renflement en forme d'ampouîe où
l'existence d'un orifice anal est généralement admise, mais par
analogie plutôt que par le fait de l'observation directe (1). Il
est aussi à noter que le tube alimentaire des Bracbiopodes est
pourvu d'une tunique musculaire bien développée, et revêtu
extérieurement d'une membrane péritonéale qui, sur plusieurs
points, se prolonge sous la forme de brides ou de lames d'at-
tache analogues au mésentère des Animaux supérieurs (2). Le
foie, de couleur verdàlre, est très volumineux, et se compose
de plusieurs masses arrondies ou lobes dont l'aspect est gra-
nuleux, mais dont la substance consiste réellement en une mul-
titude de petits tubes courts et aveugles qui ressemblent à des
doigts de gant et se continuent avec des canaux rameux. Enfin
les conduits biliaires ainsi constitués se réunissent en quatre
gros troncs qui vont déboucher dans l'estomac (3).
(1) Voyez ci - dessus , page 35G,
noie 3.
(2) Ces expansions membraneuses
sont plus développées chez les 'J'éré-
bratules que chez les Lingules; elles
ont été décrites avec soin par M. Hux-
ley et par M. Hancock. Le mode de
conformation générale du tube ali-
mentaire des Téréhratules a été re-
présenté par M. Owen , mais cet
anatomisle a figuré à l'extrémilé de
l'ampoule terminale de Tinlestin un
orilice anal (a) qui, dans l'état nor-
mal, ne paraît pas exister dans ce
point (6). Les belles (igures analomi-
ques qui accompagnent le mémoire
de î\l. Hancock sur les Térébralules
font très bien connaître la disposition
et les rapports des dernières parties
de l'appareil digestif avec les organes
voisins (c).
(3) Le foie entoure toute la portion
stomacale du canal alimentaire, et ses
lobes, ou divisions principales, sont
de forme très irrégulière. Chez les
Lingules, les quatre grands canaux
biliaires qui en naissent, sont dispo-
sés par paires; deuxse voient dans le
voisinage de l'œsophage, au devant
des grandes expansions inésentéri-
ques de l'estomac; les autres débou-
chent derrière cette membrane, près
de l'origine de Tinteslin (d). Chez les
Térébralules, la disposition de ces ca-
naux est moins régulière ; les lobes
antérieurs du foie donnent naissance
(a) Owen, On the Analomy of Ihe Brachiopoda, pi. 22, fig. 12 {Trans. of thc Zool. Soc.
1835, t I). — Anat. of Terebratula, m Davirfsoii's Brilish fossil Brachiopoda, pi. t, fig. 4.
(!)) Hii\l(-y, Op. cit., fig. 1 cl 2 e (Proceed. of the Royal Soc, 1854, I. VIII, p. i 08).
(c) H:iiicock, Op. cit., ]>\. 57, i]g. 2; pi. (M, fig'. \ et 2, elc.
{d) Vnypz Hancnrk, Op. cit., pi. (15, f\s:. 2 el 3.
DES MOLLUSQUES ACÉPriALES LAMELLIBRANCHES. o6i
S 9. — Dans Tordre des Acéphales Lamellibranches , la Appareil
"^ , digestif
bouche est située à peu près de même, et se trouve logée plus des Acc-phaies
Lamellibranches
ou moins profondément sous le manteau, derrière le muscle
adducteur, Cjui, chez la plupart des Animaux de ce groupe,
s'étend d'une valve à l'autre, au-devant et au-dessous de la
charnière. Elle n'est pas pourvue d'un appareil tentaculaire
frangé , comme chez les Brachiopodes : mais les bras de ces
derniers sont remplacés par deux paires de lobes membraneux
qui ont en général la forme de voiles triangulaires et sont
striés obliquement à leur surface. Ces tentacules labiaux sont
garnis de cils vibratiles, et ils concourent, avec les organes
respiratoires, à diriger vers l'entrée du canal alimentaire les
courants qui charrient les particules de substances nutritives
dont ces Mollusques font leur subsistance (1).
à un troisième conduil qui débouclie
près de l'œsopliage. el les lol)es infé-
rieurs communiquent avec la cavité
de l'estomac par un quatrième ca-
nal (a).
(1) Les tcniacules labiaux de la
paire antérieure sont d'ordinaire réu-
nis entre eux par un ;)rolongement
basilaire, qui passe au-devant de la
bouche, et ils sont appliqués par leur
face interne contre les tentacules de
la seconde paire, dont la commissure
s'avance derrière la bouche. Cet ori-
fice se trouve par conséquent au mi-
lieu d'un sillon transversal, plus ou
moins profond, qui se continue en
dehors et en arrière avec la rigole
formée par le rapprochement de la
base des deux tentacules (6), et sou-
vent l'une des branchies vient occuper
Textrémité postérieure de cette der-
nière gouttière: de façon que les cou-
rants déterminés par le jeu de l'ap-
pareil respiratoire (c) s'engagent en
partie dans ce passage, et se trou-
vent ainsi dirigés vers la bouche,
phénomènes dont:\I.M. Aider et Han-
cock se sont assurés en suspendant des
particules d'indigo dans l'eau qui ar-
rivait aux branchies des Pholades et
des .Myes {d). L'existence de cils vibra-
tiles à la surface des tentacules la-
biaux a été constatée par M. Shar-
pey (e). La face externe ou antérieure
des tentacules de la première paire
et la face postérieure de ceux de la
seconde paire sont en général lisses,
ou faiblement striées, mais sur les sur-
(a) Voyez Hancock, Op. cit., p!. Cl , fig. 2 et 3, elc
(6) Voyez tome II, paye 38.
(c) Allier and Hancock, On the Branchial currents in Pholas and JIijalAnn. ofSat. Hist.,
2" série, 1851, l. VIII, p. 375, pi. 15, fi-, d).
{d) Sliarpey, Cilia iTodJ's Cyclopœdia of .\nalomy and Phijsiology, f. I, p. 62-2j.
(c) Exemple : l'Huître (voy. Pnli, Of . cit., t. Il, pi. 29, fig. 2).
362 APPAREIL DIGESTIF
L'œsophage est en généra! court et l'estomac fort renflé.
Tantôt ce dernier organe est simple , dans l'Huître , par
exemple (1) ; mais chez beaucoup des Animaux de cet ordre, il
présente en arrière un grand prolongement terminé en cul-de-sac
et renfermant un corps styliforme, de consistance cartilagineuse,
qui semble devoir être destiné à remuer les matières alimen-
taires pendant qu'elles sont soumises à l'action des sucs gas-
faces adjacentes de ces appendices on
remarque une multitude de lignes
parallèles qui sont plus ou moins
saillantes et dirigées transversalement
ou obliquement (a).
Chez les Arches et les Pétoncles, la
portion lobulaire de ces tentacules ne
se développe pas, et leur portion ba-
silaire, réduite à une bande étroite,
constitue seulement la gouttière trans-
versale destinée à conduire les ma-
tières alimentaires vers la bouche (6).
Il en est à peu près de même chez
l'Anomie (c).
Chez la Moule commune de nos
côtes, ces organes sont au contraire
très grands et reployés longitudinale-
ment {d).
En général, les bords de l'ouverture
buccale sont lisses, et ne présentent
rien de remarquable ; mais chez les
Pecten et les Spondyles , on y voit
une sorte de frange labiale (e).
(1) Ciiez l'Huître, l'estomac fait im-
médiatement suite à la bouche, et
n'est que médiocrement renflé; les
vaisseaux afférents du foie y débou-
chent, et en arrière il se continue
avec Tinteslin, qui est grêle et très
long. Ce tube se porte d'abord en ar-
rière et en bas, entre les branchies et
le muscle adducteur; puis se recourbe
brusquement en avant, revient vers la
partie antérieure de l'estomac, en-
toure cet organe, et se dirige ensuite
en arrière, au dessus du nmscle, pour
aller se terminer à la partie supérieure
et postérieure de celui-ci, entre les
lobes du manteau (/).
L'estomac est également simple,
c'est-à-dire plus ou moins globuleux,
et dépourvu de prolongement caecal,
(a) Exemples : Solen (\oy. Poli, Testacea uiriusqiie Siciliœ eorumque historia et anatome,
t. I, pi. 10, fig. 15; — Veûiaye^, Expédition scientifique de l'Algérie, Mollusques, pi. 18 B,
fig. 2). — Psammobia (voy. Ganier, On the Anat. of Lamellibranchiate Conchifera, pi. 18, ûg. 2,
in Trans. ofthe Zool. Soc, 1838, t. 11).
{b) Poli, Op. cit., t. II, pi. M, fig. 3, et pi. 26, %. 7.
— Voyez aussi Deshayes , Atlas du Règne animal de Cu-vier, Mollusques, pi. 86, fig. ia,
16, le.
(c) Voyez Deshayes, Ailas du Règne animal de Cuvier, Mollusques, pi. 89, fig. le.
(d) Lacaze-Duthiers, Mém. sur l'organisation de l'Anomie (Ann. des sciences nat., i' série,
1854, t. II, p. 12, p). i, fig. 4).
(e) Exemples : l'ecten (voy. Poli, Op. cit., t. II, pi. 27, fig. 5 et 10). — Spondylus gœdropus
(voy. Poli, Op. cit., t. II, pi. 22, fig. 8 et 13). — Deshayes, Atlas du Règne animal de Cuvier,
Mollusques, pi. 74, fig. 2».
(/) Voyez Poli, Op. cit., pi. 29, fig. 3 (reprod. dans l'Atlas du Règne animal de Cuvier, Mol-
lusques, pi. 70, fig. 2).
— Home, Comp. Anat., pi, 77.
Braiidt cl Halzbm-g, Medicinische Zoologie, 1. 11, pi. 36, fig. 2.
DES MOLLUSQUES ACÉPHALES LAMELLIBRAKCHES. â63
triques. Ce singulier organe est libre dans la cavité qui le loge,
et paraît être le résultat d'une sécrétion épithélique, car il se
compose de couches concentriques; son volume est très va-
riable, suivant les individus, et parfois il manque dans des
espèces où d'ordinaire on le rencontre. Enfin il est aussi à noter
que chez quelques Acéphales dont l'estomac ne porte pas de
cgecum, on voit cependant un stylet hyalin semblable s'avancer
dans son intérieur, et alors ce corps est logé dans l'intestin (1).
Ce stylet est toujours cylindrique et atténué postérieurement,
mais son extrémité antérieure, qui fait saillie dans la cavité de
l'estomac, est souvent obtuse ou branchue (2).
chez les Spondyles (a), les Pecten (6), cal très grand, sans avoir de stylet
les l^étoncles (c), les Glycimères (dj, hyalin. Ainsi, chez les Mytilacées du
l'Anodonte (e), les Pinnes if), les Cy- genre Dreissena, M. Van Beneden a
clades ig), etc. trouvé à côté de l'inteslin une poche
(1) Cette disposition se voit dans la cylindrique très longue, qui naît du
famille des Naïades [h). Chez les Ano- côté droit de l'estomac, et qui ne ren-
dontes, le stylet n'est représenté quel- ferme qu'une substance gélatineuse (A;);
quefois que par un petit corps denti- M. Owen a constaté l'exislence d'un
forme situé à la partie supérieure de petit appendice caecal post-slomacal
l'estomac (/), d'autres fois par une chez la Clavagelie, mais n'y a pas vu
pièce irrégulièrement quadrilatère (j). de stylet [l).
(2) Chez quelques Acéphales, l'es- Chez la Pholade, l'estomac donne
tomac est pourvu d'un appendice cae- aussi naissance à un appendice caecal
{a) Voyez Poli, Op. cit., pi. 22, fig. 13, et Atlas du Règne animal de Cuvier, Mollusques,
pi. 70, fig-. 2.
(b) Voyez Poli, Op. cit., pi. 27, fig. 6.
— Garner, Op. cit. (Trans. ofthe Zool. Soc, t. II, pi. 19, fig. 2).
(c) Voyez Poli, Op. cit., pi. 26, fig. 8 et 9.
{(l) Audouin, Mém. sur l'Animal de la Glycimère (Ann. des sciences nat., 1829, t. XXVIII,
pl. 16, fig. 2).
(e) Home, Comp. Anat., t. III, p. 78.
— Bojanus, Teichmuschel (Okeri' s Isis, 1827, t. XX, pl. 9, fig. 2 et 3).
— JMoquin-Tandon, Histoire naturelle des Mollusques fluviatiles et terrestres, pl. 40, fig. 9.
(/■) Voyez Poli, Op. cit., pl. 36, fig. 2.
{g) Moquin-Tandon, Op. cit., pl. 53, fig. 2.
{h) Siebold et Siannius, Nouveau Manuel d'anatoniie comparée, 1. 1, p. 2G6.
(i) Bojanus, Teichmuschel (Oken's Isis, 1827, t. XX, p. 758, pi. 9, fig. 7, 9 et 10).
(j) Moquin-Tandon, Histoire naturelle des Mollusques terrestres et fluvialiles, p. 48, pl. 43,
fig. 11).
(k) Van Beneden, Mém. sur le Dreissena (Ann. des sciences nat., 2' série, 1835, t. III, p. 203,
pl. 8, fig. 5).
{1} Owen, On the Anatomy of Clavagella {Trans. ofthe Zool. Soc, t. I, p. 272j.
S6/|. APPAREIL DIGESTIF
L'intestin est en général étroit et très long; il décrit plu-
sieurs circonvolutions entre les lobes du foie, et, ainsi que
très grand, et celui-ci ne renferme
qu'un stylet liyaiin fort petit (a).
Chez les Mactres, où la disposition
de cette portion de l'appareil digestif
a été étudiée avec beaucoup de soin
par Poli, le caecum stomacal naît au-
dessus et en arrière du pylore; sa
forme est conique, et il descend très
bas au milieu des faisceaux muscu-
laires de la partie postérieure du pied ;
enfui il renferme un stylet hyalin
très grand , dont l'extrémité anté-
rieure fait saillie dans la cavité de
l'estomac (6). L'appendice caecal et le
stylet hyalin olhent à peu près la
même disposition chez les Donaces (c) ,
les /rellines (d), les Soien (e), l'Ano-
mie (/■), etc.
Chez le Cardium echinatum, l'in-
testin naît de l'estomac, très près de
la portion rétrécie de cet organe qui
représente l'appendice caecal et qui
renferme le siylet hyalin, dont l'ex-
trémité antérieure est recourbée et
branchue (g).
Chez les Tarels, l'appendice caecal
est développé d'une manière remar-
quable, et paraît être quelquefois oc-
cupé par les matières alimentaires
seulement, car M. Deshayes, qui l'a
décrit sous le nom de second estomac,
ne fait pas mention d'un stylet dans
son intérieur (h) ; mais dans les indi-
vidus étudiés par M. de Quatrefages,
un corps cristallin de ce genre existait
toujours et ollrait des dimensions très
considérables (i).
La substance constitutive du stylet
est d'une transparence hyaline, et à
l'état frais, M. Quatrefages n'a pu y
découvrir aucune trace de structure
organique (y). M. de Siebold y dis-
tingue deux parties, l'une corticale,
l'autre médullaire. La première con-
stitue un tube, et se compose de cou-
ches concentriques de matière en
apparence albuminoïde. La seconde
est gélatineuse, et renferme des cor-
puscules solides, qui sont insolubles
dans les acides. Chez l'Unio, ces cor-
puscules ont la forme de granules, et
chez les Anodontes ils ressemblent à
des bâtonnets [k).
Quelques analomistes ont considéré
le stylet subcartilagineux comme l'a-
nalogue de la langue des Gastéro-
podes (/) ; mais ce rapprochement ne
me paraît P'is fondé.
Blanchard, Organisation du Règne, animal, Mollusques Acéphales, pi. 3, fi^. 2, 4 et 0.
Poli, Op. cit., l. II, pi. 49, fig. 1, 3, 4 et 5.
Garner, Op. cit., p). 18, lig. 9. •
Poli, Op. cit., pi. 19, fiij. 15.
Meckel, Traité d'anatomie comparée, t. VU, p. 273.
Garner, loc. cit., pi. 18, ds;. 8.
J. Cariis, Icônes zootomicœ, pi. 19, fig. 2.
Lacaze-Dulliiers, Organisation de l'Anomie {.inn. des sciences nat., 4° série, 1854, 1. 11,
, pi. 1, fig. 3).
Garner, Op. cit., pi. 18, fig. 10.
Deshayes, Expédition scientifique de l'Algérie, Mollusques, t. I, p. 59, pi. 7, fig. 2.
Qualrefages, Mém. sur le genre Taret (Ann. des sciences nat., 3" série, 1849, t. LX, p. 40)
Idem, ibid.
Siebold etStannius, Nouveau Manuel d'anatomie comparée, t. I, p. 2Gfi.
Meckel, Traité d'anatomie comparée, t. Vil, p. 273.
Garner, Op. nt. (Trans. of tlie Zool. Soc, t. Il, p. 87).
DES MOLLUSQUES ACÉPHALES LA;.lELLllîR\^CHES. 365
nous l'avons déjà vu en étudiant l'appareil circulatoire de ces
Animaux, il traverse d'ordinaire le cœur (1). Il passe ensuite
au-dessus du muscle adducteur postérieur de la coquille, et se
termine par un orifice anal à la base du siphon expirateur ou
dans la portion correspondante de l'espace compris entre les
lobes du manteau, de façon que les matières fécales expulsées
par cette voie se trouvent sur la route suivie par l'eau qui vient
des branchies, et elles sont par conséquent entraînées au dehors
par le courant expira toire (2). 11 est aussi à noter que l'intérieur
du tube aUmen taire est plus ou moins complètement garni de
cils vibratiles (o).
Enfin, le foie est très volumineux et disposé à peu près de
même que chez les Brachiopodes, c'est-à-dire divisé en lobes
irréguliers qui se groupent autour de l'estomac et versent
dans la cavité de cet organe les produits de leur sécrétion par
plusieurs gros canaux membraneux (4).
§ 10. — Chez les Acéphales dont M. Lacaze-Duthiers a
formé Tordre des Solénocoques, c'est-à-dire les Dentales, l'ap-
pareil digestif se complique davantage, et s'enrichit d'un instru-
ment mécanique que nous rencontrerons souvent dans la classe
Appareil
des
Solcnocoques
ou
Dentales.
(1) Voyez tome HI, page 105.
Je rappellerai ici que les Huîtres,
les Anomies et les Tarets font excep-
tion à cette règle, et que chez les
Arches, le rectum, tout en traver-
sant un cercle artériel, dont les deux
moitiés latérales sont formées par les
ventricules, n'est pas renfermé dans la
cavité du cœur ; mais chez les autres
Lamellibranches, cette portion de l'in-
testin passe à travers le ventricule,
d'avant en arrière.
(2) Voyez tome II, page 38.
Chez quelques Acéphales, l'anus
occupe l'extrémité d'un tubercule cy-
lindrique très allongé, situé à la partie
supérieure et postérieure du muscle
adducteur postérieur : chez la Pinne
marine, par exemple (a).
[o] Cela a été constaté chez les
Cyclas et les Naïades (6).
[à) Les parois des canaux exté-
rieurs de l'appareil hépatique sont en
continuité avec la tunique muqueuse
de l'estomac, et garnies de cils vibra-
tiles (c).
(a) Voyez Milne Edwards, Voyage en Sicile, l. I, pi. 28.
(b) Leydig, Lelirbiœh der Histologie, p. 331 .
(c) Lacaze-Dulhiers, Méin. sur l'organisation de l'Anomie {Ann. des sciences nat. , ^' série, l. II,
p. \i).
366 APPAREIL DIGESTIF
des Gastéropodes : savoir, une sorte de râpe buccale. Les bras
frangés des Térébratules et des Lingules paraissent être rem-
placés ici par deux houppes de filaments vermiformes et élargis
au bout en manière de petites spatules, qui sont très mobiles et
susceptibles de s'allonger fort loin hors du tube constitué par
le manteau. L'appareil broyeur occupe l'arrière-bouche, et est
armé d'une multitude de pièces cornées dont la réunion offre
l'aspect d'un ruban hérissé de dents crochues. L'estomac se
confond postérieurement avec la portion terminale de l'ap-
pareil biliaire, qui est énormément dilatée. Le foie n'est repré-
senté que par de longs tubes aveugles d'un volume considé-
rable. Enfin, le rectum, ou portion terminale de l'intestin,
traverse le réservoir sanguin qui tient lieu de cœur ; il est le
siège de contractions rhythmiques qui l'ont fait prendre d'a-
bord pour un cœur proprement dit, et ainsi que nous l'avons
déjà vu, il contribue à effectuer le travail respiratoire par
l'introduction de l'eau dans son intérieur et le renouvellement
fréquent de ce liquide (1).
(1) La bouche des Dentales présente chaque côté de la base du mamelon
plusieurs particularités de structure. buccal on voit naître une loufTe de
Elle est située au sommet d'un ma- filaments grêles et très contractiles (6),
melon subproboscidiforme, au fond du qui ont été tour à tour considérés
tube qui est constitué par le manteau et comme des branchies (c), des glandes
occupé en majeure partie par le pied salivaires {d) etdes organes tacli]es(e).
du Mollusque. Une rosace de six feuil- .Morphologiquement , ils me parais-
les membraneuses, à bords découpés, sent devoir être comparés aux tenta-
garnit le pourtour de cet orifice (a), à cules labiaux des Lamellibranches et
peu près comme nous l'avons vu chez aux bras frangés des Brachiopodes, et
les Spondyles et les Pecten , et de il me semble probable que ce sont à la
(a) Lacaze-Dulhiers, Histoire de l'organisation et du développement du Dentale, pi. 8, fi^. 1
(extr. des Ann. des sciences nat., 4° série, 1856 et 1857, t. VI et VII).
(6) Voyez Deshayes, Anatomie et monographie du genre Dentale {Mém. de la Société d'histoire
naturelle, t. II, pi. 15, fig. 12, et Atlas du Règne animal de Cuvier, Anneudes, pi. 7, fig-. le).
— Lacaze, Op. cit., pi. 3, fig. 2 ; pi. 1 1 , fig. 4 et 5.
(c) Deshayes, Op. cit., p. 334.
— Blain-ville, Manuel de malacologie, et Dict. des sciences nat., t. XXXII, p. 107.
(d) Clark, On the Anat. o/" Dentalium tarentinum (A?wi. of Nat. Hist., 2' série, 1849, t. IV,
p. 326).
(e) Lacaze-Duthiers, Op. cit.,ii. 142.
DES MOLLUSQUES GASTÉROPODES. â67
§ il. — Les Gastéropodes, mieux organisés pour la locomo-
tion que ne le sont les x4céphales et les Molloscoïdes, ne sont pas
astreints, comme ceux-ci, à se nourrir des substances alimen-
taires qui leur sont apportées parles courants respiratoires 5 ils
fois des instruments de préhension et
de toucher, ainsi que M. Lacaze s'est
appliqué à l'établir. Quoi qu'il en soit,
leur surface est couverte de cils vi-
braliies, et par conséquent ils doivent
être susceptibles d'aider à la produc-
tion des courants nécessaires pour
charrier vers l'entrée de l'appareil di-
gestif les particules alimentaires en
suspension dans l'eau ambiante. Il est
aussi à noter que ces appendices fili-
formes sont tubulaires et terminés par
un petit élargissement creusé en fos-
sette, qui agit à la manière d'une ven-
touse. Du reste, ils ne sont pas essen-
tiels à l'existence de ces Mollusques,
car M. Lacaze a constaté qu'ils sont
caducs, et que ces Animaux peuvent
les perdre sans qu'il en résulte aucun
trouble apparent dans leur manière de
vivre. A l'intérieur du mamelon pro-
boscidiforme, on trouve sur les côtés
de la bouche deux cavités qui ont été
décrites sous le nom d'abajoues (a) :
ce sont des poches membraneuses, gar-
nies intérieurement d'un épithélium
ciliaire, qui s'ouvrent dans la cavité
buccale par une fente en forme de
boutonnière, et qui logent parfois dans
leur intérieur des I-'oraminifères ou
quelque autre proie microscopique (b).
M. Lacaze les considère comme étant
des organes salivaires.
Cette première portion du tube di-
gestif est séparée de la suivante par
un étranglement au delà duquel on
remarque un renflement globuleux,
ou arrière-bouche (c), dont la face in-
férieure est occupée par l'appareil
broyeur, ou langue {d). Celui-ci a pour
base une pièce cartilagineuse en forme
de fer à cheval très large, dont les
deux branches sont réunies à leur ex-
trémité par un faisceau de fibres mus-
culaires, de façon à constituer un
anneau (e) ; d'autres faisceaux char-
nus contournent les côtés de cette
plaque, et dans l'excavation qui en
occupe le centre se trouve une lon-
gue bande denticulée, dont la struc-
ture est très complexe. Elle constitue
la râpe linguale, et se compose de cinq
séries longitudinales de pièces cor-
nées, articulées entre elles et dispo-
sées par rangées transversales. La
série médiane est impaire, et constitue
une sorte de tige articulée que l'on
appelle rachis. De chaque côté se
trouve extérieurement une série de
plaques minces et assez larges, dites
pièces costales, ou pleurœ ; enfin sur
le bord interne de chacune de celles-
ci s'articule tmedent, dont l'extrémité
interne se relève au-dessus de la pièce
médiane correspondante. Les deux
séries de pièces intermédiaires ou
(a) Lacaze, Op. cit., p. i&, pi. 3, fig. 2.
(6) Clark, Op. cit., p. 323.
(c) C'est la partie appelée gésier par quelques auteurs.
(d) Lacaze, Op. cit. [Ànn. des sciences nat., 4° série, t. VI, pi. 9, fig. 11.
(«) Idem, ihid., pi. 9, fig. 3 à H).
368 APPAREIL DIGESTIF
peuvent aller à la recherche de leur nourriture et s'en saisir
directement : aussi voyons-nous dans cette classe l'appareil
digestif se perfectionner beaucoup sous les rapports de son
action mécanique, et la bouche, au heu d'être logée plus ou
dentées, ainsi constituées, s'engrènent
au-dessus du racliis par leur extré-
mité interne qui est liljre, et par le
jeu des muscles adjacents ; elles sont
susceptibles de s'écarter ou de se rap-
procher comme les branches d'une
pince à bord denticulé (a). Cette
râpe linguale, dont la parlie antérieure
occupe la face supérieure de l'anneau
cartilagino-musculaire déjà décrit, et
la parlie postérieure se contourne en
dessous de cette pièce basilaire, ne
paraît pas être susceptible de s'avan-
cer'hors de la cavité pharyngienne,
mais doit saisir au passage les matiè-
res alimentaires et les broyer.
Immédiatement en arrière de la ca-
vité pharyngienne, dans l'inlérieur de
laquelle la langue ou l'appareil broyeur
faitsaillie, se trouve un petit renflement
qu'on doit considérer comme un pre-
mier estomac; puis vient une portion
élargie du tube alimentaire qui est dis-
posée en forme d'anse, et qu'on peut
appeler rarrière-estomac. Le fond de
ce réceptacle se continue avec deux po-
ches autour desquelles viennent s'ou-
vrir les caecums hépatiques qui con-
stituent l'appareil biliaire (6). Ces po-
ches sont très larges, et il est probable
que les aliments y pénètrent; mais,
morphologiquement, elles représentent
une paire de canaux biliaires énormé-
ment dilatés : et j'insiste sur cette cir-
constance, parce qu'en traitant de l'or-
ganisation des Gastéropodes, j'aurai
bientôt à discuter la valeur de faits du
même ordre. Les caecums hépatiques
s'étalent en forme d'éventail de cha-
que côlé de la base de l'abdomen, et
ont été considérés à tort par quelques
auteurs comme étant les branchies de
ces singuliers Mollusques (c).
Enfin la branche ascendante de la
grande anse stomacale se continue
avec l'intestin, qui, après avoir décrit
plusieurs circonvolutions , se dirige
en arrière et en haut pour aller se ter-
miner à l'anns. Mais, ainsi que nous
l'avons déjà vu, la portion terminale
de ce tube est très élargie, et tra-
verse le réservoir central de l'appa-
reil circulatoire, où ses mouvements
de dilatation et de contraction servent
à l'établissement de la circulation, en
même temps qu'ils opèrent le renou-
vellement de l'eau destinée à effectuer
une respiration intestinale dans son
inlérieur (d). Ij'anus se voit sur la
ligne médiane du dos, à la partie an-
térieure de la région abdominale et
près de la base du pied, dans l'inté-
rieur de la gaîne formée par le man-
teau (e).
(a) Lacaze, Op. cit. (Ann. des sciences nat., 4" série, I. VI, pi. 10, tig. 1 à 0).
(b) Idem, ibid., pi. 8, fig. 1).
(c) Clark, loc. cit., p. 324.
(d) Voyez tome 11, page 92, el lome HT, p. 99.
(e) Lacaze, Op. cit. (Ann. des sciences nat., i' séiic, l. VL pi. 9, fig-. 1 ; \. VU, pi. 2,
fi?. 1, etc.).
ULS MOLLLSULES GASTÉROl'ODES. â69
moins profondément entre les replis du manteau, occupe l'extré-
mité antérieure du corps ou tête de l'Animal. Le régime de ces
Animaux est très varié ; les uns se nourrissent de végétaux ,
d'autres vivent de proie ou se repaissent de matières orga-
niques en voie de décomposition. Du reste, la conformation
générale du tube alimentaire ne diffère que peu de ce que nous
avons rencontré chez les Acéphales, et l'anus, rejeté tantôt sur
le dos, d'autres fois sur le côté droit du corps, est toujours
assez rapproché de la région céphalique où se trouve la bouche.
Il existe en général des glandes salivaires très développées, et
le foie, dont le volume est considérable, forme d'ordinaire, avec
les ovaires et les testicules, une masse viscérale qui se prolonge
de façon à constituer un cône contourné en hélice , au-dessus
du pied charnu auquel ces Animaux doivent leur nom commun.
Cette portion postérieure ou abdominale du corps est souvent
appelé le tortillon^ et elle se trouve dans le fond de la coquille
dont la plupart des Gastéropodes sont pourvus. Les viscères
y sont serrés les uns contre les autres dans un sac membra-
neux; mais entre la masse compacte ainsi constituée et la
tête, l'appareil digestif flotte librement dans une grande cavité
abdominale qui est tapissée par des prolongements de la tunique
péritonéale, et, ainsi que nous Favons vu dans une précédente
Leçon (1), cette chambre remplit les fonctions d'un grand
réservoir pour le sang veineux (2).
La bouche est plus ou moins protraclile, et chez beaucoup de Trompo.
ces Mollusques elle est pourvue d'une sorte de trompe, car la
(1) Voy. tome Ilf, p. lZi3 et siiiv. exemple le Colimaçon, Mollusque dont
(2) Pour rétude du mode général de l'anatomie a étéfaite avec beaucoup de
conformation de l'appareil digestif des soin par Cuvier, dont le travail sur cette
Gastéropodes, on peut prendre comme classe d'Animaux est fondamental (o).
(a) Cuvier, Mêmoive sur la Limace et le Colimaçon (Annales du Muséum, 1806, t. VII, et
Mémoires pour servir à l'histoire et à l'analom.ie des Mollusques, 1817, in— i). Les principales
figures ont été reproduites dans l'atlas de la grande édition du Hègne animal de Cuvier, Mollusques,
pi. 21.
V. 2/*
370
APPAREIL DIGESTIF
Appareil
masticatoire.
portion antérieure du tube alimentaire est susceptible de rentrer
en elle-même ou de se dérouler au dehors, et constitue ainsi un
organe préhensile, cylindrique et très mobile, dont la longueur
est souvent fort considérable (1).
Immédiatement en arrière de la bouche, quand les lèvres
ne sont que peu ou point protractiles ,- ou tout auprès de
(1) Ainsi, chez quelques espèces du
genre Mitre, la trompe est plus longue
que le corps de l'animal (a). Cet or-
gane est également très développé
chez les Tonnes (6). Chez les Tritons,
il s'allonge moins, mais est très ro-
buste (c). La structure en a été étu-
diée, chez le Buccinum undatum, par
Cuvier et par Osier [d). Poli l'a figuré
chez le grand Triton de la Méditer-
ranée ; mais le texte de cette partie
de "Son ouvrage n'a pas été pu-
blié (e).
Lorsque la trompe de ces divers
Gastéropodes est au repos, c'est-à-
dire dans l'élat de rétraction, on y
distingue deux portions : l'une termi-
nale et interne, l'autre basilaire et
vaginale; cette dernière se continue
avec les bords labiaux et se dirige en
arrière; sa surface cutanée est alors '
en dedans et en rapport avec la se-
conde portion de l'organe ; enfin son
extrémité postérieure se recourbe en
dedans pour embrasser l'œsophage
et se continuer en avant avec la por-
tion terminale de la trompe. Dans la
protraclion, cette portion interne s'a-
vance hors de l'espèce de fourreau
formé par la portion basilaire, en
entraînant celle-ci à sa suite, de fa-
çon à la retourner. Enfin, quand la
trompe est complètement déployée,
la portion basilaire devient extérieure
et fait suite à la portion interne, au
lieu de la loger dans son intérieur. Les
faisceaux musculaires circulaires sont
les principaux agents producteurs de
ce mouvement en avant et du renver-
sement qui en est la conséquence, tan-
dis que d'autres muscles qui sont dis-
posés longitudinalement, et qui pren-
nent leur point d'appui sur les parois
latérales de la grande cavité viscérale,
tirent la trompe en arrière et en opè-
rent le retrait. L'appareil lingual est
logé à l'extrémité antérieure de cet
appendice charnu (/").
(a) Exemple : la Mitre épiscopale (voy. Ouoy et Gaimard, Voyage de l'Astrolabe, Mollusques,
pi. 45, fijr. -1).
(b) Exemple : le Dolium perdix (yoy . Quoy et Gaimard, Op. cit., pi. 41, fig. 1, ot Atlas du Règne
animal de Cuvier, Mollusques, pi. 54, fig. 2).
(c) Exemple : le Triton nodiferum (voy. Poli, Testacea utriusque Siciliœ, t. III, pi. 49, fig. 9).
(d) Cuvier, Mém. sur le grand Buccin de nos côtes, p. 6, pi. 1, lig. 7, 8, 9 et 10 (Mém. pour
servir à l'histoire des Mollusques, et Ami. du Muséum, I8U8, t. H).
— Osier, Observations- on the Anatomy and Habits of Marine Testaceous Mollusca [Philos.
Trans.,^. 508, pi. 14, fig. 14-17).
(e) Poli, Op. cit., t. m, pi. 50, fig. 1.
if) Exemples : le Buccin (voy. Osier, Op. cit., Philos. Trans., 183-2, pi. 14, fig. 12).
— Le Grand Triton de la Méditerranée (voy. Poli, Op. cit., t. lll, pi. 51 , fig. 2 et 3).
— Les Strombes (voy. Quoy et Gaimard, Voyage de l'Astrolabe, Mollusques, pi. 40, fig. 18).
— Le Dolium galea (voy. Troschel, Das Gebiss der Schnecken, pi. 1, fig. 6).
— La Paludine vivipare (voy. 0. Speycr, Zootomie der Paludiiia vivipara, pi. 1 , fig. 31 , Cassel,
1555).
DES MOLLUSQUES GASTÉROPODES. 371
l'orifice terminal de la trompe, quand ce dernier organe existe,
le canal alimentaire présente un renflement assez grand qui
est composé en majeure partie de faisceaux charnus, et qui est
communément désigné sous les noms de bulbe pharyngien
ou de masse buccale. Il est ordinairement armé de deux sortes
d'organes sécateurs de consistance cornée (1), savoir, une ou
plusieurs lames maxillaires qui en garnissent la voûte , et
d'une sorte de râpe allongée qui en occupe le fond, et qui
constitue ce que les zoologistes appellent la langue de ces
Animaux (2).
L'appareil maxillaire manque parfois complètement, chez les
Testacelles, par exemple, et sa composition varie beaucoup.
(1) On trouve dans un mémoire de nom de chitine, et qui joue un grand
M. Lebert et dans Tintroduction de rôle dans la constitution de l'appareil
l'ouvrage de M. Troschel, sur l'appa- tégumentaire des Insectes. Cela a été
reil masticateur des Mollusques, une constaté par ce naturaliste chez les
revue historique de l'état de nos con- Limaçons et les Patelles (c). M. Bergh a
naissances relatives à cette partie de trouvé aussi du phosphate de chaux
l'organisme des Gastéropodes, depuis et du fer dans les pièces linguales du
Aristote jusqu'à nos jours (a). Buccin (d), et d'autres analyses faites
(2) Quelques auteurs ont considéré par M. Bergmann s'accordent avec ces
l'armature buccale des Mollusques résultats. Ce dernier a trouvé environ
comme étant composée de mucus 94 de chitine et 6 de phosphate de
endurci et uni à un peu de carbo- chaux chez VHelix nemoralis et le
nale de chaux (6) ; mais on voit, Dolium galea (e). C'est à tort que
par les recherches de M. Leuckart, quelques naturalistes ont considéré ces
qu'elle est formée essentiellement de pièces linguales comme étant formées
la substance qui est connue sous le de siUce (f).
(a) Lebert, Beobachtungen ûber die Mundorgane einiger Gasteropoden {Ùùtter's Ai'chiv fur Anat.
und Physiol., 1846, p. 463).
— Troschel, Das Gebiss der Schnecken , zur Begrûndung einer natûrlichen Classification,
1856, p. 5 et suiv.
(6) Braconnot, Analyse des Limaces {Mém, de la Société des sciences, lettres et arts de Nancy
1845, p. 91).
— Moquin-Tandon, Hist. des Mollusques terrestres et fluviatiles, p. 31.
(c) R. Leuckart, Ueber das Vorkommen und die Verbreitung des Chitins bei den wirbellosen
Thieren (Wiegmann's Archiv (ur Naturgeschichte, 1852, t. I, p. 25).
(d) Bergh, Bidrag til en Mon'ographi af Marseniaderne {Mém. de l'Acad. de Copenhague, 1853
3« série, t. 111, p. 283). '
(e) Voyez Troscliel, Das Gebiss der Schnecken, p. 28.
(/') Hancock, On the Boring of Mollusca into Rocks, etc. {Ahn. ofNat. Hist. 2" série 1848
t. Il, p. 142). '
S72 API'AKEIL DlGliSTlF
Ainsi, chez les Colimaçons et les Limaces, il n'est représenté
que par une mâchoire impaire et médiane qui est implantée
transversalement dans la paroi membraneuse du palais, et qui
se termine par un bord Hbre armé de denticules en nombre
variable, suivant les espèces. Cette lame tranchante n'exécute
que peu ou point de mouvements, mais l'appareil lingual qui y
est opposé pousse avec force les matières alimentaires conire
son bord inférieur, et effectue ainsi la division de ces substances
dont le tissu est en général peu résistant, car la nourriture ordi-
naire de ces Gastéropodes terrestres consiste en fruits charnus,
en champignons ou en feuilles tendres, bien qu'ils se montrent
aussi très avides de matières animales, et que parfois on les voit
se repaître même d'une proie vivante (1).
(i) Les Limaçons et les Limaces à l'ouvrage spécial de M. Moquin-
n'altaquent que rarement certains vé- Tandons(6),
gétaux , tels que les Graminées ou La disposition de la mâchoire, qui
les Fougères, et même les l'.osacées et occupe la partie supérieure de la ca-
les Malvacées, mais ces Mollusques vite buccale de ces animaux, a été in-
sont très avides de Champignons, diquée par Svvammerdam et Lister,
de Solanées , d'Ombellifères et de puis par Cuvier (c), et étudiée avec
beaucoup d'autres plantes à odeur vi- plus d'attention par MM. Troschel,
reuse (a). Pour plus de détails au Lebert, Moquin-Tandon, Erdl, Binney
sujet du mode d'alimentation des Gas- et plusieurs autres zoologistes de l'é-
téropodes puimonés , je renverrai poque actuelle {d). Cet organe adhère
(a) Voyez Pépin, Observations faites sur les diverses espèces de Limaçons qui ravagent les jar-
dins, et indications des plantes auxquelles ils s'attachent et à l'abri desquelles ils se réftigient de
préférence (extr. de ['Horticulteur universel, t. V et VI).
— Recluz, Observ. sur le goût des Limaces pour les Champignons '(Guérin, Revue wologique,
1841, p. 307).
(b) Moquin-Tandon, Histoire naturelle des Mollusques terrestres et fluviatiles, p. 53 et sniv.
(c) Lister, Exercitatio anatomica in qua de Cochleis maxime terrestribus et Limacibus agitur,
1694, p. 69.
— Swaramerdara, Biblia Naturœ, pi, 5, Rg. 2.
— Cuvier, Mém. sur la Limace et le Colimaçon {Ajin. du Muséum, t. VII).
(d) Troscliel, Ueber die Mundtheile einheimischer Schnecken {Archlv fur Naturgeschichte, 1 836,
t. I, p. 25T,pl. 9).
— Moquin-Tandon, Observ. sur les mâchoires des Hélices de France {Mém. de l'Acad. de Tou-
louse, 1848, t. IV). — Histoire naturelle des Mollusques terrestres et fluviatiles, t. I, p. 30 et
suiv. *
— Erdl, Beitrâge zur Anat. der Helicinen (dans Morilz Wagner, Reisen in' dei' Regentschaft
Algier, t. 111, p. 268, pi. 14j.
— Binney, The Terrestrial air-breathing Mollusks of the United States, 1851 , 1. 1, pi. 1 , fig. 6 ;
pi. 4, fig. 6 ; pi. 5, fig. 4, etc.
DES MOLLL'SQUES GASTÉROPODES, 373
Chez d'autres Gastéropodes, les Limnées, par exemple,
l'armalure palatine se compose de trois pièces, savoir, une mâ-
choire médiane et une paire de lames latérales (1).
Ailleurs, dans la même classe, on ne trouve plus de vestige
de la mâchoire médiane ; mais les mâchoires latérales acquièrent
un grand développement et sont articulées entre elles par leur
bord supérieur, de façon â tenir lieu de la première de ces
pièces. Cette disposition est fort remarquable chez lesÉolides(2).
à la muqueuse palatine par une lame
basilaire, et se termine en avant par un
bord libre dont la forme varie. Tantôt
il présente une grosse carène médiane
qui se prolonge en manière de dent
ou bec. impair ; par exemple, chez le
Zonile peson , ou Hélix algira [a).
D'autres fois il présente trois ou un
plus grand nombre de petites crêtes
subégales et parallèles, terminées cha-
cune par une pointe en forme de
dent de scie : par exemple , chez
VHelix nemoralis {b). Enfin , dans
quelques espèces, il n'offre ni ca-
rène ni crête bien marquées, et se
termine par un bord semi- lunaire
à peine ondulé, ainsi que cela se
voit chez la petite espèce de Coli-
maçon des Alpes appelée Zoniies
glaber (c). Cette dernière forme est
encore mieux caractérisée chez les
Bulimes [d]. Pour les détails spé-
cifiques à ce sujet, on peut con-
sulter les travaux des auteurs cités
ci-dessus.
Chez V Ampullaria iirceus, la mâ-
choire supérieure est beaucoup plus
développée, et encapuchonné, pour
ainsi dire, la masse linguale, située
au-dessous (e). Il en est à peu près de
même chez une espèce de Doridiens,
VjEgirus punctilucens (/").
(1) Dans quelques espèces, ces mâ-
choires latérales sont rudimenlaires :
par exemple, chez l'Ancyle fluviale.
Chez la Limnée des étangs, elles ont
la forme de lames semi-lunaires [g).
(2) MM. Hancock et Emblefon ont
décrit avec beaucoup de soin la struc-
ture de cette portion de l'armature
buccale chez VEolis violacea. Toute la
partie supérieure et latérale de la ca-
vité buccale est revêtue par les mâ-
choires. Celles-ci ont chacune la forme
d'une grande plaque concave qui se
termine en avant par une lame tran-
(a) Van Beneden, Mém. sjir l'anatomie de THelix algira {Ann. des sciences nat., 2° série, t. V,
p. 281, pi. 10, fig. 7).
{b) Voyez Moquin-Tandon, Histoire natiireUe des Mollusques terrestres et (luviatiles, pi. d3,
11-. 1.
(c) Idera, ibid., pi. 9, fig. 3.
id) Idom, ibid., pi. 21, fig. 1, 5, etc.
(e) Troschcl, Anatomia von Ampullaria (Archiv fur Naturgeschichte, 1845, t. I, p. 20C, pi. 8,
fig. 5).
(f) Aider et Hancock, A Monograph of the Drilish Nudibranchiate Mollit se a , fam. 1, pi. 17,
fig. 14 et 15. .
(g) Moquin-Tandon, Op. cit., pi. 34, fig. 17.
Langue
des
Gastéropodes.
574 APPAREIL DIGESTIF
Enfin, dans quelques cas, mais très rarement, une mâchoire
palatine transversale se trouve opposée à une lame analogue qui
occupe la partie antérieure et inférieure de la cavité buccale,
de façon qu'il existe en réalité une mâchoire inférieure aussi
bien qu'une mâchoire supérieure : cela se voit chez la Nérite
fluviatile (1).
§ 12. — L'appareil lingual, qui occupe le plancher de la
cavité buccale et s'y élève en forme de tubercule ovalaire, res-
semble beaucoup à l'organe sécateur que nous avons déjà ren-
contré dans la même position chez les Dentales, et se fait
remarquer surtout par l'espèce de râpe dont il est armé. Il a
pour base une pièce cartilagineuse en forme de fer à cheval
qui donne attache à de nombreux faisceaux musculaires et
porte à sa face supérieure la râpe dont je viens de parler (2).
Celle-ci est une bande membraneuse longitudinale qui est garnie
d'une multitude de pièces solides en forme de crochets ou de
tubercules ; antérieurement, elle est saillante et à découvert ;
mais en arrière elle est engagée dans une gaine membraneuse,
et elle se termine sur un tubercule mou qui naît des parois de
chante prolongée en forme de bec (a).
Quelquefois le bord libre de ces mâ-
choires est fortement denliculé : par
exemple, chez les Éolidiens désignés
sous les noms de Janus Spinolœ (6) et
û'Antiopa cristata (c).
(1) Les deux mâchoires médianes
et opposées de la Nérite fluviatile sont
formées l'une et l'autre d'une lame
semi-cornée, arquée, de couleur bru-
nâtre, garnie de six à huit côtes verti-
cales etdeniiculées sur le bord (d).
(2) Voyez ci-dessus, page 366.
La disposition du tubercule lingual
et la manière dont la râpe s'engage
dans son fourreau ont été très bien
représentées par Cuvier chez le Turbo
pica (e), par M. Troschel chez le Do-
liumgalea (/), et par M. Speyer chez
la Paludine vivipare (g).
(a) Hancock and Erableton, Anatomy of Eolis {Ann. of NaU Hist., 1845, t. XV, p. 5, pi. 1,
fig. 5 à H, el pi. 2, fig-. 2 à 8).
(6) Blanchard, Recherches sur l'organisation des Mollusques Gastérofodes de l'ordre des Opisto-
branches (Ann. des sciences nat., 3° série, 1849, t. II, pi. 4, fig. 3).
(c) Aider et Hancock, Monogi'aph of the British Nudibranchiate Mollusca, fani. 3, pi. 43, fig. 3
et 4 {Ray Society).
(d) Moquin-Tandon, Op. cit., pi. 42, fig. 5.
(c) Cuvier, Mém. sur la Vivipare d'eau douce, etc., fig. 8 (Ann. du Muséum, 1808, l, XI),
If) Troschel, Cas Geftiss der Schnecken, pi. 1, fig. 6.
ia) Speyer, Zootomie der Paludina vivipara, pi. 1, fig. 19, 21, 31, 37.
DES MOLLUSQUES GASTÉROfODËS. 375
ce fourreau, et qui paraît être l'organe chargé d'effectuer l'ac-
croissement de cette singulière armature (1). Les pièces solides
qui la recouvrent sont en très grand nombre et se répètent
longitudinalement; elles sont disposées par bandes transver-
sales et varient beaucoup dans leur forme et leur mode d'arran-
gement, suivant les genres et même les espèces (2). En général,
une série de pièces impaires o(;cupe la ligne médiane et sert de
support à une double série de pièces latérales dont les internes
se recourbent en haut et en arrière, de façon à constituer des
crochets ou des dents aiguës. Souvent, au lieu d'une seule
rangée de ces crochets de chaque côté de la ligne médiane, il en
existe plusieurs, et quelquefois, en même temps que ces parties
latérales de l'armature linguale se multiplient beaucoup, la por-
tion médiane disparaît, de façon que le tout ne ressemble plus
à un ruban unique, mais constitue une paire de larges plaques
(1) Le cartilage lingual des Mollus- des cellules cartilagineuses (6), mais
ques Gastéropodes a échappé à l'at- cela ne paraît pas être,
tention de beaucoup d'anatomistes , ('i) Le mode de croissance delà
mais ne paraît manquer que très ra- râpe linguale me paraît avoir été très
rement. M. Lebert fut l'un des pre- bien constaté chez la Néritine fluvia-
miers à en faire bien connaître la dis- lile par M. Clarapède. Ce naturaliste
position, qui, dans ces derniers temps, considère comme une espèce de bulbe
a été décrite d'une manière pluscom- ou de matrice le tubercule mou qui
plète par M. Huxley, et surtout par en occupe l'extrémité postérieure, et
M. Claparède (a). M. Semper pense il a vu que les pièces dentaires, en s'y
qu'il manque dans le genre Limace, développant, sont d'abord très minces
et que chez les autres Gastéropodes et délicates, mais se consolident en
pulmonés le tissu des parties corres- s'avançant vers la cavité buccale (c).
pondantes à ce cartilage serait com- M. Semper pense que la râpe lin-
posé de fibres musculaires mêlées à guale ne s'accroît pas d'avant en ar-
(a) Lebert, Beobachtungen ûber die Mundorgane einiger Gasteropoden (Mùllcr's Archiv fur
Anat. und Physiol., 1846, p. 435, pi. 13, fig-, 22, etc.).
— Huxley, On the Morphology of the Cephaloiis Mollusca {Philos. Trans., 1853, p. 58, pi. 5,
fig. 12 et 13).
— Claparède, Anatomie und Entwickelungsgeschichte der Neritina fluviatilis (Muller's Archiv
fur Anat. und Physiol., 1857, p. 144 et suiv., pi. 5, ùg. 11-25).
(6) Semper, Zum feinereii Baue der Molluskensunge (Zeitschr. fur wissenschaftliche Zoologie,
1858, t. IX, p. 271, pi. 12, fig. 5).
(c) E. Claparède, Op. cit. (Muller's Archiv fur Anat. und Physiol,, 1857, p. 142).
376 APPAREIL t)lGESTlP
hérissées de denticules. Quoi qu'il en soit à cet égard, les cro-
chets sont durs à la partie antérieure de l'appareil, mais vers la
base de la langue ils sont plus mous, et ils paraissent se renou-
veler à l'extrémité postérieure de cet organe à mesure qu'ils
s'usent à sa prrtie antérieure, qui s'élève en arc de cercle.
Cette partie saillante de la râpe, à raison de l'élasticité des par-
ties sous-jacentes et du jeu des muscles insérés sur le cartilage
basilaire, est susceptible de se porter alternativement en avant
et en arrière; chez les Gastéropodes ordinaires, elle ne se
déroule jamais au dehors de la bouche, mais elle agit à la
manière d'une scie articulée (1). La structure de cet appareil
rière, et naîtrait directement comme
produit épilhélial de la membrane
sous-jacente {a) ; mais il ne se fonde
sur aucune observation directe , et
cette hypothèse ne s'accorde pas
avec les divers degrés de dévelop-
pement qui se remarquent dans le
tissu de pièces dentaires d'arrière en
avant.
(1) 11 existe de grandes et nom-
breuses variations dans l'armature de
la langue des Gastéropodes, et depuis
quelques années l'étude des pièces
solides qui la constituent a été pour-
suivie avec persévérance par plu-
sieurs zoologistes, parmi lesquels je
citerai principalement M. Lovén à
Stockholm, et M. Troschel à Berlin (6).
J'ajouterai que les belles préparations
microscopiques faites par M. Rappart,
de Wabern, et données à beaucoup
d'établissements universitaires par ce
naturaliste ( sous le nom d'Engell
et C), ont beaucoup contribué à vul-
gariser les connaissances relatives à
ce point d'anatomie.
Le premier exemple que je crois de-
voir choisir pour l'élude des pièces lin-
guales est VEolis aîba. Ici la râpe (ou
radula) se compose d'une seule série
longitudinale de plaques cornées, ar-
mées chacune d'un prolongement co-
nique et spiniforme qui se recourbe
en arrière, au-dessus de la base de la
dent suivante, de façon à constituer
une rangée longitudinale de crochets
simples dont la pointe est dirigée en
arrière (c). On ne compte que vingt
de ces dents. Chez d'autres Éolidiens,
où il existe également une seule rangée
de pièces linguales , celles-ci s'élargis-
sent davantage, et offrent de chaque
côté de la grosse pointe médiane une
série plus ou moins nombreuse d'é-
pines ou denticules plus petites, de
façon à constituer une série de pei-
ia) Semper, Op. cit. {Zeltschr. fur wissenschaftl. Zool., 1858, t. IX, p. 27-t).
(b) Lovén, Offl tungans bevapning hos Molluskev {Opversigt afVitenskaps-Aliademiens Forhand-
iingar., 1847, p. 175, pi. 3 à C).
— Trosciiel, Dos Gebiss der Svhnecken, z-ur Begrilndung einer natûrlichcn Classification.
Berlin, 1856.
(c) Voyez HaiiPocls ami Emblclon, Op. rit. {.\nii. of Xat. Hht., t. XV, pi. 2, fig'. 1 1 et, 12).
DES MOLLrSQtES GASTÉROPODES. â77
est extrêmement complexe; on y distingue souvent plusieurs
milliers de pièces articulées entre elles, et la gaine qui renferme
sa portion basilaire se prolonge en général au-dessous de la
gnes: par exemple, chez VEolis nana,
VE. stipula, etc. [a).
Dans un second type, Tarmature lin-
guale se compose d'une série médiane
de crochets, soit simples, soit pectines,
et d'une série d'autres pièces cornées
situées de chaque côté, et tantôt sim-
ples, comme cela se voit chez VEolis
pellucida [b] ; d'autres fois à bord
denticulé : par exemple, chez VE. li-
neata (c).
Chez d'autres Gastéropodes, l'arma-
Uire linguale se modifie par l'addition
d'un nombre plus ou moins considé-
rable de dents latérales de chaque côté
des séries déjà décrites. Ainsi chez
lesBuccins, les Nasses, les Murex, etc. ,
chaque rangée transversale se com-
pose d'une large dent médiane (en
général garnie de pointes fortes ou
nombreuses) et d'une paire de dents
latérales, tantôt en forme de crochets
simples, d'autres fois terminées par
deux, trois ou un plus grand nombre
de pointes courtes [d]. Chez le Cras-
pedonia lucidum (e), le Cyclophorus
inca If), le LameUaria prodita [g), les
Arapullaires (h), etc., chaque rangée
transversale se compose d'une grosse
dent médiane et de trois paires de dents
latérales à peu près de même forme.
Chez les Cyclostomes, la disposition
de ces pièces est à peu près la même, si ce
n'est que les dents de la rangée externe
de chaque côté s'élargissent beaucoup
et deviennent multidenticulées sur le
bord (0. Ailleurs, on voit ces pièces
latérales se développer davantage en-
core, et se subdiviser vers leur bord
antérieur en une longue série de cro-
chets : par exemple, chez le Trochus
ciuerarius (j) et le Chondropoma
Poeyanum {k). Ou bien encore les
dents latérales, tout en restant simi-
laires, se multiplient énormément ,
ainsi que cela se voit chez l'Ancyle
fluviatile (/) et chez les Bulimes [m).
Chez les Siphonaires, on compte,
dans chaque rangée transversale des
deux côtés du crochet médian, une
cinquantaine de crochets de plus en
plus petits 'ji[.
U arrive parfois que dans le cas où
les parties latérales de l'armure Un-
(a) Voyez, pour la forme de ces dents, la belle Monographie des MoUusques NmUbrnnches, par
MM. Aider el Hancock, pi. 47, Cig. 17, 18, etc. (Ray Society).
(6) Aider and Hancock, Sudibranchiate MoUusca, pi. 47, fîg. 12.
(c) Aider and Hancock, Op. cit., pi. 47, fig. 10.
\d) Lovén, Op. cit. (Bulletin de IWcadémie de Stockholm, 1847, pi. 5).
(e) Troschel, Bas Gebiss der Schnecken, pi. 4, Gg. 3.
(/■j Gray, Gn the Teeth of the Pneummobranchiate Mollusca (Ann. of Sa!. Hist., i' série,
1853, t. XII, p. 333, fig. 6).
(g) Lovén, Op. cit. (Bulletin de l'Académie de Stockholm, 1847, pi. 4).
(h) Troschel, Op. cit., pi. 6, ûg. 6 à 9.
{il Exemple : Cyckistomus elegans (voy. Troschel, Op. cit., pi. 4, fig. 8).
[j) Lovén, loc. cit., pi. 6.
(k) Troschel, Op. cit., pi. 4, fig. 13.
(l) Lovén, Op. cit. [Bulletin de l'Académie de Stockholm, 1847, pi. 3\
(m) Troschel, Ueber die Mundtheile einiger Heliceen i.Krchiv fur Xaturgeschichle, t. I, p, -2-25,
pi. 4, fig. 4 6, G b).
[n) Gray, Op. cit. [Anu. ofXal. Hist., 2' série, f. Xll, p. 333, fig. 5),
578 APPAREIL DIGESTIF
masse viscérale. Chez la Patelle, par exemple, elle offre des
dimensions très considérables, et se loge dans une poche mem-
guale se développent beaucoup, les
pièces de la rangée médiane cessent
de se prolonger en forme de dents, et
se réduisent à de simples tubercules
ou bandes cornées, dont Tensemble
constitue une sorte de tige articulée
que les anatomistes désignent souvent
sous le nom de rachis. Cette disposi-
tion se remarque chez le Paludinavivi-
para [a], le Boris diaphana [b), le
Psammophora (c), etc. Ailleurs les
pièces médianes disparaissent uième
complètement, de façon qu'alors le
rachis lingual manque et que toutes les
parties de l'appareil sont paires : cela
se voit chez la plupart des Doris, ani-
mau;c qui ont généralement la langue
très large et bilobée [d).
Il est aussi à noter que la forme de
ces pièces latérales varie beaucoup.
Tantôt ce sont de simples papilles
obtuses ou coniques et plus ou moins
recourbées en arrière , ainsi que cela
se voit chez la plupart des Héli-
cines [e) , les Janthines (/") , etc. ;
d'autres fois des lames assez larges et
faiblement denliculées sur le bord ,
par exemple chez le Valvata trica-
rinata (g) ; ou bien encore des cro-
chets à plusieurs branches, disposi-
tion qui se rencontre chez le Cyprea
helvola {h).
Quelquefois les pièces d'une même
rangée ne se placent pas sur une seule
ligne transversale, et forment diffé-
rents groupes qui compliquent beau-
coup l'aspect général de la râpe : par
exemple, chez lo plupart des Pa-
telles (^■) et chez les Oscabrions (j).
Ainsi que je l'ai déjà dit, le nombre
des pièces constitutives de la râpe lin-
guale est souvent très considérable ;
on en compte environ 6000 chez le
Doris tuberculata {k), environ 1/t 000
chez Vlîelix aspersa, 21 000 chez
VHelix pomalia, et près de 27 000
chez le Limax maximus (/) ; enfin,
chez le Tritonia Hombergii, il y en
a plus de 36 000 (m).
Chez quelques Éolides on ne trouve
qu'environ vingt dents.
Il existe aussi de grandes variations
quant à la longueur de la râpe lin-
guale. Chez le Trochus pagodus, cet
organe est sept fois plus long que le
corps de l'animal (n).
(a) Troschel, Op. cit. {Archiv fur Naturgeschichte, 1836, pi. 4t, fig. 2).
(b) Voyez Aider et Hancock, Op. cit., pi. 46, fig. 9.
(c) Quoy et Gaimard, Voyage de l'Astrolabe, Mollusques, pi. 69, fig. dO.
(d) Exemple : Doris tuberculata (Aider et Hancock, Op. cit., pi. 1, fig. G, 7, 8; pi. 46, fig. i).
(e) Troschel, Das Gebiss der Schnecken, pi. 5, fig. 1 à 12.
(/■) Lovén, loc. cit., pi. 3.
{g} Troschel, Das Gebiss der Schnecken, pi. 6, fig. 14.
{h) Lovén, loc. cit., pi. 4.
(ij Lovén, Op.^ cit. {Bulletin de l'Académie de Stockholm, 1847, pi. 6).
{j) Savigny, Egypte, Mollusques gastérop., pi. 3, fig. 5', 5**.
— Schiff, Beitrdge %ur Anatomie von Chiton piceus (Zeitschr. filr wissensch. Zoologie, t. IX,
pi. 2, fig. 10).
(fc) Aider et Hancock, Op. cit., \>. H, fam. 2, pi. 1, fig. 5 et 6.
(Z) W. Thomson, Remarks on the Dentition of Dritish Pulmonifera (Ann. oj Nat. Hist.,
2« série, t. VH, p. 93).
{m} Aider and Hancock, Op. cit., p. 11.
(n) Quoy et Gaimard, Voyage de V Asti'olabe, Mollusques, pi. 62, fig. 3.
DES MOLLUSQUES GASTÉROPODES. 379
braneuse dépendant des sinus céphaliques dont j'ai déjà eu à
parler en décrivant le système artériel de ces singuliers Mol-
lusques (1). Enfin, chez les Haliotides, la portion basilaire de la
langue, revêtue comme d'ordinaire de sa gaine membraneuse,
se loge dans la cavité de la grande artère aorte. Lorsque l'es-
pèce de scie courbe ainsi constituée est située à l'extrémité d'une
trompe grêle et allongée , elle permet à l'Animal de tarauder
en quelque sorte la coquille des Mollusques dont celui-ci
veut faire sa proie , et de ronger les parties molles situées
au-dessous de cette enveloppe calcaire. C'est de la sorte que
les Buccins perforent beaucoup de coquilles de nos côtes (2),
et c'est aussi à l'aide de cet appareil sécateur que d'autres
Gastéropodes creusent parfois dans la substance des plantes
marines des excavations profondes (3); mais en général la
râpe linguale est employée surtout à pousser les matières ali-
mentaires de la bouche vers l'œsophage {h). Quelquefois elle
est susceptible de se déployer à l'extérieur et d'agir à la manière
d'un organe de préhension; cela se voit chez les Firoles et les
Carinaires (5).
(1) Voyez tome III, page 136. nos côtes se nourrit d'algues molles,
('i) Le Buccinum lapillus se nour- et fait pénétrer par succion les fila-
rit de la sorte aux dépens des Moules ments de ces végétaux dans son œso-
et de divers (îasléropodes ; quelque- phage. La Patelle commune paraît
fois il attaque même des Animaux de avaler aussi des fragments de plantes
son espèce [a). marines sans les diviser préalable-
(3) Cette observation s'applique au ment {b).
Patella pellucida qui se trouve sou- (5) Chez ces Mollusques, l'armature
vent sur les côtes de la Manche, dans linguale se compose généralement de
des trous creusés dans le pied du cinqséries longitudinales de pièces cor-
Zostera marina. Le Trochus crassus nées, et celles de la série externe sont
de nos côtes râpe aussi les plantes susceptibles de se reployer en dedans
marines dont il se nourrit. au-dessus des dents de la paire interne,
(Zi) Ainsi le Turbo Uttoreus de ou de se renverser en dehors, de façon
(o) Osier, Observ. on the Anatomy and Habits of Marine Testaceous Mollusea,illustralive of
Iheir Mode of Feeding (Philos. Trans., ISSS, p. 507).
(6) Osier, Op. cit. [Philos. Trans., 1832, p. 503).
Armature
gastrique.
Gésier.
â80 APPAREIL DIGESTIF
§ 13. — Les organes sécateurs dont la bouche est armée ne
sont pas les seuls instruments à l'aide desquels la division mé-
canique des aliments s'opère parfois chez les Mollusques Gasté-
ropodes. Quelquefois une portion du tube digestif est disposée
de façon à remplir des fonctions analogues. Ainsi, chez les
Aplysies, il existe une sorte d'estomac triturant appelé gésier,
dont les parois , garnies de fibres musculaires très puissantes,
sont armées de plaques cornées en forme de dents et de
crochets (1).
à former de chaque côté une rangée
de crochets dirigés en dehors [a).
(1) Chez TAplysie (6) , l'appareil
buccal, renfermant une râpe linguale
multidenticulée (c) , est suivi d'un
œsophage étroit, qui bientôt se dilate
subitement pour former un premier
réservoir alimentaire , appelé jabot.
Celte première poche se contourne
sur elle-même en manière de spirale
et a des parois membraneuses assez
minces. Les aliments passent ensuite
dans un second réservoir à parois
très musculaires qui constitue le
gésier. La surface interne de cet
estomac triturant est garnie d'une
douzaine de grandes plaques épi-
ihéliques , de consistance semi-car-
tilagineuse, qui ont la forme de py-
ramides à base rhomboïdale, et qui
sont disposées de façon à se rencon-
trer par leur sommet, quand l'organe
se contracte. Un troisième estomac.
qui fait suite au gésier, est armé en
dedans de petits crochets dont la
pointe est dirigée en avant et dont la
nature est également épithélique.
Près du pylore, on y remarque aussi
deux petites crêtes membraneuses qui
font saillie dans son intérieur et qui
bordent l'entrée d'un gros appendice
caecal à parois membraneuses. L'in-
testin n'offre rien de particulier {d).
Le secolîd estomac du Cerithium
lelescopium paraît offrir une disposi-
tion analogue : on y a trouvé une
plaque solide garnie de plusieurs ran-
gées transversales de denticnles (e).
Chez les Bullées, il y a aussi un
gésier armé de pièces solides pro-
pres à triturer les aliments; leur dis-
position varie un peu suivant les
espèces (/").
Chez le Bulla lignaria, deux de ces
pièces calcaires sont unies par des
fibres musculaires, et ressemblent un
(a) Exemple : Carinaire (voy. Poli, Op. cit., t. III, pi. 44, fig. 9 cUO).
■ — Firole (voy. Leuckart, Zoologische Uiitersuchuncjen, Heft 3, p. 39, pi. i, fig'. 13).
(6) Cuvier, Mémoire sur le genre Aplysia, vulgairement nommé Lièvre niarin {Mémoire pour
servir à l'histoire des Mollusques, et Ann. du Miiséum, 1802, t. II).
(c) Lovcn, loc. cit., pi. 3.
(d) Délie Cliiaje, Descriz. e notomia degli Animali invertebrati délia Sicilia citeriore, pi. 58,
fig. 3.
(e) Berkeley and Hoffmann, A description of the Anatomical Structure ofCcrilliium telescopiuni
{Zoological Journal, t. V, p. 434, pi. 20, fig. 6).
{f) Cuvier, Mém. sur ks Acères, p. 12, pi. 1, fig. 21 el 22 (.\nn. du Muséum, 1810, t. XVI),
DliS MOLLUSQUES GASTÉROPODES. 381
§ 1/4. — Beaucoup de Gastéropodes sont omnivores ou même
essentiellement phytophages , et il est aussi à remarquer que
chez la plupart des Animaux de cette classe il existe un appareil
salivaire très bien constitué. Quelquefois ces organes sécré-
teurs ont la forme de tubes simples à parois glandulaires, chez
les Aplysies et les Calyptrées, par exemple ; mais en général
Glandes
salivaires.
peu aux valves de la coquille d'un
Mollusque acéphale ; pendant quelque
temps on les a fait passer pour telles
dans le commerce, et on les désignait
sous le nom générique de Gioenia [a).
Chez les Scyllées, Cuvier a trouvé
un gésier garni intérieurement de
douze lames cornées, disposées lon-
gitudinalement et tranchantes comme
des couteaux [h). Une disposition ana-
logue paraît exister chez VÂuricula
Midas, où le gésier est très déve-
loppé (c) ; et chez les peUts Gastéro-
podes que M. de Quatrefages a dési-
gnés sous le nom de Pavois, on voit
un estomac garni de quatre plaques
solides denliculées (d).
Les Bythénies, petits Gastéropodes
herbivores qui ont beaucoup de res-
semblance avec les Paludines, mais
qui sont dépourvus de mâchoires, ont
dans l'estomac un corps cartilagineux
cylindrique qui paraît être analogue
au stylet cristallin des Mollusques
acéphales (e). Quelque chose d'ana-
logue a été signalé chez les Strombes
et chez le Trochus turritus (f).
Enfin M. Huxley a découvert chez
les Ptérocères un stylet cartilagineux
qui est logé dans un caecum pylorique,
et qui fait saillie au fond de l'esto-
mac (g).
Quelques autres Gastéropodes sont
pourvus d'un gésier qui, sans être
armé de la sorte, n'en est pas moins
un organe triturant. Ainsi, chez la
Limnée des étangs, cette portion du
tube alimentaire est garnie de deux
masses musculaires, qui sont réunies
par un tendon, et Cuvier la compare
au gésier des Oiseaux granivores {h).
Chez les Oiichidies, on trouve aussi
un gésier musculaire très puissant,
qui est revêtu intérieurement d'une
tunique de consistance cartilagi -
neuse (i). Une disposition analogue
se voit chez l'Ombrelle de la Méditer-
ranée {j).
{a) Owen, Lectures on the Comparative Anatomy of [nvertebr. Anbnals, p. 557.
(6) Cuvier, Mém. sur la Scillde, etc., p. 10, pi. 1, fig-. 0 {Méin. du Muséum, 1805, l. VI, et Ann.
pour servir à l'histoire des Mollusques).
(c) Quoy et Gainiard, Voyage de l'Astrolabe, Mollusques, pi. 14, fig. 6 et 12.
(d) Quatrefages, Mém. sur les Gastéropodes phlébentérés (Ann. des sciences nat., 3» série,
1844, t. I, p. "153, pi. 4, lig. 5, et pi. 5, fig. 7).
(e) Moquin-Tanrloii, Histoire des Mollusques terrestres et fluviatiles, t. I, [i. 44, pi. 38, fig. 21,
et pi. 39, fig. 30.
(/■) Collier, General Observations on Univalves {The Edinb. new Philosoph. Journal, 1829,
t. VII, p. 231).
(g) Huxley, On the Morphology of the Cephalous Mollusca (Philos. Trans., 1852, p. 60, pi. 5,
fig. 16 et 17).
(h) Cuvier, Mém. sur la Limnée, etc., p. 7, pi. 1 , fig. 9 in.
(i) Cuvier, Mém. sur l'Onchidie, p. 8, pi. 1 , fig. 4, 5 et 7 ^.
(j) Dalle Chiaje, Descr. et notom. degli Anim. invertebr., t. II, p. 90, pi. 00, fig. 20.
382 APPAREIL DIGESTIF
ils sont massifs et consistent en un certain nombre de lobules
d'apparence grenue, qui sont fixés à l'extrémité d'un canal
excréteur long et grêle. Ils débouchent sur les côtés de la
langue, mais ils sont logés plus ou moins loin en arrière, sur
les côtés de l'œsophage ou de l'estomac. D'ordinaire on n'en
trouve qu'une seule paire, mais dans quelques espèces il y en a
deux paires, par exemple chez les Janthines (1).
(1) Chez les Aplysies, les glandes mais ont un aspect plus framboise ou
salivaires ont la forme de deux gros deviennent même sublobulées (g).
cordons cylindriques, mous et blan- Chez le Colimaçon, ces organes sont
châtres, qui naissent de la masse beaucoup plus développés et s'élar-
buccale, sur les côtés de l'œsophage, gissent postérieurement en lobules
et se dirigent en arrière, traversent le minces et irréguliers qui s'appliquent
collier nerveux avec ce conduit, et sur la surface externe de l'estomac, et
vont se placer sur le côté gauche de se réunissent sur plusieurs points, de
l'estomac (a). façon à embrasser ce viscère {h). Chez
Chez la Calyptrée, ces glandes ont à la Limace ils se prolongent moins loin
peu près la même forme, mais sont en arrière, mais ressemblent davan-
beaucoup moins longues (6). tage à des glandes conglomérées
Un mode d'organisation semblable ordinaires (i).
se voit chez la plupart des Doris (o). Chez les Onchidies , les glandes
chez les Calliopées {d) , les Cari- salivaires sont moins compactes, et
naires (e), les Firoles (/"), etc. ressemblent à des arbuscules touffus.
Chez les Tritonies, les glandes sali- parce que leurs lobules ne sont unis
vaires sont encore grêles et allongées, que par leurs canaux excréteurs (j).
(a) Cuvier, Mém. sur l'Aplysie, pi. 3, fig. ■) (extr. des Ann. du Muséum, t. II).
— Délie Chiaje, Descri%ione e notomia degli Animalimvertebrati délia Sicilia citeriore, pi. 58,
fig. 1 et 3).
— Carus et Otto, Tab. Anatom. compar. illustr., pars iv, pi. 2, fig. dO.
(6) Owen, On the Anatomy of Calyptridœ {Transactions of the Zoological Society of London,
i. I, p. 208, pi. 30, fig. 6).
(c) Exemple : Doris lacera (voy. Cuvier, Mém. sur les Doris, pi. 1 , ùg. 3). — Doris pilosa (voy.
Aider et Hancock, Op. cit., pi. 1, fig. ■12). — Doris tuberculata (Aider et Hancock, Op. cit., pi. 2,
lïg-. 1). — Doris argo (Carus et Otto, Tab. Anatom. compar. illustr., pars iv, pi. 2, €ig. 3).
[dj Souleyet, Voyage de la Bonite (Hist. nat., t. II, p. 449, Mollusques, pi. 24 c, fig. 18).
(e) Milne Edwards, Sur l'organisation de la Garinaire (Ann. des sciences nat., 2° série,
t. XVIII, pi. H, fig. 1 et 2).
— Souleyet, Voyage de la Bonite, Zool., Mollusques, pi. 22, fig. 1 .
if) Lesueur a figuré ces organes chez les Firoles, nwis les désigne sous le nom de Polypes internes
(Journal of the Acad. of Philadelphia, t. I, p. 41. pi- 2, fig. 7).
(g) Exemple : Tritonia Hombergii (voy. Aider et Hancock, Op. cit., fara. 2, pi. i, fig. 2 et 3).
(h) Cuvier, Mém. sur la Limace et le Colimaçon, p. 18, pi. 1, fig. 3 et 4, et Atlas du Règne
animal, Mollusques, pi. 21 , fig. 1 c.
[i) Cuvier, Op. cit., pi. 2, fig. 6 et 12.
. — Brandt, Medicinische Zoologie, t. II, pi. 34, fig. 14.
ij) Cuvier, Mém. sur l'Onchidie, pi. 1 , fig. 4, 5 et 6 (Ann. du Muséum, t. V).
DES MOLLUSQUES GASTÉROPODES. SSâ
§ 15. — L'œsophage qui fait suite à la cavité buccale est
en général un canal étroit et à parois minces ; sa longueur est
considérable chez les espèces qui sont pourvues d'une trompe
protractile, et alors il se recourbe souvent en forme d'S dans
Jabot.
Chez la Paludine commune , elles
offrent à peu près la même disposi-
tion, mais elles sont moins dévelop-
pées (a).
Chez le grand Triton de la Méditer-
ranée {T. nodulosum), ces organes
sont très gros etdivisés chacun en deux
ou trois lobes fort distincts , mais
fixés à un même canal excréteur (b).
Chez la Janthine, les glandes sali-
vaires sont grêles et cylindriques ,
comme chez les Aplysies, mais au
nombre de quatre. Celles de la pre-
mière paire débouchent au bord anté-
rieur de la trompe, tandis que celles
de la paire postérieure s'insèrent au
fond de la cavité buccale, sur les côtés
de la langue (c).
Chez VAgathina mauritiana , ces
organes sont complètement bilobés,
mais leurs canaux excréleurs se réu-
nissent en un tronc commun de
chaque côté de l'œsophage [d).
Rang a décrit et figuré deux paires
de glandes salivaires chez les Atlan-
tes (ei; mais, d'après des recherches
de SouIeyet,il paraît s'être trompé sur
la détermination des parties qu'il con-
sidère comme constituant la paire an-
térieure de ces organes (/"), et il n'en
existe, en réalité, qu'une paire {g).
M. Ailman a trouvé aussi deux
paires de glandes salivaires chez TAc-
téon, l'une débouchant sur le côté de
la langue, et l'autre tout près du bord
labial (h).
Chez les Eolides, les glandes sali-
vaires paraissent être réduites à deux
petites masses de follicules logées dans
l'épaisseur de la masse linguale (^j.
La structure intime des glandes sali-
vaires n'a été étudiée que chez un
petit nombre de Mollusques. En géné-
ral, ces organes se composent d'une
multitude de petits caecums membra-
neux et arrondis, qui sont suspendus
à l'extrémité des divisions du canal
excréteur et enveloppés dans une tu-
nique membraneuse commune. M.Ley-
dig a constaté que chez le Colimaçon
chacun de ces acini renferme un
certain nombre d'utricules ovoïdes
pédiculées (j) ; leur canal excréteur
est tapissé d'un épithélium vibratile.
(a) Cuvier, Mém. swr la Vivipare d'eau douce, fig. 3 et 8 [Annales du Muséum, 1808, t. XI).
(b) Poli, Testacea utrmsque Siciliœ, t. 111, pi. 50, fig. 1 .
— Milne Edwards, Voyage en Sicile, l. 1, pi. 25.
(c) Cuvier, Mém. sur la Janthine, etc., p. 9, fig. 0 [Ann. du Muséum, t. XI).
(d) Quoy et Gaimard, Voyage de l'Astrolabe, Mollusques, pi. 49, fig. 21, et Allas du Règne
animal de Cuvier, Mollusques, pi. 25, fig. 1 a.
(ej Rang, Observ. sur le genre Atlante [Mém. de ta Société d'histoire naturelle de Paris, t. III,
p. 377, pi. 9, fig. 13).
(/■) Souleyet, Voyage de la Bonite, Zool., t. Il, p. 303.
ig) Huxley, On the Morphology of Cephalous Mollusca, etc. (Philos. Trans., p. 37, pi. 3,
fig- 1 f).
— Gegenbauer, Unters. ûber PteropodenundHeteropoden,f\. 6, fig. 1.
(h) Ailman, On the Anatomy of Actœon (Ann. of Nat. Hist., 1845, t. XVI, p. 147, pi. 6).
(i) Hancock and Embleton, Anat. of Eolis (Mat. ofNat. Hist., t. XV, pi. 3, fig. 6).
— Aider et Hancock, Op. cit., fam. 3, pi. 7, fig. 6.
(j) Leydig, Ueber Paludina vivipara (Zeitschr. fur wlssenschaftl. Zoologie, 1850, t. Il, p. 16t),
pi. 12, fig. 1 1 , et Lehrbuvhder Histologie, p. 348, fig. 186, A).
384 APPAREIL DIGESTIF
la portion libre de la cavité abdominale, quand cet organe est
au repos. Quelquefois cette portion du tube alimentaire se dilate
postérieurement de façon à constituer un réservoir alimentaire
appelé jabot, qui précède l'estomac et le gésier, quand ce der-
nier organe existe, et qui est probablement destiné à faciliter
l'action de la salive sur les matières nutritives. Ce mode d'or-
ganisation se remarque chez les Aplysies et la Limnée des
étangs, par exemple (1).
Estomac, § 16. — L'cstomac des Gastéropodes, comme celui des Mol-
lusques Acéphales, est en général entouré par le foie -, il se
continue toujours avec l'intestin , et les canaux biliaires y dé-
bouchent. D'ordinaire il est médiocrement développé et n'offre
dans sa disposition rien de remarquable (2) ; mais chez la plu-
(1) Ainsi que je l'ai déjà dit alimentaire qui correspond au jabot
(page 380), le jabot des Aplysies est chez les Mollusques dont il vientd'être
li'ès développé ; il se prolonge en cul- question, s'élargit aussi en manière
de- sac postérieurement, au-dessus de de réservoir, mais se confond posté-
la porlion antérieure du second es- rieurement avec l'estomac propre-
lomac ou gésier (a). ment dit. Je citerai comme exemple
Chez la Tonne perdrix {Dolium de cette disposition le Colimaçon (e).
perdix), Quoy et Gaimard ont figuré II en est à peu près de même chez les
une poche membraneuse appendue Haliotidcs, si ce n'est que le premier
au jabot (6) ; mais il est probable que estomac est séparé du second par une
cet appendice naissait plus en avant, valvule semi-lunaire (/").
et n'était autre chose que le fourreau Chez le Buccin onde, on voit sur le
de la langue, qui se voit très bien côté de l'œsophage un petit prolon-
dans les figures anatomiques de la gement en cul-de-sac qui peut être
Tonne cannelée faites par Poli (c). considéré aussi comme un jabot {g).
Chez la Limnée des étangs, le jabot (2) Ainsi, chez le Colimaçon, l'esto-
est pyriforme et n'offre rien do remar- mac ne se distingue pas nettement de
quable [dj. l'œsophage et ne s'élargit que peu ; sa
ChezplusieursGastéropodesquisont portion postérieure est séparée de sa
dépourvus de gésier, la portion du tube porlion antérieure par un léger é tran-
(a) Cuvier, Mém. sior l'Aplysie, pi. 3, fig'. 1 , o, c (Ann. du Muséum, t. II).
— Miliie Edwards, Voijage en Sicile, 1. 1, pi. !23.
(6) Quoy et Gaimard, Voyage de l'Astrolabe, Mollusques, pi. i{, fig. 4.
(c) Poli, Testacea ittriusque Siciliœ, t. III, pi. 50, fig. 8,
(d) Cuvier, Mém. sur la Limnée, pi. 1, fig. 9, l [Ann. du Muséum, 1806, t. VU),
(e) Idem, Mém. stir la Limace, etc., pi. \, fig. 3 et 4 {Ann. du Muséum, t. VII).
(f) Idem.iVeOT. sur rHaliotide, etc., p. lO, pi. 1, tig. 15, 16, 17.
{g) Idem, Mém. sur le Grand Buccin, pi. 1, fig, 6 et 15, h (Ann. du Muséum, t. XI).
DES .MULI.LSQLKS GASTÉIIUI'ODKS. 385
part des Éolidiens et ehez qaelrjues autres Animaux du même
ordre, la eonformation de eette portion de l'appareil digestif est
fort singulière.
Ainsi, en étudiant au microscope un de ces petits ^Mollusques Appen.iices
-, , , , . gastro-liépa-
dont les téguments étaient assez transparents pour me permettre iiq>.es.
d'observer directement ce qui se passait dans l'intérieur de son
corps , j'ai vu fort distinctement la matière végétale de cou-
leur verte qu'il avalait, traverser l'estomac et s'engager dans un
vaste système de canaux en communication avec cet organe. Ces
conduits s'avançant au loin dans le corps du Mollusque, se divi-
saient en branches et se terminaient par des culs-de-sac dont
les uns se trouvaient dans la tête, d'autres dans l'intérieur des
appendices branchiaux dont le dos de l'Animal était garni. En
faisant connaître ce système de canaux dans lequel les matières
alimentaires étaient charriées et parvenaient quelquefois jusfpie
dans les [)arties les plus éloignées de l'économie , je l'ai dési-
gné sous le nom cVappareilgastro-vasculaire^ et je l'ai comparé
aux appendices lubuleux que nous avons vus naître do l'estomac
des Méduses (i). Peu de temps après, des observations ana-
glenienr, et se prolonge un peu en donl les parois sont médiocrcnient
forme de cui-de-sac au delà du pylore, épaisses, et dont Touverture posté-
où commence l'intestin (a). rieure donne dans un troisième esto-
Cliez le Buccin onde, l'estomac est mac à parois feuilletées longitudinale-
mieux délimité ; il est arrondi, mais ment. Enfin une quatrième dilatation
peu volumineux (6). stomacale se voit entre ce dernier et
Chez le Pleurobranche , l'estomac l'iniestin (c).
présente une disposition beaucoup (1) Mes observations ont été faites
plus complexe. Les vaisseaux biliaires en 18/|0 sur un petit Éolidien de la
débouchent dans une première cavité mer de Nice, que j'ai désigné sous le
arrondie qui est suivie d'un gésier nom de Calliopée de Risso {d). La
(a) Cuvier, Màm. sur la Limace et le Colimaçon, p. 18, pi. 1, !i^. 4 {Aun.du Muséum, t. VII)
cl Atlas du Règne animal, AIollusques, pi. 21, fi^. le.
(b) Cuvier, Mém. sur le Grand Bucin, p. 10, fij. 15 {Ann. du Muséu)n, I. XI).
(c) Cuvier, Mém. sur la PhylUdie et le Pleurobranche, fig. 5 et 6 [Ann. du Muséun, 180i
t. V), et Atlas du Règne animal, Mollusqurs, pi. 32, fig. ih.
(d) .MiliiR Edwards, Observations sur la structure et les fonctions de quelques Zoophytes, Mol-
lusques et Crustacés des côtes de France {Ann. des sciences nat., i' série, iSi'2 t VIII p 330
pi. 10, tlg. 2). ■ ■>'■■>
-V. 25
386 APPAREIL DIGESTIF
logues furent faites sur d'autres Mollusques de la même famille
par plusieurs zoologistes, et M. de Quatrefages proposa de
désigner ces Gastéropodes sous le nom commun de Phlé-
bentérés. Les vues qu'il présenta au sujet des usages de ces
dépendances de l'estomac et des relations qui peuvent exister
entre ces fonctions et le travail d'irrigation nutritive don-
nèrent lieu à des débats fort vifs, dont il serait inutile de nous
occuper aujourd'hui ; mais, en laissant de côté les discus-
sions sur les mots et en dégageant ces questions de ce qui
y était étranger, il me paraît nécessaire de m'y arrêter un
instant (1).
Le fait anatomique que j'avais signalé, et que M. de Quatre-
fages, ainsi que MM. Lovén, Nordmann et plusieurs autres zoo-
logistes avaient constaté ensuite chez d'autres Éolidiens, n'est
plus mis en discussion aujourd'hui. Des erreurs avaient été
disposition générale de ces canaux est
d'ordinaire visijjle sans dissection, à
raison de la transparence des tégu-
ments et de la coloration des cellules
glandulaires contenues dans les pa-
rois de ces organes. Tantôt ils sont
jaunes ou verts, d'autres fois bruns
ou rouges , et c'est à leur présence
dans les branchies dorsales des Éoli-
diens que ces appendices doivent les
teintes particulières dont elles sont
ornées.
(1) Ainsi que j'ai déjà eu l'occasion
de le dire, la plupart des auteurs qui
ont écrit sur le phlébentérisme ont
introduit une singulière confusion
dans cette discussion, en appliquant
ce mot à l'état lacunaire d'une por-
tion du système circulatoire {a) ,
tandis qu'il ne se rapportait en réa-
lité qu'à la forme vasculaire et den-
droïde d'une portion de la cavité ali-
mentaire.
M. de Quatrefages, il est vrai, avait
supposé que ce mode d'organisation
de l'appareil digestif coïncidait avec
un état imparfait de l'appareil circu-
latoire, el pouvait contribuer à faci-
liter le travail d'irrigation ; mais c'est
à tort que ses adversaires ont mêlé
toutes ces questions sous une même
dénomination. Pour éviter tout mal-
entendu, je pense qu'il vaut mieux
abandonner les mots phléhentéré et
phlébentérisme ; mais quand je les
emploierai, je n'y attacherai d'autre
sens que celui indiqué ici. En effet,
pour moi, l'expression « Animal phlé-
bentéré » a toujours signifié Animal
dont les dépendances de l'estomac ont
la forme des tubes rameux à la ma-
nière des veines.
(a) Voyez tome III, page 233.
DES MOLLUSQUES GASTÉROPODES. 387
commises par ces observateurs au sujet de la structure de
quelques parties adjacentes de l'organisme ou du mode de divi-
sion de ces appendices tubuleux (î); mais leur existence ne
pouvait être révoquée en doute, et les opinions n'étaient en réa-
lité partagées que sur deux points : relativement à la détermi-
nation de ces canaux rameux et à leurs usages.
Ainsi M. de Quatrefages reconnut parfaitement que les
csecums par lesquels l'appareil gastro-vasculaire des Éolidiens
se termine dans l'intérieur des branchies dorsales offrent
dans leurs parois une structure glandulaire, et qu'on doit les
considérer comme les représentants d'un foie dont les élé-
ments, au lieu d'être agglomérés comme d'ordinaire, sont
épars dans l'organisme ; mais il pensa que la portion cen-
trale de ce système de tubes qui débouchent dans l'estomac
était formée par un intestin rameux. Il ne tarda cependant pas
à trouver toutes ces parties disposées à peu près de même chez
des Éolidiens où l'intestin se présentait avec ses caractères
ordinaires. Enfin Souleyet, qui, de son côté, avait constaté la
même coïncidence, fit voir que le système gastro-vasculaire
tout entier était constitué à l'aide des parties qui d'ordinaire
concourent à former l'appareil biliaire seulement, c'est-à-dire
les follicules hépatiques et leurs conduits excréteurs. Effecti-
(1) Ainsi c'est k tort que M. de aussi au sujet du mode de tenninai-
Quatiefages avait cru à la non-exis- son de l'appareil digestif (6), et Sou-
tence d'un anus chez l'Éolidien, où il ieyet a fait voir que chez tous ces
a d'abord étudié cet appareil gastro- Mollusques l'intestin proprement dit
vasculaire , et la description qu'il déi^ouche au dehors de la manière
donna de la portion périphérique ordinaire (c); mais ces erreurs ne
de ce système péchait à plusieurs pouvaient exercer que peu d'influence
égards (o). M. Nordmann s'est trompé sur la question dont je m'occupe ici.
(a) Quatrefages, Mémoire sur l'Eolidine paradoxale (Ann. des sciences nat., 2' série, 1843
t. XIX, p. 274).
(b) Nordmann Versuch einer Monographie des Tergipes Edwarsii (Mém. de l'Acad. des sciences
de Saint-Pétersbourg , partie étrangère, t. IV).
(c) Souleyet, Observ. anat. et physiol. sur les genres Actéon, Éolide, Vénélie, etc. {Comptes
rendus de l'Acad. des sciences, 1845, t. XX, p. 89).
388 APPAREIL DIGESTIF
vement il en est ainsi ; mais ce dernier anatoinisfe eut tort d'en
conclure que les larges canaux rameux qui sont ainsi formés,
et qui communiquent librement avec l'estomac, devaient servir
seulement à livrer passage à la bile. Il me paraît indubitable
que dans certains cas, sinon toujom^s, les matières alimen-
taires très divisées y pénètrent, y séjournent même assez long-
temps, et y sont en partie digérées comme dans l'estomac lui-
même; enfin qu'à raison de la grande étendue de la surface
perméable constituée par les parois de ces tubes, l'absorption
des produits de la digestion doit s'y opérer comme dans le
canal alimentaire, et que, par conséquent, cet appareil gastro-
vasculaire, tout en étant un organe sécréteur de la bile, est
aussi un instrument de digestion (1). Du reste, il n'y aurait
(l) Les observations que j'avais ment de va-et-vient, et on les voit
faites en 18/i0, sur la Caliiopée de souvent entraînés par les courants
Risso, ne nie laissèrent aucun doute jusque dans les parties périphériques
à cet égard (a), et, bientôt après, la du système. Ces courants me parais-
pénétration des matières alimentaires sent être dus principalement à l'ac-
dans cette portion rameuse de l'appa- tion de cils vibratiles qui garnissent
reil digestif fut constatée de nouveau, la surface interne des gros conduits
non-seulement par M. de Quatie- biliaires , aussi bien que du tube
fages (6), mais aussi par MM. Han- alimentaire. M. de Quatrefages a vu
cock et Embleton (c), M. Aider (d) et cet appareil ciliaire chez des Éoli-
M. Nordmann (e). Un phénomène diens (g), et MM. Aider et Hancok
analogue a été observé aussi par en ont constaté l'existence chez le
M. Vogt chez les jeunes Acléons (/"). Dendronolus {h) .
Les corpuscules solides charriés par Chez les Gastéropodes non phlében-
les liquides contenus dans l'appareil térés, tels que le Paludina vivipara,
digestif sont ballottés par un mouve- on trouve aussi des cils vibratiles très
(a) Miliie Edwards, Op. cit. {Ann. des sciences nat., 2" série, 1842, t. VIII, p. 330).
(6) Quatrefages, Op. cit. [Ann. des sciences nat., 2° série, t. XIX, p. 286).
(c) Hancock and Embleton, On the Anatomy of Eolis {Ann. of Nat. Hist., 1845, t. XV, p. 84).
(d) Aider and Hancocli, Monogr. of the British Nudibranchiate Moll^isca (texte explicalif de la
pi. d, fam. 3).
(e) Nordmann, Note sur le système gastro-vasculaire des Eolidiens {Ann. des sciences nat.,
3' série, 1850, t. XIII, p. 237).
(/■) C. Vost, Reclœi'ches sur l'embryologie des Mollusques Gastéropodes {Ann. des sciences nat.,
t. XIX, p. 286).
{g) Quatrefages, Mém. sur les Molhisques phlébentérés {Ann. des sciences nat., 3' série, 1844,
t. I, p. 160).
{h) Aider and Hancock, Nudibr. Molliisca (texte explicatif de la pi. 2 de la 3' série).
DES MOLLtSQLES GASTÉROPODES. o89
là rien (|ui i'(onnerait ceux qui connaissent les moyens dont la
Nature fait souvent usage pour répondre à certains besoins de
l'organisme animal , et nous y voyons seulement un nouvel
exemple de ces emprunts physiologiques dont il a déjà été
question plus d'une fois dans le cours de ces Leçons.
Chez quelques Gastéropodes , cette portion de l'appareil
digestif est loin de présenter la complication de structure qui
la rend si remarquable chez les Éolides. Ainsi, chez les Pavois
et les Chalides, elle n"est pas rameuse, et consiste en mie ou
deux grandes poches membraneuses qui se confondent avec
l'estomac et qui paraissent loger les IbUicules hépatiques dans
l'épaisseur de leurs parois (1). Dans le genre Rhodope, elle
consiste aussi en un énorme cul-de-sac en prolongement de
l'estomac; mais les parois de cette poche se dilatent sur plu-
sieurs points de façon à former de petits caecums autour des-
quels se groupent les follicules biliaires (2). Une disposition
analogue se voit chez les Diphyllidies ; seulement les appen-
développés dans la portion anlérieure terminale de l'appareil digestif ne
du tube alimentaire, ainsi que dans manque pas.
l'eslomac ; mais la portion terminalede Chez \e Chalidis cœrulea, \a por-
Pinteslin en est dépourvue. En gêné- tion centrale ou stomacale de cet ap-
ral, ces appendices sont disposés par pareil se continue latéralement avec
bandes longitudinales (a). une paire d'énormes poches qui se
(1) Dans le Pelta coronata le gésier prolongent en cul-de-sac, en avant sur
est suivi d'une énorme poche qui se les côtés de la masse buccale, et en
prolonge en avant sur les côtés de cet arrière jusqu'au fond de la cavité
organe, de façon à y former deux gros abdominale (c).
caecums qui sont bossues en dessus (2j M. Kijlliker, ù qui l'on doit la
aussi bien qu'en arrière (6). M. de découverte du petit Mollusque désigné
Qualrefages n'a pu découvrir Tintes- sous le nom de Rhodope Veranii, a
tin, qui d'ordinaire naît sur le côté de trouvé que l'estomac de cet Animal
l'estomac et va déboucher au dehors ; présente «en avant deux prolonge -
mais il est probable que celte portion raentsen forme decœcums, à peu près
(o) Lej-dig, Lehrbuch der Histologie, p. 331 .
(6) Qualrefages , Mém. siir les Gastéropodes jildébentérés {Ann. des sciences nat., 3' série,
d844, I. I, p. 153, pi. 4, fig. 5).
(f) Quatrefaiies, Op. cit. (Ann. des sciences nat.. 3* série, t. I, pi. 4, Rg. i).
390 APPAREIL DIGESTIF
dices hépatiques, au lieu d'être simples, se ramifient, et consti-
tuent deux séries d'arbuscules qui se logent dans l'épaisseur
des branchies situées sur les côtés du corps (1).
Dans l'Éolide papilleuse et quelques autres Mollusques du
même genre, la portion centrale de l'appareil digestif ressemble
beaucoup à ce que nous venons de voir chez les Diphyllidiens;
mais le grand cul-de-sâc postérieur de l'estomac se rétrécit un
peu, tandis que les canaux qui en partent pour pénétrer dans
les appendices branchiaux et y constituer des lobules hépa-
tiques, se développent davantage et s'élargissent beaucoup, de
façon à former un système de tubes rameux en communication
facile avec la portion centrale de l'estomac (2). Dans d'autres
comme chez les Pavois, et donne nais-
sance à l'inlestin du côté droit, puis
se 'prolonge postérieurement en «ne
énorme poche impaire qui se termine
en cul-de-sac, et qui porte sur sa face
dorsale un nombre considérable de
petits appendices pyriformes de nature
glandulaire (a).
(1) Cette disposition, qui avait été
imparfaitetnent aperçue par J. Meckel ,
est très bien représentée dans les
planches anatomiques de M. Délie
Chiaje et de Souleyet (6). Il n'existe
aucune ligne de démarcation entre
l'estomac, d'où naît l'intestin, et l'é-
norme cul-de-sac qui se prolonge jus-
qu'à l'extrémité postérieure du corps,
et qui porte en dessus deux ran-
gées de canaux hépatiques, lesquels
passent entre les muscles sous-cutanés
et vont se ramifier dans l'épaisseur
des appendices branchiaux. Là ils
s'entourent d'un tissu glandulaire, et
forment autant de petites tourtes hépa-
tiques.
(2) Chez VEolis papillosa, il n'y a
aucune ligne de démarcation entre la
portion antérieure de la grande poche
stomacale où se trouve le pylore, et où
par conséquent l'intestin prend nais-
sance, et le cul-de-sac conique qui se
prolonge jusqu'à l'extrémité posté-
rieure du corps. Les branches laté-
rales qui s'en détachent proviennent,
les unes de la portion antérieure de
la poche gastrique au-devant de l'ori-
gine de l'intestin, les autres du côté
de la portion rétrécie et postérieure
de la poche médiane. Elles sont très
larges, et se divisent chacune en deux
ou plusieurs branches qui se dirigent
transversalement en dehors et don-
(à) kôltiker, Rhodope, nuovo génère di Gasteropodi, f\g. i {Giorn. del Istit. Lombardo-Venet.,
1847).
(&) J. F. Meckel, Beschreibung einer neuen Molluska {Deutsches Archiv fur die Physiologie,
1823, t. VIII, p. 190, pi. 2, fig. 4).
— Délie Chiaje, Descrixione e notomia degli Animali invertebrati délia Sicilia citeriore, t. II,
p. 42, pi. 45, fig-. 14.
— Souleyet, Voyage de la Bonite, Zool., l. II, p. 458, pi. 24 E, %. 4, 5 et 10.
DES MOLLUSQUES GASTÉROPODES. ' o9t
Mollusques de la famille des Éolidiens, ce même prolongement
postérieur de la poche stomacale se rétrécit encore davantage, de
façon à prendre la forme d'un vaisseau cylindrique, et ailleurs
cet appendice médian se bifurque, ou se trouve représenté par
deux tubes membraneux qui naissent de l'estomac et qui se
ramitient dans les parties périphériques de l'organisme (1).
nent naissance aux caecums qui pénè -
trent dans les branchies dorsales fa).
La disposition de cet appareil est à
peu près la même cliez VEolis Cu-
vierii (6).
Chez VEolis coronata et VE. oliva-
cea, la partie centrale de l'appareil di-
gestif se divise en deux portions assez
distinctes : l'une, qui est située au-
devant du pylore , reste renflée, et
constitue alors l'estomac proprement
dit ; l'autre, qui fait suite à celle-ci, se
rétrécit de façon à devenir tubu-
laire et à avoir l'apparence d'un ap-
pendice gastrique ou d'un gros canal
biliaire (c).
Le grand tronc gastro-hépatique est
également impair chez le Fionia no-
bilis (cl), VEmbletonia pulchra (e), le
Tergipes Edwardsii (/"), etc.
(1) Ainsi que je l'ai déjà dit, ce
mode d'organisation se voit chez les
Calliopées, et il se lie à celui des Cha-
lides de la même manière que la dis-
position de l'appareil gastro-hépatique
des Éolides se rattache à celle des
Pavois. Chez lesGhalides, nous avons
vu l'estomac se prolonger en deux
grands culs-de-sac {g) ; chez les Actéo-
nies , la grande poche stomacale est
bifurquée dans presque toute sa lon-
gueur, et envoie latéralement cinq ou
six prolongements dans les appendices
branchiaux [h].
Chez YHermœa dendritica , les
deux caecums postérieurs sont encore
assez larges dans le voisinage immé-
diat de l'estomac proprement dit,
mais se rétrécissent bientôt de façon
à ne constituer qu'une paire de vais-
seaux à peu près cylindriques, qui se
prolongent jusqu'à l'extrémité posté-
rieure du corps, et, chemin faisant,
fournissent beaucoup de branches dont
les unes se ramifient sous les tégu-
ments communs du dos, et les autres
pénètrent dans les branchies pour y
constituer les grands caecums hépa-
tiques. Une autre paire de vaisseaux
rameux naît de la partie anlérieure
de l'estomac, et paraît correspondre
aux cornes antérieures de la poche
hépato - gastrique des Chalides. Ces
derniers canaux se ramifient dans
(a) Hancock and Embleton, On the Anatomy of EoUs (Ann. of Nat. Hist., t. XV, pi. 2, fig. 9).
— Aider and Hancock, Monogr. of the Nudibr. Mollusca, fam. 3, pi. 7, fig. 1, 2 et 13.
(b) Souleyet, Voyage de la Bonite, t. 11, p. 423, Mollu50UE3, pi. 24 A, pi. 11 et 12.
(c) Hancock and Embleton, Op. cit. {Ann. of Nat. Hist., t. XV, pi. 3, fig. 1 et 2,i.
(d) Aider and Hancock, Nudibr. Mollusca, fam. 3, pi. 38 A, fig. 2 et 10.
(e) Aider and Hancock, Op. cit., fam. 3, pi. 38, fig. 2 et i.
{/■) Nordmann , Versuch einer Monographie des Tergipes Edwarsii , pi. 2 {Mém. de l'Acad. de
Saint-Pétersbourg , Savants étrangers, t. IV).
(g) Voyez ci-dessus, page 385.
(h) Qualrefages, Op. cit. (Ann. des sciences nat., 3" série, t. I, [d. 4, fig. 3).
^92 APPAHEiL DIGI^STIF
Chez beaucoup d'Éolidiens, ces canaux, ainsi que je l'ai déjà
dit, sont assez larges pour se laisser pénétrer par les aliments
incomplètement digérés, et ils constituent alors ce que j'ai appelé
un système gastro-vasculaire ; mais ailleurs ils deviennent trop
étroits pour livrer passage à ces substances, et ne servent plus
qu'à conduire vers l'estomac proprement dit les liquides sécrétés
par les giandules-biliaires dont leurs branches terminales sont
entourées. Ainsi la portion de l'appareil digestif qui, chez les uns,
constitue une partie de l'estomac et ne consiste qu'en un grand
prolongement terminé en cul-de-sac, devient chez d'autres un
tube rameux, et chez d'autres ^encore, se transforme en un
système de canaux efférents pour l'appareil hépatique (1).
la têle et s'avancent jusque dans les voit clans le genre Janiis de M. Ve-
tubercules frontaux ; leurs patois rani , ou Antiopa de MM. Aider et
sont garnies de glandules biliaires, Hancock [h).
comme dans tout le reste de l'appa- Chez les Actéons(ouÉlysies), le foie
reil [a] . est également diffus et relie à l'eslo-
Chez d'autres Éolidiens, ce système mac par un système de tubes étroits
rie canaux est disposé à peu près de dont les ramifications s'étendent dans
même, et les principaux groupes de presque toutes les parties du corps (c).
glandules biliaires sont également lo- (1) MM. Hancock et Embleton ont
gés dans les appendices branchiaux ; cru que chez les Éolides ces canaux
mais ces canaux, dans le voisinage s'ouvraient au dehors, à l'extrémité de
immédiat de l'estomac, deviennent chaque appendice branchial {d). On
fort grêles, et se trouvent ainsialfectés voit, en eiïet, au sommet de ces or-
uniquement au transport des produits ganes, un orifice : mais M. de Quatre-
de la sécréiion biliaire. Il est aussi à fages a constaté que ce pore ne com-
noler qu'ils se réunissent tous (ceux munique pas avec l'appareil gastro-
de la lêle comme ceux dé la région hépatique, et appartient à une petite
dorsale) en deux troncs principaux poche qui sert de réservoir pour des
qui vont déboucher sur les côtés de némalocystes ou capsules filifères urli-
i'eslomac. Ce mode d'organisation se canies (e). Souleyet pense même que
(a) Aider and Hancock, Monogv. of IheNudïbr. Mollusca, fam. 3, pi. 40, fig. 1.
{b) DcUe Chiaje, Descriz. e notom. degli Animali invertebr. délia Sicilia citer., pi. 88, Rg. 2.
— Blanchard, Op. cit. {An7i. des se. nat., 3" série, 18-48, t. IX, p. ISS, et t. XI, pi. 3, fig. i).
— Aider and Hancock, Nudibr. Mollusca, fam. 3, pi. 43, fig. i et 2.
(e) Qualrefag-es, Mém. sur les Mollusques phlébentérés {Ann. des sciences nat., 1844, t. I,
p. 141, pi. 4,'fig. 2).
— AUinan, Un Ihe Analomy of Actœoii (Ann. of Nat. liist., 1845, t. XVI, p. 148, pi. C).
— Sonlejet, Voyage de la Bonite, Zool., I. II, p. 486, Mollusques, pi. 24 U, fi^. 7.
{d] Hancock and Emblelon, Op. cit. {Ann. ofNat. Hist., t. XV, p. 8, pi. 4, fig-, 9).
(e) Souleyet, Voyage de la Bonite, \. il, p. 424.
DES MOLLUSQUES GASTÉROPODES. SOo
Chez les Éolidieiis, le foie est donc épars et se trouve repré-
senté par les branches terminales du système de canaux gastro-
vasculaires qui sont en quelque sorte la continuation de la poche
stomacale. Celte glande ne se compose, par conséquent, que
d'un certain nombre de cœcums dont les parois sont occupées
par les follicules ou cellules hépatiques, et ces caecums sont
logés principalement dans les appendices respiratoires dont le
dos de l'Animal est couvert.
Mais chez la plupart des Gastéropodes , l'appareil hépatique
est centrahsé (1); les cœcums sécréteurs se multiplient beau-
Foie,
cette poche ne s'ouvre pas extérieu-
rement, mais cette opinion ne me
paraît pas être fondée.
Ces ca-cums terminaux de l'appa-
reil gastro-hépatique sont en général
plus ou moins élargis, et paraissent
être quelquefois des cylindres simples
à parois folliculifères : par exemple,
chez VEolis concinna [a) ; mais
d'autres fois ils deviennent comme
framboises ou se couvrent de végéta-
lions de tissu glandulaire [b] ; ils de-
viennent alors plus ou moins lobules
tout autour, et, dans quelques espèces,
le canal qui en occupe le centre se
ramifie d'une manière très élégante
dans l'intérieur de ces prolongements
latéraux, ainsi que cela se voit chez
VHermœa biftda (e).
Souvent le même tissu glandulaire
se voit sur les parois des gros troncs,
et quelquefois il s'en trouve des pe-
tites masses qui naissent directement
sur les parois de l'estomac : chez le
Dendronotus, par exemple {d;.
(1) L'état diffus de l'appareil hépa-
tique est très ordinaire chez les Gas-
téropodes de l'ordre des Opisthobran-
ches, mais ne se rencontre pas chez
les Prosobranches, les Pulmonés et
les Héléropodes,
Chez les Onchidies, le foie offre,
comme d'ordinaire, les caractères d'une
glande conglomérée, mais il n'est pas
réuni en une seule masse, et forme
trois lobes parfaitement indépendants
les uns des autres. Le foie antérieur
est situé à gauche, vers le milieu de la
masse viscérale , et débouche dans
l'œsophage, près du cardia ; le second
lobe, moins grand que le précédent,
est situé à droite, plus en arrière, et
s'ouvre dans la même partie du tube
alimentaire ; enfin le troisième, beau-
coup plus petit que les deux autres, est
situé sur le dos, derrière l'eslomac, et
s'ouvre dans le gésier (e).
Chez la Limace, le foie se compose
de beaucoup de lobules agglomérés
en cinq lobes, dont les canaux excré-
(a) Hancock ami Erablelon, Op. cit. {Ann. of Xat. Hist., t. XV, pi. 4, fig. 1).
(h) Exemple : Eolis papillosa (voy. Hancock and Embleton, loc. cit., pi. i, fig. A et 5).
(c) Aider and Hancock, Sudibr. Mollusca, fam. 3, pi. 39, Rg. 3 et 4.
{(l) Aider and Hancock, Op. cit., f.mi. 3, pi. 2, (ig. 2.
(c) Cuvier, Mém. sur VOnchidie, p. 0, pi. 1, fi?. 4 {.inn. du Muséum, t. V, 1804),
accessoires.
394 APPAREIL DIGESTIF
coup, et les tubes rameux qui les porteni se raccourcissent, de
façon que toutes ces pardes rentrent dans la cavité abdominale
et se groupent autour du tube digestif sous la forme d'une
masse lobuleuse.
En général, le foie, ainsi constitué par une multitude de
petits csecums disposés en grappe autour des ramuscules des
canaux biliaires, est très volumineux et plus ou moins entremêlé
avec les organes de la génération, de taçon à former avec la
portion voisine du tube digestif une masse viscérale qui est
revêtue d'une tunique membraneuse assez serrée et qui se loge
dans la région dorsale du corps, sous la coquille (1).
aiandes Quclqucs aiiatomistcs donnent le nom de pancréas à un petit
prolongement en cul-de-sac qui se voit à côté du pylore, à
l'extrémité de l'estomac simple de divers Mollusques Gastéro-
podes, les Doris, par exemple (2); mais rien n'établit que cet
appendice soit un organe sécréteur particulier , et, lors même
que ses parois seraient glandulaires, il n'y aurait, dans l'état
teurs se réunissent tous en deux troncs plus développé que son congénère {d},
qui vont déboucher dans le fond de Les ampoules ou organites sécréteurs
Teslomac, près du pylore (a). qui terminent les ramuscules de ces
Chez le Colimaçon, il n'y a que lubes hépatiques sont garnis iulé-
quatrc lobes hépatiques, et tous les rieurement de cellules épiihéliqnes
conduits biliaires se réunissent en un dans la cavité desquelles on distingue
seul canal qui s'ouvre également à souvent des gouttelettes graisseuses,
côté du pylore (6). La structure en a été étudiée, chez
EaOn, chez les Tesiacelles , le foie le Colimaçon, par M. Laidy (e).
est réduit à deux lobes (c). (2) Ce petit caecum naît du py-
(1) Les canaux biliaires, qui dél^ou- lore [f), et se voit aussi, mais moins
. chent dans l'estomac, sont en général bien développé, chez les Téthys.
très larges, et celui de gauche est
(o) Cuvier, Mém. sur la Limace et le Colimaçon, p. 19, pi. 2, fig. 42 (Ann. du Muséum, l. VII).
— Délie Chiaje, Descrizione e notomia degli Animali invertebrati, pi. 37, fig. 6.
(b) Cuvier, loc. cit., pi. i , fig. 3.
(c) Moquin-Tandon, Histoire des Molhisques terrestres et fluviatiles, t. I, p. 52.
{d) Voyez I^oli, Testacea utriusque Sicilice, t. 111, pi. 5, fig. 8.
— Délie Chiaje, Descri%. cnolom. derjli Animah invertebrati, pi. 58, fig. 3.
(e) J. Laidy, Researches into the comparative Structure of the hiver, pi. 1, fig'. 15 à 24
(exlr. de V American Journ. of Médical Science, 1848).
(f) Aider and Hancock, Nudibr. Mollusca, fam. 4, pi. 2, lisr. 1 i.
DES MOLLUSQUES GASTÉROPODES. 395
actuel de la science, aucun motif pour le considérer comme
l'analogue du pancréas des Animaux supérieurs.
§ 17. — L'intestin, qui fait suite à l'estomac et qui est le plus intestin.
souvent en grande partie caché entre les lobules du foie, varie
beaucoup en longueur et ne présente dans sa structure rien
d'important à noter. Sa portion terminale, qu'on désigne d'or-
dinaire sous le nom de rectum^ traverse le cœur chez les Haho-
tides, et il est probable que chez tous les Animaux de cette
classe il débouche au dehors par un orifice anal, bien que chez
quelques petites espèces cette disposition n'ait pu être con-
statée (1).
La position de l'anus varie beaucoup ; mais presque toujours
(l) Plusieurs des petits Mollusques niant des anses fort remarquables (6).
chez lesquels on avait d'abord mé- Chez les Oscabrions, dont l'estonaac
connu Texistence de l'anus en sont est aussi très simple et de médiocre
incontestablement pourvus («) ; mais grandeur, l'intestin est extrêmement
jusqu'ici on n'est pas parvenu à long et forme diverses circonvolu-
découvrir cet orifice chez certains tions (c).
Opisthobranches, et notamment chez Chez le grand Triton de la Rléditer-
les Pavois et les Chalides, ranée, l'intestin ne diffère que peu de
L'intestin des Gastéropodes paraît ■ l'estomac, et décrit à peine quelques
être généralement plus long chez les circonvolutions (c/). lien est de même
espèces phytophages que chez celles ciiezlaJanthine (e) ; mais c'est chez les
dont le régime est carnassier. Quel- Gastéropodes phlébentérés , c'est-à-
quefoislïnlestin semble aussi compen- dire dont l'appareil gastro-hépatique
ser par sa grande longueur le peu de se développe en manière de gros tubes
développement de l'estomac. Ainsi, rameux.querinlestin est le plus réduit,
chez les Patelles, 011 l'œsophage est très Ainsi chez l'Actéon il ne consiste qu'en
court et l'estomac petit, cette portion un petit cylindre membraneux très
du canal alimentaire fait plusieurs fois court qui se porte presque directement
le tour de la cavité abdominale en for- de l'estomac à l'anus, situé tout au-
(fl) Quatrefages, Mém. sur les Mollusques phlébentérés {Ann. des sciences nat., 2" série, 1844,
t. I, p.'d76).
(6) Cuvier, Mém. sur l'Haliotide, etc., pi. 2, fig. 9 et 12.
(c) Cuvier, loc. cit., pi. 3, fig. M et 13.
— Délie Chiaje, Op. cit., pi. "4, fig. 13.
— Middendorff, Beitrâge zu einer Malaco%oologia Rossica {Mémoires de l'Académie de Saint-
Pétersbourg, &' série, 1849, Sciences naturelles, t. VI, pi. 6, fig. 1 et 2).
(d) Milne Edwards, Voyage en Sicile, t. 1, pi. 25.
^e) Délie Chiaie, Op. cit., pi. 67, fig. 3 ; pi. 68, fig. 11.
396 APPAREIL DIGESTIF
posiiion cet orifice se trouve dans le voisinage de la nuque, soit sur le
de l'anus. , i a , -- i -, t •. i , r , ,
dos, soit sur le cote droit du corps, et il se loge en gênerai sous le
manteau ou même dans une grande cavité formée par un pro-
longement de ce repli cutané. L'oviducte et l'appareil urinaire
s'ouvrent d'ordinaire dans la poche membraneuse ainsi formée,
et celle-ci remplit par conséquent les fonctions d'un cloaque.
Chez les Patelles, elle n'a pas d'autre usage (1), mais, dans la
grande majorité des cas, les branchies, ou le réseau des vais-
seaux pulmonaires, viennent s'y loger, et elle devient ainsi une
chambre respiraloire. Comme telle, nous avons déjà eu Tocca-
sion d'en étudier le mode de conformation (2), et par consé-
quent je ne m'y arrêterai pas ici. J'ajouterai seulement que le
rectum longe la voûte de cette cavilé du côté droit et débouche
près de son bord antérieur, de façon à se trouver sur le trajet
du courant expiratoire (3). Chez les Opisthobranches et un petit
noÎTîbre de Pulmonés où cette cavittî palléale n'existe pas, l'anus
se voit tantôt dans le sillon qui sépare le manteau du pied,
d'antres fois vers le miUeu du dos, entre les appendices bran-
chiaux, et presque toujours il y a connexité entre ces or-
près (a), el chez la pluparl des Éoli- et sons le bord anlérieur du nian-
diens il est également fort court et teau (c).
très simple [b). (2) Voyez tome If, page 56 et suiv.
(1) La chambre palléale des Pa - (3) Chez les Haliotides, le rectum fait
telles est assez grande, quoique les saillie dans la chambre cloacale ou
organes respiratoires ne s'y logent respiratoire, entre la base des deux
pas, et elle s'ouvre au dehors par branchies {cl) ; mais chez la plupart
une large fente transversale située des l'rosobranches il est placé ù droite
derrière la tête, au-dessus du dos de ces organes , et marche parallèle-
(a) Allman, On the Anatomy of Actœon {Ann. of Nat. Hist., 4845, t. XVI, p. 147, pi. Gg).
— Souleyet, Voyage de la Bonite, Mollusques, pi. 24 D, %. 7 et 8.
(b) Hancock and Embleton, Analomy of Eolis {Ann. of Nat. Hist., l. XV, pi. 2, fig. 9; pi. 3,
fis- 1, 2, 4).
— Souleyet, Op. cit., pi. 24 A, ûg. H et 12.
(c) Cuvier, Mém. sur l'Haiiotide, etc., pi. 2, lig. 8.
— Poli, Testacea utriusque Siciliœ,l. 111, pi. 55, fij. 26.
— Milne Edwards, Voyage en Sicile, t. I, pi. 27, d^, 2.
(d) Cuviev, Mém. sw l'Haiiotide, etc., pi. 1 , fig. 12 et 14.
— Milne Edwards, Op. cit., pi, 20, fig'. 1 .
D!£S MOLLUSQLiiS GASTliKOrODES. o'Jl
gnnes (1). Les Gastéropodes chez lesfjuels l'anus se trouve sur
la ligne médiane sont en très petit nombre, et il est encore
plus rare de trouver cet orifice à l'extrémité postérieure du
corps, disposition qui existe cependant chez les Oscabrions et
les Onchidies (2).
ment à la partie terminale de i'ovi- fice des organes génitaux, et non con-
dncte, jusque' dans le voisinage de la fondu avec celni-ci, comme le pensait
tète (a). 11 en est de même chez le Cuvier (f).
Colimaçon (b), les Agathines (c), etc. Dans le genre Jam(s ou ^nhopa, cet
(l) Chez les Gastéropodes Opistho- orifice se porte beaucoup plus loin en
branches, l'anus est souvent placé arrière , presque sur la ligne médiane
beaucoup plus en arrière que chez les du dos (g). Il en est de même dans
Prosobranches. Ainsi, chez les Pleuro- les genres Proctonotus ou Venilia {h)
branches, il est situé à la base de la et Alderia (i). C'est aussi la place
branchie, vers les trois quarts posté- qu'il occupe chez les Doridiens, où
rieurs du sillon qui sépare le manteau il se trouve vers le tiers postérieur
du pied (d), et chez les Aplysies il se du corps plus ou moins complètement
trouve du même côté, mais encore entouré par les branchies (j). Enfin
plus en arrière (e). dans les genres Hermœa et Stiliger de
Chezla plupart des Éolidiens, l'anus la famille des Éolidiens, il est égalc-
tend à devenir dorsal , mais se trouve ment dorsal, mais se trouve à la partie
encore du côté droit, à la base des antérieure du corps {k).
branchies, à quelque distance de l'ori- (2) Chez l'Onchidie de Pérou, où il
(a) Exemples : Turbo pica (voy. Cuvier, Mém. sur la Vivipare, etc., ûg. 7).
— Turbo marmoratus (voy. Quoy et GaimarJ, Voy. de l'Astrolabe, Moll., pi. 59, fig. 10).
— La Phasianelle {\oy. Cuvier, Mém. sur la Janthine, etc., flg-. H et 12).
— La Porcelaine (voy. Quoy et GaiiiiaH, Op. cit., pi. 49, fig. i).
— La Tonne ou Dolium galea (voy. Poli, Op. cit., t. III, pi. 50, fig. 1).
— Le Triton de la Méditerranée (voy. Milne Edwards, Voyage en Sicile, t. I, pi. 25).
— L'Ampullaire de Célèbes (vny. Quoy et Gaimard, Op. cit., pi. 57, fig-. 0 et 7).
— La Janthine (voy. Délie Cliiaje, Descriz. e notom. degli Anim. senza vertebr. dMa Sicilia
citeriore, pi. 67, fig. 3 ; pi. G8, fig. 11).
(6) Cuvier, Mém. sur la Limace, etc., pi. 1, fig. 2 et 3 {Ann. du Muséum, t. VII).
(c) Quoy et Gaimard, Voyage de l'Astrolabe, Mollusques, pl. 49, fig. 21, et Allas du, Règne
animal de Cuvier, Mollusques, pl. 25, fig. 1 a.
{d) Cuvier, Mém. sur la Phyllidie, etc., fig. 2 (Ann. du Muséum, t. V).
(e) Cuvier, Mém. sur l'Aplysia, pl. 2, fig. 3 {Ann. du Muséum, 1802, t. II).
— Délie Cliiaje, Descriùone e notomia degli Animali senza vertèbre délia Sicilia citeriore,
pl. 58, fig. 1.
if) Hancock and Embleton, Anat. of Eolis {.inn. of Nat. Hist., t. XV, pl. 5, fig. 16).
(g) Blanchard, Op. cit. (Ann. des sciences nat., 3" série, t. Il, pl. 3, fig. 1 ; pl. 4, fig. 2).
— Aider and Hancock, Monogr. of the Brit. Nudibr. Mollusca, fam. 3, pl. 43, fig. 2.
(h) Aider and Hancock, Descr. of a neiu Genus of Nudibr. Mollusca (Ann. ofNat. Hist., 2° série,
1844, t. XllI, pl. 2, fig. 1).
(i) Aider and Hancock, Monogr. of the British Nudibraneliiate Mollusca, fam. 3, pl. 41, fi"-. 1.
(j) Cuvier, Mém. sur le genre Boris, pl. 2, fig. 1 (Ann. du Muséum, t. IV).
— Délie Chiaje, Bescriz., pl. 40, fig. 3 ; pl. 41, fig. 12.
• — Aider and Hancock, Op. cit., fam. 1 , pl.
(k) Aider and Hancock, Op. cit., p. 13.
Appareil
digestif
des
Ptéropodes.
Tentacules.
398 APPARESL DIGESTIF
§ 18. — Dans le petit groupe des Ptéropodes, l'appareil
digestif ressemble beaucoup à ce que nous avons vu chez les
Gastéropodes de l'ordre des Prosobranches , mais présente
quelques particularités dignes de remarque ; et il est à noter
que chez les uns sa portion antérieure est fort bien consti-
tuée, tandis que sa portion profonde est disposée d'une manière
beaucoup moins parfaite, mais que chez les autres c'est le
contraire qui se voit : les organes qui avoisinent la bouche
sont plus ou moins rudimentaires , tandis que l'estomac et
le foie ont une structure plus complexe. Le premier de ces
modes d'organisahon se voit chez les Ptéropodes nus, c'est-
à-dire qui n'ont pas de coquille; le second, chez les Ptéropodes
conchylifères.
Ainsi, chez quelques Ptéropodes nus, les Clios et les Pneumo-
dermes, par exemple, l'appareil digestif est enrichi d'organes^
pr'éhensiles qui sont aussi des instruments de locomotion, et qui
ont quelque analogie avec les bras circumbuccaux des Céphalo-
podes : ce sont des appendices labiaux en forme de papilles on
de tentacules fort courts dont la surface est hérissée de petites
ventouses susceptibles d'adhérer fortement aux corps étran-
existe, comme nous l'avons déjà vu,
trois estomacs (a), l'intestin qui fait
suite à ces organes a environ deux fois
et demie la longueur du corps, et va
déboucher au dehors à l'arrière de
l'abdomen , sur la ligne médiane ,
entre le pied et le manteau , au-
dessous de l'ouverture de la poche
pulmonaire (6).
Chez les Oscabrions, l'anus est placé
de même à l'arrière du corps, entre
le manteau et le pied (c), et il occupe
la ligne médiane.
M, de Quatrefages a cru trouver
un anus à l'extrémité postérieure du
corps chez l'Acléon [d) ; mais cet
orifice est placé sur le côté droit du
cou (e).
(a) Voyez ci-dessus, page 385.
(b) Cuvier, Mém. sur VOiichidie, pi. 1, fig. 2 el 5.
(c) Idem, Mém. sur l'Haliotide, etc., pi. 1 , fig. 9 et 13.
(d) Quatrefages, Mém. sur les Molhisques phlébentérés {Ann. des sciences nat., 2° série, 1844,
1, p." 4 38.
(e) AUman, On the Anatomy of Actœon {Ann. of Nat. Hist., 1845, t. XVI, p. 147, pi. (j).
— Souleyet, Voyage de la Bonite, Mollusques, pi. 24 D, fig. 7 el 8.
DES MOLLUSQUES PÏÉROPODES. 399
gers (1). Chez les Hyales et les autres Ptéropodes conchyli-
tëres, on ne voit rien de semblable.
Chez les Ptéropodes nus, 1^ bouche se prolonge souvent en
forme de trompe rétractile ('2) ; et non-seulement elle est armée
d'un appareil lingual fort complexe et semblable à celui des
Gastéropodes, mais parfois aussi e|le est garnie d'organes pré-
Armature
buccale.
(1) Chez les Glios, la bouche est
entourée d'un certain nombre de pe-
tits appendices coniques et rétvactiles
dans un repli cutané que Palias a
comparé à un prépuce (a) ; ce ne sont
pas des tentacules labiaux ordinaires,
comme le supposait Cuvier (b), car le
proi'esseur Eschricht (de Copenhague)
a trouvé que leur surface est garnie
de ventouses microscopiques, et par
conséquent on peut les considérer
comme analogues aux bras des Cé-
phalopodes (c). Chez le Clio borealis,
il y a trois paires de ces organes, et
chez le Clio lonyicaudatus deux paires
seulement, mais ils sont plus déve-
loppés {dj.
Chez les Pneumodermes, on voit
également sur les côtés de la bouche
un appareil préhensile de ce genre. Il
se compose de deux appendices mem-
braneux et lentaculiformes, portant
une douzaine de ventouses pédoncu-
lées. (e) Ce mode d'organisation existe
aussi dans le genre Spongiobranchia
d'Alc. d'Orbigny (f). Dans le genre
Euribia, on trouve, sur les côtés de la
bouche , des appendices analogues ,
mais qui paraissent être dépourvus
de suçoirs {g).
(2j La trompe est très grande et fort
charnue chez les Pneumodermes (h)
el les Spongiobranches {i) ; mais chez
les Ciios cet organe manque , et la
bouche n'est pas protractile.
Chez les Hyales, cette ouverture est
située au fond de l'échancrure qui
sépare en avant les deux nageoires, et
ses bords sont à peine saillants (j).
Les Cléodores et les Guviéries sont
également dépourvus de trompe.
Il en est de même chez les Cymbu-
lies, mais leur lèvre supérieure se pro-
longe en forme de voile plissé (k).
(a) Palias, Spicilegia Zoologica, x, p. 28.
(6) Cuvier, Mém. sur le Clio borealis, p. 5 {Ann. du Muséum, 4 802, l. I).
(c) Eschricht, Anatomische Untersuchungen ûber die Clio borealis, 1838, p. 7 et suiv., pi. 11,
Rg. 12 et 13.
— Souleyet, Voyage de la Bonite, Mollusques, pi. 15 bis, fig. 5 et 6.
(d) Souleyet, Op. cit., t. II, p. 279, pi. 14, %. 20.
(e) A. d'Orbigny, Voyage dans l'.Amérique mérid., t. V, Moll., p. 129, pi. 9, lig. 10 et 11.
— Van Beiieden, Exerc. %ootom., pi. 47, et Mém. de VAcad. deBriix., t. XI, pi. 3, fig. 1 et 2.
Gegenbaur, Unterstuilnmgen ûber Pteropoden, pi. IW, i\g. 10.
(/■) D'Orbigny, Op. cit., pi. 9, fig. 1 à 6.
(g) Souleyet, Op. cit., t. II, p. 245, pi. 15, fig. 1 et 3.
{h) Souleyet, Op. cit., pi. 14, fig. 12.
(i) D'Orbigny, Voyage dans l'Amérique méridionale, Mollusques, |i1. 9, fig. 1.
(j) Gegenbauer, Op. cit., pi. 1, fig. 1 ■
(k) Vau Beneden, Mém. sur la Cymbulie de Péron, p. 15, pi. 1, fig. 3 {Exercices Aootomiques,
et Mém. de l'Acad. de Bruxelles, t. XII).
— Souleyet, Op. cit., t. II, p. 232, pi. 15 6is, fig. 20, 21.
/|00 . APPAREIL DIGlibTlF
hensiles latéro-supérieiirs tort grands qui sont comparables aux
mâchoires de ces derniers Mollusques. Cljez les Ptéropodes
nus, la masse linguale est petite,, son armature est moins com-
pliquée (1), et il n'y a que des rudiments de mâchoires !^2).
(1) L'appareil lingual des Ptéro-
podes est disposé à peu près comme
celui des Gastéropodes. Ainsi, chez le
Clio boréal, la râpe se compose d'une
série longitudinale de pièces rachi-
dienncs mousses et d'un grand nom-
bre de crochets qui forment de chaque
côté de celles-ci vingt séries transver-
sales (a).
Chez les Hyales (6) et les Lyma-
cines (c) , l'appareil lingual est peu
volumineux et ne se compose que de
trois rangées longitudinales de pièces
coVnées, consistant en un crochet mé-
dian et une paire de crochets laté-
raux. Chez les Hyales, ces dents sont
disposées sur huit ou dix rangées
transversales. Chez le Cleodora tri-
phtjUis, il n'y a que cinq rangées trans-
versales de dents {d).
(2) Les mâchoires des Ptéropodes
diffèrent beaucoup de celles des Gasté-
ropodes. Ainsi chez les Cliosces organes
consistent en une paire de tubercules
charnus qui sont logés dans une gaîne
membraneuse en forme de caecum, et
qui [jortent une série d'appendices
cornés disposés en faisceau ou comme
les dents d'un peigne (e).
Chez les Pneiimodermes, celte par-
tie de l'appareil buccal est encore plus
remarquable. Hé chaque côté de la
masse linguale se trouve un grand
appendice cylindrique qui se dirige
en arrièie, au-dessous de la masse
viscérale, se termine en cul-de-sac, et
renferme dans son intérieur un tube
cartilagineux de même forme, qui est
hérissé de crochets, et qui est suscep-
tible de se dérouler au dehors, ou de
rentrer dans sa gaîne par le jeu de
différentes fibres nuisculaires logées
dans celle-ci (/').
Chez les Cliopsis , qui du reste
ressemblent extrêmement aux Clios,
il y a trois mâchoires hérissées de
pointes {g}.
Enfin, chez les Hyales, les Cléodores
et les Cymbulies, les mâchoires sont
représentées par deux séries de petites
(a) Eschricht, Op. cit., pi. 3, Rg. 22.
— Lovén, Op. cit. pi. 3 {Ofversigt afK. Vetenskaps-Akad. Forhandlinyar., 1847).
— Troscliel, Das Gebiss der Schnecken, pi. 3, lig. 8.
(6) Lovén, Op. cit., pi. 3 (Revue des travaux de U Académie de Stockholm, 18i7).
— Souleyet, Op. cit., pi. 9, fig. 9 etlO.
— Troscliel, Das Gebiss der Schnecken, pi. 2, lig. 17.
(c) Lovén, loc. cit., pi. 3.
— Troscliel, Op. cit., pL 2, fi^. 15.
(d) Troscliel, Op. cit., p. 51.
(e) Eschricht, Op. cit., pL 3, fig. 20, 21 a.
— Souleyet, Op. cit., pi. 15 bis, fig. 10 et H.
(/•) V.in Beneden, Recherches stir le Pneumoderraon violacomn (Exercices z-ootomiques, p. 47,
pi. 1, fig. 5, et Mém. de l'Acad. de Bruxelles, t. XI).
— Soule^'et, Op. cit., t. II, p. 262, pi. 14,fig. 13, et |d. 15, fig. 17, 18, 19 et 20.
— Gegenbauer, Untersuchungen ilber Pterojmden, \i\. 10, lig. 10.
(g) Troscliel, Beltràge î-uc KeniUniss der Pleropoden (Archiu fur Nalurgeschichlc, 1854, t. I,
p. 222, pi. lO.fig. 10).
Glandes
salivairos.
DES MOLLUSQUIiS PTÉROPODES. /lOl
Enfin , chez ces derniers, les organes salivaires manquent
complètement ou n'existent qu'à l'état rudimentaire, tandis que
chez les Ptéropodes nus, ils sont en général très volumineux,
et consistent en une paire de longs cœcums à parois glandu-
laires (1).
L'estomac est d'une structure fort simple chez les Clios et Estomac
les autres Ptéropodes sans coquille ; il ne consiste qu'en une
poche membraneuse aux parois de laquelle le tissu hépatique
adhère directement , ainsi que nous l'avons vu chez les Mol-
lusques Acéphales ('2). Chez les Ptéropodes conchylifères, cette
plaques cornées qui sont très petites
et difficiles à apercevoir ; aussi ont-
elles échappé à l'attention de la plu-
part des zoologistes («). MaisiM.Tros-
chel en a constaté l'existence (6).
Chez les Tiedemannies, il ne parait
y avoir aucune pièce dure dans la
cavité buccale (c).
(1) Les glandes salivaires des Clios
consistent en une paire de caecums
glandulaires qui descendent sur les
côtés de l'œsophage et se renflent un
peu vers le fond {d).
Chez les l'neumodermes, leur dispo-
sition est à peu près la même, si ce
n'est qu'on remarque une petite dila-
tation en forme de vésicule sur le
trajet de leur canal excréteur (e).
Chez les Euribies, ces organes sont
simples et plus courts (/").
Chez les Hyales, les glandules sali-
vaires sont rudimentaires et ne con-
sistent qu'en une paire de petits corps
globuleux, situés derrière la cavité
buccale, et s'ouvrant dans celle-ci par
des canaux excréteurs filiformes (g).
Il en est à peu près de même chez
les Cuviéries.
Chez les Cymbulies, ces organes
manquent complètement (h) ou sont
tout au moins réduits à de simples
vestiges (i). On n'en a pas trouvé de
traces chez les Tiedemannies (j).
("2) Chez les Pneumodermes, l'œso-
phage est long et cylindrique. L'esto-
mac, qui y fait suite, a la forme d'une
(a) Sonleyot, Voyage de la Bonite, t. II, p. 59.
(h) Troscliel, Op. cit. [Archiv fur Naturgeschichte, 1854, t. I, p. 199 elsuiv.). — Das Gebiss
der Schnecken, p. 50 et siiiv., pi. 3, fig-. 4 et 5.
(c) Van Beneden , Méni. sur un nouveau genre de Mollusques voisins des Ojinbulies, p. 26
{Mém. de l'Acad. de Bruxelles, t. XII).
(d) Cuvier, Mém. sur le Clio {Ann. du Muséum, 1802, t. I, pi. 17, ùg. 4, ot Mém. pour servit'
à l'histoù'e des Mollusques).
— Soulejet, Op. cit., pi. 15 bis, fig. 8 et 9.
(e) Cuvier, Mém. sur l'Hyale, etc., p. 9, pi. B, iig. 8 (Ann. du Muséum, t. IV, 1804, et Mém.
pour servir à l'histoire des Mollusqices) .
— Van Beneden, Op. cit. {Mém. de lAcad. de Bruxelles, t. XI, pi. 1, fig. 4).
— Souleyet, Op. cit., pi. 15, fig. 17.
(/■) idem., ibld., pi. 15, fig. 4.
(g) Idem., ibid., t. II, p. 114, pi. 9, fig. 8s.
(/() Van Beneden, Mém. sur la Cymbulie de Pérou, p. 17 {Mém. de l'.icad. de Bruxelles, t. XII).
(i) Souleyet, Op. cit., t. Il, p. 234.
( j) Van Beneden, Mém. sur ion nouveau genre de Mollusques voisins des Cymbulies, p. 27,
V. 26
Foie.
Anus.
402 . APPAREIL DIGESTIF
portion du tube digestif est au contraire divisée en deux ou
plusieurs chambres , et un de ces estomacs est armé intérieu-
rement de plaques cornées dentiformes, de façon à remplir les
fonctions d'un gésier masticateur. Entin, le foie constitue un
organe glandulaire distinct et d'un volume considérable, qui est
séparé du tube alimentaire et y verse la bile par un canal par-
ticulier. Il est aussi à noter que l'anus se trouve sur le côté du
corps, vers sa partie antérieure, à droite chez les Ptéropodes
nus, et à gauche chez la plupart des Ptéropodes conchyli-
fères (i).
grande poche oblongue ; il se termine
en cul-de-sac, et communique avec
l'intestin par une ouverture pylorique
située à droite, assez près du cardia ;
les follicules hépatiques le recouvrent
extérieurement et y déboucheat par
un grand nombre de caecums à large
orifice, à peu près comme chez les
Acéphales. L'intestin est très court, et
l'anus se trouve à droite, près du bord
postérieur de la nageoire cervicale (a).
La disposition de ces parties est à peu
près la même chez les Glios (6).
Chez l'Euribie, l'estomac est égale-
ment enveloppé par la substance du
foie, et se prolonge au-dessous du py-
lore en un grand cul-de-sac, mais il
présente du côté droit une dépression
dans laquelle un corps dur et jaunâtre
a été trouvé enci)âssé. L'intestin est
beaucoup plus long que dans les gen-
res précédents, et décrit quelques cir-
convolutions autour de la masse hépa-
tique, avant de remonter à côté de
l'œsophage, et de gagner l'anus, qui se
trouve à droite, près de la base des
nageoires (c).
(1) Chez l'Hyale, l'œsophage se di-
late inférieuremenl en une espèce de
jabot plissé longitudinalement, qui se
continue avec une portion plus mus-
culaire du tube digestif (d), que Ton
désigne généralement sous le nom de
gésier, à raison de son armature. En
effet, ses parois sont revêtues de qua-
tre plaques connées et jaunâtres, dont
la surface libre est liérissée de deux
ou trois côtes saillantes (e). Le pylore,
qui en occupe l'extrémité inférieure,
communique avec un caecum grêle et
allongé, à l'ouverture duquel viennent
aboutir les canaux biliaires. M. Van
Beneden a considéré cet organe comme
une dépendance de l'estomac {f), et
(b)
t. IV)
(c)
(d)
(e)
Ûg. 2
(f)
Cuvier, Mém. sur le Clio (Ann. du Muséum, t. I, pi. 17, fig. A).
Cuvier, Mém. concernant l'animal de l'Hyale, etc., p. 8, pi. i B, fig. 7 {Ann. du Muséum,
Souleyet, Voyage de la Bonite, ZooL, t. Il, p. 262, pi. 15, fig. 13 et 17.
Idem., ibid., t. II, p. 246, pi. 15, Rg. A.
Cu\ier, Mém. concernant l'animal de l'Hyale, etc., p. 8, pi. A, fig. 6 et 7.
Blaiii-ville, art. Hyale (Dictionnaire des sciences naturelles, 1821, t. XXII, p. 73).
Van Beneden, Mém. sur l'anatomie des genres Hyale, Cléodore et Cuviérie, p. 38, pi. 3,
, 3 (Exercices %ootomiques).
Souleyet, Op. cit., t. Il, p. 112, pi. 9, fig. 7, H, 14, etc.
Van Beneden, Mém. sur l'anatomie des genres Hyale, etc., p. 38.
DES MOLLUSQUES CÉPiLVLOPODES. 403
§ 19. — En général, dans la classe des Céphalopodes, la
préhension des aliments est effectuée par l'action des organes
locomoteurs dont la bouche est entourée et par le jeu des
parties dures dont cet orifice est armé.
Chez le Nautile, les divers appendices céphaliques ne parais-
sent pas être susceptibles de remplir des fonctions de ce genre ;
mais chez les Poulpes, les Sèches, les Calmars et les autres
Céphalopodes dlbranchiaux, les bras qui naissent de la partie
antérieure de la tête sont des organes de préhension très puis-
sants (1); nous en étudierons la structure lorsque nousTious
Appareil
digestif
des
Céphalopodes.
Organes
préhenseurs.
Souleyel la décrit sous le nom de vési-
cule biliaire (a). Le foie est voliimi-
neus et de couleur verdàtre; il est
divisé en deux lobes, et se compose
d'une multitude de petits caecums qui
ont l'apparence de granules. Enfin,
l'intestin contourne cette glande, puis
remonte à côté de l'œsophage, et va
déboucher au dehors sous le bord du
manteau, à la face inférieure du corps
du côté gauche (6).
L'appareil digestif des Gléodores ne
diffère pas notablement de celui des
[lyales (c). Chez les Cuviéries (cl), les
Cymbulies (<?) et les Tiedemannies 'f),
on trouve la même armature stoma-
cale, et l'anus est placé également du
côté gauche ; mais dans le genre Li-
macine, où le gésier est conformé de
même, on trouve, un peu plus en ar-
rière, une troisième dilatation stoma-
cale, et l'anus est placé à droite, comme
chez les Ptéropodes nus (g). Chez le
Creseis acicula, l'estomac est simple
et inerme , mais se prolonge posté-
rieurement en un long caecum grêle
et cylindrique (h).
(l) Les Poulpes sont carnassiers et
très voraces; ils se nourrissent prin-
cipalement de Crustacés et de Pois-
sons, et les pêcheurs des côtes de la
Manche les considèrent comme l'en-
nemi le plus redoutable pour les
Homards. Leur puissance musculaire
est très grande, et leurs nombreuses
ventouses adhèrent si fortement aux
corps sur lesquels elles s'appliquent,
qu'il est fort difficile de s'en débar-
rasser. Dans nos mers, ces Mollusques
sont d'assez grande taille, et leurs bras
ont souvent près d'un mètre d'enver-
gure; mais dans l'océan Pacifique il en
existe qui sont beaucoup plus grands
et plus puissants. Ainsi, pendant le
if)
%. i
ig)
Souleyet, Voyage de la Bonite, Zool., t. II, p. H4.
Gegenbauer, Uatersiichungeii ïïber Pteropoden, pi. i , fig. 1 .
Van Beneden, Op. cit., pi. 4 A, fig'. 5.
Souleyet, Op. cit., t II, p. 113, pi. 10, fig. i, 9, 44; pi. 11, fig. 3, etc.
Van Beneden, Op. cit.. pi. 4 B, flg. 3.
Souleyet, Op. cit., t. II, p. Hl et suiv., pi. 12, fig. 16, 23 et 29.
Van Bcnelen, }Iém. sur la Cymbulie, pl. 1, fig- 3.
Idem., Mém. sur un nouveau genre de Mollusques voisins des Cymbulies, p. 26, pl. 2,
Idem., Mém. sur le Limacina arctica, p. 55, pl. 5, fig. 5, 6 et 7,
Gegenbauer, Op. cit., pl. 2, fig. 1.
m
APPAREIL DIGESTIF
occuperons de l'appareil locomoteur des Mollusques, et je me
bornerai à dire en ce moment que par l'action des faisceaux
musculaires dont ils sont pourvus, ils peuvent non-seulement
s'étendre ou se raccourcir, mais s'enrouler autour des corps
étrangers avec beaucoup de force, et qu'ils ont la faculté d'y
adhérer à l'aide d'un système de ventouses dont leur face interne
est garnie; disposition qui a fait donner à ces Animaux le nom
de Céphalopodes acétabulifères. Chez les Poulpes, il existe huit
de ces appendices préhensiles, dont la longueur est très consi-
dérable; mais chez les Sèches, les Calmars et les autres genres
de la même famille, on en trouve dix (1), dont deux diffèrent
des autres par leur forme, et semblent être surajoutés à la cou-
ronne tentaculaire ordinaire ('ij.
premier voyage de Cook dans ces pa-
rages, Banks cl Solander trouvèrent
la carcasse d'un Poulpe gigantesque
qui, à en juger par les débris con-
servés dans !e musée lluntérien à
Londres, devait avoir environ h mè-
tres d'envergure (a). Les natifs des
îles polynésiennes qui font la pêche
en plongeant au fond de la mer, re-
doutent extrêmement ces Céphalo-
podes , et leurs craintes ne sont pas
mal fondées ; mais quelques écrivains
ont singulièrement exagéré la force et
la taille de ces animaux (6).
(1) De là la division des Céphalo-
podes dibranchiaux en deux sections;
1° les Octopodes, comprenant les
Poulpes, le Élédons et les Argonau-
tes ; '2° les Décapodes, comprenant la
famille des Sèches, la famille des
Teuthides {genres Calmar ou Loligo,
Sépioteuthe, Onychoieuthe, Rossia,
Sepiola, Loligopsis, etc.), les Spirule
et les Bélemnites.
(2) C'est chez les Poulpes que l'ap-
pareil brachial présente le mode d'or-
ganisation le plus simple. Il se com-
pose de quatre paires d'appendices
coniques très allongés, qui sont insérés
en cercle sur la partie antérieure de
la têie, autour de la bouche, et qui
ont tous la même forme. Chacun de
ces organes présente vers l'axe un ca-
nal longitudinal qui renferme un gros
nerf et qui est enlouré de fibres muscu-
laires disposées radiairement ; d'autres
faisceaux charnus qui en occupent
la base s'élargissent et s'entrecroisent
de façon à se réunir et h constituer
une sorte d'entonnoir contractile qui
entoure l'appareil buccal, et s'insère
postérieurement sur la charpente so-
lide de la tête, formée par un carti-
lage annulaire (c). La peau qui revêt
(a) Owen, art. Cephalopoda (Todd's Cyclop. of Anat. and Phys., t. (, p. 529).
(6) Denis de Montfort, Histoire naturelle des Mollusques, t. I, p. 256 et suiv.
(c) Cu\ier, Mém. sur les Céphalopodes et leur anatomie, p. 10, pi. t, fig. 1, 2 ; pi. 2, fia^. 1
(Mém. pour servir à l'histoire et à V anatomie des Mollusques, 1817).
DES MOLLUSQUES CÉPHALOPODES. Û05
La bouche, située au centre de l'appareil brachial, est entourée Lèvres.
d'une lèvre membraneuse circulaire à bord plus ou moins
ces prolongements céplialiques consti-
tue à leur base une série de palmures
plus ou moins grandes, et cliez quel-
ques animaux de celle famille , le
Cirroteulhis de M. Eschriclil (a), ou
Sciadephorus{h), par exemple, trans-
forme (le la sorte tout ce système ap-
pendiculaire en un vaste entonnoir ou
ombrelle péristomienne. Les ven-
touses occupent la face interne des
bras dans toute leur longueur. Chez
les Poulpes proprement dits, elles sont
disposées sur deux rangées, excepté
dans le voisinage de la bouche, où
les rangées longitudinales sont sim-
ples (c); mais dans une autre division
de la même famille, le genre Elédon,
elles ne forment partout qu'une seule
série [d). Ces organes ont à peu près
la forme d'une cupule semi-sphé-
rique, de la convexité de laquelle des
faisceaux musculaiies s'étendent vers
les parties adjacentes du bras ; en de-
dans on y distingue un disque concave
qui est garni de plis radiaires renfer-
mant des faisceaux musculaires, et qui
est percé au centre par l'ouverture
d'une fossette, au fond de laquelle
s'élève une sorte de caroncule en
forme de tampon (e)o Ce tubercule
central est susceptible de s'avancer de
façon à remplir le irou du disque, ou
à se retirer en arrière, de manière à
agrandir la capacité de la fossette qui
le renferme, et par conséquent la ven-
touse peut s'appliquer à plat sur un
corps étranger, puis, par la rétrac-
tion de l'espèce de piston ainsi con-
stitué, produire dans la partie centrale
du disque un vide, en raison duquel
celui-ci adhère avec force à la surface
sous-jacente.
Il est aussi à noter que le Poulpe
peut à volonté mettre ses ventouses en
jeu, ou faire cesser l'espèce de succion
à l'aide de laquelle ces organes se
fixent aux corps étrangers. Chez le
Poulpe commun, on compte ù peu
près deux cent quarante ventouses
sur chaque bras, et par conséquent
leur nombre total s'élève à environ
mille.
Chez les Sèches, il y a, outre les
huit bras qui sont disposés 5 peu près
comme ceux des Poulpes, mais qui
sont plus courts et garnis de quatre
rangées de ventouses , une paire
d'appendices dont le mode d'inser-
tion est un peu différent. Ces bras
complémentaires naissent du carti-
lage céphalique en dedans et en
avant des précédents, et traversent
une cavité séreuse pour arriver au
dehors, entre les bras ordinaires de
(a) Eschriclit, Cirroteulhis Mûlleri, eine neue Galtung der Cephalopoden bildend {Nova Acta
Acad. nat. curios., t. XVIII, pi. 4G et 47).
{b) J. T. Reinhardt og V. Proscli, Om Sciadephorus Miilleri [Mém. de l'Acad. de Copenhague,
1840, t. XII, p!. 1).
(c) Needham, Nouvelles découvertes faites avec le microscope, trad. par Tremblay, chap. ii,
p. 25 et siiiv., p!. 1.
— Savigny, Egypte, Mollusques Céphalopodes, pi. 1, fig. 1 (ou Atlas du Règne animal de
Cuvier, Mollusques, pi. 1, fig. d).
(d) Voyez Férussac, Histoire des Mollusques Cryptodibr anches, genre Elédon, pi. 1 et 2, ou
Règne animal de Cuvier, Mollusques, pi. 2, fig. 1.
(e) Savigny, loc. cit., pi. i, fig. 1 W ( ou Règne animal de Cuvier, Mollusques, pi. 1,
fig. Ig, Ih).
llOij APPAREIL DIGESTIF
frangé, qui est garnie intérieurement d'un muscle sphincter et
de' fibres charnues rétractrices, disposées radiairement (1).
En se dilatant , ce voile complexe laisse à découvert un appa-
la troisième et quatrième paire, à
l'intérieur de la couronne formée par
ces organes. Ils sont beaucoup plus
longs que ceux-ci et très rétractiles;
dans la plus grande partie de leur
étendue, ils sont grêles, cylindriques
et inermes; mais vers le bout ils sont
élargis et garnis de ventouses. J'ajou-
terai que les suçoirs des Sèclies sont
pédicules et plus mobiles que ceux
des Poulpes ; on y remarque égale-
ment une petite bordure denticulée,
et souvent ils varient beaucoup entre
eux, sous le rapport de la gran-
deur (a).
Dans la famille des Calmariens, ou
Teuthides, la disposition générale de
l'appareil brachial est à peu près la
même que chez les Sèches ; mais les
bras complémentaires acquièrent quel-
quefois une longueur excessive, par
exemple, chez le Loligopsis Vera-
nii (6), et il existe souvent des parti-
cularités remarquables dans l'arma-
ture de ces appendices. Ainsi, chez
les Calmars, les ventouses sont pour-
vues d'un disque annulaire carti-
lagineux dont le bord antérieur se
prolonge de façon à constituer une
série de crochets aigus (c), et chez les
Onychoteuthes ces appendices pren-
nent la forme de grosses griffes ré-
tractiles [d). Il est aussi à noter que
chez ces derniers Céphalopodes, les
deux longs bras adhèrent entre eux à
l'aide d'un groupe de ventouses ordi-
naires, situées à la partie postérieure
de la portion terminale ou spatuli-
forme, qui est armée de crochets, et
ces organes constituernt ainsi une es-
pèce de pince protractile (e).
Les Bélemnites, qui n'existent plus
à l'époque actuelle, mais qui vivaient
en grand nombre dans les mers des
périodes secondaires, avaient aussi les
bras armés de crochets très puissants,
ainsi que M. Owen a pu le constater
par l'étude des fossiles {f).
(1) Le voile labial des Céphalo-
podes est double. Chez le Poulpe, il
est peu développé et d'une structure
assez simple (^j ; mais chez d'autres
Mollusques de cette classe il se com-
plique à divers degrés. Ainsi, chez les
Calmars, la lèvre interne est frangée et
entourée par une lèvre externe qui se
(a) Voyez V Atlas du Règne animal de Cuvier, Mollusques, pi. 4, fîg. 2, 2 a, 2 6, 2 c.
(&) Féi'ussac, Histoire des Mollusques Cryplodibranches, genre Calmaret, pi. 2.
— Voyez aussi le Règne animal de Cuvier, Mollusques, pi. 6, fig. -1.
(c) Lesueur, Descript. of Several Neio Species Cuitle-fish [Journ. ofthe Acad. of PhUad., 1820,
t. II, pi. 8, fig. d).
— Férussac, Op. cit., genre Calmar, pi. 3, fig. 8 ; pi. H, fig. ia, 1 &, etc.
— Délie Chiaje, Descriz. e notomia degli Animali invertebr., pi. 10, fig. 6, 7.
(d) Lesueur, Op. cit. {Journ. of the Acad. ofPhilad., 1821, t. II, p. I 3, pi. 9, fig. d, e).
— Férussac, Op. cit., genre Oiiychoteuthe, pi. l.fig. 1, 2 6, Ib^, 16^; pi. 1, fig. 1, 3, 4, etc.
— Deshayes, Atlas du Règne animal de Cuvier, Mollusques, pi. 3, fig. 1,1a, 16.
(e) Owen, art. Cephalopoda (Todd's Cyclopœdia of Anatomy and Physiology, t. I, p. 529,
fig. 215).
(/■) Owen, A Description of certain Bélemnites preserved with a great Proportion of their
soft Parts in Ihe Oœford-clay (Philos. Trans., 1844, p. 73, pi. 3, 4, 5 et 6).
{g) Cuvier, Mém. sur les Céphalopodes , pi. 3, fig. 3, 4, 5.
DES MOLLUSQUES CÉPHALOPODES. 407
reil maxillaire très puissant, qui se compose de deux mandibules Mâchoires.
impaires et médianes, de consistance cornée, dont l'aspect est
fort semblable à celui d'un bec de Perroquet. Ces organes séca-
teurs sont portés sur une masse charnue de forme sphéroïdale,
et se composent chacun de deux lames sohdes convexes et con-
centriques qui sont écartées entre elles postérieurement pour
loger leurs muscles moteurs , mais se confondent antérieure-
ment en un bord tranchant dont la partie médiane se prolonge
prolonge en pointe vers la base de et une lèvre externe à huit divisions;
cliacun des huit bras ordinaires (a), mais celle-ci est inerme [f).
et porte quelquefois de petites ven- Chez les Nautiles, l'appareil labial
touses assez bien constituées (6). est beaucoup plus développé que chez
Chez les Sépioteuîhes, la lèvre in- les Céphalopodes dibranchiaux. Au-
terne est épaisse et plissée; elle paraît devant des mandibules se trouve
papilleuse, et elle est entourée de deux d'abord une lèvre intérieure circulaire
autres replis labiaux dont l'externe se et à bord frangé; puis, plus en de-
proionge en huit points, comme chez hors, une couronne labiale extérieure,
les Calmars, mais ces appendices ne composée de quatre grands lobes, dont
sont pas libres au bout et sont fixés le bord est gariii d'une série d'appen-
entre la base des bras ; chez quelques dices cylindro-coniques, qui sont ré-
espèces, on y aperçoit aussi de petites tractiles {g). Ces tentacules ou cirres
ventouses (c). Cliez les Onycholeu- ont la même structure que ceux dont
thés la lèvre externe est quelquefois la tête est entourée , et M. Valen-
très développée et l'interne épaisse (cZ). ciennes les considère comme les repré-
dhez les Loligopsis, la lèvre externe sentants des ventouses dont sont
s'étend beaucoup (e). Enfin, chez la pourvus les Céphalopodes dibran-
Sèche, il y a une lèvre interne frangée chiaux {h).
(a) Voyez Lesucur, Op. cit., pi. 8, fig. e.
— Férussac, Op. cit., genre Calmar, pi. 5, fig. 4.
— Milne Edwards, Voyage en Sicile, 1. 1, pi. 18 et 19.
(b) Exemple : Loligo Pealeli (voy. Férussac, Op. cit., a;enre Calmar, pi. 11, fig. 3).
(c) Exemple : le Sépioteuthe de Maurice {voy. Quoy et Gaimard, Voyage de l'Astrolabe, Mol-
lusques, pi. 4, fig. 3j.
(d) Voyez Férussac, Op. cit., genre Onychoteuthe, pi. 3 bis, fig: 4 ; pi. 4, fig. 3, etc.
— Quoy et Gaimard, Op. cit., pi. 5, fig. 17, et Atlas du Règne animal de Cuvier, Mollusques,
pi. 3, fig. A.
(e) Verany, Mollusques méditerranéens, 1. 1, pi. 39.
(f) Voyez Férussac, Op. cit., genre Sèche, pi. 3 bis, fig. 3.
— Quoy el Gaimard, Op. cit., pi. 1, fig. 3 et 13 ; pi. 2, fig. 3, 6.
{g) Owen, Mem. on the Pearly NaïUilus. — Sur l'Animal du Naxitile [Ann. des sciences
nat., 1833, t. XXVIll, p. 100, pi. 2, fig. 1).
(h) Valenciennes, Recherches sur le Nautile flambé [Arcinves du Muséum, t. Il, p. 276,
pi. il, fig. 1).
Voyez aussi à ce sujet : Owen, On the Structxtre and Homology of the Cephalic Téntacks in
the Pearly Nautilus {Ann. ofNat. Hist., 1843, t. XII, p. 305).
408 APPAREIL DIGESTIF
en manière de crochet (i). Ils se meuvent verticalement et se
rapprochent par leur bord tranchant comme des ciseaux cour-
bes, mais ils agissent surtout en déchirant la proie à l'aide de
leur crochet terminal.
Langue. Enfin l'armaturc de la bouche est complétée par une râpe lin-
guale fort semblable à celle que nous avons vue chez la plupart
des Gastéropodes, et portée sur une masse charnue d'un volume
considérable. Au-devant de cet organe on remarque aussi des
papilles charnues qui paraissent constituer un instrument de
dégustation, et le fond de la cavité pharyngienne, qui loge toutes
ces parties, est garni latéralement de papilles qui sont tantôt
molles , d'autres fois dures et spiniformes ('2).
(1) Cliacune de ces mandibules res- celui décrit par M. Valencieiines, rien
semble à un fer à cheval concave, ou de semblable ne se remarquait (c).
plutôt à une demi-cuiller dont le bec (2) La râpe linguale du Calmar a
serait crochu et le bord postérieur été assez bien représentée par Need-
échancré au milieu. La lame interne ham (d). Celles du Poulpe et de la
se prolonge plus loin en arrière que la Sèche ont été mieux ligurées par Sa-
lameexterne,maiscelle-ciestpluslarge vigny (e), et l'oli a étudié avec soin
postérieurement (a). La forme de ces cette partie de l'appareil digestif chez
organes varie un peu suivant les es- l'Argonaute (f). Enfin M. Lovén a fait
pèces; mais, en général, le crochet connaîtie avec plus de précision la
de la mandibule inférieure s'avance forme des crochets constitutifs de cette
beaucoup au-devant de celui de la armature chez l'Élédon, la Sépiole et
mandibule supérieure. le Calmar (g) ; mais pour la disposition
La conformation des mandibules est générale des diverses parties de la
la même chez le Nautile. Dansl'exem- cavité buccale, je renverrai de préfé-
plaire disséqué par M. Owen, le bord rence à une ligure faite d'après TOny-
libre de ces organes élait recouvert choteuthe par M. Owen (h).
d'un dépôt calcaire (b); mais, dans La langue de ce Mollusque, consi-
(a) Swammerdara, Biblia Nalurœ, t. II, pi. 50, iig. 11.
— Cuvier, Mém. sur les Céphalopodes, pi. 3, ûg. 6 (Mém. sur les Mollusques, 1817).
— Savigny, Op. cit. pi. 1, fig. 1^, l^ fig. 3^, 3^ 3*.
— Délie Chiaje, Op. cit., pi. 10, fig. 9.
(b) Owen, Sur le Nautile {Ann. des sciences nat., t. XXVIlI, p. 110, pi. i, fig. 2-4.).
(c) Valfiiciennes, Recherches siir le Nautile, p. 280, pi. 8, fig. 3, et pi. 11, fig. 1 et 2.
(d) Needliam, Nouvelles découvertes faites avec le microscope, pi. 3, fig. 1.
(e) Savigny, Egypte, Mollusques Céphalopodes, pi. 1, fig. ie, 3 e, 3", etc.
(f) Poli, Testacea utriusque Siciliœ, t. III, pi. 42, fig. 5-9.
(g) Lovén, Op. cit. [Ofversigt of Vetenskaps-Akademiens Forhandlingar, 184G, p. 188, pi. 3).
[h) Owen, art. Cephalopoda (Todd's Cyclopiedia of Anat. and Physiol., I. 1, p. 532, fig. 21),
DE» MOLLUSQUES CÉPHALOPODES. 409
§ 20. — L'appareil salivaii^e n'est que rudimentaire chez le
?\autile , mais chez la plupart des Céphalopodes dibranchiaux
il est très développé, et ressemble beaucoup à ce que nous
avons déjà vu chez les Gastéropodes. Il se compose de deux
paires de glandes dont l'une est logée dans la tête et appliquée
contre la partie latérale et postérieure de la masse buccale ,
tandis que l'autre est située beaucoup plus loin en arrière, et se
trouve à la partie antérieure de la cavité abdominale, sur les
côtés de l'œsophage- Les glandes salivaires antérieures sont
multilobulées et s'ouvrent isolément à l'entrée de l'œsophage;
celles de la seconde paire donnent naissance à un conduit excré-
teur commun très long qui débouche à la base de la langue (1).
Glandes
salivaires.
dérée dans son ensemble, forme une
masse ovalaire qui occupe la totalité
de Tespace compris entre les deux
branches de la mâchoire inférieure.
Sa portion antérieure conslilue une
sorte de caroncule charnue dont la
surface esl garnie de papilles et pré-
sente des orifices de cryptes mu-
queux. La portion moyenne de la
langue porte la ràpc, qui est ployée à
angle droit et composée de crochets
cornés dirigés en arrière. Enfin sa
portion postérieure est papilleuse et
logée entre deux replis de la mem-
brane pharyngienne dont la surface
est armée de crochets épidermiques.
La râpe se compose ordinairement
d'une dent médiane et de trois paires
de crochets latéraux par rangée trans-
versale (a).
La disposition de l'appareil lingual
est à peu près la même chez le Nautile,
si ce n'est que la caroncule antérieure
est plus développée et divisée en trois
lobes médians (6), La râpe descend
dans un cul-de-sac où se trouve un
organe qui paraît être chargé de re-
produire les dents spiniformes (c),
ainsi que nous l'avons déjà vu chez
les Gastéropodes. Les papilles de
la portion postérieure de la langue
sont molles, larges et épaisses. Enfin,
sur les côtés, on voit deux appendices
charnus très larges, dont la surface
est également papilleuse et présente
au milieu une ouverture salivaire.
(1) Chez le Poulpe, les glandes sali-
vaires antérieures ou pharyngiennes
sont divisées très irrégulièrement en
plusieurs lobes. Celles de la seconde
paire sont beaucoup plus grosses,
et, quoique subdivisées en lobules,
sont concentrées de façon à former
deux masses à peu près ovalaires
et à surface presque lisse [cl). Ces
organes se composent d'une réunion
(a) Lovén, Op. cit. {Ofversigt of Vetenskaps-Akademiens Fôrhandlingar , 1847, pi. 3j.
(b) Owen, Op. cit. (Ann. des sciences nat., I. XXVlII,pl. 4, fig. 1).
— Valeiiciennes, Op. cit., pi. la, fip. 3 et 4.
(c) Idem., Op. cit., pi. 10, fig. 4.
(d) Cuvier, Mém. sur les Céphalopodes, pi. 3, fig. 3.
— Miliie Edwards, Voyage en Sicile, t, I, pi. 11, et Atlas du Règne animal de Cuvier, Mol-
lusques, pi. le.
MO APPAREIL DIGESTIF
Canal digestif. §21. — L'œsoplioge dcs Céphalopodes est long et grêle; il
présente à l'intérieur beaucoup de plis longitudinaux, et, après
avoir traversé le cartilage céphalique, il arrive dans l'abdomen,
où il se dilate parfois pour constituer une première poche sto-
Jabot. macale ou jabot. Chez les Poulpes et l'Argonaute, cette seconde
portion du canal ahmentaire, élargie de la sorte, est libre dans
la grande cavité péritonéale, qui, ainsi que nous l'avons déjà
vu, remplit les fonctions d'un réservoir veineux (1) ; mais chez
les Céphalopodes décapodes elle reste étroite, et elle adhère aux
viscères circonvoisins, (|ui ne laissent entre eux aucun vide
dans la région abdominale. Ses parois logent dans leur épais-
seur des follicules glandulaires (2). Un second estomac fait
de petits caecums grêles et disposés en gicns, et s'ouvrent dans la bonclie par
grappe (a). un petit orifice situé au centre de ces
Chez les Onyciioleulhes, les glandes appendices charnus (i).
salivaires antérieures ne sont pas sim-- (1) Voyez tome HT, page 168.
plenient accolées à la masse charnue (2) Chez le loiilpe (e) , le jahot
de la bouche, comme chez le Poulpe, commence à peu de distance de la
mais se prolongent dans l'épaisseur tête, et se dilate brusquement en un
des deux replis de la membrane mu- grand cul-de-sac dont le fond , di-
queuse du pharynx, qui se trouvent rigé en avant, s'avance parallèlement
sur les côtés de la base de la lan- à l'œsophage et occupe la partie an-
gue (6), Les glandes salivaires de la térieure de la cavité viscérale. En
seconde paire sont en général dispo- arrière , cet organe se rétrécit gra-
sées comme chez le Poulpe ; mais duelkment et se continue avec le se-
ces organes paraissent manquer chez cond estomac dont il est séparé par
les Loligopsis (c). un sphincter.
Chez le Nautile, l'appareil salivaire La conformation de ces parties est
ne paraît être représenté que par une à peu près la même chez i'Argo-
paire d'organes glandulaires lo[;és naute (/').
dans l'épaisseur des replis pharyn- 11 existe aussi un jabot, très bien
(a) 3. Millier, De glandalaruin secernentium structura penitiori, p. 54, pi. 5, fig. 9.
(b) Owcii, art. Cephalopoda (Totid's Cyclopœdia ofAnat. and Physiol., t. I, p. 532, fig. 218).
(c) Owen, Op. cit., p 533.
{d) Owen, Sur le Nautile (Ann. des sciences nat., t XXVllI, p. 114).
(e) Cu\ier, Méni. sur les Céphalopodes, pi. 4, fig. 2.
— Férussac, Hist.des Mollusques Crtjptodibranches, pi. 13, fig. 9.
— Wagner, Ico7ies z-ootomicœ, pi. 29, fig. 14.
— Milne Edwards, Atlas du Règne animal de Ciivier, Mollusques, pi. le,
— J. Canis, Icônes anatomicœ, pi. 22, fig. 17.
(/■) Poli, Testacea utriusque Siciliœ, t. 111, pi. 43, fig. 1 et 2.
— Van Beneden, Mém. sur l'Argonaute (Exercices xootomiqttes , pi. 3, fig. 3)
— J. Cariis, Icônes Motomicce, pi. 22, fig. 16.
DES MOLLUSQUES CÉPHALOPODES. ÙH
SLiile à cet organe, et constitue un gésier dont les parois sont en
général très charnues et les deux orifices fort rapprochés. La
tunique épithélique qui le tapisse est épaisse et offre souvent une
consistance presque cartilagineuse (1).
A côté du pylore se trouve l'entrée d'un autre sac, qui est
en général étroit, allongé et contourné en spirale, disposition
en raison de laquelle Aristote l'a comparé à une coquille de
Colimaçon. Les fonctions de cet appendice ne sont pas bien
connues. Quelques naturalistes le considèrent comme un organe
sécréteur, et l'assimilent au pancréas des Animaux supérieurs ;
mais il n'offre aucun des caractères de cette glande et res-
semble davantage à un réservoir biliaire, car les conduits hépa-
tiques viennent y déboucher (2).
Gésier.
Appendice
pylorique.
développé chez le Nautile, mais cette
poche est plus dilatée en arrière qu'en
avant, et communique avec le second
estomac par un canal étroit (a).
Chez les Calmars et les Sèches,
l'œsophage conserve à peu près le
même calibre jusque dans la région
du cœur, et il n'existe pas de ja-
bot (6).
(1) Cliez le Poulpe, ce gésier est de
forme ovale et logé dans un comparti-
ment particulier de la grande poche
péritonéale, qui sert de réservoir pour
le sang veineux et qui est traversé par
l'artère aorte (c). Sa surface interne
est profondément sillonnée.
Chez la Sèche, cet organe est plus
grand, mais ses parois sont moins
musculaires {cl).
Dans le Nautile, la disposition du
gésier est à peu près la même que
chez le Poulpe (e).
(2) Chez le Poulpe, l'orifice de sortie
du premier estomac conduit presque
aussi facilement danscecaecum ou dans
l'intestin que dans le gésier (/■). Cetap-
pendice est logé h. gauche et un peu en
arrière de ce dernier organe, dans une
cavité dépendante du réservoir périto-
néal, de sorte qu'il baigne dans le sang
veineux, comme le font les deux esto-
macs (^). C'est un caecum assez gros et
intestiniforme, contourné en spirale et
décrivant un tour et demi; à l'intérieur
il est garni d'une double lame saillante
longitudinale, et ses parois renferment
beaucoup de follicules sécréteurs. En-
fin les canaux biliaires rampent dans
sa columelle, et s'y ouvrent près de sa
pointe, de façon que c'est dans son in-
{a) Owen, Sur le Nautile. [Ann. des sciences nat., t. XXVIII, pi. 2, fig. \).
(6) Voyez Carus et Olio, Tai. Anatom. compar. illustr., pars iv, pi. 2.
(c) Milne EtUvards, Op. cit. {Voyaqe en Sicile, pi. ■15).
(d) Brandi et Ratzeburg, Medizinische Zoologie, l. II, pi. 32, fig. 3.
(e) Owen, Sur le Nautile [Ann. des sciences nat., t. XVlII, pi. 2, fig. i).
{[} Ciivier, Mem. sur les Céphalopodes, pi. i, fig. 2 et 3.
— Férussac, Hisloire des Mollusques Cryptodibr anches, genre Poulpe, pi. 4 3, fig. i,
(g) Milne Edwards, Voyage en Sicile, t. 1, pi. 1.5.
412 APPAREIL DIGESTIF
Il est d'ailleurs à noter que, chez la plupart des Céphalopodes,
on trouve dans le voisinage de ces derniers canaux un petit
organe glandulaire qui est souvent disposé en grappe, et qui
semble avoir beaucoup plus d'analogie avec le pancréas (1).
lérieur que les matières alimentaires
se mêlent ù la bile {a). Duvernoy a fait
remarquer que cet organe a plus d'a-
nalogie avec le duodénum des Verté-
brés qu'avec le pancréas de ces Ani-
maux (6); mais il faudrait le comparer
plutôt à la vésicule du fiel.
Chez l'Argonaute, l'appendice pylo-
rique est plus large et beaucoup plus
court que chez le Poulpe (c); sa dis-
position est à peu près la même chez
les Sèches [d) et les Sépioles, où' une
grande valvule spirale en divise l'in-
térieur (e).
Chez les Calmars, cet organe est, au
contraire, beaucoup plus long. Dans
quelques espèces il est grêle et enroulé
en spirale: par exemple, chez le Cal-
mar sagilté (/■) ; mais chez d'autres,
tels que le Calmar commun, ou Loligo
todarus , il constitue un grand sac
membraneux et pyriforme, qui offre à
peine quelque indice de contourne-
ment et se prolonge jusqu'à l'extré-
mité postérieure du corps (g). Il est
aussi à noter que chez ces Animaux,
l'extrémité de la valvule spirale fait
office de soupape, et tend à empêcher
les aliments de passer directement du
gésier dans l'intestin.
Dans le Céphalopode du genre Loli-
gopsis, que M. Ilathke a décrit sous
le nom de Perothis Eschscholtzii, cet
organe est représenté par une poche
arrondie {h). Il en est de même dans
le genre Rossia {i).
Chez le Nautile, l'appendice pylo-
rique, ou pancréas (Owen), est une
poche globulaire appenduc au com-
mencement de l'intestin et divisée
intérieurement par de larges lames
parallèles, froncées transversalement,
qui logent dans leur épaisseur des
follicules (j). La bile y arrive par un
large canal.
(1) Ces glandules, de couleur jau-
(a) Cuvier, Méni. sur les Céphalopodes, p. 29, pi. i, llg. 2.
(6) Duvernoy, Additions à l'Anatomie comparée do Cuvier, f. V, p. 45. '
(c) Poli, Testacea lUriusque Siciliœ, t. III, pi. 43, fig. 2.
— Van Beneden, Op. cit. {Exercices zootomiques, pi. 3, fig. 3).
{d} Swammerdani, Biblia Naturœ, t. Il, pi. 5, fig-. 5.
— Dalle Cliiaje, Descrizione e notomia degli Animali sema vertèbre délia Sicilia citeriore,
pi. 15, fig. 2.
— Brandt et Pvaizeburg, Medizinische-Zoologie, t. II, pi. 32, fig. 2t.
(e) Grant, On the Anatomy of Scpiola vulgaris (rrans. of the Zool. Soc.ofLondon, t. I, p. 8t,
pi. H,fig. 7 et 8).
(f) Cuvier, Op. cit., p. 52.
— Honie, Lectures on Compar, Anal., pi. 83.
— Owen, art. Cephalopoda (Todd's Cyclop. ofAnat. and Physiol., t. I,p. 535, fig. 221).
(g) Monro, The Structure and Physiology ofFishes, pi. 4.2.
— Délie Cliiaje, Descriz. e notom. degli Animali invertebrati, pi. 10, fij. 3.
— Milne Edwards, Voyage en Sicile, 1. I, pi. 18.
(/i)Batlike, Perothis, ein neues Genus der Cephalopoden {Mém. de L'Acad. de Saint-Pétersbourg,
Savants étrangers, 1835, t. II, p. 159, pi. 2, fig. 10 cl 12).
— Owen, Cephalopoda (Todd's Cyclop., t. I, p. 537, fig. 223).
(i) Owen, \oy. Appendix to Ross's Voyage, p. xcvi, pi. c, fig. 2 et 3.
(j) Owen, Sur le Nautile (Ann. des sciences nat., t. XVIII, p. cxvi, pi. 2, fig. 1 g).
DES MOLLUSQUES CÉPHALOPODES. lï\6
Le foie des Céplialopodes est iiiic ghmde 1res volumineuse,
de couleur rouge brunâtre, qui occupe presque toute la porlie
inférieure et antérieure de la cavité abdominale; elle est séparée
du tube digestif par une cloison membraneuse et n'est que
rarement divisée en lobes (4).
Enfin l'intestin, qui est court et d'une structure assez simple,
se dirige en avant, et va se terminer sur la ligne médiane du
corps, vers la partie antérieure de la cavité branchiale, à la base
de l'entonnoir, de façon que l'anus se trouve sur le trajet du
courant expiratoire, et celui-ci entraîne directement au dehors
les matières fécales ^2).
Foie.
nâtre, sont très développées dans le
genre Rossia, où elles constituent une
masse arborescente qui naît des deux
conduits biliaires, près de l'extréinilé
postérieure du foie, et recouvre la
moitié antérieure de Testomac et de
l'appendice pylorique (a). Elles sont
assez volumineuses chez le Loligop-
sis {b], et se voient aussi très facile-
ment chez le Calmar (c) , ainsi que
chez les Sépioles, les Onychoteuthes
etlesSépioteulhes (d). Chez le Poulpe,
elles sont représentées par des folli-
cules logés dans l'intérieur de la
capsule hépatique (c,. Hunter fut le
premier à les comparer au pancréas
des Vertébrés (f).
(1) Chez le Poulpe, le foie constitue
une grosse masse ovalaire tronquée
postérieurement; deux canaux excré-
teurs s'en détachent dans le voisinage
du pylore, et, après avoir embrassé
l'intestin , se réunissent en un seul
tronc pour s'engager dans la colu-
melle de l'appendice pylorique en
spirale {g).
D'après M. Grant, le foie serait qua-
diilobé chez le Loligopsis guttata {h).
Les deux canaux biliaires se réunis-
sent après leur sortie du foie, chez les
Calmars (i).
(•i) En général, on remarque à l'in-
térieur de l'intestin deux replis longi-
tudinaux adossés l'un à l'autre et en
continuité avec ceux dont l'intérieur
de l'appendice pylorique est garni (_/).
La muqueuse de cette porUon du tube
digestif, ainsi que celle du caecum
la) Owen, On Rossia {Appendix to Sir J. Ross's Voyage, p. xcvi, pi. 2, fig. 2 et 3).
(&)Rathke, Op. cit. (Mém. de VAcad. de Saint-Pétersbourg, Sav. étrang., 1835, i. II, pi. 2;.
(c) Monro, Struct. and Anat. of Fishes, pi. 41, L.
(d) Owen, Cephalopoda (Todd's Cyclopœdia nf .\nat. and Physiol., t. I, p. 537).
(e) H. Millier, Bau der Cephalopoden {Zeitschr. fur wissensch. Zool.. 1852, t. IV, p. 343).
(/■) Catalogue of the Physiol. Séries ofihe Hunterian Muséum, t\° 175, t. I, p. 229.
-^ Uello Cliiaje, Descriz. e notom. degll Animali invertebrati délia Sicilia ciieriore, pi. 13,
fig. 8 et 10.
(g) Cuvier, Mém. sur les Céphalopodes, i>l. i, Rg. A.
— Férussac, Histoire naturelle des Mollusques, pi. 14, &g. G.
{h) Granl, On the Structure and Characters ofthe Loligopsis (Tram, of the Zoological Society,
t. I, p. 25, pi. 2, fîg. 7).
(i) Délie Chiaje , Descriz. e notom. degli Animali invertebrati, pi. 13, fig. 16.
• (j'j Cuvier, Op. cit., pi. 4, fig. 2.
Intestin.
Uill APPAREIL DIGESTIF DES MOLLUSQUES CÉPHALOPODES.
Résumé. § 22. — En résumé, nous voyons donc que chez les Mol-
lusques les plus élevés en organisation, de même que chez les
Molluscoïdes les plus dégradés, la cavité digestive est consti-
tuée par un tube à parois propres, qui est recourbé en forme
d'anse, de façon à communiquer au dehors par une bouche et
un anus situés, non aux deux extrémités opposées du corps,
comme nous le verrons dans l'embranchement des Animaux
annelés, mais dans des régions voisines. Ce rapprochement
entre les orifices du canal alimentaire n'est pas un caractère
constant de la division des Mollusques, mais nous l'avons ren-
contré chez la plupart de ces Animaux, et, en terminant l'étude
de l'appareil digeshf dans ce groupe zoologique, j'appellerai
de nouveau l'attention sur le défaut de symétrie que nous y
avons souvent remarqué.
pylorique, est garnie de cils vibra- En général, rextrémiié de l'iii-
tiles {a). testin fait saillie dans la cavilé bran-
chez le Poulpe, l'inleslin décrit chiale. L'anus est simple cbez les
quelques circonvolulions avant de Poulpes (d) , mais chez les Cal-
gagner la face inférieure du foie et mars (e), les Loligopsis [f) et les Sé-
de se terminer à Panus {b) ; mais, pioteulhes {g), il est bordé par deux
chez les Calmars, il est plus court, et petits appendices membraneux qui
se porte presque directement en ont la forme de feuilles ou d'ailes et
avant (c). sont dirigés en avant.
(a) H. Millier et Kôlliker, Bericht ûber einige im Ilerbste 1852 in Messlna angestelUe vergl.
anat. Untersuch. (Zeitschr.fûr ivissenschaftl. ZooL, 1S53, t. IV, p. 343).
(b) Voyez V Atlas du Règne animal de Cuvier, Mollusques, pi. 1 c.
(c) Voyez Owen, Cephalop. (Todd's Cyclop, t. I, p. 535, fig. 221).
Gai-us elOtto, Tab. Anatom. compar. illustr., pars iv, pi. 2, fig. 11.
(d) Voyez V Atlas du Règne animal de Cuvier, Mollusques, pi. 1 a.
(e) Milne Edwards, Voijage en Sicile, t. 1, pi. 18.
(f) Ralhke, Op. cit. {Mém. de VAcad. de Saint-Pétersbourg, 1835, Sav. étrang., i. II, pi. 2).
(g) Owen, Descript. of some new and rare Cephalopoda (Trans. of the Zool. Soc. of London,
t. II, pi. 21.' fig. 16).
QUARANTE -NEUVIEME LEÇON.
De l'appareil digestif chez les Vers.
§ 1 . — Dans renjbranchement des Animaux annelés, la caractères
cavilé digestive se compose d'ordinaire d'un tube ouvert à ses ^''"^'''""''
deux extrémités, comme chez les Mollusques , mais dont les
orifices, au lieu d'être rapprochés, sont situés le plus loin pos-
sible l'un de l'autre, et dont la disposition générale est symé-
trique : la bouche se trouve à la face inférieure de la tête, et
l'anus, placé également sur la ligne médiane ,^ occupe l'extré-
mité postérieure du corps. Mais dans ce groupe, de même que
dans les deux grandes divisions zoologiques dont j'ai traité dans
les dernières Leçons, ce mode d'organisation ne se rencontre
pas toujours, et il existe quelques espèces qui offrent sous ce
rapport des caractères d'infériorité très remarquables. En effet,
chez quelques Vers, l'appareil digestif tout entier paraît man-
quer pendant une certaine période de la vie, sinon toujours,
et chez d'autres la cavité alimentaire ne communique au
dehors que par un seul orifice, comme chez la plupart des
Zoophytes inférieurs; mais ces exceptions sont fort rares, et,
dans l'immense majorité des cas, l'appareil digestif est con-
formé d'après le plan que je viens d'indiquer, et offre même
une structure très perfectionnée dans tout ce qui a rapport à
son action mécanique.
Pour le moment je laisserai de côté les anomalies que je
viens de signaler, et, pour donner une idée nette de la dispo-
sition typique de l'appareil digestif de l'Entomozoaire ou Animal
annelé réduit à sa plus grande simplicité, je choisirai mes pre-
[li6 APPAREIL DIGESTIF
miers exemples parmi les Vers intestinaux de la classe des
Appareil Nématoïdes (1) ou des Helminthes proprement dits ("2). Chez
diMSlif
dans fa classe Ics Stronglcs, Ics Ascarides, les Pilaires et la plupart des autres
des
Nématoïdes. Animaux de ce groupe, il ne consiste qu'en un tube presque
droit, qui présente à peu près les mêmes dimensions et une
structure identique dans toute sa longueur, excepté dans la
partie antérieure, où il est plus étroit et plus musculaire, de
façon à constituer un oesophage bien caractérisé. D'ordinaire
on ne peut y reconnaître un estomac distinct de l'intestin (3),
(1) C'est-à-dire filiformes (de v«p.a,
fil, et sl'^o;, apparence.
(2) Jusque dans ces dernières an-
nées les zoologistes réunissaient dans
une même classe, sous le nom com-
mun d'Helminthes ou de Vers intes-
tinaux, des Animante qui se ressem-
blent par leur manière de vivre en
parasites dans l'intérieur de diverses
parties du corps d'autres Animaux,
principalement les intestins, mais qui
diffèrent beaucoup entre eux par
leur mode d'organisation. Aujour-
d'hui on est assez généralement d'ac-
cord sur la convenance de les répar-
tir dans plusieurs classes dislitictes,
et d'élever à ce rang l'un des grou-
pes qui avait été considéré précé-
demment comme formant seulement
un ordre ou famille naturelle, sa-
voir : les Nématoïdes de Rudolphi,
ou Vers cavitaires de Cuvier {a).
M. Blanchard et quelques auteurs
réservent aux Vers de cette division
le nom d'Helminthes (6) ; mais cette
expression est généralement employée
dans une acception beaucoup plus
large, et l'on ne peut sans incon-
vénient le restreindre de la sorte,
car cela occasionnerait beaucoup de
confusion dans le langage zoolo-
gique.
(3) Chez l'Ascaride lombricoïde ,
Ver d'assez grande taille, qui habite
l'intestin de l'Homme, la bouche, si-
tuée à l'extrémité antérieure du corps,
est triangulaire et entourée de trois
tubercules arrondis, qui, en s'écar-
tant plus ou moins , dilatent cet ori-
fice, ou bien ne laissent libres que
trois petits espaces ayant l'apparence
de pores, disposition qui en a imposé
à quelques hclmintliologistes (c). Un
œsopliage musculaire et un peu élargi
postérieurement f.iit suite à cette ou-
verture ; ii est attaché aux parties
voisines des parois de la cavité vis-
cérale par des brides membraneuses,
et il présente à l'intérieur trois rai-
nures longitudinales, de façon que sa
cavité est triquètre. Un étranglement
le sépare de l'estomac, qui a la forme
d'un boyau cylindrique et libre , et
se dilate ini peu vers l'arrière du
corps. Quelques anatomistes don-
nent le nom cVintestin à sa partie
(«) P.udolplii, Entozoorum sive Vermium inteslinalium hisloria naturalis, 1808, t. II, p. 1.
— Cuvier, Règne animal, ^8il, 2« édit., t. IV, p. 29.
(b) Blanchard, Recherches sur l'organisation des Vers (Voyage en Sicile, t. Il, p. 19 et 216).
(c) Brera, Memorie fisico-mediche , pi. 3, fig. 19.
DES VERS DE LK CLASSE DES NÉMATOÏDES. 417
et il traverse plus ou moins librement la grande eavité
viscérale, ou n'y est retenn que par des lames mésenté-
poslérieure ; mais il n'y a ni lélrécis-
sement bien marqué, ni différence de
structure dans les parois de ses deux
portions, et partout ses tuniques sont
minces et transparentes , mais con-
tractiles (a). La tunique muqueuse est
garnie d'une multitude de villosltés
microscopiques qui donnent à sa sur-
face un aspect velouté (6).
La structure de cet appareil est la
même chez l'Ascaride du Cheval (c)
et l'Ascaride de l'Ours ; mais, chez
d'autres espèces, lelles que VAscaris
heterura et VA. semiteres [d) , on
aperçoit à la hase de l'œsophage une
petite expansion latérale en forme
de caecum. Il en est de même
chez l'Ascaride des l'oissons, ou Asca-
ris capsularia (e), et chez VHetero-
cheilus tunicatus, espèce d'Ascari-
dien qui vit sur le Dugong, cet ap-
pendice est assez allongé et dirigé en
avant parallèlement à l'œsophage (f).
11 est également très développé chez
VAscaris depressa, VA. acula, VA.
angulata et VA. mucronata; enfin,
chez r^. speculigera et VA. oscnlata,
il se prolonge jusqu'à l'extrémité cé-
phalique du corps {g).
Chez le Filaire du Cheval, la struc-
ture du tube digestif est à peu près la
même que chez l'Ascaride lombri-
coïde ; mais la longueur de cet or-
gane, comparée à celle du corps, est
plus grande, de sorte qu'il se con-
tourne un peu sur lui-même (h).
Le canal alimentaire ne présente
rien de particulier chez le Sclérostome
du. Cheval, si ce n'est que la cavité
buccale est entourée de beaucoup de
fibres musculaires qui constituent un
bulbe pharyngien ovalaire (i).
Chez l'Oxyure vermiculaire {Asca-
ris vermicularis , L. ) , qui habile
dans le gros intestin de l'IIoinme, il
existe entre l'œsophage et l'intestin
une dilatation particulière du tube
alimentaire, qui est de forme globu-
laire et peut être considérée comme
un estomac distinct, ou plutôt comme
un gésier. Il est aussi à noter que
chez ce Ver l'anus se trouve à quelque
distance de l'extrémité postérieure du
corps (jj. Ce mode d'organisation se
voit aussi chez VOxyuris acumi-
nata (k). Enfin, chez VOxyuris or-
nata, dont la structure a été étudiée
avec soin par J\L VValter, le jabot est
[a] i. Cloquet, Anatomie des Vers intestinaux, p. 26, pi. 1, fig. 2 et 4 ; pi. 2, fig. t.
(6) Morren, Quelques remarques sur l'anatomie de l'Ascaride lombricotde {Bulletin de l'Acad.
de Bruxelles, t. V, p. 172, fig. 7, 11 et 12).
(c) Blanchard, Op. cit. {Voyage en Sicile , t. III, p. 223, pi. 18. fig^. 1 a, 1 b).
(d) Mehlis, nemerkungen (Isis, 1831, p. 91, pi. 2, Rg. 16, 17).
(e) Siebold, Helminthologische Beilrttge {Archiv fur Naturgesch., 1838, t. I, p. 309).
— Blanchard, Op. cit., 1. 111, pi. 19, fig. 2.
{f} Diesing, Neue Gatlungen von Binnenwïcrmern {Annalen des Wiener Mus., t. Il, p. 231,
pi. 19, %. 3, 4 et 12).
(O) Mehlis, Op. cit. {Isis, 1831, pi. 2, fig. 18).
{h) Blanchard, Op. cit., t. III, p. 233, pi. 19, fig. 3.
(i) Idem, iMd., pi. 21, tig. 2 a, 2 6.
(j) Diigès, Recherches sur l'organisation de quelques espèces d'Oxyures et de Vibrions {Ann,
des sciences nat., 1826, t. IX, p. 228, pi. 47, fig. 1).
— Blanchard, Op. cit., t. III, p. 247, pi. 20, fig. 3.
(fc) Mayer, Bcitrdge *Mr Anatomie der Entozoen, p. 15, pi. 3, fig. 16.
V. 27
418 APPAREIL DIGESTIF
roïdes (1). La bouche est presque toujours inerme et entourée
seulement par quelques papilles. Enfin, le système glandulaire
dépendant de cet appareil est rudimentaire ; il n'y a pas un foie
distinct, et, dans un petit nombre de cas seulement, l'appareil
salivaire paraît être représenté par quelques appendices en forme
d'ampoules, groupés autour de la région buccale (2).
Cette classe de Vers renferme aussi des espèces qui ne sont
garni intérieurement de trois émi-
nences coniques qui sont revêtues de
chitine, et constituent une armature
triturante {a).
Citez le Spiroptera sanguinolenta
l'œsophage est remarquablement
long (6), et chez les Trichocéphales
cette portion du canal alimentaire dé-
passe de beaucoup en étendue la por-
tion stomacale; on y aperçoit aussi
des stries transversales qui y donnent
une apparence moniliforme, et JMayer
pense que ses parois, dont l'épaisseur
est considérable, renferment un tissu
glandulaire assez semblable à un ap-
pareil salivaire (c). M. Biisk considère
la conformation du canal alimentaire
du Trichocephalus dispar comme
étant moins simple que chez la plupart
des JNématoïdes. Il y a remarqué, à la
suite d'un oesophage court et grêle,
un estomac étranglé de distance en
distance, de façon à paraître monili-
forme , et un intestin dans lequel il
croit devoir distinguer trois parties
sous les noms de caecum, de côlon et
de rectum {d).
(1) Le Strongle géant présente une
particularité organique remarquable
dans le mode d'attache de ce tube,
qui, au lieu de flotter librement
dans la cavité viscérale, comme d'or-
dinaire, est fixe aux parois du corps
dans toute sa longueur, par quatre
rangées de brides mésenlériques com-
posées principalement de fibres mus-
culaires. Il est aussi à noter que
chez cet Animal l'œsophage est moins
distinct du reste du canal diges-
tif que chez la plupart des Néma-
toïdes.
(2) M. de Siebold est disposé à rap-
porter à l'appareil salivaire un an-
neau circumbuccal que Mehlisa figuré
comme un vaisseau chez le Strongylus
armatus (e) ; mais cette détermina-
tion (/■) ne me paraît pas admissible,
et la partie en question me semble
devoir être plutôt le système ner-
veux.
M. Oweu a trouvé chez des Vers
intestinaux qui ont beaucoup d'ana-
logie avec les Strongles, mais qui en
ont été distingués sous le nom géné^
rique de Gnathostoma, quatre tubes
terminés en caecum et insérés autoui'
(a) G. Waller, Beitràge zur Anatomie und Physiologie von Oxyuris ornata (Zeitschr. fur
luissensch. Zool. von Siebold und KôUiker, 1857, t. VIII, p. 192, pi. è, dg. 20, 25).
(6) Blanchard, Op. cit. {Voyage en Sicile, t. III, pi. 20, %. l a, i li).
(c) F. Mayer, Beiirâge zur Anatomie der Enlozoen, 18
fig'. 1 .
(d) Busk, Observ. on the Anat. o/" Trichocephalus dispar, 1
(e) Voyez Blanchard, Op. cit., t. III, p. 267, pi. 22, litj. 1.
(/■) Mehlis, Op. cit. {Isis, 1831, pi. 2, %. 6 y).
p. 6, pi. 1 , fig-. 1 et 7, et pi. 2,
i, p. 33.
DES VERS DE LA CLASSE DES NÉMATOÏDES. 419
pas parasites, et dont le mode d'organisation ne diffère pas
notablement de ce que nous venons de trouver chez les Ento-
zoaires précédents. Ainsi, cliez l'Anguillule, ou Vibrion du
vinaigre, il existe aussi un tube digestif à peu près droit, étendu
d'un bout du corps à l'autre et ouvert à ses deux extrémités;
mais dans d'autres Animaux appartenant à ce type zoologique, la
portion postérieure de ce canal paraît ne pas se développer, ou
bien s'airophie par les progrès de l'âge, car il semble se ter-
miner en cul-de-sac. Enfin, il y a même des Vers de ce groupe
chez lesquels on n'a pu découvrir ni bouche ni anus : tels sont
les Dragonneaux ou Gordius (i).
de la bouche (a). Il les considère
comme étant des glandes salivaires,
mais il les compare aux vésicules dont
le pharynx des Holothuries est en-
touré, lesquelles n'ont aucune com-
munication ni avec le canal digestif,
ni avec l'extérieur. Des appendices
semblables se voient chez les Cheira-
canthus et les Ancyracanthus, décrits
par M. Diesing {b}. M. de Siebold pense
que deux caecums situés sur les côtés
de l'œsophage, chez le Strongijlus
striatus, sont également des organes
salivaires (c).
Des uiricules d'une forme particu-
lière, et offrant une teinte jaune ou
verdàtre, se voient dans l'épaisseur
des parois de la portion antérieure de
l'intestin, et paraissent être des glan-
dules hépatiques (d).
(1) Le tube digestif de l'Anguillule
du vinaigre {Rhabditis aceli, Dujar-
din) est conformé à peu près comme
celui de l'Oxyure vermiculaire, dont il
a été question ci-dessus (e). Mais chez
l'Anguillule du blé niellé l'orifice anal
paraît manquer. Ces Vers ont la ca-
vité buccale armée d'un stylet conique
qui est protractile et rétractile. En
arrière du bulbe pharyngien qui loge
cet organe, le lube alimentaire pré-
sente un renflement fusiforme , puis
un bulbe dit œsophagien, qui est ar-
rondi et sans cesse agité de mouve-
ments rhythmiques ; une quatrième
dilatation, que l'on désigne sous le
nom cVestomac, est pyriforme, et se
continue en arrière avec un intestin
irrégulièrement contourné sur lui-
même et logé dans l'intérieur d'un
mésentère tubuleux. La partie posté-
rieure de cet intestin se rétrécit gra-
duellement, et paraît se terminer en
un cul-de-sac qui serait rattaché à une
fossette anale imperforée par un cor-
don membraneux. Le sac mésenté-
(a) Siebold et Stannius, Nouveau Manuel d'anatomie comparée, l. I, p. ISS.
(6) Owen, On two Entozoa infesting the Stomach of the T'iger {Proceedings of the Zool. Soc.
ofLondoi, 1836, t. IV, p. 125).
(t) Diesing, iVede Gatlungen Von liinnenivûrniei'ii [Annalen des Wiener Mus., l. Il, ni. [Q.
iig. 13 ; pi. 17, fig. 8, 0 ; pi. 18, 11g-. 3).
{d} Siebold et Stannius, Nouveau, Manuel dJ anatomie comparée, t. I, p. 133.
(e) Dugès, Op. cit. (Ann. des sciences nal., 1842, t. IX, p. 229, pi. 47, fig. 2).
420
APPÀUEIL DIGESTIF
Anomalie
chez les
On peut ranger aussi dans la classe des Nématoïdes certains
ÉchinoriiÎKiucs Vcrs intcstinaux d'assez grande taille, qui constituent le genre
Échinorhynque, et qui se font également remarquer par l'ab-
sence d'une cavité digestive, bien que l'extrémité antérieure de
leur corps ait la forme d'une sorte de trompe spinifère et qu'on
y distingue même une petite fossette stomatoïdienne. Il y aurait
beaucoup d'intérêt à suivre le développement de ces singuliers
Animaux, et à chercher si dans le jeune âge ils ne posséderaient
pas un tube alimentaire : quelques observations faites par
rique s'clend en ligne droite d'un
bout du corps à l'autre ; i! commence
en arrière du renflement stomacal, où
il occupe toute l'épaisseur du corps, et
il se rétrécit en arrière; enfin, il est
coiistilué par une membrane mince, et
renferme une subslance granuleuse de
nature albumino-graisseuse qui pour-
rait bien cire un tissu hépatique (a).
Chez les Nématoïdes dont M. Du-
jardin a formé le genre Mermis, on
aperçoit aussi une bouche, un œso-
phage et un tube stomacal intestini-
forme, mais on n'a pu découvrir au-
cune trace d'anus (6).
D'après ce zoologiste , le Gordius
aquaticus et !c G. iolosanus seraient
même dépourvus de bouche et d'a-
nus, ainsi que de tout aulre organe
digestif (c) ; et M. de Sicbold consi-
dère ce mode d'organisation comme se
trouvant aussi chez le Sphœriilaria
Bomhi {cl) et chez le Filaria riçjida
qui vit dans l'intérieur du corps de
VAphodius ftmetarius (e) ; mais je
dois faire remarquer que ces orifices,
ainsi que le tube digestif, ont été décrits
cl figurés, chez \(i Gordius aquaticus
par M. Berthold {f).
Le Syngamus trachealis , Ver très
singulier qui se trouve dans la tra-
chée des Oiseaux, et qui paraît bifur-
qué antérieurement, par suite de la
soudure du mâle et de la femelle,
présente un mode d'organisation ana-
logue. Chaque, individu est pourvu
d'une bouche, d'un œsophage muscu-
laire et d'un cslomac intesliniforme
qui paraît se terminer en cul-de-sac.
Chez le grand individu , qui est la
femelle, la bouche est placée dans
une cupule cornée et armée de
crochets , comme chez les Scléro-
stomes {(f,.
{a] Davainc, Recherches sur l'Anguillule du blé niellé, 1857, p. 24, pi. 2, fig:. 12-15 (exlr.
des Mém. de la Soc. de biologie, 2" série, t, III).
(6) Dujardin, Mém. sur la structure anatomiquc des Gordius et d'un aulre Helminthe, le Mer-
mis, qu'on a confondu avec eux {Ann. des sciences nat., 2" série, 184ii, t. XVIII, [}. 140).
(c) Siebold, Helminthologische Beitrdge {Archiv fur Naturgeschichte, 1838, l. I, p. 303).
— Dujardin, Op. cit. (Ann. des sciences nat., 2° série, 1842, 1. XVIII, p. 149).
(d) Sieliold, Nouveau Manuel d'anatomie comparée, t. I, p. 131.
{e) Siebold, Ueber die Spermatozoen der Crustaceen, Insecten, etc. (Miiller's Archiv fur Anat.
und Physiol., 1836, p. 33).
(f) A. Berlhold, Ueber de'i Bau des Wasserkalbes, p. 13, fig. 1 et 17 (Gôltingue, 1842).
[g) Owen, art. Entozoa (Todd's Cyclopxdia of Anat. and Physiol, t. Il, p. 134).
DES VERS DE LA CLASSE DES NÉMATOIDES. 421
M. Blanchard tendent à faire supposer qu'il en est ainsi, et que
cet organe s'atrophie lorsque l'appareil reproducteur se déve-
loppe (1). Du reste, les Échinorhynques vivent au milieu de
matières alimentaires déjà digérées par leur hôte, et les parois
de leur corps sont clouées d'une puissance absorbante très
grande ; par conséquent, on conçoit que ces parasites puissent
se sustenter malgré l'absence d'instruments spéciaux pour
l'élaboration de leur nourriture (2).
Quant à l'armature dont la bouche de quelques Nématoïdes
(1) L'Échinoiiiynqne géant, qui se
trouve dans l'intestin grêle du Porc, et
qui a souvent plus de 3 décimètres de
long , présente à l'extrémité anté-
rieure de son corps une trompe pro-
tractile et rétractile, de forme globu-
leuse et armée de cinq ou six rangées
de crocliels. Cet organe est muscu-
laire, et sa base se prolonge dans la
partie antérieure de la cavité viscérale
où se logentses muscles rétracteurs (a).
Au milieu de son extrémité anté-
rieure, on y aperçoit une petite dépres-
sion qui ressemble à un pore buccal,
et son axe paraît être occupé par un
petit canal ; mais on ne trouve aucun
orifice à sa partie postérieure, et il
n'est pas suivi d'un tube alimentaire.
Il ressemble donc à un bulbe pliaryn-
gien qui aurait persisté après la des-
truction de tout le reste du tube di-
gestif, et qui se serait oblitéré posté-
rieurement. En effet, chez ces Vers à
l'état adulte, on ne voit dans la cavité
viscérale aucune trace de tube ali-
mentaire. Mais M. Blanchard a décou-
vert, chez quelques jeunes individus
d'une autre espèce du même genre
( VEchùwrhynchus froteus, qui vit
sur la Perche), un appendice mem-
braneux faisant suite à la trompe,
et cet organe lui a paru être un tube
digestif en voie d'atrophie [b).
On ne sait rien sur les fonctions de
deux organes appendiculaires qui sont
suspendus aux côtés de la trompe, et
qui ont été désignés sous les noms de
lemnisques ou de bandelettes latérales.
Gœze a cru distinguer dans chacune
de ces bandelettes un tube garni
de sacs ovoïdes (c) ; et effectivement
elles sont creusées d'un canal cen-
tral qui donne naissance à quelques
ramifications, ainsi qu'à des vési-
cules(f/;. Mais ce canal ne paraît avoir
aucune communication ni avec l'exté-
rieur, ni avec ta cavité delà trompe (e).
M. Dujardin suppose que ces lemnis-
ques sont des organes salivaires (/").
(2) On doit à Treutler, à Rudolphi et
(a) Rudolplii, Entoz-oorum, t. I, p. 252.
— Cloquet, Anatomie des Vers intestinaux, p. 76, pi. 5, fig. 3.
— Blanchard, Rech. sur l'organis. des Vers [Voyage en Sicile, t. III, p. 289, pi. 24, fig. 5).
(t)Idem. ibid., p. 290.
(c) Gôze, Versuch einer Naturgeschichte der Eingeweidewûrmer thierischer Kôrper, p. 4 47.
(d) Cloquet, Op. cit., p. 84.
(e) Blanchard, Op. cit., p. 292.
(/■) Dujardin, Histoire naturelle des Helminthes, p. 492.
APPAREIL DIGESTIF
est pourvue, elle paraît être destinée à intervenir dans les phé-
nomènes de la locomotion plutôt que dans le travail de la diges-
tion. Tantôt elle consiste en une espèce de dard ou de stylet
que l'Animal emploie pour perforer les tissus à travers lesquels
il a besoin de se frayer un chemin (l); d'autres fois ce sont
de petits crochets qui lui permettent de se cramponner sur les
membranes auxquelles il doit adhérer (2).
à M. J. Cloquet quelques expériences
sur le pouvoir absorbant de la surface
du corps de ces Helminthes (a) ; mais
on ne sait rien de satisfaisant tou-
chant leur mode de nutrition.
(1) Plusieurs des petils Néinatoïdes
qui s'enkystent dans le corps des In-
sectes , des Poissons et même des
Mammifères, et qui ont été décrits
soHs les noms de Pilaires ou d'Asca-
rides, mais qui ne sont que dos lar-
ves de Vers d'espèces indéterminées
et qui achèvent leur développement
dans d'autres gîtes , ont la bouche
armée d'un stylet ou dard corné, ainsi
que cela a été constaté par M. i-tein
et par plusieurs autres lielmintholo-
gistes [h).
Dans d'autres Vers de cet ordre, la
bouche renferme deux petits stylets ou
mûchoires très grêles : par exemple,
chez le Bhabdites bioculata et le Diplo-
gaster micans de !\I. îMaxSchuIze (c).
('2) Chez VAncijloitumum cluode-
nale, dont le tube digestif est con-
formé de la même manière que chez
les Ascarides, la bouche a la forme
d'une cupule rigide, et son bord su-
périeur est armé de deux paires de
crochets cornés (rf).
Chez le Gnathostoma spinigerum,
la bouche est entourée d'une sorte de
lèvre renflée et garnie de six ou sept
rangées circulaires de crochets mi-
croscopiques ; on aperçoit aussi en
dedans de la fente buccale une paire
de replis membraneux maxilliformes
dont le bord antérieur est armé de
pointes cornées (e).
Chez quelques Nématoïdes, le bulbe
pharyngien est non-seulement charnu,
comme chez les Sclérostomes, mais
garni intérieurement de pièces solides
de consistance cornée.
Chez le Strongylus urmatus, où
celte disposition existe, le bord labial
est armé en outre d'une série de pe-
tites pointes épiderniiques (/).
L'armature céphalique des Echino-
rhynques est plus puissante, et l'on a
(a) Treutler, De Echinoi'liynchoritm natuva. Lipsia3, i1%\.
— RuJolplii, Entoioorum sive Vermium intestinalmm histm'ia naluralis, t. I, p. 252.
— Cloquet, Analomied.es \evs intestinaux, p. 87.
[h) Steiii , Beitrâge zur Entwickekmgsgescliichte der Eingeweidewûrmer { Zeitschrift. fur
vj'issensch. Zool. von Siebold und Kolliker, 1852, t. IV, p. 200, pi. 10, fig. 5, 6, 8).
(c) Voyez J. Carus, Icônes xooto7nicœ, pi. S, ûg. 1 et 2.
(dj Dubini, Nuovo Vernie intestinale [Annali univ. di Medicina di Omodei, 1843, t. CVI, pi 1,
fig. 4).
(e) Owen, Op. cit. {Proceed. of Ihe Zool. Soc. 1856, t. IV, p. 124).
if] A. Westrimib, Beitr. %ur Anat. des Strongylus armatus (/sis, 1822, p. 685, pi. 6).
-- Leblond, Quelques matériaux pour servir à l'histoire des Fllaires et des .Stronqles, 1836,
p. 31,pl.4, fig. 2 et 3.
— Schmilz, Tahulœ Anatomiam Enlonoorum ilhislrantes, pi. 18, llg. 11 .
DES VERS DE LA CLASSE DES GEPHYRIENS.
423
§ 2, — Chez les Vers qui ont été désignés par M. de Quatre- ciasse
fages sous le nom commun de Géphyriens, et qui semblent être céphyriens.
intermédiaires entre les Annélides et les Échinodermes de
l'ordre des Holothuriens , l'appareil digestif est également très
simple, et parfois ne diffère que peu de ce que nous venons de
voir chez les Nématoïdes. Ainsi , chez les Échiures et les
Bonellies, il ne consiste qu'en un tube à peu près cylindrique
qui est ouvert aux deux extrémités du corps (1) ; mais dans la
constaté expérimentalement l'emploi
que ces Vers en font pour attaquer les
tissus auxquels ils s'attachent {a). Le
nombre et la forme des crochets de
la trompe varient un peu suivant les
espèces (b).
(1) Chez les Échiures, le tube diges-
tif est beaucoup plus long que le corps
et décrit plusieurs circonvolution»
dans la grande cavité viscérale où il
flotte, attaché à un repli membraneux
qui fait office de mésentère (c), ou
à des brides qui remplissent les mê-
mes fonctions (d). On y distingue trois
parties principales. La portion anté-
rieure, dont les parois sont d'abord
membraneuses, puis très charnues et
rigides, correspond à l'œsophage mus-
culaire des Ascarides, et a été consi-
dérée comme un estomac par Pallas (e)
et comme une trompe par M. de
Quatrefages, qui en a fait une étude
approfondie {f). La portion moyenne
du canal alimentaire est boursouflée,
de façon à rappeler par son aspect
le gros intestin des Mammifères ;
elle me paraît représenter l'estomac.
Enfin la portion postérieure est grêle,
et près de son extrémité elle donne
insertion à une paire d'appendices
tubuieux qui ont quelque analogie
avec l'appareil aquifère des Holothu-
ries, et qui sont probablement des
organes de respiration (g).
Chez le Bonellia viriclis, l'appareil
digestif présente les mêmes caractères
généraux, mais la bouche ne paraît pas
être terminale, car la portion frontale
du corps se prolonge de façon a con-
stituer un énorme tentacule labial qui
est bifide au bout et creusé en gout-
tière à sa face inférieure (h). On désigne
communément cet appendice sous le
nom de trompe , mais il ne ressemble
(a) Cloquet, Anatomie des Vers intestinaux.
(b) Voyez Weilrnmh, De Helminthlbus acanthocephalis, I8'2l, pi. 1.
— Diijardin, Histoire naturelle des Helminthes, pi. 7.
— Diesing, Ziuôlf Arien von Acanthocephalen (Mém. de l'Acad. de Vienne, 1856, t. XI, pi. 1,
%. 6, 19, 29; pi. <2,.ûg. 15 ; pi. 3, fig. 14, elc).
(c) Voyez l'Atlas du Règne animal de Cuvier, Zoophytes, pi. 23, fig. 1 a.
(d) Forbes and Goodsir, On the Nat. Hist. and Anat. of Thalassema and Echiurus {Edinburgh
netu Philos. Journal, 1841, t. XXX, p. 373).
(e) Pallas, Specilegia z-oologica, 1774, fasc. x, p. 7.
(/■) Qualrefiiges,Mem.OTi?' l'Échiurede Gœrtner {Ann. des sciences nat., 5' série, 1847, t. VII,
p. 318, et Voyage en Sicile, t. II, p. 232).
{g) Voyez ci-dessus, t. II, p. 9.
[h] Voyez VAtlas du Règne animal, Zooph., pi. 21 , fig. 3, 3 a.
— Lacaze-Dutliiers, Mém. sur la Bonellie {Ann. des sciences nat., 1858, 4" série, 1. X, pi. 1,
fig. 1 et 2).
Classe
des
Annélides
424 APPAREIL DIGESTIF
famille des Siponcles, où sa conformation générale est à peu
près la même, il offre une disposition qui rappelle jusqu'à un
certain point celle que nous avons rencontrée chez quelques
Échinodermes et chez tous les Mollusques : car l'anus, au lieu
d'être terminal, est fort rapproché de la bouche, et se trouve
vers le tiers antérieur du corps, bien que l'intestin se prolonge
beaucoup plus loin en arrière, sous la forme d'une anse (1).
§ 3. — Chez les Annélides, la bouche et l'anus se trouvent
toujours aux deux extrémités du corps, et en général le tube
digestif s'étend en hgne droite de l'un de ces orifices à l'autre;
mais souvent sa structure se complique plus que dans les
classes dont je viens de parler, et les organes deshnés à
la préhension des aliments se perfectionnent parfois d'une
manière assez remarquable. Du reste, ces dernières parties
en rien h la trompe des autres Vers,
qui est formée par une portion exser-
tile du canal digestif, tandis que la
bouche est située sous la base de
Torgane dont il est ici question. Le
tube alimentaire de ces Vers est très
long; il se contourne autour d'une
partie de l'appareil génital, et est
attaché aux parois de la cavité vis-
cérale par des brides mésenlériques.
Sa portion antérieure n'est pas droite
et rigide comme chez l'Échiure; mais
sa portion moyenne présente la même
disposition bouillonnée, et ses parois
sont colorées en jaune par des cellules
hépatiques (a).
Chez le Sternapsis, le tube alimen-
taire est presque cylindrique, et paraît
n'offrir rien de remarquable (b).
(1) Le tube digestif des Siponcles
est très long, et se contourne en spi-
rale de façon à se pelotonner (c).. La
bouche est garnie d'une frange la-
biale, et toute la portion antérieure
du corps est susceptible de ren-
trer en dedans ou de se dérouler
au dehors, de manière à simuler une
trompe.
(a) Sclimarila, Zur Naturgeschichte (1er Adria (Mém. de l'Acad. des sciences de Vienne, 1852.
t. IV, p. 118, pi. 5, fig. 1).
— J. Cariis, Icônes zootomicœ, pi. 8, ûg. 21.
— Lacaze-Duthiers, Recherches sur la Bonellie [Ann. des sciences nat., 4° série, 1858, t. X,
p. 67, pi. 2,fig. 1).
(h) A. G. Otio, De Sternapside thalassemides, etc., pi. 1 , et Allas du Règne animal de Ciivier,
ZOOPHYTES, pi. 22, fig. 3f.
— Max. Mueller, Observationes anatomicœ de vermibus quibusdam maritimis (dissert, inaug'.).
Berolini, 1852, pi. 1, fig. 13.
(c) Voyez Délie Chiaje, Descrizione e notomia degli Animali invertebrati délia Sicilia cileriore,
pi. 108, fig. 5 et 6.
— Grube, Versueh einer Anatomie des Sipunculus nudus (MiiUer's Archiv fur Anat. und
Physiol., 1837, p. 245, pi. 11, fig. 1 et 4).
— Blanchard, Atlas du Règne animal de Ciivier, Zoophytes, pi. 22, fig. 2.
DES VERS DE L\ CLASSE DES ANNÉLIDES. 425
varient beaucoup suivant le régime de l'Animal, et, à cet
égard, on remarque des différences très grandes entre les Ché-
topodes, ou Annélides sétifères, et les Hirudinées, ou Anné-
lides suceurs. En effet, les premiers sont destinés à se nourrir
d'aliments solides, tandis que les secondes ne vivent guère que
de liquides , et ont par conséquent la bouche organisée en
manière de ventouse.
Chez les Chétopodes , cette ouverture occupe la face infé-
rieure de la tête, dont la région frontale s'avance plus ou moins ;
ses bords sont en général protractiles, et chez quelques-uns
de ces Annélides les appendices céphaliques qui l'entourent
sont disposés de façon à y diriger les corpuscules charriés par
les courants respiratoires ; mais d'ordinaire les aliments sont
saisis directement par une trompe plus ou moins exsertile.
Le premier de ces modes d'organisation se voit chez beau-
coup d'Annélides sédentaires ou tubicoles : les Serpules et les
Sabelles, par exemple, où la bouche est située au fond d'une
couronne de longs tentacules ciliés qui ont la forme de pana-
ches, et qui servent aussi à la respiration (1).
Les Annélides errants ou dorsibranches ont en général une
trompe rétractile, qui est très musculaire et susceptible de s'a-
vancer au dehors, à une distance plus ou moins grande, pour
saisir les aliments par l'oriiice dilatable situé à son extrémité
antérieure et conduisant dans l'œsophage (2). Tantôt cet organe
Appareil
digestif
des
Cliétopodes.
Trompe.
(1) Voyez ci-dessus, tome II, page
103.
Chez les PolyophUialmes, il existe
de chaque côté de la tète un organe
protractile et cilié qui paraît être spé-
cialement destiné à produire des cou-
rants dirigés vers cet orifice , et à y
envoyer de la sorte les corpuscules
alimentaires en suspension dans l'eau
circonvoisine. Chacun de ces organes
consiste en une sorte de pelote bilobée
et couverte de longs cils vibratiles (a);
ils ne sont que peu vasculaires, et ne
paraissent servir ni à la respiration,
ni à la locomotion.
(2) La trompe des Annélides est
toujours formée par la portion anté-
rieure du tube digestif, qui est dis-
(a) Quatrefages, itfe'm. sur la famille des Polyophthalmiens {Ann. des sciences nat., 1850,
t. XIII, p. 14, pi. 2, fig. ^, 2 et 3).
426 APPAREIL DIGESTIF
est inerme, mais d'autres fois il est armé de crochets ou de
lames cornées qui font office de mâchoires, et qui constituent,
chez certaines espèces, un appareil sécateur fort complexe.
posée de façon à pouvoir se renverser
au dehors comntie un doigt de gant
que l'on retourne, ou à rentrer dans
l'intérieur du corps. Quand elle est
dans cette dernière position, on y
distingue deux portions ; l'une, anté-
rieure et flexible, qui fait suite aux
bords labiaux ; l'autre qui est située
plus en arrière et qui a des parois très
musculaires. Lors de la protraclion, la
partie antérieure de la trompe s'avance
au dehors en se renversant de manière
que sa surface libre, au lieu d'être in-
tevne, devient extérieure, et constitue
une sorte de gaîne au centre de la-
quelle se loge la portion suivante,
jusqu'à ce que le tout se soit déroulé.
Chez quelques-uns de ces Animaux, cet
organe a une longueur très considé-
rable : par exemple, chez les Phyllo-
doces, où il est un peu claviforme(a).
Chez d'autres, tels que les Lombrics ou
Vers de terre (b), et les Arénicoles (c),
il est au contraire fort court, et chez
certaines espèces il est même tout à fait
rndimentaire : par exemple, les Cirra-
tules {d). Son extrémité antérieure est
tantôt simplement plissée, ainsi que
cela se voit chez les Euphrosines (e) ,
ou granuleuse, comme chez la Phyllo-
doce clavigère (/") ; mais d'autres fois
elle est garnie d'une ou deux rangées
de papilles tentaculiformes, chez les
Nephthys, par exemple (g).
Chez la plupart des espèces que je
viens de citer, la trompe est inerme ;
mais chez d'autres elle est plus ou
moins fortement armée, et la disposi-
tion des pièces dentaires dont elle est
pourvue varie dans les différents gen-
res. Ainsi, chez les Néréides, il existe
tout autour de sa surface externe un
nombre considérable de petits tuber-
cules ou pointes cornées, et son extré-
mité est garnie d'une paire de mâ-
choires latérales qui ont la forme de
crochets lameileux, tantôt simples,
tantôt denticulés sur le bord in-
terne (h). Chez quelques espèces du
genre Glycère, l'entrée de la trompe est
armée de quatre petites mâchoires
pointues, disposées en croix (ï),et chez
(a) Voyez Milne Edwards, Annelida (Todd's Cyclop. of Anat. and Physiol., t. I, p, 168, fig'. G6,
et Atlas du Règne animal de Cuvier, Annélides, pi. 13, fig. la et 3ft).
— Qualrefages, Description de quelques espèces nouvelles d' Annélides {Magasin de zoologie,
de Guérin-Méneville, 1843, pi. 1, fig. 1).
(6) Voyez Pontallid, Observations sur le Lombric terrestre {Ann. des sciences nat., 3° série,
1853, t. XIX, p. 18).
(c) Voyez Milne Edwards, Annélides de VAtlas du Règne animal de Cuvier, pi. 8, fig. 1 a.
(d) Voyez VAtlas du, B.ègne animal de Cuvier, Annélides, pi. 17, fig. 3 6.
(e) Savigny, Système des Annélides d'Egypte, pi. 2, fig. 1 ■' et l**.
(/■) Audouin et Milne Edwards, Annélides des côtes de la France {Ann. des sciences nat.,
1833, t. XXIX, pi. 16, fig. 10).
(s) Voyez VAtlas du Règne animal de Cuvier, pi. 15, fig. 2 a, 2 6.
{h} Savigny, Op. cit., pi. 4, fig. ^^, P, etc.
— Audouin et Milne Edwards, Op. cit. {Ann. des sciences nat., t. XXVII, pi. 23, fig. 2 et 3, etc.
et Atlas du Règne animal, Annélides, pi. 12, fig. 1 a, 1 &, 1 c).
(i) Voyez VAtlas du Règne animal de Cuvier, Annélides, pi. 14, fig. 1 .
DES VERS DE LA CLASSE DES ANNÉLIDES. h'21
Ainsi que je l'ai déjà dit, le tube alimentaire de ces Animaux
s'étend d'ordinaire en ligne droite depuis le pharynx jusqu'à
l'anus (1). Sa portion œsophagienne est libre dans les espèces
Canal
alimentaire.
les Goniacles OÙ ces organes manquent,
ou ne sont qu'au nombre de deux, on
remarque à la face inférieure de la
trompe une paire de râpes constituées
par une série de crêtes cornées en
forme de V (a).
Chez les Aphrodisiens, la trompe est
pourvue de quatre mâchoires réunies
par paires , deux du côté dorsal et
deux du côté ventral, et opposées par
leurs bords. Chez les Polynoés [b] et
les Polyodontes (c), elles sont très
fortes, mais chez les Aphrodites elles
ne sont que peu développées.
Enfin, chez les Eunices, cet appareil
maxillaire se complique davantage. Le
plancher de la cavité buccale est garni
d'une paire de pinces cornées qui ont
été désignées sous le nom de lèvre
inférieure {d) ; elles sont géminées
comme les mâchoires des Aphrodi-
siens et terminées en avant par un
bord tranchant. Au-dessous se voit
une double série de dents qui sont
portées sur une pièce basilaire, et dis-
posées de façon à se renverser au
dehors latéralement, quand l'Animal
fait saillir sa trompe. On en compte
trois d'un côté et quatre de l'autre :
celles de la première paire sont
crochues et très fortes ; les autres
sont lamelleuses et denticulées sur
leur bord ; toutes se rapprochent sur
la ligne médiane lors de la rétrac-
tion (e). La disposition de cet appa-
reil est à peu près la même chez les
Aglaures (/), les Lysidices et les Lom-
brinères {g).
Il est aussi à noter que la surface de
la trompe des Annélides est souvent
garnie d'une multitude de petites pa-
pilles qui sont considérées par quel-
ques naturalistes comme étant des
organes sécréteurs (h) ; mais cette
opinion ne repose sur aucune obser-
vation positive.
(1) Chez quelques Annélides Chéto-
podes, le canal digestif est au con-
traire beaucoup plus long que le
corps et forme des anses ou des cir-
convolutions plus ou moins nom-
breuses. Ainsi, chez l'Amphitrite auri-
come, l'estomac, qui est séparé de
l'œsophage par un sphincter et qui a
des parois très vasculaires, est reployé
sur lui-même en forme d'U, et l'in-
testin grêle qui y fait suite décrit plu-
sieurs courbures ; enfin la portioi>
(a) Audouin et Milne Edwanls, Op. cit. {.inn. des sciences nat., t. XXIX, pi. 18, fisj. 4 et 5).
(b) Savigny, Egypte, Annélides, pi. 3, fig-. 4^, 16, 2-''.
— Quatrefages, Atlas du Règne animal de Cuvier, Annélides, pi. 19, fig. 2 e, 2 A
(c) Délie Chiaje, Descrizione e notomiadegli Animali invertebrali délia Sicilia citer iore, pi. 99,
fig. 2).
(d) Savigny, Système des Annélides, p. 48.
(e) Savigny, Egypte, Allas, Annélides, pi. 5, fig. !•' à 1'"^.
— Audouin et Milne Edwards, Op. cit. {Ann. des se. nat., t. XXVIT, pi. 11, fig. 10 et 11).
(/■) Savigny, Egypte, Annélides, pi. 5, fig. 2^.
{g) Audouin et Milne Edwards, Op. cit. {Ann. des sciences nat., t. XXVII, pi. 12, fig. 11).
{h) T. Williams, Report on the British Annelida (British Association for the advancement
of science, 1851 , p. 232).
428 APPAREIL DIGESTIF
à trompe, protractile, et se contourne plus ou moins quand cet
organe est rentré ; mais la portion suivante est \\\ée aux
parois de la grande cavité viscérale par des brides ou des
cloisons membraneuses, et dans beaucoup d'espèces les expan-
sions mésentéroïdes ainsi constituées l'étranglent un peu au
niveau de chaque sillon interannulaire du corps, de façon que
dans les espaces intermédiaires il offre des boursouflures plus
ou moins marquées. Sa surface interne est garnie de cils
vibratiles (i). On y distingue aussi une tunique musculaire, et
près de sa surface externe se trouvent des follicules et d'autres
organiles sécréteurs dont le développement varie beaucoup.
Naïs, eic. Daus quclqucs espèces, la disposition de ces parties est à peu
près la même dans toute la longueur du corps, et la structure
pGslérieure de l'inteslin, qui esl dila- Polyophtlialmes et beaucoup d'autres
tée, se dirige de nouveau en ar- Annélides (g).
rière (a). M. 0. Schmidt a cru apercevoir que
Chez le Siphonostoma plumarum, chez les Naïs du genre Chœtogaster,
le tube digestif est également reployé l'action de ces cils vibratiles dans le
deux fois sur lui-même [b], et il ofl're bulbe œsophagien et dans la portion
la même disposition chez les Chlo- terminale de l'intestin est soumise à
rèmes (c). la volonté de l'animal. Quoi qu'il en
(1) Le mouvement ciliaire sur la soit de cette particularité, il a pu
surface interne du tube digestif des constater l'existence de ces appen-
Annélides a été constaté d'abord chez dices épilhéliaux dans toute la lon-
les Aphrodites par M. Sharpey {cl). gueur du tube digestif de cet Anné-
M. Henle l'a observé ensuite chez les lide. 11 a remarqué aussi que ces cils
Nais et les Lombrics (e), et plus ré- sont extrêmement longs dans la partie
cemment le même phénomène a été antérieure du canal intestinal chez le
signalé chez les Chlorèmes (/"), les Naïs elinguis {h).
(a) Ratlike, Beitrâge sur vergl. Anat. U7id Physiol., 1842, p. 64, pi. 5, fig. 4 et 5.
(6) Idem, ibid., p. 86, pi. 6, ùg. 5.
(c) Quatrefages. Op. cit. {An7i. des sciences nat., 3' série, 4849, t. XIF, pi. 9, fig. 3).
\d] Sharpey, Cilia (Todd's Cyclop. of Anat. and Physiol., t. I, p. 618).
(e) Henle, Ueber Enchytrœus, eine neue Anneliden-Gattung (Miiller's Archiv fur Anal, und
Physiol., 1837, p. 81).
(f) Quatrefages, Mém. sur la famille des Clilorémiens {Ann. des sciences nat., 3" série, 1849,
t. XIl, p. 298).
{g) Quatrefages, Mém. sur la famille des Polyophthalmiens (Ann. des sciences nat., 3« série,
1850, t. XIII, p. 16).
(/() Ose. Schmidt, Beitrdge %ur Anatomie imd Physiologie der Naïden (Miiller's Archiv fur Anat.
und Physiol., 1846, p. 410, et Ann. des sciences nat., 3° série, 1847, t. VII, p. 185).
DES VERS DE L.V CLASSE DES ANJNÉLIDES. 429
de l'estomac, ou intestin, comme on voudra l'appeler, est très
simple. Dans divers Naïs, par exemple, le canal alimentaire,
après avoir constitué un œsophage assez court, prend la forme
d'un cylindre dont les parois logent une multitude d'ulricules
d'un brun jaunâtre, surtout vers sa partie moyenne (1). Mais Térébeiies, eic
ans d'autres Annélides de la même famille, on remarque à peu
de distance de l'œsophage un renflement stomacal qui est très
musculaire (2), et cette espèce de gésier acquiert même un
(1) Ce mode d'organisation se ren-
contre chez le ïubifex des ruisseaux.
Le bulbe pharyngien, qui est prolrac-
tile, se continue postérieurement avec
un œsophage étroit et incolore, situé
dans les troisième et quatrième an-
neaux du corps. La portion suivante
du tube digestif est plus large, colorée
en brun jaunâtre et légèrement étran-
glée d'anneau on anneau par des cloi-
sons musculo-mcmbraneuses qui re-
présentent autant de petits diaphrag-
mes. Les cils vibratiles qui garnissent
la surface interne de ce tube sont très
apparents dans le voisinage de ses
deux extrémités. Enfin, on distingue
dans ses parois des glandules de deux
sortes : les unes sont des utricules
contenant un nucléole ainsi qu'un li-
quide jaunâtre, et paraissent s'ouvrir
dans l'intestin comme autant de petits
caecums; les autres offrent une struc-
ture analogue, mais contiennent un
liquide incolore dans lequel nagent
des gouttelettes de graisse (a).
Comme exemple d'un tube digesUf
olfrant à peu près la même structure
dans toute sa longueur, je citerai aussi
celui de VAmphicora (b). Chez les
Sabelles, le rétrécissement œsopha-
gien est aussi à peine marqué, et la
portion stomaco-intestinale offre par-
tout le même diamètre, si ce n'est
dans les points où elle est resserrée
par les cloisons transversales de la
cavité viscérale qui correspondent à
chaque sillon interannulaire (c) : ce
sont les boursouflures ainsi produites
qui ont été figurées comme des cir-
convolutions par Vivian! {d).
(■2) On ne voit pas de dilatation
stomacale chez les Naïdes des genres
Tubifex, Lumbriculus , Euaxes (e) et
Capitella (f) ; elle manque aussi dans
la plupart des espèces du genre En-
chytcerus {g) , mais se rencontre chez
(a)J. d'Udekeni, Histoire naturelle du Tubifex des ruisseaux, p. 15, pi. l, fi-. 3 et 12
(exir. des Mém. de l'Acad. de Bruxelles, Savants élrançjers, t. XXVIJ.
(h) E. 0. Schmidt, Neue BeiCrage Aur Naturgeschichte der Wûrmer, pi. 2, fi^. 6 (lena, 1848).
(ci Milno Edwards, Annélides de VMlas du Règne animal de Cuvier, pi. 4c, iig. 2.
{d) D. Viviani, Pliosphorescentia maris, 1805, pi. 5, Rg. 7.
(e) Udekeni, Nouvelle classification des Annélides séligères abranches, p. 9 (e.tlr. des Mém.
de l'Acad. de Bruxelles, t. XXXI).
if) Van Beneden, Histoire naturelle du genre Capitella, ou Lumbriconaïs, p. H, pi. 1, Rg. 2
(exIr. du Bulletin de V.icad. de Bruxelles, 2' série, t. lit).
(g) Udekem, Description d'ïine nouvelle espèce d'Enchgtrœus (Bulletin de l'.\cad. dcBruxelles,
t. XXI, pi. 1, fig. 1).
il30 APPAREIL DIGESTIF
développement très considérable chez quelques Tubicoles : les
Térébelles, par exemple (1).
II est aussi à noter que chez divers Annélides on voit accolés
à l'œsophage un certain nombre d'organes glandulaires qui
ont été considérés par quelques auteurs comme constituant un
appareil salivaire, mais qui ne sont encore que très imparfaite-
ment connus sous le rapport de leur mode d'organisation aussi
bien que de leurs fonctions (2).
VEnchytœrus venir icnlosus (a) et chez
les Nais proprement dits (6), ainsi que
chez les Lombrics (c). Chez le Chœto-
gaster diaphanus on volt deux dila-
tations stomacales séparées par un
détroit (cl).
(1) En général , cet estomac mus-
culaire, de forme cylindrique, est situé
près delà bouche, et paraît correspon-
dre anatomiquement au bulbe charnu
qui, d'ordinaire, l'orme la portion basi-
laire et interne de la trompe. Telle est
sa disposition chez les Térébelles, par
exemple, où la portion pharyngienne
du tube alimentaire n'est cependant
pas protractile. Chez l'Arénicole, le
gésier est situé à peu près de même,
et cependant ne pénètre pas danus la
trompe, quand cet organe se déve-
loppe au dehors (e); mais chez les
Ilermelles il se trouve beaucoup plus
en arrière, et affecte une forme globu-
laire (/■). Chez ce dernier Annélide la
portion suivante du tube digestif se
distingue de la portion terminale par
sa forme boursouflée et par la cou-
leur jaunâtre de ses parois; la por-
tion terminale, qu'on peut considérer
comme étant l'intestin, est lisse et
incolore (g).
(2) Chez les Lombrics, il existe de
chaque côté de l'œsophage une agglo-
mération de glandules disposées en
forme de cordon cylindrique, qui offre
plusieurs circonvolutions et sécrète
un liquide visqueux (h). M. de Siebold
pense que ces organes peuvent être
considérés comme des glandes sali-
vaires buccales («). M. Ilenle attribue
le même rôle à quatre paires de vési-
(a) Exemple : le Nais prohoscidea (voy. Gruitlutisen, Anat. der Ge%ûngelten Naide, in Nova Acla
Acad. nat. curios., l. XI, pi. 35, fig. 1).
(6) Morren, De Lumbrici terrestris kistoria naturali necnon anatomiœ tractatus , p. 132,
pi. 7, fig. 1 m (Bruxelles, 1829).
— Quatrefages, Annélides du Règne animal de Cuvier, pi. 21, fig. 1 g.
(c) Gruithuisen, Ueber die Nais diaphana {Nova Acta Academice naturœ curiosorum, t. XIV,
pi. 25, fig. 2).
(d) Milne Edwards, Annélides de V Atlas du Règne animal de Cuvier, pK 1 & et pi. 1 c, fig. 1 .
(e) Home, Lectures on Comp. Anat., pi. 140, fig. 1.
— Milne Edwards, Op. cit., pi. 1, fig. 1 a.
— Grube, Zur Anat. und Physiol. der Kiemenwûrmer , pi. 1, fig. 1.
{f) Milne Edwards, Op. cit., pi. 1 & et 1 c, fig. 1.
(g) Quatrefages, Mcm. sur la famille des Hermellieus {.Ann. des sciences nat., 3° série, 1848,
t. X, p. 39).
{h) Morren, De Lumbrici terrestris hist. nat. necnon anat. tractatus, p. 1 29, pi. 1 0 bis, fig. 1 .
(i) Siebold et Stannius, Nouveau Manuel d'anatomie comparée, t. I, p. 207.
DES VERS DE LA CLASSE DES ANNÉLIDES. kM
Chez l'Arénicole, l'appareil digestif se complique davantage.
L'œsophage est suivi par un gésier musculaire de forme cylin-
drique, à l'extrémité postérieure duquel sont appendus deux
caecums volumineux ; un estomac renflé, dont les parois sont
très vasculaires et offrent une multitude de petites bosselures ,
occupe la portion moyenne du corps ; on distingue ensuite un
intestin grêle dont les parois sont garnies extérieurement d'une
foule de caecums filiformes qui sécrètent un liquide jaune, et
qui paraissent constituer un appareil hépatique ; enfin la por-
tion terminale du tube alimentaire qui se trouve en arrière
Arénicoles.
cules transparentes tfu'il a vues s'ou-
vrir clans l'œsophage chez les Naïdéens
du genre Enchytrœus (a).
Chez les Néréides, on voit de chaque
côté de la base du bulbe pharyngien,
sous les muscles rélracteurs de la
trompe, un corps d'apparence glan-
dulaire qui est probablement un or-
gane salivaire (ô).
Chez les Arénicoles, ces glandes sont
représentées par une paire d'appen-
dices beaucoup plus volumineux, qui
ont la forme de sacs cylindrico-coni-
ques et s'ouvrent dans le (ube dit^estif,
immédiatement en arrière du gé-
sier (c). Quelques auteurs ont pensé
qu'ils pouvaient être assimilés au foie
des Animaux supérieurs (cl) ; d'autres
supposent qu'ils sécrètent un suc pan-
créatique (e). Un mode d'organisation
analogue se rencontre aussi dans le
genre Ammotrypane (/").
Chez les Syllis, on trouve en arrière
du gésier deux paires de petits caecums
gros et courts qui semblent également
être des organes glandulaires (g).
On peut rapporter aussi à cette
classe d'organes une paire de gros
caecums qui, chez les Siphonoslomes,
naissent beaucoup plus en avant sur
les côtés de la bouciie (h). Ces appen-
dices sécréteurs sont disposés de la
même manière chez les Chlorèmes, où
ils renferment vui liquide limpide qui
tient en suspension quelques globules
diaphanes {i).
(a) Henle, Op. cit. (Mliller's Archiv fur Anal, uncl Physiol, 1837, p. 79, pi. G, fig. 0).
(6) Ralhke, De Bopyro et Néréide comment., 1837, pi. 2, fl-. 7 et 8.
— ■ Milne Edwards, Annélides du Règne animal de Cuvier, pi. 1 a, (îg. \ j.
(c) Home, Lectures on. Comparative Anatomy, pi. 4 40, fîg:. 1.
— Milne Edwards, Annélidiîs du Règne animal, pi. 1, fig. i et 2 e.
(d) SieboldetStànnius, Nouveau Manuel d'anatomie comparée, t. I, p. 20 7
(e) Meckel, Anatomie comparée, t. VII, p. 106.
if) Rathke, Beitrâge %ur Fauna Norwegens, p. 197, pL 1 0, fig-. 13 h.
(g) Milne Edwards, AnnÉlides du Règne animal de Cuvier, pi. 15, fig'. 1 a, g.
{h) Rathke, Beitrâge zurvergl. Anat. und Physiol., p. 87, pi. 6, fig. 5c, c.
— Délie Chiaje, Descrizione e notomia degli Ànimali invertebrati délia Sicilia citeriore, pi. 94 ,
fig. 6.
(i) Quatrefages, Jlém. sur la famille des Cliloréniiens (Ann. des sciences iiat., 3' série, t. XII,
p. 297).
Aphrodisiens
Organes
glandulaires.
[l2>'2 APPAREIL DIGESTIF
de la région branchifère du corps a des parois lisses, minces
et fixées aux parties voisines par un grand nombre de brides
membraneuses (1).
La structure de l'appareil digestif des Apbrodites est aussi fort
remarquable. En effet, de chaque côté de l'estomac se trouve
une rangée de grands appendices tubuleux qui se terminent en
cul-de-sac près de la base des pattes, et qui envoient des prolon-
gements ciBcaux dans les tubercules cutanés situés entre les
expansions foliacées dont le dos de ces Annélides est couvert ('2).
Le tissu glandulaire hépatique, qui, chez la plupart des Anné-
lides, est appliqué directement sur les parois du tube digestif
et en rend la surface extérieure lomenteuse (3), est disposé
(1) L'appareil digestif de rArénicoIe
des pêcheurs a été souvent figuré par
les.analomistes (a).
('2) Cliez VAphrodita aculeata, dont
Panatomie a été faite par Redi et par
Pallas (5), le bulbe pharyngien qui
concourt à la forma lion de la trompe
est très volumineux ; et lorsque ce
dernier organe est rentré, il se loge
en partie sous Testomac, de façon à
entraîner l'œsophage d'avant en ar-
rière (c). L'estomac est presque cylin-
drique et assez large, mais se rétrécit
•postérieurement dans le voisinage de
l'anus. Les caecums qui en naissent de
chaque côté, et se portent transversa-
lement en dehors, sont d'abord assez
grêles, maisse renflent vers leur partie
terminale, qui est recourbée en dessous
et en dedans ; enfin chacun de ces ap-
pendices porte en dessus trois ou quatre
petits caecums secondaires qui, vers la
partie moyenne du corps, se ramifient
plus ou moins sous les téguments. On
en compte une vingtaine de paires.
Chez les Polynoés, ces appendices
gastriques existent aussi et sont dis-
posés à peu près de même, mais sont
moins développés {cl).
(3) Ce tissu glandulaire, dont j'ai
déjà dit quelques mots en parlant des
Nais et des Arénicoles, s'observe chez
tous les Annélides Chétopodes. Chez
les Lombrics, par exemple, il est très
(a) Voyez Home, Lectures on Comparative Anaioimj, pi. 40, fig-. 2 cl 3.
— Milnc Edwards, Atlas du Règne animal de Cuvier, Annélides, pi. 1, fig-. 1 .
— Grube, Zur Anat. und Physiol. der Kienienivûrmer, pi. 1, fig. i.
— .1. Carus, Icônes zootomicœ, pi. 9, lig. i.
[h) Redi, De AnimalcuUs vivis quœ in corporibus Animalium vlvorum reperiunlur observa-
tiones, p. 279, pi. 25,fig. 3 {Opuscula, t. lit).
— Pallas, Miscellanea xoologica, p. 85, pi. 1, fig. 10 et H.
(c) Treviranus, Ueber den innern Bau der stachlichten Aphrodite (Zeilschrifl fiir Pliysiologie,
4829, t. m, p. 161, pi. 12, fig. 9).
— Milne Edwards, Annélides de V Atlas du Règne animal de Cuvier, pi. 2, fig. 1.
(d) Pallas, Op. cit., p. 94.
— Grube, Zur Anatomie und Physiologie der Kiemeniuûrmer , p. G2, pi. 2, fig. 13.
— T. Williams, Report on Ihe Drilish Annelida, pi. 10, fig. 62 {Brit. Assoc, 1851).
DES VERS DE LA CL.VSSE DES ANNÉLIDES. ^33
exclusivement autour de la portion terminale de ces caecums, et
par conséquent ces appendices peuvent être considérés comme
constituant un foie diffus; mais, d'après le calibre de leur
cavité, il est probable que les produits de la digestion v
pénètrent, et que par conséquent ils remplissent des fonctions
analogues h celles des canaux gastro-hépatiques des Mollusques
dits phlébentérés (1).
développé, et il paraît constituer ce
que Morren a décrit sous le nom de
chloragogena (a).
En général, les glandes gastriques
sont colorées en jaune; mais chez
quelques espèces, par exemple, les
Aphrodites et les Phyliodoces, elles
sont chargées d'une matière verte, et
M. Williams pense que cette particu-
larité se lie à l'absence d'hémalosine
dans le sang, qui chez ces Annélides
est incolore [b).
Il existe chez les Lombrics un or-
gane fort singulier que Wiliis a ap-
pelé un intestin dans l'intestin, et a
considéré comme étant une glande
hépatique (c). Morren, qui lui a donné
le nom de typhosoliis, est porté à le
regarder comme un réservoir du
chyle {d), et M. Siebold partage celte
opinion (e), tandis que Dnvernoy le
compare à une veine mésentérique (f).
C'est un repli membraneux longitu-
dinal qui fait saillie dans la cavité de
Tintestin , et qui adhère à sa paroi
supérieure dans les trois quarts de la
longueur de ce tube ; dans sa moitié
antérieure il est froncé transversale-
ment, et en arrière il affecte la forme
d'un cylindre droit ; enfin il est creusé
d'un canal longitudinal qui est fermé
à ses deux extrémités et ne com-
munique pas avec la cavité intesti-
nale (g). Enfin il est composé d'utri-
cules sécréteurs (h). Dans l'étal actuel
de nos connaissances, on ne peut for-
mer que des conjectures très vagues
touchant les fonctions de cet organe.
(i) Il est cependant à noter qu'il
paraît y avoir un sphincter à l'entrée
de chacun de ces appendices, et le
liquide contenu dans leur intérieur
ne ressemble jamais aux matières lo-
gées dans l'intestin. M. de Quatre-
fages et M. Wilhams pensent qu'ils
servent à établir des relations entre
les produits de la digestion et le
fluide respirable {i), mais ils me
paraissent être plutôt des organes
hépatiques.
{a) Morren, De Lumbrici tevrestris hist. nat. necnon anat. tractalus, p. 142, pi. 15, 16, ûg. 3.
(6) T. Williams, Report on the British Annelida (Brit. Assoc, 1851, p. 233). ^
(c) Wiliis, De anima brutorum exercitatlones, 1692, p. 97, pi. i, fig-. 1, k.
(d) Morren, Op. cit., p. 138, pi. 16, fig. 1.
(e) Siebold el Stanniiis, Xouveau Manuel d'anatomie comparée, t. I, p. 208.
(D Voyez Cuvier, Leçons d'anatomie comparée, 2" édit., t. V, p. 334.
(g) Voyez Home, On the double Organs of Génération of the Lamprey, etc. {Philos. Trans.,
1823, p. 148, pi. 18, fig. 1).
(h) C. B. Jones, On the Structure of the Liver[Phil. Trans., 1849, p. 111, pi. 9, %. 5).
(i) De Qiuitrefagcs, Note sur le phlébentérism^ {Ajjii, des se. nat., 3« série, 1845, 1. IV, p. 91).
— Williams. Op. cit., p. 237.
V. 28
Appareil
digestif
des
Hirudinées.
Ventouse
orale.
des Sangsues.
^3/|. APPAREIL UIGESTIF
§ 4. — Dans la seconde grande division de la classe des
Annélides, l'ordre des Hirudinéks, le régime n'est pas le même
qae chez les Chétopodes, et se compose principalement, sinon
exclusivement, de sang puisé directement dans le corps d'autres
xVnimaux : aussi l'appareil digestif n'est-il que faiblement
pourvu des organes sécréteurs qui sont chargés de produire les
sucs propres à attaquer et à dissoudre les alimenls; mais l'ori-
fice préhenseur affecte une disposition particulière, en accord
avec ce mode de nutrition, et la cavité stomacale se développe
de façon à devenir un vaste réservoir pour les liquides ingur-
gités. La bouche est conformée pour la succion et est aidée
dans son action par le jeu d'une partie de l'appareil de la loco-
motion qui se couipose de deux ventouses situées aux extrémités
du corps. En effet, cet orifice occupe le centre de la ventouse
céphalique , et celle-ci est disposée de façon à pouvoir s'ap-
pliquer très exactement sur la surface des corps étrangers et
à y adhérer fortement ; de petites mâchoires cornées, dont
le bord labial est en général armé , peuvent alors entamer
cette surface, pom^ peu qu'elle soit d'une texture délicate, et les
mouvements de succion opérés par le pharynx déterminent
l'écoulement du liquide sous-jacent et le portent jusque dans le
réservoir stomacal de l'Animal. Ce mode d'alimentation a valu
à ces Vers le nom commun de Sangsues, mais les zoologistes
réservent plus particulièrement celte appellation aux espèces
qui forment une des divisions génériques de ce groupe, et qui
sont employées en médecine pour opérer des saignées locales.
Quand on veut étudier le mode d'action de cette ventouse orale^
il est bon d'examiner d'abord la manière dont l' Animait 'applique
sur le corps auquel il veut se fixer, et pour cela de placer une
Sangsue ordinaire sur une lame de verre, afin de voir à travers
cette substance diaphane ce qui se passe dans la région circum-
buccale. En observant de la sorte un de ces Annélides, on le voit
alors donner à sa ventouse la forme d'une cupule, puis en faire
DES VERS UE LA CLASSE DES ANNÉLIDES. /|35
saillir le fond comme une espèce de bourrelet et le coller sur
le point dont il a fait choix; ensuite il abaisse de dedans en
dehors les bords du godet, et apphque si exactement la totalité
du disque péristomien sur le verre , qu'il ne reste pas la
moindre bulle d'air entre les surfaces ainsi amenées en contact.
Le fond de la ventouse tend alors à reprendre sa position pri-
mitive et à devenir concave : sur un corps rigide comme le
verre il n'y parvient pas ; mais si la surface d'application est
extensible, comme l'est d'ordinaire la peau des Animaux que les
Sangsues attaquent, elle suit ce mouvement et s'avance jusque
dans la cavité buccale , où elle est saisie et coupée par les
mâchoires de cet Annélide suceur (i). Enfin des contractions
péristaltiquess'élahlissentdans l'œsophage, etlesangquis'écoule
de la jietite blessure ainsi produite est pompé avec force et
porté dans l'estomac du Yer. L'aspiration opérée de la sorte
dépend uniquement du jeu de la ventouse orale et du pharynx,
qui est entouré de fibres musculaires divergentes aussi bien
que concentriques : l'estomac ou les autres parties du corps de
la Sangsue n'y contribuent en rien. En effet, le courant ne
s'arrête pas quand, d'un coup de ciseau, on coupe en deux le
corps d'un de ces Animaux en train de se repaître, et qu'on
ne laisse adhérente à la piqûre que la portion céplialique de la
Sangsue ainsi mutilée (2).
(1) Jusque vers le milieu du siècle premier qui ail bien vu les espèces de
dernier les médecins se formaient des màclioires ou de râpes dont la bouche
idées U'ès fausses sur la manière dont de ces Vers est pourvue, et qui ait
la Sangsue entame la peau de l'Homme donné une explication passablement
ou des Animaux dont elle prend le juste de leur mode d'action ; ses ob-
sang : les uns pensaient qu'elle était servations ont été publiées et confir-
pourvued'unaiguillou,d'autresqu'elle mées par Morand {a).
déterminait la rupture de cette niera- (2) Quelques naturalistes ont pensé
brane par la seule force de succion. que dans le mécanisme de la succion
Un chartreux, D. Allou, paraît être le la partie postérieure du corps de la
(a) Morand , Observations sur l'anatoynie de la Sangsue (Mém. de l'Académie des sciences,
1739, p. 189, %. E, F).
/ir)G APPAREIL DIGESTIF
La iorine de la vcnloiise orale varie un peu : chez rjuel(]ues
Hiriidinées, telles que les Pontobdelles et les Piscicoles , elle
est presque hémisphérique et séparée du reste du corps par un
étranglement (1) ; mais, en général, il n'existe pas de rétrécis-
sement à sa base, et elle est constituée principalement par le bord
frontal de l'extréniité antériem^e du corps qui s'avance en ma-
nière de voûte (2). Des différences plus importantes se remar-
Sangsuc faisail fouclion do pompe
aspirante (a). Thomas a réfuté cette
opinion par l'expérience citée ci-des-
siis, mais il combat également l'ex-
plication fondée sur l'action de la
ventouse, et il attribue l'afflux du
sang seulement ù l'irritation déter-
minée dans la plaie par la morsure de
la Sangsue. Il se fonde sur ce qu'il a
vu une Sangsue rester attachée pen-
dant quelques minutes à un cœur sai-
gnant placé sous le récipient de la
pompe pneumatique où il faisait le
vide (6); mais cette expérience, qui est
en désaccord complet avec les résul-
tats obtenus par Du liondeau (c), ne
paraît pas avoir été fuite de façon à
prouver que dans les circonstances
ordinaires la ventouse n'agit point par
succion, et iM. Fermond, en substi-
tuant à la lame de verre mentionnée
ci-dessus un disque de baudruche
humide et médiocrement tendu, a vu
que cette membrane extensible était
attirée dans l'intérieur de la ventouse.
quand la Sangsue s'y attachait. Il com-
pare donc avec raison cet organe à
l'instrument connu sous le nom
d'aiTache-pierre {d).
(1) Chez les Pontobdelles, Ilirudi-
nées qui habitent la mer et se tiennent
sur divers Poissons, la ventouse orale
est grande, très concave, en forme de
godet, el garnie d'un bord pourvu de
tubercules (e).
Chez les Piscicoles, ou Hœmochan's,
qui s'attaquent aussi aux Poissons,
mais vivent dans les eaux douces,
cette ventouse est également assez
grande, quoique peu concave (/).
Chez les Branchellions, cet organe
est rétréci à sa base, comme chez
les espèces précédentes, mais plus
petit (g).
(2) Chez les Sangsues proprement
dites , les Haemopis , les Aulasto-
mes, etc., la ventouse orale est sans
étranglement, et plus ou moins dis-
tinctement bilabiée. La lèvie supé-
rieure s'avance en forme de bec de
(a) Du Rondeau, Mém. sur la Sangsue médicinale {Journal de physique, 1782, I. XX, p. 288).
(b) Tliomas, Mém. pour servir à l'histoire naturelle des Sangsues, 1806, p. 40.
(c) Du Rondeau, Op. cit. (Journal de physiqiie, t. XX, p. 291).
{d) Fermond, Monographie des Sangsues médicinales, 1854, p. 94.
{e) Voyez Délie Chiaje, Mem. sulla storia e notomia degli Animali sen%a vertèbre di Napoli,
t. I, pi. 1, fig. 14.
— Qualrefages, Annélides du Règne animal de Cuvier, pi. 23, ûg, 2.
if) Kosel von Rcsenliof, Insecten-Belusligung , t. III, pi. 32, fig. 1.
— Quaticfagcs, Annélides Au Règne animal de Cu\icr, pi. 23, fig. 1.
{g) Idem, Mém. sur le Brancliellion [Anii. des sciences nat., 3" série, 1852, t. XVIII, p. 294,
pl. G. fig. 1).
DES VERS DE LA CLASSE DES ANNÉLIDES. Û37
quent dans son armature. Chez la Sangsue médicinale, la bouche,
située, comme je l'ai déjà dit, au milieu de la ventouse antérieure,
est de forme à peu près triangulaire et garnie de trois papilles
ovalaires qui sont divergentes et pourvues chacune d'une crête
médiane convexe et denticulée (1). Ces papilles sont autant de
mâchoires et sont mises en mouvement par des fibres muscu-
laires propres, de façon à agir comme de petites scies courbes,
et à inciser par déchirure la portion de la peau sur laquelle
ces Annélides ont appliqué leur bouche. L'appareil maxillaire
est conformé de la même manière chez les Hirudinées des
genres Hœmopis, J ulastoma ^BdeWe ou Limnatis^ et Trocbeta;
mais chez les Branchiobdelles il n'y a que deux mâchoires, et
chez les Pontobdelles et les Piscicoles ces organes sont rudi-
mentaires (2) ; enfin, chez les Néphélis et les Branchellions,
Mâchoires
des SaiiETSues
cuiller renversé , et se compose de
trois ou quatre segments transversaux
suivis de trois anneaux dont la por-
tion inférieure ou sternale forme la
lèvre inférieure (a). Dans l'état de
repos , ces deux lèvres se rappro-
chent et la ventouse se ferme; mais,
dans l'état d'activité , elles s'écartent
et la lèvre supérieure se projette en
avant.
Chez les Malacobdelles , au con-
traire, elle est peu développée (6).
(1) C'est à cause de cette disposition
que la plaie faite par ces Animaux a
la forme d'une petite étoile à trois'
branches (c).
(2) Les mâchoires des Sangsues
proprement dites sont à peu près
ovalaires et très comprimées; leur
longueur est de 2 à 3 uiillimèlies, et
leur bord médian ou crête porte une
rangée d'environ soixante dcnticules
en forme de V, qui sont disposées
comme des chevrons avec leur angle
dirigé vers la bouche. L'une de ces
mâchoires est anlérieure ou supé-
rieure, les autres sont latéro-posté-
rieures ou inférieures ; elles sont dis-
posées en triangle et logées chacune
dans un sillon buccal ou gaîne dont les
bords sont élevés. Les denlicules dont
elles sont armées paraissent naître
chacune d'une capsule particulière {d).
Beaucoup d'auteurs ont considéré ces
points comme étant séparés sur la
ligne médiane, et par conséquent dis-
(fi) Moquiii-Tandon, Monographie de la famille des' Hirudinées, 1846, p. 52, pi. 8, ùg. tO.
{b) Blanchard, Mémoire sur la Mulacobdelle {Ann. des sciences nal., 3° série, ■1845, t. IV,
pi. 18, fig. -1).
(c) Morand, Observations sur l'anatomlé de la Sangsue [Mém. de l'Acad. des sciences, 1739,
p. 192, fig-. C).
(d) Quairefages, Noie sur Vanatomic des Sangsues {Ann, des sciences nat., 3° série, 1847,
t. VIII, p. 38).
/lâ8 APPAlUill, DIGKSTIF
ils manquent complètement : il en est de même chez les Glos-
siphonies ou Clepsines, mais celles-ci sont pourvues d'une
trompe exsertile semblable à celle de la plupart des Annélides
Chétopodes (1).
Mode Les Sangsues proprement dites et les Hsemopis sont des
d'alimentation .. -, . , , .. .'ii
des Animaux exclusivement suceurs, et se nourrissent essentielle-
Hirudinees. ^^^^ ^^ ^^^^ ^^^ dlvers Vcrtébrés qu'elles peuvent mordre :
posés par paires sur deux rangs ; mais Chez la Trochète, les mâchoires sont
M. Brandt a constaté que cette dispo- très petites et tranchantes, mais sans
sillon n'existe pas (a). denlicuies {f). Leur position est in-
Chez les Hsemopis, les mâchoires verse de celle des Sangsues : deux se
sont plus petites, moins comprimées trouvent en avant ou au-dessus de
et armées d'un moindre nombre de l'ouverture buccale, et une seule en
denlicuies (6). arrière.
Chez les Aulaslomes (c), les ma- Chez la Bianchiobdelle, lesmâchoi-
choires sont presque parallèles et res, au nombre de deux, sont mé-
moins enfoncées; chacune est année dianes, cornées el noires; Rôsel les
d'environ quatorze denlicuies assez a prises pour des yeux ((/). L'une est
grosses et obtuses [d), située au-dessus, l'autre au-dessous
Chez les Bdelles, ou Z.m?(ah's, ces de la bouche [h).
organes ont une carène peu saillante (1) La trompe des Glossiphonies a
et dépourvue de denlicuies ou de dé- été aperçue d'abord par Bergmann, et
coupures quelconques (e). ensuite mieux observée par John-
(a) Brandi et Ratzeburg, Medicmische Zoologie, t. II, p. 245, pi. 29 A, fig. 13-18.
— Quatrefages, Annélides du Règne animal de Cuvier, pi. iil, fig. 3, 3 a.
— Moquiu-Tandon, Monographie de la famille des Hirudinées, pi. 9, fig. 12 à 16.
— Fermond, Monographie des Sangsues médicinales, pi. 2, fig. 32.
(&) Sa\igny, Op. cit., pi. 1, fig. 5.
— Qiiekett, Lectures on Hlstology, t. II, p. 381, fig. 344.
(c) h'Aulastoma gulo a élé souvent confondu avec VHœmopis sanguisiiga ou H. vorux, et c'est
sous ce dernier nom que les mâchoires de cette Hirudinee ont été représentées dans l'Atlas du Règne
animal, Annélides, pi. 21, fig. 4^.
— Moquin-Tandon, Op. cit., pi. 6, fig. 9 et 10.'
(d) Caréna, Monographie du genre Hii'udo {Mem. délia R. Accad. di Torino, 1 820, t. XXV, pi. 2,
fig. 25; pi. 24).
— Pelletier et Huzard, Recherches sur le genre Hirudo (Journal de pharmacie, 1825, pi. i,
fig. 5, 0, 7).
— Brandt et Ratzeburg, Op. cit., pi. 29 B, fig. 13 à 17.
— Moquin-Tandon, Op. cit., pi 5, fig. 12, 13, 14.
(e) Savigny, Annélides AeVÉgypte, pi. 5, fig. 4^, 4^.
if) Moquin-Tandon, Op. cit., pi. 4, fig. 11.
(g) Rosel \on Rosenhof, Insecten-Belustigung , 1755, t. III, p. 327.
{hj Odier, Mém. sur la Branchiobdelle (Mém. de la Société d'histoire naturelle de Paris, 1823,
t. I, p. 71, pi. 4, fig. 5, 8, 11, 12, 17).
— Henle, Veber die Gattung Branchiobdella (Miiller's /irc/iw fïir Anat. und Physiol., 1835,
pi. 14, fig. 1).
DES VI;RS T)K la CL.VSSE DKS ANNÉLIUES. lio9
il est aussi à noter que ce sont les seules Hirudinées qui nient la
faculté d'entamer la peau de l'Homme (1) : les Aulastomes
déchirent leur proie et en avalent des lambeaux; enfin, les
son (a). La structure en a été étudiée
avec soin par M. F. de Filippi, et sur-
tout par M. Budge (6). C'est un tube
plîaryngien charnu, cylindrique et
susceptible de se dérouler au dehors
ou de rentrer comme un doigt de gant.
M. Leydig a trouvé une trompe
semblable chez le Branchellion , et
I\l. de Quatrefages, qui en a également
fait Tanalomie, s'est assuré qu'elle est
complètement inerme (c).
(1) Ainsi que chacun le sait, on fait
en médecine un grand usage de ces
Animaux pour opérer des saignées
locales. Pour la France seulement, on
en consomme de la sorte plus de
30 millions d'individus par an , et
quelquefois beaucoup plus : ainsi en
1832 on en a importé 57 Zi9i 000 (d).
ils appartiennent tous au genre Hi-
rudo, et sont, pour la plupart, de
simples variétés de l'espèce connue
sous le nom de Hirudo medicinalis o\i
de H. troctina. VHœmopis sangui-
suga (ou Sangsue de Cheval), qui se
rencontre en Espagne et en Afrique,
ne peut entamer facilement que les
membranes muqueuses, et donne sou-
vent lieu à des accidents graves en
s'introduisant dans les fosses nasales
ou les autres cavités du corps (e).
Les marais de l'Europe n'ont pas
suffi pour alimenter le commerce dont
les Sangsues sont l'objet, et depuis
plusieurs années on en tire de l'Asie
Mineure et de la Syrie, aussi bien que
de l'Algérie ; enfln on s'est appliqué
à en élever artificiellement, et dans
quelques parties de la France, parti-
culièrement aux environs de Bor-
deaux, Vhirudiniculture, comme on
l'appelle, est devenue une branche
d'industrie agricole irèsimportante (/").
Pour nourrir les Sangsues, on emploie
{a) T. Bergmann, Afhandliiuj om Iglar {Vetenskaps Acad. Handlingar for dr 1757, t. XVIII,
p. H 3).
— Johnson , Observations on the Hirudo complanata and H. stagnalis , noiv formed into a
distinct Genus under the Name ()/■ Glossopoi-i (Philos. Trans., 181G, p. 341, pi. 17, fig. 9
et 10).
(6) F. de Filippi, Lettera al D. Rusconi sopra Vanatomia e lo sv'duppo délie Clepsiiie, p. 12,
pi. 1, fig. 1 et ii (e.\tr. du Giornale délie scienze medico-chirurgicale di Pavia, l. XI).
— Budge, Clepsine bioculata {Verhandlungen des Nalurhist. Vereins derpreussischenRhein-
lande und Westphalens, 6. Jahrgang 18-i9, p. 97, pi. 5, fig. 13 et 15).
(c) Leydig, Anatomisches ûber Branchellion und Pontobdella (Zeitschrift fur ivissensch. Zool.,
1851, t. m, p. 314).
— Quatrefages, Mém. sur le Branchellion [Ann. des sciences nat., 3= série, 1852, t. XVIII,
p. 296, pi. 0, lîg. 3).
id) Fermond, Monographie des Sangsues médicinales, p. 255.
(e) Guyon, Note sur i'Hsemopis vorax {Comptes rendus de l'Acad. des sciences, 1841, t. XIII,
p. 785, etc.).
(f) Voyson, Guide pratique des éleveurs de Sangsues. Bordeaux, 1852.
— Masson, Elève des Sangsues. Paris, 1854.
- — Laurens, L'élève des Sangsues. Bordeaux, 1854.
— Busquet, Manuel d'hirudiniculture. Bordeaux, 1854.
— Soubeiran, De la mulliplication des Sangsues dans les Landes {Ann. de l'agriculture
française, 1854).
— Ebrard, Nouvelle monographie des Sangsues, 1857, p. 239 et suiv.
khO APPAREIL DIGESTIF
Troclièles dévorent des Lombrics et les larves aquatiques par
tronçons ou même tout entiers. Du reste, tous ces Animaux
sont d'une voracité extrême, et la quantité d'aliments qu'ils
prennent en un seul repas est souvent énorme : ainsi, on a
vu des Sangsues médicinales se gorger au point d'augmenter
près de sept fois le poids de leur corps (1), et par conséquent
généralement de vieux Chevaux que
Ton fait entrer dans les étangs où
ces Annélides sont parqués ; ceux-ci
s'y attachent en choisissant de pré-
férence les parties du corps où la
peau est In moins résislante, la face
interne des cuisses, les jambes et le
dessons du ventre, par exemple, et se
gorgent avec une grande avidité. Ils
ne sucent pas les cadavres , et ne
paraissent pas capables de boire du
sang liquide dans lequel on les plon-
gerait {a) : mais si on leur fournit
comme point d'appui un tissu spon-
gieux imbibé de ce liquide, ils s'en
repaissent sans difficulté, et l'une des
méthodes employées pour l'élevage
de ces Vers, celle de ]\I. Borne [h),
est fondée sur la connaissance de ce
fait. Quelques agronomes ont pensé
que le sang obtenu par l'ahatage des
Animaux de boucherie, et rendu in-
coagulable par la flagellation , lors
même qu'on l'emploie tout de suite,
ne leur était pas aussi utile que celui
puisé directement sur un Animal vi-
vant (c) : mais cette opinion ne paraît
pas être fondée. Les Sangsues peuvent
se gorger aussi de sang coagulé, mais
en le suçant, et non en avalant le caillot
lui-même.
(1) Les Sangsues ne se gorgent que
très rarement à ce point, et il existe
beaucoup de variations dans la quan-
tité de sang dont elles peuvent char-
ger leur estomac. Ces dilîérences dé-
pendent en partie de l'âge, en partie
des races. Dans une série d'expérien-
ces faites par M. Ad. Sanson, l'aug-
mentation du poids du corps a varié
entre 3,8 et 6,7 {cl), et dans d'autres
pesées faites par M. Moquin-Tandon,
les extrêmes ont été, d'une part,
2, et d'autre part 5 ^ (e). M. Ébrard
a trouvé que les très gros individus
(dits Sangsues vaches) triplaient de
poids seulement, tandis que les indi-
vidus connus dans le commerce sous
la dénomination de petites moijennes
devenaient quatre fois plus pesantes ;
et les petits individus, dits filets,
acquéraient quatre fois et demie leur
poids initial (/). !\1. Moquin - Tan-
don évalue en moyenne à environ
(a) Ébrard, Nouvelle monographie des Sangsues médicinales, 1857, p. t62,
(b) Clievallier, Rapport sur un mémoire de M. Borne relatif à la conservation et à la reproduc-
tion des Sangsues {Bulletin de la Société d'encouragement pour l'industrie nationale, 4854).
— Soubeiraii, Note sur les marais à Sangsues de Clairfontaine , 1854.
(c) Quenard, De l'élève et de la multiplication des Sangsues {Bidlelin de la Société centrale
d'agriculture, 1854, p. 277).
(d) J. Martin, Histoire pratique des Sangsues, 1845, p. 44,
(e) Moquin-Tandon, Monographie des Hirudinées, p. 268.
(f) Ébrard, Nouvelle MonograjMe des Sangsues, p. 219,
BES VKIIS !)E LA CLASSE DES ANNÉLiDES. /|Ûl
nous pouvons prévoir que In capacité de leur eslomac doit être
énorme. Effectivement , c'est ce qui s'observe chez presque
toutes les Hirudinées.
Le tube digestif de quelques-uns de ces Animaux est simple canai digestif
et cylindrique dans toute sa longueur, chez les Malacobdelles
et les Néphélis, par exemple (1) ; mais chez les Sangsues pro-
des
Hirudinées,
15 grammes la quantité de sang sucé
par unegrosse Sangsue marchande, de
bonne race, telle que la variété verte
de Turquie; mais cette estimation me
paraît un peu exagérée. En effet, dans
les expériences publiées par î\l. de
Quatrefages, la quantité de sang pris
par les Sangsues bordelaises n'était
en moyenne que d'environ 12 gram-
mes, et les Sangsues dites Dragonnes
{Hirudo troctina) se sont chargées
d'un peu moins (a).
Du reste, la capacité de ces Ani-
maux paraît dépendre essentielle-
ment du degré d'extensibilité de leur
estomac. M. Ébrard a trouvé que,
proportionnellement à leur poids, ils
prennent d'autant phis de sang qu'ils
sont moins vieux, et les médecins ont
remarqué que si d'un coup de ciseau
on coupe en travers la partie posté-
rieure du corps de l'un de ces Animaux
en train de se gorgcr, il continuera à
sucer pendant très longtemps, et que
le sang s'écoule goutte à goutte par la
troncature (6).
(1) Le tube digestif des Malaco»
bdelles est d'une structure très simple :
sa portion pharyngienne est courte,
droite et garnie intérieurement de
papilles épidermiques ; la portion sto-
macale est membraneuse, cylindrique
et légèrement flexucuse (c).
Chez les Néphélis, le tube digestif
est cylindrique, et s'étend en ligne
droite d'un bout du corps à l'autre {(l)\
on y distingue une portion œsopiia-
gienne qui est garnie intérieurement
de stries longitudinales, et une portion
moyenne ou stomacale qui ne présente
rien de remarquable (e).
Chez les Trochètes, ou Géobdellcs,
l'estomac est divisé intérieurement en
cinq chambres par une série de brides
transversales; l'intestin est également
divisé en deux portions par un étran-
glement. L'œsophage est chainu et
présente des plis longitudinaux dont
un, situé en dessus, est très gros {f).
L'estomac des Branchiobdclles est
également dépourvu d'appendices ,
mais on y remarque des étrangle-
ments qui le divisent en plusieurs
loges arrondies {g).
(a) Quatrefages, Note sur quelques expériences relatives à V emploi des Sangsues algériennes
[Comptes rendus de l'Acad. des sciences, 1857, t. XLV, p. 681).
(&) J. R. Johnson, A Treatise on the médicinal Lee.ch, 1816, p. l-i2.
(c) Blanchard, ili^moiî'e sur la Malacobdelle {Ann. des sciences nat., 3" série, 1845, t. IV, p. 367,
pi. 18, îig. 1 et 2).
(d) F. de Filippi, Memoria sugli AnelUdi dclla famiglia délie Sanguesughe. Milan, 1837, pi. 1,
Rg. 4.
(e) Moquin- Tandon, Op. cit., p. 102, pi. 3, fig. 17.
(f) Idem, ibid., p. 102, pi. 4, fig. 9.
(g) Henle, Op. cit. (Miiller's Archiv fur Anat. und Physiol, 1835, pi. 14, (Ig. 1),
4/[2 AP1>AUEÎL DlGiiSTlF
prement dites eL la plupart des autres Hirudinées, restomac
se prolonge latéralement de façon à constituer de grands
réservoirs en forme de sacs.
Ainsi, chez les Ponlobdelles, l'estomac, divisé intérieurement
en une série de cinq ou six chambres par des cloisons membra-
neuses, se continue postérieurement sous la forme d'un vaste
caecum impair et médian qui recouvre l'intestin (1).
Chez les Aulastomes, l'estomac est également cylindrique,
mais donne naissance postérieurement à deux grands appen-
dices ou cgecuQis qui se prolongent sur les côtés de Tin-
testin (2).
Chez les Sangsues proprement dites, l'estomac est divisé en
une série de chambres comme chez les Pontobdelles; mais ces
loges, au lieu d'être simples, se renflent de chaque côté de façon
à fprmer des sacs plus ou moins grands et oblongs. On compte
(1) La porlion antérieure du canal d'antre part avec un intestin grêle
digestif des Ponlobdeilcs constitue un cylindrique (a).
œsophage cylindrique qui sV-largit (2) Le pharynx ou œsophage des
peu à peu et se confond postérieure- Aulastomes est remarquable par sa
ment avec l'estomac. Celui-ci paraît structure charnue et les plis longilu-
simple extérieurement, mais à Finie- dinaux saillants qui en garnissent
rieur il est divisé par une série de l'intérieur ; on en compte douze, dont
cloisons transversales qui sont perfo- trois, plus grands que les autres, cor-
rées au milieu, et garnies chacune de respondent àla base des mdchoires (6).
fibres musculaires disposées en ma- L'estomac offre quelques indices d'une
nière de sphincter. La dernière des division en neuf chambres égales, et
chambres ainsi constituées se Irouve les deux cœcums qui le terminent
vers le tiers postérieur du corps, el .sont très grêles. L'intestin est au con-
communique d'une part avec l'appen- traire fort grand, et présente Jatéra-
dice caecal mentionné ci-dessus , lement des boursouflures (c).
(a) Bibiena, De Hirudine sennones quinque (Commentarii Instituti Bo7ioniensis , 1791, t. VII,
pi. S.fig. 5).
— Délie Chiaje, Memorie sulla storia e nolomia degli Animali senza vertèbre di NapoH, t. I,
pi. 1, fig. 14.
— Moquin-Tandon, Monographie de la famille des Hirudinées, pi. 2, ûg. 1 et 0.
(6) Pelletier et Huzard, Op. cit. {Journal de pharmacie, i 825, t. I, pi. i , fig. 5 et 1 2)
(c) Dellc Chiaje, Op. cit., I. I, pi. 1, flg. 10.
— Moquin-Tandon, Op. cit., p. 105, pi. 9, Ûg. 41,
— Milne Edwards, Annélides du Règne animal de Cuvier, pi. 2, fig. 3.
DES VERS DE LA CLAUSE DES AîNNÉLlDÉS. . hk'è
onze paires de ces appendices qui sont d'autant plus développés
qu'ils sont situés plus loin de l'œsophage; ceux de la première
paire sont à peine indiqués, tandis que ceux de la dernière
paire sont très vastes et se prolongent jusque dans le voisinage
de l'anus, de chaque côté de l'intestin (1).
(1) L'œsophage des Sangsues pro-
prement dites est court, membraneux,
faiblement plissé en long, et terminé
par un sphiacter puissant qui s'op-
pose à la régurgitation. Il est aussi à
noter que des brides musculaires s'é-
tendent de sa surface externe aux
parties voisines des parois du corps,
et ces fibres paraissent jouer un rôle
important dans la succion. L'estomac
est divisé en onze chambres, dont la
première n'olfre que des vestiges
d'appendices. Les poches stomacales
des premières paires sont simples et
arrondies, mais les suivantes se re-
couibent en arrière, et se recouvrent
un peu mutuellement quand elles sont
gonflées; celles des parties moyennes
de la série sont faiblement bilobées,
et celles de la dernière paire sont un
peu étranglées de distance en dis-
tance. Le pylore, ou entrée de l'intes-
tin, est infundibuliforme et pourvu
d'un sphincter très fort (a). L'intes-
tin, qui naît de l'extrémité postérieure
de la portion médiane de l'estomac et
se trouve logé entre les deux poches
gastriques de la dernière paire, est
grêle et présente à sa partie terminale
un renflement que les naturalistes ap-
pellent cloaque^ mais qui ne mérite pas
ce nom, car ce n'est pas un émonctoire
commun, et aucun autre appareil ex-
créteur n'y débouche. Enfin l'anus est
situé du côté dorsal du corps, à la
base de la ventouse postérieure. Cet
orifice est difficile à apercevoir, et pen-
dant longtemps il avait échappé aux
recherclies des anatomistes (6). Du
Rondeau fut, je crois, le premier à
en constater l'existence (c).
Quelques auteurs considèrent les
poches stomacales postérieures comme
étant des réservoirs alimentaires seu-
lement, mais ces appendices ne pa-
raissent pas diff'érer des autres. Quand
la Sangsue se i;orge, les contractions
péristailiques de son corps et de son
estomac poussent tout de suite le li-
quide alimentaire dans ces poches qui
se remplissent les premières, mais le
sang ne s'y accumule que par l'efi^et
de la pesanteur ; et quand l'Animal
est placé la tète en bas, ou suspendu
de manière à décrire une anse, les
matières contenues dans son tube di-
gestif affluent toujours dans la partie
la plus déclive (d).
[a) Voyez Brandt et Ratzeburg, Medicinliche Zoologie, t. II, pi. 29 A, fig-. 19 et 20.
^- Moquin-Tandon, Monographie des Hirudinées , pi. 9, fig. 9.
— Quatrefages, Annélides du Règne animal de Cuvior, pi. 24, fig. i {c'est aussi à ceUe espèce
qu'appartient l'appareil digestif représenté dans le même ouvrage, pi. 2, fig. 2, sous le nom à'Hœ-
mopis).
(6) Morand, Op. cit. (Mém. de VAcad. des sciences, 1739, p. 195).
(c) Du Rondeau, Op. cit. (Journal de physique, 1782, t. XX, p. 286).
(d) Ébrard, Noxwelle monographie des Sangsues, p. 170. ,
hhfl - APPAREIL DIGESTIF
La conformation de la cavité digeslive est à peu près la même
chez les Hœmopis, mais les poches stomacales sont plus forte-
ment lobulëes (1).
CIiezlesBranchellions, il existe aussi de chaque côté de l'es-
tomac une série de poches bilobées, mais ces appendices sont
moins nombreux (2).
Enfin, chez les Glossiphonies ou Clepsines, où le nombre des
poches gastriques est également réduit à six ou sept paires, ces
appendices sont très grêles, et ne communiquent avec la por-
tion centrale de l'estomac que par des orifices étroits; dans quel-
ques espèces elles sont plus ou moins lobulées, et celles de la
dernière paire sont quelquefois rameuses. L'intestin, qui fait
suite à l'estomac, est garni aussi de cœcums latéraux, mais les
aliments n'y pénètrent pas directement comme dans les appen-
dices stomacaux, qui, à raison de cette circonstance et de la
transparence des téguments, sont très faciles à observer (3).
(1) Cliez l'Haemopis, cliaciiiie des
poches slomacales est bilobée, et le
lobe postérieur tend à se subdiviser
en lobules. Celte disposition est sur-
tout remarquable dans les sacs de la
dernière paire (a). M. de Filippi a
donné une description très différente
de l'appareil digestif de ces Hirudi-
nées, mais ses observations se rap-
portent à rAuiastonic (h).
i'I) M. Moquin - Tandon a trouvé
chez le Branchellion Torpedinis six
paires de poches slomacales bilobées,
et a vu les deux postérieures se pro-
longer sur les côlés de Tin teslin, comme
chez la plupart des autres Ilirudi-
nées (c). Mais dans le Branchellion
Orbigniensis M. de Quatrefages a ren-
contré une paire de poches stomacales
dans chaque anneau du corps jusqu'à
Tanus (rf).
(3) Chez le Glossiphonia bioculata,
on voit, derrière le pharynx renfer-
mant la trompe, un estomac cylindri-
que garni latéralement de six paires
d'appendices ou caecums simples : ceux
de la dernière paire sont beaucoup
plus grands que les autres, et se pro-
longent sur les côtés de la portion
suivante du tube intestinal qui donne
naissance à quatre paires de poches
latérales ; enlin la portion terminale
[a) Moquin-Taiidon, Op. cit., pi. G, Cig. S.
(fe) F. de iMlipfii, Mem. sugli Anellidi délia fandglia délie SaïKjuesughe, p. M , pi. i , fig. 3.
(c) Moquin-Taiidon, Op. cit., p. 100, pi. 1, fig. G.
(d) Quatrefages, Mém. sur le Branchellmi [Ann. des sciences nat., 3° série, 4852, t. XVlIi,
D!:S YEUS DE LA CLASSE DES A>\>ÉL!DES.
m
Les Hiriidinées sont pourvues crun appareil snlivaire composé oi-anes
d'une multitude de petites vésicules disposées en grappes et réu- ^''"dej""^'
11) 1 /• » \ r\ ■ Hirudinces,
mes en masse autour de 1 œsophage (1). On remarque aussi sur
les parois de leur estomac une couche de tissu utriculaire qui
paraît être un organe hépatique (2). Mais le système glandu-
de l'intestin est simple et flexueuse (a).
Cliez la Piscicole géométrique (ou
Hœmocharis, Sav.), l'appareil digestif
est 'conformé à peu près de même, si
ce n'est que les poclies stomacales sont
beaucoup plus larges et plus nom-
breuses , car on en compte dix
paires (6).
Chez d'autres Glossiphonies, les ap-
pendices stomacaux sont grêles et plus
ou moins branchus. Celte disposition
se voit très bien chez le G. sanguinea,
quand l'Animal est repu de sang (c).
Elle est encore plus marquée chez
le Glossiphonia catenigera (cl) et le
G. marginata (e).
(1) Les glandes salivaires des Sang-
sues, découvertes par M. Brandt, con-
sistent en petites ampoules blanchâtres
dont les canaux excréteurs se réunis-
sent entre eux et débouchent dans
l'œsophage (/"). Elles forment, par leur
assemblage, une masse d'apparence
grenue.
La structure de ces glandes est à
peu près la même chez i'Uaemopis,
mais elles forment deux masses très
distinctes {g). On a constaté aussi
l'existence de ces glandes salivaires
chez les Ponlobdelles et chez les Bran-
chiobdelles. Chez ces dernières, elles
consistent en sixpairesde petits paquets
d'uiricules dont les canaux excréteurs
se réunissent autour de l'œsophage,
et la base de la trompe {h).
M. Moquin-Tandon considère comme
étant aussi des glandes salivaires deux
petits organes irrégulièrement arron-
dis et rougeàtres, qui se irouvcnt dans
les quatrième et cinquième, ainsi que
dans les sixième et septième anneaux
du corps de la Branchiobdelle, et qui
paraissent débouchei' dans la portion
antérieure du canal digestif (ij.
(2j Le tissu glandulaire dont il est
ici question constitue ce que quelques
anatomistes ont appelé la tunique
villeuse de l'estomac. Il se trouve
principalement vers la partie centrale
de cet organe, dont il occupe la face
inférieure aussi bien que la face supé-
rieure. Sa couleur est brunâtre, et,
(a) Biidjo, Op. cit. {Vei'handl. des NcUur .-historischen Vereines der preussischen Rhcinlande,
1849, pi. 5,fig. 13).
{b)Leydis;, Zur Anatomie von Piscicola gooiEolrica {Zeilschr. fur wissensch. Zool., 1849,
t. I, p. 110, pi. 8, fig. 24).
(c) Filippi, Op. cit., pi. 1, fig. 15.
(d) Moquin-Tandon, Op- cit., pi. 14, fig. 9.
(e) Fr. Mi-iiler, Ueber Hirudo lessellala ztnrf riiargiiiala (Archiv fur Naturgeschichle, 1844, t. I,
pi. dO.fig. 14).
(/■) Brandt et Ralzeburg, Medicinisclie Zoologie, t. II, p. 247, pi. 29 A, Cig. 22 cl 23.
(g) Moquin-Taiidon, Op. cit., p. 109, pi. 6, fig. 11.
{h) Quatrefages, Op. cit. {.inn. des sciences nat., 3° série, 1852, t. XVIll, p. 296, pi. G,
fig. 3).
(i) Moquin-Tandon, Op. cit., p. 109.
4/|6 Al'PARKlL DIGKSTIF
Lenieur lalrc cst très peu développé chez ces Aniiiiaux, et en général
de
la digestion leuF ûigestion ne se fait qu'avec une grande lenteur (\). Ainsi,
chez ^ r r ' ^
les Sangsues, lorsqu uHC Sangsuc a ete gorgée, elle reste pendant plusieurs
mois sans prendre de nourriture, et souvent on retrouve du
examiné au microscope, il se monlre
composé d'une multitude d'utricules
de forme irrégulière. M. Briindt
considère comme des canaux excré-
teurs les prolongements grêles qu'on
ea voit partir, et pense que ces tubes
vont débouclier dans l'estomac (a) ;
mais M. Leydig, qui vient d'étudier
de nouveau ces organes, n'adopte pas
cette manière de voir. Ce naturaliste
est même porté à croire que cette
couche n'est pas un organe hépatique,
corfime le supposent la plupart des
auteurs (6), et n'est que du tissu grais-
seux, semblable à celui qui se trouve.
sur d'autres viscères [c). il est, en
effet, probable que des cellules adi-
peuses s'y rencontrent ; mais la ma-
tière verdàtre qui est souvent évacuée
par les Sangsues paraît être un pro-
duit biliaire, et il y a lieu de croire
qu'elle provient des glandules logées
dans la couche tomenteuse dont l'es-
tomac est revêtu. Cette évacuation de
matières verdîllres par l'anus s'ob-
serve surtout chez les individus qui
sont à jeun depuis longtemps, et dans
le commerce on la considère comme
un signe de l'état de vacuité des or-
ganes digestifs et d'aptitude à bien
piquer {d).
(1) Dans une série d'expériences faites
par M. Ébrard, la digestion a duré, en
général, plus de dix-huit mois ; mais
lorsque les Sangsues sont en liberté et
dans les conditions normales, ce «tra-
vail est beaucoup moins long : il ne pa-
raît être que de six semaines ou deux
mois pour les trèsjeunes individus, dits
germemenis; de trois à six mois pour
les individus âgés d'un an, dits filets ;
de cinq ù neuf mois pour les individus
âgés de deux à trois ans ; et de six à
quinze mois pour les vieux individus,
dits vaches. Il est aussi à noter que
la digestion est ralentie par l'action
du froid et s'active pendant l'été. Du
reste, les Sangsues sont disposées à
piquer de nouveau longtemps avant
que d'avoir digéré tout le sang dont
leur eslomacs'était chargé pendantun
précédent repas (e). Quand elles sont
repues, il est aussi très facile de les
faire dégorger : par exemple, en les
plongeant pendant quelques instants
dans de l'eau salée, puis en les pres-
sant entre les doigts; et, après une
huitaine de jours de repos, elles sont
aptes à sucer de nouveau, il existe
beaucoup de préjugés relatifs à l'em-
ploi des Sangsues qui ont déjà servi,
mais la pratique des hôpitaux prouve
{a) Brandt et Ratzeburg, Medicinische Zoologie, t. II, p. 246.
(6) Carus, Traité d'anatoniie comparée, t. II, p. 253.
— Blainville, art. Sangsues {Dictionnaire des sciences naturelles, 1827, t. XLVH, p. 214).
— C. B. Jones, On the Structure of the Liver {Philos. Trans., 1849, p. 102).
— Moquin-Taudon, Op. cit., p. 109.
(c) Leydig-, Lehrbuch der Histologie des Menschenund der Thiere, 1857, \<. 366.
(d) Charpentier, Monographie des Sangsues médicinales, 1838.
(e) Ébrard, Nouvelle monographie des Sangsues, p. 169 et suiv.
DES VERS DE LÀ CLASSE DES LEPTOZO.URES. I\li1
sang dans son estomac un an après ce repas. Il est aussi à
noter que ce lifjuide ne s'y putréfie pas, et que son mélange avec
les sucs gastriques lui fait perdre immédiatement la propriété
de se coaguler spontanément (I).
§ 5. — • Le mode d'organisation que nous venons d'étudier
chez les Annélides suceurs conduit à celui qui domine dans
une classe de Vers que je désignerai ici sous le nom de Lepto-
zoAiREs (2), afin de rappeler la forme déprimée de ces Animaux,
dont les uns sont parasites et constituent l'ordre des Tréma-
Iodes, et dont d'autres mènent une vie errante et se répartissent
en plusieurs groupes, tels que les Planariés et les Némer-
tiens (o). En efl'et, chez ces Annelés inférieurs, l'analogue de
Appareil
dig;estif
des
Leptozoaires.
que CCS réapplica lions sont sans in-
convénient pour les malades (a).
La digestion s'eftecdie beaucoup
plus rapidement chez les Aulastonies.
Ainsi, dans des expériences faites par
Johnson, trois de ces Animaux n'of-
fraient, au bout' de cinq jours, aucun
vestige du corps d'autres Sangsues
qu'ils avaient dévorées; et chez un
quatrième individu le cadavre trouvé
dans son estomac, après un séjour de
même durée, était à moitié digéré (6).
(1) Le siuig éprouve d'autres alté-
rations par son séjour dans Testoniac
des lliradinées; il s'épaissit, devient
visqueux et noircit.
(2) De XsTîTÔ;, mince, et 'Cwov, ani-
mal.
(3) Dans l'état actuel de la science,
il est très difficile de bien classer. les
Animaux dont se compose le sous-
embranchement des Vers, non-seule-
ment parce qu'il règne beaucoup
d'incertitude relativement à la struc-
ture intérieure de plusieurs d'entre
eux, mais encore parce que nous ne
connaissons pas encore d'une manière
suffisante la valeur zoologique des
modifications qui se remarquent dans
leur organisation ; aussi y a-t-il pres-
que autant de systèmes difterenls de
classification pour ces Animaux qu'il
y a d'ouvrages consacrés à leur étude,
et il est très difficile de se faire bien
entendre quand on fait usage de la
plupartdesnoms de groupes générale-
ment usités, parce que ces noms sont
employés dans un sens un peu différent
par chaque auteur. Je ne pourrais,
sans sortir du cadre tracé pour ce
Cours, discuter ici la valeur des divi-
sions adoptées par les divers zoolo-
gistes du moment actuel, ni exposer
les raisons qui me portent à réunir
dans une même classe les Turbellariés
de M. Ehrenberg, les Trématodes et
même les Gestoïdes ; mais à mesure
que nous avancerons dans l'étude
(a) Soubeiran, Sur le commerce des Sangsues, sur les moyens de les multiplier, et sur l'emploi
des Sangsues qui ont déjà servi, p. 27 (extr. du Bulletin de l'Acad. de médecine, 1848).
(()) Johnson, A Treatise on Ihe médicinal Leech, p. 56.
[idS APPAREIL DIGKSTIF
l'intestin des Sangsues disparaît d'ordinaire, ainsi que l'anus, et
l'appareil digestif est réduit aux parties correspondant à celles
qui composent la bouche , le pharynx et l'estomac rameux de
ces derniers Vers. Il en résulte que chez la plupart des Lepto-
zoaires, sinon chez tous, la cavité ahmentaire ne communique
au dehors que par un seul orifice, la bouche, comme chez les
^oophytes inférieurs.
orjro Chez les Trématodes, cette ouverture se trouve vers l'extrémité
des
T, cmatodes. antéricurc du corps (1), et quelquefois, chez les Fascioles (2)
ou Distomes, par exemple, elle occupe le fond d'une ventouse
céphalique, comme chez les Sangsues. D'autres fois la bouche
est située entre deux de ces organes préhensiles, disposition qui
se voit chez les Tristomes. Enfin il est aussi des Animaux de
ce groupe, tels que les Polystomes, où les ventouses manquent
complètement dans cette région du corps, et alors cet orifice
est pourvu d'un bulbe charnu pharyngien (Ô). La portion sui-
vante delà cavité alimentaire est toujours courte, et d'ordinaire
se bifurque bientôt pour constituer deux longs caecums qui sont
tantôt simples, d'autres fois plus ou moins rameux {k),
anatomique et physiologique du règne coup de Piumluauls, ainsi que chez le
Animal, j'aurai souvenl l'occasion de Clieval, le Lapin, le Cochon, clc.
montrer comhien ces Vers ont réelle- (3) Dans le genre Rhopalophorus,
ment entre eux des liens de parenlé où l'appareil digestif est conformé de la
zoologique. même manière que chez les Bislomes,
(1) Le Gasterostomum fimbriatmn il existe de chaque côlé de la ventouse
fait exception à cette règle : sa houche buccale un appendice prolraclile et
est située vers le milieu de la face in- cylindrique qui a l'apparence d'une
férieure de son corps (a). trompe et qui est hérissé de crochets.
(2) Le genre Fasciola (sous-genre Ces singuliers organes ressemblent
Cladocœlium de i\l Dujardin) est con- beaucoup aux appendices cépliaiiques
fondu avec celui des Disiomcs par la des Tétrarhynques, et servent à l'Ani-
[)lupart des auteurs, mais doit en être mal pour s'accrocher aux parois de
séparé; il ne renferme que la Douve l'intestin des Sarigues, où il vit (6).
du foie, qui se rencontre chez beau- (/j) La bifurcation de la cavilé di-
(a) Siebold etSlannius, Nouveau Manuel d'anatomie comparée, 1. 1, p. 130.
(6) Diosing, Sechszelm Gattungen von Binnemuûrineru und ihre Arien, pi. 1, llg. 7 (Mém. de
l'Acad. de Vienne, 1855, l. IX).
DES VEHS DE LA CLASSE DES LEPTOZOAIKES. lik^d
Ce dernier mode d'organisation est facile à constater chez
la Douve du foie , qui se rencontre très communément dans
les vaisseaux hépatiques du Mouton. En effet, ces Vers sont
en général gorgés de bile, et la couleur foncée de cette sub-
stance rend leur appareil digestif fort apparent à travers les
téguments. En les observant à la loupe, dans cet état de réplé-
tion, ou mieux encore après avoir injecté dans leur estomac
une matière colorante telle que l'indigo, on voit que cette cavité
est constituée par une paire de canaux rameux dont les arbo-
risations s'étendent dans toutes les parties du corps et sont
partout terminées en csecums (1). La disposition de ce système
gestive (appelée laniùt estomac, d'au-
tres fois intestin, par les diiïérents
auteurs) est presque générale chez les
Trématodes, mais ne s'observe pas
chez le Diplozoon paradoxum, où un
gros tronc stomacal médian règne dans
toute la longueur du corps et fournit
de chaque côté un grand nombre de
branches rameuses. Lorsque , après
l'accouplement , les deux individus
conjugués se sont soudés entre eux de
façon à affecter la disposition bizarre
qui se voit dans les figiu-es de ces'
Vers données par M. Nordmann , il
y aurait, d'après ce zoologiste, une
communication directe entre les deux
cavités digestives (a) ; mais M. Van
Beneden a constaté récemment que
cette disposition n'existe pas {b). Il
est aussi à noter que chez ce singulier
Trémalode, on aperçoit dans le pha-
rynx un organe conique et très mobile
qui paraît être analogue à la trompe
des Glossiphonies, etc.
Chez VAspidogaster conchicola la
poche stomacale est également im-
paire, mais elle ne donne pas nais-
sance à des branches latérales, et reste
simple dans toute sa longueur (c).
(1) La bouche de la Fasciole , ou
Douve du foie, a la forme d'une cnpule
dont les parois sont de consistance car-
tilagineuse et revêtues d'une masse
charnue qui constitue un bulbe pha-
ryngien. Un tube droit en part, et pres-
que aussitôt se divise en deux troncs
qui se portent à peu près parallèle-
ment jusqu^à l'extrémité postérieure du
corps, et qui, chemin taisant, donnent
naissance à une multitude de branches.
Les principales divisions ainsi formées
se ramifient beaucoup, et, en se portant
en dehors, gagnent les côtés du corps.
Toutes ont la forme de vaisseaux à
(a) î\orimaan, Mikrograpliische Bellrâgezior Naturgeschlchle der lulrbellosen Thiere, t. 1, (.l. 5,
%. 2.
(6) Van Bonoileii, Mém. sur les Vers intestinaux, p. 39, pi. i, fig-. 1.
((.•) Baer, [ieitrage xur Kenntniss der niederii Thiere {Nova Acta Acad. Cœs. Leupold. Carol.
Naturoi curiosorum, 1827, t. XIU, pi. 18, fig. 4, etc.).
— Aubcrt, Ueberdus Wassergefàsssijstem, die Eibildung und die Entivickelung des Aspidogaster
{Zcilschr. fiir luissensch. Zoologie, 1854, t. VI, pi. 14, fiij. 1).
V. 29
/i.50 APPAREIL DIGESTIF
gastro-vascuîaire ressemble beaucoup à celle des canaux
hépatiques que nous avons vue chez les Gastéropodes dits
Phlébentérés. Seulement , ici , la poche stomacale et l'in-
parois minces et gibbeuses ; elles ne
s'anastomosent jamais entre elles et
se terminent chacune en cul-de-
sac (o).
Chez le Polystome de la Grenouille
(P. integerrimum), l'appareil dipestif
affecte également la forme d'un sys-
tème gastro-vasculaire fort rameux ;
mais les deux troncs principaux sont
plus écartés et se réunissent entre
eux dans la partie postérieure du
corps ; il est aussi à noter que plu-
sieurs des grosses branches qui en
naissent s'anastomosent directement
entre elles dans la région dorsale (b).
Chez VOnchocotxjle appendiculata.
Ver très voisin des précédents, les
deux grands caecums intestinaux sont
couverts de végétations creuses qui
donnent à leurs parois l'apparence
d'un tissu glandulaire (c). Il en est à
peu près de même chez le Calceo-
stoma elegam [d).
La disposition de l'appareil digestif
est à peu près la même chez le Tri-
stoma coccineum. Le bulbe buccal est
suivi d'un œsophage très court qui se
sépare bientôt en deux tubes stoma-
caux subcylindriques. Ceux-ci, après
s'être beaucoup écartés l'un de l'au-
tre, se réunissent au-devant de la
ventouse postérieure, de manière à
former un cercle, et ils donnent nais-
sance à un grand nombre de branches
rameuses ; mais ces dernières sont
plus grêles que chez les Douves (e).
Chez VEpibdcUa hijpoglossi, qui a
été jusque dans ces derniers temps
considéré comme une Hirudinée, mais
qui paraît être, en réalité , un ïristo-
mien, l'appareil digestif est disposé à
peu près de même que chez les Tri-
slomes; seulement les branches qui
naissent de la grande anse stomacale,
au lieu d'avoir la forme de vaisseaux
rameux, consistent en gros caecums
branciius (/■).
Le Nitschia elegans, que quelques
auteurs ont rangé aussi parmi les Hiru-
dinées ig) , présente le même mode
d'organisation (h), et doit prendre éga-
lement place dans la tribu des Tristo-
miens. La même remarque s'applique
au genre Axine [i).
(a) Mehlis, Observaliones anatomieœ de Distomate hepatico et lanceolato, p. 1-4, fig. 4.
— Blanchard, Recherches sur l'or ganisatmi des Vers, pi. i, fig. 1 (Voyage en Sicile, t. III). —
Atlas du Règne animal àe Cuvier, Zoophytes, pi. 36, fig. 1.
(6) Baer, Beitrâge stw Kenntniss der niedern Thiere [Nova Acta Acad. Nat. curios., 1827,
t. XllI, pars II, pi. 32, fig. 7).
— Blanchard, Recherches sur l'organisme des Vers, p. 135, pi. 6, fig. 4.
(c) Van Beneden, Mém. sur les Vers intestinaux, p. 56, pi. 5, fig. 2 et 8 (extr. du Supplément
aux Comptes rendus de l'Acad. des sciences, 1859, 1. 11).
(d) Van Beneden, Op. cit., pi. 7, fig. 3.
{e) Blanchard, Op. cit., p. 127, pi. H , fig. 1 b, et Atlas du, Règne animal de Cuvier, Zoophytes,
pi. 36 bis, fig. 1 b.
(f) Van Beneden, Op. cit., p. 24, pi. 2, fig. 3.
[g) Moquin-Tandon, Monographie des Hirudinées, 1846, p. 394.
(h) Baer, Beitrâge %ur Kenntniss der niedern Tliiere {Nova Acla Acad. Nat. curios., 1827,
t. Xm, pars II, pi. 32, fig. 2).
(i) Van Beneden, Mém. sur les Vers iiiteslinaux, p. 52.
DES VERS DE LA CLASSE DES LEPTOZOAIRES. 451
testin dont ces Mollusques sont pourvus manquent complè-
tement.
Comme exemple de Trématodes à caecums gastriques simples,
c'est-à-dire non ramifiés, je citerai les Distomes proprement
dits, les Monostomes, les Amphistomes et les Holostomes (1).
(1) Chez les Distomes proprement La forme des caecums est la même
dits, l'œsopliage est plus allongé que chez les Brachylèraes (e). Dans quel-
chez les Douves, et décrit quelquefois ques figures ces appendices sont
plusieurs courbures avant de se bifur- représentés comme se réunissant à
quer : par exemple, chez le Distoma leur extrémité postérieure chez le
perlatum, qui vit dans l'intestin de la Distoma tereticoUe{f), mais c'est une
Tanche (a). Dans ce genre, les deux erreur du dessinateur (51).
grandscsecumsquiennaissentsonttrès Les caecums gastriques sont égale-
étroits et à peine dilatés postérieure- ment grêles et allongés chez les Holo-
ment, où ils se terminent isolément (6). slomes (h) et la plupart des Mono-
Ghezle Distoma Buccinimutabilis, stomes (i).
l'extrémité postérieure de l'œsophage Chez les Diplostomes , l'appareil
est plus renflée (c), et une disposition digestif présente aussi ce mode d'or-
analogue se remarque chez le Z)/sfoma ganisation , mais les deux caecums
globiporum (d). se renflent graduellement d'avant en
(a) Nordraann, Mikvographische Beitrâge *U7' Natiirgeschichte der wirbellosen Thiere, 1. 1, pi. 9,
fig. i {Aim. des sciences nat., t. XXK, pi. 19, fi^. i).
{b) E.xemples : le Distoma gloUporum (voy. Ehrenbei-g, Ziisâtze zur Erkenntniss grosser orga-
nischen Ausbildung in deii klelnstea thierischeii Organismen {Mén. de l'Acad. de Berlin pour
1835, p. 178, pi. i,ùg. 1).
— Le Distoma lanceolatum (voy. Blanchard, Op. cit., pi. 8, fig. 1).
— Le Distoma korridum, trouvé dans les uretères du Boa constrictor (voy. Leidy, Descript. of
tiuo species of Distoma, in Joiirn. of the Acad. of Nat. Hist. of Philadelphia, 2» série, t.. I, pi. 43,
Ûg. 2).
— Le Distoma militare Erinacei (voy. Van Beneden , Mém. sur les Vers intestinaux, pi. 9,
fig. 8 et 9).
(c) Voyez P. de Filippi, Mém. pour servir à l'histoire génétique des Trématodes {Mém. de l'Acad.
de Turin, 2= série, t. XVI, pi. 2, ûg. 16).
(d) Burmeisler, Distomum globiporum ausfûhrlich beschrieben {Archiv fur Naturgesch., 1835,
t. II, pi. 2, tig. 1).
(e) E.\emple : le Brachylœmus cylindraeeus (voy. Mayer, Beitrâge x,ur Anatomie der Entowen.
1841, pi. 3, fig. 17 ; — Blanchard, Op. cit.. pi. 8, fig. 2 a).
— Brachylœmus Erinacei (voy. Blanchard, Op. cit., pi. 6, fig. 2).
ifj Voyez Jurine, Note sur la Douve à long cou (Fasciola Lucii) {Ann. des sciences nat., 1823,
t. II, p. 493, pi. 23, fig. 4).
— Schmatz, Tab. Anat. Entozoorum, pi. 8, fig. 2 et 3.
(g) Siebold et Stannius, Nouveau Manuel d' anatomie comparée, 1. 1, p. 131.
— Jurine, Op. cit. (Mém. de la Société d'histoire naturelle de Genève, 1823, t. M, pi. 4,
%. 4, 5).
(h) Exemple : VHolostomum alatum, qui se rencontre dans l'intestin du Pienard (voy. Blanchard,
Op. cit., pi. 7, fig. 1 a).
(i) E»mple : le Monostoma verrucosum, qui se trouve dans les intestins du Canard (voy. Blan-
chard, Op. cit., pi. 9, fig. 2).
/|52 APPAREIL DIGESTIF
Vers cesioides. § 6. — ■ Lcs flcux tiibes cligestils que nous venons de trouver
chez les Distomes ressemblent beaucoup à des canaux longitu-
dinaux qui se voient sur les côlés du corps chez les Ténias et
les autres Vers de la division des Cestoïdes; mais chez ces
derniers Entozoaires il ne paraît exister aucune communica-
tion entre ces vaisseaux latéraux et une ouverture buccale;
aussi , quoique la plupart des zoologistes les considèrent
comme remplaçant les fonctions d'un appareil digestif, quelques
observateurs leur refusent ce nom, et les rapportent à un
appareil sécréteur dont nous aurons à nous occuper ailleurs.
Dans l'état , actuel de nos connaissances , la question peut
paraître indécise , et je me bornerai à y ajouter que, chez le
Ténia, ces tubes, au nombre de deux, communiquent entre
eux d'anneau en anneau par une séri*e de branches transver-
sales simples (i). Chez plusieurs Cestoïdes on aperçoit, entre
arrière (a). Enfin, ciiez les Aniphislo- orale, est une masse nuiscnlaire de
mes, ils sont I)eauconp plus larges, et forme ovalaire dont l'axe est parcouru
ressemblent à des sacs allongés plutôt par le commencement du canal ali-
qu'à des tubes (6). Ces organes sont menlaire. La structure en a été étu-
encore plus renllés chez le Mono- diée par M. Van Beneden (e).
stomabijugum{c) ; enfin, chez le J/o- (1) Les canaux latéraux du Ténia,
nostomamutabile,oii\hson[é[roils,i\s qu'il ne faut pas confondre avec les
se réunissent et communiquent entre vaisseaux beaucoup plus grêles dont
eux par -leur extrémité postérieure, j'ai déjà eu l'occasion de parler en
de façon à former une anse {d). faisant l'histoire des organes de la
Il est aussi à noter que chez les circulation (/"), sont des tubes cylin-
Trémalodcs le bulbe pharyngien, qui driques à parois membraneuses , qui
es! situé immédiatement derrière la régnent sans interruption dans toute
bouche, et semble quelquefois se con- la longueur du corps de l'animal, ou
fondre avec la base de la ventouse de la série des Animaux réunis en
(a) Exeni[jle ; lo Diplostomum volvens, qui se trouve dans le corps vitré de l'œil chez la Perche et
plusieurs aulres Poissons (voy. Nordmann, Op. cit., pi. 3, fig. 1 et 2 ; pi. i, [\g. G; — Ann. des
sciences nnl., l.WS., ]i]. 18, fig. i et 2; pi. '19, fig'. i).
(b) Exemple : yAmpliistomum conicum (voy. Laurer, DisqulsUiones anatomicœ de Amphistomo
co?iico, disscrl. inaug., Gryphix, 1S:10. fij. 12, 21 , 22 ; — Blanchard, Op. cU.,p\. 10, fig. 2 6. 2 c).
(c) Miescher, neschi'eUning und Udlersuchung der Monusloma bijugum, 11,'. 7. liaslc, 183S.
(d) Van Boni'dcn, Ulém. sur les Vers intestinaux, \k 71, pi. 12, fig. 3.
{c) Idem, ibii/., [)l. 8, fig. 4', 10, H , etc.
(/■) Tome 111, [lage 286.
DES VERS DE L.V CLASSE DES LKPTOZOAlRES. /lOO
les ventouses céplialiqiies ou les poches qui en tiennent lieu,
et qui logent des appendices proboscidiformes, une petite fos-
sette que beaucoup de naturalistes considèrent comme une
chaîne (ou strobile';, si l'on considère
chaque segment, ou cuculan, comme
formanl im individu disUnct (on pro-
ylottis), opinion qui aujourd'hui pré-
vaut parmi les zoologistes. Souvent il
est facile de distinguer ces canaux à
travers les téguments, sans prépara-
lion ; mais pour les mettre bien en
évidence, il est bon de les injecter
comme l'ont fait Ernst , Carlisle et
beaucoup d'autres helminlhologis -
les (a). On voit alors qu'ils sont sim-
ples et ne se ramifient pas, mais com-
muniquent entre eux par une branche
anastomotique transversale près du
bord antérieur de chaque segment, ou
progîottis. Les anciens helmintholo-
gistes croyaient qu'ils débouchaient
au dehors par les pores génitaux qui
se trouvent sur les côtés du corps, et
dans les figures anatomiques que
M. Délie Chiajc en a données, cette
disposition est nettement indiquée (6),
de façon à faire considérer ces ori-
fices comme étant autant d*e bouches ;
mais il n'y a en réalité aucune com-
munication de ce genre, et ces canaux
sont complètement fefmés latérale-
ment (c;. ^I. Platner a cru aper-
cevoir des valvules dans leur intes-
tin [d) ; mais ses observations ont été
infirmées par les recherches plus ré-
centes de ^I. Van Beneden (e). Ces ca-
naux naissent à la base des ventouses
qui, au nombre de quatre, garnis-
sent l'extrémité antérieure du Ver,
et quelques zoologistes ont considéré
ces derniers organes comme étant
des l)ouc.hes, tandis que d'autres ont
pensé qu'il existe entre ces suçoirs
un pore buccal central ; mais il est
bien reconnu aujourd'hui qu'il n'y a
dans ce point aucune commuiiicaiion
directe entre les canaux latéraux et
l'extérieur. M. Blanchard pense qu'à
leur extrémité antérieure ces tubes
sont en rapport avec une sorte de la-
cune où les matières alimentaires ar-
riveraient à travers le tissu perméable
des ventouses, et que c'est par cette
voie que ces matières pénétreraient
dans leur intérieur (/"). :\Iais M. Van
Beneden, en se fondant sur des re-
cherches faites sur d'autres Vers de la
mèmeclasse, repousse cette opinion, et
croit devoir admettre que les tubes la-
téraux de tous ces Animaux ne sont
pas des cavités digestives , mais des
organes sécréteurs.
Les observations de ce dernier natu-
(a) Ernst, Dissertatio de Tœnia. Basileae, 1743, p. 31.
^ Carlisle, Observ. upon the Structure and Œconomy of Tœnia {Trans. oflhe Linnean Society,
■l'9-i,t.ni.
(6) Délie Chiaje, Compendio di elmintografia umana, 1825, pi. 7, fig. 2, el Mein. suUastona
e notomia degli Animall senza vertèbre di Napoli, 1. 1, pi. 12, fîg. 2.
iciRudolphi, Entrjzoorumhist. nat., t. I, p. 266 et suiv.
— Owen, art. EStozoa (Todd's Cyclop. of Anat. and Physiol.,t. H, p. 131).
— Blanchard, Op. cit., pi. 14, fiir. 2.
(d) Platner, Beobachtuiig ara Darmkanal der Taenia soliura {:Mûller's Archiv fur Anat. und
PhysioL, 1838, p. 572, pi- 13, %. 4 et h):
(e) Van Beneden, Recherches snr la Faune liltoraU de Belgique : Vers cestoïdes, p. 40 (extr.
des Mém. de VAcad. de Bi-uxelles, 1 850, t. XXV).
if) Blanchard, Op. cit., p. 152.
/|54 APPAREIL DIGESTIF
bouche , mais cette cavité se termine presque aussitôt en cul-
de-sac et ne peut avoir aucune importance physiologique (1).
Quoi qu'il en soit de la détermination de ces parties, il est pro-
raliste portent principalement siirl'ylM-
thobothrium cornucopia, VEcheneibo-
thrium variabile, et le Ligula simpli-
cissima; mais, d'après la description
qu'il donne des canaux latéraux de ces
Vers, il me paraît probable que ses ob-
servations s'appliquent aux analogues
des vaisseauxqui,chezle Ténia, coexis-
tent avec les tubes réputés gastriques et
qui ont été considérés par M. Blanchard
comme constituant un appareil circula-
toire. En effet, M. Van Benedenditque
de chaque côté du corps il y a deux ou
même trois de ces vaisseaux, et qu'ils
sont reliés entre eux par des branches
transversales beaucoup plus nom-
breuses que dans l'appareil dit gastro-
vasculaire du Ténia (a). Or ces ca-
ractères se remarquent précisément
dans le système réputé vasculaire qui,
chez ce dernier Ver, coexiste avec les
grands canaux latéraux, ainsi qu'on
peut s'en convaincre en jetant les
yeux sur les figures que M. Blanchard
en a données (6). M. Van Beneden
ajoute que, chez Y Echeneibothrium,
chacun des deux vaisseaux du même
côté pénètre dans la bothridie cépha-
lique correspondante, s'y recourbe en
anse, et après y avoir fourni des ra-
muscules , redescend pour s'anasto-
moser avec son congénère ; enfin qu'à
l'extrémité postérieure du corps, tous
ces vaisseaux longitudinaux se ter-
minent dans une petite vésicule mé-
diane qui à son tour débouche au de-
hors par un pore (c). Ce serait là,
comme on le voit, une disposition
semblable à celle du système vascu-
laire des Douves {d), lequel n'a aucune
relation avec l'appareil digestif de
ces Animaux , et est considéré par
M. Van Beneden comme un système
urinaire, tandis que M. Blanchard le
regarde comme un système circula-
toire. 11 reste donc à savoir si, chez les
Cestoïdes dont il est ici question, les
analogues des tubes réputés gaslro-
vasculaires chez les Ténias manque-
raient ou seraient unis aux vaisseaux
décrits par M. Van Beneden.
(1) Cette fossette, en forme de
bouche , a été aperçue chez des
Bothriocéphales par Bremser et par
F. Leuckart (e). Chez les Scolex, ou
individus agames de quelques espèces
de Télrarhynques ou de Phyllo-
bolhrium, cet orifice occupe le sommet
d'un tubercule céphaloïde, et se laisse
apercevoir très distinctement(/") ; mais
chez les Strobiles on n'en dislingue
que rarement des traces.
Quelques anatoraistes ont pensé que
les gaines des appendices proboscidl-
formes des Tétrarhynques remplis-
saient le rôle de cavités digestives (g),
mais cette opinion ne paraît avoir
aucun fondement soUde.
(a) Van Beneden, Recherches sur la Faune litt. de Belgique: Vers cestoïdes, p. 38.
(6) Blanchard, Rech. sur l'organisation des Yej's {Voyage en Hicile, t. 111, pi. 14, Hg. 2 et 4)
(c) Van Beneden, Op. cit., p. 40, pi. 3, fig. 2 et 13.
(d) Voyez ci-dessus, tome 111, page 279.
(e) F. S. Leuckart, Zoologische Briichstucke, 1819, p. 22.
(0 Voyez Van Beneden, Op. cit., pi. 1, lig. 2, 6, 7, etc.
(9) J. Mùller, Berlcht, Archiv fur Anat. iind Physiol., 1836, p. cvî.
des
Planoriées,
DES VERS DE LA CLASSE DES LEPTOZO AIRES. ^55
bable que ces Helminthes se nourrissent principalement, sinon
exclusivement, par l'absorption des matières déjà digérées par
les Animaux dans l'organisme desquels ils vivent, absorption
qui doit pouvoir s'effectuer par tous les points de la surface de
leur corps, et qui paraît devoir rendre inutile l'existence d'une
cavité stomacale (i).
§ 7. __ Dans le groupe des Planariées, ou Dendrocéliens de Appm^J
M. Ehrenberg (2), la disposition de l'appareil digestif ressemble
beaucoup à ce que nous venons de rencontrer chez les Fasci-
coles, ou Douves : seulement il n'y a pas de ventouses ; la
bouche est reportée plus en arrière, vers le milieu de la face
inférieure du corps (3); il y a souvent une trompe protractile,
et l'œsophage est remplacé par une poche stomacale assez vaste,
d'où partent les nombreuses branches d'un système gastro-
vasculaire. De même que chez les autres Leptozoaires dont il
vient d'être question, l'anus manque (II).
(1) Par l'absence d'une cavité sto- rieure du corps, et qui ont été con-
macaie, ces Vers ressembleraient donc fondus avec les Planariées par la pUi-
aux Écliinorhynques, dans la division part des anatomistes , appartiennent
des Nématoïdes (a). à des groupes voisins : les uns sont
(2) Il existe beaucoup d'incertitude des Rhabdocéliens, les autres des Né-
relativement aux limites naturelles de niertiens.
l'ordre des Planariées, et la plupart Chez quelques espèces, cet orifice
desanatouiistesy ontrangédes espèces est situé à peu de dislance de l'extré-
qui paraissent devoir prendre place, mité antérieure du corps, par exemple
soit dans le groupe des Rhabdocé- dans les genres Proceros et Frosthio-
liens, soit dans celui des Némertiens. stomum (c) ; mais, en général, il se
J'y réunis tous les Leptozoaires mo- trouve beaucoup plus loin en arrière,
noïques acolytes (6) et à estomac ra- et occupe à peu près le milieu de la
meux. face inférieure du corps, ainsi que
(3) Les Prostomes et les autres cela se voit chez le Polycœlis lœvi-
Leptozoaires acolytes , qui ont la gatus (d).
bouche située à l'extrémité anlé- (/i) L'existence d'un anus n'a été
(a) Voyez ci-dessus, page 420.
{b) C'esl-à-dire, dépourvues de ■ventouses.
(c) Quairefages, Mém. sur quelques Planariées marines {Voyage en Sicile, 1. 11, pi. 6, fig. 6 et 4),
(d) lA&m, ibid., pi. i, fig. 2&, et Atlas du Règne animal de Cuvierj Zoophvtes , pi. 38,
fig'. "U.
456 APPAUKIL DIGESTIF
Le suçoir de ces Vers à corps déprimé varie beaucoup dans
sa forme. Chez les uns, il est cylindrique, et ressemble à la
trompe que nous avons déjà vue chez divers Annélides infé-
rieurs ; chez d'autres, il s'élargit vers le bout, de façon à res-
sembler à une trompette; enfin, chez plusieurs de ces Animaux,
il consiste en un disque ou un grand voile disposé en manière
d'entonnoir et plissé ou même fortement lobé sur le bord. Dans
l'état de rétraction , cet organe se loge dans une grande
cavité buccale, et, lorsqu'il se déploie au dehors, il acquiert en
général une longueur très considérable (1).
bien constatée chez aucun Ver de cet
ordre. L'orifice que M. Dellc Chiaje a
figuré sous ce nom chez son Planaria
auranliaca n'est autre chose que le
pore géniial, et n'a aucune relation
avec rappareil digestif [a).
(1) Les Ibnctions de la trompe des
Planariées a 'été bien constatée pour
la première fois par J. Johnson (6);
mais le jeu en a été mieux observé
par Dugès, à qui l'on doit beaucoup
do recherches intéressantes sur l'ana-
tomie et la physiologie de ces Ani-
maux (c). La disposition de cet organe
dans l'état de repos se voit très bien
dans "les figures anatomiques données
par M. de Quatrefages [d).
Comme exeriiple de Planariées à
trompe cylindrique et charnue, je
citerai le Prostoma lineare, où la por-
tion antérieure de cet organe est
hérissée de petites pointes épider- •
miques (e), et le Polycladus Gayi, où
il est terminé par deux bourrelets
labiaux (f). La trompe du Planaria
torvd, ou P. subtentaculata de Du-
gès ((/), et du Planaria lactea (h), est
également cylindrique dans l'état de
repos, mais s'évase en forme de trom-
pette, lorsqu'elle se déploie au de-
hors.
Chez d'autres espèces , cet organe
s'élargit et s'arrondit en forme de
disque ou de cupule : par exemple,
chez le Stylochus maculatus (^}, etc. ,
Chez le Leptoplana tremellaris (j), le
(a Délie Chiaje, Descrix-ione e notomia degli Animait invertebrati délia Sicilia citeriore, t. Ht,
p. 134, pi. 109, fig-. 19. . ,.,
{b) i. Pi. Jolinson, Ûbserv. on the genus Planaria (Philos. Trans., 1822, p. 437).
(cj Dugès, Recherches sur l'organisation et les mœurs des Planariées (Ann. des sciences nat.,
i" série, 1828, t. XV, p. 152).
{d} Quatrefages, Mém. sur quelques Planariées, pi. G, fig. 4 ot 5 ; pi. 7, fig. 4.
(e) ŒrsteJ, System. Eùilheilung der Plattwiirmer, pi. 1, fig. 13.
(f) Blanchard, Rechej'ches sur V organisation des Vers [Voyage en Sicile, t. I, pi. 1, fig. 1 B,
1 c, 1 d).
{(]) Dugès, Op. cit., pi. 4, fig. 18 et 23.
(h) Baer, Beitrdge %ur Kenntniss der niedern Thiere [Nova Acta Acad. Nat. curios., 1827,
t. XIll, pi. 33, fig. 8 et 9).
— (Ersted, Op. cit., pi. l,fig. 14 et 15,
(i) Quatrefages, 0;).cU., pi. 6, fig. 2,
(i) Dugès, Op. cit.
DES VERS DE LA CLASSE DES LEPTOZOAIRES. /i57
L'ouverture pharyngienne de cette trompe est entourée d'un
sphincter qui affecte parfois la forme d'un bulbe musculaire,
et elle débouche en général directement dans la poche stoma-
cale. Celle-ci est tantôt arrondie, d'autres fois très allongée, et
presque toujours elle donne naissance latéralement à un certain
nombre de canaux qui se ramifient dans les parties périphériques
du corps, et y constituent souvent, en s'anastomosant entre eux,
un lacis gastro-vasoulairc très riche. En dernier Heù, toutes ces
branches se terminent en caecums, et chez la plupart de ces
Animaux on n'a remarqué rien de particulier dans la structure
de ces canaux ; mais dans quelques espèces de Planariées dont
le dos, au lieu d'être lisse, comme d'ordinaire, est couvert de
gros tubercules papilliformes, il en est autrement; car le sys-
tème gastro-vasculaire envoie dans -chacun de ces appendices
cutanés un prolongement en forme d'ampoule, qui est très
contractile, et qui ressemble beaucoup aux caecums terminaux
Planocera peUucida (a, et quelques sucer le sang Leur U'ompe, formée
autres espèces, il s'élargit au point de' par un repli circulaire de la membrane
ressembler aux filets que les pêcheurs muqueuse du pharynx, est garnie de
connaissent sous le nom d'éperviers. fibres musculaires disposées, les unes
Enfin, chez la Planaire lichénoïde, circulairement, les autres d'une ma-
son bord libre s'étend sous la forme nière radiaire, et l'irritabilité de cet
de grands lobes froncés et d'une lar- organe est si persistante, que souvent
geur remarquable (6;. on le voit continuer à fonctionner
D'ordinaire ces Vers s'enroulent pendant fort longtemps après avoir
autour du corps dont ils veulent se été séparé du reste du corps : par
repaîlre, et y appliquent l'extrémité son extrémité antérieure il continue
libre de leur trompe. Quand la proie à s'emparer des corpuscules qu'il ren-
n'est pas trop volumineuse pour pas- contre, et les fait passer par l'orifice
ser par l'orifice pharyngien, ils l'en- opposé, qui est devenu libre, mais
gloutissent promptement; mais, dans qui, dans l'état normal, conduisait
le cas contraire, ils se bornent à en dans l'estomac {c\
(a) Merlens, Untersuchunocn ûber den innera Bail, vevschiedenei' in der See lebender Plana-
rien {Mém. de l'Acad. de Saint-Pétersbourg, G= série, 1833, t. II, pi. 2, fig. 3, 4 et 5j.
(b) Mertens, Op. cit., pi. 1, fig. 3.
— Œrsled, Op. cit., pi. d 2, fig. 2.
(c) Dugès, Op. cit., p. 155.
— Baer, Op. cit., pi. 33, fig. 19.
/|58
APPAREIL DIGESTIF
du système des tubes gastro-liépa tiques dans les branchies dor-
sales des Mollusques de la famille des Éolidiens (1).
(1) M. de Qiiatrefages a étudié très
attentivement le mode de conforma-
tion de l'estomac et de ses dépen-
dances chez plusieurs espèces de
Planariées, et a montré qu'il existe
à cet égard de nombreuses varia-
tions.
Chez le ProsthiosLomum arctum (o),
l'orifice postérieur de la trompe donne
directement dans une poche stoma-
cale conique très allongée, qui occupe
la ligne médiane du corps et se pro-
longe jusqu'à son extrémité posté-
rieure. De chaque côté ce réservoir
central donne naissance à une série
de' tubes qui ne tardent pas à se rami-
fier. Ceux de la première paire, plus
gros que les autres, se portent en
avant, de chaque côté de la cavité
pharyngienne, et arrivent jusque dans
la région frontale, après avoir fourni
un grand nombre de branches laté-
rales; les suivants se dirigent direc-
tement en dehors, et se ramifient de
façon à fournir chacun une douzaine
de caecums terminaux. Les divisions
de ce système gaslro-vasculaire se
trouvent ainsi répandues dans toutes
les parties du corps, et il est à noter
que nulle part elles ne s'anastomosent
entre elles.
La disposition de l'appareil digestif
est à peu près la même chez le Poly-
clados Gayi et le Proceros velutimis,
dont M. Blanchard a fait connaître la
structure ; seulement , chez la pre-
mière de ces Planariées, les branches
secondaires du système gastro - vas-
culaire sont plus allongées et sub-
parallèles (6), et chez la seconde les
branches de la paire antérieure ne
sont pas plus développées que les
suivantes (c).
Chez le Proceros, oii l'estomac est
également allongé et intestiniforme,
la moitié postérieure de cet organe
ne fournit aucune branche et con-
stitue un cul-de-sac simple, tandis
que les prolongements nés de la moi-
tié antérieure se ramifient dans toute
l'étendue du corps [d).
Chez les Planariées dont la bouche
est située vers le milieu de la face
inférieure du corps, l'orifice pharyn-
gien est, en général, recouvert par la
poche stomacale, et ce réservoir, dont
la forme est ovalaire, ne se prolonge
que peu en arrière, mais fournit laté-
ralement et en avant plusieurs grosses
branches qui divergent dans tous
les sens et se ramifient partout. Chez
le Planaria lactea (e), le Planocera
pellucida {f) ^ le Polycelis paUidus {g),
le Stylochus maculatus {h) , les ca-
naux ainsi constitués ne s'anasto-
mosent pas entre eux ; mais, dans
(a) Quatrefages, Mém. sur les Planariées {Voijage en Sicile, t. II, pi. 6, fig. 4).
(!)) Blanchard, Organisation des Vers {Voyage en Sicile, t. III, pi. 1, fig. 1 6).
(c) Idem, ibid., pi. 3, fig. 2 c.
{d) Quatrefages, Op. cit., pi. 6, fig. 5.
(e) Baer, Op. cit. (Nova Acta Acad. Nat. curies., 1. XllI, pi. 33, fig. 8).
— Diigès, Op. cit. (Ann. des sciences nat., t. XV, pi. 4, fig. IT).
(f) Mertens, Op. cit. (Mém. de l'Acad. de Saint-Pétersbourg, 6' série, t. Il, pi. 2, fig. i à i).
{g) Quatrefages, Op. cit., pi. 6, fig. l.
(ft)ldera, ibid., pi. 6, fig. 2.
DES VERS DE LA CLASSE DES LEPTOZOAIRES. 459
§ 8, — L'appareil digestif des Rhabdocéliens (1) ressemble
beaucoup à celui des Planariées , si ce n'est que l'estomac
rameux de ceux-ci est remplacé par une grande poche simple,
terminée en cul-de-sac et revêtue intérieurement de cils vibra-
tiles. La bouche de ces Vers varie beaucoup dans sa position, et
se trouve quelquefois vers le tiers postérieur de la face infé-
rieure du corps (2). En général, la trompe est très forte, mais
courte, et elle est inerme, comme chez les Planariées.
Appareil
digestif
des
Rhabdocéliens.
tl'aiUres Planariées , ils se ramifient
de façon à former un réseau à mailles
serrées. Cetle disposition a été con-
statée par M. de Quatrefages chez les
espèces à dos papilleux dont il a
formé le genre Eolideceros (a), groupe
qui ne paraît pas différer du genre
Thysanozoon de iM. Grube. C'est des
points de réunion de ces branches
anasiomotiques que naissent les cae-
cums ou ampoules qui se logent dans
les appendices papilliformes du dos
de ces Animaux. 11 est aussi à noter
que, chez ces dernières [%nariées,
l'estomac, qui est grand et allongé,
est rattaché à l'extrémité postérieure
du pharynx par un œsophage étroit.
M. Délie Chiaje a figuré aussi le
système gastro-vasculaire sous la forme
d'un réseau chez la Planariée qu'il
désigne sous le nom de P. auran-
tiaca (b).
(1) Le nom de Rhabdocœîa a été
introduit dans la science par M. Ehren-
berg (c), mais en y donnant une ac-
ception beaucoup plus étendue que je
ne le fais ici, car ce zoologiste l'appli-
quait aux Gordius, aux Nais, aux
i\émertes , etc. M. OErsted l'a res-
treint aux Animaux dont il est ques-
tion ici (d), et j'ajouterai que le groupe
ainsi composé me semble devoir con-
stituer, avec les Planariées, une divi-
sion naturelle à laquelle on pouvait
conserver le nom de Tarbellaria, que
M. Ehrenberg employait dans un sens
plus large, mais moins convenable, à
mon avis.
(2) Dans les genres Vortex et Dero-
stoma, la bouche est située à la face
inférieure du corps, mais à peu de
distance du bord frontal, et livre pas-
sage à une trompe charnue de forme
plus ou moins ovoïde qui, dans l'état
de rétraction, se place symélrique-
ment sur la ligne médiane du
corps, et paraît être suivie immédiate-
ment par un grand sac stomacal qui
se prolonge jusqu'à la partie posté-
rieure du corps. De chaque côté de
l'œsophage M. Schultze a trouvé un
petit groupe d'utricules pédoncules
(a) Quatrefages, Op. cit., pi. 5, ûg. i c.
(6) Délie Chiaje, Descri%. e notom. degli Anîmali invertehr. délia Sicilia citeriore, pi. 109,
fig. 19.
(c) Ehrenberg, Symbolcephysicce, seu Icônes et descriptiones Animalium evertebratorum sepo-
sitis Insectis, quœ ex itinere Africam borealem et Asiam occidentalevi F. Hcmprich et C. Ehren-
berg sttidio novœ aut illustratœ redierunt. Decas 1 : Phytozoa turbellaria, 1831.
[d) OErsted, Platttvûrmer, p. 59.
Appareil
digestif
des
Némerliens.
Zl60
APPAREIL DIGESTIF
§ 9. — Les Némertiens (1), qui par leur forme générale
ressemblent beaucoup aux Planariées et davantage encore aux
Rhabdocéliens, .mais qui s'en éloignent par plusieurs caractères
organiques d'une grande importance, sont très difficiles à bien
étudier. En effet, leur corps est si contractile et si facile à
qui paraissent consliluer des glandes
salivaires [a).
Cliez les Macrostomes, la bouche,
qui a la forme d'une grande fcnle
longitudinale, se trouve beaucoup plus
en arrière, et il ne paraît pas y avoir
de trompe ni de bulbe pharyngien
charnu (6).
Dans le genre Mesostomum (c), la
bouche se trouve vers le tiers posté-
rieur du corps, et la trompe a la forme
d'uji disque ou d'une cupule à peu
près, comme nous l'avons vu chez
plusieurs Planariées.
Dans le genre Opistomum, celte
ouverture est rejetée encore plus loin
en arrière, et la trompe, qui est grosse
et cylindrique, se place obliquement
dans l'élat de rétraction (d).
Le genre !\licroslome paraît établir
le passage entre les Pdiabdocéliens or-
dinaires et les ^émertiens, car les sexes
y sont séparés comme chez ces der-^
niers. Mais l'appareil digestif est dis-
posé comme chez les premiers. La
bouche, dépourvue de trompe, se
trouve vers le tiers antérieur du corps
et donne immédiatement dans une
grande poche stomacale qui, suivant
M. Schultze, s'ouvrirait au dehors par
un pore anal si\ué à l'extrémité posté-
rieure du corps (e).
(1) Les Némertienset les Planariées
sont les principaux membres de la
classe des Turbellariées, telle que
\1. Ehrenberg a établi cette divi-
sion (/). l\lais M. Blanchard, qui réu-
nit les Planaires aux ïrématodesdans
la classe des Anévormes, en exclut
les Némertiens, qu'il considère comme
devant constituer une classe particu-
lière (g). Quelques-uns de ces Vers
sont remarquables par leur grandeur.
Ainsi \eBorlasia Angliœ {h) s'allonge
souvent de façon à avoir 3 ou Zi mè-
tres de long, et ÎMontagu parle d'un,
individu qui aurait eu 30 yards de
longueur, c'est-à-dire environ 30 mè-
tres («'). Tous ces Animaux parais-
sent se nourrir en suçant le corps de
divers Mollusques ou en avalani des
Infusoires.
(a) Scliiiltze, Beitvàge %ur Katurgeschichte der Turbellarien, 1851, pi. 3, fig. i, et pi. 4,
ùg. 1 et 2.
(6) Idem, ibid., pi. 5, fig. 3 et 4.
(c) Exemples ; Mesostomum Ehrenbergi (voy. Focke, Planarla Ehrerlbergi, Ann. des M'ienev
Muséum, t. I, pi. 17, fig. 1).
— Mesostomum oblusum et M. marmoi'atum (voy. Sciiultze, Op. cit., pi. 5, fig. 1 cl 2).
(d) Schullze, Op. cit., pi. 3, fig. 1 et 2.
(e) Idem, Ueber die Milirostomeen, eine Familie der Turbellarien (Archiv fur Naturgeschichte,
1849, 1. 1, p. 280, pi. (i, fig. 1).
(f) Ehrenlierg, Symbolœ physicœ.
(g) Blanchard, Recherches siir l'organisalioii-des Vers, p. 47 {Voyage en Sicile, t. III).
(Il) Voyez Qualrefages, Atlas du Règne animal de Cuvier, Zoophytes, pi. 33.
(i) Montagu, Descript. of several Marine Animais found on ihe South coast nf Devonshire
[Tr ans. of the Linnean Society, 1804).
DES VEllS DE LA CLASSE DES LEI'TOZOAlliES. /|61
rompre, qu'il est presque impossible de les disséquer d'une
manière satisfaisante, et en général leurs téguments sont trop
opaques pour se prêter à l'observation des organes intérieurs
par transparence. Aussi y a-t-il peu d'Animaux sur la structure
desquels plus d'opinions discordantes aient été émises, et, dans
l'état actuel de la science, il serait prématuré de se prononcer
sur plusieurs questions dont la solution est en général très
facile : par exemple , la présence ou l'absence d'un arius, et
même sur la détermination de la partie fondamentale de l'ap-
pareil digestif, c'est-à-dire la cavité stomacale.
Deux ouvertures sont en général fort apparentes à l'extré-
mité antérieure du corps : l'une terminale, l'autre située à la
face inférieure de ce que l'on pourrait appeler la tête du
Némertien. Le premier de ces orifices livre passage à une
énorme trompe (1) qui est creusée d'un canal central, et qui se
continue postérieurement avec un tube membraneux intestini-
(1) Othon Fabricius, zoologiste da- de cet organe et ses rappoiis avec les
nois fort distingue du siècle dernier, parties voisines ; ils l'ont considéré
a constaté l'existence de la trompe comme étant la voie par laquelle les
des Némerliens, mais il a cru que cet aliments arrivent dans l'organisme,
organe naissait de rorifice céplialique et par conséquent ces auteurs ap-
postérieur (a). Quelques auteurs plus pellcnt bouche Torifice aniérieur par
modernes ont pris cet appendice pro- lequel cet appendice se déroule au
tractile pour un pénis {b). Dugcs, dehors (c). La même détermination a
.M. Ehrenberg et Johnson furent les été adoptée par MM. de Quatrefages,
premiers à faire connaître la structure (loodsir et Williams {d).
(a) 0. Fabricius, Beskrivelse over i Met bekjende Fiai-Orme {Sknvter af Xaturhistorle-Sels-
kabet, 1798, t. II, part. 2, pi. xi, fi?. -H).
(b) Hiischlie, Beschreibimg uni Anatomie eines neueii bei Sicilien gefundeneii ileerwurmes :
Notospcrraus drenanensis (Isis, 1830, t. XXIII, p. 681, pi. 7, fig. 2 à 5).
— Œrsied, Etitwurf elner systemallschen Eintheilung uni speciellen Beschreibung der Plalt-
7uûrmer, pi. 3, fij. 41 .
(c)Dugès, AperçAi de quelques observations nouvelles sur les Planaires, etc. (Ann. des sciences
nat., 1" série, 1830, i. XXI, p. 140).
— Ehrenborsr, Symbolœ physicœ Anim. evcrtebr. : Polyioa lurbellar'ia, ii° 30.
— Jolinson, Mscellanea Zoologica (Mag. ofZool. ani Botany, 1837, t. I, p. 530).
(d) Quairefjgcs, Méni. sur la famille des Xémertiens {Voyage en Sicile, t. II, p. 1 57) .
— Goodsir, Descript. nf sortie giganlic Formes of Iiwertebrate Animais {Ann. of Nat. Ilist.,
1845, t. XV, p. 279).
— Vi'iWiams, Bejiort on the British Annelida {Beport of the 21" Meeting of the British Asso-
ciation held at Ipswich in 1851, p. 343, 1852).
462 APPAREIL DIGESTIF
forme dont l'extrémité est fermée (1). La seconde ouverture
céphalique conduit dans une grande cavité qui règne dans toute
la longueur du corps, qui d'ordinaire présente de chaque côté
une série de prolongements en forme de caecums, et qui ne pa-
raît avoir aucune communication directe avec l'intérieur du tube
intestiniforme dépendant de la trompe (2). M. de Quatrefages,
qui a publié un beau travail anatomique sur ces Animaux, pense
que cette dernière cavité n'est autre chose qu'une chambre
viscérale , que l'orifice situé à sa partie antérieure est un pore
génital, et que le tube aveugle qui fait suite à la trompe est un
estomac terminé en cul-de-sac; mais d'autres naturalistes con-
(1) M. T. Williams, dont les ob-
servations sur la disposition générale
de -la trompe des Némertiens et des
annexes de cet organe s'accordent,
pom* la plupart, avec celles faites pré-
cédemment par M. de Quatrefages,
décrit et figure le tube intestiniforme
en question comme ouvert à son
extrémité postérieure, et débouchant
au dehors, sur le côté, vers le tiers
antérieur du corps (a). Johnson avait
cru voir ce même tube se prolonger
jusqu'à l'extrémité postérieure du
corps et s'y ouvrir par un anus ter-
minal (6), mais ni l'une ni l'autre
de ces dispositions n'existe. M. de
Quatrefages a très bien constaté que
le tube qui fait suite à la trompe, et
qui est désigné sous le nom d'intestin,
se termine en cul-de-sac (c), et der-
nièrement ce fait a été vérifié par
M. Schultze {d).
(2) L'absence de toute communica-
tion directe entre le canal du tube
intestiniforme et la grande cavité
située au-dessous n'est mise en doute
par aucun des anatomistes qui, depuis
quelques années, se sont occupés de
l'étude des Némertiens; et, par con-
séquent, la plupart des auteurs qui
considèrent ce dernier réservoir comme
un estomac admettent que les aliments
y arrivent par l'orifice céphalique
postérieur, sans passer parla trompe.
Mais M. Williams conçoit les choses
autrement : il décrit la grande cavité
en question comme étant fermée de
toutes parts, mais il y attribue les
fonctions d'une poche digeslive, et
suppose que les matières nutritives y
sont transmises de l'intestin (ou tube
postproboscidien ) par endosmose. Il
y donne le nom de grand cœcum
alimentaire (e), mais il n'apporte à
l'appui de son opinion aucun fait pro-
bant.
(a) Williams, Op. cit. (Brit. Associât., 1851, p. 244).
(b) Johnson, Op. cit. (Mag. ofZooL, t. I, p. 580, pi. 11, fig. 5).
(c) Quatrefages, Mém. sur la famille des Némertiens (Voyage en Sicile , t. Il, p. 167, pi. 18,
fig. la; pi. 20, (ig. 4 et 6).
(d) Max. Schultze, Beitrâge zur Naturgeschichte der Twbellarlea, pi. 6, fig. 2.
(ej Williams, Op. cit. (Report of tke British Assoc. for 1851, \>. 245).
DES VERS DE LA CLASSE L>ES LEPTOZOAIKES. kQc)
sidèrent la grande cavité longitudinale comme étant l'eslo-
mac (l) , et regardent la trompe comme étant un organe de
fixation com.parable à celle de différents Vers intestinaux, et ne
constituant pas l'entrée des voies digestives (2). Faute d'obser-
(1) Jusque dans ces derniers temps
presque tousles zoologistes qui avaient
observé les Némertiens considéraient
Pouverture qui se voit d'ordinaire très
facilement à la face inférieure du corps,
un peu en arrière de l'extrémité fron-
tale, comme étant la bouche de ces
Animaux la). Mais M. Ebrenberg, ayant
admis que le pore cépbalique anté-
rieur était l'entrée des voies diges-
tives, attribua à ce second orifice
d'autres usages, et le décrivit comme
étant la terminaison de l'oviducte (6) ;
enfin M. de Quatrefages, qui a adopté
une opinion analogue, l'appelle le
pore (jénital c). Il est aussi à noter
que ce dernier anatomiste n'a pu dé-
couvrir aucune trace de cet orifice
chez quelques Némertiens, ce qui Ta
conduit à penser que son existence
n'est pas constante à toutes les pé-
riodes de la vie de ces Animaux [d).
Quoi qu'il en soit, celte grande ca-
vité est tapissée par une membrane
très mince. Quelquefois elle paraît
être simple , par exemple chez le
Tetrastemma obscurum le). Mais, en
général , elle paraît communiquer
latéralement avec une série de loges
autour desquelles sont groupés les or-
ganes génitaux, disposition à raison
de laquelle on remarque, dans une
section transversale et verticale du
corps de ces Vers, trois cavités : une
médiane et deux latérales (/).
Beaucoup de zoologistes pensent
que la grande cavité abdominale ou
stomacale des Kémertiens s'ouvre au
dehors par un pore situé à l'extrémité
postérieure du corps, et désignent cet
orifice sous le nom d'anus [g] : mais
d'autres, par exemple .M. de Quatre-
fages, M. Goodsir et M. Williams,
pensent que, dans l'état normal, cette
disposition n'existe pas, et que ce
prétendu anus n'est que le résultat de
la division accidentelle de la portion
postérieure du corps, dont les tron-
çons se détachent avec une faciUté
extrême.
(2) Lorsque la trompe des ÎS'émer-
tiens est dans l'état de repos, c'est-à-
dire de rétraction, on voit que le pore
céphalique antérieur est suivi d'un
(a) Blainville, art. Vers {Dictionnaire des sciences nat., 1828, 1. LVII, p. 575).
— Délie Chiaje, Bescrizione e notomia degli Ariijnali invertebrati délia Sicilia citeriore, t. III ,
p. 128, 129, pi. 101, Og. 2.
— Ratlike, Beitrâge zur vergleich. Anat. und PhysioL, p. 94, pi, 6, fig. 8 [Aeiteste Schriften
der naturforschendeii Gesellschaft in Damig, iSi-2, Heft 4).
— Sieboldet Stannius, yoiiveiu Manuel d'anatomie comparée, t. II, p. 202.
(6) Ehreuberg, Symbolœ physicœ [loc. cit.).
(c) Qualrefages, Op. cit. {Voyage en Sicile, t. III, p. 97, eic).
{djUem, ïbid., p. 110.
{e) Schullze, Beitr. %ur Naturgesch. der Turbellarien, pi. G, fig. 2.
(/■) Quatrefages, Op. cit., pi. 18, fig. 1, la; pi. 20, fig. 4; pi. 21, fig. 1.
{g) Ehrenberg, Symb. phys. (art. Nemertes, sans pagination).
— Johnson, Op. cit. [Mog. ofZool. and Botany, t. I, p. 330).
— Œrsled, System. Eintheilung der Plattwûrmer, p. 81.
— Siebold et Stanuius, Xouveau Manuel d'anatomie comparée, t. 1, p. 204
— Schultzc, Op. cit., pi. 6, fig. 1 h.
m
APfARElL DlGIiSTlF
vations directes sur les fonctions de ces organes, je n'érnettrai
aucun avis sur leur rôle physiologique, mais j'engagerai beau-
coup les zoologistes qui habitent les bords de la mer à faire sur
ces Animaux de nouvelles recherches.
Quoi qu'il en soit, la structure de la trompe des Némertiens
présente plusieurs particularités remarquables. En effet, cet
long Uibe à parois minces , dont la
surface interne est papilleuse et dont
rexlrémilé postérieure est fixée à un
bulbe charnu {a). L'axe de ce ren-
flement musculaire est creusé d"un
canal élroit qui est en communicalion .
avec le conduit dont je viens de par-
ler et avec un autre tube inteslini-
forme appendu à sa partie postérieure.
Ce dernier décrit des circonvolutions
plus ou moins nombreuses, et s'a-
vance en général jusque vers le
tiers postérieur du corps , puis se
recourbe en avant et se termine on
cul-de-sac. Son exlrémilé aveugle est
attachée aux parois du corps par
un prolongement cylindrique ou par
des brides rameuses, et sa surface
interne est garnie de cils vibralilcs.
Enfin, tout ce long canal est logé
dans un repli membraneux qui se
trouve suspendu à la paroi supé-
rieure de la grande cavité médiane
(ou cavité viscérale de JM. de (Jualre-
fages, et estomac de IMM. de Siebokl,
Schullze, etc.).
Quand le INémerlien veut prendre
de la nourriture, il darde au dehors
sa longue trompe, et alors les parties
que je viens de décrire changent de
position ; la portion antérieure et
papillifère du tube se renverse à
l'extérieur, de façon que sa surface
libre, au lieu d'être interne, devient
externe, et que son extrémité posté-
rieure se trouve portée en avant. Le
bulbe charnu en occupe alors l'extré-
mité libre, et la portion suivante du
tube iïitestiniforme s'y engage comme
dans une gaîne (6).
Chez quelques-uns de ces Vers,
par exemple les Borlasies et la plu-
part des espèces appartenant au genre
Némerle proprement dit, la trompe
est iiierme (c),mais en général elle est
armée d'une manière puissante. On y
rcmaripie d'abord un gros stylet im-
pair, qui est rentlé à sa base et inséré
sur le .bulbe charnu. D'autres stylets
plus petiis sont placés de chaque côté,
et quand la trompe est dans l'élat de
rétraction, ils se replient dans des
fossettes latérales, de façon à paraître
comme s'ils étaient logés dans une
capsule; mais quand cet organe se
déroule au dehors, ils se redressent et
se montrent à découvert. Leur dispo-
sition a été indiquée par Johnstpn,
(a) Dans la noinenclalure cmiiloyée par M. de Quatrefag-es, la portion do cet appareil qui précède
le bulbe charnu est appelée trompe. Le bulbe est pour cet anatomisle un œsophage, et la portion posté-
rieure du tube est appelée intestin. Elles sont très bien représentées daiis les belles figures dont son
mémoire est accompag-né. {Op. cit., pi. 18, fig. 1 et t a ; pi. 19 ; pi. 20).
(&) Voyez Qiialrefages, Op. cit., pi. 20, (Ig. 1.
— Williams, Op. cit., pi. 1 1 , fig. 04
— Schullze, Op. cit., pi. 0, fig. 3.
(c) Quatrcfages, Op. cit., p. 1()3.
ui;s VERS dl: la classa des uotaticlus. /l65
urgiuie, cxtrèinemenl; long, est presque (oujouis armé {\\ui
gros slyiet médian et exserlile, qui ressemble à un dard.
§ 10. — Les Rotateurs, qui pendant longtemps ont été jJ^p^'i-J
confondus avec les Infusoires, mais qui en cliiïèrent extrême- ^'«^
ment par leur mode d'organisation , me x paraissent devoir
prendre place dans le sous-embranchement des Vers, et par
conséquent je ne puis terminer celte Leçon sans avoir parlé
de leur appareil digestif, bien que sa structure soit fort diffé-
rente de celle que nous venons de rencontrer chez les Némer-
liens ou les Trématodes. Ces Animaux sont de si petite taille,
qu'on ne peut les apercevoir qu'à l'aide du microscope, et
il en résulte qu'on ne peut les disséquer ; mais leurs téguments
sont assez transparents pour permettre à l'observateur. de dis-
tinguer les parlies, même les plus profondes, de leur organisme,
et M. Ehrenbcrg est parvenu de la sorte à faire connailre
admirablement bien leur structure intérieure. Ainsi que je l'ai
déjà dit (1), cet habile zoologiste a fait laire des progrès
immenses à l'histoire des Animalcules microscopiques , et
presque tout ce que nous savons de l'appareil digestif des
Rotateurs lui est dû. Or, dans l'immense majorité des cas ,
sinon toujours, cet appareil est fort complexe, et offre des
mais M. de Qiialrefages les a fait con- Tapparcil proboscidiforme ou par
naître d'une mani«ire beaucoup i)lu.s quelque organe glandulaire adjacent,
complète (a). l'ans l'hypothèse suivant laquelle la
Quand un Xémertien attaque sa trompe ne conduirait pas dans la
proie , il fait pénétrer ses stylets dans cavité digesîive, et serait seulement
le corps de .':a victime, qui paraît être un organe de préhension ou de fixa-
presque aussilôt frappée de mort. 11 lion, on expliquerait de la sorte
est donc probable qi!c cette arme verse l'exislcncc du long cœcum intestini-
dans la plaie quelque liquide véné- forme qui se voit en arrière du bulbe
neux, et que celui-ci est sécrété, par slylifère.
les parois de !a portion suivante de (1) Voyez ci-dessus, page 301.
(a) Jolmson. Op. cit. {Mag. of Zool. and Botaiiy, 1837, t. 1, p. 531, fig. 1 el -2).
— Quuli'efagcs, Op. cit., p. 1C3 et siiiv., pi. 16, fi-^'. 1-2; pi. 17, lijr. 7, 10, M, 17 ; pi. 10,
IJLj. -2.
V. 30
Ii6i) AI'l^ARElL DiGESTIF
caractères de supériorité physiologique qui ne se rencontrent
pas clans les Animaux de {aille beaucoup plus considérable
dont l'étude vient de nous occuper, et se rapproche de ce
que nous avons vu chez les Annélides les plus parfaits. Ainsi,
presque toujours il existe chez ces petits êtres un tube ali-
mentaire étendu d'un bout du corps à l'autre et ouvert à
ses deux extrémités , un appareil maxillaire très complexe ,
un estomac distinct de l'inteslin, et des organes glandulaires
particuliers qui versent dans la cavité alimentaire les pro-
duits de leur sécrétion, Lesanomahes sont extrêmement rares
dans cette classe zoologique; mais je dois dire que si les obser-
vations récentes de quelques micrographes habiles ne sont
pas entachées d'erreur, il y aurait chez un petit nombre de
Rotateurs une dégradation organique des plus remarquables.
Ainsi, non-seulement on connaît une espèce où l'anus paraît
manquer, mais chez une autre où la femelle est organisée de
la manière ordinaire, il paraît n'y avoir chez le mâle aucime
trace d'un appareil digestif quelconque (1). Si nous laissons
(1) M. Dalryinplc, qui a lait une inâie ni bouche, ni bulbe pharyngien,
étude très aUenlive d'une grande ni estomac ; mais il a remarqué dans
espèce de r.otateur appartenant au la cavité ai3dominale un amas de tissu
genre Notominata de AI. Ehrenbeig, utiiculaiie qu'il considère comme le
y a trouvé l'appareil digestif très produit d'un srrèt de développement
développé chez les individus fe- du blastème destiné d'ordinaire à
melles, mais n'a pu en apercevoir constituer les organes digestifs. Chez
aucune trace chez les individus mâles, la femelle, il n'a aperçu rien de sem-
où cependant tous les autres or- blable (6).
ganes intérieurs se distii)guaient faci- L'absence d'un orifice anal a été
lement (a). signalée aussi par chacune de ces ob-
M. Leydig, qui est également un servations chez les individus femelles
micrographe très habile, est arrivé au du Notommata anglica , Rotateurs
même résultat en étudiant le Notom- dont les mâles présentent la singu-
mata Siebuldii. Il n'a trouvé chez le lière anomalie que je viens de men-
(a) J. Dalrymple, DescHpHon of an Infusory Animalcule alliedto the genusNotommala of Ehrm-
herg hitherto undesmbed {Philos. Trans., 1849, p. 342, yl. 34, fîg. H et 121.
(6) Fr. Lej'dig, Ueber den Bau xmd die syst.ematische Stelluny der Mderthiere, p. 32, pi. 2,
fig-. 12 et 13 (exlr. tlii Zeitschr. fur wisscnsch. Zool., 1854, t. VI).
DES Vers de la cl\sse des rotateurs. /l()7
de côté ces exceptions peu nombreuses, nous trouvons une
très grande uniformité dans la structure des organes digestifs
des Rotateurs. Ces petits êtres se nourrissent principalement
de Monades , de Navicules, de Conferves ou de Crustacés mi-
croscopiques qui nagent dans l'eau où ils habitent, et qui sont
amenés vers leur bouche par l'action des lobes ciHés dont
l'extrémité antérieure de leur corps est garnie, et dont nous
avons déjà étudié le rôle dans le travail respiratoire (1). Ces
organes varient dans leur forme , mais sont toujours disposés
de façon à entourer presque complètement ou à occuper les
deux côtés de l'orifice buccal, qui est en général susceptible
de s'élargir beaucoup (2). Cet orifice n'est presque jamais
tionner (a). M. Leydig pense que le
Xotommata myrmeleo est cgaleracnt
dépourvu d'un anus, el il se fonde,
non-seulement sur les résultats néga-
tifs fournis par toutes los recherches
faites pour découvrir celte ouverture,
mais aussi sur le mode d'évacuation
du résidu laissé dans l'estomac par le
travail digestif, car il a toujours vu
ces matières sortir par la houche après
avoir séjourné dans l'estomac, dont le
fond paraît être dispor.é en cul-de-
sac (6). Ce zoologiste pense que la
même anomalie existe aussi cisez le
Notommata syrinx , YAscomorpha
helvetica et VA. germanica (c).
(1) Voyez ci-dessus, tome II, p. 97.
('i) Chez les espèces dont l'extré-
mité antérieure des corps est garnie
d'un seul lobe ou disque cilié, la
bouche occupe à peu près le centre
de cet organe, et correspond à l'exiré-
miié supérieure de l'échancrure qui
se trouve à sa partie inférieure, ainsi
que cela se voit chez les Lacinul-
laires et les Alégalroques {d). Chez
les liotateurs à deux roues ou lobes
ciliés, par exemple chez le Rotifer
vidgaris [e), elle i-e trouve entre la
base de ces organes sous un | rolon-
gement céphalique qui porte les points
ocuUforraes. La manière dont les
particules solides qui floltcut dans
l'eau circonvoisine se trouvent diri-
gées vers l'entrée de la cavité diges-
tive par l'action de ces cils peut être
très bien mise en évidence , si l'on
suspend de l'indigo ou du carmin en
poudre dans ce liquide (f.
Chez les Stephanoceros, où les ap-
pendices ciliés se prolongent en forme
de tentacules céphaliques ou de bras,
la préhension des aliments est sou-
vent effectuée par la contraclion de
(a) Da'.nmpte, loc. clt.,\>. 333, pi. 33, Rg. i el 0.
(6) Ley.ïi-, loc. cit., p. 21, pi. i, Rg. 30.
(c) Leydiir, loc. cit., y. li.
(dj Elirenberg, Die hiftislonslhici'chen, pi. S 4, llg. 3 el 4.
ig) lilem. ibid., pi. r.O, fi-. i.
<f) IdciD, ibid., pi. GO, fij. 3, clc;
ii68
API'AUEIL DIGESTIF
llâi-'lioiics.
ineruie, et d'ordinaire il est suivi d'un gros bult)C ebarnu dont
l'arnialnre est fort remarquable (i). Effectivement, il est garni
latéralement de mâchoires très dures qui sont disposées de façon
à s'écarter ou à se rapprocher de la ligne médiane, etijui peu-
vent même se porter au dehors pour saisir la proie ou couper
les aliments au moment de leur inglutilion. Les muscles qui
metteTit cet appareil en action se contractent presque sans cesse
avec beaucoup de régularité, et avant que M. Ehrenberg eût
fait connaître leurs véritables usages, plusieurs micrographes
avaient pris ce bulbe pharyngien pour un cœur, à cause de
ses mouvements rhythmi(]ues ('2). La forme et la disposition
des mâchoires varient. Tantôt ces organes sont simplement
ces organes, qui, en se recoiirliant en
dedans, se rabatlent sni ]a bouche (a).
La cavité buccale est susccpiibie de
se (liialer en forme d'enionnoir, et
ses parois sont presque toujours gar-
nies de cils vibratiies. Ces appendices
épilbéliques paraissent manquer chez
les Fbscularia et les Lindia [h) ;
leur disposition a éié étudiée avec
soin chez les Melicerta ringens p;ir
M. VVilliamson, et chez les Lacinu-
laria socialis par M. Huxley (c).
Chez le Floscularia et le Stephano-
ceros, la cavité buccale se dilate laté-
ralement en un réservoir comparable
à des abajoues, et désigné par quel-
ques naturalistes sous le nom de
proventricule [d).
(1) M. Elirenbeiga désigné sons le
nom commun cVAgomphes les Uota-
tcursqui sont dépourvus de mâchoires,
et il a constaté ce caractère chez VEn-
teroplea (e), ainsi que dans les genres
Ichthydium {() et Chœtonotu.y {g);
mais ces deux derniers groupes ne
paraissent pas appartenir à la classe
des iîotateurs. Ce naturaliste n'avait
pas vu les mâchoires des liattiUus ,
mais ces organes paraissent avoir été
observés par M. Weissc [h].
{'i; Par exemple, Bory-Saint-Vincenl
en 1828 («).
(a) Voyez Ehrenberg, Die Infusionslhierchen, pi. 45, lig-. 2, ^.
(b) Dujanlin, Histoire naturelle des Infusoires, p. 583.
(c) Williainson , On the Anatomy of Moliccrla ringens {Quartei'ly Journal of Mi'-roscopical
Sciences, 1852, t. I, p. 70, pi. 2,fig-. 28).
— Huxley, Lacinularia socialis. A Contribution to the Anatomy and l'Iiijsiuloijij nf l{otij\ra
[Q'.iarterlij Journal of Microscopicnl Sciences, 1 852, t. I, Transactions, p. 3, pi. 2).
[di Leydig, Op. cit., p. 4 ot 9, pi. 1 , fig-, i .
(fi) Elircnberg, Die [nfusionstliierchen, pi. 43, fig. 2.
(0 Mom, ibid., pi. 43, fig. 3, 4, 5.
(il) Icicin, ibid., pi. 47, fig. d.
(lu \Veissc, i\eue Infusonen {Dutkiiii de la classe pliysico-malheinalique de l'Acud. de Sjiiil-
l'étersboura, -1847, l. V, p. 228, lig. 4).
[i) IJury, arl. ilOTiFÈruîS du Diclvinnairc classujuc d'histoire naiurell:, l. XIV, p. 085.'
DES VERS DE LA. CLASSE DES ROTATEURS. /l69
impjanlés dans le bulbe charniî qui les porte, et ils ressem-
blent aux deux branches d'une pince terminées par une ou par
plusieurs denticules ; .d'autres fois ils sont logés dans une
espèce de cadre qui a la forme d'un étrier dont le marche-
pied serait évidé et laisserait passer leur exlrémité libre.
M. Ebrenberg a appelé Gymnogom'phia les Rotateurs dont les
mâchoires présentent la première de ces deux dispositions,
c'est-à-dire dont les dents sont nues ou libres, et Desmogomphia
ceux dont les dents sont enclavées dans une charpente solide
à deux ou à plusieurs branches. Il a fait connaître aussi beau-
coup de modifications d'une importance secondaire dans la
conformation de chacune de ces sortes de mâchoires ; mais
l'étude de ces détails nous entraînerait trop loin, si nous nous
y arrêtions ici (i).
(I) Clicz les Gymnogomphes de
M. Khrenberg (a), chaque mâchoire
se compose de deux pièces : l'une,
antérieure ou dentaire, qui est libre
et dirigée en deJans (6) ; l'autre,
basilairc , qui est articulée a l'exlré-
niilé externe de la précédenlc, et
dirigée en arrière de façon à faire avec
elle un coude très prononcé et à s'en-
foncer dans la niasse charnue du
bulbe pharyngien (c). Enfin, on dis-
tingue en général entre les deux
pièces basilaires une pièce médiane
ou support qui avait presque entièic-
menl échappé aux recherches de
M. Ehrenberg, et qui paraît destinée,
soit à donner attache aux muscles
adducteurs des mâchoires, soit à four-
nir un point d'appui à ces organes
eux-mêmes (d).
Tantôt la pièce dentaire est simple,
et par conséquent l'appareil préhen-
seur n'est armé que d'une paire de
crochets, disposition qui se voit chez
les Gymnodontes que i\î. Ehrenberg
appelle Monogomphes : par exemple,
VAlbertia vermicularis (e), le No-
tommata aurita (/) , et surtout le
Notommata mijrmeleo (g), ou le Di-
glena grandis {h) , espèces irès car-
nassières, où ces crochets sont remar-
quablement grands et proiracliles.
(a) Ehrenberg , Recherches sur les Infusoires (Ann. des sciences nat., 2° séi'ie, 'IS.'i.i, i. X,
p. 272 et suiv.j.
{b) C'est \e processus anterior de M. Ehrenberg-, et l;i pièce appelée acies par M. Dii.inrcliii.
ic) Processus posterior, Etirenberj;- (scai)hu,s, Uiijarflii]).
{(Z) Ligament transversal, Elireiibcrg (fuUruin, Diijariliii'.
{e) Dujardin, Méni. sur un Ver parasite constituant un nouveau genre voisin des Roiifères
(Ann. des sciences nat., 2" série, 1832, t. X, pi. 2, fiic. 3).
(/■) Ehrenberg, Die Infusionsthierchen, pi. 52, f\g. :■!.
(tj) Idem, ibid,, pi. 49, fig. 1.
[h] Idem, ibid., pi. 5t, fig. 5.
/l70
APPAREIL DIGESTIF
Tube (ligcsiif. Le canal alimentaire s'étend dans presque toute la longueur
du cor[)s et est ouvert à ses deux extrémités. Sa portion anté-
rieure est étroite et constitue un œsophage plus ou moins
allongé (1) ; sa portion moyenne pu stomacale est en général
Il est aussi à noter que souvent ces
mâchoires sont solidement articulées
par leur base sur le support mé-
dian {a'\ de façon à avoir beaucoup
de ressemblance avec la partie prin-
cipale de l'appareil maxillaire des
Aiinélidcs du [j;cnre Lysidicc (6).
?,î. Eliren!)crg désigne sous le nom
de rulijrioinphes IcH Uotateurs gynnio-
gomphes dont les pièces dentaires
sont leriniuécs par deux ou plusieurs
pointes disposées comme les doigts de
la main ou les dents d'un râteau, et
il a remarqué que ces Animalcules se
nourrissent piincipalcment de sub-
slauces végétales. Tels sont le Notom-
mata tuba [c], le X. davulala (r/j,
VHydatina senla (e .
Clicz les lloiateurs dils Desmo-
cjomphcs, le cadre maxillaire se com-
pose généralement de trois pièces
courbes réunies par leurs extrémi-
tés ; uu arc supérieur et un arc
inférieur qui sont situés plus en
dedans, et disposés de façon à re-
présenter le marchepied de l'étrier,
tandis que l'arc externe en con-
stitue la voûte. Les pièces dentaires
sont stylilbrmcs , reposent par leur
base sur ce dernier arc , et traver-
sent l'espèce d'anneau fourni par
les pièces internes, de façon à simu-
ler grossièrement un arc garni de*
flèches. Ciiez quelques-uns de ces
animaux (que M. Ehrenberg appelle
Zygogomphes), il n'y a de chaque
cùlé que deux aiguilles dentaires ;
mais chez d'autres (les Lochogom-
phex), il y en a un plus grand nom-
bre rangées parallèlement. Comme
exemple des premiers, je citerai les
iîolifèrcs proprement dits (/"), les Ac-
linuies, les Monolabics et les Philo-
dincs {g). Pour les Locliogomphes ,
je prendrai comme exemple les Cono-
cliiles (h) et les Méliccrtes,où le cadre
maxillaire est disposé d'une manière
un peu dillérente ({) , et les stylets
dentaires deviennent quelquefois si
nombreux , qu'ils semblent former
par leur réunion une grande lame
striée [j].
(l) L'œsophage est remarquable-
ment long chez VEnteroplea hyda-
(a) Exemples : Notommia, Dulrymple, Op. cit. (Pldlos. Trans., 1849, pi. 33, fig. 3 et 4).
— Lcydii;, Op. cit. (Zeitschvift fur wissensch. Zool., t. VI, pi. 2, fig. 10).
(h) Voyez ci-dessus, page 427.
(c) Elirenberg, Op. cit., pi. 40, fig. 3.
id) Idem, ibid., pi. 50, fig. 5.
(c; Idem, ibid., pi. 47, fig. 2.
(/■) Idem, ibid., pi. GO, fig. 8.
(fli Idem, ibid., pi. 61, fig. 8.
{hj Idem, ibid., pi. 43, fig. 8.
(i) Gosse, On the Structure, Fondions, Habits and Development of Melicerta ringens {Quarterlij
Journal of Microscopical Sciences, 1852, t. I, p. 71, pi. 2, fig. 16 à 21).
(j) Williamson, On the Anatomy of UcWcerin [Quart erly Jotmial of Microscopical Sciences,
18^52, t. I,p. 06, pi. 1, fig. 17].
DES VKUS DE LA CLASSE DES ROTATEURS. 671
très élargie, et il se termine par un intestin dont !a forme et la
grandeur varient dans les différentes espèces (1). Les parois
de l'estomac sont garnies de cils viiiratiles dont l'action est
parfois très énergique , et elles offrent aussi dans lem^ épais-
seur une multitude d'utricales qui sont souvent colorés en
jaune et paraissent être des organes hépatiques (2). En général,
on y remarque aussi beaucoup de petites boursouflures; et, chez
tina (a), \e. Notommata syrinx (6), etc. ;
tandis que, chez d'autres PiOtateurs,
il est si couit, que re.stoniac semijle
naître directement du iîiilije pharyn-
gien : par exemple, cliez VEuclanis
triquetra (c) et VAmirœa acumi-
nata [d). Entre ces deux extrêmes
on trouve une multitude d'intermé-
diaires.
Chez plusieurs iiotateurs, tels que
les Lacinulaires et les Brachions, on
a distingué, de chaque côté du pha-
rynx, un corps jaimâtre, et M. Leydig
a pensé que ces organes pourraient
bien être des glandes salivaires (e);
mais les recherches de M. Huxley
tendent à établir que ce sont seule-
ment des lames cliitineuses servant à
renforcer les parois de cette portion
du canal digestif (/").
(I) M. Ehrenberg a pensé qu'il
serait utile de donner des noms parti-
culiers aux Rotateurs qui présentent
des différences notables dans la con-
formation de leur tube digestif [g).
Ainsi, il appelle Trachelogastrica
ceux où ce tube est simple [h); Cœlo-
fjasirica, ceux qui ont nu œsophage
court et un grand estomac oblongo-
conique suivi d'un intestin court et
simple [i] ; Gasterodela, ceux où l'es-
tomac est en forme de poche et est
séparé par un étranglement d'un
intestin également renflé (j) ; enfin
Trachelocystica, ceux dont le canal
intestinal est très délié dans toute sa
longueur, excepté dans la région anale,
où il s'élargit en forme de cloaque {k).
.Mais ce zoologiste a soin de faire
remarquer que les distinctions établies
de la sorte ne correspondent en au-
cune façon aux divisions naturelles
de la classe des Rotateurs.
(;l) Chez le Notommata anglica, la
disposition sacculée des parois de
l'estomac est très marquée, et M. Dal-
{a] Elireiiberc:, Die Infusioiisthierchm, pi. 47, fi?. l .
(6) Idem, ibi'd., pi. 49, fig. 2.
(c) Idem, ibid., pi. 51, iig. 8.
(rf)Ideiii, ibid.,p\. 02, li-. 9.
le} LeyUiLî, Ueber de)' Bau und die systeinalisclie Stelluiuj der Raderthiere, p. 70.
If} Huxley. On Lacinularia socialis [Quarierly Jouni. of Micvos. Se, t. I, Trans., p. 3).
[ij] EhTanberç:, Ueber die EnHvickelung und Lebdnsdaucr der Infusionslhiere (Mém. de l'Acad.
de Berlin pom- '183-2, p. 40, pi. 3, cl Ann. des sciences nat., -2° i-orie, t. I, p. 260).
(h) Exemples : Ichthydium (voy. Ehrenhers;, Die [nfusionsthiere, pi. 43, fig. 2).
— Chœionotus (/oc. cit., pi. 43, fis;. 3, 4 et 5).
(i) Exemple : Hydalina [loc. cit., pi. 47, lîg. 2).
Ij} Exemple : Brachionus (loc. cit., pi. 03, fig. -1).
{k) Exemples : Rotifer {loc. cit., pi. 00, fig. 2).
— ■ Aciinurus (loc. cit., pi. 01, fig. 1).
Organes
sér.i'clenr?.
Ill'2 AVPAUEIL DIGESTIF
quelques espèces, celle grnmie poche digesEive est, pourvue
(i'iHî certain iioiiiibre de c«ciuns très allongés qui paraissent
être aussi de nature glandulaire (1).
D'autres organes sécréteurs, beaucoup plus remarquables,
se voient près de l'extrémité antérieure de l'estomac, de chaque
côté de l'œsophage. Ce sont, esi général, des corps ovoïdes ou.
réniformes, d'un volume considérable, qui communiquent avec
le tube alimentaire à l'aide de canaux excréteurs, et y versent
probablement quelque liquide digestif. La plupart des zoolo-
gistes les considèrent comme des glandes pancréatiques, mais
on ne sait rien de positif quant à la nature de leurs produits ("i).
rymple a constaté que, dans chacune,
(les boursouflures, il existe une grande
cellule nucléolée (a).
|1) Ces caecums gastriques sont très
erands chez le Notommata clavu-
lata (6).
D'après M. Ehrenbcrg, rcslomac
du Philodina roseola paraît être en-
tièrement couvert de petits caecums
filiformes très serrés les uns contre
les autres (c).
(2) Chez la plu paît des iiotatcurs,
il n'y a qu'une pnireîde ces glandes
épigastriques ; mais 'chez quelques
espèces , telles que le Notommata
myrmeleo {d), le N. hyptopus («)'et le
Lacinularia, on en trouve deux pai-
res. En général, elles sont globuleuses
ou ovoïdes, et appliquées directe-
ment contre le bord antérieur de la
grande poche stomacale, ainsi que
cela se voit chez le Notommata cm -
taura, par exemple (/■). Chezquelciues
espères elles sont pédonculées, et pa-
raissent attachées à l'exi rémité de
l'œsophage plutôt qu'à l'estomac : par
exemple, chez le Brachionus milita-
ris iy). Enfin, chez un petit nombi'e
de iiotateurs, ces organes sont allon-
gés (h), et quciquetbis ils sont bifur-
ques, ainsi que cela se voit chez le
Difilena grandis [i] et le Brachionus
Miilleri ij). Ils sont revêtus d'une
Cfipsule membraneuse très délicate,
et se composent d'un tissu granulaire
renfermant des cellules nucléolées.
Dans quelques espèces on a pu y dis-
tinguer un conduit excréteur qui dé-
bouchait dans l'estomac [k].
(a) Dalrymple, Oiicit. iPhllns. Trans., 1849, p. 333).
(b) Elirenhera;, Op. cit., pi. 50, fiç. 5, fj.
(c) Iflein, Ueber die Entivickelung und Lebensdauer der Infusionslhiere, pi. 3, fis'. 10 (.Vcm.
de l'Acad. de Berlin pour 1832).
((/) Leydig', Op. cit., pi. 4, fig. 30.
(e) Elirenberg, pi. 51 , fîg-. 6, gji.
{[) Idem, Diî Infusionsthierchen, pi. 51, fij. 2.
[(i) idem, ibid., pi. (J4, fig. 3.
(//) Exemple : Notommata clavulata (voy. Elircnltorg-, Op. cit., pi. 50, fi.;-. 5).
(/) Idem, ibid, pi. 54, fig. 4, gp.
ij) Idem, ibid., pi. 03, {[g. 5.
(A) Dnlrymple, Op. cit. (Philos. Tmiif;., 1840, p. 333).
DKS VKRS l)\l LA CLASSl'] DES ROTATELP.S. /l73
Eiilin, ramis (I) s'ouvre ù la face dorsale du corps, près de
la base de l'espèce do pied ou de queue qui fornie l'extréuiilé
postérieure de ces Animalcules.
(1] La position de l'anus se voit très reporté un peu plus en avant, et alors
bien dans quelques-unes des ligures rinteslin esl souvent recourbé sur
données par M. Elirenbeig : par lui-même, ainsi que cela se voit chez
exemple, dans celles de VHydatina le Melicerla ringens {d) , et, mieux
senta [a), du Xutommata capeus (6) encore, cliez le Li innias cerato-
et du Diijlena grandis (c . Cliez les phylli (e).
lîotateurs à fourneau, cet orilice e.st
(a) Elirciiborp:, Op. cit., pi. 47, ûç;. 2.
(b) Idem, ibid., pi. 51, fîg-. 4. '
{c) Idem, ibid., pi. 5i. ûg. 5.
W) Williamson, Op. cit. (Quarlertij Jtmvnnl of Mirroscnpir.al Sciences, 'IS'iS, I. l, |il. ■! ,
fi-.' 1 i, h).
{e) ElirciiljLTi;-, Op. cit., pi. 4(j, fi^. 0, ii).
Disposition
geiiérale
de r;ip|iarcil
Coiislilulio)!
tic
l'iippareil
GLNQUANTIÈME LEGON.
De l'appareil digestif chez les Animaux articulés. — Armature buccale des
Crustacés, des Myriapodes, des Insectes et des Arachnides.
§ 1. — Dans le sous-embranchement des Animaux articu-
és, comprenant les Crustacés, les Arachnides, les Myriapodes
digestif gf }gg Insectes, l'appareil digestif se perfectionne beaucoup sous
Ariici.iés. jg rapport mécanique, et la bouche, «pii est toujours distincte
de l'anus et située à la face inférieure de la portion céphalique
du corps (1), se trouve entourée d'un système de leviers fort
complexes destinés à effecîuer la préhension des aliments.
'Le régime de ces Animaux est très varié : les uns se nour-
rissent de matières solides, les aulres ne vivent que de liquides,
buccal, gj |.^ conformation de la bouche diffère suivant le mode d'action
qu'elle est destinée à exercer. Tantôt elle est garnie de mâ-
choires disposées en manière de pince , d'autres fois elle
affecte la Ibrmc d'une trompe; et au premier abord on pouvait
croire qu'il n'existait presque rien de commun dans sa struc-
ture, non-seulement chez les Articulés appartenant à des classes
distinctes, mais aussi chez les espèces de la même classe qui
sont, les uns des Animaux masticateurs, les autres des Animaux
suceurs (t>). Cependant Savigny a fait voir qu'il n'en est pas ainsi,
(1) Lorsque les moyens d'observa- rite comme étant un des caractères
lion dont on disposait étaient moins du genre OEstrus ; mais cet orifice,
parfaits que ceux dont nous sommes quoique fort réduit, existe citez ces
aujourd'luii redevables aux opticiens, Diptères comme chez tous les autres
les eniomologistas pensaient que di- Insectes (a).
vers Insectes manquaient de bouche. (2) Les variations qui se remar-
Ainsi Linné indiquait celte parlicuia- quent dans la structure de la bouche
(a) Joly, Reclierches sur 1»s Œstres, ISiG, p. 49.
APPAREIL DIGESTIF DEo ANIMAUX. ARTiCLLÉS. /j75
et qu'il règne une uniformité remarquable dans les maiériaux
dont la Nature fait usage pour la construetion de ces appareils
divers. Il a constaté que chez tous les Insectes, quel que soit leur
régime, la bouche est pourvue d'un même ensemble de mem-
bres articulés ou appendices, et que c'est par suite de change-
ments introduits dans la forme et les dispositions accessoires
de ces parties, qu'elles constituent ici des organes sécateurs, là
une sorte de pipette ou de (rompe. Enlhi il a reconnu aussi que,
sous ce rapport, il y a, chez tous les Animaux articulés, unilé de
plan fondamental et tendance à l'unité de composition, malgré
des variations sans nombre dans les. caractères accessoires.
Savigny fut un des premiers à enrichir la science de résultais
généraux de cet ordre, et à diriger les esprits vers la recherche
des parties correspondantes ou analogues dont la Nature peut
faire usage dans la constitution d'organes différents par leurs
formes et leurs usages. Cet habile observateur, de même que
Gœthe et Geoffroy Saint-Hilaire, doit être rangé au nombre des
fondateurs de cette branche de l'étude des êtres organisés qu'on
appelle aujourd'hui Vanaiomic philosophique^ pour la distinguer
de Vanatomie descriptive; et si le nom de ce savant modeste
(les Insectes l'oiiruissent irexcellenls donné l'emploi exclusif des caractères
caractères pour la classitication de foin-nis par l'appareil bnccal, mais on
ces Animaux. Vers !e milieu du siècle en fait toujours un U-ès grand usage,
dernier, un nalnralisle suédois,Cliarlos et dans presque tous les travaux des-
deGcer, décrivit avec soin cet a|)pa- criptifs qui paraissent journellement
reil dans un très grand nombre d'es- sur l'histoire des Insectes, des Crus-
pèccs différentes (a), et bientôt après tacés. etc. , on entre dans beaucoup de
J.-C. l-'abricius, de Copenliague , le détails à ce sujet, de sorte qu'on a en-
prit pour base de tout un système registre une foule presque innom-
entomologique (6). Depuis l'inlroduc- brable de particularités relatives à la
tion de la niétliode naturelle dans conformation de cette partie de l'orga-
cette partie de la zoologie, on a aban- nisation des Animaux articulés.
(a) De Geer, Mémoires pour servir à l'histoire des Insectes, "i volumes iii-4, Stockholm, 1752
à 1778.
(b) J. Clir. Fabricius, Systema entomologiœ. In-8, 1775. — Ent.omologia systematica. 5 vol.,
1795 à 1798, — et plusieurs irnilds spéciaux sur les principaux ordres de la classe des Insectes.
Appareil
buccal
des
/i76
APPAREIL DIGESTIF.
est moins populaire que ceux des hommes de génie auxquels
je l'associe, sa gloire ne sera pas moins durable, car ses travaux
sont non moins solides que brillants , et ils ont exercé une
grande influence sur la marche de la science depuis plus d'un
demi-siècle (1).
§ 2. — Pour facihter l'étude de l'appareil buccal des Animaux
articulés, il me semble utile de commencer par l'examen des
Cruslaccs
niasucaicurs. Crustacés masticatcurs. La bouche de ces Animaux est située à
(1) Jules-César Lelorgne de Savi-
GNY, né à Provins en 1777, fit paiiie
de la Commission scientifique qui, ou
1798, accompagna l'armée française
en Égypie. De retour en France à la
fiu de 1801, il entreprit l'étude des
riches collections zoologiques qu'il
avait formées en Orient, et il prépara,
pour le grand ouvrage sur l'Egypte
publié aux frais de l'État, une magni-
fique série de planches relatives à
l'histoire des Animaux invertébrés. De
181/1 à 1817 il publia un beau travail
sur les Annélides, une série de mé-
moires sur les Ascidies qui font épo-
que dans l'histoire de cette partie de
la zoologie, et des recherches capi-
tales sur la structure de la bouche
des Insectes. Eu 1821, il fut nommé
membre de l'Institut de France. Mais
déjà, depuis quelques années, une
afl'eclion nerveuse qui lui rendait l'ac-
tion de la lumière impossible à sup-
porter avait interrompu toutes ses
lecherches anatomiques. Il ne mourut
qu'en 1851, mais les trente dernières
années de sa vie ne furent qu'une
longue suite de souffrances.
L'ouvrage que je cite dans celte
leçon porte pour devise : Patieniia, et
se fait remarquer par l'exactitude des
détails aussi bien que par la grandeur
des vues générales. Il est intitulé :
Théorie des organes de la bouche des
Animaux invertébrés et articulés
compris par Linné sous le nom d'In-
sectes ; il parut en 1816, et forma le
premier fascicule des Mémoires sur
les Animaux sans vertèbres , par
J.-C. Savigny (Paris, i vol. in- 8" avec
planches).
L'étude comparative des différents
appendices, et principalement des piè-
ces de la bouche, a été repri.se en-
suite, mais d'une manière peu fruc-
tueuse, par Latreille (a). J'ai publié
aussi quelques observations à ce su-
jet (6). Enfin M. Bruilé en a fait l'ob-
jet d'un travail important que j'aurai
souvent à citer (c).
{a) Latreille, Observations nouvelles sur iorganisation extérieure et générale des Animaux
articulés et à pieds articulés, et applications de ces connaissances à la nomenclature des prin-
cipales parties des mêmes Animaux (Mém. du, Muséum, 1822, t. VIII, p. d69). — Art. Bouche
(lu Dictionnaire classique d'histoire naturelle, t. 11, 1822, p. 428.
(/;) Milne Edwards, iVem. siir l'organisation de la bouche des Crustacés suceurs (Ann.des
sciences nat., i" série, 18.13, t. X.WIII , p. 78). — Histoire naturelle des Crustacés, i. 1,
p. (il, etc. — Observ. sur le squelette tégumentaire des Crustacés Décapodes [Ann. des sciences
nat., 3' série, 1851, t. XVI, p. 265).
(c) BriiUé, Recherches sur les transformations des appendices dans les Articulés {Ann. des
sciences nat., 3' série, 1844, t. II, p. 271).
AUMATURi-: BUCCAL îi DES CRUSTACÉS. kll
la lace inférieure de la tête, enlre la base d'une série d'appen-
dices articulés qui sont disposés par paires de cliaque côté de
la ligne médiane du corps, et qui sont employés par la Nature
pour constituer les organes de la locomotion aussi bien que les
instruments de la mastication, et d'autres parties dont il est
inutile de nous occuper en ce moment. Chez quelquesCrustacés,
aucune division de travail n'est introduite dans la portion
céphalo-thoracique de ce système d'appendices, et chacun des
membres dont elle se compose est chargé de remplir les triples
Ibnctions d'une patte pour la locomotion, d'une sorte de main
pour la préhension des aliments, et d'une mâchoire pour la
mastication. Ce cumul physiologique se rencontre chez les
Limules, qui sont connues aussi sous le nom de Crabes des
Moluqiœs , mais qui ne ressemblent pas aux Crabes propre-
ment dits, et ont le corps divisé en deux grands segments, dont
l'antérieur, ou céphalothorax, a la forme d'un lerge bouclier,
et le second porte les branchies à sa face inférieure et une
queue styliforme en arrière. Les membres qui naissent de la
face inférieure du céplialothorax sont allongés, à peu près
cylindriques ., et composés d'une série de leviers placés bout à
bout et mobiles les uns sur les autres. A raison de cette dispo-
sition et des muscles dont chaque article est pourvu, ils peuvent
s'allonger ou se raccourcir et changer de direction, de façon
qu'ils sont aptes à agir comme autant de pattes ambulatoires;
mais à leur extrémité ils sont bifides, leur pénultième article
donnant naissance à un prolongement digitiforme qui s'avance
parallèlement à leur article terminal. Cette dernière pièce est
susceptible de se mouvoir sur sa base comme sur une char-
nière, et de s'écarter ou de se rapprocher de l'apophyse dont je
viens de parler ; elle forme par conséquent avec elle une pince
à deux branches, et c'est à l'aide de cet instrument que l'Animal
saisit SCS aliments et les porte vers sa bouche. Enfin rarticle
basilaire de ces mêmes pattes, que l'on pourrait appeler la
Linuilcs
Ms
APPAREIL DIGESTIF.
hanche^ se prolonge du côté interne, de manière à constituer
un gros tubercule ou une lame armée de denticules qui s'avance
vers le milieu de la bouche et y rencontre sa congénère du
côté opposé du corps. Ces hanches sont aussi articulées en
charnière sur les côtés de cet orifice, et elles peuvent, en exé-
cutant un mouvement de bascule, s'éloigner ou se rapprocher
de la ligne médiane ; de sorte que la base de chaque paire des
membres céphalo-thoraciques constitue une espèce d'étau ou de
pince à deux branches occupant l'entrée des voies digestives (1).
Mais un organe qui fonctionne alternativement comme patte
ambulatoire, comme pince et comme mâchoire, ne peut bien
remplir aucun de ces rôles ; car les conditions qui seraient
favorables à son action comme instrument de préhension nui-
raient à son jeu comme levier moteur, et celles qui contri-
(1) Les Limiiles, ou Xipliosures,
sont les seuls Crustacés chez lesquels
ce mode d'organisalion se rencontre.
La bouclic est située vers le tiers poslé-
rieur du bouclier ccplialo-tlioracique,
au centre du groupe formé par les
pattes-mâchoires dont il vient d'être
question (a). Ces membres sont au
nombre de six paires. Ceux de la pre-
mière paire sont beaucoup moins
grands que les autres, et prennent leur
insertion sur une pièce solide impaire
qui garnit le devant de Pouverture
buccale et fait office de lèvre supé-
rieure, mais paraît correspondre aux
deux pièces basilaires ou hanches con-
fondues entre elles sur la ligne mé-
diane. Les hanches des quatre paires
suivantes sont distinctes, très grosses
et fortement armées d'épines et de
denticules sur leur face interne , qui
se prolonge en forme de lobe ou
de couperet. L'article basilnire des
pattes-mâchoires de la dernière paire
est encore plus forte , et porte en
dedans un gros tubercule qui, en s'a-
vançnnt dans la bouche, agit à la
façon d'une dent molaire Enfin le
bord postérieur de la bouche est
garni d'une paire de lames cornées
à bords épineux, qui semblent cor-
respondre à une septième paire de
membres avortés et réduits à leur
article basilaire.
Pour plus de détails sur la confor-
mation de ces paltes-màchoires, je
renverrai à la monographie des Li-
mules par M. Van der ilœven, pro-
fesseur de zoologie à Leyde (6).
{a) Savigiiy, Théorie des organes de la bouche, p. G4, pi. 8, fig. 1.
— Milno Edwards, Crustacés de V Atlas du Règne animal de Cuvier, pi. 70, fig. 2, 2a à 2«.
ib) Van dcr Hœven, Recherches sur l'histoire 7iaturelle et l'anatomie des Limules, p. 12,
pi. 1, fig. 2 à 9.(Lejde, d838, in-fol.).
ARMATURl!: BUCCALE DES CRUSTACÉS. /i79
hueraient à son perfectionnement comme agent locomoteur
seraient nuisibles au développement de la puissance dont il a
besoin pour bien mâcher les aliments. Ce genre de cumul
entraîne donc nécessairement un certain degré d'infériorité
physiologique dans deux grandes fonctions, la digestion et la
locomotion; aussi ne se rencontre-t-il que très rarement dans
la classe des Crustacés, et chez tous les autres Animaux de
ce groupe la division du travail s'établit dans la série des
appendices ou membres qui, chez les Limules, sont à la fois Division
, 1 \ 1 • • T 4 clu travail
des pattes et des mâchonnes : ceux qui entourent directement ciiez
les GruslciCGS
la bouche sont affectés exclusivement au service de l'alimenta- ordinaires.
tion, et ceux qui sont situés plus en arrière sont des pattes
seulement. Les appendices qui deviennent ainsi des instru-
ments spéciaux de mastication ressemblent encore plus ou
moins, soit aux pattes-mâchoires des Limules, soit aux pattes
ambulatoires des Crustacés supérieurs ; mais c'est surtout
leur partie basilaire qui se développe : les arhcles qui cor-
respondent à la cuisse, à la jambe et au pied de celles-ci,
deviennent de plus en plus rudimentaires, et, lorsque l'adapta-
tion est caractérisée de la manière la plus complète, le membre
se trouve peu réduit au coxognatliite , c'est-à-dire à la
pièce basilaire qui est ailleurs la hanche seulement (1). Du
tl) Lorsqu'on veut approfondif l'é- Décapodes , j'ai proposé un système
tilde comparative du système appen- de nomenclaUire de ce genre que
diciilaire des Crustacés, il devient j'emploie , avec quelques légères mo-
nécessaire d'employer des noms par- dificalions, dans mes leçons sur l'en-
liculiers pour désigner, d'une part, tomologie , au Muséum d'histoire na-
cliacun des articles ou éléments ana- tiirelle. J'aurai à y revenir quand je
tomiques qui enirent dans la consti- traiterai des organes de la locomotion
tution des membres ; d'autre part, des Animaux articulés ; mais , afin
certains organes qui peuvent être for- de pouvoir introduire de la précision
mes de deux ou de plusieurs de ces dans le langage dont je fais usage
pièces, et qui sont caractérisés, soit en ce moment, il me semble utile
par leur position, soit par leur forme d'en donner ici la clef pour ce qui
et leurs u.sages. Dans un travail spé- concerne Tappareil buccal,
cial sur le squelette tégumcntairc des Lorsqu'il s'agit d'étudier, au joint
/i80 A!'I'AKi:iL DlGi:STir.
reste, il existe, à eet égard, une mulliliule do variations, et
le partage du système appendiciiiaire entre i^ippareil digeslil'
el: l'appareil de la locosr.otion ne se fait ])as toujours de la
même manière. Dans l'immense majorité des eas, on trouve
dans eetle région du corps le même nombre de membres ;
mais, ehez les Crustacés les plus élevés en organisation, il y a
plus d'appendices buccaux que chez les autres, et celte aug-
mentation s'obtient aux dépens de l'appareil locomoteur, qui
est réduit d'autant. Je ne décrirai pas ici toutes les modifi-
cations qui se remarquent dans la conformation de l'appa-
reil masticateur ainsi constitué; mais, pour en faire connaître
de vue théorique, les différenls mem-
bres dont cet appareil se compose,
sans avoir égard à l'emploi que \-\
Vaturc peut avoir fait de ces appen-
dices, je les désigne sous le nom com-
iiain (le (jnathis , et je les dislingne
cnlre eux, d'après leur rang dans la
série, par l'adjonction d'imc racine
u'Jjcctive. Ainsi j'appelle protognuthes
les membres qui consliUienl les ap-
pendices buccaux de la première paire,
ou mandibules ; deutognatkes, ceux
(|ui iormcnt les appendices buccaux
de la seconde paire, ou màcboires de
lu première paire , et ainsi de suite,
on complant d'avant en arrière (a).
Lorsque ces membres, ou tout autre
organe correspondant, une patte am-
bulatoire ou une antenne, par exem-
ple, ariivenl à un baut degré de dé-
veIoi)pement, ils se dédoublent pour
ainsi dire dans leur portion terminale,
et se composent d'une branche prin-
cipale accompagnée d'une, de deux ou
même de trois branches accessoires.
Je désigne d'une manière générale la
branche principale du membre sjus
]i'. nom de protopodite (6), et sous
celui de parergopodites (c) les bran-
ches accessoires , que je distingue
entre elles, d'après leur position eu
mésopodites, exopodites ci épipodiles;
ou bien encore en mcsognatlie, exo-
gnathe, etc., quand il s'agit spéciale-
ment de ces parties dans l'appareil
buccal.
Le protopodite, dans son état de dé-
veloppeiTient normal, se composed'uiie
série d'articles placés bouta bout, dont
six principaux, et d'autres accessoires
produits par le fractionnement des
précédents. Pour désigner ces pièces,
j'ai cessé d'employer une partie dis
noms dont j'avais d'abord fait usage
quand je m'occupais des Crustacés
seulement, et je les appelle d'une ma-
nière générale : coxite, trudiite, mi-
roïle, sqiiélile , tarsite et dact>;lili!,
((() Mitiie Edwards, Observations sur le squelette téijumentaire des Crustacés Décai-cd:s -ÎL'-
Uiiiges carcinologùiues. ci Ann. des sciences nal., 1851, 3° fcric, (. XVI, [•. '2U7).
{()) DcTTOoiTo;, iiruicipal, et Ttovr, p.'iUc.
[c] De i^i;toyj%, accessoire, ol -ov.;, l'aUc,
ARMATURE BUCCALE DES CRUSTACÉS. 481
la structure d'une manière suffisante, il me semble nécessaire
d'entrer dans quelques détails, et d'indiquer les caractères 'prin-
cipaux qui s'y remarquent dans chacun des types carcino-
logiques principaux.
Je prendrai pour premier exemple la Langouste, qui est très
commune sur nos marchés de comestibles, et qui est un excel-
lent représentant de la grande division des Crustacés Déca-
|)odes. De même que chez les autres Animaux de cet ordre,
l'appareil buccal est logé dans une sorte de fosse limitée en
avant par la région antennaire, sur les côtés par les prolonge-
ments ptérygostomiens de la carapace , et en arrière par le
plastron sternal (1). Il se compose essentiellement d'un lobule
Appareil
buccal
des
Décapodes.
parce qu'elles constituent crordinaire
la hanche, le tiochanter, la cuisse, la
jambe, le tarse et le doigt ou crochet
terminal d'une patte. Je désigne aussi
sous le nom de basitrochite un article
qui se forme parfois aux dépens du
Irochile, et qui sert à l'articulation avec
le coxite. Quant aux divisions qui se
rencontrent souvent dans le tarsite,
il m'a paru suffisant de leur donner
des numéros d'ordre. Enfin , lorsque
je veux parler d'une manière parti-
culière de ces articles employés dans
la constitution de l'un des membres
de l'appareil buccal, j'abrège parfois
en les appelant coxognathite , tro-
chognalhite , etc. ; ou bien encore
coxopodite, etc., s'ils appartiennent
aux pattes ambulatoires, et coxocé-
rites, etc., quand ils entrent dans la
composition d'une antenne. Dans des
circonstances semblables , j'appelle
aussi épignathe, exognathe et méso-
gnathe les trois branches accessoires
qui, chez les Crustacés, peuvent se
trouver fixées à la base du proto-
podite du côté externe.
Au premier abord, cette nomencla-
ture peut paraître trop compliquée,
mais dans la pratique elle est en réalité
fort commode.
(1) Chez les Macroures, les Ano-
moures et certains Brachyures , la
fosse buccale est ouverte en avant et
n'est bien délimitée que sur les côtés,
où se trouve le bord inféro-interne
du canal expirateur formé par la par-
tie interne de la région ptérygosto-
mienne de la carapace. Mais, chez la
plupart des Brachyures, elle est plus
ou moins complètement fermée en
avant par une crête transversale qui
sépare la portion antérieure de sa
voûte (ou endostome) de l'espace si-
tué à la base des antennes, et nommé
épistome (a). Les bords de cette
fosse , où se logent les appendices
buccaux, constituent ce que j'ai appelé
le cadre buccal, partie dont la forme
varie beaucoup dans les diderentes
{a) Voyez l'atlas de la grande ûdilioii du Rù'jii& animai de Cuvier, Gp.UstagÉ5, pi. '3, lig-, 2 et o ;
pi. 29, flg. 2a; pi. 34 bis, 1%. 1 a, etc.
V.
31
/i.82 APPAREIL DIGESTIF.
médian ou lèvre supérieure, d'un repli latéral postérieur qui est
bifide (1), et de six paires de membres qui diffèrent beaucoup
entre eux par leur forme, et qui sont le plus ordinairement
désignés par des noms particuliers. Ceux de la première paire,
appelés mandibules, occupent les côtés de la bouche, et sont
couverts en dessous par les autres. Ils sont très gros, d'une soli-
dité remarquable, et se terminent du côté interne par une surface
masticatrice large et garnie d'un bord tranchant ; leur bord anté-
rieur donne insertion à un petit appendice coudé qui ressemble
à une patte rudimentaire, et qui est désigné par les zoologistes
sous le nom de palpe maxillaire; enfin ils sont articulés sur
les parties voisines du squelette tégumentaire par deux points
diamétralement opposés de leur bord, et ils sont pourvus de
muscles très puissants qui les renversent au dehors de façon
à les écarter entre eux, ou les rapprochent de manière à couper
ou à broyer les aliments qu'ils saisissent (2). Les deux paires
familles naturelles de cet ordre, et
fournit d'excellents caractères pour
les distinctions zoologiques (a).
(1) Ces lobes labiaux, qu'on appelle
d'ordinaire la lèvre supérieure et la
lèvre inférieure, ne sont pas pour-
vus de muscles moteurs, et n'appar-
tiennent pas au système appendicu-
laire. Le premier, épais et impair,
naît de l'endostome et s'avance un
peu au-dessus de la ligne de ren-
contre des mandibules. La lèvre infé-
rieure ou postérieure se compose aussi
d'un tubercule médian, mais présente
en outre deux expansions lamelleuses
qui s'appliquent sur la partie pos-
térieure des mandibule?. La forme
de ces parties varie suivant les es-
pèces (6).
(2) Ces organes sont par conséquent
formés essentiellement par les coxo-
giiathltes de la première paire, qui
paraissent être soudés intimement à
l'arlicle suivant ou trochognathite.
Leur palpe est constitué par la portion
suivante du protopode, et se compose
généralement de trois articles qui pa-
raissent être le méroïte, le carpile et
le squélite. La portion terminale du
luembre ne se développe jamais dans
ces organes, qui n'olïrent non plus
aucune trace de parergopodiles.
Chaque mandibule offre à peu près la
forme d'un demi-cylindre placé trans-
(a) Voj'sz Milno Edwards, Histoire nalurelle des Crustacés, t. I, p. 252, etc.
(6) Voyez Savigny, Egypte, Crustacés, pi. i, fig. 7, etc. ; pi. 8, Rg. i , etc. j à lèvre supérieure
et à lèvre inférieure.
ARMATURE BUCCALE DES CRUSTACÉS. /iSS
de membres suivants sont appelées mâchoires proprement dites,
mais elles sont presque lamelleuses, et servent à retenir les
aliments contre la bouche plutôt qu'à les diviser; l'une d'elles
veisalement et dont la convexité est
tournée en dessous, c'est-à-dire à l'ex-
térieur (a) ; elle est libre à sa partie
interne, et, dans le reste de son éten-
due, elle est 1res solidement attachée
aux parties voisines du squelette tégu-
mentaire, à l'aide d'une membrane arti-
culaire et de deux cliarnières occupant
les extrémités d'une ligne oblique di-
rigée d'avant en arrière et de dedans
en dehors et situées, l'une au sommet
d'un gros tubercule conique , l'autre
à l'angle posléro-externe de son
bord. La mandibule pivote sur ces
deux points d'appui, et, en s'abais-
sant, s'écarte de sa congénère. Ses
muscles moteurs s'insèrent, l'un à son
bord antérieur , l'autre à son bord
postérieur ; et ce dernier, qui déter-
mine la clôture de l'espèce de pince
dont chacun de ces organes constitue
une des branches, est disposé d'une
manière très favorable au déploiement
d'une foixe considérable, car il se fixe
sur ce levier, très près de l'extrémité
triturante de celui-ci , et il remonte
presque à angle droit pour prendre
son point d'attache opposé sous la
voûte formée par la carapace, où il
occupe un espace considérable sur les
côtés de l'estomac.
La conformation des mandibules
est à peu près la même chez les autres
Décapodes ; seulement, chez les Bra-
chyures, leur partie externe se rétrécit,
et leur portion interne ou masticatoire
se recourbe plus ou moins en avant,
et se trouve d'ordinaire séparée du
reste par un étranglement (6). L'extré-
mité triturante de ces organes olfre
en général une surface large, inégale
et d'une grande durelé ; mais sa
forme varie suivant les espèces, et
paraît être en rapport avec la nature
des substances dont ces Animaux se
nourrissent (c). Quelquefois elle se
bifurque, et constitue un tubercule
triturant ou molaire et une crête
ou lame incisive : par exemple ,
chez l'Alphée rouge de la Méditer-
ranée (d).
Chez les Crangons , ces organes
sont grêles et dépourvus d'appendice
palpiforme (e). La même anomalie se
rencontre dans les genres Atya et Lys-
mata {f).
(a) Les appendices buccaux des Langoustes, ou Palinurus, ont clé très bien ligures |iar Do Ilaan
dans son grand travail sur les Crustacés public dans le Fauna japonica de Siebold (pi. M). On peut
s'en former aussi une idée assez juste d'après les figures représentant les mêmes partios cliez le Scyllare
(Savigny, Egypte, pi. 8).
[h] l'ar cxLMup'c, ilirz le Maia squinado (voy. l'Atlas du Règne animal, CnUàr.ACiîs, pi. 4,
lig. \ , D).
(c) Voy(!z les figures données par Savigny dans le grand ouvrage sur l'Egypte (CltUSTACiU , pi. 1
à 10), celles faites par De Haan {Op. cit., pi. A à pl.Q), ou bien encore l'atlas des CKUSTACÉi dans la
jjrande édilinn du liègne animal de Cnviur.
(d) Milne Edwards Cl\USTACÉ3 de VAllns du Hègnc animal, pi. ."i3, fig. 1 b.
(e) Idem, Ihsloire des Crustacés, i. IL p. .'MO, pi. 55, lig. 1 5, et Giiustacés du nègne animal de
Ciivicr, pi. 51 , fig. i a.
(/') Idcin, ibid., t. H, p. '385, pi. 25, fig. \ 1, et Hàjne animal de Cuvior, pi. 54, lig. 3 a, e;t,
llSIi APPAREIL DIGESTIF.
est employée aussi comme instrument moteur dans l'appareil
de la respiration (1). Enfin les appendices buccaux des trois
dernières paires, nommés pieds -mâchoires, sont plus allongés
et ressemblent davantage à des pattes; mais ils sont reployés
en avant sous la bouche et servent essentiellement à retenir les
aliments (2).
(1) Voyez tome II, page 136.
(2) Les mâchoires de la première
paire sont presque foliacées, et se com-
posent d'un coxite ou pièce basilaire
suivie de trois articles, dont deux se
recourbent en dedans pour former la
partie préliensile de Torgane, et l'au-
tre, situé du côté externe, constitue
une espèce de palpe. Les deux lobes
internes sont garnis de soies roides
le long de leur bord interne, et s'ap-
pliquent sur les mandibules. La con-
formation de ces organes ne varie que
peu chez les divers Décapodes ; cepen-
dant leur lobe interne devient souvent
fort grêle , et leur lobe externe ou
terminal se compose parfois de deux
articles placés bout à bout (a).
Les mâchoires de la seconde paire
sont rejetées plus en dehors, et sont
d'une structure plus compliquée; leur
branche principale n'est que peu dé-
veloppée,' mais elles portent en de-
hors un énorme lobe qui paraît être
formé par leur épignatiie, et qui con-
stitue la valvule dont nous avons étu-
dié ailleurs le rôle dans le mécanisme
de la respiration (b).
Toutes les mâchoires auxiliaires ou
pieds-mâchoires des Décapodes arri-
vent à un haut degré de complication,
et présentent, outre leur branche in-
terne ou protopodite, au moins deux
parergognathites ou branches acces-
soires , dont une , appelée épigna-
thite (c), se relève dans l'intérieur de
la cavité branchiale, et constitue l'ap-
pendice lamelleux et flagelliforme (lue
j'ai déjà eu l'occasion de mentionner
en décrivant l'appareil lespiraloire
de ces Animaux(d). Un autre parergo-
podite se porte en avant, parallèle-
ment au protopodite, et, à raison
de sa position , je l'ai appelé exo-
gnathite (e). Chez la Langouste et
quelques autres Macroures, il est la-
melleux et s'atténue graduellement
vers le haut ; mais en général il se
compose d'une portion basilaire en
forme de tige ou manche ( le scapto-
gnathite), et d'un appendice terminal
et muUiarliculé, qui est flabelliforme.
Les pieds-mâchoires de la première
paire sont encore plus compliqués,
car on y trouve une branche acces-
soire moyenne, ou mésoijnathite; mais
(a) Voyez les planches citées ci-dessus dans les ouvragées de Savigny, De Hann , Milnc Ed-
wards, Ole.
(b) Voyez tome II, ]iag;o 136.
(c) Celte partie des pattes-mâchoires manque généralemenl dans les figures de ces organes données
par Savigiiy, Do Haan, etc. ; e!le se trouve repiésenlée dans d'autres ouvrages plus rcccnis (voy. Milne
Edwards, Histoire naturelle des Crustacés, t. 1, |il. o, lig. 8, 9 cl 10 ; — Allas du nêgne uninial
de Cuvier, Guustacés, pi. 4, lig. i. G, H, 1, c, etc., etc.).
(dj Voyez tome II, page 13G.
(c) Voyez VAtlas du Règne animal, pi. 4, lig. t , G, 11, 1, b.
ARMATURE BUCCALE DES CRUSTACÉS. ^85
La conformation de ces divers organes est à peu près la
même chez l'Écrevisse et tous les autres Crustacés décapodes
de l'ordre des Macroures. On les trouve aussi disposés presque
de la même manière chez les Crabes et tous les autres Décapodes
brachyures ; mais dans ce groupe zoologique les pieds-mâchoires
externes ^ ou postérieurs) afiectentune forme un peu différente,
leur branche principale est peu déve-
loppée, et ne se compose que d'un
coxite portant deux articles, dont l'un
très petit, et l'autre étendu en forme
de lame arrondie et ciliée sur le bord
interne (a). Le mésognathite est rudi-
mentaire chez la Langouste et beau-
coup d'autres iDécapodes macrou-
res (6). Mais, chez les Crabes, il s'a-
vance au delà du protognathite, et a
la forme d'une lame étroite à sa base,
mais élargie vers le bout, oîi il con-
court à former, sous Tépistome, le
plancher du canal expirateur (c;. Enfin
Vexognathite, ou branche externe, est
grêle et très allongé ; quelquefois il
porte à sa base une expansion lobi-
forme (d).
Les pieds-mâchoires de la seconde
paire, qui naissent derrière les pré-
cédents et s'avancent au-dessous
d'eux, ne varient que peu dans leur
structure , et leur protognathite ou
branche principale ressemble davan-
tage à une petite patte qui serait re-
pioyée sous la bouche. Leur mé-
roïle est très allongé, et leurs trois
derniers articles , de grandeur mé-
diocre et garnis de poils roides, se
recourbent en dedans, en manière de
gratloire, sous la bouche. Leur exo-
gnaihite ne présente rien de parti-
culier (e).
Les pieds-mâchoires externes varient
beaucoup plus dans leurs formes : ils
portent aussi un exognathe, et en gé-
néral un épiguathe assez semblable à
ce que nous venons de voir chez ceux
des deux paires précédentes, mais leur
protognathite, ou branche principale,
est beaucoup plus développé. Chez
quelques Macroures , cette partie est
très grêle el s'allonge excessivement,
de façon à ne pas différer notablement
des pattes suivantes : par exemple,
dans le genre Pandalus (/"). Mais chez
la Langouste (g) et la plupart des autres
Macroures, elle est trapui', et sa por-
tion moyenne, formée par le iro-
chite et le méroïte, est disposée de fa-
çon à fonctionner à la manière d'une
mâchoire, cai' le bord iiuerue de ces
deux articles est large et armé d'une
multitude de tubercules ou de dénis,
ainsi que de touffes de poils roides.
La première de ces deux pièces ren-
ia) Op. cit., pL 4, fig. 2, G.
(b) Exemple : le Maia (voy. le Règne animal de Cuvier, Crustacés, pi. 4, Rg;. i, G, a).
(c) Milne Edwards, Recherches sur le mécanisme de la respiration chez les Crustacés {Ànn. des
sciences nat., 2« série, t. XI, p. 133, pL 4, fig. 3 et i}. — Règne animal de Ciivier, Crustacés,
pi. 7, fig. 1* et t f, elc.
(d) Exemple : Palémon squille (Règne animal, pi. 4, fig. 2, G, 6).
(e) Exemple: le 3Iaia (voy. le Règne animal. Crustacés, pi. 4, fig. ■!, H. elc).
(/■) Voyez Milne Edwards,' Crustacés du Règne animal, pi. 54, 11g. 2, 2 c
(g) Op. cit., pi. 4G, fig. i b.
/|86 APPAREIL DIGESTIF.
et s'élargissent de façon à constituer une paire d'opercuîrs
qui se rabattent dans le cadre circuinbuccal comme une porte
à deux vantaux. Chez tous ces Crustacés, les cinq paires de
membres qui font suite à cet appareil buccal constituent les
pattes proprement dites, et servent principalement à la loco-
motion. Chez la Langouste et quelques autres Animaux de cet
ordre, ils n'ont pas d'autres usages ; mais, chez la plupart des
Décapodes, les pattes de la première paire sont délournces de
leurs fonctions ordinaires [)0ur devenir des organes de pré-
hension et de défense. A cet effet, elles sont terminées par une
sorle de main conformée en manière de pince, et l'on peut les
coFisidérer comme des parties complémentaires de l'appareil
digestif, bien qu'elles ne soient pas appliquées contre la bouche,
comuïe les pieds-màchoires. Quelquefois les pattes de la seconde
etmrnne celles de la ti'oisième paire sont également terminées
par une pince didactyle ; mais les organes de préhension ainsi
constitués ne servent, en général, que peu ou point dans l'ali-
mentation, et c'est surtout comme leviers locomoteurs que ces
membres sont deshnés à agir (IV
contre sa congéiifTC sur la li^nc nié- le nom de gnathostégite [a). On y
(Jiane de la région buccale, et une remarque de nombieuses variations
espèce de duliîl formé parles troisder- de formes qui fournissent d'excel-
niers articles du membre se recourbe lents caractères pour les divisions
contre le bord int(?rne du méroïte. génériques établies parmi ces Ani-
Clicz les Brachyures, cette portion maux, aussi irouve-t-on ces organes
terminale des pieds - mâchoires ex- représentés avec soin dans tous les
ternes se trouve réduite à de très ouvrages modernes sur l'iiistoire na-
pelltcs dimensions, et constitue un turelle des Crustacés ; mais les mo-
appendice palpiforme, situé à l'extré- difications qu'on y rencontre n'odrent
mité de la portion moyenne, qui est que peu d'intérêt au point de vue
au contraire fort élaigie. En effet, anatomique et physiologique, par con-
ici le irochile et le méroïte consti- séquenl je ne m'y arrêterai pas da-
tuent une espèce d'opercule on de vanlage ici.
porte qui clôt en dessous la fosse (1) Les pinces didactyles des IJo-
buccale, et qui a été désignée sous mards, des Écrevisses, des Crabes et
(a) Milne Edwards, Observ. sur le squelette léfjumentairc des Crustacés {Ami. des sciences
nat., 3« série, t. XVI, p. 288, pi. 10, fig-. 8).
ARMATljKli BUCCALK DES CRUSTACÉS. /l87
Chez d'autres Crustacés, les Squilles, par exemple , l'appa-
reil buccal se complique davantage ; il ne reste plus que trois
paires de membres thoraciques pour constituer des pattes pro-
prement dites , et indépendamment des mandibules, des deux
paires de mâchoires, d'une paire de pieds-mâchoires (ililbrmes,
et d'une paire de grands bras préhenseurs constitués par les
représentants des pieds -mâchoires de la seconde paire des
Crabes, il y a trois paires de pieds -mâchoires accessoires qui
s'appliquent sur la bouche et qui sont préhensiles à leur extré-
mité (1).
Appareil
buccal
des
Squilles.
des autres Cruslacés du même ordre
sont formées par le tarsite ou pénul-
tième article, qui d'ordinaire s'élargit
alors en forme de main, et. se pro-
longe au-dessous de l'article suivant
ou didactyiite, de façon à constituer
une espèce de doigt immobile ou index
sur lequel cette dernière pièce se
rabat en manière de pouce. Le bord
préhensile de chacune des branches
de la pince ainsi constituée est, en
général, garni de tubercules arrondis
ou de denlicules tranchantes, et cet
instrument s'ouvre ou se ferme par
l'action de deux muscles situés dans
la portion palmaire du tarsite.
Chez les Bracbyures , ce mode
d'organisation n'existe qu'aux patles
thoraciques de la première paire, et
les membres des quatre paires sui-
vantes sont affectés uniquement à la
locomotion (a). Il en est de même
chez beaucoup de Décapodes ano-
moureset macroures; mais chez quel-
ques-uns de ces Animaux, tels que les
Langoustes, les .Scyllares et les Rémi-
pèdes (6), les pattes antérieures sont
monodactyles, tandis que chez d'au-
tres Crustacés du même ordre, celles
de la deuxième et même de la troisième
paire sont terminées en pince didac-
tyle. Chez les Écrevisses et les Ho-
mards où cette disposition se rencon-
tre, ce sont cependant les pattes de la
première paire qui seules acquièrent un
grand degré de développement, et ser-
vent d'ordinaire à la préhension (c).
IVlais dans le genre Stenopus, ce sont
les pattes de la troisième paire qui de-
viennent les plus fortes et qui s'avan-
cent en forme de bras {d) ; chez les
Callianasses, cette terminaison en pince
didactyle est même pins ou moins
visible dans toutes les pattes thora-
ciques (e),
(1) Les mandibules des Squilles,
formées comme d'ordinaire par les
pro-coxognathites, et portant chacune
(a) Cette disposition se voit très bien dans toutes les figures destinées à représenter les Décapodes
Brachjures (ou Crabes) : par exem|ile, dans celles de V Atlas du Règne animal àe Cuvier.
(6) Voyez V Atlas du Règne animal de Cuvier, Crustacés, pi. 42, fig;. \ ; pi. 45, tv^. \ ; pi. 40,
fig. 1 , etc.
(c) Voyez le même ouvrage, pi. 49, fig'. 2 et 3.
(d) Voyez V Atlas du Règne animal, Crustacés, pi. 50, fij. 2.
(e) Voyez le même ouvrage, pi. 48, fig. 3.
hss
APPAREIL DIGESTIF.
Appareil Daiis 1106 autre grande division de la classe des Crustacés,
buccal
des celle des Edriophthalmes, qui comprend les Amphipodes, les
Edriophthalmes • ^ '
Isopodes et les Lœmipodes, l'appareil buccal est au contraire
réduit à quatre paires de membres, et les appendices qui, chez
les Crabes ou les Écrevisses, constituent les pieds -mâchoires
des deux dernières paires, sont transformés en pattes, de façon
que le nombre de ces derniers organes, au lieu d'être de dix,
comme dans l'ordre des Décapodes, s'élève à quatorze. Il est
aussi à noter que chez la plupart de ces Animaux les pieds-
mâchoires s'unissent entre eux par la base, et forment à la partie
un petit palpe, sont armées du côté
interne, de deux grosses dénis co-
niques et à liords denticulés , dont
l'une se dirige liorizontalement en
dedans, tandis que l'autre se relève
à angle droit, de façon à se loger dans
l'œsopliage età pénétrer même jusqu'à
l'entrée de l'estomac, qui est située
au-dessus (a).
Les mâchoires de la première paire
sont très petites, et réduites à un
article basilaire portant deux lobes
presque membraneux. Celles de la
deuxième paire sont formées seule-
ment par un protognathile divisé en
une série de cinq petits articles lamel-
leux, et elles n'offrent aucune trace
de l'épLgnathe, qui est si développé
chez les Décapodes.
Les tétartognathes , ou pieds-mà-
choires antérieurs , sont constitués
aussi en majeure partie parla branche
principale qui est grêle, et très allon-
gée; mais on voit à la base de chacun
de ces appendices un petit lobe pédi-
cule , ou vésicule comprimée, qui est
formé par un épignathe.
Les pemptognathes , ou pieds-mà-
choires de la seconde paire, offrent
un développement énorme, et leur
branche principale constitue une paire
de grandes pattes diles ravisseuses,
qui sont susceptibles de se roployer
contre la bouche ou de s'étendre fort
loin, soit en avant, soit sur les côtes
de la tète. Chez les Squilles pro-
prement dites , leur dactylite con-
stitue une griffe 1res puissante dont
le bord interne est armé de grosses
dénis spiniformes , et disposé de fa-
çon à se reployer contre le bord in-
terne du tarsite , qui est également
épineux et pourvu d'une rigole pour
recevoir les crochets de l'espèce de
doigt mobile dont je viens de par-
ler.
Enfin les membres des trois paires
suivantes, correspondants aux hexo-
ffl) Milne Edwards, Histoire naturelle des Crustacés, t. II, p. 491 , pi. 27, fig. 3.
— • Duvernoy, Mém. sur quelques points d'organisation concernant les appareils d'alimentatio)i
et de circulation des Squilles (Ann. des sciences nat., 2* série, 1837, t. VIII, p. i9, pi. 2,
fig. 4 à 7).
— Dalle Chiaje, DescriMone e notomia degli Animali invevtebrati délia Sicilia citeriore, pi. 80,
fig.*.
ARMATURE BUCCALE DES CRUSTACÉS. /l89
postérieure de la bouche un organe impair que les zoolo-
gistes comparent souvent à une lèvre intérieure. J'ajouterai
que chez quelques Amphipodes, par exemple chez la Talitre,
qui abonde sur nos côtes sablonneuses et s'y fait remarquer
par la vivacité de ses sauts , les mandibules sont dépour-
vues de la petite branche palpiforme qui d'ordinaire indique
l'analogie de ces organes avec les autres membres, et elles
ne se composent que d'une seule pièce comparable à une
hanehe sans cuisse ni autre partie appendiculaire , disposition
qui se rencontre aussi chez un petit nombre de Décapodes
macroures (1).
gnathes et aux patles thoraciques des
deux premières paires cliez les Déca-
podes, sont conformés à peu près de la
même nianière , si ce n'est que leur
larsile, au lieu d'être très allongé, est
fort court et arrondi; que leur grilTe
terminale est simple et petite ; enfin,
que dans la position ordinaire, ces or-
ganes sont dirigés en avant, entre la
base des pattes ravisseuses, et appliqués
contre la bouche, de façon que l'espèce
de main discoïde qui termine chacun
d'eux sert à retenir les aliments près
des mandibules (a). De même que
les pemptognalhes , chacun de ces
membres porte à sa base un lobe pé-
dicule semblable à ceux que nous
avons déjà vus fixés aux pieds-raà-
choires de la première paire. Ce sont
des vésicules qui paraissent servir à la
respiration (6).
Pour la comparaison de cette série
d'appendices avec les pièces de l'ap-
pareil buccal des Décapodes, je ren-
verrai aux figures que j'en ai données
dans l'atlas de la grande édition du
Règne animal de Cuvicr (Crdstacés,
pi. Zi).
L'appareil buccal est conformé de la
même manière chez les Alimes et les
Érichthes (c). Chez les Gonodaclyles,
qui, du reste, sont extrêmement voi-
sins des Squilles , le dactylite des
pattes ravisseuses n'a pas la forme
d'une griffe, mais est droit et très
élargi à sa base [d).
(1) Pour plus de détails relatifs à
la conformation des appendices buc-
caux des Crustacés de la division des
Édriophthalmes, je renverrai aux tra-
vaux de Savigny, et à divers ouvrages
spéciaux dans lesquels j'en ai traité.
M. Kroyer et M. Dana ont fait con-
naître aussi beaucoup de variations de
forme dans les appendices buccaux
chez ces Animaux, et M. Lereboullet
{a) Voyez tome II, page 128.
(6) Milne Edwards, Histoire naturelle des Crustacés, pi. 27, fig. 2 et 10. — Atlas du Règne
animal de Cuvier, Crustacés, pi. 55, fig. 1 a, et pi. 56, fig. 1 .
(c) Voyez l'Atlas du Règne animal de Cuvier, Crustacés, pi. 57, fig. 1, 1 c, i d, Z, elc.
[d) Ibid., Crustacés, pi. 55, fis-. 2.
490 APPAREIL DIGESTIF.
"^ITcaf f^'ifi", chez les Branchiopodes, l'appareil buccal se simplifie
des davantage; les mandibules sont robustes et disposées comme
Brancliiopoiles. -,, .
d ordinaire, mais elles ne sont suivies que d'une ou de deux
paires d'appendices foliacés qui paraissent correspondre aux"
mâchoires des Crustacés supérieurs , et les pieds-mâchoires
manquent complètement, ou plutôt sont transformés en pattes
natatoires (1).
Appareil Lcs Balanos, qui demeurent fixées sur les rochers ; les Ana-
buccal .„ . ^ , ,
des tites, qui, a 1 état adulte, sont également condamnés à une vie
Cirrliipcdes. ,
complètement sédentaire, et les autres Animaux marins dont se
compose le groupe des Cirrhipèdes, diffèrent beaucoup des Crus-
tacés ordinaires i)ar leur forme extérieure, mais appartiennent au
même type organique fondamental, et paraissent devoir prendre
place dans la même classe. Aussi l'appareil buccal de ces sin-
a décrit avec soin cet appareil cliez les Chez les Cypris, on ne trouve, à la
Cloporlides (a). suite des mandiiîulos, que deux paires
Cliez les Cyclopes et les autres pe- de mâchoires fort petites (c).
tits Crustacés de l'ordre des Copépodes, (1) Chez VApus cancriformis , le
il y a une paire de mandibules très labre est très grand ; les mandibules
fortes et portant souvent un appen- sont robustes et denticulées, mais dé-
diée jialpiforme assez grand ; deux pourvues d'un appendice palpiforme ;
paires de mâchoires et une paire de la paire de mâchoires antérieures se
pieds-mâchoires larges et terminés par compose de deux lames simples et
deux branches garnies de longs poils presque quadrilobées, articulées par
plumeux {b). leur bord postérieur, et épineuses sur
(a) Savigny, Théorie des organes de la bouche, p. 51, pi. i, et Description de l'Égyple, Crus-
tacés, [il. 11.
— Milnc Edwards, Recherches pour servir à l'histoire des Crustacés Amphipodes {Ann. des
sciences nat., 1 '• série, 1830, t. XX, pi. 10 et 11). — Histoire naturelle des Crustacés, t. III.
— Atlas du Règne animal de Cuvier, Crustacés, pi. 58 .h 61.
— Kroyer, Gronlands Amfipodes {Mém. de l'Acad. de Copenhague, 1838, t. VII).
— Zenker, De Gammari pulicis liist. nat., pi. 1, ii.ç. D-G. lenœ, 1832.
— D.ina, Crustacea, pi. 46 à G7 {United States exploring Expédition under Ihe Command of
C. VV'iiftM, Philadelphia, 1855).
— Lereboullet, Mém. sur les Crustacés de la famille des Cloportides qui habitent les environs
de Strasbourg, p. 75 et suiv., pi. i.
(b) Milne Edwards, Atlas du. Règne animal de Cuvier, Crustacés, pi. 72, fi^-. 2 î; à 2 e, et
fin;. 3 à 5.
— Dana, Op. cit., pi. 75, fig. 1 6.
— Liljeburg-, De Crustaceis ex ordinibus tribus : C^adogera, Ostracoda e^CoPEPODA, in Scania
occurrenlibus, y\. U, fig. 5 ; p]. 4 6, fig. 3. Lund, 1850.
(c) Straiis, Mém.. sur les Cypris, p. 15, pi. 1, fig. 7, 8 et 9 (extr. des Mém. du Muséum, t. VII).
— Atlas du Règne animal, pi. 73, fig. i da if.
ARMATURE BUCCALE DES CRUSTACÉS. /|91
guliers Animaux est-il constiliié à peu près de mAine (pie clie/
plusieurs des espèces dont je viens de parler; mais les membres
qui chez celles-ci sont affectés à la locomotion, et deviennent des
pattes ambulatoires ou des rames natatoires, ne servent plus,
chez les Cirrhipèdes, qu'à amener vers la bouche les matières
nutritives en même temps qu'ils établissent des courants néces-
saires à l'entretien du travail de la respiration. Chacun de ces
appendices se termine par deux branches grêles et allongées
divisées en une mulhtude de petits articles et garnies de longues
soies ; sans cesse ils se déploient au dehors, puis se recourbent
ens en scontraire, et se rabattent sur l'entrée des voies diges-
tives. On peut donc considérer ces organes comme étant en
quelque sorte des mâchoires axillaires ou pieds-màchoires, et,
en se plaçant à ce point de vue, on peut dire que, chez les
Cirrhipèdes, la totalité du système appendiculaire se trouve
leur bord inlerne ; les mâchoiies de la rieure et les mandibules sont confor-
secondc paire sont représentées par mées à peu près comme chez l'Apus,
des appendices foliacés et bilobés ; mais ne sont suivies que par une
enfin il existe derrière la bouche une paire de mâchoires presque rudimen-
pince transversale que Savigny con- taires (c). Il en est à peu près de
sidère comme l'analogue de la lèvre même chez les Artémies {d), les Lim-
inférieurc des Crustacés Édriophlhal- nadies (e) et les Limnéties (/").
mes ou des Décapodes, et qui, en Chez les Daphnies, on ne trouve
effet, ne paraît pas appartenir au aussi en arrière des mandibules qu'une
système appendiculaire {a). Un mode paire de mâchoires, mais ces organes
d'organisation analogue se voit chez sont bien développés et armés de
VIsaura crjcladoides (6). crochets puissants {g).
Chez les Branchipes, la lèvre siipé-
(a) Savigny, Théorie des organes de la bouche, p. 63, pi. 7.
— Voyez aussi l'Atlas du Règne animal do Ciivier, Crustacés, pi. 75.
{h} Joly, Recherches zoologiques, anatomiques et physiologiques sur Tlsaiira cycladoiJes (inn.
des sciences nat., 2- série, ■1842, t. XVII, p. 296, pi. 8, fig-. 22 et 23).
(c) Voyez VAtlas du Règne animal, CrsusTACÉs, pi. 74, ïig. 3 a, 3 c, 3 d.
(d) Joly, Histoire d'un petit Crustacé auquel on a faussement attribué la coloration en rouge
des marais salants (Ann. des sciencesnat., 2" série, 4840, I. XIII, p. 234, pi. 0, fig. 2 et 3).
(e) Milne Edwards, Atlas du Règne animal, Crustacés, pi. 74, fig. 1 b, i c.
(/■) Grubo, Pemerli. iiber die Plnjllopodea [Archiv fiir Naturgesch., 1853, t. I, pi. 7, fig. 24).
(g) Slraus, Mém. sur les Daphnies, p. 20, pi. 29, fig. 8 et 9 (extr. des Mémoires du Muséum,
». V).
— Liljeborg, Op. cit., pi. i, fig. 6, etc.
Appareil
buccal
492 APPAREIL DIGESTIF.
affectée au service de la digestion et employée dans la con-
stitution de l'appareil de la mastication ou de ses dépen-
dances (1).
§ 3. — Chez les Crustacés suceurs , qui vivent en général
des Crustacés fjxés sur Ic corps dcs Poissons, et qui se nourrissent à l'aide des
suceurs. ^ ' '
fluides qu'ils y puisent, la bouche affecte la forme d'une petite
trompe conique dans l'intérieur de laquelle se trouvent des
stylets aigus, et de chaque côté de cet organe, on voit, à la (ace
inférieure de la tête, un ou plusieurs appendices au moyen des-
quels l'Animal se cramponne sur sa proie. Chez les Caliges et
(1) Chez les Balanes, qui se trouvenl
dans une position renversée à l'inté-
rieur de l'espèce de loge conchyli-
forme dont leur corps est revêtu, la
bouche est située au-dessous du pa-
nache formé par leurs tentacules ou
pattes-mâchoires. Elle occupe le cen-
tre d'une petite éminence, et présente
du côté frontal une lèvre supérieure
très développée. Latéralementony voit
une paire de mandibules fortement
dentées et portant un appendice ia-
melleux qui est analogue à la branche
palpiforme dont ces organes sont gé-
néralement pourvus chez les Crustacés
supérieurs, mais se trouve soudé au
labre près de sa base. A la suite de
cette paire de membres vient une
paire de mâchoires lamelleuses, puis
une sorte de lèvre inférieure formée
par une paire de branches élargies et
biarticulées , insérées par une pièce
basilaire impaire et médiane. Ce der-
nier organe semble résulter de la réu-
nion d'une paire de mâchoires, et res-
semble beaucoup à l'appendice buccal
médian qui , cliez les Aniphipodes
sédentaires, est constitué de la sorte
par la jonction des deux mâchoires
auxiliaires. Enfin derrière cet assem-
blage de pièces, on voit naître une
série de six paires d'appendices por-
tant chacune deux longues branches
tentaculiformes etmultiarticulées, qui
se dirigent en haut, puis se recourbent
en avant, au-dessus de la bouche («),
Chez les Anatifes, l'appareil buccal
est disposé à peu près de la même
manière. M. Martin Saint-Ange décrit,
il est vrai, une paire de mâchoires de
plus que je n'en ai compté chez les
Balanes, mais cela me paraît dépendre
de ce qu'il considère comme des
mandibules les lames ou palpes qui
naissent sur ces organes (b). M. Dar-
win a donné une description plus
exacte de l'appareil buccal de ces
Animaux (c).
(a) Milne Edwards, Atlas du Régne animal de Cnvier, Mollusques, pi. 138, lig. 2 a, ^c,°f.
— Voyez aussi à ce sujet Darwin, A Monogr. of thu sub-class Cirrhipeda, Balanid.'E, p. 74,
pi. 20, fig. 2, 3, 4 (Ray Society, 1854).
(b) Martin Saint-Ange, Mém. siir l'organisa lion des Cirrhipèdes, p. 15, pi. i, (ig. 0, el pi. i,
ùg. U (exlr. des^e'm. des Savants étrangers, t. Vl).
(c) Darwin, Op. cit. (Lepadid.e, p. 39 etsuiv., pi. x, fig, 1 à 17 {Ray Society, 1851),
AH MATURE BUCCALE DES CRUSTACÉS ! /l.93
les autres petits Crustacés de l'ordre des Sipbonostomes, ces
organes de fixation sont au nombre de trois paires; mais chez
les Lernéens, qui sont des représentants dégradés du même
type zoologique, on n'en trouve d'ordinaire qu'une seule paire
dont la forme est souvent très bizarre. Diverses considérations
m'ont conduit à penser que ces membres correspondent aux
pieds-màchoires des Crustacés supérieurs, et que les stylets du
suçoir, ainsi que plusieurs appendices rudimentaires situés
auprès, sont constitués par les éléments organiques qui ailleurs
forment les mandibules et les mâchoires; enfin, que la gaine
conique de cet appareil est l'analogue de la lèvre supérieure (1).
(i i J'ai constaté que chez le Panda-
rus, le bec ou suçoir, qui se voit vers
le milieu de la face inférieure du bou-
clier céphaiique, est composé de deux
pièces médianes qui, de chaque côté,
vers leur base, laissent entre elles un
vide , mais se réunissent en forme
de tube vers le bout, et qui m'ont
paru devoir être considérées comme
les représentants de la lèvre supérieure
ou labre, et de la lèvre inférieure ou
postérieure des Crustacés supérieurs.
De chaque côté de la base de cet or-
gane se trouve une paire de petits
appendices styliformes, et une apo-
physe cornée ; enfin, dans son inté-
rieur se logent deux aiguilles rigides,
et d'après Tordre d'insertion de ces
parties j'ai été conduit à les regarder
comme les analogues des mandibules
et des mâchoires. Enfin, une paire de
gros appendices terminés par une
griffe se trouve refoulée en avant de
la bouche ; une seconde paire de mem-
bres coudés s'insère sur les côtés de
cet organe, et une troisième paire
d'appendices crochus au bout est
placée en arrière des précédentes et
au-devant de la série des pattes nata-
toires. Conformément aux principes
des analogies, j'ai rapporté ces six
organes de fixation aux mâchoires
auxiliaires qui, chez les Crustacés su-
périeurs, occupent la même position
dans la série des appendices céphalo-
thoraciques [a).
La conformation de ces pattes-mâ-
choires , dites ancreuses , présente
quelques variations remarquables chez
certaines espèces de l'ordre des Si-
pbonostomes. Ainsi, chez le Dichéles-
lion, qui vit sur l'Esturgeon, la pre-
mière paire de ces appendices est
portée encore plus en avant que chez
les Pandarus ou les autres Caligiens,
et constitue une paire de cornes ter-
minées par une sorte de pince bi-
fide (6) ; enfin , chez les Argulcs ,
{a) Milne Edwards, Mém. sur l'organisalicn de la bouche che% les Crustacés suceurs {Ann. des
sciences nat., 1" série, 1833, t. XXVIII, p. 78, pi. S, ûg. 3 à 10).
(bj Hermani), Mémoire aptérologique, 1804, pi. 7, Rg. 7.
— F.atliko, Bemerkungen ûker den Bau des Dicheleslhiuui Sliirionis {^'ova Acla Acad. nat.
cunos., t. XIX, pi. 17, iig. 1).
— Milne Edwards, Atlas du Règne animal de Cuvier, Ckustacé?, pi. 79, lij. 2 et 2a.
Û9^ APPAREIL DIGESTIF"
Mais je ne discuterai pas ici cette question, parce que les rela-
tions entre des parties correspondantes du même ordre sont
beaucoup plus faciles à saisir chez d'autres Animaux articulés
dont nous allons bientôt nous occuper.
1)Tcaf ^ ^* — ^^"^ ^^ petite CLASSE DES MYRIAPODES, la bouchc est
des Myriapodes, prcsquc toujours organiséc pour la préhension et la mastication
ces patles-mâchoires ancreuses de la chets, et souvent on distingue, auprès
première paire ont la forme de petits de la Ijase de cet organe, des appen-
crochets, et celles de la paire suivante dices rudimentaires qui sont évidem-
s'élargissent au bout et se creusent ment les analogues de certaines pièces
d'une cavité cupuliforme , de façon à mentionnées ci-dessus chez les Cali-
ressembler à des ventouses (a). giens: par exemple, chez le Le?Tieoce?-a
I.a structure du suçoir ne paraît eyprinacea (c) , VAchtheres Perca-
olfrir que peu de variations chez les rum {d),\<iBrachiellauncinata{e), \g
Crustacés de ce groupe ; la forme des Chondracanlhus Triglœ ( /") , et le
stylets maxillaires se modifie, et les Chondracanlhus Merlucii (g). Enfin,
rudiments d'appendices maxillaires il existe aussi, chez quelques-uns de
situés de chaque côté ne sont pas ces Crustacés parnsites, des organes de
constants (b), mais ce sont là des dé- fixation qui pourraient bien être des
tails sans importance. pieds-mâchoires déformés : parexem-
Chez les Lernéens, il existe également pie, chez le Tracheliastes polycol-
un suçoir conique dans l'intérieur du- pus {h), le Brachiella impudica (t) et
([uel se voient deux slyiets ou cro- la Penella Blainvillei (/).
(a) Jurine, Mém. sur l'Argule {Ann. du Muséum, t. VII, pi. 26).
Dana and Horrick, Descript. of Ihe Argulus Catostomi {American Journal of Science, t. XXXI,
pi. 3, dg. 1).
— Milne Edwards, Crl'staciÎs de V Atlas du Règne animal de Cinicr, pi. 78, ûg. i a.
(b) Voyez, par exemple, ces organes chez le Caligus Nordmannii (Milne Edwards, Atlas du Règne
animal, Crustacés, pi. 77, fig. i a, i b k i f).
Le Dinematura gracilis ( Burmeister Beschr. einiger neuen oder weniger bekannlen
Schmarotzerkrebse {Nova Acta Acad. Nat. curios., t. XVIÏ, pi. 13, fig. 3 à 6).
Le Caligus americanm; (Pickering and Dana, Descript. of a Species of Caligus {American
Journal of Sciences, t. XXXIV, pi. d, fig. 1 ; pi. 2, fig. 12 à 17).
— Le Nicothoa Astaci (Milne Edwards, Op. cit., pi. 79, fig. 1 a).
Le Dichéleslion (Rathkc, Op. cit. ; Milne Edwards, Op. cit., pi. 79, fig, ^a»^c}.
VElytrophora brachyptera {\oy. Gerstacker, Ueber eine neue Siphonostomen-Gattung., in
Àrchiv fi'ir Natnrgeschichte, 1853, pi. 3, fig. 12).
(c) Burmeister, Op. cit., pi. 24 A, fig. 2 et 3 {Nova Acta Acad. Nat. curios., t. XVIl).
{d] Nordmann, Micrographische Beitruge »Mf Naturgeschichte der wirbellosen Thiere, pi. 5,
f,,r. 1 à G. Allas du Règne animal de Cuvier, Zoophytes, pi. 30, fig. 1 b, etc.
"(e) Nordmann, Microscop. Beitr., t. II, pi. 8, fig. 12. — Règne animal de Cuvier, Zoophytes,
pi. 31, fig. 4 c.
(/■) Nordmann, Microscop. Beitr., pi. 9, fig. 9, 10, etc.
(y) Milne Edwards, Allas du Règne animal de Cuvier, Zoophytes, pi. 32, fig. 2, 2 b.
(//) Nordmann, Op. cit., pi. 7, fig. 1.
(;,Hdem, i6i.(/., pi. 8, fig. 1 et 2. — Allas du Règne animal, '/mopUyt es, pi. 31, ûg. i.
{jl Milne Edwards, Atlas du Régne animal de Cuvier, Zoophytes, pi. 31 , fig. 2 , 2 a.
ARMATURE ËUCCALE DES MYRIAPODES. /jOS
d'aliments solides ; sa structure se rapproche beaucoup do ce
que nous avons vu chez certains Crustacés, mais elle présente
diverses particularités dignes d'attention , et l'on y distingue
deux formes principales appartenant, l'une à la division des
Scolopendres, l'autre à celle des Iules.
Chez les premières, dont Latreille a formé l'ordre des Ghilo-
podes (1), on trouve sous le front une lèvre supérieure, ou
labre , formée par une pièce cornée médiane large, courte et
cintrée ; puis quatre paires d'appendices, savoir : une paire de
mandibules formées chacune d'un article disposé transversare-
ment et armée à son bord interne de dents qui garnissent les
côtés de l'ouverture buccale (2) ; une paire de mâchoires anté-
rieures, qui sont grosses, trapues, dirigées en avant et termi-
nées par une surface triturante fort large (3); une paire de
(1) C'est-à-dire ayant la lèvre for- gie transversalement, et leur extrémiK;
mée par des pieds (de /.sï^-o?, lèvre, antérieure recourbée en dedans de
et iToù;, pied). façon à se rencontrer en manière de
('2) Par leur forme générale, les pince ; enfin, on y distingue cinq ar-
mandibules des Chilopodes resseni- ticles placés bout à bout, et entre leur
blent beaucoup à celles des Crustacés, base on aperçoit une paire de petites
et elles se composent essenliellement pièces que Sa vigny considérait comme
d'un coxile (a). les représentants d'une seconde paire
Ces organes sont, évidemment les de mâchoires (c), mais que Newport a
analogues de ceux qui, chez les Crus- reconnu être constituées par les par-
tacés et les Insectes, portent aussi le ties de l'arceau sternal correspondant
nom de mandibules., et ce serait inlro- appelées épwiérites [d). Ces membres,
duire dans le langage entomologiquc et les pièces mitoyennes dont je viens
une confusion fâcheuse, si on les ap- de parler, appartiennent au segment
pelait des mâchoires, comme le vou- postmandibulaire de la tète, et doi-
draient certains auteurs {h). vent, par conséquent, être assimilés,
(o) Les mâchoires antérieures des non aux deux paires de mâchoires
Scolopendres ressemblent à une paire des Crustacés, mais seulement aux
de petites pattes grosses, courtes et deutognathes ou mâchoires anlérieii-
tronquéesau bout; leur base est élar- res de ces Animaux. Quelques entomo-
(a) Savigny, Théorie des pièces de la bouche, 2* mémoire, pi. 2, fig. 1 i, 2 i.
(b) Walclienaer, Histoire naturelle des Insectes aptères , t. IV, p. vij.
(c) Savigny, loc. cit., fig. 1 o, 2 o.
(d) Newpo'ii, )[oiwgraph of the Class Myriapod.4, p. 297, pi. 33, fig. 6, c, c (Linn. Trans..
{■Hii, t. XIXj.
496 APPAREIL DIGESTIF.
mâchoires postérieures, qui sont grêles et palpiformes (1); enfin
une paire de mâchoires auxihaires, ou pattes-mâchoires, qui sont
terminées par un gros crochet mobile, et réunies à leur base sur
une grande plaque médiane, de façon à clore en dessous l'ap-
pareil buccal et à constituer une sorte de lèvre inférieure ou
plutôt de mentonnière (2). C'est à l'aide de ces pieds-mâchoires
logistes les désignent sous le nom de
palpes maocilliformes , et appellent
langue ou languette, la paire de lames
épislernales placées entre leur base (a).
(1) Les mâchoires postérieures des
Scolopendres correspondent aux trilo-
gnathes ou mâchoires de la seconde
paire des Crustacés, et non aux pieds-
mâchoires antérieurs deces Animaux,
conime le supposait Savigny. Newport
leur donne le nom de palpes labiaux,
et Walckenaer les appelle des palpes
maxilliformes. Effectivement ils ont
à peu près la forme d'appendices de
ce genre, ei ils servent aussi h ra-
moner entre les mandibules et les
mâchoires antérieures les matières
alimentaires que ces organes doivent
diviser. Leur article basilaire est un
peu élargi, de façon à se joindre à
son congénère sur la ligne médiane,
et les pièces suivantes, au nombre de
quatre, sont cylindriques et de plus en
plus grêles (6).
(2) Les mâchoires auxiliaires ou
pattes -mâchoires des Scolopendres
sont désignées par Newport et Walc-
kenaer sous le nom de mandibules,
que la plupart des entomologistes appli-
quent aux appendices buccaux de la
première paire.
Ces pieds-mâchoires, ainsi qu'une
paire de pattes ambulatoires, naissent
du segment poslcéphajique ; ils sont
très robustes et s'articulent sur une
sorte de mentonnière fort large qui
s'avance entre leur base, au-dessous
de la bouche (c), et qui est formée par
les pièces sternalcs de l'anneau dont ils
dépendent. Dans le jeune âge, cette
portion basilaire médiane est divisée
en deux moitiés par une suture lon-
gitudinale (d) ; mais par les progrès du
développement, elle se consolide d'une
manière complète et constitue une
grande plaque impaire qui se termine
antérieurement par une paire de lobes
denticulés sur le bord (e). Elle consti-
tue ce que Newport appelle la lèvre
inférieure , et elle est considérée
par Savigny comme l'analogue des
hanches. Souvent les coxites y sont
soudés, ainsi que cela se voit dans le
genre Scolopendra proprement dit;
mais d'autres fois, par exemple, dans
les genres Mecistocephalus et Geo-
philus, ils sont libres. Le second ar-
ticle des mâchoires auxiliaires est
(a) Walckenaer, Histoire naturelle des Insectes aptères, 1. IV, p. vj.
(b) Savigny, Théorie delabouche, pi. 2, lig-. 16, 2 6.
— Newport, Op. cit. {Liiin. Trans., t. XIX, pi. 33, fig-. G).
(c) Savigny, toc. cit., pi. 2, fig. 2 t.
(d) Newport, Op. cit., pi. 33, fig. 30.
(e) Idem, ibid., pi. 33, lig. 31, 32, etc.
ARMATURE BUCCALE DES MYRIAPODES. /i97
que les Scolopendres saisissent leur proie; et il est à noter que
le conduit excréteur d'une glande vénéneuse vient s'ouvrir
* près de la pointe des crochets qui les terminent, et rend la
morsure de ces Animaux fort redoutable.
Dans l'ordre des Chilognathes (l), comprenant les Iules et les
genres voisins, l'appareil buccal se simplifie davantage, et d'or-
dinaire se réduit en réalité à un labre rudimentaire suivi d'une
paire de mandibules et d'une paire de mâchoires disposées en
manière de lèvre inférieure ; mais les pattes des deux paires
suivantes diffèrent de peu des autres, et concourent à assurer
le travail de la mastication en retenant les matières alimen-
taires f"2). Enfin, dans les genres Polyzonum, Siphonotus et
Sipfionophora, l'appareil masticatoire manque, et la bouche est
allongée en un petit suçoir conique (3).
grand et souvent armé d'un prolon-
gement dentiforme sur son bord in-
leriie. Enfin, ces organes se termi-
nent chacun par un gros crochet dirigé
en dedans. Le nomhre de leurs arti-
cles varie un peu dans les différents
genres.
(1) C'est-à-dire ayant la lèvre for-
mée par les mâchoires (de y.cl/.o;, lè-
vre, et 7vâ9o?, mâchoire).
(2) Chez les Iules (a), le labre est
confondu avec le chaperon ou partie
antérieure de la tête. Les mandibules
sont grosses, courtes et fortement den-
tées. Les mâchoires sont réunies en
une sorte de lèvre inférieure médiane
dans laquelle on distingue une por-
tion moyenne composée d'une paire
de branches internes, terminées cha-
cune par un petit lobe, et une portion
externe portant, en avant, deux pe-
tits articles. Savigny considère les
branches internes comme représentant
une troisième paire de membres buc-
caux ; et par conséquent, pour cet
anatomiste, l'espèce de mentonnière
dont il est ici question serait l'analo-
gue des deux paires de mâchoires des
Crustacés : mais la ressemblance de ces
parties avec celles que je viens de dé-
crire chez les Scolopendres, et les ob-
servations de Newport sur ces derniers
Animaux, sont contraires à cette ma-
nière de voir.
(3) La structure de ce suçoir n'est
que très imparfaitement connue ;
son existence a été signalée par
M. Brandt (6).
(a) Pour les pièces de la bouche de ces Myriapodes, voyez : Savigny, Op. cit., 2' mém., pi. 4.
— Blanchard, .\tlas du Règne animal de Cuvier, Insectes, pi. ii, Cig. 2 6, 2 c.
(6) Brandt, Noie sur un ordre nouveau de la classe des Myriapodes [Bulletin de l'Acad. de
Saint-Pétersbourg, 1. 1, et Ann. des sciences nat., 2» série, 1837, t. VIII, p. 376).
— Walckenaer et Gervais, Histoire des Insectes aptères, t. IV, p. 203.
V.
32
biiccy
!S IlISCI
maslicateurs
498 APPAREIL DIGESTIF.
Appareil § 5. — L'appareil buccal des Insectes masticateurs, c'est-à-
des Insectes dirc clcs cspcces qui sont organisées pour se nourrir de matières
solides, n'offre pas des variations comparables à celles que
nous avons renconirées dans la classe des Crustacés ou même
dans celle des Myriapodes ; il présente dans sa composition
une fixité remarquable, et Ton n'y rencontre, même dans les
différents ordres constitués par ces Animaux, que des modifi-
cations de peu d'importance quant à la forme de ses principales
parties.
Effectivement, chez tous ces Insectes, l'appareil buccal se
compose d'un même nombre d'appendices, et ces organes
affectent constamment la même disposition en tout ce qui est
essentiel. Le devant de la bouche est toujours garni d'une pièce
médiane et transversale qui dépend de la région frontale, et qui
est désignée par les entomologistes sous le nom de labre ou île
lèvre supérieure. Sur les côtés de celte ouverture se trouve
une paire de mandibules qui ne portent jamais d'appendice
palpitbrme, et qui jouent sur une articulation en charnière, de
façon à se rapprocher entre elles, ou à s'écarter en se portant
en dehors , comme nous l'avons déjà vu chez les Crusiacés
broyeurs. Une seconde paire d'appendices maxillaires s'insère
un peu plus en arrière, et conshtuedes mâchoires qui se portent
en avant, au-dessous des mandibules. Leur structure est plus
compliquée et rappelle ce que nous avons déjà vu chez quelques-
uns des appendices buccaux des Crustacés. En effet, quand
ces organes sont le mieux constitués, ils ressemblent chacun
à une pehte patte dont la portion basilaire serait robuste et
pourvue de deux branches accessoires, et la portion termi-
nale très grêle, de façon à mériter le nom de palpe. Mais
ici les branches accessoires sont situées du côté interne
du membre , et en deviennent les parties les plus utiles :
en effet, c'est l'une de ces parties qui, en se rencontrant
avec sa congénère ^ constitue l'espèce de pince à l'aide de
ARMA.TLIU': RUCCALK DES INSKCTKS. !i9\)
laquelle les mâchoires i)ortent les nliirients entre les mnn-
dibiiles et. les y retiennent pendant qne la mastication s'ef-
fectue.
Une autre paire de membres buccaux aide ces mâchoires
dans l'accomplissement de leurs fonctions, et complète l'appareil
masticatoire en arrière , où elle constitue l'organe que les
entomologistes désignent sous le nom de lèv7'e inférieure. Ces
appendices ressemblent aussi à deux petites pattes ; mais ,
au lieu d'être séparés à leur base, comme le sont les mâ-
choires, ils sont réunis par leur partie postérieure, de façon
à constituer une espèce de support médian qui donne nais-
sance antérieurement à une paire de palpes formés par la
portion terminale de leur branche principale et à des lobes
intcrmcdian^es formés par des branches accessoires et con-
stituant ce que l'on appelle la languette. Cette lèvre infé-
rieure se loge en grande partie entre la base des deux mâ-
choires, et s'avance au-dessous de ces appendices et des
mandibules ; mais elle prend son origine plus en arrière, et elle
représente la troisième et dernière paire des membres cépha-
liques em[>loyés dans la constitution de l'appareil buccal des
Insectes (i). •
(l) En résmiKî, nous voyons donc gue alors en palpes maxillaires ex-
que la bouche des Insectes mâcheurs lernes, et palpes maxillaires internes
est pourvue tantôt de six palpes, tan- on accessoires. Ce dernier nombre
lot seulement de quatre de ces petits se rencontre chez les Carabes et les
appendices dactylilormes ; qu'il existe autres Coléoptèics delà famille des
toujours une paire de palpes labiaux Carnassiers (a) ; le premier, chez le
et au moins une paire de palpes Hanneton et une mullituile d'autres
maxillaires, mais quelquefois deux Coléoptères, aussi bien que chez les
paires de ces derniers, que l'on distin- Orthoptères, elc (6).
(a) Exemple : le Carabus uuratus (voy. YAllas du Règne animal de Cuvicr, Insectes, pi. 2-i,
iig. tSc, on lout ouvrage clémenlaire d'entomologie),
(ft) Exemples : le Uannclon [Op. cit., pi. 42, dg. 7 c). ^
— WAteuchus sacer, on Scarabée sacré des miciens Ei,'jplicns (Op. cit., fil. o9 fig'. 1 c),
— Lii Canlliaride (Op. cit., (il. 55, fu'. 3 c).
— Lrs Sauterelles (Op. cit., |d. 82, fi,;'. 3 c).
.— La Demoiselle, ou Ayrion virrjo {Op. cit., pi. 101, liy. Sa).
500 APPARlilL DIGESTIF.
Ainsi, en admeltant que les mandibules des Insectes et des
Crustacés soient constituées par la même paire de membres
céphaliques, liypothèse qui réunit en sa faveur un grand nombre
de faits anatomiques et embryologiques dont il sera rendu
compte dans une autre partie de ce cours, on voit que les
mâchoires des Insectes doivent correspondre aux appendices
que nous avons appelés mâchoires antérieures chez les Crus-
tacés , et que les mâchoires de la seconde paire chez ces der-
niers Animaux sont les analogues de la lèvre inférieure des
Insectes. Or, ce sont précisément là les trois paires de mem-
bres (|ui ne manquent presque jamais dans l'appareil buccal
des Crustacés , tandis que les appendices complémentaires
auxquels nous avons donné les noms de mâchoires auxiliaires
ou de pieds-mâchoires , organes dont l'emploi varie beaucoup
chez ces divers Animaux , sont ceux qui n'ont jamais de repré-
sentants dans le groupe des membres céphaliques de l'Insecte.
§ 6. — Les Insectes maxillés ou broyeurs sont très nombreux.
A l'état de larves, presque tous les Animaux de cette classe sont
pourvus des instruments de mastication que je viens de nom-
mer, et les espèces qui, sous ce rapport, offrent le môme mode
d'organisation à l'état adulte, constituent l'immense groupe des
Coléoptères , l'ordre des Orthoptères et celui des Névroptères,
ainsi que quelques petites divisions de moindre importance.
Leur régime est fort varié : les uns sont carnassiers et ne se
nourrissent que de proie vivante ; d'autres se rei^aissent de
matières animales en voie de décomposition ; beaucoup sont
frugivores ou herbivores, et il en est qui rongent le bois ou
les racines des arbres (1). Enfm on connaît aussi quelques
Insectes qui, à l'état parfait, ne sont destinés à vivre que fort
peu de temps, et qui durant cette période de leur existence ne
(1) Lorsque je Irailerai de rinslincl clicz les Insccles, je rcvieiulrai hiir ce
siijel.
ARMATURE RUCCALE DES INSECTES. 501
prennent aucune nourriture (1). Or, ces différences dans le
mode d'alimentation coïncident avec des particularités dans
la conformation des diverses parties de l'appareil buccal, et par
conséquent on rencontre dans la disposition de ces organes de
nombreuses modifications : tantôt ils sont réduits à l'état rudi-
mentaire, comme cela se voit chez les Éphémères ; d'autres
fois ils sont constitués d'une manière très puissanle, et leur
structure varie avec le régime; mais on y remarque aussi
d'autres différences de forme dont la signification physio-
logique ne nous est pas connue, et dont on ne saisit de rela-
tions qu'avec les divisions que la Nature semble avoir établies
parmi ces petits êtres. L'étude approfondie de toutes ces varia-
tions est du ressort de la zoologie descriptive, et je ne l'abor-
derai pas ici; mais, afin d'en donner une idée générale, je
citerai ici quelques exemples.
Chez les Sauterelles, les Criquets et beaucoup d'autres
Orthoptères qui, à raison de leur grande taille et du dévelop-
pement considérable de leur appareil mashcateur, se prêtent
très bien à l'étude des diverses parties de la bouche, le labre
est un lobe corné, de forme discoïde, qui est attaché au bord
inférieur de la partie frontale de la tête appelée épislomc par
une articulation linéaire transversale, et qui descend au-devant
des mandibules en manière d'écran ("2). Chez beaucoup d'autres
(1) Les Éphémères et quelques au- tème des membres ou appendices de
très Mévropières sont dans ce cas, et, ces Animaux, et me paraît devoir être
à l'état parfait, leurs appendices bue- considéré comme une dépendance
eaux sont rudimenlaires , bien que de la portion sternale de l'anneau cé-
chez la larve ces parties aient été pbalique préstomien. Lorsque je trai-
bien développées ,a). terai de la théorie du squelette légu-
(2) Ainsi que je l'ai déjà dit en par- mentaire des Animaux articulés,
lantdesCrustacés, le labre des Insecles j'exposerai les raisons sur lesquelles
ne me semble pas appartenir au sys- je me fonde; mais je dois ajouter ici
(a) Voyez Pictct, Histoire générale et particulière des Insectes névroptères , fam. des Ephémé-
ricns, ■1843, p. 79 et suiv.
Labre.
50"2; appap.IlIl digestif.
Insectes, cette lèvre supérieure affec(c la forme d'une lame
large et courte qui est également à découvert : par exemple,
chez le Carabe doré, si commun dans nos jardins. Ailleurs elle
est cachée sous un prolongement de l'épislome, ainsi que cela
se voit chez le Hanneton, et dans quelques espèces elle est
rudimentaire et confondue avec cette partie de la tête, comme
chez les Lucanes. Sa forme est aussi très variable , et chez
quelques Insectes qui ne se nourrissent que de substances
molles, par exemple les Copris ou Bousiers, elle est d'une
consistance presque meuibraneusc : mais, en général, elle est
cornée et garnie de poils à son bord inférieur; quelquefois
môme elle est armée de denticidcs marginales, et d'ordinaire
elle est susceptible d'exécuter quelijiies légers mouvements de
flexion ou d'élévation par l'action d'une paire de petits muscles
qui s'insèrent à son bord supérieur et sont logés dans la parlie
antérieure de la cavité céphalique (1).
que M. Ijrulle, à qui on doit un travail
spécial cl tri's approfondi sur riippareil
buccal des Insectes, ne partage pas
cette opinion, et pense que le labre
est formé par une paire d'appendices
analogues au\ mandibules et soudés
directement entre eux ou avec une
pièce médiane à laquelle il donne le
nomdepa/a(u7n(rt). Ed'eclivemcnt, cet
organe n'est pas toujours formé d'une
pièce médiniie unique; souvent on y
disiin;;ue deux ou même trois pièces:
cliez les Ateuchus, ppr exemple ; mais
il en est généralement do. même pour
l'arceau sternal dans les autres par-
lies du squelette tégumenlaire , et
celte disposilion ne saurait être invo-
quée comme preuve de la nature
ap[)endiculaire de ces parties. Du
reste, si les pièces constitutives du
labre des Insectes devaient être rap-
portées au système appendiculaire ,
elles seraient les analogues des an-
lennes postérieures des Crustacés, et
non des mandibules ou des mâ-
choires.
(1) Les muscles élévateurs du labre
ont été très bien représentés cbez le
Hanneton, dans lebi?au travail anato-
mique de M. Straus-Durkbeim {b).
Qnand leur contraction cesse, le la-
bre se rabat sur les mandibules, en
vertu de l'élasticité des parties qui
constituent son articulation épisto-
mienne. Cet organe buccal sert prin-
cipalement à empêcher que les ali-
(«) BruUé, Recherches sur les transformations des appendices dans les Articulés (Ann . des
sciences nat., 3° série, 1844, t. II, p. 345).
{b} Straus, Considérations sur Vanatomie des Animaux articulés, p. I 53, pi. 3, fig, 1 , d.
. ARMATURE BUCCALE DES INSECTES. 50,'^
§ 7. — Les mandibules ont beaucoup plus d'importance,
et constituent la partie principale de l'appai-eil masticateur. De
même que chez les Crustacés, elles sont situées sur les côtés
de la bouche, opposées l'une à l'autre, et articulées de façon
à pouvoir s'écarter entre elles en se portant en dehors, ou se
joindre en se rapprochant de la ligne médiane. Chacun de ces
organes est formé essentiellement d'un seul article plus ou
moins conique, dont la base, tournée vers le haut et évidée,
présente à son bord, sur des points diamétralement opposés,
deux éminences arrondies ou condyles qui sont engagés dans
des fossettes correspondantes ménagées dans les parties voi-
sines de la charpente solide de la tête, et qui constituent avec
elles une charnière ou articulation en ginglyme. Deux muscles
situés de chaque côté de la tête, dans l'intérieur de la boîte
crânienne, s'attachent à des points intermédiaires du même
Mantiilnilcs.
nienls ne s'échappent au dehors ,
quand ils sont poussés en avant par
les màclioires et pressés pas les man-
dibules.
Ainsi que je l'ai déjà dit, la forme
du labre varie beaucoup, et cela même
chez les Insectes qui ont entre eux
une parenté zoologique très étroite.
Ainsi, chez les Cicindélètes du genre
Mégacépliale , il est très court, ter-
miné par un bord presque droit et
inerme {a) ; tandis que dans le genre
Oxycheila, qui appartient à la même
famille, il est très allongé et triangu-
laire (6) ; et que dans le genre Col-
lyris, é.;alenient très voisin du pre-
mier, il est fortement denticulé en
dessous (c). Chez le Hanneton, il est
profondément bilobé, et chez les Cé-
toines il est entier et seulement un
peu échancré vei-s le milieu de son
bord inférieur. Chez les irauterelles,
les Criquets et beaucoiip d'autres Or-
thoptères, le labre est presque circu-
laire et bombé en avant {d], mais chez
les Phasmes il est bilobé.
Quelques entomologistes ont cru
que le labre manquait chez les Scara-
béides (e) ; mais, ainsi que l'a très bien
fait remarquer M. Newman , cet or-
gane est seulement caché sous le
chaperon de ces Coléoptères (/"),
(a) Voyez V Atlas du Règne animal île Cuvier, Insectes, pi. dO, fig. 2 a.
(6) Loc. cil., fig. 3 a.
(c) Loc. cit., pi. 82, fig. 3(1.
(d) Loc. cit., pi. 80, fig. \b, \b.
(e) Olivier, Entomologie, Coléoptères, I. I, Scarabée, p. 3.
(/■) E. Newman, Osteology or External .Anatomy of Insecls (Entqmolofjical Magasine, 4835,
t. II, p. 74j.
50/|. APPAREIL DIGESTIF.
bord basilaire de la mandibule , et, en se contractant alterna-
tivement, ils font basculer celle-ci sur cette espèce de double
pivot, et produisent ainsi les mouvements de va-et-vient néces-
saires à la mastication (1). D'ordinaire la forme générale de
ces organes est celle d'un cône ou d'une pyramide trièdre
dont le sommet serait dirigé en bas et recourbé en dedans,
dont la face externe serait bombée et le bord interne armé
de prolongements dentiformes, ainsi que d'une sorte de brosse
située près de sa base (2). Mais il existe dans les disposi-
tions secondaires une multitude de variations qui sont en
rapport avec la manière dont ces instrimients doivent fonc-
tionner (3). Ainsi tantôt les mandibules 'sonl préhensiles senie-
(1) Les muscles moteurs des mandi-
bules ont été très bien représentés
par M. Slraus, chez le Hanneton. Le
muscle abducteur s'insère au bord
externe de la uiandibuie par un tendon
rigide, très grêle, et il prend son point
d'attache opposé sur les côtés des pa-
rois de la cavité céplialiqne. L'adduc-
teur est beaucoup plus puissant, et se
fixe au milieu du bord interne de la
mandibule, très loin de la charnière
sur laquelle cet organe pivote, et p;ir
conséquent dans une position favora-
ble à l'emploi de la force développée
par ses contractions ; son extrémité
supérieure est très volumineuse et se
fixe à la voûte crânienne {a).
(2) Chez le Hanneton, celte brosse,
composée d'une touffe de poils roides
et serrés, est très grosse (6) ; on la
rencontre chez la plupart des Coléo-
ptères, ainsi que chez d'autres Insectes,
et M. Straus pense qu'elle est en
partie le siège du sens du goût ; mais
cette opinion ne repose sur aucun l'ait
probant.
(3) Knoch fut, je crois, le premier à
appeler l'attention des entomologistes
sur les relations qui existent entre la
manière d'agir et la forme de ces
organes, et il les a distingués par les
noms de mandibula incisoria , M. mo-
laris , il/, canina , M. dentata et
M. palœformis (c). M. Marcel de
Serres a publié des observations sur le
même sujet, et a décrit avec détail,
chez les Orthoptères, la disposition des
prolongements ou dents dont ces or-
ganes sont armés ; d'après leur forme,
il les distingue comme cellesdes Mam-
mifères, en incisives, laniaires,ou ca-
nines et molaires (d).
(a) Straus, Considérations générales sur Vanatomie comparée des Animaux articulés, p. 154,
pi. 3, fig. 1 et 2.
(6) Idem, ibid., p. 66, pi. i, fig. 7.
(c) A. W. Knoch, Neue Beitrâge Tiur Insectenkunde, 1801, 1. 1, p. 20.
(d) Marcel de Serres, Comparaison des organes de la mastication des Orthoptères avec ceux
des autres Animaux {Annales du Muséum, 1809, l. XIV, p. 50).
ARMATURE BUCCALE DES INSECTES. 505
ment, et alors elles s'allongent en forme de crocs dont la
pointe, courbée en dedans, est tantôt simple, d'autres fois
bifide, mode d'organisation qui est très bien caractérisé chez
la larve des Dytisques (1), et qui, en s'exagérant, donne lieu
à la formation des énormes pinces dont la tête des Lucanes,
ou Cerfs-Yolants, est garnie (2). D'autres fois, par exemple
chez la plupart des Coléoptères carnassiers, les mandibules
méritent l'épithète de lacérantes, car non-seulement elles se
terminent par un croc aigu, mais leur bord interne est garni
de prolongements dentiformes qui sont tranchants ou pointus,
et se rencontrent de façon à pouvoir déchirer la proie dont les
Insectes ainsi armés se nourrissent. En général, une de ces
saillies, située près de la base de la mandibule, est beaucoup
plus robuste que les autres, et on la désigne souvent sous le
nom de dent molaire (3). Une troirsième forme est celle des man-
(1) Chez la larve des Dytisques, les Un mode de conformation analogue
mandibules constituent une paire de se voit chez les Coléoptères longi-
crochels simples qui sont saillants au- cornes du genre Macrodontia, mais
devant du front, et qui servent à l'Ani- chez ceux-ci les mandibules sont
mal pour saisir sa proie (a). Ces or- dentelées tout le long de leur bord
ganes ont la même forme générale, interne (c/).
mais sont encore plus grands chez les Chez les Lucanides du genre Chia-
INévroplères mâles du genre Cory- sognathe , les mandibules du mâle
dalis (b). sont également préhensiles, mais s'al-
('2) C'est chez le mâle seulement longent d'une manière excessive, et
que les mandibules des Lucanes pren- deviennent trop grêles pour agir avec
nent ce grand développement, et se force ; leur longueur dépasse de beau-
garnissent des prolongements qui don- coup celle du corps (e).
nent à ces organes une apparence (3) Comme exemple d'Insectes à
branchue (c). mâchoires lacérantes , je citerai , de
(a) Voyez Lyonnet, Recherches sur l'anatomie et les métamorphoses de diverses espèces d'In-
sectes, pi. H , fig. 2.
(b) Voyez V Atlas du Règne animal de Cuvier, Insectes, pi. 104, fig. A.
(c) Op. cit., pi. 43 bis, fig-. C.
(â) Op. cit., pi. 64, fig. s".
(e) J. Siephens, On Chiasognalhus Grantii (Trans. of the Cambridge Philos. Soc, 1833, t. IV,
p. 204, pi. 9 et 10).
— Lesson, Illustrations de xoologie, pi. 24.
— Gay, Historiade Chile, Coléoptères, pi. 15, fig. 1.
506 . APPAREIL DIGESTIF.
dihules incisives, qui, destinées à couper des feuilles ou d'autres
substances végétales d'une faible consistance , sont robustes
et terminées en dedans par un bord tranchant et échancré
comme une scie; elle est nettement caractérisée chez la plupart
des Chenilles (1). J'appellerai mandibules iroî/ewses, celles qui,
tout en participant de la structure des dernières, sont pkis élar-
gies et garnies vers leur base de tubercules molaires propres à
triturer les aliments, ainsi que cela se voit chez les Criquets et
les Sauterelles (2). On pourrait distinguer aussi par l'épithète
de rongeuses les mandibules de beaucoup d'autres Insectes qui
se nourrissent aussi de substances végétales plus dures, et chez
lesquels ces organes sont remarquablement robustes et garnis
préRhence à loiit autre, la Maniicore,
Clic'z ce Coléoptère carnassier , de
mê'me que chez la plupart des autres
espèces du même ordre qui se nour-
rissent de proie vivante, les mandi-
bules sont très pointues , fortement
courbées en dedans vers le bout, et
susceptibles de se croiser de façon à
faire joindre les éminences dont la
piirlie moyenne ou inférieure de leur
bord interne ou concave est armée,
éminences qui constituent ce que l'on
appelle les dénis molaires, et sont gar-
nies de grosses pointes comprimées (a).
En général, chez los Coléoptères de
la famille des Carnassiers, les mandi-
bules sont moins grandes, mais elles
se dirigent toujours en avant, et con-
stituent une pince aiguë (ôj.
(1) La Chenille du Cossus ligni-
perda peut être choisie comme exem-
ple pour les mandibules incisives , et
Lyonnet en a donné de très belles
figures (c). Ces organes offrent les
mêmes caractères généraux chez la
Pyrale de la vigne (d), la fausse Che-
nille du pin, ou Lophyrus pini (e),
et beaucoup d'autres larves phyto-
phages.
(2) Ici la portion marginale de la
mandibule est en forme de cuiller
denticulée,à peu près comme chez les
Chenilles à mandibules incisives; mais
il existe, en outre, une grosse dent
molaire dont la surface est hérissée
de tubercules et de stries. Savigny en
a donné de très belles figures chez \\n
grand nombre d'Orthoptères (f).
{a) VoyczY Atlas du Règne animal de Ciivier, Insectes, pi. 16, fig. 1 et 1 a.
{!)) Exemples : les Oxycheiles {Hègne animal. Insectes, pi. 16, fig, 3 a).
— Les Carabes (Op. cit., pi. '■2k, %. M el 12 6).
(c) Lyiinnet, Traité anatomique de la Chenille qui ronge le bois de saule, pi. 2, fig. 1 à 5.
(d) Audouiii, Histoire des Insectes nuisibles à la vigne, pi. 7, fig-. 4 et 5.
(e) Raizebiirg, Die Forst-Insekten, t. III, pi. 2, fig-. 13.
(f) Savigny, Egypte, Orthoptèkes, pi. 3, fig. 1 i; pi. 4, fig. 9i; pi. 5, fig. 1 i, 3 j ; pi, 6,.
fig. 1 i; pi. 7, fig. 1 i, elc.
— Voyez aussi quelques figures données par M. Doyère dans V Atlas du Règne animal de Cuviar,
Insectes, pi. 85, fig. 46, 4c; pi. 86, fig. 4e, 4f, etc.
AUMATURE BUCCALr: UiîS IKSFXIES. 507
de crêtes tranchantes du côté interne, ainsi que cela se voit
chez les Capricornes et d'autres Coléoptères longicornes (Ij.
Entin j'appelle mandibules racolantes^ celles qui se terminent
par un lobe membraneux ou semi-corné, propre à récolter
des poussières plutôt qu'à diviser les aliments, et qui ne sont
conformées pour la trituration que dans leur partie basilaire,
disposition qui se rencontre chez les Cétoines (2), et qui
semble conduire à un autre mode d'organisation dans lequel
ces organes sont simplement foliacés, c'est-à-dire réduits à un
petit article lamelleux et tlexible, comme cela a lieu chez cer-
tains Névroplères où celte portion de l'appareil buccal devient
rudimentaire (3). Il existe aussi d'autres modifications de forme
dont il est souvent nécessaire de tenir compte dans l'étude
physiologique des Insectes, mais sur lesquelles je ne m'arrê-
terai pas ici, et entre les divers modes de structure dont je
viens de parler on rencontre aussi une multitude d"intermé-
(1) Par exemple, chez le Ceramhijx
héros (a), le Callichromamoschata (6),
le Scohjtus destruclor (c^, la Canllia-
ride (d), etc.
(2) Les figure.-; au trait par les-
quelles ces organes sont représentés
dans la plupart des ouvrages d'ento-
mologie ne peuvent donner qu'une
idée très impartaile de leur mode de
conformation. Chez le Cetonia aurata,
les mandibules sont presque carrées,
et portent en dehors une lamelle
étroite et allongée qui est assez rigide
et dépasse un peu la portion princi-
pale de ces organes, qui est également
lamelleuse, mais submenibraiieuse ,
faiblement ciliée sur le bord, et renflée
en forme de tubercule ovalaire vers
son angle postéro-interne. Chez d'au-
tres espèces du même genre , par
exemple le Cetonia flavo-marginata,
ceUe portion tuberculeuse se déve-
loppe beaucoup plus, et, dans quel-
ques aulres genres de la même fa-
mille, au lieu d'être simple, elle se
complique par la formation de crêtes
et de dents accessoires : par exemple,
chez le Goliath brillant, ou Cerato-
rhina micans.
(3) Par exemple, chez la plupart
des l'erlides, mais surtout chez les
Ephémères (e).
(a) Atlas du Règne animal de Cuvier, Insectes, pi. 66, fîg. 3 a.
(6) Op. cit., pi. 65, flg-. Sa.
(c) Op. cit., pi. 61, fig. 3û.
\d) Raizeburg, Forst-'insekten, t. I, pi. 2, fig. 27 6.
(e) Voyez Piclef, Éphcmt'riens, \>. 88.
508 APPAREIL DIGESTIF.
diaires. J'ajouterai cependant que lorsque les mandibules n'of-
frent pas le haut degré de consolidation qui est en général si
remarquable dans ces organes, et qui est nécessaire à la puis-
sance de leur action masticatoire, on y aperçoit souvent cer-
taines divisions en raison desquelles on peut présmner que leur
composition anatomique n'est pas aussi simple qu'elle en a
d'ordinaire l'apparence. Ainsi, chez les Ateuchus et les Cétoines,
où les mandibules sont en partie membraneuses, on y distingue
plusieurs pièces solides disjointes , et chez quelques autres
Insectes où la consolidation de cette portion du squelette tégu-
mentaire est plus complète, une ou deux de ces parties con-
servent leur individualité et constituent des prolongements
mobiles. Ainsi, chez certains Staphyliniens , par exemple, on
voit près de la base de chaque mandibule une lamelle acces-
soire, et chez les Hydrophiles ces organes portent, vers le
milieu de leur bord interne, deux petits articles mobiles etdenti-
formes (1).
(1) M. Brullé a été le premier à ap- mandibules indivises des antres In-
peler l'attention des haturaiistes sur sectes; de sorte qu'il a été conduit à
la structure complexe des mandibules penser que toujours ces organes re-
chez certains Insectes, et sur les con- présentent, non pas un article unique
séquences qu'on peut tirer de ces faits des membres suivants (tel que la han-
relativement à la théorie anatomique. che), mais résultent de la soudure ou
Il a remarqué que chez divers Coléo- fusion des principales pièces dont ces
ptères phytophages ou coprophages, derniers appendices se composent,
dont les mandibules sont imparfaite- Ainsi, chez les Ateuchus (a), on
ment développées et en partie mem- trouve réunies par une membrane
braneuses , ces organes otTrent plu- commune : l" une pièce dorsale, qui
sieurs pièces cornées distinctes qui sem- occupe le bord externe de la mandi-
blentètre les analogues des principaux bule ; '2" une pièce basilaire,dont l'ex-
articles constitutifs des mâchoires ou trémité interne constitue le gros tu-
de la lèvre inférieure, et il a cru pou- hercule ou dent molaire dont la partie
voir reconnaître les représentants de interne de la mandibule est armée;
ces pièces dans certaines portions des 3" une pièce marginale interne, qui est
(a) Brullé, Recherches sur les transformations des appendices des Articulés (Ann. des sciences
nat., 3» série, 18U,t. II, p. 340, pi. 14, fig. 17).
ARMATURE UUCCALE DES INSECTES.
509
§ 8. — Les mâchoires ont une structure beaucoup plus
compliquée, et présentent clans leur forme des variations plus
nombreuses. Parfois ces différences sont même si grandes, que
les entomologistes ont pendant longtemps méconnu l'uniformité
de composition qui en réalité existe dans cette partie de l'appa-
reil buccal chez tous les Insectes broyeurs, et que l'on a donné
plusieurs noms à la même partie plus ou moins modifiée (1).
Mâchoires
étroite, garnie de poils, et disposée le
long du bord interne delà mandibule;
4° enfin, une portion apiciale garnie
de poils nombreux, et située entre la
pièce dorsale et la pièce marginale
interne. M. RruUé considère la pre-
mière de ces pièces comme étant l'ana-
logue de celle qu'il désigne sous le
nom de maxillaire, quand il parle de
mâchoire ; la seconde comme repré-
tant son sous-maxillaire ; la troisième
son intermaxillaire, et la quatrième,
qui est demeurée membraneuse, com-
me correspondant au galea.
Chez les Géotrupes (a) et beaucoup
d'autres Insectes dont la mandibule
n'offre aucune division de ce genre,
et n'est formée en apparence que d'un
seul article, M. BruUé rapporte à ces
divers éléments anatomiques des por-
tions de l'organe qui y ressemblent
par leur forme et leur position. En-
fin, c'est par la consolidation com-
plète d'une portion de l'organe, et la
non-soudure de la partie à laquelle il
donne le nom d'intermaxillaire, que
cet entomologiste habile explique le
mode de structure qui se remarque,
non-seulement chez les Hydrophiles,
mais aussi chez les Passales (6), les
Blaps(c), etplusieursautres Insectesoù
lesmandibulessontpourvuesde parties
accessoires plus ou moins remarqua-
bles, notamment les Staphylins, chez
lesquels Kirby et Spence ont trouvé
près de la base de ces organes une
lamelle pilifère qu'ils nomment jiros-
theca id).
(1) Kirby et Spence furent les pre-
miers à entreprendre une étude com-
parative des parties constitutives de
ces organes, et à faire usage d'un sys-
tème régulier de nomenclature pour
les décrire. Des travaux analogues ont
été entrepris par plusieurs autres
entomologistes, ^tels que : Latreille ,
M. Slraus, Audouin, Newman, M. Bur-
meisler, etc., etc. (e) ; mais c'est à
(a) Brullé, loc. cit., fig. 22.
(6) Idem, ibid., %. 21. '
(c)ldera, ibid, fig. 20.
(rf) Kirby and Spence, An Introduction to Entomology, 1826, t. III, p. 439, pi. 13, fig. 7.
— Brullc, Op. cit., pi. 14, fig. 19.
(e) Kirby and Spence, Op. cit., t. III, p. 439 et suiv.
— Latreille, art. Bouche du Dictionnaire classique d'histoire naturelle, l. II, p. 431.
— Slraus, Considérations sur l'anatomie comparée des Animaux articulés, p. 68.
— Audouin, Inskctes de l'atlas de la grande édition du Règne animal de Cuvier, explication de
la planche 16, fig. 1 6.
— Newnian, Osteologg, or Externat Anatoiwj of Insects {Entomological Magazine, t. II, p. 82
et suiv.).
— Burmeister, Handbuch der Entomologie, t. I, p. 57 et suiv., pi. 2.
510 APPAREIL DIGESTIF.
Ainsi que je l'ai déjà dit , ces organes ressemblent beaucoup
aux mâchoires auxiliaires des Crustacés (1), et se composent
ordinairement d'une portion basilaire qu'on peut appeler le
corps ou support^ dont naissent trois divisions terminales
ou branches. Ce support est formé de deux articles. principaux
analogues aux pièces constitutives de la hanche d'une patte
chez tous les Animaux articulés (2). La branche externe est
M. Brullé que Ton doit les recher-
ches les phis approfondies sur ce
sujet [a).
(1) En menlioniiant ici la ressem--
biance qui existe entre les mâchoires
des Insectes et les mâchoires auxi-
liaires des Crustacés, je dois cependant
insister de nouveau sur la différence
imporlanle qui existe dans la position
relative des parties conslilulives de
ces organes. Chez les Crai)es et les
Écrevisses, la branche interne des
mâchoires auxiliaires correspond évi-
demment à le patte ambulatoire des
membres suivanls, et constitue le pro-
lopodite, tandis que le palpe ou exo-
gnathe, ainsi que le mésognatlie, nais-
sent du côté externe du membre, et
sont constitués par des parergopo-
diles. Il en est de même chez les
Crevellines ; seulement les lames cor-
respondantes à ces parties accessoires
sont portées en dessus de la base du
membre {b). Mais, chez les Insectes
broyeurs, le prolopodite, c'est-à-dire
l'analogue de la patte, est la branche
externe du membre, et constilue le
palpe, tandis que les deux autres
branches, qui sont des parties acces-
soires, naissent du côté interne de
'a première. Cela est rendu évident
par le mode de conformation des
mâchoires de quelques Névroplèros.
Ainsi, chez le Perla rividorum. ces
organes se composent d'une série
d'articles cylindriques placés bout à
bout, de façon à former une sorte de
tige qui a la plus grande ressem-
blance avec une palte, et qui porte à
sa base, du côté interne , deux petits
appendices (c) ; or, ces derniers cor-
respondent aux lobes interne et
moyeu des mêmes organes chez les
autres Insectes . et la partie princi-
pale du membre n'est autre chose
que le palpe très développé.
(2) Le premier article des mâchoires
est attaché à la tète par une jointure
en ginglyme, et correspond à la pièce
que j'ai désignée d'une manière géné-
rale sous le nom de coxite, en parlant
des Crustacés [d). Dans les écrits des
entomologistes, il porte des noms très
variés : ainsi, c'est le cardo ou char-
nière de Kirby et Spence, le slyle
dans la nomenclature d'Audouin, la
branche transversale de M. Straus, et
\e sous -maxillaire de M. Brullé. Chez
(a) Brullé, Op. cit. {Ann. des sciences nat., 3« série, t. II, p. 289 et siiiv.). j
(b) Voyez Y Atlas du Règne animal de Cuvier, Crustacés, pi. 60, fig. 2 a, Ta, clc. '
(c) Vojez Pictei, Histoire natitrelle des Insectes névroptères (Monographie des Perlides, [il. 32, !
fig. 8). :
{d) Voyez ci-dessus, page 481; i
ARMATLT.t; BUCCALK DKS I^'SECTKS. .' ! 1 l
celle (lout la disposition varie le moins: son i)reinier nrliele
est contbniJii avec le support, et les autres, grêles et cylin-
dricpies, constituent un palpe, c'est-à-dire un appendice fili-
forme et très mobile qui ressemble un peu à une patte rudi-
mentaire (1). La branche movenne de la mâchoire affecte
les Insectes parfaits, il est souvent très
court, mais chez les larves il est en
général plus grand proportionnelle-
ment {a).
Le second article basilaire de la
mâchoire, qui fait suite au précédent,
correspond à un irochiie , et con-
stitue la pièce nommée stipes ou tige
par Kirby et Spence, style par Audouin,
pièce dorsale par M. Straus, maxille
par M. Newman, et maxillaire par
M, Burmeisteret .M. Brullé.
A partir du bord antérieur de cet
article, le membre se bifurque, et sa
portion externe, représentant la suite
(lu protopodite , constitue le palpe,
tandis que sa portion interne donne
naissance aux branches accessoires on
parergopodites. Mais le corps de la
mâchoire est souvent en quelque
sorte complélé par deux autres pièces
qui en occupent les angles antérieurs,
et qui sont : l'un?, la pièce suivante
du protopodite, appelée le palpiger;
l'autre, Tarlicle dont naissent la bran-
che interne et la branche moyenne de
la mâchoire. En général, cette der-
nière pièce est plus apparente en de-
hors qu'en dedans, et, à cause de ses
relations avec l'un de ces lobes plutôt
qu"avec Tautre, on la désigne souvent
sous le uom cVhypodactyle 'Audouin ,
ou de sous-galea (Brullé) ; dans mes
leçons au Muséum, j'ai préféré l'ap-
peler le maxillaire accessoire. Elle
n'est jamais distincte chez les Ortho-
ptères , et quelquefois même toutes
ces pièces sont soudées ensemble ou
confondues en un seul article qui
représente aussi la branche terminale
moyenne : par exemple, chez le Sca-
rabé Hercule [h].
(1) Le palpe maxillaire n'est d'or-
dinaire que très peu développé chez
les Insectes à l'état de larves : ainsi,
chez la Chenille du Cossus, il n'est
représenté que par un petit mamelon
conique formé de deux articles 'c),
mais il est néanmoins la conlinuaiion
principale de la portion basilaire et
commune de ret orirane. Quelquefois
il reste toujours rudimentaire, et ne
se compose que d'un très petit nombre
d'articles , par exemple chez divers
Charançonites (d) et chez les Scoly-
tes (e) ; mais d'autres fois il s'allonge
considérablement, et i'on y compte
jusqu'à six articles placés bout à bout.
Chez beaucoup d'Hyménoptères, tous
les segments du protopodite qui vien-
nent après le trochiie, c'est-à-diie le
méroïte et les articles suivauls, sont
la) Exemple : la larve du Hanneton fvov. V Atlas du Règne animal de Cuvier, Insectes, pi. 15,
fig; 16).
(6) Voyez V Atlas du Règne animal, pi. iO &w, Gg. 1 c.
(c) Lyonnet, Anatoniie de la Chenille du, saule, pi. 2, ûg. d .
id) Voyez Y Atlas du Règne animal, I.nsectes, pi. 58, fig. 9 c.
(e) Op. cit., pi. 61, fig. 3 &.
512
APPAREIL DIGESTIF
des formes très variées : chez les Sauterelles et les autres
Orthoptères, elle s'élargit en manière de disque, et encapu-
chonné pour ainsi dire la partie adjacente de la branche interne,
disposition qui lui a fait donner le nom de casque ou galea;
chez d'autres Insectes, elle s'inchne en dedans, se garnit de
poils rigides, et devient la principale partie préhensile de l'or-
gane, par exemple chez les Lucanes et les Bousiers; enfin,
chez d'autres Coléoptères qui composent la famille des Carnas-
siers, elle devient fihforme, et constitue un palpe surnuméraire
semblable à celui formé par la branche externe du membre,
mais plus petit (1). La branche interne forme quelquefois à
grêles, cylindriques et réunis pour con-
slituer le palpe (a);mais, en général, la
première de ces pièces, ou basitrochite,
es-t élargie el plus ou moins confondue
avec la pièce maxillaire, de façon à
entrer dans la composition du corps
de la mâchoire, et, ainsi que je l'ai
déjà dit, la plupart des entomologistes
la désignent sous le nom de pal-
piger. Le palpe est alors composé de
cinq articles ou d'un nombre moindre.
Chez les Orthoptères, on y compte
toujours cinq articles (6), et chez les
Coléoptèrer. il y en a ordinairement
quatre, dont le premier ( ou tro-
chite) très court, et le dernier est de
forme variable, suivant les genres (c).
Chez la plupart des Névroptères, ces
palpes sont également filiformes et
composés de quatre ou cinq arti-
cles (d). Enfin , les entomologistes
pensent que chez les Libelluliens
ces appendices manquent complète-
ment ; mais ils me paraissent être en
réalité représentés par la branche
externe de la mâchoire, que l'on con-
sidère généralement comme étant le
galea (e).
(1) l^a branche moyenne des mâ-
choires est comparable à ce que j'ai
appelé le mésognathite chez les Crus-
tacés, bien qu'elle naisse du côté in-
terne du protopodite, au lieu d'être
placée du côté externe de cet or-
gane. Lorsqu'elle est large et plus ou
moins foliacée, ou en forme de lame,
Latreille lui donne le nom de lobe
externe chez les Coléoptères, et de
galea chez les Orthoptères ; Kirby et
Spence rappellent lobe supérieur ,
et Audouin dactyle ; mais lorsqu'elle
devient filiforme et articulée, on l'ap-
(o) Exemples : Andrœne (Atlas du Règne animal, pi. 125, fig. 3 c.
— Guêpe (loc. cit., pi. d24, fig. 5 c).
— Mutille (loc. cit., pi. 118, %. 4 b).
(b) Exemple : Sauterelle (Op. cit., pi. 83, fig. 1 a).
(c) Exemples : Cicindèle {Op. cit., pi. 16, fig. 4c).
— Axine [Op. cit., pi. 33, fig. 4).
— Hydrophile (Op. cit., pi. 38, fig. 3 c).
(d) Exemples : Fourmilion (Op. cit., pi. 105, fig. 1 b).
— Seinblide {Op. cit., pi. l0.5, fig. 1 b).
(e) Voyez le Règne animal. Insectes, pi. 101, fig. 1 a.
Ali.MATlRt; BLCCLAE DE^ l.NSECTES. olo
elie seule la portion préhensile de la niàclioire, et alors elle
se termine sonvent [lar une sorte de griffe ou d'onale mobile,
ainsi que cela se voit eliez les Cieindèles ; mais d'autres fois elle
est lamelleuse seulemi^nt. ei dans riueli]ues cas elle est rudi-
nientaire (1).
Le bord de la portion [jréliensile de la mâchoire est, en
pelle généralement palpe maxillaire
interne, ou palpe accessoire. Il se
compose alors de deux articles.
Chez les Orthoptères, le galea est
toujours iuerme ; mais chez les Coléo-
ptères il est en général garni de soies
marginales, et souvent il est armé de
dents.
La branche interne des mâchoires
ne se compose d'ordinaire que d'un
seul article appelé lacinia par Mac
Leay, lobe interne par Latreille, en-
dognathe par Audouin, manda par
M. Burmeister, stipes par Erichson,
et intermaxillaire par M. Straus et
:\!. Brullé.
Chez les CicindélMes, il porte à son
extrémité un article mobile qui est dis-
posé en manière de crochet on de
gritTe (o), et qui est appelé onglet
par Latreille , et prémaxillaire par
M. Straus. Chez les Libellules , ou
trouve aussi, à la face interne de la
mâchoire , des épines mobiles qne
M. Brullé considère comme les ana-
logues de cette pièce prémaxillaire.
Chez beaucoup de Coléoptères car-
nassiers qui sont très voisins des Ciein-
dèles, et qui constituent le groupe des
Carabiques, la portion préhensile de
la mâchoire est formée aussi par la
branche interne de cet organe seule-
ment, et se termine d'ordinaire par un
crochet aigu qui ressemble beaucoup
ù Tonglet dont je viens de parler, mais
qui est immobile (6). Il y a beaucoup
de raisons pour croire que c'est Ta-
nalogue de cet article sor.dé à l'in-
termaxillaire.
Chez d'autres Insectes du même
ordre, par exemple chez les Longi-
cornesdugenreZ,a7?j/a(c), oùla bran-
che moyenne, au lieu d'être paljii-
forme , est lamelleuse et arquée du
côté interne , le bord préhensile de
la mâchoire est forméautant par cette
pièce que par l"intermaxillaire.
Enfin, dans beaucoup de cas Tinter-
maxillaire devient très petit ou même
rudimentaire, et la partie préhensile
de la mâchoire est formée endèrement
ou piesque entièrement par la bran-
che moyenne, qui alors s'élargit beau-
coup: disposition qui se voit chez la
Phalérie des cadavres [d), le Diapère
du bolet (e), etc.
'l' Chez beaucoup de ces Insectes,
la branche interne de la mâchoire
n"est représentée que par une petite
bordure lamelleuse et poilue qui occupe
le bord interne du maxillaire, et toute
la porlion terminale du corps de cet
(a) Voyez l'.4f/as du, Règne animal, Lnsectes, pi. 16, fîg. 1 6 , 4 c, etc.
(6) Exemple : le Carabe doré (Op. cit., pi. 2i, ûg. 12 c).
(c) Vojez le Règne animal, pi. 68, ùg. 2 a.
(d) Op. cit., pi. 50, fig. 1 h.
(e) Op. cit.. pi. 50, %. 2 c.
V.
33
inférjemc
51 /j APl'AUEiL DIGESTIF.
général, garni de poinles aiguës chez les insectes chasseurs,
et l'on trouve une disposition semblable chez beaucoup d'espèces
qui se nourrissent de substances végétales difficiles à ronger (1) ;
mais cette partie de l'armature buccale est destinée principa-
lement à amener les aliments sous le bord tranchant des man-
dibules ou à les y retenir, et, chez les espèces qui vivent de
!)oussières végétales ou de matières animales peu résistantes ,
ces organes se terminent en général par une large expansion en
forme de pelle plutôt que de râteau : j)ar exemple, chez les
Cétoines et les Bousiers (2).
Lèvre § 9. — Au premier abord on pourrait croire que la lèvre
inférieure des Insectes broyeurs est un appendice impair,
car elle est simple à sa base et se trouve sur la ligne mé-
diane à la partie postérieure de la bouche ; mais elle est en
réalité un organe appendiculaire double analogue aux mâ-
choires et composé d'une paire de membres réunis à leur
!)asc (o). Les entomologistes donnent le nom de menton à l'es-
[)èce (le support impair consfilué par la coalesccncc de la por-
tion coxale de ces mâchoires poslérieures iji), et celui de palpes
organe esl formée par la branche (2) Ainsi, ciiez le Bousier, les mâ-
nioycnne, qui est tanlùt allongée [a), clioires sont foliacées et terminées par
d'autres fois courte, mais liés large {h). une large lame formée par la branche
Chez quelques espèces, le lobe moyen moyenne de ces organes [e) ; chez les
est armé de grosses dents : par excm- Cétoines, ce lobe est recouvertde longs
pic , chez le Hanneton (c). poils très serrés {[).
(1) il est aussi à noter que, chez (3) C'est surtout chez les Ortlio-
les Insectes dont les mâchoires sont ptères que cette analogie est mani-
armées de crochets puissants , ces feste.
pointes sont presque toujours portées [k) Le menton, ou ganache, se
par la branche interne de ces or~ trouve engagé entre la base des deux
ganes {d). mâchoires, et articulé par son bord
(a) Exemple : Cétoines (voy. YAtlas du Règne animal de Cuvier, Insiîctes, ij1. 45, lig. 6 a).
(fc) Exemple : Ateuchus {Op. cit., pi. 39, fig. i c).
(c) Voyez Straus, Considér. sur Vanat. comp. des Animaux articulés, pi. 1, fig. 8 et la.
(d) Exemple : Orthoptères (voy. l'Atlas du Règne animal, Insecte.?, pi. 81, fig. le; .pi, 82,
fig. 3 c ; pi. 84, fig. 1 a, etc.).
(e) Voyez V Atlas du, Règne animal, Insectes, pi. 39 bis, lig. 3 c.
(/■) Op. cit., pi. 45, fig. 6a.
ArtMATURE DL'CCALE DES LNSECTES. 515
labiaux à une paire d'appendices grêles, et ordinairement tri-
articulés, qui les terminent du côté externe. Enfin les parties
qui se trouvent en avant du menton entre les deux palpes
constituent ce que l'on appelle communément la languette;
elles correspondent aux branches moyenne et interne des deux
postérieur à une pièce transversale du
squelette légumentaire, qui est tanlùt
mobile, d'antres fois soudée à la base
de la boîte crânienne, et qui est dési-
gnée par les entomologistes sous les
noms de submentum (a) ou de pièce
prébasilaire (b). 11 paraît correspon-
dre aux deux paires d'articles qui con-
stituent le support des mâchoires,
c'est-à-dire les coxiles et les basi-
trochites. Enlin, il porte à ses angles
antérieurs les palpes labiaux, et gé-
néralement il n'offre snr la ligue mé-
diane aucune trace de division, mais
quelquefois il est incomplètement
partagé en deux moiliés par une
petite échancrure ou une suture mé-
diane : par exemple, chez les Or-
ihoplères des genres Xiphicère et
Truxale (c).
Les palpes labiaux n'offrent dans
leur disposition rien qui soit important
à noter; mais la languette présente
des aiodilîcations très nombreuses.
C'est chez les Orthoptères qu'elle se
développe de manière à être le plus
facile à étudier. Chez les Phasmes, par
exemple (d), elle se compose d'une
première paire de pièces séparées par
une suture médiane et correspondante
aux articles maxillaires accessoires des
mâchoires, qni portent chacune deux
lobes terminaux. Ceux-ci sont évidem-
ment les analogues des parergopo-
dites, qui, dans les mâchoires, con-
stiuient, d'une part le galea ou les
palpes accessoires, d'autre part l'in-
termaxillaire ou lame interne. Les
branches de la paire interne peuvent
être appelées endochilites (e) ; les
antres ont depuis longtemps reçu le
nom de paraglosses.
Ciiez la Conrlilière [Gryllotalpa vul-
garis), ces branches sont composées
chacune de deux articles placés bout
à bout, et au-dessus d'elles on voit
sur la ligne médiane un organe im-
paire ; mais celui-ci appartient à l'in-
térieur de la bouche et ne dépend pas
de la lèvie inférieure {[).
Chez beaucoup d'Insectes, la par-
tie basilaire de la languette (ou basi-
chilite) n'est constituée que par une
pièce médiane qui représente les deux
maxillaires accessoires, comme dans
le cas précédent : par exemple, chez les
Tétryx {g). Chez ces Orthoptères,
ainsi que chez plusieurs autres, on
remarque aussi que les endochilites ,
ou branches internes de la languette,
(a) Newport, art. Insecta (Todd's Cyclop. ofAnat. and Physiol., t. II, p. 854).
(b) Slraus, Considérations sur les Animaux articulés, pi. 1, fig. 3, /".
(c) Voyez Doyère, Insectes de VAllas du Règne animal do Ciivier, pi. 85, bg. 4 c, et 84,
lig. 2 d.
' (d) Voyez V Atlas du Règne animal, Insectes, pi. 80, fig. 2 d.
(«) De jfîDoç, lèvre, et îvcÎo'tepoç, interne.
if) Voyez Y Atlas du Règne animal, Insectes, pi. 81, fig. 1 d
{g} Op. cit., pi. 8(3, fig-. 4(7.
516 APPAREIL DIGESTIF.
mâchoires proprement dites. Chez quelques Insectes, elles sont
distinctes les unes des autres, et constituent deux paires de
petits appendices lamelleux grêles et biarticulés ; mais, en
général, ce sont de simples lobes, et, dans beaucoup de cas,
elles manquent en partie, ou se confondent entre elles de façon
à ne constituer qu'une pièce médiane qui à son tour est souvent
complètement souciée au menton. Du reste, ces modifications
ne paraissent pas avoir beaucoup d'importance, et c'est surtout
au point de vue de la classification que leur étude offre de
l'intérêt (1).
lont en rcsiant dislincls enlre eux,
lendent à devenir rudinienlaires ; et
chez d'autres Insectes du même or-
dre, ces parties de la lèvre inférieure
disparaissent complètement, de façon
que la languette n'est représentée que
parles deux paiaglosses ou branches
moyennes, disposition qui se voit chez
les l'neumores, les Truxales, les Xi-
phicères(a , etc.
Eniin , chez d'autres Insectes
broyeurs , la languette est réduite à
une seule pince médiane : par exemple,
chez le l''ourmilioa (6) , le Hanne-
ton (c), etc.; et souvent cette pièce ter-
minale est même complètement con-
fondue ù sa base avec le menton, ou
n'est représentée que par un ou deux
prolongements du bord antérieur de
cette j)ièce qui s'avancent entre les
palpesenchevaucliatittanlôtau-dessus,
tantôt au-dessous du point d'insertion
de ces appendices. Cette fusion de
toutes les parties basiiaires et acces-
soires de la lèvre inférieure en une
seule pièce médiane se voit chez les
Cétonides.
(1) Les Coléoptères, les Orthoptères
et les Névroplères ne sont pas les
seuls Insectes dont la bouche soit orga-
nisée pour la mastication, et, sous ce
rapport, les Thysanoures présentent
les mêmes caractères. Chez les Lé-
pismes , par exemple , on trouve
toutes les parties dont il vient d'èlre
question très bien développées : sa-
voir, un labre, une paire de man-
dibules .; une paire de mâchoires
pourvues d'un palpe et d'un petit
galea ; eniin , une lèvre inférieure
composée d'un menton et d'une paire
de palpes (d).
Chez les Anoplures, de la famille
des l'iicins, Insectes parasites qui vivent
presque tous sur des Oiseaux, la bou-
che est également armée d'un labre,
d'une paire de mandibules, et d'une
lèvre inférieure portant une paire
(a) Atlas du Règne animal de Ciivier, Insectes, pi. 84, tig. l d ei'id ; pi. 85, lig-. 4e.
(6) Op. cit., pi. 103, fig-, i c.
(c) Slraus, Considér. sur l'anal, comp. des Animaux articulés, pi. 1, fig. 13 b.
{d) Savigny, Egypte, MYRrAPODES, pi. 1 , i'ig;. 1 , 2, i, o, u.
-- Trcvii-amis, Uebev die Saugwerhzeuge der insekten {Vevmischte Schviflen, t. U,
lis- ^î-»')-
AP.MVTtlRf; ÎÎUCCALK t)F.S i^■SECT^:S. 5l7
Le mode d'organisation que je viens d'indiquer se rencontre
chez [jresque tous les Insectes masticateurs. Il y a cependant
quelques Animaux de cette classe dont la bouche, tout en étant
conformée pour la préhension d'alimenls solides, ne présente
pas une structure si compliquée ; les appendices dont elle est
armée tendent parfois à rentrer dans l'intérieur du tube digestif,
et à se cacher plus ou moins complètement derrière deux
replis cutanés qui représentent, d'une part le labre, d'autre
part la lèvre inférieure ; enfin, les mâchoires, aussi bien que les
mandibules, sont (pielqucfois réduites à une seule pièce cornée
en forme de crochet articulé sur une longue lige comparable
aux baguettes qui, chez la plupart des Arthropodaires, rem-
plissent les fonctions de tendons. Ce mode d'organisation se
voit chez la plupart des Podurelles (!).
de palpes (a) ; mais quelquefois les
mâchoires sont nidimentaircs , ou
manqueiU : par exemple, dans le
genre Trichodectes (6).
(1) L'appareil buccal des Podurelles
a été étudié avec beaucoup de soin
par M. Nicolet. Cet entomolcgisle a
trouvé que dans le genre Achorutes .
tous les appendices masticaleurs
manquent, et la bouche a la forme d'un
tubercule conique percé au sommet;
mais chez les autres lnsec(es de cette
famille il a trouvé un labre, une paire
de mandibules, une paire de mâchoires
dépourvues de palpes, et une lèvre
inférieure large, sans palpes, et formée
par une pièce triangulaire analogue
au nienlon. Les mâchoires, et surtout
les mandibules, ont la forme de gros
crochets denticulés sur le bord (c).
I,a bouche est oignnisée d'une ma-
nière analogue chez les larves de
certains Diptères : TOEstre du Cheval,
par exemple , où les mandibules con-
stilricnt une paire de crochets articu-
léssur une pièce médiane; el les man-
dibules sont représentées par une paire
de petites pièces cornées denliculées
sur les bords [d).
Chez d'autres larves du même ordre,
par exemple chez le Pîophtla Pela-
sionis, on ne trouve plus qu'une seule
paire de crochets qui sont constitués
par les mandibules, et s'articulent sur
(a) Lyonnet, Recherches sur l'anatomie et les métamorphoses de différentes espèces d'Insectes,
pi. 5, fîg. 7.
— Denny, Moiiographia Anoplurorvm Britanniœ, pi. 20, fig. 2 c.
(6) Nilzicli, Die Familicii und Gattungen der Thierinsekteîi (Germar's Magasin der Entomo-
logie, t. m, p. 294).
(c) Nicolet, Recherches pour servir à l'histoire des Podurelles, p. 33, pi. 4, fig-. (i Jt 8 (exir.
des Nouveaux Mémoires de la Société helvétique des sciences naturelles, 18-41 , I. VI).
{d) Jo!y, Recherches z-oologiques, anatomiques, physiologiques et médicales sur les Œslrides,
p. 34, p!. 5, fig'. 3, 4, :•.
pharyngienne
518 APPAREIL DIGESTIF.
Armature § 10. — 11 Gst aussi à îioter que, indépendamment de l'ap-
pareil dont je viens de parler, il existe, en général, dans l'inté-
rieur de la bouche des Insectes broyeurs, des parties saillantes
qui paraissent intervenir dans le travail de la mastication en
retenant temporairement les aliments dans cette cavité pendant
que les mandibules les écrasent ou les hachent. Ce sont de
petits lobes saillants qui sont iixés, d'une part derrière le labre,
à la face supérieure de la chambre buccale, d'autre part au
plancher de cette cavité, en arrière de la languette. Le premier
de ces organes est désigné d'ordinaire sous le nom cVépipha-
rynx^ el constitue, chez beaucoup de Coléoptères, un lobe
impair garni de poils qui se voit immédiatement derrière
l'échancrure médiane du labre, ou bien encore une espèce de
bourrelet saillant (1). Chez les Orthoptères et les Névroptères,
il est rudimentaire. L'autre lobe intrabuccal, appelé hypo-
pharynx, à raison de sa position à la partie inférieure du vesti-
bule digestif, est très développé chez les Libellules et quelques
aufres Névroptères, où il constitue une éminence trapézoïdale
un support médian formé de deux ti- il constitue un lobe médian appli- ,
gelles longitudinales (a). Swammer- que contre la lace interne du ial)re.
dam, qui les avait assez bien vus, les Chez les Copris et les (léolriipes, il a
comparait à la griffe d'un épervier, la forme d'un bourrelet saillant; mais
et Réaumur les appelle des harpons. cliez d'autres Coléoptères de la même
(1) L'épipharynx, ainsi nommé par famille, tels que le Hanneton, il n'est
Savigny, a été décrit par quelques au- pas développé. Chez les Dytisques , il
teurs comme une langue palatine (6), est au cojitraire fort saillant, el se loge
et a été appelé aussi l'epï'y/osse (c). Il dans une cavité située vers le bord
est très visible chez les Coléoptères supérieur du labre , entre les deux
lamellicornes des genres Afeuchus, où grands lobes mandibulaires {d).
(a) Léon Dufour, Histoire des métamorphoses et de l'anatomie du, Pioptiila Petasionis {Ann. des
sciences nat., 1844, t. I, p. 372, pi. 16, fig. 8 et 10).
(6) Savigny, Théorie de la bouche, p. 12.
— Kirby and Spence, Introduction to Entomology , t. III, p. 358.
(c) Savigny, Théorie des pièces de la bouche, p. 12.
— Latreillc, Observations s^ir l'orga^iisation extérieure des Anima^ix articulés [Mém. du
Muséum, t. Vm, p. 185).
(d) Brullé, Recherches sur les transformations des appendices dans les Articulés (Ann. des
sciences nat., 3° série, 1S44, t. Il, p. 364).
AP.MATURi: iiUCCALE DES INSECTES. 519
garnie de poils et appliquée contre la base île la lèvre inr;'--
rieiire. 11 est très développé aussi eliez les Orthoptères, où il
s'allonge davantage, et se divise en deux portions, de façon à
ressembler à une paire de mâchoires rudimentaires. Enfin,
chez les Coléoptères, il est quelquefois rudiinentaire et ne con-
siste qu'en deux ou trois tubercules velus: mais d'autres l'ois il
s'allonge considérableuient et ressemble à une langue bifide.
Du reste, cet organe, de même que l'épipharynx, ne paraît
pas appartenir au système appendiculaire dont naissent les
mandibules, les mâchoires et la lèvre supérieure; c'est seule-
ment un repli des téguments de la cavité buceaie, ipii est sou-
vent fortifié par une jiièce cornée particulière (1).
§ 11. — Dans une autre grande division de cette classe, Appareil
tormeepar les ^-sectes lecheurs, c est-a-aire eonx riui, a 1 état desinsedes
parfait, se nourrissent de matières plus ou munis injuides dont
ils s'emparent à l'aide d'une sorte de langue longue et flexible,
l'appareil buccal ofl're un mode d'organisation ditïérent, mais
se compose des mêmes parties que chez les Insectes mastica-
teurs dont nous venons de nous occuper. Ainsi, cliez l'Abeille,
le Bourdon et les autres Hyménoptères qui récoltent le miel, Hyménoptères,
(1) Divers enloinoiogistes donnent
il cet organe le nom de /a/îg'.ff. M-tIs
beaucoup d'autres désignent de ia
même manière la partie de la lèvre
inférieure que nous avons appelée
languette , et il règne dans leurs
éciils nue grande confusion relati\e-
menlàces parties de i'appareil buccal.
Pour plus de détails à ce sujet, je
renverrai à un travail spécial de
M. Brullé, oti la questioR- de srao-
nymie a été très bien traitée (a).
Comme exemple des Insectes ayant
un hypopharynx bien déveiop ;é. je
citerai en premier lieu le Hanneton, où
cet organe a éié figuré par M. Sîraus
Durkheim. C'est une petite masse
cliarnue et mobile placée au-dessus
du milieu du menton, et divisée en
quatre lobes garnis de papilles ou de
poils et portés sur deu\ Olets cornés
(ou apophyses glosso-pharyugiennes)
qui se prolongent en arrière (6), et
qui donnent attache à une partie des
fibres couslitntivcs des muscles du
pharynx.
(a) Bnillé, Recherches mr les transformations des appendices (loc. cit., p. .SSI ei suiv.
i.V) Slraus, Considérations sur l'anatomie des Atiimavx artifulés, p. T2, pi. 1, fig. 44.
5Î20 Al>p.\iu-:iL niGESTiP.
on trouve, comme d'ordinaire, sur le devant de la bouche, une
lame médiane qui est le labre, et sur les côtés une paire de
mandibules qui sont disposées à peu près de la manière ordi-
naire, bien qu'elles ne servent pas à la préhension des aliments,
et sont employées comme instruments de sculpture dans les
travaux architecturaux de ces Animaux (1). Plus immédiate-
ment en rapport avec l'entrée du canal digestif, on remarque
un faisceau de baguettes ou lamelles très allongées. On
compte facilement sept de ces appendices; dans quelques genres
de la même famille, tels que les Panurges et les Nomades, on
en distingue même neuf : et au premier abord il peut paraître
difficile de reconnaître dans ces organes filiformes les ana-
logues de mâchoires et de la lèvre inférieure d'un Coléoptère;
mais, en les examinant attentivement, on ne tarde pas à se
convaincre de leur similitude fondamentale. En effet, cinq de
ces appendices sont portés sur une pièce cornée impaire qui
est placée derrière la bouche, et qui représente évidemment le
menton des Insectes broyeurs. Les appendices de la paire exté-
(l) Il osl à noter cependant que les dans une caviié close. C'est de la sorte
mandibules des Abeilles, au lieu de se que pendant la campagne de Crimée,
terminer en pointe, comme d'ordi- on a trouvé dans des cartoucbes de
naire, sont élarj^ies vers le bout {a) ; l'armée russe des balles de plomb
je reviendrai sur les particularités de qui avaient élé perforées par des
leur structure, lorsque je traiterai des Sirex ou Urocères [b). Du reste, dans
travaux d'architecture de ces Animaux. des circonslances analogues, certains
J'ajouterai que parfois certains Hy- Coléoptères taraudent aussi des sub-
niénoptères parviennent, à l'aide de stances 1res dures, telles que le piomb
leurs mandibules, à ronger des sub- ou l'alliage des caractères d'impii-
stances très dures, qui ne leur servent merie (c), et j'ai observé beaucoup de
pas comme nourriture, mais qui s'op- cas dans lesquels des lames de plâtre
posentà leur passage au dehors, quand et des pierres tendres avaient étéenta-
ils ont achevé leurs métamorphoses mées par les mandibules des 'J'ermi tes,
(a) Voyez Y Allas du Règne animal de Cuvier, pi. dSO, fig. 6&.
(6) Duméril , Recherches historiques sur les esj èces d'Insectes gwi rongent et perforent le
plomb {Comptes rendus de l'Académie des sciences, 1857, t. XLV, p. 361).
(c) Desmarest, Notice sur quelques perforations faites par des Insectes dans des plaques métal-
liques {Revue i-oologique de Gnérin-Méneville, lS44j.
AftMATtiP.È BUCCALE DES INSECTES.
521
rieure naissent aux angles antériwirs de ce support, et, par leur
structure aussi bien que par leurs relations anatomiques, ils cor-
respondent aux palpes labiaux ; seulement leur premier article, au
lieu d'être courtet cylindrique, est devenu excessivement long et
lamelleux. L'appendice médian, qui est la partie la plus impor-
tante de l'appareil buccal, car il constitue l'espèce de langue
déliée et Hexible dont l'Animal se sert pour lécher le miel, est
formé par la réunion des parties dont se composent les lobes
moyens de la languette chez un Orthoptère. Enfin, de chaque
côté de la base de cet organe, se voit une lamelle appelée para-
glosse^ qui est le représentant du lobe externe de cette même
languette (1). Ainsi, chez ces Insectes lécheurs, toutes les parties
(1) Ainsi la langnelte de F Abeille est
formée par la portion de la lèvre in-
férieure que j'ai appelée VendochilUe,
etelleporteà sa base une paire de
filaments constitués par les para-
glosses. Elle est filiforme, très poilue,
et divisée en une multitude de petits
segments articulés et mobiles : son
extrémité est un peu aplatie en forme
de spatule (a; ; enfin , sa face su-
périeure est sillonnée sur la ligne
médiane, et elle paraît êire composée
de deux petits cylindres accolés côte
à cote.
Les palpes labiaux sont très allon-
gés, slyliformes, et composés de quatre
articles placés bout à bout. Cliez
plusieurs Mellifères, les deux pre-
mières pièces sont fortes, et les deux
dernières rudimentaires et rejetées en
dehors, de façon à ressembler à un
petit palpe accessoire.
Les principaux muscles moteurs des
pièces appendiculairesde la lèvre infé-
rieure sont logés dans une sorle de
gouttière formée par le menton, et il
est à noter que l'ensemble de cet ap-
pareil est rendu très protractilepar le
jeu d'une pièce cornée de forme allon-
gée qui s'articule avec le bord posté-
rieur du menton, et qui fonctionne à
la manière d'un levier pour pousser
celui-ci en avant (b).
Dans l'état de repos, la langueite est
cachée dans une espèce de gaine for-
mée par les palpes labiaux et les mâ-
choires ; mais quand l'Animal veut
s'en 5,ervir, il la projette rapidement
en avant, et par des mouvemenis de
va-et-vient ramène enire les valves de
l'étui maxillaire la portion terminale
de cet organe filiforme dont les poils
se sont chargés de sucs visqueux et
sucrés puisés dans la corolle des
fleurs. Ainsi ce n'est pas en pompant
les liquides que l'Abeille se nourrit,
mais pour ainsi dire en lapant, à peu
près comme le fait un Chat.
(a) Swammerdam, Diblia Naturce, pi. 17, fig. 5.
■ — Brandt et Raizelmi-!;-, Medlcinische Zoologie, t. II, pi. 25, fig. 10.
(b) Savigny, Egypte, Insectes hyménoptères, pi. 1, û'^. 1, u.
— Newport, Insecta (Todd's Cyclop. of Anat. and Plujsiol., t. II, p. 898, lig'. S73, 37 6).
5^2 APPAREIL DIGESTIF.
constitutives de la lèvre inférieure se retrouvent aux mêmes
places que cliez les Insectes broyeurs, seulement elles ont changé
(le forme et d'usages par suite de leur grand allongement. Les
mâchoires sont également reconnaissables, malgré des modifi-
cnlions analogues à l'aide desquelles ces organes, au lieu de
former une sorte de pince accessoire, constituent une espèce
de gaine bivalve destinée à protéger la languette dans l'état de
repos. Ces membres occupent comme d'ordinaire les côtés
de la bouche, entre les mandibules et la lèvre inférieure, et se
composent principalement d'une pièce basilaire et d'une longue
lauie cornée qui s'atténue vers le bout, et qui est l'analogue du
galea d'un Orthoptère ; mais leur palpe ne manque pas et se
trouve à sa place accoutumée, seulement il est réduit à de très
petites dimensions. Chez d'autres Hyménoptères, ce dernier
nppendice se développe même beaucoup, et c'est ainsi que
dans les espèces dont j'ai parlé comme ayant la bouche garnie
de neuf organes tilii'ormes, les branches complémentaires du
faisceau buccal se trouvent constituées (1).
Chez les Guêpes, la languette, formée toujours par l'endo-
chile, ou portion médiane et terminale de la lèvre infériem-e,
s'élargit en forme de spatule, et se divise à son extrémité en
(l)Cliez les Abeilles, lii palpe maxil- est courte ef élargie, comme chez les
laire est tout à fait rndimentaire, elne Fourmis (c) et les Crabro (d). Enfin,
se compose que d'une seule pièce (a) ; chez les Mutilles, le palpe se développe
mais, chez la plupart des îlyméno- davantage encore, et la branche in-
ptères. on y dislingue quatre ou cinq terne de la mâchoire devient rndimen-
arlicles, et il devient parfois aussi long taire, de façon que le membre tout en-
que la branche interne de la ma- lier prend à peu près la forme d'une
choire (6), ou même la dépasse de petite patte qui porterait à sa bnse un
beaucoup; et alors celle dernière partie lobule aplati (e).
(a) Brandt et Ratzeburg;, Medicinische Zoologie, l. Il, pi. 25, fig-. -10 A, f.
(b) Exemples : Nomades (voy. Curtis, British Entomology, t. IV, pi. 419, fig. 4) — Blancliarti,
Atlas du Bègne animal de Cmier, Insectes pi. 128, fig. 3c.
(c) Atlas du Règne animal de Cuvier, Insectes, pi. 1 17, fig. 1 c.
{d) Op. cit., pi. 122, fig. 9 6.
(e) Op. cit., pi. 118, fig. 3 6,4 6.
Appareil
buccal
des
ARMATURE BUCCALE DES INSECTES. ' 52o
deux lobes, de I^çon à ressembler davantage à ce que nous
avons vu dans la lèvre inférieure de certains Insectes broyeurs
et chez d'autres Hyménoptères , cette partie , ainsi que les
mâchoires, se raccourcissant plus ou moins, et établissant tous
les intermédiaires entre les formes extrêmes que nous venons
dépasser en revue (1).
Enfin , les Hyménoptères se- font remarquer aussi par le
grand développement de ieur épipharynx. Chez les Mellifères,
par exemple , cet organe constitue un lobe membraneux qui
est tout à fait distinct du labre, et qui est soutenu par des pinces
cornées particulières (2). L'hypopharynx, au contraire, est peu
développé et quelquefois rudimentaire (3).
§ 12. — Ainsi que chacun le sait, les Chenilles vivent pour
la plupart de feuilles, et ont toutes la bouche puissamment
armée d'organes masticateurs ; mais lorsque ces Animaux ont Lépidopièr
(1) Chez plusieurs Hyménoptères, par exemple, dans le genre Stjnar-
la languette ou endochiiite .se rac- çis (c). Du reste, c'est chez les llasaris
côurcit beaucoup ; lesparaglossesman- que son mode de conformation est le
quent,etles palpes labiaux prennentla plus remarquable. En efl'et, la lan-
forme de petits filaments cylindriques guette bilide de ces Insectes est d'une
quadriarticulés, de façon à ressembler longueur extrême, et se recourbe en
tout à fait à ceux des Coléoptères, etc.: anse dans une sorte de gaine qui fait
par exemple, chez les Andrènes (a). saillie au dehors, en arrière du men-
Chez d'autres, au contraire, cet organe ton {cl).
acquiert une longueur 1res considé- (2) Cet organe n'avait pas échappé
rable : par exemple, chez les Guêpes à l'attention de Réaumur (e).
solitaires du genre tiaphiglosse (6). (o) Chez les Eucères, l'hypopharynx
En général, il n'est bifide que vers le est solide et s'emboîte avec l'épipha-
bout; mais, dans quelques insectes de rynx (/■); mais c'est surtout chez les
cet ordre, ses deux moitiés consli- Fouisseurs, tels que les Spliex et les
tuantes sont libres jusqu'à leur base : Scolies, qu'il est bien développé.
(a) Voyez V Atlas du Règne animal de Cuvier, Insectes, pi. 125, fig. 5 b.
(b) H. de Saussure, Monographie des Guêpes solitaires de la tribu des Euménides, pi. 2,
fig. 1 a.
(c) Idem, ibid., pi. 5, fig. 2 a.
(d) làem, Note sur les organes buccaux des Masaris [Ann. des sciences nat., ^i^" série, 1857,
t. VU, p. 107, pi. 1, fig. 1 à 7).
{ej Réaumur, Mém. pour servir à l'histoire des Insectes, t. V, pi. 28, fig. 9.
(f) Savigny, Théorie de la bouche {Mém- sur les Anim. sans vertèbr., t I, p. 12).
52/|. APPAREIL DIGESTIF.
aclievé leurs inétamorphoses et sont arrivés à l'état de Papillons,
leur régime n'est plus le même, et ils se nourrissent exclusi-
vement de liquides sucrés qu'ils vont puiser dans l'intérieur
des fleurs. Aussi , à cette période de leur existence, les Lépi-
doptères ont-ils la bouche conformée pour la succion seule-
ment, et prolongée en une sorte de pipette flexible qui s'en-
roule en spirale pendant le repos ou se déploie en avant.
Quelquefois cette trompe est d'une longueur très considérable;
mais on connaît des Insectes de cet ordre qui jeûnent pendant
toute la durée de leur état adulte, et souvent chez ceux-ci cet
organe est complètement rudimentaire. 11 consiste en un tube
composé de deux pièces semi-cylindriques finement striées en
travers, creusées longitudinalement en gouttière sur leur face
interne et réunies par leurs bords. De chaque côté de sa base on
remarque un appendice en forme de palpe qui s'avance comme
une sorte de corne, et qui est couvert de poils très serrés; par
un examen attentif, on découvre aussi au-devant de la trompe
trois petites pièces semblables à des écailles, et de chaque côté,
fixé à la base de cet organe, un appendicuie composé de deux
ou trois articles rudimentaires. On voit donc que l'appareil
buccal des Papillons diffère beaucoup de tout ce que nous avons
rencontré jusqu'ici chez d'autres Animaux de la même classe;
mais Savigny a fait voir qu'il se compose néanmoins des mêmes
éléments anatomiques. En effet, il a reconnu, dans les trois
petites pièces sous-frontales qui sont situées au-devant de
la trompe, les analogues du labre et des deux mandibules; il
a constaté que les deux grands palpes qui s'avancent sur
les côtés de la bouche, et qui naissent sur un article trans-
versal, ne sont autre chose que la lèvre inférieure; enfin il a
montré d'une manière satisfaisante que la trompe elle-même
est formée par les mâchoires, dont le palpe devient rudi-
mentaire et dont la branche interne s'allonge excessivement,
affecte la forme d'une sonde cannelée, et se joint à son congé-
ARMATUUii BUCCALli DES INSECTES. 525
nère sur la ligne médiane, pour constituer avec lui un tube
aspirateur (l).
§ 13. — Les mêmes matériaux organiques, employés d'une Appaieii
manière différente, forment, chez les Punaises et les autres des Hémipières.
(1) Jusqu'au moment où Savigny
publia son beau travail sur la théorie
des organes de la bouche des Insectes,
la plupart des anatomistes pensaient
que les Papillons étaient dépourvusde
mandibules, et que dans la structure
de leur bouche on ne pouvait décou-
vrir aucune trace du plan d'organisa-
tion propre aux Insectes maxillés (a).
Latreille, il est vrai, avait deviné que
les grandes lames constitutives de la
trompe étaient formées par les mâchoi-
res (6) ; mais cette vue n'avait été ni
développée ni suivie, et l'on proposa
même de donner à ces Insectes le nom
iVagnathes (c). Savigny fut le premier à
avoir une idée complète de l'appareil
buccal des Lépidoptères. Cet habile
observateur a trouvé que le labre, ou
lèvre supérieure de ces Insectes, est
une pièce médiane mince, )nenibra-
ueuse, quelquefois semi- circulaire ,
mais le plus souvent allongée en pointe,
qui est appliquée contre la base de la
trompe et reçue dans un léger écar-
tement existant entre les deux filets
constitutifs de ce tube (d).
Les mandibules sont représenlées
par une paire de petites lamelles,
peu mobiles ou même soudées au
chaperon , et situées de chaque
côté du labre sur les côtés de la
trompe ; elles sont, en général , moins
grandes que les écailles épidermi-
ques qui revêtent cette partie de la
tète (e).
Les mâchoires , lorsqu'elles sont
isolées, ressemblent beaucoup à celles
des Hyménoptères, si ce n'est que leur
palpe est plus petit et leur branche
interne plus étroite, plus allongée et
plus fortement canaliculée en dedans.
Le palpe maxillaire se compose tan-
tôt de deux, tantôt de trois articles, et
il est assez facile à apercevoir chez
quelques Lépidoptères nocturnes, tels
que la Teigne du blé, où il n'avait pas
échappé à l'attention de Réaumur (/) ,
et chez le Galleria cerella {g). Mais,
en général, il est très petit et quel-
quefois même tellement rudimen-
taire, par exemple chez les Spliinx,
que son existence a été révoquée en
doute '{h), quoique, en réalité, cet ap-
pendice ne manque jamais.
La trompe est souvent très longue :
chez le Sphinx liguslri, et le Macro-
glossa stellatarum, par exemple {i) ;
(a) Cuvier, Leçons d'anatomie comparée, dSOS. t. III, p. 323.
(b) Lalreillc, Histoire des Crustacés et des Insectes, t. H, P- i^^-
{c) Spinola, Consideraiioni sulla bocca degli Insetti, p. 23 (Gènes, sans Jate). ^
(d) Savigny, Op. cit. [Mém. sur les Anim. sans vertébr. ,1.1, p- 4. pi. 1 , li?- 1 ; 'ig- "^'^ el o'^,a).
— Doyère, Atlas du Règne animal de Cuvier, Insectes, pi. 131, fig. 1 b, 1 c, a.
— Newport, Insecta (Todd's Cyclop., t. II, p. 900, fig. 377).
(e) Savigny, Op. cit., pi. 1, fig. i, i.
— Doyère, loc. cit., pi. 131, fig. 1 6, 1 c, 6.
(/■) Réaumur, Mém. pour servir à l'histoire des Insectes, t. lit, p. 280, pi. 20, tig. 16.
(g) Savigny, Op. cit., pi. 3, fig. 3^.
[h) Newman, On the Externat Anatoimj of Insecls (Entom. Magax,., p. 84).
(i) Voyez VMlas du Règne animal de Cuvier, Insectes, pi, 147, fig. 2 a.
526 APPAREIL DIGESTIF.
Insectes de l'ordre des Hémiptères, un instrument de succion
qui n'est pas une simple pipette, comme la' trompe des Papil-
lons, mais un appareil perforant que je comparerai à une petite
canule renfermant un poinçon aigu, dont les chirurgiens font
usage dans l'opération de la ponction (1). En effet, la bouche
des Hémiptères se prolonge en forme de tube, et dans l'intérieur
de cet organe on trouve deux paires de stylets mobiles dont
la pointe peut dépasser l'extrémité de leur étui, et pratiquer
dans les tissus des Animaux ou des plantes dont ces Insectes
mais dans d'autres espèces de la même
famille, telles que \e Smerintlms ocel-
lalus{a), elle est fort courte, et chezles
llépiales elle est rudimeii taire. Tantôt
elle est presque nue, d'autres fois cou-
verle d'écaillés épiderniiques, et sou-
vent on y remarque une multitude de
papilles qui hérissent en avant sa par-
tie terminale : par exemple, chez les
Vanesses {h). Ainsi que je l'ai déjà dit,
les deux demi-cylindres qui la consti-
tuent sont creusés d'une gouttière lon-
gitudinale là leur face interne, et, en
se réunissant , forment ainsi un tube.
Lorsqu'on fait une section transversale
de la trompe , on voit la lumière de
ce conduit sur la ligne médiane, et l'on
remarque aussi un tube vers le centre
de chaque filet maxillaire (c) : mais
c'est à tort que quelques auteurs ont
considéré ces dernières cavités comme
servant à la succion (d); elles ne s'ou-
vrent pas au dehors, et sont formées
par les trachées aérifères entourées
d'autres parties molles. 11 est aussi à
noter que ces deux appendices sont
réunis par une multitude de crochets
microscopiques qui en garnissent le
bord interne (e), et que leur face in-
terne est simplement membraneuse,
tandis que leur surface extérieure et
convexe est de consistance couen-
neuse. Enfin , il existe dans leur inté-
rieur des fibres musculaires.
La lèvre inférieure [f] est consti-
tuée par un support, ou menton, de
forme triangulaire, sur lequel est arti-
culée une paire de palpes composés
chacun de deux ou de trois articles,
et variant beaucoup quant à leurs for-
mes et leurs dimensions {g). Queloues
auteurs désignent ces appendices sous
le nom de barbillons.
(1) Le trocart.
i d.
9, H
Oot 10.
(a) Voyez Y Atlas du Règne animal de Cuvier, Insectes, pi. 14 7, lig. 1 a.
(h) Newport, Insecta (Todd's Cyclop., t. Il, p. 901, fig. 378).
(c) Savigny, Op. cit., pi. 2, fig. 1 e.
— Doyère, Atlas du Règne animal de Cuvier, Insectes, pi. 131, ûg.
(d) Réaumur, Mém.pour servit- à L'hist. des Insectes, t. I, p. 235, pi
(e) liera, ibid., t. I, p. 237, pi. 9, fig. 6.
— Newport, Insecta (Todd's Cyclop., t. Il, p. 901, fig. 378).
(/■) Savigny, Op. cit., pi. 1 , fig. 2 u, etc.
— Doyère, loc. cit., pi. 131, fig. 1 c.
(g) Exemples : VHerminia emortualis, où les palpes labiau.K sont très longs (Règne animal,
pi. 15(5, fig. 8 a), et le Zerene grossiilarlûta, où ils sonl très petits (Op. cit., pi. 1 56, fig. 6 a).
AUMAÏLKE BUCCALE DES INSECTES. 5*27
veuleiit sucer les humeurs une piqûre dans laquelle ce tube
s'engage ensuite et pompe le liquide épanché (1).
La lèvre inférieure, qui est presque sans usage chez les
Lépidoptères, joue ici un rôle important; elle constitue la
presque totalité de la canule de cette espèce de trocart ou
pipette armée. En effet, la portion moyenne de ce membre
s'allonge beaucoup, et ses bords latéraux se recourbent en
avant, puis en dedans, de façon à se rencontrer dans presque
toute leur longueur et à constituer de la sorte un tube (2). En
avant, la partie basilaire de ce conduit est complétée par le labre,
(jui s'allonge aussi et se loge dans l'espace laissé entre les bords
de la lèvre inférieure. Les mâchoires se trouvent ainsi entourées
par les deux lèvres, et, s'allongeant aussi excessivement, con-
stituent dans l'intérieur de cette gaine une paire de stylets grêles
et acérés. Enfin, les mandibules, qui se réduisent à l'état de
simples vestiges chez les Lépidoptères, prennent ici un déve-
loppement semblable à celui des mâchoires, et constituent une
seconde paire de stylets dans l'intérieur du tube labial (3). La
(1) Linné et Fabncius ont désigné trop long d'exposer ici me portent à
cet appareil sous le nom de rostre ; penser que les palpes réunis entre
Kiri)y l'a appelé promuscis. eux, comme le sont les deux moitiés
(2) Le tuije labial (a) est composé en du menton , constituent les trois der-
généial de quatre articles réunis bout niers articles de la gaine lalMale.
à b;)ul, et il présente en avant une (3) Les appendices qui représentent
fente médiane. Cliez quelques Hé- les màcboires et les mandibules sont
miptères, les Aèpes, par exemple, on des stylets très grêles et renflés à leur
remarque de chaque côté de la por- base. Leur extrémité est tantôt simple
tion basilaire de cet organe un appen- (par exemple, chez les Pentatomes),
dicule qui est généralement considéré d'autres fois armée d'une rangée de
comme le palpe lingual (6); mais cette petites pointes récurrentes, comme
détermination me semble très criti- une flèche barbelée, ainsi que cela se
cable, et diverses raisons qu'il serait voit aux mâchoires des Nèpes (cj.
(a) Savig-ny, Théorie de la bouche, pi. 4, fig. ^^, etc.
— Doyore, Atlas du Règne animal de Cuvier. pi. 88, ùg. 2 a, elc.
[b] Savigny, Op. cil-, pi. i, ûg- 3^, 3-, o. — iM. Doyère a trouvé, chez le Ranalra linearls,
deux petits appendices qui naissent du troisième article, et qu'il assimile à ceu.x observés par Savigny.
Il les appelle, mais par inadvertance, sans douty, lÏQspalpes maxillaires {Atlas du Règne animal de
Cuvier, Insectes, pi. 94, fig. 3 a).
{cj Savigny, Op. cit., pi. 4, fig. 3' et 3o .
Appareil
buccal
des
Diptères.
528 APPAREIL DiGKSÏlF.
forme et les caractères accessoires de l'appareil de succion
ainsi conslitué varient un peu : chez les Cigales, par exemple, il
se trouve refoulé jusque entre la base des pattes antérieures,
tandis que chez les Punaises il est placé sous le front; mais sa
structure est partout essentiellement la même (1).
§ 1/l. — Les Mouches et les autres Diptères sont aussi des
Insectes dont la bouche est organisée pour la succion (2); mais
l'espèce de trompe dont ces Animaux sont pourvus ne res-
semble ni à la pipette des Lépidoptères, ni au suçoir des Hémi-
ptères. Elle se compose cependant des mêmes matériaux
organiques, seulement plusieurs de ces parties ont subi des
modifications plus profondes; on y rencontre des variations
beaucoup plus considérables que dans les ordres dont l'étude
vient de nous occuper, et les analogies y sont souvent plus
difOcilcs à saisir (o). Chez quelques espèces, cet appareil est
(1) Chez la Cigale de l'orme, il
existe, indépendamment de la gaine
du suçoir formée par la lèvre infé-
rieure et le labre, et des quatre slylcis
conslilués par les mandibules et les
mâclioires , quelques pièces acces-
soires qui paraissent correspondre aux
palpes maxillaires [a).
Il est aussi à noter que chez cer-
tains Pucerons cet appareil s'allonge
beaucoup, et dans le repos se re-
ploie en arrière, de façon à dépasser
beaucoup l'abdomen et à simuler une
queue à l'arrière du corps de l'In-
secte (b). Chez les Coccus, le tuhe du
suçoir n'est représenté que par un
tubercule conique très court; mais
les stylets maxillaires et mandibulaires
s'allongent excessivement , et se re-
plient en forme d'anse dans la cavité
abdominale , où ils paraissent èlre
logés dans une gaîne membra-
neuse (c).
(2) Le régime des Diptères varie
beaucoup. Les uns, les Cousins, par
exemple, vivent du sang de l'Homme
ou de divers Animaux, dont ils piquent
la peau pour en tirer ce liquide ;
d'autres, tels que les Empides, font la
chasse auxpelils Insectes dont ilssucent
les humeurs; il en est aussi qui s'a-
breuvent des liquides contenus danr
les matières animales en putréfaction,
diverses Mouches, par exemple; mais
la plupart des Insectes de cet ordre se
nourrissent du suc des Heurs.
(3) L'élude de l'appareil buccal des
Diptères n'a été qu'ébauchée par Savi-
(d) Branill et Ratzeburg, Medicinische Zoologie, t. II, p. 207, pi. 27, fig-. liai 'J.
(b) Rcaumur, Mém. pour servir à l'histoire des Insectes, t. III, pi. 29, ficf. i 1 à 14.
(c) Brandi et Ralzeburg, Op. cit., t. II, p. 215, pi. 27, fig. 1 à 4.
ARMATURE BUCCALE DES INSECTES. 529
d'une longueur démesurée, comparativement à la grandeur du
corps de l'Animal : par exemple, chez les Némestrines d'ÉgypIe,
où il est en même temps extrêmement grêle (1 ). Chez d'autres,
telles que la Mouche de la viande, il est trapu, coudé et terminé
par une sorte de grand disque charnu. Enfin il est aussi des
espèces où il est fort réduit, et l'on remarque également des
différences importantes dans le nombre des instruments vuhié-
rants dont il est pourvu.
C'est chez les Cousins que l'armature buccale paraît avoir
le plus haut degré de comphcafion, et, à raison de la petitesse
de ses parties constitutives, plusieurs de celles-ci ont échappé
à l'attention de la plupart des observateurs. On y remarque
d'abord une sorte d'étui grêle et allongé qui en occupe la
partie inférieure et qui loge une espèce de dard ou de poinçon ;
puis, insérée près de sa base, une paire de petits pallies. Ces
parties ont été aperçues dès qu'on a pu se servir d'une forte
loupe pour en faire l'étude ; mais, lorsqu'on examine de plus
près l'espèce de dard dont je viens de parler, on voit qu'elle est
très complexe, et se compose de cinq aiguilles réunies en un
faisceau qui est en partie embrassé par une sixième lancette un
gny, et laisse, encore beaucoup à dési- sur la théorie de sa composiiion ana-
rcr. Cependant , plus récemment , tomique (a). On doit aussi à .M. Gerst-
xNewport a fait à ce sujet des recher- feldt des observations sur le même
ches importantes ; et M. Blanchard, sujet (6).
après avoir donné, dans Patlas de la (1) La Némestrine d'Egypte est un
grande édition du Règne animal de Diptère à corps velu de la famille des
Cuvier, une série de bonnes figures Tanystomes , voisin des Anthrax, qui
de celte partie de la tète dans toutes paraît vivre du suc des fleurs; sa
les principales divisions de l'ordre , trompe est filiforme et a trois ou
a publié une note très intéressante quatre fois la longueur du corps (c).
(a) Savigny, Théorie de la bouche, p. "13, pi. 4, fig. 1.
— Newport, art. Insecta (Todd's Cijclop. of Anat. and PhysioL, 1839, t. II, p. 900 elsuiv.).
— Blanoliani, De la composition de la bouche dans les Insectes de l'ordre des Diptères (Comptes
rendus de l'Acad. des sciences, 1850, t. XXXI, p. 424).
(b) Gerslfeldt, Ueber die Mundtheile der saugenden Insecten (dissert, inaug.). Dorpat, 1853.
(c) Voyez l'Atlas du Règne animal de Cuvier, Insectes, pi. 168, fig. 5.
V. 34
530 APPAllEIL DIGESTIF.
peu plus large et infléchie latéralement en manière de gouttière
renversée. Cette dernière pièce est impaire et s'insère au bord
frontal de la bouche ; elle correspond donc au labre des autres
Insectes. Les deux slylets situés immédiatement au-dessous
sont pairs et dentelés près du bout; ils doivent être considérés
comme les analogues des mandibules. Une seconde paire d'ai-
guilles cornées, qui ont à peu près la même forme, représente
les mâchoires, et, quand on les désarticule avec soin, on voit
que les appendices palpiformcs dont il a déjà été question y
sont attachés; ceux-ci sont par conséquent des palpes maxil-
laires. Knfin, la sixième aiguille est impaire, et elle paraît être
formée par la languette ou branche interne de la lèvre infé-
rieure, dont les branches externes ou principales constitueraient
l'étui où tout ce faisceau de stylets se loge quand l'appareil est
au repos (1).
(1) Swammerdam fut le premier
à faire connaître d'une manière gé-
nérale la conformation du suçoir
des Cousins, et bientôt après, Texa-
men de cet organe fut porté plus
loin par son contemporain Leeuwen-
hoeli. lîéaumtir ajouta de nouvelles
observations sur ce sujet (a); mais,
jusque dans ces derniers temps , la
plupart des enloinoiogistes «nt lai.ssé
inaperçues plusieurs des parties con-
stituantes de cet appareil, bien qu'elles
eussent été toutes aperçues et figu-
rées vers le milieu du siècle der-
nier par un naturaliste italien, l'abbé
Roffredi (6). La détermination de la
plupart des pièces énumérées ci-des-
sus ne laisse aucune incertitude, et
tous les entomologistes sont aujour-
d'hui d'accord pour considérer la
lamelle impaire supérieure comme
un labre, et les deux paires de sly-
lets comme les représentants des
mandibules et des mâchoires. Robi-
neau-Desvoidy avait pensé que les
palpes appartenaient à la lèvre supé-
rieure (c) ; mais les observations de
M. Westwood prouvent qu'ils dé-
pendent des mâchoires. Il est évi-
dent que la gaîne ou demi-étui infé-
rieur correspond à la lèvre inférieure.
Reste donc seulement le sixième sty-
(a) Swammerdam, Histoire générale des Insectes, 1G82, pi. 3, fig. B, G.
— Leeuwenhoek, Avcana Naturœ., epist. lxiv, fig. 1-9.
— Réaiimur, Mémoire pour servir à l'histoire des Insectes, I. IV, p. G03, pi. 41 et 42.
(6) Roffredi, Mém. sur la trompe du Cousin et sur celle du Taon (Mélanges de philosophie et de
mathématiques de la Société royale de Turin pour 1766 à 1709, t. IV, p. 1, pi. 1 à 3).
(c) Robineau-Desvoidy, Essai sur la tribu des Culicides {Mém. de la Société d'histoire naturelle
de Paris, 1827, t. III, p. 399).
A r. M Ml m-: euccale des insectes.
S.'^l
Qiez d'autres Diptères, les Taons, par exemple, la bouelie
est constituée à peu près de la même manière 1); mais, chez
la plupart des Insectes de cet ordre, on y remarque de grandes
différences dépendantes, les unes de la substitution de certains
appendices impairs à des pièces qui d'ordinaire sont doubles
et symétriques , d'autres d'un développement excessif de
diverses parties de la lèvre inférieure et du chevauchement
qui parfois en résulte, ou bien encore de l'atrophie de quel-
ques autres parties de cet appareil complexe. Ainsi, chez les
Tipulaires, qui sont très voisins des Cousins, la portion basi-
laire de la trompe se développe beaucoup ; il en est de même
pour les [lalpes maxillaires. Mais tous les appendices qui
constituent les organes perforants dont je viens de [larlcr sont
let, qui est médian et qui a écliappé
aux reclierdies de la plupart des au-
teurs , excepté RoflVedi . Cuitis et
M. Westwood [a). Ce dernier natura-
liste le considère comnie étant l'ana-
logue de ia languette, et je partage son
opinion; mais je dois ajouter que cet
organe correspond aussi à une lame
allongée découverte par Savigny dans
la trompe d'un autre Diptère (le Ta-
banus italiens), et désignée par cet
iinatomiste sous le nom d'hypopha-
rynx, parce qu'il Tassimilait à une
partie interne de la bouche dont j'ai
déjà eu l'occasion de parler (b). Quant
à la gaîne inférieure , elle appartient
certainement à la lèvre inférieure;
mais je suis porté à croire qu'elle n'est
pas fournie par la portion linguale de
cet organe, comme on l'admet géné-
ralement, et qu'elle se compose des
deux palpes labiaux réuiiiîj sur la
ligue médiane.
(1) Chez les Taons, les appendices
buccaux sont moins efBlés que chez
les Cousins, et, au-dessous du labre,
on trouve une paire de mandibules en
forme de lames allongées, une paire
de mâchoires dont la branche prin-
cipale est styliforme et le palpe grand
et lamelle ux ; enfin, une Irvre infé-
rieure terminée par deu\ grands lobes
ovalaires, et entre cet organe et le
labre une lame impaire que Savi-
gny considère comme une langue ou
hypopharynx (c , mais que Newport
a mieux déterminée en l'appelant une
languette (d).
(a) Curlis, British Entomology, t. VIII, pi. 537.
— Westwood, Introduction to the modem Classificalwn of Inseets, t840, t, II, p. 5C
(b) V'oyez ci-dessus, page 518.
(c) Saviij'ny, Théorie de la bouche des Insectes, p. 13, pi. 4, fig. 1.
— Gei-stfeldt, Ueber die Muiultheile der saugenden Insecten, pi. 1 , fig. S, 9 et 10.
(d) Newport, art. Ixsecta (Todd's Cyclop., l. U, p. 904).
532 APPAREIL DIGESTIF.
en général rudimentaires ou représentés seulement par des
lobes foliacés (1).
La soudure des mandibules entre elles, ou la substitution
d'un stylet médian à ces deux organes pairs , est un phéno-
mène analogue à celui dont la lèvre inférieure de tous les
Insectes nuus offre un exemple, et elle se voit chez beau-
coup de Diptères. Un stylet impair se trouve alors au-dessous
du labre, qui tantôt conserve la forme grêle et allongée si
remarquable chez les Cousins, d'autres fois se raccourcit ou
disparaît (2).
(1) La forme générale de l'appareil
buccal des Tipules a élé représentée
par liéaiimiir (a); mais la disposition
des parties terminales se voit mieux
dans une figure donnée par M. Blan-
chard. Les palpes sont remarquable-
ment longs et composés de six arti-
cles (6) ; du reste, il existe chez les
dilTérenls Tipulaires des variations
considérables dans la conformation de
celte espèce de trompe protractile, et
quelquefois elle ressemble beaucoup
à ce que nous avons rencontré chez
les Cousins (c).
(•J) Celte transformation des man-
dibules en un appendice impair et
médian a été constatée d'abord par
Ncwport citez VAsilus crahroniformis
et quelques autres Diptères {d), puis
par M. Blanchard chez un beaucoup
plus grand nnmbre de ces Insectes (e\
D'autres naturalistes considèrent ce
stylet comme un hypopharynx (/").
Comme exemple de ce mode d'orga-
nisation chezlesinsectesdontl'appareil
buccal est, du reste, disposé à peu près
comme chez les Cousins, je citerai les
Empis. On leur voit : i° un labre séli-
forme et très long ; 2° un grand stylet
maxillaire; o" une paire de mâchoires
également séliformes et portant à leur
base des palpes simples et grêles;
k° une lèvre inférieure très allongée
et creusée en gouttière à sa face supé-
rieure ig). Chez les Bombyles, la lèvre
supérieure paraît être, au contraire,
très courte et réduite à une petite lame
obtuse, tandis que les autres parties
de la bouche sont fort allongées. Le
stylet mandibulaire impair est ro-
buste ; mais les mâchoires ne sont re-
présentées que par une paire de soies
très grêles el des palpes fort réduits.
Enfin , la lèvre inférieure s'allonge
excessivement et se termine par deux
branches divergentes [h).
(a) Réaimuir, Mémoire pour servir à ilusloire des Insectes, t. V, jjI. 'i, lig-. S.
(b) Blaiicliard, Insectes de i' Atlas du Règne animal At Ciivier, pi. 162, fi^. 5 a.
(c) Vojez Westwuod, An Intrvd. to tlie modem Classilicalion of Insecls, t. It, p. 513,
(d) Newpcrt, Op. cit. (Todd's Cyclop, of Anal, and Physiol., t. II, p. 904).
(e) Blaiictiard, De la comjjosition de la bouche dans les Insectes de l'ordre des Diptères {Comptes
rendus de l'Académie des sciences, ISSO, t. XXXI, p. 425).
if) Savigny, Théorie de la bouche, p. 13.
■ — Gerslfeldi, Ueber die Mimdlheile der saugenden Insecten, p. 30.
ig) Blancliard, Atlas du Règne animal de Olivier, Insectes, pi. ICb, fig. 1 a, l b.
(ti) Idem, ibid., pi. 167, fig. 6a.
Ar.MATip.r. iiiccALE di:s insectes. 533
Le grand développement de la lèvre inférieure porte quelque-
fois sur la portion basilaire de cet organe, qui constitue alors,
pour la totalité de la trompe, une espèce de support mobile;
d'autres fois il affecte la portion terminale, qui s'élargit extrê-
mement et constitue une sorte de palette ou de disque charnu.
Cette disposition se remarijue chez les Anthrax, dont la bouche
est du reste conformée à peu près comme celle de ])lusieurs des
Diptères dont je viens de parler (1) ; mais elle est portée beau-
coup plus loin chez les Mouches, où elle coïncide avec d'autres
modifications de structure très considérables. En effet, chez ces
Insectes, l'appareil buccal consiste en une grosse trompe coudée,
qui porte en dessus une paire de palpes, qui est armée de deux
stylets médians, et qui est terminée par un grand disque ou
lobe ovalaire. Sa portion basilaire , dépendante de la lèvre
inférieure , est membraneuse, et chevauche sur les parties
voisines de façon à les engaîner plus ou moins complètement
et à repousser en avant le labre, qui constitue, comme d'or-
dinaire, un stylet médian, et qui s'avance au-dessus de la
poilion antérieure de la lèvre inférieiuv. Un second stylet,
également impair et situé au-dessus du précédent, repré-
sente les mandibules, et se continue postérieurement avec une
paire de branches cornées entre lesquelles se trouve un troi-
sième organe impair. Celui-ci est formé d'une large lame
(1) Chez les Anthrax, l'appareil bue- formées par les mâchoires et leurs
cal se compose de deux gros slylels palpes (a).
impairs et médians, de deux paires Chez les Mydas, la conformation du
d'appendices sétacés et d'une grosse labre et du slylet miindibulaire est
lèvre inférieure charnue. Le stylet mé- la même; mais les mâchoires sont
dian supérieur est le labre ; le second réduites à une paire d'appendices
stylet impair représente les mandi- palpiformes, tandis que la lèvre iu-
bules ; enfm, les deux paires de soies férieure, de consistance charnue, de-
allongées situées au-dessous sont vient extrêmement grosse (6;.
(a) Blanchard, Atlas du Règne animal Je Cuviei-, I>-secte~, pi. IfiS, fig. 2 a.
(b) Idem, ibid., pi. 172. fi^. 2 a.
53A APPAREIL DIGESTIF.
médiane ployée lorigitadinalement en manière de gouttière et
cachée dans rintérieur de la trompe , mais portant une paire
de palpes qui se montrent au dehors à la partie supérieure de
cet organe; il correspond aux mâchoires des antres Insectes.
Enfin, la lèvre inférieure est extrêmement développée, et sa
portion terminale, au lieu de se bifurquer seulement, se ren-
verse en bas et en dehors, de façon à constituer une espèce de
disque ou de suçoir. Ainsi, chez ces Diptères, tous les appen-
dices principaux, qui d'ordinaire sont pairs et bilatéraux, sont
représentés par des organes impairs et médians (1). Chez
d'autres Insectes du même ordre, l'appareil buccal se simplifie
davantage, et (;hez certaines larves les mandibules paraissent
être devenues des organes de fixation plutôt que des instruments
destinés à effectuer la préhension des aliments (2).
(1) M. Blanchard a donné une très devoir représenter les mâchoires (6).
belle figure de cette partie de l'appa- 11 est aussi à noter que ces larves sont
reil buccal chez la Mouche de la viande pourvues de crochets épidermiques qui
{Muscavomitoria), GliïàdélQvminé les entourenlleur extrémitécéphalique, et
différents appendices comme je viens qui servent également à les (ixer à la
de l'indiquer, non-seulement par leurs membrane muqueuse sur laquelle elles
rapports de position , mais par la con- doivent rester cramponnées. On trouve
sidéralion des nerfs qui s'y rendent (a). un mode d'organisation assez ana-
(2) Ainsi les larves d'OEstre qui vi- logue chez la larve du Sarcophaga
vent à la manière des Vers intestinaux hœmarrhoidalis (c), du Piophila Pe-
dans l'estomac ou dans d'autres cavi- tasionis (d), du Sapromyza blephari-
lés intérieures de divers Mammifères, pteroides (e). Enfin, chez d'autres
ont la bouche armée d'une paire de larves, ces appendices ne consistent
crochets qui ne paraissent être autre d'abord qu'en une paire de papilles
chose que les mandibules. On y trouve molles qui se transforment en mandi-
aussi deux petites pièces, cornées et bules cornées vers Tépoque où ces
denticulées sur les bords, qui semblent Insectes doivent se frayer un chemin
(a) Blanchard, Atlas du Règne animal de Cuvier, Insectes, pi. 178, fig. i a, il).
(b) Joly, Recherches ^-oologiques , anatomiques , physiologiques et médicales sur les Œstrides,
1846. p. 34, pi. 5, fig-. 1 à 5, etc.
(c) Léon Dufour, Études anatomiqves et physiologiques sur une Mouche, p. 5, pi. t, fis;. 1
(extr. lie l'Académie des sciences, Sav. étrang., t. IX).
(d) Idem, Histoire des métamorphoses et de l'anatomie du Piophila Pclasionls (Ann. des sciences
nat., 3' série, 1844, t. I, p. 372, pi. 16, ûg. 8 etlO).
(e) I Jera, Mém. sur les métamorphoses de plusieurs larves fongivores appartenant à des
Diptères (Annales des sciences nat., 2' série, 1839, t. XII, p. 5, pi. 5, fig. 75, etc., et t. XllI,
p. 148, pi. 3).
ARMATURE BUCCALE DES INSECTES. 5o5
Enfin, d'autres modifications se rencontrent dans la bouche
de quelques însecles suceurs , tels que les Hippobosques, les
Puces et les Poux ; mais elles ne paraissent pas porter sur le plan
fondamental suivant lequel cet appareil est généralement orga-
nisé dans cette classe d'Animaux, et elles ne sont pas assez bien
connues pour que je m'y arrête ici (1). J'ajouterai seulement
dans la peau des Animaux qu'ils liabi-
lent : cela se voit chez les Strepsi-
ptères (a) et chez les jeunes larves de
Microgaster (5),
(1) L'appareil buccal des Diptères de
la famille des Piipipares ou Hippo-
bosciens est très remarquable ; mais,
quoiqu'il ait été étudié successivement
par Lyonnet , Latreille , Newport ,
M. Léon Dufom'etM.Westwood, on ne
le connaît encore que tiès imparfaite-
mont, et la détermination de ses diffé-
rentes pièces constitutives est fort
incertaine (c). On y distingue deux
appendices valvulaires qui, dans l'état
de repos, sont rapprochés et dirigés en
avant, de façon à avoir l'apparence
d'un rostre cylindrique, et qui logent
entreeuxune sorte de trompe protrac-
lile composée d'un stylet filiforme im -
pair (ou peut-être bifide), emboîté
dans un tube résultant du rapproche-
ment de deux appendices sétacés. La
portion basilaire de cette trompe est
articulée sur des branches cornées
courbes, qui sont logées dans l'inté-
rieur de la tête, et qui paraissent jouer
le rôle de ressorts pour déterminer
la protraction de l'appareil. Dans les
genres Hippobosca et 0.xypteruin [cl),
la trompe est courte ; mais chez le
Melophagus, elle est extrêmement
longue (e).
La bouche des Puces, dont la
structure a été entrevue par Leeuwen-
hoek et par plusieurs autres anciens
micrographes (f), mais bien étudiée
pour la première fois par Savigny, et
décrite avec plus de détail par Du-
gès (g), est armée de slylets à peu près
comme celle de quelques Diptères ;
mais les zoologistes ne sont pas d'ac-
cord sur la détermination de ces
pièces. On y remarque d'abord laté-
ralement une paire d'appendices la-
melleux qui portent à leur base un
palpe articulé [h) et qui correspondent
aux mâchoires ; un peu en avant nais-
{aj Siebold, Veber Strepsipfera [Archiv fur Naturgeschichtc, 1843. t. I, p. 159, pi. 7, fig. 3).
(6) Ratzeburg, Die Forst-Insekteii, t. III, pi. 9, fig. 20 et 32.
(c) WesUvoDd, Introd. to the modem Classific. of Insects, i. 1!, p. 581.
(d) Lyonnet, Recherches sur Vanatomie et les métamorphoses de différentes espèces d'Insectes,
pi. I, fig. 5 à 13.
— Léon Dufour, Éludes anatomiques et phijsiologiques sur les Insectes Diptères de la famille
des Pupipares {Ann. des sciences nat., 3" série, 1845, t. III, p. 52, pi. 2, fig. I).
(e) Newport, art. Insecta (Tocld's Cijclop., l. II, p. 906, fig. 381).
(/■) Leemvenlioek, Arcana Nalurœ détecta, 1722, p. 332, fig. 8, 9 et 10.
— Hooke, Micrographia , pi. 34 (1667).
{g) Savigny, Théorie des pièces de la bouche, p. 28.
— Dugès, Recherches sur les caractères s,oologiques du genre Pulex {Ann. des scienas nat.,
1" série, 1832, t. XXVII, p. 149).
(h) Ces palpes maxillaires ont été pris pour des antennes parFabriciiis et plusieurs autres entomo-
logistes.
536 appaueil digestif.
que, dans quelques cas, la constitution d'un instrument de
succion à l'aide des matériaux organiques propres à former un
appareil masticateur, s'obtient sans aucun des changements
considérables que nous venons de passer en revue. Ainsi, chez
la larve du Fourmilion, ce résultat est réalisé par le creusement
d'une gouttière le long de la face inférieure des crochets man-
dibulaires que l'Animal enfonce dans la proie dont il veut
pomper les humeurs (1).
sent deux lames étroites allongées et
denticulées sur les bords, qui parais-
sent être les analogues des mandi-
bules, et sur la ligne médiane un stylet
impair qui est probablement le labre,
mais queSavignyregardecomme étant
la langue ou hypopbarynx [a). Enfin,
plusën arrière ou en dessous, on voit
une sorte de gaîne bivalve et composée
de plusieurs articles, qui paraît être
conslituée par les palpes labiaux, et
qui est courte chez le Pulex pene-
trans (b) et le Pulex Canis (c), mais
aussi longue que les autres appendices
buccaux chez la Puce commune ou
Pulex irritans, et les recouvrant pen-
dant le repos {d}.
L'appareil buccal des Poux est
beaucoup plus simple (e) ; il se com-
pose d'une sorte de trompe molle et
garnie de crochets, qui est rétraclile
et qui loge dans son intérieur des
petits stylets aigus.
(1) Réaumur a fait connaître cette
disposition curieuse. Les larves du
Fourmilion se bornent à sucer le
corps des Insectes dont elles s'em-
parent à l'aide de leurs puissantes
mandibules disposées en forme de
pince au-devant de leur tête, et il
existe à la face inférieure de cha-
cun de ces crochets une goullière qui
loge les mâchoires. Ces derniers ap-
pendices ont la forme d'un stylet
courbe et sont susceptibles de se mou-
voir d'avant en arriére avec une
grande rapidité, lléaumur les a vus
fonctionner de la sorte avec beaucoup
d'activité pendant la succion, et il les
considère comme agissant à la manière
du piston dans une pompe {f).
[1 en est à peu près de même chez
la larve de l'Ilémérobe (y) et chez celle
des Dylisqnes, où les mandibules ,
con)me nous l'avons déjà vu, sont très
allongées et canaliculées, mais ne lo-
gent pas les mâchoires (h).
J'ajouterai que chez une larve inde-
xa) D'après Savigny, le labre manquerait {Théorie des pièces de la bouche, p. 28).
(i) Ougès, Note sur les caractères zoologiques des Pulex pénétrants {Ann. des sciences nat.
2- série, t. VI, p. 133, pi. 7, flg. d).
(c) Curlis, Dritisli Entomology, t. VII, pi. 414, fig. A, B, C.
(d) Weshvooil, Introd. to the modem Classific. o'f Insects, t. 11, p. 489, fig. 123, 3 à 7.
— Oujardin, Nouveau Manuel de l'observateur au microscope, alla*, pi. 1 5.
— Swammcrdam, Biblia Naturœ, pi. 2, fig. 3 et i.
(e) Blancliard, Atlas du Règne animal de Cuvier, INSECTES, pi. 14, fig. 1 a, 1 6.
(f) Réaumur, Mém. pour servir à l'histoire des Insectes, t. VI, p. 361, pi. 33, fig'. 4 à 8.
— Gorstfcklt, Ueber die Mundtheile der saugenden Insecten, pi. 2, fig. 41 à 43.
{g) Raizehurg, Dit Forsl-Insekten, t. III, pi. IG, fig. 6 *.
(/).)Idem, ibid., pi. 2, flg. 40.
âëMaTure feL'CCALr: des arachnides.
537
§ 15. — Les Arachnides sont aussi des Animaux qui, pour
la plupart, sont destinés à vivre de liquides seulement (1), et
leur bouche est par conséquent toujours conformée pour la
succion ; mais ils sont en général chasseurs , et, pour s'em-
parer des Insectes dont ils font leur proie et dont ils hument
les fluides nourriciers, il leur faut de puissants organes de
préhension (2). Aussi leur bouche est-elle enlourée d'instru-
ments de ce genre, et, en l'étudiant attentivement, on a pu
reconnaître que son armature est constituée à l'aide de maté-
Appareil
buccal
des
Araclinides.
terminée, mais paraissant appartenir
à quelque Névroptère voisin des
-Hémérobes, M. Grube a trouvé deux
tubes suceurs très longs et fort
grêles qui s'avancent entre les an-
tennes, et qui semblent être formés
chacun par la réunion de la mandi-
bule et de la mâchoire du même côté.
Ces appendices conduisent dans la
cavité buccale {a).
(1) Quelques-uns de ces Animaux
écrasent leur proie et en avalent des
fragments. Cela a été constaté d'abord
pour les Galéodes ou Soipuges, qui
rongent non-seulement le corps des
Insectes dont elles font leur proie
ordinaire, mais parfois aussi dévorent
les parties molles d'un Lézard ou de
quelque autre Animal d'un volume
très considérable (6). L'examen des
matières contenues dans l'estomac des
Faucheurs {Phalangium opilio) a fait
voir aussi que ces Arachnides avalent
les parlies dures aussi bien que les
humeurs des Insectes dont ils se nour-
rissent {c).
(!2) Les Araignées , les Scorpions et
la plupart des autres Arachnides se
nourrissent principalement d'Insectes
vivants, et quelques-uns de ces Ani-
maux déploient un instinct remar-
quable dans la construction des toiles
ou autres pièges qu'ils tendent pour
s'emparer de leur proie. On en con-
naît qui capturent ainsi, non seule-
ment des Mouches et d'autres Insectes
d'un volume plus considérable, mais
même de petiis Oiseaux (cl). Du reste,
ils sont généralement fort sobres et
peuvent supporter l'abstinence pen-
dant très longtemps. Ainsi diilérents
entomologistes ont conservé des Scor-
pions vivants pendant six et même
neuf mois dans des boîtes où ces
Animaux ne pouvaient trouver aucune
nourriture (e).
(a) E. Grube , Beschreibimg ehier auffallenden, in Sûssiuassurschivdmmen lebenden Larve
{Archiv fur Naturgeschichle, 1843, t. I, p. 332, pi. 10, fig. i et 2).
(b) Huiton, Observ. on the Habits of a large Species of Galéodes {A:in. of Nat. Hist., 1843,
t. XII, p. 81).
(c) Tulk, 0)1 the Anatomy o/"Pbalangium opilio {Ann. of Nat. Hist., 1843, t. XII, p. 246).
(d) Walckenaei", Histoire des Insectes aptères, t. I, p. 169.
— Mac Leay, On Doubts respecling the Existence of Bird-catching Spiders {Ann. of Nat. Hist.,
1843, t. VIII, p. 524).
— Shuckard, On Birâ-catching Spiders {Ann. of Nat. Hist., t. VIII, p. 435).
(e) L. Dufour, Histoire anatomique et physiologique des Scorpions,. p. 621 (exir. des Mém. de
l'Acad. des sciences , Savants étrangers, t. XIV).
538 APPAREIL DIGESTIF.
riaux analogues à ceux dont se compose l'appareil masticateur
d'un Insecte; mais, en général, les appendices qui, chez ces
derniers, jouent le principal rôle, manquent pour la plupart ou ne
se trouvent qu'à l'état rudimentaire, et les parties les plus impor-
tantes sont fournies par d'autres membres du même système.
Scorpion. Commc premier exemple, prenons un Scorpion. Sous le bord
antérieur de la tête se trouve articulée une paire de petites
pinces didactyles appelées chélicères, qui se portent directement
en avant et qui servent à saisir les aliments (1). Une autre
paire de membres situés sur les côtés de la bouche remplit des
fonctions analogues, mais avec beaucoup plus de puissance. Ce
sont des pattes-mâchoires qui ont la forme de grands bras ; elles
se dirigent en avant et se terminent par une grosse main à deux
doigts conformés en manière de pince (2). Entre leur base,
(1) Ces organes, appelés par les uns
mandibules, par les autres forcipules-,
ou bien encore anlennes-pinces et ché-
licères, sont composés ciiacun d'un
article basilaire dont Tangle antéro-
inférieur se prolonge en manière de
doigt, et d'un article terminal qui s'in-
sère au-dessus de la base de cet apo -
physe et forme avec elle une pince à
deux branches (a).
(2) L'article basilaire ou hanclie de
ces pattes- mâclioires est dirigé en
avant, et présente en dedans une large
surface qui est souvent garnie d'une
bordure de poils roides (6), et qui, en
s'appliquant contre son congénère,
constitue une sorte de pince à deux
branches ou de pressoir dont l'action
sur les aliments en facilite la succion.
Les articles suivants^ ( le irochite, le
méroïte et le sclérite) sont à peu près
cylindriques et n'offrent rien de re-
marquable ; enîin, le larsite est très
renflé, en forme de main, et porte à
sa partie antérieure un prolont;empnt
dactyliforme contre lequel s'api)lique
le dactylite,ou article terminai, de fa-
çon à constituer une pince semblable
à celle des Crabes et des Ècrevisses.
Les Scorpions font la chasse le soir, et
saisissent avec ces pinces leur proie,
qui consiste généralement en Insectes,
puis la portent près de leur bouche, où
elle est promptement écrasée par
l'action des coxognathites. Lorsqu'ils
se sont emparés ainsi d'un insecte
vigoureux, ils ont quelquefois recours
à leur dard caudal pour le tuer avant
que de le sucer; mais, en général,
cet instrument, dont le venin est
très puissant, est seulement employé
comme arme défensive.
(fl) Voyez VAllas du Règne animal de Cuvier, Arachnides, pi. 17, fig. 1,1c, cl pi. 18,
fig. 1,1a.
(b) Savigny, Egypte, Arachnide?, pi. 8, fig. 1^.
ARMATUilE BUCCALE DES ARACHNIDES. 539
qui est disposée de façon à pouvoir saisir les aliments, on
trouve un tubercule com[irimé en l'orme de carène, qui est
garni d'une petite pièce solide impaire et médiane au-dessous
de laquelle est l'orifice buccal (1;. Enfin, la partie postérieure
de cet appareil péristomien est constituée par une sorte de lèvre
sternale formée d'une pièce médiane semi-ovalaire et de deux
pièces latérales qui ressemblent à des mâchoires et qui embras-
sent la précédente. Ces lames maxilliformes ne sont que des
prolongements de la hanche ou article basilaire des pattes
de la première paire, qui ressemblent beaucoup à celles
des Crustacés du genre Limule, où ces organes servent à la
mastication aussi bien qu'à la locomotion. Enfin, la pièce
médiane est constituée de la même manière par des prolonge-
ments de l'article coxal des pattes de la seconde paire, qui, au
lieu d'être mobiles, se joignent entre eux sur la ligne mé-
diane (2). Au premier abord, on pourrait croire que tous ces
organes buccaux sont les analogues de ceux qui remplissent les
mêmes fonctions chez les Crustacés ou les Insectes , et, en
effet, la plupart des natin^alistes ont été de cet avis; mais, en
réalité, cette unité de composition n'existe pas, et nous avons
ici un nouvel exemple de ces emprunts physiologiques variés
(1) Cette pièce médiane fa) me pa- des paltes précédentes, et qui est eni-
raît être Tanalogue des mandibules brassée latéralement par les prolonge-
confondiies entre elles, comme nous mentscoxauxde cesderniersmemijres.
Tavons déjà vu c'tiez beaucoup d"[n- Ceux-ci ont à peu près la même forme,
secies Diptères. mais chevauchent sur les précédents,
(2) Les prolongements coxaux des de façon à être en partie cachés par
deux pattes de la seconde paire se eux et à ne se montrer au dehors que
réunissent sur la ligne médiane par sous la forme de grosses dents cour-
une suture longitudinale, de façon à bées en dedans, entre le bord externe
constituerune sorte de mentonnière qui de la mentonnière médiane et la hase
s'avance horizontalement entre la base des pattes-mâchoires (6).
{a) Blaiicliard, Organisation du Règne animal. Arachnides, pi. t, fig. Hb.
{bj Savigny, Egypte. Arachnides, pi. 8, ûg. i, *.
— Milne Edwards, Atlas du Règne animal deCiivier, .Arachnides, pi. 18, fig. 1, ta, ib. 1c.
Ô/iO
Galéodes.
AfP.VRElL DIGESTIF',
à rtiide desquels la Nature constitue souvent des instruments
similaires avec des matériaux différents. Ainsi, les chélicères
ou pinces buccales antérieures des Scorpions et des autres
Arachnides ne sont pas les représentants des mandibules ou
des mâchoires d'un Insecte ou d'un Crustacé, mais des organes
constitués avec la paire d'appendices frontaux qui chez tous les
autres Animaux articulés deviennent des antennes ; nous en
aurons la preuve quand nous étudierons le système ner-
veux (1).
Pour arriver à la détermination analomique des autres parties
de l'appareil buccal des Scorpions, il est nécessaire de connaître
la structure des mêmes parties chez un second Animal de la même
classe, le Galéode, où quelques-unes d'entre elles sont mieux
développées. Chez ce dernier Arachnide on trouve, comme chez
(1) Savigny pensait que , chez le
Scorpion et les autres Arachnides, les
analogues des aiilennes manquaient
complélcnient ; que les chélicères
représentaient les mandibules des In-
sectes ; que les bras, ou palpes, cor-
respondaient aux mâchoires de ces
derniers, et que les membres employés
à former la lèvre inférieure de ceux-ci
devenaient les pattes ambulatoires de
la première paire chez les Arachnides:
de façon que chez ces Animaux, de
même que chez les Insectes, la série
complète des organes masticateurs et
ambulatoires se composerait de six
paires de membres céphalo-thoraci-
ques (a). IWais cette théorie si simple,
et, par cela même, si séduisante au
premier abord, n'est plus en accord
avec les fiiits connus aujourd'hui, et
doit être abandonnée.
Ainsi, les chélicères ou forcipulesdes
Arachnides ne sont pas constituées à
l'aide des protognaihcs, comme le sont
les mandibules des Insectes ou des
Crustacés , mais bien par une paire
d'appendices appartenant à un autre
groupe de membres dépendant de la ré-
gion frontale et correspondant aux an-
tennes. Latreille avait deviné celle ana-
logie (6), et c'est pour l'exprimer qu'il
a donné à ces appendices buccaux le
nom de chélicères ou antennes pin -
res (c). On pouvait cependant croire
que leur position au devant de la bou-
che était seulement le résultat d'un
chevauchement organiqui; des mandi-
bules,semblable à celui que nous avons
déjà rencontré chez quelques Crusta-
cés, les Dichélestions, par exemple, où
les pattes-mâchoires antérieures sont
devenues sous frontales ; mais l'étude
(o) Savigny, Théorie des pinces de la bouche, p. 85.
|b) Latreille, Familles naturelles du Règne animal, p. 307.
(C) De Yi^-riVri, pied fourcliu ou pince, et xe'paç, corne en antenne.
ARMATURE BUCCALK DES ARACHMDtS. 5/ll
le Scorpion, une paire de chélicères ou pinces frontales (1),
une paire d'appendices en forme de palpes, qui correspondent
évidemment aux bras des Scorpions, quoiqu'ils ne soient pas
terminés par une pince, et plus en arrière des pattes ambula-
toires qui sont au nombre ordinaire dans cette classe d'Animaux.
Mais l'ouverture buccale située entre la base des palpes dont
je viens de parler n'est pas garnie seulement d'une pièce cornée
médiane : au-dessous d'un rudiment de labre, on observe, de
chaque côté, deux petits appendices, le premier formé d'un
seul article lamelleux, le second composé d'une pièce basilaire
et d'un palpe. D'après les rapports anatomiques de ces pièces,
il fout nécessairement les considérer comme les représentants
des mandibules et des mâchoires antérieures des autres Ani-
maux arliculés. Enfin, une petite sailUe tégumentaire, située
plus en arrière, semble correspondre aux mâchoires de la
seconde paire des Crustacés ou lèvre inférieure des Insectes (2).
des rapports de ces appendices avec le membres gnathiques (a). M. Blanchard
syslème nerveux a Uanclié la question. a lait la même observation chez les
Nous verrons dans une anirc partie de Galéodes, et il en a conclu avec beau-
ce cours que, chez les Insectes et les coup de raison que ces organes corres-
Cruslacés, les nerfs des antennes et pondent non à des mandibules, mais
(les autres appendices frontaux sont à des antennes (6).
fournis par les ganglions cérébroïdes, (1) Les chélicères des Galéodes sont
tandis que ceux des mandibules et des très gros, et leur article basilaire porte
mâchoires proviennent des ganglions à la base de leur doigt immobile
sous-œsophagiens. Or, Newport a con- un petit appendice articulé et palpi-
sialé que, chez le Scorpion, les nerfs forme (c).
des forcipules ou chélicères naissent (!2) La bouche, ainsi entourée, fait
desganglionscérébroïdes,comraeceux saillie entre la base des chélicères et
des antennes, et non des ganglions celle des pattes -mâchoires. Les ap-
sous-œsophagiens, comme ceux des pendices dont elle est garnie ont été
(a) Newport, On the Structure, Relations and Development of Ihe nevvous and circulatory
Systems, etc., in Jlijriapoda and Macrourous Arachnida {Philos. Trans., 4843, p.^2Gl, pi. -12,
fig. 1 5), et Atlas du Règne animal de Cuvier, Arachmdks, pi. d9 A.
(6) Blanchard, Observ. sur Vorgani^alion d'un type de la classe des .arachnides, le genre
Galéode (Ann. des sciences nat., 3' série, 1847, t. VUl, p. 231 et suiv.).
(c) Voyez l'Atlas du Règne animal da Cuvier, Arachnides , pi. 20, fig. -1 , 16 et \v.
5/l!2 " APPAREIL DIGESTIF.
Les membres pédifonnes ou palpes qui viennent ensuite, et qui
sont les analogues des bras du Seorpion, ne peuvent donc être
que les représentants des pieds-mâchoires ou mâchoires auxi-
liaires des Crustacés, et, de même que chez ces Animaux, le
nombre total des appendices céphalothoraciques doit être plus
grand que chez les Insectes. Un mode d'organisation analogue
se voit chez les Chélifères, les Thélyphones et les Faucheurs (1) .
très bien représentés par Savigny et
par Ai. Blancliard (a). Les mandibules,
attachées à rextréaiité d'une espèce de
support saillant, ont la forme d'une
serpetteet sont appliquées l'une contre
l'autre comme deux valvules. Les mâ-
choires sontsiluées au-dessous, et con-
sistent chacune en un lobe basilaire
poutant un appendice sétiforme qui
représente le palpe maxillaire des In-
sectes.
(1) Chez les Chélifères ou Pinces, la
disposition des appendices buccaux
est essentiellement la même que chez
les Scorpions; seulement leschélicères
deviennent souvent très petits, les
pattes-mâchoires s'allongent davan-
tage (bj, et se rencontrent à leur base
devant la bouche; enfin, les pattes
ambulatoires ne donnent pas naissance
aux prolongements maxilliformes qui
constituent la mentonnière des x\ra-
chnides décrits ci-dessus.
Chez les Thélyphones (c), l'armature
buccale ressemble beaucoup aussi à
ce que nous avons vu chez les Scor-
pions ; il y a une paire de chélicères
didactyles , un tubercule oral garni
d'un article mandibulaire médian , et
une paire de grosses pattes-mâchoires
qui s'avancent en manière de bras.
Mais la forme de ces derniers appen-
dices est un peu différente : ainsi les
deux premiers articles présentent, du
côté interne, de gros prolongements
dentiformes très remarquables, qui,
en se rencontrant sur la ligne mé-
diane au devant de la bouche, peu-
vent fonctionner à la manière de te-
nailles. Il est également à noter que
la pince terminale ou main de ces mâ-
choires est au contraire moins bien
conformée.
Chez les Faucheurs (genre Phalan-
gium), les chélicères se développent
davantage, et se composent d'un grand
article basilaire portant une sorte de
main didactyle qui est susceptible de
se reployer en dessous contre la bou-
che, et qui présente chez le mâle une
forme très bizarre (rf). W. Tulk adonné
une description fort détaillée, mais un
peu obscure , des dillérenles parties
qui entourent directement l'orifice
buccal, et qu'il nomme labre ou épi-
stome, lèvre inférieure, mâchoires de
{a) Savigny, Egypte, Arachnides, pi. 8, fig. 4^, 4 e, 4, h, etc.
— Blanchard, Organisation duRègne animai, Arachnides, pi. 25, lig. 5.
(h) Voyez \ Atlas du Règne animal de Cuvier, Arachnides, pi. 20 bis, fig.
5 6, 5c.
(c) Blanchard, Op. cit.. Arachnides, p. 141, pi. 8, fig. 1 et 2.
[d) Voyez V Atlas du Règne animal de Cuvier, Arachnidus, pi. 23, fig. \b, \c
ia, ic, 5a,
ARMATURE BUCCALE DES ARACHNIDES. 543
Chez les Araignées, la bouche est constituée à peu près de Aianéues.
la même manière; les parties qui entourent immédiatement cet
orifice, et qui forment ailleurs les mandibules et les mâchoires,
sont rudimentaires (1 ) ; enfin l'appareil préhenseur des aliments
se compose essentiellement d'une paire de chélicères et d'une
paire de pieds-mâchoires, en arrière desquels se développe une
lèvre sternale formée, non par les hanches des pattes anté-
rieures, comme chez les Scorpions, mais par une pièce sternale
impaire et médiane qui dépend de l'anneau dont ces membres
naissent, et qui est comparable à la mentonnière des Scolo-
pendres. Ajoutons que dans la grande famille des Aranéides, les
chélicères ne sont pas conformés en manière de pince didactyle,
et leur article terminal, qui se replie comme une griffe contre
le bord de l'article précédent, dorme issue à un liquide veni-
meux Iburni par une glande adjacente (2). îl est aussi à noter
que les pattes- mâchoires n'affectent pas la forme de mains,
la première paire et mâchoires de la comprimé, appelé museau par quel-
seconde paire (a). Ces dernières me ques naliiralisles, et placé ati fond de
paraissent être analogues aux lobes Tespèce de fosse préstomienne com-
maxilliformes de rarlicle coxal des prise entre les chélicères, la base des
pattes antérieures chez le Scorpion, et patles-mâchoires etla mentonnière (c).
les précédents me semblent être à la La portion supérieure de cette crête
fois une portion de l'article basilaire verticale tient lieu de lèvre supé-
des pieds-mâchoires et des appendices rieure, et présente une pièce solide
correspondants aux mandibules et aux qui semble représenter les appendices
mâchoires des Galéodes (6). mandibulaires ; au-dessous de la bou-
(1) L'orifice buccal des Araignées che est un petit prolongement qui pa~
est extrêmement petit et situé à peu raît correspondre à la lèvre inférieure
près comme chez les Scorpions , vers des insectes (d).
la partie inférieure d'un tubercule (2) La griffe des chélicères se re-
(a) Tiilk, Upon tlie Analoniy o/" Phalangiura opilio {Ann. of Nat. Hist., 1843, t. XII, p. iQO,
pi. 3, fig. 3 à 14).
(b) Idem, ibid., pi. 3, fig. 12.
(c) Straus, Considérations sur les Animaux articulés, p. 244.
— Dugès, Observations sur les Aranéides {Ann. des sciences nat., 2" série, 1836, l. VI,
p. 178), et Atlas du Règne animal de Cuvier, Arachnides, pi. 3, fig. 1 et 2.
— Wasiiiaiin, Beilrâye %ur Anatomie der Spinnen (Abliandl. aus dem Gebiete der Naturwis-
senschaften. Herausgeyehn von dem naturtuiss. Verein in Hamburg, 1846, 1. 1, pi. 13, Hg. 10).
{dj Blanchard, Organisation du Régne animal, Arachnides, pi. 12, lig. 8.
hkli APPAREIL DIGKSTIF.
mais celle de palpes grêles et cylindriques terminés par nn
petit crochet. Chez le mfde, ces appendices sont détournés
de leurs usages ordinaires pour être employés d'une manière
plie coiilre le bord inférieur de Tar-
ticle basilaire de ces appendices chez
les Mygales {a), et contre son bord
antérieur chez les Araignées dipneu-
mones (6). Près de son extrémité se
trouve un petit orifice destiné à livrer
passage au venin sécrété par une
glande logée dans l'article basilaire de
cet organe, ou dans le voisinage de la
tête (c).
La plupart des entomologistes dési-
gnent, sous le nom de lèvre, la plaque
médiane que j'ai appelée ici la men-
tonnière, afin de faire bien ressortir
que ce n'est pas l'analogue de la lèvre
inférieure des Insectes. Sa forme varie
dans les différents genres, et fournit
de bons caractères pour la classifica-
tion {d).
Les pattes - màciioires qui s'insè-
rent de chaque coté de cette pièce
impaire ressemblent beaucoup à de
petites pattes , mais leur article ba-
silaire se prolonge antérieurement
en forme de lobe, et constitue ainsi
une paire de lames qui embrassent
latéralement la mentonnière, et sont
d'ordinaire désignées sous le nom de
mâchoires, tandis qu'on appelle palpe
maxillaire le reste du membre. Chez
la femelle, ces appendices sont grêles
et cylindriques dans toute leur lon-
gueur; mais, chez le niàle, ils sont
renflés vers le bout, et y logent un
appareil copulateur particulier dont
je ferai connaître la disposition quand
je traiterai des organes de la généra-
tion chez ces Arachnides (e).
l\Tns le genre Phryné, qui prend
place à côté de la famille des Ara-
néides, le lobe maxilliforme des pieds-
mâchoires est très réduit , mais le
propodite acquiert des dimensions
considérables, et constitue de chaque
côté, au-devant de la tète, une espèce
de bras monodactyle qui est très fort
et hérissé d'épines sur le bord in-
terne (/■).
(a) \'o\;ci Y Atlas du Règne animal de Cuvior, Arachnides, pi. 2, fig. 1 et i.
(b) Op. cit., pi. 8, fig. 3 b, etc.
le) Treviranus, Ueber den innern Dau der Arachniden, pi. 2, fig-. 21.
Braiidt et Raizeburg, Medicinische Zoologie, t. II, pi. 15, fig. 6.
Dugès, Allas du Régne animal de Cuvicr, Arachnides, pi. 2, fig. G.
Blanchard, Organisation du. Règne animal. Arachnides, pi. tT, fig. i.
(d) Les variations de forme de celle lèvre 'siernalo et des pâlies- mâchoires adjacentes ont été étu-
diées, au point do vue zoologique, par Walckenaer, et sont représentées dans tous les ouvrages
descriptifs qui traitent de l'histoire naturelle des Arachnides. Je me bornerai donc à citer ici le prin-
cipal travail de cet cnlomologisie, intitulé Tableau des Aranéides (1805), et à renvoyer, pour plus de
détails, à VAtlas du Règne animal de Cuvier, où toutes les ]ilanclies relatives à la famille des Ara-
néidcs ont été faites par Dugès.
(e) Voyez Lyonnet, Rech. sur l'anatomie et les métamorphoses de différentes espèces d'Insectes,
pi. 9, fig. i à 1.^
— sâvigny, Egypte, Arachnides, pi. d , fig. 3 e, 3 f, etc.
— Brandt et lAatzeburg, Op. cit., pi. 1 5, fig. 1 et 2.
— Dugès, loc. cit., pi. 8, fig. 1 c, 3;/, c(r.
— Menge, Ueber die Lebermueise der Arachniden, pi. 2, fig. 13 à 27 {Neueste Schriften der
Naturforschenden Gesellschaft in Danzig, 1843, t. IV).
— Blanchard, Organisation dit Règne animal. Arachnides, pi. 17, fig. 9 et tO.
(/■) Voyez le Règne animal, Arachnides, pi. 16, fig. 1,16.
buccnl
des
Acariens.
AUMATIJKI£ UUCCALl'; DliS ARACHNIDES. 5/l5 i
fort singulière dans l'acte de la copulation; enlin, il existe à
leur base un prolongement lamelleux qui s'avance sous la
bouche, à peu près comme le font les lobes coxaux des pattes |
antérieures du Scorpion, et qui font office de mâchoires. La ^
mentonnière, ou lèvre sternale, qui s'avance entre ces deux j
lames maxiUiformes, est tantôt mobile, ainsi que cela se voit j
chez les Araignées proprement dites , d'autres fois soudée au J
plastron sternal, comme chez les Mygales. j
§ 16. — En général , les Acariens ne sont pas, comme les Appareil
Araignées et les Scorpions, des Animaux chasseurs, mais des
parasites qui mènent une vie sédentaire et s'accrochent à leur
proie; aussi leur armature buccale est-elle autrement dis-
posée (1). Les appendices dont cet appareil se compose sont
réduits à de très petites dimensions, et ilst endent à rentrer de
plus en plus complètement dans l'intérieur de la tête, ou plutôt
dans une gaine tégumentaire qui est formée par la partie circum-
buccale de la peau, et qui constitue, avec plusieurs de ces organes
devenus styliformes, un siphon ou suçoir. Chez quelques-uns
de ces petits Arachnides, lesOribates, par exemple, les analogies
qui existent entre ces parties et les appendices buccaux d'un
Scorpion ou d'une Araignée sont faciles à constater; mais chez
d'autres Acariens, tels que les Ixodes et les Sarcoptes , la
dégradation est poussée plus loin, et il est difficile d'établir cette
concordance d'une manière satisfaisante.
Chez les Oribates, l'appareil buccal est logé dans une petite
cavité pratiquée sous la partie frontale du céphalothorax, et se
(1) M. Diijardin pense que les Aca- mais ce mode d'organisation ne me
riens dont Dugès a formé le genre paraît nnllement démontré, et il est
Hypopus sont dépourvus de lîouche, probable que l'orifice buccal existe,
et il considère ces Animaux comme quoiqu'il ait échappé aux recherches
étant des larves de Gamases (a) ; de ce naturaliste.
[a) DujarJin, Mémoire sur les Acariens sans bouche dont on a formé le genre Hypopus [Ann.
des sciences nat., 3= série, I. XII, p. 343, et p. 259, p). II).
V. 35
546 APPAREIL DIGESTIF.
compose d'un faisceau de petits appendices, dont les uns sont
des chélicères à pince didactyle, d'autres des pieds-mâchoires
formant chacun un palpe et une branche interne ou endo-
gnathe, bifurqué au bout (1).
Chez les Sarcoptes , l'invagination de cet appareil est plus
complète, mais sa composition paraît être à peu près la
même (2), tandis que chez d'autres Acariens on y observe des
(1) M. Nicolet a étudié et figuré
avec beaucoup de soin Taimature buc-
cale d'un grand nombre d'Acariens
delà famille des Oribatides {à). Cet
appareil est logé dans une cavité ap-
pelée camérostome , qui résulte du
prolongement du bord frontal du
cépbaiolborax en une sorte de rostre
voûté (6). A sa partie inférieure et
postérieure on aperçoit une lame mé-
diane qui otTre en général à peu près
la forme d'un triangle dont le sommet
serait dirigé en avant. M. INicolet dé-
signe cette pièce sous le nom de lèvre,
et, en efl'et, elle correspond évidem-
ment à la mentonnière ou lèvre infé-
rieure des Araignées. De chaque côté
et un peu plus en avant se trouve un
palpe grêle et cylindrique composé de
quatre ou cinq articles placés bout à
bout, et en connexion par sa base avec
une pièce maxilliforme qui s'avance
au-dessus de la mentonnière et se ter-
mine par deux lobules lamelleux ou
deux articles placés côte à côte , de
façon à ressembler extrêmement à une
mâchoire d'Insecte (c). M. Nicolet
désigne cet organe sous le nom de
mâchoire, et ne s'explique pas nette-
ment au sujet de ses rapports avec le
palpe ; mais il me semble évident que
ce sont des portions d'un seul et même
membre, lequel correspond à une
patte-mâchoire d'Araignée : seulement
ici le coxile, au lieu de se prolonger
en un lobe maxillaire, donne nais-
sance à une branche accessoire in-
terne, comme le font les deutognathes
chez les Insectes. Enfin, plus en avant
et au-dessus de ces organes, se trouve
une autre paire d'appendices confor-
més en manière de pince didactyle,
comme chez les Scorpions [d). M. Ni-
colet les appelle mandibules ; et, en
effet, ils correspondent évidemment
aux organes que la plupart des ento-
mologistes désignent de la même ma-
nière chez les Araignées, c'est-à-dire
les chélicères. Un mode d'organisa-
tion fort analogue se retrouve chez
les Trombidions , les Gamases , les
Ixodes , et beaucoup d'autres Aca-
riens (e).
(2) La bouche du Sarcopte de la
(a) Treviraiius, Ueber den innern Bau der ungeflûgelten Insekten. Die milbenartigen Insekten
(Vermischte Schriften, 1. 1, p. 47, pi. 5,(ig. 28 à 30;.
— Dujardin, Mém. sur les Acariens {Ami. des sciences nat., 3° série, 1855, t. III, p. \ 0).
(6) Nicolet, Histoire naturelle des Acariens qui se trouvent dans les environs de Paris [Archiv.
du Muséum, 1855, t. VU, p. 403, pi. 24, fîg. 16, 18, etc.).
(c) Atlas du Règne animal de Cuvier, Arachnides, pi. 25, lig. 2 a.
(d) Nicolet, Op. cit., pi. 33, fig-. le, 4c, etc.
(e) Idem, Op. cit., pi. 33, fig. 1 e, etc.
ARMATURE LUCCALE DES ARACHNIDES. 5/|.7
particularités de structure qui paraissent avoir de l'analogie
avec certaines dispositions dont les Insectes suceurs de l'ordre
des Diptères nous ont déjà offert des exemples. Ainsi, chez les
Ixodes, indépendamment des palpes et d'une paire d'appen-
dices allongés et barbelés au bout, qui paraissent correspondre
aux chélicères des Araignées, on trouve une lame médiane
étroite et impaire qui est également denticulée, et qui paraît
résulter de la soudure des branches internes des deux pattes-
mâchoires (1). Il est aussi à noter que chez plusieurs Arachnides
gale est très difficile à bien observer,
à cause de cette invagination et de la
petitesse des parties. Cependant, quand
on compare les figuies qui en ont été
données par MM. Vandenhecke et Le-
roy, ou par M. Bourguignon (a), avec
celles de l'appareil buccal d'un Ori-
batien, on y reconnaît une grande
analogie ; et j'ajouterai qu'au moment
de mettre cette Leçon sous presse, je
vois que les observations de ces au-
teurs s'accordent très bien avec les
résultats fournis par de nouvelles re-
cherches dues à M. Ch. Fxobin (6). En
effet, M. Vandenhecke a représenté
sur la ligne médio -inférieure (sous
le n" 7) une pièce impaire qui cor-
respond évidemment à la menton-
nière ou lèvre inférieure; puis, sur
les côtés, une paire d'appendices co-
niques qu'il nomme mâchoires , et
que M. Bourguignon appelle mandi-
bules, mais que je considère comme
les analogues des palpes ou branches
principales des pattes - mâchoires.
Entre ces deux organes on voit, de
chaque côlé, une pièce allongée et
denticulée à son extrémité antérieure
(5 et 8), qui me semble correspondre
à la branche interne ou maxilliforme
de ces mêmes pattes-mâchoires. En-
fin, au-dessus de ces derniers appen-
dices, se trouve une paire de pièces
fusiformes et terminées en pince ,
qui me paraissent être des chélicères
réduits à un état presque rudimcn-
taire : M. Bourguignon les a décrits
sous le nom de mandibules secon-
daires. M. Dujardin les a représentés
dans l'état de protraction chez l'Aca-
rus du fromage (cj ; enfin, j'ai publié
dans V Atlas du Régne animal de Cu-
vier une figure de l'ensemble de l'ap-
pareil buccal chez ce dernier Aca-
rien {d).
(1) Lyonnet a figuré ces trois lames
{a) Leroy et Vandenhecke, Recherches microscopiques sur TAcarus scabiei, p. 14, pi. 4 (extr.
des Mémoires de la Société des sciences naturelles de Seine- et- Oise, 1835).
Bourguignon, Traité entomologique et pathologique de la gale de l'Homme, pi. 5, fig. 24
à 32 (extr. des Mémoires de l'Académie des sciences, Sav. étrang., 1852, t. XII).
(6) Robin, Mém. sur la composition anatomique de la bouche ou rostre des Arachnides de ta
famille des 'sarcoptes (Comptes rendus de VAcad. des sciences, 22 août 1859).
(c) Dujardin, Nouveau Manuel de l'observateur au microscope, 1842, atlas, pi. 17, liç;. 11.
[d] Atlas du Règne animal de Cuvier, Arachnides, pi. 26, fig. 2 c.
5/|S API'AIÎIÏIL DIGIÎSTIF.
de cet ordre, la portion basikiire de la gaîne tégiimentairc (|ui
entoure ces organes pour constituer le siphon s'allonge beau-
coup, et que les appendices logés dans son intérieur deviennent
grêles comme des aiguilles (1).
denliciilées chez la Tique {Ixodes ricî-
nus) ; Treviraniis et Audoiiiii les ont
représentées chez d'autres espèces du
même genre ; enfin Dugès a fait mieux
connaître leur disposition chez l'Ixode
plombé (a). Les palpes situés de
chaque côlé sont également lamel-
leux, el, dans Pélat de re|)Os, engaî-
nent les pièces précédentes, comme
le ferait un étui bivalve. Les lames
mandibuliformes (ou chéhcères) sont
étroites, allongées el terminées par
un onglet mobile et denliculé, ainsi
que par une sorie de grifTe immobile.
La lame impaire , qui a été consi-
dérée comme une lèvre inférieure par
Audouin et par Dugès, est également
très allongée et concave en dessus,
mais garnie on dessous de crochets
dont la pointe est dirigée en arrière, de
façon à simuler sur les bords des dents
de scie.
(1) Ainsi , chez la Smaridie papil-
leuse, l'appareil buccal se compose
d'une sorte de U-ompe cylindrique,
qui est à peine visible dans le repos,
mais qui est très protractile, et qui
porte vers sa partie antérieure une
paire de palpes. Dans son intérieur
se trouvent deux stylets aigus qui
représentent les chélicères ou bien les
branches internes des paltes- mâ-
choires (6), et qui glissent dans une
pince médio-inférieure en forme de
goullière, qui est probablement l'ana-
logue de la mentonnière (c).
il est aussi à noter que les palpes ou
branches principales des pattes-mâ-
choires présentent beaucoup de varia-
lions dans la disposition de leur por-
tion terminale. Tantôt ils sont anten •
niformes ou filiformes : par exemple,
chez les Scires ou Bdeiles {d) ; d'autres
fois valvulaires, ainsi que nous l'avons
déjà vu chez les Ixodes; d'aulres fois
encore ancreux , c'est-à-dire armés
de pointes vers le bout, disposition
qui est propre aux FJydrachnes ou
Acariens aquatiques (e); enfin, ils
sont appelés ravisseurs quand leur
premier article est armé d'un ou de
plusieurs crochets, et leur article ter-
minal mousse et pyriforme, de façon à
rappeler un peu les pattes ravisseuses
(a) Lyoniic't, Recherches sur L'aiialomie et les métamorplioses de différenles espèces d'Insectes,
p. 57, pi. 6, lig. i.
— Treviranus, Ueber den Bau der Myua (ZeUschrijt fur Physiologie, t. IV, |i. 187, pi. 4G,
fig. 4 et 5).
— Audouin, Lettre conlenanl des recherches sur quelques Arachnides parasites {Aun. des
sciences nat., ^'° série, t. XXV, pi. 14, fis;. 2, 3 et 4).
— Dugès, Recherches sur l'ordre des Acariens, 3° niciii., p. 18, el. 7, tv^. 1 1 (exir. des Ann.
des sciences nat., 2" séiie, 1834, I. 11).
(6) Diigos, Op. cit., \" iiiéni., p. 31, pi. 1, lig. 14, Hi (Ann. des sciences nul., 2° série,
t. I).
(c) Idem, itiid., pi. 1, lig. 15.
(d) Exemple : Scirus taticornis (Règne animal de Guvicr, Ap.acun'1des, pi. 25, fi^'. 4, 4 c) .
(i;) Op. cit., pi. 28, tig. 2 a, etc.
ARMATLUE BLCCALE DES AP.ÀCilNlDES. 5/l9
Eniin, chez les Tardigrades, qui paraissent devoir être ratta-
chés à l'ordre des Acariens, l'appareil buccal est réduit à une
trompe charnue et conique qui renferme un canal corné médian,
dans lequel glissent deux stylets (1).
§ 17. — En résumé, nous voyons que chez tous les Arthro- Résumé,
podaires, ou Animaux arliculés proprement dits, l'armature
buccale, malgré la variété de ses formes, est composée de
matériaux similaires, et que ces éléments anatomiques sont des
membres disposés par paires sur les deux côtés de la ligne
médiane, à la face inférieure du corps, et analogues aux appen-
dices que la Nature emploie pour conslituer des patles ambula-
toires ou des antennes. Mais ce que Ton pourrait appeler l'ori-
gine commune de tous ces membres destinés à des fonctions
variées devient encore plus évident lorsque, au lieu de s'en tenir
à l'examea de ces parties quand leur développement est achevé,
on les étudie aussi pendant les premières périodes de la vie de
l'embryon. En eft^t, on voit alors que leur structure est d'al)ord
des Manies : par exemple , cliez les dans lequel les slyiets se logent me
'l'rombidions {a), l'ciir plus de détails semble être ranalogiie de la pièce
à ce sujet, je renverrai aux mémoires labiale ou menlionnicre de ces mêmes
de Diigès et de M. Dujardin (6). Acariens. Enfin, les deux stylets ont
(i) M. Doyère a étudié avec beau- une très grande ressemlilance avec les
coup de soin l'organisation de la ré- deux lames dentées que nous avons
gion buccale de ces Animalcules. Ce vuesdansla trompe des ixodes,elc. (c).
qu'il décrit sous le nom à'anneau Mais chez les Tardigrades on n'aper-
buccal et CCanneau pharyngien me çoit rien qui paraisse ressembler à la
paraît correspondre à la gaine du su- lame médiane qui, chez ces derniers,
çoii- des Smaridies, et les deux petits tient probablement lieu de la paire
tubercules qui en garnissent les côtes de branches internes dépendantes des
pourraient bien être des vestiges de pieds-mâchoires chez la plupart des
l)alpes maxillaires. Le tube intérieur Arachnides.
(a) Allas du Règne animal àa Cuvier, Arachnides, pi. 24, fig. 1 fc.
(6) Dugès, Recherches sur l'ordre des Acariens {Ann. des sciences nat., 2" série, 4834, I. I,
p. H et siiiv.).
— Dujardin, Mém. sur les Acariens (Ann. des sciences nat., 3« série, 18'i5, t. 111, p. 9 et
suiv.).
(c) Dojère, Mémoire sur les Tardigrades., p. 33 et 57, pi. i2, fig. 2 ; pi. U, fig. 2 cl 3 (exir.
des Ann. des sciences nal., 2° série, 1840, t. XIV).
550 APPAREIL DIGESTIF, ARMATURE Bl'CCALE DES ARACHNIDES.
uniforme , que dans le principe ils ont tous la même forme, et
que c'est à mesure qu'ils se développent davantage qu'ils
acquièrent les particularités d'organisation à raison desquelles
les uns deviennent des mandibules ou des mâchoires, les autres
des pattes, des antennes ou même d'autres instruments physio-
logiques dont nous aurons à nous occuper par la suite (1).
Lorsque je traiterai de l'organogénie , je reviendrai sur ce
sujet pour l'étudier d'une manière plus complète ; mais, dès
aujourd'hui, j'ai dû indiquer le fait que je viens de signaler,
car il prouve la vérité des rapprochements auxquels la compa-
raison seule avait d'abord conduit.
(1) Cette identité apparente dans les développement de l'Écrevisse , par
parties de l'embryon qui consliluent celles de Newport sur l'embryologie
les premiers rudiments de tout le des Myriapodes (a), et par l'ensemble
système appendiculaire d'un Animal des faits connus relativement aux méla-
arliculé a été très bien établie par les morphoses des Insectes,
belles recherches de M. F.athke sur le
(a) Ratlike, Untersuchuncjen ûber die Bildimcj und Entwickelung des Flusskrebses , 1829, et
Ann. des sciences nat., 1" série, ISSO, t. XX, p. 442.
— Newport, On the Organs of Reproduction and the Development of Myriapoda iPhilos.
Trans., i8i\, p. 99).
CINQUANTE ET UNIÈME LEÇON.
Suite de l'histoire des organes digestifs des Animaux articulés. — Du tube alimentaire
et de ses annexes chez les Crustacés, les Arachnides, les Insectes et les Myria-
podes.
§ 1. — D'après le mode d'organisation complexe et puissant
de l'appareil buccal chez les Crustacés, nous aurions pu sup-
poser que les aliments, avant d'arriver dans l'estomac de ces
Animaux, se seraient trouvés dans un état de division suffisante
pour rendre efficace l'action des sucs digestifs, et n'auraient pas
à subir dans l'intérieur du corps une nouvelle trituration. Mais
il en est autrement, et chez les Crabes, les Écrevisscs et tous
les autres Crustacés supérieurs, l'estomac est le siège d'un
travail de mastication complémentaire qui est opéré par un
appareil particulier dont la structure est très remarquable.
En effet, chez tous les Décapodes, l'estomac est une grande
poche arrondie qui surmonte immédiatement la bouche, et qui
n'en est séparée que par un œsophage court et vertical (1), Cette
chambre digestive se trouve par conséquent dans la tête, et la
Appareil
digestif
des
Crustacés.
Estomac.
(1) L'œsophage des Crustacés Déca-
podes est large, plissé lonsitiulinale-
nient, et pourvu de fibres musculaires
transversales très puissantes, qui con-
stituent un sphincter. Son orifice su-
périeur, que l'on appelle quelquefois
le cardia (nom emprunté à l'anatomie
humaine), débouche vers le milieu de
la face inférieure de l'estomac, et se
trouve entouré de plusieurs tubercules
mous, ou replis tégumentaires, qui
font office de valvules, pour empêcher
la sortie des aliments (a).
Chez les Crustacés inférieurs, l'œso-
phage ne présente en général rien
de particuher ; mais il est à noter
que chez les Cirrhipèdes, qui appar-
tiennent au même groupe zooiogique,
cette portion vestibuiaire du canal di-
gestif se termine par une expansion en
forme de cloche qui maintient la partie
cardiaque de l'estomac dilatée {b).
[a] Milne Edwards, Atlas du Règne mriînal de Ciivier, Crustacés, p). 5, ùg. 1 a et 1 b.
(b) Mariiii-Saint-Aiige, Mém. sur V organisa lion des Cirrhipèdes, p. 16, pi. 2, fig. i D.
— Darwin, A Monograph of Cirripedia : Balanid.-e, p. 85 [Ray Society, 1854).
b5'2 ORGANES DE LA DIGESTION.
région qu'elle occupe est d'ordinaire reconnaissable extérieu-
rement, à raison d'un sillon de la carapace qui la sépare des
parties adjacentes (1). L'estomac se compose de deux portions
dont la structure est très différente : dans sa moitié antérieure
ses parois sont même membraneuses et tlasques (2); mais
dans sa moitié postérieure, au fond de laquelle se trouve le
(1) La région sloinacaie de la cara-
pace est un comp;irlimenl de ce grand
bouclier céphalo-tlioracique qui se
trouve sur la ligne médiane, immé-
dialenient derrière le front. Chez
les Écrevisses , les Homards, etc.,
elle se confond latéralement avec les
régions hépatiques, et n'est bien déli-
mitée que postérieurement , où se
trouve un grand sillon transversal et
oblique, appelé sillon cervical ; mais
chez les Cancériens et beaucoup d'au-
tres Brachyiues , elle est séparée de
toutes les parties voisines de la sur-
face supérieure du test par une dé-
pression linéaire plus ou moins pro-
fonde (a).
La cavité dans laquelle rcstomac est
logé renferme aussi tous les autres
viscères, et se continue dans toute la
longueur du corps, mais elle n'est
élargie que dans la région céphalique.
Dans la région thoraciquc, elle est
resserrée entre les cellules épimé-
riennes qui logent les muscles de la
base des pattes, et se trouve adossée
à la voûte des flancs. Enfin, dans la
région abdominale, elle est rendue
étroite par la forme de celte partie
du corps, chez les Brachyures, et par
la présence des muscles de la queue
chez les Macroures. En dessus elle est
limitée par la carapace.
(2) L'estomac est revêtu extérieu-
rement par une portion de la tunique
périlonéale, membrane séieuse qui
tapisse la totalité de la chambre viscé-
rale et qui se replie autour de tous
les organes contenus dans cette grande
cavité.
La tunique interne de l'estomac est
revêtue d'une lame épithélique com-
posée principalement de chitine, qui,
dans certains points, acquiert une très
grande épaisseur, et s'ossifie pour ainsi
dire par le dépôt de matières calcaires
dans son intérieur. On y remarque
aussi par places des poils ou soies
roides dont la structure est souvent
fort remarquable ; ainsi beaucoup de
ces appendices, au lieu d'être siyli-
formes , comme d'ordinaire , sont
élargis et digilés en manière de
peigne (b).
(a) Dcsmai'cst, Considérations générales sur la classe des Crustacés, dSSS, p. 20.
— Milno Edwards, Histoire naturelle des Crustacés, 1834, t. 1, p. 248, pi. 14 bis, fig. 2, elc,
— Observations sur le squelette térjumenlaire des Crustacés Décapodes {Ann. des sciences nat.,
2' série, I. XVI, pi. 8, Rg. 5, 6, etc.).
(bj Valenlin , Ueber das Vorkommen von verschiedenartigen und eigenlhûmllchen Haarfor-
mationen auf der innern Oberflâclie dcr Schleimhaut des Nahrunskanates (Reperlorium fur Anat.
tmdPhysiol., 1837, t. I, p. 115, pi. 1, lig. 15-20).
■ — Œsierlen, Ueber den Hlagen des Flusskrehses (Miillcr's Archiv fiïr Anat. und Physiol, 1840,
p, 411, pi. 12, fig. H et 12),
stomacale.
TCCE ALlMENTAlltE Î)ES CRUSTACÉS. 553
pylore ou oritiee conduisant à l'intestin, ces mêmes parois sont Armature
soutenues par une charpente solide, composée d'un grand
nombre de pièces cornéo-calcaires articulées entre elles, et
appartenant au système épiihélique, comme le squelette exté-
rieur (]j. Plusieurs de ces pièces l'ont saillie dans l'intérieur de
l'estomac, et y constituent des tubercules dentiformes et des
espèces de cardes qui entourent l'oritice pylorique, et qui sont
disposées de façon à se rencontrer. Enfin des muscles qui
s'étendent entre ces pièces dans l'épaisseur des parois de l'es-
tomac, ou qui se yiortent des principales d'entre elles aux
parties voisines de la carapace, mettent cet appareil en mouve-
ment, et déterminent l'écrasement complet des matières alimen-
taires à mesure que celles-ci s'engagent dans le pylore pour
se rendre à l'intestin. Les principales dents stomacales, ainsi
constituées, ont la forme de gros tubercules jaunâtres, d'une
grande dureté, et sont toujours au nombre de trois : l'une est
supérieure et occupe la ligne médiane; les deux autres sont
(1) L'iirmaliire slomacale des Crus- mer un sac niembraneiix dans lequel
lacés esl sujcUc à des mues périodi- le résidu des aliments est évacué au
ques , comme les autres parties du dehors par l'anus. M. Darwin a con-
squeletie léj^umentaire de ces Ani- slaié ce singulier phénomène chez les
maux. Ce phénomène a été connu de Anatifes aussi bien que chez les Ba-
Van Helmont et observé par plusieurs lanes (6). C'est probablement une dé-
naturalistes pins modernes (a). ponille épiihélique de ce genre que
Chez les Cirrhipèdes, la tunique épi- M. Martin-Sainl-Ange a prise pour un
théiique de l'estomac se détache sou- second tube intestinal inclus dans le
vent tout d'une pièce, de façon à for- premier (c).
{a) Van Helmont, TractaHis de lithiasi (Opuscula medica, idiS, cap. vu, p. 67).
— GoofFroy, Observations sttr les Écrevisses de rivière [Mcin. de l'Acad. des sciences, 1109,
p. 309).
— Réaumnr, Sur les diverses reproductions qui se fout dans les Ecrevisses, etc. (Mém. de
l'Acad. des sciences, 1712, p. 239).
— K. E. von B:ur, Ueber die sogenannte Erneiierung des Magens der Krebsc (Miiller's Archiv
fur Anat., 1834, p. TvlO).
— Œslcrlon, Op. cit. (Miiller's Archiv fiir Anat. und Physiol., 1840, p. 419).
(6) Darwin, A Monograph of Cirripedia .-Lepadid.e, p. 4G ; Balanid^ , p. 80 (F,ay Society,
1851, 1S,Ï4).
(c) Marlin-Sainl-Angc, Mém. sur l'organisation des Cirrhipèdes, p. 17, pi. 2, flg. 2 et 3.
554 ORGANES DE LA DIGESTION.
paires, hérissées de pointes ou de poils roides, et placées sur
les côtés, de façon à se rencontrer et à s'opposer également
à la précédente. Il en résulte une espèce de pince à trois
branches, que les aliments sont obligés de traverser pour arriver
au pylore; et en général d'autres pièces accessoires latérales
ou inférieures sont disposées de manière à exercer aussi une
action triturante et à compléter cet appareil de mastication sto-
macale (1).
(1) L'appareil triturant de l'estomac
des Crustacés Décapodes a été étudié
chez l'Écrevisse et quelques autres
espèces par plusieurs naturalistes (a).
Dans mon ouvrage général sur les
Crustacés, j'ai donné ime description
détaillée des diiïérentes pièces dont
il se compose (6). Ici je me bornerai
à en indiquer les dispositions princi-
pales.
On remarque d'abord, vers le mi-
lieu de la face supérieure de l'eslo-
mac, une bande cartilagineuse trans-
versale qui est composée de trois
pièces dites cardiaques (savoir, une
mésocardiaque et deux ptérocardia-
ques) ; en arrière, elle s'articule avec
une pièce impaire et médiane qui se
prolonge postérieurement vers le py-
lore, et qui peut être appelée dentaire
supérieure ou urocardiaque ; puis, de
l'extrémité de chacune des branches
de l'espèce de T ainsi formé, part une
pièce latérale courbe, qui se rend vers
le bout pylorique de la pièce dentaire
supérieure, et s'y articule par l'inter-
médiaire d'une autre pièce médiane
nommée pylorique antérieure. Vues
en dessus, ces pièces latérales sem-
blent être seulement des bandes cor-
néo-calcaires étroites, qui simulent la
corde tendue d'une arbalète dont la
tige et l'arc seraient représentés par
les pièces réunies en forme de T; mais
postérieurement elles s'élargissent
beaucoup en dessous , et elles mé-
ritent le nom de pièces dentaires
latérales (c). En effet, à leur exlré-
mité postérieure, ces deux pièces, de
même que la pièce dentaire supé-
rieure, se renflent en dedans de façon
à faire saillie dans l'intérieur de la
cavité de l'estomac, et à y constituer
un gros tubercule dentiforme dont
la disposition varie un peu suivant les
genres. Au-dessous de chacune des
(a) Rosel, Insecten-Belustigwuj, 1. 111, pi. 58, fig. 12 et 13.
— Sucltow, Anatomisch-physiologische Untersuchungen der tnsektenund Krustenthiere, 1R18,
p. 52,pl. lO.fig. 11 et 12).
— Brandt et Ratzeburg, Medizinische Zoologie, t. M, p. 62, pi. 11 et 12.
— F. Œsterlen, Ueber den Magen des Flusskrebses (Miiller's Archiv fur An ai. und Physiol.,
1840, p. 390, pi. 12).
(b) Milne Edwards, Histoire naturelle des Crustacés, 1834, t. I, p. C7 et suiv., pi. 4, fig. 1, 0,
7, 8, 9 et 10.
(c) Dans mon enseignenr.entau Muséum d'histoire n'aturelle, j'ai substitué ce nom à celui de pièces
cardiaques latéro-inférieures, que j'avais adopté dans mon ouvrage sur l'histoire naturelle des
Crustacés, mais que j'ai trouvé d'un emploi incommode.
TUBE ALIMENTAIRE DES CRUSTACÉS. 555
L'estomac de ces Crustacés est donc un véritable gésier,
comparable à l'estomac triturant que nous avons déjà rencontré
chez divers Mollusques, les Aplysies, par exemple; mais il n'est
pas seulement un instrument mécanique, il est aussi le siège
des principaux phénomènes chimiques de la digestion. En
effet, la bile et probablement d'autres sucs dissolvants y
pièces dentaires latérales, on remarque
sur les côtés de l'estomac une large
plaque cartilagineuse qu'on peut ap-
peler dentaire accessoire (ou car-
diaque latérale), dont l'angle postéro-
snpérieur donne également naissance
à un tubercule dentiforme, et dont le
bord interne est liérissé de poils.
Enfin la paroi postérieure et inférieure
de l'estomac est garnie aussi d'une
plaque médiane nommée cardiaque
postérieure , qui se porte obliquement
vers le pylore, et se termine au-des-
sous du tubercule médian dépendant
de la pièce dentaire supérieure, en con-
stituant parfois une dent médio-infé-
rieure très remarquable {a). D'autres
petites pièces solides, d'une moindre
importance, servent à réunir les précé-
dentes entre elles. Enfin, derrière la
pièce à trois branches formée par le rap-
prochement des tubercules dentiformes
dépendants des trois grandes pièces
déjà décrites, on trouve une autre char-
pente composée de pièces cartilagi-
neuses dites pyloriques, qui soutien-
nent les parois du fond de l'espèce
d'entonnoir conduisant de l'estomac
à l'intestin, et y donnent naissance
à divers tubercules ou replis mem-
braneux dont quelques-uns fonction-
nent à la manière de valvules pour
empêcher le retour des matières ali-
mentaires dans l'eslomac (6).
Les principaux muscles moteurs de
cet appareil de trituration consistent
en deux paires de gros faisceaux char-
nus qui naissent de sa partie supé-
rieure, et vont prendre leur point
d'appui sur les parties adjacentes de
la carapace. Une paire de ces muscles,
appelés gastriques antérieurs , se
fixe d'une part au front, et d'autre
part à la traverse formée par les
pièces ptérocardiaques; l'autre naît
(le la région pylorique de l'estomac, et
remonte obliquement en arrière pour
s'insérer à la partie teruiinale de la
région stomacale de la carapace. Une
troisième paire de muscles extrinsèques
de l'estomac, beaucoup plus grêles
que les précédents , descend de la
portion pylorique de ce viscère au bord
postérieur de la bouche. Enfin, on
trouve aussi divers faisceaux muscu-
laires étendus d'une pièce à une autre
dans l'épaisseur des parois de l'es-
tomac.
Il est aussi à noter qu'à l'époque de
la mue, une sorte d'ampoule discoïde
se développe de chaque côté de l'es-
tomac, dans l'épaisseur des parois de
sa partie cardiaque, et qu'une concré-
tion calcaire se forme dans la loge
(a) Par exemple, chez le Paijurus granulalus, où celte pièce constitue sous l'entrée du pylore
une dent en forme de fer à cheval finement striée en râpe.
(b) Milne Edwards, Crustacés de l'Atlas du Règne animal, pi. 5, fig. 1 a et 1 6.
556 orCanes De la digestion,
afllLient (1), et les aliments n'en sortent, ponr se rendre
dans l'intestin, qu'après avoir été transformés en une pâte
chymeuse.
Chez les Squilles et les Édriopbtbalmes, la charpente solide
de l'estomac se simplifie et se dégrade beaucoup; enfin, chez
les Crustacés inférieurs, on n'en découvre plus de trace (2);
ainsi conslituée. Celte pièce se détache
ensuite et devient libre dans la cavité
de l'estomac, mais ne tarde pas à dis-
paraître, soit parce qu elle est expulsée
au dehors, soit parce qu'elle est ré-
sorbée. Ce sont ces concrétions que
les pharmacologistes désiL'naient jadis
sous le nom û'rjeux d'Écrevisse.
(1) Chez la plupart des Crustacés il
n'y a, dans le voisinage de l'estomac,
aucun organe qui puisse être consi-
déré comme une glande salivaire ;
quelques auteurs (a) ont pensé que
l'on pourrait attribuer des lonctions
de ce genre à un organe verdàtre
qui se voit de chaque côté de l'œso-
phage chez l'Écrevisse {b\ et qui est
beaucoup plus développé chez le Ho-
mard; mais j'ai constaté que ces glan-
des débouchent à l'extérieur du corps
par un orifice pratiqué dans le tuber-
cule dit auditif, qui se remarque à la
base des antennes externes de tous
les Décapodes ; par conséquent, il n'y
a aucune raison pour regarder ces
organes comme étant des annexes de
l'appareil digestif (c). Un peu en ar-
rière de l'o'sophage, on trouve , chez
le Homard, une seconde paire de corps
verdàtresqui paraissent être aussi des
organes sécréteurs, mais je n"ai pu
leur découvrir aucune connexion avec
la cavité alimentaire. Chez les Cir-
rhipècles, au contraire, on voit autour
de l'extrémité postérieure de l'œso-
phage un groupe d'ampoules dispo-
séesen grappes, qui paraissent être des
organes sécréteurs de ce genre {dj.
!\I\I. Pickeringct Dana allribucnldes
fonctions analogues à un petit organe
glanduliforme qu'ils ont trouvé près
de la bouche, chez les Caligcs (e).
Enfin, M. Leydig pense qu'une
paire de tubes disposés en anse, cl
attachés à la partie postérieure de
l'œsophage, chez rx\rgule foliacé, est
aussi une glande salivaire ou un ap-
pareil vénénifique (/).
(*i) Ainsi, chez les Palémons, presque
toute la partie supérieure de la char-
fa) Carus, Traité élémentaire d'anatomie comparée, t. II, p. 2-40.
(b) V,bi(i\,lnseklen-Bclusti(]imçj, t. III, p. 3-22, pi. 48, fig. d.
(c) Milîie Edwanls, Histoire naturelle des Crustacés, t. I, p. 124, pi. 12, fig. 10.
(d) Ces grappes ont élé l'cpicsunloes clicz les Analil'cs par Cuvier (il/cm. sur les Animatox des
Anatifes et des Balanes^ p. 10, pi. 1, fig. 9 cl H. Mém.pour servir à l'histoire des Mollusques).
— Chez les Balancs, elles ont été observées par Karslen (Disquisitlo microscopica et ehemica
hepatis et bilis Crustaceorum et Molluscorum, m Nova Acta Acad. Nat. curios., t. XXI, pi. 20,
fig. 1).
(e) Pickerini? and Dana, Dcscript. of a Speclcs of Caligiis, p. 32, |il. 4, ùg. 0 cl 9 a (American
Jourii. of Science, t. XXXIV).
(D Le^rfig, Ueber Arguliis (Zeitschrilt fiiv îvissensch. /.oologie, 1850, 1. II, p. 333, pi. 19,
f.g. 2).
TUni-: ALIME.MAIUE OKS CIl'JSTACÉS.
557
mais chez presqno tous ces Animaux la portion postœsoplia-
giennc du tube aliinentaire est dilatée en manière de poche
pente solide de l'estomac disparaît.
Par exemple, chez le P. jamaicensis,
où cet organe se prolonge poslérieu-
remcnt en un grand cul-dc-sac mem-
braneux au-dessus de l'œsophage,
on y voit un disque carlilagineux
qui paraît correspondre à la pièce
cardiaque médiane . et sou plancher
est revêtu d'une pièce disposée eu
forme de gouttière et analogue à celle
que j'ai appelée cardiaque infé-
rieure ; enfin l'entrée du pylore est
garnie de quelques autres pièces dont
une inférieure est renflée en forme de
boîte. Mais, chez d'autres Salicoques,
cet appareil est très d(iveloppé et pré-
sente des particularités remarquables.
Ainsi, chez le Caridina Desmarestii,
^]. .!oly a trouve à la partie inférieure
de l'estomac un appareil triturant
bivalve qui est très complexe, et qui
)ne paraît correspondre aux pièces
dentaires accessoires de l'Écrevisse ;
puis, dans la portion pylorique de ce
viscère, il a rencontré d'autres pièces
dont le mode d'action n'a pu être bien
délerminé (a). Chez les Mysis , au
contraire , Tar mature stomacale est
réduite à un très petit nombre de
pièces peu développées (6).
Chez les Scjuilles, ainsi que je l'ai
déjà dit, l'armature stomacale est en
partie remplacée par un prolonge-
ment des mandibules qui s'élève verti-
calement dans l'intérieur de l'esto-
mac, au-devant du pylore (c). Il y a,
en outre, des plaques cornées qui
garnissent le pourtour de cet orifice.
Il est aussi à noter que la portion
cardiaque de l'estomac s'avance dans
la tète, très loin au-devant de l'ouver-
ture œsophagienne.
• Diuis la grande division des Édrio-
phlhalmes, l'armature stomacale est
moins puissan te que chez la plupart des
Décapodes, mais sa structure est ce-
pendant en général Ibrt compliquée :
ainsi, chez les Cloportides, où l'esto-
mac, logé tout entier dans la tête, est
petit et globuleux , cet organe est
pourvu aussi d'un appareil triturant
fort complexe et assez semblable à
celui des Décapodes. M. Lereboullet en
a donné une description très détaillée,
et y a reconnu des pièces épithéliques
analogues à celles dont il vient d'être
question, sous les noms de pièces den-
taires supérieures et latérales. Mais
les pièces cardiaques manquent. La
portion pylorique de' l'appareil est très
développée et fort compliquée (d).
M. liathke a constaté l'existence
d'une armature stomacale bien déve-
loppée chez Vldothea entomon ; mais
la description qu'il en a donnée n'est
pas assez détaillée pour que l'on puisse
établir utilement une comparaison
entre les pièces dont cet appareil se
(a) Frey et Leuclcari, Beilràge sît/- Kenntniss wlrbelloser Thiere, p. 1 18.
(6) .loly, Éludes sur les mœurs, le développement et les métamorphoses d'une petite Salicoque
d'eau douce {Ann. des sciences nat., 2» série, 1843, t. XIX, p. 74, pi. 3, fig. 27 à 3)).
(c) Dclle Cliiaje, Descriùoiie e nolomia degli Animali invertebrati délia Sicilia, cilcrlorc, pi. 86,
fig. 4.
(d) Lereboullet, Mém. sur les Crustacés de la famille des Cloportides, p. 85 et suiv. , pi. ,
lig-. 134 ùl3{), et [il. G, (iy. 131 (cxtr. des ;)/ei)i, de la Société d'histoire naturelle de Slrasbourrj,
t. IV, 1853).
L'intestin
et ses
dépendances.
558 ORGANES DE LA DIGESTION.
arrondie, et l'appareil biliaire débouche dans sa partie pylo-
rique (1).
§ 2. — L'intestin, qui naît à la partie postérieure de l'es-
tomac, se porte généralement en ligne droite jusque dans le
dernier anneau du corps, où il débouche au dehors par un anus
médian situé à ]a^ face inférieure de ce segment. Il passe sous
le cœur et repose d'abord sur le foie, pais sur les muscles
fléchisseurs de l'abdomen. Chez les Crustacés supérieurs, tels
que les Crabes et les Écrevisses, il est étroit et cylindrique dans
compose et celles de la charpente so-
lide de l'estomac des Grustacés supé-
rieurs (a).
Cliez les Cyames, qui vivent en
parasites sur la peau de la Baleine,
l\estomac présente encore des vestiges
de l'appareil de trituration. Roussel
de Vauzème y a trouvé une paire de
colonnes charnues portant chacune
trois arêtes cartilagineuses, dont l'ex-
irémilé, bifide et libre dans la cavité
de cet organe, est opposée à une pièce
triangulaire médiane (6).
L'appareil triturant paraît manquer
complètement chez quelques autres
Édriophthalmes, tels que TZ/ypena La-
treillii{c) et le Nelocira bivittala(d).
(1) Chez les Limules, la conforma-
tion du tube alimentaire est un peu
différente. L'œsophage se dirige hori-
zontalement en avant, et débouche
dans une espèce de gésier qui se re-
courbe en haut, puis en arrière, et
qui a des parois charnues très épaisses
garnies intéiieurement de quinze ran-
gées longitudinales de tubercules cor-
nés. L'extrémité postérieure de ce
gésier se prolonge en un cône étroit
qui pénètre dans la portion suivante
du canal digestif. Celle-ci, qui peut
être considérée comme un duodénum
cylindrique assez large, s'étend en
ligne droite vers l'anus, à quelque dis-
tance duquel elle se rétrécit brusque-
ment pour constituer un intestin rec-
tum. En (in , de chaque côté de la
partie moyenne du céphalothorax ,
on y remarque deux pores qui sont
les orifices de l'appareil hépatique.
L'anus se trouve à la partie posté-
rieure de l'abdomen, au-devant du
stylet caudal (ej.
Chez les Isopodes du genre Gyge,
qui vivent en parasites dans la cavité
branchiale des Gébies, l'estomac est
ovoïde, et sa surface interne est garnie
(a) Rathke, Anatomie der Idothea entomon {Beitrdge zur Geschichte der Thierwelt. Schriften
'.r Naturforschenden Gesellschaft vu Damig, 1820, t. 1, p. 120, pi. 4, fig. 19 et 20).
(b) Roussel de Vau/ème, Mém. sur le Cyamus Ceti (Aim- des sciences nat., 2' série, 1834, t. I,
, 251, pi. 8, ûg. 13 et 14).
(c) Straus, Mém. sur les Hiella , nouveau genre de Crustacés {Mém. du Muséum, t. XVIII,
, 59).
{d) LerebouUet, Op. cit., p. 90.
(e) Van der Hœven, Recherches sur l' lUsloire naturelle et l anatomie des Limules, p. 17, pi. 2,
ç, 1 à 6.
TIBE ALIMENTAIRE DES CRUSTACÉS. 559
toute sa longueur, mais divisé plus ou moins distinctement en
deux portions par un étranglement qui correspond à un cercle
de petits replis valvulaires de la tunique interne. La première
portion, que l'on désigne ordinairement sous le nom de cluodé-
num, par assimilation à ce qui existe chez les Mammifères,
varie beaucoup en longueur : ainsi, chez les Crabes, elle est
courte et ne constitue pas le tiers ou même le quart de la totalité
du tube intestinal, tandis que chez le Homard elle en forme
près de sept huitièmes (1). En général, ses parois sont assez
épaisses, et souvent leur surface interne est garnie de petites
villosités; enfin on y voit déboucher quelques appendices tubu-
laires qui paraissent être des organes sécréteurs. Ainsi, chez
d'uue multitude d'appendices fili -
formes, semblables à de grosses vil-
losités qui flottent librement dans sa
cavité (a). Une structure analogue pa-
raît exister chez les Bopyres [h).
Jl est aussi à noter que chez quel-
ques espèces de Balanides, telles que
\&,Coronula halœnaris et le Xenoha-
lanus, il existe à la partie supérieure
et élargie de l'estomac des replis lon-
gitudinaux serrés les uns contre les
autres (c).
(1) La ligne de démarcation entre
ces deux portions du tube intestinal
est en général très nettement tracée,
soit par la présence de replis valvu-
laires, ainsi que cela se voit chez le
Maia (d) , soit par un changement
dans la structure de la tunique mu-
queuse. Ainsi, chez le Homard, cette
membrane est lisse dans le duodénum
et plissée longitudinalement dans le
rectum, et chez l'Écrevisse elle est
villeuse dans la première de ces deux
portions de l'intestin et lisse dans la
seconde.
Chez les Cloportides , le duodé-
num est très dilatable, et se trouve
séparé du rectum par un sphincter
fort large. A sa surface interne, on
remarque un sillon médio-dorsal qui
loge une sorte de bourrelet longitu-
dinal élargi en an-ière, et qui otTre de
chaque côté une série de cellules. On
ne sait rien quant aux usages de ces
parties (e).
11 est aussi à noter que chez les
Gypris, l'intestin est pyriforme et sé-
paré de l'estomac par un étrangle-
ment très marqué (f).
(a) Cornalia e Panceri, Osservazionisoologico-anatomiehe sopra un nuovo génère de Crostacei
isopodi sedentarii, p. 15, pi. 2, fig. 9 (extr. des Mém. de VAcad. de Turin, 2« série, 4858,
t. XIX).
(6) Ratlike, De Bopyro et Néréide, p. 8.
(c) Darwin, A Monograph ofthe Cirripedia : Balancd.e, p. 85. ^
(d) Milue Edwards. Atlas du Règne animal de Cuvier, Crustacés, p. 5, lig. 1 c.
(e) LerebouUet, Op. cit., p. 91, pi. 5, fig. 123; pi. 6, fig. 136 à 139.
(/■) Straus, Mm. sur les Cypris, p. 18, fig. 10 (exlr. des Mém. du Muséum, t. VII).
MocUficalions
de l'appareil
digestif
chez
les Crustacés
inférieurs.
560 OliGANES DE LA DIGESTION.
les Crai3es, on trouve, à peu de distance du pylore, une paire
de cœcums longs et filiformes qui s'enroulent sur eux-mêmes
en manière de pelote, et qui s'ouvrent dans la partie antérieure
de cet intestin. Un troisième organe de même forme est []\6 à
son extrémité postérieure. Chez les Macroures, ce dernier tube
membraneux manque complètement, et les deux autres ne sont
représentés (lue par une paire de petits sacs membraneux (pii
sont larges, très courts et simplement recourbés (i).
La portion terminale de l'intestin, que l'on appelle quelque-
fois le rectum, n'offre dans sa structure rien de particulier.
Chez quelques Crustacés inférieurs , le canal digestif est
d'une structure plus simple ; on n'y distingue ni renflement
stomacal, ni rectum, et il présente dans toute sa longueur le
même aspect (2). Mais, chez d'autres espèces appartenant aux
(1) Chez le. Carcinus Mœnas, par
exemple,ces appendices pyloriqiies sont
très développés. Ils consistent chacun
en un tube niembianeux et fort grêle,
qui est beaucoup plus long que l'in-
testin et se rétrécit graduellement vers
son extrémité postérieure. Dans l'état
naturel, ils sont coniournés et pelo-
tonnés de façon à former de chaque
côté du pylore une petite masse ar-
rondie qui est accolée à la face laté-
rale de l'estomac. Le troisième appen-
dice, que j'appelle le ccecum duodé-
nal, est de même structure , et dé-
bouche, au milieu de la face supé-
rieure de l'intestin, immédiatement
au-devant des valvules qui séparent
le rectum de cette portion du tube
digestif (a).
chez rÉcre visse, les appendices py to-
riques sont remplacés par une paire de
vésicules ovoïdes qui se remarquent à
la partie latérale et inférieure du py-
lore {h). Il en est à peu près de même
chez le Homard et les autres Macrou-
res dont j'ai eu l'occasion d'examiner
l'estomac.
Chez le licrnard Termite, ou Pa-
gure, il exisie un cœcum duodénal
lilifornie et très long (c).
['!) Ce mode d'organisation a été
constaté chez le Dichelestium Slurio-
nis [d), \(i Lamproglena j idchelki (e),
et quelques autres Lernéens.
(a) Milne Edwards, Atlas du Eègne animal de Cuvier, Crustacés, pi. 5, fig. 2 et 1 c.
(6) Hôsel, Insecten-Belustigunq, t. III, pi. 58, fig. 22g.
— Suckow, Anat. physiol. Unlersuchvnqen cler Insekten und Krustenlhiere, pi. 10, fig. ii,i.
(c) Swammerdam, Biblia Naturœ, pi. Xi, fig. '6.
\d) Railiko, Bcnievkungen ûber den Bau des Diclie'.csliiini Sturionis {Nova Acla Acad. Nat.
ciirios., t. XIX, pi. n, fig. 2).
(c) Nordmann, Mikrogr. Beitrdge, t. 11, pi. d, fig. i, 2, 4.
TUBL: ALlMIîNTAlRfc: DES CULSTACÉS. 561
mêmes groupes, on y remarque une disposition analogue à
celle que nous avons déjà rencontrée chez beaucoup de Vers
suceurs, ainsi que chez quelques-uns des Mollusques gastéro-
podes dits ;3/i/e7;e«fëre5. En effet, le tube alimentaire, au lien
d'être cylindrique dans toute sa longueur, s'élargit dans cer-
tains points, de façon à constituer de grandes poches latérales,
ou même il donne naissance à des prolongeaients tubuliformes
qui se terminent en cœcnmset s'avancent jusque dans l'intérieur
des pattes. Le premier de ces modes de conformation se voit
chez un petit Crustacé parasite qui vit sur les branchies du
Homard et en suce le sang (1) : le second, chez les Pychno-
gonides, Animaux qui, par leur aspect général, ressemblent
beaucoup à des Arachnides (2). Enfin, on connaît aussi des
(1) Ce sing;ulier parasite, que nous
avousfait connaître, V. Audouin et moi,
il y a environ irenle ans, présente de
chaque côté du tliorax un énorme sac
dans l'intérieur duquel se logent divers
viscères, et notamment l'un des deux
cœcums gastriques dont il est ici ques-
tion. Ces appendices de l'estomac sont
très grands, et l'on y remarque des
mouvements péristaliiques assez éner-
giques (a). Nos observations à ce sujet
ont été confirmées par les recherches
plus récentes de M. Van Beneden (6).
('2) Cette particularité, que j'ai fait
connaître chez les JNymphons (c), a
été l'objet de nouvelles recherches
faites par M. de Quatrefages clicz
les Pycbnogonides du genre Phoxi-
chile [d). Un œsophage très étroit
conduit dans un estomac longitudinal
d'où naissent cinq paires de tubes
membraueux très longs et très grêles,
ainsi qu'un petit intestin terminal.
Ces appendices pénètrent les uns
dans la tète, les autres dans les pattes,
et arrivent jusqu'auprès de l'extré-
n)ité de ces organes. Eulin ils sont le
siège de contractions périslal tiques,
et les liquides contenus dans leur
intérieur sont chassés par ondées
tantôt dans un sens, tantôt dans un
autre.
Chez les Daphnies, on voit naître de
la partie antérieure de l'estomac deux
caecums intestiniformes (e), qui res-
semblent un peu aux prolongements
(a) Audouin et Milne Edwards, Mémoire sur la Nicotitoé, animal sinoulicr qui suce le sang des
Homards {Ann. des sciences nat., 1 " série, 1 826, t. IX, p. 350, pi. 49 fi- 2 et 3).
(b) Van Boneden, Mém. sur le développement et l'organisation des Nicothoes{Mcm. delAcad.
de Bruxelles, l. XXIV, et Ann. des sciences nat., 3' série, 1850, t. XIII, p. 363).
(c) Voyez Cuvier, jRègne animai, 2° édit., l. III, p. 277, . ., , ,, . , ,
{d) Qualrefjgcs, Mém. sur l'organisation des Pychnogonides {Voyage en Sicile, t. Il, p. 6, pi. 1 ,
fig-. 1 ; pi. 2, tig. 1 , 2, 3, et Ann. des sciences nat., 3' série, 1845, t. IV).
" (e) Jurine', Histoire des Monocles, p. 102, pi. 8, fig. 2 ; pi. 10, fig. 7, etc.
V.
36
562 ORGANES DE LA DIGESTION.
Crustacés chez lesquels ces tubes stomacaux se ramifient dans
les parties latérales du corps, de façon à rappeler tout à fait le
système gastro-vasculaire d'une Douve oud'uneÉolide, L'Argule
foliacé, Animal parasite qui vit sur le Brochet et sur quelques
autres Poissons d'eau douce, présente ce singulier mode d'or-
ganisation (1). Les matières ahmentaires pénètrent dans ces
appendices gastriques et y sont même ballottées *par des mou-,
vements de va-et-vient j mais cependant ici , de même que les
latéraux de l'estomac de la Nicotlioé,
bien qu'ils soient beaucoup moins
grands; et M. Strans pense que les
matières alimentaires y pénètrent (a),
mais Jurine assure le contraire, et,
d'après la couleur verdàtre ou jau-
nâtre du liquide qui s'y trouve, il y a
queJ-que raison de croire que ce sont
des appendices l>iliaires seulement.
(1) L'existence de ces appendices
rameux de l'estomac des Argules a
été constatée par L. Jurine, et ce na-
turaliste a très bien reconnu non-
seulement que les aliments pénètrent
dans ces tubes, mais que ces sub-
stances y sont continuellement agitées
par l'effet des contractions péristal-
tiques dont les parois de ces organes
sont le siège (6). MM. Vogt et Leydig
ont été également témoins de ces mou-
vements. Le premier de ces obser-
vateurs a cru reconnaître un tissu
glandulaire autour de ces tubes ra-
meux (c) ; mais le second assure
que leurs parois n'en contiennent pas
et ressemblent tout à fait à celles de
l'estomac. Ce dernier organe est globu-
leux et séparé de l'intestin par un étran-
glement ; de chaque côté il se prolonge
sous la forme d'un canal cylindrique
qui bientôt se divise en deux troncs
dirigés l'un en avant, l'autre en ar-
rière, lesquels donnent naissance du
côté externe à une série de branches
ramifiées dont toutes les divisions se
terminent en caecums (cl).
Chez quelques Cirrhipèdes, tels que
les Anatifes , les Conchodermes et le
Balanus perforatus, l'estomac donne
aussi naissance à des caecums qui sont
un peu rameux et tapissés par une
tunique chilineuse comme cet organe
lui-même (e). Chez quelques espèces
de Balanes, ces appendices sont sim-
ples et au nombre de six à huit ;
enfin, dans les genres Coronule, ïubi-
cinelle, Xenobalanus et quelques au-
tres, ils manquent complètement (f).
(a) Straus, Mém. sur les Daphnies (Mém. du Muséum, t. V, pi. 29, fig. 6). — Atlas du Règne
animal de Cuvier, Crustacés, pi. 73, fîg. 2 c.
(b) Jurine fils, Mém. sur l' Argule foliacé (Ann. du Muséum d'histoire naturelle, 1806, t. VII,
p. 440, pi. 26,fig. 1, etc.).
(c) Vogt, Beitrdge zur Naturgeschichte der schweizerischen Crustaceen, p. 8 (extr. des Nouv.
Mém. de la Société d'histoire naturelle de Neufchdtel, 1843, t. VII).
(d) F. Leydig, Ueber Argulus foliaceus (Zeitschr. fur luissensch. Zool. von Siebold und KôUikei',
i850, t. H, p. 332, pi. 19, flg. 2).
(e) Darwin, A Monogr. of Cirripedia : Balamd^, p. 85.
(f) Martin-Saint-Ange, Mém. sur l'organisation des Cirrhipèdes, p. 6, pi. 2, fig. 1, d'.
hépatique.
TUBE ALIMENTAIRE DES CRUSTACÉS. 563
Mollusques dont je viens de parler, ces tubes membraneux qui
se terminent tous en cul- de-sac me paraissent correspondre aux
parties qui, chez les Crustacés supériem^s, constituent les canaux
efférents de l'appareil hépatique, et chez les Apus, tout en ayant
assez de largeur pour admettre dans leur intérieur les aliments
en voie de digestion, ils s'entourent d'une multitude de petits
csecums glandulaires et constituent avec ces organites sécréteurs
un foie ramifié (1).
Chez quelques Crustacés inférieurs, tels que les Lernées, la Appareil
bile paraît se former dans des cellules qui sont logées dans
l'épaisseur des parois du tube stomacal , ou appliquées en
couche mince tout autour de ce canal (2) ; mais chez les Crus-
(1) L'estomac de rjpws- cancrifor- sur la face externe du tube diges-
mis est une dilatation du tube intes- lif (6).
tinal qui se trouve dans la tête, et Chez beaucoup de Lernéens, un
qui de chaque côté se prolonge en tissu ulriculaire, contenant un liquide
une sorte de corne à deux branches : coloré, est disposé par traînées sur la
l'une de celles-ci s'avance dans le surface externe du tube digestif, de la-
front, l'autre se porte obliquement en çon à y former une sorte de réseau (c).
arrière et en dehors; enfin le bord Mais, chez le Dichélestion, M. Rathke
concave de l'espèce de croissant ainsi n'a pu découvrir aucune trace d'un
formé donne naissance à une série de tissu hépatique quelconque (d).
gros canaux coniques qui, à leur tour, Chez les Daphnies, le tube digestif
fournissent un grand nombre de ra- est entouré d'une masse d'utricules
muscules latéraux, autour desquels d'un volume considérable et conte-
se groupent de petits caecums sécré- nant un liquide coloré. M. Jones,
leurs renflés en manière d'am - qui a étudié avec soin ce tissu, le
poules (a). considère comme constituant un ap-
(2) Chez VArtemia salina, le foie pareil hépatique, mais il n'a pu dé-
paraît être représenté par une foule couvrir aucune communication entre
de petits caecums sécréteurs insérés ces glandules et la cavité digestive (e),
{a)Zaddach, De Apodis cancriformis anatome et historia evolutionis (dissert, inaug.)- Bonn,
1841, p. 8, pi. 1, fig. 10 et H.
(b) Joly, Histoire d'un petit Criistacé auquel on a faussement attribué la coloration en rouge
des marais salants {Ann. des sciences nat., 2° série, 1840, t. XIII, p. 239).
(c) Par exemple, chez le Lerneopoda elongata (Grant, On the Structure of Lernsea elongala,
in Brewsler's Edinburgh Journ. of Science, i S'il, t. VII, p. 151).
— Le Lerneocera fluviatilis (Nordmann, Mierogr. Beitrage, t. II, p. 125, pi. 6, fig. 2 et 4).
— Le Lamproglena pulchella (Nordmann, Op. cit., pi. 1, fig. 4).
(d) Rathke, Bemerkungen ûber den Bail, des Dicheleslium (Nova Acta Acad. nat. cunos.,
l. XIX, p. 143).
[e) C. B. Jones, On theStniclure oflhe Liver (Philos. Trans., 1849, p. 115).
Foie
564 ORGANES DE LA DIGESTION.
tacés supérieurs, l'appareil hépatique acquiert une existence
indépendante et se développe beaucoup. Ainsi, chez les Crabes
des Décapodes, ^t Ics Écrevisscs, il forme de chaque côté de l'estomac une
grande masse glandulaire de couleur jaunâtre, qui est divisée
en plusieurs lobes, composés eux-mêmes de lobules, lesquels
se résolvent à leur tour en lobulins constitués chacun par une
multitude de petits caecums remplis d'utricules sécréteurs et
groupés autour d'un canal excréteur rameux dans lequel ils
débouchent (l).Unetunique membraneuse et translucide, dépen-
dante du péritoine, revêt extérieurement le foie, et se replie en
dedans entre les principales divisions de ce viscère; enfin, les
conduits excréteurs qui naissent des lobules ou paquets de
petits CGBCums sécréteurs se réunissent entre eux de façon à
elM. ,de Siebold pense que les iilri- cavilé viscérale qui se trouve comprise
cilles en question sont seulement des entre les loges épimériennes ; là il passe
cellules adipeuses (a). sous le cœur, puis il se prolonge sur les
Une structure analogue a été obser- côtés de l'intestin, mais il ne s'avance
véedans la couche pulpeuse qui recou- que très peu dans la portion abdorai-
vre l'estomac des Cirrliipèdes, et qui nale du corps {d}. Chez les Kcrevisses,
est généralement considérée comme les Homards et la plupart des autres
étant le foie de ces Animaux (6). Chez Macroures, cet organe s'élargit beau-
les Analifes, ces glandules paraissent coup moins antérieurement , mais
être un peu renflées et sont en général s'étend plus loin dans l'abdomen (e).
disposées en séries longitudinales (c). Enfin, chez le Bernard-l'ermite , ou
(1) Chez les Décapodes Bracbyures, Pagure, il est très étroit en avant,
le foie s'étend beaucoup de chaque mais se loge presque entièrement dans
côté de l'estomac, où il est recouvert la région abdominale du corps, et s'y
en partie par les ovaires ou les testi- prolonge jusque sur les côtés de l'a-
cules. Il recouvre à son tour la partie nus (f). Swammerdam a connu cet
antérieure des chambres branchiales, organe, mais il le considérait comme
et il occupe la majeure partie de la une sorte de pancréas (g).
a) Siebold et Stannius, Nouveau Manuel d'anatomie comparée, t. II, p. 446.
— Martin-Saint- Ange, Mém. sur les Cirrliipèdes, p. -10.
(b) Darwin, A Monoyraph of the sub-class Cirripedia : IîalaniD/K, p. 86.
(cl Idem, Oi>. cit. : Lepadiu.-e, p. 44.
id) Exemple : le Tourteau, ou Platycarcinus pagurus {Atlas du Régne animal de Cuvier,
Crustacés, pi. 1).
(e) MùUer, De glandularum secernentium structura penUiori, pi. S, ûg. 13.
(/■) Milne Edwards, Crustacés de l'Atlas du Règne animal de Cuvier, pi. 5, iig. 3.
{g) Swanunerdara, Biblia Naturœ, 1. 1, p. 262, pi. 21, lig. 5.
TLBE alime>;taire des crustacés. 565
constituer des canaux de plus en plus gros, lesquels se dirigent
vers le pylore et y débouchent de chaque côté par un tronc
unique (1). En général, les deux foies ainsi constitués sont
(1) Chez le Maia et la plupart des
autres Brachyures, les caecums termi-
naux de l'appareil hépatique sont très
courts, et renflés de façon à avoir la
forme de vésicules gi'oupées autour
d'un canal excréteur rameux (a). Chez
le Homard, ils sont cylindriques et plus
allongés; chez l'Écrevisse, ils s'al-
longent encore davantage {b) ; enfin ,
chez le Pagure ou Bernard-l'ermite, ils
ont la forme de tubes grêles disposés
en manière de frange sur le canal ex-
créteur et très contournés sur eux-
mêmes (c).
La structure intime des caecums
hépatiques a été étudiée avec soin par
MM. Goodsir, Schlemai, H. Karsten,
H. Meckel et Laidy [cl). On y trouve une
tunique propre qui est garnie de libres
disposées en réseau à mailles car-
rées et tapissées intérieurement d'une
couche d'utricules sécréteurs arrondis
et à divers degrés de développement;
enlin leur axe est occupé par une
cavité en continuité avec le canal
excréteur, et contenant des utricules
hbres ainsi que le liquide sécrété.
D'après M, H. Meckel, cette cavité
serait tapissée par une cuticule ou
tunique interne ; mais cette disposi-
tion ne me semble pas exister, et la
couche utriculaire me paraît y être
à nu.
Duvernoy a décrit le foie des Paié-
mons comme étant un grand sac mem-
braneux, à cavité anfractueuse, divisé
en plusieurs petites poches et conte-
nant une matière jaune (e) ; mais la
structure de cette glande est en réa-
lité semblable à celle du foie chez les
autres Décapodes , et la disposition
observée par Fanalomiste que je viens
de citer ne pouvait être que le résul-
tat de la putréfaction de toute la por-
tion essentielle de l'appareil hépatique,
dont la tunique péritonéale, vidée de
son contenu, constituait probablement
le sac en question.
(a) Milne Edwards, Crustacés de V Atlas du Règne animal de Cufier, pi. 5, ûg. 1.
(b) Idem, art CRUSTACEAiTodd's Cyclopœdia ol Anatomy a-ad Physiology, t. 1, p. 774, fig. 417).
— Suckoiv, Anatorii. phys. Unters. der Insekien und Krusienthiere, pi. 10, fig-. '14.
— Brandt et Ratzeburg-, }ledizinisthe Zoologie, t. II, pi. 11, fig. 9.
— • Milne Edwards, Histoire des Crustacés, pi. 4, fig. -2.
(c) Voyez l'Atlas du Régne animal de Cuvier, Crustacés, pi. 5, fig. 3a.
— Dalle Chiaje, Descri^ione. e notomia degli A7iimaliinvertebr., pi. 86, ûg. 6.
(d) Goodsir, Secreling Structures {Anatcmical and Physiological Observations, p. 30).
— Schlemm, Le hepate ac bili Crustaceorum et ilolluscorurn, quorumdara (dissert, inaug.).
Berlin, 1844, p. -2, pi. 2,%. 1.
— H. Karsten, Disquisiiio microscopica et chimica hepatis et bilis Crustaceorum et Mollus-
corum (Nova Acta Acad. nat. curies. , t. XXI, p. 398, pi. i 9, fig. 2 à 9).
— H. Meckel, Mikrographie einiger BrU^enapparate der niederen Thiere (Miiller's Archiv fur
Anat. und Physiol., 184(3, p. 35 , pi. 1, fig. 13 à 15).
— Laidy, hesearches on the comparative Structure of the Liver, p. 4, pi. 2, fig. 8-13 (extr.
de V American Journ. ofrned. science, 1848).
(«I Duvernoy, Du (oie des Aniraaux sa/is vertèbres, en général, et particulièrem.ent sur ceVui
des Crustacés (Ann. des sciences nat., 2' série, ISStj, t. VI, p. 250;,
566
ORGANES DE LA. DIGESTION,
Foie
des Squilles,
des
Édriophthal-
mes, etc.
complètement séparés entre eux; mais, chez les Maia et la
plupart des autres Brachyures, ces deux glandes, quoique res-
tant en réalité distinctes, se joignent sur la ligne médiane
au-dessous de l'intestin, et y donnent naissance à un lobe mé-
dian impair (1).
Chez d'autres Crustacés, l'appareil hépatique présente un
mode de conformation intermédiaire entre ces deux états
opposés. Ainsi, chez les Squilles, il entoure l'intestin dans
toute la longueur de cet organe, mais en outre il se prolonge
latéralement en un certain nombre de lobes rameux qui en
sont parfaitement distincts (i2). Chez les Bopyres, il est con-
(1) Les deux moitiés de l'appareil
hépatique sont toujours symétriques,
et en général parfaitement indépen-
dantes Tune de l'autre , ainsi que
cela se voit chez le Homard (a). Quel-
quefois elles sont plus ou moins con-
fondues sur la ligne médiane , en
arrière de l'estomac ; mais elles sont
toujours complètement distinctes phy-
siologiquement , car il n'y a jamais
anastomose des canaux biliaires de
droite et de gauche, et tous les cae-
cums d'un côté se rendent au conduit
excréteur qui débouche dans le py-
lore du même côté.
En général, on dislingue dans cha-
cune de ces deux masses glandulaires
quatre divisions principales ou lobes,
qui sont tantôt simples comme chez
FÉcrevisse, d'autres fois profondément
subdivisées en lobules. Une paire de
lobes, qu'on peut appeler céphaliques,
s'avance sur les côtés de l'estomac ; les
deux paires suivantes, que je nomme
thoraciques, se placent entre les deux
flancs où ils embrassent l'intestin ; en-
fin une paire de lobes postérieurs se
prolonge jusque dans l'abdomen au-
dessous de l'intestin.
Chez le Maia, on remarque aussi
derrière l'estomac un lobe médian qui
est formé par la réunion d'une partie
des lobes thoraciques antérieurs, et
qui recouvre la portion duodénale de
l'intestin ; les lobes postérieurs sont
également confondus en une niasse
impaire ; enfin les lobes céphaliques
sont divisés en plusieurs lobules de
formes très variées (b).
(2) Chez les Squilles, l'inleslin est
très étroit, excepté dans le voisinage
de l'anus, où il se renfle un peu, et il
est pour ainsi dire enfoui dans le tissu
hépatique, qui à son tour est revêtu,
comme d'ordinaire, par une tunique
péritonéale. Ce tissu, qui est très mou,
se détruit facilement chez les individus
qui ont été mal conservés dans de
(a) Audouin et Milne Edwards, Recherches sur la circulation chea les Crustacés (Ann. des
sciences nat., l" série, l. II, pi. 28, fig. 2).
(6) Milne Edwards, Histoire des Crustoxés, pL 4, fig. 5, et Atlas du Règne animal de Cuvier,
Crustacés, pi. 5, fig. i.
TUBE ALIMENTAIRE DES CRUSTACÉS. 567
stitué par une double série de petits paquets d'ampoules sécré-
toires, appendus de chaque côté de l'intestin par autant de
canaux excréteurs (1). Enfin , chez la plupart des autres
Édriophthalmes du même ordre, il affecte la forme de sacs
grêles et très allongés , qui semblent être des appendices
tubuleux de l'estomac, et qui ont beaucoup d'analogie avec les
vaisseaux malpighiens des Insectes, dont l'étude nous occupera
bientôt (2).
l'alcool faible, et alors l'intestiu semble
flotter au milieu d'une grande poche
membraneuse, disposition qui en a
imposé à Duvernoy, lorsque cet ana-
toraiste a cru reconnaître dans la
tunique du foie un sinus ou réservoir
veineux (a).
Ce viscère s'étend depuis la partie
postérieure de l'estomac jusqu'à l'ex-
trémité de l'abdomen ; il est placé sous
l'ovaire ou le testicule, organes qui, à
leur lour, sont recouverts par le cœur,
et par sa face inférieure il limite en
dessus le sinus veineux abdominal (6) ;
latéralement il forme dans chaque an-
neau, tant du thorax que de l'abdo-
men, un prolongement plus ou moins
branchu, et dans le dernier segment
du corps il constitue une série de di-
gitations disposées en éventail (c). Les
conduits excréteurs des vésicules dont
il se compose ne se réunissent pas en
deux gros troncs, comme chez les
Décapodes, mais se rendent presque
directement à l'intestin, en formant
une multitude de petits canaux ra-
meux dirigés transversalement.
(1) M. Rathke a trouvé que chez le
Bopyre femelle il existe dans chaque
anneau du thorax une paire de grappes
hépatiques attachées au tube digestif,
chacune par un pédoncule ou conduit
excréteur particulier ; ces glandes sont
situées à la face inférieure du corps,
sous les ovaires, et quelques lobules de
même structure se montrent à la face
dorsale de cet organe, derrière l'es-
tomac {d).
MM. Dana et Pickering ont trouvé
une disposition analogue chez les Ca-
liges ; de chaque côté de l'intestin il
existe plusieurs petites masses glan-
dulaires arrondies, qui paraissent sé-
créter le liquide jaune dont ce tube
est rempli (e).
(2) Chez les Cloportides, l'appareil
{a) Duvernoy, Mém, sur quelques points d'organisation concernant les appareils d'alimen-
tation et de circulation et l'ovaire des Squilles {Ann. des sciences nat., 2° série, 1837, t. VIII,
p. 41 , pi. 3, ;ig;. 3 et i).
(6) Voyez V Allas du Règne animal àe Cuvier, Crustacés, pi. 56, fig. i 6.
(c) J. MùUer, De glandulai'um secernentium structura penitlori, 1830, pi. 9, fig. 1 , etc.
— Délie Chiaje, Descriaione e notomia degli Animait invertebrati délia Sicilia citeriore,
pi. 86, fig. i.
— Duvernoy, Op. cit. , et Mém. sur le foie des Animaux sans vertèbres (Ann. des sciences nat.,
2* série, t. VI, p. 247, pi. 15, fîg. 1).
(d) Raihke, De Bopyro et Néréide commentationes anatomico-physiologicce duœ. Dorpat, 1837,
p. 9, pi. l.fig. 7 et 8.
(e) Pickering and Dana, DeseripU of a Speciee of CaligUs , p. 32, pi. 2, fig. 9 {Americ. Journ.
of science, t. XXXIV).
Appareil
digestif
des
Arachnides.
Scorpion.
568 APPAREIL DIGESTIF.
§ o. — Le mode d'organisation du tube digestif que nous
venons de rencontrer chez quelques Crustacés inférieurs est
dominant dans la classe des Arachnides ; mais chez ces derniers
Animaux , d'une part, l'estomac n'est jamais pourvu d'un
appareil triturant comme chez les Crabes et les Écrevisses, et,
d'autre part, le système glandulaire annexé au canal alimentaire
se perfectionne et se complique beaucoup plus que chez aucun
de ces derniers Articulés.
Ainsi, chez le Scorpion, que je prendrai comme premier
exemple, l'orifice buccal, très petit, logé, ainsi que je l'ai déjà
dit, au fond d'une sorte de fosse sous-frontale (1), et occupant,
comme d'ordinaire, la ligne médiane du corps (2), donne accès
liépalique se compose de deux paires
d'appendices qui ont la forme de sacs
grêles et 1res allongés, ou plutôt de
tubes membraneux et fermés au bout,
situés sur les côtés de l'intestin et s'é-
tendant jusqu'à l'extrcmité postérieure
du corps (a). Les parois de ces tubes
présentent de petites boursouflures
arrondies, disposées en spirale, et ils
débouchent dans la partie pylorique
de l'esiomac, de chaque côté, par un
canal commun ; enfin, ils renferment
un tissu utriculaire sécrétoire. M.Kars-
ten a représenté ces cellules comme
des ampoules pédiculées (6) ; mais
M. Lereboullet, a constaté que cette
apparence est accidentelle, et que dans
l'élat normal ce sont de grosses vési-
cules closes renfermant dans leur in-
térieur d'autres vésicules plus petites,
ainsi que des globules graisseux (c).
Chez les Lygies, j'ai trouvé trois
paires de ces appendices hépatiques
cylindriques [d), et M. Rathke les a
rencontrés en même nombre chez
V/Ega bicarinata (e).
Ce mode d'organisation de l'ap-
pareil biliaire existe aussi parfois
chez les Crustacés Décapodes. Ainsi
M.VL Frey et Leuckart ont trouvé que
chez les Mysis le foie n'est pas massif
comme chez la plupart des Animaux
de cet ordre , mais se compose de
quatre paires d'appendices étroits et
très allongés, qui naissent de la por-
tion pylorique de l'estomac (f).
(1) Voy. ci-dessus, page 539.
[Tj Savigny, dont les descriptions
sont en général d'une exactitude re-
marquable, s'est trompé au sujet de
(a) Lerehounei, Mémoire sur les Cloportides, p. 96, pi. 5,fig. 123(.1/em. de laSociété d'histoii'e
naturelle de Strasbourg, t. IV).
(b)Brandt et Raizeburg, Medizinische Zoologie, t. II, pi. ^ô, fig-. 39.
(c) H. Karsten, Disquisitio microscopica et chemica hepatis et bilis Crustaceorum et Mollusco-
rum (Nova Acta Acnd. nat. curios., t. XXI, p. 296, pi. IS, fig-. 1, 3).
(d) Milne Edwards, Histoire naturelle des Crustacés, pi. 4, fig. 3.
(e) Rathke, Beitrage ;iur Faiina Noriuegens , p. 30 (extr. des Nova, Acta Ac.ad. nat. curies.,
1843, t. XX, p. 30).
(f) F'rcy et Leuckart, Beitrage nur Kenntniss wirhellnser Thiere, p. MO, pi. 2, fig. 13.
TUBE ALIMENTAIRE DES ARACHNIDES. 569
dansun tube œsophagien étroitdont la partie postérieure se renfle
de façon à former un petit jabot, et dont les parois sont garnies
de muscles extenseurs aussi bien que de fibres charnues annu-
laires (1). L'estomac, placé à la partie postérieure du thorax,
est petit et ovalaire ^2), mais se continue de chaque côté avec
deux gros appendices tubuleux qui se portent en dehors et se
cachent bientôt dans une masse de tissu glandulaire située dans
la région frontale. L'appareil sécréteur, ainsi constitué, verse
dans l'estomac un liquide digestif très acide; enfin, il se com-
pose d'une multitude d'utricules disposés en lobules irréguliers
plutôt qu'en grappes, et d'une paire de capsules ovoïdes ren-
fermant chacune un long tube membraneux terminé en caecum
et pelotonné sur lui-même (o).
l'entrée des voies digestives des Ara- (2) La distinction enlre l'estomac et
chnides; il n'a pas vu rorifice buccal, l'intestin n'est bien apparente que
et il attribue à ces Animaux un double chez les individus très frais, et dispa-
pharynx communiquant au dehors par raît chez ceux qui ont élé conservés
deux trous « imperceptibles » situés dans l'alcool. Cette circonstance ex-
sur les côtés de la langue (a). plique comment le premier de ces
(1) Vers le milieu de l'œsophage, organes, après avoir été décrit par
on voit de chaque côté de ce tube une Meckel (c), a échappé aux recherches
bandelette musculaire qui se porte en de Treviranus {cl). Ses parois sont
arrière, et un peu plus loin une se- minces et lisses (e).
conde paire de faisceaux semblables (3) Ces glandes gastriques ont été
dirigés en avant. Ces brides contrac- considérées par J. Millier, Newport
liles se fixent aux parties voisines du et la plupart des autres anatomisles,
squelette tégumentaire et doivent dé- comme étant des organes salivai-
terminer la dilatation de celte partie res (/"); mais, ainsi que M. Blanchard
du canal digestif. Il est donc à présu- l'a fait remarquer, elles versent les
mer qu'ils interviennent dans le méca- produits de leur sécrétion non dans
nisme de la succion [h). la bouche, mais dans l'estomac, et le
(ffl) Savigny, Théorie des pièces de la bouche des Insectes, p. 57.
(&) Blanchard, Organisation du Règne animal, Arachnides, p. tîO, pi. 4, ûg. i.
(c) Meckel, Traité d'anatoniie comparée, t. VU, p. 241.
(d) Treviranus, Ueber den innern Eau der Arachniden, p. 6.
(e) Blanchard, Op. cit., p. 01, pi. 4, i\g. 4 et (3.
(f) i. Mùller, Beitrcige %ur Anatomie des Scorpions (Meckel's Archiv fur Physiologie und Ana-
tomie, 1S28, p. 52).
— Newport, On the Structure, Relations and Development of the Nervous and Circulatory
Systems in Myriojwda and Macrouroiis Arachnida, pi. 15, fig. 39 {Philos. Trans., 1843).
— L. Dufour, Histoire anatomique et physiologique des Scorpions, p. 622 (Mém. de l'.Acad.
des sciences, Savants étrangers, t. XIV).
570 APPAREIL DIGESTIF.
L'intestin, qui fait suite à l'estomac, est un long tube divisé
en deux portions, l'une antérieure et très étroite, l'autre posté-
rieure et plus ou moins renflée (1).
L'intestin grêle occupe toute la longuem^ de la portion élargie
de l'abdomen, et ses parois, bien que très minces, se composent
de deux tuniques et logent dans leur épaisseur beaucoup de
granulations. Latéralement, cette partie du canal digestif com-
munique avec l'appareil hépatique dont le développement est
très considérable. En effet, ou voit y déboucher de chaque côté
cinq canaux grêles qui se divisent en une multitude de ramus-
cules autour desquels sont groupés des multitudes d'utricules
sécréteurs, et dans l'intérieur de ceux-ci on aperçoit un liquide
contenant des granules d'un brun verdâtre (2).
liqufde qu'elles élaborent est acide , aussi bien que sur l'œsophage, et deux
comme l'est tout suc gastrique bien latérales. Il se compose d'ampoules
caractérisé (a). arrondies, serrées les unes contre les
Les deux capsules ovoïdes (b) ren- autres, et communiquant avec l'esto-
fermant les tubes contournés sont mac par deux paires de canaux larges
réniformes, et reposent sur la lame et courts.
aponévrotique qui constitue une sorte Les usages du suc gastrique fourni
de diaphragme entre la cavité céphalo- par cet appareil ne sont pas douteux ;
thoracique et l'abdomen. Elles sont car, en y plongeant des matières ali-
constituées par une membrane mince mentaires, M. Blanchard a pu opérer
et transparente. Le tube qu'elles ren- des digestions artificielles (d).
ferment est long, grêle et très difficile (1) M. Léon Dufour réserve le nom
à dérouler; ainsi que je l'ai déjà dit, d'intestin à cette dernière partie, et
il se termine en cul de- sac, maison appelle la portion antérieure le tJenin-
ne connaît pas bien ses connexions cule chylifique (e).
avec l'estomac ou avec le tissu utricu- ('2) Le foie du Scorpion, après avoir
laire adjacent (c). Celui-ci constitue été sommairement décrit par Mec-
trois masses assez distinctes : l'une kel (/■), a été considéré par Treviranus
médiane , qui repose sur l'estomac et quelques autres naturalistes comme
(a) Blanchard, Organisation du Règne animal, Arachnides, p. 61.
(b) Ces corps sont les seules parties de l'appareil glandulaire gastrique qui aient été décrites dans
la monographie anatoniique de M. Léon Dufour.
(c) Blanchard, Op. cit., p. 61, pi. 4 et 6.
{d) Idem, ibid., p. 66.
(e) L. Dufour, Op. cit., p. 626.
(f) Meckel, Traité d'anatomie comparée, t. VIT, p. 239.
TUBE ALIMENTAIRE DES ARACHNIDES. 571
Deux paires d'autres canaux s'ouvrent aussi dans la partie
postérieure de l'intestin grêle, et se ramifient entre les grappes
formées par les utricules sécréteurs dont je viens de parler,
mais ne proviennent pas de ces organites, et, comme nous
le verrons dans une autre Leçon, ils paraissent constituer un
appareil urinaire (1).
itant seulement un corps graisseux
entourant une série de prolongements
tubuleux du canal digestif (a); mais
les recherches plus récentes de New-
port, de M. Léon Dufour et de M. Blan-
chard, ne laissent aucune incertitude
sur la nature glandulaire de cet organe
et sur le déversement de ses produits
dans le tube alimentaire (6). C'est une
glande volumineuse très molle et de
couleur jaunâtre, qui occupe la pres-
que totalité de la portion renflée de la
cavité abdominale, et qui se compose
de deax moitiés parfaitement dis-
tinctes, logées sur les côtés du tube
digestif. Elle est revêtue d'nne tu-
nique péritonéale très mince, qui en-
voie des prolongements latéraux sur
les parois de la cavité viscérale , et
elle est maintenue aussi en place par
des muscles qui sur divers points
traversent sa masse. Son tissu se com-
pose de petits sacs ovoïdes longs
d'environ un quart de millimètre et
disposés en manière de grappes au-
tour de petits canaux excréteurs très
déliés. Ces tubes se réunissent entre
eux , et , en se dirigeant vers l'in-
testin , deviennent ainsi de plus en
plus gros ; enfin ils s'y terminent
sous la forme de cinq paires de gros
canaux à parois membraneuses. Les
conduits biliaires des quatre premières
paires sont dirigés transversalement ;
mais ceux de la dernière paire, beau-
coup plus gros que les autres et à
ramifications plus fortes , marchent
obliquement d'arrière en avant (c).
Suivant M. Léon Dufour, le nombre
des canaux hépatiques ainsi constitués
varierait de 4 à 6 paires. Le calibre de
la portion terminale de ces tubes est
assez considérable pour que les ma-
tières alimentaires puissent y pénétrer
facilement, et cette introduction paraît
en effet avoir lieu {d) ; par conséquent,
ces cliverticulum intestinaux doivent
être considérés comme ayant des fonc-
tions analogues à celles des appendices
gastro-hépatiques des Crustacés infé-
rieurs.
(1) Treviranus, Audouin et les au-
ra) G. R. Treviranus, Ueber den innern Bau der Amchniden, 1812, p. 0.
— J. Mûller, BeUrage %ur Anatomie des Scorpions (Meckel's Archiv fur Anal, und PhysioL,
— Audouin, art, Arachnida (Todd's Cyclop. ofAnat. and PhysioL, t. I, p. 204).
(6) L Dufour, Recherches anatomiques et observations sur le Scorpion roussdtre {Journal de
physique, 1817, t. LXXXIV, p. Ul). — Hisloire anatomique et physiologique des Scorpions,
p. 62T {Mém. des Savants étrangers, t. XIV).
Blanchard, Organisation du Règne animal, classe des Arachnides, p. 63,
— Newport, Op. cit. {Philos. Trans., 1843, pi. 14, %. 32).
(c) Blanchard, Op. cit., pi. 4, fig. 4.
{d) Idem, ibid., p. 67.
Tliél.vphones.
Galéodes.
57:2 APPAREIL DIGESTIF.
Enfin le gros intestin commence par une dilatation assez
brusque, et ses parois, plus ou moins renflées d'anneau en
anneau, laissent apercevoir des bandes musculaires disposées
les unes en long, les autres en travers. L'anus consiste en une
fente transversale située ïi la face inférieure de l'abdomen, entre
le dernier anneau du corps et l'article en forme de crochet qui
constitue le dard caudal du Scorpion.
Chez les Thélyphones , la structure générale de l'appareil
digestifestàpeuprèslamêmeque chez les Scorpions, si ce n'est
que l'estomac se développe davantage et donne naissance à
quatre paires de gros prolongements qui ont la forme de poches
plutôt que de tubes; disposition qui établit le passage vers le
mode d'organisation propre aux Aranéides et à la plupart des
autres Animaux de la même classe, où les espèces de diverticu-
lum ainsi constitués acquièrent des dimensions énormes (1).
L'appareil digestif des Galéodes ou Solpuges présente quelques
très naturalistes qui considéraient le
foie comme un corps adipeux , ont
décrit ces vaisseaux sous !e nom de
canaux biliaires (a). M. Léon Dufour
pense que ce sont des filets « in fonc-
tionnels y), représentants inactifs des
vaisseaux biliaires des Insectes (6).
M. Blanchard les appelle des vais-
seaux urinaires , et il a constaté
l'existence d'une anastomose fort sin-
g;ulière entre ceux de la dernière
paire et les canaux biliaires posté-
rieurs (c).
(1) On voit par les belles figures
anatomiques de la Thélyphone , pu-
bliées récemment par M. Blan-
chard (d), que chez ces Arachnides
l'œsophage est grêle et fort allongé ;
les glandes salivaires sont très déve-
loppées et recouvrent l'estomac dans
toute la longueur de la région thora-
cique du corps; les caecums gastri-
ques, au nombre de quatre paires,
sont de gros tubes terminés en cul-de-
sac; la portion antérieure de l'intestin
est renflée vers ses deux bouts, et
reçoit latéralement cinq paires de ca-
naux hépatiques dont les ramifications
prennent naissance dans une masse
glandulaire qui occupe la plus grande
partie de l'abdomen et qui constitue
un foie lobule ; enfin, la portion ter-
minale du tube digestif est étroite et
s'engage dans la base de la portion
(a) Treviranus, Ueber den innern Bail der Arachniden, p. 6, pi. 1, fig. 0, i, i,
(h) Léon Dufour, Histoire anatomique et physiologique des Scorpions {Mém. des Savants étrang.,
t. XIV, p. 633, pi. 3, fig. 25).
(c) Blanobarrl, Op. cit., p. 65, pi. 4, fig. 4.
(d) Blanchard, Organisation du Règne'animal, Arachnides, pi. 9, fig. :1 , 2 et 3.
TUBE ALIMENTAIRE DES ARACHNIDES. 573
particularités remarquables ; les appendices cgecaux de l'estomac
s'allongent plus que chez les divers Arachnides dont je viens de
parler, et ceux des deux dernières paires, au heu d'être simples
comme d'ordinaire, se bifurquent. Les glandes salivaires sont
formées chacune par un long tube tortueux assez gros et terminé
en csecum, qui est peletonné sur lui-même, et qui se rend dans
une masse utriculaire située autour de la portion postérieure de
l'œsophage et la partie voisine de l'estomac. Enfin, le foie se
compose d'une multitude de petits sacs presque tubuliformes,
réunis en groupes, et ressemblant beaucoup à ceux que nous
avons vus constituer l'appareil biliaire chez les Crabes et les
autres Crustacés supérieurs (1).
L'appareil digestif des Aranéides est constitué aussi d'après Aranéides
le même plan général que celui des Thélyphones, miais offre
d'autres particularités de structure importantes ànoter. La cavité
pharyngienne qui surmonte la bouche est garnie en dessus
d'une pièce cornée longitudinale et convexe qui est reçue dans
une sorte de gouttière cornéo-membraneuse formée par la
paroi opposée du canal (2). Cette première portion du tube
caudifornie de l'abdomen, pour ga- complété ses premières observations
gnei' l'anus, qui est situé à la face in- par une étude plus attentive du foie
férieure de cette partie du corps (a). et des glandes qu'il considère comme
(1) M. Blanchard a fait connaître la des organes salivaires , tandis que
conformation du tube digestif des M. Kittary les regarde comme étant
Galéodes en 18Zi7 ; l'année suivante, les analogues du pancréas. M. Léon
des recherches sur le même sujet fu- Dufour a présenté à l'Académie des
rent publiées par .M. Kittary ; enfin le sciences une monograpliie anatomi-
premier de ces naturalistes a donné que des Galéodes, mais ce travail est
plus récemment de très belles figures encore inédit,
anatomiques de ces Animaux, et a (2) Latreille a confondu cette pièce
(a) Blanchard, Observations sur l'orga^iisation d'un type de la classe des Arachnides, le genre
Galéode {Ann. des sciences nat., 3« série, 184", t. VIII, p. i228 et suiv., pi. 6, flg. 1).
— Kittary, Anatomische Untersuchung der gemeinen (Galéodes aranoïJes) und der fitrchtlosen
(G. intrepidà),Solpuga, p. 35 et suiv., pi. 8, %. 12(exlr. daBulletinde laSoclété des naturalistes
de Moscou, -1848, t?XXI).
— Blanchard, Organisation du Règne animal, Arachnides, pi. 28, fig. -1 , 4 et 5.
— L. Dufour, Anatomie, physiologie et histoire naturelle des Galéodes (Comptes rendus de
l'Académie des sciences, 1858, t. XL VI, p. 1247).
57/1
APPAREIL DIGESTIF.
alimentaire s'élève à peu près verticalement, et l'œsophage s'en
détache sous un angle presque droit pour traverser le collier
nerveux et se rendre à l'estomac. En y arrivant, elle débouche
dans une cavité à parois cartilagineuses qui est disposée de
façon à agir à la manière d'une pompe aspirante, et qui est
pourvue à cet effet de muscles dilatateurs, dont l'un monte obli-
quement vers la voûte de la cavité céphalothoracique et s'y
insère au squelette tégumentaire (1). Ce jabot aspirateur se con»
palatine avec le labre, sous le nom
de camérostome ; mais Dugès en a
fait mieux connaître la disposition. Ce
dernier le compare à l'épipharynx des
Insectes et le désigne sous le nom de
palais. De même que les autres
parties épithéliques, cette lame chiti-
neuse se renouvelle à chaque mue, et
elle s'emboîte dans la pièce pharyn-
gienne inférieure, que Dugès appelle
la langue. Sur la ligne médiane de
l'une et de l'autre, il y a un sillon lon-
■ gitudinal qui sert pour le passage des
liquides vers l'estomac (a).
(1) L'œsophage est très grêle et ses
parois sont membraneuses en des-
sous, mais de consistance cartilagi-
neuse en dessus. Il se recourbe en
arrière, et, après avoir traversé l'an-
neau nerveux, débouche dans une
sorte de boîte cartilagineuse élargie
en arrière, et, garnie de quatre crêtes
longitudinales qui en occupent les
angles. Dans l'état de repos, les parties
comprises entre ces crêtes se rappro-
chent au point de se toucher presque ;
mais, par l'action des muscles circon-
voisins, elles s'écartent entre elles et
dilatent la cavité de l'espèce de pompe
ainsi constituée. Une paire de ces
muscles aspirateurs s'insère sur les
côtés de la boîte cartilagineuse dont
je viens de parler, et s'étend trans-
versalement jusqu'aux parties laté-
rales de l'endosquelette ; un autre
faisceau charnu naît de la face supé-
rieure de cet organe, et va prendre son
point d'appui sur la partie dorsale du
système tégumentaire, verslemilieudu
thorax, en traversant l'anneau formé,
comme nous le verrons bientôt , par
l'estomac de ces Animaux. Cet appa-
reil, qui semble devoir servir à opérer
la succion, a été vu en partie par
Lyonnet et par Dugès (6) ; M. Brandt
l'a fait mieux connaître (c) ; mais c'est
Wasmann qui l'a décrit et figuré de
la manière la plus complète {d).
(a) Dugès, Observations sur les Aranéides (Ann. des sciences nat., 2° série, t. VI, p. 178, et
Atlas du Règne animal de Cuviei*, Arachnides, pi. 3, ûg. 1 et 3).
(6) Lyonnet, Recherches sur l'anatomie et les métamorphoses de différentes espèces d'Insectes,
p. 97, pi, 10, fig. 4.
— Dug-ès, Op. cit.
(c) Brandt, Recherches sur l'anatomie des Araignées {Ann, des sciences nat., 2° série, 1840,
l. Xlir, p. 181 et suiv.).
— Brandt et Ratzeburg, Medizinische Zoologie, t. II, pi. 15, fig. 6.
(d) A. Wasmann, Beitrdge &ur Anatomle der Spinnen {Abhandlungen aus dem Gebiete der
Naturwissenschaften in Hamburg, 1846, t. I, p. 142, pi. 13, fig. 13, jw, et 17, 6; pi. 12,
fig. i, e).
TUBE ALIMENTAIRE DES ARACHNIDES. 575
tiiiLie avec la partie postérieure de l'estomac, et celui-ci donne
naissance antérieurement à deux prolongements qui embrassent
la colonne charnue dont il vient d'être question, et se réunissent
entre eux au-devant de ce muscle, de façon à constituer un
anneau du pourtour duquel on voit partir une série de grands
tubes gastriques assez semblables à ceux de l'estomac simple
des autres Arachnides (1). En arrière, ce singulier estomac,
(1) M. Brandt a fait bien connaître
cette singulière disposition de l'esto-
mac antérieur, ou froventricule des
Aranéides , qui , au lieu d'être une
poche arrondie ou fusiforme comme
d'ordinaire, est annulaire, et se trouve
traversé par un gros muscle étendu
obliquement de la paroi dorsale du
céphalothorax à la pièce cornée du
jabot aspirateur à laquelle cet anato-
naiste applique le nom d'hyoïde [a).
M. Grube a trouvé que chez les
Argyronètes et quelques Épéires cette
disposition annulaire est plutôt appa-
rente que réelle, car les deux bran-
ches semi-circulaires de l'estomac sont
simplement accolées l'une à l'autre
au-devant du muscle central, et ne
s'anastomosent pas entre elles (6).
Mais M. Wasmann s'est assuré que
chez les Mygales il n'existe en ce point
aucune cloison, et que par conséquent
la cavité stomacale est annulaire,
comme la forme extérieure de cet
organe l'indique (c).
Le second estomac, ou ventricule
chylifique, pour employer ici la no-
menclature adoptée par M. Léon Du-
four et la plupart des autres entomo-
logistes, naît du milieu du bord pos-
térieur de cette couronne, et une
autre poche membraneuse s'en dé-
tache inférieurement pour se porter en
avant, au-dessous du proventricule,
et constituer un estomac accessoire
inférieur. Enfin, de chaque côté de
l'anneau gastrique susmentionné, on
voit partir quatre poches tubulaires (d)
qui, après avoir gagné les côtés du
corps, se recourbent en bas et en de-
dans, passent enlre les muscles de la
base des pattes (e), et reviennent en-
suite en dedans, vers l'estomac acces-
soire ou poche stomacale inférieure.
D'autres appendices plus courts, et
dont le degré de développement paraît
varier beaucoup suivant les espèces ,
naissent de la partie antérieure de
cet estomac annulaire et s'avancent
plus ou moins vers le front. Chez la
Mygale aviculaire, ces derniers cae-
cums sont très allongés et se rendent
(a) Brandt, Recherches sur l'anatomie des Araignées {Ann. des sciences nat., 2» série, 1840,
t. VI, p. 182, pi. 4, fig. 2).
(b) Grube, Einige Resultate ans Untersuchungen ûber die Anatomie der Aramideii (MuUer's
Archiv fiir Anat. und Physiol., 1842, p. 298).
(c) Wasmann, Op. cit., p. 144.
{d} Treviranus n'a représenté que deux paires de ces poches chez la Tégénaire domestique {Ueber
deii innern Bau der Arachniden, p. 2, fig. 24), et la figure qu'il en a donnée se trouve reproduite
dans plusieurs ouvrages modernes, mais ne me paraît pas être exacte.
(e) Wasmann, Op. cit., pi. 13, fig. 17.
«Î^Ô APPAREIL DIGESTIF.
en l'orme de couronne, donne naissance à une poche gastrique
inférieure qui se porle en avant, au-dessous de sa portion car-
diaque ; puis il devient cylindrique et pénètre dans l'abdomen,
ou se renfle un peu de nouveau, et reçoit les canaux biliaires
provenant d'un foie très volumineux et assez semblable à celui
des Scorpions (1). Un intestin grêle, un peu fluxueux, fait
à la base des pieds-mâchoires (a).
Il en est de même chez VEpeira dia-
dema (6); mais chez la Mygale de
Leblond (c), et chez une autre espèce
du même genre, étudiée par M, Was-
mann, celle cinquième paire d'appen-
dices gastriques est rudimen taire. Sui-
vant ce dernier anatomisie, les grands
tubes gastriques se ramifieraient et
s'anastomoseraient en ire eux à leur
extrémité qui se recourbe sous le pro-
ventricule {d) ; mais .\J. Blanchard a
trouvé qu'ils s'unissent aux parois de
la poche slomacale inférieure ou esto-
mac accessoire, et il pense qu'au lieu
de se terminer en cul-de-sac, ainsi
que le font les appendices gastriques
analogues chez les autres Arachnides,
ils s'ouvrent directement dans la ca-
vité de ce viscère, de façon à consti-
tuer des tubes en forme d'anse, el non
des caecums.
Sous le premier estomac on trouve
une masse glandulaire qui est formée
par des tubes sécréteurs pelotonnés,
mais on ne connaît pas bien ses con-
nexions avec la cavité digestive [e).
Elle est désignée, par M. Blanchard,
sous le nom de glande gastrique, et
elle paraît être l'analogue de l'organe
que les anatomistes appellent tantôt
glandes salivaires, tantôt pancréas,
chez les Scorpions et les Galéodes.
(1) Cette portion du canal alimen-
taire, c'est-à-dire l'estomac abdomi-
nal ou ventricule chylifique (f), est
élroite en avant, mais renflée dans sa
partie postérieure qui se trouve vers
le milieu de l'abdomen, et elle se
continue postérieurement avec une
paire de conduits biliaires très larges.
Le foie, composé d'une multitude
de pelites ampoules réunies en grap-
pes, est très volumineux, et se divise
en un grand nombre de lobules
d'un aspect granuleux, dont les canaux
excréteurs se réunissent successive-
ment entre eux pour constituer de
chaque côté une série de troncs prin-
cipaux qui se dirigent en dedans et
vont .s'ouvrir dans le tube digestif {g).
Ceux des deux premières paires sont
très grêles; mais ceux de la troisième
paire sont assez forts, et ceux de la
paire postérieure .sont si larges, que les
matières alimentaires doivent facile-
fa) Dugès, Arachnides de l'Atlas du Règne animal de Cuvicr, pi. 3, fig. 6.
(b) Brandt et Ra.zeburg, Mediainische Zoologie, t. II, p. 89, i-l. 1 5, fig. 6.
— Recherches sur l'anatomie des Araignées {Annules des sciences naturelles, 2° sûiic, t. VI,
pi. 4, fig:. 2).
le) Blanchard, Orga?nsation du Règne animal. Arachnides, pi. 14, fig-. 1 et k.
(d) Wasiiiaun, Op. cit., pi. 13, fig. 18.
(e) Blanchard, Op. cit., pi. 1-4, %. 2, c, et fig. G.
(/■) Dugès, Atlas du Règne animal de Cuvier, Arachnides, [il. 3, fig. 6 cl 7.
(jf). Blanchard, Op. cit., pi. 14-, fig. 1 et 0.
Arancides
TUBE ALIMENTAIRE DES AKACHNIDES. 577
suite au second eslomac ainsi constitué, et débouclie dans un
réservoir fécal en forme de poche arrondie, où vient égale-
ment s'ouvrir une paire de canaux rameux très grêles, qui sont
des organes sécréteurs et qui paraissent constituer un appareil
urinaire (1). Enfin, l'espèce de cloaque ainsi formé s'ouvre
au dehors par l'anus, qui se trouve à la partie inférieure et
postérieure de l'abdomen.
Il est aussi à noter que chez les Aranéides il existe de chaque .^lanaes
cote de 1 extrémité antérieure du tube digestif un organe sécré- ^ de^
teur qui paraît être l'analogue d'une glande salivaire, mais qui
est destiné à produire non un liquide digestif, comme d'ordi-
naire, mais une humeur vénéneuse à l'aide de laquelle ces
Animaux engourdissent ou tuent leur proie. En effet, le canal
excréteur de ces glandes va s'ouvrir au dehors sous la pointe
de la griffe mobile des chélicères, et quand elle est versée au
fond de la petite piqûre faite par un de ces instruments, elle
détermine promptement des effets toxiques très puissants (2) .
C'est à l'aide de cet appareil venimeux que les Araignées par-
ment y pénétrer, comme cela a lieu dont elles se gorgent paraissent péné-
dans les canaux hépatiques de cer- trer non-seulement dans l'estomac,
tains Mollusques. , mais aussi dans les grands canaux
Plusieurs anatomisles ont considéré biliaires qui communiquent avec cet
le foie des Araignées comme étant seu- organe (6).
lement un amas d'ntricules adipeuses, (1) Ces tubes (c), qui sont extrême-
et l'ont désigné sous le nom de corps ment grêles et difficiles à bien séparer
graisseux (a) ; mais aujourd'hui que de la substance du foie, ont été dé-
la structure de cet organe est mieux crits sons le nom de vaisseaux bi-
connue, il ne peut y avoir aucune liaires par les anatomistes qui ont
incertitude quanta sa détermination. méconnu la nature du foie, et ont ap-
11 est aussi à noter que lorsque les Y)c\é cet ovgane un corps adipeux (d).
Araignées sont repues, les liquides (2) On trouve dans l'ouvrage pos-
{(7.) Treviranus, Ueber den innern Bau der Arachniden, p. 27.
— Audouin, art. Arachnida dans Todd's Cycîopœdia ofAnat. and Physiol., t. I, p. 203.
(b) Dugès, Observations sur les Aranéides {Aim. des sciences nat., 2' série, t. VI, p. M
(v) Voyez Blanchard, Organisation dn Règne animal, ARACHNiDiis, pi. 14, fig. 4 et 7.
(d) Treviranus, Op. cit., p. 3t, pi. 2, fig. 24, B.
— Audouin, Op. cit. (Todd's Cijciopœd., t, I. [>. 203).
V. 37
578 APPAREIL DIGESTIF,
viennent facilement à s'emparer de grosses Mouches et d'autres
Animaux dont la taille est très considérable relativement au
volume de leur propre corps ; mais, ainsi que nous le verrons
plus tard, quand nous étudierons les instincts, ces Arachnides
savent aussi dresser des pièges pour arrêter leur proie au pas-
thume de Lyonnet, publié en 1832 (a),
une description de l'appareil veni-
meux des Araignées dont Treviranus
avait fait connaître la disposition en
1812 (6), De chaque côté, dans la ré-
gion frontale de la tête, ou bien dans
l'article basilaire des chélicères , il
existe une poche presque cylindrique,
formée par une tunique membrano-
musculaire, tapissée intérieurement
d'unja couche de petites cellules, et
débouchant au dehors par un canal
membraneux qui est logé dans la
gritTe et se termine à l'orifice pratiqué
près de la pointe de ce crochet (c).
Chez les I\îygales , on remarque à
l'extrémité postérieure de ces glandes
un petit appendice tubuleux [d], ou
des ligaments suspenseurs (e).
La petite quantité de venin qui
peut être déposée au fond de la plaie
faite par le chélicère d'une Araignée
est en général à peine suffisante pour
déterminer, chez l'Homme, un peu de
douleur et de rougeur de la peau {f);
mais on connaît des espèces dont la
piqûre n'est pas sans danger. Ainsi la
morsure faite par le 'J'héridion mar-
mignatte ou malmignatle {Latrodectus
malmignattus , Walck.), qui habite
quelques parties de l'Italie , de la
Corse, etc. , est parfois suivie de sym-
ptômes nerveux graves ; elle peut
même déterminer la mort chez les
Oiseaux et les Mammifères de petite
taille [g), et il est à remarquer que
l'appareil vénénifique de cette Arai-
gnée est très développé (/i).
Quelques médecins ont attribué à
la morsure d'une Araignée appelée
vulgairement la Tarentule, mais dont
l'espèce n'est pas bien déterminée
par les entomologistes , des accidents
nerveux fort singuliers ii) ; cependant
celte opinion ne paraît reposer sur
aucun fait bien constaté.
(a) Lyonnet, Recherches sur l'anatomie et les métamorphoses de différentes espèces d'Insectes,
p. 92, pi. 9, fig. 16.
(6) Ti-eviranus, Ueber den innern Bau der Arachniden, p. 31, pi. 2, fig. 21.
(c) Brandt et P.alzeburg, Medicinische Zoologie, t. II, pi. 15, fig. 6.
(d) Dugès, Arachnides de VAllas du Règne animal de Cuvier, pi. 2, fig. 6.
(e) Blanchard, Organisation du Règne aîiimal, Arachnides, pi. 17, fig. 1.
(f) Dugès, Observations sur les Aranéides (Ann. des sciences nat., 2° série, t. VI, p. 211).
(g) Toli, Mem. sopra il Falangio o Ragno veneflco delV Agro volterrano (Atti dell'Acad. délie
Scienxe di Siena, 1794, t. VII, p. 245).
— Cauro, Exposition des moyens curatifs de la morsure du Théridion malmignatte (ihèse).
Paris, 1833.
— Raikem, Recherches, observations et expériences sur le Théridion marmignatte de Volteri'a
et sur les effets de la morsure {Awi. des sciences nat., 2' série, 1839, t. XI, p. 5).
(h) Lambotle, Notice sur le Théridion marmignatte {Bulletin de l'Académie de Bruxelles,
1838, t. IV, p. 488).
(i) Voyez Walckenaer, Hist. nat, des Insectes aptères, t. I, p. 178.
TUBE ALIMENTAIRE DES ARACHNIDES. 579
sage, et c'est là un des principaux usages des toiles légères
qu'elles tendent avec un art admirable.
Les poches appendiculaires de l'estomac, qui sont tubulaires
chez les Araignées, se dilatent beaucoup plus chez les Fau-
cheurs, et présentent chez ces Animaux une structure plus
complexe. On compte jusqu'à trente de ces organes: mais
l'appareil hépatique est rudimentaire (i).
Estomac
des
Faucheurs
(1) Dans le genre Phalangium, de
même que chez les Arauéides, la par-
tie antérieure du tube digestif est con-
stituée par un pharynx cornéo-mem-
braneux logé dans une cavité formée
par un prolongement du squelette té-
gumentaire que ^1. Tulk a décrit sous
le nom d'épipharynx [a). Sa paroi su-
périeure est garnie d'une crête cornée
longitudinale qui, par son bord infé-
rieur, rencontre deux autres lamesana-
logues appartenant aux parois latérales
de ce conduit, de façon a circonscrire
un canal triangulaire ; et c'est proba-
blement celte circonstance qui a induit
Savigny en erreur, lorsque cet habile
observateur a cru qu'il existait chez ces
Animaux trois orifices œsopliagiens.
Des prolongements cornes qui naissent
des pièces pharyngiennes dont je viens
de parler donnent attache à divers
muscles ; enfin l'œsophage qui fait suite
à cet appareil complexe est membra-
neux, et, après avoir traversé le collier
nerveux, présente un petit renflement
avant que de s'ouvrir dans l'estomac.
Cette dernière poche , qui est très
large et ovalaire, donne naissance à
un grand nombre de prolongements
caecaux (6) , parmi lesquels on re-
marque : i° une paire de grandes
poches postéro-dorsales qui occupent
toute la longueur de l'abdomen , qui
laissent entre elles, sur la ligne mé-
diane, un sillon où se loge le cœur, et
qui adhèrent à l'intestin ; 2' quatre
paires de poches antéro - dorsales ,
qui sont de petites dimensions et
se trouvent au - devant des précé-
dentes, dans la région céphalo-thora-
cique du corps ; 3" une paire de
grandes poches laléro-inférieures, qui
sont très allongées et se placent sur
les côtés du rectum ; W quatre paires
de petites poches iatéro-postérieures,
qui se dirigent de côté entre les poches
postéro-dorsales et les grandes poches
latéro -inférieures, mais qui ne nais-
sent pas de celles-ci, comme Raradohr
et Treviranus le supposaient; 5^ enfin
trois paires de petites poches laléro-
antérieiires, qui se portent en dehors,
au-dessous du caecum dorsal antérieur
dont il a été déjà question. L'estomac
descend et s'élargit beaucoup entre
les caecums latéro -postérieurs; en
(a) Tulk, Upon the Aiiatomy of Phalangium opilio (Ann. of Nat. Hist., lS4o, t. Xtl, pi. 4,
fîg. 15).
(6) Ramdohr, Abhandlung ûber die VerAa,mmgswerkx,euge der Inseclen, p. 205, pi. 29,
fig. 1 à 5.
— Treviranus, Ueber den Innerii Bail, der ungeflûgelteii Insekten (Vermischte Schriflen, I. I,
p. 30, pi. 3, %. 16 et 17).
— Tulk, Op. cit., p. 246, pi. 1-2, fîg. 17 et 18.
Estomac
ries
Acariens.
580 AP)'ARE1L UlGIiSTlF.
Elnfin, les Acariens, qui se nourrissent, les uns de sues végé-
taux, et les autres des liquides qu'ils prennent dans le corps
des Animaux sur lesquels ils vivent en parasites, sont pourvus
de caecums gastriques dont le développement est non moins
remarquable. En effet, ces appendices forment de chaque côté
de l'intestin une ou plusieurs grandes poches lobulées, ou
même rameuses, et souvent c'est aux matières alimentaires
accumulées dans leur intérieur que sont dues les taches ver-
dâtres ou d'un brun rouge qui se voient sur l'abdomen de ces
petits êtres (1) ; mais chez quelques Aiachnides de cet ordre,
le canal digestif se simplifte, et l'estomac est tubulaire, .ou
dilaté seulement, de façon à offrir une multitude de petites
boursoullures (2).
arrière, il se conliiuie avec un intestin
ou rectum qui se dilate Ijeaucoiip ,
puis se termine à l'anus.
Le foie paraît être représenté par
un tissu granuleux disposé en bandes
longitudinales, de façon h ofTrir l'ap-
parence d'une série de canaux vari-
queux à la surface inférieure de l'es-
tomac («). Enfin, il existe au-dessus
de ce viscère deux paires de tubes
sécréteurs fort grêles qui ont été con-
sidérés comme des vaisseaux biliaires
par Treviranus [b); maison ne con-
naît pas leurs connexions avec l'intes-
tin, et M. Tulk est porté à croire que
ce sont des glandes salivaires, parce
qu'ils lui ont paru se rendre h la partie
antérieure du tube digestif (c).
Il est aussi à noter que chez ces
Arachnides qui ne se bornent pas à
sucer leur proie, mais l'écrasent et en
avalent des fragments, les parties non
digestibles des aliments se trouvent
réunies dans l'estomac en une masse
ovalaire revèUie d'une sorte de cap-
sule membraniforme, résultant pro-
bablement d'une mue de la tunique
épithélique de ce viscère {d).
(1) Cette circonstance a été souvent
notée par Dugès : par exemple, chez
le Tetraniclius telarius, qui vit sur le
tilleul, le rosier, <^\<:.,ç.\.VEr\jthrœus
ignipes, qui est carnassier (e).
(2) Nous ne savons encore que fort
peu de chose relativement à la struc-
ture des parties intérieures de tous
ces petits Arachnides; mais rien ne
me paraît justifier l'opinion émise par
(a) Treviranus, Op. cit. (Vermischte Schriften, 1. 1, pi. 3, fig. 17).
— Tull<, Op. cit. {Ann. ofNat. HisL, I. XII, pi. 4, fig. 18, Vj.
{b) Treviranus, Op. cit., pi. 3, fig. 16.
(c) Tulk, Op. cit., pi. 4, Rg. 17, sv.
{d) Idem, Op. cit., p. 248.
[e] Dugès, Recherches sur l'ordre des .\carieiis (.\nn. des sciences nal., -J.' séiio, 1. 1, p. t!5, 44,
pi. 1 , ûg. 27).
TLBE ALIMENTAIRE DES INSECTES. 581
§ /l. — Le canal alimentaire des Insectes est constitué comme Apiweii
chez les autres Animaux articulés, par une membrane muqueuse
revêtue d'une couche musculaire et garnie extérieurement d'une
ligeslif
(les
Insectes.
M. Dujardin, relativement à la dispo-
sition de la cavité digcstive des Trom-
bidions, des Leninocliaris , des Hy-
drachnés , etc. , cliez lesquels ce
zoologiste a bien distingué un œso-
phage et un orifice anal , mais n'a pu
apercevoir de parois propres à l'esto -
mac ; d'où il conclut que cet organe
est remplacé par des lacunes qui exis-
teraient dans le foie, et se prolonge-
raient entre les muscles, etc. ; enfin,
que les aliments se répandent ainsi
directement entre les difTérenls or-
ganes intérieurs (a). M. Bourguignon
a décrit à peu près de la même ma-
nière l'appareil digestif du Sarcopte
de la gale {b), mais il y a tout lieu de
croire que c'est In ténuité des [uniques
membraneuses de l'esiomacquia em-
pêché CCS observateurs de les distui-
guer, et que cet organe ne manque
pas de parois propres.
En elfet, ïreviranus a trouvé chez
VIxodes americanus une poche sto-
macale allongée, qui donne naissance
antérieurement à une paire de cœ-
cums tubiformes et bifurques vers le
bout , et postérieurement à une se-
conde paire d'appendices analogues,
qui bientôt se divisent on deux bran-
ches dont l'une se trifurque vers le
bout, et l'autre, après s'être portée en
arrière , se recourbe en bas et en
avant. L'intestin est très court et situé
vers le tiers postérieur de la face infé-
rieure de l'abdomen. De chaque côté
de cette dernière portion du canal ali-
mentaire se trouve un tube sécréteur
que Trevivanus considère comme un
vaisseau biliaire. Enfin cet anatomisle
a vu dans la région tlioracique une
autre paire de caecums longs et très
grêles qui se rendaient vers la bou-
che, et qui lui ont paru être des vais-
seaux salivaires (c).
M. de Siebold est arrivé à des résul-
tats analogues par l'examen de divers
Ixodes ; et cliez les Oribates, où cet
anatomiste avait reconnu également
l'existence des parois propres du tube
intestinal [d], M. JNicolet a vu que
ce canal se contourne beaucoup sur
lui-même et offre des boursouflures
considérables , mais ne donne pas
toujours naissance à des appendices
gastriques : par exemple, chez VHoplo-
phora magna (e). Chez le Damœus ge-
niculatus, cet entomologiste a trouvé
de chaque côté de l'estomac un appen-
dice en forme de poche ovoïde ; enfin il
a distingué aussi chez cet Acarien, à la
suite de l'œsophage, un jabot, un esto-
mac ou ventriculechylifique,séparédu
réceptacle précédent par un sphincter,
la) Duiardin. Mémoire sur les Acariens {Ann. des sciences nat., 3» série, 1845, t. III, p. 15).
(6) Treviranus, Ueher den Bau der Nigua {Zeilschrift fur Physiologie, 183-2, 1. 1\ , p. 189,
pi. 16,fig. T et8). . . , , vTj ao
(c) Bourguignon, Traité entomologique et pathologique de la gale del Homme, p. 99.
td] SieboM et Stannius, Nouveau Manuel d'analomie comparée, t. I, p. 514.
.e)Nicolet, Histoire naturelle des Acariens qui se trouvent aux environs de Pans {Archives
du Muséum, 1855. t. VU, p. 4H, pi. 24, lig. 18).
582
APPAREIL DIGESTIF.
tunique séreuse (1); mais il présente de nombreuses modifica-
tions de forme et de structure : on n'y rencontre que des ves-
tiges du système d'appendices gastriques qui acquièrent, comme
nous venons de le voir, un si grand développement chez la plu-
part des Arachnides, et ses annexes glandulaires sont généra-
lement moins nombreuses que chez ces Animaux. L'étude de cet
appareil a été poursuivie chez un très grand nombre d'espèces
par un des entomologistes les plus distingués de l'époque
un intestin grêle, et un rectum qui est
aussi long que l'estomac et séparé de
l'anus par un léger rétrécissement (a).
L'estomac du Sarcopte de la gale a
été décrit par M. Lanquetin, comme
étant placé transversalement à la suite
de l'/KSophage, et offrant à peu près la
forme d'un rein (b].
Chez les ïardigrades, qui se rat-
tachent au groupe des Acariens, et qui
ont été très bien étudiés par M. Doyère,
l'armature pharyngienne dont j'ai déjà
parlé (c) est suivie d'un bulbe muscu-
laire très puissant et d'une structure
très complexe, qui paraît être un organe
de succion. Puis vient un œsophage
garni d'un sphincter cardiaque et dé-
bouchant dans une grande poche sto-
macale dont les parois offrent une
multitude de boursouflures irrégu-
lières et ont un aspect tomenteux ; on
y aperçoit des utricuies sécréteurs qui
se colorent sous l'influence de certains
aliments et qui constituent probable-
ment un appareil hépatique. Posté-
rieurement l'estomac s'ouvre dans une
espèce de cloaque qui conduit à l'anus.
Enfin, de chaque côté du pharynx on
aperçoit une glande salivaire d'nn
volume considérable (d).
(1) La tunique interne ou muqueuse
du tube intestinal des Insectes est
pourvue d'une couche épithéliqne
qui présente les caractères d'un tissu
sécréteur dans la portion moyenne de
cet appareil , mais qui est chilineuse
vers les parties terminales, et acquiert
parfois sur certains points, une con-
sistance cornée. Lors de la mue, il
arrive souvent que la portion posté-
rieure de ce tube intestinal se dé-
pouille de cette tunique sans que
celle-ci cesse de tenir aux téguments
extérieurs. : ce phénomène s'observe
chez le Ver à soie, par exemple (e).
La tunique musculaire se compose
de deux couches de fibres : les unes
transversales et circulaires, les autres
longitudinales ; sa puissance -varie
beaucoup dans les différentes parlies
de cet appareil.
La tunique externe ou péritonéale
est extrêmement délicate.
Enfin, on trouve dans l'épaisseur
(a) Nicolet, Op. cit., pi. 24, fig. 4 7.
(6) Lanquetin, Notice sur la gale et sur l'Animalcule qui la produit, 1859, p. 44.
(c) Voyez ci-dessus, page 549.
(d) Doyère, Mémoire sur les Tardigrades, p. 62, pi. 14, fig. 1 et 2 ; pi. 15, fig. 1 i
fig. 3 (extr. des Annales des sciences nat., 2" série, t. XIII et XIV).
(e) Cornalia, Monografia del Bombice del gelso, p. 106.
4; pi. 10,
TUBE ALIMENTAIRE DES INSECTES. 583
actuelle, M. Léon Dufoiir (1)-, et pour en faire connaître ici la
structure, je crois utile de décrire d'abord d'une manière brève
sa constitution chez un Insecte où il offre un haut degré dô
complication ; puis de passer en revue les principales variations
qui se rencontrent dans chacune de ses parties constitutives.
Chez une Sauterelle du genre Épippigère, par exemple, le Disposuion
tube digestif est étendu presque en ligne droite d'un bout du de f^ap^pareii
corps à l'autre (2), et il est retenu en place, au milieu de la les saute'eiies.
des parois ainsi consliluées un grand Diifour que l'on doit les recherches
nombre d'ulricuies sécrétoires et de les plus variées et les plus conipa-
ramifications du système trachéen. ralives sur ce sujet ; ses principaux
(l) Malpighi et Swammerdani (a) travaux ont été publiés dans une
furent les premiers à faire bien con- série de monographies sur l'organi-
naîlre la disposition générale de l'ap- salion des différents ordres de la
pareil digestif d'un certain nombre classe des Insectes (c) ; mais il a con-
d'Insectes, et, de nos jours , l'ana- signé aussi beaucoup d'oiiservations
tomie en a été faite avec soin chez importantes dans une foule de mé-
plusieurs espèces par Ramdohr, Tre- moires spéciaux insérés dans ;les An"
viranus, Suckow et quelques autres nales des sciences naturelles.
naturalistes (6) ; mais c'est à M. Léon {'2) 11 ne présente qu'une seule cir-
(a) Malpig;lii, Disscrtatio epistoHca de Bombyce {Opéra omnia, 1686, t. II).
— Swamtnerdam, Biblia Naturce, 2 vol. in-fol. avec 53 planclies, dont 32 sont relatives à l'or-
ganisation des Insectes, publié en 1767.
(ft) Ramdolir, Abhandlung ûber die Verdauungsvjerkzeuge dcr Insecteii,. 1 vol. in-4 avec
30 planches. Halle, 1811;
— Posselt, Beitrdge ziir Anatomie der Insekten. Tiibingen, 1804.
— Marcel de Serres, Observations sîir les Insectes considérés comme ruminants, et sur les
fonctions des diverses parties du tube intestinal dans cet ordre d'Animaux, in-i, 1813 (extr.
des Annales du Muséum, t. XX).
— Gacde, Beilrcige zur Anatomie der Insekten, 1815, in-4 avec 2 planclies. — Wiedemann's
Zoologisches^ Magasin, 1817, 1. 1, p. 87.
— Treviramis, mber die Saugiverkx-euge und den Sit% des Geruchssimis bei den Insekten {Ver-
miscUte Schriften, 1817, t. Il, p. 95 et suiv.).
— Suckow, Verdauungsorgane der Insekten (Heusinger's Zeltschrift fiir organische Physik,
1828, t. m, p. 1, pi. 1 à 9).
(c) li. Dufour, Recherches anatomiques sur les Carabiques et plusieurs autres Insectes
coléoptères, in-8 avec 28 planches (extr. en majeure partie des Annales des sciences naturelles
pour les années 1824, 1825 et 1826).
— Recherches anatomiques et considérations entomologiques sur quelques Insectes coléoptères
compris dans les familles des ^ermestins, des Byrrhiens, des Acanthopodes et des Leptodactytes
(Ann. des sciences nat., 2* série, 1834-, t. I).
— Recherches anatomiques et physiologiques sur les Hémiptères, in-4, 1833, avec 19 planches
(extr. des Mém. de l'Acad. des sciences, Savants étrangers, t. IV).
— Recherches anatomiques et physiologiques sur les Orthoptères, les Hyménoptères et les
Névroptères, in-4, 1841, avec 13 planches (extr. des Mém. de l'Acad. des sciences, Sav. étrang.,
t. VU).
— Études anatomiques stir une Mouche, in-4, 1848, avec 3 planches (extr. des Mém. de
l'Acad. des sciences, Sav. étrang., t. IX).
— - Recherches anatomiques et physiologiques stir les Diptères, 1851, in-4, avec 11 plnnclios
(extr. des Mém. de l'Acad. des sciences, Sav. étrang., t. XI).
i)Sh APPAREIL DIGESTIF.
grande cavité viscérale, par des brides membraneuses, et une
multitude de petites trachées qui naissent des conduits aériens
voisins et qui vont se ramifier dans l'épaisseur de ses parois.
On y distingue : 1° un œsophage, qui se dilate graduellement,
de façon à constituer dans sa portion postérieure un premier
réservoir alimentaire que l'on désigne sous le nom de jabot;
1° un gésier, ou estomac triturant /qui est garni intérieurement
de plusieurs arêtes longitudinales en forme de râpes composées
de séries de pièces épithéliques triangulaires et de consistance
cornée ; 3° un estomac proprement dit , ou ventricule chyli-
fique (1), dont la partie antérieure se prolonge latéralement
de façon à donner naissance à une paire de sacs ou appen-
dices caecaux, appelés bourses ventriculaires ; k" un intestin
grêle, qui est cylindrique ; et 5" un gros intestin, dont la por-
tion'antérieure se dilate de façon à constituer un réservoir
stercoral qui est garni de six bandes musculaires écartées entre
elles et croisées par des faisceaux charnus transversaux, de
manière à circonscrire des boursouflures, et dont la portion pos-
térieure, d'une structure plus simple, est communément dési-
gnée sous le nom de rectum. Sur les côtés de l'œsophage,
on remarque un appareil salivaire très volumineux et d'une
structure fort complexe. Enfin, un nombre considérable de
tubes sécréteurs très longs, simples, fort grêles et terminés
convolution dans sa portion intesli- sur des considérations physiologiques
nale, et sa longueur ne dépasse que que je ne puis admettre sans beau-
de peu celle du corps. Pour ce qui est coup de réserves , mais il est assez
relatif à sa forme générale et à ses généralement adopté par les ento-
diJférentes parties constitutives , je niologistes, et je ne vois aucun in-
renverrai à la figure qui en a été convénient à en faire usage comme
donnée par M. Léon Dufour (a). synonyme du mot estomac propre-
(1) Ce nom , introduit dans la ment dit.
science par M. Léon Dufour, est fondé
(a) L. Diifour, Recherches anatomiques et physioloqiques 'sur les Orthoptères, etc., pi, 3,
fig. 35.
TUBE ALIMENTAIRE DES INSECTES. 585
en caecum par un de leurs bouts qui est libre, s'insèrent à
l'extrémité postérieure du ventricule chylifique et débouchent
dans la cavité de cet estomac. La plupart des entomologistes
les désignent sous le nom de vaisseaux biliaires^ mais d'autres
les considèrent comme des glandes urinaires ; et afin de ne rien
préjuger quant à leurs fondions, beaucoup de physiologistes
préfèrent les appeler tubes de Malpighi, d'après le naturaliste
illustre à qui on en doit la découverte. Je dois ajouter que chez
cet Orthoptère on ne trouve pas de glandes anales groupées
autour de l'intestin, mais que, chez beaucoup d'autres Insectes,
des organes de ce genre existent, et que parfois ils prennent
un développement considérable (1).
(1) On trouve une figure de l'appa-
reil digestif de la giaiide Sauterelle
verle ( Locusta viridissima ) dans
l'ouvrage de Uaindolir , et celui de
VEphippigera diurna a été très bien
représenté par M. L. Dufour (a). Le
jabot est plissé longiludinalenient ; le
gésier est petit et globuleux; les pla-
ques cornées qui en constituent l'ar-
mature intérieure ont la forme de che-
vrons placés à la file, avec leur angle
médian dirigé endedans et en avant (6);
enfin, dans les sillons qui séparent les
arêtes triturantes ainsi constituées, se
trouvent des tubercules cornés. Les
deux caecums gastriques, ou boui'ses
ventriculaires, sont arrondis et formés
par la dilatation des angles latéro-an-
térieurs du ventricule chylifique, qui,
dans tout le reste de sa longueur, est
cylindrique et intestiniforme. Chez les
fiphippigères, les Phanéroptèreset les
Conocéphales, il est assez long pour
faire une circonvolution sur lui-même ;
mais chez les Locustes ou Sauterelles
proprement dites , il est court et
droit. Les tubes malpighiens, qui s'in-
icrenl à son extrémité postérieure,
sont très nombreux , fort grêles et
souvent colorés en violet ou en brun.
Us sont réunis en cinq faisceaux qui
débouchent chacun dans l'estomac
par un petit trou commun; enfin plu-
sieurs d'entre eux adhèrent au som-
met des bourses ventriculaires par leur
portion supérieure, de façon que leurs
bouts flottants constituent une sorte
de pinceau ou de couronne fixée à ces
organes. Mais c'est à tort que quelques
auteurs ont cru qu'ils s'ouvraient dans
celle partie du canal digesUf(c). L'in-
testin grêle est beaucoup plus long
chez la Sauterelle verle que chez
l'Épliippigère, mais il ne présente
rien de remarquable dans sa struc-
ture.
(a) Ramdohr, Abhandl. ûber die Verdauungswerkzeuge der Insecten, pi. 1, fi;:^. 3.
— L. Dufour, Recherches anatomiques sur les Orthoptères, etc., pi. 3, fig. 33.
(6) Ramdohr, Op. cit., pi. t, fig-. T et 8.
(c) Marcel île Serres, Observ. sur les Insectes considérés comme ruminants, p. G9 et 73.
De l'œsophage
et du jabot
des Insectes.
586 APPAREIL DIGESTIF.
§ 5. — La série des réservoirs alimentaires que je viens
de décrire n'existe pas toujours d'une manière complète. Le
ventricule chylifique ne manque jamais ; mais chez un grand
nombre d'Insectes l'œsophage est très réduit (i), et l'on
ne trouve ni jabot , ni gésier : par exemple , chez les Crio-
cères, les Leplures et les Donacies, parmi les Coléoptères (2),
ainsi que chez beaucoup de larves de Diptères (â). Le jabot
(1) Quelques auteurs ont pensé que,
chez les Lépidoptères, l'œsophage était
bifurqué à son exlvéïiuté antérieure
pour correspondre aux deux tubes
que l'on avait cru reconnaître dans la
trompe de ces Insectes (a); mais ni
l'une ni l'autre de ces dispositions
n'existent en réalité, et cette portion
vestibulaire de l'appareil digestif est
toujours un canal simple et médian^
(2) Chez les Crioccres, l'œsophage,
court et cylindrique, s'ouvre directe-
ment dans un estomac ou ventricule
chylifique très simple, dont la partie
postérieure est rétrécie et donne in-
sertion à trois paires de tubes mal-
pighiens; l'intestin grêle est assez long
et flexueux; enfin le gros intestin est
renflé, et donne attache à l'extrémité
postérieure et caecale des tubes mal-
pighiens, de façon que ceux-ci sont
disposés en forme d'anse (6).
Chez les Leptures, l'œsophage est
encore plus court et le ventricule chy-
lifique presque cylindrique, mais le
gros intestin est plus allongé (c). Il
en est à peu près de même chez les
Anthrènes {d), les Dryops (e), les Co-
laspis (/■), etc., ainsi que chez beau-
coup de larves : par exemple, celles
des Priones et des Ténébrions {g).
Chez les Donacies, l'œsophage s'al-
longe davantage et devient presque
filiforme; les tubes malpighiens pré-
sentent aussi des particularités de
structure sur lesquelles je reviendrai
bientôt (h).
Il en est à peu près de même chez
les Urocérates (z), parmi les Hyméno-
ptères.
(3) L'œsophage est très court et dé-
bouche directement dans l'estomac, ou
ventricule chylifique, non-seulement
chezla larve de divers Diptères, tels que
Idem, ibid., pi. 7, Rg. 2.
I Idem, Recherches anatomiques sur quelques Insectes coléoptères compris dans les familles
)ermestins, des Byrrhiens, etc. (Ann. des sciences nat., 2' série, d834, 1. 1, pi. 2, dg. 8).
î/1nin ^'/ii/7 .-.1 Ci r.-v. A O
(a) Treviranus, Ueber die Saugiuerk%euQe der Insekten (Vermichten Schrifte, t. II, p. 10^).
— Burmcister, Handhuch der Entomologie, t. I, p. 132.
(b) L. Dufour, Recherches anatomiques sur les Carabiques, etc. {Ann. des sciences nat., t. IV,
pi. 7, fig. 3).
(c) Idem, ibid., pi. 7, Rg. 2.
{d]'-
des Der\
(e) Idem, ibid., pi. 2, Rg. 10.
if] ^o\y, Recherches sur les mœurs , l'anatomie et l'embryologie d'un petit Insecte coléoplère
(Colapsis atra) qidravage les luzernes, etc. [Ann. des sciences nat., 3= série, ■1844, I. II, pi. 4,
Rg. i).
(g) Posselt, Beitrage xtir Analomie der Insekten, pi. 3, fig-. Il et 22.
[h) L. Dufour, Rech. sur les Carabiques. etc. [Ann. des sciences nat., 1" série, t. IV, pi. 7).
(i) Suckow, Verdauungsorgane der Insekten (S^BiKmscv' s Zeitschrift fur die organisehe Phy~
sik, 1833, t. m, pi. 8, ùg. 14S).
— L. Dufour, Recherches anatomiques .tur les Hyménoptères de la famille des Urocérates (Ann.
des sciences nat., i" série, 1854, t. I, pi. 4, fig. 9).
TUBE ALIMENTAIRE DES INSECTES. 587
est , en général , comme chez les Sauterelles , une simple
dilatation de la portion postérieure de l'œsophage ; mais, chez
divers Insectes, cette poche tend à se séparer du canal par-
couru par les aliments, pour arriver dans l'estomac, et elle
constitue quelquefois un organe appendiculaire tout à fait,
distinct de ce tube. Son mode de formation a été très bien
observé chez le Papillon du chou par Hérold. Quand cet Insecte
est à l'état de larve ou de chenille, la portion œsophagienne du
canal digestif est d'abord courte et cylindrique; mais, par les
progrès du développement, elle s'allonge plus que ne le fait le
ventricule chylifique, et se renfle un peu vers son extrémité
postérieure. Ce changement se prononce davantage quand
l'Animal est arrivé à l'état de nymphe ou chrysahde, et
alors, à l'extrémité de l'œsophage, qui est devenu long et
grêle, on distingue un petit jabot fusiforme; mais cette dila-
tation ne continue pas à se faire d'une manière régulière,
et s'avance du côté dorsal seulement , de façon à donner
naissance à une petite poche latérale dont le fond s'agrandit
plus que l'entrée. A mesure que les métamorphoses du Pa-
pillon s'avancent, l'appendice œsophagien, ainsi constitué,
grandit rapidement et son col s'allonge beaucoup, de sorte
qu'au terme de son développement, il constitue un sac pyri-
forme suspendu à la partie postérieure de l'œsophage et com-
muniquant avec l'intérieur de ce tube ahmentaire par un canal
étroit (1).
le Cecidomyia popuîi {a), mais aussi Hérold , sur le développement des
chez quelques Insectes du même ordre Papillons, une série très intéressante
qui sont arrivés à l'état adulte : par de figures représentant les diverses
exemple, les OEstres (6). formes de l'appareil digestif du Poniia
(1) On trouve dans l'ouvrage de ou P<e?'2s irassicœ à l'état de chenille,
(a) L. Dufour, Histoire des métamorphoses des Cécidomyies du pin maritime et du peuplier
[Ann. des sciences nat., ^840, t. XVI, pi. 44, ûg. 9).
(6) Joly, Recherches iooiogiques, anatomiqties et médicales sur les Œslrides, p. 50, pi. G.
fig. 3.
588 APPAREIL DIGESTIF.
Lorsque le jabot est simplement une portion dilatée de
l'œsophage, il ne sert que comme réservoir pour les matières
alimentaires, qui s'y accumulent avant dépasser dans l'estomac
proprement dit, et qui sont parfois destinées à être régurgitées
en partie. Ainsi les Abeilles, après avoir recueilli sur les fleurs
des liquides sucrés, retiennent ces matières dans leur jabot
pour les transporter à leur demeure, puis en regorgent la
majeure partie, soit pour nourrir leur reine et leurs compagnes
retenues au logis par d'autres travaux, soit pour constituer
le miel dont elles emmagasinent des quantités considérables
dans les alvéoles de leurs gâteaux, afin de s'en nourrir en temps
de disette (I). Quelquefois il en est de même chez les Insectes
de nymphe et d'Insecte parlait (a). Les métamorphoses du tube digestif
Des observations analogues, mais ont ('té étudiées aussi avec beanconp
moins complètes, ont été faites par da soin cA^cz le G astrophaga pini pav
Newportsur le Sphinx iigustri, dont Snckow (e) ; mais chez ce f^épidoptère
cet entomologiste a représenté com- il ne se forme pas de jabot, comme
parativement l'appareil digestif chez chez la plupart des Insectes du même
la larve , la nymphe et l'Insecte par- ordre.
fait (6). Enfin, les transformations su- (1 ) Comme exemples d'hisectes dont
bies par le tube digestif du 5om?^î/cc le jabot est bien développé, mais ne
mori ont été décrites par M. Corna- consiste qu'en une dilatation régulière
lia (c). Dulrochct s'était occupé pré- de l'œsophage , je citerai les Four-
cédemment du même sujet, mais ses mis (f) , les Andrènes (g), les Cy-
observations sont très incomplètes et nips (/i), les Scolies (») etles Sphex (7),
souvent inexactes (d). parmi les Hyménoptères ; les Blattes (/.;)
(rt) Herold, Eiitwickelungsgeschichte dei' Sclimelterlinge, '1815, pi. 3, ûg. 1 à 12.
(6) Newporl, On the Nervous System of the Sphinx Iigustri {Philos. Trans , 1834, pi. ■14,
fig. H, 12 et 13).
(c) Cornalia, Monografia del Bomblce del gelso, 1856, pi. i, fi^. 51; pi. 10, (ig. 141 et 153 ;
pl. 12, flg. 189 et 202.
(d) Duirocliei, Recherches sur les métamorphoses du canal intestinal che% les Insectes {Journ.
de physique. 1818, t. LXXXVI. p. 131. fig. 1 à 8).
(e) Suckow, Analomische physiologische Untersuchungen der Insekteii und Kruslenlhiere,
1818, t. 1, pl. 2.
(f) Ramdolir, Abhandlung iiber die Yerdauungsiverkzeuge der Insecten, pl. 14, fig-. 3.
— L. Diifour, Recherches sur les Orthoptères, etc., pl. 7, %, 86.
(g) Idem, ihid,, pl. C\, fig. 72.
\h) Idem, ibid., pl. 9, fig. 122.
(i) Idem, ihid., pl. 8, fig. 89.
(j) Ranidohr, Op. cit., pi. 14, fi^'. 1 .
(fe) L. Onfour, Recherches sur les Orthoptères, etc., pl, 5, fig. 44.
TUBE ALIMENTÂIHE DKS INSECTES. 58')
OÙ le jabot se développe latéralement en forme de panse : par
exemple, chez- la Courtilière (1); mais quand cet organe se
sépare davantage du canal œsophagien pour constituer un sac
parmi les Orllioplèies ; les Phry-
gaiies (a) et les Perles (6), parmi
les Névroplèies ; les Lépismes (c),
parmi les Tliysonoiires ; enfin les
Carabes (d), les Harpales (e), les Ci-
cindèles {f), dans Tordre des Coléo-
ptères.
Chez l'Abeille, la partie poslérienre
de l'œsophage se dilate moins régu-
lièrement, et constitue un jabot un
peu excentrique dont la capacité est
considérable {g] :, chez le Bourdon
terrestre (/i), les Guêpes (t), VAthalia
centifoliœ ( j) , les Xylocopes [k) et
quelques autres espèces d'Hyméno-
ptères, l'élargissement de cette por-
tion du canal digeslif se fait principa-
lement en dessous, de façon à donner
naissance à un sac qui a presque la
forme d'une panse.
(1) La panse de la Courtilière
{Gryllotalpa vulgaris) est une poche
ovoïde qui communique latéralement
avec la partie postérieure de l'œso-
phage, par un orilice dépourvu de
valvules (/), et non par deux ouver-
tures, comme M. Marcel de Serres
l'avait supposé (m). Ses parois sont
principalement musculaires, et M. L.
Dufour a reconnu que les matières
brunâtres accumulées dans son inté-
rieur consistent en petits fragments
des substances végétales dont ces In-
sectes se nourrissent. Dans le Hrillon
domestique, qui appartient à la même
famille, le jabot est quelquefois déjeté
de côté(n), mais ce réservoir alimen-
taire ne constitue pas une panse laté-
rale bien caractérisée, comme chez la
Courtilière.
(a) L. Dufour, Recherches sur les Orthoptères, etc., pi. 13, fig. 208.
{b)ldem,ibul., pi. i3, fig. 198.
(c) Ramdolir, Op. cit., pi. 16, fig. 3.
((/) Gaede, Beitrâge zur Anatomieder Insekten, 1815, pi. 2, fig. 4.
— Ramilohr, Op. cit., pi. 25, (ig. 2.
(e) L. Dufour, Anatomie des Carabiques {Ann. des sciences nat., l. II, i-il. 21, lis,', 'à)-
(f) Idem, Op. cit. (Ann. des sciences nat., t. III, pi. 10, llg-. 2).
(g) Swararaerdam, Biblia Naturœ, pi. 18, fiir. 1.
— Treviranus, Op. cit. [Verm. Schrift., t. II, pi. 14, fig. 3).
— Suekow, Op. cit. (Heusinger's Zeitschr. filr organ. Physik, t. III, pi. 6, llg. lil).
., • — ■ L. Dufour, Recherches anatomiques et physiologiques sur les Orthoptères, les llijincuo-
ptères et les Névroptères, pi. 5, fig. 48.
(h) Ramdohr, Op. cit., pi. 13, fig. 1.
(i) Idem, ihirf., pi. 12, %. 6.
— Suekow, Op. cit. (Heusinger's Zeitschr., l. III, pi. 5, fig. 128).
— Burnieister, Op. cit., pi. 9, fig. 10.
()) Newport, Observation» on Ihe Anatomy, Habits and Economy of Ihe Alhalla cuiilifolia;, 1 838,
p. 7, fig. 0 et 7.
(k) L. Dufour, Op. cit., pi. 6, fig. 122.
(l) Suekow, Op. cit. (Heusinger's Zeitschrift, 1833, I. III, pi. 7, fi..^-. 134),
— L. Dufour, Recherches anatomiques et physiologiques sur les Orthoptères, 1841, p. 65,
pi. -2, fig. 19.
— Burnieister, Handbuch der Entomologie, t. I, pi. H, fig. 7.
(m) Marcel de Serres, Observations sur les Insectes considérés comme ruminants, p. 08.
(«) Ramdohr, Op. cit., pi. 1, fig. 1.
— Marcel de Serres, Op. cit., pi. 1, fig. 1.
590 APPAREIL DIGESTIF.
appendiciilaire, ainsi que cela se voit chez les Lépidoptères, il
paraît être quelquefois destiné à intervenir principalement dans
le mécanisme de la succion, et faire fonction de pompe aspi-
ratoire; du reste, son jeu n'est pas encore connu d'une manière
satisfaisante (1). Il est aussi à noter que dans l'ordre des Di-
ptères, où le jabot présente presque toujours ce -mode d'orga-
nisation, cet appendice œsophagien est pourvu d'un col étroit
et fort long qui naît dans le voisinage de la bouche, au lieu de
se détacher du tube alimentaire près de l'estomac, comme chez
les Papillons (2).
(1) Chez les Lépidoptères, cette il est fort réduit (e); enfin, chez le
poche , que les entomologistes aile- Chelonia caja (/'), ainsi que chez le
mands appellent V estomac suceur. Cossus ligniperda et le Gastrophaga
ou vessie aspiratoire (a) , consiste pini, où la trompe est rudiraentaire,
ordinairement en un sac arrondi qui cette espèce de panse paraît manquer
naît à angle droit de l'œsophage par complètement {g).
uu col étroit, et se prolonge en arrière 11 est aussi à noter que, chez les
au-dessus de l'estomac proprement Lépidoptères, cet organe ne contient
dit (6). Quelquefois il est profondé- ordinairement que de l'air, et ce serait
ment bilobé, par exemple chez les en cédant à la dilatation de la partie
Zygènes (c), et son développement voisine de la cavité viscérale, qu'il
paraît être généralement en rapport pourrait déterminer dans l'œsophage
avec celui de la trompe. Ainsi, chez un mouvement d'aspiration,
le Vanessa urticœ, cet appendice œso- (2) Chez les Diptères, ce jabot ap-
phagien est très grand (cl), tandis pendiculaire contient souvent des ma-
que chez VAttacus pavonia minor tières alimentaires (/i), et ses fonctions
(a) Saugblase (voy. Treviranus, Op. cit., in Verm. Schrift., t. II, p. 104-).
— Saugmagen (voy. Burmeister, Op. cit., t. I, p. 134).
(b) Exemples : Pontia brassicœ (voy. Nowport, art. Insecta in Todd's Cyclopœdia of Anat. and
Physiol., 1. 11, p. 973, fig. 431).
— • Sphinx liguslri (voy. Newport, art. Insecta, loc. cit., p. 973, fig. 430).
— Yponomeuta evonymella {\'oy. Suckow, Verdauungsorg. der Insekten,mïieus\ngoT'sZeitschr.
fur org. Physik,t. III, pi. 9, fig. 161).
(c) Raradohr, Verdauungswerkzeuge der Inseeten, pi. 18, fig. 1.
— Suckow, Anat. Physiol. Uiitersuchungen der Insekten und Krustenthiere, pi. 2, fig. 10.
(d) Treviranus, Ueber des Saugen und das Geruchsorgan der Insekten (Annalen der Wet-
terauischen Gesellscliaft fiir die gesammte Naturkunde, 1812, t. III, p. 158, pi. IG, fig. 7).
(e) Idem, ibid., pi. 17, fig. 8.
if) Idem, ibid., pi. 17, fig. 9.
(g) Treviranus, Ueber die Sauwerkzeuge und den Sitz des Geruchssins bey der Insekten (Verm.
Schriften, t. II, p. 109).
[h) Ramdolir, Op. cit., p. 173, etc.
— Newport, art. Insecïa (loc. cit., t. II, p. 972).
— L. Dufom-, .inatomie des Diptères, p. 253, etc.
TUBE ALIMENTAIRE DES INSECTES. 591
Les parois de ce premier réservoir alimentaire sont revê-
tues, comme l'œsophage, d'une couche chitineuse qui est
souvent lisse et homogène, mais qui, d'autres fois, s'épaissit
sur certains points plus que sur d'autres, et donne ainsi nais-
sance à des plaques squamiformes dont le sommet se dirige
Armalui'c
inlerne
du jabol.
comme organe de succion me paraissent
encore moins probables que chez les
Lépidoptères. Quoi qu'il en soit , ce
réservoir ne manque presque jamais
dans cet ordre, et se compose généra-
lement d'un canal cylindrique très
long et étroit qui se termine par une
dilatation en forme de poche simple
ou bilobée. Chez !a larve de la grande
Mouche commune {Sarcophaga hœ-
morrhoidalis),cet appendice œsopha-
gien consiste seulement en un caecum
membraneux qui prend naissance près
de la bouche, et qui est susceptible de
se distendre beaucoup (a) ; mais chez
l'Insecte parfait son col s'allonge con-
sidérablement, et il se termine par un
grand sac bilobé (6). Comme exem-
ples de Diptères à panse bilobée , je
citerai aussi la Mouche de la Viande,
ou Sarcophaga carnaria (c), YEphip-
pium thoracicum {d) et le Tabanus
tropicus (e).
La poche terminale de cet appen-
dice œsophagien est même nnilti-
lobée chez quelques Diptères , tels
que la Mouche domestique ( /" ) ,
le Bombyiius major (^), le Leptis
tringaria {h) et le Dolichopus niti-
dus [i).
Cet organe est au contraire simple
chez les Cousins (j), la pUipart des
Tipulaires [k], les Dasypogons (/), le
Scenopinus fenestralis (??^),etc.
Chez le Phora paUipes, son pédi-
cule, au lieu de naître près de la
bouche comme d'ordinaire, provient
de la partie postérieure de l'œso-
phage , comme chez les Lépidop-
tères !nj.
Enlin, la panse manque chez les
Pupipares, et peut-être aussi chez les
(a) L. Dufour, Études anatomiques et physiologiques sur une Mouche, p. 38, pi. 3, fin'. 20
(exlr. des îlém. de V Acad. des sciences, Sav. étrang., t. IXj.
(&) L. Dufour, loc. cit., pi. 3, %. 27,
(c) Suckow, Verdaimngsorgane der Insekten (Heusing-cr's Zeilschr. fur orgiin. Phijsik , t. III,
pi. 9, fig. ^53).
(d) L. Dufour, Recherches mmtoniiqties et physiologiques sur les Diptères, pi. 4, fig. iS.
(e) Ramdohr, Op. cit., pi. 21, fig. l.
— h.'Quioxiv, Recherches anatoir^ques et physiologiques sur les Diptères, pl. 4, Cg. 37.
(/■) Ramdohr, Op. cit., pl. 19, fig. 2.
(g) Idem, ibid., pl. 20, fig-. 2.
(/!) L. Dufour, Op. cit., pl. 0, fig;. 70.
(i) Idem, ibid., pl. 6, fig. 73.
(j) Exemples : Tipula lunata (voy. Ramdolir, Op. cit., pl. 20, fig. 1).
— Tipula oleracea (voy. L. Dufour, Recherches anatomiques et physiologviues sur les Diptères,
pl. 3, fig. 23).
(k) Exemple : Culex annulatus (voy. Dufour, Op. cit., pl. 2, fig-. 18).
(J) L. Dufour, Op. cit., pl. 5, fig. 52.
(m) Idem, ibid., pl. 7, fig. 84.
{n) Idem, ibid., pl. 11, fig. 134.
59'2 APPAtŒIL DIGESTIF.
en arrière, ou à des filamenls qui ressemblent à des poils (1).
Entre la tunique muqueuse qui porte ce revêtement ëpithé-
Asiles («]. En général, les larves en
sont également privées (6).
Plusieurs Névroplèrcs sont, à l'état
adulte, pourvus d'une panse à col
étroit, qui naît à la partie postérieure
du jabot : les Foumilions (c) , les
Corydales (d), les Siaiis (e) , les Ilé-
mérobes [f) et les Osmyles [g) , par
exemple ; mais cet organe n'est pas
encore développé chez leurs larves {h).
11 n'en existe aucune trace chez
d'autres Insectes parfaits du même
ordre , tels que les Éphémères (ij,
les Perles (j) , les Panorpes {k), les
Phryganes (/), les Termites {m), et
les.LibelIuliens (n).
Chez quelques Hyménoptères, il
existe une panse à col très court à peu
près comme chez les Lépidoptères :
par exemple, chez les Crabronites
du genre Lyrops (o), le Palarus et
le Trypoxylon. Mais , en général ,
dans cet ordre, l'œsophage ne se di-
late que circulairement, de manière
à constituer un jabot simple. Quel-
quefois il est bilobé de façon à simu-
ler une double panse , disposition qui
se voit chez plusieurs Chrysidiens {■[>).
(1) Ainsi, chez VOryctes nasicor-
nis, la couche épithélique du jabot
est lisse {q), tandis que chez les Han-
netons elle est hérissée de pointes (r) ;
(a) L. Bixiom, Recherches anatomiques et physiologiques sur les Diptères, 1242.
(b) Exemples: Ceciiomijia pini mantimœ (voy. L. Diifour, Histoire drs métamorphoses des
Cecidomyies, dans Ann. des sciences nat., 3" série, t. VII, pi. 14, llg. 9).
— Supromyza blepharipteroides {voy. L. Diifour, Mém. sur les métamorpltoses de plusieurs
larves fonyivores, dans Ann. des sciences nat., 2" série, t. XII, pi. 1, li;;. 4).
(c) Ramdohr, Verdauungsweneuge der Inser.ten, pi. 17, lig. 2.
— L. Diifour, Recherches sur les Orlhoplères, les Hyménoptères et les Névroptères, pi. 12,
llg. 179.
(d) Lnidy, On the internai Anatomy of Coryilalus corniitus (Journal of the American Academy
of Arts and Sciences, 1848, pi. 2, fig-. 2).
(e) L. Dnfour, Op. cit., pi. 12, fig. 184.
(f) Ramdoln-, Op. cit., pi. 17, fig. G.
— L. Dnfour, Op. cit., pi. 13, fig. 191.
(g) L. Dufoui-, Recherches sur l'anatomie et l'histoire ualurelle de TOsmylus inaculalus (Ann.
des sciences nat., 3° série, 1848, t. L\, pi. 10, lig. 17).
(h) Exemple : la larve du Fourmilion (voy. Ramdohr, Op. cit., pi. 17, lig. 1).
(i) L. Dulbur, Op. cit., pi. 11, fig. 1G7.
IJ) Idem, ibid., pi. 13, fig. 198.
(fc)kloni, ibid., pi. H, fig. 109.
{l) Ramdohr, Op. cit., pi. 10, fig. 1 . ^
— L. Dnfour, Op. cit., pi. 13, fig. 208.
(m) Idem, ibid., pi. 13, fig. 190."
(n) Ramdohr, Op. cit. pi. 15, fig. 3 cl 4.
— L. Dufonr, Op. cit., pi. 11, fig. 158.
(o) Idem, ibid., pi. 8, fig. 90, 97, 98 et 100.
(p) Exemples : Chrysis fulgida (voy. L. Dufour, Op. cit., pi. 9, fig. 113).
— Hedychrum luciduhim (voy. L. Dufour, Op. cit., pi. 9, fig. IIG).
(q) H. Meckol , Mikrographie einiger Drilsenapparate der niederen Thiere (Miiller's Archiv
fur Anal, und Physiol., 1840, p. 19.
• — Basth, Unlcrsuchuny iiber das chylopoctische und îwopoetische System der Blatta orienlalis
(Sitaungsber. der Wietier Akad., 1858, t. XXXllI, p. 241, pi. 2, fig. 2 et 3).
— Sirodoi, Recherches sur les sécrétions chez les Insectes (Ann. des sciences nat., 4" série,
1858, l. X, p. 153).
(r) Slraus, Considérations sur l'analoniie comparée des Animaux articulés, pi. 5, fig. 8.
du
gésier.
TUBE ALIMKISTAIUE DES INSECTES. 593
lique et la couche musculaire qui l'enveloppe, on trouve par-
fois un nombre considérable de petites cellules ovoïdes : le
développement de ce tissu utriculaire paraît être en raison
inverse de celui des glandes salivaires, dont j'aurai bientôt à
parler, et, chez les Insectes où ces divers organes sont plus
ou moins rudimentaires, les ampoules en question ici pré-
sentent tous les caractères de follicules et communiquent avec
la cavité du jabot par des conduits excréteurs d'une grande
ténuité (1).
Le gésier, que nous avons vu faire suite aujabot chez la Saute- structure
relie, et y constituer un appareil de trituration, est également
très développé et armé d'une manière puissante chez la plupart
des Insectes broyeurs qui se nourrissent d'herbes, d'animaux à
téguments coriaces, ou d'autres substances dont la consistance
est assez considérable pour être difficilement attaquées par les
sucs digestifs ; mais cet organe manque ou se trouve réduit à un
état rudimentaire chez les espèces dont les aliments sont Hquides
mais, dans ce cas, cette portion du ovoïdes dont il a vu naître des cylin-
tube digestif me semble, en général, dres très grêles, et, en étudiant ceux-
mériter le nom de gésier plutôt que ci, il a reconniique ce sont des tubes
celui de jabot. d'une ténuité extrême qui vont débou-
(1) M. Sirodot n'a pu découvrir au- cher à la surface interne du jabot (a).
cune communication entre les grandes II en conclut que ce sont autant de
utricules sous-muqueuses du jabot et glandes simples, et des considérations
la cavité de cet organe chez les Gril- dont j'aurai à parler ailleurs l'ont
Ioniens, qui ont un appareil salivaire conduit à les regarder comme des
très développé ; mais chez les larvesde organes sécréteurs de la salive. Quel-
VOryctes nasicornis, qui sont privées quefois les glandulesdu jabot se pro-
de glandes de ce genre, il a trouvé longent même à la surface externe de
sous la tunique muqueuse de cette cet organe sous la forme de petits
portion du tube digestif une couche caecums villeux : par exemple, chez
épaisse composée de grandes utricules les Cicindèles (6).
(a) Sirodot, Op. cit. {Ann. des sciences nat., 4" série, t. X, p. 174 ot suiv., pi. il , fig. 1 à 4).
(&) L. Uufoui-, Reclierches sur les Carabiques, etc. {.inu. des sciences nat., 1824, t. lU, pi. 10,
fi-. 2).
V. 38
594 APPAREIL DIGESTIF.
OU très mous. Ainsi, chez tous les Orthoptères (1), il existe un
gésier très bien constitué ; chez les Grilloniens, surtout les dents
cornées qui garnissent l'intérieur de cet organe, et qui consti-
tuent six râpes disposées de façon à agir les unes contre les
autres, sont extrêmement nombreuses et fortes ("i) . Il existe aussi
un estomac triturant chez un grand nombre de Coléoptères qui
se nourrissent, soit de matières végétales plus ou moins dures,
(1) M. Léon Dufour considère les
Criquets ou Acridiens comme faisant
exception à cette règle ; mais La por-
tion de leur tube digestif, que cet
anatoraiste appelle jabot, me semble
être en réalité un gésier. En effet, la
tunique interne de cet organe est
garnie d'un grand nombre d'arêtes
linéaires de consistance subcartilagi-
neuse et armées d'une série de petites
pièces dentiformes, de façon à agir
à la manière de râpes très fines. Ces
plaques épidermiques manquent à la
partie antérieure de la paroi inférieure
de ce premier estomac, où l'on re-
marque un espace inerme qui est
limité par un filet calleux (a).
(2) Chez la Gourlilière, par exem-
ple, le gésier, qui est d'une forme
ellipsoïdale (6) et qui se trouve à la
partie antérieure de l'abdomen, a une
consistance cartilagineuse, et présente
à sa surface interne six côtes longi-
tudinales saillantes et armées d'un
nombre très considérable de dents
chitiniques, brunâtres, disposées sur
cinq rangées longitudinales et offrant
des formes variées (c). Les sillons,
situés entre les espèces de râpes ainsi
constituées présentent chacun deux
filets cornés qui donnent insertion
aux fibres musculaires destinées à
mettre en mouvement cet appareil
triturant.
Chez les Blattes, les pièces dentaires
du gésier sont moins nombreuses, mais
plus robustes que chez la plupart des
autres Orthoptères ; elles ont une du-
reté presque osseuse, et leur forme
varie, les unes étant simplement co-
noides, les autres garnies d'arêtes den-
ticulées ; par leur réunion elles con-
stituent une râpe tabulaire, et quand
on les renverse en dehors , en re-
tournant la portion du canal digestif
dont elles dépendent, elles simulent
une rosace à six branches {cl). La
disposition de cet appareil triturant
est à peu près la même chez les
Mantes (e).
L. Dufour, Recherches si{,r les Orthoptères, etc.,
5, 0, 7, 8).
(a) Exemple : l'Œdipoda cœrulescens (voy.
pi. 1, fie. 8 et 10).
(6) Kidd, Oti the Anatomy of the Mole-Cricket {Philos. Trans., 1825, pi. iô, fi
— L. Dufour, Op. cit., pi. 2, fig. 19).
Suckow, Op. cit. {Hcnsinger's Zeitschr. filr oryan. Physik, 1. 111, pi. 7, Cig. 130),
Idem, ibid., pi. 3, fip;. 24.
Ramdohr, Abhandl. ûber die Verdauiingswerkzeurje der Iiisecten, pi. 1, fig. 10 et 12.
Marcel de Serres, Observ. sur les Insectes considérés comme j'undnants , etc., pi. 2, fig. 2
• L. Dufour, Op. cit., pi. 4, fig. -iG.
Marcel de Serres, Op. cit., pi. 2, fig. 5.
(c)
id)
et 3.
TUBE ALIMENTAIRE DES INSECTES.
595
soit de substances animales coriaces qui, pour être facilement
digérées , ont besoin d'être très divisées. Chez les Cicin-
déiètes , les Carabes , les Dytisques et les Bostriches , par
exemple, le gésier est bien constitué et pourvu d'une armature
puissante (1); mais chez les Insectes de cet ordre qui se repais-
sent de débris de corps organisés, du pollen des fleurs ou de
feuilles tendres, ainsi que le font les Coprophages, les Hanne-
tons et les Coccinelles , on n'en trouve aucune trace. Cet
organe manque aussi chez beaucoup de Névroptères, mais est
assez puissamment organisé chez les Termites, qui, par leur
régime, ressemblent à certains Orthoptères, et qui dévorent
des substances très dures (2). Enfin, le gésier manque ou se
(1) Le gésier des Colëopères de la
grande famille des carnassiers est
globuleux ou ovoïde et de consistance
cartilagineuse. A Tintérieur, il est
garni de quatre plaques cornées prin-
cipales, qui sont échancrées en avant
et suivies en arrière de denticules
acérées; elles laissent entre elles au-
tant de sillons longitudinaux au fond
de chacun desquels se trouve une
arête cornée ; enfin, sur les côtés de
celle-ci sont rangés des poils roides et
pointus qui sont disposés en manière
de brosse (a).
Chez les Dytisques, ces huit séries
de pièces, alternativement simples et
doubles, sont toutes portées sur des
tubercules cliarnus (6).
Chez les Staphylins, il existe aussi
un gésier oblong dont 'les parois ont
une consistance rénitente et sont
garnies intérieurement de quatre
arêtes brunes; mais l'armature de
celles-ci est beaucoup moins puis-
sante, et ne consiste qu'en denticules
sétiformes disposées en manière de
brosse, avec leurs pointes dirigées vers
l'axe de l'organe (c).
(2) L'existence d'un estomac tritu-
rant chez les Termites a été signalée par
M. Burmeister [d), et une description
détaillée de cet organe a été donnée
par M. Lespés. Sa surface interne est
garnie de douze lames cornées et
poilues, qui sont reployées sur elles-
mêmes et disposées par paires sur six
tubercules charnus (e). Il existe aussi
un estomac triturant, très fortement
(a) Exemples : Carabus auratus (voy. L. Dufour, Rech. sur les Carabiques, dans Ann. des
sciences nat., i" série, t. II, pi. 20, dg. 2).
— Cicindela canipestris (voy. RamJolir, Op. cit., pi. 3, Rg. 1 et 4).
(6) Ranidolir, Op. cit., pi. 2, fig. 4.
(c) Idem, ibid., pi. 3, fig. 7 et «.
— Léon Dufour, Op. cit., p. 25.
(d) Bm-meister, HMidbuch der Entomologie, p. 137, pi. H, fig. 8, 9 et 40.
{e) Lespés, Recherches sur l'organisation et les mœurs du Termite lucifuye {Ann. des sciences
nat., 4»' série, 4 856, t. V, p. 236, pi. 6, fig. 38).
596 Al»l>AUElL Î)1GESTIF.
trouve réduit à un état rudimentaire chez les Hyménoptères (1),
les Hémiptères, les Lépidoptères et les Diptères, dont les ali-
ments, eomme je l'ai déjà dit, sont toujours liquides {'2).
L'orifice qui conduit soit du gésier, soit du jabot, ou môme
.Trmé, chez la larve du Corydalus cor-
nutus. Mais, chez le même Insecte à
Tétat adulte, les plaques dentaires dont
cet organe était gainii n'existent plus,
et cette portion du tube digestif ne mé-
rite plus le nom de gésier (a).
Chez la plupart des autres Névro-
ptères, le gésier est rudimentaire.
Cependant, chez les Fourmilions, cet
organe, quoique très petit, est armé
intérieurement de huit écailles ou
pièces cornées, lancéolées postérieu-
rement et disposées en entonnoir (6).
Chez la l'anorpe, le gésier, qui fait
suite à l'œsophage, est plus volumi-
neux (c) , et sa tunique épithélique
est garnie de poils ou appendicules
cornés disposés en brosse {d). Enfin,
chez les llémérobes, cet estomac tritu-
rant est globuleux et garni seulement
de huit petites pièces cornées sub-
triangulaires et linéaires (e). Chez les
Libelluliens, les ferles, les Sialis, les
Éphémères et les Phryganes, il n'y a
pas de gésier.
(1) Chez les Hyménoptères, il existe
généralement un gésier rudimentaire
qui ressemble à un sphincter cardiaque
plutôt qu'à un véritable estomac tri-
turant , et qui est souvent engaîné
dans la partie postérieure du jabot, de
façon à ne pas être visible extérieu-
rement. Cette dernière disposition se
remarque chez l'Abeille, le Bourdon,
la Guêpe, etc., où le gésier est garni
intérieurement de quatre petites co-
lonnes charnues à surface calleuse, et
s'élève en forme de tubercule au fond
de la cavité du jabot (/").
(2) Chez les Lépidoptères qui sont
encore à l'éiat de larves et qui se nour-
rissent d'aliments solides, on trouve
parfois, à la suite d'un jabot assez dé-
veloppé, un gésier charnu, mais dont
la tunique interne n'offre pas d'arma-
ture comparable à ce qui se voit chez
les Orthoptères et beaucoup de Co-
léoptères. Celte disposition organique
est très bien caractérisée chez la che-
nille du Cossus ligniperda, où le jabot
constitue la partie du tube alimentaire
que Lyonnet a appelée la portion
moyenne de l'œsophage, et le gésier
est représenté par celle que cet ana-
tomiste a figurée sous le nom de
portion postérieure de l'œsophage [g).
(à) Laidy, Internai Analomy of Corydalus cornulus (Journal of tlie American Academy of Arts
and Sciences, 1848, pi. 2, lig-. G).
(6) L. Dufour, Recherches sur les Orthoptères, les Hyménoptères et les Névroplères, p. .333.
(c) Ramdohr, Verdauungswerkzeuge der Insecten, pi. 26, fig. 1.
(d) L. Dufoiir, Op. cit., p. 320, pi. ii, lig. 169 et 170.
(e) Idem, ibid., p. 338.
if) Exemples : Abeille (voy. Treviraiius, Op. cit., Vermischte Schriften, t. H, pi. 14, fig. 3 ; —
L. Dufour, Op. cit., pi. 5, fig. 48).
— Dombus (errestris (voy. L. Dufour, Op. cit., pi. 5, fig-. .50, 51 , 52).
— Vespacrabro (voy. Suckow, Op. cit., pi. G, fig. 128 et 129; — L. Dufour, Op. cit., pi. 7,
fig. 77, 79 et 80).
((/) Lyonnet, .inatomie de la Chenille qui ronge le bois de saule, p. 463, pi. 13, tig. 1 et 2,
TUBE ALIMENTAIRE DES INSECTES. 597
directement de l'œsophage dans le ventricule chylifique, ou esto-
mac proprement dit, et^qui peut être appelé le cardia (1), est
généralement pourvu d'un] sphincter, ou même d'un appareil
valvulaire disposé de façon à empêcher le passage trop facile des
aliments de l'une de ces portions du tube digestif dans l'autre.
Chez les Orthoptères, cet appareil cloisonnaire est très déve-
loppé, et, chez la plupart des Hyménoptères, le gésier , fort
réduit et enchatonné dans le jabot, remplit les mêmes fonc-
tions (2).
§ 6. — Le ventricule chylifique constitue toujours la partie Estomac
11. 1 1 T '/^ 1 T ' I 1 proprement [lit,
la plus miportante du tube digeshl des Insectes, et chez quel-
ques espèces il en occupe presque toute la longueur, son déve-
loppement étant très considérable , tandis que les portions
œsophagienne et intestinale sont d'une brièveté extrême. Ce
mode d'organisation se remarque chez les Chenilles et beau-
coup d'autres larves, mais ne persiste que rarement chez
ventricule
chylifique.
(1) Quelques auteurs désignent cet
orifice sous le nom de pylore, parce
qu'ils considèrent l'estomac des In-
sectes comme étant l'analogue de l'in-
teslin duodénum des Animaux ver-
tébrés ; mais cette opinion ne me
paraît pas fondée, et puisque le ventri-
cule chyliljque est le siège principal
de la digestion, je réserve le nom de
pylore à l'ouverture qui conduit de
ce réservoir dans l'intestin.
(2) Ainsi, chez les Criquets, l'orifice
d'entrée du ventricule ciiylifique, est
garni d'une valvule conoïde formée
par six callosités en forme d'Y ren-
versé , leurs branches étant dirigées
en arrière et leurs sommets rappro-
chés en manière de nasse {a). Chez
les Grilioniens, cette valvule est dis-
posée autrement, et consisle en quatre
tiges calleuses qui, rapprochées en un
faisceau conique , s'avancent dans
l'intérieur du ventricule chylifique et
y laissent filtrer les aliments, mais
s'opposent à leur régurgitation. Enfin,
chez lesBIattaires, la valvule cardiaque
est composée de six mamelons con-
vergents en forme d'étoile (6).
Chez les [Jyménoplères, où le gésier
est réduit à un petit cylindre charnu
inclus dans la cavité du jabot, son ex-
irémilé antérieure est renflée et oflVe
une ouverture cruciale qui fait office
de valvule cardiaque (c\
(a) L. Dufour, Recherches sur les Orthoptères, etc., p. 48, pi. 2, fig. 10.
(b) Idem, ibid., p. 67 etlOi.
(c) Exemple : le Bourdon (voy. L. Diironr, 0;). cit., pi. S, fig. 50 el 5'2),
598 APPAREIL DIGESTIF.
l'Animal dont les métamorphoses sont achevées. Ainsi, chez la
chenille du Papillon du chou, dont la structure et le dévelop-
pement ont été étudiés avec beaucoup de soin par Hérold, on
trouve un œsophage simple et très court, suivi d'un grand
estomac cylindrique qui s'étend en ligne droite jusque dans le
voisinage de l'anus, dont il n'est séparé que par un intestin fort
court et également droit; mais, chez le même Insecte à l'état
de nymphe, la portion stomacale se concentre vers le milieu du
corps, tandis que l'œsophage s'allonge ainsi que l'intestin (1).
Chez quelques Insectes parfaits, où l'estomac conserve la
prédominance qui est ordinaire cliez les larves, cet organe,
au lieu d'être étendu en ligne à peu près droite, se contourne
beaucoup et acquiert même une longueur très considérable.
Cette, disposition est portée très loin chez les Copris ou Bou-
siers, qui se nourrissent de la fiente des x4nimaux herbivores,
(1) tlerold a représenté, dans une prédominance de l'esLomac comparé
série de figures très inléressanles, ces à Tinleslin, chez la larve, et le déve-
changements successifs du tube diges- loppement ultérieur de cette dernière
lit" chez le Pontia brassicœ (a), et l'on portion du tube digestif à une période
doit à Suckow des observations ana- plus avancée de la vie, quoique se
logues sur le développement de cet remarquant aussi chez beaucoup
appareil chez le Bombyx pini (6). d'autres Insectes, n'existent pas chez
Enfin, je citerai aussi à ce sujet trois tous les Animaux de cette classe, et
figures comparatives de l'organisation quelquefois les métamorphoses amè-
intérieure du Sphinx ligustri à l'état nent des changements en sens inverse,
de chenille, de chrysalide et d'Insecte Ainsi, chezlalarveduCopris,laportion
parfait, publiées par Newport (c), et intestinale du canal digestif est aussi
des observations analogues faites ré- développée que la portion stomacale,
cemment sur le Bombyx mori par tandis que chez l'Insecte adulte l'in-
M. Cornalia (d). testin est de longueur médiocre et
Du reste, il est à noter que cette l'estomac extrêmement allongé (e).
(a) Herold, Entwickelungsgeschichte der Schmetterlinge, 1815, pi. 3, fig. 1 à 12.
(6) Suckow, Anatomisch-physiologische Untersuchtmgen der Insekten undKnistenthiere, 1818,
p. 24 et suiv., pi. 2, C\g. 1 à 10.
(c) Newport, On the Nervous System of the Sphinx ligustri (Philos. Trans., 1834, pi. 14,
fig. 11, 12 et 13).
(d) Cornalia, Monografia del Bombice del gelso, pi. 4, fig. 51 j pi. 10, fig. 137, et pi. ■IS,
fig. 189 et 202.
(e) Posselt, Beilrage xur Anatomie der Insekten, pi. 2, fig. 13, 15 et 37.
TUBE ALIMENTAIRE DES INSECTES.
599
aliments dont un volume considérable est nécessaire, car ils ne
contiennent que très peu de principes alibiles (1) . Le ventricule
chylifique , quoique moins long , est aussi très développé
chez plusieurs autres Coléoptères qui vivent de matières végé-
tales (2); mais cette particularité de structure est loin d'être
constante chez les Insectes phytophages (3) , et parfois on la
rencontre chez des espèces dont le régime est différent : par
exemple, chez les Silphes, qui vivent de charognes (h). Par
conséquent, dans l'élat actuel de nos connaissances, on ne
(1) L'œsophage des Bousiers ou Co-
pris, très court et à peine dilaté posté-
rieurement, est suivi par un estomac
cylindrique qui a liuit ou dix fois la
longueur du corps, et qui se replie
plusieurs fois sur lui-même de façon à
former un paquet d'un volume considé-
rable. Antérieurement il est grêle, mais
il se dilate un peu vers son extrémité
postérieure, et sa surface externe est
recouverte d'une multitude de petits
appendices caecaux et filiformes qui
ressemblent à des villosités [a).
(2) Chez le Hanneton, le ventricule
chylifique, que M. Straus appelle ven-
tricule succenturié , est loin d'être
aussi développé proportionnellement,
mais il est néanmoins fort long, et il
décrit plusieurs circonvolutions dans
l'intérieur de l'abdomen (6).
Comme exemple de Coléoptères
phytophages dont le ventricule chyli-
fique est très long comparativement
au reste du tube alimentaire, je citerai
aussi les Lamia (c).
Les Hydrophiles, qui, tout en dévo-
rant parfois d'autres Insectes, se nour-
rissent principalement de matières vé-
gétales, ont aussi l'estomac très long
et enroulé sur lui-même dans la cavité
abdominale [d), tandis qu'à l'état de
larves, quand ces Coléoptères sont es-
sentiellement carnassiers, cet organe
est de grandeur ordinaire et ne décrit
que peu de courbures (e).
(3) Ainsi chez le Cerambyœ, qui vit
à peu près de même que le Lamia et
qui appartient à la même famille, le
ventricule chylifique est remarquable-
ment court (/").
(û) Chez le Silpha obscura, le ven-
tricule chylifique est très long et
forme dans l'abdomen plusieurs cir-
convolutions fort remarquables (g).
Cet estomac est aussi très développé
chez les Blaps.
■ (o) L. Dufour, Recherches sur les Carabiqiies [Ann. des sciences nat., 1" série, i. III, pi. ■14,
fig. 3).
(&) Straus-Durkheim, Considérations sur l'anatomie comparée des Animaux articulés, p. 261,
pl. 5, fig. 6.
(c) L. Dufour, Rechei'ches sur les Carabiqiies, etc. {Ann. des sciences nat., 1" série, t. IV, pl. 6).
(d) Suckow , Respiration der Insekten ( Heu.çingcr's Zeitschrift fiir die organische Physik,
i 828, t. 11, pl. 3, fig. 25, et pl. i, lig. 27).
(ê) Idem, ibid., pl. 4, (ïg. 26.
{f) Léon Dufour, Op. cil. {Ann. des sciences nat., i" série, l. IV, pl. fi, flg. 4).
{g) Ramdohr, Yerdammgswei'kxeuge der Jnsecten, pl. 27, fig. 1.
600
A1»PAÎIEIL DIGESTIF.
peut saisir aucune relation physiologique constante entre la
capacité du tube gastrique des Insectes et la nature de leurs
aliments ; on remarque seulement que l'estomac ne présente
jamais une grande longueur chez les espèces qui se nourrissent
de proie vivante, et qu'il est généralement court ou très étroit
chez les Insectes suceurs (1).
En parlant de l'estomac de ces Animaux, je dois signaler
une disposition tort remarquable de cette portion du tube
digestif qui se voit chez les Cigales ainsi que chez beaucoup
d'autres Hémiptères de la même famille, et qui a pu facilement
(1) Chez beaucoup d'Hémiplèies,
la portion du tube digeslif qui est
comprise entre l'œsophage et le
point d'insertion des vaisseaux de JMal-
pighi est fort longue , et quelques
anatomistes la considèrent comme
appartenant tout entière à l'estomac;
mais elle est d'ordinaire divisée en
deux portions bien distinctes par un
étranglement très marqué, et le pre-
mier réservoir alimentaire ainsi con-
stitué me paraît devoir être consi-
déré comme un jabot (a). Le second
réservoir, ou estomac postérieur, me
semble èlre en réalité l'analogue du
ventricule cliylifiqiie des autres In-
sectes. Enfin, le canal étroit, cl souvent
fort long, qui réunit ces deux poches,
est comparable à laporlion postérieure
du gésier de divers Hyménoptères, où
cet organe est inclus dans le jabot et
se termine par un tube cylindrique :
par exemple , chez le Bourdon ter-
restre (b); seulement cliez les ilémi-
ptères ce détroit s'allonge beaucoup
plus. Ainsi, chez les Ligies, on voit, à
la suite de l'œsophage, qui se renfle un
peu postérieurement, unegrandepoche
subcylindrique ou bossuéc constituant
un jabot, et se continuant avec un tube
intestinifornie et contourné, à l'extré-
mité duquel est un second réservoir
ou estomac proprement dit, et ce
ventricule chylifique communique à
son tour, par un canal court et étroit,
avec un élargissement où débouchent
les vaisseaux malpighiens (c). La dis-
position de ces parties est à peu près
la même chez les Scutellaires (d), les
Corises (e), etc. Chez la Punaise (f) et
les Réduves (g), la portion postérieure
du ventricule chylifique est grêle et
intestinifornie, comme sa partie anté-
rieure.
{a) C'est la partie désig'née sous le nom ù'esiomac antérieur par M. L. Diifour (voy. ses Recherches
ir les Hémiptères, pl/s, fig. 13 et 19 ; pi. 3, fig. 22, 23, etc.).
{b) L. Dufonr, Recherches sur les Orlhoptères, etc., pi. 5, fig. 50.
(c) Idem, Recherches smî- les Hémiptères, pi. 3, ûg. 22 et 25.
(d) Idem, ibkl., pi. i , fig-. l.
(e) TJem, ibid., pi. 2, fig. 13.
if) Idem, ibid., pi. 4, fig. 44.
(g) idem, ibid., pi. 4, fig. 48.
TUBE ALIMENTAIRE DES INSECTES. 601
induire les anatomistes en erreur, touchant la route parcourue
par les aliments. L'estomac de ces Insectes parait se continuer,
d'une part avec l'Intestin, et d'autre part avec un prolongement
intestiniforme qui, recourbé en manière d'anse, revient sur lui-
niême et semble se terminer dans l'organe qui lui a donné nais-
sance. On a cru d'abord que cette anse communiquait avec la
cavité du ventricule chylitique par ses deux extrémités, et que
les aliments, après s'y être engagés, devaient par conséquent
revenir dans cet estomac pour passer ensuite dans l'intestin ;
mais les recherches anatomiques de ^I. Doyère ont fait voir
que cette anomalie n'existe pas en réalité, et que la portion
récurrente du ventricule chyhfique ne débouche pas dans la
portion antérieure du même organe; qu'elle s'y accole seule-
ment, et qu'elle est en continuité avec l'intestin. Enfin, ce
naturahste a constaté que cet intestin ne communique pas
avec la portion antérieure de l'estomac dont il semble naître,
lorsqu'il se détache seulement de ses parois, et qu'il ne peut
recevoir les matières alimentaires que de la branche récurrente
de cet organe (1). La seule anomalie qui se remarque chez ces
Insectes consiste donc dans l'adhérence intime des deux por-
tions du tube digestif dans leur point de rencontre, particularité
qui n'a point d'importance physiologique.
(1) M. Léon Diifour a cru que tuniques de l'estomac que la brandie
l'estomac revenait s'ouvrir dans sa récurrente de ce tube serpente et se
propre cavité, non-seulement chez cache complètement, dans une cer-
les Cigales , mais aussi chez beaucoup taine longueur.
d'autres Homoplères (a) ; cependant II est aussi à noter que la portion
les recherches de M. Doyère (6) l'ont adjacente du ventricule chylifique est
conduit à reconnaître la non-existence comme suspendue par une bride mé-
de cette anomalie (c). C'est entre les sentérique très remarquable.
(a) h. Dufour, Recherches sur les Hémiptères, p. 92, iOO, 102, etc., pi. 8, fig. 55,98;
pi. 9, %. 108.
(6) Doyère, Note sur le tube digestif de-: Cigales {Ann. des sciences nat., 2' série, 1839,
t. XI, p. 'si, pi. 1, fig. 3).
(c) L. Dufour, Quelques observations sur la note de M. Doyère relative au tube digestif des
Cigales {Ann. des sciences nat., 2' série, t. XII, p. 287).
602 APPAREIL DIGESTIF.
Les parois de l'estomac proprement dit, ou ventricule chyli-
fique, pour me servir du nom assez généralement employé par
les entomologistes, ne sont pas conformées de la même manière
que celles des portions vestibulaires du tube digestif qui consti-
tuent l'œsophage, le jabot et le gésier. Celles-ci sont revêtues,
comme je l'ai déjà dit, d'une couche chitineuse plus ou moins
épaisse ; mais au delà de la valvule cardiaque cette tunique épi-
théliale est remplacée par une couche de tissu utriculaire de con-
sistance molle, qui offre tous les caractères d'un épithélium
muqueux. Les cellules qui le composent sont à peu près sphé-
riques et n'adhèrent entre elles que très faiblement; enfin elles
sont pourvues d'un noyau granulé, et elles paraissent devoir se
renouveler avec une grande rapidité (1). x\u-dessous de ce tissu
utriculaire se trouve une membrane transparente, et en appa-
rence homogène, qui présente de nombreuses dépressions dont
la grandeur et la forme varient. Enfin les faisceaux musculaires
logés entre cette tunique muqueuse et la tunique externe ou
séreuse sont disposés, comme dans l'œsophage, sur deux plans
et dirigés les uns en travers , les autres longitudinalement ;
mais, en général, ils sont plus ou moins espacés entre eux, de
façon à déterminer des séries de rides et de renflements alter-
(1) M. Sii'odot, qui a étudié avec consolidation de cette couche mu-
beaucoup de soin la constitution de queuse autour de la masse alimen-
répithélium stomacal chez divers In- taire (a), phénomène dont nous avons
sectes, fait remarquer que la disposi- déjà vu plus d'un exemple chez les
lion singulière observée par Rengger Crustacés et chez certains Arachni-
dans Testomac du Hanneton, où cet des (6). La sortie d'une parlie des lu-
auteur a cru voir la membrane mu- niques de l'eslomac que Rengger a
queuse flottante librement dans un observée chez des Chenilles (c) me pa-
espace annulaire, n'est en réalité que raît devoir être un phénomène du
le résultat de la séparation et de la même ordre.
(a) Sirodot, Recherches sur les sécrélions chez les Insectes (Ann. des sciences naturelles,
i' série, 4 858, t. X, p. 156).
(6) Voyez ci-dessus, pages 553 et 580.
(c) Rengger, Physiologische Untersicchungen ûber die thierische îlaushalluncj der Insckteii,
p. i3.
TUBE ALIMENTAIRE DES IN'SECTES. 60o
natifs (1). 11 est aussi à noter qii'enlre les deux couches muscu-
laires ainsi disposées, on découvre, à l'aide du- microscope, des
glandules dont la conformation varie, comme nous le verrons
bientôt.
Le ventricule chylifîque est dépourvu d'appendices chez ^e^i^e^lon^aJ.
(1) Chez beaucoup d'Insectes, les
fibres musculaires de Testomac se
développent davantage d'espace en
espace , de façon à déterminer la
formation d'une série régulière de
renflements et d'étranglements aller-
natifs. Cette disposition s'observe chez
le Hanneton (a), les Oryctes [b), les
Mylabres (c) , les Méloés {d) , etc.,
parmi les Coléoptères ; chez les Libel-
lules (e) et les Phryganes (/), dans
l'ordre des INévroptères ; enfin, chez
beaucoup d'Hyménoptères , tels que
les Abeilles [g], les Bourdons {h], les
Andrènes [i], les Scolies ij), eic.
Chez d'autres Insectes , le déve-
loppement prédominant de certaines
bandes musculaires longitudinales dé-
termine dans cet organe une forme
différente. Ainsi chez le Ver à soie
et la plupart des autres Chenilles,
où l'estomac est à peu près cylin-
drique et très gros, on y remarque
sur la ligne médiane, tant en dessus
qu'en dessous, un sillon longitudinal.
et de chaque côté une série de bour-
souflures irrégulières ; disposition qui
est due à la résislance plus grande
des parois de cette poche sur les points
qui sont garnis de fibres musculaires,
et à la dilatation de leurs tuniques
membraneuses dans les espaces inter-
médiaires. Une paire de rubans char-
nus longe la ligne médiane à la face
dorsale de l'estomac; une seconde
paire de muscles analogues se trouve
à la face inférieure de cet organe, et
d'autres faisceaux plus grêles et dis-
posés moins régulièrement s'entre-
croisent sur ses parties latérales. 11 est
aussi à noter que vers les deux extré-
mités de cette portion du tube intes-
tinal, des faisceaux musculaires se
détachent de ses parois latérales pour
aller s'insérer sur les parties adjacentes
de la cavité abdominale {k). Chez la
larve du Cossus ligniperda, la paire
postérieure de ces brides charnues
naît plus loin en arrière et se détache
du gros intestin (/).
(o) L. Dufour, Recherches sur les Carabiques, etc. {Ann. des sciences nat., l" série, -1824,
t, III, pi. 4 4, fig. 4).
(b) Sirodot, Op. cit. {.inn. des sciences nat., i° série, t. X, pi. 14, fig. 1).
(c) L. Dufour, Op. cit., pi. 31, %. 1.
{d} Idem, ibid., pi. 31, fig. 4.
(e) Idem, Recherches sur les Orthoptères, etc., pi. 11, fig. 158.
If) Ramdolir, Yerdauungswerkzeuge der hisecten, pi. 16, fig. 2.
— L. Dufour, Recherches sur les Orthoptères, etc., pi. 13, fig. 208.
(g) Idem, ibid., pi. 5. fig. 48.
{h) Raradnhr, Op. cit., pi. 13, fig. 1.
(i) L. Dufour, Op. cit., pi. 6, fig. 72.
(i)Idem, jbt(f..,pl. 8, fig. 89.
(k) Cornalia, Monografta del Bombice del gelso, p. 105, pi. 4, fig. 51 et 52.
(;) Lyonnet, Traité anatomiqiie de ta Chenille qui ronge le bois de saule, pi, 13, fig. 1 et 2.
60/j. APPAREIL DIGESTIF.
quelques Insectes ; mais, chez beaucoup de ces Animaux, il
donne naissance à des prolongements caecaux qui peuvent
affecter deux formes principales. Tantôt ce sont des poches
allongées et d'une capacité assez grande pour que l'introduction
des matières alimentaires dans leur intérieur soit possible;
d'autres fois ce sont des tubes courts et d'une grande ténuité,
qui sont serrés les uns contre les autres comme les poils d'une
brosse molle. Les premières sont appelées communément des
cœcums gastriques^ ou bourses ventriculaires ; les seconds sont
désignés sous le nom de villosités.
Les csecums gastriques sont très développés chez la plupart
des Orthoptères, Insectes qui se nourrissent, comme je l'ai déjà
dit, de substances végétales, et qui sont d'une grande voracité.
Ainsi, chez les Criquets, l'extrémité antérieure du ventricule
chylifique donne naissance à douze de ces appendices, qui
sont de forme lancéolée et disposés de façon à constituer une
double couronne, les uns élant dirigés en avant, les autres en
arrière (1). Chez les Mantes, on ne compte que huit de ces
(1) M. Léon Dufour donne le nom naissent de leur exlrémité effilée ;
de bourses veniriculaires principales celles de la série postérieure sont ac-
aux appendices caecaux antérieurs, et colées aux parois de l'estomac. Chez
il considère les autres comme étant VOEdipoda cœrulescens , elles sont
seulement des dépendances des pre- presque aussi grandes que celles de la
mièies, parce que leur volume est première série (a) ; mais dans d'autres
plus variable suivant les espèces, et espèces de la même famille elles sont
qu'elles ne communiquent avec la très réduites, et chez VOEdipoda bi-
cavité de l'estomac que par un orifice guttata, par exemple, elles sont pres-
linéaire situé vis-à-vis du point de que rudimentaires.
jonction de chacmie d'elles avec le Chez le Tetrix subulata, cet appa-
cœcum antérieur correspondant. On reil appendiculaire de l'estomac tend
en compte six dans chaque rangée. à disparaître, et n'est représenté que
Celles de la couronne antérieure sont par six lobules triangulaires. Enfin,
dirigées en avant et suspendues aux chez \e Tridactylus variegatus, on ne.
parois du thorax par des brides qui trouve plus que trois prolongements
[a) h, Diifiinr, Recherches sur les Ortho]Mères, etc., p. 49, pi, 2, fig. 8.
TUBE ALIMENTAIRE DES liNSECTES,
605
caecums gaslriques, mais ils sont beaucoup plus allongés, et
ressemblent à autant de petits boyaux cylindriques qui seraient
terminés en cul-de-sac à leur extrémité libre (1).
Un mode d'organisation analogue se voit chez quelques Né-
vroptères, tels que les Perles (2), et chez les larves de plusieurs
Coléoptères phytophages ce système d'appendices gastriques
est encore plus développé, mais ne persiste pas chez l'Insecte
gastriques qui naissent de la partie
supérieure et antérieure du ventri-
cule chylifique , et qui se confondent
avec cet organe postérieurement (o).
(1) M. Marcel de Serres a décrit ces
appendices gastriques sous le nom de
vaisseaux biliaires supérieurs, sans
doute parce qu'on trouvé souvent dans
leur intérieur un liquide jaunâtre (6).
Chez les Blattes, il existe aussi à
l'extrémité antérieure du ventricule
chylifiques une couronne appendicu-
laire composée de huit petits cae-
cums (c).
Chez la Courtilière ( GrxjUotalpa
vulgaris), cet appareil est représenté
par deux grandes poches ovalaires
qui se réunissent à leur base, et com-
muniquent avec l'extrémité anté-
rieure du ventricule chylifique par
un orifice commun (d). Il en est à
peu près de même chez les Gril-
lons (e).
Enfin, chez les Sauterelles, l'extré-
mité antérieure de l'estomac se dilate
latéralement , de façon à constituer
aussi deux grandes poches arrondies en
avant, mais ces prolongements ne sont
pas étranglés à leur base et ressem-
blent à de simples élargissements de
cet organe (f).
(2) Chez les Perles, l'extrémité an-
térieure de l'estomac est garnie de
huit prolongements digitiformes, dont
deux latéraux plus grands que les au-
tres [g). Chez le Corydalus cornutus,
on trouve quatre appendices de ce
genre, qui ne se développent que lors-
que l'Animal arrive à l'élat de nym-
phe (h). Les larves du Semblis bicau-
data sont pourvues de six appendices
de même nature (i).
(a) L. Diifour, Recherches sur les Orthoptères, etc., p. 52, pi. 1, llg. 11.
(6) Marcel de Serres, Observations sur les Insectes considérés comme r
usages des diverses parties du tube intestinal dans cet ordre d'Animaux,
— Suckow, Op. cit. (Heusinger's Zeitschr. fiir die oryan. Physik, t. 111,
— L. Dufour, Op. cit., pi. -4, ûg. 38.
(c) RamJohr, Verdauungswerkzeuge der Insecten, pi. 1, fig. 9.
— Marcel de Serres, Op. cit., pi. 2, dg. 1.
— L. Dufour, Op. cit., pi. 5, Cig. 44.
— Gaede, Beilrâge suc Anatomie der Insekten, pi. 1, fig. 7.
(d) L. Dufuur, Op. cit., p. 67, pi. 2, fig. 19.
(e) Marcel de Serres, Op. cit., pi. 1, fig. 1.
(f) L. Dufour, Op. cit., p. 85, pi. 3, fig. 33.
(g) L. Dufour, Recherches sur les Orthoptères, etc., p. 347, pi. 13, fig. 1
■ — Pic\el, Histoire naturelle des Névroptères, Perlides, pi. 2, fig. 1-5.
(/!.) Laidy, Op. cit. {American Academu uf Arts and Sciences, 1848, pi. 2,
{i) Suckow, Ueber Semblis bicaudala (Heusinger's Zeitschri]t fiir dÂe orga
t. Il, p. 267, pi. 7, fig. 7).
uminants
pi. 2, fil
pi. 7, fi
, et sur les
4.
134).
98.
fig. 1,2,
nische Ph
4 et 5).
ysik, 1828,
606 APPAREIL DIGESTIF.
adulte. Ainsi, chez la larve des Hannetons, des Cétoines, de
VOryctes nasicornis et de beaucoup d'autres Lamellicornes,
l'estomac présente trois groupes de ces prolongements digiti-
formes, situés, l'un à son extrémité antérieure, le second un
peu plus en arrière, et le dernier près de son extrémité posté-
rieure (1); mais, chez ces mêmes Insectes à l'état adulte, on
n'aperçoit plus aucune trace de ces appendices (2). On re-
(1) La disposition générale des ap-
pendices gastriques de la larve de
VOryctes nasicornis a été assez bien
représentée par Swammerdam et par
Rôsel (a), mais se voit mieux dans les
figures données par de Haan {b), et
surtout dans celles publiées récem-
ment par M. Sirodot. Ce dernier au-
teur a reconnu que le groupe antérieur
de ces appendices se compose d'une
double couronne de tubes borgnes très
nombreux, reployés en avant, et va-
riant un peu dans leur forme, les uns
étant simples, les autres plus ou moins
digités, soit à leur extrémité seulement,
soit latéralement (c). Les caecums de la
seconde couronne sont dirigés en ar-
rière, et, de même que les précédents,
disposés symétriquement de chaque
côté de la ligne médio-dorsale. Enfin,
ceux du troisième groupe sont dirigés
en avant, et sur les côtés de l'estomac
ils sont beaucoup plus longs que près
de la ligne médiane.
La disposition générale de ces ap-
pendices est à peu près la même chez
les larves des Cétoines (rf), du Hanne-
ton commun (e), des Scarabées (/") et
de plusieurs autres Lamellicornes.
Chez la larve du Hanneton foulon,
les caecums du groupe moyen sont
très courts et peu nombreux (g), et
chez les Trichies (/t), ainsi que chez les
Hoplies (i), il n'y a d'appendices gas-
triques bien caractérisés qu'aux deux
extrémités du ventricule chylilique.
Enfin, chez la larve de VAphodius
nigripes, ces appendices paraissent
manquer complètement (j).
(2) Chez VOryctes nasicornisixVétdil
parfait, le ventricule chylifique est
beaucoup plus grêle que chez la larve,
et ne donne naissance à aucun pro-
longement appendiculaire {k). il en
(a) Swammerclim, Biblia Naturœ, pi. 27, fig. H.
— • Rosel, Die Insecten-Belustigung, t. Il, pi. 8, Ç\g. 1 et 2.
(b) W. de Haan, Mém. sur les métamorphoses des Coléoptères (Nouvelles Annales du Muséum,
1835,1. IV, pi. 16, fia;. A, B, G).
(c) Sirodot, Recherches sur les sécrétions chez les Insectes (Aim. des sciences nat., 4« série,
1858, t. X, pi. 9, fig. 1, 2, 3 et 4).
(d) Ramdohr, Verdammgsiuerkzeuge der hisecten, pi. 7, fig. 2.
— De Haan, Op. cit., pi. 17, fig. 3.
(e) Newport, Insecta (Todd's Cyclopœdia of Anatomy and Physiology, 1. 11, p. 968, dg. 425).
(f) De Haan, Op. cit., pi. 17, fig. 1.
{g) Idem, ibid., pi. 18, fig. 1.
{h) Idem, ibid., pi. 18, fig. 2.
(i) Idem, ibid., pi. 18, fig. 3.
(j) Idem, ibid., p. 161 , pi. 18, fig. 4.
(fe) Sirodot, Op. cit. (Ann. des sciences nat., 4" série, t. X, pi. 14, fig. 1).
TUBE ALIMENTAIRE DES INSECTES. 607
marque aussi des changements analogues dans la constitution
de l'appareil digestif de quelques Diptères : par exemple, des Cé-
roplates (1) ; cependant, chez la plupart des Insectes de cet ordre,
les bourses ventriculaires existent encore chez l'adulte (2). Il
est à peu près de même chez le Han-
neton (a) et chez les Cétoines, si ce
n'est que l'estomac de ce dernier In-
secte se couvre de petites villo -
sites (6).
(1) Les Géroplates, qui appartien-
nent au groupe des Tipulaires fongi-
coles, sont pourvus, quand ils sont à
l'état de larves, d'un jabot fusiforme,
d'un petit gésier ovoïde, et d'un ven-
tricule chylifique variqueux dont Tex-
trémité antérieure donne naissance à
une paire de tubes cylindriques et
aveugles qui égalent presque cet or-
gane en longueur (c). Chez l'Insecte
adulte, ces appendices sont représentés
par deux petites bourses conico-trian-
gulaires. Chez la larve du Tipula lu-
nata, il existe à la partie antérieure de
l'estomac quatre bourses ventricu-
laires (rf).
Comme exemple de Diptères ayant
des appendices gastriques très bien
développés dans le jeune âge, mais
ne conservant pas ces organes à l'état
adulte, je citerai aussi la Mouche car-
nassière ( Sarcophaga hœmorrhoi -
dalis). Chez la larve, on trouve deux
paires de longs tubes caecaux insérés
à l'extrémité antérieure du ventri-
cule chylifique, tandis que chez l'In-
secte parfait ces appendices n'existent
plus (e).
(2) En général, ces bourses ventri-
culaires naissent très près de la tête,
et consistent en une paire de caecums
vésiculaires ou tubuliformes. Chez
les Cousins (/"), le Vappo paUipen-
nis ig), etc., elles sont très petites;
mais elles s'allongent davantage chez
les Taons [h), VEphippium Ihoraci-
cum {i}, les Dasypogons {j], les Lep-
tis {k), les Dolicopes (l), etc.
Chez quelques autres Diptères, ces
appendices ont un aspect framboise ,
par exemple chez les Bombyles (m) ;
et parfois aussi ils se développent de
façon à constituer deux paires de cae-
(a) L. Dufour, Recherches anatomîques sur les Carabiques, etc. (Ann. des sciences nat.,
i" série, 1824, t. III, pi. 14, fig. 4).
— Straus, Considérations sur Vanatomie des Animaux articulés, pL 5, fig. 6.
(6) L. Diifour, Op. cit. {Ann. des sciences nat., i" série, t. III, pi. 15, C\g. 1).
(c) Idem, Révision et monographie du genre Céroplate {Ann. des sciences nat., 2' série, 1839,
t. XI, p. 50, pi. 5, fig. 23).
((flldem. Recherches anatomiques et physiologiques sur les Diptères, pi. 4, fig. 36.
(e) Idem, Études anatomiques et physiologiques sur une Mouche {Mém. de VAcad. des sciences,
Sat;. eîTOîiff., t. IX, pi. 3, fig. 20 et 27J.
(f) Idem, Recherches anatomiques et physiologiques sur les Diptères, pi. 2, fig. 18 et 19.
(g) Idem, ibid., pi. 4, fig. 45.
(/i) Idem, ibid., pi. 4, fig. 3" et 39.
(i)Idem, ibid., pi. 4, fig. 43.
0)ldem, ibid., pi. 5, fig. 52.
{k) Idem, ibid., pi. 6, fig. 70.
(/)ldem, ibid., pi. 6, fig. 73.
(m) Idem, ibid., pi, 6, fig. 62.
608
APPAREIL DIGESTIF.
en est de même chez les Anopleures (1). Enfin, on connak aussi
des Coléoptères qui, à l'état parfait, sont pourvus d'appendices
de ce genre, mais ces exemples sont rares (2).
La structure de ces dépendances de l'estomac ne présente
d'ailleurs rien de particulier ; on doit les considérer comme de
cums , par exemple chez le Rhingia
rostrata [a). Chez le Volvucella zona-
ria, ceUe bifurcation coïncide avec un
développement beaucoup plus consi-
dérable et une disposition lobulée (6).
Chez d'autres r3iptères, au con-
traire , le ventricule chylifique ne
donne naissance à aucun appendice,
et CCS variations se rencontrent chez
des espèces appartenant à un même
genre ou du moins à une même
famille naturelle, Comme exemple
de ce mode de conformation , je
citerai le Tipula oleracea (c) , le
Trichoptera trifasciata {d),VEchi-
nomyia grossa (e) et le Lucilia
Cœsar (f).
(1) L'estomac du Pou commun {Pe-
diculus capitis) est très élargi dans
sa moitié antérieure, et présente de
chaque côté du cardia un prolonge-
ment digitiforme {y).
(2) On a constaté l'existence de
prolongements de ce genre à la partie
antérieure du ventricule chylifique
d'un petit nombre d'Insectes de cet
ordre. Ainsi, chez quelques Taupins,
tels que VElater murinus, cet esto-
mac se dilate antérieurement de façon
à former de chaque côté du cardia un
sac arrondi dont la surface est héris-
sée de villosités comme l'est celle des
autres parties du ventricule (/i), et
chez les Buprestes ou voit naître dans
le même point une paire d'appendices
borgnes et intesiiniformes, dont la
longueur est très considérable (i).
Chez les Dermestes il existe six bourses
ventriculaires pyriformes et assez bien
développées (j). Enfin, on rencontre
un mode d'organisation analogue
chez le Macronychus quadrituber-
culatus {k) , et chez les Vrillettes
l'extrémité antérieure de l'estomac est
même entourée d'une double série de
petits caecums bilobés (l).
(a) L. Dufour, Recherches anatomiqjies et physiologiques sur les Diptères , pi. 7, fig. 79,
(b) Idem, ibid., pi. 7, l\g. 77 et 78.
(c) Idem, ibid., pi. 3, fig. 23.
((Z)Idem, ibid., pi. 3, tig. 32.
(e) Idem, ibid., pi. 8, ûg. 96.
(H Idem, ibid., pi. 9, fig. H2.
(g) Swammerdam, Bibiia Natui'œ, pi. 2, ûg. 3.
{h) L. Dufour, Description de l'appareil digestif de i'Anobium striatum {Ann. des sciences nat.,
i" série, 4828, t. XIV, p. 219, pi. 12 A).
(i) L. Dufour, Recherches sur les Carabiques, etc. {Aim. des sciences nat., i" série, f. III,
pi. 12,fig. 3).
(j) Idem., ibid., pi. 12, Cig. 1.
(k) Idem, Recherches anatomiq^les sur les Coléoptères des genres Macronique et Elmis {Ann.
des sciences nat., 2» série, 1835, t. III, pi. (5, Cig. 17).
(l) Idem, Recherches anatomiques sur quelques Insectes coléoptères compris dans les familles
des Dermestins, des Byrrhiens, etc. (Ann. des sciences nat., 2' série, 1834, t. I, p. 67, pi. 2,
(îg. 1 et 2).
TUBE ALIMENTAIRE DES LNSECTES. 609
simples diverticiiles de cet organe, et elles ne paraissent pas
être chargées spécialement de la sécrétion de suc gastrique ou
de tout autre liquide digestif.
Chez les Insectes dont l'estomac est lisse extérieurement,
c'est-à-dire dépourvu de villosités, l'élaboration du fluide pep-
sique paraît être dévolue à des glandules dont j'ai déjà parlé
comme se trouvant dans l'épaisseur des parois de ce viscère.
Ce sont des follicules microscopiques logés entre les faisceaux
de la tunique musculaire; leur forme est arrondie, et l'on aper-
çoit dans leur intérieur des utricules contenant des granula-
tions (1).
Les villosités qui font saillie à la surface externe de l'estomac
d'un grand nombre d'Insectes paraissent être produites par le
grand développement de petites fossettes analogues aux glandes
gastriques dont je viens de parler (2), et tout porte à croire
Glandules
pepsiques.
(1) Pour bien observer ces glan-
dules, il est bon de laver avec de reau
aigyisée par de l'acide acélique un
fragment de l'estomac de l'insecte dont
on a fait choix, puis de l'étendre sur
une lame de verre qu'on place sous un
microscope dont le pouvoir amplifiant
est au moins de 150. M. Sirodot a
constaté de la sorte que chez VOryctes
nasicornis ces follicules sont dispo-
sés en séries annulaires assez régu-
lières, et leurs parois sont formées
par une dépression de la membrane
homogène qui constitue la base de la
tunique muqueuse de Testomac. Les
utricules qui en occupent l'intérieur
sont petites et arrondies ; enfin on
remarque au milieu d'elles une goutte
d'un liquide opalin (a). Chez le Gril-
lon des champs, les follicules gastri-
ques occupent les mailles d'un ré-
seau formé par des fibres sinueuses
de tissu conjonctif, et, d'après les
recherches de M. Sirodot, les cellules
incluses dans toutes ces glandules ont
beaucoup d'analogie avec les utricules
sécrétoires de la pepsine chez les Ani-
maux vertébrés (b).
(2) On trouve une foule de formes
intermédiaires entre les deux états ex-
trêmes dont il est ici question. Ainsi,
chez les Cétoines, les Lucanes, les
Taupins et quelques autres Coléo-
ptères phytophages, les glandules gas-
triques ne sont pas enfouies dans
l'épaisseur des parois de l'estomac,
comme chez les Oryctes, mais sont un
peu saillantes à la surface externe de
(a) Sirodot, Recherches sur les sécrétions che^ les Insectes {Ann. des sciences nat., 4' série,
1858, t. X, p. -183, pi. 13, llg. 1 et 2).
(6) Idem, ibid., pi. 13, fi^'. 3.
Y.
39
610 APPAREIL DIGESTIF.
que ce sont aussi les organes chargés plus sjjécialement de
sécréter le suc pepsique ou quelque liquide analogue (1).
On les trouve chez la plupart des Coléoptères, mais principale-
ment chez les espèces de ce groupe qui se nourrissent de
matières animales (2). Ce sont de petits appendices creux qui
ressemhlent à des doigts de gant, et qui sont en général serrés
cet organe, et y constituent une multi-
tude de petites papilles arrondies (a).
Chez les Copris, qui vivent de raalièies
fécales , ces appendices gastriques
s'allongent davantage (6) ; mais c'est
chez les ColéopLères carnassiers, tels
que les Carabes et les Dytisques, qu'ils
acquièrent les dimensions les plus
considérables (c).
(1) Je fais cette réserve, parce que
les re'cherches récentes de M. Basch
tendent à établir que, chez le Blatta
orientalis, le liquide séci'été par les
glandiiles de l'estomac n'est pas acide
comme le suc gastrique ordinaire,
mais alcalin, et susceptible d'agir sur
les aliments à la manière de la dia-
slase {(l). Rengger est arrivé à un
résultat analogue, en étudiant les li-
quides contenus dans l'estomac de
diverses Chenilles (e).
(2) Ainsi les villosités gastriques
sont bien développées chez les Cicin-
délètes, les Carabiques, les Dytisques,
les Staphyliniens, les Escarbots, les
Silphcs, les Diapères, etc.
Le ventricule chylifique est , au
contraire, dépourvu de villosités chez
les Coléoptères des genres Buprestes,
Lampyrus, Telephoriis, Malachius,
Drilus, Anobmm, Clerus, Geotrupes,
Melolontha, Hoplia, OEdemera, Mor-
della, Lytta, Mijlabris, Meloe, Bos~
trichus, Prionus, Clytus, Cassida,
Timarcha, Galleruca, etc. Or tous
ces Insectes sont phytophage»; mais
il existe aussi un certain nombre de
Coléoptères dont le régime est ana-
logue et dont l'estomac est plus ou
moins villeux : par exemple, les Sco-
lytes , les Ténébrions , les Charan-
çons, etc. Pour plus de détails à ce
sujet, je renverrai aux ouvrages déjà
cités de Hamdohr, de M. Léon Du-
four, etc. , ainsi qu'à divers mémoires
particuliers (f).
(a) Exemples: Cetonia aurata (voy. L. Dufoui*, Recherches sur les Carabiques [Ann. des sciences
mt., i" série, 1824, t. III, pi. 15, fig-. 1).
— Lucanus cervus (voy. L. Dufour, loc. cit., pi. 15, fig. 2 et 3).
(6) L. Dufour, loc. cil., pi. 14, fig. 3.
(c) Exemple: Carabus auratus (voy. L. Dufour, Op. cit., dans Ann. des sciences nat., 1'" série,
t. Il, pi. 20, fig. 1 et 3).
(rf) Untersvchungen ùber des chylopoetischc und tiropoetische System der Blatta orientalis
[Sitzungsberichte der Wiener Akad., 1858, t. XXXIII, p. 250).
(e) Rengger, P/tysioL Unters. uber die thierische Haushaltung der Insekten, iSlT, ]i. 21 et
suiv.
{[) P.amdolir, Abhandlung ûher die Verdaiiungsiverkz-eiige der Insecten, pi. 2 et suiv.
— Idem, Anatomie des Darmkanals und der Geschlechlslhelle voni Carabus monilis {Mag. der
Gesellschaft naturforschender Freunde au Berlin, 1807, t. I, p. 207, pi. 4).
— l,. Dufour, Hecherches sur les Carabiques, etc. (Ann. des sciences nat., 1" série, 1824
et 1825, t. m et IV).
— Idem, Recherches anatomiques sur les ColéojHères compris dans les familles des Dermeslins,
TUBE ALIMENTAIRE DES INSECTES. 611
les uns contre les autres comme les poils d'une brosse molle :
leur cavité, terminée en cul-de-sac du côté externe, commu-
nique avec l'intérieur de l'estomac par son extrémité opposée,
et loge des utricules sécrétoires à divers degrés de développe-
ment. Ils sont en général plus nombreux à la partie antérieure
de l'estomac que vers sa partie postérieure, et ils cessent tou-
jours d'exister à quelque distance du point d'insertion des vais-
seaux malpigliiens.
Chez les Insectes des autres ordres on ne trouve que rare-
ment des traces de villosités gastriques. Comme exemple de
cette disposition, je citerai cependant le Fourmilion, parmi les
Névroptères (1). Elle ne se rencontre ni chez les Orthoptères,
ni chez les Hyménoptères, les Lépidoptères et les Diptères.
§ 7. — La portion intestinale du tube digestif qui fait suite
à l'estomac, et qui se compose, ainsi que je l'ai déjà dit, de deux
parties principales, savoir, un intestin antérieur ou intestin
grêle, et un intestin postérieur ou réservoir stercoral, varie
beaucoup dans son degré de développement, soit chez les
(1) Chez la larve du Fourmilion, il couvert de petits Ccecums verruci-
existe un jabot globuleux qui est se- formes. Ces appendicules se voient
paré du ventricule chylifique par un aussi chez l'Insecte parfait, qui est
étranglemerit, et ce dernier organe est également carnassier (o).
des Byrrhiens,des Acanthopodes et des Leptodactyles {Ann. des sciences nat., 2^ série, 1834,
t. I, p. 56, pi. 2 et 3).
— LJem, Mém.surles métamorphoses et l'anatomie dw Pyrochroa coccinea (Ann. des sciences
liât., 2" série, 1840, t. XIII, p. 321, pi. 5, fig. 5).
— Idem, Histoire des métamorphoses et de l'anatomie des Mordelles (Ann. des sciences nat.,
1840, p. 225, pi. H, flg. 9 et 10).
— Idem, Histoire comparée des métamorphoses et de l'anatomie des Cetonia aurata et Dorcus
parallelipipedus [Ann. des sciences nat., 2" série, 1842, t. XVIII, p. 162, pi. 2, fig. 3, et pi. 3,
%■ 18).
— Audouin, Recherches anatomiqiies sur le Drile flavescent (Ann. des sciences nat., i" série,
1824, t. II, p. 447, pi. 15, ùg. 15 et 10).
• — Idem, Recherches pour servir à l'histoire naturelle des Cantharides {Ann. des sciences
nat., 1" série, 1826, t. IX, p. 44, pi. 42, fig. 42).
— Burmeister, Zur Naturgeschichte der Gatlung Calandra, in-4, Berlin, 1837 {appareil digestif
de la larve du Calandra Sommeri, Rg. 3).
— Idem, Anat. Observ. upon the Larva of Calosoraa sycoplianla {Trans. of the Entomol. Soc.
ofLondon, 1836, t. 1, p. 235, pi. 24, fig. 10).
(a) L. Dufour, Recherches sur les Orthoptères, etc., pi. 12, fig. 175 et 179.
Inlestin.
Qi^I APPAREIL DIGESTIF.
divers Insectes, ^-oit chez le même individu à différents âges.
Chez les Chenilles et chez beaucoup d'autres larves, elle est
extrêmement courte, et chez les Hémiptères elle ne s'allonge
que fort peu (1); mais, chez la plupart des autres Insectes
adultes, elle se développe beaucoup plus et elle acquiert une
structure assez complexe. La ligne de démarcation qui la sépare
de l'estomac n'est pas toujours nettement indiquée, mais cor-
respond à peu près au point d'insertion des tubes malpigliiens.
Seulement il est à noter que la partie du canal alimentaire où
ces vaisseaux débouchent, et que j'appellerai pylorique, se
confond quelquefois avec l'estomac, et se trouve ainsi placée
au-devant de l'intestin, tandis que d'autres fois elle est séparée
(1) Ainsi, cliez le Papillon du
clioir {a), le Dombyx dn pin (6), le
Ver à soie (c), le Sphinx du Iroëne (d),
la Pyrale de la vigne (e) et la plupart
des autres Lépidoptères à l'état de
larves, l'intestin consiste en un tube
droit et presque cylindrique, qui n'a
guère plus d'un quart ou même un
cinquième de la longueur du corps, et
qui se divise en trois portions princi-
pales auxquelles on peut donner les
noms dHntestm antérieur, d'intestiii
moyen et d'intestin postérieur. L'in-
testin antérieur a des parois très
cliarnucs, et donne insertion aux tubes
malpigliiens; l'intestin moyen est plus
rentli', et constitue le réservoir sler-
coral ; cnlin l'inlestin postérieur, ou
rectum, est très dilatable, mais dans
l'état de vacuité il ne constitue qu'un
petit canal membrano-musculaire qui
aboutit à l'anus.
En observant les changements suc-
cessifs qui s'opèrent dans la confor-
mation de cette portion post-stoma-
cale de l'appareil digestif, pendant que
les Lépidoptères avancent en âge, on
remarque d'abord qu'elle s'allonge
beaucoup plus que les parties voi-
sines, et l'on voit aussi que cet accrois-
sement porte principalement sur la
partie de l'intestin antérieur qui est
comprise entre le lieu d'insertion des
vaisseaux malpighiens et le réservoir
stercoral ; un long tube étroit et cyUn-
drique se développe ainsi, et constitue
ce que l'on appelle communément
Yintestin grêle de ces Insectes, tandis
que la partie antérieure de l'intestin,
qui était primitivement bien distincte
(a) Herold, Entwickelungsgeschichte der Schmelterlinge, p!. 3, ûg. i a i'2.
((jjSiickow, Anat.-physiol. Uiitersuchunrjeii dev InseUen und Krustenthiere, pi. 2, fig-. l à ■lO.
(c) Cornalia , Monografm del Bombice del gclso, pi. 4, i\s;. 5'i ; pi. 10, fig'. 133, 135, 137 ;
pi. l'2,fi-. 189. et 202.
(d) Nevvport, On tlie Nervous System of Ihe Sphinx ligiistri [Philos. Traiis., 1834, pi. 14,
fig. 1, 1-2 et 13 .
(e) AiulouLii, lltstoirc des Insectes nuisibles à la vigne, pi. 7, (ig. 10.
TUBE ALIMENTAIRE CES INSECTES. 61 S
du ventricule chylifique par un étranglement et ne se distingue
pas de l'intestin grêle. Ce dernier mode d'organisation se voit
chez les Chenilles où la portion pylorique du tube digestif est
cylindrique, courte et plus étroite que le ventricule qui la
précède (1). Une disposition analogue se voit chez quelques
Hémiptères, tels que les Lygées, où l'intestin grêle est représenté
par une poche arrondie, et, chez quelques autres Insectes du
même ordre, toute cette partie du canal digestif reste à l'état
rudimentaire, de façon que le point d'insertion des vaisseaux
malpighiens marque la limite entre l'estomac et le gros intestin
ou réservoir stercoral : par exemple, chez les Capses (2).
Mais, en général, c'est la disposition contraire qui s'observe :
de l'estomac, se confond de pins en
plus avec cet organe, de façon que
cliez l'Animal adulte remboucliure
des vaisseaux malpighiens ne se
trouve plus dans Tintestin proprement
dit, mais à l'extrémilé du ventricule
chylifique (a).
Chez les larves des Coléoptères de
la famille des Lamellicornes, la portion
intestinale du tube digestif est, au
contraire très développée, et se re-
courbe sous l'estomac pour se porter
d'abord en avant, puis en arrière ;
enfin, sa partie moyenne est renflée
de manière à constituer une grande
poche stercorale ovoïde et à parois
boursouflées (6).
L'intestin ofl"re aussi une longueur
assez considérable chez la larve de
quelques autres Coléoptères , par
exemple le Calosoma sycophanta ,
mais il ne s'élargit que dans le voisi-
nage de l'anus (c).
(1) Chez la Chonille du Cossus
ligniperda, cette portion de l'intestin
se compose de deux zones assez dis-
tinctes par la structure de leur tuni-
que muqueuse, et c'est dans la seconde
que s'ouvrent les tubes malpi -
ghiens {di.
(2) L'avorlement de toute la portion
du tube alimentaire correspondante à
l'intestin grêle de la plupart des In-
sectes se remarque aussi chez les
.Miris. En effet, chez ces Hémiptères,
l'estomac, ou ventricule chylifique,
que Î\I. Léon Dufour désigne ici sous
le nom de second estomac, n'est sé-
paré du réservoir stercoral que par
un étranglement oîi viennent débou-
(a) Voyez Herold, Op. cit., pi. 3, fig. 12.
— Newport, I.nsecta {Todd's Cyclop. of .inal. and Pliysiol., t. II, p. 972, %. 430).
(!)) Exemples : la larve de l'Oryctes nasicornis (\oy. Swammerdam, Biblia ?!aturœ, pi. 27,
(ig. II ; — De Haan, Op. cit. {Nouvelles Annales du Muséum, 1835, t. IV, pi. 10, fig-. A, B, C).
— La larve du Hanneton (voy. Newport, Insecta, in ToJd's Cyclop., t. Il, p. OUS, fig. 425).
(c) hmmehier , .\natomical Observations uponthe Larva of Calosoma sijcophania (Transactions
oflhe Entomol. Soc. of London, 1836, t. 1, p. dd'i, pi. 24, iig. 10 et 11).
{d) Lyonnel, Traité analomiquc de lu Chenille qui ronge le bois de saule, p. 473, pi 13, fig-. 1.
6i/l APPAREIL DIGESTIF.
la portion pylorique portant les embouclmres des tubes de
MaJpighi se confond avec l'extrémité postérieure de l'estomac,
et la partie suivante de l'intestin se développe en un canal
grêle et cylindrique, d'une longueur assez grande, qui conduit
de ce dernier viscère dans le réservoir stercoral. Ce mode
d'organisation est général chez les Coléoptères et les Ortho-
ptères ; il ne manque que rarement chez les Hyménoptères,
les Névroptères, les Lépidoptères et les Diptères ; enfin il se
rencontre aussi chez plusieurs Hémiptères. En général, l'in-
testin grêle, ainsi constitué, ne présente dans sa structure rien
qui soit important à noter, mais quelquefois il devient très
long : par exemple, chez ïOryctes adulte (1), où il se renfle
cher les tubes malpigliiens (a), U en
est de même chez la Punaise des
lits (6), les Réduves (c), etc.
La portion pylorique de l'intestin
reste au contraire distincte, soit de
l'estomac, soit du réservoir stercoral,
chez la plupart des autres Hémiptères
et chez plusieurs de ces Insectes, tels
que lesLygées (d) et les Gerris (e) ; elle
se renfle de façon à former une grosse
poche arrondie, sur les côtés de la-
quelle viennent s'ouvrir les tubes mal-
pighiens. Chez d'autres Hémiptères
de la même famille, cette poche de-
vient excentrique , par exemple chez
les Scutellaires (/"), et chez les Pijr-
rhocoris , où elle est profondément
bilobée {g).
Enfin, chez divers Hémiptères qui
appartiennent aussi à la grande fa-
mille des Punaises, l'intestin antérieur
devient cylindrique, grêle et allongé,
et le point d'insertion des tubes mal-
pighieus se trouve à la ligne de jonc-
tion de cet organe avec l'estomac.
Cette disposition se voit chez les
Nèpes [h), les Naucores [i), etc.
(1) La tunique interne de l'intestin
grêle forme souvent des plis longitu-
dinaux, et ce sont les extrémités de
ces duplicatures qui ont été décrites
par M. Léon Dufour comme consti-
tuant une espèce de valvule, d'une
part à l'orifice postérieur de l'eslo-
mac, et d'autre part à l'entrée du
réservoir stercoraL Chez quelques
(a) L. Dufour, Recherches sur les Hémiptères, pi. 3, fig. 27.
(&) Idem, iUd., pi. 4, fig. 44.
(c) Idem, ibid., pi. 4, fig. 48.
(d) Idem, ibid., pi. 3, fig. 22 et 25.
(e) Idem, ibid., pi. 5, fig. 64.
(/■) Idem, ibid., pl.l, fig. 1.
{g) Idem, ibid., pi. 2, fig. 19.
(;t) Idpm, ibid., pi. 0, fig. 82.
(i) Idem, ibid., pi. 0, fig. 72.
TUBE ALIMENTAIRE DES INSECTES. 615
beaucoup vers son extrémité postérieure et y devient très
musculaire (1).
Le réservoir stercoral, que les anatomistes désignent aussi Gros intestin
_ ou
sous les noms de gros intestin^ de côlon, etc., est d'ordinaire
une simple dilatation du canal alimentaire, dont les fibres mus-
culaires sont disposées par bandes distinctes et dont les parois
renferment des organes glandulaires particuliers (2); mais,
réservoir
stercoral.
Coléoptères, les Cétoines et les Lu-
canes, par exemple (a), cet intestin
est fort court; tandis que chez d'au-
tres espèces du même ordre, telles
que le Ténébrion (6) , et surtout
VOryctes nasicornis , il acquiert une
longueur fort considérable (c). En gé-
néral , 11 est lisse extérieurement ,
mais quelquefois il est couvert de
petites papilles dans une grande
partie de son étendue : par exemple,
chez les Silphes (d) et les Nécro-
phores (e).
(1) Celte disposition est très remar-
quable chez le Hanneton, et la portion
de l'intestin grêle qui est ainsi élargie
constitue ce que M. Straus a appelé, à
tort, le gésier de ces Insectes (/'). Sa
surface interne est armée de six séries
longitudinales de mamelons triangu -
laires qui garnissent les colonnes for-
mées d'ordinaire par un simple repli
de la membrane muqueuse {g).
(2) Le réservoir stercoral simple,
c'est-à-dire faisant complètement suite
à l'intestin grêle et ne se prolongeant
pas antérieurement en cul-de-sac, est
presque toujours de forme ovoïde
et strié par six bandes musculaires,
entre lesquelles on remarque sou-
vent un égal nombre de tubercules
arrondis ou ovalaires, qui sont parfois
transparents au centre et garnis d'une
sorte de cadre corné : par exemple,
chez les Zabrus (h), parmi les Coléo-
ptères, et chez la plupart des Hymé-
noptères. Chez tous les MeUifères, à
l'exception des Bourdons, ces tuber-
cules existent aussi , mais ils ne sont
pas toujours encadrés de la sorte, et
souvent ils sont disposés sur deux
rangées transversales. Chez les Cra-
bronites, les Sphégides et beaucoup
d'autres Hyménoptères, ils s'allongent
considérablement; enfin, les Ichneu-
monides et les Gallicoles paraissent en
(a) L. Dufour, Recherches sur les Carabiqties, etc. {Ann. des sciences nat., 1" série, -1824,
t. III, pi. 15, %. 1 et 2).
(b) Idem, ibid., pi. 29, lig. 6.
(c) Sirodot, Recherches siir les sécrétions des Insectes {Ann. des sciences nat., 4" série, I. X,
pi. 14, fig. 1).
{d] L. bufoiir. Op. cit. {Ann. des sciences nat., 1" série, t. III, pi. 13, fig. 5 à 7).
(c) UAtzek, Necrophororummonographiœ par ticula prima {disserl. inaug.). Breslau, 1839, pi. 3,
%. 57).
(f) Siraus, Considérations swr l'anatomie comparée des Animaux articulés, p. 203, pi. 5,
%. 6, h, i.
{g) Idem, ibid., pi. 5, fig. 8.
— Suckow, Verdauungsorgane der Inseklen (Heusinger's Zeitschrift fur die organische Physik,
1833, t. 111, pi. 3, fig. 93 et 94).
{h} Burmeister, Handbuch der Entomologie, t, I, p. 149,
61(3 Âl'P.U'.ËIL DIGESTIF.
chez quelques Insectes il se développe latéralement, de façon à
former une poche dont le fond se prolonge beaucoup en avant
du point où l'intestin grêle vient s'y ouvrir (1).
être privés (a). On remarque aussi
des boulons en nombre variable
dans les parois du réservoir stercoral
de divers Névroplères , et chez les
Piu-yganes on en compte environ
vingt {b}. Chez la IMouche domestique,
on n'en aperçoit que quatre; ils
sont coniques, creux et hérissés de
petites épines cornées (c). Plusieurs
entomologistes pensent que ces bou-
tons sont de nature glandulaire, mais
ils paraissent être seulement des orga-
nites analogues aux papilles que nous
verrons à la surface de la muqueuse
digestive chez beaucoup d'Animaux
supérieurs.
Quelquefois, chez le Ver à soie, par
exemple, cette portion du canal intes-
tinal est divisée en deux loges par un
étranglement circulaire, et dans cha-
cun de ces compartiments arrondis
on voit quatre paires de tubercules
ou plaques cornées ovalaires, dispo-
sées transversalement en forme d'an-
neau (d).
(1) Cette disposition paraît être géné-
rale chez les Lépidoptères adultes, mais
elle n'existe jamais chez ces Insectes
à l'état de larves. L'appendice caecal,
ainsi constitué, ne s'avance que peu
au-devant de la terminaison de l'in-
testin grêle chez quelques espèces,
telles que le Pontia brassicœ (e). Mais
chez d'aiUres, le réservoir stercoral
prend la forme d'un sac ovoïde à col
plus ou moins étroit : par exemple,
chez le Sphinx Ugustri {[), et VA-
cherontia Atropos (g).
Ce mode d'organisation est au con-
traire très rare chez les Coléoplères ;
il s'observe cependant chez les Dy-
lisques à i'état de larves (h) aussi
bien qu'à l'âge adulte (î) , chez les
Ténébrions (/), le Nécrophorfe {k), etc.
Il existe aussi chez quelques Hémi-
ptères, tels que les Pelogomis (l),
les iîanatres {m), les Kèpes (n), les
INaulonectes (o), et les Dorthésies (p).
Enfin, on l'observe également chez
la larve du Tipula lunata {q) parmi
(a) L. Dufour, Recherches sur les Orthoptères, etc., p. 132.
(fc) IJem, ibid., p. 355, pi. 13, iig;. 208.
(c) Leyclig, Lehrbuch der Histologie, p. 339, fig. 182.
{dj Cornalia, Monografia del Bombice del gelso, pi. 4-, fig. 54, 55 et 56.
{eJNewport, Insect.'^ (Todd's Cyclop., t. Il, p. 973, fig-.' 431).
(0 Treviranus, Op. cit. {Vermischte Schriflen, t. II, pl. 11 , fig. 1 k).
— Newport, Op. cit., 1. 11, p. 973, fig. 430.
(g) Suckow, Aiiat.-phys. Unlers. der Insekten xmd Knistenthiere, pl. 2, fig. 9 et 10.
{h) RamJohr, Op. cit., pl. 2, fig. 2.
(i) IJem, ibid., pl. 2, fig. 1.
— L. Diifour, Rech. sur les Carabiques, etc. (Ann. des se. nat., i" sdiie, 1. 111, pl. 10, fig. 3).
(j) Ramdohr, Verdauungswerkzeuge der Insecten, pl. 4, fig. 2.
(k) Idem, ibid., pl. 5, fig. 1.
(l) L. Hufoiir, Recherches sur les Hémiptères, pl. 5, fig. 58 bis.
(m) Idem, ibid., pl. G, fig. 81.
(n) Idem, ibid., pl. 6, fig. 82.
(o) Idem, ibid., pl. 7, fig, 89.
(p) Idem, ïbid., pl. 9, lig. 108.
{q) Idem, Recherches sur les Diptères, pl. 4, fig. 30,
TUBE ALIMENTAIRE DES INSECTES. 617
Le rectum n'offre rien d'important à noter.
Chez un petit nombre d'Insectes à l'état de larves, on n'aper-
çoit aucun indice d'évacuations alvines, et l'ouverture anale a
échappé aux investigations des anatomistes (1). Mais, dans
Anus.
les Diptères. Je n'en connais pas
d'exemple chez les Orthoptères, les
Kévroptères et les Hyménoptères.
(1) La plupart des entomologistes
admettent que chez plusieurs larves
d'Hyménoptères et même chez quel-
ques autres Insectes, il n'y a pas
d'anus. Ainsi Réaumur attribuait ce
mode d'organisation anormal à la
larve du Fourmilion (a), el l'opinion
de ce naturaliste illustre a été partagée
par beaucoup d'entomologistes de l'é-
poque actuelle (6) ; mais elle n'est pas
fondée, car M. Léon Dufour a con-
staté que chez cet Animal, à l'état
de larve aussi bien qu'à l'état adulte,
le tube intestinal est conformé de la
manière ordinaire et débouche au
dehors par un anus terminal (c).
Ramdohr et Siickow ont repré-
senté l'appareil digestif de la larve
des Guêpes comme étant formé d'une
grande poche stomacale terminée en
cul-de-sac et n'étant pas pourvue d'un
intestin {d). M. Burmeister le décrit
de la même manière (e), mais New-
port y a constaté l'existence d'un in-
testin très court, où viennent débou-
cher les canaux malpighiens {f).
M. Grube a donné une bonne figure
de cette portion terminale de l'appa-
reil digestif, et il a nettement distin-
gué son ouverture anale. Cependant
il reste encore quelque incertitude
au sujet de la perméabilité de la por-
tion pylorique de ce tube, et, d'après
l'ensemble de ses observations , ce
naturaliste pense qu'à cette période
de la vie de la Guêpe, l'estomac ne
communique pas avec l'intestin et se
termine en cul-de-sac; enfin, que l'in-
testin, ouvert en arrière, est aussi un
tube caecal en continuité avec le pre-
mier par sa tunique musculaire et sa
membrane externe seulement ((;). Il y
aurait donc, comme d'ordinaire, une
bouche et un anus, mais le tube
étendu entre ces deux ouvertures se-
rait interrompu par un cylindre im-
perforé dans la région pylorique ;
disposition qui me paraît peu pro-
bable, et je suis porté à croire que
l'oblitération observée par ce natura-
liste tient surtout à un état de con-
traction.pius ou moins permanente du
sphincter pylorique.
La larve de l'Abeille a été décrite
comme ayant aussi l'estomac terminé
(o) Rcaumur, Mém. your servir à l'histoire des Insectes, t. VI, p. 366.
(&) Lairei'.le, Histoire naturelle des Crustacés et des Insectes, t. XUI, p. 26.
— Diilrochet, Op. cit. [Journal de physique, 1818, t. LXXXVI, p. 134).
— Burmeister, Handbuch der Entomologie, f. I, p. M:Q.
— Lyconlaire, Introduction à l'entomologie, 1838, t. II, p. 5.
(c) L. Dufour, Recherches sur les Ortlioptères, etc., p. 326, pi. 12, fig. 175.
(d) Ramclohr, Op. cit., pi. 12, fig. 1.
— Suckow, Op. cit. (Heusiug-er's Zeitschrift fur die organische Physik, t. III, pi. 0, fig. 130).
(e) Burmeisler, Handbuch der Entomologie, I. I, pi. 9, Qg. 9.
(f) Newjiort, art. Insecta (Todd's Cyclop. of Anat. and Physiol., t. II, p. 907).
(g) Ed. Grube, Fehlt den Wespen-und Hornissenlarven ein After oder nicht (Miiller's Archiv
fur Anat. und Physiol., 1849, p. 47, pl, 1, fig, (>).
^■laiidiilaires.
618 APPAREIL DIGESTIF.
l'immense majorité des cas, cette ouverture terminale de l'in-
testin est facile à reconnaître, même à cette période peu
avancée de la vie, et chez l'animal «dulte elle se voit tou-
jours, soit à l'extrémité postérieure du corps , soit dans une
espèce de cloaque formé par l'invagination des derniers zoonites
de l'abdomen dans l'un des anneaux précédents du squelette
tégumentaire (1).
Annexes § S- — Alnsl quc jc l'ai déjà dit, les annexes glandulaires
du canal digestif sont de différentes sortes. Indépendamment
des follicules gastriques que nous avons rencontrés dans
l'épaisseur des parois de l'estomac, ou faisant saillie à la sur-
face externe de ce viscère sous forme de caecums, on trouve
appendus à ce tube jusqu'à trois systèmes d'organes sécré-
teurs, savoir : un appareil salivaire, les vaisseaux malpighiens,
et des glandes anales.
en cul-de-sac (a) ; mais depuis long- renient et dépourvue d'orifice pylo-
lenips Swamnierdam a constaté l'exis- rique (c). Des recherches plus appro-
lence de l'inlestin de cet Insecte en fondies me paraissent cependant né-
voie de développement, ainsi que les cessaires pour établir que chez ces
connexions de cette portion terminale larves il y ait réellement absence de
du tube digestif avec les téguments toute ouverture anale,
extérieurs (6). (1) Cette disposition est générale
Newport, en étudiant avec beau- chez les Coléoptères, et c'est la fente
coup de soin l'appareil digestif de comprise entre les deux valves de la
certaines larves d'Hyménoptères qui chambre cloacale ainsi constituée qui
vivent en parasites sur d'autres Ani- est communément désignée sous le
maux , par exemple du Monodonto- nom û'anus par les entomologistes.
merus nitidens, dans la famille des Les organes de la génération débou-
Chalcidiles, et de Vîchneumon Atro- chent aussi dans cette cavité, sur le
pos, n'a pu découvrir chez ces lu- mode de formation de laquelle je re-
sectes aucune trace d'un intestin, et viendrai lorsque je traiterai spécia-
il décrit leur estomac comme étant lement du système tégumentaire de
une grande poche arrondie postérieu- ces Animaux.
(a) Burmeister, Handbur.h der Entomologie, 1. 1, p. -149.
■ — Lacordaire, Introduction à l'Entomologie, t. 1, p. 126.
(6) Swamnierdam, Biblia Naturœ, pi. 24.,'fig. 6.
(c) Kewport, The Anatomy and Development of certain Chalcidœ and Ichneumonidœ (Trans.
ofthe Linnœan Society, t. XXI, p. 68, pi. 8, fig. 9). — Art. Insecta (Todd's Cyclopœdia of Ana-
tomy and Physiology, t. II, p. 996).
ANNEXES DU TUBE ALIMENTAIRE DES INSECTES. 6i9
Les glandes salivaires paraissent manquer complètement
chez un assez grand nombre d'Insectes (1), et chez ceux où
elles existent , on remarque de grandes différences dans leur
mode de conformation. Dans leur état de plus grande sim-
plicité, elles consistent en une paire de tubes grêles qui, d'une
part se terminent par une extrémité aveugle et libre , et
d'autre part s'insèrent sur les parois du pharynx ou de la
bouche, et s'ouvrent dans la cavité de cet organe. Cela se
voit chez les Papillons (2), chez divers Coléoptères (3), chez
Glandes
salivaires.
(1) La plupart des Goléoptcres pen-
tamères paraissent être dépourvus de
glandes appendiculaires pour la sécré-
tion de la salive (a), et il est probable
que ce liquide est formé seulement
par les follicules qui, chez ces In-
sectes, sont logés dans les parois
même du tube digestif (6). Les cae-
cums que Duvernoy a décrits sous
ce nom chez les Dermestes, les Vril-
lettes et les aiacroniques (c), ne sont
autre chose que les bourses gastriques
dont il a déjà été question ci-dessus
(page 608). M. Léon Dufour a décou-
vert un appareil salivaire spécial chez
les Blaps {d), les OEdémères (e) , les
Diapères (f), les Wordelles {g], les
Lixus {h], les Coccinelles (^) et quel-
ques autres Coléoptères.
L'appareil salivaire spécial paraît
manquer complètement chez les Né-
vroptères appartenant aux familles
des Libellulines et des Éphémé-
rines (j).
(2) chez les Lépidoptères à l'état
parfait, il n'existe qu'une paire de
vaisseaux sahvaires simples et capil-
laires {k) ; mais chez les Chenilles une
seconde paire d'organes analogues à
ces glandes constitue un appareil
producteur de la soie, et débouche au
dehors par ime filière pratiquée dans
la lèvre inférieure (l). Nous revien-
drons sur l'étude de ces derniers
organes dans une autre partie de ce
cours.
(o) Chez les Coléoptères, en très
petit nombre, qui possèdent des or-
la) L. DufoLir, Recherches anatomiques sur les Carabiques, etc. {Ann, des sciences nat.
1824, t. III).
(6)Sirodot, Recherches sur les sécrétions çhe» les Insectes {Ann. des sciences nat.
1858, t. X, p. 174 etsuiv.).
(c) Cuvier, Leçons d'anatomie comparée, 2" édit., t. V, p. 197.
{d) L. Dufour, Op. cit. (Ann. des sciences nat., i" série, t. III, pi. 29, fig. 4 et 5).
(e)Idem, ibid., pi. 30, flg. 7 et 8.
(f) làem, ibid., pi. 30, fig. 3.
(ff) Idem, ibid., p). 31, fig. 1.
(h) Idem, ibid. [Ann. des sciences nat., \" série, t. IV, pi. 5, fie. 2).
(i) Idem, ibid., pi. 8, fîg. 7.
(i) Idem, Recherches sur les Orthoptères, etc., p. 299.
(Il) Treviranus, Op. cit. (Vermischte Schriften, t. II, pi. H).
{1} Hcrold, Entiuickelungsgeschichte der Schmetterlitige, pi. 3, fig. 1 à 5.
— Cornalia, Monografia del Bombice del gelso, pi. 4, fig. 52, et pi. 10, fig. 152.
i" série,
4° série,
G'iO APtAUElL DIGESTIF.
certains Diptères (1) et chez un petit nombre de Névroptères (2).
Un premier degré de perfectionnement dans la structure de
ces organes est caractérisé par une certaine division du travail
physiologique dont ils sont chargés ; la partie profonde s'ap-
proprie d'une manière plus spéciale à la production du liquide
salivaire, et la portion terminale du tube à l'évacuation de cette
humeur. Celle-ci devient alors un conduit excréteur seulement,
et chez quelques Insectes elle se modifie de façon à assurer le
bon emploi du liquide qu'elle est chargée de verser dans le tube
digestif. En effet, elle se dilate dans une portion de son étendue,
et constitue de la sorte un réservoir salivaire dans lequel les
produits sécrétés peuvent s'accumuler quand l'appareil digestif
est au repos, et se trouver en quantité considérable au mo-
ment où l'Animal a besoin d'en imbiber ses aliments. Comme
exemple de cette disposition, je citerai les Sialis (o); mais, en
ganes salivaires spéciaux, ceux-ci
consistent presque loujours en une
seule paire de tubes sécréteurs, cylin-
driques, capillaires, plus ou moins
longs et entortillés sur eux-mêmes,
ou seulement llexueux. Chez quelques
Charançonites, tels que les Lixus et les
Pachygastres, ces vaisseaux salivaires
se prolongent jusque dans l'abdo-
men (a). Chez les Blaps et les Cocci-
nelles, ces organes ont une structure
plus compliquée. D'après llanidchr,
il n'y aurait qu'un seul vaisseau sali-
vaire impair chez le Curculio lapa-
thi (6), espèce du genre Cryptorhyn-
chus, mais il est probable que cet
anatomiste a commis quelque erreur
dans ses observaUons.
(1) Il y a aussi une seule paire de
tubes salivaires chez presque tous les
Diptères ; mais, chez la plupart de ces
Insectes, ces organes ne sont pas capil-
laires dans toute leur étendue, et se
renflent vers l'une ou l'autre de leurs
extrémités, pour former tantôt une
ampoule initiale, d'autres fois un ré-
servoir terminal.
('2) Ainsi on ne trouve qu'une seule
paire de tubes salivaires simples et
indivis chez le Fourmilion (c).
(3) Chez les Sialis, on trouve de
chaque côté de l'œsophage un tube
salivaire très court, qui est grêle dans
sa partie terminale, et se dilate vers
son extrémité antérieure pour former
un réservoir ovoïde dont le col pé-
(fl) L. Dufour. Recherches sur les Carabiques {Ann. des sciences nat., i'° série, t. IV, pi. 5,
%• 2).
(6) Ramdolir, Op. cit., p. 55, pi. 10, fiij. 1 .
(c) L. Diifoiir, Recherches ««?■ les Orthoptères, les Hyménoplcres cl les ISévropl ères, etc., pi. 12,
fie. no.
ANNlîXES DfJ TL'nR ALIMENTAIUE DES INSECTES. G21
général, quand ce liquide digestif doit être emmagasiné de la
sorte, la Nature crée un organe spécial pour le tenir en réserve,
et une poche particulière appendue au canal excréteur se con-
stitue pour le recevoir. Ainsi, chez la plupart des Orthoptères,
où cet appareil arrive à un haut degré de développement, on
trouve une vésicule salivaire indépendante du conduit excréteur
de la glande (1).
La portion sécrétante de ce même appareil présente une
série plus nombreuse de modifications qui tendent à en aug-
menter la puissance. Ainsi, chez beaucoup d'Insectes, les tubes
grêles et cylindriques dont je viens de parler, au lieu d'être
uniques de chaque côté du corps, se multiplient; souvent on en
compte deux, trois ou même davantage (2). D'autres fois, au
lieu de se répéter de la sorte, les vaisseaux sahvaires se dédou-
blent seulement dans leur partie profonde, et deviennent plus
•ou moins branchus (o). Enfin, le cul-de-sac qui termine chacun
nètre dans la tète et débouche dans le sidérable (e) ; mais, dans d'antres
pharynx (a). espèces du même genre, M. L. Dufour
Ce type organique est encore mieux n'a pu découvrir aucune trace de ces
caractérisé chez certains Diptères , organes sécréteurs,
tels que le Sarcophaga hœmorrhoi- Chez les Panorpes (/"), dans l'ordre
dalis (6) et le Lucilia Cœsar (c). des Névroptères, il y a aussi trois
(1) M. Léon Dufour a donné de paires de, tubes salivaires simples,
très bonnes figures de ces réservoirs mais beaucoup plus longs et plus gros
salivaires chez la Courtilière {Gryllo- que chez les Coléoptères dont je viens
talpa vulgaris], une Sauterelle (Ephip- de parler.
pigera diurna], la Mante commune (3) Cette disposition est très rare
[Mantis religiosa) et la Blatte (d). chez les Coléoptères ; elle existe ce-
(2) Ainsi chez le Coccinella septem- pendant chez les Blaps, où les tubes
punctata , il existe trois paires de salivaires se ramifient i^eaucoup (g) ;
tubes salivaires d'une longueur con- mais elle est dominante chez les Or-
fa) L. Dufour, Recherches sur les Orthoptères, etc., p. 341, pi. 12, fig. ISi.
(6) Ideui, Etudes anatomiques et physiologiques sur une Mouche, pi. 3, fig'. 27.
(c) Idem, Recherches sur les Diptères, pi. 9, fig. H 2.
{d} Idem, Recherches sur les Orthoptères, etc., pi. 2, fig. 19 ; pi. 3, fig-. 35 ; pi. 4, fig-. 38.
(e) L. Dufour, Recherches sur les Carabiques, etc. {Atin. des sciences nat., i" série, t. IV,
p. 121, pi. 8, %. 7).
(/■) Idem, Recherches sur les Orthoptères, etc., pi. 11, fig. 1G9.
(g) Idem, Recherches sur les Carabiques, etc. [.\nn. des sciences nat., 1" série, t. III, pi. 29,
fig, 4 et 5).
622 APPAUEIL DIGESTIF.
de ces tubes simples ou ramifiés se renfle lorsque l'action
sécrétoire de ceux-ci doit acquérir un nouveau degré de puis-
sance, et, lorsque cette modification organique coïncide avec
la forme arborescente du canal excréteur, la glande offre l'aspect
d'une grappe de raisin, dont les grains, très petits et réunis
en groupes, seraient suspendus à un pédicelle tubulaire (l).
Ces divers genres de perfectionnement organique se trou-
vent tous réunis chez la plupart des Orthoptères, où l'appareil
salivaire acquiert un développement très considérable. Chez les
Sauterelles, par exemple, on trouve de chaque côté de l'œso-
phage une masse glandulaire très volumineuse, qui se compose
d'une multitude de petites ampoules ovoïdes dont partent autant
de tubes capillaires; ces canaux excréteurs se réunissent suc-
cessivement entre eux, de façon à constituer des troncs de plus
thoptères et les Hyménoptères, ainsi II est, du reste, à noter que chez
que chez divers Névroplères, où elle certains Diptères où l'on n'avait décou-
coïncide avec d'autres modifications vert, jusque dans ces derniers temps,
organiques (a). qu'une seule paire de glandes sali-
(1) Comme exemple d'Insectes ayant vaires, il existe d'autres organes sécré-
une seule paire d'appendices salivaires tenrs de même nature, qui sont logés
simples et renflés en ampoule à leur dans l'intérieur de la tète. Ainsi
extrémité libre, je citerai d'abord le M. Henry Meckel et M. Leydig ont
Tipulaoleracea (6) et le T. tunata (c). trouvé une petite glande salivaire im-
Cette disposition est dominante parmi paire située à la base de la trompe chez
les Diptères; mais, chez beaucoup de \e Muscavomitoria el chezla Tabanus
ces Insectes, le renflement initiai du bovinus [d).
tube saUvaire est peu marqué, et il y a Chez la Puce, il y a de chaque côté
des nuances Insensibles entre la forme du corps deux petites glandes sali-
d'ampoule et celle d'un tube cylindri- vaires arrondies , dont les conduits
que borgne qui se confond avec le sécréteurs se réunissent bientôt en une
canal excréteur, comme chez la plu- seule paire de tubes fort grêles et très
part des Coléoptères. longs (e).
(a) L. Dufour, Recli. sur les Orthoptères, les Hyménoptères et les Névroptères, pi. 1 et siiiv.
(6) Idem, Recherches sur les Diptères, pi. 3, fîg-. 23.
(c) Idem, ibid., pi. 4, fig. 36.
(d) H. Meckel, Mikrographie einiger Drûsenapparate dcr niederen Thiere (Muller's Archiv fur
Allât, und Physiol., 1846, p. 27).
— Leydig-, Zur Anatomie der Insekten {Archiv fur Anal, und Physiol., i859, p. 69).
(e) Raindohi-, Verdauungsuierkzeuge der Insecten, pi. 23, fig. 2.
ANNEXES DU TUBE ALIMENTAIRE DES INSECTES. 623
en plus gros, à mesure qu'ils se portent en avant pour gagner
la région pharyngienne; enfin, on voit suspendue à la partie
antérieure de ce système de tubes une poche longue, à col étroit,
qui fait fonction de réservoir salivaire, et emmagasine le liquide
élaboré dans les ampoules sécrétoires et destiné à être versé
dans le canal digestif (1 ).
(1) La conformalion générale de
l'appareil salivaire chez rEphippigera
diurna a été très bien représentée
par M. Léon Diifour (a).
La disposition de ces organes est à
peu près la même chez les Grillo-
niens (6), les Blattes (c) et les Mantes ;
seulement , chez ces dernières , la
glande est moins lobiilée, et le réser-
vou' naît du canal, excréteur à une dis-
tance beaucoup plus grande de l'em-
bouchure de celui-ci (cl;. Chez les
Tridactyles, ils offrent le inême mode
d'organisation,' mais ils sont beaucoup
moins développés (e), et chez les
OEdipodes, où ces glandes sont égale-
ment disposées en forme de grappe,
le réservoir salivaire manque {f).
Dans Tordre des Hyménoptères, on
trouve aussi à la partie antérieure du
thorax, sur les côtés de l'oesophage,
des glandes salivaires très dévelop-
pées, dont la disposition générale a
été fort bien représentée par M. Léon
Dufour, et plus récemment, ainsi
que je l'ai déjà dit, des organes sécré-
teurs de même nature ont été dé-
couverts dans l'intérieur de la tête
de plusieurs de ces Insectes par
M. Henry Meckel et par M. I-eydig (g).
Il est, du reste, à noter que dans cet
ordre on ne rencontre jamais de ré-
servoir salivaire , comme nous en
avons vu chez la plupart des Ortho-
ptères.
Chez les Abeilles, les glandes sali-
vaires postérieures ou thoraciques
sont constituées par des caecums ra-
meux et un peu claviformes vers le
bout (h). Les glandes salivaires cépha-
liques sont au nombre de deux paires
et disposées en forme de grappe (i).
Chez la Fourmi il y a aussi trois paires
de glandes salivaires, et chez les Bour-
dons M. Leydig a trouvé une quatrième
paire de ces glandes logée sous la
i'acine de la langue (j). Chez le Vespa
crabro, on n'a signalé jusqu'ici que
deux paires de ces organes, savoir :
une paire de glandes salivaires thora-
(a) L. Dufour, Recherches sur les Orthoptères, etc., pi. 3, fig. 33.
(b) Exemple : la Courtilièra (voy. L. Dufour, Op. cit., pi. 2, fig. 4 9).
(c) L. Dufour, Op. cit., pi. i, Rg. 38 et 39.
(d) Idem, ibid., pi. 3, fig. Ai.
{e) Idem, ibid., pi. 1, fig. 11.
(f) Idem, ibid., pi. 2, fig. 8 et 9.
(g) H. Meckel, Mikrographie einiger Drûseiiapparate der niederen Thlere (Millier 's Archiv fiir
Anat. und Physiol., 1846, p. 25 et suiv.).
— Fr. Loj'dig-, Op. cit. (Archiv fur Anat. und Physiol., 1859, p. 60 et suiv.).
(h) L. Dufour, Recherches sur les Orthoptères, etc., pi. 7, fig. 48.
(i) Leydig, loc. cit., p. 61, pi. 3, fig. 21 .
(j) Idem, ibid., p. 04. 't^
G"2/l appareil digestif.
Enfin, chez d'autres Insectes, et notamment chez la plupart
des Hémiptères, l'appareil salivaire se complique davantage, et
se compose de deux ou de plusieurs paires d'organes sécré-
teurs qui n'ont pas la même structure, et qui rempHssent pro-
bablement des fonctions différentes. Ainsi, chez les Réduves, on
voit de chaque côté du corps trois glandes salivaires qui sont
pourvues chacune d'un canal excréteur particulier : deux de
ces organes sécréteurs sont soudés ensemble de. façon à former
une seule masse fusiforme dont partent deux conduits excré-
teurs; le troisième est isolé. Chez d'autres espèces appartenant
également à la grande famille des Punaises, cette dernière
glande est représentée de chaque côté par un tube sécréteur
seulement, ou par deux appendices de ce genre, et les glandes
géminées se développent au contraire beaucoup plus, en se
digitant et en affectant des formes très variées (1).
ciqucs et une paire de glandes céplia- plères, tels que les Perles (c), les Phry-
liques. Chez quelques Hyménoptères, ganes {cl) et les Termites (e). Chez ces
tels que les Andrènes (a), les glandes derniers, il existe, comme chez la
salivaires thoraciques sont plus volu- plupart des Orthoptères, un réservoir
mineuses que chez les Abeilles , et parlicnlier appendu à chacun de ces
elles ont aussi un développement con- organes.
sidérable chez beaucoup d'autres Hy- (1) Chez la Punaise, des lits Tappa-
ménoptères nidifiants , tandis qu'au reil salivaire ne présente pas une
contraire elles sont fort réduites chez structure si compliquée, et il se com-
certains Térébranls, tels que les Ghry- pose seulement de deux paires de
sidiens, qui ne bâtissent pas des nids petites glandes arrondies et libres qui
pour leur progéniture (b). ont chacune un canal excréteur pro-
On trouve aussi une paire de glan- pre ; seulement il est à noter que la
des salivaires rameuses sur les côtés forme de ces organes n'est pas la
de l'œsophage chez quelques Névro- même {f). Chez le Iléduve , l'une de
(a) L. Dufoiir, Recherches sur les Orthoptères, etc., pi. 6, fig. 7:2.
(6) Exemples : Parnopes carnea (voy. L. Dufoiir, Op. cit., pi. 9, fig. 115).
— HedychrHin lucidulum (voy. L. Dufour, Op. cit., pi. 9, Rg. 116).
(e) L. Dufoiir, Op. cU., pi. 13, fig. 198.
{d) Idem, ibid., pi. 13, fig. 208.
(e) Idem, ibid., pi. 13, fig. 196.
— Lespés, Recherches sur l'organisation et les mœurs du Termite lucifuge (.4;iK. des sciences
nat., 4' série, 1850, t. VI, pi. 6, fig. 15).
(/■) L. Dufour, Recherches sur les Hémiptères, [d. 4, fig. 44.
ANNEXES DU TUBE ALIMENTAIRE DES INSECTES. 625
Quant à la striicfiire intime des organes snlivaires dont nous
venons de passer en revue les formes extérieures, je me bornerai
à dire ici que, dans les parties où la sécrétion s'opère, on
trouve un tissu utriculaire très développé, et quelquefois même
on y distingue une multitude de cellules qui ont chacune non-
seulement une vésicule centrale, mais aussi un canal excréteur
dont l'extrémité débouche dans le tronc commun (1).
ces paires de glandes est représentée
par une niasse fusiforme et étranglée
au milieu, que M. L. Dufour appelle
la glande salivaire principale, mais
qui me paraît être plutôt un organe
double, ou glande géminée, car cha-
cune des portions ainsi réparées dé-
bouclie dans le tube alimentaire par
un conduit particulier (a).
Chez les Gerris, les glandes prin-
cipales ont à peu près la même forme
que chez les Iléduves; mais les glan-
des accessoires, au lieu d'être lisses à
l'extérieur et cellulaires en dedans,
sont composées d'une réunion d'am-
poules (b). Chez les Pijrrhocoris, la
glande accessoire se simplifie et de-
vient lubulaire, tandis que les glandes
principales, ou géminées, se déve-
loppent davantage et prennent une
forme plus compliquée (c). Enfin ,
dans un groupe voisin, le genre Ahj-
dus, ces dernières glandes se digitent,
et la glande accessoire, au lieu d'être
formée par un seul caecum tubulaire,
est représentée par deux appendices
de cette nature de chaque côté du
corps (d). Il en est de même chez les
Corées (e). Cliez les Scutellaires, les
deux lobes de la glande géminée
diffèrent davantage entre eux, et de
même que chez les espèces dont je
viens de parler en dernier lieu, le
canal excréteur de l'un est court et
presque droit, tandis que celui de
l'autre est devenu extrêmement long
et flexueux {f).
Enfin, chez les Nèpes, les glandes
géminées se séparent entre elles, et
l'on remarque sur le trajet du conduit
excréteur de chacun de ces organes,
ainsi que sur les deux lobes corres-
pondants aux glandes accessoires, un
renflement vésiculaire faisant fonction
de réservoir salivaire. Il est aussi à
noter que la structure de ces glandes
est utriculaire (g). On rencontre beau-
coup d'autres variations de forme
dans l'appareil salivaire des Hémi-
ptères, et pour plus de détails à ce
sujet, je renverrai à la monographie
anatomique de ces Animaux, publiée
par M. Léon Dufour.
(1) Je reviendrai sur ce sujet lors-
fa) L. Duiour, Recherches sur les Hémiptères, pi. i,
{b) Idem, ibid., ni, 8, fi!?. 64.
(c) Idem, ibid.,']i\. 2, t\g. 19.
(d) Idem, i6i(Z.,pl. 2, fig. 47.
(e) Idem, ibid., pi. 2, fig-. 13.
(/') Idem, ibid., pi. I , fig. 1 et 3.
(g) Ramdohr, Op. cit., pi. 23, fig. 6.
— L. Dufom', Op. cit., pi. 0, fi-, 82.
^0
malpighiens
626 APPAREIL DIGESTIF.
Tubes § 9. — Lestubes malpighiens, que la plupart des anato-
mistes désignent sous le nom de vaisseaux biliaires, varient
beaucoup quant à leur nombre et à leur disposition. Ils sont
toujours très grêles, fort longs, contournés sur eux-mêmes, et
fixés, au moins par une de leurs extrémités, au canal digestif,
dans le voisinage du pylore, soit au fond de l'estomac, soit à la
partie voisine de l'intestin grêle. Souvent leur extrémité opposée
est libre, et ils se terminent bien évidemment en cul-de-sac ;
mais d'autres fois ils sont disposés en forme d'anse et fixés au
tube alimentaire parleurs deux bouts. 11 y a aussi des différences
considérables dans le point où se fait cette seconde insertion.
Tantôt les deux extrémités de chaque tube malpighien sont rap-
prochées et fixées à la portion pylorique de l'estomac ; d'autres
fois l'un des bouts seulement est attaché de la sorte, et l'autre
se réunit à la portion terminale de Tinteshn. Jusque dans ces
derniers temps, on pensait que ces vaisseaux débouchaient
alors dans le canal alimentaire par leurs deux extrémités et
envoyaient une portion seulement de leur contenu dans l'es-
tomac, tandis qu'une autre portion de produits de leur sécré-
tion était versée dans le gros inteshn : cette opinion a même
conduit quelques physiologistes à attribuer des fonctions diffé-
rentes aux deux moitiés de chacun de ces vaisseaux, et à
donner à leur portion postérieure le nom de vaisseaux uri-
naires, tout en conservant à leur moitié antérieure le nom de
canaux biliaires ; mais une investigation plus attentive de
que je traiterai spécialement de la un travail intéressant, publié il y a
structure des organes sécréteurs, et quelques années, sur ce sujet , par
pour plus de détails relatifs aux or- M. H. Meckel, et c'i quelques observa -
ganes salivaires des Insectes, je me tions plus récentes dues à M. Leydig
bornerai actuellement à renvoyer à et à M. Cornalia (a).
(a) H. Meckel, Monographie ehiigev Drûsenapparate dev niederen Thiere (Miiller's Archiv fur
Anat. und PhysioL, 1846, p. 25 et suiv., pi. 2, fig. 19 à 22j. .
— Leydig, Lehrbuch der Histologie, p. 350.
— Cornalia, Monografia del Bombice del gelso, p. 108, pi. 5, fig. 60 et 61 .
ANNEXES DU TUBE ALIMENTAIRE DES INSECTES. 627
leurs connexions avec le canal alimentaire a rectifié les idées
à cet égard. Dans plusieurs cas, il a été facile de reconnaître
que l'extrémité postérieure des tubes malpigliiens, tout en s'at-
tachant au gros intestin, ne s'y ouvre pas, mais se termine,
comme d'ordinaire, en cul-de-sac, et, dans aucun cas, il n'a été
possible d'y constater l'existence d'une communication entre
leur cavité et celle de cette portion terminale du canal diges-
tif (1). Il va donc tout lieu de croire que jamais cet appareil
(1) L'adhérence intime de l'extré-
mité inférieure des vaisseaux mal-
pigliiens au gros intestin ne se ren-
contre guère que parmi les Coléo-
ptères , chez lesquels ces tubes sont
au nombre de trois paires ou davan-
tage (a) ; je n'en connais aucun exem-
ple chez les Orthoptères, les Hymé-
noptères, les Lépidoptères, les Hémi-
ptères et les Diptères; mais, suivant
Ramdohr et M. L. Dufour, on la ren-
contre d'une manière exceptionnelle
dans l'ordre des INévroptères , car ces
anatomistes pensent l'avoir constatée
chez la larve du Fourmilion (6). Je
dois ajouter cependant que, d'après
les nouvelles recherches de M. Sirodot,
cette anomalie n'existerait pas, et la
soudure apparente de l'extrémité pos-
térieure de ces tubes à l'intestin serait
due seulement à la présence de quel-
ques brides du tissu conjonctif ou de
ramuscules trachéens (c).
La continuité entre la portion gas-
trique et la portion postérieure de ces
tubes a été méconnue par plusieurs
anatomistes (d), et quelquefois la pre-
mière a été décrite comme un organe
hépatique, et la seconde comme un
vaisseau urinaire (e). Cependant Ham-
dohr avait déjà constaté cette conti-
nuité, ainsi que la non-existence d'une
communication entre l'extrémité de
ces vaisseaux qui est adhérente au
gros intestin et ce dernier organe (/"),
fait anatomique qui vient d'être con-
firmé par M. Sirodot (g'). Dans ses pre-
mières recherches sur l'anatomie des
Coléoptères, M. L. Dufour, tout en
confirmant les observations de P.am-
dobr touchant la continuité des por-
tions antérieures et postérieures des
(a) Ainsi, les vaisseaux malpigliiens sont fixés au gros intestin chez la plupart des Coléoptères
appartenant aux divisions des Héléromères , des Télramères, des Trirnères : par exemple, chez les
Blaps (voy. L. Dufour, Recherches sur les Carabiques, etc., dans Ann. des sciences nat., t. III,
pi. 29. fig. 4) ; — les Ténébrions (L. Dufour, Op. cit., pi. 29, fig. 6) ; — les Diapères (L. Dufour,
loc. cit., pi. 30, fig. 3) ; — les Priones (L. Dufour, Op. cit., dans Ann. des sciences nat., t. IV,
pi. 6, fig. 1) ; — l'es càssides (L. Dufour, loc. cit., pi. 8, fig. 4) ; — les Coccinelles (L. Dufour,
loc. cit., pi. 8, fig. 7).
(6) Ramdohr, Op. cit., pi. 17, fig. 1.
— L. Dufour, Recherches sur les Orthoptères, etc., pi. 12, fig. 174.
(c) Sirodot, Recherches sur les sécrétions chez les Insectes {Ann. des sciences nat., i' série,
1858, t. X, p. 254).
(d) Marcel de Serres, Sur les Insectes considérés comme ruminants, etc., p. 46.
{ej Slraus, Considérations sur l'anatomie comparée des Animaux articules, p. 268 et suiv.
(/") Ramdohr, Verdauungswerkzeuge der Insecten, p. 46.
{g) Sirodot, Op. cit. (Ami. des sciences nat., 3« série, t. X, p. 256, pi. 15, fig. 1 et 2).
Q-2S APPAREIL DlGESTiF.
ne débouche ailleurs que dans le voisinage immédiat du'pylore;
et il est même très probable fjue dans les cas où les tubes
malpighiens simulent des anses qui s'ouvrent par leurs deux
bouts en arrière de l'estomac, ils ont en réalité la structure
cœcale ordinaire, mais sont réunis deux à deux par leur extré-
mité postérieure , de façon que chaque moitié de l'anse se
trouve constituée par un tube borgne (l).
Le nombre de ces vaisseaux sécréteurs varie beaucoup dans
les différents ordres de la classe des Insectes, et, lorsque ce
nombre est peu élevé, ils sont presque toujours pairs. Souvent
on n'en trouve que deux de chaque côté du corps ; d'autres fois
il y en a plus de vingt, et dans certaines espèces on en compte
plus de cent. Il y a aussi quelques variations dans leur mode de
groupement et dans leur forme.
C'est chez les Orthoptères que l'appareil, ainsi constitué,
présente le plus haut degré de développement et de centralisa-
tion dans sa portion terminale.
Ainsi, chez les Grilloniens, il existe une multitude de tubes
lubes malpighiens, avait cru recon- mais I\l. L. Du four a reconnu qu'ils se
naître une embouchure à leurs deux séparent ensuite entre eux, et se ter-
extrémités (a). Mais, dans des publica- minent chacun par une extrémité
lions plus récentes, il est revenu de caecale distincte (c).
cette opinion, et a fait voir que la por- (l) M. Sirodot a vu que chez quel-
lion adhérente de ces vaisseaux passe ques Carabiques les deux anses ainsi
entre les tuniques de l'intestin sans constituées étaient soudées ensemble à
s'ouvrir dans la cavité de cet or- leur extrémité postérieure, et il pense
gane (6). Souvent ces tubes s'accolent que leur anastomose n'est qu'appa-
entre eux dans leur portion termi- rente ; cependant il n'a pue onstater
nale avant de s'enfoncer ainsi dans Texistence d'une cloison intermédiaire
les parois du gros intestin, de façon à qui, dans cette hypothèse , séparerait
former en apparence un tronc unique ; chaque anse en deux portions (d).
(a) L. Duibm-, Hecherclies sur les Carabiques, etc. {Aim. des sciences nal., i" série, 18â5,
l. V, p. âTS).
(b) Voyez celte disposition cliez V Hammatichcerus héros (voy. L. Diifom-, Op. cit., dans Aim.
des sciences nat., 2" série, 1843, t. XIX, pi. 6, fig. 8 el 9).
(c) L. Uiifour, Métamorphoses et anatomie des Morddlcs (Ann. des scienas nat., 2" série,
t. XIV, p. 235, pi. M, fig. U). —Mém. sur les vaisseaux biliaires ou le foie des Insectes {Ann.
des sciences nat., 2° séria, t. XIX, pi. tà, fig. 8 et 9).
(((] Sirpdot, Op. cit. (.Ann. des sciences nat., 4' série, t. X, p. 258).
ANNEXES DU TUBE ALIMENTaIUE DES INSECTES. 6^9
malpighieiis fort courts et extrêmement grêles, qui sont dis-
posés en houppe, libres à leur extrémité caecale, et fixés, par
leur extrémité opposée, à l'origine d'un conduit excréteur
unique, lequel débouche à son tour dans la portion pylorique
du canal digestif (1). Chez les autres Orthoptères, où ces
vaisseaux sont également très nombreux, ils se rendent isolé-
ment à l'estomac; mais quelquefois, au lieu d'y avoir chacun
une embouchure particulière, ils se réunissent en faisceaux au
moment de se terminer, et chacun des groupes ainsi formés
débouche par un canal commun (*2).
(1) Cette disposition, qui est tout à leur exlriîmité libre, sur le sommet
fait exceptionnelle dans la classe des des bourses ventriculaires (rf), de façon
Insectes, a été constatée par Cuvier et qu'au premier abord on a pu croire
l)ar M. Léon Dufour chez la Courti- que celles-ci recevaient une portion de
lière (a), et par Bamdohr chez le ces vaisseaux sécréteurs (e).
Grillon champêtre {b). Les tubes mal- Chez les Mantes, cet appareil ne
pighiens sont au nombre d'environ présente rien de particulier (/").
cent, et ils deviennent excessivement Chez les Blattes, on compte une
grêles vers leur extrémité libre. soixantaine de tubes malpij^hiens, et,
{">) M. L.Dufour aconslalé quechez comme d'ordinaire, l'extrémité libre
quelques Sauterelles, et notamment les de ces vaisseaux plonge dans le tissu
Éphippigères, les tubes malpighiens adipeux circonvoisin (g).
se groupent en cinq faisceaux qui se Chez les Forficules, qui, à certains
terminent chacun par une seule ou- égards, diffèrent beaucoup des Ortho-
verture ventriculaire (c). ptères ordinaires, et ont été considérés
Chez les Criquets, où ils sont éga- par quelques auteurs comme devant
lement très nombreux, ils paraissent constituer un ordre particulier, les
se terminer isolément dans le canal tubes malpighiens sont moins nom-
digestif, et quelques-uns d'entre eux breux, mais on en compte toujours
s'attachent, à une certaine distance de au moins trente à quarante (h).
(a) Cuvier, Mém. sur la manière dont se fait la nutrition dans les Insectes (Mém. de la Société
d'histoire naturelle de Paris, 1799, t. I, pi. 14, fig. 8).
— L. Dufour, Recherches anatomiques et physiologiques sur les OrthoptèreSi les Hyménoptères
et les Névroptères, p. 70, pi. 2, fia;. 19.
(b) Hamdohr, Verdauungstverkzeuije der Insecten, pi. 1, fig;- 1-
(c) L. Dufour, Recherches sur les Orthoptères, p. 80, et Mém. sur les vaisseaux biliaires ou
le foie des Insectes (Ann. des sciences nat., 2' série, t. XIX, pi. 6, fig-. 1).
(d) Idem, Recherches sur les Orthoptères, pi. 5, fig. 44.
(e) Idem, ibid., pi. 2, fig. 8.
(f) M. Marcel de Serres a appelé la portion lerminale des tubes ainsi adhéreiils aux bourses gas-
triques, les vaisseaux biliaires supérieurs (Op. cit., \<. 69, pi. i , fig. 1).
(3) L. Dufour, Op. cit., pi. 4, fig. 38.
(/i)ldem, Recherches analnmiq2ies sur les Labidovres (Ann. des sciences nat., 18--S, I. XHl,
p\. iiO, fig. 1).
630
APPAREIL DIGESTIF.
Dans l'ordre des Hyménoptères, les vaisseaux malpighiens
sont aussi très nombreux et libres à leur extrémité caecale, ou
du moins attachés seulement aux parlies adjacentes du tissu
adipeux par des brides membraniformes ; mais la multiplicité
de ces tubes ne s'observe que chez les individus qui sont arrivés
à l'état adulte, et chez les larves ils n'existent qu'au nombre
de deux ou trois paires (1).
Chez plusieurs Névroptères, les tubes malpighiens sont
également en nombre considérable : par exemple, chez les
Libellules, les Éphémères et les Perles; mais dans d'autres
groupes du même ordre on n'en trouve que trois ou quatre
paires, et toujours ils ne se fixent au canal digestif que par
une de leurs extrémités (2).
(1) CéUe différence remarquable
entre le même Animal à deux pé-
riodes de son existence a été con-
statée par Swammerdam chez l'A-
beille (a) ; Ramdolir Ta observée chez
la Guêpe ordinaire et chez un Cim-
bex (6); enfin M. L. Dufour l'a signalée
chez le Vespa crabro et le Cerceris
bupresticida. D'après une observation
de ce dernier anatomiste, faite sur la
Guêpe frelon, il paraîtrait que, lorsque
l'Insecte est à l'état de nymphe, les
deux paires de tubes malpighiens de
la larve s'atrophient, et sont rempla-
cées par un faisceau d'appendices ana-
logues, mais beaucoup plus grêles (c).
Chez les Hyménoptères adultes, ces
vaisseaux sont toujours très grêles,
fort nombreux, et insérés autour de la
portion pylorique du canal digestif
par une de leurs extrémités, tandis
que l'autre bout est libre ou engagé
dans le tissu adipeux de la cavité
splanchnique. Chez quelques espèces
d'Ichneumonides, M. L. Dufour n'en a
trouvé qu'une quinzaine, mais presque
toujours il y en a plus de vingt. Pour
d'autres détails à ce sujet, je renver-
rai aux ouvrages de M. L. Dufour et
(les autres anatomistes qui ont décrit
l'appareil digestif de ces Insectes.
(2) Chez les Termites {d), les Phry-
ganes (e), les Sialis (/") et les Panor-
pes (g), il n'existe que trois paires de
tubes malpighiens.
Chez les Hémérobes (h) et les Four-
(a) Swammerdam, Biblia Naturœ, t. I, p. /|.08 et 454.
(6) Raradohr, Verdauungswerkzeuge der hisecten, pi. 12, fig. ■!, 4 et 6.
(c) L. Dufour, Recherches sur les vaisseaux biliaires {Ann. des sciences nat., 2' série, t. XIX,
160, pi. l,Rg. 12 et 13).
(d) L. Dufour, Recherches sur les Orthoptères, etc., pi. 13, fig. 196.
(e) Idem, ïbid., pi. 13, fig. 208.
(H Idem, ibid., pi. 12, Cg. 184.
(g) Idem, iôid., pi. H, fig^. 169.
(h) Idem, ibid., pi. 13, fig. 191.
AîiNEXES DU TUBE ALIMENTAIRE DES INSECTES. 631
Chez les Lépidoptères, soit à l'état de chenilles, soit à l'âge
adulte, il y a toujours trois paires de tubes malpighiens à extré-
mité flottante (1), mais ces vaisseaux ne débouchent dans le
canal digestif que par une paire d'orifices (2).
Chez les Coléoptères, les Hémiptères et les Diptères, ces
appendices sécréteurs sont également en nombre très hmité ; on
n'en trouve jamais plus de quatre paires, mais leur disposition
est plus variée : car souvent, au heu d'avoir un bout flottant,
tandis que l'autre s'insère au ventricule pour y déboucher, ils
affectent la forme d'anses dont les deux extrémités sont insérées
comme d'ordinaire au voisinage du pylore et s'y ouvrent. Ainsi,
chez les Carabiques, les Cicindélètes, les Dytisques, les Staphy-
lins et quelques autres Coléoptères , on voit deux grandes
anses de ce genre ; et par conséquent, si l'on admet que chaque
anse n'est formée que par un même tube, on ne doit compter
milions (o), il y en a quatre paires, doutes sur l'exactitude de ses obser-
nombre qui est fort rare chez les valions à ce sujet.
Insectes. (2) Cette confluence des trois tubes
Chez les Libelluliens, leur nombre malpighiens du même côté en un
paraît être d'environ quarante, mais tronc unique paraît être constante.
ils sont remarquablement courts (6). M. Léon Dufour considère le Ver à
Enfin, chez les Éphémères (c) elles soie comme faisant exception à la
Perles (d), ils sont si nombreux et si règle {g); mais M. Corualia vient de
grêles, qu'il est difficile de les compter. constater qu'il n'en est pas ainsi. Il a
(1) Suckow n"a représenté que deux vu les trois tubes se réunir de ciiaque
paires de tubes malpighiens chez l'I'- côté en un tronc unique {h). La même
'ponomeuta evonymella (e) et le Ftero- confluence a été constatée par Andouin
phorus pentadactylus ( f) ; mais , à chez la chenille de la Pyrale (i), que
raison de la petitesse de ces Lépi- M. L. Dufour a citée à tort comme ne
doptères, on peut conserver quelques l'offrant pas.
(a) L. Dufour, Recherches sur les Orihoptères, etc., pi. 12, fig. 179.
(6; Idem, iiid., pi. 11, fig. 158.
(c) Idem, ibid., pi. 11, fig. 167.
(d)ldem, iUd.,-pl. 13, fig. 198.
(e) Suckow, Op. cit. (Heusinger's Zeitschrift fur die organische Physik, t. III, pi. 9, fig. 161).
(Hldem, ibid., pi. 9, fig. 159.
{g} L. Dufour, Mém. sur les vaisseaux biliaires ou le foie des Insectes (Ann. des sciences nat.,
2« série, t. XIX, p. 163).
[h] Cornalia, Monografia del Bombice delgelso, p. 142, pi. 4, fig. 52 et 56.
(i) Audouin, Histoire des Insectes nuisibles à la vigne, p. 95, pi. 7, fig. 1 0 et 1 0 &, h.
632 APPAREIL DIGESTIF'.
chez ces Insectes qu'une seule paire de ces vaisseaux ; mais si
l'on admet, ainsi que cela me paraît très probable, que les anses
en question sont constituées chacune par la soudure de l'extré-
mité terminale de deux tubes aveugles, on doit considérer tous
ces Coléoptères comme ayant en réalité quatre vaisseaux malpi-
ghiens. Chez beaucoup d'autres Coléoptères, ce nombre ne peut
être révoqué en doute, car tous ces tubes sont indépendants
entre eux. Enfin il est aussi un grand nombre de Coléoptères
qui possèdent trois paires de ces appendices sécréteurs (1).
(1) Chez presque tous les Coléo- Chez les Dermestins {d), les Cle-
plères pentamères , il y a seulement rus (e), les Nécrobies (/), les Byr-
deux paires de vaisseaux malpigliiens, rlies (^), et quelques autres Insectes
soit libres (a), soit simplement acco- qui appartiennent à cette division ar-
lés aux parois de l'intestin par leur tificielle de Tordre des Coléoptères,
extrémité postérieure (6) , ou bien il y a trois paires de ces vaisseaux,
une paire d'anses qui peuvent être nombre qui est dominant chez les
considérées comme correspondant à Coléoptères hétéromères [h), létra-
ce nombre (c). mères (i) et trimères (j).
(a) Exemples : Telephorus {h. Dufour, Recherches sur les Carabiques, etc., dans Ann, des
sciences nat., i'° série, t. III, pi. 4 3, ûg. 1).
— Silpha (L. Dufour, loc. cit., pi. 3, fig. 5).
(b) Exemple : Timarcha (L. Dufour, Op. ciL, dans Ann. des se. nat.. i" série, t. IV, pi. 8, fig. d).
(c) Exemples : Carabus auratus (L. Dufour, Recherches sur les Carabiques, dans Ann. des
sciences nat., i" série, t. II, pi. 20, fig. 1).
— Brachinus (Ramdohr, Yerdauungswerkaetige der Insecten, pi. 25, fig. 2).
— Cicindela (L. Dufour, loc. cit., t. III, pi. 10, fig. 2).
— Dytisc^is (L. Dufour, loc. cit., t. III, pi. 10, fig. 3).
— Hydi'ophilus piceiis (L. Dufour, Siw les vaissemix biliaires, Ann., '2.° sér., t.XIX, pi. 6, fig. 3).
— Staphijlinus (1.. Dufour, Recherches sur les Carabiques, etc., dans Ann. des sciences nat.,
1" série, t. ILI, pi. 10, fig. 8).
— Buprestis (L. Dufour, loc. cit., pi. 12, fig. 2).
— Elater (L. Dufour, loc. cit., pi. 12, fig. 3 et 4).
— Lampynw (L. Dufour, /oc. ci(., pi. 12, fig. G).
— Cetonia (L. Dufour, loc. cit., pi. 13, fig. 1).
— Lucanus {L. Dufour, loc. cit., pi. 13, fig. 2 et 3).
(d) L. Dufour, Op. cit. (Ann. des sciences nat., t. 111, pi. 13, fig. 3).
(e) idem, Mém. sîcr les vaisseaux biliaires [Ann. des sciences nat., 2= série, t. XIX, p. 150).
(f) Exemple : le Dermestes lardarins (L. Dufour, Recherches anatomiqnes sur qiielques Insectes
coléoptères, dans Ann. des sciences nat., 2* série, 1834, 1. 1, pi. 2, fig. 1).
(g) L. Dufour, Op. cit. [Ann. des sciences nnt., 2" série. 1. 1, pi. 3, fig. 13).
[hj Exemples ; les Blaps (L. Dufour, Recherches sur les Carabiques, etc., dans Ann. des sciences
nat., 1" série, t. 111, pi. 29, fig. 4).
— Les Diapères (L. Dufour, loc. cit., pi. 30, fig. 3).
(i) Exemples : \es Priones (L. Dufour, Recherches sur les Carabiques, dans Ann. des sciences
nat., 1" série, t. IV, pi. 6, fig. 1).
— Les Leptures (L. Dufour, loc. cit., pi. 7, fig. 2).
— Les Cassides (L. Dufour, loc. cit., pi. 8, fig. 1).
(;•) Exemple : hs Coccinelles (L. Dufour, Op. cit., dans Ann. se. nat., 1 " série, t. IV, pi. 8, fig- 7).
ANNKXES du TL'ËE ALlMENÏAlIlË DES INSECTES. 63o
En général, les tubes malpighiens des différentes paires sont
fort semblables entre eux; mais, dans quelques cas, deux de
ces vaisseaux sont moins gros que les autres et ont un aspect
M. L. Dufour a trouvé que chez les
Anthrènes (a), les Histers et les Hété-
rocères, il existe trois anses à inser-
tions ventriculaires, et, ainsi que le fait
remarquer M. Sirodot, cette disposi-
tion rentre dans la règle commune, si
l'on considère cliaque anse comme
étant composée d'une paire de tubes
malpigliiens (6).
Chez VAnobium^W existe quatre
anses analogues (c), ce qui suppose-
rait huit tubes malpighiens ; mais il est
possible que l'une des exlrémilésde
chacune de ces anses soit simplement
soudée aux parois de l'estomac et
terminée en caecum, ce qui réduirait
leur nombre à deux paires : en effel,
l'exislence de huit orifices sécréteurs
n'a pas été conslalée»
Chez les Hémiptères, il y a généra-
lement deux paires de tubes mal-
pighiens à extrémité libre, ou bien
une seule paire d'anses à double in-
sertion ventriculaire. Cette dernière
disposition est la plus fréquente {d).
La seconde se voit chez le Ploia-
ria (e), le Syromastes et le Verlusia,
parmi les Géocorises. M. Léon Dufour
a pensé qu'il en était de même cliez
les Cigales (f); mais M. Doyère a
fait voir que le point d'adhérence de
ces tubes au jabot n'est pas leur point
de débouchement, qu'ils y constituent
des anses dans l'épaisseur des parois
de cet estomac, puis se dirigent en
arrière pour aller, suivant toute ap-
parence , s'ouvrir comme d'ordinaire
dans la portion post- stomacale du
canal digestif {g).
Il est aussi à noter que chez quel-
ques Hémiptères, les vaisseaux mal-
pighiens paraissent manquer : ainsi
lîamdohr n'en a pas trouvé chez le
Coccus alni [h), et M. Léon Dufour
s'est convaincu de leur non-existence
chez les Pucerons (i).
J'ajouterai que M. Siebold n'a pu
en découvrir aucune trace chez les
Insectes de l'ordre des Strepsiptè-
res (j).
Chez les Diptères, les tubes mal-
pighiens sont en même nombre que
(a) L. Dufour, Recherches anatomiques sur quelques Insectes coléoptères {Ann. des sciences
nal., 2» série, 1. 1, pi. 2, fig. 8).
(h) Sirodot, Recherches sur les sécrétions chez les Insectes {Ann. des sciences nat., i' série,
t. X, p. i;00).
(c) L. Dufour, Recherches sur les Carabiques, etc. (Ann. des sciences nat., l" série, t. XIV,
pi. 12, fig. 1).
[dj Exemples : les Lygées (L. Dufour, Recherches sur les Hémiptères .^ pi. 33, fig. 22).
— Les Réduves (L. Dufour, Op. cit., pi. 4, fig. iS).
— Les Nèpes (L. Dufour, Op. cit., pi. G, fig^. 82).
(e) L. Dufour, Mém. sur les vaisseaux biliaires [Ann. des sciences nat., 2° série, t. MX, pi. i,
fig. 17).
(f) L. Dufour, Recherches sur les Hémiptères, p. 93, pi. 8, fig-. 95.
(g) Doyère, Op. cit. (Ann. des sciences nat., 2- série, t. XI, p. 84, pi. t, fig. 3).
(h) Raiiidolir, Verdauungswevkzeuge der Insecten, p. 198, pi. 26.
(i) L. Dufour, Recherches sur les Hémiptères, p. 110.
(j) Sieliold et Stannius, Nouveau Manuel d'anatomie comparée, 1. 1, p. G05.
63/|. APPAREIL DIGESTIF.
particulier, de façon qu'on peut supposer qu'ils sont chargés
de quelques fonctions spéciales (1).
J'ajouterai que chez un grand nombre d'Insectes, ces tubes
se réunissent entre eux à quelque distance de leur embouchure,
de façon à former de chaque côté de l'estomac un seul (ronc
excréteur (2).
Quant aux autres variations de forme qui se rencontrent dans
les tubes malpighiens, il est à remarquer qu'en général ces
chez les Hémiptères ; oiais en général
ils sont tous les quatre libres à leur
exlréniilé (a). Comme exemple de leur
réunion en une paire d'anses, je citerai
ceux du Tipula oleracea (6).
(1) Chez VOnjctes nasicornis, par
exemple, .celte inégalité entre les deux
tubes malpighiens du même côté est
très prononcée , et les circonvolu -
tiens du petit vaisseau occupent tonte
la portion post-venlriculaire de l'ab-
domen, tandis que le gros vaisseau
se recourbe en avant, et décrit beau-
coup de flexuosités sur les côtés de
l'estomac avant de se porter vers la
partie postérieure de la cavité viscé-
rale, où il se pelotonne de même sur
le côté de l'intestin (c). Celte inégalité
est encore plus marquée chez certains
Charançonites, tels que les IJxus (d),
et chez les Galéruques (e).
(!2) Chez beaucoup de Diptères, les
deux tubes malpighiens du même côté
débouchent dans l'estomac par un
canal excréteur commun d'une lon-
gueur assez considérable : par exem-
ple, chez la Mouche appelée Lucilia
Cœsar (/"), V Echinomyia grossa {g)
et le Nemopoda cylindrica {h). Chez
quelques-uns de ces Insectes, les tubes
des deux côtés se réunissent en un
seul tronc près de leur extrémité ,
à peu près comme nous l'avons déjà
vuchezIaCourtiUère {i): par exemple,
chez VEphippmm thoracicum {j) et
le Vappo pallipennis (k).
(a) Exemples : Tipula liinata (L. Dufour, Rech. anat. sur les Diptères, pi. 4, fig. 3fl).
— Tabanus tropicus (L. Dufour, Op. cit., pi. 4, fig-. il).
■^ Dasypogon teutomis (L. Dufour, Op. cit., pi. 5, fig. 52).
— Bombylius minor (L. Dufour, Op. cit., pi. 6, fig. 62).
— Ltptis tringaria (L. Dufour, Op. cit., pi. 6, fïg. 70).
— Volucella zonaria (L. Dufour, Op. cit., pi. 7, fig. 77).
— Hypoderma bovis (L. Dufour, Op. cit., pi. 8, fig. 95).
(b) L. Dufour, Op. cit., pi. 3, fig. 23.
(c) Sirodot, Op. cit. (Ann. des sciences nat., i' série, t. X, pi. 14, fig. 1).
(d) L. Dufour, Recherches sur les Carabiques, etc. {Ann. des sciences nat., l" série, t. IV,
pi. 5, fig. 2).
(e) Idem, ibid., pi. 8, fig. i.
(/■) Idem, Recherches sur les Diptères, pi. 9, fig. 1 12.
(g) Idem, ibid., pi. 8, fig. 96.
(h) Idem, ibid., pi. 10, fig. 129.
(i) Voyez ci-dessus, page 629.
(j) L. Dufour, Op. cit.., pi. 4, fig. 43.
(fc) Idem, ibid., pi. 4, fig. 45.
ANNEXES DU TUBE ALIMENTAIRE DES INSECTES. 635
vaisseaux sont cylindriques et atténués vers le bout, mais que
chez quelques Insectes, surtout parmi les Diptères, ils sont
renflés en forme d'ampoule à leur extrémité (1), et que chez
d'autres espèces ils sont comme verruqueux à leur surface, ou
même quelquefois garnis latéralement d'une multitude de petits
prolongements csecaux. Chez le Hanneton, cette disposition est
très prononcée, de façon que chacun de ces vaisseaux, au lieu
d'être simple, ressemble à un ruban fort grêle qui serait garni
de franges sur ses deux côtés (2).
Il est aussi à noter que chez quelques Insectes les tubes
malpighiens se dilatent près de leur embouchure, de manière
à constituer pour les produits de chacun de ces organes
sécréteurs un petit réservoir, comparable à celui que nous
avons déjà vu se développer parfois sur le trajet des vaisseaux
salivaires (3;.
(1) Ainsi, chez les Diptères du genre II existe aussi une mullitude de
Phora, chacun des quatre tubes mal- petits caecums latéraux sur la surface
pighiens présente à son extrémité libre des tubes malpighiens, chez le Sphinx
une grosse ampoule ovalaire (a). Une ligustri à l'élat de larve et chez
disposition analogue , mais beaucoup beaucoup d'autres Chenilles ; mais
moins prononcée, se voit chez les chez les mêmes Insectes à l'état de
Cousins (6) et quelques autres Diptères. nymphes, ces prolongements sont ré-
Piamdohr a représenté de la même duits à la forme de tubercules arron-
manière ces organes sécréteurs chez dis, et chez l'Animal à l'état parfait
la Puce commune (c). ils disparaissent complètement, ou ne
(2) Cette disposition ne règne pas sont représentés que par des bosse-
dans toute la longueur de ces tubes; lures peu prononcées (e).
elle s'étend seulement sur environ le (3) Cette disposition est très bien
tiers antérieur de ces organes, qui sont caractérisée chez quelques Diptères,
d'abord simples et cylindriques (d). tels que les Trichoptères, où il existe
(a) L. Dufour, Recherches sur les Diptères, pi. H, fig. 134.
(b) Idem, ibid., pi. 2. fig. 18.
(c) Ramdohr, Yerdauungsicerk^euge der Inser.ten, pi. 23, fig. 2.
(d) Ramdohr, Op. cif., pi. 8, fig. 1 et 2.
— L. Dufour, Recherches sur les Carabiques, etc. [Ann. des sciences nat., i" série, t. Ill,
pi. 14, fig. 4 et 5).
(e) Newport, arl. Insecta (Todd's Cijclopœdia of Anatomy and Plujslology, t. il, p. 975,
fig. 432).
636 APPAREIL DIGESTIF.
La cavité qui règne dans toute la longueur des tubes mal-
pighiens est tapissée d'une couche épithéliale dont les utricules
constitutives se détachent et se détruisent très facilement, en
laissant échapper leur nucléus, ainsi que les divers produits
élaborés dans leur intérieur (1). Le hquide fourni par ces
organes est ,en général d'une couleur jaune et d'une saveur
quatre Uibes malpigliiens qui offrent
chacun, près de leur insertion ventrl-
culaire, un renflement fusiforme d'une
capacité assez considérable {a). Une
vésicule biliaire, qui paraît être con-
stituée de la même manière par l'élar-
gissement d'un tronc commun appar-
tenant aux deux branches de chacune
des anses malpigliiennes, se remarque
de chaque côté du canal digestif chez
plusieurs Hémiptères, et afl'ecle quel-
quefois la forme d'une vésicule ar-
rondie, par exemple chez VAlydus
apterus [b] ; ou bien ce réservoir, se
confondant avec son congénère, donne
naissance k une poche impaire qui est
appendue au canal digestif et qui
reçoit les tubes sécréteurs, ainsi que
cela se voit chez le Pentatoma bac-
carum (cj et les Corises {J).
(1) La tunique propre des vaisseaux
malpigliiens consiste en une mem-
brane d'une grande ténuité et d'une
structure en apparence presque ho-
mogène, qui est revêtue intérieure-
ment d'une couche de grosses utri-
cules de forme arrondie ou ovalaires.
Ces cellules contiennent un nucléus
granuleux à nucléole transparent,
des globules graisseux et une matière
granulaire tantôt blanchâtre , tantôt
jaune ou brunâtre (e). Quand, pour
observer au microscope leur struc-
ture intime, on place un de ces tubes
dans l'eau, les effets d'endosmose
qui se produisent déterminent si ra-
pidement la rupture de ces cellules
membraneuses, qu'il est très difficile
de les voir en place et de distinguer
le canal central qu'elles circonscri-
vent; mais si l'on emploie, au lieu
d'eau, un peu de sérum, la couche
épithéliale ne se désorganise pas si
vile (/■). C'est probablement à cause
de l'action de l'eau employée pour
mouiller les préparations, que M. H.
Meckel n'a pu apercevoir dans l'inté-
rieur de ces tubes qu'une agglomé-
ration de cellules, sans canal cen-
tral {g).
(a) L. Dufour, Recherches sur les Diptères, pi. 3, fig. 32.
{b) Idem, Recherches sur les Hémiptères, pi. 2, fig. 1 9.
(e) Ramdohr, Op. cit., pi. 22, {\g. 3.
((/) L. Dufour, Op. cit., pi. 2, %. 13.
(e) T. Williams, On the Physiology of Cells, with Ihe View to ehicidate Ihe Laws regulating
the Structure and Funclions of Glands (Guy's Hospital Reports, 1846, 2" série, t. IV, p. 303
et suiv.).
— Leidy, Researches on the comparative Structure of the Liver, pi. t , fig'. 1 à 7 (Amei'ican
Journal of the Médical Sciences, 1848).
• — Karsten, liarnorgane des Bracliinus complanatus (Miiller's .Archiv, 1848, pi. 10, fig. 0).
(/■) Sirodot, Oji. cit. {.Ann. des sciences nat., 4" série, ISôS, t. X, p. 269).
(g) H. Millier, Mikrographie einiger Drûsenapparate der niederen Thiere (Miiller's Archiv fi'ir
Anaf. und Physiol., 1846, p. 42 et suiv., pi. 2, (ig. 28 à 33J.
ANNEXES DU TUBE ALIMENTAIIIE DES INSECTES. Go7
amère; il ressemble done beaucoup à de la bile, el jusque
dans ces derniers temps la plupart des naturalistes n'hésitaient
pas à Ini donner ce nom. Mais on sait aujourd'hui qu'il ren-
ferme les principaux produits caractéristiques de la sécrétion
urinaire : c'est donc une humeur excrémentitielle mixte, qui
représente à la fois l'urine et la bile des autres Animaux, ou
bien de l'mine seulement ; et les physiologistes qui adoptent
cette dernière manière de voir pensent que la sécrétion hépa-
tique est effectuée par les glandules situées dans les parois
mêmes de l'estomac (1). Mais, dans l'état actuel de la science,
les faits probants manquent pour décider cette question,
(Ij Malpighi, Swammerdam, Lyon-
net et les autres anatomistes des
xvii'^ et xyiii*^ siècles ne se pronon-
cèrent pas sur les fonctions de ces
tubes ; mais Cuvier n'hésita pas à les
considérer comme des organes hépa-
tiques (a), et son opinion fut d'abord
généralement adoptée. Gaede y fit
quelques objections, et chercha à éta-
blir que ces tubes sont des organes
absorbants (6). Enfin Ilerold et Reng-
ger furent les premiers à penser que
les vaisseaux, malpighiens pourraient
bien être des glandes urinaires (c) ;
mais ils ne s'appuyèrent sur aucun
fait probant. L'existence de l'acide
urique ayant été constatée dans les
excréments du Ver à soie par Bru-
gnatelli (d), dans les produits four-
nis par les vaisseaux malpighiens de
ce Bombyx par Wurzer (e), et dans
ceux du Hanneton par M. Che-
vreul (/), cette hypothèse acquit plus
de valeur ; mais ce fut surtout la dé-
couverte d'un calcul urinaire dans
l'intérieur même d'un de ces tubes,
faite en 1836 par Audouin, qui déter-
mina la plupart des physiologistes à
considérer ces organes comme tenant
lieu d'un appareil rénal (g). Aujour-
d'hui quelques auteurs persistent en-
core à ne voir dans les tubes malpi-
ghiens que des vaisseaux sécréteurs
de la bile (h) ; mais la plupart des
(a) Cuvier, Leçons d'anatomie compai-ée, 1805, t. IV, p. 153.
(6) Gaede, Observ. physiol. sur les vaisseaux biliaires des Insectes {Ann. gén. des sciences
physiques, 1819, t. Il, p. \HG).
(c) Herold, Entwickelungsgeschichte der SchmetterUnge, 1815, p. 23.
— Reng-ger, Physiologische Untersuchungen ûber die thierische Haushaltung der Iiisecten,
1817, p. 21.
(d) Brugnatelli, Osservaziom sopra l'ossiurato d'ammoniaca {Giornale di fisica, 1815, t. VllF,
p. 42).
(e) Wurzer, Chemische Uiiters. des Sloffes, ivelcher sich in deii sogenannten Gallengefâssen
des Schmetterlings der Seidenraupe befmdet (Mockel's Deutsches Archiv fur die Physiologie, 1818,
t. IV, p. 213).
(/') Voyez Straus, Considérations sur l'anatomie comparée des Animaux articulés, p. 251 .
(g) Audouin, Lettre concernant des calculs trouvés dans les canaux biliaires d'un Cerf -volant
(Ann. des sciences nat., 2° série, 1831), t. V, p. 129).
(h) L. Dufour, Mém. sur les vaisseaux biliaires ou le foie des Insectes [Ann. des sciences nat.,
2' série, 1843, t. XIX, p. 145 etsuiv.).
638 APPAREIL DIGESTIF.
et je ne m'y arrêterai pas davantage en ce moment, me pro-
posant d'y revenir lorsque je traiterai spécialement des sécré-
tions.
Glandes anales, § 10. — C'cst également cn m'occLipant de l'histoire de ces
dernières fonctions que je ferai connaître avec plus de détails
la structure et les usages de l'appareil glandulaire qui est annexé
à l'extrémité anale du canal intestinal de la plupart des Insectes.
En effet, les organes sécréteurs qui le constituent, tout en
pouvant être considérés comme des dépendances du système
physiologistes les regardent comme
étant chargés d'une double fonc-
tion et comme représentant à la fois
l'appareil urinaire et l'appareil hépa-
tique (a}. Enfin d'autres naturalistes
leur refusent toute participation
à la sécrétion des matières carac-
téristiques de la bile, et pensent que
ce sont des organes exclusivement
urinaires (6). M. Sirodot, qui partage
celte dernière opinion, n'a pu trou-
ver de la ciiolestérine dans le liquide
fourni par ces tubes, mais il a décou-
vert dans les sucs sécrétés par. les
follicules de l'estomac des traces de
cette matière grasse qui est un des
principes caractéristiques de la bile (c).
Cependant les faits sur lesquels on
s'appuie pour établir que les vaisseaux
raaipighiens, tout en étant des organes
urinaires, ne jouent pas aussi le rôle
d'un appareil hépatique, ne me sem-
blent pas décisifs, et, jusqu'à plus
ample informé, je persiste à penser
que ce sont des organes à fonctions
mixtes. En effet, la transition entre le
foie d'un Crabe et d'une Écrevisse, les
tubes hépatiques des Isopodes et les
vaisseaux malpighiens des Insectes ,
est si graduelle et si manifeste, qu'il
est difficile de penser que ces derniers
organes ne puissent fonctionner d'une
manière analogue aux premiers ; et il
est aussi à noter que les caractères
chimiques des produits de la sécré-
tion biliaire de ces Animaux ne sont
pas encore assez bien connus pour
que l'on puisse affirmer que certains
de ces produits n'existent pas dans
les liquides fournis par les tubes mal-
pighiens. Du reste, cette question sera
discutée plus complètement lorsque
nous étudierons d'une manière spé-
ciale les sécrétions.
(a) J. F. Meckel, Ueber die Gallenund Harnorijane der Insecteii (Archlv fur Anatonde utid
Physiologie, 4826, p. 21).
- — Aiidouin, Op. cit. (Ann. des s'dences nat., 2" série, t. V, p. 134).
— Burmeister, Handbuch der Entomologie, 4832, 1. 1, p. 406.
■ — Lacorilaire, Introduction à l'Entomologie, 1838, I. Il, p. 53.
— J. Millier, Mamiel de physiologie, trad. par Jourdan, 1845, 1. 1, p. 424.
— Owen, Lectures on the comparative Anatomy and Physiology of Invertebrate Animais,
4855, p. 381.
(6) Siebold et Stannius, Nouveau Manuel d'anatomie comparée, t. I, p. 588 et 604.
(c) Sirodot, Recherches sur les sécrétions des Insectes (Ann. des sciences nat., 4° série, 4858,
t. X, p. 486 et p. 301 et suiv.).
TUBE ALIMENTAIRE DES MYRIAPODES. 639
digestif, quand on se place au point de vue anatomique seule-
ment, ne concourent pas en réalité à la constitution de ce sys-
tème, et leurs produits n'interviennent pas dans le travail à
l'aide duquel les aliments sont rendus aptes à nourrir l'Animal ;
ces glandes sont destinées à d'autres usages, et par conséquent
ce serait interrompre l'enchaînement logique de nos études que
de nous en occuper ici (1).
§ 11. — Les détails dans lesquels je suis entré relativement Appareil
à la constitution de l'appareil digestif des Insectes me permet- ^%lf^
tront d'être bref en traitant des parties correspondantes dans la '^^"'P'"*''-
petite CLASSE des Myriapodes, dont il me reste encore à parler
dans cette Leçon. En effet, le canal alimentaire et ses dépen-
dances sont conformés sur le même plan général dans ces deux
classes d'Animaux articulés, et chez les Myriapodes ces organes
ne diffèrent que peu de ce que nous avons vu chez les larves
des Insectes de l'ordre des Lépidoptères. Le canal digestif
s'étend presque toujours en ligne droite de la bouche à l'anus (2);
l'œsophage ne se dilate que rarement en forme de jabot cylin-
(1) Les glandes qui sont annexées à un appareil urinaire (6). Du reste, la
la partie terminale de Tintestin des structure de ces appendices sécré-
Insectes sont en général destinées à leurs varie beaucoup ; et, pour s'en
sécréter du venin ou d'autres liquides former une idée, il suffit de jeter les
excrénientitiels que l'Animal utilise yeux sur les figures relatives aux or-
pour sa défense ; mais , quelquefois, ganes de la digestion, publiées par
ces organes sont détournés de leurs M. L. Dufour, car dans la plupart d^
usages ordinaires, afin de constituer, ces figures ils ont été représentés
ainsi que nous l'avons déjà vu pour comme des dépendances du gros in-
les vaisseaux salivaires, un appareil testin. Au sujet de la structure inlé-
producteur de la soie, à l'aide de rieure de ces organes, je renverrai
laquelle rinsecle construit un ber- aux recherches de MM. H. Meckel et
ceau pour sa progéniture (a). C'est Karsten (c).
à tort que quelques physiologistes (2) Les Glonieris font exception à
les ont considérés comme constituant cet égard : M. Brandt a trouvé leur
{a) Exemple : l'Hydrophile (voy. Lyonnet, Recherches sur l'aiiatomie et les métamorphoses de
différentes espèces d'Insectes, pi. 13).
(6) Lacordaire, Introduction à l'Entomologie, t. Il, p. 5i. ,
(c) H. Meckel, Op. cit. (Muller's Archiv, 1 846, p. 45 et suiv.).
- Kai-sten, Op. cit. (Muller's Archiv, 1848, p. 367, pi. 10, fig. 1-5).
G/lO API'AIŒIL DIGESTIF.
droïde; l'estoinac est cylindrique et. suivi d'un inlestin grêle
fort court; puis on rencontre un gros intestin dont la première
portion, à parois très musculaires, correspond à celle que
nous connaissons sous le nom de réservoir stercoral chez les
Insectes; un rectum fait suite à cette partie, et se termine à
l'anus (1). Des tubes sécréteurs, analogues aux vaisseaux mal-
pighiens des Insectes, serpentent sur toute la longueur du canal
ainsi constitué, et vont déboucher dans la portion postérieure
de l'estomac (2). Entin, il existe également des glandes sali-
vaires qui versent leurs produits dans la bouche, ou des organes
analogues qui sécrètent du venin dont l'Animal fait usage pour
tuer sa proie (3).
Uibe digestif reployé deux fois siu"
lui-même, et par conséquent beau-
coup plus long que le corps (a).
(1) Chez les Uiles, Tœsopliage se di-
late postérieurement en forme de
jabot proprement dit [b) ; mais, chez
les Lithobies et les Scutigère?, on
n'aperçoit rien de semblable : Testo-
mac commence presque immédiate-
ment derrière la tête, et il ne paraît y
avoir ni jabot, ni valvule cardiaque.
Chez les Lithobies, la surface externe
de cet organe est lisse (c); mais, chez
les Scutigères (d), elle est couverte de
petites granulations dues à l'existence
de follicules gastriques analogues à
ceux que nous avons rencontrés chez
les Garabiques et beaucoup d'autres
Insectes.
La portion intestinale du canal di-
gestif est remarquablement courte
chez les Lithobies ; elle est, au con-
traire, beaucoup plus développée chez
les Scutigères et chez les Iules (e).
(2) Les vaisseaux malpigliiens sont
au nombre de trois paires chez les
Iules (/■) , de deux paires chez les
Scutigères {g) , et d'une paire seule-
ment chez les Scolopendres {h) et les
Lithobies {i).
(3) Les glandes salivaires sont très
développées et en forme de grappes
(a) Brandi, Beitrâge zur Kenntniss des innern Daues von Glomeris marginata (Miiller's Archiv
fur Anat. und PlnjsioL, i 837, p. 322, pi. 12, fig. 2).
(&) Ramdolir, Yerdauungswerk%euge der Insecten, pi. i 5, fig. d .
— Tievii-anus, Op. cit. {Vermischte Schriften, t. II, pi. 8, fig-. 6].
(c) Treviraniis, loc. fit., pi. 5, fig. i.
■ — L. Dufour, Recherches anatomiques sur le Litliobius forlicatiis et le Sculigera lineala {Ann,
des sciences nat., 1824, l" série, t. 11, pi. 5, fig. ■)).
(d) kleni, ibid., pi. 5, fig. i.
(e) Voyez les figures déjà citées.
(f) Treviraniis, loc. cit., pi. 8, fig. 0.
(g) L. Dufour, loc. cit., pi. 5, fig. 4.
(h) i. Millier, Zur Analomie der Scolopeiidra niorsilaiis (Isls, 1829, p. 550, pi. 2, fig. 5).
(i) Treviranus, loc. cit., pi. 5, fig. 4.
■ — L. Dufour, loc. cil., pi. 5, fig. \,
TL'Bt: ALlMENTAlRIi DES MYRIAPODES. 6/i 1
§ ll>. — En résumé, nous voyons donc que la disposition
dominante de l'appareil digestif diffère dans les trois grandes
divisions zoologiques conslitnées par les Animaux inverté-
brés : chez les Zoopbyles, la cavité alimentaire est générale-
ment un sac; chez les Mollusques, elle consiste d'ordinaire en
un tube reployé en forme d'anse, et chez les Annelés elle
affecte le plus souvent la forme d'un tube ouvert aux deux
extrémités du corps. Cliez les premiers, cet appareil ne se
perfectionne que peu, soit comme instrument mécanique destiné
à diviser les aliments, soit comme agent producteur des sucs
digestifs. Chez les seconds, les organes glandulaires proî)res à
élaborer ces sucs acquièrent une puissance très grande, mais
le travail mécanique qui doit favoriser l'action cbimique de ces
liquides est presque ioujours laible et incomplet. Enfin, chez les
derniers, les organes sécateurs destinés à cet usage se multiplient
considérablement, et deviennent souvent très parfaits, mais la
production des liquides, dont le rôle est fondamental pour
Résume.
clicz les Lilhol)ie.s [a], où 'J'rcviiamis
les a prises pour des ain;is de cellules
graisseuses. Chez les Scolopendres,
il y en a deux paires {h). Chez les
Scutigères, leur volume est moins
considérable (c). Chez les Géophiles,
ces organes consistent en deux luhes
très grêles elflexueux, qui sont élargis
vers leur extrémité postérieure et
forment de chaque côté de l'esto»
mac une pelote à laquelle ndhèrc la
partie adjacente des luhes de i\Ial-
pighi [il], ïreviranus a figuré trois
de ces vaisseaux salivaires (e), mais
Ramdohrn'ena représenté que deux,
et l'exactitude de ses observations a
élé constatée par ^\. Burnieisler (/).
On trouve un mode d'organisation
analogue chez les Glomeris (g) ; enfin,
chez les Iules, il existe également
deux de ces tubes qui se réunissent
par leur extrémité postérieure, de
i'açon à constituer une anse [h].
(a) L. Diifour, loc. cit., pi. 5, flg-. t.
(6) Gaedc, Dcitrdge zur Analomie der insekWi (Wiedemann's Zooloyisches Magailn, 1817,
t. I, p. l'Jô, pi. i, tig-. 7).
— • J. Jliillcr, Ziir Anatomle (/ec Scolopoiidi'a inorsilaris (/*/*, 1829, i. XXII, pi. 2, lig. 5),
(f) L. Dufoiir, loc. cit., pi. 5, fig-. i.
(d) Ranulolir, Op. cit., pi. 15, lly. -1.
(€) Ti'cvirniuis, Op. cit., pi. 7, llg. 3.
(/■) Uiu'moisler, Ueber die Respirationsorgaiie voii Iiilus und Lcpisma {Isis, 1834-, p. 130).
(j/i Sieboltl et Slaiiii'ns, Nouveau Manuel d'analomie comparée, t. 1, p. 444.
(/t) BiMiifli, Op rit. (Miillor's Avchir, -1837, p. 323, pi. I-J, li-. 3).
.V. Zil
6/l2 TLBK DIGESTIF DES MYKIAI^ODES.
l'accomplissement de la digestion, reste très iaible, à cause du
peu de développement du système de glandes annexées au tube
alimentaire.
Dans l'embranchement des Vertébrés, dont l'étude doit
maintenant nous occuper, nous verrons l'appareil digestif parti-
ciper à la fois aux caractères que je viens de signaler chez les
Mollusques et les Arthropodaires, mais se perfectionner beau-
coup plus comme puissance chimique, aussi bien que sous le
rapport de son jeu mécanique.
FIN DU TOME CINQLIÈME
TABLE SOMMAIRE DES MATIÈRES
DU TOME CINQUIÈME,
QUARANTE-TROISIÈME LEÇON.
De l'absorption. 1
Preuves de l'existence de cette fa-
culté 1
Opinions des anciens physiolo-
gistes relatives aux vaisseaux
absorbants 8
Preuves de l'absorption par les
veines 8
Expériences de Magendie 9
Preuves de l'absorption par les
vaisseaux lymphatiques 12
Résumé 21
Du mécanisme de l'absorption.. . 22
Perméabilité des tissus organi-
ques après la mort 23
Perméabilité des tissus vivants. . 25
Perméabilité des parois des vais-
seaux sanguins 26
Perméabilité des parois des lym-
phatiques 28
Causes déterminantes de l'ab-
sorption / 29
Influence de l'aspiration thora-
cique sur l'absorption 32
Influence du courant circulatoire . 34
Découverte des phénomènes d'en-
dosmose 37
QUARANTE-QUATRIÈME LEÇON.
Suite de l'histoire de I'absorption. 43
Étude des forces qui intervien-
nent dans la production de ce
phénomène 43
De la capillarilé 43
Notions préliminaires relatives aux
actions capillaires 44
Loi des actions capillaires 63
Influence de la température sur
ces phénomènes 7i
Influence de l'électricité 78
De l'inibibilion 80
Pouvoir absorbant des tissus or-
ganiques^ 82
Influence dé l'élasticité des tissus
sur leur pouvoir absorbant. . . 85
Influence de la nature chimique
des liquides sur les quantités
absorbées 86
Inlluence des actions capillaires
sur la composition chimique
des liquides absorbés 88
Insuffisance des actions capillaires
pour l'établissement des cou-
rants observés dans le phéno-
mène physiologique de l'ab-
sorption 91
Étude des phénomènes osmo-
tiques 92
Notions préliminaires : action des
liquides hétérogènes les uns
sur les autres 93
Cause de la miscibilité des li-
quides 94
Action dissolvante des liquides. . 96
Etat moléculaire des corps en
dissolution. 99
Diffusion des liquides dans d'au-
tres liquides . . 100
Lois de la diffusion 10.'?
Ditrusibiiité inégale de différents
corps 106
Influence de la diffusion sur la
composition chimique des li-
quides 106
Influence des diaphragmes sur la
formation des mélanges 1 09
0/1 /i
TAiSLE SOMMAIUE
De l'osmose 111
Mécanisme de l'endosmose 112
Établissement d'un contre-cou-
rant, ou exosmose par diflu-
siou 114
Résumé relatif à la nature des
phénomènes d'endosmose et
d 'exosmose 119
ittudc des équivalents cndosmo-
tiques 123
Influence de l'étendue de la sur-
face perméable sur la grandeur
des efl'ets osmotiques 128
Différences dans la puissance os-
mogénique des divers corps. . . 1 29
Cause qui détermine la direction
du courant cndosmotique. ... 132
Influence du degré de concentra-
tion des liquides sur l'endos-
mose 136
Influence des modifications pro-
duites dans la pernléabilitédes
cloisons osmotiques par les li-
quides réagissants 140
Différences dans le mode d'action
des deux surfaces d'une même
membrane 144
Influence des liquides préexistants
dans les membranes sur les
phénomènes osmotiques 147
Causes des variations dans le cou-
rant exosmotique 151
Action des membranes sur la
composition chimique des li-
quides qui les traversent 152
Résumé 163
Influence de la température sur
les phénomènes osmotiques.. 163
Influence de Télectricité sur l'en-
dosmose 165
Relations entre l'osmose et cer-
taines réactions chimiques, . . 170
Résumé général 173
QUARANTE-CINQUIÈME LEÇON.
Suite de I l'histoire de I'absoiip-
TION 176
Du rôle de l'endosmose dans l'ab-
sorption physiologique 176
Mécanisme de la résorption de la
sérosité épanchée 177
Mode d'établissement simultané
de l'absorption et de l'exhala-
tion dans un même point 178
Mécanisme de l'absorption des
UlCS MATILK!:S.
matières étrangères à l'orga-
nisme 182
Exemples d'actions osmotiques
dans le corps vivant ; action
des purgatifs 183
Mécanisme de l'absorption des
matières salines 187
De l'absorption élective 188
Etude des circonstances qui in-
fluent sur l'activité de l'ab-
sorption 192
Influence de la nature chimique
des matières à absorber 193
influence de la richesse du sang. 194
Influence du courant circula-
toire 195
Influence de la disposition des
membranes absorbantes 199
Action de l'épiderme 200
Influence des humeurs qui lubri-
fient les surfaces absorbantes. 200
Comparaison de la puissance ab-
sorbante des diverses parties
de l'organisme 201
De l'absorption pulmonaire 201
De l'absorption par la peau 206
De l'absorption par les mem-
branes muqueuses 214
De l'absorption par les mem-
branes séreuses 216
De l'absorption par le tissu con-
jonctif ou cellulaire 216
De l'influence de l'état de réplé-
tiou des vaisseaux sur l'absorp-
tion 217
Influence de l'état des capillaires. 218
Influence de l'action nerveuse . . 219
Influence des propriétés physi-
ques des fluides sur leur ab-
sorption 222
De l'absorption des matières gras-
ses 223
De l'absorption du mercure .... 232
Expériences relatives à l'absorp-
tion de particules solides 234
Résumé relatif à l'absorption
physiologique 243
QUARANTE-SIXIÈME LEÇON.
Dr la digestion 246
Considérations préliminaires. . . . 246
Notions relatives aux aliments. . . 2 48
Phénomènes généraux de la di-
gestion 250
Opinions des anciens physiolo-
TAbLE SOMMAIRE
gisles rclalhcs ù la nature du
travail digestif
Expériences de Héaunmr
Expériences de Stevens
Expériences de Spallanzani
Digestion artificielle
Principe actif du suc gastrique. .
Utilité de l'action d'autres agents
digestifs
Caractères généraux de l'appareil
digestif.
Réservoir alimentaire
Perfectionnement par la division
du travail
Organes producteurs des liquides
digestifs
Appareil biliaire
Appareil salivaire
Appareil pancréatique
Usages des liquides digestifs ac-
cessoires
Utilité de l'existence de plusieurs
réservoirs alimentaires dis-
tincts
Changements déterminés dans la
constitution des aliments par
les sucs digestifs
Peptones
Actions adjuvantes
Division mécnnique des aliments.
Appareil masticateur
Perfectionnement de l'appareil di-
gestif comme instrument d'ab-
sorption
Phlébentérisnie
Résumé des phénomènes de la
digestion
2o0
254
259
260
260
262
263
264
265
269
270
274
274
275
278
280
281
282
282
283
28 i
285
28-
QUARANTE-SEPTIEME LEÇOX.
De l'appareil de la digestion. . . 289
Appareil digestif des Zoophytes. . 289
Cavité digeslive adventive de
quelques Sarcodaires 289
Cavités aquifères etdigestives des
Spongiaires 291
Cavité digcstive des Zoophytes
C(«lentérés 294
Appareil digestif des Hydres et
des Sertulariens 295
Appareil digestif des Médusaires. 301
Appareil digestif des Acalèphes
hydrostatiques 304
Appareil digestif des Coralliaires . 307
Appareil digestif des Échino-
dermes 309
DES M.VTIÈllES. ()[\~)
Holothuries 311
Échinides 31'.
Stellérides 321
QUARANTE-HUITIÈME LEÇON.
De l'appareil digestif des Mala-
cozoaires 327
Appareil digestif des Infusoires
ciliés 327
.\ppareil digestif des Mollusques
de la classe des Bryozoaires.. . 341
Appareil digestif des iMolluscoïdes
de la classe des Tuniciers. . . . 349
Appareil digestif des Molluscoïdes
de la classe des Acéphales. .. . 355
Brachiopodes 356
Lamellibranches 361
Solénocoques 305
Appareil digestif des Mollusques
de la classe des Gastéropodes.. 367
Trompe 369
Armature buccale. 370
Armature gastrique 380
Glandes salivaires 381
.labot 383
Estomac 384
Appendices gastro-hépatiques. . . 385
Mollusques phlébentérés 380^
Foie 393
Glandes accessoires 394
Intestin 395
Anus 395
Appareil digestif des Mollusques
de la classe des Ptéroi)odes. . . 398
Appareil digestif des Mollusques
de la classe des Cé|)halopodes. 403
Organes préhenseurs 403
Lèvres 405
Mâchoires 407
Langue 408
Glandes salivaires 409
Jabot 410
Gésier 411
Appendice pylorique 411
Foie 413
Intestin 413
Résumé 414
QUARANTE-NEUVIÈME LEÇON.
De l'appareil digestif des Vers.. . 415
Caractères généraux 415
Appareil digestif des N'ématoïdes. 416
Anomalies chez les Échinorhyn-
ques 420
6M)
TABLE SOMMAIRE DES MATIÈRES.
Appareil digestif des Géphyriens. 423
A'ppareil digestif des Annélides. . 424
Chétopodes . ; 425
Hirudinées .... 434
Armature buccale des Sangsues. . 436
Mode d'alimentation de ces Ani-
maux 438
Canal digestif 441
Organes glandulaires des Hirudi-
nées 445
Axipareil digestif des Leplozoaires . HI
Trématodes 448
Cestoïdes 452
Planariées 455
Rhabdocéliens 4 59
Némertiens 460
Appareil digestif des Rotateurs. . 465
CINQUANTIÈME LEÇON.
De l'appareil digestif des Ani-
maux articulés. — Armature
buccale 474
Constitution de cet appareil 474
De l'appareil bioccal des Crustacés
masticateurs 476
Pattes-mâchoires des Limules. . . 477
Perfectionnement par la division
. du travail physiologique 479
Appareil buccal des Décapodes. . 481
Appareil buccal des Squilles. . . . 487
Appareil buccal des Édriophthal-
mes, etc 488
Appareil buccal des Cirrhipèdes. 490
Appareil buccal des Crustacés su-
ceurs 492
Appareil buccal des Myriapodes. . 494
Chilopodes 495
Chilognathes 497
Appareil buccal des Insectes. . . . 498
Insectes masticateurs 498
Du labre 501
Des mandibules 503
De la lèvre inférieure 509
Armature pharyngienne 514
Appareil buccal des Insectes lé-
cheurs (Hyménoptères) 518
Appareil buccal des Insectes su-
ceurs S19
Trompe des Lépidoptères 523
Bec des Hémiptères 525
Trompe des Diptères 528
Armature buccale des Apbano-
ptères, etc 535
Appareil buccal des Arachnides. 537
Chez les Scorpions 533
Chez les Galéodes, etc 540
Chez les Araignées 543
Chez les Acariens....! 545
Résumé 549
CINQUANTE ET UNIÈME LEÇON.
Suite (Je l'histoire des organes
digestifs des Animaux arti-
culés 551
Du tube alimentaire et de ses an-
nexes chez les Crustacés 551
Estomac 551
Armature stomacale 553
De l'intestin et de ses dépen-
dances .• 558
Modiûcalions de l'appareil diges-
tif chez les Crustacés infé-
rieurs 560
Appareil hépatique 563
Du tube alimentaire et de ses an-
nexes chez les Arachnides. . . . 568
Chez les Scorpions 568
Chez les Thélyphones et les Ga-
léodes 572
Chez le.^ Aranéides 573
Chez les Faucheurs 579
Chez les Acariens 580
Du tube digestif et de ses annexes
chez les Insectes 58!
Disposition générale de cet appa-
reil chez les Sauterelles 585
De l'œsophage et du jabot chez
les divers Insectes. 586
Du gésier chez les divers In-
sectes. 593
De l'estomac proprement dit, ou
ventricule chylifique chez les
divers Insectes 597
Des appendices de l'estomac. . . . 603
Glandules gastriques 609
De Fintestiu chez les divers In-
sectes 611
Du gros intestin , ou réservoir
stercoral 615
Des annexes glandulaires du tube
digestif 616
Glandes salivaires 617
Tubes malpighiens ( dits vais-
seaux biliaires) 626
Glandes anales 638
Du tube digestif et de ses annexes
chez les Myriapodes 639
Résumé 641
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