LE PARFAIT
CHASSEUR,
POUR V INSTRUCTION
des perfonnes de qualité ou autres qui aiment la
Chafle , pour fe rendre capables de cét exercice
apprendre aux Veneurs Picqueurs, Fauconniers’
Si Valets de Chiens à fervir dans les grands
Equipages.
Il donne avis & enfèigne aux perfonnes de toutes for-
tes de conditions , quels Equipages leur font con-
venables , fuivant la dépenlê qu’ils veulent faire -
ies maniérés de rendre les Pigeonniers & les Ga-
rennes fécondés } les balles Courts remplies de
Volailles avec peu de dépenfe; les Etangs abondans
en poifl'on , & pour empefeher les voleurs de nuit
dans lefdits Etangs & les Garennes.
Il inflruit pareillement des remedes pour la guéri-
fon de toutes les maladies qui arrivent aux
Chiens , des moyens pour leur faire éviter la ra<tea
& de toutes les choies les p us curieulès touchant
cet Exercice de la Cha/Te, dont le Leéicur pourra
faire un très- grand profit.
Par Mr D
A P A R I SF
Chez GiBRiti Qu r n i t , au Palais, à l’entrée
de la Galerie des Prifonniers, à l’Ange Gabriel.
IN C O
M. DC. L XXX III.
■AVEC PRIVILEGE DV ROT,
AUX ILLUSTRES
CHASSE VRS-
2Ÿ E longue expérience ,
MESSIEURS , &
l intelligente parfaite que
vous avez^ acquis de ce
noble Exercice de la Chaffe vous
obligera fans doute d avoiier avec
moi , que comme les chofes de ce
monde ne font recherchées des hom-
mes les plus éclaire ^ , qu autant
qu'elles fervent à leur gloire , a leur
utilité ou leur plaifr 3 on peut dire
qne ce fameux Exercice efi préfé-
rable à tous les autres divertiffe -
mens , puis qu'on y rencontre en
*>i
E P I S T R E.
piefme temps ces trois grands avan-
tages .
l'efpere , MESSIEURS , que
vous ne me refuferetgpas le fecours
que je vous demande pour foùtentr
cette vérité , fuis que nous y fom-
mes également interreffe sg, & que
ce noble Exercice de la chajje
efiant l'objet par le moyen duquel
vous fignalez^ journellement votre
courage & votre adrcjje , la
reconnoifjance vous engage d au-
tant plus à lui rendre cette jujiice,
que vous lui efies redevables de
votre gloire & de votre réputation.
Fortifiez^ donc le parti des Elo-
ges qu'il mérité -, & fout en erg
avec moi que t on a eu raifon
de nommer ce fameux Exercice le
prélude de la Guerre , & l’Ecole
oà fe forment les braves Guerriers
& les Héros -, puis qu'en le pra-
tiquant on acquiert de la force &
de l'adre/fe , & qu'un homme aç-
E P I S T R Ë.
Cotiîums a la C baffe efi incompa-
rablement plus propre a fupporter
les fatigues de la Guerre quun
autre nourri dans la faine antife &
dans la molefe .
Il n efi pas difficile 3
M ESSI EVRS , de perfua -
dcr l utilité de ce noble Exercice y
lequel diffipant les humeurs fuper-
flues conjerve le précieux trefor de
la fante , qui efi le plus grand de
tous les biens 5 & fans lequel on
ne peut trouver aucun autre plaifir
au milieu des honneurs , & dans
le comble des ri chef es 3 puis quil
efi vrai que pour fe bien porter , il
efi neceffaire de faire fucceder tour
a tour le repos au mouvement 5 &
qu un Chajfeur efi moins fujet quun
autre aux maladies 5 puis qu apres
avoir fatigué toute la journée il
mange avec beaucoup plus dl appétit
le Gibier quil a tué, & quil jouit
enfuit e d un tranquille femme iL
a iij
E P I S T R E.
Il efi confiant d'ailleurs qu'on
ne fçauroit ajfez^ efiimer ce glorieux
Exercice de la Chajfe far l'utilité
qu'il avorte de fournir les Villes
de Gibier 3 S" cc’le d'eftre le mo-
tif de la libéralité avec laquelle
les grands Seigneurs attirent che ^
eux les Gentilshommes far la bonne
chere & leurs bonnes tables qui
entretient l'union & la focietè ,
avec leurs voifins 5 on tombera
d'accord que les intelligens &
illufires Chaffeurs comme vous
cfies peuvent tirer un revenu
confiderable dans leurs terres ,
bois & marais au paffage des
Ortolans & des Cailles , par les
tentes à Beccaffes & Par hs Ca-
nardieres.
Après cela , M ESSIEVRS, je
dirai touchant le plaifirde la Chajfe
qu'il l'emporte au deffus de tous les
autres divertiffemens , & qu'il ne
laife rien à defirer , puis que la
E P I S T R E.
veuë fe trouve fatisfaite , confide-
rant les campagnes (fi les déli-
cieux p aï f âge s qu'on parcourt en
peu de temps , le bruit des Cors
qui excite le courage & la fierté
des Chevaux & l' aboyement des
Chiens remplirent l’oreille d'un fon
agréable j & jofie afiurer que l'ef-
prit avec les fiens partage cet agréa-
ble divertijjement , lors quel confi-
ât re les rufes dont fe fert la Bète
que les Chiens pourfuivent pour con-
ferver fa vie qui donnent occafion
d admirer les effets de l' infiinci
qui la guide (fi lui fait imiter la
raifon , qui n'efi refervée qu'à
l'homme.
lugeg', MESSIEURS, fi
on peut s' ennu'ier dans une fi grande
variété de plaifirs innocens que ce
noble Exercice excite. Avouez^ avec
moi qiiil efl ennemi de la mélan-
colie, qu'il fait naître la joye (fi
la liberté de l’ efprit , (fi qu'on ne
E P I S T R E.
le fiauroit affez^ eflimer fi l'on fait
réflexion qu'il s'eft rendu digne de
l'occupation des plus grands Saints
& celle des plus iüuftres Perfon-
nages de l antiquité.
le finis , MESSIEURS, en
vous conjurant de ne confiderer en
ce petit difcours que l'affetlion que
j' 'ay pour la gloire de ce noble Exer-
cice de la Chajfe , dans l’efperance
que vous excuferez^ les fautes que
j'y ay commises , & que vous
agreerez^ la forte patjîon 3 avec la -
quelle je fuis tout à vous.
PREFACE-
E s Auteurs qui ont fait des
Livres de Chafîe, 8c qu'ils
ont amplifié de trop de ma-
tières inutiles % ont fait adés
voir qu’ils ont eu plutôt intention
de divertir & réjouir les Le&eurs ;
que de les inftruire , & qu’ils ont plus
travaillé fur de foibles & de faux
mémoires que par des expériences, puis
qu’ils ont groiïï leurs Traités de plu-
fieurs chofes qui ne regardent ni l'art
ni la fcience de bien ChalTer.
Il n’y a rien de plus aifé que de
paroître fçavant Chafleur par les pa-
roles ; mais il eft très-difficile de l'ê-
tre en eff-t ; & fi les actions de la
ChafTe ne font conduites 8c fecourues
par de longues expériences , ou du
moins par des imprefltons tres-preci-
fes 8c fi claires qu'elles ne laiffent au-
cun doute dans les efprits , ils ne par*
PREFACE.
viennent jamais à une grande per-
fection. Le dire & le faire font fi
éloignés de cet Art , qu’on voit peu
de beaux & grands parleurs y pafler
pour Maîtres.
L'a&ion feule accompagnée de ju-
gement & de retenue fait juger du
fçavoir du bon Chafleur.
Sur ce principe reçu de tous , l’on
peut dire qu'il eft mal aifé de tirer
de bonnes inftruéfcions des Livres de
ChalTes ornés & groflîs de matières
inutiles &c pleins d'omiflïons de cho4
fes neceilaires & eflentielles.
J'en ay remarqué par tout de fi im4
portantes, que cela m’a engagé de
réduire en ce petit Traité ( veu la
beauté & lanob'efie du fujet) toutes
les Chafies neceflaires avec une mé-
thode fi facile pour toutes fortes de
conditions, que ceux qui s’v voudront
occuper trouveront dequoi fe fatis-
faire , foit pour la dépence des équi-
pages , foie pour l’épargne & le mé-
nage qu’on y voudra faire.
Le plaifir de la Chafie a efté de
tout temps fi commun à toutes les
Nations , & à tous les Peuples de la
PREFACE.
terre , & a tellement poiïedé les ef-
prits des hommes, que Ton pourroit
raifonnablement croire que c’eft une
qualité naturelle comme adhérante à
leur propre nature. Son antiquité
femble en eftre la preuve , puis que
les premiers hommes s’y font tou-
jours exercés ; que les plus Grands
s’y font toûjours divertis j que les
Rois mefmes en ont fait leurs plus
familiers plaifirs , & que les plus fau-
vages n’ont point d autre occupa-
tion.
Et pour dire le vrai , quand le pre-
mier Homme fur déchu de la grâce
par fa defobeïflance, au mefme inftant
toutes fortes de joye l’abandonne-
rent, & fa nature fut tellement fou-
rni fe aux incommodités d’une vie la-
bo rieufe , qu’il ne lui refta plus aucune
marque du premier bon- heur où il
avoit été conftitué , que la préémi-
nence de prédomination qui lui avoit
été donnée fur tous les animaux de la
terre ; & femble qu’en ce miferable
état réduit à vivre à la fueur de fou
corps , il falut de neceflité que la
Chafie fut fon unique confolation , 8c
PR EF A CE.
le feul plaifir qu'il pût prendre pour
divertir le temps de fon oyfiveté ,
pour deux rations principales : l'une
pour maintenir cette fuperiorité &
cette domination fur les animaux,
dont il avoit été honoré dans fon
état d’innocence , & Pautre pour fe-
courir fa vie de chercher dequoi s’a-
limenter.
Auffi voyons nous dans les Livrés
fàcrés que les premiers Hommes
étoient Chafieurs, êc leurs fuivans*
comme Samfon qui brûla les bleds
des Philiftins par le fecours des Re-
nards qu’il prenoit , leur attachant des
fhmbleaux ardens à la queue , & les
laifTànt courir à travers de leurs bleds»
Que David alloit à la Charte des
bêtes qui attaquoient les troupeaux
de fon pere , & qu’il chartoit les
Cerfs , puis qu’il a (Pure que ces ani-
maux cherchent Peau quand ils font
fuivis.
Que les enfans d’Ifraël chartoient
dans le defert , & que les anciennes
hiftoires font foi que la Charte étoic
le plaifir des Rois & des Princes , &
qu’en ce fiecie tous les Rois & Po-
PREFACE.
tentats n’ont point de plus familier
divertidement.
Cette confideratiôn jointe à la fanté
que 1 on rencontre dans cet exercice,
de à la joye qu’elle produit qui eft un
prefervatif contre les defordres que la
pareife , le repos & le manque d’exer-
cice caufe dans la fanté, jointe à la ré-
création qu’on y prend Sc toutes les uti-
lités qui en proviennent, m’a engagé
à faire une defeription generale de
toutes les Chaflès qui fe pratiquent, Sc
qu’on peut faire dans toutes les parties
de l’Univers, & la diverfiré des Pais
qui y font contenus, afin que chacun
en particulier puiflTe choifir celles qui
çonviennent le plus à fou âge , à fes
forces Sc à fes commodités, & à l’e-
xercice qui lui peut eftre neceiTaire
pour maintenir la bonne difpofition
de fon tempérament.
Et comme toutes les a étions hu-
maines n’ont pour but que le plaifant,
l'utile & le neceiTaire , ainfi que j’ay
montré ci-devant par de petites Ta-
bles, j’ay crû que cet Ouvrage pour-
toit eftre agréable au public, puis qu’il
contient amplement ces trois chofes.
PREFACE.
Au refte j’invite la jeuneiïè & tous
les grands Seigneurs de Cours Souve-
raines de s’adonner à cet exercice ,
fuivant les foibles inftruétions & ob-
fervations que j’ay faites durant foi-
xante années que j’ay été nourri au-
près d’un grand Roi qui a parfaite-
ment aimé toutes les Chafles , aux-
quelles il a reliffi fi admirablement
bien, les ayant toutes pratiqueés fi
royalement , que lefeul récit d’icelles
caufe de l’admiration à tous ceux
qui en entendent feulement parler.
Enfin, la Chafle , 1 amour & la
guerre font les vrais véhiculés à porter
les efprits genereux à toutes les gran-
des a étions , & les rendre capables
d’en fupporter les travaux.
TABLE
DES CHAPITRES
contenus en ce Livre.
Ch ap, I. T'N E la Chajfe aux Cerfs 3
U page I
Chap. II. De l'Ordre donné quand le
Roy court le Cerf. p .
CHAr. III. Du laijfer courre . p. -j
Chap. IV. Comme il faut parler aux
Chiens. p9
Chap. V. Comme il faut fonner du
_ C°r. p. n
Chap. VI. “De la maniéré de fonner
des anciens. pi ^
Chap. VII. Comme il faut aller au
bois en tout temps , & de la de.
meure des Cerfs. p- 20
Chap. VIII. Tes connoijfances. p.2#
Chap. IX. Des rufes quand ils font
courus. p> 39
Chap. X. Comme il faut requefter les
c"fi- P. +7
TABLE
C HAP. XI. Du naturel des Cerfs & de
leur rut. P- 53
Chap. XII. Des Chiens qu'il faut four
courre le Cerf p. j6
Chap. XIII. Des équipages. p. 61
Chap. XIV. Comme il faut nourrir les
Chiens François. p. é$
Chap. XV. ZV la Chajfe du Chevreuil.
p. 6S
Chap. XVI. De la Chajfe du Loup'.
P- 75
Chap. XVII. De la Chajfe du San -
glier. p. 7 S
Chap. XVIII. De la Chajfe du Re-
nard. p. S 4
Chap. XIX. De la Chajfe du Lievre
aux Chiens cour an s. p. 9 9
Chap. XX. Des rufes du Lievre , tant
a fe gifler qu"a fe fauver. p. 119
Chap. XXI. De la Chajfe des Lévriers.
p. i?4
Chap. XX II. De la Levreterie. p. 159
Chap. XX1I1- Delà Chajfe des Tajfets.
P- >53 » _ .
Chap. XXIV. Te laFauconnene.p.169
Chap. XXV. Q>fl traite de toutes les
Chajfes qu’on peut faire avec les
filets. P* 19 <5
Des
DES CHAPITRES.
Tes Etangs y & de leur conferva -
tion.
Des Garennes .
De leur multiplication & conferva-
tion .
Des Oyfeaux de viviers & canard
diers.
Des Garennes „
Des Pigonniers .
Fin de la Table*
TABLE
Des quatre maniérés differentes
qui fe pratiquent pour toutes
les Chafles.
A force.
IL n’y a que les François , les An-
glois &c les Polonois qui courent
le Gibier à force avec des équipages
de Chiens courans.
Avec Chiens .
Courans.
François.
Anglois.
De race Royale.
Baubis.
Bigles.
Trouveurs.
DES CHASSES.
Pour Cerfs ,
Chevreüils.
Lièvres.
Loups.
Sangliers.1
Renards.
Bievres.
Foynes.
Par François,
Anglois.
Polonois,
Avec Meutes.
Et équipages de Chiens courans , &
de Valets entretenus.
Aux Lévriers .
Il n y a que les Nobles aufqueb
cette Chafîe eft permifê.
H
Pour Lievres.
é ij
table
pour Loups.
Renards.
Sangliers.
Avec Vuautrais.
Qui font compofés.
Par Lévriers d’attache & Meute de
Chiens, & équipages entretenus.
A l'Arquebufe .
Les Aüemans & les Italiens & les
Efpagnols ne font que des Chaffes
meurtrières aux battues, tiiquetracs5 à
larquebufe &: aux filets.
Aux Chiens.
Couchans.
Braques.
Epagneux.
Barbets.
Baflets*
DES CHASSES.
Pour routes fortes d’ O y féaux &
Quadrupèdes, grands & petit:.
Par toute l’Europe , & fur tout par
les Allemans qui ne font que des
Chafles meurtrières.
Au Triquetrac ou battues, àl’afTùft,'
& à routailler.
Aux Filets .
La Chafle aux filets eft plus en ufage
en Allemagne & Italie qu’en aucuns
lieux de l’Europe , c’eft la Chaflè des
Grands en ces lieux.
En France & en Angleterre l’on
chafle plus noblement ; il n’y a que
les roturiers qui chaflent aux filets en
cachette, parce qu’elle eft défendue.
Aux Ailiers.
Panneaux.
Retz.
Bricolles.
Thoiles,
Collets.
Piégés.
Broyons.
JPour La fins.
Lievres.
Perdrix.
Cailles.
Becca fines.'
Fayfans.
Gelinotes.
Oyfeaux de paffage.
Alloüettes.
Perdrix rouges.
Coqs de brieres.
Beccafles.
Bêtes puantes.
Dans les Bois .
Dans les grains*
Aux marais.
DES CHASSES.
Aux tentes l'hyver.
Aux Furets.
Aux amorces pour tous
O y (eaux comme Perdrix.
Plouviers.
Vanneaux, foit aux bois, foi*
en campagne.
Toutes ces Chaflès fê font ordinaire*
ment par des Valets , ou perfonnes
privées par toute l’Europe , mais prin«
cipalement aux pais du Nort.
La Pefche.
Se fait par tout en l’Europe «le
mefme façon , à fçavoir»
En la Mer.
Aux Lacs.
Aux Etangs.
Aux Rivières.
Aux canaux & refervoirs;
Par Sables.
Tremails.
yergueils & Eperviers: '
TABLE
Par Matelots & Pécheurs
d’eau douce.
Par la permiflion en la Mer , &
®ux eaux douces par la permiflion
des Seigneurs fur l'étendue de leurs
Seigneuries.
Des Vicomtes.
Où il y a des Vicomtés établies?
table;
TABLE
GENERALE DES NOMS
de tous les Chiens propres
à la ChaiTe.
Les Chiens courans
C Haffent par la force de l’odorar,
il y en a de plufieurs fortes , à
fçavoir.
Chiens François de trois fortes « à
fçavoir. 9
De race Royale.
De race commune.
De race niellée.
De petite race.
De BafTets.
La race Royale eft pour le Cerf.
La commune eft pour le Chevreîii!5
pour le Loup & pour le Sanglier.
La méfiée pour le Lievre,
a
TABLE
La petite pour le Lievre.
Les BaiTets pour le bois & pour terre?
Chiens Anglais
Sont de race Royale pour Cerfs ;
Daims & Cuevreiiils.
Les Baubis , font pour Lievre , Re-
nards & Sangliers.
Les Bigles, font pour le Lievre.
Les plus petits Bigles , font auflï
pour le Lievre & pour chafler Lapins
fur bois.
Les Lévriers
Sont de quatre fortes, & chaHent
tous de vitelïe & non de 1 odorat.
Les plus nobles, font pour le Lievre.
Les meilleurs pour le Lievre , font
en France, en Angleterre & en Turquie.
Les plus grands font pour courre le
Loup , le Sanglier & le Renard , Sc
toutes groiîès bêtes aux accous.
Les plus grands viennent d’Irlande &
d’Ecoffè.
Les plus furieux font en Scythie
pour garder le beftial.
Il y a en France de grands équipa-
DES CHASSES.
ges , & quantité de ces Chiens entre-
tenus pour courre le Loup , Se mefme
une charge de grand Louvetier.
Il y a encore un grand équipage en-
tretenu pour courre le Sanglier, que
Ton appelle le Vaultrait , avec une
charge pour la commandera
Les petits Lévriers .
H y en a de deux fortes , qui font:
pour courre les Lapins.
Les uns font Angîois , les autres
Efpagnols 5e Portugais.
Les Anglois font de très petite race,
fort beaux & ne courrent que les
Lapins aux garennes.
La Charge de grand Veneur .
En France eft la plus confiderable
de toutes , parce que fon pouvoir
s’étend par tout , Se que lui feul doit
rendre compte au Roy de toutes.
Les Efpagnols & Portuguais font
plus grands 3 ils fe nomment Charnai-
gres5ils chaffent de gueule, ils rident.
Se forcent les Lapins dans les brouf-
failles.
TABLE DES CHASSES,
Les Chiens de l' Arquebufe
Sont appliqués à plufieurs Chaffes.
Les Chiens couchans , font Braques
<|ui arrêtent tout, chaffent de haut
nez , les meilleurs font d’Efpagne.
Les Efpagnols font pour les Oyfeaux,
chaffent le nez bas , & fuivent par le
pied.
Les Griffons
Chaffent le nez haut, arrêtent tout
8c chaffent auffile nez bas * 8c fuivent
par le pied mieux que tous les autres
parles chaleurs, les meilleurs viennent
d’Italie 8c de Piémont.
Les^Barbets frifez 8c à demi-poil
fuivent tous par le pied , chaffent le
nez bas quand le gibier fuit, 8c quand
il demeure chaffent le nez haut 8C
l’arrêtent, ils chaffent fur terre &dans
Peau , leur principale nature eft de
rapporter , ils font rudes au gibier 3
iesfrifés plus que les autres , mais tous
font les plus fideles Chiens du monde*
8c qui ne veulent connoître qu'un Mai-
tre, & ne le jamais perdre de veiië.
I
LE PARFAIT
CHASSEUR.
CHAPITRE PREMIER.
De la -Chajfe du Cerf.
B’Â u t a n T que la ChafTe
du Cerf eft Royale , les
Grands fe la font particu-
lièrement refervée , défen-
dant expreffément à toutes perfonnes
de la faire que par leur permiffion t
& les Rois de France en étoient fi
curieux ., que dans toutes leurs Pro-
vinces ils avoient créés des Charges
de Rechafïëiü s de bêtes fauves , qu’ils
•donnoientà des Gentilshommes vieux
A
i LE PARFAIT
Chaflêurs , avec des gages pour
nourrie chez eux des Chiens cou-
rans , qui ne fervoient que pour re-
pouffer les bêtes écartées aux buif-
fons jufques dans les Forefts -, & les y
ayant rechaffées, ils dévoient rompre
leurs Chiens à l’entrée.
Les Grands étoient fi curieux de
cette chafle , qu’ils fe piquoient d a-
voir à l’anvy les plus beaux équi-
pages Se les meilleurs connoiffeurs ,
prenoient un fingulier plaihr aux
rapports les plus juftes que leur fai-
foient ceux qu’ils envoyoient aux
bois, Se tenoient en grande eftime
parmy eux, ceux-là qui reüfftffoient
le mieux en leurs rapports. Ils leur
faifoient l’honneur de biffer courre
plus Couvent que les autres : ce qui
caufoit entr’eux des jaloufies & des
émulations de fe rendre les plus fça-
vans en cét Art , jufqtfau point de
rendre compte de tout ce qui fe pou-
voit rencontrer dans leurs enceintes ,
lorsqu’ils alloient aux bois. Et vé-
ritablement c’étoit le premier plaihr
que les Grands recevoient en cette
Chaffe, 5c d’examiner les rapports de
CHASSEUR. 5
ceux qui avoient approché le plus
près de la vérité lors qu’on laifloit
courre : Car il eft à remarquer qu’on
ne le faifoit jamais que du Limier j
8c y eut-il vingt bêtes en une encein-
te , 8c qu’elles fulTent forties tou-
tes l’une après l’autre , perfonne
ne difoit mot jufqu’à ce que le Cerf
détourné fût donné par le Veneur
qui en avoir fait fôn rapport. .
Il eft à remarquer que nul ne peut
faire aucun rapport directement au
Rov, qu’étant prefenté par le Grand
Veneur, ou en fon abfence par quel-
que Officier de la Vennerie , qui pre-
fente ceux aufquels les quelles ont
rfté diftribuées pour aller aux bois le
foir auparavant , qui faifant leur rap-
port, doivent ufer toujours du ter-
me de : Je me croy avoir détourné on
un Dagues, ou un jeune Cerf à fa pre~
miere , ou fécondé , ou troifiémc
ou un Cerf de dix corps jeunement * on
un Cerf de dix corps , ou un uieux
Cerf , ou un grand vieuÆ Cerf
Celuy qui fait le rapport doit avoir
levé des fumées, 8c les prefenter. Iî
doit dire s’il y a quelque connoiflance
A ij
W-
LE PARFAIT
au Cerf qu'il a détourné ; s'il a le
pied long, ou rond, courant partons
pais -, parce que ces derniers font de
grande force , Sc fouvent s'en vont
de hautes erres fans prendre de relais,
n'ayant aucunes refuites affe&ées, &
fe fians fur leurs forces. C'eft pour-
quoy quand il fe fait un rapport pa-
reil , les Veneurs &c Piqueurs doivent
toujours prendre le meilleur de leurs
Chevaux, faire leur Meute plus forte
8c donner leurs plus fermes Chiens-
parce qu'il arrive le plus fouvent que
le Cerf fe fait prendre au bout de
tres-îongues refuites fans prendre de
relais. Mais auffi ne doit- on pas
manquer de donner ordre à quelque
relais de fuivre la Chafle autant que
faire fe pourra , pour en cas de quel-
que retour , avoir le temps de donner
des Chiens , & changer de Che-
vaux, s'il fe peut.
Ce qui fe peut faire dans les païs
de buiiTons feparez : mais dans de
grands fonds de Forêts Sc dans de
tres-grandes fuites, c’eft hazard qu’ils
puiftent joindre; neanmoins il ne faut
rien négliger.
CHASSEUR.
5
CHAPITRE I I.
JDe l'ordre qui ejl d,onnè quand lê
Roy veut courre le Cerf.
U and le Roy veut courre le
Cerf , le foir à fon coucher il en
donne Tordre à fon Grand Veneur 5-
qui départ les quelles à ceux qui doi-
vent aller aux bois aux quartiers où
le Roy veut courre.
Le matin les Veneurs vont chacun
à leurs quelles, fuis entreprendre les
uns fur les autres • ce qui fe marque
par des brifées qu’ils jettent : &c là
où ils en rencontrent , ils ne doivent
point palfer outre , 8c doivent retour-
ner dans leurs quelles. Si T un ren-
contre un Cerf qui fort du bois ou
qui rentre dans un autre , en ce ren-
contre il ne faut point que la joloufie
des Veneurs caufe aucun defordre j
& faut qu’ils prennent bien garde que
le Cerf ne foit lancé ou qu’il ait le
vent du trait a de peur qu’il ne s’en
A üj
é LE PARFAIT
aille de hautes erres 3c qu il ne foit
point couru.
Le Grand Veneur doit défendre ces
fortes de jaloufies , 3c qu'en ces
rencontres chacun, au lieu de nuire,
ayde à fon compagnon , 3c tienne
fbn Chien fort court, s'unifiant pour
bien détourner , 3c faire un bon 3c
commun rapport • 3c fur tout de pren-
dre bien garde par ou l'on fe retire,
de peur de contrepied. Et comme il
n’y a rien de trop certain dans ce mé-
tier, principalement dans les grandes
fecherefies , il faut tenir pour maxime
pour bien détourner , que les plus-
courtes enceintes font les meilleures ,
principalement és païs abondans en
bêtes : car dans ces lieux , és grandes
enceintes il y a toujours du defordre
au lancer.
CHASSEUR. 7
îfcfâ?
CHAPITRE III.
Bu laijjer courre ,
Auparavant que de frap-
per aux brifées quand les rap-
ports font faits , on fepare les Chiens
en !a Meute , la vieille Meute, les fix
Chiens, ou plus h l’on veut, & les
relais que l’on envoyé par tout aux
lieux où les refuites des Cerfs font
connues, ,
Eft à remarquer qu’aux Châties ré-
gulières perfonne ne doit porter trom-
pes , ni fonner , ni parler , ni palier les
Piqueurs fans permifïion,
je ne particularité rien des aflem-
blées, parce qu’elles font diverfes ,
félon la volonné des Grands : Mais
il faut dire que c’eft un rendez-vous
marqué , où tous les Veneurs 8e
Chalîeurs fe doivent rendre & duquel
on part , pour faire partir les relais,
8c aller au laifler courre.
(Quand le Veneur à receu l’ordre de
A iüj
8 LE PARFAIT
frapper aux brifées , il prend fon Li-
mier de marche devant toute la trou-
pe droit a fa brifée , de pouflfe fes~
voyes jufqu’au lancer ; puis il fonne
deux ou trois coups de trompe quand
il a lance fan Gerf. Si quelqu'un le
void, il crie ta hiau> de fon donne
les Chiens r ce qui ne fe doit jamais
faire que le Veneur n'ait dreifé les
voyes de fonné », parce que les Cerfs
de dix corps ont ordinairement un
jeune Cerf qui les accompagne, que
l'on appelle l'écuyer de que fi l'on
n’y prend bien garde , le vieux Cerf
détourné en donne le change: C'eft
pourquoy il faut agir avec bien de la
retenue dans le commencement, pour
fuivre le's enfeignemens de cette ma-
xime qui dit , Qu'un Cerf bien donné
aux Chiens ejl a demy pris. Je ne di-
ray point icy de quels termes de de
quels cris il faut ufer pour parler aux
Limiers en frappant aux brifées; ce-
la fe verra dans la fuite, au Chapitre
Du fonner du Cor , & du parler des
Chiens .
CHASSEUR.
9
CHAPITRE IV.
Comme il faut parler aux Chiens
quand ils chaffent .
N Cerf eff donné aux Chiens,
ou du Limier , ou à la troflë
faute de l’avoir détourné. Quand ce-
la arrive il ne faut donner que trois
ou quatre Chiens fages qui ne veu-
lent que du Cerf, 8c leur parler en
ces termes quand ils le rencontrent :
HaCadau ! ha Rombaitt ! qu eft -ce la
donc ! voit là dy. Si les Chiens fe ré-
chauffent.- Ha bellement Mar faut ; beL
lement , que/ï-ce la donc} tout beau],
bellement y tout beau • Et faut fort te-
nir les Chiens en crainte par des tons
de voix hautains qu’ils ayent accoû-
tumé d’entendre -, 8c quand ils lancent
il faut crier , Holà hé , bellement , tout
beau, garde là , tout beau . S’ils con-
tinuent à challër , 8c que ce foit des
Chiens feurs , il faut pouffer fans cha-
leur, criant toujours. Ha tout bed^
10 LE PARFAIT
ment , tout beau , jufques à ce que
Fon ait revû ; 8c quand l’on eft allu-
re 9 il faut fonner deux ou trois tons
de grêle , &: réjoüir les Chiens d’une
voix hautaine , difant • Ha il Ven va
ld> il s'en va la , ha il s'en va la , ha
la ly y U sen va la -y puis il faut do n-
ner tous les Chiens de Meute.
Dans le commencement il faut bien
prendre garde de trop échauffer les
Chiens -y car ils ont déjà de l’ardeur
d’avoir attendu qu’on leur ait donné
la liberté : 8c c’eft dans ce comman-
dement qu’un Cerf de dix cors don-
Be le change de fon écuyer : c’efl
pourquoy avec beaucoup de défiance
11 faut plus écouter que parler.
£T; Quand la Chafie continué, il faut
fonner , comme il fera dit incontinent,
& parler aux Chiens par intervalle,,
baufîant la voix d’un ton clair 8c hau-
tin : Ha s'en va la , s'en va la. ha
s'en va la, il s'en va, Chiens, il s'en va*
S’il arrive quelque retour, & que les
Chiens fe raifent , il faut que le
principal V eneur crie: H ourvary, hour±
vary, hourvary : Et quand ils repren-
nent le retour il faut fonner deux
CHASSEUR. n
tons de grêle , & parler au Chien
qui l’a trouvé le premier , & luy dire:
Ha Gerfaut, il s'en va, il s’en va Ger-
faut , s’en va là , s’en va là. Et quand
il arrive un grand retour , ou un de-
faut , il faut parler l’un après l’autre
à tous les Chiens, en les nommant:
Ha Gerfaut, heurvary, ha Cadaut , ha
%ombaut, ba Marpaut, hourvary. Si
quelqu’un d’eux en reprend , il faut
■s’écrier : Voilà Gerfaut , dy bellement .
S’ils ne difent rien , il faut fouvent
répéter , taille- là . lai lie la, &c reque-
ter tant qu’on redreffe les voyes : &
quand cela arrive il faut rejoüir^ les
Chiens , les nommant l’un apres l’au-
tre, en difant : Ha s’en va là Joü’l-
laut , s'en va là Parant , s’en va là
Renfort.
CHAPITRE V,
Comme il faut former du Cor étant
à la Chajfe.
ENsuxte du parler aux Chiens ,
il faut faire voir comme on doit
fonner du Cor pour ne point brouil-
ler les Chiens , & pour leur donner
la Connoiilânce de ce que l’on defire
d’eux, félon les occurrences qui ar-
rivent en chaflânt ; lefquelles font de
telle importance, que le plus fouvent
1 on manque la bête pourfuivie faute
de ne s’entendre pas ^principalement
dans le change , étonrdiifant les
Chiens par les diverfes maniérés dont
l’on fonne à prefent, contre tout or-
dre & toute raifon,
La Chalfe du Fauve doit avoir un
certain ordre étably,, qu’il n’eft ni
Bien-feant , ny permis d’outre-pafler :
& il eft certain que de cét ordre dé-
pendent les belles & grandes Chalfes ,
defquelles le laiifer courre & les fins.
CHASSEUR. 13
font la plus belle partie , & le Tonner
la principale tant pour les Chiens que
pour les Chafleurs, afin qu’ils s’enten-
dent 5c Te donnent quand ils font o-
bligés de Te feparer dans les gaulis &c
dans les pais fourés , les avis & les
fignals dans le change de la feparation
de leurs Chiens caufés par les paffages
des étangs & des grandes Rivières, au
delà defquels arrivent ordinairement
les grands défauts, &c.
Il faut tenir pour maxime que tous
ChalTenrs doivent connoître la voix de
leurs Chiens & eftre connu d’eux , ce
qui eft fi vray que fi une Meute eft
conduite par d’autres picqueurs qu’à
l’ordinaire qu’elle chafiera mal, & que
dans tous les def-ordres qui arriveront
les nouveaux conduéteurs auront peine
à y remedier quand ils n’entendront
point leur maiftre ni leur fonner ordi-
naire. Et delà fe tire une certitude
qu’une Meute bien drefiee au fonner
dans les vrays termes de l’ordre de la
Chafle ancienne, Sc au parler des Ve-
neurs, qui ont de coutume de la con-
duire eft moins fautive que celles qui
ne les entendent pas. Cela étant vray
i4 LE PARFAIT
il faut donc former en vrays termes
d’anciens challèurs qui étoient plus
réguliers qu’à prefent, & qui dref-
foient toutes leurs meutes & princi-
palement à de certaines élévations de
voix qui faifoient connoître à leurs
Chiens leurs intentions.
Par cette maniéré de dreffer les
meutes il en arrivoit deux grands
avantages , le premier que les Chiens
connoiffoient l’intention des Veneurs.
&c que les Veneurs connoiffoient tou
tes les voix de leurs Chiens , de
forte que foit dans le change , foit
dans les relancés , foit dans les re-
tours par le réchauffement ou le recry
des Chiens, les Veneurs connoilîoien
par la diftin&ion deleur voix fi c’éto',
le change ou fi un Cerf s’affoibliffoi
& étoit proche de fa fin , quand le
vieux Chiens fe réchauffoient & fi
mettoient à la tefte.
L’on ne peut point particularife
quelles doivent eftre ces élévations d
voix ou ces cris , pour fe faire obéi
aux Chiens , parce que chacun le
peut faire à fa mode, ni même parti
cularifer les fourchus 5 mais l’on peii *
afleurer qu’il en faut
de difFerens , les uns qui
en crainte & les autres en amitié ,
qu’en plein change ils fe
fcrvir utilement des uns &
très , & qu’en ce temps
toûjours en défiance , celui qui
mande la chafle donne fes ordres
tous les Veneurs qui l’accompagnent
de bien remarquer les voix des Chiens
qui fe recrient , & fi ce font vieux ou
jeunes Chiens , & d’obferver foigneu-
fement les lieux de leur fepatation
quand elle arrive , foit à quelque ar-
bre, carrefours, grands chemins, tailles
ou gaulri , aufquels lieux il fera jette
des brifées. Et cependant en au-
tant de parties que fe fepareront les
Chiens , que chacun des Veneurs fe
mette à la quetie jufques à la pre-
mière revûe fans fonner que quelque
coup d appel à long-temps , pour don-
ner avis feulement &fans le redoubler,
6c le premier qui aura connoiffance du
droit, doit fonner du
ies autres doivent romp
qu’ils fuivent , Sc le venir
Si c’eft dans de
*6- LE PARFAIT
Forêts qu’on Chalïe il faut tenir les
Chiens le plus preft Sc leplusjufteque
1’ on pourra , afin de remédier plus
promptemet aux défordres. Si c’eft
dans des huilions , il faut prendre de
grands devant» Si c’eft dans des étangs
il fa t prendre vîtement le devant
fans s’arrefter de peur que le Cerf ne
fe forlonge. Si c’eft au pafîage de
quelque grand’ Ri viere& qu’un Cerf
y ait la tête tournée, il faut prompte-
ment chercher les guays & les bat-
teaux, & le premier des Veneurs qui
peut réjoindre les premiers Chiens
palfés doit toujours fonner pour fe
faire entendre, ôc doit bien remarquer
le lieu où il réjoint les Chiens , parce
qu’ordinairemenr le Cerf après avoir
pafle uneRivierefait fes plus grandes
rufes , & quand on n’a point remar-
qué juftement le lieu où l’on a réjoint
les Chiens , on ne fçait ni le lieu de la
rufe , ni du rétour quand il s’en fait,
ni de la fuite qui eft ordinairement
dans quelque chemin. Surcefujet je
dïray que j’ay veu des Cerfs paffer &
repalfer une Riviere deux fois , puis
.aller & revenir le long d’un chemin
CHASSEUR. 17
qui étoit au long , puis après fe j-etter
dansla même Riviere & fe laifler aller
au fil de l’eau plus d’une grande demie
lieue , de s’aller rebiffer dans une peti-
te Ifle couverte de quelques buiirons
au milieu de la Riviere , que les Chai-
feurs jugent fi cette rufe fie peut dé-
mêler fans l’avoir veüe.
CHAPIRRE VI.
De la maniéré de fonner des
anciens Chajfeurs #
A maniéré des anciens Chafleurs
portoient des Cors lefquels
fe faifoient entendre de plus de deux
grandes lieues , fonnoient leur quête
de trois tons longs, le lai lier courre
de cinq ou fix tons de grefie apres que
le Veneur qui avoir lai if é courre en
avoit fonné trois de grefie , de quand
c’étoit a vue. tous les Chafleurs auf-
quels il étoit permis de fonner fon-
noient cinq ou fix tons de grefie , de
quand les Chiens chaflbient, chaque
B
iS LE PARFAIT
Veneur fonnoit du fimple ton delà
trompe chacun différemment quelques
ions redoublés pourfe faire diftinguer
quand ils faifoient chaffer les Chiens,
fans jamais Tonner du grefle qu’à
\elie. S’il arrivoit un défaut, le plus
prochain picqueur du lieu où les
Chiens démeuroient , fonnoit deux
tons longs du fon naturel du cor &
peu fouvent réitéré. Au fécond dé-
faut l’on fonnoit trois tons fort lents,
ainfi des autres; l’appel fe fonnoit
d’un feul ton fort lent Sc fort long
du fon naturel de la trompe. Un fé-
cond appel fe fonnoit d’un petit re-
tour de grefle fort lent. Quand on
avoir perdu la Chaffe pour le faire
connoître on fonnoit deux tons fort
brefs , aufquels étoit répondu de
même.
Quand il arrivoit de très grands
défauts ôc qu’il étoit befoin de fe ré-
joindre tous pour conférer, l’on fon-
noit de trois tons redoublés & fort vî-
tes pour faire voir qu’il falloit prom-
ptement fe réjoindre. Et quand on
’vouloit rallier tous les Chiens fepa-
sés:5 l’on fonnoit d’un ton de grefle
CHASSEUR. if
tout fimp'le. Et au relancer d’un Cerf
fur fes fins , l’on fonnoit tous enfem-
ble du grefle , ce qui ne fe faifbit ja .
mais autrement -, car perfonne ne fon-
noit du grefle à veiie que celuy qui
voyoit le Cerf. Et ainfi durant tout
l’intervalle du temps delà Chafle en
attandant fonner, l’on fçavoit en quel
état elle étoit , & l’on ne fonnoit ja-
mais de fanfares qu’à la mort du Cerf.
Tellement que. l’on peut dire que les
inventeurs des trompes dont on fe fert
à prefent font caufe de la rupture d’un
fi bel ordre qui étoit obfervé dans la
.chafle du Cerf, & qu’ils font plûtoft
offices de Trompettes que de Chaf-
feurs , & par ce moyen ont introduit
une licence de fonner plûtoft à la ma-
niéré des Maiftres du Pont neuf que
d’obferver les vieilles régies fi juftes
& fi convenables à la dignité de la
Chafle du Cerf, qui avoit été établie
d’ancienneté parles plus grands & les
?plus parfaits Chafleurs du monde ,
ainfi que le témoigne même de fon
jtemps le Seigneur de Foüilloux.
ao LE PARFAIT
CHAPITRE VIL
Comme il faut aller au bois tous les,
temps de l3 année y des demeures
des Cerfs y des Limiers .
IL y a deux forces de Limiers 5 les
uns pour le matin , les autres pour
le haut du jour. Ceux qui doivent
fervir pour le matin font ordinaire-
ment des Barbets ou Chiens courans
de tout pélage. Les plus fecrets font
les Barbets demi-poil Anglois qui ne
craignent point Tefgail du matin*
Ceux du haut du jour (ont ordinaire-
ment blancs gadroiiillés de taches noi-
res , jaunes ou fauves , Chiens de haut
nez, qui vont mieux requérir une Bête
après midy que le matin à caufe de
l'efgail qu'ils craignent , 8c que les
voyes font réchauffées du Soleil. Les
Limiers fe rendent toujours meilleurs
par l'exercice 8c par les curées ; 8c
^"acquièrent une habitude de ne von-
CHASSEUR. 21
loir rien que du Cerf par le foin des
Veneurs.
Quand le Veneur va le matin au
bois, fi fon Chien eft fecret ii luydois
parler peu en ces termes , après valet,
apres bellement , puis s’il peut recon-
noître de quoy fon Chien fe rabat, &
que ce foit quelque méchante Bête,
il le doit retirer , le tenir court de le
menacer : fi c’eft d’une bonne Bête,
il lui lâche le trait davantage de lui
dit , après valet y après , vayla , fi fon
Chien bande à plein trait , il le re-
tient un peu , de lui dit deux ou trois
fois vayla dy vayla. Lors fi le Chien
continue de bander à plein trait, il le
bu fie pouffer ces voyes-là , prenant
toujours garde ce que e’eft, tant qu’il
récounoiüe autant que faire fe peut
qu’elle eft cette Bête, foit au marcher
écarté , foit aux connoiflances de fur
tout au rembûcher. Car fi elle en fait
plufieurs de à bon vent, c’eft a (Tu ré-
ment un Cerf de dix corps. Enfuite
les devant pris de l’enceinte arrêtée
difant toujours de temps en temps à
fon Chien, tout coy , tout coy7 Gerfaut ,
tout coy . Et s’il fe rencontrent plu*»
ii LE PARFAIT
fieurs Bêtes dans fon enceinte , s’il a
connoiffance d’une qui foit plus Cerf,
il faut qu’il tâche de le détourner ,
puis après qu’il prenne bien garde par
où il fe retire , &c jette des brifées
par tout de crainte que quelqu’autre
ne le broüille & ne lance fon Cerf.
Si fon Chien n’eft pas fecret, il faut
qu’il le tienne fort court, que fouvenr
il le menace, lui difant, T ont coy , Tout
coy , & ne luy donnant du trait que
médiocrement. Et quand il vient à
fiapper aux brifées èc que fon Chien
en veut bien, il faut qu’il le réchauffe
& le tienne court, difant Fayla dy
Fayla, alors il le doit bi ffer pouffer la
voye fans luy donner trop de trait
allant au pas, en difant toujours, après
Falet , après. Et quand il rencontre
des branches tournées ou des fumées,
ou quelque marque qui luy donne
connoiffance de fon Cerf , il lui doit
dire , Vau le ce Ve fl , après tu dis vrayy
Fan le ce Veflytu dis vray , par les fu-
mées par les portées. Et continuant
ainfi lui donnant e plein trait^ il doit
le réjouir en lui parlant plus ardam-
ment , &c le tenant court quelquefois
CHASSEUR. 2|
pour le carelfer , & jufqu’à ce qu’il
ait lancé , toujours le réjouir de plus
en plus d’une voix claire & hautaine
chacun à fa manière..
Comme il faut aller au bois tous
les temps de l'année.
Premièrement en Hiver il faut
partir de grand matin & aller au
plus profond des Forêts chercher les
abris des vents froids en quelques co-
taux expofés au midy parce que les
Bêtes font en hardes cherchant tou-
jours les abris.
En ce lieu faut remarquer que tous
les Cerfs de pareil âge fe raffemblent
en forte que les Daguets fe mettent
avec les Daguets , les jeunes Cerfs
avec leurs femblâbles ? les Cerfs de
dix cors jeûneraient, les Cerfs de d x
cors tout de même avec leurs fembla-
bles , & ne fe feparënt point qu'au
printemps pour prendre buiffons &
faire leurs rêtes , fait qu'ils foîent en-
fermés dans les parcs ou enlïbetté.
JLes Cerfs mettent tous les ans^bas.
24 le PARFAIT
& l^ur bois tombe par de gros vers
blancs qui leur rongent la racine dans
la tête. Ils font adherans à icelle ,
& quand le bois eft tombé , de ce
meme ver il s'engendre une grofle
maffe de chair qui s'appelle le revenu,
puis petit à petit la tête s'allonge , les
meules fe forment, 3c la tête devient
à perfection couverte d'une peau que
les Cerfs frottent contre des arbres,
ce qui s'appelle frayer, 3c l'on connoit
la hauteur des Cerfs à la hauteur de
ces lieux où ils ont frayé. Et quand
toute cette peau eft tombée, ils brunif-
fent leur bois dans des terres noires ou
roufleâtres ou dans les Charbonnières.
A la mi- May ils ont la moitié de
leur tefte plutoft ou plus tard félon que
les climats font chauds , ou que les
Cerfs font plus jeunes ou plus vieux.
Les plus vieux les premiers , les plus
jeunes après . Et quand ils mettent bas
tous , ils enterrent leur bois en telle
forte qu'on les trouve rarement. Au-
trefois du temps pafte les Roys don-
noient quelque reconnoiftance 3c de
l'argent aux Veneurs qui trouvoient
les pemlers.
CHASSEUR. t5
' Quand les Cerfs font leur tête ,
s’il y a quelque buifion épais dans
quelque eotau , le long d’un ruifleau ,
à laccul d’une Forêts où il y a des
friches & un terroir ièc, ils ne man-
quent jamais de choifir ce lieu pour
fcuilTons. Et quand ils ont été courus
très ordinairement ils prennent deux
huilions y l’un au bout de la Forée
l’autre à l’autre.
Secondement, au Printemps, il ne
faut point partir fi matin à caufe du
refiiiy , & que les bêtes font de-
bout, & un peu plus tardives à remet-
tre dans la repofée dans des tailles de
quatre à cinq ans , où elles choifilfent
quelques clairières pour fe reifuyer
au Soleil , de Fégail du matin dont
elles étoienr moüillées , 2c quand on
va trop matin au bois en cette faifon
Fon eft fujet à lancer, ou du moins à
donner le vent du trait -aux Cerfs les
plus courables qui font bien plus dé.
fians que les autres.
En Eté & en Automne pour aller au
bois, il faut partir au jour. Si les Fo-
rêts font fort grandes , les demeures
felon les faifons en font différentes-
C
X6 LE PARFAIT
car l’Hyver les bêtes habitent les lieux
les plus' épais. Au Printemps les vieux
Cerfs fe recèlent , & font tres-diffici-
les à détourner s’ils ont été courus ,
& font leurs nuits dans de tres-petites
efpaces fe montrant peu. Et^ à caufe
de la défeéfcuofité de leurs têtes , ils
deviennent très craintifs & font leur
demeure dans des lieux fort éloignés
des chemins, defquels ils changent &
fortent , pour aller au deuxième buif-
fon choifi comme il eft dit , de quatre
ou cinq jours l’un , & ne vont boire
qu’en vingt quatre heures une fois.
L’Eté quand ils commencent à allon-
ger , frayer & brunir , ils deviennent
plus hardis, quittent leurs bu lTons ,
& fe jettent dans les tailles de quatre
ou cinq ans , & alors font plus ailes a
détourner, auffi bien que dans l'Au-
tomne, parce qu’ils font toujours fur
pied à caufe du rut.
Il faut obferver quand il fait fort
fec & fort mauvais revoir , quand on
va au bois en pais inconnu, pour faire
un rapport plus alfuré , il faut le jour
de devant aller aux buiflôns dans les
«unes tailles , & vihter .exa&eraent
CHASSEUR. i7
les chepés de bois ou les bêtes pren-
nent leur viandis du bois le plus ten-
dre , & fi on eh remarque entr autres
quelqu’une feparée , où il n’y aye que
les petits bouts broutés délicatement
& fans grandes froidures, l’on peut ju-
ger que c’eft d’un Cerf : car il viande
toujours prefque feparément des au-
tres , & ne prend que les petits bouts
des bois les plus tendres , au lieu que
les Biches & autres mêmes bêtes ,
brouttent gourmandement & bnfenc
toute la fepée.
Le lendemain s’il va au bois , &
que l’on trouve une bête feparée , &
qui marche un peu à côté des autres ,
ou qu’elle fa (Te quelque faux rembuf-
chement à bon vent . ou qu’elle ba-
lance à droit ou à gauche devant de
rentrer , l’on peut faire rapport alîiiré-
ment que c’eft un Cei£
Et quant aux grands, pais de Forêts
qui font bordés de marais , l’on peut
tenir pour certain que les Cerfs qui
ont été courus prennent plutôt leurs
repofées dans les hautes herbes & ro-
feaux que dans la Fotêr , fi c’eft en
Eté dans les chaleurs.
C ij
zS LE PARFAIT
44 c*a î*® ï-tfs p«a ?*aeitô w c*f*â*ta :*re î|W
CHAPITRE VIII.
Des GmnoéJJances.
IL y a plufieurs Connoiffances qui
font diftinguer les Cerfs des autres
bêtes qui feroient difficiles toutes à
être d’écrites.. Les principales -font par
les portées , par les fumées , par les
allures, par les foullées , par les fuites,
parla maniéré que marchent les Cerfs ,
ne marchant jamais dans la pifte «des
autres, mais toujours a cote s quand
il fe méjuge , ce qui arrive aux vieux
Cerfs pour avoir fait des efforts dans
leurs courfes , ou pour avoir été blef-
fes , ou pour avoir les nerfs plus roi-
des que les jeunes Cerfs qui mettent
toujours le pied de derrière dans ce-
lui de devant , pour avoir les pieds de
derrière fort petits, ce qui arrive ordi-
nairement aux vieux Cerfs, pour avoir
le talon du pied de devant fort large,
les os fort gros & bas affis , appuyant
fort 8c faifant une grande impreffion ,
les côtés du pied ronds & ulez, au
CHASSEUR. 19
lieu que les jeunes Cerfs les ont tren-
chans par le viandis & la maniéré de
le prendre , foit dans les tailles , foit
dans les gagnages par les rembufche-
mens balancés, qu’un vieux Cerf fait
toujours à bon vent , par la multipli-
cité des faux rembufchemens balan-
çant à droit & à gauche pour éven-
ter , avant que de faire les vrays, Sc
plufieurs autres que ceux qui vont au
bois remarquent tous les jours, & y
apprennent quelque chofe de nouveau:
car c’eft un métier fi difficile , qu’il y
a toujours à apprendre, & auquel on
n’eft jamais maître. Les plus affinées
connoiffimces font les premières énon-
cées en ce Chapitre , 8c les demeures,
fi un Chaffeur veut fça voir cet Art,
qu’il aille foUvent au bois avec de
bons Valets de limier , il en appren*
dra plus que dans tous les livres.
30 LE PARFAIT
De la force des Cerfs y & que U
font la nature des terrains qui
leur donne plus de vigueur.
CEux qui ont écrit de la Chafte
du Cerf en faifant rénumeration
des Fotêcs de France , pour rendre
tuile une digreflïon fi ample qui fait
un tiers du Livre , devroient avoir
diftingué leurs fîtuations & leurs ter-
rains , afin de faire connoître la force
& la vigueur des Cerfs qui y font
nourris, ce qui eft une tres-neceflaire
obfervation , parce que c’eft une des
chofes la plus confiderable , dont doit
erre inftruit un Chaffeur pour fe pré-
munir & prendre fes mefures con-
tre les rufes que font ces animaux,
qui font dautant plus grandes qu’ils
ont plus de force pour les executer.
Et à la vérité Ton peut dire que cet
inutile Catalogne de toutes les Forêts
& bluffons, fans dire la nature des
terrains &r des herbes qui y croiffent,
eft plutôt pour divertir le Le&eui,
que pour l’ijxftruire daucune chofo
CHASSEUR. 3t
qui lui puilTe fervir..
Pour moi qui ai couru le Cerf en
beaucoup de Provinces en France, je
ne nommerai point les Forets ou j ai
trouvé les Cerfs plus vigoureux , mais
je dirai les raifons des caufes les plus
eiFentielles que j’ai remarquées dans
tous les difFerens terrains qui don-
nent beaucoup plus de forces aux uns
qu’aux autres , & qui en font une no-
table diftinéfcion.
Il faut donc fçavoir que félon les
terrains les Cerfs ont plus de force ,
aufli bien que les Chevaux qui pren-
nent une nourriture grofliere ou feiche,
qui les rend ou vigoureux ou lâches,
& même leur change entièrement la
taille ; qu’il en eft de même des Cerfs
qui font nourris dans les lieux pier-
reux, fecs & montagneux , ils font in-
comparablement plus vigoureux que
ceux qui font nourris en pais bas 8c
aquatiques , & qui ne font pas beau-
coup inquiétés , & qui font plus à leur
aife. La nature des herbes y contri-
bue aufli extrêmement , principale-
ment quand elles fécondent leur tem-
pérament plein de chaleur, comme les
C iiij
3* LE PARFAIT
bruyers 8c autres. Les races des Cerfs
y font auflï quelque choie, & contri-
buent à leur vigueur. Je ferai voirpar
des exemples des ChalTes extraordi-
naires que j'ai obfervées, où la force
des Cerfs s’eft fait paroîcre incompa-
rablement plus grande qu'en tous les
lieux où le terrain 8c la nourriture étoit
diÜembîable , comme par exemple en
Picardie auprès d’Amiens où les ter-
rains des Forées 8c huilions font fecs*,
8c où les Cerfs viandent des bleds
Sarrafins prefque tout le long de l'hy-
ver, l’on ne court point de Cerf en ces
païs qui ne durent cinq 8c fix heures ,
8c qui ne mefurent les huilions de fix
ou fept lieues de païs , qui ne faflent
de très longues fuites , témoin celui de
la Chafle du jour de S. Hubert faite
par le Gouverneur de la Province avec
tous les Seigneurs du païs , qui fut
fe faire prendre dans le Pats-bas.
Les mêmes fuites arrivent dans la
Forêt d’Àrdelot en Bourbonnois , où
les moindres courfes durent fix heures,
& le plus fouvent les Cerfs fe per^
dent dans la Mer & dedans la Forêt
de Creci proche Abbeville , les Cerfe
CHASSEUR. 33
ne fe prennent jamais qu’en lailïant
courre de grand matin, fans quoi ils
demeurent les maîtres par la nuit qui
arrive, ôc s’ils ne font relayés fort
apropos & fouvent , il ne s’y en prend
point du tout. Toutes les forces font
en païs fecs Ôc pierreux ; mais pour
en montrer la force extraordinaire des
Cerfs, que les Chailturs me permet-
tent de leur raconter une Chaflfe ou
}’aiété,qui fait voir une force extraor-
dinaire aux bêtes fauves de ces lieux.
Monfeigneur le Duc d’Angoulefme
Comte de Ponthieu avoir fa meute
proche d’Abbeville. Ses veneurs lui
firent rapport d’un Cerf qui portoit
vingt-deux malfemées , mais qui étoit
toujours fur pied ôc qu’ils ne pou-
voient détourner. Il me témoigna d’a-
voir paillon de courre ce Cerf , je
luydis qu’il falloir aller coucher fur le
païs , afin d’être matineux au laifler
courre, il le fift ôc fut à Novion, dans
les Bois duquel Bourg ce Cerf étoit,
je fus au Bois, c’étoit à la fin de Juin
que les Cerfs avoient frayé ôc bruni ;
&priay le Seigneur Duc d’être à che-
val de bon matin , parce que le Cerf
34 LE PARFAIT
s’en alloit toujours de hautes erres &
ne fe laiffoit point détourner j il mon-
ta à cheval & n’attendit pas le rap-
port, je fus fi heureux que je trouvay
mon Cerf à l’aide des Gardes de Bois
qui lavoient vû fouvent , jamais je
ne le pu arrêter dans une enceinte Sc
le trouvois toujours pafie , je fis par-
tir un des Gardes pour donner avis
qu’on amenoit les Chiens , ce qui fur
fait ; je pouflay les voyes fans plus
prendre d’enceinte tant qu’on fuft à
moi , & fis donner les Chiens qui
l’allerent très- bien requérir , mais ce
fut à l’un des bouts de la Forêt où il
avoit déjà percé , les relais furent en-
voyez par toutes les refuites & furent
donnez apropos , ce Cerf mefura deux
fois tonte la Forêt d’un bout à l’autre,
qui eft de plus de deux lieues de long,
8c quand il veid que c’étoir tout de
bon , i! fort de la Forêt, paflè la Ri-
vière d’Anthie , donne dans tous les
Bois, de Riviere, d’Ecltife , perce tout
le païs, Sc s'en va au bout qui eft vers
le Boulonnois , ou il fut relancé dans
un bois proche du Village ; là il de-
meura à fe défendre de telle forte qu’il
CHASSEUR. 35
bleiïa un des Picqueurs , en abbatic un
aurre , & porta fon cheval par terre ,
de fefoit un fi grand defordre dans les
Chiens, que nous fumes contrains de
mettre pied à terre plufieurs , ôc de
l’attaquer de toutes parts à la faveur
des arbres qui étoient dans la taille ,
de fi c’eût été en lieu tout à fait cou-
vert , il y en euft eu plufieurs qui euf-
fent couru rifque de la vie , enfin il
fût porté par terre , c’étoit le plus
grand corfage de la plus belle tête de
Cerf qu’on puilTe voir. Elle étoitcou*.
ronnée , il portoit vingt- deux malfe-
més ftu un menin plus gros que le
bras , les andoüilleres dans les meu-
les, les rayeures enfoncées, & la tête
la plus ouverte que j’aye jamais veuë,
il étoit venu de ces Forêts & de ces
païs de la Forêt d’Àrdelot faire fa
tête dans les Bois de Novion , Mon-
feigneurle Duc d’Ângoulefme dit qu’il
n’avoit jamais rien veu , ni un Cerf
plus vigoureux , ni une plus beHetëte,
ni une plus grande courfe que celle-là,
qui dura plus de fept heures, il fe
void peu de Forêts où les les Cerfs
ayent de femblables forces.
3<5 LE PARFAIT
Quant au Cerfs qui font nourris ai ix
bruyères, & qui ont des eauës pour
fe rafrefchir fouvent j il faut avouer
qu’ils font tous plusrigoureux que les
autres de quelque terrain que ce fait *
comme font les Cerfs de Brie, ils font
bruns, grands , allongés plus que tous
les autres, & ne durent jamais moins
de fix heures , ôc il y en a d’imprena-
bles entr ‘autres, tantàcaufe des Etangs
que de leurs forces.
J’en ay vù un être couru trois jours
de foire par trois équipages diffèrens
de Mefleigneurs d’Augoulefme , de
Sôuveray & de Mets qui étoient tous
à Gros-bois. Il fut lailfé courre en
Brie , l’aiTembiée étant au Mont Tetis,
& fut couru la première journée juf-
qu’à la nuit * ayant mefuré tous les
buiifons & Forets de Brie, & revenu
à la^nuit dans le lieu où il avoir été
lancé, il fut brifé la tête couverte,
le lendemain ces Meilèigneurs volu*
rent voir par curiofité , ce que devien*
droit ce Cerf le fécond jour, & re-
folurent de le courre avec un autre
équipage & d’autres chevaux ; il fut
attaqué le lendemain matin où il avoit
CH A S S E U R. 37
été briféy il fat tres-bien donné aux
Chiens , il recommença à reprendre
tout le chemin quïl avoir fait le jour
de devant , il mefura cous: les mêmes
lieux , de revint à la nuit dans le lieu
où il avoir été lancé de fut encore
brifé la tête couverte , tous; ces Mef-
fieurs le foir ne fçavoient que dire- ni
du Vivier, Artonge Des-prés de tousles
autres vieux ChaflTcurs crurent tous
que cétoit un forcier , enfin ils dirent
qu’il y avoir encore un équipage qui
n’avoit point couru, qui écoit celui de
Monfeigneur d’Angoulefme , & qu’il
falloir voir ce qui arriveroit de cela.
Le lendemain dés la pointe du jour ils
allèrent frapper aux brifées , ils lan-
cèrent le Cerf encore A cinq cens pas
delà , de le coururent encore fix grandes
heures , au bout defquelles ils le pri-
rent fec comme bois , mourant plutôt
de faim que pris de force , car s’ileuft
eu le loifir de viander , ils ne l*au-
roient jamais pris , & tous demeurè-
rent d’accord que fi ce Cerf euftrcouru
fur une ligne , il fuft allé à plus de
foixante lieues delà.
Il ne faut point davantage dexem-
38 LE PARFAIT
pies pour montrer la force des Cerfs
félon les terrains où ils font nourris ,
en voila a (Tés , je me contenterai feu-
lement d’aflurer que j’ai tres-foigneu-
fement remarqué que les Cerfs nour-
ris en païs fecs , où il y a eu quelques
lieux des herbages rafrefchiflàns où ils
fe vont rafrefchir qu’il n’y en a point
qui aient plus de force, principalement
quand étans courus ils rencontrent
fouvent des eauc?s pour fe rafrefchir,
comme dans la Forêt d’Eu , & dans
les Forets d’Aumale & Dorgnel pro-
che les unes des autres, où les Cerfs
font nourris dans les païs de coftaux,
au bas defquels il y a des valées d’her-
bes douces ,& des eaues claires de
fontaine les plus belles du monde.
En tous les lieux pareils que tous les
Picqueurs s'apprêtent de faire de très
longues refuites , & prennent leurs
meilleurs chevaux , faffent leurs meut-
tes plus fortes , & falîent provifion de
bons dés-jeuners , parce qu’ils font
a (Titre z de ne pas retourner a leurs
gifles que par de tres-longues retrai-
tes no&urnes.
CHASSEUR.
39
CHAPITRE IX.
Des rufes des Cerfs quand ils
font courus.
LEs premières rufes des Cerfs,
quand ils font donnés aux Chiens,
c’eft de bailler le change du jeune
Cerf qui les accompagne en faifànt
trois ou quatre grands faults toujours
à vau-vent , & puis fe mettre fur le
ventre dans une groffe fpée à côté de
la voye au delTous du vent & ne point
branler , les jeunes Cerfs leurs Ef-
cuyers percent tout droit dans la clai-
rière. Les Chiens n’ayant encore au.
cune connoiffmce de celui qui eft re-
laiffé poulTent la voye droit après le
jeune Cerf , & le vieux qui ne branle
point laifle pafler tous les Chiens le
plus fouvent contre lui qui n’en ont
aucune connoiffmce , parce qu’il eft
au deffous du vent, & tous les Pic-1
queurs qui fuivent le chemin le plus
ouvert pour fuivre leurs Chiens vont
fans avoir connoiffmce de la bête re-
biffée,,
4o LE PARFAIT
Pour connoître quand on a eu le
Change au lancer dudit Efcuyer , Ton
s’en apperçoit quand le Cerf drdfe
& fait une grande randonnée tour
droit fans balancer ni fans aucun re-
tour. Alors les Veneurs mettent l’ceilà
terre pourvoir fi c’eft leur Cerf dé-
tourné : & j’ai oiii dire à plufieurs"*
vieux connoifleurs qu’ils ont vu rom-
pre les ^Chiens qui fuivoient ce jeune
Cerf, & les ramener au premier lieu
qu’ils avoient foigneufement remar-
qué à peu prés où ce change s’étoit
donné .» & qu’ils "avoient lancé le
vieux Cerf détourné, qu’ils l’avoient
couru & pris.
La fécondé rufe dont fie fervent les
vieux Cerfs , font de grands retours
dans des chemins ferrés proche des
'Rivières par des rentrées & des for-
ties , par des relaifiemens au bout de
leurs grands retours fur le bord d’un
chemin , où les-Chiens fentans la voye
double la poulïent plus vigoureufe-
juent. Et tous les Picqueurs les fui-
* Defprés , du Vivier, Carbignac } jârîonge.
Saut Ravis ,
van I
CHASSEUR. 4r
va-nt le Cerf relailfé recourne fur tou-
tes les voyes foulées des Picqueurs 8c
des Chiens , en telle forte qu’ils ne
peuvent plus avoir connoiflance des
nouvelles voyes que le Cerf a impri-
mées par fon retour fur toutes celles
defdits chiens & des chevaux.
Une autre rufe dont ufent les Cerfs
eft en païs deaux & étangs , & d’ea
paffer plufieurs pour fe forlonger , 8c
auflï de fe faire battre par tous les
rofeaux & lieux bourbeux où les
Chiens ne peuvent eftre fecourus des
Piqueurs.
Une autre encore eft de donner dans
des gros Villages , dans des Bourgs ou
Fauxbourgs de Villes où il yadeseaues
dormantes 8c des rivières , dans lef-
quelles ils pailènt pour étourdis , 1 a
Meurte au brui; des mâtins pour don-
ner des difficultés aux Picqueurs de la*
fiiivre, 8c faire perdre du temps , pen-
dant lequel il cache fa fuite par dedans
les rofeaux des étangs* & du fil de la
riviere auquel il (elailfe aller quelque-
fois plus d’une lieuéy& en fort par quel*
que chemin qui le conduit tout à l’autre
bout delà Forêt toujours par des lieux-
D
4Z LE PARFAIT
couverts le plus qu’il peut , & aupara-
vant que d’y entrer il fait plusieurs
rufes & plufieurs tours avant que d'y
rentrer , & n’y rentre que par des
chemins les plus fecs & les plus ferrés,
& ainfi par ce forlongement ilfe fau-
ve avant que les Picqueurs puiflent
avoir le temps de deméler toutes ces
rufes & que la nuit vient.
Une autre rufe fe fait par les Cerfs
qui font dans les Forêts le long de la
Mer, comme eft la Forêt d’Ardelot
en Boulonnois. Quand ils font don-
nés aux Chiens ils mefurent la Forêt
êTun bout à Pâture fort vice pour fe
forlonger , puis ils fe jettent dans la
Mer & fe perdent de veuc , Sc nageant
trois ou quatre lieues ils vont rentrer
tout à l’autre bout de la Forêt par les
lieux les plus couverts , & ôtent la
Connoiflance de leur voye aux Chauf-
feurs , Sc fe fauvent, la nuit arrivant ;
Et s*y en prend peu fi les Veneurs ne
feparent leurs Chiens , qu’une partie
Coure à droit & l’autre à gauche , Sc
aille très- vîte prendre le devant, Sc
qu’une troifiéme partie ne demeure
au milieu cachée dans le bord du Bois
CHASSEUR. 43
pour voir le Cerf qui revient fouvent
de la pleine Mer , en laquelle ayant
pied il ne montre que le bout du nez
pour refpirer , 8c n’entendant plus de
ibruit revient en ladite Forêt , 8c fe
relaiflfe dans le premier buiflbn , n’en
partant jamais qu’un chien ne lui faute
fur le cimier. Et les Cerfs de cette
Forêt ont la rufe quand le matin on
les détourne , s’ils ont tant foit peu le
vent du trait , de partir 8c s'en aller
droit à la Mer , & marchent long-
temps dans l’eau , puis en fortent droit
à la Forêt en quelque endroit le plus
touffu, 8c fe relaiffent dans le premier
builfon pour ôter toute connoillànce
de fa pifte.
Tous les Cerfs qui ont été courus
dans les Forêts voifines des Etangs fe
fervent de la même rufe de marcher
dans les eauës quand le matin , qu’on
les détourne , ils ont le moindre vent
du trait , car ils partent de leurs re-
pofées , 8c s'en vont de hautes erres
mefurant toutes les eauës, & s'y ca-
chent le plus f mvent fur quelque aloppe
ou motte de terre couverte de ro»
eaux.
D ij
44 LE PARFAIT
Je n’ài pu m’empécher de racontes
une hiftoire d’une ChalTe qui a été
faite du temps du feu Roi Louis XIII.
d’heureufe mémoire. Ses Veneurs lui
avoient rapporté qu’il y avoir un Cerf
à la tête bigearre ayant un côté d’i-
celle élevé haut comme les autres , Sa
l’autre tout baifTé. Il fie appeller Car-
bignac qui étoit le plus habile de fa
Venerie , & lui dit qu’il eût bien vou-
lu voir courre ce Cerf à la tête bi-
gearre j & fç avoir comment cet acci-.
dent lui étoit arrivé. Ledit Carbignac
ayant eu ordre d’aller au Bois & le
détourner s’il pouvoir le rencontrer
il fut le lendemain au Bois & eut con-
noiiTance de ce Cerf par le moyen des
portées » & de ce qu’il tournoit les
branches en haut d’un coté & en bas
de l’autre. Il en fit le rapport au Roi
qui donna ordre qu’on le courreroit le
lendemain. Toute la Cour s’y trouva
par curiofiré pour voir par quelle bi-
gearre avanture cette tête s’éroit ren-
contrée ainfi : le lendemain il fut de;
grand matin au Bois, Sc fut fi heureux
de détourner ce Cerf. A la vérité
l’enceinte fe trouva fort grande. Le
C H A S S E U R.
Roi fat placé en lieu pour voir ce
Cerf, & défendit à tous de ne point
porter de cors à la chafle qu’à ceux à
qui il étoit permis de fonner [car il
faut être averti que nul ne pouvoit
fonner que ceux aulquels on avoir
donné l’ordre, lefquels même ne pou-
voient fonner que dans les vieux tons,
des anciens Chaflfeurs, & qu'auflï on
ne donnoit jamais un Cerf aux chiens,
que du limier] Carbignac frappe aux
brifées , & trouve que ce Cerf a voit
tant rufé 8c fait tant de repofées , que
de la même enceinte il mit fur pied
quatre grand Cerfs de dix 5 cors qui
tous quatre paflferent Tun après Pau-,
tre pardevant le Roi , il étoit déjà
tard, 8c plufieurs de la Cour s'impatien-
taient de ne point courre ces Cerfs*.
Le Roi cependant eur toute la pa-
tience de voir fi on donneroit ce
Cerf*. Enfin le lit Cerf ne partit ja-
mais que le limier ne lui fautaft fur
le cimier. Carbignac le vit to it à fon
aife , 8c, forma rrois tons de fon cor ,
8c le Roi le vit piffYr devant lui. La
Meutte fut donnée très à propos , le
Cerf fut couru prés de quatre heurea
4<s LE PARFAIT
& fut porté par terre , n’ayant fait
.que rufer par mille retours , de forte
que le Roi veid toute cette Chaflè.
Ce Cerf ayant battu peu de çaïs.
L’on vifita fa tête du côté qu’elle étoit
fcaiïe, & tous les connoiffeurs firent
entendre au Roi que c'étoit un coup
,-d’harquebufe qu’il avoir eu proche
d’une des meules dans le marrain 8c
dans le temps que fon bois étoit en-
coremol , qui lui aveit abailfé ce côté
de tête, lequel fe reprenant petit à petit
s’étoit renoiié & demeura en cet
état.
Cette Chafle fait remarquer trois
chofes , la première, qu’on ne don-
noit un Cerf que du limier.
La fécondé , que l’on ne fonnoit
du cor qu’à la mode ancienne &C
fort reguîierement.
La troifiéme , c’eft que perfonne ne
parloir à la Chaffe du Cerf que ceux
qui en avoient la permiflîon, & qu’on
me chalfoit point à la bilbaude, tout le
monde s’en mêlant comme on fait à
prefent. Il y a un Chapitre en ce Livre
qui montre comme on fonnoit ancien-
nement fort reguîierement.
CHASSEUR. 47
Comme il faut requefier un Cerf
quand on efi en defaut, où
qu'il efi forlongé , où qu'il efi
qu u ejt forlonge , ou qu il efi
failly far la nuit , & qu on veut
le recourre le lendemain.
Es défauts qui arrivent dans la
JL»/ Chafle du Cerf peuvent venir de
plufieurs caüfes, entre lefqueUes il y
en a trois principales qui font Couvent
manquer le Cerf , qui font par le
change , par le paflàge des étangs &
rivières , & enfuite par le forlonge-
ment. Et parlant generalement des dé-
fauts, tous procèdent de la négligence
des Chaflèurs qui agiflênt faiblement ,
& qui n’ont point affés de vigilance
pour bien remarquer les lieux de la
réparation de leurs chiens dans le-chan-
ge , & quiconque chadè {ans a&ion
&c grande défiance dans tous les lieux
où ils peuvent trouver du change ,
a écoutant pas tres-attentivement leurs
4$ LE PARFAIT
chiens au lieu de Tonner 8c de le^r
parler tombent dans des défauts irré-
médiables , principalement l’Eté par les
grandes chaleurs , 8c dans les pais Tecs
accompagnés de plufieurs buiffons.
Pour remedièr au des-ordre qui ar-
rive du change, chaque Picqueur doit
accompagner les Meutes qui Te Tepa-
rent , & faut qu’il Tonne 8c parle peu
aux chiens, jufqu’à cequel’un d’iceux
ait connu le droit. Alors comme il eft
dit en la maniéré ancienne de Tonner,
il doit appeller tous les autres , 8c que
chacund’eux rompe & les vienne re-
joindre. -
LaTecondecauTedes grands défauts eft
le paffàge des Etangs 8c Rivières. Pour
y remedier il faut diligemment pren-
dre les grands devans, & fi les Etangs
font fort couverts de grandes herbes
8c de rofèaux, il faut Te mettre dans
les bancaux , & pouffer dans tous les
lieux où le Cerf Te peut cacher, pour
voir s’il n’y eft point relaiffe, pendant
que les autres prennent les devans
tout à lenteur.
La troifiéme eau Te d’où procédé îe
fprlongement vient le plus fouvent
d’un
CHASSEUR. 49
d’un relais mal donné , parce que
quand il eit donné en rêce il ne man-
que jamais de prendre le contre-pied ,
Si tous les chiens , quand c’eft dans
un fort , fe brouillent de telle forte
que les Picqueurs n’y connoiffèntpref.
que plus rien , & ont des peines ex-
trêmes à faire reprendre le train à la
Meute , pendant lequel temps le Cerf
a tout le loifir de fe fotlonger , & de
chercher les lieux les plus commodes
pour exercer fes rufes , & fi cela ar-
rive en un temps chaud & fcc , c’eft
un Cerf failli. Quand ces des-ordres
arrivent il n’y a point d’autre remede
que la vigilance, & l’a&ion diligente
des V eneurs.
Les défauts du change font tres-fre-
quens & tres-fâcheux dans les Parcs
fermés ou dans les Forêts confervées
par la quantité des bêtes qui y font,';
de façon qu’un Cerf de la Meute eft
prefque toujours accompagné. Les
remedes les plus prompts font de fui.
vre les ordres que doit donner celui
qui gouverne la Chaflè , lequel doit
avoir prevû ces accidens , & doit
avoir commandé à tous les Picqueurs
5o LE PARFAIT;
d’être tres-vigilans & aétifs a fair^
chacun leur devoir. ^
Il relie à donner les remedes à un
Cerf failli par le forlongt ment quand
la nuit arrive. ,
Quand un Cerf fe forlonge , c eft
qu’il a fait quelque grande rufe ou
qu’il a donné le change , ou pafle
tant d’eaux qu’on n’a pu avoir allés
de temps pour dernéler fes des ordres.
A cela fi ce forlongement eft dans les
plaines campagnes, il faut- avoir re-
cours aux grands devans avec limiers
pour le haut du jour qui doivent fui-
vre la ChalTe , le Valet étant à cheval
&c amr fi bien qu’on lui puilTe mettre
la rite couverte fi la nuit arrive. U
faut brifer là 3c aller coucher aux plus
prochains lieux, ramaflànt le plus de
chiens que l’on pourra , & le lende-
main dés la pointe du jour, aller hap-
per aux brifées & redrelfer les vieilles
Voves tant qu’on en trouve de nouvel-
les avec le limier , & faire fuivre tous
les chiens couplés. . . , ,
Si cVft un Cerf rufe & qui ait etc
couru, la nuit il ne manquera pas de
s’en retourner en Ion pais par un au-
CHASSEUR. 51
çrc chemin , (pecialement quand les
nuits font longues , auquel cas il faut
abréger par les grands devans, & voie
fi les chiens couplés ne voudroient
pas de ces voyes-là ; s'ils en veulent
il ne faut que pouflèr en avant, s’ils
n en veulent pas , faut pouflèr avec le
limier tant qu’on lui mette la tête à
couvert.
Si la nuit arrive dans un grand
fond de Forêt , il faut brifer à quel-*
que fort , puis fe retirer aux lieux
prochains , comme il eft dit , puis re-
venir au matin frapper aux brifées, fi
le limier en veut bien , il faut un pe«
dreflerfes voyes, puis prendre les de-
vans , comme quand on va aux Bois t
8c continuer tant qu on ne le trou**
ve point paffe , puis le donner aux
chiens qu’on a fait fuivre tout cou-
plés quand on le pourra lancer.
Quant aux vieilles Meutes , relais
premier, fécond, les fix chiens & le
dernier , il faut par un exprès com-
mandement défendre à ceux qui les
donnent , de ne les donner jamais en
tete ni a cote quand le Cerf s’en va
vauvent , comme il fait fouvent pour
5i LE PARFAIT
mieux oüir les chiens qui le chaiïènt :
car comme le vent porte les voyes
au nez des chiens , ils ne manquent
point d’y entrer & prennent facile-
ment le contrepied , & l’on ne doit
encore jamais donner aucuns chiens
que la Meute ne foitpaffée: car fil’on
donne des chiens frais pour abréger ,
l’on fait perdre cœur à ceux de la Meute
qui ne fentent plus que des voyes fur-
marchées , ce qui les oblige à barrer
pour gagner le devant des autres , & à
celer les voyes par jaloufies fans crier
de peur d’être encore prévenus , ce
qui fait devenir tous les meilleurs
chiens vicieux.
CHASSEUR.
53
CHAPITRE XI.
Du naturel des Cerfs & de
leur rut.
LE Cerf eft d’un temperameiit
chaud & fec , d’un naturel le plus
violent 8c le plus colere qu’aucun
animal , dans le temps de ion rut,, 8c
fon defir de génération } 8c ce qui en
fait la preuve , c’eft qu’on a trouvé
plufieurs fois dans le temps du rut des
Cerfs qui fe battoient fi violemment,
que leurs têtes demeuroient croifées &
embarafiees l’une dans l’autre, de telle
forte qu’ils demeuroient pris fans
qu’on les pût jamais ièparer : ils de-
viennent fi furieux dans le temps du
rut aux Forêts où ils abondent, qu’il y
a beaucoup de danger la nuit d’y
paflèr, parce qu’ils attaquent les hom-
mes & les chevaux , & les portent par
terre ; le temps commence à la fin
du mois d’Aouft , & dure tout le mois
de Septembre. Les vieux Cerfs y don-
E iij
54 LE PARFAIT
lient les premiers , puis après les jeu-
nes & les daguets 3 & n’en forcent
qu’au mois d’Oéfcobre, puis vontpren-
dre la pointe des bruyères pour fe re-
faire, après cela toutes les bêtes fe
mettent en bardes , l’Hyver appro-
chant * c’eft à dire les vieux Cerfs en-
lèmble, les jeunes Cerfs à leurs fèm-
blables, & tous les daguets de même.
Les lieux où les Cerfs fe joignent
avec les Biches font infe&és d’une
lenteur fi forte que huit jours après
Todorat en eft encore frappé.
Quand les Biches font leurs Faons,
elles choifilfent des huilions particu-
liers les plus fourrés qu’elles peuvent 9
Zc l’animal qu’elles jettent foit mâle
ou femelle s’appelle Faon, toute cette
année là. La deuxième année les ma- i
les s’appellent Daguets. La troifiéme
année ils font dits Cerfs à leur pre- 1
miere tête, & ont trois ans : à qua-
tre ans ils font dits Cerfs à la fécondé
ou troifiéme tête , après fucceffive-
ment ils font dits Cerfs de dix cors
jeunement, puis l’année après ils font !
dits Cerfs de dix cors 3 8c en fuite ils font
dits grands vieux Cerfs. Ce font des
CHASSEUR.. î5
animaux tres-rufés qui éventent de
loin , & qui font extrêmement deffians
plus ils vieilli fflnt.
Leur âge fe connoît à l’ouverture de
leur tête à la grofleur du marrain ,
aux meules , a la profondeur des rayes
dudit marrain , aux andoiiilliers finies
le plus prés des meules, à la quantité
des chevilles , fpecialement au haut
de leur têce qui font les unes couron-
nées & les autres à ramures &c«
Tous les ans les Cerfs jettent leuts
bois, comme il eft dit : ils mettent bas
en Avril plutôt ou plus tard félon
leur âge , les plus vieux les premiers *
ils ont à mi Mai la moitié de leur tête
pouflee , & alongée tout entièrement
en Juin s en Juillet ils frayent & bru-
niflent ; enfuite ils donnent au rut.'
Dans le temps qu’ils mettent bas ils fe
recèlent, comme il eft dit dans des
buiflbns , & deviennent craintifs n’a*
yant plus de défences. Ceux qui ont
été courus prennent deux buiflbns aux
extrémités des Forêts, comme il eft
dit, & paffènt de l’un à l’autre toutes
les femaines fe recelant en de tres-
petits efpaces de terre & demeura
LE PARFAIT
Les Biches font tres-amoureufes de
leurs Faons & ne les perdent point de
vue. Le naturel des Cerfs fe connoîc
mieux par fes rufes quand il eft chaflfé
que par toute autre chofe. Les lieux où
ils fe couchent s'appellent répofées.
CHAPITRE XII.
'Qui montre de quels chiens il fe
faut fervir pour courre le Cerf
comme il les faut nourrir & éle-
ver.} & comme fe doivent main-
tenir les équipages.
LEs grands chiens doivent faire
les grandes ChalTes. Il y a de trois
fortes de chiens courans en France ,
auffibien qu’en Angleterre. Les chiens
pour Cerf font de la plus grande ra-
ce que l’on appeiloit anciennement
Royale. Leur naturel étoit de chafïèr
le Cerf * & de garder le change dés
la fécondé ou rroifiéme fois qu’ils
chafloient, mais depuis que les races
CHASSEUR. J7
Angloifes fe font confondues evec les
Françoifes Ton n’y connoïc plus rien >
& ces belles races de chiens antiques
fe font évanouies , & de ces mélan-
ges de races il n’eft refté que la cu-
riofité du pelage ; Et l*on a choifii
pour courre le Cerf les chiens blancs
les plus grands que Ton peut trouver
de race meflée, parce qu’on a remar-
qué que de ce poil ils font de plus
haut nez , gardent mieux le change ,
font plus fermes & tiennent mieux dans
les chaleurs que les autres. Les An-
glois font de même que les François
& ne fe fervent que des plus grands
chiens blancs qu’ils ont pour courre
le Cerf. On les nomme des chiens du
Nort : ils font très- vîtes dans les plai-
nes & crient peu , parce qu’ils font
meflés avec des lévriers qui naturelle-
ment rident.
Les Anglois ont outre cela de trois
fortes de chiens , les plus grands & les
plus beaux font dits de race Royale,
& font blancs marquetés de noir. Us
gardent fort bien le change, 8c font
dreflfés de telle forte , qu'ils chafTent
tous enfemble fans ofer fe jetter à l’c-
58 LE PARFAIT
cart de peur du châtiment , que les
Valets de chiens Anglois [ qui font
très rudes] leur donnentavec les gran-
des gaules qu’ils portent exprès.
les féconds font appelles Beaubis *
aufquels ils coupent prefque a tous la
queue , comme à des braques. Ce
font des chiens plus bas de terre , &
plus longs que les autres, fort épais,
dégorgé effroyable , & qui heurtent
fur la voye , 6c qu*on n’en peut faire
fortir qu’avec peine , parce que natu-
rellement ils le nez dur , 6c qu’ils
reprennentdiffiulement la voye quand
ils en font forcis.
Ce font chiens qui aiment naturel-
lement à chafTer les bêtes puantes *
comme Renards 6c Sangliers , 6c font
la plufpart comme barbets à demi poil,
& s attachent tellement à la voye de
quelque bête qu’on leurpmffe donner,
qu’ils ne la" quittent point , & que
plus ils lachafïènt, plus ils ont de cha-
leur &de vitefle pour la pouffer about.
Les derniers font appellés Bigles ,
dont il y en a de deux fortes, de grands
& de petits. Toutes les deux font ex-
cellentes pour courre le lievre dans les
plaines.
CHASSEUR.
Tontes ces races de chiens font
confondues avec les Françoifes, &
ce mélange fait que les chiens Fran-
çois font plus fages que leur naturel ne
porte , 3c qu’ils chaflent beaucoup
plus plaifamment que les naturels An-
glois , fefervant eux mè nes, foitdans
les plaines .» foie dans le fort , au lieu
que les Anglois vont trop vite dans
les plaines , & trop- peu dans les Fo-
rêts , parce qu’ils veulent trop s’atta-
. cher à la voye & qu’ils veulent tout
faire. Nous particulariferons de quels
chiens il fe faut fervir en toutes Chaf-
fes quand nous en traiterons , & di-
rons defquels il fe faut fervir en cha-
cune.
Quant à la maniéré dont il faut fai-
re couvrir les liceSjélever leurs chiens,
& les mettre dedans nous allons l’ex-
pliquer.
Les Anglois obfervent plus régu-
lièrement ce qu’il faut faire pour avoir
de bons chiens courans , 3c pour en
avoir quantité , car ils gardent des
liffes exprès qui ne vont jamais à la
charte, de toutes les meilleures races
qu’ils ayent pour leur fervir de lififes
6o LE PARFAIT
portières , lefquelles ils laiiïènt libres
dans leurs baflès-cours, comme mitai-
nes qui n’avortent jamais & qui leur
font tous les ans deux portées , dont
ils n’en gardent jamais plus de fîx de
chaque portée : fi bien qu’ils font état
qu’il n’y a point de leur lifles qui ne
leur donne tous les ans* l’un portant
l’autre , une douzaine de chiens, &
comme ils abondent en laittages , &
que leur lifles font toûjours en liberté*
ils les nourriflent mieux que tous au-
tres* & pouffent leurs petits chiens
jufques à l’âge de cinq mois qu’ils ont
fait leur gueule à force de lait, en telle
forte qu’ils deviennent beaux , grands
& forts , & (ont plus prêts à chafler
à un an que les autres à dix-huit mois,
& ainfi font-ils de toute autre race de
chiens.
CHASSEUR.
61
CHAPITRE XIII..
Des équipages.
QYuant à la maniéré d’entre-
tenir des équipages & de parler
de la propriété des chenils , comme
cela dépend tout à fait de 1 afFeétion
qu’ont les Maîtres à la Chaflè * &
que cela dépend de l’adrellè des gens
qu’ils emploient , il feroit inutile d’en
parler. Mais il fe peut dire que fi les
chiens ne font penfés & tenus pro-
prement , il en arrive toujours deux
accidens fort grands & fâcheux , qui
font la galle & la rage ; le premier,
faute d’avoir de bonnes cheminées
dans les chenils , & y faire grand feu
au retour des Chaflès , principalement
en temps humide pour feicher les
chiens & les delalfer du travail qu’ils
ont fait. Et l’autre qui eft la rage, ne
leur donnant pas tres-fouvent de l’eau
fraîche , ne les rafréchiflant pas de
bon laie quand ils ont fait de grands
êt LE PARFAIT
efforts, & ne les purgeant pas quand
ils ont eu fouvent de trop grandes
curées.
I! faut tenir pour maxime qu’on ré-
chauffé bien plus facilement les chiens
quand il fait froid , que l’on ne les
rafiêchit quand il fait chaud. Ceft
fîourqnoi il faut prendre garde comme
es chenils font expofés : car il n’y a
cier de fi périlleux que d’en tourner
les portes & les ouvertures du côté du
Midi , dont la chaleur donne toûjours
la rage ; & tant que faire fe peut il
les faut expofer au Soleil Levant, par-
ce que fi peu de chaleur que le Soleil
donne à fon lever fuffit pour diflïper
tout le mauvais air & les mauvaifes
Lenteurs qui font ordinairement dans
les chenils.
Il ne faut auflî négliger une tres-
exséle vifite des grains dont on nour-
rit les chiens , lefquels font quelque*
fois trop échauffés par l’épaiffeur qu’oa
en met dans le grenier , qui les fait
(en tir la remeugle , des mauvaifes Len-
teurs & de la pourriture , n e ne des
eaués puantes dont on fan fouvent le
pain par la falleté des Boulangers, ce
CHASSEVR. 63
qui donne au commencement de pe-
tites maladies aux chiens ôc des de-
goûts. Mais dans la continuation , de
grandes maladies , des cours de ven-
tre > ôc enfin la rage à laquelle abou-
tiflent tous les maux Et faut que les
Valets de chiens avoüent qu’une feule
fournée de pain mal cuite rend toute
la Meute malade une (emaine entière ,
& principalement les chiens les plus
voraces ôc qui mangent ordinairement
le mieux.
Il y a deux faifons de Tannée auf.
quelles il faut donner plus de foin au
maintien d’une Meute pour la garen-
tir de toutes les maladies qui régnent
en ces deux faifons , Tune au Prin-
temps , l’autre en Automne.
En celle du Printemps * parce que
le Soleil renouvelle , que le Soleil re-.
monte ôc donne vigueur à toutes cho-
fes , ôc qu’en ce temps les animaux
font en leur plus grande force ÔC
principalement les Cerfs , ôc qu’aux
Chcififes qui fe font en Avril les chiens
font plus d\ fforts en une , qu’en plu-
fienrs en tons les temps de l’année.
G’eft pourquoi il faut purger les chiens.
64 LE PARFAIT
les faigner, les penfer, & les tenir
plus nets qu’en toute autre faifon , 8c
leur donner une meilleure nourriture
ayant foin de ceux qui font maigres ,
& par confequent en état d’être plus
fufceptibles des maux qu'ils peuvent
communiquer à tous les autres , leur
donner de la fouppe , & les* remettre
en état.
Et quant à l’Automne qui rend tous
les corps des animaux plus debiles &
plus lâches , c’eft en cette faifon quii
en faut avoir un foin particulier.
Quand on en a grand foin & qu'on
tient les chiens proprement, on ne
voit gueres de Meutes attaquées d'au-
cunes maladies generales qui les rui-
nent. Et ce ne font jamais que les
grands excès des curées trop frequen-
tes 8c de grands efforts que fait une
Meute qui leur caufent la rage de
glai , grande rage qui infeéte l’air
des chenils & qui fe communique.
La première fe guérit , fi elle arrive
au Printemps par des remedes rafré-
chiffans . La fécondé qui n’eft que par-
ticulière fe guérit par faignées, & par
des purgations de fené, La troifiéme
fe
CHASSEUR. é5
guérit par des bains falés ou par Je
baigner des chiens dans la Mer, 8c en
feparant tous les chiens les uns des
autres le plus promptement que faire
fe pourra. V oyés les remedes à la fin
du Livre.
*£#*#*?
CHAPITRE XIV.
Comme il faut nourrir les chiens
François -pour les rendre plus
obeïffans & plus figes.
SI les François imitoient les An-
glois qui font nourrir tous leurs
jeunes chiens enfemble , & dés l'âge
de nx mois les mènent à la campagne
pour leur apprendre à être obeïlTans,
ne leur permettant pas que jamais ils
.e leparent les uns des autres : Ils au-
roient des chiens fages & obeïlTans
qui chaueroient toujours erffemble.
Lar les chiens François ont des qua-
lités plus relevées qne les Anglois
n ont pas. Ils ont les voix plus hau-
taines, chaffent plus gayemer.t*, le
F
66 LE PARFAIT
balay haut , tournent mieux, & re-
queftent mieux incomparablement ,
rentrent mieux dans la voye , trou-
vent mieux les retours, & fe font plus
entendre de deux lieues qu'une Meute
«Angloik ne feroit d’un quart de lieue,
parce qu’ils chafTent le nez haut , à
}>ius d’un pied de terre , au lieu que
es Ànglois chaflent le nez bas , ôc
d’une voix étouffée contre terre pren-
nent la voye , dans laquelle ils
ont peine de rentrer ayans les nez
durs , & étant fouvent obligés de le-
ver la tête pour faire leur hurlemens ,
chafïant de mauvaife grâce la queue
baffe ôc trainante comme des Renards
fans aucun mouvement. Mais cous ces
avantages des chiens François s’éva-
noüiffent par la mauvaife nourriture
qu’on leur donne , les faifant tous
nourrir feparément les uns par des La-
boureurs, les autres par des Bouchers
en plein libertinage jufques à un an ou
quinze mois, pendant lequel temps ils
aquerent des qualités fi vicieufes, qu’a-
vant que d’entrer aux chenils ils font
incorrigibles , & que 1 obeïlïance ôc
a crainte ne peuvent plus rien fur leurs
CHASSEUR. 67
vicieufes habitudes , & que ce n’eft
qu’à force de coups qu’on les peut
réduire, encore n’en peut- on pas ve-
nir àbour. Si bien qu’une Meute ne
devient fage qu’à force de vieillir.
Quand une Meute eft attaquée de
la rage, il faut virement feparer tous
les chiens, ôc leur donner à tous de
l’orvietan ou du theriaque de Venife*
Il les faut baigner tous en eau falée,
ou les mener à la Mer. Il les faut pur-
ger de Séné , que l’on fait infufer dans
du lait chaud. Les chiens qui le pren-
nent à peine, il leur faut donner dans
de la fouppe claire, ou dans le petit
lait, ou dans le lait battu. Il faut brû-
ler dans les lieux ou ils font force ge-
nièvre, force coupaux de fapin , & y
brûler beaucoup de vinaigre fur des
pelles de fer toutes rouges. Quand
ils font bien purgés il leur faut
donner de la foupe faite avec des têtes
de veau pour les rafraifehir , & met-
tre dans cette foupe force chicorée ,
laittuës & toutes herbes rafrailchif-
fantes , & fur tout que le Soleil de
Midi ne donne point dans le chenil.
Quand il y a des chiens plus triftes que
F i)
a LE PARFAIT
les autres , cTun regard plus fombre 8c
plus obfcur , Il les faut purger davan-
tage que les autres, & n’importe pas
qu’ils maigrirent, pourveu que le mau-
vais air foit purgé , on les remet allés
en chair, il n’y a que la vigilance des
Valets qui puifle remettre une Meute
en état quand elle eft attaquée , de
pourveu qu’ils pratiquent ce qui eft
dit , le mal ne fera pas grand : les
frequentes curées ruinent prefque tou-
tes les Meutes,
CHAPITRE XV.
De U Chajje du Chevreuil .
CEtte Ch i (Te eft difficile à caufe
des grands retours que font ces
animaux. Il faut pour la bien faire ,
des chiens François vigoureux , qui fe !
fervent d’eux- mêmes de qui requeftent
bien , les chiens gris aiment tous le
Chevreüil j de quand ils ont couru
trois ou quatre Chafles , ils fedreflent
Sc prennent f habitude de retourner
CHASSEUR. 69
quand ils Tentent les voyes doubles.
Les chiens pour cette ChalTe doivent
être d'entreprifè , parce que les Che-
vreüils durent du moins cinq heures ,
& fur leurs fins ils prennent les plai-
nes 8c les côtaux comme les Lievres ,
& Te font battre dans les jardinages
des plus gros Villages , où le plus
fouvent on les manque à caufe du
bruit des mâtins qui écourdifient les
chiens , puis Te relaifient dans quel-
que greffe haye comme feroit un Lie*
vre , & demeurent faillis , ou bien par
une autre rufe ils enfilent quelque au-
tre chemin, n’appuyans que des pinces,
& les chiens étourdis ne parchaffent
plus par tous les bruits 8c des-ordres
que leur ont caufé lefdits maftins , ils
fe forlongent 8c Te perdent ; pour à
quoi remedier il faut prendre de très-
grands devans 8c de très grands tours
par derrière, pour voir s’il n’y a point
quelque buiffon ou haye pour les
xequefter , dans lefquels fouvent
après que la Chaffe eft des-efperée,
plus de deux heures après les défauts
ils fe relancent dans les baillons au-
tour du village^vers lefquels ilsavoient
70 LE PARFAIT
la tete tournée quand le defaut eft ar-
rive. Il faut tenir pour maxime en
cette Chafle qu’à tous les defauts,
pour les relever il faut toujours pren-
dre fes devans en arriéré, & jamais
par le devant, parce qu’un Chevreüii
retourne toujours, & ne faut jamais
craindre qu’il fe forlonge en avant , fi
ce n’eft alors qu'il prend les plaines.
Les chiens pour Chevreüii ne gar-
dent point le change, mais les vieux
chiens le montrent en chaflant plus
froidement , & quand cela arrive il
faut avoir bien remarqué le lieu de la
feparation des chiens , & y retourner
pour requefter le Chevreüii de la
Meute : car infailliblement il n’en
eft pas loin, d’autant que ces animaux
ne fe forlongent point,&: ne cherchent
à fe fàuver que par les rufes , par les
retours & parles relaifters.
L’on court ordinairement Chevreuils
ou Chevrettes félon que les détour-
nent les Valets , parce qu’il n’y a au-
cune connoifïance qui diftingue le mâ-
le & la femelle que par la tête. Plus
les chiens pour Chevreuils font re-
muans, vigilans & aéfcifs , plus ils font
CHASSEUR. 71
propres à cette Charte , mais fur tout
il faut qu’ils foient laborieux & entre-
prenans , qu’ils requeftent bien , les
plusgcands barreurs font les meilleurs,
& qui fe drcflent plutôt à retourner
quand ils Tentent les voyes doubles.
Du naturel des Chevreuils .
Es Chevreuils font du naturel
JL-/ craintif qui fe recèlent fort dans
de petits cantons , & ne changent
point de demeures, ni ne partent point
d’une Forêt à Vautre , fi ce n’eft dans
le temps du bourjeon auquel il eft fu-
jet de s’enyvrer, & d aller par tout
hors de fa demeure ordinaire fans con-
duite, il féjournedans des taillis épais,
rodant parfoufillant par des petits re-
tours comme des Lapins fans battre
grand pats. Ses relevées font juftes
comme des Lapins. Son ruth eft com-
me celui des Cerfs , finon qu’il n’eft
point fi violent , ôc qu’il ne bat point
tant de pais pour trouver fa femelle,
& l’ayant trouvée, il en jouit plus pai-
fiblement & avec moins de combat*
7* LE PARFAIT
que ne font les Cerfs qui dans ces temps
deviennent fi furieux & fi jaloux les
uns des autres , qu’il fo pafle peu de
ruths fans qu'il y en ayt d'eftropiés.
Mais les Chevreüils fe portent en leur
action generative avec bien plus de
modération , & même ne vont point
au change , 8c font tres-foigneux de
fecourir leur femelle, 8c les garder
quand elles font pleines , 8c quand
elles ont mis bas, à leur aider, à éle-
ver leurs faons , 8c les garder tant
qu'ils font en état de les fuivre, même
quand ils font chafies à fe relayer l'un
l'autre, 8c donner fouvent le change ;
mais non pas comme difent aucuns
qu'ils fe marient enfemble , 8c qu'ils
ne fe quittent jamais. Ce font des vi-
fions qui n'ont nulle certitude ; car
pour afiurer cela il faudroit Içur avoir
fait des marques exprès. Le contraire
fe voit dans des Parcs fermés peuplés
de ces animaux où les mâles fe bat-
tent au temps du ruth pour joiur des
femelles.
Les femelles portent ordinairement
trois petits, quelquefois quatre , & de
grandes Chevrettes fort fécondés en
CHASSEUR. 73
ont quelquefois jufques à cinq quand
elles ne font point tourmentées, mais
celaarriverarement.il n’y a point d’ani-
mal qui multiplie tant queleChevreüil,
& qui ait plus de foin de fes Faons, auGS
bien le mâle que la femelle , princi-
palement dans les Parcs où les Loups
ne les tourmentent point. C’eft le
plus difpos animal de tous ceux qui
ont le pied fourchu, & aiment extrê-
mement la liberté, & ne cherchent
qu’à fortir du Parc où il eft enfermé,
& toutes les nuits rode alentour pour
chercher le lieu de la fortie , princi-
palement fi le Parc eft médiocre , &
nous avons obfervé que quand les
murailles ne font que de douze ois
treize pieds de haut , les plus forts les
fautent , & les moindres retombent
fur les reins , fe froiflent , deviennent
malades , languiflènt & meurent ;
c’eft pourquoi je donne avis à ceux
qui ont des Pâtes où ils veulent te-
nir des Chevreuils de faire hauflèr
leurs murs à quatorze pieds , ou défai-
re des foliés en dedans tout le long,
& n’y point tailler la moindre breche
fils ne veulent perdre tous leurs Che-
G
74 LE PARFAIT
vrcüils, comme j’ai veu arriver en an
Parc chez un de mes amis pour les
breches qui arrivèrent l’Hyver par la
gelée qui furent négligées & ouver-
tes le refte de l’Hyver, fans qu’on les
fermait de bois* Sa femelle porte
deux ou trois petits , c’eft pourquoi il
pullule plus que le fauve. Il craint fort
les Loups qui ont coutume de lechaf-
1er comme des xhiens fe relayant les
4jns les autres : c eft pourquoi il eft
toujours au guet & fur pied , ce qui
lui fait fouvent changer de place dans
les Forêts & huilions où l’on les voit
fouvent chafles & poutfuivis par les
ioups dont ils fe donnent fort garde ,
Je pour fe fauver ne fe fie qu’à fes
jufes , qu’a fes retours , Sic qu a fa
grande diipoütioii»
CHASSEUR» 7j
CHAPITRE XVI.
De la Chaffe du Loup.
LA Chaflè du Loup eft Royale.'
Il y a un tres grand équipage en-
tretenu en France pour la faire. La
manière de prendre les Loups de tou-
tes façons , foie au piege , amorce ,
triquetrac, carnage &c. a été écrite
par tant de perfonnes, que ce ne fe-
roit que des redites. Je me contente
feulement d’écrire de quelle façon ils
fe peuvent forcer pour faire qu’on le
chafTe avec force chiens de Meuttes
& force relais. Les jeunes Loups fe
peuvent forcer, mais non les vieux;
parce que tant qu’un vieil Loup ren-
contrera de l’eau, il courra trois jours
& trois nuits , & par confequent non
forçable. C’eft un animal û mal fai-
fanr, qu’il eft par maniéré de dire l’ob-
jet de la haine de tout le monde, c’eft
pourquoi il ne vit pas long-temps ,
car il eft attaqué en tant de façons
G ij
76 LE PARFAIT
qu’il faut qu’il y fuccombe , outre que
voracité des viandes putrides le fait
bien-tôt crever. Je peux ici raconter
ce que f ai vu cl- la vigueur que les
vieu^ Loups ont aux mâchoires., pour
faire voir qu’ils ne peuvent pas être
forcés.
Trois Loups avoient été pris dans
des folles faites exprès, ils furent ame-
nés aux Tuilleries devant le feu Roi
Louis XIII. Il y avoir un vieil Loup
& deux autres plus jeunes : onlesfift
combattre contre de gros lévriers , les
deux premiers fe défendirentalïes bien,
le troifiéme qui étoit le vieil fut atta-
qué par trois lévriers , il les rendit tous
trois , on le fit attaquer par trois au-
tres 5 & puis encore par trois autres
fucceffivement jufqu’à douze , trois à
la fois , il les marqua tous , 8c les re-
butta de telle forte, qu’ils l’abandon-
nèrent & ne l’oferent plus approcher.
Il n’y a point de coup de foiiet de
Chartier qui fift plus de bruit que les
coups de dent de fa gueule. Par là l’on
peut juger de :1a vigueur des vieux
Loups.
Il y a trois fortes de Loups à fgavouy
CHASSEUR, 77
Loups cerviers plus grands que Renards
qui habitent les montagnes, lefquels ne
vivent que de gibbier qu’ils furpren*
nent.
Loups-maftins qui ne vivent que de
charognes , qui font toujours aütouf
des grandes Villes où elles abondent y
8c aux chetues des Rivières dans la
Mer , où toutes les pourritures qui y
voguent s’arrêtent.
Loups-levriers qui font viftes & qui
vivent de rapine par le moyen de leur
legereté. . Ces deux dernieres efpeces
font fort grands & rablez, ayant une
gueule épouventabie à double rang de
dents, 8c crocs qui coupent comme de
Parier trenchant * dont ill mettent en
pièces tout ce qu'ils attrapent , & font
plus fins 8c plus rufés qu’aucuns animaux
du monde pour fimsfaire à leur vora-
cité, 8c vonr toujours ordinairement
deux enfemble, dont le plus fort frappe
de fa queue aux portes des Païfans
pour faire fortir les chiens fur eux 9
puis prennent la fuite pendant que le
plus vifte eft au guet pour attraper le
chien qui fort. Les autres rufes font
écrites dans la Maifon ruftique.
G iij
Seigneurs fai-
CEîte Chafle fe fait en beau*
coup de maniérés, premièrement
à force , aux accours avec les lévriers,
avec les limiers en rontaillant , avec
des abboyeurs , aux relevées avec ar-
quebufes, & aux amorces qui eftune
très jolie chafle , dont il y a un Cha-
pitre particulier à la lin du Livre de
l’art de tirer les Sangliers.
Anciennement les
foient toutes ces Chafles de gros ani-
maux , comme les Allemans qui chaf-
fent aux bricolles & aux filets fans^
courir à force , & ils tenoient chez-
eux de grands équipages de toutes for-
tes de filets , mais à prefent cela ne fe
pratique plus , & l’on ne fe fert que
de toiles pour mettre les bêtes dans
les enceintes, quand on veut faire des
Chaflès meurtrières , ainfi que font
tous les Princes Allemans. Mais il
CHASSEUR. 79
n5eft ici qu’eftion que d’expliquer cel-
les qui peuvent donner du piaifir & qui
font en Ufa§e- . r r- e , .
La première qui fe fait a force s exe»
cute par des chiens de Meutte , & pai^
quantité de relais, comme la Chafle diF
Cerf.
On a peine à forcer les grands vieux'
Sangliers , parce qu’ils courent très
long- temps , & à la fin fe jettent dans
les étangs, & y demeurent relaiffés dans
les bourbes , fans qu’aucun puiffe les
y aller attaquer n’y ayant aucun ani-
mal qui nage fi bien que le Sanglier^
En cette chafle félon que les San-
gliers font donnés aux chiens vieux
ou jeunes, on les force & on leur court
Tarquebufe fur l’épaule, quand ils font
vieux Sangliers pour les tuer quand
on le peut dans quelque relancer on
dans quelque accourt , ou quand ils
retournent fur les chiens. Ces animaux
ont une telle vigueur * qu’on en a vû
pouffer à un Picqueur, attraper en paf-
fant une étriviere , & porter l’homme
& le cheval plus de fix pas loin.
Quand on attaque ces grands vieux
Sangliers* pour en venir about Pon fe
G iiij
go LE PARFAIT
fert de chariots 8c charettes chargées
à arquebufiers y qu'on pofe dans les
pa (Fages pour les tirer. Et iln’y ahom^
me qui ofe demeurer en pied > parce
que ces bêtes viennent au bruit &. à
la voix des perfonnes 8c les déchirent,
ou leur font de grandes bleiïures Les
plus dangereux font ceux qui font dans
leur quart an 5 car en vieilliffant ils
deviennent mirés , 8c leurs défenfes
étant tournées ils ne coupent plus,.
Ces bêtes ont plufieurs noms félon
leur âge * élans petits on les nomme
Ma rca (Tins. Apres quand ils ont un an
©n les nomme Bêtes de compagnies ;
enfuite ils deviennent Ragots , après
©n les nomme Sangliers en leur
tiers an. Puis après on les nomme San*
gliers en leur quart an. Puis après mi-
res , & puis vieux Sangliers^ Et puis
enfin grands vieux Sangliers.
Les femelles quand elles commen-
cent à porter on les nomme Layes.
Elles font fieres & dangereufes quand
elles ont des Marcaffins. Si on les
chafiè , elles ont la rufe de ramaffer
tous leurs petits Marcaffins en unbloc
dans quelque builïbn fort épais , &
)
CHASSEUR. 82
puis elles fuient tout à- l’autre bout de la
Forêt ; & jamais ne tournent ni appro-
chent le lieu où elles ont laiflfé leurs pe-
tits. QjJe fi d’aventure ils étoient ailes
grands pour la fuivre , elle fe met à
leur tête & s’en ira à dix lieues delà
fans tourner, paffant par plaines, to-
taux, rivières, marets , bois ôc forêts
avec fa troupe , ôc fe fauve ainfi fou*
vent par un tel foriongement.
Elles vont au ruth en Décembre &
Janvier , & portent comme les truyes
communes, quatre mois & une fè-
maine. En ce temps-là elles fe rece*
lent fort , & font tres-difficiles à trou-
ver. J’ai oui raconter autrefois qu’un
grand vieux Sanglier mâle s’étoit ac-
couplé avec une truye commune , Sc
que cela arrivoit fouvent en Alle-
magne ou en Portugal, où ces animaux
font libres & toujours demeuransdans
les Forêts.
La Chalfe des accours efl plailante.
Elle fe fait en mettant des lévriers
d’eftrique derrière une toile faite ex-
près à bon vent fur les côtés , & dans
le fond de Paccours on y met les gros
lévriers. Dés que le Sanglier fort,, on
Sa LE PARFAIT
lui donne une lefle en côte , la voyant
il veut Fuir de l’autre côté , d’ou l’on
lui en donne une autre , il Ce veutfau-
ver au milieu , il trouve les gros lé-
vriers entête, qui le tiennent & l’ar-
rêtent tant que les ChafTeurs le tuent
à coups d’épée, mais il ne faut point
oublier de tenir l’ëpée à deux mains ,
parce qu’il tueroit les chiens.
Celle de rontaillerdes Sangliers avec
les limiers eft encore fort agréable*.
JLe Valet qui routaille tient fon chien
court , & ne le laifTe aller que douce-
ment, le Sanglier n’étant point prefle*
écoute ; les tireurs montés fur des ar-
bres au bruit du chien le voyent ve-
nir & le tirent à leur plaifir, & s’ils
ne le tuent tout roide , ils coupent les
devans d’une enceinte à l’autre, tant
qu'il tombe fous la main de quel-
qu’un. C’eft une vraye Ghaflede Gen-
tilhomme, car elle n’eft point de dé-
penfe. Elle eft fort en ufage en Berrh
Il y a encore une autre maniéré de^
ehaflerle Sanglier, qui fe fait avec des
chiens qu’on appelle abboyeurs , lef-
quels dans les grands bois queftent ÔC
prennent le vent d’un Sanglier , 8&
CHASSEUR. 83
Tayant trouvé ils n’approchent point
& aboyent feulement. Le Sanglier
tourne iouvent fur eux, mais ilsfuyent.
Cependant les Arquebufiers fe cou-
lent à lentour & le tirent , & jamais
l’abboyeur ne le lailfe qu’il ne foit tué.
Ces chiens là procèdent & font engen-
drés d’une lille qui chafle naturelle-
ment le Sanglier, & d’un fort maftin
qui ride de nature. Il eft à remarquer
que le lieu où le Sanglier fe repofe
s’appelle bauge.
Il fe peut faire une race de chiens
engendrés d’une lifle & d’un chien
fufdits qui fe peut faire foit à gros
poil , defquels en ayant une douzaine
chaiïèront de gueule , & il n’y aura
point de Sanglier qu’ils ne portent
par terre & qu’ils ne faffent pafler
aux accours. Cet avis fera pour les
Gentilshommes qni demeurent prés
des Forêts où il y a beaucoup de San-
gliers. Il y a encore un autre avis qui
cft , que les chevaux dont ils fe fer-
vent foient alfés forts deffous & char-
gés de poil pour fe défendre de l’épine,
parce qu’il n’y a point de plus grands en-
nemis des Piqueurs que les Sangliers.
U LE PARFAIT
CHAPITRE XVIII.
De la Chajje du Renard & des
bêtes -puantes.
À Chafle du Renard & bêtes
JL-/ puantes le fait avec des chiens
de toute taille pour le Renard , &
des baflets pour les autres. Le feu
Roi Louis XIII. a été le plus- grand 1
Cha fleur qu’aucun Roi du mon-
de. Il a aimé coures fortes de Chaflès,
& y a été le plus adroit de fon Royau-
me , Sc l’on peut dire de fon fiecle ;
mais fans particularifer touces celles
qu’il pratiquok excellemment , ôc y
reüffilfoit mieux qu’faomnie du monde*
il faut deelârer les plus belles qu’il a
faites toute fa vie en Roi, ôc queper=*
fonne ne peut imiter.
La première en fa jeunelFe cft la
Fauconnerie qui étoit telle, que nul !
oyfeau de quelque nature quil pût-
eftre ne pouvoit paroître dans une plai-
ne fans dire attaqué par des vols &
par des oyfeaux fi hardis , & de fi
grande entreprife,qu’il falloir par force
qu ils vinflent à bas. Tous ces vols
feront exprimés parlant de la Faucon-
nerie ci-aprés & pour donner plus
facilement le plaifir de voir voiler
tout ce qui pouvoir Ce rencontrer
dans la plaine de Saint Denis proche
Paris , à la Reyne &c à toutes les
Dames delà Cour, il avoir fait conf-
truire une butte de terre au milieu de
cette plaine au lieu nommé la Plan-
chette qui. étoit environné d’eauës ,
8c de toutes les choies neceflàires pour
à fon aife voir tout alentour , ôetous
les Chefs de vols envoyoient par tout
faire voiler des Ducs pour faire ap-
procher les oyfeaux de ladite butte,
& quand ils croient en portée raifon-
nable , ils étoient attaqués & s'élè-
vent dans une hauteur extrême, qui
ionnoit la facilité de voir à toute la
Cour toutes leurs défenfes & leurs
:ombats , puis étans amenés en bas,
itoient apportes au Roi qui en avoir
:ü tout le plaifir*
Tous ces vols fuivoient le Roi par
:out dans les voyages , & en tous les
86 LE PARFAIT
lieux où fe prefentoit dequoi donner
du plaifir au Roi ^ il en joüiiïbit piai-
llement. Voilà la première Chaflè
Royale que le Roi a aimée , laquelle
étoit d’un fingulier plaifir à toute la
Cour j & pour l’entretien de laquelle
tout ce qu*il y avoit de bons Faucon-
niers en l’Europe s’étoit rendu auprès
de Sa Majefté, dont ils tiroient des
appointemens tres-confiderables , ce
qui rendoit les équipages fi bien fervis,
qu’il ne s’eft rien vu de pareil dans
nôtre fiecle-
La fécondé Chafle que le Roi a fait
loyalement, eft celle des Chiens cou-
rans , car outre tous les équipages
pour Cerfs , pour Chevreuils, pour
Loups , pour Lievres &c pour San-
gliers ; il y avoit toujours cent cin-
quante chiens qui le fuivoient par tout
en fes voyages , qui attaquoient tout
ce qui fe rencontroic dans tous les
buiffbns qui étaient en fon chemin, &
dans tous les lieux ou il féjournoit.
Pour cet effet , il n’y avoit point de
pur que du moins huit Veneurs n*al<2
lafïent tous les matins aux bois qui
étoient par où le Roi paffoit , & qui
CHASSEUR. 87
nefilTent leur rapport au Roi de ce
qu’ils avoient rencontré. Toit Cerfs,
Biches , Chevreuils, Loups, Sangliers,
Renards & le reite. Et qu’elles étoient
les fituations des buiflons , & s’ils
étoient en plaines , cêtaux ou lieux
humides , quelles étoient les refuites
des bêtes , deiôrte que le Roi étoit
informé à fon lever de quelle bête
il pourroit avoir du plaifir , & com-
ment elle ferait portée par terre par
trente leflès de lévriers qui fuivoient
l’équipage par tout.
Quand le Roi vouloir chaffer , l’or-
dre fe donnoit aux Gendarmes, Che-
vaux-legers& Moufquetaires à l’heure
qu’il vouloir partir , les Chaifeurs par-
toient devant & voyoient ou étoit le
vent pour difpofer les accours. Les
toiles étoient ajuftées pour cacher les
lévriers , & le Roi arrivant trouvoit
tout difpofé. Toute fa fuite bordoit le
côté du mauvais vent , & fe rangeant à
cinquante pas les uns des autres le
le piftolet à la main fe tenoient prêts
quand la ChaflTe commenceroir. Le
Roi donnoit le fignal , les chiens
étoient découplés, & dés qu’ils com-
S8 LE PARFAIT
mençoient à chafler 5 la déchargé fe
faifoit du côté du mauvais vent , ce
qui donnoit une telle terreur aux bêtes,
qu’elles fuyoient du côté des accours,
& à leur fortie du bois les lévriers
coftiers étoient donnés > puis ceux de
l’autre côté, tant que les bêtes alloient
au fond de Taccouis où étoient les
gros lévriers qui les coiffbient, & le
Roi en avoit tout le plaifir.
Incontinent chacun à mefure repre-
noit fa place pour voir fortir d autres
bêtes , lefquelles étoient encore cou-
rues , &c tant qu’il y en avoit dans le
bois tout étoit porté par terre. Cela
duroit tout le haut du jour , <k fouvent
fort tard , principalement quand il y
avoit des Loups (car ces animaux font
malicieux} qui ne vouloient fortir qu’à
force , & même il y en avoit qui fe
fauvoient du côté défendu des Cava-
liers 5 & qui aimoient mieux efluyer
leurs coups que de fortir du côté de
l'accours qu’ils avoient éventés.
Ces deux Chalfes étoient pleine*
ment royales , car le Roi fe pouvoit
dire le maître de tout ee qui fe prc-
fentoit dans l’air, & de tout ce qui
étoit
CHASSEUR. s9
étoit fur terre ; puis qu’il prenoit tou-
tesfortes d’oyfeaux & de quadrupèdes
qui Ce rencontroient dans les lieux oè
il lui plaifoit de chairer , tellement qu’if
etoit Roi de l’air & de la terre , ce
que j'ay bien voulu décrire pour fa
gloire , & pour les plaifirs innocens
aufquelsil s’adonnoir.&pourrhonneur
que j’ay receu de l’accompagner trente-
ans durant dans toutes ces Chaflès.
Quand les Renards font fort chafles^
ils fe terrent & alors on les déterre
avec des baflets , ils font pris vifs , êc
on leur fille les yeux, enforte qu’ils* ne
voyent goûte, puis on les laiiTe courir
dans une plaine, c’eft un plaifir afles
diveruflànt de voir les culbutes qu’ils*
font en courant de toutes leurs forces,
fans fçavoir où ils vont. Quand on â
eu ce plaifir afles long temps, l’on met
les baflets fur les voyes du Renard
fil e , lequel entendant venir les chiens
a lui, refait d’autres nouvelles culbutes-
que la peur lui fait faire plus grandes
que les premières , tellement que le
Renard <?t ies baflets Ce mêlent , Sc il
n’y a point de meilleure invention
pour metrre ces chiens en curée.
H
9o LE PARFAIT
Les Gentilshommes Anglois font la
Chafle du Renard avec plus de cere-
monies , car quand ils ont connoiffan-
ce d‘un Renard avec.de certains chiens
qu’ils ont , qu’on appelle des trou-
veurs qui vont requérir un Renard en
tous lieux fuft il parte de vingt-quatre
heures : ils en donnent avis à leurs
amis , 3c font aflemblée de quatre oti
cinq Meutes pour le charter , comme
fi c’étoit une bête de grande impor-
tance j puis tous enfemble vont le
chercher, & le chaflent tant qu’ils le
font terrer , puis avec grande cere-
monie ils le deterrent, & le prennent
vif, 3c le mettent dans un Parc fans
qu’il en puifle fortir, derechef ils ap-
pellent tous leurs amis avec tous ceux
qui ont des Meutes & des chiens , &C
des chiens , 3c quelquefois en nom-
bre de plus de cent cinquante, lefquels
tous ayant des voyes à plein nez, étant
dun naturel à aimer les bêtes puantes,
ils chaflent avec un bruit épouvanta-
ble , jufqu’àce qu’il foit fur fes fins ,
puis ils rompent leurs chiens & vont
faire de grands feftins enfemble juf-
ques au lendemain qu’ils chaflent es-
CHASSEUR. 9i
core avec autant de chiens nouveaux
qu’on leur ramene, 5c continuent cette
Ch a fie tant que la bête le peutfouffrir,
jufqu’à ce qu’elle meure de feiche-
relie, & leur fête dure julqu’à cequ’ik
puiiïent en avoir un autre vif.
Méthode pour tuer tous les
Renards d'un bois .
Our tuer tous les Renards d’un
X bois, l’on fe fert d’un piaillant ar-
tifice. Un tireur monte fur un arbre
dans une taille le long d’un fort ou il
y a des Renards 5 lefquels il a entende
fouvent crier, comme ils font au Prin-
temps, 5c au pied de l’abre fur lequel
il eft monté, il a attaché une poule en
telle forte qu’elle ne peut s’échapper*
& à quelque partie defon corps il atta-
che une fifellealFés longue pour la tenir
delà main fur fon arbre , enforteque
la tirant il la puilîè faire crier. Quand
il eft bien hutté, & qu’il a coupé tou-
tes les petites branches qui l’empé-
choient de voir clair autour de lui
afin de pouvoir tirer facilement tour
ç>i LE PARFAIT
ce qui viendra à fa portée, il tire !»
fifeile 8c fait crier la poule, il n’eft
pas hutte d’un quart d’heure, que s’il y
a un Renard dans le fort , il accourt:
au cris de la poule pour la prendre, &
& if le tire & tres-facilement le tué-
s’il fait cela en divers lieux où il y a
des Forêts , il ne briffera aucuns Re-
nards dans le bois. Les Chats harets
viendront auffi bien que les Renards,
Foynes 8c Putays au cris de la Poule j
mais il faut que le tireur foit fans in-
quiétude, & foit d’une grande patience
fans remuer fur fon arbre 8c fans faire
aucun bruit : car ces animaux qui font
deffians & rufés écoutent long temps
avant que de fortir du fort pour fe
jetter dans la taille après la. Poule qu’ils,
croyent s’être écartée du Village. Mais»
enfin n’oyanr aucun bruit ils ne man-
quent jamais de fortjr & de fe faire tuer.'.
CHASSEUR. 95
Pour tuer des Renards au carnage*
IL faut attacher le carnage auec des
hars de bois pour le traîner, car fi
c’étoit une corde , principalement les
Loups n'y viendroient point , parce
que ces. animaux font défians , 8c ayant
le moindre vent de la corde jamais
n approcheroient. H faut même atta-
cher avec des hars de bois contre terre
avec des fiches rres-profondes : car la
première choie que font les Loups,
c'efl: de tirer le carnage hors de fou
lieu ^ & quand ils Tentent qu'il tient*
ils font long- temps fans en approcher,
& ne viennent que par boutades en
prendre quelques morceaux & fe re-
tirent.
Les Renards y viennent tout daJ
hord , & font moins défians que les
Loups , c’eft pourquoi on les tue- très-
facilement. Les tireurs fe huttent fur
un arbre , fi c eft le long d’un bois , ou
dans quelque vieille maifon deferte 8c
ecartee d un village, d'où ils les ti-
rent. Mais les Loups font quelquefois
94 LE PARFAIT
deux nuits fans y donner. Il n’y a que
la patience qui en puifle venir à bout.
Les Renards n’en approchent point
tant qu’il y a des Loups.
De la nature du Renard.
LE Renard eft un animal tres-fîn
& très rufé, qui ne vit que de rapt
par furprife , 8c de petites bêtes qu’il
deteire à la campagne. Il eft toujours
au guet le long des Villages, fur tout
quand ils font fîcués le long des bois*
il fait grand tort aux garennes , 8c à
toutes fortes d’oeufs des oyfeaux qu’il
déniché , & aux Caterolesdes Lapins.
Son âge ne fe connoît qu’à fon poil
argentin, & plus il eft vieil, plus fon
poil blanchit par fes extrémités. Les
trique tracs , relevées , amorces em-
poifonnées , & l’arquebufe lui font la
guerre , tant pour le châtier de fes ma-
lices & pour fà peau qui fert de four-
rure, 8c fes poulmons qui fervent poui
la maladie que l’on appelle Afthme»
CHASSEUR. 9|
Des Gabelles.
L A Chaffè des Gazelles fe fait
avec des Lévriers & des Léo-
pards, Elles font abondantes en Orient*
ôc plus petites qu’un Chevreüil. Celle
des Léopards fe fait ainfî. Le maître
du Léopard en porte un en croupe fur
un cheval , if va dans les lieux où il
peut trouver des Gazelles , ordinaire-
ment pleins de brouflàilles, quelque-
fois fur le bord des petites plaines o#
il y a des tàloppes. Dés qu’il en part
une * il lâche fon Léopard qui ne va
que par de grands fauts, & le joint en
très peu d’elpace . puis l’ayant portée
par terre , la (àifît à la gorge. Le maî-
tre y arrive qui la fend avec un grand
couteau fait exprès , & il lui tire le
cœur, qu’il donne au Léopard, moyen-
nant quoi il laiffe la proye. Le Chaf-
feur achevé de Pévenrrer & la donne
a fon camarade qui la charge fur fon
cheval. Le Léopard ayant mangé le
cœur, & repris & remis fur le cheval
en croupe ou il faute de lui-même étant
drelTéàcela*
$6 LE PARFAIT
La Gazelle eft un animal plus petit
qu'un Chevreüil fort vifte. Quand elle
eft courue avec des lévriers ils la por-
te par terre , ils la tiennent tant que
le maître y arrive qui achevé de la
tuer. Elle eft fort belle, d'un poil fauve
blanchâtre avec des rayes blanches le
long des côtés & à la tête* C’eft une
efpece de Chevreüil, &: fo fie en /a
viteflè, & eft un animal de plaine &
de brouffàilles ; elle eft frequente en
A fie 8c aux Indes , 8c non ailleurs.
Toutes fortes de gibier vient au cris*
de fon femblable* Il fe vend tomesTor-
tes d'appeaux pour tous animaux
dont il faut qu'un Chaffour foit fourni,,
s'il veut être curieux de fçavoir châtier
toutes fortes.de gibier principalement
aux relevées * le foir êc te matin, Sc la
nuit au clair de la Lune.
Il y a encore plufieurs maniérés- de
prendre le gibier avec piégés , lacs-
courans, rattieres , filets, dont je ne
parle point , parce que d'autres en ont
écrit. Ils ne conviennent point à l'en-
feignement que je prétends donner
pour fo rendre parfait Chafleur 5 8c
que toutes ces furprifes fe font plus
CHASSEUR. 97
la nuit que le jour fans chaiîèr , & où
il n’y a nulles rufes à vaincre ni à ob-
server pour prendre le gibier qui i*e
prend de lui- même.
Toutes ces maniérés de prendre le
gibier appartiennent plus à des Gar-
des Ae bois & à des Valets qu'à de
Maîtres ChafTeurs qui chaflent plus
pour le plaifir que pour la prife ,
& ou il ne fe rencontre aucun qui foit
digne d’être écrit ni pratiqué , finon
contre les bêtes mordantes qu’on ne
iqauroit attaquer de trop de maniérés
pour la deftruétion qu’elles caufent,
c’eft pourquoi il s’y faut rendre fça-
vant par les Garenniers qui les fça-
vent détruire , & par les inventions
que j’ay données au Chapitre des Ga-
rennes.
ï
c)8 LE PARFAIT
La C baffe de la Foyne , Putoys
& autres.
Y A ChalTe àe la Foyne fe fait avec
i , des ballets qui la vont chercher
dans les granges , greniers à foin,
bûchers , & combles d’Eglife. Pour
cet effet ils vont flairer tous les coins
des bâtimens dans tout un Village
pour fentir s’il en a monte quelqu une.
S’ils en fentent & qu'ils appellent on
leur dreffe des échelles , aulquelles ils
font dreffés de monter & defeendre
tous feuls. Ils courent par tout, & il
n*y a point de lieu ou ils ne les re-
lancent. Les Chaffeurs du feu Roi
Loiiis XIII. avoient des chiens qui
en prenoient par tout. Cette Chahe
eft plaifante, parce qu’elle met tout un
Village au champ , & que tous les ha-
bitans fe préparent pour les tuer quand
elles font trouvées , à caufe quelles
leur font grand tort dans leurs poul-
laillers , vollieres & colombiers , Sc
qu’elles defettent toutes leurs baffes
C H A S SEUL 99
cours. La Chaile de la Foyne & des
Putoys eftla même choie.
CHAPITRE XIX.
De la ChajJ'e du Lievre aux
chiens courans.
A ChafTè du Lievre aux chiens
JL/ courans n’eft pas à la vérité fi
confiderabie, fi noble, ni de fi grande
confequence que celle du Fauve. Mais
tous les Chalîeurs demeureront d’ac-
cord quelle eft la plus line de routes
les Chafles , la plus commode pour le
plaifirdes Grands, &la plus belle pour
les Dames qui les accompagnent, en la-
quelle la peine ne furpafie jamais Jeplai-
fir.Et à confiderer le vray plaifir des
chiens coürans ne confifte qu’en trois
chofestfes-effentiellesquilacompofent,
La première dans les belles gorges
8c le grand bruit des chiens.
La fécondé que les chiens chaflènt
tous enfemble pour augmenter l’har-
I if
IOO LE PARFAIT
monie que roniou de leur voix pro-
duit.
La troifiémeque les chiens nefoient
point viftes * parce qu'ils ne peuvent
pas bien crier, employant leur vigueur
à courir de toutes leurs forces , mais
principalement pour adoucir la peine
que la vehemence de la conrfe d'un
cheval peut donner quand il court
d'une trop grande vitefle.
Si le plaifîr ne peut foufffir la moin-
dre peine & les moindres incommo-
dités fans alteration > les trois choies
ci-dellus étant accordées , il n'y doit
point avoir aucune Chaffe qui précédé
celle du Lievre , lui qui poflede fi fpe-
cialement ces trois conditions accor-
dées , ni même une quatrième la plus
confiderable de toutes , puis qu'elle
polfede le plus noble de tous les fens
qui eft la veuë , parce qu’elle doit
eftre entièrement fatisfaite à voir les
rallimens des chiens, à confiderer leur
adrefle & leur inftin£fc de prendre leurs
devans , leurs tours & leur retours ,
à voir la finefïe de leur nez pour cher-
cher les chemins , pour traverfer les
guerets & les£èichereifesv-au rappro-
CHASSEUR:. ioi
cher le balet haut , ôc enfin pour
mettre à bout une fi petite bête qui
marque fi peu de voye , ôc furmonter
tomes les rufes Ôc toutes les finefifes
qui fe rencontrent dans cette Chafïe.
Ce qui a fait avouer à tous les vrais
ôc des-intetefies Chaflfeurs la vérité
du dire qui eft fi commun , qu’il y a
bien plus d’honneur à prendre un
Lievre qu’un Cerf, ôc qu’il faut être
bien plus fçavant pour rendre une
Meute pour Lievre , parfaite , que
pour en faire une bonne pour des bê-
tes dont les voyes font toujours à
pîain nez.
Toutes ces considérations m’ont obli-
gé à rechercher avec plus de foin les
finefTes ôc la fcience qu’il faut avoir
pour bien faire cette chaffe , pour ve-
nir à bout de toutes les difficultés qui
s’y rencontrent, Ôc pour deméler tour-
tes les rufes que la nature a données
à ces petits animaux pour défendre
leur vie : car elle ne leur a pas feule-
ment donne la vitefïe pour fe fauver
de celle des Lévriers , ni bourré les
pieds pour courir fur le rude où leurs
plus grands ennemis ne peuvent pafièr
I iij
lot ' LE PARFAIT
fans s’eflropier » mais elle leur a don*
né l’inflinét ôc 1 efprit de faire des ru-
fes pour cacher les lieux où ils giflent,
êc leurs voyes aux chiens qui les
chaflent par la force de l’odorat. Ce
qui fe voit premièrement dans les ra-
ies qu’ils font pour fe gifler.
Premièrement Ton remarque qu’ils
ne fe retirent jamais des gagnages où
ils paflent la nuit que par des chemins
aufquels PappiiY de leur voyeefl moin-
dre qiven tous lieux.
Que quand ils approchent des lieux
pour fe gifler, ils n y vont jamais que
par de très-grands fauts en balançant
à droit & à gauche , & toujours à
vaut le vent.
Que !e plus f3uvent ils fe giftent
dans les lieux pierreux pour éviter que
leur viteffe naturelle ne foit point fur-
montée par celle de leurs ennemis.
Que giflant dans les bois , il n’y a
ni chemins ni carrefours qu’ils ne me-
furent , ni de rufes qu’ils ne pratiquent
auparavant que de le faire.
La première rufe que fait un Lievre
quand il efl chafle, doit être fort re-
marquée , parce que s’il a été couru
CHASSEUR, ioj
ii la continuera toujours jufqu’àla fia
foie dans les eauës , fok dans les che-
mins , Toit dans les bois ,foi't dans les
gros Villages , foit dans les païs fecs ,
foit à vau vent. Si c’eft une haze elle
éloignera peu Ton pais, fi c’eft un bou-
quet, il ne laiflera de fe fauver par
une longue fuite. Sur ce fujet je diray
quelques rufes que fay remarquées
dignes d'être écrites.
Nous avions couru un Lievre deux
fois qui s'étoit fauve dans les eaux du
marais de Bonneiiil , &c dans les IfieS
au délions de Creteüil , parce qu'il
partoit un bras de la Marne, & même
il falloir qu'il partait tout le canal &
allait dans la plaine de Saint Maiir ,
car les chiens partant le bras de Fille
le chartoient jufques fur le grand ca«
nal de ladite Marne. J’avois raconté
cela à plufieurs ChalTeurs & à Mon-
fieur de Turaine qui avoit une Meute
de chiens François fort vides au Faux-
bourg de Saine Antoine. Il me dit qu’il
eurt bien voulu courre ce Lievre. Jé
lui dis que je le trouvois toujours dans
un même lieu, & que j’efperois de le
donner à fes chiens quand il lui plai-
io4 LE PARFAIT
îoit. Il vint un jour avec un bon St
grand Chafleur François , 8c plufieurs
Mi’ors Anglois , je ne manquai pas de
m y rendre 3 &le menai dans les brouf-
failles d’une Ifle où il fut lancé , mais
ceft une chofe merveilleufe comme il
ne fut pas pris au gobet , car il paflTa
tout au travers de la Meute , dont il
eut une fi grande frayeur ? que paflfant
un ruifleau ii gagna la plaine de Ville-
neuve qu’il pafla d’une grande vitelfe,
puis il mefura toutes les eauës qui fe
trouvèrent au bas des cêtanx de Va»
lenton qui étoient grandes par le dé-
gel. Les chiens le chafferent fort bien.
Moniteur de Turaine me dit quand il
lui vit prendre les côtaux deValenton,
ce Lievre eft à bout de fes rufes , puis
qu’il prend le haut, je lui dis qu’il
étoit d’une très- grande vigueur > &c
qu'il pourroit retourner aux lieux or-
dinaires où il les faifoit. Quand il
eut mefuré tous les côtaux qui étoient
tous pleins d’eaucs , tous les chiens
eurent peine à emporter les voyes, 8c
mêmes qu’il y eut quelques petits dé-
fauts qui lui donnèrent affés de temps
pour faire fa grande rufe. Il fe jetts
CHASSEUR.. i cf
dans une petite plaine qui eft entre lef-
dits côtaux ôc le bois de Itieres , &
longe le chemin jufqtfau bois , puis
retourne fur lui , &: s’en revient jetter
dans une grande mare qui écoit an
deflbus du vent dudit chemin , & le
relaiile tout au milieu , ne faiiant pa-
roître de tout Ton corps que le bout
du nez pour refpirer hors de l’eau. Il
eut juftement afifés de temps pour faire
cette rufe, par le moyen des chicanes
ôc des détours qu’il avoir fait dans les
côtaux. Quand les chiens furent eu-
très dans la plaine , ils emportèrent
fort bien les voyes f &* longèrent le
chemin afles bien jufqti’à ce qu’ils
rencontrèrent les voyes doubles qui
alloient au bois. Cela réjoü Ifoit les
Chalfeurs , & difoient tous qu’il fe-
rait pris. Moi qui fuivoitle dernier le
long du chemin ôc me défiant de cet-
te mare , ôc m’étonnant qu’il n’a-
voit pas paffé tout au travers, j’y jet-
tai l’œil, Ôc je vis une petite motte au
milieu de la grofiTeur de la tête d’un
Lievre , je le regardai attentivement*,
3c je vis le galant relaiffe là tout cou-
vert d’eau : fi bien que perfonne n’au-
îû6 LE PARFAIT
toit jamais pû juger que fçauroit été
un Lievre. Je ne dis mot , 8c je fuivis
la Chaire jufqu’au bois. Auquel arri-
vant je trouvay les chiens en défaut*
Le Valet prit tous les devans tant qu'il
perdit tout fon fçavoir faire, étant
pourtant tres-bon Chalfeur. Les voilà1
tous à fe regarder fans dire mot. Moi
qui ne les avois point quittés, per-
fonne ne pouvoir dire que j’en fceuffe
plus qu'eux. Enfin nous voila tous en
confultation * fçavoir ce que pour-
roit être devenu le Lievre. Les uns
étoient d'opinion qiül étoit relaiflé
dans le bois : d’autres qu’il étoit re-
tourné aux coraux par le même che-
min qu’il étoit venu ; les autres foute-
noient qu’il ne pouvoit pas avoir eu le
temps de le faire fans être veu : mais
jamais pas un ne s’étoit avifé de la
mare. Ils firent toutes les diligences
de le requefter félon toutes les opi-
nions , 8c comme tout fut defefperé, je
dis à Monfieur de Turaine ; voulés-
vous donner la vie à ce Lievre, i! me
regarda ferme & tous les autres Chaf-
feurs, 8c me dit fçavés-vous ou ileft,
je dis, fi vous voulés je vous le mon-
CHASSE U R. 107
tterai , il me répondit , vous me ferés
un grand plaifir , & je ferai fort con-
tent d’apprendre la rnfe de ce Lievre*
je lui dis , faites revenir les chiens ici*
& venés, je vais vous le montrer. Ils
accompagnèrent tous Monfieur de
Turaine , ôc je leur difois en allant #
mais ou vous imaginés- vous qu’il
puifle être ? les uns difoient vous Pa-
vés vû relaifle dans le bord du bois r
d’autres dans le bord du chemin : je
leurs dis , non , Meilleurs , il n’efi:
point là , mais étant déjà proche de la
grande flacque d’eau où il étoît , je
vis encore la même grolïeur qui m’a-
voit paru en fon milieu : je leur dis*
Meilleurs, le voila en leur montrant
la tête qui paroilîoit feule, mais n’en
approchons point , parce qu’il pour-
roit repartir ^ & retourner d’un côté
que nous ne voudrions pas. Tous fe
mirent à regarder attentivement cette
motte , ôc pas un ne voulut croire que
ce fuft un Lievre qui fuft demeuré là fi
long- temps. Enfin ils refolurentdele
faire repartir ôc le pouller du côté de
la plaine. L’on fift donc venir les
Chiens que l’on mift de l’autre côté»
ro8 LE PARFAIT
Monfieur de Turaine luy - même 1 Z
voulut faire repartir & palfa dans Team.
Le Lievre qui avoit repris haleine re-
pafla dans la plaine & courut encore
une demie heure plus mal chaffé que
devanr , il fut pris dans un relancer à
la rencontre d’un chien écarté le long
d’une haye , fans lequel il fe feroit en-
core fauvé 5 car il s’étoit réchauffé ,
il avoit repris fes forces, ôc euftaffu-
rément regagné fon païs & repafféla
riviere de Marne ayant encore chicar é
par fes rufes , pour fe jerter dans la
plaine de Saint Maur, comme il avoit
accoutumé de faire, où il auroit trou-
vé autant de change qu’il auroit voulu,
fi les chiens l’euffèntpaffé après lui.
Les Lievres qui font accoutumés
aux eaues paffent les rivières auflî fa-
cilement que les autres animaux. îl y
en avoit un dans la plaine de Bon-
neüil qui ne faifoit point d’autre ruf@
pour fe fauverque de paifer la Marne*
& fe jetter dans ladite plaine de Sains
Maur toute pleine de Lievres.
J’en ay fait pafftr un de la plaine dè
Greteüil au travers de la Seine proche
Gharenton en prefence de trente pea
fonnes de qualité.
€ H A S S E U R. 109
Chez moi en Picardie on void tous
les foirs relever des marais des Liè-
vres qui paflent la Somme depuis le
mois de Mai jufques au mois de
Septembre pour aller aux grains 8c
gagnages entre quatre 8c cinq heures
du loir , & repafler la même riviere
le matin pour s’aller gifler au frais
dans les herbes , 8c quand ils font
chafles dans les côtes 8c dans les
plaines , ils ne manquent pas de paf-
fer la riviere , 8c faire de grandes
randonnées dans toutes les prairies 8c
marais où ils trouvent du change,
& font imprenables. Le plus grand fe-
cret quand un Lievre rufe dans les
eauës , c’eft d’être opiniâtre & très
exaét à requefter dans les défauts :
car un Lievre ne fe peut fauver que
par des retaillés.
Bref étant chafles à la ' campagne
Pat ^.es f;evreteurs > il* ne fourlancent
jamais s’ils font bien queftez. Et étans
chafles par une Meute de chiens ils
demeurent fermes 8c rafés dans leur
gifle , fi quelque chien ne les lance.
Qui eft-cequi peut rendre railon d’une
fi fpirituelle conduite?
ÏIO LE PARFAIT
Toutes les rufes les plus fines fe
déduiront à la fuite, félon que les oc-
cafions s'en prefenteront, quand nous
parlerons de la maniéré de bien ehaf-
ferj mais auparavant il faut faire voie
de quelle nature de chiens il faut le
fervir pour bien réiiffir en cette chalfe.
Après que nous avons parlé des
grands chiens qui doivent fervir pour
executer les grandes chalfes , il faut
parler de ceux qui font les plus pro-
pres pour executer les petites.
Il y a deux fortes de chiens Fran-
çois qui font propres à courir le
Lievre aufïï bien qu’en Angleterre, 011
il y a deux fortes de tigles.
De ces deux fortes de François, les
uns font propres pour les pais cou*
verts , les autres pour les plaines*
Ceux qui font pour les pais couverts*
doivent être des chiens épais qui re-
queftent bien , 8c qui fe fervent d’eux*
mêmes ; parce que dans les forts oq
un Lievre chicane le plus fouvent ,
on ne les peut point fecourir, 8c
quand un Lievre eft fur fes fins dans
un fort , fi les chiens ne relancerai
d'eux-mêmes 9 il fe celaiffe fi fouvens
CHASSEUR. III
qu’à la fin il demeure relaide & man-
qué.
Ces mêmes chiens doivent fervk
en un pais de coraux , & de grands
rideaux ordinairement fourrés d’épi-
nes qui font difficiles à monter & des-
cendre où Ton ne peut pas tenir les
chiens , & les fecourir. Il fe faut fer-
vir de chiens pefans qui requeftenc
bien , autrement on n’y prend poiijt
de Lievrev
Ceux qui font pour fervir dans les
plaines, font de petits chiens François
fort, beaux qui cnaflent le coyer haut ,
qui crient bien des maftinées,, &vont
fort bien requérir un Lievre par les
menus , le rapprochant avec beau-
coup de gayeté, chafTantde tres-bonne
grâce le balet haur.
La race de ces chiens eft prefque
anéantie , & il n’y en a plus que par
ci , par là , quelques-uns chez des
Gentilhommes particuliers en Nor-
mandie ; IaTace s’appelloir des chiens
des Eflârs , & comme les François
font changeans , ils les ont tous meflés
de petits chiens Anglois, & en ont
tout confondu la race,. • S’il s’en
m LE PARFAIT
pouvoir encore rencontrer , on feroit
une Meute la meilleure du monde , 8c
la plus gaillarde. La plufpart des
bons chiens Normans viennent* en-
core de cette race, & ils font mê-
lés de chiens Anglois qui ne chaflent
pas fi gayement ni de fi bonne grâce
que les naturels François. Mais quand
il s’en rencontre qui tiennent plus du
François que de l’Anglois * ils font
admirables , car ils requeftent bien
dans le fort , fe fervent d’eux- mêmes.,
& chalfent fagement dans les plaines.
Il y avoir encore une autre race de
chiens François plus grands, fort bien
avallés , de poil gris 8c fauve , que
tenoient des Seigneurs en Picardie,
qui étoient les meilleurs chiens, qu’on
aye jamais vû courre le Lievre en tout
païs, car ils étoient juftes à la voye ,
requeftoient merveilleufement , 8c ra-
prochoient un Lievre paflfé d’une heu-
re dans lesfeicherefies, ils avoient de
belles gorges & des voix hautaines
qui fe faifoient entendre d’extreme-
ment loin ; la race en eft encore de-
meurée dans ko maifons de Supplia
court 8c de <damache :: c’étaient des
chiens
CHASSEUR. n3
chiens qui chafioient le Loup comme
les Lievres 5 & ne vouloienr point
du tout de Renards. Tous ceux qui
veulent faire des Meutes pour lievres
devroient être curieux d acheter des
liïïes & faire race de ces chiens, parce
qu'ils font très beaux, de belle taille 9
& ont la gaillardife des chiens Fran-
çois , de la fageiîè des chiens Anglais*
Ls ne ehalïènt point le nez bas com-
me eux , mais a un pied de terre 3 ils
tournent bien & font juftes , & par
leur maniéré de chaflèr très plaifante
donnent plus de piaifir à un rappro-
cher que tous les autres chiens en une
Ghalïe entière,
Aprefent prefque toutes- les Meutes
pour le Lievre en France font com-
pofeea de bigles Anglois & de chiens
François méfiés. Ceux qui tiennent
Plus de l’ Anglois que du François
iont propres dans les plaines , & ne
valent tien dans les pais couverts ,
parce qu’ils ne requeftent point & ne
peuvent lancer , & font tellement at-
taches a la voye quand ils chaiTent ,
quils ne peuvent en façon quelcon-
que faire forur un Lievre du bois-,
K
ii4 LE PARFAIT
8c s'il y avoit trente chiens dans la
Mente , il faut qu’ils pafïent tous par
une même paflee & par un même
trou.
Ceux qui tiennent plus de la race
Françoife que de TAngloife font fort
agréables dans les plaines , & beau-
coup meilleurs dans les forts ; mais
encore leur faut il encore quelques
petits chiens François fages pour les
mener s moyennant quoi ils prennent
plus de douzaine de Lievres qu'ils n'en
feroient de paires s'ils chafïoient feuls,
à moins que ce ne fuft une Meute
forte en curée 8c extrêmement à la
chair.
Quant aux petits Bigles Anglais ,ce
font de très jolis chiens pour le Liè-
vre , les Anglois leur conppent à tous
la queue , 8c ne leur en biffant que la
moitié , leur ôtant tout ce qu'il y a de
beau à un chien courant qui eft le
mouvement de la queue 5 fi bien qué
Ion dirait en les voyant chaffer, que
c’eft une Meute de Braques au mou-
vement de leur queue , au lieu de
chiens coorans , néanmoins quand ils
font méfiés avec des François-, &
châsse vr; n5.
qu’on en a fait race , il en vient des
chiens les plus parfaits 8c les plus
pl ai fans qui foient pour Lièvres , parce
qu'ils ont la gayeté dès chiens Fran-
çois en leur maniéré de charter, qu’ils
ont la fagefle & la jufteiTe des Bigles3
8c que leurs gorges tiennent des tons
hautains François , 8c des plaifans ; /
hurlemens defdits Bigles.
Quant à la maniéré de faire charter
les Meutes pour Lievres, il faut être
plus fçavant à cette Ghafle qu’à au-
cune , puis qu’on rencontre plus de
difficulté qu’en toutes les autres, prin-
cipalement dans les païs fecs , 8c dans
les grandes plaines de plein terroir, ou
il y a des cantons tous entiers de gue-
rets 8c de herfis, dans lefquels les
voyes fe recouvrent quand le Lievre y
a parte , ce qui fait que les chiens ne
peuvent en porter la voye. îl faut
qu’en ces lieux un Chafleur foit fort -
rufé 8c prudent pour juger où un Liè-
vre dreffe , ce qui ne s’aquert que1
pour ceux qui ont une grande expé-
rience de chafler fouvent en ces lieux, «
car d autres n’y entend roient rien , 8c
fer oient obligés d’être fecoums de~
K ij ^
u6 LE PARFAIT
beaucoup de radreffe par des laquais
qu’ils feroient obligés de mettre au
milieu defdits pais , pour remarquer
ou tourneroient les Lievres.
Dans les pais de petics terroirs, la
Chafle pour le Lievre ne rencontre
point tant de difficultés , car il s’y
rencontre force bloufes , 6c n’ÿ a à
craindre que les grands chemins blans
6c ferrés où le Lievre appuyé fi peu ,
que les chiens ont peine d avoir con-
noiffance des voyes , principalement
dans les chaleurs.
Dans les pais d eauës les Chaffeurs
pour Lievre ont à craindre les relaif-
îes qui arrivent fouvent dans quelque
touffe de jour ou mottes d’herbes t
car hors ces relaiffés, comme les voyes
font toujours bonnes fur les herbes ,
6c que les Lievres ne peuvent point
s’en aller fans connoiffances , il n’y a
que les relaiffés qui le puiffent faire
faillir.
Dans les plaines , il n’y a que les
chemins , les guerets & les herfis à
craindre , 'c’eft pourquoi Ton y man-
que beaucoup de Lievres fi l’on n’a
des chiens bons pour les chemins , def-
CHASSEUR. ri y
quels les Chafleurs doivent eftre très
curieux.
Il faut tenir pour maxime que G
une Meute pour Lievre n’eft très forte
à commandement, elle n’eft pas fur le
pied d’eftre dite bonne Meute.
Le fecret pour faire tourner les
chiens où l’on veut, eft la gibeciere
pleine d’oflèlets qu’on deflerc des ta-
bles leur en jettant quelquefois à cer-
tains cris aufquels on les accoutumera
fans jamais les tromper. Et faut qu’il
y ait un certain cri particulier aux Ve-
neurs , aufquels ils foient dreffés de
tourner pour les faire revenir à eux*
quand ils leur veulent faire chafler un
chemin qu’un Lievrea longé, ou quel-
ques autres lieux difficiles où ils les veu-
lent faire venir. Ces cris aufquels les
chiens font accoutumés fervent à tou-
tes rencontres, & difficultés qui peu*
vent arriver principalement dans les
gros Villages ou un Lievre fait fes ru-
fes , paffant par tous les jardins où
les trous des hayes ou il a accoutumé
de palier les nuits v & où il n y a nul
recoin qu’il ne mefure , ce qui emba-
taffe tellement les Chaffeurs par le
r«8 LE PARFAIT
bruit de tous les maftins du Village
qui étourdiflent les chiens par leurs
cris , que fi les ChafTeurs ne~ prennent
garde par où le Lievre fort à la cam-
pagne de ces lieux & n’y meinent leurs
chiens par le fecours ordinaire des cris
qui les font revenir, ils peuvent s’af-
furer que leur Lievre eft manqué fi le
Lievre ne fort dudit Village., s*il
s’opiniaftte d’y demeurer , fk ufe fur
fes fins d’une pareille rufe, il eft failly
fans remede. Si les Veneurs ne~
s’opiniaftrent (commeils doivent faire
en cas pareil pour accoutumer leurs
chiens à parchafler ) à requefter tous
les jardins l’un après l’autre pour le
relancer.
Ils doivent faire la même chofe dans
les bois, principalement quand ils font
remplis de chemins lors qu’un Lievre
fùr fes fins fait de pareilles rùfes pour
fe fauver.
CHASSEUR. ît9'
CHAPITRE XX.
Des rufes des Lievres , tant à fe
•gifler qu'a fe fauver quand ils
font chaffès.
LE Lievre eft un petit animai qui
femble n’eftre fait que pour don-
ner plaifir, c’eft pourquoi l’on le chafte
en toutes maniérés. C’eft la raifam
pour laquelle il fe rend extrêmement
rufé pour fe fauver.
La première rufe dont il fe fert pour
ôter la connoiftànce aux Chafteurs des
lieux où il pafle pour fe retirer le matin
des gagnages à fon gifle , eft remplie
de beaucoup de fineftè, car il ne fe retire
jamais que par des chemins les plus
fecs & les plus hantés. Ce qu’il fait
avant le jour afin de n’eftre point ren-
contré , & que les chiens ne puiflent
avoir aucune connoiftànce de fes voyes
!ur cette terre qui eft dure ou il n ap-
puyé que du bout des ongles , & en
juittantle chemin il fait de très-grands
no LE PARFAIT
fàuts à droit de à gauche balançant fei;
voyes , puis quand il fe veut gifler il
retourne par grands fauts ordinaire^
ment à vaut vent & fe jette dans fou
gifts J qui eft le plus fouvent fur des
cailloux en un pais rude quand il eft
levreté, & à la finefle quand les Le-
vreteurs queflent de fourlancer quand
le côté defon fort eft vuide de ouvert^
&c que les Chafleurs ne le queftenr
point du côté du fort, de quand ils le
font, il fe rafe le plus qu’il peut pour fe
laifler* palier de attend tout deffiis.
Quand il fe gifle en pais couvert, if
fe lance dans fon gifle par des lieux lï
fourés, qu’à moins qu un chien ne lui
mette le nez fur le raMe il ne partira
point.
Si le Lievre eft chafle par des chiens
courans , il a la finefle de fuir tous,
doucement fan s fe preflèr , comme s’il
avoir la connoiflànce que la Chafle
doive durer long-temps , de qu’il a be-
foin de conferver les forces 9 de afin
de n*eftre pas fuivi d’une grande vi-
telle, de d’oiiir toujours les chiens qui*
le chaflènt. Il fait toujours fes fuites*
êe randonnées à vaut vent pour ren-
CHASSEUR. IM
dre Tes voyes plus difficiles à empor-
ter , 6c pour avoir le temps d*exercer
toutes fes rufes contre leur plus tardive
fuite , faifant cent retours dans les
bois , dans les chemins , dans toutes
Jes vieilles mafures des Villages , dans
les jardins, dans les choux , dans les
Faux bourgs des Villes, dans les ?ran-
des rues , /tir des ponts 5 dans les ri-
vieres les pafïant a nage, & repaffisnt
comme il eft arrivé jufques dans la
Seme devant plus de trente perfonnes
üe quante , & enfin dans les relaiffè-f
mens , & ce qui eft admirable, c'eft
qdAns font toutes leurs rufes prefque
toujours à vaut vent 6c fur le bord
, .frrami* cîl.em1ins - & quand ils fe
retaillent fur les bords d’un grand che-
min , ils font un grand faut au dsffhm
lu vent a coté d’icelui, comme fi le
abonnement les conduisit. Et eft à
emarquer une chofe tres-curieufe pour
es Naturaliftes &r pour les chaflTcurs
^ q^ tant plus ils font échauffés'
* qu ils approchent de leur fin d’au
Z Pll,s leur* nifes font frequentes f
§raRcSes & plus remplies de fi.
1
ni
LE PARFAIT
B es rufes des Lièvres obfervees
far l' Auteur.
PA R M i toutes les rufes dés Lievres
que j’ay obferyécs qui (croient
trop longues à décrire , j’en ay re-
marqué deux qui égaloient pour le
moins le raifonnement de l'homme ,
& qui rendoient deux Lièvres im-
prenables»
r La première fe faifoit dans un .grand
bois extrêmement traverfé de chemins,
„n Lievre ne couroit jamais que les
chemins , & -faifoit d’auffi grands re-
tours fur foi qu’un Chevreuil , j avois
les meilleurs chiens pour chemins qui
iufient en France , je le manquay la
première fois qu’il fe relaifloit tou-
jours après de grands retours, & quan
tous les chiens & les chevaux etoient
partes , il reprenoit le contre-pied &
r.e couroit que fur des voyes fur-mar-
ehées de chiens & de chevaux.
La deuxième fois je mis dix ou douze
petits garçons au bout de tous les
chemins pour lui rompre fon dellein,
CH A SS Eü R, iij
îéfquels obfervoient Tes retours , j’en
démêlai plufieurs , & comme il vid que
je continuois à les deméler , il fort du
bois, & s’en va à un autre bois auffi
rempli de chemins que le premier , &
fe mit a faire toutes les mêmes rules
qu’il* avoir faites à l’autre , & n’ayant
plus perfonne pour voir fes retours,,
mes chiens ennuyés de chalfer toû-
jours des voyes fur-marchées , il fus
une fécondé fois failli.
j’en fis le conte à plusieurs de tous
les meilleurs Cblfeurs . lefquels fe
mocquerent de moi , & m’àffurerent
qu ils le prendroient avec cinquante
chiens, & que le grand bruit lui rom-
proit fon deiTein. Ils choififTent enfuite
de quatre Meutes excellentes tous les
meilleurs chiens & le vinrent courre.
Il fut tres-bien chafle , la première
randoiiîieeles Challèurs le mocquoient
déjà de moi. Je doutois fi c’étoic le
même Lievre , mais quand je lui vis
gagner l’un des bois où il exerçoit fes
rufes , je dis à tous ces Meffieurs
c eft le véritable Lievre, vous le man-
querés , quoi que vous fçachiés fes
rufes. Le Lievre fe mift à longer tous
IZ4 LE PARFAIT
les chemins , & faire fes grands re-
tours & fes rufes. Ils en demélerenc
quelques-unes, mais il en fittantque
leurs chiens ennuyés de courir toû-
jours des chemins & des voyes fur-
marchées , ils tombèrent en défauts
que tous les ÇhalTeurs ne purent re-
lever, & du depuis il fut encore cou-
ru quelquefois , & -n a jamais pu eftre
pris* ,
L’autre rufe qui rendoit un Lievre
imprenable eft encore plus fubtile &
digne d’admiration. Ci eft qu il failoit
de grandes randonnées dans des pais
fecs à vaut vent , lefqnelles aboutif-
foient à de grands marais , & comme
on étoit très long-temps à poufter fes
voyes à bout dans lefdits pais fecs ,
cela lui dontioit le temps de faire fes
rufes dans ledit marais, qui étoiant de
plufieurs retours fur le bord de la ri-
vière dans un grand chemin qui con,-
duifoit à un gros Village , où il alloue
revenoic fur loi plufieurs rois jui-
ques audit village , puis il fe metroit
à nage dans la rivière qui bordoit le-
dit chemin , & fe laiiToic aller au fil
de l’eau plus de cinq cens pas jufques
CHASSEUR. nj
à" line petite Ifle qui étoit au milieu
couverte de buifïbns qu'où voyoitpeu
& s y relaifîbit. Quand les chiens ve-
noient à ce marais après avoir eu tant
de peine à poufïér fes voyes dans le
païâ fec ,, & qu’ils rencontroient des
voyes doubles à plein nez, ils renou*
velloient tellement de voir, qu’on
croyoic à toute heure de voir un re-
lancer. Enfin étant arrivés à ce che-
min qui alîoic au Village , où ils ren-
controient des voyes doubles ëc tri-
ples , ils les pooflbient tellement jus-
que s audit village qu’on oroyoit que
le Lievre fuft reparti , mais quand ils
vendent au bout de la voye qui abou^
tiiïbit audit Villagé^dans plufieurs car-
refours de chemins, les Chafteurs fe
défians toujours qu’il en euft enfilé
quelqu’un , & ne fe fuft jetté dans
quelque clos ils prenoient toujours
lés devans de ce côté-là , comme
c’étoit le droit ; jamais leurs chiens
n’eurent aucune connoiflànce du Liè-
vre^ qui étoit comme jVy dit relaifle
dans ledit Iflier à plus de cinq cens
pas de là , & Ton ne fe douta jamais
qu’il euft la tête tournée de ce côté
L iij
n6 LE PARFAIT
là. J’eus la curiofité de le courre une
autrefois , 3c fis mettre un laquais fur
le haut de la côte qui remarqua toutes
les rufes fufditcs , fans quoi elles nau-
roient jamais été fceuës. Ce Lievre
fit toutes les mêmes rufes & ferelaiil|,
dans llfiier. Je ne le voulus point
prendre 3c le laiflfay, Quelque temps
après il fut encore couru par une
bonne Meute conduite par le plus ru-
fé Cfaâtfeur de la Province, Il fui
manqué par les mêmes rufes , (k ja-
mais le Chafleur quoi que très fin ne
r’en avifa.
CHASSEUR. U 7
Continuation des rufes des Zievrek
Avertijfement.
/~V U and un Lievre rufe dans les4
V^bois , il ne faut ni fonner ni par-
1er aux chiens, ni faite bruit. Si c’eft
au commencement de la Chafle, il failli
que tous les Chaffeurs fortent du bois,
SC fe cachent allentour du bord, & ne
lailTer qu’un Picqaeut avec la Meute.
Le Lievre n’entendant aucun bruit,
que des chiens , fortira ailutément ,
& même les chiens le feront mieux
fortir fans qu'on leur parle.
Si c’eft fur les fins, tout au contraire,
il faut fort parler aux chiens, lès ré-
chauffer , les tenir jtiftes & les fort
fécourir, car alors le Lievre ne fe peut
fauver que par un relaiffèr. S'il arrive
un défaut fur le bord d’un chemin ;
le Lievre a fait un retour, & eft aflù-
rement relaiffe. Il le faut tres-exa£te-
ment requefter ( & reclamer s’il fe
peut) très long- temps , parce qui fi
on ne le requefte gueres , cela accou*-
tame une Meute à ne point parchaf-
L iiij
ï*s LE PARFAIT
fer, & k rend pareflèufe dans Pefpe-
rance qn e!le a qu’on leur montre un
antre Lievre r car les jeunes gens im*
patiens ne demandent qu'à chaffèr.
Mais un vieux de rufé Chafleur fe
prend bien garde de remontrer un au-
tre Lievre à fes chiens qu’aprés avoir
requefte très long- temps fon Lievre ,
& pour accoutumer fes chiens à eftrô
opmiaftres dans leur parchaffer , de
meme il fer oit mieux de remettre la
Meute au logis , parce que dés quelle
a manqué deux ou trois Lievres fans
quVn aye opiniaftré le requefler , c’cfl;
une Meure rebutée, de qui manquera
bien plus de Lievre qu elle n'en pren-
dra.
Si un Lievre elt fur fes fins dans les
plaines , il ne cherche qu'un vieux
gifte pour fè mettre dedans où le
Lievre giflé pour le pouffer de fe met-
tre en fon même gifle. Par une autre
rufe il ne cherche qu’un grand chemin
hanté de charois pour fe relaiffer dans
quelque vieille orniere à vaut vent.
Par une autre rufê s'il écheoit fur
fes fins prés d’un Village , il ne cher-
che que le bruit des maliins pour fe
CHASSEUR.. 119.
fauver. A tout cela le Chafleur doit
prendre garde fort à foi * & fe fervix
de toutes les contre-rufes qu’il a pra-
tiquées en fa vie, pour finir fa Chatte :
car quand un Lievre fe prend avec
beaucoup de j)eine , il n'y a rien qui
rende une Meute meilleure que les
parchaffer.
Auparavant que de finir la Chatte
du Lievre , je veux dire un mot du
fonner , quoi que j’en aye exprimé la
maniéré en la Chatte du Cerf qui ett:
une même chofe. La différence feule
qu’il y a, eft qu’à la Chatte du Lievre,
principalement quand ils vont à vaut
vent pour mieux entendre, les chiens ,
ie moins qu’on peut fonner & parler
aux chiens * foit en queftant, foit en
chaflant, c’eft la meilleure méthode ,
parce que cela ne fert qu’à les faire
forlonger , ou à les faire tenir rafés.
Et quand il arrive des défauts, foitpar
les chemins , foit par les retours ou
par les relaitters, ou par quelque cau-
fe que ce foit , alors il faut beaucoup
pariétaux chiens les nommant les uns
après les autres, principalement à ceux
qui chaflent chemins , en leur difant j
i3o le parfait
Il va la 5 voy , v a là voy y va là voy. Et ;
fi Ton void que le chien auquel on
parle en veiiiîle dire mettant le mz à-
terre dans le chemin , il faut le ré-
chauffer, quoi qu?il n'en dife rien, ët'
l'on void bien que le Lievre appuyé fi
peu dans ledit chemin., que le chien
n'ofimt rien dite, quoi qu'il marque
allés qu'il y va 5 c’eft alors qu’il faut"
le fort appuyer en parlant à lui , de
s'il longe le chemin fort loin , il faut"
toujours continuer jofqu'à ce qu'on y
rencontre quelque lieu ou îongle du Lie-
vre, puilK marquer , & pour cet effet,
il faut mettre pied à terre & tâcher d'en
revoir, car fi Ton ne s'aflure du devant,
îe Lievre e fl: failli. Mais étant afluré
qu'il ne perce point, alors viftement ?
l'on retourne jettant l'œil dans toutes
les mottes à côté, l'on l'y verra fou-
vent relaiffé , où s'il fort du chemin
prenant les grands devans, on letrou-
vera paffe infailliblement, tout cela dé-
pend de la diligence du rufé Cha fleur
qui doit juger du delïein d’un Lievre,
& où peut-eftre fa refuite, félon qui!
a la tête tournée. Car l'Eté qu'il fait
fort fec, c'eft une erreur de croire que
CHASSEUR. 131
les chiens puiflent emporter les voyes
par tout , 8c faire tout , cela ne fe peut '
fans aide , c'eft ce qui fait dire com-
munément qu'il y a plus d'honneur à;-
prendre un Lievre rufé, qu'un Cerf ,
parce que les voyes de celui-ci font
toujours à plein nez*, & qu’a l'autre il
n’y en a prefque point.
Ceux qui aiment la Chafifë des chiens
courans , ôc qui fe veulent rendre ca-
pables de faire chaffer des chiens de-
vant les Grands , doivent s'étudier à*
Bien parler aux chiens avec des tons
de voix agréables & piaifans , & *vee
des inflexions de tons hautains » 8t des
récris furprenans 8c remarquables fans
rudefle , tous remplis de mélodie, tant
pour réjouir les ChalTeurs & les chiens*
nnur fe faire mienv &
vlww I ' b
reconnoître par toute la Meute.
Au refte.» il faut eftre plus curieux
d’un équipage pour Lievre pour le
rendre excellent que pour tout autre »
parce qu’il y faut de trois fortes de
bons chiens pour le rendre parfait.
La première & la plus neceffaire',
eft qu’il lui faut des chiens qui chaf-
fent bien le chemin , lefquels foient
*3* LE PARFAIT
feurs & en qui on ait confiance , ca£
la plufpart mentent. Ges fortes de
chiens ne doivent fetvir qu’à cela dans
une Meute, & doivent eftre fi feurs,
que toute la Meutte prenne creance en
eux.
La fécondé Bonté , eft qu’il y faut
des chiens qui parchaflènt bien dans le
couvert , &; qui foient de race à cela.
La troifiéme bonté, eft qu’il y faut
des chiens _qui foient curieux de fe te-
nir toujours fermez dans la voye dans
le corps de la Meute, & qui n’en for*,
tent point. Ces derniers font les vrais
bons chiens de la Meute , tenant pour
maxime , que tous chiens babilla rs &
mars ne (ont nullement propres à
la Chaiïe pour le Lievre , & en doi-
Tent eftrc ôtez, & remarqués toujours*
quand il faut ôter des chiens que ce
iôir parla tête ôc par la queue.
On ne vienrpoint about de faire de
femblables Meutes, fi le maître n’a une
particulière inclination & la chafle du
chien courant , & n*y veiiille faire la,
dépenfe convenable. Car s’il n’achetr
des chiens ôc n’en falfe très curieufe-
ment nourrir de race femblable à ce
CHASSEUR. 133
jui eft dit, ii ne reüffira point. Il faut
|iul aye grand foin d'avoir la Meute
3ien tenue par des valets qui foient
loux 8c non rudes aux chiens , 8c qui
ipportent toute la vigilance polïïble
)our bien faire penfer les chiens , &
?our les dreflèr avec plus de douceur
que de rudedè. Enfin 11 le Seigneur ,
?n un mot , de la Meute n’eft liberal
envers de tels valets, & ne fait une
lépenfe raifonnable pour faire diftin-
*uer fa Meute des autres, il ne reüilira
3oint , & au lieu d’avoir une Meute
ioriffante , ce ne fera qu’un houraillis
qui lui coûtera autant qu’une bonne
Meute. Car fans des chiens faits com-
me il eft dit , 8c que ce foit une Meute
fautive, il vaut mieux n’en point tenir.
[1 faut tenir encore pour maxime que
àes chiens pour Lievre doivent chaf-
fer enfemble , 8c qu’un feul chien ville
mine une Meute, 8c fait étouffer îa
plufpart des chiens par les efforts qu’il
leur fait faire , & les rend tous vi-
cieux , parce que les plus farts de-
viennent barreurs , 8c fi !on court feu-
lement avec elle d ■*nx Chevreüils , elle
eft entièrement gaftée*
i34 LE PARFAIT
CHAPITRE XXI.
De la Çhajje des Lévriers.
IL y a quatre fortes de Lévriers en
France qu’on employé à quatre
differentes Chalïes. Les premiers ce
font les Lévriers d’attache , qu’on em-
ployé pour courir le Loup , Sanglier*
& toute autres grandes bêtes, comme
le Buffle 8c le Taureau fauvage. Les
Ecoflbis & Irlandois , les Scythes , Le#
Tartares & tous les gens du Nort en
font fort curieux. Il y en a dans la
Scythie d’aifes furieux 8c hardis pour
attaquer le Lion, le Tygre , 8c toutes
autres bêtes de grandes forces. Ils leur
fervent à garder le beftail qui n’eft ja-
mais enfermé. Les plus grands 8c les-
plus beaux en l’Europe viennent d’Ir-
lande. Je dira y par difgreffion qu’ils
ont aufli des chiens meftifs prepofés
pour garder leur beftail quifuiventà la
pifte les voleurs qui font affés hardis
de les dérober s & les pourfuivent à la
CHASSEUR. 155
pMte , gardant le change fi loin qu ils
les attaquent même par tout où ils les
trouvent , en telle forte que les ayant
attaqués, ils font creusen témoignage,
& peuvent convaincre les larrons du
vol.
Les féconds Lévriers & les plus no-
bles de tous les autres font employés
pour courir le Lievre. Ils font les plus
viftes animaux du monde , les Fran-
çois, les Anglois, les Portugais & les
Turcs en font les plus curieux de tou-
tes les Nations , & ont les plus viftes
& vigoureux.
En France, les Provinces où font
les meilleurs font en Champagne &C
en Picardie, parce qu’en ces Provin-
ces ce font toutes grandes campagnes,
ou même en diverfes endroits les Liè-
vres font plus longs que tous les autres
en quelque endroit que ce doit , &
qu’ils ont des vigueurs pour fe défen-
dre qui obligent à tenir des Lévriers
de plus grande race , d’une extreme
viteffe & de tres-grande halaine.
Les Turcs en ont auGï de merveil-
leux dans leurs grandes plaines de
Chrace , & s’adonnent extrêmement
i3fi LE PARFAIT
à cette Chaire plus qu’à toute autre;
Les Portugais en ont auffi de fort
bons , mais ils font de deux fortes : les
uns pour les plaines, les autres pour
les montagnes.
Ceux des plaines font eftimés auflï
viftes qu’aucuns qui foient dans l’Eu-
rope.
Ceux des cotaux & des montagnes
font des Lévriers courts fort râblés 5c
gigotés, qui font d’une vite iïè extreme
éc fort plain-faultiers, 8c faut qu’ils
foient ainfi , parce que leur efpace à
courre n’eft point de grande étendue.
Les Anglois furpallènt tousles Cha£
feurs encuriofité, de races & nourri-
tures, de Lévriers & de toutes fortes
de chiens.
Les troifiémes , foient qu’ils foient
Franc-levriers ou meftifs font en tou-
tes les Efpagnes 5c dans le Portugal,
& l’on eftime qu’ils font meflés de
quelque race de chiens courans , ou
du moins de chiens qui rident natu-
rellement. Et ce qui les oblige à tenir
ces fortes de Lévriers , c’çft que leur
païs eft inculte 5c tout plein de broitf-
iaiües comme les Landes de Bout-
deaux. Tous
CHASSEUR. IJ7
Tous ces païs font remplis de tou-
tes (ortes de gibier ; fi bien que pour
y chaifer , il leur eft neceflâire de
chiens tres-viftes , très* vigoureux, &
qui rident : or ces Lévriers font dif-
pos, de telle forte qu’ils ne vont qu’en
bondi fiant quand ils pourfuivént un
gibier, ëc fe fecourent les uns les au-
tres à droit & à gauche , de telle vi_
*ueur qu’ils enveloppent le gibier qu’ils
:haflent, le prennent & le rapport
tent , & celui qui les conduit ne fait
que crier à haute voix > pour les faire
revenir à foi, Corridor , ils fe nom*
neiit ordinairement Charnaigres. Ils
ont d’une nature tres^chaude qui leur
lonne cette vivacité qui les em-
>efche d’eftre jamais trop gras nitrop
çrolliers ; parce que fans leur difpofi*
ion naturelle , ils ne pourroient pas
eüiïîr.
La quatrième forte de Lévriers , ce
ont de tres-beaux petits Lévriers
l’ Angleterre que la nature a fait all-
ant pour le plaifir de la voye que pour
utilité de la Chafle. Ceux d’entr’eux
qui font un peu plus hauts de terre
fervent ordinairement pour courir les
M
ï38 LE PARFAIT
Lapins dans les garennes ou dans les
lieux fermés, dans kfquels on les tient
en lelfe proches des épinieres faites
exprès , éloignées des trous & des ra-
boüilleres ou les lapins fe retirent
quand ils font hors deterre , & quand
le maître ou le Seigneur du lieu fermé
veut faire courir ces petits Lévriers,
on les approche defdites épinieres, &
on les bar,, il fort un Lapin qui veut
regagner les trous , & dans cet efpace
de plaine où il doit palier, les Lévriers
le bourrent , & fouvent le prennent,
ÿay vû faire cette C halle au feu Roi
Lo üis XIII. dans un lieu enfermé au
bout des Tuilleries où il avoir un fort
grand plaifîr. Les Anglois communé-
ment font cette Chaflé dans leurs ga*
rennes»-
CFÏ AS S E OR. 13 9
CHAPITRE XXI R
D e la Levrette rie .
F O ur avoir d excellens Levrièrr
pour leXievre, il faut première-
ment fçavoir qu’il, faut tirer race des
Levrettes les plus vigoureufes , & les
plus grandes qu’on puiflé rencontrer^
& les faut faire couvrir de Lévriers les
plus grands, dt les plus râblés, & les
plus vigoureux de race quon puiffe
connoître. Il faut auffi obferver la fai-
fon la plus propre de Tannée qui eft
an mois de Mars , dans lequel il faut
qu’elles faflent leurs chiens , c’eft
pourquoi il les faut faire couvrir fi
faire fe peut dans le commencement
de Janvier. Il y a ci après les recopies
pour les faire chaudier.
L’on a foigneufement remarqué
que les Lévriers qui viennent dans le
mois de Mars font plus vigoureux,
plus courageux & plus villes que les
autres qui viennent dans tous les au-
M i j
i4o LE PARFAIT
très mois > parce qu’iis font nais dans
le temps que le Soleil remonte, qui
redonne la vigueur à toutes chofes ,
<k que le fang des animaux Te renou-
velle ; comme auffi que les petits
chiens ont deux Etés contre un H y ver
pour fe fortifier, ôc venir en état de
perfection , & même qu’on en a plu-
tôt du plaifir, Car les Levrettes qui
courrent à onze Sc douze mois, font
en état de courre dés qu’ils ont cet
âge qui arrive au mois de Mars, étant
le plus propre temps de Tannée pour
mettre les jeunes Levrons dedans ; &
quand ils viennent à barrière faifon ,
ils ne peuvent courre que bien plus
tard , & la première année eft per-
due.
Quant à leur nourriture , il faut
durant les cinq premiers mois les nour-
rir de lait pur, foie de Chevre ou de
Vaclre, jufqu’à ce qu’ils ayent fait
leur gueule , & après les nourrir de
ton pain de bled , & faire enfonce par
quelque moyen que ce foit de les faire
beaucoup manger, afin de les pouffer,
3c qu’ils deviennent grands, car de-
meurans petits , ce ne feront que des
CHASSEUR. 141
belles médiocres. Ec fi par hazard il
s*en rencontre quelques-uns de bons*
ils ne peuvent demeurer long- temps
bons, par les efforts qu’ils font obli-
gés de faire dans l’Hyver , où les
Lie v res font à leur force : 5c pour
dire le vray , ce ne feront que des Lé-
vriers de Printemps.
Tous les Levreteurs feront avertis
de ne jamais tirer race d’une petite
bête, principalement quand l’étendus
de leurs ChalFes eft dans les plaines*
S’ils veulent avoir des leffes de Lé-
vriers parfaites* il faut que leurs Lé-
vriers foient grands 5c râblés , 5c
qu’ils tirent race de pere 5c de mere *
^ui ont les râbles bien faits & qui
mangent bien.
Il ne faut jamais faire courre les
eunes Levrons qu’à un an on- plus
jard, 5c les Levrettes félon ce qu’elles
iront formées , & les Lévriers à dix-
iuit mois , & ne les mettre jamais de-
lans qu’avec des vieilles bêtes * ÔC
jui foient très bonnes.
j La marque des meilleures bêtes
l’une lefïe * eft quand elles Ce font
.rainer à la leftè * qu’elles demeurent
J4z LE PARFAIT
derrière, & font parefieufes à la quefife
étant hors lefTe. Ge font ordinaire-
ment bêtes qui fe fient à leurs forces.
Les plus triftes & les plus mélancolie
ques font ordinairement les plus vi-
goureufes, & font comme on dit pre-
mières bêtes qui vont requérir , &
font tout quand un Lievre fe veut
fauver. -
Quand on véut conferver uneleffe
de Lévriers long temps bonne , il
faut éviter trois chofes ; la première
de ne courir jamais s’il n’a bien dé-
gelé , car les Lévriers perdent les on-
gles infenfibîement par des puftules
qui leur viennent au tour , & les on-
gles font tellement ébranlés qu*ils tom-
bent. J’en ay vû arriver autant a»
chiens courans qui couroient dans un
temps de gelée.
La fécondé eft encore suffi dange-
reufe de courir trop fouvent dans les
grandes feichereffes qui font le même
effet du temps de gelée, & déplus les
écorchures desfreflons & du derrière
des jarets, avec les hurs que les Lé-
vriers fouffrent dans ces temps, ébran-
lent tellement tous les pieds des Le-
CHASSE U R. 145
vriers , de leur font des bleftures fi
dangereufes, que delà en avant, on ne
les void plus entièrement s’abandon-
ner, principalement quand ils rencon-
trent le moindre rude»
La troifiéme eft de ne jamais faire
courre les' jeunes bêtes fiir des païs
rudes, parce qu’étant pleines de feu
êc de vigueur if en arrive deux incon-
veniens infaillibles ; le premier , eft^
qu’elles font tres-fujetes à s’allonger *
& ce font des bêtes gaftées ; le fécond
c’eft que les bleftures qu’elles" y
prennent les rendent fi fujetes à eftre
bleflees, qu elles craignent fi fort le
rade, que le moindre qu’elles rencon-
trent, même un Lievre étant au roiiet5
elles fè relafchent , le Lievre reprend
vigueur & fe fauve.
On doit encore éviter fur tout de
courre fur les païs rudes dans les temps
de pluye , parce que les caillous fe ren-
dent tranchans comme des rafoirs qui
ne font jamais de petites bleftures,
C’eft encore une maxime que les
particuliers ne doivent jamais courre
qu’avec trois bêtes s’ils veulent con-
ï rver une bonne leflê , parce que deux
144 LE PARFAIT
font trop d’effort ôc ne durent pas
long-temps,
11 n’appartient qu’aux grands Sei-
gneurs de courre à deux bêtes pour
deux raifons * la première , c’eft qu’ils
font toujours montés fur des chevaux
très viftes , & ils peuvent fuivre leurs
Lévriers de prés , ôc par ce moyen ont
tout le plaifir. La fécondé, c eft que
quand leurs bêtes font ufées par les
efforts qu'elles ont fait , ils ont force
argent pour en acheter d'autres , ôc les
moyens pour en faire nourrir plufieurs,
ôc en avoir toujours à fuffifance.
Que fi un particulier s’acccûcumoit
à courre à deux bêtes il lui arrive-
mit toujours n’étant que médiocre-
ment monté , que les Lievres gagne-
raient le pars fi loin ( comme ils font
ordinairement dans le temps qu’il fait
noir ) qu’ils ne wroient jamais la moi-
tié de la courfe,..& que hors les plai-
nes en païs de coraux il perdroit tou*
jours les Lévriers * joint à cela qu’il
faut au moins deux années entières
avant qu’une leflè de Lévriers foit
faite : outre cela , c'eft que les bêtes
jamais n’atteignent fi bien à deux qu’à
trois y
CHASSEUR. i45
trois , 8c n ont point le loifir de re-
prendre halaine quand un Lievre Ce
défend fort.
Tour faire chaudier les Lijfes.
IL n’y a rien déplus important pour
tirer race de bons chiens , que de
faire couvrir les lices en bonne fai-
faifon , parce que des chiens qui vien-
nent tard dans les faifons avancées , 8c
qui onc^deux Hyvers contre un Eté ,
Unt toujours defeétifs en deux ma-
niérés.
Premièrement l’on perd une année
a les faire chaiîer , car s’ils viennent
à’ Automne, ils ne peuvent chalfer qu’à
iix-huit mois , 8c avant qu’ils foient
irelles ils ont deux ans , première-
ment les chiens couchans , & même
es chiens courans avant qu’ils foient
;n curée & bien dedans. Ii faut qu’ils
lyent auffi deux ans quant aux Lé-
vriers , de vingt qui feront nourris
l’hyver, il n’y en aura pas un d’ex-
cellent, car les laitages n’ont plus de
orce , & ne procèdent ciue de fourra-
is ~
i46 LE PARFAIT
ct»>s , qui ne peuvent pouffer les Le*
Sïons , & prefque tous demeurent
petits , après ils ne peuvent courre
qu’à dix-huit mois ou deux ans , &
ainfi le temps de leur plus belle vis
sueur fe paffe fans qu’on aye du plai-
fir, & tres-fouvent il arrive que dans
ce temps les Levrettes chaudient avant
qu'avoir couru , deforte quelles ont
deux ans avant qu’on les mette en
état de donner du plaifir : fi bien que
la maxime eft véritable que tous chiens
d’Hyver & tardifs ne valent rien.
Or l’on n’eft pas le maître de faire
chaudier les Liffes dans les bonnes fai-
fons fi l’on attend quelles deviennent
chaudes naturellement, ceft pourquoi
il faut avoir recours aux remedes pour
les faire chaudier , principalement a
la fin de Décembre ôc tout le long du
mois de Janvier , parce qu’elles por-
tent neuf femaines & trois jours , telle,-
ment que pour faire qu’elles mettent
bas dans le mois de Mars qui eft le
mois de l’année où les chiens iont
plus vigoureux & plus fains. , Sc plus
en état de chalfer ayant un an qui eft
yigg Ig plijs docile pour eftre dreflfs-
CHASSEUR. i47
Il faut donc pratiquer ce qui s'enfuit.
Premièrement à la fin de Decembr*
& tout le long du mois de Janvier, la
plufpart des maftines & des chiens de
bouchers chaudient : il faut tâcher
d’avoir une chienne chaude & l’enfer-
mer avec la Liflè que vous voulés
faire chaudier , & lui donner bien à
manger, & quant à la Lice qui doit
devenir chaude , il lui faut faire man-
ger en decours de la Lune des omelet-
tes méfiées de poire & de noixunufca-
des raclées , afin qu’elle puifie eftre
en chaleur & couverte dans le croif-
fant de la Lune, elle n’en aura pas
mangé trois jours, qu’elle deviendra
chaude : quand on s’appe rcevra que la
portière lui groffit , il faut retirer l'au-
tre chienne chaude & la renvoyer, le
fouvenir de cette chienne chaude la
fera encore chaudier plutôt , la Liflfe
ne la voyant plus , il la faut nourrirde
fouppe grafie tant qu’elle foit chaude
tout à fait, & quand elle attendra les
chiens , il la faut encore laifièr trois
jours fans la faire couvrir , afin qu’elle
foit dans fa plaine chaleur, alors vous
la ferez couvrir une fois le matin &
Ni; '
i43 LE PARFAIT
s’il eft poflîble que ce foit dans le
croisant de la Lune , & deux jours
après encore une fois , puis vous lui
ôterés.la connoiffancç des chiens tant,,
qu’elle fera rafroidie , & qu’elle ne les
attende plus.
Gardés bien delà mener à la Chafte,
caryne feule curée la feroit avorter :
fi c’eû une Levrette, lailïes lalibrefans
la faire courre, car fi elle court , ou
elta fera des efforts qui affoibliront
fes petits, ou elle avortera. Cela eft
de confequence pour ceux qui veulent
avoir de belles races de chiens , parce
que fi l’on perd une année , i’année
d'après ne réüffira peut- eftrepas,& ainfi
le temps fe perd. Il faut eftre extremé-
ment curieux de nourrir des chiens ?
car de s’attendre qu’on en donne de
bons , cela ne fc fait pas , & les Le-
vrotjs que l’on nourrit de dons , l’on
n’en fçait point la race , c’eft hazard
quand on en rencontre qui réüffiffent,
Tout Levreteur qui ne fera pas ce
que dëffus , & qui ne nourrira pas
tous les ans une couple de Le-
vrettes pour renouveller, ne peut pas
s’affûter d’avoir jamais une leffb par*
/
Chasseur. 149
faite de Lévriers , car il arrive tant
d’accidens fâcheux, que fans la jeuneffe
qui repare les des-ordres , on eft fou-
vent dénué des bons.
Des fine [J es que doivent 'pratiquer
les Ltvrcîeurs pour trouver les
Lievres en tout temps .
PO u k. bien quefter les Lievres
avec les Lévriers, il faut aller dou-
cement & fans bruit , 8c ne rien laiflef
principalement en beau courre, 8c fc*
lon les faifons pratiquer ce qui s’en-
fuit.
En Eté il faut courir de grand ma-
tin, 8c que la Chaffe foit faite avant
dix heures , parce que les chaleurs
font crever les Lévriers , pour peu
qu’un Lievre (è défende, en ces jours
les Lievres tiennent ordinairement les
avoineries , principalement au mois de
Mai quand elles font nouvellement
levées, 8c l’on dit, Avoine pointant
Lievre gijfant .
Qnand les bêtes grandirent en Avril
& Mai, il faut chalfer le foir, parce
N iij
Jjo LE PARFAIT
que les trois ou quatre heures après
midi les Lievres font relevés dans les
bleds , avec trois ou quatre briquets
qu’on meine avec les Lévriers aux re-
relevées, parce qu’en ce temps-là les
Lievres ne forlancent point * & qu’on
ne doit point craindre de courre mal
à propos. Les voyes du Lievre font
fuivies , & en deux chafles qu’on fait
de cette maniéré avec les Lévriers ,
ils s’ajuftent avec les petits chiens , &
fe rendent fi vigilans, qu’ils ne man-
quent jamais de voir le Lievre , que
les petits chiens font partir.
En Automne Pon peut chaifer à tou-
te heure du jour, parce que tout eft
découvert , & les Lievres tiennent
tous & quand les bleds font levés au
commencement les Lievres y font ,
parce qu’ils ne font point tourmentés.
L’Hyver il faut eftre exad de bien
tenir les Lévriers en lelfe, parce qu’un
feul Lievre partant mal à propos &
de trop loin , il fait faire des efforts
extraordinaires à des Lévriers , & fe
fauvent aux bois ou du moins les mei-
ne fur le rude ; quand cela arrive la
Charte eft faite pour tout le jour , &
CHASSEUR, iji
pour plusieurs autres fi les Lévriers
font blefles. Les Lievres tiennent les
guerets, quand il a plu , ils tiennent
les friches, ou du moins fe giflent prés
d’elles , & fouvent prés des chemins*
Prefque tous les Levreteurs fe trom-
pent en une chofe qui arrive fouvent *
c’eft qu’ils croyent leurs Lévriers bijar-
res &c journaliers , quand ils leur
voyent faire des courfes differentes *
& que fouvent leurs moindres bêtes
font en une courfe , ils croyent que
cela provient de la bonne ou mauvai-
fe humeur à laquelle font les Leuriers,
en quoi ils s’abnfent , parce que cela
vient de l’inégalité de la force des
Lievres , & que quand ils fe rencon-
trent foibles, les moindres bêtes font
mieux que les meilleures , parce que
les Lievres font de la force de leur
portée , & que les bonnes les négli-
gent , & cela eft fi vray, qu’auffi-tôt
qu’ils rencontrent un Lievre tres^ferme
la médiocre bête n’en approche pas ÿ
& les meilleures font tout.
Quand les Levronsfontfousla mere*
l’on peut connoître quels feront les
plus vigoureux y en leur ouvrant 1*
N iiij
15* LE PARFAIT
gueule, & obfervant ceux qui ont le
palais noir, & plus cœurés, c’eft à dire
dont les ondes imprimées en leurs
palais font plus grandes.
Il y en a qui difent que ceux qui
testent le plus prés du cœur de la mere
font toujours les meilleurs, mais il y
a peu de certitude en cette remarque,
La première eft meilleure, & encore
celle de choifir toujours les Levrettes
les plus longues.
Quant au poil les tifonnés à gueule
noire iont plus fouvent les plus vigou-
reux. Ceux à long poil font moins
frilleux & de plus de fatigue. Ceux
qui ont les plus grandes marques fur
Je corps font toujours les plus vi-
goureux , quand ils font marquetés ,
quand les Lévriers font tout d’une
piece , qu’ils ont peu de chair devant
êc beaucoup derrière ; qu’ils ont le
pied fec , l’encolure longue , la tête
longue & petite , qu’ils viennent de
race vigoureufe Sc courageufe. Il en
eft peu qui ne foient bons quand ils
ont toutes ces remarques fufdites.
CHASSEUR. 155
&&&&&& &&&£&&
CHAPITRE XXIII.
Des Chaffes qui fe font des bajfetsy
& des Chajfes qui fe font avec
eux , foit fous terre , foit en
terre .
LE s Baflets font propres pour
chaffer fur bois , ëc pour déterrer
les bêtes puantes. Il y en a de bons
en Artois , ëc font noirs demi- poil
avec la queue en trompe ; d’autres
font à pattes tortues devant ëc font
mordaces , ayant double rang de dents
comme les loups, fis attaquent tout
ce qui fe tare comme Bureaux, Re-
nards , Chats-harecs , Fovnes, Putoys,
6c quand on va à la ChafTe des Lé-
vriers , il n’y a rien qui fade tenir
mieux les Lièvres que de mener
deux ou trois Biflets de race à bien
qucfter. Ils chaflent devant les Lé-
vriers , ëc font connoître les lieux où
les Lièvres fe retirent. Cela eft plus
554 LE PARFAIT
flaifanr. Et les Lievres voyant queftet
font plus pare (feux à partir, & ne for-
lancent jamais. LaChalîedes Lévriers
eft ennuyeufe , fans de petits chiens
qui queftent bien à l'entour des Chat,
leurs. Cela les divertit.
Ce font les chiens les plus utiles au£
Gentilhommes , car ils fervent à tour,
& notamment à l’arquebufe • Ôc il
n’y a point de nature de chiens qui
fuivent par le pied , ni qui relevenÈ
mieux le gibier qu’eux. Mais ils ont
la dent dangereufe , il les faut tou-
jours tenir en crainte , car ils ne Gf
rebutent point pour cflrc battus»
Des C baffle s qui fe font en terre .
IL y a quatre fortes de Chaflèsqui
fe font dans les trous raboiiilliers
ou terriers ; la première efl: aux La-
pins avec des Furets dans TH y ver,
quand il fe fait de grandes neiges ,
êc dans la fin du Printemps, & fout le
long de l’Eté aux Lapereaux. Les Ga^
renniers pour empefcher que les Fu-
rets n’ctranglent les Lapereaux qui
CHASSEUR. ïfj
gafteroient des terriers , les atn*
muflent afin qu’ils ne piquent que des
ongles les Lapreaux dans le fond des
terriers pour les faire fortir. Ils ten-
dent les trous avec des bourfes , où s’il
y en a trop , ils tendent à l’entour des
panneaux ou des ailiers à Lapins. Et
faut fçavoir que depuis la fin de Mal
jufqu’à la faint Rhemy qui eft en
Septembre * ils marquent toutes les
hazes qu’ils prennent , & leur fendent
le bout d’une oreille pour ne point
ruiner leurs garennes , pafle la faint
Rhemy, ils ne marquent plus rien.
La fécondé fe fait contre toutes bê-
tes puantes , les Palfets les vont atta«
quer au fond des terriers. Il y en a
de plufieurs fortes qui font Renards;
Chats-harets , Foynes , Ficheurs ÔC
Blereaux , les Br (Têts attaquent tout ,
mais principalement les Blereaux, 8c
quand ils font terrés l’on fait des en-
foncemens au defliis des chiens qu’on
entend appeller au fond des trous,
tant qu’on leur donne fecours , quand
ce font des terres rougeaftres les trous
font très profonds^ <k l’on a bien de
la peine à les avoir / paree^qu’il y a
LE PARFAIT
plufieurs refuites Ôc carrefours où le^
animaux le défendent avant de d’èftre
pouffes aux acculs*
Entre tous ces animaux ceux qui fonc
les plus difficiles à déterrer , ce font
les Biereaux , parce qu’ils ont les plus
profonds enfoncemens , ôc fouvent
deux ou trois les uns fur les autres*
11 faut dreffer les jeunes Baffets avec
des vieux les plus hardis, ôc attaquer
les Biereaux dans leur demeures , car
ce font des animaux très- nuifibles aux
garennes, non pas qu’ils détruifent les
Lapins 5 mais ils aggrandiffent telle*
ment les terriers, qffiîs donnent âeê
ouvertures à toutes tes bêtes mordan-
tes de $ y retirer , qui détruifent en-’
tierement les garennes.
La maniéré de les attaquer, eft de
mettre dans plufieurs de leurs trous des
Ballets afin qu’ils fe rangent plus prom-
ptement aux acculs, car fe voyant atta-
ques par plufieurs endroits, ils crai-
gnent d eftre coupés , ôc fe rangent
plus viftes à leurs acculs où ils ont
toute leur famille, quand on peut avoir
gagné les principaux carrefours qui
conduifent à leurs acculs 5 on les
CHASSEUR. 157
prend tous , mais ils ont la rufe de fe
remparer contre les chiens , ayant des
ongles très forts ôc propres à remuer
la terre, ôc fouvent fe perdent fi les
chiens ne travaillent allencontre d'eux*
Il y a des chiens fi rufés à cela qu’ils
s’aident l’un l’autre pour vuider les
terres que les Blereaux jettent con-
tr’eux. Quand le jour finit ôc qu’on a
fort avancé les enfoncemens, il ne le£
faut point abandonner , ôc faut relayer
d’hommes pour continuer la nuit, nous
en avons pouffé trois nuits durant , ôc
forcés jufqu'à en prendre fept dans un
même terrier tant vieux que jeunes.
Et quand on ne les pouffe point à
bout , ôc qu’on les delaiffe, ils fe reti-
rent avec toute leur famille dans d’au-
tres cantons fort éloignés , où ils re-
font de nouvelles habitations dans les
vieux trous qu’ils connoiffenr, ôc qu’ils
ont habité autrefois , ôc s’y fortifient
tout de nouveau.
L’âge des Blereaux fe connoît à la
quantité des trous qu’ils ont fous la
queue , tous les ans ils l’augmentent
d’un. Ces animaux fe chaffent encore
d’une autre maniéré, l’on bouche les
j58 LE PARFAIT
trous les plus hantés où ils fe retirent,
qui font ordinairement de grands ri-
deaux, & Ton a de forts maftins , qui
naturellement rident , & Ton s’en va
la nuit au tour des bois , où Ton a re-
connu des terres remuées par Blereaux,
quand ils vont vermeiller, c’eftàdire
vivre de vers. En ces lieux ces maftins
fouvent rencontrent desBlereaux qu’ils
poürfuivent & joignent facilement,
parce que c’eft un animal pefant , &à
force de les piller & aboyer les hom-
mes y arrivent qui les tiennent avec
des fourches ou leur enfoncent dans
la gueule un certain ferrement à cro-
chet , qui a un retour fort pointu , &
le retirent avec grand force, demaniere
que le crochet entre dans la peau des
mâchoires, & ainfi ils le fouleventjuf.
qu’à ce que l’on ait ouvert un fac dans
lequel ils le jettent. Les Païfans font
fort curieux d’en prendre de cette fa-
çon , pour en avoir la graiffe qui eft
fouveraine pour les foulures, ôc pour
les delafler quand ils ont fort travaillé,
ôc ils s’en font frotter le corps devant
un grand feu , ôc le lendemain ils font
entièrement delafïes.
CHASSEUR. 159
La ChalTe des Porcs-épics fe fait
de la même maniéré que celle des Ble-
reaux , dans toute l’Italie. Cet animal
fe met en terre, de a toutes les mêmes
nations que les Blereaux.
De la Cbajfe des Chamois aux
montagnes & du Staimhouc .
AU Triquetrae ou avec des li-
miers ils peuvent eftre détour-
nés. L’âge du Staimbouc fe connoîc
à la quantité des nœuds qui entourent
fes cornes. Ces animaux font au plus
haut lieu des montagnes , de les Cha-
mois ont deux petites cornes noires^
qui ont au bout des retours en devant,
de qui leur fervent pour fe pendre aux
rochers. Plufieurs Chalfeurs vont à la
montagne , de les plus légers montent
au fommet, pendant que les autres fe
huttent au paflfage, parce que ces ani-
maux ne peuvent pas aller par tout,
3c faut qu’ils palfent par de certains
lieux connus à leur pifte. Quand plu-
fieurs Arquebufiers font placés , ceux
qui vont lancer ces animaux , mon-
i6o LE PARFAIT
cent & grimpent accompagnés de
chiens , en faifant grand bruit en for-
me de Triquetrac •: a'infi ils lancent
ces bêtes , lefquellcs jetteraient à bas
lefdits Chalfeurs , s’ils n’étoient en
troupe • mais à force de cris, elles
s’effarouchent en fuyant : dés qu’elles
commencent à fuir, tous crient à pleine
voix garde lous pas . Ce lignai donné,
les Arquebufiers prennent garde à eux
& les tirent en paiïant, & fouvent en
tuent.
Flufieurs autres bêtes paftent com-
me au triquetrac -, mais il eft à remar*
quer que de quelque hauteur que tom-
be le Chamois, jamais fa peau ne re^
çoit aucune frafture , & demeure en-
tière. Et celle de tous les autres ani-
maux fe brife en plusieurs pièces tom-
bant en bas des rochers. Il n’y a au-
tre finelTe en cette Chalfe qui eft com-
me un triquetrac , linon defe bien pla-
cer , afin qu’il ne paiferien fans eftre
CHASSEUR. j6i
Delà Chaffe aux Cygnes, &
très OyJ'eaux de marais , & du
vol du Héron.
LA Chaflè aux Cygnes efî très
ancienne dans un certain pais ,
& commune aux Pais - bas où il y a
des eauës de des rivières avec étangs.
En certaines Villes de Flandre & de
Picardie, il y avoir auparavant les
grandes guerres quantité de Cygnes
dans les étangs de foliés qui les en-
vironnent ,» de tous les principaux
Corps de ces Villes en a voient un
nombre marqués à leur marque. Ces
Cygnes convoient Se faifoient des pe-
tits tous iss ans. A certains jours il le
fdifoît une Chaffè folemnelle de tous
les Corps de la Ville pour prendre
les jeunes Cygnes, Se pour les marquer
chacun à la marque. On afFembloit
tous les grands petits, baueaux de
la Ville Se 1 on alloit fur les eauës par
tout ou ces Ciguës paroilîbient ; Se
par une ceremonie generale chaque
Corps con mençoit la Charte fui vaut
O
i6i LE PARFAIT
fon rang. Les Ecclefiaftiques les pre-
miers & puis le refte. £t comme
chaque jeune Cygne fuivoit leurs per-
rons, Ton reconnoifloit à qui ils appar-
tenoient , ôc l’on les marquoit chacun
à fa marque. Cela duroit tout le jour
& quelquefois davantage , tant que
tout étoit achevé. Et ce n’étoient que
feftins fur les eauës , que canonades
& réjoüiflances. Cette Chaffe fe fai-
foit au temps que les jeunes Cygnes
ne pouvoient encore voiler, qui étoit
au mois de Juillet. Et ces Cynes fepre-
noient à force de batteaux , ôc aufll
que les vieux ne vouloient pointaban-
donner les petits, & qu’ils fe faifoient
prendre avec eux. Et Ton les recon-
noiffoit feulement , ôc l’on marquoit
les petits à la marque des perrons fans
leur faire aucun ma!. Il étoit telle-
ment défendu de tirer deffus , qu’il y
avoit uue Loi écrite dans les Regiftres
de la Ville, que quiconque tireroit fur
un Cygne étoit condamné en une
amende qui étoit de combler le Cygne
pendu par le bec, de bled, tant qu’il ne
pouvoit eftre apperceu , Ôc ce au pro-
fit de la Ville* On ne peut croire corn-
CHASSEDR. 16}
bien il falloir de bled pour fatisfaire
à l'amende. Cela fe continue encore
en quelques lieux ; mais la guerre a
aboli cette coutume quafi par tour
ou cela fe faifoit.
La Chajje aux Canards dans les
étangs , efi Royale .
LE Comté de Ponthieu qui e(ï un
membre de la Couronne * a droit
tous les ans de faire une Chaffe aux
Oyfeaux de riviere fur des étangs qui
en font partie. Et pour cet effet il y
a plufieurs Villages qui font obligés
i'y venir aider , quand ils y font ap-
pelés. Cette Chaffe fe fait dans le
mois de Juillet , quand les Oyfeaux
le riviere muent &: ne peuvent voler*
ce qui arrive tous les ans. Tous les
Païfans appellés pour ce fujet font
obligés de fe dépouiller 8c de faire un
rriquetrac dans les grands ro féaux qui
environnent les étangs , 8c tous les
Officiers de la Maîtrife font dans des
oateaux le long des bords pour les
faire marcher en ordre. Ils font tous
O ij
i <4 LE PARFAIT
armés d'un grand bâton, comme pour
conduire une naileîle , 8c auparavant
que de commencer le triquecrac à l'un
des bouts, l'on a tendu des panneaux
au travers d'efpace en efpace, d'une
diftance raifonnable , comme qui di-
roit de cinq cens pas , puis apres l'on
commence le triquecrac allant douce-
ment , enforce que tous les Oyfeaux
qui ont leurs petits tous grands & quafi
prefts à voiler , cheminent devant les
Chaiïeurs, & au bout drfdits panneaux
8c en plufieurs endroits , il y a des
hommes qui prennent garde quand les
Oyfeaux donnent dedans ; deforte
qu'en ces triquecracs il fe prend une
prodigieufe quantité de toutes fortes
d'Oyfeaux de rivières qui ne peuvent
échapper ni retournera caufe du grand
peuple qui les pourfuit. Quand on eft
arrivé aux premiers panneaux, on pafle
outre, 8c après avoir pris tout ce qui
s'eft donné dedans , l’on paffe aux au-
tres, 8c ainfi continuant l'on acheva
l' étang 8c les rofeaux , 8c l'on prend
tout ce qui ne peut fe fautver par le
fecours des bateaux qui font aux ailes.
Qtynd tout eft achevé, les Païfans s'en
CHASSE VR. 165
retournent déchargés de leurs cens pour
cette année , ayant fatisfait à leurs
obligations , fk tout le gibiereft porté
3 la Ville des Officiers & de ceux
aufquelsle Comte de Ponîhieuen veut
faire fes libéralités. Toute la Ville efë
en fête , car chacun en a fa part, 5 C
cela le fait au mois de Juillet aupara-
vant la moilTon.
De la C baffe des Princes
Aliemans.
LEs Aliemans ne courent point à
force , & ne font que des ChafFes
meurtrières. Ils font très jaloux de la
Chalï'e , &c défendent fur peine de îa
vie à qui que ce foit de tirer dans dé-
tendue de leur Seigneurie , non pas
tant pour la considération de la Chafle,
que pour empefcher qu’on ne banniiTe
point le gibier de deffus leurs terres
Ôc de leurs forêts. Tous leurs fujets 5c
vaflaux font obligés en certaines fai-
fons de fe rendre aux lieux oit ils font
mandes , pour faire le triquetrac ou
leurs battures , félon les bêtes qu ils
166 LE PARFAIT
veulent attaquer, Ôc ne font jamais
ees Chaflfes que lors que les bêtes font
en venaifon. Quand eela eft, les ren-
dez-vous fe donnent aifés proches des
bois qu’ils veulent chalTer. Une grande
quantité de peuple y arrive ; Ton tend
les bricolies , palïées > toiles & hayeu-
res pour enfermer les bêtes $ plusieurs,
hommes font préparés pour les meures
trir • l’on fait un triquetrac general
& il y a des lieux fermés de palis pour
mettre les Seigneurs Ôc Dames fur des
échaffaux ou Le rendent la plufpartdes
bêtes contraintes par des hayeures fai-
tes exprès qui les conduifent , deforte
que tout ce qui eft dans le bois y de-
meure , hormis celles qui trouvent jour
à fuir au travers des batteurs 5 ôc l’a
fouvent fe tuera deux ou trois cens
bêtes très gralfes * dont les Seigneurs
rempliflfent leurs falloirs Ainh ils choi-
filfent les bois qu’ils veulent chaiïer^
les uns choifiiTant les bêtes fauves,
dont ils font une Chafîè à part ; les
autres de bêtes noires , dont ils font
un furieux meurtre quand ils font en
porchaifon, car ils n’en font point
tuer quelles ne foient bonnes pour
CHASSEUR. 167
raller. Ainfi le long des temps que
:haques efpeces de bête font en ve-
laifon. Ils continuent tant que leurs
àlloirs (oient pleins.
Ils chafient encore à Parquebufe
ivecdes armes rayées, 8c ne tirent que
le baies feules à la campagne, &frap-
Dentlegibier en telle partiede leur corps
ju’ils marquent auant que de tirer :
nême ils font des paris à qui mieux
eüflira. Le refte de leurs ChalTes aux
:>êtes mordantes fe fait avec des pié-
gés , 8c aux relevées dont ils font plus
:urieux qu’aucuns peuples.
Quant aux ChalTes du menu gibier,,
ls les font avec des filets , & avec des
Dyfeaux de Theurre,
Celles qu’ils font avec des filets *
:’eft la plufpart la nuit au feu. Et celles
le jour avec des chiens couchans fort
âges , non pour tirer à l’arquebufe ,
nais ils font foûtenir des Oyfeaux de
’heurre fur leurs chiens , & avec des
irafies ils courent toute une com-
>agnie de Perdris. Et pour cet effet,
ls ont des Oyfeaux fi bien drefies 8c
i juftes qu’ils courrent le chien , 8c
nême ne connoilfent point le vif, 8c
té g LE PARFAIT
ïie.^5n,t ^t,e ^eurfés afin de ne fê
point ecarter. Qciand les Perdris fe
yoyent couvertes des Oyfeaux qui font
a montais fe rafent de telle forte qu’on
les couvre tres-faciîement, 8c que pas
une ne s’échappe.
Pour les Chartes de nuit elles font
en grande eftime parmi eux. Le foir
ils remettent juftes les Perdrix au der-
nier cris, 8c cela leur eft facile, parce
que jamais l’on n’y charte , 8c ne font
nullement battues , deforte qu’on les
juche d’auffi prés qu’on veut. Quand
cela eft fait, l’on y va avec un miroir
concave dans une lanterne , 8c l’on
fait fuivre des hommes qui portent un
filer ; 8c l’on les couvre ainfi qu’il eft
exprimé dans le lieu on cette Charte eft
écrite. Eft à remarquer qu’en Alle-
magne le gibier attend plus qu’en tous
autres lieux, parce qu’on n’y ofechaf*
fer , 8c qu’ainfi toute forte de gibier
s’approche facilement 8c qu’il tient
plus qu’aiîleurs , parce qu’il n’eft nul-
lement battu ; 8c c’eft ce qui fait que
ces peuples ne fe donnent pas la peine
de charter comme les autres , parce
qu’ib ont tres-facilement le plaifir.de
là
CHASSEUR. j69
la prife fans peine 6e fans dépenfe.
Et c’eft la raifon pourquoi ils fe moc.
quentde toutes les maniérés de chaifer,
dont ufent toutes les autres nations *
8c fur tout des François, quand ils le
voyent courre à force, tuer des che-
vaux , nourrir des chiens & des équi-
pages , pour prendre les bêtes qu’ils
tuent très- facilement & fans peine
fans dépenfe & fans travail.
^Auparavant d’entrer dans les autres
Chartes qui fe font avec les filets
ie veux dite un mot de la Faucon!
nerie.
CHAPITRE XXIV.
De la F auconnerie ,
LE Sieur Defparon a parlé fi digne-
ment de la Fauconnerie , qu’il ne
en peut rien dire davantage & le
loi Louis XIII. l’a faite exercer fi
vantageufement , que jamais aucun
loi n’en a pû approcher , car il ne
Quvoit paroître aucuns Oyfeaux dans
yj o LE PARFAIT
une plaine, qu’il n’y euft des équipa-
ges pour l’attaquer. Il y avoir des vois
entretenus pour riviere, pour le Héron,
pour Milan royal , pour Milan noir ,
pour Buie , pour faux Perdrieux , pour
Crécerelles , pour Hiboux, pour Cor-
neilles , pour Corbeaux , pour Chou-
cas , pour Courlis , pour jeunes Can-
nepetreres, pour les Champs, & pour
Lievres, Déplus quantité d’Eperviers
pour voler les Merles, & Alais qui
font Ovfeaux de l’Orient pour voler
les Perdrix , & des Cormorans pour
voler dans les rivières ôc étangs.
Il y avoit dans ces vols des Gerfauts
blancs qui venoient du Nort, des
Gerfauts gris & des Tiercelets de
Gerfaut, & des Lacres pour le Héron
Sc pour tous les autres vols. Ces mê-
mes Oyfeaux y fervoient avec des
Faucons , Tiercelets de Faucons Sa-
crets , Lanières de Tunis, & plufieurs
Faucons pour rivieies &c. Tous res
vois font encore entretenus par le Roi
' d’aprefent.
je ne parleray poinr de toutes ces
Chafles particulièrement , quoi que
j’aye été élevé & nourri dans cette
CHASSEUR.. i7l
Fauconnerie, & qu’il feroit inutile de
montrer au particulier comment elles
fe font, & comme on dreffe les Oyfeaux
à toutes ces ChaiTes, parce qu’elles ne
font point de leur portée, & que leur
connoiiîànce feroit inutile. J’explique,
rai feulement aux Seigneurs & Gen-
tilshommes defquels Oyfeaux ils peu-
vent fe fervir utilement dans l’étendue
de leurs terres pour chafler toutes fortes
de gibier, dont elles font peuplées.
Des Oyfeaux niais , comme on
feut connaître leurs nids , de
quelle façon il les faut dénicher ,
& comme il les faut nourrir.
Auparavant que de parler des
Oyfeaux dont fe peuvent fervir
les Gentilshommes , il faut dire un
mot des lieux où les Perrons fondeurs
petits , & en quel temps il les faut
lever.
Les Autours font leurs nids dans les
forêts de haute fuftaye, & quelques-
uns dans les montagnes d’Allemagne
P ij
I7z LE PARFAIT
Pour connoître les lieux où ils bâ-
timent leurs nids, Ton obferve le temps
qu’ils reviennent aux aires , qui eft le
mois de Mars, ôc tous les jours ils
martelient , c’eft à dire qu’ils crient
de certains cris pour s’entrappeller.
Dans les lieuxoù ils martelient le plus,
c*eft-là où ils bâtiffent leur nid fur
les plus hauts arbres de toute une fo-
rêt. Les Fauconniers ou les Gardes de
bois regardent foigneufement ces lieux,
êc ils reconnoiiïent ôc diftinguenc
les arbres où font leurs nids tous les
mois de Mars , d’Avril ôc de May ,
aufquels ils montent avec des tire-
fonds ôc des inventions quils ont , Ôc
yoyent en quel état font les petits ,
& quand ils font blancs ôc en état
d'être levés , ils les enlevent malgré
les Perrons qui les battent , puis les
ayans defeendus dans des paniers , ils
les emportent chez eux , & les nour?
nflent jufqu’à tant qu’ils foient tous
grands ôc leur pannage fec. Ils les
nourrilfent de très bonnes viandes,prin-
cipalement de pigeons . ôc cela en
deux maniérés qui feront ci-aprés ex-
primées. La première, eft qu’ils i^s
CHASSEUR* 173
nourriflènt fur le poing , quand ils font
ailes forts pour s’y tenir 6c fur la per-
che.
L’autre eft qu’ils les nourriflènt au
taquet , c’eft à dire en liberté, 8c
quand ils veulent leur donner à man-
ger, à l’heure de paître ils frappent fur
un bout dais , au fon duquel bruit ils
les accoutument, de maniéré que quand
l’heure de paître vient , & qu’ils frap-
pent fur cet ais , vous les voyés à ce
bruit revenir foit des jardins , foit du
vilage, foit des bois, & très avidem-
ment fe mettent aux lieux où Ton a
accoutumé de les paître, êc ainfi l’on
continue jufqu’à ce qu’ils foient fecs
8c en état d’eftre mis fur le poing.
Cette maniéré eft la meilleure, parce
que cette liberté de coucher de hors,
& 1 air qui eft leur principale demeure
les rend plus vigoureux & plus fains ;
mais il ne faut pas attendre fi tard, de
peur qu’ils ne fe paiflent, car s’ils le
faifoient une fois feulement , on au-
roit de la peine à les reprendre.
Les Eperviers fe dénichent de la
meme façon , 8c ceux qui ont l’adrefle
de s en bien fervir en tirent plus de
P iij
i74 LE PARFAIT
fecours que des Autours , parce qu'en
ayant deux ou trois qui volent l'un
après l'autre pour leur donner haleine,
ils prennent plus de Perdreaux qu’au-
cuns jufqu à la laint Remi ; & quand
ils font grands ils continuent à en
prendre jufqaà la ToulFaint, auquel
temps très- ordinairement tous les
Oy féaux de poing tournent queue, 8c
il y en a peu qui palfent , & que d'ail-
leurs c'eft le temps où l’on fort les
Oyfeaux de îa mue, 8c que dés que les
Oyfeaux de l’heurre commencent à
voler , on ne prend plus la peine de
faire voler les Autours , fi ce n'eft en
païs couvert, ou pour Lapins ou pour
Lievres ou pour Fayfans , 8c quand
les Autours ou Tiercelets fe rencon-
trent bons on prend la peine de les
palier i'hyver.
Quant aux Oyfeaux de l’heurre
niais , l'on a plus de peine à les déni-
cher, car ils font leurs aires dans de
très. hautes montagnes, mais les Fau-
conniers ont des inventions de les
avoir. Il en vient quantité d'Alle-
magne , 8c l’on les nourrit des deux
manieras fufdites des Autours.
C H A S S E Ü R. 175
Tout le mois d’Oétobre & ail com-
mencement de Novembre on prend
les Oyfeaux de partage * & les Fau-
conniers les apportent tous les ans vers
lafaint Martin.
Les meilleurs Oyfeaux niais pour les
champs fontd’Efpagne, & fur tout de la
Montagne rouge. J’en ay envoyé que*
rir plufieurs fois. Le Fauconnier partoit
au commencement de Mars 8c reve*
noit à la faint Jean , 8c m’apportok
huit paires d’Oyfeaux tout Theurrés 2
& n’a jamais manqué d’eftre de re*.
tour à la fin de Juin ou au commen-
cement de Juillet. Il eft vray qu’il ÿ
a une fi grande différence de ces
Oyfeaux niais qui viennent d*Efpagne
d’avec ceux qui viennent d’Allemagne*
que dés qu’on ena eftayé, l’onnepeus
plus fe fervir d’aucun autre.
Les Lafniers niais font auffi appor-
tés d’Allemagne ; mais la première
année l’on a bien de la peine à les
échauffer, 8c ne valent ordinairement
rien. Il eft dit parlant d’eux* comme
on peut les rendre bons.
Quant aux Tiercelets de Faucons
d’Efpagne , quand iis font bien nour-
P iiij
ijé LE PARFAIT
ris & bien Theurrés , ce font des
Oyfeaux qui fe perdent dans les nues,
qui ne vont jamais au change , qui
tiennent long temps fur aile, & qui
font très juftes en leur remife , & la
tiennent plus long, temps que tous les
autres. L’on en vole le Courlis, la
Çannepetiere &c .
Qui pourroit avoir des Lafniers ou
des Sacrets , on en aura pour fa vie ,
car ils durent trente années.
De quels Oyfeaux fe peuvent fer -
vir les Gentilshommes , fuivant
le pais où ils demeurent .
SI un Gentilhomme à fa demeure
dans un païs couvert , il lui faut
des Autours ou des Tiercelets qui font
des Oyfeaux propres pour voler la
Perdrix grife ou rouge, ouïe Faifant
dans les bois , les hayeurs & brouf-
failles, & pour les fervir , il ne lui faut
que des barbets qui rapportent bien
éc des épagneux pefans qui, percent
hardiment dans le bui/ïon.
CHASSEUR.. 177
S’il eft dans un païs ouvert , 8c qu'il
f ait de belles remifes , & de petits
ûliages à hayes claires pour voler Per-
Irix * Courlis 3c jeunes Cannepe-
iers , il peut fe fervir de cinq ou fit
>ieces d’Oyfeaux , ou plus s'il en a le
noyen, 3c que ce foit des Faucons des
Hercelets de Faucons * des Lafniers
k Lafnieres , 3c s'il fe peut des
îacrets , lefqueîs il pourra trouver
acilement , foit par le moyen des Fau-
:onniers Flamans qui en apportent tous
es ans, tant de niais que de hagars ,
k s’il a la moindre connoiffance
iUx Officiers qui ont les vols des
Dyfeaux pour Pie 3c pour Corneille
tu Printemps que les vols fe rompent,1
1 en aura a foifon , 3c ne lui eft be-
oin que de fix ou huit épagneux pour,
èrvir fes Oyfeaux.
Que s’il eft en païs de gros Villa-
ges dans des plaines 3c quelques bois*
1 ne lui faut que des Oyfeaux de poing;
k s'il entend quelque peu la Faucon-
îerie. il peut feulement fe fervir d’E-
?erviers en nombre de trois ou quatre
jui voleront l’un après l’autre , car il
if 8 LE PARFAIT
leur faut donner le temps de repren
dre haleine, Sc ils voleront jufques au-
près de la Touftàint qui eft le temp<
qu'on tire les Oyfeaux de la mue
Que s'il fepeut rencontrer des Lafnier:
& Lafnieres qui volent enfemble , i
aura des Oyfeaux pour toute fa vie
mais il eft difficile d'en rencontrer de
bons 5 fi l' on ne fçait bien les mettre
dedans, ,
Des Lafniers four les champs .
LEs Lafniers font difficiles à
échauffer pour la première année,
mais a la fécondé fi Ton les mue ÔC
qu on les tire de bonne heure , euffent-
ils des pannes en fans , de quson les
échauffé fur les petits Perdreaux , ce
font des Oyfeaux infatigables , qui
plus fis prennent de Perdrix , & meil-
leurs ils fe rendent.
De tous les Oyfeaux qui volent
pour les champs , il n'y en a point qui
approche Paile du Faucon , mais les
paffagersfont fujets à aller au change.
CHASSEUR. 179
ir ne tiennent point remife.
Pour avoir de bons O y féaux pour
«s champs , il faut des Faucons oit
les Tiercelets niais , s’ils font d’Ef-
>agne ils font incomparables 5 pour
lien faire , il en faudroit envoyer que-*
ir tous les ans , il s’en rencontreroie
ntr autres quelques-uns qui iroienc
lans les nues. Le fecret de les faire
nonter au plus haut poind qu’ils peu-
vent , c’eft de ne les faire voler qu’à
’heurre de paître , ayant remarqué
ufte des Perdrix, ou les avoir fait ar-
:êter par des chiens couchans , les
etter à mont , 8c quand ils font bien
:ournés faire partir les Perdrix , ce
^ui reiilîit toûjours fort bien au temps
3e la pariade auquel les O y féaux mon-
tent plus haut qu’en aucune autre fai-
fon.
C’eft un abus de croire qu’on puifife
avoir de bons O y féaux , fi première-
ment on n’a fait provifion d’un bon
Fauconnier, quand on en a rencontré
un bon , il le faut fort eftimer ; enfui-
te il faut avoir de tres-bons che-
vaux 8c de très - bons chiens en
quantité pour fervir les Qyfeaux; n’en
i8o LE PARFAIT
laiflànt quefter qu'une partie, & gai
der l’autre pour l’heure de paître, 8
p°ur la retraite. Un Gentilhomme l
peut palier de huit épagneux , dont i
en lailîera quefter lîx , & deux qui
gardera pour la retraite.
Le Gentilhomme qui aura des Oy.
féaux doit toujours avoir l’œil fur for
Fouconnier, à ce qu'il ne donne jamais
a ces Oyfeaux de méchante viande :
comme ils font prefque tons ; que la
chamure dont ils font les cures n'aii
point de mauvaife fenteur & ne foit
point pourrie , que la chambre des
Oyfeaux foit propre 8c n'ait point de
mauvaife odeur ; que les Fauconniers
commeils font yvr°ngnesn*ayent point
1 haleine puante : SM eftfort foigneux
de tomes ces chofes , il luy mourra
peu d Oyfeaux, 8c au contraire fi tou-
tes ces mal propretés font ordinaire-
ment parmi fes Oyfeaux, il perdra les
meilleurs, comme il m’eft arrivé pla-
neurs fois , quand je n ay pas été aflfés
heureux de ne pas rencontrer un hon-
flefte homme de Fauconnier.
CHASSEUR. igf
Des Oy féaux de faffage , & des
moyens de les prendre.
U a n d on eft en païs de paffîu
d’Oyfeaux de l’heurre, &que
le font des plaines , s'il fe rencontre
|uelque grand arbre ou quelque cô~
!au en icelles, qui puifFe etëre décou-
ert de loin 5 il faut fur quelque butte
minente ou quelque haute borne ten.»
Ire un filet, comme pour prendre des
lîoüettes au miroir , un peu plus
rand & plus long, & que le tendeur
,oit cache de quelque bottes de foin
111 buiffon fait exprès , afin qu’il ne
oit nullement découvert ; 5c au milieu
e fk tente qu’il y ait un pigeon blanc
ttache fur une petite raquette de jeu
je paume a ce qu’il puilîe branler les
jiles fans s’embarafïèr , & que la ra~
[uette foit attachée avec une fifïèlle
||ue tienne le tendeur pour faire re-
jnüer le pigeon quand il voudra, puis
||ue le tendeur ait encore un autre pi-
,eon blanc attaché à une fiiiere qu’il
jaiiie voler de temps en temps pour
,8z LE PARFAIT
faire que les Oyfeaux de partage h
•voyent de loin , qu’il le reprennt
fouvent , & tienne dans une cage oi
fac à là commodité. Il doit tendre dt
grand matin jufques à neuf heures .
parce que les Oyfeaux font repeus de.
dans ce temps- là. Dés qu’il void un
Oyfeau de partage venir vers luy , il
faut 'branler le pigeon blanc qui efl
fur la raquette ; le partager qui a faim
y vient auffi-tôt pour le prendre , le
tendeur tire fon filet quand l’Oyfeau
vient battre le pigeon , & le filet le
couvre. C’eft-là le moyen de prendre
l’Oyfeau partager dans les plaines du-
rant tout le mois de Septembre. Et
quand i! aura reconnu quelque Oyfeau
de partage dans cette plaine , il ne tar-
dera jamais huit jours fans le prendre.
Un autre moyen de prendre les Oy-
feaux de partage , eft d’entourer le
pigeon blanc tout allentour de petites
verges de bois chargées de glu, en
relie forte que l’Oyfeau ne le puiflè
prendre fans toucher à la glu, Ce
moyen eft plus aifé que l’autre , mais
il faut fçavoir le dégluer , ce qui le
fait avec de l’eau tiede. C’eft hazard
CHASSEUR. igj
îeanmoins que î'Oyfeau pris ne fe
batte & rompe le pannage, auquel cas
,1 faut enter les pannes rompues.
! Une autre maniéré tres-facile aux
Fauconniers pour prendre les Oyfeaux
le pacage fans tendre. Cette maniéré
tres-aifée aux Fauconniers, & très
"eure pour ne point manquer les Oy«
Féaux de pattage.
Les Fauconniers doivent avoir dans
leurs Fauconneries deux ou trois plot»
tes de laine grotte comme Perdreaux
qui foient recouvertes de plumes de
Perdrix attachées allentour , & que
de deflus ces plottes piufieurs lacs de
crins de chevaux foient attachés &C
adherans très- proprement accommo-
dés , & toutes les fois que quelque
|Oyfeau de paffage paroift , on atta-
che viftement ces plortes à quelques
j Oyfeaux qu'on porte à la Chatte,
puis on les laifle aller tantôt Ton tan-
tôt l'autre , ou tous enfembîe. Dés
| que le paffaget les voidil va à eux pour
lies détronfler , & lie cette plotte com-
| me fi c'étoit une Perdrix 5 & neman-
| que jamais de s’empeftrer dans quel-
I qu'un défaits Ucs : incontinent les deux
i84 LE PARFAIT
Oyfeaux tombent à terre ; aulïï-tô
le Fauconnier court, & prend le paiïa
ger au travers du corps fans le preffet
comme on tient les Oyfeaux quanc
on les veut abbatre, puis après on 1
debaraffe , $ç on dénoue la plotce d(
Faqtre Oyfeau , lequel il ne faut paî
faire voler qu’à la fin de la ChalTe
à caule qu’il lèroit effarouché de h
prife. Et cela eft le moyen de prendre
des Oyfeaux en tout temps. Que f
l’on prend un Lafhier de paffage , i;
eft mis dedans en vingt jours , <k Ton
en fait un Oyfeau pour les champs j
le plus parfait qu’on fçauroit rencon-
trer.
De la Chaffe des Filets.
APres avoir parlé de toutes les
ChalTes qui concernent la Véne-
rie , la Levreterie U la Fauconnerie :
il lembie en fuite que ce feroit ici le
lieu dVxpliquer toutes les ChalTes qui
concernent les filets, tant de jour que
de nuit. Elles feront plainement ex-
pliquées dans la fuite, avec îa maniéré
de
CHASSEUR. i8j
de tontes fortes de filets faits dune au-
tre maniéré que ne l'a du celui qui a
fait les rules innocentes 5 lefquelles
font inutiles aux Chaleurs pour pren-
dre du Gibier , tant fur terre que dans
Peau.
\Ze moyen de repeupler un pais de
! Perdrix ou Ion tire beaucoup .
LA première chofe quil faut faire,
c'eft de faire bâtir une voliere
grande de vingt- cinq ou trente pieds,
& d'y faire un plancher de terre fur
des latteaux 5 comme font faits les
[planchers des Païfans , & de les char-
ger de quatre doigts de terre , fur le-
quel plancher l'on fera la voliere cou-
verte de chaume bien bouchée , & y
(ailler une feneltre dans un pignon ex*
pofee au Soleil de neuf heures , & du
(ielTous en faire des poullaillers , foit
aux Cocqs d'Inde & autres Q y féaux*
Cette voliere d'enhautfèra pourfaire
le repeuplement de la quantité des
Perdrix que l'on tuë qui fe fera de
deux ou trois maniérés.
0.
iU LE PARFAIT
La première , par des œufs de Per-
drix qu'on achepte , des filles & des
femmes qui vont à l'herbe , que Ion
fait couver par des poulies commu-
nes , & qu'on éleve facilement , ainfi
que plufietirs Seigneurs font en toutes
leurs terres , quand fis font curieux
d’avoir quantité de Perdrix dans l'é-
tendue de leur Seigneurie.
La fécondé , c'eû: qu’au temps des
petits Perdreaux l'on fait tendre plu-
fieurs pieds d'Alliers pour prendre les
jeunes Perdreaux que l'on jette à me-
fure dans la voiliere avec les vieilles
qui fe prennent.
La troifiéme fe fait avec la Ton-
nelle. îl faut avoir un bon Tonnel-
leur qui prenne toutes les com-
pagnies fuperfluës dans les pais de bois,
ou dans les pais où ils font trop pro-
ches î'un de l’autre , ]parce que dans
le temps de la Panade > il n’en demeu-
re ordinairement qu'une paire où fi y
en avoir une compagnie , tout le refte
fe chalfe lJ un l’autre dans les pais cir-
convoifins , & i! ne demeure que la
vieille paire , & partant on penfe or-
dinairement conferver des Perdrix pour
CHASSEUR. 1S7
foi qui feront cependant pour les voi-
fins.
Ce rfeft pas tout , car il faut ac-
commoder la voiliere de la façon qu’il
s’enfuit , pour mettre tqutes les Per-
drix qu’on nourrit & qu’on prend au
filet.
Il faut mettre dans ladite voiliere en
divers lieux quatre ou cinq petits mon-
ceaux de terre jaune haut d*un pied ,
de de deux de large quarrément , ou en
rond 5 puis il faut mettre en d’autres
lieux une couple de gerbe de froment,
une couple de gerbe d’orge ou de pa-
moüe ou orge de Mars, & puis une
couple de botte de bled dit Sarcazin ,
s’il en croift dans le pais. Enfuite il
faut mettre trois ou quatre vaiffeaux
pleins d’eau nette , laquelle on rafraif-
Ichira fouvent , parce que les Oyfeaux
|la peuvent gafter , & qu’elle fe peut
corrompre, & autour defdits vaiffeaux
on y épandra un peu de chenevis ou
de mil s’il en croift au pais de vifiter
Ifouvent , quand il y en a de manque*
La voiliere accommodée ainfi nour-
I rira tontes les Perdrix qui deviendront
grades de fortes. Ainfi l’on diftinguera
QJ)
i88 LE PARFAIT
facilement tous les mafl.es d'avec les
femelles, dont on tiendra regiftrepour
en fçavoir la quantité des mafles fu-
perflus, parce que dans les compagnies
très ordinairement il y a beaucoup plus
de mafles que de femelles. Et quand
ce viendra le Printemps on les laiflera
aller , c'eft à dire les portant dans les
lieux où l'on void qu'il y en a de man-
que 3 & où il y aura des bleds bien
expofés au Soleil Levant & au Midy ,
non pas toutes à la fois , mais par in-
tervalles 3 par exemple , on en mettra
aujourd'huy une paire, demain une au-
tre , ainfi continuer tant que de be-
foin chaques jours, & au temps qu'elles
s'apparient.
Il faut défendre fur tout de ne point
chafler dans tous ces lieux là , les huit
ou quinze premiers jours , afin de les
laifler apprivoifer. C'eft- là le moyen
d’avoir une infinité de Perdrix , & de
repeupler tous les pais gaflés par le
nombre de ceux qu’on tué.
Quiconque fera tous les ans cela ,
jamais le païs ne fe dépeuplera de gi-
bier ^ & l'on fera contraint de laifler
cet fexercicej quelques années par la
CHASSEUR. 189
quantité qu’il y en aura.
S’il y a quelques bois dans l'éten-
due de la Seigneurie , il faut eftre eu*
Tieux de les bien peupler, 8c dans les
plaines il y faut planter quelques pe-
tites remifes d’ozier , qui eft un bois
jqui croift 8c qui vient bien-tôt, com-
ble auffi du bouleau 8c autres bois
gendres 5 8c entourer lefdites remifes
de quelques foliés plantés d’épines ,
afin que les Bergers n'v entrent point.
P es Garennes , pour les bien peupler .
S’Il y a des bois 5 il y fautfairedes
Garennes &: les peupler de Lapins *
:e qui fe fait ainfi.
| Il faut premièrement faire provifion
l’un bon Garennier 3 car autrement on
jie feroit rien qui vaille. Dans ces
>ois , il faut choifir un lieu commode
j)ù l’on fafle une petite maifon pour
le Garannier, avec une petite cour fer-
née d’environ trente pieds en quarré de
purs de terre ou de cailloux félon la
lommodité, couvertes de pailles ou de
baume , au long defquels l’on fera [8c
19ô LE PARFAIT
conftruira des cages à Lapins , com-
me les font ceux qui nourrifient des
Lapins privés , dans lefquels on met-
tra des bayes , ainfi que Y on fait avec
Lapins de clapier que Ton garnira de
bouquets à fuffifance félon la quantité
des hazes qu’on y voudra mettre , à
fix hazes un bouquet.
Dés que ces Lapreaux commence-
ront à fortir dans ladite cour , il fau-
dra avoir laiflfë depetits trods quarrés
à quelques endroits des murs , de telle
grandeur que les petits Lapreaux y
puifFentpaffer , & non fi grands qu’ils
y puiflent rentrer quand ils feront
grandis environ de deux tiers. Ainfi
continuant d’entretenir les hazes que
l’on nourrira de fon d’herbe ôc d’a-
voine, elles feront tous les mois des
petits, Sc tant que la faifon dure il y
aura des Lapreaux qui viendront l’on
après l’autre qui iucceffivement four-
niront le bois de la quantité qu’il y en
faut, & tant qu’à h fin il y en aura
trop.
Ce n’eft pas tout de multiplier les
Lapins dans les Garemies,, il les faut
confetver des belles Moites , pour ce
CHASSEUR. 191
(faire, il faut conftruire 6c faire des
ipiquets une certaine quantité de diffé-
rentes lougueurs pour détruire les bê-
tes puantes.
Les piquets ferontbrûlés par un bous
jpour eftre durs 6c fermes pour entrer
jdans la terre fi avant qu'ils ne puiffent
pas eftre ébranlés. Il faut à chaque
(piquet attacher un p Lut eau de bois
pour foûtenir des gobbes qui feront
(faites de lard haché méfiés avec de la
noix vomique réduite en poudre dont
on fera des plottes groffès comme
tene balle à battoir, 6c qui feront miles
dans une grande boitte de fer blanc
pour eftre mifes fur les piquets, 8c re-
Imifes en ladite boitte quand elles au-
ront paffe la nuit fans eftre mangées,
j Ces piquets feront plantés tous les
jours à Lenttéedela nuit dans le temps
que tous les chiens du vilage font re-
tirés.
Les Piquets feront de deux & trois
pieds de longueur; & feront couverts
de gobes de LfiF rentes groffeurs pour
jdes animaux différé ns qui les mange-
ront. Er ne faudra point oublier de
mettre dans un fac de la terre menue
m LE PARFAIT
pour épandreau pied & allentour des
piquets pour voir par la marque du
pied de quelles bêtes les gobes feront
mangées , & afin de voir de quelles
bêtes puantes Ja garenne fera hantée.
Il faudra auffi tous les jours de grand
matin relever lefdits piquets , & re-
mettre les gobes dans leurs boittes
fufiiies pour le lendemain au foir faire
la meme chofe , & fucceffivement con-
tinuer tant qu’on ne s’appcrcevra plus
qu'il y en hante.
Le même fe peut faire le long des
bois où il hante des Loups , des Re-
nards ou Chats harets , dont on verra
la deftrudtion dans peu de temps.
Le long des rivières 5c étangs ou
refervoirs , Ton peut faire la même
chofe pour les garentir du Loutre qui
en caufe la deftru&ion.
Il y a une autre forte de Garenne
forcée que Ton peut faire dans des
lieux étroits, mais où il y a plus de
fujettion. Voicy comme on la fait.
Il faut faire une foffe de vingt pieds
en quarré Sc de douze pieds de profon-
deur, 5c qu’elle foit faite en talus, afin
qu'on n’y puiile monter ni defcendre.
En
CHASSEUR.. i95
En cette folle, il faut faire un petit
mur de trois pieds de haut qui fera de
deux pieds de large , laquelle fervira
jde conduite tout ailentour de ladite
fo(Te , & ledit conduit fera couvert de
] planches en forme d'appentis.
Il faut auparavant d’avoir fait le
mur lai (fer des trous de lïx pieds en Ex
pieds djp la terre des bords de la
folle , Sr lailîèr dans ladite muraille
jdes conduits pour entrer dans lefdits
itrous qui feront faits les plus profonds
qui fe puilTent , c’eft en iceux oû les
jEapins font leur terrier , d’où ils for-
tironc quand ils voudront dans le mi-
lieu de la fodè , dans laquelle ils feront
bourris d’herbes tendres ôc lacerons
qui feront arrachées du jardin.
Au coin de ladite folle , il y aura un
îetit efcalier rond , au bas de laquelle
B y aura une petite porte pour defcen-
ilre le Garennier quand il voudra , &
pour confiante fes cages à Lapins pour
nettre les hazes Sc bouquets neceflài-
es pour la multiplication. De laquelle
»n tirera aufli des Lapreaux pour four,
lir les Garennes , d’ailleurs que l’on
jonfetvera comme il eft dit.
R
,94 LE PARFAIT
Mais toutes ces inventions ne peu-
vent fervit de rien, fi l’on n’a de bons
valets pour prendre extrêmement gar-
de à ce qui le paffe dans ces lieux :
car il y aura peu de multiplication, u
le tout n’eft tres-bien foigné , & que
l’on n’aye de très bonnes fetvantes
pour les baffes cours.
Il faut avoir grand foin de mettre
le long des bornes des gobbes pourem-
pefcher que les chiens ne détruifent &
faffent tuer toutes les Perdrix qui font
à la panade : car en ce temps il le
ruine plus de Perdrix en un mois qu U
ne fe fait en toute l’année.
Il faudra aulfi avertir les voifins que
l’on a mis par tout du poifon , afin
nu’ils ne perdent point leurs chiens.
^ Auparavant que de parler de toutes
les Chaffes des Filets , j’ay juge apro-
pos de mettre icy les inventions de re-
neupler les pais ruines de gibier a force
d’en tuer : ce quieftant pratique fer*
vira tres-utilement pour en venir â
b°Iltfaut aulfi prendre garde qu’on _ne
rabatte point les Garennes , &c qu on
n’en prenne point la nuit avec les
CHASSEUR. i9S
panneaux : pour cet effet les Garen-
niers doivent avoir grand foin de les
épiner par tout.
Et quant à la confervation des Per-
drix, il faut extremément prendre gar-
de qu’on n’y aille point à la Chaflè
la nuit aux Trailheaux , principale-
ment aux Perdreaux , car c’eft une
ChaiTe très mortelle & extremément
défendue dans tous les lieux confer-
vés. Cette ChaiTe fe fait par beau-
coup de Païfans la nuit , fi l’on n’y
prend garde , principalement aux nuits
obfcures environ la Saint Remy.
i f>6 LE PARFAIT
CHAPITRE XXV.
Qui traite de toutes les. C baffes
qu'on -peut faire avec les filets .
L’Equipage d’un Gentilhomme
qui a un beau païs pour chaffer ,
ëc qui veut accommoder fa terre en
forte qu'il n’y manque rien pour faire
bonne chere à fes amis , doit l’ajufter
de toutes les chofes qui fuivent.
Il y faut une Garenne petite ou
grande : l’invention excellente de les
conftmire eft enfuite. Ou s’il a des
bois 3 il les faut peupler de Lapins.
Cela étant fait, il faut qu’il foit garni
de panneaux , d’ailiers aux Lapins , de
paflees , de chauffes , d’ailliers aux
Cailles & aux perdris , pour chaffer
dans les grains & peupler fa volliere,
dont toutes les inventions de chaffer
font déduites au Traité de l’Art de ti-
rer à la relevée , & même eft expli-
qué la raifon pourquoi la yoilierps eft
neceflàjïe.
CHASSEUR. 197
S’il eft en pais de marais, il lui faut
des rets à Beccaffïnes pour traîner les
nuits durant les Lunes d’Aouft Sc de
Septembre, lors qu’elles paffent & re-
viennent.
Il lui faut encore des rets pour pren*
dre les Alloiietres au miroir, 8c pour
traîner la nuit. Les ChaiTes fufdites fe
font au mois de Septembre. Je ne les
expliquerai point , parce qu’elles font
très connues par tout.
S’il eft en païs d’eau .» il lui faut des
Sables , V ergueils , Tremails 8c des
Eperviers,
S’il eft en païs de grands bois oà
il y ait de belles paffees de Beccaftès
qui reviennent à la Saint Rhemy, il
lui faut des rets à Beccaftes , 8c tout
le long defdits bois , il faut qu’il y falïe
drefler des tentes exprès pour en pren-
dre au temps des grandes paffées. C’eft
une Chafle d’une demi-heure feu-
lement , qui fe fait au foir entre chien
8c loup, Cela coure peu : il ne faut
rien négliger. Si les bois font en lon-
gueur comme ils font en quelques en-
droits en Picardie, il y en a aucuns qui
valent des revenus 5 chacune année
R iij
i98 LE PARFAIT
l’une portant lautre fept ou huit cens
Beccaiïès , fans eftre obligé de nour-
rir des chiens ni des chevaux. S’il eft
en païs de Faïfàns , Perdrix rouges,
Cocqs de bmyeres 8c Gelinottes ; il
luifaut des filets de la hauteur de douze
pieds un peu plus larges que panneaux
qu’on tend fur le foir , & l’on chafie
allentour devant & derrière dans tous
les lieux où l’on a recconnu qu’il y
avoir de ces Oylèaux , lefquels vo-
lans bas le foir , donnent dans lefdits
filets , & feprennent auffi facilement
que les Beccafes. On ne chafle point
autrement dans les montagnes , dans
les coraux & dans les collines. C’eft
une Chalïe fort aifée à faire 8c fort
profitable. Je ne montre pas comme il
faut tendre ces rets , parce que ces der-
niers fe tendent comme panneaux , 8c
celles des BeccalTes fe tendent entre
des tentes faites exprès avec de grands
filets , dont on tient le cordeau que
l’on appelle le Maîrre , & quand les
BeccalTes relevent le foir , elles volent
tout razaudeifus du bois, 8c donnent
dans ce filet que Ton tient tendu fou*
tenu d’une petite poulie , & au mo.
CHASSEUR. 199
ment que quelqu’une y donne on lâ-
I che ledit Maître , & la Beccaflê s’en-
veloppe. L’on prend à cette Chafle
quelquefois des Perdrix & des Oy-
feaux de proye, quand par hazard il y
en pafle.
; S’il eft en païs de petits Oyfeaux, au
mois de Septembre jufqu’à la mi- O (So-
bre, comme il arrive le long des mers*
des bois , des hayes & des vignes, ÔC
en Gafcogne, il s’en prend une grande
quantité par le moyen des éraignes
que l’on tend le long du bord duiant
tout le temps de la pafïée. L’on y tend
aufli plufieurs petits lacs de crin ou
les Oyfeaux fe prennent,
| S’il eft dans un grand paflaged’Oy-
feaux de riviere , & que la Seigneurie
de fa terre aye quelque étendue -, il
faut qu’il y conftruife une canardiere
ou des mares faites exprès pour y ten-
dre & prendre quantité d’Oyfeaux par
| le moyen des Canards privés, qui ap-
pellent les Oyfeaux paflàns & les at-
tirent dans lefdites mares , & quand
une fois il y en tombe , le tendeur les
couvre avec une rets {aillante. Il fe
fait en ces mares les plus beaux coups
R iiij
aoo LE PARFAIT
du monde, La conftruébion des Cs-
nardieres ell écrite ci-aprés.
S’il eft en pals de bois où il y ait
quantité de petits Oyfeaux de toutes
fortes , il fe peut faire une ChafTe aufïï
plaifante & auffi facile qu’il fe puifle
imaginer pour en prendre une infinité
de toutes les fortes , dont les bois
font remplis. Cette Ghafle fe fait en
deux maniérés. En la première l’on
fait une hute couverte de fueiliage ,
dans laquelle le met un Oyfelier qui
a dans la bouche un certain appeau de
fer blanc, avec lequel il contrefait
prefque toutes fortes d’Oyfeaux , &
autour de lui il y a des cages où il y
a des Oyfeaux qui chantent & appel-
lent les autres , comme il fait lui mê-
me avec fon appeau : au defïus de la
hute font certains bâtons fendus atta-
ches de telle forte qu’ils font tenus
fixes Sc fermes, hormis que leurs fen-
tes ont la liberté de fe rejoindre par le
moyen d’une fi (Telle attachée , de telle
forte qu’en la tirant elle reflerre lefdi-
tes fentes , & ainfi à tous ces bâtons
fendus il y a à chacun une fifielie.
Les Oyfeaux fauvages entendant l’ap-
CHASSEUR* 101
peau & les Oyfeaux de eages chari-
ter s’approchent petit à petit dé bran-
ches en branches fur les arbres voi~
fins , de enfin defcendent fur la hute
fur quelques-uns de ces petits bâtons
fendus : à l’inftant l’Oyfelier tire la
fifelle & les prend par les pieds, & en
prend fi grande quantité , que l’on ne
pourroit le croire , fi cela n’a voit été
vû finivent à Saint Germain , où le
Roy en perfonne faifoit chafler ledit
! Oyfelier.
L’autre invention eft plus aifée &C
jmoins embaraffante. L’on fait encore
une efpece de hute au milieu d’un
j grand bois dans quelque clairière $ ôc
! celui qui fe met dedans par tout aux
environs d’icelle , charge de glu force
petites verges faites exprès, enfilées par
le bout à des petits bâtons de fureau,
I laiflant un bouc vuide dudit fureau pour
mettre iefdites verges chargées de glu
i à quelque branche qu’il choifit , de
ainfi il en attache beaucoup aîlentour
de ladite hute , de même fur icelle il
; y a comme un petit arbre fait exprès
qui en eft tout chargé.
I Comme tout eft difpofé., T Oyfelier
201 LE PARFAIT
fe met dans la hute , ôc contrefait î;
Choüette avec un appeau fait expré
fi naturellement, que tous les Oyfeau:
cTallentour de toutes fortes viennent i
ce cris par une averfîon naturelle qu’il*
ont contre la Choüette , ôc fe repofen
par tout fur ledit agio. Ils fe prenneni
fi vifte, que tout ce que peut faire
FOyfelier, c’eft de les prendre &met<
tre avec grand’hafte dans un fac or
grande cage , & à grand’peine peut i]
y fournir tant il en vient. J’en ay vû
prendre cinq ou fix douzaines de cette
maniéré en une demi- heure, ôc on en
prendroit bien davantage, fi Ion pou-
voir avoir une Choüette vive, ou mê-
me une contrefaite avec des plumes
collées , comme fi elle étoit naturelle,
ainfi que font les tendeurs de plou-
viers, fi on la mettait fur la hute fous
le petit arbre , tous les Oyfeaux qui
font au bois s’y prendroient conti-
nuellement.
S’il eft en un païs de pafTage
d’Oyes fauvages qui fe pofent quel-
quefois fur les bleds verds ou dans
des marais , on en peut prendre plu-
sieurs, attachant plusieurs haims à de^
CHASSEUR. ioj
thevilles de bois bien avant ficheesen
ierre > tenues de fiffelles qu’on cou-
vre d’un morceau de pain ou de fref-
lire , dont les Oyes font friandes 3
■ai&nt dans lefdits bleds de longues
raifnées & lignes defdits haims atta-
!:hés aufdites fiffelles, chacune longue
le demi-pied , l’amorce franche. Les
jDyes courent le long de ces fillèlles ,
ic autant qu’il y en a ils mangent lef-
liites amorces, & elles demeurent at-
tachées par les haims qui doivent eftre
afTés forts pour les retenir. %
| Si l’on demeure en pais de filions ou
les Perdrix abondent $ l’on fait pro-
yifion d’une femelle , qu’on appelle
Chanterelle s & on la pofe a un bout
des filions , tout au lon^ duquel on
|tend des pafTées. Le malle vient au
cris de la Chanterelle tk fe prend.
ILon prend à cette Charte plufieurs
perdrix rouges avec un appeau, pour-
jveu que le Chaflèuc en fijache bien
jouer.
Si l’on eft en païs de plufieurs boca-
ges & totaux ou les compagnies de
Perdrix foient frequentes , l’on peut
j jolier de la tonnelle pour peupler les
204 LE PARFAIT
vollieres , & ne lailTer dans ce païs
que les compagnies qui fuffifent pour
le laîfler raifonnablement peuplé , par-
ce que les Perdrix font pailàgeres , &
le chalïent l’une l’autre dans le temps
delà pariade, quand il y en a trop.
Et 1 on void prefque toujours qu’il
nen relie qu’une paire où il y en
avoif une compagnie* Quand donc
on y en lai lie trop , & qu’on penfe
conlerver le païs , c’eft pour les voi-
lins qu’on le conferve & non pas pour
foy. Et l’on remarque que quand on
joue de la tonnelle pour prendre des
compagnies entières , à chaque
compagnie il y a deux fois plus de
malles que de femelles : & ainfi au
Printemps tous les malles s’en vont ,
& ne relie que les plus forts qui chaf-
fent les autres : fi bien qu etans pris &
retenus dans une voiliere , l’on mange
l’Hyver tous les malles fuperflus , &
1 on ne garde que les neceflàires pour
mettre des paires aux cantons où il n’y
en a point.
CHASSEUR.
îoj
Delà Chajfe qu on fait la nuit .
EL l e fe fait aux Perdrix & Al-
loüettes 5 aux Plouviers i aux Van-*
eaux, aux Oyes fauvages, aux Ou-
irdes ^ aux Lapins és garennes , aux
devres , & dans les rivières 5e étangs
lux poiiTons. Elle Ce fait auffi le long
es hayes avec du feu l'Hyver aux
|)yfeaux qui s’y retirent. L’on bâties
ayes d’un côté , 5c de l’autre côté
jon rabat les Oyfeaux qui en forcent
vec des ravaux qui font faits debran-
hes fueilluës, & à la clarté du feu l’on
ss prend. Cette ChalTe s’appelle aller
. la foliée.
! Dans les païs d’enclos on chafTe la
lèuit les Perdrix , comme il fuit. L’on
porte une lanterne ouverte d’un côté ,
lans laquelle on met un miroir con-
cave, 5c un bout de bougie dans ice-
|uy , dont la lumière répond droit au
rentre. On remarque le foir dans le-
Ht clos ou font les Perdrix par leur
lernier cris • alors par le moyen de la-
llue lanterne qu’on porte'devant foy3
iC6 LE PARFAIT
on void de loin lefdites Perdrix , lef-
quelles fe ramalTenc toutes en un bloc
dés qu’elles voyent le feu. L’on pré-
paré un filet exprès que deux hommes
portent fur deux hauts bâtons derrière
rhomme qui porte la lanterne qui ne
peuvent eftre veus à cauie de la gran-
de lumière du miroir qui les précédé,
on les approche petit à petit fort dou-
cement , & quand les hommes qui
portent les filets font à portée , ils les
couvrent. Cette Chafle eft plus com-
mune en Allemagne qu’en tout autre
pais, parce qu’ils fe fervent plus de
filets en toutes leurs Chalfes, qu’aucune
Nation de l’Europe.
A toutes les autres Chaffes fufdites
qui fe font de nuit, l’on fe fertd’ar-
quebufes ou d’arbaleftes pour tuer le
gibier qui fe prefente au feu. Dans les
chaumes d’avoine, & le long des che-
mins quand on veut chaffer la nuit
aux Alloüettes , l’on traine un
filet à deux hommes, que l’on "ap-
pelle un traineau en barant les pièces
de terre ou chaumes d’avoine tou-
jours une oreille au vent , faifant
les geains plus juftes que l’on peut*
CHASSEUR. 207
^etteChafte eft mortelle. Ton y prend
-s Perdrix, Beccafles, Piouviers, Van-
eaux & beaucoup d’ Alloüettes. Elle
? fait aux environs de la Saint Remy*
,a finefte de cette ChalTe eft d’avoir
In filet bien fait attaché à deux per-
bes de la largeur du filet , d’atta-
ber quelques brins de paille au bas
pur faire partir le gibier * car fans
lela il en demeureroit beaucoup fans
artir, car (bit aux Plouviers ou aux
ranneaux, quand on leur prefente le
eu ils étendent Paîle & fe ramaffent ,
k on les approche facilement, &
>our faire de grands coups trois Ar-
juebufiers chargent leurs arquebufes de
uenu plomb, mettent un pied les uns
rontre les autres pour fe donner le
Ignal de tirer en lieux convenus tous
bnfemble delïus la trouppe d’Oyfeaux,
[moyennant quoi ils en tuent grande
quantité.
Quant aux Oyes fauvages Ôc aux
iOutardes, qui emportent un plus grand
coup , il faut charger de gros plomb,
!& que les Arquefiers foient d'accord
Ide ne point tirer en un même lieu ,
imais l’un devant, l autre derrière , &
ibS LE PARFAIT
l'autre au milieu fut les trouppes d’Oyes,
& pour les Outardes chacun la fienne*
car elles ne vont jamais que deux ou
trois enfemble.
Quant aux Lapins dans les garennes
où il y en a plufieurs , on les tire avec
des arbalefl.es pour ne point faire de
bruit * & de tout gibier il n’y en a
point qui vienne plus librement* au
feu , & qu’on approche fi prés, car
on les tue à coup de bâton. Les Lie*
vres n’en approchent pas fi bien , mais
on les tue à coup d’arquebufe. L’on
prend auffi les Lapins la nuit avec
panneaux qu’on tend le long des bois,
ôc Ton a des chiens qui les rechaiïent.
Cela fe nomme aller au rabat.
De la Chaffe aux amorces four
les Perdrix .
- > :Æ
LEs Perdrix font les O y féaux les
moins défians de tous. Quand on
connoîde repaire d’une compagnie,l’on
fait dans les entre-deux des bleds de
longues traînées fort claires de grains
femés qui aboutiflent à une amorce
ronde
CHASSEUR. io9
ronde que Ton fait an milieu de la
grandeur de fix pieds de diamètre,
laquelle on entoure de petits bâtons
fiches loin Pun de Pautre d’environ un
Ipied, aufquels on attache de petites
jfiiffelles qui la traverfent &c la cou-
vrent , pour empefcher que les autres
Oyfeaux ne mangent point Pamorce.
|Et ces fiftèlles qui la traverfent doi-
vent eftre attachées aux petits bâtons
jd’environ un pied de hauteur , pour
donner la liberté aux Perdrix de pafler
deffous, ces filets travcrfant dans ton-
te la rondeur de Pamorce. On y feme
du grain alTés clair qui eft un peu de
|bled5 quelques grains d’orge 3 duche-
!nevis, & quelques épies de bled part-
irai : quand les Perdrix approchent de
Pamorce, & qu’elles trouvent les traî-
nées de grains dans les entre-deux qui
y aboutififent, elles y courent fort vifte,
&c dés qu’une fois elles ont pris Pa-
jmorce , elles ne manquent jamais d’y
revenir une fois le jour , principale-
ment le matin. C eft pourquoi il' faut
porter le foir le grain au commence-
ment de la nuit , afin que tous les matins
ielles s'accoutument d'y venir. L'on
S
zio LE PARFAIT
les nourrie ainfi huit jours , quinze
jours 5 trois fem aines , ôc quand on en
a affaire , la preveilie qu'on les veut
prendre on accommode un lieu tout
proche de l'amorce pour y ajufter une
roye Taillante , puis Ton fait une petite
hutte de chaume en un trou en terre
.à la diftance du cordeau de la roye
pour la tirer. Le lendemain devant le
jour Ton tend fa roye , ôc Ton Te met
dans la hute ; le matin les Perdrix y
viennent, ôc on les couvre avec ladite
roye Taillante qui doit eftre environ-
née d'un cercle de bois , & le filet
fort lâche ôc fort haut, fait en bourfe ,
afin que les Perdrix ayent un efpace
raifonnabie de s'ébattre dedans , tant
que celui de la hute y puifle accourir.
Cette invention eft la plus utile qui
puifle eftre pratiquée par un Gentil-
homme qui eft Seigneur d'une terre ,
ÔC qui a droit d'en empefeher la ch a (le,
car il peut faire des amorces dans ton-
te Pécenduc de fa Seigneurie , ôc pren-
dre une très* grande quantité de Per-
drix qu'il met dans Ta voliere pour les
remettre au Printemps couver , &
manger tout le long de TH y ver les
malles fuperflus.
CHASSEUR.. su
L’on tend auflï des laffieres de cria
le long des hayes ^ des bordures de
jbois , & des taillis où les Perdrix han-
;tent , & l’on y ajoûte des petites paf-
fées fi adroitement, que l’on en prend
ipiufieurs. Le même fefait aux Lievres
ôc aux Lapins dans leurs paflees avec
iun fil d’archal, auquel on attache une
IgrofTe pierre qui les arrefte.
1 Quant aux poifïbns ôc rivières ÔC
étangs Ton tend des cremails qui tra-
jverfent leurs paffées , & au ddîus à
contre-eau dans les rivières on y pre-
jfente le feu. Tout Poifibn qui eft an
defïbus y vient * & fe prend dans les
jtremails & autres filets propres à cela.
De la maniéré qu on peut facile-
ment trouver le Gibier dans
les pats couverts.
Près avoir parlé de toutes les
xx Gbafles qui fe font aux filets ,
dont fe peuvent fervir les particuliers
fans eflre obligé de nourrir des chiens
& des chevaux , il faut faire voir en-
core le moyen de trouver beaucoup
S ij
ni LE PARFAIT
de gibier dans les païs couverts, com-
me dans les bruyères , dans les lieux
couverts de brouflailles , dans les cam-
pagnes de buis , dans les grains quand
ils font debout 8c ailleurs.
Il faut emplir une fifièile de fonnet-
tes éloignées de trois pieds en trois
pieds , 8c quand on a fait remetre
une compagnie de Perdrix dans une
piece de grain qui foie en longueur,
comme il arrive fouvent dans les fins
de la moi lion , 8c dans les reftes de
grains qui font à abatre , l'on tend
une tonnelle 8c des ailiers au bout ,
8c fans bruit l'on va porter la fiflelle
pleine de fonnettes à l'autre bout , &
l'on marche doucement en les faifant
former au delfiis de la piece de grain
par deux hommes qui la portent , 8c
le bruit lent qu’ils font fait marcher
tout le gibier qui efi; dedans jufqu'à
l'autre bout. I! ne faut pas oublier de
tendre les filets , enforte qn'üs pa fient
trois ou quatre pas de chique côté le
grain , de peur que le gibier ne fe*dé-
robe aujong.
Le même fe peut faire pour les La-
pins dans les taillis où les fonnettes
CHASSEUR. 2*5
jfe peuvent porter , & dans toutes les
jbruyeres 3c brouifailles , marais ÔC
prairies , 3c tous les lieux remplis de
grandes herbes ; les mêmes fonnettes
fans fïüeres peuvent fervir pour faire
cheminer tout gibier dans toutes for-
tes de bois y faifant triquetrac.
De la Chajje du Loutre qui ruine
les rivières , refervoïrs &
A deflruéiion des étang? , refer»
JL/ voirs & rivières poifïonneufes
vient principalement de deux caufes »,
l’une par les voleurs de nuit ; l'autre
par le Loutre qui eft Tunique def*
truéfceur des poiflbns. Quant aux vo-
leurs de nuit 3 il faut fur tout prendre
garde qu'il ne paroiiTe aucun feu la
nuit le long des lieux remplis de poif-
jfon 3c dans tous les lieux où d’on
ipeut traîner le fable , il faut de diftan-
;ce en diftance planter de grandes épi»
Inès poftiches tout le long des bords
pour empefcher 1rs voleurs de nuit ,
parce que leur fable s’embaraireroit 3c
!
1T4 LE PARFAIT
fe romproit. Il ne faut point tellement
ficher les épines que l'on ne les puilïè
retirer quand on veut pefcher.
La même chofe fe peut pratiquer
aux garennes 3c aux bois peuplés de
Lapins pour en empofcher ie rabat.
Quant à la Chafle du Loutre il y a
plus de difficulté de fe garentir de fa
ruine., parce que la ChafTe en eft diffi-
cile : neanmoins on en vient à bouc
en l'attaquant avec les ballets qui
vont en terre , lefquels ont une natu-
relle averfion contre toutes les bêtes
puantes.
La ChalTe du Loutre fe fait ainfL
Dés la pointe du jour l'on même touc
le long des rivières poilfonneufes ÔC
des étangs cinq ou fix balfets, qui cer-
tainement trouvent la voye du Lou-
tre qui y a paffé la nuit. Si les marais
font grands , fort herbus 5 pleins de
fondrières ? de catiches , de faules
creux, ôc chargés de rozeaux , le
Loutre fe retire en quelqu'un de ces
lieux , dés que les chiens en ont cii
connoiflance, ils fuivent fa pille , ôc
le chaflent de gueule , & le vont lan-
cer* La pgemiere chofe qu’il fait* c'eft
CHASSEUR.. us
le fe retirer à l’eau , & de fe cacher
i'il peut dans les trous qu’ils font au
pord des rivières, ou dans les rofeaux,
!m dans lieux les plus fourrés , enfin
ur quelque tête de faule panché ou
Ils fe relancent. Les Chafleurs fuivent
|es chiens le plus prés qu’ils peuvent
ivec des arquebufes ; fouvent le Lou-
:re fe jette dans des trous le long des
aords où ils le relancent , le Loutre
page entre-deux eauës , Sc on con-
loi t où il va , par l’impreffion de fa
paflee, par une efpece de bouillons à
la fuperficie de l’eau, fes fuites font
ongues avant qu’il reprenne haleine ,
ce qu’il fait de temps en temps en
montrant feulement le bout du nez
lors de l’eau. Les ChafTeurs qui con-
îoilfent par ladite impreffion que fait
"a fuite au deffus de l’eau courent & la
fuivent tant de fois qu’enfin quelques-
uns d’eux prennent le temps de le tiret
jiuftement lors qu’il montre le nez , le
moindre coup qu’il reçoiten cette par-
tie le tue, auffi-tôr qu’il a le coup, fon
corps nage au deffus de l’eau , ôc les
paffets & barbets fe jettent après &c
e vont rçquerir. Quand les chiens
LE PARFAIT
font bien drefles à cette ChafTe , il m
s en échappé point. Pour avoir d<
bons chiens pour le Loutre , il faut
tirer la race d’une barbette & d’un
baifet. Il en vient des chiens quichaf
f ^ent f°r bois 8c dans les marais , pai
tout à merveille.
Quant au pefcher à la ligne , les
Suides y font les plus habiles, ils imi-
tent le naturel d’une mouche avec de
la foye de couleur verte 8c jaune, de
laquelle les poiiïons font fi frians, que
1 attachant à des haims pour fervir
d’appas, ils prennent tous les poilfon$
d’une riviere, 8c fe fervent encore des
appas de vers, 8c de petites bêtes qu’on
prend fur les caillons, du foye des
poifions qu’ils prennent, & de toutes
fortes de mouches.
CHASSEUR.
217
pela Chaffc de toutes les bêtes qui
ruinent les maifons des champs.
Soit dans les granges & greniers,
| foie dans les grains à la
campagne.
Des Moineaux.
IL n’y a point d’animal qui porte
plus de dommage dans les mai.
ons des champs que les Moineaux
]ui fourragent fans ceife dans les
franges , dans les greniers &r dans les
grains proche les Village'. On leur
ait la guerre en toutes façons , par des
•ots qu’on attache aux murailles qui
!eur fervent de nids , pour avoir la fa-
ilité de les dénicher, & d’en -empefl
jher la multiplication en toutes manie-
je s : mais c’eft un anima! fi fécond
ju’on n’en peut pis venir à bout ; jè
eux donner deux moyens pour en faire
jne grande deftru&ion qui font.
Au rmps que leurs couvées font
faites, & que tous fe mettent encom-
T
«8 LE PARFAIT
pagnie , ils font très frians de chene-
vis&, il les faut amorcer le long des
bayes des Villages en un lieu écarté ,
ou bien dedans les lieux où l’on abat-
tus les chanvres dans les chenevieres ,
ou même en plufieurs lieux , & quand
ils y font bien amorcés , il y faut ten-
dre des rets Taillantes, & bien cacher
les cordes , & mettre qu’ils bordent
ladite roye avec la paille de ladite
chanvre, parce que c’eft le plus mé*
fiant de tous les Gyfeaux. Les royes
bien tendues 8c cachées , comme dit
eft , il faut y venir fouvent par des
lieux cachés , 8c prendre le temps
qu’ils y font ramafies pour faire beau-
coup de rets , car on n’en prend pas
moins de vingt ou trente douzaines à
la fois , 8c quand les relies font bat-
tus en une amorce , il les faut tendre
en une autre , par ce moyen on en
détruira telle quantité , qu’on verra
à veuë d’œil leur diminution.
L’autre moyen eft qu’aprés les avoir
attaqués tout le long de i Automne par
diverfes amorces : l’Hyver fuccedant,
ils ont coutume de fe retirer dans les
Kous de couverture de chaume, des
CHASSEUR. iî9
que la nuit eft arrivée, il faut avoir
accommodé une fourchette au bout de
laquelle on met un cercle de bois en-
touré d’un filet qui fe ferme comme
une bourfe qui foit affes longue pour
atteindre jufques aux trous des plus
hautes couvertures , on applique ce
filet au bout de la fourchette contre
tous les trous qui font aux couvertu-
res Tun après l'autre. Tous les Moi-
neaux qui font dedans au bruit veu-
lent fortir, & tombent dans Je filet,
qu’on ferme auffi-tôt av'ec un fil pen-
dant, & font pris tous vifs. Il n’y a
point de foir qu’on n’en prenne cinq
ou fix douzaines. Ce que l’on con-
tinnue tous les foirs , jufqu’à ce qu’il
n’en refte prefque point. On s’apper-
çoit bien de leurs diminutions aux
grains de l’an fuivant.
Quant aux Rats , aux fouris &
aux Mulots ; ces deux premiers in-
fectes ne fe détruifent que par la quan-
tité des Chats , des fouricieres , rat-
ures, triqueballes faits fur des chau-
drons ; que par la quantité du poifon
qu’on leur donne. Et pour les der-
niers qui font les Mulots , il n’y a
îjo LE PARFAIT
que la vigilance des Laboureurs qui
en vienne à bout par le moyen des
eauës boliiîlari tes qu’ils prennent la
peine de porter aux champs, & qu’ils
verfent dans les trous quand ils en-
voyent leurs bleds attaqués. Ce qui
arrive quand i’Hyver n’eft pas grand
ni tardif.
Quant aux piégés Sc broyons qui
font en ufage pour détruire les bétes
puantes qui font dans les garennes ,
la maniéré de les tendre eft fi commu-
ne ôc triviale, qu’il fer oit luperfiu d’en
donner ici des enfeignemens , il fuffit
que j’ay donné l’invention des piquets
& des gobbes pour purger les garen-
nes des bêtes puantes , & tous les bois
des hêces mordantes.
11 faut finir ce Livre , puis qu’il traite
du parfait ChafiTeur par la defeription
d’un vieux ik bon Chaflfeur , & quel
eft fon but quand il chafife pour îer-
vir d’exemple à celui que nous vou-
lons rendre tel.
Il faut demeurer d’accord d’une vé-
rité , que tous les vieux de bons
Chaffeurs aiment la prife ; que tous
pennes CbafTeurs aiment le plaifir , &.
CHASSEUR. 121
que le parfait Cha fleur aime l’un 8c
l’autre. Cela étant , l’on peut dite
qu’il y a quantité de C ha fleurs fort
paflîonnés à la Chaffe, mais qu’il en
eft peu de bons , 6c encore moins de
parfaits.
Qu il eft de bons cireurs , mais peu
de bons C ha fleurs , qui fçachent mé-
nager la ChalFe de telle forte, que là
où le gibier eft rare ils ne laiflent
pas d’en tuer raifonnablement , 6c
plus que tout autre par fon fçavoir 6c
par fa conduite.
Il n’eft pas mal aifé de tuer beau-
coup de gibier dans les lieux confer-
vés 6c commodes à tirer , mais il eft
mal- aifé d’emplir les gibecières dans
les lieux incommodes, peu peuplés ôc
difficiles , tant à tirer , qu’à relever
le gibier.
Il n’eft point mal- aifé de détourner
des Cerfs où ils font en abondance ;
mais il eft fort difficile dans les grands
fonds de forêts d’en trouver 6c dé-
tourner là où il y en a peu.
Tous les tireurs prefque deviennent
bons , où l'abondance du gibier leur
dorme la facilité de tirer fouvent,
T iij
in LE PARFAIT
mais il y en a peu qui ne foient fau-
tifs dans les lieux où il y a peu de gi-
bier, 8e où Ton ne tire que dans de
très longs intervales.
La fcience d’un tres-bon Chafleut
ne s’acquiert que par un très-long 8c
laborieux ufage , c’eft pourquoi les
vieux qui en connoiflent le travail ,
aiment mieux la prife que les au-
tres , & ne veulent point pafTer leur
temps en vain, il leur en refte peu
qu’ils reduifent plus à l’utile qu’au
plaifant» Et le long-temps qu’ils ont
employé pour acquérir leur fçavôir ,
les rend tellement ménagers de leurs
peines , & retenus 8c refervés à mon-
trer les vrays coups dé maîtres qu’ils
fe font acquis par leurs études , leurs
vigilances 8c leurs applications, qu’on
ne peut tirer d’eux aucunes connoif
fances des meilleures chofes qu’il faut
fçavoir pour eftre maîtres : Si bien
que ceux qui veulent devenir parfaits
en cet Art , font prefque tous réduits
à les apprendre d’eux- mêmes., J’ay
fait ce que j’ay pu pour faire voir en
ce Livre une partie des plus belles
chofes què j’ay pratiquées avec les
CHASSEUR. 215
jplus fçavans Chafieurs durant tres-
longues années 5 fi je n’ay point afies
expliqué toutes les Chaires que j’ay
décries par la comparaifon de ce que
les autres en ont écrit les curiofites
déduites feront juger que je n’ay rien
de refervé pour le public.
j)e la maniéré de faire de bonnes
baffes cours 3 & d’enqraiffer les
volailles à peu de frais.
PO u k faire de bonnes bafies cot?r$,
il faut avoir des fervantes qui fe
connoiffent à nourrir toutes fortes de
volailles, comme Poulets d’Inde,
Poulets , Cannes & Oyes &c - & leur
accommoder des lieux feparés des
chiens , ôc leur faire faire des poulail-
iiers fepatés , chacun comme il s’en-
fuit.
Il faut avoir forces planches & faire
despoulailliers quarrés qui fe pui fient
rouler fur des roulettes , lefquelies fe
puifient fermer à la clef, qu’ils foient gar-
nis de perches par dedans,de bois d’éra-
ble pour jucher les Oyfeaux, & il faut
«4 LE PARFAIT
laifler une petite coulilïe qui ferme une
petite feoeftre pour les lailfer fortir ,
êc que chacun aye fa petite court par-
ticulière où il y a à boire & à man-
ger.
Quand on en veut engrailfer, i! faut
faire une folle de douze pieds en quarré,
ëc de fix de profondeur. En cette folTe
on enterrera quelques cadavres de bê-
tes mortes, comme chevaux, afnes
&c. lefquels on couvrira de terre
grafle avec quelques lits de paille de
bled & d avoine , lit fur lit meflées de
terre entre deux , & que le dernier lit
foie de terre qui furpalfera la naturelle
d’environ un pied. Il faut que cette
folle foit faite dans une court qui foit
commune à tous les animaux qu’on y
voudra engrailfer. C’ell une chofe cer-
taine qu’il s’engendrera autour de cette
folfe tant de gros vers de terre, dont
les volailles la plufpart vivent & font
très friandes , qu’en très peu de temps
elles deviendront aufil graffes que fi
elles éroient cpa fiées , comme ceux
du païs du Mans a pa fient leurs Cha-
pons,pourveu qu’on leur rafraichilte
toujours de bonne eau , ôc de quelque
CH ASSEÜR- îïf
feu de grain qu’on appelle Sarrafin,
jqui fert pour les échauffer , & de fon
pnoüilié qu’on mettra dans des auges
jfaites exprès : il n’y a point d’inven-
tions pareilles pour engraiffer toutes
fortes de volailles.
jj Des Etangs , des Lacs , des Ri-
vières , des Canaux & des Re-
\ fervoirs 3 & comme il faut
en conferver & multiplier les
I jpoijjons*
TOus les Seigneurs qui ont des
terres de grande étendue ne peu-
ventpas eftre eftimées de belles terres*
; fî elles n’ont des eaues. Les Etangs
Iqui en occupent de grands terrains
font fournis de Porflon , fi on ne les
| négligé point quand on a foin de les
| peupler , s’ils font en terre graffe ils
! rc'üfMent mieux que les autres dans
Paccroiffement du Poiilon dont ils
[font rapoiffonnés , pourveu qu’on les
! défende contre les attaques des voleurs
j de nuit du Loutre & des grands Bro-
né LE PÀRFAlf
chets. J ay donné les moyens d9en
chalTerles Loutres 6c de les en purger3
il refte feulement de faire la guerre aux
grands brochets qui englouriflent la
plufpart des petits Poiffons , 6c de don-
ner les moyens faciles de les pren-
dre.
Il faut cônfîderer que les grands
Brochets font toujours au guet dan?
les plus grands palïiges ordinaires pa
où paflfent les plus grandes troupes d-
PoilTons qui font dans les plus pro
fonds lieux des Etangs , au traver
defquels les Rivières coulent , mêm
aux lieux où font les terres les plu
grafîès, 6c encore dans les bordures
recoins & tournans , & puits tournis
s'il y en a aucuns. En tous ces lieux
fufdits, il faut tendre c|e grands ver-
gueils avec leurs grandes allés , dont
les mailles foient plus larges que les
ordinaires , afin que le petit poilïonne
s y prenne pas , lefquels foient tou-
jours tendus de jour & de nuit pour en
attraper quelques-uns 5 même amorcer
lefdits vergueiîs de morceaux de chai"
crue , dont lefdits Brochets font friant
Si on les vifîte fouvemen quinze jour?
CHASSËVR.. il?
jm en prendra la plus grande partie ,
Principalement en pleine Lune ou le
®oi(fon eft plus vorace, & fait plus de
jhemin qu’en tout autre temps.
Dans les Lacs s’ils font grands 8C
profonds & plats , l’on n’y pefche
ru’avec de grands fables attaches a
les pieux aux lieux où les Rivières qui
jjaffent à travers ont leur cours plus
nfte ; & s’ils font très-profonds au
au haut des montagnes , comme il y
à plufieürs dans celles qui feparent
'•Italie de la France, l'on y pefche a
la ligne avec les mêmes haims qu on
prend la Moluë fur le grand banc , 5 C
on les amorce de même pour y pren-
dre des Truites d’une prodigieufe
(grandeur.
! Dans les Rivières , fi elles font gran-
des on y pefche en traînant le fable
Idans tous les lieux les plus profonds ,
& fous les axes des ponts & fuites de
; grands moulins, l’on y coule de grands
filets en cul de fac, qu’on releve avec des
icapeftans de temps en temps, pourvoir
S s’il ne s’y eft pas pris quelques grands
Poiflons. Si elles font petites & gra-
I veleufes , l’on y prend de petites Trui-
228 LE PARFAIT
tes rouges, & quelquefois de grandi
quand i! y a des folles profondes , t
qu’elles font en tous lieux d’une int
gale profondeur.
Dans les canaux on y pefche ave
vergueils, fables & tremails , & dar
les refervoirs on y prend le Poirto
avec de grands, filets creux & enron
deur, dont les bords font attachés
des cercles de fer.
Les Etangs font rendus merveilleu
fement féconds fi dans leurs côtés au
lieux les plus commodes , proche le
grands roiêaux qui les bordent, Ion’
fait des foifes que l’on remplit de gra'
vier , enforte quelles ne foient pro-
fondes que de deux pieds au milieu,
venant à demi-pied jufques au bord i
& quelles foient toujours pleines
d’eau ; &r fi elles pouvoient recevoii
l’égoûc de quelques fontaines, lefdi-
tes fortes feroient admirables pour fer-
vir de fourcieres , pour fervir à multi-
plier le Poiflon ; c’eft pourquoi i! faut
r-bferver que les Etangs qui reçoivent
1 egout des fontaines peuvent eftre ren-
dus plus féconds que ceux qui n’en ont
point.
CHASSEUR.. 219
Par la même raifon toutes les gran-
js Rivières dont le fable eft grave-
px , font ordinairement plus fecon-
s que les bourbeufes, 8c que lespe-
s ruiiïeaux qui partent des terres
>ur tomber dans les Rivières 3 8c qui
nt ordinairement graveleux, font la
ufpart abondantes 8c multipliantes,
jincipalement en Truites , dans ief-
telles on pefche avec des tremails
des éperviers.
Toutes les Rivières bourbeufes n’ont
>ur Poiflbn que des Carpes , des
pnches , des Perches , des Roches ,
s Barbeaux 8c des Meuniers : mais
la Mer en certaines faifons , il y
jonteune prodigieufe quantité d’Àn-
illes 8c fouvent des Saumons frais ,
| Printemps à la chute de tous les
ioulins 8c delïous des ponts , même
ns les folfes les plus profondes tout
long de leurs cours qui font connus
iX pefcheurs où ils ne manquent pas
• jetter leurs coups de fables. Et eft
remarquer que les Saumons du
intemps deviennent Becars au mois
Aouft 8c de Septembre aufquels ils
|nt moins bons de Tannée.
*3o LE PARFAIT
Eli auffi à remarquer que tous I
Poiffons d'eau douce font , au tem|
que le Soleil remonte, beaucoup pl
favoureux & de meilleur goût , qi
quand il defcend , à caufe que c’eft
temps de leur multiplication qui les rer
plus debile s & plus fades.
Il y a des Mares dans d'aucuns Yill
ges qui reçoivent l'égoût des fumie
Ôc de toutes les grandes rues , lefque
font extraordinairement multipliant
quand on a foin de les rapoiffonne
fen ay vu d’aucunes qui fourniffoie
le rapoiffonnementde plufieurs Etarg
Il eft à remarquer que les petit
Carpes qui ne font longues que c
quatre doits , étans mifes dans l
Etangs pour rapoiffonnement, dont
terre Vft graffe qui pouffe plufieurs he
bes fines, en trois ans deviennent Ca
pes d’un pied entr’oeil de fourche
par là l'on peut connoître que la teri
graffe qui foûtient les eaues eft cell
qui eft la plus propre pour faire crcî
tre le Poiffon & le multiplier.
L'Alofe fuit les Rivières graveleufe
la Carpe les Rivières bourheufes , 1
Perche les Rivières profondes^ le Brc
CHASSEUR.- 131
pliet les eaues claires & les fofifes qui
ombent dans les Rivières parce que
lans ces lieux étroits il attrape fa
broyé, les Sardines font dans les Fleu-
res où vient le reflus de la Mer.
De la Pefche des Poiffons de Mer 9
A Pefche de la Mer eft diverfe
JL-/ félon les lieux où Pon Pefche?
Dans les fins des chutes des Rivières ers
a Mer, le reflus les defleichanten par-
tie quand la Mer fe retire on tend de
certains filets comme panneaux , dans
iefqtiels le Poiflbn fe prend , par le
moyen de ce que quelques bateaux
remplis de Matelots pefcheurs , avec
|de grandes hances de bois bâtent Peau
iaux environs defdits panneaux s chan-
itans & huans d'un bruit qu’on entend
de plus d’une grande lieuë , les font
[prendre efdits filets ; &e de cette fa-
içon de pefcher les Poiflons qui font
! pris , s’appellent Poiflon hué. Le feu
|Roi Loüis XIII. voulut avoir le plai-
|fir de voir faire cette pefcherie dans
la Baye de fomme entre Abbeville &c
23 2- LE PARFAIT
Saint Valéry, où entr’autres Poiflons
il fe prit un Efturgeon long de douze
. pieds qui fut ailommé par les Mate*
lots à grands coups de hances entre
ces filets qui î’arrcfterenr.
Il y a une autre maniéré de pefcher
le long des côtes de la Mer en Nor-
mandie , qui fe fait avec de grands
filets tendus en rond qu'ils appellent
des Parcs , aufquels il n'y a qu'une
ouverture du côté de terre par où les
FoifTons entrent dans lefdits Parcs,
qui font fermés du côté de la Mer,
& quand la Mer s'en retourne , le
ieToiflbn qui y entre voulant fui-
vre Peau qui fe retire, demeure pris,
parce que le côté de la terre par où
ils pourroient fortir eft le premier
affeiché. Dans ces Parcs s'y prennent
les plus belles Truites faulmonnèes
qui font longues de trois pieds, tou-
tes rondes ôc longues comme les
jambes.
la maniéré dont on pefche dans
la Mer n'a nulle différence d'avec
celles des Etangs. On y traîne le fa-
ble & Pon prend toutes fortes de
Po, fions à la fois , mais il y a des
cantons
CHASSEUR. i35
cantons où il y a beaucoup de Solles,
lefquelles on prend avec des hairrys,
amorcés de certains vers qu’on trouve
dans les terres le long des côtes de là
Mer.
Il eft à remarquer que dans la Man-
che entre des côtes de France & d’An-
gleterre , la Mer eft bien pim pro-
fonde du côté d’Angleterre que de
France, & qu’on n’y pefche point
i qu’avec des filets qui "ont de plus
grandes mailles qu'à Pordinaire ; de
quil y a toujours quatre bâteaux de
Pelchêurs qui ont perrniiïïon de pef-
cher dans toute la côte d’Angleterre
pour le Roi de France en quelque
temps que ce Toit, de paix ou guerre*.
I na-y point parlé cFdefliis de la
î Chafle des Perles ou de leur pefebe.
Elle fe fait ordinairement par les In-
I diens dans rifle de Baceara de dans
un bras de Mer qu’on appelle Be~
lheren. Elles s’engendrent de la rofée
du Ciel dans des efpeces d’huiftres,
qu’on appetTe Nazies de perles ? Se
cela arrive au Printemps,
¥
234 LE PARFAIT
&&&&&&
Des chofes qui font contraires
aux Chaffeurs, de qui eau-
fent les grandes maladies aux
chiens.
Des Signes de fluye.
OYseaux nettoyans leurs plu-
mes , & fuyans à leurs nids ,
joüans fur les eaux, faifans fifflerleurs
ailes & battans les eauës.
Oyfeaux de riviere cherchans les
prés.
Oyfeaux de terre fe baignans ex-
traordinairement.
Le Héron trifte au milieu des
champs.
Les Afnes fe veautrans & fe frot-
tans le dos contre terre.
Les Toiles des Araignées fort éten-
dues.
Les Eauës Sourdans où elles n’ont
point accoutumé,
L’Eau étant devenue plus chaude
CHASSEUR. 135
qu5à fon ordinaire en Tabfence du
Soleil.
L’Arc-en-ciel en temps ferain.
Les Boeufs fe lechans, ôc même
quand ils mangent plus fort au com-
mencement de la pluye , c’eft figne
de continuation.
Les Chats fe moüillans les pieds ?
& fe frottant la tête & les oreilles.
Les Crapaux quitanS le foir leurs
trous & leurs cavernes , les Corbeaux
croaflans avec cris , & fecoüans leurs
ailes, ou fe pendans fur les eauës , ou
y crians , & montansplus haut à leurs
grands cris.
La Corneille fe baignant ou criant
fur l’arene feiche ou fur la pierre,
chantant au fortir du bain, ou criant
furie foir plus que de coûtume*
Les inteftins des Chiem murmurans*
La Colombe retournant plus tard
au colombier.
Le bruit des Cloches entendu de
plus loin.
Le couvercle des bois de quelque
vafe plus fec que de coutume.
La chaleur en Eté plus poignante.
Le Ciel refplandiffant du côté de
V ij
23« LE PARFAIT
TAquilon ou du Couchant.
La nuit étant fereine . , . les foirées
refplandifïantes.
Le Ciel rougeaftre le matin , ou la
nuit avec plus d’étoiles .
Le Chardon piquant fe fermant.
Les cuirs plus re (Terrés.
Les petits Animaux qu'on appelle
cen t pieds 5 s'aiïembians.
Le Dauphin folaftiant & fe plon-
geant en Peau.
Les tonneaux de vin boiiillans en
Eté.
Deux Soleils ou deux Lunes figni-
fient un deluge ou une grande inon-
dation d'eau.
La première peau des Châtaignes fe
fermant.
Les Fourmis fe promenans devant
leurs œufs.
Le Foulque Oyfeàu de riviere fe-
coüant fes aîles.
Les Bîuettes du feu fortant de la
lampe en éclatant.
La Suye de la cheminée plus fre-
quente qu'à Pordinaire.
La Faux venant noire en faqchant
les herbes.
CHASSEUR. 237
! Les Bubbes en formes de Cham-
pignons qui s’engendrent en la lampe.
; Les Poules cherchant ie couvert.
Le Cocq chantant incontinent après
le coucher du Soleil.
Les petits Poulets pipelans plus fou-
/eut que de coutume.
Les Grues fuyant les plus profondes
dallées.
La Cicogne ou Hirondelle criant
il u matin.
! La Couronne aîlen-to-ur de !a Lune
iniifant en nuée noire.
| L’Hirondelle batant les eauës avec
es ailes.
, Le Feu paffe ou pétillant Sc pétant.
La jointure des goûteux faifant pins
le douleur qu’à l’ordinaire.
Quand la Lune paroit fubtde devant
la conjonftion, & rouge dans la par-
ie lu mine ufe , & dans l’autre , noire r
>u fi deux cercles y paroiflent , prin-
ipalement s’ils font de couleur noire
»u livide , ou (i la couronne parole
noire & pafle à la pleinp I^iine.
; La Lune rouge fait vent , la pâle
l’ait ta pluye, la blanche fait le beau
emps,*
23 8 le PARFAIT
Les Montagnes entourées d’un ai
épais & groffier.
Les Mouches picquant plus que à
coutume.
Les Plongeons criant & volant plu
vifte.
Les Nuées mugiflantes & faifant di
bruit, femblable à un fioc de laine
ou noires occupant le haut des mon
tagnes.
Les Brouillards de la Mer venan
contre terre ayant vent contraire.
Les Brebis mangeant plus que d
coutume.
L’huile pétant & fcintiilant dans le
lampes ardentes.
Les Pieds fuans.
Les Porcs déchirans ou cachant de;
botes de foin ou paille.
Les Poux mordant plus fort.
Le Paon criant plus fort.
Le Pivert plus bruyant.
Les Grenouilles caquetant davan
La Rofée ne tombant point âpre;
les vents.
La Salamandre veue.
Les Porcs grondant beaucoup*
CHASSEUR. 2J9
| Le Soleil avec un Cercle rouge ou
!toir , entouré de nuées noires ou ver-
aftres , ou paroiflant plus grand au
|ever ou coucher ; ou avec des cou-
lonnes 3 ou concave &c plein de ta-
hes,
! Les Chairs falées plus humeéfcées.
Un doux tremblement cfe terre.
! Les Tonneres du matin en Hyver,1
iu du Midy en brimant devant midy
k le foir.
Les Taupes travaillant d'avantage*
Le Trefle Te heriffant ou retreciffant
bs feiiilles.
Les Vents fortans de terre.
| Le Vautour volant plus legerement*
La Vache regardant le Ciel 3 prê-
tant l’air avec les narines.
| Les ceintures de foye étant plus fer-
lées , & celles de peaux plus lafches*
£es Temps de ferenité.
LEs Oyfeaux marins au bord de
Mer n’ecendant point les aîles.
JL Arc-en-ciel en temps de pluye.
Les Bœufs couchés fur le côtégauch
Les Corbeaux regardant le Soleil
découvert.
La Corneille criant du matin.
La chaleur après la pluye.
La corufcation proche LHorifon.
L air étant ferain de fans tonnerri
èc quand Tair ondoyé proche de terri
Le Soleil étant rouge le loir.
Le Dauphin épardant fur la Me
étant troublée.
La Châtaigne bouchant Lun de fe
trous.
Les Herilîbns paroi (Tans.
Les Fourmis portant leurs œufs d
la circonférence au centre.
La fumée blanche paroiilànt blan
che fur les eaux devant le lever d\
Soleil.
Le Cocq chantant plus tard que d<
coutume..
Le:
CHASSEUR. î4î
Les Grues ne doublant point leur
file en volant.
La couronne au Ciel également pa-
roilïante.
La Lune paroiflaot blanche.
Les rivages de la Mer, 8c les Mou-
cherons au foir paroilTant en pyrami-
de devant le coucher du Soleil , 8c Ce
joüant autour de lui.
Les O y féaux marains criant dans
la temDefte.
Le Hibou auflï criant dans la tem-
pefte.
Les nuées paroifîant blanches ou
rouges.
Les Brebis béellant & leurs Agneaux
bondiflàns.
Des Kent s.
IL y a quatre Vents qui font bons
pour chafT r , 8c quatre très- perni-
cieux aux ChalTeurs.
Les quatre qui font bons pour chaP»
fer , font l’Orient d’Eté 8c «'Occident
l’Eté. Le Midy, 8c celuy qui eft en-
i:re le Midy 8c l’Occident.
X
24i LE PARFAIT
Les quatre médians font le Septen-
trion , celuy d’Ecolïe qui eft à droit
du Septentrion, Celuy qui eft à gau-
che du Septentrion dit Galerne j
& celui qui eft entre l’Orient d’Eté &
le Midy , qui eft appellé des Terres,
De ces quatre derniers les Chiens
ChalTent mal. Ils refroidiftent les
voyes , & ont une certaine fcntem
tellement contraire à l’odorat des
Chiens courans, qu’ils chaffent mieux
à vaut vent que dans le vent , ce qui
eft contraire a la raifon , car les voyes
fuyent au lieu de vecir à l’odorat des
Chiens. En ce temps-là, on n’a point
grand plaifit à la Chafle des Chiens
courans.
Les Vents de terre font très-contrat
traires à la Chafledes Chiens courans,
ils étouffent les voyes , ôc ne peuvent
eftre emportées.
Les quatre autres font bien chaffei
les Chiens à caufe que les deux plus
bas font humides , & les deux autres
chauds 5c humides. Ces quatre icy der-
niers nuifentaux tireurs de l’arquebufe,
parce qu ils font ordinairement grands
& çaufent de h pluye 9 qui rompt
CHASSEUR. ,243
la Chafïe Ôc mouille les arquebufes.
Les quatre premiers font au contrai-
re fort bons pour les tireurs, parce
qu'ils font venir force gibier, & font
I plus calmes ; ils dépouillent les ar-
bres , Ôc font voir clair dans les bois
j où tout le gibier fe retire*
Il y auroit bien des pafcicularités à
diftinguer fur tous les vents , mais
cela fera referyé par un traité pour la
confervation de la fanté , que j’avois
refolu de joindre à ceci, mais comme il
fort de la matière, je n’ay point jugé à
jpropos de l’y mettre , parce que les
ChafTeurs ont affés de fanté , faifant
alTés d’exercice pour la maintenir,
fans leur donner des remedes pour la
conferver : je les veux feulement aver-
tir de tous les effets en gros, afin qu’ils
[prennent garde aux maladies qu’ils
|caufent à leurs Chiens, afin qu’ils les
puiflent prévenir.
Tous les vents vehemens refroi-1
idifTent ôc deffeichenr.
Les debiles échauffent & humedenn
Les Méridionaux font chauds ÔÇ
Ihumidef.
Les Orientaux font ferains ôc fecs*
Xi] • -
Des Tonneres & de leurs effets en
tous les mois de l'année .
144 LE PARFAIT
Les Occidentaux font froids & hu-
mides.
Le plus falubrede tous eft le Septen-
trional.
Le pire de tous eft le Méridional.
Le zephir qui part d’entre le Méri-
dional 8c l’Oriental renouvelle le fang*
& n’eft point du tout mal- faifant.
Q^and donc les vents malfaiteurs
dureront long-temps, que les Ch a (leurs
fe premuniflènt contre, & préviennent
par purgations les maladies qu’ils peu-
vent caufer à leurs Chiens.
LEs Tonneres venant de l’Orient
caufent de grandes eflfufions d’eau.
En May grande abondance de fruits
& de foin. Et quand c’eft par un Di-
manche, ils caufent la mortalité des Ec-
clefiaftiqùes.
Venant d’Occident ils caufent la pcfte
& la mortalité.
En Juin grande abondance de Poif
& quand c’eft le Lundy grande
CHASSEUR. 24 s
Siflïpation de fruits , 3c mort de
|3œufs & Je Vaches.
Venant du Midy, de grands combats
jfc calamités maritimes.
! En Juillet fterilité de fruits.
En Mars grande abondance de fruits
iir terre venant du Septentrion, mor-
alité de Pafteurs.
| En Aouft mortalité de Serpens 8c
le Poiflons. Le Mercredy eflrufion de
png humain.
En Janvier mortalité de troupeaux
k de toutes autres bêtes, & de gran-
les infruâuofités.
En Septembre mortalité d’hommes;
Le Jeudy abondance de fruits, de poit»
bns paflant en Mer ou aux Fleuves.
En Février grandes infirmités aux
Dyfeaux.
En Oétobre grand palTage de gibier
c de grands vents. Le Vendredy
jrande guerre 3c mort de brebis, avec
e grandes tempeftes en mer 3c en
jerre.
En Décembre grandes profperirés
’animaux , de fruits 3c d’hommes.
Ces Signes quoi qu’un peu éloignés
|u fujet font neanmoins avantageux
X iij
M le parfait.
à prévoir par les Chailturs , afin d’en
prévenir les accidens , parce qu’étans
gens de campagne , ils ont à confer-
ver leurs biens , & remedier à tout ce
que deffus autant que faire fe peut.
Des couleurs du Ciel & des Etoiles
four f revoir le temps a venir.
IL faut encore ajoûter ici ce qui
fuit, comme neceflaire aux Chaf-
feurs , qui eft de connoître les effets
& le temps que caufe les couleurs des
Etoiles , comme des Saturniennes , de
Juppiter & de Mars.
Les couleurs plomblées font Satur-
niennes ou de Saturne.
Les couleurs fplendides font Joviales
ou de Juppiter.
Les rouges , obfcures , brunes & te-
nebreufes font de Mars.
Les fort fpendides & claires font de
Venus.
Les couleurs changeantes font de
Mercure.
palliflantes, de lumière
CHASSEUR. 147
Les obfcures viennent de Saturne &
de la lune conjonts.
Les nebuleufes & maculées font de
Mars de de la Lune*
Voicyce qui fert aux Ch a (Leur s, qui
font les effets de toutes les différentes
jcouleurs & de toutes leurs a étions.
Les Saturniennes donnent du froid i
de la glace & de !a greffe.
Celles de Juppiter donnent de la
pluye falubre Sc des humidités , des
vents avec du tonnerre ôc une chaleur
modérée.
! Les Martiales, grandes chaleurs, des
embrazemens de la ficcité des tonne-
| r es & des tempeftes.
Les Solaires beaucoup de chaleur &C
peu de ficcité.
I Celles de Venus beaucoup d humeur
& peu de chaleur,
j Celles de Mercure indifférentes.
Celles de la Lune grandes humidités*
& ainfi peu de chaleurs.
Celles de Saturne & de la Lune
tantôt du froid , tantôt de l’humide 9
tantôt de la ficcité, neige & grefle.
Celles de Merciue avec Saturne de
| la gelée , avec Venus de la pefte Sc du
X iiij
*4*- LE PARFAIT
venin. Avec Juppiter des tempefltes.
Avec Mars des effets importans.
Ces Etoiles agifiant avec plus de ve*
hemence tant plus elles {ont lumineu-
fes , plus proche de l’Eclyptique , &
meme quand elles font verticales à
quelque Région , & à nôtre Horifon
quand elles font Septentrionales*
Toutes ces chofes fe peuvent pré*
voir par les ChalTeurs pour prévenir
les maux qui en arrivent , fi on prend
quelque foin d’y remédier de particu-
lièrement a la rage des chiens, comme
il fera dit tout prefentement.
De la corruption de l'air, pefte &
autres maladies , tant aux hom-
mes, chiens qu autres animaux .
Q TJ and le vent Siriot fouffle
fequemment, il excite la rage
aux chiens , il y faut extrêmement
prendre garde en donnant fou vent de
Teau fraifehe, de fi quelque chien pa-
roît trifte , il le faut mettre à part, &
lui donner de POrvieran dans de la
foupe } ôc du Thcriaque de Venife?
CHASSEUR. 249
£ela lui fera forcir tout le venin du
torps.
Il faut !e purger, & toute la Meute
^vec fonphr? boüiliy en foupe , faite
jie telle de veau ou de mouton. Il les
Faut baigner en eau /allée , fi l'on eft
>rochede la Mer ; il faut brûler force
tenievre dans le chenil , 8c pîufieurs
lutres chofes d’une bonne ôc forte
enteur , 8c brûler force vinaigre fur
lies pelles de fer rouge ; fur tout il les
Faut tenir nettement, & ne laifler ja-
mais parmi les autres un chien trille,
lont le regard eft morne , obfcur &C
ibatu : il le faut feparer de la Mute,
bettre tous les malades à part , c*eft
m grand mal-heur quand cela arrive,
Sc il faut dire la vérité que ce défaut
irrive par la faute des Valets de chiens
aui ne prennent pas garde quand il y
?n a de malades ou de maigres 8c mi-
érables , ou de chiens mauvais , ief-
guels n’avertilïent pas , 8c ne font pas
;:e qui eft neceftaire pour prévenir ce
bal- heur.
±p LE PARLAIT
CormoiJJ'ances quand L'air eji
corrompu.
QUand i! y a de grandes Ecîy-
Pies , de grandes inflammations,
de giandes afliiuirés de pluye à la fin
du Printemps 3 & de PEré fans que les
vents foi ffl nt.
Que les arbres feichenr, 8c font prêt
que bi û?és par une extrême chaleur ,
ou qin s font mangés de chenilles,
tons les Sangliers meurent. J’ay veil
cela dans S int Germain en Lave du
temps du feu Roy Louis XIII. la*Fo*
reft étant comme bridée , 8c toutes
les t êtes moururent , hormis celles qui
pafl refit en autres lieux.
Quand Pair parrdn durant quelque
mois comme poudreux , il faut b»tn
fegarder de chafleraux chiens courans*
Quand le pain expofé à Pair durant
une nuit devient moifi.
Quand la rage fe met dans les chiens
fans caufe vifible : quand les Loups
entrent fréquemment dans les Villages*
dans les bergeries ou dans les parcs.
CHASSEUR. M*
Quand les Oyfeaux délaiflent leurs
n^S*
Quand il naift une grande quantité
|de Grenouilles 6c de vermine qui fort
Ides murs 6c bâdmens , 6c qui ron-
gent tout foit habits , foie livres.
I Qu and il naift beaucoup de ferpent;
Quand les Taupes paroiflent fré-
quemment fur terre.
Quand l’Araignée s’engendre dans la
,pomme de chefne fans eftre percee.
i Quand Tannée eft dereglée, comme
fi le Printemps eft trop froid , ÔC
jFHyver trop chaud.
Quand les rofes 8c violettes flaiï^
iriffent en Automne.
! Quand Tannée eft toute chaude 013
toute froide.
Quand la force du Soleil eft arre-
tée par la groffiereté de Pair.
| Quand la Lune eft arretee par les
! pluyes.
Quand Saturne féjourne trop long-
I temps dans le Lyon.
Quand le même Saturne eft aux
i %nes ignés.
Quand Mercure 8c Venus fe con-
i joignent avec les Saturniennes , tout
M* LE PARFAIT
ceia font des commencemens de la
corruption de l’air, qui ne manquent
point à devenir peftilens & morti-
fères.
Durant le temps de ces mal-heurs un
Chaflfeur doit fe tenir clos & couvert
fans fortir les chiens, de peur que le
mal ne les attaque , fk que les mau-
vais chiens qui courent en ces temps
fréquemment par tout ne les pillent,
& qu’ils lailfentpafler quelques femai-
nes , jufqu’à ce que ces mauvaifes
conftellations foient paflées, ôc que le
temps change , ou du moins s’il veut
chalïèr, que ce foit fur des hauteurs
ou l’air eft plus pur , fuyant tant qu’il
fourra les vallées où les principes de
la corruption de lair commencent»
CHASSEUR. 153
Des vents & ch 0 Je s contraires à
la Chajje .
T O us les grands vents font con-
traires a la Fauconnerie.
Tous les pais rudes font contraires
aux Lévriers
Tous les pais de fleurs & d’odeurs
aromatiques font contraires aux chiens
courans ; c’eft pourquoi ils n’en peu-
vent avoir en Efpagne 8c en Portugal,
que pour chafler les bêtes puantes , ÔC
meme tous les chiens couchans d’au-
tres pais que du leur n’y Tentent rien.
Tous les vents de terre 8c mois font
contraires aux chiens courans.
Par les grands vents le gibier attend
fort , &fe rend parefleux i partir.
La quelle des chiens couchans fe
i doit faire une aile au vaut.
Tous les grands vents font contrai-
res aux tireurs, c’eft: pourquoi il faut
chercher l’abry dans les coraux 8c dans
les grands bois quand on veut chafler
pendant qu’ils régnent.
Quand on veut tirer des O y féaux
î54 LE PARFAIT
de riviere , il les faut approcher à bon
vent, parce qu'il n’y a point d’Oy féaux
qui éventent plus qu eux.
Les hutes des relevées doivent eftre
à bon vent.
La quefte des Beccafines fe doit fai-
re à vaut vent.
Les traifneurs de nuit doivent faire
leurs filions à une oreille au vent.
Les filets ou panneaux doivent eftre
tendus a bon vent.
Les greffes Beccafles fe doivent
queftet à vaut vent.
Les journées de grands vents, il faut
courre le Lievre aux chiens courans ,
dans les grands bois ou dans les hau.
tes fiftayes qui font àî’abry.
Les pentes Chalfes qui fe font aux
petits chiens pour tuer les Lapins ,
fe doivent faire dans les côtaux a
l’abry.
CHASSEUR. *5;
De tous les temps qui font avan-
tageux aux Cbajfeurs.
T O us les vent* humides , les
temps frais , les pais herbus , les
[terroirs plus humides que fecs , les
côtaux expofés au Midy , leur font
avantageux pour chafler aux Prin-
temps.
En Eté les lieux expofés au Nord
lui font les plus propres.
En hyver les pais couverts & four-
rés luy donnent plus de gibier.
En Automne les pais ouverts luy
[font faire les plus grandes ChalTes.
Je parle de toutes ces petites con-
[noiflances en general , parce qu’il fe-
iroit trop long de les expliquer toutes
en particulier : il fr.ffit qu’un Chalfeur
foit in (huit des défauts 8c des bontés
de t us les lieux, pour pouvoir prendre
jen chacun les avantages.
L’on peut fe fervir de toutes fortes
d appeaux dans îa relevée pour faire
approcher le gibier , & principale-
ment dans les taules où l’on fe hute
i5g le parfait
fur les quatre heures du foir aux longj
jours , mais principalement le Che-
vreuil qui eft inquiet & toujours fui
pied , c’eft le plus aifé de tous les ani'
maux à tuer à la relevée ; les autre!
y viennent aufll à certaines faifons d<
l’année , comme dans le ruth , & faui
apprendre à bien fonner de l’appeat
pour s’en fervir utilement.
Jamais le Sanglier n’y vient , il efl
trop défiant, l’on fe peut fervir dam
les tailles d’un an , auffi bien de h
filoppe comme le long des bois poui
la relevée.
Le moyen de peupler un pais
aOy féaux de riviere.
QUand une terre eft fort Sei-
gneuriale, de grande étendue
qu'n y a des étangs , de grandes prai-
ries , de grands marais , on y doit Faire
des canardieres, & pour cet effet, or
-doit faire venir des gens du Pais bai
pour les conftruire , lefqnels apporteni
avec eux des Canards drefles qui fe
nu fient parmi tous les autres fauvage:
touu
CHASSEUR. 257
foute la nuit , & le matin ils revien-
nent à la canadiete ôc en emmenent
^vcc eux plufieurs fàuvages. Je ne dis
ien de la conftruélion defdites canar-
lieres , ri de la façon ôc maniéré dont
j>n prend les Canards fauvages qui
ont amenés par les privés , parce qu'il
Faut voir fnre les canardieres & ap-
prendre d'eux toutes les rufes dont ils
Fe fervent pour en prendre tant qu'ils
veulent.
| Je ne dis rien auffi de la neceflîté
l'avoir des garennes Ôç de les bien
peupler, car fans des garennieres ex-
oreîTes que l’on tient chez foy on ne
es pourroit pas rendre bonnes ; c'eft
Pourquoi il faut apprendre d'eux rou-
es les rufes dont ils fe fervent pour
es bien peupler 5c conferver des bêtes
huantes , c'eft fans quoi on ne feroit
pien qui vaille. c D r ; ;
Quant aux ^pigeonniers, .pour les
fendre féconds les faut renouveller
le fept ans en fept ans, parce que les
vieux Pigeons dés qu’ils ont eet âge
couvent beaucoup moins que quand
ils font jeunes. Quand ib font renou-
ivellés de jeunes Pigeons qu'on nourrir
Y
ij8 LE PARFAIT
en vollieres pour les remplir, il le
faut amorcer & tenir dans le pigeon
nier de petites bouteilles d’huile d
fpic, Sc frotter à quelques-uns les aîle
de ladite huiie : la fenteur de cett
huile fait que les autres Pigeons étran
gers s y amorcent, & delïus lesappied
il faut faire des pains de farine d
bled farrazin ou bucaille, un peu d
mil parmi , 8c les pétrir de faulmure
il n’y a rien qui falïe venir tant d
Pigeons que de les amorcer de ce paii
là , dont il faut garnir tous lefdit
appieds.
. %■&> : ' - ■ •• : ' i'j
Des chofes qui font contraires aux
Cbaffeurs , & qui caufent des
?naladie$ aux chiens .
AS ç a v o i r , la pluye, les ventSj
les tonnerres 8c l’ait5 corrompu.
Quant aux lignes de pluye, il y a
peu de Païfans âgés qui n’en connoif-
ient plufieurs , anffi bien que les Ber-
gers les lignes des mauvais vents , des
tonnerres 8c de l’air corrompu : c’ell
pourquoi il les faut fouvent confulter *
CHASSEUR. t5f
ils connoiflent auffi par les couleurs du
jCiel 8c des nuages, les mauvais temps
à venir, la corruption de Pair, qui en-
gendrent des maladies generales, tant
aux hommes qu’aux chiens ; & je ne
confeillerois jamais aux perfonnes qui
demeurent à la campagne de rendre
aucun deplaifir aux Pafteurs 8c aux
jBergers.
Des effets de la Lune , & comme
il enfant obferver le cours.
COmme l’Aftre îe plus dominant
fur les Chafleurs & furies chiens»
eft la Lune , j’ay voulu ajouter cet avis
pour la confervation de leurs Meutes,
afin qu’ils puiiTent éviter de les faigner
3c purger tous mal apropos : voicy
donc ce qui eft bon qu’ils fçaehent»
| La Lune eftant en conjonction au
Soleil, la faignéeeft tres-mauvaife trois
jours devant ôc trois jours après.
Conjointe avec Juppiter, elle efttres-
bonne.
Etant en quadrat avec Saturne, on
| ne doit pas faigner un jour devant & un
I jour après, Y ij
îéo LE PARFAIT
Etant oppofée à Saturne , il faut
auffi îaiiTer pafler un jour fans faigner.
En Sextile afpeèi avec Saturne , il
ne faut faigner qu’un jour après.
En Venus fortunée fans combuftion
la faignée eft parfaitement bonne.
En Juppiter l’on peut faigner fans
aucun péril.
En Mars elle eft dangereufè un jour
après.
Etant en Mercure , il faut attendre
un jour devant & un jour après.
Etant à la tête du Dragon , il faut
attendre un jour devant & un jour
après.
r Dans fa première quadrature , il
j eft bon de faigner les jeunes chiens.
L Dans fon quart afpeèfc dernier , il
^Left bon de faigner les vieux chiens.
Toutes ces chofes peuvent eftre
connues par les bons Almanachs de
Suiflè , dont il faut que les Chafleurs
foient curieux , pour faigner apropos
leurs chiens , & pour les purger quand
il faudra * car il faut purgei après Ui fai-
gnée, tellement que l’un dépend de fau-
tre , c’eft à quoi il faut prendre garde,
& de faire, dis- je, recherche des Alma-
CHASSEUR. i6t
manachs fideles , qui marquent les
conjonétions Sc afpeéts des fufdites
Etoiles avec la Lune.
Z es principales caufes de la rave
des Chiens .
TOutes les trépidations de mem-
bres , Ôc toutes les retracions
Je nerfs , qui viennent par froideur
pc humidité font fujeces a la Lune :
tellement que le principe des mala-
dies des chiens qui font de grands
efforts , principalement en Avril & en
Septembre ( comme il a efté dit par-
ant de la rage ) font de n’eftte pas
:e chauffe s ôc delà des quand ils retour-
nent de la Chaffe, Ôc la rage de telle
bture quelle puifle eftre , commence
par la trépidation de nerfs , puis après
>ar les indjgeftions , vient la perte de
appétit j par les trop frequentes cu-
lées viennent les chaleurs des en-
jrailles.
: Par forge pourrie ou Tentant mau-
dis , dont on leur fait le pain > viens:
e dégouft*
i6i LE PARFAIT
Par l’eau puante dont on le pétrit
vient la corruption.
Par lamauvaife cuiffonvient le cours
de ventre.
Par l’expofition du chenil auMidy,"
vient la fievre.
Et par le peu de foin du Maître ÔC
des Valets vient la rage.
De tout ce que deflus les petites ma-
ladies commencent & infenfiblement
s’augmentent , ôc puis après fe conver-
tirent en rage müe, en rage de glé,
ôc puis après Pair du chenil Pinfeèke,
&c la grande rage s’y met , tellement
qu’on ne s’en apperçoit point que tard,
Â'iors qu’il n’y a plus de remede, ôc
tout cela par fa négligence.
J’ay eü trente ans des chiens, je n*ay
cependant eü aucunes maladies de
rage , parce que les chenils étoient
propres comme des chambres avec de
bonnes cheminées , ôc leurs expofî-
tions étoient au Soleil levant , SC
quand j’avois quelque chien trifte ou
mélancolique , on le mettoit hors du
chenil , libre dans la cuifine , ôc quand
il y en avoir de malade on lespenfoit
avec le même foin que d’un Valet"
CHASSEUR. 2(5}
quand on en fera de même , on ne
tombera point dans des pertes de
chiens irrémédiables , car en quatre
ans une Meute ne peut pas eftre réta-
blie quand la rage y a paffé.
Il faut aerier les chenils de boisodo-
riferans , & les réchauffer comme
peftiferés.
Continuation de la maladie des
Chiens , & comme il les faut
j fe parer étans malades , pour y re-
médier.
IL faut dans les baffes courts faire
de petits appentils expofés au Le-
vant , tenant plus du Nord que du
Midy , 6e y faire des feparations pour
y mettre des chiens feu! s , ou foit des
lices quand elles portent, ou foit chiens
baigres qu’on veut remettre a foit
balades.
Ils feront conftruits les plus longs
qu’on pourra, afin qu’on en mette da-
vantage , ou mè ne en faire de feparés
?n pîufieurs lieux : quand il arrive
*64 LE PARFAIT
quelque chien malade , on le fepare l
fur tout quand il a regard morne ou
trifte % ôc qu’on y remarque la moidre
trépidation de nerfs & de veines, c’eft
une marque qu’ils ont la fievre ; ce
que beaucoup de Chafleurs ignorent,
ôc je puis atfeurer qu’il n’y a point
d’animal qui foit plus fujet à la fievre
que le chien , ôc particulièrement ceux
qui font les plus vifs ôc les plus vigou-
reux , comme les lévriers , les bracs , ÔC
Ôc les chiens courans de tête j tres-
peu de Chafleurs fe fervent de la fai-
gnée , ôc ils ne fçavent pas même les
feigner des veines qu’il faut : cela ne
fe peut apprendre que par expérience ,
Ôc ne fe peut enfeigner par écrit.
Qu’ils fçachent pourtant qu’une fai-
gnée peut garentir un chien de la rage
quand elle eft faiteapropos * parce que
la rage n’eft antre choie qu’un tranf-
port au cerveau qui rend le chien fol
comme les hommes. Et fi l’on peut
empefcher ce tranfport par des iai-
gnées reïterées , ôc par des remedes
artraélîfs, & par des purgations pro-
pres à purger le cerveau, Ton guérit
ie chien malade.
Et
CHASSEü R. i6s
Et pour faire voir la vérité de ce que
j« dis , il ne faut que remarquer des
années aufquelles il régné des fïevres
chaudes aux hommes qui fe gagnent ,
& des flux de ventre, & beaucoup
d’autres maladies qui fe communi-
quent par la fréquentation. Il en eft
de même aux chiens qui ont coutume
ide demeurer enfemble. C’eft pourquoi
on commence pat les feparer , &
quand l’on fait cela , on n’uie point
de remede qu’il faut pour empefcher
le tranfport au cerveau , ni cette com-
munication de mal , qui fait que les
chiens meurent tout fondain.
I Que fait l’eau de la Mer quand on
y mène les chiens & qu’on les
baigne , parce qu’elle eft extrernément
falée ? elle referre les humeurs & les
deflèiche, mais elle n’ôce point la caufè
qui refte encore aifés fouvent & afles
iforte pour continuer le mal , & ache-
ver de tout perdre : il faudroit recom-
mencer plufieurs fois. Le meilleur re-
mede donc, eft de s’attacher à ôter
la caufe du mal qui eft une inflam-
mation d’entradles qui ne cherche qu’à
gagner ie haut , lequel mal fe doit
Z
il;: '
xa iE PARFAIT
premièrement traiter par faignée , par
rafraifcbi lié mens , & fur tout d’éviter
les purgations chaudes & violentes,
comrnt fait l’helltboreque beaucoup de
Cha fleurs donnent à leurs chiens : il
faut fi« tout garantir le cœur par l’Or-
vktan , la Theriaque de Venife, ou
pt des breuvages cordiaux , car fi le
unal gagne le cœur ou le cerveau, il eft
tres-diffiale à guérir & fouvent fans
lemede. > ,
Pom peu d’affiftance qu on donne a
un chien qui eft très- forte & très- vi-
goureuse x un en vient à bout ^ il y a
de petits remedcsdans le Médecin cha-
ritable, dont un Cha fleur cutieux doit
avoir un , avec des purgatifs qui font
très-bons, dont on fepcut fervir en dou-
blant les dofes félon la force du chien,
Sc félon le mal dont il eft attaque,
qui garentiront une Meute de tout mal
general , quand ils font employés
promptement & fans attendre trop
tard , mais fur tout j’ay remarqué que
le fe né eft un finguüer purgatif pour la
nature du chien : Si bien qu au lieu
de fiouphre, comme l’on met dans des
bouillons de tête de moutons , parce
CHASSEUR. lêy
que îe mouton eft chaud , il le faut
faire de tête de veau , 8c y mettre du
fené à proportion , félon la quantité
des chiens qu’on veut purger ; mais
fur tout, il faut avoir commencé par la
ifaigrée , puis après purger. P«ur la
faignée vous avés les regards de la
Lune qui vous marquent quand il fait
bon faigner ; il ne relie rien après
qu’à faire la purgation , & la reïtcrer
s’il en eft befoin , 8c faut fur toutcon-
'fiderer l’état de la Lune , parce qu’elle
domine entièrement fur les chiens.
I Continuation des maladies des
chiens , & d^oà véritablement
| elles procèdent , & leur caufe
\ frincipalc qui donne les moyens
\ de les quérir.
LE s frequentes curées aux chiens
courans , principalement quand
elles font amples , donnent des cha-
leurs d’entrailles, 8c caufent des cours
de ventre à toute la Meute : elles font
jmême avorter les lices.
Z ij
xGÎ LE PARFAIT
Elles rendent malades tous chiens
varaces & gourmands , & la rage ne
procédé que des efforts que font les
chiens , pour les raifons qui fuivent.
Toutes les Meutes où Ton fouffre
des chiens de tête trop villes, foit pour
fauves , foit pour lievres , fe ruinent,
& la plufpart des chiens font gaftés
par les grands efforts qtfils font pour
fuivre les premiers , dont il arrive
prefque toujours que plufieurs s’é-
truffènt , fe butent , & deviennent
maigres , & l’on peut dire que dans
trois mois c’eft une Meute ruinée fi la
rage s’y met, ou des maladies cjonç
les chiens ne reviennent point,
L’eftruffure eft un mal qui vient aux
cuilfes, dont Tunefe feiche & ne prend
plus nourriture , parce que le nerf a
efté foulé par quelque effort , ou pour
avoir palfé quelque lieu fort étroit qui
Ta trop ferré.
La butture eft quand la jointure au
deffus du pied groffit de telle forte
qu’il lui tombe des glaires qui le ren-
dent boiteux. Cela peut auffi arriver
par quelque pointute d'épine , à quoi
il faut prendre garde, & la re rer
CHASSEUR.
âvant que cela s’apoftume.
L’efpointtire eft quand l’os de là
hanche qui fort au deffus du rable a
receu quelque effort où quelque heurt,
enforte qu’il eft plus bas que l’autre.
Quand cela arrive, le chien eft telle-
ment affaibli qu’il ne peut plus fervif.
Tous les Chaffeurs fe piquent d’a-
voir des chiens de tête , & d’en faire
un cas très particulier : cependant tou-
tes les ruines des Meutes , toutes les
maladies des chiens , toutes leurs ja -
loufies qui les obligent à devenir vi*
lieux & barreurs, ne dépendent que
d’affe&er des chiens plus viftes, &tou$
les defordres, foit par maladies, indif-
pofitioris , maigreurs , manque de man-
ger , d’ou vient & s’enfuit la galle , &
tout le refte ne procédé que de ce dé-
faut.
Tous les bons chiens perdant Iâ
créance qu’ils avoient l’un à l’autre ne
fongent plus que de gagner la tête, ou
d’employer tout ce qu’ils ont de force
pour accompagner les plus viftes ;
tellement qu*il n’y a plus de r’alliment,
ôc s’il leur furvient quelque défaut ,
ou quelque autre difficulté , les chiens
Z iij
ijo LE PARFAIT
qui fe font efforcés de fuivre n’ont
plus de vigueur pour les demefler , &
fou vent il arrive qu’on eft trop long-
temps à redrelïèr les voyes jufqu’à ce
que les meilleurs chiens de change ou
autres ayent repris haleine ou un peu
de vigueur pour faireles diligences ne-
ce flaires en ce rencontre.
Déplus le temps que l’on employé à
cela donne loifir à une bête de renou-.
veller fes rufes & à fe forlonger , fi
bien que la plufpart des bêtes que l'on
manque ne fe fauve que pour les pout
fer trop vifte dans l’abord de la chafle,
ce qui les oblige à faire de grandes
fuites , & tous les chiens de médiocre
force font crevés & mis hors d’état de
pareil aller.
Tout ce mal arrive feulement pour
un chien ou deux qu’on eftime par leur
yiteflè , qui ne fert qu’à gafter tous
les autres ; au lieu que fi tous étoient
de même force, la Chafle fe feroit par
un branle continu , crians tous égale-
ment & beaucoup mieux ( car un chien
ne peut pas mettre fa force à crier &
poufler la voye ; il faut neceflairement
que l’un empefehe l’autre ) enforte que
CHASSEUR- tjz
la bête chaflee n’entreprendroit pas
de fi longues fuites n’étant pas pref-
fée ; 8c les Picqueurs ni les chevaux
ni les chiens ne fouflfaroient au*
cuns dommages qui les perdent 8e
qui les ruinent , 8c c’eft icy la fource
de tous les mal heurs qui peuvent ara*
aune M ute, car delà feul viennent
toutes les incommodités , maladies,
& enfin la rage : qu’on y prenne donc
garde fi l'on veut très fort * parce que
véritablement c’eft la perte de tous les
chiens & des équipages.
Les mpyens donc de guérir les ma-
ladies particulières 8c generales qui ar-
rivent aux équipages J c’eft première-
ment de couper la racine aux caufes
qui les font naître , ce qui fe fait en
tranchant fans aucune confideration les
chiens viftes qui ruinent les autres ,
ou du moins s’ils font exrraordirjaire-
ment bons , leur donnant des plates
longues ou bricoles qui les a rr récent ,
car pour leur pendre du plomb au col,
cela ne manque jamais de les butter on
eftraffk , 8c puis après en confervant
très foigneufement les chiens du corps
de la Meute, qu’on void toujours éga-
Z iiij
LE PARFAIT
lement fermas dans les voyes qu’ils
tiennent également, ce font de ces
chiens là dont il faut faire très- grand
cas, 8c non de ceux qui font ambitieux,
& qui s’efforcent 8c s’écartent , foit
pour prendre la têce , foit pour re-
gagner le devant quand ils font recu-
lés par quelque retour.
L’eftrufFure fe guérit par le repos &
par des cataplâmes conforratifs, 8c par
des blaflemens de rres- bonnes herbes,
comme auffi par la graifle deblereau,
de cheval, & par des huiles chaudes,
particulièrement de l’huile de mil-per-
tuis & de rofat , & à force de fomen-
tations, puis après il faut toujours te-
nir la parrie fort graffe de Populeum
& d'onguent rofat.
La butture fe guérit, fi l’on n’attend
pas que les glaires y tombent * c’eft à
dire que d'abord que l’on void quel-
que grolfeur au genoüil d'un chien, il
faut fomenter cette partie , 8c y met-
tre des onguents refolutifs , en forti-
fiant les nerfs comme le Populeum 8c
l’huile de mil-pertuis. Que fi l’on at-
tend un peu trop trad , la butture fe
rend incurable.
CHASSEUR. ijy
Quant à Tefpointure , comme Tos
|de la hanche a receu quelque notable
contufion , & que c’eft le derrière qui
pouffe le devant , elle eft prefque in-
curable auffi bien que celle de Talion-
igeure -, quand le nerf de quelque
jdoigt du pied eft atteint de coupure %
cela eft fans remede.
Les ongles qui fe perdent ou par la
gelée ou par la feichereffe font bien
long-temps à revenir * c’eft pourquoi
'il ne faut point courir quand il gele*
ou quand il fait une extrême feiche-
jreffe, cela fe guérit très lentement, te-
nant toujours le lieu de Tongle gras
d’huile de mil-pertuis , & par le re-
pos.
*74 LE PARFAIT
Comme on guérit la <gd.lle , dartres
& le rouvieu aux chiens .
LA galle ne provient que de deux
caufes , Tune par trop de graille
& de fang ; I autre par trop de mai-
greur & de pauvreté. Ellefe peutaudi
communiquer parfaîleté du chenil, ÔC
parla communication trop grande des
chiens qui couchent pelle-mefle, ou
dans des cendres, eu dans les étables
aux cochons.
Quant à la première elle fe guérit
facilement , car il ne faut que faire
jeûner le chien , IcTaigner, le purger
ôc le grailler : la fécondé eft plus d ffi-
cile principalement aux vieux chiens *
parce que Pon peut tres-difficilement
les remettre encorps • ôc quand la galle
eft ir vererée, elle le rend ii, curable
aux vieux chiens.
Pour la guérir , premièrement i! faut
nourrir le chien de fonpe grade, & -tâ-
cher de le remettre en corps , & Quand
il commence à amender ; il faut le
faigner deux ou trois fois pour le ra-
CHASSEUR. , 175
jfraifchir 8d le purger , puis après il le
faut grailler d huile de chenevis, avec
dufel, du touffe e* batu 8c un peu de fal-
jpeftre, le tout réduit en poufliere : fi le
chien n’a que peu de galle, l'huile feule
le guérit ; mais pour n’v pas retour-
ner, il la faut faire a fies forte : toute
antre drt gue comme le tabac , hellé-
bore, la platte de frefne & autres ville-
nies font tomber le poil , 8c même
[>euvent faire mourir le chien : mais
"huile de ehenevis comme il eft dit 3
radoucit la peau , Ôc ne fait point tom-
ber le poil : la grande finefie eft au
grailler : car fi on ne le graille que le-
gerement, il y faut retourner ; c’eft
pourquoi il faut premièrement bou-
chonner le chien tant qu’il fait tout
rouge , puis après il ne faut pas plain-
dre fa peine de le graifier devant un
grand feu pour faire bien reboire la
Igraifie, 8c puis quand il eft bien rebu,
jilfaut choifir un jour quand il fait beau
iSoleil 8c le mettre à l’air ; quand cela
jeft bien fait l’on n’en manque point.
Dés auffi-tôt donc qu’on void quel-
que chien qui rougit & fe galle, il le
faut graifier promptement. Il y a des
176 LE PARFAIT
parefleux qui attendent à grailler leufs
chiens au mois de Mars , cela ne vailî
rien , car le mal fe vieillit 8c devient
d’autant pltis difficile à guérir.
Quant aux dartres qui viennent ai$
chiens, foit pour avoir touché du ve-
nin , ou pour avoir été piqué de quel
que bête veneneufe en chaffant , il le
faut guérir par des drogues chimiques,
comme du fel de tartre.* dufel armoniac
ou des dilîblvons , dont le moindre
Chimique donnera la connoiflance, en
ayant abondance*
La Chatfede TArquebufeeft fi com-
mune en Europe , 8c pratiquée pat
tant de fortes de perfonnes,que je n’en
diray rien pour deux raifons $ la pre-
mière, parce que l’ordonnance des
Loys la défend aux ignobles, & qu’il
n’y a rien de plus défendu en France
que le port des armes , 8c fi cette dé-
fenfe étoit étroitement obfervée par
tout, comme elle e fl: dans les^plaifirs
des Roys 8c des Princes , l’abondance
de toutes fortes de gibier fe manifefte-
roit par tout , comme en Allemagne,
au lieu que la fteriüté s’y rencontre.
La fécondé 9 c’eft que les Bourgeois
CHASSEUR. i77
^ Païfans aufquels il elt défendu de
jhalfer & porter des armes, fe ren-
roient plus hardis à contrevenir aux
éfenfes qui leur en font faites, fil’on
bettoit en évidence toutes les Chaflès
ui fe peuvent executer par elle ; il
aut donç mieux s’en taire que d’en
rop parler , ce qui ne ferviroit que
|e véhiculé pour porter les efprits à ce
lu’ils n aiment que trop.
Tous les narrés des ChalTes qui fe
pnt en toutes les parties du Monde,
f Sui font cy- après , font plus pour
pjoüir le Leébeur que pour Tinftruire.
’ay feulement voulu mettre à la fin de
î Livre les plus importantes , non feu-
lent , parce qu'elles font perilleufes,
: qu'il n’y va rien moins que de la’
[e des hommes , pour les avertir de
■ donner de garde des inconveniens
pi leur pourraient arriver, princi-
jilement aux Européens s’ils fe ren»
pntroient dans ces lieux où le dan-
;r de mort eft éminent à tous les mo-
ens de la vie. Et comme j’ay entre*
| is de parler de toutes les ChalTes du
onde , & de toutes les Nations qui
js pratiquent , je n’ay pas pu m’em-
a7S LE PARFAIT
pefcher d’en dire ce que j’en ay aprh
par les relations verbales , & par les
Hsftoires véritables qui m’en ont été
faites. S'il y en avoit pat hazard quel-
qu’une obmife, ce n’eft pas manque
de diligence & d’exa&nude que j’ay
employée pour les rechercher.
!
CHASSEVR. 119
En cetce Partie font contenues
toutes les C ha fies des Indiens,
Afiatiques, Africains, païs des
Noirs , Américains Méridio-
naux 6c Septentrionaux , tant
j Roys^ Princes, Grands Sei.
1 gneurs, que Particuliers, avec
la maniéré dont ils viennent à
bout de la férocité des bêtes
cruelles , donc leurs Païs fonc
I remplis, 6c comme ils s’encre-
font la guerre.
CHAPITRE I.
'Z>e la Chaffe des animaux cruels dans
\ les montagnes & dans les deferts
d Stffrique d A fie & autres lieux.
ï$o LE PARFAIT
quent tout , foit Lions , Tygres, Léo-
pards , Panthères & autres , ainfi qu’il
, fera dit , parlant de l’ordre que tien-
nent les differentes Nations qui font
ordinairement adonnés à ces Çhaffes ,
autant & plus par contrainte &neceffi-
té que par divertiffement , parce qu’il
arrive en certaines années par l’irra-
diation de certaines influences exci-
tant une chaleur extrême qui fait que
la rage fe met dans ces animaux féro-
ces dans les hautes laifons qui les font
aflèmbler , & mettre en troupe pour
courir fus aux hommes , attaquer les
bourgades Sc les dépeuples.
Des Chajfes de l'Afrique.
LEs Affiquains chaffent en plu-
fieurs maniérés felon la diverfite
des pais où ils fe rencontrent felon les
Jieux qu’ils habitent : car ü y a des
montagnes couvertes de forêts , des
plaines de fables, des coraux, des
lieux aquatiques , & peu de pais ou-
verts. C’eft la terre des monftres.
Il faut fçavoir premièrement que ja-
mais
CHASSEUR.
j mais Chatfeur ne Va feul à la chaffe
en toute l’Affrique, & que s’ils ne
font plufieurs en troupe fort ferrés fans
s’écarter , fl en retourne peu àlamaî-
| fon , parce qu’à tous momens ils font
rencontre de très cruels animaux qu’ils
! attaquent, Voicy donc leur ordre.
Des communautés toutes entières
s’attroupent , & portent toutes fortes
d’armes ofEnfives, fpecialement des
! fi imbeaux faits en torches, au bout
defquels ils attachent des godions 8c
des matières combuftibles qu’ils allu-
ment quand ils vont au combat. Ifs
marchenr^n ordre aux lieux ou ils fça-
vent que fe retirent les Lyons, les
iTygres, Jes Léopards , & autres ac-
compagnés de forces chiens tous fiers,,
hardis cruels, & y étant arrivés ils font
un bruit médiocre au commencement,
les plus difpos 8c les plus forts fe fepa-
irent par pelotons de la groffe troupe de
quelque petite diftance comme de cin-
quante pas. Au moindre bruit , ces
|anim aux fartent fur eux qui ne voyent
Pas grande troup , 8c attaquent les
premiers qu ils rencontrent , les autres
|îes fecourent en flanc avec des chiens*
Àa
*8* LE PARFAIT
tellement qu’à me fuie qu’il fort des
animaux du fort pour venir attaquer
des hommes , d’autres hommes fe dé-
tachent pour les fecourir avec d’autres
chiens , de maniéré qu’il s’excite un
combat le plus terrible qu’on puiiïe
dire , & qui donne de l’horreur à tous
les Chaflèurs qui fe tiennent ferme &
ferrés fans s’ouvrir , & tuent conti-
nuellement foit Lyons * foit Léo-
pards, foit Tygres & tout ce qui fe
prefente devant eux. Ces Chalfes ne
fe peuvent faire qne par les naturels
du païs, parce qu’il faut avoir la dif*
pofition , la force & la haine , & le
defir de vengeance qu’ont ces peuples
contre ces animaux cruels qui les tien-
nent tellement en crainte dans de cer-
tains cantons , comme en la Mon-
tagne de Ferre- lionne fîtuée le long
de l’Occean du côté des Canaries, que
dans les faifons chaudes de l’année ils
n’oferoient fortir de leurs habitations
que bien accompagnés Dans les lieux
où ils font accoutumés d’eftre attaqués
de ces bêtes feroces ils chaffent de
maniéré.
Les puilîànces fouveraines qui do-
CHASSEUR. 2S5
minent ces peuples , fe joignent fou-
vent pour faire ces Chafes generales,
afin de prévenir les maux qui travail-
lent ordinairement leurs fujets.
Dans les faifons ardantes qui cau-
sent des fievres & la rage à ces cruels
[animaux , ils font les mêmes prépara-
tifs de guerre que s’ils vouloient don-
ner des batailles , lefquelies en effet
font autant & plus cruelles que celles
des hommes.
Tous les Africains font naturelle-
ment grands ChafTeurs & grande di-
jVerfité de gibier. Nous parlerons de
toutes dans leur ordre félon les païs
couverts ou découverts , comme les
plaines fertiles foit infertiles , ou les
païs fablonneux , marefcageux & pleins
jde côtaux.
Les grands Seigneurs Africains
laimenttous la Fauconnerie & TAutou-
rerie , parce qu’ils ont les meilleurs
Oyfeaux du monde de le plus facile-
ment, puis que leurs païs les produit :
jainfiils chaff nt dans les païs couverts
jde brandes avec leurs Autours, de dans
îles païs ouverts avec leurs Oyfeaux de
’heurre j Et pour leurs plaifirs iis ont
A a i)
284 LE PARFAIT
très grande quantité de menu gibier,
parce qu’il n’y a qu’eux qui chaflent
dans les lieux qu’ils confervent. Leurs
Oyfeaux font fujets d’eftre pris de
l’Aigle- Faucon qui fond fur eux d’une
!ï grande vite (Te, qu’ils ne peuvent évi-
ter d’en eftre choqués ou liés , c’eft
pourquoy les Fauconniers les tiennent
fermes quand ils voyent l’Aigle qui
elt frequent en ces païs , où il y en a
de cinq fortes , 8c quantité de fort
grands Oyfeaux : même il y paroît
de grands Vautours , defquels plu (leurs
ont la force d’emporter un mouton ou
une chevre , à ce que m’ont raporté
quantité de Portugais qui ont des ha-
bitations en Affvique. On en void
quelques-uns à Verfailles très rares de
toutes les parties du monde.
Dans les grandes plaines de fable
qui font infertiles , hormis de quel-
ques taloppes de bois 8c brouflailles,
les plus grands Seigneurs prennent
leurs plaifirs à la chï(Te des Autru-
ches qu’ils prennent à la courfe avec
des chevaux qu’ils ont, qui font les
plus vides du monde. Elles font tou-
fours en troupe , & tâchent toûfours
CHASSEUR. 285
de regagner les montagnes quand elles
font pourfuivies , mais les Lévriers
Qu’ils lâchent après les en empefchent
& les arrêtent un peu , tant qu'ils les
joignent à la courfe 8c les prennent»
ïl yen a toujours quelques-unes qui
gagnent le fort , mais celles qui de-
meurent prifesavec des fourches faites
pxprés qui leur accrochent le col, font
Amenées vives. Celles qui fe défen-
lent fort fe font tuer ; ils leur ôtent
outes leurs plumes qui fe vendent
rherement aux Marchands qui vont
pafiquer.
Il y en a de grifes , de blanches 8c
[e noires , & de méfiées. Les femelles
ont prefque toutes méfiées de gris*
oir 8c blanc. Les mâles font blancs
|u noirs , & font beaucoup plus édi-
tés parmi eux que tous autres , parce
juelesfoyes de leurs plumes font plus
|nes, que leurs plumes font plus lar-
ps 8c mieux fournies, 8c que les bouts
h font plus touffus. Audi les Chaf-
urs efTayent toûjours de les prendre
lus que tous les autres 9 mais elles
mt audi toûjours les plus vides, &
■s plus fortes quand elles font plus
LE PARFAIT
âgees. Mais il faut fçavoir que ces
Chartes rie fe font qu après la mue de
ces Oyfeaux , & que leur plumage eft
tout iec, fk n’ont garde de les charter
quand leur plumage eft encore en fang,
parce que la plume ne vaudroit rien,
Quand le temps eft arrivé que les Au-
truches font en état d’eftre pouflees ,
il n’y a point de ]our que les plaines
où elles font ne foient vifitées de tous
les Seigneurs du païs par parties faites.
Les Aff icains feuls peuvent charter
& prendre les Autruches 3 parce qu'il
n5y a qu’eux au monde qui puiftent
pouffer leurs chevaux de la viteffe
qu'ils font , fe tenant achevai comme
des Singes , & nul homme ne peut
pouffer leur barbe de leur viteffe fans
perdre le vent ; c’eft pourquoy à eux
feuls cette Charte eft refervée > car ils
fe tiennent en feîle comme s’ils y
étoient collés. Et les Autruches fe
voyant preffées font à la faveur de
leurs ares des détours fibrufques, qu ils
obligent les Chaftèurs à tourner fi
court, & à faire des contretemps fi
violens, que nu! ne lespouroit îoiiffrir
qu’eux fans eftre porté par terre &
CHASSEUR. 187
juis hors de combat.
| Ils ont entr’aimes de grands Barbes
iiarpés comme Lévriers qui courentde
î grande viteffe , qiwls vont requérir
ies maies des Aucruches qui fe déta-
chent devant les autres pour gagner le
Fort , & les tournent fi bien qu'ils les
trrêrent 5c en viennent à bout , les
:hevaux qui ont cette vitefle extraor-
dinaire font eftimés entr’eux d’un fi
îrand prix , qu’ils font vendus jufqu’à
la Tomme de dix mille livres , ils les
îourriflent à part , & ne leur donnent
|ien que certains grains 5c de la pâtée,
nais fort peu : auffi ne font ils jamais
?ras , mais feulement en chair : ce qui
S.ide à la grande vitcife de ces Barbes,
:’eft que les Africains font petits 5c fi
egers qu’ils ne pefent prefqne rien fur
burs chevaux, 5c ne les chargent ni de
;rofies Telles ni de brides comme les
j titres nations. Ils n’ont que de petites
[ouvertures avec quatre petites fangles
\ adhérantes & coufuës , & de petits
triers attaches à un petit po mro eau
|ait exprès qui les foûtient, comme on
ait aux chevaux de maneige en Fran-
|e, & de très petites brides , 5c un
iS8 LE PARFAIT
petit poitral pour empefcher que là
couverture ne coule , le tout fait en
Martingaile pour tenir les fangles , car
leurs chevaux n’ont point de ventre.
Quand le Barbe eft fanglé* non point
par excès, il court fous rhomme com-
me s’il étoit en liberté & fans porter
perfonne ; ils ne font point ferrés ,
rien ne les charge 5c ne les incommode
pour s’étendre de toutes leurs forces.
L’air de ces plaines eft fi pur , que le
Cavalier court rafé contre le cheval ,
& qu’il ne peut trouver aucun obfta-
cle à la viteffè de leurs courfès. Ainft
cette ChalTe efl celle où tous les Sei-
gneurs s’adonnent & s’exercent le plus*
Mais ils y vont avec grande fuite, parce
qu’il y a des Dragons volans qui leur
nuifent quelquefois 6c en font atta-
qués. Mais leurs troupes viennent au
fècoursavec des fabres , qui lors qu’ils
les peuvent joindre les taillent en piè-
ces. Il fe raconte de ces monftres plu-
fieurs chofes merveilleufes , de leurs
forces que je tiens peu vray-fembla-
bles, par exemple, ils difent qu’il y a
des Dragons qui peuvent emporter un
homme & un cheval, & qu’on void
fouvent
CHASSEUR. 2S9
fou vent des Vaches enlevées du mi-
lieu des troupeaux ; cela fe peut il
croire, & y auroit-il quelque proba-
bilité à dire que ces monftres pour-
; roient entrainer une Vache fort vifte
à la faveur de leurs aîles ; mais de la
I lever de terre, quelles aîles pour-
1 roient batre l’air affés fort pour ac-
quérir cette puifTance de foûtenir un fi
puififant fardeau ? cependant on le dit.
Les Seigneurs Afficains prennent
| encore un extrême plaifir à la Chaflè
des Singes en certains cantons où ils
fe retirent & où il y en a des quan-
tités inombrabies & de differentes fa-
çons, car depuis les plus petits qu’ils
appellent Sagoüins , jufques aux plus
grands qui font hauts de quatre ou
cinq pieds , 8c larges d’épaules com-
me des hommes, il y en a une fi grande
idiverfité, qu’elle eft inexprimable, dont
|les couleurs & les formes font toutes
jdifferentes ; les uns fans queue , les
autres à longue qu’eue, les uns fraifez,
les autres à tete de chien avec des
dents très-aiguës.
Ils ont tous leurs familles à part ,
! Sc vivent dans des forêts tontes pleines
Bb
J9 o LE PARFAIT
de fruits , de rai fins , de prunelles , de
framboifes & d’autres vivres dont ils
ne font aucun dégaft , mais en vivent
£ difcretion- Us font toujours aux cou*
peaux des plus hauts arbres , il y en a
entreux qui font toûjours le guet , &
fe relèvent les uns les autres avec au*
tant de conduite que fi c’étoient des
hommes, Ef quand ils vont aux can-
nes de fucre, ils marchent en corps de
bataille avec des avancoureurs pour
reconnoisre s'il y a point d’embufca-
des ou quelques Lyons, Tygres, Léo*
pards ou Panthères qui font leurs grands
ennemis qui les mangent , & meme
en font f.ians, Quand ils font arrives
aux cannes qui portent le fucre ils les
rompent fort longues , & s’en char-
gent fur l’épaule, comme d’une pique}
& quand ils en ont afles ils s'en re*
tournent gardant le meme ordre , &
l’on diroit à les voir marcher de loin
que ce font des troupes regulieres ;
mais il leur arrive fouventde méchan-
tes rencontres , car les Proprietaires
des Sucrieres les pourfuivent à coups
d’arquebufes qui leur font laifier leur
butin ; il y en a toûjours plulieurs qui
CHASSEUR. t9t
demeurent à la bataille. Deforte qu’ils
ne font ces courfes & ces entreprifes
qn avec bien de la crainte & de la cir-
confpeétion. Ces animaux font d’un
naturel tout femblable par tout le
monde , car ils ont les mêmes habi-
tudes auffi bien dans l'Amerique que
dans l’Affrique , & par tout où il s’en
rencontre.
CHAPITRE II.
La Chajje des Singes.
QUand les Atïcicains veulent
chaflèr aux Singes , ils aflèm-
blent tous leurs vaflàux. Ils font por-
ter quantité de filets , de paiTées , 8c
bricolles , & s’en vont en troupe aux
jbois où ils font leur demeure , & pren-
nent le temps que prcfque tous le^
Singes font allés au gagnage , qui eft
depuis 1# matin jufqu’à deux heures
après midy qu’ils reviennent chargés
de butin pour nourrir leurs familles.'
D’abord qu’ils font arrivés, comme ils
B b ij
ic,* LE PARFAIT
gavent les lieux où les Singes vont
au gagnage : ils tendent tous leurs fi-
lets au bout du bois où ils fe retirent,
& préparent tout pour leur retour ,
bouchant tous les paflages en forme
de hayeures avec du bois. Quand tout
eft fait, ils font monter de petits Nè-
gres qui grimpent comme des Singes
mêmes fur de hauts arbres pour fça-
voir s’ils n’en voyent point qui re-
tournent , & cependant les gens de
pied demeurent fur les ailes prés des
filets avec forces facqs & bourfes pré-
parées pour mettre dedans tous les
Singes qu’ils prendront, & attendant
le fignal des petits Negres , les Sei-
gneurs accompagnés de leurs Cavaliers
font au large à la campagne, qui pren-
nent toujours garde quand ils les ver-
ront revenir , & dés que l’heure du
retour approche , & qu’ils commen-
cent d’en voir dix ou douze qui re-
viennent chargés , ils les inveftiiTent
avec leurs chevaux yiftes, & les font
donner dans les filets , les pourfuivant
de fi prés, quais n’ont pas loifir de fe
reeonnoître, & font pris & recueillis
de ceux qui font au guet le long defdits
filets.
CHASSEUR. 193
Les Cavaliers retournent encore à la
i campagne* 8c les petits Negres les aver-
tiffent qu’ils envoyant encore d’autres
troupes i 8c leur montrent du côté
qu’ils viennent j ils les enceignent en-
core , & les pouffent comme deffiis
I droit aux filets, où ils font encore pris,
& continuent cette Chaffe jufqu’à ce
jqu’il n’en retourne plus : alors ils font
détendre leurs filets, & s’en retournent
avec leur ptife de bonne heure * car
il fait dangereux de s’aniiicer en ce
pais- là.
| Et comme il y a des Singes de diffe-
rentes grandeurs, ils font leur demeu-
re auffi dans de differens bois , & ne
demeurent pas tous pefle mefle. Tou-
tes les efpeces font feparées , & habi-
tent differens lieux ; fi bien que quand
'les Seigneurs en veulent prendre de
jdifferentes efpeces *, ils les attaquent
[dans leur demeure, & prennent diffe-
irens temps pour les attaquer félon
qu’ils font plus aifés ou plus difficiles
à prendre , 8c ne ceffènt point cette
jChaffe , qu’ils n’en ayent pris grande
quantité, dont ils font beaucoup d’ar-
gent 5 car il n’y a point de navire paflàns
B b iij
194, LE PARFAIT
qui n’en viennent achepter pour les
revendre par tout. C’eft une marchan-
dée tellement courue , qu’il n’y en a
jamais trop. Il n’y a point de partie
dans le monde ou ils ne Ce vendent
également bien. Sur tout, les petits
Sagouins Ce vendent fort cher. Il y en
a de faits comme de petits Lyons qui
font blondorés , lefquels fe vendent
tres-cher à caufe de leur grande beauté
& rareté. Il y a atiffi des Singes frai-
fez qui font en grande eftime parmi
eux , 6c qu’ils vendent tres-cher , ÔC
pour les Dames de plus grande con-
dition. J’ay feeu des Portugais qui
ont plufieurs habitations en Affcique
le long de la côte de l’Océan Occi-
dental, qu’il y avoit plufieurs Roys le
long de cette Mer, qui étoient les
plus grands Chafleurs de toute l’Affti-
que , & qui n’avoient aucune autre
occupation qu’à chalïèr tout le long
de l’année , mais qu’ils faifoient leur
ChalTe d'une fi plaifante façon , qu’elle
mérité d’eftre écrite.
Ces Roys ont plufieurs femmes
quelquefois jufqu’à vingt ; ils ont pîu-
fieurs Maifons Royales, dans chacune
CHASSEUR. 1 95
de[quelles ils mettent une de leurs
femmes, avec tous les Officiers qu’il
faut pour leurs perfonnes , comme s’ils
ÿdemeuroient effectivement à Ces Mai-
fôns font bâties dans les plus beaux
lieux de Chafîes qui foient dans 1 e-
tenduë de leur Royaume. Chacune de
ces femmes ont toutes les mêmes Offi-
ciers & le même équipage neceflàire
pour faire que le Roy ne manque de
rien quand il les vient voir ; fi bien
que le Roy n’a aucune demeure cer-
taine, Sa Cour change 8c eft toûjours
chez la Reyne qu’il vifite , &c avec
qui il demeure fi long-temps que la
faifon de chafïèr le defire, & que toute
forte de gibier y abonde. Il y demeure
autant qu’il luy plaift , puis il s’en va
demeurer avec une autre femme dans
nne autre Maifon Royale, Elle luy fait
grand chere fans qu’il fe mette en peine
de rien, finon que de fon plaifir.
Tous les grands Seigneurs qui l’ac-
compagnent y ont auffi leurs femmes
auprès de ces Reynes , & n’ont aufS
d’autre foin que de fe divertir , fans
fe mefier de rien que de fuivre le Roy
en toutes ces ChafTes où il ne perd
B b iiij
ie>6 LE PARFAIT
pas de journée fans s’y employer, fc-
où la Reyne & toutes les Dames l’y
accompagnent , Sc employeur tout
leur efprit afatisfaire pleinement leurs
maris , afin de les tenir le plus long-
temps qu’elles peuvent auprès déliés,
& de les obliger à les revenir voir
fouvent , defbrte que ce ne font que
des complaifances , des carreflès , des
agreémens, des tendreflfes Ôc desfeftins
comme de nouvelles nopces en gene-
ral en toute cette Cour , où Ton ne
fait que de fe divertir Sc chalTer. Un
Gentil homme Portugais qui a demeu-
ré fept ans au Royaume d’ingole ou
les Portugais ont une belle habitation,
m’a raconté qu’il a demeuré avec le
Roy Budomeî qui efl: le plus grand du
Païs qu’il avoir accompagné en toutes
fes Courfès & Chafles quatre années
entières , fans lavoir jamais veu fé-
journer plus d’un mois dans une de
fes Maifons Royales , Sc qu’il palfoit
de mois en mois de lune à l’autre oii
il trouvoit de nouvelles femmes ôc de
nouveaux Officiers auflï bien que
toute fa Cour.
Les Chafles que faifoit ce Roy
CHASSEUR. 197
étôient avec force Chiens furieux ôc
Lévriers , & une grande quantité
d’Oyfeaux de Fauconnerie. Ils ne peu^*
vent point chafifer en ce païs avec
chiens courans, à caufe des chaleurs &
des bêtes feroces qui les mangeroient
tous s’ils s’écartoient , car tout eft
plein de ferpens & de toutes fortes de
bêtes mordantes.
Ces Roys font riches en pierreries,
en or &: argent : ils depenfent peu
& vivent de leurs chaffes & reve-
nus, Leur revenu eft en Dotianne ,
en Negresqu’ils vendent, & enSinges*
Ce Roy à une Efcarboucle de la grof-
feur d’un œaf de Pigeon tellement
lumineufe, que la nuit même fans clar-
té elle reluit comme une flamme : iî
la porte toujours fur la tête , hormis
quand il va chafiTer qu’il la lai fie à la
maifon , mais la reprend auflï- tôc qu’il
iy eft arrivé. C’eft la plus belle pierre
qui foit au monde, & d’un prix inefti-
jmable. Quant aux Diamans il en a
d’une excellive grandeur, avec une
| très- grande quantité de toute autre
forte , lequel Seigneur Portugais m’a
| dit avoir veue vivant avec luy en
i9B le Parfait
grande familiarité & confidence. L*
Terre de Budomel a trois cens lieues
d'étendue le lorg de la côte Occiden-
tale d'Afrique ; & qui eft la plus belle
habitation*
Ce Roy a toujours dix ou douge
mille perfonnes à fa fuite quand il
change de lieu qui font de fa garde *
mais qu'il faut piûrôt appeller Chaf.
feurs que Soldats , il ne fait jamais la
guerre qu’aujc animaux. Mais au be-
soin il feroit une très- belle ôc très-
îiombreufe armée, car tous fes Peuples
font adroits &c bons Soldats aufli bien
que bon Chaflèurs. Les Roys fesvoi-
fins fort une pareille vie , quelquefois
ils chafl nt enfèmble , & font fort
foigneux de conferver l'union & l’a*
initié qui eft entr'eux : ils font prefque
tous alliés par mariage & d'ancienne
parente. Les Portugais ont le com-
merce libre avec tous , & m'ont ra-
conté plu fieurs chofes de leurs moeurs
& façons défaire, qui ne concernent
point la Chaiïe que je laiffe pour ne
point fortir de mon fujet.
CHASSEUR. 29?
CHAPITRE III.
De la Chajje des Indiens *
T ’A y dit parlant des Indiens & des
J Habitans de toutes les Ifîes qui
/ont par toute la côte Indienne qu’ils
ne chaffent qu’aux Elephans & aux
Rhinocéros , & autres grolles bêtes
qui font dans leur pais : c’eft pour-
quoy il faut dire un mot de leur ma-
maniéré de chaffer. Ils font très adroits
à tirer de l’arc , & à pouffer des hafa-
guets qui font de petites cannes grof-
fes comme le doigt , ferrées au bout
en pointes , longues de fix ou fèpt
pieds, qu’ils dardent de telle forte,
qu’elles percent un animal jufqu’au
fond des parties intérieures. Qaand
ils chaffent ils font par troupes , 8c
attaquent un animal de tous côtés , luy
dardant tant d’hazaguets qu’ils le per-
cent de part en part : d'autres les foû-
tiennentavec des piques, demi-piques,
bâtons ferrés fourches , fieres , & mê-
3oo LE PARFAIT
me des harpons , & fendent la bête
en tant de lieux , que perdant très-
grande quantité de fang , elle s’affoi-
blit , & à la fin elle tombe & meurt*
L’Elephant n’eft chade que pour avoir
fes défendes qui font d’yvoire. Ils luy
coupent la mâchoire d’embas & enlè-
vent fes défendes , puis après ils luy
ôtent tout ce qu’ils ont de necedaire,
l’écorchant 5c mettant en pièces. Mais
cela ne de fait fi promptement, car il y
a d’autres Elephans qui viennent au
fecours : fi bien qu’une partie de la
troupe eft toujours fous les armes pour
de défendre , principalement quand
c’eft un grand Eléphant qu’ils ont tués
car de don barrit effroyable il appelle
les autres à fon fecours r que s’ils le
peuvent entendre 5c qu’il ne doit point
trop écarté d’eux , ils viennent adu-
rément à fon fecours de la montagne
où ils de retirent 5c font leur demeure»
Les Roys de Zeylan ( principalement
où ces animaux abondent en leur gran-
de Ifle à caufe de la fertilité incroya-
ble de toutes fortes de fruits qui y
croidènt tout le long de l’année , étant
fituée prefque deÎTous l’Equateur à
CHASSEUR. 301
cinq degrés du coté du Nort ) qui
font fouvent cette Chalte , mènent
auffi du monde pour attaquer tous les
Elephans qui peuvent venir à eux ,
deforte qu’ils en tuent plufieurs, corn,
me il eft dit, & ont toujours un gros
de referve en cas de necefiïté.
Quand ils ont fait cette Chafle &
, qu’ils ont pris de ces animaux tout ce
qu’ils en veulent , ils couvrent le refte
de terre , afin de ne point bannir les
autres , qui venant à fentir le mafta-
cre de leurs compagnons , fe pour-
voient écarter & fuir de ces lieux,
mais il faut dire la vérité que cette
lile eft de grande étendue., & a des
montagnes fi extraordinairement ferti-
les de toutes fortes de fruits , dont ces
animaux font fi frians, qu’elle ne peut
jamais eftre dépourveuë d’Elephans ,
; & qu’ils en tuent tant qu’ils peuvent
| fans qu’ils puiflent jamais l’en dépeu-
i pler, parce que de toutes les terres dont
elle eft environnée, il pafte des Ele-
| phans & toutes fortes d’animaux vi,
vans de fruits î Si bien que de cette
lile feule il fort tout les ans plus d’y-
! voire que de toutes les autres Ifles,
3oi LE PARFAIT
& même de toutes les Indes , ce qui
ma efté certifié par les Portugais , qui
de très long- temps y ont de très*
belles forterefles pour habitations plu*
belles que de toutes les Indes,
Les Indes font pleines d’Elephans
foit privés foit fauvages. Les Roys en
font leur principale force pour leurs
armées, 8c pour porter leurs tours»
leurs vivres 8c leurs bagages. Enfin
tout ce qui eft necelTaire pour vivre ,
& principalement de l’eau pour boire ,
& tout ce qu’il faut apporter pour
leur maifon ; c’eft pourquoy ils en
nourriflènt tant qu’ils peuvent , & en
achètent autant qu’ils en trouvent a
vendre : ils ont des Officiers Majors
crées pour en prendre un foin parti-
culier : ils en choififlënt le plus qu’ils
peuvent de jeunes aux Chafles qu’ils
font , & fe gardent bien quand ils en
trouvent de les tuer ou les bleffer, les
prenans dans les filets & à la courfe,
avec les battues & triquetracs tant
qu’ils en voyent ; les recherchant dans
les fotêts & grands forts où ils de-
meurent.
Enfin les forces du Roy des Indes
CHASSEUR. 305
confident au nombre de ces Elephans,
& font eftimés forts proportionnelle-
ment au nombre qu’ils en portedent ,
& quand ils chaflent, ils ne fonttuè'c
que ceux qui ne font plus en âge d’ê-
tre domtés & apprivoifés , défendant
fur tout qu’on n’en tue point de jeu-
nes , & de les lailîer plutôt dans les
.bois libres que de les bleflèr pour les
Reprendre en autre Chartes , étant plus
curieux de la confervation de leur ef.
pece que de tous autres animaux
comme pourroient faire les autres Na!
tions de leurs chevaux , puis qu’ils
n’ont point d’autres monture , & Ig
Roy même qui ne monte point que
jdes Elephans , dont il y en a de deux
fortes , les uns plus légers , les autres
jplus forts qui font pour porter les
(grands fardeaux, Ceux qui portent les
Roys , les Princes & les grands Sei-
gneurs font plus petits de couleur cen-
drée plus claire . & les plus puirtans
font plus bruns & plus noiraftres , &
jportent des fardeaux incroyables. Les
Chafleurs ont beaucoup plus de peine
à les vaincre , quoy qu’ils s’attaquent
bien plus volontiers à eux, parce
3o4 LE PARFAIT
qu’ils ont de bien plus grandes défen-
fes que les autres , qu’on a fbuvent
veu de la longueur d’une toife &
groffe comme la cuiffe : nonobftant
quoy les Chaffeurs attirés du gain les
portent par terre.
Il n’en eft pas de même du Rhino-
céros. Ils le chaflent feulement pour
en avoir la peau , car elle eft toute
couverte d’écailles très dures & fortes,
enforte qu’ils s’en fervent de cottes
d’armes 8c de boucliers. Cet animal
eft extremément difficile à tuer pour
raifon defdites écailles , car fi on ne le
prend au défaut des côtes ou de l’é-
paule , tous les coups gliffent, & il a
la rufe de tourner toujours la tête
droit à ceux qui l’attaquent ; ce qu’il
fait facilement, parce qu’il eft incom-
parablement plus leger que l’Éléphant:
fi bien que tous les halagaies 8 c les
fléchés giiffent & paffent fans le fé-
rir. Les Chaffeurs qui les entourent
avec de grands chiens qu’ils font aller
ça & là * tant qu’à la fin les Chaffeurs
prennent fi bien leur temps , que com-
me ils fe demeurent & donnent quelque
jour aux lieux où les écailles fe lèvent
CHASSEUR. 305
& s’ouvrem , les frappent de leurs
traits ou hazaguets ou demi piques
les afFoiblifl'ent tant, qu’ils les portent
enfin par terre. leurs peaux leurs font
:ort cheres & les recueillent très foi-
’neufement , dont ils font leurs armes
iéfenfives les meilleures dont on fe
puilfe fervir : le refte de cet animal
pur peut fervir à beaucoup de chofes
Jui ne font point venues à ma con-
toilfince , quoy que je m’en fois en-
Juis particulièrement des Portugais
tui ont demeuré long- temps dans #ette
jfle la plus delicieule terre du monde,
!n toutes fortes de breuvages & de
ruits. Les Pdabitans y (ont de tres-
eaux hommes , fort familiers aux
trangers , & communément vivent
pux ou trois cens ans fansincommo-
jités. J’ay veu un Portugais proche
|e Lifbone qui y avoir efté deux fois,
c a chaque fois qu’il y avoir efté
|>n poil luy étoit redevenu noir , ÔC
(ifoit tous les jours à fon âge trois
u quatre lieues lans bâton j il avoir
ïnt quinze ans , & vifitoit tous les.
!>urs fes Laboureurs & fes Vignerons,
? le com as par le moyen d’un de (es
Ce
3o 6 LE PARFAIT
fus qu’un Religieux de Saint François
me fift connoîcre à Lifbone. Il me
dit qu’il avoit unfrere qui a voit quatre-
vingt^ cinq ans , & qu’il étoxt grand
ChafTeur. Je le priay de me faire voir
fon pere, il me dit qu’il demeuroit à
quatre lieues delà feulement , ôc que fi
je voulois il le feroit venir : je le re-
merciay ; mais il vint dans quelque
temps à Lifbonne, ôc je l’entretins de
plufieurs particularités de cette Ifle
que je voulois fçavoir. Il me contenta
fort , & me parut n’avoir que cin-
quante ans , ôc comme un homme de
bon efprit & à fa fleur d’âge : puis
quelque temps fes deux fils me vinrent
voir qui me dirent auflî beaucoup de
particularités de rifle & des Chaffes
que les grands Seigneurs y faifoicnt :
ils me dirent qu’ils avoient beaucoup
d’Oyfeaux de proye de deux fortes
que nous ne connoiflons point en ce
païs : on leur faifoit voler la Perdrix
& les Poules de bois. Les autres yo-
loiem le Lievre , & qu’ils fçachoieni
auffi une bête qui avoit face humaine :
qu’il n’y avoit dans l'Ifle aucuns Ser-
pens ni bêtes veneneufes * & m’affu*
CHASSEUR. 307
jrerent qu’il n’y avoit dans toute cette
lile que cette bête mal-faifante.
Je les interrogay fur la Pefche des In-
diens , & leur dis qu’on m’a voit fait
eftime d’eux comme étans les meilleurs
Pefcheurs de tout l’Orient ; ils me
diftinguerent fort bien ks Pefcheurs
d’eau douce du Gange de de l’Eu-
phrate, d’avec ceux de l’Ifle qui ne
^efehoient qu’en eau fallée. J’appris
que ces deux Fleuves font fi rapides
iju’on n9y pefche que dans quelques-
jns de leurs bras ; qu’ils prennent le
pneilleur poifion du monde à nous in-
connu, parce que le climat eft plus
rhaud , & qu’on y pefche plus facile-
ment à caufe de l’abondance des poif;
"ons.
Ce ï |
3oS LE PARFAIT
S'enfuivent les Chajfes des Aflatiques,
Perfans 3 Turcs , Arabes > Tartaresy
& des Habitans du Canada 3 com-
me ils chajfent les Originaux 3 &
comme ils prennent les Va fiers dans
les petits bras de Riviere » dans lefi
quels ils coupent des arbres avec la
force de leurs dents quils font tomber
pour faire leurs tanières , & amajfent
quantité de terre , en bdtijfent & en
font un fort & terrier 5 ou il y a plu -
fleurs chambres qui vont jufqua
ieau de laquelle ils ne fe peuvent
point pajfer .
DE cous les AGatiques , il n’y a
que les Turcs , les Perfans y les
Tartares de les Arabes qui font Chaf-
feurs. Les Indiens &c les Habitans des
îfîes ne chafTent qu’aux Elephans *
aux Rhinocéros & autres grofles bêtes*
ôc font grands Pefcheurs.
Les Chinois ne font aucune Chafle ,
mais ils fçavent le fecret de faire éclorre
les œufs des Volailles deflusdes fours*
CHASSEUR. 3o9
& ne les font jamais couver ; fi bien
qu’ils ont une infinité de Volailles Sc
principalement d’Oyfeaux de riviere.
Les Japonnois en font de même , Sc
ne s adonnent à aucunes Chafïes.
Les Xn liens les imitent , Sc ne font
l point amateurs d’aucune Chaile.
&&£&&& &&&&&&
CHAPITRE IV.
Z es C ba ffes des Turcs *
LEs Turcs (ont grands ChaflTeurs
aux Lévriers , Sc /ont très curieux
d’en élever les meilleurs du monde* Ils
ne chafient point a force, mais leur
exercice ordinaire eft de courre le
Lievredansde très belles plaines, dont
pft remplie toute la Tbrace, Sc com-
me le Grand Seigneur à une extrême
.tendue de Pais , tous fes Peuples font
ott adonnes a la Chafley foit à tirer
le 1 arquebufe , foit à levreter, foir à
a Fauconnerie dont plufieurs Bachas
jnt des équipages , Sc font tous pré-
sent a leur Seigneur des meilleurs
*
3io LE PARFAIT
Oyfeaux qu'ils peuvent rencontrer ;
parce qu'il les aime fort , & qu'il a
plus de Fauconniers lui feul que tous
les Roys enfemble»
J'ay eii chez moy un vieil Faucon-
nier qui avoit fervi dans la Faucon-
nerie du Grand Seigneur , & qui étoit
homme excellent 8c très habile en cet
art , lequel m'a alluré plufieurs fois
que du temps qu'il fervoit le Grand
Seigneur 5 il y avoit bien trois mille
Fauconniers en fes équipages , 8c
c’étoit le moindre qui s'y étoit ren«
contré il y avoit long-temps , parce
qu'il étoit fouvent du double , & n’é-
toit pas moindre de fix mille ordinai-
rement , & de fix cens chiens tant
épagneuls que Braques , Lévriers 8c
Barbets. Il me difoit auffi qu’il y avoit
toutes fortes de vols pour attaquer
quelques Oyfeaux qui fe pouvoient
rencontrer dans les plaines , ou ordi-
nairement ils alloient chaffer. Ce vieil
Fauconnier avoit la plufpart des vols
fous fa conduite , mais il devint malade
d’une maladie fi pleine de langueur,
qu’il Tut contraint de demander peff-
mifïïon de fe venir guérir en France*
CHASSEUR. jn
avec promellè de retourner aufli-tôt
qu’il feroit guéri : ce qui lui fut accor-
dé avec regret , car il étoit excellent
Fauconnier. Je le rencontray à Paris
tout malade encore , il fceut des Fau-
conniers que j’étois très curieux d’Oy-
fèaux , je luy propofay de s’en venir
chez moi pour achever de fe guérir,
& lui dis que j’avois un Chymiftequi
le gueriroit aflurément. Il fe laiffà per-
fuader & vint au lieu de ma demeure.
Il fut penfé & guéri parfaitement ,
dont il eut tant de joye & reconnoif-
fance , qu’il voulut bien demeurer &
s’attacher auprès de moi. C’eft de lui
que j’ay fceu les particularités de la
Fauconnerie du grand Seigneur. Il ne
s’eft point veu d’Oyfeaux légers pour
aller en haut , qui fuflènt pareils à
ceux qu’il me drefla , qui vindrent
d’Efpagne , & prit un fi grand plaifir
à les faire voler étans fi rares , qu’U
ne voulut plus retourner en Turquie.
Audi à la vérité je lui donnay telle li-
berté, qu’il étoit maître chez moi.
LE PARFAIT
34î
âi
&
CHAPITRE V.
La Cbajfe des Per fans.
LE s Perfans aiment fort la Ghafïe
3c imitent les François en beau-
coup de leurs façons de faire , car ils
chaflent aux Chiens courans, aux Lé-
vriers, aux Oyfeaux, aux Chiens cou-
chans , & aux autres Chalfes qui con-
cernent Parquebufe -r ils font des par-
ties , 3c fe donnent des rendez-vous
de ChalFes tant en general qu’en par*
ticulier , auffi bien pour le plaifir que
pour attaquer les bêtes mordantes. Il
eft vray qu’ils ne courent point à force*
roails ils tuent les bêtes en les chafïanr,
3c fe fervent fort comme les Âllemans
de bricolles, filets , toiles , paffées ,
3c de tout ce qui concerne les Chaffes
meurtrières , mais le tout fans grande
fineffe.
Les Arabes font prefque toujours à
cheval, 3c ont des demeures incertaines,
la p lu (part vivans de pilleries 3c de ra-
pines, Ils-
G H A S S E U R.
Ils font Çhalleurs par rencontre ,
& meinent des chiens par tout pour
chafler , ce qu ils trouvent chemin fê-
lant j fans aucuns équipages régu-
liers*
CHAPITRE VI.
Les ChaJJes des T art ares.
LEs Tartates du Nort font tous
adonnés à la Chaiïe comme les
.Sauvages , & il y a peu de différence
en leurs façons de faire , hormis qu’ils
font plus curieux de leurs beftiaux &
de leurs troupeaux, & qu'ils font plus
Sociables , mais quand à la façon de
thaffer , elle eft toute femblablê.
Ceux qui font avancés vers le Midy
jchaffntà peu prés comme les Perfans
ôc ont des Chiens courans , Lévriers
à tous autres que veulent les ChaiTes
qu’ils y font dans leur païs de plaine.
3T4
le parfait
CHAPITRE VII.
Les C b iffes des liabitans dit
Mont-Taurus,
IL « en a de Montagnars qui font
plus grands Chaffeurs que le* au-
tres & plus travaillés & inquiétés de
bêtes feroces. C’eft pourquoi ils nour-
tiffent des Chiens pareils aux Scinens
leurs voifins ; dont ils attaquent les
Lvons Ôc toutes bêtes mordantes,
fans les marchander , ce jont les
Chiens les plus feroces qui foit dans
le monde , ils tiennent que les Scinens
en ont tiré la race de leurs pais , &
fe vantent qu’il n’y en a point de fera-
blables ni de fi hardis , mais ils font
extrêmement dangereux, car ils ne
veulent connoître perfonne que ceux
qui les nourri flent ; deforte que quand
ils font lâchés la nuit il le faut retirer
complément pour éviter leurs rencon-
ces - par cette raifon ordinairement Us
ie les déchefnent quel» nuit de peur des
ccidenSo
CHASSEUR. 3î5
CHAPITRE VIII.
La Chaffe des Américains.
TOute l'Amerique eft habitée
de Sauvages qui font tous nato.
rellement Chaflèurs, & n’ont point
d’autre application que de tuer toutes
les bêtes qui habitent leur terre , preA
que tous delà même maniéré, car ils
ine font que des chaflès meurtrières
par les triquetracs & par les battues
qu’ils font dans les bois , principale-
ment dans les montagnes des Indes
qui feparent l’Amerique en deux par-
ties dans fa longueur , & qui ne coû-
tent que jufqu aux terres Magellani-
ques , où eft la terre de Chica , dont
}es Efpagnols content des merveilles,
pu voicy quelques-unes.
Dd ij
3i* LE PARFAIT
La C baffe des Geans.
CEtte Terre de Çhiça , difent-
ils , eft habitée par des hommes
qui ont dix ou douze pieds de hauteur,
& pour cet effet ils la nomment ^ la
Terre des Geans. Il faut voir ce qu’en
dit André Thevet en fa Géographie ,
rapportant qu’il les a veus. Ces hom-
mes font fi forts & fi puiffans, qu’ils
ne fo fervent que de leurs forces na-
turelles pour porter par terre toutes
fortes d’animaux , par le moyen u
boulet de canon , ou une pierre dure
& ronde percée de part en part , la-
quelle ils attachent à une corde de
certaine longueur comme dix pas, &
qu’ils jettent de force droit aux ani-
maux qu’ils veulent affommer : il n y
en a point qui puiffert refifter à deux
ou trois coups qu’ils ne fojent portes
parterre & tués. C'eft chofe qu An-
dré Thevet dit avoir veue , & meme
faifant aigade. le long de la cote , ils
étoient huit hommes pour mettre un
muid d’eau dans leur barque , &
CHASSEUR. 517
qu’ayant peine de le faire, un Sauvage
feul la prit & la mit dans la bar-
que fans fléchir , & dit qu’un de ces
Geans fut ameiné en Efpagne dans le
même vaifleau où il étoit. Il raconte
encore plufïeurs chofes dignes d’eftre
veuës , & particulièrement que les
voix dé ces Geans font fortes comme
le barrit d\m Eléphant 3 ôc qu’ils
devancent un Cerf à la courfe, Ces
terres n’ont jamais été pénétrées, non
plus que cette terre auftrale inconnue
au Nort-antartique autour de laquelle
on tourne bien , mais jamais aucun n’a
entré deux journées dedans , on void
feulement tout allentour des feux qui
Imarquent qu’elle eft habitée, mais d’en
connoîrre les hommes , les animaux ,
les plantes , & de fçavoir s’il y a des
Mers mediterranées , qui que ce foit
^’en peut faire aucun rapport* Il y a
feulement des Hoîandois qui ont fait
des habitations dans fes côtes qui font
marquées dans leurs Cartes les plus
recenres.
Dd iij
3iS LE PARFAIT
CHAPITRE IX.
Delà ChaJJe des Sauvages.
LEs Sauvages font ordinairement
Chaflèurs , & ceux d’entr’eux qui
font les plus laborieux & les plus
adroits, font ordinairement éleus leurs
Capitaines : Si bien que la Chafl*
parmi eux eft eftimée le plus noble
exercice où l’homme fe puirtè adonner
auiïi bien que la Pefche.
Ils ne vivent que de leurs Chartes &
de leur Pefche , 8c ils la font en plu-
fieurs maniérés , félon les divers ani-
maux qu’ils attaquent, qui font l’Elan,
le Cerf, le Caftor , le Loutre, le Re-
nard gris 8c noir , les Foynes & les
Martes , & ne les pourfuivent que
pour en avoir les peaux & en manger
<juelques-uns. L’Élan eft un animal
beaucoup plus grand qu’un Cerf, il eft
fujet à tomber du mal caduc, & la na-
ture luy a donné aux pieds de derrière
la vertu de fe relever , quand il s’en
CHASSEUR. 319
gratte derrière l'oreille. Il fe chaiïe
ordinairement Phy ver , quand les nei-
ges font fur terre en ces pais de cinq
ou fîx pieds de haur. Quand les Sau*
Tages en ont trouvé une pifte 5 ils fe
mettent après 3 & marchent fur des
raquettes ( ne pouvant aller autrement
au travers des bois qui font de haute-
fuftaye , parce qu'ils fe perdroient ÔC
enfonceroient dans la neige. ) Ils n'ont
autres armes que l'arc & la fieche, 8c
de certaines épées emmanchées au
bout des demi-piques pour attaquer
l’Elan qu'ils fuivent tant qu’ils le trou-
vent après un très long chemin qui
dure quelquefois deux jours y &C
comme il ne peut fuir étant un ani-
mal très pefant, il enfonce toûjours
dans la neige jufqu’au ventre » ils
le joignent facilement & le tuent
à coups de traits & à coups
d’épées. Cet animai vit le plus du
temps dans des fapenieres où il vian.
de des pointes des jeunes fapins Phy-
ver, 8c fait peu de pais ; fa demeure
eft plus frequente fur les bords de la
Mer ou des Rivières. Dés qu’ils l'ont
tué , ils l’écorchent 8c en lèvent la
Dd iiij
3io LE PARFAIT
peau qu’ils envoyant en France , c’eft
dont fe font les bufFes pour la guerre ,
les plus grandes peaux fe nomment
chappons. Son naturel eft comme le
Cerf , & fon rut de même , il habite
plus les caps & les monts & les cô-
taux au bas defquels font les ruiffeaux,
que tous autres lieux. L'Eté on en tue
peu , parce qu’on n’en peut fuivre la
pifte , & qu’on n’a aucuns chiens à le
chalTer. Quant à la chair ils en mangent
les plus frians morceaux , & le fur plus
( parce qu’ils en tuent beaucoup ) ils
le mettent fur des échaffVux de feize
pieds de haut , qu’ils drdfent fur qua-
tre pilüers , ou les animaux mordans
ne peuvent monter, Ôc la laiffent là
tout l’Hyver , jufqu’au Prin-temps
qu’ils y repaffent.
Iis chaffent les Cerfs dans les temps
qu’ils en rencontrent , mais fur tout
quand ils font en venaifon. Et le Sieur
de Champlain qui a écrit de ces païs-
là , dit qu’allant à la guerre avec les
Sauvages, il a aflîfté à des Chaffès
par rencontre où ils en avoient tué
plus de fix-vingts en de certains can-
tons où ils fçavent qu’ils font leur de-
CHASSEUR. j»
meure, de dont ils avoient levé toutes
les peaux de fallé, de mis la viande en
referve* mais toutes couvertes de feuil-
les de fallées, comme il eft dit. Cette
Charte fe fait comme un triquetrac ou
battues , que les Sauvages font bien
plus juftes qu’on ne fait pas en ces
païs , parce qu’ils obfervent leurs
diftances , fi bien que nulle bête ne
peut retourner, de faut qu’elle mar-
che dans des culs de fac , de acculs
qu’ils dreflent avant que de commen-
cer leur Charte , & il y en a une partie
d’entr’eux qui y demeurent embufqués
avec leurs armes fufdites pour les tuer
à mefure qu’elles y font paflees.
Quant aux Renards gris & noirs
qui font d’un très grand prix , auflï
bien que des Martes , ils les vont
chaffer dans un canton de fur une
Riviere qu’on nomme la Sagenay
du côté du Nort ; c’eft là où ils
habitent de où ils font leurs plus im-
portantes Chartes , de où ils rendent
plus de peine pour y reliflir , à caufe
du grand prix des peaux de ces ani-
maux, dont ils ne mangent point, finoix
des Martes, Et comme à prefentils
311. LE PARFAIT
ont des arquebufes , ils les tuent
triquetrac, & il y en a qui font fi juftes
avec leurs arcs* qu’ils n’en manquent
point.
■K»#»*»*»*»*»
La ÇhaJJe des Caftors & des
Loutres .
LEurs plus grandes Chattes ordi-
naires font aux Caftors. Ce font
des bêtes qui tiennent plus du Loutre
que d’aucun animal. Ils ont la queue
plate comme une folle , & la tiennent
toujours dans leau le plus qu’ils peu-
vent. Leurs demeures font fur des pe-
tits bras de riviere qu’ils bâtiilent ainfi.
Ils ont des dents rres fortes dont ils
coupent des arbres ou des branches
pendantes en l’eau , & en amattent
beaucoup fur eux 5 & bâtiflent des ter-
riers avec des branches & de la terre
enfemble , enforte qu’ils ont deux ou
trois demeures les uns fur les autres,
& cela eft fait comme un grand mon-
ceau de terre & de branches, au bas
duquel font leurs principales demeures
CHASSEUR. 315
pour tenir toûjoursleut queuë.en Teao
ou fouvent la rafraifchir, fans quoy ils
auroient peine à vivre.
Les Sauvages ont de certains Chiens
prefque Sauvages qui ont les nez poin*
tus comme Renards , lefquels rident,
& quelquefois font un cris hautain
quand ils font proches de la bête,
qu’ils chaflent comme font des mâtins.
Quand les Sauvages les entendent ils
y courent & remarquent les demeures
des Caftors , puis les ayant environés
tant du côté des eauës que de terre 4
ils bouchent tous les paflages par où
elles fe peuvent fàuver avec du bois fi-
ché en terre comme hayes , & après
ils attaquent les demeures des Caftors
avec des pioches & des coignées , &
les rompent, prenant toûjours garde
quand quelqu’une en veut fortir, fait
par eau foit par terre, & les a dom-
inent fi adroitement qu’il ne s’en échap-
pe point au fecours de leurs chiens
qui font drefiés à cette Chafle , com-
me des baftèts à chafTer le blereau. Ü
s’y rencontre auffi des grands Loutre^
bruns d’une extraordinaire longueur,
dont les peaux font excellentes, & dons
—
324 LE P A RF AIT
ils font auffi bien que des Caftors, des
robbes qui leur fervent de couverture.
Ce font de ces robes dont on fait le
plus de cas , parce qu’étant portées &
engraiflees tant de la fueur des Sauvai
ges que des graiiTes qu’ils manient &
qu’ils efïuyent toujours à leurs robes*
l’on en fait des chapeaux meilleurs que
de Caftor neuf , car on a peine de
mettre en œuvre les peaux neuves des
Caftors, & il les faut mcfler. Lespaïs
où ils les chaffent font tous bois de
haute-fuftaye qui couvrent ces pais de
tout temps , deforte qu’il y en a une
très grande quantité.
Quant aux Martes, Zibelines, c*e($
au Saguenay , où ils en trouvent le
plus du côté du Norr, principalement
dans les païs glacieux qui font aux
Mofcovites , dont il faut dire un mot.
La Mofcovie s’étend vers le Nort
Artique , leur plus grand grand com-
merce eft en peaux dont ils trafiquent
par tout, comme peaux d’Originaux
( qui font des Eflans ) en peaux de
Rangiers ou Rennes, de Martes, Zi-
belines j Ours blancs & noirs. Re-
nards noirs , Lievres &c.
CHASSEUR. 3ÎT
CHAPITRE XL
La C baffe des Moscovites (ff
Lapons,
IJ T ce qui donne un grand revenu
j au Roy de Mofcovie, c’eft qu’au
lieu de punir les mal-faiéteurs , ils
les châtient par l’exil dans les terres
du Nortpour trois , quatre ou fîx ans,
ou plus , en les alïujettilïànt de challer
avec arquebufes , leur fournififant pou-
dre & plomb , & toutes les choies
neceflaires pour lui rendre par mois
une quantité précilê de peaux de Mar-
the , 6c autres félon le crime qu’ils
ont commis , deforte qu’ils fe joignent
plufieurs pour s’affilier les uns les au-
tres, & pour en tuer davantage dans
tous ces delerts qui font tous rem-
plis de toutes fortes d’animaux , afin
d’en fournir le nombre qui leur eft
enjoint par leur ban , & pour regagner
leur liberté. Et ainfi dans tous les pais
du Norr comme aux pais des Lapons,
dans la Corelie , Finmarchie où font
envoyés tous les mal-faiéteurs , lef-
3z6 LE PARFAIT
quels au lieu de la mort où des galè-
res , racheptent leurs peines , par d'au-
tres qui retournent, au profit du Roy.
Je nediray rien icy de la nature de tous
ces animaux ny de leurs rufes , parce
qu’on les châtie ordinairement |avec
des chiens pour les tuer à coups de
traits ou d’arquebufes , mais je fuis
obligé de parler de certains animaux
qu’on appelle Rennes qui ont des pro-
priétés très remarquables qui pour-
ront étonner le Leéfceur , & qui font
plus confiderables que tous les ani-
maux de ces païs froids.
Les Rennes font des animaux plus
grands que des Cerfs & plus petits
que des Eflans qui ont des propriétés
très particulières , & qui font necef-
faires au pais où ils naiflent. Premiè-
rement , c’eft qu’ils vivent de peu &
ne mangent que de la rnoutiè des ar-
bres ; parce que la Laponnie & au-
tres terres du INort font ordinairement
couvertes de neige huit mois de l’an-
née, dont la fuperficie eft rendue fer-
me par la gelée continuelle , & l’on
n’y peut voyager que fur des traineaux
qu’ils font tres-adroitement , & dan6
CHASSEUR. 3!7
lefquels ils fe font traifner par lefdits
Rennes , les attelant avec des cour-
royes de cuir large qu’ils font de leurs
mêmes peaux. Ces animaux font fi
adroits à traîner ces traîneaux où ils
font attelés au travers de toutes ces
forêts vaftes , & remarquent fi bien
les lieux où ils veulent aller, & où l’on
les envoyé , ny ayant aucunes traces
de chemins, qu’ils n’y manquent ja-
mais , courans par tout feus eftre gui-
dés des journées entières , & allant
d’une viteife extrême : Si bien qu’ils
font des trente lieues par jour, jufqu’à
ce qu’ils arrivent aux lieux où leurs
Maîtres les ont envoyés , & que l’on
ne connoît pas, qu’au moment qu’ils
s arrêtent a la porte des maiions que
l’on cherche. Dés qu’ils y font arrêtés
le maître de la maifon fort & les re-
connoît, & reçoit agréablement celui
qui eft dans le traîneau, puis il prend
les Rennes , les met dans des lieux
exprès & les nourrit ; mais il faut
fçavoir le myftere s c’eft que le maî-
tre a qui font les Rerines, en partant
leur a foufflé dans l’oreille & dit quel-
ques paroles qu’on n’entend point «
5ag LE PARFAIT
8c fans lefquelles les Rennes ne patti-
toient pas & n iroient point aux lieux
où on les veut envoyer. Je laiffe à de-
viner ce que peut eftre ; mais il eft
certain foit pour aller , foit pour le re-
tour, que l’on leur foi ffle aux oreilles,
& quand il faut plufieurs voitures, le
maître ne fait que fonner d’un cornet
au fon duquel viennent les Rennes ,
enfuite l’on les attelle , & le maître
leur parle à l’oreille : incontinent ils
partent tous , & s’en vont courans au
travers les champs & forêts tant qu ils
arrivent aux lieux où ils font envoyés,
& il ne fe voiture ny ne fe trans-
porte aucune chofe que pat les Ren-
nes , dans des traîneaux creux faits
comme des tombereaux où fe met
l’homme & la marchandife , & celuy
qui fe met dedans eft garni d’un pieu
de longueur convenable qu’il tient a
la main pour détourner les traîneaux
des butes de terre ou des troncs &
Souches d’arbres , & autres incommo-
dités qu'ils rencontrent. Toutes les
peaux des animaux qu’on tué font mis
dedans par pacquets, toutes boitions
8c chofes neceüàires à la vie font
«anfponées
3*9
CHASSEUR.
tranfportées de cette maniéré.
Je ne m’étendray point davantage
fur la façon de chafler tous les ani-
maux qui font dans ces pars gelés ,
parce qu’il n’y a autre fineflè que de
faire triquetrac & battues, & de fui-
vre la pifte des bêtes qu’on rencontre,
pour les joindre , & que l’on tue à la
même façon qu’il eft dit qu’on tuëîes
Elans en Canada, & toute autre bête.
Il refte à dire comme les Sauvages
tuent les Renards qui eft une adreife
à fça voir , parce que les Renards fe
tuent eux mêmes, & toutes bêtes car-
nacieres : voicy comme ils font, ils
attachent au bout d’une corde un mor-
ceau de chair, foûrenuavec de petites
fourchetes, & attachées à une arque*
bufe qui mire tout le long , & eft
pointée juftement pour tirer droit au
morceau de chair, & il y a une fiflelle
qui tient au clichet de larquebufe tou-
te bandée, dont le badiner eft couvert
d’une écorce d’arbre pour empefcher
que l’humidité ne gafte l’amorce , en
telle forte que l’on ne peut remuer ny
branler le morceau de chair que la
fiflelle tenant à la corde ne tire le clichés
Ee
330 LE PARFAIT
&c ne faffe tirer i’arquebufe, & pour
faire que rien ne puiffe mettre l’arque-
bufe hors de mire droit au morceau de
chair , ils environnent de bois fichés
en forme de haye, enforte qu’aucun ani-
mal n’en puifle approcher ny la pren-
dre ou la morde fans eftre tué : ainfi
les Chafleurs ayant difpofé leurs ar-
quebufes qui leur font fournies & dont
ils ont provifion en tous les lieux où
ils ont reconnu que plufieurs animaux
hantent,principalement Renards, Mar-
tes , Foynes , Loutres , Caftors &c. ils
en prennent plus en cette façon qu’au-
trement : ilsfe fervent auffi de piégés,
trous & folfes qu’ils amorcent pour
prendre toutes fortes de bêtes tant
quils puifient racheter leur ban par le
nombre des peaux qu’ils doivent four,
nir pour fe mettre en liberté , fk pour
cet effet ils careffent les Sauvages &
font amitié avec tous les habitans de
ces païs ( qui font alfés charitables de
leur nature!) pour tirer connoiffaneôf
de tous les lieux où il fe peut prendre
facilement des animaux. Ces habitans
les aflïftent & vont à la Chaffe avec
eux, & quelquefois il arrive qu’il fe
CHASSEUR. 331
tient de fi fortes amitiés en tr’eux., qu’il
y en a plufieurs qui s’y habituent quand
ils ont les corps alfés robuftes pour
refifter au froid qu’il y fait , & même
s'y marient ôc deviennent riches quand
ils font bons & adroits Chafièurs t
parce que les peaux s’y vendent très
bien, & qu’elles fe diftribuënt par tout
le monde par les Mers qui en fontpro-
I chaines.
Voila ce que j’ay pû Içavoir de tres-
veritable des Chaflès qui fe font au
pais du Nort des bêtes Quadrupèdes
par gens qui y ont efté, & qui onteii
la curiofité d’y chaiïer eux-mêmes.
Il ne refte plus qu’à parler de la
| Pefche , à laquelle font adonnés tres-
ordinairement tous les gens du Nord ,
i parce qu’ils ne vivent prefque tous que
ide poiltons fallés, & des huiles qu’ils
en tirent i ils ont une fi grande quan-
tité de poifion, qu’ils en prennent tant
qu’ils veulent : ils pefchent avec des
^filets pareils à ceux dont nous nous
fervons , particulièrement de fables
] qu’ils traînent de la même maniéré
que nos Pefcheurs , & ne les traînent
gueres de coups qu’ils ne les emplif-
Ee ij
3?i LE PARFAIT
jfent -, mais comme il y gele trop long-
temps & que la glace les empefchede
traîner , ils ont trouvé des inventions
de traîner leurs fables fous la glace,
ce qui fe fait ainiî. Ils font des trous
éloignés les unc des autres de la lon-
gueur d’une perche , 3c les continuent
enfoite qu’ils puilfent palier leurs fa*
b!es tout de leur longueur , 3c ces
trous longs , ils les font avant que la
glace foit épaiffe, 3c les entretiennent
foigneufemenr , rompant tous les jours
la fuperficie de la glace qui s'y fait
toutes les nuits : puis après en une
diftance telle qu’ils veulent , ils font
de mêmes trous pour la fortie du fable,
un peu plus grands que les premiers *
jpuis pour tirer les fables ils percent
plufieurs trous en une ligne droite
allant de l'entrée de la fortie de leurs
fables , 3c attachent la corde du fable
à un bâton qu'ils paffent de trous en
trous fous la glace tant qu’ils ont trou-
vé la fortie , 3c font la corde du fable
allés longue , 3c font la même chofe
aux deux bouts de leurs fables , 3c
quand ils ont pâlie les deux bouts de
la corde, ils étendent leurs fables & les
CHAS SE VU. 5J3
jettent dans 1 eau. Le bas du fable
s etend par le moyen du plomb qui eft
attaché, Sc enfuice ils tirent les deux
bouts du fable petit à petit tant qu’ils
arrivent à la fortie , lequel ils tirent
hors de l eau, fi plein de pofifon» que
le plus fouvent ils en ont de refte Sc
quelquefois trop, ils tendent auffi des
jVergueils ddfousla glace, Sc pefchent
mè ne à la ligne avec de grandes hai-
nes qu'ils amorcent de chair, & pren-
nent de fort gros poifions notamment
beaucoup de Marfoüins , donc fis ti-
rent toute Thuiie qu’ils mangent avec
le pofifon qui les nourrit prefque tout
le long de l’année.
| Q^nt à la Pefche de la Baleine
& des autres grands portons , elle fe
[ait l’Eté quand les Mers font dégla-
‘ees5 & la font de même que les
Bifcaiens avec harpons Sc ferrement
[emblables, parquoy je n’en dis rien*
»arce que les autres en ont écrit.
La ChaJJe des Ours blancs.
LA Chaffe des Ours blancs plus
grands que des hommes fe fait
fur la glace le long des Mers, dont les
bords font de bois , & dans quelques
Ifles où ils fe retirent, Plufieurs Sau-
vages y vont en troupe armés d’arcs
& de fléchés & de bâtons ferrés , de
fourches, & des épées attachées à des
demi-piques, & de torches flamboyan-
tes qu’ils font de matières feiches im-
bibées d'huile qu’ils ont en abondance,
& attaquent les Ours qui font quel-
quefois en troupe , & leur donnent
des batailles. Les hommes y font fort
robuftes d’une force extrême, & mar-
chent en corps ferrés avec le meme
ordre que pour combatre leurs enne-
mis. H y a entr’autres des Ours d une
grandeur effroyable qu’ils ont bien de
la peine de vaincre , mais ils font fi
acharnés à cette Chaffe, qu’ils ne la de-
laiflènt point qu’ils n’ayent terraffe au-
tant d’Ours qu’ils rencontrent , dont
ils lèvent les peaux qu’ils vendent très
CHASSEUR. 335
bien , & de la chair ils en font leurs
feftins 8c tabagies qui font les jours de
leurs réjoüilfances.
Ils tuent auflï quantité de Chevaux
! Marins pour en avoir la peau 8c les
dents quils eftiment beaucoup, 3e laif-
fent le refte quine vaut rien à manger#
Ils tirent feulement les plus grades dont
ils font de l’huile pour leurs n crédi-
tés > car il leur faut beaucoup de clarté
les nuits qui font de fix mois durant
tous les ans : mais en recompenfe ils
ont de fi ^grands clairs de Lune Sc fi
jbeaux, qu’ils égalent les journées fom-
fcres des Hyvers aux autres lieux.
La nature a donné à ces Peuples
jnne vigueur extraordinaire pourfe dé-
fendre contre le froid , premièrement
jils ne vivent que d’huile avec leur
poiflon qui eft d’une qualité chaude :
jils font grofliers, & ont plus de chair
ien un bras que les plus groffes cuifïes
des autres hommes : ils ont les cuiiïes
êc les jambes charnues d’une monftreu®
fe grofïèur , la tefte fort groflè , le vi-
fage auflï fort gros & large s 8c tous
les cartilages de groffeur double aux
autres. Ils font vêtus de peaux très ve-
33é LE PARFAIT
lues s ce qui les munit contre le froid
continuel qu’ils ont , & font plus fo-
jets aux maladies l’Eté que 1 Hyver
pour l’extrême chaleur que leur caufe
leur nourriture , car ils font grands
mangeurs -y mais ils font fi pénibles &
fi forts , que nuis autres hommes que
de leur pais propres , ne les peuvent
fuivre dans les travaux & dans leurs
ChalTes ni dans leur Pefche, Quand
ils vont pnefcher chacun porte fon ca-
not fur fes épaules , Ôc tous les filets
qu’il leur faut quapeine pourroit porter
un mulet : tellement que quand ils
vont en troupe , cela paroît un efea-
dron de Cavalerie, foit quand ils vont
pefeher fous la glace , foit quand ils
vont attaquer les Ours où les Loups
dont il y en a quantité. Toutes ces
Ghalfes fe font au Triquetrac. Les
plus plaifantes Chafies qu ils font &C
où ils ont moins de peine » ceft la
chafle des Oyfcaux dans de certaines
Ifles où ils fe retirent pour faire leurs
nids qu’ils appellent d’un nom comme
qui diroit leur colombier.
Ces Ifles font fi remplies d œufs de
toutes fortes d’Oyleaux, qu ils en rap-
portent
CHASSEUR. 337
portent plein des canaux , & de tous
Oyfeaux qu ils artômment à coups de
bâton , comme d’Oyes, de Grues
d’Outardes de M -ts, d’Oyfeaux de ri-
vicre, Si d une infinité d Oyieaux Mâ-
tins qui le plus fouvent font attaqués
des Loups & des Ours qui en vivent,
où ils partent à nage le long de l’t ré!
i Mais il y a dans aucunes de ces
des Oyfeaux d'une grandeur exceffive,
qui ne font point dans les autres pais :
ils font plus hauts de terre que des*
hommes, & fe nomment Paingoüins ,
dis font plus grands que des Autru-
ches, & ne volent quafi point à caufe
de la grande pefanteur de leur co ps.
Les Sauvages vont dans ces Ifl. s 4
ils habitent, & vont dénicher les œufs
iqu’ils mangent avec leurs huiles en
façon d’omelettes , & difent que ces
lOyfeaux font excellens à mander
c’eft pourquoy ils vont fouvent dans*
ces Ifles dans la faifon que les pents
font dans une grandeur raifonnable &
ien artômment plufieurs à coups’ de
bâton pour manger , & quand !cs
Mers font gelees ils y partent enrrou-
ipe fur la glace. Si attaquent les vieux
Ff
55S LE PARFAIT
avec dès fourches, léfquels fe défen-
dent' f°!t comme <*eS °Ÿes ’ lenaiîs
tous les becs tendus comme des pi-
qués-, & tant qu’ils font en cette
pôftute , les Sauvages ont peine de les
aflbïhmer , mais iis tâchent avec leur
demi-piqiies de les feparer ôr rompre:
aüflï-tot qu’ils le peuvent faire ils en
viennent facilement a bout ; car a tort
& à travers dé leurs telles & de leurs
corps ri frappent de telles fortes, qu ils
en abattent autant qu’ils en touchent,
fi bien qu’à la fin ils empUffent eut
traîneaux, & les traînent fur a glace
iufqu’à terre :& puis ils font leur ta-
bagies qui font les jours de leurs re-
ioüilTances ; ainfi le printemps vis vi-
vent de ces ceufs d’Oyfeaux , Eté 1 *
vivent de leurs petits qu’ils dénichent :
l’Automne ils vivent des jeunes Oy-
feaux qu’ils aflbmment, & 1 Hyver des
Vieux qu’ils tuent comme eft du : mais
c’eft à diverfes repafes , car comme
fis en ont trop ils les gardent po«t
manger de temps en temps . pendant
lefoueU ils chaflent pour avoir les
neaux & ne delailfent point la pefihe,
parce qu’ils font plus frians de poiflon
CHASSEUR. 539
que de viande , & enfin ils font les
plus grands Challèurs du monde , car
ils nont autre chofe à faire, & n’em-
ployent aucun temps de leur vie qu’à
chafier fans cefle.
L hilaire de lu GhuJJe des G cutis*
ANdre’ Thevet qui a navigê
dix- huit ans durant dans toutes
les parties du monde, parle commait.
dement de Charles IX. Roy de France,
vifitant l’ Amérique vers les terres
Magellaniques fe trouva dans les cô-
tes du Royaume de Chica , où il vid
plufieurs Geans , les moindres de douze
pieds de hauteurs , d’une force 8c
d’une vitefle fi extraordinaire, qu’ils
furpafioient les Cerfs a la courie, 8c
que l’un d’eux voyant dix Matelots
rouler une tonne d’eau pour faire
avgade , & fort empefehés à rouler
ladite tonne , la prit par les deux
bouts & la mit dans la naflèlle tout
feul : ce que voyant ledit André
Thevet, luy fit de grands accueils, &
luy rendit témoignage par fignes d’une
F fi)
34o LE PARFAIT
grande obligation , luy donnant toutes,
les marques qui fe peuvent imaginer
de bien veillance & d’amitié.
Ce Géant voyant un fi petit homme
luy faire de femblables carrefTes tomba
en admiration, & le prit en amitié : il
y a apparence qu'il eftoit un des prin-
cipaux d’entr’eux , il le mena dansune
maifon donc les étages étoient de
vingt pieds de haut , & les portes
larges & hautes a proportion. Ledit
Thevet porté aufïi d aflf 6lion de faire
un femblable & fidek, récit des cho-
fes à fon Maître fe miGau hazard , Sc
s’abandonna à la foi dudit Géant qui
le reeeut fort bien chez luy. Après il
retourna trouver fes compagnons ,
promettant par fignes qu’il viendroit
le revoir : ce qu’il fit le lendemain ,
& converfant avec luy par les meil-
leurs fignes qu’il pouvoir, & avec deux
de fes enfans mafles , dont 1 un avoir
neuf pieds de hauteur & l’autre plus
jeune huit.
Ils luy montrèrent leurs arcs & ce-
luyde leur pere , qui étoit prefque
aufïi pefant qu’un baliveau , les
pierres dont eft parlé ci-devant, donf
CHASSEUR.. 34Ï
ils chafloient , ils le retindrent plu-
sieurs jours * lui fai faut bonne chere ,
& le menèrent à leur chaire qui étoit
d’Originaux & de grands Bœufs , les-
quels ils portoient par terre d’un feu!
coup. Enfin ledit André ne fçichant
rien connoître à leur langue, ne pût ap-
prendre autre chofe du pais par leurs
fignes, finon que c’éroit une terre où
perfonne ne hantoit V à caufe de I’ex-
treme force & legerêté dont ces
Geans font doüés.n!tft:ne fe fervoient
point; d’autres aimes que de longs bâ-
tons ferrés. Il leur fit prefent d’une
chaudière & de quatre fortes coignées
dont ils lui firent de très grands re-
merciemens , 8c lui donnèrent tant de
fignes d’amitié, qu’ilh’efir pas poflible
davantage : mefme le reconduifirent
jufqu’à tes navires , defquels fis me-
furerent la longueur 8c largeur avec
des fignes d’admiration , & fe fepare-
rent d avec lui avec des marques de
triftelfe.
Au bout de cette terre eft le détroit
de Magellan , où ledit Thevet palfa
& entra dans la Mer pacifique , au
long des côtes de laquelle du côté du
F f iij
34i LE PARFAIT
Sud il vid grande quantité de feux la
nuit j ce qui lui fit préjuger qu'elle
étoit habitée , & la côtoyant de jour
il vid grande quantité de peuples ,
hommes & femme tous nuds qui
avoient tous leurs arcs à la main &
des floches , comme s’ils enflent vou-
lu défendre leur terre j mais à ilatve-
rité c’étoient jdes jGbafïèurs qui fai-
foient un Toiquetrac le long de cette
côte > où il y avait plufieurs fortes da*
nimaux qui fuyoient devant eux , &
dont ils tuoient quelques-uns en tr ‘au-
tres.
llspenfoient faire amitié avec ces
peuples , .&;leur<en donnoient tous les
figues 3 mais jamais ces peuples ne
rendirent aucun témoignage d’y con-
fentir >: ains au contraire d'une hu-
meur féroce oourroient vers les bords
de la Mer , & tiroient aux navires de
leurs fléchés avec cris , & les femmes
tiroient & ,paroilToient plus fieres que
les hommes, avec cris & hurlemens
comme bêtes , ce qui fit qu’ André
Thevet abandonna ces lieux, & re-
paflà le détroit pour repafler en Aflti-
que, ç& vifiter les R ois d’icelle pour
CHASSEUR.
reporter quelque nouveauté à fon
Maître , ce qu’il fit avec fuccés , ainfi
qu’il fe verra ci-aprés.
Le Sieur André Thevet & le Sieur
Amérique Vefpafe rapportent ces
mefmesçhofesde ce qui aellé dit de la
Terre des Geans * & de la cote de la
Terre Anftrale inconnue , habitée p^r
desgens fifauvages, qu’il ne leur a ja-
mais efté poffîble de les apprivoifer ,
deforte que tous les deux étans partis
exprès pour reçonnoître cette terre , iis
furent contrain ts de la lai (1er pour la
brutalité & férocité de ces peuples.
Amérique Vefpafe pouffa bien plus
avant le long de la côte pour la re~
connoître , 8c il ne vid jamais que
quantité de feux le long d’icelle, 8c
la nomme pour cet effet, terra del
Fuego. Magellan vid aullî la mefme
choie , 8c la tourna toute entière par
Tefpace de trois mille lieues , & pa-
yant pas efté agité d’aucune tempefte
fur cette Mer s il la nomma Mer Pa-
cifique.
Le Sieur Thevet donc en tqwc~
nant prit la route du Monomotapa
fans doubler le Cap de bonne JEfpe-
Ff iiij
344 LE PARFAIT
rance , mais tournant tout le long de
la côte d’Affriqu'e voulut en vifiter
les Rois , croyant bien y trouver quel-
que chofe de fingulier & rare pour en
faire le rapport à Ton Maître.
Le premier Roi qu’il vid étoit un grand
Chilfeur, qui tenoit de grands équipa-
ges de chiens pour chaflTer dans les mon-
tagnes dotfon Royaume étoit plein,aux
pieds defquelles il y a deux grands Lacs,
donc l’un s’appelle Zemble d’où part
le flruve Niger qui coule à l’Occident,
3c traverfant toute l’ Afrique va tom-
ber dans la Mer Occane par fept
bouches : l’autre s’appelle Zaire, d’où
fort le Nil qui coule à l’Orient ÔC
Nord , traverfant toute i’AAFHqtie va
ton ber dans l’Egypte par lept bouches
auffi.
Ce Roi du Monomotapa fait une
vie fort agréable, cha (Tant toutes for-
tes d’animaux 8c principalement des
Licornes à force de chiens 3c de che-
vaux qu’il mene avec luy , traînant
avec foi grand nombre de femmes ,
félon la mode des Rois d* A Afrique'.
Thevet menoit avec foi un de fes
neveux grand tireur , &c comme il
CHASSEUR. 345
alloit à la chafle avec le Roi qui avoir
deux fils, il tiroir plufieurs Oyfeaux
en voilant 8c plufieurs bêtes en cou-
rant , dont le Roi étoit ravi , & aà-
miroit tellement cette adrefle, qu’ils
croyoient tous que cela vinft des ar-
quebufes qu’ils croyoient vivantes :
enfin ils familiariferent tellementavec
ledit Thevet 8c fon neveu, qu’ils les
obligèrent à demeurer quelques temps
avec eux , pendant lequel ces jeunes
Seigneurs eurent la curiofité d’exercer
ces arquebufes.
Le neveu dudit Thevet leur montra
à tirer fans leur dire l’invention de
charger leur arquebufe , mais un jour
comme il dormoit ayant laiffe fur la
table une petite poire pleine de pou-
dre , 8c un gros fourniment plein de
poudre auflî , le plus jeunes de ces
Seigneurs prit une de ces arquebufes,
8c tirant de la petite poire de la pou-
dre il chargea trop l’arquebufe , puis
la voulant tirer fur un Oyfeau , l’ar-
quebufe le repoufïa fi fort, qu’elle le
blefia à ia joue , 8c fit crever ladite
arquebufe qui lui fit encore une con-
tufion à la main ; furquoi le neveu de
LE PARFAIT
Thevet entendant le bruit & ne voyant
plus fon arquebufe ni fà poire courut
viftement voir ce que c’étoit, & trou-
va ce jeune Seigneur bieffé à la
joüe & à la main, le ramena vifte-
n ent à fa chambre , & comme il
étoit fort expert en chirurgie, le penfa
8c le guérit en fort peu de temps :
le priant de ne point dire à fon pere,
comme cet accident étoit arrivé par
fa propre faute, lequel euft efté bien
plus grand s’il euft prit le fourniment
au lieu de la poire , parce qu’il étoit
tout plein de poudre : car s’il euft
chargé dudit fourniment , la poudre
qui étoit violente euft fait crever
Parquebufe en mille pièces , &tué le-
dit Seigneur , lequel accident les euft
tous perdus : enfin après avoir de-
meuré deux mois auprès de ce Roi,
Thevet lui demanda permiffion de fe
retirer & d’achever fon voyage , lui
promettant de le revenir voir. Il fit
prefent d’une de ces arquebufes à ce
jeune Seigneur , lui montrant comme
il la faloit charger pour ne plus tom-
ber dans la disgrâce qu’il avoit en-
courue. Le Roi pour cet arquebufe
CHASSEUR. 347
lui fit prefent pour plus de dix mille
francs. Ledit Thevet & fon neveu
prenant congé du Roi receurent des
témoignages de bien-veillance fi fa-
vorables & fi pleins d amitié , qu’au
retour du voyage des Indes qu’ils en-
treprenoient , ils firent refolution de
venir revoir ce Roi 8c ces jeunes
Princes , 8c partirent doublant le cap
dejbanne Efperance , & tombant dans
le Canal de Mofant bic pafla la Mer
Perfique , & côtoyant toutes les Mes,
il arriva à celles des Moluques où il
y avoit un Roi très honnefte qui re-
cevoir très bien les Etrangers , 8c il
fe rencontra que ce Roi écoit auflï
très grand Chafleur ; mais à trois for-
tes de Chafles bien differentes : l’une
à la ch r fie des Baleines ; la fécondé à
la chaffe d’une bête qui a face humai-
ne,! tonte femblableà celle des Sphynx
quepsignent les Peintres & Sculpteurs;
la troifiéme aux Fourmis grands com-
me des chiens , qui au rapport de
Belon gardent les montagnes d’or qui
font en cette Ifle , toutes icfquelles
trois Chafles je m’en vais vous dé-
crire.
34§ LE PARFAIT
De la Chajje de la Baleine *
LA Baleine eft un poiflon qui fe
plaid! fort dans les Mers ou le
poiflon abonde : il y enagrande quan-
tité en ces lieux à caufe de l'abondan-
ce du poidon que ce Roi prend plaifir
d’y chalT r fou vent. Pour cet eff t ils
fe metta nt fur Mer dans de petirs vaif-
feaux faits exprès 5 accompagnés de
plufieurs autres , 8c d’une infinité de
petites barquerolles dans lefquelles fe
mettent les Indiens qui la chalfentavec
harpons 8c cordages neceflaires.
Le Roi choifit un beau jour que les
Baleines fe ) lient fur la fnperfteiedes
eauës : suffi tôt qu’on en void une,
elle efl environnée de ces navires où
eft le Roi 8c toute fa fuite ; lefquels
lui jettent quantité de harponirqasDC^
chés à de longues cardes qui fcml
pointus, qu’ils entrent dans le corps de
ladite Baleine, laquelle fe Tentant pi-
quée s’a baifle dans le fond des eaues
entraînant les harpons avec les cordes
qu’ils laiflent filer alfés pour aller juf-
CHASSEUR. 349
qu’à la profondeur de cette Mer , qui
n a pas plus de quarante ou cinquante
toiles de fond. La Baleine perdant
beaucoup de fang par fes bleftures re-
vient quelquefois au deiïus en fe de.
menant ; on lui jette encore plufieurs
harpons qui achèvent de lui faire per-
dre le refte de fon fang ; & quandelle
eft toute languiilànte on la traîne à
bord : ainfi continuant à plufieurs.
Le Roi fe divertit jufqua la fin de*
cette ChaiTe & fe retire. II faut ici
noter que prés de cette Ifle il y a un
banc de terre de quarante toifes de pro-
fondeur feulement , pareil à celui du
grand banc où l’on pefche les Morues
au Nord , fur laquelle des profon-
deurs des Mers viennent fe jouer les
Baleines, qui donnent cette facilité de
les prendre. Il n’y a que ce Roi de
[toutes les Ifles d’allentour qui joüifle
de ce bénéfice, à la faveur duquel il
;fait une très grande quantité d'huile
qu fi vend par tout à tous fes voifins,
& c eft un des principaux revenus de
fon état avec les deux autres ChaiTes
que je vais raconter.
La fécondé Chaftè que fait ce Roi ,
jjo LE PARFAIT
fe fait par neceffîté., parce que les ha-
bitans de cette Ifle craignent extrême-
ment cette bête à face humaine , &
dilent quand elle paroift que c’eft le
plus grand malheur qui puifle arriver
à cette Ifle : voila pourquoi les habi-
tans de ces lieux font extrêmement
foigneux d’en remarquer la pifte qui
eft le veftige des deux pieds de derrière
faits comme d’un Lyon, & des deux de
devant comme d’une main humaine ,
ayant les bras , l’eftomach & le refte
du corps humain , excepté le derrière
qui eft comme d’un Lyon de couleur
jaune & brillante quand le Soleil donne
deflus. Audi- tôt qu’on en aveu la pifte
l’on eft vigilant pour tâcher de la dé-
couvrir ; mais il eft fort difficile,
parce quelle fe recele fort; quelque-
fois elle parroift fur le haut des mon-
tagnes , & fort rarement de fes ca-
vernes au bas des obfcures vallées oà
il y a des cavernes très profondes , Ô6
où difficilement peut- on aborder.
Quand on la peut voir , on le rap-
porte au Roi , lequel incontinenr fait
amafter les peuples pour environner la
montagne, en coupant le chemin des
CHASSEUR. 35f
profondes vallées où font lefdites ca-
vernes , dont elle fort pour aller
manger au haut de la montagne cou-
verte de fruits très dilicieux , defquels
par apparence elle fe charge pour
nourrit fa famille que l’on juge habi-
ter dans lefdites cavernes par la pifte
de plufieurs de ces bêres de grandeurs
differentes , & qui fortent très rare-
ment.
Quand la montagne eft enceinte
d’autant de monde qu’il eft necellàire
& que tout eft préparé le Roi fait
faire un triquetrac , d’hommes & de
chiens par toute la montagne pour
lancer cette bête ; fi elle fe trouve, ce
font des cris de joye de tout le monde ;
mais affés fouvent elle fe retire dés
quelle entend le moindre bruit : ce-
pendant quand elle y eft on l’attend
fur les paffîges defdites cavernes avec
des tentes, bricolles 8c panneaux faits
exprès , avec force gens qui tâchent
de la tuer : lors que cela arrive ce
font des réjoüiflances extrêmes quinze
jours durant dans toute l’Ifl- , & le
Roi en fait des frftins à tour le peu-
ple en confiderauon de ce qu’on l’a
55î le parfait
trouvée , & que chacun a fait fon de-
voir, & qu'elle eft pouffée à bout.
Quand ce bon heur eft arrive , tous
les peuples font des pteiènsà leur Roi»
& c’eft encore un des principaux re--
venus de fa couronne, car chacun fait
fon prefent de ce qu’il a de meilleur.
Quant a la troifiéme Chaffe elle le fait
dedëux façons, l’une fort perilleuüe
& païuculiere ; l'autre par la force &
par l’artifice qu’on y apporte.
La première fe fait par des Chaüeurs
que le Roi entretient qui s’expofent
volonrairement au péril qu ils peuvent
encourir , mais pourtant fe premunil-
fent des artifices necelfaires pour évi-
ter les dangers qui ne font que trop
apparens. En cette lfle parmi les mon-
tagnes & collines qui s’y rencon-
trent, il y en a une qui eft dite la
montagne dorée , en laquelle habitent
de certains Fourmis grands corr.medes
chiens qui font leurs terriers fur les
plus hauts lieux d’icelle , & en les fai-
fant & creufant ils tirent une terre du
fond de la montagne qu’ils pouflentà
la fuper ficie qui eft de pur or ; ainii
qu’il fe void , quand le Soleil donne
CHASSEUR. 3j5
ddïus. Quand ces dns Chafleurs
voyent briller de loin cet or au Soleil,
ils tâchent autant qtvils peuvent de
1 aller quérir. Pour cet effet ils met-
tent de petits fachess longs 8c étroits
ddlus une femelle de Chameau qui
nourrit un petit, lequel ils 1 ai (Tent ex-
près au logis , 8c montent fur la mers
allant fur l’heure de niidy droit aux
lieux où ils voyant briller ledit or ,
qui eft une heure en laquelle lefdirs
fourmis font retirés au fond de leur
caverne à caufe de la chaleur qui s’y
fait : alors ils emplifltnt virement leur
fachet cPor , les chargent fonda in fur
la femelle d-efdits Chameaux & re-
montent an plutôt d effets ; 8c s’en-
fuyent à tonte bride en liberté droit
àjeurs maifons, où ils arrivent bien-
tôt , car les bêtes qui ont grand défit
de retourner à leurs petits vont d’uns
vitdlè extreme- : ainfi ils évitent la fu-
reur des fourmis , leiqueHes ayant ea
le vent d’eux les pourfuivent fort loin^
mais la vi telle du retour de leur bête
les fauve : une autre fois quand ils onc
veu encore briller de . for fur lefdirs
,t£ 'us j ils y esic-pre a?ec
€ 2
m LE PARFAIT
précaution pourtant de prendre an
temps commode, ou de pluye, ou de
Soleil , ou de vent , qui obligent lek
dits Fourmis à ne point ou peu fortir
des trous , & bien fouvent il y a des
gens qui font attrapés , fans pouvoir
*ftre fecourus \ mais ils font fi rufes
& faits à cet exercice que s'ils voyent
feulement un de ces fourmis au guet .
ils n’approchent point delà montagne,
ou fi y étans ils en voyent paroître
quelqu’un, quoi que les betes foient
preftes à charger , ils remontent fou-
dain deflus fans le faire , 8c fuyans à
toute bride fe fautent , leur monture
étant de beaucoup plus viftequelefdits
Fourmis.
L’autre façon eft plus perilleufe pour
tirer cet or : mais elle fe fait aufli a
force, & fe peut appeller une chaflè
très mortelle , car quand on a veti la
montagne toute brillante & couverte
de cet or , & le Roi en ayant eu avis,
il s’y tranfporte avec très grande quan-
tité de Chafleurs & une très grande
quantité de filets faits exprès pours’op-
pefer à ces Fourmis, 8c les empefcher
d’exercer leur fureur fur les hommes.
CHASSEUR. m
ïls commencent donc à tendre ces
filets le plus proche des trous qu’ils
peuvent eftre tendus, nonobflant la
fortie de ces bêtes , caron a choifi le
temps propre oû il en paroic le moins :
après Ton tend des parcs quarrés de
filets , dans lefqueîs fe mettent les
hommes , on en fait un pour le Roi
& les Chafïeurs avec plufieurs tam-
bours & inft rumens qui font grand
bruit , Ton tâche de les épouvanter
par là avec des cris redoublés qui ac-
compagnent celui des tambours. Lef-
dits animaux au premier bruit s’ar|ffc§nt
un peu étans épouvantés» Lefdits parcs
qu’on a faits font de telle forte, qu’ils
fe roulent , & on les approche des
trous : on y mene des chiens qui font
drefTés à combatre lefdits Fourmis 3
lefqueîs s’épouvantent à force de la
continuation du bruit , & rentrent peu
à peu dans leurs trous , non fans grand
combat & mortalité defdits animaux s
car pour les hommes ils fe font pré-
munis de peaux de buffis ôc d’écailles,
de rhinocéros & de femblables autres
peaux pour fe garder d’eftre bîeffés :
ainfi quand tous les Fourmis font ren-
Gf if
35<S LE PARFAIT
très , Ton tend des fi-ets fur les trous
pour empefcher qu’ils ne reportent, Bc
1*011 charge généralement tout 1 or
qu’on rencontre , a quoi font merveii-
leufement entendus tous les habitans
du pais Sc tous les Cha fleurs.
Cette ChafTe generale le Roi pre-
fent , ne fe fait que dans un certain
temps auquel l’on n’a pu auparavant
en recouvrer que peu moins qu à 1 or-
dinaire , & auffi lors qu’on attend les
vaiffeaux qui en doivent trafiquer :
car on ne peut pas fouvent faire
cette ChafTe generale , la plufpart de
ces animaux ayant efté blefTés , ôc
n’ayant pû refaire ni approfondir de
nouveaux trous : mefme les habitans
de ce lieu difent, quand cela eft arrive
que ces Fourmis abandonnent iefdits
trous , &c en vont faire d’autres dans
les montagnes prochaines ; aufit ne
fait on ces grandes Chaffes que lors
qu’on void la montagne plus fterile ,
(k qu’il en fort moins d or pour obli-
ger les’ Fourmis a en choiftr une autre
plus fertile que la première.
C’eft ainfi que Belon Auteur très
illuftre rapporte qu’il a vû de fes prir
dré Thevet !a confirme, non pas pour
1 avoir vu , mais pour Pavoir fceudef-
dits habitans de cette I fie , 5c du Roi
qu on la feroit bien- tôt , 5c qu’il lui
montreroic lui tnefme s'il vouloit fé-
journer quelque peu.
Eft à noter que ces collines où fè
retirent ces animaux dont on tire Por
pur font la plufpart fablonneufes ; mais
proche d’autres montagnes voifines
qui abondent tellement en fruits déli-
cieux , dont ces Fourmis font frians,
qu’ils ont dequoi s’y repaiftre pleine-
ment fans en faire aucune provision*
comme font les autres Fourmis és au-
tres lieux de la terre, par la raifon
que cette lOêt eft fituée en la Zone
torride, où il fait toujours chaud, Sc
ou les fruits croilfent en toutes les fai-
fons de l’année.
Après toutes ces courfes André
Thevet reprenant le chemin de k
France s’en revint par la côte d’Affd-
que revoir fon Roi du Monomotapa
qui Pavoit fi bien traité.
il arriva donc chez lui (ans infor-
tune 5 le Roi le receut encore plus
3,8 LE PARFAIT
favorablement que la première fois ^
& le retint quelque temps pour lui
faire voir quelques raretés qui fe ren-
contrent dans fes montagnes, il lui fit
voir enn’autres chofes rares la Chaffe
de la Licorne qui eft frequente en fon
Royaume , mrfme il lui fit prêtent de
deux cornes de Licorne, dont il yen
à encore une qu’il rapporta au Roi
qui eft dans leTrefor de Saint Denis
proche Paris , de de plufieurs autres
animaux que nous ne connoiffons point
en Europe,
Il lui fit voir encore la Chaffe de la
Tourtuë , qui fort des bois le Iqng de
la Mer pour fe rafraifehir , & vraye-
ment c’eft une chofe extraordinaire de
les voir auffi grandes qu’elles font, les
unes d’un pied de diamètre , les au-
tres de deux , & d’aucunes qui vont
à trois. Quand elles relèvent ôc for-
tent du bois , il n’y a point d autres
fineffes à cette Chaffe que de mettre
des hommes cachés au bord du^bois
pour les voir fortir , & des qu elles
font à vingt trente où cinquante pas
hors du bois , courir à elles , & de les
tourner fans deffus deffous , avec des
CHASSEUR. 359
'Leviers : quand la tortue eft ainfi
tournée elle ne peut jamais fe remet-
tre fur pied , & on les tue facilement*
& on tire leurs écailles pour porter en
France , & ailleurs pour faire de tres-
beaux ouvrages. Il y en a fi grande
quantité qui defcendent des bois à
certaines heures , que cinq ou fix
Chafleurs en prendront très grande
abondance , les laiflant, comme il eft
dit retournées, mourir fur le fable juf-
qu’à ce qu’ils ayent le temps de les
venir charger.
Ce Roi avoit une infinité de pierres
precieufes, entre lefquelles étoit une
Efcarboucîe large comme une piece
de trente fols qu’il portoit toujours
fur la tefte à fa barrette ou coiffure ,
laquelle en pleine nuit brilloit & éclai-
roit comme un flambleau. Ledit The-
vet fit encore un prefent à ces Prin-
ces de deux arquebuf^s avec de la
poudre 3c du plomb fuffifammentpour
les exercer aux petites Chaftes , &
mefme gibier où ce Roi & fes enfans
s’exerçoient fouvenr. Il receut dudit
Roi un don de pierreries vallant plus
de dix mille écus : & quand il le falut
;6o LE PARFAIT
quiter 8c partir pour venir en France
vers fan Maître ; ce fut avec de fi
grandes difficultés, qu’il fallu promet-
tre de le revenir encore voir une au-
tre fois, & lui faire voire des chofes
rares qu’il lui promit de rapporter.
Thevet continuant fon retour vifita
tous les Roys de la côte d’Aflfrique a
la faveur de la recommandation de
l’Empereur du Monomotapa, vid tou-
tes- leurs Chafles, participa à tous leurs
plaifirs , & receut toutes les grâces
que peut un favori de ce grand Em-
pereur j defqueltes ChafiTes, moeurs &
plaifirs nous venons de parler.
Toutes ces ChaiTes ci-deffus écrites,
& toutes ces façons de faire m ont
efté confirmées par plufieurs Portu-
gais qui vont tous les ans en A Afrique ^
Sc qui y ont des habitations , force-
reffes 8c magalins , 8c y mettent en
referve toutes les choies dont ils tra-
fiquent avec les A Africains* Ils m ont
me (me affuré que dans le Royaume
de Manicongo qui eft la demeure des
Noirs voifins du Royaume d In go! a
&4e la Fonerefie qui leur appartient,
le Roi des Noirs avoir- petnvis aux
' François
CHASSEUR. 3
François & Portugais de faire U
Chaflê des Chevaux Marins , dont
ils tuoient une très grande quantité
dedans les bayes d'où la Mer fe re-
tire , & où lefdits Chevaux demeu-
rent à fec tant que la Mer y revienne,
étant animaux amphibies qui vivent
dedans & dehors de l’eau mefme
plufieurs Marchands François , An-
glois & Portugais avoient fait une
grande dépenfe en focieté pour conti-
nuer cette Chailè qui n’a pù reüflir,
par la raifon qui les avoir obligés de
faire ladite dépenfe , qui étoit3 que les
cuirs de ces animaux pourroient fe
corroyer comme ceux de terre , mais
n’ayant pas efté trouvés naturellement
bons ni pouvoir refifter au courroys
ils ont tous efté gaftés , & cela leur à
fait delai lier cette enrreprife , dont le
Roi des Noirs a eu du regret , parce
qu’il efperoit en tirer du revenu & de
la contribution. On ne JaiiTe pas d’y
aller tous les ans , & d’y porter des
marchandifes pour troquer contre cel-
les du pais. Le Roi eft afles affable
pour obliger les Marchands à y con-
inuer leur traité : ils dilènt que ce
H h
: r ]L-
LE PARFAIT
Roi eft grandiflimc Cha fleur, pnna.
paiement des Singes & des P «mes
5* Autruches , dont fls débitent une
grande quantité par toute 1
Tav déduit ci-deflus la façon & ma-
nière de les chafler & les prendre.
Plufieurs petfonùes dignes de foi
m’ont fait récit de la Chalje des Cro-
codiles qui eft un animal fort dange-
reux & mal faifant , haï & redoute en
£crypte le long du Nil , comme aufli
dans le Fleuve Niger où il y en a
Sis, mais par tout «es f-mcieux
& voraces , & comme il eft haï &
redouté , les habuans de ces lieux ui
font la chaiTe & le tuent en toutes les
façons qu’ils peuvent imaginer.
Premièrement ils mettent une arque-
bufe toute chargée & amorcee en tell
forte quelle vife tout droit en une
corde qà laquelle ils attachent une
fiïelle qui peut faire détendre le ch-
le dt q»on «>«1* ‘ 1* “'a' “
W de lamelle* mettent «ne.moice
d°„“ etot morceau de chair ou de foye
de b*uf que ledit Crocodile veut ve-
d5 ° étant extrêmement frian
nit manger , étant, . .
1 cette” amorce , & comme il a la
CHASSEUR. 3sj
gueule très grande, & que c’eft un
animal le plus vorace du monde , il
veut engloutir ladite amorce attachée
au bout de la corde , qu’il ne peut
pas manger ni engloutir fans faire la f-
cher le cjichet qui eft attaché à la fif-
felle qui tient la corde , dont l’arque-
bufe part & tire droit dans la gueule
du Crocodile, & lui perce toutes les
entrailles.
Il faut noter que l’arquebufè doit
eftre attachée à quelque pieu ou arbre
& que l’amorce doit eftre couverte
d’une écorce d’arbre pour eftre coa-
fervée de la pluye & en état de
prendre, parce que fi l’arquebufe
n’étoit point attachée , le Crocodile
en fe battant l’entraineroit dans l’eau ;
voila un des moyens premiers dont oa
fe vange de ces animaux rapaces.
Un fécond moyen dont les habirarts
du lieu le chaifent & le prennent, c’eft
qu’entre deux pieux plantés ou arbres
ils pendent la carcalfe d’un mouton ©à
d’un veau ou d’un afnon dont ils f©nc
fort frians : entre ces deux arbres ou
pieux l’animal étant pendu feulement
la hauteur d’un pied de terre, ils ran-
3*4 LE PARFAIT
geiu dans cette carcaffe trois ou quatre
forts haims : ce Chafleur a première-
ment reconnu ou le Crocodile hante,
8c mefme l’a amorcé de quelque appas
qui a quelque forte fenteur , & quand
la bête a pris l’amorce , elle ne man-
que pas d’y revenir , puis après les
haims rangés, comme dit eft, 8c la bête
étant fortement attachée aufdits aibres
ou pieux on la lailïe la j 8c le Challcut
monte fur un arbre auprès, qui a veuë
fur le Heu pour voir quand le Croco-
dile viendra engloutir cette amorce :
ce qu’il fera prefque à la mefme heure
qu’il a pris la première : il fort donc
du Nil & s’en vient tout dcoit englou-
tir ladite bête pendue & fe trouve ac-
croché par quelqu’un defdits haims ;
ce que voyant ledit Chalïeur il defcend
de l’arbre avec une coignée & achevé
de le maflacrer.
Le troifiéme moyen eft de connoî-
trele lieu où hantent les Crocodiles, 8c
les y amorcer par des appas frians
qu’ils aiment : pour cet effet il faut
faire des gobbes quantité qu’on met
dans des boittes de fer blanc , lef-
syiels on porte dans les lieux amorcés
CHASSE U R. 365
qu’on met fur des piquets larges afles
pour les foutenir : puis il faut épandre
un peu de lablo autour des lieux où
lefHits piquets font plantés , pour voir
les piftes des animaux qui les mangent
afin de voir fi c'eft le Crocodile. Qui;
conque veut faire la dépenfë de plan-
ter de ces gobbes en tous lieux où ils
font tourmentés le long des eauës ,
des Crocodiles, en un mois il les fera
mourir tous auffi bien que les Loups
& Renards le long des bois.
cintre moyen -pour garantir les
troupeaux des beftiaux.
LA nature du Crocodile eft de fereJ
paître plutôt fur terre que dans
l’eau, dont l’on s’apperçoit facilement,
parce que s’il prend du poiflon il va
le manger fur terre : il n’y a point de
troupeaux qui paiflent le long des
Fleuves où il y a des Crocodiles qu’on
ne s’apperçoive ce jour là que le trou-
peau ne retourne point tout entier à
la maiibn : auffi les Bergers font leurs
plus grands ennemis , & leur font
H h iij
3éé LE PARFAIT
plus la guerre.
Après la Chaflfe du Crocodile qui eft
m animal raviflant, & qui caufe bien
du mal aux habitans qui demeurent le
long du Nil, je puis dire qu’il y a en-
core des Monftres amphibies le long de
ces Fleuves aufli pernicieux quelefdits
Crocodiles. Les habitans du pais leur
font la guerre en tant de manières ,
comme gobbes ; piégés & poifons ,
forces Ôc amorces s bref en tant de
façons qu’il feroit trop long de les fpe-
cifier : mefme dans les deferts quetra-
verfe le fleuve Niger dans toute la
Lybie où il y a une infinité de
Monftres , ainfi que rapporte Leon
l’Affricain dans fon hiftoire, que preG»
que tous ces pais font inhabités : je
n’en diray rien davantage, parce qu il
n’y a que des objets de cruauté qui
affligeroient plutôt le Lefteur que de
le di vertir en. aucune façon , n’y ayant
aucun fujet d’y parler de la Chafle ni
de faire aucun récit du peu des habi-
tans de ces lieux qui virent aufli
beftialement que le peuvent permettre
les dangers où ils font expofés.
Je finis donc par l’hiftoire de quel-
CHASSEUR. 33S7
ques Rois des Noirs qui s'étant affo-
ciés plufieurs enfembie , voulurent
avec force convenable découvrir les
pais voifins de ce Fleuve, dont l'entre*
prife leur fut fatale, car ne trouvant
rien que des deferts , ils rencontrèrent
tant de Monftres & de Dragons vo-
lans, qu'ils furent contrains après plu*
fieurs journées de rebroufFer chemin*
avec perte de la plus grande partie de
leurs équipages qui furent attaqués en
une nuit par plus de trente Dragons
& de plufieurs bêtes feroces, qui Feirs-
bloient s’eftre ramafles pour leur faire
la guerre : fi bien qu’il s'en falut re-
tourner diligemment , & cheminer le
jour vers les habitations pour fe met-
tre en feureté.
Pour donc parler de l’Àffnque cer-
tainement, & de toutes les Chafïès
qui s*y font , c'eft plutôt un théâtre
d’une très cruelle guerre continuelle
qu’il faudroit écrire, que de raconter
quelque diverfité de quelques Chaflès
de ces lieux : car au lieu les plus leurs
qu’on puifTe chafler , il y a toujours
grand péril d’y rencontrer des Monf-
tres qui s’acharnent fur la chair bu-
H h iiij
3é8 LE PARFAIT
maine : fi bien que les grands Sei-
gneurs 8c Princes qui s’y veulent un
peu écarter ne cha fient qu’avec crainte,
& mefme auparavant que d’y aller
font faire des reveues pour le pouvoir
faire en feureté.
îl y a mefme des hommes qui font
fi hideux 8c fi contrefaits", dont j’ay
veu les difformes figures en Angle-
terre, dans les tapifieries que les Rois
d’Angleterre ont fait faire de tontes
les chofes les plus extraordinaires qui
font en ces pais inhabités, qu’on ne les
peut regarder qu’avec horreur ; c’eft
pourquoi jelaiflc cet ennuyeux entretië
pour dire que cette terre des Monftres
ieroit infiniment agréable fi elle n’a-
voit point les incommodités qu’elle a,
parce qu’il y croift fi grande abondance
de fruits 8c de toutes autres fortes de
chofes necefiàires à la vie,qued’afFreufe
qu’elle eft, on pourroit dire qu’elle de-
viendroit la plus delicieufe terre du
monde, 8c qn’on y pourroit vivre auflt
heureufement qu’en toute autre partie
de terre habitable.
F I N.
CHASSEUR. 3 U
Explication pour entendre tous les
Termes des Chajjeurs & four eri
bien parler \
LA Corne du Cerf fe nomme le
Bois du Cerf.
La tête du Chevreuil fe nomme la
Corne.
Le bas de la tête du Cerf s’appelle
les Meules.
La greffe branche qui fort des Meu-
les s'appelle le Marin.
Les Andoüilliers font les petites
cornes qui forcent du Marin, on les
nomme Chevilles.
Les premiers Andoüilliers eft le plus
proche de la Meule, 8c enfuice les au-
tres i, z j 3. &c.
Le haut de la tête fe nomme Ra-
mure.
Les Têtes ramées font ou couron-
nées, ou pommées, on fimples de trois
par à mont ou de deux.
37 o LE PARFAIT
L'âge des Cerfs fe connoîr par Fou-
verrure de la tête, par la grofleur du
Marrin* par les rayeurs plus creufes 9
par les pertures plus greffes , par les
andoîiiÜiers plus prés des meules,
par la largeur du talon du pied de de*
vant , par la petiteffè du pied de der-
rière , par le méjuger quand le pied
de derrière n’entre point jufte dans
celui de devant.
Les Cerfs la première année font
dits Faons.
La deuxième année font dits d’Agueti
La troifiéme année font dits Cerfs
a la première tête.
La quatrième année font Cerfs à
leur fécondé tête.
La cinquième année font Cerfs a
leur troifiéme tête.
La fixième année font Cerfs de dix
cors ieunement.
La feptiéme année font Cerfs de
dix cors.
La huitième année font dits grands
Cerfs.
La neuvième année font dis grands
vieux Cerfs.
Le Rut, c’eft quand les Cerfs font
CHASSEUR. 371
en chaleur, & couvrent les Biches, ce
qui arrive à la fin & tout le mois de
Septembre , plûtôt ou plus tard félon
la chaleur des pais.
Ils fortent du Rut tout le mois
d’O&obre, & vont prendre la pointe
des bruyères pour fe refraire.
. Mettre bas , c’eft quand la tête des
Gerfs tombe tous les ans en Avril» ou
plutôt félon l’âge des Cerfs » & félon
les climats plus ou moins chauds , les
vieux devant & les jeunes après.
Le Revenu, c’eft une maffè de chair
qui fe forme de vers blancs qui leur
rongent la tête en dedans la racine, SC
qui font tomber le bois.
De ces mefmes gros vers fe formé
une mafle de chair couverte d’une
peau velue', dont fe fait la tcte qui s al-
longe & fe forme en tête , & quand
elle eft allongée les Cerfs vont aux
frayoirs , qui font des arbres ou il a
frotté , & cette peau tombe par lam-
beaux, & cela fe dit frayer.
Brunir , c’eft quand cette peau eft
ôtée, les Cerfs teignent leur bois aux
charbonniers, ou aux terres rougeaftres
qui donnent la couleur à leur bois.
37î LE PARFAIT
Prendre b ni (Ton , c'eft quand les
Cerfs vont choifir un lieu fecret pour
faire leur tête quand ils ont mis bas,
L'efcuyer eft un jeune Cerf qui ac-
compagne un vieux Cerf.
Hardes de bêtes , c'eft quand elles
font ramafîées enfemble.
Il faut notter que quand cela arrive,
toutes les bêtes fe mettent enfemble
félon leur âge.
Viandis, c'eft quand les Cerfs vont
aux jeunes tailles broutter la fuper-
ficie du jeune bois.
Hardées , font les ruptures 8c fracas
du bois qu'ils font dans les jeunes tail-
les , ce qui n’arrive gueres qu'au Bi-
ches qui viandent gourmandement.
Les Cerfs ne font pas de mefme J
car ils ne viandent rien qu’à la pointe
du bois : & l’on nereconnoîtles Cerfs
qu'à leur viandis feparés des autres.
Gagnages , c'eft quand les Cerfs
vont manger les graines à la cam-
pagne.
Rembucher , c'eft la rentrée des
bêtes dans le bois.
Repofée , c’eft le lieu où les bêtes
fe couchent dans le bois.
CHASSEUR. 375
Demeure, font les lieux où fe reti-
rent les betes félon la diverfité des fai-
fons.
Fumées , îont les vuidanges ou ex-
cremens des bêtes.
Trochrs , (ont les fumées d’hyver,
& celles d’été font rondes & huileufes
quand les beces /ont en venai/on.
Les Tefticules des Cerfs fe nom-
ment daintiers.
Les menus droits d’un Cerf font la
langue, le meufle & les oreilles.
L’os du cœur d’un Cerf eft bon aux
accouchemens.
Le revenu diftillé aide fort aux mê-
mes accouchemens.
Le mafacre d’un Cerf , c’eft la tête
feparée du corps.
Le Forhu, c eft la carcallè dont on
fait la curée.
Les dedans font encore pour la curée.
Fourbur, c eft faire venir les Chiens
ou Ton veut , & cela fe fait par les
cris 8c parle fonner.
Quand ils branlent du change pour
faire craindre les Chiens , Ton crie
harry^ harry.
Pour faire retourner les Chiens
quand ils font hors des voyes , l’on
,74 LE PARFAIT
Chien. fo«
terme pour faire requefter les Chiens
quand ils font en défaut.
Limiers font Chiens dreffes pour
aller au bois. A .
Toucher au bois , c eft quand le
Cerf dépouille la peau de la tete,
l’on dit qu’il a touché au bois.
Connoiffance , eft quand un Cerf fe
peut distinguer des autres , on dit qu U a
une connoilfance. .
Fourlonger , c’eft quand un Cerf
s’éloigne fort des Chiens.
De hautes erres , eft quand un Cerf
a eu le vent du '.trait <\™nà, on Vf'
tourne le matin , & qu.jl J enva ho[S
de fon encinte , ou quil fan de très
i0L8eUvem durait, eft quand le Cerf
le matin à le vent du Limier, fouvent
il s’en va de hautes erres, &1 on trouve
buiflbn creux. , »
Builfon creux, c eft quand onn
rien trouvé , ou qu’un Cerf s en eft
allé de l’enceinte.
Les Chiens de Meutte font les pre-
CHASSEU R., jyj
miers qu on donne au laiiïer coure.
Vieille Meutte font les féconds Chiens
qu’on donne après les premiers.
Relais font plulïeurs i, 2, 3. qu’on
donne l’un après l’autre, aux lieux &
refuites où ils ont efté envoyés.
Les fix Chiens, font Chiens de re-
ferve qui regardent le change qu’on
donne quand la Chalïè eft avancée.
Randonnées des Cerfs , font les
lieux où ils fe font battre dans l’é-
tenduë de leur courfe.
L alfemblee eft le rendes- vous de tous
les ChalTeurs où fe font les raports.
Raports, le font par ceux qui vont
au bois.
Sur aller , c’eft quand un Chien
paflè fur les voyes fans crier, & fans
donner aucune marque que la bête y
a paflé.
Voyes fur marchées , font celles que
foulent les Chevaux & les Chiens
dans quelque retour.
Brifées fe font des branches qu'on
jette au chemin dans l’étendue des
quelles.
Départir lesquelles , c’eft aflîgner
à chaque venue qui va au bois les
376 LE PARFAIT
cantons de la quefte.
Brifer , c’eft rompre du bois pour
marquer le lieu qu’on veut retrouver.
Frapper aux brifées , c eft quand le
Veneur qui a fait fon raport va biffer
courre.
Lancer , c’eft donner un Cerf aux
Chiens. j
Tranler , c’eft quand on n a point
détourné , & qu’il faut en quefter un
au hazard.
Requefter , c’eft quand il y a un
un défaut.
Pifte , c’eft un mot general pour
toutes fortes de bêtes, mais d’un Cerf
on dit la voye.
Bête noire , eft un Sanglier Mar-
caflin, eft un jeune Sanglier, bête de
compagnie eft un Sanglier d un an.
A deux ans il fort de compagnie,
& eft dit Ragot.
A trois ans il eft dit Sanglier en ion
tier an.
A quatre dit ans5il eft en fon quart an*
A cinq ans, il eft dit Mire.
A fix ans , il eft dit grand Sanglier.
A fept ans, il eft dit grand vieux San-
glier.
Les
CHASSEUR.' 377
Les Lunes font les tefticules dhm
Sanglier.
Les Layes font les femelles , qui
font dites félon leurs âges , jeunes*
grandes 3c vieilles.
Les lieux où repofent les Sangliers*
font dits les bauges.
Bouttis, c’cft où ils font des creux
pour chercher des racines.
Les têtes des Sangliers font dites
hures. T
r Les os de derrière les jambes pro-
che les pieds font dits les gardes.
Les lieux fourrés & les épiniers font
dits les demeures des bêtes noirs.
Loups mâtins* Loups lévriers, Loups
cerner $>
Litreawx, iont les lieux où ils repofent.
Les 1 elfes, font les lieux ou ils éguif-
fcnt les- ongles.
Les vuidanges des Loups font dites
fientes.
^ Harlon , font les termes dont on crie
à veuë.
Hou s hou , eft le terme dont on ani-
me les Chiens quand on le chafïe.
„ Le Heu où repofe le Renard fe dit
ia forme»
li
LE PARFAIT
A veuë du Renard Ton crie vellau .
Catteroles, font les lieux où les La-
pins font leurs petits en terre * & les
rebouchent tous les jours jufqu’à leur
fortie.
Vermiüoner (e dit du Blereau quand
il cherche des vers pour le pâturer *
on envoid les apparences par la terre
qu’il remue.
Le gifle eft le lieu où repofe le Lievre.
Vellau fe crie à la veuë du Lievre.
Relaifle , c eft quand un Lievre eft
courru qu’il s’arrête eftant laffe , & ce
rafé, quand il ne fait point de gifle.
Haze eft la femelle.
Rouquet eft le malle du Lievre, il
y en a entr’eux plufieurs qui fontmafle
& femelle.
Decoupler , c’eft donner la liberté
aux Chiens qui fon couplés deux à
deux avec un couple de crain.
Relancer , c’eft relever un défaut &
faire repartir le Lievre quand il eft
relaifle.
Rufer , c’eftquand une bête courruë
effaye d’ôter la connoiflance de fa
pifte aux Chiens.
La botte , c’eft avec quoi on mens
CHASSEUR. 379e
le Limier au bois.
Revoir , c’eft la pifte qu’on void de
la bête,
Beaurevoir, c’eft quand il a plaine
a plain trait, c’eft quand le Limier
bande fort fur la botte , & fur le traie
eftant fur les voyes.
Routailler , c’eft fuivre une bête
avec le Limier, pour la faire tirer avec
Arqnebufiers.
Chien fecret . c’eft un Limier qui
pouflè la voye (ans appeller.
Coailier , c’eft quand les Chiens
queftent la queue haute fur de vieilles
ou nouvelles voyes,
Rebaudir, eft quand les Chiens ont
la queue droite le balay haut, & qu’ils
fentent quelque chofe d'extraordinaire*
Raprocher , c’eft alier quérir une
bête forlongée.
Parchafler , fc eft finir la ChalTepaf
la, prife de la bête chaflée*
RachafFer, e’eft une charge deRa-
chafleurs qui font obligés de nourrir
des Chiens qui ne fervent qu*à rechafc
fer des bêres écartées aux buiflons ,
alors qu’elles font forties des forets ÿ
& quand elles font rentrées, fe retirer.
I i i)
cuir longue qui fe met au col des
Chiens trop vires pour les arrêter.
Bricoles , c’eft une invention pour
empefcher les Chiens d’aller trop vides
devant les autres.
Barer, c’eft quand un Chien balance
fur les voyes.
Couper , c’eft quand un Chien am-
bitieux veut gagner la tece de la Meute
ou qu’il manque de force.
Chien armé ou jacqué , eft quand il
eft couvert pour attaquer le Sanglier ,
l’on dit longer un chemin , eft une
bête qui enfile un chemin.
Babillard , eft un Chien qui crie
hors des voyes , 5c le plus fouvent
d’ardeur. ,
Menteur eft un Chien qui cele la
vove pour gagner le devant.
Vicieux, eft un Chien quichafte tout,
él qui s’écarte toujours de la Meutte.
Chien de tête , c'eft à dire un chien
d’entreprife.
Le nez dur, eft un Chien qui rentre
mal- aifément dans la voye, 5c reprend
lentement.
Chien de haut nez , eft un Chien
CHASSEUR. 3gg
qui va requérir fur le haut du jour.
Le nez fin, c’cft un Chien qui c halle
bien dans les chaleurs Ôc dans lepouC.
fier.
Lévriers harpes, font ceux qui ont
îe devant & les côtés fort oüalles ôc
peu de ventre.
Etriftés, eft quand ils ont les jarets
bien faits.
-Nobles , eft quand ils ont la tête pe-
tite 5c longue , Tencolure longue ÔC
délice, le râble large ôc bien fait , &
que ledit rable continue tout d’une
pièce.
Gigottés , eft quand les os des han-
ches font éloignés 3 ôc qu’ils ont les
gigots courts Ôc gros.
Le beugle du Bufle.
Le cri ôc le beugle d’un Ours.
Le braire d’un A fne fauvage.
Le baret d’un Eléphant.
Le mefme Baret d’un RhinoceroL
Rugir d’un Lion.
Le cri des Léopards , de la Panthère
& de la Giraffe.
Le cri ou fifflement du Tigre , le
hurlemeut du Loup.
Le cri d’un Loup cervier, du Chat
38i LE PARFAIT
harets & du Renard.
Le râlé d’un Cerf & d’un Dain.
Le cri d’un Lievre clair & du Lapin.'
Le cri du Chevreuil & d’un Faon.
Appeller fur lesvoyes, eft quand un
Chien chaflè. •
Belle gorge de Chien , eft quand il
crie bien , & qu’il a la voye groflè &
Aboyeurs, eft une forte de Chiens
pour Sanglier , & qu’ils l’aboyent fans
rapprocher.
Japper, eft quand un chien crie la
nuit ou de jour quand il entend du
bruit. r ,
Aboy des mâtins , eft quand m ten-
tent le Loup ou quelque chofed étran-
ge au tour de la maifon.
Chien babillard , eft quand un Chien
crie hors des voyes ou qu’il crie des
matinées.
Le Chien hurle quand il y a des
Chiennes chaudes 8c qu'il ne peut les
aller joindre , ils hurlent aufli quand
ils Tentent les Loups.
Rider , eft quand un Chien Tint la
pifte d’une bête Tans crier.
CHASSEUR. 385
Des O y féaux de proye .
Les Perrons font les peres & meres*
Le bel Autour , eft quand il
court, bien cœuré, bas aflïs & les ma-
butes larges.
Les Oyfeaux de leuré font bienfaits
quand ils ont les mahures hautes , les
reins larges , bien croifées , hasaflis*
court- jointées , les mains longues &
les levres fortes.
Xesairs des Oyfeaux font leurs nids.
Les mahutes ce font les hauts # des
ailes prés du corps.
Croifées , c’eft quand fes longues
pannes fe croifent bien.
Les pannes font les longues plupaes
des ailes.
Court-jointés , c*eft quand les jam-
bes font de médiocre longueur.
Le crac , eft un mal qui vient aux
Faucons.
Les mains grandes , les fertes lon-
gues & les doits longs.
Aux Oyfeaux on dit la main , & les
ferres au lieu de dire les ongles.
Le balay , c’eft la queue.
384 LE parfait
Toutes les pannes des ailes ont leur
nom , la première, la fécondé, la troi-
fiéme , la quatrième , la cinquième, les
rameaux 8c le cerveau.
Les pannes du balay ont auffi leurs
noms, comme le milieu, la deuxieme ,
la troifiéme &c.
Enter, c’eft quand il y a quelque
panne rompue , l’on la réjoint avec
d’autres pannes gardées,
Marteller , c’eft quand les Oyfeaux
font leur nids.
Reclamer, eft quand on drelfe les
Oyfeaux, & quon les fait revenir à
foy avec ;a fiiiere.
Fiiiere , eft une fiiïèüe quon tient
attachée pendant qu’on les reclame
jofqu’à ce qu’on les ait allurés.
Sur fa foy, c’eft quand on ne donne
pîqs de fiiiere , & qu’on les reclame
en liberté-
Les jets, c*eft avec quoi on tiennes
Oyfeaux fur le poing.
Au bout des jets font des verveiîles
qui font de petits anneaux de cuivre
plat , fur lefquels ont écrit le nom du
maître à qui appartient TOyfeau.
Les longes , c’eft avec quoi Ton a«-
tache
CHASSEUR. 3g5
sache les Oyfeaux fur la perche.
Les émeus, c’eft ce que les Oyfeaux
vuident.
Les curés , c’eft le chanvre qu’on
leur donne tous les foirs en petites
plotes.
Le 1 heure , c eft avec quoi" on les
fait revenir & qu’on les reclame.
Voler de poing en fort , c’eft quand
on jette Les Oyfeaux après le gibier
du poing.
Voler d’ammont; c’eft laiflèr volet
les Oyfeaux en liberté afin de les faire
foûtenir fur les chiens.
Des filets four feficher.
, Sont fables vergueils , tremailles :
eperviers & antres.
Faire vuiderle gibier , c’eft le faire
partir quand les Oyfeaux font montés
& détournés.
Hoche-pied , c eft un Oyfeau qu’on
jette feul apres le Héron pour le faire
monter.
' 1
i
33ô LE PARFAIT
Termes de C'hajfe.
Raboüillers , font trous de Lapins.
Epiniers font lieux faits exprès pour
garentir les Lapreaux des Oyfeaux.
Brayon , c’eft pour prendre les bêtes
puantes qui ruinent les garennes.
f Harpons , font pour prendre les gros
poiffons, & les bêces puantes pour les
mettre dans le fac quand elles font
déterrées. ,
Blereaux fuyent les trous dont le rond
eft de crâne , & ayment les terres
rouges , parce qu’ils s’y remparent
facilement. . , . 1
De toutes les bêtes a quatre pieds,
les patries de devant comprifcs les
épaules s’appellent les erres.
Le cimier eft le deflus du dos appro-
chant des cuifles.
Lever le pied d’un Cerf, il faut que,
ce foit le pied droit pour prefenter au
Maître de la Chafte.
La vuidange du Lapin s’appelle,
crotte de Lapin , du Lievre, s’appelle
le fefis & de la Petdrix de mefme.
La Chafte à la Foye fe fait la nuit
!
CHASSEUR. 3S7
le long des hayes d’hyver avec du
feu de paille : Ton bat le côté de la
haye , & de l’autre (ont des hommes
avec des ravaux , avec quoi ils rabat-
tent tout ce qui part.
Ravaux font des perches avec des
! branches pour rabatte les Oyfeaux le
long des hayes.
L’on parle aux ballets quand iis
vont en terre de ce mot coule > coule ,
coule bajfets .
L’on crie ha Levrier 9 quand il part
un Lievre.
Et devant des Chiens courans on
crie vellau .
Et l’on crie hare, hare après le Re-
nard.
Catiches , font les trous où fe ca-
chent les Loutres eftant chaffës.
Crier des matinées 3 c’eft quand les
chiens courans vont requérir par le
menu à neuf du matin , & qu’il les
lafte bien.
L’égail, c’eft la rofée du matin.
Quand on va au bois, l’on dit que
les chiens en veulent bien dansl’égail.
Les Chiens d’égail ne valent rien au
haut du jour.
K k ij
388 LE PARFAIT
Et les Chiens du haut du jour né
valent rien dans l’égail.
Chiens buttes, font quand la join-
ture des jambes de devant groffit.
La ChaiLe du rabat, eft quand on
va la nuit le long des bois avec pan-
neau pour prendre des Lapins , 8c
qu’on les pouffe avec des chiens
fecrets.
Carnage , eft une carcaffe de cheval
qu’on traîne autour des bois pour
faire venir les Loups & Renards fur
la pifte.
Chien étrufFé , eft quand il a une
cuiflè qui ne prend plus nourriture, &
qui le rend boiteux.
Chien épointé, eft lors qu’il a des
os des cuilles rompus.
Chien allongé, eft un Levrier qui a
les doigts des pieds étendus par quel-
que bleffure qui a touché les nerfs.
Eflimer un Oyfeaux au fortir de la
meuë , c’eft le purger & mettre en
eftat de voler.
Harder des Chiens courans , c’eft
en tenir cinq ou fix couplés avec une
longue leffe de crin qui prend les cinq
ou fix couplés enfemble, c’eft quand
CHASSEUR. 389
en les tient pour donner en relais.
Chafler aux battues , n’eft autre
chofe que faire le triquetrac.
Raüer, c’eft quand les Cerfs font en
rut, ils rallent.
Le Loup hurle.
Le Renard crie.
Le Fauve ralle.
Le Sanglier grumelle.
Le Chien courant appelle, & l’on
dit qu’il chafle de gueulle.
Fin des Termes .
Je ne parlerai point ici des Termes
des Chaflfeurs Sauvages , quoi que ce
foit les ChalTeurs les plus habiles fie
les plus adroits du monde , &c que
ceux qui m’ont fait le raport de leur
ChalTe me les ayent dits , parce que
leurs Termes font inconnus, fie que
nous n’en connoiffons point les ani-
maux.
Je dirai feulement que les Améri-
cains, dans la terre de Chica, font
des Geans , dont les moindres ont
douze pieds de hauteur, & qu’ils n’ont
point d’autres armes pour chalTer
390 LE PARFAIT
qu'une greffe pierre percée, Sc atta*
chée par une corde de vingt ou vingt»
cinq pieds de long attachée à leur
bras , avec laquelle pierre d'un feuî
coup ils portent par terre toute forte
d'animaux 5 qui ne leur fçauroient
échaper , parce qu'ils font d'une vi-
telle qui devance un Cerf à la courfe ,
ainfi qu’en dit Thevet Hiftoriographe
du Roi Charles IX. qui raporte avoir
veu leur maniéré d'agir pour avoir
converfé long-temps avec eux, ainfi
qu'il eft dit à la fin de ce Livre.
F 1 N.
EXTR/1IT BV
du
PA r grâce &
donné à Parisle dix-
d’Avril i6$j. Signé d’A L
fcellé du grand Sceau de
Il eft permis au Sieur J a c q^i
Espe’e de S el incourt de faire
imprimer un Livre intitulé Le parfait
Chajjfeur , pendant le temps de fix
années confecutives , à commencer du
jour qu U fera achevé d’imprimer :
Faifant defenfes a tous Imprimeurs
& Libraires de le contrefaire , mefme
d’en vendre d’impreflion étrangère, fur
peine de confifcation des exemplaires,
mil livres d’amende, dépens, dom-
mages & interefts , ainfî qu’il eft plus
au long contenu efdites Lettres de
Privilège.
Regijlre fur le Livre de la Commué
nauù des Imprimeurs & Libraires dg
ifr/J
Taris , le dixième de May iéSj.
Signé A N G OT.
Et ledit Sieur de Selincourt a cédé
fon droit de Privilège à Gabriel
Quinet Marchand Libraire, pour en
joüir fuivant 1 accord fait entr’eux.
Achevé à' imprimer pour la premier?
fois le dixiéme Inillet 1685.
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