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Full text of "Le parfait chasseur, : pour l'instruction des personnes de qualité ou autres qui aiment la chasse, pour se rendre capables de cét exercise, apprendre aux veneurs, picqueurs, fauconniers, & valets de chiens à servir dans les grands equipages. Il donne avis & enseigne aux personnes de toutes sortes de conditions, quels equipages leur font convenables, suivant la dépense qu'ils veulent faire; les manieres de rendre les pigeonnaires et les gatennes secondes; les basses courts remplies de volailles avec peu de dépense, les etangs abondans en poisson, & pour empecher les voleurs de nuit dans lesdits etangs & les garennes. Il instruit pareillement des remedes pour la guerison de toutes les maladies qui arrivent aux chiens, des moyens pour leur faire éviter la rage, & de toutes les choses les plus curieuses touchant cét exercice de la chasse, dont le lecteur pourra faire un très-grand profit."

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LE  PARFAIT 


CHASSEUR, 

POUR  V INSTRUCTION 

des  perfonnes  de  qualité  ou  autres  qui  aiment  la 
Chafle  , pour  fe  rendre  capables  de  cét  exercice 
apprendre  aux  Veneurs  Picqueurs,  Fauconniers’ 
Si  Valets  de  Chiens  à fervir  dans  les  grands 
Equipages. 

Il  donne  avis  & enfèigne  aux  perfonnes  de  toutes  for- 
tes  de  conditions  , quels  Equipages  leur  font  con- 
venables , fuivant  la  dépenlê  qu’ils  veulent  faire - 
ies  maniérés  de  rendre  les  Pigeonniers  & les  Ga- 
rennes fécondés  } les  balles  Courts  remplies  de 
Volailles  avec  peu  de  dépenfe;  les  Etangs  abondans 
en  poifl'on  , & pour  empefeher  les  voleurs  de  nuit 
dans  lefdits  Etangs  & les  Garennes. 

Il  inflruit  pareillement  des  remedes  pour  la  guéri- 
fon  de  toutes  les  maladies  qui  arrivent  aux 
Chiens , des  moyens  pour  leur  faire  éviter  la  ra<tea 
& de  toutes  les  choies  les  p us  curieulès  touchant 
cet  Exercice  de  la  Cha/Te,  dont  le  Leéicur  pourra 
faire  un  très- grand  profit. 


Par  Mr  D 


A P A R I SF 

Chez  GiBRiti  Qu  r n i t , au  Palais,  à l’entrée 
de  la  Galerie  des  Prifonniers,  à l’Ange  Gabriel. 


IN  C O 


M.  DC.  L XXX  III. 
■AVEC  PRIVILEGE  DV  ROT, 


AUX  ILLUSTRES 


CHASSE  VRS- 

2Ÿ  E longue  expérience , 
MESSIEURS  , & 
l intelligente  parfaite  que 
vous  avez^  acquis  de  ce 
noble  Exercice  de  la  Chaffe  vous 
obligera  fans  doute  d avoiier  avec 
moi , que  comme  les  chofes  de  ce 
monde  ne  font  recherchées  des  hom- 
mes  les  plus  éclaire ^ , qu  autant 
qu'elles  fervent  à leur  gloire , a leur 
utilité  ou  leur  plaifr  3 on  peut  dire 
qne  ce  fameux  Exercice  efi  préfé- 
rable à tous  les  autres  divertiffe - 
mens  , puis  qu'on  y rencontre  en 

*>i 


E P I S T R E. 

piefme  temps  ces  trois  grands  avan- 
tages . 

l'efpere  , MESSIEURS  , que 
vous  ne  me  refuferetgpas  le  fecours 
que  je  vous  demande  pour  foùtentr 
cette  vérité  , fuis  que  nous  y fom- 
mes  également  interreffe sg,  & que 
ce  noble  Exercice  de  la  chajje 
efiant  l'objet  par  le  moyen  duquel 
vous  fignalez^  journellement  votre 
courage  & votre  adrcjje  , la 
reconnoifjance  vous  engage  d au- 
tant plus  à lui  rendre  cette  jujiice, 
que  vous  lui  efies  redevables  de 
votre  gloire  & de  votre  réputation. 

Fortifiez^  donc  le  parti  des  Elo- 
ges qu'il  mérité  -,  & fout  en  erg 

avec  moi  que  t on  a eu  raifon 
de  nommer  ce  fameux  Exercice  le 
prélude  de  la  Guerre  , & l’Ecole 
oà  fe  forment  les  braves  Guerriers 
& les  Héros  -,  puis  qu'en  le  pra- 
tiquant on  acquiert  de  la  force  & 
de  l'adre/fe , & qu'un  homme  aç- 


E P I S T R Ë. 
Cotiîums  a la  C baffe  efi  incompa- 
rablement plus  propre  a fupporter 
les  fatigues  de  la  Guerre  quun 
autre  nourri  dans  la  faine antife  & 
dans  la  molefe . 

Il  n efi  pas  difficile  3 
M ESSI EVRS  , de  perfua - 
dcr  l utilité  de  ce  noble  Exercice y 
lequel  diffipant  les  humeurs  fuper- 
flues  conjerve  le  précieux  trefor  de 
la  fante  , qui  efi  le  plus  grand  de 
tous  les  biens  5 & fans  lequel  on 
ne  peut  trouver  aucun  autre  plaifir 
au  milieu  des  honneurs , & dans 
le  comble  des  ri  chef  es  3 puis  quil 
efi  vrai  que  pour  fe  bien  porter , il 
efi  neceffaire  de  faire  fucceder  tour 
a tour  le  repos  au  mouvement  5 & 
qu  un  Chajfeur  efi  moins  fujet  quun 
autre  aux  maladies  5 puis  qu  apres 
avoir  fatigué  toute  la  journée  il 
mange  avec  beaucoup  plus  dl appétit 
le  Gibier  quil  a tué,  & quil  jouit 
enfuit  e d un  tranquille  femme  iL 
a iij 


E P I S T R E. 


Il  efi  confiant  d'ailleurs  qu'on 
ne  fçauroit  ajfez^  efiimer  ce  glorieux 
Exercice  de  la  Chajfe  far  l'utilité 
qu'il  avorte  de  fournir  les  Villes 
de  Gibier 3 S"  cc’le  d'eftre  le  mo- 
tif de  la  libéralité  avec  laquelle 
les  grands  Seigneurs  attirent  che ^ 
eux  les  Gentilshommes  far  la  bonne 
chere  & leurs  bonnes  tables  qui 
entretient  l'union  & la  focietè , 
avec  leurs  voifins  5 on  tombera 
d'accord  que  les  intelligens  & 
illufires  Chaffeurs  comme  vous 
cfies  peuvent  tirer  un  revenu 
confiderable  dans  leurs  terres  , 
bois  & marais  au  paffage  des 
Ortolans  & des  Cailles  , par  les 
tentes  à Beccaffes  & Par  hs  Ca- 
nardieres. 


Après  cela , M ESSIEVRS,  je 
dirai  touchant  le  plaifirde  la  Chajfe 
qu'il  l'emporte  au  deffus  de  tous  les 
autres  divertiffemens  , & qu'il  ne 
laife  rien  à defirer  , puis  que  la 


E P I S T R E. 

veuë  fe  trouve  fatisfaite  , confide- 
rant  les  campagnes  (fi  les  déli- 
cieux p aï f âge  s qu'on  parcourt  en 
peu  de  temps  , le  bruit  des  Cors 
qui  excite  le  courage  & la  fierté 
des  Chevaux  & l' aboyement  des 
Chiens  remplirent  l’oreille  d'un  fon 
agréable  j & jofie  afiurer  que  l'ef- 
prit  avec  les  fiens  partage  cet  agréa- 
ble divertijjement  , lors  quel  confi- 
ât re  les  rufes  dont  fe  fert  la  Bète 
que  les  Chiens  pourfuivent  pour  con- 
ferver  fa  vie  qui  donnent  occafion 
d admirer  les  effets  de  l' infiinci 
qui  la  guide  (fi  lui  fait  imiter  la 
raifon  , qui  n'efi  refervée  qu'à 
l'homme. 

lugeg',  MESSIEURS,  fi 
on  peut  s' ennu'ier  dans  une  fi  grande 
variété  de  plaifirs  innocens  que  ce 
noble  Exercice  excite.  Avouez^  avec 
moi  qiiil  efl  ennemi  de  la  mélan- 
colie, qu'il  fait  naître  la  joye  (fi 
la  liberté  de  l’ efprit  , (fi  qu'on  ne 


E P I S T R E. 

le  fiauroit  affez^  eflimer  fi  l'on  fait 
réflexion  qu'il  s'eft  rendu  digne  de 
l'occupation  des  plus  grands  Saints 
& celle  des  plus  iüuftres  Perfon- 
nages  de  l antiquité. 

le  finis , MESSIEURS,  en 
vous  conjurant  de  ne  confiderer  en 
ce  petit  difcours  que  l'affetlion  que 
j' 'ay  pour  la  gloire  de  ce  noble  Exer- 
cice de  la  Chajfe  , dans  l’efperance 
que  vous  excuferez^  les  fautes  que 
j'y  ay  commises  , & que  vous 
agreerez^  la  forte  patjîon 3 avec  la - 
quelle  je  fuis  tout  à vous. 


PREFACE- 

E s Auteurs  qui  ont  fait  des 
Livres  de  Chafîe,  8c  qu'ils 
ont  amplifié  de  trop  de  ma- 
tières inutiles % ont  fait  adés 
voir  qu’ils  ont  eu  plutôt  intention 
de  divertir  & réjouir  les  Le&eurs  ; 
que  de  les  inftruire  , & qu’ils  ont  plus 
travaillé  fur  de  foibles  & de  faux 
mémoires  que  par  des  expériences,  puis 
qu’ils  ont  groiïï  leurs  Traités  de  plu- 
fieurs  chofes  qui  ne  regardent  ni  l'art 
ni  la  fcience  de  bien  ChalTer. 

Il  n’y  a rien  de  plus  aifé  que  de 
paroître  fçavant  Chafleur  par  les  pa- 
roles ; mais  il  eft  très-difficile  de  l'ê- 
tre en  eff-t  ; & fi  les  actions  de  la 
ChafTe  ne  font  conduites  8c  fecourues 
par  de  longues  expériences  , ou  du 
moins  par  des  imprefltons  tres-preci- 
fes  8c  fi  claires  qu'elles  ne  laiffent  au- 
cun doute  dans  les  efprits , ils  ne  par* 


PREFACE. 

viennent  jamais  à une  grande  per- 
fection. Le  dire  & le  faire  font  fi 
éloignés  de  cet  Art , qu’on  voit  peu 
de  beaux  & grands  parleurs  y pafler 
pour  Maîtres. 

L'a&ion  feule  accompagnée  de  ju- 
gement & de  retenue  fait  juger  du 
fçavoir  du  bon  Chafleur. 

Sur  ce  principe  reçu  de  tous , l’on 
peut  dire  qu'il  eft  mal  aifé  de  tirer 
de  bonnes  inftruéfcions  des  Livres  de 
ChalTes  ornés  & groflîs  de  matières 
inutiles  &c  pleins  d'omiflïons  de  cho4 
fes  neceilaires  & eflentielles. 

J'en  ay  remarqué  par  tout  de  fi  im4 
portantes,  que  cela  m’a  engagé  de 
réduire  en  ce  petit  Traité  ( veu  la 
beauté  & lanob'efie  du  fujet)  toutes 
les  Chafies  neceflaires  avec  une  mé- 
thode fi  facile  pour  toutes  fortes  de 
conditions,  que  ceux  qui  s’v  voudront 
occuper  trouveront  dequoi  fe  fatis- 
faire  , foit  pour  la  dépence  des  équi- 
pages , foie  pour  l’épargne  & le  mé- 
nage qu’on  y voudra  faire. 

Le  plaifir  de  la  Chafie  a efté  de 
tout  temps  fi  commun  à toutes  les 
Nations  , & à tous  les  Peuples  de  la 


PREFACE. 

terre  , & a tellement  poiïedé  les  ef- 
prits  des  hommes,  que  Ton  pourroit 
raifonnablement  croire  que  c’eft  une 
qualité  naturelle  comme  adhérante  à 
leur  propre  nature.  Son  antiquité 
femble  en  eftre  la  preuve  , puis  que 
les  premiers  hommes  s’y  font  tou- 
jours exercés  ; que  les  plus  Grands 
s’y  font  toûjours  divertis  j que  les 
Rois  mefmes  en  ont  fait  leurs  plus 
familiers  plaifirs  , & que  les  plus  fau- 
vages  n’ont  point  d autre  occupa- 
tion. 

Et  pour  dire  le  vrai , quand  le  pre- 
mier Homme  fur  déchu  de  la  grâce 
par  fa  defobeïflance,  au  mefme  inftant 
toutes  fortes  de  joye  l’abandonne- 
rent,  & fa  nature  fut  tellement  fou- 
rni fe  aux  incommodités  d’une  vie  la- 
bo rieufe  , qu’il  ne  lui  refta  plus  aucune 
marque  du  premier  bon- heur  où  il 
avoit  été  conftitué , que  la  préémi- 
nence de  prédomination  qui  lui  avoit 
été  donnée  fur  tous  les  animaux  de  la 
terre  ; & femble  qu’en  ce  miferable 
état  réduit  à vivre  à la  fueur  de  fou 
corps  , il  falut  de  neceflité  que  la 
Chafie  fut  fon  unique  confolation , 8c 


PR  EF  A CE. 

le  feul  plaifir  qu'il  pût  prendre  pour 
divertir  le  temps  de  fon  oyfiveté  , 
pour  deux  rations  principales  : l'une 
pour  maintenir  cette  fuperiorité  & 
cette  domination  fur  les  animaux, 
dont  il  avoit  été  honoré  dans  fon 
état  d’innocence , & Pautre  pour  fe- 
courir  fa  vie  de  chercher  dequoi  s’a- 
limenter. 

Auffi  voyons  nous  dans  les  Livrés 
fàcrés  que  les  premiers  Hommes 
étoient  Chafieurs,  êc  leurs  fuivans* 
comme  Samfon  qui  brûla  les  bleds 
des  Philiftins  par  le  fecours  des  Re- 
nards qu’il  prenoit , leur  attachant  des 
fhmbleaux  ardens  à la  queue  , & les 
laifTànt  courir  à travers  de  leurs  bleds» 

Que  David  alloit  à la  Charte  des 
bêtes  qui  attaquoient  les  troupeaux 
de  fon  pere  , & qu’il  chartoit  les 
Cerfs , puis  qu’il  a (Pure  que  ces  ani- 
maux cherchent  Peau  quand  ils  font 
fuivis. 

Que  les  enfans  d’Ifraël  chartoient 
dans  le  defert , & que  les  anciennes 
hiftoires  font  foi  que  la  Charte  étoic 
le  plaifir  des  Rois  & des  Princes  , & 
qu’en  ce  fiecie  tous  les  Rois  & Po- 


PREFACE. 

tentats  n’ont  point  de  plus  familier 
divertidement. 

Cette  confideratiôn  jointe  à la  fanté 
que  1 on  rencontre  dans  cet  exercice, 
de  à la  joye  qu’elle  produit  qui  eft  un 
prefervatif  contre  les  defordres  que  la 
pareife , le  repos  & le  manque  d’exer- 
cice caufe  dans  la  fanté,  jointe  à la  ré- 
création qu’on  y prend  Sc  toutes  les  uti- 
lités qui  en  proviennent,  m’a  engagé 
à faire  une  defeription  generale  de 
toutes  les  Chaflès  qui  fe  pratiquent,  Sc 
qu’on  peut  faire  dans  toutes  les  parties 
de  l’Univers,  & la  diverfiré  des  Pais 
qui  y font  contenus,  afin  que  chacun 
en  particulier  puiflTe  choifir  celles  qui 
çonviennent  le  plus  à fou  âge  , à fes 
forces  Sc  à fes  commodités,  & à l’e- 
xercice qui  lui  peut  eftre  neceiTaire 
pour  maintenir  la  bonne  difpofition 
de  fon  tempérament. 

Et  comme  toutes  les  a étions  hu- 
maines n’ont  pour  but  que  le  plaifant, 
l'utile  & le  neceiTaire  , ainfi  que  j’ay 
montré  ci-devant  par  de  petites  Ta- 
bles, j’ay  crû  que  cet  Ouvrage  pour- 
toit  eftre  agréable  au  public,  puis  qu’il 
contient  amplement  ces  trois  chofes. 


PREFACE. 

Au  refte  j’invite  la  jeuneiïè  & tous 
les  grands  Seigneurs  de  Cours  Souve- 
raines de  s’adonner  à cet  exercice  , 
fuivant  les  foibles  inftruétions  & ob- 
fervations  que  j’ay  faites  durant  foi- 
xante  années  que  j’ay  été  nourri  au- 
près d’un  grand  Roi  qui  a parfaite- 
ment aimé  toutes  les  Chafles  , aux- 
quelles il  a reliffi  fi  admirablement 
bien,  les  ayant  toutes  pratiqueés  fi 
royalement , que  lefeul  récit  d’icelles 
caufe  de  l’admiration  à tous  ceux 
qui  en  entendent  feulement  parler. 

Enfin,  la  Chafle  , 1 amour  & la 
guerre  font  les  vrais  véhiculés  à porter 
les  efprits  genereux  à toutes  les  gran- 
des a étions  , & les  rendre  capables 
d’en  fupporter  les  travaux. 


TABLE 

DES  CHAPITRES 

contenus  en  ce  Livre. 

Ch ap,  I.  T'N  E la  Chajfe  aux  Cerfs 3 
U page  I 

Chap.  II.  De  l'Ordre  donné  quand  le 
Roy  court  le  Cerf.  p . 

CHAr.  III.  Du  laijfer  courre . p.  -j 
Chap.  IV.  Comme  il  faut  parler  aux 
Chiens.  p9 

Chap.  V.  Comme  il  faut  fonner  du 

_ C°r.  p.  n 

Chap.  VI.  “De  la  maniéré  de  fonner 
des  anciens.  pi  ^ 

Chap.  VII.  Comme  il  faut  aller  au 
bois  en  tout  temps , & de  la  de. 
meure  des  Cerfs.  p-  20 

Chap.  VIII.  Tes  connoijfances.  p.2# 
Chap.  IX.  Des  rufes  quand  ils  font 
courus.  p>  39 

Chap.  X.  Comme  il  faut  requefter  les 
c"fi-  P.  +7 


TABLE 

C HAP.  XI.  Du  naturel  des  Cerfs  & de 
leur  rut.  P-  53 

Chap.  XII.  Des  Chiens  qu'il  faut  four 
courre  le  Cerf  p.  j6 

Chap.  XIII.  Des  équipages.  p.  61 

Chap. XIV.  Comme  il  faut  nourrir  les 

Chiens  François.  p.  é$ 

Chap.  XV.  ZV  la  Chajfe  du  Chevreuil. 
p.  6S 

Chap.  XVI.  De  la  Chajfe  du  Loup'. 
P-  75 

Chap.  XVII.  De  la  Chajfe  du  San - 
glier.  p.  7 S 

Chap.  XVIII.  De  la  Chajfe  du  Re- 
nard. p.  S 4 

Chap. XIX.  De  la  Chajfe  du  Lievre 
aux  Chiens  cour  an  s.  p.  9 9 

Chap.  XX.  Des  rufes  du  Lievre , tant 
a fe  gifler  qu"a  fe  fauver.  p.  119 
Chap.  XXI.  De  la  Chajfe  des  Lévriers. 

p.  i?4 

Chap.  XX II.  De  la  Levreterie.  p.  159 
Chap.  XX1I1-  Delà  Chajfe  des  Tajfets. 

P- >53  » _ . 

Chap. XXIV. Te  laFauconnene.p.169 

Chap.  XXV.  Q>fl  traite  de  toutes  les 
Chajfes  qu’on  peut  faire  avec  les 
filets.  P*  19  <5 

Des 


DES  CHAPITRES. 

Tes  Etangs  y & de  leur  conferva - 
tion. 

Des  Garennes . 

De  leur  multiplication  & conferva- 
tion . 

Des  Oyfeaux  de  viviers  & canard 
diers. 

Des  Garennes „ 

Des  Pigonniers . 


Fin  de  la  Table* 


TABLE 


Des  quatre  maniérés  differentes 
qui  fe  pratiquent  pour  toutes 
les  Chafles. 

A force. 

IL  n’y  a que  les  François , les  An- 
glois  &c  les  Polonois  qui  courent 
le  Gibier  à force  avec  des  équipages 
de  Chiens  courans. 

Avec  Chiens . 

Courans. 

François. 

Anglois. 

De  race  Royale. 

Baubis. 

Bigles. 

Trouveurs. 


DES  CHASSES. 

Pour  Cerfs , 

Chevreüils. 

Lièvres. 

Loups. 

Sangliers.1 

Renards. 

Bievres. 

Foynes. 

Par  François, 

Anglois. 

Polonois, 

Avec  Meutes. 

Et  équipages  de  Chiens  courans , & 
de  Valets  entretenus. 

Aux  Lévriers . 

Il  n y a que  les  Nobles  aufqueb 
cette  Chafîe  eft  permifê. 

H 

Pour  Lievres. 

é ij 


table 

pour  Loups. 

Renards. 

Sangliers. 

Avec  Vuautrais. 

Qui  font  compofés. 

Par  Lévriers  d’attache  & Meute  de 
Chiens,  & équipages  entretenus. 

A l'Arquebufe . 

Les  Aüemans  & les  Italiens  & les 
Efpagnols  ne  font  que  des  Chaffes 
meurtrières  aux  battues,  tiiquetracs5  à 
larquebufe  &:  aux  filets. 

Aux  Chiens. 

Couchans. 

Braques. 

Epagneux. 

Barbets. 

Baflets* 


DES  CHASSES. 

Pour  routes  fortes  d’ O y féaux  & 
Quadrupèdes,  grands  & petit:. 

Par  toute  l’Europe  , & fur  tout  par 
les  Allemans  qui  ne  font  que  des 
Chafles  meurtrières. 

Au  Triquetrac  ou  battues,  àl’afTùft,' 
& à routailler. 

Aux  Filets . 

La  Chafle  aux  filets  eft  plus  en  ufage 
en  Allemagne  & Italie  qu’en  aucuns 
lieux  de  l’Europe , c’eft  la  Chaflè  des 
Grands  en  ces  lieux. 

En  France  & en  Angleterre  l’on 
chafle  plus  noblement  ; il  n’y  a que 
les  roturiers  qui  chaflent  aux  filets  en 
cachette,  parce  qu’elle  eft  défendue. 

Aux  Ailiers. 

Panneaux. 

Retz. 

Bricolles. 

Thoiles, 


Collets. 

Piégés. 

Broyons. 

JPour  La  fins. 


Lievres. 

Perdrix. 

Cailles. 

Becca  fines.' 

Fayfans. 

Gelinotes. 

Oyfeaux  de  paffage. 
Alloüettes. 

Perdrix  rouges. 
Coqs  de  brieres. 
Beccafles. 

Bêtes  puantes. 


Dans  les  Bois . 


Dans  les  grains* 
Aux  marais. 


DES  CHASSES. 

Aux  tentes  l'hyver. 

Aux  Furets. 

Aux  amorces  pour  tous 
O y (eaux  comme  Perdrix. 
Plouviers. 

Vanneaux,  foit  aux  bois,  foi* 
en  campagne. 

Toutes  ces  Chaflès  fê  font  ordinaire* 
ment  par  des  Valets , ou  perfonnes 
privées  par  toute  l’Europe , mais  prin« 
cipalement  aux  pais  du  Nort. 

La  Pefche. 

Se  fait  par  tout  en  l’Europe  «le 
mefme  façon  , à fçavoir» 

En  la  Mer. 

Aux  Lacs. 

Aux  Etangs. 

Aux  Rivières. 

Aux  canaux  & refervoirs; 

Par  Sables. 

Tremails. 

yergueils  & Eperviers:  ' 


TABLE 


Par  Matelots  & Pécheurs 
d’eau  douce. 

Par  la  permiflion  en  la  Mer , & 
®ux  eaux  douces  par  la  permiflion 
des  Seigneurs  fur  l'étendue  de  leurs 
Seigneuries. 

Des  Vicomtes. 

Où  il  y a des  Vicomtés  établies? 


table; 


TABLE 


GENERALE  DES  NOMS 
de  tous  les  Chiens  propres 
à la  ChaiTe. 

Les  Chiens  courans 

C Haffent  par  la  force  de  l’odorar, 
il  y en  a de  plufieurs  fortes , à 
fçavoir. 

Chiens  François  de  trois  fortes  « à 
fçavoir.  9 

De  race  Royale. 

De  race  commune. 

De  race  niellée. 

De  petite  race. 

De  BafTets. 

La  race  Royale  eft  pour  le  Cerf. 

La  commune  eft  pour  le  Chevreîii!5 
pour  le  Loup  & pour  le  Sanglier. 

La  méfiée  pour  le  Lievre, 

a 


TABLE 

La  petite  pour  le  Lievre. 

Les  BaiTets  pour  le  bois  & pour  terre? 

Chiens  Anglais 

Sont  de  race  Royale  pour  Cerfs  ; 
Daims  & Cuevreiiils. 

Les  Baubis , font  pour  Lievre  , Re- 
nards & Sangliers. 

Les  Bigles,  font  pour  le  Lievre. 

Les  plus  petits  Bigles  , font  auflï 
pour  le  Lievre  & pour  chafler  Lapins 
fur  bois. 

Les  Lévriers 

Sont  de  quatre  fortes,  & chaHent 
tous  de  vitelïe  & non  de  1 odorat. 

Les  plus  nobles,  font  pour  le  Lievre. 

Les  meilleurs  pour  le  Lievre , font 
en  France,  en  Angleterre  & en  Turquie. 

Les  plus  grands  font  pour  courre  le 
Loup  , le  Sanglier  & le  Renard  , Sc 
toutes  groiîès  bêtes  aux  accous. 

Les  plus  grands  viennent  d’Irlande  & 
d’Ecoffè. 

Les  plus  furieux  font  en  Scythie 
pour  garder  le  beftial. 

Il  y a en  France  de  grands  équipa- 


DES  CHASSES. 

ges  , & quantité  de  ces  Chiens  entre- 
tenus pour  courre  le  Loup , Se  mefme 
une  charge  de  grand  Louvetier. 

Il  y a encore  un  grand  équipage  en- 
tretenu pour  courre  le  Sanglier,  que 
Ton  appelle  le  Vaultrait  , avec  une 
charge  pour  la  commandera 

Les  petits  Lévriers . 

H y en  a de  deux  fortes  , qui  font: 
pour  courre  les  Lapins. 

Les  uns  font  Angîois  , les  autres 
Efpagnols  5e  Portugais. 

Les  Anglois  font  de  très  petite  race, 
fort  beaux  & ne  courrent  que  les 
Lapins  aux  garennes. 

La  Charge  de  grand  Veneur . 

En  France  eft  la  plus  confiderable 
de  toutes  , parce  que  fon  pouvoir 
s’étend  par  tout , Se  que  lui  feul  doit 
rendre  compte  au  Roy  de  toutes. 

Les  Efpagnols  & Portuguais  font 
plus  grands  3 ils  fe  nomment  Charnai- 
gres5ils  chaffent  de  gueule,  ils  rident. 
Se  forcent  les  Lapins  dans  les  brouf- 
failles. 


TABLE  DES  CHASSES, 

Les  Chiens  de  l' Arquebufe 

Sont  appliqués  à plufieurs  Chaffes. 

Les  Chiens  couchans  , font  Braques 
<|ui  arrêtent  tout,  chaffent  de  haut 
nez  , les  meilleurs  font  d’Efpagne. 

Les  Efpagnols  font  pour  les  Oyfeaux, 
chaffent  le  nez  bas , & fuivent  par  le 
pied. 

Les  Griffons 

Chaffent  le  nez  haut,  arrêtent  tout 
8c  chaffent  auffile  nez  bas * 8c  fuivent 
par  le  pied  mieux  que  tous  les  autres 
parles  chaleurs,  les  meilleurs  viennent 
d’Italie  8c  de  Piémont. 

Les^Barbets  frifez  8c  à demi-poil 
fuivent  tous  par  le  pied , chaffent  le 
nez  bas  quand  le  gibier  fuit,  8c  quand 
il  demeure  chaffent  le  nez  haut  8C 
l’arrêtent,  ils  chaffent  fur  terre  &dans 
Peau  , leur  principale  nature  eft  de 
rapporter  , ils  font  rudes  au  gibier  3 
iesfrifés  plus  que  les  autres  , mais  tous 
font  les  plus  fideles  Chiens  du  monde* 
8c  qui  ne  veulent  connoître  qu'un  Mai- 
tre,  & ne  le  jamais  perdre  de  veiië. 


I 


LE  PARFAIT 


CHASSEUR. 


CHAPITRE  PREMIER. 

De  la  -Chajfe  du  Cerf. 

B’Â  u t a n T que  la  ChafTe 
du  Cerf  eft  Royale  , les 
Grands  fe  la  font  particu- 
lièrement refervée , défen- 
dant expreffément  à toutes  perfonnes 
de  la  faire  que  par  leur  permiffion  t 
& les  Rois  de  France  en  étoient  fi 
curieux  .,  que  dans  toutes  leurs  Pro- 
vinces ils  avoient  créés  des  Charges 
de  Rechafïëiü  s de  bêtes  fauves , qu’ils 
•donnoientà  des  Gentilshommes  vieux 

A 


i LE  PARFAIT 

Chaflêurs  , avec  des  gages  pour 
nourrie  chez  eux  des  Chiens  cou- 
rans , qui  ne  fervoient  que  pour  re- 
pouffer  les  bêtes  écartées  aux  buif- 
fons  jufques  dans  les  Forefts  -,  & les  y 
ayant  rechaffées,  ils  dévoient  rompre 
leurs  Chiens  à l’entrée. 

Les  Grands  étoient  fi  curieux  de 
cette  chafle  , qu’ils  fe  piquoient  d a- 
voir  à l’anvy  les  plus  beaux  équi- 
pages Se  les  meilleurs  connoiffeurs , 
prenoient  un  fingulier  plaihr  aux 
rapports  les  plus  juftes  que  leur  fai- 
foient  ceux  qu’ils  envoyoient  aux 
bois,  Se  tenoient  en  grande  eftime 
parmy  eux,  ceux-là  qui  reüfftffoient 
le  mieux  en  leurs  rapports.  Ils  leur 
faifoient  l’honneur  de  biffer  courre 
plus  Couvent  que  les  autres  : ce  qui 
caufoit  entr’eux  des  jaloufies  & des 
émulations  de  fe  rendre  les  plus  fça- 
vans  en  cét  Art , jufqtfau  point  de 
rendre  compte  de  tout  ce  qui  fe  pou- 
voit  rencontrer  dans  leurs  enceintes  , 
lorsqu’ils  alloient  aux  bois.  Et  vé- 
ritablement c’étoit  le  premier  plaihr 
que  les  Grands  recevoient  en  cette 
Chaffe,  5c  d’examiner  les  rapports  de 


CHASSEUR.  5 

ceux  qui  avoient  approché  le  plus 
près  de  la  vérité  lors  qu’on  laifloit 
courre  : Car  il  eft  à remarquer  qu’on 
ne  le  faifoit  jamais  que  du  Limier  j 
8c  y eut-il  vingt  bêtes  en  une  encein- 
te , 8c  qu’elles  fulTent  forties  tou- 
tes l’une  après  l’autre  , perfonne 
ne  difoit  mot  jufqu’à  ce  que  le  Cerf 
détourné  fût  donné  par  le  Veneur 
qui  en  avoir  fait  fôn  rapport. . 

Il  eft  à remarquer  que  nul  ne  peut 
faire  aucun  rapport  directement  au 
Rov,  qu’étant  prefenté  par  le  Grand 
Veneur,  ou  en  fon  abfence  par  quel- 
que Officier  de  la  Vennerie  , qui  pre- 
fente  ceux  aufquels  les  quelles  ont 
rfté  diftribuées  pour  aller  aux  bois  le 
foir  auparavant , qui  faifant  leur  rap- 
port, doivent  ufer  toujours  du  ter- 
me de  : Je  me  croy  avoir  détourné  on 
un  Dagues,  ou  un  jeune  Cerf  à fa  pre~ 
miere , ou  fécondé  , ou  troifiémc 
ou  un  Cerf  de  dix  corps  jeunement  * on 
un  Cerf  de  dix  corps  , ou  un  uieux 
Cerf , ou  un  grand  vieuÆ Cerf 
Celuy  qui  fait  le  rapport  doit  avoir 
levé  des  fumées,  8c  les  prefenter.  Iî 
doit  dire  s’il  y a quelque  connoiflance 

A ij 


W- 

LE  PARFAIT 

au  Cerf  qu'il  a détourné  ; s'il  a le 
pied  long,  ou  rond,  courant  partons 
pais  -,  parce  que  ces  derniers  font  de 
grande  force  , Sc  fouvent  s'en  vont 
de  hautes  erres  fans  prendre  de  relais, 
n'ayant  aucunes  refuites  affe&ées,  & 
fe  fians  fur  leurs  forces.  C'eft  pour- 
quoy  quand  il  fe  fait  un  rapport  pa- 
reil , les  Veneurs  &c  Piqueurs  doivent 
toujours  prendre  le  meilleur  de  leurs 
Chevaux,  faire  leur  Meute  plus  forte 
8c  donner  leurs  plus  fermes  Chiens- 
parce  qu'il  arrive  le  plus  fouvent  que 
le  Cerf  fe  fait  prendre  au  bout  de 
tres-îongues  refuites  fans  prendre  de 
relais.  Mais  auffi  ne  doit- on  pas 
manquer  de  donner  ordre  à quelque 
relais  de  fuivre  la  Chafle  autant  que 
faire  fe  pourra  , pour  en  cas  de  quel- 
que retour , avoir  le  temps  de  donner 
des  Chiens  , & changer  de  Che- 
vaux, s'il  fe  peut. 

Ce  qui  fe  peut  faire  dans  les  païs 
de  buiiTons  feparez  : mais  dans  de 
grands  fonds  de  Forêts  Sc  dans  de 
tres-grandes  fuites,  c’eft  hazard  qu’ils 
puiftent  joindre;  neanmoins  il  ne  faut 
rien  négliger. 


CHASSEUR. 


5 


CHAPITRE  I I. 


JDe  l'ordre  qui  ejl  d,onnè  quand  lê 


Roy  veut  courre  le  Cerf. 

U and  le  Roy  veut  courre  le 


Cerf , le  foir  à fon  coucher  il  en 


donne  Tordre  à fon  Grand  Veneur  5- 
qui  départ  les  quelles  à ceux  qui  doi- 
vent aller  aux  bois  aux  quartiers  où 
le  Roy  veut  courre. 

Le  matin  les  Veneurs  vont  chacun 
à leurs  quelles,  fuis  entreprendre  les 
uns  fur  les  autres  • ce  qui  fe  marque 
par  des  brifées  qu’ils  jettent  : &c  là 
où  ils  en  rencontrent , ils  ne  doivent 
point  palfer  outre  , 8c  doivent  retour- 
ner dans  leurs  quelles.  Si  T un  ren- 
contre un  Cerf  qui  fort  du  bois  ou 
qui  rentre  dans  un  autre , en  ce  ren- 
contre il  ne  faut  point  que  la  joloufie 
des  Veneurs  caufe  aucun  defordre  j 
& faut  qu’ils  prennent  bien  garde  que 
le  Cerf  ne  foit  lancé  ou  qu’il  ait  le 
vent  du  trait  a de  peur  qu’il  ne  s’en 


A üj 


é LE  PARFAIT 

aille  de  hautes  erres  3c  qu  il  ne  foit 
point  couru. 

Le  Grand  Veneur  doit  défendre  ces 
fortes  de  jaloufies  , 3c  qu'en  ces 
rencontres  chacun,  au  lieu  de  nuire, 
ayde  à fon  compagnon , 3c  tienne 
fbn  Chien  fort  court,  s'unifiant  pour 
bien  détourner  , 3c  faire  un  bon  3c 
commun  rapport  • 3c  fur  tout  de  pren- 
dre bien  garde  par  ou  l'on  fe  retire, 
de  peur  de  contrepied.  Et  comme  il 
n’y  a rien  de  trop  certain  dans  ce  mé- 
tier, principalement  dans  les  grandes 
fecherefies , il  faut  tenir  pour  maxime 
pour  bien  détourner  , que  les  plus- 
courtes  enceintes  font  les  meilleures , 
principalement  és  païs  abondans  en 
bêtes  : car  dans  ces  lieux , és  grandes 
enceintes  il  y a toujours  du  defordre 
au  lancer. 


CHASSEUR.  7 

îfcfâ? 

CHAPITRE  III. 

Bu  laijjer  courre , 

Auparavant  que  de  frap- 
per aux  brifées  quand  les  rap- 
ports font  faits  , on  fepare  les  Chiens 
en  !a  Meute , la  vieille  Meute,  les  fix 
Chiens,  ou  plus  h l’on  veut,  & les 
relais  que  l’on  envoyé  par  tout  aux 
lieux  où  les  refuites  des  Cerfs  font 
connues,  , 

Eft  à remarquer  qu’aux  Châties  ré- 
gulières perfonne  ne  doit  porter  trom- 
pes , ni  fonner , ni  parler  , ni  palier  les 
Piqueurs  fans  permifïion, 

je  ne  particularité  rien  des  aflem- 
blées,  parce  qu’elles  font  diverfes  , 
félon  la  volonné  des  Grands  : Mais 
il  faut  dire  que  c’eft  un  rendez-vous 
marqué  , où  tous  les  Veneurs  8e 
Chalîeurs  fe  doivent  rendre  & duquel 
on  part , pour  faire  partir  les  relais, 
8c  aller  au  laifler  courre. 

(Quand  le  Veneur  à receu  l’ordre  de 
A iüj 


8 LE  PARFAIT 

frapper  aux  brifées , il  prend  fon  Li- 
mier  de  marche  devant  toute  la  trou- 
pe droit  a fa  brifée  , de  pouflfe  fes~ 
voyes  jufqu’au  lancer  ; puis  il  fonne 
deux  ou  trois  coups  de  trompe  quand 
il  a lance  fan  Gerf.  Si  quelqu'un  le 
void,  il  crie  ta  hiau>  de  fon  donne 
les  Chiens  r ce  qui  ne  fe  doit  jamais 
faire  que  le  Veneur  n'ait  dreifé  les 
voyes  de  fonné  »,  parce  que  les  Cerfs 
de  dix  corps  ont  ordinairement  un 
jeune  Cerf  qui  les  accompagne,  que 
l'on  appelle  l'écuyer  de  que  fi  l'on 
n’y  prend  bien  garde  , le  vieux  Cerf 
détourné  en  donne  le  change:  C'eft 
pourquoy  il  faut  agir  avec  bien  de  la 
retenue  dans  le  commencement,  pour 
fuivre  le's  enfeignemens  de  cette  ma- 
xime qui  dit  , Qu'un  Cerf  bien  donné 
aux  Chiens  ejl  a demy  pris.  Je  ne  di- 
ray  point  icy  de  quels  termes  de  de 
quels  cris  il  faut  ufer  pour  parler  aux 
Limiers  en  frappant  aux  brifées;  ce- 
la fe  verra  dans  la  fuite,  au  Chapitre 
Du  fonner  du  Cor , & du  parler  des 
Chiens . 


CHASSEUR. 


9 


CHAPITRE  IV. 


Comme  il  faut  parler  aux  Chiens 


quand  ils  chaffent . 


N Cerf  eff  donné  aux  Chiens, 


ou  du  Limier  , ou  à la  troflë 


faute  de  l’avoir  détourné.  Quand  ce- 
la arrive  il  ne  faut  donner  que  trois 
ou  quatre  Chiens  fages  qui  ne  veu- 
lent que  du  Cerf,  8c  leur  parler  en 
ces  termes  quand  ils  le  rencontrent  : 
HaCadau  ! ha  Rombaitt  ! qu  eft  -ce  la 
donc  ! voit  là  dy.  Si  les  Chiens  fe  ré- 
chauffent.- Ha  bellement  Mar  faut ; beL 
lement , que/ï-ce  la  donc}  tout  beau], 
bellement  y tout  beau  • Et  faut  fort  te- 
nir les  Chiens  en  crainte  par  des  tons 
de  voix  hautains  qu’ils  ayent  accoû- 
tumé  d’entendre  -,  8c  quand  ils  lancent 
il  faut  crier , Holà  hé , bellement , tout 
beau,  garde  là , tout  beau . S’ils  con- 
tinuent à challër  , 8c  que  ce  foit  des 
Chiens  feurs , il  faut  pouffer  fans  cha- 
leur, criant  toujours.  Ha  tout  bed^ 


10  LE  PARFAIT 

ment  , tout  beau  , jufques  à ce  que 
Fon  ait  revû  ; 8c  quand  l’on  eft  allu- 
re 9 il  faut  fonner  deux  ou  trois  tons 
de  grêle , &:  réjoüir  les  Chiens  d’une 
voix  hautaine  , difant  • Ha  il  Ven  va 
ld>  il  s'en  va  la  , ha  il  s'en  va  la , ha 
la  ly  y U sen  va  la  -y  puis  il  faut  do n- 
ner  tous  les  Chiens  de  Meute. 

Dans  le  commencement  il  faut  bien 
prendre  garde  de  trop  échauffer  les 
Chiens  -y  car  ils  ont  déjà  de  l’ardeur 
d’avoir  attendu  qu’on  leur  ait  donné 
la  liberté  : 8c  c’eft  dans  ce  comman- 
dement qu’un  Cerf  de  dix  cors  don- 
Be  le  change  de  fon  écuyer  : c’efl 
pourquoy  avec  beaucoup  de  défiance 

11  faut  plus  écouter  que  parler. 

£T; Quand  la  Chafie  continué,  il  faut 
fonner , comme  il  fera  dit  incontinent, 
& parler  aux  Chiens  par  intervalle,, 
baufîant  la  voix  d’un  ton  clair  8c  hau- 
tin  : Ha  s'en  va  la  , s'en  va  la.  ha 
s'en  va  la,  il  s'en  va,  Chiens,  il  s'en  va* 
S’il  arrive  quelque  retour,  & que  les 
Chiens  fe  raifent  , il  faut  que  le 
principal  V eneur  crie:  H ourvary,  hour± 
vary,  hourvary  : Et  quand  ils  repren- 
nent le  retour  il  faut  fonner  deux 


CHASSEUR.  n 

tons  de  grêle  , & parler  au  Chien 
qui  l’a  trouvé  le  premier , & luy  dire: 
Ha  Gerfaut,  il  s'en  va,  il  s’en  va  Ger- 
faut , s’en  va  là , s’en  va  là.  Et  quand 
il  arrive  un  grand  retour  , ou  un  de- 
faut , il  faut  parler  l’un  après  l’autre 
à tous  les  Chiens,  en  les  nommant: 
Ha  Gerfaut,  heurvary,  ha  Cadaut , ha 
%ombaut,  ba  Marpaut,  hourvary.  Si 
quelqu’un  d’eux  en  reprend  , il  faut 
■s’écrier  : Voilà  Gerfaut , dy  bellement . 
S’ils  ne  difent  rien  , il  faut  fouvent 
répéter , taille- là  . lai  lie  la,  &c  reque- 
ter  tant  qu’on  redreffe  les  voyes  : & 
quand  cela  arrive  il  faut  rejoüir^  les 
Chiens , les  nommant  l’un  apres  l’au- 
tre, en  difant  : Ha  s’en  va  là  Joü’l- 
laut , s'en  va  là  Parant , s’en  va  là 
Renfort. 


CHAPITRE  V, 

Comme  il  faut  former  du  Cor  étant 
à la  Chajfe. 

ENsuxte  du  parler  aux  Chiens , 
il  faut  faire  voir  comme  on  doit 
fonner  du  Cor  pour  ne  point  brouil- 
ler les  Chiens , & pour  leur  donner 
la  Connoiilânce  de  ce  que  l’on  defire 
d’eux,  félon  les  occurrences  qui  ar- 
rivent en  chaflânt  ; lefquelles  font  de 
telle  importance,  que  le  plus  fouvent 
1 on  manque  la  bête  pourfuivie  faute 
de  ne  s’entendre  pas  ^principalement 
dans  le  change  , étonrdiifant  les 
Chiens  par  les  diverfes  maniérés  dont 
l’on  fonne  à prefent,  contre  tout  or- 
dre & toute  raifon, 

La  Chalfe  du  Fauve  doit  avoir  un 
certain  ordre  étably,,  qu’il  n’eft  ni 
Bien-feant , ny  permis  d’outre-pafler  : 
& il  eft  certain  que  de  cét  ordre  dé- 
pendent les  belles  & grandes  Chalfes , 
defquelles  le  laiifer  courre  & les  fins. 


CHASSEUR.  13 

font  la  plus  belle  partie , & le  Tonner 
la  principale  tant  pour  les  Chiens  que 
pour  les  Chafleurs,  afin  qu’ils  s’enten- 
dent 5c  Te  donnent  quand  ils  font  o- 
bligés  de  Te  feparer  dans  les  gaulis  &c 
dans  les  pais  fourés  , les  avis  & les 
fignals  dans  le  change  de  la  feparation 
de  leurs  Chiens  caufés  par  les  paffages 
des  étangs  & des  grandes  Rivières,  au 
delà  defquels  arrivent  ordinairement 
les  grands  défauts,  &c. 

Il  faut  tenir  pour  maxime  que  tous 
ChalTenrs  doivent  connoître  la  voix  de 
leurs  Chiens  & eftre  connu  d’eux  , ce 
qui  eft  fi  vray  que  fi  une  Meute  eft 
conduite  par  d’autres  picqueurs  qu’à 
l’ordinaire  qu’elle  chafiera  mal,  & que 
dans  tous  les  def-ordres  qui  arriveront 
les  nouveaux  conduéteurs  auront  peine 
à y remedier  quand  ils  n’entendront 
point  leur  maiftre  ni  leur  fonner  ordi- 
naire. Et  delà  fe  tire  une  certitude 
qu’une  Meute  bien  drefiee  au  fonner 
dans  les  vrays  termes  de  l’ordre  de  la 
Chafle  ancienne,  Sc  au  parler  des  Ve- 
neurs, qui  ont  de  coutume  de  la  con- 
duire eft  moins  fautive  que  celles  qui 
ne  les  entendent  pas.  Cela  étant  vray 


i4  LE  PARFAIT 

il  faut  donc  former  en  vrays  termes 
d’anciens  challèurs  qui  étoient  plus 
réguliers  qu’à  prefent,  & qui  dref- 
foient  toutes  leurs  meutes  & princi- 
palement à de  certaines  élévations  de 
voix  qui  faifoient  connoître  à leurs 
Chiens  leurs  intentions. 

Par  cette  maniéré  de  dreffer  les 
meutes  il  en  arrivoit  deux  grands 
avantages , le  premier  que  les  Chiens 
connoiffoient  l’intention  des  Veneurs. 
&c  que  les  Veneurs  connoiffoient  tou 
tes  les  voix  de  leurs  Chiens  , de 
forte  que  foit  dans  le  change , foit 
dans  les  relancés , foit  dans  les  re- 
tours par  le  réchauffement  ou  le  recry 
des  Chiens, les  Veneurs  connoilîoien 
par  la  diftin&ion  deleur  voix  fi  c’éto', 
le  change  ou  fi  un  Cerf  s’affoibliffoi 
& étoit  proche  de  fa  fin  , quand  le 
vieux  Chiens  fe  réchauffoient  & fi 
mettoient  à la  tefte. 

L’on  ne  peut  point  particularife 
quelles  doivent  eftre  ces  élévations  d 
voix  ou  ces  cris , pour  fe  faire  obéi 
aux  Chiens  , parce  que  chacun  le 
peut  faire  à fa  mode,  ni  même  parti 
cularifer  les  fourchus  5 mais  l’on  peii  * 


afleurer  qu’il  en  faut 
de  difFerens  , les  uns  qui 
en  crainte  & les  autres  en  amitié  , 
qu’en  plein  change  ils  fe 
fcrvir  utilement  des  uns  & 
très  , & qu’en  ce  temps 
toûjours  en  défiance , celui  qui 
mande  la  chafle  donne  fes  ordres 
tous  les  Veneurs  qui  l’accompagnent 
de  bien  remarquer  les  voix  des  Chiens 
qui  fe  recrient , & fi  ce  font  vieux  ou 
jeunes  Chiens  , & d’obferver  foigneu- 
fement  les  lieux  de  leur  fepatation 
quand  elle  arrive  , foit  à quelque  ar- 
bre, carrefours, grands  chemins, tailles 
ou  gaulri  , aufquels  lieux  il  fera  jette 
des  brifées.  Et  cependant  en  au- 
tant de  parties  que  fe  fepareront  les 
Chiens  , que  chacun  des  Veneurs  fe 
mette  à la  quetie  jufques  à la  pre- 
mière revûe  fans  fonner  que  quelque 
coup  d appel  à long-temps , pour  don- 
ner avis  feulement  &fans  le  redoubler, 
6c  le  premier  qui  aura  connoiffance  du 
droit,  doit  fonner  du 
ies  autres  doivent  romp 
qu’ils  fuivent , Sc  le  venir 
Si  c’eft  dans  de 


*6-  LE  PARFAIT 

Forêts  qu’on  Chalïe  il  faut  tenir  les 
Chiens  le  plus  preft  Sc  leplusjufteque 
1’ on  pourra  , afin  de  remédier  plus 
promptemet  aux  défordres.  Si  c’eft 
dans  des  huilions  , il  faut  prendre  de 
grands  devant»  Si  c’eft  dans  des  étangs 
il  fa  t prendre  vîtement  le  devant 
fans  s’arrefter  de  peur  que  le  Cerf  ne 
fe  forlonge.  Si  c’eft  au  pafîage  de 
quelque  grand’  Ri viere&  qu’un  Cerf 
y ait  la  tête  tournée, il  faut  prompte- 
ment chercher  les  guays  & les  bat- 
teaux,  & le  premier  des  Veneurs  qui 
peut  réjoindre  les  premiers  Chiens 
palfés  doit  toujours  fonner  pour  fe 
faire  entendre,  ôc  doit  bien  remarquer 
le  lieu  où  il  réjoint  les  Chiens , parce 
qu’ordinairemenr  le  Cerf  après  avoir 
pafle  uneRivierefait  fes  plus  grandes 
rufes , & quand  on  n’a  point  remar- 
qué juftement  le  lieu  où  l’on  a réjoint 
les  Chiens , on  ne  fçait  ni  le  lieu  de  la 
rufe , ni  du  rétour  quand  il  s’en  fait, 
ni  de  la  fuite  qui  eft  ordinairement 
dans  quelque  chemin.  Surcefujet  je 
dïray  que  j’ay  veu  des  Cerfs  paffer  & 
repalfer  une  Riviere  deux  fois  , puis 
.aller  & revenir  le  long  d’un  chemin 


CHASSEUR.  17 


qui  étoit  au  long  , puis  après  fe  j-etter 
dansla  même Riviere  & fe  laifler  aller 
au  fil  de  l’eau  plus  d’une  grande  demie 
lieue  , de  s’aller  rebiffer  dans  une  peti- 
te Ifle  couverte  de  quelques  buiirons 
au  milieu  de  la  Riviere  , que  les  Chai- 
feurs  jugent  fi  cette  rufe  fie  peut  dé- 
mêler fans  l’avoir  veüe. 


CHAPIRRE  VI. 


De  la  maniéré  de  fonner  des 
anciens  Chajfeurs # 

A maniéré  des  anciens  Chafleurs 


portoient  des  Cors  lefquels 
fe  faifoient  entendre  de  plus  de  deux 
grandes  lieues  , fonnoient  leur  quête 
de  trois  tons  longs,  le  lai  lier  courre 
de  cinq  ou  fix  tons  de  grefie  apres  que 
le  Veneur  qui  avoir  lai  if  é courre  en 
avoit  fonné  trois  de  grefie , de  quand 
c’étoit  a vue.  tous  les  Chafleurs  auf- 
quels  il  étoit  permis  de  fonner  fon- 
noient cinq  ou  fix  tons  de  grefie  , de 
quand  les  Chiens  chaflbient,  chaque 


B 


iS  LE  PARFAIT 

Veneur  fonnoit  du  fimple  ton  delà 
trompe  chacun  différemment  quelques 
ions  redoublés  pourfe  faire  diftinguer 
quand  ils  faifoient  chaffer  les  Chiens, 
fans  jamais  Tonner  du  grefle  qu’à 
\elie.  S’il  arrivoit  un  défaut,  le  plus 
prochain  picqueur  du  lieu  où  les 
Chiens  démeuroient  , fonnoit  deux 
tons  longs  du  fon  naturel  du  cor  & 
peu  fouvent  réitéré.  Au  fécond  dé- 
faut l’on  fonnoit  trois  tons  fort  lents, 

ainfi  des  autres;  l’appel  fe  fonnoit 
d’un  feul  ton  fort  lent  Sc  fort  long 
du  fon  naturel  de  la  trompe.  Un  fé- 
cond appel  fe  fonnoit  d’un  petit  re- 
tour de  grefle  fort  lent.  Quand  on 
avoir  perdu  la  Chaffe  pour  le  faire 
connoître  on  fonnoit  deux  tons  fort 
brefs  , aufquels  étoit  répondu  de 
même. 

Quand  il  arrivoit  de  très  grands 
défauts  ôc  qu’il  étoit  befoin  de  fe  ré- 
joindre tous  pour  conférer,  l’on  fon- 
noit de  trois  tons  redoublés  & fort  vî- 
tes pour  faire  voir  qu’il  falloit  prom- 
ptement fe  réjoindre.  Et  quand  on 
’vouloit  rallier  tous  les  Chiens  fepa- 
sés:5  l’on  fonnoit  d’un  ton  de  grefle 


CHASSEUR.  if 

tout  fimp'le.  Et  au  relancer  d’un  Cerf 
fur  fes  fins , l’on  fonnoit  tous  enfem- 
ble  du  grefle , ce  qui  ne  fe  faifbit  ja . 
mais  autrement  -,  car  perfonne  ne  fon- 
noit du  grefle  à veiie  que  celuy  qui 
voyoit  le  Cerf.  Et  ainfi  durant  tout 
l’intervalle  du  temps  delà  Chafle  en 
attandant  fonner,  l’on  fçavoit  en  quel 
état  elle  étoit  , & l’on  ne  fonnoit  ja- 
mais de  fanfares  qu’à  la  mort  du  Cerf. 
Tellement  que.  l’on  peut  dire  que  les 
inventeurs  des  trompes  dont  on  fe  fert 
à prefent  font  caufe  de  la  rupture  d’un 
fi  bel  ordre  qui  étoit  obfervé  dans  la 
.chafle  du  Cerf,  & qu’ils  font  plûtoft 
offices  de  Trompettes  que  de  Chaf- 
feurs  , & par  ce  moyen  ont  introduit 
une  licence  de  fonner  plûtoft  à la  ma- 
niéré des  Maiftres  du  Pont  neuf  que 
d’obferver  les  vieilles  régies  fi  juftes 
& fi  convenables  à la  dignité  de  la 
Chafle  du  Cerf,  qui  avoit  été  établie 
d’ancienneté  parles  plus  grands  & les 
?plus  parfaits  Chafleurs  du  monde , 
ainfi  que  le  témoigne  même  de  fon 
jtemps  le  Seigneur  de  Foüilloux. 


ao  LE  PARFAIT 


CHAPITRE  VIL 


Comme  il  faut  aller  au  bois  tous  les, 
temps  de  l3 année  y des  demeures 
des  Cerfs  y des  Limiers . 

IL  y a deux  forces  de  Limiers  5 les 
uns  pour  le  matin  , les  autres  pour 
le  haut  du  jour.  Ceux  qui  doivent 
fervir  pour  le  matin  font  ordinaire- 
ment des  Barbets  ou  Chiens  courans 
de  tout  pélage.  Les  plus  fecrets  font 
les  Barbets  demi-poil  Anglois  qui  ne 
craignent  point  Tefgail  du  matin* 
Ceux  du  haut  du  jour  (ont  ordinaire- 
ment blancs  gadroiiillés  de  taches  noi- 
res , jaunes  ou  fauves , Chiens  de  haut 
nez,  qui  vont  mieux  requérir  une  Bête 
après  midy  que  le  matin  à caufe  de 
l'efgail  qu'ils  craignent  , 8c  que  les 
voyes  font  réchauffées  du  Soleil.  Les 
Limiers  fe  rendent  toujours  meilleurs 
par  l'exercice  8c  par  les  curées  ; 8c 
^"acquièrent  une  habitude  de  ne  von- 


CHASSEUR.  21 
loir  rien  que  du  Cerf  par  le  foin  des 
Veneurs. 

Quand  le  Veneur  va  le  matin  au 
bois, fi  fon  Chien  eft  fecret  ii  luydois 
parler  peu  en  ces  termes , après  valet, 
apres  bellement , puis  s’il  peut  recon- 
noître  de  quoy  fon  Chien  fe  rabat,  & 
que  ce  foit  quelque  méchante  Bête, 
il  le  doit  retirer  , le  tenir  court  de  le 
menacer  : fi  c’eft  d’une  bonne  Bête, 
il  lui  lâche  le  trait  davantage  de  lui 
dit , après  valet y après , vayla , fi  fon 
Chien  bande  à plein  trait  , il  le  re- 
tient un  peu , de  lui  dit  deux  ou  trois 
fois  vayla  dy  vayla.  Lors  fi  le  Chien 
continue  de  bander  à plein  trait,  il  le 
bu  fie  pouffer  ces  voyes-là  , prenant 
toujours  garde  ce  que  e’eft,  tant  qu’il 
récounoiüe  autant  que  faire  fe  peut 
qu’elle  eft  cette  Bête,  foit  au  marcher 
écarté , foit  aux  connoiflances  de  fur 
tout  au  rembûcher.  Car  fi  elle  en  fait 
plufieurs  de  à bon  vent,  c’eft  a (Tu  ré- 
ment un  Cerf  de  dix  corps.  Enfuite 
les  devant  pris  de  l’enceinte  arrêtée 
difant  toujours  de  temps  en  temps  à 
fon  Chien,  tout  coy , tout  coy7  Gerfaut , 
tout  coy . Et  s’il  fe  rencontrent  plu*» 


ii  LE  PARFAIT 

fieurs  Bêtes  dans  fon  enceinte  , s’il  a 
connoiffance  d’une  qui  foit  plus  Cerf, 
il  faut  qu’il  tâche  de  le  détourner , 
puis  après  qu’il  prenne  bien  garde  par 
où  il  fe  retire  , &c  jette  des  brifées 
par  tout  de  crainte  que  quelqu’autre 
ne  le  broüille  & ne  lance  fon  Cerf. 

Si  fon  Chien  n’eft  pas  fecret,  il  faut 
qu’il  le  tienne  fort  court,  que  fouvenr 
il  le  menace,  lui  difant,  T ont  coy , Tout 
coy , & ne  luy  donnant  du  trait  que 
médiocrement.  Et  quand  il  vient  à 
fiapper  aux  brifées  èc  que  fon  Chien 
en  veut  bien,  il  faut  qu’il  le  réchauffe 
& le  tienne  court,  difant  Fayla  dy 
Fayla,  alors  il  le  doit  bi  ffer  pouffer  la 
voye  fans  luy  donner  trop  de  trait 
allant  au  pas,  en  difant  toujours,  après 
Falet , après.  Et  quand  il  rencontre 
des  branches  tournées  ou  des  fumées, 
ou  quelque  marque  qui  luy  donne 
connoiffance  de  fon  Cerf , il  lui  doit 
dire , Vau  le  ce  Ve  fl  , après  tu  dis  vrayy 
Fan  le  ce  Veflytu  dis  vray , par  les  fu- 
mées par  les  portées.  Et  continuant 
ainfi  lui  donnant  e plein  trait^  il  doit 
le  réjouir  en  lui  parlant  plus  ardam- 
ment , &c  le  tenant  court  quelquefois 


CHASSEUR.  2| 

pour  le  carelfer  , & jufqu’à  ce  qu’il 
ait  lancé  , toujours  le  réjouir  de  plus 
en  plus  d’une  voix  claire  & hautaine 
chacun  à fa  manière.. 


Comme  il  faut  aller  au  bois  tous 
les  temps  de  l'année. 

Premièrement  en  Hiver  il  faut 
partir  de  grand  matin  & aller  au 
plus  profond  des  Forêts  chercher  les 
abris  des  vents  froids  en  quelques  co- 
taux expofés  au  midy  parce  que  les 
Bêtes  font  en  hardes  cherchant  tou- 
jours les  abris. 

En  ce  lieu  faut  remarquer  que  tous 
les  Cerfs  de  pareil  âge  fe  raffemblent 
en  forte  que  les  Daguets  fe  mettent 
avec  les  Daguets  , les  jeunes  Cerfs 
avec  leurs  femblâbles  ? les  Cerfs  de 
dix  cors  jeûneraient,  les  Cerfs  de  d x 
cors  tout  de  même  avec  leurs  fembla- 
bles , & ne  fe  feparënt  point  qu'au 
printemps  pour  prendre  buiffons  & 
faire  leurs  rêtes , fait  qu'ils  foîent  en- 
fermés dans  les  parcs  ou  enlïbetté. 
JLes  Cerfs  mettent  tous  les  ans^bas. 


24  le  PARFAIT 

& l^ur  bois  tombe  par  de  gros  vers 
blancs  qui  leur  rongent  la  racine  dans 
la  tête.  Ils  font  adherans  à icelle  , 
& quand  le  bois  eft  tombé  , de  ce 
meme  ver  il  s'engendre  une  grofle 
maffe  de  chair  qui  s'appelle  le  revenu, 
puis  petit  à petit  la  tête  s'allonge  , les 
meules  fe  forment,  3c  la  tête  devient 
à perfection  couverte  d'une  peau  que 
les  Cerfs  frottent  contre  des  arbres, 
ce  qui  s'appelle  frayer,  3c  l'on  connoit 
la  hauteur  des  Cerfs  à la  hauteur  de 
ces  lieux  où  ils  ont  frayé.  Et  quand 
toute  cette  peau  eft  tombée,  ils  brunif- 
fent  leur  bois  dans  des  terres  noires  ou 
roufleâtres  ou  dans  les  Charbonnières. 

A la  mi- May  ils  ont  la  moitié  de 
leur  tefte  plutoft  ou  plus  tard  félon  que 
les  climats  font  chauds , ou  que  les 
Cerfs  font  plus  jeunes  ou  plus  vieux. 
Les  plus  vieux  les  premiers  , les  plus 
jeunes  après  . Et  quand  ils  mettent  bas 
tous , ils  enterrent  leur  bois  en  telle 
forte  qu'on  les  trouve  rarement.  Au- 
trefois du  temps  pafte  les  Roys  don- 
noient  quelque  reconnoiftance  3c  de 
l'argent  aux  Veneurs  qui  trouvoient 
les  pemlers. 


CHASSEUR.  t5 
' Quand  les  Cerfs  font  leur  tête  , 
s’il  y a quelque  buifion  épais  dans 
quelque  eotau  , le  long  d’un  ruifleau  , 
à laccul  d’une  Forêts  où  il  y a des 
friches  & un  terroir  ièc,  ils  ne  man- 
quent jamais  de  choifir  ce  lieu  pour 
fcuilTons.  Et  quand  ils  ont  été  courus 
très  ordinairement  ils  prennent  deux 
huilions  y l’un  au  bout  de  la  Forée 
l’autre  à l’autre. 

Secondement,  au  Printemps,  il  ne 
faut  point  partir  fi  matin  à caufe  du 
refiiiy  , & que  les  bêtes  font  de- 
bout, & un  peu  plus  tardives  à remet- 
tre dans  la  repofée  dans  des  tailles  de 
quatre  à cinq  ans , où  elles  choifilfent 
quelques  clairières  pour  fe  reifuyer 
au  Soleil , de  Fégail  du  matin  dont 
elles  étoienr  moüillées  , 2c  quand  on 
va  trop  matin  au  bois  en  cette  faifon 
Fon  eft  fujet  à lancer,  ou  du  moins  à 
donner  le  vent  du  trait -aux  Cerfs  les 
plus  courables  qui  font  bien  plus  dé. 
fians  que  les  autres. 

En  Eté  & en  Automne  pour  aller  au 
bois,  il  faut  partir  au  jour.  Si  les  Fo- 
rêts font  fort  grandes , les  demeures 
felon  les  faifons  en  font  différentes- 

C 


X6  LE  PARFAIT 

car  l’Hyver  les  bêtes  habitent  les  lieux 
les  plus' épais.  Au  Printemps  les  vieux 
Cerfs  fe  recèlent , & font  tres-diffici- 
les  à détourner  s’ils  ont  été  courus , 
& font  leurs  nuits  dans  de  tres-petites 
efpaces  fe  montrant  peu.  Et^  à caufe 
de  la  défeéfcuofité  de  leurs  têtes , ils 
deviennent  très  craintifs  & font  leur 
demeure  dans  des  lieux  fort  éloignés 
des  chemins,  defquels  ils  changent  & 
fortent  , pour  aller  au  deuxième  buif- 
fon  choifi  comme  il  eft  dit , de  quatre 
ou  cinq  jours  l’un  , & ne  vont  boire 
qu’en  vingt  quatre  heures  une  fois. 

L’Eté  quand  ils  commencent  à allon- 
ger , frayer  & brunir  , ils  deviennent 
plus  hardis,  quittent  leurs  bu  lTons  , 
& fe  jettent  dans  les  tailles  de  quatre 
ou  cinq  ans  , & alors  font  plus  ailes  a 
détourner,  auffi  bien  que  dans  l'Au- 
tomne, parce  qu’ils  font  toujours  fur 
pied  à caufe  du  rut. 

Il  faut  obferver  quand  il  fait  fort 
fec  & fort  mauvais  revoir , quand  on 
va  au  bois  en  pais  inconnu,  pour  faire 
un  rapport  plus  alfuré  , il  faut  le  jour 
de  devant  aller  aux  buiflôns  dans  les 
«unes  tailles  , & vihter  .exa&eraent 


CHASSEUR.  i7 

les  chepés  de  bois  ou  les  bêtes  pren- 
nent leur  viandis  du  bois  le  plus  ten- 
dre , & fi  on  eh  remarque  entr  autres 
quelqu’une  feparée  , où  il  n’y  aye  que 
les  petits  bouts  broutés  délicatement 
& fans  grandes  froidures,  l’on  peut  ju- 
ger que  c’eft  d’un  Cerf  : car  il  viande 
toujours  prefque  feparément  des  au- 
tres , & ne  prend  que  les  petits  bouts 
des  bois  les  plus  tendres , au  lieu  que 
les  Biches  & autres  mêmes  bêtes , 
brouttent  gourmandement  & bnfenc 
toute  la  fepée. 

Le  lendemain  s’il  va  au  bois , & 
que  l’on  trouve  une  bête  feparée  , & 
qui  marche  un  peu  à côté  des  autres  , 
ou  qu’elle  fa  (Te  quelque  faux  rembuf- 
chement  à bon  vent  . ou  qu’elle  ba- 
lance à droit  ou  à gauche  devant  de 
rentrer , l’on  peut  faire  rapport  alîiiré- 
ment  que  c’eft  un  Cei£ 

Et  quant  aux  grands,  pais  de  Forêts 
qui  font  bordés  de  marais , l’on  peut 
tenir  pour  certain  que  les  Cerfs  qui 
ont  été  courus  prennent  plutôt  leurs 
repofées  dans  les  hautes  herbes  & ro- 
feaux  que  dans  la  Fotêr  , fi  c’eft  en 
Eté  dans  les  chaleurs. 

C ij 


zS  LE  PARFAIT 

44  c*a  î*®  ï-tfs  p«a  ?*aeitô  w c*f*â*ta  :*re  î|W 

CHAPITRE  VIII. 

Des  GmnoéJJances. 

IL  y a plufieurs  Connoiffances  qui 
font  diftinguer  les  Cerfs  des  autres 
bêtes  qui  feroient  difficiles  toutes  à 
être  d’écrites..  Les  principales  -font  par 
les  portées , par  les  fumées , par  les 
allures,  par  les  foullées  , par  les  fuites, 
parla  maniéré  que  marchent  les  Cerfs , 
ne  marchant  jamais  dans  la  pifte  «des 
autres,  mais  toujours  a cote  s quand 
il  fe  méjuge , ce  qui  arrive  aux  vieux 
Cerfs  pour  avoir  fait  des  efforts  dans 
leurs  courfes , ou  pour  avoir  été  blef- 
fes , ou  pour  avoir  les  nerfs  plus  roi- 
des  que  les  jeunes  Cerfs  qui  mettent 
toujours  le  pied  de  derrière  dans  ce- 
lui de  devant , pour  avoir  les  pieds  de 
derrière  fort  petits,  ce  qui  arrive  ordi- 
nairement aux  vieux  Cerfs,  pour  avoir 
le  talon  du  pied  de  devant  fort  large, 
les  os  fort  gros  & bas affis , appuyant 
fort  8c  faifant  une  grande  impreffion , 
les  côtés  du  pied  ronds  & ulez,  au 


CHASSEUR.  19 

lieu  que  les  jeunes  Cerfs  les  ont  tren- 
chans  par  le  viandis  & la  maniéré  de 
le  prendre  , foit  dans  les  tailles  , foit 
dans  les  gagnages  par  les  rembufche- 
mens  balancés,  qu’un  vieux  Cerf  fait 
toujours  à bon  vent  , par  la  multipli- 
cité des  faux  rembufchemens  balan- 
çant à droit  & à gauche  pour  éven- 
ter , avant  que  de  faire  les  vrays,  Sc 
plufieurs  autres  que  ceux  qui  vont  au 
bois  remarquent  tous  les  jours,  & y 
apprennent  quelque  chofe  de  nouveau: 
car  c’eft  un  métier  fi  difficile  , qu’il  y 
a toujours  à apprendre,  & auquel  on 
n’eft  jamais  maître.  Les  plus  affinées 
connoiffimces  font  les  premières  énon- 
cées en  ce  Chapitre , 8c  les  demeures, 
fi  un  Chaffeur  veut  fça voir  cet  Art, 
qu’il  aille  foUvent  au  bois  avec  de 
bons  Valets  de  limier  , il  en  appren* 
dra  plus  que  dans  tous  les  livres. 


30  LE  PARFAIT 


De  la  force  des  Cerfs  y & que  U 
font  la  nature  des  terrains  qui 
leur  donne  plus  de  vigueur. 

CEux  qui  ont  écrit  de  la  Chafte 
du  Cerf  en  faifant  rénumeration 
des  Fotêcs  de  France  , pour  rendre 
tuile  une  digreflïon  fi  ample  qui  fait 
un  tiers  du  Livre  , devroient  avoir 
diftingué  leurs  fîtuations  & leurs  ter- 
rains , afin  de  faire  connoître  la  force 
& la  vigueur  des  Cerfs  qui  y font 
nourris,  ce  qui  eft  une  tres-neceflaire 
obfervation  , parce  que  c’eft  une  des 
chofes  la  plus  confiderable  , dont  doit 
erre  inftruit  un  Chaffeur  pour  fe  pré- 
munir & prendre  fes  mefures  con- 
tre les  rufes  que  font  ces  animaux, 
qui  font  dautant  plus  grandes  qu’ils 
ont  plus  de  force  pour  les  executer. 
Et  à la  vérité  Ton  peut  dire  que  cet 
inutile  Catalogne  de  toutes  les  Forêts 
& bluffons,  fans  dire  la  nature  des 
terrains  &r  des  herbes  qui  y croiffent, 
eft  plutôt  pour  divertir  le  Le&eui, 
que  pour  l’ijxftruire  daucune  chofo 


CHASSEUR.  3t 

qui  lui  puilTe  fervir.. 

Pour  moi  qui  ai  couru  le  Cerf  en 
beaucoup  de  Provinces  en  France,  je 
ne  nommerai  point  les  Forets  ou  j ai 
trouvé  les  Cerfs  plus  vigoureux  , mais 
je  dirai  les  raifons  des  caufes  les  plus 
eiFentielles  que  j’ai  remarquées  dans 
tous  les  difFerens  terrains  qui  don- 
nent beaucoup  plus  de  forces  aux  uns 
qu’aux  autres , & qui  en  font  une  no- 
table diftinéfcion. 

Il  faut  donc  fçavoir  que  félon  les 
terrains  les  Cerfs  ont  plus  de  force , 
aufli  bien  que  les  Chevaux  qui  pren- 
nent une  nourriture  grofliere  ou  feiche, 
qui  les  rend  ou  vigoureux  ou  lâches, 
& même  leur  change  entièrement  la 
taille  ; qu’il  en  eft  de  même  des  Cerfs 
qui  font  nourris  dans  les  lieux  pier- 
reux, fecs  & montagneux  , ils  font  in- 
comparablement plus  vigoureux  que 
ceux  qui  font  nourris  en  pais  bas  8c 
aquatiques  , & qui  ne  font  pas  beau- 
coup inquiétés  , & qui  font  plus  à leur 
aife.  La  nature  des  herbes  y contri- 
bue aufli  extrêmement  , principale- 
ment quand  elles  fécondent  leur  tem- 
pérament plein  de  chaleur,  comme  les 
C iiij 


3*  LE  PARFAIT 

bruyers  8c  autres.  Les  races  des  Cerfs 
y font  auflï  quelque  choie,  & contri- 
buent à leur  vigueur.  Je  ferai  voirpar 
des  exemples  des  ChalTes  extraordi- 
naires que  j'ai  obfervées,  où  la  force 
des  Cerfs  s’eft  fait  paroîcre  incompa- 
rablement plus  grande  qu'en  tous  les 
lieux  où  le  terrain  8c  la  nourriture  étoit 
diÜembîable  , comme  par  exemple  en 
Picardie  auprès  d’Amiens  où  les  ter- 
rains des  Forées  8c  huilions  font  fecs*, 
8c  où  les  Cerfs  viandent  des  bleds 
Sarrafins  prefque  tout  le  long  de  l'hy- 
ver,  l’on  ne  court  point  de  Cerf  en  ces 
païs  qui  ne  durent  cinq  8c  fix  heures , 
8c  qui  ne  mefurent  les  huilions  de  fix 
ou  fept  lieues  de  païs  , qui  ne  faflent 
de  très  longues  fuites  , témoin  celui  de 
la  Chafle  du  jour  de  S.  Hubert  faite 
par  le  Gouverneur  de  la  Province  avec 
tous  les  Seigneurs  du  païs , qui  fut 
fe  faire  prendre  dans  le  Pats-bas. 

Les  mêmes  fuites  arrivent  dans  la 
Forêt  d’Àrdelot  en  Bourbonnois  , où 
les  moindres  courfes  durent  fix  heures, 
& le  plus  fouvent  les  Cerfs  fe  per^ 
dent  dans  la  Mer  & dedans  la  Forêt 
de  Creci  proche  Abbeville , les  Cerfe 


CHASSEUR.  33 

ne  fe  prennent  jamais  qu’en  lailïant 
courre  de  grand  matin,  fans  quoi  ils 
demeurent  les  maîtres  par  la  nuit  qui 
arrive,  ôc  s’ils  ne  font  relayés  fort 
apropos  & fouvent , il  ne  s’y  en  prend 
point  du  tout.  Toutes  les  forces  font 
en  païs  fecs  Ôc  pierreux  ; mais  pour 
en  montrer  la  force  extraordinaire  des 
Cerfs,  que  les  Chailturs  me  permet- 
tent de  leur  raconter  une  Chaflfe  ou 
}’aiété,qui  fait  voir  une  force  extraor- 
dinaire aux  bêtes  fauves  de  ces  lieux. 

Monfeigneur  le  Duc  d’Angoulefme 
Comte  de  Ponthieu  avoir  fa  meute 
proche  d’Abbeville.  Ses  veneurs  lui 
firent  rapport  d’un  Cerf  qui  portoit 
vingt-deux  malfemées , mais  qui  étoit 
toujours  fur  pied  ôc  qu’ils  ne  pou- 
voient  détourner.  Il  me  témoigna  d’a- 
voir paillon  de  courre  ce  Cerf , je 
luydis  qu’il  falloir  aller  coucher  fur  le 
païs  , afin  d’être  matineux  au  laifler 
courre,  il  le  fift  ôc  fut  à Novion,  dans 
les  Bois  duquel  Bourg  ce  Cerf  étoit, 
je  fus  au  Bois,  c’étoit  à la  fin  de  Juin 
que  les  Cerfs  avoient  frayé  ôc  bruni  ; 
&priay  le  Seigneur  Duc  d’être  à che- 
val de  bon  matin , parce  que  le  Cerf 


34  LE  PARFAIT 

s’en  alloit  toujours  de  hautes  erres  & 
ne  fe  laiffoit  point  détourner  j il  mon- 
ta à cheval  & n’attendit  pas  le  rap- 
port, je  fus  fi  heureux  que  je  trouvay 
mon  Cerf  à l’aide  des  Gardes  de  Bois 
qui  lavoient  vû  fouvent , jamais  je 
ne  le  pu  arrêter  dans  une  enceinte  Sc 
le  trouvois  toujours  pafie , je  fis  par- 
tir un  des  Gardes  pour  donner  avis 
qu’on  amenoit  les  Chiens  , ce  qui  fur 
fait  ; je  pouflay  les  voyes  fans  plus 
prendre  d’enceinte  tant  qu’on  fuft  à 
moi , & fis  donner  les  Chiens  qui 
l’allerent  très- bien  requérir , mais  ce 
fut  à l’un  des  bouts  de  la  Forêt  où  il 
avoit  déjà  percé , les  relais  furent  en- 
voyez par  toutes  les  refuites  & furent 
donnez  apropos  , ce  Cerf  mefura  deux 
fois  tonte  la  Forêt  d’un  bout  à l’autre, 
qui  eft  de  plus  de  deux  lieues  de  long, 
8c  quand  il  veid  que  c’étoir  tout  de 
bon  , i!  fort  de  la  Forêt,  paflè  la  Ri- 
vière d’Anthie  , donne  dans  tous  les 
Bois,  de  Riviere,  d’Ecltife  , perce  tout 
le  païs,  Sc  s'en  va  au  bout  qui  eft  vers 
le  Boulonnois  , ou  il  fut  relancé  dans 
un  bois  proche  du  Village  ; là  il  de- 
meura à fe  défendre  de  telle  forte  qu’il 


CHASSEUR.  35 

bleiïa  un  des  Picqueurs , en  abbatic  un 
aurre , & porta  fon  cheval  par  terre  , 
de  fefoit  un  fi  grand  defordre  dans  les 
Chiens,  que  nous  fumes  contrains  de 
mettre  pied  à terre  plufieurs , ôc  de 
l’attaquer  de  toutes  parts  à la  faveur 
des  arbres  qui  étoient  dans  la  taille  , 
de  fi  c’eût  été  en  lieu  tout  à fait  cou- 
vert , il  y en  euft  eu  plufieurs  qui  euf- 
fent  couru  rifque  de  la  vie  , enfin  il 
fût  porté  par  terre  , c’étoit  le  plus 
grand  corfage  de  la  plus  belle  tête  de 
Cerf  qu’on  puilTe  voir.  Elle  étoitcou*. 
ronnée  , il  portoit  vingt- deux  malfe- 
més  ftu  un  menin  plus  gros  que  le 
bras  , les  andoüilleres  dans  les  meu- 
les, les  rayeures  enfoncées,  & la  tête 
la  plus  ouverte  que  j’aye  jamais  veuë, 
il  étoit  venu  de  ces  Forêts  & de  ces 
païs  de  la  Forêt  d’Àrdelot  faire  fa 
tête  dans  les  Bois  de  Novion  , Mon- 
feigneurle  Duc  d’Ângoulefme  dit  qu’il 
n’avoit  jamais  rien  veu  , ni  un  Cerf 
plus  vigoureux  , ni  une  plus  beHetëte, 
ni  une  plus  grande  courfe  que  celle-là, 
qui  dura  plus  de  fept  heures,  il  fe 
void  peu  de  Forêts  où  les  les  Cerfs 
ayent  de  femblables  forces. 


3<5  LE  PARFAIT 

Quant  au  Cerfs  qui  font  nourris  ai ix 
bruyères,  & qui  ont  des  eauës  pour 
fe  rafrefchir  fouvent  j il  faut  avouer 
qu’ils  font  tous  plusrigoureux  que  les 
autres  de  quelque  terrain  que  ce  fait  * 
comme  font  les  Cerfs  de  Brie,  ils  font 
bruns,  grands  , allongés  plus  que  tous 
les  autres,  & ne  durent  jamais  moins 
de  fix  heures  , ôc  il  y en  a d’imprena- 
bles entr ‘autres,  tantàcaufe  des  Etangs 
que  de  leurs  forces. 

J’en  ay  vù  un  être  couru  trois  jours 
de  foire  par  trois  équipages  diffèrens 
de  Mefleigneurs  d’Augoulefme  , de 
Sôuveray  & de  Mets  qui  étoient  tous 
à Gros-bois.  Il  fut  lailfé  courre  en 
Brie  , l’aiTembiée  étant  au  Mont  Tetis, 
& fut  couru  la  première  journée  juf- 
qu’à  la  nuit  * ayant  mefuré  tous  les 
buiifons  & Forets  de  Brie,  & revenu 
à la^nuit  dans  le  lieu  où  il  avoir  été 
lancé,  il  fut  brifé  la  tête  couverte, 
le  lendemain  ces  Meilèigneurs  volu* 
rent  voir  par  curiofité  , ce  que  devien* 
droit  ce  Cerf  le  fécond  jour,  & re- 
folurent  de  le  courre  avec  un  autre 
équipage  & d’autres  chevaux  ; il  fut 
attaqué  le  lendemain  matin  où  il  avoit 


CH  A S S E U R.  37 
été  briféy  il  fat  tres-bien  donné  aux 
Chiens  , il  recommença  à reprendre 
tout  le  chemin  quïl  avoir  fait  le  jour 
de  devant  , il  mefura  cous:  les  mêmes 
lieux , de  revint  à la  nuit  dans  le  lieu 
où  il  avoir  été  lancé  de  fut  encore 
brifé  la  tête  couverte  , tous;  ces  Mef- 
fieurs  le  foir  ne  fçavoient  que  dire- ni 
du  Vivier,  Artonge  Des-prés  de  tousles 
autres  vieux  ChaflTcurs  crurent  tous 
que  cétoit  un  forcier  , enfin  ils  dirent 
qu’il  y avoir  encore  un  équipage  qui 
n’avoit  point  couru,  qui  écoit  celui  de 
Monfeigneur  d’Angoulefme , & qu’il 
falloir  voir  ce  qui  arriveroit  de  cela. 
Le  lendemain  dés  la  pointe  du  jour  ils 
allèrent  frapper  aux  brifées , ils  lan- 
cèrent le  Cerf  encore  A cinq  cens  pas 
delà , de  le  coururent  encore  fix  grandes 
heures , au  bout  defquelles  ils  le  pri- 
rent fec  comme  bois , mourant  plutôt 
de  faim  que  pris  de  force  , car  s’ileuft 
eu  le  loifir  de  viander  , ils  ne  l*au- 
roient  jamais  pris  , & tous  demeurè- 
rent d’accord  que  fi  ce  Cerf  euftrcouru 
fur  une  ligne  , il  fuft  allé  à plus  de 
foixante  lieues  delà. 

Il  ne  faut  point  davantage  dexem- 


38  LE  PARFAIT 

pies  pour  montrer  la  force  des  Cerfs 
félon  les  terrains  où  ils  font  nourris , 
en  voila  a (Tés , je  me  contenterai  feu- 
lement d’aflurer  que  j’ai  tres-foigneu- 
fement  remarqué  que  les  Cerfs  nour- 
ris en  païs  fecs , où  il  y a eu  quelques 
lieux  des  herbages  rafrefchiflàns  où  ils 
fe  vont  rafrefchir  qu’il  n’y  en  a point 
qui  aient  plus  de  force,  principalement 
quand  étans  courus  ils  rencontrent 
fouvent  des  eauc?s  pour  fe  rafrefchir, 
comme  dans  la  Forêt  d’Eu , & dans 
les  Forets  d’Aumale  & Dorgnel  pro- 
che les  unes  des  autres,  où  les  Cerfs 
font  nourris  dans  les  païs  de  coftaux, 
au  bas  defquels  il  y a des  valées  d’her- 
bes douces  ,&  des  eaues  claires  de 
fontaine  les  plus  belles  du  monde. 
En  tous  les  lieux  pareils  que  tous  les 
Picqueurs  s'apprêtent  de  faire  de  très 
longues  refuites  , & prennent  leurs 
meilleurs  chevaux , faffent  leurs  meut- 
tes  plus  fortes , & falîent  provifion  de 
bons  dés-jeuners  , parce  qu’ils  font 
a (Titre  z de  ne  pas  retourner  a leurs 
gifles  que  par  de  tres-longues  retrai- 
tes no&urnes. 


CHASSEUR. 


39 

CHAPITRE  IX. 

Des  rufes  des  Cerfs  quand  ils 
font  courus. 

LEs  premières  rufes  des  Cerfs, 
quand  ils  font  donnés  aux  Chiens, 
c’eft  de  bailler  le  change  du  jeune 
Cerf  qui  les  accompagne  en  faifànt 
trois  ou  quatre  grands  faults  toujours 
à vau-vent , & puis  fe  mettre  fur  le 
ventre  dans  une  groffe  fpée  à côté  de 
la  voye  au  delTous  du  vent  & ne  point 
branler  , les  jeunes  Cerfs  leurs  Ef- 
cuyers  percent  tout  droit  dans  la  clai- 
rière. Les  Chiens  n’ayant  encore  au. 
cune  connoiffmce  de  celui  qui  eft  re- 
laiffé  poulTent  la  voye  droit  après  le 
jeune  Cerf , & le  vieux  qui  ne  branle 
point  laifle  pafler  tous  les  Chiens  le 
plus  fouvent  contre  lui  qui  n’en  ont 
aucune  connoiffmce  , parce  qu’il  eft 
au  deffous  du  vent,  & tous  les  Pic-1 
queurs  qui  fuivent  le  chemin  le  plus 
ouvert  pour  fuivre  leurs  Chiens  vont 
fans  avoir  connoiffmce  de  la  bête  re- 
biffée,, 


4o  LE  PARFAIT 

Pour  connoître  quand  on  a eu  le 
Change  au  lancer  dudit  Efcuyer  , Ton 
s’en  apperçoit  quand  le  Cerf  drdfe 
& fait  une  grande  randonnée  tour 
droit  fans  balancer  ni  fans  aucun  re- 
tour. Alors  les  Veneurs  mettent  l’ceilà 
terre  pourvoir  fi  c’eft  leur  Cerf  dé- 
tourné : & j’ai  oiii  dire  à plufieurs"* 
vieux  connoifleurs  qu’ils  ont  vu  rom- 
pre les  ^Chiens  qui  fuivoient  ce  jeune 
Cerf,  & les  ramener  au  premier  lieu 
qu’ils  avoient  foigneufement  remar- 
qué à peu  prés  où  ce  change  s’étoit 
donné  .»  & qu’ils  "avoient  lancé  le 
vieux  Cerf  détourné,  qu’ils  l’avoient 
couru  & pris. 

La  fécondé  rufe  dont  fie  fervent  les 
vieux  Cerfs , font  de  grands  retours 
dans  des  chemins  ferrés  proche  des 
'Rivières  par  des  rentrées  & des  for- 
ties  , par  des  relaifiemens  au  bout  de 
leurs  grands  retours  fur  le  bord  d’un 
chemin  , où  les-Chiens  fentans  la  voye 
double  la  poulïent  plus  vigoureufe- 
juent.  Et  tous  les  Picqueurs  les  fui- 

* Defprés , du  Vivier,  Carbignac } jârîonge. 
Saut  Ravis , 

van I 


CHASSEUR.  4r 

va-nt  le  Cerf  relailfé  recourne  fur  tou- 
tes les  voyes  foulées  des  Picqueurs  8c 
des  Chiens  , en  telle  forte  qu’ils  ne 
peuvent  plus  avoir  connoiflance  des 
nouvelles  voyes  que  le  Cerf  a impri- 
mées par  fon  retour  fur  toutes  celles 
defdits  chiens  & des  chevaux. 

Une  autre  rufe  dont  ufent  les  Cerfs 
eft  en  païs  deaux  & étangs , & d’ea 
paffer  plufieurs  pour  fe  forlonger , 8c 
auflï  de  fe  faire  battre  par  tous  les 
rofeaux  & lieux  bourbeux  où  les 
Chiens  ne  peuvent  eftre  fecourus  des 
Piqueurs. 

Une  autre  encore  eft  de  donner  dans 
des  gros  Villages , dans  des  Bourgs  ou 
Fauxbourgs  de  Villes  où  il  yadeseaues 
dormantes  8c  des  rivières  , dans  lef- 
quelles  ils  pailènt  pour  étourdis  , 1 a 
Meurte  au  brui;  des  mâtins  pour  don- 
ner des  difficultés  aux  Picqueurs  de  la* 
fiiivre,  8c  faire  perdre  du  temps , pen- 
dant lequel  il  cache  fa  fuite  par  dedans 
les  rofeaux  des  étangs*  & du  fil  de  la 
riviere  auquel  il  (elailfe  aller  quelque- 
fois plus  d’une  lieuéy&  en  fort  par  quel* 
que  chemin  qui  le  conduit  tout  à l’autre 
bout  delà  Forêt  toujours  par  des  lieux- 

D 


4Z  LE  PARFAIT 

couverts  le  plus  qu’il  peut , & aupara- 
vant que  d’y  entrer  il  fait  plusieurs 
rufes  & plufieurs  tours  avant  que  d'y 
rentrer  , & n’y  rentre  que  par  des 
chemins  les  plus  fecs  & les  plus  ferrés, 
& ainfi  par  ce  forlongement  ilfe  fau- 
ve avant  que  les  Picqueurs  puiflent 
avoir  le  temps  de  deméler  toutes  ces 
rufes  & que  la  nuit  vient. 

Une  autre  rufe  fe  fait  par  les  Cerfs 
qui  font  dans  les  Forêts  le  long  de  la 
Mer,  comme  eft  la  Forêt  d’Ardelot 
en  Boulonnois.  Quand  ils  font  don- 
nés aux  Chiens  ils  mefurent  la  Forêt 
êTun  bout  à Pâture  fort  vice  pour  fe 
forlonger  , puis  ils  fe  jettent  dans  la 
Mer  & fe  perdent  de  veuc  , Sc  nageant 
trois  ou  quatre  lieues  ils  vont  rentrer 
tout  à l’autre  bout  de  la  Forêt  par  les 
lieux  les  plus  couverts  , & ôtent  la 
Connoiflance  de  leur  voye  aux  Chauf- 
feurs , Sc  fe  fauvent,  la  nuit  arrivant  ; 
Et  s*y  en  prend  peu  fi  les  Veneurs  ne 
feparent  leurs  Chiens  , qu’une  partie 
Coure  à droit  & l’autre  à gauche  , Sc 
aille  très- vîte  prendre  le  devant,  Sc 
qu’une  troifiéme  partie  ne  demeure 
au  milieu  cachée  dans  le  bord  du  Bois 


CHASSEUR.  43 

pour  voir  le  Cerf  qui  revient  fouvent 
de  la  pleine  Mer  , en  laquelle  ayant 
pied  il  ne  montre  que  le  bout  du  nez 
pour  refpirer  , 8c  n’entendant  plus  de 
ibruit  revient  en  ladite  Forêt  , 8c  fe 
relaiflfe  dans  le  premier  buiflbn  , n’en 
partant  jamais  qu’un  chien  ne  lui  faute 
fur  le  cimier.  Et  les  Cerfs  de  cette 
Forêt  ont  la  rufe  quand  le  matin  on 
les  détourne  , s’ils  ont  tant  foit  peu  le 
vent  du  trait , de  partir  8c  s'en  aller 
droit  à la  Mer , & marchent  long- 
temps dans  l’eau  , puis  en  fortent  droit 
à la  Forêt  en  quelque  endroit  le  plus 
touffu,  8c  fe  relaiffent  dans  le  premier 
builfon  pour  ôter  toute  connoillànce 
de  fa  pifte. 

Tous  les  Cerfs  qui  ont  été  courus 
dans  les  Forêts  voifines  des  Etangs  fe 
fervent  de  la  même  rufe  de  marcher 
dans  les  eauës  quand  le  matin , qu’on 
les  détourne  , ils  ont  le  moindre  vent 
du  trait , car  ils  partent  de  leurs  re- 
pofées , 8c  s'en  vont  de  hautes  erres 
mefurant  toutes  les  eauës,  & s'y  ca- 
chent le  plus  f mvent  fur  quelque  aloppe 
ou  motte  de  terre  couverte  de  ro» 
eaux. 

D ij 


44  LE  PARFAIT 

Je  n’ài  pu  m’empécher  de  racontes 
une  hiftoire  d’une  ChalTe  qui  a été 
faite  du  temps  du  feu  Roi  Louis  XIII. 
d’heureufe  mémoire.  Ses  Veneurs  lui 
avoient  rapporté  qu’il  y avoir  un  Cerf 
à la  tête  bigearre  ayant  un  côté  d’i- 
celle élevé  haut  comme  les  autres  , Sa 
l’autre  tout  baifTé.  Il  fie  appeller  Car- 
bignac  qui  étoit  le  plus  habile  de  fa 
Venerie  , & lui  dit  qu’il  eût  bien  vou- 
lu voir  courre  ce  Cerf  à la  tête  bi- 
gearre j & fç  avoir  comment  cet  acci-. 
dent  lui  étoit  arrivé.  Ledit  Carbignac 
ayant  eu  ordre  d’aller  au  Bois  & le 
détourner  s’il  pouvoir  le  rencontrer 
il  fut  le  lendemain  au  Bois  & eut  con- 
noiiTance  de  ce  Cerf  par  le  moyen  des 
portées  » & de  ce  qu’il  tournoit  les 
branches  en  haut  d’un  coté  & en  bas 
de  l’autre.  Il  en  fit  le  rapport  au  Roi 
qui  donna  ordre  qu’on  le  courreroit  le 
lendemain.  Toute  la  Cour  s’y  trouva 
par  curiofiré  pour  voir  par  quelle  bi- 
gearre avanture  cette  tête  s’éroit  ren- 
contrée ainfi  : le  lendemain  il  fut  de; 
grand  matin  au  Bois,  Sc  fut  fi  heureux 
de  détourner  ce  Cerf.  A la  vérité 
l’enceinte  fe  trouva  fort  grande.  Le 


C H A S S E U R. 

Roi  fat  placé  en  lieu  pour  voir  ce 
Cerf,  & défendit  à tous  de  ne  point 
porter  de  cors  à la  chafle  qu’à  ceux  à 
qui  il  étoit  permis  de  fonner  [car  il 
faut  être  averti  que  nul  ne  pouvoit 
fonner  que  ceux  aulquels  on  avoir 
donné  l’ordre,  lefquels  même  ne  pou- 
voient  fonner  que  dans  les  vieux  tons, 
des  anciens  Chaflfeurs,  & qu'auflï  on 
ne  donnoit  jamais  un  Cerf  aux  chiens, 
que  du  limier]  Carbignac  frappe  aux 
brifées , & trouve  que  ce  Cerf  a voit 
tant  rufé  8c  fait  tant  de  repofées  , que 
de  la  même  enceinte  il  mit  fur  pied 
quatre  grand  Cerfs  de  dix 5 cors  qui 
tous  quatre  paflferent  Tun  après  Pau-, 
tre  pardevant  le  Roi  , il  étoit  déjà 
tard,  8c  plufieurs  de  la  Cour  s'impatien- 
taient de  ne  point  courre  ces  Cerfs*. 
Le  Roi  cependant  eur  toute  la  pa- 
tience de  voir  fi  on  donneroit  ce 
Cerf*.  Enfin  le  lit  Cerf  ne  partit  ja- 
mais que  le  limier  ne  lui  fautaft  fur 
le  cimier.  Carbignac  le  vit  to  it  à fon 
aife , 8c,  forma  rrois  tons  de  fon  cor  , 
8c  le  Roi  le  vit  piffYr  devant  lui.  La 
Meutte  fut  donnée  très  à propos  , le 
Cerf  fut  couru  prés  de  quatre  heurea 


4<s  LE  PARFAIT 

& fut  porté  par  terre  , n’ayant  fait 
.que  rufer  par  mille  retours  , de  forte 
que  le  Roi  veid  toute  cette  Chaflè. 
Ce  Cerf  ayant  battu  peu  de  çaïs. 
L’on  vifita  fa  tête  du  côté  qu’elle  étoit 
fcaiïe,  & tous  les  connoiffeurs  firent 
entendre  au  Roi  que  c'étoit  un  coup 
,-d’harquebufe  qu’il  avoir  eu  proche 
d’une  des  meules  dans  le  marrain  8c 
dans  le  temps  que  fon  bois  étoit  en- 
coremol  , qui  lui  aveit  abailfé  ce  côté 
de  tête,  lequel  fe  reprenant  petit  à petit 
s’étoit  renoiié  & demeura  en  cet 
état. 

Cette  Chafle  fait  remarquer  trois 
chofes  , la  première,  qu’on  ne  don- 
noit  un  Cerf  que  du  limier. 

La  fécondé , que  l’on  ne  fonnoit 
du  cor  qu’à  la  mode  ancienne  &C 
fort  reguîierement. 

La  troifiéme  , c’eft  que  perfonne  ne 
parloir  à la  Chaffe  du  Cerf  que  ceux 
qui  en  avoient  la  permiflîon,  & qu’on 
me  chalfoit  point  à la  bilbaude,  tout  le 
monde  s’en  mêlant  comme  on  fait  à 
prefent.  Il  y a un  Chapitre  en  ce  Livre 
qui  montre  comme  on  fonnoit  ancien- 
nement fort  reguîierement. 


CHASSEUR.  47 


Comme  il  faut  requefier  un  Cerf 


quand  on  efi  en  defaut,  où 
qu'il  efi  forlongé  , où  qu'il  efi 


qu  u ejt  forlonge  , ou  qu  il  efi 
failly  far  la  nuit , & qu  on  veut 


le  recourre  le  lendemain. 

Es  défauts  qui  arrivent  dans  la 


JL»/  Chafle  du  Cerf  peuvent  venir  de 
plufieurs  caüfes,  entre  lefqueUes  il  y 
en  a trois  principales  qui  font  Couvent 
manquer  le  Cerf  , qui  font  par  le 
change , par  le  paflàge  des  étangs  & 
rivières , & enfuite  par  le  forlonge- 
ment.  Et  parlant  generalement  des  dé- 
fauts, tous  procèdent  de  la  négligence 
des  Chaflèurs  qui  agiflênt  faiblement , 
& qui  n’ont  point  affés  de  vigilance 
pour  bien  remarquer  les  lieux  de  la 
réparation  de  leurs  chiens  dans  le-chan- 
ge , & quiconque  chadè  {ans  a&ion 
&c  grande  défiance  dans  tous  les  lieux 
où  ils  peuvent  trouver  du  change  , 
a écoutant  pas  tres-attentivement  leurs 


4$  LE  PARFAIT 

chiens  au  lieu  de  Tonner  8c  de  le^r 
parler  tombent  dans  des  défauts  irré- 
médiables , principalement  l’Eté  par  les 
grandes  chaleurs  , 8c  dans  les  pais  Tecs 
accompagnés  de  plufieurs  buiffons. 

Pour  remedièr  au  des-ordre  qui  ar- 
rive du  change,  chaque  Picqueur  doit 
accompagner  les  Meutes  qui  Te  Tepa- 
rent , & faut  qu’il  Tonne  8c  parle  peu 
aux  chiens,  jufqu’à  cequel’un  d’iceux 
ait  connu  le  droit.  Alors  comme  il  eft 
dit  en  la  maniéré  ancienne  de  Tonner, 
il  doit  appeller  tous  les  autres , 8c  que 
chacund’eux  rompe  & les  vienne  re- 
joindre. - 

LaTecondecauTedes  grands  défauts  eft 
le  paffàge  des  Etangs  8c  Rivières.  Pour 
y remedier  il  faut  diligemment  pren- 
dre les  grands  devans,  & fi  les  Etangs 
font  fort  couverts  de  grandes  herbes 
8c  de  rofèaux,  il  faut  Te  mettre  dans 
les  bancaux  , & pouffer  dans  tous  les 
lieux  où  le  Cerf  Te  peut  cacher,  pour 
voir  s’il  n’y  eft  point  relaiffe,  pendant 
que  les  autres  prennent  les  devans 
tout  à lenteur. 

La  troifiéme  eau  Te  d’où  procédé  îe 
fprlongement  vient  le  plus  fouvent 

d’un 


CHASSEUR.  49 
d’un  relais  mal  donné  , parce  que 
quand  il  eit  donné  en  rêce  il  ne  man- 
que jamais  de  prendre  le  contre-pied  , 
Si  tous  les  chiens  , quand  c’eft  dans 
un  fort , fe  brouillent  de  telle  forte 
que  les  Picqueurs  n’y  connoiffèntpref. 
que  plus  rien  , & ont  des  peines  ex- 
trêmes à faire  reprendre  le  train  à la 
Meute , pendant  lequel  temps  le  Cerf 
a tout  le  loifir  de  fe  fotlonger  , & de 
chercher  les  lieux  les  plus  commodes 
pour  exercer  fes  rufes , & fi  cela  ar- 
rive en  un  temps  chaud  & fcc  , c’eft 
un  Cerf  failli.  Quand  ces  des-ordres 
arrivent  il  n’y  a point  d’autre  remede 
que  la  vigilance,  & l’a&ion  diligente 
des  V eneurs. 

Les  défauts  du  change  font  tres-fre- 
quens  & tres-fâcheux  dans  les  Parcs 
fermés  ou  dans  les  Forêts  confervées 
par  la  quantité  des  bêtes  qui  y font,'; 
de  façon  qu’un  Cerf  de  la  Meute  eft 
prefque  toujours  accompagné.  Les 
remedes  les  plus  prompts  font  de  fui. 
vre  les  ordres  que  doit  donner  celui 
qui  gouverne  la  Chaflè  , lequel  doit 
avoir  prevû  ces  accidens  , & doit 
avoir  commandé  à tous  les  Picqueurs 


5o  LE  PARFAIT; 

d’être  tres-vigilans  & aétifs  a fair^ 
chacun  leur  devoir.  ^ 

Il  relie  à donner  les  remedes  à un 
Cerf  failli  par  le  forlongt  ment  quand 


la  nuit  arrive.  , 

Quand  un  Cerf  fe  forlonge  , c eft 
qu’il  a fait  quelque  grande  rufe  ou 
qu’il  a donné  le  change  , ou  pafle 
tant  d’eaux  qu’on  n’a  pu  avoir  allés 
de  temps  pour  dernéler  fes  des  ordres. 
A cela  fi  ce  forlongement  eft  dans  les 
plaines  campagnes,  il  faut- avoir  re- 
cours aux  grands  devans  avec  limiers 
pour  le  haut  du  jour  qui  doivent  fui- 
vre  la  ChalTe , le  Valet  étant  à cheval 
&c  amr  fi  bien  qu’on  lui  puilTe  mettre 
la  rite  couverte  fi  la  nuit  arrive.  U 
faut  brifer  là  3c  aller  coucher  aux  plus 
prochains  lieux,  ramaflànt  le  plus  de 
chiens  que  l’on  pourra , & le  lende- 
main dés  la  pointe  du  jour,  aller  hap- 
per aux  brifées  & redrelfer  les  vieilles 
Voves  tant  qu’on  en  trouve  de  nouvel- 
les avec  le  limier  , & faire  fuivre  tous 

les  chiens  couplés.  . . , , 

Si  cVft  un  Cerf  rufe  & qui  ait  etc 

couru,  la  nuit  il  ne  manquera  pas  de 
s’en  retourner  en  Ion  pais  par  un  au- 


CHASSEUR.  51 

çrc  chemin  , (pecialement  quand  les 
nuits  font  longues , auquel  cas  il  faut 
abréger  par  les  grands  devans,  & voie 
fi  les  chiens  couplés  ne  voudroient 
pas  de  ces  voyes-là  ; s'ils  en  veulent 
il  ne  faut  que  pouflèr  en  avant,  s’ils 
n en  veulent  pas  , faut  pouflèr  avec  le 
limier  tant  qu’on  lui  mette  la  tête  à 
couvert. 

Si  la  nuit  arrive  dans  un  grand 
fond  de  Forêt , il  faut  brifer  à quel-* 
que  fort  , puis  fe  retirer  aux  lieux 
prochains  , comme  il  eft  dit , puis  re- 
venir au  matin  frapper  aux  brifées,  fi 
le  limier  en  veut  bien  , il  faut  un  pe« 
dreflerfes  voyes,  puis  prendre  les  de- 
vans , comme  quand  on  va  aux  Bois  t 
8c  continuer  tant  qu  on  ne  le  trou** 
ve  point  paffe , puis  le  donner  aux 
chiens  qu’on  a fait  fuivre  tout  cou- 
plés quand  on  le  pourra  lancer. 

Quant  aux  vieilles  Meutes , relais 
premier,  fécond,  les  fix  chiens  & le 
dernier  , il  faut  par  un  exprès  com- 
mandement défendre  à ceux  qui  les 
donnent  , de  ne  les  donner  jamais  en 
tete  ni  a cote  quand  le  Cerf  s’en  va 
vauvent , comme  il  fait  fouvent  pour 


5i  LE  PARFAIT 

mieux  oüir  les  chiens  qui  le  chaiïènt  : 
car  comme  le  vent  porte  les  voyes 
au  nez  des  chiens  , ils  ne  manquent 
point  d’y  entrer  & prennent  facile- 
ment le  contrepied , & l’on  ne  doit 
encore  jamais  donner  aucuns  chiens 
que  la  Meute  ne  foitpaffée:  car  fil’on 
donne  des  chiens  frais  pour  abréger , 
l’on  fait  perdre  cœur  à ceux  de  la  Meute 
qui  ne  fentent  plus  que  des  voyes  fur- 
marchées , ce  qui  les  oblige  à barrer 
pour  gagner  le  devant  des  autres  , & à 
celer  les  voyes  par  jaloufies  fans  crier 
de  peur  d’être  encore  prévenus  , ce 
qui  fait  devenir  tous  les  meilleurs 
chiens  vicieux. 


CHASSEUR. 


53 

CHAPITRE  XI. 

Du  naturel  des  Cerfs  & de 
leur  rut. 

LE  Cerf  eft  d’un  temperameiit 
chaud  & fec , d’un  naturel  le  plus 
violent  8c  le  plus  colere  qu’aucun 
animal , dans  le  temps  de  ion  rut,,  8c 
fon  defir  de  génération  } 8c  ce  qui  en 
fait  la  preuve  , c’eft  qu’on  a trouvé 
plufieurs  fois  dans  le  temps  du  rut  des 
Cerfs  qui  fe  battoient  fi  violemment, 
que  leurs  têtes  demeuroient  croifées  & 
embarafiees  l’une  dans  l’autre,  de  telle 
forte  qu’ils  demeuroient  pris  fans 
qu’on  les  pût  jamais  ièparer  : ils  de- 
viennent fi  furieux  dans  le  temps  du 
rut  aux  Forêts  où  ils  abondent,  qu’il  y 
a beaucoup  de  danger  la  nuit  d’y 
paflèr,  parce  qu’ils  attaquent  les  hom- 
mes & les  chevaux  , & les  portent  par 
terre  ; le  temps  commence  à la  fin 
du  mois  d’Aouft  , & dure  tout  le  mois 
de  Septembre.  Les  vieux  Cerfs  y don- 
E iij 


54  LE  PARFAIT 

lient  les  premiers  , puis  après  les  jeu- 
nes & les  daguets  3 & n’en  forcent 
qu’au  mois  d’Oéfcobre,  puis  vontpren- 
dre  la  pointe  des  bruyères  pour  fe  re- 
faire, après  cela  toutes  les  bêtes  fe 
mettent  en  bardes  , l’Hyver  appro- 
chant * c’eft  à dire  les  vieux  Cerfs  en- 
lèmble,  les  jeunes  Cerfs  à leurs  fèm- 
blables,  & tous  les  daguets  de  même. 

Les  lieux  où  les  Cerfs  fe  joignent 
avec  les  Biches  font  infe&és  d’une 
lenteur  fi  forte  que  huit  jours  après 
Todorat  en  eft  encore  frappé. 

Quand  les  Biches  font  leurs  Faons, 
elles  choifilfent  des  huilions  particu- 
liers les  plus  fourrés  qu’elles  peuvent  9 
Zc  l’animal  qu’elles  jettent  foit  mâle 
ou  femelle  s’appelle  Faon,  toute  cette 
année  là.  La  deuxième  année  les  ma-  i 
les  s’appellent  Daguets.  La  troifiéme 
année  ils  font  dits  Cerfs  à leur  pre-  1 
miere  tête,  & ont  trois  ans  : à qua- 
tre ans  ils  font  dits  Cerfs  à la  fécondé 
ou  troifiéme  tête  , après  fucceffive- 
ment  ils  font  dits  Cerfs  de  dix  cors 
jeunement,  puis  l’année  après  ils  font  ! 
dits  Cerfs  de  dix  cors  3 8c  en  fuite  ils  font 
dits  grands  vieux  Cerfs.  Ce  font  des 


CHASSEUR..  î5 

animaux  tres-rufés  qui  éventent  de 
loin , & qui  font  extrêmement  deffians 
plus  ils  vieilli  fflnt. 

Leur  âge  fe  connoît  à l’ouverture de 
leur  tête  à la  grofleur  du  marrain  , 
aux  meules  , a la  profondeur  des  rayes 
dudit  marrain  , aux  andoiiilliers  finies 
le  plus  prés  des  meules,  à la  quantité 
des  chevilles  , fpecialement  au  haut 
de  leur  têce  qui  font  les  unes  couron- 
nées & les  autres  à ramures  &c« 

Tous  les  ans  les  Cerfs  jettent  leuts 
bois,  comme  il  eft  dit  : ils  mettent  bas 
en  Avril  plutôt  ou  plus  tard  félon 
leur  âge , les  plus  vieux  les  premiers  * 
ils  ont  à mi  Mai  la  moitié  de  leur  tête 
pouflee , & alongée  tout  entièrement 
en  Juin  s en  Juillet  ils  frayent  & bru- 
niflent  ; enfuite  ils  donnent  au  rut.' 
Dans  le  temps  qu’ils  mettent  bas  ils  fe 
recèlent,  comme  il  eft  dit  dans  des 
buiflbns , & deviennent  craintifs  n’a* 
yant  plus  de  défences.  Ceux  qui  ont 
été  courus  prennent  deux  buiflbns  aux 
extrémités  des  Forêts,  comme  il  eft 
dit,  & paffènt  de  l’un  à l’autre  toutes 
les  femaines  fe  recelant  en  de  tres- 
petits  efpaces  de  terre  & demeura 


LE  PARFAIT 

Les  Biches  font  tres-amoureufes  de 
leurs  Faons  & ne  les  perdent  point  de 
vue.  Le  naturel  des  Cerfs  fe  connoîc 
mieux  par  fes  rufes  quand  il  eft  chaflfé 
que  par  toute  autre  chofe.  Les  lieux  où 
ils  fe  couchent  s'appellent  répofées. 

CHAPITRE  XII. 

'Qui  montre  de  quels  chiens  il  fe 
faut  fervir  pour  courre  le  Cerf 
comme  il  les  faut  nourrir  & éle- 
ver.} & comme  fe  doivent  main- 
tenir les  équipages. 

LEs  grands  chiens  doivent  faire 
les  grandes  ChalTes.  Il  y a de  trois 
fortes  de  chiens  courans  en  France  , 
auffibien  qu’en  Angleterre.  Les  chiens 
pour  Cerf  font  de  la  plus  grande  ra- 
ce que  l’on  appeiloit  anciennement 
Royale.  Leur  naturel  étoit  de  chafïèr 
le  Cerf  * & de  garder  le  change  dés 
la  fécondé  ou  rroifiéme  fois  qu’ils 
chafloient,  mais  depuis  que  les  races 


CHASSEUR.  J7 

Angloifes  fe  font  confondues  evec  les 
Françoifes  Ton  n’y  connoïc  plus  rien  > 
& ces  belles  races  de  chiens  antiques 
fe  font  évanouies  , & de  ces  mélan- 
ges de  races  il  n’eft  refté  que  la  cu- 
riofité  du  pelage  ; Et  l*on  a choifii 
pour  courre  le  Cerf  les  chiens  blancs 
les  plus  grands  que  Ton  peut  trouver 
de  race  meflée,  parce  qu’on  a remar- 
qué que  de  ce  poil  ils  font  de  plus 
haut  nez , gardent  mieux  le  change  , 
font  plus  fermes  & tiennent  mieux  dans 
les  chaleurs  que  les  autres.  Les  An- 
glois  font  de  même  que  les  François 
& ne  fe  fervent  que  des  plus  grands 
chiens  blancs  qu’ils  ont  pour  courre 
le  Cerf.  On  les  nomme  des  chiens  du 
Nort  : ils  font  très- vîtes  dans  les  plai- 
nes & crient  peu  , parce  qu’ils  font 
meflés  avec  des  lévriers  qui  naturelle- 
ment rident. 

Les  Anglois  ont  outre  cela  de  trois 
fortes  de  chiens , les  plus  grands  & les 
plus  beaux  font  dits  de  race  Royale, 
& font  blancs  marquetés  de  noir.  Us 
gardent  fort  bien  le  change,  8c  font 
dreflfés  de  telle  forte  , qu'ils  chafTent 
tous  enfemble  fans  ofer  fe  jetter  à l’c- 


58  LE  PARFAIT 

cart  de  peur  du  châtiment , que  les 
Valets  de  chiens  Anglois  [ qui  font 
très  rudes]  leur  donnentavec  les  gran- 
des gaules  qu’ils  portent  exprès. 

les  féconds  font  appelles  Beaubis  * 
aufquels  ils  coupent  prefque  a tous  la 
queue  , comme  à des  braques.  Ce 
font  des  chiens  plus  bas  de  terre  , & 
plus  longs  que  les  autres,  fort  épais, 
dégorgé  effroyable  , & qui  heurtent 
fur  la  voye  , 6c  qu*on  n’en  peut  faire 
fortir  qu’avec  peine  , parce  que  natu- 
rellement ils  le  nez  dur  , 6c  qu’ils 
reprennentdiffiulement  la  voye  quand 
ils  en  font  forcis. 

Ce  font  chiens  qui  aiment  naturel- 
lement à chafTer  les  bêtes  puantes  * 
comme  Renards  6c  Sangliers , 6c  font 
la  plufpart  comme  barbets  à demi  poil, 
& s attachent  tellement  à la  voye  de 
quelque  bête  qu’on  leurpmffe  donner, 
qu’ils  ne  la"  quittent  point  , & que 
plus  ils  lachafïènt,  plus  ils  ont  de  cha- 
leur &de  vitefle  pour  la  pouffer  about. 

Les  derniers  font  appellés  Bigles , 
dont  il  y en  a de  deux  fortes,  de  grands 
& de  petits.  Toutes  les  deux  font  ex- 
cellentes pour  courre  le  lievre  dans  les 
plaines. 


CHASSEUR. 

Tontes  ces  races  de  chiens  font 
confondues  avec  les  Françoifes,  & 
ce  mélange  fait  que  les  chiens  Fran- 
çois font  plus  fages  que  leur  naturel  ne 
porte  , 3c  qu’ils  chaflent  beaucoup 
plus  plaifamment  que  les  naturels  An- 
glois  , fefervant  eux  mè  nes,  foitdans 
les  plaines  .»  foie  dans  le  fort , au  lieu 
que  les  Anglois  vont  trop  vite  dans 
les  plaines  , & trop- peu  dans  les  Fo- 
rêts , parce  qu’ils  veulent  trop  s’atta- 
. cher  à la  voye  & qu’ils  veulent  tout 
faire.  Nous  particulariferons  de  quels 
chiens  il  fe  faut  fervir  en  toutes  Chaf- 
fes  quand  nous  en  traiterons  , & di- 
rons defquels  il  fe  faut  fervir  en  cha- 
cune. 

Quant  à la  maniéré  dont  il  faut  fai- 
re couvrir  les  liceSjélever  leurs  chiens, 
& les  mettre  dedans  nous  allons  l’ex- 
pliquer. 

Les  Anglois  obfervent  plus  régu- 
lièrement ce  qu’il  faut  faire  pour  avoir 
de  bons  chiens  courans  , 3c  pour  en 
avoir  quantité  , car  ils  gardent  des 
liffes  exprès  qui  ne  vont  jamais  à la 
charte,  de  toutes  les  meilleures  races 
qu’ils  ayent  pour  leur  fervir  de  lififes 


6o  LE  PARFAIT 

portières  , lefquelles  ils  laiiïènt  libres 
dans  leurs  baflès-cours,  comme  mitai- 
nes qui  n’avortent  jamais  & qui  leur 
font  tous  les  ans  deux  portées , dont 
ils  n’en  gardent  jamais  plus  de  fîx  de 
chaque  portée  : fi  bien  qu’ils  font  état 
qu’il  n’y  a point  de  leur  lifles  qui  ne 
leur  donne  tous  les  ans*  l’un  portant 
l’autre , une  douzaine  de  chiens,  & 
comme  ils  abondent  en  laittages  , & 
que  leur  lifles  font  toûjours  en  liberté* 
ils  les  nourriflent  mieux  que  tous  au- 
tres* & pouffent  leurs  petits  chiens 
jufques  à l’âge  de  cinq  mois  qu’ils  ont 
fait  leur  gueule  à force  de  lait,  en  telle 
forte  qu’ils  deviennent  beaux , grands 
& forts  , & (ont  plus  prêts  à chafler 
à un  an  que  les  autres  à dix-huit  mois, 
& ainfi  font-ils  de  toute  autre  race  de 
chiens. 


CHASSEUR. 


61 


CHAPITRE  XIII.. 


Des  équipages. 

QYuant  à la  maniéré  d’entre- 
tenir des  équipages  & de  parler 
de  la  propriété  des  chenils  , comme 
cela  dépend  tout  à fait  de  1 afFeétion 
qu’ont  les  Maîtres  à la  Chaflè  * & 
que  cela  dépend  de  l’adrellè  des  gens 
qu’ils  emploient , il  feroit  inutile  d’en 
parler.  Mais  il  fe  peut  dire  que  fi  les 
chiens  ne  font  penfés  & tenus  pro- 
prement , il  en  arrive  toujours  deux 
accidens  fort  grands  & fâcheux  , qui 
font  la  galle  & la  rage  ; le  premier, 
faute  d’avoir  de  bonnes  cheminées 
dans  les  chenils , & y faire  grand  feu 
au  retour  des  Chaflès , principalement 
en  temps  humide  pour  feicher  les 
chiens  & les  delalfer  du  travail  qu’ils 
ont  fait.  Et  l’autre  qui  eft  la  rage,  ne 
leur  donnant  pas  tres-fouvent  de  l’eau 
fraîche  , ne  les  rafréchiflant  pas  de 
bon  laie  quand  ils  ont  fait  de  grands 


êt  LE  PARFAIT 

efforts,  & ne  les  purgeant  pas  quand 
ils  ont  eu  fouvent  de  trop  grandes 
curées. 

I!  faut  tenir  pour  maxime  qu’on  ré- 
chauffé bien  plus  facilement  les  chiens 
quand  il  fait  froid , que  l’on  ne  les 
rafiêchit  quand  il  fait  chaud.  Ceft 

fîourqnoi  il  faut  prendre  garde  comme 
es  chenils  font  expofés  : car  il  n’y  a 
cier  de  fi  périlleux  que  d’en  tourner 
les  portes  & les  ouvertures  du  côté  du 
Midi , dont  la  chaleur  donne  toûjours 
la  rage  ; & tant  que  faire  fe  peut  il 
les  faut  expofer  au  Soleil  Levant,  par- 
ce que  fi  peu  de  chaleur  que  le  Soleil 
donne  à fon  lever  fuffit  pour  diflïper 
tout  le  mauvais  air  & les  mauvaifes 
Lenteurs  qui  font  ordinairement  dans 
les  chenils. 

Il  ne  faut  auflî  négliger  une  tres- 
exséle  vifite  des  grains  dont  on  nour- 
rit les  chiens  , lefquels  font  quelque* 
fois  trop  échauffés  par  l’épaiffeur  qu’oa 
en  met  dans  le  grenier  , qui  les  fait 
(en tir  la  remeugle  , des  mauvaifes  Len- 
teurs & de  la  pourriture  , n e ne  des 
eaués  puantes  dont  on  fan  fouvent  le 
pain  par  la  falleté  des  Boulangers,  ce 


CHASSEVR.  63 

qui  donne  au  commencement  de  pe- 
tites maladies  aux  chiens  ôc  des  de- 
goûts.  Mais  dans  la  continuation  , de 
grandes  maladies  , des  cours  de  ven- 
tre > ôc  enfin  la  rage  à laquelle  abou- 
tiflent  tous  les  maux  Et  faut  que  les 
Valets  de  chiens  avoüent  qu’une  feule 
fournée  de  pain  mal  cuite  rend  toute 
la  Meute  malade  une  (emaine  entière  , 
& principalement  les  chiens  les  plus 
voraces  ôc  qui  mangent  ordinairement 
le  mieux. 

Il  y a deux  faifons  de  Tannée  auf. 
quelles  il  faut  donner  plus  de  foin  au 
maintien  d’une  Meute  pour  la  garen- 
tir  de  toutes  les  maladies  qui  régnent 
en  ces  deux  faifons  , Tune  au  Prin- 
temps , l’autre  en  Automne. 

En  celle  du  Printemps  * parce  que 
le  Soleil  renouvelle  , que  le  Soleil  re-. 
monte  ôc  donne  vigueur  à toutes  cho- 
fes  , ôc  qu’en  ce  temps  les  animaux 
font  en  leur  plus  grande  force  ÔC 
principalement  les  Cerfs  , ôc  qu’aux 
Chcififes qui  fe  font  en  Avril  les  chiens 
font  plus  d\  fforts  en  une  , qu’en  plu- 
fienrs  en  tons  les  temps  de  l’année. 
G’eft  pourquoi  il  faut  purger  les  chiens. 


64  LE  PARFAIT 

les  faigner,  les  penfer,  & les  tenir 
plus  nets  qu’en  toute  autre  faifon  , 8c 
leur  donner  une  meilleure  nourriture 
ayant  foin  de  ceux  qui  font  maigres  , 
& par  confequent  en  état  d’être  plus 
fufceptibles  des  maux  qu'ils  peuvent 
communiquer  à tous  les  autres , leur 
donner  de  la  fouppe , & les* remettre 
en  état. 

Et  quant  à l’Automne  qui  rend  tous 
les  corps  des  animaux  plus  debiles  & 
plus  lâches , c’eft  en  cette  faifon  quii 
en  faut  avoir  un  foin  particulier. 

Quand  on  en  a grand  foin  & qu'on 
tient  les  chiens  proprement,  on  ne 
voit  gueres  de  Meutes  attaquées  d'au- 
cunes maladies  generales  qui  les  rui- 
nent. Et  ce  ne  font  jamais  que  les 
grands  excès  des  curées  trop  frequen- 
tes 8c  de  grands  efforts  que  fait  une 
Meute  qui  leur  caufent  la  rage  de 
glai  , grande  rage  qui  infeéte  l’air 
des  chenils  & qui  fe  communique. 

La  première  fe  guérit , fi  elle  arrive 
au  Printemps  par  des  remedes  rafré- 
chiffans  . La  fécondé  qui  n’eft  que  par- 
ticulière fe  guérit  par  faignées,  & par 
des  purgations  de  fené,  La  troifiéme 

fe 


CHASSEUR.  é5 

guérit  par  des  bains  falés  ou  par  Je 
baigner  des  chiens  dans  la  Mer,  8c  en 
feparant  tous  les  chiens  les  uns  des 
autres  le  plus  promptement  que  faire 
fe  pourra.  V oyés  les  remedes  à la  fin 
du  Livre. 

*£#*#*? 

CHAPITRE  XIV. 

Comme  il  faut  nourrir  les  chiens 
François  -pour  les  rendre  plus 
obeïffans  & plus  figes. 

SI  les  François  imitoient  les  An- 
glois  qui  font  nourrir  tous  leurs 
jeunes  chiens  enfemble  , & dés  l'âge 
de  nx  mois  les  mènent  à la  campagne 
pour  leur  apprendre  à être  obeïlTans, 
ne  leur  permettant  pas  que  jamais  ils 
.e  leparent  les  uns  des  autres  : Ils  au- 
roient  des  chiens  fages  & obeïlTans 
qui  chaueroient  toujours  erffemble. 
Lar  les  chiens  François  ont  des  qua- 
lités plus  relevées  qne  les  Anglois 
n ont  pas.  Ils  ont  les  voix  plus  hau- 
taines, chaffent  plus  gayemer.t*,  le 

F 


66  LE  PARFAIT 

balay  haut  , tournent  mieux,  & re- 
queftent  mieux  incomparablement , 
rentrent  mieux  dans  la  voye  , trou- 
vent mieux  les  retours,  & fe  font  plus 
entendre  de  deux  lieues  qu'une  Meute 
«Angloik  ne  feroit  d’un  quart  de  lieue, 
parce  qu’ils  chafTent  le  nez  haut , à 

}>ius  d’un  pied  de  terre  , au  lieu  que 
es  Ànglois  chaflent  le  nez  bas , ôc 
d’une  voix  étouffée  contre  terre  pren- 
nent la  voye  , dans  laquelle  ils 
ont  peine  de  rentrer  ayans  les  nez 
durs  , & étant  fouvent  obligés  de  le- 
ver la  tête  pour  faire  leur  hurlemens , 
chafïant  de  mauvaife  grâce  la  queue 
baffe  ôc  trainante  comme  des  Renards 
fans  aucun  mouvement.  Mais  cous  ces 
avantages  des  chiens  François  s’éva- 
noüiffent  par  la  mauvaife  nourriture 
qu’on  leur  donne  , les  faifant  tous 
nourrir  feparément  les  uns  par  des  La- 
boureurs, les  autres  par  des  Bouchers 
en  plein  libertinage  jufques  à un  an  ou 
quinze  mois,  pendant  lequel  temps  ils 
aquerent  des  qualités  fi  vicieufes,  qu’a- 
vant que  d’entrer  aux  chenils  ils  font 
incorrigibles  , & que  1 obeïlïance  ôc 
a crainte  ne  peuvent  plus  rien  fur  leurs 


CHASSEUR.  67 

vicieufes  habitudes  , & que  ce  n’eft 
qu’à  force  de  coups  qu’on  les  peut 
réduire,  encore  n’en  peut- on  pas  ve- 
nir àbour.  Si  bien  qu’une  Meute  ne 
devient  fage  qu’à  force  de  vieillir. 

Quand  une  Meute  eft  attaquée  de 
la  rage,  il  faut  virement  feparer  tous 
les  chiens,  ôc  leur  donner  à tous  de 
l’orvietan  ou  du  theriaque  de  Venife* 
Il  les  faut  baigner  tous  en  eau  falée, 
ou  les  mener  à la  Mer.  Il  les  faut  pur- 
ger de  Séné  , que  l’on  fait  infufer  dans 
du  lait  chaud.  Les  chiens  qui  le  pren- 
nent à peine,  il  leur  faut  donner  dans 
de  la  fouppe  claire,  ou  dans  le  petit 
lait,  ou  dans  le  lait  battu.  Il  faut  brû- 
ler dans  les  lieux  ou  ils  font  force  ge- 
nièvre, force  coupaux  de  fapin  , & y 
brûler  beaucoup  de  vinaigre  fur  des 
pelles  de  fer  toutes  rouges.  Quand 
ils  font  bien  purgés  il  leur  faut 
donner  de  la  foupe  faite  avec  des  têtes 
de  veau  pour  les  rafraifehir , & met- 
tre dans  cette  foupe  force  chicorée  , 
laittuës  & toutes  herbes  rafrailchif- 
fantes  , & fur  tout  que  le  Soleil  de 
Midi  ne  donne  point  dans  le  chenil. 
Quand  il  y a des  chiens  plus  triftes  que 

F i) 


a LE  PARFAIT 

les  autres , cTun  regard  plus  fombre  8c 
plus  obfcur , Il  les  faut  purger  davan- 
tage que  les  autres,  & n’importe  pas 
qu’ils  maigrirent,  pourveu  que  le  mau- 
vais air  foit  purgé  , on  les  remet  allés 
en  chair,  il  n’y  a que  la  vigilance  des 
Valets  qui  puifle  remettre  une  Meute 
en  état  quand  elle  eft  attaquée  , de 
pourveu  qu’ils  pratiquent  ce  qui  eft 
dit  , le  mal  ne  fera  pas  grand  : les 
frequentes  curées  ruinent  prefque  tou- 
tes les  Meutes, 

CHAPITRE  XV. 

De  U Chajje  du  Chevreuil . 

CEtte  Ch i (Te  eft  difficile  à caufe 
des  grands  retours  que  font  ces 
animaux.  Il  faut  pour  la  bien  faire  , 
des  chiens  François  vigoureux , qui  fe  ! 
fervent  d’eux- mêmes  de  qui  requeftent 
bien  , les  chiens  gris  aiment  tous  le 
Chevreüil  j de  quand  ils  ont  couru 
trois  ou  quatre  Chafles  , ils  fedreflent 
Sc  prennent  f habitude  de  retourner 


CHASSEUR.  69 

quand  ils  Tentent  les  voyes  doubles. 
Les  chiens  pour  cette  ChalTe  doivent 
être  d'entreprifè  , parce  que  les  Che- 
vreüils  durent  du  moins  cinq  heures  , 
& fur  leurs  fins  ils  prennent  les  plai- 
nes 8c  les  côtaux  comme  les  Lievres  , 
& Te  font  battre  dans  les  jardinages 
des  plus  gros  Villages  , où  le  plus 
fouvent  on  les  manque  à caufe  du 
bruit  des  mâtins  qui  écourdifient  les 
chiens  , puis  Te  relaifient  dans  quel- 
que greffe  haye  comme  feroit  un  Lie* 
vre  , & demeurent  faillis , ou  bien  par 
une  autre  rufe  ils  enfilent  quelque  au- 
tre chemin,  n’appuyans  que  des  pinces, 
& les  chiens  étourdis  ne  parchaffent 
plus  par  tous  les  bruits  8c  des-ordres 
que  leur  ont  caufé  lefdits  maftins  , ils 
fe  forlongent  8c  Te  perdent  ; pour  à 
quoi  remedier  il  faut  prendre  de  très- 
grands  devans  8c  de  très  grands  tours 
par  derrière,  pour  voir  s’il  n’y  a point 
quelque  buiffon  ou  haye  pour  les 
xequefter  , dans  lefquels  fouvent 
après  que  la  Chaffe  eft  des-efperée, 
plus  de  deux  heures  après  les  défauts 
ils  fe  relancent  dans  les  baillons  au- 
tour du  village^vers  lefquels  ilsavoient 


70  LE  PARFAIT 

la  tete  tournée  quand  le  defaut  eft  ar- 
rive. Il  faut  tenir  pour  maxime  en 
cette  Chafle  qu’à  tous  les  defauts, 
pour  les  relever  il  faut  toujours  pren- 
dre fes  devans  en  arriéré,  & jamais 
par  le  devant,  parce  qu’un  Chevreüii 
retourne  toujours,  & ne  faut  jamais 
craindre  qu’il  fe  forlonge  en  avant  , fi 
ce  n’eft  alors  qu'il  prend  les  plaines. 

Les  chiens  pour  Chevreüii  ne  gar- 
dent point  le  change,  mais  les  vieux 
chiens  le  montrent  en  chaflant  plus 
froidement , & quand  cela  arrive  il 
faut  avoir  bien  remarqué  le  lieu  de  la 
feparation  des  chiens , & y retourner 
pour  requefter  le  Chevreüii  de  la 
Meute  : car  infailliblement  il  n’en 
eft  pas  loin,  d’autant  que  ces  animaux 
ne  fe  forlongent  point,&:  ne  cherchent 
à fe  fàuver  que  par  les  rufes  , par  les 
retours  & parles  relaifters. 

L’on  court  ordinairement  Chevreuils 
ou  Chevrettes  félon  que  les  détour- 
nent les  Valets  , parce  qu’il  n’y  a au- 
cune connoifïance  qui  diftingue  le  mâ- 
le & la  femelle  que  par  la  tête.  Plus 
les  chiens  pour  Chevreuils  font  re- 
muans,  vigilans  & aéfcifs , plus  ils  font 


CHASSEUR.  71 


propres  à cette  Charte  , mais  fur  tout 
il  faut  qu’ils  foient  laborieux  & entre- 
prenans  , qu’ils  requeftent  bien  , les 
plusgcands  barreurs  font  les  meilleurs, 
& qui  fe  drcflent  plutôt  à retourner 
quand  ils  Tentent  les  voyes  doubles. 


Du  naturel  des  Chevreuils . 

Es  Chevreuils  font  du  naturel 


JL-/  craintif  qui  fe  recèlent  fort  dans 
de  petits  cantons  , & ne  changent 
point  de  demeures,  ni  ne  partent  point 
d’une  Forêt  à Vautre  , fi  ce  n’eft  dans 
le  temps  du  bourjeon  auquel  il  eft  fu- 
jet  de  s’enyvrer,  & d aller  par  tout 
hors  de  fa  demeure  ordinaire  fans  con- 
duite, il  féjournedans  des  taillis  épais, 
rodant  parfoufillant  par  des  petits  re- 
tours comme  des  Lapins  fans  battre 
grand  pats.  Ses  relevées  font  juftes 
comme  des  Lapins.  Son  ruth  eft  com- 
me celui  des  Cerfs , finon  qu’il  n’eft 
point  fi  violent  , ôc  qu’il  ne  bat  point 
tant  de  pais  pour  trouver  fa  femelle, 
& l’ayant  trouvée,  il  en  jouit  plus  pai- 
fiblement  & avec  moins  de  combat* 


7*  LE  PARFAIT 

que  ne  font  les  Cerfs  qui  dans  ces  temps 
deviennent  fi  furieux  & fi  jaloux  les 
uns  des  autres  , qu’il  fo  pafle  peu  de 
ruths  fans  qu'il  y en  ayt  d'eftropiés. 
Mais  les  Chevreüils  fe  portent  en  leur 
action  generative  avec  bien  plus  de 
modération  , & même  ne  vont  point 
au  change  , 8c  font  tres-foigneux  de 
fecourir  leur  femelle,  8c  les  garder 
quand  elles  font  pleines  , 8c  quand 
elles  ont  mis  bas,  à leur  aider,  à éle- 
ver leurs  faons  , 8c  les  garder  tant 
qu'ils  font  en  état  de  les  fuivre,  même 
quand  ils  font  chafies  à fe  relayer  l'un 
l'autre,  8c  donner  fouvent  le  change  ; 
mais  non  pas  comme  difent  aucuns 
qu'ils  fe  marient  enfemble  , 8c  qu'ils 
ne  fe  quittent  jamais.  Ce  font  des  vi- 
fions  qui  n'ont  nulle  certitude  ; car 
pour  afiurer  cela  il  faudroit  Içur  avoir 
fait  des  marques  exprès.  Le  contraire 
fe  voit  dans  des  Parcs  fermés  peuplés 
de  ces  animaux  où  les  mâles  fe  bat- 
tent au  temps  du  ruth  pour  joiur  des 
femelles. 

Les  femelles  portent  ordinairement 
trois  petits,  quelquefois  quatre  , & de 
grandes  Chevrettes  fort  fécondés  en 


CHASSEUR.  73 

ont  quelquefois  jufques  à cinq  quand 
elles  ne  font  point  tourmentées,  mais 
celaarriverarement.il  n’y  a point  d’ani- 
mal qui  multiplie  tant  queleChevreüil, 
& qui  ait  plus  de  foin  de  fes  Faons,  auGS 
bien  le  mâle  que  la  femelle , princi- 
palement dans  les  Parcs  où  les  Loups 
ne  les  tourmentent  point.  C’eft  le 
plus  difpos  animal  de  tous  ceux  qui 
ont  le  pied  fourchu,  & aiment  extrê- 
mement la  liberté,  & ne  cherchent 
qu’à  fortir  du  Parc  où  il  eft  enfermé, 
& toutes  les  nuits  rode  alentour  pour 
chercher  le  lieu  de  la  fortie  , princi- 
palement fi  le  Parc  eft  médiocre  , & 
nous  avons  obfervé  que  quand  les 
murailles  ne  font  que  de  douze  ois 
treize  pieds  de  haut , les  plus  forts  les 
fautent , & les  moindres  retombent 
fur  les  reins , fe  froiflent , deviennent 
malades  , languiflènt  & meurent  ; 
c’eft  pourquoi  je  donne  avis  à ceux 
qui  ont  des  Pâtes  où  ils  veulent  te- 
nir des  Chevreuils  de  faire  hauflèr 
leurs  murs  à quatorze  pieds , ou  défai- 
re des  foliés  en  dedans  tout  le  long, 
& n’y  point  tailler  la  moindre  breche 
fils  ne  veulent  perdre  tous  leurs  Che- 
G 


74  LE  PARFAIT 

vrcüils,  comme  j’ai  veu  arriver  en  an 
Parc  chez  un  de  mes  amis  pour  les 
breches  qui  arrivèrent  l’Hyver  par  la 
gelée  qui  furent  négligées  & ouver- 
tes le  refte  de  l’Hyver,  fans  qu’on  les 
fermait  de  bois*  Sa  femelle  porte 
deux  ou  trois  petits  , c’eft  pourquoi  il 
pullule  plus  que  le  fauve.  Il  craint  fort 
les  Loups  qui  ont  coutume  de  lechaf- 
1er  comme  des  xhiens  fe  relayant  les 
4jns  les  autres  : c eft  pourquoi  il  eft 
toujours  au  guet  & fur  pied  , ce  qui 
lui  fait  fouvent  changer  de  place  dans 
les  Forêts  & huilions  où  l’on  les  voit 
fouvent  chafles  & poutfuivis  par  les 
ioups  dont  ils  fe  donnent  fort  garde , 
Je  pour  fe  fauver  ne  fe  fie  qu’à  fes 
jufes  , qu’a  fes  retours  , Sic  qu  a fa 
grande  diipoütioii» 


CHASSEUR»  7j 


CHAPITRE  XVI. 

De  la  Chaffe  du  Loup. 


LA  Chaflè  du  Loup  eft  Royale.' 

Il  y a un  tres  grand  équipage  en- 
tretenu en  France  pour  la  faire.  La 
manière  de  prendre  les  Loups  de  tou- 
tes façons  , foie  au  piege  , amorce  , 
triquetrac,  carnage  &c.  a été  écrite 
par  tant  de  perfonnes,  que  ce  ne  fe- 
roit  que  des  redites.  Je  me  contente 
feulement  d’écrire  de  quelle  façon  ils 
fe  peuvent  forcer  pour  faire  qu’on  le 
chafTe  avec  force  chiens  de  Meuttes 
& force  relais.  Les  jeunes  Loups  fe 
peuvent  forcer,  mais  non  les  vieux; 
parce  que  tant  qu’un  vieil  Loup  ren- 
contrera de  l’eau,  il  courra  trois  jours 
& trois  nuits  , & par  confequent  non 
forçable.  C’eft  un  animal  û mal  fai- 
fanr,  qu’il  eft  par  maniéré  de  dire  l’ob- 
jet de  la  haine  de  tout  le  monde,  c’eft 
pourquoi  il  ne  vit  pas  long-temps  , 
car  il  eft  attaqué  en  tant  de  façons 
G ij 


76  LE  PARFAIT 

qu’il  faut  qu’il  y fuccombe  , outre  que 

voracité  des  viandes  putrides  le  fait 
bien-tôt  crever.  Je  peux  ici  raconter 
ce  que  f ai  vu  cl-  la  vigueur  que  les 
vieu^  Loups  ont  aux  mâchoires.,  pour 
faire  voir  qu’ils  ne  peuvent  pas  être 
forcés. 

Trois  Loups  avoient  été  pris  dans 
des  folles  faites  exprès, ils  furent  ame- 
nés aux  Tuilleries  devant  le  feu  Roi 
Louis  XIII.  Il  y avoir  un  vieil  Loup 
& deux  autres  plus  jeunes  : onlesfift 
combattre  contre  de  gros  lévriers  , les 
deux  premiers  fe  défendirentalïes  bien, 
le  troifiéme  qui  étoit  le  vieil  fut  atta- 
qué par  trois  lévriers , il  les  rendit  tous 
trois  , on  le  fit  attaquer  par  trois  au- 
tres 5 & puis  encore  par  trois  autres 
fucceffivement  jufqu’à  douze  , trois  à 
la  fois , il  les  marqua  tous  , 8c  les  re- 
butta  de  telle  forte,  qu’ils  l’abandon- 
nèrent & ne  l’oferent  plus  approcher. 
Il  n’y  a point  de  coup  de  foiiet  de 
Chartier  qui  fift  plus  de  bruit  que  les 
coups  de  dent  de  fa  gueule.  Par  là  l’on 
peut  juger  de  :1a  vigueur  des  vieux 
Loups. 

Il  y a trois  fortes  de  Loups  à fgavouy 


CHASSEUR,  77 

Loups  cerviers  plus  grands  que  Renards 
qui  habitent  les  montagnes, lefquels  ne 
vivent  que  de  gibbier  qu’ils  furpren* 
nent. 

Loups-maftins  qui  ne  vivent  que  de 
charognes  , qui  font  toujours  aütouf 
des  grandes  Villes  où  elles  abondent  y 
8c  aux  chetues  des  Rivières  dans  la 
Mer  , où  toutes  les  pourritures  qui  y 
voguent  s’arrêtent. 

Loups-levriers  qui  font  viftes  & qui 
vivent  de  rapine  par  le  moyen  de  leur 
legereté. . Ces  deux  dernieres  efpeces 
font  fort  grands  & rablez,  ayant  une 
gueule  épouventabie  à double  rang  de 
dents,  8c  crocs  qui  coupent  comme  de 
Parier  trenchant  * dont  ill  mettent  en 
pièces  tout  ce  qu'ils  attrapent , & font 
plus  fins  8c  plus  rufés  qu’aucuns  animaux 
du  monde  pour  fimsfaire  à leur  vora- 
cité, 8c  vonr  toujours  ordinairement 
deux  enfemble,  dont  le  plus  fort  frappe 
de  fa  queue  aux  portes  des  Païfans 
pour  faire  fortir  les  chiens  fur  eux  9 
puis  prennent  la  fuite  pendant  que  le 
plus  vifte  eft  au  guet  pour  attraper  le 
chien  qui  fort.  Les  autres  rufes  font 
écrites  dans  la  Maifon  ruftique. 

G iij 


Seigneurs  fai- 


CEîte  Chafle  fe  fait  en  beau* 
coup  de  maniérés,  premièrement 
à force  , aux  accours  avec  les  lévriers, 
avec  les  limiers  en  rontaillant , avec 
des  abboyeurs  , aux  relevées  avec  ar- 
quebufes,  & aux  amorces  qui  eftune 
très  jolie  chafle  , dont  il  y a un  Cha- 
pitre particulier  à la  lin  du  Livre  de 
l’art  de  tirer  les  Sangliers. 

Anciennement  les 
foient  toutes  ces  Chafles  de  gros  ani- 
maux , comme  les  Allemans  qui  chaf- 
fent  aux  bricolles  & aux  filets  fans^ 
courir  à force  , & ils  tenoient  chez- 
eux  de  grands  équipages  de  toutes  for- 
tes de  filets  , mais  à prefent  cela  ne  fe 
pratique  plus  , & l’on  ne  fe  fert  que 
de  toiles  pour  mettre  les  bêtes  dans 
les  enceintes,  quand  on  veut  faire  des 
Chaflès  meurtrières  , ainfi  que  font 
tous  les  Princes  Allemans.  Mais  il 


CHASSEUR.  79 

n5eft  ici  qu’eftion  que  d’expliquer  cel- 
les qui  peuvent  donner  du  piaifir  & qui 

font  en  Ufa§e-  . r r-  e , . 

La  première  qui  fe  fait  a force  s exe» 

cute  par  des  chiens  de  Meutte  , & pai^ 
quantité  de  relais, comme  la  Chafle  diF 
Cerf. 

On  a peine  à forcer  les  grands  vieux' 
Sangliers  , parce  qu’ils  courent  très 
long- temps  , & à la  fin  fe  jettent  dans 
les  étangs,  & y demeurent  relaiffés  dans 
les  bourbes  , fans  qu’aucun  puiffe  les 
y aller  attaquer  n’y  ayant  aucun  ani- 
mal qui  nage  fi  bien  que  le  Sanglier^ 

En  cette  chafle  félon  que  les  San- 
gliers font  donnés  aux  chiens  vieux 
ou  jeunes,  on  les  force  & on  leur  court 
Tarquebufe  fur  l’épaule,  quand  ils  font 
vieux  Sangliers  pour  les  tuer  quand 
on  le  peut  dans  quelque  relancer  on 
dans  quelque  accourt , ou  quand  ils 
retournent  fur  les  chiens.  Ces  animaux 
ont  une  telle  vigueur  * qu’on  en  a vû 
pouffer  à un  Picqueur,  attraper  en  paf- 
fant  une  étriviere  , & porter  l’homme 
& le  cheval  plus  de  fix  pas  loin. 

Quand  on  attaque  ces  grands  vieux 
Sangliers*  pour  en  venir  about  Pon  fe 
G iiij 


go  LE  PARFAIT 

fert  de  chariots  8c  charettes  chargées 
à arquebufiers  y qu'on  pofe  dans  les 
pa (Fages  pour  les  tirer.  Et  iln’y  ahom^ 
me  qui  ofe  demeurer  en  pied  > parce 
que  ces  bêtes  viennent  au  bruit  &.  à 
la  voix  des  perfonnes  8c  les  déchirent, 
ou  leur  font  de  grandes  bleiïures  Les 
plus  dangereux  font  ceux  qui  font  dans 
leur  quart  an  5 car  en  vieilliffant  ils 
deviennent  mirés  , 8c  leurs  défenfes 
étant  tournées  ils  ne  coupent  plus,. 

Ces  bêtes  ont  plufieurs  noms  félon 
leur  âge  * élans  petits  on  les  nomme 
Ma  rca  (Tins.  Apres  quand  ils  ont  un  an 
©n  les  nomme  Bêtes  de  compagnies  ; 
enfuite  ils  deviennent  Ragots , après 
©n  les  nomme  Sangliers  en  leur 
tiers  an.  Puis  après  on  les  nomme  San* 
gliers  en  leur  quart  an.  Puis  après  mi- 
res , & puis  vieux  Sangliers^  Et  puis 
enfin  grands  vieux  Sangliers. 

Les  femelles  quand  elles  commen- 
cent à porter  on  les  nomme  Layes. 
Elles  font  fieres  & dangereufes  quand 
elles  ont  des  Marcaffins.  Si  on  les 
chafiè  , elles  ont  la  rufe  de  ramaffer 
tous  leurs  petits  Marcaffins  en  unbloc 
dans  quelque  builïbn  fort  épais  , & 


) 


CHASSEUR.  82 

puis  elles  fuient  tout  à- l’autre  bout  de  la 
Forêt  ; & jamais  ne  tournent  ni  appro- 
chent le  lieu  où  elles  ont  laiflfé  leurs  pe- 
tits. QjJe  fi  d’aventure  ils  étoient  ailes 
grands  pour  la  fuivre  , elle  fe  met  à 
leur  tête  & s’en  ira  à dix  lieues  delà 
fans  tourner,  paffant  par  plaines,  to- 
taux, rivières,  marets , bois  ôc  forêts 
avec  fa  troupe  , ôc  fe  fauve  ainfi  fou* 
vent  par  un  tel  foriongement. 

Elles  vont  au  ruth  en  Décembre  & 
Janvier  , & portent  comme  les  truyes 
communes,  quatre  mois  & une  fè- 
maine.  En  ce  temps-là  elles  fe  rece* 
lent  fort  , & font  tres-difficiles  à trou- 
ver. J’ai  oui  raconter  autrefois  qu’un 
grand  vieux  Sanglier  mâle  s’étoit  ac- 
couplé avec  une  truye  commune , Sc 
que  cela  arrivoit  fouvent  en  Alle- 
magne ou  en  Portugal,  où  ces  animaux 
font  libres  & toujours  demeuransdans 
les  Forêts. 

La  Chalfe  des  accours  efl  plailante. 
Elle  fe  fait  en  mettant  des  lévriers 
d’eftrique  derrière  une  toile  faite  ex- 
près à bon  vent  fur  les  côtés , & dans 
le  fond  de  Paccours  on  y met  les  gros 
lévriers.  Dés  que  le  Sanglier  fort,,  on 


Sa  LE  PARFAIT 

lui  donne  une  lefle  en  côte , la  voyant 
il  veut  Fuir  de  l’autre  côté  , d’ou  l’on 
lui  en  donne  une  autre , il  Ce  veutfau- 
ver  au  milieu  , il  trouve  les  gros  lé- 
vriers entête,  qui  le  tiennent  & l’ar- 
rêtent tant  que  les  ChafTeurs  le  tuent 
à coups  d’épée,  mais  il  ne  faut  point 
oublier  de  tenir  l’ëpée  à deux  mains  , 
parce  qu’il  tueroit  les  chiens. 

Celle  de  rontaillerdes  Sangliers  avec 
les  limiers  eft  encore  fort  agréable*. 
JLe  Valet  qui  routaille  tient  fon  chien 
court , & ne  le  laifTe  aller  que  douce- 
ment, le  Sanglier  n’étant  point prefle* 
écoute  ; les  tireurs  montés  fur  des  ar- 
bres au  bruit  du  chien  le  voyent  ve- 
nir & le  tirent  à leur  plaifir,  & s’ils 
ne  le  tuent  tout  roide , ils  coupent  les 
devans  d’une  enceinte  à l’autre,  tant 
qu'il  tombe  fous  la  main  de  quel- 
qu’un. C’eft  une  vraye  Ghaflede  Gen- 
tilhomme, car  elle  n’eft  point  de  dé- 
penfe.  Elle  eft  fort  en  ufage  en  Berrh 

Il  y a encore  une  autre  maniéré  de^ 
ehaflerle  Sanglier,  qui  fe  fait  avec  des 
chiens  qu’on  appelle  abboyeurs  , lef- 
quels  dans  les  grands  bois  queftent  ÔC 
prennent  le  vent  d’un  Sanglier  , 8& 


CHASSEUR.  83 

Tayant  trouvé  ils  n’approchent  point 
& aboyent  feulement.  Le  Sanglier 
tourne  iouvent  fur  eux,  mais  ilsfuyent. 
Cependant  les  Arquebufiers  fe  cou- 
lent à lentour  & le  tirent  , & jamais 
l’abboyeur  ne  le  lailfe  qu’il  ne  foit  tué. 
Ces  chiens  là  procèdent  & font  engen- 
drés d’une  lille  qui  chafle  naturelle- 
ment le  Sanglier,  & d’un  fort  maftin 
qui  ride  de  nature.  Il  eft  à remarquer 
que  le  lieu  où  le  Sanglier  fe  repofe 
s’appelle  bauge. 

Il  fe  peut  faire  une  race  de  chiens 
engendrés  d’une  lifle  & d’un  chien 
fufdits  qui  fe  peut  faire  foit  à gros 
poil , defquels  en  ayant  une  douzaine 
chaiïèront  de  gueule , & il  n’y  aura 
point  de  Sanglier  qu’ils  ne  portent 
par  terre  & qu’ils  ne  faffent  pafler 
aux  accours.  Cet  avis  fera  pour  les 
Gentilshommes  qni  demeurent  prés 
des  Forêts  où  il  y a beaucoup  de  San- 
gliers. Il  y a encore  un  autre  avis  qui 
cft , que  les  chevaux  dont  ils  fe  fer- 
vent foient  alfés  forts  deffous  & char- 
gés de  poil  pour  fe  défendre  de  l’épine, 
parce  qu’il  n’y  a point  de  plus  grands  en- 
nemis des  Piqueurs  que  les  Sangliers. 


U LE  PARFAIT 
CHAPITRE  XVIII. 


De  la  Chajje  du  Renard  & des 
bêtes  -puantes. 

À Chafle  du  Renard  & bêtes 


JL-/  puantes  le  fait  avec  des  chiens 
de  toute  taille  pour  le  Renard  , & 
des  baflets  pour  les  autres.  Le  feu 
Roi  Louis  XIII.  a été  le  plus-  grand  1 
Cha fleur  qu’aucun  Roi  du  mon- 
de. Il  a aimé  coures  fortes  de  Chaflès, 
& y a été  le  plus  adroit  de  fon  Royau- 
me , Sc  l’on  peut  dire  de  fon  fiecle  ; 
mais  fans  particularifer  touces  celles 
qu’il  pratiquok  excellemment , ôc  y 
reüffilfoit  mieux  qu’faomnie  du  monde* 
il  faut  deelârer  les  plus  belles  qu’il  a 
faites  toute  fa  vie  en  Roi,  ôc  queper=* 
fonne  ne  peut  imiter. 

La  première  en  fa  jeunelFe  cft  la 
Fauconnerie  qui  étoit  telle,  que  nul  ! 
oyfeau  de  quelque  nature  quil  pût- 
eftre  ne  pouvoit  paroître  dans  une  plai- 
ne fans  dire  attaqué  par  des  vols  & 


par  des  oyfeaux  fi  hardis , & de  fi 
grande  entreprife,qu’il  falloir  par  force 
qu  ils  vinflent  à bas.  Tous  ces  vols 
feront  exprimés  parlant  de  la  Faucon- 
nerie ci-aprés  & pour  donner  plus 
facilement  le  plaifir  de  voir  voiler 
tout  ce  qui  pouvoir  Ce  rencontrer 
dans  la  plaine  de  Saint  Denis  proche 
Paris  , à la  Reyne  &c  à toutes  les 
Dames  delà  Cour,  il  avoir  fait  conf- 
truire  une  butte  de  terre  au  milieu  de 
cette  plaine  au  lieu  nommé  la  Plan- 
chette qui.  étoit  environné  d’eauës  , 
8c  de  toutes  les  choies  neceflàires  pour 
à fon  aife  voir  tout  alentour  , ôetous 
les  Chefs  de  vols  envoyoient  par  tout 
faire  voiler  des  Ducs  pour  faire  ap- 
procher les  oyfeaux  de  ladite  butte, 
& quand  ils  croient  en  portée  raifon- 
nable , ils  étoient  attaqués  & s'élè- 
vent dans  une  hauteur  extrême,  qui 
ionnoit  la  facilité  de  voir  à toute  la 
Cour  toutes  leurs  défenfes  & leurs 
:ombats , puis  étans  amenés  en  bas, 
itoient  apportes  au  Roi  qui  en  avoir 
:ü  tout  le  plaifir* 

Tous  ces  vols  fuivoient  le  Roi  par 
:out  dans  les  voyages , & en  tous  les 


86  LE  PARFAIT 

lieux  où  fe  prefentoit  dequoi  donner 
du  plaifir  au  Roi  ^ il  en  joüiiïbit  piai- 
llement. Voilà  la  première  Chaflè 
Royale  que  le  Roi  a aimée , laquelle 
étoit  d’un  fingulier  plaifir  à toute  la 
Cour  j & pour  l’entretien  de  laquelle 
tout  ce  qu*il  y avoit  de  bons  Faucon- 
niers en  l’Europe  s’étoit  rendu  auprès 
de  Sa  Majefté,  dont  ils  tiroient  des 
appointemens  tres-confiderables  , ce 
qui  rendoit  les  équipages  fi  bien  fervis, 
qu’il  ne  s’eft  rien  vu  de  pareil  dans 
nôtre  fiecle- 

La  fécondé  Chafle  que  le  Roi  a fait 
loyalement,  eft  celle  des  Chiens  cou- 
rans  , car  outre  tous  les  équipages 
pour  Cerfs , pour  Chevreuils,  pour 
Loups  , pour  Lievres  &c  pour  San- 
gliers ; il  y avoit  toujours  cent  cin- 
quante chiens  qui  le  fuivoient  par  tout 
en  fes  voyages  , qui  attaquoient  tout 
ce  qui  fe  rencontroic  dans  tous  les 
buiffbns  qui  étaient  en  fon  chemin,  & 
dans  tous  les  lieux  ou  il  féjournoit. 

Pour  cet  effet , il  n’y  avoit  point  de 
pur  que  du  moins  huit  Veneurs  n*al<2 
lafïent  tous  les  matins  aux  bois  qui 
étoient  par  où  le  Roi  paffoit , & qui 


CHASSEUR.  87 

nefilTent  leur  rapport  au  Roi  de  ce 
qu’ils  avoient  rencontré.  Toit  Cerfs, 
Biches , Chevreuils,  Loups,  Sangliers, 
Renards  & le  reite.  Et  qu’elles  étoient 
les  fituations  des  buiflons  , & s’ils 
étoient  en  plaines  , cêtaux  ou  lieux 
humides , quelles  étoient  les  refuites 
des  bêtes  , deiôrte  que  le  Roi  étoit 
informé  à fon  lever  de  quelle  bête 
il  pourroit  avoir  du  plaifir  , & com- 
ment elle  ferait  portée  par  terre  par 
trente  leflès  de  lévriers  qui  fuivoient 
l’équipage  par  tout. 

Quand  le  Roi  vouloir  chaffer , l’or- 
dre fe  donnoit  aux  Gendarmes,  Che- 
vaux-legers&  Moufquetaires  à l’heure 
qu’il  vouloir  partir , les  Chaifeurs  par- 
toient  devant  & voyoient  ou  étoit  le 
vent  pour  difpofer  les  accours.  Les 
toiles  étoient  ajuftées  pour  cacher  les 
lévriers  , & le  Roi  arrivant  trouvoit 
tout  difpofé.  Toute  fa  fuite  bordoit  le 
côté  du  mauvais  vent  , & fe  rangeant  à 
cinquante  pas  les  uns  des  autres  le 
le  piftolet  à la  main  fe  tenoient  prêts 
quand  la  ChaflTe  commenceroir.  Le 
Roi  donnoit  le  fignal  , les  chiens 
étoient  découplés,  & dés  qu’ils  com- 


S8  LE  PARFAIT 

mençoient  à chafler  5 la  déchargé  fe 
faifoit  du  côté  du  mauvais  vent  , ce 
qui  donnoit  une  telle  terreur  aux  bêtes, 
qu’elles  fuyoient  du  côté  des  accours, 
& à leur  fortie  du  bois  les  lévriers 
coftiers  étoient  donnés  > puis  ceux  de 
l’autre  côté,  tant  que  les  bêtes  alloient 
au  fond  de  Taccouis  où  étoient  les 
gros  lévriers  qui  les  coiffbient,  & le 
Roi  en  avoit  tout  le  plaifir. 

Incontinent  chacun  à mefure  repre- 
noit  fa  place  pour  voir  fortir  d autres 
bêtes  , lefquelles  étoient  encore  cou- 
rues , &c  tant  qu’il  y en  avoit  dans  le 
bois  tout  étoit  porté  par  terre.  Cela 
duroit  tout  le  haut  du  jour , <k  fouvent 
fort  tard  , principalement  quand  il  y 
avoit  des  Loups  (car ces  animaux  font 
malicieux}  qui  ne  vouloient  fortir  qu’à 
force , & même  il  y en  avoit  qui  fe 
fauvoient  du  côté  défendu  des  Cava- 
liers 5 & qui  aimoient  mieux  efluyer 
leurs  coups  que  de  fortir  du  côté  de 
l'accours  qu’ils  avoient  éventés. 

Ces  deux  Chalfes  étoient  pleine* 
ment  royales , car  le  Roi  fe  pouvoit 
dire  le  maître  de  tout  ee  qui  fe  prc- 
fentoit  dans  l’air,  & de  tout  ce  qui 

étoit 


CHASSEUR.  s9 

étoit  fur  terre  ; puis  qu’il  prenoit  tou- 
tesfortes  d’oyfeaux  & de  quadrupèdes 
qui  Ce  rencontroient  dans  les  lieux  oè 
il  lui  plaifoit  de  chairer , tellement qu’if 
etoit  Roi  de  l’air  & de  la  terre  , ce 
que  j'ay  bien  voulu  décrire  pour  fa 
gloire  , & pour  les  plaifirs  innocens 

aufquelsil  s’adonnoir.&pourrhonneur 
que  j’ay  receu  de  l’accompagner  trente- 
ans  durant  dans  toutes  ces  Chaflès. 

Quand  les  Renards  font  fort  chafles^ 
ils  fe  terrent  & alors  on  les  déterre 
avec  des  baflets , ils  font  pris  vifs , êc 
on  leur  fille  les  yeux,  enforte  qu’ils* ne 
voyent  goûte,  puis  on  les  laiiTe  courir 
dans  une  plaine,  c’eft  un  plaifir  afles 
diveruflànt  de  voir  les  culbutes  qu’ils* 
font  en  courant  de  toutes  leurs  forces, 
fans  fçavoir  où  ils  vont.  Quand  on  â 
eu  ce  plaifir  afles  long  temps,  l’on  met 
les  baflets  fur  les  voyes  du  Renard 
fil  e , lequel  entendant  venir  les  chiens 
a lui,  refait  d’autres  nouvelles  culbutes- 

que  la  peur  lui  fait  faire  plus  grandes 
que  les  premières  , tellement  que  le 
Renard  <?t  ies  baflets  Ce  mêlent , Sc  il 
n’y  a point  de  meilleure  invention 
pour  metrre  ces  chiens  en  curée. 

H 


9o  LE  PARFAIT 

Les  Gentilshommes  Anglois  font  la 
Chafle  du  Renard  avec  plus  de  cere- 
monies , car  quand  ils  ont  connoiffan- 
ce  d‘un  Renard  avec.de  certains  chiens 
qu’ils  ont , qu’on  appelle  des  trou- 
veurs  qui  vont  requérir  un  Renard  en 
tous  lieux  fuft  il  parte  de  vingt-quatre 
heures  : ils  en  donnent  avis  à leurs 
amis , 3c  font  aflemblée  de  quatre  oti 
cinq  Meutes  pour  le  charter  , comme 
fi  c’étoit  une  bête  de  grande  impor- 
tance j puis  tous  enfemble  vont  le 
chercher,  & le  chaflent  tant  qu’ils  le 
font  terrer  , puis  avec  grande  cere- 
monie ils  le  deterrent,  & le  prennent 
vif,  3c  le  mettent  dans  un  Parc  fans 
qu’il  en  puifle  fortir,  derechef  ils  ap- 
pellent tous  leurs  amis  avec  tous  ceux 
qui  ont  des  Meutes  & des  chiens  , &C 
des  chiens , 3c  quelquefois  en  nom- 
bre de  plus  de  cent  cinquante,  lefquels 
tous  ayant  des  voyes  à plein  nez,  étant 
dun  naturel  à aimer  les  bêtes  puantes, 
ils  chaflent  avec  un  bruit  épouvanta- 
ble , jufqu’àce  qu’il  foit  fur  fes  fins  , 
puis  ils  rompent  leurs  chiens  & vont 
faire  de  grands  feftins  enfemble  juf- 
ques  au  lendemain  qu’ils  chaflent  es- 


CHASSEUR.  9i 


core  avec  autant  de  chiens  nouveaux 
qu’on  leur  ramene,  5c  continuent  cette 
Ch  a fie  tant  que  la  bête  le  peutfouffrir, 
jufqu’à  ce  qu’elle  meure  de  feiche- 
relie,  & leur  fête  dure  julqu’à  cequ’ik 
puiiïent  en  avoir  un  autre  vif. 


Méthode  pour  tuer  tous  les 
Renards  d'un  bois . 

Our  tuer  tous  les  Renards  d’un 


X bois,  l’on  fe  fert  d’un  piaillant  ar- 
tifice. Un  tireur  monte  fur  un  arbre 
dans  une  taille  le  long  d’un  fort  ou  il 
y a des  Renards  5 lefquels  il  a entende 
fouvent  crier,  comme  ils  font  au  Prin- 
temps, 5c  au  pied  de  l’abre  fur  lequel 
il  eft  monté,  il  a attaché  une  poule  en 
telle  forte  qu’elle  ne  peut  s’échapper* 
& à quelque  partie  defon  corps  il  atta- 
che une  fifellealFés  longue  pour  la  tenir 
delà  main  fur  fon  arbre  , enforteque 
la  tirant  il  la  puilîè  faire  crier.  Quand 
il  eft  bien  hutté,  & qu’il  a coupé  tou- 
tes les  petites  branches  qui  l’empé- 
choient  de  voir  clair  autour  de  lui 
afin  de  pouvoir  tirer  facilement  tour 


ç>i  LE  PARFAIT 

ce  qui  viendra  à fa  portée,  il  tire  !» 
fifeile  8c  fait  crier  la  poule,  il  n’eft 
pas  hutte  d’un  quart  d’heure,  que  s’il  y 
a un  Renard  dans  le  fort , il  accourt: 
au  cris  de  la  poule  pour  la  prendre,  & 
& if  le  tire  & tres-facilement  le  tué- 
s’il  fait  cela  en  divers  lieux  où  il  y a 
des  Forêts  , il  ne  briffera  aucuns  Re- 
nards dans  le  bois.  Les  Chats  harets 
viendront  auffi  bien  que  les  Renards, 
Foynes  8c  Putays  au  cris  de  la  Poule  j 
mais  il  faut  que  le  tireur  foit  fans  in- 
quiétude, & foit  d’une  grande  patience 
fans  remuer  fur  fon  arbre  8c  fans  faire 
aucun  bruit  : car  ces  animaux  qui  font 
deffians  & rufés  écoutent  long  temps 
avant  que  de  fortir  du  fort  pour  fe 
jetter  dans  la  taille  après  la. Poule  qu’ils, 
croyent  s’être  écartée  du  Village.  Mais» 
enfin  n’oyanr  aucun  bruit  ils  ne  man- 
quent jamais  de  fortjr  & de  fe  faire  tuer.'. 


CHASSEUR.  95 


Pour  tuer  des  Renards  au  carnage* 

IL  faut  attacher  le  carnage  auec  des 
hars  de  bois  pour  le  traîner,  car  fi 
c’étoit  une  corde  , principalement  les 
Loups  n'y  viendroient  point  , parce 
que  ces.  animaux  font  défians , 8c  ayant 
le  moindre  vent  de  la  corde  jamais 
n approcheroient.  H faut  même  atta- 
cher avec  des  hars  de  bois  contre  terre 
avec  des  fiches  rres-profondes  : car  la 
première  choie  que  font  les  Loups, 
c'efl:  de  tirer  le  carnage  hors  de  fou 
lieu  ^ & quand  ils  Tentent  qu'il  tient* 
ils  font  long- temps  fans  en  approcher, 
& ne  viennent  que  par  boutades  en 
prendre  quelques  morceaux  & fe  re- 
tirent. 

Les  Renards  y viennent  tout  daJ 
hord  , & font  moins  défians  que  les 
Loups , c’eft  pourquoi  on  les  tue- très- 
facilement.  Les  tireurs  fe  huttent  fur 
un  arbre , fi  c eft  le  long  d’un  bois , ou 
dans  quelque  vieille  maifon  deferte  8c 
ecartee  d un  village,  d'où  ils  les  ti- 
rent. Mais  les  Loups  font  quelquefois 


94  LE  PARFAIT 

deux  nuits  fans  y donner.  Il  n’y  a que 
la  patience  qui  en  puifle  venir  à bout. 
Les  Renards  n’en  approchent  point 
tant  qu’il  y a des  Loups. 


De  la  nature  du  Renard. 

LE  Renard  eft  un  animal  tres-fîn 
& très  rufé,  qui  ne  vit  que  de  rapt 
par  furprife  , 8c  de  petites  bêtes  qu’il 
deteire  à la  campagne.  Il  eft  toujours 
au  guet  le  long  des  Villages,  fur  tout 
quand  ils  font  fîcués  le  long  des  bois* 
il  fait  grand  tort  aux  garennes , 8c  à 
toutes  fortes  d’oeufs  des  oyfeaux  qu’il 
déniché  , & aux  Caterolesdes  Lapins. 
Son  âge  ne  fe  connoît  qu’à  fon  poil 
argentin,  & plus  il  eft  vieil,  plus  fon 
poil  blanchit  par  fes  extrémités.  Les 
trique  tracs  , relevées  , amorces  em- 
poifonnées  , & l’arquebufe  lui  font  la 
guerre , tant  pour  le  châtier  de  fes  ma- 
lices & pour  fà  peau  qui  fert  de  four- 
rure, 8c  fes  poulmons  qui  fervent  poui 
la  maladie  que  l’on  appelle  Afthme» 


CHASSEUR.  9| 


Des  Gabelles. 

L A Chaffè  des  Gazelles  fe  fait 
avec  des  Lévriers  & des  Léo- 
pards, Elles  font  abondantes  en  Orient* 
ôc  plus  petites  qu’un  Chevreüil.  Celle 
des  Léopards  fe  fait  ainfî.  Le  maître 
du  Léopard  en  porte  un  en  croupe  fur 
un  cheval , if  va  dans  les  lieux  où  il 
peut  trouver  des  Gazelles , ordinaire- 
ment pleins  de  brouflàilles,  quelque- 
fois fur  le  bord  des  petites  plaines  o# 
il  y a des  tàloppes.  Dés  qu’il  en  part 
une  * il  lâche  fon  Léopard  qui  ne  va 
que  par  de  grands  fauts,  & le  joint  en 
très  peu  d’elpace . puis  l’ayant  portée 
par  terre  , la  (àifît  à la  gorge.  Le  maî- 
tre y arrive  qui  la  fend  avec  un  grand 
couteau  fait  exprès  , & il  lui  tire  le 
cœur,  qu’il  donne  au  Léopard,  moyen- 
nant quoi  il  laiffe  la  proye.  Le  Chaf- 
feur  achevé  de  Pévenrrer  & la  donne 
a fon  camarade  qui  la  charge  fur  fon 
cheval.  Le  Léopard  ayant  mangé  le 
cœur,  & repris  & remis  fur  le  cheval 
en  croupe  ou  il  faute  de  lui-même  étant 
drelTéàcela* 


$6  LE  PARFAIT 

La  Gazelle  eft  un  animal  plus  petit 
qu'un  Chevreüil  fort  vifte.  Quand  elle 
eft  courue  avec  des  lévriers  ils  la  por- 
te par  terre  , ils  la  tiennent  tant  que 
le  maître  y arrive  qui  achevé  de  la 
tuer.  Elle  eft  fort  belle,  d'un  poil  fauve 
blanchâtre  avec  des  rayes  blanches  le 
long  des  côtés  & à la  tête*  C’eft  une 
efpece  de  Chevreüil,  &:  fo  fie  en  /a 
viteflè,  & eft  un  animal  de  plaine  & 
de  brouffàilles  ; elle  eft  frequente  en 
A fie  8c  aux  Indes  , 8c  non  ailleurs. 

Toutes  fortes  de  gibier  vient  au  cris* 
de  fon  femblable*  Il  fe  vend  tomesTor- 
tes  d'appeaux  pour  tous  animaux 
dont  il  faut  qu'un  Chaffour  foit  fourni,, 
s'il  veut  être  curieux  de  fçavoir  châtier 
toutes  fortes.de  gibier  principalement 
aux  relevées  * le  foir  êc  te  matin,  Sc  la 
nuit  au  clair  de  la  Lune. 

Il  y a encore  plufieurs  maniérés- de 
prendre  le  gibier  avec  piégés  , lacs- 
courans,  rattieres  , filets,  dont  je  ne 
parle  point , parce  que  d'autres  en  ont 
écrit.  Ils  ne  conviennent  point  à l'en- 
feignement  que  je  prétends  donner 
pour  fo  rendre  parfait  Chafleur  5 8c 
que  toutes  ces  furprifes  fe  font  plus 


CHASSEUR.  97 

la  nuit  que  le  jour  fans  chaiîèr , & où 
il  n’y  a nulles  rufes  à vaincre  ni  à ob- 
server pour  prendre  le  gibier  qui  i*e 
prend  de  lui- même. 

Toutes  ces  maniérés  de  prendre  le 
gibier  appartiennent  plus  à des  Gar- 
des Ae  bois  & à des  Valets  qu'à  de 
Maîtres  ChafTeurs  qui  chaflent  plus 
pour  le  plaifir  que  pour  la  prife , 
& ou  il  ne  fe  rencontre  aucun  qui  foit 
digne  d’être  écrit  ni  pratiqué  , finon 
contre  les  bêtes  mordantes  qu’on  ne 
iqauroit  attaquer  de  trop  de  maniérés 
pour  la  deftruétion  qu’elles  caufent, 
c’eft  pourquoi  il  s’y  faut  rendre  fça- 
vant  par  les  Garenniers  qui  les  fça- 
vent  détruire , & par  les  inventions 
que  j’ay  données  au  Chapitre  des  Ga- 
rennes. 


ï 


c)8  LE  PARFAIT 


La  C baffe  de  la  Foyne , Putoys 
& autres. 

Y A ChalTe  àe  la  Foyne  fe  fait  avec 
i , des  ballets  qui  la  vont  chercher 
dans  les  granges  , greniers  à foin, 
bûchers  , & combles  d’Eglife.  Pour 
cet  effet  ils  vont  flairer  tous  les  coins 
des  bâtimens  dans  tout  un  Village 
pour  fentir  s’il  en  a monte  quelqu  une. 
S’ils  en  fentent  & qu'ils  appellent  on 
leur  dreffe  des  échelles  , aulquelles  ils 
font  dreffés  de  monter  & defeendre 
tous  feuls.  Ils  courent  par  tout,  & il 
n*y  a point  de  lieu  ou  ils  ne  les  re- 
lancent. Les  Chaffeurs  du  feu  Roi 
Loiiis  XIII.  avoient  des  chiens  qui 
en  prenoient  par  tout.  Cette  Chahe 
eft  plaifante,  parce  qu’elle  met  tout  un 
Village  au  champ , & que  tous  les  ha- 
bitans  fe  préparent  pour  les  tuer  quand 
elles  font  trouvées  , à caufe  quelles 
leur  font  grand  tort  dans  leurs  poul- 
laillers  , vollieres  & colombiers , Sc 
qu’elles  defettent  toutes  leurs  baffes 


C H A S SEUL  99 


cours.  La  Chaile  de  la  Foyne  & des 
Putoys  eftla  même  choie. 


CHAPITRE  XIX. 


De  la  ChajJ'e  du  Lievre  aux 
chiens  courans. 

A ChafTè  du  Lievre  aux  chiens 


JL/ courans  n’eft  pas  à la  vérité  fi 
confiderabie,  fi  noble,  ni  de  fi  grande 
confequence  que  celle  du  Fauve.  Mais 
tous  les  Chalîeurs  demeureront  d’ac- 
cord quelle  eft  la  plus  line  de  routes 
les  Chafles , la  plus  commode  pour  le 
plaifirdes  Grands,  &la  plus  belle  pour 
les  Dames  qui  les  accompagnent,  en  la- 
quelle la  peine  ne  furpafie  jamais  Jeplai- 
fir.Et  à confiderer  le  vray  plaifir  des 
chiens  coürans  ne  confifte  qu’en  trois 

chofestfes-effentiellesquilacompofent, 

La  première  dans  les  belles  gorges 
8c  le  grand  bruit  des  chiens. 

La  fécondé  que  les  chiens  chaflènt 
tous  enfemble  pour  augmenter  l’har- 


I if 


IOO  LE  PARFAIT 
monie  que  roniou  de  leur  voix  pro- 
duit. 

La  troifiémeque  les  chiens  nefoient 
point  viftes  * parce  qu'ils  ne  peuvent 
pas  bien  crier,  employant  leur  vigueur 
à courir  de  toutes  leurs  forces  , mais 
principalement  pour  adoucir  la  peine 
que  la  vehemence  de  la  conrfe  d'un 
cheval  peut  donner  quand  il  court 
d'une  trop  grande  vitefle. 

Si  le  plaifîr  ne  peut  foufffir  la  moin- 
dre peine  & les  moindres  incommo- 
dités fans  alteration  > les  trois  choies 
ci-dellus  étant  accordées  , il  n'y  doit 
point  avoir  aucune  Chaffe  qui  précédé 
celle  du  Lievre  , lui  qui  poflede  fi  fpe- 
cialement  ces  trois  conditions  accor- 
dées , ni  même  une  quatrième  la  plus 
confiderable  de  toutes  , puis  qu'elle 
polfede  le  plus  noble  de  tous  les  fens 
qui  eft  la  veuë  , parce  qu’elle  doit 
eftre  entièrement  fatisfaite  à voir  les 
rallimens  des  chiens,  à confiderer  leur 
adrefle  & leur  inftin£fc  de  prendre  leurs 
devans  , leurs  tours  & leur  retours  , 
à voir  la  finefïe  de  leur  nez  pour  cher- 
cher les  chemins  , pour  traverfer  les 
guerets  & les£èichereifesv-au  rappro- 


CHASSEUR:.  ioi 

cher  le  balet  haut  , ôc  enfin  pour 
mettre  à bout  une  fi  petite  bête  qui 
marque  fi  peu  de  voye  , ôc  furmonter 
tomes  les  rufes  Ôc  toutes  les  finefifes 
qui  fe  rencontrent  dans  cette  Chafïe. 

Ce  qui  a fait  avouer  à tous  les  vrais 
ôc  des-intetefies  Chaflfeurs  la  vérité 
du  dire  qui  eft  fi  commun  , qu’il  y a 
bien  plus  d’honneur  à prendre  un 
Lievre  qu’un  Cerf,  ôc  qu’il  faut  être 
bien  plus  fçavant  pour  rendre  une 
Meute  pour  Lievre  , parfaite  , que 
pour  en  faire  une  bonne  pour  des  bê- 
tes dont  les  voyes  font  toujours  à 
pîain  nez. 

Toutes  ces  considérations  m’ont  obli- 
gé à rechercher  avec  plus  de  foin  les 
finefTes  ôc  la  fcience  qu’il  faut  avoir 
pour  bien  faire  cette  chaffe  , pour  ve- 
nir à bout  de  toutes  les  difficultés  qui 
s’y  rencontrent,  Ôc  pour  deméler  tour- 
tes les  rufes  que  la  nature  a données 
à ces  petits  animaux  pour  défendre 
leur  vie  : car  elle  ne  leur  a pas  feule- 
ment donne  la  vitefïe  pour  fe  fauver 
de  celle  des  Lévriers , ni  bourré  les 
pieds  pour  courir  fur  le  rude  où  leurs 
plus  grands  ennemis  ne  peuvent  pafièr 
I iij 


lot  ' LE  PARFAIT 

fans  s’eflropier  » mais  elle  leur  a don* 
né  l’inflinét  ôc  1 efprit  de  faire  des  ru- 
fes  pour  cacher  les  lieux  où  ils  giflent, 
êc  leurs  voyes  aux  chiens  qui  les 
chaflent  par  la  force  de  l’odorat.  Ce 
qui  fe  voit  premièrement  dans  les  ra- 
ies qu’ils  font  pour  fe  gifler. 
Premièrement  Ton  remarque  qu’ils 
ne  fe  retirent  jamais  des  gagnages  où 
ils  paflent  la  nuit  que  par  des  chemins 
aufquels  PappiiY  de  leur  voyeefl  moin- 
dre qiven  tous  lieux. 

Que  quand  ils  approchent  des  lieux 
pour  fe  gifler,  ils  n y vont  jamais  que 
par  de  très-grands  fauts  en  balançant 
à droit  & à gauche  , & toujours  à 
vaut  le  vent. 

Que  !e  plus  f3uvent  ils  fe  giftent 
dans  les  lieux  pierreux  pour  éviter  que 
leur  viteffe  naturelle  ne  foit  point  fur- 
montée  par  celle  de  leurs  ennemis. 
Que  giflant  dans  les  bois  , il  n’y  a 
ni  chemins  ni  carrefours  qu’ils  ne  me- 
furent , ni  de  rufes  qu’ils  ne  pratiquent 
auparavant  que  de  le  faire. 

La  première  rufe  que  fait  un  Lievre 
quand  il  efl  chafle,  doit  être  fort  re- 
marquée , parce  que  s’il  a été  couru 


CHASSEUR,  ioj 

ii  la  continuera  toujours  jufqu’àla  fia 
foie  dans  les  eauës , fok  dans  les  che- 
mins , Toit  dans  les  bois  ,foi't  dans  les 
gros  Villages  , foit  dans  les  païs  fecs  , 
foit  à vau  vent.  Si  c’eft  une  haze  elle 
éloignera  peu  Ton  pais,  fi  c’eft  un  bou- 
quet, il  ne  laiflera  de  fe  fauver  par 
une  longue  fuite.  Sur  ce  fujet  je  diray 
quelques  rufes  que  fay  remarquées 
dignes  d'être  écrites. 

Nous  avions  couru  un  Lievre  deux 
fois  qui  s'étoit  fauve  dans  les  eaux  du 
marais  de  Bonneiiil  , &c  dans  les  IfieS 
au  délions  de  Creteüil  , parce  qu'il 
partoit  un  bras  de  la  Marne,  & même 
il  falloir  qu'il  partait  tout  le  canal  & 
allait  dans  la  plaine  de  Saint  Maiir  , 
car  les  chiens  partant  le  bras  de  Fille 
le  chartoient  jufques  fur  le  grand  ca« 
nal  de  ladite  Marne.  J’avois  raconté 
cela  à plufieurs  ChalTeurs  & à Mon- 
fieur  de  Turaine  qui  avoit  une  Meute 
de  chiens  François  fort  vides  au  Faux- 
bourg  de  Saine  Antoine.  Il  me  dit  qu’il 
eurt  bien  voulu  courre  ce  Lievre.  Jé 
lui  dis  que  je  le  trouvois  toujours  dans 
un  même  lieu,  & que  j’efperois  de  le 
donner  à fes  chiens  quand  il  lui  plai- 


io4  LE  PARFAIT 

îoit.  Il  vint  un  jour  avec  un  bon  St 
grand  Chafleur  François  , 8c  plufieurs 
Mi’ors  Anglois  , je  ne  manquai  pas  de 
m y rendre  3 &le  menai  dans  les  brouf- 
failles  d’une  Ifle  où  il  fut  lancé  , mais 
ceft  une  chofe  merveilleufe  comme  il 
ne  fut  pas  pris  au  gobet , car  il  paflTa 
tout  au  travers  de  la  Meute , dont  il 
eut  une  fi  grande  frayeur  ? que  paflfant 
un  ruifleau  ii  gagna  la  plaine  de  Ville- 
neuve  qu’il  pafla  d’une  grande  vitelfe, 
puis  il  mefura  toutes  les  eauës  qui  fe 
trouvèrent  au  bas  des  cêtanx  de  Va» 
lenton  qui  étoient  grandes  par  le  dé- 
gel. Les  chiens  le  chafferent  fort  bien. 
Moniteur  de  Turaine  me  dit  quand  il 
lui  vit  prendre  les  côtaux  deValenton, 
ce  Lievre  eft  à bout  de  fes  rufes , puis 
qu’il  prend  le  haut,  je  lui  dis  qu’il 
étoit  d’une  très- grande  vigueur  > &c 
qu'il  pourroit  retourner  aux  lieux  or- 
dinaires où  il  les  faifoit.  Quand  il 
eut  mefuré  tous  les  côtaux  qui  étoient 
tous  pleins  d’eaucs  , tous  les  chiens 
eurent  peine  à emporter  les  voyes,  8c 
mêmes  qu’il  y eut  quelques  petits  dé- 
fauts qui  lui  donnèrent  affés  de  temps 
pour  faire  fa  grande  rufe.  Il  fe  jetts 


CHASSEUR..  i cf 

dans  une  petite  plaine  qui  eft  entre  lef- 
dits  côtaux  ôc  le  bois  de  Itieres  , & 
longe  le  chemin  jufqtfau  bois , puis 
retourne  fur  lui , &:  s’en  revient  jetter 
dans  une  grande  mare  qui  écoit  an 
deflbus  du  vent  dudit  chemin  , & le 
relaiile  tout  au  milieu  , ne  faiiant  pa- 
roître  de  tout  Ton  corps  que  le  bout 
du  nez  pour  refpirer  hors  de  l’eau.  Il 
eut  juftement  afifés  de  temps  pour  faire 
cette  rufe,  par  le  moyen  des  chicanes 
ôc  des  détours  qu’il  avoir  fait  dans  les 
côtaux.  Quand  les  chiens  furent  eu- 
très  dans  la  plaine , ils  emportèrent 
fort  bien  les  voyes  f &*  longèrent  le 
chemin  afles  bien  jufqti’à  ce  qu’ils 
rencontrèrent  les  voyes  doubles  qui 
alloient  au  bois.  Cela  réjoü  Ifoit  les 
Chalfeurs  , & difoient  tous  qu’il  fe- 
rait pris.  Moi  qui  fuivoitle  dernier  le 
long  du  chemin  ôc  me  défiant  de  cet- 
te mare  , ôc  m’étonnant  qu’il  n’a- 
voit  pas  paffé  tout  au  travers,  j’y  jet- 
tai  l’œil,  Ôc  je  vis  une  petite  motte  au 
milieu  de  la  grofiTeur  de  la  tête  d’un 
Lievre , je  le  regardai  attentivement*, 
3c  je  vis  le  galant  relaiffe  là  tout  cou- 
vert d’eau  : fi  bien  que  perfonne  n’au- 


îû6  LE  PARFAIT 

toit  jamais  pû  juger  que  fçauroit  été 
un  Lievre.  Je  ne  dis  mot  , 8c  je  fuivis 
la  Chaire  jufqu’au  bois.  Auquel  arri- 
vant je  trouvay  les  chiens  en  défaut* 
Le  Valet  prit  tous  les  devans  tant  qu'il 
perdit  tout  fon  fçavoir  faire,  étant 
pourtant  tres-bon  Chalfeur.  Les  voilà1 
tous  à fe  regarder  fans  dire  mot.  Moi 
qui  ne  les  avois  point  quittés,  per- 
fonne  ne  pouvoir  dire  que  j’en  fceuffe 
plus  qu'eux.  Enfin  nous  voila  tous  en 
confultation  * fçavoir  ce  que  pour- 
roit  être  devenu  le  Lievre.  Les  uns 
étoient  d'opinion  qiül  étoit  relaiflé 
dans  le  bois  : d’autres  qu’il  étoit  re- 
tourné aux  coraux  par  le  même  che- 
min qu’il  étoit  venu  ; les  autres  foute- 
noient  qu’il  ne  pouvoit  pas  avoir  eu  le 
temps  de  le  faire  fans  être  veu  : mais 
jamais  pas  un  ne  s’étoit  avifé  de  la 
mare.  Ils  firent  toutes  les  diligences 
de  le  requefter  félon  toutes  les  opi- 
nions , 8c  comme  tout  fut  defefperé,  je 
dis  à Monfieur  de  Turaine  ; voulés- 
vous  donner  la  vie  à ce  Lievre,  i!  me 
regarda  ferme  & tous  les  autres  Chaf- 
feurs,  8c  me  dit  fçavés-vous  ou  ileft, 
je  dis,  fi  vous  voulés  je  vous  le  mon- 


CHASSE  U R.  107 

tterai , il  me  répondit  , vous  me  ferés 
un  grand  plaifir  , & je  ferai  fort  con- 
tent d’apprendre  la  rnfe  de  ce  Lievre* 
je  lui  dis , faites  revenir  les  chiens  ici* 
& venés,  je  vais  vous  le  montrer.  Ils 
accompagnèrent  tous  Monfieur  de 
Turaine  , ôc  je  leur  difois  en  allant  # 
mais  ou  vous  imaginés- vous  qu’il 
puifle  être  ? les  uns  difoient  vous  Pa- 
vés vû  relaifle  dans  le  bord  du  bois  r 
d’autres  dans  le  bord  du  chemin  : je 
leurs  dis  , non  , Meilleurs , il  n’efi: 
point  là , mais  étant  déjà  proche  de  la 
grande  flacque  d’eau  où  il  étoît  , je 
vis  encore  la  même  grolïeur  qui  m’a- 
voit  paru  en  fon  milieu  : je  leur  dis* 
Meilleurs,  le  voila  en  leur  montrant 
la  tête  qui  paroilîoit  feule,  mais  n’en 
approchons  point , parce  qu’il  pour- 
roit  repartir  ^ & retourner  d’un  côté 
que  nous  ne  voudrions  pas.  Tous  fe 
mirent  à regarder  attentivement  cette 
motte  , ôc  pas  un  ne  voulut  croire  que 
ce  fuft  un  Lievre  qui  fuft  demeuré  là  fi 
long- temps.  Enfin  ils  refolurentdele 
faire  repartir  ôc  le  pouller  du  côté  de 
la  plaine.  L’on  fift  donc  venir  les 
Chiens  que  l’on  mift  de  l’autre  côté» 


ro8  LE  PARFAIT 

Monfieur  de  Turaine  luy  - même  1 Z 
voulut  faire  repartir  & palfa  dans  Team. 
Le  Lievre  qui  avoit  repris  haleine  re- 
pafla  dans  la  plaine  & courut  encore 
une  demie  heure  plus  mal  chaffé  que 
devanr  , il  fut  pris  dans  un  relancer  à 
la  rencontre  d’un  chien  écarté  le  long 
d’une  haye  , fans  lequel  il  fe  feroit  en- 
core fauvé  5 car  il  s’étoit  réchauffé , 
il  avoit  repris  fes  forces,  ôc  euftaffu- 
rément  regagné  fon  païs  & repafféla 
riviere  de  Marne  ayant  encore  chicar  é 
par  fes  rufes  , pour  fe  jerter  dans  la 
plaine  de  Saint  Maur,  comme  il  avoit 
accoutumé  de  faire,  où  il  auroit  trou- 
vé autant  de  change  qu’il  auroit  voulu, 
fi  les  chiens  l’euffèntpaffé  après  lui. 

Les  Lievres  qui  font  accoutumés 
aux  eaues  paffent  les  rivières  auflî  fa- 
cilement que  les  autres  animaux.  îl  y 
en  avoit  un  dans  la  plaine  de  Bon- 
neüil  qui  ne  faifoit  point  d’autre  ruf@ 
pour  fe  fauverque  de  paifer  la  Marne* 
& fe  jetter  dans  ladite  plaine  de  Sains 
Maur  toute  pleine  de  Lievres. 

J’en  ay  fait  pafftr  un  de  la  plaine  dè 
Greteüil  au  travers  de  la  Seine  proche 
Gharenton  en  prefence  de  trente  pea 
fonnes  de  qualité. 


€ H A S S E U R.  109 

Chez  moi  en  Picardie  on  void  tous 
les  foirs  relever  des  marais  des  Liè- 
vres qui  paflent  la  Somme  depuis  le 
mois  de  Mai  jufques  au  mois  de 
Septembre  pour  aller  aux  grains  8c 
gagnages  entre  quatre  8c  cinq  heures 
du  loir  , & repafler  la  même  riviere 
le  matin  pour  s’aller  gifler  au  frais 
dans  les  herbes  , 8c  quand  ils  font 
chafles  dans  les  côtes  8c  dans  les 
plaines , ils  ne  manquent  pas  de  paf- 
fer  la  riviere  , 8c  faire  de  grandes 
randonnées  dans  toutes  les  prairies  8c 
marais  où  ils  trouvent  du  change, 
& font  imprenables.  Le  plus  grand  fe- 
cret  quand  un  Lievre  rufe  dans  les 
eauës  , c’eft  d’être  opiniâtre  & très 
exaét  à requefter  dans  les  défauts  : 
car  un  Lievre  ne  fe  peut  fauver  que 
par  des  retaillés. 

Bref  étant  chafles  à la  ' campagne 
Pat  ^.es  f;evreteurs  > il*  ne  fourlancent 
jamais  s’ils  font  bien  queftez.  Et  étans 
chafles  par  une  Meute  de  chiens  ils 
demeurent  fermes  8c  rafés  dans  leur 
gifle  , fi  quelque  chien  ne  les  lance. 
Qui  eft-cequi  peut  rendre  railon  d’une 
fi  fpirituelle  conduite? 


ÏIO  LE  PARFAIT 

Toutes  les  rufes  les  plus  fines  fe 
déduiront  à la  fuite,  félon  que  les  oc- 
cafions  s'en  prefenteront,  quand  nous 
parlerons  de  la  maniéré  de  bien  ehaf- 
ferj  mais  auparavant  il  faut  faire  voie 
de  quelle  nature  de  chiens  il  faut  le 
fervir  pour  bien  réiiffir  en  cette  chalfe. 

Après  que  nous  avons  parlé  des 
grands  chiens  qui  doivent  fervir  pour 
executer  les  grandes  chalfes  , il  faut 
parler  de  ceux  qui  font  les  plus  pro- 
pres pour  executer  les  petites. 

Il  y a deux  fortes  de  chiens  Fran- 
çois qui  font  propres  à courir  le 
Lievre  aufïï  bien  qu’en  Angleterre,  011 
il  y a deux  fortes  de  tigles. 

De  ces  deux  fortes  de  François,  les 
uns  font  propres  pour  les  pais  cou* 
verts  , les  autres  pour  les  plaines* 
Ceux  qui  font  pour  les  pais  couverts* 
doivent  être  des  chiens  épais  qui  re- 
queftent  bien  , 8c  qui  fe  fervent  d’eux* 
mêmes  ; parce  que  dans  les  forts  oq 
un  Lievre  chicane  le  plus  fouvent , 
on  ne  les  peut  point  fecourir,  8c 
quand  un  Lievre  eft  fur  fes  fins  dans 
un  fort , fi  les  chiens  ne  relancerai 
d'eux-mêmes 9 il  fe  celaiffe  fi  fouvens 


CHASSEUR.  III 

qu’à  la  fin  il  demeure  relaide  & man- 
qué. 

Ces  mêmes  chiens  doivent  fervk 
en  un  pais  de  coraux  , & de  grands 
rideaux  ordinairement  fourrés  d’épi- 
nes qui  font  difficiles  à monter  & des- 
cendre où  Ton  ne  peut  pas  tenir  les 
chiens  , & les  fecourir.  Il  fe  faut  fer- 
vir  de  chiens  pefans  qui  requeftenc 
bien  , autrement  on  n’y  prend  poiijt 
de  Lievrev 

Ceux  qui  font  pour  fervir  dans  les 
plaines,  font  de  petits  chiens  François 
fort,  beaux  qui  cnaflent  le  coyer  haut , 
qui  crient  bien  des  maftinées,,  &vont 
fort  bien  requérir  un  Lievre  par  les 
menus  , le  rapprochant  avec  beau- 
coup de  gayeté,  chafTantde  tres-bonne 
grâce  le  balet  haur. 

La  race  de  ces  chiens  eft  prefque 
anéantie  , & il  n’y  en  a plus  que  par 
ci  , par  là  , quelques-uns  chez  des 
Gentilhommes  particuliers  en  Nor- 
mandie ; IaTace  s’appelloir  des  chiens 
des  Eflârs  , & comme  les  François 
font  changeans , ils  les  ont  tous  meflés 
de  petits  chiens  Anglois,  & en  ont 
tout  confondu  la  race,.  • S’il  s’en 


m LE  PARFAIT 

pouvoir  encore  rencontrer  , on  feroit 
une  Meute  la  meilleure  du  monde  , 8c 
la  plus  gaillarde.  La  plufpart  des 
bons  chiens  Normans  viennent*  en- 
core de  cette  race,  & ils  font  mê- 
lés de  chiens  Anglois  qui  ne  chaflent 
pas  fi  gayement  ni  de  fi  bonne  grâce 
que  les  naturels  François.  Mais  quand 
il  s’en  rencontre  qui  tiennent  plus  du 
François  que  de  l’Anglois  * ils  font 
admirables  , car  ils  requeftent  bien 
dans  le  fort  , fe  fervent  d’eux- mêmes., 
& chalfent  fagement  dans  les  plaines. 

Il  y avoir  encore  une  autre  race  de 
chiens  François  plus  grands,  fort  bien 
avallés  , de  poil  gris  8c  fauve  , que 
tenoient  des  Seigneurs  en  Picardie, 
qui  étoient  les  meilleurs  chiens,  qu’on 
aye  jamais  vû  courre  le  Lievre  en  tout 
païs,  car  ils  étoient  juftes  à la  voye  , 
requeftoient  merveilleufement , 8c  ra- 
prochoient  un  Lievre  paflfé  d’une  heu- 
re dans  lesfeicherefies,  ils  avoient  de 
belles  gorges  & des  voix  hautaines 
qui  fe  faifoient  entendre  d’extreme- 
ment  loin  ; la  race  en  eft  encore  de- 
meurée dans  ko  maifons  de  Supplia 
court  8c  de  <damache  ::  c’étaient  des 

chiens 


CHASSEUR.  n3 

chiens  qui  chafioient  le  Loup  comme 
les  Lievres  5 & ne  vouloienr  point 
du  tout  de  Renards.  Tous  ceux  qui 
veulent  faire  des  Meutes  pour  lievres 
devroient  être  curieux  d acheter  des 
liïïes  & faire  race  de  ces  chiens,  parce 
qu'ils  font  très  beaux,  de  belle  taille  9 
& ont  la  gaillardife  des  chiens  Fran- 
çois , de  la  fageiîè  des  chiens  Anglais* 
Ls  ne  ehalïènt  point  le  nez  bas  com- 
me eux , mais  a un  pied  de  terre  3 ils 
tournent  bien  & font  juftes  , & par 
leur  maniéré  de  chaflèr  très  plaifante 
donnent  plus  de  piaifir  à un  rappro- 
cher que  tous  les  autres  chiens  en  une 
Ghalïe  entière, 

Aprefent  prefque  toutes-  les  Meutes 
pour  le  Lievre  en  France  font  com- 
pofeea  de  bigles  Anglois  & de  chiens 
François  méfiés.  Ceux  qui  tiennent 
Plus  de  l’ Anglois  que  du  François 
iont  propres  dans  les  plaines  , & ne 
valent  tien  dans  les  pais  couverts  , 
parce  qu’ils  ne  requeftent  point  & ne 
peuvent  lancer  , & font  tellement  at- 
taches a la  voye  quand  ils  chaiTent , 
quils  ne  peuvent  en  façon  quelcon- 
que faire  forur  un  Lievre  du  bois-, 

K 


ii4  LE  PARFAIT 

8c  s'il  y avoit  trente  chiens  dans  la 
Mente , il  faut  qu’ils  pafïent  tous  par 
une  même  paflee  & par  un  même 
trou. 

Ceux  qui  tiennent  plus  de  la  race 
Françoife  que  de  TAngloife  font  fort 
agréables  dans  les  plaines  , & beau- 
coup meilleurs  dans  les  forts  ; mais 
encore  leur  faut  il  encore  quelques 
petits  chiens  François  fages  pour  les 
mener  s moyennant  quoi  ils  prennent 
plus  de  douzaine  de  Lievres  qu'ils  n'en 
feroient  de  paires  s'ils  chafïoient  feuls, 
à moins  que  ce  ne  fuft  une  Meute 
forte  en  curée  8c  extrêmement  à la 
chair. 

Quant  aux  petits  Bigles  Anglais  ,ce 
font  de  très  jolis  chiens  pour  le  Liè- 
vre , les  Anglois  leur  conppent  à tous 
la  queue  , 8c  ne  leur  en  biffant  que  la 
moitié  , leur  ôtant  tout  ce  qu'il  y a de 
beau  à un  chien  courant  qui  eft  le 
mouvement  de  la  queue  5 fi  bien  qué 
Ion  dirait  en  les  voyant  chaffer,  que 
c’eft  une  Meute  de  Braques  au  mou- 
vement de  leur  queue  , au  lieu  de 
chiens  coorans  , néanmoins  quand  ils 
font  méfiés  avec  des  François-,  & 


châsse  vr;  n5. 

qu’on  en  a fait  race  , il  en  vient  des 
chiens  les  plus  parfaits  8c  les  plus 
pl ai  fans  qui  foient  pour  Lièvres , parce 
qu'ils  ont  la  gayeté  dès  chiens  Fran- 
çois en  leur  maniéré  de  charter,  qu’ils 
ont  la  fagefle  & la  jufteiTe  des  Bigles3 
8c  que  leurs  gorges  tiennent  des  tons 
hautains  François  , 8c  des  plaifans ; / 
hurlemens  defdits  Bigles. 

Quant  à la  maniéré  de  faire  charter 
les  Meutes  pour  Lievres,  il  faut  être 
plus  fçavant  à cette  Ghafle  qu’à  au- 
cune , puis  qu’on  rencontre  plus  de 
difficulté  qu’en  toutes  les  autres,  prin- 
cipalement dans  les  païs  fecs , 8c  dans 
les  grandes  plaines  de  plein  terroir,  ou 
il  y a des  cantons  tous  entiers  de  gue- 
rets  8c  de  herfis,  dans  lefquels  les 
voyes  fe  recouvrent  quand  le  Lievre  y 
a parte  , ce  qui  fait  que  les  chiens  ne 
peuvent  en  porter  la  voye.  îl  faut 
qu’en  ces  lieux  un  Chafleur  foit  fort  - 
rufé  8c  prudent  pour  juger  où  un  Liè- 
vre dreffe  , ce  qui  ne  s’aquert  que1 
pour  ceux  qui  ont  une  grande  expé- 
rience de  chafler  fouvent  en  ces  lieux,  « 
car  d autres  n’y  entend roient  rien  , 8c 
fer  oient  obligés  d’être  fecoums  de~ 

K ij  ^ 


u6  LE  PARFAIT 

beaucoup  de  radreffe  par  des  laquais 
qu’ils  feroient  obligés  de  mettre  au 
milieu  defdits  pais  , pour  remarquer 
ou  tourneroient  les  Lievres. 

Dans  les  pais  de  petics  terroirs,  la 
Chafle  pour  le  Lievre  ne  rencontre 
point  tant  de  difficultés  , car  il  s’y 
rencontre  force  bloufes  , 6c  n’ÿ  a à 
craindre  que  les  grands  chemins  blans 
6c  ferrés  où  le  Lievre  appuyé  fi  peu  , 
que  les  chiens  ont  peine  d avoir  con- 
noiffance  des  voyes  , principalement 
dans  les  chaleurs. 

Dans  les  pais  d eauës  les  Chaffeurs 
pour  Lievre  ont  à craindre  les  relaif- 
îes  qui  arrivent  fouvent  dans  quelque 
touffe  de  jour  ou  mottes  d’herbes  t 
car  hors  ces  relaiffés,  comme  les  voyes 
font  toujours  bonnes  fur  les  herbes  , 
6c  que  les  Lievres  ne  peuvent  point 
s’en  aller  fans  connoiffances  , il  n’y  a 
que  les  relaiffés  qui  le  puiffent  faire 
faillir. 

Dans  les  plaines  , il  n’y  a que  les 
chemins  , les  guerets  & les  herfis  à 
craindre  , 'c’eft  pourquoi  Ton  y man- 
que beaucoup  de  Lievres  fi  l’on  n’a 
des  chiens  bons  pour  les  chemins , def- 


CHASSEUR.  ri  y 

quels  les  Chafleurs  doivent  eftre  très 
curieux. 

Il  faut  tenir  pour  maxime  que  G 
une  Meute  pour  Lievre  n’eft  très  forte 
à commandement,  elle  n’eft  pas  fur  le 
pied  d’eftre  dite  bonne  Meute. 

Le  fecret  pour  faire  tourner  les 
chiens  où  l’on  veut,  eft  la  gibeciere 
pleine  d’oflèlets  qu’on  deflerc  des  ta- 
bles leur  en  jettant  quelquefois  à cer- 
tains cris  aufquels  on  les  accoutumera 
fans  jamais  les  tromper.  Et  faut  qu’il 
y ait  un  certain  cri  particulier  aux  Ve- 
neurs , aufquels  ils  foient  dreffés  de 
tourner  pour  les  faire  revenir  à eux* 
quand  ils  leur  veulent  faire  chafler  un 
chemin  qu’un  Lievrea  longé,  ou  quel- 
ques autres  lieux  difficiles  où  ils  les  veu- 
lent faire  venir.  Ces  cris  aufquels  les 
chiens  font  accoutumés  fervent  à tou- 
tes rencontres,  & difficultés  qui  peu* 
vent  arriver  principalement  dans  les 
gros  Villages  ou  un  Lievre  fait  fes  ru- 
fes  , paffant  par  tous  les  jardins  où 
les  trous  des  hayes  ou  il  a accoutumé 
de  palier  les  nuits  v & où  il  n y a nul 
recoin  qu’il  ne  mefure  , ce  qui  emba- 
taffe  tellement  les  Chaffeurs  par  le 


r«8  LE  PARFAIT 

bruit  de  tous  les  maftins  du  Village 
qui  étourdiflent  les  chiens  par  leurs 
cris , que  fi  les  ChafTeurs  ne~  prennent 
garde  par  où  le  Lievre  fort  à la  cam- 
pagne de  ces  lieux  & n’y  meinent  leurs 
chiens  par  le  fecours  ordinaire  des  cris 
qui  les  font  revenir,  ils  peuvent  s’af- 
furer  que  leur  Lievre  eft  manqué  fi  le 
Lievre  ne  fort  dudit  Village.,  s*il 
s’opiniaftte  d’y  demeurer  , fk  ufe  fur 
fes  fins  d’une  pareille  rufe,  il  eft  failly 
fans  remede.  Si  les  Veneurs  ne~ 
s’opiniaftrent  (commeils  doivent  faire 
en  cas  pareil  pour  accoutumer  leurs 
chiens  à parchafler  ) à requefter  tous 
les  jardins  l’un  après  l’autre  pour  le 
relancer. 

Ils  doivent  faire  la  même  chofe  dans 
les  bois,  principalement  quand  ils  font 
remplis  de  chemins  lors  qu’un  Lievre 
fùr  fes  fins  fait  de  pareilles  rùfes  pour 
fe  fauver. 


CHASSEUR.  ît9' 
CHAPITRE  XX. 

Des  rufes  des  Lievres  , tant  à fe 
•gifler  qu'a  fe  fauver  quand  ils 
font  chaffès. 

LE  Lievre  eft  un  petit  animai  qui 
femble  n’eftre  fait  que  pour  don- 
ner plaifir,  c’eft  pourquoi  l’on  le  chafte 
en  toutes  maniérés.  C’eft  la  raifam 
pour  laquelle  il  fe  rend  extrêmement 
rufé  pour  fe  fauver. 

La  première  rufe  dont  il  fe  fert  pour 
ôter  la  connoiftànce  aux  Chafteurs  des 
lieux  où  il  pafle  pour  fe  retirer  le  matin 
des  gagnages  à fon  gifle , eft  remplie 
de  beaucoup  de  fineftè,  car  il  ne  fe  retire 
jamais  que  par  des  chemins  les  plus 
fecs  & les  plus  hantés.  Ce  qu’il  fait 
avant  le  jour  afin  de  n’eftre  point  ren- 
contré , & que  les  chiens  ne  puiflent 
avoir  aucune  connoiftànce  de  fes  voyes 
!ur  cette  terre  qui  eft  dure  ou  il  n ap- 
puyé que  du  bout  des  ongles , & en 
juittantle  chemin  il  fait  de  très-grands 


no  LE  PARFAIT 

fàuts  à droit  de  à gauche  balançant  fei; 
voyes , puis  quand  il  fe  veut  gifler  il 
retourne  par  grands  fauts  ordinaire^ 
ment  à vaut  vent  & fe  jette  dans  fou 
gifts  J qui  eft  le  plus  fouvent  fur  des 
cailloux  en  un  pais  rude  quand  il  eft 
levreté,  & à la  finefle  quand  les  Le- 
vreteurs  queflent  de  fourlancer  quand 
le  côté  defon  fort  eft  vuide  de  ouvert^ 
&c  que  les  Chafleurs  ne  le  queftenr 
point  du  côté  du  fort,  de  quand  ils  le 
font,  il  fe  rafe  le  plus  qu’il  peut  pour  fe 
laifler*  palier  de  attend  tout  deffiis. 

Quand  il  fe  gifle  en  pais  couvert,  if 
fe  lance  dans  fon  gifle  par  des  lieux  lï 
fourés,  qu’à  moins  qu  un  chien  ne  lui 
mette  le  nez  fur  le  raMe  il  ne  partira 
point. 

Si  le  Lievre  eft  chafle  par  des  chiens 
courans , il  a la  finefle  de  fuir  tous, 
doucement  fan  s fe  preflèr  , comme  s’il 
avoir  la  connoiflànce  que  la  Chafle 
doive  durer  long-temps , de  qu’il  a be- 
foin  de  conferver  les  forces  9 de  afin 
de  n*eftre  pas  fuivi  d’une  grande  vi- 
telle,  de  d’oiiir  toujours  les  chiens  qui* 
le  chaflènt.  Il  fait  toujours  fes  fuites* 
êe  randonnées  à vaut  vent  pour  ren- 


CHASSEUR.  IM 

dre  Tes  voyes  plus  difficiles  à empor- 
ter , 6c  pour  avoir  le  temps  d*exercer 
toutes  fes  rufes  contre  leur  plus  tardive 
fuite  , faifant  cent  retours  dans  les 
bois , dans  les  chemins  , dans  toutes 
Jes  vieilles  mafures  des  Villages  , dans 
les  jardins,  dans  les  choux  , dans  les 
Faux  bourgs  des  Villes,  dans  les  ?ran- 
des  rues  , /tir  des  ponts  5 dans  les  ri- 
vieres  les  pafïant  a nage,  & repaffisnt 
comme  il  eft  arrivé  jufques  dans  la 
Seme  devant  plus  de  trente  perfonnes 
üe  quante  , & enfin  dans  les  relaiffè-f 
mens  , & ce  qui  eft  admirable,  c'eft 
qdAns  font  toutes  leurs  rufes  prefque 
toujours  à vaut  vent  6c  fur  le  bord 

, .frrami*  cîl.em1ins  - & quand  ils  fe 
retaillent  fur  les  bords  d’un  grand  che- 
min , ils  font  un  grand  faut  au  dsffhm 
lu  vent  a coté  d’icelui,  comme  fi  le 
abonnement  les  conduisit.  Et  eft  à 
emarquer  une  chofe  tres-curieufe  pour 
es  Naturaliftes  &r  pour  les  chaflTcurs 
^ q^  tant  plus  ils  font  échauffés' 

* qu  ils  approchent  de  leur  fin  d’au 
Z Pll,s  leur*  nifes  font  frequentes f 
§raRcSes  & plus  remplies  de  fi. 


1 


ni 


LE  PARFAIT 


B es  rufes  des  Lièvres  obfervees 
far  l' Auteur. 


PA  R M i toutes  les  rufes  dés  Lievres 
que  j’ay  obferyécs  qui  (croient 
trop  longues  à décrire  , j’en  ay  re- 
marqué deux  qui  égaloient  pour  le 
moins  le  raifonnement  de  l'homme , 
& qui  rendoient  deux  Lièvres  im- 
prenables» 

r La  première  fe  faifoit  dans  un  .grand 
bois  extrêmement  traverfé  de  chemins, 
„n  Lievre  ne  couroit  jamais  que  les 
chemins  , & -faifoit  d’auffi  grands  re- 
tours fur  foi  qu’un  Chevreuil , j avois 
les  meilleurs  chiens  pour  chemins  qui 
iufient  en  France  , je  le  manquay  la 
première  fois  qu’il  fe  relaifloit  tou- 
jours après  de  grands  retours,  & quan 
tous  les  chiens  & les  chevaux  etoient 
partes , il  reprenoit  le  contre-pied  & 
r.e  couroit  que  fur  des  voyes  fur-mar- 
ehées  de  chiens  & de  chevaux. 

La  deuxième  fois  je  mis  dix  ou  douze 
petits  garçons  au  bout  de  tous  les 
chemins  pour  lui  rompre  fon  dellein, 


CH  A SS  Eü  R,  iij 

îéfquels  obfervoient  Tes  retours  , j’en 
démêlai  plufieurs  , & comme  il  vid  que 
je  continuois  à les  deméler , il  fort  du 
bois,  & s’en  va  à un  autre  bois  auffi 
rempli  de  chemins  que  le  premier  , & 
fe  mit  a faire  toutes  les  mêmes  rules 
qu’il*  avoir  faites  à l’autre , & n’ayant 
plus  perfonne  pour  voir  fes  retours,, 
mes  chiens  ennuyés  de  chalfer  toû- 
jours  des  voyes  fur-marchées , il  fus 
une  fécondé  fois  failli. 

j’en  fis  le  conte  à plusieurs  de  tous 
les  meilleurs  Cblfeurs  . lefquels  fe 
mocquerent  de  moi  , & m’àffurerent 
qu  ils  le  prendroient  avec  cinquante 
chiens,  & que  le  grand  bruit  lui  rom- 
proit  fon  deiTein.  Ils  choififTent  enfuite 
de  quatre  Meutes  excellentes  tous  les 
meilleurs  chiens  & le  vinrent  courre. 
Il  fut  tres-bien  chafle  , la  première 
randoiiîieeles  Challèurs  le  mocquoient 
déjà  de  moi.  Je  doutois  fi  c’étoic  le 
même  Lievre , mais  quand  je  lui  vis 
gagner  l’un  des  bois  où  il  exerçoit  fes 
rufes  , je  dis  à tous  ces  Meffieurs 
c eft  le  véritable  Lievre,  vous  le  man- 
querés  , quoi  que  vous  fçachiés  fes 
rufes.  Le  Lievre  fe  mift  à longer  tous 


IZ4  LE  PARFAIT 

les  chemins  , & faire  fes  grands  re- 
tours & fes  rufes.  Ils  en  demélerenc 
quelques-unes,  mais  il  en  fittantque 
leurs  chiens  ennuyés  de  courir  toû- 
jours  des  chemins  & des  voyes  fur- 
marchées  , ils  tombèrent  en  défauts 
que  tous  les  ÇhalTeurs  ne  purent  re- 
lever, & du  depuis  il  fut  encore  cou- 
ru quelquefois  , & -n  a jamais  pu  eftre 

pris*  , 

L’autre  rufe  qui  rendoit  un  Lievre 
imprenable  eft  encore  plus  fubtile  & 
digne  d’admiration.  Ci  eft  qu  il  failoit 
de  grandes  randonnées  dans  des  pais 
fecs  à vaut  vent  , lefqnelles  aboutif- 
foient  à de  grands  marais  , & comme 
on  étoit  très  long-temps  à poufter  fes 
voyes  à bout  dans  lefdits  pais  fecs  , 
cela  lui  dontioit  le  temps  de  faire  fes 
rufes  dans  ledit  marais,  qui  étoiant  de 
plufieurs  retours  fur  le  bord  de  la  ri- 
vière dans  un  grand  chemin  qui  con,- 
duifoit  à un  gros  Village  , où  il  alloue 
revenoic  fur  loi  plufieurs  rois  jui- 
ques  audit  village  , puis  il  fe  metroit 
à nage  dans  la  rivière  qui  bordoit  le- 
dit chemin  , & fe  laiiToic  aller  au  fil 
de  l’eau  plus  de  cinq  cens  pas  jufques 


CHASSEUR.  nj 

à" line  petite  Ifle  qui  étoit  au  milieu 
couverte  de  buifïbns  qu'où  voyoitpeu 
& s y relaifîbit.  Quand  les  chiens  ve- 
noient  à ce  marais  après  avoir  eu  tant 
de  peine  à poufïér  fes  voyes  dans  le 
païâ  fec ,,  & qu’ils  rencontroient  des 
voyes  doubles  à plein  nez,  ils  renou* 
velloient  tellement  de  voir,  qu’on 
croyoic  à toute  heure  de  voir  un  re- 
lancer. Enfin  étant  arrivés  à ce  che- 
min qui  alîoic  au  Village  , où  ils  ren- 
controient des  voyes  doubles  ëc  tri- 
ples , ils  les  pooflbient  tellement  jus- 
que s audit  village  qu’on  oroyoit  que 
le  Lievre  fuft  reparti , mais  quand  ils 
vendent  au  bout  de  la  voye  qui  abou^ 
tiiïbit  audit  Villagé^dans  plufieurs  car- 
refours de  chemins,  les  Chafteurs  fe 
défians  toujours  qu’il  en  euft  enfilé 
quelqu’un  , & ne  fe  fuft  jetté  dans 
quelque  clos  ils  prenoient  toujours 
lés  devans  de  ce  côté-là , comme 
c’étoit  le  droit  ; jamais  leurs  chiens 
n’eurent  aucune  connoiflànce  du  Liè- 
vre^ qui  étoit  comme  jVy  dit  relaifle 
dans  ledit  Iflier  à plus  de  cinq  cens 
pas  de  là  , & Ton  ne  fe  douta  jamais 
qu’il  euft  la  tête  tournée  de  ce  côté 
L iij 


n6  LE  PARFAIT 

là.  J’eus  la  curiofité  de  le  courre  une 
autrefois , 3c  fis  mettre  un  laquais  fur 
le  haut  de  la  côte  qui  remarqua  toutes 
les  rufes  fufditcs  , fans  quoi  elles  nau- 
roient  jamais  été  fceuës.  Ce  Lievre 
fit  toutes  les  mêmes  rufes  & ferelaiil|, 
dans  llfiier.  Je  ne  le  voulus  point 
prendre  3c  le  laiflfay,  Quelque  temps 
après  il  fut  encore  couru  par  une 
bonne  Meute  conduite  par  le  plus  ru- 
fé  Cfaâtfeur  de  la  Province,  Il  fui 
manqué  par  les  mêmes  rufes  , (k  ja- 
mais le  Chafleur  quoi  que  très  fin  ne 
r’en  avifa. 


CHASSEUR.  U 7 


Continuation  des  rufes  des  Zievrek 
Avertijfement. 

/~V  U and  un  Lievre  rufe  dans  les4 
V^bois  , il  ne  faut  ni  fonner  ni  par- 
1er  aux  chiens,  ni  faite  bruit.  Si  c’eft 
au  commencement  de  la  Chafle,  il  failli 
que  tous  les  Chaffeurs  fortent  du  bois, 
SC  fe  cachent  allentour  du  bord,  & ne 
lailTer  qu’un  Picqaeut  avec  la  Meute. 
Le  Lievre  n’entendant  aucun  bruit, 
que  des  chiens , fortira  ailutément , 
& même  les  chiens  le  feront  mieux 
fortir  fans  qu'on  leur  parle. 

Si  c’eft  fur  les  fins,  tout  au  contraire, 
il  faut  fort  parler  aux  chiens,  lès  ré- 
chauffer , les  tenir  jtiftes  & les  fort 
fécourir,  car  alors  le  Lievre  ne  fe  peut 
fauver  que  par  un  relaiffèr.  S'il  arrive 
un  défaut  fur  le  bord  d’un  chemin  ; 
le  Lievre  a fait  un  retour,  & eft  aflù- 
rement  relaiffe.  Il  le  faut  tres-exa£te- 
ment  requefter  ( & reclamer  s’il  fe 
peut)  très  long- temps  , parce  qui  fi 
on  ne  le  requefte  gueres  , cela  accou*- 
tame  une  Meute  à ne  point  parchaf- 

L iiij 


ï*s  LE  PARFAIT 

fer,  & k rend  pareflèufe  dans  Pefpe- 
rance  qn  e!le  a qu’on  leur  montre  un 
antre  Lievre  r car  les  jeunes  gens  im* 
patiens  ne  demandent  qu'à  chaffèr. 
Mais  un  vieux  de  rufé  Chafleur  fe 
prend  bien  garde  de  remontrer  un  au- 
tre Lievre  à fes  chiens  qu’aprés  avoir 
requefte  très  long- temps  fon  Lievre  , 
& pour  accoutumer  fes  chiens  à eftrô 
opmiaftres  dans  leur  parchaffer  , de 
meme  il  fer  oit  mieux  de  remettre  la 
Meute  au  logis  , parce  que  dés  quelle 
a manqué  deux  ou  trois  Lievres  fans 
quVn  aye  opiniaftré  le  requefler , c’cfl; 
une  Meure  rebutée,  de  qui  manquera 
bien  plus  de  Lievre  qu  elle  n'en  pren- 
dra. 

Si  un  Lievre  elt  fur  fes  fins  dans  les 
plaines  , il  ne  cherche  qu'un  vieux 
gifte  pour  fè  mettre  dedans  où  le 
Lievre  giflé  pour  le  pouffer  de  fe  met- 
tre en  fon  même  gifle.  Par  une  autre 
rufe  il  ne  cherche  qu’un  grand  chemin 
hanté  de  charois  pour  fe  relaiffer  dans 
quelque  vieille  orniere  à vaut  vent. 
Par  une  autre  rufê  s'il  écheoit  fur 
fes  fins  prés  d’un  Village  , il  ne  cher- 
che que  le  bruit  des  maliins  pour  fe 


CHASSEUR..  119. 

fauver.  A tout  cela  le  Chafleur  doit 
prendre  garde  fort  à foi  * & fe  fervix 
de  toutes  les  contre-rufes  qu’il  a pra- 
tiquées en  fa  vie,  pour  finir  fa  Chatte  : 
car  quand  un  Lievre  fe  prend  avec 
beaucoup  de  j)eine , il  n'y  a rien  qui 
rende  une  Meute  meilleure  que  les 
parchaffer. 

Auparavant  que  de  finir  la  Chatte 
du  Lievre  , je  veux  dire  un  mot  du 
fonner  , quoi  que  j’en  aye  exprimé  la 
maniéré  en  la  Chatte  du  Cerf  qui  ett: 
une  même  chofe.  La  différence  feule 
qu’il  y a,  eft  qu’à  la  Chatte  du  Lievre, 
principalement  quand  ils  vont  à vaut 
vent  pour  mieux  entendre,  les  chiens  , 
ie  moins  qu’on  peut  fonner  & parler 
aux  chiens * foit  en  queftant,  foit  en 
chaflant,  c’eft  la  meilleure  méthode  , 
parce  que  cela  ne  fert  qu’à  les  faire 
forlonger  , ou  à les  faire  tenir  rafés. 
Et  quand  il  arrive  des  défauts,  foitpar 
les  chemins , foit  par  les  retours  ou 
par  les  relaitters,  ou  par  quelque  cau- 
fe  que  ce  foit , alors  il  faut  beaucoup 
pariétaux  chiens  les  nommant  les  uns 
après  les  autres,  principalement  à ceux 
qui  chaflent  chemins , en  leur  difant  j 


i3o  le  parfait 

Il  va  la 5 voy  , v a là  voy  y va  là  voy.  Et  ; 
fi  Ton  void  que  le  chien  auquel  on 
parle  en  veiiiîle  dire  mettant  le  mz  à- 
terre  dans  le  chemin  , il  faut  le  ré- 
chauffer, quoi  qu?il  n'en  dife  rien,  ët' 
l'on  void  bien  que  le  Lievre  appuyé  fi 
peu  dans  ledit  chemin.,  que  le  chien 
n'ofimt  rien  dite,  quoi  qu'il  marque 
allés  qu'il  y va  5 c’eft  alors  qu’il  faut" 
le  fort  appuyer  en  parlant  à lui  , de 
s'il  longe  le  chemin  fort  loin  , il  faut" 
toujours  continuer  jofqu'à  ce  qu'on  y 
rencontre  quelque  lieu  ou  îongle  du  Lie- 
vre, puilK  marquer  , & pour  cet  effet, 
il  faut  mettre  pied  à terre  & tâcher  d'en 
revoir,  car  fi  Ton  ne  s'aflure du  devant, 
îe  Lievre  e fl:  failli.  Mais  étant  afluré 
qu'il  ne  perce  point,  alors  viftement ? 
l'on  retourne  jettant  l'œil  dans  toutes 
les  mottes  à côté,  l'on  l'y  verra  fou- 
vent  relaiffé  , où  s'il  fort  du  chemin 
prenant  les  grands  devans,  on  letrou- 
vera  paffe  infailliblement,  tout  cela  dé- 
pend de  la  diligence  du  rufé  Cha  fleur 
qui  doit  juger  du  delïein  d’un  Lievre, 
& où  peut-eftre  fa  refuite,  félon  qui! 
a la  tête  tournée.  Car  l'Eté  qu'il  fait 
fort  fec,  c'eft  une  erreur  de  croire  que 


CHASSEUR.  131 

les  chiens  puiflent  emporter  les  voyes 
par  tout , 8c  faire  tout , cela  ne  fe  peut  ' 
fans  aide  , c'eft  ce  qui  fait  dire  com- 
munément qu'il  y a plus  d'honneur  à;- 
prendre  un  Lievre  rufé,  qu'un  Cerf , 
parce  que  les  voyes  de  celui-ci  font 
toujours  à plein  nez*,  & qu’a  l'autre  il 
n’y  en  a prefque  point. 

Ceux  qui  aiment  la  Chafifë  des  chiens 
courans , ôc  qui  fe  veulent  rendre  ca- 
pables de  faire  chaffer  des  chiens  de- 
vant les  Grands , doivent  s'étudier  à* 
Bien  parler  aux  chiens  avec  des  tons 
de  voix  agréables  & piaifans , & *vee 
des  inflexions  de  tons  hautains  » 8t  des 
récris  furprenans  8c  remarquables  fans 
rudefle , tous  remplis  de  mélodie,  tant 
pour  réjouir  les  ChalTeurs  & les  chiens* 

nnur  fe  faire  mienv  & 

vlww  I ' b 

reconnoître  par  toute  la  Meute. 

Au  refte.»  il  faut  eftre  plus  curieux 
d’un  équipage  pour  Lievre  pour  le 
rendre  excellent  que  pour  tout  autre  » 
parce  qu’il  y faut  de  trois  fortes  de 
bons  chiens  pour  le  rendre  parfait. 

La  première  & la  plus  neceffaire', 
eft  qu’il  lui  faut  des  chiens  qui  chaf- 
fent  bien  le  chemin  , lefquels  foient 


*3*  LE  PARFAIT 

feurs  & en  qui  on  ait  confiance , ca£ 
la  plufpart  mentent.  Ges  fortes  de 
chiens  ne  doivent  fetvir  qu’à  cela  dans 
une  Meute,  & doivent  eftre  fi  feurs, 
que  toute  la  Meutte  prenne  creance  en 
eux. 

La  fécondé  Bonté  , eft  qu’il  y faut 
des  chiens  qui  parchaflènt  bien  dans  le 
couvert , &;  qui  foient  de  race  à cela. 

La  troifiéme  bonté,  eft  qu’il  y faut 
des  chiens  _qui  foient  curieux  de  fe  te- 
nir toujours  fermez  dans  la  voye  dans 
le  corps  de  la  Meute,  & qui  n’en  for*, 
tent  point.  Ces  derniers  font  les  vrais 
bons  chiens  de  la  Meute , tenant  pour 
maxime , que  tous  chiens  babilla rs  & 
mars  ne  (ont  nullement  propres  à 
la  Chaiïe  pour  le  Lievre  , & en  doi- 
Tent  eftrc  ôtez,  & remarqués  toujours* 
quand  il  faut  ôter  des  chiens  que  ce 
iôir  parla  tête  ôc  par  la  queue. 

On  ne  vienrpoint  about  de  faire  de 
femblables  Meutes,  fi  le  maître  n’a  une 
particulière  inclination  & la  chafle  du 
chien  courant , & n*y  veiiille  faire  la, 
dépenfe  convenable.  Car  s’il  n’achetr 
des  chiens  ôc  n’en  falfe  très  curieufe- 
ment  nourrir  de  race  femblable  à ce 


CHASSEUR.  133 

jui  eft  dit,  ii  ne  reüffira  point.  Il  faut 
|iul  aye  grand  foin  d'avoir  la  Meute 
3ien  tenue  par  des  valets  qui  foient 
loux  8c  non  rudes  aux  chiens  , 8c  qui 
ipportent  toute  la  vigilance  polïïble 
)our  bien  faire  penfer  les  chiens  , & 
?our  les  dreflèr  avec  plus  de  douceur 
que  de  rudedè.  Enfin  11  le  Seigneur  , 
?n  un  mot , de  la  Meute  n’eft  liberal 
envers  de  tels  valets,  & ne  fait  une 
lépenfe  raifonnable  pour  faire  diftin- 
*uer  fa  Meute  des  autres,  il  ne  reüilira 
3oint  , & au  lieu  d’avoir  une  Meute 
ioriffante  , ce  ne  fera  qu’un  houraillis 
qui  lui  coûtera  autant  qu’une  bonne 
Meute.  Car  fans  des  chiens  faits  com- 
me il  eft  dit , 8c  que  ce  foit  une  Meute 
fautive,  il  vaut  mieux  n’en  point  tenir. 
[1  faut  tenir  encore  pour  maxime  que 
àes  chiens  pour  Lievre  doivent  chaf- 
fer  enfemble  , 8c  qu’un  feul  chien  ville 
mine  une  Meute,  8c  fait  étouffer  îa 
plufpart  des  chiens  par  les  efforts  qu’il 
leur  fait  faire  , & les  rend  tous  vi- 
cieux , parce  que  les  plus  farts  de- 
viennent barreurs , 8c  fi  !on  court  feu- 
lement avec  elle  d ■*nx  Chevreüils  , elle 
eft  entièrement  gaftée* 


i34  LE  PARFAIT 


CHAPITRE  XXI. 

De  la  Çhajje  des  Lévriers. 


IL  y a quatre  fortes  de  Lévriers  en 
France  qu’on  employé  à quatre 
differentes  Chalïes.  Les  premiers  ce 
font  les  Lévriers  d’attache , qu’on  em- 
ployé pour  courir  le  Loup  , Sanglier* 
& toute  autres  grandes  bêtes,  comme 
le  Buffle  8c  le  Taureau  fauvage.  Les 
Ecoflbis  & Irlandois , les  Scythes , Le# 
Tartares  & tous  les  gens  du  Nort  en 
font  fort  curieux.  Il  y en  a dans  la 
Scythie  d’aifes  furieux  8c  hardis  pour 
attaquer  le  Lion,  le  Tygre  , 8c  toutes 
autres  bêtes  de  grandes  forces.  Ils  leur 
fervent  à garder  le  beftail  qui  n’eft  ja- 
mais enfermé.  Les  plus  grands  8c  les- 
plus  beaux  en  l’Europe  viennent  d’Ir- 
lande. Je  dira  y par  difgreffion  qu’ils 
ont  aufli  des  chiens  meftifs  prepofés 
pour  garder  leur  beftail  quifuiventà  la 
pifte  les  voleurs  qui  font  affés  hardis 
de  les  dérober  s & les  pourfuivent  à la 


CHASSEUR.  155 

pMte , gardant  le  change  fi  loin  qu  ils 
les  attaquent  même  par  tout  où  ils  les 
trouvent  , en  telle  forte  que  les  ayant 
attaqués,  ils  font  creusen  témoignage, 
& peuvent  convaincre  les  larrons  du 
vol. 

Les  féconds  Lévriers  & les  plus  no- 
bles de  tous  les  autres  font  employés 
pour  courir  le  Lievre.  Ils  font  les  plus 
viftes  animaux  du  monde  , les  Fran- 
çois, les  Anglois,  les  Portugais  & les 
Turcs  en  font  les  plus  curieux  de  tou- 
tes les  Nations  , & ont  les  plus  viftes 
& vigoureux. 

En  France,  les  Provinces  où  font 
les  meilleurs  font  en  Champagne  &C 
en  Picardie,  parce  qu’en  ces  Provin- 
ces ce  font  toutes  grandes  campagnes, 
ou  même  en  diverfes  endroits  les  Liè- 
vres font  plus  longs  que  tous  les  autres 
en  quelque  endroit  que  ce  doit  , & 
qu’ils  ont  des  vigueurs  pour  fe  défen- 
dre qui  obligent  à tenir  des  Lévriers 
de  plus  grande  race  , d’une  extreme 
viteffe  & de  tres-grande  halaine. 

Les  Turcs  en  ont  auGï  de  merveil- 
leux dans  leurs  grandes  plaines  de 
Chrace  , & s’adonnent  extrêmement 


i3fi  LE  PARFAIT 

à cette  Chaire  plus  qu’à  toute  autre; 

Les  Portugais  en  ont  auffi  de  fort 
bons , mais  ils  font  de  deux  fortes  : les 
uns  pour  les  plaines,  les  autres  pour 
les  montagnes. 

Ceux  des  plaines  font  eftimés  auflï 
viftes  qu’aucuns  qui  foient  dans  l’Eu- 
rope. 

Ceux  des  cotaux  & des  montagnes 
font  des  Lévriers  courts  fort  râblés  5c 
gigotés,  qui  font  d’une  vite iïè  extreme 
éc  fort  plain-faultiers,  8c  faut  qu’ils 
foient  ainfi  , parce  que  leur  efpace  à 
courre  n’eft  point  de  grande  étendue. 

Les  Anglois  furpallènt  tousles  Cha£ 
feurs  encuriofité,  de  races  & nourri- 
tures, de  Lévriers  & de  toutes  fortes 
de  chiens. 

Les  troifiémes , foient  qu’ils  foient 
Franc-levriers  ou  meftifs  font  en  tou- 
tes les  Efpagnes  5c  dans  le  Portugal, 
& l’on  eftime  qu’ils  font  meflés  de 
quelque  race  de  chiens  courans  , ou 
du  moins  de  chiens  qui  rident  natu- 
rellement. Et  ce  qui  les  oblige  à tenir 
ces  fortes  de  Lévriers , c’çft  que  leur 
païs  eft  inculte  5c  tout  plein  de  broitf- 
iaiües  comme  les  Landes  de  Bout- 
deaux.  Tous 


CHASSEUR.  IJ7 

Tous  ces  païs  font  remplis  de  tou- 
tes (ortes  de  gibier  ; fi  bien  que  pour 
y chaifer  , il  leur  eft  neceflâire  de 
chiens  tres-viftes , très* vigoureux,  & 
qui  rident  : or  ces  Lévriers  font  dif- 
pos,  de  telle  forte  qu’ils  ne  vont  qu’en 
bondi  fiant  quand  ils  pourfuivént  un 
gibier,  ëc  fe  fecourent  les  uns  les  au- 
tres à droit  & à gauche  , de  telle  vi_ 
*ueur  qu’ils  enveloppent  le  gibier  qu’ils 
:haflent,  le  prennent  & le  rapport 
tent  , & celui  qui  les  conduit  ne  fait 
que  crier  à haute  voix  > pour  les  faire 
revenir  à foi,  Corridor , ils  fe  nom* 
neiit  ordinairement  Charnaigres.  Ils 
ont  d’une  nature  tres^chaude  qui  leur 
lonne  cette  vivacité  qui  les  em- 
>efche  d’eftre  jamais  trop  gras  nitrop 
çrolliers  ; parce  que  fans  leur  difpofi* 
ion  naturelle  , ils  ne  pourroient  pas 
eüiïîr. 

La  quatrième  forte  de  Lévriers  , ce 
ont  de  tres-beaux  petits  Lévriers 
l’  Angleterre  que  la  nature  a fait  all- 
ant pour  le  plaifir  de  la  voye  que  pour 
utilité  de  la  Chafle.  Ceux  d’entr’eux 
qui  font  un  peu  plus  hauts  de  terre 
fervent  ordinairement  pour  courir  les 

M 


ï38  LE  PARFAIT 

Lapins  dans  les  garennes  ou  dans  les 
lieux  fermés,  dans  kfquels  on  les  tient 
en  lelfe  proches  des  épinieres  faites 
exprès  , éloignées  des  trous  & des  ra- 
boüilleres  ou  les  lapins  fe  retirent 
quand  ils  font  hors  deterre  , & quand 
le  maître  ou  le  Seigneur  du  lieu  fermé 
veut  faire  courir  ces  petits  Lévriers, 
on  les  approche  defdites  épinieres,  & 
on  les  bar,,  il  fort  un  Lapin  qui  veut 
regagner  les  trous , & dans  cet  efpace 
de  plaine  où  il  doit  palier,  les  Lévriers 
le  bourrent , & fouvent  le  prennent, 
ÿay  vû  faire  cette  C halle  au  feu  Roi 
Lo  üis  XIII.  dans  un  lieu  enfermé  au 
bout  des  Tuilleries  où  il  avoir  un  fort 
grand  plaifîr.  Les  Anglois  communé- 
ment font  cette  Chaflé  dans  leurs  ga* 
rennes»- 


CFÏ  AS  S E OR.  13 9 


CHAPITRE  XXI R 


D e la  Levrette  rie . 

F O ur  avoir  d excellens  Levrièrr 
pour  leXievre,  il  faut  première- 
ment fçavoir  qu’il,  faut  tirer  race  des 
Levrettes  les  plus  vigoureufes  , & les 
plus  grandes  qu’on  puiflé  rencontrer^ 
& les  faut  faire  couvrir  de  Lévriers  les 
plus  grands,  dt  les  plus  râblés,  & les 
plus  vigoureux  de  race  quon  puiffe 
connoître.  Il  faut  auffi  obferver  la  fai- 
fon  la  plus  propre  de  Tannée  qui  eft 
an  mois  de  Mars  , dans  lequel  il  faut 
qu’elles  faflent  leurs  chiens  , c’eft 
pourquoi  il  les  faut  faire  couvrir  fi 
faire  fe  peut  dans  le  commencement 
de  Janvier.  Il  y a ci  après  les  recopies 
pour  les  faire  chaudier. 

L’on  a foigneufement  remarqué 
que  les  Lévriers  qui  viennent  dans  le 
mois  de  Mars  font  plus  vigoureux, 
plus  courageux  & plus  villes  que  les 
autres  qui  viennent  dans  tous  les  au- 

M i j 


i4o  LE  PARFAIT 

très  mois  > parce  qu’iis  font  nais  dans 
le  temps  que  le  Soleil  remonte,  qui 
redonne  la  vigueur  à toutes  chofes , 
<k  que  le  fang  des  animaux  Te  renou- 
velle ; comme  auffi  que  les  petits 
chiens  ont  deux  Etés  contre  un  H y ver 
pour  fe  fortifier,  ôc  venir  en  état  de 
perfection , & même  qu’on  en  a plu- 
tôt du  plaifir,  Car  les  Levrettes  qui 
courrent  à onze  Sc  douze  mois,  font 
en  état  de  courre  dés  qu’ils  ont  cet 
âge  qui  arrive  au  mois  de  Mars,  étant 
le  plus  propre  temps  de  Tannée  pour 
mettre  les  jeunes  Levrons  dedans  ; & 
quand  ils  viennent  à barrière  faifon  , 
ils  ne  peuvent  courre  que  bien  plus 
tard  , & la  première  année  eft  per- 
due. 

Quant  à leur  nourriture  , il  faut 
durant  les  cinq  premiers  mois  les  nour- 
rir de  lait  pur,  foie  de  Chevre  ou  de 
Vaclre,  jufqu’à  ce  qu’ils  ayent  fait 
leur  gueule , & après  les  nourrir  de 
ton  pain  de  bled  , & faire  enfonce  par 
quelque  moyen  que  ce  foit  de  les  faire 
beaucoup  manger,  afin  de  les  pouffer, 
3c  qu’ils  deviennent  grands,  car  de- 
meurans  petits , ce  ne  feront  que  des 


CHASSEUR.  141 
belles  médiocres.  Ec  fi  par  hazard  il 
s*en  rencontre  quelques-uns  de  bons* 
ils  ne  peuvent  demeurer  long- temps 
bons,  par  les  efforts  qu’ils  font  obli- 
gés de  faire  dans  l’Hyver , où  les 
Lie v res  font  à leur  force  : 5c  pour 
dire  le  vray , ce  ne  feront  que  des  Lé- 
vriers de  Printemps. 

Tous  les  Levreteurs  feront  avertis 
de  ne  jamais  tirer  race  d’une  petite 
bête,  principalement  quand  l’étendus 
de  leurs  ChalFes  eft  dans  les  plaines* 
S’ils  veulent  avoir  des  leffes  de  Lé- 
vriers parfaites*  il  faut  que  leurs  Lé- 
vriers foient  grands  5c  râblés  , 5c 
qu’ils  tirent  race  de  pere  5c  de  mere  * 
^ui  ont  les  râbles  bien  faits  & qui 
mangent  bien. 

Il  ne  faut  jamais  faire  courre  les 
eunes  Levrons  qu’à  un  an  on- plus 
jard,  5c  les  Levrettes  félon  ce  qu’elles 
iront  formées , & les  Lévriers  à dix- 
iuit  mois  , & ne  les  mettre  jamais  de- 
lans  qu’avec  des  vieilles  bêtes  * ÔC 
jui  foient  très  bonnes. 
j La  marque  des  meilleures  bêtes 
l’une  lefïe  * eft  quand  elles  Ce  font 
.rainer  à la  leftè  * qu’elles  demeurent 


J4z  LE  PARFAIT 

derrière,  & font  parefieufes  à la  quefife 
étant  hors  lefTe.  Ge  font  ordinaire- 
ment bêtes  qui  fe  fient  à leurs  forces. 
Les  plus  triftes  & les  plus  mélancolie 
ques  font  ordinairement  les  plus  vi- 
goureufes,  & font  comme  on  dit  pre- 
mières bêtes  qui  vont  requérir  , & 
font  tout  quand  un  Lievre  fe  veut 
fauver.  - 

Quand  on  véut  conferver  uneleffe 
de  Lévriers  long  temps  bonne  , il 
faut  éviter  trois  chofes  ; la  première 
de  ne  courir  jamais  s’il  n’a  bien  dé- 
gelé , car  les  Lévriers  perdent  les  on- 
gles infenfibîement  par  des  puftules 
qui  leur  viennent  au  tour  , & les  on- 
gles font  tellement  ébranlés  qu*ils  tom- 
bent. J’en  ay  vû  arriver  autant  a» 
chiens  courans  qui  couroient  dans  un 
temps  de  gelée. 

La  fécondé  eft  encore  suffi  dange- 
reufe  de  courir  trop  fouvent  dans  les 
grandes  feichereffes  qui  font  le  même 
effet  du  temps  de  gelée,  & déplus  les 
écorchures  desfreflons  & du  derrière 
des  jarets,  avec  les  hurs  que  les  Lé- 
vriers fouffrent  dans  ces  temps,  ébran- 
lent tellement  tous  les  pieds  des  Le- 


CHASSE  U R.  145 

vriers , de  leur  font  des  bleftures  fi 
dangereufes,  que  delà  en  avant,  on  ne 
les  void  plus  entièrement  s’abandon- 
ner, principalement  quand  ils  rencon- 
trent le  moindre  rude» 

La  troifiéme  eft  de  ne  jamais  faire 
courre  les'  jeunes  bêtes  fiir  des  païs 
rudes,  parce  qu’étant  pleines  de  feu 
êc  de  vigueur  if  en  arrive  deux  incon- 
veniens  infaillibles  ; le  premier  , eft^ 
qu’elles  font  tres-fujetes  à s’allonger  * 
& ce  font  des  bêtes  gaftées  ; le  fécond 
c’eft  que  les  bleftures  qu’elles"  y 
prennent  les  rendent  fi  fujetes  à eftre 
bleflees,  qu  elles  craignent  fi  fort  le 
rade,  que  le  moindre  qu’elles  rencon- 
trent, même  un  Lievre  étant  au  roiiet5 
elles  fè  relafchent , le  Lievre  reprend 
vigueur  & fe  fauve. 

On  doit  encore  éviter  fur  tout  de 
courre  fur  les  païs  rudes  dans  les  temps 
de  pluye , parce  que  les  caillous  fe  ren- 
dent tranchans  comme  des  rafoirs  qui 
ne  font  jamais  de  petites  bleftures, 
C’eft  encore  une  maxime  que  les 
particuliers  ne  doivent  jamais  courre 
qu’avec  trois  bêtes  s’ils  veulent  con- 
ï rver  une  bonne  leflê , parce  que  deux 


144  LE  PARFAIT 

font  trop  d’effort  ôc  ne  durent  pas 
long-temps, 

11  n’appartient  qu’aux  grands  Sei- 
gneurs de  courre  à deux  bêtes  pour 
deux  raifons  * la  première  , c’eft  qu’ils 
font  toujours  montés  fur  des  chevaux 
très  viftes  , & ils  peuvent  fuivre  leurs 
Lévriers  de  prés , ôc  par  ce  moyen  ont 
tout  le  plaifir.  La  fécondé,  c eft  que 
quand  leurs  bêtes  font  ufées  par  les 
efforts  qu'elles  ont  fait  , ils  ont  force 
argent  pour  en  acheter  d'autres , ôc  les 
moyens  pour  en  faire  nourrir  plufieurs, 
ôc  en  avoir  toujours  à fuffifance. 

Que  fi  un  particulier  s’acccûcumoit 
à courre  à deux  bêtes  il  lui  arrive- 
mit  toujours  n’étant  que  médiocre- 
ment monté , que  les  Lievres  gagne- 
raient le  pars  fi  loin  ( comme  ils  font 
ordinairement  dans  le  temps  qu’il  fait 
noir  ) qu’ils  ne  wroient  jamais  la  moi- 
tié de  la  courfe,..&  que  hors  les  plai- 
nes en  païs  de  coraux  il  perdroit  tou* 
jours  les  Lévriers  * joint  à cela  qu’il 
faut  au  moins  deux  années  entières 
avant  qu’une  leflè  de  Lévriers  foit 
faite  : outre  cela  , c'eft  que  les  bêtes 
jamais  n’atteignent  fi  bien  à deux  qu’à 

trois  y 


CHASSEUR.  i45 

trois , 8c  n ont  point  le  loifir  de  re- 
prendre halaine  quand  un  Lievre  Ce 
défend  fort. 


Tour  faire  chaudier  les  Lijfes. 

IL  n’y  a rien  déplus  important  pour 
tirer  race  de  bons  chiens , que  de 
faire  couvrir  les  lices  en  bonne  fai- 
faifon  , parce  que  des  chiens  qui  vien- 
nent tard  dans  les  faifons  avancées , 8c 
qui  onc^deux  Hyvers  contre  un  Eté  , 
Unt  toujours  defeétifs  en  deux  ma- 
niérés. 

Premièrement  l’on  perd  une  année 
a les  faire  chaiîer  , car  s’ils  viennent 
à’ Automne,  ils  ne  peuvent  chalfer  qu’à 
iix-huit  mois  , 8c  avant  qu’ils  foient 
irelles  ils  ont  deux  ans  , première- 
ment les  chiens  couchans  , & même 
es  chiens  courans  avant  qu’ils  foient 
;n  curée  & bien  dedans.  Ii  faut  qu’ils 
lyent  auffi  deux  ans  quant  aux  Lé- 
vriers , de  vingt  qui  feront  nourris 
l’hyver,  il  n’y  en  aura  pas  un  d’ex- 
cellent, car  les  laitages  n’ont  plus  de 
orce  , & ne  procèdent  ciue  de  fourra- 
is ~ 


i46  LE  PARFAIT 

ct»>s  , qui  ne  peuvent  pouffer  les  Le* 
Sïons  , & prefque  tous  demeurent 
petits  , après  ils  ne  peuvent  courre 
qu’à  dix-huit  mois  ou  deux  ans , & 
ainfi  le  temps  de  leur  plus  belle  vis 
sueur  fe  paffe  fans  qu’on  aye  du  plai- 
fir,  & tres-fouvent  il  arrive  que  dans 
ce  temps  les  Levrettes  chaudient avant 
qu'avoir  couru , deforte  quelles  ont 
deux  ans  avant  qu’on  les  mette  en 
état  de  donner  du  plaifir  : fi  bien  que 
la  maxime  eft  véritable  que  tous  chiens 
d’Hyver  & tardifs  ne  valent  rien. 

Or  l’on  n’eft  pas  le  maître  de  faire 
chaudier  les  Liffes  dans  les  bonnes  fai- 
fons  fi  l’on  attend  quelles  deviennent 
chaudes  naturellement,  ceft  pourquoi 
il  faut  avoir  recours  aux  remedes  pour 
les  faire  chaudier  , principalement  a 
la  fin  de  Décembre  ôc  tout  le  long  du 
mois  de  Janvier  , parce  qu’elles  por- 
tent neuf  femaines  & trois  jours , telle,- 
ment  que  pour  faire  qu’elles  mettent 
bas  dans  le  mois  de  Mars  qui  eft  le 
mois  de  l’année  où  les  chiens  iont 
plus  vigoureux  & plus  fains. , Sc  plus 
en  état  de  chalfer  ayant  un  an  qui  eft 
yigg  Ig  plijs  docile  pour  eftre  dreflfs- 


CHASSEUR.  i47 

Il  faut  donc  pratiquer  ce  qui  s'enfuit. 

Premièrement  à la  fin  de  Decembr* 
& tout  le  long  du  mois  de  Janvier,  la 
plufpart  des  maftines  & des  chiens  de 
bouchers  chaudient  : il  faut  tâcher 
d’avoir  une  chienne  chaude  & l’enfer- 
mer avec  la  Liflè  que  vous  voulés 
faire  chaudier  , & lui  donner  bien  à 
manger,  & quant  à la  Lice  qui  doit 
devenir  chaude , il  lui  faut  faire  man- 
ger en  decours  de  la  Lune  des  omelet- 
tes méfiées  de  poire  & de  noixunufca- 
des  raclées , afin  qu’elle  puifie  eftre 
en  chaleur  & couverte  dans  le  croif- 
fant  de  la  Lune,  elle  n’en  aura  pas 
mangé  trois  jours,  qu’elle  deviendra 
chaude  : quand  on  s’appe rcevra  que  la 
portière  lui  groffit , il  faut  retirer  l'au- 
tre chienne  chaude  & la  renvoyer,  le 
fouvenir  de  cette  chienne  chaude  la 
fera  encore  chaudier  plutôt , la  Liflfe 
ne  la  voyant  plus , il  la  faut  nourrirde 
fouppe  grafie  tant  qu’elle  foit  chaude 
tout  à fait,  & quand  elle  attendra  les 
chiens  , il  la  faut  encore  laifièr  trois 
jours  fans  la  faire  couvrir , afin  qu’elle 
foit  dans  fa  plaine  chaleur,  alors  vous 
la  ferez  couvrir  une  fois  le  matin  & 
Ni;  ' 


i43  LE  PARFAIT 

s’il  eft  poflîble  que  ce  foit  dans  le 
croisant  de  la  Lune  , & deux  jours 
après  encore  une  fois , puis  vous  lui 
ôterés.la  connoiffancç  des  chiens  tant,, 
qu’elle  fera  rafroidie , & qu’elle  ne  les 
attende  plus. 

Gardés  bien  delà  mener  à la  Chafte, 
caryne  feule  curée  la  feroit  avorter  : 
fi  c’eû  une  Levrette,  lailïes  lalibrefans 
la  faire  courre,  car  fi  elle  court  , ou 
elta  fera  des  efforts  qui  affoibliront 
fes  petits,  ou  elle  avortera.  Cela  eft 
de  confequence  pour  ceux  qui  veulent 
avoir  de  belles  races  de  chiens  , parce 
que  fi  l’on  perd  une  année , i’année 
d'après  ne  réüffira  peut-  eftrepas,& ainfi 
le  temps  fe  perd.  Il  faut  eftre  extremé- 
ment  curieux  de  nourrir  des  chiens  ? 
car  de  s’attendre  qu’on  en  donne  de 
bons , cela  ne  fc  fait  pas , & les  Le- 
vrotjs  que  l’on  nourrit  de  dons  , l’on 
n’en  fçait  point  la  race  , c’eft  hazard 
quand  on  en  rencontre  qui  réüffiffent, 

Tout  Levreteur  qui  ne  fera  pas  ce 
que  dëffus  , & qui  ne  nourrira  pas 
tous  les  ans  une  couple  de  Le- 
vrettes pour  renouveller,  ne  peut  pas 
s’affûter  d’avoir  jamais  une  leffb  par* 


/ 


Chasseur.  149 

faite  de  Lévriers  , car  il  arrive  tant 
d’accidens  fâcheux,  que  fans  la  jeuneffe 
qui  repare  les  des-ordres  , on  eft  fou- 
vent  dénué  des  bons. 


Des  fine  [J es  que  doivent  'pratiquer 
les  Ltvrcîeurs  pour  trouver  les 
Lievres  en  tout  temps . 

PO u k.  bien  quefter  les  Lievres 
avec  les  Lévriers,  il  faut  aller  dou- 
cement & fans  bruit , 8c  ne  rien  laiflef 
principalement  en  beau  courre,  8c  fc* 
lon  les  faifons  pratiquer  ce  qui  s’en- 
fuit. 

En  Eté  il  faut  courir  de  grand  ma- 
tin,  8c  que  la  Chaffe  foit  faite  avant 
dix  heures , parce  que  les  chaleurs 
font  crever  les  Lévriers  , pour  peu 
qu’un  Lievre  (è  défende,  en  ces  jours 
les  Lievres  tiennent  ordinairement  les 
avoineries , principalement  au  mois  de 
Mai  quand  elles  font  nouvellement 
levées,  8c  l’on  dit,  Avoine  pointant 
Lievre  gijfant . 

Qnand  les  bêtes  grandirent  en  Avril 
& Mai,  il  faut  chalfer  le  foir,  parce 

N iij 


Jjo  LE  PARFAIT 
que  les  trois  ou  quatre  heures  après 
midi  les  Lievres  font  relevés  dans  les 
bleds , avec  trois  ou  quatre  briquets 
qu’on  meine  avec  les  Lévriers  aux  re- 
relevées, parce  qu’en  ce  temps-là  les 
Lievres  ne  forlancent  point  * & qu’on 
ne  doit  point  craindre  de  courre  mal 
à propos.  Les  voyes  du  Lievre  font 
fuivies , & en  deux  chafles  qu’on  fait 
de  cette  maniéré  avec  les  Lévriers  , 
ils  s’ajuftent  avec  les  petits  chiens  , & 
fe  rendent  fi  vigilans,  qu’ils  ne  man- 
quent jamais  de  voir  le  Lievre , que 
les  petits  chiens  font  partir. 

En  Automne  Pon  peut  chaifer  à tou- 
te heure  du  jour,  parce  que  tout  eft 
découvert  , & les  Lievres  tiennent 
tous  & quand  les  bleds  font  levés  au 
commencement  les  Lievres  y font  , 
parce  qu’ils  ne  font  point  tourmentés. 

L’Hyver  il  faut  eftre  exad  de  bien 
tenir  les  Lévriers  en  lelfe,  parce  qu’un 
feul  Lievre  partant  mal  à propos  & 
de  trop  loin  , il  fait  faire  des  efforts 
extraordinaires  à des  Lévriers , & fe 
fauvent  aux  bois  ou  du  moins  les  mei- 
ne fur  le  rude  ; quand  cela  arrive  la 
Charte  eft  faite  pour  tout  le  jour  , & 


CHASSEUR,  iji 

pour  plusieurs  autres  fi  les  Lévriers 
font  blefles.  Les  Lievres  tiennent  les 
guerets,  quand  il  a plu  , ils  tiennent 
les  friches,  ou  du  moins  fe  giflent  prés 
d’elles  , & fouvent  prés  des  chemins* 

Prefque  tous  les  Levreteurs  fe  trom- 
pent en  une  chofe  qui  arrive  fouvent  * 
c’eft  qu’ils  croyent  leurs  Lévriers  bijar- 
res  &c  journaliers  , quand  ils  leur 
voyent  faire  des  courfes  differentes  * 
& que  fouvent  leurs  moindres  bêtes 
font  en  une  courfe , ils  croyent  que 
cela  provient  de  la  bonne  ou  mauvai- 
fe  humeur  à laquelle  font  les  Leuriers, 
en  quoi  ils  s’abnfent , parce  que  cela 
vient  de  l’inégalité  de  la  force  des 
Lievres , & que  quand  ils  fe  rencon- 
trent foibles,  les  moindres  bêtes  font 
mieux  que  les  meilleures , parce  que 
les  Lievres  font  de  la  force  de  leur 
portée  , & que  les  bonnes  les  négli- 
gent , & cela  eft  fi  vray,  qu’auffi-tôt 
qu’ils  rencontrent  un  Lievre  tres^ferme 
la  médiocre  bête  n’en  approche  pas  ÿ 
& les  meilleures  font  tout. 

Quand  les  Levronsfontfousla  mere* 
l’on  peut  connoître  quels  feront  les 
plus  vigoureux  y en  leur  ouvrant  1* 
N iiij 


15*  LE  PARFAIT 

gueule,  & obfervant  ceux  qui  ont  le 
palais  noir,  & plus  cœurés,  c’eft  à dire 
dont  les  ondes  imprimées  en  leurs 
palais  font  plus  grandes. 

Il  y en  a qui  difent  que  ceux  qui 
testent  le  plus  prés  du  cœur  de  la  mere 
font  toujours  les  meilleurs,  mais  il  y 
a peu  de  certitude  en  cette  remarque, 

La  première  eft  meilleure,  & encore 
celle  de  choifir  toujours  les  Levrettes 
les  plus  longues. 

Quant  au  poil  les  tifonnés  à gueule 
noire  iont  plus  fouvent  les  plus  vigou- 
reux. Ceux  à long  poil  font  moins 
frilleux  & de  plus  de  fatigue.  Ceux 
qui  ont  les  plus  grandes  marques  fur 
Je  corps  font  toujours  les  plus  vi- 
goureux , quand  ils  font  marquetés  , 
quand  les  Lévriers  font  tout  d’une 
piece  , qu’ils  ont  peu  de  chair  devant 
êc  beaucoup  derrière  ; qu’ils  ont  le 
pied  fec  , l’encolure  longue , la  tête 
longue  & petite  , qu’ils  viennent  de 
race  vigoureufe  Sc  courageufe.  Il  en 
eft  peu  qui  ne  foient  bons  quand  ils 
ont  toutes  ces  remarques  fufdites. 


CHASSEUR.  155 

&&&&&&  &&&£&& 

CHAPITRE  XXIII. 

Des  Chaffes  qui  fe  font  des  bajfetsy 
& des  Chajfes  qui  fe  font  avec 
eux  , foit  fous  terre , foit  en 
terre . 

LE  s Baflets  font  propres  pour 
chaffer  fur  bois , ëc  pour  déterrer 
les  bêtes  puantes.  Il  y en  a de  bons 
en  Artois , ëc  font  noirs  demi- poil 
avec  la  queue  en  trompe  ; d’autres 
font  à pattes  tortues  devant  ëc  font 
mordaces , ayant  double  rang  de  dents 
comme  les  loups,  fis  attaquent  tout 
ce  qui  fe  tare  comme  Bureaux,  Re- 
nards , Chats-harecs , Fovnes,  Putoys, 
6c  quand  on  va  à la  ChafTe  des  Lé- 
vriers , il  n’y  a rien  qui  fade  tenir 
mieux  les  Lièvres  que  de  mener 
deux  ou  trois  Biflets  de  race  à bien 
qucfter.  Ils  chaflent  devant  les  Lé- 
vriers , ëc  font  connoître  les  lieux  où 
les  Lièvres  fe  retirent.  Cela  eft  plus 


554  LE  PARFAIT 

flaifanr.  Et  les  Lievres  voyant  queftet 
font  plus  pare  (feux  à partir,  & ne  for- 
lancent  jamais.  LaChalîedes  Lévriers 
eft  ennuyeufe  , fans  de  petits  chiens 
qui  queftent  bien  à l'entour  des  Chat, 
leurs.  Cela  les  divertit. 

Ce  font  les  chiens  les  plus  utiles  au£ 
Gentilhommes , car  ils  fervent  à tour, 
& notamment  à l’arquebufe  • Ôc  il 
n’y  a point  de  nature  de  chiens  qui 
fuivent  par  le  pied  , ni  qui  relevenÈ 
mieux  le  gibier  qu’eux.  Mais  ils  ont 
la  dent  dangereufe  , il  les  faut  tou- 
jours tenir  en  crainte  , car  ils  ne  Gf 
rebutent  point  pour  cflrc  battus» 


Des  C baffle  s qui  fe  font  en  terre . 

IL  y a quatre  fortes  de  Chaflèsqui 
fe  font  dans  les  trous  raboiiilliers 
ou  terriers  ; la  première  efl:  aux  La- 
pins avec  des  Furets  dans  TH  y ver, 
quand  il  fe  fait  de  grandes  neiges  , 
êc  dans  la  fin  du  Printemps,  & fout  le 
long  de  l’Eté  aux  Lapereaux.  Les  Ga^ 
renniers  pour  empefcher  que  les  Fu- 
rets n’ctranglent  les  Lapereaux  qui 


CHASSEUR.  ïfj 

gafteroient  des  terriers  , les  atn* 
muflent  afin  qu’ils  ne  piquent  que  des 
ongles  les  Lapreaux  dans  le  fond  des 
terriers  pour  les  faire  fortir.  Ils  ten- 
dent les  trous  avec  des  bourfes , où  s’il 
y en  a trop  , ils  tendent  à l’entour  des 
panneaux  ou  des  ailiers  à Lapins.  Et 
faut  fçavoir  que  depuis  la  fin  de  Mal 
jufqu’à  la  faint  Rhemy  qui  eft  en 
Septembre  * ils  marquent  toutes  les 
hazes  qu’ils  prennent , & leur  fendent 
le  bout  d’une  oreille  pour  ne  point 
ruiner  leurs  garennes  , pafle  la  faint 
Rhemy,  ils  ne  marquent  plus  rien. 

La  fécondé  fe  fait  contre  toutes  bê- 
tes puantes  , les  Palfets  les  vont  atta« 
quer  au  fond  des  terriers.  Il  y en  a 
de  plufieurs  fortes  qui  font  Renards; 
Chats-harets  , Foynes  , Ficheurs  ÔC 
Blereaux  , les  Br  (Têts  attaquent  tout  , 
mais  principalement  les  Blereaux,  8c 
quand  ils  font  terrés  l’on  fait  des  en- 
foncemens  au  defliis  des  chiens  qu’on 
entend  appeller  au  fond  des  trous, 
tant  qu’on  leur  donne  fecours  , quand 
ce  font  des  terres  rougeaftres  les  trous 
font  très  profonds^  <k  l’on  a bien  de 
la  peine  à les  avoir  / paree^qu’il  y a 


LE  PARFAIT 

plufieurs  refuites  Ôc  carrefours  où  le^ 
animaux  le  défendent  avant  de  d’èftre 
pouffes  aux  acculs* 

Entre  tous  ces  animaux  ceux  qui  fonc 
les  plus  difficiles  à déterrer , ce  font 
les  Biereaux , parce  qu’ils  ont  les  plus 
profonds  enfoncemens  , ôc  fouvent 
deux  ou  trois  les  uns  fur  les  autres* 
11  faut  dreffer  les  jeunes  Baffets  avec 
des  vieux  les  plus  hardis,  ôc  attaquer 
les  Biereaux  dans  leur  demeures  , car 
ce  font  des  animaux  très- nuifibles  aux 
garennes,  non  pas  qu’ils  détruifent  les 
Lapins  5 mais  ils  aggrandiffent  telle* 
ment  les  terriers,  qffiîs  donnent  âeê 
ouvertures  à toutes  tes  bêtes  mordan- 
tes de  $ y retirer  , qui  détruifent  en-’ 
tierement  les  garennes. 

La  maniéré  de  les  attaquer,  eft  de 
mettre  dans  plufieurs  de  leurs  trous  des 
Ballets  afin  qu’ils  fe  rangent  plus  prom- 
ptement aux  acculs,  car  fe  voyant  atta- 
ques par  plufieurs  endroits,  ils  crai- 
gnent d eftre  coupés  , ôc  fe  rangent 
plus  viftes  à leurs  acculs  où  ils  ont 
toute  leur  famille,  quand  on  peut  avoir 
gagné  les  principaux  carrefours  qui 
conduifent  à leurs  acculs  5 on  les 


CHASSEUR.  157 
prend  tous , mais  ils  ont  la  rufe  de  fe 
remparer  contre  les  chiens  , ayant  des 
ongles  très  forts  ôc  propres  à remuer 
la  terre,  ôc  fouvent  fe  perdent  fi  les 
chiens  ne  travaillent  allencontre  d'eux* 
Il  y a des  chiens  fi  rufés  à cela  qu’ils 
s’aident  l’un  l’autre  pour  vuider  les 
terres  que  les  Blereaux  jettent  con- 
tr’eux.  Quand  le  jour  finit  ôc  qu’on  a 
fort  avancé  les  enfoncemens,  il  ne  le£ 
faut  point  abandonner , ôc  faut  relayer 
d’hommes  pour  continuer  la  nuit,  nous 
en  avons  pouffé  trois  nuits  durant , ôc 
forcés  jufqu'à  en  prendre  fept  dans  un 
même  terrier  tant  vieux  que  jeunes. 

Et  quand  on  ne  les  pouffe  point  à 
bout , ôc  qu’on  les  delaiffe,  ils  fe  reti- 
rent avec  toute  leur  famille  dans  d’au- 
tres cantons  fort  éloignés , où  ils  re- 
font de  nouvelles  habitations  dans  les 
vieux  trous  qu’ils  connoiffenr,  ôc  qu’ils 
ont  habité  autrefois  , ôc  s’y  fortifient 
tout  de  nouveau. 

L’âge  des  Blereaux  fe  connoît  à la 
quantité  des  trous  qu’ils  ont  fous  la 
queue  , tous  les  ans  ils  l’augmentent 
d’un.  Ces  animaux  fe  chaffent  encore 
d’une  autre  maniéré,  l’on  bouche  les 


j58  LE  PARFAIT 

trous  les  plus  hantés  où  ils  fe  retirent, 
qui  font  ordinairement  de  grands  ri- 
deaux,  & Ton  a de  forts  maftins  , qui 
naturellement  rident , & Ton  s’en  va 
la  nuit  au  tour  des  bois , où  Ton  a re- 
connu des  terres  remuées  par  Blereaux, 
quand  ils  vont  vermeiller,  c’eftàdire 
vivre  de  vers.  En  ces  lieux  ces  maftins 
fouvent  rencontrent  desBlereaux  qu’ils 
poürfuivent  & joignent  facilement, 
parce  que  c’eft  un  animal  pefant  , &à 
force  de  les  piller  & aboyer  les  hom- 
mes y arrivent  qui  les  tiennent  avec 
des  fourches  ou  leur  enfoncent  dans 
la  gueule  un  certain  ferrement  à cro- 
chet , qui  a un  retour  fort  pointu  , & 
le  retirent  avec  grand  force,  demaniere 
que  le  crochet  entre  dans  la  peau  des 
mâchoires,  & ainfi  ils  le  fouleventjuf. 
qu’à  ce  que  l’on  ait  ouvert  un  fac  dans 
lequel  ils  le  jettent.  Les  Païfans  font 
fort  curieux  d’en  prendre  de  cette  fa- 
çon , pour  en  avoir  la  graiffe  qui  eft 
fouveraine  pour  les  foulures,  ôc  pour 
les  delafler  quand  ils  ont  fort  travaillé, 
ôc  ils  s’en  font  frotter  le  corps  devant 
un  grand  feu  , ôc  le  lendemain  ils  font 
entièrement  delafïes. 


CHASSEUR.  159 

La  ChalTe  des  Porcs-épics  fe  fait 
de  la  même  maniéré  que  celle  des  Ble- 
reaux  , dans  toute  l’Italie.  Cet  animal 
fe  met  en  terre,  de  a toutes  les  mêmes 
nations  que  les  Blereaux. 


De  la  Cbajfe  des  Chamois  aux 
montagnes  & du  Staimhouc . 

AU  Triquetrae  ou  avec  des  li- 
miers ils  peuvent  eftre  détour- 
nés. L’âge  du  Staimbouc  fe  connoîc 
à la  quantité  des  nœuds  qui  entourent 
fes  cornes.  Ces  animaux  font  au  plus 
haut  lieu  des  montagnes  , de  les  Cha- 
mois ont  deux  petites  cornes  noires^ 
qui  ont  au  bout  des  retours  en  devant, 
de  qui  leur  fervent  pour  fe  pendre  aux 
rochers.  Plufieurs  Chalfeurs  vont  à la 
montagne  , de  les  plus  légers  montent 
au  fommet,  pendant  que  les  autres  fe 
huttent  au  paflfage,  parce  que  ces  ani- 
maux ne  peuvent  pas  aller  par  tout, 
3c  faut  qu’ils  palfent  par  de  certains 
lieux  connus  à leur  pifte.  Quand  plu- 
fieurs Arquebufiers  font  placés , ceux 
qui  vont  lancer  ces  animaux  , mon- 


i6o  LE  PARFAIT 

cent  & grimpent  accompagnés  de 
chiens  , en  faifant  grand  bruit  en  for- 
me de  Triquetrac  •:  a'infi  ils  lancent 
ces  bêtes  , lefquellcs  jetteraient  à bas 
lefdits  Chalfeurs  , s’ils  n’étoient  en 
troupe  • mais  à force  de  cris,  elles 
s’effarouchent  en  fuyant  : dés  qu’elles 
commencent  à fuir,  tous  crient  à pleine 
voix  garde  lous  pas . Ce  lignai  donné, 
les  Arquebufiers  prennent  garde  à eux 
& les  tirent  en  paiïant,  & fouvent  en 
tuent. 

Flufieurs  autres  bêtes  paftent  com- 
me au  triquetrac  -,  mais  il  eft  à remar* 
quer  que  de  quelque  hauteur  que  tom- 
be le  Chamois,  jamais  fa  peau  ne  re^ 
çoit  aucune  frafture , & demeure  en- 
tière. Et  celle  de  tous  les  autres  ani- 
maux fe  brife  en  plusieurs  pièces  tom- 
bant en  bas  des  rochers.  Il  n’y  a au- 
tre finelTe  en  cette  Chalfe  qui  eft  com- 
me un  triquetrac  , linon  defe  bien  pla- 
cer , afin  qu’il  ne  paiferien  fans  eftre 


CHASSEUR.  j6i 


Delà  Chaffe  aux  Cygnes,  & 
très  OyJ'eaux  de  marais , & du 
vol  du  Héron. 

LA  Chaflè  aux  Cygnes  efî  très 
ancienne  dans  un  certain  pais , 
& commune  aux  Pais  - bas  où  il  y a 
des  eauës  de  des  rivières  avec  étangs. 
En  certaines  Villes  de  Flandre  & de 
Picardie,  il  y avoir  auparavant  les 
grandes  guerres  quantité  de  Cygnes 
dans  les  étangs  de  foliés  qui  les  en- 
vironnent ,»  de  tous  les  principaux 
Corps  de  ces  Villes  en  a voient  un 
nombre  marqués  à leur  marque.  Ces 
Cygnes  convoient  Se  faifoient  des  pe- 
tits tous  iss  ans.  A certains  jours  il  le 
fdifoît  une  Chaffè  folemnelle  de  tous 
les  Corps  de  la  Ville  pour  prendre 
les  jeunes  Cygnes,  Se  pour  les  marquer 
chacun  à la  marque.  On  afFembloit 
tous  les  grands  petits,  baueaux  de 
la  Ville  Se  1 on  alloit  fur  les  eauës  par 
tout  ou  ces  Ciguës  paroilîbient  ; Se 
par  une  ceremonie  generale  chaque 
Corps  con  mençoit  la  Charte  fui  vaut 

O 


i6i  LE  PARFAIT 

fon  rang.  Les  Ecclefiaftiques  les  pre- 
miers & puis  le  refte.  £t  comme 
chaque  jeune  Cygne  fuivoit  leurs  per- 
rons, Ton  reconnoifloit  à qui  ils  appar- 
tenoient , ôc  l’on  les  marquoit  chacun 
à fa  marque.  Cela  duroit  tout  le  jour 
& quelquefois  davantage  , tant  que 
tout  étoit  achevé.  Et  ce  n’étoient  que 
feftins  fur  les  eauës  , que  canonades 
& réjoüiflances.  Cette  Chaffe  fe  fai- 
foit  au  temps  que  les  jeunes  Cygnes 
ne  pouvoient  encore  voiler,  qui  étoit 
au  mois  de  Juillet.  Et  ces  Cynes  fepre- 
noient  à force  de  batteaux , ôc  aufll 
que  les  vieux  ne  vouloient  pointaban- 
donner  les  petits,  & qu’ils  fe  faifoient 
prendre  avec  eux.  Et  Ton  les  recon- 
noiffoit  feulement  , ôc  l’on  marquoit 
les  petits  à la  marque  des  perrons  fans 
leur  faire  aucun  ma!.  Il  étoit  telle- 
ment défendu  de  tirer  deffus , qu’il  y 
avoit  uue  Loi  écrite  dans  les  Regiftres 
de  la  Ville,  que  quiconque  tireroit fur 
un  Cygne  étoit  condamné  en  une 
amende  qui  étoit  de  combler  le  Cygne 
pendu  par  le  bec,  de  bled,  tant  qu’il  ne 
pouvoit  eftre  apperceu  , Ôc  ce  au  pro- 
fit de  la  Ville*  On  ne  peut  croire  corn- 


CHASSEDR.  16} 

bien  il  falloir  de  bled  pour  fatisfaire 
à l'amende.  Cela  fe  continue  encore 
en  quelques  lieux  ; mais  la  guerre  a 
aboli  cette  coutume  quafi  par  tour 
ou  cela  fe  faifoit. 


La  Chajje  aux  Canards  dans  les 
étangs , efi  Royale . 

LE  Comté  de  Ponthieu  qui  e(ï  un 
membre  de  la  Couronne  * a droit 
tous  les  ans  de  faire  une  Chaffe  aux 
Oyfeaux  de  riviere  fur  des  étangs  qui 
en  font  partie.  Et  pour  cet  effet  il  y 
a plufieurs  Villages  qui  font  obligés 
i'y  venir  aider , quand  ils  y font  ap- 
pelés. Cette  Chaffe  fe  fait  dans  le 
mois  de  Juillet , quand  les  Oyfeaux 
le  riviere  muent  &:  ne  peuvent  voler* 
ce  qui  arrive  tous  les  ans.  Tous  les 
Païfans  appellés  pour  ce  fujet  font 
obligés  de  fe  dépouiller  8c  de  faire  un 
rriquetrac  dans  les  grands  ro féaux  qui 
environnent  les  étangs  , 8c  tous  les 
Officiers  de  la  Maîtrife  font  dans  des 
oateaux  le  long  des  bords  pour  les 
faire  marcher  en  ordre.  Ils  font  tous 

O ij 


i <4  LE  PARFAIT 

armés  d'un  grand  bâton,  comme  pour 
conduire  une  naileîle  , 8c  auparavant 
que  de  commencer  le  triquecrac  à l'un 
des  bouts,  l'on  a tendu  des  panneaux 
au  travers  d'efpace  en  efpace,  d'une 
diftance  raifonnable  , comme  qui  di- 
roit  de  cinq  cens  pas  , puis  apres  l'on 
commence  le  triquecrac  allant  douce- 
ment , enforce  que  tous  les  Oyfeaux 
qui  ont  leurs  petits  tous  grands  & quafi 
prefts  à voiler , cheminent  devant  les 
Chaiïeurs,  & au  bout  drfdits  panneaux 
8c  en  plufieurs  endroits  , il  y a des 
hommes  qui  prennent  garde  quand  les 
Oyfeaux  donnent  dedans  ; deforte 
qu'en  ces  triquecracs  il  fe  prend  une 
prodigieufe  quantité  de  toutes  fortes 
d'Oyfeaux  de  rivières  qui  ne  peuvent 
échapper  ni  retournera  caufe  du  grand 
peuple  qui  les  pourfuit.  Quand  on  eft 
arrivé  aux  premiers  panneaux,  on  pafle 
outre,  8c  après  avoir  pris  tout  ce  qui 
s'eft  donné  dedans  , l’on  paffe  aux  au- 
tres, 8c  ainfi  continuant  l'on  acheva 
l' étang  8c  les  rofeaux  , 8c  l'on  prend 
tout  ce  qui  ne  peut  fe  fautver  par  le 
fecours  des  bateaux  qui  font  aux  ailes. 
Qtynd  tout  eft  achevé,  les  Païfans  s'en 


CHASSE  VR.  165 

retournent  déchargés  de  leurs  cens  pour 
cette  année  , ayant  fatisfait  à leurs 
obligations  , fk  tout  le  gibiereft  porté 
3 la  Ville  des  Officiers  & de  ceux 
aufquelsle  Comte  de  Ponîhieuen  veut 
faire  fes  libéralités.  Toute  la  Ville  efë 
en  fête  , car  chacun  en  a fa  part,  5 C 
cela  le  fait  au  mois  de  Juillet  aupara- 
vant la  moilTon. 


De  la  C baffe  des  Princes 
Aliemans. 

LEs  Aliemans  ne  courent  point  à 
force  , & ne  font  que  des  ChafFes 
meurtrières.  Ils  font  très  jaloux  de  la 
Chalï'e  , &c  défendent  fur  peine  de  îa 
vie  à qui  que  ce  foit  de  tirer  dans  dé- 
tendue de  leur  Seigneurie , non  pas 
tant  pour  la  considération  de  la  Chafle, 
que  pour  empefcher  qu’on  ne  banniiTe 
point  le  gibier  de  deffus  leurs  terres 
Ôc  de  leurs  forêts.  Tous  leurs  fujets  5c 
vaflaux  font  obligés  en  certaines  fai- 
fons  de  fe  rendre  aux  lieux  oit  ils  font 
mandes  , pour  faire  le  triquetrac  ou 
leurs  battures , félon  les  bêtes  qu  ils 


166  LE  PARFAIT 

veulent  attaquer,  Ôc  ne  font  jamais 
ees  Chaflfes  que  lors  que  les  bêtes  font 
en  venaifon.  Quand  eela  eft,  les  ren- 
dez-vous fe  donnent  aifés  proches  des 
bois  qu’ils  veulent  chalTer.  Une  grande 
quantité  de  peuple  y arrive  ; Ton  tend 
les  bricolies , palïées  > toiles  & hayeu- 
res  pour  enfermer  les  bêtes  $ plusieurs, 
hommes  font  préparés  pour  les  meures 
trir  • l’on  fait  un  triquetrac  general 
& il  y a des  lieux  fermés  de  palis  pour 
mettre  les  Seigneurs  Ôc  Dames  fur  des 
échaffaux  ou  Le  rendent  la  plufpartdes 
bêtes  contraintes  par  des  hayeures  fai- 
tes exprès  qui  les  conduifent  , deforte 
que  tout  ce  qui  eft  dans  le  bois  y de- 
meure  , hormis  celles  qui  trouvent  jour 
à fuir  au  travers  des  batteurs  5 ôc  l’a 
fouvent  fe  tuera  deux  ou  trois  cens 
bêtes  très  gralfes  * dont  les  Seigneurs 
rempliflfent  leurs  falloirs  Ainh  ils  choi- 
filfent  les  bois  qu’ils  veulent  chaiïer^ 
les  uns  choifiiTant  les  bêtes  fauves, 
dont  ils  font  une  Chafîè  à part  ; les 
autres  de  bêtes  noires  , dont  ils  font 
un  furieux  meurtre  quand  ils  font  en 
porchaifon,  car  ils  n’en  font  point 
tuer  quelles  ne  foient  bonnes  pour 


CHASSEUR.  167 

raller.  Ainfi  le  long  des  temps  que 
:haques  efpeces  de  bête  font  en  ve- 
laifon.  Ils  continuent  tant  que  leurs 
àlloirs  (oient  pleins. 

Ils  chafient  encore  à Parquebufe 
ivecdes  armes  rayées,  8c  ne  tirent  que 
le  baies  feules  à la  campagne,  &frap- 
Dentlegibier  en  telle  partiede  leur  corps 
ju’ils  marquent  auant  que  de  tirer  : 
nême  ils  font  des  paris  à qui  mieux 
eüflira.  Le  refte  de  leurs  ChalTes  aux 
:>êtes  mordantes  fe  fait  avec  des  pié- 
gés , 8c  aux  relevées  dont  ils  font  plus 
:urieux  qu’aucuns  peuples. 

Quant  aux  ChalTes  du  menu  gibier,, 
ls  les  font  avec  des  filets , & avec  des 
Dyfeaux  de  Theurre, 

Celles  qu’ils  font  avec  des  filets  * 
:’eft  la  plufpart  la  nuit  au  feu.  Et  celles 
le  jour  avec  des  chiens  couchans  fort 
âges , non  pour  tirer  à l’arquebufe  , 
nais  ils  font  foûtenir  des  Oyfeaux  de 
’heurre  fur  leurs  chiens  , & avec  des 
irafies  ils  courent  toute  une  com- 
>agnie  de  Perdris.  Et  pour  cet  effet, 
ls  ont  des  Oyfeaux  fi  bien  drefies  8c 
i juftes  qu’ils  courrent  le  chien  , 8c 
nême  ne  connoilfent  point  le  vif,  8c 


té  g LE  PARFAIT 

ïie.^5n,t  ^t,e  ^eurfés  afin  de  ne  fê 
point  ecarter.  Qciand  les  Perdris  fe 
yoyent  couvertes  des  Oyfeaux  qui  font 
a montais  fe  rafent  de  telle  forte  qu’on 
les  couvre  tres-faciîement,  8c  que  pas 
une  ne  s’échappe. 

Pour  les  Chartes  de  nuit  elles  font 
en  grande  eftime  parmi  eux.  Le  foir 
ils  remettent  juftes  les  Perdrix  au  der- 
nier cris,  8c  cela  leur  eft  facile,  parce 
que  jamais  l’on  n’y  charte  , 8c  ne  font 
nullement  battues  , deforte  qu’on  les 
juche  d’auffi  prés  qu’on  veut.  Quand 
cela  eft  fait,  l’on  y va  avec  un  miroir 
concave  dans  une  lanterne  , 8c  l’on 
fait  fuivre  des  hommes  qui  portent  un 
filer  ; 8c  l’on  les  couvre  ainfi  qu’il  eft 
exprimé  dans  le  lieu  on  cette  Charte  eft 
écrite.  Eft  à remarquer  qu’en  Alle- 
magne le  gibier  attend  plus  qu’en  tous 
autres  lieux,  parce  qu’on  n’y  ofechaf* 
fer  , 8c  qu’ainfi  toute  forte  de  gibier 
s’approche  facilement 8c  qu’il  tient 
plus  qu’aiîleurs  , parce  qu’il  n’eft  nul- 
lement battu  ; 8c  c’eft  ce  qui  fait  que 
ces  peuples  ne  fe  donnent  pas  la  peine 
de  charter  comme  les  autres  , parce 
qu’ib  ont  tres-facilement  le  plaifir.de 

là 


CHASSEUR.  j69 

la  prife  fans  peine  6e  fans  dépenfe. 
Et  c’eft  la  raifon  pourquoi  ils  fe  moc. 
quentde  toutes  les  maniérés  de  chaifer, 
dont  ufent  toutes  les  autres  nations  * 
8c  fur  tout  des  François,  quand  ils  le 
voyent  courre  à force,  tuer  des  che- 
vaux , nourrir  des  chiens  & des  équi- 
pages  , pour  prendre  les  bêtes  qu’ils 
tuent  très- facilement  & fans  peine 
fans  dépenfe  & fans  travail. 
^Auparavant  d’entrer  dans  les  autres 
Chartes  qui  fe  font  avec  les  filets 
ie  veux  dite  un  mot  de  la  Faucon! 
nerie. 

CHAPITRE  XXIV. 

De  la  F auconnerie , 

LE  Sieur  Defparon  a parlé  fi  digne- 
ment de  la  Fauconnerie , qu’il  ne 
en  peut  rien  dire  davantage  & le 
loi  Louis  XIII.  l’a  faite  exercer  fi 
vantageufement  , que  jamais  aucun 
loi  n’en  a pû  approcher  , car  il  ne 
Quvoit  paroître  aucuns  Oyfeaux  dans 


yj o LE  PARFAIT 

une  plaine,  qu’il  n’y  euft  des  équipa- 
ges pour  l’attaquer.  Il  y avoir  des  vois 
entretenus  pour  riviere,  pour  le  Héron, 
pour  Milan  royal  , pour  Milan  noir , 
pour  Buie  , pour  faux  Perdrieux  , pour 
Crécerelles , pour  Hiboux,  pour  Cor- 
neilles , pour  Corbeaux  , pour  Chou- 
cas , pour  Courlis , pour  jeunes  Can- 
nepetreres,  pour  les  Champs,  & pour 
Lievres,  Déplus  quantité  d’Eperviers 
pour  voler  les  Merles,  & Alais  qui 
font  Ovfeaux  de  l’Orient  pour  voler 
les  Perdrix  , & des  Cormorans  pour 
voler  dans  les  rivières  ôc  étangs. 

Il  y avoit  dans  ces  vols  des  Gerfauts 
blancs  qui  venoient  du  Nort,  des 
Gerfauts  gris  & des  Tiercelets  de 
Gerfaut,  & des  Lacres  pour  le  Héron 
Sc  pour  tous  les  autres  vols.  Ces  mê- 
mes Oyfeaux  y fervoient  avec  des 
Faucons  , Tiercelets  de  Faucons  Sa- 
crets , Lanières  de  Tunis,  & plufieurs 
Faucons  pour  rivieies  &c.  Tous  res 
vois  font  encore  entretenus  par  le  Roi 
' d’aprefent. 

je  ne  parleray  poinr  de  toutes  ces 
Chafles  particulièrement  , quoi  que 
j’aye  été  élevé  & nourri  dans  cette 


CHASSEUR..  i7l 

Fauconnerie,  & qu’il  feroit  inutile  de 
montrer  au  particulier  comment  elles 
fe  font, & comme  on  dreffe  les  Oyfeaux 
à toutes  ces  ChaiTes,  parce  qu’elles  ne 
font  point  de  leur  portée,  & que  leur 
connoiiîànce  feroit  inutile.  J’explique, 
rai  feulement  aux  Seigneurs  & Gen- 
tilshommes defquels  Oyfeaux  ils  peu- 
vent fe  fervir  utilement  dans  l’étendue 
de  leurs  terres  pour  chafler  toutes  fortes 
de  gibier,  dont  elles  font  peuplées. 


Des  Oyfeaux  niais  , comme  on 
feut  connaître  leurs  nids  , de 
quelle  façon  il  les  faut  dénicher , 
& comme  il  les  faut  nourrir. 

Auparavant  que  de  parler  des 
Oyfeaux  dont  fe  peuvent  fervir 
les  Gentilshommes  , il  faut  dire  un 
mot  des  lieux  où  les  Perrons  fondeurs 
petits , & en  quel  temps  il  les  faut 
lever. 

Les  Autours  font  leurs  nids  dans  les 
forêts  de  haute  fuftaye,  & quelques- 
uns  dans  les  montagnes  d’Allemagne 
P ij 


I7z  LE  PARFAIT 

Pour  connoître  les  lieux  où  ils  bâ- 
timent leurs  nids,  Ton  obferve  le  temps 
qu’ils  reviennent  aux  aires , qui  eft  le 
mois  de  Mars,  ôc  tous  les  jours  ils 
martelient , c’eft  à dire  qu’ils  crient 
de  certains  cris  pour  s’entrappeller. 
Dans  les  lieuxoù  ils  martelient  le  plus, 
c*eft-là  où  ils  bâtiffent  leur  nid  fur 
les  plus  hauts  arbres  de  toute  une  fo- 
rêt. Les  Fauconniers  ou  les  Gardes  de 
bois  regardent  foigneufement  ces  lieux, 
êc  ils  reconnoiiïent  ôc  diftinguenc 
les  arbres  où  font  leurs  nids  tous  les 
mois  de  Mars  , d’Avril  ôc  de  May , 
aufquels  ils  montent  avec  des  tire- 
fonds  ôc  des  inventions  quils  ont , Ôc 
yoyent  en  quel  état  font  les  petits , 
& quand  ils  font  blancs  ôc  en  état 
d'être  levés  , ils  les  enlevent  malgré 
les  Perrons  qui  les  battent , puis  les 
ayans  defeendus  dans  des  paniers  , ils 
les  emportent  chez  eux  , & les  nour? 
nflent  jufqu’à  tant  qu’ils  foient  tous 
grands  ôc  leur  pannage  fec.  Ils  les 
nourrilfent  de  très  bonnes  viandes,prin- 
cipalement  de  pigeons  . ôc  cela  en 
deux  maniérés  qui  feront  ci-aprés  ex- 
primées. La  première,  eft  qu’ils  i^s 


CHASSEUR*  173 
nourriflènt  fur  le  poing , quand  ils  font 
ailes  forts  pour  s’y  tenir  6c  fur  la  per- 
che. 

L’autre  eft  qu’ils  les  nourriflènt  au 
taquet  , c’eft  à dire  en  liberté,  8c 
quand  ils  veulent  leur  donner  à man- 
ger, à l’heure  de  paître  ils  frappent  fur 
un  bout  dais , au  fon  duquel  bruit  ils 
les  accoutument,  de  maniéré  que  quand 
l’heure  de  paître  vient , & qu’ils  frap- 
pent fur  cet  ais  , vous  les  voyés  à ce 
bruit  revenir  foit  des  jardins , foit  du 
vilage,  foit  des  bois,  & très  avidem- 
ment  fe  mettent  aux  lieux  où  Ton  a 
accoutumé  de  les  paître,  êc  ainfi  l’on 
continue  jufqu’à  ce  qu’ils  foient  fecs 
8c  en  état  d’eftre  mis  fur  le  poing. 
Cette  maniéré  eft  la  meilleure,  parce 
que  cette  liberté  de  coucher  de  hors, 
& 1 air  qui  eft  leur  principale  demeure 
les  rend  plus  vigoureux  & plus  fains  ; 
mais  il  ne  faut  pas  attendre  fi  tard,  de 
peur  qu’ils  ne  fe  paiflent,  car  s’ils  le 
faifoient  une  fois  feulement  , on  au- 
roit  de  la  peine  à les  reprendre. 

Les  Eperviers  fe  dénichent  de  la 
meme  façon  , 8c  ceux  qui  ont  l’adrefle 
de  s en  bien  fervir  en  tirent  plus  de 
P iij 


i74  LE  PARFAIT 

fecours  que  des  Autours  , parce  qu'en 
ayant  deux  ou  trois  qui  volent  l'un 
après  l'autre  pour  leur  donner  haleine, 
ils  prennent  plus  de  Perdreaux  qu’au- 
cuns jufqu  à la  laint  Remi  ; & quand 
ils  font  grands  ils  continuent  à en 
prendre  jufqaà  la  ToulFaint,  auquel 
temps  très- ordinairement  tous  les 
Oy féaux  de  poing  tournent  queue,  8c 
il  y en  a peu  qui  palfent , & que  d'ail- 
leurs c'eft  le  temps  où  l’on  fort  les 
Oyfeaux  de  îa  mue,  8c  que  dés  que  les 
Oyfeaux  de  l’heurre  commencent  à 
voler  , on  ne  prend  plus  la  peine  de 
faire  voler  les  Autours , fi  ce  n'eft  en 
païs  couvert,  ou  pour  Lapins  ou  pour 
Lievres  ou  pour  Fayfans  , 8c  quand 
les  Autours  ou  Tiercelets  fe  rencon- 
trent bons  on  prend  la  peine  de  les 
palier  i'hyver. 

Quant  aux  Oyfeaux  de  l’heurre 
niais , l'on  a plus  de  peine  à les  déni- 
cher, car  ils  font  leurs  aires  dans  de 
très. hautes  montagnes,  mais  les  Fau- 
conniers ont  des  inventions  de  les 
avoir.  Il  en  vient  quantité  d'Alle- 
magne , 8c  l’on  les  nourrit  des  deux 
manieras  fufdites  des  Autours. 


C H A S S E Ü R.  175 

Tout  le  mois  d’Oétobre  & ail  com- 
mencement de  Novembre  on  prend 
les  Oyfeaux  de  partage * & les  Fau- 
conniers les  apportent  tous  les  ans  vers 
lafaint  Martin. 

Les  meilleurs  Oyfeaux  niais  pour  les 
champs  fontd’Efpagne,  & fur  tout  de  la 
Montagne  rouge.  J’en  ay  envoyé  que* 
rir  plufieurs  fois.  Le  Fauconnier  partoit 
au  commencement  de  Mars  8c  reve* 
noit  à la  faint  Jean  , 8c  m’apportok 
huit  paires  d’Oyfeaux  tout  Theurrés  2 
& n’a  jamais  manqué  d’eftre  de  re*. 
tour  à la  fin  de  Juin  ou  au  commen- 
cement de  Juillet.  Il  eft  vray  qu’il  ÿ 
a une  fi  grande  différence  de  ces 
Oyfeaux  niais  qui  viennent  d*Efpagne 
d’avec  ceux  qui  viennent  d’Allemagne* 
que  dés  qu’on  ena  eftayé,  l’onnepeus 
plus  fe  fervir  d’aucun  autre. 

Les  Lafniers  niais  font  auffi  appor- 
tés d’Allemagne  ; mais  la  première 
année  l’on  a bien  de  la  peine  à les 
échauffer,  8c  ne  valent  ordinairement 
rien.  Il  eft  dit  parlant  d’eux*  comme 
on  peut  les  rendre  bons. 

Quant  aux  Tiercelets  de  Faucons 
d’Efpagne , quand  iis  font  bien  nour- 
P iiij 


ijé  LE  PARFAIT 

ris  & bien  Theurrés  , ce  font  des 
Oyfeaux  qui  fe  perdent  dans  les  nues, 
qui  ne  vont  jamais  au  change  , qui 
tiennent  long  temps  fur  aile,  & qui 
font  très  juftes  en  leur  remife  , & la 
tiennent  plus  long,  temps  que  tous  les 
autres.  L’on  en  vole  le  Courlis,  la 
Çannepetiere  &c . 

Qui  pourroit  avoir  des  Lafniers  ou 
des  Sacrets , on  en  aura  pour  fa  vie  , 
car  ils  durent  trente  années. 


De  quels  Oyfeaux  fe  peuvent  fer - 
vir  les  Gentilshommes , fuivant 
le  pais  où  ils  demeurent . 

SI  un  Gentilhomme  à fa  demeure 
dans  un  païs  couvert  , il  lui  faut 
des  Autours  ou  des  Tiercelets  qui  font 
des  Oyfeaux  propres  pour  voler  la 
Perdrix  grife  ou  rouge,  ouïe  Faifant 
dans  les  bois , les  hayeurs  & brouf- 
failles,  & pour  les  fervir  , il  ne  lui  faut 
que  des  barbets  qui  rapportent  bien 
éc  des  épagneux  pefans  qui,  percent 
hardiment  dans  le  bui/ïon. 


CHASSEUR..  177 

S’il  eft  dans  un  païs  ouvert , 8c  qu'il 
f ait  de  belles  remifes  , & de  petits 
ûliages  à hayes  claires  pour  voler  Per- 
Irix  * Courlis  3c  jeunes  Cannepe- 
iers , il  peut  fe  fervir  de  cinq  ou  fit 
>ieces  d’Oyfeaux  , ou  plus  s'il  en  a le 
noyen,  3c  que  ce  foit  des  Faucons  des 
Hercelets  de  Faucons  * des  Lafniers 
k Lafnieres  , 3c  s'il  fe  peut  des 
îacrets , lefqueîs  il  pourra  trouver 
acilement  , foit  par  le  moyen  des  Fau- 
:onniers  Flamans  qui  en  apportent  tous 
es  ans,  tant  de  niais  que  de  hagars  , 
k s’il  a la  moindre  connoiffance 
iUx  Officiers  qui  ont  les  vols  des 
Dyfeaux  pour  Pie  3c  pour  Corneille 
tu  Printemps  que  les  vols  fe  rompent,1 
1 en  aura  a foifon  , 3c  ne  lui  eft  be- 
oin  que  de  fix  ou  huit  épagneux  pour, 
èrvir  fes  Oyfeaux. 

Que  s’il  eft  en  païs  de  gros  Villa- 
ges dans  des  plaines  3c  quelques  bois* 

1 ne  lui  faut  que  des  Oyfeaux  de  poing; 
k s'il  entend  quelque  peu  la  Faucon- 
îerie.  il  peut  feulement  fe  fervir  d’E- 
?erviers  en  nombre  de  trois  ou  quatre 
jui  voleront  l’un  après  l’autre  , car  il 


if 8 LE  PARFAIT 

leur  faut  donner  le  temps  de  repren 
dre  haleine,  Sc  ils  voleront  jufques  au- 
près de  la  Touftàint  qui  eft  le  temp< 
qu'on  tire  les  Oyfeaux  de  la  mue 
Que  s'il  fepeut  rencontrer  des  Lafnier: 
& Lafnieres  qui  volent  enfemble  , i 
aura  des  Oyfeaux  pour  toute  fa  vie 
mais  il  eft  difficile  d'en  rencontrer  de 
bons  5 fi  l' on  ne  fçait  bien  les  mettre 
dedans,  , 


Des  Lafniers  four  les  champs . 

LEs  Lafniers  font  difficiles  à 
échauffer  pour  la  première  année, 
mais  a la  fécondé  fi  Ton  les  mue  ÔC 
qu  on  les  tire  de  bonne  heure  , euffent- 
ils  des  pannes  en  fans  , de  quson  les 
échauffé  fur  les  petits  Perdreaux  , ce 
font  des  Oyfeaux  infatigables  , qui 
plus  fis  prennent  de  Perdrix , & meil- 
leurs ils  fe  rendent. 

De  tous  les  Oyfeaux  qui  volent 
pour  les  champs  , il  n'y  en  a point  qui 
approche  Paile  du  Faucon  , mais  les 
paffagersfont  fujets  à aller  au  change. 


CHASSEUR.  179 

ir  ne  tiennent  point  remife. 

Pour  avoir  de  bons  O y féaux  pour 
«s  champs  , il  faut  des  Faucons  oit 
les  Tiercelets  niais  , s’ils  font  d’Ef- 
>agne  ils  font  incomparables  5 pour 
lien  faire  , il  en  faudroit  envoyer  que-* 
ir  tous  les  ans  , il  s’en  rencontreroie 
ntr  autres  quelques-uns  qui  iroienc 
lans  les  nues.  Le  fecret  de  les  faire 
nonter  au  plus  haut  poind  qu’ils  peu- 
vent , c’eft  de  ne  les  faire  voler  qu’à 
’heurre  de  paître  , ayant  remarqué 
ufte  des  Perdrix,  ou  les  avoir  fait  ar- 
:êter  par  des  chiens  couchans  , les 
etter  à mont , 8c  quand  ils  font  bien 
:ournés  faire  partir  les  Perdrix  , ce 
^ui  reiilîit  toûjours  fort  bien  au  temps 
3e  la  pariade  auquel  les  O y féaux  mon- 
tent plus  haut  qu’en  aucune  autre  fai- 
fon. 

C’eft  un  abus  de  croire  qu’on  puifife 
avoir  de  bons  O y féaux  , fi  première- 
ment on  n’a  fait  provifion  d’un  bon 
Fauconnier,  quand  on  en  a rencontré 
un  bon  , il  le  faut  fort  eftimer  ; enfui- 
te  il  faut  avoir  de  tres-bons  che- 
vaux 8c  de  très  - bons  chiens  en 
quantité  pour  fervir  les  Qyfeaux;  n’en 


i8o  LE  PARFAIT 

laiflànt  quefter  qu'une  partie,  & gai 
der  l’autre  pour  l’heure  de  paître,  8 
p°ur  la  retraite.  Un  Gentilhomme  l 
peut  palier  de  huit  épagneux  , dont  i 
en  lailîera  quefter  lîx  , & deux  qui 
gardera  pour  la  retraite. 

Le  Gentilhomme  qui  aura  des  Oy. 
féaux  doit  toujours  avoir  l’œil  fur  for 
Fouconnier,  à ce  qu'il  ne  donne  jamais 
a ces  Oyfeaux  de  méchante  viande  : 
comme  ils  font  prefque  tons  ; que  la 
chamure  dont  ils  font  les  cures  n'aii 
point  de  mauvaife  fenteur  & ne  foit 
point  pourrie  , que  la  chambre  des 
Oyfeaux  foit  propre  8c  n'ait  point  de 
mauvaife  odeur  ; que  les  Fauconniers 
commeils  font  yvr°ngnesn*ayent  point 
1 haleine  puante  : SM  eftfort  foigneux 
de  tomes  ces  chofes , il  luy  mourra 
peu  d Oyfeaux,  8c  au  contraire  fi  tou- 
tes ces  mal  propretés  font  ordinaire- 
ment parmi  fes  Oyfeaux,  il  perdra  les 
meilleurs,  comme  il  m’eft  arrivé  pla- 
neurs fois  , quand  je  n ay  pas  été  aflfés 
heureux  de  ne  pas  rencontrer  un  hon- 
flefte  homme  de  Fauconnier. 


CHASSEUR.  igf 


Des  Oy féaux  de  faffage  , & des 
moyens  de  les  prendre. 

U a n d on  eft  en  païs  de  paffîu 
d’Oyfeaux  de  l’heurre,  &que 
le  font  des  plaines  , s'il  fe  rencontre 
|uelque  grand  arbre  ou  quelque  cô~ 
!au  en  icelles,  qui  puifFe  etëre  décou- 
ert  de  loin  5 il  faut  fur  quelque  butte 
minente  ou  quelque  haute  borne  ten.» 
Ire  un  filet,  comme  pour  prendre  des 
lîoüettes  au  miroir  , un  peu  plus 
rand  & plus  long,  & que  le  tendeur 
,oit  cache  de  quelque  bottes  de  foin 
111  buiffon  fait  exprès  , afin  qu’il  ne 
oit  nullement  découvert  ; 5c  au  milieu 
e fk  tente  qu’il  y ait  un  pigeon  blanc 
ttache  fur  une  petite  raquette  de  jeu 
je  paume  a ce  qu’il  puilîe  branler  les 
jiles  fans  s’embarafïèr  , & que  la  ra~ 
[uette  foit  attachée  avec  une  fifïèlle 
||ue  tienne  le  tendeur  pour  faire  re- 
jnüer  le  pigeon  quand  il  voudra,  puis 
||ue  le  tendeur  ait  encore  un  autre  pi- 
,eon  blanc  attaché  à une  fiiiere  qu’il 
jaiiie  voler  de  temps  en  temps  pour 


,8z  LE  PARFAIT 

faire  que  les  Oyfeaux  de  partage  h 
•voyent  de  loin  , qu’il  le  reprennt 
fouvent , & tienne  dans  une  cage  oi 
fac  à là  commodité.  Il  doit  tendre  dt 
grand  matin  jufques  à neuf  heures  . 
parce  que  les  Oyfeaux  font  repeus  de. 
dans  ce  temps- là.  Dés  qu’il  void  un 
Oyfeau  de  partage  venir  vers  luy  , il 
faut  'branler  le  pigeon  blanc  qui  efl 
fur  la  raquette  ; le  partager  qui  a faim 
y vient  auffi-tôt  pour  le  prendre  , le 
tendeur  tire  fon  filet  quand  l’Oyfeau 
vient  battre  le  pigeon  , & le  filet  le 
couvre.  C’eft-là  le  moyen  de  prendre 
l’Oyfeau  partager  dans  les  plaines  du- 
rant  tout  le  mois  de  Septembre.  Et 
quand  i!  aura  reconnu  quelque  Oyfeau 
de  partage  dans  cette  plaine  , il  ne  tar- 
dera jamais  huit  jours  fans  le  prendre. 
Un  autre  moyen  de  prendre  les  Oy- 
feaux de  partage  , eft  d’entourer  le 
pigeon  blanc  tout  allentour  de  petites 
verges  de  bois  chargées  de  glu,  en 
relie  forte  que  l’Oyfeau  ne  le  puiflè 
prendre  fans  toucher  à la  glu,  Ce 
moyen  eft  plus  aifé  que  l’autre  , mais 
il  faut  fçavoir  le  dégluer  , ce  qui  le 
fait  avec  de  l’eau  tiede.  C’eft  hazard 


CHASSEUR.  igj 

îeanmoins  que  î'Oyfeau  pris  ne  fe 
batte  & rompe  le  pannage,  auquel  cas 
,1  faut  enter  les  pannes  rompues. 

! Une  autre  maniéré  tres-facile  aux 
Fauconniers  pour  prendre  les  Oyfeaux 
le  pacage  fans  tendre.  Cette  maniéré 
tres-aifée  aux  Fauconniers,  & très 
"eure  pour  ne  point  manquer  les  Oy« 
Féaux  de  pattage. 

Les  Fauconniers  doivent  avoir  dans 
leurs  Fauconneries  deux  ou  trois  plot» 
tes  de  laine  grotte  comme  Perdreaux 
qui  foient  recouvertes  de  plumes  de 
Perdrix  attachées  allentour  , & que 
de  deflus  ces  plottes  piufieurs  lacs  de 
crins  de  chevaux  foient  attachés  &C 
adherans  très- proprement  accommo- 
dés , & toutes  les  fois  que  quelque 
|Oyfeau  de  paffage  paroift , on  atta- 
che viftement  ces  plortes  à quelques 
j Oyfeaux  qu'on  porte  à la  Chatte, 
puis  on  les  laifle  aller  tantôt  Ton  tan- 
tôt l'autre , ou  tous  enfembîe.  Dés 
| que  le  paffaget  les  voidil  va  à eux  pour 
lies  détronfler  , & lie  cette  plotte  com- 
| me  fi  c'étoit  une  Perdrix  5 & neman- 
| que  jamais  de  s’empeftrer  dans  quel- 
I qu'un  défaits  Ucs  : incontinent  les  deux 


i84  LE  PARFAIT 

Oyfeaux  tombent  à terre  ; aulïï-tô 
le  Fauconnier  court,  & prend  le  paiïa 
ger  au  travers  du  corps  fans  le  preffet 
comme  on  tient  les  Oyfeaux  quanc 
on  les  veut  abbatre,  puis  après  on  1 
debaraffe , $ç  on  dénoue  la  plotce  d( 
Faqtre  Oyfeau  , lequel  il  ne  faut  paî 
faire  voler  qu’à  la  fin  de  la  ChalTe 
à caule  qu’il  lèroit  effarouché  de  h 
prife.  Et  cela  eft  le  moyen  de  prendre 
des  Oyfeaux  en  tout  temps.  Que  f 
l’on  prend  un  Lafhier  de  paffage  , i; 
eft  mis  dedans  en  vingt  jours , <k  Ton 
en  fait  un  Oyfeau  pour  les  champs  j 
le  plus  parfait  qu’on  fçauroit  rencon- 
trer. 


De  la  Chaffe  des  Filets. 

APres  avoir  parlé  de  toutes  les 
ChalTes  qui  concernent  la  Véne- 
rie , la  Levreterie  U la  Fauconnerie  : 
il  lembie  en  fuite  que  ce  feroit  ici  le 
lieu  dVxpliquer  toutes  les  ChalTes  qui 
concernent  les  filets,  tant  de  jour  que 
de  nuit.  Elles  feront  plainement  ex- 
pliquées dans  la  fuite,  avec  îa  maniéré 

de 


CHASSEUR.  i8j 

de  tontes  fortes  de  filets  faits  dune  au- 
tre maniéré  que  ne  l'a  du  celui  qui  a 
fait  les  rules  innocentes  5 lefquelles 
font  inutiles  aux  Chaleurs  pour  pren- 
dre du  Gibier  , tant  fur  terre  que  dans 
Peau. 


\Ze  moyen  de  repeupler  un  pais  de 
! Perdrix  ou  Ion  tire  beaucoup . 

LA  première  chofe  quil  faut  faire, 
c'eft  de  faire  bâtir  une  voliere 
grande  de  vingt- cinq  ou  trente  pieds, 
& d'y  faire  un  plancher  de  terre  fur 
des  latteaux  5 comme  font  faits  les 
[planchers  des  Païfans  , & de  les  char- 
ger de  quatre  doigts  de  terre  , fur  le- 
quel plancher  l'on  fera  la  voliere  cou- 
verte de  chaume  bien  bouchée  , & y 
(ailler  une  feneltre  dans  un  pignon  ex* 
pofee  au  Soleil  de  neuf  heures  , & du 
(ielTous  en  faire  des  poullaillers  , foit 
aux  Cocqs  d'Inde  & autres  Q y féaux* 
Cette  voliere  d'enhautfèra  pourfaire 
le  repeuplement  de  la  quantité  des 
Perdrix  que  l'on  tuë  qui  fe  fera  de 
deux  ou  trois  maniérés. 

0. 


iU  LE  PARFAIT 

La  première , par  des  œufs  de  Per- 
drix qu'on  achepte  , des  filles  & des 
femmes  qui  vont  à l'herbe  , que  Ion 
fait  couver  par  des  poulies  commu- 
nes , & qu'on  éleve  facilement , ainfi 
que  plufietirs  Seigneurs  font  en  toutes 
leurs  terres  , quand  fis  font  curieux 
d’avoir  quantité  de  Perdrix  dans  l'é- 
tendue de  leur  Seigneurie. 

La  fécondé  , c'eû:  qu’au  temps  des 
petits  Perdreaux  l'on  fait  tendre  plu- 
fieurs  pieds  d'Alliers  pour  prendre  les 
jeunes  Perdreaux  que  l'on  jette  à me- 
fure  dans  la  voiliere  avec  les  vieilles 
qui  fe  prennent. 

La  troifiéme  fe  fait  avec  la  Ton- 
nelle. îl  faut  avoir  un  bon  Tonnel- 
leur  qui  prenne  toutes  les  com- 
pagnies fuperfluës  dans  les  pais  de  bois, 
ou  dans  les  pais  où  ils  font  trop  pro- 
ches î'un  de  l’autre , ]parce  que  dans 
le  temps  de  la  Panade  > il  n’en  demeu- 
re ordinairement  qu'une  paire  où  fi  y 
en  avoir  une  compagnie  , tout  le  refte 
fe  chalfe  lJ  un  l’autre  dans  les  pais  cir- 
convoifins  , & i!  ne  demeure  que  la 
vieille  paire , & partant  on  penfe  or- 
dinairement conferver  des  Perdrix  pour 


CHASSEUR.  1S7 

foi  qui  feront  cependant  pour  les  voi- 
fins. 

Ce  rfeft  pas  tout  , car  il  faut  ac- 
commoder la  voiliere  de  la  façon  qu’il 
s’enfuit  , pour  mettre  tqutes  les  Per- 
drix qu’on  nourrit  & qu’on  prend  au 
filet. 

Il  faut  mettre  dans  ladite  voiliere  en 
divers  lieux  quatre  ou  cinq  petits  mon- 
ceaux de  terre  jaune  haut  d*un  pied , 
de  de  deux  de  large  quarrément , ou  en 
rond  5 puis  il  faut  mettre  en  d’autres 
lieux  une  couple  de  gerbe  de  froment, 
une  couple  de  gerbe  d’orge  ou  de  pa- 
moüe  ou  orge  de  Mars,  & puis  une 
couple  de  botte  de  bled  dit  Sarcazin  , 
s’il  en  croift  dans  le  pais.  Enfuite  il 
faut  mettre  trois  ou  quatre  vaiffeaux 
pleins  d’eau  nette  , laquelle  on  rafraif- 
Ichira  fouvent , parce  que  les  Oyfeaux 
|la  peuvent  gafter  , & qu’elle  fe  peut 
corrompre,  & autour  defdits  vaiffeaux 
on  y épandra  un  peu  de  chenevis  ou 
de  mil  s’il  en  croift  au  pais  de  vifiter 
Ifouvent  , quand  il  y en  a de  manque* 

La  voiliere  accommodée  ainfi  nour- 
I rira  tontes  les  Perdrix  qui  deviendront 
grades  de  fortes.  Ainfi  l’on  diftinguera 

QJ) 


i88  LE  PARFAIT 

facilement  tous  les  mafl.es  d'avec  les 
femelles,  dont  on  tiendra  regiftrepour 
en  fçavoir  la  quantité  des  mafles  fu- 
perflus,  parce  que  dans  les  compagnies 
très  ordinairement  il  y a beaucoup  plus 
de  mafles  que  de  femelles.  Et  quand 
ce  viendra  le  Printemps  on  les  laiflera 
aller  , c'eft  à dire  les  portant  dans  les 
lieux  où  l'on  void  qu'il  y en  a de  man- 
que 3 & où  il  y aura  des  bleds  bien 
expofés  au  Soleil  Levant  & au  Midy  , 
non  pas  toutes  à la  fois  , mais  par  in- 
tervalles 3 par  exemple  , on  en  mettra 
aujourd'huy  une  paire,  demain  une  au- 
tre , ainfi  continuer  tant  que  de  be- 
foin  chaques  jours,  & au  temps  qu'elles 
s'apparient. 

Il  faut  défendre  fur  tout  de  ne  point 
chafler  dans  tous  ces  lieux  là  , les  huit 
ou  quinze  premiers  jours  , afin  de  les 
laifler  apprivoifer.  C'eft- là  le  moyen 
d’avoir  une  infinité  de  Perdrix , & de 
repeupler  tous  les  pais  gaflés  par  le 
nombre  de  ceux  qu’on  tué. 

Quiconque  fera  tous  les  ans  cela  , 
jamais  le  païs  ne  fe  dépeuplera  de  gi- 
bier ^ & l'on  fera  contraint  de  laifler 
cet  fexercicej  quelques  années  par  la 


CHASSEUR.  189 

quantité  qu’il  y en  aura. 

S’il  y a quelques  bois  dans  l'éten- 
due de  la  Seigneurie  , il  faut  eftre  eu* 
Tieux  de  les  bien  peupler,  8c  dans  les 
plaines  il  y faut  planter  quelques  pe- 
tites remifes  d’ozier , qui  eft  un  bois 
jqui  croift  8c  qui  vient  bien-tôt,  com- 
ble auffi  du  bouleau  8c  autres  bois 
gendres  5 8c  entourer  lefdites  remifes 
de  quelques  foliés  plantés  d’épines  , 
afin  que  les  Bergers  n'v  entrent  point. 


P es  Garennes , pour  les  bien  peupler . 

S’Il  y a des  bois  5 il  y fautfairedes 
Garennes  &:  les  peupler  de  Lapins  * 
:e  qui  fe  fait  ainfi. 

| Il  faut  premièrement  faire  provifion 
l’un  bon  Garennier  3 car  autrement  on 
jie  feroit  rien  qui  vaille.  Dans  ces 
>ois , il  faut  choifir  un  lieu  commode 
j)ù  l’on  fafle  une  petite  maifon  pour 
le  Garannier,  avec  une  petite  cour  fer- 
née  d’environ  trente  pieds  en  quarré  de 
purs  de  terre  ou  de  cailloux  félon  la 
lommodité,  couvertes  de  pailles  ou  de 
baume , au  long  defquels  l’on  fera  [8c 


19ô  LE  PARFAIT 

conftruira  des  cages  à Lapins  , com- 
me les  font  ceux  qui  nourrifient  des 
Lapins  privés , dans  lefquels  on  met- 
tra des  bayes , ainfi  que  Y on  fait  avec 
Lapins  de  clapier  que  Ton  garnira  de 
bouquets  à fuffifance  félon  la  quantité 
des  hazes  qu’on  y voudra  mettre  , à 
fix  hazes  un  bouquet. 

Dés  que  ces  Lapreaux  commence- 
ront à fortir  dans  ladite  cour  , il  fau- 
dra avoir  laiflfë  depetits  trods  quarrés 
à quelques  endroits  des  murs , de  telle 
grandeur  que  les  petits  Lapreaux  y 
puifFentpaffer  , & non  fi  grands  qu’ils 
y puiflent  rentrer  quand  ils  feront 
grandis  environ  de  deux  tiers.  Ainfi 
continuant  d’entretenir  les  hazes  que 
l’on  nourrira  de  fon  d’herbe  ôc  d’a- 
voine, elles  feront  tous  les  mois  des 
petits,  Sc  tant  que  la  faifon  dure  il  y 
aura  des  Lapreaux  qui  viendront  l’on 
après  l’autre  qui  iucceffivement  four- 
niront le  bois  de  la  quantité  qu’il  y en 
faut,  & tant  qu’à  h fin  il  y en  aura 
trop. 

Ce  n’eft  pas  tout  de  multiplier  les 
Lapins  dans  les  Garemies,,  il  les  faut 
confetver  des  belles  Moites , pour  ce 


CHASSEUR.  191 

(faire,  il  faut  conftruire  6c  faire  des 
ipiquets  une  certaine  quantité  de  diffé- 
rentes lougueurs  pour  détruire  les  bê- 
tes puantes. 

Les  piquets  ferontbrûlés  par  un  bous 
jpour  eftre  durs  6c  fermes  pour  entrer 
jdans  la  terre  fi  avant  qu'ils  ne  puiffent 
pas  eftre  ébranlés.  Il  faut  à chaque 
(piquet  attacher  un  p Lut  eau  de  bois 
pour  foûtenir  des  gobbes  qui  feront 
(faites  de  lard  haché  méfiés  avec  de  la 
noix  vomique  réduite  en  poudre  dont 
on  fera  des  plottes  groffès  comme 
tene  balle  à battoir,  6c  qui  feront  miles 
dans  une  grande  boitte  de  fer  blanc 
pour  eftre  mifes  fur  les  piquets,  8c  re- 
Imifes  en  ladite  boitte  quand  elles  au- 
ront paffe  la  nuit  fans  eftre  mangées, 
j Ces  piquets  feront  plantés  tous  les 
jours  à Lenttéedela  nuit  dans  le  temps 
que  tous  les  chiens  du  vilage  font  re- 
tirés. 

Les  Piquets  feront  de  deux  & trois 
pieds  de  longueur;  & feront  couverts 
de  gobes  de  LfiF  rentes  groffeurs  pour 
jdes  animaux  différé  ns  qui  les  mange- 
ront. Er  ne  faudra  point  oublier  de 
mettre  dans  un  fac  de  la  terre  menue 


m LE  PARFAIT 

pour  épandreau  pied  & allentour  des 
piquets  pour  voir  par  la  marque  du 
pied  de  quelles  bêtes  les  gobes  feront 
mangées  , & afin  de  voir  de  quelles 
bêtes  puantes  Ja  garenne  fera  hantée. 

Il  faudra  auffi  tous  les  jours  de  grand 
matin  relever  lefdits  piquets , & re- 
mettre les  gobes  dans  leurs  boittes 
fufiiies  pour  le  lendemain  au  foir  faire 
la  meme  chofe  , & fucceffivement  con- 
tinuer tant  qu’on  ne  s’appcrcevra  plus 
qu'il  y en  hante. 

Le  même  fe  peut  faire  le  long  des 
bois  où  il  hante  des  Loups  , des  Re- 
nards ou  Chats  harets  , dont  on  verra 
la  deftrudtion  dans  peu  de  temps. 

Le  long  des  rivières  5c  étangs  ou 
refervoirs  , Ton  peut  faire  la  même 
chofe  pour  les  garentir  du  Loutre  qui 
en  caufe  la  deftru&ion. 

Il  y a une  autre  forte  de  Garenne 
forcée  que  Ton  peut  faire  dans  des 
lieux  étroits,  mais  où  il  y a plus  de 
fujettion.  Voicy  comme  on  la  fait. 

Il  faut  faire  une  foffe  de  vingt  pieds 
en  quarré  Sc  de  douze  pieds  de  profon- 
deur, 5c  qu’elle  foit  faite  en  talus,  afin 
qu'on  n’y  puiile  monter  ni  defcendre. 

En 


CHASSEUR..  i95 

En  cette  folle,  il  faut  faire  un  petit 
mur  de  trois  pieds  de  haut  qui  fera  de 
deux  pieds  de  large  , laquelle  fervira 
jde  conduite  tout  ailentour  de  ladite 
fo(Te  , & ledit  conduit  fera  couvert  de 
] planches  en  forme  d'appentis. 

Il  faut  auparavant  d’avoir  fait  le 
mur  lai  (fer  des  trous  de  lïx  pieds  en  Ex 
pieds  djp  la  terre  des  bords  de  la 
folle  , Sr  lailîèr  dans  ladite  muraille 
jdes  conduits  pour  entrer  dans  lefdits 
itrous  qui  feront  faits  les  plus  profonds 
qui  fe  puilTent , c’eft  en  iceux  oû  les 
jEapins  font  leur  terrier  , d’où  ils  for- 
tironc  quand  ils  voudront  dans  le  mi- 
lieu de  la  fodè , dans  laquelle  ils  feront 
bourris  d’herbes  tendres  ôc  lacerons 
qui  feront  arrachées  du  jardin. 

Au  coin  de  ladite  folle  , il  y aura  un 
îetit  efcalier  rond  , au  bas  de  laquelle 
B y aura  une  petite  porte  pour  defcen- 
ilre  le  Garennier  quand  il  voudra  , & 
pour  confiante  fes  cages  à Lapins  pour 
nettre  les  hazes  Sc  bouquets  neceflài- 
es  pour  la  multiplication.  De  laquelle 
»n  tirera  aufli  des  Lapreaux  pour  four, 
lir  les  Garennes  , d’ailleurs  que  l’on 

jonfetvera  comme  il  eft  dit. 

R 


,94  LE  PARFAIT 

Mais  toutes  ces  inventions  ne  peu- 
vent fervit  de  rien,  fi  l’on  n’a  de  bons 
valets  pour  prendre  extrêmement  gar- 
de à ce  qui  le  paffe  dans  ces  lieux  : 
car  il  y aura  peu  de  multiplication,  u 
le  tout  n’eft  tres-bien  foigné  , & que 
l’on  n’aye  de  très  bonnes  fetvantes 
pour  les  baffes  cours. 

Il  faut  avoir  grand  foin  de  mettre 
le  long  des  bornes  des  gobbes  pourem- 
pefcher  que  les  chiens  ne  détruifent  & 
faffent  tuer  toutes  les  Perdrix  qui  font 
à la  panade  : car  en  ce  temps  il  le 
ruine  plus  de  Perdrix  en  un  mois  qu  U 

ne  fe  fait  en  toute  l’année. 

Il  faudra  aulfi  avertir  les  voifins  que 
l’on  a mis  par  tout  du  poifon , afin 
nu’ils  ne  perdent  point  leurs  chiens. 

^ Auparavant  que  de  parler  de  toutes 
les  Chaffes  des  Filets  , j’ay  juge  apro- 
pos  de  mettre  icy  les  inventions  de  re- 
neupler  les  pais  ruines  de  gibier  a force 
d’en  tuer  : ce  quieftant  pratique  fer* 
vira  tres-utilement  pour  en  venir  â 

b°Iltfaut  aulfi  prendre  garde  qu’on  _ne 
rabatte  point  les  Garennes  , &c  qu  on 
n’en  prenne  point  la  nuit  avec  les 


CHASSEUR.  i9S 

panneaux  : pour  cet  effet  les  Garen- 
niers  doivent  avoir  grand  foin  de  les 
épiner  par  tout. 

Et  quant  à la  confervation  des  Per- 
drix, il  faut  extremément  prendre  gar- 
de qu’on  n’y  aille  point  à la  Chaflè 
la  nuit  aux  Trailheaux , principale- 
ment aux  Perdreaux , car  c’eft  une 
ChaiTe  très  mortelle  & extremément 
défendue  dans  tous  les  lieux  confer- 
vés.  Cette  ChaiTe  fe  fait  par  beau- 
coup de  Païfans  la  nuit  , fi  l’on  n’y 
prend  garde , principalement  aux  nuits 
obfcures  environ  la  Saint  Remy. 


i f>6  LE  PARFAIT 


CHAPITRE  XXV. 


Qui  traite  de  toutes  les.  C baffes 
qu'on  -peut  faire  avec  les  filets . 

L’Equipage  d’un  Gentilhomme 
qui  a un  beau  païs  pour  chaffer , 
ëc  qui  veut  accommoder  fa  terre  en 
forte  qu'il  n’y  manque  rien  pour  faire 
bonne  chere  à fes  amis , doit  l’ajufter 
de  toutes  les  chofes  qui  fuivent. 

Il  y faut  une  Garenne  petite  ou 
grande  : l’invention  excellente  de  les 
conftmire  eft  enfuite.  Ou  s’il  a des 
bois  3 il  les  faut  peupler  de  Lapins. 
Cela  étant  fait,  il  faut  qu’il  foit  garni 
de  panneaux , d’ailiers  aux  Lapins , de 
paflees  , de  chauffes  , d’ailliers  aux 
Cailles  & aux  perdris  , pour  chaffer 
dans  les  grains  & peupler  fa  volliere, 
dont  toutes  les  inventions  de  chaffer 
font  déduites  au  Traité  de  l’Art  de  ti- 
rer à la  relevée  , & même  eft  expli- 
qué la  raifon  pourquoi  la  yoilierps  eft 
neceflàjïe. 


CHASSEUR.  197 

S’il  eft  en  pais  de  marais,  il  lui  faut 
des  rets  à Beccaffïnes  pour  traîner  les 
nuits  durant  les  Lunes  d’Aouft  Sc  de 
Septembre,  lors  qu’elles  paffent  & re- 
viennent. 

Il  lui  faut  encore  des  rets  pour  pren* 
dre  les  Alloiietres  au  miroir,  8c  pour 
traîner  la  nuit.  Les  ChaiTes  fufdites  fe 
font  au  mois  de  Septembre.  Je  ne  les 
expliquerai  point , parce  qu’elles  font 
très  connues  par  tout. 

S’il  eft  en  païs  d’eau  .»  il  lui  faut  des 
Sables , V ergueils , Tremails  8c  des 
Eperviers, 

S’il  eft  en  païs  de  grands  bois  oà 
il  y ait  de  belles  paffees  de  Beccaftès 
qui  reviennent  à la  Saint  Rhemy,  il 
lui  faut  des  rets  à Beccaftes , 8c  tout 
le  long  defdits  bois , il  faut  qu’il  y falïe 
drefler  des  tentes  exprès  pour  en  pren- 
dre au  temps  des  grandes  paffées.  C’eft 
une  Chafle  d’une  demi-heure  feu- 
lement , qui  fe  fait  au  foir  entre  chien 
8c  loup,  Cela  coure  peu  : il  ne  faut 
rien  négliger.  Si  les  bois  font  en  lon- 
gueur comme  ils  font  en  quelques  en- 
droits en  Picardie,  il  y en  a aucuns  qui 
valent  des  revenus  5 chacune  année 
R iij 


i98  LE  PARFAIT 

l’une  portant  lautre  fept  ou  huit  cens 
Beccaiïès  , fans  eftre  obligé  de  nour- 
rir des  chiens  ni  des  chevaux.  S’il  eft 
en  païs  de  Faïfàns  , Perdrix  rouges, 
Cocqs  de  bmyeres  8c  Gelinottes  ; il 
luifaut  des  filets  de  la  hauteur  de  douze 
pieds  un  peu  plus  larges  que  panneaux 
qu’on  tend  fur  le  foir , & l’on  chafie 
allentour  devant  & derrière  dans  tous 
les  lieux  où  l’on  a recconnu  qu’il  y 
avoir  de  ces  Oylèaux  , lefquels  vo- 
lans  bas  le  foir  , donnent  dans  lefdits 
filets , & feprennent  auffi  facilement 
que  les  Beccafes.  On  ne  chafle  point 
autrement  dans  les  montagnes  , dans 
les  coraux  & dans  les  collines.  C’eft 
une  Chalïe  fort  aifée  à faire  8c  fort 
profitable.  Je  ne  montre  pas  comme  il 
faut  tendre  ces  rets , parce  que  ces  der- 
niers fe  tendent  comme  panneaux , 8c 
celles  des  BeccalTes  fe  tendent  entre 
des  tentes  faites  exprès  avec  de  grands 
filets , dont  on  tient  le  cordeau  que 
l’on  appelle  le  Maîrre  , & quand  les 
BeccalTes  relevent  le  foir  , elles  volent 
tout  razaudeifus  du  bois,  8c  donnent 
dans  ce  filet  que  Ton  tient  tendu  fou* 
tenu  d’une  petite  poulie , & au  mo. 


CHASSEUR.  199 

ment  que  quelqu’une  y donne  on  lâ- 
I che  ledit  Maître  , & la  Beccaflê  s’en- 
veloppe. L’on  prend  à cette  Chafle 
quelquefois  des  Perdrix  & des  Oy- 
feaux  de  proye,  quand  par  hazard  il  y 
en  pafle. 

; S’il  eft  en  païs  de  petits  Oyfeaux,  au 
mois  de  Septembre  jufqu’à  la  mi- O (So- 
bre, comme  il  arrive  le  long  des  mers* 
des  bois  , des  hayes  & des  vignes,  ÔC 
en  Gafcogne,  il  s’en  prend  une  grande 
quantité  par  le  moyen  des  éraignes 
que  l’on  tend  le  long  du  bord  duiant 
tout  le  temps  de  la  pafïée.  L’on  y tend 
aufli  plufieurs  petits  lacs  de  crin  ou 
les  Oyfeaux  fe  prennent, 

| S’il  eft  dans  un  grand  paflaged’Oy- 
feaux  de  riviere , & que  la  Seigneurie 
de  fa  terre  aye  quelque  étendue  -,  il 
faut  qu’il  y conftruife  une  canardiere 
ou  des  mares  faites  exprès  pour  y ten- 
dre & prendre  quantité  d’Oyfeaux  par 
| le  moyen  des  Canards  privés,  qui  ap- 
pellent les  Oyfeaux  paflàns  & les  at- 
tirent dans  lefdites  mares  , & quand 
une  fois  il  y en  tombe  , le  tendeur  les 
couvre  avec  une  rets  {aillante.  Il  fe 
fait  en  ces  mares  les  plus  beaux  coups 
R iiij 


aoo  LE  PARFAIT 

du  monde,  La  conftruébion  des  Cs- 
nardieres  ell  écrite  ci-aprés. 

S’il  eft  en  pals  de  bois  où  il  y ait 
quantité  de  petits  Oyfeaux  de  toutes 
fortes , il  fe  peut  faire  une  ChafTe  aufïï 
plaifante  & auffi  facile  qu’il  fe  puifle 
imaginer  pour  en  prendre  une  infinité 
de  toutes  les  fortes  , dont  les  bois 
font  remplis.  Cette  Ghafle  fe  fait  en 
deux  maniérés.  En  la  première  l’on 
fait  une  hute  couverte  de  fueiliage  , 
dans  laquelle  le  met  un  Oyfelier  qui 
a dans  la  bouche  un  certain  appeau  de 
fer  blanc,  avec  lequel  il  contrefait 
prefque  toutes  fortes  d’Oyfeaux  , & 
autour  de  lui  il  y a des  cages  où  il  y 
a des  Oyfeaux  qui  chantent  & appel- 
lent les  autres  , comme  il  fait  lui  mê- 
me avec  fon  appeau  : au  defïus  de  la 
hute  font  certains  bâtons  fendus  atta- 
ches de  telle  forte  qu’ils  font  tenus 
fixes  Sc  fermes,  hormis  que  leurs  fen- 
tes ont  la  liberté  de  fe  rejoindre  par  le 
moyen  d’une  fi  (Telle  attachée  , de  telle 
forte  qu’en  la  tirant  elle  reflerre  lefdi- 
tes  fentes , & ainfi  à tous  ces  bâtons 
fendus  il  y a à chacun  une  fifielie. 
Les  Oyfeaux  fauvages  entendant  l’ap- 


CHASSEUR*  101 

peau  & les  Oyfeaux  de  eages  chari- 
ter  s’approchent  petit  à petit  dé  bran- 
ches en  branches  fur  les  arbres  voi~ 
fins  , de  enfin  defcendent  fur  la  hute 
fur  quelques-uns  de  ces  petits  bâtons 
fendus  : à l’inftant  l’Oyfelier  tire  la 
fifelle  & les  prend  par  les  pieds,  & en 
prend  fi  grande  quantité  , que  l’on  ne 
pourroit  le  croire , fi  cela  n’a  voit  été 
vû  finivent  à Saint  Germain  , où  le 
Roy  en  perfonne  faifoit  chafler  ledit 
! Oyfelier. 

L’autre  invention  eft  plus  aifée  &C 
jmoins  embaraffante.  L’on  fait  encore 
une  efpece  de  hute  au  milieu  d’un 
j grand  bois  dans  quelque  clairière  $ ôc 
! celui  qui  fe  met  dedans  par  tout  aux 
environs  d’icelle , charge  de  glu  force 
petites  verges  faites  exprès,  enfilées  par 
le  bout  à des  petits  bâtons  de  fureau, 

I laiflant  un  bouc  vuide  dudit  fureau  pour 
mettre  iefdites  verges  chargées  de  glu 
i à quelque  branche  qu’il  choifit , de 
ainfi  il  en  attache  beaucoup  aîlentour 
de  ladite  hute  , de  même  fur  icelle  il 
; y a comme  un  petit  arbre  fait  exprès 
qui  en  eft  tout  chargé. 

I Comme  tout  eft  difpofé.,  T Oyfelier 


201  LE  PARFAIT 

fe  met  dans  la  hute  , ôc  contrefait  î; 
Choüette  avec  un  appeau  fait  expré 
fi  naturellement,  que  tous  les  Oyfeau: 
cTallentour  de  toutes  fortes  viennent  i 
ce  cris  par  une  averfîon  naturelle  qu’il* 
ont  contre  la  Choüette  , ôc  fe  repofen 
par  tout  fur  ledit  agio.  Ils  fe  prenneni 
fi  vifte,  que  tout  ce  que  peut  faire 
FOyfelier,  c’eft  de  les  prendre  &met< 
tre  avec  grand’hafte  dans  un  fac  or 
grande  cage  , & à grand’peine  peut  i] 
y fournir  tant  il  en  vient.  J’en  ay  vû 
prendre  cinq  ou  fix  douzaines  de  cette 
maniéré  en  une  demi- heure,  ôc  on  en 
prendroit  bien  davantage,  fi  Ion  pou- 
voir avoir  une  Choüette  vive,  ou  mê- 
me une  contrefaite  avec  des  plumes 
collées  , comme  fi  elle  étoit  naturelle, 
ainfi  que  font  les  tendeurs  de  plou- 
viers,  fi  on  la  mettait  fur  la  hute  fous 
le  petit  arbre  , tous  les  Oyfeaux  qui 
font  au  bois  s’y  prendroient  conti- 
nuellement. 

S’il  eft  en  un  païs  de  pafTage 
d’Oyes  fauvages  qui  fe  pofent  quel- 
quefois fur  les  bleds  verds  ou  dans 
des  marais , on  en  peut  prendre  plu- 
sieurs, attachant  plusieurs  haims  à de^ 


CHASSEUR.  ioj 

thevilles  de  bois  bien  avant  ficheesen 
ierre  > tenues  de  fiffelles  qu’on  cou- 
vre d’un  morceau  de  pain  ou  de  fref- 
lire  , dont  les  Oyes  font  friandes  3 
■ai&nt  dans  lefdits  bleds  de  longues 
raifnées  & lignes  defdits  haims  atta- 
!:hés  aufdites  fiffelles,  chacune  longue 
le  demi-pied , l’amorce  franche.  Les 
jDyes  courent  le  long  de  ces  fillèlles  , 
ic  autant  qu’il  y en  a ils  mangent  lef- 
liites  amorces,  & elles  demeurent  at- 
tachées par  les  haims  qui  doivent  eftre 
afTés  forts  pour  les  retenir.  % 

| Si  l’on  demeure  en  pais  de  filions  ou 
les  Perdrix  abondent  $ l’on  fait  pro- 
yifion  d’une  femelle  , qu’on  appelle 
Chanterelle  s & on  la  pofe  a un  bout 
des  filions  , tout  au  lon^  duquel  on 
|tend  des  pafTées.  Le  malle  vient  au 
cris  de  la  Chanterelle  tk  fe  prend. 
ILon  prend  à cette  Charte  plufieurs 
perdrix  rouges  avec  un  appeau,  pour- 
jveu  que  le  Chaflèuc  en  fijache  bien 
jouer. 

Si  l’on  eft  en  païs  de  plufieurs  boca- 
ges & totaux  ou  les  compagnies  de 
Perdrix  foient  frequentes  , l’on  peut 
j jolier  de  la  tonnelle  pour  peupler  les 


204  LE  PARFAIT 

vollieres  , & ne  lailTer  dans  ce  païs 
que  les  compagnies  qui  fuffifent  pour 
le  laîfler  raifonnablement  peuplé  , par- 
ce que  les  Perdrix  font  pailàgeres  , & 
le  chalïent  l’une  l’autre  dans  le  temps 
delà  pariade,  quand  il  y en  a trop. 
Et  1 on  void  prefque  toujours  qu’il 
nen  relie  qu’une  paire  où  il  y en 
avoif  une  compagnie*  Quand  donc 
on  y en  lai  lie  trop  , & qu’on  penfe 
conlerver  le  païs , c’eft  pour  les  voi- 
lins  qu’on  le  conferve  & non  pas  pour 
foy.  Et  l’on  remarque  que  quand  on 
joue  de  la  tonnelle  pour  prendre  des 
compagnies  entières  , à chaque 
compagnie  il  y a deux  fois  plus  de 
malles  que  de  femelles  : & ainfi  au 
Printemps  tous  les  malles  s’en  vont  , 
& ne  relie  que  les  plus  forts  qui  chaf- 
fent  les  autres  : fi  bien  qu  etans  pris  & 
retenus  dans  une  voiliere  , l’on  mange 
l’Hyver  tous  les  malles  fuperflus  , & 
1 on  ne  garde  que  les  neceflàires  pour 
mettre  des  paires  aux  cantons  où  il  n’y 
en  a point. 


CHASSEUR. 


îoj 


Delà  Chajfe  qu  on  fait  la  nuit . 

EL  l e fe  fait  aux  Perdrix  & Al- 
loüettes  5 aux  Plouviers  i aux  Van-* 
eaux,  aux  Oyes  fauvages,  aux  Ou- 
irdes  ^ aux  Lapins  és  garennes  , aux 
devres , & dans  les  rivières  5e  étangs 
lux  poiiTons.  Elle  Ce  fait  auffi  le  long 
es  hayes  avec  du  feu  l'Hyver  aux 
|)yfeaux  qui  s’y  retirent.  L’on  bâties 
ayes  d’un  côté  , 5c  de  l’autre  côté 
jon  rabat  les  Oyfeaux  qui  en  forcent 
vec  des  ravaux  qui  font  faits  debran- 
hes  fueilluës,  & à la  clarté  du  feu  l’on 
ss  prend.  Cette  ChalTe  s’appelle  aller 
. la  foliée. 

! Dans  les  païs  d’enclos  on  chafTe  la 
lèuit  les  Perdrix  , comme  il  fuit.  L’on 
porte  une  lanterne  ouverte  d’un  côté  , 
lans  laquelle  on  met  un  miroir  con- 
cave, 5c  un  bout  de  bougie  dans  ice- 
|uy  , dont  la  lumière  répond  droit  au 
rentre.  On  remarque  le  foir  dans  le- 
Ht  clos  ou  font  les  Perdrix  par  leur 
lernier  cris  • alors  par  le  moyen  de  la- 
llue  lanterne  qu’on  porte'devant  foy3 


iC6  LE  PARFAIT 

on  void  de  loin  lefdites  Perdrix  , lef- 
quelles  fe  ramalTenc  toutes  en  un  bloc 
dés  qu’elles  voyent  le  feu.  L’on  pré- 
paré un  filet  exprès  que  deux  hommes 
portent  fur  deux  hauts  bâtons  derrière 
rhomme  qui  porte  la  lanterne  qui  ne 
peuvent  eftre  veus  à cauie  de  la  gran- 
de lumière  du  miroir  qui  les  précédé, 
on  les  approche  petit  à petit  fort  dou- 
cement , & quand  les  hommes  qui 
portent  les  filets  font  à portée , ils  les 
couvrent.  Cette  Chafle  eft  plus  com- 
mune en  Allemagne  qu’en  tout  autre 
pais,  parce  qu’ils  fe  fervent  plus  de 
filets  en  toutes  leurs  Chalfes,  qu’aucune 
Nation  de  l’Europe. 

A toutes  les  autres  Chaffes  fufdites 
qui  fe  font  de  nuit,  l’on  fe  fertd’ar- 
quebufes  ou  d’arbaleftes  pour  tuer  le 
gibier  qui  fe  prefente  au  feu.  Dans  les 
chaumes  d’avoine,  & le  long  des  che- 
mins quand  on  veut  chaffer  la  nuit 
aux  Alloüettes  , l’on  traine  un 
filet  à deux  hommes,  que  l’on  "ap- 
pelle un  traineau  en  barant  les  pièces 
de  terre  ou  chaumes  d’avoine  tou- 
jours une  oreille  au  vent , faifant 
les  geains  plus  juftes  que  l’on  peut* 


CHASSEUR.  207 
^etteChafte  eft  mortelle.  Ton  y prend 
-s Perdrix,  Beccafles,  Piouviers, Van- 
eaux  & beaucoup  d’ Alloüettes.  Elle 
? fait  aux  environs  de  la  Saint  Remy* 

,a  finefte  de  cette  ChalTe  eft  d’avoir 
In  filet  bien  fait  attaché  à deux  per- 
bes  de  la  largeur  du  filet  , d’atta- 
ber  quelques  brins  de  paille  au  bas 
pur  faire  partir  le  gibier  * car  fans 
lela  il  en  demeureroit  beaucoup  fans 
artir,  car  (bit  aux  Plouviers  ou  aux 
ranneaux,  quand  on  leur  prefente  le 
eu  ils  étendent  Paîle  & fe  ramaffent , 
k on  les  approche  facilement,  & 
>our  faire  de  grands  coups  trois  Ar- 
juebufiers  chargent  leurs  arquebufes  de 
uenu  plomb,  mettent  un  pied  les  uns 
rontre  les  autres  pour  fe  donner  le 
Ignal  de  tirer  en  lieux  convenus  tous 
bnfemble  delïus  la  trouppe  d’Oyfeaux, 
[moyennant  quoi  ils  en  tuent  grande 
quantité. 

Quant  aux  Oyes  fauvages  Ôc  aux 
iOutardes,  qui  emportent  un  plus  grand 
coup , il  faut  charger  de  gros  plomb, 
!&  que  les  Arquefiers  foient  d'accord 
Ide  ne  point  tirer  en  un  même  lieu  , 
imais  l’un  devant,  l autre  derrière  , & 


ibS  LE  PARFAIT 

l'autre  au  milieu  fut  les  trouppes  d’Oyes, 
& pour  les  Outardes  chacun  la  fienne* 
car  elles  ne  vont  jamais  que  deux  ou 
trois  enfemble. 

Quant  aux  Lapins  dans  les  garennes 
où  il  y en  a plufieurs , on  les  tire  avec 
des  arbalefl.es  pour  ne  point  faire  de 
bruit  * & de  tout  gibier  il  n’y  en  a 
point  qui  vienne  plus  librement*  au 
feu  , & qu’on  approche  fi  prés,  car 
on  les  tue  à coup  de  bâton.  Les  Lie* 
vres  n’en  approchent  pas  fi  bien , mais 
on  les  tue  à coup  d’arquebufe.  L’on 
prend  auffi  les  Lapins  la  nuit  avec 
panneaux  qu’on  tend  le  long  des  bois, 
ôc  Ton  a des  chiens  qui  les  rechaiïent. 
Cela  fe  nomme  aller  au  rabat. 


De  la  Chaffe  aux  amorces  four 
les  Perdrix . 

- > :Æ 

LEs  Perdrix  font  les  O y féaux  les 
moins  défians  de  tous.  Quand  on 
connoîde  repaire  d’une  compagnie,l’on 
fait  dans  les  entre-deux  des  bleds  de 
longues  traînées  fort  claires  de  grains 
femés  qui  aboutiflent  à une  amorce 

ronde 


CHASSEUR.  io9 
ronde  que  Ton  fait  an  milieu  de  la 
grandeur  de  fix  pieds  de  diamètre, 
laquelle  on  entoure  de  petits  bâtons 
fiches  loin  Pun  de  Pautre  d’environ  un 
Ipied,  aufquels  on  attache  de  petites 
jfiiffelles  qui  la  traverfent  &c  la  cou- 
vrent , pour  empefcher  que  les  autres 
Oyfeaux  ne  mangent  point  Pamorce. 
|Et  ces  fiftèlles  qui  la  traverfent  doi- 
vent eftre  attachées  aux  petits  bâtons 
jd’environ  un  pied  de  hauteur  , pour 
donner  la  liberté  aux  Perdrix  de  pafler 
deffous,  ces  filets  travcrfant  dans  ton- 
te la  rondeur  de  Pamorce.  On  y feme 
du  grain  alTés  clair  qui  eft  un  peu  de 
|bled5  quelques  grains  d’orge  3 duche- 
!nevis,  & quelques  épies  de  bled  part- 
irai : quand  les  Perdrix  approchent  de 
Pamorce,  & qu’elles  trouvent  les  traî- 
nées de  grains  dans  les  entre-deux  qui 
y aboutififent,  elles  y courent  fort  vifte, 
&c  dés  qu’une  fois  elles  ont  pris  Pa- 
jmorce  , elles  ne  manquent  jamais  d’y 
revenir  une  fois  le  jour  , principale- 
ment le  matin.  C eft  pourquoi  il' faut 
porter  le  foir  le  grain  au  commence- 
ment de  la  nuit , afin  que  tous  les  matins 
ielles  s'accoutument  d'y  venir.  L'on 

S 


zio  LE  PARFAIT 

les  nourrie  ainfi  huit  jours  , quinze 
jours  5 trois  fem aines , ôc  quand  on  en 
a affaire  , la  preveilie  qu'on  les  veut 
prendre  on  accommode  un  lieu  tout 
proche  de  l'amorce  pour  y ajufter  une 
roye  Taillante  , puis  Ton  fait  une  petite 
hutte  de  chaume  en  un  trou  en  terre 
.à  la  diftance  du  cordeau  de  la  roye 
pour  la  tirer.  Le  lendemain  devant  le 
jour  Ton  tend  fa  roye  , ôc  Ton  Te  met 
dans  la  hute  ; le  matin  les  Perdrix  y 
viennent,  ôc  on  les  couvre  avec  ladite 
roye  Taillante  qui  doit  eftre  environ- 
née d'un  cercle  de  bois  , & le  filet 
fort  lâche  ôc  fort  haut,  fait  en  bourfe  , 
afin  que  les  Perdrix  ayent  un  efpace 
raifonnabie  de  s'ébattre  dedans , tant 
que  celui  de  la  hute  y puifle  accourir. 
Cette  invention  eft  la  plus  utile  qui 
puifle  eftre  pratiquée  par  un  Gentil- 
homme qui  eft  Seigneur  d'une  terre , 
ÔC  qui  a droit  d'en  empefeher  la  ch  a (le, 
car  il  peut  faire  des  amorces  dans  ton- 
te Pécenduc  de  fa  Seigneurie , ôc  pren- 
dre une  très* grande  quantité  de  Per- 
drix qu'il  met  dans  Ta  voliere  pour  les 
remettre  au  Printemps  couver  , & 
manger  tout  le  long  de  TH  y ver  les 
malles  fuperflus. 


CHASSEUR..  su 


L’on  tend  auflï  des  laffieres  de  cria 
le  long  des  hayes  ^ des  bordures  de 
jbois  , & des  taillis  où  les  Perdrix  han- 
;tent  , & l’on  y ajoûte  des  petites  paf- 
fées  fi  adroitement,  que  l’on  en  prend 
ipiufieurs.  Le  même  fefait  aux  Lievres 
ôc  aux  Lapins  dans  leurs  paflees  avec 
iun  fil  d’archal,  auquel  on  attache  une 
IgrofTe  pierre  qui  les  arrefte. 

1 Quant  aux  poifïbns  ôc  rivières  ÔC 
étangs  Ton  tend  des  cremails  qui  tra- 
jverfent  leurs  paffées  , & au  ddîus  à 
contre-eau  dans  les  rivières  on  y pre- 
jfente  le  feu.  Tout  Poifibn  qui  eft  an 
defïbus  y vient  * & fe  prend  dans  les 
jtremails  & autres  filets  propres  à cela. 


De  la  maniéré  qu on  peut  facile- 
ment trouver  le  Gibier  dans 
les  pats  couverts. 


Près  avoir  parlé  de  toutes  les 


xx  Gbafles  qui  fe  font  aux  filets  , 
dont  fe  peuvent  fervir  les  particuliers 
fans  eflre  obligé  de  nourrir  des  chiens 
& des  chevaux  , il  faut  faire  voir  en- 
core le  moyen  de  trouver  beaucoup 


S ij 


ni  LE  PARFAIT 

de  gibier  dans  les  païs  couverts,  com- 
me dans  les  bruyères  , dans  les  lieux 
couverts  de  brouflailles  , dans  les  cam- 
pagnes de  buis  , dans  les  grains  quand 
ils  font  debout  8c  ailleurs. 

Il  faut  emplir  une  fifièile  de  fonnet- 
tes  éloignées  de  trois  pieds  en  trois 
pieds  , 8c  quand  on  a fait  remetre 
une  compagnie  de  Perdrix  dans  une 
piece  de  grain  qui  foie  en  longueur, 
comme  il  arrive  fouvent  dans  les  fins 
de  la  moi  lion  , 8c  dans  les  reftes  de 
grains  qui  font  à abatre  , l'on  tend 
une  tonnelle  8c  des  ailiers  au  bout , 
8c  fans  bruit  l'on  va  porter  la  fiflelle 
pleine  de  fonnettes  à l'autre  bout , & 
l'on  marche  doucement  en  les  faifant 
former  au  delfiis  de  la  piece  de  grain 
par  deux  hommes  qui  la  portent  , 8c 
le  bruit  lent  qu’ils  font  fait  marcher 
tout  le  gibier  qui  efi;  dedans  jufqu'à 
l'autre  bout.  I!  ne  faut  pas  oublier  de 
tendre  les  filets , enforte  qn'üs  pa fient 
trois  ou  quatre  pas  de  chique  côté  le 
grain  , de  peur  que  le  gibier  ne  fe*dé- 
robe  aujong. 

Le  même  fe  peut  faire  pour  les  La- 
pins dans  les  taillis  où  les  fonnettes 


CHASSEUR.  2*5 


jfe  peuvent  porter , & dans  toutes  les 
jbruyeres  3c  brouifailles  , marais  ÔC 
prairies , 3c  tous  les  lieux  remplis  de 
grandes  herbes  ; les  mêmes  fonnettes 
fans  fïüeres  peuvent  fervir  pour  faire 
cheminer  tout  gibier  dans  toutes  for- 
tes de  bois  y faifant  triquetrac. 


De  la  Chajje  du  Loutre  qui  ruine 
les  rivières  , refervoïrs  & 


A deflruéiion  des  étang? , refer» 


JL/  voirs  & rivières  poifïonneufes 
vient  principalement  de  deux  caufes  », 
l’une  par  les  voleurs  de  nuit  ; l'autre 
par  le  Loutre  qui  eft  Tunique  def* 
truéfceur  des  poiflbns.  Quant  aux  vo- 
leurs de  nuit  3 il  faut  fur  tout  prendre 
garde  qu'il  ne  paroiiTe  aucun  feu  la 
nuit  le  long  des  lieux  remplis  de  poif- 
jfon  3c  dans  tous  les  lieux  où  d’on 
ipeut  traîner  le  fable  , il  faut  de  diftan- 
;ce  en  diftance  planter  de  grandes  épi» 
Inès  poftiches  tout  le  long  des  bords 
pour  empefcher  1rs  voleurs  de  nuit  , 
parce  que  leur  fable  s’embaraireroit  3c 


! 


1T4  LE  PARFAIT 

fe  romproit.  Il  ne  faut  point  tellement 
ficher  les  épines  que  l'on  ne  les  puilïè 
retirer  quand  on  veut  pefcher. 

La  même  chofe  fe  peut  pratiquer 
aux  garennes  3c  aux  bois  peuplés  de 
Lapins  pour  en  empofcher  ie  rabat. 

Quant  à la  Chafle  du  Loutre  il  y a 
plus  de  difficulté  de  fe  garentir  de  fa 
ruine.,  parce  que  la  ChafTe  en  eft  diffi- 
cile : neanmoins  on  en  vient  à bouc 
en  l'attaquant  avec  les  ballets  qui 
vont  en  terre  , lefquels  ont  une  natu- 
relle averfion  contre  toutes  les  bêtes 
puantes. 

La  ChalTe  du  Loutre  fe  fait  ainfL 
Dés  la  pointe  du  jour  l'on  même  touc 
le  long  des  rivières  poilfonneufes  ÔC 
des  étangs  cinq  ou  fix  balfets,  qui  cer- 
tainement trouvent  la  voye  du  Lou- 
tre qui  y a paffé  la  nuit.  Si  les  marais 
font  grands , fort  herbus  5 pleins  de 
fondrières  ? de  catiches  , de  faules 
creux,  ôc  chargés  de  rozeaux  , le 
Loutre  fe  retire  en  quelqu'un  de  ces 
lieux  , dés  que  les  chiens  en  ont  cii 
connoiflance,  ils  fuivent  fa  pille  , ôc 
le  chaflent  de  gueule , & le  vont  lan- 
cer* La  pgemiere  chofe  qu’il  fait*  c'eft 


CHASSEUR..  us 

le  fe  retirer  à l’eau  , & de  fe  cacher 
i'il  peut  dans  les  trous  qu’ils  font  au 
pord  des  rivières,  ou  dans  les  rofeaux, 
!m  dans  lieux  les  plus  fourrés , enfin 
ur  quelque  tête  de  faule  panché  ou 
Ils  fe  relancent.  Les  Chafleurs  fuivent 
|es  chiens  le  plus  prés  qu’ils  peuvent 
ivec  des  arquebufes  ; fouvent  le  Lou- 
:re  fe  jette  dans  des  trous  le  long  des 
aords  où  ils  le  relancent , le  Loutre 
page  entre-deux  eauës , Sc  on  con- 
loi t où  il  va  , par  l’impreffion  de  fa 
paflee,  par  une  efpece  de  bouillons  à 
la  fuperficie  de  l’eau,  fes  fuites  font 
ongues  avant  qu’il  reprenne  haleine , 
ce  qu’il  fait  de  temps  en  temps  en 
montrant  feulement  le  bout  du  nez 
lors  de  l’eau.  Les  ChafTeurs  qui  con- 
îoilfent  par  ladite  impreffion  que  fait 
"a  fuite  au  deffus  de  l’eau  courent  & la 
fuivent  tant  de  fois  qu’enfin  quelques- 
uns  d’eux  prennent  le  temps  de  le  tiret 
jiuftement  lors  qu’il  montre  le  nez  , le 
moindre  coup  qu’il  reçoiten  cette  par- 
tie le  tue,  auffi-tôr  qu’il  a le  coup,  fon 
corps  nage  au  deffus  de  l’eau  , ôc  les 
paffets  & barbets  fe  jettent  après  &c 
e vont  rçquerir.  Quand  les  chiens 


LE  PARFAIT 

font  bien  drefles  à cette  ChafTe  , il  m 
s en  échappé  point.  Pour  avoir  d< 
bons  chiens  pour  le  Loutre  , il  faut 
tirer  la  race  d’une  barbette  & d’un 
baifet.  Il  en  vient  des  chiens  quichaf 
f ^ent  f°r  bois  8c  dans  les  marais , pai 
tout  à merveille. 

Quant  au  pefcher  à la  ligne  , les 
Suides  y font  les  plus  habiles,  ils  imi- 
tent le  naturel  d’une  mouche  avec  de 
la  foye  de  couleur  verte  8c  jaune,  de 
laquelle  les  poiiïons  font  fi  frians,  que 
1 attachant  à des  haims  pour  fervir 
d’appas,  ils  prennent  tous  les  poilfon$ 
d’une  riviere,  8c  fe  fervent  encore  des 
appas  de  vers,  8c  de  petites  bêtes  qu’on 
prend  fur  les  caillons,  du  foye  des 
poifions  qu’ils  prennent,  & de  toutes 
fortes  de  mouches. 


CHASSEUR. 


217 


pela  Chaffc  de  toutes  les  bêtes  qui 
ruinent  les  maifons  des  champs. 

Soit  dans  les  granges  & greniers, 

| foie  dans  les  grains  à la 
campagne. 

Des  Moineaux. 

IL  n’y  a point  d’animal  qui  porte 
plus  de  dommage  dans  les  mai. 
ons  des  champs  que  les  Moineaux 
]ui  fourragent  fans  ceife  dans  les 
franges  , dans  les  greniers  &r  dans  les 
grains  proche  les  Village'.  On  leur 
ait  la  guerre  en  toutes  façons , par  des 
•ots  qu’on  attache  aux  murailles  qui 
!eur  fervent  de  nids  , pour  avoir  la  fa- 
ilité  de  les  dénicher,  & d’en  -empefl 
jher  la  multiplication  en  toutes  manie- 
je  s : mais  c’eft  un  anima!  fi  fécond 
ju’on  n’en  peut  pis  venir  à bout  ; jè 
eux  donner  deux  moyens  pour  en  faire 
jne  grande  deftru&ion  qui  font. 

Au  rmps  que  leurs  couvées  font 
faites,  & que  tous  fe  mettent  encom- 

T 


«8  LE  PARFAIT 

pagnie , ils  font  très  frians  de  chene- 
vis&,  il  les  faut  amorcer  le  long  des 
bayes  des  Villages  en  un  lieu  écarté  , 
ou  bien  dedans  les  lieux  où  l’on  abat- 
tus  les  chanvres  dans  les  chenevieres  , 
ou  même  en  plufieurs  lieux  , & quand 
ils  y font  bien  amorcés  , il  y faut  ten- 
dre des  rets  Taillantes,  & bien  cacher 
les  cordes  , & mettre  qu’ils  bordent 
ladite  roye  avec  la  paille  de  ladite 
chanvre,  parce  que  c’eft  le  plus  mé* 
fiant  de  tous  les  Gyfeaux.  Les  royes 
bien  tendues  8c  cachées  , comme  dit 
eft , il  faut  y venir  fouvent  par  des 
lieux  cachés  , 8c  prendre  le  temps 
qu’ils  y font  ramafies  pour  faire  beau- 
coup de  rets , car  on  n’en  prend  pas 
moins  de  vingt  ou  trente  douzaines  à 
la  fois  , 8c  quand  les  relies  font  bat- 
tus en  une  amorce  , il  les  faut  tendre 
en  une  autre  , par  ce  moyen  on  en 
détruira  telle  quantité  , qu’on  verra 
à veuë  d’œil  leur  diminution. 

L’autre  moyen  eft  qu’aprés  les  avoir 
attaqués  tout  le  long  de  i Automne  par 
diverfes  amorces  : l’Hyver  fuccedant, 
ils  ont  coutume  de  fe  retirer  dans  les 
Kous  de  couverture  de  chaume,  des 


CHASSEUR.  iî9 

que  la  nuit  eft  arrivée,  il  faut  avoir 
accommodé  une  fourchette  au  bout  de 
laquelle  on  met  un  cercle  de  bois  en- 
touré d’un  filet  qui  fe  ferme  comme 
une  bourfe  qui  foit  affes  longue  pour 
atteindre  jufques  aux  trous  des  plus 
hautes  couvertures  , on  applique  ce 
filet  au  bout  de  la  fourchette  contre 
tous  les  trous  qui  font  aux  couvertu- 
res Tun  après  l'autre.  Tous  les  Moi- 
neaux qui  font  dedans  au  bruit  veu- 
lent fortir,  & tombent  dans  Je  filet, 
qu’on  ferme  auffi-tôt  av'ec  un  fil  pen- 
dant, & font  pris  tous  vifs.  Il  n’y  a 
point  de  foir  qu’on  n’en  prenne  cinq 
ou  fix  douzaines.  Ce  que  l’on  con- 
tinnue  tous  les  foirs  , jufqu’à  ce  qu’il 
n’en  refte  prefque  point.  On  s’apper- 
çoit  bien  de  leurs  diminutions  aux 
grains  de  l’an  fuivant. 

Quant  aux  Rats  , aux  fouris  & 
aux  Mulots  ; ces  deux  premiers  in- 
fectes ne  fe  détruifent  que  par  la  quan- 
tité des  Chats , des  fouricieres  , rat- 
ures, triqueballes  faits  fur  des  chau- 
drons ; que  par  la  quantité  du  poifon 
qu’on  leur  donne.  Et  pour  les  der- 
niers qui  font  les  Mulots  , il  n’y  a 


îjo  LE  PARFAIT 

que  la  vigilance  des  Laboureurs  qui 
en  vienne  à bout  par  le  moyen  des 
eauës  boliiîlari tes  qu’ils  prennent  la 
peine  de  porter  aux  champs,  & qu’ils 
verfent  dans  les  trous  quand  ils  en- 
voyent  leurs  bleds  attaqués.  Ce  qui 
arrive  quand  i’Hyver  n’eft  pas  grand 
ni  tardif. 

Quant  aux  piégés  Sc  broyons  qui 
font  en  ufage  pour  détruire  les  bétes 
puantes  qui  font  dans  les  garennes  , 
la  maniéré  de  les  tendre  eft  fi  commu- 
ne ôc  triviale,  qu’il  fer  oit  luperfiu  d’en 
donner  ici  des  enfeignemens  , il  fuffit 
que  j’ay  donné  l’invention  des  piquets 
& des  gobbes  pour  purger  les  garen- 
nes des  bêtes  puantes , & tous  les  bois 
des  hêces  mordantes. 

11  faut  finir  ce  Livre  , puis  qu’il  traite 
du  parfait  ChafiTeur  par  la  defeription 
d’un  vieux  ik  bon  Chaflfeur  , & quel 
eft  fon  but  quand  il  chafife  pour  îer- 
vir  d’exemple  à celui  que  nous  vou- 
lons rendre  tel. 

Il  faut  demeurer  d’accord  d’une  vé- 
rité , que  tous  les  vieux  de  bons 
Chaffeurs  aiment  la  prife  ; que  tous 
pennes  CbafTeurs  aiment  le  plaifir , &. 


CHASSEUR.  121 

que  le  parfait  Cha  fleur  aime  l’un  8c 
l’autre.  Cela  étant , l’on  peut  dite 
qu’il  y a quantité  de  C ha  fleurs  fort 
paflîonnés  à la  Chaffe,  mais  qu’il  en 
eft  peu  de  bons  , 6c  encore  moins  de 
parfaits. 

Qu  il  eft  de  bons  cireurs  , mais  peu 
de  bons  C ha  fleurs  , qui  fçachent  mé- 
nager la  ChalFe  de  telle  forte,  que  là 
où  le  gibier  eft  rare  ils  ne  laiflent 
pas  d’en  tuer  raifonnablement  , 6c 
plus  que  tout  autre  par  fon  fçavoir  6c 
par  fa  conduite. 

Il  n’eft  pas  mal  aifé  de  tuer  beau- 
coup de  gibier  dans  les  lieux  confer- 
vés  6c  commodes  à tirer , mais  il  eft 
mal- aifé  d’emplir  les  gibecières  dans 
les  lieux  incommodes,  peu  peuplés  ôc 
difficiles  , tant  à tirer  , qu’à  relever 
le  gibier. 

Il  n’eft  point  mal- aifé  de  détourner 
des  Cerfs  où  ils  font  en  abondance  ; 
mais  il  eft  fort  difficile  dans  les  grands 
fonds  de  forêts  d’en  trouver  6c  dé- 
tourner là  où  il  y en  a peu. 

Tous  les  tireurs  prefque  deviennent 
bons , où  l'abondance  du  gibier  leur 
dorme  la  facilité  de  tirer  fouvent, 

T iij 


in  LE  PARFAIT 

mais  il  y en  a peu  qui  ne  foient  fau- 
tifs dans  les  lieux  où  il  y a peu  de  gi- 
bier, 8e  où  Ton  ne  tire  que  dans  de 
très  longs  intervales. 

La  fcience  d’un  tres-bon  Chafleut 
ne  s’acquiert  que  par  un  très-long  8c 
laborieux  ufage  , c’eft  pourquoi  les 
vieux  qui  en  connoiflent  le  travail , 
aiment  mieux  la  prife  que  les  au- 
tres , & ne  veulent  point  pafTer  leur 
temps  en  vain,  il  leur  en  refte  peu 
qu’ils  reduifent  plus  à l’utile  qu’au 
plaifant»  Et  le  long-temps  qu’ils  ont 
employé  pour  acquérir  leur  fçavôir  , 
les  rend  tellement  ménagers  de  leurs 
peines  , & retenus  8c  refervés  à mon- 
trer les  vrays  coups  dé  maîtres  qu’ils 
fe  font  acquis  par  leurs  études  , leurs 
vigilances  8c  leurs  applications,  qu’on 
ne  peut  tirer  d’eux  aucunes  connoif 
fances  des  meilleures  chofes  qu’il  faut 
fçavoir  pour  eftre  maîtres  : Si  bien 
que  ceux  qui  veulent  devenir  parfaits 
en  cet  Art , font  prefque  tous  réduits 
à les  apprendre  d’eux- mêmes.,  J’ay 
fait  ce  que  j’ay  pu  pour  faire  voir  en 
ce  Livre  une  partie  des  plus  belles 
chofes  què  j’ay  pratiquées  avec  les 


CHASSEUR.  215 

jplus  fçavans  Chafieurs  durant  tres- 
longues  années  5 fi  je  n’ay  point  afies 
expliqué  toutes  les  Chaires  que  j’ay 
décries  par  la  comparaifon  de  ce  que 
les  autres  en  ont  écrit  les  curiofites 
déduites  feront  juger  que  je  n’ay  rien 
de  refervé  pour  le  public. 


j)e  la  maniéré  de  faire  de  bonnes 
baffes  cours  3 & d’enqraiffer  les 
volailles  à peu  de  frais. 

PO  u k faire  de  bonnes  bafies  cot?r$, 
il  faut  avoir  des  fervantes  qui  fe 
connoiffent  à nourrir  toutes  fortes  de 
volailles,  comme  Poulets  d’Inde, 
Poulets  , Cannes  & Oyes  &c - & leur 
accommoder  des  lieux  feparés  des 
chiens , ôc  leur  faire  faire  des  poulail- 
iiers  fepatés , chacun  comme  il  s’en- 
fuit. 

Il  faut  avoir  forces  planches  & faire 
despoulailliers  quarrés  qui  fe  pui fient 
rouler  fur  des  roulettes  , lefquelies  fe 
puifient  fermer  à la  clef,  qu’ils  foient  gar- 
nis de  perches  par  dedans,de  bois  d’éra- 
ble pour  jucher  les  Oyfeaux,  & il  faut 


«4  LE  PARFAIT 

laifler  une  petite  coulilïe  qui  ferme  une 
petite  feoeftre  pour  les  lailfer  fortir , 
êc  que  chacun  aye  fa  petite  court  par- 
ticulière où  il  y a à boire  & à man- 
ger. 

Quand  on  en  veut  engrailfer,  i!  faut 
faire  une  folle  de  douze  pieds  en  quarré, 
ëc  de  fix  de  profondeur.  En  cette  folTe 
on  enterrera  quelques  cadavres  de  bê- 
tes  mortes,  comme  chevaux,  afnes 
&c.  lefquels  on  couvrira  de  terre 
grafle  avec  quelques  lits  de  paille  de 
bled  & d avoine  , lit  fur  lit  meflées  de 
terre  entre  deux  , & que  le  dernier  lit 
foie  de  terre  qui  furpalfera  la  naturelle 
d’environ  un  pied.  Il  faut  que  cette 
folle  foit  faite  dans  une  court  qui  foit 
commune  à tous  les  animaux  qu’on  y 
voudra engrailfer.  C’ell  une  chofe cer- 
taine qu’il  s’engendrera  autour  de  cette 
folfe  tant  de  gros  vers  de  terre,  dont 
les  volailles  la  plufpart  vivent  & font 
très  friandes , qu’en  très  peu  de  temps 
elles  deviendront  aufil  graffes  que  fi 
elles  éroient  cpa fiées  , comme  ceux 
du  païs  du  Mans  a pa fient  leurs  Cha- 
pons,pourveu  qu’on  leur  rafraichilte 
toujours  de  bonne  eau  , ôc  de  quelque 


CH  ASSEÜR-  îïf 

feu  de  grain  qu’on  appelle  Sarrafin, 
jqui  fert  pour  les  échauffer , & de  fon 
pnoüilié  qu’on  mettra  dans  des  auges 
jfaites  exprès  : il  n’y  a point  d’inven- 
tions pareilles  pour  engraiffer  toutes 
fortes  de  volailles. 


jj Des  Etangs , des  Lacs , des  Ri- 
vières , des  Canaux  & des  Re- 
\ fervoirs  3 & comme  il  faut 

en  conferver  & multiplier  les 
I jpoijjons* 

TOus  les  Seigneurs  qui  ont  des 
terres  de  grande  étendue  ne  peu- 
ventpas  eftre  eftimées  de  belles  terres* 

; fî  elles  n’ont  des  eaues.  Les  Etangs 
Iqui  en  occupent  de  grands  terrains 
font  fournis  de  Porflon  , fi  on  ne  les 
| négligé  point  quand  on  a foin  de  les 
| peupler  , s’ils  font  en  terre  graffe  ils 
! rc'üfMent  mieux  que  les  autres  dans 
Paccroiffement  du  Poiilon  dont  ils 
[font  rapoiffonnés , pourveu  qu’on  les 
! défende  contre  les  attaques  des  voleurs 
j de  nuit  du  Loutre  & des  grands  Bro- 


né  LE  PÀRFAlf 

chets.  J ay  donné  les  moyens  d9en 
chalTerles  Loutres  6c  de  les  en  purger3 
il  refte  feulement  de  faire  la  guerre  aux 
grands  brochets  qui  englouriflent  la 
plufpart  des  petits  Poiffons  , 6c  de  don- 
ner les  moyens  faciles  de  les  pren- 
dre. 

Il  faut  cônfîderer  que  les  grands 
Brochets  font  toujours  au  guet  dan? 
les  plus  grands  palïiges  ordinaires  pa 
où  paflfent  les  plus  grandes  troupes  d- 
PoilTons  qui  font  dans  les  plus  pro 
fonds  lieux  des  Etangs  , au  traver 
defquels  les  Rivières  coulent  , mêm 
aux  lieux  où  font  les  terres  les  plu 
grafîès,  6c  encore  dans  les  bordures 
recoins  & tournans , & puits  tournis 
s'il  y en  a aucuns.  En  tous  ces  lieux 
fufdits,  il  faut  tendre  c|e  grands  ver- 
gueils  avec  leurs  grandes  allés , dont 
les  mailles  foient  plus  larges  que  les 
ordinaires , afin  que  le  petit  poilïonne 
s y prenne  pas , lefquels  foient  tou- 
jours tendus  de  jour  & de  nuit  pour  en 
attraper  quelques-uns  5 même  amorcer 
lefdits  vergueiîs  de  morceaux  de  chai" 
crue , dont  lefdits  Brochets  font  friant 
Si  on  les  vifîte  fouvemen  quinze  jour? 


CHASSËVR..  il? 

jm  en  prendra  la  plus  grande  partie  , 
Principalement  en  pleine  Lune  ou  le 
®oi(fon  eft  plus  vorace,  & fait  plus  de 
jhemin  qu’en  tout  autre  temps. 

Dans  les  Lacs  s’ils  font  grands  8C 
profonds  & plats  , l’on  n’y  pefche 
ru’avec  de  grands  fables  attaches  a 
les  pieux  aux  lieux  où  les  Rivières  qui 
jjaffent  à travers  ont  leur  cours  plus 
nfte  ; & s’ils  font  très-profonds  au 
au  haut  des  montagnes , comme  il  y 
à plufieürs  dans  celles  qui  feparent 
'•Italie  de  la  France,  l'on  y pefche  a 
la  ligne  avec  les  mêmes  haims  qu  on 
prend  la  Moluë  fur  le  grand  banc  , 5 C 
on  les  amorce  de  même  pour  y pren- 
dre des  Truites  d’une  prodigieufe 
(grandeur. 

! Dans  les  Rivières , fi  elles  font  gran- 
des on  y pefche  en  traînant  le  fable 
Idans  tous  les  lieux  les  plus  profonds  , 
& fous  les  axes  des  ponts  & fuites  de 
; grands  moulins,  l’on  y coule  de  grands 
filets  en  cul  de  fac,  qu’on  releve  avec  des 
icapeftans  de  temps  en  temps,  pourvoir 
S s’il  ne  s’y  eft  pas  pris  quelques  grands 
Poiflons.  Si  elles  font  petites  & gra- 
I veleufes  , l’on  y prend  de  petites  Trui- 


228  LE  PARFAIT 

tes  rouges,  & quelquefois  de  grandi 
quand  i!  y a des  folles  profondes , t 
qu’elles  font  en  tous  lieux  d’une  int 
gale  profondeur. 

Dans  les  canaux  on  y pefche  ave 
vergueils,  fables  & tremails , & dar 
les  refervoirs  on  y prend  le  Poirto 
avec  de  grands,  filets  creux  & enron 
deur,  dont  les  bords  font  attachés 
des  cercles  de  fer. 

Les  Etangs  font  rendus  merveilleu 
fement  féconds  fi  dans  leurs  côtés  au 
lieux  les  plus  commodes , proche  le 
grands  roiêaux  qui  les  bordent,  Ion’ 
fait  des  foifes  que  l’on  remplit  de  gra' 
vier  , enforte  quelles  ne  foient  pro- 
fondes que  de  deux  pieds  au  milieu, 
venant  à demi-pied  jufques  au  bord  i 
& quelles  foient  toujours  pleines 
d’eau  ; &r  fi  elles  pouvoient  recevoii 
l’égoûc  de  quelques  fontaines,  lefdi- 
tes  fortes  feroient  admirables  pour  fer- 
vir  de  fourcieres  , pour  fervir  à multi- 
plier le  Poiflon  ; c’eft  pourquoi  i!  faut 
r-bferver  que  les  Etangs  qui  reçoivent 
1 egout  des  fontaines  peuvent  eftre  ren- 
dus plus  féconds  que  ceux  qui  n’en  ont 
point. 


CHASSEUR..  219 
Par  la  même  raifon  toutes  les  gran- 
js  Rivières  dont  le  fable  eft  grave- 
px  , font  ordinairement  plus  fecon- 
s que  les  bourbeufes,  8c  que  lespe- 
s ruiiïeaux  qui  partent  des  terres 
>ur  tomber  dans  les  Rivières  3 8c  qui 
nt  ordinairement  graveleux,  font  la 
ufpart  abondantes  8c  multipliantes, 
jincipalement  en  Truites  , dans  ief- 
telles  on  pefche  avec  des  tremails 
des  éperviers. 

Toutes  les  Rivières  bourbeufes  n’ont 
>ur  Poiflbn  que  des  Carpes  , des 
pnches  , des  Perches , des  Roches  , 
s Barbeaux  8c  des  Meuniers  : mais 
la  Mer  en  certaines  faifons  , il  y 
jonteune  prodigieufe  quantité  d’Àn- 
illes  8c  fouvent  des  Saumons  frais  , 

| Printemps  à la  chute  de  tous  les 
ioulins  8c  delïous  des  ponts , même 
ns  les  folfes  les  plus  profondes  tout 
long  de  leurs  cours  qui  font  connus 
iX  pefcheurs  où  ils  ne  manquent  pas 
• jetter  leurs  coups  de  fables.  Et  eft 
remarquer  que  les  Saumons  du 
intemps  deviennent  Becars  au  mois 
Aouft  8c  de  Septembre  aufquels  ils 
|nt  moins  bons  de  Tannée. 


*3o  LE  PARFAIT 

Eli  auffi  à remarquer  que  tous  I 
Poiffons  d'eau  douce  font , au  tem| 
que  le  Soleil  remonte,  beaucoup  pl 
favoureux  & de  meilleur  goût , qi 
quand  il  defcend  , à caufe  que  c’eft 
temps  de  leur  multiplication  qui  les  rer 
plus  debile  s & plus  fades. 

Il  y a des  Mares  dans  d'aucuns  Yill 
ges  qui  reçoivent  l'égoût  des  fumie 
Ôc  de  toutes  les  grandes  rues  , lefque 
font  extraordinairement  multipliant 
quand  on  a foin  de  les  rapoiffonne 
fen  ay  vu  d’aucunes  qui  fourniffoie 
le  rapoiffonnementde  plufieurs  Etarg 

Il  eft  à remarquer  que  les  petit 
Carpes  qui  ne  font  longues  que  c 
quatre  doits  , étans  mifes  dans  l 
Etangs  pour  rapoiffonnement,  dont 
terre Vft  graffe  qui  pouffe  plufieurs  he 
bes  fines,  en  trois  ans  deviennent  Ca 
pes  d’un  pied  entr’oeil  de  fourche 
par  là  l'on  peut  connoître  que  la  teri 
graffe  qui  foûtient  les  eaues  eft  cell 
qui  eft  la  plus  propre  pour  faire  crcî 
tre  le  Poiffon  & le  multiplier. 

L'Alofe  fuit  les  Rivières  graveleufe 
la  Carpe  les  Rivières  bourheufes , 1 
Perche  les  Rivières  profondes^  le  Brc 


CHASSEUR.-  131 


pliet  les  eaues  claires  & les  fofifes  qui 
ombent  dans  les  Rivières  parce  que 
lans  ces  lieux  étroits  il  attrape  fa 
broyé,  les  Sardines  font  dans  les  Fleu- 
res où  vient  le  reflus  de  la  Mer. 


De  la  Pefche  des  Poiffons  de  Mer 9 
A Pefche  de  la  Mer  eft  diverfe 


JL-/  félon  les  lieux  où  Pon  Pefche? 
Dans  les  fins  des  chutes  des  Rivières  ers 
a Mer,  le  reflus  les  defleichanten  par- 
tie quand  la  Mer  fe  retire  on  tend  de 
certains  filets  comme  panneaux  , dans 
iefqtiels  le  Poiflbn  fe  prend  , par  le 
moyen  de  ce  que  quelques  bateaux 
remplis  de  Matelots  pefcheurs  , avec 
|de  grandes  hances  de  bois  bâtent  Peau 
iaux  environs  defdits  panneaux  s chan- 
itans  & huans  d'un  bruit  qu’on  entend 
de  plus  d’une  grande  lieuë  , les  font 
[prendre  efdits  filets  ; &e  de  cette  fa- 
içon  de  pefcher  les  Poiflons  qui  font 
! pris , s’appellent  Poiflon  hué.  Le  feu 
|Roi  Loüis  XIII.  voulut  avoir  le  plai- 
|fir  de  voir  faire  cette  pefcherie  dans 
la  Baye  de  fomme  entre  Abbeville  &c 


23 2-  LE  PARFAIT 

Saint  Valéry,  où  entr’autres  Poiflons 
il  fe  prit  un  Efturgeon  long  de  douze 
. pieds qui  fut  ailommé  par  les  Mate* 
lots  à grands  coups  de  hances  entre 
ces  filets  qui  î’arrcfterenr. 

Il  y a une  autre  maniéré  de  pefcher 
le  long  des  côtes  de  la  Mer  en  Nor- 
mandie , qui  fe  fait  avec  de  grands 
filets  tendus  en  rond  qu'ils  appellent 
des  Parcs  , aufquels  il  n'y  a qu'une 
ouverture  du  côté  de  terre  par  où  les 
FoifTons  entrent  dans  lefdits  Parcs, 
qui  font  fermés  du  côté  de  la  Mer, 
& quand  la  Mer  s'en  retourne  , le 
ieToiflbn  qui  y entre  voulant  fui- 
vre  Peau  qui  fe  retire,  demeure  pris, 
parce  que  le  côté  de  la  terre  par  où 
ils  pourroient  fortir  eft  le  premier 
affeiché.  Dans  ces  Parcs  s'y  prennent 
les  plus  belles  Truites  faulmonnèes 
qui  font  longues  de  trois  pieds,  tou- 
tes rondes  ôc  longues  comme  les 
jambes. 

la  maniéré  dont  on  pefche  dans 
la  Mer  n'a  nulle  différence  d'avec 
celles  des  Etangs.  On  y traîne  le  fa- 
ble & Pon  prend  toutes  fortes  de 
Po, fions  à la  fois , mais  il  y a des 

cantons 


CHASSEUR.  i35 

cantons  où  il  y a beaucoup  de  Solles, 
lefquelles  on  prend  avec  des  hairrys, 
amorcés  de  certains  vers  qu’on  trouve 
dans  les  terres  le  long  des  côtes  de  là 
Mer. 

Il  eft  à remarquer  que  dans  la  Man- 
che entre  des  côtes  de  France  & d’An- 
gleterre , la  Mer  eft  bien  pim  pro- 
fonde du  côté  d’Angleterre  que  de 
France,  & qu’on  n’y  pefche  point 
i qu’avec  des  filets  qui  "ont  de  plus 
grandes  mailles  qu'à  Pordinaire  ; de 
quil  y a toujours  quatre  bâteaux  de 
Pelchêurs  qui  ont  perrniiïïon  de  pef- 
cher  dans  toute  la  côte  d’Angleterre 
pour  le  Roi  de  France  en  quelque 
temps  que  ce  Toit,  de  paix  ou  guerre*. 

I na-y  point  parlé  cFdefliis  de  la 
î Chafle  des  Perles  ou  de  leur  pefebe. 
Elle  fe  fait  ordinairement  par  les  In- 
I diens  dans  rifle  de  Baceara  de  dans 
un  bras  de  Mer  qu’on  appelle  Be~ 
lheren.  Elles  s’engendrent  de  la  rofée 
du  Ciel  dans  des  efpeces  d’huiftres, 
qu’on  appetTe  Nazies  de  perles  ? Se 
cela  arrive  au  Printemps, 


¥ 


234  LE  PARFAIT 

&&&&&& 

Des  chofes  qui  font  contraires 
aux  Chaffeurs,  de  qui  eau- 
fent  les  grandes  maladies  aux 
chiens. 

Des  Signes  de  fluye. 

OYseaux  nettoyans  leurs  plu- 
mes , & fuyans  à leurs  nids , 
joüans  fur  les  eaux,  faifans  fifflerleurs 
ailes  & battans  les  eauës. 

Oyfeaux  de  riviere  cherchans  les 
prés. 

Oyfeaux  de  terre  fe  baignans  ex- 
traordinairement. 

Le  Héron  trifte  au  milieu  des 
champs. 

Les  Afnes  fe  veautrans  & fe  frot- 
tans  le  dos  contre  terre. 

Les  Toiles  des  Araignées  fort  éten- 
dues. 

Les  Eauës  Sourdans  où  elles  n’ont 
point  accoutumé, 

L’Eau  étant  devenue  plus  chaude 


CHASSEUR.  135 

qu5à  fon  ordinaire  en  Tabfence  du 
Soleil. 

L’Arc-en-ciel  en  temps ferain. 

Les  Boeufs  fe  lechans,  ôc  même 
quand  ils  mangent  plus  fort  au  com- 
mencement de  la  pluye  , c’eft  figne 
de  continuation. 

Les  Chats  fe  moüillans  les  pieds  ? 
& fe  frottant  la  tête  & les  oreilles. 

Les  Crapaux  quitanS  le  foir  leurs 
trous  & leurs  cavernes  , les  Corbeaux 
croaflans  avec  cris  , & fecoüans  leurs 
ailes,  ou  fe  pendans  fur  les  eauës  , ou 
y crians , & montansplus  haut  à leurs 
grands  cris. 

La  Corneille  fe  baignant  ou  criant 
fur  l’arene  feiche  ou  fur  la  pierre, 
chantant  au  fortir  du  bain,  ou  criant 
furie  foir  plus  que  de  coûtume* 

Les  inteftins  des  Chiem  murmurans* 

La  Colombe  retournant  plus  tard 
au  colombier. 

Le  bruit  des  Cloches  entendu  de 
plus  loin. 

Le  couvercle  des  bois  de  quelque 
vafe  plus  fec  que  de  coutume. 

La  chaleur  en  Eté  plus  poignante. 

Le  Ciel  refplandiffant  du  côté  de 
V ij 


23«  LE  PARFAIT 

TAquilon  ou  du  Couchant. 

La  nuit  étant  fereine  . , . les  foirées 
refplandifïantes. 

Le  Ciel  rougeaftre  le  matin  , ou  la 
nuit  avec  plus  d’étoiles . 

Le  Chardon  piquant  fe  fermant. 
Les  cuirs  plus  re  (Terrés. 

Les  petits  Animaux  qu'on  appelle 
cen t pieds  5 s'aiïembians. 

Le  Dauphin  folaftiant  & fe  plon- 
geant en  Peau. 

Les  tonneaux  de  vin  boiiillans  en 
Eté. 

Deux  Soleils  ou  deux  Lunes  figni- 
fient  un  deluge  ou  une  grande  inon- 
dation d'eau. 

La  première  peau  des  Châtaignes  fe 
fermant. 

Les  Fourmis  fe  promenans  devant 
leurs  œufs. 

Le  Foulque  Oyfeàu  de  riviere  fe- 
coüant  fes  aîles. 

Les  Bîuettes  du  feu  fortant  de  la 
lampe  en  éclatant. 

La  Suye  de  la  cheminée  plus  fre- 
quente qu'à  Pordinaire. 

La  Faux  venant  noire  en  faqchant 
les  herbes. 


CHASSEUR.  237 
! Les  Bubbes  en  formes  de  Cham- 
pignons qui  s’engendrent  en  la  lampe. 

; Les  Poules  cherchant  ie  couvert. 

Le  Cocq  chantant  incontinent  après 
le  coucher  du  Soleil. 

Les  petits  Poulets  pipelans  plus  fou- 
/eut  que  de  coutume. 

Les  Grues  fuyant  les  plus  profondes 
dallées. 

La  Cicogne  ou  Hirondelle  criant 
il u matin. 

! La  Couronne  aîlen-to-ur  de  !a  Lune 
iniifant  en  nuée  noire. 

| L’Hirondelle  batant  les  eauës  avec 

es  ailes. 

, Le  Feu  paffe  ou  pétillant  Sc  pétant. 
La  jointure  des  goûteux  faifant pins 
le  douleur  qu’à  l’ordinaire. 

Quand  la  Lune  paroit  fubtde  devant 
la  conjonftion,  & rouge  dans  la  par- 
ie lu  mine  ufe , & dans  l’autre  , noire  r 
>u  fi  deux  cercles  y paroiflent  , prin- 
ipalement  s’ils  font  de  couleur  noire 
»u  livide  , ou  (i  la  couronne  parole 
noire  & pafle  à la  pleinp  I^iine. 

; La  Lune  rouge  fait  vent  , la  pâle 
l’ait  ta  pluye,  la  blanche  fait  le  beau 
emps,* 


23 8 le  PARFAIT 

Les  Montagnes  entourées  d’un  ai 
épais  & groffier. 

Les  Mouches  picquant  plus  que  à 
coutume. 

Les  Plongeons  criant  & volant  plu 
vifte. 

Les  Nuées  mugiflantes  & faifant  di 
bruit,  femblable  à un  fioc  de  laine 
ou  noires  occupant  le  haut  des  mon 
tagnes. 

Les  Brouillards  de  la  Mer  venan 
contre  terre  ayant  vent  contraire. 

Les  Brebis  mangeant  plus  que  d 
coutume. 

L’huile  pétant  & fcintiilant  dans  le 
lampes  ardentes. 

Les  Pieds  fuans. 

Les  Porcs  déchirans  ou  cachant  de; 
botes  de  foin  ou  paille. 

Les  Poux  mordant  plus  fort. 

Le  Paon  criant  plus  fort. 

Le  Pivert  plus  bruyant. 

Les  Grenouilles  caquetant  davan 

La  Rofée  ne  tombant  point  âpre; 
les  vents. 

La  Salamandre  veue. 

Les  Porcs  grondant  beaucoup* 


CHASSEUR.  2J9 

| Le  Soleil  avec  un  Cercle  rouge  ou 
!toir  , entouré  de  nuées  noires  ou  ver- 
aftres , ou  paroiflant  plus  grand  au 
|ever  ou  coucher  ; ou  avec  des  cou- 
lonnes  3 ou  concave  &c  plein  de  ta- 
hes, 

! Les  Chairs  falées  plus  humeéfcées. 
Un  doux  tremblement  cfe  terre. 

! Les  Tonneres  du  matin  en  Hyver,1 
iu  du  Midy  en  brimant  devant  midy 
k le  foir. 

Les  Taupes  travaillant  d'avantage* 
Le  Trefle  Te  heriffant  ou  retreciffant 
bs  feiiilles. 

Les  Vents  fortans  de  terre. 

| Le  Vautour  volant  plus  legerement* 
La  Vache  regardant  le  Ciel  3 prê- 
tant l’air  avec  les  narines. 

| Les  ceintures  de  foye  étant  plus  fer- 
lées , & celles  de  peaux  plus  lafches* 


£es  Temps  de  ferenité. 

LEs  Oyfeaux  marins  au  bord  de 
Mer  n’ecendant  point  les  aîles. 
JL  Arc-en-ciel  en  temps  de  pluye. 
Les  Bœufs  couchés  fur  le  côtégauch 
Les  Corbeaux  regardant  le  Soleil 
découvert. 

La  Corneille  criant  du  matin. 

La  chaleur  après  la  pluye. 

La  corufcation  proche  LHorifon. 
L air  étant  ferain  de  fans  tonnerri 
èc  quand  Tair  ondoyé  proche  de  terri 
Le  Soleil  étant  rouge  le  loir. 

Le  Dauphin  épardant  fur  la  Me 
étant  troublée. 

La  Châtaigne  bouchant  Lun  de  fe 
trous. 

Les  Herilîbns  paroi  (Tans. 

Les  Fourmis  portant  leurs  œufs  d 
la  circonférence  au  centre. 

La  fumée  blanche  paroiilànt  blan 
che  fur  les  eaux  devant  le  lever  d\ 
Soleil. 

Le  Cocq  chantant  plus  tard  que  d< 

coutume.. 

Le: 


CHASSEUR.  î4î 

Les  Grues  ne  doublant  point  leur 
file  en  volant. 

La  couronne  au  Ciel  également  pa- 
roilïante. 

La  Lune  paroiflaot  blanche. 

Les  rivages  de  la  Mer,  8c  les  Mou- 
cherons au  foir  paroilTant  en  pyrami- 
de devant  le  coucher  du  Soleil  , 8c  Ce 
joüant  autour  de  lui. 

Les  O y féaux  marains  criant  dans 
la  temDefte. 

Le  Hibou  auflï  criant  dans  la  tem- 

pefte. 

Les  nuées  paroifîant  blanches  ou 

rouges. 

Les  Brebis  béellant  & leurs  Agneaux 
bondiflàns. 


Des  Kent  s. 

IL  y a quatre  Vents  qui  font  bons 
pour  chafT  r , 8c  quatre  très- perni- 
cieux aux  ChalTeurs. 

Les  quatre  qui  font  bons  pour  chaP» 
fer  , font  l’Orient  d’Eté  8c  «'Occident 
l’Eté.  Le  Midy,  8c  celuy  qui  eft  en- 
i:re  le  Midy  8c  l’Occident. 


X 


24i  LE  PARFAIT 

Les  quatre  médians  font  le  Septen- 
trion , celuy  d’Ecolïe  qui  eft  à droit 
du  Septentrion,  Celuy  qui  eft  à gau- 
che  du  Septentrion  dit  Galerne  j 
& celui  qui  eft  entre  l’Orient  d’Eté  & 
le  Midy  , qui  eft  appellé  des  Terres, 
De  ces  quatre  derniers  les  Chiens 
ChalTent  mal.  Ils  refroidiftent  les 
voyes  , & ont  une  certaine  fcntem 
tellement  contraire  à l’odorat  des 
Chiens  courans,  qu’ils  chaffent  mieux 
à vaut  vent  que  dans  le  vent  , ce  qui 
eft  contraire  a la  raifon  , car  les  voyes 
fuyent  au  lieu  de  vecir  à l’odorat  des 
Chiens.  En  ce  temps-là,  on  n’a  point 
grand  plaifit  à la  Chafle  des  Chiens 
courans. 

Les  Vents  de  terre  font  très-contrat 
traires  à la  Chafledes  Chiens  courans, 
ils  étouffent  les  voyes , ôc  ne  peuvent 
eftre  emportées. 

Les  quatre  autres  font  bien  chaffei 
les  Chiens  à caufe  que  les  deux  plus 
bas  font  humides  , & les  deux  autres 
chauds  5c  humides.  Ces  quatre  icy  der- 
niers nuifentaux  tireurs  de  l’arquebufe, 
parce  qu  ils  font  ordinairement  grands 
& çaufent  de  h pluye  9 qui  rompt 


CHASSEUR.  ,243 

la  Chafïe  Ôc  mouille  les  arquebufes. 

Les  quatre  premiers  font  au  contrai- 
re fort  bons  pour  les  tireurs,  parce 
qu'ils  font  venir  force  gibier,  & font 
I plus  calmes  ; ils  dépouillent  les  ar- 
bres , Ôc  font  voir  clair  dans  les  bois 
j où  tout  le  gibier  fe  retire* 

Il  y auroit  bien  des  pafcicularités  à 
diftinguer  fur  tous  les  vents  , mais 
cela  fera  referyé  par  un  traité  pour  la 
confervation  de  la  fanté  , que  j’avois 
refolu  de  joindre  à ceci,  mais  comme  il 
fort  de  la  matière,  je  n’ay  point  jugé  à 
jpropos  de  l’y  mettre  , parce  que  les 
ChafTeurs  ont  affés  de  fanté  , faifant 
alTés  d’exercice  pour  la  maintenir, 
fans  leur  donner  des  remedes  pour  la 
conferver  : je  les  veux  feulement  aver- 
tir de  tous  les  effets  en  gros,  afin  qu’ils 
[prennent  garde  aux  maladies  qu’ils 
|caufent  à leurs  Chiens,  afin  qu’ils  les 
puiflent  prévenir. 

Tous  les  vents  vehemens  refroi-1 
idifTent  ôc  deffeichenr. 

Les  debiles  échauffent  & humedenn 

Les  Méridionaux  font  chauds  ÔÇ 
Ihumidef. 

Les  Orientaux  font  ferains  ôc  fecs* 

Xi]  • - 


Des  Tonneres  & de  leurs  effets  en 
tous  les  mois  de  l'année . 


144  LE  PARFAIT 

Les  Occidentaux  font  froids  & hu- 
mides. 

Le  plus  falubrede  tous  eft  le  Septen- 
trional. 

Le  pire  de  tous  eft  le  Méridional. 

Le  zephir  qui  part  d’entre  le  Méri- 
dional 8c  l’Oriental  renouvelle  le  fang* 
& n’eft  point  du  tout  mal-  faifant. 

Q^and  donc  les  vents  malfaiteurs 
dureront  long-temps,  que  les  Ch  a (leurs 
fe  premuniflènt  contre,  & préviennent 
par  purgations  les  maladies  qu’ils  peu- 
vent caufer  à leurs  Chiens. 


LEs  Tonneres  venant  de  l’Orient 
caufent  de  grandes  eflfufions  d’eau. 
En  May  grande  abondance  de  fruits 
& de  foin.  Et  quand  c’eft  par  un  Di- 
manche, ils  caufent  la  mortalité  des  Ec- 
clefiaftiqùes. 

Venant  d’Occident  ils  caufent  la  pcfte 
& la  mortalité. 

En  Juin  grande  abondance  de  Poif 
& quand  c’eft  le  Lundy  grande 


CHASSEUR.  24  s 

Siflïpation  de  fruits  , 3c  mort  de 
|3œufs  & Je  Vaches. 

Venant  du  Midy,  de  grands  combats 
jfc  calamités  maritimes. 

! En  Juillet  fterilité  de  fruits. 

En  Mars  grande  abondance  de  fruits 
iir  terre  venant  du  Septentrion,  mor- 
alité de  Pafteurs. 

| En  Aouft  mortalité  de  Serpens  8c 
le  Poiflons.  Le  Mercredy  eflrufion  de 
png  humain. 

En  Janvier  mortalité  de  troupeaux 
k de  toutes  autres  bêtes,  & de  gran- 
les  infruâuofités. 

En  Septembre  mortalité  d’hommes; 
Le  Jeudy  abondance  de  fruits,  de  poit» 
bns  paflant  en  Mer  ou  aux  Fleuves. 
En  Février  grandes  infirmités  aux 
Dyfeaux. 

En  Oétobre  grand  palTage  de  gibier 
c de  grands  vents.  Le  Vendredy 
jrande  guerre  3c  mort  de  brebis,  avec 
e grandes  tempeftes  en  mer  3c  en 
jerre. 

En  Décembre  grandes  profperirés 
’animaux , de  fruits  3c  d’hommes. 

Ces  Signes  quoi  qu’un  peu  éloignés 
|u  fujet  font  neanmoins  avantageux 
X iij 


M le  parfait. 

à prévoir  par  les  Chailturs  , afin  d’en 
prévenir  les  accidens  , parce  qu’étans 
gens  de  campagne  , ils  ont  à confer- 
ver  leurs  biens , & remedier  à tout  ce 
que  deffus  autant  que  faire  fe  peut. 


Des  couleurs  du  Ciel  & des  Etoiles 
four  f revoir  le  temps  a venir. 


IL  faut  encore  ajoûter  ici  ce  qui 
fuit,  comme  neceflaire  aux  Chaf- 
feurs  , qui  eft  de  connoître  les  effets 
& le  temps  que  caufe  les  couleurs  des 
Etoiles , comme  des  Saturniennes  , de 
Juppiter  & de  Mars. 

Les  couleurs  plomblées  font  Satur- 
niennes ou  de  Saturne. 

Les  couleurs  fplendides  font  Joviales 
ou  de  Juppiter. 

Les  rouges  , obfcures , brunes  & te- 
nebreufes  font  de  Mars. 

Les  fort  fpendides  & claires  font  de 
Venus. 

Les  couleurs  changeantes  font  de 
Mercure. 

palliflantes,  de  lumière 


CHASSEUR.  147 

Les  obfcures  viennent  de  Saturne  & 
de  la  lune  conjonts. 

Les  nebuleufes  & maculées  font  de 
Mars  de  de  la  Lune* 

Voicyce  qui  fert  aux  Ch  a (Leur  s,  qui 
font  les  effets  de  toutes  les  différentes 
jcouleurs  & de  toutes  leurs  a étions. 

Les  Saturniennes  donnent  du  froid  i 
de  la  glace  & de  !a  greffe. 

Celles  de  Juppiter  donnent  de  la 
pluye  falubre  Sc  des  humidités  , des 
vents  avec  du  tonnerre  ôc  une  chaleur 
modérée. 

! Les  Martiales,  grandes  chaleurs,  des 
embrazemens  de  la  ficcité  des  tonne- 
| r es  & des  tempeftes. 

Les  Solaires  beaucoup  de  chaleur  &C 
peu  de  ficcité. 

I Celles  de  Venus  beaucoup  d humeur 
& peu  de  chaleur, 
j Celles  de  Mercure  indifférentes. 

Celles  de  la  Lune  grandes  humidités* 
& ainfi  peu  de  chaleurs. 

Celles  de  Saturne  & de  la  Lune 
tantôt  du  froid  , tantôt  de  l’humide  9 
tantôt  de  la  ficcité,  neige  & grefle. 

Celles  de  Merciue  avec  Saturne  de 
| la  gelée  , avec  Venus  de  la  pefte  Sc  du 
X iiij 


*4*-  LE  PARFAIT 

venin.  Avec  Juppiter  des  tempefltes. 
Avec  Mars  des  effets  importans. 

Ces  Etoiles  agifiant  avec  plus  de  ve* 
hemence  tant  plus  elles  {ont  lumineu- 
fes  , plus  proche  de  l’Eclyptique  , & 
meme  quand  elles  font  verticales  à 
quelque  Région  , & à nôtre  Horifon 
quand  elles  font  Septentrionales* 
Toutes  ces  chofes  fe  peuvent  pré* 
voir  par  les  ChalTeurs  pour  prévenir 
les  maux  qui  en  arrivent , fi  on  prend 
quelque  foin  d’y  remédier  de  particu- 
lièrement a la  rage  des  chiens,  comme 
il  fera  dit  tout  prefentement. 


De  la  corruption  de  l'air,  pefte  & 
autres  maladies , tant  aux  hom- 
mes, chiens  qu  autres  animaux . 

Q TJ  and  le  vent  Siriot  fouffle 
fequemment,  il  excite  la  rage 
aux  chiens  , il  y faut  extrêmement 
prendre  garde  en  donnant  fou  vent  de 
Teau  fraifehe,  de  fi  quelque  chien  pa- 
roît  trifte  , il  le  faut  mettre  à part,  & 
lui  donner  de  POrvieran  dans  de  la 
foupe  } ôc  du  Thcriaque  de  Venife? 


CHASSEUR.  249 

£ela  lui  fera  forcir  tout  le  venin  du 
torps. 

Il  faut  !e  purger,  & toute  la  Meute 
^vec  fonphr?  boüiliy  en  foupe  , faite 
jie  telle  de  veau  ou  de  mouton.  Il  les 
Faut  baigner  en  eau  /allée , fi  l'on  eft 
>rochede  la  Mer  ; il  faut  brûler  force 
tenievre  dans  le  chenil  , 8c  pîufieurs 
lutres  chofes  d’une  bonne  ôc  forte 
enteur  , 8c  brûler  force  vinaigre  fur 
lies  pelles  de  fer  rouge  ; fur  tout  il  les 
Faut  tenir  nettement,  & ne  laifler  ja- 
mais parmi  les  autres  un  chien  trille, 
lont  le  regard  eft  morne , obfcur  &C 
ibatu  : il  le  faut  feparer  de  la  Mute, 
bettre  tous  les  malades  à part  , c*eft 
m grand  mal-heur  quand  cela  arrive, 
Sc  il  faut  dire  la  vérité  que  ce  défaut 
irrive  par  la  faute  des  Valets  de  chiens 
aui  ne  prennent  pas  garde  quand  il  y 
?n  a de  malades  ou  de  maigres  8c  mi- 
érables  , ou  de  chiens  mauvais  , ief- 
guels  n’avertilïent  pas , 8c  ne  font  pas 
;:e  qui  eft  neceftaire  pour  prévenir  ce 
bal- heur. 


±p  LE  PARLAIT 


CormoiJJ'ances  quand  L'air  eji 
corrompu. 

QUand  i!  y a de  grandes  Ecîy- 
Pies  , de  grandes  inflammations, 
de  giandes  afliiuirés  de  pluye  à la  fin 
du  Printemps  3 & de  PEré  fans  que  les 
vents  foi  ffl  nt. 

Que  les  arbres  feichenr,  8c  font  prêt 
que  bi  û?és  par  une  extrême  chaleur , 
ou  qin  s font  mangés  de  chenilles, 
tons  les  Sangliers  meurent.  J’ay  veil 
cela  dans  S int  Germain  en  Lave  du 
temps  du  feu  Roy  Louis  XIII.  la*Fo* 
reft  étant  comme  bridée , 8c  toutes 
les  t êtes  moururent , hormis  celles  qui 
pafl  refit  en  autres  lieux. 

Quand  Pair  parrdn  durant  quelque 
mois  comme  poudreux  , il  faut  b»tn 
fegarder  de  chafleraux  chiens  courans* 
Quand  le  pain  expofé  à Pair  durant 
une  nuit  devient  moifi. 

Quand  la  rage  fe  met  dans  les  chiens 
fans  caufe  vifible  : quand  les  Loups 
entrent  fréquemment  dans  les  Villages* 
dans  les  bergeries  ou  dans  les  parcs. 


CHASSEUR.  M* 

Quand  les  Oyfeaux  délaiflent  leurs 
n^S* 

Quand  il  naift  une  grande  quantité 
|de  Grenouilles  6c  de  vermine  qui  fort 
Ides  murs  6c  bâdmens , 6c  qui  ron- 
gent tout  foit  habits , foie  livres. 

I Qu and  il  naift  beaucoup  de  ferpent; 

Quand  les  Taupes  paroiflent  fré- 
quemment fur  terre. 

Quand  l’Araignée  s’engendre  dans  la 
,pomme  de  chefne  fans  eftre  percee. 
i Quand  Tannée  eft  dereglée,  comme 
fi  le  Printemps  eft  trop  froid  , ÔC 
jFHyver  trop  chaud. 

Quand  les  rofes  8c  violettes  flaiï^ 
iriffent  en  Automne. 

! Quand  Tannée  eft  toute  chaude  013 
toute  froide. 

Quand  la  force  du  Soleil  eft  arre- 
tée par  la  groffiereté  de  Pair. 

| Quand  la  Lune  eft  arretee  par  les 
! pluyes. 

Quand  Saturne  féjourne  trop  long- 
I temps  dans  le  Lyon. 

Quand  le  même  Saturne  eft  aux 
i %nes  ignés. 

Quand  Mercure  8c  Venus  fe  con- 
i joignent  avec  les  Saturniennes , tout 


M*  LE  PARFAIT 

ceia  font  des  commencemens  de  la 
corruption  de  l’air,  qui  ne  manquent 
point  à devenir  peftilens  & morti- 
fères. 

Durant  le  temps  de  ces  mal-heurs  un 
Chaflfeur  doit  fe  tenir  clos  & couvert 
fans  fortir  les  chiens,  de  peur  que  le 
mal  ne  les  attaque  , fk  que  les  mau- 
vais chiens  qui  courent  en  ces  temps 
fréquemment  par  tout  ne  les  pillent, 
& qu’ils  lailfentpafler  quelques  femai- 
nes  , jufqu’à  ce  que  ces  mauvaifes 
conftellations  foient  paflées,  ôc  que  le 
temps  change  , ou  du  moins  s’il  veut 
chalïèr,  que  ce  foit  fur  des  hauteurs 
ou  l’air  eft  plus  pur  , fuyant  tant  qu’il 
fourra  les  vallées  où  les  principes  de 
la  corruption  de  lair  commencent» 


CHASSEUR.  153 


Des  vents  & ch  0 Je  s contraires  à 
la  Chajje . 

T O us  les  grands  vents  font  con- 
traires a la  Fauconnerie. 

Tous  les  pais  rudes  font  contraires 
aux  Lévriers 

Tous  les  pais  de  fleurs  & d’odeurs 
aromatiques  font  contraires  aux  chiens 
courans  ; c’eft  pourquoi  ils  n’en  peu- 
vent avoir  en  Efpagne  8c  en  Portugal, 
que  pour  chafler  les  bêtes  puantes  , ÔC 
meme  tous  les  chiens  couchans  d’au- 
tres pais  que  du  leur  n’y  Tentent  rien. 

Tous  les  vents  de  terre  8c  mois  font 
contraires  aux  chiens  courans. 

Par  les  grands  vents  le  gibier  attend 
fort  , &fe  rend  parefleux  i partir. 

La  quelle  des  chiens  couchans  fe 
i doit  faire  une  aile  au  vaut. 

Tous  les  grands  vents  font  contrai- 
res aux  tireurs,  c’eft:  pourquoi  il  faut 
chercher  l’abry  dans  les  coraux  8c  dans 
les  grands  bois  quand  on  veut  chafler 
pendant  qu’ils  régnent. 

Quand  on  veut  tirer  des  O y féaux 


î54  LE  PARFAIT 

de  riviere , il  les  faut  approcher  à bon 
vent,  parce  qu'il  n’y  a point  d’Oy  féaux 
qui  éventent  plus  qu  eux. 

Les  hutes  des  relevées  doivent  eftre 
à bon  vent. 

La  quefte  des  Beccafines  fe  doit  fai- 
re à vaut  vent. 

Les  traifneurs  de  nuit  doivent  faire 
leurs  filions  à une  oreille  au  vent. 

Les  filets  ou  panneaux  doivent  eftre 
tendus  a bon  vent. 

Les  greffes  Beccafles  fe  doivent 
queftet  à vaut  vent. 

Les  journées  de  grands  vents,  il  faut 
courre  le  Lievre  aux  chiens  courans  , 
dans  les  grands  bois  ou  dans  les  hau. 
tes  fiftayes  qui  font  àî’abry. 

Les  pentes  Chalfes  qui  fe  font  aux 
petits  chiens  pour  tuer  les  Lapins , 
fe  doivent  faire  dans  les  côtaux  a 
l’abry. 


CHASSEUR.  *5; 


De  tous  les  temps  qui  font  avan- 
tageux aux  Cbajfeurs. 

T O us  les  vent*  humides  , les 
temps  frais , les  pais  herbus , les 
[terroirs  plus  humides  que  fecs , les 
côtaux  expofés  au  Midy  , leur  font 
avantageux  pour  chafler  aux  Prin- 
temps. 

En  Eté  les  lieux  expofés  au  Nord 
lui  font  les  plus  propres. 

En  hyver  les  pais  couverts  & four- 
rés  luy  donnent  plus  de  gibier. 

En  Automne  les  pais  ouverts  luy 
[font  faire  les  plus  grandes  ChalTes. 

Je  parle  de  toutes  ces  petites  con- 
[noiflances  en  general , parce  qu’il  fe- 
iroit  trop  long  de  les  expliquer  toutes 
en  particulier  : il  fr.ffit  qu’un  Chalfeur 
foit  in  (huit  des  défauts  8c  des  bontés 
de  t us  les  lieux,  pour  pouvoir  prendre 
jen  chacun  les  avantages. 

L’on  peut  fe  fervir  de  toutes  fortes 
d appeaux  dans  îa  relevée  pour  faire 
approcher  le  gibier  , & principale- 
ment dans  les  taules  où  l’on  fe  hute 


i5g  le  parfait 

fur  les  quatre  heures  du  foir  aux  longj 
jours  , mais  principalement  le  Che- 
vreuil qui  eft  inquiet  & toujours  fui 
pied  , c’eft  le  plus  aifé  de  tous  les  ani' 
maux  à tuer  à la  relevée  ; les  autre! 
y viennent  aufll  à certaines  faifons  d< 
l’année  , comme  dans  le  ruth , & faui 
apprendre  à bien  fonner  de  l’appeat 
pour  s’en  fervir  utilement. 

Jamais  le  Sanglier  n’y  vient , il  efl 
trop  défiant,  l’on  fe  peut  fervir  dam 
les  tailles  d’un  an  , auffi  bien  de  h 
filoppe  comme  le  long  des  bois  poui 
la  relevée. 


Le  moyen  de  peupler  un  pais 
aOy féaux  de  riviere. 

QUand  une  terre  eft  fort  Sei- 
gneuriale,  de  grande  étendue 
qu'n  y a des  étangs  , de  grandes  prai- 
ries , de  grands  marais , on  y doit  Faire 
des  canardieres,  & pour  cet  effet,  or 
-doit  faire  venir  des  gens  du  Pais  bai 
pour  les  conftruire , lefqnels  apporteni 
avec  eux  des  Canards  drefles  qui  fe 
nu  fient  parmi  tous  les  autres  fauvage: 

touu 


CHASSEUR.  257 

foute  la  nuit  , & le  matin  ils  revien- 
nent à la  canadiete  ôc  en  emmenent 
^vcc  eux  plufieurs  fàuvages.  Je  ne  dis 
ien  de  la  conftruélion  defdites  canar- 
lieres  , ri  de  la  façon  ôc  maniéré  dont 
j>n  prend  les  Canards  fauvages  qui 
ont  amenés  par  les  privés  , parce  qu'il 
Faut  voir  fnre  les  canardieres  & ap- 
prendre d'eux  toutes  les  rufes  dont  ils 
Fe  fervent  pour  en  prendre  tant  qu'ils 
veulent. 

| Je  ne  dis  rien  auffi  de  la  neceflîté 
l'avoir  des  garennes  Ôç  de  les  bien 
peupler,  car  fans  des  garennieres  ex- 
oreîTes  que  l’on  tient  chez  foy  on  ne 
es  pourroit  pas  rendre  bonnes  ; c'eft 
Pourquoi  il  faut  apprendre  d'eux  rou- 
es les  rufes  dont  ils  fe  fervent  pour 
es  bien  peupler  5c  conferver  des  bêtes 
huantes , c'eft  fans  quoi  on  ne  feroit 
pien  qui  vaille.  c D r ; ; 

Quant  aux  ^pigeonniers,  .pour  les 
fendre  féconds  les  faut  renouveller 
le  fept  ans  en  fept  ans,  parce  que  les 
vieux  Pigeons  dés  qu’ils  ont  eet  âge 
couvent  beaucoup  moins  que  quand 
ils  font  jeunes.  Quand  ib  font  renou- 
ivellés  de  jeunes  Pigeons  qu'on  nourrir 

Y 


ij8  LE  PARFAIT 

en  vollieres  pour  les  remplir,  il  le 
faut  amorcer  & tenir  dans  le  pigeon 
nier  de  petites  bouteilles  d’huile  d 
fpic,  Sc  frotter  à quelques-uns  les  aîle 
de  ladite  huiie  : la  fenteur  de  cett 
huile  fait  que  les  autres  Pigeons  étran 
gers  s y amorcent,  & delïus  lesappied 
il  faut  faire  des  pains  de  farine  d 
bled  farrazin  ou  bucaille,  un  peu  d 
mil  parmi , 8c  les  pétrir  de  faulmure 
il  n’y  a rien  qui  falïe  venir  tant  d 
Pigeons  que  de  les  amorcer  de  ce  paii 
là  , dont  il  faut  garnir  tous  lefdit 
appieds. 

. %■&>  : ' - ■ ••  : ' i'j 

Des  chofes  qui  font  contraires  aux 
Cbaffeurs , & qui  caufent  des 
?naladie$  aux  chiens . 

AS  ç a v o i r , la  pluye,  les  ventSj 
les  tonnerres  8c  l’ait5 corrompu. 
Quant  aux  lignes  de  pluye,  il  y a 
peu  de  Païfans  âgés  qui  n’en  connoif- 
ient  plufieurs  , anffi  bien  que  les  Ber- 
gers les  lignes  des  mauvais  vents , des 
tonnerres  8c  de  l’air  corrompu  : c’ell 
pourquoi  il  les  faut  fouvent  confulter  * 


CHASSEUR.  t5f 

ils  connoiflent  auffi  par  les  couleurs  du 
jCiel  8c  des  nuages,  les  mauvais  temps 
à venir,  la  corruption  de  Pair,  qui  en- 
gendrent des  maladies  generales,  tant 
aux  hommes  qu’aux  chiens  ; & je  ne 
confeillerois  jamais  aux  perfonnes  qui 
demeurent  à la  campagne  de  rendre 
aucun  deplaifir  aux  Pafteurs  8c  aux 
jBergers. 


Des  effets  de  la  Lune , & comme 
il  enfant  obferver  le  cours. 

COmme  l’Aftre  îe  plus  dominant 
fur  les  Chafleurs  & furies  chiens» 
eft  la  Lune  , j’ay  voulu  ajouter  cet  avis 
pour  la  confervation  de  leurs  Meutes, 
afin  qu’ils  puiiTent  éviter  de  les  faigner 
3c  purger  tous  mal  apropos  : voicy 
donc  ce  qui  eft  bon  qu’ils  fçaehent» 

| La  Lune  eftant  en  conjonction  au 
Soleil,  la  faignéeeft  tres-mauvaife  trois 
jours  devant  ôc  trois  jours  après. 

Conjointe  avec  Juppiter,  elle  efttres- 
bonne. 

Etant  en  quadrat  avec  Saturne,  on 
| ne  doit  pas  faigner  un  jour  devant  & un 
I jour  après,  Y ij 


îéo  LE  PARFAIT 

Etant  oppofée  à Saturne  , il  faut 
auffi  îaiiTer  pafler  un  jour  fans  faigner. 

En  Sextile  afpeèi  avec  Saturne  , il 
ne  faut  faigner  qu’un  jour  après. 

En  Venus  fortunée  fans  combuftion 
la  faignée  eft  parfaitement  bonne. 

En  Juppiter  l’on  peut  faigner  fans 
aucun  péril. 

En  Mars  elle  eft  dangereufè  un  jour 
après. 

Etant  en  Mercure  , il  faut  attendre 
un  jour  devant  & un  jour  après. 

Etant  à la  tête  du  Dragon  , il  faut 
attendre  un  jour  devant  & un  jour 
après. 

r Dans  fa  première  quadrature  , il 
j eft  bon  de  faigner  les  jeunes  chiens. 
L Dans  fon  quart  afpeèfc  dernier  , il 
^Left  bon  de  faigner  les  vieux  chiens. 

Toutes  ces  chofes  peuvent  eftre 
connues  par  les  bons  Almanachs  de 
Suiflè  , dont  il  faut  que  les  Chafleurs 
foient  curieux , pour  faigner  apropos 
leurs  chiens  , & pour  les  purger  quand 
il  faudra  * car  il  faut  purgei  après  Ui  fai- 
gnée, tellement  que  l’un  dépend  de  fau- 
tre  , c’eft  à quoi  il  faut  prendre  garde, 
& de  faire,  dis- je,  recherche  des  Alma- 


CHASSEUR.  i6t 

manachs  fideles  , qui  marquent  les 
conjonétions  Sc  afpeéts  des  fufdites 
Etoiles  avec  la  Lune. 


Z es  principales  caufes  de  la  rave 
des  Chiens . 

TOutes  les  trépidations  de  mem- 
bres , Ôc  toutes  les  retracions 
Je  nerfs  , qui  viennent  par  froideur 
pc  humidité  font  fujeces  a la  Lune  : 
tellement  que  le  principe  des  mala- 
dies des  chiens  qui  font  de  grands 
efforts  , principalement  en  Avril  & en 
Septembre  ( comme  il  a efté  dit  par- 
ant de  la  rage  ) font  de  n’eftte  pas 
:e  chauffe  s ôc  delà  des  quand  ils  retour- 
nent de  la  Chaffe,  Ôc  la  rage  de  telle 
bture  quelle  puifle  eftre  , commence 
par  la  trépidation  de  nerfs , puis  après 
>ar  les  indjgeftions , vient  la  perte  de 
appétit  j par  les  trop  frequentes  cu- 
lées viennent  les  chaleurs  des  en- 
jrailles. 

: Par  forge  pourrie  ou  Tentant  mau- 
dis , dont  on  leur  fait  le  pain  > viens: 
e dégouft* 


i6i  LE  PARFAIT 

Par  l’eau  puante  dont  on  le  pétrit 
vient  la  corruption. 

Par  lamauvaife  cuiffonvient  le  cours 
de  ventre. 

Par  l’expofition  du  chenil  auMidy," 
vient  la  fievre. 

Et  par  le  peu  de  foin  du  Maître  ÔC 
des  Valets  vient  la  rage. 

De  tout  ce  que  deflus  les  petites  ma- 
ladies commencent  & infenfiblement 
s’augmentent , ôc  puis  après  fe  conver- 
tirent en  rage  müe,  en  rage  de  glé, 
ôc  puis  après  Pair  du  chenil  Pinfeèke, 
&c  la  grande  rage  s’y  met , tellement 
qu’on  ne  s’en  apperçoit  point  que  tard, 
Â'iors  qu’il  n’y  a plus  de  remede,  ôc 
tout  cela  par  fa  négligence. 

J’ay  eü  trente  ans  des  chiens,  je  n*ay 
cependant  eü  aucunes  maladies  de 
rage  , parce  que  les  chenils  étoient 
propres  comme  des  chambres  avec  de 
bonnes  cheminées  , ôc  leurs  expofî- 
tions  étoient  au  Soleil  levant  , SC 
quand  j’avois  quelque  chien  trifte  ou 
mélancolique , on  le  mettoit  hors  du 
chenil , libre  dans  la  cuifine , ôc  quand 
il  y en  avoir  de  malade  on  lespenfoit 
avec  le  même  foin  que  d’un  Valet" 


CHASSEUR.  2(5} 

quand  on  en  fera  de  même  , on  ne 
tombera  point  dans  des  pertes  de 
chiens  irrémédiables , car  en  quatre 
ans  une  Meute  ne  peut  pas  eftre  réta- 
blie quand  la  rage  y a paffé. 

Il  faut  aerier  les  chenils  de  boisodo- 
riferans  , & les  réchauffer  comme 
peftiferés. 


Continuation  de  la  maladie  des 
Chiens  , & comme  il  les  faut 
j fe parer  étans  malades , pour  y re- 
médier. 

IL  faut  dans  les  baffes  courts  faire 
de  petits  appentils  expofés  au  Le- 
vant , tenant  plus  du  Nord  que  du 
Midy  , 6e  y faire  des  feparations  pour 
y mettre  des  chiens  feu! s , ou  foit  des 
lices  quand  elles  portent,  ou  foit  chiens 
baigres  qu’on  veut  remettre  a foit 
balades. 

Ils  feront  conftruits  les  plus  longs 
qu’on  pourra,  afin  qu’on  en  mette  da- 
vantage , ou  mè  ne  en  faire  de  feparés 
?n  pîufieurs  lieux  : quand  il  arrive 


*64  LE  PARFAIT 

quelque  chien  malade  , on  le  fepare  l 
fur  tout  quand  il  a regard  morne  ou 
trifte  % ôc  qu’on  y remarque  la  moidre 
trépidation  de  nerfs  & de  veines,  c’eft 
une  marque  qu’ils  ont  la  fievre  ; ce 
que  beaucoup  de  Chafleurs  ignorent, 
ôc  je  puis  atfeurer  qu’il  n’y  a point 
d’animal  qui  foit  plus  fujet  à la  fievre 
que  le  chien , ôc  particulièrement  ceux 
qui  font  les  plus  vifs  ôc  les  plus  vigou- 
reux , comme  les  lévriers , les  bracs , ÔC 
Ôc  les  chiens  courans  de  tête  j tres- 
peu  de  Chafleurs  fe  fervent  de  la  fai- 
gnée  , ôc  ils  ne  fçavent  pas  même  les 
feigner  des  veines  qu’il  faut  : cela  ne 
fe  peut  apprendre  que  par  expérience  , 
Ôc  ne  fe  peut  enfeigner  par  écrit. 

Qu’ils  fçachent  pourtant  qu’une  fai- 
gnée  peut  garentir  un  chien  de  la  rage 
quand  elle  eft  faiteapropos  * parce  que 
la  rage  n’eft  antre  choie  qu’un  tranf- 
port  au  cerveau  qui  rend  le  chien  fol 
comme  les  hommes.  Et  fi  l’on  peut 
empefcher  ce  tranfport  par  des  iai- 
gnées  reïterées  , ôc  par  des  remedes 
artraélîfs,  & par  des  purgations  pro- 
pres à purger  le  cerveau,  Ton  guérit 
ie  chien  malade. 


Et 


CHASSEü  R.  i6s 

Et  pour  faire  voir  la  vérité  de  ce  que 
j«  dis  , il  ne  faut  que  remarquer  des 
années  aufquelles  il  régné  des  fïevres 
chaudes  aux  hommes  qui  fe  gagnent , 
& des  flux  de  ventre,  & beaucoup 
d’autres  maladies  qui  fe  communi- 
quent par  la  fréquentation.  Il  en  eft 
de  même  aux  chiens  qui  ont  coutume 
ide  demeurer  enfemble.  C’eft  pourquoi 
on  commence  pat  les  feparer  , & 
quand  l’on  fait  cela , on  n’uie  point 
de  remede  qu’il  faut  pour  empefcher 
le  tranfport  au  cerveau  , ni  cette  com- 
munication de  mal  , qui  fait  que  les 
chiens  meurent  tout  fondain. 

I Que  fait  l’eau  de  la  Mer  quand  on 
y mène  les  chiens  & qu’on  les 
baigne  , parce  qu’elle  eft  extrernément 
falée  ? elle  referre  les  humeurs  & les 
deflèiche,  mais  elle  n’ôce  point  la  caufè 
qui  refte  encore  aifés  fouvent  & afles 
iforte  pour  continuer  le  mal  , & ache- 
ver de  tout  perdre  : il  faudroit  recom- 
mencer plufieurs  fois.  Le  meilleur  re- 
mede donc,  eft  de  s’attacher  à ôter 
la  caufe  du  mal  qui  eft  une  inflam- 
mation d’entradles  qui  ne  cherche  qu’à 
gagner  ie  haut , lequel  mal  fe  doit 

Z 

il;:  ' 


xa  iE  PARFAIT 

premièrement  traiter  par  faignée  , par 
rafraifcbi  lié  mens  , & fur  tout  d’éviter 
les  purgations  chaudes  & violentes, 
comrnt  fait  l’helltboreque  beaucoup  de 
Cha  fleurs  donnent  à leurs  chiens  : il 
faut  fi«  tout  garantir  le  cœur  par  l’Or- 
vktan  , la  Theriaque  de  Venife,  ou 
pt  des  breuvages  cordiaux  , car  fi  le 
unal  gagne  le  cœur  ou  le  cerveau,  il  eft 
tres-diffiale  à guérir  & fouvent  fans 

lemede.  > , 

Pom  peu  d’affiftance  qu  on  donne  a 
un  chien  qui  eft  très- forte  & très- vi- 
goureuse x un  en  vient  à bout  ^ il  y a 
de  petits  remedcsdans  le  Médecin  cha- 
ritable, dont  un  Cha fleur  cutieux  doit 
avoir  un  , avec  des  purgatifs  qui  font 
très-bons,  dont  on  fepcut  fervir  en  dou- 
blant les  dofes  félon  la  force  du  chien, 
Sc  félon  le  mal  dont  il  eft  attaque, 
qui  garentiront  une  Meute  de  tout  mal 
general  , quand  ils  font  employés 
promptement  & fans  attendre  trop 
tard  , mais  fur  tout  j’ay  remarqué  que 
le  fe né  eft  un  finguüer  purgatif  pour  la 
nature  du  chien  : Si  bien  qu  au  lieu 
de  fiouphre,  comme  l’on  met  dans  des 
bouillons  de  tête  de  moutons , parce 


CHASSEUR.  lêy 

que  îe  mouton  eft  chaud  , il  le  faut 
faire  de  tête  de  veau  , 8c  y mettre  du 
fené  à proportion  , félon  la  quantité 
des  chiens  qu’on  veut  purger  ; mais 
fur  tout,  il  faut  avoir  commencé  par  la 
ifaigrée  , puis  après  purger.  P«ur  la 
faignée  vous  avés  les  regards  de  la 
Lune  qui  vous  marquent  quand  il  fait 
bon  faigner  ; il  ne  relie  rien  après 
qu’à  faire  la  purgation  , & la  reïtcrer 
s’il  en  eft  befoin  , 8c  faut  fur  toutcon- 
'fiderer  l’état  de  la  Lune  , parce  qu’elle 
domine  entièrement  fur  les  chiens. 


I Continuation  des  maladies  des 
chiens  , & d^oà  véritablement 
| elles  procèdent  , & leur  caufe 
\ frincipalc  qui  donne  les  moyens 
\ de  les  quérir. 

LE  s frequentes  curées  aux  chiens 
courans  , principalement  quand 
elles  font  amples  , donnent  des  cha- 
leurs d’entrailles,  8c  caufent  des  cours 
de  ventre  à toute  la  Meute  : elles  font 
jmême  avorter  les  lices. 

Z ij 


xGÎ  LE  PARFAIT 

Elles  rendent  malades  tous  chiens 
varaces  & gourmands  , & la  rage  ne 
procédé  que  des  efforts  que  font  les 
chiens , pour  les  raifons  qui  fuivent. 

Toutes  les  Meutes  où  Ton  fouffre 
des  chiens  de  tête  trop  villes,  foit  pour 
fauves  , foit  pour  lievres  , fe  ruinent, 
& la  plufpart  des  chiens  font  gaftés 
par  les  grands  efforts  qtfils  font  pour 
fuivre  les  premiers  , dont  il  arrive 
prefque  toujours  que  plufieurs  s’é- 
truffènt  , fe  butent  , & deviennent 
maigres  , & l’on  peut  dire  que  dans 
trois  mois  c’eft  une  Meute  ruinée  fi  la 
rage  s’y  met,  ou  des  maladies  cjonç 
les  chiens  ne  reviennent  point, 

L’eftruffure  eft  un  mal  qui  vient  aux 
cuilfes,  dont  Tunefe  feiche  & ne  prend 
plus  nourriture , parce  que  le  nerf  a 
efté  foulé  par  quelque  effort , ou  pour 
avoir  palfé  quelque  lieu  fort  étroit  qui 
Ta  trop  ferré. 

La  butture  eft  quand  la  jointure  au 
deffus  du  pied  groffit  de  telle  forte 
qu’il  lui  tombe  des  glaires  qui  le  ren- 
dent boiteux.  Cela  peut  auffi  arriver 
par  quelque  pointute  d'épine  , à quoi 
il  faut  prendre  garde,  & la  re  rer 


CHASSEUR. 

âvant  que  cela  s’apoftume. 

L’efpointtire  eft  quand  l’os  de  là 
hanche  qui  fort  au  deffus  du  rable  a 
receu quelque  effort  où  quelque  heurt, 
enforte  qu’il  eft  plus  bas  que  l’autre. 
Quand  cela  arrive,  le  chien  eft  telle- 
ment affaibli  qu’il  ne  peut  plus  fervif. 

Tous  les  Chaffeurs  fe  piquent  d’a- 
voir des  chiens  de  tête , & d’en  faire 
un  cas  très  particulier  : cependant  tou- 
tes les  ruines  des  Meutes  , toutes  les 
maladies  des  chiens , toutes  leurs  ja - 
loufies  qui  les  obligent  à devenir  vi* 
lieux  & barreurs,  ne  dépendent  que 
d’affe&er  des  chiens  plus  viftes,  &tou$ 
les  defordres,  foit  par  maladies,  indif- 
pofitioris , maigreurs , manque  de  man- 
ger , d’ou  vient  & s’enfuit  la  galle , & 
tout  le  refte  ne  procédé  que  de  ce  dé- 
faut. 

Tous  les  bons  chiens  perdant  Iâ 
créance  qu’ils  avoient  l’un  à l’autre  ne 
fongent plus  que  de  gagner  la  tête,  ou 
d’employer  tout  ce  qu’ils  ont  de  force 
pour  accompagner  les  plus  viftes  ; 
tellement  qu*il  n’y  a plus  de  r’alliment, 
ôc  s’il  leur  furvient  quelque  défaut , 
ou  quelque  autre  difficulté  , les  chiens 
Z iij 


ijo  LE  PARFAIT 

qui  fe  font  efforcés  de  fuivre  n’ont 
plus  de  vigueur  pour  les  demefler  , & 
fou  vent  il  arrive  qu’on  eft  trop  long- 
temps à redrelïèr  les  voyes  jufqu’à  ce 
que  les  meilleurs  chiens  de  change  ou 
autres  ayent  repris  haleine  ou  un  peu 
de  vigueur  pour  faireles  diligences  ne- 
ce flaires  en  ce  rencontre. 

Déplus  le  temps  que  l’on  employé  à 
cela  donne  loifir  à une  bête  de  renou-. 
veller  fes  rufes  & à fe  forlonger , fi 
bien  que  la  plufpart  des  bêtes  que  l'on 
manque  ne  fe  fauve  que  pour  les  pout 
fer  trop  vifte  dans  l’abord  de  la  chafle, 
ce  qui  les  oblige  à faire  de  grandes 
fuites  , & tous  les  chiens  de  médiocre 
force  font  crevés  & mis  hors  d’état  de 
pareil  aller. 

Tout  ce  mal  arrive  feulement  pour 
un  chien  ou  deux  qu’on  eftime  par  leur 
yiteflè  , qui  ne  fert  qu’à  gafter  tous 
les  autres  ; au  lieu  que  fi  tous  étoient 
de  même  force,  la  Chafle  fe  feroit  par 
un  branle  continu  , crians  tous  égale- 
ment & beaucoup  mieux  ( car  un  chien 
ne  peut  pas  mettre  fa  force  à crier  & 
poufler  la  voye  ; il  faut  neceflairement 
que  l’un  empefehe  l’autre  ) enforte  que 


CHASSEUR-  tjz 

la  bête  chaflee  n’entreprendroit  pas 
de  fi  longues  fuites  n’étant  pas  pref- 
fée  ; 8c  les  Picqueurs  ni  les  chevaux 
ni  les  chiens  ne  fouflfaroient  au* 
cuns  dommages  qui  les  perdent  8e 
qui  les  ruinent , 8c  c’eft  icy  la  fource 
de  tous  les  mal  heurs  qui  peuvent  ara* 
aune  M ute,  car  delà  feul  viennent 
toutes  les  incommodités  , maladies, 
& enfin  la  rage  : qu’on  y prenne  donc 
garde  fi  l'on  veut  très  fort  * parce  que 
véritablement  c’eft  la  perte  de  tous  les 
chiens  & des  équipages. 

Les  mpyens  donc  de  guérir  les  ma- 
ladies particulières  8c  generales  qui  ar- 
rivent aux  équipages  J c’eft  première- 
ment de  couper  la  racine  aux  caufes 
qui  les  font  naître  , ce  qui  fe  fait  en 
tranchant  fans  aucune  confideration  les 
chiens  viftes  qui  ruinent  les  autres  , 
ou  du  moins  s’ils  font  exrraordirjaire- 
ment  bons  , leur  donnant  des  plates 
longues  ou  bricoles  qui  les  a rr  récent  , 
car  pour  leur  pendre  du  plomb  au  col, 
cela  ne  manque  jamais  de  les  butter  on 
eftraffk , 8c  puis  après  en  confervant 
très  foigneufement  les  chiens  du  corps 
de  la  Meute,  qu’on  void  toujours  éga- 
Z iiij 


LE  PARFAIT 

lement  fermas  dans  les  voyes  qu’ils 
tiennent  également,  ce  font  de  ces 
chiens  là  dont  il  faut  faire  très- grand 
cas,  8c  non  de  ceux  qui  font  ambitieux, 
& qui  s’efforcent  8c  s’écartent  , foit 
pour  prendre  la  têce  , foit  pour  re- 
gagner le  devant  quand  ils  font  recu- 
lés par  quelque  retour. 

L’eftrufFure  fe  guérit  par  le  repos  & 
par  des  cataplâmes  conforratifs,  8c  par 
des  blaflemens  de  rres- bonnes  herbes, 
comme  auffi  par  la  graifle  deblereau, 
de  cheval,  & par  des  huiles  chaudes, 
particulièrement  de  l’huile  de  mil-per- 
tuis  & de  rofat , & à force  de  fomen- 
tations, puis  après  il  faut  toujours  te- 
nir la  parrie  fort  graffe  de  Populeum 
& d'onguent  rofat. 

La  butture  fe  guérit,  fi  l’on  n’attend 
pas  que  les  glaires  y tombent  * c’eft  à 
dire  que  d'abord  que  l’on  void  quel- 
que grolfeur  au  genoüil  d'un  chien,  il 
faut  fomenter  cette  partie , 8c  y met- 
tre des  onguents  refolutifs , en  forti- 
fiant les  nerfs  comme  le  Populeum  8c 
l’huile  de  mil-pertuis.  Que  fi  l’on  at- 
tend un  peu  trop  trad , la  butture  fe 
rend  incurable. 


CHASSEUR.  ijy 

Quant  à Tefpointure , comme  Tos 
|de  la  hanche  a receu  quelque  notable 
contufion  , & que  c’eft  le  derrière  qui 
pouffe  le  devant , elle  eft  prefque  in- 
curable auffi  bien  que  celle  de  Talion- 
igeure  -,  quand  le  nerf  de  quelque 
jdoigt  du  pied  eft  atteint  de  coupure  % 
cela  eft  fans  remede. 

Les  ongles  qui  fe  perdent  ou  par  la 
gelée  ou  par  la  feichereffe  font  bien 
long-temps  à revenir  * c’eft  pourquoi 
'il  ne  faut  point  courir  quand  il  gele* 
ou  quand  il  fait  une  extrême  feiche- 
jreffe,  cela  fe  guérit  très  lentement,  te- 
nant toujours  le  lieu  de  Tongle  gras 
d’huile  de  mil-pertuis  , & par  le  re- 
pos. 


*74  LE  PARFAIT 


Comme  on  guérit  la  <gd.lle , dartres 
& le  rouvieu  aux  chiens . 

LA  galle  ne  provient  que  de  deux 
caufes  , Tune  par  trop  de  graille 
& de  fang  ; I autre  par  trop  de  mai- 
greur & de  pauvreté.  Ellefe  peutaudi 
communiquer  parfaîleté  du  chenil,  ÔC 
parla  communication  trop  grande  des 
chiens  qui  couchent  pelle-mefle,  ou 
dans  des  cendres,  eu  dans  les  étables 
aux  cochons. 

Quant  à la  première  elle  fe  guérit 
facilement , car  il  ne  faut  que  faire 
jeûner  le  chien  , IcTaigner,  le  purger 
ôc  le  grailler  : la  fécondé  eft  plus  d ffi- 
cile  principalement  aux  vieux  chiens  * 
parce  que  Pon  peut  tres-difficilement 
les  remettre encorps  • ôc  quand  la  galle 
eft  ir  vererée,  elle  le  rend  ii, curable 
aux  vieux  chiens. 

Pour  la  guérir  , premièrement  i!  faut 
nourrir  le  chien  de  fonpe  grade,  & -tâ- 
cher de  le  remettre  en  corps  , & Quand 
il  commence  à amender  ; il  faut  le 
faigner  deux  ou  trois  fois  pour  le  ra- 


CHASSEUR.  , 175 

jfraifchir  8d  le  purger  , puis  après  il  le 
faut  grailler  d huile  de  chenevis,  avec 
dufel,  du  touffe e*  batu  8c  un  peu  de  fal- 
jpeftre,  le  tout  réduit  en  poufliere  : fi  le 
chien  n’a  que  peu  de  galle,  l'huile  feule 
le  guérit  ; mais  pour  n’v  pas  retour- 
ner, il  la  faut  faire  a fies  forte  : toute 
antre  drt  gue  comme  le  tabac  , hellé- 
bore, la  platte  de  frefne  & autres  ville- 
nies  font  tomber  le  poil , 8c  même 

[>euvent  faire  mourir  le  chien  : mais 
"huile  de  ehenevis  comme  il  eft  dit  3 
radoucit  la  peau , Ôc  ne  fait  point  tom- 
ber le  poil  : la  grande  finefie  eft  au 
grailler  : car  fi  on  ne  le  graille  que  le- 
gerement,  il  y faut  retourner  ; c’eft 
pourquoi  il  faut  premièrement  bou- 
chonner le  chien  tant  qu’il  fait  tout 
rouge , puis  après  il  ne  faut  pas  plain- 
dre fa  peine  de  le  graifier  devant  un 
grand  feu  pour  faire  bien  reboire  la 
Igraifie,  8c  puis  quand  il  eft  bien  rebu, 
jilfaut  choifir  un  jour  quand  il  fait  beau 
iSoleil  8c  le  mettre  à l’air  ; quand  cela 
jeft  bien  fait  l’on  n’en  manque  point. 
Dés  auffi-tôt  donc  qu’on  void  quel- 
que chien  qui  rougit  & fe  galle,  il  le 
faut  graifier  promptement.  Il  y a des 


176  LE  PARFAIT 

parefleux  qui  attendent  à grailler  leufs 
chiens  au  mois  de  Mars  , cela  ne  vailî 
rien  , car  le  mal  fe  vieillit  8c  devient 
d’autant  pltis  difficile  à guérir. 

Quant  aux  dartres  qui  viennent  ai$ 
chiens,  foit  pour  avoir  touché  du  ve- 
nin , ou  pour  avoir  été  piqué  de  quel 
que  bête  veneneufe  en  chaffant , il  le 
faut  guérir  par  des  drogues  chimiques, 
comme  du  fel  de  tartre.*  dufel  armoniac 
ou  des  dilîblvons  , dont  le  moindre 
Chimique  donnera  la  connoiflance,  en 
ayant  abondance* 

La  Chatfede  TArquebufeeft  fi  com- 
mune en  Europe  , 8c  pratiquée  pat 
tant  de  fortes  de  perfonnes,que  je  n’en 
diray  rien  pour  deux  raifons  $ la  pre- 
mière, parce  que  l’ordonnance  des 
Loys  la  défend  aux  ignobles,  & qu’il 
n’y  a rien  de  plus  défendu  en  France 
que  le  port  des  armes , 8c  fi  cette  dé- 
fenfe  étoit  étroitement  obfervée  par 
tout,  comme  elle  e fl:  dans  les^plaifirs 
des  Roys  8c  des  Princes  , l’abondance 
de  toutes  fortes  de  gibier  fe  manifefte- 
roit  par  tout  , comme  en  Allemagne, 
au  lieu  que  la  fteriüté  s’y  rencontre. 

La  fécondé  9 c’eft  que  les  Bourgeois 


CHASSEUR.  i77 

^ Païfans  aufquels  il  elt  défendu  de 
jhalfer  & porter  des  armes,  fe  ren- 
roient  plus  hardis  à contrevenir  aux 
éfenfes  qui  leur  en  font  faites,  fil’on 
bettoit  en  évidence  toutes  les  Chaflès 
ui  fe  peuvent  executer  par  elle  ; il 
aut  donç  mieux  s’en  taire  que  d’en 
rop  parler  , ce  qui  ne  ferviroit  que 
|e  véhiculé  pour  porter  les  efprits  à ce 
lu’ils  n aiment  que  trop. 

Tous  les  narrés  des  ChalTes  qui  fe 
pnt  en  toutes  les  parties  du  Monde, 
f Sui  font  cy- après  , font  plus  pour 
pjoüir  le  Leébeur  que  pour  Tinftruire. 
’ay  feulement  voulu  mettre  à la  fin  de 
î Livre  les  plus  importantes , non  feu- 
lent , parce  qu'elles  font  perilleufes, 
: qu'il  n’y  va  rien  moins  que  de  la’ 
[e  des  hommes  , pour  les  avertir  de 
■ donner  de  garde  des  inconveniens 
pi  leur  pourraient  arriver,  princi- 
jilement  aux  Européens  s’ils  fe  ren» 
pntroient  dans  ces  lieux  où  le  dan- 
;r  de  mort  eft  éminent  à tous  les  mo- 
ens  de  la  vie.  Et  comme  j’ay  entre* 

| is  de  parler  de  toutes  les  ChalTes  du 
onde  , & de  toutes  les  Nations  qui 

js  pratiquent , je  n’ay  pas  pu  m’em- 


a7S  LE  PARFAIT 

pefcher  d’en  dire  ce  que  j’en  ay  aprh 
par  les  relations  verbales  , & par  les 
Hsftoires  véritables  qui  m’en  ont  été 
faites.  S'il  y en  avoit  pat  hazard  quel- 
qu’une  obmife,  ce  n’eft  pas  manque 
de  diligence  & d’exa&nude  que  j’ay 
employée  pour  les  rechercher. 


! 


CHASSEVR.  119 

En  cetce  Partie  font  contenues 
toutes  les  C ha  fies  des  Indiens, 
Afiatiques,  Africains,  païs  des 
Noirs  , Américains  Méridio- 
naux 6c  Septentrionaux , tant 

j Roys^  Princes,  Grands  Sei. 

1 gneurs, que  Particuliers, avec 
la  maniéré  dont  ils  viennent  à 
bout  de  la  férocité  des  bêtes 
cruelles , donc  leurs  Païs  fonc 

I remplis,  6c  comme  ils  s’encre- 
font  la  guerre. 

CHAPITRE  I. 


'Z>e  la  Chaffe  des  animaux  cruels  dans 
\ les  montagnes  & dans  les  deferts 
d Stffrique  d A fie  & autres  lieux. 


ï$o  LE  PARFAIT 

quent  tout  , foit  Lions  , Tygres,  Léo- 
pards , Panthères  & autres , ainfi  qu’il 
, fera  dit , parlant  de  l’ordre  que  tien- 
nent les  differentes  Nations  qui  font 
ordinairement  adonnés  à ces  Çhaffes  , 
autant  & plus  par  contrainte  &neceffi- 
té  que  par  divertiffement  , parce  qu’il 
arrive  en  certaines  années  par  l’irra- 
diation de  certaines  influences  exci- 
tant une  chaleur  extrême  qui  fait  que 
la  rage  fe  met  dans  ces  animaux  féro- 
ces dans  les  hautes  laifons  qui  les  font 
aflèmbler  , & mettre  en  troupe  pour 
courir  fus  aux  hommes , attaquer  les 
bourgades  Sc  les  dépeuples. 


Des  Chajfes  de  l'Afrique. 

LEs  Affiquains  chaffent  en  plu- 
fieurs  maniérés  felon  la  diverfite 
des  pais  où  ils  fe  rencontrent  felon  les 
Jieux  qu’ils  habitent  : car  ü y a des 
montagnes  couvertes  de  forêts  , des 
plaines  de  fables,  des  coraux,  des 
lieux  aquatiques  , & peu  de  pais  ou- 
verts. C’eft  la  terre  des  monftres. 

Il  faut  fçavoir  premièrement  que  ja- 
mais 


CHASSEUR. 

j mais  Chatfeur  ne  Va  feul  à la  chaffe 
en  toute  l’Affrique,  & que  s’ils  ne 
font  plufieurs  en  troupe  fort  ferrés  fans 
s’écarter  , fl  en  retourne  peu  àlamaî- 
| fon  , parce  qu’à  tous  momens  ils  font 
rencontre  de  très  cruels  animaux  qu’ils 
! attaquent,  Voicy  donc  leur  ordre. 

Des  communautés  toutes  entières 
s’attroupent , & portent  toutes  fortes 
d’armes  ofEnfives,  fpecialement  des 
! fi  imbeaux  faits  en  torches,  au  bout 
defquels  ils  attachent  des  godions  8c 
des  matières  combuftibles  qu’ils  allu- 
ment quand  ils  vont  au  combat.  Ifs 
marchenr^n  ordre  aux  lieux  ou  ils  fça- 
vent  que  fe  retirent  les  Lyons,  les 
iTygres,  Jes  Léopards  , & autres  ac- 
compagnés de  forces  chiens  tous  fiers,, 
hardis  cruels,  & y étant  arrivés  ils  font 
un  bruit  médiocre  au  commencement, 
les  plus  difpos  8c  les  plus  forts  fe  fepa- 
irent  par  pelotons  de  la  groffe  troupe  de 
quelque  petite  diftance  comme  de  cin- 
quante pas.  Au  moindre  bruit , ces 
|anim aux  fartent  fur  eux  qui  ne  voyent 
Pas  grande  troup  , 8c  attaquent  les 
premiers  qu  ils  rencontrent  , les  autres 
|îes  fecourent  en  flanc  avec  des  chiens* 

Àa 


*8*  LE  PARFAIT 

tellement  qu’à  me  fuie  qu’il  fort  des 
animaux  du  fort  pour  venir  attaquer 
des  hommes  , d’autres  hommes  fe  dé- 
tachent pour  les  fecourir  avec  d’autres 
chiens  , de  maniéré  qu’il  s’excite  un 
combat  le  plus  terrible  qu’on  puiiïe 
dire , & qui  donne  de  l’horreur  à tous 
les  Chaflèurs  qui  fe  tiennent  ferme  & 
ferrés  fans  s’ouvrir  , & tuent  conti- 
nuellement foit  Lyons  * foit  Léo- 
pards, foit  Tygres  & tout  ce  qui  fe 
prefente  devant  eux.  Ces  Chalfes  ne 
fe  peuvent  faire  qne  par  les  naturels 
du  païs,  parce  qu’il  faut  avoir  la  dif* 
pofition  , la  force  & la  haine  , & le 
defir  de  vengeance  qu’ont  ces  peuples 
contre  ces  animaux  cruels  qui  les  tien- 
nent tellement  en  crainte  dans  de  cer- 
tains cantons  , comme  en  la  Mon- 
tagne de  Ferre- lionne  fîtuée  le  long 
de  l’Occean  du  côté  des  Canaries,  que 
dans  les  faifons  chaudes  de  l’année  ils 
n’oferoient  fortir  de  leurs  habitations 
que  bien  accompagnés  Dans  les  lieux 
où  ils  font  accoutumés  d’eftre  attaqués 
de  ces  bêtes  feroces  ils  chaffent  de 
maniéré. 

Les  puilîànces  fouveraines  qui  do- 


CHASSEUR.  2S5 

minent  ces  peuples  , fe  joignent  fou- 
vent  pour  faire  ces  Chafes  generales, 
afin  de  prévenir  les  maux  qui  travail- 
lent ordinairement  leurs  fujets. 

Dans  les  faifons  ardantes  qui  cau- 
sent des  fievres  & la  rage  à ces  cruels 
[animaux , ils  font  les  mêmes  prépara- 
tifs de  guerre  que  s’ils  vouloient  don- 
ner des  batailles  , lefquelies  en  effet 
font  autant  & plus  cruelles  que  celles 
des  hommes. 

Tous  les  Africains  font  naturelle- 
ment grands  ChafTeurs  & grande  di- 
jVerfité  de  gibier.  Nous  parlerons  de 
toutes  dans  leur  ordre  félon  les  païs 
couverts  ou  découverts  , comme  les 
plaines  fertiles  foit  infertiles , ou  les 
païs  fablonneux , marefcageux  & pleins 
jde  côtaux. 

Les  grands  Seigneurs  Africains 
laimenttous  la  Fauconnerie  & TAutou- 
rerie  , parce  qu’ils  ont  les  meilleurs 
Oyfeaux  du  monde  de  le  plus  facile- 
ment, puis  que  leurs  païs  les  produit  : 
jainfiils  chaff  nt  dans  les  païs  couverts 
jde  brandes  avec  leurs  Autours,  de  dans 
îles  païs  ouverts  avec  leurs  Oyfeaux  de 
’heurre  j Et  pour  leurs  plaifirs  iis  ont 
A a i) 


284  LE  PARFAIT 

très  grande  quantité  de  menu  gibier, 
parce  qu’il  n’y  a qu’eux  qui  chaflent 
dans  les  lieux  qu’ils  confervent.  Leurs 
Oyfeaux  font  fujets  d’eftre  pris  de 
l’Aigle- Faucon  qui  fond  fur  eux  d’une 
!ï  grande  vite  (Te,  qu’ils  ne  peuvent  évi- 
ter d’en  eftre  choqués  ou  liés  , c’eft 
pourquoy  les  Fauconniers  les  tiennent 
fermes  quand  ils  voyent  l’Aigle  qui 
elt  frequent  en  ces  païs , où  il  y en  a 
de  cinq  fortes  , 8c  quantité  de  fort 
grands  Oyfeaux  : même  il  y paroît 
de  grands  Vautours , defquels  plu  (leurs 
ont  la  force  d’emporter  un  mouton  ou 
une  chevre  , à ce  que  m’ont  raporté 
quantité  de  Portugais  qui  ont  des  ha- 
bitations en  Affvique.  On  en  void 
quelques-uns  à Verfailles  très  rares  de 
toutes  les  parties  du  monde. 

Dans  les  grandes  plaines  de  fable 
qui  font  infertiles  , hormis  de  quel- 
ques taloppes  de  bois  8c  brouflailles, 
les  plus  grands  Seigneurs  prennent 
leurs  plaifirs  à la  chï(Te  des  Autru- 
ches qu’ils  prennent  à la  courfe  avec 
des  chevaux  qu’ils  ont,  qui  font  les 
plus  vides  du  monde.  Elles  font  tou- 
fours  en  troupe  , & tâchent  toûfours 


CHASSEUR.  285 

de  regagner  les  montagnes  quand  elles 
font  pourfuivies  , mais  les  Lévriers 
Qu’ils  lâchent  après  les  en  empefchent 
& les  arrêtent  un  peu , tant  qu'ils  les 
joignent  à la  courfe  8c  les  prennent» 
ïl  yen  a toujours  quelques-unes  qui 
gagnent  le  fort  , mais  celles  qui  de- 
meurent prifesavec  des  fourches  faites 
pxprés  qui  leur  accrochent  le  col,  font 
Amenées  vives.  Celles  qui  fe  défen- 
lent  fort  fe  font  tuer  ; ils  leur  ôtent 
outes  leurs  plumes  qui  fe  vendent 
rherement  aux  Marchands  qui  vont 
pafiquer. 

Il  y en  a de  grifes , de  blanches  8c 
[e  noires , & de  méfiées.  Les  femelles 
ont  prefque  toutes  méfiées  de  gris* 
oir  8c  blanc.  Les  mâles  font  blancs 
|u  noirs  , & font  beaucoup  plus  édi- 
tés parmi  eux  que  tous  autres  , parce 
juelesfoyes  de  leurs  plumes  font  plus 
|nes,  que  leurs  plumes  font  plus  lar- 
ps  8c  mieux  fournies,  8c  que  les  bouts 
h font  plus  touffus.  Audi  les  Chaf- 
urs  efTayent  toûjours  de  les  prendre 
lus  que  tous  les  autres  9 mais  elles 
mt  audi  toûjours  les  plus  vides,  & 

■s  plus  fortes  quand  elles  font  plus 


LE  PARFAIT 

âgees.  Mais  il  faut  fçavoir  que  ces 
Chartes  rie  fe  font  qu  après  la  mue  de 
ces  Oyfeaux  , & que  leur  plumage  eft 
tout  iec,  fk  n’ont  garde  de  les  charter 
quand  leur  plumage  eft  encore  en  fang, 
parce  que  la  plume  ne  vaudroit  rien, 
Quand  le  temps  eft  arrivé  que  les  Au- 
truches font  en  état  d’eftre  pouflees , 
il  n’y  a point  de  ]our  que  les  plaines 
où  elles  font  ne  foient  vifitées  de  tous 
les  Seigneurs  du  païs  par  parties  faites. 

Les  Aff  icains  feuls  peuvent  charter 
& prendre  les  Autruches 3 parce  qu'il 
n5y  a qu’eux  au  monde  qui  puiftent 
pouffer  leurs  chevaux  de  la  viteffe 
qu'ils  font , fe  tenant  achevai  comme 
des  Singes  , & nul  homme  ne  peut 
pouffer  leur  barbe  de  leur  viteffe  fans 
perdre  le  vent  ; c’eft  pourquoy  à eux 
feuls  cette  Charte  eft  refervée  > car  ils 
fe  tiennent  en  feîle  comme  s’ils  y 
étoient  collés.  Et  les  Autruches  fe 
voyant  preffées  font  à la  faveur  de 
leurs  ares  des  détours  fibrufques,  qu  ils 
obligent  les  Chaftèurs  à tourner  fi 
court,  & à faire  des  contretemps  fi 
violens,  que  nu!  ne  lespouroit  îoiiffrir 
qu’eux  fans  eftre  porté  par  terre  & 


CHASSEUR.  187 

juis  hors  de  combat. 

| Ils  ont  entr’aimes  de  grands  Barbes 
iiarpés comme  Lévriers  qui  courentde 
î grande  viteffe , qiwls  vont  requérir 
ies  maies  des  Aucruches  qui  fe  déta- 
chent devant  les  autres  pour  gagner  le 
Fort  , & les  tournent  fi  bien  qu'ils  les 
trrêrent  5c  en  viennent  à bout , les 
:hevaux  qui  ont  cette  vitefle  extraor- 
dinaire font  eftimés  entr’eux  d’un  fi 
îrand  prix  , qu’ils  font  vendus  jufqu’à 
la  Tomme  de  dix  mille  livres , ils  les 
îourriflent  à part , & ne  leur  donnent 
|ien  que  certains  grains  5c  de  la  pâtée, 
nais  fort  peu  : auffi  ne  font  ils  jamais 
?ras , mais  feulement  en  chair  : ce  qui 
S.ide  à la  grande  vitcife  de  ces  Barbes, 
:’eft  que  les  Africains  font  petits  5c  fi 
egers  qu’ils  ne  pefent  prefqne  rien  fur 
burs  chevaux,  5c  ne  les  chargent  ni  de 
;rofies  Telles  ni  de  brides  comme  les 
j titres  nations.  Ils  n’ont  que  de  petites 
[ouvertures  avec  quatre  petites  fangles 
\ adhérantes  & coufuës , & de  petits 
triers  attaches  à un  petit  po  mro  eau 
|ait  exprès  qui  les  foûtient,  comme  on 
ait  aux  chevaux  de  maneige  en  Fran- 
|e,  & de  très  petites  brides  , 5c  un 


iS8  LE  PARFAIT 

petit  poitral  pour  empefcher  que  là 
couverture  ne  coule  , le  tout  fait  en 
Martingaile  pour  tenir  les  fangles  , car 
leurs  chevaux  n’ont  point  de  ventre. 
Quand  le  Barbe  eft  fanglé*  non  point 
par  excès,  il  court  fous  rhomme  com- 
me s’il  étoit  en  liberté  & fans  porter 
perfonne  ; ils  ne  font  point  ferrés  , 
rien  ne  les  charge  5c  ne  les  incommode 
pour  s’étendre  de  toutes  leurs  forces. 
L’air  de  ces  plaines  eft  fi  pur  , que  le 
Cavalier  court  rafé  contre  le  cheval  , 
& qu’il  ne  peut  trouver  aucun  obfta- 
cle  à la  viteffè  de  leurs  courfès.  Ainft 
cette  ChalTe  efl  celle  où  tous  les  Sei- 
gneurs s’adonnent  & s’exercent  le  plus* 
Mais  ils  y vont  avec  grande  fuite,  parce 
qu’il  y a des  Dragons  volans  qui  leur 
nuifent  quelquefois  6c  en  font  atta- 
qués. Mais  leurs  troupes  viennent  au 
fècoursavec  des  fabres , qui  lors  qu’ils 
les  peuvent  joindre  les  taillent  en  piè- 
ces. Il  fe  raconte  de  ces  monftres  plu- 
fieurs  chofes  merveilleufes , de  leurs 
forces  que  je  tiens  peu  vray-fembla- 
bles,  par  exemple,  ils  difent  qu’il  y a 
des  Dragons  qui  peuvent  emporter  un 
homme  & un  cheval,  & qu’on  void 

fouvent 


CHASSEUR.  2S9 

fou  vent  des  Vaches  enlevées  du  mi- 
lieu des  troupeaux  ; cela  fe  peut  il 
croire,  & y auroit-il  quelque  proba- 
bilité à dire  que  ces  monftres  pour- 
; roient  entrainer  une  Vache  fort  vifte 
à la  faveur  de  leurs  aîles  ; mais  de  la 
I lever  de  terre,  quelles  aîles  pour- 
1 roient  batre  l’air  affés  fort  pour  ac- 
quérir cette  puifTance  de  foûtenir  un  fi 
puififant  fardeau  ? cependant  on  le  dit. 

Les  Seigneurs  Afficains  prennent 
| encore  un  extrême  plaifir  à la  Chaflè 
des  Singes  en  certains  cantons  où  ils 
fe  retirent  & où  il  y en  a des  quan- 
tités inombrabies  & de  differentes  fa- 
çons, car  depuis  les  plus  petits  qu’ils 
appellent  Sagoüins  , jufques  aux  plus 
grands  qui  font  hauts  de  quatre  ou 
cinq  pieds , 8c  larges  d’épaules  com- 
me des  hommes,  il  y en  a une  fi  grande 
idiverfité,  qu’elle  eft  inexprimable,  dont 
|les  couleurs  & les  formes  font  toutes 
jdifferentes  ; les  uns  fans  queue  , les 
autres  à longue  qu’eue,  les  uns  fraifez, 
les  autres  à tete  de  chien  avec  des 
dents  très-aiguës. 

Ils  ont  tous  leurs  familles  à part , 

! Sc  vivent  dans  des  forêts  tontes  pleines 

Bb 


J9 o LE  PARFAIT 

de  fruits  , de  rai  fins , de  prunelles  , de 
framboifes  & d’autres  vivres  dont  ils 
ne  font  aucun  dégaft  , mais  en  vivent 
£ difcretion-  Us  font  toujours  aux  cou* 
peaux  des  plus  hauts  arbres  , il  y en  a 
entreux  qui  font  toûjours  le  guet , & 
fe  relèvent  les  uns  les  autres  avec  au* 
tant  de  conduite  que  fi  c’étoient  des 
hommes,  Ef  quand  ils  vont  aux  can- 
nes de  fucre,  ils  marchent  en  corps  de 
bataille  avec  des  avancoureurs  pour 
reconnoisre  s'il  y a point  d’embufca- 
des  ou  quelques  Lyons,  Tygres,  Léo* 
pards  ou  Panthères  qui  font  leurs  grands 
ennemis  qui  les  mangent  , & meme 
en  font  f.ians,  Quand  ils  font  arrives 
aux  cannes  qui  portent  le  fucre  ils  les 
rompent  fort  longues , & s’en  char- 
gent fur  l’épaule,  comme  d’une  pique} 
& quand  ils  en  ont  afles  ils  s'en  re* 
tournent  gardant  le  meme  ordre  , & 
l’on  diroit  à les  voir  marcher  de  loin 
que  ce  font  des  troupes  regulieres  ; 
mais  il  leur  arrive  fouventde  méchan- 
tes rencontres  , car  les  Proprietaires 
des  Sucrieres  les  pourfuivent  à coups 
d’arquebufes  qui  leur  font  laifier  leur 
butin  ; il  y en  a toûjours  plulieurs  qui 


CHASSEUR.  t9t 

demeurent  à la  bataille.  Deforte  qu’ils 
ne  font  ces  courfes  & ces  entreprifes 
qn  avec  bien  de  la  crainte  & de  la  cir- 
confpeétion.  Ces  animaux  font  d’un 
naturel  tout  femblable  par  tout  le 
monde , car  ils  ont  les  mêmes  habi- 
tudes auffi  bien  dans  l'Amerique  que 
dans  l’Affrique  , & par  tout  où  il  s’en 
rencontre. 

CHAPITRE  II. 

La  Chajje  des  Singes. 

QUand  les  Atïcicains  veulent 
chaflèr  aux  Singes , ils  aflèm- 
blent  tous  leurs  vaflàux.  Ils  font  por- 
ter quantité  de  filets , de  paiTées , 8c 
bricolles , & s’en  vont  en  troupe  aux 
jbois  où  ils  font  leur  demeure , & pren- 
nent le  temps  que  prcfque  tous  le^ 
Singes  font  allés  au  gagnage  , qui  eft 
depuis  1#  matin  jufqu’à  deux  heures 
après  midy  qu’ils  reviennent  chargés 
de  butin  pour  nourrir  leurs  familles.' 
D’abord  qu’ils  font  arrivés,  comme  ils 
B b ij 


ic,*  LE  PARFAIT 

gavent  les  lieux  où  les  Singes  vont 
au  gagnage  : ils  tendent  tous  leurs  fi- 
lets au  bout  du  bois  où  ils  fe  retirent, 
& préparent  tout  pour  leur  retour  , 
bouchant  tous  les  paflages  en  forme 
de  hayeures  avec  du  bois.  Quand  tout 
eft  fait,  ils  font  monter  de  petits  Nè- 
gres qui  grimpent  comme  des  Singes 
mêmes  fur  de  hauts  arbres  pour  fça- 
voir  s’ils  n’en  voyent  point  qui  re- 
tournent , & cependant  les  gens  de 
pied  demeurent  fur  les  ailes  prés  des 
filets  avec  forces  facqs  & bourfes  pré- 
parées pour  mettre  dedans  tous  les 
Singes  qu’ils  prendront,  & attendant 
le  fignal  des  petits  Negres , les  Sei- 
gneurs accompagnés  de  leurs  Cavaliers 
font  au  large  à la  campagne,  qui  pren- 
nent toujours  garde  quand  ils  les  ver- 
ront revenir  , & dés  que  l’heure  du 
retour  approche  , & qu’ils  commen- 
cent d’en  voir  dix  ou  douze  qui  re- 
viennent chargés , ils  les  inveftiiTent 
avec  leurs  chevaux  yiftes,  & les  font 
donner  dans  les  filets , les  pourfuivant 
de  fi  prés,  quais  n’ont  pas  loifir  de  fe 
reeonnoître,  & font  pris  & recueillis 
de  ceux  qui  font  au  guet  le  long  defdits 
filets. 


CHASSEUR.  193 

Les  Cavaliers  retournent  encore  à la 
i campagne*  8c  les  petits  Negres  les  aver- 
tiffent  qu’ils  envoyant  encore  d’autres 
troupes  i 8c  leur  montrent  du  côté 
qu’ils  viennent  j ils  les  enceignent  en- 
core , & les  pouffent  comme  deffiis 
I droit  aux  filets,  où  ils  font  encore  pris, 
& continuent  cette  Chaffe  jufqu’à  ce 
jqu’il  n’en  retourne  plus  : alors  ils  font 
détendre  leurs  filets,  & s’en  retournent 
avec  leur  ptife  de  bonne  heure  * car 
il  fait  dangereux  de  s’aniiicer  en  ce 
pais- là. 

| Et  comme  il  y a des  Singes  de  diffe- 
rentes grandeurs,  ils  font  leur  demeu- 
re auffi  dans  de  differens  bois  , & ne 
demeurent  pas  tous  pefle  mefle.  Tou- 
tes les  efpeces  font  feparées , & habi- 
tent differens  lieux  ; fi  bien  que  quand 
'les  Seigneurs  en  veulent  prendre  de 
jdifferentes  efpeces  *,  ils  les  attaquent 
[dans  leur  demeure,  & prennent  diffe- 
irens  temps  pour  les  attaquer  félon 
qu’ils  font  plus  aifés  ou  plus  difficiles 
à prendre  , 8c  ne  ceffènt  point  cette 
jChaffe  , qu’ils  n’en  ayent  pris  grande 
quantité,  dont  ils  font  beaucoup  d’ar- 
gent 5 car  il  n’y  a point  de  navire  paflàns 
B b iij 


194,  LE  PARFAIT 

qui  n’en  viennent  achepter  pour  les 
revendre  par  tout.  C’eft  une  marchan- 
dée tellement  courue  , qu’il  n’y  en  a 
jamais  trop.  Il  n’y  a point  de  partie 
dans  le  monde  ou  ils  ne  Ce  vendent 
également  bien.  Sur  tout,  les  petits 
Sagouins  Ce  vendent  fort  cher.  Il  y en 
a de  faits  comme  de  petits  Lyons  qui 
font  blondorés  , lefquels  fe  vendent 
tres-cher  à caufe  de  leur  grande  beauté 
& rareté.  Il  y a atiffi  des  Singes  frai- 
fez  qui  font  en  grande  eftime  parmi 
eux , 6c  qu’ils  vendent  tres-cher  , ÔC 
pour  les  Dames  de  plus  grande  con- 
dition. J’ay  feeu  des  Portugais  qui 
ont  plufieurs  habitations  en  Affcique 
le  long  de  la  côte  de  l’Océan  Occi- 
dental, qu’il  y avoit  plufieurs  Roys  le 
long  de  cette  Mer,  qui  étoient  les 
plus  grands  Chafleurs  de  toute  l’Affti- 
que , & qui  n’avoient  aucune  autre 
occupation  qu’à  chalïèr  tout  le  long 
de  l’année , mais  qu’ils  faifoient  leur 
ChalTe  d'une  fi  plaifante  façon  , qu’elle 
mérité  d’eftre  écrite. 

Ces  Roys  ont  plufieurs  femmes 
quelquefois  jufqu’à  vingt  ; ils  ont  pîu- 
fieurs  Maifons  Royales,  dans  chacune 


CHASSEUR.  1 95 

de[quelles  ils  mettent  une  de  leurs 
femmes,  avec  tous  les  Officiers  qu’il 
faut  pour  leurs  perfonnes , comme  s’ils 
ÿdemeuroient  effectivement  à Ces  Mai- 
fôns  font  bâties  dans  les  plus  beaux 
lieux  de  Chafîes  qui  foient  dans  1 e- 
tenduë  de  leur  Royaume.  Chacune  de 
ces  femmes  ont  toutes  les  mêmes  Offi- 
ciers & le  même  équipage  neceflàire 
pour  faire  que  le  Roy  ne  manque  de 
rien  quand  il  les  vient  voir  ; fi  bien 
que  le  Roy  n’a  aucune  demeure  cer- 
taine, Sa  Cour  change  8c  eft  toûjours 
chez  la  Reyne  qu’il  vifite  , &c  avec 
qui  il  demeure  fi  long-temps  que  la 
faifon  de  chafïèr  le  defire,  & que  toute 
forte  de  gibier  y abonde.  Il  y demeure 
autant  qu’il  luy  plaift , puis  il  s’en  va 
demeurer  avec  une  autre  femme  dans 
nne  autre  Maifon  Royale,  Elle  luy  fait 
grand  chere  fans  qu’il  fe  mette  en  peine 
de  rien,  finon  que  de  fon  plaifir. 

Tous  les  grands  Seigneurs  qui  l’ac- 
compagnent y ont  auffi  leurs  femmes 
auprès  de  ces  Reynes  , & n’ont  aufS 
d’autre  foin  que  de  fe  divertir  , fans 
fe  mefier  de  rien  que  de  fuivre  le  Roy 
en  toutes  ces  ChafTes  où  il  ne  perd 
B b iiij 


ie>6  LE  PARFAIT 

pas  de  journée  fans  s’y  employer,  fc- 
où  la  Reyne  & toutes  les  Dames  l’y 
accompagnent  , Sc  employeur  tout 
leur  efprit  afatisfaire  pleinement  leurs 
maris  , afin  de  les  tenir  le  plus  long- 
temps qu’elles  peuvent  auprès  déliés, 
& de  les  obliger  à les  revenir  voir 
fouvent  , defbrte  que  ce  ne  font  que 
des  complaifances  , des  carreflès , des 
agreémens,  des  tendreflfes  Ôc  desfeftins 
comme  de  nouvelles  nopces  en  gene- 
ral en  toute  cette  Cour  , où  Ton  ne 
fait  que  de  fe  divertir  Sc  chalTer.  Un 
Gentil  homme  Portugais  qui  a demeu- 
ré fept  ans  au  Royaume  d’ingole  ou 
les  Portugais  ont  une  belle  habitation, 
m’a  raconté  qu’il  a demeuré  avec  le 
Roy  Budomeî  qui  efl:  le  plus  grand  du 
Païs  qu’il  avoir  accompagné  en  toutes 
fes  Courfès  & Chafles  quatre  années 
entières  , fans  lavoir  jamais  veu  fé- 
journer  plus  d’un  mois  dans  une  de 
fes  Maifons  Royales  , Sc  qu’il  palfoit 
de  mois  en  mois  de  lune  à l’autre  oii 
il  trouvoit  de  nouvelles  femmes  ôc  de 
nouveaux  Officiers  auflï  bien  que 
toute  fa  Cour. 

Les  Chafles  que  faifoit  ce  Roy 


CHASSEUR.  197 

étôient  avec  force  Chiens  furieux  ôc 
Lévriers  , & une  grande  quantité 

d’Oyfeaux  de  Fauconnerie.  Ils  ne  peu^* 
vent  point  chafifer  en  ce  païs  avec 
chiens  courans,  à caufe  des  chaleurs  & 
des  bêtes  feroces  qui  les  mangeroient 
tous  s’ils  s’écartoient , car  tout  eft 
plein  de  ferpens  & de  toutes  fortes  de 
bêtes  mordantes. 

Ces  Roys  font  riches  en  pierreries, 
en  or  &:  argent  : ils  depenfent  peu 
& vivent  de  leurs  chaffes  & reve- 
nus, Leur  revenu  eft  en  Dotianne  , 
en  Negresqu’ils  vendent,  & enSinges* 
Ce  Roy  à une  Efcarboucle  de  la  grof- 
feur  d’un  œaf  de  Pigeon  tellement 
lumineufe,  que  la  nuit  même  fans  clar- 
té elle  reluit  comme  une  flamme  : iî 
la  porte  toujours  fur  la  tête  , hormis 
quand  il  va  chafiTer  qu’il  la  lai  fie  à la 
maifon  , mais  la  reprend  auflï-  tôc  qu’il 
iy  eft  arrivé.  C’eft  la  plus  belle  pierre 
qui  foit  au  monde,  & d’un  prix  inefti- 
jmable.  Quant  aux  Diamans  il  en  a 
d’une  excellive  grandeur,  avec  une 
| très-  grande  quantité  de  toute  autre 
forte  , lequel  Seigneur  Portugais  m’a 
| dit  avoir  veue  vivant  avec  luy  en 


i9B  le  Parfait 

grande  familiarité  & confidence.  L* 
Terre  de  Budomel  a trois  cens  lieues 
d'étendue  le  lorg  de  la  côte  Occiden- 
tale d'Afrique  ; & qui  eft  la  plus  belle 
habitation* 

Ce  Roy  a toujours  dix  ou  douge 
mille  perfonnes  à fa  fuite  quand  il 
change  de  lieu  qui  font  de  fa  garde  * 
mais  qu'il  faut  piûrôt  appeller  Chaf. 
feurs  que  Soldats , il  ne  fait  jamais  la 
guerre  qu’aujc  animaux.  Mais  au  be- 
soin il  feroit  une  très- belle  ôc  très- 
îiombreufe  armée,  car  tous  fes  Peuples 
font  adroits  &c  bons  Soldats  aufli  bien 
que  bon  Chaflèurs.  Les  Roys  fesvoi- 
fins  fort  une  pareille  vie  , quelquefois 
ils  chafl  nt  enfèmble  , & font  fort 
foigneux  de  conferver  l'union  & l’a* 
initié  qui  eft  entr'eux  : ils  font  prefque 
tous  alliés  par  mariage  & d'ancienne 
parente.  Les  Portugais  ont  le  com- 
merce libre  avec  tous  , & m'ont  ra- 
conté plu fieurs  chofes  de  leurs  moeurs 
& façons  défaire,  qui  ne  concernent 
point  la  Chaiïe  que  je  laiffe  pour  ne 
point  fortir  de  mon  fujet. 


CHASSEUR.  29? 


CHAPITRE  III. 


De  la  Chajje  des  Indiens * 

T ’A  y dit  parlant  des  Indiens  & des 
J Habitans  de  toutes  les  Ifîes  qui 
/ont  par  toute  la  côte  Indienne  qu’ils 
ne  chaffent  qu’aux  Elephans  & aux 
Rhinocéros  , & autres  grolles  bêtes 
qui  font  dans  leur  pais  : c’eft  pour- 
quoy  il  faut  dire  un  mot  de  leur  ma- 
maniéré  de  chaffer.  Ils  font  très  adroits 
à tirer  de  l’arc , & à pouffer  des  hafa- 
guets  qui  font  de  petites  cannes  grof- 
fes  comme  le  doigt , ferrées  au  bout 
en  pointes , longues  de  fix  ou  fèpt 
pieds,  qu’ils  dardent  de  telle  forte, 
qu’elles  percent  un  animal  jufqu’au 
fond  des  parties  intérieures.  Qaand 
ils  chaffent  ils  font  par  troupes  , 8c 
attaquent  un  animal  de  tous  côtés , luy 
dardant  tant  d’hazaguets  qu’ils  le  per- 
cent de  part  en  part  : d'autres  les  foû- 
tiennentavec  des  piques,  demi-piques, 
bâtons  ferrés  fourches , fieres , & mê- 


3oo  LE  PARFAIT 

me  des  harpons , & fendent  la  bête 
en  tant  de  lieux , que  perdant  très- 
grande  quantité  de  fang , elle  s’affoi- 
blit , & à la  fin  elle  tombe  & meurt* 
L’Elephant  n’eft  chade  que  pour  avoir 
fes  défendes  qui  font  d’yvoire.  Ils  luy 
coupent  la  mâchoire  d’embas  & enlè- 
vent fes  défendes  , puis  après  ils  luy 
ôtent  tout  ce  qu’ils  ont  de  necedaire, 
l’écorchant  5c  mettant  en  pièces.  Mais 
cela  ne  de  fait  fi  promptement,  car  il  y 
a d’autres  Elephans  qui  viennent  au 
fecours  : fi  bien  qu’une  partie  de  la 
troupe  eft  toujours  fous  les  armes  pour 
de  défendre , principalement  quand 
c’eft  un  grand  Eléphant  qu’ils  ont  tués 
car  de  don  barrit  effroyable  il  appelle 
les  autres  à fon  fecours  r que  s’ils  le 
peuvent  entendre  5c  qu’il  ne  doit  point 
trop  écarté  d’eux  , ils  viennent  adu- 
rément  à fon  fecours  de  la  montagne 
où  ils  de  retirent  5c  font  leur  demeure» 
Les  Roys  de  Zeylan  ( principalement 
où  ces  animaux  abondent  en  leur  gran- 
de Ifle  à caufe  de  la  fertilité  incroya- 
ble de  toutes  fortes  de  fruits  qui  y 
croidènt  tout  le  long  de  l’année , étant 
fituée  prefque  deÎTous  l’Equateur  à 


CHASSEUR.  301 

cinq  degrés  du  coté  du  Nort  ) qui 
font  fouvent  cette  Chalte  , mènent 
auffi  du  monde  pour  attaquer  tous  les 
Elephans  qui  peuvent  venir  à eux , 
deforte  qu’ils  en  tuent  plufieurs,  corn, 
me  il  eft  dit,  & ont  toujours  un  gros 
de  referve  en  cas  de  necefiïté. 

Quand  ils  ont  fait  cette  Chafle  & 

, qu’ils  ont  pris  de  ces  animaux  tout  ce 
qu’ils  en  veulent  , ils  couvrent  le  refte 
de  terre , afin  de  ne  point  bannir  les 
autres  , qui  venant  à fentir  le  mafta- 
cre  de  leurs  compagnons  , fe  pour- 
voient écarter  & fuir  de  ces  lieux, 
mais  il  faut  dire  la  vérité  que  cette 
lile  eft  de  grande  étendue.,  & a des 
montagnes  fi  extraordinairement  ferti- 
les de  toutes  fortes  de  fruits , dont  ces 
animaux  font  fi  frians,  qu’elle  ne  peut 
jamais  eftre  dépourveuë  d’Elephans  , 

; & qu’ils  en  tuent  tant  qu’ils  peuvent 
| fans  qu’ils  puiflent  jamais  l’en  dépeu- 
i pler,  parce  que  de  toutes  les  terres  dont 
elle  eft  environnée,  il  pafte  des  Ele- 
| phans  & toutes  fortes  d’animaux  vi, 
vans  de  fruits  î Si  bien  que  de  cette 
lile  feule  il  fort  tout  les  ans  plus  d’y- 
! voire  que  de  toutes  les  autres  Ifles, 


3oi  LE  PARFAIT 

& même  de  toutes  les  Indes  , ce  qui 
ma  efté  certifié  par  les  Portugais , qui 
de  très  long- temps  y ont  de  très* 
belles  forterefles  pour  habitations  plu* 
belles  que  de  toutes  les  Indes, 

Les  Indes  font  pleines  d’Elephans 
foit  privés  foit  fauvages.  Les  Roys  en 
font  leur  principale  force  pour  leurs 
armées,  8c  pour  porter  leurs  tours» 
leurs  vivres  8c  leurs  bagages.  Enfin 
tout  ce  qui  eft  necelTaire  pour  vivre , 
& principalement  de  l’eau  pour  boire , 
& tout  ce  qu’il  faut  apporter  pour 
leur  maifon  ; c’eft  pourquoy  ils  en 
nourriflènt  tant  qu’ils  peuvent , & en 
achètent  autant  qu’ils  en  trouvent  a 
vendre  : ils  ont  des  Officiers  Majors 
crées  pour  en  prendre  un  foin  parti- 
culier : ils  en  choififlënt  le  plus  qu’ils 
peuvent  de  jeunes  aux  Chafles  qu’ils 
font , & fe  gardent  bien  quand  ils  en 
trouvent  de  les  tuer  ou  les  bleffer,  les 
prenans  dans  les  filets  & à la  courfe, 
avec  les  battues  & triquetracs  tant 
qu’ils  en  voyent  ; les  recherchant  dans 
les  fotêts  & grands  forts  où  ils  de- 
meurent. 

Enfin  les  forces  du  Roy  des  Indes 


CHASSEUR.  305 

confident  au  nombre  de  ces  Elephans, 
& font  eftimés  forts  proportionnelle- 
ment au  nombre  qu’ils  en  portedent  , 
& quand  ils  chaflent,  ils  ne  fonttuè'c 
que  ceux  qui  ne  font  plus  en  âge  d’ê- 
tre domtés  & apprivoifés , défendant 
fur  tout  qu’on  n’en  tue  point  de  jeu- 
nes , & de  les  lailîer  plutôt  dans  les 
.bois  libres  que  de  les  bleflèr  pour  les 
Reprendre  en  autre  Chartes , étant  plus 
curieux  de  la  confervation  de  leur  ef. 
pece  que  de  tous  autres  animaux 
comme  pourroient  faire  les  autres  Na! 
tions  de  leurs  chevaux  , puis  qu’ils 
n’ont  point  d’autres  monture , & Ig 
Roy  même  qui  ne  monte  point  que 
jdes  Elephans  , dont  il  y en  a de  deux 
fortes  , les  uns  plus  légers , les  autres 
jplus  forts  qui  font  pour  porter  les 
(grands  fardeaux,  Ceux  qui  portent  les 
Roys , les  Princes  & les  grands  Sei- 
gneurs font  plus  petits  de  couleur  cen- 
drée  plus  claire  . & les  plus  puirtans 
font  plus  bruns  & plus  noiraftres , & 
jportent  des  fardeaux  incroyables.  Les 
Chafleurs  ont  beaucoup  plus  de  peine 
à les  vaincre  , quoy  qu’ils  s’attaquent 
bien  plus  volontiers  à eux,  parce 


3o4  LE  PARFAIT 

qu’ils  ont  de  bien  plus  grandes  défen- 
fes  que  les  autres  , qu’on  a fbuvent 
veu  de  la  longueur  d’une  toife  & 
groffe  comme  la  cuiffe  : nonobftant 
quoy  les  Chaffeurs  attirés  du  gain  les 
portent  par  terre. 

Il  n’en  eft  pas  de  même  du  Rhino- 
céros. Ils  le  chaflent  feulement  pour 
en  avoir  la  peau  , car  elle  eft  toute 
couverte  d’écailles  très  dures  & fortes, 
enforte  qu’ils  s’en  fervent  de  cottes 
d’armes  8c  de  boucliers.  Cet  animal 
eft  extremément  difficile  à tuer  pour 
raifon  defdites  écailles , car  fi  on  ne  le 
prend  au  défaut  des  côtes  ou  de  l’é- 
paule , tous  les  coups  gliffent,  & il  a 
la  rufe  de  tourner  toujours  la  tête 
droit  à ceux  qui  l’attaquent  ; ce  qu’il 
fait  facilement,  parce  qu’il  eft  incom- 
parablement plus  leger  que  l’Éléphant: 
fi  bien  que  tous  les  halagaies  8 c les 
fléchés  giiffent  & paffent  fans  le  fé- 
rir. Les  Chaffeurs  qui  les  entourent 
avec  de  grands  chiens  qu’ils  font  aller 
ça  & là  * tant  qu’à  la  fin  les  Chaffeurs 
prennent  fi  bien  leur  temps , que  com- 
me ils  fe  demeurent  & donnent  quelque 
jour  aux  lieux  où  les  écailles  fe  lèvent 


CHASSEUR.  305 

& s’ouvrem  , les  frappent  de  leurs 
traits  ou  hazaguets  ou  demi  piques 
les  afFoiblifl'ent  tant,  qu’ils  les  portent 
enfin  par  terre.  leurs  peaux  leurs  font 
:ort  cheres  & les  recueillent  très  foi- 
’neufement , dont  ils  font  leurs  armes 
iéfenfives  les  meilleures  dont  on  fe 
puilfe  fervir  : le  refte  de  cet  animal 
pur  peut  fervir  à beaucoup  de  chofes 
Jui  ne  font  point  venues  à ma  con- 
toilfince , quoy  que  je  m’en  fois  en- 
Juis  particulièrement  des  Portugais 
tui  ont  demeuré  long- temps  dans  #ette 
jfle  la  plus  delicieule  terre  du  monde, 
!n  toutes  fortes  de  breuvages  & de 
ruits.  Les  Pdabitans  y (ont  de  tres- 
eaux  hommes , fort  familiers  aux 
trangers , & communément  vivent 
pux  ou  trois  cens  ans  fansincommo- 
jités.  J’ay  veu  un  Portugais  proche 
|e  Lifbone  qui  y avoir  efté  deux  fois, 
c a chaque  fois  qu’il  y avoir  efté 
|>n  poil  luy  étoit  redevenu  noir  , ÔC 
(ifoit  tous  les  jours  à fon  âge  trois 
u quatre  lieues  lans  bâton  j il  avoir 
ïnt  quinze  ans , & vifitoit  tous  les. 
!>urs  fes  Laboureurs  & fes  Vignerons, 

? le  com  as  par  le  moyen  d’un  de  (es 
Ce 


3o 6 LE  PARFAIT 

fus  qu’un  Religieux  de  Saint  François 
me  fift  connoîcre  à Lifbone.  Il  me 
dit  qu’il  avoit  unfrere  qui  a voit  quatre- 
vingt^  cinq  ans  , & qu’il  étoxt  grand 
ChafTeur.  Je  le  priay  de  me  faire  voir 
fon  pere,  il  me  dit  qu’il  demeuroit  à 
quatre  lieues  delà  feulement , ôc  que  fi 
je  voulois  il  le  feroit  venir  : je  le  re- 
merciay  ; mais  il  vint  dans  quelque 
temps  à Lifbonne,  ôc  je  l’entretins  de 
plufieurs  particularités  de  cette  Ifle 
que  je  voulois  fçavoir.  Il  me  contenta 
fort , & me  parut  n’avoir  que  cin- 
quante ans  , ôc  comme  un  homme  de 
bon  efprit  & à fa  fleur  d’âge  : puis 
quelque  temps  fes  deux  fils  me  vinrent 
voir  qui  me  dirent  auflî  beaucoup  de 
particularités  de  rifle  & des  Chaffes 
que  les  grands  Seigneurs  y faifoicnt  : 
ils  me  dirent  qu’ils  avoient  beaucoup 
d’Oyfeaux  de  proye  de  deux  fortes 
que  nous  ne  connoiflons  point  en  ce 
païs  : on  leur  faifoit  voler  la  Perdrix 
& les  Poules  de  bois.  Les  autres  yo- 
loiem  le  Lievre , & qu’ils  fçachoieni 
auffi  une  bête  qui  avoit  face  humaine  : 
qu’il  n’y  avoit  dans  l'Ifle  aucuns  Ser- 
pens  ni  bêtes  veneneufes  * & m’affu* 


CHASSEUR.  307 

jrerent  qu’il  n’y  avoit  dans  toute  cette 
lile  que  cette  bête  mal-faifante. 

Je  les  interrogay  fur  la  Pefche  des  In- 
diens , & leur  dis  qu’on  m’a  voit  fait 
eftime  d’eux  comme  étans  les  meilleurs 
Pefcheurs  de  tout  l’Orient  ; ils  me 
diftinguerent  fort  bien  ks  Pefcheurs 
d’eau  douce  du  Gange  de  de  l’Eu- 
phrate, d’avec  ceux  de  l’Ifle  qui  ne 
^efehoient  qu’en  eau  fallée.  J’appris 
que  ces  deux  Fleuves  font  fi  rapides 
iju’on  n9y  pefche  que  dans  quelques- 
jns  de  leurs  bras  ; qu’ils  prennent  le 
pneilleur  poifion  du  monde  à nous  in- 
connu, parce  que  le  climat  eft  plus 
rhaud , & qu’on  y pefche  plus  facile- 
ment à caufe  de  l’abondance  des  poif; 
"ons. 


Ce  ï | 


3oS  LE  PARFAIT 


S'enfuivent  les  Chajfes  des  Aflatiques, 
Perfans  3 Turcs  , Arabes  > Tartaresy 
& des  Habitans  du  Canada  3 com- 
me ils  chajfent  les  Originaux  3 & 
comme  ils  prennent  les  Va  fiers  dans 
les  petits  bras  de  Riviere  » dans  lefi 
quels  ils  coupent  des  arbres  avec  la 
force  de  leurs  dents  quils  font  tomber 
pour  faire  leurs  tanières  , & amajfent 
quantité  de  terre  , en  bdtijfent  & en 
font  un  fort  & terrier  5 ou  il  y a plu - 
fleurs  chambres  qui  vont  jufqua 
ieau  de  laquelle  ils  ne  fe  peuvent 
point  pajfer . 

DE  cous  les  AGatiques  , il  n’y  a 
que  les  Turcs  , les  Perfans  y les 
Tartares  de  les  Arabes  qui  font  Chaf- 
feurs.  Les  Indiens  &c  les  Habitans  des 
îfîes  ne  chafTent  qu’aux  Elephans  * 
aux  Rhinocéros  & autres  grofles  bêtes* 
ôc  font  grands  Pefcheurs. 

Les  Chinois  ne  font  aucune  Chafle , 
mais  ils  fçavent  le  fecret  de  faire  éclorre 
les  œufs  des  Volailles  deflusdes  fours* 


CHASSEUR.  3o9 

& ne  les  font  jamais  couver  ; fi  bien 
qu’ils  ont  une  infinité  de  Volailles  Sc 
principalement  d’Oyfeaux  de  riviere. 

Les  Japonnois  en  font  de  même  , Sc 
ne  s adonnent  à aucunes  Chafïes. 
Les  Xn  liens  les  imitent  , Sc  ne  font 
l point  amateurs  d’aucune  Chaile. 

&&£&&&  &&&&&& 

CHAPITRE  IV. 

Z es  C ba  ffes  des  Turcs * 

LEs  Turcs  (ont  grands  ChaflTeurs 
aux  Lévriers , Sc  /ont  très  curieux 
d’en  élever  les  meilleurs  du  monde*  Ils 
ne  chafient  point  a force,  mais  leur 
exercice  ordinaire  eft  de  courre  le 
Lievredansde  très  belles  plaines,  dont 
pft  remplie  toute  la  Tbrace,  Sc  com- 
me le  Grand  Seigneur  à une  extrême 
.tendue  de  Pais , tous  fes  Peuples  font 
ott  adonnes  a la  Chafley  foit  à tirer 
le  1 arquebufe  , foit  à levreter,  foir  à 
a Fauconnerie  dont  plufieurs  Bachas 
jnt  des  équipages , Sc  font  tous  pré- 
sent a leur  Seigneur  des  meilleurs 


* 


3io  LE  PARFAIT 

Oyfeaux  qu'ils  peuvent  rencontrer  ; 
parce  qu'il  les  aime  fort  , & qu'il  a 
plus  de  Fauconniers  lui  feul  que  tous 
les  Roys  enfemble» 

J'ay  eii  chez  moy  un  vieil  Faucon- 
nier qui  avoit  fervi  dans  la  Faucon- 
nerie du  Grand  Seigneur  , & qui  étoit 
homme  excellent  8c  très  habile  en  cet 
art , lequel  m'a  alluré  plufieurs  fois 
que  du  temps  qu'il  fervoit  le  Grand 
Seigneur  5 il  y avoit  bien  trois  mille 
Fauconniers  en  fes  équipages  , 8c 
c’étoit  le  moindre  qui  s'y  étoit  ren« 
contré  il  y avoit  long-temps , parce 
qu'il  étoit  fouvent  du  double  , & n’é- 
toit  pas  moindre  de  fix  mille  ordinai- 
rement , & de  fix  cens  chiens  tant 
épagneuls  que  Braques  , Lévriers  8c 
Barbets.  Il  me  difoit  auffi  qu’il  y avoit 
toutes  fortes  de  vols  pour  attaquer 
quelques  Oyfeaux  qui  fe  pouvoient 
rencontrer  dans  les  plaines , ou  ordi- 
nairement ils  alloient  chaffer.  Ce  vieil 
Fauconnier  avoit  la  plufpart  des  vols 
fous  fa  conduite  , mais  il  devint  malade 
d’une  maladie  fi  pleine  de  langueur, 
qu’il  Tut  contraint  de  demander  peff- 
mifïïon  de  fe  venir  guérir  en  France* 


CHASSEUR.  jn 

avec  promellè  de  retourner  aufli-tôt 
qu’il  feroit  guéri  : ce  qui  lui  fut  accor- 
dé avec  regret , car  il  étoit  excellent 
Fauconnier.  Je  le  rencontray  à Paris 
tout  malade  encore , il  fceut  des  Fau- 
conniers que  j’étois  très  curieux  d’Oy- 
fèaux  , je  luy  propofay  de  s’en  venir 
chez  moi  pour  achever  de  fe  guérir, 
& lui  dis  que  j’avois  un  Chymiftequi 
le  gueriroit  aflurément.  Il  fe  laiffà  per- 
fuader  & vint  au  lieu  de  ma  demeure. 
Il  fut  penfé  & guéri  parfaitement  , 
dont  il  eut  tant  de  joye  & reconnoif- 
fance , qu’il  voulut  bien  demeurer  & 
s’attacher  auprès  de  moi.  C’eft  de  lui 
que  j’ay  fceu  les  particularités  de  la 
Fauconnerie  du  grand  Seigneur.  Il  ne 
s’eft  point  veu  d’Oyfeaux  légers  pour 
aller  en  haut  , qui  fuflènt  pareils  à 
ceux  qu’il  me  drefla  , qui  vindrent 
d’Efpagne , & prit  un  fi  grand  plaifir 
à les  faire  voler  étans  fi  rares  , qu’U 
ne  voulut  plus  retourner  en  Turquie. 
Audi  à la  vérité  je  lui  donnay  telle  li- 
berté, qu’il  étoit  maître  chez  moi. 


LE  PARFAIT 


34î 

âi 


& 


CHAPITRE  V. 

La  Cbajfe  des  Per  fans. 

LE  s Perfans  aiment  fort  la  Ghafïe 
3c  imitent  les  François  en  beau- 
coup de  leurs  façons  de  faire  , car  ils 
chaflent  aux  Chiens  courans,  aux  Lé- 
vriers, aux  Oyfeaux,  aux  Chiens  cou- 
chans  , & aux  autres  Chalfes  qui  con- 
cernent Parquebufe  -r  ils  font  des  par- 
ties , 3c  fe  donnent  des  rendez-vous 
de  ChalFes  tant  en  general  qu’en  par* 
ticulier , auffi  bien  pour  le  plaifir  que 
pour  attaquer  les  bêtes  mordantes.  Il 
eft  vray  qu’ils  ne  courent  point  à force* 
roails  ils  tuent  les  bêtes  en  les  chafïanr, 
3c  fe  fervent  fort  comme  les  Âllemans 
de  bricolles,  filets  , toiles  , paffées  , 
3c  de  tout  ce  qui  concerne  les  Chaffes 
meurtrières  , mais  le  tout  fans  grande 
fineffe. 

Les  Arabes  font  prefque  toujours  à 
cheval,  3c  ont  des  demeures  incertaines, 
la  p lu  (part  vivans  de  pilleries  3c  de  ra- 
pines, Ils- 


G H A S S E U R. 


Ils  font  Çhalleurs  par  rencontre  , 


& meinent  des  chiens  par  tout  pour 
chafler  , ce  qu  ils  trouvent  chemin  fê- 


lant j fans  aucuns  équipages  régu- 


liers* 


CHAPITRE  VI. 

Les  ChaJJes  des  T art  ares. 

LEs  Tartates  du  Nort  font  tous 
adonnés  à la  Chaiïe  comme  les 
.Sauvages , & il  y a peu  de  différence 
en  leurs  façons  de  faire , hormis  qu’ils 
font  plus  curieux  de  leurs  beftiaux  & 
de  leurs  troupeaux,  & qu'ils  font  plus 
Sociables , mais  quand  à la  façon  de 
thaffer  , elle  eft  toute  femblablê. 

Ceux  qui  font  avancés  vers  le  Midy 
jchaffntà  peu  prés  comme  les  Perfans 
ôc  ont  des  Chiens  courans , Lévriers 
à tous  autres  que  veulent  les  ChaiTes 
qu’ils  y font  dans  leur  païs  de  plaine. 


3T4 


le  parfait 


CHAPITRE  VII. 


Les  C b iffes  des  liabitans  dit 
Mont-Taurus, 


IL  « en  a de  Montagnars  qui  font 
plus  grands  Chaffeurs  que  le*  au- 
tres & plus  travaillés  & inquiétés  de 
bêtes  feroces.  C’eft  pourquoi  ils  nour- 
tiffent  des  Chiens  pareils  aux  Scinens 
leurs  voifins  ; dont  ils  attaquent  les 
Lvons  Ôc  toutes  bêtes  mordantes, 
fans  les  marchander  , ce  jont  les 
Chiens  les  plus  feroces  qui  foit  dans 
le  monde  , ils  tiennent  que  les  Scinens 
en  ont  tiré  la  race  de  leurs  pais  , & 
fe  vantent  qu’il  n’y  en  a point  de  fera- 
blables  ni  de  fi  hardis  , mais  ils  font 
extrêmement  dangereux,  car  ils  ne 
veulent  connoître  perfonne  que  ceux 
qui  les  nourri flent  ; deforte  que  quand 
ils  font  lâchés  la  nuit  il  le  faut  retirer 


complément  pour  éviter  leurs  rencon- 
ces  - par  cette  raifon  ordinairement  Us 
ie  les  déchefnent  quel»  nuit  de  peur  des 
ccidenSo 


CHASSEUR.  3î5 
CHAPITRE  VIII. 


La  Chaffe  des  Américains. 

TOute  l'Amerique  eft  habitée 
de  Sauvages  qui  font  tous  nato. 
rellement  Chaflèurs,  & n’ont  point 
d’autre  application  que  de  tuer  toutes 
les  bêtes  qui  habitent  leur  terre  , preA 
que  tous  delà  même  maniéré,  car  ils 
ine  font  que  des  chaflès  meurtrières 
par  les  triquetracs  & par  les  battues 
qu’ils  font  dans  les  bois , principale- 
ment dans  les  montagnes  des  Indes 
qui  feparent  l’Amerique  en  deux  par- 
ties dans  fa  longueur  , & qui  ne  coû- 
tent que  jufqu  aux  terres  Magellani- 
ques , où  eft  la  terre  de  Chica  , dont 
}es  Efpagnols  content  des  merveilles, 
pu  voicy  quelques-unes. 


Dd  ij 


3i*  LE  PARFAIT 


La  C baffe  des  Geans. 

CEtte  Terre  de  Çhiça  , difent- 
ils  , eft  habitée  par  des  hommes 
qui  ont  dix  ou  douze  pieds  de  hauteur, 
& pour  cet  effet  ils  la  nomment  ^ la 
Terre  des  Geans.  Il  faut  voir  ce  qu’en 
dit  André  Thevet  en  fa  Géographie  , 
rapportant  qu’il  les  a veus.  Ces  hom- 
mes font  fi  forts  & fi  puiffans,  qu’ils 
ne  fo  fervent  que  de  leurs  forces  na- 
turelles pour  porter  par  terre  toutes 
fortes  d’animaux  , par  le  moyen  u 
boulet  de  canon  , ou  une  pierre  dure 
& ronde  percée  de  part  en  part  , la- 
quelle ils  attachent  à une  corde  de 
certaine  longueur  comme  dix  pas,  & 
qu’ils  jettent  de  force  droit  aux  ani- 
maux qu’ils  veulent  affommer  : il  n y 
en  a point  qui  puiffert  refifter  à deux 
ou  trois  coups  qu’ils  ne  fojent  portes 
parterre  & tués.  C'eft  chofe  qu  An- 
dré Thevet  dit  avoir  veue  , & meme 
faifant  aigade.  le  long  de  la  cote  , ils 
étoient  huit  hommes  pour  mettre  un 
muid  d’eau  dans  leur  barque  , & 


CHASSEUR.  517 
qu’ayant  peine  de  le  faire,  un  Sauvage 
feul  la  prit  & la  mit  dans  la  bar- 
que fans  fléchir  , & dit  qu’un  de  ces 
Geans  fut  ameiné  en  Efpagne  dans  le 
même  vaifleau  où  il  étoit.  Il  raconte 
encore  plufïeurs  chofes  dignes  d’eftre 
veuës  , & particulièrement  que  les 
voix  dé  ces  Geans  font  fortes  comme 
le  barrit  d\m  Eléphant  3 ôc  qu’ils 
devancent  un  Cerf  à la  courfe,  Ces 
terres  n’ont  jamais  été  pénétrées,  non 
plus  que  cette  terre  auftrale  inconnue 
au  Nort-antartique  autour  de  laquelle 
on  tourne  bien  , mais  jamais  aucun  n’a 
entré  deux  journées  dedans  , on  void 
feulement  tout  allentour  des  feux  qui 
Imarquent  qu’elle  eft  habitée,  mais  d’en 
connoîrre  les  hommes  , les  animaux , 
les  plantes  , & de  fçavoir  s’il  y a des 
Mers  mediterranées , qui  que  ce  foit 
^’en  peut  faire  aucun  rapport*  Il  y a 
feulement  des  Hoîandois  qui  ont  fait 
des  habitations  dans  fes  côtes  qui  font 
marquées  dans  leurs  Cartes  les  plus 
recenres. 

Dd  iij 


3iS  LE  PARFAIT 

CHAPITRE  IX. 

Delà  ChaJJe  des  Sauvages. 

LEs  Sauvages  font  ordinairement 
Chaflèurs , & ceux  d’entr’eux  qui 
font  les  plus  laborieux  & les  plus 
adroits,  font  ordinairement  éleus leurs 
Capitaines  : Si  bien  que  la  Chafl* 
parmi  eux  eft  eftimée  le  plus  noble 
exercice  où  l’homme  fe  puirtè  adonner 
auiïi  bien  que  la  Pefche. 

Ils  ne  vivent  que  de  leurs  Chartes  & 
de  leur  Pefche  , 8c  ils  la  font  en  plu- 
fieurs  maniérés , félon  les  divers  ani- 
maux qu’ils  attaquent,  qui  font  l’Elan, 
le  Cerf,  le  Caftor  , le  Loutre,  le  Re- 
nard gris  8c  noir , les  Foynes  & les 
Martes  , & ne  les  pourfuivent  que 
pour  en  avoir  les  peaux  & en  manger 
<juelques-uns.  L’Élan  eft  un  animal 
beaucoup  plus  grand  qu’un  Cerf,  il  eft 
fujet  à tomber  du  mal  caduc,  & la  na- 
ture luy  a donné  aux  pieds  de  derrière 
la  vertu  de  fe  relever  , quand  il  s’en 


CHASSEUR.  319 

gratte  derrière  l'oreille.  Il  fe  chaiïe 
ordinairement  Phy  ver , quand  les  nei- 
ges font  fur  terre  en  ces  pais  de  cinq 
ou  fîx  pieds  de  haur.  Quand  les  Sau* 
Tages  en  ont  trouvé  une  pifte  5 ils  fe 
mettent  après  3 & marchent  fur  des 
raquettes  ( ne  pouvant  aller  autrement 
au  travers  des  bois  qui  font  de  haute- 
fuftaye , parce  qu'ils  fe  perdroient  ÔC 
enfonceroient  dans  la  neige.  ) Ils  n'ont 
autres  armes  que  l'arc  & la  fieche,  8c 
de  certaines  épées  emmanchées  au 
bout  des  demi-piques  pour  attaquer 
l’Elan  qu'ils  fuivent  tant  qu’ils  le  trou- 
vent après  un  très  long  chemin  qui 
dure  quelquefois  deux  jours  y &C 
comme  il  ne  peut  fuir  étant  un  ani- 
mal très  pefant,  il  enfonce  toûjours 
dans  la  neige  jufqu’au  ventre  » ils 
le  joignent  facilement  & le  tuent 
à coups  de  traits  & à coups 
d’épées.  Cet  animai  vit  le  plus  du 
temps  dans  des  fapenieres  où  il  vian. 
de  des  pointes  des  jeunes  fapins  Phy- 
ver,  8c  fait  peu  de  pais  ; fa  demeure 
eft  plus  frequente  fur  les  bords  de  la 
Mer  ou  des  Rivières.  Dés  qu’ils  l'ont 
tué  , ils  l’écorchent  8c  en  lèvent  la 
Dd  iiij 


3io  LE  PARFAIT 

peau  qu’ils  envoyant  en  France , c’eft 
dont  fe  font  les  bufFes  pour  la  guerre , 
les  plus  grandes  peaux  fe  nomment 
chappons.  Son  naturel  eft  comme  le 
Cerf  , & fon  rut  de  même , il  habite 
plus  les  caps  & les  monts  & les  cô- 
taux  au  bas  defquels  font  les  ruiffeaux, 
que  tous  autres  lieux.  L'Eté  on  en  tue 
peu , parce  qu’on  n’en  peut  fuivre  la 
pifte , & qu’on  n’a  aucuns  chiens  à le 
chalTer.  Quant  à la  chair  ils  en  mangent 
les  plus  frians  morceaux , & le  fur  plus 
( parce  qu’ils  en  tuent  beaucoup  ) ils 
le  mettent  fur  des  échaffVux  de  feize 
pieds  de  haut , qu’ils  drdfent  fur  qua- 
tre pilüers  , ou  les  animaux  mordans 
ne  peuvent  monter,  Ôc  la  laiffent  là 
tout  l’Hyver  , jufqu’au  Prin-temps 
qu’ils  y repaffent. 

Iis  chaffent  les  Cerfs  dans  les  temps 
qu’ils  en  rencontrent  , mais  fur  tout 
quand  ils  font  en  venaifon.  Et  le  Sieur 
de  Champlain  qui  a écrit  de  ces  païs- 
là  , dit  qu’allant  à la  guerre  avec  les 
Sauvages,  il  a aflîfté  à des  Chaffès 
par  rencontre  où  ils  en  avoient  tué 
plus  de  fix-vingts  en  de  certains  can- 
tons où  ils  fçavent  qu’ils  font  leur  de- 


CHASSEUR.  j» 

meure,  de  dont  ils  avoient  levé  toutes 
les  peaux  de  fallé,  de  mis  la  viande  en 
referve*  mais  toutes  couvertes  de  feuil- 
les de  fallées,  comme  il  eft  dit.  Cette 
Charte  fe  fait  comme  un  triquetrac  ou 
battues  , que  les  Sauvages  font  bien 
plus  juftes  qu’on  ne  fait  pas  en  ces 
païs  , parce  qu’ils  obfervent  leurs 
diftances  , fi  bien  que  nulle  bête  ne 
peut  retourner,  de  faut  qu’elle  mar- 
che  dans  des  culs  de  fac  , de  acculs 
qu’ils  dreflent  avant  que  de  commen- 
cer leur  Charte , & il  y en  a une  partie 
d’entr’eux  qui  y demeurent  embufqués 
avec  leurs  armes  fufdites  pour  les  tuer 
à mefure  qu’elles  y font  paflees. 

Quant  aux  Renards  gris  & noirs 
qui  font  d’un  très  grand  prix  , auflï 
bien  que  des  Martes  , ils  les  vont 
chaffer  dans  un  canton  de  fur  une 
Riviere  qu’on  nomme  la  Sagenay 
du  côté  du  Nort  ; c’eft  là  où  ils 
habitent  de  où  ils  font  leurs  plus  im- 
portantes Chartes  , de  où  ils  rendent 
plus  de  peine  pour  y reliflir , à caufe 
du  grand  prix  des  peaux  de  ces  ani- 
maux, dont  ils  ne  mangent  point,  finoix 
des  Martes,  Et  comme  à prefentils 


311.  LE  PARFAIT 

ont  des  arquebufes  , ils  les  tuent 
triquetrac,  & il  y en  a qui  font  fi  juftes 
avec  leurs  arcs*  qu’ils  n’en  manquent 
point. 

■K»#»*»*»*»*» 


La  ÇhaJJe  des  Caftors  & des 
Loutres . 


LEurs  plus  grandes  Chattes  ordi- 
naires font  aux  Caftors.  Ce  font 
des  bêtes  qui  tiennent  plus  du  Loutre 
que  d’aucun  animal.  Ils  ont  la  queue 
plate  comme  une  folle  , & la  tiennent 
toujours  dans  leau  le  plus  qu’ils  peu- 
vent. Leurs  demeures  font  fur  des  pe- 
tits bras  de  riviere  qu’ils  bâtiilent  ainfi. 
Ils  ont  des  dents  rres  fortes  dont  ils 
coupent  des  arbres  ou  des  branches 
pendantes  en  l’eau  , & en  amattent 
beaucoup  fur  eux  5 & bâtiflent  des  ter- 
riers avec  des  branches  & de  la  terre 
enfemble  , enforte  qu’ils  ont  deux  ou 
trois  demeures  les  uns  fur  les  autres, 
& cela  eft  fait  comme  un  grand  mon- 
ceau de  terre  & de  branches,  au  bas 
duquel  font  leurs  principales  demeures 


CHASSEUR.  315 

pour  tenir  toûjoursleut  queuë.en  Teao 
ou  fouvent  la  rafraifchir,  fans  quoy  ils 
auroient  peine  à vivre. 

Les  Sauvages  ont  de  certains  Chiens 
prefque  Sauvages  qui  ont  les  nez  poin* 
tus  comme  Renards  , lefquels  rident, 
& quelquefois  font  un  cris  hautain 
quand  ils  font  proches  de  la  bête, 
qu’ils  chaflent  comme  font  des  mâtins. 
Quand  les  Sauvages  les  entendent  ils 
y courent  & remarquent  les  demeures 
des  Caftors , puis  les  ayant  environés 
tant  du  côté  des  eauës  que  de  terre  4 
ils  bouchent  tous  les  paflages  par  où 
elles  fe  peuvent  fàuver  avec  du  bois  fi- 
ché en  terre  comme  hayes  , & après 
ils  attaquent  les  demeures  des  Caftors 
avec  des  pioches  & des  coignées , & 
les  rompent,  prenant  toûjours  garde 
quand  quelqu’une  en  veut  fortir,  fait 
par  eau  foit  par  terre,  & les  a dom- 
inent fi  adroitement  qu’il  ne  s’en  échap- 
pe point  au  fecours  de  leurs  chiens 
qui  font  drefiés  à cette  Chafle  , com- 
me des  baftèts  à chafTer  le  blereau.  Ü 
s’y  rencontre  auffi  des  grands  Loutre^ 
bruns  d’une  extraordinaire  longueur, 
dont  les  peaux  font  excellentes,  & dons 


— 


324  LE  P A RF  AIT 

ils  font  auffi  bien  que  des  Caftors,  des 
robbes  qui  leur  fervent  de  couverture. 
Ce  font  de  ces  robes  dont  on  fait  le 
plus  de  cas  , parce  qu’étant  portées  & 
engraiflees  tant  de  la  fueur  des  Sauvai 
ges  que  des  graiiTes  qu’ils  manient  & 
qu’ils  efïuyent  toujours  à leurs  robes* 
l’on  en  fait  des  chapeaux  meilleurs  que 
de  Caftor  neuf  , car  on  a peine  de 
mettre  en  œuvre  les  peaux  neuves  des 
Caftors,  & il  les  faut  mcfler.  Lespaïs 
où  ils  les  chaffent  font  tous  bois  de 
haute-fuftaye  qui  couvrent  ces  pais  de 
tout  temps , deforte  qu’il  y en  a une 
très  grande  quantité. 

Quant  aux  Martes,  Zibelines,  c*e($ 
au  Saguenay , où  ils  en  trouvent  le 
plus  du  côté  du  Norr,  principalement 
dans  les  païs  glacieux  qui  font  aux 
Mofcovites  , dont  il  faut  dire  un  mot. 

La  Mofcovie  s’étend  vers  le  Nort 
Artique  , leur  plus  grand  grand  com- 
merce eft  en  peaux  dont  ils  trafiquent 
par  tout,  comme  peaux  d’Originaux 
( qui  font  des  Eflans  ) en  peaux  de 
Rangiers  ou  Rennes,  de  Martes,  Zi- 
belines j Ours  blancs  & noirs.  Re- 
nards noirs  , Lievres  &c. 


CHASSEUR.  3ÎT 
CHAPITRE  XL 


La  C baffe  des  Moscovites  (ff 

Lapons, 

IJ  T ce  qui  donne  un  grand  revenu 
j au  Roy  de  Mofcovie,  c’eft  qu’au 
lieu  de  punir  les  mal-faiéteurs  , ils 
les  châtient  par  l’exil  dans  les  terres 
du  Nortpour  trois  , quatre  ou  fîx  ans, 
ou  plus  , en  les  alïujettilïànt  de  challer 
avec  arquebufes , leur  fournififant  pou- 
dre & plomb  , & toutes  les  choies 
neceflaires  pour  lui  rendre  par  mois 
une  quantité  précilê  de  peaux  de  Mar- 
the , 6c  autres  félon  le  crime  qu’ils 
ont  commis  , deforte  qu’ils  fe  joignent 
plufieurs  pour  s’affilier  les  uns  les  au- 
tres, & pour  en  tuer  davantage  dans 
tous  ces  delerts  qui  font  tous  rem- 
plis de  toutes  fortes  d’animaux  , afin 
d’en  fournir  le  nombre  qui  leur  eft 
enjoint  par  leur  ban  , & pour  regagner 
leur  liberté.  Et  ainfi  dans  tous  les  pais 
du  Norr  comme  aux  pais  des  Lapons, 
dans  la  Corelie  , Finmarchie  où  font 
envoyés  tous  les  mal-faiéteurs  , lef- 


3z6  LE  PARFAIT 

quels  au  lieu  de  la  mort  où  des  galè- 
res , racheptent  leurs  peines , par  d'au- 
tres qui  retournent,  au  profit  du  Roy. 
Je  nediray  rien  icy  de  la  nature  de  tous 
ces  animaux  ny  de  leurs  rufes  , parce 
qu’on  les  châtie  ordinairement  |avec 
des  chiens  pour  les  tuer  à coups  de 
traits  ou  d’arquebufes  , mais  je  fuis 
obligé  de  parler  de  certains  animaux 
qu’on  appelle  Rennes  qui  ont  des  pro- 
priétés très  remarquables  qui  pour- 
ront étonner  le  Leéfceur  , & qui  font 
plus  confiderables  que  tous  les  ani- 
maux de  ces  païs  froids. 

Les  Rennes  font  des  animaux  plus 
grands  que  des  Cerfs  & plus  petits 
que  des  Eflans  qui  ont  des  propriétés 
très  particulières , & qui  font  necef- 
faires  au  pais  où  ils  naiflent.  Premiè- 
rement , c’eft  qu’ils  vivent  de  peu  & 
ne  mangent  que  de  la  rnoutiè  des  ar- 
bres ; parce  que  la  Laponnie  & au- 
tres terres  du  INort  font  ordinairement 
couvertes  de  neige  huit  mois  de  l’an- 
née, dont  la  fuperficie  eft  rendue  fer- 
me par  la  gelée  continuelle  , & l’on 
n’y  peut  voyager  que  fur  des  traineaux 
qu’ils  font  tres-adroitement , & dan6 


CHASSEUR.  3!7 

lefquels  ils  fe  font  traifner  par  lefdits 
Rennes  , les  attelant  avec  des  cour- 
royes  de  cuir  large  qu’ils  font  de  leurs 
mêmes  peaux.  Ces  animaux  font  fi 
adroits  à traîner  ces  traîneaux  où  ils 
font  attelés  au  travers  de  toutes  ces 
forêts  vaftes  , & remarquent  fi  bien 
les  lieux  où  ils  veulent  aller,  & où  l’on 
les  envoyé  , ny  ayant  aucunes  traces 
de  chemins,  qu’ils  n’y  manquent  ja- 
mais , courans  par  tout  feus  eftre  gui- 
dés des  journées  entières  , & allant 
d’une  viteife  extrême  : Si  bien  qu’ils 
font  des  trente  lieues  par  jour,  jufqu’à 
ce  qu’ils  arrivent  aux  lieux  où  leurs 
Maîtres  les  ont  envoyés , & que  l’on 
ne  connoît  pas,  qu’au  moment  qu’ils 
s arrêtent  a la  porte  des  maiions  que 
l’on  cherche.  Dés  qu’ils  y font  arrêtés 
le  maître  de  la  maifon  fort  & les  re- 
connoît,  & reçoit  agréablement  celui 
qui  eft  dans  le  traîneau,  puis  il  prend 
les  Rennes  , les  met  dans  des  lieux 
exprès  & les  nourrit  ; mais  il  faut 
fçavoir  le  myftere  s c’eft  que  le  maî- 
tre a qui  font  les  Rerines,  en  partant 
leur  a foufflé  dans  l’oreille  & dit  quel- 
ques paroles  qu’on  n’entend  point  « 


5ag  LE  PARFAIT 

8c  fans  lefquelles  les  Rennes  ne  patti- 
toient  pas  & n iroient  point  aux  lieux 
où  on  les  veut  envoyer.  Je  laiffe  à de- 
viner ce  que  peut  eftre  ; mais  il  eft 
certain  foit  pour  aller  , foit  pour  le  re- 
tour, que  l’on  leur  foi  ffle  aux  oreilles, 
& quand  il  faut  plufieurs  voitures,  le 
maître  ne  fait  que  fonner  d’un  cornet 
au  fon  duquel  viennent  les  Rennes  , 
enfuite  l’on  les  attelle  , & le  maître 
leur  parle  à l’oreille  : incontinent  ils 
partent  tous , & s’en  vont  courans  au 
travers  les  champs  & forêts  tant  qu  ils 
arrivent  aux  lieux  où  ils  font  envoyés, 
& il  ne  fe  voiture  ny  ne  fe  trans- 
porte aucune  chofe  que  pat  les  Ren- 
nes , dans  des  traîneaux  creux  faits 
comme  des  tombereaux  où  fe  met 
l’homme  & la  marchandife  , & celuy 
qui  fe  met  dedans  eft  garni  d’un  pieu 
de  longueur  convenable  qu’il  tient  a 
la  main  pour  détourner  les  traîneaux 
des  butes  de  terre  ou  des  troncs  & 
Souches  d’arbres , & autres  incommo- 
dités qu'ils  rencontrent.  Toutes  les 
peaux  des  animaux  qu’on  tué  font  mis 
dedans  par  pacquets,  toutes  boitions 
8c  chofes  neceüàires  à la  vie  font 
«anfponées 


3*9 


CHASSEUR. 

tranfportées  de  cette  maniéré. 

Je  ne  m’étendray  point  davantage 
fur  la  façon  de  chafler  tous  les  ani- 
maux qui  font  dans  ces  pars  gelés  , 
parce  qu’il  n’y  a autre  fineflè  que  de 
faire  triquetrac  & battues,  & de  fui- 
vre  la  pifte  des  bêtes  qu’on  rencontre, 
pour  les  joindre , & que  l’on  tue  à la 
même  façon  qu’il  eft  dit  qu’on  tuëîes 
Elans  en  Canada,  & toute  autre  bête. 

Il  refte  à dire  comme  les  Sauvages 
tuent  les  Renards  qui  eft  une  adreife 
à fça voir  , parce  que  les  Renards  fe 
tuent  eux  mêmes,  & toutes  bêtes  car- 
nacieres  : voicy  comme  ils  font,  ils 
attachent  au  bout  d’une  corde  un  mor- 
ceau de  chair,  foûrenuavec  de  petites 
fourchetes,  & attachées  à une  arque* 
bufe  qui  mire  tout  le  long  , & eft 
pointée  juftement  pour  tirer  droit  au 
morceau  de  chair,  & il  y a une  fiflelle 
qui  tient  au  clichet  de  larquebufe  tou- 
te bandée,  dont  le  badiner  eft  couvert 
d’une  écorce  d’arbre  pour  empefcher 
que  l’humidité  ne  gafte  l’amorce  , en 
telle  forte  que  l’on  ne  peut  remuer  ny 
branler  le  morceau  de  chair  que  la 
fiflelle  tenant  à la  corde  ne  tire  le  clichés 

Ee 


330  LE  PARFAIT 

&c  ne  faffe  tirer  i’arquebufe,  & pour 
faire  que  rien  ne  puiffe  mettre  l’arque- 
bufe  hors  de  mire  droit  au  morceau  de 
chair , ils  environnent  de  bois  fichés 
en  forme  de  haye,  enforte  qu’aucun  ani- 
mal n’en  puifle  approcher  ny  la  pren- 
dre ou  la  morde  fans  eftre  tué  : ainfi 
les  Chafleurs  ayant  difpofé  leurs  ar- 
quebufes  qui  leur  font  fournies  & dont 
ils  ont  provifion  en  tous  les  lieux  où 
ils  ont  reconnu  que  plufieurs  animaux 
hantent,principalement  Renards,  Mar- 
tes , Foynes  , Loutres , Caftors  &c.  ils 
en  prennent  plus  en  cette  façon  qu’au- 
trement  : ilsfe  fervent  auffi  de  piégés, 
trous  & folfes  qu’ils  amorcent  pour 
prendre  toutes  fortes  de  bêtes  tant 
quils  puifient  racheter  leur  ban  par  le 
nombre  des  peaux  qu’ils  doivent  four, 
nir  pour  fe  mettre  en  liberté  , fk  pour 
cet  effet  ils  careffent  les  Sauvages  & 
font  amitié  avec  tous  les  habitans  de 
ces  païs  ( qui  font  alfés  charitables  de 
leur  nature!)  pour  tirer  connoiffaneôf 
de  tous  les  lieux  où  il  fe  peut  prendre 
facilement  des  animaux.  Ces  habitans 
les  aflïftent  & vont  à la  Chaffe  avec 
eux,  & quelquefois  il  arrive  qu’il  fe 


CHASSEUR.  331 

tient  de  fi  fortes  amitiés  en  tr’eux.,  qu’il 
y en  a plufieurs  qui  s’y  habituent  quand 
ils  ont  les  corps  alfés  robuftes  pour 
refifter  au  froid  qu’il  y fait , & même 
s'y  marient  ôc  deviennent  riches  quand 
ils  font  bons  & adroits  Chafièurs  t 
parce  que  les  peaux  s’y  vendent  très 
bien,  & qu’elles  fe  diftribuënt  par  tout 
le  monde  par  les  Mers  qui  en  fontpro- 
I chaines. 

Voila  ce  que  j’ay  pû  Içavoir  de  tres- 
veritable  des  Chaflès  qui  fe  font  au 
pais  du  Nort  des  bêtes  Quadrupèdes 
par  gens  qui  y ont  efté,  & qui  onteii 
la  curiofité  d’y  chaiïer  eux-mêmes. 

Il  ne  refte  plus  qu’à  parler  de  la 
| Pefche , à laquelle  font  adonnés  tres- 
ordinairement  tous  les  gens  du  Nord  , 
i parce  qu’ils  ne  vivent  prefque  tous  que 
ide  poiltons  fallés,  & des  huiles  qu’ils 
en  tirent  i ils  ont  une  fi  grande  quan- 
tité de  poifion,  qu’ils  en  prennent  tant 
qu’ils  veulent  : ils  pefchent  avec  des 
^filets  pareils  à ceux  dont  nous  nous 
fervons  , particulièrement  de  fables 
] qu’ils  traînent  de  la  même  maniéré 
que  nos  Pefcheurs  , & ne  les  traînent 
gueres  de  coups  qu’ils  ne  les  emplif- 
Ee  ij 


3?i  LE  PARFAIT 

jfent  -,  mais  comme  il  y gele  trop  long- 
temps & que  la  glace  les  empefchede 
traîner , ils  ont  trouvé  des  inventions 
de  traîner  leurs  fables  fous  la  glace, 
ce  qui  fe  fait  ainiî.  Ils  font  des  trous 
éloignés  les  unc  des  autres  de  la  lon- 
gueur d’une  perche  , 3c  les  continuent 
enfoite  qu’ils  puilfent  palier  leurs  fa* 
b!es  tout  de  leur  longueur  , 3c  ces 
trous  longs  , ils  les  font  avant  que  la 
glace  foit  épaiffe,  3c  les  entretiennent 
foigneufemenr  , rompant  tous  les  jours 
la  fuperficie  de  la  glace  qui  s'y  fait 
toutes  les  nuits  : puis  après  en  une 
diftance  telle  qu’ils  veulent , ils  font 
de  mêmes  trous  pour  la  fortie  du  fable, 
un  peu  plus  grands  que  les  premiers  * 
jpuis  pour  tirer  les  fables  ils  percent 
plufieurs  trous  en  une  ligne  droite 
allant  de  l'entrée  de  la  fortie  de  leurs 
fables  , 3c  attachent  la  corde  du  fable 
à un  bâton  qu'ils  paffent  de  trous  en 
trous  fous  la  glace  tant  qu’ils  ont  trou- 
vé la  fortie  , 3c  font  la  corde  du  fable 
allés  longue  , 3c  font  la  même  chofe 
aux  deux  bouts  de  leurs  fables  , 3c 
quand  ils  ont  pâlie  les  deux  bouts  de 
la  corde,  ils  étendent  leurs  fables  & les 


CHAS  SE  VU.  5J3 

jettent  dans  1 eau.  Le  bas  du  fable 
s etend  par  le  moyen  du  plomb  qui  eft 
attaché,  Sc  enfuice  ils  tirent  les  deux 
bouts  du  fable  petit  à petit  tant  qu’ils 
arrivent  à la  fortie  , lequel  ils  tirent 
hors  de l eau,  fi  plein  de  pofifon»  que 
le  plus  fouvent  ils  en  ont  de  refte  Sc 
quelquefois  trop,  ils  tendent  auffi  des 
jVergueils  ddfousla  glace,  Sc  pefchent 
mè  ne  à la  ligne  avec  de  grandes  hai- 
nes qu'ils  amorcent  de  chair,  & pren- 
nent de  fort  gros  poifions  notamment 
beaucoup  de  Marfoüins , donc  fis  ti- 
rent toute  Thuiie  qu’ils  mangent  avec 
le  pofifon  qui  les  nourrit  prefque  tout 
le  long  de  l’année. 

| Q^nt  à la  Pefche  de  la  Baleine 
& des  autres  grands  portons  , elle  fe 
[ait  l’Eté  quand  les  Mers  font  dégla- 
‘ees5  & la  font  de  même  que  les 
Bifcaiens  avec  harpons  Sc  ferrement 
[emblables,  parquoy  je  n’en  dis  rien* 
»arce  que  les  autres  en  ont  écrit. 


La  ChaJJe  des  Ours  blancs. 

LA  Chaffe  des  Ours  blancs  plus 
grands  que  des  hommes  fe  fait 
fur  la  glace  le  long  des  Mers,  dont  les 
bords  font  de  bois , & dans  quelques 
Ifles  où  ils  fe  retirent,  Plufieurs  Sau- 
vages y vont  en  troupe  armés  d’arcs 
& de  fléchés  & de  bâtons  ferrés  , de 
fourches,  & des  épées  attachées  à des 
demi-piques,  & de  torches  flamboyan- 
tes qu’ils  font  de  matières  feiches  im- 
bibées d'huile  qu’ils  ont  en  abondance, 
& attaquent  les  Ours  qui  font  quel- 
quefois en  troupe  , & leur  donnent 
des  batailles.  Les  hommes  y font  fort 
robuftes  d’une  force  extrême,  & mar- 
chent en  corps  ferrés  avec  le  meme 
ordre  que  pour  combatre  leurs  enne- 
mis. H y a entr’autres  des  Ours  d une 
grandeur  effroyable  qu’ils  ont  bien  de 
la  peine  de  vaincre , mais  ils  font  fi 
acharnés  à cette  Chaffe,  qu’ils  ne  la  de- 
laiflènt  point  qu’ils  n’ayent  terraffe  au- 
tant d’Ours  qu’ils  rencontrent  , dont 
ils  lèvent  les  peaux  qu’ils  vendent  très 


CHASSEUR.  335 
bien , & de  la  chair  ils  en  font  leurs 
feftins  8c  tabagies  qui  font  les  jours  de 
leurs  réjoüilfances. 

Ils  tuent  auflï  quantité  de  Chevaux 
! Marins  pour  en  avoir  la  peau  8c  les 
dents quils eftiment  beaucoup,  3e  laif- 
fent  le  refte  quine  vaut  rien  à manger# 
Ils  tirent  feulement  les  plus  grades  dont 
ils  font  de  l’huile  pour  leurs  n crédi- 
tés > car  il  leur  faut  beaucoup  de  clarté 
les  nuits  qui  font  de  fix  mois  durant 
tous  les  ans  : mais  en  recompenfe  ils 
ont  de  fi  ^grands  clairs  de  Lune  Sc  fi 
jbeaux,  qu’ils  égalent  les  journées  fom- 
fcres  des  Hyvers  aux  autres  lieux. 

La  nature  a donné  à ces  Peuples 
jnne  vigueur  extraordinaire  pourfe  dé- 
fendre contre  le  froid  , premièrement 
jils  ne  vivent  que  d’huile  avec  leur 
poiflon  qui  eft  d’une  qualité  chaude  : 
jils  font  grofliers,  & ont  plus  de  chair 
ien  un  bras  que  les  plus  groffes  cuifïes 
des  autres  hommes  : ils  ont  les  cuiiïes 
êc  les  jambes  charnues  d’une  monftreu® 
fe  grofïèur , la  tefte  fort  groflè  , le  vi- 
fage  auflï  fort  gros  & large  s 8c  tous 
les  cartilages  de  groffeur  double  aux 
autres.  Ils  font  vêtus  de  peaux  très  ve- 


33é  LE  PARFAIT 
lues  s ce  qui  les  munit  contre  le  froid 
continuel  qu’ils  ont  , & font  plus  fo- 
jets  aux  maladies  l’Eté  que  1 Hyver 
pour  l’extrême  chaleur  que  leur  caufe 
leur  nourriture  , car  ils  font  grands 
mangeurs  -y  mais  ils  font  fi  pénibles  & 
fi  forts , que  nuis  autres  hommes  que 
de  leur  pais  propres  , ne  les  peuvent 
fuivre  dans  les  travaux  & dans  leurs 
ChalTes  ni  dans  leur  Pefche,  Quand 
ils  vont  pnefcher  chacun  porte  fon  ca- 
not fur  fes  épaules  , Ôc  tous  les  filets 
qu’il  leur  faut  quapeine  pourroit  porter 
un  mulet  : tellement  que  quand  ils 
vont  en  troupe  , cela  paroît  un  efea- 
dron  de  Cavalerie,  foit  quand  ils  vont 
pefeher  fous  la  glace  , foit  quand  ils 
vont  attaquer  les  Ours  où  les  Loups 
dont  il  y en  a quantité.  Toutes  ces 
Ghalfes  fe  font  au  Triquetrac.  Les 
plus  plaifantes  Chafies  qu  ils  font  &C 
où  ils  ont  moins  de  peine  » ceft  la 
chafle  des  Oyfcaux  dans  de  certaines 
Ifles  où  ils  fe  retirent  pour  faire  leurs 
nids  qu’ils  appellent  d’un  nom  comme 
qui  diroit  leur  colombier. 

Ces  Ifles  font  fi  remplies  d œufs  de 
toutes  fortes  d’Oyleaux,  qu  ils  en  rap- 
portent 


CHASSEUR.  337 

portent  plein  des  canaux  , & de  tous 
Oyfeaux  qu  ils  artômment  à coups  de 
bâton  , comme  d’Oyes,  de  Grues 
d’Outardes  de  M -ts,  d’Oyfeaux  de  ri- 
vicre,  Si  d une  infinité  d Oyieaux  Mâ- 
tins  qui  le  plus  fouvent  font  attaqués 
des  Loups  & des  Ours  qui  en  vivent, 
où  ils  partent  à nage  le  long  de  l’t  ré! 
i Mais  il  y a dans  aucunes  de  ces 
des  Oyfeaux  d'une  grandeur  exceffive, 
qui  ne  font  point  dans  les  autres  pais  : 
ils  font  plus  hauts  de  terre  que  des* 
hommes,  & fe  nomment  Paingoüins , 
dis  font  plus  grands  que  des  Autru- 
ches, & ne  volent  quafi  point  à caufe 
de  la  grande  pefanteur  de  leur  co  ps. 
Les  Sauvages  vont  dans  ces  Ifl.  s 4 
ils  habitent,  & vont  dénicher  les  œufs 
iqu’ils  mangent  avec  leurs  huiles  en 
façon  d’omelettes , & difent  que  ces 
lOyfeaux  font  excellens  à mander 
c’eft  pourquoy  ils  vont  fouvent  dans* 
ces  Ifles  dans  la  faifon  que  les  pents 
font  dans  une  grandeur  raifonnable  & 
ien  artômment  plufieurs  à coups’ de 
bâton  pour  manger  , & quand  !cs 
Mers  font  gelees  ils  y partent  enrrou- 
ipe  fur  la  glace.  Si  attaquent  les  vieux 

Ff 


55S  LE  PARFAIT 

avec  dès  fourches,  léfquels  fe  défen- 
dent' f°!t  comme  <*eS  °Ÿes  ’ lenaiîs 

tous  les  becs  tendus  comme  des  pi- 
qués-, & tant  qu’ils  font  en  cette 
pôftute  , les  Sauvages  ont  peine  de  les 
aflbïhmer  , mais  iis  tâchent  avec  leur 
demi-piqiies  de  les  feparer  ôr  rompre: 
aüflï-tot  qu’ils  le  peuvent  faire  ils  en 
viennent  facilement  a bout  ; car  a tort 
& à travers  dé  leurs  telles  & de  leurs 
corps  ri  frappent  de  telles  fortes,  qu  ils 
en  abattent  autant  qu’ils  en  touchent, 
fi  bien  qu’à  la  fin  ils  empUffent  eut 
traîneaux,  & les  traînent  fur  a glace 

iufqu’à  terre  :&  puis  ils  font  leur  ta- 
bagies qui  font  les  jours  de  leurs  re- 
ioüilTances  ; ainfi  le  printemps  vis  vi- 
vent de  ces  ceufs  d’Oyfeaux  , Eté  1 * 
vivent  de  leurs  petits  qu’ils  dénichent  : 
l’Automne  ils  vivent  des  jeunes  Oy- 
feaux  qu’ils  aflbmment,  & 1 Hyver  des 
Vieux  qu’ils  tuent  comme  eft  du  : mais 
c’eft  à diverfes  repafes  , car  comme 
fis  en  ont  trop  ils  les  gardent  po«t 
manger  de  temps  en  temps . pendant 
lefoueU  ils  chaflent  pour  avoir  les 
neaux  & ne  delailfent  point  la  pefihe, 
parce  qu’ils  font  plus  frians  de  poiflon 


CHASSEUR.  539 

que  de  viande  , & enfin  ils  font  les 
plus  grands  Challèurs  du  monde , car 
ils  nont  autre  chofe  à faire,  & n’em- 
ployent  aucun  temps  de  leur  vie  qu’à 
chafier  fans  cefle. 


L hilaire  de  lu  GhuJJe  des  G cutis* 

ANdre’  Thevet  qui  a navigê 
dix- huit  ans  durant  dans  toutes 
les  parties  du  monde,  parle  commait. 
dement  de  Charles  IX.  Roy  de  France, 
vifitant  l’ Amérique  vers  les  terres 
Magellaniques  fe  trouva  dans  les  cô- 
tes du  Royaume  de  Chica , où  il  vid 
plufieurs  Geans  , les  moindres  de  douze 
pieds  de  hauteurs  , d’une  force  8c 
d’une  vitefle  fi  extraordinaire,  qu’ils 
furpafioient  les  Cerfs  a la  courie,  8c 
que  l’un  d’eux  voyant  dix  Matelots 
rouler  une  tonne  d’eau  pour  faire 
avgade  , & fort  empefehés  à rouler 
ladite  tonne  , la  prit  par  les  deux 
bouts  & la  mit  dans  la  naflèlle  tout 
feul  : ce  que  voyant  ledit  André 
Thevet,  luy  fit  de  grands  accueils,  & 
luy  rendit  témoignage  par  fignes  d’une 

F fi) 


34o  LE  PARFAIT 

grande  obligation  , luy  donnant  toutes, 
les  marques  qui  fe  peuvent  imaginer 
de  bien  veillance  & d’amitié. 

Ce  Géant  voyant  un  fi  petit  homme 
luy  faire  de  femblables  carrefTes  tomba 
en  admiration,  & le  prit  en  amitié  : il 
y a apparence  qu'il  eftoit  un  des  prin- 
cipaux d’entr’eux , il  le  mena  dansune 
maifon  donc  les  étages  étoient  de 
vingt  pieds  de  haut  , & les  portes 
larges  & hautes  a proportion.  Ledit 
Thevet  porté  aufïi  d aflf  6lion  de  faire 
un  femblable  & fidek,  récit  des  cho- 
fes  à fon  Maître  fe  miGau  hazard  , Sc 
s’abandonna  à la  foi  dudit  Géant  qui 
le  reeeut  fort  bien  chez  luy.  Après  il 
retourna  trouver  fes  compagnons  , 
promettant  par  fignes  qu’il  viendroit 
le  revoir  : ce  qu’il  fit  le  lendemain  , 
& converfant  avec  luy  par  les  meil- 
leurs fignes  qu’il  pouvoir,  & avec  deux 
de  fes  enfans  mafles , dont  1 un  avoir 
neuf  pieds  de  hauteur  & l’autre  plus 
jeune  huit. 

Ils  luy  montrèrent  leurs  arcs  & ce- 
luyde  leur  pere  , qui  étoit  prefque 
aufïi  pefant  qu’un  baliveau  , les 
pierres  dont  eft  parlé  ci-devant,  donf 


CHASSEUR..  34Ï 

ils  chafloient , ils  le  retindrent  plu- 
sieurs jours  * lui  fai  faut  bonne  chere  , 
& le  menèrent  à leur  chaire  qui  étoit 
d’Originaux  & de  grands  Bœufs  , les- 
quels ils  portoient  par  terre  d’un  feu! 
coup.  Enfin  ledit  André  ne  fçichant 
rien  connoître  à leur  langue,  ne  pût  ap- 
prendre autre  chofe  du  pais  par  leurs 
fignes,  finon  que  c’éroit  une  terre  où 
perfonne  ne  hantoit V à caufe  de  I’ex- 
treme  force  & legerêté  dont  ces 
Geans  font  doüés.n!tft:ne  fe  fervoient 
point; d’autres  aimes  que  de  longs  bâ- 
tons ferrés.  Il  leur  fit  prefent  d’une 
chaudière  & de  quatre  fortes  coignées 
dont  ils  lui  firent  de  très  grands  re- 
merciemens , 8c  lui  donnèrent  tant  de 
fignes  d’amitié,  qu’ilh’efir  pas  poflible 
davantage  : mefme  le  reconduifirent 
jufqu’à  tes  navires , defquels  fis  me- 
furerent  la  longueur  8c  largeur  avec 
des  fignes  d’admiration  , & fe  fepare- 
rent  d avec  lui  avec  des  marques  de 
triftelfe. 

Au  bout  de  cette  terre  eft  le  détroit 
de  Magellan , où  ledit  Thevet  palfa 
& entra  dans  la  Mer  pacifique  , au 
long  des  côtes  de  laquelle  du  côté  du 
F f iij 


34i  LE  PARFAIT 

Sud  il  vid  grande  quantité  de  feux  la 
nuit  j ce  qui  lui  fit  préjuger  qu'elle 
étoit  habitée  , & la  côtoyant  de  jour 
il  vid  grande  quantité  de  peuples  , 
hommes  & femme  tous  nuds  qui 
avoient  tous  leurs  arcs  à la  main  & 
des  floches  , comme  s’ils  enflent  vou- 
lu défendre  leur  terre  j mais  à ilatve- 
rité  c’étoient  jdes  jGbafïèurs  qui  fai- 
foient  un  Toiquetrac  le  long  de  cette 
côte  > où  il  y avait  plufieurs  fortes  da* 
nimaux  qui  fuyoient  devant  eux  , & 
dont  ils  tuoient  quelques-uns  en tr ‘au- 
tres. 

llspenfoient  faire  amitié  avec  ces 
peuples  , .&;leur<en  donnoient  tous  les 
figues  3 mais  jamais  ces  peuples  ne 
rendirent  aucun  témoignage  d’y  con- 
fentir  >:  ains  au  contraire  d'une  hu- 
meur féroce  oourroient  vers  les  bords 
de  la  Mer  , & tiroient  aux  navires  de 
leurs  fléchés  avec  cris  , & les  femmes 
tiroient  & ,paroilToient  plus  fieres  que 
les  hommes,  avec  cris  & hurlemens 
comme  bêtes  , ce  qui  fit  qu’ André 
Thevet  abandonna  ces  lieux,  & re- 
paflà  le  détroit  pour  repafler  en  Aflti- 
que,  ç&  vifiter  les  R ois  d’icelle  pour 


CHASSEUR. 

reporter  quelque  nouveauté  à fon 
Maître  , ce  qu’il  fit  avec  fuccés , ainfi 
qu’il  fe  verra  ci-aprés. 

Le  Sieur  André  Thevet  & le  Sieur 
Amérique  Vefpafe  rapportent  ces 
mefmesçhofesde  ce  qui  aellé  dit  de  la 
Terre  des  Geans  * & de  la  cote  de  la 
Terre  Anftrale  inconnue  , habitée  p^r 
desgens  fifauvages,  qu’il  ne  leur  a ja- 
mais efté  poffîble  de  les  apprivoifer  , 
deforte  que  tous  les  deux  étans  partis 
exprès  pour  reçonnoître  cette  terre , iis 
furent  contrain  ts  de  la  lai  (1er  pour  la 
brutalité  & férocité  de  ces  peuples. 

Amérique  Vefpafe  pouffa  bien  plus 
avant  le  long  de  la  côte  pour  la  re~ 
connoître  , 8c  il  ne  vid  jamais  que 
quantité  de  feux  le  long  d’icelle,  8c 
la  nomme  pour  cet  effet,  terra  del 
Fuego.  Magellan  vid  aullî  la  mefme 
choie  , 8c  la  tourna  toute  entière  par 
Tefpace  de  trois  mille  lieues , & pa- 
yant pas  efté  agité  d’aucune  tempefte 
fur  cette  Mer  s il  la  nomma  Mer  Pa- 
cifique. 

Le  Sieur  Thevet  donc  en  tqwc~ 
nant  prit  la  route  du  Monomotapa 
fans  doubler  le  Cap  de  bonne  JEfpe- 
Ff  iiij 


344  LE  PARFAIT 

rance  , mais  tournant  tout  le  long  de 
la  côte  d’Affriqu'e  voulut  en  vifiter 
les  Rois  , croyant  bien  y trouver  quel- 
que chofe  de  fingulier  & rare  pour  en 
faire  le  rapport  à Ton  Maître. 

Le  premier  Roi  qu’il  vid  étoit  un  grand 
Chilfeur,  qui  tenoit  de  grands  équipa- 
ges de  chiens  pour  chaflTer  dans  les  mon- 
tagnes dotfon  Royaume  étoit  plein,aux 
pieds  defquelles  il  y a deux  grands  Lacs, 
donc  l’un  s’appelle  Zemble  d’où  part 
le  flruve  Niger  qui  coule  à l’Occident, 
3c  traverfant  toute  l’ Afrique  va  tom- 
ber dans  la  Mer  Occane  par  fept 
bouches  : l’autre  s’appelle  Zaire,  d’où 
fort  le  Nil  qui  coule  à l’Orient  ÔC 
Nord  , traverfant  toute  i’AAFHqtie  va 
ton  ber  dans  l’Egypte  par  lept  bouches 
auffi. 

Ce  Roi  du  Monomotapa  fait  une 
vie  fort  agréable,  cha  (Tant  toutes  for- 
tes d’animaux  8c  principalement  des 
Licornes  à force  de  chiens  3c  de  che- 
vaux qu’il  mene  avec  luy , traînant 
avec  foi  grand  nombre  de  femmes , 
félon  la  mode  des  Rois  d*  A Afrique'. 

Thevet  menoit  avec  foi  un  de  fes 
neveux  grand  tireur  , &c  comme  il 


CHASSEUR.  345 

alloit  à la  chafle  avec  le  Roi  qui  avoir 
deux  fils,  il  tiroir  plufieurs  Oyfeaux 
en  voilant  8c  plufieurs  bêtes  en  cou- 
rant , dont  le  Roi  étoit  ravi  , & aà- 
miroit  tellement  cette  adrefle,  qu’ils 
croyoient  tous  que  cela  vinft  des  ar- 
quebufes  qu’ils  croyoient  vivantes  : 
enfin  ils  familiariferent  tellementavec 
ledit  Thevet  8c  fon  neveu,  qu’ils  les 
obligèrent  à demeurer  quelques  temps 
avec  eux  , pendant  lequel  ces  jeunes 
Seigneurs  eurent  la  curiofité  d’exercer 
ces  arquebufes. 

Le  neveu  dudit  Thevet  leur  montra 
à tirer  fans  leur  dire  l’invention  de 
charger  leur  arquebufe  , mais  un  jour 
comme  il  dormoit  ayant  laiffe  fur  la 
table  une  petite  poire  pleine  de  pou- 
dre , 8c  un  gros  fourniment  plein  de 
poudre  auflî  , le  plus  jeunes  de  ces 
Seigneurs  prit  une  de  ces  arquebufes, 
8c  tirant  de  la  petite  poire  de  la  pou- 
dre il  chargea  trop  l’arquebufe  , puis 
la  voulant  tirer  fur  un  Oyfeau  , l’ar- 
quebufe  le  repoufïa  fi  fort,  qu’elle  le 
blefia  à ia  joue  , 8c  fit  crever  ladite 
arquebufe  qui  lui  fit  encore  une  con- 
tufion  à la  main  ; furquoi  le  neveu  de 


LE  PARFAIT 

Thevet  entendant  le  bruit  & ne  voyant 
plus  fon  arquebufe  ni  fà  poire  courut 
viftement  voir  ce  que  c’étoit,  & trou- 
va ce  jeune  Seigneur  bieffé  à la 
joüe  & à la  main,  le  ramena  vifte- 
n ent  à fa  chambre , & comme  il 
étoit  fort  expert  en  chirurgie,  le  penfa 
8c  le  guérit  en  fort  peu  de  temps  : 
le  priant  de  ne  point  dire  à fon  pere, 
comme  cet  accident  étoit  arrivé  par 
fa  propre  faute,  lequel  euft  efté  bien 
plus  grand  s’il  euft  prit  le  fourniment 
au  lieu  de  la  poire  , parce  qu’il  étoit 
tout  plein  de  poudre  : car  s’il  euft 
chargé  dudit  fourniment  , la  poudre 
qui  étoit  violente  euft  fait  crever 
Parquebufe  en  mille  pièces  , &tué  le- 
dit Seigneur  , lequel  accident  les  euft 
tous  perdus  : enfin  après  avoir  de- 
meuré deux  mois  auprès  de  ce  Roi, 
Thevet  lui  demanda  permiffion  de  fe 
retirer  & d’achever  fon  voyage , lui 
promettant  de  le  revenir  voir.  Il  fit 
prefent  d’une  de  ces  arquebufes  à ce 
jeune  Seigneur , lui  montrant  comme 
il  la  faloit  charger  pour  ne  plus  tom- 
ber dans  la  disgrâce  qu’il  avoit  en- 
courue. Le  Roi  pour  cet  arquebufe 


CHASSEUR.  347 

lui  fit  prefent  pour  plus  de  dix  mille 
francs.  Ledit  Thevet  & fon  neveu 
prenant  congé  du  Roi  receurent  des 
témoignages  de  bien-veillance  fi  fa- 
vorables & fi  pleins  d amitié  , qu’au 
retour  du  voyage  des  Indes  qu’ils  en- 
treprenoient  , ils  firent  refolution  de 
venir  revoir  ce  Roi  8c  ces  jeunes 
Princes  , 8c  partirent  doublant  le  cap 
dejbanne  Efperance  , & tombant  dans 
le  Canal  de  Mofant  bic  pafla  la  Mer 
Perfique  , & côtoyant  toutes  les  Mes, 
il  arriva  à celles  des  Moluques  où  il 
y avoit  un  Roi  très  honnefte  qui  re- 
cevoir très  bien  les  Etrangers  , 8c  il 
fe  rencontra  que  ce  Roi  écoit  auflï 
très  grand  Chafleur  ; mais  à trois  for- 
tes de  Chafles  bien  differentes  : l’une 
à la  ch r fie  des  Baleines  ; la  fécondé  à 
la  chaffe  d’une  bête  qui  a face  humai- 
ne,! tonte  femblableà  celle  des  Sphynx 
quepsignent  les  Peintres  & Sculpteurs; 
la  troifiéme  aux  Fourmis  grands  com- 
me des  chiens  , qui  au  rapport  de 
Belon  gardent  les  montagnes  d’or  qui 
font  en  cette  Ifle  , toutes  icfquelles 
trois  Chafles  je  m’en  vais  vous  dé- 
crire. 


34§  LE  PARFAIT 


De  la  Chajje  de  la  Baleine * 

LA  Baleine  eft  un  poiflon  qui  fe 
plaid!  fort  dans  les  Mers  ou  le 
poiflon  abonde  : il  y enagrande  quan- 
tité en  ces  lieux  à caufe  de  l'abondan- 
ce du  poidon  que  ce  Roi  prend  plaifir 
d’y  chalT  r fou  vent.  Pour  cet  eff  t ils 
fe  metta  nt  fur  Mer  dans  de  petirs  vaif- 
feaux  faits  exprès  5 accompagnés  de 
plufieurs  autres  , 8c  d’une  infinité  de 
petites  barquerolles  dans  lefquelles  fe 
mettent  les  Indiens  qui  la  chalfentavec 
harpons  8c  cordages  neceflaires. 

Le  Roi  choifit  un  beau  jour  que  les 
Baleines  fe  ) lient  fur  la  fnperfteiedes 
eauës  : suffi  tôt  qu’on  en  void  une, 
elle  efl  environnée  de  ces  navires  où 
eft  le  Roi  8c  toute  fa  fuite  ; lefquels 
lui  jettent  quantité  de  harponirqasDC^ 
chés  à de  longues  cardes  qui  fcml 
pointus,  qu’ils  entrent  dans  le  corps  de 
ladite  Baleine,  laquelle  fe  Tentant  pi- 
quée s’a baifle  dans  le  fond  des  eaues 
entraînant  les  harpons  avec  les  cordes 
qu’ils  laiflent  filer  alfés  pour  aller  juf- 


CHASSEUR.  349 

qu’à  la  profondeur  de  cette  Mer , qui 
n a pas  plus  de  quarante  ou  cinquante 
toiles  de  fond.  La  Baleine  perdant 
beaucoup  de  fang  par  fes  bleftures  re- 
vient quelquefois  au  deiïus  en  fe  de. 
menant  ; on  lui  jette  encore  plufieurs 
harpons  qui  achèvent  de  lui  faire  per- 
dre le  refte  de  fon  fang  ; & quandelle 
eft  toute  languiilànte  on  la  traîne  à 
bord  : ainfi  continuant  à plufieurs. 
Le  Roi  fe  divertit  jufqua  la  fin  de* 
cette  ChaiTe  & fe  retire.  II  faut  ici 
noter  que  prés  de  cette  Ifle  il  y a un 
banc  de  terre  de  quarante  toifes  de  pro- 
fondeur feulement , pareil  à celui  du 
grand  banc  où  l’on  pefche  les  Morues 
au  Nord  , fur  laquelle  des  profon- 
deurs des  Mers  viennent  fe  jouer  les 
Baleines,  qui  donnent  cette  facilité  de 
les  prendre.  Il  n’y  a que  ce  Roi  de 
[toutes  les  Ifles  d’allentour  qui  joüifle 
de  ce  bénéfice,  à la  faveur  duquel  il 
;fait  une  très  grande  quantité  d'huile 
qu  fi  vend  par  tout  à tous  fes  voifins, 
& c eft  un  des  principaux  revenus  de 
fon  état  avec  les  deux  autres  ChaiTes 
que  je  vais  raconter. 

La  fécondé  Chaftè  que  fait  ce  Roi , 


jjo  LE  PARFAIT 

fe  fait  par  neceffîté.,  parce  que  les  ha- 
bitans  de  cette  Ifle  craignent  extrême- 
ment cette  bête  à face  humaine  , & 
dilent  quand  elle  paroift  que  c’eft  le 
plus  grand  malheur  qui  puifle  arriver 
à cette  Ifle  : voila  pourquoi  les  habi- 
tans  de  ces  lieux  font  extrêmement 
foigneux  d’en  remarquer  la  pifte  qui 
eft  le  veftige  des  deux  pieds  de  derrière 
faits  comme  d’un  Lyon,  & des  deux  de 
devant  comme  d’une  main  humaine  , 
ayant  les  bras , l’eftomach  & le  refte 
du  corps  humain  , excepté  le  derrière 
qui  eft  comme  d’un  Lyon  de  couleur 
jaune  & brillante  quand  le  Soleil  donne 
deflus.  Audi- tôt  qu’on  en  aveu  la  pifte 
l’on  eft  vigilant  pour  tâcher  de  la  dé- 
couvrir ; mais  il  eft  fort  difficile, 
parce  quelle  fe  recele  fort;  quelque- 
fois elle  parroift  fur  le  haut  des  mon- 
tagnes , & fort  rarement  de  fes  ca- 
vernes au  bas  des  obfcures  vallées  oà 
il  y a des  cavernes  très  profondes  , Ô6 
où  difficilement  peut- on  aborder. 

Quand  on  la  peut  voir  , on  le  rap- 
porte au  Roi , lequel  incontinenr  fait 
amafter  les  peuples  pour  environner  la 
montagne,  en  coupant  le  chemin  des 


CHASSEUR.  35f 

profondes  vallées  où  font  lefdites  ca- 
vernes , dont  elle  fort  pour  aller 
manger  au  haut  de  la  montagne  cou- 
verte de  fruits  très  dilicieux  , defquels 
par  apparence  elle  fe  charge  pour 
nourrit  fa  famille  que  l’on  juge  habi- 
ter dans  lefdites  cavernes  par  la  pifte 
de  plufieurs  de  ces  bêres  de  grandeurs 
differentes , & qui  fortent  très  rare- 
ment. 

Quand  la  montagne  eft  enceinte 
d’autant  de  monde  qu’il  eft  necellàire 
& que  tout  eft  préparé  le  Roi  fait 
faire  un  triquetrac  , d’hommes  & de 
chiens  par  toute  la  montagne  pour 
lancer  cette  bête  ; fi  elle  fe  trouve,  ce 
font  des  cris  de  joye  de  tout  le  monde  ; 
mais  affés  fouvent  elle  fe  retire  dés 
quelle  entend  le  moindre  bruit  : ce- 
pendant quand  elle  y eft  on  l’attend 
fur  les  paffîges  defdites  cavernes  avec 
des  tentes,  bricolles  8c  panneaux  faits 
exprès , avec  force  gens  qui  tâchent 
de  la  tuer  : lors  que  cela  arrive  ce 
font  des  réjoüiflances  extrêmes  quinze 
jours  durant  dans  toute  l’Ifl-  , & le 
Roi  en  fait  des  frftins  à tour  le  peu- 
ple en  confiderauon  de  ce  qu’on  l’a 


55î  le  parfait 

trouvée  , & que  chacun  a fait  fon  de- 
voir, & qu'elle  eft  pouffée  à bout. 
Quand  ce  bon  heur  eft  arrive  , tous 
les  peuples  font  des  pteiènsà  leur  Roi» 
& c’eft  encore  un  des  principaux  re-- 
venus  de  fa  couronne,  car  chacun  fait 
fon  prefent  de  ce  qu’il  a de  meilleur. 

Quant  a la  troifiéme  Chaffe elle  le  fait 
dedëux  façons,  l’une  fort  perilleuüe 
& païuculiere  ; l'autre  par  la  force  & 
par  l’artifice  qu’on  y apporte. 

La  première  fe  fait  par  des  Chaüeurs 
que  le  Roi  entretient  qui  s’expofent 
volonrairement  au  péril  qu  ils  peuvent 
encourir  , mais  pourtant  fe  premunil- 
fent  des  artifices  necelfaires  pour  évi- 
ter les  dangers  qui  ne  font  que  trop 
apparens.  En  cette  lfle  parmi  les  mon- 
tagnes & collines  qui  s’y  rencon- 
trent, il  y en  a une  qui  eft  dite  la 
montagne  dorée  , en  laquelle  habitent 
de  certains  Fourmis  grands  corr.medes 
chiens  qui  font  leurs  terriers  fur  les 
plus  hauts  lieux  d’icelle  , & en  les  fai- 
fant  & creufant  ils  tirent  une  terre  du 
fond  de  la  montagne  qu’ils  pouflentà 
la  fuper ficie  qui  eft  de  pur  or  ; ainii 
qu’il  fe  void  , quand  le  Soleil  donne 


CHASSEUR.  3j5 

ddïus.  Quand  ces  dns  Chafleurs 
voyent  briller  de  loin  cet  or  au  Soleil, 
ils  tâchent  autant  qtvils  peuvent  de 
1 aller  quérir.  Pour  cet  effet  ils  met- 
tent de  petits  fachess  longs  8c  étroits 
ddlus  une  femelle  de  Chameau  qui 
nourrit  un  petit,  lequel  ils  1 ai (Tent  ex- 
près au  logis  , 8c  montent  fur  la  mers 
allant  fur  l’heure  de  niidy  droit  aux 
lieux  où  ils  voyant  briller  ledit  or  , 
qui  eft  une  heure  en  laquelle  lefdirs 
fourmis  font  retirés  au  fond  de  leur 
caverne  à caufe  de  la  chaleur  qui  s’y 
fait  : alors  ils  emplifltnt  virement  leur 
fachet  cPor  , les  chargent  fonda  in  fur 
la  femelle  d-efdits  Chameaux  & re- 
montent an  plutôt  d effets  ; 8c  s’en- 
fuyent  à tonte  bride  en  liberté  droit 
àjeurs  maifons,  où  ils  arrivent  bien- 
tôt , car  les  bêtes  qui  ont  grand  défit 
de  retourner  à leurs  petits  vont  d’uns 
vitdlè  extreme-  : ainfi  ils  évitent  la  fu- 
reur des  fourmis , leiqueHes  ayant  ea 
le  vent  d’eux  les  pourfuivent  fort  loin^ 
mais  la  vi telle  du  retour  de  leur  bête 
les  fauve  : une  autre  fois  quand  ils  onc 
veu  encore  briller  de  . for  fur  lefdirs 
,t£  'us  j ils  y esic-pre  a?ec 

€ 2 


m LE  PARFAIT 

précaution  pourtant  de  prendre  an 
temps  commode,  ou  de  pluye,  ou  de 
Soleil  , ou  de  vent , qui  obligent  lek 
dits  Fourmis  à ne  point  ou  peu  fortir 
des  trous , & bien  fouvent  il  y a des 
gens  qui  font  attrapés , fans  pouvoir 
*ftre  fecourus  \ mais  ils  font  fi  rufes 
& faits  à cet  exercice  que  s'ils  voyent 
feulement  un  de  ces  fourmis  au  guet  . 
ils  n’approchent  point  delà  montagne, 
ou  fi  y étans  ils  en  voyent  paroître 
quelqu’un,  quoi  que  les  betes  foient 
preftes  à charger  , ils  remontent  fou- 
dain  deflus  fans  le  faire  , 8c  fuyans  à 
toute  bride  fe  fautent , leur  monture 
étant  de  beaucoup  plus  viftequelefdits 
Fourmis. 

L’autre  façon  eft  plus  perilleufe  pour 
tirer  cet  or  : mais  elle  fe  fait  aufli  a 
force,  & fe  peut  appeller  une  chaflè 
très  mortelle  , car  quand  on  a veti  la 
montagne  toute  brillante  & couverte 
de  cet  or  , & le  Roi  en  ayant  eu  avis, 
il  s’y  tranfporte  avec  très  grande  quan- 
tité de  Chafleurs  & une  très  grande 
quantité  de  filets  faits  exprès  pours’op- 
pefer  à ces  Fourmis,  8c  les  empefcher 
d’exercer  leur  fureur  fur  les  hommes. 


CHASSEUR.  m 

ïls  commencent  donc  à tendre  ces 
filets  le  plus  proche  des  trous  qu’ils 
peuvent  eftre  tendus,  nonobflant  la 
fortie  de  ces  bêtes , caron  a choifi  le 
temps  propre  oû  il  en  paroic  le  moins  : 
après  Ton  tend  des  parcs  quarrés  de 
filets  , dans  lefqueîs  fe  mettent  les 
hommes , on  en  fait  un  pour  le  Roi 
& les  Chafïeurs  avec  plufieurs  tam- 
bours  & inft rumens  qui  font  grand 
bruit  , Ton  tâche  de  les  épouvanter 
par  là  avec  des  cris  redoublés  qui  ac- 
compagnent celui  des  tambours.  Lef- 
dits  animaux  au  premier  bruit  s’ar|ffc§nt 
un  peu  étans  épouvantés»  Lefdits  parcs 
qu’on  a faits  font  de  telle  forte,  qu’ils 
fe  roulent , & on  les  approche  des 
trous  : on  y mene  des  chiens  qui  font 
drefTés  à combatre  lefdits  Fourmis  3 
lefqueîs  s’épouvantent  à force  de  la 
continuation  du  bruit , & rentrent  peu 
à peu  dans  leurs  trous , non  fans  grand 
combat  & mortalité  defdits  animaux  s 
car  pour  les  hommes  ils  fe  font  pré- 
munis de  peaux  de  buffis  ôc  d’écailles, 
de  rhinocéros  & de  femblables  autres 
peaux  pour  fe  garder  d’eftre  bîeffés  : 
ainfi  quand  tous  les  Fourmis  font  ren- 
Gf  if 


35<S  LE  PARFAIT 

très  , Ton  tend  des  fi-ets  fur  les  trous 
pour  empefcher  qu’ils  ne  reportent,  Bc 
1*011  charge  généralement  tout  1 or 
qu’on  rencontre  , a quoi  font  merveii- 
leufement  entendus  tous  les  habitans 
du  pais  Sc  tous  les  Cha fleurs. 

Cette  ChafTe  generale  le  Roi  pre- 
fent , ne  fe  fait  que  dans  un  certain 
temps  auquel  l’on  n’a  pu  auparavant 
en  recouvrer  que  peu  moins  qu  à 1 or- 
dinaire , & auffi  lors  qu’on  attend  les 
vaiffeaux  qui  en  doivent  trafiquer  : 
car  on  ne  peut  pas  fouvent  faire 
cette  ChafTe  generale , la  plufpart  de 
ces  animaux  ayant  efté  blefTés  , ôc 
n’ayant  pû  refaire  ni  approfondir  de 
nouveaux  trous  : mefme  les  habitans 
de  ce  lieu  difent,  quand  cela  eft  arrive 
que  ces  Fourmis  abandonnent  iefdits 
trous , &c  en  vont  faire  d’autres  dans 
les  montagnes  prochaines  ; aufit  ne 
fait  on  ces  grandes  Chaffes  que  lors 
qu’on  void  la  montagne  plus  fterile , 
(k  qu’il  en  fort  moins  d or  pour  obli- 
ger les’  Fourmis  a en  choiftr  une  autre 
plus  fertile  que  la  première. 

C’eft  ainfi  que  Belon  Auteur  très 
illuftre  rapporte  qu’il  a vû  de  fes  prir 


dré  Thevet  !a  confirme,  non  pas  pour 
1 avoir  vu  , mais  pour  Pavoir  fceudef- 
dits  habitans  de  cette  I fie  , 5c  du  Roi 
qu  on  la  feroit  bien- tôt  , 5c  qu’il  lui 
montreroic  lui  tnefme  s'il  vouloit  fé- 
journer  quelque  peu. 

Eft  à noter  que  ces  collines  où  fè 
retirent  ces  animaux  dont  on  tire  Por 
pur  font  la  plufpart  fablonneufes  ; mais 
proche  d’autres  montagnes  voifines 
qui  abondent  tellement  en  fruits  déli- 
cieux , dont  ces  Fourmis  font  frians, 
qu’ils  ont  dequoi  s’y  repaiftre  pleine- 
ment fans  en  faire  aucune  provision* 
comme  font  les  autres  Fourmis  és  au- 
tres lieux  de  la  terre,  par  la  raifon 
que  cette  lOêt  eft  fituée  en  la  Zone 
torride,  où  il  fait  toujours  chaud,  Sc 
ou  les  fruits  croilfent  en  toutes  les  fai- 
fons  de  l’année. 

Après  toutes  ces  courfes  André 
Thevet  reprenant  le  chemin  de  k 
France  s’en  revint  par  la  côte  d’Affd- 
que  revoir  fon  Roi  du  Monomotapa 
qui  Pavoit  fi  bien  traité. 

il  arriva  donc  chez  lui  (ans  infor- 
tune  5 le  Roi  le  receut  encore  plus 


3,8  LE  PARFAIT 

favorablement  que  la  première  fois  ^ 
& le  retint  quelque  temps  pour  lui 
faire  voir  quelques  raretés  qui  fe  ren- 
contrent dans  fes  montagnes,  il  lui  fit 
voir  enn’autres  chofes  rares  la  Chaffe 
de  la  Licorne  qui  eft  frequente  en  fon 
Royaume  , mrfme  il  lui  fit  prêtent  de 
deux  cornes  de  Licorne,  dont  il  yen 
à encore  une  qu’il  rapporta  au  Roi 
qui  eft  dans  leTrefor  de  Saint  Denis 
proche  Paris  , de  de  plufieurs  autres 
animaux  que  nous  ne  connoiffons  point 
en  Europe, 

Il  lui  fit  voir  encore  la  Chaffe  de  la 
Tourtuë  , qui  fort  des  bois  le  Iqng  de 
la  Mer  pour  fe  rafraifehir  , & vraye- 
ment  c’eft  une  chofe  extraordinaire  de 
les  voir  auffi  grandes  qu’elles  font,  les 
unes  d’un  pied  de  diamètre , les  au- 
tres de  deux  , & d’aucunes  qui  vont 
à trois.  Quand  elles  relèvent  ôc  for- 
tent  du  bois  , il  n’y  a point  d autres 
fineffes  à cette  Chaffe  que  de  mettre 
des  hommes  cachés  au  bord  du^bois 
pour  les  voir  fortir , & des  qu  elles 
font  à vingt  trente  où  cinquante  pas 
hors  du  bois , courir  à elles , & de  les 
tourner  fans  deffus  deffous , avec  des 





CHASSEUR.  359 

'Leviers  : quand  la  tortue  eft  ainfi 
tournée  elle  ne  peut  jamais  fe  remet- 
tre fur  pied  , & on  les  tue  facilement* 
& on  tire  leurs  écailles  pour  porter  en 
France , & ailleurs  pour  faire  de  tres- 
beaux  ouvrages.  Il  y en  a fi  grande 
quantité  qui  defcendent  des  bois  à 
certaines  heures  , que  cinq  ou  fix 
Chafleurs  en  prendront  très  grande 
abondance  , les  laiflant,  comme  il  eft 
dit  retournées,  mourir  fur  le  fable  juf- 
qu’à  ce  qu’ils  ayent  le  temps  de  les 
venir  charger. 

Ce  Roi  avoit  une  infinité  de  pierres 
precieufes,  entre  lefquelles  étoit  une 
Efcarboucîe  large  comme  une  piece 
de  trente  fols  qu’il  portoit  toujours 
fur  la  tefte  à fa  barrette  ou  coiffure  , 
laquelle  en  pleine  nuit  brilloit  & éclai- 
roit  comme  un  flambleau.  Ledit  The- 
vet  fit  encore  un  prefent  à ces  Prin- 
ces de  deux  arquebuf^s  avec  de  la 
poudre  3c  du  plomb  fuffifammentpour 
les  exercer  aux  petites  Chaftes  , & 
mefme  gibier  où  ce  Roi  & fes  enfans 
s’exerçoient  fouvenr.  Il  receut  dudit 
Roi  un  don  de  pierreries  vallant  plus 
de  dix  mille  écus  : & quand  il  le  falut 


;6o  LE  PARFAIT 

quiter  8c  partir  pour  venir  en  France 
vers  fan  Maître  ; ce  fut  avec  de  fi 
grandes  difficultés, qu’il  fallu  promet- 
tre de  le  revenir  encore  voir  une  au- 
tre fois,  & lui  faire  voire  des  chofes 
rares  qu’il  lui  promit  de  rapporter. 

Thevet  continuant  fon  retour  vifita 
tous  les  Roys  de  la  côte  d’Aflfrique  a 
la  faveur  de  la  recommandation  de 
l’Empereur  du  Monomotapa,  vid  tou- 
tes- leurs  Chafles,  participa  à tous  leurs 
plaifirs  , & receut  toutes  les  grâces 
que  peut  un  favori  de  ce  grand  Em- 
pereur j defqueltes  ChafiTes,  moeurs  & 
plaifirs  nous  venons  de  parler. 

Toutes  ces  ChaiTes  ci-deffus  écrites, 
& toutes  ces  façons  de  faire  m ont 
efté  confirmées  par  plufieurs  Portu- 
gais qui  vont  tous  les  ans  en  A Afrique  ^ 
Sc  qui  y ont  des  habitations  , force- 
reffes  8c  magalins  , 8c  y mettent  en 
referve  toutes  les  choies  dont  ils  tra- 
fiquent avec  les  A Africains*  Ils  m ont 
me  (me  affuré  que  dans  le  Royaume 
de  Manicongo  qui  eft  la  demeure  des 
Noirs  voifins  du  Royaume  d In  go!  a 
&4e  la  Fonerefie  qui  leur  appartient, 
le  Roi  des  Noirs  avoir-  petnvis  aux 

' François 


CHASSEUR.  3 
François  & Portugais  de  faire  U 
Chaflê  des  Chevaux  Marins , dont 
ils  tuoient  une  très  grande  quantité 
dedans  les  bayes  d'où  la  Mer  fe  re- 
tire , & où  lefdits  Chevaux  demeu- 
rent à fec  tant  que  la  Mer  y revienne, 
étant  animaux  amphibies  qui  vivent 
dedans  & dehors  de  l’eau  mefme 
plufieurs  Marchands  François  , An- 
glois  & Portugais  avoient  fait  une 
grande  dépenfe  en  focieté  pour  conti- 
nuer cette  Chailè  qui  n’a  pù  reüflir, 
par  la  raifon  qui  les  avoir  obligés  de 
faire  ladite  dépenfe , qui  étoit3  que  les 
cuirs  de  ces  animaux  pourroient  fe 
corroyer  comme  ceux  de  terre  , mais 
n’ayant  pas  efté  trouvés  naturellement 
bons  ni  pouvoir  refifter  au  courroys 
ils  ont  tous  efté  gaftés  , & cela  leur  à 
fait  delai lier  cette  enrreprife  , dont  le 
Roi  des  Noirs  a eu  du  regret , parce 
qu’il  efperoit  en  tirer  du  revenu  & de 
la  contribution.  On  ne  JaiiTe  pas  d’y 
aller  tous  les  ans  , & d’y  porter  des 
marchandifes  pour  troquer  contre  cel- 
les du  pais.  Le  Roi  eft  afles  affable 
pour  obliger  les  Marchands  à y con- 
inuer  leur  traité  : ils  dilènt  que  ce 

H h 


: r ]L- 


LE  PARFAIT 

Roi  eft  grandiflimc  Cha  fleur,  pnna. 
paiement  des  Singes  & des  P «mes 
5* Autruches  , dont  fls  débitent  une 
grande  quantité  par  toute  1 
Tav  déduit  ci-deflus  la  façon  & ma- 
nière de  les  chafler  & les  prendre. 

Plufieurs  petfonùes  dignes  de  foi 
m’ont  fait  récit  de  la  Chalje  des  Cro- 
codiles qui  eft  un  animal  fort  dange- 
reux & mal  faifant , haï  & redoute  en 
£crypte  le  long  du  Nil  , comme  aufli 
dans  le  Fleuve  Niger  où  il  y en  a 
Sis,  mais  par  tout  «es  f-mcieux 
& voraces  , & comme  il  eft  haï  & 
redouté , les  habuans  de  ces  lieux  ui 
font  la  chaiTe  & le  tuent  en  toutes  les 
façons  qu’ils  peuvent  imaginer. 

Premièrement  ils  mettent  une  arque- 
bufe  toute  chargée  & amorcee  en  tell 
forte  quelle  vife  tout  droit  en  une 
corde  qà  laquelle  ils  attachent  une 
fiïelle  qui  peut  faire  détendre  le  ch- 

le  dt  q»on  «>«1*  ‘ 1*  “'a'  “ 

W de  lamelle*  mettent  «ne.moice 

d°„“  etot  morceau  de  chair  ou  de  foye 

de  b*uf  que  ledit  Crocodile  veut  ve- 

d5  ° étant  extrêmement  frian 

nit  manger , étant,  . . 

1 cette”  amorce  , & comme  il  a la 


CHASSEUR.  3sj 

gueule  très  grande,  & que  c’eft  un 
animal  le  plus  vorace  du  monde , il 
veut  engloutir  ladite  amorce  attachée 
au  bout  de  la  corde , qu’il  ne  peut 
pas  manger  ni  engloutir  fans  faire  la f- 
cher  le  cjichet  qui  eft  attaché  à la  fif- 
felle  qui  tient  la  corde  , dont  l’arque- 
bufe  part  & tire  droit  dans  la  gueule 
du  Crocodile,  & lui  perce  toutes  les 
entrailles. 

Il  faut  noter  que  l’arquebufè  doit 
eftre  attachée  à quelque  pieu  ou  arbre 
& que  l’amorce  doit  eftre  couverte 
d’une  écorce  d’arbre  pour  eftre  coa- 
fervée  de  la  pluye  & en  état  de 
prendre,  parce  que  fi  l’arquebufe 
n’étoit  point  attachée , le  Crocodile 
en  fe  battant  l’entraineroit  dans  l’eau  ; 
voila  un  des  moyens  premiers  dont  oa 
fe  vange  de  ces  animaux  rapaces. 

Un  fécond  moyen  dont  les  habirarts 
du  lieu  le  chaifent  & le  prennent,  c’eft 
qu’entre  deux  pieux  plantés  ou  arbres 
ils  pendent  la  carcalfe  d’un  mouton  ©à 
d’un  veau  ou  d’un  afnon  dont  ils  f©nc 
fort  frians  : entre  ces  deux  arbres  ou 
pieux  l’animal  étant  pendu  feulement 
la  hauteur  d’un  pied  de  terre,  ils  ran- 


3*4  LE  PARFAIT 

geiu  dans  cette  carcaffe  trois  ou  quatre 
forts  haims  : ce  Chafleur  a première- 
ment  reconnu  ou  le  Crocodile  hante, 
8c  mefme  l’a  amorcé  de  quelque  appas 
qui  a quelque  forte  fenteur , & quand 
la  bête  a pris  l’amorce , elle  ne  man- 
que pas  d’y  revenir , puis  après  les 
haims  rangés,  comme  dit  eft,  8c  la  bête 
étant  fortement  attachée  aufdits  aibres 
ou  pieux  on  la  lailïe  la  j 8c  le  Challcut 
monte  fur  un  arbre  auprès,  qui  a veuë 
fur  le  Heu  pour  voir  quand  le  Croco- 
dile viendra  engloutir  cette  amorce  : 
ce  qu’il  fera  prefque  à la  mefme  heure 
qu’il  a pris  la  première  : il  fort  donc 
du  Nil  & s’en  vient  tout  dcoit  englou- 
tir ladite  bête  pendue  & fe  trouve  ac- 
croché par  quelqu’un  defdits  haims  ; 
ce  que  voyant  ledit  Chalïeur  il  defcend 
de  l’arbre  avec  une  coignée  & achevé 
de  le  maflacrer. 

Le  troifiéme  moyen  eft  de  connoî- 
trele  lieu  où  hantent  les  Crocodiles,  8c 
les  y amorcer  par  des  appas  frians 
qu’ils  aiment  : pour  cet  effet  il  faut 
faire  des  gobbes  quantité  qu’on  met 
dans  des  boittes  de  fer  blanc  , lef- 
syiels  on  porte  dans  les  lieux  amorcés 


CHASSE  U R.  365 

qu’on  met  fur  des  piquets  larges  afles 
pour  les  foutenir  : puis  il  faut  épandre 
un  peu  de  lablo  autour  des  lieux  où 
lefHits  piquets  font  plantés , pour  voir 
les  piftes  des  animaux  qui  les  mangent 
afin  de  voir  fi  c'eft  le  Crocodile.  Qui; 
conque  veut  faire  la  dépenfë  de  plan- 
ter de  ces  gobbes  en  tous  lieux  où  ils 
font  tourmentés  le  long  des  eauës  , 
des  Crocodiles,  en  un  mois  il  les  fera 
mourir  tous  auffi  bien  que  les  Loups 
& Renards  le  long  des  bois. 


cintre  moyen  -pour  garantir  les 
troupeaux  des  beftiaux. 

LA  nature  du  Crocodile  eft  de  fereJ 
paître  plutôt  fur  terre  que  dans 
l’eau,  dont  l’on  s’apperçoit  facilement, 
parce  que  s’il  prend  du  poiflon  il  va 
le  manger  fur  terre  : il  n’y  a point  de 
troupeaux  qui  paiflent  le  long  des 
Fleuves  où  il  y a des  Crocodiles  qu’on 
ne  s’apperçoive  ce  jour  là  que  le  trou- 
peau ne  retourne  point  tout  entier  à 
la  maiibn  : auffi  les  Bergers  font  leurs 
plus  grands  ennemis  , & leur  font 
H h iij 


3éé  LE  PARFAIT 

plus  la  guerre. 

Après  la  Chaflfe  du  Crocodile  qui  eft 
m animal  raviflant,  & qui  caufe  bien 
du  mal  aux  habitans  qui  demeurent  le 
long  du  Nil,  je  puis  dire  qu’il  y a en- 
core des  Monftres  amphibies  le  long  de 
ces  Fleuves  aufli  pernicieux  quelefdits 
Crocodiles.  Les  habitans  du  pais  leur 
font  la  guerre  en  tant  de  manières  , 
comme  gobbes  ; piégés  & poifons  , 
forces  Ôc  amorces  s bref  en  tant  de 
façons  qu’il feroit  trop  long  de  les  fpe- 
cifier  : mefme  dans  les  deferts  quetra- 
verfe  le  fleuve  Niger  dans  toute  la 
Lybie  où  il  y a une  infinité  de 
Monftres , ainfi  que  rapporte  Leon 
l’Affricain  dans  fon  hiftoire,  que  preG» 
que  tous  ces  pais  font  inhabités  : je 
n’en  diray  rien  davantage,  parce qu il 
n’y  a que  des  objets  de  cruauté  qui 
affligeroient  plutôt  le  Lefteur  que  de 
le  di  vertir  en.  aucune  façon  , n’y  ayant 
aucun  fujet  d’y  parler  de  la  Chafle  ni 
de  faire  aucun  récit  du  peu  des  habi- 
tans de  ces  lieux  qui  virent  aufli 
beftialement  que  le  peuvent  permettre 
les  dangers  où  ils  font  expofés. 

Je  finis  donc  par  l’hiftoire  de  quel- 


CHASSEUR.  33S7 

ques  Rois  des  Noirs  qui  s'étant  affo- 
ciés  plufieurs  enfembie  , voulurent 
avec  force  convenable  découvrir  les 
pais  voifins  de  ce  Fleuve,  dont  l'entre* 
prife  leur  fut  fatale,  car  ne  trouvant 
rien  que  des  deferts , ils  rencontrèrent 
tant  de  Monftres  & de  Dragons  vo- 
lans,  qu'ils  furent  contrains  après  plu* 
fieurs  journées  de  rebroufFer  chemin* 
avec  perte  de  la  plus  grande  partie  de 
leurs  équipages  qui  furent  attaqués  en 
une  nuit  par  plus  de  trente  Dragons 
& de  plufieurs  bêtes  feroces,  qui  Feirs- 
bloient  s’eftre  ramafles  pour  leur  faire 
la  guerre  : fi  bien  qu’il  s'en  falut  re- 
tourner diligemment , & cheminer  le 
jour  vers  les  habitations  pour  fe  met- 
tre en  feureté. 

Pour  donc  parler  de  l’Àffnque  cer- 
tainement, & de  toutes  les  Chafïès 
qui  s*y  font , c'eft  plutôt  un  théâtre 
d’une  très  cruelle  guerre  continuelle 
qu’il  faudroit  écrire,  que  de  raconter 
quelque  diverfité  de  quelques  Chaflès 
de  ces  lieux  : car  au  lieu  les  plus  leurs 
qu’on  puifTe  chafler , il  y a toujours 
grand  péril  d’y  rencontrer  des  Monf- 
tres qui  s’acharnent  fur  la  chair  bu- 
H h iiij 


3é8  LE  PARFAIT 

maine  : fi  bien  que  les  grands  Sei- 
gneurs 8c  Princes  qui  s’y  veulent  un 
peu  écarter  ne  cha  fient  qu’avec  crainte, 
& mefme  auparavant  que  d’y  aller 
font  faire  des  reveues  pour  le  pouvoir 
faire  en  feureté. 

îl  y a mefme  des  hommes  qui  font 
fi  hideux  8c  fi  contrefaits",  dont  j’ay 
veu  les  difformes  figures  en  Angle- 
terre,  dans  les  tapifieries  que  les  Rois 
d’Angleterre  ont  fait  faire  de  tontes 
les  chofes  les  plus  extraordinaires  qui 
font  en  ces  pais  inhabités,  qu’on  ne  les 
peut  regarder  qu’avec  horreur  ; c’eft 
pourquoi  jelaiflc  cet  ennuyeux  entretië 
pour  dire  que  cette  terre  des  Monftres 
ieroit  infiniment  agréable  fi  elle  n’a- 
voit  point  les  incommodités  qu’elle  a, 
parce  qu’il  y croift  fi  grande  abondance 
de  fruits  8c  de  toutes  autres  fortes  de 
chofes  necefiàires  à la  vie,qued’afFreufe 
qu’elle  eft,  on  pourroit  dire  qu’elle  de- 
viendroit  la  plus  delicieufe  terre  du 
monde,  8c  qn’on  y pourroit  vivre  auflt 
heureufement  qu’en  toute  autre  partie 
de  terre  habitable. 


F I N. 


CHASSEUR.  3 U 


Explication  pour  entendre  tous  les 
Termes  des  Chajjeurs  & four  eri 
bien  parler \ 


LA  Corne  du  Cerf  fe  nomme  le 
Bois  du  Cerf. 

La  tête  du  Chevreuil  fe  nomme  la 
Corne. 

Le  bas  de  la  tête  du  Cerf  s’appelle 
les  Meules. 

La  greffe  branche  qui  fort  des  Meu- 
les s'appelle  le  Marin. 

Les  Andoüilliers  font  les  petites 
cornes  qui  forcent  du  Marin,  on  les 
nomme  Chevilles. 

Les  premiers  Andoüilliers  eft  le  plus 
proche  de  la  Meule,  8c  enfuice  les  au- 
tres i,  z j 3.  &c. 

Le  haut  de  la  tête  fe  nomme  Ra- 
mure. 

Les  Têtes  ramées  font  ou  couron- 
nées, ou  pommées,  on  fimples  de  trois 
par  à mont  ou  de  deux. 


37 o LE  PARFAIT 

L'âge  des  Cerfs  fe  connoîr  par  Fou- 
verrure  de  la  tête,  par  la  grofleur  du 
Marrin*  par  les  rayeurs  plus  creufes  9 
par  les  pertures  plus  greffes  , par  les 
andoîiiÜiers  plus  prés  des  meules, 
par  la  largeur  du  talon  du  pied  de  de* 
vant , par  la  petiteffè  du  pied  de  der- 
rière , par  le  méjuger  quand  le  pied 
de  derrière  n’entre  point  jufte  dans 
celui  de  devant. 

Les  Cerfs  la  première  année  font 
dits  Faons. 

La  deuxième  année  font  dits  d’Agueti 

La  troifiéme  année  font  dits  Cerfs 
a la  première  tête. 

La  quatrième  année  font  Cerfs  à 
leur  fécondé  tête. 

La  cinquième  année  font  Cerfs  a 
leur  troifiéme  tête. 

La  fixième  année  font  Cerfs  de  dix 
cors  ieunement. 

La  feptiéme  année  font  Cerfs  de 
dix  cors. 

La  huitième  année  font  dits  grands 
Cerfs. 

La  neuvième  année  font  dis  grands 
vieux  Cerfs. 

Le  Rut,  c’eft  quand  les  Cerfs  font 


CHASSEUR.  371 

en  chaleur,  & couvrent  les  Biches, ce 
qui  arrive  à la  fin  & tout  le  mois  de 
Septembre , plûtôt  ou  plus  tard  félon 
la  chaleur  des  pais. 

Ils  fortent  du  Rut  tout  le  mois 
d’O&obre,  & vont  prendre  la  pointe 
des  bruyères  pour  fe  refraire. 

. Mettre  bas  , c’eft  quand  la  tête  des 
Gerfs  tombe  tous  les  ans  en  Avril»  ou 
plutôt  félon  l’âge  des  Cerfs  » & félon 
les  climats  plus  ou  moins  chauds  , les 
vieux  devant  & les  jeunes  après. 

Le  Revenu,  c’eft  une  maffè  de  chair 
qui  fe  forme  de  vers  blancs  qui  leur 
rongent  la  tête  en  dedans  la  racine,  SC 
qui  font  tomber  le  bois. 

De  ces  mefmes  gros  vers  fe  formé 
une  mafle  de  chair  couverte  d’une 
peau  velue',  dont  fe  fait  la  tcte  qui  s al- 
longe & fe  forme  en  tête  , & quand 
elle  eft  allongée  les  Cerfs  vont  aux 
frayoirs  , qui  font  des  arbres  ou  il  a 
frotté  , & cette  peau  tombe  par  lam- 
beaux, & cela  fe  dit  frayer. 

Brunir  , c’eft  quand  cette  peau  eft 
ôtée,  les  Cerfs  teignent  leur  bois  aux 
charbonniers,  ou  aux  terres  rougeaftres 
qui  donnent  la  couleur  à leur  bois. 


37î  LE  PARFAIT 

Prendre  b ni  (Ton  , c'eft  quand  les 
Cerfs  vont  choifir  un  lieu  fecret  pour 
faire  leur  tête  quand  ils  ont  mis  bas, 

L'efcuyer  eft  un  jeune  Cerf  qui  ac- 
compagne un  vieux  Cerf. 

Hardes  de  bêtes  , c'eft  quand  elles 
font  ramafîées  enfemble. 

Il  faut  notter  que  quand  cela  arrive, 
toutes  les  bêtes  fe  mettent  enfemble 
félon  leur  âge. 

Viandis,  c'eft  quand  les  Cerfs  vont 
aux  jeunes  tailles  broutter  la  fuper- 
ficie  du  jeune  bois. 

Hardées , font  les  ruptures  8c  fracas 
du  bois  qu'ils  font  dans  les  jeunes  tail- 
les , ce  qui  n’arrive  gueres  qu'au  Bi- 
ches qui  viandent  gourmandement. 

Les  Cerfs  ne  font  pas  de  mefme  J 
car  ils  ne  viandent  rien  qu’à  la  pointe 
du  bois  : & l’on  nereconnoîtles  Cerfs 
qu'à  leur  viandis  feparés  des  autres. 

Gagnages  , c'eft  quand  les  Cerfs 
vont  manger  les  graines  à la  cam- 
pagne. 

Rembucher  , c'eft  la  rentrée  des 
bêtes  dans  le  bois. 

Repofée  , c’eft  le  lieu  où  les  bêtes 
fe  couchent  dans  le  bois. 


CHASSEUR.  375 

Demeure,  font  les  lieux  où  fe  reti- 
rent les  betes  félon  la  diverfité  des  fai- 
fons. 

Fumées , îont  les  vuidanges  ou  ex- 
cremens  des  bêtes. 

Trochrs  , (ont  les  fumées  d’hyver, 
& celles  d’été  font  rondes  & huileufes 
quand  les  beces  /ont  en  venai/on. 

Les  Tefticules  des  Cerfs  fe  nom- 
ment  daintiers. 

Les  menus  droits  d’un  Cerf  font  la 
langue,  le  meufle  & les  oreilles. 

L’os  du  cœur  d’un  Cerf  eft  bon  aux 
accouchemens. 

Le  revenu  diftillé  aide  fort  aux  mê- 
mes  accouchemens. 

Le  mafacre  d’un  Cerf , c’eft  la  tête 
feparée  du  corps. 

Le  Forhu,  c eft  la  carcallè  dont  on 
fait  la  curée. 

Les  dedans  font  encore  pour  la  curée. 

Fourbur,  c eft  faire  venir  les  Chiens 
ou  Ton  veut , & cela  fe  fait  par  les 
cris  8c  parle  fonner. 

Quand  ils  branlent  du  change  pour 
faire  craindre  les  Chiens , Ton  crie 
harry^  harry. 

Pour  faire  retourner  les  Chiens 
quand  ils  font  hors  des  voyes , l’on 


,74  LE  PARFAIT 

Chien.  fo« 

terme  pour  faire  requefter  les  Chiens 

quand  ils  font  en  défaut. 

Limiers  font  Chiens  dreffes  pour 

aller  au  bois.  A . 

Toucher  au  bois  , c eft  quand  le 
Cerf  dépouille  la  peau  de  la  tete, 
l’on  dit  qu’il  a touché  au  bois. 

Connoiffance , eft  quand  un  Cerf  fe 
peut  distinguer  des  autres , on  dit  qu  U a 
une  connoilfance.  . 

Fourlonger  , c’eft  quand  un  Cerf 
s’éloigne  fort  des  Chiens. 

De  hautes  erres , eft  quand  un  Cerf 
a eu  le  vent  du '.trait  <\™nà,  on  Vf' 
tourne  le  matin  , & qu.jl  J enva ho[S 
de  fon  encinte  , ou  quil  fan  de  très 

i0L8eUvem  durait,  eft  quand  le  Cerf 
le  matin  à le  vent  du  Limier,  fouvent 
il  s’en  va  de  hautes  erres,  &1  on  trouve 
buiflbn  creux.  , » 

Builfon  creux,  c eft  quand  onn 
rien  trouvé  , ou  qu’un  Cerf  s en  eft 
allé  de  l’enceinte. 

Les  Chiens  de  Meutte  font  les  pre- 


CHASSEU  R.,  jyj 

miers  qu  on  donne  au  laiiïer  coure. 

Vieille  Meutte  font  les  féconds  Chiens 
qu’on  donne  après  les  premiers. 

Relais  font  plulïeurs  i,  2,  3.  qu’on 
donne  l’un  après  l’autre,  aux  lieux  & 
refuites  où  ils  ont  efté  envoyés. 

Les  fix  Chiens,  font  Chiens  de  re- 
ferve  qui  regardent  le  change  qu’on 
donne  quand  la  Chalïè  eft  avancée. 

Randonnées  des  Cerfs  , font  les 
lieux  où  ils  fe  font  battre  dans  l’é- 
tenduë  de  leur  courfe. 

L alfemblee  eft  le  rendes- vous  de  tous 
les  ChalTeurs  où  fe  font  les  raports. 

Raports,  le  font  par  ceux  qui  vont 
au  bois. 

Sur  aller  , c’eft  quand  un  Chien 
paflè  fur  les  voyes  fans  crier,  & fans 
donner  aucune  marque  que  la  bête  y 
a paflé. 

Voyes  fur  marchées , font  celles  que 
foulent  les  Chevaux  & les  Chiens 
dans  quelque  retour. 

Brifées  fe  font  des  branches  qu'on 
jette  au  chemin  dans  l’étendue  des 
quelles. 

Départir  lesquelles  , c’eft  aflîgner 
à chaque  venue  qui  va  au  bois  les 


376  LE  PARFAIT 

cantons  de  la  quefte. 

Brifer , c’eft  rompre  du  bois  pour 
marquer  le  lieu  qu’on  veut  retrouver. 

Frapper  aux  brifées  , c eft  quand  le 
Veneur  qui  a fait  fon  raport  va  biffer 
courre. 

Lancer  , c’eft  donner  un  Cerf  aux 
Chiens.  j 

Tranler  , c’eft  quand  on  n a point 
détourné  , & qu’il  faut  en  quefter  un 
au  hazard. 

Requefter  , c’eft  quand  il  y a un 
un  défaut. 

Pifte , c’eft  un  mot  general  pour 
toutes  fortes  de  bêtes,  mais  d’un  Cerf 
on  dit  la  voye. 

Bête  noire  , eft  un  Sanglier  Mar- 
caflin,  eft  un  jeune  Sanglier,  bête  de 
compagnie  eft  un  Sanglier  d un  an. 

A deux  ans  il  fort  de  compagnie, 
& eft  dit  Ragot. 

A trois  ans  il  eft  dit  Sanglier  en  ion 
tier  an. 

A quatre  dit  ans5il  eft  en  fon  quart  an* 

A cinq  ans,  il  eft  dit  Mire. 

A fix  ans , il  eft  dit  grand  Sanglier. 

A fept  ans,  il  eft  dit  grand  vieux  San- 
glier. 


Les 


CHASSEUR.'  377 

Les  Lunes  font  les  tefticules  dhm 
Sanglier. 

Les  Layes  font  les  femelles  , qui 
font  dites  félon  leurs  âges  , jeunes* 
grandes  3c  vieilles. 

Les  lieux  où  repofent  les  Sangliers* 
font  dits  les  bauges. 

Bouttis,  c’cft  où  ils  font  des  creux 
pour  chercher  des  racines. 

Les  têtes  des  Sangliers  font  dites 
hures.  T 

r Les  os  de  derrière  les  jambes  pro- 
che les  pieds  font  dits  les  gardes. 

Les  lieux  fourrés  & les  épiniers  font 
dits  les  demeures  des  bêtes  noirs. 

Loups  mâtins*  Loups  lévriers,  Loups 
cerner  $> 

Litreawx,  iont  les  lieux  où  ils  repofent. 

Les  1 elfes,  font  les  lieux  ou  ils  éguif- 
fcnt  les-  ongles. 

Les  vuidanges  des  Loups  font  dites 
fientes. 

^ Harlon , font  les  termes  dont  on  crie 
à veuë. 

Hou  s hou , eft  le  terme  dont  on  ani- 
me  les  Chiens  quand  on  le  chafïe. 

„ Le  Heu  où  repofe  le  Renard  fe  dit 
ia  forme» 

li 


LE  PARFAIT 

A veuë  du  Renard  Ton  crie  vellau . 
Catteroles,  font  les  lieux  où  les  La- 
pins font  leurs  petits  en  terre  * & les 
rebouchent  tous  les  jours  jufqu’à  leur 
fortie. 

Vermiüoner  (e  dit  du  Blereau  quand 
il  cherche  des  vers  pour  le  pâturer  * 
on  envoid  les  apparences  par  la  terre 

qu’il  remue. 

Le  gifle  eft  le  lieu  où  repofe  le  Lievre. 
Vellau  fe  crie  à la  veuë  du  Lievre. 
Relaifle  , c eft  quand  un  Lievre  eft 
courru  qu’il  s’arrête  eftant  laffe  , & ce 
rafé,  quand  il  ne  fait  point  de  gifle. 
Haze  eft  la  femelle. 

Rouquet  eft  le  malle  du  Lievre,  il 
y en  a entr’eux  plufieurs  qui  fontmafle 
& femelle. 

Decoupler , c’eft  donner  la  liberté 
aux  Chiens  qui  fon  couplés  deux  à 
deux  avec  un  couple  de  crain. 

Relancer  , c’eft  relever  un  défaut  & 
faire  repartir  le  Lievre  quand  il  eft 
relaifle. 

Rufer  , c’eftquand  une  bête  courruë 
effaye  d’ôter  la  connoiflance  de  fa 
pifte  aux  Chiens. 

La  botte , c’eft  avec  quoi  on  mens 


CHASSEUR.  379e 

le  Limier  au  bois. 

Revoir  , c’eft  la  pifte  qu’on  void  de 
la  bête, 

Beaurevoir,  c’eft  quand  il  a plaine 
a plain  trait,  c’eft  quand  le  Limier 
bande  fort  fur  la  botte  , & fur  le  traie 
eftant  fur  les  voyes. 

Routailler  , c’eft  fuivre  une  bête 
avec  le  Limier,  pour  la  faire  tirer  avec 
Arqnebufiers. 

Chien  fecret . c’eft  un  Limier  qui 
pouflè  la  voye  (ans  appeller. 

Coailier  , c’eft  quand  les  Chiens 
queftent  la  queue  haute  fur  de  vieilles 
ou  nouvelles  voyes, 

Rebaudir,  eft  quand  les  Chiens  ont 
la  queue  droite  le  balay  haut,  & qu’ils 
fentent  quelque  chofe  d'extraordinaire* 

Raprocher  , c’eft  alier  quérir  une 
bête  forlongée. 

Parchafler  , fc  eft  finir  la  ChalTepaf 
la,  prife  de  la  bête  chaflée* 

RachafFer,  e’eft  une  charge  deRa- 
chafleurs  qui  font  obligés  de  nourrir 
des  Chiens  qui  ne  fervent  qu*à  rechafc 
fer  des  bêres  écartées  aux  buiflons , 
alors  qu’elles  font  forties  des  forets  ÿ 
& quand  elles  font  rentrées,  fe  retirer. 

I i i) 


cuir  longue  qui  fe  met  au  col  des 
Chiens  trop  vires  pour  les  arrêter. 

Bricoles  , c’eft  une  invention  pour 
empefcher  les  Chiens  d’aller  trop  vides 
devant  les  autres. 

Barer,  c’eft  quand  un  Chien  balance 
fur  les  voyes. 

Couper  , c’eft  quand  un  Chien  am- 
bitieux veut  gagner  la  tece  de  la  Meute 
ou  qu’il  manque  de  force. 

Chien  armé  ou  jacqué  , eft  quand  il 
eft  couvert  pour  attaquer  le  Sanglier  , 
l’on  dit  longer  un  chemin  , eft  une 
bête  qui  enfile  un  chemin. 

Babillard  , eft  un  Chien  qui  crie 
hors  des  voyes  , 5c  le  plus  fouvent 

d’ardeur.  , 

Menteur  eft  un  Chien  qui  cele  la 


vove  pour  gagner  le  devant. 

Vicieux,  eft  un  Chien  quichafte  tout, 
él  qui  s’écarte  toujours  de  la  Meutte. 

Chien  de  tête  , c'eft  à dire  un  chien 
d’entreprife. 

Le  nez  dur,  eft  un  Chien  qui  rentre 
mal- aifément  dans  la  voye,  5c  reprend 


lentement. 

Chien  de  haut  nez , eft  un  Chien 


CHASSEUR.  3gg 

qui  va  requérir  fur  le  haut  du  jour. 

Le  nez  fin,  c’cft  un  Chien  qui  c halle 
bien  dans  les  chaleurs  Ôc  dans  lepouC. 
fier. 

Lévriers  harpes,  font  ceux  qui  ont 
îe  devant  & les  côtés  fort  oüalles  ôc 
peu  de  ventre. 

Etriftés,  eft  quand  ils  ont  les  jarets 
bien  faits. 

-Nobles  , eft  quand  ils  ont  la  tête  pe- 
tite 5c  longue , Tencolure  longue  ÔC 
délice,  le  râble  large  ôc  bien  fait  , & 
que  ledit  rable  continue  tout  d’une 

pièce. 

Gigottés  , eft  quand  les  os  des  han- 
ches font  éloignés  3 ôc  qu’ils  ont  les 
gigots  courts  Ôc  gros. 

Le  beugle  du  Bufle. 

Le  cri  ôc  le  beugle  d’un  Ours. 

Le  braire  d’un  A fne  fauvage. 

Le  baret  d’un  Eléphant. 

Le  mefme  Baret  d’un  RhinoceroL 

Rugir  d’un  Lion. 

Le  cri  des  Léopards  , de  la  Panthère 
& de  la  Giraffe. 

Le  cri  ou  fifflement  du  Tigre , le 
hurlemeut  du  Loup. 

Le  cri  d’un  Loup  cervier,  du  Chat 


38i  LE  PARFAIT 

harets  & du  Renard. 

Le  râlé  d’un  Cerf  & d’un  Dain. 

Le  cri  d’un  Lievre  clair  & du  Lapin.' 

Le  cri  du  Chevreuil  & d’un  Faon. 
Appeller  fur  lesvoyes,  eft  quand  un 
Chien  chaflè.  • 

Belle  gorge  de  Chien , eft  quand  il 
crie  bien  , & qu’il  a la  voye  groflè  & 

Aboyeurs,  eft  une  forte  de  Chiens 
pour  Sanglier  , & qu’ils  l’aboyent  fans 
rapprocher. 

Japper,  eft  quand  un  chien  crie  la 
nuit  ou  de  jour  quand  il  entend  du 

bruit.  r , 

Aboy  des  mâtins , eft  quand  m ten- 
tent le  Loup  ou  quelque  chofed  étran- 
ge au  tour  de  la  maifon. 

Chien  babillard , eft  quand  un  Chien 
crie  hors  des  voyes  ou  qu’il  crie  des 
matinées. 

Le  Chien  hurle  quand  il  y a des 
Chiennes  chaudes  8c  qu'il  ne  peut  les 
aller  joindre , ils  hurlent  aufli  quand 
ils  Tentent  les  Loups. 

Rider , eft  quand  un  Chien  Tint  la 
pifte  d’une  bête  Tans  crier. 


CHASSEUR.  385 

Des  O y féaux  de  proye . 

Les  Perrons  font  les  peres  & meres* 

Le  bel  Autour  , eft  quand  il 
court,  bien  cœuré,  bas  aflïs  & les  ma- 
butes  larges. 

Les  Oyfeaux  de  leuré  font  bienfaits 
quand  ils  ont  les  mahures  hautes  , les 
reins  larges  , bien  croifées  , hasaflis* 
court- jointées  , les  mains  longues  & 
les  levres  fortes. 

Xesairs  des  Oyfeaux  font  leurs  nids. 

Les  mahutes  ce  font  les  hauts  # des 
ailes  prés  du  corps. 

Croifées  , c’eft  quand  fes  longues 
pannes  fe  croifent  bien. 

Les  pannes  font  les  longues  plupaes 
des  ailes. 

Court-jointés  , c*eft  quand  les  jam- 
bes font  de  médiocre  longueur. 

Le  crac , eft  un  mal  qui  vient  aux 
Faucons. 

Les  mains  grandes , les  fertes  lon- 
gues & les  doits  longs. 

Aux  Oyfeaux  on  dit  la  main  , & les 
ferres  au  lieu  de  dire  les  ongles. 

Le  balay , c’eft  la  queue. 


384  LE  parfait 

Toutes  les  pannes  des  ailes  ont  leur 
nom  , la  première,  la  fécondé,  la  troi- 
fiéme , la  quatrième , la  cinquième,  les 
rameaux  8c  le  cerveau. 

Les  pannes  du  balay  ont  auffi  leurs 
noms,  comme  le  milieu,  la  deuxieme  , 
la  troifiéme  &c. 

Enter,  c’eft  quand  il  y a quelque 
panne  rompue  , l’on  la  réjoint  avec 
d’autres  pannes  gardées, 

Marteller , c’eft  quand  les  Oyfeaux 
font  leur  nids. 

Reclamer,  eft  quand  on  drelfe  les 
Oyfeaux,  & quon  les  fait  revenir  à 
foy  avec  ;a  fiiiere. 

Fiiiere , eft  une  fiiïèüe  quon  tient 
attachée  pendant  qu’on  les  reclame 
jofqu’à  ce  qu’on  les  ait  allurés. 

Sur  fa  foy,  c’eft  quand  on  ne  donne 
pîqs  de  fiiiere , & qu’on  les  reclame 
en  liberté- 

Les  jets,  c*eft  avec  quoi  on  tiennes 
Oyfeaux  fur  le  poing. 

Au  bout  des  jets  font  des  verveiîles 
qui  font  de  petits  anneaux  de  cuivre 
plat  , fur  lefquels  ont  écrit  le  nom  du 
maître  à qui  appartient  TOyfeau. 

Les  longes , c’eft  avec  quoi  Ton  a«- 

tache 


CHASSEUR.  3g5 

sache  les  Oyfeaux  fur  la  perche. 

Les  émeus,  c’eft  ce  que  les  Oyfeaux 
vuident. 

Les  curés  , c’eft  le  chanvre  qu’on 
leur  donne  tous  les  foirs  en  petites 
plotes. 

Le  1 heure , c eft  avec  quoi"  on  les 
fait  revenir  & qu’on  les  reclame. 

Voler  de  poing  en  fort , c’eft  quand 
on  jette  Les  Oyfeaux  après  le  gibier 
du  poing. 

Voler  d’ammont;  c’eft  laiflèr  volet 
les  Oyfeaux  en  liberté  afin  de  les  faire 
foûtenir  fur  les  chiens. 

Des  filets  four  feficher. 

, Sont  fables  vergueils  , tremailles  : 
eperviers  & antres. 

Faire  vuiderle  gibier  , c’eft  le  faire 
partir  quand  les  Oyfeaux  font  montés 
& détournés. 

Hoche-pied , c eft  un  Oyfeau  qu’on 
jette  feul  apres  le  Héron  pour  le  faire 
monter. 


' 1 

i 


33ô  LE  PARFAIT 

Termes  de  C'hajfe. 

Raboüillers , font  trous  de  Lapins. 
Epiniers  font  lieux  faits  exprès  pour 
garentir  les  Lapreaux  des  Oyfeaux. 

Brayon  , c’eft  pour  prendre  les  bêtes 
puantes  qui  ruinent  les  garennes. 
f Harpons , font  pour  prendre  les  gros 
poiffons,  & les  bêces  puantes  pour  les 
mettre  dans  le  fac  quand  elles  font 

déterrées.  , 

Blereaux  fuyent  les  trous  dont  le  rond 
eft  de  crâne  , & ayment  les  terres 
rouges , parce  qu’ils  s’y  remparent 

facilement.  . , . 1 

De  toutes  les  bêtes  a quatre  pieds, 
les  patries  de  devant  comprifcs  les 
épaules  s’appellent  les  erres. 

Le  cimier  eft  le  deflus  du  dos  appro- 
chant des  cuifles. 

Lever  le  pied  d’un  Cerf,  il  faut  que, 
ce  foit  le  pied  droit  pour  prefenter  au 
Maître  de  la  Chafte. 

La  vuidange  du  Lapin  s’appelle, 
crotte  de  Lapin  , du  Lievre,  s’appelle 
le  fefis  & de  la  Petdrix  de  mefme. 

La  Chafte  à la  Foye  fe  fait  la  nuit 


! 


CHASSEUR.  3S7 

le  long  des  hayes  d’hyver  avec  du 
feu  de  paille  : Ton  bat  le  côté  de  la 
haye , & de  l’autre  (ont  des  hommes 
avec  des  ravaux  , avec  quoi  ils  rabat- 
tent tout  ce  qui  part. 

Ravaux  font  des  perches  avec  des 
! branches  pour  rabatte  les  Oyfeaux  le 
long  des  hayes. 

L’on  parle  aux  ballets  quand  iis 
vont  en  terre  de  ce  mot  coule  > coule , 
coule  bajfets . 

L’on  crie  ha  Levrier  9 quand  il  part 
un  Lievre. 

Et  devant  des  Chiens  courans  on 
crie  vellau . 

Et  l’on  crie  hare,  hare  après  le  Re- 
nard. 

Catiches , font  les  trous  où  fe  ca- 
chent les  Loutres  eftant  chaffës. 

Crier  des  matinées  3 c’eft  quand  les 
chiens  courans  vont  requérir  par  le 
menu  à neuf  du  matin , & qu’il  les 
lafte  bien. 

L’égail,  c’eft  la  rofée  du  matin. 

Quand  on  va  au  bois,  l’on  dit  que 
les  chiens  en  veulent  bien  dansl’égail. 

Les  Chiens  d’égail  ne  valent  rien  au 
haut  du  jour. 

K k ij 


388  LE  PARFAIT 

Et  les  Chiens  du  haut  du  jour  né 
valent  rien  dans  l’égail. 

Chiens  buttes,  font  quand  la  join- 
ture des  jambes  de  devant  groffit. 

La  ChaiLe  du  rabat,  eft  quand  on 
va  la  nuit  le  long  des  bois  avec  pan- 
neau pour  prendre  des  Lapins , 8c 
qu’on  les  pouffe  avec  des  chiens 
fecrets. 

Carnage , eft  une  carcaffe  de  cheval 
qu’on  traîne  autour  des  bois  pour 
faire  venir  les  Loups  & Renards  fur 
la  pifte. 

Chien  étrufFé  , eft  quand  il  a une 
cuiflè  qui  ne  prend  plus  nourriture,  & 
qui  le  rend  boiteux. 

Chien  épointé,  eft  lors  qu’il  a des 
os  des  cuilles  rompus. 

Chien  allongé,  eft  un  Levrier  qui  a 
les  doigts  des  pieds  étendus  par  quel- 
que bleffure  qui  a touché  les  nerfs. 

Eflimer  un  Oyfeaux  au  fortir  de  la 
meuë , c’eft  le  purger  & mettre  en 
eftat  de  voler. 

Harder  des  Chiens  courans , c’eft 
en  tenir  cinq  ou  fix  couplés  avec  une 
longue  leffe  de  crin  qui  prend  les  cinq 
ou  fix  couplés  enfemble,  c’eft  quand 


CHASSEUR.  389 

en  les  tient  pour  donner  en  relais. 

Chafler  aux  battues  , n’eft  autre 
chofe  que  faire  le  triquetrac. 

Raüer,  c’eft  quand  les  Cerfs  font  en 
rut,  ils  rallent. 

Le  Loup  hurle. 

Le  Renard  crie. 

Le  Fauve  ralle. 

Le  Sanglier  grumelle. 

Le  Chien  courant  appelle,  & l’on 
dit  qu’il  chafle  de  gueulle. 

Fin  des  Termes . 

Je  ne  parlerai  point  ici  des  Termes 
des  Chaflfeurs  Sauvages  , quoi  que  ce 
foit  les  ChalTeurs  les  plus  habiles  fie 
les  plus  adroits  du  monde  , &c  que 
ceux  qui  m’ont  fait  le  raport  de  leur 
ChalTe  me  les  ayent  dits  , parce  que 
leurs  Termes  font  inconnus,  fie  que 
nous  n’en  connoiffons  point  les  ani- 
maux. 

Je  dirai  feulement  que  les  Améri- 
cains, dans  la  terre  de  Chica,  font 
des  Geans  , dont  les  moindres  ont 
douze  pieds  de  hauteur,  & qu’ils  n’ont 
point  d’autres  armes  pour  chalTer 


390  LE  PARFAIT 

qu'une  greffe  pierre  percée,  Sc  atta* 
chée  par  une  corde  de  vingt  ou  vingt» 
cinq  pieds  de  long  attachée  à leur 
bras  , avec  laquelle  pierre  d'un  feuî 
coup  ils  portent  par  terre  toute  forte 
d'animaux  5 qui  ne  leur  fçauroient 
échaper  , parce  qu'ils  font  d'une  vi- 
telle  qui  devance  un  Cerf  à la  courfe  , 
ainfi  qu’en  dit  Thevet  Hiftoriographe 
du  Roi  Charles  IX.  qui  raporte  avoir 
veu  leur  maniéré  d'agir  pour  avoir 
converfé  long-temps  avec  eux,  ainfi 
qu'il  eft  dit  à la  fin  de  ce  Livre. 


F 1 N. 


EXTR/1IT  BV 

du 


PA  r grâce  & 

donné  à Parisle  dix- 
d’Avril  i6$j.  Signé  d’A  L 
fcellé  du  grand  Sceau  de 
Il  eft  permis  au  Sieur  J a c q^i 
Espe’e  de  S el  incourt  de  faire 
imprimer  un  Livre  intitulé  Le  parfait 
Chajjfeur , pendant  le  temps  de  fix 
années  confecutives  , à commencer  du 
jour  qu  U fera  achevé  d’imprimer  : 
Faifant  defenfes  a tous  Imprimeurs 
& Libraires  de  le  contrefaire  , mefme 
d’en  vendre  d’impreflion  étrangère,  fur 
peine  de  confifcation  des  exemplaires, 
mil  livres  d’amende,  dépens,  dom- 
mages & interefts , ainfî  qu’il  eft  plus 
au  long  contenu  efdites  Lettres  de 
Privilège. 


Regijlre  fur  le  Livre  de  la  Commué 
nauù  des  Imprimeurs  & Libraires  dg 


ifr/J 


Taris  , le  dixième  de  May  iéSj. 


Signé  A N G OT. 


Et  ledit  Sieur  de  Selincourt  a cédé 


fon  droit  de  Privilège  à Gabriel 
Quinet  Marchand  Libraire,  pour  en 
joüir  fuivant  1 accord  fait  entr’eux. 

Achevé  à' imprimer  pour  la  premier? 
fois  le  dixiéme  Inillet  1685. 


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