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Full text of "Le rôle politique du cardinal de Bourbon (Charles X) 1523-1590"

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LE   ROLE  POLITIQUE 


CARDINAL    DE    BOURBON 


CHARLES     X 


ABBEVILLE.      —     IMPRIMERIE    F.     PAILLAHT. 


Le  vray  pourtraicVau  plus  j>r«  du  naturel  de   Charles  dç 

Bourbon  X.  du  nom  par  la  grâce  de  Dieu  Roy  de  France. 


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l'OHTHAIT    LM      RO]     CHAULES     \     (  i.'.N,,). 


LE  ROLE   POLITIQUE 


CARDINAL  DE  BOURBON 


(CHARLES   X) 

1523-1590 


Eugène     SAULNIER 


Kl.  EVE       DIPLOME       l>  E 


l'école     des     haltes    etudei 


A.vec     «m     Portrait     et    un     Fac-similé 


PARIS 
LIBRAIRIE     ANCIENNE     HONORÉ     CHAMPION 

5,      QUAI      MALAQUAIS 

1912 

Tous  droits  réservés. 

Cet  ouvrage  forme  le  193e   fascicule  de  la  Bibliothèque  de  l'École  des   Haute»  Études. 


M 


BIBLIOTHEQUE 

DE    L'ÉCOLE 


DES  HAUTES  ÉTUDES 

PUBLIÉE     SOUS     LES     AUSPICES 

DU    MINISTÈRE    DE    L'INSTRUCTION     PUBLIQUE 


SCIENCES    HISTORIQUES   ET   PHILOLOGIQUES 


CENT    QUATRE-VINGT-TREIZIÈME    FASCICULE 

LE    RÔLE    POLITIQUE    DU    CARDINAL    DE    BOURBON    (CHARLES    X)     1523-1590 


Eugène    SAULNIER 

ÉLÈVE    DIPLÔMÉ    DE    L'ÉCOLE    DES    HALTES    ÉTUDES 


AVEC       UN       PORTRAIT      ET      UN       FAC-SIMILE 


PARIS 
LIBRAIRIE     ANCIENNE    HONORÉ     CHAMPION 

5 ,      QUAI      M  A  L  A  Q  U  A I S 

1912 
Tous  droits  réservés 


Sur  l'avis  de  M.  Vbel  Lefranc,  directeur  d'études,  et  de  MM.  Morki- 
Fatio  et  Lasalle-Serbat  (élève  diplômé),  commissaires  responsables, 
le  présent  mémoire  a  valu  à  M.  Eugène  Saultuer  le  titre  d'Élève 
diplômé  de  la  section  d'histoire  el  do  philologie  de  l'École  pratique 
des  Hantes-Études. 


Paris,  le  7  Novembre  1910. 

Les  Commissaires  responsables, 

Signé  :   A.   Morel-Fatio. 

L.   Lasalle-Serbat 


Le  Directeur  de  l<i  Conférence, 

Signé  :    A.    Lefranc. 


Le  Président  de  la  Section, 

Signé  :  G.   Monod. 


A    MES    PARENTS 


HOMMAGE    DE    RECONNAISSANCE    ET    D  AFFECTION 


AVANT-PROPOS 


Il  est  dans  notre  histoire  trois  ou  quatre  périodes  au  cours 
desquelles  apparaissent  d'une  façon  particulièrement  nette  les 
caractères  des  hommes  qui  les  ont  illustrées,  parce  que  ceux-ci 
ont  trouvé  dans  les  événements  un  vaste  champ  ouvert  à  leur 
activité.  La  fin  du  xvie  siècle  est  une  de  ces  périodes.  Les  guerres 
de  religion,  en  permettant  aux  personnalités  de  se  manifester 
librement,  nous  ont  fourni  plus  de  moyens  de  les  étudier. 

Les  résultats  acquis  sont  encore  minimes  et,  si  quelques 
figures  brillent  en  pleine  lumière,  beaucoup  restent  dans 
l'ombre.  J'ai  essayé  d'en  dégager  une  qui,  sans  avoir  l'éclat  de 
certaines  de  ses  contemporaines,  mérite  cependant  d'attirer 
l'attention. 

Charles  de  Bourbon,  plus  connu  sous  les  noms  de  cardinal 
de  Bourbon  et  de  Charles  X,  est  encore  à  peu  près  ignoré.  Ses 
malheurs  l'ont  discrédité.  A  peine  a-t-on  su  le  distinguer  des 
autres  cardinaux,  ses  parents,  qui  ont  vécu  à  la  même  époque, 
son  oncle  l'archevêque  de  Sens,  son  neveu  l'archevêque  de 
Rouen  ».  D'ailleurs  les  historiens  de  son  temps  ont  crié  si  forl 
son  incapacité  qu'ils  l'ont   fait  négliger  par  leurs  successeurs. 

i.  C'est  à  cette  confusion  qu'est  due  la  présence  du  buste  de  Charles  \ 
parmi  ceux  des  grands  bibliophiles  dans  le  vestibule  de  la  salle  do  travail 
delà  Bibliothèque  Nationale.  Son  neveu,  qui  s'appela  comme  lui  Charles 
de  Bourbon  et  fut  comme  lui  archevêque  de  Bovien,  eût  seul  mérité  cel 
honneur.  L'Administration  a  jugé  bon,  il  y  a  quelques  mois  à  peine,  de 
faire  remplacer  l'ancienne  étiquette  qui  portait  :  Charles  de  Bourbon,  i5a3- 
1590,  par  cette  nouvelle  :  Charles  de  Bourbon,  i56a-i594,  sans  d'ailleurs 
changer  le  buste. 


II  AVANT-PROPOS 

Seul  Louis  Paris,  dans  le  Cabinet  historique,  a  tenté  de  le  réhabi- 
liter; mais,  en  voulant  réagir  contre  le  discrédit  jeté  sur  le  roi 
de  la  Ligue,  il  s'est  laissé  aller  à  des  louanges  exagérées  J. 

Certes,  dans  le  xvT  siècle  où  tant  de  grandes  énergies  purent 
se  révéler,  Charles  de  Bourbon  ne  compte  pas  parmi  les  per- 
sonnages les  plus  actifs  ;  il  fut  du  moins  l'un  des  plus  considé- 
rables. Depuis  les  derniers  mois  du  règne  de  Henri  II  jusqu'à 
la  fin  de  1088,  il  se  trouva  constamment»  mêlé  aux  affaires  du 
gouvernement;  et,  si  l'homme  par  lui-même  est  plus  curieux 
qu'intéressant,  on  ne  peut  oublier  que  pendant  près  d'une  année 
on  rendit  la  justice  en  son  nom  dans  une  grande  partie  de  la 
France  et  qu'il  faillit  porter  avec  la  couronne  royale  le  manteau 
aux  fleurs  de  lis.  D'ailleurs  son  histoire  est  si  intimement  liée 
à  l'histoire  générale  de  notre  pays  que  j'espère  n'avoir  point 
fait  œuvre  inutile  en  essayant  de  retracer  le  cours  de  sa  vie2. 


Les  sources  inédites  de  l'histoire  du  xvie  siècle  sont  extrême- 
ment nombreuses  et  je  ne  veux  pas  entreprendre  de  les  énumé- 
rer  toutes.  Je  signalerai  seulement  deux  sortes  de  documents 
un  peu  trop  négligés  peut-être  et  qui  forment  la  base  de  mon 
étude.  Je  veux  parler  des  dépêches  des  ambassadeurs  étrangers 
et  des  correspondances  privées. 

Cinq  puissances  nous  ont  laissé  le  récit  détaillé  de  nos  guerres 
de  religion  dû  à  la  plume  de  leurs  ambassadeurs  :  Rome, 
Venise,  Florence,  l'Espagne  et  l'Angleterre.  Les  dépêches  des 
nonces  intéressent  par   les  sujets  dont  elles  traitent,  les  véni- 


t.  Le  Cabinet  historique,  t.  III,  1 85-,  irc  partie,  documents,  p.  193-207. 
345-a6a.  Documents  pour  servir  à  l'histoire  de  Charles  X. 

2.  Je  me  suis  borné  au  récit  de  la  vie  de  Charles  de  Bourbon,  me  réser- 
vant d'étudier  dans  un  temps  prochain  la  diplomatique  de  son  règne.  Elle 
mérite  en  effet  un  travail  particulier  ;  mais  tous  les  actes  qui  portent  ses 
nom  et  sceau  ont  été  détruits  ou  dispersés,  les  registres  du  parlement  de 
la  Ligue  déchirés.  La  tâche  sera  difficile  et  longue. 


AVANT-PROPOS  III 

tiennes  par  leur  documentation,  les  toscanes  par  la  perspica- 
cité de  leurs  rédacteurs,  les  espagnoles  et  les  anglaises  par  les 
renseignements  nombreux  qu'elles  donnent  sur  la  politique 
générale  et  les  relations  diplomatiques.  Il  y  a  là  tout  un 
ensemble  de  faits,  de  constatations,  d'impressions  qui  offrent 
à  l'historien  une  mine  inépuisable. 

Non  moins  précieuses  sont  les  correspondances  privées, 
rarement  publiées,  dont  l'avantage  est  de  montrer  souvent  les 
individus  sous  leur  véritable  jour.  La  Bibliothèque  Nationale 
en  possède  d'innombrables,  et  c'est  dans  ses  collections  que 
j'ai  trouvé  les  plus  intéressantes  missives  de  Charles  de 
Bourbon. 

J'énumérerai  rapidement  les  grands  dépôts  où  se  sont  exer- 
cées mes  recherches. 

La  Bibliothèque  Nationale  vient  en  premier  lieu  avec  sa  belle 
collection  de  lettres  de  la  fin  du  xvie  siècle  (f.  fr.,  mss.  3i8o  à 
345o,  36oo  à  3972)  ;  ses  recueils  factices  de  documents,  dont  les 
plus  importants  ont  été  réunis  sous  le  titre  de  «  Mémoires  de 
la  Ligue  »  (f.  fr.,  mss.  3973  à  3995)  ;  ses  «  papiers  Bellièvre  » 
(f.  fr.,mss.  15906  à  1691 1);  ses  relations  inédites,  ses  collections 
particulières  Dupuy,  Clairambault,  Brienne,  Cinq  cents  Colbert, 
et  enfin  la  précieuse  série  des  dépêches  vénitiennes,  qui  dans  les 
volumes  171 7  à  1739  du  fonds  italien  s'étendent  presque  sans 
interruption  de  i554  à  1591. 

Aux  Archives  Nationales,  j'ai  puisé  dans  deux  fonds  princi- 
paux :  le  fonds  dit  de  Simancas,  qui  renferme  les  dépêches 
espagnoles  (K  1/493  à  1072),  et  le  fonds  du  parlement  de  Paris. 
Le  registre  Xia  ç)3-2hB  contient,  grâce  à  P.  Pithou,  le  peu  qui 
subsiste  du  parlement  de  la  Ligue. 

En  Italie,  l'Archivio  Mediceo  de  Florence  m'a  livré  les 
quelques  renseignements  que  Desjardins  avait  négligés  dans  sa 
publication  des  dépêches  toscanes  ;  —  les  Archives  du  Vatican 
m'ont  donné  les  longues  dépêches  des  nonces,  les  nombreuses 
lettres  qui  presque  journellement  arrivaient  de  France  (Lettere 
délia  segreteria  di  stato  ;  nunziatura  di  Francia,  nunziatura 
di   Avignone,   principi   e    titolati),    enfin    les  brefs   politiques 


IV  AVANT- PROPOS 

de  Grégoire  XIII  et  de  Sixte-Quint  qui  intéressent  notre  bis 
toire. 

A  Rouen,  les  registres  capitulaires  de  la  cathédrale,  riches  en 
renseignements,  m'ont  servi  à  préciser  certains  faits  de  la  vie 
du  cardinal-archevêque.  Enfin  je  dois  à  la  bienveillance  de 
MM.  les  archivistes  de  Rennes,  Nantes,  Arles,  Grenoble,  Tou- 
louse,  les  rares  documents  qu'a  laissés  clans  leurs  dépôts  la 
royauté  de  Charles  X. 

Je  dirai  un  mot  des  sources  imprimées.  Les  Pièces  fugitives  du 
marquis  d'Aubais,  les  Archives  curieuses  de  Cimber  et  Danjou, 
les  collections  de  Mémoires  de  Petitot,  de  Michaud  et  Poujoulat, 
les  publications  des  Documents  inédits  et  de  la  Société  de  l'his- 
toire de  France  les  contiennent  en  grande  partie.  J'ajouterai  à 
cette  énumération  les  Annales  ecclesiastici  de  Baronius,  Spon- 
danus  et  Theiner,  les  Registres  des  délibérations  du  bureau  de  la 
mile,  les  Procès-verbaux  des  assemblées  générales  du  clergé  de 
France  depuis  1560  et  quelques  recueils  factices  dus  à  la  persé- 
vérance des  érudits,  comme  les  Mémoires  de  Condé,  de  Nevers. 
de  Duplessis-Mornay,  de  la  Ligue.  Mais  je  dois  une  mention  spé- 
ciale aux  recueils  d'Alberi  et  de  Tommaseo,  aux  Négociations 
diplomatiques  de  la  France  avec  la  Toscane  de  Desjardins,  aux 
Calendar  of  state  papers,  Foreign  série  of  the  reign  of  Elisabeth 
et  aux  deux  grandes  publications  qui  ont  renouvelé  l'histoire 
de  la  seconde  moitié  du  xvie  siècle,  les  Lettres  missives  de 
Henri  IV  et  les  Lettres  de  Catherine  de  Médicis. 

Parmi  les  historiens,  les  contemporains  de  Charles  de 
Bourbon  doivent  passer  en  première  ligne.  Quelques-uns 
comme  Bèze,  d'Aubigné,  Palma  Cayet,  de  Thou,  Davila,  ont  la 
valeur  de  sources.  Les  autres  au  contraire,  comme  La  Popeli- 
nière,  Piguerre,  Dupleix,  Matthieu,  ont  moins  d'originalité. 
L'un  deux,  Du  Breul,  a  laissé  une  Vie  de  monseigneur  l'illustris- 
sime prince  et  rénérendissime  cardinal  Charles  de  Bourbon  (Paris, 
ifn'i.  in-/j",  16  p.)  ;  ce  n'est  malheureusement  qu'un  panég\ 
rique  relatant  surtout  les  derniers  instants  du  prélat.  Quant  aux 
modernes,  ils  sont  légion  ;  il  faudrait  plusieurs  pages  pour  lés 
énumérer  tous.  Au  cours  de  ces  dernières  années  les  études 


AVANT -PROPOS 


d'ensemble  ont  fait  place  aux  monographies.  On  ne  peut  pour 
l'heure  que  s'en  féliciter,  car  des  faits  certains  peuvent  seuls 
conduire  à  des  conclusions  certaines. 


Qu'il  me  soit  permis  de  remercier  en  quelques  mots  les 
maîtres  et  amis  dont  les  conseils  ont  encouragé  mes  premiers 
pas  :  M.  H.  Stein,  qui  m'a  guidé  vers  le  xvie  siècle,  que  les 
conférences  de  M.  A.bel  Lefranc,  où  j'ai  tant  puisé,  m'ont  appris 
à  aimer;  —  MM.  Morel-Fatio,  P.  Viollet  et  L.  Lasalle-Serbat. 
qui  ont  assumé  successivement  la  lourde  tâche  de  correcteurs  : 
—  M.  G.  Baguenault  de  Puchesse,  dont  son  érudition  fait  le  con- 
seiller indispensable  des  débutants  ;  —  M.  L.  Romier,  qui  fut 
le  compagnon  des  heures  difficiles.  Qu'ils  reçoivent  ici  l'hom- 
mage de  mes  sentiments  reconnaissants  et  respectueux. 

E.   S. 


PREMIÈRE     PAR-T1E 


LE    CARDINAL    DE    BOURBON 


CHAPITRE    PREMIER 

LV    JEUNESSE    DE    CHARLES    DE    BOURBON 

L'an  i5a3,  dans  la  matinée  du  22  décembre,  vers  les  onze 
heures,  naquit  au  château  de  La  Ferté-sous-Jouarrc  Charles  de 
Bourbon,  fils  de  Charles  de  Bourbon,  duc  de  Vendôme,  et  de 
Françoise  d'Alencon.  Le  soir  même  l'enfant  fut  baptisé  dans  la 
chapelle  du  château  4 . 

La  famille  des  Bourbons-Vendôme,  à  laquelle  il  appartenait, 
avait  pour  ancêtre  le  sixième  fils  de  saint  Louis,  Robert  de 
Clermont,  dont  la  descendance  se  poursuivit  jusqu'au  xvia  siè- 
cle en  deux  branches,  celle  des  ducs  de  Bourbon  qui  s'éteignit 
avec  Charles  III,  le  fameux  connétable  tué  au  siège  de  Rome, 
et  celle  des  Bourbons-Vendôme. 

«De  ceste  race  de  Bourbon,  dira  plus  tard  Brantôme,  il  n'y 
en  a  point  de  poltrons.  Ils  sont  tous  braves  et  vaillants,  n  Pen- 
dant un  siècle  les  comtes  de  Vendôme  ont  mérité  pleinement 
ces  éloges.  On  les  retrouve  sur  tous  les  champs  de  bataille, 
Azincourl,  Montlhéry,  toujours  fidèles  à  la  cause  royale,  A 
Fornoue,  Charles  VIII  voit  combattre  à  ses  côtés  François  de 
Bourbon,  que  la   maladie  emporte  quelques  mois  plus  tard  à 

1.  Du  Breul,  Vie  de  Charles  de  Bourbon,  p.  2.  —  Les  parrains  de  l'enfant 
furent  Antoine  de  Bourbon,  son  frère  aine,  et  M'  de  fiâmes  ;  ses  marraines, 
Mesdames  de  Pleumesson  et  de  Torsi. 

Swi.mek.  —  Cardinal  de  Bourbon.  t 


'2  LE    HOLE    POLITIQUE    DU    CARDINAL    DE    BOllUiON 

l'âge  de  vingt-cinq  ans.  François,  qu'André  de  La  Vigne  sur- 
nomme l'cscarboucle  des  princes  de  son  temps1,  laissa  une 
veuve,  Marie  de  Luxembourg,  et  cinq  enfants  dont  l'aîné  fut 
Charles  de  Bourbon,  père  du  futur  roi  des  ligueurs. 

Malgré  cette  mort  prématurée,  la  fortune  sourit  aux  orphe- 
lins. Des  deux  filles,  Antoinette  et  Louise,  la  première  épousa 
Claude  de  Lorraine,  duc  de  Guise;  la  cadette  reçut  l'abbaye 
d'Origny.  Des  trois  fils,  Charles,  François  et  Louis,  le  plus  jeune 
se  trouva  pourvu  à  dix-sept  ans  de  l'évéché  de  Laon.  Les  deux 
autres  furent  assez  habiles  pour  conserver  à  leur  maison, 
malgré  des  difficultés  imprévues,  la  faveur  dont  elle  jouissait. 

En  effet,  en  octobre  i523,  le  connétable  de  Bourbon,  seul 
survivant  des  branches  aînées,  passait  au  service  de  Charles- 
Quint.  La  honte  de  cette  trahison  rejaillit  sur  toute  la  famille. 
Charles,  comte  de  Vendôme,  avait  déjà  su  conquérir  l'amitié 
du  roi  par  sa  fidélité  et  ses  loyaux  services.  Fait  chevalier  au 
combat  d'Agnadel,  de  comte  qu'il  était,  il  s'était  vu  en 
février  1 5 1 5  créé  duc  et  pair  de  France.  En  1 5 1 7  le  roi  l'avait 
nommé  son  lieutenant  général  à  Paris2,  et  l'année  suivante  il 
lui  accordait  le  gouvernement  de  la  Picardie.  La  trahison  du 
chef  de  sa  maison  n'allait-elle  pas  être  pour  lui  le  commence- 
ment de  la  disgrâce? 

Le  duc  de  Vendôme  comprit  admirablement  que  son  salut 
et  celui  des  siens  étaient  dans  leur  modestie.  Il  s'effaça  pour 
éviter  la  colère  du  roi.  Cependant  il  aurait  pu  s'enorgueillir 
d'une  situation  nouvelle  que  créa  la  disparition  du  connétable 
de  Bourbon.  Celui-ci,  blessé  sous  les  murs  de  Rome,  mourut 
sans  héritier  cl,  par  l'extinction  des  branches  aînées,  le  duc  de 
Vendôme  devint  Le  plus  proche  parent  de  la  famille  royale. 
Il  fut  premier  prince  du  sang;  mais  l'ambition  céda  chez  lui 
à  l'habileté. 

Lois  de  La  captivité  de  François  1".  il  se  soumit  volontiers 
aux  ordres  «le  la  régente,  refusantde  prendre  un  pouvoir  auquel 


1.   Anselme  (P.),  Histoire  généalogique  de  In  maison  <lc  France,  1.  1,  p.  3a6. 
•à.  Registres  des  délib.  dix  bureau,  de  la  ville  de  Paris,  t.  I,  p.  237. 


LA    JEUNESSE    DE    CHAULES    DE    BOURBON  Ô 

il  aurait  pu  prétendre.  Activement  il  travailla  à  la  mise  en 
liberté  du  prisonnier,  et.  quand  le  roi  fut  revenu  en  France,  il 
lui  continua  ses  tidèles  services.  François  I"  sut  comprendre  ses 
intentions.  Malgré  la  trahison  du  connétable,  il  conserva  son 
amitié  à  la  maison  de  Bourbon.  Il  donna  à  L'aîné  des  frères  du 
duc  de  Vendôme.  François,  comte  de  Saint-Paul,  l'important 
gouvernement  du  Dauphiné  ;  au  plus  jeune.  Louis,  l'arche- 
vêché de  Sens.  Quant  au  duc.  il  eut  toujours  sa  large  place  au 
conseil  et  son  intimité  avec  François  Ie'  fut  telle  que  celui-ci 
lui  permit  de  l'appeler  «  Monsieur  j>  au  lieu  de  «  Sire1  ». 

L'avenir  souriait  donc  aux  Bourbons-\  endôme,  mais  il  les 
berçait  d'espérances  trompeuses.  Ceux  que  leur  origine  et  leur 
titre  auraient  dû  placer  à  la  tête  de  la  noblesse  de  France  virent 
leur  influence  contrebalancée  par  celle  que  prirent  de  plus  en 
plus  les  favoris.  Leur  fortune  personnelle  n'était  d'ailleurs  pas 
comparable  aux  immenses  richesses  de  quelques  uns  de  leurs 
rivaux,  et  la  supériorité,  que  leur  nombre  leur  assurait,  fut  de 
courte  durée,  car  la  mort  vint  enlever  en  pleine  jeunesse  ceux 
qui  auraient  pu  soutenir  le  mieux  le  prestige  de  la  maison. 


Leduc  de  Vendôme  avait  épousé  en  1010  une  jeune  veuve, 
Françoise  d'Alençon,  duchesse  de  Longueville.  tille  de  René 
duc  d'Alençon  et  de  Marguerite  de  Lorraine.  Il  en  eut  treize 
enfants,  sept  garçons  et  six  filles.  Charles  fut  le  huitième.  Ses 
aînés,  Antoine2  et  François3,  avaient  embrassé  déjà  la  carrière 
des  armes  ;  aussi  fut-il  destiné  à  l'état  ecclésiastique  et  laissé  à 
la  direction  de  son  oncle  le  cardinal  de  Bourbon. 

i.  Brantôme,  Œuvres,  éd.  Lalanne,  t.  III,  p.  201. 

2.  Antoine  de  Bourbon,  né  le  22  avril  i5i8,  épousa  Jeanne  d'Albrel  le 
20  octobre  i5/|8  et  devint  roi.de  Navarre  en  [555,  après  la  mort  de  son  beau- 
père. 

3.  François  de  Bourbon,  comte  d*Enghien,  né  le  23  septembre  l5iq,  fui 
le  brillant  vainqueur  de  Cérisoles.  Il  mourut  des  sniles  d'un  accidenl 
le  a3  février  i546. 


/|  LE    ROLE    POLITIQUE    DU    CARDINAL    DE    BOURBON 

Charles  avait  comme  grand'mère  maternelle  Marguerite  de 
Lorraine,  femme  d'une  dévotion  ardente,  qui  fonda  le  monas- 
tère de  Sainte-Claire  d'Argentan,  où  elle  vécut  ses  dernières 
années.  Sa  fille,  Françoise  d'Alençon,  se  montra  digne  d'elle,  et, 
si  sa  piété  ne  lui  lit  pas  (initier  la  vie  séculière,  elle  sutlui  attirer 
du  moins  le  respect  de  ses  contemporains1.  Charles  grandit 
donc  au  milieu  des  prières,  et  il  conserva  fidèlement  pendant 
toute  sa  vie  les  croyances  de  son  enfance.  D'ailleurs  son  oncle 
le  cardinal,  ecclésiastique  à  la  foi  robuste,  se  chargea  de  son 
éducation,  qu'il  lui  lit  donner  essentiellemenl  chrétienne. 

Cet  oncle,  Louis  de  Bourbon,  s'était  vu  placé  dès  sa  jeu- 
nesse au  premier  rang  de  lepiscopat  français.  Successivement 
évêque  de  Laon,  du  Mans,  de  Luçon,  de  Tréguier,  il  avait  reçu 
à  vingt-quatre  ans  le  chapeau  de  cardinal  et  pris  en  i536  pos- 
session du  siège  archiépiscopal  de  Sens.  A  ces  bénéfices  la 
faveur  royale  avait  ajouté  quelques-unes  de  ces  riches  abbayes 
si  recherchées  à  cette  époque  comme  celles  de  Saint-Denis,  de 
Saint-Corneille  de  Compiègne,  de  Saint-Serge  d'Angers,  car 
l'intelligence  ouverte  du  prélat  et  sa  fine  habileté  lui  avaient 
gagné  l'amitié  de  François  Ier.  Malgré  cette  situation  particu- 
lière dont  un  ambitieux  eut  profilé,  le  cardinal  consacra  aux 
devoirs  de  sa  charge  tout  le  temps  que  lui  laissa  sa  partici- 
pation au  gouvernement,  aimant  mieux  «  vaquer  au  service- 
divin  comme  un  simple  chanoine»  que  se  mêler  aux  intri- 
gues de  la  cour2.  Son  influence  prépondérante  parmi  le  clergé 
français  et  surtout  les  revenus  considérables,  qu'il  tirait  de  son 
archevêché  et  de  ses  nombreuses  abbayes,  en  firent  le  soutien 
indispensable  de  sa  famille.  En  effet  le  due  de  Vendôme  avait 
peine  à  maintenir  son  rang  à  la  cour  luxueuse  du  premier  des 

i.  Brantôme,  Œuvres,  I.  III,  p.  ■"><)■• 

2.  Mêmoiresde  Claude  Haton  (coll.  des  doc.  inéd.),  t.  \,  p.  4">.  —  Louis  de 
Bourbon  protégea  aussi  les  arts  cl  les  lettres.  Il  termina  la  décoration  du 
palais  archiépiscopal  de  Sous,  qu'Etienne  Poncher,  un  de  ses  prédécesseurs, 
avail  commencée.  Il  fit  construire  de  superbes  villas  à  Brienon-sur- 
xnnaiH'Mii  el  a  Villeneuve-1' Archevêque.  La  bibliothèque  de  l'Arsenal 
renferme  sous  le  n°  86i  un  manuscrit  à  lui  dédié  et  intitulé  :  Errôrumqui 
selecli  sunl  ex  commentariis  Caroli  Molinei  confutatio. 


LA.    JEUNESSE    DE    OUVREES    DE    BOURBON  a 

Valois.  Le  cardinal  prit  en  partie  à  sa  charge  l'éducation  de 
ses  neveux1,  mais  ce  fut  au  jeune  Charles  qu'allèrent  toutes  ses 
préférences.  Il  fut  pour  lui  un  second  père,  surtout  lorsque  le 
duc  de  Vendôme  eut  succombé  à  une  fièvre  maligne  le 
2.")  mars  i53y. 

L'enfant  passa  d'abord  quelques  années  au  château  de  Fère 
en  Tardenois  auprès  de  sa  grand'mère  paternelle  Marie  de 
Luxembourg,  puis  il  vint  suivre  les  cours  du  collège  de  Navarre 
que  son  oncle  le  cardinal  avait  fréquenté  autrefois2.  C'était  à 
cette  époque  le  collège  des  princes  ;  il  devait  recevoir  un  peu 
plus  tard  le  futur  Henri  IV.  En  même  temps  que  Charles  de 
Bourbon,  on  y  vit  entrer  son  cousin  Charles  de  Lorraine3,  qui, 
cardinal,  allait  présider  si  longtemps  aux  destinées  de  la 
France.  Les  deux  enfants,  étant  à  peu  près  du  même  âge,  reçu- 
rent un  précepteur  commun,  Jean  Hennuyer4,  qui  avait  été 
celui  du  dauphin  Henri.  Un  président  des  enquêtes.  Regnard, 
fut  spécialement  chargé  de  leur  apprendre  le  grec.  Leurs  huma- 
nités terminées,  ils  passèrent  encore  deux  années  à  l'hôtel  de 
Reims,  s'initiant  aux  questions  de  jurisprudence  et  de  théo- 
logie5. Ces  études  furent  loin  d'être  parfaites  et  Charles  de 
Bourbon,  devenu  homme,  se  plaignit  de  leur  insuffisance0;  il 
est  vrai  qu'il  n'avait  pas  les  rares  qualités  de  Charles  de  Lor- 
raine, qui  sut  en  tirer  un  meilleur  profit.  De  cette  éducation 
en   commun  naquit   entre  les   deux  jeunes  gens    une    amitié 


i.   Mémoires  de  Claude  Union,  t.  I,  p.  45. 

2.  Du  Broul,  La  nie.  de  Charles  de  Bourbon. 

3.  Charles  de  Lorraine  était  le  deuxième  fils  de  Claude  de  Lorraine,  duc 
de  Guise,  et  d'Antoinette  de  Bourbon.  Il  était  donc  cousin  germain  de 
Charles  de  Bourbon  et  plus  jeune  que  lui  de  quelques  mois,  puisqu'il 
naquit  le  17  février  [5a5. 

'\.  Jean  Hennuyer.  né  en  1/197,  étudia  au  collège  de  Navarre  et  y  fui  reçu 
en  i.V|0  comme  professeur  de  théologie.  Directeur  de  Diane  de  Poitiers  et 
de  Catherine  de  Médicis,  il  fut  ensuite  premier  aumônier  de  François  IL 
de  Charles  IX  et  de  tien  ri  III  jusqu'en  1  f»  7  T> .  Il  mourut  évèque  de  Lisieux 
le  12  mars  1578. 

5.  Du  Breul,  La  vie  de  Charles  de  Bourbon. 

6.  Bibl.  Nat.,  f.  fr.,  ms.  33ai,  f"  28,  autogr. ;  lettre  de  Charles  de  Bourbon 
au  duc  de  Nevers,  de  Grenoble,  a3  juillet  1Ô79. 


G  LE    ROLE    POLITIQUE    DU    CARDINAL    DE    BOURBON 

solide,  qui  tourna  tout  à  l'avantage  du  dernier.  Dès  cette 
époque,  Charles  de  Lorraine  prit  sur  son  faible  cousin  une 
influence  qu'il  utilisa  par  la  suite. 

En  un  temps  où  les  dignités  ecclésiastiques  s'acquéraient 
plus  par  la  faveur  que  par  le  mérite,  tous  deux  n'attendirent 
pas  longtemps  un  siège  épiscopal.  Pendant  que  Charles  de 
Lorraine  succédait  à  son  oncle  dans  l'archevêché  de  Reims. 
Charles  de  Bourbon  prenait  possession  de  l'évéché  de  Ne- 
vers  (iV|o)  '.  Il  le  conserva  sept  ans,  et  néanmoins  dès  i544  il 
obtint  aussi  celui  de  Saintes2.  Quoique  ses  revenus  fussent 
déjà  considérables,  le  jeune  prélat  reçut  encore  le  28  août  i546 
l'évéché  de  Carcassonne  3.  Dès  cette  époque  il  possédait  égale- 
ment quelques  abbayes,  celles  de  Saint -Nicolas-au-Bois,  de 
Saint  Vincent  de  Laon  que  lui  avait  cédée  le  cardinal  de 
Bourbon.  Un  peu  plus  tard  il  entrait  en  possession  de  la  riche 
abbaye  de  la  Trinité  de  Vendôme  4.  C'était  le  commencement 
d'un  cumul  extraordinaire  qui,  dans  la  suite,  étonna  tant  que 
les  papes  crurent  nécessaire  de  le  justifier. 


Pendant  que  de  bons  et  gros  bénéfices  assuraient  au  jeune 
prélat  une  vie  large  et  facile,  une  dignité  nouvelle  fort  recher- 

1.  Crosnier  (abbé),  Monographie  de  la  cathédrale  de  Nevers,  Nevers,  i854, 
in-cS".       Catalogue  des  actes  de  François  I",  t.  VI,  p.  611,  n°  22077. 

•>..  (Test  au  cours  de  son  épiscopat  qu'en  i54#  surgit  la  révolte  de 
Guyenne  suscitée  par  l'impôt  inique  de  la  gabelle.  La  répression  fut 
terrible.  Charles  de  Bourbon  essaya  en  vain  d'adoucir  les  rigueurs  qui 
vinrenl  frapper  la  ville  de  Saintes.  V.  Mémoires-journaux  du  dur  de  Guise, 
p.  5. 

3.  Charles  de  Bourbon  administra  l'évéché  de  Carcassonne  jusqu'en 
[553,  époque  à  laquelle  il  s'en  démit  entre  les  mains  du  pape,  se  réservant 
toutefois  lt's  deux  tiers  du  revenu.  François  de  Faucon,  évèque  de  Màcon, 
devint  évêque "de  Carcassonne.  \  sa  mort  survenue  le  22  septembre  i565, 
Charles  <!<•  Bourbon  reprit  possession  de  l'évéché,  mais  deux  ans  plus  tard 
il  s'en  démil  définitivement  en  faveur  de  Vitelloti  \  itelli,  cardinal-évèque 
d'Imola.  \.  Mahul  (A.),  Cartulaire  et  archives  des  communes  de  l'ancien 
diocèse  et  de  l'arrondissement  administratif  de  Carcassonne,  t.   V,  p.   184-4go. 

\.  Gallia  chrisliana,  !..  \  III,  col.  r364. 


LA    JEUNESSE    DE    CHARLES    DE    BOL "HBON  y 

chéc  de  tous  ses  collègues,  mais  que  sa  qualité  de  prince 
du  sang  lui  permettait  d'obtenir  plus  facilement  que  tout 
autre,  vint  encore  rehausser  son  prestige  naissant. 

Dans  les  derniers  mois  du  règne  de  François  Ier,  des  rela- 
tions amicales  s'établirent  entre  les  cours  de  Paris  et  de  Rome. 
Mécontent  de  Charles-Quint,  Paul  III  rechercha  l'alliance  fran- 
çaise et  fiança  son  petit-fils,  Horace  Farnèse,  à  Diane,  fille 
légitimée  du  dauphin  Henri.  Gomme  gage  d'amitié,  Fran- 
çois Ier sollicita  le  chapeau  de  cardinal  pour  Charles  de  Bour- 
bon. Le  dauphin  en  demanda  également  un  pour  Charles  de 
Lorraine,  archevêque  de  Reims,  alors  le  plus  intime  de  ses 
confidents  4. 

Sur  ces  entrefaites,  François  1"  mourut.  Le  dauphin  devenu 
roi  continua  la  politique  de  son  père.  Paul  III  s'y  prêta  d'au- 
tant plus  volontiers  qu'il  crut  reconnaître  la  main  de  Charles- 
Quint  dans  l'assassinat  de  son  fils  Pierre-Louis  Farnèse.  Mais 
le  pape  était  un  habile  diplomate.  A  Henri  II  qui  demandait 
maintenant  deux  chapeaux  pour  les  jeunes  prélats,  il  répondit 
que  le  collège  des  cardinaux  trouverait  peut-être  mauvais  la 
double  promotion  de  deux  cousins,  qui  avaient  déjà  chacun  un 
oncle  au  sacré  collège2.  Toutefois,  pour  montrer  sa  bonne 
volonté,  il  céda  en  partie.  Le  27  juillet  il  nomma  cardinal 
Charles  de  Lorraine,  qu'il  savait  le  plus  aimé  du  roi  et  le  plus 
influent3.  Cette  préférence  suscita  la  colère  des  Bourbons  qui 
voyaient  un  Lorrain  devancer  un  prince  du  sang.  Mais  leurs 
réclamations  étaient  de  peu  de  poids  devant  la  faveur  nou- 
velle et  toujours  croissante  de  la  maison  rivale  l.  L'hostilité 
entre  les  deux  familles,  qui  devint  si  âpre  par  la  suite,  trouve 
déjà  là  ses  origines. 


1.  Bibl.  Nul.,  f.  ital.,  ms,  1716,  p.  78.  copie  ;  dép.  des  ambass.  vénitiens, 
de  Paris,  (i  mars  [547- 

■?.  Ribier  (G.),  Lettres  et  mémoires  d'Estat,  t.  II.  p.  0. 

3.  Ilnil.,  t.  Il,  p.  39. 

',.  Bibl.  \af..  f.  IV. ,  ms.  ro485,  f"  7,  orig.  :  lettre  de  Charles  de  Bourbon 
au  cardinal  du  Bellay,  de  Joinville,  17  juin  i548.—  Négociations dipl  avecla 
Toscane,  I.  III,  p.  aïo;  de  Melun,  .'?  nov.  1  » ri 7 - 


8  LE    ROLE    POLITIQUE    DL     CARDINAL    DE    BOURBON 

Henri  II  déçu  ne  se  tint  pas  pour  satisfait.  Il  réclama  un 
nouveau  chapeau  et.  voulant  couper  court  aux  difficultés,  il 
envoya  en  Italie  son  confident  Charles  de  Lorraine.  Le  prélat. 
disait-on,  allait  remercier  le  pape;  en  réalité,  il  conclut  avec 
lui  au  nom  du  roi  son  maître  une  ligue  défensive  contre  l'em- 
pereur. L'entente  étant  parfaite,  Paul  III  n'avait  plus  rien  à 
refuser  à  son  allié.  Le  9  janvier  ib\8',  il  fit  une  promotion 
spéciale  en  faveur  de  Charles  de  Bourbon1.  Le  messager,  qui 
apporta  la  barrette,  présenta  également  la  ratification  du  pacte -. 
Par  faveur  spéciale,  le  pape  se  dessaisit  de  ses  prérogatives  et 
envoya  le  chapeau  à  Henri  II  pour  qu'il  le  remit  lui-même  au 
jeune  prélat3.  La  cour  se  trouvait  alors  en  Bourgogne.  La  céré- 
monie eut  lieu  le  dimanche  1"  juillet  au  matin,  et  le  soir 
même  le  nouveau  cardinal,  revêtu  de  sa  robe  pourpre,  escorta 
le  roi  dans  son  entrée  triomphale  à  Dijon  l. 

Ce  titre  nouveau,  tout  en  flattant  Charles  de  Bourbon,  l'ef- 
fraya un  peu  et  souleva  un  incident  qui  jette  un  jour  curieux 
sur  le  caractère  du  jeune  homme.  Il  n'était  encore  que  diacre 
et  le  bref  de  Paul  III  le  nommait  cardinal  prêtre.  Il  ne  crut 
pas  devoir  y  trouver  une  invitation  à  prendre  la  prêtrise. 
Inquiet  de  sa  jeunesse,  il  n'osa  point  se  ti  précipiter  en  un  si 
grand  inistère  »  avant  d'avoir  atteint  «  l'eage  compectent  et 
l'heure  que  la  dévotion  »  lui  serait  venue.  Aussi,  s'étant  ouvert 
de  ses  craintes  au  cardinal  du  Bellay  alors  à  Borne,  qui 
avail  pour  lui  des  attentions  toutes  paternelles,  il  lui  demanda 
d'implorer  le  pape  pour  qu  en  lui  envoyant  le  chapeau  il 
l'appelât  cardinal  diacre  et  non  cardinal  prêtre5.  Son  souhait 
fui    exaucé   cl    Paul    III   le  nomma   cardinal  diacre  de  Saint 

1.  Baronius,  innales  ecclesiastici,  I.  \Y,  p.  355;brefdu  pape  au  cardinal 
de  Vendôme,  de  Rome,  9Janv.  1.V48. 

■>..  Négociations  dipl.  avec  lu  Toscane,  I.  III.  p.  227;  de  Fontainebleau, 
1  ■>  fé\  r.  1 548. 

;.  Ribier,  Lettres  et  mémoires  d'Estat,  t.  II.  p.  i'ii. 

',.  Bibl.  Nat.,  f.  fr.,  ms.  io485,  f"  9,  orig.  ;  lettre  de  Ch.  de  Bourbon  au 
cardinal  du  Bellay,  de  Dijon,  12  juill.  t548.  (Pièces  justif.  n°  I.) 

">.  BibL.Nat.,  I.  fr.,  m-.  io485,  f°  7,  orig.  ;  lettre  <le  Charles  de  Bourbon 
au  cardinal  du  Bellay,  de  Joinville,  17  juin  [548. 


LA    JEUNESSE    DE    CHAULES    DE    BOURBON  Q 

Sixte  '.  Charles  de  Bourbon  prit  désormais  Le  titre  de  cardinal 
de  Vendôme,  pour  n'être  pas  confondu  avec  son  oncle  le  car- 
dinal de  Bourbon.  Le  jeune  homme  résolut  d'aller  en  personne 
remercier  le  souverain  pontife,  curieux  de  se  trouver  «  en  com- 
paignie  de  tant  de  grands  et  vertueux  personnages  2  »  qu'étaient 
les  cardinaux  et  désirant  aplanir  quelques  petites  difficultés 
que  soulevait  son  évêché  de  Carcassonne.  Après  certains 
retards  causés  par  le  mariage  de  son  frère  Antoine  avec 
Jeanne  d'Albret  (20  octobre  i548)  et  les  préparatifs  longs  et 
coûteux  d'un  voyage,  où  la  réputation  de  sa  maison  voulait 
qu'il  se  fil  suivre  d'une  nombreuse  escorte,  il  partit  dans  les 
derniers  mois  de  i548  :!.  Une  année  n'était  pas  écoulée  que  la 
mort  de   Paul  III  le   rappelait  de    nouveau  à  Rome  l. 

Pour  être  un  des  premiers  prélats  du  royaume,  il  ne  man- 
quait à  Charles  de  Bourbon  qu'un  siège  archiépiscopal.  Celui 
de  Rouen,  vacant  après  la  mort  de  Georges  II  d'Amboise,  lui 
fut  donné  par  une  bulle  du  20  septembre  i55o5.  Le  11  avril 
suivant,  le  nouvel  archevêque  fit  son  entrée  dans  la  ville  avec 
une  pompe  extraordinaire.  Comme  Henri  11  l'avait  nommé 
quelques  jours  auparavant  °  son  lieutenant  général  à  Rouen  et 
qu'il  était  du  sang  royal,  la  municipalité  décida  de  lui  offrir 
les  honneurs  d'un  poêle,  ce  qui  était  réservé  aux  souverains7. 

1.  Charles  de  Bourbon  fut  créé  peu  après  par  Jules  III  cardinal-prêtre  de 
Saint-Chrysogone.  Il  porta  plus  tard   le  titre  d'archiprêtre  des  cardinaux 
prêtres. 

9.  Bibl.  Mat.,  f.  fr..  ms.  io485,  f°  9,  orig.  ;  lettre  de  Ch.  de  Bourbon  au 
cardinal  du  Bellay,  de  Dijon,  12  juill.   1J48.  (Pièces  justif.  n"  I.) 

3.  Bibl.  Mat.,  f.  fr.,  ms.  to485,  f°  9,  ovig.  ;  lettre  de  Ch.  de  Bourbon  au 
card.  du  Bellay,  de  Dijon.  1  ■>.  juill.  i.V,.X.  1  Pièces  justif.  n°  I.) 

4.  En  décembre  t549>  Il  y  retourna  une  troisième  fois  en  avril  i.m.")  pour 
l'élection  de  Paul  l\  . 

.").  (initia  christiania,  t.  \.  col.  97.  —  Cbarles  de  Bourbon  fut  le  premier 
archevêque  de  Rouen  désigné  par  le  roi  en  vertu  du  concordat  de  ifuG.  Le 
chapitre  de  la  cathédrale  Le  reçut  le  90CL  [55o  par  procureur,  et  le  18  nov. 
en  personne.  V.  Robillnrd  de  Beaurepaire,  archives  départent,  de  Seine- 
Inférieure,  série  G,  t.  II,  p.  260, 

6.  Par  lettres  patentes  datées  de  .toinville,  20  mars  [55i. 

7.  Kobillard  de  Beaurepaire  (Ch.  de),  Inventaires  sommaires  des  arrlt. 
communales  antérieures  à   Î790  :    Ville  de  Rouen,  t.    I,  p.  17.").  —  Le  cardinal 


10  LE    ROLE    POLITIQUE    DU    CARDINAL    DE    BOURBON 

\insi,  à  vingt-sept  ans,  Charles  de  Bourbon  était  arrivé  au 
faîte  des  dignités  ecclésiastiques,  non  point  par  d'ambitieuses 
manœuvres,  mais  lout  naturellement  grâce  à  sa  qualité  de 
prince  du  sang,  à  la  bienveillante  affection  de  son  oncle  et  à  la 
faveur  royale.  Jusqu'ici  il  avait  vécu  jeune  et  oisif  au  milieu 
des  plaisirs  de  la  cour,  mais  son  âge  et  ses  qualités  ne  pouvaient 
le  laisser  plus  longtemps  à  l'écart  du  gouvernement. 


La  charge,  qui  ouvre  la  longue  carrière  politique  de  Charles 
de  Bourbon,  est  la  lieutenance  que  le  roi  lui  délégua  en  la  ville 
de  Rouen  au  mois  de  mars  i55i.  Ce  n'était  pas  une  fonction 
bien  difficile  à  remplir  ;  encore  lui  adjoignit-on  le  vieux 
cardinal  d'Annebault,  évêque  de  Lisieux,  Gabriel  Le  Veneur, 
évêque  d'Evreux,  et  quelques  membres  du  parlement  '.  En  effet 
son  caractère  simple,  son  esprit  peu  entreprenant  faisaient 
douter  de  ses  qualités,  et,  à  l'avènement  de  Henri  11,  il  avait 
été  écarté  du  conseil,  tandis  que  son  jeune  cousin,  Charles  de 
Lorraine,  y  trouvait  place. 

A  dire  vrai,  il  y  avait  là  autre  chose  qu'une  question  de  per- 
sonne. Le  roi  manifestait  une  sympathie  plus  grande  envers  la 
maison  de  Lorraine  qu'envers  les  princes  du  sang  ;  mais  il  faut 
reconnaître  que  l'archevêque  de  Beims  avait  mieux  mérité 
rattachement  du  dauphin  par  ses  ambitieuses  menées  et  son 
réel  talent.  Tandis  que  le  Lorrain  se  rendait  bientôt  indispen- 
sable dans  les  conseils  royaux,  Charles  de  Bourbon  au  contraire 
ne  se  mêlait  aux  affaires  du  gouvernement  qu'entraîné  par  son 
oncle  le  cardinal,  resté  sous  Henri  11  le  conseiller  écoulé  qu'il 
avait  été  sous  François  I". 


d'Âmboise  avait  ou  également  los  honneurs  du  poêle,  mais  il  était  lieu- 
tenant  du  roi  en  Normandie,  tandis  que  le  cardinal  de  Vendôme  n'était 
lieutenanl  qu'à  Rouen.  En  outre  pour  le  premier  la  municipalité  avait  reçu 
un  ordre  exprès  du  roi. 

i.    Itobillaid    de    Beaurepaire    (Ch.    de),  Inventaires  sommaires   des  areli. 
communales  antérieures  à  I7'.H>  :   1  ille  de  Rouen,  t.  1,  p.  17F». 


LA    JEUNESSE    DE    CHARLES    DE    BOURBON  I  I 

Lorsqu'en  mars  i552  le  roi  partit  à  la  frontière  pour  suivre 
de  plus  près  les  opérations  militaires,  il  nomma  le  cardinal  de 
Bourbon  son  lieutenant  général  clans  Paris  et  l'Ile-de-France  *. 
Le  prélat  s'acquitta  au  mieux  de  sa  lâche,  bien  quelle  fût  déli- 
eale.  Le  clergé,  peu  satisfait  de  cette  expédition  en  faveur  des 
princes  luthériens  d'Allemagne,  fut  encore  mécontenté  par  un 
emprunt  forcé  de  vingt  livres  par  clocher  sur  les  fabriques  des 
églises.  Des  prédicateurs  osèrent  mal  parler  des  affaires  de 
l'état,  cherchant  à  soulever  quelque  mutinerie  populaire. 
Catherine  de  Médicis,  qui  n'avait  pas  encore  acquis  l'aimable 
habileté  qu'elle  eut  par  la  suite,  conseillait  au  lieutenant  de  les 
emprisonner  et  d'en  faire  prêcher  d'autres  qui  justifieraient  et 
loueraient  les  actes  du  roi.  Le  cardinal  usa  d'un  moyen  plus 
doux  ;  il  ordonna  simplement  aux  prédicateurs  de  se  rétracter 
publiquement  et  tout  rentra  dans  l'ordre  -. 

A  l'école  de  cet  homme  doué  d'une  si  habile  prudence, 
Charles  de  Bourbon  dut  prendre  beaucoup  de  bonnes  leçons. 
Pendant  ces  quelques  années  de  guerre  qui  aboutirent  à  la  trêve 
de  Vaucelles  (février  i556),  alors  que  les  princes  et  seigneurs  de 
la  cour  combattaient  aux  armées,  le  cardinal  de  Vendôme 
s'initia  aux  pratiques  du  gouvernement.  Non  seulement  il 
s'occupa  de  sa  ville  de  Rouen,  où  il  eut  à  surveiller  les  progrès 
de  l'hérésie3,  à  réclamer  à  la  municipalité  les  impôts  extraor- 
dinaires nécessités  par  la  guerre  4,  mais  encore  il  lui  fallut 
présider  aux  cérémonies  officielles  où  l'appelait,  en  l'absence 
du  roi,  sa  qualité  de  prince  du  sang  '. 


i.  Par  lettres  patentes  données  à  Rouen  le  1 3  mars  r55a  cl  enregistrées 
an  parlement  de  Paris  le  1 1  avril. 

2.  Lettres  de  Cath.  de  Médicis,  t.   I,  p.  5o. 

3.  Robillard  de  Beaurepaire  (Cli.  de),  Inventaires  sommaires  des  arch. 
communales  antérieures  à  IJ'.iO:  Ville  de  Rouen,  t.  1.  p.  t88. 

f\.   Ibid.,  t.  I,  p.  190. 

5.  Le  a3  juin  i55a,  les  cardinaux  de  Bourbon  cl  de  \  endôme  sont  requis 
en  l'absence  du  roi,  en  tant  que  princes  du  sang,  par  la  municipalité  de 
Paris,  pour  mettre  le  feu  à  la  pyramide  de  bois  élevée  sur  la  place  de  grève 
pour  la  fête  de  saint  Jean-Baptiste.  —Cf.  Registres  des  délib.  du  bureau  <le 
la  ville  de  Paris, t.  III.  p.  3i3. 


12  LE    RÔLE    POLITIQUE    DU    CARDINAL    DE    BOURBON 

\u  milieu  de  celle  période  agitée,  le  cardinal  de  Bourbon, 
déjà  vieux,  tomba  malade,  et  le  n  mars  1057  il  expira  à  l'âge 
de  soixante-quatre  ans '.  Cette  date  est  mémorable  dans  la  vie 
de  Charles  de  Bourbon,  car  la  disparition  de  son  oncle  le  lîl 
passer  au  premier  plan.  Il  hérita  non  seulement  d'une  grande 
partie  de  ses  revenus  2,  mais  aussi  de  son  titre  et  de  son  rang-. 
Ce  fut  lui  que  désormais  on  appela  le  cardinal  de  Bourbon.  Les 
circonstances  qui  survinrent  lui  donnèrent  tout  le  relief  qu'il 
devait  prendre  et  qu'une  trop  grande  modestie  l'avait  jusqu'ici 
empêché  d'acquérir. 

Quand  les  hostilités  recommencèrenl  au  printemps  de  t 557 , 
Henri  II  quittant  Paris  choisit  le  prélat  pour  le  représenter  dans 
sa  capitale  3.  Cette  lieutenance  était  la  première  charge  impor- 
tante de  Charles  de  Bourbon  :  encore  n'eut-il  qu'à  exécuter  les 
ordres  donnés.  L'armée  espagnole  apparaissant  subitement 
le  2  août  devant  les  murs  de  Saint-Quentin,  il  lit  préparer  des 
armes  qu'il  envoya  à  Noyon  *.  Quelques  jours  plus  tard,  après 
l'écrasement  de  Montmorency  (g  août),  il  s'en  vintavec  la  reine 
Catherine  de  Médicis  réclamer  à  la  municipalité  parisienne  un 
secours  pour  lever  une  nouvelle  armée  ;  on  lui  accorda  dix 
mille  hommes  5.  Bief  son  plus  grand  rôle  fut  d'être  toujours 
là  ;  sa  présence  suffit  à  faire  respecter  l'autorité  royale  et  à 
empêcher  quelque  résistance  imprévue. 

C'est  précisément  à  celte  époque,  où  les  frontières  parais- 
saient en    danger,  que  Charles  de    Bourbon  se  trouva  mêlé  à 

1.  Registres  des  délib.  du  bureau  de  la  rille  de  Pari*.  I.  IV,  p.  472.  —  L'orai- 
son funèbre  du  cardinal  de  Bourbon  fut  prononcée  par  l'elrus  Gemelius,  De 
obitu...  Ludovici  de  Borbonio.  l'arisius,  1558,  in-4°. 

■>..  Parmi  les  bénéfices  dont  jouissait  le  cardinal  de  Bourbon,  l'archevêché 
de  Sens  fiil  donné  à  Jean  Berlrandi,  garde  des  sceaux,  l'abbaye  de  Saint- 
Denis  au  cardinal  de  Lorraine  (par  ordre  du  roi),  et  une  autre  abbaye  de 
3.ooo  écus  de  rente  à  Giulio  Alvaroto,  ambassadeur  du  duc  de  Ferrare,  en 
récompense  de  l'accord  qu'il  avait  conclu  entre  Henri  11  et  son  maître. 
Charles  de  Bourbon  prit  le  reste.  (If.  Bibl.  Nat.,  f.  ital.,  ms.  1 7 19.  f°  fi  v°, 
copie. 

3.  Registres  des  délib.  du  bureau  de  In  ville  de  Paris,  t.  IV,  p.  491. 

4.  Ibid.,  1.  IV,  p.  491. 

5.  Ibid.,  1.  IV,  p.  497. 


LA    JEUNESSE    DE    CHAULES    DE    BOLKBON  I.) 

un  projet  dont  la  réalisation  eut  été  de  grande  conséquence. 
Henri  II,  cédant  aux  sollicitations  du  cardinal  de  Lorraine, 
demanda  au  pape  d'établir  l'Inquisition  en  France.  La  réponse 
fut  rapide  :  un  bref  du  -20  avril  iôô~  '  nomma  trois  grands 
inquisiteurs,  les  cardinaux  de  Bourbon,  de  Lorraine  et  de 
Cbàtillon.  L'archevêque  de  Reims  avait  tout  conduit  dans  cette 
affaire.  S'il  s'était  adjoint  le  cardinal  de  Chatillon  déjà  suspect 
d'hérésie,  c'est  qu'il  était  certain  d'avoir  toujours  pour  lui  la 
voix  du  cardinal  de  Bourbon.  Mais  la  défaite  de  Saint-Quentin 
survenant  inopinément  fit  ajourner  à  jamais  l'organisation 
inquisitoriale. 

La  paix  conclue  l'année  suivante  mit  fin  aux  attributions 
extraordinaires  dont  Charles  de  Bourbon  s'était  vu  revêtu  au 
cours  des  derniers  mois.  Après  les  instants  d'épouvante  causés 
par  les  revers,  l'espoir  revint  en  une  vie  calme  avec  les  tries 
splendides  qui  accompagnèrent  les  mariages  des  enfants  royaux. 
Le  cardinal  de  Bourbon,  le  premier  prélat  du  royaume, 
bénit  les  unions  2.  Ainsi,  en  temps  de  paix  comme  en  temps  de 
guerre,  il  se  trouvait  toujours  au  premier  rang.  A  peine  délivré 
des  soucis  du  gouvernement,  il  lui  fallait  s'abandonner  aux 
distractions  fatigantes  de  la  cour. 

Mais  le  coup  de  lance  de  Montgommcry  mil  brusquement 
lin  aux  réjouissances  et  ouvrit  le  champ  à  la  rivalité  des 
partis. 


A  la  morl  de  Henri   II.    le  cardinal   de    Bourbon    a    trente 
six  ans.  C'est   un  homme  de  petite   taille,    d'une  nature  sèche 

1.  Baronius,  Annales  ecclesiastici,  t.  W,  p.  623.—  Les  lettres  patentes  de 
Henri  II  permettant  d'exécuter  le  bref  du  pape  furent  données  à  Compiègne 
le  >.'\  juillet  1 . ) . "> 7  et  enregistrées  en  un  lit  de  justice  le  iô  janvier  suivant. 
Cf.  Bibl.de  la  Ville  de  Paris:  Recueil  \aleiicay,  n°  12:  Edici  du  roy  portant 
reigiement  pour  le  pouvoir  des  inquisiteurs  de  lafoy,  Paris,  1 . > r» 7 ,  in-8". 

2.  Ce  sont  les  mariages  du  dauphin  François  el  de  Marie  Stuart  le 
>'i  avril  [558  (cf.  Registres  <lcs  délib.  du  bureau  de  lu  villede  Paris,  l.  1\ , 
p.  '107),  de  Charles  II  duc  de  Lorraine  el  de  Claude  de  France  (Arch.  \al.. 
S.10  1 ")()<>.  I"  283  v°). 


i/j  LE    ROLE    POLITIQUE    DU    CARDINAL    DE    BOIRRON 

qui  échappera  toujours  à  l'embonpoint,  Sou  visage  ovale, 
qu'allonge  encore  une  courte  barbe  taillée  en  pointe,  au  nez  un 
peu  arqué  des  Bourbons,  aux  moustaches  tombantes,  u'a  rien 
qui  dénote  une  haute  intelligence.  Un  front  au\  tempes  décou- 
vertes, un  regard  doux  le  rendent  cependant  sympathique. 

Le  prélat  est  d'une  bonté  simple  qui  sera  en  partie  l'origine 
de  ses  malheurs.  Tous  les  contemporains  s'accordent  pour  lui 
reconnaître  une  bienveillance  naturelle,  une  «  bonhomie  ».  qui 
plait  à  ceux  qui  l'approchent.  Dans  sa  conversation  comme 
dans  ses  lettres,  il  ne  ménage  point  les  témoignages  d'amitié, 
de  dévouement  ;  c'est,  il  est  vrai,  l'habitude  de  l'époque,  mais 
peut-être  l'exagère-t-il.  La  défiance  en  lui-même,  qui  le  carac- 
térisait lors  de  son  élévation  au  cardinalat,  disparaît  peu  à  peu, 
mais  il  reste  toujours  une  faiblesse  extrême  de  la  volonté,  qui 
s'accompagne  de  colères  aussi  subites  que  promptement 
apaisées.  Sensible  au  point  d'honneur,  il  se  montre  parfois 
vain  de  ses  titres  et  qualités  1. 

Jeune,  avec  d'assez  gros  revenus  pour  soutenir  honora- 
blement son  rang  de  prince  du  sang,  il  préfère  les  plaisirs  de  la 
cour  à  la  vie  sévère  des  évêchés.  En  cela  moins  consciencieux 
que  son  oncle,  il  laisse  le  plus  souvent  ses  vicaires  généraux 
administrer  ses  diocèses.  (Test  ainsi  qu'il  ne  résida  jamais  à 
Garcassonne  sans  doute  trop  éloignée  à  son  gré.  D'ailleurs  il 
se  dépouille  volontiers  de  son  caractère  ecclésiastique  pour  se 
recréer  de  quelques  plaisanteries  ou  de  joyeux  amusements,  et 
les  pamphlets  moqueurs,  qui  ont  raillé  si  souvent  les  mœurs 
du  temps,  le  mêlent  parfois  avec  raison  à  d'amoureuses  aven- 
tures -.    La  vie  facile   de   la    cour  lui    convient  d'autant    mieux 


i.  Aux  funérailles  de  François  II.  le  cardinal  de  Bourbon  disputa  la 
préséance  au  duc  de  Nevers,  qui,  plus  ancien  que  lui  dans  la  pairie,  pré- 
tendait le  devancer.  Par  décision  du  parlement,  le  duc  dut  céder  le  pas  au 
cardinal.  \  .  Tnnunaseo  (Y),  Relations  des  CLmbctSS.   vénitiens,  I.  Il,  p.  5ll. 

2.  On  lui  connaît  un  bâtard,  N.  Poullain,  à  qui  Henri  IV  lil  un  don  de 
i.iidii  écus  le  [6  mais  i5q5.  V.  Valois  (N.),  Inventaire  des  arrêts  du  conseil 
(filial.  Règne  de  Henri  IV,  I.  I,  p.  i~>.'î,  n°  234o.  —  Un  quatrain  anonyme  \n 
même  jusqu'à  l'accuser  de  pratiquer  les  mœurs  spéciales  des  mignons  de 
Henri  III.  V.  Arcli.  Nat.,  K  \~>~o,  n°  nj5. 


LA    JEUNESSE    DE    CHAULES   IDE    BOLUBON  ]  ,") 

qu'il  en  est  un  des  principaux  acteurs.  Cardinal,  archevêque 
cl  prince  du  sang,  il  voit  s'incliner  devant  lui  les  prélats  et 
les  plus  grands  seigneurs  dii  royaume.  Ses  nombreux  bénéfices 
lui  permettent  même  de  rivaliser  de  prodigalités  avec  les  plus 
favorisés  des  courtisans  *. 

A  Paris  il  habile  la  «  cour  de  Rouen  »,  hôtel  seigneurial 
qu'ont  occupé  ses  prédécesseurs  sur  le  trône  archiépiscopal  ; 
mais  après  i56a  il  demeure  le  plus  souvent  dans  son  abbaye  de 
Saint-Germain-des-Prés  -.  Posséder  une  abbaye  dans  la  ville  ou 
aux  environs  était  fort  précieux  aux  prélats  de  la  cour,  qui, 
outre  des  revenus  quelquefois  considérables,  y  trouvaient  une 
hospitalité  luxueuse  assurée.  A  la  mort  de  son  oncle,  Charles 
de  Bourbon  n'a  pu  obtenir  celle  de  Saint  Denis  que  Henri  II  a 
donnée  au  cardinal  de  Lorraine.  Il  jette  alors  les  yeux  sur  celle 
de  Saint-Germain-des-Prés,  qui  appartient  au  vieux  cardinal  de 
Tournon.  Par  contrat  il  lui  cède  les  abbayes  de  Tournus  et  de 
Monlebourg  et  acquiert  ainsi  un  droit  certain  à  sa  succession 
au  siège  abbatial  convoité  3. 

Mais  c'est  surtout  du  somptueux  château  de  Gaillon,  construit 
magnifiquement  par  Georges  I'd'Amboise,  qu'il  fait  sa  demeure 
favorite.  Au  dire  de  l'ambassadeur  vénitien,  c'est  un  palais 
enchanté  comparable  à  ceux  de  Morgane  et  d'Alcine  créés  par 
l'imagination  des  romanciers  i.  Le  cardinal  aime  à  y  recevoir 
la  cour,  et  les  rois  et  les  reines  ne  se  font  point  faute  d'y 
séjourner  souvent.  Ce  sont  alors  de  grandes  fêtes  d'un  luxe 
inouï,  comme  celles  qui  eurent  lieu  à  la  fin  de  septembre  i566. 
Un  poète  rouennais,  Nicolas  Filleul,  compose  des  pièces  et  des 
scènes  allégoriques,  que  l'on  joue  sur  un  théâtre  dressé  dans 
le  grand  pavillon  du  parc  ;  on  y  représente  «  Thétis,  Franchie, 

i.  Voir  la  liste  dos  abbayes  que  Uni  le  cardinal  de  Bourbon  à  I'  [ppendice 
ii"  II. 

a.  Dès  i557  Cbarles  de  Bourbon  avait  manifesté  le  désir  de  changer  son 
hôtel  de  Paris  contre  un  logis  plus  confortable  et  plus  moderne.  \  .  Robillard 
de  Beaurepaire,  Archives  départent,  de  Seine-Inférieure,  série  (i,  I.  II.  |>.  2611 

3.  Du  Brcul  (J.),  Inclyti  cœnobii  L).  Germani  <i  pratis  chronica,  (Bibl.  Nat.( 
f.  lai.,  rr.s.  12888,  f°  186). 

4.  Tommaseo  (N.),  Relations  îles  ambass.  vénitiens,  t.  II,  p.  'S-'i  et  '190. 


l(3  LE    ROLE    POLITIQUE    DU    CARDINAL    DE    BOURBON 

les   Ombres,  les  Naïades  ou  la  naissanee  du  roi,  Chariot  »  et 
même  une  «  Lucrèce  »  en  cinq  actes  d. 

Un  exemple  de  la  prodigalité  du  cardinal  nous  est  fourni  par 
le  récit  des  réjouissances  qui  suivirent  le  mariage  du  duc  de 
Joyeuse  avec  Marguerite  de  Lorraine,  sœur  de  la  reine, 
en  i58i.  Chacun  rivalisa  d'ingéniosité  pour  offrir  le  festin  le 
plus  merveilleux.  Le  10  octobre  Charles  de  Bourbon  reçut  les 
jeunes  mariés,  le  roi  et  les  princes  en  son  abbaye  de  Saint- 
Gcrmain-des-Prés.  Pour  les  transporter  du  Louvre  au  Pré-aux- 
Clercs,  il  avait  fait  construire  un  énorme  bac  en  forme  de  char 
triomphant,  traîné  par  des  monstres  marins,  tritons,  baleines, 
sirènes,  dauphins,  tortues  et  autres,  aux  ventres  desquels  se 
cachèrent  des  joueurs  de  violon,  de  hautbois  et  de  trompe  et 
même  quelques  artificiers.  Malheureusement,  par  un  défaut 
de  manœuvre,  les  monstres  ne  purent  nager  et  les  invités 
durent  se  rendre  en  coche  à  l'abbaye.  Le  repas  fut  du  moins 
jugé  des  plus  somptueux  et  le  plus  magnifique  de  toute  la 
noce.  Quoiqu'on  fût  en  octobre,  le  cardinal  avait  fait  installer 
tout  un  jardin  artificiel  garni  de  fleurs  et  de  fruits2. 

S'il  répand  à  pleines  mains  pour  ses  plaisirs  l'or  de  ses  béné 
fiées,   il   se  montre  aussi   libéral  envers  les  églises.  La   cathé- 
drale de   Kouen  reçoit  plusieurs  dons  d'une  grande  richesse3. 
La  flèche  de  celle  de  Bcauvais  s'étant  écroulée  en  1070,  Charles 

1 .  Deville(A..),  Comptes  des  dépenses  de  la  construction  du  château  de  Gaillon 
(coll.  des  doc.  inéd.),  p.  xxvi.  —  Le  cardinal  ne  semble  pas  avoir  eu  un 
grand  goût  pour  les  arts  et  les  lettres.  M.  Delisle  l'accuse  d'avoir  laissé 
dilapider  la  bibliothèque  de  Gaillon  (cf.  Le  Cabinet  <les  manuscrits,  l.  1, 
p.  a58).  Cependant  F.  ;N.  Taillepicd,  lecteur  en  théologie,  lui  dédie  son 
livre:  Recueil  des  antiquitez  ei  singularité:  de  lu  ville  de  Kouen,  Rouen,  i.'iN-, 
in-8°  ;  et  le  P.  Jacques  du  Breul,  l'auteur  du  Théâtre  des  antiquités  de  Paris 
et  d'une  chronique  latine  inédite  de  Saint-tiermain-des-Prés,  l'appelle  son 
Mécène.  \.  Mémoires-journaux  de  P.  de  L'Esioile,  t.  IX,  p.  3o4. 

-)..  Mémoires-journaux  de  P.  de  L'Esioile,  t.  II,  p.  a3. 

3.  Le  cardinal  donna  à  la  cathédrale  de  Kouen  les  baluslics  de  cuivre  qui 
environnent  le  grand  autel,  une  grande  croix  de  cristal  garnie  d'or,  de 
perles  et  de  pierreries,  deux  grands  chandeliers  d'or  en  forme  de  navire, 
un  riche  parement  d'autel  en  velours  couvert  de  fleurs  de  lis  et  quatre 
tableaux  représentant  quatre  mystères.  V.  [Pommeraye  (J.  F.)],  Histoire 
îles  archevêques  de  Rouen,  p.  611  et  O17. 


LA    JEUNESSE    DE    CHARLES    DE    BOURBON  17 

contribue  à  sa  restauration.  Il  est  vrai  que  la  plupart  de  ses 
revenus  proviennent  de  ses  évêehés  et  abbayes,  dont  il  sait  tirer 
d'immenses  profits  ;  et  souvent  ses  cadeaux  ne  semblent  être  que 
de  mauvaises  excuses  à  ses  exigences,  car,  selon  l'expression 
pittoresque  de  Du  Brcul,  le  bon  prélat  fait  trop  facilement  du 
cuir  d'autrui  large  courroie  '. 

Cette  libéralité  envers  les  églises  est  la  marque  d'une  dévo- 
tion profonde  que  Charles  de  Bourbon  a  conservée  de  sa  jeu- 
nesse chrétienne,  mais  qui  semble  beaucoup  plus  instinctive 
que  raisonnée.  Ce  qu'il  aime  dans  la  religion  catholique,  c'est 
le  côté  solennel  qui  frappe  les  âmes  simples,  les  cérémonies 
publiques,  les  processions,  qu'il  excelle  d'ailleurs  à  organiser. 
Celle  qu'il  fait  en  juillet  1 58^,  pour  attirer  sur  la  campagne 
projetée  la  bénédiction  du  ciel,  lui  vaut  les  compliments  du  roi, 
qui  déclare  n'en  avoir  «  de  longtemps  veu  une  mieux  ordonnée 
ni  plus  dévote2  ».  Vingt  ans  après  Du  Breul  la  cite  encore 
comme  une  des  plus  remarquables  qu'il  ait  connues3. 

Mais  le  zèle  de  Charles  de  Bourbon  ne  va  guère  plus  loin.  Le 
prélat  ne  s'effraie  point  des  doctrines  de  Calvin,  car  il  n'en 
prévoit  pas  les  conséquences  néfastes.  Les  réformés  ne  sont 
pour  lui  que  des  hérétiques  qu'il  faut  châtier  pour  leurs 
désordres.  Quand,  à  la  tin  de  i5Ô2,  ils  manifestent  dans  sa  ville 
de  Rouen,  il  veut  leur  imposer  silence  et  s'étonne  de  rencontrer 
chez  eux  une  vigoureuse  résistance.  Un  prédicateur  ayant  dû 
quitter  la  chaire  par  suite  d'interruptions  trop  bruyantes,  le 
cardinal    croil    suffisant    pour  assurer  l'ordre    d'envoyer    son 


i.  Du  Brcul  (.1.),  Inclyli  cœnobii  I).  Germant  apratis  chronica,  (Bibl.  Nat., 
f.  lat.,  ms.  ia838,  f°  196).  —  A  l'abbaye  de  Saint-Cermain-des-Prés,  qui  eut 
particulièrement  à  souffrir  de  son  administration,  Chartes  de  Bourbon 
chercha  à  se  faire  pardonner  ses  exigences  en  faisant  construire  un  superbe 
logis  abbatial  qui  existe  encore  aujourd'hui  (rue  de  l'Abbaye,  n°  3)  et 
peindre  sur  les  murs  des  cloîtres  la  vie  de  saint  Benoit,  dette  décoration 
fut  d'ailleurs  interrompue  par  son  emprisonnement  en  i588,  —  Ce  fut  lui 
aussi  qui  éleva  la  célèbre  chartreuse  de  Gaillon,  dont  lï-glise  fut  détruite 
par  la  foudre  en  i636  et  que  1793  fit  disparaître  entièrement. 

3.  Mêmoires-jonrnaax  de  P.  de  L'Estoile,  I.  III,  p.  57. 

3.  Du  Breul  (J.),  Théâtre  <!<■.■<  antiquités  </<•  Paris,  p.  28a. 

Saulmeu.  —  Cardinal  île  Bourbon.  2 


IiS  LE    ROLE    POLITIQUE    DU    CARDINAL    DE    BOLRBOX 

écuyer  et  son  maître-d'hôtel.  A  peine  arrivés,  les  deux  hommes 
doivent  s'enfuir,  ainsi  que  le  prédicateur,  assaillis  par  une 
grêle  de  pierres1.  Le  châtiment,  il  est  vrai,  ne  tarde  point.  Le 
prélat  a  près  de  lui  un  parlement  fidèle,  qui  fait  brûler  plusieurs 
huguenots  et  mérite  ainsi  ses  félicitations.  Désormais  Charles 
de  Bourbon  se  montre  plus  vigilant.  Quelques  conseillers  du 
parlement  lui  semblent  suspects  ;  il  en  réclame  aussitôt  l'exclu- 
sion, et  il  faut  que  la  cour  prouve  clairement  l'innocence  de 
ses  membres  pour  les  conserver.  Trois  ans  plus  tard  elle  doit  en 
chasser  cinq  sur  de  simples  soupçons2. 

Mais  là  encore  s'arrête  le  zèle  du  cardinal.  Jamais  il  ne  paie 
de  sa  personne  pour  ramener  dans  le  bon  chemin  les  fidèles 
égarés.  Le  châtiment  est  plus  simple  que  la  conversion  ;  peut- 
être  le  croit-il  aussi  plus  efficace.  En  i56o,  un  certain  maître 
d'école  nommé  Cottin,  qui  se  disait  protestant,  mais  que  les 
réformés  désavouèrent  bientôt  à  cause  de  ses  excès,  vint  prê- 
cher publiquement  à  Rouen  et  aux  environs.  Le  cardinal  alors 
à  Gaillon,  averti  parle  parlement,  s'en  revint  à  son  archevêché. 
Sur  la  route,  il  rencontra  le  maître  d'école,  qui,  «  l'ayant 
aperçu,  commença  à  crier  après  iuy  en  telle  sorte  que  ce  bon 
pasteur  accoustumé  d'assaillir  plustost  les  jambons  que  de 
défendre  des  loups  ses  brebis,  le  gaigua  de  vistesse  et  se  sauva 
à  course  de  mulet  dans  sa  maison.  »  Quelques  jours  plus  tard 
Cottin  était  arrêté  et  brûlé  :i. 

Le  cardinal  ne  transige  donc  point  avec  les  principes  de  sa 
religion,  mais  c'est  plutôt  par  une  habitude  héritée  que  par  con- 
viction. En  effet,  on  retrouve  chez  lui  un  peu  de  cette  légèreté 
d'opinion  qui  caractérise  presque  tous  les  Bourbons  :  et,  s'il  reste 
fidèle  aux  croyances  de  son  enfance  pendant  que  ses  frères  les 
abandonnent  peu  à  peu,  c'est  qu'il  y  est  davantage  lié  par  une 
éducation    et    une    carrière   essentiellement   religieuses;    mais 


i.  Floquet  i  \.>,  Histoire  duparlemenl  de  Normandie,  I.  II.  p.  208. 

a.  Ibid.,  t.  Il,  p.  370  et  27a. 

3.  La  Planche  (R.  de),  Histoire  de  l'Estai  de  France  (éd.  du  Panthéon  litté- 
raire), p.  2(j'i-396.  —  Calendar  of  state  papers,  Î559-1560,  p.  4g3  ;  s.  1., 
3omars  t56o.       Floquet,  Hist.  du  parlement  de  Normandie,  t.  Il,  p.  3o3. 


La  Jeunesse  pE  charles  de  bolrboN  iq 

l'accusation  d'hérésie  portée  contre  quelques  uns  de  ses 
parents  n'interrompt  nullement  ses  bonnes  relations  avec  eux. 

La  nombreuse  famille  du  duc  de  Vendôme  s'est  bien  réduite. 
Des  sept  fds,  deux  sont  morts  en  bas  âge  ;  François,  comte 
d'Enghien,  le  vainqueur  de  Cérisolles,  a  perdu  la  vie  dans  un 
accident  bizarre  en  février  i545  ;  Jean  a  été  tué  à  la  journée  de 
Saint-Quentin.  Il  ne  reste  plus  au  cardinal  que  deux  frères, 
Antoine  et  Louis,  l'un  plus  âgé  que  lui,  l'autre  plus  jeune.  De 
ses  six  sœurs,  l'aînée  est  morte  ;  quatre  sont  abbesses  ;  seule, 
Marguerite  s'est  mariée  et  a  épousé  le  duc  de  Nevers1. 

Charles  de  Bourbon  professe  pour  sa  famille  un  véritable 
culle.  Il  se  montre  tout  dévoué  envers  ses  frères  et  sœurs.  Son 
aîné  Antoine  use  souvent  de  l'hospitalité  qu'il  lui  offre  :  en 
i553,  c'est  à  Gaillon  (pie  le  surprend  la  guerre  déclarée  à  l'im- 
proviste  ;  pendant  qu'il  court  à  la  frontière,  Jeanne  d'Albret 
vient  s'y  consoler  de  la  perte  de  son  premier  enfant.  A  cette 
époque  elle  est  enceinte,  et  son  second  fils,  le  futur  Henri  IV, 
aura  pour  parrain  son  oncle  le  cardinal.  Deux  ans  plus  tard, 
le  même  château  voit  naître  un  troisième  enfant,  qui  ne  vécut 
point-.  L'archevêque  de  Rouen  montre  la  même  sollicitude  à 
l'égard  de  son  puîné  Louis,  prince  de  Condé,  et  de  sa  sœur,  la 
duchesse  de  Nevers,  avec  qui  il  entretient  une  correspondance 
suivie.  Un  malentendu  survenu  entre  eux,  à  cause  de  certaines 
paroles  faussement  rapportées,  est  bientôt  dissipé3. 

i.  Voirie  tableau  généalogique  de  la  branche  des  Bourbons -Vendôme  à 
V Appendice  n°  1  b. 

2.  Ruble  (Alph.  de),  Antoine  de  Bourbon  cl  Jeanne  d'Albret,  I.  1.  p.  60,  ^\, 
82  et  89.  —  Ces  relations  intimes  d'Antoine  et  de  Charles  ne  furent  point 
inutiles  au  roi  de  Navarre.  En  août  1Ô07,  alors  que  ce  dernier  négociait  avec 
l'Espagne,  une  dépêche  chiffrée  tomba  aux  mains  des  agents  du  roi.  Le 
secrétaire  d'état  L'Àubespine  était  parvenu  à  en  lire  une  partie  ;  il  ne  s'arrêta 
dans  son  déchiffrement,  à  la  vue  des  trahisons  qu'il  lui  révélait,  que  par 
amitié  pour  le  cardinal  de  Bourbon.  V.  Papiers  d'Etat  du  cardinal  Granvetle 
(coll.  des  doc.  inéd.),  t.  V,  p.  335. 

3.  Bibl.  Nat.,  f.  fi\,  111s.  3o8i,  f°  i5,  aulogr.  ;  lettre  de  Cbarles  de  Bourbon 
à  Marguerite  de  Bourbon,  duchesse  de  Nevers,  s.  1.  n.  d.  ;  —  ms.  ^71 1 , 
f"  17,  45,  t\",  aulogr.  ;  lettres  du  même  à  la  même  datées  respectivement 
de  Boucn,  7  mai;  s.  1.  n.  d.  ;  de  Paris,  28  septembre. 


20  LE    ROLE    POLITIQUE    DU    CARDINAL    DE    BOIRBON 

Seule,  la  question  religieuse  eût  pu  mettre  le  désaccord  entre 
le  cardinal  et  ses  frères,  partisans  de  la  Réforme.  Antoine 
surtout  s'était  plusieurs  t'ois  mêlé  à  des  manifestations  publi- 
ques, et  il  avait  même  chanté  les  psaumes  au  Préaux  Clercs. 
Mais  le  fanatisme  du  prélat  n'était  point  assez  fort  à  cette 
époque  pour  en  faire  un  ennemi  de  sa  famille  et  l'on  peut 
supposer  avec  vraisemblance  que  seul  il  n'eut  pas  tenté  de 
convertir  son  aîné,  comme  il  l'essaya  de  coneert  avec  le  cardi- 
nal de  Lorraine.  Déjà  celui-ci  cherchait  à  gagner  le  roi  de 
Navarre  pour  enlever  un  chef  à  l'opposition  qu'il  sentait  gran- 
dissante. Les  deux  prélats  achetèrent  un  des  serviteurs  d'An- 
toine, nommé  David,  ministre  protestant  qui.  reniant  ses 
croyances,  se  fit  fort  de  ramener  son  maître  au  catholicisme. 
Par  malheur  ce  dernier  apprit  le  complot  et  chassa  le  parjure, 
sans  d'ailleurs  garder  rancune  à  son  frère  de  cette  petite 
trahison  *. 

Or  la  question  religieuse  va  prendre  une  importance 
considérable,  parce  que  derrière  elle  se  cache  la  rivalité  des 
partis.  En  même  temps  que  la  Réforme  grandissent  les  ambi- 
tions, car  la  mort  de  Henri  11  prive  la  France  d'un  maître  dont 
la  seule  autorité  eut  pu  maintenir  la  paix  dans  le  royaume. 
Charles  de  Bourbon  se  trouve  emporté  dans  la  tourmente. 
Lui,  qui  a  toutes  les  qualités  d'un  honnête  homme  et  d'un 
parfait  courtisan,  les  événements  l'arrachent  brusquement  du 
rôle  «  représentatif  »  qui  lui  convient  si  bien  et  veulent  en  faire 
un  homme  d'action. 

i,  Bèie  (Th.  de),  Histoire  ecclésiastique  des  églises  reformées  au  royaume 
de  France,  éd.  Baum,  t.  I.  p.  ia4< 


CHVPITRE    II 


LA    PREMIERE    GUERRE    DE    RELIGION 


La  mort  de  Henri  II,  en  écartant  du  pouvoir  le  connétable 
de  Montmorency  tout-puissant  pendant  les  dernières  années  du 
règne,  mettait  en  présence  deux  familles  alliées  et  rivales,  les 
Bourbons  et  les  Lorrains. 

Les  cousins  avaient  en  partie  reçu  une  éducation  commune. 
Tandis  que  les  deux  Charles  étudiaient  au  collège  de  Navarre, 
François  de  Lorraine  faisait  ses  premières  armes  aux  côtés 
d'Antoine  de  Bourbon.  Entre  les  deux  ecclésiastiques,  qui  pou- 
vaient recevoir  les  mêmes  honneurs,  l'amitié  fut  durable,  car 
Charles  de  Bourbon,  satisfait  d'une  puissance  extérieure,  ne 
chercha  point  à  supplanter  son  cousin  dans  l'administration 
des  affaires.  Au  contraire  les  conflits  devaient  éclater  entre  les 
ambitions  d'Antoine  et  de  François.  L'un  avait  pour  lui  son 
titre  de  prince  du  sang,  le  second  son  intelligence  et  ses  vertus 
guerrières.  Antoine  l'emporta  d'abord,  lorsqu'il  conquit  sur 
son  rival  la  main  de  Jeanne  d'Albret1  ;  mais  ses  qualités  atti- 
rèrent sur  François  la  faveur  du  dernier  roi. 

La  majorité  de  François  II.  rendant  inutile  un  conseil  de 
régence,  enleva  aux  Bourbons  leur  supériorité  et  assura  le 
triomphe  des  oncles  de  Marie  Stuarl.  Tandis  que  ceux-ci  s'empa- 
raient du  gouvernement,  ceux-là  furent  envoyés  en  de  loin- 
taines missions.  Coudé  alla  jusqu'en  Flandre  jurer  le  maintien 
de  la  paix.  \  idoine  conduisit  vers  sa  nouvelle  patrie  Elisabeth, 
fille  de  Henri  il.  fiancée  au  roi  d'Espagne.  Le  cardinal  l'accom- 
pagna. 

i.  Etuble  (Alph.  de),  Lemariage  de  Jeanne  d'Albrti,  p.  aio. 


ï'.\  LE    ROLE    POLITIQUE    DU    CARDINAL    DE    BOLHBON 

Ce  n'est  pas  que  la  présence  du  cardinal  à  la  cour  entravât 
beaucoup  les  projets  des  Lorrains  ;  mais  son  caractère  représen- 
tatif le  désignait  spécialement  pour  escorter  une  fille  de  France, 
d'autant  plus  que  Philippe  II  envoyait  également  au-devant  de 
la  jeune  reine  un  duc  et  un  cardinal.  On  sait  comment,  après 
un  long  voyage  à  travers  le  sud-ouest,  les  princes  français 
rencontrèrent  les  Espagnols  au  monastère  de  Roncevaux1.  Eli- 
sabeth franchit  la  frontière.  Les  deux  frères  reprirent  le  chemin 
du  nord,  mais  le  cardinal  revint  seul  à  la  cour. 

La  lutte  jusqu'alors  latente  entre  les  maisons  de  Lorraine  et 
de  Bourbon  s'affirmait.  Si  le  roi  de  'Navarre  considérait  son 
éloigneraient  de  la  cour  comme  une  marque  suffisante  de  son 
mécontentement,  Condé  au  contraire,  pauvre,  ambitieux  et 
beaucoup  plus  actif  que  son  aîné,  organisait  une  véritable  cam- 
pagne contre  leurs  adversaires.  Elle  aboutit  au  tumulte  d'Am- 
boise  et  à  l'échec  de  La  Renaudie  (mars  i56o).  Ce  premier 
insuccès  eut  cependant  un  résultat  heureux,  qui  fut  l'entrée  de 
Michel  de  L'Hôpital  à  la  chancellerie,  et  par  suite  la  réunion 
de  l'assemblée  des  notables  de  Fontainebleau.  Cette  assemblée 
pouvait  être  pour  les  Bourbons  une  occasion  de  s'emparer  du 
gouvernement  ;  ils  n'osèrent  pas  tenter  l'aventure.  Seul  de  sa 
famille,  le  cardinal  y  assista.  Après  avoir  promis  de  s'y  rendre, 
le  roi  de  Navarre  et  Condé  s'excusèrent,  jugeant  prudent  de  ne 
point  se  livrer  aux  mains  de  leurs  rivaux. 

Charles  de  Bourbon,  d'un  tempérament  tout  pacifique,  voyait 
avec  tristesse  le  fossé  se  creuser  toujours  plus  profond  entre 
ses  frères  et  les  Lorrains.  Il  avait  espéré  que  ceux-là  viendraient 
à  Fontainebleau.  Leur  absence  le  jeta  dans  une  affliction 
extrême2,  qu'augmentèrent  encore  les  bruits  signalant  chaque 
jour  d'une  façon  plus  précise  la  rébellion  des  deux  princes.  Il 
craignil  que  dans  cette  guerre  sourde,  où  l'adversaire  pouvait 
compter  sur  l'appui  du  roi.  il  arrivât  malheur  à  sa  famille.  Le 

i.  Ce  voyage  est  raconte  tout  au  long  par  de  Knble  dans  Antoine  de 
Bourbon  cl  Janine  d'  ilbret,  t.  Il,  p.  77  à  91. 

a.  Bibl.  Nat.,  f.  ital.,  ins.  1721,  f°  164  v°,  copie  ;  dép.  des  ambass.  véni- 
tiens, de  Mclnn,  3o  août  i56o. 


LA    PREMIÈRE    GUERRE    DE    RELIGION  2  3 

dessein  des  Lorrains  d'instruire  le  procès  de  Condé  acheva  de 
le  bouleverser.  Or,  autant  quelques  semaines  auparavant  les 
oncles  de  la  reine  avaient  désiré  l'éloignement  des  Bourbons, 
autant  ils  souhaitaient  leur  présence  à  la  cour,  maintenant 
qu'une  révolte  grondait  par  tout  le  royaume.  Ils  se  servirent  du 
cardinal  pour  les  y  attirer1. 

L'archevêque  de  Rouen  consentit  volontiers  à  s'en  aller 
trouver  ses  frères.  Il  ne  voyait  plus  qu'un  seul  moyen  de  les 
sauver:  c'était  de  les  justifier  aux  yeux  du  roi,  de  les  réhabi- 
liter. Fort  des  promesses  de  Catherine  qui  lui  garantit  leur 
liberté  -,  il  partit  le  3  septembre  et  se  rendit  en  poste  à 
Nérac3. 

Persuadé  de  l'utilité  de  ses  efforts,  il  usa  de  tous  les  moyens 
pour  fléchir  les  deux  rebelles.  Il  leur  montra  la  colère  du  roi  et 
ses  forces,  celles  du  pape  et  du  roi  d'Espagne,  dont  les 
armées  menaçaient  la  Navarre  :  ils  ne  pouvaient   compter  sur 


i.  Arch.  Nat.,  K  i^qo,  n°  91,  déchiffr.  ;  dép.  de  Chantonay  à  Philippe  II, 
de  Paris,  8  sept.  i56o.  —  Calendar  of  stale  papers,  1560-1561  ;  de  Paris, 
8  sept.  1060.  —  La  Planche  (R.  de),  Histoire  de  l'Estat  de  France,  p.  355, 
col.  2.  —  Belleforest  dans  ses  Grondes  annales,  t.  II,  f"  iGi3,  dit  à  tort  que 
le  cardinal  s'offrit  de  lui-même  pour  y  aller. 

2.  Bibl.  Nat.,  f.  ital.,  ins.  1721,  f°  188,  copie;  dép.  des  ambass.  vénitiens, 
d'Orléans,  10  nov.  i56o.  —  Davila,  Histoire  des  guerres  civiles,  t.  I,  p.  78. 

3.  De  Ruble,  dans  Antoine  de  Bourbon  et  Jeanne  d'Albret,  t.  II,  p.  365, 
prétend  que  le  voyage  du  cardinal  à  Nérac  fut  une  «  mission  d'apparat», 
qu'il  voyagea  «  à  petites  journées,  s'arrêtant  de  ville  en  ville  ».  Rien 
n'appuie  cette  assertion.  Il  semble  au  contraire,  d'après  l'état  d'esprit  des 
personnages,  que  le  voyage  fut  assez  rapide.  Le  passage  par  Bordeaux 
s'explique  fort  bien,  la  route  Poitiers-Angoulème-Bordeaux  étant  la  plus 
suivie  pour  se  rendre  dans  le  sud-ouest.  Comparons  les  temps  mis  par  un 
homme  de  guerre,  Antoine  de  Grussol,  et  le  cardinal.  Crussol  partit  le 
3i  août  et  arriva  le  8  septembre.  (V.  Calendar...,  p.  286  et  de  Ruble,  p.  363.) 
Le  cardinal  partit  le  3  et  la  première  mention  de  son  arrivée  est  dans  une 
lettre  du  duc  d'Albuquerque  à  Philippe  II  datée  de  Pampelune,  17  sep- 
tembre (V.  de  Kuble,  p.  4 7 'i ) -  H  faut  tenir  compte  de  la  distance  assez 
considérable  qui  sépare  Nérac  de  Pampelune;  et  peut-être  le  duc  n'a-t-il 
pas  écrit  dès  la  nouvelle  reçue,  cette  nouvelle  n'étant  pas  la  plus  importante 
de  sa  lettre.  Une  lettre  de  Ch,  de  Burie,  datée  du  10  septembre,  s.  1.  (V.  de 
Ruble,  p.  368),  laisserait  même  supposer  que  le  cardinal  avait  rejoint  le  roi 
de  Navarre  à  celle  date. 


24  LE    RÔLE    POLITIQUE    DU    CARDINAL    DE    BOURBON 

l'appui  des  réformés  qui,  sans  expérience  ni  discipline,  ne 
tiendraient  point  campagne  contre  des  soldats  de  métier.  A  son 
aîné  plus  inconstant,  il  fit  entrevoir  la  ruine  de  sa  maison,  s'il 
s'obstinait,  et  au  contraire  le  premier  rôle  qu'il  pourrait  jouer 
dans  l'Etat,  s'il  se  rendait  à  la  cour1.  Il  exagéra  peut-être 
même  les  craintes  et  les  promesses-. 

Malgré  les  efforts  des  protestants  de  son  entourage,  Antoine  de 
Bourbon  se  laissa  peu  à  peu  convaincre.  Le  cardinal  le  quittait 
le  moins  possible,  l'empêchait  de  converser  avec  eux  ;  il  le  lit 
enfin  consentir  à  entendre  la  messe  au  couvent  des  Cordeliers 
de  Nérac.  Jeanne  d'Albret  et  son  jeune  fils  l'accompagnèrent3. 
C'était  une  première  victoire.  Quelques  jours  plus  tard  le  roi  de 
Navarre,  traînant  Condé,  se  dirigeait  à  petites  journées  vers  le 
nord.  Les  Bourbons  tombaient  dans  le  piège  tendu  par  leurs 
ennemis,  qui  résolurent  d'en  profiter  pour  abattre  d'un  seul 
coup  la  maison  rivale. 

Le  cardinal  revint  le  premier  à  la  cour  pour  annoncer  l'heu- 
reuse nouvelle*.  Les  forces  énormes  que  les  Lorrains  concen- 
traient à  Orléans,  où  le  roi  devait  se  rendre,  L'effrayèrent  un 
peu.  Pour  la  première  fois  il  douta  des  intentions  de  Fran- 
çois II.  Quand  il  eut  à  renouveler  le  serment  de  chevalier  de 
l'ordre  de  Saint  Michel,  il  ne  put  retenir  ses  larmes,  et  ce  fut 
avec  des  sanglots  qu'il  supplia  le  roi  d'avoir  pitié  de  lui  et  de 
ses  frères,  affirmant  qu'ils  étaient  tous  ses  fidèles  serviteurs  et 

i.  Bordenave  (N.  de),  Histoire  de  Béarn  et  Navarre,  éd.  P.  Raymond 
(Soc.  de  l'hist.  de  France),  p.  88. 

2.  Davila,  Histoire...,  t.  I,  p.  78. 

3.  Bèze  (Th.  de),  Histoire. ecclésiastique  des  églises  réformées  au  royaume 
de  France,  éd.  Baum,  t.  m,  p.  325.  -  De  Ruble,  dans  Intome  de  Bourbon 
et  Jeanne  d'Albret,  t.  II,  p.  371,  attribue  au  cardinal  d'Armagnac  cette 
conversion  d'Antoine,  eh  s'appuyant  sur  une  lettre  de  Chantonay  à  Phi- 
lippe II  du  7  octobre  i56o  (Arch.  Rat.,  K  i4o3,  n°  io5),  qui  ne  contient 
aucune  indication  précise  à  ec  sujet.  Or  l'auteur  prouve  que  le  cardinal 
d'Armagnac  ne  rejoignit  Antoine  que  te  a5  septembre  à  Verteuil,  c'est-à- 
dire  après  son  départ  de  Nérac.  D'autre  pari  Bèze  et  Bordenave  affirment 
que  la  messe  eut  Lieu  à  Nérac;  Bèze  dit  même  dans  l'église  des  Cordeliers. 

1.  \1cl1.  Nat.,  k  1 ',().(.  ir  io5,  déchiffr.;  dép.de  Chantonay  à  Philippe  II, 
de  Paris,  7  oct.  i5Go. 


LA    PREMIERE    GUERRE    DE    RELIGION  25 

qu'ils  le  prouveraient  par  leurs  actions.  François  II  répondit 
sèchement  qu'ils  seraient  traités  comme  il  conviendrait1. 

L'entrée  de  ses  frères  dans  Orléans,  le  3o  octobre,  lui  fit 
perdre  toute  illusion.  Seul,  avec  le  prince  de  La  Roche-sur- 
Yon,  son  parent,  il  était  allé  au-devant  d'eux-.  Le  manque 
d'égards,  dont  ils  furent  l'objet,  montra  bien  vite  qu'ils 
venaient  en  accusés.  Le  pauvre  cardinal  tout  en  larmes  vit 
Condé,  le  plus  compromis,  arrêté  en  sa  présence,  et  le  prison- 
nier emmené  par  les  gardes  lui  lança  cette  phrase  cruelle  : 
«  Monsieur,  avec  vos  assurances  vous  avez  livré  votre  frère  à  la 
mort3  ».  Ce  fut  en  vain  qu'il  se  jeta  avec  Antoine  auv  genoux 
de  François  II,  qu'il  le  supplia  de  leur  confier  le  prince, 
promettant  de  le  tenir  à  son  entière  disposition.  Le  jeune  roi 
fut  inflexible*. 

Tout  espoir  n'était  pas  perdu.  Antoine  et  le  cardinal,  tenus 
à  l'écart  par  le  roi,  s'adressèrent  à  la  reine-mère,  qui  seule 
pouvait  les  aider.  Chaque  jour  ils  curent  avec  elle  de  longs 
entretiens,  lui  rappelant  ses  promesses,  se  faisant  humbles 
pour  ne  point  irriter  la  colère  des  Lorrains5.  Condé  furieux 
criait  vengeance  ;  toutefois  il  essayait  de  communiquer  avec 
ses  frères  restés  son  unique  espoir0.  Le  cardinal  cherchait  des 
partisans.  Il  sollicita  le  vieux  cardinal  de  Tournon  pour  l'oppo- 
ser aux  oncles  de  la  reine7.  Cependant  tout  faisait  croire  à  une 
issue  fatale,  quand  François  II  expira  le  5  décembre  iôGu.  Celle 
mort  sauvait  la  vie  au  prince  de  Condé. 

Les  Lorrains  désormais    sans  appui  cédèrent  la  place    aux 

i.  \rch.  Nat.,  K  1 tyS,  n°  106,  déchiffr.  ;  dép.  de  Chantonay  à  Philippe  II, 
de  Paris,  8  oct.  i56o. 

2.  Bibl.  Nat.,  f.  ital. ,  ms.  1721,  f°  178  v°,  copie;  dép.  des  ambass.  véni- 
tiens, d'Orléans,  1e1  nov.  i56o. 

3.  La  Place  (P.  de),  Commentaires  de  l'Estai  de  la  religion  et  république, 
éd.  du  Panthéon  litt.,  p.  7.3. 

4-  Bibl.  Nat..  f.  ital.,  ms.  1721,  f°  179,  copie  ;  dép.  des  ambass.  vénitiens, 
d'Orléans,  1"  nov.  1060. 

5.  Ibid.,  ('■  187, copie;  d'Orléans,  10  nov.  i56o. 

•'».   Mémoires  de  Condé,  t.  Il,  p.  38 1. 

7.  Bibl.  Nat.,  f.  ital.,  ms.  1723,  I-  132,  copie;  dép.  des  ambass.  vénitiens, 
d'Orléans,  22  nov.  i5Go. 


26  LE    HOI, F-    POLITIQUE    DU    CARDINAL    DE    BOURBON 

Bourbons,  que  leur  qualité  de  princes  du  sang  appelait  auprès 
d'un  roi  mineur. 

Le  cardinal  dut  bénir  ce  coup  de  la  fortune,  qui  réparait  les 
fautes  de  sa  trop  crédule  bonté.  Et  pourtant  celte  première  leçon, 
que  lui  donnèrent  les  événements,  ne  lui  servit  à  rien.  Le 
manque  de  clairvoyance  fut  toujours  s,on  plus  grand  défaut1. 


Le  pouvoir  arbitraire  exercé  par  les  Lorrains  au  cours  du 
dernier  règne  avait  soulevé  un  mécontentement  général,  et  il 
fit  songer  que  légitimement  la  direction  des  affaires  devait 
appartenir  aux  Bourbons.  Avec  l'avènement  de  Charles  IX  se 
produisit  en  leur  faveur  un  fort  mouvement  d'opinion  qui  se 
manifesta  aux  Etats  généraux  d'Orléans  et  surtout  aux  Etats 
provinciaux  de  l'Ile-de-France.  Ces  derniers  eussent  voulu  que 
Catherine  de  Médicis  se  contentât  de  la  garde  de  ses  fils  ;  le 
gouvernement  aurait  appartenu  au  roi  de  Navarre  ou,  sur  son 
refus,  au  prince  de  Condé  ;  le  cardinal  de  Bourbon  se  serait 
même  vu  exclu  du  conseil,  au  cas  où  il  n'aurait  pas  abandonné 
son  chapeau,  qui  le  soumettait  aux  volontés  du  pape  et  par 
suite,  on  le  craignait,  aux  influences  lorraines  2. 

Malgré  ces  encouragements,  Antoine  de  Bourbon  capitula 
devant  l'audace  de  Catherine.  Il  se  contenta  du  titre  de  lieu- 
tenant général,  laissant  la  régence  à  la  reine-mère.  Les  Bourbons 
restèrent  cependant  au  premier  rang.  Condé  reconnu  innocent, 

i.  A  cette  époque  circula  un  pamphlet  contre  la  cour  intitulé:  Pasquil  de 
la  court,  composé  nouvellement  pur  M.  Pierre  de  Cognières,   ressucité,  jadis 
avocat  en  lu  court  du  Parlement  à  Paris,  (Y.  Mémoires  de  Condé,  t.  Il,  p.  658), 
qui  contient  un  quatrain  fort  juste  à  l'égard  du  cardinal  : 
Si  coi/nonisses   et  tu* 
Chacun  eongnoist  que  de  très  noble  race 
Tu  es  issu,  et  que  de  près  la  trace 
Des  liens  tu  suis  en  toute  humanité; 
M  lis  Dieu  te  doint  congnoîtrela  vérité. 

■>.  Calendar  ofstate  papers,  1561-1562,  p.  4a  ;  de  Paris,  3i  mars  i56i.  — 
Paris  (L.),  Négociations  relatives  au  règne  de  François  II,  p.  833. 


LA    PREMIERE    GUERRE    DE    RELIGION  27 

Antoine  lieutenant  général,  toute  sa  famille  jouissant  d'une 
influence  prépondérante,  le  cardinal  était  satisfait.  Il  n'avait 
jamais  désiré  mieux. 

Mais  en  reprenant  le  pouvoir,  les  Bourbons  retournèrent  à 
leurs  anciennes  croyances.  Le  roi  de  Navarre  avait  toujours 
tiré  sa  principale  force  des  protestants.  Quand  il  se  sentit 
puissant,  il  revint  à  eux  avec  un  courage  égal  à  la  crainte  qui 
l'avait  fait  les  abandonner  quelques  mois  plus  tôt.  Condé  le 
suivit,  d'autant  plus  qu'on  lui  promit  une  pension  annuelle  de 
100.000  écus.  Le  prince  de  La  Roche-sur- Yon  lui-même  pencha 
vers  la  Réforme.  Suivant  l'impulsion  donnée  par  ces  grands 
seigneurs,  Catherine  de  Médicis  se  rendit  au  prêche,  y  condui- 
sant le  roi  et  ses  frères. 

Seul  de  sa  famille,  le  cardinal  de  Bourbon  restait  fermement 
catholique.  Il  y  avait  aussi  le  duc  de  Montpensier,  dont  le 
catholicisme  semblait  à  l'abri  de  tout  soupçon  ;  mais  cet  homme 
simple,  d'une  intelligence  médiocre,  ne  pouvait  être  d'aucun 
secours  au  cardinal  pour  s'opposer  au  flux  montant  de  l'hérésie. 
Isolé,  le  prélat  se  laissa  peu  à  peu  entraîner  par  son  entourage. 
L'année  précédente,  lors  de  son  voyage  à  iNérac,  il  avait  refusé 
de  parler  à  Théodore  de  Bèze  par  crainte  d'une  excommuni- 
cation. Il  le  reçut  en  lui  tendant  les  mains,  le  20  août  i56i, 
quand  celui-ci  vint  à  la  cour  pour  l'ouverture  du  colloque  de 
Poissy.  Il  lui  déclara  même,  qu'il  «  avoit  désir  d'entendre  les 
affaires  à  la  vérité  »,  mais  peu  confiant  dans  ses  propres  forces, 
il  refusa  d'engager  la  discussion  avec  le  célèbre  théologien  ]. 

Le  cardinal  sacrifiait  il  alors  l'intérêt  de  sa  religion  à  l'intérêt 
de  sa  famille  ?  Il  est  plus  probable  que,  connaissant  l'incons- 
tance d'Antoine  de  Bourbon,  il  attachait  peu  d'importance  u. 
toutes  ces  menées  dont  le  but  politique  était  évident.  Sa  seule 
préoccupation  était  d'assurer  la  fortune  de  sa  maison,  et  son 
frère  trouvait  près  de  lui  un  appui  assez  efficace,  pour  qu'il 
voulût  le  garder  à  la  cour  pendant  l'époque  du  carême,  malgré 

1.  Baum  (.1.  \\ .),  Théodor  Beza,  t.  III,  p.  'i*'»  :  lettre  de  Bèze,  de  Saint- 
Germain,  9.r>  août  i50i,  publiée  en  partie  par  de  Ruble,  Antoine  de  Bourbon 
et  Jeanne  d'Mbrel,  t.  III,  p.  171. 


>N  LU    ROLE    POLITIQUE    DU    CARDINAL    DE    BOURBON 

11 11  ordre  du  roi  enjoignant  à  tous  les  évêques  de  regagner  leurs 
diocèses  !.  Le  prélat  ne  comprenait  pas  d'ailleurs  toute  l'immi- 
nence du  péril  que  courait  la  religion.  Il  fallut  les  intrigues 
des  catholiques  pour  la  lui  dévoiler. 

Ge  parti  était  effrayé  des  progrès  de  la  Réforme.  Le  pape,  le 
roi  d'Espagne  regardaient  avec  épouvante  les  nouvelles  ten- 
dances de  la  cour.  Les  Lorrains,  y  voyant  la  fin  de  leur 
puissance,  se  préparèrent  à  une  résistance  énergique,  qui  fut 
l'origine  du  triumvirat,  et,  pour  faciliter  leur  tâche,  ils  vou- 
lurent enlever  aux  protestants  leur  principal  soutien,  c'est-à- 
dire  l'inconstant  roi  de  Navarre.  Ils  l'essayèrent  par  l'inter- 
médiaire du  cardinal. 

On  ne  doutait  point  de  la  sincérité  du  prélat,  et.  quoiqu'on 
put  lui  reprocher  quelque  nonchalance  à  défendre  les  intérêts 
de  la  religion  2,  le  parti  catholique  comprit  tout  l'avantage 
qu'il  pouvait  tirer  de  son  appui. 

Philippe  II  avait  déjà  jugé  l'utilité  d'une  semblable  manœu- 
vre. Dès  le  commencement  de  l'année  i56i,  il  incitait  le  car- 
dinal à  «  faire  le  debvoir  que  sa  nature  et  sa  profession  lui 
commandoit  3  ».  Quand  la  situation  s'aggrava,  les  désirs  du  roi 
d'Espagne  devinrent  plus  précis.  Il  lui  écrivit  à  nouveau  le 
i4  avril  :  quoique  persuadé  de  ses  bonnes  intentions,  il  le  priait 
de  prêter  une  oreille  attentive  à  ce  que  son  ambassadeur  lui 
dirait  de  sa  part  i.  Chantonay,  trompé  sans  doute  par  les  affec- 
tueuses démonstrations  du  prélat,  le  considérait  déjà  en  mai 
comme    étroitement    uni    au    triumvirat   naissant  5.    Mais    le 

i.  Bibl.  Nat.,  F.  ital.,  ms.  1723,  f08  [5  à  17,  copie;  dép.  desambass.  véni- 
tiens, de  Paris,   t"  mars  i56i. 

a.  SustafJ.),  Die  rœmische  Curie  und  daâ  Concil  von  Trient  unter  Pias  l\ , 
t.  1,  p.  ai3;  lettre  du  nonce  au  cardinal  Borromée,  «lu  3<>  juin  i56i. — 
M,  Susta  analyse  ainsi  la  dépêche:  Cardinal,  welcher  l'est  katholisch  war 
»  sebene.non  tanto  vivo,  corne  saria  bisogno». 

3.  \reli.  Nat.,  K  l'm'i.  n"  14,  orig.  ;  lettre  du  cardinal  de  Bourbon  à 
Philippe  II,  d'Orléans,  \  levr.  [1661]. 

',.  \1cl1.  Nat.,  I\  i.'m,;..  h  3ij  copie;  lettre  de  Philippe  II  au  cardinal  de 
Bonrhon,  de  Madrid.   1 '1  avril  [56i. 

à.  \i(li.  Nat.,  K  i'içi'i.  n  n'i.  déchiffr.;  dép.  de  Chantonaj  à  Philippe  II, 
de  Reims,  1  a  mai  1 56 1 . 


LA    PREMIERE    GUERRE    DE    RELIGION  'J.Ç) 

pamphlétaire,  qui  l'accusait  d'aller  «  masqué  sans  se  déolairer 
pour  nulle  des  partyes  pour  veoir  ce  qu'en  sera1  »,  semble 
avoir  jugé  plus  justement.  Non  pas  que  le  cardinal  attendit  la 
victoire  de  l'une  des  factions  pour  s'unir  à  elle,  mais  sa  poli- 
tique équivoque,  qui  voulait  favoriser  à  la  fois  sa  famille  et 
sa  religion,  laissait  croire  qu'il  le  ferait. 

\u\  efforts  du  roi  d'Espagne  le  nonce  du  pape  joignit  les 
siens-;  ils  aboutirent.  D'ailleurs  les  circonstances  aidèrent 
singulièrement  à  la  conquête  du  cardinal. 

Grâce  au  chancelier  de  L'Hôpital,  le  colloque  de  Poissy  venait 
de  s'ouvrir.  Charles  de  Bourbon  s'y  trouva  au  milieu  des 
prélats  les  plus  intransigeants.  Le  cardinal  de  Lorraine  princi- 
palement reprit  alors  sur  son  cousin  toute  son  influence  passée. 
A  la  séance  du  10  septembre,  l'archevêque  de  Rouen  se  déclara 
résolu  à  exposer  sa  vie  plutôt  que  de  céder  aux  exigences  des 
protestants  ;1.  C'était  la  première  fois  qu'il  opinait  d'une  façon 
aussi  catégorique. 

Les  discussions  ardues  entre  Bèze  et  le  cardinal  de  Lorraine, 
qu'il  prit  bien  soin  d'éviter  i,  lui  révélèrent  les  véritables 
tendances  de  la  Réforme.   11  en  fut  épouvanté  et  avoua  naïve- 

i.  Mémoires  de  Condé,  t.  II,  p.  660. 

2.  Susta  (J.),  Die  rœmische  Curie  und  <his  Concil  von  Trient  unter  Pins  IV, 
t.  I,  p.  923;  lettre  du  cardinal  Uorromée  au  nonce  eu  France,  de  Rome, 
ag  juillet  [56i . 

3.  \reli.  Nat.,  K  i.'joâ,  n°  85,  orig.  ;  dép.  de  Chantonay  à  Philippe  If,  de 
Saint-Gloud,  17  octobre  i56r.  —  Collet-lion  des  procès-verbaux  des  assemblées 
générales  tin  clergé  de  France  tir  puis  t560,  t.  I,  p.  27. 

\.  L'ambassadeur  vénitien,  dans  sa  dépêche  de  Paris,  1 1  août  i56i 
Bibl.  Nat.,  f.  ital.,  ms.  179.3,  f"  74  v°),  cite  un  cas  où  le  cardinal  de  Bourbon 
prit  la  parole  et  exprime  à  ce  sujet  sa  véritable  pensée  :  «  ...  in  quanlo  che 
il  cardinale  di  Borbone,  le  quale,  seben  è  de  ottima  mente,  è  pero  molto 
débile  di  spirito,  uel  dir  la  sua  opinione  in  questo  proposito,  disse  que 
se  Jesu  Christo  nostro  signore  a\esse  lassato  qua  fia  uni  una  sola  goccia 
del  suo  santissimo  sangue  in  un  piccolo  vaso,  non  l'aria  niuno  cbe  non 
coresse  a  vederlo  et  ad  adorarlo,  et,  reputandolo  carissimo  e1  preciosissimo 
thesoro,  non  voria  mai  partirse  da  quello  ;  havendo  mai  lassato  tutto  il 
corpo  suo  et  il  sangue  suo  da  esser  distribuito  lia  li  suoi  fldelli  è  pur 
troppo  grande  la  negligentia  di  quelli  apunto  a  chi  è  comessa  t'admtnis 
tralione  di  quello  el  il  governo  délie  anime,  a  non  atlendei'li  cou  quella 
assiduité  et  solicitudine  cbe  se  conviene.  » 


OO  LE    ROLE    POLITIQUE    DU    CARDINAL    DE    BOL" «BON 

ment  qu'  «  il  ne  se  fut  pas  avisé,  qu'il  y  eut  tant  de  mal  clans 
la  confession  des  ministres,  ce  qui  feroit  que  ci-après  il  ne 
jugeroit  pas  légèrement  des  choses  semblables,  sans  en  parler 
à  de  plus  experts  '  » . 

Ce  furent  donc  uniquement  les  dangers  courus  par  la 
religion,  qui  ramenèrent  Charles  de  Bourbon  à  l'intransigeance. 
Il  n'en  fut  pas  de  même  de  son  frère  Antoine.  Les  exhortations 
du  cardinal  eurent  beaucoup  moins  d'influence  sur  lui  que  les 
promesses  de  Philippe  II.  Mais  peu  importaient  les  moyens, 
puisque  les  Lorrains  avaient  atteint  leur  but.  Catherine  continua 
un  instant  de  s'appuyer  sur  les  protestants  ;  elle  leur  accorda 
Ledit  de  janvier.  Mais,  clans  son  inconstance  de  femme,  elle 
renonça  bientôt  à  la  lutte  contre  le  triumvirat.  Ses  amis  de  la 
veille  quittèrent  la  cour,  résolus  à  faire  valoir  leurs  droits. 

Alors  le  massacre  de  Vassy  mit  les  deux  partis  en  présence  et 
en  armes.  A  la  tète  de  chacun  d'eux  se  trouvait  un  des  frères 
du  cardinal  :  le  roi  de  Navarre  avec  les  catholiques,  le  prince 
de  Condé  avec  les  protestants. 


L'assassinat  des  protestants  par  François  de  Lorraine  jela  le 
trouble  par  toute  la  France.  A  Paris  principalement  l'agitation 
fut  extrême.  Condé  s'y  trouvait.  Guise  y  courut.  Comme  les 
partisans  ne  manquaient  pas  aux  deux  chefs,  il  fallut  avant 
tout  \  établir  une  autorité  assez  habile  pour  ménager  les  suscep- 
tibilités, assez  forte  pour  maintenir  l'ordre. 

Catherine  de  Médicis,  qui  était  à  Montceaux-en-Brie  avec  la 
cour,  songea  an  cardinal  de  Bourbon.  Le  prélat  ne  pouvait 
exciter  la  défiance  des  catholiques,  et  sa  parenté  avec  Condé 
devail  donner  bon  espoir  aux  protestants.  Un  ordre  de  la  reine 
l'arrêta,  alors  qu'il  se  rendait  à  Rouen  pour  y  faire  ses  Pâques2. 
Des  lettres  patentes  du  i .'>  mars  [56a  le  nommèrent  lieutenant 

i.  Collection  des  procès-verbaux  des  ùssembl.  génér.  du  clergé  de  France 
depuis  1560,  t.  I,  p.  34. 

■i.  Journal  de  l'année  1562,  dans  Revue  rétrospective,  l.  V,  p.  85. 


LA    PREMIERE    GUERRE    DE    RELIGION'  .')  1 

général  à  Paris  el  lieux  circon voisins  avec  plein  pouvoir,  puis- 
sance et  autorité  *.  Il  pouvait  à  son  gré  convoquer  les  cours 
souveraines  et  la  municipalité,  lever  autant  de  gens  de  pied  cl 
de  cheval  qu'il  voudrait,  disposer  de  l'artillerie  et  des  muni- 
tions. Un  droit  suprême  de  justice  l'autorisait  à  punir  d'une 
façon  exemplaire  ceux  qui  seraient  rebelles  à  ses  ordonnances 
et  à  celles  du  roi.  C'était  donc  un  pouvoir  beaucoup  plus 
considérable  que  celui  accordé  d'ordinaire  aux  lieutenants 
généraux.  Pour  le  seconder  dans  cette  demi-royauté,  on  lui 
adjoignit  les  maréchaux  de  Brissac  et  de  Thermes  et  deux 
membres  du  conseil  privé,  les  sieurs  d'Avanson  et  de  Serves  2. 

Le  17  mars  le  lieutenant  arriva  dans  Paris  et  s'installa  au 
Louvre  3.  La  situation  s'aggravant  d'heure  en  heure,  il  fallut 
sur-le-champ  prendre  un  parti.  Le  cardinal,  de  concert  avec  les 
présidents  du  parlement,  décida  que  Condé  et  Guise,  qui  venait 
d'entrer  dans  Paris,  quitteraient  la  ville.  L'effet  ne  fut  pas 
immédiat,  car  Guise  à  la  prière  de  la  municipalité  resta.  Condé 
fit  de  même  :  mais,  après  avoir  déclaré  qu'il  ne  bougerait  pas, 
il  sortit  secrètement  avec  ses  gentilshommes,  ne  se  croyant  pas 
en  force. 

Tout  danger  imminent  étant  écarté,  le  cardinal  voulut  mener 
à  bien  son  œuvre  pacificatrice.  Pour  se  mettre  à  l'abri  d'une 
attaque  imprévue,  il  s'enquit  des  forces  de  la  ville,  réclama  de 
la  municipalité  la  »  description  de  toutes  les  maisons  »  et  le 
nombre  d'hommes  capables  de  «  porter  armes  pour  en  faire 
reveue  quant  besoing  seroict  l  ».  C'était  mesure  de  prudence. 


1.  Arch.  Nat.,  X,a  8624,  f°  233  v°  (Pièces  justif.  n°  II).  —  Registres  des 
délib.  du  bureau  de  la  ville  de  Paris,  t.  V,  p.  1  [8  el  i 19.  —  Lettres  de  Cath.  de 
Médicis,  t.  I,  p.  281. 

2.  Calendar  of  state  papers,  1561-1562, p.  "1-',;  de  Paris.  3i  mars  i56a.  — 
Journal  de  Pierre  [Nicolas]  Bruslart,  abbé  de  Joyenval,  dans  Mémoires  de 
Condé,  t.  I,  p.  7.").  —  Lettres  de  Prosper  de  Sainte  Croix,  dans  Archives 
curieuses,  irc  série,  t.  VI,  p.  :ï<)  ;  do  Paris,  22  niais   [562. 

3.  Journal  de  Pierre  [Nicolas]  Bruslart,  abbé  de  Joyenval,  dans  \lém.  de 
Condé,  I.  I,  p.  7.").  —  Le  Journal  d'un  curé  ligueur  de  Paris  (éd.  Ed.  de  Bar- 
thélémy), p.  '|(i,  donne  comme  date  d'entrée  dans  Paris  le  [8  mars. 

4.  Registres  des  délib.  du  bureau  de  la  ville  de  Paris.  1.  \ .  p,  1 19. 


3a  LE    ROLE    POLITIQUE    DU    CARDINAL    DE    BOURBON 

Son  but  fut  d'éviter  tout  conflit.  Il  y  parvint  ;  mais  il  faut 
reconnaître  qu'il  ne  se  montra  pas  d'une  impartialité  exem- 
plaire. Dans  une  lutte  aussi  âpre,  il  était  impossible  qu'il  ne 
favorisât  pas  les  catholiques.  Les  réformés  au  contraire  furent 
étroitement  surveillés.  On  saisit  une  barque  remplie  de  ton- 
neaux, qui  contenaient  des  livres  hérétiques  L  Le  samedi 
•><S  mars,  veille  de  Pâques,  deux  mini'stres  protestant^  vinrent 
demander  l'autorisation  de  célébrer  la  cène  le  lendemain  dans 
un  des  faubourgs  de  Paris.  Ils  devaient  faire  payer  vingt  sous 
à  chaque  personne  riche  qui  viendrait  à  la  communion  et  sept 
à  chaque  pauvre.  Le  cardinal  le  leur  défendit  sous  peine  de 
mort,  leur  ôtanl  ainsi  un  motif  pour  se  réunir  et  un  moyen  de 
ramasser  quelque  argent  -. 

La  bienveillance  témoignée  aux  catholiques  n'échappa  point 
aux  Parisiens.  «  Ce  gouvernement  de  Monsieur  le  cardinal  de 
Bourbon,  dit  l'abbé  de  Joxenval,  fui  for!  agréable  au  peuple, 
car  depuis  iceluy  il  n'advintque  bienàla  ville3.  »  Les  huguenots 
au  contraire  furent  mécontents.  Quelques-uns  d'entre  eux  ayant 
élé  lues  au  cours  d'une  rixe,  alors  qu'ils  revenaient  d'un 
prêche,  ils  demandèrent  justice.  «  On  est  après  [les  agresseurs] 
pour  en  avoir  raison,  écrit  l'un  d'eux.  Mais  nous  avons  pour 
gouverneur  le  cardinal  de  Bourbon,  par  quoy  on  n'y  a  pas 
grand  espoir  l.  » 

Le  6  avril,  le  duc  de  Guise,  plus  habile  que  Condé,  ramenait 
à  Paris  le  jeune  roi  et  Catherine  de  Médiçis.  La  lieulenanee  du 
cardinal  prit  tin.  La  guerre  allait  commencer.  Cependant  une 
dernière  tentative  de  conciliation  eut  lieu  sons  l'inspiration  de 
la  reine  mère.  La  lutte  entre  les  deux  partis  n'épouvantait  pas 
le  prélat,  niais  il  était  peint''  de  voir  son  frère,  un  Bourbon,  à  la 

i.  Lettres  de  Prosper  de  Sainte-Croix,  dans  Arck.  curieuses,  t"  série, 
I.  \  I,  p.  65  ;  de  Paris,  26  mars  t56a. 

•>.  Ihitl.,  p  71.  Journal  de  l'année  Î562,  dans  Bévue  rétrospective,  t.  V, 
p  (S().  — Journal  de  />.  [Nie]  Bruslart,  abbé  de  Joyenval,  dans  Mém.  de 
Condé,  t.  I.  p.  78. 

:;.  Journal  de  /'.  Vie.  Bruslart,  abbé  de  Joyenval,  dans  Mém.  de  Condé, 
I.  I.  p.  75. 

\.  Mémoires  de  ''.midé,  t.  III,  p.  220. 


LA    PREMIÈRE    GUERRE    DE    RELIGION  33 

tète  des  révoltés.  Le  !\  mai,  il  quitta  secrètement  Paris  en 
compagnie  du  prince  de  La  Roche-sur- Yon  et  s'en  alla  trouver 
Coudé  à  Orléans.  Le  prince,  qu'une  première  fois  il  avait  failli 
traîner  à  la  mort,  repoussa  ses  avances  l.  Quelques  jours  après 
on  entrait  en  campagne. 


La  lutte  fut  menée  avec  vigueur  par  les  protestants.  Après 
s'être  emparés  d'un  certain  nombre  de  villes  dont  Orléans  et 
Rouen,  ils  commencèrent  une  agitation  systématique  dans 
tout  le  royaume,  surtout  dans  les  provinces  du  nord  qui  les 
mettaient  en  communication  directe  avec  l'Angleterre.  Le 
gouvernement  de  la  Picardie  appartenait  alors  au  prince  de 
Condé,  qui  y  avait  délégué  un  de  ses  lieutenants,  Sénarpont. 
Celui-ci  cherchait  à  gagner  la  province  entière  pour  en  faire 
une  base  solide  d'opérations  2.  Située  sur  la  frontière  et  à  proxi- 
mité des  secours  anglais,  il  était  important  qu'elle  ne  tombât 
pas  aux  mains  des  réformés.  Pendant  que  la  cour  et  l'armée 
royale  s'en  allaient  assiéger  Rourges,  le  cardinal  de  Bourbon 
reçut  l'ordre  de  se  rendre  en  Picardie  en  qualité  de  lieutenant 
général  3. 

Charles  de  Rourbon  fut  dans  l'administration  de  la  province 
tel  qu'il  s'était  montré  lors  de  sa  lieutenance  à  Paris  :  très  ferme 
à  l'égard  des  huguenots,  mais  toutefois  respectueux  de  leurs 
droils.  Pour  éviter  une  surprise,  il  lit  chasser  les  hérétiques  des 
places  fortes.  Les  suspects  furent  tenus   «  d'aller  en    personne 

i.  Bibl.  Nat.,  f.  Uni. ,  ms.  1722,  f"  353,  copie  ;  dép.  des  ambass.  vénitiens, 
de  Paris,  22  avril  i56a.  —  Galendaf  of  state  papers,  1561'-lù624i  de  Taris. 
a'i  avril  i56â<  —  Journal  de  Vannée    1562,  dans  Revue  rétrospective,   I.    V, 

p.    toi. 

2.  Journal  de  l'année  1562,  dans  Revue  rétrospective,  t.  \ .  p.  181.  *-» 
Calendar  of  state  papers,  1562,  p.  iS8;  s.  1.,  27  juillet  t56a. 

3.  Durand  ((1. 1,  Inventaires  sommaires  des  arch.  communales  antérieures 
à  1790  :  Ville  d'Amiens,  Série  \  \,  t.  I.  p.  "17.  Charles  de  I'xiihIhhi  fil  son 
entrée  dans  Amiens  le  ■>,-  juillel  an  son  des  tambourins  et  du  canmi. 
V.  série  CG,  I.  I.  p.  5aa  et  5a/|. 

BaulnIer.  --  Cardinal  de  lionrhoii.  3 


34  LE    ltÔLE    POLITIQUE    DU    CARDINAL    DE    BOURBON 

faire  leur  confession  de  foi  et  la  signer  de  leur  main  dans  trois 
jours  »  par  devant  l'évêque  du  diocèse  ou  ses  délégués.  En 
outre  il  organisa  une  surveillance  étroite  autour  d'eux,  ordon- 
nant à  tous  de  dénoncer  ceux  qui  feraient  «  conventicules, 
prêches,  baptêmes,  mariages  ou  autres  exercices  de  la  nouvelle 
secte»,  mais  par  contre  il  défendit  aux  gens  du  peuple 
«  d'invader  les  personnes  et  maisons  des  suspects  et  autres  de 
la  même  secte,  de  crier  après  eulx  et  autrement  les  irriter  et 
provocquer  de  faict  ou  de  parolles,  sur  peine  de  la  hart1.  » 

Toute  son  activité  n'alla  pas  à  l'administration.  Il  s  occupa  de 
la  défense  militaire,  leva  des  troupes2,  parcourut  les  principales 
villes  de  la  province,  Amiens,  Abbeville,  Montreuil s.  Il  eut  des 
entrevues  avec  les  gouverneurs  soumis  à  son  autorité,  en  par- 
ticulier avec  le  sieur  d'Humières,  gouverneur  de  Péronne, 
Montdidier  et  Roye  *.  Au  milieu  de  ses  nombreuses  occupations, 
le  cardinal  fut  soudain  rappelé  par  une  lettre  de  la  reine-mère5  ; 
son  frère  Antoine  de  Bourbon  venait  d'être  grièvement  blessé 
devant  Rouen. 

Après  la  prise  de  Bourges,  l'armée  royale  était  remontée 
vers  le  nord  et  avait  assiégé  Rouen  pour  éviter  que  les  protes- 
tants ne  la  livrassent  aux  Anglais.  Le  cardinal  n'avait  pas  été 
étranger  à  cette  détermination.  Il  tenait  à  rentrer  rapidement 
dans  sa  cité,  où  les  huguenots  régnaient  en  maîtres,  pillaient  sa 
cathédrale  et  son  abbaye  de  Saint-Ouen6.  Il  espérait  d'ailleurs 
que  ses  exhortations  à  ses  ouailles  faciliteraient  la  victoire.  Une 

i.  Durand  (G.),  Inventaires  somm.  des  arch  comm.  antérieures  à  1790:  Ville 
d'Amiens,  série  AA,  t.  I,  p.  57. 

2.  Mémoires  de  Condé,  t.  II,  p.  76;  lettre  de  Chantonay,  de  Chartres, 
3  septembre  1Ô62. 

3.  Calendar  ofstate  papers,  1562,  p.  3a1  :  s.  1.,  26  sept.  i.">62. 

',.  Bibl.  Nat.,  f.  fr..  ms.  3187,  f«  23,  a5,  26,  28,  32,  orig.  ;  lettres  du 
cardinal  de  Bourbon  à  Jacques  d'Humières,  de  Gorbie,  28  août  i56a  ; 
d'Amiens,  29  août  ;  d' Abbeville,  \,  5  et  9  sept.  ;  devant  Rouen,  26  oct. 

5.  Bibl.  INat..  f.  ital.,  ms.  1722,  f°  522  v°;  dép.  des  ambass.  vénitiens,  de 
Paris,  19  nov.  1662. 

(i.  Journal  de  Vannée  Î562,  dans  Fiev.  rétrosp.,  t.  IV,  p.  ioz.  -  Mémoires 
de  Claude  Haton,  curé  de  Provins  (coll.  des  doc.  inéd.i,  t.  I,  p.  286.  — 
Négociations  diplom.  avec  la  Toscane,  t.  III,  p.  483;  de   Paris.  i4juin  i56a. 


LA    PREMIÈRE    GUERRE    DE    RELIGION  35 

Lettre  qu'il  leur  adressa  ne  parvint  même  pas  à  destination  :  les 
réformés  s'en  saisirent1. 

Le  16  octobre,  Antoine  de  Bourbon  fut  frappé  d'une  arque- 
busade.  qui  lui  coûta  la  vie. 


La  mort  du  roi  de  Navarre  soulevait  une  question  fort  grave. 
A  qui  la  lieutenance  générale  du  royaume  allait  elle  appar- 
tenir? Seul  un  prince  du  sang  pouvait  l'occuper.  Un  premier 
projet,  qui  eut  supprimé  toute  difficulté,  fut  de  faire  succéder 
le  fils  au  père.  Mais  le  jeune  Henri  n'avait  que  dix  ans.  On 
lecarta2. 

Restaient  en  présence  les  deux  frères  du  défunt,  le  cardinal 
de  Bourbon  et  le  prince  de  Condé.  Le  cardinal  était  l'aîné,  et 
par  la  mort  d'Antoine  il  devenait  chef  de  sa  maison,  puisqu'on 
ne  tenait  pas  compte  du  trop  jeune  roi  de  \avarre.  Mais  cer- 
tains pensèrent  que  le  chapeau  de  cardinal  siérait  mal  à  un 
lieutenant  général  du  royaume,  et  on  se  rappela  la  délibération 
des  États  provinciaux  de  l'Ile-de-France  en  mars  i56i,  qui 
voulaient  même  l'exclure  du  conseil,  parce  qu'il  était  cardinal. 
D'autre  part,  Condé  paraissait  beaucoup  plus  capable  d'exercer 
la  charge  que  son  frère,  mais  il  avait  contre  lui  sa  religion  et 
son  armée.  La  reine-mère  allait  cependant  soutenir  sa  candi- 
dature, quand  elle  vit  qu'elle  s'aliénerait  tout  le  parti  catho- 
lique. 

Dès  les  premières  nouvelles  de  la  blessure  d'Antoine,  Phi- 
lippe Il  écrivit  à  Catherine.  Selon  lui,  le  cardinal  par  son  droit, 
ses  preuves  de  bon  chrétien,  ses  services  au  roi  et  son  affection 
envers  elle,  était  tout  désigné  pour  succéder  à  son  frère.  Le  roi 
d'Lspagne  n'envisageait  même  pas  la  possibilité  de  la  candida- 

i.  Musée  des  Archives  nationales,  p.  373  ;  lettre  de  Condé  aux  habitants 
de  la  ville  de  Rouen,  s.  1..  \>.'\  sept.  i5f>2. 

2.  Bibl.  Nat.,  f.  ital.,  nis.  173.3,  f°  4g  v°,  copie;  dép.  des  ambass.  véni- 
tiens, de  Paris.  12  nov.  i56a. 


36  LE    ROLE    POLITIQUE    DU    CARDINAL    DE    BOL'RBOX 

ture  de  Coudé1.  Tout  ce  qu'il  avait  à  reprocher  au  prince,  il 
chargeait  son  ambassadeur  Chantonay,  ainsi  que  Sainl-Sulpice. 
ambassadeur  de  France  à  Madrid,  de  le  dire  à  la  reine-. 

Quand  il  sut  que  la  blessure  était  probablement  mortelle, 
Philippe  II  envoya  rapidement  un  ambassadeur  extraordinaire, 
Francès  de  Àlava,  avec  des  instructions  précises.  Alava  devait 
s'opposer  de  toutes  manières  à  la  nomination  de  Condé.  même 
si  le  prince  faisait  des  concessions.  Il  portait  en  outre  des  let- 
tres au  roi,  à  la  reine-mère,  aux  grands  seigneurs  de  la  cour, 
qu'il  devait  remettre  si  le  roi  de  Navarre  était  mort  3.  Le  car- 
dinal de  Bourbon  avait  la  sienne.  Le  roi  d'Espagne,  com- 
prenant à  merveille  ce  qu'il  y  avait  en  lui  de  faiblesse  et  de 
vanité,  le  complimentait  de  sa  bonté,  de  sa  foi.  de  son  zèle  au 
service  de  Dieu  et  de  la  religion,  affirmant  que  c'était  par  droit 
et  justice  qu'il  succéderait  à  son  frère4. 

Ces  déclarations  ne  suffirent  pointa  Philippe  II.  Il  lit  encore 
écrire  par  le  pape.  Pie  IV  envoya  le  7  décembre  un  premier 
bref  à  Catherine  de  Médicis5,  lui  recommandant  chaudement 
le  cardinal,  et  trois  jouis  après  un  second  au  cardinal  lui- 
même1'.  Conçu  dans  le  même  esprit  que  la  lettre  du  roi 
d'Espagne,  ce  dernier  bref  considérait  la  liculenance  comme  une 
charge  due  aux  qualités  de  l'archevêque  de  Rouen.  Celait  une 
réponse  à  l'objection  des  États  provinciaux  de   l'Ile-de-France. 

('harles  de  Bourbon  ne  pouvait  pas  être  indifférent  à  toutes 


1.  Arch.  Vit.,  K  1  'i<)(>.  n"  r>(),  copie;  lettre  de  Philippe  lia  Cath..  de 
Médicis,  de  Madrid,  20  nov.  i562. 

■>..  Vrcli .  Vit.,  K  [4q6,  n"  128» copie;  lettrede  Philippe  11  à  Chantonay, 
de  Madrid,  :?à  nov.  1  r> t > ■* .  —  Cabié  (Edm.),  Ambassade  en  Espagne  de  Jean 
h'hrnril.  xeiijnciir  de  Saint-  Sulpice,  de  t562  à  i:><'>~>,  p.  96;  lettrede  Sainl- 
Sulpice  à  Cath.  de  Médicis,  de  Madrid.  •>.">  qqv.   i  .">(>•!. 

s.  \ich.  \al.,  1\  1  '|(|(';.  m  i3m,  copie;  instruction  de  Philippe  II  à 
Francès  de  vlava,  de  Madrid,  29  nov.  i.">(><.  —  \.  également  n°"  [3o  e1 
i3i,  copies;  lettres  de  Philippe  II  à  Cath.  de  Médicis  et  à  Chantonay, 
m.  I.  et  d. 

\.  \]ch.  \at..  K  1  'ni''1-  n  t33,  copie;  lettre  de  Philippe  II  an  cardinal  de 
Bourbon,  de  Madrid,  29  nov.  1 562. 

à.  liaronhis  (G.),   ii}nales  eeclesiasiici,  t.  S.IV,  p.  .' >  1  —  :  s.  I.,  7  déc.  iâ.62, 

ii.  Ihiil..  p.  3i8  ;  s.l.  ,  m  déc.  1 56a. 


LA    PREMIÈRE    GUERRE    DE    RELIGION  ->7 

ces  sollicitations.  Les  circonstances  lui  offraient  la  première 
place  du  royaume.  Habitué  à  rester  au  second  rang,  il  dut  s'en 
effrayer  un  peu,  mais  il  venait  d'exercer  coup  sur  coup  deux 
lieutenances  avec  assez  d'habileté  pour  avoir  en  soi  quelque 
confiance,  et  les  flatteries,  qui  l'accablaient  de  tous  côtés,  suffi- 
rent à  lui  dévoiler  des  qualités  qu'il  ne  se  soupçonnait  pas. 

D'ailleurs  ce  n'était  pas  seulement  une  question  de  droit. 
Noos  avons  vu  que.  depuis  quelques  mois,  le  cardinal  s'était 
montré  catholique  intransigeant.  Condé,  au  contraire,  s'était 
rallié  définitivement  au  protestantisme.  Bien  plus,  il  avait  pris 
les  armes  contre  le  roi  et  repoussé  toute  tentative  de  concilia- 
tion. Même  s'il  promettait  une  fidélité  à  toute  épreuve  et  un 
prompt  retour  à  la  vraie  religion,  pouvait-on  croire  en  ses 
paroles?  Évidemment  non,  carie  cardinal  savait  qu'à  l'ambi- 
tieuse inconstance  d'Antoine,  le  prince  de  Condé  joignait,  quel- 
que perfidie.  Autant  par  devoir  que  par  droit,  Charles  de  Bour- 
bon tint  à  conserver  l'avantage  que  lui  donnait  son  âge  et 
déclara  ne  point  vouloir  abandonner  ses  prérogatives  *.  Déjà  il 
pouvait  se  croire  lieutenant  général.  L'ambassadeur  du  Grand 
Turc  arrivait  à  la  cour  avec  des  lettres  adressées  à  Antoine  de 
Bourbon  ;  ce  fut  au  cardinal  qu'il  les  porta2. 

V  ce  moment  surgit  un  troisième  candidat,  qui  pensait  avoir 
aussi  quelque  droit.  C'était  le  duc  de  Monlpcnsier,  alors  lieute- 
nant du  roi  en  Guyenne,  où  il  le  servait  pour  le  mieux  en  fai- 
sant pendre  les  hommes  et  baptiser  les  enfants.  Fort  de  son 
titre  de  prince  du  sang  et  de  ses  bons  services  à  la  cause  catho- 
lique, il  accourait,  bien  vainement  d'ailleurs  3. 

i.  Mémoires  de  Condé,  t.  H,  p.  109;  lettre  de  Ghantonay,  du  18  nov.  [56a. 
—  Ghantonay  dit  à  tort  que  le  cardinal  n'avait  pas  encore  reçu  la  prêtrise. 
Celle  affirmation  se  retrouve  dans  une  dépêché  de  l'ambassadeur  anglais  à 
Elisabeth,  de  Chartres,  17  janv.  t563.  (V.  Calendar  0/  state  papers,  1563, 
p.  \[).)  Elle  prit  peut  être  naissance  dans  certains  bruits  tendancieux 
répandus  par  les  catholiques  en  laveur  de  la  candidature  du  cardinal. 
L'ambassadeur  vénitien  Bibl.  Nat.,  f.  ital.,  nis.  17:»:'),  p.  1,  copie),  dans  sa 
dépêcbe  du  8  mars  [563,  affirme  oettement  que,  le  cardinal  était  ordonné 
e1  avait  déjà  dit  la  messe. 

?..  Journal  de  Vannée  156Q,  dans  Rer.  rétrospective,  I.  >- .  p.  ao6. 

3.  Brantôme,  Œuvres,  t.  \ .  p.  i3. 


38 


LE    ROLE    POLITIQUE    DU    CARDINAL    DE    BOURBON 


Catherine,  en  effet,  pour  couper  court  à  toutes  ces  rivalités 
et  conserver  le  pouvoir,  déclara  qu'elle  n'avait  besoin  de  per- 
sonne pour  gouverner  le  royaume,  puisqu'elle  avait  des  con- 
seillers et  des  ministres1.  Cette  solution  contentait  Philippe  11, 
qui  voyait  la  lieutenancc  refusée  à  Condé -.  Le  prince,  de  son 
côté,  désespérant  de  la  victoire,  avait  déjà  reconnu  le  droit  de 
sonaîné:!.  Seul,  le  duc  de  Montpensier*  fut  mécontent  et  il  se 
tourna  vers  le  cardinal  de  Bourbon,  déçu  lui-même  dans  ses 
espérances.  Mais  ils  n'étaient  pas  hommes  à  résister  bien  long- 
temps à  l'habileté  audacieuse  de  Catherine,  qui  eut  vite  fait  de 
déjouer  leurs  calculs.  Elle  les  apaisa  en  leur  déclarant  qu'ils 
seraient  les  chefs  du  conseil  4. 

Cependant  la  guerre  continuait.  Une  dernière  tentative  de 
conciliation  n'aboutit  point.  Avec  son  esprit  emporté,  Condé 
brusquait  les  choses.  Il  répondit  à  un  gentilhomme  envoyé  par 
le  cardinal  que,  sans  le  respect  qu'il  avait  pour  son  maître,  il 
lui  ferait  couper  la  tête5.  Rien  ne  put  faire  éviter  la  bataille  de 
Dreux.  Saint-André  y  fut  tué,  Condé  et  Montmorency  pris,  mais 
Guise  assura  la  victoire  au  parti  catholique. 

Condé  prisonnier  se  montra  plus  traitable.  La  reine-mère 
vint  le  rejoindre,  traînant  avec  elle  le  cardinal  de  Bourbon0. 
L'assassinat  du  duc  de  Guise,  le  18  février,  facilita  encore  la 
conclusion  de  la  paix  7.  Les  chefs  des  deux  factions,  Condé  et 


i.  Bibl.  Nat.,  f.  ital.,  ms.  172a,  f°  6oô,  copie;  dép.  des  ambass.  vénitiens, 
de  Paris,  3  déc.  i56a. 

2.  Cabié  (Edm.),  Ambassade  en  Espagne  de  Jean  Ebrard,  seigneur  de  Saint- 
Sulpice,  de  1562  à  1565,  p.  109  ;  dép.  à  Cath.  de  Médicis,  du  19  janv.  i563. 

3.  Bibl.  Nat.,  f.  ital.,  ms.  1722,  f°  Co5,  copie  ;  dép.  des  ambass.  vénitiens, 
de  Paris,  3  déc.  i562. 

4.  Brantôme,  Œuvres,  t.  V,  p.  i3. 

5.  Négociations  diplom.  avec  la  Toscane,  t.  III,  p.  A99  ;  de  Paris,  i5  déc. 
i562. 

6.  Journal  de  P.  [Nie]  Brnslarl,  abbé  de  Joyenval,  dans  Mém.  de  Condé, 
t.  I,  p.  108.  —  Négociations  dipl.  avec  la  Toscane,  t.  III,  p.  5o2  ;  de  Paris, 
3o  déc.  i56a. 

7.  Le  cardinal  de  Bourbon,  mis  en  éveil  par  quelques  paroles  échappées 
à  Condé,  avait  averti  (îuisc  du  danger  qu'il  courait.  (V.  Bibl.  Nat.,  f.  ital., 
ms.  172/I,  f°  a  v*\  copie  ;  dép.  des  ambass.  vénitiens,  de  Paris,  2  mars  i563.) 


LA    PREMIÈRE    GUERRE    DE    RELIGION  3g 

Montmorency,  se  rencontrèrent  dans  l'Ile-aux-Bœufs,  près 
d'Orléans,  et,  sous  l'influence  conciliatrice  de  Catherine  et  du 
cardinal,  un  accord  fut  conclu,  dont  on  ratifia  les  articles  quel- 
ques jours  après  à  Amboise  *. 


* 
*  * 


Si  la  paixd'Amboise  mit  fin  aux  opérations  militaires,  elle 
ouvrit  le  champ  aux  rivalités.  Autant  au  cours  de  la  guerre 
qui  l'effaçait,  que  pendant  la  paix  où  il  lui  fallait  écarter  les 
ambitieux,  la  reine-mère  se  trouvait  dans  une  situation  délicate. 
Entre  le  prince  de  Condé,  chef  des  protestants,  et  le  vieux 
Montmorency,  resté  seul  chef  des  catholiques,  elle  ne  se  crut  pas 
assez  forte  pour  se  passer  à  la  fois  de  l'un  et  de  l'autre,  se  sou- 
venant qu'aux  premiers  jours  son  droit  à  la  régence  avait  même 
été  contesté.  C'est  alors  qu'elle  conçut  un  plan  extravagant, 
capable  de  ruiner  d'un  seul  coup  toutes  les  espérances  de  ses 
rivaux  ;  le  cardinal  de  Bourbon  en  fut  la  dupe.  Pour  avoir 
quelqu'un  à  leur  opposer  qui  ne  porta  point  ombre  à  son 
autorité,  elle  résolut  de  le  marier. 

Depuis  qu'elle  était  arrivée  au  pouvoir,  Catherine  de  Médicis 
avait  su  apprécier  la  facile  bonté  du  prélat.  Il  s'était  laissé 
prendre  à  son  charme  séducteur.  Tous  deux  auraient  voulu 
éviter  la  guerre  entre  les  catholiques  et  les  protestants,  lui 
parce  que  la  guerre  divisait  ses  frères,  Catherine  parce  qu'elle 
la  reléguait  au  second  plan.  Aussi   la  régente  avait  naturelle- 


i.  Le  parlement  craignant  quelque  tumulte  avait  réclamé  la  présence 
d'un  prince  du  sang  pour  enregistrer  redit.  Le  36  mars  au  matin,  l'arche- 
vêque de  Rouen  et  le  duc  de  Monlpensier  quittèrent  Orléans,  et  le  lende- 
main, en  leur  présence,  le  parlement  enregistra  l'édit  de  pacification.  Trois 
jours  après  ils  étaient  de  retour  près  de  la  reine-mère  et  le  i"  avril  l'escor- 
tèrent à  son  entrée  solennelle  dans  Orléans.  V.  Arch.  Nat.,  K  i A99,  n"  50, 
orig.  ;  lettre  de  Ghantonay  à  Philippe  II,  de  Paris,  18  avril  i5G3.  —  Iîibl. 
Nat.,  f.  ital.,  ms.  1734,  f°  23,  copie;  dép.  des  ambass.  vénitiens,  de  Paris, 
29  mars  i563.  —  Mémoires  de  Condé,  t.  IV,  p.  33^.  —  Lettres  de  Cath.  de 
Médicis,  t.  I,  p.  538,  539. 


/|0  LE    ROLE    POLITIQUE    DU    CARDINAL    DE    BOURBON 

ment  cherché  dans  le  cardinal  un  auxiliaire  à  sa  politique. 
Cest  sur  ses  conseils  qu'avant  l'entrée  en  campagne  il  était 
allé  trouver  Condé  à  Orléans;  sur  ses  conseils  aussi  qu'il  avait 
voulu  renouer  les  relations  avec  le  prince  avant  la  bataille  de 
Dreux.  C'est  avec  son  aide  que  Catherine  était  parvenue  à  faire 
conclure  la  paix  d'Amboise.  Leurs  désirs  communs  les  rappro- 
chaient en  partie;  l'habileté  de  la  reine-mère  sut  faire  le  reste. 
Elle  était  femme  et  fort  insidieuse.  Il  n'en  fallait  pas  davantage 
pour  triompher  du  bon  prélat.  Elle  eut  toujours  sur  lui  une 
influence  considérable,  que  seule  put  contrebalancer  celle  que 
posséda  plus  tard  le  second  duc  de  Guise. 

C'est  donc  sur  le  cardinal,  qu'un  mariage  devait  placer 
incontestablement  à  la  tête  des  princes  du  sang-,  que  la  reine- 
mère  compta  s'appuyer.  Elle  était  sûre  de  sa  foi  solide  et  non 
pas  fanatique,  certaine  aussi  de  la  faiblesse  de  son  caractère.  Elle 
voulut,  en  le  mettant  au  premier  rang,  reléguer  au  second  le 
cadet  turbulent  et  l'ancien  favori  de  Henri  II. 

Une  autre  raison,  plus  politique  et  moins  intéressée,  poussa 
peut-être  Catherine  vers  ce  projet.  A  plusieurs  reprises  les 
astrologues  avaient  prédit  la  mort  prochaine  des  enfants 
royaux1.  La  disparition  de  François  II,  la  faiblesse  du  jeune 
Charles  IX  semblaient  leur  donner  raison  et,  par  un  pressen- 
timent fort  curieux,  la  reine-mère  entrevit  les  difficultés  qui 
surgiraient,  si  un  jour  la  succession  venait  à  échoir  à  la  maison 
de  Bourbon  dont  presque  tous  les  membres  étaient  protestants. 
Une  descendance  catholique  issue  du  cardinal  pouvait  assurer 
l'avenir.  Mais  cette  seconde  raison  était  de  peu  de  poids  à  coté 
de  la  première,  et  elle  fut  oubliée  aussitôt  que  l'autre  eut 
disparu. 

On  peut  s'étonner  de  la  facilité  avec  laquelle  le  prélat 
accueillit  cette  proposition  de  mariage.  Cependant,  si  l'on  con- 
sidère les  événements  survenus  au  cours  des  deux  dernières 
années,    ses  lieutenances  à  Paris   et  en  Picardie,    les   avances 


i.  Lettres  de  Prosper  de  Sainte-Croix,  dans   [rchives  curieuses,   i™  sério, 
t.  VI,  p.  i3o;  de  Blois,  i3  mars  i563. 


LA    PREMIERE    GUERRE    DE    RELIGION  [\\ 

faites  à  lui  par  les  chefs  de  parti,  les  louanges  du  pape  et  du  roi 
d'Espagne,  sa  candidature  à  la  lieutenance  générale  du 
royaume,  on  comprend  plus  facilement  qu'il  ait  pu  rêver  un 
instant  d'être  le  premier  dans  l'Etat.  Une  seule  raison  pouvait 
le  retenir;  il  était  prêtre  et  il  lui  fallait  renoncer  à  ses  vœux 
pour  rentrer  dans  la  vie  laïque.  Son  amour  du  sacerdoce  n'alla 
point  jusque-là.  Il  avait  d'ailleurs  une  excuse  :  c'était  pour  le 
bien  de  la  religion. 

La  seule  difficulté  était  d'obtenir  la  dispense  du  pape.  La 
reine  mère  découvrit  son  projet  au  nonce  Prosper  de  Sainte- 
Croix,  qui  lui  montra  toutes  les  oppositions  qu'il  soulèverait 
«  à  cause  des  mauvaises  conjonctures  du  temps  présent  et  de  la 
qualité  de  la  matière  dont  il  s'agissoit.  »  Toutefois  il  consentit 
à  en  parler  au  pape  et  même  en  conscience  il  trouva  l'idée 
bonne1.  De  son  côté  le  cardinal  de  Bourbon  écrivit  à  Rome 
pour  solliciter  la  dispense2. 

A  ce  moment,  le  concile  de  Trente  abordait  précisément  la 
discussion  sur  le  mariage.  Valait-il  mieux  porter  la  question 
devant  lui  ou  la  soumettre  directement  au  pape?  Le  cardinal 
de  Lorraine  était  à  Trente  et  pouvait  appuyer  grandement  la 
proposition.  Charles  de  Bourbon  voulut  gagner  ses  bonnes 
grâces.  Il  témoigna  à  sa  belle-sœur  la  duchesse  de  Guise  sa 
plus  chaude  affection,  son  entier  dévoûment.  lui  promit  de 
toujours  s'employer  au  bien  de  sa  maison  :!.  On  disait  même 
que,  s'il  obtenait  l'autorisation  demandée,  le  cardinal  épouse- 
rait une  fille  de  la  duchesse  i. 


i.  Bibl.  Nat.,  f.  ital.j  ms.  1725,  f°  12  v°,  copie;  dép.  des  anibass.  véni- 
tiens, de  Paris,  1.'!  avril  r563.  —  Lettres  de  Prosper  de  Sainte-Croix,  dans 
irchives  curieuses,  1"  série,  t.  VI,  p.  i3o  ;  de  Blois,  1 3  mars  1 563. — 
Calendar  of  stalc  papers,  t563,  p.  272  ;  s.  1.,  (">  avril  i563. 

2.  Bibl.  ÏS'at.,  f.  ital.j  ms.  1725,  f'  1,  copie:  dép.  des  ambass.  vénitiens; 
de  Paris,  ,s  mars  [563. 

3.  Bibl.  Nat.,  f.  fr.,  ms.  34i8,  t"  ni  el  18,  autogr.  ;  lettres  du  cardinal  de 
Bourbon  à  la  duchesse  de  Guise,  s.  1.  [mars  i563],  ri  s.  I.  [19  mars  i503  . 
(Pièces  justif.  n°  III.) 

\.  Bibl.  Nat.,  f.  ital.,  ms.  1 7  >r» .  f  1,  copie;  dép.  des  ambass.  vénitiens, 
de  Paris,  18  mai  i5G3. 


!\  2  LE    ROLE    POLITIQUE    DU    CARDINAL    DE    BOURBON 

Les  docteurs  du  concile  de  Trente  avaient  déclaré  que  le 
pape  pouvait  dispenser  les  prêtres  du  célibat  pour  quelque 
grande  occasion.  C'était  d'avance  accepter  la  requête  de 
l'archevêque  de  Rouen,  et,  comme  le  cardinal  de  Lorraine  et 
les  autres  ambassadeurs  français  redoutaient  l'hostilité  des  pré- 
lats italiens,  ils  aimèrent  mieux  s'adresser  directement  à  Rome 
que  de  poser  la  question  en  plein  concile  i. 

Mais  contre  toute  attente  le  pape  refusa.  Il  trouva  que  la 
demande  n'était  ni  urgente  ni  justifiée,  puisque  la  succession 
au  trône  ne  semblait  point  menacée,  le  roi  jeune  encore  ayant 
deux  frères  et  le  royaume  comptant  d'autres  princes  du  sang 
catholiques. 

Ce  fut  une  grande  déception  pour  le  cardinal.  Catherine,  qui 
abandonnait  ses  projets  aussi  rapidement  qu'elle  les  formait, 
avait  déjà  trouvé  un  autre  moyen  de  s'assurer  le  pouvoir.  Elle 
fit  proclamer  majeur  le  jeune  Charles  IX  (17  août  i563). 
Charles  de  Bourbon  resta  avec  ses  illusions  perdues. 

Le  refus  de  Rome  l'irrita,  car  il  se  sentit  la  dupe  de  toute 
cette  intrigue.  11  chercha  une  excuse.  Il  avait  voulu,  dit-il, 
faire  simplement  peur  à  Condé,  que  «  par  ce  boult-là  il  povoit 
tenir  en  bride  ».  Le  pape,  par  lettre  particulière,  lui  aurait  écrit 
son  intention,  et  il  s'y  serait  conformé  entièrement2.  L'excuse 
était  mauvaise.  Elle  ne  trompa  personne,  et  le  cardinal, 
eflrayé  de  sa  propre  audace,  craignit  un  instant  que  Condé  ne 
se  vengeât  du  coup  préparé  contre  lui 3. 

Une  seconde  fois  Charles  de  Bourbon  était  victime  de  sa  cré- 
dulité, et  ce  ne  fut  pas  encore  la  dernière. 


1.  Instructions  cl  lettres  des  rois  très  chrestiens  el  de  leurs  ambassadeurs, 
el  autres  actes  concernant  le  concile  de  Trente,  4"  éd.,  ifiô.'j,  p.  /»o8  ;  lettre  de 
Lanssac  à  Gath.  de  Médicis,  de  Trente,  28  mars  i56a  (a.  st.)  —  Spondanus 
(H.),  innalium  eminent.  card.  C.  Baronii  conlinualio,  t.  III,  p.  4ai.  — 
Sarpi  (P.),   Istoria   del   concilio    Tridenlino,  éd.    F.  Micanzio,   t.  IV,  p.  88. 

-.  Vrcli.  \al.,  K  i5oo,  n°  53,  orig.  ;  dép.  de  Chantonay  à  Philippe  II,  de 
Paris,  8  juin  i563.  —  Mémoires  de  Condé,  t.  II,  p.  109  ;  dép.  de  Chantonay, 
de  Paris,  7  juin  i563, 

;î.  Ibid. 


LA    PREMIÈRE    GUERRE    DE    RELIGION  '|3 


Les  déceptions  avaient  été  grandes.  Ambitionner  la  lieute- 
nance  générale  du  royaume,  puis  un  mariage  qui  L'eut  placé  à 
la  tète  des  princes  du  sang,  et  ne  réussir  qu'à  se  couvrir  de 
ridicule,  tel  avait  été  le  rôle  du  cardinal  de  Bourbon  durant  ces 
derniers  mois.  Catherine  de  Médicis,  responsable  en  partie  de 
tous  ses  malheurs,  voulut  les  lui  faire  oublier.  Depuis  deux  ans 
il  était  question  de  lui  donner  la  légation  d'Avignon,  mais  la 
guerre  civile  avait  interrompu  les  négociations.  On  les  reprit. 

A  la  fin  de  1 56 1 ,  Avignon  et  le  Comtat-Yenaissin,  possessions 
du  pape,  n'avaient  pas  échappé  aux  troubles  qui  agitaient  toute 
la  France.  Le  roi  de  Navarre  y  vit  une  occasion  de  mettre  la 
main  sur  ces  provinces  enclavées  au  milieu  du  royaume.  11 
engagea  son  frère  Charles  à  en  rechercher  la  légation,  que 
tenait  alors  le  cardinal  Farnèse.  Mais  il  avait  compté  sans 
l'opposition  du  pape,  qui,  voyant  déjà  ses  terres  aux  mains 
des  Français,  fit  partir  immédiatement  Fabricio  Serbelloni,  son 
parent,  avec  ordre  de  fortifier  la  ville.  En  même  temps  il 
demanda  l'appui  de  Philippe  II,  au  cas  où  Antoine  de  Bour- 
bon deviendrait  plus  menaçant1. 

Cette  attitude  belliqueuse  de  Pie  IV  ne  dura  point.  Malgré 
l'activité  de  Serbelloni,  le  pape  fut  réduit  à  solliciter  la  protec- 
tion de  Charles  IX  contre  les  huguenots,  qui  menaçaient 
d'enlever  Avignon  -.  C'était  promettre  la  légation  au  cardinal 
de  Bourbon.  Du  moins  réclama-t-il  des  garanties.  Il  voulut  que 
le  prélat  s'engageât  à  conserver  le  pays  en  l'obéissance  de 
Borne,  à  en  chasser  les  hérétiques  ;  que  le  roi  de  Navarre  non 


i.  Susta  (J.),  Die  rœmische  Curie  und  das  Concil  von  Trient  unter  Pins  IV, 
t.  I,  p.  981  ;  instructions  du  pape  à  son  envoyé  vers  Philippe  II,  du  18  oct. 
i56i.  —  Fabricio  Serbelloni  était  le  troisième  fds  de  Jean-Pierre  Serbelloni. 
dont  la  sœur  Cécile  fut  mère  de  Pic  IV. 

2.  ISégocialions  on  letircs  d'affaires  ecclés.  et  polit,  écrites  par  Hippolyte 
d'Esté,  cardinal  de  Ferrare,  légaten  France,  Paris,  [658,  in  V,  p.  38;  lettre 
d'Hipp.  d'Esté  au  card.  Borromée,  de  Saint-Germain,  3ojanv.  i56a. 


44  LE    ROLE    POLITIQUE    DU    CARDINAL    DE    BOURBON 

seulement  consentît  à  l'exécution  de  ces  promesses,  mais  encore 
la  facilitât  ». 

On  accueillit  mal  ces  exigences  à  la  cour  de  France.  Le  car- 
dinal de  Bourbon  se  froissa  de  la  défiance  qu'on  lui  marquait. 
Il  fallut  toute  l'habileté  du  nonce  pour  le  calmer  -.  L'affaire  en 
était  là,  lorsque  survint  le  massacre  de  Vassy  ;  on  l'oublia. 

Au  commencement  de  i564,  Catherine  crut  bon  de  reprendre 
les  pourparlers  :i.  Elle  sut  résoudre  les  difficultés  que  soulevait 
l'échange  delà  légation  4,  mais  la  paix  régnait  maintenant  dans 
le  Comtatet  le  pape  n'avait  plus  un  besoin  pressant  de  l'appui 
du  roi  de  France.  Il  posa  de  nouvelles  conditions  :  le  vice-légat 
et  les  autres  officiers  seraient  tous  Italiens.  Le  cardinal  de 
Bourbon,  exaspéré  par  cette  nouvelle  marque  de  défiance,  vou- 
lut tenir  la  légation  comme  l'avaient  tenue  ses  prédécesseurs, 
c'est-à-dire  en  toute  liberté  5.  Devant  son  obstination,  Pie  IV 
abandonna  ses  exigences. 

Le  icr  avril  i565  la  chancellerie  pontificale  expédia  la  bulle 
nommant  le  cardinal  légat  eu  Avignon  6.  Des  concessions  réci- 
proques avaient  facilité  les  dernières  négociations.  Le  pape 
récompensait  lui  même  le  cardinal  Farnèse  en  lui  donnant  la 
légation  du  patrimoine  de  Saint-Pierre.  Charles  de  Bourbon 
cédait  au  cardinal  d'Altaëmps,  neveu  de  Pie  IV,  la  riche  abbaye 
de  la  Trinité  de  Vendôme  d'un  revenu  annuel  de  plus  de 
dix  mille  livres  et  lui  réservait  sa  succession  dans  Avignon.  En 


i.  Susta  (J.),  Die  rœniische  Carie  und  das  Concil  von  Trient  miter  Pius  IV, 
L.  I,  p.  ;«3  ;  lettre  du  card.  Borromée  au  card.  de  Ferrarc,  du  iojany.   (56a. 

a.  Négociations   ou    lettres   d'affaires d'Hippolyte  d'Esté,    cardinal   de 

Ferrare,  p.  80;  lettre  d'Hipp.  d'Esté  au  card.  Borromée,  de  Saint-Germain, 
■•>.">  février  i56a. 

.;.  \rch.  Nat.,  K  i5oa,  n°  r5,  orig.  ;  dép.  de  Fr.  de  Àlava  à  Philippe  II.  de 
Gondom,  <»  août  i564. 

4.  Lettres  de  Gath,  de  Médicis,  t.  It,  p.  a3i  efa3a  ;  à  M.  du  Ferrier.  de 
Saint-Rémy,  17  oct.  i564  ;  à  l'évêque  de  Saint-Papoul,  de  Saint-Rémy, 
18  oct.  1 563. 

5.  \rcli.  Nat.,  K  t5oa,  n   64>  orig.;  dép.  de   Fr.  de  Alava  à  Philippell, 

d'Arles,  <s  décembre  î.Mi'i. 

0.  Bibliothèque  d' Avignon,  ms.  ^'.71,  f° 94,  copie;  de  Rome,  c  avril  [565. 


LA    PREMIERE    GUERRE     DE    RELIGION  \.) 

outre,  pour  plaire  au  pape,  il  conservait  le  vice-légat  en  fonc- 
tion '. 

Cette  nouvelle  dignité,  avec  les  riches  revenus  qu'elle  com- 
portait et  les  dons  annuels  de  la  ville  au  légat,  ne  fut  point  la 
seule  consolation  du  cardinal.  C'est  l'époque  où  de  tous  cotés 
des  bénéfices  s'offrent  à  lui.  11  avait  cédé  son  évèché  de  Carcas- 
sonne  à  François  de  Faucon.  Celui-ci  étant  mort  le  22  sep- 
tembre i565,  il  en  reprit  possession  en  vertu  du  droit  de  regrès. 
Il  s'en  démit  seulement  deux  ans  plus  tard  en  faveur  du  cardi- 
nal Vitelli  -. 

A  peu  près  au  même  temps  le  cardinal  de  Chàtillon,  évèquc 
de  Beauvais,  qui  venait  de  passer  à  la  Réforme,  fut  déclaré 
rebelle  et  criminel  de  lèse-majesté.  Une  bulle  du  i!\  sep- 
tembre   i36q   donna  son    évêché  au  cardinal  de   Bourbon  ;i. 

t.  Bibl.  Nat.,  f.  ital. ,  ms.  1724,  f°  265  cl  ms.  1736,  f"  75,  copies;  dép.  des 
ambass.  vénitiens,  de  Toulouse,  ai  mars  t565  ;  —  ms.  1724,  f°  28(3,  copie;  de 
Bordeaux,  20  mai  i565.  —  De  Thon,  Histoire  universelle,  éd.  de  1704,  t.  IV, 
p.  668.  — Castrucci  (S.  F.),  Istoria  délia  citla  dAvignone  e  del  Contado  Vene- 
sîno,  Venise,  1678,  in-4°,  p.  '108.  —  Le  \icc-légat  en  fonction  était  Laurent 
de  Lenti,  évêque  de  Fermo. 

M.  II.  Rey,  dans  son  (''Inde  sur  Le  cardinal  a" Armagnac,  colégat  à  Avignon 

I  innales  du  Midi,  t.  X,  année  [898),  dil  que  le  cardinal  de  Bourbon  fit  une 
entrée  solennelle  dans  la  ville  le  l'ijuin  [565.  Cela  semble  impossible,  car 
le  11  juin  le  prélat  était  à  Rayonne  (A.  Bibl.  Nat.,  f.  fr.,  ms.  0187,  f"  68, 
orig.  ;    leltrc  du    card.    de    Bourbon    au   sieur   d'Humières,    de    Bayonne. 

II  juin  i565),  et  le  i5  juin  il  s'y  trouvait  également  (Cf.  Bibl.  Nat.,  f.  fr., 
ms.  20647,  '"  ,l  v  "'  coP'e  ï  mémoire  sur  l'entrée  de  la  reine  d'Espagne.) 

Charles  de  Bourbon  avait  obtenu  la  légation,  mais  toujours  révocable  au 
bon  plaisir  du  pape.  Ce  fut  en  vain  que  sous  Pie  V,  successeur  de  Pie IV, 
il  essaya  de  l'obtenir  à  vie  (Cf.  Bibl.  Nat..  f.  ital..  ms.  1736,  f'  64,  copie: 
dép.  des  ambass.  vénitiens,  de  Paris.  ■>.()  nov.  t566).  Il  m1  devait  d'ailleurs 
pas  l'administrer  lui-même.  Il  (il  nommer  son  colégat  le  cardinal  Georges 
d'Armagnac  et  lui  en  abandonna  le  gouvernement.  Cependant  il  l'ut  loin 
de  s'en  désintéresser  complètement  et  nombreux  sont  les  témoignages  qui 
promeut  son  intervention.  —  Cf.  \rch.  du  Vatican,  Brevi  armarium  44, 
I.  \\\,  f'  76;  leljere  délia  segretci'ia  di  stalo.  nun/.iatura  di  t'rancia. 
t.  W  111,  f0'  5o,  53,  ."iii,  mil  etc.  -  Bibl.  d'Avignon,  mss.  26o5,  f°  1  ;  a658; 
2816,  f"  398;  2822*  f°  3o.  Bibl.  Nat.,  f.  fr.,  ms.  34o6,  f°  9.  —  Thciner 
lAug.i,   [nnales  ecclesiasliei,  t.  I,  p.  [78,  >\)-\  I.  II.  p.  $27. 

■•..  Mahul  1  \.i.  Cartulaire  ri  arckives  des  communes  de  l'ancien  diocèse...  >le 
Carcassonne,  I.  \.  p.  VSiS  à  i.90. 

3.  Delettre  (abbé),  Histoire  du  diocèsede  Beauvais,  t.  III,  p.  ■>'•>'■ 


46  LE    ROLE    POLITIQUE    DU    CARDINAL    DE    BOURBON 

Quand  la  paix  de  Saint-Germain  eut  ramené  les  prolestants  à 
la  cour,  Charles  IX  voulut  rendre  à  l'ancien  évêque  tous  ses 
biens.  Charles  de  Bourbon,  soutenu  par  le  pape,  refusa  de  s'en 
dessaisir.  Un  conflit  était  imminent,  quand  la  mort  subite  du 
cardinal  de  Châtillon  vint  trancher  le  différend  (i4  fé- 
vrier 1671)  K  Le  cardinal  de  Bourbon  conserva  l'évéché  sans 
contestation  jusqu'en  1575,  où  il  l'échangea  contre  l'abbaye  de 
la  Coulure  du  Mans  2. 

A  côté  des  gros  revenus,  les  petits  ne  firent  point  faute.  De 
i564  à  1071  le  cardinal  vit  presque  chaque  année  ses  bénéfices 
s'accroître.  Successivement  il  reçut  les  abbayes  de  Saint-Jean 
des  Vignes  (i565),  Saint-Honorat  de  Lérins  et  Montiéramey 
(1567),  Fontenelle  (1569),  Pontlevoy  (1571)  3.  Il  prit  encore  pos- 
session des  quatre  principales  abbayes  du  cardinal  de  Châtillon  : 
Sorèze,  Saint-Germer,  Froidmont,  Saint-Lucien  de  Beauvais, 
qui,  au  dire  de  l'ambassadeur  espagnol,  valaient  autant  que  les 
quatorze  restantes  *. 

Ce  cumul  vraiment  exagéré  n'alla  pas  sans  soulever  de  nom- 
breuses protestations,  et  il  est  curieux  de  voirie  pape  chercher 
à  l'expliquer  par  la  nécessité  de  procurer  à  Charles  de  Bourbon 
un  rang  et  des  ressources  proportionnés  à  sa  dignité  cardina- 
lice 5.  Quand,  en  juillet  1676,  une  grave  maladie  fit  craindre 
pour  sa  vie,  on  estima  que.  s'il  venait  à  mourir,  vaqueraient 
plus  de  quatre  cent  mille  livres  de  rente  des  biens  d'église0. 
Cette  richesse  colossale,  cet  appétit  insatiable  firent  même  dire 

1.  Barthélémy  (Ed.  de),  Journal  d'un  curé  ligueur  de  Paris,  p.  taa.  — 
Calendar  of  stale  papers,  1567-1571,  p.  389  ;  de  Paris,  8  janv.  1Û71.  —  (labié 
(Edm.),  Guerres  de  religion  dans  le  sud-ouest  de  la  France...  de  1561  à  1590, 
col.  if'u  ;  lettre  de  Saint  Snlpice  à  l'abbé  de  Marcillac,  du  20  déc.  i.">7>. 

■>..  Delettre  (abbé).  Histoire  du  diocèse  de  Beauvais.  t.  III.  p.  372. 

.S.  V.  VAppendice  n°  II  :  les  abbayes  de  Charles  de  Bourbon. 

4.  Arcb.  Nat.,  K  i5io,  11°  3g,  orig.  ;  dép.  de  Fr.  de  Alava  à  Philippe  II,  de 
Paris,  1/1  sept.  i568. 

5.  Musset  (G.),  Les  insinuations  ecclésiastiques  dans  le  diocèse  de  Saintes 
en  1565,  dans  Arch.  tiist.  de  Saintonge  et  Auhis,  t.  XXXV,  p.  001  ;  bulle  de 
Pie  IV,  du  3i  août  i565. 

6.  Bibl.  Nat.,f.  ital.,  ms.  1729,  p.  794.  copie;  dép.  des  ambass.  vénitiens, 
de  Paris,  1 2  juil.  ir>7(î. 


LA    PREMIÈRE    GUERRE    DE    RELIGION  [\- 

à  un   ambassadeur    du   roi  d'Espagne    qu'on    serait   toujours 
maître  du  cardinal  en  lui  donnant  évêchés  et  abbayes  l. 

L'ambassadeur  le  connaissait  mal.  Il  n'y  eut  jamais  que 
deux  choses  qui  préoccupèrent  sérieusement  Charles  de  Bour- 
bon et  qui,  lune  après  l'autre,  furent  les  causes  déterminantes 
de  sa  conduite  :  la  fortune  de  sa  maison  et  la  défense  de  la  reli- 
gion catholique. 


i.  Arch.  Nat.,    K    1007,    n°  03,  orig.  ;    relation   du   docteur    Enveja,   du 
22  févr.  1567. 


CHAPITRE    III 


LES    DECEPTIONS    FAMILIALES 


\  la  première  guerre  civile,  qui  avail  bouleversé  la  France, 
succéda  une  période  plus  calme  où  L'on  prit  plaisir  à  oublier 
les  émotions  passées.  Les  principaux  chefs  étaient  morts.  Il  ne 
restait  plus  aux  catholiques  que  le  vieux  Montmorency  bien 
éloigné  du  fanatisme,  aux  protestants  le  prince  de  Condé  qui 
s'était  attiré  la  défiance  de  ses  coreligionnaires  en  signant  la 
paix  d'Amboise.  Catherine  de  Médicis  eut  beau  jeu.  Sous  son 
influence  conciliante,  les  ennemis  de  la  veille  se  rapprochèrent 
et  d'un  commun  accord  allèrent  enlever  Le  Havre  aux  Anglais. 

Durant  ces  quelques  années  de  politique  modérée  que  dirige 
la  reine-mère,  le  cardinal  de  Bourbon  prend  le  rang  qui  lui 
convient.  Le  premier  de  la  cour  par  ses  litres,  sinon  par  son 
influence,  il  est  le  conseiller  de  chaque  heure,  présent  à  toutes 
les  cérémonies  officielles,  à  tous  les  conseils  importants.  Sans 
cesse  aux  côtés  de  la  reine1,  dont  il  a  oublié  la  trahison,  il  se 
laisse  diriger  par  elle,  car  sa  bonté  ne  sait  point  résister  à  ses 
exigences.  Catherine  est  certaine  de  trouver  chez  lui  une 
approbation  de  Ions  ses  actes.  Elle  s'appuie  également  sur  le 
duc  de  Montpensier,    prince  du    sang  comme    lui,    el   d'aussi 

i.  Les  montions  relatant  la  présence  du  cardinal  sonl  innombrables,  .le 
ne  citerai  qu'un  passage  des  Mémoires  de  Marguerite  de  Valois,  éd.  Gues- 
sard  (Soc.  de  i'hist.  de  Fr.),  p.  n,  qui  parle  du  voyage  de  la  reine-mère 
en  i.')(h),  alors  qu'elle  va  rejoindre  le  duc  d'Anjou.  «  Elle  [Catherine]  fait  le 
chemin  de  Paris  à  Tours  en  trois  jours  et  demy,  qui  ne  fut  sans  incommo- 
dité el  beaucoup  d'accidents  dignes  de  risée,  pour  y  estre  le  pauvre  M.  le 
cardinal  de  Bourbon,  qui  ne  l'abandonnoit  jamais,  qui  toutefois  n'estoitde 
telle  humeur  ny  de  coroplexion  pour  telles  courvées.  » 


LES    DECEPTIONS    FAMILIALES  4<) 

bonne  volonté.  Avec  eux  elle  entreprend    de  mener   à  bien 
l'entente  commencée  entre  les  partis. 

Les  deux  hommes  ont  montré  quelque  intolérance  au  cours 
de  la  dernière  guerre,  mais  ce  fut  au  moment  où  les  esprits 
étaient  surexcités  par  la  crainte  d'une  défaite.  Maintenant  que 
la  paix  règne  et  que  la  foi  catholique  semble  en  moindre  péril, 
le  cardinal  et  son  parent  se  laissent  gagner  par  les  voix  per- 
suasives de  Catherine  et  du  chancelier.  Lorsqu'en  février  i564 
le  cardinal  de  Lorraine  revient  de  Trente  en  proposant  d'ap- 
pliquer en  France  les  décrets  du  concile,  Charles  de  Bourbon 
en  repousse  la  publication,  parce  qu'elle  troublerait  l'édit  de 
paix  '. 

Mais,  si  les  querelles  religieuses  ont  cessé,  la  rivalité  subsiste 
entre  les  ambitions.  Il  est  dans  le  royaume  une  maison  puis- 
sante, qui  a  pour  chef  le  vieux  connétable  de  Montmorency  et 
dont  l'influence  s'étend  à  la  fois  sur  le  parti  catholique  et  le 
parti  protestant.  Le  connétable  jouit  de  l'autorité  considérable 
que  lui  vaut  sa  longue  carrière  dans  les  armées  et  les  conseils 
du  roi.  Seul  survivant  du  triumvirat,  il  trouve  en  outre  des 
lieutenants  dévoués  dans  ses  fils,  le  maréchal  de  Montmorency 
et  Damville,  qui  comme  lui  reconnaissent  la  suprématie  du 
pape,  et  dans  ses  neveux,  les  Châtillons,  dont  le  prestige  est 
énorme  auprès  des  réformés.  Tout  son  crédit,  le  vieillard  le  fait 
servira  la  défense  de  ses  intérêts  et  de  ceux  de  sa  famille. 

\  Montmorency  un  seul  homme  peut  s'opposer,  Coudé, 
dont  L'ambition,  qui  n'a  d'égale  que  l'inconstance,  va  faire 
un  adversaire  redoutable.  Le  prince,  fier  de  son  titre,  n'entend 
point  rencontrer  de  rivaux  à  la  cour,  et,  s'il  n'ose  pas  dès  les 
premiers  jours  s'attaquer  au  connétable,  dont  il  a  d'ailleurs 
épousé  la  petite  nièce,  Eléonorede  Roye,  c'est  qu'il  se  sait  en 
défiance  chez  les  protestants  cl  que  les  amours  faciles,  que 
lui  offre  l'entourage  du  roi,  le  distraient  momentanément  de 
toute  pensée  sérieuse.  Mais  le  conflit  esl  latent.  Dans  cette  lutte, 


i.  Àrch.  Nat.,  I\  tSot,  m   35,  déchiffr.  ;  dép.  <!«'  Ghantonaj  à  Philippe  il 
de  Paris.  (|  févr.  i664« 

Sallïuer.  —  Cardinal  de  Bourbon,  't 


5o  LE    ROLE    POLITIQUE    DL    CARDINAL    DE    BOURBON 

où  la  religion  n'est  plus  enjeu,  le  cardinal  de  Bourbon  n'hésite 
pas  à  soutenir  son  frère  de  tout  son  pouvoir1. 

Précisément,  le  prélat  cherche  à  mettre  à  profit  la  mésintelli- 
gence qui  existe  entre  Condé  et  les  réformés  pour  séparer  le 
prince  de  ses  anciens  amis.  Puisque  ceux-ci  l'abandonnent, 
pourquoi  ne  chercherait  il  pas  un  appui  parmi  les  catholiques 
dont  beaucoup  jalousent  le  connétable  de  Montmorency:'  Et  le 
cardinal  reprend  un  rêve  qu'il  a  souvent  caressé:  ramener  au 
catholicisme  toute  sa  famille.  L'occasion  lui  semble  favorable; 
Condé  se  prête  de  bonne  grâce  à  ses  combinaisons  et  le  prélat 
plein  d'espérance  annonce  déjà  la  prochaine  conversion  du 
prince2. 

La  paix  a  rétabli  non  seulement  les  bonnes  relations  de 
Charles  de  Bourbon  avec  son  frère,  mais  encore  les  liens 
d'amitié  qui  l'ont  uni  jadis  à  sa  belle-sœur  Jeanne  d'Àlbret. 
Depuis  que  la  reine  de  Navarre  est  passée  à  la  Réforme,  elle  y 
est  restée  fidèle,  montrant  clans  ses  croyances  autant  de  cons- 
tance que  son  mari  a  montré  de  mobilité  dans  les  siennes. 
Aussi  le  cardinal  a-t-il  cessé  tout  rapport  avec  cette  femme  ;  il 
avait  même  essayé  d'en  détacher  son  frère  Antoine  et,  depuis  la 
mort  de  celui-ci,  il  a  semblé  oublier  également  son  neveu  et 
filleul,  Henri  de  Bourbon.  La  paix  d'Amboise  réveille  toutes 
ces  anciennes  amitiés.  Le  prélat  se  rapproche  de  son  neveu  et 
profile  d'un  premier  séjour  de  Jeanne  d'Albret  à  la  cour  poul- 
ie présenter  aux  ambassadeurs  étrangers :i.  Dans  le  grand 
voyage  que  Catherine  entreprend  à  travers  la  France,  il  s'efface 
devant  le  jeune  homme  qu'il  déclare  bien  haut  être  le  chef  de 
sa  famille  l  et  partout,  dans  les  cérémonies  officielles  comme 
aux    entrées  solennelles    dans  les  villes,    il    cherche    toujours 


i.  Arcli.  Nat.,  K  1499,  n°  28,  orig.  ;  sommaire  de  la  chancellerie  des 
lettres  de  Chantonay  à  Philippe  II.  de  mars-avril  i563. 

?..  Bïbl.  Nat.,  f.  ital.,  ms  173."),  p.  54.  copie;  dép.  des  ambass.  vénitiens, 
de  Paris,  17  janv.  i564.  —  Lettres  de  Prosper  de  Sainte-Croix  dans  Archives 
curieuses,  1"  série,  t.  VI,  p.  [54  ;  de  Paris,  i5  janv.  i564. 

,'l.  Caléhdâr of  state papers,  1564-1565,  p.  i'65  ;  de  Lyon,  77  juin  i564« 

4.  Godefroy  (Th.),  Le  cérémonial  françois,  t.  I.  p.  901. 


LES    DECEPTIONS    FAMILIALES  0  1 

«  selon  sa    louable  coulume  à    le   pousser   devant    lui  le  plus 
possible  '.  » 

Désormais  le  seul  but  de  Charles  de  Bourbon  est  de  soutenir 
les  intérêts  de  sa  maison,  et  il  ne  cesse  de  le  prouver  en 
maintes  occasions2.  A  voir  l'union  qui  régnait  dans  cette 
famille  quelque  temps  auparavant  si  désunie,  on  put  croire 
avec  le  cardinal  que  tout  se  terminerai!  par  un  parfait  accord 
de  communes  pensées  et  de  communes  croyances.  Peu  s'en 
fallut  en  effet  que  son  rêve  ne  se  réalisât. 

La  cour  était  dans  Arles,  quand  on  apprit  soudain  que  le 
cardinal  de  Lorraine  et  Condé  s'étaient  rencontrés  à  Soissons. 
Peu  de  temps  après  l'archevêque  de  Reims  recevait  le  prince 
dans  un  de  ses  châteaux  et  l'y  gardait  trois  jours3.  Ce  rap- 
prochement entre  deux  hommes,  qui  s'étaient  jadis  voués  une 
haine  implacable,  surprit  fort.  On  n'avait  point  cru  possible 
une  alliance  entre  le  Lorrain  et  le  prince  que  sous  François  II 
il  avait  fait  condamner  à  mort.  Mais  le  seul  lien,  qui  rattachait 
Condé  aux  Montmorency,  venait  de  se  rompre.  Eléonore  de 
Roye  étail  morte  le  a3  juillet  i564-  Louis  de  Rourbon,  jamais 
satisfait,  convoitait  maintenant  la  connétablie  et,  comme  il 
tiouvait  devant  lui  Montmorency  désireux  de  réserver  sa  charge 
à  un  de  ses  fils,  il  chercha  un  appui  chez  un  homme  non 
moins  ambitieux  que  lui  et  que  les  événements  avaient  écarté 
du  pouvoir:  le  cardinal  de  Lorraine. 

Il  es!  forl  probable  que  Charles  de  Bourbon  servit  d'intermé- 
diaire dans  ce  rapprochement.  Réunir  Condé  aux  Lorrains, 
c'était  accentuer  la  séparation  entre  les  huguenots  et  le  prince; 

i.  Bibl.  Nat.,  f.  fr..  ms.  ao647>  '  ''•  copie;  avis  sur  l'entrée  de  la  reine 
d'Espagne  à  Baypnne,  publie  dans  Lettres  de  Cath.  de  Médicis,  t.  H,  p.  2Q.'5. 
note.  —  Aux  conférences  de  Hayonne,  Charles  de  Bourbon  se  montra  bon 
catholique,  niais  ne  s'écarta  jamais  de  la  ligne  de  conduite  que  loi  traça 
Catherine.  VA  si  des  paroles  de  sang  ont  été  prononcées,  ce  fut  en  secret. 
Certainement   le  prélat  n'eu  eut  pas  connaissance. 

■>..  Arcli.  Nat.,  K  i5o4,  n°  32,  orig.  ;  dép.  de  Fr.  de  Alava  à  Philippe  II.  de 
Baronne,  ->.~  juin  i565.  —  Calendar  of  state  papers,  t564-1565,  p.  239  ; 
d'Edimbourg)  7  nov.  i564. 

3.  Calendar  of state  papers,  1564-1560,  p.  »48  3  d'Arles,  ^'i  nov.  r564. 


52  LE    ROLE    POLITIQUE    DU    CARDINAL    DE    BOUHBOX 

c'était  l'amener  insensiblement  à  la  conversion.  Ce  qui  est 
certain  toutefois,  c'est  que  le  cardinal  fut  tenu  an  courant  de 
leurs  relations  secrètes  '. 

On  eut  bientôt  des  preuves  visibles  de  cette  alliance  des 
Bourbons  et  des  Lorrains  contre  la  famille  du  connétable.  Le 
(S  janvier  i565,  le  maréchal  de  Montmorency,  gouverneur  de 
Paris,  voulant  faire  respecter  un  édit  du  roi  qui  interdisait 
à  tout  groupe  armé  de  pénétrer  dans  la  ville,  refusa  de  laisser 
entrer  le  cardinal  de  Lorraine  qu'accompagnait  une  faible 
escorte.  Un  léger  combat  s'engagea  près  de  la  porte  Saint- 
Denis.  Quelques  jours  plus  lard  Goligny,  appelé  par  Montmo- 
rency, accourut  à  Paris  avec  une  petite  troupe  et  se  mit  à  la 
disposition  du  parlement  pour  maintenir  l'ordre. 

Condé  tint  à  réparer  l'affront  faità  son  allié.  11  arriva  devant 
la  ville  avec  trois  cents  cavaliers,  mais  le  maréchal  lui  fit  dire 
que,  s'il  venait  avec  des  idées  pacifiques,  il  n'avait  pas  besoin 
de  tant  de  gens,  et  il  le  pria  d'entrer  seul.  Le  prince  n'osa 
pas  ;  il  se  contenta  de  se  plaindre  au  roi.  Cet  incident  souleva 
une  grande  discussion  au  conseil.  Le  connétable  défendit  son 
(ils,  mais  le  cardinal  de  Bourbon  l'apostropha  vivement  :  puis- 
qu'on permettait  à  Coligny  d'entrer  dans  Paris,  pourquoi  le 
refusait-on  à  Condé,  prince  du  sang,  que  le  service  du  roi  con- 
cernait bien  plus  que  les  fils  et  les  neveux  du  connétable?  Mont- 
morency n'osa  point  répliquer  au  cardinal  prince2. 

L'union  n'avait  du  reste  plus  rien  de  secret.  Condé  allait 
jusqu'à  dire  publiquement  qu'il  \  avait  certaine  sorte  de  gens 
qui  avaient  entrepris  de  lutter  avec  les  princes  du  sang,  que 
ce  n'était  pas  chose  à  supporter,  qu'il  était  besoin  qu'on  les 
châtiât  avec  le  bâton3.   Pour  sceller  l'alliance  entre   les  deuv 


i.  Bibl.  Nat.,  f.  ttal.,  ras.  1734,  f"  a45  v  cl  ms.  1 7 •< ."> .  p.  6&,  copies;  dép. 
des  ambass.  vénitiens,  de  Montpellier,  8janv.  i565. 

■>.  \rcli.  N.it..  K  i5o3,  n"  3o,  orig.  ;  dép.  de  Fr.de  Vlava  à  Philippe  II.  de 
Toulouse,  4  févr.  i565.  —  La  scène  csl  racontée  par  Fr.  Décrue,  inné,  duc 
de  Montmorency,  p.  437. 

.'!.  Bibl.  Nat.,  f.  ilal..  ms.  1735,  p.  8a,  copie:  dép.  des  ambass.  vénitiens, 
de  Potinsac,  26  mai  i565. 


LES    DECEPTIONS    FAMILIALES  Où 

maisons,  on  parla  du  mariage  possible  de  Condé  avec  la  veuve 
du  duc  de  Guise  ou  Marie  Stuart1.  C'eut  élé  évidemment  le 
meilleur  moyen  de  se  rendre  maître  du  prince  que  de  se  l'at- 
tacher par  l'intérêt. 

Peut-être  trop  confiants  dans  le  succès  de  leur  entreprise,  le 
cardinal  de  Bourbon  et  les  Lorrains  mirent  moins  d'ardeur  à 
conquérir  Condé.  Or,  autant  que  le-  connétable,  les  protestants 
avaient  été  effrayés  de  ses  nouvelles  inclinations.  Aux  pre- 
miers bruits  du  mariage,  ils  craignirent  de  perdre  à  jamais 
leur  chef  et  commencèrent  à  intriguer  pour  le  retenir  au 
milieu  d'eux.  Dès  le  i5  mars  i565,  Gaspar  Barchino,  corres- 
pondant à  Paris  de  l'ambassadeur  d'Espagne,  écrivait  à  son 
maître  que,  pour  s'attacher  définitivement  Oondé,  il  fallait 
que  le  cardinal  de  Bourbon  se  réveillât,  que  celui  de  Lorraine 
fit  de  belles  promesses,  et  que  Catherine  l'attirât  à  la  cour 
avec  de  grands  honneurs  2.  Dix  jours  plus  tard,  il  annonçait 
que  les  huguenots  offraient  pour  femme  à  Condé  mademoi- 
selle de  Longueville,  protestante  comme  lui,  et  qu'ils  consen- 
tiraient plutôt  à  le  voir  épouser  sa  maîtresse,  Isabelle  de 
Limeuil,  qu'une  femme  de  la  maison  de  Lorraine3. 

Ces  avertissements  étaient  fort  bons.  Les  entrevues  conti- 
nuèrent quelque  temps  entre  Condé  et  l'archevêque  de  Reims; 
ils  se  rencontrèrent  encore  en  mai  à  Soissons.  Mais  quand  le 
prince,  qui  désirait  surtout  le  mariage  avec  la  reine  d'Ecosse, 
eut  reconnu  la  fourberie  des  Lorrains  et  la  vanité  de  ses  espé- 
rances, il  coupa  court  aux  pourparlers  l.  et,  cédant  aux  sollici- 
tations des  protestants,  il  épousa  le  6  novembre  mademoiselle 
de  Longueville.  Il  était  à  jamais  perdu  pour  le  parti  catho- 
lique. 


i.  Aumale  (D'),  Histoire  des  princes  de  Condé,  t.  I,  p.  271. 

■>,.  \rcli.  Nat.,  k  i5o3,  ii°  44,  orig.  ;  dép.  de  Gaspar  Barchino  à  Fr.  de 
Alava,  de  Paris,  i">  mars  [565, 

3.  Ibid.,  ii"  /17,  orig.  ;  dép.  de  Gaspar  Barchino  à  Fr.  de  Alava,  de  Paris, 
25  mars  i565. 

\.  Anli.  Nat.,  K  t6o4,  ir  ."><;,  orig.  ;  dép.  de  Fr.  de  Uava  à  Philippe  II.  de 
Mont-de-Marsan,  20  juillet  i565. 


5/|  LE    RÔLE    POLITIQUE    DU    CARDINAL    DE    BOURBON" 


Le  dépit  de  Charles  de  Bourbon  fut  d'autant  plus  grand  que 
le  succès  avait  paru  plus  certain.  Dans  le  brusque  revirement 
de  son  frère,  le  prélat  reconnut  facilement  l'œuvre  des  réfor 
mes.  Parmi  eux,  Jeanne  d'Albret  était  vraisemblablement  une 
des  plus  coupables.  Le  cardinal  se  rappela  que  déjà,  en  i562, 
elle  avait  été  la  mauvaise  conseillère  d'Antoine  de  Bourbon. 
Elle  prenait  maintenant  sur  son  beau-frère  l'ancienne  influence 
qu'elle  avait  eue  sur  son  mari.  L'archevêque  de  Bouen  conçut 
contre  elle  une  inimitié  violente  qu'il  ne  tarda  point  à  laisser 
paraître. 

Charles  IX  et  Catherine  remontaient  vers  le  nord  en  compa- 
gnie de  la  reine  de  Navarre,  lorsque  Coudé  vint  les  rejoindre  à 
Niort.  Le  prince  et  Jeanne  d'Albret  eurent  l'audace  de  faire 
prêcher  publiquement  à  la  cour.  Le  cardinal  s'en  plaignit, 
mais  ce  fut  principalement  contre  sa  belle-sœur  qu'il  dirigea 
ses  attaques,  l'accusant  d'aller  contre  les  édits  et  de  vouloir 
troubler  le  royaume,  La  reine-mère  dut  interdire  les  prêches, 
sinon  dans  les  chambres,  les  portes  closes4. 

Ces  restrictions  ne  suffirent  point  à  calmer  l'animosité  du 
prélat  contre  la  reine  de  Navarre.  Lors  du  mariage  d'Antoine, 
il  avait  renoncé  en  faveur  de  son  frère  à  tout  droit  de  succès 
sion.  Il  prétendit  faire  annuler  la  clause  du  contrat  et  rentrer 
en  possession  de  ses  biens2.  Un  événement  explique  cette  atti- 
tude brutale  de  Charles  de  Bourbon.  C'est  l'arrivée  à  la  cour, 
en  janvier  i566,  du  cardinal  de  Lorraine.  Vis-à-vis  de  Mont- 
morency tolérant,  l'archevêque  de  Reims  se  posa  en  champion 
du  catholicisme  et  s'attaqua  vigoureusement  aux  protestants.  Il 
en  traîna  dans  sa  politique  le  cardinal  de  Bourbon  resté  seul 
entre  les  factions. 

i.  Calendar  of  state  papers,  1564-1565,  p.  535  ;  s.  1.,  1 1  déc.  i565. 

■>..  Cayet  (P.),  Chronologie  novenàire,  p.  i06,  col.  i.  —  Traiclé  sur  la  décla- 
ration du  Roy  pour  les  droits  de  prérogative  de  Monseigneur  le  cardinal  de 
Bourbon.  Paris.  i5cS8,  in-8°. 


LES    DECEPTIONS    FAMILIALES  ■).) 

La  situation  se  modifia  dans  l'entourage  du  roi.  A  la  rivalité 
de  deux  hommes,  Montmorency  et  Condé,  se  substitua  L'hosti- 
lité de  deux  partis,  les  modérés  et  les  intransigeants.  Les 
modérés  se  recrutaient  surtout  parmi  les  réformés,  mais  ils 
comptaient  aussi  dans  leurs  rangs  le  chancelier  de  L'Hôpital,  la 
reine-mère  et  même  le  connétable  qui  désiraient  l'ordre  avant 
toute  chose.  Les  intransigeants,  groupés  autour  du  cardinal  de 
Lorraine,  étaient  peut-être  moins  nombreux,  mais  leur  activité 
suppléait  à  cette  infériorité. 

Ce  furent  bientôt  des  contestations  continuelles1.  Le  maré- 
chal de  Montmorency  et  les  amis  de  l'amiral  de  Coligny  vou- 
laient que  l'on  respectât  les  libertés  accordées  aux  réformés  ; 
les  cardinaux  de  Lorraine  et  de  Bourbon  sollicitaient  Cathe- 
rine de  les  restreindre  le  plus  possible-.  La  reine-mère,  s'eftbr- 
çant  d'apaiser  les  conflits,  se  vit  reprocher  par  l'archevêque  de 
Rouen  de  négliger  trop  l'intérêt  de  la  religion3.  D'ailleurs,  elle 
ne  réussit  pas  toujours  à  maintenir  le  calme. 

Un  matin,  le  cardinal  de  Bourbon  vint  se  plaindre  à  elle  que 
le  comte  de  Porcien  fit  prêcher  publiquement  dans  quelques 
châteaux  qu'il  possédait  au  diocèse  de  Rouen.  Le  comte,  appelé, 
protesta  faiblement,  mais  Coligny  présent  prit  sa  défense, 
s'étonnant  de  voir  un  archevêque  empêcher  de  répandre  la 
parole  divine.  Le  cardinal  riposta,  disant  qu'il  faisait  tout  poul- 
ie service  de  Dieu  et  du  roi,  et  que  d'ailleurs  il  n'avait  jamais 

i.  Ainsi  à  Moulins,  à  propos  d'une  réclamation  des  habitants  de  Dijon, 
qui  se  plaignaient  de  l'exercice  de  la  religion  protestante  dans  leur  ville, 
une  discussion  violente  s'éleva  entre  le  cardinal  de  Lorraine  et  le  chancelier 
de  L'Hôpital.  Le  cardinal,  se  sentant  le  plus  faible,  fit  intervenir  Charles  de 
Bourbon,  qui  le  soutint  chaudement,  et  tous  deux  fort  en  colère  quittèrent 
la  salle  du  conseil.  Il  fallut  toute  L'habileté  de  Catherine  pour  apaiser  le 
conflit.  V.  Bibl.  \at.,  f.  fr.,  ms.  1780-*,  f°  11,  copie;  lettre  sans  signature  ni 
adresse,  de  Moulins,  16  mars  1066.  —  Bibl.  Nat.,  f.  ital.,  ms.  1-26,  f°  7  v°, 
copie;  dép.  des  ambass.  vénitiens,  de  Moulins,  17  mars  if>60.  —  Mémoires- 
journaux  de  P.  de  L'Estoile,  éd.  Mich.  et  Bouj.,  p.  19.  Ce  dernier  raconte  le 
fait  un  peu  différemment, 

1.  Davila,  Histoire  des  guerres  civiles,  I.  I,  p.  228. 

3.  Arch.  Nat.,  K  i5o5,  n°  81,  orig.  ;  dép.  de,  Fr.  de  Alava  à  Philippe  II,  de 
Moulins,   iti  mais  i566. 


56  LE    ROLE    POLITIQUE    DL    CARDINAL    DE    BOURBOX 

introduit  Les  anglais  en  France.  L'amiral  releva  l'insulte,  u  Mon- 
seigneur, vous  ne  devez  pas  traiter  ainsi  un  gentilhomme  de 
ma  valeur.  »  —  «  Et  vous,  répliqua  le  cardinal,  ayez  plus  de 
respect  pour  un  prince  tel  que  moi.  »  La  reine-mère  dut  leur 
imposer  silence,  mais  la  querelle  ne  s'arrêta  point  là.  Goligny 
irrité  quitta  la  cour  et  partit  au-devant  de  Gondé  qui  s'y  ren- 
dait. Le  cardinal,  de  son  côté,  envoya  un  gentilhomme  à  son 
frère  pour  savoir  lequel  des  deux  il  voulait  favoriser.  Le  prince 
parvint  à  les  réconcilier1. 

Ces  querelles  fréquentes  excitaient  les  adversaires.  Au  mois  de 
juin  de  l'année  suivante,  le  cardinal  de  Bourbon  et  le  duc  de 
Montpensier  réussirent  à  faire  envoyer  au  parlement  de  Paris 
un  édit  interdisant  tout  exercice  de  la  religion  réformée  dans  la 
ville  ou  les  bourgs  voisins  -.  C'était  une  provocation.  La  lutte 
semblait  imminente.  Elle  fut  décidée,  lorsque  Condé,  que 
l'ambition  menait  toujours,  perdit  l'espoir  d'obtenir  la  lieute 
nance  générale  du  royaume,  que  Catherine  avait  semblé  lui 
promettre.  Le  duc  d'Anjou,  frère  du  roi,  la  reçut,  mais  les 
protestants  trouvèrent  un  chef. 

Cependant  le  cardinal  de  Bourbon  n'eut  point  voulu  une 
guerre.  Si  sa  piété  faisait  de  lui  un  ennemi  des  huguenots,  son 
affection  encore  forte  pour  sa  famille  s'opposait  à  leur  complet 
écrasement,  qui  eut  été  la  ruine  d'une  grande  partie  des  siens. 
Après  la  bataille  de  Saint-Denis,  qui  coûta  la  vie  au  connétable 
de  Montmorency,  Condé  écrivit  au  roi  et  à  Catherine  pour  les 
supplier  de  mettre  lin  aux  calamités  qui  accablaient  le 
royaume.  Le  cardinal  de  Bourbon  appuya  de  tout  son  pouvoir 
la  requête  de  son  frère,  en  montrant  à  la  reine-mère  la  grande 
responsabilité  qu'elle  assumerait,  si  elle  refusait  de  traiter3.  H 

i.  Arch.  Nat.,  K  [5o6,  n°  86,  orig.  ;  dép.  de  Fr.  de  .Via  va  à  Philippe  II,  de 
Paris.  26  nov.  I50G.  —  IMbl.  Nat.,  f.  ital.,  ms,  1726,  P»  64  et  65,  copie  ;  dép. 
des  ambass.  vénitiens,  de  Paris,  29  nov.  et  12  déc.  i56(i. 

2.  Bibl.  Nat.,  f.  ital.,  ms.  1726,  f"  119  v",  copie;  dép.  des  ambass.  véni- 
tiens, de  Paris,  i3  juin  1 5 (ï 7 . 

3.  Bibl.  Nat.,  f.  ital.,  ms.  1726,  f"  210  v",  copie;  dép.  des  ambass.  véni- 
tiens, de  Paris,  10  mars  i568.  —  Calendar  of state papers ,  (566-1569-,  p.  422  ; 
de  Paris,  1"  mars  [568. 


LES    DÉCEPTIONS    FAMILIALES  .">- 

eut  plusieurs  conférences  secrètes  avec  Dainville.  connu  pour 
ses  opinions  modérées  '.  Sous  cette  influence,  la  paix  fut  con- 
clue et  signée  le  i3  mars  i568  à  Longjumeau. 

Une  fois  de  plus,  les  Bourbons  catholiques  se  rapprochèrent 
des  Bourbons  protestants.  L'archevêque  de  Rouen,  le  duc  de 
Montpensier  lui-même,  abandonnèrent  les  idées  intransigeantes 
des  Lorrains.  Us  affirmèrent  hautement  qu'ils  avaient  à  cœur 
l'honneur  de  leur  maison  -.  Le  cardinal  fit  de  nouvelles  tenta- 
tives auprès  de  son  frère.  Il  lui  promit  satisfaction  cl  sécurité, 
s'il  abandonnait  le  parti  calviniste  ;  mais  en  vain3.  Il  se  heurta 
à  un  refus  opiniâtre.  Coudé  lui  signifia  que,  si  le  cardinal  de 
Lorraine  ne  quittait  pas  la  cour  avant  son  arrivée,  il  pourrait 
bien  rougir  de  son  sang  son  vêtement  noir  *.  De  telles  paroles 
rendaient  les  rivaux  irréconciliables.  L'entêtement  de  son  frère 
à  rester  parmi  les  hérétiques  rejeta  une  fois  de  plus  le  cardinal 
de  Bourbon  vers  les  Lorrains. 

D'ailleurs  la  paix  ne  fut  qu'une  simple  trêve.  Catherine, 
encouragée  par  l'exemple  de  Philippe  II,  tenta  de  s'emparer  de 
Coligny  et  de  Condé.  Us  échappèrent  et  entrèrent  en  cam- 
pagne. V  nouveau  l'archevêque  de  Rouen  se  laissa  conduire  par 
l'archevêque  de  Reims5,  qu'il  déclarait  être  l'unique  soutien 
de  la  religion  menacée1'.  Il  semble  même  qu'il  prît  plaisir 
à  s'effacer  devant  son  cousin.  V  la  procession  de  la  Saint- 
Michel  (29  septembre  i568),  lui,   prince  du  sang,  se  contenta 

1.  Arch.  Nat.,  K  i5oo,  n°  16.  orig.  ;  dép.  de  Fr.  do  Alava  à  Philippe  II,  de 
Paris,  iG  févr.  i565. 

2.  Bibl.   Nat.,  f.   h\,  111s.   i5546,   f"   1  ;  procès-verbal  de   l'assemblée  du 
1"  mai  1068,  analysé  dans  Lettres  de  Cath.  de  Médicis,  i.  III,  p.  xxiv. 
Calendar  ofstate papers,  1566-1568,  p.  'i">3;de  Paris,  2  mai  i568. 

3.  Bibl.  Nat.,  f.  ital.,  ms.  1726,  f'  ■>.\->.  v.  copie  ;  dép.  des  ambass.  véni- 
tiens, de  Paris,  2I  juin  [568. 

4.  Négociations  diplom.  avec  la  Toscane,  I.  III.  p.  574;  de  Paris, 
21  mai  i568. 

5.  Bibl.  Nat.,  f.  ital.,  ms.  172(3,  f°  27")  v"  ;  dép.  des  ambass.  vénitiens,  de 
Paris,  21  sept.  1 568.  —  Dans  une  nouvelle  discussion  survenue  entre  le 
chancelier  de  L'Hôpital  et  le  cardinal  de  Lorraine,  celui-ci  troma  encore  un 
appui  auprès  de  Charles  de  Bourbon. 

(j.  Lettres  de  Cath.  de  Médicis,  t.  III,  p.  xi,. 


58  LE    RÔLE    POLITIQUE    DU    CARDINAL    DE    BOURBON 

d'escorter  le  cardinal  de  Lorraine  qui  portait  le  Saint-Sacre- 
ment *. 

Un  événement  imprévu  vint  rompre  cette  bonne  entente  et 
rappeler  une  fois  de  plus  le  prélat  à  ses  devoirs  de  famille.  Le 
i3  mars  1069,  Condé  était  assassiné  sur  le  champ  de  bataille  de 
Jarnac. 


Avec  Condé  le  cardinal  perdait  le  dernier  de  ses  frères2;  et 
cependant  sa  mort  ne  l'affligea  pas,  ou  du  moins  il  ne  laissa 
point  paraître  sa  douleur.  Le  grand  désir  du  prélat  avait  été 
de  ramener  l'égaré  dans  le  bon  chemin.  A  chaque  paix,  à 
chaque  trêve,  il  fit  entendre  au  prince  ses  exhortations,  mais 
jamais  Condé  ne  les  écouta  sincèrement.  Sa  plus  ou  moins 
grande  facilité  varia  avec  le  crédit  dont  il  jouit  auprès  des  pro- 
testants. L'espoir  d'un  mariage  avec  Marie  Stuart  ou  de  la  lieu- 
tenance  générale  le  rapprocha  un  instant  du  catholicisme. 
L'espoir  détruit,  il  revint  à  l'hérésie.  Les  nombreuses  décep- 
tions, que  le  cardinal  éprouva,  avaient  singulièrement  diminué 
sa  tendresse  pour  son  cadet. 

Lorsqu'il  eut  appris  la  victoire  du  duc  d'Anjou  et  la  mort  du 
prince,  le  prélat  se  rendit  chez  le  roi.  «  Sire,  lui  dit-il,  vous 
avez  un  grand  et  valeureux  frère  ;  j'en  ai  perdu  un  misérable 
et  impie.  Je  rends  grâces  à  Dieu  et  me  réjouis  avec  Votre 
Majesté  :<.  »  C'était  une  oraison  funèbre  un  peu  brève,  mais  ses 
plaintes  eussent  été  mal  accueillies  dans  l'allégresse  de  la  cour. 

1.  Barthélémy  (Ed.  de),  Journal  d'un  curé  ligueur  de  Paris,  p.  99. 

2.  La  mort  violente  de  tous  les  frères  du  cardinal  frappa  les  contempo- 
rains. Jean  Dorât  adressa  à  ce  sujet  une  courte  pièce  envers  latins  à  Charles 
de  Bourbon.  Elle  est  publiée  dans  Les  mémoires  de  Messire  Michel  de  Caslel- 
nau,  seigneur  de  Mauvissiére,  éd.  Le  Laboureur,  t.  II,  p.  622  ;  —  dans 
Mémoires-journaux  de  P.  de  L'Estoile,  éd.  Mich.  et  Pouj.,  p.  21.  —  Une  note 
marginale  se  trouvant  à  côté  d'une  copie  de  cette  pièce  l'attribue  à  Passe- 
rat.  V.  Bibl.  Nat.,  f.  Dupuv,  111s.  837,  f°  3o. 

3.  Bibl.  Nat.,  f.  ital.,  nis.  17^7,  f°  12,  copie  ;  dép.  des  ambass.  vénitiens, 
de  Metz,  21  mars  1569.  —  Négociations  diplom.  avec  la  Toscane,  t.  III,  p.  587  ; 
de  Met/,  23  mars  [56o. 


LES    DECEPTIONS    FAMILIALES  JÇ) 

L'affection,  qu'il  avait  toujours  portée  à  sa  famille,  retomba 
dès  lors  sur  ses  cinq  neveux,  seuls  descendants  des  nombreux 
enfants  mâles  du  duc  de  Vendôme.  Tous  grandissaient  au  sein 
de  la  religion  protestante.  L'aîné,  Henri  de  Bourbon,  l'unique 
fils  d'Antoine,  âgé  déjà  de  seize  ans,  était  resté  sous  la  surveil- 
lance de  sa  mère  Jeanne  d'Albret.  Des  quatre  auties,  fils  de 
Condé,  trois  étaient  nés  d'Eléonore  de  Roye,  Henri,  François  et 
Charles  :  le  plus  jeune,  appelé  Charles  également,  de  Françoise 
d'Orléans,  duchesse  de  Longueville '.  Ce  dernier  trouvait  dans 
sa  mère  une  tutrice  naturelle  ;  mais  les  trois  premiers,  dont 
l'aîné  avait  à  peine  quinze  ans,  eurent  besoin  d'un  tuteur. 

La  première  pensée  du  cardinal,  en  apprenant  la  mort  de  son 
frère,  fut  pour  ses  neveux.  Après  avoir  félicité  le  roi  de  la  vic- 
toire, il  se  jeta  à  ses  genoux.  «  Ayez  pitié  de  pauvres  orphe- 
lins, dit-il  ;  faites-les  venir  auprès  de  Votre  Majesté,  où  ils 
seront  élevés  dans  la  vraie  religion,  pour  que  les  ennemis  de 
Dieu  ne  les  prennent  point,  comme  ils  ont  fait  de  leur  père  ». 
Il  demanda  aussi  qu'on  les  laissât  jouir  de  leurs  biens  et  des 
gouvernements  que  possédait  Condé.  Le  roi  se  réserva  ;  il  vou- 
lait, répondit-il,  une  confirmation  de  la  mort  du  prince,  avant 
de  prendre  une  décision2.  Mais  la  mort  n'était  que  trop  réelle, 
et  le  cardinal  renouvela  sa  demande  3.  Par  lettres  patentes  du 
21  octobre  i56g,  le  roi  le  nomma  tuteur  des  trois  enfants  d'Eléo- 
nore de  Roye  et  administrateur  de  leurs  biens1. 

Quoique  ses  neveux  fussent  restés  auprès  de  la  princesse  leur 
belle-mère  et  que  celle-ci  eût  écrit  à  la  reine  d'Angleterre  pour 
se  mettre  sous  sa  protection,  quoique  l'aîné,  Henri,  combattit 
déjà  au  côté  de  son  cousin  le  roi  de  Navarre,  le  cardinal  de 
Bourbon  n'en  défendit  pas  moins  leurs  intérêts.  Ce  ne  fut  pas 
chose  facile,  car  il  rencontra  L'opposition   du  cardinal  de  Lor- 

i.  Voir  l'Appendice,  n"  I  b. 

2.  Bibl.  Nat.,  f.  ilal.,  ms.  1727,  f°  12,  copie  ;  dép.  dos  ambass.  vénitiens, 
de  Met/,  21  mars  i56g.  —  Mémoires  de  Claude  Haton,  curé  de  Provins,  l.  Il, 
p.  548. 

3.  Calendar  of  state  papers,  î569-i571,  p.  78  ;  de  Paris,  il  juin  t56g. 

\.  Arch.  Nat.,  A1''  8638,  f°  45i  v°  ;  lettres  patentes  de  (  lharles  l\.  de  Saint- 
Gertnain-des  Prés.  •>  uov.    1570.  (Pièces  jnstif.  n"  l\  .< 


6o  LE    RÔLE    POLITIQUE    DU    CARDINAL    DE    BOURBON 

raine,  qui  s'acharna  sur  ces  derniers  Bourbons  comme  sur  une 
proie. 

Il  est  curieux  de  noter  que  l'affection  de  l'archevêque  de  Rouen 
pour  ses  neveux  suffît  à  en  faire  l'adversaire  d'un  homme,  qui 
avait  toujours  eu  sur  lui  une  influence  énorme.  Lui  si  faible 
d'ordinaire,  il  sut  prendre   une  attitude  énergique,   quand    la 

t  • 

ruine  menaça  les  siens. 

Le  ici  août,  le  roi  fit  enregistrer  par  le  parlement  un  édil  por- 
tant confiscation  des  biens  des  huguenots1.  Lorsque  la  cour, 
soutenue  par  l'archevêque  de  Reims,  voulut  procéder  à  l'exé- 
cution de  l'édit,  principalement  contre  les  chefs  du  parti  la 
reine  de  Navarre  et  la  princesse  de  Condé,  Charles  de  Bourbon 
ne  craignit  pas  de  s'y  opposer.  11  reprocha  même  publique- 
ment à  son  cousin  de  vouloir  moins  l'accroissement  de  la  reli- 
gion que  le  malheur  de  sa  maison/.  Puis  il  se  fit  confirmer  par 
le  roi  dans  sa  charge  de  tuteur  et  de  curateur  de  ses  neveux  jus- 
qu'à leur  majorité  3. 

Ce  n'est  pas  que  le  cardinal  eût  perdu  son  intransigeance. 
Les  exhortations  de  Philippe  II  auraient  suffi  à  la  lui  conserver4. 
Lorsqu'on  parla,  devant  la  résistance  des  réformés,  de  leur 
accorder  la  paix  avec  l'exercice  de  la  religion,  le  prélat  protesta 
hautement  :  malgré  les  multiples  obligations  qu'il  avait  envers 
le  roi,  qui  le  comblait  de  biens  et  d'honneurs,  malgré  son  sang 
qui  le  rattachait  au  trône,  il  quitterait  le  royaume  et  s'en  irait  à 
Rome  plutôt  que  d'assister  à  la  ruine  de  sa  patrie  r».  Quelques 
semaines  auparavant,  il  avait  déclaré  à  l'ambassadeur  d'Es- 
pagne qu'il  ne  désarmerait  pas,  tant  qu'il   resterait  en  France 

i.  Barthélémy  (Ed.  de),  Journal  d'un  curé  ligueur  de  Paris,  p.  108. 

2.  Négociations  diplom.  avec  la   Toscane,  t.  III,  p.  Goi  ;   s.  1..  zt  sept.  i56g. 

3.  Arch.  Nat.,  V'  8628,  f°  45i  v°  ;  lettres  patentes  de  Charles  IX,  do  Saint- 
Germain-des-Prés,  2  nov.  1570.  (Pièces  justif.  n°  IV.) 

4.  Croze  (De),  Les  Guises,  les  Valois  et  Philippe  II,  1. 1,  p.  345  ;  lettre  de  Phi- 
lippe lt  au  card.  de  Bourbon,  du  3o  déc.  1669.  —  La  réponse  du  cardinal 
au  roi  d'Espagne,  d'Angers,  i5  févr.  1570,  se  trouve  en  original  aux  Arch. 
Nat.,  K.  iôi5,  n°  46a. 

5.  Bibl.  Nat.,  f.  ital.,  nis.  1727,  f"  117  V,  copie;  dép.  des  ambass.  véni- 
tiens, d'Angers,  3i  janv.  1370. 


LES    DÉCEPTIONS    FAMILIALES  6 1 

an  seul  hérétique1.  Les  coupables,  selon  lui,  n'étaient  pas  les 
enfants  encore  irresponsables,  auxquels  le  roi  pouvait  par- 
donner ;  c'étaient  les  deux  étrangères,  que  le  mariage  avait 
introduites  dans  sa  famille,  Jeanne  d'Àlbret  et  Françoise  d'Or- 
léans. Vis-à-vis  d'elles,  poinl  de  ménagements. 

l'ourlant    celle    belle  ardeur   ne    dura  poinl.    Catherine   de 
Médieis.  qui  rêvait  toujours  de  la  paix,  sut  profiter  du  désaccord 
que  la  rivalité  d'intérêt  faisait  naître  entre  Charles  de  Bourbon 
et  l'archevêque  de  Reims,  et  fut  assez  habile  pour  l'entretenir2. 
Le  cardinal,   livré  à    ses  propres   forces,   ne    résista  pas   long 
temps  à  l'enjôleuse.  11  refusa  d'abord  énergiquement  de  négo 
cier  un  accord  au   nom  de  Charles  IX  avec  les  députés  de    la 
reine  de  Navarre,  sous  prétexte  qu'il  ne  pourrait  s'exprimer  à 
cœur    ouvert  :     toutefois,    croyant    l'occasion     favorable    pour 
ramener  sa  belle-sœur  au  catholicisme,  il  consentit  à  entrer  en 
pourparlers  avec  elle.  11  lui  montra  tout  le  mal  qu'elle  se  faisait 
ainsi  qu'à  son  fils,  affirma  que  son   peuple  suivrait  docilement 
son  exemple,  si  elle  se  convertissait 3.  Mais  il  aurait   fallu  une 
voix  plus  persuasive  que  celle  du  cardinal  pour  triompher  de 
Jeanne  d'Albret.  Il  s'en  rendit  compte  lui-même  et  avoua  bien 
toi  au  nonce  que  les  huguenots  ne  céderaient  jamais  dans  leurs 
revendications4.  Et  dans  cet  aveu  fait  par  le   prélat,    il  y  avait 
déjà  un  indice  de  concession. 

11  eut  d'ailleurs  des  excuses  à  sa  faiblesse.  On  préparait  entre 
la    France,   Philippe  II  et   les  princes  catholiques  d'Allemagne 
un   immense  projet  d'alliance  qui,  dans  un  avenir  prochain, 
devait  amener  la  destruction  définitive  de   l'hérésie.  Le  cardi 
nal  s'en  enthousiasma,  et  l'espoir  du  rapide   triomphe   de   sa 

i.  Arch.  Nat.,  K  i5i2,  a0  n6,  orig.  ;  dép.  dé  Fr.  de  Alava  à  Philippe  II, 
dé  Tours,  1 1  oct.  i56g. 

■>..  Arch.  Nat.,  K  im'i.  n°  m'i,  orig.  ;  dép.  de  Fr.  de  Uava  à  Philippe  II. 
de  Paris,  22  mai  i56g  ;  —  K  iu»,  n  17.").  orig.  ;  sommaire  de  la  chancel- 
lerie des  dépêches  de  Fr.  de  Uava  à    Philippe  II.  du  8  C10V.  au    \  déc.    i56(). 

3.  Négociations  diplom.  avec  la  Toscane,  t.  III.  p.  610;  d'Angers, 
3 1  janv.  1 670. 

\.  Bibl.  Nat..  r.  liai.,  nis.  1  -7 >7.  r  [27,  copie;  dép.  desambass.  vénitiens. 
d'Angers,  t8  l'évr.  1  570. 


62  LE    ROLE    POLITIQUE    DL     CARDINAL    DE    BOLHBON 

religion  le  fit  condescendre  plus  facilement  à  une  paix  momen- 
tanée avec  les  réformés1.  Enfin  il  fut  entièrement  conquis  par 
une  proposition  toute  nouvelle  que  lui  soumit  Catherine  et  qui 
était  bien  faite  pour  le  séduire  :  un  mariage  entre  le  roi  de 
Navarre  et  sa  fille  Marguerite  de  France.  Cette  sorte  d'alliance, 
qui  avait  failli  donner  de  si  beaux. résultats  avec  Condé,  sem- 
blait le  moyen  le  plus  rapide  et  le  plus  Sûr  pour  attirer  le  jeune 
prince  au  catholicisme.  Aussi  le  cardinal  se  fit-il  le  champion  du 
projet.  Hautement  il  se  porta  garant  des  bonnes  dispositions  de 
son  neveu  que  seule,  affirmait-il,  la  tyrannie  de  l'amiral  empê- 
chait d'abandonner  les  doctrines  hérétiques -.  D'ailleurs  à  ce 
moment  le  parti  modéré  l'emportait.  Les  Lorrains  opposés  à 
tout  accord  quittèrent  la  cour.  La  paix  fut  signée  à  Saint-Ger- 
main le  8  août  1070. 

Devant  les  avantages  considérables  concédés  aux  réformés, 
le  cardinal  versa  des  larmes.  Mais  c'étaient  des  larmes  de  joie, 
comme  le  dit  l'ambassadeur  espagnol,  et  l'oncle  attendait  avec 
impatience  le  moment  où   il  pourrait  embrasser  ses  neveux3. 

Sa  nouvelle  attitude  ne  plut  point  à  Philippe  II  ni  au  pape  i. 
L'ambassadeur  d'Espagne,  qui  quelque  temps  auparavant 
conseillait  à  son  maître  de  féliciter  le  prélat  de  ses  bonnes 
intentions5,  alla  jusqu'à  l'accuser  publiquement  de  favoriser 
l'hérésie.  A  dire  vrai  le  reproche  était  immérité  et  toute  la  cour 
condamna  l'audace  de  l'ambassadeur0.  Peu  importait  d'ailleurs 

1.  Bibl.  Nat.,  f.  ital..  ms.  17^7,  P1  t5o  v°,  copie;  dép.  des  anibass.  véni- 
tiens, de  Chateaubriand.   19  avril  1670. 

■>..  Ibid.,  f"  1.").")  v";  de  Chateaubriand,  3  niai  i f> 7 <> .  —  DeThou,  Histoire 
universelle,  t.  M,  p.  62*. 

3.  Arch.  Nat.,  K  i5i6,  n°  21,  orig.  ;  dép.  de  l'r.  de  Alava  à  Philippe  II, de 
Paris,  21  juill.  1  -">  7  «  »  - 

\.  Le  pape  Pie  V  écrivit  au  cardinal  de  Bourhon  son  mécontentement  au 
sujet  de  celle  paix  dans  un  bref  daté  de  Rome,  a3  sept.  1570,  où  il  l'exhortait 
à  défendre  la  foi  catholique,  le  menaçant  de  punitions  s'il  manquait  à  son 
devoir.  V.  Falloux  (C"  de).  Histoire  de  S<iiiU  Pie  V,  a"  éd.,  t.  I,  p.  209. 

.").  Arch.  Nat.,  K  i5i<»,  n°  43.  orig.  ;  dép.  de  Fr.  de  Alava  à  Philippe  11,  de 
Paris,  3o  sept.  i568. 

(i.  Bibl.  Nat..  f.  ital.,  ms.  1737,  f°  3oo  v°,  copie;  dép.  des  ambass.  véni- 
tiens, de  Blois,  28  sept.  1  f» 7 1 .  —  Lettres  de  Cath.  de  Médicis,  t.  IV,  p.  64  ;  à 
M.  de  Pourquevaux,  s.  !..  Il  août  1  ."> 7 1 . 


LES    DECEPTIONS    FAMILIALES  03 

à  L'archevêque  de  Rouen,  qui   voyait  sa   maison    triomphante 
hors  des  dangers  où  l'avait  jetée  l'inconstance  de  ses  frères. 


Charles  de  Bourbon  n'avait  pas  attendu  la  conclusion  de  la 
paix  pour  renouer  de  bonnes  relations  avec  Jeanne  d'Albret. 
Une  transaction  mit  fin  au  procès  qu'il  lui  avait  intenté  pour 
se  faire  restituer  ses  biens  patrimoniaux,  par  laquelle  le  prélat 
abandonna  tous  ses  droits  sur  une  promesse  de  cent  mille 
livres1.  Les  sentiments  d'affection  étaient  si  sincères,  que  son 
filleul  osa  solliciter  son  appui  pour  demander  à  Charles  IX  la 
continuation  de  ses  e  états  et  pensions  »,  et  le  cardinal  obtint 
main-levée  sur  certains  biens  du  jeune  prince,  que  le  fisc 
royal  avait  saisis  en  Flandre-. 

Mais,  si  Catherine  et  Charles  de  Bourbon  désiraient  ardem- 
ment la  conclusion  du  mariage  projeté,  Jeanne  d'Albret  se 
montra  beaucoup  plus  réservée.  Une  première  ambassade  de 
Biron  auprès  d'elle  resta  sans  résultat.  Une  seconde  en 
novembre  1071  eut  plus  de  succès.  Jeanne  avoua  ses  craintes, 
et.  si  elle  refusa  de  venir  à  Paris,  elle  consentit  du  moins  à  négo- 
cier  par  l'intermédiaire  du  cardinal  de  Bourbon  3.  Finalement 
elle  rejoignit  la  cour  à  Blois.  L'archevêque  de  Rouen  était  venu 
au-devant  d'elle  jusqu'à  Tours1. 

Le  1 1  avril  les  articles  du  contrat  furent  arrêtés.  Charles  de 
Bourbon  renonça  de  nouveau  en  faveur  de  son  neveu  à  toute 
succession,  qui  pourrait  lui  revenir,  el  lui  abandonna  les  cent 
mille  livres  dues  par  sa  mère.  On  régla  aussi  la  cérémonie  du 
mariage,   que  le  cardinal  devait  bénir  suivant   le  rite    catho- 

1.  Traicté  sur  la  déclaration  du  roy  pour  les  <imiis  de  prérogative  de  Mon- 
seigneur le  cardinalde  Bourbon.  Paris,  i588,  in-8". 

■>..  Lettres  missives  de  Henri IV,  t.  I.  p.  i<>;  au  cardinal  de  Bourbon,  de 
Luzey,  i3  sept.  1070. 

3.  Barthclem)  (Ed.  de),  Correspondance  inédite  d' irmandde  Gontaut- Biron, 
p.  46 ;  à  Cath. de Médicis,  de  Sauveterre,  ta  n<>\.  i r>  —  i  . 

4.  Bordenave  (N.  do.  Histoire  >lr  liront  ri  Wavarre,  1517-1572  iSoc.  de 
l'hist.  de  France  1.  p.  33o. 


6/(  LE    ROLE    POLITIQUE    DU    CARDINAL    DE    BOURBON 

lique1.  C'était  auprès  de  lui  désormais  que  Jeanne  d'Albret, 

isolée  dans  celte  cour  ennemie,  cherchait  un  appui,  et, 
lorsqu'elle  mourut  le  9  juin  1672,  elle  le  pria  de  servir  de  père 
et  de  protecteur  à  ses  deux  enfants-. 

Pendant  que  Ton  tranchait  les  derniers  points  en  litige,  un 
autre  mariage  se  préparait.  L'ainé.  des  fils  de  Gondé,  Henri  de 
Bourbon,  se  fiançait  à  sa  cousine  germaine  Marie  de  Clèves,  iillede 
François  de  Clèves,  duc  de  Nevers,  et  de  Marguerite  de  Bourbon. 
Marie  était  donc  aussi  une  nièce  du  cardinal.  Toute  jeune  encore 
à  la  mort  de  sa  mère,  elle  avait  été  confiée  à  sa  tante  Jeanne 
d'Albret  et  avait  grandi  au  sein  de  la  religion  prolestante 
avec  la  fille  de  la  reine  de  Navarre,  Catherine.  Cette  nouvelle 
union  était  décidée  depuis  bien  longtemps  ;  personne  ne  songea 
à  s'y  opposer.  Le  cardinal  comptait  sur  l'avenir  pour  triompher 
des  tendances  hérétiques  des  jeunes  fiancés. 

Alors  que  tout  semblait  résolu,  les  difficultés  surgirent.  Non 
seulement  il  fallait  une  autorisation  du  souverain  pontife  pour 
que  Marguerite  de  France,  de  religion  catholique,  s'unit  à  un 
protestant,  mais  encore  des  dispenses  étaient  nécessaires  pour 
que  les  cousins  épousassent  leurs  cousines.  Or  Pie  V,  malgré 
les  promesses  de  Catherine,  qui  lui  assurait  la  conversion  pro- 
chaine de  Henri  de  Bourbon  après  son  mariage,  s'entêtait  dans 
un  refus.  Il  voulait,  avant  d'accorder  l'autorisation,  que 
Navarre  eut  abjuré.  Il  mourut  le  1"  mai,  mais  son  successeur 
Grégoire  \lll  ne  se  montra  pas  plus  facile. 

La  disparition  de  Jeanne  d'Albrei  sembla  mettre  fin  à  une 
partie  des  difficultés  ;  car  nul  ne  doutait,  et  le  cardinal  moins 

t.  Négociations  diplom.  avec  la  Toscane,  I.  III.  p.  753  cl  -(YS:  do  Paris. 
16  mars  cl  l'lois.  i5  avril  1  r» 7 ■> .  —  Le  texte  du  contrai  arrêté  à  Blois  le 
1 1  avril  esl  publié  dans  Mémoires  de  Vestai  de  France  sous  Charles  IX,  t.  1, 
f"  i53  v";  —  La  Popelinière,  L'histoire  de  France,  I.  II.  I'"  13.  —  D'après 
une  noie  sur  le  mariage  1  \reh.  Nat.,  K  i§3i,  n°  11  bis),  la  somme  duo  au 
cardinal  cl  laissée  par  lui  à  son  neveu  aurait  été  de  soixante-quinze  mille 
livres. 

■>..  Le  testament  de  Jeanne  d'Albret.  dont  le  cardinal  el  Colignj  furent 
les  exécuteurs,  esl  public''  dans  Mémoires  de  Vjestat  île  France  SOUS  Clutrlex  IX, 
l.  I,  I"  [68  \  . 


LES    DÉCEPTIONS    FAMILIALES  65 

que  toul  autre,  que,  la  mère  étant  morte,  la  conversion  du  fils  ne 
fût  plus  aisée1.  Aussi  le  8  juillet  il  alla  le  chercher  à  Palaiseau 
et  tous  deux  entrèrent  dans  Paris  solennellement*2. 

Cependant  le  pauvre  cardinal  restait  dans  une  situation  bien 
fausse.  Quoiqu'il  désirât  ardemment  le  mariage  de  son  neveu, 
son  respect  de  la  puissance  pontificale  le  forçait  à  en  attendre 
une  autorisation.  D'un  côté  Catherine  le  pressait  vivement  de 
bénir  l'union,  de  l'autre  le  nonce  le  rappelait  à  ses  devoirs  de 
pieuse  obéissance3.  Entre  les  deux  partis  il  fallait  choisir. 
Devait-il  sacrifier  sa  famille  à  sa  religion,  ou  manquer 
à  sa  religion  pour  sauver  sa  famille  P  Déjà  le  prince  de  Condé, 
fatigué  de  ces  retards,  avait  épousé  Marie  de  Clèves  suivant  le 
rite  protestant.  Le  cardinal  n'assista  pas  à  la  cérémonie,  célébrée 
d'ailleurs  dans  une  intimité  fort  restreinte  ;  mais,  quand  il 
voulut  adresser  quelques  reproches  à  son  neveu,  celui-ci  lui 
répondit  qu'il  n'avait  besoin  pour  son  mariage  que  d'une 
autorisation,  celle  du  roi4. 

Charles  de  Bourbon  hésitait  toujours  et  la  situation  menaçait 
de  ge  prolonger  fort  longtemps,  quand  Charles  IX  et  Catherine 
de  Médicis,  pressés  d'aboutir  pour  des  raisons  différentes, 
usèrent  de   sa    crédulité   pour    vaincre    sa    résistance.    Ils   lui 

i.  Theincr  (A..),  Annales  ecclesiastici.  I.  I,  p.  338  et  33c)  ;  il  vescovo  di 
Gajazzp  al  cardinale  di  Cnmo,  de  Paris,  9  et  ao  juin  1573. 

•?.  Registres  des  délib.  <lu  bureau  de  In  ville  de  Paris,  t.  VI,  p.  J6g.  —  Calen* 
dar  oj  slate papers,  157&157Û,  p.  i44"  de  Paris,  9  juillet  1 5 7  î .  —  L'ambas- 
sadeur vénitien  (  V.  Tonimaseo  <Y),  Relations  des  ambass.  vénitiens,  t.  IV, 
p.  a54)  dit  :  «  II  cardinale]  in  parte  col  suo  perpétue,  ossequio  ha  ridoffe 
le  cose  a  termine  ehe  suo  nipote,  il  "principe  di  Navarra,  di  ribelle  e  inimico 
che prima  era  chiamato  dal  re,  al  présente  è,  o  presto  sara.  eognato  délia 
Maestà  sua;  nel  qualc  negozio  il  procéder  del  cardinale  lia  concorso  a  si 
buono  efïetto.  » 

.'!.  \rch.  \al.,  K  i53q,  11"  18,  orig.  ;  dép.  de  Diego  de  Çuniga  à  Philippe  II , 
de  Paris,  ->.o  août  1572.  —  Négociations  <lipl<>m.  avec  In  Toscane,  I.  III,  p.  Sol  ; 
de  Paris,  30  août  1 5 7 ■* . 

4-  \rcli.  \al..  k  [58o,  n"  i3,  orig.;  dép.  de  I).  de  Çuniga  à  Philippe  II, 
de  Paris,  8  août  1  ■>-■>..  —  Pc  prince  de  Condé  lui  marié  à  Blandj  (eanton 
du  Ghâtelet  en-Brie,  Seine-et-Marne),  le  t>.  août.  Vinun  prince  du  sang, 
sauf  le  roi  de  Navarre,  n'assista  à  la  cérémonie,  tOU8  ayant  pris  ili\ciscs 
excuses. 

Sai  lnier.  —  Cardinal  <!<■  Bourbon.  5 


66  LE    ItÔLE    POLITIQUE    DU     C.YKDINAL    DE    130UUBON 

montrèrent  une  lettre  qu'envoyait,  dirent-ils,  l'ambassadeur 
de  France  à  Rome.  Cette  lettre  fausse  annonçait  comme  pro- 
chaine l'arrivée  de  L'autorisation,  que  le  cardinal  de  Lorraine 
alors  en  Italie  avait  enfin  obtenue  du  pape1.  Rien  ne  s'opposait 
plus  à  la  conclusion  du  mariage.  Le  17  août  le  cardinal  de 
Rourbon  célébra  les  fiançailles  au  Louvre,  et  le  contrat  y  tut 
signé2.  Le  lendemain  il  reçut  les  jeunes' gens  sur  un  échafaud 
dressé  devant  le  portail  de  Notre-Dame  de  Paris  et  bénit  leur 
union3.  Or  six  jours  après  avait  lieu  la  tuerie  de  la  Saint-Rar- 
thélemy. 

Il  est  difficile  de  connaître  les  véritables  sentiments  du  cardi- 
nal sur  le  massacre.  Dans  des  instants  aussi  tragiques  sa  pauvre 
personnalité  disparaît.   Aucune  relation  ne   nous  parle  de  lui. 


1.  Arch.  Nat.,  K  i53o,  n°  18,  orig.  ;  dép.  de  D.  de  Çuniga  à  Philippe  II,  de 
Paris.  20  août  1572.  —  Négociations  diplom.  avec  la  Toscane,  t.  III,  p.  So't  ; 
de  Paris,  20  août  1572.  —  De  Thou,  Histoire  universelle,  t.  VI,  p.  877.  — 
Mémoires  de  l'estat  de  France  sous  Charles  IX,  t.  I,  f°  179.  —  D'après  ce  der- 
nier ouvrage,  le  pape  aurait  envoyé  une  première  dispense  que  le  cardinal 
de  Bourbon  n'aurait  pas  jugée  assez  complète.  Ce  fait  parait  invraisem- 
blable. 11  est  peu  probable  que  Grégoire  XIII  ait  transigé,  surtout  d'une 
manière  si  peu  franche.  Les  autres  relations  contemporaines  ne  parlent 
d'ailleurs  point  de  cette  première  dispense,  ni  Camillo  Capilupi  dans  Lo 
stratagèma  di  Carlo  IX  re  di  Francia  contro  gli  ugonotli  ribelli  di  Dio  e.  suoi 
(Homa,  1072,  in-4°),  ni  les  dépêches  des  ambassadeurs  vénitiens,  toscans  et 
espagnols.  Cependant  cette  erreur  est  passée  dans  les  histoires  de  l'époque: 
La  Popelinière,  L'histoire  de  France,  t.  II,  f"  63  v".  —  De  Thou,  Histoire  uni- 
verselle, t.  VI,  p.  376.  —  Davila,  Histoire  des  guerres  civiles,  t.  I,  P-  ioa.  Les 
deux  premiers  ont  certainement  connu  les  Mémoires  de  l'estat  de  France; 
Davila  peut-être  aussi,  ou  bien  a-t-il  simplement  copié  l'un  d'eux. 

Il  est  probable  que  l'auteur  des  Mémoires  a  cru  voir  cette  première  dis- 
pense dans  un  bref  du  pape  au  cardinal  de  Bourbon,  de  Rome,  7  juillet  1752, 
qui  n'est  qu'un  encouragement  à  la  conversion  du  roi  de  Navarre  et  des 
autres  hérétiques.  V.  Saulnier  (Eug.),  Une  prétendue  dispense  du  mariage  de 
Henri  de  Bourbon  et  de  Marguerite  de  France  en  août  1572  dans  Bibl.  de 
l'Ecole  <les  Chartes  t.  LXXI,  1910. 

2.  De  Thou,  Histoire  universelle,  t.  VI,  p.  377  —  Mémoires  de  l'estat  de 
France  sous  Charles  IX,  t.  I,  f"  189  v°.  —  Le  texte  du  contrat  signé  le  17  août 
se  trouve  dans  Du  Mont,  Corps  universel  diplomatique,  t.  IX,  p.  216. 

3.  Mémoires  de  Marguerite  de  Valois  (Soc.  de  l'hist.  de  France),  p.  a5.  — 
Mémoires  de  Claude  Ha  ton,  curé  du  Provins,  t.  II,  p.  664-  —  Godefroy  (Th.), 
Le  cérémonial  françois,  l.  II,  p.  45  etsuiv. 


LES    DÉCEPTIONS    FAMILIALES  (\- 

Nul  doute  cependant  qu'on  l'ait  tenu  à  l'écart  du  complot.  Mais 
le  condamna-t-il  ?  Il  n'avait  jamais  montré  grande  pitié  vis- 
à-vis  des  réformés  et  l'on  connaît  la  manière  assez  vigoureuse 
dont  il  usa  pour  chasser  l'hérésie  de  son  diocèse.  D'ailleurs 
pouvait-il  condamner  le  massacre,  quand  le  pape  lui-même 
l'approuvait  ?  Et  ce  massacre  n'était-il  pas  doublement  heureux, 
puisqu'il  faisait  disparaître  le  grand  chef  protestant,  Coligny, 
et  qu'il  provoquait  le  retour  de  ses  neveux  au  catholicisme  ? 
Devant  la  mort,  les  jeunes  gens  avaient  en  effet  promis 
d'abjurer.  Le  prélat  tout  joyeux  se  chargea  de  leur  conversion. 

Convertir  des  enfants  lui  sembla  chose  facile,  d'autant  plus 
que  Jeanne  d'Albret  n'était  plus  là  pour  contrarier  ses  projets. 
\u  lendemain  même  de  sa  mort,  il  avait  commencé  ses  exhor- 
tations1. Maintenant  ce  fut  une  initiation  méthodique.  Chaque 
jour  il  passa  plusieurs  heures  auprès  de  ses  neveux  pour  ouvrir 
leurs  yeux  à  la  lumière2.  Se  défiant  de  ses  qualités  persuasives, 
il  lit  appel  à  quelques  théologiens,  principalement  au  père 
Maldonat.  jésuite,  qu'il  tenait  en  grande  estime.  Un  événement 
vint  hâter  le  bon  succès  de  ses  efforts.  Un  des  plus  célèbres 
prédicateurs  protestants,  Hugues  Sureau  du  Rosier,  abjura 
solennellement,  proclamant  la  vérité  supérieure  du  catholi- 
cisme3. Il  fut  d'un  utile  exemple. 

La  première,  la  jeune  princesse  de  Coudé  céda  :  quelques 
jours  après  le  prince  reconnut  son  erreur,  mais  il  y  mit  des 
conditions.  Il  voulut  abjurer  entre  les  mains  de  son  oncle  le 
cardinal,  dans  son  abbaye  de  Saint-Cerinain-des-Prés  et  non 
pas  à  Notre-Dame  devant  l'évêque    de    Paris,    comme    on    le 


i.  Theiner  (A.ug.),  innales  ecclesiastici,  t.  I.  p.  338  el  33g  :  il  vescovo  di 
Gajazzo  al  cardinale  di  Como,  de  Paris,  9  et  30  juin  1 ."» 7 ■> . 

3.  Davila,  Histoire  des  guerres  civiles,  t.  I,  p.  423. 

3.  De  Thon,  Histoire  universelle,  t.  VI,  p.  ^5g.  -  La  l'opeliiuère.  L'his- 
toire de  France,  t.  II.  f"5  77  et  79.  —  Du  Rosier  s'était  converti  sans  doute 
parce  qu'il  trouvait  trop  dur  le  régime  de  la  prison  où  on  l'avait  enfermé. 
Ouelque  temps  après,  envoyé  avec  le  père  Maldonat  à  Metz  pour  convertir 
la  duchesse  de  Bouillon,  il  s'enfuit  en  Allemagne,  revint  au  protestantisme 
cl  écrhit  sa  nouvelle  profession  de  foi.  Cf.  Mémoires  de  V estai  de  Fronce  sous 
Charles  l\,  t.  Il,  f"  10',. 


68  LE    ROLE    POLITIQUE    DU    CARDINAL    DE    BOURBON 

désirait1.  Enfin  ce  fut  le  tour  du  roi  de  Navarre  et  de  sa  sœur 
Catherine  de  Bourbon2.  Le  jour  de  la  Saint-Michel  tous 
allèrent  entendre  la  messe  en  grande  pompe3.  Le  cardinal 
triomphait:  le  soir  même  de  l'abjuration  de  son  filleul,  il 
écrivit  au  pape  pour  lui  annoncer  sa  victoire  '. 

Il  ne  lui  restait  plus  qu'à  obtenir  de  Rome  L'absolution 
pour  les  princes  et  le  pardon  pour  soi-même,  car  il  connaissait 
maintenant  la  ruse  de  la  lettre  fausse  et  se  croyait  coupable 
d'avoir  été  contre  la  volonté  du  pape.  Grégoire  XIII,  dont  la 
nouvelle  de  la  Saint-Barthélémy  avait  apaisé  la  colère,  se  mon- 
tra prêt  à  tout  accorder.  Le  3  octobre,  le  cardinal  lui  annonça 
officiellement  la  conversion  de  ses  cinq  neveux  (les  jeunes  fils 
de  Condé  avaient  suivi  l'exemple  de  leur  aîné)  et  de  ses  deux 
nièces,  Catherine  de  Bourbon  et  Marie  de  Clèves.  Le  icr  no- 
vembre, le  pape  répondit  par  trois  biefs,  félicitant  le  cardinal 
d'avoir  été  l'auteur  d'une  si  heureuse  entreprise  et  absolvant 
les  princes5.  Toutefois  il  tint  à  ce  que  le  mariage  de  Condé  fût 
célébré  à  nouveau   suivant  le  rite  catholique0.  Quelques  jouis 

i.  Arch.  Nat.,  K  i53o,  n°  03,  orig.  ;  lettre  de  D.  de  Çuntga  au  duc  d'Alix-, 
de  Paris,  33  sept.  1672. 

3.  Theiner  (Aug.),  Annales  ecclesiastici,  t.  I,  p.  48.  —  Arch.  Nat.,  K  i53o, 
n°  68  bis,  orig.  ;  dép.  de  D.  de  Çuniga  à  Philippe  II,  de  Paris,  28  sept.  1072. 
—  La  princesse  de  Condé  abjura  le  12  septembre,  le  prince  le  18  et  le  roi  de 
Navarre  le  26. 

3.  Vrch.  Nat.,  K  i53o,  n°  71,  orig.  ;  dép.  de  D.  de  Çuniga  à  Philippe  II,  de 
Paris,  29  sept.  1572. 

4.  Theiner  (Aug.),  Annales  ecclesiastici,  t.  I,  p.  33<j  ;  lettre  du  card.  de 
Bourbon  au  pape,  de  Paris,  2O  sept.  1572. 

5.  Copie  des  lettres  du  roy  de  Navarre  et  de  Messeigneurs  le  cardinal  de 
Bourbon  et  prince  de  Condé,  envoyées  à  nosire  très  sainct  père  le  Pape, 
ensemble  les  responces  de  sa  Sainteté,  latines  el  traduictesenfrançois.  Paris, 
1673,  in-8°.  —  Les  lettres  sont  précédées  d'une  courte  préface  de  Jean  Tou- 
chard,  datée  du  collège  de  Navarre  le  1"  janvier  1573  et  adressée  au  cardi- 
nal de  Bourbon.  Il  >  est  qualifié  de  «  vray  jardinier  qui  avez  faict  enrouser 
et  si  soigneusement  renouveler  ceste  plante  (la  tige  royale  de  Saint  Louis) 
que  toute  la  postérité  vous  en  sera  très  redevable  des  fruicts  que  nousespé- 
rons  à  la  conservation  et  repos  perpétuel  denostre  très  saincte  mère  l'église, 
à  la  gloire  de  ce  sceptre  très  chrestien  et   félicité  publique  ». 

0.  Les  actes  et  dispence  du  mariage  confirmé,  contracté  cl  célébré  par  l'auc- 
lorilé  apostolique  entre  très  nobles  et  très  illustres  Henri  de  Bourbon  et  Marie 


LES    DÉCEPTIONS    FAMILI  U.ES  69 

plus  fard,  l'archevêque  de  Rouen,  après  avoir  fait  confesser  les 
princes  et  leurs  femmes  à  des  docteurs  orthodoxes,  dit  en  leur 
présence  la  messe  à  Saint-Germain-l'Auxerrois  et  leur  donna  la 
communion. 

Le  rève  du  cardinal  était  enfin  réalisé.  Il  avait  réuni  toute  sa 
famille  dans  l'obéissance  à  Rome.  Ses  plus  jeunes  neveux 
avaient  rejoint  la  cour  avec  leur  mère,  Françoise  d'Orléans, 
où  désormais  ils  reçurent  une  éducation  chrétienne  sous  la 
direction  de  leur  oncle.  La  conversion  semblait  sincère.  Les 
princes  prirent  d'eux-mêmes  une  croix  d'or  qu'ils  suspen- 
dirent sur  leur  poitrine,  dont  ils  ne  se  séparaient  que  la  nuit 
pour  dormir  !.  Le  roi  de  Navarre,  de  sa  propre  initiative,  réta- 
blit la  religion  catholique  dans  son  royaume,  d'où  sa  mère 
l'avait  chassée  quelques  années  auparavant-.  C'était,  avec  leur 
retour  au  catholicisme,  le  triomphe  assuré  des  Bourbons. 

Le  cardinal  s'était  donné  tout  entier  à  celte  œuvre.  Combien 
grande  fut  sa  désillusion,  quand  les  événements  lui  montrèrent 
que  tout  n'avait  été  qu'un  jeu.  Moins  d'un  an  après,  Navarre 
et  Condé  essayèrent  une  première  fois  de  s'enfuir  devant  La 
Rochelle.  Deux  nouveaux  complots  amenèrent  l'arrestation 
momentanée  du  roi  de  Navarre  et  du  duc  d'Alençon,  son  com- 
plice. Condé,  qui  était  dans  son  gouvernement  de  Picardie, 
partit  pour  l'Allemagne  et  revint  au  protestantisme.  Un  voyage 
de  son  oncle  auprès  de  lui  fut  inutile  3. 

Lorsque  Charles  IX  mourut  le  3o  mai  1 5 7 ^ ,  le  cardinal  de 
Bourbon  ne  conservait  plus  d'espérances.  Vprès  avoir  été 
trompe  par  ses  frères,  il  était  trompé  par  ses  neveux.  Une  fois 
de  plus   sa    famille  trahissait    sa    bonne    foi.    Tous  ses  efforts 

de  Cléves,  prince  et  princesse  de  Condé.  Paris  [1073],  in-8°.  —  Ce  nouveau 
mariage  fut  célébré  le  \  décembre  par  le  cardinal  en  son  abbaye  de  Saint- 
Germain-des-Prés. 

1.  Bibl.  \at.,  f.  fr.,  ms.  1 1 5 - 5 ,  f°  £88,  analysé  dans  Mémoires  de  Claude 
lia/un,  curé  de  Provins,  t.  II,  p.  664. 

■>..  Par  un  édit  du  G  octobre  1073,  publié  par  La  Popelinière,  L'histoire  de 
France,  l.  Il,  f°  8,'|.  —  Theiner  (A.ug.),  innales  ecclesiastici,  t.  I,  p.  V\2. 

■S.  \rcli.  Nat.,  K  [535,  n°  ."17,  déchiffr.  ;  dép.  de  D.  de  Çuniga  à  Phi- 
lippe II,  de  Paiis,  îli  avril  i  T>  —  'i . 


yO  LE    RÔLE    POLITIQUE    DU    CARDINAL    DE    BOURBON 

n'avaient  servi  qu'à  ramener  au  catholicisme  trois  enfants, 
les  derniers  fils  de  Gondé,  trop  jeunes  encore  pour  oser  ne  pas 
croire  comme  on  leur  commandait.  A  ceux-ci  seuls  il  con- 
serva sa  bienveillance,  mais  il  avait  épuisé  toute  son  ancienne 
bonté;  jamais  plus  il  ne  transigea  dans  l'intérêt  de  sa  famille 
avec  ses  croyances  religieuses.  , . 


CHAPITRE    IV 


LA    NAISSANCE    DE    LA    LIGUE 


\vec  l'avènement  de  Henri  III  s'ouvre  une  nouvelle  période 
dans  la  vie  du  cardinal  de  Bourbon.  Les  derniers  mois  du 
règne  précédent  ont  brisé  entièrement  les  liens  d'amitié  qui 
l'unissaient  à  sa  famille,  du  moins  au  roi  de  Navarre  et  au  prince 
de  Condé.  qui  en  sont  les  principaux  membres,  car  ses  trois 
autres  neveux  grandissent  sous  sa  surveillance  et  il  les  garde 
avec  un  soin  jaloux.  Les  déceptions  successives,  peut-être  l'âge 
aussi,  car  le  prélat  vieillit,  l'ont  conduit  à  ne  plus  s'attacher 
qu'à  sa  religion.  Le  triomphe  du  catholicisme  est  désormais 
son  unique  pensée.  Comme  il  n'a  plus  d'intérêt  personnel  à 
défendre  dans  la  lutte  des  partis,  puisqu'il  renie  ses  neveux 
hérétiques,  son  caractère  faible  va  le  soumettre  à  l'influence 
de  ceux  qui  l'entourent.  Jadis  l'amitié  qu'il  portait  aux  siens 
lui  fit  prendre  quelquefois  une  attitude  énergique.  Maintenant, 
s'il  retrouve  cette  énergie,  c'est  toujours  à  l'instigation  intéres- 
sée de  ses  conseillers  intimes,  qui  tous  chercheront  à  faire  de 
lui  un  défenseur  de  leur  propre  cause.  Ses  idées  pacifiques,  sa 
bonté,  sa  grande  amitié  pour  Catherine  de  Médicis,  l'attachent 
d'abord  au  parti  modéré,  que  dirige  la  reine-mère  ;  mais,  quand 
il  voit  la  politique  de  celle  ci  impuissante  à  extirper  l'hérésie, 
alors  il  se  joint  délibérément  au  parti  de  la  guerre.  Sollicité  par 
les  Lorrains,  il  fait  alliance  avec  eux.  I  ne  dernière  fois  Cathe- 
rine parvient  à  le  ressaisir,  avant  qu'il  tombe  à  jamais  aux 
mains  de  Henri  de  Lorraine. 

\  la  mort  de  Charles  IX,  la  paix  élail  loin  d'être  parfaite  dans 
tout  le  royaume.  Damville,  dont  le  nom  avait  été  prononcé 
au  cours  du  dernier  complot,   régnai  I  en  maître  dans  son  gou- 


7  2  LE    ROLE    POLITIQUE    DU    CARDINAL    DE    BOURBON 

vernement  de  Languedoc  ;  Condé  armait  sur  le  Rhin.  Le  carac- 
tère indolent  de  Henri  III  n'était  pas  fait  pour  remédier  au  mal. 
Le  nouveau  roi  laissa  le  champ  libre  à  Catherine,  si  habile 
dans  l'art  des  expédients,  mais  si  peu  propre  à  résoudre  une 
question  difficile  et  à  la  terminer  d'une  seule  fois.  Quand,  après 
son  voyage  par  l'Italie  du  nord,  Henri  III  eut  rejoint  la  cour  à 
Lyon,  il  fallut  pourvoir  aux  affaires  urgentes.  Sans  forces  ni 
argent,  le  gouvernement  usa  de  la  négociation.  Le  cardinal  de 
Bourbon,  qui,  seul  avec  le  duc  de Montpensier  parmi  les  princes 
et  seigneurs,  avait  son  entrée  au  conseil1,  fut  tout  désigné  pour 
y  participer. 

D'abord  on  décida  de  l'envoyer  à  Genève  vers  le  prince  de 
Condé,  pour  l'engager  à  rejoindre  la  cour2.  Mais  le  danger 
semblant  plus  pressant  au  midi,  il  partit  pour  Avignon. 
C'était,  disait  on,  afin  de  préparer  les  chambres  et  logis  néces- 
saires à  la  venue  du  roi 3.  En  réalité  le  prélat  devait  s'aboucher 
avec  Damville *.  On  croyait  à  un  heureux  succès,  car  ses  relations 
avec  le  maréchal  étaient  des  plus  cordiales5.  Charles  de  Bour- 
bon arriva  dans  Avignon  le  21  octobre '\  mais  ce  fut  en  vain 


1.  Mémoires  de  Philippe  Humu.lt,  eomle  de  Qheverny,  éd.  Mich.  et  Pouj., 
p.  476,  col.  2. 

2.  Florence,  \rchi\i<>  mediceo,  ms.  46o3,  f°  .427,  orîg.  ;  dép.  d'AIamani 
au  grand  duc,  de  Lyon,  18  ocl.  1674.  —  Bibl.  Nat.,  f.  ilal.,  ms.  1728,  p.  423, 
copie  ;  dép.  des  ambass.  vénitiens,  de  Lyon,  i5  oct.  1074.  —  Calendar  of 
state  papers,  1 57 '2- 157 h,  p.  565;  de  Lyon,  23  oct.  1574. 

'6.  Lettres  de  GcAh.  de  Médieis,  t.  V.  p.  99;  de  Lyon,  1  \  oct.  1574.  — 
Mémoires-journaux  de  1'.  de  L'Estoite,  t.  I,  p.  33. 

4.  Florence,  Archivio  mediceo,  ms.  46o3,  f"s  '428  v°  et  429,  orig.  ;  dép. 
d'Alamani  au  grand-duc.  de  Lyon,  i4  et  19  oct.  1.574.  —  Arcli.  Nat., 
K  i534,  n°  32,  déchifl'r.  ;  dép.  de  I).  de  Çuniga  à  Philippe  II,  de  Lyon, 
2  nov.  1074. 

5.  Bibl.  Nat.,  f.  ital.,  ms.  1728,  p.  427.  copie;  dép.  des  ambass.  vénitiens, 
de  Lyon,  19  oct.  1574.  —  L'ambassadeur  affirme  que  le  cardinal  avait  près 
de  lui  un  fds  naturel  de  Damville,  auquel  il  avait  fait  donner  vingt  mille 
livres  de  rente  des  biens  d'église. 

6.  Bibl.  d'Avignon,  ms,  2836,  feuille  de  garde.  ~  Justin  (Le  père)  f.I.-F. 
Boudin],  Histoire  des  guerres  civiles  excitée*  dons  le  Comtat-Venaissin,  éd. 
Bargavel,  p.  3i6.  —  Le  prélat  ne  fil  son  entrée  solennelle  que  cinq  jours 
plus  laid. 


LA    NAISSANCE    DE    L  V    LIGUE  -J.) 

qu'il  engagea  les  pourparlers.  Malgré  les  efforts  de  l'amiral  de 
Villars,  oncle  du  révolté,  celui-ci  se  refusa  obstinément  à  toute 
entrevue  '.  D'autres  négociations  n'eurent  pas  un  meilleur 
résultat.  V  la  demande  du  cardinal,  Henri  III  descendit  même 
jusqu'à  Avignon  -,  mais  i'espritde  suite,  qui  faisait  tant  défaut 
à  la  mère,  manquait  également  au  fils  ;  déjà  fatigué,  il  remonta 
vers  le  nord  et  songea  au  mariage. 

Pendant  ce  temps,  les  protestants  réunissaient  une  assemblée 
et  leurs  demandes  excessives  laissaient  peu  d'espoir  en  une 
paix  prochaine.  A  la  prière  de  Catherine,  le  cardinal  de  Bour- 
bon fit  une  dernière  tentative  auprès  de  Coudé,  qui  menaçait 
d'entrer  en  France  avec  une  armée.  «  Songez,  lui  écrivit  il, 
qui  vous  estes,  que  vous  faictes,  et  le  piteux  succez  que  vous 
pouvez  attendre  d'une  si  peu  louable  entreprise;  et  conside- 
re[z]  aussi  la  fin  de  ceulx,  qui  par  cy-devanl  se  sont  laissez  tumber 
en  cest  erreur,  que  de  s'attaquer  contre  le  commandement  de 
Dieu  à  leur  roy  et  à  leur  patrie,  les  grâces  que  sa  divine  bonté 
vous  a  départies  de  vous  avoir  fait  naistre  tel  que  vous  estes, 
le  bon  traitement  que  vous  avez  receu  du  Boy,  la  majesté 
duquel  vous  irriteriez  tousjours  d'avantaige  au  lieu  de  la 
recongnoistre,  et  l'entière  ruyne  et  désolation  de  voslre  patrie, 
laquelle  ayant  supporté  le  faix  de  tant  de  guerres  passées  et  ne 
pouvant  presque  plus  respirer,  ne  doibt  espérer  suport  ny  pro- 
tection plus  seure  que  de  vous-mesmes,  qui  estes  au  nombre 
des  principaux  qu'elle  a  enfantez,  et  dont  plustôt  il  seioil 
besoin  qu'elle  fust  avortée,  que  de  voulloir  ainsi  l'affliger  en 
tournant  contre  elle  les  propres  forces  et  moyens  que  Dieu  vous 
a  donnez  pour  la  secourir  et  conserver'.  »    La  lettre  n'était  pas 

i.  Négociations  dijtlmn.  avec  lu  Toscane,  t.   IV,  p.  29;  de  Lyon,  9  nov.  i.">-'|. 

:>..  \rch.  Nat.,  K  1I.V1,  n"  35,  dcebitir.  ;  dép.  de  D.  deÇunigaà  Philippe II, 
de  Lyon,  16  nov.  \^~'\. 

3.  liibl.  \at.,  f.  Colberl,  ms.  29,  f°  ai5,  orig.  ;  lettre  du  card.  de  Bourbon 
au  prince  de  (.'onde,  de  Paris,  si  aoùl  1  .">■;.">.  publiée  dans  Le  Cabinet  histo- 
rique, t.  III,  p.  198.  —  Celte  lettre  ne  paraît  pas  avoir  été  rédigée  par  le 
cardinal.  Le  style  diffère  étrangement  du  sien,  qui  est  ordinairement  lourd, 
embarrassé  et  souvent  peu  clair.  La  signature  étant  sente  autographe,  on 
peut  croire  que  le  cardinal  n'a  l'ait  que  signer  la  lettre. 


-f\  LE    RÔLE    POLITIQUE    DU    CARDINAL    DE    BOURBON' 

sans  éloquence,  mais  il  lui  manquait  cette  chaude  amitié  que 
le  cardinal  dispensait  si  généreusement  aux  siens.  Il  avait  plus 
écouté  pour  l'écrire  les  conseils  de  la  reine-mère  que  ses  propres 
sentiments. 

Cet  appel  à  la  concorde  resta  sans  réponse.  Bien  au  con- 
traire quelques  semaines  plus  lard  le  duc  d'Alençon,  frère  du 
roi,  s'enfuit  de  la  cour.  Catherine  de  Médicis,  craignant  une 
entente  entre  les  huguenots  et  les  politiques,  se  mit  à  sa  pour- 
suite, emmenant  avec  elle  le  cardinal  de  Bourbon  x.  Elle 
parvint  à  faire  conclure  une  trêve  de  sept  mois.  Mais  bientôt 
les  hostilités  recommencèrent  et  elle  rentra  dans  Paris,  traî- 
nant toujours  le  cardinal  -.  Quelque  temps  après  le  roi  de 
Navarre  s'enfuit  à  son  tour.  La  victoire  de  Dormans  remportée 
par  le  jeune  duc  de  Guise  ne  sauva  pas  la  situation,  que  l'in- 
dolence du  roi  avait  laissé  s'aggraver  3.  Menacé  jusque  dans  sa 
capitale,  Henri  III  dut  céder  aux  exigences  de  ses  ennemis. 
Catherine,  envoyée  une  seconde  fois  en  négociatrice,  traita  le 
8  mai  à  Beaulieu. 

Le  cardinal  n'avait  point  varié  d'opinion.  «  Ce  réaulme  a 
grand  besoin  d'une  bonne  paix,  écrivait-il  au  duc  dé  Nevers, 
car  il  est  ruiné  sans  cela.  Mais  je  prie  à  Dieu  qu'il  nous  doinct 
ce  qu'il  nous  est  nécessaire4.  »  Cette  dernière  phrase  indique 
suffisamment  ses  désirs  secrets,  qui  sont  également  ceux  de  la 
plupart  des  catholiques.  Ils  veulent  la  paix,  mais  à  leur  avan- 
tage. Or  le  nouveau  traité  est  loin  de  les  satisfaire.  Il 
accorde  aux  protestants  l'exercice  du  culte  partout,  sauf  à 
Paris    et  là    où   la    cour  se  trouvera,  huit  places  de  sûreté  et 


i.  Mémoires-journaux  de  P.  de  L'Estoile,  t.  I,  p.  83.  —  La  Bibl.  Xat..  f.  fr., 
ms.  33g6,  f°  i5,  possède  une  lettre  autographe  du  cardinal  au  roi,  de 
Mantes,  .23  sept.  1075,  au  sujet  de  ces  négociations  avec  le  duc  d'Alençon. 

2.  Mémoires-journaux  de  P.  de  L'Estoile,  t.  1,  p.  111. 

3.  D'après  L'Estoile  (t.  I,  p.  122),  à  cet  instant  si  critique,  le  roi  ne  faisait 
«  quasi  autre  chose  que  de  se  proumener  aux  environs  de  Paris  pour  y  voir 
les  plus  belles  maisons  et  en  acheter  une  qui  fust  au  gré  de  lui  et  de  la 
roi  ne  sa  femme  ». 

!\.  Bibl.  Nat.,  f.  fr.,  ms.  3360,  f"  60,  autogr.  ;  lettre  du  card.  de  Bourbon 
au  duc  de  Nevers,  de  Blois,  .">  oct,  1 570. 


LA    NAISSANCE    DE    LA    LIGUE  70 

dos  chambres  mi-parties.  Jamais  les  réformés  n'ont  obtenu  de 
si  importantes  concessions. 

Avec  tous  les  catholiques,  qui  ne  voyaient  dans  la  dernière 
guerre  que  la  victoire  de  Dormans,  le  cardinal  de  Bourbon  pro- 
testa. Avec  tous  les  prélats  qui  étaient  en  cour,  il  refusa  d'assis- 
ter au  Te  Deam  d'actions  de  grâces  chanté  à  Notre-Dame  par 
les  musiciens  du  roi,  les  chanoines  ne  l'ayant  pas  voulu.  De 
leur  côté  les  Lorrains  déclarèrent  ne  pas  accepter  un  tel  traité. 
Dans  le  peuple  l'explosion  de  mécontentement  fut  plus  vio- 
lente encore.  Des  gens  parcoururent  les  rues,  criant  contre  le 
roi  et  contre  Catherine  l. 

Cependant,  sollicité  sans  doute  par  la  reine  mère,  le  cardi- 
nal consentit  à  écrire  au  pape  pour  lui  exposer  les  raisons  de 
la  paix  -.  Mal  lui  en  prit.  On  l'accusa  d'y  adhérer.  Ce  qu'il 
avait  fait  par  bonté  fit  porter  contre  lui  ce  qui  lui  semblait  la 
pire  des  accusations.  Déjà  souffrant,  cette  pensée  aggrava  son 
mal  au  point  qu'il  faillit  perdre  la  vie.  Pour  se  justifier,  il  osa 
demander  au  roi  des  lettres  patentes  témoignant  qu'il  n'avait 
jamais  souscrit  aux  articles  du  traité  et  qu'au  contraire  il  avait 
toujours  conseillé  une  religion  unique3. 

Ainsi,  délibérément,  parce  qu'il  vil  que  la  politique  paci- 
fique de  Catherine  n'aboutissait  qu'au  triomphe  des  huguenots, 
peut-être  aussi  par  crainte  de  l'opinion,  le  cardinal  se  jeta 
dans  le  catholicisme  intransigeant.    Il  y  retrouva  les  Lorrains. 


De  même  qu'en  i56i  l'édit  de  janvier  avait  rapproché 
François  de  Lorraine  et  Montmorency,  l'édit  de  Bcaulieu  forma 
un  premier  lien  entre  le  duc  de  Guise  et  le  cardinal.  Mais  cette 

1.  Bibl.  Nat.,  f.  ital.,  ms.  1739,  p.  723,  copie;  dép.  des  ambass.  vénitiens, 
de  Paris,  i5  mai  1070.  —  Négociations  diplom.  avec  lu  Toscane,  t.  I\ .  p.  67  ; 
du  17  niai  1  ."">—«>. 

a.  Theiner(Aug.),  Annales  ecclesiastici,  t.  II.  p.  aaa  ;  lettre  du  card.  de 
Bourbon  au  pape,  do  Paris,  18  juin  i.Vli. 

3.  Bibl.  Nat..  f.  ital..  ms.  1729.  p.  788,  copie;  dép.  des  ambass.  vénitiens, 
de  Paris,  16  juill.    1  r» — < > . 


76  LE    RÔLE    POLITIQUE    DU    CARDINAL    DE    BOURBON 

alliance  prit  une  importance  considérable,  parce  que  l'irrita- 
tion, qui  les  poussait  l'un  vers  l'autre,  fut  commune  à  tous  les 
catholiques.  Henri  de  Lorraine,  que  depuis  quelque  temps 
l'ambition  travaillait,  fit  habilement  sienne  la  cause  de  la  reli- 
gion. De  l'ambition  d'un  chef  et  du  mécontentement  général 
naquit  la  Ligue.  Le  cardinal  y  entra  comme  tout  bon  catho- 
lique effrayé  par  les  progrès  de  l'hérésie. 

Cependant  la  Ligue  portait  en  elle  autre  chose  qu'une  alliance 
contre  les  réformés.  C'était  aussi  une  protestation  contre  l'iner- 
tie du  roi  et  sa  trop  grande  bienveillance  envers  eux,  une 
sorte  de  révolte  que  les  loyalistes  n'osaient  approuver.  C'est 
pourquoi  le  chapitre  de  la  cathédrale  de  Rouen  résista  aux 
exhortations  pressantes  de  son  archevêque,  qui  l'engageait  à 
y  adhérer.  Il  n'y  entra  que  quelques  mois  plus  lard,  quand 
Henri  III  s'en  fut  déclaré  chef1.  Le  cardinal  n'eut  point  les 
scrupules  de  ses  chanoines.  Poussé  par  l'un  de  ses  suffragants, 
Claudes  de  Saintes,  évêque  d'Évreux,  il  considéra  seulement  le 
danger  couru  par  la  religion  catholique.  A  ces  idées  nouvelles 
correspondirent  une  attitude  et  des  actes  nouveaux. 

Après  la  promulgation  de  l'édit  de  paix,  la  cour  s'en  alla 
quelques  jours  à  Dieppe.  Vu  passage,  les  députés  du  parlement 
de  Rouen  prièrent  le  cardinal  de  Bourbon,  leur  archevêque,  de 
les  présenter  à  Henri  III.  Le  prélat  s'excusa,  laissant  déjà 
paraître  ses  véritables  sentiments  :  «  Le  roi,  leur  répondit-il, 
vous  pourroil  dire  quelque  chose  où  je  ne  vouldrois  estre  pré- 
sent. »  D'autre  part,  il  avertit  ses  chanoines  qu'à  son  retour 
il  séjournerait  un  certain  temps  parmi  eux  «  pour  lascher  par 
tous  moyens  à  faire  cesser  les  presches  introduictes  en  ceste 
ville2  ». 

1.  Floquct  (A.),  Histoire  du  parlement  de  Normandie,  t.  III,  p.  171.  —  Le 
cardinal  de  Bourbon  avait  écrit  le  27  décembre  1076  à  ses  vicaires  généraux 
«  d'assembler  le  clergé  et  de  l'exhorter  d'estredela  ligue  sainte  et  de  donner 
confort  et  aide  à  ceux  qui  en  étaient  ».  Mais  le  chapitre  de  la  cathédrale, 
après  avoir  pris  l'avis  des  chapitres  d'Amiens  et  de  Beauvais,  remit  sa  réso 
lution  à  plus  tard.  Y.  Bohillard  de  Beaurepaire,  Archives  départent,  de  Seine- 
Inférieure,  série  ('<,  t.  Il,  p.  371. 

■>..  Floquel  l  Y>,  Hist,  <ln  parlement  de  Normandie,  t.  III,  p.  \G\. 


LA    NAISSANCE    DE    LA    UCH  1  7" 

Vers  le  milieu  de  juillet,  la  cour  revint  à  Rouen  où  elle  resta 
quelques  jours.  Le  cardinal  en  profita  pour  tenir  parole.  Il 
s'informa  exactement  de  l'heure  du  prêche,  du  nombre  des 
assistants,  s'ils  étaient  armés  ou  non.  Puis,  ayant  convoqué  les 
membres  catholiques  du  parlement,  assemblé  plusieurs  sergents 
et  bourgeois  qu'  «  il  lit  armer  de  harquebuses  et  pistolles  »,  il 
se  dirigea  vers  le  prêche  en  leur  compagnie,  revêtu  de  sa  robe 
rouge  et  de  son  rochet,  faisant  porter  devant  lui  sa  croix  archié- 
piscopale. Les  huguenots,  surpris  par  celle  troupe  en  armes, 
n'eurent  pas  le  temps  de  s'enfuir.  Ceux  qui  l'essayèrent  furent 
bientôt  arrêtés.  Au  ministre  qui  prétendait  être  là  par  l'auto- 
rité du  roi,  le  cardinal  demanda  «  à  qui  il  appartenoil  de  près- 
cher  l'évangille  et  la  saincte  parolle  de  Dieu,  et  s'il  appartenoit 
au  roy  ou  aux  évêques  d'envoyer  et  aucloriser  ceux  qui  pres- 
chent  la  dille  parolle.  »  Puis  il  monta  en  chaire  et  les  hugue- 
nots durent  entendre  un  sermon,  étudié  dit  de  Thou,  où  le 
prélat  les  supplia  de  revenir  à  la  religion  de  leurs  pères  et  de 
le  prendre  comme  pasteur,  mais  qu'il  termina  par  une  défense 
«  de  ne  se  plus  assembler  en  la  dille  ville  ni  es  environs  sur 
peine  de  leurs  vies  pour  faire  lelz  presches.  » 

Les  protestants,  invoquant  ledit,  allèrent  se  plaindre  au  roi  : 
mais  le  cardinal  apporta  un  procès-verbal  de  ce  qui  s'était 
passé,  signé  de  notaires  et  de  gens  de  justice  présents.  Henri  III 
eut  pour  le  rerevoir  un  de  ces  mots  ironiques,  où  il  excellai!  : 
((Comment  preschez-vous  \<>z  huguenot/!1  Les  convertirez 
vous  bien?  Ils  sont  venus  à  moi    pour  vous   faire    pendre1.  » 

i.  Hibl.  "Saf.,  f.  IV.,  ms.  11.')-.").  (° 679 v° ;  analysé  très  sommairement  dans 
Mémoires  de  Claude  Union,  curé  de  Provins,  I.  II,  p.  81.  —  Mémoires-journaux 
deP.de  L'Esloile,  l.  I,  p.  i4o.  -  De  Thou,  Histoire  universelle,  I.  \II, 
p.  £28.  —  On  Breul,  dans  Lu  rie  de  Charles  de  Bourbon,  en  l'ail  un  récit  tout 
à  la  louange  du  cardinal,  qu'il  termine  par  ces  mois  :  <<  Sa  parole  ml  tant 
de  poids  «pic  les  huguenots  cessèrent  les  dits  prêches  <'t  depuis  ne  s'en  es! 
fait  en  la  dicte  ville.  »  Il  semble  avoir  tiré  ses  renseignements  d'une  pièce 

fort  curieuse  intitulée  :  /."  sninrlc  et  1res  elireslieniie  résolution  de  Monsei- 
gneur V illustrissime  et  révérendissime  cardinal  de  Bourbon.,  pour  maintenir  In 
religion  catholique  et  l'église  romaine...,  par  F.  I.  B.  Jacques  Bersonj  doc- 
teur en  théologie],  imprimée  dans  Irchives  curieuses,  ["série,  l.  \l,  p.  63, 
qui,  avec  de  nombreux  détails,   présente  le  cardinal  comme  un  véritable 


*8  LE    ROLE    POLITIQUE    Dl     CARDINAL    DE    BOURBON 

L'affaire  en  resta  là  ;  mais  celle  violation  de  l'édit  de  paiv  par 
un  prince  du  sang  n'était  point  faite  pour  donner  confiance  auv 
réformés,  et  elle  encouragea  les  catholiques  dans  leurs  protes- 
tations. 

Cette  nouvelle  attitude  du  cardinal  ne  lui  était  pas  person- 
nelle et  c'est  pourquoi  elle  nous  surprend  moins.  Un  besoin  de 
révolte  était  dans  l'air.  Aux  États  de  Bloîs  réunis  sur  l'ordre  du 
roi,  les  députés  furent  unanimes  à  ne  désirer  qu'une  religion. 
Mais  il  fallut  trouver  le  moyen  d'y  parvenir.  Les  uns  propose 
rent  la  guerre,  les  autres  la  paiv.  Le  cardinal  préférait  un 
triomphe  pacifique,  mais  la  lutte  ne  l'épouvantait  pas.  Lors 
qu'on  lui  demanda  son  avis  sur  les  mesures  à  prendre  :  «  ces 
deux  moyens,  répondit-il,  doivent  estre  tellement  en  la  main 
et  en  la  puissance  du  roi  que,  si  l'un  vient  à  luy  manquer,  il 
puisse  promptement  avoir  recours  à  l'autre  d.  » 

Au  milieu  de  février,  les  délégués  envoyés  auprès  des  princes 
réformés  pour  les  prier  d'abjurer  revinrent  avec  de  vagues 
promesses  du  roi  de  Navarre  ;  quant  à  Condé,  il  avait  refusé  de 
les  recevoir.  Dès  lors,  tout  espoir  d'entente  disparaissant,  le 
cardinal  prit  délibérément  le  parti  de  la  guerre.  Nul  doute  que  les 
intransigeants  l'y  poussassent  fortement.  Lorsque  la  reine-mère 
proposa  d'attendre  la  réunion  d'un  concile  national  demandé 
par  le  roi  de  Navarre,  il  s'y  opposa,  ajoutant  même  o  qu'il  y 
avoit  plus  d'intérêt  que  nul  autre  pour  y  avoir  deux  neveux, 
mais  qu'il  leur  serviroit  de  bourreau,  s'ils  étoient  huguenots  et 
rebelles-  ».  Quelques  jours  après,  alors  que  certains,  par  pru- 
dence, inclinaient  vers  la  paix,  il  déclara  «  qu'il  ne  falloit 
point  s'arrêter  aux  forces  humaines,  que  Dieu  donne  le  cœur  et 
les  forces  à  ceux  qui  combattent  ses  ennemis 3  ». 

modèle  de  bonté,  de  douceur  et  de  sainteté.  La  dernière  phrase  prononcée 
par  le  prélat  soulève  quelque  doute  a  ce  sujet. 

i.  Mémoires  de  Nevers,  t.  I,  p.  2-38;  «  advis  de  Monseigneur  le  card.  de 
Hourbon  »  [du  ■>.  janv.  i  T>  —  -7 1 . 

■>..  Ibid.,  t.  I,  p.  272  ;  cité  dans  Collection  des  procès -verbaux  des  assem- 
blées générales  du  clergé  de  France  depuis  Î560,  t.  I,  p.  83. 

15.  Ibid.,  t.  I.  [>.  •<7/i  ;  cité  dans  Collect.  îles  procès-verbaux  des  ass.  géné- 
rales du  clergé  de  France  depuis  1560,  t.  I.  p.  87. 


LA    NAISSANCE    DE    LA    Ll&L'E  -() 

Il  faut  d'ailleurs  savoir  gré  à  Charles  de  Bourbon  de  la  sin- 
cérité de  ses  intentions  et  des  efforts  qu'il  fit  pour  rendre  la 
guerre  efficace.  Le  peu  d'argent,  dont  le  roi  disposait,  s'était 
toujours  opposé  à  un  succès  définitif.  Le  cardinal  se  multiplia 
pour  en  procurer.  Si  ses  exhortations  aux  Etats  restèrent 
vaines1,  il  fut  plus  heureux  auprès  du  clergé.  Le  pape  l'avait 
chargé,  avec  quelques  autres  prélats,  de  procéder  à  l'aliénation 
de  cinquante  mille  écus  de  rente  des  biens  d'église.  Or  il  se 
trouva  que  l'aliénation  dépassa  le  chiffre  convenu.  Le  clergé 
protesta.  Le  cardinal  reconnut  «  qu'à  la  vérité  on  avait  excédé 
le  mandement  du  pape,  mais  que  c'était  pour  certains  frais 
qu'il  n'était  pas  raisonnable  de  faire  supporter  au  roi  ».  Natu- 
rellement, Henri  III  l'appuya  et  obtint  gain  de  cause  -.  Outre 
cette  première  contribution,  avec  l'aide  des  cardinaux,  il  fit  offrir 
au  roi  par  le  clergé  la  solde  de  cinq  mille  hommes  3.  . 

Ses  bons  offiees  ne  s'arrêtèrent  point  là.  Henri  III,  toujours 
à  court  d'argent,  réclama  de  sa  bonne  ville  de  Paris  une  aide 
de  trois  cent  mille  livres,  à  lever  au  prorata  de  la  taxe  sur  les 
fortifications,  moyen  plus  rapide  que  tout  autre.  La  munici- 
palité refusa.  A  des  lettres  pressantes,  elle  répondit  par  des 
remontrances.  Pour  accélérer  la  levée  et  le  remplacer  dans  sa 
capitale  pendant  la  durée  de  la  guerre,  Henri  III  décida  de 
nommer  un  lieutenant  général:  il  choisit  le  cardinal  de  Bour- 
bon. Le  i5  avril,  le  prélat  se  présentait  à  l'hôtel  de  ville  et 
réclamait  la  prompte  remise  de  la  taxe  l. 

Celte  arrivée  ne  fit  pas  trop  peur  à  la  municipalité.  Des 
assemblées  furent  tenues  les  26  et  27  avril  sans  aucun  résultat. 
Le  cardinal    dut   se  rendre  le  29  au  parlement    et    trois    joins 

1.  Mémoires  de  \evers,t.  I.  p.  17t. 

■1.  Taix  ((;.  de),  Mémoires  sur  les  affaires  du  clergé  de  France,  p.  .'!  :  cilé 
dans  Collect.  <!<■*  procès  verbaux  des  uss.  générales  du  clergé  de  France,  l.  I. 
P-  99- 

.'V  Serbat  (L.),  Les  assemblées  du  clergé  de  France  de  Î561  à  1615,  p.  7<i. 

4.  Arch.  Nat.,  \|n  .sii.'i.'i,  f-  34a;  lettres  patentes  de  Henri  III  données  à 
Blois  le  iii  avril  1677,  enregistrées  au  parlement  de  Paris  l<-  i>s  avril  el  au 
bureau  de  la  ville  le  ■>.  mai.  1  Pièces  justif.  n  \  .1  —  Registres  des  délib.  du 
bureau  de  lu  ville  de  l'uris,  I.  VIII,  p.  88. 


8o  LE    ROLE    POLITIQUE    DU    CARDINAL    DE    BOURBON 

après  il  s'en  vint  exhorter  l'assemblée  générale  réunie  en  la 
grande  salle  de  l'hôtel  de  ville.  Il  sut  d'autant  mieux  la  per- 
suader  qu'elle  n'avait  plus  aucun  motif  pour  refuser.  Mais  elle 
n'accorda  que  cent  mille  livres  et  rejeta  la  répartition  au  pro- 
srata  de  la  taxe  sur  les  fortifications  l.  C'était  encore  un  retard. 
Henri  III,  furieux,  donna  un  délai  de  huit  jours  pour  lui  four- 
nir  les  cent  mille  livres.  Malgré  les  efforts  du  cardinal  de  Bour- 
bon et  du  prévôt  des  marchands,  les  huit  jours  passèrent  et 
d'autres  encore.  Le  roi  fit  alors  saisir  chez  les  receveurs  parti- 
culiers les  deniers  affectés  au  paiement  des  rentes  de  la  ville  et 
laissa  à  la  municipalité  le  droit  de  choisir  le  mode  de  levée  2. 

Cette  question  d'argent  réglée,  la  lieutenance  du  cardinal 
devint  beaucoup  plus  facile.  Ses  fonctions  se  bornèrent  à  rece- 
voir les  ordres  de  la  cour  et  à  veiller  aux  affaires  urgentes  avec 
le  conseil  de  quelques  membres  du  parlement  et  de  la  munici- 
palité parisienne3.  On  n'avait  plus  à  craindre  de  désordres  dans 
cette  ville  entièrement  acquise  au  catholicisme,  mais  la  douce 
bonté  du  prélat  n'était  pas  inutile  pour  rendre  moins  difficiles 
les  relations  du  roi  avec  sa  capitale,  où  entrait  déjà  quelque 
délian ce  '". 

Cependant  la  guerre  commencée  se  poursuivait  sans  grande 
vigueur.  Les  catholiques  réussirent  à  prendre  plusieurs  places. 
Damville  revint  ouvertement  à  leur  parti.  Henri  III,  toujours 
sans  ressources,  se  montra  satisfait  de  ces  avantages  et  se  hâta 
de  traiter.  La  paix  fut  signée  à  Bergerac,  le  17  septembre  1577. 
L'édil  de  Poitiers  accorda  aux  protestants  la  liberté  du  culte 
dans  les   faubourgs  d'une  ville  par  bailliage  et  dans  certaines 


1.  Registres  des  délib.du  bureau  de  Ut  ville  de  Paris,   t.  VIII,  p.  95,  note  1. 

a.  Ibid.,  I.  VIII,  p.  99,  note  .'!. 

.'L  Ibid.,  t.  Mil.  p.  127,  129,  i35,  note  1. 

!\.  Lors  du  renomcllcment  partiel  de  l'éehevinage,  le  16  août  1  T> 7 7 .  le  roi 
intervint  dans  l'élection  contre  les  privilèges  de  la  \ille.  Ce  n'était  pas  une 
chose  inaccoutumée,  mais  elle  était  toujours  mal  accueillie.  Au  lieu  de 
laisser  le  cardinal  proclamer  échevins  les  deux  hommes  désignés  par  le 
scrutin,  le  roi  se  le  lit  envoyer  à  Poitiers,  l'ouvrit  lui-même  cl  déclara  élus 
Jean  Boue  et  Louis  \bell\,  dont  le  cardinal  reçut  les  serments  le  a3  août. 
CI.  Registres  des  délib,  du  bureau  de  la  ville  de  l'<tris,  l.  VIII,  p.  i3i  el  182. 


LA    NAISSANCE    DE    LA    LIGUE  8] 

places  qu'ils  occupaient  encore  lors  de  la  signature  du  traité. 
Ils  perdirent  la  moitié  des  chambres  mi  parties  et  n'entrèrent 
plus  que  pour  un  tiers  dans  celles  qui  furent  conservées. 

L'édit  restreignait  considérablement  les  avantages  accordés 
aux  réformés.  Cependant,  avec  tous  les  catholiques,  le  cardinal 
avait  espéré  mieux  '.  Il  pensait  que  le  roi,  suivant  le  désir  des 
Etats  généraux,  refuserait  la  liberté  du  culte.  A  la  nouvelle  des 
articles  de  la  paix,  il  crut  devoir  protester  ainsi  que  toul  le 
clergé  parisien-,  cl,  pour  marquer  sou  mécontentement,  il 
refusa  d'assister  à  l'enregistrement  de  l'édit3.  S'il  fit  chanter  un 
Te  Deum  d'actions  de  grâces  et  allumer  des  feux  de  joie,  ce  fut 
uniquement  pour  remplir  jusqu'au  bout  et  consciencieusement 
sa  charge  de  lieutenant  général*. 


L'irritation  des  catholiques  s'était  un  peu  calmée  avec  la 
reprise  de  la  lutte  :  elle  disparut  presque  devant  le  peu  de  succès 
des  armées  loyales.  Force  leur  fut  d'accepter  la  situation,  ne 
pouvant  obtenir  mieux,  et,  comme  tous  ses  coreligionnaires, 
Charles  de  Bourbon  fut  contraint  de  consentir  à  la  paix.  Son 
fanatisme  tomba  d'autant  plus  vite  que,  par  un  artifice  de  la 
reine-mère,  il  se  trouva  soudain  isolé  au  milieu  des  gens  les 
plus  pacifiques  du  royaume.  Catherine  de  Médicis  l'emmena 
avec 'elle  dans  un  fort  long  voyage  à  travers  le  midi,  qui 
cul  pour  prétexte  la  conduite  de  Marguerite  de  France  à 
son.  mari,  mais  dont  le  véritable  but  fût  d'apaiser  les  conflits 
latents  cl  de  semer  partout  la  concorde.  Le  duc  de  Monlpeiisier, 

i.  l'ibl.  Nât.,  f.  fi'.,  his.  'i  i  ■<'),  f"  '|(i,  orig.  ;  lettre  (In  eard.  de  Bourbon  au 
sieur  de  Germigny,  de  Paris,  ■>,-  sept,  i . ~> 7 7 . 

•>..  l'ibl.  Nat.,  f.  Liai.,  ms.  \-'.\<.\.  p.  \~.\-.  copie  ;  dép. des atnbass.  vénitiens, 
de  Poitiers,  •'?  oet.  1 ."»  7  7 . 

'.\.  Hibl.  Nat.,  cinq  cents  Colbert,  ms.  9,  f°  57,  orig.  ;  lettre  de  La  Afothe- 
Fénelbn  au  roi,  de  Paris,  8  oet.  1  r> 7 7 . 

4.  Bibl.  Nat.,  cinq  cents  Colbert,  ms.  9,  1*55,  orig.;  lettre  «lu  eard.  de 
Bourbon  au  roi,  de  Paris,  8  oet.  1  •» 7 7 ■  Registres  des  déiib.  du  bureau  de 
la  ville  de  Paris,  t.  \III.  p.  [4o. 

Saulmer.  —  Cardinal  '/<■  Bourbon.  G 


Sa  LE    KOLK    POLITIQUE    DU    CARDINAL   de    bolubon 

dont  les  sentiments  tolérants  s'étaient  manifestés  aux  Etats  de 
Blois,  les  accompagna,  ainsi  que  quelques  conseillers  intimes. 
Le  prélat  fut  le  seul  de  la  troupe  qui  eût  montré  de  l'intran- 
sigeance au  cours  des  dernières  luttes,  et  Catherine  le  connais- 
sait trop  bien  pour  le  redouter.  Isolé,  il  se  laissa  influencer  par 
le  milieu  qui  l'entourait  et  une  fois  de  plus  tomba  aux  mains 
de  la  reine  mère. 

Tout  d'abord  ce  fut  un  voyage  d'agrément.  Les  discussions 
sérieuses  commencèrent  quand  le  roi  de  Navarre  eut  rejoint  le 
cortège  à  La  Réole,  discussions  toutes  amicales  d'ailleurs,  puis- 
que la  paix  n'était  pas  rompue.  L'arrivée  du  maréchal  de  Biron 
faillit  amener  des  complications  fâcheuses.  La  reine  de  Navarre 
et  le  cardinal  s'interposèrent1. 

Malgré  la  bonne  volonté  des  négociateurs,  les  pourparlers 
furent  souvent  difficiles.  La  surprise  d'une  ville,  une  entrevue 
ajournée  réveillait  les  soupçons.  «  Nous  ne  savons  iey  si  nous 
sommes  en  paix  ou  en  guerre  »,  écrivait  le  cardinal  de  Bour- 
bon 2.  Il  est  curieux  de  voir  agir  Catherine  au  milieu  de  toutes 
ces  difficultés.  Quoique  habituée  par  une  longue  pratique  à 
dénouer  les  situations  délicates,  elle  ne  prend  aucune  décision 
sans  avoir  consulté  ses  conseillers.  Elle  semble  se  défier  d'elle- 
même,  repousser  toute  responsabilité.  Continuellement  elle  se 
réfère  au  cardinal  de  Bourbon,  au  duc  de  Monlpensier,  poul- 
ies choses  les  plus  infimes  :!.  Le  prélat  ne  pousse  d'ailleurs  plus 
à  la  guerre.  Il  accepte  la  politique  de  la  reine-mère,  et  elle  est 
si  contente  de  ses  services  qu'à  plusieurs  reprises  elle  demande 
au  roi  de  lui  écrire  personnellement  pour  l'en  remercier4.  Mais, 
s'il  est  revenu  à  des  sentiments  plus  modérés,  le  cardinal  n'en- 
tend nullement  faire  des  concessions  aux  réformés.  Quand  les 
ministres  se  montrent  trop  exigeants,   il  leur  répond  «  bon  et 


1.  Lettres  de  Caih.  de  Médias,  t.  VI,  p.  64  :  de  Tonncins,  9  oct.  1578. 
a.  Bibl.  Na"t.,  f.  fr.,  ms.  4ia5,  f°  47.  orig.  ;  lettre  du  card.  de  Kourbon  au 
sieur  de  Gèrmigny,  d'Auch,  '.<>  déc.  1  ."V78. 

3.  Cf.  Lettres  de  Cath.  de  Médicis,  t.  VI,  p.  4o  à  ->.--,  passim. 

4.  Lettres  de  Cath.  de  Médicis,  t.  VI,  p.  55  et  (34  ;   de  La  lléole,   5   oct.  et 
Àuch,  f.")  nov.   1578. 


LA    NAISSANCE    DL    LA    LKil  I.  83 

bien  à  propos  ».  A  l'un  d'eux,  qui  lui  reproche  d'avoir  empê- 
ché l'exercice  de  la  religion  à  Rouen,  il  réplique  que  les  catho- 
liques de  son  archevêché  obéissent  au  roi,  qu'ils  ne  feront 
jamais  rien  contre  sa  volonté  et  que  d'ailleurs  «  ils  n'ont  pas 
mis  les  Anglais  en  France1  ». 

Malgré  quelques  discussions  aigres-douces,  on  tomba  d'ac- 
cord. Le  traité  de  Nérac  renouvela  l'édit  de  Poitiers,  et  les 
huguenots  obtinrent  quinze  places  de  sûreté  pour  six  mois.  Ce 
n'était  évidemment  qu'un  expédient.  Lorsqu'il  faudrait  rendre 
les  places,  les  mêmes  difficultés  se  présenteraient. 

Catherine  et  sa  suite  continuèrent  leur  route  à  travers  le 
midi,  prêchant  partout  l'union  et  la  concorde.  Le  cardinal 
trouvait  le  voyage  bien  long.  Au  commencement  de  juin  1579. 
il  quitta  un  instant  la  reine-mère  pour  séjourner  dans  sa 
légation  d'Avignon-.  V  Grenoble,  il  chercha  quelques  distrac- 
tions dans  la  visite  de  la  Grande  Chartreuse  :!.  Ce  n'était  point 
son  «  naturel  d'estre  parmi  les  huguenots  »  et  il  désirait  fort 
revenir  dans  son  archevêché  l.  Enfin  après  des  négociations 
aussi  vaines  que  longues,  où  Catherine,  avec  son  aide  5,  essaya 
de  gagner  à  la  cause  du  roi  le  maréchal  de  Bellegarde  et  Lesdi- 
guières,  ils  reprirent  le  chemin  du  nord.  Dans  les  premiers 
jours  de  novembre,  ils  arrivèrent  à  Paris  sans  avoir  obtenu  de 
résultats  appréciables.  Les  expédients  de  la  reine-mère  n'abou- 
tissaient point. 

Sa  présence  et  celle  du  cardinal  étaient  d'ailleurs  forl 
souhaitées  clans  la  capitale.  Le  roi  réclamait  de  l'argent  à 
l'assemblée  générale  du  clergé  qui,  loin  d'en  donner,  exigeait 
des  réductions  de  taxes  et  la  publication  des  décrets  du  concile 
de  Trente.  Pendant  ce  temps  le  prince  de  Condé,  mécontent  de 

1.  Lettres  de  Cath.  de  Mèdicis,  I.  VI,  p.  256  ;  de  Nérac,  9  févr.  1679. 

■>..  Bibl.  Nat.,  f.  fr.,  ms.  .'>:><>(>,  f  1.  autogr.  :  lettre  du  card.  de  Bourbon 
au  duc  de  Ne\ers,  d' Avignon,  .'5  juin  1  ."">—<». 

3.  Bibl.  Nat..  f.  fr.,  ms.  33ai,  f"  28,  autogr,  :  lettre  du  card.  de  Bourbon 
au  duc  de  Nevers,  de  Grenoble,  23  juillet  1579.  (Pièces  justif.  n"  VI.) 

!\.  Bibl.  Nat.,  f.  fr.,  ms.  3353,  f"  21,  autogr.;  lettre  du  card.  de  Bourbon 
au  duc  de  Ncvers,  de  (Ireuoble,  27  août  1079. 

f>.  Lettres, le  Cath.  de  Médias,  t.  VII,  [».  82,84,  173,  1  7 < » ,  l8/|. 


84  LE    ROLE    POLITIQUE    DU    CARDINAL    DE    BOURBON 

n'avoir  pu  prendre  possession  de  son  gouvernement  de  Picardie 
suivant  les  termes  de  Ledit:  avait  surpris  La  Fère  et  s'y  fortifiait. 
Ce  pouvait  être  l'étincelle  capable  de  rallumer  la  guerre  civile. 
Immédiatement  Catherine  partit  trouver  le  prince  et  appela 
près  d'elle  le  cardinal  de  Bourbon  et  la  princesse  douairière  de 
Condé  '.  Ils  la  rejoignirent  tous  deux  à  Chauny. 

Le  détail  de  cette  négociation  montre  .quel  docile  instrument 
le  cardinal  était  aux  mains  de  la  reine-mère.  Celle-ci  imagine 
un  plan  fort  habile  pour  vaincre  la  résistance  du  huguenot. 
Une  entrevue  est  ménagée  à  une  demi-lieue  de  la  ville,  dans 
le  petit  bourg  de  Viry.  Le  cardinal  et  la  princesse  partent  en 
avant.  Bien  stylés,  ils  exposent  à  Condé  combien  est  inoppor- 
tune son  arrivée  à  La  Fère  ;  c'est  une  faute  qu'il  faut  réparer  en 
quittant  la  ville  et  en  allant  trouver  le  roi.  Le  cardinal  l'exhorte 
au  nom  de  l'amitié  qu'il  lui  a  toujours  portée  ;  la  princesse  sa 
belle-mère  le  prie  de  penser  à  son  honneur  et  à  celui  de  sa 
famille.  À  ce  moment  survient  Catherine,  qui  à  son  tour  essaie 
de  toucher  le  rebelle  -. 

Le  lendemain  la  reine-mère  a,  seule  avec  lui,  un  nouvel 
entretien.  Au  milieu  de  la  discussion,  on  apporte  une  lettre 
du  cardinal  et  de  la  princesse,  qui  supplient  Condé  de  quitter 
La  Fère3.  Mais  ni  menaces  ni  prières  ne  le  firent  fléchir. 
Catherine  et  ses  compagnons  s'en  revinrent  sans  avoir  rien 
obtenu. 

Le  clergé  se  montrait  aussi  fort  peu  traitable.  Après  de 
nombreux  efforts.  Charles  de  Bourbon  parvint  à  ménager  un 
accord  entre  le  roi  et  les  prélats,  non  sans  éveiller  d'ailleurs  la 
défiance  de  l'un  et  l'autre  parti  K 

i.  Arch.  Kat.,  K  [555,  n°  117,  déchiffr.  ;  dép.  de  Juan  de  Yargas  à  Phi- 
lippe II,  de  Paris,  7  déc.  1579. 

2.  Lettres  de  Calli.  de  Mêdicis,  t.  Vit,  p.  208;  de  Chauny,  iG  dée.  107g. 

3.  Lettres  de  Caih.  de  Mêdicis,  t.  VII,  p.  208;  de  Chauny,  16  dée.  1  ."> 79 . 

'4.  Le  clergé  accordait  au  roi  un  million  cinq  cent  mille  livres  pendant 
dix  ans  et  cent  mille  livres  pour  les  arrérages.  V.  Serbat  iL.  »,  Les  assemblées 
du  ctergêde  France  de  1561  à  Kil.'>,  p.  108,  note  ■>..  —  L'assemblée  venait  de 
supprimer  la  pension  annuelle  des  cardinaux  qui  atteignait  quarante  mille 
livres,   dont    le  cardinal   touchait  à   lui  seul    la   moitié.    (V.    Taix  (G.,   do, 


LA    NAISSANCE    DE    LA    LIGUE  85 

Il  était  temps,  car  les  hostilités  recommençaient.  Les  succès 
furent  partagés.  Le  roi  de  Navarre  s'empara  brillamment  de 
Cahors,  mais  Condé  fut  obligé  de  quitter  La  Fère.  Le  duc 
d'Anjou,  qui  jetait  un  regard  d'envie  sur  les  Pays-Bas,  fit 
conclure  la  paix.  Un  traité,  signé  à  Fleix  le  26  novembre  i58o, 
renouvela  les  conventions  de  Nérac  et  laissa  pour  six  ans 
encore  les  places  de  sûreté  aux  protestants. 

La  situation  restait  la  même  et  les  adversaires  n'avaient 
aucune  raison  de  désarmer.  Mais  ils  étaient  lassés  des  guerres 
continuelles  et  toute  leur  attention  fut  attirée  par  la  lutte  qui 
se  déroula  aux  Pays-Bas.  Pendant  quatre  ans  les  événements 
extérieurs  empêchèrent  les  partis  de  s'entre  déchirer.  Mais  ce 
n'était  qu'une  trêve,  au  cours  de  laquelle  prirent  corps  les  idées 
ambitieuses  de  Henri  de  Lorraine  et  se  fixa  la  destinée  tragique 
du  cardinal  de  Bourbon. 


Mémoires  des  affaires  du  clergé  de  France,  p.  244-2'p).  Cependant  elle  tint 
toutes  ses  réunions  dans  l'abbaye  de  Saint-Germain-des-Prés  et,  dès  son 
retour,  le  cardinal  fit  aménager  une  salle  spéciale  pour  les  sessions.  Le 
7  février,  jour  de  la  sexagésime,  tous  les  députés  communièrent  de  sa  main. 
V.  Du  Breul  (.1.),  Inclyti  cœnobii  1>.  Germant  a  pratis  chrnnica  (Bibl.  \at., 
f.  lat. ,  ms.  ia838,  f°  30a.) 


CHAPITRE    V 


BOUKBOiNS    ET    LORltAlNS 


Depuis  l'avènement  de  Henri  III,  Charles  de  Bourbon  a 
rompu  toutes  relations  suivies  avec  ses  deux  neveux,  Navarre 
et  Coudé,  et  si  parfois  il  les  a  exhortés  à  mettre  bas  les  armes, 
c'est  uniquement  à  la  prière  de  la  reine-mère  et  pour  éviter  au 
royaume  une  ruine  complète  !.  Plus  jamais  il  n'a  été  question 
de  religion  entre  eux.  Les  deux  seules  préoccupations  du  prélat 
sont  désormais  la  défense  de  sa  foi  et  l'éducation  de  ses  trois 
autres  neveux,  frères  de  Condé.  Yprès  le  massacre  de  la  Saint- 
Barthélémy,  les  enfants  sont  restés  à  la  cour  avec  la  princesse 
leur  belle-mère  et  mère.  Avec  elle  ils  ont  embrassé  le  catholi- 
cisme et  depuis  ils  vivent  sous  sa  direction  et  celle  de  leur 
oncle.  Françoise  d'Orléans  n'a  rien  d'une  fanatique.  Elle  a 
délaissé  l'hérésie  sans  trop  de  scrupules  et  maintenant  elle 
montre  assez  peu  d'ardeur  pour  sa  nouvelle  religion.  Peut-être 
parce  qu'il  la  croit  d'un  mauvais  exemple  pour  ses  neveux,  le 
cardinal  les  garde  le  plus  possible  près  de  lui.  Durant  le  long- 
voyage  qu'il  fait  dans  le  midi  en  compagnie  de  la  reine-mère, 
il  emmène  François  et  Charles,  fils  de  Françoise  ;  l'autre  Charles 
reste  au  collège  où  il  étudie,  car  il  se  destine  à  la  carrière 
ecclésiastique  -. 

L'aîné  François,  marquis  de  Conti,  est  d'une  intelligence 
médiocre  et  peut  à  peine  parler  tant  il  bégaie.  Cependant  son 


i.  Il  faut  noter  toutefois  que,  tout  en  poussant  à  la  guerre  contre  ses 
neveux  huguenots,  le  cardinal  empêcha  toujours  la  ruine  sa  famille.  Ainsi, 
en  juin  i58o,  il  (il  ajourner  un  édit  portant  confiscation  des  biens  de  Condé. 
Cf.  Calendar  ofstatepapers,  t579-1580,  p.  3o5  ;  de  Paris,  iô  juin  iô8o. 

■>..  Mémoires  du  consul  Trinque,  1570-1615,  dans  Revue  de  l'Agenois,  i883, 
p.  53i. 


BOURBONS    ET    LORRAINS  87 

titre  de  prince  du  sang-  en  fait  un  personnage  si  considérable 
qu'au  cours  de  sa  révolte  contre  son  frère,  le  duc  d'Anjou  s'est 
réclamé  de  son  appui  et  a  demandé  pour  lui  une  compagnie 
d'ordonnance.  C'était  indisposer  Henri  III  contre  le  jeune 
homme.  Le  cardinal  répara  la  sottise  en  se  portant  garant  de 
la  fidélité  de  son  neveu  et  en  affirmant  que  celui-ci  s'en 
remettait  au  bon  plaisir  de  son  roi  '. 

Au  retour  du  grand  voyage  à  travers  la  Fiance,  le  prélat 
songea  à  le  marier.  Précisément  Jeanne  de  Coême,  fille  unique 
de  Louis  de  Coême,  seigneur  de  Lucé,  et  d'Anne  de  Pisseleu, 
venait  de  perdre  son  mari,  Louis  comte  de  Montafié.  Elle 
possédait  les  riches  seigneuries  de  Bonnétable  et  de  Lucé.  Bien 
qu'elle  fût  de  petite  noblesse  et  de  quelques  années  plus  âgée 
que  le  marquis,  le  cardinal  trouva  le  parti  fort  avantageux. 
Jeanne  de  son  côté  accueillit  très  favorablement  un  projel 
d'alliance  qui  l'unissait  aux  princes  du  sang.  Pour  gagner 
l'approbation  de  Condé,  elle  lui  envoya  deux  superbes  chevaux2 
el  consentit  à  déshériter  complètement  une  fille,  qu'elle  avait  de 
son  premier  mari,  en  faveur  des  enfants  qu'elle  aurait  du 
marquis  3.  Le  17  décembre  i58i,  le  cardinal  de  Bourbon  bénit 
le  mariage  au  Louvre  dans  une  petite  chapelle  touchant  sa 
chambre  4. 

Celui  que  le  cardinal  affectionnait  le  plus  parmi  ses  neveux 
était  Charles,  le  dernier  fils  d'Eléonore  de  Roye,  car  il  se 
destinait  à   l'état  ecclésiastique.   Charles,   né  le  3o  mars    i562 

1.  Bibl.  Nat.,  f.  ital. ,  ms.  1729,  f°  636,  copie  ;  dép.  des  ambass.  vénitiens, 
environ  mars  1576.  —  Le  prélat  fit  aussi  donner  à  son  neveu  une  pension 
sur  la  recette  générale  de  Rouen.  V,  Bibl.  Nat.,  f.  fr.,  ms.  i5go3,  fos  a£3  et 
264,  orig.  ;  lettres  du  cardinal  de  Bourbon  à  Bellièvre,  de  Port-Sainte-Marie, 
8  janv.  et  Grenoble,  3  août  1579. 

2.  Mémoires  inédits  de  Michel  de  La  Huguerye  (Soc,  de  l'hist.  de  Fr.).  t.  Il, 
p.  i36. 

3.  Calendar  0/ state papers,  1581-1582.  p.  396;  de  Paris,  u  déc.  r58i. 

i.  Mémoires  journaux  de  P.  de  L'Estoile,  t.  Il,  p.  37.  —  Calendar  of  state 
papers,  1581-1582,  p.  £02;  s.  I.,  17  déc.  i58i.  —  Au  dire  de  L'ambassadeur 
anglais  (Calendar  ..,  p.  3g6),  le  marquis  accepta  d'autant  plus  facilement-lé 
mariage  qu'il  voulait  se  libérer  de  la  tutelle  de  son  gncle  pour  suivre  le 
duc  d'Anjou  dans  ses  entreprises. 


88  LE    UÔLE    POLITIQUE    DU    CARDINAL    DE    BOURBON 

dans  le  petit  village  de  Gandelu,  où  la  princesse  sa  mère  en 
s'enfuyanl  de  Paris  accoucha  de  deux  fils  jumeaux,  était  d'une 
nature  délicate,  mais  d'une  intelligence  vive  qui  promettait 
beaucoup.  Le  cardinal  prit  un  soin  particulier  de  son  éducation. 
L'ayant  confié  à  Jean  ïouchard,  premier  archidiacre  de  l'église 
de  Rouen  et  abbé  de  Bellozanne,  qui  avait  quelque  réputation 
dans  les  lettres  grecques  et  latines,  il  surveilla  lui-même  ses 
études,  et,  quand  il  fut  contraint  d'accompagner  Catherine  à 
travers  le  midi,  il  le  recommanda  à  la  bienveillante  attention 
du  duc  de  Nevers,  qu'il  pria  de  s'intéresser  au  jeune  homme 
comme  à  son  propre  fils1.  Quant  à  son  éducation  religieuse, 
elle  fut  confiée  aux  jésuites,  que  le  cardinal  tenait  en  particulière 
estime,  et  il  recommanda  expressément  «  qu'il  ne  reç[ût]  [s]es 
sacremans  que  par  culx  ».  Regrettant  l'imperfection  de  ses 
propres  études,  il  voulut  au  contraire  faire  de  son  neveu  «  un 
cardinal  Borromée  -   ». 

Le  jeune  homme  était  appelé  à  lui  succéder  dans  ses  titres  et 
bénéfices,  comme  lui-même  avait  succédé  à  son  oncle  le  premier 
cardinal  de  Bourbon.  Et  de  même  qu'il  avait  grandement  béné- 
ficié de  la  situation  prépondérante  de  ce  dernier,  son  neveu 
prolita  de  l'influence  considérable  qu'il  possédait.  Le  cardinal 
le  pourvut  d'abord  de  grasses  abbayes  en  lui  abandonnant 
en  1077  celle  de  Froidmont :f  et  trois  ans  plus  tard  celle  de 
Saint-Pierre  de  la  Couture.  Puis,  soucieux  de  lui  ménager  les 
faveurs  du  pape,  il  refusa  de  le  laisser  aller  en  Angleterre  pour 
négocier  le   mariage  du   duc    d'Anjou   et  d'Elisabeth  *.    Cette 


1.  Bibl.  Nat.,  f.  fr.,  ms.  33ai,  f°  28,  autogr.  ;  lettre  du  card.  de  Bourbon 
au  duc  de  Nevers,  de  Grenoble,  23  juill.  1:179.  (Pièces  jusiif.  11"  VI.) 

■>..  Ibid.  —  Saint  Charles  Borromée  ne  mourut  que  le  3  novembre  i584. 
11  est  curieux  de  constater  que,  dès  1579,  on  le  citait  déjà  comme  un  modèle 
de  vertu  et  de  sagesse. 

3.  Depuis  1574,  Charles  de  Bourbon  possédait  l'abbaye  de  la  Trinité  de 
Vendôme,  que  le  cardinal  de  Bourbon  avait  cédée  en  i565  au  cardinal  d'Al- 
taëmps. 

4.  Calendar  ofstale  papers,  157.9-1580,  p.  371,  386,  5i6;  de  Paris,  i"  et 
9  août  et  i5  déc.  ijSo.  —  Le  cardinal  lui  substitua  son  puîné,  le  comte  de 
Soissons. 


BOLKBONS    ET    LORRAINS  89 

attention  eut  sa  récompense.  Dès  la  fin  de  i58i,  Grégoire  XIII 
lui  promit  pour  le  jeune  homme  un  chapeau  dans  la  prochaine 
promotion  de  cardinaux  f.  L'archevêque  de  Rouen  ne  tarda  pas 
à  rappeler  la  promesse  donnée-,  et  le  'j  décembre  i583  le  pape 
y  satisfit3.  Désormais  Charles  de  Bourbon  prit  le  nom  de 
cardinal  de  Vendôme.  Quoiqu'il  ne  fut  pas  prêtre,  il  avait  été 
nommé  quelques  mois  auparavant  coadjuteur  de  son  oncle  à 
l'archevêché  de  Rouen  K 

Le  cardinal  de  Bourbon  s'était  ainsi  formé  une  nouvelle 
famille,  restreinte  il  est  vrai,  mais  fidèle  à  Rome,  car  ses  neveux 
montraient  «  beaucoup  de  penchant  pour  la  foi  catholique5  ». 
La  défense  de  la  religion,  n'allant  plus  désormais  contre  les 
intérêts  des  siens,  l'absorba  tout  entier.  Son  zèle,  que  stimu- 
laient les  progrès  de  l'hérésie,  grandit  encore,  car  la  nature 
sensible  et  pieuse  de  Henri  III  lui  fit  espérer  le  triomphe  prochain 
et  définitif  du  catholicisme. 

Dès  les  premiers  mois  de  son  règne,  Henri  III  avait  donné 
bon  espoir  au  cardinal.  Lors  de  leur  séjour  en  Avignon,  vers 
la  fin  de  iô"tf\,  le  prélat  le  mit  en  relations  avec  ses  protégés  Les 
jésuites,  et  le  roi  fut  si  charmé  de  ses  nouveaux  compagnons, 
qu'il  ne  les  quitta  bientôt  plus0.  Il  se  plaisait  aux  processions 
qui  se  déroulaient  par  la  ville  pendant  lavent,  où  des  hommes, 
suivant  des  coutumes  italiennes,  parcouraient  les  rues  vêtus 
de  sacs  et  se  fouettant,  ce  qui  leur  valait  le  surnom  de  flagel- 
lants ".  Ces  pratiques  excessives  n'étaient  point   du    goût    de 

1.  Calèndar  ofstate  papers,  [58i-i-58a,  p.  282  ;  de  Paris,  22  nov.  i58i. 

2.  Bibl.  Nat.,  f.  ital.,  ms.  i-'Mi,  p.  239,  copie;  dép.  des  ambass.  vénitiens, 
de  Paris,  a3  nov.  i583. 

3.  Gallia  christiana,  t.  XI,  col.  101.  —  Le  jeudi  i6janv.  i584.  le  roi  lui 
remit  son  chapeau  en  grande  cérémonie,  ainsi  qu'au  cardinal  de  Joyeuse. 

4.  Gallia  christiana,  t.  XI,  col.  101  ;  depuis  le  iur  août  i58a.  Le  cardinal  de 
Bourbon  avait  commencé  dès  i58oles  négociations  à  ce  sujet.  \  .  Kobillard 
de  Beaurepaire.  [rchives  départementales  de  Seinê-lnférieure,  série  (..  t.  II, 
p.  272. 

•">.  Tommaseo  (N.),  Relations  drs  ambass.  vénitiens  sur  les  affairesde  France 
au  AI  /•  siècle,  t.  II.  p.  635. 

6.  Mémoires  de  Wevers,  I.  I.  p.  17,'L 

7.  De  Thou,  Histoire  universelle,  t.  VII,  p.  iii'i. 


fjO  LE    RÔLE    POLITIQUE    DU    CARDINAL    DE    BOURBON 

Catherine  de  Médicis,  qui  voyait  dans  les  fêtes  et  les  réjouis- 
sances un  meilleur  moyen  de  gouvernement.  Elle  avertit  le 
cardinal  qu'il  eût  à  cesser  ses  pieuses  exhortations  auprès  du 
roi  '.  Cependant  le  souvenir  de  ce  séjour  en  Avignon  fut  si 
vivace  que,  quelques  années  plus  tard,  Henri  III  créa  la  congré- 
gation de  l'Annonciation  de  Notre-Dame,  que  l'on  appela  les 
Pénitents  blancs  et  qui  rappela  en  tout  point  les  compagnies  de 
flagellants.  Le  cardinal  en  fut  nommé  recteur  2. 

Le  nouvel  ordre  que  Loyola  lançait  à  la  défense  de  la  papauté 
avait  trouvé  dans  Charles  de  Bourbon  un  puissant  protecteur. 
Dès  les  premiers  jours  le  prélat  s'était  intéressé  à  lui,  entraîné 
par  l'exemple  de  son  cousin  le  cardinal  de  Lorraine  3.  Mais  sa 
bienveillance  première  envers  les  jésuites  se  changea  en  véri- 
table amitié  quand  il  eut  appris  à  les  connaître  davantage, 
c'est-à-dire  après  1 565,  lorsqu'il  fut  nommé  légat  en  Avignon 
où  ils  venaient  d'ouvrir  un  collège.  L'éloquence  d'un  des  leurs, 
le  père  Possevin,  le  séduisit  tellement  qu'il  l'envoya  quelque 
temps  à  Rouen  pour  y  combattre  l'hérésie  *.  Dès  son  retour 
Possevin  fut  placé  à  la  tête  du  collège  et  il  sut  attirer  sur  son 
établissement  les  laveurs  du  cardinal  "'. 


i.  Mémoires  de  Nevers,  t.  T.  p.  173. 

2.  La  charge  de  recteur  était  annuelle  et  purement  honorifique.  Un  vice- 
recteur  touchant  une  pension  de  quatre  mille  francs  était  chargé  du  tra- 
vail. V.  Les  statuts  de  la  congrégation  des  pénitens  de  l'Annonciation  de  Notre- 
Dame,  Paris,  i583,  in-8°,  publiés  dans  Archives  curieuses,  1"'  série,  t.  \, 
p.  43.").  —  Cayet  (Palma),  Chronologie  novenaire,  introduction,  p  3i  ;  — 
Négociations  diplom.  avec  la  Toscane,  t.  IV,  p.  459;  de  Paris,  21  mars  i583. 

3.  Douarche  (A.),  L'université  de  Paris  et  les  Jésuites  aux  XVIe  et 
et  XVIIe  siècles,  p.  63  et  G4- 

4.  Robillard  de  Beaurepaire,  Archives  départent,  de  Seine-Inférieure, 
série  G,  t.  II,  p.  267.  —  Chossat  (Le  p.  M.),  Les  jésuites  et  leurs  œuvres  à 
Avignon,  15.r)3-l768,  p.  18.  —  On  retrouve  encore  les  jésuites  prêchant  à 
Rouen  par  ordre  du  cardinal  de  Bourbon  en  juin  i583.  \.  Uobillard  de 
Beaurepaire,  op.  cit.,  t.  1,  p.  73. 

.">.  Charles  de  Bourbon  consentit  d'abord  à  ce  que  la  pension  annuelle  de 
ccnl  éCUS  payée  au  collège  sur  la  légation  fût  perpétuelle.  Le  6  sep- 
tembre i.")()(j,  il  accorda  aux  jésuites  une  nouvelle  rente  de  douze  mille  livres 
tournois  à  prendre  sur  les  biens  confisqués  des  hérétiques.  Comme  le  car- 
dinal d'Armagnac,  son  colégat,  avait  déjà  disposé  de  ces  biens  avec  tant  de 


BOURBONS    ET    LORRAINS  QI 

A  Paris,  plus  encore  que  dans  le  Comtat,  les  jésuites  eurent 
besoin  de  l'appui  de  Charles  de  Bourbon,  car  ils  s'attaquaient 
à  la  vieille  université,  dont  la  force  était  aussi  considérable  que 
l'autorité  incontestée.  Mais  ici  le  prélat  ne  put  que  prêcher  la 
concorde  aux  deux  adversaires  dans  l'espoir  qu'une  entente 
serait  favorable  aux  nouveaux:  venus1.  Du  moins  leur  aban- 
donna-t-il  en  janvier  i58o,  pour  en  faire  une  maison  professe, 
l'ancien  hôtel  de  La  Rochepot  et  de  Damville  situé  rue  Saint- 
Antoine,  qu'il  avait  acheté  à  cette  intention  de  Madeleine  de 
Savoie,  veuve  du  connétable  de  Montmorency  -. 

Ne  réussissant  pas  à  les  faire  triompher  à  Paris,  il  les  établit 
dans  son  diocèse.  Dès  1072  il  montrait  à  la  municipalité  de 
Rouen  la  nécessité  d'un  collège  «  pour  instruire  la  jeunesse  en 
bonnes  moeurs  ».   Dix  ans  plus  tard  c'était    chose   faite11.   En 

libéralité  qu'ils  ne  représentaient  plus  une  somme  suffisante  pour  consti- 
tuer la  rente,  le  cardinal  écrivit  de  sa  propre  main  qu'elle  leur  fût  payée 
avant  toute  autre.  Quand  le  traité  de  Nimes,  ratifié  par  Grégoire  XIII 
en  1079,  eut  rendu  aux  protestants  leurs  biens  dans  le  Comtat,  le  prélat 
essaya  de  compenser  la  perte  subie  par  le  collège  en  lui  assignant  sur  sa 
légation  cent  nouveaux  écus  de  rente,  et  il  obtint  du  pape  que  cette  seconde 
donation  tut  également  perpétuelle. 

Son  appui  ne  se  borna  pas  à  des  secours  pécuniaires.  Des  bruits  hostiles, 
répandus  par  les  adversaires  des  jésuites,  excitaient  contre  eux  la  fureur 
populaire.  On  vit  même  les  Avignonnais  donner  l'assaut  au  collège  de  leur 
ville.  A  la  prière  de  ses  protégés,  le  cardinal  de  Bourbon  publia  partout  la 
fausseté  des  accusations  portées  contre  eux.  V.  Cbossat  (Le  p.  Marcel).  Les 
jésuites  et  leurs  œuvres  à  Avignon,  lï>53-1768,  p.  28,  4i  ii  15. 

1.  Douarche  (A.),  L'université  de  Paris  et  les  jésuites  aux  XVIe  et 
A  I  II*  siècles,  p.  95.  —  Féret(l\),  L'université  de  Paris  et  les  jésuites  dans  la 
seconde  moitié  du  XVIe  siècle,  dans  Revue  des  Questions  historiques,  1899, 
I.  IA\,  p.  i*8o. 

■>..  Félibien  (D.  M.),  Histoirede  la  ville  de  Paris,  t.  111,  p.  -3:;.  —Cette  ins- 
tallation souleva  les  protestations  du  cierge  parisien  qui  voyait  dans  les 
jésuites  des  concurrents,  puisqu'ils  avaient  le  droit  d'administrer  les  sacre- 
ments. V.  Barthélémy  (Ed.  de;,  Journal  d'un  curé  ligueur  de  Paris,  p.  i84. 

:;.  Robrllard  de  Beaurepaire  (Ch.  de),  Inventaires  sommaires  des  archives 
communales  antérieures  à  1790  :  Mlle  de  Rouen,  t.  I,  p.  224,  226,  242.  —  En 
réalité,  il  y  avait  songé  dès  son  séjour  à  Avignon  en  i.">iif>.  puisqu'au  mois 
d'août  de  la  même  année  il  consultait  à  ce  sujet  leschanoinesde  son  église. 
V.  Robillard  de  Beaurepaire,  Archives  départementales  de  Seine-Inférieure, 
série  G,  t.  Il,  p.  267.  Le  collège  ne  fut  d'ailleurs  ouvert  qu'à  la  fin  de  l'an- 
née i5ga. 


92  LE    ROLE    POLITIQUE    DU    CARDINAL    DE    BOURBON 

même  temps  il  approuvait  hautement  l'initiative  de  Henri  de 
Lorraine,  qui  en  fondait  un  autre  à  Eu  '. 

Ces  services  ne  devaient  pas  être  perdus.  L'ordre  fut  un  des 
principaux  soutiens  de  la  Ligue. 


Le  cardinal  de  Bourbon  et  le  duc  de  Guise  s'étaient  ren- 
contrés dans  la  protection  qu'ils  accordaient  aux  jésuites. 
Alais.  tandis  que  l'un  voyait  seulement  l'intérêt  de  la  religion, 
l'autre  estimait  déjà  combien  cette  force  nouvelle  pourrait 
servir  à  son  ambition.  En  effet  la  situation  intérieure  s'aggrave 
chaque  jour.  Le  roi,  marié  depuis  plusieurs  années  déjà,  n'a 
pas  encore  d'enfant.  On  ne  lui  connaît  aucun  bâtard  et  ses 
caprices  de  débauché  laissent  peu  d'espoir  en  la  venue  d'un 
héritier.  D'autre  part  le  duc  d'Anjou  ne  se  marie  pas.  S'il  est 
fiancé  avec  Elisabeth  d'Angleterre,  l'union  reste  probléma- 
tique et  ne  semble  pas  pouvoir  être  féconde,  tant  la  santé  du 
duc  est  frêle  et  ses  mœurs  dissolues.  Toute  la  descendance 
maie  de  Henri  11  et  de  Catherine  de  Médieis  menace  de 
s'éteindre  sans  postérité.  La  couronne  reviendrait  alors  au  chef 
de  la  maison  de  Bourbon,  à  l'hérétique  roi  de  Navarre. 

Sur  la  prédiction  des  astrologues,  cette  idée  s'est  fait  jour 
depuis  longtemps  déjà  et  Catherine,  la  première,  s'en  est 
inquiétée,  lorsqu'en  1 563  elle  voulut  marier  le  cardinal  de 
Bourbon.  Mais,  quand  la  majorité  de  Charles  IX  lui  eut  assuré 
le  pouvoir,  elle  abandonna  son  projet  aussi  vite  qu'elle  l'avait 
conçu.  Après  la  mort  du  jeune  roi  et  les  premières  années  du 
règne  de  Henri  III  l'idée  reparait  plus  forte,  car  les  protestants 
sont  plus  menaçants.  Le  3  août  1578,  Juan  de  Vargas, 
ambassadeur  d'Espagne,  note  dans  sa  dépêche  les  bruits  qui 
circulent:  si  le  roi  et  son  frère  viennent  à  mourir,  d'après  la 
loi  salique  c'est  Navarre  qui  doit  leur  succéder2.  La  France 
catholique  attend  donc  un  roi  protestant. 

1.  Gallia  christiana,  l.  XF.  col.  97. 

a.   \rrh.  Nat.,  h.  i546,  n    -■>.,  déchiffr.  ;  dép.  de  .T.  de  Vargas  à    \ntonio 
Perez,  de  Paris,  3  août  1.Ï78. 


BOURBONS    ET    LORRAINS  QO 

Or  à  ce  momcul  brille  de  lout  son  éclat  la  puissante  maison 
de  Lorraine.  Après  la  disparition  de  François,  duc  de  Guise, 
son  frère  le  cardinal  a  pu  conserver  son  influence  grâce  à  sa 
haute  intelligence  et  sa  grande  habileté.  Mais  l'absence  d'un 
chef  militaire  qui  l'appuyât  lui  valut  des  alternatives  fréquentes 
de  faveur  et  de  disgrâce.  V  sa  mort,  son  neveu  Henri  de  Lor- 
raine n'a  encore  que  vingt-quatre  ans.  mais  il  a  déjà  montré 
toute  l'énergie  dont  il  est  capable  lors  du  massacre  de  la 
Saint-Barthélémy.  La  guerre  contre  les  huguenots,  sa  victoire 
de  Dormans  sur  les  protestants  allemands,  la  balafre  qu'il  a 
reçue  à  la  joue,  suffisent  pour  réveiller  le  souvenir  du  grand 
duc  de  Guise.  Quand  de  tous  côtés  de  violentes  protestations 
éclatent  contre  l'édit  de  Beaulieu,  il  voit  l'occasion  de  se  créer 
d'un  scid  coup  u\\  parti  formidable.  11  se  fait  le  champion  de 
la  religion  menacée  et  gagne  ainsi  le  cœur  de  tous  les  catho- 
liques. 

Henri  de  Lorraine  vit  certainement  de  bonne  heure  le  pas- 
sage possible  de  la  couronne  sur  la  tète  du  roi  de  Navarre. 
C'était  une  voie  toute  préparée  à  son  ambition  :  au  nom  des 
catholiques  il  s'opposerait  au  règne  du  huguenot.  Bientôt 
même  les  papiers  de  l'avocat  David  montrèrent  qu'il  avait 
d'autres  desseins,  que  les  descendants  de  Charlemagne  ne 
voulaient  céder  en  rien  aux  descendants  de  Hugues  Capel. 

Ce  n'était  pas  la  force  qui  manquait  au  duc  de  Guise;  sa 
famille  seule  suffisait  à  la  lui  donner.  De  ses  deux  frères 
Charles  cl  Louis,  le  premier  passait  pour  habile  homme  de 
guerre,  le  second  se  montrait  digne  successeur  du  cardinal  de 
Lorraine  dont  il  avait  hérité  des  principaux  bénéfices  et  du 
siège  archiépiscopal  de  Reims.  Sa  sœur  Catherine  avait  épousé 
le  duc  de  Montpensier.  un  prince  du  sang.  Il  avait  comme 
cousins  germains  les  ducs  d'Aumale  et  d'Elbeuf,  connue  beau- 
frère  le  due  de  \evers.  comme  allié  le  due  de  Mereo-ur.  Mais 
la  maison  de  Lorraine  ne  devait  sa  puissance  qu'à  la  faveur 
dont  Henri  II  l'avait  honorée.  C'était  en  somme  une  famille 
de  parvenus,  qui  rivalisai!  difficilement  avec  les  princes  du 
sang  ou   la    vieille    noblesse    française.    Pour  beaucoup   c'était 


g/j  LE    ROLE    POLtTIQÙE    OU    CARDINAL    Dli    BOUUBOX 

même  une  maison  étrangère.  Guise  s'ingénia  à  faire  disparaître 
cette  défiance,  qui  pouvait  naître  chez  ses  partisans.  \  sa 
puissance  matérielle  il  voulut  ajouter  le  prestige  d'un  nom. 
Personne  n'était  plus  propre  à  donner  ce  prestige  que  Charles 
de  Bourbon. 

Le  prélat  était  par  lui-même  une  force.  Cardinal,  légat  du 
pape  en  Avignon,  pourvu  de  lune  des  plus  importantes  métro- 
poles du  royaume,  il  exerçait  dans  l'Eglise  une  influence  consi- 
dérable dont  il  avait  donné  des  preuves  lors  des  dernières  dis- 
cordes entre  le  roi  et  le  clergé.  Pourtant,  ce  que  Cuise  rechercha 
en  lui,  ce  fut  non  point  l'appui  du  prélat  puissant,  mais  bien 
l'autorité  du  prince  du  sang.  C'était  justifier  ses  réclamations 
aux  yeux  du  plus  grand  nombre  que  de  les  faire  porter  par  le 
cardinal.  C'était  donner  confiance  aux  timides  que  son  ambi- 
tion pouvait  effrayer.  C'était  en  un  mot  dissimuler  la  faction 
des  Lorrains  derrière  le  parti  des  catholiques. 

L'alliance  avec  le  cardinal  de  Bourbon  avait  un  autre 
avantage  considérable;  elle  fournissait  un  prétendant  à  la  cou- 
ronne. Le  premier  parmi  les  Bourbons  catholiques  ne  pouvait- 
il  s'opposer  au  roi  de  Navarre?  L'oncle  ne  pouvait-il  revendi- 
quer les  droits  dont  se  targuait  le  neveu?  Et  le  seul  fait  de 
poser  la  question  enlevait  au  Béarnais  bien  des  sympathies. 

D'après  L'Estoile,  lors  des  conférences  qui  eurent  lieu  à 
Nérac  à  la  fin  de  1078,  Henri  de  Bourbon  aurait  lancé  au  car- 
dinal une  parole  piquante  touchant  la  possibilité  de  sa  royauté. 
«Dites-leur  qu'ils  vous  fassent  pape,  avait-il  ajouté:  ce  sera 
chose  qui  vous  sera  plus  propre  et  si  seres  plus  grand  qu'eux 
ni   tous  les  rois  ensemble1.  »  Si  cette  anecdote  est  fausse  ou 

1.  Mémoires-journaux  de  P.  de  L'Estoile,  I.  I,  p.  274.  —Je  ne  crois  pas  que 
dès  cette  époque  on  ait  parlé  publiquement  de  la  candidature  du  cardinal. 
.1.  de  Vargas,  dans  sa  dépêche  à  Antonio  Pcrez,  de  Paris,  .'<  août  1  ."S78  (Arch. 
i\at..  K  i.V'ili,  n"  72,  orig.),  parle  de  la  succession  à  la  couronne  :  en  cas  de 
mort  du  roi  et  de  son  frère,  le  roi  de  Navarre  leur  succéderait.  Il  ne  dit 
mot  de  la  candidature  possible  du  cardinal.  —  Il  faut  noter  en  outre  qu'à 
la  date  du  iG  octobre  donnée  par  L'Estoile  à  ce  propos,  la  reine-mère  et  le 
cardinal  n'étaient  pas  encore  à  Nérac,  comme  le  prétend  l'auteur.  Ils  ne 
devaient  s'y  rendre  que  le  i5  décembre.  En  vérité,  ils  avaient  déjà  rencon- 


feOURBONS    ET    LORRAINS  QO 

du  moins  prématurée,  nul  doute  que  dès  celle  époque  (iuisr 
ait  songé  à  faire  de  l'oncle  un  obstacle  au  neveu.  La  combi- 
naison était  d'autant  plus  avantageuse  que  le  cardinal  avait 
près  de  soixante  ans.  Vu  cas  où  la  race  des  Valois  s'éteindrait 
sans  postérité  et  que  le  vieillard  fût  préféré  à  L'hérétique  Béar- 
nais pour  occuper  le  trône  royal,  la  question  c\2  succession  se 
poserait  de  nouveau  à  la  mort  sans  doute  peu  lointaine  du 
cardinal-roi.  Le  droit  violé  une  première  fois  ne  pourrait-il 
l'être  une  seconde,  en  faveur  des  descendants  de  Charle- 
magne  ? 

Deviner  les  desseins  secrets  de  Henri  de  Lorraine  est  évi- 
demment fort  difficile.  Il  agit  toujours  par  lui-même,  ne 
confia  jamais  ses  projets  intimes,  pas  plus  à  ses  frères  qu'à 
l'ambassadeur  d'Espagne.  Mais  il  faut  cependant  reconnaître 
que  systématiquement  il  s'attaqua  à  la  maison  de  Bourbon  et 
voulut  s'élever  sur  sa  ruine. 


Le  cardinal  avait  toujours  entretenu  de  bonnes  relations 
avec  les  Lorrains.  Les  quelques  désaccords,  qui  naquirent  à 
certains  moments  de  la  rivalité  des  deux  familles,  n'avaient  pu 
briser  une  amitié  d'enfance  que  de  continuels  rapports  vinrent 
encore  fortifier,  ("est  d'ailleurs  auprès  de  celte  maison  que 
Charles  de  Bourbon,  dans  l'adversité  comme  dans  le  bonheur, 
avait  trouvé  un  appui  constant,  car  elle  représentait  toute  une 
politique  vers  laquelle  peu  à  peu  il  s'acheminait.  C'est  aux 
Lorrains  qu'il  s'était  adressé  quand  il  avait  songé  au  mariage, 
quand  il  avait  voulu  convertir  Condé.  C'est  vers  eux  que  le 
rejetèrent  la  trahison  de  ses  frères  et  de  ses  neveux  et  la  procla- 
mation de  L'édit  de  Beaulieu  '.  Rien  n'était  plus  facile  que 
d'améliorer  des  relations,  dont  L'origine  était   la  communauté 

tré  Navarre,  mais  c'était  à  La  Réole.   La  sûreté  d'information   de  L'Estoile 
peut  donc  être  suspectée. 

i.  Mémoires  de  Marguerite  de  Valois  <s<><\  de  l'hist.  de  t'r.),  p.  86.  —  e  Mon 
frère  ne  s'onvrist  pas  d'avantage  devant  celte  compagnie  pourquoy  il  le 
(le  voyage  de  Marguerite  en  Flandre)  désiroit,  à  cause  que  Monsieur  le  car- 
dinal de  Bourbon  y  es  toit,  qui  tenoit  pour  le  guisari  et  l'espagnol.  » 


96  le   rôle   politique   DU   CARDINAL  DE   BOURBON 

de  religion  et  dont  le  but  semblait   être  la  sauvegarde  de  cette 
religion  même. 

A  ce  moment.  Charles  de  Bourbon  avait  comme  conseiller 
intime  Louis  de  Mainteternes,  abbé  de  Châtrices  et  vicaire 
gênerai  de  son  archevêché.  Les  renseignements  nous  man- 
quent sur  ce  personnage.  Nous  savons  seulement  qu'il,  était 
depuis  longtemps  au  service  du  cardinal,  puisque  dès  juillet 
i562  il  prit  possession  en  son  nom  de  l'abbaye  de  Saint-Ger- 
main-dcs-Prés,  et  qu'il  avait  su  mériter  suffisamment  ses  faveurs 
et  son  amitié  pour  obtenir  de  lui  l'abbaye  de  Sainl-Picrre-le-Vif. 
Le  conseiller  fut  plus  perspicace  que  le  maître.  Il  vit  claire- 
ment les  intrigues  ambitieuses  de  Guise.  Connaissant  la  fai- 
blesse du  cardinal,  il  s'efforça  d'écarter  le  duc  de  lui  le  plus 
possible.  Comme  un  jour,  en  présence  de  l'historien  de  Thon, 
un  des  partisans  des  Lorrains  lui  reprochait  ce  manège,  il  s'en 
excusa  d'abord  timidement,  puis,  parlant  avec  plus  de  liberté, 
il  ajouta  que  «  si  après  sa  mort  son  maître  avoit  le  malheur 
de  se  livrer  aux  Guises,  il  prévoyoit  qu'ils  ne  manqueraient 
pas  de  le  brouiller  avec  tous  les  princes  de  sa  maison  et  d'en- 
gager ensuite  ce  vieillard  crédule  dans  des  démarches  qui  ne 
deviendraient  pas  moins  funestes  à  sa  personne  qu'à  restât1  ». 

i.  DcTIiou,  Histoire  universelle ,  t.  Mil,  p.  553:  —  Je  n'ai  pu  retrouver  que 
fort  peu  de  renseignements  sur  Louis  de  Mainteternes.  dit  Mornay- 
Théribus,  au  dire  de  l'abbé  Deletlre,  Histoire  du  diocèse  de  Dennnns,  t.  III, 
p.  ■>.')-.  Des  recherches  faites  dans  la  famille  des  Mornay  n'ont  rien  donné. 
Dans  les  registres  capilulaires  de  la  cathédrale  de  Rouen,  il  est  cité  succes- 
sivement comme  archidiacre  du  Grand-Caux,  du  Yexin  français,  secrétaire 
de  Charles  de  Bourbon  dès  r555,  son  vicaire  général  et  son  trésorier  de  t558 
à  i58i.  V.  Kobillard  de  Beaurepairc,  Archives  départem.  de  Seine-Inférieure, 
série  G  t.  I,  p.  3o.  Les  \rch.  Nat.  possèdent,  sous  la  côte  \  ioâ,  f"  5o  v°,  une 
donation  faite  par  lui  à  sa  sœur,  Marie  de  Mainteternes,  femme  d'Etienne  de 
La  Rocque,  chirurgien  juré  du  roi  à  Gaillon,  de  tout  ce  qu'il  possède  aux 
paroisses  de  Saint-Aubin  et  de  Gaillon  (du  >'i  mars  i5&4,  n.  st.).  Du  Breul, 
dans  ses  luclyli  cœnobii  l>.  Germani  u  pratis  chronica  (Bibl.  Nat.,  f.  lat., 
ms.  [2838,  f'  tg8),  donne  à  la  date  de  if»68  comme  mari  à  sa  sœur  Nicolas 
.lacquart,  docteur  en  médecine.  —  De  Thon  semble  dire  que  l'abbé  de  Châ- 
trices mourut  peu  après  r58o.  Or  une  signature  :  de  Mainteternes,  se  trouve 
dans  des  actes  passés  au  nom  du  cardinal  de  Bourbon  en  date  de  Taris 
26  mai  i58o  et  16  décembre  [584.  V.  Bertrand  de  Cugnac  :  Jonzac  ei  Ozillae 
dans  Archives  historiques  de  Sainlonge  et  d'Auuis,  I.  \\,  p.  3i8. 


BOIUBONS    ET    LOUUAI.NS  07 

Henri  de  Lorraine  s'efforça  de  contrecarrer  cette  influence 
hostile,  qui  devait  d'ailleurs  bientôt  disparaître  par  la  mort  du 
vieux  conseiller.  André  de  Bourbon,  sieur  de  Rubempré, 
((  homme  ambitieux  et  propre  à  goûter  les  projets  les  plus  chi- 
mériques», était  aussi  fort  avant  dans  les  bonnes  grâces  du 
cardinal,  son  parent1.  Le  duc  lui  fit  parler  par  l'avocat  Louis 
d'Orléans,  fervent  ligueur,  et  par  le  frère  de  son  secrétaire 
Péricard.  Rubempré  lui  fut  bientôt  acquis2.  Encore  quelque 
temps  et  le  cardinal  allait  également  lui  appartenir. 

Les  relations  intimes  entre  Charles  de  Bourbon  et  les  Lor- 
rains commencèrent  au  retour  du  grand  voyage  qu'il  accom- 
plit avec  la  reine-mère  à  travers  le  midi.  Au  mois  de  juin  i58o, 
il  partagea  les  revenus  de  ses  abbayes  de  Corbie  et  d'Ourscamps 
avec  le  cardinal  de  Guise3.  Quelques  mois  plus  lard  il  con- 
sentit à  lui  céder  sa  légation  d'Avignon  si  ambitionnée;  diffé- 
rentes causes  empêchèrent  d'ailleurs  la  réalisation  du  projet4, 

Peu  de  temps  se  passa  avant  qu'apparurent  des  preuves  plus 
visibles  de  leur  alliance.  Aux  États  généraux  de  1676,  Henri  III 
avait  refusé  de  promulguer  les  décrets  du  concile  de  Trente, 
malgré  les  demandes  pressantes  du  clergé  et  des  catholiques 
exaltés.  Un  complot  se  forma  pour  lui  forcer  la  main  au  moyen 
des  conciles  provinciaux.  Charles  de  Bourbon  avait  déjà  mani- 

1.  André  de  Bourbon,  sieur  de  Rubempré,  petit-fils  naturel  de  Jean  II  de 
Bourbon  et  de  Jeanne  de  Rubempré,  était  né  après  i5i6.  Il  fui  chevalier  de 
l'ordre  du  roi,  capitaine  de  cinquante  hommes  d'armes  el  gouverneur 
d'  \bbeville.  V.  Anselme  (Le  p.),  Histoire  généalogique de  la  maison  deFpançg, 
I.  I,  p.  378,  et  les  mss.  d'Hozier  :  Ribl.  ,\at.,  f.  fr.,  ms.  26940,  n03  23 1  el 
suiv.  ;  269^1,  n"s  94,  103,  112  ;  et  269*42,  n"s  il'i,  162,  174. 

2.  Davila,  Histoire  des  guerres  eiviles,  t.  II,  p.  118. 

3.  Lettres  de  Cath.  de  Médicis,  t.  Vit,  p.  265-266  ;  de  Saint-Maur-les-Fossés, 

23  juin  iâ8o. 

',.  VégQciatwnsdipkm-  avee  la  Toseane.  I.  I\  ,  p.  £4a;  do  Paris,  23  avril  1  .">N 2 
—  ha  légation  d'Avignon  était  fort  recherchée.  En  ir.78,  on  avait  parlé  de 
la  donner  au  cardinal  de  birague,  qui  voulait  abandonner  la  chancellerie. 
(Cf.  Ribl.  \at.,  f.  ilah,  ms.  1  7 ' i f > ,  p.  ^58,  copie;  dép.  des  ambass.  \éniliens. 
de  Melun,  20  sept.  i^B).  Le  cardinal  deCnisela  recherchait  depuis  quelque 
temps.  Kn  outre  le  due  de  Joyeuse  la  voulait  pour  son  frère  qui  allait  èlre 
créé  cardinal.  (V.    Ilii,!..   ms.    17.33,    p.   99  et   iq5,    copie;  de   Paris,    m  et 

24  juin  iû83j.  Le  grand  duc  de  Toscane  la  souhailail   aussi  pour  son  frère. 

Sm  lnier.  —  Cardinal  de  Bourbon.  1 


98  LE    RÔLE    POLITIQUE    DU    CARDINAL    DE    BOURBON 

feslé  à  plusieurs  reprises  le  désir  de  réformer  son  église 
de  Rouen1.  Le  icr  mars  i58o,  avant  de  donner  Yosculuni 
sanction  aux  membres  de  l'assemblée  du  clergé  qui  se  séparait, 
il  leur  avait  promis  de  convoquer  le  plus  tôt  possible  un 
concile  provincial2.  Sur  les  exhortations  du  pape  il  ne  différa 
pas  plus  longtemps.  Par  ses  lettres  du  20  septembre  i58o.  il 
en  fixa  la  réunion  dans  sa  ville  de  Rouen  au  premier  dimanche 
de  l'avenl;  elle  fut  retardée  ensuite  jusqu'au  dimanche  de  Qua- 
simodo  (23  avril) :!. 

Ce  qui  était  grave,  c'était  non  pas  de  convoquer  un  concile 
provincial,  mais  de  vouloir  y  promulguer  les  décrets  du 
concile  de  Trente.  Pour  aller  aussi  ouvertement  contre  la 
volonté  du  roi,  il  fallait  une  audace  que  le  cardinal  n'aurait 
pas  eue  seul.  Mais  il  avait  à  ses  côtés  Claude  de  Saintes,  éveque 
d'Evreux,  tout  dévoué  à  la  maison  de  Lorraine4  ;  et,  bien  que 
l'évêque  méritât  l'entière  confiance  du  duc  de  Guise,  celui  ci 
se  rendit  lui-même  à  Gaillon  par  trois  fois  pendant  la  session  5. 
Le  concile  satisfit  à  ses  espérances  et  à  celles  du  pape.  Gré- 
goire XIII  en  ratifia  les  décrets,  et  le  3i  août  Charles  de 
Bourbon  donna  ordre  à  ses  suffragants  de  les  publier  et  de 
les  observer6. 


1.  Le  cardinal  avait  fait  publier  un  nouveau  bréviaire  diocésain  de 
l'église  de  Rouen  suivant  la  bulle  de  Pie  V  de  1068,  qui  réformait  le  bré- 
viaire romain  pour  le  rendre  plus  conforme  aux  décrets  du  concile  de 
Trente  :  Breviarium  insignis  metropolitanse  ecclesiœ  Rothomagensis  reveren- 
dissitni  et  illustfissimi  principis  et  domini  cardinalis  a  Borbonio  archiepiscopi 
ac  Neustriœ,  primatis  auctoritate...  Parisiis,  1078,  petit  in-8°,  2  vol.  —  Le  bré- 
viaire fut  réimprimé  sans  changement  en  imj^.  —  V.  aussi  Robillard  de 
Reaurepaire,  Archives  départem.  de  Seine-Inférieure,  série  G,  t.  II,  p.  269, 
270,  271. 

2.  Taix  (G.  de),  Mémoires  des  affaires  du  clergé  de  France,  1.  I,  p.  309. 

3.  Ressin  (D.  G.),  Concilia  rotornagensis  provincige.  Rouen,  1717.  in  f°,  1.  I, 
p.  194  et  suiv. 

'j.  Thon  (de),  Histoire  universelle,  t.  VIII,  p.  553. 

5.  Calendar  of  state  papers,  1581-1582,  p.  1Ô1  ;    de  Paris,  5  mai  i58i. 

6.  Bessin  (D.  G.),  Concilia  rotornagensis  provincice,  1.  I,  p.  197.  —  Theiner 
(Aug.),  Annales  ecclesiastici,  t.  III,  p.  307.  —  Saintes  (Claude  de).  Le  concile 
provincial  des  diocèses  de  Normandie  tenu  à  Rouen  l'an  1581  par  M.  l'ill,  et 
révér,  cardinal  de  Bourbon,  archevêque  dudii  lieu...  Paris,  i583,  in-8°. 


BOURBONS    ET    LORRAINS  qg 

L'exemple  du  cardinal  fut  bientôt  suivi.  Quelques  mois  plus 
tard  l'archevêque  de  Bordeaux  réunit  un  concile  dans  sa  ville 
métropolitaine.  L'année  suivante  ce  fut  le  cardinal  de  Guise, 
archevêque  de  Reims,  puis  l'archevêque  de  Tours.  Ceux  de 
Bourges,  d'Aix,  les  imitèrent1. 

C'était  une  première  victoire  pour  le  parti  ligueur.  C'était 
aussi  un  triomphe  du  duc  de  Guise.  Son  influence  sur  le  prélat 
se  marque  de  jour  en  jour  davantage.  Déjà  il  cherche  à  se 
dissimuler  derrière  lui,  à  en  faire  son  porte-parole.  Le  roi  tou- 
jours aux  prises  avec  les  difficultés  financières  avait  convoqué 
à  la  fin  de  i58o  une  assemblée  de  notables  à  Saint-Germain- 
en-Laye.  Au  cours  de  la  discussion,  le  premier  président  au 
parlement  de  Paris  osa  dire  que  la  Normandie  était  en  partie 
cause  de  la  pauvreté  du  trésor,  car  elle  avait  refusé  de  payer 
certains  impôts  nouveaux.  Le  cardinal  de  Bourbon  saisit  l'oc- 
casion pour  s'attaquer  au  gouvernement.  \u  lieu  d'accuser  à 
tort  sa  province,  insinua-t-il,  il  fallait  bien  mieux  rechercher 
les  causes  d'une  mauvaise  administration,  pourquoi  les  gens 
de  justice  ne  songeaient  qu'aux  pots  de  vin,  ceux  des  finances 
qu'à  dilapider  les  deniers  publics  ;  chasser  les  huguenots  était 
le  seul  moyen  de  rendre  au  royaume  avec  l'unité  de  la  foi  son 
ancienne  splendeur  et  son  ancienne  prospérité. 

Cet  appel  à  une  nouvelle  guerre  exaspéra  le  roi.  Il  voyait 
bien,  déclarât  il,  que  cette  proposition  ne  venait  pas  du  car- 
dinal, que  d'autres  la  lui  avaient  suggérée  :  et  sa  réplique  fut 
si  violente  que  le  prélat  ne  sut  que  répondre2.  Henri  III  avait 
découvert  Guise  derrière  les  paroles  du  cardinal.  Les  menées 


i.  Hardouin,  Collectio  regia  maxima  conciliorum  ab  anno  S'i  ml  iin- 
num  i7iU,  t.  \,  col.  1221  et  suiv.  —Le  concile  de  Kouen  avait  remis  en 
avant  la  question  des  décrets  du  concile  de  Trente.  Le  nonce  obtint  du  roi 
la  permission  d'aviser  avec  les  cardinaux  de  Birague,  de  Bourbon  cl 
quelques  autres  seigneurs,  aux  moyens  de  publier  les  décrets  en  France. 
On  n'aboutit  à  aucun  résultai.  V.  Bibl.  Nat.,  f.'ital.,  ms.  17^3,  p.  4n  et 
425,  copie;  dép.  des  anibass.  vénitiens,  de  Paris,  3o  nov.  et  24  déc.  i.">8>. 

2.  Bibl.  Nat.,  f.  ital.,  ms.  1733,  p.  234,  copie; dép.  des  ambass.  vénitiens, 
de  Paris,  ■>.'•>  nov.  [583.  —  Négociations  diplom.  avec  la  Toscane,  t.  IV,  p.  \\- ; 
de  Paris,  18  nov.  i583. 


IOO  LE    ROLE    POLITIQUE    DU    CARDINAL    DE    BOURBON 

du  Lorrain  n'étaient  plus  un  secret  pour  personne.  On  savait 
si  bien  à  cette  époque  qu'il  intriguait  auprès  de  l'archevêque 
de  Houen,  que  l'historien  de  Thou  ne  craint  point  de  citer  à 
l'appui  de  celte  thèse  un  fait. qui  eut  vraisemblablement  une 
autre  cause. 

Le  chapitre  de  l'église  de  Rouen  jouissait  en  souvenir  de 
saint  Romain,  un  des  premiers  évêque's  de  la  ville,  du  droit 
de  délivrer  chaque  année  un  prisonnier  des  mains  de  la 
justice.  Ce  privilège  avait  attiré  à  plusieurs  reprises  de  graves 
abus,  et  on  avait  vu  les  pires  scélérats  graciés  par  le  choix  des 
chanoines.  Plusieurs  fois  on  parla  de  l'abolir.  A  l'assemblée 
des  notables  de  Saint-Germain,  Jean  de  La  Guesle.  président 
au  parlement  de  Paris,  souleva  de  nouveau  la  question.  «  Le 
cardinal  de  Bourbon,  qui  estoit  présent...,  entra  en  fureur  et 
se  jeta  aux  genoux  du  roi  avec  autant  d'empressement  que 
s'il  se  fût  agi  de  sa  dignité,  de  ses  biens  et  de  son  salut  éternel, 
en  suppliant  Sa  Majesté  d'obliger  La  Guesle  à  lui  faire  satis- 
faction et  à  l'église  de  Rouen  sur  l'outrage  sanglant  qu'il  venoit 
de  leur  faire...  Ce  cardinal  en  fut  très  piqué  non  seulement  à 
cause  de  l'injure  qu'il  prétendoit  lui  être  faite  à  lui-même, 
mais  parce  qu'on  lui  ôtoit  par  là,  disoit-il,  le  moyen  de 
ramener  au  droit  chemin  des  misérables  qui  se  perdoient  et  de 
les  enrôler  dans  la  sainte  Union.  »  Et  de  Thou  ajoute  que  des 
«  scélérats  déjà  chargés  de  crimes  ne  faisoient  aucune  diffi- 
culté de  s'engager  à  en  commettre  de  nouveaux  et  s'enrôloient 
sans  peine  dans  la  conspiration  formée  contre  le  roi  et  l'état  »>, 
sûrs  qu'ils  étaient  de  l'impunité1.  Or  il  est  fort  probable, 
sinon  certain,  que  le  cardinal  ne  fit  dans  cette  circonstance 
que  défendre  les  intérêts  de  son  église.  Peut-on  croire  en  effet 
qu'il  se  fût  résolu  à  recruter  des  partisans  même  parmi  ces 
criminels,  dont  le  nombre  forcément  restreint  n'aurait  pu 
donner  qu'un  bien  petit  secours  !  D'ailleurs  un  examen  sérieux 
de  ceux  qui  furent  graciés  par  le  chapitre  va  contre  l'affirma- 
tion de  l'historien  '-. 

i.  Thou  (de),  Histoire  univeneUe,  t.  IX,  p.  83  à  86. 
a.  Voir  l'Appendice  n°  III. 


BOURBONS  ET  LORRAINS  IOI 

Mais  un  autre  incident  montre  beaucoup  plus  clairement 
combien  le  cardinal  était  dès  cette  époque  acquis  aux  Lor- 
rains. On  sait  quelle  importance  on  attachait  alors  aux  ques- 
tions de  préséance.  A  cette  même  assemblée  de  Saint-Germain, 
une  querelle  s'éleva  sur  ce  sujet  entre  Charles  de  Bourbon, 
neveu  de  l'archevêque  de  Rouen,  et  le  cardinal  de  Guise.  Le 
jeune  Charles,  fort  de  son  titre  de  prince  du  sang,  refusa  de 
céder  le  pas  au  Lorrain,  et,  malgré  les  conseils  de  son  oncle 
qui  ne  l'aurait  pas  voulu  voir  disputer  la  première  place  à  un 
cardinal  prêtre,  lui  qui  n'était  pas  encore  entré  dans  les  ordres, 
il  en  référa  au  roi  qui  lui  donna  raison.  Le  cardinal  de  Guise 
piqué  n'assista  plus  aux  séances  l. 

Ainsi  le  cardinal  de  Bourbon  en  était  arrivé  à  sacrifier  l'in- 
térêt de  sa  famille  même  catholique  à  celui  de  la  maison  de 
Lorraine.  Après  avoir  abandonné  au  cardinal  de  Guise  une 
partie  des  abbayes  qu'autrefois  il  réservait  à  son  neveu,  il  lui 
accordait  maintenant  la  préséance.  Les  intrigues  des  Lorrains 
portaient  leurs  fruits. 

Or  le  duc  d'Anjou  s'affaiblissait  de  jour  en  jour.  Ses  der- 
nières campagnes  de  Flandre  l'avaient  épuisé.  En  février  i584, 
après  avoir  fêté  joyeusement  le  carnaval  à  Paris,  il  se  retira  à 
Château-Thierry,  où  il  fut  pris  d'une  fièvre  violente.  On  con- 
serva bientôt  peu  d'espoir  de  le  sauver. 

Dès  cette  époque,  au  dire  de  Duplessis-Mornay,  courait  par 
le  royaume  un  certain  livre  en  latin  soutenant  vivement  la 
candidature  du  cardinal  à  la  couronne  de  France-.  Le  bruit  se 
répandit  à  la  cour  que  Charles  de  Bourbon  lui-même  aurait 
déclaré  qu'en  cas  de  mort  de  Henri  III  et  de  son  frère,  il  ne 
pensait  pas  que  le  peuple  consentît  jamais  à  avoir  un  roi 
hérétique  et  que  par  conséquent  il  espérait  monter  sur  le 
trône3. 

i.  Thou  (de),  Histoire  universelle,  t.  I\,  p.  80. 

2.  Mémoires  et  correspondance  de  Duplessis-Mornay,  t.  Il,  p.  564;  «  lettre 
de  discours  sur  les  divers  jugemens  des  occurences  du  temps  faicte  par 
M.  Duplessis,  du  18  mars  i58/|.  » 

3.  Bibl.  Nat.,  f.  ital.,  ms.  1733,  p.  36o,  copie  ;  dép.  des  ambass.  véni- 
tiens, de  Paris,  i3  avril  i58/). 


102  LE    ROLE    POLITIQUE    DU    CARDINAL    DE    BOURBON 

Au  commencement  d'avril,  des  nouvelles  de  Château-Thierry 
annoncèrent  l'état  désespéré  de  Monsieur.  On  apprit  alors 
d'une  façon  certaine  que  le  cardinal  se  prétendait  héritier  pré- 
somptif de  la  couronne,  non  seulement  parce  que  son  neveu 
était  hérétique,  mais  parce  qu'il  y  avait  moins  droit  que  lui, 
étant  plus  éloigné  de  la  race  royale4..  Certains  dirent  même 
que  le  prélat  avait  traité  son  filleul  de  bâtard,  parce  que  Jeanne 
d'Albret,  sa  mère,  s'était  déjà  mariée  une  première  fois  avant 
d'épouser  Antoine  de  Bourbon2. 

Le  10  juin,  le  duc  d'Anjou  expirait  et  sa  mort  posait  la  ques- 
tion de  succession  au  trône  de  France. 

i.  Bibl.  Nat.,  f.  ital.,  ras.  1733,  p.  378,  copie  ;  de  Paris,  )  1  mai  1  r>84-  — 
Arch.  Nat.,  K  i503,  n°  i3,  déchifïï.  ;  dép.  de  Tassis  à  Philippe  II,  de  Paris, 
10  mai  i584- 

2.  Négociations  diplom.  avec  la  Toscane,  t.  IV,  p.  01 3  ;  de  Paris,  i")  juin  i584. 


DEUXIEME     PARTIE 


L'HÉRITIER   PRÉSOMPTIF 


CHAPITRE    PREMIER 


LA    LIGUE    S  ARME 


La  disparition  du  duc  d'Anjou  fait  date  dans  le  règne  de 
Henri  III.  La  période  qui  suit  diffère  étrangement  de  celle  qui 
précède.  Non  pas  que  la  transition  soit  brusque  ;  cette  mort  ne 
change  en  rien  la  situation  des  partis,  mais  elle  la  précise  sin- 
gulièrement. Une  seule  idée  désormais  préside  aux  destinées 
du  royaume.  Henri  III  n'a  pas  d'enfant;  on  est  persuadé  qu'il 
n'en  aura  jamais.  A  qui  reviendra  la  couronne?  On  croyait 
qu'elle  appartenait  légitimement  au  roi  de  Navarre.  La  can- 
didature du  cardinal  de  Bourbon  soulève  les  plus  graves  diffi- 
cultés. 

Deux  prétendants  sont  donc  sur  les  rangs,  l'oncle  et  le 
iic^eu,  l'un  soutenu  par  les  protestants,  l'autre  par  le  parti  des 
Lorrains.  Henri  III  voit  avec  colère  ce  nouveau  prétexte  à  la 
discorde.  Il  déclare  qu'il  est,  ainsi  que  la  reine,  en  parfaite 
santé,  tous  deux  jeunes  et  capables  avec  l'aide  de  Dieu  d'avoir 
une  nombreuse  progéniture  ;  mais  il  persuade  seulement  les 
gens  amis  de  la  paix,  qui  refusent  de  se  préoccuper  des  diffi- 
cultés à  venir. 

Les  deux  partis  prennent  aussitôt  position.  Connue  le  roi  de 
Navarre  a  semblé  jusqu'ici  le  véritable  héritier  présomptif,  ce 
sont    les    ligueurs   qui    attaquent.     La  guerre    s'ouvre  par  un 


10 f\  LE    RÔLE    POLITIQUE    DU    CARDINAL    DE    BOURBON 

échange  de  pamphlets  presque  tous  anonymes,  que  les 
meneurs  répandent  à  l'envi  pour  gagner  des  partisans.  La  plu- 
part sont  écrits  en  français,  quelques-uns  en  latin,  ce  qui  leur 
vaut  sans  doute  une  plus  grande  autorité.  Mais  aucun  n'échappe 
au  fanatisme.  Les  théoriciens  cherchent  cependant  à  l'éviter. 
Pour  établir  leur  thèse,  ils  s'appuient  sur  les  juristes  les  plus 
réputés,  remplissent  leurs  œuvres  de  citations  de  droit  romain 
et  de  droit  canon,  les  illustrent  d'exemples  que  leur  fournit 
l'histoire.  Toutefois  la  violence  les  entraîne  le  plus  souvent, 
car  il  leur  faut  réfuter  les  raisons  de  leurs  adversaires  et  se 
justifier  de  leurs  accusations.  Aussi  les  libelles  se  répondent-ils 
les  uns  aux  autres.  Leur  nombre  considérable  témoigne  de 
l'àpreté  de  la  lutte  *. 

Le  principal  argument  des  partisans  du  cardinal  est  qu'en 
ligne  collatérale  le  droit  de  proximité  se  substitue  au  droit  d'aî- 
nesse, c'est-à-dire  que  celui-ci  disparaît  avec  le  dernier  repré- 
sentant de  la  ligne  directe.  Louis  X  mourant  sans  enfant  a 
supprimé  le  droit  d'aînesse  dans  la  maison  de  saint  Louis,  et 
c'est  parce  qu'il  était  le  plus  proche  parent  du  roi  défunt  que 
Philippe  V  est  monté  sur  le  trône.  C'est  aussi  par  droit  de 
proximité  que  Charles  IV  a  succédé  à  Philippe  V,  Philippe  VI  à 
Charles  IV,  Louis  XII  à  Charles  VIII,  François  Ier  à  Louis  XII, 
Charles  IX à  François  II,  Henri  Illà  Charles  IX.  A  Henri  III  doit 
succéder  le  plus  proche  parmi  les  princes  du  sang,  c'est-à-dire 
l'oncle,  qui  est  moins  éloigné  d'un  degré  que  le  neveu. 

A  ces  raisons  les  partisans  du  roi  de  Navarre  répondent  que 
le  droit  d'aînesse  est  toujours  transmissible,  que  le  droit  de 
succession  une  fois  entré  dans  une  lignée  n'en  sort  point  avant 
qu'elle  ne  soit  complètement  éteinte,  qu'en  conséquence  le  roi 

i.  Matthieu  Zampini  publia  des  premiers  un  libelle  en  latin  soutenant 
les  droits  du  cardinal  de  Bourbon.  —  En  i588  parut  une  réponse 
attribuée  à  François  Hotman  :  Ad  tractàtum  Matthsei  Zampini  I.  C.  Recana- 
tensis,  de  successione  prserogativse  primi  principis  Francise,  ornatissimi  viri 
P.  C.  A.  F.  civis  parisiensis  et  regii  consiliarii  responsio.  S.  1.,  1 588,  in-8°.  — 
En  1590  un  pamphlet  répondit  à  ce  dernier  libelle:  De  successione prœroga- 
tivae  primi  principis  Francise  ab  impugnantium  injuria  jure  vindicata,  propugna- 
tore  Matthœo  Zampino  Recanalensi  I.  C.  Parisiis,  iôgo,  in-8°. 


LA    LIGUE    S  ARME  IOO 

de  Navarre  hérite  des  prérogatives  de  son  père.  Chacune  de  ces 
affirmations  est  accompagnée  de  textes  juridiques  ou  de  faits 
historiques.  Un  précédent  souvent  allégué  par  les  ligueurs  fera 
mieux  comprendre  toute  l'ardeur  que  les  deux  partis  mettent  à 
ces  controverses.  Louis  le  Pieux  a  succédé  dans  l'empire  à  son 
père  Charlemagne,  quoique  son  frère  aîné,  Pépin,  eût  laissé  en 
mourantun  fils  nommé  Bernard.  Dans  ce  cas  l'oncle  l'a  emporté 
sur  le  neveu  '. 

Cet  exemple  embarrasse  fort  les  protestants.  Les  uns  essaient 
de  tourner  la  difficulté  en  citant  un  passage  du  Chronicon  mur- 
tinianum  prétendant  que  Louis  le  Pieux  était  le  fils  aîné  de  Char- 
lemagne 2.  Les  autres  l'abordent  hardiment.  Charles  ayant  fait 
le  partage  de  son  empire  et  Pépin  s'étant  vu  donner  l'Italie, 
son  fils  Bernard  ne  pouvait  rien  réclamer  davantage  et  d'ail- 
leurs, pour  porter  la  couronne  impériale,  il  fallait  non  seule- 
ment être  le  plus  proche  du  dernier  empereur,  mais  encore 
agréé  par  le  peuple  romain. 

Ce  sont  là  surtout  discussions  d'érudits  qui  intéressent  médio- 
crement la  foule.  D'autres  faits  plus  récents  la  frappent  davan- 
tage. Lors  du  mariage  d'Antoine  de  Bourbon  et  de  Jeanne 
d'Albret,  le  cardinal  a  renoncé  en  faveur  de  son  frère  c  aux 
successions  tant  paternelles  que  maternelles  »  qui  pouvaient  lui 
échoir  3,  et  il  a  renouvelé  cet  abandon  aux  noces  de  son 
neveu  et  de  Marguerite  de  France  i.  Pourquoi  ne  tient-il  pas  ses 
promesses  ? 

Les  ligueurs  répondent   qu'en  effet  le  cardinal  a   renoncé  à 

i.  Cet  exemple  est  allégué  dans  les  deux  ouvrages  suivants  :  Le  droict  de 
monseigneur  le  cardinal  de  Bourbon  à  la  couronne  de  France  défendu  et  main- 
tenu par  les  princes  cl  catholiques  françois.  Paris,  i58q,  in-8°,  et  l>e  la  succes- 
sion du  droict  et  prérogative  de  premier  prince  du  sang  de  France,  déférée  par 
la  loy  du  royaume  à  monseigneur  Charles,  cardinal  de  Bourbon,  par  la  mort 
tic  monseigneur  François  de  Valois,  duc  d'Anjou.  Paris,  i588,  in-8. 

a.  Ad  tractatum  Matthœi  ZampiniJ.  C.Recanatensis,  de  successione  prseroga- 
tivse  primi  principis  Francise,  omatissimi  viri  P.  C.  A.  F,  civis  parisiensis  et 
régis  consiliarii  responsio.  S.  1.,  rô88,  in-8°. 

3.  Conférence  chreslienne  de  quatre  docteurs  théologiens  et  de  trois  fameux 
advocats sur  le  faict  de  la  Ligue...  S.  1.,  i58(3,  in-8°. 

!\.  Du  Mont,  Corps  universel  diplomatique,  t.  IV  p.  316. 


lOÔ  LE    RÔLE    POLITIQUE    DU    CARDINAL    DE    BOURBON 

tous  les  biens  que  la  maison  de  Bourbon,  d'Alençon  et  de  Ven- 
dôme pouvait  lui  réserver.  Toutefois  la  renonciation  n'a  pas  été 
complète,  puisque,  par  un  procès  intenté  contre  Jeanne  d'Al- 
bret  après  la  morl  de  son  frère,  il  a  obtenu  une  compensation 
décent  mille  livres.  Or  ces  cent  mille  livres  n'ont  jamais  été 
payées.  Il  est  vrai  que  le  cardinal  les  adonnées  en  dot  à  Henri  de 
Bourbon.  Mais,  en  admettant  même  que  la  renonciation  soit 
valable,  elle  ne  s'étend  qu'aux  biens  patrimoniaux.  Elle  ne 
peut  comprendre  un  droit  auquel  personne  ne  songeait  lors- 
qu'elle fut  faite,  puisque  Charles  IX  était  encore  jeune  et  que 
ses  deux  frères  semblaient  assurer  la  succession  à  la  couronne. 
D'ailleurs,  en  l'alléguant,  les  partisans  du  roi  de  Navarre 
n'avouent-ils  pas  la  priorité  des  droits  de  l'oncle  sur  ceux  de 
son  neveu {  ? 

Malgré  les  efforts  des  ligueurs,  cette  priorité  n'apparaît  point 
évidente.  On  se  rappelle  encore  que,  lors  de  la  bonne  entente 
entre  les  prétendants.  Henri  de  Bourbon  marchait  toujours  le 
premier  devant  le  cardinal  clans  les  cérémonies  officielles.  Des 
actes  subsistent,  où  sa  signature  précède  celle  du  prélat2.  Parmi 
les  défenseurs  même  du  cardinal  des  discussions  s'élèvent  sur 
l'origine  de  ses  droits.  Les  uns  déclarent  qu'il  doit  succéder  à 
Henri  III  comme  héritier  du  due  d'Anjou;  d'autres  critiquent 
cette  théorie,  car  d'après  elle,  à  la  mort  du  cardinal,  le  roi  de 
Navarre,  qui  sera  son  héritier,  devrait  lui  succéder,  tandis 
qu'en  réalité  le  droit  véritable  appellera  selon  eux  au  trône  de 
France  le  duc  de  Montpensier  à  l'exclusion  de  Henri  de 
Bourlion.  ('/est  déjà  préparer  l'avenir  3. 

Cette  incertitude  chez   les  théoriciens  ligueurs  témoigne  de 

i.  Traicté  sur  la  déclaration  du  roy  pour  les  droits  de  prérogative  de  monsei- 
gneur le  cardinal  de  Bourbon.  Paris,  i588,  in-8°. 

2.  Legrain  (Bapt.),  Décade  contenant  la  vie  etgestes  d'Henry  leGrand.  Paris, 
i6i4,  in-f°,  p.  67. 

il.  [avertissement  sur  les  lettres  octroyées  àmonsieurle  cardinal  de  Bourbon. 
S.  I..  [588,  in-8°.  —  Explicatio  errorum  cujusdam  scripti  mi incognitus author 
titulum  fecit  :  advertissement  sur  les  lettres  octroyées  à  monsieur  le  cardinal 
île  Bourbon,  authore  Matthxo  Zampino  Recanatensi  /.  V.  Doct.  S.  t.,  1689, 
in-8\ 


LA    LIGUE    S  ARME  IO~ 

la  faiblesse  de  leurs  arguments.  Certains  partisans  du  cardinal 
reconnaissent  même  la  priorité  des  droits  de  son  neveu. 
En  1687.  dans  un  manifeste  envoyé  par  le  conseil  de  la  Ligue 
de  Paris  aux  villes  de  province,  il  est  dit  :  «  Advenant  le  cas  de 
la  mort  du  roy  sans  enfants...  seront  les  Estats  priez  de  la  paît 
des  catholiques  de  favoriser  à  la  nomination  royale  sur  tous 
les  princes  catholiques  mon  dit  sieur  le  cardinal  de  Bourbon 
tant  parce  qu'il  est  prince  très  catholique,  ennemy  des  héré- 
tiques qu'aussi  il  est  prince  françois,  doux,  aggréable  et  ver- 
tueux, de  la  race  ancienne  des  roys  de  France,  qui  le  rend  1res 
recommaudable  non  comme  héritier  et  successeur,  estant  trop 
remot  en  degré,  mais  capable  d'esleclion  et  de  l 'honneste  pré- 
férence pour  sa  religion  et  ses  vertus1.  » 

C'est  sur  ce  terrain  que  se  sont  placés  les  défenseurs  du  cardi- 
nal vraiment  sincères.  La  question  religieuse  est  pour  eux  la 
seule  raison  d'être  de  sa  candidature  et  son  seul  appui.  Sauf 
Guise,  qui  peut  espérer  des  avantages  particuliers  dans  l'acces- 
sion au  trône  de  Charles  de  Bourbon,  les  ligueurs  acceptent  la 
royauté  du  prélat  uniquement  parce  qu'elle  exclue  le  protes- 
tant: et,  laissant  la  question  juridique  aux  subtils  controver- 
sistes.  ils  vont  surtout  l'aire  appel  au  sentiment  religieux  pour 
gagner  des  partisans. 

A  l'archevêque,  dont  on  connaît  la  douce  bonté,  la  piété  pro- 
fonde, la  foi  ardente,  ils  opposent  le  roi  de  Navarre  hérétique 
et  relaps.  Les  prédicateurs  tonnenl  en  chaire  contre  lui.  Pour 
effrayer  le  peuple,  ils  lui  montrent  ce  qu'il  peut  attendre  d'un 
tel  maître.  Un  libelle  écrit  sous  le  nom  d'un  catholique  anglais 
raconte  aux  catholiques  français  ce  que  souffrent  pour  leur  foi 
leurs  coreligionnaires  d'Outre-Manche2.  Des  planches  repré- 
sentant leurs  supplices  sont  exposées  dans  Paris  et  des  gens. 
une  baguette  à  la  main,  eu  expliquent  le  sujet.  Peu  de  temps 

i.  Cayet  (Palma),  Chronologie  novenaire,  Introd.,  p.  35. 

■>.  [avertissement  des  catholicqu.es  anglois  aux  françois  catholicques  du  danger 
où  ih  sont  de  perdre  leur  religion  et  d'expérimenter  comme  en  Angleterre  la 
craauté  des  ministres,  s'ils  reçoivent  à  la  couronne  un  roi  qui  soil  hérétique, 
[par  Louis  d'Orléans],  publié  dans  A  rchives  curieuse  s,  ["série,  t.  IV  i>->. 


Io8  LE    RÔLE    POLITIQUE    DU    CARDINAL    DE    BOURBON 

après  un  immense  tableau  reproduisant  les  mêmes  scènes  est 
placardé  dans  le  cimetière  Saint-Séverin:  il  faut  un  ordre  du 
roi  pour  le  faire  disparaître.  Les  faits  semblent  justifier  ces 
fables  ;  on  croit  que  Marie  Stuart  paie  dans  la  prison  de  Fothe- 
ringhay  son  attachement  à  la  religion  catholique. 

Les  partisans  de  Navarre  répondent  en  démasquant  l'ambi- 
tion des  Lorrains  qu'ils  appellent  «  les  premiers  espagnols 
françois1  ».  Ils  montrent  combien  est  libéral  le  roi  qui  a  réta- 
bli le  catholicisme  dans  ses  états  et  l'autorise  même  dans  les 
villes  où  il  passe2.  Quant  à  Henri  de  Bourbon,  assez  habile 
pour  ménager  l'avenir,  il  proteste  de  sa  fidélité  dans  la  foi  et  la 
religion  chrétiennes  et  déclare  qu'il  s'est  toujours  soumis  aux 
saints  conciles  3. 

Entre  les  deux  partis  vit  une  majorité  de  gens  calmes, 
inquiets  de  cette  rivalité  chaque  jour  plus  agressive  qui  doit 
fatalement  conduire  à  la  guerre  civile.  Aux  discussions  succé- 
deront les  coups.  Or,  empêcher  les  discussions  semble  chose 
impossible,  sinon  en  faisant  désavouer  par  le  cardinal  lui-même 
les  menées  de  ses  partisans.  Quelques-uns  l'essaient. 

Le  plus  intéressant  des  libelles  qui  se  sont  proposés  ce  but 
parut  anonyme  en  i586  sous  le  titre  de  Conférence  chrestienne 
de  quatre  docteurs  théologiens  et  trois  fameux  advocats  4.  Ce  livret 
est  certainement  l'œuvre  d'un  catholique.  Il  est  précédé  d'une 
épître  fort  respectueuse  adressée  au  prélat,  où  l'auteur  s'excuse 
de  lui  donner  des  avis  ;  mais,  de  même  que  les  spectateurs 
indiquent  aux  comédiens  quel  doit  être  leur  jeu,  parce  qu'ils 

i.  Réponse  aux  déclarations  et  protestations  de  messieurs  de  Guise,  faites 
sous  le  nom  de  M.  le  cardinal  de  Bourbon,  pour  justijier  leur  injuste  prise 
d'armes...  S.  t.,  i585,  in-8°,  publiée  dans  Mémoires  de  la  Ligue,  t.  I,  p.  79. 

2.  Ibidem. 

3.  Déclaration  du  roi  de  Navarre  contre  les  calomnies  publiées  contre  lui  et 
protestations  de  ceux  de  la  Ligue  qui  se  sont  élevées  en  ce  royaume.  S.  1.,  i585, 
in-8°,  publiée  dans  Mémoires  il,-  la  Ligne,  t.  I,  p.  120. 

4.  Conférence  chrestienne  de  quatre  docteurs  théologiens  et  trois  fameux 
advocats  sur  le  faict  de  la  Ligne  et  levée  des  armes  faicte  d&puis  quelque  temps 
en  France  au  nom  de  monseigneur  le  révér.  et  illuslr.  prince  Charles,  cardinal 
de  Bourbon,  contenant  response  au  littelle  intitulé  «  Le  Salutaire  ».  publié  par 
ceux  de  la  dite  Ligue...  S.  1.,  iô8li,  in-8°. 


LA    LIGUE    g  ARME  IOQ 

peuvent  le  juger  sainement,  de  même  les  sujets,  qui  aper- 
çoivent mieux  les  fautes  des  princes  que  ces  princes  eux- 
mêmes,  peuvent  les  conseiller. 

La  forme  du  libelle  est  ingénieuse.  L'auteur  suppose  une  con- 
férence entre  trois  avocats  et  quatre  théologiens.  Après  quelques 
pages  discrètes  sur  les  dangers  de  l'ambition,  il  rapporte  ce 
qu'ont  dit  les  avocats.  Au  point  de  vue  juridique,  ils  donnent 
raison  au  neveu  contre  l'oncle,  et,  ce  qu'ils  blâment  surtout, 
c'est  la  manière  dont  le  cardinal  use  pour  faire  prévaloir  ses 
droits.  Pourquoi,  s'il  croit  à  la  justesse  de  ses  réclamations,  se 
faire  un  bouclier  d'un  parti  très  fort  comme  le  parti  catho- 
lique ?  Pourquoi  s'appuyer  sur  les  Espagnols  et  le  duc  de  Savoie, 
les  ennemis  de  la  France,  s'allier  aux  ligueurs,  qui  veulent  non 
seulement  déshériter  le  roi  de  Navarre,  mais  encore  lui  ôter 
l'honneur  et  la  vie  ?  A  quoi  peut-on  aboutir  ?  A  la  guerre  civile, 
parce  que  lui,  déjà  vieil  et  débile,  espère  succéder  à  un  jeune  roi 
plein  de  vie;  la  guerre,  pour  l'espérance  d'une  couronne  que 
Dioclétien,  Carloman,  Charles-Quint  et  tant  d'autres  ont 
méprisée.  S'il  sort  vainqueur,  il  ne  régnera  qu'avec  l'invincible 
regret  d'avoir  détruit  sa  famille  et  accablé  ses  sujets.  Qu'il  pré- 
fère donc  une  vie  tranquille  et  pleine  d'honneurs  au  milieu  de 
la  paix  du  royaume. 

S'il  est  uniquement  poussé  par  son  zèle  religieux,  les  théolo- 
giens voul  lui  répondre.  La  bonne  intention  ne  suffit  point 
quand  les  moyens  sont  mauvais.  Ce  n'est  pas  par  la  guerre  que 
Dieu  a  toujours  condamnée,  mais  bien  par  l'exemple  qu'il  faut 
vaincre  les  ennemis  de  la  religion  catholique.  D'ailleurs  Henri 
de  Bourbon  n'est  nullement  hostile  à  cette  religion  qu'il  main- 
tient dans  son  royaume  de  ^a^arre.  Pourquoi  ne  la  maintien- 
drait-il pas  dans  son  royaume  de  France:»  Et  Dieu  a-t-il  jamais 
abandonné  son  peuple? 

Tel  fut  l'appel  adressé  au  cardinal  de  Bourbon.  Il  ne  voulut 
point  l'entendre.  Sa  première  pensée  fut  évidemment  la  défense 
de  la  religion  ;  c'est  pour  elle  qu'il  avait  crié  ses  premières  pro- 
testations après  ledit  de  Beaulieu  en  1076.  pour  elle  aussi  qu'il 
disputa   la   couronne   à  son    neveu    hérétique.    Mais    le    prélal 


IlO  LE    ROLE    POLITIQUE    OU    CARDINAL    DE    BOUHBOS 

n'a-t-il  pas  été  poussé  à  L'alliance  lorraine  par  l'espérance 
de  la  couronne  de  France  ?  C'était  peut-être  une  bien  folle 
prétention  de  la  part  d'un  vieillard  âgé  de  soixante  ans 
passés  que  de  vouloir  succédera  un  jeune  roi  de  trente-cinq  ans 
à  peine.  Cependant  il  faut  se  rappeler  que  jadis  le  cardinal 
avait  ambitionné  la  lieulenance  générale  du  royaume  ;  il  avait 
même  accepté  l'idée  d'un  mariage  qui  l'aurait  mis  à  la  tête  des 
princes  laïcs.  L'espoir  d'une  couronne  ne  pouvait  donc  pas  lui 
déplaire,  mais,  il  faut  le  dire,  ce  ne  fut  point  la  cause  initiale 
de  son  alliance  avec  le  duc  de  Guise. 

Son  grand  crime  fut  de  manquer  de  clairvoyance.  En  effet 
sa  candidature  ne  pouvait  rien  résoudre.  En  admettant  qu'il 
survécût  au  roi,  qu'il  lui  succédât,  sans  enfant  il  ne  pouvait 
espérer  si  âgé  avoir  une  progéniture.  On  parla  d'un  mariage 
avec  la  duchesse  de  Montpensier,  sœur  de  Guise  et  veuve 
depuis  trois  ans  :  plaisanterie  à  laquelle  on  n'attacha  point 
d'importance  et  qui  ne  fut  qu'une  source  de  ridicule  pour  le 
malheureux  cardinal  '.  Lui  mort,  à  qui  reviendrait  la  couronne, 
sinon  au  roi  de  Navarre?  Vu  duc  de  Montpensier,  bcau-tils  de 
la  duchesse  ?  Quelques  pamphlétaires  seuls  osèrent  prononcer 
son  nom.  Guise  ne  voulait  pas  poser  la  question.  Quand  Cathe- 
rine s'en  inquiéta,  il  lui  lit  croire  que  le  tils  du  duc  de  Lor- 
raine, petit-fils  de  la  reine  mère  et  par  conséquent  du  sang  des 
Valois,  pourrait  prétendre  au  trône.  Au  roi  d'Espagne,  il  laissa 
entendre  qu'un  prince  fort  puissant  pourrait  seul  y  aspirer; 
Mais  au  cardinal,  si  jaloux  du  sang  des  Bourbons,  quelles  expli- 
cations donna  Guise!»  Les  documents  sont  muets  sur  ce  point. 
Peut-être  le  prélat  songea-t-il  à  ses  neveux  catholiques!  La  fidé- 
lité à  son  égard  du  cardinal  de  Vendôme,  le  plus  habile  des 
trois,  pourrait  le  faire  croire.  Ce  n'était  certainement  point 
l'idée  du  Lorrain. 

Quoiqu'il  en  soit,  le  cardinal  de  Bourbon  fut  un  instrument 
docile  aux  mains  de  son  allié.  De  son  nom  il  couvrit  ses  plus 


i.  Mémoires-journaux  de  I'.  de  ÙE&toile,  I.  Il,  ]>.  a4a  ;  séquence  du  cardi- 
nal de  Bourbon  et  de  la  Montpensier  ;  —  p.  a65  ;  coq  à  l'asne. 


LA    LIGUE    S  ARMÉ  1  i  i 

audacieuses  réclamations.  Il  fut  véritablement  le   «  chameau  de 
la  Ligue  »  '. 

Charles  de  Bourbon  devait  subir  les  conséquences  de  son 
erreur.  Les  pamphlétaires  font  souvent  preuve  de  perspicacité; 
vis-à-vis  du  prélat  leurs  prévisions  furent  remarquablement 
justes.  En  mai  i585  parut  un  pasquin  des  plus  curieux  sous  la 
forme  d'un  «  arrest  prononcé  en  chausses  rouges  par  Maistre 
Harlequin,  président  en  la  cour  matagonesque  des  Archifols, 
sur  le  différend  meu  entre  Messieurs  Chicot  et  Sibilot  et  l'in- 
tervention de  Maistre  Pierre  du  Faur  l'Evesque  »  -.  Chicot,  le 
roi  de  Navarre,  et  Sibilot,  le  duc  de  Guise,  sont  en  procès  pour 
recueillir  un  héritage.  Survient  Maître  Pierre  «  portant  son 
chapeau  solennel  de  plumes  et  de  feuilles  vertes  avec  quelques 
couronnes  gorrières  au-dessous...  une  grosse  barrette  de  peau 
de  veau,  assez  poupinement  élabourée,  selon  son  humeur,  la 
barbe  faite  àl'estuvée,  ses  habits  à  la  gorgiasse,  ses  chausses  de 
lin  grelin  gringottées  de  sonnettes  »,  qui  déclare  avoir  seul 
droit  à  l'héritage.  Mais,  attendu  que  le  possesseur  vit  encore, 
la  cour  matagonesque  renvoie,  le  procès  à  plus  tard,  condam- 
nant seulement  Maître  Pierre  du  Faur  l'Evesque  aux  dépens. 
La  sentence  du  tribunal  des  Vrehifols  fut  exécutée  ;  le  cardinal 
eut  à  se  repentir  de  sa  malheureuse  intervention. 


La    candidature  de  Charles   de  Bourbon    n'avait  chance  de 
succès  que  si   elle  était  posée  énergiquement  dès   les   premiers 
jours.  Attendre  pacifiquement  la  mort  de  Henri  III  pour-  pro 
clamer  le  droit  du  prélat  et  exclure  son    neveu  les  armes  à  la 
main    eut    été    dangereux,     car    l'issue     d'une    guerre    contre 


i.  Mémoires-journaux  de  /'.  de  L'Estoile,  I.  II.  p.  222.  -  L'Estoile,  I.  III. 
p.  100,  énumère  les  livres  qui  constituaient  une  certaine  bibliothèque  ima- 
ginaire de  madame  de  Montpensier.  Le  cardinal  de  Bourbon  >  est  dit  l'au- 
teur do  "  t'Oisonnerie  générale  0  en  dois  volumes,  illustrée  el  mise  en 
lumière  par  Cornac  et  Leclerc,  son  médecin. 

■>..  Ibid.,  t.  II,  p.  236. 


112  LE    ROLE    POLITIQUE    DU    CARDINAL    DE    BOURBON 

Navarre,  soutenu  par  les  prolestants  et  les  loyalistes,  semblait 
assez  douteuse  :  les  huguenots  résistaient  heureusement  depuis 
plus  de  vingt  ans  aux  efforts  des  catholiques  et  leur  chef  s'était 
révélé  dans  la  dernière  campagne  fort  habile  homme  de 
guerre.  Au  contraire  fortifier  dès  maintenant  le  parti  de  la 
Ligue,  affaiblir  insensiblement  ses  adversaires,  leur  reprendre 
leurs  places  de  sûreté,  faire  exclure  du  trône  le  roi  de  Navarre 
et  proclamer  le  cardinal  héritier  présomptif,  en  un  mot  enlever 
peu  à  peu  toute  autorité  au  huguenot  et  l'enserrer  dans  un 
réseau  de  formidables  forces  prêtes  à  l'écraser,  tel  était  le  meil- 
leur parti  à  prendre  et  tel  fut  celui  que  Guise  adopta. 

Dès  lors  le  Lorrain  dirige  tout  avec  une  merveilleuse  habi- 
leté. Charles  de  Bourbon  ne  fait  que  suivre  ses  ordres.  Ce  ne 
sont  pas  à  vrai  dire  des  ordres,  car  le  duc  sait  ménager  les  sus- 
ceptibilités du  prélat  ;  mais  il  parvient  à  lui  suggérer  ses  propies 
idées,  que  le  cardinal  croit  siennes.  Le  vieillard  se  prêle  de 
bonne  grâce  à  ce  jeu,  tant  il  est  dominé  par  la  supériorité  de 
son  allié.  Cependant  cette  vie  active  est  loin  de  lui  convenir.  A 
certains  moments,  fatigué  des  difficultés  sans  cesse  nouvelles, 
il  regrette  le  calme  des  anciens  jours  ;  mais  Guise  triomphe 
bientôt  de  cet  abattement  passager. 

A  peine  le  duc  d'Anjou  fut-il  mort  que  Henri  de  Lorraine 
commença  la  réalisation  de  ses  desseins.  Dès  le  début  de  juillet 
il  vint  prendre  congé  du  roi.  Des  affaires  urgentes,  dit-il,  l'ap- 
pelaient dans  ses  domaines  et  il  laissa  entendre  que  son  absence 
serait  d'assez  longue  durée.  En  même  temps  Mercœur  se  relira 
dans  son  gouvernement  ;  madame  de  Nemours  s'en  alla  en  Pié- 
mont ;  les  ducs  de  Nevers  et  de  Mayenne  annoncèrent  leur  départ 
prochain.  En  quelques  jours  tous  les  membres  de  la  famille  de 
Lorraine  eurent  quille  la  cour  '. 

Le  roi  ne  s'en  inquiéta  point.  Il  s'occupait  alors  de  l'a  ména- 
gement d'une  chapelle,  qu'il  installait  au  bois  de  Yincennes 
sous  le  vocable  de  la  Madeleine  par  respect  pour  la  grande 
pénitente.  Son  principal  souci  élait  de  faire  une   inauguration 

i .  Négociations  diplom.  avec  la  Toscane,  t.  IV,  p.  5iS  ;  de  Paris,  10  juill.  i584. 


LA    LIGUE    S'ARME  Il3 

magnifique.  Les  Lorrains  partis,  il  voulut  au  moins  que  le 
cardinal  de  Bourbon  rehaussai  par  sa  présence  l'éclat  de  la 
solennité.  Le  prélat  s'excusa  ;  L'administration  de  son  diocèse 
le  réclamait,  déclara-t-il,  el  il  quitta  la  cour  quelques  jours  avant 
la  cérémonie  !. 

Henri  III  put  croire  à  une  vengeance  de  la  part  de  L'arche- 
vêque de  Rouen,  ayant  donné  récemment  au  cardinal  de 
Joyeuse,  frère  de  son  mignon,  l'abbaye  de  Marmoutiers  que  le 
vieillard  convoitait  -.  Cependant  ce  départ  l'inquiéta,  car  on 
apprit  à  ce  moment  que  durant  la  dernière  semaine  le  cardinal 
s'était  trouvé  continuellement  en  compagnie  du  duc  de  Guise 
qui,  malgré  le  congé  pris  du  roi,  séjournait  encore  à  Paris, 
qu'ils  s'étaient  rencontrés  dans  la  ville  et  aux  environs,  man- 
geant toujours  ensemble  à  l'hôtel  de  l'un  ou  de  l'autre  :!.  Aussi, 
quand  Charles  de  Bourbon  vint  à  son  tour  prendre  congé  de 
lui,  Henri  III  ne  put  retenir  une  parole  piquante  :  «  Adieu,  mon 
oncle,  dit-il  ;  recommandez-moi  au  duc  de  Guise  *.  » 

Il  regretta  bientôt  de  l'avoir  laissé  partir.  Des  bruits  alarmants 
vinrent  de  l'est:  Guise  avait  parlé  à  certains  capitaines  de  reî- 
tres,  puis  aux  gouverneurs  des  villes  picardes;  tous  ceux  de  sa 
maison  s'assemblaient  pour  le  moment  dans  Nancy  el  on  disait 
qu'ils  ne  viendraient  pas  de  longtemps  à  Paris.  Le  cardinal 
de  Bourbon,  qu'on  manda  plusieurs  fois  à  la  cour,  s'obstina 
à  rester  à  Caillou  avec  son  neveu  le  cardinal  de  Vendôme  '. 
Tous  ces  agissements  cachaient  évidemment  quelque  dessein. 
Henri   III    inquiet   publia  le    n    novembre   un  edit  déclarant 

i.  Hibl.  Nat.,  f.  ital.,  ms.  1733,  p.  427,  copie;  dép.  dos  ambass.  vénitiens, 
de  Paris,  20  juill.  i584-  —  Négociations  diplom.  avec  la  Toscane,  t.  [V,  p.  :ïio  ; 
de  Paris,  29  mai  [584- 

a.  Ihid.  —  L'abbaye  de  Marmoutiers  appartenait  à  Jacques  d'AvriUy, 
favori  du  feu  duc  d'Anjou.  Le  cardinal  de  Bourbon  avait  déjà  passé  contrat 
avec  lui  pour  en  prendre  possession,  quand  la  volonté  du  roi  vint  déjouer 
ses  plans. 

3.  Hibl.  jNat.,  f.  ital.,  ms.  1733,  p.  43o,  copie  ;  dép.  des  ambass.  vénitiens, 
de  Paris,  30  juill.  [584. 

4.  Négociations  diplom.  avec  la  Toscane,  t.  IV,  p.  .">•>•>;  do  Paris,  a3  juill.  [584. 

5.  Florence;  Arcliivio  niedicco.  ins.  4Gia,  f°  609.  orig.  ;  dép.  de  G.Busini 
àBélisario  Vinla,  de  Paris,  \i  nov.  [584. 

S.iuljuer.  —  Cardinal  de  Bourbbn.  8 


î  1 4  LE    ROLE    POLITIQUE    DU    CARDINAL    DE    BOURBON 

criminels  de  lèse -majesté  tous  ceux  qui  feraient  ligue  ou  asso- 
ciation !.  En  même  temps  il  donna  ordre  aux  cardinaux  de 
Bourbon  et  de  Vendôme,  aux  ducs  de  Guise  et  de  Mayenne,  de 
le  rejoindre  à  Saint-Germain  -.  Les  deux  cardinaux  obéirent 
seuls.  Leur  présence  suffît  à  calmer  momentanément  l'inquié- 
tude du  roi  3. 

En  arrivant  à  la  cour,  l'archevêque  'de  Rouen  y  trouva  deux 
ambassadeurs  du  roi  de  Navarre,  Duplessis-Mornay  et  le  comte 
de  Laval,  qui  sollicitaient  au  nom  des  protestants  l'occupation 
pendant  quelque  temps  encore  des  places  de  sûreté  qu'ils  devaient 
rendre.  Le  premier  jour  où  il  les  rencontra,  le  cardinal  se 
montra  fort  aimable  ;  il  chargea  même  Duplessis-Mornay  de 
présenter  à  son  neveu  ses  meilleures  amitiés,  de  l'assurer  qu'il 
serait  toujours  son  serviteur.  Mais,  quand  le  protestant,  joyeux 
de  la  décision  du  roi  qui  laissait  les  places  de  sûreté  à  ses 
coreligionnaires,  vint  prendre  congé  de  lui,  le  prélat  surpris 
par  la  nouvelle  ne  put  cacher  son  mécontentement  et  resta 
court,  dévoilant  ses  véritables  sentiments  au  perspicace  ambas- 
sadeur *. 

Rendu  soupçonneux  par  cette  singulière  bienveillance  du  roi 
envers  les  réformés,  l'archevêque  de  Rouen  essaya  de  connaître 
sa  pensée  intime.  Mais  le  vieillard  manquait  d'habileté,  surtout 
pour  s'attaquer  au  fin  esprit  qu'était  Henri  III.  Le  piège  fut 
trop  grossier  pour  que  celui-ci  s'y  laissât  prendre.  Un  jour  le 
sieur  de  Lénoncourt,  après  avoir  fait  l'éloge  du  cardinal  de 
Bourbon  par  devant  le  roi,  osa  demander  au  souverain  qui  il 
désignerait  pour  son  successeur.  Henri  III  s'étonna  seulement 
de  cette  impertinente  question  et  répliqua  fort  à  propos  :  «  Les 
fils,  que  Dieu  me  donnera  5.  » 

La  venue  en  cour  du  cardinal  de  Guise,  qui  excusait  ses  frères 
et  annonçait  leur  arrivée   dès   qu'ils    auraient  terminé   leurs 

i.  L'édit  est  publié  dans  les  Mémoires  de  Nevers,  t.  1,  p.  633. 

■>,.  Négociations  diplom.  arec  la  Toscane,  t.  IV,  p.  54a  ;  de  Paris,  lanov.  i">S4. 

3.  Ibid.,  p.  543  ;  de  Paris,  27  nov.  i584. 

'1.  Mémoires  de  madame  Duplessis-Mornay  (Soc.  de  l'hist.  de  Fr.),  t.  I,  p.  iô-ï. 

."t.  Négociations  diplom.  avec  la  Toscane,  t.  l\  ,  p.  544  ;  de  Paris,  a4  déc.  i584. 


la  Ligue  s  arme  ii5 

affaires,  avait  achevé  de  dissiper  les  craintes  du  souverain  ]  ; 
mais  telle  était  l'habileté  de  Henri  de  Lorraine  qu'au  moment 
même  où  il  détruisait  tout  soupçon  chez  Henri  III,  il  pactisait 
avec  l'étranger.  Le  3i  décembre  i584  était  signé  à  Joinville  un 
traité  secret  entre  la  Ligue  et  le  roi  d'Espagne. 

Cette  alliance  était  le  fruit  des  agissements  des  derniers  mois. 
Tout  y  fut  sagement  préparé.  Guise  ne  voulant  point  s'engager 
seul,  les  principaux  seigneurs  de  la  Ligue  durent  se  compro- 
mettre avec  lui.  Les  absents  envoyèrent  des  représentants.  Le 
cardinal  de  Bourbon  délégua  un  de  ses  familiers,  François  de 
Roncherolles,  sieur  de  Maineville.  Les  ducs  de  Mercœur  et  de 
Nevers,  qui  n'avaient  pu  venir,  eurent  une  place  réservée  au 
bas  de  l'acte  pour  y  apposer  leur  signature. 

Le  traité  proclama  deux  choses  essentielles  :  la  reconnais- 
sance du  cardinal  comme  héritier  présomptif  et  une  alliance 
offensive  entre  la  Ligue  et  le  roi  d'Espagne.  Le  prélat  prit  le  titre 
de  premier  prince  du  sang.  Une  fois  monté  sur  le  trône,  lui  Ou 
son  successeur  confirmerait  le  traité  de  Caleau-Cambrésis, 
défendrait  tout  exercice  de  religion  protestante  dans  le  royaume, 
promulguerait  les  décrets  du  concile  de  Trente,  renoncerait  enfin 
à  toute  alliance  et  même  correspondance  pouvant  nuire  à  la 
chrétienté.  De  son  côté  Philippe  II  s'engageait  à  fournir  aux 
princes  catholiques,  tant  qu'il  leur  faudrait  combattre  pour  la 
religion,  cinquante  mille  écus  pistolets  par  mois,  consentant  à 
leur  avancer  la  solde  du  premier  semestre  dès  le  3i  mars.  Si  les 
ligueurs  s'emparaient  de  Cambrai,  ils  la  lui  remettraient,  sinon 
la  ville  lui  serait  rendue  à  l'avènement  du  cardinal  ou  de  son 
successeur,  qui  lui  rembourserait  également  tout  l'argent 
dépensé.  Enfin  chaque  parti  s'engageait  à  ne  pas  traiter  avec  le 
roi  de  France  sans  l'assentiment  de  l'autre  -. 

On  dressa  deux  originaux  de  l'acte,  le  premier  pour  Phi- 
lippe II,  le  second  pour  le  cardinal  de  Bourbon.  Quelques  jours 
plus  tard  tous  deux  le  ratifièrent  par  une  lettre  signée  de  leur 

i.  Bibl.  Nat.,  f.  ital.,  ms.  1733,  p.  5i3,  copie;  dép.  des  ambass.  vénitiens, 
de  Paris,  i\  déc.  iô8^. 

a.  Du  Mont,  Corps  universel  diplomatique,  l.  IX,  p.  \\\. 


Il6  LE    ROLE    POLITIQUE    DU    CARDINAL    DE    BOURBON 

propre  main  et  scellée  de  leur  sceau  '.  Chose  curieuse,  le  texte 
portait  à  plusieurs  reprises  «  le  cardinal  ou  son  successeur  ». 
Mais  quel  serait-il  ?  Guise  avait  sans  doute  préféré  l'incertitude  ; 
Philippe  II  également . 

Ce  traité  fut  le  pas  initial  de  Henri  de  Lorraine  dans  l'exécu- 
tion de  ses  desseins.  Soutenu  pai  l'argent  de  l'Espagne,  il  entre- 
prit d'en  réaliser  la  première  partie  :  taire  révoquer  l'édit  de 
pacification  et  reprendre  aux  protestants  les  villes  que  le  roi 
venait  à  nouveau  de  leur  concéder.  On  n'obtiendrait  jamais 
cette  révocation  de  la  bonne  volonté  de  Henri  III.  Il  fallait  donc 
l'y  contraindre  par  la  force.  Guise  arma. 

Quant  au  cardinal,  il  avait  maintenant  l'espérance  certaine 
de  la  couronne.  Il  avait  même  tout  tracé  le  programme  de  ses 
premières  actions,  pauvre  monarque  qui  perdait  déjà  toute 
liberté  pour  sa  royauté  lointaine.  Ce  traité  le  faisait  roi  sans 
même  qu'il  l'eût  signé.  Évidemment  il  y  consentait  et  Maine- 
ville  avait  pu  faire  connaître  sa  volonté  au  cours  des  discussions. 
Maid  le  fait  n'en  reste  pas  moins  significatif.  Le  traité  de  Join- 
villc  est  le  premier  acte  des  deux  alliés  ;  la  manière,  dont  il  fut 
conclu,  laisse  entrevoir  quel  sera  le  rôle  de  chacun  d'eux  au 
cours  des  années  suivantes. 


Le  secret  du  traité  fut  bien  gardé.  Aucun  bruit  n'en  parvint 
aux  oreilles  du  roi.  Toutefois  les  armements  faits  par  les 
ligueurs  ne  purent  rester  longtemps  cachés. 

A  la  cour  le  cardinal  de  Guise  s'efforça  de  démentir  les  nou- 
Nclles  alarmantes  dès  leur  arrivée;  mais  bientôt,  prétextant  des 
affaires  pressantes,,  il  partit  dans  son  archevêché  de  Reims 
emmenant  avec  lui  ses  deux  petits-neveux,  fils  du  duc  de  Guise, 
qu'élevait  madame  de  Montpensier.  D'autre  part  le  cardinal  de 
Bourbon  obtint  la  permission  d'aller  passer  lé  carême  dans  son 

i.  La  lettre  de  ratification  donnée  par  le  cardinal  de  Bourbon  cl  les 
princes  français  se  trouve  en  copie  à  la  suite  d'un  lexte  du  traité  dans  les 
collections  de  la  Bibl.  Nat..  f.  fr.,  ms.  ^97'j.  f"  71  el  111s.  336.'},  f°  i3. 


LA    LIGUE    8  ARME  I  I  " 

diocèse.  Leduc  de  Nevers  prit  congé  dvi  roi  pour  s'en  aller  aux 
bains  de  Lucques  et,  pendant  les  visites  d'adieu,  une  parole 
imprudente  échappa  même  à  la  duchesse  :  «  Nous  partons  ;  à 
notre  retour  nous  trouverons  autre  chose  dans  le  royaume.  » 
Enfin  on  remarqua  que  le  duc  d'Elbeuf  et  tous  ceux  qui  dépen- 
daient de  la  maison  de  Lorraine  quittaient  la  cour  précipitam- 
ment *. 

Cette  fuite  rapide,  en  l'espace  d'une  semaine,  de  tous  les  affi- 
liés des  Lorrains,  dès  qu'on  avait  appris  les  armements,  tira 
enfin  le  roi  de  son  inertie.  La  découverte  d'un  bateau  plein 
d'armes  qui  s'en  allait  vers  Châlons  où  commandait  Guise.  Le 
bruit  qui  commençait  à  courir  d'une  entente  avec  l'étranger, 
ne  lui  laissèrent  plus  aucun  doute  sur  les  desseins  des  ligueurs  B. 
Le  16  mars  il  fit  partir  quatre  gentilshommes,  La  Molhe-Fénclon 
et  La  Vieuville,  vers  les  cardinaux  de  Bourbon  et  de  Guise, 
Maintenon  et  Rochefort  vers  les  ducs  de  Guise  et  de  Mayenne. 
Le  roi  réclamait  la  présence  des  princes  pour  l'aider  à  mettre  fin 
à  certains  désordres,  dont  il  ne  comprenait  pas  l'origine  :!. 

Le  21  mars  La  Mothe-Fénelon  revint  deGaillon.  Le  cardinal 
de  Bourbon  avait  déclaré  qu'il  ne  connaissait  aucun  complot, 
qu'en  vérité  il  savail  les  Lorrains  mécontents,  mais  que  lui- 
même  n'avait  rien  fait  qui  pût  le  faire  soupçonner  d'infidélité 
envers  son  roi  ;  et  il  avait  promis  d'être  le  ^k  à  la  cour.  Le  len- 
demain arriva  le  sieur  de  Maintenon.  Reçu  avec  bienveillance 
par  Guise,  il  avait  d'abord  espéré  une  heureuse  issue  à  son 
ambassade;  mais,   le  duc  ayant  refusé  d'obéir   aux    ordres  de 


i.  Bibl.  Nat.,  f.  ital.,  ms.  17.34,  p.  0,  copie;  dép.  des  ambass.  vénitiens, 
de  Paris,  i5  mars  i585. 

2.  Bibl.  Nat.,  f.  ital.,  ms.  1734,  p.  6  et  10,  copie:  dép.  des  ambass.  véni- 
tiens, de  Paris,  i5  et  18  mars  i585.  —  Négociations  diplom.  avec  la  Toscane, 
t.  IV,  p.  606  ;  de  Paris,  20  mars  i585.  —  Mémoires-journaux  de   P.  de    L'Es 
toile,  t.  II,  p.  i85. 

.;.  Bibl.  Nat.,  f.  fr.,  ms.  33<>9,  f09  3  et  !\,  copie;  lettres  de  Henri  ill  ,111  card. 
de  Bourbon,  aux  ducs  de  (mise  et  de  Mayenne,  nu  card.  de  Guise,  de  Paris, 
iii  mars  i585.  —  \nli.  Nat.,  K  t568,  n°  Jo,  déchiffr.  ;  dép.  de  Mendoça  à 
Philippe  II,  de  Paris,  ao  mars  i585.  -  -  Négociations  diplom.  avec  In  Toscane, 
t.  IV.  p.  55a;  de  Paris,  ag  mais  [585. 


IIO  LE    ROLE    POLITIQUE    DU    CARDINAL    DE    BOURBON 

Henri  III,  le  gentilhomme  l'avait  quitté  sans  même  prendre 
congé  de  lui.  A  peine  Maintenon  était-il  de  retour  à  Paris 
qu'arrivait  un  écuyer  de  Henri  de  Lorraine  porteur  d'une  lettre 
au  roi  l'assurant  de  son  entière  soumission  et  d'une  autre  à  la 
reine-mère,  dans  laquelle  le  duc  la  suppliait  de  le  prendre  sous 
sa  protection  et  lui  offrait  de  la  venir  trouver  avec  sa  femme  et 
ses  fils,  là  où  elle  voudrait,  pour  lui  témoigner  ses  bonnes 
intentions.  Quant  à  Mayenne,  il  s'était  étonné  des  soupçons  du 
roi,  et,  bien  que  connaissant  le  mécontentement  de  son  frère,  il 
se  déclarait  prêt  à  obéir  aux  ordres  de  son  souverain  *. 

Or  toutes  ces  belles  paroles  étaient  loin  de  concorder  avec  les 
actes  des  ligueurs.  Guise  entra  dans  Châlons  malgré  une  défense 
expresse  du  roi.  Le  24  arriva  sans  amener  en  cour  le  cardinal 
de  Bourbon.  Henri  III,  voulant  au  moins  se  saisir  du  vieillard 
qu'il  soupçonnait  être  le  chef  nominal  du  parti,  renvoya  La 
Mothe-Fénelon  en  toute  hâte  vers  Gaillon.  Le  prélat,  qui  la 
première  fois  s'était  montré  docile  et  soumis,  chercha  des 
excuses.  Il  répondit  que  le  roi  lui  avait  accordé  la  permission 
de  passer  le  carême  dans  son  diocèse  et  que  d'ailleurs  une 
attaque  de  goutte,  qui  le  torturait  actuellement,  s'opposait  à 
tout  voyage  immédiat.  Devant  les  instances  du  gentilhomme, 
il  promit  cependant  de  partir  le  lendemain  en  litière.  Il  partit 
en  effet,  mais  au  lieu  de  prendre  la  route  de  Paris  il  suivit  celle 
de  Picardie  2.  Accompagné  du  duc  d'Elbeuf  et  de  cinq  cents 
cavaliers,  il  se  dirigea  vers  Péronne,  où  malgré  une  défense 
formelle  de  Henri  III  il  entra  solennellement3.  Deux  jours 
après  il  se  rendit  à  Guise,  d'où  il  crut  bon  d'écrire  au  souverain 


1.  Bibl.  ]Nat.,  f.  ital.,  ms.  1734,  p.  18,  copie;  dép.  des  ambass.  vénitiens, 
de  Paris,  29  mars  i585.  —  Négociations  diplom.  avec  la  Toscane,  t.  IV,  p.  555  ; 
de  Paris,  5  avril  i585. 

2.  Bibl.  Nat.,  f.  ital.,  ms.  1734,  p-  20,  copie;  dép.  des  ambass.  vénitiens, 
de  Paris,  29  mars  i585.  —  Négociations  diplom.  avec  la  Toscane,  t.  IV,  p.  555  ; 
de  Paris,  5  avril  i585. 

3.  Arch.  du  Vatican  ;  lettere  délia  segreteria  di  stalo,  nunziatura  di  Fran- 
cia,  t.  XVIII,  p.  1,  orig.  ;  dép.  de  l'évèque  de  Bergame  au  card.  Rusticucci, 
de  Paris,  1"  avril  i585.  —  Bibl.  Nat.,f.  fr.,  ms.  3364>  f°  56,  orig.;  mémoire 
d'un  envoyé  du  card.  de  Bourbon  au  duc  de  Nevers.  (Pièces juslif.  n°  VII.) 


LA    LIGUE    S'ARME  IIQ 

pour  expliquer  sa  conduite  et  assurer  qu'en  quelque  endroit 
qu'il  fut  il  n'oublierait  jamais  son  devoir  f. 

Pour  que  le  cardinal  de  Bourbon  osât  désobéir  aussi  ouver- 
tement aux  ordres  du  roi.  il  fallait  que  la  révolte  fût  sérieuse. 
Elle  l'était  en  effet.  Quatre  mille  reîtres  se  levaient  sur  la  fron- 
tière allemande,  six  mille  fantassins  en  Suisse.  Mercu'ur  tenait 
la  Bretagne,  Elbeuf  la  Normandie,  de  Vins  la  Provence.  En 
Champagne  les  ligueurs  avaient  Ghâlons  et  Reims  ;  en  Bour- 
gogne Dijon,  Mâcon  etAuxonne;  en  Guyenne  Bordeaux,  Agen, 
Villeneuve-en-Agenois.  Mandelot,  gouverneur  de  Lyon,  laissait 
espérer  son  appui,  ainsi  qu'Entragues  à  Orléans  et  La  Châtre 
à  Bourges.  A  Paris  le  peuple  se  déclarait  pour  eux  et  avait  même 
songé  un  moment  à  s'emparer  de  la  personne  du  roi.  Enfin 
le  bruit  se  confirmait  d'une  alliance  avec  Philippe  II,  les  ducs 
de  Bavière  et  de  Savoie.  On  disait  aussi  que  le  pape  leur  avait 
envoyé  une  bulle  accordant  l'indulgence  à  tous  ceux  qui  favo- 
riseraient la  Ligue  2. 

Devant  ce  complot,  que  la  déposition  de  Villefalier  dévoila 
d'une  façon  manifeste  3,  Henri  III  restait  sans  défense.  Il  voulut 
faire  des  armements,  mais  le  trésor  était  vide.  Malgré  l'argent 
réclamé  à  la  municipalité  parisienne,  aux  banquiers  italiens, 
il  n'eut  pas  seulement  de  quoi  payer  quelques  soldats  déjà 
levés  *.  Or  le  bruit  courait  que  les  forces  ligueuses  allaient  entrer 
en  campagne  ;  on  disait  dans  huit  ou  dix  jours.  Villefalier 
l'annonça  pour  le  5  ou  le  8  avril  5.  Au  roi  sans  ressources  il  ne 


i.  Bibl.  Nat.,  f.  fr.,  ms.  3420,  f°  38,  autogr.  ;  lettre  du  eard.  de  Bourbon 
au  roi,  de  Guise,  3i  mars  i585. 

2.  Bibl.  Nat.,  f.  ital.,  ms.  1734,  p.  27  et  3i,  copie;  dép.  des  ambass.  véni- 
tiens, de  Paris,  .2  et  5  avril  i585.  —  Négociations  diplom.  avec  la  Toscane, 
t.  IV,  p.  55g  ;  de  Paris,  5  avril  i585. 

3.  Bibl.  Nat.,  f.  fr.,  mss.  32A7,  f"  69  et  34ao,  fu  3i,  copies  ;  déposition  du 
sieur  de  Villefalier,  du  ior  avril  i585,  imprimée  en  partie  dans  les  Lettres 
de  Cath.de  Médicis,  t.  VIII,  p.  a44,  note  1. 

\.  Bibl.  Nat.,  f.  ital.,  ms.  1734.  P-  21  et  29,  copie;  dép.  des  ambass.  véni- 
tiens, de  Paris,  29  mars  et  2  avril  i585. 

5.  Cf.  note  3.  —  Négociations  diplom.  avec  ta  Toscane,  l.  [V,  p.  554;  de 
Paris,   3  avril   [585.    —  Charrière  (K.),  Négociations  de  la  France  dans   le 


120  LE    ROLE    POLITIQUE    DU    CARDINAL    DE    BOURBON 

restait  qu'un  seul  moyen,  que  son  insouciance  lui  fit  trop  sou- 
vent employer  :  la  négociation. 

Le  3o  mars  au  matin,  il  envoya  au  cardinal  de  Bourbon 
Philippe  de  Lénoncourt  et  le  duc  de  Retz,  au  duc  de  Guise 
Pierre  d'Kpinac  et  La  Chapelle  des  Ursins,  au  duc  de  Mayenne 
l'abbé  des  Châtelliers  et  Rochefort.  Les  ambassadeurs  devaient 
les  solliciter  ardemment  de  ne  point  troubler  la  paix  et  de  bien 
vouloir  s'aboucher  avec  la  reine-mère.  Le  soir  même  Catherine, 
à  peine  guérie  d'une  fièvre  et  malade  de  la  goutte,  malgré  l'avis 
des  médecins  qui  lui  défendaient  de  sortir  avant  plusieurs 
jours,  partit  en  litière  et  alla  coucher  à  Saint  Maur.  Le  lende- 
main, sur  les  exhortations  du  roi  qui  l'avait  rejointe,  elle  con- 
tinua sa  route  vers  Épernay  *. 

Or  le  môme  jour  les  ligueurs  publiaient  une  déclaration  pour 
justifier  leur  prise  d'armes  ;  c'est  le  fameux  manifeste  de 
Péronne. 


Les  soupçons  du  roi  avaient  en  partie  déjoué  le  plan  de  la 
Ligue.  D'après  ce  qui  avait  été  convenu,  le  cardinal  de  Bour- 
bon devait  rester  à  Gaillon  jusqu'au  26  avril-  et  rejoindre 
ensuite  Guise,  qui,  au  cours  des  dernières  semaines,  eût  amassé 
des  forces  suffisantes  pour  imposer  ses  volontés.  Les  deux 
ambassades  successives  de  La  Mothe-Fénelon,  en  forçant  le 
prélat  à  partir  avant  la  date  fixée  et  par  conséquent  à  avouer 
sa  révolte  plus  tôt  qu'il  ne  l'eût  voulu,  mirent  le  désarroi  parmi 
les  alliés.  Quelques  défections,  qu'ils  n'avaient  pas  soupçon- 
nées, vinrent  encore  augmenter  leur  trouble. 

Levant  (coll.  dos  doc.  inéd.),  t.  IV,  p.  335,  note  1  ;  lettre  de  Villeroy,  s.  1., 
3o  mars  i585. 

1.  Arch.  Nat.,  K  i563,  n°  55,  déchiflï.  ;  dép.  de  Mendoça  à  Philippe  II,  de 
Paris,  5  avril  i585.  —  Bibl.  Nat.,  f.  ital.,  ms.  1784,  P-  »4  et  26,  copie;  dép. 
des  ambass.  vénitiens,  de  Paris,  29  mars  et  a  avril  i585.  —  Négociations 
diplom.  avec  la  Toscane,  1.  IV,  p.  556;  de  Paris,  5  avril  i585. 

2.  Le  manifeste  de  la  saincle  Ligne,  s.  1.,  i585,  in-8".  —  Une  traduction  en 
fut  envoyée  par  l'ambassadeur  vénitien  avec  sa  dépêche  de  Paris, 
i5  avril  i585  (Bibl.  Nat.,  f.  ital.,  ms.  i734,  p.  53). 


LV    LIGUE    S  ARME  T2I 

Pendant  qu'il  s'occupait  de  réunir  des  troupes,  Guise  avait 
laissé  au  cardinal  le  soin  de  gagner  à  leur  cause  deux  puis- 
sants princes  dont  l'appui  eût  été  des  plus  précieux  :  Henri  de 
Montmorency  et  Louis  de  Gonzague.  duc  de  Revers.  Montmo- 
rency, comte  de  Damville,  gouverneur  du  Languedoc,  à  qui 
sa  naissance,  ses  alliances  et  les  forces  d'une  grande  province 
donnaient  une  influence  considérable,  était,  au  dire  de  l'histo- 
rien de  Thou,  le  premier  seigneur  du  royaume.  Le  prélat  avait 
été  jadis  fort  lié  avec  lui  ;  au  nom  de  cette  ancienne  amitié,  il 
chercha  à  l'attirer  dans  son  parti  par  les  plus  belles  promesses1. 
Avec  Louis  de  Gonzague,  mari  de  sa  nièce,  le  vieillard  était 
encore  plus  familier.  Son  affection  pour  les  Nevers  remontait 
au  temps  où  le  duc  avait  épousé  sa  sœur  Marguerite  de  Bour- 
bon ;  depuis  cette  époque  le  cardinal  leur  était  resté  affectueu- 
sement dévoué,  et  ses  neveux  et  nièces  avaient  toujours  trouvé 
auprès  de  lui  une  aide  qui  leur  fut  quelquefois  fort  utile"2. 

Cependant,  malgré  les  liens  d'amitié  qui  l'unissaient  aux  deux 
seigneurs,  le  prélat  ne  réussit  pas  dans  ses  entreprises.  Mont- 
morency, trop  averti  de  l'ambition  des  Lorrains,  repoussa  ses 
avances3.  Quant  à  Nevers,  qui  avait  d'abord  semblé  favoriser  la 
Ligue  en  promettant  de  signer  le  traité  de  Joinville,  il  hésitait, 
Pour  éviter  de  prendre  un  parti,  il  se  dit  malade  et  s'en  alla  aux 
bains  de  Lucques  en  Italie.  Résistant  à  l'ordre  du  roi  qui  lui 
demandait  de  retarder  son  voyage,  aux  prières  du  cardinal  et  de 
Guise  qui  le  suppliaient  de  se  déclarer  franchement  en  leur 
faveur,  il  continua  sa  route,  voulant  savoir,  avant  d'opter,  si 
le  pape  approuvait  la  révolte4. 


i.  Thou  (de).  Histoire  universelle*  t.  JX,  p.  33i . 

2.  Ainsi,  lors  de  la  mort  do  François  de  Clèves  (i3  févr.  i56a)  et  de  celle 
de  son  fils  Jacques  (6  sept.  i564),  le  cardinal  de  Bourbon  s'intéressa  aux 
difficultés  financières  au  milieu  desquelles  se  débatlail  la  maison  de 
Nevers.  Cf.  Bibl.  \al.,  f.  fr.,  ma.  5i«,  f°  86  v°  ;  —  ms.  3i36,  fos  cjô  et  99. 
—  Lettres  de  Cath.  de  Médicis,  t.  II,  p.  198. 

3.  Thou  (de),  Histoire  universelle,  I-  l\,  P    33j- 

i.  Bibl.  \ai..  f.  fr..  ms.  3364,  f"  56,  orig.  ;  mémoire  d'un  envoyé  du  raid. 
de  Bourbon  au  duc  de  Ncvors.  (Pièces  justif.  U'  VII.)  —  Ms.  3366,  f"  90, 
orig.  ;  lettre  anonyme  au  duc  de  \evers,  s.   I.  n.  d.  (Pièces  justif.  n"  \  III)  ; 


122  LE    ROLE    POLITIQUE    DU    CARDINAL    DE    BOURBON 

L'archevêque  de  Rouen  avait  écrit  aussi  à  ses  deux  neveux, 
le  cardinal  de  Vendôme  et  le  comte  de  Soissons,  restés  à  Paris 
lors  de  son  départ  pour  Gaillon.  Ils  n'avaient  pas  encore  répondu 
à  son  invitation  *. 

Malgré  ces  premières  déceptions  les  chefs  ligueurs  n'hési- 
tèrent pas.  Surpris  dans  leurs  projets,  ils  se  hâtèrent  de  lancer 
le  manifeste  de  Péronne. 

Cet  appel  à  tous  les  catholiques  français  avait  été  décidé 
quelque  temps  auparavant  et  Guise  s'en  était  chargé  ;  peut-être 
même  la  première  rédaction  est-elle  de  lui  personnellement. 
C'est  une  longue  énumération  de  plaintes  dirigées  principa- 
lement contre  les  deux  favoris  du  roi,  les  ducs  de  Joyeuse  et 
d'Épernon,  dont  les  noms  se  trouvent  mêlés  aux  accusations 
les  plus  violentes.  Ils  sont  traités  de  fauteurs  d'hérésie,  de 
sangsues  publiques,  d'ennemis  déclarés  de  la  noblesse  et  des 
parlements2.  Quelques  copies  de  ce  premier  manifeste  circu- 
laient déjà,  quand  Guise  s'aperçut  que  ces  attaques  personnelles 
contre  les  favoris  ne  pouvaient  que  les  indisposer  furieusement 
contre  lui,  ainsi  que  le  roi.  D'ailleurs,  n'était-ce  point  avouer 
quelque  ambition  que  de  médire  si  violemment  de  ceux  qui 
avaient  le  pouvoir?  Doit-on  croire  que  le  duc  découvrit  lui- 
même  le  défaut  de  son  œuvre,  ou  plutôt  ne  peut-on  supposer 
qu'il  lui  fut  montré  par  un  jésuite,  le  père  Claude  Matthieu3, 
qui  vint  le  trouver  à  cette  époque?  Ce  qui  est  certain,  c'est  que 
Matthieu  fut  chargé  de  rédiger  une  seconde  déclaration1. 

—  fu  16,  orig.  ;  lettre  de  Henri  III  au  même,  de  Paris,  aô  mars  i585  ;  —  f°  io5, 
orig.  ;  lettre  du  duc  de  Guise  au  même,  s.  1.,  3o  mars  i585.  —  Négociations 
diplom.  avec  la  Toscane,  t.  IV,  p.  559  '-  de  Paris,  16  avril  i585. 

i.  Bibl.  Nat.,  f.  fr.,  ms.  3366,  f°  90,  orig.;  lettre  anonyme  au  duc  de 
Nevers,  s.  1.  n.  d.  (Pièces justif.  n°  VIII.) 

2.  Bibl.  Nat.,  f.  fr.,  ms.  3363,  f°  33,  copie.  —  De  Thou,  Histoire  univer- 
selle, t.  IX,  p.  286.  —  Les  phrases  de  ce  premier  manifeste  sont  d'une  lour- 
deur incomparable.  Son  style  diffère  nettement  de  celui  du  second. 

3.  Claude  Matthieu  avait  fait  profession  à  Lyon  le  29  août  i568.  Suc- 
cessivement recteur,  provincial  d'Aquitaine,  puis  provincial  de  France  de 
if>74  à  i58a,  il  revenait  en  mars  t585  d'un  séjour  à  Rome  au  cours  duquel 
il  avait  exhorté  le  pape  à  soutenir  la  Ligue. 

4.  Bibl.  nat.,  f.  fr.,    ms.   3366,  f°  90,    orig.;   lettre  anonyme  au   duc  de 


LA    LIGl  E    S'ARME  123 

Celle-ci  est  composée  avec  une  extrême  habileté.  Les  ligueurs 
y  protestent  d'abord  de  leur  fidélité  à  l'égard  du  roi  et,  dans 
tout  le  manifeste,  ils  font  preuve  de  la  plus  humble  soumis- 
sion. De  la  question  de  succession  on  parle  à  peine  ;  le  cardinal 
de  Bourbon  se  déclare  seulement  premier  prince  du  sang  et 
héritier  présomptif.  L'unique  crainte  des  catholiques  est  qu'à  la 
mort  du  roi  les  protestants  n'essaient  de  troubler  le  royaume  ; 
car  chaque  jour  ils  se  rendent  plus  forts,  gardant  les  places  de 
sûreté  qu'ils  devraient  rendre,  occupant  les  principales  charges, 
levant  des  troupes,  faisant  alliance  avec  les  princes  étrangers. 
Tout  le  mal  vient  de  ce  que  le  roi  abandonne  le  gouvernement 
à  certains  favoris  qui  ne  cherchent  que  leur  intérêt,  écartent 
la  noblesse  du  rang  qu'elle  devrait  avoir,  écrasent  le  peuple 
d'impôts.  Voilà  pourquoi  la  sainte  Ligue  a  pris  les  armes  ;  elle 
est  prête  à  les  déposer,  si  le  roi  veut  écarter  le  péril  qui  menace 
la  religion  et  le  royaume.  L'œuvre  se  termine  par  un  appel 
discret  à  la  reine  mère,  dont  on  vante  la  sagesse  et  les  grands 
services1. 

Dans  les  deux  manifestes  le  cardinal  de  Bourbon  prit  la 
parole  et  cependant  il  est  certain  qu'il  n'intervint  pas  dans  leur 
rédaction.  Quelques  copies  du  premier  circulaient  déjà.  Guise 
en  avait  même  envoyé  un  exemplaire  aux  membres  du  parle- 
ment de  Provence  en  leur  annonçant  que  c'était  la  «  déclara- 


Nevers,  s.  1.  n.  d.  (Pièces  justif.  n°  VIII.)  —  Négociations  diplom.  avec  la  Tos- 
cane, t.  IV,  p.  56o  ;  de  Paris,  16  avril  i585. 

i.  Déclaration  des  causes  (jui  ont  mai  monseigneur  le  cardinal  de  Bourbon 
et  les  pairs,  princes,  seigneurs,  cilles  et  communautés  catholiques  de  ce 
royaume  de  France  de  s'opposer  à  ceux  gui  par  tous  moyens  s'efforcent  de 
subvertir  la  religion  catholique  et  V estât,  publié  dans  Mémoires  de  la  Ligue, 
t.  I,  p.  56;  —  Mémoires  de  Never&,  t.  I,  p.  64 1  ;  --  Archives  curieuses, 
i"  série,  t.  X,  p.  7.  —  La  Bibl.  Nat.  en  conserve  huit  exemplaires  imprimés 
en  i585,  in-8°,  sans  nom  d'imprimeur  sauf  un  qui  porte  :  à  Leyde,  chez 
Thomas  Basson  (Lb34  234,  a35)  ;  tous  sont  datés  de  Péronne,  3i  mars  [585. 
Sous  la  côte  Lb3i  230,  il  en  est  un  daté  du  20  avril  qui  n'est  qu'un  résumé 
du  premier  avec  quelques  passages  textuels.  Les  Mémoires  et  correspon- 
dance de  Duplessis-Mornay,  t.  I\  ,  p.  t55,  en  donnent  un  daté  de  Gaillon, 
i5  mars  i585.  Peut-être  faut-il  voir  là  un  essai  de  (luise  pour  prouver  que 
le  manifeste  était  du  seul  cardinal. 


124  LE    ROLE    POLITIQUE    DU    CARDINAL    DE    BOURBON 

tion  faicte  par  monseigneur  le  cardinal  de  Bourbon  »*,  et  le 
prélat  ne  le  connaissait  pas  encore.  Lorsque  le  second  fut 
achevé,  on  le  lui  envoya  pour  qu'il  le  fît  imprimer  en  hâte. 
Quelques  jours  plus  tard  le  libelle  était  répandu  par  tout  le 
royaume2. 

Il  faisait  des  ligueurs  des  rebelles  déclarés.  Le  conflit  ne 
pouvait  s'apaiser  que  par  la  guerre  ou  par  la  négociation. 

i.  Bibl.  Nat.,  f.  fr.,  ms.  3363,  f"  33  ;  copie  du  manifeste  précédé  d'une 
lettre  des  ducs  de  Guise  et  de  Mayenne  à  Messieurs  de  la  cour  de  parlement 
de  Provence,  de  Joinville,  19  mars  i585. 

2.  Bibl.  Nat.,  f.  fr.,  ms.  3364,  f"  56,  orig.  ;  mémoire  d'un  envoyé  du  card. 
de  Bourbon  au  duc  de  Nevers.  (Pièces  justif.  n"  VII.) 


CHAPITRE    II 


LES    CONFERENCES    D  EPERNAY 


Loin  de  vouloir  une  guerre  avec  le  roi.  qui  lui  eût  enlevé  le 
plus  grand  nombre  de  ses  partisans.  Henri  de  Lorraine  recher- 
chait au  contraire  son  alliance.  Dans  la  lutte  entreprise  contre 
les  protestants,  il  fallait  que  ce  fût  Henri  III  qui  combattit  el 
non  pas  Guise.  C'est  pourquoi  le  duc  avait  fait  appel  à  Cathe- 
rine de  Médiciâ  une  première  fois  lors  de  l'ambassade  de  Main- 
lenon,  une  seconde  dans  le  manifeste  du  3 1  mars.  Mais  l'appel  fut 
trop  bien  entendu.  L'arrivée  subite  de  la  reine -mère  à  Kpernay 
le  surprit  au  milieu  de  ses  préparatifs. 

Guise  n'était  pas  encore  assez  fort  pour  dicter  ses  conditions. 
Il  lui  fallait  gagner  du  temps.  11  déclara  ne  point  pouvoir 
commencer  les  discussions  en  l'absence  du  cardinal  de  Bour- 
bon el  de  Mayenne  et  promit  seulement  d'amener  les  deux 
hommes  dans  quelques  jours  ou  de  revenir  du  moins  avec 
leurs  instructions1.  Prudemment  il  avait  ajouté  cette  restric- 
tion, car  il  se  défiait  des  intentions  de  son  frère  ;  avec  raison 
d'ailleurs,  car  Mayenne  condamnai!  cette  révolte  contre  le  roi 
et  son  altitude  trop  conciliante  eût  pu  gêner  son  aîné.  Henri  dé 
Lorraine  le  craignit.  Par  deux  lois  il  lui  défendit  de  venir 
à  Kpernay.  Puis,  comprenant  qu'une  conversation  avec  lui 
serait  plus  efficace  (pie  toutes  ses  lettres,  il  partit  le  trouvera 
Joinviile2.  L'entrevue  fut  décisive.  Mayenne  ne  rejoignit  Cathe- 


i.  Lettres  de   Cath.   </<•   Mnli<-i.<,    I.    \lll,   p.     >,\'>  ;    au    roi.   d'Lpernay, 
i|  avril  i585. 

a.   IhiiL.  p.   iâij  ;  au  roi,  d'Épernay,  19  avril  i585. 


126  LE    RÙLE    POLITIOUE    DL     CARDINAL    DE    130LUBON 

rine  que  dans  les  premiers  jours  de  juillet,  quand  tout  fut  ter- 
miné. \vec  le  cardinal  de  Bourbon  le  Lorrain  n'eut  pas  les 
mêmes  difficultés.  L'entente  était  complète  entre  les  deux  alliés. 
Guise  avait  besoin  de  quelques  jours  de  délai  :  le  prélat  se  char- 
gea de  les  lui  procurer. 

Sur  les  exhortations  des  envoyés  du  roi,  Retz  et  Lénoncourt, 
le  vieillard  s'était  mis  en  route,  bien  lentement  d'ailleurs,  pour 
se  rendre  à  Epernay.  Dans  la  ville  de  Cuise,  une  «  cruelle 
colicque  »  le  retint  plus  de  deux  semaines,  offrant  ainsi  un 
heureux  prétexte  à  un  séjour  prolongé  '.  Cédant  aux  sollici- 
tations de  Catherine  il  repartit  pourtant,  à  petites  journées. 
Lorsqu'il  atteignit  Liesse  si  célèbre  par  ses  pèlerinages,  il  s'y 
arrêta  pour  y  achever  une  ncuvaine,  tout  en  écrivant  à  la  reine 
son  ardent  désir  de  mettre  lin  aux  maux  du  royaume  pourvu 
que  l'on  sauvât  la  religion  "2.  Enfin  le  2/j  avril  au  soir  il  entra 
dans  Reims  3.  Catherine  voulut  commencer  immédiatement  les 
conférences,  mais  elle  apprit  que  Guise,  malgré  une  parole 
donnée,  avait  quitté  Châlons. 

Le  duc  en  effet  mettait  fort  bien  à  profit  le  temps  gagné  par 
le  lent  voyage  du  cardinal.  Non  content  d'enlever  au  roi  ses 
deniers  l,  il  s'empara  de  ses  villes.  Chàtillon-sur-Marne,  Ver- 
dun tombèrent  entre  ses  mains.  Par  toute  la  France  se  dessina 
un  vaste  mouvement  favorable  à  la  Ligue.  Des  cités  impor- 
tants adhérèrent  au  parti,  comme  Orléans.  Saumur,  Angers, 
Chinon.  D'autres,  comme  Beauvais,  restèrent  .neutres,  mais  fer- 

1.  Arch.  du  Vatican  :  lettero  délia  segreteria  di  stato,  nunziatura  di 
Francia,  t.  XVIII,  f°  a5,  orig.  ;  dép.  du  nonce  au  card.  Rusticucci,  de 
Paris,  23  avril  i585.  —  Bibl.  Nat.,  f.  fr.,  ms.  3366,  f"  90,  orig.  ;  lettre  ano- 
nyme au  duc  de  Nevers,  s.  1.  n.  d.  ^Pièces  justificatives  n"  VIII);  — 
f°  ioô,  orig.  ;  lettre  du  cardinal  de  Bourbon  au  duc  de  Nevers,  de  Guise, 
18  avril  i585.  —  Lettres  de  Catherine  de  Médicis,  t.  VIII,  p.  258;  au  roi, 
d'Kpcrnay,  19  avril  t585. 

2.  Lettres  de  Catherine  de  Médicis,  t.  VIII,  p.  260;  au  roi,  d'Epernay, 
24  avril  i585. 

3.  lbid.,  p.  26/j  ;  au  roi,  d'Kpcrnay,  20  avril  i58ô. 

!\.  Lettres  de  Cath.  de  Médicis,  t.  VIII,  p.  2^7  ;  au  roi,  d'Kpcrnay,  10  avril 
i585.  —  Négociations  diplom.  avec  la  Toscane,  t.  [V,  p.  564  ;  de  Paris, 
16  avril  iô85. 


LES  CONFERENCES  D  EPERNAY  I27 

nièrent  leurs  portes  aux  troupes  royales.  Mercœur  pénétra  dans 
Nantes  ;  Elbeuf  opéra  en  Basse-Normandie.  L'Auvergne,  la 
Provence  s'agitèrent  ;  à  Bordeaux,  à  Marseille,  des  conspira- 
tions se  tramèrent  pour  livrer  les  villes  aux  ligueurs  '. 

Soutenus  par  de  telles  forces,  Guise  et  le  cardinal  pouvaient 
engager  les  pourparlers.  Dans  la  soirée  du  29  avril,  ils  arri- 
vèrent à  Épernay. 


Au  cours  de  ces  conférences,  deux  seuls  personnages  sont 
en  présence,  Catherine  de  Médicis  et  Henri  de  Lorraine.  Cathe- 
rine a  pour  elle  sa  longue  carrière  de  diplomate,  son  adresse  de 
femme,  l'habitude  de  manier  les  questions  délicates,  d'attaquer 
l'adversaire  sur  un  point  faible.  Mais  elle  manque  d'initiative  ; 
pour  tous  ses  actes  elle  en  réfère  au  roi,  et  surtout  elle  s'effraie 
du  terrible  duc  et  communique  à  Henri  III  sa  frayeur.  Guise 
au  contraire,  qui  ne  lui  cède  en  rien  pour  la  ruse,  a  conscience 
de  sa  force  ;  il  sait  la  crainte  qu'il  inspire  et  il  en  use  hardi- 
ment. 

Entre  les  deux  se  trouve  le  cardinal.  Le  vieillard  est  en  réalité 
pour  Guise  et  il  défend  les  intérêts  des  ligueurs.  Cependant 
parfois  une  conversation  particulière  avec  Catherine  le  trouble 
fort.  Il  maudit  alors  tous  les  ennuis  qui  l'assaillent  et  regrette 
la  vie  aimable  de  la  cour;  il  fait  même  les  promesses  les  plus 
conciliantes.  Mais  survienne  le  duc  et  le  cardinal  est  déjà 
moins  facile.  Si  enfin  Guise  peut  l'entretenir  un  instant  seul  à 
seul,  le  prélat  est  plus  impérieux  que  jamais  dans  ses  réclama- 
tions. Ainsi  les  deux  adversaires  se  le  disputent  avec  acharne- 
ment, et,  si  le  Lorrain  sortit  victorieux  de  ce  duel,  l'habileté  de 
Catherine  lui  fit  craindre  souvent  la  défaite. 


t.  Bibl.  Nat..  f.  fr.,  ms.  3366,  f"  90,  orig.  ;  lettre  anonyme  au  duc  de 
Nevers,  s.  1.  n.  d.  (Pièces  justif.  n°  VIII).  —  Négociations  diplom.  avec  lu 
Toscane,  t.  IV,  p.  55g,  564  et  570;  de  Paris,  16  et  3o  avril,  i3  mai  i585.  — 
Lettres  de  Cath.  île  Médicis.  t.  VIII,  p.  a64  ;  au  roi.'d'Kpernay,  •*">  avril  [585  ; 
—  p.  455  ;  lettre  de  Pinart  à  Henri  III,  d'Épernay,  as  avril  iô85. 


128  LE    ROLE    POLITIQUE    DU    CARDINAL    DE    BOURBON 

La  première  fois  qu'il  vit  la  reine-mère,  le  vieillard  ne  put 
cacher  son  émotion.  11  se  jeta  dans  ses  bras,  «  pleura  et  soupira 
fort,  monstrant  avoir  regrect  de  se  voir  embarqué  en  ces 
choses-cy  ».  Puis  dans  un  flux  de  paroles  il  confessa  avoir  fait 
une  grande  folie.  «  qu'il  en  falloit  faire  une  en  sa  vie  et  que 
eVsloit  là  la  sienne  ».  Le  Lorrain  soupçonneux  vint  mettre  fin 
par  sa  présence  à  cette  conversation  qu'il  jugeait  trop  intime 
el,  comme  il  était  tard,  il  lit  ajourner  la  discussion  au  lende- 
main '. 

L'après-midi  du  3o  avril  on  se  réunit  à  nouveau.  Le  cardinal 
de  Bourbon  n'avait  rien  gardé  de  l'émotion  de  la  veille.  Dans 
un  discours  forl  long  el  fort  prolixe  il  exposa  les  réclamations 
des  ligueurs.  Il  t'aul  noter  en  effet  que  dans  toutes  les  discussions 
importantes  c'est  toujours  le  cardinal  qui  parle  au  nom  du 
parti  ;  derrière  le  prince  du  sang  le  petit  seigneur  se  dissimule. 
Le  prélat  déclara  donc  qu'ils  avaient  pris  les  armes  pour  faire 
supprimer  la  religion  réformée  et  qu'ils  désiraient  l'appui  du 
roi  pour  contraindre  les  protestants  à  se  conformer  à  leur 
volonté.  Bref  c'était  une  guerre  contre  les  huguenots  qu'ils 
réclamaient.  Lorsque  Catherine  lui  demanda  quels  moyens  ils 
avaient  de  la  faire,  le  vieillard  lui  répondit  d'une  façon  candide 
que  jusqu'alors  ils  avaient  dépensé  leurs  propres  deniers  -. 
C'était  vrai,  mais  cinq  jours  plus  tard  il  signait  avec  le  duc  et 
le  cardinal  de  Guise  une  quittance  de  trois  cent  mille  écus  à  un 
envoyé  du  roi  d'Espagne  ;|. 

Devant  ces  exigences  Catherine  ne  vit  plus  qu'un  moyen 
d'éviter  la  guerre  civile  :  une  combinaison  audacieuse,  qui 
montre  combien  cette  femme  avait  le  talent  des  expédients, 
mais  combien  peu  réfléchie  et  mesquine  était  souvent  sa  poli- 
tique. Il   ne  s'agissait  rien   inoins  que  de  convertir  Navarre  en 


i.  Lettres  de  <:<ilh.  de  Médicis,  I.  VIII,  p.  269;  au  roi.  d'Épernay,  3o  avril 
i585. 

>.  Lettres  de  Gath.  de  Wédicis,  1.  VIII,  p.  269;  au  roi.  d'Épernay.  3o  avril 
[585  :        p.   Wi7  ;  mémoire  porté  an  roi  par  Miron.  111.  d. 

">.  Groee(de),  Les  Guises,  les  \<ti»is  et  Philippe  II.  t.  I.  p.  346;  quittance 
donnée  par  les  princes  ligueurs  au  roi  d'Espagne,  do  Reims,  '1  mai  i585. 


LES    CONFERENCES    D  El'EKWY  120 

quelques  jours.  Entrevoyant  soudain  la  vérité,  il  viendrai!  se 
jeter  dans  «  les  braz  de  monseigneur  le  cardinal  son  oncle,  qui 
lui  remonstreroit  comme  père  qu'il  sedevoit  départir  des  maul- 
vaises  opinions  en  la  religion,  où  par  maulvais  conseil  il  s'est 
précipité.  »  Mais  Navarre,  moins  effrayé  qu'elle  par  les  troupes 
de  Guise,  répliqua  que  le  cardinal  était  trop  possédé  par  les 
Lorrains  pour  qu'il  pût  en  attendre  autre  réponse  que  celle 
qu'ils  lui  conseilleraient  '.  Certaine  désormais  que  tout  accord 
était  impossible,  la  reine-mère  s'employa  de  son  mieux  à  sauve- 
garder l'honneur  et  la  puissance  du  roi. 

Henri  III  consentit  bientôt  à  n'avoir  qu'une  religion  dans  son 
royaume.  Celle  satisfaction  rapide  à  leurs  désirs  surprit  les 
ligueurs.  Le  cardinal  ne  put  retenir  sa  joie.  Joignant  les  mains, 
il  rendit  grâces  au  ciel,  disanl  qu'il  avait  toujours  bien  espéré 
de  son  souverain.  Mais  alors  Guise  intervint.  Il  réclama  des  villes 
de  sûreté  pour  se  protéger  contre  les  attaques  des  huguenots. 
Cette  question,  grave  par  ses  conséquences,  jeta  un  froid  au 
milieu  de  l'allégresse  générale.  Le  cardinal  lui-même  déclara 
que,  puisque  le  roi  consentait  à  supprimer  l'hérésie,  «  c'estoit  ce 
qu'il  désiroit,  qu'il  les  laisserait]  là,  si  l'on  ne  recepvoil  cette 
bonne  résolution  ».  Toutefois  le  vieillard  s'aperçut  qu'  «  il  sestoit 
un  peu  trop  ouvert  au  gré  de  monsieur  de  Guise  ».  et  il  ajouta 
«  qu'il  falloit  aussy  regarder  pour  leurs  seuretés  ».  Le  due 
acquiesça,  disant  qu'on  ne  pouvait  séparer  les  deux  choses,  el 
promit  d'apporter  la  fois  prochaine  les  réclamai  ions  de  son 
parti  -. 

Le  t5  mai  les  deux  alliés  remirent  à  la  reine-mère  le  mémoire 
de  leurs  revendications.  Ils  demandaient  un  édit  perpétuel 
interdisant  la  religion  réformée  et  devant  être  juré  par  tous  les 
sujets:  tous  leurs  actes  jusqu'à  maintenant  seraient  considérés 
connue  accomplis  pour  le  service  de  Dieu  e(  du  roi  :  on  ne  dis- 
cuterai!   pas  avec  les  huguenots,   mais   on   les  combattrait  de 

i.  Lettres  de  Cath.  de  toédicis,  l.  VIII,  p.  i36;  lettre  de  Bellièvre  à  Cathe- 
rine, de  Paris,  i  mai  i585. 

2.  Lettres  de  Cath.  de  Médicis,  I.  VIII,  p.  y'78  ;  an  roi,  (J'Kperna), 
7  mai  i585. 

Su  lnier.  —  Cardinal  de  tU)\irl><,n.  9 


i3o  LE    ROLE    POLITIQUE    DU    CARDINAL    DE    BOURBON 

suite  par  les  armes  ;  le  roi  supprimerait  en  outre  certains 
impôts  et  accorderait  aux  chefs  ligueurs  quelques  villes  de 
sûreté  pour  se  protéger  contre  les  tentatives  de  leurs  ennemis  : 
au  cardinal  de  Bourbon  les  villes  et  châteaux  de  Dieppe  et  de 
Rouen,  au  duc  de  Guise  Metz,  à  Mercœur  deux  places  en  Bre- 
tagne à  son  choix,  au  cardinal  de  Guise  Reims,  à  Mayenne 
Dijon  et  Beaune  ou  Chalon.  Les  ducs  d'Aumale  et  d'Elbeuf,  les 
sieurs  d'Entragucs,  d'O,  de  Brissac  auraient  chacun  leur  ville, 
qu'ils  ne  devraient  rendre  que  le  jour  où  ledit  serait  entière- 
ment exécuté  l. 

Catherine  se  contenta  de  recevoir  le  mémoire  et  de  l'envoyer 
au  roi  immédiatement.  En  attendant  la  réponse,  on  décida  de 
faire  trêve  2. 


Les  deux  alliés  forts  de  leurs  préparatifs  attendaient  pleins 
de  confiance  le  retour  du  messager  royal,  quand  une  nouvelle 
imprévue  les  jeta  dans  une  angoisse  extrême.  Huit  mille  Suisses 
levés  par  le  roi  se  dirigeaient  vers  la  frontière  française.  Celte 
armée,  c'était  la  réponse  de  Henri  111  à  leurs  revendications 
exagérées  ;  sa  soudaine  apparition  les  bouleversa. 

Il  semble  bien  qu'à  ce  moment  tous  deux  envisagèrent  la 
possibilité  d'une  guerre  contre  le  roi.  Leur  surprise  fut  si 
grande  qu'ils  ne  virent  que  ce  seul  moyen  de  triompher  3. 
Guise,  sans  perdre  un  instant,  partit  dans  l'est  recevoir  ses  reîtres 
et  rassembler  ses  troupes.  Il  emmena  huit  canons  qu'il  avait  à 

i.  Lettres  de  Cath.  de  Médicis,  t.  ^  III,  p.  l&g  ;  articles  présentés  au  roi  par 
les  princes. 

2.  Ibid.,  p.  286  ;  au  roi,  de  Juvigny,  iO  mai  i58f>. 

3.  Le  18  mai  Guise  écrivait  au  duc  de  Nevers  alors  à  Rome:  <<  ...  Je  pars 
présentement  pour  aler  recevoir  noz  reîtres  et  m'en  vay  assembler  noz 
forces  de  toutes  pars  en  diligence  afin  d'estre  prêtz  à  conclure  les  chozes 
le  bâton  à  la  main,  qu'il  ne  faudra  puys  après  décharger  sur  ceux  de  la 
religion,  ou  de  poursuivre  noz  desseinz  par  une  guerre  qui  ne  saroyt  estre 
qu'à  l'avantage  de  nostre  party.  »  V.  Bibl.  >'at.,  f.  fr.,  ms.  3363,  f°  ^7, 
autogr.  ;  s.l.,  18  mai  1 585. 


LES  CONFLUENCES  D EPERNAY  loi 

Ghâlons  et  donna  l'ordre  de  réunir  autour  de  Verdun  des  appro- 
visionnements de  vivres  et  de  chevaux  '.  Avant  son  départ  le 
cardinal  et  lui  avaient  écrit  au  nouveau  pape,  Sixte-Quint,  pour 
le  féliciter  de  son  élection  et  lui  rappeler  fort  habilement  toute 
l'affection  que  son  prédécesseur  leur  avait  témoignée  :  ils 
étaient  certains  de  la  retrouver  chez  lui  -.  Tous  deux  écrivirent 
également  au  duc  de  Nevers  toujours  en  Italie  3.  C'était  un  appel 
aux  alliés  à  la  veille  de  la  bataille. 

La  guerre  semblait  si  probable  que  le  cardinal  de  Bourbon 
était  presque  convaincu  de  sa  nécessité.  Le  vieillard  n'avait  plus 
rien  gardé  de  ses  premières  intentions  conciliatrices.  Dominé 
par  la  prodigieuse  activité  de  son  allié,  ébloui  par  les  résultats 
merveilleux  qu'il  mettait  devant  ses  yeux,  il  acceptait  la  lutte 
contre  son  roi.  «  Nostre  querelle,  écrivait-il  à  sa  nièce,  la 
duchesse  de  Nevers,  est  pour  l'honneur  de  Dieu,  encores  que  la 
pluspart  pensent  que  c'est  pour  nostre  ambition.  Je  vous  diray 
qu'on  verra,  ce  Dieu  plaict,  la  plus  belle  armée  qu'on  a  veu  il 
y  a  cinq  cens  ans  en  ce  réaulme,  et  espérons  que  Dieu  nous 
fera  ceste  grâce  de  nous  y  assister.  La  raine  nous  parle  de  la 
paix,  mais  nous  demandons  tant  de  choses  pour  le  bien  de 
nostre  religion  que  je  ne  croiz  qu'on  accorde  nos  demandes. 
Cependant  nous  avons  tant  de  moiens  aveques  la  grâce  de 
Dieu,  que  j'espère  qu'il  ni  aura  plus  qu'une  religion  en  ce 
réaulme,  qui  sera  la  vraye  catholique  K  » 

i.  Lettres  île  Cath.  -île  Médicis,  t.  VIII,  p.  290  ;  au  roi,  d'Épernay, 
21  mai  i585. 

2.  Arch.  du  Vatican:  lettore  délia  segreteria  di  stato.  nunziatura  di 
Francia,  t.  MX,  p.  26,  copie;  lettre  du  card.  de  Bourbon  et  du  duc  de 
Guise  au  pape,  de  Ghâlons,  17  niai  [585.  (Pièces  justif.  n°  X.) 

3.  Ribl.  Nat.,  f.  fr..  dis.  3363,  f"  \-,  autogr.  :  lettre  du  duc  de  Guise  au 
duc  de  Nevers.  s.  1..  18  mai  i585  ;  —  f'  '(6,  orig.  ;  lettre  du  card.  de  Bour- 
bon au  même,  de  Chàlons,  20  mai  i585,  publiée  dans  Le  Cabinet  historique, 
t.  III,  p.  2o5. 

4.  Bibl.  Nat..  f.  fr..  ins.  3366,  f"  38,  autogr.  ;  lettre  du  card.  de  Bourbon 
à  la  duchesse  de  Nevers.  do  Chàlons,  a3  mai  ifiSô,  publiée  par  Éd.  de 
Barthélémy,  Catherine  de  Médicis  et  le  traité  de  Wemours,  dans  Revue  des 
Questions  historiques,  1880,  l.  I.  p.  \i\-,  et  en  partie  dans  les  Lettres  <le  Cath. 
de  Médicis,  t.  \III,  p.  292,  col.  2,  note  1. 


l32  LE    ROLE    POLITIQUE    DU    CARDINAL    DE    BOURBON 

Pourtant,  après  un  premier  moment  d'effarement,  les  chefs 
ligueurs  se  rendirent  mieux  compte  de  la  situation.  La  belle 
armée,  dont  parlait  le  cardinal,  n'était  pas  un  vain  mot  :  en 
Normandie,  quinze  cents  hommes  de  pied  et  trois  cents  che- 
vaux; en  Bretagne,  quatre  mille  fantassins  et  six  cents  chevaux; 
en  Berry.  sept  cents  fantassins  et  trois, cents  chevaux.  Mais  dans 
l'est  surtout  les  forces  étaient  considérables  :  Aumale  avait 
trois  mille  hommes,  Mayenne  sept  mille,  Guise  cinq  mille, 
avec  chacun  quelques  centaines  de  cavaliers.  A  toutes  ces 
troupes  le  duc  donna  l'ordre  de  se  concentrer  sur  Montargis  '. 

Contre  cette  armée  formidable,  à  laquelle  il  fallait  joindre 
trois  mille  lansquenets  et  trois  mille  huit  cents  rcîtres  prêts  à 
franchir  la  frontière  au  premier  signe,  que  pouvaient  les  huit 
mille  Suisses  du  roi?  À  peine  commençaient-ils  à  se  réunir  à 
leur  «  place  montre  »  et  ils  ne  se  mettraient  certainement  pas  en 
route  avant  la  fin  du  mois.  Si  à  cette  époque  ils  n'étaient  pas 
en  partie  débauchés,  comme  l'espérait  Guise,  grâce  aux  bons 
offices  du  colonel  Pfyffer,  on  en  aurait  toutefois  facilement 
raison.  Sans  cavalerie,  isolés  au  milieu  d'un  pays  ennemi,  ils 
seraient  vite  exterminés  2. 

Dès  lors  les  deux  alliés,  qui  à  la  nouvelle  de  la  levée  des 
Suisses  avaient  voulu  presser  les  conférences,  désormais  tran- 
quilles ne  montrèrent  plus  aucune  haie.  Guise  même,  croyant 
utile  de  séjourner  quelque  temps  dans  l'est,  pria  le  cardinal 
de  Bourbon  de  prolonger  la  trêve.  Le  prélat  avait  peu  de 
confiance  en  soi  lorsque  le  duc  n'était  point  là.  Sachant 
combien  facilement  il  se  laissait  gagner  par  Catherine,  il  en- 
voya Maineville  négocier  à  Épernay,  tandis  qu'il  restait  à 
Reims  3. 

La  reine-mère,  comprenant  la  crainte  qui  avait  retenu  le 
vieillard,  essaya  de  mettre  à  profit  l'absence  de  Henri  de  Lor- 

i.  Bibl.  Nat.,  f.  fr.,  ms.  4717,  f»  43,  orig.  ;  lettre  anonyme  au  duc  de 
Nevers,  s.  1.,  20  mai  i585. 

y.  Ibidem. 

3.  Lettres  de  Gath,  de  Médicis,  l.  VIII,  p.  39a;  au  roi,  d'Épernay. 
aa  mai  i">85. 


LES  CONFERENCES  D EPERNAY  IOO 

raine.  Elle  avait  à  son  service  parmi  ses  gentilshommes  un 
certain  Louis  Davila  originaire  de  Chypre,  qui  avait  conservé  de 
honnes  relations  avec  un  de  ses  compatriotes,  François  Circassi, 
au  service  du  cardinal.  Davila  eut  plusieurs  entretiens  avec 
Circassi,  qui  aboutirent,  à  une  entrevue  secrète  de  Lanssac,  pre- 
mier gentilhomme  de  la  reine,  et  d'André  de  Rubempré,  favori 
du  prélat.  Rubempré  avait  perdu  son  ancienne  ardeur  à  lutter 
pour  la  Ligue;  peut  être  n'en  avait-il  pas  tiré  tous  les  avantages 
que  réclamait  son  ambition.  Aussi  accueillit  il  favorablement 
les  propositions  de  Lanssac,  espérant  s'attirer  les  bonnes  grâces 
du  roi.  L'envoyé  de  la  reine  put  même  parler  au  cardinal  en 
personne  sous  prétexte  de  lui  porter  les  compliments  de  sa 
maîtresse  '.  Toute  cette  intrigue  tendait  à  détacher  le  vieillard 
de  son  allié  ;  c'eût  été  une  triomphante  victoire  que  Catherine 
dut  rêver  bien  souvent. 

Le  prélat  semblait  ébranlé,  lorsque  Guise  revint  subitement  à 
Reims,  averti  par  son  frère  l'archevêque,  dont  ces  entrevues 
avaient  éveillé  les  soupçons  2.  Le  duc  de  retour,  Catherine  ne 
pouvait  plus  songer  à  lui  enlever  le  vieillard.  Elle  s'efforça 
toutefois  de  conserver  au  cardinal  ses  bonnes  intentions  et 
déclara  à  Vfaineville.  pour  qu'il  le  lui  répétât,  qu'il  devait  se 
sentir  «  contrainct  el  travaillé  en  sa  conscience  »  de  tout  ce 
qui  arrivait :î. 


Pour  avoir  échoué  si  près  du  but,  la  reine-mère  ne  désespéra 
point.  Dès  le  premier  jour  de  la  reprise  des  pourparlers,  elle 
parvint  à  isoler  le  prélat  et,  en  compagnie  de  son  conseiller 
Villequier,  l'entretint  fort  Longtemps  au  bout  du  jardin  où  ils 
se  trouvaient,  tandis  (pic  Guisâ  »'l  les  autres  restaient  à  distance. 

i.  Davila,  Histoire  des  guerres  civiles,  t.  H,  p.  1C9. 

2.  Il> idem. 

3.  Lettres  de  Cath.  d,-  Mêdieis,  I.  VIII.  p.  ^97:  au  roi.  d'Épernay,  •>.-  mai 
i585. 


l3/(  LE    RÔLE    POLITIQUE    DU    CARDINAL    DE    BOURBON 

Ce  fut  en  vain.  Elle  reconnut  bientôt  que  le  Lorrain  était 
«  comme  le  maistre  d'école  »  et  le  cardinal  l'élève  '. 

Les  discussions  du  lendemain  lui  enlevèrent  toute  illusion. 
Les  chefs  ligueurs  étant  venus  la  trouver  avec  leurs  conseillers, 
elle  leur  fit  connaître  les  concessions  de  Henri  III  à  leurs  récla- 
mations. Ces  concessions  se  réduisaient  à  fort  peu  de  choses  ; 
le  cardinal  de  Bourbon  en  particulier 'fie  recevait  aucune  ville 
de  sûreté2.  Aussi  le  résultat  ne  se  fit  pas  attendre.  Le  prélat, 
quittant  brusquement  son  siège,  déclara  «  en  colère,  estant 
fort  rougy,  que  c'estoit  les  mettre  à  la  gueule  aux  loups  »  de 
ne  point  leur  donner  de  sûretés  particulières.  Catherine  leur 
reprochant  de  mauvaises  intentions,  ils  se  levèrent  tous  et 
immédiatement  prirent  congé  d'elle3. 

La  reine-mère  craignit  de  voir  tout  rompu  et  leur  fit  dire  de 
revenir.  Ils  acceptèrent;  mais  cette  fois  le  cardinal  et  le  duc  se 
présentèrent  seuls  avec  l'archevêque  de  Reims.  La  reine  ne 
conserva  près  d'elle  que  \  illequier.  Ces  conférences  intimes 
convenaient  mieux  aux  ligueurs  et  on  put  à  l'aise  reprendre  la 
question  des  sûretés  *.  Henri  III  avait  permis  à  sa  mère  quel- 
ques concessions,  si  les  Lorrains  se  montraient  trop  exigeants  ; 
elle  s'efforça  surtout  de  contenter  le  cardinal  de  Bourbon 
furieux  de  n'avoir  rien  obtenu.  Il  réclamait  les  villes  et 
châteaux  de  Dieppe  et  de  Rouen.  Mais  le  vieillard  parlant  en 
son  propre  nom  n'avait  plus  l'assurance  qu'il  savait  trouver 
lorsqu'il  parlait  au  nom  du  parti.  Il  consentit  à  garder  seule- 
ment les  châteaux  des  deux  places,  sans  avoir  le  titre  de  gou- 
verneur de  la  ville5.  Toutefois  telles  étaient  sa  faiblesse  et  l'in- 

i.  Lettres  de  Cath.  de  Médicis.  t.  VIII,  p.  3oo  ;  au  roi,  d'Épernay, 
29  mai  i585. 

2.  Ibid.,  p.  296,  note  1  :  mémoire  pour  le  sieur  de  Villequier,  du 
ig  mai  i585. 

3.  Ibid.,  p.  3oi  ;  au  roi,  d'Épernay,  29  mai  i58ô. 

4-  «  Mon  dict  cousin  [le  cardinal  de  Bourbon]  m'a  dit  tout  en  colère  que 
je  les  avois  par  la  lecture  des  responces  desdicts  articles  merveilleusement 
malaccoustrez  en  la  présence  des  dessus  dictz  [conseillers].  »  Cf.  Lettres  de 
Cath.  de  Médicis,  t.  VIII,  p.  3oi-3o2  ;  au  roi,  d'Épernay,  29  mai  i585. 

5.  Lettres  de  Cath.  de  Médicis,  t.  VIII,  p.  3o2  ;  au  roi,  d'Épernay,  29  mai 
i585  ;  —  p.  470;  procès-verbal  de  la  conférence  du  29  mai  i585. 


LES    CONFERENCES    d'ÉPERNAY  l35 

fluence  que  le  duc  avait  sur  lui,  que  quelques  jours  plus  tard 
il  revint  sur  les  concessions  faites,  réclama  le  vieux  palais  de 
Rouen  qu'il  avait  abandonné  lors  de  la  conférence  du  29  mai 
et  prétendit  non  seulement  avoir  dans  la  ville  autorité  d'arche- 
vêque, mais  encore  y  commander  et  y  être  respecté  devant  le 
gouverneur  '. 

Guise  affectait  d'ailleurs  une  attitude  qui  lui  réussissait  fort 
bien  :  celle  de  ne  point  paraître  tenir  à  la  continuation  des 
conférences.  Il  acceptait  avec  beaucoup  de  froideur  toutes  les 
nouvelles  propositions  de  la  reine-mère.  Il  alla  même  jusqu'à 
lui  conseiller  de  retourner  à  Paris2.  C'était  la  tenir  dans  une 
crainte  perpétuelle  et  le  meilleur  moyen  de  triompher  de  son 
habile  ténacité. 

On  perdit  encore  une  semaine  en  négociations  inutiles. 
Pour  mettre  fin  à  ces  trop  longues  discussions,  les  chefs  li- 
gueurs prirent  une  décision  énergique.  Le  7  juin,  après  une 
réunion  aussi  vaine  que  les  précédentes,  ils  annoncèrent  leur 
intention  de  quitter  Épernay  pour  n'y  plus  revenir,  et  le  bruit 
courut  que  Guise  faisait  avancer  ses  troupes,  que  celles  du  duc 
d'Aumale  les  devaient  rejoindre  dans  trois  ou  quatre  jours  et 
bientôt  après  celles  de  Mayenne  3.  En  même  temps  les  deux 
alliés  firent  publier  un  libelle  sous  forme  de  requête  au  roi,  où 
ils  se  déclaraient  les  humbles  et  fidèles  serviteurs  de  Sa  Majesté, 
protestant  de  leur  bonne  foi  et  attachement  à  la  religion  catho- 
lique, suppliant  Henri  III  de  faire  un  édit  contre  les  hérétiques 
et  de  l'exécuter  sur-le-champ  ;  et,  comme  témoignage  de  leur 
sincérité,  ils  s'offraient  à  délaisser  toutes  leurs  sûretés,  à  se 
démettre  de  leurs  charges  et  gouvernements  et  à  se  retirer 
dans  leurs  terres,  si  le  roi  les  y  obligeait.  Dans  une  lettre  sans 
adresse  particulière,  qui  suivait  la  requête,  le  cardinal  de 
Bourbon  et  le  duc  de  Guise  se  plaignaient  de  ce  qu'on  interprétai 


1.  Lettres  de  Oith.  de  Médicis,   t.  VIII,  p.  '171  :   procès-verbal  do  la  confé- 
rence du  29  mai  i585. 

2.  Ibid.,  p.  3o6  ;  au  roi,  d'Épernay,  3o  niai  i58f>. 

3.  Ibid.,  p.  3i3  ;  à  Brulart,  d'Épernay,  7  juin  i58&. 


I.°)6  LE    RÔLE    POLITIQUE    DU    CARDINAL    DE    BOURBOX 

mal  leurs  intentions,  qu'on  traînât  en  longueur  les  conférences 
pour  les  diviser,  eux  qui  voulaient  mourir  pour  la  défense  de 
eur  foi1.   C'était  un  dernier  appel  à  l'opinion   qui  leur  était 
déjà  toute  acquise. 

Catherine  et  ses  conseillers,  désespérés,  envoyaient  courrier 
sur  courrier  à  Henri  III  :  sil  refusait  toute  concession,  Cuise 
allait  infailliblement  entrer  en  campagne.  Schomberg  écrivait  : 
«  Si  le  roy  demeure  ferme  en  sa  résolution,  nous  verrons  ces 
gens  en  brief  aux  portes  de  Paris  9.  »  La  reine-mère  se  préparait 
chaque  jour  au  départ,  ne  voulant  point  tomber  aux  mains  des 
troupes  étrangères  qui  se  dirigeaient  toutes  vers  Méry-sur- 
Seine,où  devait  se  faire  la  concentration  3.  Des  rcîtres  et  des 
lansquenets  avaient  déjà  traversé  Châlons  et  étaient  à  mi- 
chemin  d'Epernay  *. 

Catherine  affolée  voulut  tenter  un  dernier  effort.  Henri  III 
avait  fait  quelques  nouvelles  concessions.  Il  offrait  au  cardinal 
de  Bourbon  trente  arquebusiers  à  cheval  et  Coinpiègne  avec 
vingt  soldats.  La  reine-mère  le  supplia  d'accorder  plus  encore 
au  prélat  ainsi  qu'au  duc  d'Aumale,  qui  recevait  peu  ;  en  même 
temps  elle  envoya  dire  à  Guise  et  au  vieillard  qu'elle  les  atten- 
dait le  lendemain  pour  leur  faire  part  de  nouvelles  offres  du 
roi  5. 

Bien  qu'ils  eussent  déclaré  ne  plus  vouloir  revenir  à  Épernay, 
ils  annoncèrent  leur  arrivée  pour  le  19°. 


1 .  Requeste  au  roy  et  dernière  résolution  des  princes,  seigneurs,  gentils- 
hommes, villes  et  communautés  catholiques,  présentée  à  la  royne  mère  de  Sa 
Majesté  le  dimanche  neufiesme  juing  i585...  S.  t.,  i585,  in-8°,  publiée  dans  les 
Mémoires  de  la  Ligue,  t.  I,  p.  1G7. 

2.  Bibl.  Nat.,  f.  fï..  ras.  3368,  fu  42,  autogr.  ;  lettre  de  G.  de  Schom- 
berg à  Brûlait,  d'Epernay.  10  juin  i585. 

3.  Lettres  de  Cath.  de  Médicis,  t.  VIII,  p.  3i4  ;  au  roi,  d'Epernay, 
8  juin  i585  ;  —  p.  3i5  ;  au  roi,  m.  1.,  10  juin  i585  ;  —  p.  317  ;  à  Brulart, 
ni.  t.,  1 1  juin  i585. 

4.  Ibid.,  p.  3kj  ;  au  roi,  d'Epernay,  iG  juin  i585. 

5.  Ibidem. 
G.   /bide m. 


LES    CONFEKENCES    D  ÉPERNATf  T07 


* 
*      # 


Ainsi  les  ligueurs  consentaient  à  reprendre  les  négociations. 
C'était  la  deuxième  partie  du  plan  de  Guise.  Il  fallait  l'exécuter 
d'autant  plus  vivement  que  le  pape  ne  semblait  pas  très  favorable 
au  parti  *  et  que,  malgré  les  secours  espagnols,  l'argent  com- 
mençait à  manquer  -.  Il  était  temps  de  recueillir  le  fruit  de 
tous  ces  efforts. 

Le  19  donc,  le  cardinal  de  Bourbon,  le  duc  et  le  cardinal  de 
Guise  arrivèrent  à  Kpernay.  Catherine  avait  près  d'elle  un 
nouveau  conseiller,  Yilleroy,  qui  méritait  toute  sa  confiance; 
elle  reprit  avec  courage  la  discussion.  Le  premier  jour  on 
n'aborda  point  les  choses  sérieuses.  La  reine-mère  se  contenta 
de  prendre  à  part  le  cardinal  et  de  lui  montrer  le  tort  qu'ils  se 
feraient  si,  après  avoir  commis  une  si  grande  faute,  ils  refu- 
saient encore  de  traiter.  Le  vieillard  voulut  excuser  l'entreprise, 
mais  avoua  finalement  «  qu'il  ne  sçavoit  quel  diable  l'y  avoit 
mis  et  qu'il  vouldroit  en  estre  hors  3  ». 

Le  lendemain  eut  lieu  la  véritable  conférence  où  tout  alla 
pour  le  mieux.  Le  roi  faisait  de  très  larges  concessions.  Le  car- 
dinal de  Bourbon  obtenait  Soissons  avec  soixante-dix  hommes 
de  cheval  et  trente  arquebusiers  pour  sa  garde.  Guise  se  con- 
solait de  la  perte  de  Metz  en  gardant  Tout,  Verdun,  Sainl- 
Dizier  et  Châlons..  Mayenne  conservait  Dijon  et  Beaune  ;  le 
duc  d'Aumale,  Saint-Esprit  de  Rue  ;  le  duc  de  Mercœur, 
Dinan.  Le  Conquet,  et  ses  lieutenants  restaient  dans  Nantes. 
Chacun  d'eux  avait  droit   à  une    garde    de    trente   chevaux. 

1.  Le  Cabinet  historique,  t.  III,  p.  206;  bref  de  Sixte-Quint  au  card.  de 
Bourbon,  de  Home,  18  juin  if>85,  publié  en  partie  par  L'Épinois,  La  poli- 
tique de  Sixte-Quint,  dans  Renne  des  Questions  historiques,  1X80,  t.  I.  p.  t56. 

■2.  Le  cardinal  de  Bourbon  el  Mayenne,  les  deux  plus  ricbes  de  beaucoup 
de  tout  le  parti  ligueur,  avaient  déjà  dépensé  tous  leurs  revenus.  V.  Arcb. 
Nat.,  k  i563,  n"  101,  décbiffr.  ;  dép.  de  Mendoça  à  Philippe  II,  de  Paris. 
iG  juillet  i585. 

3.  Lettres  de  Cath.  de  Mé<licis,  I.  XIII.  p.  323;  au  roi,  d'Kperna\, 
19  juin  i.">8.~>. 


l38  LE    RÔLE    POLITIQUE    DU    CARDINAL    DE    BOURBON 

C'était  à  peu  de  chose  près  ce  que  les  ligueurs  avaient  réclamé. 
Les  grands  une  fois  satisfaits,  les  petits  le  furent  rapidement. 
Deux  jours  après  Villeroy  portait  au  roi  les  articles  de  paix  *. 

Il  restait  encore  quelques  moindres  difficultés  à  résoudre. 
Guise  prudent  laissa  ses  troupes  se  concentrer  peu  à  peu  sur 
Montargis  et  séparer  complètement  les  Suisses  des  autres  forces 
royales.  Aussi  devant  l'arrivée  des  reîtres  fallut-il  changer  le 
lieu  des  conférences  et  Catherine  s'installa  dans  Nemours.  Ce 
fut  là  qu'on  régla  la  dernière  question  pendante. 

Il  s'agissait  de  savoir  quels  étrangers  composeraient  l'armée 
destinée  à  combattre  les  huguenots.  Des  Allemands  levés  par 
Guise,  les  lansquenets  seraient  licenciés,  les  reitres  resteraient 
sur  la  frontière  pour  la  protéger  contre  quelque  invasion  pro- 
testante. Quant  aux  Suisses,  Guise  conçût  le  plus  audacieux  des 
projets  et  déploya  toute  son  habileté  pour  le  faire  réussir.  Il 
voulut  qu'on  licenciât  les  montagnards  levés  par  Henri  III  et 
qu'on  mît  à  leur  place  dans  l'armée  royale  ceux  que,  malgré 
la  défense  de  Catherine,  il  venait  de  lever  lui-même.  Il  en  fit 
d'abord  parler  à  la  reine-mère  par  le  président  Jeannin,  qui  pro- 
posa de  remplacer  une  partie  des  Suisses  royaux  par  quel- 
ques-uns de  ceux  des  ligueurs2.  A  la  conférence  suivante 
le  duc  lui-même  prit  la  parole.  Il  exposa  longuement  que  ses 
soldats  étaient  tous  bons  catholiques  et  levés  suivant  les  traités 
d'alliance,  tandis  que  ceux  du  roi  n'étaient  qu'un  ramassis  de 
calvinistes  et  d'aventuriers,  qui  refuseraient  de  marcher  au 
combat.  Catherine  s'apprêtait  à  répondre  victorieusement  aux 
objections  de  Guise,  quand  le  cardinal  de  Bourbon  intervint  et 
déclara  qu'il  fallait  remettre  les  affaires  sérieuses  au  lendemain, 
car  on  était  un  dimanche3. 

Le  lendemain  ce  fut  le  cardinal  qui  parla,  comme  chaque 
fois  qu'il  s'agissait  d'affaires  importantes.  Il  énuméra    de  nou- 

i.  Lettres  de  Cath.  de  Médicis,  t.  \  HT,  p.  32.");  à  Brùlart,  d'Épernay, 
20  juin  i585  ;  —  p.  H2G;  au  même,  m.  I.,  22  juin  i585. 

2.  Lettres  de  Cath.  de  Médicis,  t.  VIII,  p.  327  ;  au  roi,  de  Moret,  3o  juin  iô85. 

3.  Lettres  de  Cath.  de  Médicis.  t.  VIII,  p.  329  ;  au  roi,  de  Nemours,  1"  juil- 
let i585. 


LES    CONFÉRENCES    d'ÉPERNAV  I  3q 

veau  les  raisons  alléguées  la  veille  par  le  duc.  Mais  Catherine 
veillait.  Pour  leur  enlever  d'un  seul  coup  tout  espoir,  elle 
déclara  que  le  roi  ne  consentirait  jamais  à  accorder  une  telle 
demande  et  que  d'ailleurs  elle  ne  lui  en  parlerait  même  pas1. 
En  réalité  elle  lui  en  parla,  mais  son  habile  manœuvre  ôta 
toute  espérance  aux  ligueurs  qui  se  contentèrent,  pour  justifier 
leur  réclamation,  d'envoyer  un  mémoire  au  roi  lui  faisant 
part  de  leurs  craintes  2. 

Le  2  juillet  Mayenne  arriva  à  Nemours,  tout  rempli  des  bonnes 
dispositions  qu'il  avait  montrées  au  début  des  négociations. 
L'accord  étant  parfait,  les  articles  furent  rédigés  le  6  au  soir  et 
le  7  dans  la  matinée  on  les  signa.  Le  roi  promettait  de  faire  un 
édit  perpétuel  et  irrévocable  n'autorisant  que  la  religion  catho- 
lique, qui  serait  enregistré  aux  parlements  et  juré  par  tous  ;  tout 
sujet  pratiquant  une  autre  religion  devrait  quitter  le  royaume 
dans  un  délai  de  six  mois  ;  comme  garantie  d'exécution,  les 
ligueurs  conserveraient  leurs  places  de  sûreté  pendant  cinq  ans 3. 
En  outre  on  allait  équiper  deux  armées  :  l'une  irait  en  Guyenne 
avec  Montpensier  et  Mayenne  ;  l'autre  commandée  par  Guise 
séjournerait  dans  l'est  pour  tenir  tête  à  l'invasion  protestante4. 

Il  ne  restait  plus  qu'à  consacrer  l'accord  par  une  entrevue 
réconciliatrice  de  Henri  III  et  des  chefs  ligueurs.  Le  i3  juillet 
la  reine-mère  conduisit  le  cardinal  de  Bourbon,  le  duc  et 
le  cardinal  de  Guise  à  Saint-Maur-les-Fossés,  où  se  trouvait  le 
roi.  Celui-ci  leur  fît  «  à  la  courtizanne  »  un  bon  et  gracieux 
accueil,  embrassa  par  deux  fois  le  duc  et  les  cardinaux.  Le 
vieillard  était  si  ému  que  devant  le  souverain  il  mit  genou  en 
terre  et,  lui  baisant  les  mains,  déclara  dans  des  paroles  ehtre- 

i.  Lettres  de  Cath.  de  Médicis,  t.  VIII,  p.  329  ;  au  roi,  de  Nemours,  1"  juil- 
let i585. 

2.  Bibl.  Nat.,  f.  fr.,  ms.  3396,  f°  3o,  copie;  requête  du  card.  de  Bourbon 
et  des  princes  au  roi,  Lde  Nemours,  3  juillet  i585].  —  Lettre*  de  Cath.  de 
Médicis,  t.  VIII,  p.  336;  au  roi,  de  Nemours,  ■>.  3  juillet  1 583. 

3.  Du  Mont,  Corps  universel  diplomatique,  t.  IX,  p.  i53  :  articles  accordés 
à  Nemours...  le  7  juillet  i585. 

4.  Lettres  confidentielles  de  G.  de  Cornac  au  duc  de  Nevers,  dans  lievue 
Henri  IV,  1909,  t.  III,  p.  12'S  ;  de  Nemours,  7  juill..  i585. 


1^0  LE    RÔLE    POLITIQUE    DU    CARDINAL    DE    BOURBON 

coupées  de  larmes  qu'il  serait  toujours  sou  plus  dévoué  et  plus 
affectionné  serviteur.  Après  avoir  conversé  avec  eux  près  de 
deux  heures,  Henri  III  les  admit  à  sa  table1.  Le  18,  accompagné 
des  cardinaux  et  des  princes,  il  se  rendit  au  parlement,  révo- 
qua tous  les  précédents  édits  de  pacification  et  fit  enregistrer  celui 
que  les  articles  de  Nemours  avaient  promis2. 

L'alliance  paraissait  solide  entre  le  ro'i  et  les  ligueurs  unis 
contre  les  protestants.  Bientôt  l'hérésie  disparaîtrait,  et  ce  fut 
la  joie  du  cardinal,  qui  ne  comprit  pas  toute  la  vérité  de  celle 
parole  de  Henri  III,  que  la  publication  de  l'édit  était  la  ruine  de 
son  état  et  de  son  peuple3.  Après  trois  mois  d'efforts  et  de  dis- 
cussions, le  vieillard  vint  se  reposer  dans  cette  vie  de  cour,  où 
il  avait  toujours  vécu  et  si  bien  faite  pour  lui.  Débarrassé  des 
pensées  lourdes,  il  y  retrouva  sa  gaieté  et  son  entrain  jusqu'à 
oublier  sa  dignité  de  cardinal.  Pour  satisfaire  au  caprice  d'une 
jolie  fille,  il  ne  craignit  point,  en  compagnie  du  conseiller  Bel- 
lièvre,  de  s'affubler  de  rideaux  de  lit  qui  leur  donnaient  l'aspect 
de  femmes,  et  tous  deux  au  bras  de  madame  de  Simier  et  d'une 
autre  dame,  déguisées  en  hommes,  allèrent  en  cette  tenue 
rendre  visite  à  la  reine-mère4. 

L'  «  huguenotteric  »  s'en  irait  avec  le  vent  ;  mais,  suivant  le 
mot  du  perspicace  ambassadeur  toscan,  la  colère  du  roi,  la  haine 
des  princes  entre  eux,  quelle  fin  auraient-elles5?  Le  naïf 
vieillard  n'y  songeait  pas. 


i.  Bibl.  Nat.,  f.  ital.,  ms.  1734,  p.  iG3,  copie;  dép.  dos  ambass.  vénitiens, 
de  Paris,  19  juill.  i585.  —  Négociations  diplom.  avec  la  Toscane,  t.  IV,  p.  588; 
de  Paris,  i3  juill.  i585.  —  Mémoires-journaux  de  P.  de  L'Estoile,  t.  II,  p.  201. 

2.  Mémoires  de  la  Ligue,  t.  I,  p.  178  ;  édil  du  roi  enregistré  au  parlement 
de  Paris  le  18  juill.  i585. 

3.  Mémoires-journaux  de  P.  de  L'Estoile,  t.  II,  p.  201.  —  Bibl.  Nat.,  f.  fr., 
ms.  3303,  f"  4g,  autogr.  ;  lettre  du  card.  de  Bourbon  au  duc  de  Nevers,  de 
.Nemours,  7  juill.  i585,  publiée  dans  Le  Cabinet  historique,  t.  III,  p.  2^7,  qui 
la  date  faussement  de  Nomény  et  l'adresse  à  Pinart  ;  —  ms.  33G7,  f"  29, 
autogr.  ;  lettre  du  môme  à  la  duchesse  de  Nemours,  de  Nemours,  8  juil- 
let i585. 

4.  Lettres  de  Cath.  de  Médicis,  t.  VIII,  p.  34i,  col.  1,  note. 

.">.  Négociations  diplom.  avec  la  Toscane,  t.  IV,  p.  588  ;  de  Paris,  9  juil- 
let i585. 


CHAPITRE    III 


LA    CONQUETE    DE    NEVERS 


Le  récit  des  conférences  d'Epernav  nous  a  révélé  la  puissante 
influence  de  Henri  de  Lorraine  sur  le  cardinal  de  Bourbon.  Aux 
premiers  jours,  le  prélat  a  manifesté  parfois  quelque  indépen- 
dance et  (uiise  hésitait  encore  à  le  laisser  seul  a\ec  la  reine 
mère  ;  mais  peu  à  peu  le  duc  l'a  conquis  cl  si  complètement 
qu'il  ne  redoute  pins  les  conséquences  d'une  absence.  Il  est 
véritablement  le  maître  et  le  vieillard  l'élève.  La  bonne  entente 
entre  les  deux  hommes  est  d'ailleurs  assurée  par  la  commu- 
nauté d'intérêt.  Ils  se  sont  compromis  ensemble  aux  yeux  du 
roi  ;  la  continuation  de  leur  alliance  s'impose  et  les  difficultés 
nouvelles  les  rapprochent  davantage. 

Par  un  curieux  retour  de  la  fortune,  au  moment  on  les  chefs 
ligueurs  purent  se  féliciter  de  l'œuvre  accomplie,  ils  sentirent 
soudain  tout  appui  leur  manquer.  Le  ressentiment  de  Henri  III, 
furieux  des  humiliations  reçues,  n'aurait  poin!  suffi  à  les 
effrayer,  mais  ils  eurent  d'autres  sujets  de  crainte.  Philippe  II, 
qui  les  avait  poussés  à  la  révolte  en  leur  fournissant  des  secours, 
se  montra  peu  satisfait  de  cet  accord  conclu  entre  eux  et  le  roi, 
surtout  à  des  conditions  qu'il  estimait  peu  avantageuses;  il  le 
considérait  d'ailleurs  comme  une  violation  du  traité  de  .loin- 
\  ille  ' .  D'autre  part,  un  certain  nombre  de  ligueurs  ne  cachèrenl 
pas   leur  mécontentement,   reprochant  à  (mise  d'avoir  songé 

i.  \it!i.  Nat.,  K  [563,  n  101,  déchiffr.  ;  <I<'|».  deMendoça  à  Philippe  II,  de 
Paris.  16  juill.  t585.  —  Ségocialions  diplom.  avec  la  Toscane,  t.  [V,  p.  620; 
de  Paris,  \  aoûl  i585. 


l42  LE    ROLE    POLITIQUE    DU    CARDINAL    DE    BOUItBON 

plus  à  lui  qu'au  parti  ;  quelques-uns  même  eurent  l'audace  de 
le  lui  faire  sentir  *. 

La  situation  des  deux  alliés  parut  d'autant  plus  critique  que 
Henri  111  ne  semblait  pas  désirer  la  guerre.  Vvec  des  troupes 
peu  nombreuses  et  à  demi  étrangères,  dont  il  ne  pouvait  payer 
la  solde,  le  trésor  étant  vide,  il  hésitait  à  engager  la  lutte  contre 
un  ennemi  aussi  résolu  que  le  roi  de  Navarre,  qui,  aux  articles 
de  Nemours,  avait  répondu  par  une  alliance  avec  Montmo- 
rency, gouverneur  du  Languedoc,  et  par  une  protestation  vio- 
lente contre  ce  traité  fait  au  préjudice  de  la  maison  de  France  -. 
Et  Catherine  de  Médicis  était  là.  prêchant  la  conciliation,  en- 
voyant au  Béarnais  des  ambassadeurs  pour  l'exhortera  se  con- 
vertir. En  vérité,  ce  dernier  lui  donnait  peu  d'espoir,  mais 
suivant  son  habitude  il  ne  repoussait  pas  toute  idée  d'entrevue  ; 
et,  comme  elle  pensait  avoir  triomphé  de  Guise  à  Épernay,  la 
reine -mère  crut  pouvoir  triompher  de  Navarre  ;  elle  se  prépara 
à  le  rejoindre. 

Une  telle  démarche  eut  été  des  plus  funestes  au  parti  de  la 
Ligue,  surtout  aux  intérêts  des  chefs  dont  l'autorité  ne  pouvait 
se  maintenir  qu'avec  la  guerre.  Elle  compromettait  d'ailleurs  le 
succès  de  la  lutte.  «  Quelque  promesse  qu'elle  [la  reine-mère]  face 
maintenant,  écrivait  l'un  d'eux,  elle  traictera  et  sera  contraincte 
à  déroger  en  quelque  chose  à  l'édict,  ou  pour  le  moins  elle  fera 
retarder  l'armée  de  Guyenne  et  gaignera  le  temps  pour  eux  ;!.  » 
C'était  une  juste  prévision  que  Guise  faisait  également.  Il  voulut 
donc  ruiner  d'avance  toute  tentative  de  conciliation  par  un  jeu 
habile  où  le  cardinal  de  Bourbon  devait  être  son  fidèle  second. 


i.  Hibl.  Nat.,  f.  fr.,  mis.  '^i'a,  f°  i3i,  minute;  lcllre  de  La  Châtre  an  duc 
de  Guise,  s.  t.,  18  août  iô85.  (Pièces  justif.  n°  XI.)  —  Négociations  diplom. 
avec  la  Toscan:',  t.  I\  ,  p.  G20  ;  de  Paris,  4  août  i585. 

2.  Mémoires  de  laLigue,  t.  I.  p.  i83  ;  déclaration  et  protestation  du  roi  de 
Navarre,  du  prince  de  Coudé  et  du  duc  de  Montmorency...  à  Saint-Paul  de 
Cadcjous,  le  io  août  1 585. 

3.  Lettres  confident,  de  G.  de  Cornac  au  duc  de  Ne  vers  dans  Revue  Henri  IV, 
1909,  t.  III,  p.  12a  ;  s.  1.,  des  premiers  jours  de  septembre  i585.  —  Hibl. 
Nat.,  f.  ital.,  ms.  1734,  p.  2^9,  copie;  dép.  des  ambass.  vénitiens,  de  Paris, 
a5  sept.  i585. 


LA    CONQUÊTE    DE    NËVEKS  I/J3 

Les  deux  hommes  cherchèrent  d'abord  à  reconquérir  leurs 
anciens  alliés  pour  que,  les  sentant  plus  redoutables,  on  tint 
davantage  compte  de  leurs  revendications.  Une  amitié  précieuse 
entre  toutes  à  Henri  de  Lorraine  et  au  cardinal  de  Bourbon  était 
celle  du  roi  d'Espagne.  Ils  le  supplièrent  à  grands  cris  de  ne 
point  les  abandonner  en  si  bon  chemin  L  Gomme  ses  intérêts 
étaient  communs  aux  leurs,  Philippe  II  céda  facilement.  Le 
2  septembre,  Guise  et  l'assis  se  rencontrèrent  à  Reims  et  renou- 
velèrent le  traité  de  Join ville  2.  Pendant  ce  temps  les  agents  de 
la  Ligue  à  Rome  se  conciliaient  la  bienveillance  du  pape. 

Tout  en  assurant  à  leur  parti  le  secours  de  l'or  espagnol  et 
l'appui  du  chef  de  l'Eglise,  Guise  et  le  cardinal  gagnèrent  à  sa 
cause  un  des  plus  puissants  seigneurs  du  royaume  qui  jus- 
qu'alors avait  repoussé  leurs  avances.  L'empire,  que  le  Lorrain 
possédait  sur  le  prélat,  ne  se  dévoila  jamais  plus  que  dans  la 
conquête  qu'ils  firent  ensemble  de  Louis  de  Gonzague,  duc  de 
Ne  vers. 


Au  commencement  de  i585,  le  cardinal  de  Vendôme  et  sa 
belle-mère  Françoise  d'Orléans,  princesse  de  Condé,  avaient 
demandé  la  main  de  Catherine  de  Gonzague.  fille  aînée  du  duc 
de  Nevers,  pour  le  jeune  comte  de  Soissons,  fils  de  la  princesse. 
Le  cardinal  de  Bourbon  accepta  avec  joie  un  projet  d'union 
entre  ces  deux  familles  qui  partageaient  alors  son  affection.  A 
Nevers,  qui  lui  demanda  conseil,  il  déclara  qu'on  ne  pouvait 
espérer  «  rien  de  plus  à  propos3  ».  Le  comte  de  Soissons  avait 

i.  Arch.  Nat.,  K  i5G3,  n°  117,  déchiffr.  ;  dép.  de  Mendoça  à  Philippe  11, 
de  Paris,  :<ô  juillet  i585.  —  Lors  d'une  entrevue  avec  Mendoça,  le  cardinal 
n'avait  pu  parler  à  cœur  ouvert  à  cause  de  la  présence  du  cardinal  de  Ven- 
dôme. 

2.  Joannis  Baptistœ  <l<>  Tassis  commentariorum  de  lumuliibus  Belgicis  sui 
temporis  libri  octo,  publiés  par  Hoynck  van  Papendrecht  dans  Analecta  Bel- 
Çfica,  t.  II,  p.  469.  —  Bibl.  Nat.,  f.  fr.,  ms.  3974,  f°  67  ;  copie  du  traité  do 
Joinville  faite  sur  l'original  et  portant  la  date  du  renouvellement  du  traité 
à  Reims. 

3.  Bibl.  Nat.,  f.  fr.,  tus.  3366,  f'  -\,  autogr.  ;  lettre  du  card.  de  Bourbon 
au  duc  de  Nevers,  s.  L,  [janvier  i585]. 


\[\[\  LE    ROLE    POLITIQUE    DU    CARDINAL    DE    BOURBON 

dix-neuf  ans  cl  Catherine  dix-sept.  Le  mariage  s'annonçait 
donc  favorablement.  On  en  discuta  bientôt  les  conditions  et  la 
princesse  de  Coudé  promit  de  faire  connaître  avant  Pâques 
l'état  des  biens  de  son  fils. 

Mais  brusquement,  pour  les  motifs  exposés  ci-dessus,  le  car- 
dinal de  Bourbon  et  le  duc  de  Nevers  quittèrent  Paris.  Le  pré- 
lat se  retira  dans  son  diocèse  ;  le  duc  partit  aux  bains  de  Luc 
ques.  Cependant,  rien  n'empêchant  la  négociation  de  suivie 
son  cours,  la  princesse  de  Condé  fit  dresser  L'état  des  biens  du 
comte  cl  voulut  renvoyer  à  Nevers.  Comme  elle  ignorait  le 
lieu  de  sa  résidence,  Françoise  d'Orléans  adressa  l'état  au  car- 
dinal de  Bourbon  pour  qu'il  en  prît  connaissance  et  lui  indi- 
quât le  moyen  de  le  faire  parvenir  au  destinataire.  Le  vieillard 
s'en  chargea  *. 

Deux  grands  mois  se  passèrent  sans  que  la  princesse  eût  reçu 
la  moindre  réponse.  Elle  soupçonna  le  prélat  de  ne  pas  avoir 
tenu  parole  et,  ayant  appris  par  ailleurs  que  la  duchesse  était 
restée  dans  sa  ville  de  Nevers,  elle  lui  écrivit.  Sa  lettre  fut  une 
longue  plainte  de  l'abandon  où  on  la  laissait.  Elle  accusait  ses 
plus  proches  parents,  ceux  qui  auraient  dû  soutenir  son  veu- 
vage de  leurs  conseils  et  de  leur  affection,  de  l'abandonner  à  sa 
faiblesse  et  aux  calomnies  portées  par  ses  ennemis  contre  elle 
et  ses  fils,  parce  que  leur  frère  aîné  suivait  la  religion  protes- 
tante. Bien  qu'elle  n'eût  pas  écrit  en  toutes  lettres  le  nom  du 
cardinal,  c'était  évidemment  lui  que  visaient  ses  attaques2. 

La  duchesse  répondit  en  expliquant  ce  qui  s'était  passé.  Son 
mari  et  elle  avaient  attendu  jusqu'à  la  date  fixée  et,  n'ayant  rien 
reçu,  ils  avaient  eru  le  mariage  rompu.  Or,  une  quinzaine  de 
jours  après  Pâques,  la  duchesse  avait  trouvé  dans  un  paquet,  que 
lui  lit  parvenir  le  cardinal  de  Bourbon,  l'état  des  biens  du  comte 
de  Soissons  ;  mais,  comme  les  lettres  du  prélat  n'en  faisaient 

i.  Bibl.  Nat.,  f.  fr.,  ms.  !\~i!*,  f"  46,  autogr.  ;  lettre  de  la  princesse  de 
Condé  à  la  duchesse  de  Nevers,  s.  1.,  [du  aG  mai  i585]  ;  —  f°  48,  autogr.  ; 
lettre  de  la  même  au  duc  de  Nevers,  de  Paris,  r!  juill.    i585. 

■2.  Bibl.  Nat.,  f.  fr..  ins.  '171  '1,  f'  '16,  autogr.;  lettre  de  la  princesse  de 
Condé  à  la  duchesse  de  Nevers,  s.  t.,  [a€  mai  i585]. 


LA    CONQUÊTE    DE    iNEVERS  i/jj 

aucune  mention,  elle  pensa  qu'on  l'y  avait  mis  par  hasard. 
Aussi  se  garda- t-el le  d'y  faire  réponse,  d'autant  plus  qu'à  ce 
moment  il  se  présentai!  un  autre  parti  pour  sa  fille.  Son.  mari, 
informé  de  cette  nouvelle  demande,  avait  résolu  d'ajourner 
toute  décision  jusqu'à  son  retour  '. 

Le  récit  n'était  point  fait  pour  excuser  le  cardinal  aux  yeux 
de  la  princesse.  Au  contraire,  elle  vit  en  lui  la  seule  cause  de 
ces  longs  retards-  :  à  tort  d'ailleurs,  car  le  vieillard  n'était  pas 
coupable  et  il  restait  toujours  partisan  de  l'union  des  deux 
familles.  Avant  de  quitter  Nevërs,  il  lui  avait  fait  promettre  de 
n'accepter  aucune  autre  proposition  pour  sa  fille  sans  lui  en  faire 
pari.  Il  espérait  en  outre  que  ses  neveux,  le  marquis  de  Conti. 
le  cardinal  de  Vendôme  et  le  comte  de  Soissons,  viendraient  le 
rejoindre  à  Gaillon,  où  il  s'était  retiré:  il  leur  fit  savoir  qu'il 
les  attendait.  Mais  ceux-ci  hésitèrent  devant  les  bruits  suspects 
qui  commençaient  à  se  répandre.  De  nouvelles  lettres  plus  pres- 
santes n'eurent  pas  un  meilleur  résultat.  Fort  habilement  les 
jeunes  gens  prévoyaient  -qu'en  rejoignant  leur  oncle  ils  tombe- 
raient sous  la  dépendance  des  Lorrains  :  et,  cédant  aux  sollici- 
tations du  roi  et  du  duc  d'Épernon  heureux  d'avoir  à  leurs  côtés 
des  princes  du  sang,  ils  restèrent  à  la  cour. 

Leur  refus,  s'il  mécontenta  le  cardinal,  ne  l'irrita  point  jus 
qu'à  lui  faire  désirer  la  rupture  de  l'union  projetée.  Quand  il 
eut  reçu  la  déclaration  des  biens  du  comte,  il  l'envoya,  selon 
sa  promesse,  directement  à  la  duchesse  de  Acvers  et  dans  une 
lettre  datée  du  i"  mai  il  lui  eu  annonça  l'arrivée3.  Il  est  fort 
difficile  d'expliquer  pourquoi  celle  lettre  ne  parvint  pas  ;'i 
destination,  comme  l'affirme  la  duchesse:  mais  le  hasard  seul 
doit  être  rendu  responsable  et  non  point  le  cardinal  i, 

i.  Bibl.  \al..  f.  IV..  dis.  'i7i'i.  f°  1 02,  copie  ;  lettre  de  la  duchesse  de 
Nevers  à  la  princesse  de  Condé,  de  Nevers,  1  "  juin  t&85. 

a.  Bibl.  fiât.,  f.  fr.,  ms.  '171:4,  f"  18,  autogr.  ;  lettre  de  l;i  princesse  de 
Coudé  au  duc  de  Nevers,  de  Paris,  aajuill.  i585. 

o.  Bibl.  Nat.,  f.  fr..  ms.  3336,  l"  84.  orig.  :  lettre  du  card.  de  Bourbon  à  la 
duchesse  de  Nevers.  d'Épernay,  c  mai  u>85.  (Pièces  justif.  n°  IX.) 

'1.  Je  n'use  soupçonner  la  duchesse  de  Nevers  d'un  mensonge  qui  eût 
pu  être  facilement  découvert.  Cependant  il  faut  noter  deux  choses.  La 
Sui.muu.    —  Cardinal  </<■  Bourbon.  10 


1^6  LE    RÔLE    POLITIQUE    DU    CARDINAL    DE    BOURBON 


Bien  qu'il  ne  se  fût  pas  encore  déclaré  ouvertement,  le  duc  de 
Ne  vers  penchait  vers  la  Ligue.  Depuis  le  massacre  de  la  Saint- 
Barthélémy,  auquel  il  avait  largement  contribué,  il  s'était  mon- 
tré catholique  ardent  et,  sa  religion  s'accommodant  assez  bien 
avec  son  ambition,  il  s'était  rapproché  de  Guise.  A  Borne,  où  il 
séjourna  bien  plus  souvent  qu'à  Lucques,  il  retrouva  les  agents 
des  Lorrains,  le  cardinal  de  Pellevé  et  le  père  Claude  Matthieu  ; 
et,  comme  en  France  les  affaires  de  la  Ligue  marchaient  à  sou- 
hait, il  ne  craignit  point  de  se  joindre  à  eux  pour  faire  le  pro- 
cès de  la  conduite  publique  et  privée  de  Henri  III.  Prétextant 
des  scrupules  de  conscience,  il  demanda  même  à  Sixte-Quint 
un  acte  officiel  favorisant  les  révoltés.  Ses  instances  ne  contri- 
buèrent pas  peu  à  faire  lancer  quelque  temps  plus  tard  la  bulle 
d'excommunication  contre  le  roi  de  Navarre. 

Fort  de  ses  bons  services,  Nevers  se  croyait  acquise  la  recon- 
naissance des  ligueurs.  A  sou  retour  en  France,  il  lui  sembla 
au  contraire  que  le  parti  le  recevait  froidement.  Bien  que  Guise 
eût  promis  de  lui  envoyer  l'abbé  de  La  Ve musse  pour  le 
mettre  au  courant  des  affaires,  Nevers  ne  vit  point  l'abbé.  Il 
écrivit  alors  an  cardinal  de  Bourbon  pour  lui  demander  une 
entrevue  ;  pendant  près  de  quinze  jours  il  attendit  vainement 
la  réponse.  Mais  ce  qui  le  froissa  surtout,  ce  fut  d'apprendre 
qu'à  Nemours,  dans  la  rédaction  des  articles,  on  l'avait  oublié. 
Rien  ne  le  concernait,  ni  place  de  sûreté,  ni  commandement 
de  troupes,  alors  que  de  petits  seigneurs  y  trouvaient  leur 
avantage1.  Il  répondit  donc  très  volontiers  aux  sollicitations  de 
la  princesse  de  Condé,  désireuse  de  renouer  les  négociations  du 

duchesse  fut  toujours  favorable  aux  Lorrains  (Guise  avait,  épousé  sa  sœur) 
et  peut-être  ce  mariage  ne  lui  plaisait-il  point.  Il  est  en  outre  fort  difficile 
d'admettre  que  cette  lettre,  dont  l'original  nous  est  parvenu  dans  les  papiers 
de  Nevers,  n'ait  point  été  reçue  par  la  duchesse,  ni  connue  d'elle. 

i.  Bibl.  Nat.,  f.  fr.,  ms.  471  A,  f°  i3i,  minute;  lettre  de  La  Châtre  au  duc 
de  (luise,  s.  L,  [18  août  i585J.  (Pièces  justif.  n°  XL) 


LA    CONQUÊTE    DE    NEVERS  \  f^r 

mariage  :  car  L'attitude  du  cardinal  de  Vendôme  et  du  comte  de 
Soissons,  restés  fidèlement  à  la  cour  pendant  les  derniers  mois, 
leur  avait  valu  la  faveur  du  roi.  et  Gonzague  espéra  trouver  un 
appui  auprès  de  ces  représentants  de  la  famille  de  Bourbon,  que 
la  rumeur  publique  opposait  déjà  à  la  faction  des  Lorrains. 

Tout  en  engageant  directement  les  pourparlers  avec  Nevers1, 
la  princesse  de  Coudé,  aux  yeux  de  qui  le  cardinal  de  Bourbon 
s'était  assurément  justifié  sans  peine,  sollicita  le  vieillard  de 
s'entremettre  pour  la  conclusion  du  mariage  en  qualité  d'oncle 
commun.  Le  prélat,  rentré  à  Paris  depuis  le  r5  juillet,  accepta. 
Mais,  dès  les  premiers  jours  d'août,  des  affaires  urgentes  l'ap- 
pelèrent dans  son  diocèse.  Il  partit  pour  Gai  lion  avec  ses 
neveux,  promettant  de  revenir  avant  la  fête  de  l'Assomption  -. 
Françoise  d'Orléans  attendit  patiemment  son  retour.  Cepen- 
dant, au  lieu  de  regagner  Paris  le  i4  au  soir,  le  cardinal  s'ar- 
rêta dans  Pontoise.  Le  19  seulement  il  atteignit  Vincennes, 
promettant  de  venir  le  lendemain  retrouver  sa  belle-sœur3.  Or, 
quatre  grandes  journées  s'écoulèrent  encore  sans  qu'il  pût 
accorder  à  la  princesse  une  entrevue  assez  longue  pour  disculer 
les  articles  du  contrat.  Il  se  décida  enfin  le  i'\  à  envoyer  un  de 
ses  gentilsbommes  au  duc  de  Nevers  pour  lui  fournir  «  quel- 
ques explications  nécessaires  et  l'éclairer  sur  ses  intentions  ». 
Il  s'excusait  du  retard  que  des  circonstances  accidentelles  seules 
avaient  fait  naître  et  promettait  de  se  rendre  à  Soissons  après  la 
Notre-Dame  de  septembre  dans  l'espérance  d'y  rencontrer  le 
duc,  ce  qu'il  désirait  infiniment1. 

1.  Bibl.  Nat.,  f.  fr.,  ms.  4714.  f°  i48,  autogr.  ;  lettre  de  La  Vieuville  au 
duc  de  Nevers,  de  Paris,  i4  août  iô85  ;  —  f°  4a,  autogr.  ;  lettre  de  la  prin- 
cesse de  Condé  au  même,  s.  1.,  1 1  .">  août  i585]. 

2.  Bibl.  Nat.,  f.  fr.,  ms.  3303,  f"  53,  autogr.  ;  lettre  du  card.  de  Vendôme 
au  duc  de  Nevers,  de  Paris,  •>,  août  i585,  publiée  dans  Le  Cabinet  historùjne, 
t.  III,  p.  249. 

3.  Bibl.  Nat.,  f.  fr.,  ms.  4714,  f"  i54,  aulogr.  ;  lettre  du  sieur  de  La  Bi- 
vièreau  duc  de  Nevers,  de  [Paris,  19  août  i585]. 

\.  Bibl.  Nat.,  f.  fr.,  ms.  4714,  f°  34,  autogr.  ;  lettre  du  card.  de  Bourbon  au 
duc  de  Nevers,  de  Paris.  a4  août  ifiSf)  ;  —  f.  30,  autogr.  ;  lettre  du  card.  de 
Vendôme  au  même,  m.  1.  el  d.  ;  —  f'  .m.  aulogr.  ;  lettre  de  la  princesse  de 
Condé  au  môme,  de  Paris,  a3  août  i585. 


I  \S  LE    ROLE    POLITIQUE    DU    CARDINAL    DE    BOURBON 

La  princesse,  fatiguée  de  toutes  ces  longueurs,  eût  voulu  plus 
d'activité  de  la  part  du  cardinal.  Celui-ci  promit  d'écrire  à 
Nevers  une  nouvelle  lettre,  Le  remit  de  jour  en  jour,  quand  une 
attaque  de  gOutte  vint  le  clouer  au  lit  pour  quelque  temps. 
C'était  une  excellente  excuse  à  son  inaction.  La  princesse  crai- 
gnit d'importuner  le  malade  cl  attendit  sa  guérison  pour  renou- 
veler ses  prières  *. 

Il  est  curieux  de  constater  que  Françoise  d'Orléans,  qui 
n'avait  pas  hésité  à  suspecter  la  bonne  foi  du  cardinal  lorsque 
Nevers  était  en  Italie,  ne  le  soupçonna  point  devant  ces  retards 
successifs.  Le  duc.  au  contraire,  fut  plus  avisé.  Il  avait  espéré 
terminer  rapidement  les  négociations  du  mariage.  Ces  délais 
sans  cesse  prolongés  l'étonnèrent.  «  Néantmoings,  écrivit-il  au 
vieillard,  je  ne  trouvera  y  jamais  eslrange  ce  qui  viendra  de 
vostre  part  et  ne  laissera*  de  vous  eslre  très  humble  servi- 
teur-. » 


Nevers  avait  raison  de  douter.  Le  cardinal  pensait  mainte- 
nant à  toute  autre  chose  qu'à  l'alliance  entre  Catherine  de 
Gonzague  et  le  comte  de  Soissons.  Il  avait  Conservé  assez  long- 
temps son  bel  enthousiasme  pour  ce  mariage,  mais  les  circons- 
tances et  l'influcnee  que  <  luise  exerçait  sur  lui  devaient  en 
avoir  raison.  Le  prélat  s'ouvrit  sans  doute  à  son  allié  de  l'union 
qu'il  projetait  entre  les  deux  familles  et  le  duc  vit  tous  les 
inconvénients  qui  en  résulteraient  pour  son  parti.  I  ne  alliance 
entré  NevèrsCtlé  cardinal  de  Vendôme  et  ses  frères,  dont  les 
sentiments  royalistes  étaient  bien  connus,  rapprocherait  néces- 
sairement le  premier  de  Henri  111.  Or  \e\ers  était  intluent. 
non  pus  tant  par  sa  fortune  (pie  par  ses  relations,  à  Rome 
notamment.  Il  pouvait  servir  utilement  la  Ligue. 

i.  iVilil  Xat..  f.  IV..  ms.  47*4,  r  ï<».  autogr.  ;  lettre  du  card.  de  Vettdôïhe 
au  duc  de  Xevers,  de  Paris,  i"  sept.  iô85. 

•>.  Bibl.  Vil.,  f.  l'r..  ms.  '171  1.  r "67,  copie  ;  lettre  du  «lue  de  Nevers  au  card. 
de  Bourbon,  de  Prémery,  7  sept.  [585. 


LA    CONQUÊTE    DE    NEVERS  1^9 

Guise  connaissait  la  prudence  de  l'Italien  que  rien  n'avait  pu 
contraindre  à  se  déclarer  ouvertement  au  mois  de  mars  dernier, 
ni  les  instantes  prières  de  son  oncle  le  cardinal,  ni  les  courriers 
spéciaux  que  lui  même  lui  avait  envoyés.  Il  ne  vit  qu'un  moyen 
de  se  l'attacher,  qui  fut  d'établir  entre  eux  un  lien  étroit  de 
parenté  ;  et,  pour  réussir  et  tout  à  la  fois  ruiner  une  tentative 
de  rapprochement  entre  Nevers  et  les  royalistes,  il  proposa 
de  son  côté  non  pas  un  mais  deux  mariages  :  Catherine  de 
Gonzague  épouserait  son  fils  aine,  le  prince  de  Joinville.  et  en 
même  temps  le  duc  de  Rethelois,  fds  de  Nevers,  serait  fiancé 
a  l'aînée  des  filles  de  Gnise.  C'était  là  cette  nouvelle  demande 
que  la  duchesse  avait  reçue  pendant  que  son  mari  était  à 
Rome  et  dont  ils  avaient  décidé  d'ajourner  la  solution  jusqu'à 
son  retour. 

Henri  de  Lorraine  se  rendit  compte  de  la  hardiesse  de  sa 
démarche  et,  craignant  de  froisser  le  cardinal  de  Bourbon  qui 
favorisait  l'union  avec  le  comte  de  Soissons,  il  ne  lui  en  parla 
pas.  Ce  fut  Nevers  qui.  fidèle  à  la  promesse  faite  avant  son 
départ,  l'en  avertit.  Le  vieillard  montra  d'abord  quelque  sur- 
prise de  ce  nouveau  projet '.  Mais  Guise  sut  lui  prouver  que 
l'intérêt  du  parti  réclamait  une  alliance  entre  Nevers  et  lui.  Le 
prélat,  alors  sous  l'entière  domination  du  Lorrain,  se  souvint 
que  ses  neveux  l'avaient  mécontenté  en  refusant  de  le  rejoindre. 
Il  accepta  la  nouvelle  combinaison. 

Il  fallut  établir  un  plan  de  campagne.  En  premier  lieu,  il 
s'agissait  d'entraver  la  marche  des  pourparlers  que  Gonzague 
avait  engagés  avec  la  princesse  de  Condé.  La  tâche  incomba 
naturellement  au  cardinal  qui  servait  d'intermédiaire  dans  la 
négociation.  Il  traîna  les  choses  en  longueur  jusqu'à  ce  qu'il 
eût  ménagé  une  entrevue  de  Guise  et  de  Nevers  à  laquelle  il 
devait  assister.  On  connaît  les  retards  successifs  qu'il  employa 
pour  aboutir.  N'osant  point  déconseiller  ce  qu'il  avait  si  fort 
approuvé,  il  recula  de  jour  en  jour  jusqu'à  l'entrevue  fixée. 


i.  Bibl.  \at.,  f.  fi\.  ms,  3364,  f°  56;  orig.  ;  mémoire  d'un  envoyé  du  card. 
de  Bourbon  au  duc  do  Nevers,  s.  I.  n.  d.  i  Pièces  justif.  a0  VII.) 


IOO  LE    ROLE    POLITIQUE    DU    CARDINAL    DE    BOURBON 

Henri  de  Lorraine,  de  son  côté,  cherchait  à  regagner  la  con- 
fiance de  l'Italien.  Tandis  que  son  frère  Mayenne  poussait  la 
bienveillance  jusqu'à  l'informer  de  tout  ce  qui  survenait1,  lui- 
même  lui  envoya  son  confident  Claude  de  La  Châtre.  Nevers  se 
plaignit  vivement  de  ce  qu'on  l'avait  négligé,  reprochant  à 
Guise  de  vouloir  toujours  tout  traiter  seul,  sans  prendre  suffi- 
samment l'avis  de  ses  partisans  ;  il  parla  même  du  traité  de 
Nemours  qu'on  avait  conclu  sans  l'avertir2.  Cependant  il  ne 
se  refusa  pas  à  une  entrevue  ;  bien  mieux,  il  la  désira,  car  une 
nouvelle  vint  faire  plus  pour  un  rapprochement  entre  les  deux 
ducs  que  toutes  les  avances  du  Lorrain  et  du  cardinal.  Nevers 
apprit  que  Henri  III  connaissait  les  mauvais  services  qu'il  lui 
avait  rendus  à  Rome  et  qu'il  en  était  fort  indigné  3.  Craignant, 
s'il  repoussait  les  propositions  des  ligueurs,  de  rester  seul  et 
sans  défense  devant  la  colère  royale,  il  accepta  l'entrevue. 

Elle  fut  fixée  à  Soissons,  après  la  Notre-Dame  de  septembre, 
car  le  cardinal  était  retenu  à  Paris  jusqu'à  cette  époque  par  les 
travaux  préparatoires  de  l'assemblée  du  clergé.  Diverses  causes 
ayant  retardé  la  réunion  de  l'assemblée,  il  fallut  encore  en  reculer 
la  date  4.  On  songea  bien  à  faire  venir  le  prélat  pour  quelques 
jours,  mais  c'eût  été  chose  impossible  tant  la  santé  du  vieil- 
lard était  délicate.  A  peine  remis  de  son  attaque   de  goutte,    il 

i.  Bibl.  Nat.,  f.  fr.(  ms.  3366,  f°  67,  autogr.  ;  lettre  de  [Mayenne'  au  duc 
de  Nevers,  de  Montereau,  2  août  i585  ;  —  f°  64,  autogr.  ;  du  même  au  même, 
s.  1.,  18  août  i585;  —  ms.  3 4 1 3 ,  f"  i33,  autogr.  ;  du  même  au  même,  de 
Montereau.  2  août  i585.  —  Ces  lettres,  qui  ne  portent  pas  de  signatures, 
sont  attribuées  faussement  au  cardinal  de  Bourbon  par  le  Catalogue  des 
manuscrits  français  de  la  Bibl.  Nat. 

■x.  Bibl.  Nat.,  f.  IV. ,  ms.  4714,  f°  i3i,  minute;  lettre  du  sieur  de  la  Châtre 
au  duc  de  Cuise,  s.  1.,  [18  août  i585J.  (Pièces  justif.  n°  XI.) 

3.  Lettres  de  Cath.  de  Médicis,  t.  VIII,  p.  342  ;  à  la  duchesse  de  Nevers,  s.  !.. 
3i  juill.  [585. 

4.  La  séance  d'ouverture  eut  bien  lieu  le  9  septembre  à  l'abbaye  deSaint- 
Germain-des-Prés,  mais  les  députés  de  six  provinces  sur  neuf  étaient  seuls 
arrivés  et  ils  ne  voulurent  point  prendre  de  résolution  définitive  en  l'ab- 
sence de  leurs  collègues.  Ils  ne  devaient  se  réunir  tous  que  le  icr  octobre. 
V.  Bibl.  Nat.,  f.  fr.,  ms.  3336,  f°  73,  autogr.;  lettre  du  card.de  Bourbon  au 
duc  de  Nevers,  de  Paris,  21  sept.  i585.  —  Serbat  (L.),  Les  assemblées  du 
cleryé  de  France  de  1561  à  1615,  p.  116. 


LA    CONQUÊTE    DE    NEVERS  l5l 

fut  pris  d'un  «  flux  de  ventre  »  qui  l'affaiblit  fort  l.  Aussi  Guise 
perdit  patience  et  offrit  à  \evers  de  discuter  tout  de  suite  les 
conditions  des  mariages  -.  C'était  demander  au  duc  de  choisir 
entre  lui  et  la  princesse  de  Coudé.  Gonzague,  perplexe,  voulut 
au  moins  connaître  l'avis  du  cardinal  et  il  le  lui  demanda  par 
lettre,  puisqu'il  ne  pouvait  le  voir  prochainement.  Cette  question 
précise  embarrassa  fort  le  prélat.  11  eût  préféré  une  entrevue, 
car  les  paroles  peuvent  s'oublier,  mais  les  écrits  restent.  Aussi 
n'osa-t-il  point  répondre  franchement.  «  C'est  à  vous  à  vous 
résouldre,  écrivit-il,  et  quanta  moi  je  désire  vostre  contente- 
ment et  trouverrei  bon  tout  ce  que  vous  en  ferez  3.  » 

Il  n'en  fallait  pas  davantage  au  perspicace  Italien  pour  voir 
que  le  cardinal  avait  changé  d'avis,  qui  primitivement  «  dési- 
roit  infiniment  »  le  mariage  du  comte  de  Soissons  et  mainte- 
nant s'en  remettait  à  lui.  D'ailleurs  une  lettre  suivante  fut  plus 
explicite.  Comme  l'arrivée  du  prélat  menaçait  de  se  faire  loin- 
taine, Guise  décida  Nevers  à  se  rencontrer  seul  avec  lui.  «  Je  vous 
prie,  écrivait  alors  le  cardinal  au  duc,  de  bien  pezer  la  propo- 
sition qu'il  [Guise]  vous  fera  et  croire  qu'il  n'i  a  rien  qui  fût  à 
tous  si  nécessaire  que  de  cercher  tous  les  moyens  possibles  pour 
nous  lier  et  unir  ensemble  4.  »  Les  termes  étaient  clairs  pour 
qui  savait  lire  au  fond  de  la  pensée. 

Ainsi  le  cardinal  désapprouvait  le  mariage  avec  le  comte  de 
Soissons.  Catherine  de  Médicis  ne  lui  cachant  point  la  gravité 
des  accusations  portées  contre  lui,  Nevers  résolut  de  cesser  les 
pourparlers  engagés  avec  la  princesse  de  Condé. 


i.  Bibl.  Nat.,  f.  fr.,  ms.  3306,  f°  119,  orig.  ;  lettre  du  card.  de  Bourbon  au 
duc  de  Nevers,  de  Paris,  12  sept.  i585. 

2.  Bibl.  Nat.,  f.  fr..   nis.  47 1 4,  f°  86,  autogr.  ;  lettre  de  la  duchesse  de 
Guise  à  la  duchesse  de  Nevers,  s.  I.,  19  sept.  ij85. 

3.  Bibl.  Nat.,  f.  fr.,  ms.  34i3,  f°  82,  orig.  ;  lettre  du  card.  de  Bourbon  au 
duc  de  Nevers,  de  Paris,  7  sept.  i585. 

4.  Bibl.  Nat.,  f.  fr.,  ms.  3336,  f»  73,  autogr.  ;  lettre  du  card.  de  Bourbon 
au  duc  de  Nevers,  de  Paris,  21  sept.  iô85. 


102  LE    KOLK    POLITIQUE    ])L    CARDINAL    DE    BOIKBON 


Françoise  d'Orléans,  lasse  d'attendre,  lui  avait  envoyé  l'abbé 
de  Bellozanne,  précepteur  du  cardinal  de  Vendôme,  pour  régler 
les  dernières  conditions.  Le  messager  apportait  notamment  le 
chifl're  de  la  dot  réclamée  à  Catherine  de  Gonzague.  Le  duc 
saisit  ce  prétexte.  11  trouva  le  chiffre  trop  élevé  et  regretta  de 
ne  pouvoir  y  satisfaire  '. 

A  cette  nouvelle,  le  cardinal  de  Vendôme  s'empressa  de 
répondre  que  son  frère  se  contenterait  de  ce  que  Nevers  jugerait 
«  nécessaire  pour  l'entretien  »  de  sa  fille.  Il  offrit  même  d'aller 
rejoindre  le  duc  pour  aplanir  les  difficultés,  gardant  encore 
l'illusion  que  le  cardinal  de  Bourbon  l'aiderait-.  Cette  démarche 
fut  vaine.  Nevers  songeait  à  entamer  sérieusement  les  pourpar- 
lers avec  Guise. 

Mais  telle  était  la  prudence  de  l'Italien  qu'alors  même  qu'il 
connaissait  fort  bien  les  sentiments  du  cardinal,  que  d'ailleurs 
Mayenne  lui  avait  dévoilés  clairement3,  il  voulut  en  avoir  une 
preuve  entre  les  mains.  C'était  s'éviter  ainsi  des  reproches 
futurs.  Il  feignit  de  n'avoir  pas  compris  sa  volonté  et  la  lui 
demanda  en  termes  précis1. 

11  est  curieux  de  suivre  cette  tactique  de  deux  hommes  fort 
habiles  comme  Guise  et  devers,  qui  cherchent  à  s'unir,  mais 
veulent  garder  mutuellement  leur  indépendance  pour  ne  rien 
perdre  de  leur  force.  Guise  recherche  Nevers,  mais  il  veut  que 
celui-ci  vienne  à  lui.  Nevers  recherche  Guise,  mais  il  désire  en 
quelque    sorte    être    poussé    vers    le    Lorrain.    Le  cardinal  de 

i.  Bibl.  Nat.,  f.  fr.,  ms.  \-i'\,  f°  17/4,  copie  ;  lettre  du  duc  de  Nevers  à  la 
princesse  de  Condé.  de  Provins,  16  sept.  i585.  —  \u  même  folio  se 
trouve  la  copie  d'une  autre  lettre  du  duc  au  comte  de  Soissons,  m.  1.  et  d. 

■>..  Bibl.  Nat.,  f.  fr..  ms.  \~\!\,  f°  3o,  aulogr.  ;  lettre  du  card.  de  Vendôme 
au  duc  de  Nevers,  de  Paris,  21  sept.  i585. 

3.  Bibl.  Nat.,  f.  fr.,  ms.  336f>,  fu  84,  autogr.  ;  lettre  du  duc  de  Mayenne 
au  duc  de  Nevers,  s.  1.,  ig  sept.  i585. 

'i.  Bibl.  Nat.,  f.  fr.,  ms.  '171 'i,  f°  187,  copie:  lettre  du  duc  de  Nevers  au 
card.  de  Bourbon,  de  Soissons,  23  sept.  1 08."». 


7YU 


re   ^  ^y    r/^       ,,  v     2~#r^C  %Q^ 
/         \  /°  — 4^  •  7       y  V 

Lt~  ^£w?     /yy    >*-~*y     rX-^t&^TTUV^ 


'yy~*^f*  éy'  s,  jr^, 


c  "v/ff  <{f  tf/wÂ7)'  2 

Lettre   di    cardinal   m:    Bourboin    \i     duc   de   \i:\i:hs 
Paris,  ;  Septembre  \i;,s:,\.  mh|    v.l..  r    ,,.  _  ms  -.,,•._  f,. 


L\    CONQUÊTE    DE    NE VERS  100 

Bourbon  leur  sert  de  jouet;  sa   bonté   et  sa  faiblesse  en    foui 
un  parfait  intermédiaire. 

11  est  surtout  fort  curieux  de  voir  jusqu'à  quel  point  (luise 
domine  alors  le  vieillard  et  le  peu  de  confiance  qu'il  lui 
accorde  dans  les  cas  difficiles.  Depuis  qu'ils  ont  décidé  le 
mariage  entre  le  prince  de  Joinville  et  Catherine  de  Gonzague, 
c'est  Henri  de  Lorraine  qui  règle  sa  conduite  ;  mais,  lorsque  les 
décisions  deviennent  plus  importantes,  les  négociations  plus 
délicates,  il  guide  non  plus  seulement  ses  actes,  mais  encore 
ses  paroles.  \  chaque  instant  il  lui  fait  parvenir  des  avis  qui  sont 
tenus,  il  le  sait,  pour  des  ordres.  En  un  seul  jour  le  cardinal 
reçoit  jusqu'à  trois  lettres  de  lui1. 

Ce  fut  bien  le  prélat  qui,  de  sa  propre  main,  répondit  à  la 
question  posée  par  Nevers,  mais  ce  fut  Guise  qui  dicta,  Le 
vieillard  écrivit  «  les  mômes  mots  »  qu'il  lui  avait  demandé 
d'employer2.  Bien  plus,  la  lettre  adressée  à  Nevers  fut  d'abord 
envoyée  à  Guise  pour  qu'il  en  prit  connaissance3.  La  réponse 
était  d'ailleurs  fort  habile.  Sans  avouer  ouvertement  son  désu- 
et conservant  cette  phrase  vague  dont  il  s'était  déjà  servi  une 
première  fois,  le  cardinal  ne  laissait  cependant  point  de  doute 
sur  son  intention.  «  Je  le  remectz  du  tout  en  voslre  libre 
disposition  pour  en  faire  comme  vous  en  adviserés,  vous  asseu 
rant,  Monsieur,  que  je  scray  toujours  très  avse  que  vous 
conlanliés  monsieur  de  Guyse,  car  je  vous  ayme  tant  tous 
deulx  que  je  désire  que  ne  faciez  qu'un  et  que  je  face  le  troi- 
sième en  ceste  boue  amictié  *.  h 

Cependant    les    deux    ducs    se    rencontraient    seuls    vers    le 

i.  Bibl.  Nat.,  f.  fr.,  ms.  333G,  f"  109  et  ms.  3Gi6,  f°  11a,  copies;  lettre  du 
card.  do  Bourbon  au  duc  de  Guise,  s.  1..  [de?  premiers  jours  d'octobre  [585]. 
1  Pièces  justif.  n"  Mil.) 

2.  Ibidem. 

3.  Bibl.  Nat.,  f.  fr.,  ms.  34i3,  f"  S."),  autogr.  ;  lettre  du  card.  de  Bourbon 
au  duc  de  N'cvcrs,  s.  t.,  [des  premiers  jours  d'octobre  i585].  (Pièces  justif. 
n°  XII.) 

\.  Bibl.  Nat.,  f.  fr.,  ms.  34i3,  f  85,  autogr.  ;  lettre  du  card.  de  Bourbon 
au  duc  de  Nevers,  s.  t..  [des  premiers  jours  d'octobre  i585  1  Pièces  juslif. 
n0XII.) 


l5/|  LE    RÔLE    POLITIQUE    DU    CARDINAL    DE    BOURBON 

27  septembre  à  Cormicy.  Ils  restèrent  ensemble  quatre  jours1. 
On  s'entretint  des  mariages.  Catherine  de  Gonzague  devait 
épouser  le  prince  de  Joinville  ;  le  duc  de  Rethelois,  fils  de 
Nevers,  âgé  de  six  ans,  était  fiancé  à  l'aînée  des  filles  de  Guise, 
âffée  de  douze.  Des  deux  côtés  on  résolut  de  faire  connaître 
rapidement  les  conditions  du  contrat.  De  l'alliance  avec  le 
comte  de  Soissons  on  ne  parlait  plus.  Seul  le  cardinal  craignit 
qu'on  lui  reprochât  cette  trahison  à  l'égard  de  sa  famille.  «  Et 
puys  ce  sont  tous  mes  nepveux  »,   écrivit-il  pour  se  justifier-. 

Ce  double  projet  d'union,  qui  unissait  les  aînés  des  deux 
familles,  n'était  au  fond  que  la  base  d'une  entente  entre  Guise 
et  Nevers.  Seuls  les  intérêts  politiques  les  y  avaient  poussés. 

Le  résultat  de  ces  quatre  jours  de  conférences  fut  bientôt 
apparent.  Henri  de  Lorraine,  reprenant  confiance,  formula  les 
réclamations  du  parti  de  la  Ligue.  Elles  énuméraient  lon- 
guement les  infractions  à  l'édit  de  juillet  et  aux  articles  de 
Nemours.  On  avait  promis  de  chasser  les  ministres  du  royaume 
et  ils  y  étaient  encore.  Bien  loin  de  déposséder  le  roi  de 
Navarre  et  le  prince  de  Condé  de  leurs  gouvernements  de 
Guyenne  et  de  Picardie,  on  essayait  de  traiter  avec  eux.  Les 
hérétiques  se  fortifiaient  dans  les  villes  de  sûreté  qu'ils  auraient 
dû  abandonner.  Enfin  on  soumettait  les  ligueurs  à  toutes  sortes 
de  vexations,  dont  la  liste  se  déroulait  fort  longue3.  Ces  récla- 
mations étaient  un  avertissement  donné  à  Henri  III  et  à 
Catherine  de  Médicis.  Les  chefs  ligueurs  voulaient  la  guerre 
et  n'entendaient  pas  être  dupes.  Ils  exigeaient  l'exécution  des 
promesses  ;  sans  quoi  ils  reprendraient  les  armes. 

D'ailleurs  un  geste  du  pape  vint  contribuer  à  détruire  toute 
espérance  de   paix  avec  Navarre.    Sixte-Quint  lança   la    bulle 

1.  Bibl.  Nat.,  f.  fr.,  ms.  471/»,  f°  180,  copie  ;  lettre  du  duc  de  Nevers  au 
cardinal  de  Guise,  de  Cormicy,  3o  sept.  i585  ;  —  ni.  f°,  copie;  du  môme  au 
duc  de  Mayenne,  m.  1.  et  d. 

2.  Bibl.  Nat.,  f.  fr.,  ms.  471A,  f°  35,  autogr.  ;  lettre  du  card.  de  Bourbon 
au  duc  de  Nevers,  s.  1.,  [6  oct.  i585]. 

3.  Bibl.  Nat.,  f.  fr.,  ms.  3974,  f"  ">2,  copie;  «  contraventions,  entreprises 
et  négligences  contre  l'édit  et  les  articles  de  Nemours  du  moisde  juillet  i585 
[jusqu'au  Ier  octobre].  » 


LA    CONQUETE    DE    NEVERS  IOÔ 

d'excommunication  qui  déclarait  Henri  de  Bourbon  et  le  prince 
de  Condé  hérétiques,  relaps  et  par  suite  incapables  de  monter 
sur  le  trône  de  France  ;  elle  déliait  même  les  sujets  du  roi  de 
Navarre  de  tout  serment  de  fidélité1.  Catherine  ne  pouvait  plus 
espérer  un  accord  avec  son  gendre.  Désormais  il  n'y  avait 
qu'un  dénoùment  possible  :  la  guerre,  qui  se  terminerait  seule- 
ment avec  l'anéantissement  des  hérétiques. 

Le  cardinal  de  Bourbon  avait  fait  ses  confidences  au  nonce 
quelques  jours  avant  l'arrivée  de  la  bulle.  Se  considérant  comme 
le  promoteur  de  tout  ce  qui  se  faisait  alors  en  faveur  de  la  foi 
catholique,  il  acceptait  volontiers  la  guerre  et  était  persuadé  que 
le  pape  aiderait  beaucoup  à  une  œuvre  aussi  sainte2.  Evidem- 
ment il  comptait  sur  l'excommunication  que  les  ligueurs 
réclamaient  depuis  si  longtemps.  Quand  le  nonce  vint  lui 
apporter  le  bref  que  Sixte-Quint  lui  envoyait  à  cette  occasion, 
il  ne  cacha  point  sa  joie.  Il  voulut  même  que  le  cardinal  de 
Vendôme  assistât  à  la  conversation  et  prit  connaissance  de  la 
lettre  du  pape3.  Toutefois  il  semble    avoir   gardé  un  silence 

i.  Hiibner,  Sixte-Quint,  t.  II,  p.  i65  à  170.  —  L'Épinois  (II.  de),  La  Ligue 
et  les  papes,  p.  26.  —  Le  1"  octobre,  alors  qu'il  ne  connaissait  pas  encore  la 
bulle  du  pape,  Guise  écrivait  à  Mendoça  :  «  Par  ceste  déclaration  [la  bulle] 
on  ostera  toute  espérance  de  réconciliation  avec  les  hérétiques,  lesquelz 
d'autre  part  seront  abandonnés  de  beaucoup  de  catholiques  qui,  sans  cela, 
les  eussent  suivis  sous  l'espérance  de  l'avenir.  »  Cf.  Croze  (de),  Les  Guises, 
les  Valois  et  Philippe  H,  t.  I,  p.  357. 

2.  Arch.  du  Vatican  :  lettere  délia  segreteria  di  stato,  nunziatura  di 
Francia,  t.  XVIII,  f°  60,  orig.  ;  dép.  de  l'évêque  de  Rergame  au  cardinal  Rus- 
ticucci,  de  Paris,  3o  sept.  i58.">  :  «  ...  Visitai  anco  il  giorno  istesso  incon- 
tinente il  signore  cardinale  di  Rorbone  tuttavia  molto  allegro,  perche  sia 
stato  il  primo  mottorc  di  quanto  si  fa  hora  in  favore  de  la  fede  calholica  et 
molto  sicuro  che  Sua  Santità  abbracciera  et  aiutera  gagliarda  mente  questa 
pia  opéra.  » 

3.  Arch.  du  Vatican  :  lettere  délia  segreteria  di  stato,  nunziatura  di 
Francia,  t.  XVIII,  f°  92,  orig.  ;  dép.  de  l'évêque  de  Rergame,  nonce,  au 
cardinal  Rusticucci,  de  Paris,  18  oct.  i585  :  «  ...  Trovai  [il  signor  cardi- 
nale di  Rorbone]  allegrissimo  per  l'editto  sopradelto  et  explicai  a  sua 
Signoria  illustrissima,  corne  aveva  fatto  al  re,  quanto  si  contiene  nel  suo 
brève,  che  poi  gli  diedi  cou  un  transonto  délia  bolla.  L'uno  et  l'altra  le 
furno  sommamente  carc,  riputandosi  anco  a  grandissimo  honore  che 
piacesse  a  Sua  Santità  di  far  seco  questi  ufhcii  et  ringratio  anch'  essa  Sua 


IÔ6  LE    RÔLE    POLITIQUE    DU    CARDINAL    DE    BOURBON 

discret  pour  ne  point  s'attirer  les  reproches  des  partisans  des 
excommuniés1.  Mais,  quand  il  n'avait  pas  eu  une  parole  de 
regret  pour  son  frère  lâchement  assassiné  à  Jarnëc,  pouvait  il 
avoir  une  parole  de  pitié  pour  ses  deux  neveux  hérétiques  et 
relaps  que  le  pape  dépouillait,  peut-être  à  son  profit  ?  Et 
d'ailleurs  combien   n'était  il  pas  changé  depuis  celte  époque! 

Bealiludine  del  opéra  che  facea,  perche  questi  heretici  non  fusscro  aiutati 
di  Germania...  Yolse  detto  signor  cardinale  di  Borbone  che  si  trovassi 
présente  a  quanto  io  havevo  a  dirgli  il  signor  cardinale  di  Yandomo,  et 
gli  diede  anco  a  leggere  il  brève  di  Sua  Santità  dopo  che  l'hebbe  letto  esso  ; 
ne  moslro  esso  signor  cardinale  di  Yandomo  minor  contentezza  per  quanto 
havea  intesoda  me  et  intendea  dal  brève,  di  quello  che  mostro  esso  signor 
cardinale  di  Borbone.  » 

i.  Le  6  octobre,  le  cardinal  de  Bourbon  écrit  au  duc  de  Nevers  et  ne  parle 
nullement  de  la  bulle  d'excommunication,  alors  que,  le  même  jour  et  vrai- 
semblablement par  le  même  courrier,  son  confident  Gaillard  de  Cornac 
écrit  au  duc  en  lui  annonçant  l'arrivée  de  la  bulle  comme  une  grande  nou- 
velle. Cf.  Bibl.  \at.,  f.  fr.,  ms.  471  4,  f  35,  autogr.  ;  lettre  du  card.  de 
Bourbon  au  duc  de  Nevers,  s.  1.  n.  d.  —  Lettres  confident,  de  Gaillard  de 
Cornac  au  duc  de  I\'evers  dans  Revue  Henri  IV,  1909,  t.  111,  p.  129. 


CHAPITRE    IV 


LA    DEFECTION    DE    NEVERS 


Quand  le  parlement  de  Paris  oui  enregistré  le  16  octobre  l585 
l'édït  enjoignant  à  tout  hérétique  de  se  convertir  au  catholi- 
cisme dans  un  délai  de  quinze  jours,  on  eut  l'impression  que 
la  guerre  était  manifestement  prochaine.  Mais  le  roi  se  trouvait 
fort  empêché  d'entrer  en  campagne  :  il  n'avait  pas  d'argent. 

Il  tant  le  dire  à  la  louange  de  Charles  de  Bourbon,  chaque 
fois  que  la  politique  de  la  royauté  ne  fut  pas  contraire  à  celle  de 
la  Ligue,  Henri  III  put  compter  sur  l'appui  du  prélat.  L'immi- 
nence du  péril  huguenot  avait  fait  du  cardinal  le  plus  fidèle 
soutien  de  Henri  de  Lorraine.  On  l'avait  même  vu  prendre  les 
armes  pour  donner  des  ordres  à  son  souverain.  Mais,  quand 
celui-ci  se  montra  prêt  à  sévir  contre  l'hérésie,  Charles  de 
Bourbon  n'hésita  point  à  le  seconder  de  tout  son  pouvoir.  A  la 
tin  de  [585,  il  l'aida  puissamment  à  trouver  l'argent  indispen- 
sable à  l'entretien  de  la  guerre. 

Depuis  vingt-cinq  ans  le  clergé  avait  déjà  fourni  de  fortes 
contributions1.  Cependant  une  fois  encore  on  fil  appel  à  sa 
générosité,  t  ne  assemblée  générale  fut  convoquée  pour  déli- 
bérer sur  l'aliénation  possible  d'une  partie  des  biens   d'église-. 

1.  Scrbat  (L.),  Les  assemblées  dix  clergé  de  France  de  1561  "  1615,  p.  1  à  1 i">. 
passim. 

■>,.  Dès  le  commencement  d'août  Charles  de  Bourbon  consentit-,  ainsi  que 
les  autres  cardinaux  cl  prélats,  à  hypothéquer  ses  propics  revenus  <lc  Irois 
ou  quatre  cent  rhilleécus  remboursables  sur  le  produit  «l'une  vente  des 
biens  d'église.  Cet  emprunl  ne  semble  pas  d'ailleurs  avoir  élé  fait.  \.  Bibl. 
\al..  I'.  IV.,  ins.  i6o45,  l"  i38,  orig.  ;  lettre  de  Villeroy  à  Saint  Couard,  de 
Saint-Maur,  [6  août  i585  . 


l58  LE    ROLE    POLITIQUE    DU    CARDINAL    DE    BOURBON 

Le  cardinal  la  réunit  dans  son  abbaye  de  Saint-Germain-des- 
Prés.  Malgré  ses  chaudes  exhortations,  un  projet  d'aliénation 
de  cinquante  mille  écus  de  rente  souleva  de  grandes  protesta- 
tions chez  les  députés.  Les  discussions  furent  longues.  Charles 
de  Bourbon  intervint  lui-même  dans  le  débat,  affirma  que  pour 
sauver  la  religion  chacun  devait  offrir  non  seulement  ses  biens 
mais  sa  propre  vie.  Ses  paroles  entraînèrent  l'assemblée  hési- 
tante1. 

Pourtant  l'admission  du  principe  ne  résolvait  pas  toutes 
les  questions.  Entre  le  clergé  soucieux  de  protéger  ses  intérêts 
et  le  roi  décidé  à  en  tirer  le  plus  d'argent  possible  et  fort  rapi- 
dement, les  difficultés  surgirent  continuelles.  Le  cardinal  est 
le  grand  intermédiaire,  on  peut  même  dire  l'unique.  Henri  III, 
qui  le  sait  partisan  de  la  guerre,  le  charge  de  faire  connaître 
ses  exigences  à  l'assemblée.  Celle-ci  comprend  que  ses  récla- 
mations seront  toujours  écoutées  du  roi,  si  elles  sont  portées 
par  le  prélat'2.  C'est  pourquoi  sa  présence  est  si  nécessaire 
à  Paris.  C'est  pourquoi  il  ne  peut  aller  au  rendez-vous 
pris  avec  Guise  et  Nevers.  Même  lorsqu'il  doit  accompagner  la 
reine-mère  dans  son  château  de  Gai  lion,  des  incidents  toujours 
nouveaux  le  forcent  à  différer  son  voyage3. 

Une  exigence  imprévue  de  Henri  III  vint  tout  remettre  en 
cause.  A  sa  prière  le  pape  avait  accordé  une  aliénation  de  cent 
mille  écus  au  lieu  de  cinquante  mille,  chiffre  convenu.  L'arri- 
vée de  la  bulle  souleva  une  véritable  tempête  dans  l'assemblée. 
Le  cardinal  s'efforça  d'excuser  auprès  du  roi  la  surprise  un  peu 
violente  que  le  clergé  manifestait  ;  d'autre  part  il  assura  aux 
députés  qu'on  ne  les  «  presserait  »  pas  au-dessus  de  leurs 
forces4.  L'intervention  énergique  du  parlement  rétablit  le 
calme.  Henri  III  n'exigea  pour  le  moment  que  l'aliénation  de 

i.  Taix  ((i.  de),  Mémoires  des  affaira  du  clergé  de  France,  ae  partie,  p.  5o 
à  "o. 

■j.  Ibid.,  ac  partie,  passim.  —  Collection  des  procès-verbaux  des  ass.  géné- 
rales du  clergé  de  France  depuis  1560,  t.  I,  p.  274  à  4i3,  passim. 

3.  Collection  des  procès-verbaux  des  ass.  générales  du  clergé  d:'  France 
depuis  t560,  I.  I,  p.  3a5. 

4.  Ibid.,  p.  38 1. 


LA    DÉFECTION    DE    NEVERS  l5g 

cinquante  mille  écus  de  rente.  L'assemblée  y  consentit  et 
Charles  de  Bourbon  put  déclarer  à  la  séance  de  clôture  «  qu'elle 
avoit  confirmé  le  cœur  et  la  volonté  du  roi...  en  sa  sainte 
délibération  de  faire  effectuer  son  édit  de  réunion  de  ses 
sujets,  sans  entrer  en  aucun  traité  de  paix  avec  les  hérétiques 
qu'en  y  satisfaisant1  ». 

C'était  peut-être  la  véritable  intention  du  souverain,  mais  les 
chefs  ligueurs  jugèrent  prudent  de  ne  point  trop  s'y  confier 
et  continuèrent  à  se  rendre  forts.  Après  l'entrevue  des  ducs 
à  Cormicy,  toute  idée  de  rencontre  entre  Guise,  Nevers  et  le 
cardinal  de  Bourbon  n'était  pas  morte.  On  choisit  le  petit 
village  de  Marchais  comme  second  lieu  de  rendez-vous  2.  Ce 
projet  n'aboutit  pas  mieux  que  le  premier.  Ce  n'était  cepen- 
dant point  faute  de  le  vouloir.  «  Il  fault,  s'il  vous  plaist,  que 
je  vous  voye,  écrivait  le  prélat  au  Lorrain,  et,  s'il  se  peull,  je 
vous  supplie  venir,  je  vous  en  conjure3.  »  Enfin  une  occasion 
favorable  se  présenta.  Dans  les  premiers  jours  de  novembre 
Henri  III  partit  en  pèlerinage  pour  Notre-Dame  de  Chartres 
avec  l'intention  d'y  rester  deux  semaines,  que  la  reine-mère 
devait  passer  à  Chenonceaux.  Le  cardinal  libre  par  leur  absence 
allait  pouvoir  se  rendre  à  Soissons.  Mais  Catherine  abandon- 
nant son  premier  projet  partit  pour  Gaillon  et  le  vieillard  dut 
l'accompagner.  Avait-elle  appris  ses  desseins  et  voulait-elle  les 
déjouer?  Du  moins  les  trois  alliés  l'en  soupçonnèrent4. 

Le  séjour  forcé  de  Charles  de  Bourbon  à  Paris,   s'il   contre- 

i.  Collection  <les  procès-verbaux  des  ass.  générales  du  clergé  de  France 
depuis  1560,  t.  I,  p.  &u. 

2.  Bibl.  Nat.,  f.  fr.,  ms.  4714,  f'  i84,  copie;  lettre  du  duc  de  Nevers  au 
duc  de  (iuise,  de  La  Gassine,  9  oct.  i585  ;  —  f"  186,  copie  ;  du  même  au 
card.  de  Bourbon,  s.  L,  12  oct.  i585. 

3.  Bibl.  Nat.,  f.  fï.,  ms.  471/1.  f"  181,  copie  ;  lettre  du  card.  de  Bourbon  au 
duc  de  Guise,  s.  1.  n.  d. 

4.  Bibl.  Nat.,  f.  fr.,  ms.  ,5306,  f'  i4,  autogr.  ;  lettre  du  card.  de  Bourbon 
au  duc  de  Nevers,  s.  L,  [20  nov.  i585].  —  Lettres  confidentielles  de  G.  de  Cor' 
nac.  au  duc  de  Nevers  dans  Revue  Henri  IV,  1909,  t.  III,  p.  i3a  ;  s.  L, 
30  nov.  iS85.  —  Lettres  de  Catfi.  de  Médicis,  t.  VIII.  p.  484  ;  lettre  du  duc  de 
Guise  au  duc  de  Nevers.  datée  d'octobre  par  l'éditeur,  mais  qui  semble 
plutôt  être  de  la  fin  de  novembre. 


IOO  LE    RÔLE    POLITIQUE    DU    CARDINAL    DE    BOURBON 

carra  les  projets  des  ligueurs,  leur  fut  pourtant  utile.  Le  car- 
dinal était  véritablement  le  plus  fidèle  agent  qu'ils  pussent 
avoir  en  cour  et  son  familier  Cornac  suffisait  à  les  informer 
de  Ions  les  événements  importants  '.  Au  reste  le  vieillard 
défendait  aussi  les  intérêts  du  parti.  11  semble  avoir  hérité 
de  Guise  la  sollicitude  constante  qu'il  montre  pour  la  cause. 
Lorsqu'on  apprit  à  la  cour  la  révolte  des  habitants  d'Auxonnc 
contre  leur  gouverneur  Jean  de  Saulx-Ta  vannes,  favorable  aux 
Lorrains,  et  qu'on  soupçonna  les  soldats  du  roi  d'avoir  été 
mêlés  à  celte  affaire,  le  cardinal  se  précipita  chez  la  reine- 
mère.  Elle  dut.  pour  l'apaiser,  lui  assurer  que  seuls  les  mauvais 
traitements  du  vicomte  vis-à-vis  des  habitants  avaient  causé 
l'émeute  et  que  le  roi  ferai!  remettre  le  château  entre  les  mains 
d'un  autre  capitaine  désigné  par  Cuise  2. 

Charles  de  Bourbon  avait  d'ailleurs  près  de  lui  un  compa- 
gnon capable  de  le  tirer  de  son  habituelle  mollesse.  C'était  le 
cardinal  de  Guise,  ambitieux  et  brouillon,  mais  tout  dévoué  à 
son  frère  aîné  et  partageant  entièrement  ses  vues.  Autour  d'eux 
vinl  se  grouper  tout  ce  qui  tenait  pour  les  Lorrains,  tous  ceux 
qui  parlaient  de  guerre  sans  merci  contre  les  hérétiques3.  Cette 
petite  faction  menait  grand  bruit  et  les  pires  audaces  ne 
l'effrayaient  pas.  La  maladresse  de  ses  chefs  faillit  même  la 
mettre  en  position  fâcheuse.  Au  commencement  de  janvier 
Henri  III  fut  prisa  Vincennes  d'une  fièvre  si  violente  qu'on 
crut  un  instant  sa  vie  en  danger.  Pendant  cette  courte  alerte  les 
deux  prélats  firent  avertir  leurs  partisans  de  se  tenir  armés. 
On  ne  tarda  pas  à  l'apprendre*. 

En  vérité  il  avait  fallu  un  événement  extraordinaire  et  subit. 
et  surtout  la  présence  du  cardinal  de  Guise,  pour  que  Charles 

i.  Lettres  confidentielles  de  G.  de  Cornac  au  duc  de  Xevers  dans  Revue 
Henri  IV,  1909,  I.  III,  p.  129  à  i3a. 

a.  Bibl.  \al.,  f.  fr..  111s.  4714.  I"  109.  copie;  lettre  do  la  duchesse  de 
Montpensier  au  duc  de  Nicvcrs,  de  Paris,  8  nov.  i585. 

3.  Areli.  \at.,  I\  i563,  n°  [68,  déchifïr.  ;  dép.  de  Mendoça  à  Philippe  II.de 
Paris,  i(i  nov.  1 585. 

!\.  Bibl.  Nat.,  f.  ilal..  tas.  17.^1.  p.  868,  copie  ;  dép.  des  ambass.  vénitiens, 
de  Paris,  1 7  janv.  i586. 


L\    DÉFECTION    DE    NE  VERS  1 1)  I 

de  Bourbon  agit  si  résolument.  D'ordinaire  ilesl  beaucoup  plus 
circonspect  et  prudemment  il  communique  à  Henri  de  Lorraine 
ses  espérances  et  ses  craintes.  Ayant  appris  de  la  princesse  de 
Coudé  que  le  duc  de  Nevers  n'avait  pas  renoncé  à  toute  idée  de 
mariage  entre  sa  fille  et  le  comte  de  Soissons.  il  s'empressa 
d'en  informer  Guise,  sans  même  ajouter  ce  qu'il  pensait  de  ce 
propos  *.  Or  à  ce  moment  les  ducs  échangeaient  les  articles  des 
contrats.  Ce  soupçon  jeté  au  travers  des  négociations  n'éveilla 
aucune  défiance  chez  le  Lorrain. 


Cependant  les  opérations  militaires  étaient  commencées.  On 
sait  quel  en  fut  le  résultat.  Après  une  tentative  infructueuse  des 
huguenots  sur  Angers,  Mayenne  poussa  une  pointe  hardie  en 
Guyenne  ;  mais,  laissé  sans  secours,  il.  dut  s'arrêter.  Quelques 
semaines  plus  tard  la  guerre  languissait. 

Diverses  raisons  y  contribuèrent.  La  misère  causée  par  une 
lutte  continuelle  apaisait  les  plus  acharnés  et  la  défiance 
régnant  entre  Guise  et  le  roi  n'était  point  faite  pour  ranimer 
leur  courage.  Il  fallut  plusieurs  demandes  de  Henri  III  et  de 
Catherine  pour  que  le  duc  consentit  à  venir  à  Paris  et  se 
reconciliât  avec  d'Épernon  ;  ce  fut  d'ailleurs  une  comédie  qui 
ne  trompa  personne.  D'autre  part  on  apprit  la  naissance  d'une 
nouvelle  ligue  formée  par  les  Bourbons  catholiques,  dont  le 
but  avoué  était  d'empêcher  les  Lorrains  de  ruiner  leur  famille. 
Le  comte  de  Soissons  et  son  cousin,  le  due  de  Longueville.  s'en 
disaient  les  chefs  et  recrutaient  de  nombreux  partisans  dans 
l'ouest   de  la  France2.  Suivant   leur  exemple,  le  duc  de  Mont- 


i.  Bibl.  Vit.,  f.  IV..  ms.  \-\ 'i,  f°  i8i,  copie;  lettre  du  card.  de  Bourborj 
au  duc  de  (iuise,  s.  I.  n.  d. 

2.  Arcli.  du  Vatican  :  Icttcre  délia  segreteria  di  slato,  nunziatura  di 
Frauda,  l.  Wlll,  P°  i  \  \ ,  orig.  :  dép.  de  l'évéque  de  Bergame,  nonce,  au 
card.  Ku.slicucci,  de  Paris,  3  févr.  i586.  —  \rcli.  \al.,  K  i564>  n"  29, 
déchillï.  ;  dép.  de  Mendoça  à  Philippe  11.  de  Paris,  6  mais  i58(3.  —  Négocia' 
lions  diplom.  (ivre  ht  Toscane,  1.  [V,  p.  636  ;  de  Paris  1  ■>  mais  i586< 
Saulnier.  —  Cardinal  de  Bourbon.  11 


IÔ2  LE    RÔLE    POLITIQUE    DU    CARDINAL    DÉ    BOURBON 

pensier,  qui  commandait  une  armée  catholique,  refusa  de 
combattre  Navarre  parce  qu'il  était  son  parent  ;  il  envoya 
même  un  gentilhomme  à  Rome  pour  expliquer  sa  conduite  et 
solliciter  la  rentrée  eu  grâce  de  l'hérétique1.  Le  Béarnais  se 
montrait  du  reste  fort  pacifique,  réclamait  un  concile  qui  pût 
l'instruire,  et  dès  cette  époque  on  en  venait  à  penser  que,  si  le 
concile  lui  était  refusé,  il  ne  s'en  convertirait  pas  moins2. 
Tous  ces  bruits  nuisaient  fort  au  parti  de  la  Ligue.  L'ambas- 
sadeur toscan  affirme  qu'à  ce  jour  Guise  avait  perdu  les  deux 
tiers  de  ses  gens  3. 

Quoique  autour  de  lui  on  songeât  beaucoup  à  la  paix, 
Henri  III  se  déclarait  toujours  partisan  de  la  guerre  *.  Peu  à  peu 
cependant  il  laissa  voir  ses  véritables  intentions.  «  On  a  parlé 
au  roy  au  cabinet  et  receu  toutes  les  belles  paroles  qu'il  est 
possible,  avec  protestation  de  ne  changer  jamais  de  volonté,  et 
puys  c'est  tout5.  »  Quand  il  fallait  passer  aux  actes,  Henri  III 
trouvait  toujours  quelque  prétexte  pour  justifier  un  retard. 

Cette  lassitude,  qui  semblait  générale,  fit  renaître  chez 
Catherine  de  Médicis  quelque  espérance  de  paix  et,  dès  la 
fin  de  janvier,  elle  manda  un  gentilhomme  à  Navarre  pour 
l'exhorter  à  déposer  les  armes  °.  \u  commencement  d'avril, 
elle  avoua  même  au  cardinal  de  Bourbon  son  intention  de 
s'aboucher  avec  le  huguenot  7.  Ce  dernier  envoya  des  ambas- 
sadeurs en  cour  et,  bien  qu'ils  ne  fussent  chargés  d'aucune 
mission    officielle,   leur  présence  suffit  à    faire    pressentir    un 

i.  Lettres  confidentielles  de  G.  de  Cornac  au  duc  de  Nevers  dans  Revue 
Henri  IV,  1909,  t.  III,  p.  1 33  ;  s.  1.,  janvier  1086. 

3.  Lettres  confidentielles  de  G.  de  Cornac  au  duc  de  Nevers  dans  Revue 
Henri  IV,  1909,  t.  III,  p.  t3a  ;  du  20  nov.  i585. 

3.  négociations diploin.  avec  la  Toscane,  t.  IV,  p.  643  ;  de  Blois,  5  mai  1086. 

4.  Lettres  confidentielles  de  G.  de  Cornac  au  duc  de  Nevers,  dans  Revue 
Henri  IV,  1909.  t.  III,  p.  1 33  à  i3.">  ;  janv.-févr.  i586. 

.").  Ibid.,  p.  [35  ;  de  Paris,  m  mars  i586. 

6.  Bibl.  Nat.,  f.  ItaL,  ms.  173/1,  p.  377,  copie  ;  dép.  des  ambass.  vénitiens, 
de  Paris,  3i  janv.  i586. 

7.  Arch.  du  Vatican  :  lettere  délia  segreteria  di  stalo,  nunziatura  di 
Francia,  t.  \IX,  p.  237,  orig.  ;  dép.  de  l'évêquede  Rergaine,  nonce,  au  card. 
Rusticucci,  de  Paris,  11  avril  i586. 


LA    DEFECTION    DE    NEVERS  1 63 

accord  '.  Les  intrigues  des  Bourbons  catholiques,  principa- 
lement du  duc  de  Montpensier,  les  allées  et  venues  de  certains 
personnages  intermédiaires  entre  les  deux  partis,  tout  laissait 
croire  à  une  entente  prochaine.  Aussi  l'annonce  d'un  voyage 
de  la  reine-mère  vers  le  Béarnais  ne  surprit  personne. 

Une   telle  démarche  n'allait  pas  sans   soulever  de  grandes 
difficultés  et  Catherine  de  Médicis  les  voyait  toutes.  Pour  faci- 
liter sa  tache,  elle  ne   recula  pas  devant  une  tentative  hardie 
qui  d'ailleurs  ne  donna  pas  le  résultat  souhaité   par  elle.  Elle 
eût  voulu  se  faire  accompagner  du  cardinal  de  Bourbon.   La 
présence  de   l'oncle  lui  paraissait  suffisamment  justifiée  dans 
une  entrevue  avec  le  neveu.   En  outre,  le  prélat  était  l'ancien 
conseiller  fidèle  et  de  bonne  volonté  avec  qui  elle  avait  mené 
tant  de  négociations  et  qu'elle  espérait  conduire  encore  à   sa 
guise.  Elle  le  fit  venir  tout  exprès  de  Gaillon,  où  il  villégiaturait 
depuis  un  mois.  Quand  il  connut  ses  intentions,  le  vieillard 
se  montra  peu  disposé  à  la  suivre  ;  il  lui  exposa  au  contraire 
toutes  les  conséquences  de  son  voyage,  combien  il  lui  semblait 
éloigné    «   et  de  la  raison  et  de  l'apparence-   ».    Avant   de   se 
rendre  chez  la  reine,  il  avait  déclaré  à  l'un  de  ses  confidents 
qu'il  se  ferait  plutôt  tirer  à  quatre  chevaux  que  de   l'accom- 
pagner. Devant  elle  il  perdit  beaucoup  de  son  assurance  ;  il  dit 
seulement  que  sa  présence  serait  inutile,  car  ceux  de  sa  maison, 
qui   ne   professaient  pas  la   véritable  religion,    ne  comptaient 
plus  pour  lui  3. 

Le  28  juillet  Catherine  de   Médicis  partit   seule    pour  Che- 
nonccaux. 


1.    Négociations   diplom.    avec    la    Toscane,   t.    I\,    p.    648;    do    Paris, 
■).[\  juin  i.*)86. 

->..  Lettres  confident.  <lc  G.  de  Cornac  au  duc  de  Wevers,  dans  Revue  Henri  IV, 
1909,  t.  III,  p.  1.S7  ;  s.  I.,  28  juill.  i586.  —  Bibl.  Nat.,  f.  fr.,  tus.  3336,  f°  m, 
autogr.  ;  lettre  du  card.  de  Bourbon  au  duc  de  Nevers,  s.  1.,  [du  20  juill.  t586 
—  Arcli.  du  Vatican  :  lettere  délia  segreteria  di  stato,  nunziatura  <U 
Francia,  t.  XIX,  p.  3ia,  orig.  ;  dép.  de  l'évoque  de  Bergame,  nonce,  au  car- 
dinal Rusticucci,  do  Paris,  21  juill.  i586. 

3.  Arch.  Nat.,  K  i")f>4,  n°    n'i,  déchiffr.  ;  dép.  do  Mendoça  à  Philippe  II, 
de  Paris,  23  juill.  i586. 


1 64  LE    ROLE    POLITIQUE    DU    CARDINAL    DE    BOURBON 


Pendant  que  chacun  pensait  diversement  aux  conséquences 
de  ce  voyage,  une  nouvelle  vint  jeter  l'étonnement  dans  le 
camp  ligueur  :  le  duc  de  Nevers  s'en  allait  rejoindre  la  reine 
pour  l'aider  dans  sa  négociation.  On  fut  bien  forcé  d'y  croire, 
car  les  confirmations  eu  arrivèrent  nombreuses. 

Depuis  le  jour  où  Catherine  de  Médicis  lui  avait  appris  les 
accusations  portées  contre  lui,  Nevers  n'avait  point  cessé  de 
communiquer  avec  elle.  La  reine-mère  connaissait  son  influence 
et  L'appui  qu'il  donnerait  au  roi  en  embrassant  ouvertement 
son  parti  ;  elle  s'ingénia  à  le  faire  rentrer  en  grâces.  Un 
médecin  mantouan,  nommé  Cavriana.  qui  avait  été  attaché  à 
la  fortune  de  Nevers  et  qui  maintenant  résidait  à  la  cour  en 
qualité  d'ambassadeur  toscan,  y  contribua  puissamment. 

Le  duc  prit  d'abord  une  attitude  des  plus  audacieuses.  11 
clama  son  innocence,  traita  d'imposteurs  tous  ses  accusateurs. 
C'était  écarter  à  l'avance  l'humiliation  d'un  pardon.  Fort  de 
l'appui  de  Guise  qu'il  venait  de  rencontrer  à  Cormicy,  il  sollicita 
môme  un  congé  du  roi.  puisqu'il  avait  perdu  sa  confiance,  pour 
s'en  aller  là  où  il  serait  honoré  selon  ses  mérites  !.. 

La  bulle  d'excommunication,  dont  il  se  savait  en  grande 
partie  responsable,  lui  fit  perdre  un  peu  de  son  arrogance, 
surtout  lorsqu'il  vit  que  la  majorité  de  la  noblesse  la  désap- 
prouvait et  que  le  parlement  faisait  les  pires  difficultés  pour 
l'enregistrer.  Il  demanda  avec  inquiétude  au  cardinal  de 
Bourbon  l'effet  qu'elle  avait  produit  sur  Henri  III2,  Lorsqu'il 
connut  sa  colère,  il  consentit  à  lui  écrire  suivant  les  instruc- 
tions reçues  de  Catherine  3.  Peu  confiant  dans  l'étoile  de  Guise, 
il  préférait  encore  la  faveur  royale  à  l'amitié  du  Lorrain.  Après 


i.  I.t'llrcsile  Qeiïh.  de  Médicis,  t.  A  III,  p.  '479;  lettre  du  duc  de  Nevers  à 
Cath.  de  Médicis.  de  Rethel,  3  net.  i585. 

3.  Bibl.  Vit.,  I'.  fi.,  ins.  4714,  f"  iS'i,  copie;  lettre  du  due  de  Xevers  au 
duc  de  (iuise,  de  La  Cassine,  9  oci.  i585. 

3.  Lettres  de  €alh.  de  Médicis,  t.  \  III,  p.  i38  ;  lettre  du  duc  de  Nevers  à  Cath. 
de  Médicis,  de  La  Cassine,  24  oct.  i585. 


LA    DÉFECTION    DE    NEVERS  l65 

plusieurs  mois  de  pourparlers,  une  nombreuse  correspondance 
échangée,  des  lettres  écrites  par  Nevers  suivant  les  conseils  de 
la  reine-mère,  on  aboutit  à  une  entente  désirée  des  deux  côtés. 
Le  i2  juin  i58G  Henri  III  envoya  au  duc  une  missive  fort 
aimable.  Les  susceptibilités  se  trouvèrent  ainsi  ménagées  *. 

Cette  négociation,  restée  secrète,  n'avait  en  rien  troublé  les 
bonnes  relations  de  Guise  et  de  Nevers  et  les  pourparlers  con- 
tinuaient au  sujet  du  mariage  des  aînés  et  des  fiançailles  des 
cadets.  Mais  depuis  l'entrevue  de  Cormicy  les  choses  traînaient 
en  longueur.  Nevers  hésitait  avant  de  prendre  définitivement 
une  attitude  rebelle  devant  son  roi.  D'autre  part  Guise,  satisfait 
d'avoir  Nevers  dans  son  parti,  ne  montrait  plus  aucune  hâte. 
La  lettre  du  cardinal  de  Bourbon,  l'avertissant  que  l'italien 
semblait  désirer  encore  l'union  avec  le  comte  de  Soissons,  ne 
le  mit  pas  en  défiance. 

Cependant  vers  le  milieu  de  février,  après  que  Henri  de 
Lorraine  eut  pris  conseil  de  sa  mère  la  duchesse  de  Nemours, 
on  aborda  la  discussion  des  contrats.  Alors  des  difficultés  sur- 
girent, principalement  à  l'occasion  du  projet  de  mariage  entre 
le  duc  de  Rethelois  âgé  de  six  ans  et  sa  fiancée  âgée  de  douze. 
Guise  préférait  donner,  au  lieu  de  son  aînée,  la  puînée  dont 
l'âge  s'accordait  mieux  avec  celui  du  jeune  duc.  11  montrait 
d'ailleurs  que  le  mariage  avec  l'aînée  n'assurait  aucun  avantage 
puisqu'elle  avait  déjà  quatre  frères,  qu'il  était  fort  peu  probable 
que  la  mort  les  emportât  tous  et  qu'ainsi  le  droit  d'aînesse  lui 
échût  suivant  la  coutume  de  Lorraine. 

Mais  Nevers  ne  l'entendait  pas  ainsi.  On  lui  avait  promis 
l'aînée  à  Cormicy  et  dans  une  seconde  entrevue  à  Reims. 
«  Qui  vult  discedere  ab  atnico  causant  quserit  »,  écrivait  il  à 
Maineville,   un  ami  commun  -.  Il   déclara  que  le   mariage  se 


i.  Aoir  pour  cette  négociation  les  lettres  de  la  reine-mère,  du  duc  et  de 
la  duchesse  de  Nevers  publiées  dans  les  Lettres  de  Cul  h.  de  Wèdiçis,  I.  VIII, 
p.  358,  363,  478  à  484  ;  t.  I\,  p.  18  à  a3,  397  à  '102.  —  Noir  également  les 
lettres  de  Ph.  de Cavriana  au  duede  Nevers.  Bibl.  Nat.,  f.  fr.,  ms.  ■  > '^ 7 ri - 

2.  Bibl.  Nat.,  f.  fr..  ms.  4707,  l"  29,  copie;  lettre  du  duc  de  Nevers  au 
sieur  de  Maineville,  s.  !..  g  avril  i580. 


l66  LE    RÔLE    POLITIQUE    DU    CARDINAL    DE    BOURBON 

ferait  avec  l'aînée  ou  ne  se  ferait  point.  Guise  y  consentit 
enfin,  mais  réclama  une  garantie.  Le  duc  de  Rethelois  majeur 
pouvait  refuser  d'épouser  sa  fille  et  ses  parents  ne  seraient  peut- 
être  plus  là  pour  l'y  contraindre.  Il  était  donc  juste  d'exiger 
une  dot  plus  forte  de  Catherine  de  Gonzague.  L'Italien  prétendit 
ne  pas  pouvoir  payer  la  somme  demandée  *. 

Le  cardinal  de  Bourbon  essaya  de  s'interposer.  «  Vous  savez, 
écrivit-il  à  Nevers,  en  tout  contrat  de  mariage  qu'il  se  propose 
toujours  quelque  difficulté.  Mais  il  faut  que  l'amitié  de  ceste 
bonne  alliance  vainque  tout2.  »  Où  les  intérêts  étaient  en  jeu, 
l'amitié  n'avait  point  de  force. 

Catherine  de  Médicis,  instruite  de  toutes  ces  menées,  crut 
l'instant  favorable  pour  enlever  Nevers  au  parti  de  la  Ligue  et, 
dans  cette  intention,  elle  usa  du  même  procédé  que  Guise  avait 
employé,  lorsqu'il  avait  voulu  détacher  L'Italien  de  la  princesse 
de  Condé.  A  son  instigation  le  duc  de  Montpensier  demanda 
pour  lui  personnellement  la  main  de  Catherine  de  Gonzague 
et  pour  son  fils,  le  prince  de  Dombes,  celle  de  sa  sœur  cadette 
Henriette.  Des  pourparlers  s'engagèrent  immédiatement3. 

Nevers  avait  là  une  occasion  de  regagner  définitivement  la 
faveur  royale  et  de  s'allier  par  un  double  mariage  aux  princes 
du  sang  catholiques.  Il  sacrifia  sans  regret  l'amitié  du  Lorrain, 
et,  comme  gage  de  sa  nouvelle  politique,  il  consentit  à  accom- 
pagner la  reine-mère  dans  son  voyage  auprès  de  Navarre. 

Ce  fut  indirectement  que  le  cardinal  de  Bourbon  et  le  duc  de 
Guise  apprirent  la  trahison  de  leur  allié.  Tout  d'abord  le  prélat 
n'y  ajouta  pas  foi,  sachant  bien,  comme  il  l'écrivait  à  son  neveu, 
de  quelle  affection  celui-ci  marchait  en  ce  qui  concernait 
l'honneur  de  Dieu.  Au  contraire,  il  espérait  mettre  à  profit  les 

i.  Toutes  les  pièces  concernant  ces  projets  de  mariage  sont  contenues 
dans  les  manuscrits  4707  et  ^714  du  tonds  fr.  de  la  Bibl.  Nat. 

2.  Bibl.  Nat.,  f.  fr.,  ms.  33G6,  f°  71,  autogr.  ;  lettre  du  card.  de  Bourbon 
au  duc  de  Nevers,  s.  1.,  [mars  i586]. 

3.  Bibl.  Nat.,  f.  fr.,  ms.  4714.  fos  16  et  63  ;  articles  dresses  le  22  mars  i58G 
pour  M.  de  Montpensier  et  son  fils,  et  reçus  par  le  duc  de  Nevers  le 
3  avril  i586.  Voir  aussi  pour  les  négociations  relatives  à  ce  mariage  les 
fos  6,  38  et  39,  5o,  54  à  50,  10G. 


LA    DÉFECTION"    DE    NE  VERS  167 

quelques  semaines  que  lui  donnait  le  départ  de  la  reine-mère 
pour  gagner  Soissons  et  y  rencontrer  Nevers,  ce  qu'il  souhaitait 
depuis  si  longtemps  L  Mais  le  cardinal  connut  bientôt  la  vérité, 
L'Italien  avait  quitté  La  Cassine,  où  il  séjournait,  et  se  dirigeait 
sur  Coulommiers.  Sans  attendre  sa  réponse,  Charles  de  Bourbon 
lui  dépêcha  Maineville  tout  dévoué  au  parti  de  la  Ligue  2. 

Nevers  s'excusa.  11  regretta  fort  de  ne  pouvoir  baiser  les 
mains  du  vieillard  avant  de  passer  outre  et  il  chargea  non 
sans  ironie  peut-être  sa  femme,  qui  était  à  Paris,  de  le  faire 
pour  lui  3.  Puis  il  partit  trouver  le  roi  en  route  pour  Pougues 
et  de  là  rejoignit  Catherine  à  Chenonceaux. 

Guise  n'avait  pas  été  moins  surpris  que  le  prélat.  Pour 
parer  le  coup,  il  voulut  conclure  immédiatement  les  mariages. 
Lui,  qui  la  veille  encore  soulevait  des  difficultés,  envoya  sur  le- 
chainp  une  procuration  à  son  frère  le  cardinal  pour  qu'il  les 
terminât  selon  la  volonté  de  Nevers  i.  De  son  côté  le  cardinal 
de  Bourbon,  qui  savait  la  duchesse  plus  favorable  à  la  Ligue 
que  son  mari,  la  pria  de  s'employer  de  tout  son  pouvoir  à  con- 
clure l'accord  ;  et,  plein  d'attention  pour  son  petit  neveu  le  duc 
de  Rethelois,  qu'une  longue  maladie  venait  d'affaiblir,  il  lui 
offrit  sa  maison  de  Cachan,  afin  qu'il  pût  reprendre  des  forces 
au  grand  air  de  la  forêt  de  Meudon  5.  La  duchesse  de  Nemours 
elle-même  écrivit  à  Nevers  pour  disculper  son  fils  6.  Enfin  Guise 


i.  Bibl.  Nat.,  f.  fr.,  ms.  3336,  f°  m,  autogr.  ;  lettre  du  caïd,  de  Bourbon 
au  duc  de  Nevers,  s.  1.,  [20  juill.  1086].  —  Lettres  confident,  de  G.  de  Cornac 
au  duc  de  Nevers  dans  Revue  Henri  IV,  1909.  t.  III,  p.  137  ;  de  Paris, 
20  juill.  i586. 

2.  Bibl.  Nat.,  f.  fr.,  ms.  3306,  f°  32,  autogr.  ;  lettre  du  card.  de  Bourbon 
au  duc  de  Nevers,  de  Paris,  3i  juill.  i.">86. 

3.  Bibl.  Nat..  f.  fr.,  ms.  £707,  fu  60,  copie;  lettre  du  dur  de  Nevers  au 
card.  de  Bourbon,  de  Coulommiers,  :>.  août  i586. 

\.  négociations  diplom.  avec  la  Toscane,  I.  [V,  p.  658  ;  de  Paris, 
3o  sept.  1Ô86. 

5.  Bibl.  Nat.,  f.  fr.,  ms.  4.714,  f°  32,  autogr.  ;  lettre  du  card.  de  Bourbon 
à  la  duchesse  de  Nevers,  de  Gaillon,  21  août  1Ô8O.  —  La  réponse  de  la 
duchesse,  de  Paris,  x\  août  i586,  se  trouve  en  copie  dans  le  ms.  36ia,  f°  60. 

(i.  Bibl.  Nat.,  f.  fr.,  ms.  '^l'i,  I"  .V>,  autogr.  ;  lettre  de  la  duchesse  douai- 
rière de  Guise  au  duc  de  Nevers,  de  Paris,  7  sept.  [586. 


1 68  LE    RÔLE    POLITIQUE    Dl     CARDINAL    DR    ROL'IIBOX 

fit  une  dernière  proposition  :  il  donnait  à  sa  fille  cadette,  si 
elle  épousait  le  duc  de  Rethelois,  une  dot  de  deux  cent  mille 
écus,  c'est-à-dire  d'un  quart  plus  forte  que  celle  qu'offrait  l'Ita- 
lien pour  Catherine  de  Gonzague.  De  cette  somme  la  duchesse 
de  Montpensier  s'engageait  à  payer  la  pins  grande  partie.  Comme 
le  temps  pressait,  la  duchesse  de  Nevers  elle-même  porta  la 
proposition  à  son  mari  '.  • 

Ces  sollicitations  tardives  restèrent  vaines.  En  réalité  Nevers 
ne  rompit  pas  complètement  les  pourparlers  :  mais,  s'il  usa  de 
ménagements,  ce  fut  uniquement  pour  ne  point  s'attirer  la 
haine  de  Henri  de  Lorraine  et  du  cardinal  de  Bourbon. 


La  défection  de  Nevers  était  grave  non  seulement  parce  qu'elle 
enlevait  à  la  Ligue  un  nom  et  une  force,  mais  aussi  parce  qu'elle 
pouvait  être  d'un  fâcheux  exemple.  Grand  seigneur  catholique 
du  royaume,  duc  et  pair,  Gonzague  montrait  manifestement 
qu'il  avait  plus  de  confiance  dans  les  projets  pacifiques  de  la 
reine-mère  que  dans  le  succès  d'une  guerre. 

Or  Guise  ne  pouvait  accepter  une  trêve  avec  Navarre  et  sur 
ses  conseils  le  cardinal  de  Bourbon  ne  le  voulait  point.  Il  faut 
noter  qu'avantson  départ  Catherine  avait  déclaré  au  nonce  que 
la  paix  serait  tout  à  l'honneur  de  Dieu  ou  ne  serait  pas  -.  Cette 
promesse  aurait  dû  rassurer  la  foi  inquiète  des  ligueurs,  mais 
elle  alarma  leur  ambition.  Guise  ne  pouvait  pas  consentir  à  un 
accord,  quelqu'il  fût,  parce  que  sa  force  résidait  dans  la  guerre. 
Cesser  les  hostilités,  c'était  perdre  tous  les  avantages  acquis 
depuis  deux  ans,  c'était  briser  les  engagements  pris  avec  Phi- 
lippe II,  c'était  enfin  ruiner  sa  famille.  Avec  cent  mille  écus  de 
rente  annuelle,  il  n'avait  pas  moins  de  sept  cent  mille  écus  de 


i.  Arch.Nat.,  K  i5C>4,  n°  161,   déchiffr.  ;  dép.  do  Mendoça  à  Philippe  II, 
de  Paris,  26  sept.  i580. 

■2.  L'Épinois  (II.  de),  La  Ligue  et  les  papes,  p.  5G. 


LA    DÉFECTION    DE    NE  VERS  169 

dettes.  Son  cousin  le  duc  d'Aumale  se  trouvait  dans  une  situa- 
tion analogue.  Mayenne,  s'il  était  plus  riche  qu'eux  grâce  à  la 
fortune  de  sa  femme,  devait  aussi  beaucoup  plus  K  La  guerre 
était  donc  nécessaire  aux  Lorrains  et,  pour  la  déchaîner,  Guise 
usa  du  moyen  qui  l'année  précédente  lui  avait  déjà  servi  : 
réunir  tous  les  chefs  catholiques,  faire  connaître  hautement 
leurs  doléances  et  les  appuyer  avec  une  belle  armée.  Bref  tou- 
jours l'intimidation,  la  menace,  si  on  allait  contre  sa  volonté. 

Sous  le  prétexte  de  reprendre  Auxonne  encore  sans  gouver- 
neur, il  réunit  des  troupes  et  fit  des  levées  en  Allemagne  -.  Puis 
il  invita  le  cardinal  de  Bourbon  à  le  rejoindre  à  Soissons.  ainsi 
que  son  frère  le  cardinal  de  Guise  et  le  duc  d'Aumale. 

Le  prélat,  après  le  départ  de  la  reine-mère,  était  resté  quelques 
jours  à  Paris,  déclarant  à  qui  voulait  l'entendre  qu'il  n'avait 
jamais  consenti  au  voyage,  qu'au  contraire  il  se  refuserait  tou- 
jours à  négocier  avec  les  hérétiques  et  ne  faiblirait  point  dans 
ses  réclamations  :!.  Puis  il  était  retourné  dans  son  diocèse.  A 
l'appel  de  Guise  il  s'en  vint  le  trouver. 

Cette  assemblée,  fixée  à  Soissons  dans  les  derniers  jours  de 
septembre,  ne  devait  pas  être  secrète.  Il  fallait  au  contraire  qu'on 
en  parlât  beaucoup.  Cependant,  pour  garder  une  apparence  de 
modestie,  les  Lorrains  et  le  cardinal  se  réunirent  non  pas  à 
Soissons,  que  le  traité  de  Nemours  donnait  comme  sûreté  au 
prélat,  mais  dans  l'abbaye  d'Ourscainps,  dont  les  cardinaux  de 
Bourbon  et  de  Guise  se  partageaient  les  revenus  *. 

Le  but  des  ligueurs  était  double.   Ils  voulaient  empêcher  les 


1.  Négociations diplom.  avec  la  Toscane,  t.  IV,  p.  688  ;  de  Paris,  18  mai  15S7. 

■>..  Bibl.  Vil.,  f.  ital.,  ms.  1700,  p.  1 44,  copie  ;  dép.  desambass.  vénitiens, 
de  Paris,  39  août  i586.  Voir  aussi  De  Groze  ,  Les  Guises,  les  Valois  et  Phi- 
lippe II,  t.  I,  p.  378;  lettre  du  duc  de  (Juise  à  Mendoea,  de  Nancy, 
17  juill.  i58C. 

3.  Arch.  Nat.,  K  [564,  n°  t3o,  déchiffr.  ;  dép.  de  Mendoça  à  Philippe  II, 
de  Paris,  7  août  1086. 

4.  Bibl.  Nat..  f.  fr.,  ms.  \~i\.  1"  33,  autogr.  ;  Lettre  du  card.  de  Bourbon 
au  duc  de  Nevcrs,  de  Froidmont,  21  sept.  1 580.  —  Lettres  confident,  de 
G.  de  Cornac  au  duede  \evers  dans  Revue  Henri  l\  ,  [909,1.  III.  p.  i38  ;  9.1., 
21  sept.  1 586. 


I'yO  LE    ROLE    POLITIQUE    DU    CARDINAL    DE    BOUKRON 

conférences  de  la  reine-mère  et  du  Béarnais  et  reconquérir  la 
confiance  du  peuple.  Mais,  dès  les  premiers  jours,  une  nouvelle 
inattendue  les  jeta  dans  une  anxiété  profonde  :  madame  de  Sois- 
sons,  sœur  du  cardinal  de  Bourbon,  s'en  allait  trouver  le  roi  de 
Navarre  pour  l'exhorter,  disait-on,  à  revenir  au  catholicisme  '. 
En  effet,  ainsi  que  de  nombreux  catholiques,  le  roi  crut  voir  là 
une  tentative  des  Lorrains  pour  s'allier' à  Navarre,  d'autant  plus 
qu'on  assurait  à  la  cour  que  l'abbesse  avait  passé  près  de  Guise 
les  quelques  jours  qui  avaient  précédé  son  départ2.  C'était  porter 
contre  les  ligueurs  la  pire  des  accusations,  celle  de  conspirer 
contre  leur  roi,  de  chercher  leur  intérêt  même  en  s'abouchant 
avec  les  hérétiques.  Le  roi  d'Espagne,  le  pape  ne  pouvaient-ils 
entrer  en  défiance  au  moment  même  où  leur  alliance  était  si 
nécessaire  ? 

Guise  et  le  cardinal  de  Bourbon  se  hâtèrent  de  déclarer  qu'ils 
n'étaient  pour  rien  dans  le  voyage  de  l'abbesse  et  qu'ils  igno- 
raient ses  intentions3.  Le  prélat,  qui  semblait  le  plus  compromis, 
puisque  madame  de  Soissons  était  sa  sœur,  envoya  sur-le-champ 
un  gentilhomme  au  nonce  :  il  se  disait  froissé  des  soupçons  qui 
pesaient  sur  lui,  car  il  n'avait  jamais  pensé  à  de  semblables 
pratiques  et  il  ne  traiterait  à  aucun  prix  avec  les  huguenots, 
dût-il  perdre  tous  ses  parents,  ses  biens,  la  vie  même  ;  quant  à 
sa  sœur,  il  ne  la  voudrait  plus  voir.  Tout  ceci  n'était,  d'après  lui, 
qu'une  ruse  de  la  reine-mère  pour  jeter  le  discrédit  sur  leurs 
desseins1.  Heureusement  on  connut  bientôt  la  vérité.  Madame 
de  Soissons  revint  sans  avoir  rien  obtenu.   Elle  avait  entrepris 


i.  Arch.  Nat.,  K  i564,  n°  161,  déchiffr.  ;  dép.  de  Mendoça  à  Philippe  II, 
de  Paris,  26  sept.    i586. 

:>..  Bibl.  Nat.,  f.  ital.,  ms.  1735,  p.  i64,  copie  ;  dép.  des  ambass.  vénitiens, 
de  Paris,  10  oct.  i586. 

3.  Bibl.  Nat..  f.  ital.,  ms.  1735.  p.  164.  copie;  dép.  des  ambass.  vénitiens, 
de  Paris,  10  oct.  [586. 

4.  Arch.  du  Vatican  :  lettere  délia  segreteria  di  stato.  nunziatura  di 
Francia,  t.  XVIII,  f"  173,  orig.  ;  dép.  de  l'archevêque  de  Nazareth,  nonce, 
an  cardinal  Rusticucci,  de  Paris,  i3  oct.  i586.  (Pièces  justif.  11°  XIV.)  — 
\rch.  Nat.,  K  i56'4,  a"  182,  déchiffr.  ;  dép.  de  Mendoça  à  Philippe  II,  de 
Paris,  8  oct.  i">86. 


LA    DEFECTION    DE    NEVERS  I  •y  I 

ce    voyage,    affirmât-elle,    de   sa    propre   initiative,    espérant 
ramener  son   neveu  à  l'obéissance  de  Dieu  et  du  roi  '. 

L'incident  réglé,  le  premier  soin  des  chefs  ligueurs  réunis  à 
Onrscamps  fut  de  déclarer  que  leur  unique  but  était  d'aviser 
aux  mesures  nécessitées  par  l'arrivée  sur  la  frontière  des  reîtres 
de  Navarre  et  de  se  préparera  donner  leur  opinion,  quand  on 
les  informerait  de  l'accord  conclu  entre  la  reine-mère  et  les 
huguenots;  car,  en  un  temps  aussi  troublé,  on  ne  pouvait  pas 
ne  pas  prendre  conseil  du  duc  de  Guise,  pair  de  France,  et  du 
cardinal  de  Bourbon,  premier  prince  du  sang  2.  Puis  ils  firent 
connaître  toutes  les  infractions  aux  articles  de  Nemours  et 
réclamèrent  l'application  intégrale  de  l'édit  de  juillet.  Comme 
il  vaut  mieux  couper  au  malade  la  partie  gangrenée  de  son 
membre  qu'essayer  de  la  sauver  au  péril  de  sa  vie,  ils  décidèrent 
de  ne  jamais  consentir  à  un  accord  avec  les  hérétiques  3. 

Après  de  telles  déclarations,  Henri  III  et  Catherine  de  Médicis 
comprirent  l'inutilité  de  tout  effort  conciliateur.  Un  propos  de 
l'ambassadeur  espagnol,  plus  significatif  encore  que  tous  les 
gestes  des  ligueurs,  leur  dévoila  les  véritables  intentions  des 
rebelles.  Celui-ci  prétendit  que,  même  revenu  au  catholicisme, 
un  excommunié  ne  pouvait  songer  à  la  royauté4. 

Au  reste  le  Lorrain  passades  paroles  aux  actes.  Pendant  que 
le  cardinal  revenait  à  Gaillon,  il  partit  dans  l'est  et  mit  le  siège 
devant  Rocroy.  Les  opérations  traînées  en  longueur  lui  permi- 
rent de  réunir  une  armée  puissante.  En  conséquence  Catherine 

i.  Arch.  Nat.,  K  i564,  ti°  180,  et  Bibl.  Nat.,  cinq  cents  Colbert,  t.  \\\, 
f°  48  ;  récit  anonyme  du  voyage  de  madame  de  Soissons  auprès  du  roi  de 
Navarre. 

a.  Bibl.  Nat.,  f.  ital.,  ms.  1735,  p.  164,  copie  ;  dép.  des  ambass.  vénitiens, 
de  Paris,  10  oct.  t586.  Arclt.  Nat..  K  [564,  n  [69,  déchiffr.;  dép.  de  Men- 
doça  à  Philippe  II,  de  Paris,  1"  oct.  1086. 

.i.  Vrcb.  du  Vatican  :  lettere  delta  segreteria  di  stato,  nunziatura  di 
Francia,  t.  \I\,  p.  3ai,  copie;  mémoire  émanant  du  duc  de  Guise, 
d'Ourscamps,  8  oct.  1Ô8G.  —  Bibl.  Nat..  f.  h\,  ms.  3974,  f"  247,  copie; 
«  extraict  de  la  résolution  l'aicte  en  l'assemblée  d'Horcan  ou  commance- 
ment  du  moys  d'octobre  [586    Ourscamp,  7  ocl.  i586J.   » 

i.  Négociations  diplom.  tirer  tu  Toscane,  t.  IN.  p.  (iii'i  ;  de  Paris, 
1 1  nov.  i58G. 


I72  LE    ROLE    POLITIQUE.  DU    CARDINAL    DE    BOURBON 

de  Médicis  dut  refuser  toute  concession  aux  protestants.  L'in- 
transigeance du  roi  de  Navarre  précipita  encore  le  dénouement 
et  vers  la  fin  de  décembre  on  n'eut  plus  aucun  espoir  d'accom- 
modement. 

Le  cardinal  de  Bourbon  était  revenu  à  Paris  dès  les  derniers 
jours  de  novembre.  Il  y  continua  sa  politique  intolérante. 
Trouvant  même  que  les  huguenots  s'y  montraient  trop  auda- 
cieux, il  n'hésita  pas  à  en  tirer  «  une  punition  exemplaire...  de 
son  authorité...  par  son  bailly  »  '.  Henri  III  laissait  faire.  Quand 
il  eut  apprit  l'échec  de  sa  mère,  il  se  déclara  prêt  à  combattre 
les  hérétiques  jusqu'à  l'extermination  -. 

Une  fois  de  plus,  Guise  et  le  cardinal  avaient  acculé  le  roi 
à  la  guerre. 

i.  Lettres  confident,  de  G.  de  Cornac  au  duc  de  Nevers  dans  Bévue  Henri  IV, 
1909,  t.  III.  p.  139-iio;  de  Paris,  27  déc.  i586. —  Je  n'ai  pu  retrouver  aucun 
détail  complémentaire  sur  le  fait  allégué  par  Cornac. 

■1.  Mémoires-journaux  de  P.  de  L'Estoile,  t.  III,  p.  2.  —  Négociations  diploin. 
avec  la  Toscane,  t.  IV,  p,  (170;  de  Paris,  2ojanv.  1587. 


CHAPITRE  V 

LÀ  GUERRE  DE  1087 

Encore  une  fois  les  ligueurs  ont  triomphé.  Après  avoir  fait 
proscrire  les  protestants  par  ledit  de  juillet  i585,  excommunier 
leur  chef  par  la  huile  de  Sixte-Quint,  Henri  de  Lorraine  et 
Charles  de  Bourbon  ont  rendu  la  lutte  inévitable  avec  l'échec 
de  toute  négociation. 

Par  un  curieux  changement  d'opinion,  les  deux  alliés  aban- 
donnés àleurs  propres  forcesau  commencement  de  i586,  quand 
la  guerre  languissait  et  quand  Catherine  voulait  s'aboucher  avec 
Navarre,  trouvent  maintenant  des  amis  de  tous  côtés.  Au 
milieu  de  l'année  précédente,  une  famine  cruelle  a  sévi  et  l'on 
put  voir  les  pauvres  gens  manger  les  épis  de  blé  à  demi  mûrs 
pour  ne  pas  mourir  de  faim1.  La  maladie  est  venue  augmenter 
la  misère.  Devant  l'inertie  de  Henri  111  tout  à  ses  dévotions, 
les  hésitations  de  Catherine  qui  n'aboutissent  point,  on  se 
tourne  vers  ceux  qui  manifestent  quelque  énergie.  On  cherche 
la  protection  des  uns  pour  éviter  d'être  victime  des  autres.  Le 
plus  grand  nombresuil  le  parti  que  le  roi  adopte  officiellement, 
celui  de  la  guerre  et  des  ligueurs2. 

On  ne  tarde  pas  à  avoir  despreuves  certaines  de  la  puissance 
de  la  Ligue.  La  hardiesse  de  (luise  en  est  une,  qui  met  le  siège 
devant    Sedan    et    s'obstiue    à    \    rester    malgré    les   ordres     de 
Henri  III.  \  Lyon,  quelques  habitants  se  réunissent  pour  empê 
cher  qu'Épernon  ne  s'empare  de  leur  province  et  décident  même 

1.   Mémoires-journaux  deP.  île  L'EstoUe,  t.  II.  p.  353. 

■a.  Celle  situation  ressort  admirablement  des  dépêches  de  l'ambassadeur 
toscan  de  janvier  à  mai  1587.  \.  Négociations  <//'/>/<"/i.  urée  In  Toscane,  t.  IV, 
p.  667  à  690. 


l^k  LE    ROLE    POLITIQUE    DU    CAHD1N.VL    DE    BOUU.BON* 

de  faire  des  levées  en  Suisse  et  en  Allemagne.  En  Auvergne,  la 
reine  de  Navarre  et  le  marquis  de  Canilhac  poussent  à  la  guerre 1 . 
En  Picardie,  l'audace  du  duc  d'Aumale  n'a  plus  de  bornes.  Il 
s'empare  de  Péronne  et  tente  un  coup  de  main  sur  Boulogne. 
Repoussé,  il  fait  assassiner  le  capitaine  La  Pierre  qui  a  défendu 
la  ville2.  A  Paris  même,  un  complot  se  forme  pour  enlever  le 
roi  ;  il  n'échoue  que  par  trahison  :i.  L'ambassadeur  toscan  écrit 
avec  raison  que,  si  Henri  II!  vient  à  mourir,  Guise  se  trouvera 
maître  de  la  moitié  de  la  France4. 

Le  souverain  se  rend  parfaitement  compte  de  la  situation, 
mais  son  insouciance,  sa  mollesse,  son  dénûment  le  font 
hésiter.  La  guerre  est  inévitable  et  cependant  il  ne  veut  point 
y  songer.  Il  cherche  l'oubli  dans  la  dévotion5  et  attache  encore 
quelque  espérance  aux  négociations  que  sa  mère  s'efforce  vai- 
nement de  renouer  avec  Navarre.  Catherine  l'aide,  pour  son 
malheur,  de  sa  politique  d'expédients,  qui  apaise  un  moment 
les  difficultés  sans  les  résoudre  jamais.  Cette  politique,  le  roi 
sans  cesse  à  court  d'argent  l'adopte,  car  il  en  espère  un  peu  de 
tranquillité.  Erreur  !  Les  difficultés  renaissent,  toujours  plus 
grosses. 

Cependant  les  audaces  de  la  Ligue  sont  parfois  si  grandes 
qu'elles  provoquent  chez  le  souverain  un  sursaut  d'énergie. 

Non  content  de  régner  en  maître  sur  presque  toutes  les  villes 
picardes  et  d'y  exercer  une  autorité  qu'aurait  dû  seul  posséder 
le  véritable  gouverneur  Condé.  le  duc  d'Aumale  fut  assez 
téméraire  pour  envoyer  deux  de  ses  capitaines  intriguer  dans 


1.  Négociations  diplom.  avec  la  Toscane,  I.  IV,  p.  G73-6-4  ;  de  Paris, 
i(i  févr.  1587. 

2.  Ibid.,  p.  083;  de  Paris,  3i  mars  1087. —  Mémoires-journaux  de  P.  de 
VEstoile,  t.  III,  p.  38. 

3.  Robiquet  (P.),  Paris  et  la  Ligue,  p.  a'uj  et  suiv. 

4.  Négociations  diplom.  avec  la  Toscane,  t.  [V,  p.  682  ;  de  Paris, 
3i  mars  1587. 

5.  Négociations  diplom.  avec  la  Toscane,  t.  IV,  p.  67/i  ;  dp  Paris,  iG  févr. 
1887  :  «  Il  rc,  più  clic  mai  divolo,  si  rinchiude  ordinariamente  negli 
oratorii  di  alcuni  luoghi  più  solitarii,  fatti  da  lui  per  quest'  elTctto,  et  non 
si  vede  se  non  alla  sfuggita.  » 


La  glerre  de   1587  i~5 

Paris.  Les  deux  hommes  surpris  furent  jetés  en  prison  ;  à  peine 
y  étaient-ils  que  le  cardinal  de  Bourbon  vint  réclamer  leur  mise 
en  liberté1.  Furieux.  Henri  III  voulut  déléguer  en  Picardie  un 
homme  énergique,  qui,  remplaçant  Coudé  dans  ses  fonctions 
de  gouverneur,  pût  y  faire  respecter  son  autorité;  il  choisit  le 
duc  de  Nevers  -. 

Or  ce  gouvernement  appartenait  depuis  fort  longtemps  à  la 
maison  de  Bourbon,  qui  le  considérait  presque  comme  un  bien 
héréditaire.  La  résolution  du  roi  souleva  donc  de  grandes  pro- 
testations chez  les  membres  catholiques  de  la  famille  capables 
d'aspirer  à  la  charge,  et,  le  premier,  s'en  plaignit  le  cardinal, 
qui  ne  trouvait  plus  désormais  aucun  avantage  à  soutenir 
les  intérêts  de  Gonzague3.  Henri  III  pensa  tout  concilier  en 
promettant  la  lieutenance  au  comte  de  Soissons  après  la  mort 
de  Nevers,  s'il  épousait  Catherine  de  Gonzague  dont  le  projet 
d'union  avec  Montpensier  n'avait  pas  abouti.  C'était  reprendre 
la  combinaison  que  le  cardinal  et  Guise  avaient  eu  tant  de 
peine  à  faire  échouer  ;  et  celle  fois  elle  semblait  bien  près  de 
réussir  puisque  le  roi  la  désirait. 

Le  vieillard,  dont  la  parenté  avec  le  jeune  homme  justifiait 
l'intervention,  la  déconseilla  ouvertement.  Selon  lui  la  fille  de 
Nevers  était  trop  pauvre  pour  s'unir  à  son  neveu,  d'autant  que 
le  royaume  offrait  de  nombreuses  héritières  bien  plus  dignes 
qu'elle  de  la  main  d'un  prince  du  sang.  Il  ajoula,  pour  donner 
plus  de  poids  à  ses  raisons,  qu'on  avait  parlé  d'un  mariage 
entre  les  familles  de  Guise  et  de  Nevers4;  et,  si  le  roi  cher- 
chait par  ce  projet  à  mettre  la  discorde  entre  elles,  les  choses 


1.  Bibl.  Nat.,  f.  ital.,  ms.  1736,  p.  1,  copie:  dép.  des  ambass.  vénitiens, 
de  Paris,  2  mars  1087. 

■>..  Bibl.  Nat.,  f.  ital.,  nis.  173O,  p.  36,  copie;  dép.  des  ambass.  vénitiens, 
de  Paris,  10  avril  1587. 

3.  Arch.  Nat.,  K  t566,  n  88,  déchiffr.  ;  dép.  de  Mendoça  à  Philippe  11,  de 
Paris,  9  avril  1.187.  —  Bibl.  Nat.,  f.  ital.,  dis.  1736,  p.  36  et  37.  copie;  dép. 
des  ambass.  vénitiens,  de  Paris,  10  avril  1  ."> N 7 . 

4.  Un  a  vu  pins  haut,  p.  274,  que  Nevers  n'avail  point  ôté  aux  Lorrains 
tonte  espérance  de  s'allier  à  eux,  voulant  conserver,  si  possible,  leur 
amitié. 


17<)  LE    RÔLE    POLITIQUE    DU    CARDINAL    DE    BOURBON 

pourraient  bien  avoir  un  résultat  tout  différent  de  celui  qu'il 
espérait  '. 

Ces  menaces  n'effrayèrent  point  Henri  III.  Il  lit  consentir 
Gonzague  à  donner  quinze  cent  mille  écus  de  dot  à  sa  fille  et 
il  en  promit  pour  sa  part  cinq  cent  mille.  De  nouveau  interrogé, 
le  cardinal  cacha  mal  son  dépit;  puisque  le  roi  voulait  celle 
union,  déclara-t-il,  il  la  considérait  comme  faite,  et  il  s'excusa 
de  ne  point  donner  son  avis2.  Le  mariage  semblait  certain, 
quand  le  comte  de  Soissons  vit  dans  le  refus  qu'opposa  la 
noblesse  de  Picardie  à  recevoir  Ne'vers  comme  gouverneur  un 
motif  suffisant  pour  l'ajourner3.  En  réalité  ce  fut  une  toute 
autre  cause  qui  fit  hésiter  le  jeune  ambitieux.  Le  roi  de  Navarre, 
désireux  de  l'attirer  dans  son  parti,  lui  avait  promis  la  main 
de  sa  sœur.  Il  abandonna  Catherine  de  Gonzague  dans  l'espé- 
rance de  Catherine  de  Bourbon  *. 

Ainsi,  quand  le  roi  montrait  quelque  énergie,  les  intrigues 
de  ses  adversaires  ou  même  le  hasard  des  circonstances  venaient 
annihiler  ses  efforts. 


Cependant  la  guerre  était  fatale  et  il  fallut  s'y  préparer,  car 
les  reîtres  soldés  par  Navarre  s'apprêtaient  à  franchir  la  fron- 
tière. Pour  faire  disparaître  toute  mésintelligence  entre  roya- 
listes et  ligueurs,  une  fois  de  plus  Catherine  de  Médicis  crut 
indispensable  de  s'en  aller  trouver  Cuise  et  elle  convoqua  en 
même  temps  le  cardinal  de  Bourbon,  chef  nominal  du  parti5. 

i.  \nh.  Nat.,  K  i56G,  n°  88,  déchiffr.  ;  dép.  de  Mendoça  à  Philippe  II,  de 
Paris,  9  avril  i.">8-. 

2.  Arch.  Nat..  K  i566,  n°  97,  déchiffr.  :  dép.  de  Mendoça  à  Philippe  M. 
de  Paris.  12  avril  1587. —  Ségociations  diplom.  avec  la  Taxante,  t.  IV, 
p.  085  ;  de  Paris,  12  avril  1087. 

3.  Ai cli .  Nat.,  K  1 ÔGG,  n°  101,  déchifir.  ;  dép.  de  Mendoça  à  Philippe  II, 
de  Paris,  19  avril  1587. 

\.  Arch.  Nat.,  K  [566,  n"  110,  déchiffr.  :  dép.  de  Mendoça  à  Philippe  II. 
de  Paris,  25  avril  1587. 

5.  Bihl.  Nat.,  f.  ital.,  111s.  1736,  |>.  65,  copie;  dép.  des  ambass.  vénitiens, 
de  Paris,  [3  mai  1587. 


LA    GUERRE    DE     1687  177 

lue  fois  de  plus  celle  femme,  toujours  eu  quête  d'espérances 
vaines,  criit  trouver  dans  la  ruse  une  aide  à  sa  politique. 
Comme  le  cardinal  avait  promis  «  d'employer  le  verd  et  le 
sec  pour  contenter  le  roy  '  »,  elle  pensa  qu'il  sérail  peut-être 
facile  de  le  gagner.  Quand  elle  rencontra  les  chefs  ligueurs 
sortis  au  devant  d'elle  à  quatre  lieues  de  Reims,  elle  les  embrassa 
tous  sauf  l'archevêque,  parce  que,  lui  dit  elle,  il  était  de  sa 
troupe-.  Le  prélat  ne  pouvait  rester  insensible  à  tant  d'atten- 
lion.  mais  la  tentative  de  la  reine  fut  bien  inutile.  Guise  pré- 
sent, le  vieillard  élail  toujours  de  sa  troupe. 

A  ces  conférences  de  Reims,  le  cardinal  de  Bourbon  garde  sa 
même  altitude  des  conférences  d'Epcrnay.  Il  prend  la  parole 
pour  excuser  son  parti,  discourt  longuement  en  termes  vagues 
et  sauve  Guise  par  son  intervention  chaque  fois  que  celui-ci 
s'est  laissé  surprendre  parles  habiles  manœuvres  de  Catherine. 
Quand  le  Lorrain  a  des  réclamations  justes  à  faire,  il  les  pré- 
sente lui-même;  sinon,  c'est  le  prélat  qui  parle  et  qui  assume 
ainsi  toute  la  responsabilité. 

Une  des  questions  les  plus  difficiles  à  traiter  pour  les  chefs 
ligueurs  fut  celle  relative  aux  villes  de  Picardie,  car  ils  ne 
purent  trouver  d'excuses  à  leurs  séditieuses  menées  dans  la  pro- 
vince. Aux  premiers  reproches  de  Catherine,  Jls  répondirent 
que  tout  s'était  passé  à  leur  insu  et  qu'ils  avaient  envoyé  un 
genlilhomme  aux  informations3.  C'était  éluder  habilement  la 
discussion,  mais  la  reine-mère  revint  à  la  charge.  Le  cardinal 
lui  assura  qu'ils  «  estoient  très  humbles,  1res  obligés  et  1res 
affectionnés  serviteurs»  du  roi,  qui  trouverait  toujours  en  eux 
obéissance  et  affeel ion.  A  une  troisième  attaque  de  Catherine 
qui  menlendail  point  se  payer  de  mots,  il  répliqua  qu'on  trou- 
verait "en  eux  l'affection  et  la  1res  humble  obéissance  »  (pie 
l'on  pouvait  désirer.  C'était  par  trop  d'audace.  La  reine-mère, 
furieuse  d'être  ainsi  jouée,  leur  dil    qu'il  fallait    procéder    plus 

1.  Bijbl.  Nat.,  f.  fr.,  ms.  '17.il,  t'   179,  autogr.  ;  lettre  de  Bellièvre  à  Bru* 
lart,  de  Goupernay,  i3  mai  1  ■"> s  7 . 
:*.  lettres  de  Calh.  de  Médicis,  1.  i\.  p.  aoô  ;  au  roi.de  Reims,  ->.\  mai  \'^-r 
3.  Ibidem. 

Sallmer.  —  Cardinal  de  Bourbon,  12 


178  LE    RÔLE    POLITIQUE    DU    CARDINAL    DU    BOURBON 

franchement,  que  tous  les  catholiques  devaient  s'unir  pour 
éviter  quelque  malheur.  «  Le  cardinal  de  Bourbon  a  respondu 
que  c'estoit  ce  qu'il  falloit  faire,  et  que  ceste  après-disnée  seroit 
pour  la  course  des  dames1».  C'est  ainsi  que  Guise  se  débar- 
rassait des  questions  difficiles. 

La  discussion  fut  reprise  les  jours  suivants,  mais  les  ligueurs 
ne  répondirent  jamais  que  «  d'honnestes  paroles-)-.  Quand 
Catherine  se  montrait  par  trop  pressante,  on  lui  déclarait  que 
les  villes  étaient  aux  mains  des  catholiques  et  qu'il  fallait 
mieux  s'occuper  de  celles  que  tenaient  les  huguenots3.  On 
décida  que,  sur  ce  point,  les  choses  resteraient  en  état  jusqu'au 
Ier  octobre  4. 

Pour  beaucoup  de  questions,  il  fallut  user  du  même  expé- 
dient .  Les  deux  parties  se  défiaient  trop  l'une  de  l'autre  pour 
tomber  sincèrement  d'accord.  Toutefois  les  conférences  abou- 
tirent à  une  entrevue  du  roi  et  de  Henri  de  Lorraine  dans  la 
ville  de  Meaux,  qui  parut  sceller  la  réconciliation.  Tous  s'ap- 
prêtèrent à  lutter  contre  les  hérétiques. 


Charles  de  Bourbon  avait  enfin  cette  guerre  qu'il  désirait 
depuis  si  longtemps  ;  il  se  déclara  le  plus  heureux  homme  du 
monde5.  Et  cependant  l'entrée  en  campagne  creusa  plus  pro- 
fond le  fossé  qui  existait  entre  lui  et  sa  famille. 

On  se  souvient  qu'en  i586  les  Bourbons  catholiques  avaient 


1.  Lettres  de  Calh.  de  Médicis,  t.  IX,  p.  200  ;  au  roi,  de  Reims,  a4  mai  1587. 

2.  Ibid.,  t.  IX,  p.  210  ;  au  roi,  de  Reims.  3  juin  1587. 

3.  Àrch.  Nat.,  K  i566,  n°  i36,  copie;  lettre  anonyme  et  sans  adresse,  du 
■j'x  mai  1087.  —  Lettres  de  Cath.  de  Médicis.  t.  IX,  p.  4Ô9  ;  procès  verbal  d'une 
conférence  du  commencement  de  juin  1587. 

4.  Ribl.  Nat.,  f.  fr.,  111s.  li-'S^.  P  208  ;  mémoire  donné  par  le  roi  au  sieur 
Jamet  allant  trouver  la  reine-mère  à  Reims,  du  11  juin  1587.  —  Ribl.  Nat., 
f.  ital.,  ms.  1736,  p.  io3,  copie;  dép.  des  ambass.  vénitiens,  de  Paris, 
16  juillet  1587. 

5.  Arch.  Nat.,  K  i565,  nn  20,  déchiflï.  ;  dép.  de  Mendoça  à  Philippe  II. 
de  Paris,  itijuill.  1587. 


LA    GUERRE    DE    1687  lï9 

ébauché  une  contre-ligue  pour  s'opposer,  disaient-ils,  à  la 
ruine  de  leur  maison.  Leurs  efforts  avaient  eu  quelques  succès. 
Devant  la  guerre  imminente  ils  décidèrent  de  renouveler  leurs 
protestations.  Le  duc  de  Montpensier,  fils  de  l'ancien  compa- 
gnon du  cardinal,  et  les  deux  neveux  du  prélat,  le  prince  de 
Conti  et  le  comte  de  Soissons,  se  rencontrèrent  à  Dreux  '. 

Il  est  curieux  de  noter  qu'ils  empruntaient  aux  ligueurs 
cette  manière  de  manifester  leur  mécontentement,  mais  leur 
réunion  n'épouvanta  pas  tant  le  roi  que  celle  de  leurs  adver- 
saires. Il  leur  manquait  en  effet  une  puissante  armée  pour 
faire  reconnaître  la  justesse  de  leurs  réclamations.  Henri  III 
les  somma  de  se  rendre  près  de  lui.  Cet  ordre  fut  le  signal 
de  la  désunion.  Montpensier  obéit  ;  Soissons  au  contraire, 
attiré  par  les  promesses  de  Navarre,  descendit  vers  le  sud  ; 
Conti  malade  attendit  d'être  guéri  pour  le  rejoindre-. 

Parmi  les  fils  du  prince  de  Condé,  seul  le  cardinal  de  Ven- 
dôme restait  fidèle  à  son  oncle  ;  encore  connaissait-on  ses  sen- 
timents peu  favorables  aux  Lorrains,  ce  qui  laissait  croire  qu'il 
en  voulait  surtout  à  ses  abbayes  et  bénéfices11. 

1.  Arch.  Nat.,  K  i56f>,  n°  .\i,  déehiftï.  ;  dép.  de  Mendoça  à  Philippe  II,  de 
Paris,  2  sept.  1087.  —  Bibl.  Nat.,  f.  ital.,  ms.  1736,  p.  i65,  copie;  dép.  des 
ambass.  vénitiens,  de  Paris,  3  sept.  1587.  —  Négociations  diplom.  avec  la 
Toscane,  t.  IV,  p.  71  !\  ;  de  Paris,  23  sepl.  1587. 

2.  Bibl.  Nat.,  f.  ital.,  ms.  17.36,  p.  208-309,  copie;  dép.  des  ambass.  véni- 
tiens, de  Paris,  9  oct.  1587.  —  Négociations  diplom.  avec  la  Toscane,  t.  IV, 
p.  717;  de  Paris,  ier  oct.  1087.  —  Pour  justifier  sa  conduite,  le  comte  de 
Soissons  crut  bon  de  publier  les  raisons  qui  l'avaient  poussé  à  se  joindre 
à  Navarre.  Il  fit  suivre  sa  déclaration  d'une  lettre  au  cardinal  de  Bourbon, 
dont  le  style  ferme  et  parfois  éloquent  révèle  la  plume  d'un  Duplessis- 
Mornay  :  «  Je  scais  bien,  disait-il,  l'honneur  que  je  vous  doibs  et  n'y 
vouldrois  manquer.  Aussi  porté-je  impatiemment  le  tort  qui  vous  a  esté 
faict,  quand  on  a  couvert  la  conspiration  contre  Testai  de  vostre  nom, 
quand  de  vostre  propre  main  on  vous  a  faict  signer  vostre  ruync.  Or, 
Monsieur,  vous  estes  trop  prudent  pour  ne  l'avoir  cogneu,  et  plus  vous  avés 
esté  circonvenu,  plus  vous  avés  de  raison  de  vous  en  ressentir.  »  Cf.  Décla- 
ration des  causes  qai  ont  meu  monseigneur  le  comte  de  Soissons  de  prendre  les 
armes  avecqaes  copies  des  lettres  du  d.icl  seigneur  comte  tant  au  roy  qu'au  car- 
dinal de  Bourbon  et  aultres,  s.  I.,  1587,  in-8°  ;  publiée  dans  Mémoires  et 
correspondance  de  Duplessis-Mornay,  t.  III,  p.  528. 

3.  négociations  diplom.  avec  la  Toscane,  I.  IV,  p.  ("197  ;  de  Paris,  •")  juill.  1  f> S 7 . 


tSo  LE    ROLE    POLITIQUE    DU    CARDINAL    L>E    BOURBON 

Cependant  rien  ne  troubla  la  joie  de  Charles  de  Bourbon. 
D'un  cœur  léger  il  considéra  le  commencement  des  hostilités. 

Le  plan  de  campagne  était  simple.  Pendant  que  Joyeuse 
combattrait  Navarre  et  Guise  les  Allemands,  Henri  III  s'éta- 
blirait sur  la  Loire  pour  dominer  la  situation.  Mais,  de  même 
qu'en  i586  le  manque  d'argent  avait  nui  à  la  conduite  de  la 
guerre,  cette  fois  encore  il  menaçait  de  gêner  les  opérations. 
Catherine  de  Médieis  et  le  cardinal  de  Bourbon  restèrent  à 
Paris  pour  tacher  d'y  remédier. 

Les  dépenses  énormes  exigeaient  autre  chose  que  quelques 
impôts  nouveaux  ou  certaines  créations  décharges  habituelles 
en  pareil  cas.  Aussi  songea-ton  naturellement  à  celte  alié- 
nation de  cent  mille  écus  de  rente  des  biens  d'église  accordée 
par  le  pape  en  i586etqui  n'avait  été  exécutée  qu'à  demi.  Le 
roi  avait  en  vérité  promis  de  ne  pas  l'exiger,  les  membres  du 
clergé  juré  de  ne  jamais  y  consentir;  mais  les  circonstances  la 
réclamaient  si  impérieusement  que  Sixte-Quint,  par  un  nou- 
veau bref  du  3o  juillet  1587,  désigna  six  commissaires  pour  y 
procéder.  Ce  furent  les  cardinaux  de  Bourbon  et  de  Cuise,  le 
nonce,  l'évêque  de  Paris  et  les  deux  agents  du  clergé.  Le 
vieillard  se  donna  tout  entier  à  sa  tache. 

Parmi  les  commissaires,  il  fallait  compter  d'avance  sur  la 
mauvaise  volonté  des  agents  du  clergé.  Mais  où  l'on  rencontra 
une  résistance  bien  inattendue,  ce  fut  chez  le  cardinal  de  Guise 
qui  se  prétendit  lié  par  le  serment  fait  l'année  précédente. 
Malgré  les  assurances  du  nonce  qui  lui  promit  de  l'en  faire 
délier  par  le  pape  ',  malgré  les  supplications  de  Catherine-,  il 
refusa  son  consentement;  bien  mieux,  il  fit  de  son  diocèse  un 
cen lie  de  protestation  3. 


1.  Lettres  de  Calh,  <le  Médieis,  t.  1\,  p.  270;  au  roi,  de  Paris,  G  nov.  1587. 

1.  lt>id.,  t.  IX,  p.  a3a  ;  au  cardinal  do  Guise,  de  Paris.  iG  sept.  1587.  — 
La  date  doit  probablement  être  corrigée  en  ai  septembre,  bien  que  le 
manuscrit,  connu  d'ailleurs  par  une  copie,  porte  iG,  comme  le  laisse 
supposer  la  lettre  au  roi  de  Paris,  :>i  septembre  i5&7,  p.  235. 

[\.  Scrbat  (L.),  Les  assemblées  du  clergé  de  France  de  ièSi  à  lôiô,  p.  128 
cl  129. 


LA    GUERRE    DE    1687  l8l 

Charles  de  Bourbon  fut  fort  surpris  de  celle  attitude.  Il  ne 
comprit  pas  pourquoi  on  voulait  refuser  au  roi.  des  secours  qui 
lui  étaient  si  nécessaires.  Il  est  évident  que  le  cardinal  de 
Guise  cherchait  à  créer  des  difficultés  à  Henri  III.  Etait-ce  de 
sa  propre  initiative  ou  sur  les  conseils  de  son  frère?  Le  duc 
savait  bien  que  rien  de  cet  argent  ne  lui  reviendrait.  S'il  avait 
une  aimée  déjà  forte,  c'était  à  lui  seul  qu'il  la  devait  et  non 
aux  très  faibles  subsides  que  le  souverain  lui  faisait  parvenir. 
En  prenant  si  audacieusement  la  défense  du  clergé,  les  Lor- 
rains se  ménageaient  au  contraire  sa  faveur  pour  l'avenir j. 
Quoiqu'il  en  soit,  les  agents  se  sentant  soutenus  refusèrent  de 
s'employer  à  la  répartition  des  rôles.  Le  cardinal  de  Bourbon, 
le  nonce  et  l'évêque  de  Paris  n'osèrent  point  y  procéder  seuls. 

Pour  vaincre  toute  résistance,  le  roi.  pria  le  pape  d'aug- 
menter le  nombre  des  commissaires.  A  cette  nouvelle,  les 
prélats  et  cardinaux  présents  à  Paris  se  réunirent  en  hâte  et 
offrirent  d'un  commun  accord  de  fournir  une  grosse  somme 
d'argent  qui  rendrait  inutile  l'aliénation.  Henri  III  voulait  sur- 
tout un  secours  rapide;  il  accepta.  Cette  heureuse  transaction, 
qui  sauvegardait  les  intérêts  du  clergé  tout  en  satisfaisant 
le  roi,  rallia  les  suffrages  du  cardinal  de  Bourbon  et  de  la 
reine-mère.  Mais,  tandis  que  l'aliénation  laissait  espérer  douze 
cent  mille  écus,  les  prélats  en  promirent  seulement  quatre 
cent  mille2.  Catherine  voulut  au  moins  contraindre  l'assem- 
blée à  de  plus  grandes  largesses  et,  grâce  à  la  complicité  du 
vieillard,  elle  \  parvint3.  Le  pape  ayant  répondu  favorablement 
aux  prières  du  roi  et  désigné  deux  nouveaux  commissaires1,  le 
cardinal,  assisté  du  nonce  et  de  l'évêque  de  Paris,  releva   les 

1.  Arch.  Mat.,  K  1 565,  nV'42,  orig.  ;  nouvelles  anonymes  sur  les  affaires 
de  France. 

2.  Bibl.  \at.,  f.  ital.,  ms.  17.H6,  p.  218,  copie;  dép.  des  ambass.  vénitiens, 
de  Paris,  22  oct.  1587.  -  Lettres  de  Cath.  de  \lnlicis,  I.  I\,  p.  2^0  el  aoi  ;  au 
roi,  de  Paris,  27  sepf.  et  16  bct.  1587. 

3.  Lettres  de  Cath.  de  Médicis.  t.  I\.  p.  2.5i  ;  au  roi.de  Paris,   ifi  oct.  1587. 

4.  Collection  des  procès-verbaux  des  ass.  générales  du  clergé  de  France 
depuis  1560,  t.  I.  p.  426.  —  Serbal  (L.),  Les  assemblées  du  clergé  de  France 
de  t:,i:t  à  ici.',,  p.  128. 


102  LE    ROLE    POLITIQUE    DU    CARDINAL    DE    BOURBON 

rôles  des  dernières  taxes  pour  procéder  à  l'aliénation.  Bien  que 
tous  trois  eussent  déclaré  qu'ils  ne  les  signeraient  pas  sans  le 
consentement  unanime  de  leurs  collègues,  les  agents  effrayés 
convoquèrent  une  assemblée  régulière  du  clergé  de  France. 
Avant  même  que  les  députés  fussent  réunis,  les  rôles  généraux 
et  particuliers  de  chaque  diocèse  étaient  dressés;  il  ne  restait 
plus  qu'à  mettre  en  vente1. 

Tout  ceci  n'était  que  feinte.  En  effet  Henri  III,  comprenant 
qu'une  aliénation  faite  contre  l'assentiment  du  clergé  serait 
difficile  et  que  l'argent  rentrerait  lentement,  déclara  y  renoncer 
si  l'assemblée  lui  donnait  six  cent  mille  écus  ;  craintive,  elle 
consentit  cinq  cent  mille,  et  il  accepta  d'autant  plus  facilement 
que  des  événements  fort  graves  étaient  survenus2.  Tout  s'était 
passé  contre  ses  prévisions.  Tandis  que  Joyeuse  se  faisait  tuer 
à  Coutras,  Guise,  après  les  combats  de  Vimory  et  d'Auneau, 
forçaient  les  Allemands  à  demander  grâce. 

Le  cardinal  pleura  sans  doute  sur  la  défaite  de  l'armée 
royale.  Mais  les  succès  de  son  allié  le  consolèrent  vite.  Le 
triomphe  de  Guise  compensait  largement  le  désastre  de 
Henri  IIP. 


i.  Bibl.  Nat.,  f.  ital.,  ms.  1736,  p.  255,  268  et  3oi,  copie;  dép.  desambass. 
vénitiens,  de  Paris,  9  et  24  nov.,  17  déc.  1587.  —  Lettres  de  Cath.  de  Uéilicis, 
t.  IX,  p.  270,  290,  307  et  3i2;  au  roi,  de  Paris,  6  et  20  nov.,  2  et  12  déc. 
1587.  —  La  reine-mère,  dans  une  missive  adressée  à  Villeroy,  de  Paris, 
18  déc.  1687  (p.  3i6),  dit  que  le  cardinal  de  Bourbon  est  en  grande  colère 
d'une  lettre  qu'il  a  reçue  du  roi.  Peut-être  Henri  III,  fatigué  de  tous  ces 
retards,  l'avait  il  accusé  d'en  être  la  cause.  Pourtant  quelques  jours  après, 
le  11  janvier  i588,  le  roi  l'exhortait  à  poursuivre  ses  travaux  en  termes  fort 
aimables.  V.  Bibl.  Nat.,  f.  fr.,  ms.  33oa.  f"  63  v°,  copie. 

2.  Collection  des  procès-verbaux  des  ass.  du  clergé  de  France  depuis  1560, 
t.  I,  p.  434.  —  Serbat  (T.),  Les  assemblées  du  clergé  de  France  de  1561  à  1615, 
p.  i3i-i32. 

3.  L'attitude  du  cardinal  de  Bourbon  à  la  nouvelle  de  la  bataille  de 
Coutras  est  rapportée  bien  diversement.  L'Estoile  (Mémoires-journaux,  t.  III, 
p.  68;  déclare  que  le  cardinal  pleura  «  comme  un  veau  ;  lequel  poussé  d'un 
vrai  zèle  catholique,  id  est  ligueur,  en  aiant  receu  les  nouvelles,  dit  qu'il 
eust  voulu  que  le  roi  de  Xavarre,  son  nepveu,  eust  esté  en  sa  place  [celle  de 
Joyeuse]  et  qu'il  n'y  eust  eu  tant  de  perte  de  lui  que  du  dit  duc  de  Joyeuse  ». 
Palma  Gayet  au   contraire    {Chronologie   novenaire,   p.    232)    rapporte  ces 


LA    GUERRE    DE    l587  I 83 

paroles  attribuées  au  cardinal  :  «  Loué  soit  Dieu,  le  roy  de  Navarre,  mon 
nepveu,  est  demeuré  victorieux;  nostre  ennemi  est  mort.  Ainsi  en  prendra- 
il  à  tous  ceux  qui  s'attaqueront  à  nostre  maison.  Vive  Bourbon  !  Dieu 
donne  bonne  vie  au  roy;  mais  j'espère  que,  s'il  mouroit  sans  hoirs,  que  je 
verray  mon  nepveu  roy  ;  toutefois  je  me  garderay  bien  d'en  parler  en 
Testât  où  sont  les  affaires.  »  Parmi  les  ambassadeurs  étrangers,  seul  l'am- 
bassadeur toscan  parle  de  son  attitude. {Négociations  diplom.  avec  la  Toscane, 
t.  IV,  p.  731  ;  de  Paris,  ie'  nov.  i58-).  Le  cardinal  aurait  dit  que  Joyeuse 
avait  appris  à  ses  dépens  ce  qu'il  en  coûtait  de  s'attaquer  au  sang  des 
Bourbons.  Cette  inimitié  contre  le  favori  s'explique  parce  que  celui  ci  avait 
déclaré  avec  fierté,  lors  de  son  départ,  qu'il  rapporterait  bientôt  les  tètes 
de  Navarre  et  de  Condé  (  De  Thon,  Histoire  universelle,  t.  X,  p.  726,  variante). 
Mettant  à  part  la  raillerie  de  L'Estoile,  qui  dans  son  œuvre  est  toujours 
hostile  au  cardinal,  et  la  bienveillance  trop  grande  de  Palma  Gayet,  je 
crois  que  le  seul  trait  qu'il  faille  retenir  est  le  grand  respect  que  le  prélat 
eut  toujours  pour  le  sang  des  Bourbons,  respect  qui  sert  grandement  à 
comprendre  ses  fluctuations. 


CH\ PITRE    VI 


LES    AUDACES    DE    GUISE 


La  campagne  de  1087  se  termina  sans  résultat  définitif  et 
l'on  attendait  le  printemps  pour  recommencer  la  lutte,  quand 
L'attitude  de  Henri  de  Lorraine  fit  dévier  le  cours  des  évé- 
nements. 

Depuis  i585  tous  les  efforts  du  ligueur  n'ont  tendu  qu'à 
conserver  les  avantages  acquis  par  le  traité  de  Nemours,  et  il 
lui  a  fallu  une  énergie  incomparable  pour  vaincre  l'inertie  de 
Henri  III  et  rendre  vaines  les  démarches  conciliatrices  de 
Catherine.  Mais,  après  ses  brillants  succès  de  la  dernière  cam- 
pagne, il  croit  pouvoir  pousser  plus  loin  l'entreprise.  Aban- 
donnant l'habile  prudence  qui  jusqu'ici  a  présidé  à  tous  ses 
actes,  il  s'assemble  dans  Nancy  avec  ses  frères  et  le  duc  de 
Lorraine  pour  se  concerter  sur  les  mesures  à  prendre.  Ce  n'est 
plus  une  requête  qui  sort  de  cette  conférence;  le  roi  est 
«  sommé  »  de  se  joindre  à  la  sainte  Ligue,  de  faire  publier  les 
décrets  du  concile  de  Trente,  d'établir  l'inquisition  en  France, 
enfin  d'éloigner  de  lui  ceux  qui  lui  seront  désignés1. 

Cette  dernière  clause  vise  le  duc  d'Epernon  qui,  depuis  la 
mort  de  Joyeuse,  accapare  la  faveur  royale.  C'est  un  homme 
énergique  qui  supplée  par  sa  fermeté  à  la  faiblesse  de  son 
maître.  Son  influence  sur  lui  est  si  considérable  que  l'ambas- 
sadeur toscan  écrit  :  Epernon  est  seul   au  monde  -.  Or,    ainsi 


1.  Mémoires  de  la  Ligue,  I.  H,  p.  269  ;  articles   proposés  en  l'assemblée  de 
Nancy  en  janvier  i588. 

2.  Négociations  diplom,  arec  la  Toscane,  t.  ÏV,  p.  742  ;  de  Paris,  4janv.  1 588. 


LES    AUDACES    DE    GUISE  I  (S.) 

que  le  cardinal  de  Bourbon  l'avoue  naïvement  au  secrétaire 
Brulart,  «  il  ne  faut  pas  qu'un  seul  soit  tout1  ».  Guise  veut 
maintenant  sa  part  du  gouvernement,  et,  comme  il  se  refuse  à 
tout  partage  avec  le  favori,  connaissant  trop  sa  puissance  pour 
croire  qu'il  sera  jamais  hors  de  ses  atteintes,  il  faut  qu'Épernon 
disparaisse. 

Le  cardinal  n'a  pas  assisté  à  la  réunion  de  Nancy.  Le  parti 
ligueur,  c'est-à-dire  Henri  de  Lorraine,  est  désormais  assez 
fort  pour  parler  en  son  propre  nom  sans  se  recommander  d'un 
prince  du  sang.  D'ailleurs  l'assemblée  générale  du  clergé  a  rendu 
sa  présence  à  Paris  nécessaire.  Pour  le  vieillard,  le  point  im- 
portant est  la  continuation  de  la  guerre.  Il  faut  «  presser  les 
huguenots  du  coslé  du  Poictou  »  et  envoyer  une  armée  en 
Guyenne-.  Rien,  selon  lui,  ne  doit  troubler  la  bonne  entente 
entre  le  roi  et  la  Ligue,  puisque  le  but  commun  est  la  lutte 
contre  l'hérésie.  Quelle  ne  fut  pas  sa  surprise  lorsqu'il  apprit 
les  nouvelles  difficultés  soulevées  par  ses  partisans  ! 

C'était  toujours  en  Picardie  que  les  troubles  naissaient.  Le 
roi,  voulant  s'assurer  des  places  que  les  ligueurs  n'occupaient 
pas  encore,  enjoignit  aux  municipalités  de  recevoir  des  garni- 
sons. A  l'instigation  du  duc  d'Aumale  les  échevins  d'Abbeville 
refusèrent.  Les  sieurs  de  Bellièvre  et  de  La  Guiche  partirent 
trouver  Guise  pour  régler  l'incident. 

Le  cardinal  avait  bon  espoir  dans  le  résultat  de  la  négocia- 
tion. Son  allié,  disait-il,  était  prêt  à  obéir  à  Henri  III,  bien 
qu'il  eut  quelque  sujet  de  mécontentement  dans  l'extraordi- 
naire faveur  d'Épernon3  :  et  le  prélat  «  voyoit  ces  princes  en  si 
bonne  volonté  et  intention  de  contanter  le  roy  qu'il  se  pr<> 
melloil  que  les  choses  iroient  fort  bien,  que,  s'il  n'y  voyoit 
clair,  il  ne  le  vouldroit  pas  dire,  et.  quant  ils  feroienl  aullre- 
ment.  il  seroit  celluy  qui  crieroil  le  plus  après  eulx  et  les  en 
blasmeroit  par  tout  le  monde  ».   Il  se  chargea  même  d'écrire 

i.  Bibl.  Nat.,  f.  fr.,  ms.  15909,  f°  58,  autogr.  ;  lettrede  Brulart  à  Bellièvre, 
de  Paris,  17  mars  i588. 

2.  Ibidem. 

3.  L'Épinois  (H.  de),  La  Ligue  cl  les  papes,  p.  108-109. 


l86  LE    RÔLE    POLITIQUE    DU    CARDINAL    DE    BOURBON 

au  duc  d'Elbeuf,  qui  laissait  soupçonner  do  méchants  projets  *. 

Cependant  les  actes  des  ligueurs  ne  répondirent  point  aux 
assurances  du  prélat.  Lorsqu'Abbeville  consentit  à  recevoir  une 
garnison  royale,  Aumale  en  occupa  deux  faubourgs  et  refusa 
de  laisser  entrer  les  compagnies  -. 

Rendu  furieux  par  cette  nouvelle  audace,  Henri  III  voulut 
marcher  lui-même  sur  la  Picardie  à  la  tète  d'une  armée.  Le 
cardinal  de  Bourbon  s'entremit  alors  3.  Il  s'efforça  d'excuser  le 
duc  d'Aumale,  affirmant  qu'on  obtiendrait  tout  de  lui  et  de  ses 
amis  si  on  dirigeait  au  contraire  les  troupes  sur  la  Guyenne.  A 
sa  prière  le  roi  promit  de  rappeler  ses  garnisons  après  un  séjour 
de  trois  semaines  seulement  dans  les  villes  et  de  les  envoyer 
aussitôt  combattre  Navarre4.  En  somme  Henri  111  ne  désirait 
qu'affirmer  son  autorité,  sans  vouloir  même  en  user.  Fort  de 
ces  déclarations,  le  vieillard  résolut  d'apaiser  lui-même  le 
conflit  et  partit  trouver  Guise  à  Soissons.  Son  neveu  le  cardinal 
de  Vendôme  l'accompagna. 

Si  les  concessions  de  Henri  III  avaient  satisfait  Charles  de 
Bourbon,  elles  ne  contentèrent  ni  Guise  ni  Aumale.  Ce  dernier 
mandé  par  le  cardinal  s'excusa  de  ne  pas  le  rejoindre  pour  ne 
pouvoir  abandonner  ses  amis,  les  gentilshommes  picards,  mis 
en  défiance  par  les  agissements  du  roi.  Le  prélat  dut  écrire  à 
Paris  pour  justifier  ce  retard  et  prier  Henri  III  de  faciliter  sa 
tâche  en  évitant  de  faire  naître  le  moindre  soupçon  5. 

Vu  reste  il  ne  garda  pas  longtemps  ses  illusions  et  changea 
vite  d'attitude,  lorsqu'il  fut  près  de  son  allié.  Le  Lorrain,  tout 


i.  Bibl.  Nat.,  f.  fr.,  ms.  15909,  f°  6/1,  autogr.  :  lettre  de  Brulart à Bellièvre, 
de  Paris,  28  mars  1088. 

2.  Prarond  (Ern.),  La  Ligue  à  Abbeville,  1576-1594,  t.  I,  p.  323  à  329. 

3.  Bibl.  \at.,  f.  ital.,  ms.  1737,  p.  3o,  copie;  dép.  des  ambass.  vénitiens, 
de  Paris,  8  avril  i588. 

4.  Bibl.  Nat.,  f.  fr.,  ms.  34oa,  f°  1,  autogr.  ;  lettre  de  Bellièvre  au  roi, 
de  Soissons,  20  avril  i588.  --  L'Épinois  (H.  de),  1m  Ligue  et  les  papes, 
p.  116-117. 

5.  Bibl.  Nat.,  f.  fr.,  ms.  3.I20,  f°  37,  autogr.  ;  lettre  du  card.  de  Bourbon 
au  roi,  de  Soissons,  11  avril  i588  ;  —  f°  46,  autogr.;  lettre  du  même  à  la 
reine-mère,  m.  1.  et  d. 


LES    AUDACES    DE    GUISE  187 

en  se  déclarant  le  plus  fidèle  des  serviteurs  du  roi,  suivait 
encore  cette  politique  d'intimidation  qui  lui  avait  toujours 
réussi,  et  Bellièvre  conseillait  de  céder  à  ses  volontés  pour 
n'avoir  pas  à  le  combattre  '.  Le  cardinal  fut  bientôt  convaincu 
de  l'utilité  des  manœuvres  ligueuses.  Mais  les  assurances  qu'il 
avait  données  avant  son  départ  de  Paris  l'embarrassaient  fort. 
Il  chercha  une  excuse  à  son  inaction  dans  de  prétendus  obstacles 
insoupçonnés.  «  Nous  ne  perdons  unne  seulle  heure  de  temps, 
écrivait-il  à  Catherine,  et  n'avons  poinct  de  plus  grand  regret 
que  de  veoir  les  difficultés  qui  retardent  nostre  bonne  vou- 
luntés  -  ».  Il  promit  même  à  Bellièvre  de  revenir  à  Paris  si  les 
choses  traînaient  trop  en  longueur3.  Il  fallait  surtout,  d'après 
lui,  ménager  une  réconciliation  entre  les  ducs  de  Guise  et 
d'Kpernon  l. 

Or  à  ce  moment  même  il  complotait  avec  le  Lorrain  la  ruine, 
sinon  la  mort,  du  favori  de  Henri  III. 


Pour  triompher  d'un  adversaire  aussi  dangereux  qu'Éper- 
non,  Guise  compta  sur  les  Parisiens.  La  ville  était  fortement 
organisée,  bien  aux  mains  des  chefs,  et  déjà  par  plusieurs 
émeutes  elle  avait  prouvé  son  attachement  à  la  Ligue  et  pris 
conscience  de  sa  force. 

Un  premier  complot  formé  pour  s'emparer  du  roi  et  de  son 
favori  le  jour  du  mardi-gras  n'échoua  que  par  trahison  5.   Un 

1.  Bibl.  Nat.,  f.  fi\,  ms.  34oa,  f°  8,  autogr.  ;  lettre  de  Bellièvre  à  Brûlait, 
de  Soissons,  21  avril  i588. 

2.  Bibl.  Nat.,  f.  fr.,  ms.  34so,  f°  5a,  orig.  ;  lettre  du  card.  de  Bourbon  à  la 
reine-mère,  de  Soissons,  i/l  avril  i588. 

3.  Bibl.  Nat.,  f.  fr.,  ms,  34o2,  f°  i4,  autogr.  ;  lettre  de  Bellièvre  au  roi.  de 
Soissons,  25  avril  i588. 

4.  Bibl.  Nat.,  f.  fr.,  ms.  3\oi,  f°  21,  autogr.  ;  lettre  de  Bellièvre  au  roi.de 
Soissons,  2G  avril  i588. 

.").  Mémoires-journaux  de  P.  de  L'Estoile,  t.  III,  p.  30 1  ;  «  le  procez-verbal 
d'un  nommé  Nicolas  Poulain.  » 


l88  LE    RÔLE    POLITIQUE    DU    CARDINAL    DE    BOURBON" 

second  fut  mieux  organisé.  Henri  de  Lorraine  fit  pénétrer  dans 
la  ville  bon  nombre  de  capitaines  ligueurs  qui  la  nuit  du  i!\  avril, 
dimanche  de  Quasimodo,  devaient  ouvrir  la  porte  Saint-Denis 
au  duc  d'Aumale  attendant  à  quelque  distance  avec  cinq  cenls 
cavaliers.  Au  bruit  des  chevaux,  Épernon,  qui  faisait  la  ronde 
de  dix  heures  du  soir  à  quatre  heures  du  matin,  accourrai!  ; 
ils  l'attaqueraient,  le  tueraient  et  garderaient  le  roi  prisonnier 
au  Louvre  *.  C'était  jouer  gros  jeu  que  d'assumer  seul  la  res- 
ponsabilité d'une  telle  entreprise.  Guise  chercha  un  appui  auprès 
des  ennemis  que  la  grande  faveur  de  son  rival  lui  avait  attirés. 
Leduc  de  Nevers  était  du  nombre. 

Il  est  curieux  de  constater  combien  l'intérêt  avait  d'influence 
sur  tous  ces  grands  seigneurs.  Une  inimitié  commune  suffisait 
à  rapprocher  deux  adversaires.  Les  relations  entre  Guise  et 
Nevers  s'étaient  refroidies  depuis  la  défection  de  ce  dernier, 
mais  le  cardinal  de  Bourbon  avait  toujours  conservé  à  l'Italien 
son  amitié,  ne  pouvant  oublier  qu'il  était  son  neveu.  Ce  fut 
par  son  intermédiaire  que  le  Lorrain  refit  alliance  avec  lui. 
Gaillard  de  Cornac,  familier  du  prélat,  fut  chargé  d'exposer  à 
Gonzague  le  projet  de  Henri  de  Lorraine.  Quel  fut-il  exacte- 
ment ?  Les  documents  précis  manquent.  Toujours  esl-il  que 
Guise  sut  le  montrer  sous  un  jour  tout  favorable  à  Nevers,  car 
il  y  avait,  disait-il,  «  pour  [s]on  particulier  moins  d'intérêts  que 
personne2  ».  En  conséquence,  il  lui  demanda  de  se  rendre  à 
Paris  secrètement  la  veille  de  l'entreprise  pour  l'avouer  aussi- 
tôt faite. 

Louis  de  Gonzague  était  trop  prudent  pour  se  laisser  prendre 
à  un  tel  piège.  Sans  désapprouver  le  projet,  il  s'excusa  de  ne 
point  pouvoir  gagner  Paris  pour  différentes  raisons  qu'il  énu- 
méra  longuement  dans  une  lettre3.  Son  refus  suffit  à  jeter  l'in- 
décision chez  le  duc  et  le  cardinal  ;  eux  aussi  reculèrent  devant 


i.  Mémoires-journaux  de  P.  de  l'Estoile,  t.  III,  p.  862. 

2.  Bibl.  I\at.(  f.  fr.,  ms.  3976,  f°  Go,  orîg,  ;  lettre  du  duc  de  Guise  au  duc 
de  Nevers,  s.  1.,  26  avril  i588. 

3.  Bibl.  \at.,  f.  fr.,  ms.  3976,  f  54i  copie  ;  lettre  du  duc  de  Nevers  au  card. 
de  Bourbon,  s.  1.,  28  avril  i588. 


LES    AUDACES    DE    GUISE  1 8g 

la  responsabilité   et  remirent     «    une    si   sainte   et    nécessaire 
enlteprinse  »  ta  une  autre  fois  '. 

Ncvers  fut  un  peu  désappointe''.  Il  n'avait  pas  cru  que  son 
abstention  entraînerait  l'échec  du  projet,  et  ce  fut  lui  qui  pro- 
posa de  le  reprendre,  étant  toujours  prêta  sacrifier  sa  vie  «  pour 
le  bien  de  la  religion  catholique,  service  du  roy  el  bien  du 
royaume-».  Comprenant  ses  intentions.  Guise  et  le  cardinal 
lui  promirent  de  guetter  l'occasion  favorable  à  une  nouvelle 
tentative  3. 

Pendant  ce  temps  Henri  111  apprenait  tout  ee  qu'on  tramait 
contre  lui  el  son  favori.  Craintif,  il  fil  approcher  de  Paris 
quatre  mille  Suisses  campés  à  Lagny  '\  et,  comme  le  complot 
semblait  surtout  dirigé  contre  Epernon.  le  duv  quitta  la  ville 
bien  accompagné  de  gens  d'armes  el  s'en  alla  prendre  posses- 
sion du  gouvernemenl  de  Normandie,  que  la  mort  de  Joyeuse 
avait  laissé'  vacant5.  Ce  départ  enleva  aux  chefs  ligueurs  tout 
espoir  en  la  bonne  occasion  qu'ils  attendaient.  Après  l'échec 
de  la  ruse,  ils  n'avaient  [tins  qu'un  moyen  de  se  débarrasser  de 
leur  rival:  c'était  de  «  se  déclarer  ouvertement  contre  [lui|  el 
en  demander  publiquement  justice  au  roy  -• .  Telle  fut  du 
moins  leur  intention0.  Henri  111  ne  leur  laissa  pas  le  temps 
de  l'exécuter.  Sans  tenir  compte  des  déclarations  du  prélat  qui 
disail  croire  encore  en  une  entente  prochaine",  il  les  somma 
d'expliquer  leur  conduite. 

Le  cardinal  et  (mise  le  prirent  de  haut.  Le  vieillard  informa 

i.  Bibl.  Nat.,  f.  fr.,  ms.  :><j7<>.  f-  5a,  orig.  ;  lettre  des  cardinaux  do  Bour- 
bon et  de  Cuise  au  duc  de  Ncvers,  s.  1.,  20  avril  1088. 

■>,.  Bibl.  Nat.,  f.  fr.,  ins.  3976,  t°  .".',,  copie;  lettre  du  duc  de  \e\ers  aucard. 
de  Bourbon,  s.  1.,  23  avril  i588, 

?>.  Bibl.  Nflt,  f.  fr.,  ms.  3976,  f'  56,  Orig.,  lettre  anonyme  au  duc  de 
Ncvers,  s.  t.,  :i\  avril  i588. 

',.  Mémoires-journaux  de  /'.  de  L'Estoile,  t.  III.  i>.  363-364  :  le  procez  verbal 
d'un  nommé  Nicolas  Poulain.  » 

5.  Ibid.,  1.  m.  p.  i.'i'i. 

6.  Bibl. Nat.,  f.  fi\,  ms.  3976,  f"  ii<'..  orig.;  lettre  anonyme  au  duc  de 
Ncvers,  S.  1..  29  avril  [588. 

7.  Bibl.  Vit.,  f.  IV.,  ms.  34ao,  f"  iim'I  Sa,  orig.  :  lettres  du  card.  de  Bour- 
bon au  roi  et  à  la  reine-mère,  de  So'ismhis.   i  ',  avril   t588. 


1C)0  LE    HOLE    POLÎÏJQUE    DU    CARDINAL    DE    BOURBON 

Bellièvre  qu'ayant  travaillé,  et  le  Lorrain  plus  que  tout  autre, 
à  pacifier  la  Picardie,  ils  ue  voulaient  pas  être  calomniés  ;  en 
conséquence  ils  désiraient  terminer  proinptement  ces  inutiles 
pourparlers  ;  (mise  se  retirerait  à  Chalons,  et  lui  où  il  plairait  à 
Dieu  l.  La  réponse  du  roi  fut  rapide  ;  il  rappela  immédiatement 
son  ambassadeur. 

Charles  de  Bourbon  était  loin  d'avoir  "rempli  les  belles  pro- 
messes faites  à  son  départ  de  Paris.  «  Mais  il  s'y  est  trouvé  des 
dîfficultez  qui  à  la  vérité  sont  fort  considérables  »,  écrivit-il  à 
la  reine-mère  pour  s'en  excuser  -. 

Devant  des  accusations  de  plus  en  plus  violentes  et  précises 
les  chefs  ligueurs  payèrent  d'audace.  Le  7  mai  le  cardinal  et 
Guise  écrivirent  séparément  à  la  reine-mère  pour  demander 
justice  des  bruits  fâcheux  qui  circulaient  contre  eux  et  le 
châtiment  des  calomniateurs3.  Le  duc  fit  plus.  Avec  cette  mer- 
veilleuse imprudence  qu'il  montrait  depuis  le  commencement 
de  l'année,  il  se  rendit  à  Paris  malgré  la  défense  de  Henri  III. 
C'était  pour  se  justifier,  disait-il.  Le  cardinal  annonça  au  roi 
l'arrivée  de  son  allié,  regrettant  de  ne  pouvoir  l'accompagner 
à  cause  de  son  mauvais  état  de  santé  *. 


Que  le  cardinal  fut  souffrant,  il  n'y  a  pas  lieu  d'en  douter, 
car  tout  le  mois  de  mai  il  fut  torturé  par  de  cruelles  attaques  de 
goutte.  Toutefois  Henri  de  Lorraine  dut  se  réjouir  de  cette  in- 
disposition qui    le  débarrassait  du   prélat  au    moment   où  sa 

1.  Bibl.  Vit.,  f.  fr.,  ms.  3402,  f"  21,  autogr.  ;  lettre  de  Bellièvre  au  roi.  do 
Soissons,  '«G  avril  i588. 

2.  Bibl.  Nat.,  f.  fr.,  ms.  2>!\o->.,  f"  '1 1 ,  orig.  ;  lettre  du  card.  de  Bourbon  à 
la  reine-mère,  de  Soissons.  3  mai  i588. 

'.\.  Bibl.  Nat.,  f.  fr.,  ms.  .V402,  f°  ^7,  orig.  ;  lettre  du  card.  de  Bourbon  à  la 
reine-mère,  de  Soissons,  7  mai  i588  ;  —  f°  35,  orig.  ;  lettre  du  duc  de  Guise 
à  la  mémo,  m.  1.  et  d. 

4.  Bibl.  Nat.,  f.  fr.,  ms.  34?o.  f"  55.,  orig.  ;  lettre  du  card.  de  Bourbon  au 
roi,  de  Soissons,  9  mai  i588. 


LES    AUDACES    DE    GUISE  ItJI 

présence  près  de  lui  eût  entravé  l'exécution  des  projets  qu'il 
méditait.  Il  put  paraître  hésiter  un  instant  '  ;  il  n'en  conserva 
pas  moins  sa  fermeté  et  son  audace.  On  sait  comment  le  soir 
du  1 1  mai  les  troupes  royales  entrèrent  dans  Paris.  Un  malheu- 
reux coup  d'arquebuse  fit  surgir  partout  des  barricades.  Henri  III 
s'enfuit  laissant  sa  mère  aux  prises  avec  les  révoltés. 

La  Ligue  était  maîtresse  de  Paris  et  Guise  chef  de  la  Ligue. 
Le  cardinal  de  Bourbon  pouvait  venir.  Cinq  jours  après  le 
départ  du  roi  le  vieillard  arriva,  toujours  accompagné  de  son 
neveu  le  cardinal  de  Vendôme2.  11  descendit  à  l'hôtel  de  Guise, 
où  il  continua  d'habiter  3. 

Ce  qui  caractérise  essentiellement  le  mouvement  de  mai  i588, 
ce  sont  les  protestations  de  fidélité  des  rebelles  envers  leur 
souverain.  Ceux-ci  témoignent  d'un  dévoùmcnt  absolu  au  roi 
qu'ils  ont  chassé,  prétendent  n'agir  que  pour  son  service  et 
rester  toujours  soumis  à  son  bon  plaisir.  C'est  une  tactique  fort 
habile,  qui  doit  leur  conserver  la  confiance  des  loyalistes.  Elle 
est  peut-être  due  en  partie  à  l'influence  du  cardinal  de  Bourbon  ; 
du  moins  elle  est  bien  faite  pour  atténuer  ses  scrupules.  Dans 
cette  cité  en  révolte  il  faut  une  autorité  reconnue  et  Guise  n'a 
aucune  qualité  pour  exercer  le  pouvoir;  il  ne  veut  d'ailleurs 
point  se  mettre  en  avant.  Le  cardinal  au  contraire,  premier 
prince  du  sang,  futur  héritier  de  la  couronne,  a  le  prestige 
nécessaire  pour  commander,  et,  puisque  les  circonstances 
l'exigent,  il  s'y  résigne. 

\vec  le  roi  se  sont  enfuis  deux  échevins,  et  le  prévôt  des 
marchands  suspect  a  été  arrêté.  Il  faut  les  remplacer.  «  Par 
commandement  de  monseigneur  le  cardinal  de  Bourbon, 
premier  prince  du  sang,  et  aullres  princes  estant  près  de  sa 
personne  ».  les  bourgeois  se  réunissent  le  uSinai  dans  la  grande 
salle  de  l'hôtel  de  ville  et  élisent  un  prévôt  et  deux  échevins.  Le 

i.  L'Épinois  (H.  de),  La  Ligue  et  les  papes,  p.  \\o. 

3.  Mémoires-journaux  de  I'.  tir  I.' Extoile,  I.  III,  p.   i.V>. 

3.  Bibl.  Nat.,  f.  ilal.,  ms.  1737,  p.  79,  copie  ;  dvp.  des  ambass.  vénitiens, 
de  Paris,  20  mai  i588.  —  Histoire  particulière  de  ce  qui  se  passa  à  Paris  au 
jour  des  Barricades,  publiée  dans  Revue  rétrospectiUSk*  t.  IV.  p.  Sa6. 


J02  LE    ROLE    l'OLITIOLE    Dl     CARDINAL    DE    BOURBON 

cardinal  souffrant  n'a  pu  se  rendre  à  l'assemblée,  mais  Guise  y 
vient  avec  une  lettre  de  lui  adressée  aux  bourgeois,  où  il  prie  le 
duc  de  le  remplacer  et'd'  «  adviser  à  toul  ce  qui  sera  besoin  g 
pour  le  repos  de  la  ville  et  des  gens  de  bien,  soubz  le  bon 
plaisir  et  aulborité  du  roi.  »  En  l'absence  du  cardinal  Guise 
reçoit  également  les  serments  des  nouveaux  élus1. 

Cette  élection  a  encore  quelque  apparence  de  légalité. 
L'audace  des  deux  alliés  va  pins  loin  ;  ils  font  destituer  parla 
municipalité  tous  les  colonels,  capitaines  et  quarteniers  de  la 
milice  qui  ne  sont  point  de  leur  parti.  Comme  le  parlement 
proteste  énergiquement,  Guise  traîne  le  cardinal  à  la  cbambrc 
des  séances,  et.  malgré  de  vigoureuses  remontrances  du  premier 
président,  ils  font  maintenir  la  destitution  des  officiers  -. 

Ainsi  le  prélat,  premier  prince  du  sang,  rend  par  son  appui 
la  révolte  presque  légitime  3.  Sa  signature  ligure  la  première  au 
bas  de  la  formule  de  serment  qui  circule  de  ville  en  ville  pour 
recueillir  les  adhésions  au  parti  *.  Enfin,  comme  il  est  juste, 
c'est  en  son  nom  qu'on  rédige  la  requête  présentée  au  roi. 
Guise,  s'il  la  signe,  n'y  est  point  cité  nommément  5.  Pour  la 
remettre  à  la  reine  mère,  le  Lorrain  a  voulu  attendre  l'arrivée 
du  vieillard  :  mais  il  faut  noter  que,  deux  jours  à  peine  après 
cette  arrivée,  la  rédaction  en  était  entièrement  achevée  °  ;  et,  si 
l'on  se  rappelle  comment  fut  composé  le  manifeste  de  Péronne, 

i.  Registres  des  déiib.  du  bureau  de  la  ville  de  Paris,,  t.  IX,  p.  1 18  et  suiv. 
—  Barthélémy  (Éd.  de),  Journal  d'un  curé  ligueur  de  Paris,  p.  216. 

•1.  Bibl.  \at.,  f.  Dupuy,  ms.  GOi,  f"s  37  v°  et  38;  —  f.  ital.,  ms.  1737, 
p.  i">f),  copie;  dép.  des  ambass.  vénitiens,  de  Paris,  11  juill.  i588,  — 
Mémoires-journaux  de  P.  de  L'Estoile,  t.  Ht.  p.  169. 

.'i.  Cf.  la  lettre  de  la  villede  Paris  à  la  municipalité  de  Lyon,  du  26  mai  i588 
(Registres  des  délib.  du  bureau  de  la  ville  de  Paris,  t.  1\,  p.  137).  —  Pc  car- 
dinal de  Guise,  s'emparant  à  Meanx  de  l'argent  du  roi.  délivra  une  qnil- 
tance  au  nom  du  cardinal  de  Bourbon. 

',.  Arch.  \at.,  V"  ;,3V|".  I'"  7,  et  Bibl.  \at..  f.  IV.,  ms.  3q58,  I'-  3o5  v". 
copies. 

5.  Requeste  présentée  au  roy  par  monsieur  le  cardinal  de  Bourbon  el  mon- 
sieur de  Guise.  Chartres,  i588,  in-8°,  publiée  dans  Mémoires  de  la  Ligue, 
I.  Il,  p.  34;  —  Archives  curieuses,  1"  série,  t.  XI,  p.  \\:>.\  —  Registres  des 
delib.  du  bureau,  de  la  ville  de  Paris,  t.  IX,  p.   i3o. 

(i.  Lettres  de  Cath.  de  Mèdicis,  t.  I\,  p.  34a  ;  J»'i  roi,  de  Paris,  ao  mai  [588 


LES    AUDACES    DE    GLISE  1  QO 

on  peut  supposer  que  la  collaboration  du  cardinal  à  la  requête 
ne  fut  pas  fort  importante. 

Cette  dernière  résume  les  désirs  des  ligueurs.  Outre  leurs  éter- 
nelles réclamations,  ils  demandent  deux  choses  :  le  renvoi 
d'Épernon  et  le  pardon  de  la  journée  des  Barricades  '. 

C'est  précisément  au  moment  où  son  nom  est  partout  invo- 
qué que  Charles  de  Bourbon  joue  personnellement  le  rôle  le 
plus  effacé.  Soufflant  de  fréquentes  attaques  de  goutte,  il  laisse 
à  son  allié  la  direction  de  tous  ses  actes.  Dans  les  négociations 
engagées  avec  Catherine  de  Médicis  pour  amener  Une  entente 
entre  la  Ligue  et  Henri  111,  il  présente  quelquefois  encore  les 
réclamations  du  parti  2,  mais  presque  toujours  Henri  de  Lor- 
raine parle  lui-même,  secondé  par  un  fidèle  compagnon  qu'une 
haine  contre  Épernon  lui  a  donné,  Pierre  d'Épinac,  archevêque 
de  Lyon. 

Néanmoins,  si  le  prélat  n'agit  point,  il  faut  compter  avec 
lui  et  la  reine-mère  cherche  à  le  contenter  autant  que  Guise. 
Elle  a  compris  que,  les  deux  chefs  une  fois  satisfaits,  le  reste 
du  parti  lésera  facilement  ;  aussi  inultiplie-t-elle  les  Batteries, 
les  promesses.  Elle  assure  que  Henri  III  veut  tenir  désormais  le 
cardinal  de  Bourbon  comme  son  second  père  et  désire  sa  pré- 
sence à  la  cour  pour  prendre  ses  avis,  qu'il  sait  justes  et  bons. 
Quant  à  Guise,  il  exercera  la  charge  de  grand  maître,  reprend ra 
au  conseil  la  place  qui  lui  est  due  et  commandera  aux  années 
en  l'absence  du  roi  3.  Tant  de  bonne  volonté  vainc  les  exi- 
gences des  alliés.  Le  due  et  le  cardinal  déclarent  qu'ils  n'ont 
jamais  voulu  aller  contre  l'autorité  de  Henri  III  et  lui  offrent 

i.  Le  plus  grand  désir  de  (iuisc  semble  être  à  ce  moment  la  disgrâce  du 
duc  d'Épernon.  «  L'advis  de  M.  d'Épinac  à  M.  de  Guise  »  publié  dans  les 
Mémoires d' Estât...  par  M.  de  ViOeroy,  éd.  162a,  I.  11.  p.  106,  insiste  surtout 
sur  ce  fait.  Ce  fut  d'ailleurs  Épiaae  qui  rédigea  la  requête  au  roi.  -—  Noir 
aussi  pour  les  réclamations  des  ligueurs  :  Suite  de  In  requeste  présentée  nu 
roy  par  messieurs  les  cardinaux  et  princes  traictani  îles  causes  ei  moyens  de 
l'union  des  catholiques  pour  lu  conservation  de  leur  religion.  Paris.  i.">nn,  in-8°< 

■a.  Lettres  de  Caih.de  Médicis,  t.  I\.  p.  36o;  au  roi,  de  Paris,  .'>i  mai  t588. 
—  L'Épinois(H.  do.  /."  Ligue  ei  les  papes,  p.  1 73. 

;;.  Lettres  de  Cath.  dr  Médicis,  t.  IX.  p.  3G.">  ;  au  roi,  de  Paris,  a  juin  i588. 

Sallmek.  --    Cardinal  de  Bourbon.  13 


t  q4  LE    ROLE    POLITIOLE    Dt    CARDINAL    DE    BOLRBON 

leurs  plus  pures  «  affection  et  fidélité  *  ».  Le  n  juillet  Catherine 
siffne  au  nom  de  son  fils  les  articles  de  paix.  C'est  une  seconde 
capitulation.  Toutes  les  réclamations  des  ligueurs  sont  acceptées. 
Une  entrevue  à  Chartres  du  roi  et  des  deux  alliés  scelle  la 
réconciliation. 

Il  ne  reste  plus  à  Henri  III  qu'à  tenir  ses  promesses.  Par 
lettres  patentes  du  6  août,  il  confère  au  duc  de  Guise  une  auto- 
rité supérieure  sur  toutes  les  armées  avec  le  titre  de  lieutenant 
général  -.  Quelques  jours  plus  tard,  le  17  août,  il  reconnaît  le 
cardinal  de  Bourbon  pour  son  plus  proche  parent,  en  consé- 
quence lui  donne  pouvoir  de  faire  un  maître  de  chaque  métier 
dans  toutes  les  villes  du  royaume  et  accorde  à  ses  serviteurs  et 
officiers,  domestiques  et  commensaux,  les  mêmes  privilèges 
qu'aux  siens  propres  3.  C'est  encore  et  toujours  le  triomphe  de 
la  Ligue. 

Dans  ses  lettres,  le  roi  n'a  pas  voulu  trancher  la  question  de 
succession  en  reconnaissant  le  cardinal  héritier  présomptif  de 
la  couronne.  Il  l'a  seulement  qualifié  de  son  plus  proche  parent. 
Cela  suffit  à  ses  partisans,  d'autant  plus  que  la  faveur  accordée 
au  prélat  de  nommer  un  maître  de  chaque  métier  est  un 
privilège  exclusivement  royal.  N'est-ce  point  une  reconnais- 
sance de  ses  prétentions  au  trône  de  France?  On  veut  le  croire. 
Lorsque  les  lettres  patentes  du  17  août  sont  enregistrées  au 
parlement,  Antoine  Hotman  déclare  y  trouver  une  confirma- 
tion authentique  des  droits  du  cardinal  à  la  couronne  *  ;  et, 
pour  qu'aucun  doute  ne  subsiste  sur  lincapacité  du  roi  de 
Navarre,   les  chefs  ligueurs  font    composer  par  le  dit  Hotman 

1.  Bibl.  \ai.,  f.  i'r.,  ras.  34o2,  f°  43,  orig.  ;  lettre  du  card.  de  Bourbon  et 
du  duc  de  (luise  au  roi,  de  \  illenauxe-la-Petitc,  23  juin  i588.  (Pièces  pistil". 
n°  XV.) 

2.  Arch.  \at.,  \,u  863t),  f°  207;  lettres  patentes  de  Henri  III  données  à 
Chartres  le  G  août  i588  et  enregistrées  au  parlement  de  Paris  le  2G  du  mois. 

3.  Arch.  Nat.,  X|a  8G3y,  1°  208  v°  ;  lettres  patentes  de  Henri  III  données  à 
Chartres  le  17  août  i588  et  enregistrées  au  parlement  de  Paris  le  26  du 
mois.  (Pièces  justif.  n"  XVI.)  —  Thou  (de).  Histoire  universelle,  t.  X,  p.  349- 
—  Mémoires-journaux  de  P.  de  UEstoile,  t.  III,  p.  176.  —  Cayei  (l'aima), 
Chronologie  novenaire,  p.  61. 

4.  Thou  (dei.  Histoire  universelle,  t.   \,  p.  34<j. 


LES    AUDACES    DE    GUISE  ICp 

un  traité  pour  la  défense  des  prérogatives  du  prélat.  L'ouvrage 
parait  quelque  temps  après  en  dix  chapitres.  S'appuyant  sur  les 
texles  des  juristes,  l'auteur  conclut  au  triomphe  de  l'oncle  sur 
le  neveu  *. 

Guise  et  le  cardinal  sont  arrivés  à  leur  but.  Après  avoir  fait 
déclarer  aux  huguenots  une  guerre  sans  merci  qu'ils  entre- 
tiennent depuis  i585  par  la  crainte  qu'ils  inspirent,  après  avoir 
écarté  du  trône  le  roi  de  Navarre  grâce  à  l'excommunication 
de  Sixte  Quint,  ils  viennent  de  l'en  faire  exclure  par  Henri  111 
lui-même.  Mais  le  Lorrain  ne  peut-il  espérer  mieux  ?  L'édit 
du  ii  juillet  défend  expressément  de  reconnaître  pour  roi  un 
prince  «  hérétique  ou  fauteur  d'hérésie  ».  Or,  au  cours  de  la 
dernière  guerre,  tous  les  Bourbons,  sauf  toutefois  le  cardinal 
de  Vendôme,  ont  favorisé  Navarre.  Ils  se  trouvent  donc  privés 
de  tout  droit  à  la  couronne.  Guise  saura  s'en  souvenir. 


La  diversité  de  leurs  espérances  devait  nuire  à  l'accord  entre 
les  deux  alliés  au  fur  et  à  mesure  que  celles-ci  approchaient  de 
la  réalisation. 

Après  la  journée  des  Barricades,  ils  se  délient  des  intentions 
de  Henri  III  à  leur  égard.  Guise  surtout,  qui  se  sent  le  plus 
coupable,  ne  se  rend  à  Blois  pour  la  réunion  des  États  géné- 
raux que  lorsqu'il  est  assuré  qu'on  ne  peut  rien  tenter  contre 
lui.  Il  ne  craint  le  roi,  dit-il,  que  dans  ses  appartements,  mais 
il  dit  fort  juste.  Aussi  le  duc  et  le  cardinal,  Ions  deux  compro- 
mis, s'entr'aident,  et,  quand  le  souverain  se  permet  de  traiter 
leurs  derniers  actes  de  révolte,  ils  protestent  énergiquement  et 
le  forcent  à  retirer  ses  paroles  -. 


i.  Trûicté  sur  la  déclaration  du  roy  pour  les  droits  de  prérogative  de  mon- 
seigneur  le  cardinal  de  Bourbon.  Paris,  râ.x.s,  in-8°,  r58  pages.  —  L'ouvrage 
parut  anonyme,  mais  l'attribution  à  Antoine  Ilolnian  esl  certaine,  si  l'on 
en  croit  de  Tlion,  Histoire  universelle,  t.  \.  p.  35o. 

a.  Cayet  ( l'aimai,  Chronologie,  novenaire,  p.  72.  —  Thon  idei,  Histoire  uni- 
verselle, t.  \,  p.  391-392. 


tqt)  LE    ROLE    POLITIQUE    DL    CARDINAL    DE    BOURBON 

Par  plusieurs  fois  Henri  de  Lorraine,  toujours  en  éveil,  fait 
appel  à  son  allié  dont  la  vieillesse  s'endort  un  peu.  Les  habi- 
tants de  -Langres  ont  abattu  un  certain  mur  qui  réunissait 
révêché  à  une  tour  des  remparts,  car  le  roi  leur  a  confié  la 
garde  de  la  ville  et,  disent  ils,  ils  ne  peuvent  en  répondre  s'ils 
ne  sont  pas  maîtres  des  tours.  Comme  l'évêque  a  porté  plainte 
an  conseil,  Guise  y  mène  le  cardinal  *«  exprès  pour  cela  ».  et 
les  réclamations  des  deux  hommes  sont  si  vives  que,  sans 
vouloir  entendre  les  délégués  des  Langrois,  on  leur  donne 
tort1.  Cependant  Cuise  use  de  moins  en  moins  de  ce  procédé. 
Il  est  assez  fort  par  lui-même  pour  ne  plus  avoir  besoin  de 
chercher  un  appui  auprès  du  vieillard.  Jusqu'à  présent  son 
audace  lui  a  pleinement  réussi  et  il  pense  qu'il  se  rendra 
toujours  maître  de  Henri  [II  «  par  bravade,  car  c'est  un  roi 
qui  veut  qu'on  lui  fasse  peur2  ». 

Le  cardinal  de  Bourbon,  selon  le  mot  de  l'ambassadeur  tos- 
can, est  toujours  «  archicatholique  :)  ».  Il  a  voué  à  l'hérésie 
une  haine  implacable  et  si  violente  que  la  mort  subite  de  son 
neveu  le  prince  de  Condé,  qui  disparaît  à  trente-cinq  ans  et 
dans  des  circonstances  fort  bizarres,  ne  lui  cause  aucun  regret. 
Il  y  voit  seulement  une  manifestation  de  la  justice  divine  *. 
Son  unique  souci  est  la  lutte  contre  les  huguenots  et  il  travaille 
«  en  tout  ce  qui  [lui]  est  possible  pour  le  nerf  de  la  guerre  5  ». 
Cependant  il  semble  bien  qu'il  se  soit  produit  quelques  chan- 
gements dans  sa  conduite.  Ses  relations  avec  Guise  ne  sont  plus 
telles  qu'elles  ont  été. 

Dans  les  derniers  mois  de  1087 ,  le  vieillard  fil  un  long  séjour 
à  Paris  près  de  Catherine  de  Médieis,  alors  que  Henri  de  Lor- 
raine; était  à  l'armée  et  que  son  frère,  le  cardinal,  restait  dans 

1.  Thou  (de),  Histoire  universelle,  t.  \,  p.  463. 

■>..  Mémoires-journaux  de  P.  de  VEsloile,  t.  III.  p.  227. 
..  3.  Négociations  diplom.  avec  ht  Toscane,  t.  IV,  p.  ~\\)  :  de  Taris,  11  févr.  1 588. 

4.  Mémoires-journaux  de  P.  de  L'Est&ik,  t.  HT,  p.  i3o.  —  Le  prince  de 
Gondé  mourut  le  •">  mars  ifiSS,  et  sa  femme,  Charlotte  de  La  Trémoitle.  l'ut 
accusée  de  l'avoir  empoisonné. 

f>.  Bibl.  \al.,  f.  i'r.,  ms.  3Ju,  i"  44,  autogr.  ;  lettre  <ln  card.  de  Bourbon 
au  dur  de  \evers,  de  l'lois,  i9  dée.  if>88. 


LES    AUDACES    DE    GUISE  1 97 

son  archevêché  de  Reims,  En  i585  le  duc  en  eût  pris  quelques 
soupçons,  mais  non  plus  alors,  certain  qu'il  était  des  intentions 
du  cardinal.  Cette  sûreté  fut  peut  être  exagérée  vu  la  mobilité 
du  vieillard. 

Un  incident  survint,  qui  troubla  fort  le  prélat.  Ce  fut  la 
mauvaise  volonté  que  mit  le  cardinal  de  Guise  à  seconder  le  roi 
dans  sa  lutte  contre  le  clergé,  son  obstination  à  refuser  tout 
consentement  pour  L'aliénation  des  biens  d'église,  quoique  le 
nonce  lui  eût  promis  de  le  faire  délier  de  son  serment.  La 
guerre  était  cependant  dirigée  contre  les  huguenots  et  un  grand 
succès  eût  pu  être  définitif. 

De  même  qu'il  s'était  étonné  de  l'attitude  du  cardinal  de 
Guise,  il  ne  comprit  pas  davantage  les  mille  difficultés  soule- 
vées par  son  parti  en  Picardie.  Croyant  à  un  malentendu,  il  se 
fit  fort  de  l'apaiser.  Mais  un  court  séjour  auprès  de  son  allié 
lui  eut  bientôt  appris  qu'un  accord  avec  le  roi  n'était  point 
chose  facile.  11  retomba  sous  l'influence  de  Guise. 

Cependant  il  ne  fut  point  seul  à  Soissons  au  milieu  des 
ligueurs.  Près  de  lui  se  trouvait  un  de  ses  neveux,  qui  n'avait 
pas  jusqu'ici  montré  grande  amitié  pour  les  Lorrains  et  dont  la 
fine  intelligence  et  la  jeune  ambition  allaient  se  révéler  peu  à 
peu.  C'était  le  cardinal  de  Vendôme,  qui,  alors  que  ses  frères 
s'en  vinrent  rejoindre  le  roi  de  Navarre,  resta  en  cour  et  sem- 
bla s'attacher  davantage  à  son  oncle.  Sa  présence  dut  faire 
songer  quelquefois  le  cardinal  à  sa  famille.  De  Thou  dit  même 
que  Henri  111  Pavai!  envoyée  Soissons  pour  contrecarrer  l'in- 
fluence de  Guise  4. 

Un  fait  certain  est  que  depuis  janvier  i588  et  surtout  depuis 
la  journée  des  Barricades  Henri  de  Lorraine  a  pris  en  lui- 
même  une  confiance  extrême,  justifiée  d'ailleurs  par  ses  succès. 
H  ne  se  dissimule  plus  derrière  le  cardinal  comme  au  cours 
des  années  précédentes  :  ses  audaces  laissent  mieux  voir  au 
vieillard  quelque  peu  délaissé  la  révolte  où  il  esl  entraîné.  Or, 
si  le  due  n'a  pour  Henri  III  que  du  mépris,   certainement  le 

i.  Thou  (de),  Hlsloir<>  universelle,  t.  \,  p.  282. 


IC)8  LE    RÔLE    POLITIQUE    DU    CARDIN  VL    DE    ROURRON 

prélat  conserve  d'autres  sentiments  vis-à-vis  de  la  majesté 
royale. 

Il  a  accueilli  avec  joie  sa  reconnaissance  par  le  roi  comme 
héritier  présomptif  de  la  couronne,  car  elle  exclue  définitive- 
ment l'hérétique  du  trône  de  France.  Il  a  fait  hautement 
publier  la  priorité  de  ses  droits  sur  ceux  de  son  neveu.  Mais 
espère-t-il  encore  succédera  Henri  III.  dont  rien  ne  fait  prévoir 
la  mort  prochaine  ?  La  faiblesse  l'accable  chaque  jour  d'avan- 
tage. Cette  année  i588  lui  a  réservé  de  cruelles  souffrances;  il 
a  été  malade  de  longs  jours.  Un  de  ses  partisans,  qui  ne  peut 
être  suspecté  puisqu'il  compose  un  traité  pour  soutenir  ses 
prétentions  contre  celles  du  Béarnais,  écrit  vers  la  fin  de  cette 
année  :  «  Je  croy  bien  que  monsieur  le  cardinal  est  de  si  bon 
naturel  que,  si  le  roi  de  Navarre  son  nepveu  estoit  bon  catho- 
lique, il  ne  luy  voudrait  envier  la  succession  du  royaume  *.  » 
Aussi  pourrait-on  croire  à  la  sincérité  de  ses  paroles,  quand 
le  prélat  déclare  dans  une  lettre  à  Sixte-Quint  que  son  plus 
grand  désir  est  de  rendre  la  dignité  à  la  religion  catholique 
par  le  châtiment  des  hérétiques,  l'autorité  au  pape  et  au  Saint- 
Siège,  la  sécurité  aux  gens  de  bien  et  au  roi  très-chrétien  2. 
Toujours  est  il  qu'il  n'entre  plus  aussi  complètement  dans  les 
desseins  de  Henri  de  Lorraine. 

Un  incident,  dont  on  ne  peut  pas.  il  est  vrai,  tirer  grande 
conséquence,  se  produisit  pendant  que  la  cour  était  à  Blois 
pour  la  tenue  des  États  généraux.  Les  divisions  qui  existaient 
entre  le  roi,  les  princes  et  seigneurs,  affirme  de  Thou,  se  mani- 
festaient également  chez  leurs  serviteurs.  Un  jour  les  pages  des 
cardinaux  de  Bourbon  et  de  Vendôme  se  prirent  de  querelle 
avec  ceux  du  duc  de  Guise.  Ce  furent  les  pages  du  cardinal  de 
Bourbon  qui  attaquèrent.  Il  y  eut  plusieurs  morts  et  on  parvint 
à  grand'peine  à  séparer  les  combattants.  Une  querelle  de  pages 

i.  Advertissementsur  les  lettres  octroyées  à  monsieur  le  cardinal  de  Bourbon. 
S.  1.,  i588,  in-8°. 

2.  Arch.  du  Vatican  ;  letlere  délia  segreteria  di  stato,  nunziatura  di 
Francia,  t.  XXIII,  p.  2^2,  orig.  ;  lettre  du  caïd,  de  Bourbon  au  pape,  de 
Blois,  28  sept.   1088.  (Pièces  justif.  n°  XVIII.; 


LES    AUDACES    DE    CUISE  I99 

prouve  certainement  peu.  et  le  mot  de  Henri  III  qui  répéta 
tout  bas  que  les  pages  du  cardinal  de  Bourbon  avaient  plus 
d'esprit  que  leur  maître,  puisqu'ils  savaient  fort  bien  défendre 
les  intérêts  de  sa  maison  contre  laquelle  il  se  déclarait,  montre 
que  le  prélat  était  encore  étroitement  uni  à  Guise1.  Mais  cet 
incident  peut  être  le  signe  d'un  rapprochement  avec  sa  famille, 
s'il  n'est  celui  d'une  rupture  avec  le  Lorrain. 

Un  indice  plus  significatif  se  révéla  lors  de  la  rentrée  en 
grâce  des  Bourbons  catholiques.  Guise  s'était  réjoui  de  voir  les 
deux  frères  de  Coudé,  le  prince  de  Conti  et  le  comte  de  Soissons, 
s'allier  à  Navarre  au  cours  de  la  guerre  de  1087.  Tandis  que  le 
prince  rejoignait  les  troupes  allemandes,  le  comte  combattait 
à  Coutras.  Cette  nouvelle  trahison  à  la  cause  royale  augmenta 
encore  le  discrédit  jeté  sur  la  maison  de  Bourbon.  Cepen- 
dant, dès  décembre  1687,  Conti  demanda  pardon  au  roi  et  jura 
de  ne  plus  porter  les  armes  contre  lui-  ;  mais  son  retour  à  la 
cour  fit  peu  de  bruit,  tant  le  malheureux  prince  comptait  peu. 

Il  n'en  fut  pas  de  même  du  comte  de  Soissons.  Celui-ci  avait 
cru  à  une  victoire  plus  définitive  du  Béarnais,  et,  comme  il  per- 
dait également  l'espérance  d'obtenir  la  main  de  Catherine  de 
Bourbon,  il  s'en  vint,  le  21  juillet,  trouver  Henri  III  à  Mantes 
et  lui  demanda  pardon  pour  ses  erreurs  passées.  Le  roi  le  lui 
promit  volontiers,  mais,  comme  on  l'accusait  du  meurtre  de 
Joyeuse  sur  le  champ  de  bataille  de  Coutras,  il  lui  enjoignit 
de  se  retirer  dans  ses  terres  jusqu'à  ce  qu'il  le  mandat :!.  L'exil 
ne  dura  point.  Dès  les  premiers  jours  d'août  le  jeune  homme 
fut  rappelé  en  cour.  Il  y  vint  accompagné  de  son  cousin,  le  duc 
de  Montpensier,  et  d'une  grande  suite  de  noblesse  4.  Quelques 

1.  Bibl.  Nat.,  f,  ital.,  ms.  17.H7,  p.  2/J5,  copie;  dép.  des  ambass.  véni- 
tiens, de  Paris,  g  oct.  [588.  —  Thou  (de),    Histoire  universelle,  t.  \,  p.  4i5. 

2.  Bibl.  Nat.,  f.  ital  ,  ms.  17^6,  p.  3o5,  copie;  dép.  des  ambass.  vénitiens, 
de  Paris,  17  déc.  1587. 

3.  Bibl.  Nat.,  f.  ital.,  ms.  17.^7,  p.  187,  copie  ;  dép.  des  ambass.  vénitiens, 
de  Paris,  2(1  jnill.  i588.  —  Mémoires-journaux  de  P.  de  L'Estoile,  t.  NI, 
p.  172. 

4.  Bibl.  Nat.,  f.  ital.,  ms.  1737,  p.  197,  copie  ;dép.  des  ambass.  vénitiens, 
de  Paris,  n  août  1 588. 


200  LE    ROLE    POLITIQUE    DI     CARDINAL    DE    ROURBON 

jours  après,  le  20  août,  des  lettres  patentes  lui  accordèrent  le 
pardon,  en  écartant  tous  les  soupçons  de  meurtre  qui  pesaient 
sur  lui  *. 

Ce  retour  mécontenta  fort  Henri  de  Lorraine.  C'était  un 
Bourbon  catholique  qui  allait  maintenant  se  trouver  entre  le 
roi  et  lui  ;  il  voulut  s'y  opposer.  Lorsque  les  lettres  de  grâce 
vinrent  au  parlement  pour  y  être  enregistrées,  le  peuple  de 
Paris  pénétra  dans  la  salle,  et  au  milieu  d'un  tumulte  indes- 
criptible une  protestation  fut  rédigée  :  l'un  des  émeutiers  pro- 
mit même  d'y  faire  apposer,  s'il  le  fallait,  plus  de  trente  mille 
signatures.  Le  premier  président  dut  lever  la  séance  et  différer 
l'enregistrement  2. 

Cetle  manifestation  ne  suffit  point  à  Guise.  Il  lit  introduire 
dans  le  cahier  de  la  ville  de  Paris,  que  les  députés  portèrent 
aux  Etats  de  Blois.  un  vœu  tendant  à  faire  déclarer  le  comte 
indigne  de  la  couronne  comme  fauteur  d'hérétiques,  car,  quoi- 
qu'il eût  combattu  dans  les  rangs  huguenots,  il  n'avait  jamais 
abandonné  le  catholicisme.  Mais  cette  motion  n'eut  point  de 
suite  et  fut  rejetée  par  la  majorité  du  Tiers-État  3. 

En  i585  le  cardinal  n'avait  pas  hésité  à  sacrifier  son  neveu, 
lorsque  Guise  lui  avait  montré  que  l'intérêt  du  parti  voulait 
un  mariage  entre  Catherine  de  Gonzaguc  et  son  fils,  le  prince 
de  Joinville.  Maintenant  il  n'en  est  plus  de  même.  Pendant 
que  le  duc  s'efforce  d'empêcher  la  réhabilitation  du  comte  de 
Soissons.  le  vieillard  favorise  sa  rentrée  en  grâce.  Pour  la  pre- 
mière fois  une  divergence  de  vues  se  produit  entre  les  deux 
alliés,  et  la  cause  en  est  l'affection  que  le  prélat  porte  à  son 
sang. 

Tandis  que  le  comte  sollicitait  de  Rome  son  absolution  i.  que 

1.  Vrch.  Nat.,  K  1068,  n°  90,  copie;  lettres  de  grâce  données  à  Chartres, 
le  20  août  i588. 

2.  Bibl.  Nat.,  f.  ital.,  ras.  1737,  p.  227,  copie  ;  dép.  des  ambass.  vénitiens, 
de  Paris,  8  sept.  i588.  —  Mémoires-journaux  de  P.  de  L'Estoile,  t.  lit,  p.  184. 
—  Le  texte  de  la   requête   au  parlement   et  la  réponse    du  parlement   se 

.trouvent  en  copie  aux  Vrch.  Nat.,  K  1.Ï69,  n°  90. 
'  3.  Robiquet  (P.),  Paris  et  la  Ligue,  p.  459. 
'1      Vrch.  du  Vatican;  lettere    délia    segreteria  di   stato,    nunziatura  di 


LES    AUDACES    DE    G  LISE  201 

la  princesse  de  Gondé,  sa  mère,  suppliail  Le  légat  de  s'entre- 
mettre en  sa  faveur1,  le  cardinal  écrivit  lui-même  à  Sixlc- 
Quint.  Il  déclara  que  seules  de  fâcheuses  espérances  avaient 
attiré  son  neveu  au  parti  huguenot  sans  d'ailleurs  le  faire 
renoncer  à  ses  croyances,  et  qu'il  en  rapportait  plus  vive  la 
haine  de  l'hérésie2.  Dès  les  premiers  jours  d'octobre,  le  pardon 
de  Rome  arriva  en  cour  et  le  i3  au  soir  le  légat  donna  au 
comte  l'absolution.  Après  la  cérémonie,  le  cardinal  de  Bourbon 
et  la  princesse  vinrent  remercier  chaudement  le  légal  de  ses 
bons  offices  3. 

Il  restait  encore  à  obtenir  le  pardon  du  prince  de  Conti.  Le 
cardinal  écrivit  de  nouveau  à  Rome  4.  Le  3i  décembre  le  prince 
reçut  à  son  tour  l'absolution  :'  ;  mais  cette  fois  le  prélat  ne  put 
assister  à  la  cérémonie. 

Depuis  huit  jours  il  était  en  prison.  Henri  III  s'était  enfin 
vengé  des  audaces  de  la  Ligue.  Il  avait  fait  massacrer  Guise  et 
son  frère  le  cardinal.  Quant  au  vieillard,  il  payait  de  sa  liberté 
son  alliance  avec  les  Lorrains. 

Francia,  t.  XXIV,  p.  io3,  copie  ;  lettre  du  comte  de  Soissons  au  pape,  d'En- 
ghien,  21  août  i588. 

1.  Yrcli.  du  Vatican  ;  lettere  delta  segreteria  di  stato,  nunziatura  di 
Francia,  t.  XXII,  p.  117,  orig.  ;  dép.  du  légat  Morosini  au  cardinal  de  \lon- 
talto,  de  Chartres,  a4  août  i588. 

t.  Ibid,  t.  XXIII,  p.  219,  copie  ;  lettre  du  card.  de  Bourbon  au  pape,  de 
Chartres,  aa  août  1088. 

3.  Ibid.,  t.  XXII,  p.  3n,  orig.;  dép.  du  légat  Morosini  au  card.  de  Mon- 
talto,  de  Blois,  i5  oct.  i588.  — Négociations  diploin.  avec  lu  Toscane,  t.  IN, 
p.  82(1;  de  Blois,  i3  oct.  1088. 

A.  Ibid.,  t.  XXII.  p.  3g5,  orig.  ;  dép.  du  légat  Morosini  au  card.  de  Montalto, 
de  Blois,  8  nov.  i58S. 

5.  Ibid.,  t.  XXII,  p.  58i,  orig.  ;  dép.  du  même  au  même,  de  Blois, 
ier  janv.  iTiSi). 


TROISIEME     PARTIE 


CHARLES    X 


CHAPITRE    PREMIER 


LA     DECHEANCE     DE     HENRI     III 


Au  matin  du  23  décembre,  le  cardinal  de  Bourbon  souffrant 
depuis  quelques  jours  gardait  le  lit  au  lieu  de  se  rendre  au 
conseil,  quand  le  sieur  de  Château  vieux,  capitaine  des  gardes, 
vint  le  prier  au  nom  du  roi  de  ne  point  sortir  de  sa  chambre 
avant  d'avoir  reçu  de  nouveaux  ordres  ;  en  même  temps 
l'officier  plaça  des  soldats  dans  son  antichambre  et  sa  garde- 
robe  J.  Depuis  quelques  instants  Henri  de  Lorraine  était  mort 
et  le  cardinal  de  Guise  attendait  l'arrivée  de  ses  bourreaux. 

Ce  fut  un  terrible  coup  pour  le  prélat.  Au  sentiment  de  peur 
bien  naturel  qui  l'envahit,  se  joignit  la  colère  d'avoir  été 
trompé  et  .d'être  réduit  à  l'impuissance.  Lorsque  Catherine, 
malade  elle-même,  vint  lui  rendre  visite  en  souvenir  de  la 
vieille  amitié  qui  les  unissait,  il  n'hésita  pas  à  l'accuser  de 
L'avoir  mené  à  la  boucherie  ainsi  que  les  deux  Lorrains.  Elle 
en  fut  si  affectée  qu'à  son  retour  elle  se  coucha,  et,  sa  maladie 
s'aggravant.  quelques  jours  après  elle  expira-. 

i.  Arch.  \at.,  K.  1567,  n"  19G  ;  relation  espagnole  de  ce  qui  s'est  passé  à 
Blois  du  a3  au  a5  déc.  1088.  —  Du  Breul  (.T.),  La  vie  de  Charles  de  Bourbon, 
p.  5.  —  Mémoires-journaux  de  P,  de  L'Estoile,  t.  III.  p.  200.  —  Thon  (de), 
Histoire  universelle,  t.  X,  p.  ^72- 

■>..  Arch.  Mat.,  K  1570,  n°  18,  déchiffr.  ;  dép.  de  Mendoça  à  Philippe  II,  de 
La  Chaussée-Saint  \  ictor,  20  janv.  1089.  —  Négociations  diplom.  avec  la 
Toscane,  t.  I\  ,  p.  8')\  ;  de  Hlois,  6  janv.  1589.  —  Mémoires-journaux  de  /'.  de 


2CT|  LE    ROLE    POLITIQUE    DU    CARDINAL    DE    BOURBON 

Le  cardinal  n'avail  cependant  point  à  craindre  pour  sa  vie. 
Henri  III  connaissait  trop  sa  faiblesse  pour  la  redouter.  Son 
unique  pensée  en  l'arrêtant  fut  de  l'enlever  à  ses  adversaires, 
pour  qu'ils  n'en  lissent  point  une  arme  contre  lui  '. 

Les  choses  se  passèrent  en  effet  comme  il  le  prévoyait.  A 
Paris  la  nouvelle  de  l'exécution  de  Blois  fui  le  signal  de  la 
révolte.  La  ville  choisit  comme  gouverneur  le  duc  d'Aûmale, 
le  seul  présent  parmi  les  chefs  ligueurs,  et  envoya  chercher 
Mayenne.  Il  était  donc  sage  de  ne  pas  augmenter  la  force  des 
rebelles  en  leur  abandonnant  le  cardinal  de  Bourbon.  Person- 
nellement il  ne  pouvait  leur  être  d'un  grand  secours,  mais  sa 
présence  parmi  eux  eût  presque  légitimé  leur  révolte  contre 
un  roi  parjure,  assassin,  fauteur  d'hérésie,  dont  ils  réclamaient 
à  grands  cris  l'abjuration.  C'est  pourquoi,  sans  avoir  d'hostiles 
intentions  vis-à-vis  du  vieillard,  Henri  III  refusa  de  le  mettre 
en  liberté. 

Ce  ne  furent  cependant  pas  les  sollicitations  qui  manquèrent, 
Le  prélat,  que  sa  bonhomie  rendait  sympathique  malgré  ses 
défauts,  était  alors  travaillé  par  la  cruelle  maladie  qui  devait 
l'emporter.  Bouleversé  par  les  événements  des  derniers  jours, 
il  fut  pris  «  d'une  difficulté  et  ardeur  d'urine  qu'il  jettoit  rouge 
comme  sang-  »,  et  sa  malheureuse  personne  excita  plus  la  pitié 
que  la   haine.  La   princesse  de  Coudé,    se    souvenant  de    son 


L'Estoile,  t.  Ht,  p.  23a.  —  Thou  (de).  Histoire  universelle,  t.  \,  p.  5oi.  — 
Brantôme,  Œuvres,  t.  VII,  p.  Aoi.  —  Gaufreteau  iJ.  de),  Chronique  borde- 
loise,  t.  I,  p.  297. 

1.  Négociations  diplom.  avec  la  Toscane,  t.  IV,  p.  483;  de  Blois,  24  déc. 
i588.  —  D'après  un  récit  ligueur  d'ailleurs  invraisemblable,  le  roi  aurait 
fait  amener  devant  lui  le  cardinal  de  Bourbon  aussitôt  après  le  meurtre  de 
Guise,  l'aurait  appelé  «  marotte,  vieil  fol  et  sotte  teste  »,  et,  lui  montrant  le 
cadavre  à  ses  pieds,  il  lui  aurait  dit  :  «  Wstoit  vostre  vieil  aage,  je  vous  en 
ferois  faire  autant;  encore  ne  sai-je  ce  que  je  feray.  Vous  voulez  estre  la 
seconde  personne  en  mon  royaume;  vous  le  méritez  fort  bien,  .levons  fera  y 
si  petit  que  rien  plus.  »  (Histoire  au  rrai  du  meurtre  et  assassinat  du  due  de 
<iuise,  Paris,  i58<),  in-8°.) 

■>..  Bibl.  Nat.,  f.'fr,,  ms.  3978,  fn  211,  autogr. ;  lettre  de  Marian  de  Mar- 
timpos  à  la  duebesse  de  INevers,  de  Fonlenav  le-Goinle,  i5  mars  1690, 
Pièces  justif.,  n°  XXII.) 


LA    DECHEANGE    DE    HENRI    III  2C. 

attitude  lors  de  la  rentrée  en  grâce  du  comte  de  Soissons,  vint 

supplier  le  roi  de  pardonner  à  la  vieillesse  de  son  beau -frère, 
qu'avaient  trompé  les  caresses  du  Lorrain  ;  mais  le  souverain 
fut  inflexible  '.  La  princesse,  la  duchesse  de  Nevers  ne  purent 
qu'apporter  leurs  consolations  au  prélat  et  le  laisser  croire  à 
des  jouis  meilleurs  -. 

Sixte-Quint  réclama  également  sa  mise  en  liberté.  Henri  III. 
en  luisant  massacrer  le  cardinal  de  Guise,  s'était  rendu  cou- 
pable d'un  crime  fort  grave,  caria  dignité  cardinalice  de  l'arche- 
vêque  de  Reims  le  mettait  sous  la  seule  dépendance  de  Home, 
et  porter  la  main  sur  lui  était  méconnaître  l'autorité  du  Saint- 
Siège.  L'acte  parut  d'autant  plus  condamnable  que  le  roi  ne 
semblait  pas  le  regretter,  puisqu'il  retenait  dans  ses  prisons 
deux  des  principaux  membres  du  clergé,  le  cardinal  de  Bourbon 
et  l'archevêque  de  Lyon  arrêté  en  même  temps  que  lui  :!. 

Toutefois  Sixte-Quint  se  montra  prêt  à  échanger  son  pardon 
contre  les  deux  captifs  qu'il  désirait  avoir  pour  en  tirer  lui- 
même  bonne  justice.  On  pouvait  craindre  en  vérité  (pie  leui 
transfèreinent  à  Konie  n'offrît  d'excellentes  occasions  à  un 
enlèvement,  mais  le  duc  de  Panne  se  chargea  de  les  y  conduire 
en  toute  sécurité,  ('elle  immixtion  d'un  général  espagnol  dans 
les  affaires  de  son  royaume  déplut  à  Henri  III.  Il  fallut  cherche! 
un  antre  terrain  d'entente  ' . 

Le  pape,  toujours  plus  conciliant,  déclara  se  contenter  d'un 
simple  écrit  du  roi  affirmant  que  les  deux  prélats  étaient  gardés 
par  ses  gens,  mais  au  nom  dn  légat,  t  ne  maladresse  de  ce 
dernier  rompit  l'accord  presque  parfait.  Croyant  qu'il  ne 
pouvait    rester  plus  longtemps   auprès   d'un    souverain  à  demi 

i.  Ségociations  dipiom,  avec  /"  Toscane,  1.  I\.  p.  859-860;  de  Blois, 
g  lr\ r.   1  589. 

•..  l'.iM.  \al.,  I'.  fi.,  ms.  3363,  f°  [97,  autogr.  :  lettre  du  card.  de  Bourbon 
au  duc  de  Nevers,  de  Bl ois,  i4  janv.  [889,  publiée  dans  Le  <:<ti>iuci  histo 
rique,  t.  III.  p-  s55. 

3.  Thou  (de),  Histoire  universelle,  t.  V  p.  543.-  Hûbner,  Sixte-Quint, 
l.  M.  p.  228.        L'Épinois  (H.  de),  La  Ligue  ei  1rs  papes,  |>.  3o4. 

I.  Tliou  (de),  Hisloihe  universelle,  t.  \.  [».  546.  Hûbner,  Sixte-Quint, 
1.  II.  o.  228. 


2o6  LE    ROLE    POLITIQUE    DL    CARDINAL    DE    UOIRBON 

excommunié,  il  quitta  la  cour  ;  Henri  III  garda  ses  prisonniers1. 

Devant   cette  obstination    Sixte-Quinl    céda   aux    prières  de 

Philippe  II  et  des  ligueurs.  Le  5   mai  il  publia  un  monitoire 

ordonnant  au  roi  de  France  de  mettre  en  liberté  dans  l'espace 
de  dix  joins  le  cardinal  de  Bourbon  et  l'archevêque  de  Lyon,  cl 
de  lui  en  donner  avis  par  un  acte  authentique  signé  de  sa  main 
el  scellé  do  son  sceau  :  le  roi  était  aussi  ténu  de  comparaître  à 
Rome  en  personne  on  par  procureur  dans  un  délai  de  deux 
mois  pour  rendre  compte  de  l'assassinat  commis  à  Blois  et  de 
l'emprisonnement  des  deux  prélats2. 

Ce  monitoire.  qui  parvint  en  France  au  milieu  de  juin, 
n'effraya  pas  Henri  III  dont  les  troupes  se  joignaient  déjà  à 
celles  du  roi  de  Navarre.  Il  s'efforça  an  contraire  de  mettre  ses 
captifs  hors  de  toute  atteinte. 


Dans  la  matinée  du  20  décembre,  en  même  temps  que  le 
cardinal  de  Bourbon  et  l'archevêque  de  Lyon,  le  roi  avait  fait 
arrêter  le  prince  de  Joinville,  le  duc  de  Nemours  et  la  duchesse 
sa  mère,  le  duc  d'Elbeuf,  le  président  de  Neuilly  et  le  prévôt 
des  marchands  de  Paris.  Son  but,  en  les  retenant  prisonniers, 
fut  de  conserver  des  otages  et  d'enlever  des  chefs  à  la  Ligue  ; 
mats  à  aucun  moment  il  ne  songea  à  leur  faire  subir  le  sort 
des  Lorrains  3.  La  duchesse  de  Nemours,  que  son  âge  et  son 
sexe  rendaient  inoffensive,  recouvra  même  bientôt  la  libellé. 
Les  autres  au  contraire  furent  étroitement  surveillés. 

Comme  le  château  de  Blois  était  peu  facile  à  défendre  contre 
un  coup  de  main  el  que  Mayenne  s'approchait  d'Orléans  avec 
des   troupes,   Henri  III  jugea  prudent  d'éloigner  ses  captifs  et 


1.  Tliou  (de),    Histoire  universelle,  t.  \.  p.  548  cl  606.  —  llùbner,  Sixte- 
Quint,  !..  II,  p.  a3i.  —  L'Épinois  (II.  de),  La  Ligue  cl  les  papes,  p.  .'<o8. 
■>..  Thou(de),    Histoire  universelle,  t.  \,   p.  607.  —  llùbner,    Sixte-Quint, 

t.  II,  p.  >.'.\-  à  ^'io. 

'.\.   Hibl.  Vil.,  f.  ital.,  ms.    17^7,  p.    3/17,  copie;    dt'-p.    des  ainbass.    \éni- 
tiens,  Hé  Saini  Die,  a8  déc.  1 588. 


L\    DECHEANCE    DE    HENHI    III  20" 

décida  de  les  transférera  Amboise,  l'une  des  plus  fortes  places 
du  royaume.  Le  gouverneur,  Rilly,  était  un  gentilhomme  de 
la  province  qui  avait  souvent  prouvé  son  dévoùment  à  la 
cause  royale.  Henri  III  eut  cependant  plus  de  confiance  en  du 
Gast,  capitaine  de  ses  gardes,  qui  avait  assassiné  de  sa  main  le 
cardinal  de  Guise,  car  ce  meurtre  semblait  répondre  de  sa 
fidélité.  11  lui  donna  le  gouvernement  de  la  ville  avec  deux 
compagnies  de  gens  de  pied,  l'une  française  et  l'autre  suisse1. 
Le  départ  des  prisonniers  de  Blois  fut  fixé  au  dernier  jour 
de  janvier2.  Dans  la  nuit  du  3o  au  3i  le  duc  de  Nemours 
s'évada.  Cette  fuite  ne  changea  rien  au  programme.  Les  captifs, 
placés  sur  deux  barques  pour  éviter  une  surprise  et  accom- 
pagnés par  tous  les  gardes  du  roi,  descendirent  la  Loire  jusqu'à 
Amboise.  Quelques  heures  plus  tard  Henri  III  les  rejoignit, 
amenant  la  duchesse  de  Nemours  qu'il  avait  fait  arrêter  de 
nouveau  en  apprenant  l'évasion  de  son  fils.  Après  avoir  visité 
en  personne  les  chambres  qu'ils  devaient  occuper,  le  roi  revint 
à  Blois,  certain  de  les  avoir  laissés  sous  bonne  garde  3.  Or  du 
Gast  ne  devait  pas  justifier  sa  confiance. 


i.  Négociations  diplom.  arec  la  Toscane,  t.  IV,  p.  860;  de  Blois,  9  févr. 
i58g.  —  Thou(dc),  Histoire  universelle,  t.  X,  p.  485. 

■>..  Bibl.  Nat.,  f.  ital.,  nis.  1737,  p.  874.  copie;  dép.  des  ambass.  vénitiens, 
de  Vendôme,  3i  janv.  1089. 

3.  Arch.  Nat.,  K  1570,  n°  45  ;  «  relacion  de  lo  que  ha  subcedido  en  \m- 
boyse  despues  del  arrivo  de  los  prisioneros.  »  -  Bibl.  Nat.,  f.  ital.,  nis.  1737, 
p.  409,  copie;  dép.  des  ambass.  vénitiens,  de  Blois,  3i  janv.  1089.  —  Cayet 
(l'aima),  Chronologie  novenaire,  p.  96.  —  Davila,  Histoire  des  guerres  civiles, 
I.  11,  p.  4o4.  —  D'après  Le  martyre  des  deux  frères,  publié  dans  Archives 
curieuses,  1"  série,  t.  XII,  p.  ioô,  le  malin  du  transfèrement  des  prisonniers, 
Henri  III  fit  lever  avant  le  jour  le  cardinal  de  Bourbon  et  la  duchesse  de 
Nemours,  sans  respect  pour  leur  vieillesse,  et,  «  estant  la  dicte  dame  sur  la 
grève  attendant  le  basleau,  regardant  devers  le  chasleau  où  ayant  advisé 
l'effigie  du  roy  Loys  douziesme  son  ayeul,  dit  :  «  Monsieur,  jamais  vous 
n'avez  fait  construire  ceste  maison  vostre  pour  servir  de  forest  ny  de 
massacre  à  vos  petits  enfants  »>,  qui  occasionna  la  pluspart  des  assistants 
de  jetter  plusieurs  larmes.  »  Ce  récit  semble  inventé,  puisque  d'après 
l'ambassadeur  vénitien  la  duchesse  de  Nemours  ne  partit  pas  avec  les 
autres  prisonniers.  Cependant  P.  Matthieu  dans  son  Histoire  de  France, 
t.  I,  p.  708,  en  admet  l'authenticité. 


ao8  li<;  kole  politique  du  caudinal  de  bourbon 

Henri  111  avait  alors  comme  maître  de  sa  garde-robe  un 
certain  sieur  de  Longnac,  que  la  puissance  d'Epernon  avait 
élevé  jusqu'à  en  faire  un  familier  du  roi.  Longnac  n'était 
montré  l'un  des  premiers  partisan  du  meurtre  des  Lorrains  et 
il  avait  joué  le  principal  rôle  dans  l'assassinat  du  duc.  En 
récompense  le  roi  le  gratifia  des  gouvernements  de  l'Anjou  et 
de  la  Touraine,  mais  ces  provinces  en  manifestèrent  un  tel 
mécontentement  que  Henri  111,  peu  constant  dans  ses  affections, 
y  \il  un  motif  suffisant  pour  lui  retirer  sa  faveur.  Longnac  te 
prévint:  il  s'enfuit  une  nuit  de  la  cour  et  se  rendit  à  Amboise. 
près  de  du  (iast.  qui   lui  devait  en  partie  sa  fortune1. 

L'ex-favori  trouvait  là  une  occasion  unique  de  se  venger  du 
roi.  Il  sut  démontrer  à  son  ami  qu'il  tenait  un  trésor  entre  ses 
mains.  Du  (iast  l'avait  déjà  compris  en  écoutant  les  belles 
promesses  que  lui  faisait  la  femme  de  La  Chapelle-Marteau, 
prévôt  des  marchands  de  Paris,  qui  venait  au  nom  de  la  ville 
réclamer  la  mise  en  liberté  de  son  mari  et  de  ses  compagnons  -. 
11  ne  résisla  pas  longtemps  aux  sollicitations  des  plus  habiles 
de  ses  captifs,  l'archevêque  de  Lyon  et  le  prévôt  des  marchands. 
En  peu  de  jours  des  pourparlers  s'engagèrent  entre  les  deux 
capitaines  et  les  ligueurs  parisiens  3. 

Dès  qu'il  connut  l'arrivée  de  Longnac  à  Amboise.  Henri  III 
soupçonna  la  trahison.  Il  voulut  la  prévenir.  Ayant  appris 
que  son  ancien  familier  était  sorti  de  la  ville  pour  quelque 
temps,  il  se  hâta  d'y  envoyer  le  sieur  tic  Larchant,  capitaine 
des  gardes,  avec  ordre  de  ramener  les  deux  principaux  pri- 
sonniers, le  cardinal  de  Bourbon  et  le  prince  de  Join ville, 
devenu  duc  de  Guise  par  la  mort  de  son  père.  Mais  Longnac 
était  déjà  de  retour.  D'accord  avec  du  Gast,  il  répondit  au 
messager  royal  qu'il  était  fort  peiné  de  la  défiance  de  Henri  111 


i.  lîibl.  Vit..  I'.  iliil..  ma.  1 7-"»7 .  p.  \->.>.,  copie  ;  dcp.  des  anibass.  \cmlicns. 
de  l'.lois,  ()  lï'\r..  [£89.  —  Pasquier  iKt.i.  Œuvres,  l.  II,  p.  383. 

■>.  V ici  1 .  \;d..l\  !.">-!>,  11"  \'i  ;  «  rclacion  de  In  (pic  lia  subcedido  en  IstlbÔYSQ 
despucs  (Ici  arrive  de  los  prisionen».   » 

3.  Pasquier  (Et.),  Œuvres,  l.  Il,  p.  383.  —  Thou  (de),  Histoire  universelle, 
I.  \,  p.  5og.  —  Davila,  Histoire  des  guerre»  civiles,  l.  II.  p.  (45, 


LA    DECHEANCE    DL'    HENRI    III  2O0 

vis-à-vis  de  lui,  mais  que  certainement  les  captifs  ne  seraient 
jamais  en  d'aussi  bonnes  mains  que  les  siennes  ;  en  consé- 
quence il  les  gardait.  D'ailleurs,  ajouta  t-il,  le  cardinal  de 
Bourbon  souffrait  de  violentes  attaques  de  goutte  qui  inter- 
disaient tout  voyage  '.  Le  roi.  désormais  certain  des  intentions 
des  deux  complices,  résolut  d'agir  rapidement. 

Dès  le  lendemain  le  cardinal  de  Lénoncourt  partit  pour 
Amboise  avec  ordre  de  ramener  à  tout  prix  les  prisonniers  ; 
quelques  compagnies  de  la  garde  royale  le  suivaient  à  distance 
pour  les  recevoir.  Or  Lénoncourt  revint  à  Blois  le  16  sans  avoir 
rien  obtenu.  Au  contraire,  il  avait  appris  ce  qui  se  tramait 
entre  les  ligueurs  et  les  capitaines.  Ceux-ci  exigeaient  en 
échange  des  captifs  deux  cent  mille  écus  et  pour  chacun  une 
ville  de  sûreté.  Mayenne  leur  en  promettait  cent  vingt  mille 
sans  sûretés,  mais  les  priait  d'envoyer  à  Paris  quelque  messager 
pour  faciliter  la  négociation  -.  Ces  rapports  n'étaient  plus 
ignorés  et  les  capitaines  déclarèrent  même  à  Lénoncourt  qu'ils 
avaient  promis  aux  ligueurs  de  délivrer  les  prisonniers  et  qu'ils 
ne  failliraient  pas  à  leur  parole  3.  Les  traîtres  ne  manquaient 
point  d'audace. 

Toutefois,  gardant  encore  quelque  espérance,  le  roi  envoya 
un  troisième  messager,  l'abbé  del  Bene.  L'abbé  suivit,  une 
lactique  nouvelle.  Il  engagea  fort  les  deux  hommes  à  se  délier 
des  assurances  des  ligueurs,  car,  n'étant  pas  assez  puissants  par 
eux  mêmes  pour  formuler  des  exigences,  il  leur  faudrait  néces- 
sairement chercher  un  appui  soif  auprès  du  roi.  soif  auprès  des 


i.  Arch.  Nafci,  K  1570,  n"  !\b  ;  «  relacion  de  lo  que  lia  subcedido  en  Vlnboyse 
despues  del  arrive» de  los  prisioneros.  »  —  Bibl.  Xat.,  f.  ilal.,  111s.  1737,  p.  433 
et  437i  copie  ;  dép.  des  ambass.  vénitiens,  de  Vendôme,  i3  el  17  févr.   1 589. 

2.  Bibl.  Nat.,  f.  fr.,  ms.  10197,  f°  n5,  orig.  ;  «  Journal  de  François  ».  — 
Mémoires-journaux  de  P.  de  L'Estoile,  1.  III,  p.  353.  —  Le  «  Journal  de 
François  »  dit  faussement  que  les  Ligueurs  accordèrenl  deux  cent  nulle 
écus. 

3.  Bibl.  Nat.,  f.  ital..  ms.  1707,  p.  $.37,  copie  ;  dép.  des  ambass.  vénitiens, 
de  Vendôme,  17  févr.  1  .~>8<j.  —  Arcb.  Nat.,  K  1570,  n  J5  ;  «  relacion  de  lo  que 
lia  subcedido  en  Ainboyse  despucs  del  arrive-  de  los  prisioneros.  »  —  Négo- 
ciations diplom.  avec  la  Toscane,  t.  IV,  p.  881  ;  de  Blois.  17  févr.  i.")8g, 

S.Yii.Miiu.   —  Cardinal  de  Bourbon.  1 '1 


'JIO  LE    RÔLE    POLITIQUE    Dl     CARDINAL    DE    BOURBON 

Lorrains  ;  ceux-ci  ne  désiraient  rien  plus  que  venger  la  mort  des 
leurs  et  chacun  savait  que  les  capitaines  étaient  les  plus  com- 
promis parmi  les  meurtriers  ;  ils  avaient  donc  tout  avantage  à 
regagner  la  faveur  royale.  Cependant  l'éloquence  de  l'abbé  ne 
sut  convaincre  Longnac  ni  du  Gast,  qui,  en  sa  présence, 
acceptèrent  dix  mille  écus  d'un  messager  de  Mayenne,  acompte 
des  cent  vingt  mille  promis.  Tout  espoir  sembla  perdu,  quand 
on  eut  appris  que,  conformément  à  la  demande  des  ligueurs, 
ils  avaient  envoyé  des  agents  à  Paris1. 

Les  sieurs  Bourbonne,  oncle  de  Longnac,  et  Olphan  du  Gast, 
frère  du  capitaine,  vinrent  traiter  avec  les  princes  catholiques 
et  la  municipalité.  On  décida  qu'ils  recevraient  trente  mille 
écus  comptant  et  le  reste  quand  on  livrerait  les  prisonniers. 
On  passa  contrat  par  devant  notaire,  que  la  municipalité 
ratifia  le  27  février,  et  sur-le-champ  Bourbonne  et  du  Gast 
touchèrent  douze  mille  écus2. 

Cependant,  à  \mboise,  les  paroles  de  l'abbé  del  Bene  avaient 
justement  impressionné  les  capitaines.  Ils  craignirent  de  rester  les 
dupes  de  toutes  ces  intrigues  d'autant  plus  que  le  maréchal  d' A.11- 
mont  et  ses  troupes  royales  occupaient  la  campagne,  rendant 
presque  impossible  la  communication  avec  les  Parisiens :î,  et 
qu'eux-mêmes  étaient  à  peine  sûrs  de  la  fidélité  de  leurs  soldats. 
En  effet  un  complot  se  forma  parmi  la  garnison  du  château 
pour  livrer  les  prisonniers  à  Henri  III.  Le  coupable,  un  lieu- 
tenant de  du  Gast,  fut  dénoncé,  mais  il  trouva  assez  de  par- 
tisans cachés  pour  s'enfuir  impunément4. 

1.  Bibl.  Nat.,  f.  ital.,  ms.  1787,  p.  444,  copie  :  dép.  des  anibass.  vénitiens, 
de  Vendôme,  i3  févr.  1J89. 

a.  Arch.  du  Vatican  :  lctlere  delta  segreleria  di  slato.  nunzialura  di 
Francia,  t.  XXI,  p.  69,  orig.  ;  lettre  anonyme,  de  Paris,  ic'  et  4  mars  1089. 
(Pièces  justif.  n°  XIX).  —  Bibl.  Nat.,  f.  fr.,  ms.  10197,  f"  11.")  ;  «  Journal  de 
François  ». 

3.  Arch.  Nat.,  K  1Ô70,  n"  45  ;  a  relacion  de  lo  que  ha  subcedido  en  Amboyse 
despues  del  arrivo  de  los  prisioneros.  » 

4.  Arch.  Nat.,  K  1570,  11"  45  ;  «  relacion  de  lo  que  ha  subcedido  en  Amboyse 
despues  del  arrivo  de  los  prisioneros.  »  —  Bibl.  Nat.,  f.  ital.,  ms.  173'!.  p.  444. 
copie  ;  dép.  des  ambass.  vénitiens,  de  Vendôme,  a3  févr.  1589. 


LA    DECHEANCE    DE    HENRI    lll  211 

Toutes  ces  raisons   rendirent   perplexes  les  deux  complices 
qui  consentirent  enfin  à  faire  connaître  au  roi  leurs  conditions. 
Elles    furent,   il   est  vrai,   exorbitantes.    Longnac   réclama    les 
gouvernements  de  l'Anjou,  du   Maine  et  de  la  Touraine,  qu'il 
n'avait   pu  occuper  qu'en   partie,    le    château  d'Amboise  bien 
garni  de  vingt  mille  écus  de  munitions,  et  une  somme  d'argent. 
Du  Gast  demanda  également  une  somme  d'argent,  Boulogne  et 
Valence  et  des  munitions  dans  chaque  place1.  Henri   III  était 
incapable   de    satisfaire   à    toutes  ces    exigences.  Cependant  il 
voulut  bien  les  examiner,  espérant  gagner  ainsi  quelque  délai. 
C'était   agir  habilement,  car  des    difficultés,    suscitées    sans 
doute  par  la   rivalité   d'intérêts,  s'élevèrent   bientôt  entre   les 
deux  capitaines.  Du  Gast  écrivit  au  roi  qu'il  ne  désirait   rien 
autre  chose  que  sa  bonne   grâce,    qu'il   tenait  les    prisonniers 
pour   lui  et  se  montrerait  toujours  bon  serviteur.  De  son  côté 
Longnac  lui  fit  dire  qu'il  se  contenterait  de  lui  obéir  et  ne  se 
départirait  jamais  plus  de  ses    commandements2.  Ces  déclara- 
tions étaient  un    signe  non  équivoque  de    discorde.  Du  Gast, 
plus  habile  que  Longnac  et  aussi  moins  coupable,  résolut  de  se 
débarrasser  de  son   complice.  Sous  le    prétexte   que    certaines 
gens  rôdaient  dans  la  campagne,  il  le  fit  sortir  d'Amboise  avec 
quelques    soldats.    Quand,  après  une    course  vaine.    Longnac 
voulut  rentrer  dans  la  ville,  il  trouva  les  portes  closes3. 

Du  Gast  resté  seul  se  montra  beaucoup  plus  facile.  Un  certain 
capitaine  Gotz,  son  compatriote,  avec  lequel  il  avait  contracté 
une  forte  amitié  au  jeu,  vint  lui  répéter  les  paroles  de  l'abbé 
del  Bene.  Il  fut  bientôt  décidé  qu'il  loucherait  trente  mille  écus 
comptant  et  conserverait  la  ville  et  le  château  d'Amboise  avec 

i.  Bibl.  Nat.,  f.  ital.,  ms.  1 70^.  p.  \\\,  copie  ;  dép.  des  ambass.  vénitiens, 
de  Vendôme,  23  févr.  1589. 

■>.  Bibl.  Nat.,f.  ital.,  111s.  1 7 3 7 .  p,  i5o,  copie;  dép:  des  ambass.  vénitiens, 
de  Vendôme,  a5  févr.  1589. 

3.  Axch.  du  Vatican  :  letterc  délia  segreleria  di  stato,  nunziatura  di 
Francia,  t.  XXII,  f'  8a3  v°,  orig.  ;  dép.  de  Morospii,  légat,  au  cardinal  de 
Montalto,  do  Blois,  2  mars  1589.  —  Pasquicr,  Œuvres,  t.  Il,  p.  383.  — 
Longnac  se  retira  dans  ses  terres  de  Gascogne,  où  il  fut  tué  peu  après  d'un 
coup  do  pistolet  par  un  do  ses  voisins. 


212  LE    ROLE    POLITIQUE    DU    CARDINAL    DE    BOURBON 

double  garnison  ;  moyennant  quoi  il  remettrait  au  roi  le 
cardinal  de  Bourbon,  le  jeune  duc  de  Guise  et  le  ducd'Elbeuf, 
gardant  les  autres  prisonniers  pour  en  tirer  rançon  1.  Les  trente 
mille  écus  Furent  payés  immédiatement  et  du  Gast  abandonna 
ses  trois  captifs  au  sieur  de  Larchant,  qui  les  emmena  rapide- 
ment en  coche  au  château  de  Blois  où  ils  furent  emprisonnés2. 
Pendant  ce  temps  les  ligueurs  parisiens,  confiants  dans  les 
contrats  passés,  s'apprêtaient  à  remettre  aux  agents  des  capi- 
taines le  reste  des  trente  mille  écus  promis  et  à  envoyer  une 
troupe  de  cavaliers  au  devant  des  princes  prisonniers,  quand 
ils  apprirent  leur  transfèremenl  à  Blois.  Furieux  de  s'être 
laissés  devancer,  ils  feignirent  de  croire  à  une  ruse  de  Henri  I II , 
qui,  d'entente  avec  les  capitaines  d'Amboise,  aurait  voulu 
leur  extorquer  de  l'argent  et  prendre  encore  dans  un  guel- 
apens  quelques-uns  de  leurs  chefs.  Ils  firent  arrêter  sur-le-champ 
Bourbonne  et  du  Gast  et  saisirent  les  douze  mille  écus  déjà 
livrés.  Il  était  temps.  Les  deux  agents,  sans  doute  prévenus, 
avaient  acheté  des  perruques  et  se  disposaient  à  fuir.  Ils  furent 
conduits  à  la  Bastille3. 

Après  de  telles  alarmes,  Henri  III  chercha  pour  ses  prison- 
niers mie  retraite  sure.  Il  songea  peut-être  à  les  remettre  au  roi 
de  Navarre  en  garantie  de  l'alliance  qu'il  venait  de  contracter 


i.  Pasquler,  Œavres,  t.  II,  p.  383.  —  Ttiou  (de),  Histoire  universelle,  t.  X, 
]>.  .KM).  —  Les  autres  prisonniers  étaient  l'archevêque  de  Lyon,  le  président 
de  Neuilly  et  La  Chapelle-Marteau.  La  duchesse  de  Nemours  avait  été 
remise  en  liberté  (1rs  le  commencement  de  février  et  s'était  retirée  à  Paris. 

■i.  \rch.  du  Vatican  :  lettere  delta  segrelcria  di  stalo.  nun/.iatura  di 
Franeia,  l.  XXI,  p.  6g,  orig.;  lettre  anonyme,  de  Paris,  î''1  et  1  mars  r58g. 
(Pièces  justif.  n°  \I\).  \rrli.  \al..  K  1570,  n°  i5  ;  <<  relacion  deloqueha 
subcedido  en  A.mbqysé  despues  de]  arrivo  de  los  prisiOneros.  »  —  Cayèt 
(Palma),  Chronologie  novehaire,  p.  97.  Ce  dernier  dit  que  le  roi  vint  lui-même 
à  \ml>niM'.  c'est  peu  probable  vu  les  précautions  prises  par  Henri  III  pour 
ne  point  exciter  ta  défiance  de  du  Gast. 

3.  Anii.  du  Vatican:  lettere  délia  segrelcria  di  stalo.  nunziatura  di 
Franeia,  t.  XXI,  p.  Gq,  orig.  ;  lettre  anonyme,  de  Paris,  1"  et  1  mars  i58g. 
(Pièces justif i  n1  \l\i.  — Bibl.  Mat.,  f.  fr.,  ms.  101117,  '""  M"';  ((  Journal  de 
François  ».  —  Bourbonne  el  du  Gasl  furent  échangés  peu  de  temps  après 
contre  l.a  Chapelle-Marteau,  prévosl  des  marchands  de  Paris. 


LA    DECHEANCE    DE    HENRI    III  2IÔ 

avec  lui,  et,  s'il  Paul  en  croire  un  documenl  parisien,  à  les 
envoyer  même  en  Angleterre1.  Cependant  il  fixa  son  choix  sur 
Loches,  où  il  fit  préparer  les  logements,  et,  quittant  Blois  le 
3  mars,  il  les  accompagna  lui-même  jusqu'à  Tours,  passant  un 
peu  au  sud  d'Amhoise  pour  ne  pas  inquiéter  du  Gast2. 

S;i  préoccupation  constante  vis-à-vis  de  ses  captifs  se  marque 
par  sou  indécision.  De  Tours  ils  sont  conduits  au  château  de 
La  Bourdaizière,  où  ils  restent  quelque  temps  sous  la  surveil- 
lance du  sieur  de  Manon,  capitaine  des  gardes3.  Aux  environs 
de  la  mi-carême  ils  gagnent  Azay-le-Rideau,  et,  sans  doute  pour 
prévenir  toute  trahison,  le  sieur  de  Clermont  d'Entraguc  rem- 
place le  sieur  de  Manou  dans  sa  charge  de  geôlier.  Enfin  le 
roi  croit  prudent  de  séparer  les  prisonniers.  Après  Quasimodo, 
taudis  que  les  ducs  de  Guise  et  d'Elheuf  reviennent  à  Tours,  le 
premier  pour  y  rester,  le  second  pour  s'en  aller  à  Loches,  le 
cardinal  de  Bourhon  seul  cette  fois  est  conduit  à  Chinon  par 
les  soins  du  sieur  de  Larchant4. 


i.  Arch.  du  Vatican  :  lettere  délia  segreteria  di  slato,  nunziatura  di 
Francia,  t.  XXI.  p.  69.  orig.  :  lettre  anonyme  de  Paris,  cet  \  mars  1589. 
(Pièces  justif.  n°  XIX.) 

■1.  Arch.  Nat.,  K  1J70,  n"  78,  déchifir.  ;  dép.  de  Mendoea  à  Philippe  II,  de 
Saint-Victor,  'i  mars  1589.  —  Bibl.  Nat.,  f.  ital.,  ms.  1788,  f°  2,  copie  ;  dép. 
des  ambass.  vénitiens,  de  Blois,  3  mars  1089.  —  S'il  faut  en  croire  le 
«  Journal  de  François  »  (Bibl.  Nat.,  f.  fr.,  ms.  10197,  f°  116  v°),  au  cours 
de  ce  voyage  le  sieur  de  Sagonne  et  quelques  autres  gentilshommes  ligueurs 
faillirent  s'emparer  des  prisonniers.  Ils  attaquèrent  l'escorte  du  roi  au 
moment  où  elle  sortait  de  Blois,  et  celle-ci  dut  se  retirer  vivement  et  se  réfu- 
gier derrière  les  remparts  de  la  ville.  Palma  Cayet,  dans  sa  Chronologie 
novenaire,  p.  107,  col.  2,  altirmequece  ne  fut  qu'une  simple  escarmouche, 
où  les  troupes  royales  vite  remises  de  leur  surprise  chassèrent  devant  elles 
les  cavaliers  de  Sagonne. 

3.  L'Épinois  (H.  de),  dans  Lu  Ligne  cl  les  papes,  p.  3i'(,  appelle  le  geôlier 
Monsieur  de  Marcé,  frère  de  Monsieur  d'O.  Cette  erreur  doit  s'expliquer  par 
une  faute  de  lecture,  car  Jean  d'O,  sieur  de  Manou,  était  en  efifel  frère 
puîné  du  sieur  d'O,  surintendant  des  finances. 

',.  Bibl.  Nat..  f.  fr.,  ms.  3798,  f '  :>  11 ,  autogr.  :  lettre  de  Marian  de  Mar- 
limbos  à  la  duchesse  de  Nevers,  de  Fontenay-le-Comte,  [5  mars  [590. 
(Pièces justif.  q°XXI1).  —  Bibl.  Nat.,  f.  ital.,  ms.  17.Ï8,  f»  20,  copie:  dép. 
des  ambass.  vénitiens,  de  Tours,  ai  avril  [58g.       Thon  (de).    Histoire   uni- 


2  14  LE    ROLE    POLITIQUE    DU    CARDINAL    DE    BOURBON 

Le  gouverneur  du  château  et  de  la  ville  était  François  Le  Roi 
de  Chavigny,  vieillard  aveugle,  mais  d'une  fidélité  à  toute 
épreuve  et  d'une  mâle  énergie,  que  sa  femme  intelligente  et 
bonne  secondait  habilement  dans  ses  fonctions.  Tout  en  se 
montrant  plein  de  bienveillance  vis-à-vis  de  son  prisonnier,  il 
établit  autour  de  lui  une  garde  sévère  pour  déjouer  les  intrigues 
qu'auraient  pu  ourdir  les  serviteurs  du  prélat  ;  et  quelques-uns 
d'entre  eux  eussent  même  payé  fort  cher  leur  simple  constance 
envers  leur  maître  sans  l'intervention  du  cardinal  de  Ven- 
dôme1. 

Tous  ces  voyages  successifs  avaient  fatigué  le  vieillard. 
Durant  son  séjour  à  Chinon,  il  fut  repris  d'attaques  de  goutte 
et  <(  d'une  fiebvre  lente  avecq  ung  desgouttement  qui  lui  dura 
plus  d'ung  moys2  ».  Cependant  sa  captivité  était  douce.  Traité 
avec  la  plus  grande  déférence  par  ses  geôliers,  même  lorsque 
la  surveillance  fut  sévère,  il  passait  presque  tout  son  temps  à 
prier  Dieu,  lui  «  estant  d'une  grande  consolation   de   le  pou- 


verselle,  t.  X,  p.  582.  —  Davila,  Histoire  des  guerres  civiles,  t.  II,  p.  445.  — 
Du  Breul  (J.),  La  vie  de  Charles  de  Bourbon,  p.  6. 

Le  duc  d'Elbeuf,  envoyé  à  Loches,  fut  confié  à  la  garde  de  Gaillard  de 
Sallerm,  créature  du  duc  d'Épernon.  Le  duc  de  Guise  resta  au  château  de 
Tours  commandé  par  Rouvre,  lieutenant  de  la  compagnie  des  gardes  du 
sieur  d'O.  Les  ambass.  vénitiens,  dans  leur  dépêche  du  18  mars  1089, 
(Ribl.  Nat.,  f.  ital.,  ms.  1738,  f°  6  v°,  copie),  déclarent  qu'à  cette  époque  les 
trois  prisonniers  étaient  à  Chinon  ;  erreur,  qui  doit  être  expliquée  par  le 
soin  avec  lequel  on  dissimulait  la  marche  des  prisonniers.  Les  ordres 
n'étaient  donnés  qu'au  dernier  moment.  «  M.  de  Menou,  écrit  le  cardinal 
de  Rourbon,  nous  a  adverty  de  nous  tenir  prest  à  partir  d'icy  à  demain 
au  matin  pour  aller  dans  un  château  qui  lui  sera  déclaré  par  les  guide  et 
escorte,  qui  lui  seront  envoyés  pour  nous  y  conduire.  »  Cf.  Ribl.  Nat.. 
f.  fr.,  ms.  3363,  f°  ao3,  autogr.  ;  lettre  du  card.  de  Rourbon  à  ses  neveux, 
le  cardinal  de  Vendôme  et  le  comte  de  Soissons,  s.  1.  n.  d.,  publiée  dans 
Le  Cabinet  historique,  t.  III,  p.  256. 

1.  Ribl.  Nat.,  f.  fr.,  ms.  3978,  f"  211,  autogr.  ;  lettre  de  Marian  de  Mar- 
timbos  à  la  duchesse  de  Nevers,  de  Fontenay-le-Comte,  i5  mars  1090. 
(Pièces  justif.  n°  XXII).  —  Thou  (de),  Histoire  universelle,  t.  X,  p.  082.  — 
Du  Rreul  (J.),  Vie  de  Charles  de  Bourbon,  p.  6. 

2.  Ribl.  Nat.,  f.  fr.,  ms.  3978,  f°  211,  autogr.;  lettre  de  Marian  de  Mar- 
timbos  à  la  duchesse  de  Nevers,  de  Fontenay-le-Comte,  i5  mars  1090. 
(Pièces  justif.  n°  XXII.) 


LA    DECHEANCE    DE    HENRI    III  210 

voyr...  servir  sans  aucun  destourbier.  Je  le  prye,  écrivait-il  au 
duc  de  Nevers,  qu'il  veuille  regarder  de  son  œil  de  pitié  ce 
pauvre  royaume  désolé1  ».  Son  seul  souci  était  que  «  par  la 
division  des  catholiques,  les  hérétiques  n'advancent  leurs 
affaires2  »,  sa  seule  crainte  de  tomber  entre  leurs  mains. 
Lorsqu'il  apprit  qu'on  allait  le  conduire  à  Azay  et  que  désormais 
aucune  rivière  importante  ne  le  séparerait  plus  des  premiers 
postes  huguenots,  il  supplia  ses  neveux,  le  cardinal  de  Ven- 
dôme et  le  comte  de  Soissons,  d'obtenir  du  roi  le  changement 
de  sa  résidence.  «  Je  ne  vous  ay  point  importuné  de  telle  prière 
depuys  tantost  trois  mois  que  je  suys  prisonnier,  mais  le 
danger  où  je  me  voys  me  fet  entrer  en  désespoir  tel  que,  si  vous 
ne  vous  employez  à  ce  besoin,  chacun  pensera  que  je  seray 
abandonné  de  tous  les  myens,  desquels  j'ay  deu  espérer  con- 
solation et  support3.  »  Malgré  leur  intervention,  le  roi  envoya 
le  prisonnier  à  A.zay.  puis  à  Chinon,  à  quelques  lieues  seule- 
ment de  Châtellerault  qu'occupait  le  roi  de  Navarre.  Ce  fut 
peut  être  une  des  raisons  de  la  fièvre  lente  qui  rongea  le 
vieillard  durant  plus  d'un  mois. 


Pendant  que  Henri  III  veillait  sur  ses  prisonniers,  il  perdait 
à  Paris  le  peu  d'autorité  qu'il  conservait  encore.  A  la  nouvelle 
de  la  mort  des  Lorrains,  ce  ne  fut  dans  la  capitale  qu'un  cri 
d'indignation    contre    l'assassin.    Sa    justification  fut   rejetée, 


i.  Bibl.  Nat.,  f.  fr.,  ms.  3363,  f°  aoo,  autogr.  ;  lettre  du  card.  de  Bour- 
bon au  duc  de  Nevers,  d'Amboise,  ao  févr.  i58(),  publiée  dans  Le  Cabinet 
historique,  t.  III,  p.  207. 

2.  Bibl.  Nat.,  f.  fr.,  ms.  3363,  f°  197,  autogr.  ;  lettre  du  card.  de  Bour- 
bon au  duc  de  Nevers,  de  Blois,  1  \  janv.  1589,  publiée  dans  Le  Cabinet 
historique,  t.  III,  p.  2.")."). 

3.  Bibl.  Nat.,  f.  fr.,  ms.  3363,  f°  2o3,  autogr.  ;  lettre  du  card.  de  Bourbon 
à  ses  neveux  le  card.  de  Vendôme  et  le  comte  de  Soissons,  s.  1.  n.  d., 
publiée  dans  Le  Cabinet  historique,  t.  lit,  p.  a56  ;  mais  on  doit  y  corriger 
M.  de  Montauband  et  l'Isle  Brébard  en  M.  de  Martimbaud  et  l'Isle-Boucbard 
(ch.-l.   de  canton,  Indre-et-Loire). 


2lG  LE    RÔLE    POLITIQUE    ni"    CARDINAL    DE    BOURBON 

scs  menaces  raillées.  Un  prédicateur  fameux.  Boucher,  com- 
mença un  traité  dont  le  titre  seul  De  justa  Henrici  III  abdi- 
eatione  est  assez  significatif1.  La  Sorbonne  décida  d'excommu- 
nier le  tyran  et  de  délier  ses  sujets  du  serment  de  fidélité  ; 
ayant  appris  qu'elle  ne  le  pouvait  pas.  elle  sollicita  le  pape  de 
le  faire"2.  Du  moins  elle  raya  son  nom  du  canon  de  la  messe, 
interdit  les  prières  en  sa  faveur  et  les  remplaça  par  quelques 
oraisons  pour  la  conservation  des  princes  catholiques3. 

A  la  ville,  qui  ne  reconnaissait  plus  l'autorité  de  Henri  de 
Valois,  il  fallut  une  organisation  nouvelle.  En  l'absence  de 
Mayenne,  les  bourgeois  choisirent  comme  gouverneur  le  duc 
d"  \umale  ;  le  nom  du  roi  disparut  des  édits  et  des  mandements; 
le  parlement  cessa  de  l'invoquer  pour  rendre  la  justice4. 
Lorsqu'aux  premiers  jours  de  février  Mayenne  entra  dans  Paris, 
il  proposa  la  création  d'un  conseil  général  de  l'Union  des 
catholiques  composé  de  gens  des  trois  états,  auxquels  il  fit 
adjoindre,  pour  s'en  rendre  maître,  quelques  bourgeois 
influents,  la  municipalité  et  les  principaux  membres  du  parle- 
ment. Quelques  jours  plus  tard  ce  conseil,  qu'il  venait  de  créer, 
le  nommait  lieutenant-général  du  royaume  en  attendant  la 
réunion  des  États  généraux.  Dès  lors  le  nouveau  gouvernement 
fut  régulièrement  organisé  et  eut  son  sceau  propre  au  nom  du 
royaume  de  France.  «  Charles  de  Lorraine,  duc  de  Mayenne, 
pair  et  lieutenant  général  de  Testât  royal  et  couronne  de 
France,  et  le  conseil  général  de  l'Union  des  catholicques  eslably 
à  Paris,  attendant  l'assemblée  des  Estatz  du  royaume  »  eurent 
en  mains  tout  le  pouvoir5. 


i.  Thou  (de),  Histoire  universelle,  t.  \,  p.  095. 

2.  Bibl.  \al.,  f.  ital.,  ms.  1 7^7,  p.  071,  copie;  dép.  des  anibass.  vénitiens, 
de  Vendôme,  lajanv.  1089. 

3.  Thou  (de),  Histoire  universelle,  t.  X,  p.  09G. 

i.  Bibl.  Nat.,  f.  fr.,  ms.  10 197,  f°  io3  ;  «  Journal  de  François  ».  —  Robi- 
quet  (P.  ,  Paris  et  la  Ligne,  p.  490  et  507. 

5.  Advis  de  Messieurs  du  conseil  général  de  l'Union  des  catholiques  establis 
à  Paris  sur  la  nomination  et  éle<-li<>n  de  monseigneur  le  duc  de  Mayenne,  pair 
de  France,  pour  lui  estre  donne  le  titre  de  lieutenant  général  de  l'estal  royal  et 
couronne  île  France,  attendant  l'assemblée  des  Estais  de  ce  royaume,  avec  arrest 


LA    DÉCHÉANCE    DE    HENRI    III  21 7 

Ce  qui  caractérise  ce  gouvernement  entièrement  révolu- 
tionnaire, dont  Mayenne  est  le  chef  et  qui  étend  sa  puissance 
aussi  loin  que  s'étend  la  Ligue,  c'est  qu'il  ne  reconnaît  point  de 
roi  et  attend  la  solution  des  difficultés  dans  la  réunion  des 
États  généraux.  On  eût  pu  croire,  et  Henri  111  le  redoutait, 
qu'en  refusant  de  reconnaître  son  autorité  les  ligueurs  lui 
opposeraient  un  rival,  tout  désigné  d'ailleurs  par  la  longue 
campagne  qu'ils  avaient  menée  en  faveur  du  cardinal  de 
Bourbon.  Soit  par  timidité,  soit  par  un  dernier  respect  de  la 
majesté  royale,  soit  plutôt  par  manque  de  clairvoyance  et  d'ha- 
bileté, les  chefs  de  la  Ligue  ne  proclamèrent  point  de  suc- 
cesseur au  tyran  déchu  et  remirent  toute  souveraineté  à  la 
nation. 

Il  semble  en  effet  qu'avec  Guise  ait  disparu  le  cardinal  de 
Bourbon,  jadis  premier  prince  du  sang  et  héritier  présomptif 
de  la  couronne.  Il  ne  revient  à  la  mémoire  des  ligueurs  que 
comme  un  simple  prisonnier  partageant  le  sort  de  l'archevêque 
de  Lyon  ou  du  prévôt  des  marchands.  Quand  il  apparaît,  c'est 
toujours  dans  des  manifestations  dirigées  contre  Henri  III  el 
demandant  la  mise  en  liberté  des  captifs  :  dans  une  lettre  de  la 
municipalité  parisienne,  qui  flétrit  les  assassinats  de  Blois  el 
s'élève  contre  la  détention  des  princes1;  dans  une  procession 
solennelle  faite  à  Rouen  pour  l'entrée  de  Mayenne,  où  trois 
compagnies  de  pénitents  portent  chacune  une  bannière  repré- 
sentant les  deux  premières  les  meurtres  des  Lorrains  et  la  troi- 
sième une  tour  aux  fenêtres  de  laquelle  on  aperçoit  le  cardinal 

de  la  cour  sur  ce  intervenu  et  le  serment  faict  par  ledit  seigneur.  Paris, 
i.">Si),  in-8".  —  Gayet  (Patina),  Chronologie  novenaire,  p.  io3.  —  Robiquet  I  P.  i, 
Paris  cl  la  Ligue,  p.  5a5  à  53i. 

La  formule  citée  fut  employée  en  tête  «les  actes,  quelquefois  avec  de 
très  légers  changements.  Il  y  eut  deux  sceaux,  portant  les  armes  de  France 
et  l'inscription  «  Le  scel  du  royaume  de  France  »,  différents  par  la  gran- 
deur, le  plus  grand  pour  le  conseil,  le  plus  petit  pour  les  parlements  et 
chancelleries.  Le  nom  du  duc  de  Mayenne  figura  en  tête  des  lettres  de 
grand  sceau;  les  arrêts  du  parlemenl  portèrent  «  les  gens  tenant  la  cour 
de  parlement  ».  et  les  autres  lettres  de  petite  chancellerie  «  les  gens  tenant 
la  chancellerie  ». 

i.   Robiquet  (P.),  Paris  et  lu  Ligue,  p.  5n,  note  i. 


2l8  LE    RÔLE    POLITIQUE    DU    CARDINAL    DE    BOURBON 

et  les  autres  prisonniers d  ;  dans  les  pamphlets,  dans  les 
estampes,  dans  les  gravures,  indices  de  la  haine  furieuse 
qu'inspire  le  tyran-.  Mais  le  sort  du  prince,  que  ses  droits  et 
la  religion  appellent  à  la  couronne,  n'intéresse  pas  plus  que 
celui  de  ses  compagnons  d'infortune.  Les  ligueurs  osent  même 
saisir  ses  revenus  et  c'est  à  peine  si,  sur  ses  réclamations,  ils 
lui  en   accordent  mainlevée  de  la   moitié :î. 

La   mort  de  Henri  III,   assassiné  le    Ier  août   1089,  change 
brusquement  la  situation. 


1.  Arch.  du  Vatican  :  lcttere  délia  segreteria  di  slato,  nunziatura  di 
Francia,  t.  XXI,  p.  69,  orig.  ;  lellre  anonyme,  de  Paris,  1"  et  4  mars  1.589. 
(Pièces  justif.  n°  XIX.) 

2.  M('-inoires-journaa.r  de  P.  de  L'Esloile,  t.  IV,  p.  3a,  33  et  43. 

3.  Bibl.  Nat.,  f.  fr.,  ms.  3996,  fu  82,  copie  ;  arrêt  du  parlement  accordant 
au  cardinal  de  Bourbon  mainlevée  de  la  moitié  de  ses  revenus,  rendu  le 
20  avril  i58g  sur  les  lettres  patentes  du  duc  de  Mayenne  et  du  conseil 
général  de  l'union  du  29  mars  iôSq.  —  Le  «  Journal  de  François  »  (Bibl. 
Nat.,  f.  fr.,  ms.  10197),  rédigé  à  Paris  à  cette  époque,  énumère  la  liste  des 
prisonniers  et  oublie  même  de  citer  parmi  eux  le  cardinal  de  Bourbon. 


CHAPITRE    IT 


LES    PRISONS    DU    CARDINAL 


La  disparition  de  Henri  III  dénoua  les  difficultés  où  l'inha- 
bileté de  ses  chefs  avait  entraîné  la  Ligue.  Vis-à-vis  de  l'usur- 
pateur qui  se  prétendait  roi  de  France  sous  le  nom  de  Henri  IV, 
on  proclama  Charles  X.  Cette  royauté  convenait  merveilleuse- 
ment aux  ligueurs  qu'elle  protégeait  contre  le  règne  de  l'hé- 
rétique, au  pape  qui  voyait  en  elle  un  moyen  de  sauver  la 
religion  en  préparant  l'accession  au  trône  d'un  successeur 
catholique  l,  à  Mayenne  enfin  qui  y  trouvait  l'assurance  cer- 
taine du  pouvoir.  Il  fallait  donc  à  tout  prix  s'emparer  de  la 
personne  du  prélat  et  le  couronner  roi  de  France. 

Mais,  pendant  que  Charles  de  Lorraine  sollicitait  Chavigny 
de  rendre  la  liberté  au  cardinal-  et  faisait  écrire  au  geôlier  par 
le  pape  lui-même3,  le  roi  de  Navarre  montrait  plus  d'intelli- 
gence et  d'activité.  Il  donna  ordre  à  l'un  de  ses  confidents 
intimes,  Duplessis-Mornay,  de  retirer  le  cardinal  de  Chinon 
«  sans  y  rien  espargner,  fût-ce  tout  son  bien4  ».  Bien  que 
souffrant.  Duplessis-Mornay  engagea  immédiatement  les  pour- 
parlers avec  Chavigny  et,  pour  que  celui-ci  put  mettre  sa  ville 
à  l'abri  d'une  surprise,  il  lui  fit  parvenir  des  renforts  5.  Aussi, 
quand  le  messager  de  Mayenne  arriva,  le  gouverneur  lui  déclara 


i.  Négociations  diplom,  avec  la  Toscane,  t.  V,  p.  56  ;  de  Rome,  2  sept.  i58g. 

2.  Bibl.  Nat.,  f.  ital.,  ms.  17.58,  f°  45,  copie  ;  dép.   des  arnbass.  vénitiens, 
de  Tours,  10  août  i58g. 

3.  Négociations  diplom.  a)<ec  la  Toscane,  t.  V,  p.  5g;  de  Rome,  16 sept.  i58g. 

4.  Mémoires  de  madame  Duplessis-Mornay,  t.  I,  p.  1 83. 

5.  Ibidem. 


220  LE    ROLE    POLITIQUE    DU    CARDINAL    DE    ROURROX 

qu'il  n'avait  entre  les  mains  qu'un  cardinal,  auquel  il  ne 
rendrai!  la  liberté  que  sur  l'ordre  du  roi  légitime  proclamé 
par  toute  l'armée  L 

Cependant  les  difficultés  étaient  loin  d'être  résolues.  Si  Cha- 
vigny  reconnaissait  l'autorité  de  Henri  IV,  il  ne  semblait  pas 
décidé  à  lui  remettre  promptcmcnt  son  prisonnier.  Le  sieur 
de  Manon,  qui  vint  le  trouver  de  sa  part,  ne  put  entrer  en 
rapport  avec  lui2.  Le  gouverneur  était  d'ailleurs  sollicité  par 
le  cardinal  de  Vendôme  et  le  comte  de  Soissons  de  ne  point  se 
dessaisir  de  leur  oncle,  sinon  pour  lui  donner  entière  liberté. 
Peut-être  ces  princes  gardaient-ils  quelque  espérance  dans 
l'avenir3  ?  D'autre  part  les  ligueurs  ne  perdaient  point  courage 
et  cherchaient  à  s'emparer  du  cardinal  malgré  son  geôlier. 
Quelques  jours  à  peine  s'étaient  écoulés  qu'un  complot  s'ourdit 
parmi  la  garnison.  Un  lieutenant  de  Chavigny,  d'accord  avec 
quelques  soldats,  devait  enlever  le  captif  ;  mais  tout  fut  décou- 
vert avant  l'exécution4. 

Duplessis-Mornay  n'en  poussa  que  plus  activement  les  pour- 
parlers. Il  gagna  Montsoreau  pour  se  rapprocber  de  Ghinon 
et,  par  l'intermédiaire  de  la  duchesse  d'Angoulême,  il  s'aboucha 
avec  madame  de  Chavigny.  On  convint  que  le  gouverneur 
recevrait  sur-le-champ  deux  mille  écus  nécessaires  à  l'entretien 
de  la  garnison  du  château  et  de  la  ville.  Duplcssis-Mornay  lui 
remettrait  six  mille  écus  comptant  au  moment  où  il  livrerait 
le  cardinal  et  quatorze  mille  six  mois  plus  tard5.  Pour  ne  point 
retarder  la  négociation,  le  protestant  emprunta  les  deux  mille 
écus  promis.  D'ailleurs  le  roi  de  Navarre  le  pressait  fort.  «Je 
vous  prie,  lui  écrivait-il,   faire  en    sorte    que   nous   tirions  cest 

i.  Bibl.  Nat.,  f.  ital.,  ms.  1738,  f°  45,  copie;  dép.  des  ambass.  vénitiens, 
de  Tours,  10  août  158g. 

■:>..   Mêmoiresdc  madame  Duplessis-Mornay,  t.  I,  p.  i83. 

3.  Mémoires  et  correspondance  de  Duplessis-Mornay,  t.  IV,  p.  617  ;  lettre  du 
card.  de  Vendôme  et  du  comte  de  Soissons  au  sieur  de  Chavigny,  de  Tours, 
6  août  i58<). 

4.  Bibl.  Nat.,  f.  ital.,  ms.  1738,  f°  48  v°,  copie  ;  dép.  desambass.  vénitiens, 
de  Tours,  28  août  1589. 

5.  \Jemoires de  madame  Duplessis-Mornay,  t.  I,  p.  i83. 


LLS    PRISONS    DL     CARDINAL  22  1 

homme  hors  de  là,  à   quoy  ne   faut   rien    espargner1.  »    Il   lui 

conseilla  de  se  rendre  en  personne  à  Chinon,  pour  que  (.lia 
vigny  le  remît  entre  ses  mains  propres  -.  Il  n'y  avait  point  de 
temps  à  perdre.  Les  ligueurs  continuaient  leurs  menées  ; 
\layenne  écrivait  des  «  lettres  fort  preignantes  3  »  ;  La  Châtre 
faisait  les  offres  les  plus  alléchantes4;  et  le  désintéressement  du 
gouverneur  n'était  pas  si  grand  qu'on  put  avoir  eu  lui  pleine 
confiance. 

Duplessis  Mornay  et  Chavigny  choisirent  le  dimanche  3  sep- 
tembre pour  la  remise  du  captif.  Comme  le  comte  de  Soissons 
était  à  Langeais  avec  des  troupes,  le  duc  d'Epernon  à  Nouâlre, 
et  que  La  Châtre  se  dirigeait  sur  Chinon,  le  protestant  prit  ses 
précautions.  Il  choisit  parmi  ses  coreligionnaires  quelques 
braves  capitaines  qu'il  lit  venir  avec  leurs  hommes  tout  près 
de  la  ville  pour  le  secourir  en  cas  d'attaque.  Quoique  malade, 
il  se  rendit  lui-même  au  château,  [•émit  les  si\  mille  éeus  à 
Chavigny  et  eu  une  demi-heure  eut  terminé  tous  les  préparatifs 
que  nécessitait  un  si  brusque  départ,  au  grand  émoi  du  car- 
dinal. Le  vieillard  craignait  d'être  conduit  à  La  Rochelle  en 
plein  pays  huguenot.  Duplessis-Mornay  le  rassura  ;  puis  rapi- 
dement, escorté  par  les  capiliiines  protestants,  il  se  dirigea 
sur  Loudun  avec  son  prisonnier'.  Il  eût  bien  voulu  l'accom- 
pagner plus  loin,  mais,  vaincu  parla  maladie,  il  dut  s'arrêter 
dans  celte  ville,  laissant  aux  sieurs  de  La  Boulaye  et  de  Parabère 
le  soin  de  le  conduire  jusqu'à  Maillezais.  Toutefois  il  le  fit  suivre 

1.  Lettres  missives  de  Henri  l\  ,  t.  III,  p.  35  ;  au  sieur  Duplessis-  Mornav, 
de  Darnétal,  icr  sept.  i58g. 

2.  Lettres  missives  de  Henri  IV,  I.  III,  p.  28;  au  sieur  Duplessis-Mornay, 
de  Foui  Saint- Pierre,  -i'a  août  t58g. 

M.  Mémoires  et  correspondance  de  Duplessis-Mornay,  t.  IV,  p.  4o5  ;  lellrede 
Duplessis  à  Henri  l\,  s.  1.,   Ier  sept.   i58(). 

\.  \rcli.  <lu  Vatican  :  lellere  délia  segretclria  di  slalo,  nun/.ialuia  di 
frauda,  I.  X.XII,  f"  ioi\  v",  orig.  ;  dép.  de  Morosini,  Légat,  au  card.  de 
Montalto,  de  Lyon,  5  sept.  [589.  —  Mémoires  de  madame  Duplessis  Mornay, 
I.  I.  p.   i84- 

.">.  Mémoires  de  madame  Duptessis-Morildy ,  i.   I,  p.    iN'i'  Pour    payer    les 

quatorze  mille  «'eus  promis  à  Chavigny,  on  lui  constitua  une  rente  sur  les 
.(ailles  de  l'élection  de  La  Rochelle. 


222  LE    ROLE    POLITIQUE    DU    CARDINAL    DE    BOLRBON 

par  deux  de  ses  Suisses,   en   qui   il  avait   pleine   confiance  *. 

Agrippa  d'Aubigné  était  alors  gouverneur  de  Maillezais,  et, 
comme  on  le  savait  fort  mécontent  du  roi  de  Navarre  avec 
lequel  il  avait  de  ((perpétuelles  riolles»,  les  ligueurs  crurent 
le  moment  favorable  pour  ressaisir  le  cardinal.  Un  gentil- 
homme italien  vint  trouver  le  gouverneur,  et,  après  lui  avoir 
rappelé  habilement  toutes  les  injureV  subies,  il  lui  proposa 
deux  cent  mille  ducats  comptant  ou  bien  le  gouvernement 
de  Belle-Ile  avec  cent  cinquante  mille  écus,  s'il  fermait  les 
yeux  et  laissait  échapper  son  prisonnier.  Si  nous  en  croyons 
ses  propres  mémoires,  d'Aubigné  lui  fit  cette  fière  réponse  : 
«  Le  second  offre  seroit  plus  commode  pour  manger  en  paix 
et  en  seureté  le  pain  de  mon  infidélité  ;  mais,  pour  ce  que  ma 
conscience  me  suit  de  si  près  qu'elle  s'embarqueroit  avec  moy, 
quanti  je  passerois  en  l'isle,  retournez-vous  en  tout  asseuré 
que,  sans  ma  promesse,  je  vous  envoyerois  au  roy  2.  » 

Le  cardinal  ne  resta  pas  longtemps  à  Maillezais.  où  il  était 
d'ailleurs  installé  d'une  façon  fort  peu  commode.  A  la  prière  de 
sa  sœur,  l'abbesse  de  Fontevrault,  et  du  cardinal  de  Vendôme 
qui  se  plaignaient  que  l'air  de  la  ville  fût  malsain  pour  lui,  le 
roi  de  Navarre  ordonna  de  le  transférer  à  Fontenay-le-Comte. 
Mais,  comme  la  peste  y  sévissait,  le  prélat  dut  séjourner  quelque 
temps  encore  à  Maillezais.  où  une  température  des  plus  douces 
et  les  prévenances  du  gouverneur  le  consolèrent  des  ennuis  que 
lui  causait  son  mauvais  logement3. 

Enfin,  quelques  jours  avant  la  Toussaint,  il  partit  pour 
Fontenay-le-Comte,  qui  devait  être  sa  dernière  résidence.  Là 
encore  certains  ligueurs  intriguèrent  pour  s'emparer  de  sa  per- 

i.  Mémoires  de  madame  Duplessis-Mornay,  t.  I,  p.  i85.  --  Mémoires  et 
correspondance  de  Duplessis-Mornay,  t.  IV,  p.  108  ;  acte  des  sieurs  de  La 
Boulaye  et  de  Parabèrc,  qui  reconnaissent  avoir  reçu  le  cardinal  de  Bourbon 
des  mains  de  Duplessis-Mornay,  de  Loudun,  \  sept.  1089. 

u.  Mémoires  d'Agr.  d'Aubigné,  éd.  Lalanne,  p.  97. 

3.  Arch.  Nat.,  K.  1 5G<),  n°  i38.  déchiffr.  ;  dép.  de  Mendoça  à  Philippe  II,  de 
Paris,  i3  oct.  1689.  —  Bibl.  Nat,,  f,  fr.,  ms.  3978,  f°  an,  autogr.  ;  lettre  de 
Marian  de  Martimbos  à  la  duchesse  de  Nevcrs,  de  Fontenay-le-Comte, 
l5  mars  [5()o.  (Pièces  juslif.  n0  XXII.) 


LES    PUISONS    DU    CARDINAL  22D 

sonne.  Par  deux  fois  Pierre  Gasteau,  sieur  du  Vignault,  avocat 
au  barreau  de  la  ville,  tenta  de  le  délivrer  ;  aux  deux  fois  il 
échoua,  ne  trouvant  pas  dans  cette  cité  huguenote  d'hommes 
assez  déterminés  pour  le  seconder  '. 


Si  le  roi  de  Navarre  avait  mis  tant  d'empressement  à  s'em- 
parer de  son  oncle,  ce  n'était  point  par  animosité  contre  lui.  Il 
eut  toujours  à  son  égard  plus  de  pitié  que  de  rancune.  Aussi, 
dans  les  prisons  successives  qu'il  occupa,  le  cardinal  fut-il 
traité  avec  la  plus  grande  déférence  et  il  }  jouit  de  tout  le  bien- 
être  qu'il  put  désirer.  Navarre  voulut  seulement  priver  les 
ligueurs  de  sa  présence. 

A  Fontenay,  où  il  vécut  sous  la  garde  du  sieur  de  La  Bou- 
laye,  le  vieillard  habitait  une  large  chambre  contiguë  à  une 
garde-robe  qui  conduisait  elle-même  à  une  galerie  couverte 
transformée  en  oratoire.  Cette  galerie,  longeant  ses  apparte- 
ments et  s'ouvrant  sur  un  petit  jardin,  pouvait  lui  servir  de 
lieu  de  promenade  en  cas  de  pluie.  Par  le  beau  temps  il  s'en 
allait  dans  un  plus  grand  jardin  à  quelque  distance  de  là2. 

Toutefois  la  surveillance  était  étroite  autour  de  lui.  Des 
douze  gentilshommes  qui  en  étaient  chargés,  cinq  ou  six  res- 
taient en  permanence  dans  sa  garde-robe;  à  la  porte  de  sa 
chambre  se  tenaient  trois  ou  quatre  Suisses;  enfin  dans  la  cour 
un  corps  de  garde  de  quinze  à  vingt  soldats.  Mais  son  geôlier, 
le  sieur  de  La  Boulayc,  cherchait  à  lui  faire  oublier  sa  con- 
dition de  prisonnier  avec  les  mille  prévenances  dont  il  l'en- 
tourait. Il  le  visitait  journellement,  lui  permettait  même  par- 
fois de  sortir  de  la  ville,  et,  «à  sa  prière,  il  consentit  à  rouvrir 

i.  Boncennes  (F.),  Notes  sur  la  mort  et  la  sépulture  du  cardinal  de  Bourbon 
dans  Revue  de*  provinces  de  l'Ouest,  3'  année,  t856,  |>;  ^28. 

2.  Bibl.  Nat.,  1'.  IV.,  ms.  3978,  f°  an,  autogr.  ;  lettre  de  Marian  de  Mar- 
timbos  à  la  duchesse  de  Nevers.  de  Fontena\  le  Comte,  i5  mars  i5()o. 
(Pièces  justif.  n°  XXII,) 


!>:>'|  LE    ROLE    POLITIQUE    DL     CARDINAL    DE    BOLRBON 

une  église  que  les  protestants  avaient  fermée  dans  un  des  fau- 
bourgs1. 

Dans  cette  prison  si  douce  le  vieillard  mène  une  vie  simple 
et  réglée.  Le  matin,  après  quelques  minutes  de  prières  à  son 
oratoire,  il  fait  une  assez  longue  promenade  au  jardin  ou  sous 
la  galerie  couverte.  A  onze  heures  il  sjen  vient  déjeuner,  puis 
écoute  volontiers  un  sermon  de  Grenade  ou  de  saint  Bernard. 
Les  vêpres  rappellent  de  nouveau  à  son  oratoire,  où  ses  aumô- 
niers chantent  le  service  «  à  la  mode  des  Bonshommes  et 
quelquefois  comme  les  Pénilens  ».  Enfin  vers  les  neuf  heures 
il  se  couche  et  s'endort  doucement  à  la  lecture  de  la  bible  ou 
de  quelque  autre  livre  de  dévotion  .-.  Le  cardinal  est  donc 
revenu  aux  pratiques  pieuses  qu'il  a  toujours  aimées  et  vers 
lesquelles  sa  vieillesse  et  la  maladie  le  poussent  encore.  Il 
s'accommode  assez  bien  de  cette  vie  au  milieu  des  huguenots, 
qu'il  a  tant  redoutée  ;  il  leur  demande  seulement  de  ne  point 
chanter  leurs  psaumes  assez  près  pour  qu'il  les  entende  et  sur- 
tout de  ne  pas  se  livrer  en  sa  présence  à  des  discussions  sur  la 
religion  3.    Sa  piété  s'effarouche  trop   des   paroles  hérétiques. 

Malgré  des  habitudes  calmes  et  régulières,  le  cardinal  ne 
peut  éviter  les  souffrances  physiques  que  son  grand  âge  rend 
de  plus  en  plus  fréquentes.  Par  trois  fois  il  a  de  terribles 
attaques  de  goutte.  «  Ung  gros  catharre,  qui  lui  [est]  tombé 
sur  toutes  les  parties  du  corps  »,  le   fait  également  beaucoup 

i.  Bibl.  Nat.,  f.  fr.,  ms.  3978,  f°  an,  autogr.  :  lettre  de  Marian  de  Mar- 
timbos  à  la  duchesse  de  Nevers,  de  Fontenay-le-Corate,  iô  mars  [690. 
(Pièces  justif.  11"  NAII.)  —  Ibid.,  ms.  3336,  1°  i3o,  autogr.  ;  lettre  du  card. 
de  Vendôme  à  la  duchesse  de  Nevers,  de  Tours,  7  nov.  1 089.  —  Du  Breul(J.), 
La  rie  de  Charles  de  Bourbon,  p.  8. 

:>..  Bibl.  Nat..  f.  fr.,  ms.  3978.  f°  -mi,  autogr.;  lettre  de  Marian  de  Mai- 
Umbos  à  la  duchesse  de  Nevers,  de  Fôntenay-le-Comte,  10  mars  1590. 
(Pièces  justif.  n°  XXII.) 

3.  Arch.  Nat.,  K  i56g,  n°  i38,  déchiffr.  ;  dép.  de  Mendoça  à  Philippe  ll.de 
Paris,  i3  oct.  1.589. — t)u  Breul,  dans  sa  Vie  de  Charles  de  Bourbon,  qui 
n'est  qu'un  panégyrique,' prétend  au  contraire  que,  si  les  prolestants,  qui 
se  trouvaient  souvent  aux  heures  de  lecture,  venaient  à  soulever  quelque 
discussion,  «  il  leur  bailloil  des  solutions  si  pertinentes  qu'ils  en  esloicnl 
tous  esbaliis  ». 


LES    PRISONS    DU    CARDINAL  v>l>5 

souffrir.  Enfin,  comme  dans  les  premiers  jours  de  son  empri- 
sonnement à  Blois,  il  est  pris  «  d'une  difficulté  et  ardeur 
d'urine  qu'il  jette  rouge  comme  sang.  »  On  craint  même  un 
instant  pour  sa  vie.  Néanmoins,  après  deux  saignées  et  quelques 
médecines,  sa  santé  se  rétablit  un  peu  '. 

Au  fond  de  sa  prison  le  cardinal  de  Bourbon  ne  reste  pas 
sans  nouvelles.  Il  apprend  tous  les  maux  qui  désolent  le  pays  cl 
s'en  attriste.  «  Je  déplore  aveeq  vous,  écrit-il  au  duc  de  Nevers. 
les  malheurs  que  les  divisions  apportent  en  ce  pauvre  réanime, 
lequel  je  supplye  nostre  bon  Dieu  vouloyr  regarder  de  son  œil 
de  pitié  et  de  miséricorde,  et  nous  doner  quelque  bon  repos 
à  son  honneur  et  gloire  ...  Tous  mes  ordinaires  et  continuels 
exercices  sont  en  prières  tendant  à  cesle  fin  2.  »  Son  impuis- 
sance a  chassé  de  lui  toute  ambition.  Son  seul  désir  est  de  voir 
rendues  au  pays  la  paiv  et  la  religion  catholique. 

\\ec  Henri  de  Lorraine  ont  disparu  toutes  les  énergiques 
résolutions  du  vieillard,  et  plus  que  jamais,  maintenant  qu'il 
est  affaibli,  prisonnier,  il  se  laisse  influencer  par  ceux  qui  sont 
restés  en  relation  avec  lui,  c'est-à-dire  ses  neveux  et  principa- 
lement le  cardinal  de  Vendôme.  Le  jeune  homme,  dont 
l'ambition  et  l'habileté  croissent  Ions  les  jours,  s'applique  à 
conserver  les  bonnes  grâces  de  son  oncle  qui  sont  pour  lui  une 
quasi  certitude  en  l'héritage  de  ses  bénéfices;  et,  maintenant 
que  le  duc  de  Guise  n'est  plus  là  pour  annihiler  ses  efforts, 
il  cherche  à  gagner  le  prélat  au  parti  des  Bourbons  catho- 
liques, dont  il  se  déclare  le  chef  avec  son  frère  le  comte  de 
Soissons.  Ce  parti  peut  espérer  l'appui  de  tons  les  catholiques 
loyalistes  que  mécontente  la  révolte  de  Mayenne,  qu'effraie 
l'hérésie  dn  Béarnais:  cl  les  deux  frères  rêvent  d'une  entente 
entre  le  roi  de  Navarre  et  Charles  de  Lorraine,   qui  aboutirait 


i.  Bibl.  Nat.,  f.  fr.,  ms.  397H,  f°  an,  autogr.  ;  lettre  de  Mariau  fie  \!ar- 
timbos  à  la  duchesse  de  Ncvers,  de  Foulenay-le-Comte,  ij  mars  t5go. 
(Pièces  jnslif.  n"  XXII.) 

a.  Bibl.  \at.,  f.  fr.,  ms.  8978,  I"  nt,  autogr.  ;  lettre  du  càrd.  de  Bourbon 
au  due  de  Neveis,  de  Fontenay-lc-Conile,  18  mais  r&go.  (Pièces  jusfif, 
n°  XXIII.) 

Saulnier.  —  Cardinal  de  Bourbon,  15 


226  LE    RÔLE    POLITIQUE    DU    CARDINAL    DE    BOURBON 

à  leur  propre  triomphe.  Le  cardinal  accepte  la  proposition  ;  il 
en  fait  même  parler  à  Duplessis-Mornay.  pour  qu'il  la  sou- 
mette à  son  maître.  Mais  ce  projet  est  trop  contraire  aux  inté- 
rêts des  ligueurs  et  du  Béarnais  ;  il  n'a  point  de  suite  d. 

Il  ne  reste  plus  qu'un  moyen  de  rendre  la  paix  au  royaume 
en  conservant  le  trône  aux  Bourbons  :.  c'est  de  ramener  au 
catholicisme  le  roi  de  Navarre.  Depuis  longtemps  déjà  on 
parle  d'une  conversion  possible  de  l'hérétique,  et  pour  les  plus 
habiles  elle  est  fatale.  C'est  pourquoi  le  cardinal  de  Vendôme 
et  le  comte  de  Soissons.  après  avoir  éprouvé  l'intransigeance 
de  Mayenne,  se  rallient  délibérément  à  leur  cousin.  Celui-ci 
consent  à  se  laisser  instruire  et  fait  croire  en  une  prochaine 
abjuration. 

Le  cardinal  de  Bourbon  ne  tarde  pas  à  suivre  l'exemple  de 
ses  neveux.  Dès  les  premiers  jours  de  novembre,  il  envoie  un 
messager  reconnaître  en  son  nom  le  Béarnais  comme  roi  de 
France  et  l'exhorter  à  se  faire  catholique  -  ;  et.  quand  le  légat 
du  pape  pénètre  en  France,  il  l'informe  que  la  conversion 
de  l'hérétique  est  le  seul  moyen  de  rétablir  l'ordre  dans  le 
royaume3.  Malheureusement  le  légat  ne  L' écouta  pas. 

On  peut  alléguer  en  vérité  que  ces  marques  d'obéissance 
envers  le  roi  de  Navarre  étaient  intéressées,  car  le  cardinal  sol- 
licitait en  même  temps  sa  mise  en  liberté.  Il  semble  bien  cepen- 
dant qu'elles  furent  sincères  :  car.  pas  plus  à  cette  heure  qu'à 
aucune  époque  de  sa  vie.  le  prélat  n'eût  consenti  à  ce  qu'un 

i.  Mémoires  et  correspondance  de  Duplessis-Mornay,  t.  IV,  p.  4o.">  ;  lettre  de 
Duplessis-Mornay  à  Henri  IV,  s.  1.,  i"  sept.  i58g. 

2.  Bibl.  Vit.,  f.  fr..  ms.  3336,  f°  i3o,  autogr.  ;  lettre  du  card.  de  \  cn- 
dome  à  la  duchesse  de  Ne  vers,  de  Tours.  -  nov.  i58<).  —  Mémoires-journaux 
de  P.  de~L'Estoilett.  V,  p.  a5.  —  Gayet  (Patinai.  Chronologie  novenaire, 
p.  a3a. 

3.  Bibl.  Nat.,  f.  fr..  ms.  3î',5,  f"  n,  autogr.  ;  lettre  du  card.  de  Vendôme 
au  duc  de  Nevers,  de  Tours,  i5  nov.  158g.  —  Ibid.,  f.  ital.,  ms.  1738, 
f  118  v",  copie;  dép.  des  ambass.  vénitiens,  de  Tours,  ao  fevr.  i5go. 

Au  mois  de  juillet  1.190,  le  duc  de  Nevers,  qui  s'était  jusque-là  tenu  pru- 
demment entre  les  deux  partis,  rejoignit  le  roi  de  Navarre.  On  dit  que 
cette  résolution  venait  d'un  conseil  donné  au  duc  par  le  cardinal  quelques 
jours  avant  sa  mort.  \ .  Mémoires-journaux  de  P.  de  L'Estoile,  t.  \  ,  p.  279, 


LES    PRISONS    DU    CARDINAL  227 

autre  qu'un  Bourbon  s'assit  sur  le  trône  de  France.  Son  neveu 
répondit  à  ses  prières  par  des  promesses  '  ;  toutefois,  envisa- 
geant les  difficultés  qui  l'entouraient,  il  jugea  prudent  de  ne 
point  les  tenir  rapidement. 

1.  Arnaud  Sorbin,  dans  l'Oraison  funèbre  du  très  verlueux  et  illustre  prince 
Charles,  cardinal  de  Bourbon,  Nevers,  i5g5,  in-8",  p.  27.  dit  en  parlant  de 
l'oncle  du  cardinal  dont  il  fait  le  panégyrique  :  «  Peu  de  jours  avant  son 
trépas  il  receut  des  lettres  du  roy  pleines  de  consolation  et  d'amitié  et  de 
l'espérance  que  Sa  Majesté  luy  donnoit  de  se  réduire  au  giron  de  l'église. 
Le  bon  prince  leva  les  mains  au  ciel  en  disant  ces  mots  :  Mon  Dieu,  aurois- 
je  bien  cest  heur  avant  de  mourir  de  le  veoir  catholique;  j'en  mourrois 
très  content.  » 


CHAPITRE    III 


LE    REGNE    DE    CHARLES    X 


Pendant  que  le  cardinal  de  Bourbon  vivait  tranquille  dans 
son  lointain  Fontenay-le-Comte.  la  Ligue  triomphait  à  Paris 
et  dans  une  grande  partie  de  la  France.  La  mort  de  Henri  III 
fortifia  singulièrement  sa  cause.  Elle  fit  des  anciens  rebelles 
les  défenseurs  de  la  royauté,  justifia  leur  prise  d'armes  pour 
la  délivrance  du  souverain  et  la  défense  de  la  religion.  Sans 
s'arrêter  aux  scrupules  manifestés  en  i58-  par  les  chefs  du 
parti,  qui  avaient  déclaré  le  cardinal  «  très  recommandable 
non  comme  héritier  et  successeur,  estant  trop  remot  en  degré, 
mais  capable  d'élection  et  de  l'honneste  préférence  pour  sa 
religion  et  ses  vertus  »,  ni  aux  dernières  paroles  de  Henri  III 
mourant  qui  désignait  Navarre  pour  occuper  le  trône  de  France, 
on  considéra  seulement  les  lettres  patentes  du  17  août  i588 
proclamant  le  prélat  le  plus  proche  parent  du  roi  défunt,  en 
conséquence  héritier  présomptif  de  la  couronne,  et  l'exclusion 
prononcé  quelques  mois  plus  tôt  par  les  Etats  généraux  de 
Blois  contre  l'hérétique  prétendant. 

La  reconnaissance  du  cardinal  de  Bourbon  avait  l'avantage 
de  justifier  l'autorité  que  le  duc  de  Mayenne  et  le  conseil  de 
l'Union  s'étaient  attribués.  Certains  catholiques  se  plaignaient 
déjà  de  cette  qualité  de  lieutenant  général  de  l'étal  royal  et  cou- 
ronne de  France  qui,  selon  eux,  «  n'estoit  qu'une  chimère  ». 
car  «  il  n'y  avoit  point  de  lieutenant,  sil  n'\  avoil  de  chef,  et 
il  if  \  avoit  point  de  chef  sinon  le  roy  '  0.  Les  attributions  de 

1.  Gayet  (Palma),  Chronologie novenaire,  p.  io3,  col.  2. 


LE    REGNE    DE    CHARLES    X  22g 

Mayenne  furent  dès  lois  légitimées.  11  exerça  le  pouvoir  en 
attendant  la  délivrance  de  son  roi,  pour  laquelle  il  luttait.  Il  ne 
sembla  même  plus  nécessaire  de  convoquer  les  États  généraux  ; 
et.  si  le  premier  édit  rendu  après  l'assassinat  de  Saint-Cloud  est 
rédigé  au  nom  de  Charles  de  Lorraine  et  du  conseil  de  l'Union 
établi  à  Paris  «  attendant  l'assemblée  des  Estais  du  royaume  *  », 
il  ne  faut  voir  là  qu'un  souvenir  des  six  derniers  mois.  Désor- 
mais le  lieutenant  général  et  le  conseil  de  l'Union  conservent 
le  pouvoir  uniquement  parce  que  le  souverain  futur  est  pri- 
sonnier. 

En  conséquence,  le  5  août,  Mayenne  rendit  un  édit  qui  exhor- 
tait tous  les  sujets  à  se  réunir  pour  la  défense  de  la  religion 
catholique,  apostolique  et  romaine  «  en  attendant  la  liberté  et 
présence  du  roi  nostre  souverain  seigneur  -  ».  C'était  la  seule 
mention  faite  du  cardinal  de  Bourbon.  Deux  jours  après,  l'édit 
était  enregistré  au  parlement  de  Paris  et  expédié  à  toutes  les 
villes  de  province. 

Fort  de  sa  nouvelle  situation,  Mayenne  repoussa  tout  projet 
de  négociation  avec  le  Béarnais.  Négligeant  l'avertissement  que 
lui  donnèrent  deux  princes  du  sang  et  plusieurs  grands  sei- 
gneurs catholiques  en  reconnaissant  Navarre  comme  roi  de 
Fiance,  il  déclara  que  sa  religion  et  le  respect  qu'il  portait  au 
cardinal  «  ne  lui  permettaient  d'entendre  à  ceste  ouverture  3  ». 
Il  eut  d'autant  plus  d'audace  que  l'Espagne  lui  promit  de 
l'argent  et  des  troupes  l. 

Cette  assurance  fut  défavorable  an  parti  de  la  Ligue.  En  effet. 
maigri'1  les  apparences,  la  situation  restait  la  même  et  beau- 
coup s'en  aperçurent.  Les  catholiques  n'avaient  pas  encore  de 
roi  pour  l'opposer  à  celui  qui  prenait  le  nom  de  Henri  IV.  On 

i .  Kdil  et  déclaration  de  monseigneur  le  duc  de  Mayenne  et  le  conseil  général 
de  la  sninlc  Union  pour  réunir  Ions  vrais  chrestiens  françois  à  lu  deffense  et 

conservation  de  l'église,  catholique,  apostolique  et  romaine,  el  manutention  de 
Vestat  royal.  \  Paris],  11)89,  in-8°;  du  5  août  1589. 

2.  Ibidem. 

3.  Mémoires  d'estal  <Ie  ]  illeroy,  éd.  Midi,  et  Ponj..  p.  189,  col.  2.  — 
Mémoires-journaux  de  P.  de  L'Estoile,  1.  V,  p.  258. 

'1.  Mémoires  d'estal  de  Villeroy,  p.  i4o,  col.  1  et  2. 


23o  LE    RÔLE    POLITIQUE    DU    CARDINAL    DE    BOURBON 

ne  faisait  que  leur  en  promettre  un.  En  conséquence  on  ne 
combattit  pas  pour  soutenir  la  royauté  du  cardinal  de  Bour- 
bon, mais  bien  pour  empêcher  l'accession  au  trône  d'un  pré- 
tendant qu'on  déclarait  illégitime.  Les  droits  équivoques  du 
prélat,  qui  auraient  pu  s'affirmer  par  une  proclamation  immé- 
diate, perdirent  leur  peu  de  force  par*  cette  indécision.  Phi- 
lippe II  jugeait  sagement  la  situation,  lorsqu'il  écrivait  à  l'un 
de  ses  agents  en  France  :  «  Ce  qu'il  y  aurait  de  plus  avantageux 
pour  notre  sainte  cause  sciait  de  nommer  de  suite  un  roi 
catholique  et  aussi  intéressé  à  la  conservation  de  la  Ligue  que 

l'est  le  cardinal    de  Bourbon Autrement  il  va  en  résulter 

une  confusion  dans  les  opinions  à  la  faveur  de  laquelle  le 
Béarnais  s'introduira  dans  Paris  *.  »  Mais  ses  conseils  ne  furent 
point  suivis. 

Ainsi  le  grand  mouvement  qui  agite  une  partie  de  la  France 
après  la  mort  de  Henri  III  est  dirigé  non  pas  en  faveur  du  car- 
dinal de  Bourbon,  mais  bien  contre  le  roi  de  Navarre.  Au  lieu 
de  devenir  royaliste  il  reste  ligueur.  C'est  toujours  la  Ligue 
qui  combat  et  elle  conserve  tous  les  blâmes  et  toutes  les  haines 
qu'elle  s'est  attirée  au  cours  des  dernières  années. 

A  Paris  même  on  arriva  vite  à  considérer  la  lutte  sous  un 
pareil  jour.  Bien  que  la  déclaration  du  5  août  eût  ignoré  le  roi 
de  Navarre,  les  efforts  furent  uniquement  dirigés  contre  lui. 
Après  s'être  attaqué  au  prétendu  parlement  qui  jugeait  en  son 
nom  à  Tours  2,  celui  de  Paris  déclara  ses  partisans  «  criminels 
de  lèze-majesté  divine  et  humaine,  déserteurs  de  la  cause  de 
Dieu  et  de  son  église  3  ». 


i.  Baguenault  de  l'uchesse  (G.),  La  politique  de  Philippe  II  dans  les  affaires 
de  France,  1559-1598,  p.  46.  —  Il  faut  noter  un  projet  curieux  qui  naquit 
dans  l'esprit  de  quelques  parlementaires  de  Tours  disposés  à  concilier  les 
partis.  Ils  voulaient  que  le  cardinal  de  Bourbon  et  son  neveu,  le  roi  de 
Navarre,  régnassent  ensemble,  comme  jadis  les  empereurs  romains  occu- 
paient à  deux  le  gouvernement.  V.  Mémoires  de  madame  Duplessis-Mornay, 
t.  I,  p.  182. 

x.  Thou  (de),  Histoire  universelle,  t.  XI,  p.  46. 

3.  Arrest  de  la  cour  de  parlement  de  Paris  contre  ceux  qui  tiennent  le  parly 
d'Henry  de  Bourbon...  Paris,  1689,  in-8°. 


LE    RÈGNE    DE    CHARLES    X  23 1 

En  province  on  n'attendit  pas  cet  exemple  pour  suivre  la 
même  voie.  Moins  encore  qu'à  Paris,  où  Mayenne  avait  besoin 
du  cardinal  pour  justifier  sa  lieutenance,  on  songea  au  vieil- 
lard prisonnier.  Le  parlement  de  Rouen,  le  plus  timide  parmi 
les  parlements  ligueurs,  enjoignit  à  tous  d'observer  l'édit  du 
5  août,  de  s'armer  «  pour  la  manutention  de  l'honneur  de 
Dieu  et  de  l'église  catholique,  apostolique  et  romaine,  et  con- 
servation de  lestât  et  couronne  de  France  »,  sans  même  cher- 
cher une  excuse  à  cet  appel  aux  armes  dans  la  délivrance  du 
roi  captif1.  Le  premier  acte  du  parlement  de  Dijon,  lorsqu'il 
eut  appris  l'assassinat  de  Saint-Cloud,  fut  d'interdire  la  recon- 
naissance de  Henri  de  Bourbon,  sans  faire  aucune  mention  du 
cardinal  ;  quelques  jours  plus  tard  il  enregistra  l'édit  du 
5  août2.  A  Toulouse  la  déclaration  fut  encore  plus  nette;  la 
cour  défendit  «  très  expressément  à  toutes  personnes  de  quel- 
que état,  qualité  et  condition  qu'ils  soient,  sans  nul  excepter, 
de  reconnoître  pour  roi  Henri  de  Bourbon  prétendu  roi  de 
Navarre  »,  et,  rappelant  la  bulle  de  Sixte-Quint  qui  l'avait  ex- 
communié, elle  le  déclara  «  incapable  de  jamais  succéder  à  la 
couronne  de  France  pour  les  crimes  notoires  et  manifestes  am- 
plement contenus  en  icelle  3  » . 

Lorsque  les  parlements  prenaient  une  telle  attitude,  il  ne 
faut  point  en  chercher  une  différente  chez  les  villes  où  le  parti 
ligueur  dominait.  A  Amiens,  par  exemple,  Jean  de  Montluc, 
lieutenant  général  en  Picardie  pour  le  duc  d'Aumale,  et  les 
membres  des  États  de  la  province  rendirent  une  ordonnance 
enjoignant  à  toute  personne  de  se  réunir  à  eux  «  pour  la  con- 
servation et  manutention  de  l'honneur  de  Dieu  et  de  sa  reli- 
gion  contre  le  roi  de  Navarre,  à    peine  d'être    procédé  contre 


i.  Mémoires  de  lu  Ligue,  l.  I\ .  p.  93  ;  arrêl  de  la  cour  de  parlement  de 
Rouen,  du  a3  septembre  1589. 

a.  Registres  du  parlement  de  Dijon  de  tout  ce  <]ui  s'est  passé  pendant  la 
Lùjue,  s.  I.  11.  d.,  in  12",  p.  n'i  et  126.  --  La  Cuisine  (E.  F.  de).  Le  parle- 
ment de  Bourgogne,  2e  éd.,  t.  II,  p.  180. 

3.  Mémoires  île  la  Ligue,  l.  I\.  p.  '17  ;  arrêt  de  la  cour  de  parlement  de 
Toulouse,  du  22  août  i58g. 


20'2  LE    RÔLE    POLITIQUE    DU    CARDINAL    DE    BOURBON 

eux  comme  rebelles4  ».  A  Lavaur,  les  Étals  des  villes  du  parti 
catholique  de  Languedoc  jurèrent  le  17  décembre  de  uc  jamais 
reconnaître  un  roi  excommunié  et  décidèrent  que  ce  même 
serment  serait  prêté  par  tous  les  habitants  de  la  province-. 
Eux  aussi  semblent  ignorer  le  cardinal  de  Bourbon. 

Enfin  dans  la  bouche  même  du  peuple  on  peut  trouver  l'ex- 
pression de  sa  propre  pensée.  Lors  des 'affreux  massacres  qui 
eurent  lieu  à  Limoges  le  i5  octobre  1089  et  jours  suivants,  on 
n'entendit  que  les  cris  de  «  Vive  la  croix  !  Vive  l'Union  !  Vive 
L'église  catholique  et  les  bons  catholiques  !  »  Si  quelques  cris 
de  ((  Vive  le  roi!  »  retentirent  dans  le  tumulte,  ils  furent 
poussés  par  les  partisans  du  Béarnais3.  On  ne  se  trompait  pas. 
Le  roi,  c'était  le   roi  de  France  et  de  Navarre,  Henri  IV. 

Ainsi  c'est  toujours  la  Ligue  qui  combat.  Derrière  elle  ne 
surgit  pas  son  roi.  Entre  l'hérétique,  qui  prétend  à  la  couronne, 
et  la  Ligue,  que  l'on  sait  menée  par  l'ambition  de  quelques- 
uns,  lout  le  groupe  des  catholiques  royaux  et  loyalistes  hésite. 
Rares  sont  ceux  qui  prennent  immédiatement  parti  pour  l'un 
ou  pour  l'autre.  Le  parlement  de  Bordeaux  semble  avoir  donné 
le  mot  d'ordre.  Tout  en  recommandant  d'observer  inviolable- 
ment  les  derniers  édits  et  les  prescriptions  des  Étals  de  Blois, 
il  enjoint  à  tous  seigneurs,  gentilshommes,  villes  et  commu- 
nautés (i  qui  se  sont  élevés  du  vivant  du  l'eu  seigneur  roi  de 
poser  les  armes...  en  attendant  qu'il  ait  plu  à  Dieu  impartir  sa 
gràee  et  miséricorde  à  ce  royaume  pour  la  conduite  et  direction 
d'ieelui  à  son  honneur  et  gloire,  exaltation  et  conservation  de 
sa  sainte  foi  et  religion  catholique,  apostolique  et  romaine»; 
et  dans  tous  les  actes  publics  il  conserve  le  nom  et  le  sceau  de 

1.  Beauvillé  (V.  de),  Histoire  de  In  ville  de  Montdidier,  a*  éd.,  I.  I,  p.  a38. 

2.  Loutchistzky  (.T.),  Documents  inédits  pour  servir  à  l'histoire  de  la 
Réforme  et  de  ht  Ligue,  p.  264.  —  Rossignol  (E.  A..),  Petits  états  d'Albigeois 
ou  assemblées  du  diocèse  d'Albi,  p.  201-202. 

Il  faut  admettre  que  l'arrêt  du  21  novembre  i58q,  dont  je  parlerai  plus 
loin,  n'était  pas  encore  parvenu  à  Lavaur,  chose  possible,  puisqu'il  ne  par- 
vint à  Dijon  que  le  [5  décembre. 

8.  Hubon  et,  Gouberl,  Registres  consulaires  de  la  ville  de  Limoge»,  t.  III, 
appendice  p.  xxi  à  xxiv. 


LE    REGNE    DE    CHARLES    X  9.  .>.ï 

Henri  III  '.Quand  il  faut  parler  de  l'héritier  du  trône,  on  L'ap- 
pelle le  «  légitime  successeur  roy  de  la  couronne  de  Fiance-  a, 
sans  le  désigner  plus  précisément. 

En    somme,    suivant   l'expression  du  légat,    du   cardinal   de 
Bourbon  on  ne  parle  point3. 


Il  était  cependant  fatal  qu'on  en  parlât.  Après  l'explosion  de 
fanatisme  furieux  contre  Navarre,  on  on  vint  à  penser  au  prélat. 
Peu  à  peu,  au  cours  de  la  campagne  menée  contre  le  neveu 
l'oncle  apparut.  De  même  qu'aux  prétentions  du  Béarnais  au 
litre  d'héritier  présomptif  on  avait  opposé  les  droits  du  car- 
dinal, de  même  à  la  royauté  de  Henri  IV  on  opposa  celle  de 
Charles  X.  Mais  le  premier  fait  fut  l'œuvre  d'un  homme 
énergique,  qui  poursuivit  avec  méthode  le  but  qu'il  se  pro- 
posait; le  second  au  contraire  fut  uniquement  celle  des 
événements.  Là  où  Guise  vainquit,  Mayenne  ne  sut  pas  même 
préparer  la  victoire. 

Les  premiers,  les  prédicateurs  songèrent  au  cardinal-roi.  Le 
sermon  était  alors  le  moyen  le  plus  efficace  pour  entraîner  les 
foules.  Après  la  mort  de  Henri  III,  les  curés  des  paroisses  de 
Paris  reçurent  du  conseil  de  l'Union  l'ordre  de  déclarer  en 
chaire  que  Jacques  Clément  était  un  martyr,  le  Béarnais  un 
criminel  el  que  ceux  qui  tiendraient  son  parti  seraient  excom 

i.  Mémoires  de  la  Ligue,  t.  IN,  p.  45  :  arrêt  de  la  cour  do  parlement  de 
lîordeaux,  du  19  août  t58a.  —  Poirson  (E.)i  Histoire  de  HenrilV,  t.  I,  p..5o, 

a.  Henry  (M.  E.),  La  Réforme  et  la  Lujae  en  Champagne  et  à  Reims,  p.  km. 

La  municipalité  de  Grenoble  avait  formulé  une  déclaration  intéressante 
avant  l'arrivée  des  lettres  de  Mayenne.  Elle  entendait  «  rester  soubz  l'obéis- 
sance du  roy  catholicque  qui  sera  sacré  et  esleu  par  les  princes  catholicques 
et  Estalz  généraulx  de  France  »,  ce  qui  montre  combien  peu  naturelle  sem- 
blait l'accession  au  trône  du  cardinal  de  Bourbon,  V,  Inventaire  sommaire 
des  arch.  comm.  de  Grenoble.  Série  BB,  p.  88. 

'.\.  Arch.  du  Vatican  :  leltcre  delta  segroleria  di  statu,  nunziatura  di 
Frauda,  t.  XXII,  p.  1017,  orig.  ;  dép.  de  Morosini,  légat,  au  card.  de  \lon- 
talto,  de  Lyon.  18  août  1089  :  «  dcl  signorc  cardinale  di  Borbone  non  si 
parla.  » 


23/|  LE    ROLE    POLITIQUE    DU    CARDINAL    DE    BOURBON 

munies.  Ils  allèrent  plus  loin  et  affirmèrent  qu'au  cas  où 
Navarre  reviendrait  au  catholicisme,  il  ne  pourrait  pas  pré- 
tendre à  la  couronne.  Après  avoir  dépeint  le  neveu  sous  les 
couleurs  les  plus  noires,  ils  se  complurent  à  montrer  la  douce 
bonté  de  ronde,  sa  piété,  son  amour  de  la  religion,  et  son 
emprisonnement  leur  fournit  matière  à  plus  d'un  morceau 
pathétique1. 

En  même  temps  que  dans  les  prédications  cl  pour  des  raisons 
analogues,  le  cardinal  roi  apparut  dans  les  pamphlets.  Des 
cantiques  en  vers  latins  clamèrent  sa  misérable  captivité2. 
Un  certain  Morus,  chargé  par  la  municipalité  de  Reims  de 
répliquer  à  une  lettre  du  duc  de  Luxembourg  en  faveur  du  roi 
de  Navarre,  adressa  sa  réponse  à  toute  la  France;  après  avoir 
maudit  l'hérétique,  il  chanta  les  louanges  du  cardinal,  dont  le 
bienheureux  règne  devait  rappeler  les  temps  bénis  de  saint 
Louis3.  Des  «  Advertissement[s]  au  roy  très  chrestien  Charles  de 
Bourbon,  dixiesme  du  nom  »  courraient  par  le  pays4,  et  dans 
une  «Exhortation  dernière  à  la  noblesse  pour  la  délivrance  de 
nostre  roy  très  chrestien  »,  la  qualité  de  prêtre,  que  certains 
reprochaient  au  prélat,  devint  un  nouveau  droit  à  la  cou- 
ronne 5-. 


i .  Bibl.  Nat.,  f.  ital. ,  ms.  1738,  f°  a5  v°,  copie  ;  dép.  des  ambass.  vénitiens, 
de  Tours.  iG  oct.  i58q.  —  Robiquet  (P.),  Paris  et  la  Ligue,  p.  576. 

2.  Mémoires-journaux  de  P.  de  L'Estoile,  t.  III,  p.  3io  à  3i4- 

3.  Henry  (M.  L.i.  1m  Réforme  el  lu  Ligue  en  Champagne  et  à  Reims,  p.  i54 
à   1 59. 

\.  Baron  (Jacques),  Advertissement  au  roy  très  chrestien  Charles  de  Bour- 
bon,  dixiesme  de  ce  nom,  avec  remonstrance  aux  prélat:  de  France  démonstra- 
tive de  l'extrême  misère  de  ce  temps.  Paris,  1089,  in-8".  —L'ouvrage  avait  paru 
en  latin  un  mois  plus  tôt.  Le  département  des  imprimés  de  la  Bibl.  Nat. 
possède  les  deux  exemplaires. 

5.  Par  (M.),  Exhortation  dernière  à  la  noblesse  pour  la  délivrance  de  nostre 
roy  très  chrestien.  Paris,  1089,  in-8°.  —  On  v  trouve  notamment  ces  cinq 
vers  adressés  aux  catholiques  : 

«  Défendez,  je  vous  pri\  vr  françois  héritage  ; 

Rendez-lui  son  seigneur,  ce  prince  que  la  loy 

Dm  ûeuve  «lu  Sala  èstablitvostre  Roy; 

Car  de  Melchisédech  l'éternelle  ordonnance 

I,u\   (1 ie  la  prestrise  cl  le  sceptre  de  France.  » 


LE    REGNE    DE    CHARLES    X  200 

En  quelques  villes,  sur  des  initiatives  toutes  particulières, 
on  reconnut  même  la  royauté  de  Charles  de  Bourbon.  A  Rouen 
le  chapitre  de  la  cathédrale  fit  poser  à  l'endroit  du  chœur 
«  les  armoiries  de  monseigneur  le  cardinal  à  présent  roy  de 
France1  ».  A  Chartres  on  mêla  son  nom  aux  prières2.  Un  fait 
beaucoup  plus  significatif,  mais  qui  semble  isolé,  s'était  pro- 
duit à  Dijon  dès  le  mois  d'août.  L'assemblée  des  Etats  de  la 
province  de  Bourgogne  avait  reconnu  publiquement  Charles 
de  Bourbon  «  vrai  et  légitime  roi  de  France,  comme  étant  le 
premier  prince  du  sang -le  plus  successible  à  la  couronne  et 
comme  tel  déclaré  par  les  États  de  Blois:!».  Enfin  le  pape 
jugeait  sa  royauté  légitime,  puisqu'il  remettait  à  son  légat 
une  somme  de  cent  mille  écus  à  dépenser  uniquement  pour  la 
délivrance  du  captif*  et  qu'il  lui  donnait  même  un  bref 
adressé  à  Charles  roi  très  chrétien  avec  ordre  de  le  remettre 
au  destinataire,  s'il  était  en  liberté  à  son  arrivée  en 
France  5. 

Ainsi  peu  à  peu  le  roi  de  la  Ligue  apparaissait.  Lue  anec- 
dote racontée  par  d'Aubigné  montre  combien  il  eût  été  facile 
de  susciter  un  enthousiasme  autour  de  ce  nom.  Comme  le 
cardinal  était  dirigé  sur  Maillezais,  quelques  personnes  et  parmi 
elles  un  certain  médecin  de  Poitiers,  nommé  Lommcau.  solli- 
citèrent du  corps  de  garde  l'autorisation  de  parler  au  roi.  Les 
soldats   leur  refusant  l'entrée  s'ils  n'ôtaient  ce  titre  au  prison- 

i.  Le  peintre  qui  plaça  lesdites  armoiries  reçut  deux  écus  el  demi  pour  sa 
peine.  V.  Robillard  de  Beaurepaire,  Archives  départent,  de  Seine-Inférieure, 
série  G,  t.  II,  p.  277. 

2.  Bibl.  de  Chartres,  ms.  101O,  f°  (35,  impr.  ;  proclamation  de  M.de  Thon, 
évèque  de  Chartres,  de  Charles  de  Bourbon  comme  roi  de  France,  de 
Chartres,  22  oct.  i58g  ;  publiée  dans  Le  Cabinet  historique,  t.  III,  p.  208. 

.'!.  Abord  (Hippolyte),  Histoire  de  la  Réforme  et  de  la  Ligue  dans  la  ville 
d'Autun,  t.  II,  p.  4o,  note  1. 

!\.  Négociations  diplom.  avec  la  Toscane.  I.  Y,  p.  67  ;  de  Rome,  (i  oct.  i58g. 
— -  L'Épinois  (H.  de),  La  Ligue  et  les  papes,  p.  354. 

5.  Arch.  du  Vatican  :  brevi  (Sixte-Quint),  armaruiin  54,  t.  \\l\. 
f°  278  v°  ;  de  Rome,  2  oct.  i!">8q.  (Pièces  justif.  n"  \\.)  Ce  bref  m-  lui 
vraisemblablement  jamais  remis  au  cardinal  de  Bourbon  ni  même  connu 
en  France. 


236  LE    ROLE    POLITIQUE    DU    CARDINAL    DE    BOURBON 

nier,  elles  préférèrent  s'en  retourner  sans  l'avoir  vu  plutôt  que 
de  l'appeler  autrement  que  leur  roi  '. 

Mais,  chose  curieuse,  alors  que  se  produisaient  ces  témoi- 
gnages de  fidélité  en  faveur  du  cardinal,  les  chefs  de  la  Ligue 
semblaient  l'oublier  entièrement.  Antoine  Hotman.  qui  avait 
soutenu  les  droits  du  vieillard  en  i588,  se  souvint  cependant 
qu'en  mars  dernier  Charles  de  Bourbon  avait  demandé  au 
conseil  de  l'Union  mainlevée  de  tous  ses  bénéfices,  dont  les 
deux  partis  s'étaient  emparés  depuis  sa  captivité.  A  grand'peine 
on  avait  satisfait  a  la  moitié  de  sa  réclamation.  Or  les  revenus 
de  la  légation  d'Avignon,  jusqu'ici  payés  au  prélat,  venaient 
d'être  également  confisqués  par  le  pape-.  En  conséquence 
Hotman  présenta  au  conseil  de  l'Union  une  nouvelle  requête 
censée  rédigée  par  le  cardinal,  qui  suppliait  qu'on  lui  accordai 
une  pension  annuelle.  Le  conseil  toujours  à  court  d'argent  en 
fut  désagréablement  surpris,  et  le  président  Hémar  Hennequin, 
évêque  de  Rennes,  pour  déjouer  le  plan  de  l'avocat,  lui  reprocha 
vivement  une  telle  «  requête  conçue  en  des  termes  qui  conve- 
noienl  peu  à  la  Majesté  royale,  ajoutant  qu'un  roi  ne  devoit  point 
user  de  supplications  envers  ses  sujets  ».  Nullement  vaincu 
par  l'étrangeté  de  cette  réplique.  Hotman  réitéra  sa  demande, 
disant  que  peu  lui  importaient  les  termes  si  l'on  y  faisait 
droit.  Le  conseil  alors  délibéra  un  fort  long  temps  et  déclara 
«  qu'ayant  une  si  grande  guerre  à  soutenir,  leurs  fonds  ne 
leur  permettoient  pas  d'accorder  au  roi-cardinal  une  pension 
sur  l'état  ;  que  cependant  l'Union  auroit  soin  de  le  remettre 
incessamment  en  possession  des  bénéfices  considérables  dont 
ses  serviteurs  se  plaignoient  (pie  les  ennemis  de  Dieu  et  de 
la  nation  s'étoient  emparés,  et  que  ces  revenus  considé- 
râmes seroient  sufïisans  pour  son  entretien  et  celui  de  sa  mai 
son  jusqu'à  la  tin  de  la  guerre  ;t  ». 


i.  A.ubigné  (d')j  Histoire  universelle,  t.  VIII,  p.  1/19. 

a.  Bibl.  Nat.,  f.  fr.,  ras,  4716,   f°  109,  orig.  :    lettre  du  sieur  Califlel   au 
sieur  Serre,  trésorier  général  du  cardinal  de  Bourbon,  de  Paris,  3  oct.  i.">N(,. 
3.Thou  (dei.  Histoire  universelle,  1.  M,  p.  5a. 


LE    REGNE    DE    CHAULES    X  !>,)- 

Tel  était  à  la  fin  de  septembre  le  respectueux  dévoûment  du 
conseil  général  de  l'Union  pour  son  souverain. 


Devant  le  peu  de  cas  que  la  Ligue  taisait  de  l'archevêque 
de  Rouen,  les  soupçons  que  Mayenne  avait  cru  dissipés  par 
la  mort  de  Henri  III  réapparurent.  On  s'étonna  de  l'indiffé- 
rence manifestée  à  l'égard  du  prisonnier,  du  peu  de  respect 
du  lieutenant  général  pour  le  sang-  des  Bourbons.  S'il  refusait 
le  tronc  au  Béarnais  parce  qu'il  était  hérétique  ou  même 
parce  qu'il  n'y  avait  point  droit,  pourquoi  ne  proclamait-il 
pas  le  cardinal  fervent  catholique  et  héritier  de  la  couronne  '  ? 
Celte  situation  équivoque  n'allait  d'ailleurs  pas  sans  incon- 
vénients pour  les  ligueurs.  Lorsque  Achille  de  Harlay. 
premier  président  au  parlement,  prisonnier  à  la  Bastille, 
dut  signer,  pour  obtenir  sa  mise  en  liberté,  un  mémoire 
par  lequel  il  s'engageait  à  servir  et  honorer  Charles  de  Bourbon 
comme  son  roi.  il  refusa,  prétextant  ne  pas  pouvoir  accepter 
un  fait  que  rien  n'autorisait  et  que  le  parlement  lui-même 
n'avait  pas  encore  reconnu  -.  Mais  ces  inconvénients  passaient 
inaperçus,  tant  la  Ligue  paraissait  puissante.  Les  partisans  du 
roi  de  Navarre  eux-mêmes  doutaient  secrètement  de  sa  fortune. 
Cependant  le  21  septembre,  sur  les  hauteurs  d'Arqués,  la 
bravoure  eut  raison  du  nombre.  Les  vingt-cinq  mille  hommes 
de  Mayenne  durent  reculer  devant  la  petite  troupe  du  Béarnais. 

Le  premier  engagement  était  un  échec  pour  les  ligueurs  :  ce 
fut  une  défaite  pour  Mayenne.  Jusqu'ici  la  confiance,  dont  il 
se  croyait  entouré,  l'avait  empêché  de  voiries  difficultés  de  >;i 
situation.  Elles  hn  apparurent  dans  toute  leur  étendue,  quand 
il  lui  en  hutte  aux  reproches  de  ses  coreligionnaires.    Il   perdit 

rapidement  sa  belle  assurance  des  anciens  jours  el.    voulant    se 

soustraire  à  la  responsabilité  qu'il    avait    encourue,  il     résolut 

1 .  Thon  (<1<m.  Histoire  universelle,  t.  \l,  p.  5a. 

■>.  Bibl.  Vil  ,  f.  IV..  ins.  3996,  f°  nij  v°,  copie;  mémoire  présenté  au 
premier  président  touchant  sa  délivrance  el  réponse  dudit  président. 


238  LE    HOLE   politique   du    cardinal   DE    BOURBON 

à  nouveau  de  convoquer  les  Etats  généraux.  La  délivrance 
désonnais  impossible  de  Charles  de  Bourbon  lui  fournil  un 
prétexte.  Le  10  octobre,  il  écrivit  au  parlement  de  Paris  que, 
les  affaires  allant  de  mal  eu  pis,  a  il  esloil  plus  besoin  que 
jamais   d'y    recourir1  ». 

Mais  la  victoire  d'/Vrques  ne  suffit  pas  à  Navarre.  Son  armée 
renforcée  de  quelques  troupes  de  secc/urs  poussa  une  pointe 
hardie  sur  la  capitale  et  emporta  même  cinq  faubourgs.  L'effroi 
fut  grand  dans  la  ville  jusqu'à  l'arrivée  tardive  de  l'armée  du 
lieutenant  général  qui  obligea  les  royalistes  à  lever  le  siège. 

Celle  seconde  rencontre,  ou,  pour  mieux  dire,  cette  seconde 
défaite  de  la  Ligue,  compromit  gravement  son  autorité.  Elle  eut, 
en  outre,  une  conséquence  qui  est  habituelle  chez  les  vaincus  ; 
ce  fut  de  semer  la  discorde  parmi  eux.  Devant  Mayenne  se  dressa 
le  conseil  de  l'Union,  composé  en  majorité  des  chefs  de  la 
faction  des  Seize.  Tandis  que  le  premier  repoussait  avec  les 
ligueurs  modérés  toute  intervention  étrangère,  ses  adversaires 
firent  appel  à  l'Espagne.  C'est  alors  que  Charles  de  Lorraine 
usa  du  pouvoir  qu'il  possédait  encore  pour  proclamer  officiel- 
lement la  royauté  du  cardinal  de  Bourbon,  cherchant  un  moyen 
d'affermir  son  autorité  chancelante2. 

En  conséquence,  le  21  novembre,  le  parlement  de  Paris 
rendit  un  arrêt  qui  enjoignit  «  de  recognoistre  pour  naturel 
et  légitime  roy  et  souverain  seigneur  Charles,  dixiesme  de  ce 
nom,  et  hiy  prester  la  fidélité  et  obéissance  deue  par  bons  et 
loyaux  sujets  ».  En  attendant  sa  délivrance,  le  duc  de  Mayenne 
conservait  son  titre  de  lieutenant  général  et  le  pouvoir  qui  lui 
élait  attribué.  La  cour  décida  que  ses  arrêts  et  toutes  les  lettres 
de  chancellerie  sciaient  intitulés,  inscrits  et  scellés  sous  le  nom 
de  Charles  X,  la  monnaie  fabriquée  en  la  prochaine  année 
frappée  à  son  effigie3.  Le  \  décembre  suivant,  elle   arrêta   que 

1.  Arcli.  Nat.,  \|a  <>'><V'.  orig.  ;  lettre  de  Mayenne  à  la  cour  de  parlement 
de  Paris,  de  Gaille-Fontaine,  10  oct.  1589. 

■>.  Thou  (de),  Histoire  universelle,  t.  XI,  p.  53.  —  Poirson  (E.),  Histoire  du 
règne  de  Henri  IV,  1.  I,  p.  i63. 

.;.  [rrest  de  In  cour  de  parlement  de  recognoistre  pour  roy  Charles  dixiesme 
de  ce  nom.  Paris,  i58q,  in-S'. 


LE    KEGNE    DE    CHARLES    X  20Q 

les  lettres  de  commandement  signées  habituellement  «  Par  le 
roy  »  porteraient  la  mention  «  Parle  roy,  estant  monseigneur 
le  due  de  Mayenne  lieutenant  général  de  Testât  et  couronne 
de  France  »  ;  les  lettres  de  commande  expédiées  au  conseil 
«  Par  le  roy,  au  conseil  estably  près  monseigneur  le  duc  de 
Mayenne,  lieutenant  général  de  Testât  et  couronne  de  France  ». 
Quant  aux  lettres  patentes  et  aux  lettres  closes  qui  tiraient  leur 
valeur  de  la  signature  royale,  elles  seraient  signées  du  due  de 
Mayenne  et  soussignées  d'un  secrétaire1. 

Ainsi,  il  avait  fallu  deux  défaites  et  la  menace  de  se  voir 
supplanter  par  les  Seize  pour  que  Mayenne  se  décidât  à  mettre 
fin  au  gouvernement  révolutionnaire  qui  durait  depuis  près 
d'un  an.  Charles  X  une  fois  proclamé,  le  conseil  de  l'Union  ne 
lit  plus  qu'assister  le  lieutenant  général,  seul  maître  désormais 
au  nom  du  nouveau  souverain  2. 

Alors  s'ouvre  une  nouvelle  période  dans  l'histoire  de  la 
Ligue.  Autant  les  partisans  de  Charles  de  Bourbon  l'ont  pré- 
cédemment négligé,  autant  désormais  ils  l'invoquent,  espérant 
trouver  en  lui  un  appui  pour  la  défense  de  leur  cause.  Partout 
on  prête  serment  de  fidélité  à  Charles  \3.  C'est  en  son  nom 
que  les  Etats  généraux  sont  convoqués  le  20  mars  en  la  ville 
de  Melun  *,  pour  sa  délivrance  que  les  gouverneurs  et  capi- 
taines reçoivent  l'ordre  d'assembler  le  ban  cl  L'arrière-ban5. 
On  veut  lutter  maintenant  pour  soutenir  les  droits  du  roi  et 
non  plus  les  intérêts  de  la  sainte  Union  des  catholiques. 

L'exemple  et  les  ordres  de  Paris  sont  naturellement  suivis  en 
province.  Le  parlement  de  Rouen,  malgré  sa  tiédeur,  doitenre- 

1.  Bibl.  Nat.,  f.  fr..  dis.  SqijG,  f"  1.^7,  copie;  arrêt  du  parlement  de  Paris 
concernant  l'expédition  des  lettres  de  chancellerie,  du  \  déc.  1089. 

2.  Gayet  (Palma),  Chronologie  novenaire,  p.  191,  col.  1. 

3.  Mémoires  de  Carorguy,  greffier  de  Bar-sur-Seine,  publiés  dans  Le 
Cabinet  historique,  t.  XXIV,  p.  3oo.  —  Registres  des  délib.  du  bureau  de  In 
ville  de  Paris,  l.  I\.  p.  Go-  ;  serment  de  Ballhazard  Nasse,  portugais,  du 
i3  févr.  1590. 

\.  Mandement  itératif  du  roy  pour  la  convocation  des  Estats  en  la  rille  de 
Melun.  Paris,  !.">()<),  in-8°.  —  Les  États  convoqués  d'abord  pour  le  3  février 
lurent  prorogés  au  ao  mai. 

.">.  Mémoires-journaux  de  P,  de  L'Estoile,  t.  Y,  p.  262. 


240  LE    ROLE    POLITIQUE    DU    CARDINAL    DE    BOURBON 

gistrer  l'arrêt  du  21  novembre,  le  i4  décembre,  en  présence 
du  duc  d'Aumale '.  Le  lendemain  i5,  celui  de  Dijon  l'enre- 
gistre à  son  tour,  puis  ceux  de  Toulouse,  de  Grenoble.  d'Aiv-. 
Enfin  un  dernier,  que  le  duc  de  Mercœur  installe  le  8  jan- 
vier à  Nantes,  pour  l'opposer  au  parlement  royaliste  de  Rennes, 
décide  que  ceux  qui  solliciteront  charges  ou  offices  n'en  seront 
pourvus  qu'à  titre  provisoire  jusqu'à  confirmation  par 
Charles  X3. 

A  côté  des  parlements,  les  vil  les  acclament  le  roi  de  la  Ligue. 
Le  6  février,  le  présidial  de  Poitiers  enregistre  l'arrêt  du 
21  novembre*.  Comme  on  rend  la  justice  en  son  nom,  de  son 
nom  on  excuse  les  crimes.  La  municipalité  de  Chartres  saisit  le 
i3  décembre  certains  sacs  de  blé  appartenant  à  des  personnes 
suspectes  «  toutes  ennemies  du  roi  Charles  X  ».  Quelques  jours 
après,  elle  fait  arrêter  et  mettre  à  rançon  deux  gentilshommes 
étrangers  malgré  leurs  passeports  «  comme  ennemis  du  roi 
Charles  de  Bourbon  de  présent  régnant5  ». 

Non  contents  de  cette  reconnaissance  oiïicielle,  les  ligueurs 
commencent  une  active  campagne  en  faveur  de  leur  souverain. 
Les  juristes  prouvent  à  nouveau  son  bon  droit  en  reprenant 
les  arguments  allégués  depuis  i5S5c.  Un  des  plus  brillants  avo- 
cats du  parlement  de  Paris,  au  dire  de  L'Estoile,  lui  dédie  son 
livre  De  sacra  polîtica,  en  le  saluant  du  titre  de  roi  de  France". 
Ses  partisans  offrent  même  au  célèbre  Cujas,  bien  vainement 
d'ailleurs,  de  magnifiques  récompenses  s'il   veut  consacrer  de 


1.  Floquet  (A.),  Histoire  du  parlement  de  Normandie,  t.  III,  p.  34'j. 

'.>..  Registres  du  parlement  de  Dijon  de  tout  ce  qui  s'est  passé  pendant  la  Ligue. 
S.  1.  n  d.,  in-12.  p.  1 . » 7 .  —  La  Cuisine  (E.  V.  de),  Le  parlement  de  Bour- 
gogne,  ■>.''  éd.,  t.  II,  p.  i8u  à  187.  — Cabassc(l>rosper),  Essai  historique  sur  le 
parlement  de  Provence,  t.  I,  p.  288. 

3.  Travers  (>'.),  Histoire  civile,  politique  et  religieuse  de  la  ville  et  du 
vomir  de  Nantes,  t.  III,  p.  3/|. 

l\.  Ouvré  (H.),  Essai  sur  l'histoire  de  la  Ligue  à  Poitiers,  p.  119. 

5.  L'Épinois (H.  de),  Histoire  de  Chartres,  l.  II,  p.  3<>7  et  3o8. 

0.  Le  droict  de  monseigneur  le  cardinal  de  Bourbon  à  la  couronne  de  France 
défendu  cl  maintenu  par  les  princes  catholiques  françois.  Paris,  r58g,  in-8°. 

7.  Mémoires-journaux  de P .  de  L'Estoile,  t.  V,  p.  i3. 


LE    REGNE    DE    CHARLES    X  2  \  I 

son  autorité  les  droits  de  leur  prétendant1.  Pendant  ce  temps, 
Les    portraits   du    cardinal   sonl    vendus    de   tous  côtés2  et  la 

monnaie  circule  à  son  effigie3. 

On  ne  néglige  aucun  moyen  de  propagande.  Cependant  que 
les  prédicateurs  tonnent  du  haut  des  chaires  contre  l'hérétique 
et  couvrent  de  louanges  le  nouveau  Melchisédech  qui  porte  à 
la  fois  la  robe  de  prêtre  et  la  couronne  royale,  Sainlyon.  avo- 
cat au  Châtelet,  mais  aussi  capitaine  de  la  bourgeoisie,  réunit 
ses  collègues,  les  autres  capitaines  de  Paris,  le 5  janvier, devant 
eux  discute  tout  au  long  le  droit  du  cardinal  au  tronc  de 
France  et  par  des  exemples  fort  nombreux  leur  prouve  que  le 
sacerdoce  ne  le  rend  nullement  inhabile  à  tenir  le  sceptre1. 

Derrière  Charles  X  cherche  maintenant  à  se  dissimuler 
l'Union  des  catholiques  qui  n'a  pu  triompher  seule. 


Mais  celte  active  campagne  venait  trop  lard  pour  qu'on  pût 
croire  à  sa  sincérité.  Elle  ne  trompa  personne.  D'ailleurs  il 
était  clair  que  la  proclamation  du  cardinal  de  Bourbon  ne 
dénouait  point  les  difficultés.  A  sa  mort  sans  doute  prochaine, 
à  qui  reviendrait  la  couronne?  Tandis  que  certains  ligueurs 
refusaient  obstinément  toute  transaction  avec  Navarre  cl  regar- 
daient vers  l'Espagne,  les  autres  apercevaient  déjà  la  fin  de  la 
lutte  dans  une  conversion  possible  de  l'hérétique,  cl  cette  diver- 
gence de  vues  nuisait  singulièrement  au  parti. 

Pendant  ce  temps  la  supériorité  du  Béarnais  s'affirmait. Tous 


i.  Berriat-Saint-Prix  (Jacques),  Histoire  du  droit  romain,  suivi  <U-  l'histoire 
lie  Cujas,  p.  'i  i8. 

■>..  Mémoires-journaux  de  /'.  </<•  L'Estoile,  i.  \ ,  p.  i3.  —  Voyez  fac-similé 
ii  I.  Ce  portrait  fut  tiré  par  Jean  Patrasson,  imprimeur  (le  la  sainte  I  nion 
à  Lyon. 

.'5.  \rcli.  .\at.,  musée,  pièce  7'iâ  ;  lettres  patentes  du  roi  Charles  \  ordon- 
nant de  frapper  monnaie  à  son  effigie,  de  Paris,  1  .">  (\^r.  i.'iS.,.  —  Fac-similé 
en  héliogr.  et  transcription  dans  l'Album  paléographique  puhl.  p.  la  Soc.  de 
l'Ecole  des  Chartes,  n°  48. 

'1.  Thon  (de),  Histoire  universelle,  I.  XI,  p.  io3. 

SuiAii.n,  —  Cardinal  </<■  Bourbon.  16 


2^2  LE    ROLE    POLITIQUE    DU    CARDINAL    DE    BOURBON 

ceux  qui,  après  la  mort  de  Henri  III,  avaient  gardé  une  pru- 
dente indécision,  se  tournaient  peu  à  peu  vers  lui.  Il  reçut  les 
députés  de  la  confédération  suisse,  qui  vinrent  renouveler 
l'ancienne  alliance  existant  entre  la  république  et  les  rois  de 
France.  Le  21  novembre,  le  jour  même  où  Charles  X  était  pro- 
clamé dans  Paris,  l'ambassadeur  vénitien  le  félicita  de  son 
avènement  au  nom  de  sa  ville,  la  pre'mière  parmi  les  puis- 
sances catholiques  à  reconnaître  sa  royauté1.  D'ailleurs  Henri 
de  Bourbon  laissait  croire  à  sa  conversion  prochaine.  Dans  la 
déclaration  du  !\  août,  il  avait  promis  non  seulement  de  main- 
tenir le  catholicisme  dans  son  royaume,  mais  encore  de  se 
faire  instruire  par  un  «  libre  concile  général  ou  national  »  : 
et  les  cardinaux  de  Vendôme  et  de  Lénoncourt.  ralliés  à  sa 
cause,  prédisaient  son  abjuration.  S'autorisaiit  de  l'assentiment 
du  cardinal  de  Bourbon,  les  prélats  eussent  voulu  convaincre 
de  cette  vérité  le  légat  Caëtani  que  le  pape  envoyait  en  France  2. 
Malheureusement  Caëtani  ne  crut  pas  à  leurs  promesses. 

Quand,  en  janvier  1090,  le  légat  entra  dans  Paris,  il  trouva 
la  situation  fort  critique.  L'argent  manquait,  le  commerce  avait 
cessé,  les  vivres  étaient  chers.  Les  partisans  du  roi  de  Navarre 
commençaient  à  gagner  le  peuple,  dont  la  misère  refroidissait 
l'ardeur.  A  peine  arrivé,  Caëtani  apprit  qu'on  travaillait  secrè- 
tement à  la  paix^.  Quelques  jours  plus  tard,  il  fut  averti  d'un 
complot  en  faveur  du  Béarnais  l.  À  ce  moment  les  cardinaux 
de  Vendôme  et  de  Lénoncourt  convoquaient  à  Tours  une 
assemblée  d'évèques  pour  faciliter  la  conversion  du  prince  et 
priaient  tous  les  prélats  français  de  s'y  rendre.  Le  légat  résuma 
d'un  mot  la  situation.  «  Si  Navarre  donne  le  moindre  signe  de 
catholicisme,  les  peuples  sont  tellement    disposés    à    l'accepter 


1.  Poirson  (E.),  Histoire  du  règne  de  Henri  IV,  1.  t.  p.  i38à  1O0. 

2.  Arch.  du  Vatican  :  letlere  dolla  segreteria  di  stato,  nunziatura  di 
Francia,  t.  XXIII,  p.  u-,  copie  ital.  :  lettre  des  cardinaux  de  Vendôme  et  de 
Lénoncourt  au  duc  de  Nevers,  du  19  févr.  1090. 

3.  L'Épinois  (H.  de),  La  Ligue  el  les  papes,  p.  3»j.'i. 

\.  Valois  (Ch.),  Une  histoire  inédite  de  la  Ligue  dans  Positions  des  thèses  de 
l'Ecole  îles  Chartes,  1907,  p.   18G. 


Le   RÈGNE    DE    CHARLES   x  5>43 

qu'humainement  parlant  on  ne  pourra  lui  enlever  le 
royaume  '.  » 

Cependant  son  arrivée  et  son  appui  non  dissimulé  relevèrent  le 
courage  des  ligueurs.  S'ils  sont  maintenant  moins  nombreux, 
ils  se  montrent  plus  acharnés  et  recommencent  une  vigoureuse 
campagne  pour  la  défense  de  leur  cause.  Mais  ils  ont  compris 
que  le  nom  seul  de  Charles  X  n'est  plus  suffisant  pour  soulever 
l'enthousiasme.  La  proclamation  de  sa  royauté  n'a  pas  été  d'un 
grand  secours  et,  malgré  maints  efforts,  le  vieillard  déjà  peu 
connu  s'efface  chaque  jour  davantage  devant  son  adversaire 
grandi  par  les  succès.  Ses  partisans  ne  l'abandonnent  point, 
mais,  insensiblement,  ils  sont  amenés  à  considérer  la  lutte  sous 
son  ancien  jour,  qui  est  d'ailleurs  le  seul  véritable,  une  guerre 
directe  et  avouée  contre  le  Béarnais.  La  nouvelle  campagne  a 
donc  ce  double  caractère  de  favoriser  Charles  X  et  d'attaquer 
Henri  IV  ;  et  plus  les  jours  s'écoulent,  plus  le  second  but  de- 
vient manifeste.  A  quoi  bon  vouloir  prolonger  les  illusions! 
Les  ligueurs  connaissent  leurs  propres  pensées  et  savent  que  la 
haine  contre  Navarre  est  plus  susceptible  d'exciter  l'ardeur  de 
leurs  coreligionnaires  qu'un  prétendu  amour  de  Charles  de 
Bourbon. 

La  Sorbonne  ouvre  le  l'en.  Son  décret  du  10  février  1090 
révèle  nettement  les  deux  tendances  du  mouvement.  Pendant 
qu'il  défend  d'employer  le  ternie  de  roi  pour  désigner  tout  autre 
que  Charles  X,  il  interdit  d'adhérer  au  parti  de  Henri  dé  Bour- 
bon même  converti -.  Quelques  jours  plus  tard,  le  icr  mars,  le 
légat  menace  d'excommunication  les  prélats  qui  se  rendront  à 
l'appel  des  cardinaux  de  Vendôme  et  de  Lénoncourt.  La  no- 
blesse se  voit  adresser  une  déclaration  qui  justifie  la  Ligue  des 
accusations  portées  contre  elle  et  atteste  son  désintéressement  à 
défendre  la  religion  et  le  roi    légitime3.   Enfin,    le  5  mars,    le 


1.  L'Épinois  (II.  de),  La  Ligne  ri,  1rs  papes,  p.  396. 

2.  Thou  (de),  Histoire  universelle,  t.  \t.  p.  106.  —   L'Epinois  (II.  do),  La 
Ligue  et  les  papes,  p.  3g3-394. 

'.\.  Thou  (de),  Histoire  universelle,  t.  XI,  p.  109. 


2 14  LE    ROLE    POLITIQUE    DU    CARDINAL    DE    BOURBON 

parlement  de  Paris  rend  un  arrêt  ordonnant  à  tous  de  recon- 
naître Charles  X  et  de  combattre  Henri  de  Bourbon  J. 

Rien  ne  nécessitait  ce  second  arrêt  qui,  renouvelant  celui 
du  21  novembre,  prouvait  seulement  le  peu  d'efficacité  du 
précédent.  Toutefois  il  en  différa  par  certains  côtés  et  ce  sont 
ces  différences  qui  marquent  le  changement  survenu  depuis 
trois  mois  dans  les  idées  des  chefs  de*  la  Ligue.  L'arrêt  du 
21  novembre  enjoint  seulement  de  reconnaître  Charles  X  pour 
roi  naturel  et  légitime,  de  s'employer  à  sa  délivrance,  d'obéir 
provisoirement  au  duc  de  Mayenne  lieutenant  général  du 
royaume.  Celui  du  5  mars  renouvelle  ces  prescriptions,  mais 
s'attaque  également  au  roi  de  Navarre,  que  le  premier  igno- 
rait, et  même  avec  une  grande  violence.  Il  défend  à  toute 
personne  de  conseiller  la  paix,  d'avoir  intelligence  avec  Henri 
de  Bourbon  ou  ses  agents  sous  peine  d'emprisonnement 
et  de  perle  de  ses  biens  :  des  châtiments  analogues  seront  pro- 
noncés contre  tout  sujet  qui.  connaissant  des  partisans  de 
l'hérétique,  ne  les  aura  point  dénoncés  dans  les  vingt-quatre 
heures. 

La  publication  de  l'édit  du  5  mars  donna  lieu  à  une  cérémonie 
officielle.  En  présence  du  légal,  de  ramhassadeur  d'Espagne, 
du  duc  de  Nemours,  gouverneur  de  Paris,  et  des  membres  des 
cours  souveraines,  le  prévôt  des  marchands,  les  échevins  et 
les  capitaines  de  la  bourgeoisie  jurèrent  sur  les  saints  évangiles 
de  mourir  pour  la  religion  catholique  et  de  rester  jusqu'au 
dernier  soupir  fidèle  à  Charles  X  et  au  lieutenant  général,  sans 
jamais  accorder  trêve  au  roi  de  Navarre.  Les  colonels  et 
capitaines  reçurent  la  formule  de  serment  pour  le  faire  prêter 
à  leurs  hommes.  Le  lendemain  les  membres  des  cours  souve- 
raines le  prêtèrent  également-. 

En   province    un    mouvement  identique   se    produisit.    Les 

i.  Arrêt  du  parlement  de  Paris  ordonnant  de  reconnaître  pour  roi  Charles  X. 
Paris,  1089,  in-8° ;  reproduit  dans    archives  curieuses,  1"  série,  t.  NI.  p.  225. 

3.  Mémoires-journaux  de  P.  de  L'Estoile,  t.  V,  p.  367.  — Thou  (de),  Histoire 
universelle,  t.  XI.  p.  110.  —  Journal  du  siège  de  Paris,  pui>l.  p.  A.  Franklin, 
p.    i:kj. 


LE    RÈGNE    DE    CHARLES    \  9_|.) 

parlements  firent  de  nouveaux  arrêts  en  faveur  de  Charles  X  4. 
I  ne  l'ois  de  plus  on  jura  fidélité  au  cardinal-roi  ~. 

Ce  fut  l'effort  suprême  ;  il  ne  sauva  pas  la  situation.  En 
effet  Charles  X  ne  peut  plus  vivre.  Son  nom  paraît  dans 
tous  les  actes,  mais  sa  personne  reste  ignorée.  Les  défaites 
d'Issoire  et  d'Ivry,  qui  viennent  augmenter  la  confusion  du 
parti  ligueur,  font  surgir  de  trop  graves  problèmes  pour  que 
l'on  puisse  s'inquiéter  encore  d'un  roi  fantôme.  Seuls  les 
fanatiques  songent  à  invoquer  son  nom  quand,  le  bâton  en 
main ,  ils  prétendent  imposer  leurs  croyances  et  leurs  opinions 3. 

Les  chefs  eux-mêmes  n'osent  plus  croire  à  sa  royauté.  Ils  se 
hâtent  de  faire  déciderpar  la  Sorbonne  la  conduite  à  tenir  quand 
ce  fantôme  de  monarque  leur  échappera.  Ils  posent  trois  ques- 
tions aux  docteurs  :  au  cas  où  Charles  X  viendrait  à  mourir 
ou  à  céder  ses  droits  à  son  neveu,  pourra-ton  accepter  la 
royauté  de  Henri  de  Bourbon  ?  Pourra-ton  traiter  avec  lui 
sans  être  suspect  d'hérésie  ?  Devra-ton  s'opposer  par  tous  les 
moyens  possibles  à  son  avènement  ?  La  place  occupée  par  la 
personne  du  Béarnais  dans  ces  interrogations  suffit  à  dévoiler 
les  pensées  et  les  intentions  des  chefs  ligueurs. 

La  réponse  des  docteurs,  accordant  la  palme  du  martyre 
à  tout  sujet  qui  combattrait  jusqu'à  la  mort  l'hérétique  relaps, 


i.  Mémoires  de  la  Ligue,  t.  IV,  p.  263  ;  arrêt  de  la  cour  do  parlement  de 
Rouen,  du  10  avril  i5go. 

2.  Ainsi  à  Nantes  les  habitants  renouvellent  le  serinent  le  16  avril  i5go. 
V.  Travers  (Nie.),  Histoire  civile,  politique  et  religieuse  de  la  ville  et  du  comté 
de  Santés,  t.  III,  p.  3g.  —  Partout  on  invoque  Charles  X.  C'est  en  son  nom 
que  les  États  de  Lavaur  reçoivent  au  sein  de  l'Union  les  habitants  de  Car- 
cassonne.  \  Montréal,  ch.-l.  de  canton  de  l'Aude,  les  Carmes  prennent 
possession  de  l'emplacement  d'un  couvent  sans  bourse  délier  à  condition  de 
célébrer  tous  les  mercredis  une  messe  basse,  à  laquelle  assisteront  les 
consuls,  «pour  la  délivrance...  de  Charles,  jadis  cardinal  de  Bourbon,  par 
la  grâce  de  Dieu  roy  de  France...  »  (Vaissrtlo  il).).  Histoire  générale  du  Lan- 
guedoc, 2e  éd.,  t.  XI,  p.  801  et  8o3,  note). 

3.  Histoire  du  siège  de  Paris  sous  Henri  IV  en  1590,  p.  dans  Wém.  de  la 
Soc.  de  l'histoire  de  Paris,  1881,  t.  VII,  |>.  198.  —  Félibien  (M.),  Histoire  de 
la  cille  de  Paris,  l.  lit.  i».  7«i". 


2/|6  LE    ROLE    POLITIQUE    Dl     CARDINAL    DE    BOURBON 

fut  connue  à  temps  '.  Deux  jours  plus  tard  Charles  de  Bourbon 
expirait. 

i.  Résolution  de  Messieurs  de  la  faculté  de  théologie  de  Paris  sur  les  articles 
à  eux  proposez  par  les  catholiques  habitans  la  ville  de  Paris.  Paris,  i5go, 
in-8°  ;  du  7  mai  i5go  ;  publiée  dans  Mémoires  de  la  Ligue,  t.  IV,  p.  26/i.  — 
Mémoires-journaux  de  P.  de  L'Estoile.  t.  V,  p.  270.  —  Thou  (de),  Histoire 
universelle,  t.  XI,  p.  107.  —  Palma  Cayet  (Chronologie  novenaire,  p.  23;?, 
col.  1)  affirme  que  la  Sorbonnc  ne  prit  sa  résolution  qu'après  avoir  connu 
la  mort  du  cardinal.  Cela  semble  impossible,  car  la  nouvelle  de  la  mort 
n'arriva  dans  Paris  que  le  i4  mai  et  dès  le  i5  la  réponse  des  docteurs  était 
déjà  parvenue  à  Rome.  Cf.  L'Épinois  (H.  de),  La  Ligue  et   les  papes,  p.  433. 


CHAPITRE    IV 


LA    MORT    DU    ROI    DE    LA    LIGUE 


Depuis  quelque  temps  la  mauvaise  santé  du  cardinal  faisait 
craindre  pour  ses  jours.  Malgré  la  vie  paisible  qu'il  menait 
dans  sa  prison,  il  fut  repris  par  cette  maladie  dont  il  avait 
souffert  une  première  fois  à  Blois,  puis  une  seconde  à  Chinon  : 
une  forte  rétention  d'urine  occasionnée  par  la  pierre,  qui  lui 
faisait  jeter  le  sang.  Une  fièvre  continue  survint  qui  l'affaiblit 
beaucoup  * . 

Le  dimanche  6  mai,  quoiqu'il  fût  très  fatigué,  il  alla  com- 
munier dans  son  petit  oratoire  ;  à  son  retour  il  dut  se  coucher. 
L'idée  de  la  mort  le  hantait  déjà.  Dans  la  soirée,  parlant  avec 
Martimbos,  un  de  ses  familiers,  il  lui  déclara  qu'il  voulait  que 
son  corps  fût  enterré  à  Gaillon  et  son  cœur  conservé  dans  la 
cathédrale  de  Rouen  -. 

Le  surlendemain  mardi  il  se  sentit  plus  mal.  Il  fit  demander 
son  confesseur  habituel,  le  sieur  de  Billy,  et  tous  deux 
restèrent  seuls  environ  une  heure,  de  quatre  à  cinq.  Quelque 
temps  après  le  malade  s'endormit.  Quand  il  se  réveilla,  vers 
deux  heures  du  malin,  son  premier  médecin,  M™  Guillaume 
Lusson,  docteur  régent  en  la  faculté  de  médecine  de  Paris. 
et  deux  autres  praticiens  que  l'on  avail  mandé  de  Thouars 
et  de  Nantes,  Jacques  de  Rays  el  Nicolas  Lamin,  décla- 
rèrent que  la  fièvre  avait   grandement    diminué.  Cependant, 

i.  Du  Breul  (J.),  Vie  de  Charles  de  Bourbon,  p.  g.> 

2.  Du  Breul  (J.),  Vie  de  Charles  de  Bourbon,  p.  10.  —  Du  Breul  affirme 
tenir  ces  détails  des  anciens  serviteurs  du  cardinal  et  de  certains  <,ren- 
tilshommes  huguenots  qui  furent  présents. 


248  LE    RÔLE    POLITIQUE    DU    CARDINAL    DE    BOIT.BOX 

vers  trois  heures  et  demie,  elle  augmenta  avec  une  telle 
violence  que  le  vieillard  perdit  connaissance  ;  on  crut  même 
un  instant  qu'il  allait  expirer.  Lorsqu'il  eut  repris  ses  sens,  un 
des  assistants  lui  demanda  «  s'il  n'avoit  pas  toujours  sou 
venance  de  la  passion  de  nostre  Seigneur  et  son  espérance 
fichée  en  luy.  A  quoy  d'une  voix  basse  jl  répondit  :  il  n'est  pas 
temps  de  l'oublier  >;.  Ce  fut  sa  dernière  parole.  Un  de  ses 
aumôniers,  après  avoir  célébré  la  messe  dans  l'oratoire,  lui 
apporta  une  hostie  consacrée  ;  pendant  ce  temps  un  moine, 
un  crucifix  à  la  main,  l'exhortait  à  la  résignation,  mais  à  peine 
le  mourant  pouvait-il  faire  signe  qu'il  entendait  en  soulevant 
ses  paupières  lourdes  chaque  fois  que  le  prédicateur  prononçait 
le  nom  de  Jésus.  Enfin  à  neuf  heures  et  un  quart  il  rendit 
l'aine  dans  un  soupir  «  qui  n'avoit  aucune  véhémence,  non 
plus  que  celuy  d'une  personne  qui  est  en  pleine  santé  d  ». 

Pour  dissiper  les  soupçons  que  pouvait  éveiller  la  mort  d'un 
prisonnier,  le  sieur  de  La  Boulaye  fit  exposer  le  corps  pendant 
tout  le  jour  et  laissa  entrer  ceux  qui  le  voulurent  2.  Le  soir 
même,  en  présence  des  trois  médecins  qui  avaient  soigné  le 
prélat,  quatre  chirurgiens  de  la  ville  de  Fontenay-le-Gomte 
firent  l'autopsie  du  cadavre.  Ils  trouvèrent  deux  grosses  pierres 
et  beaucoup  de  petits  calculs  qui  empêchaient  l'écoulement  de 
l'urine,  et  même  près  du  col  de  la  vessie  un  commencement 
de  gangrène  3. 

Selon  le  désir  manifesté  par  Charles  de  Bourbon  quelque 
temps  avant  sa   mort,  le  cardinal  de  Vendôme,   avec  la  per- 

i.  Du  Breul  (J.),  Vie  de  Charles  de  Bourbon,  p.  u,  —  L'Estoile,  dans  ses 
Mémoires-journaux,  t.  Y ,  p.  20,  et,  Palma  Cayet,  dans  sa  Chronologie  novenaire, 
p.  2.1-4,  col.  1,  le  font  mourir  le  8  mai.  Cette  erreur  se  retrouve  dans  un 
Extrait  des  mémoires  de  René  de  Brilhac,  sieur  du  Parc  (1573-1622),  publié 
dans  les  Archives  historiques  du  Poitou,  t.  \Y,  p.  22.  —  Au  contraire  l'am- 
bassadeur d'Espagne  l  \rcb.  Nat.,  K  1071,  n°  iofi,  décliiffr.  ;  dép.  de  Mendoça 
à  Philippe  II,  de  Paris,  i4  mai  1090)  et  l'ambassadeur  toscan  (Négociations 
diplom.  avec  la  Toscane,  t.  V,  p.  29;  de  Rome,  2  juin  1090)  sont  d'accord 
avec  Du  Breul  pour  fixer  au  9  mai  la  date  de  sa  mort. 

9.  Du  Breul  (J.),  op.  cit.,  p.  12. 

3.  Bibl.  Nat.,  f.  Dupuy,  vol.  88.  f°  3a,  orig.  ;  procès-verbal  de  l'autopsie 
du  cadavre  de  Charles  de  Bourbon,  du  9  mai  1590.  (Pièces  justif.  n°  XXIV.) 


LA    MORT    Dl     ROI    DE    LA    LIGUE  2/49 

mission  du  roi  de  Navarre,  fil  transporter  le  corps  à  Gaillon  '. 
Ayant  quitté  Fontenay  le  19  juillet,  il  y  arriva  le  8  août.  Il  fut 
enseveli  dans  la  chapelle,  tandis  que  le  cœur  fut  conservé  dans 
la  cathédrale  de  Rouen  -.  A  Fontenay  il  ne  resta  que  les 
entrailles,  qui  furent  placées  dans  une  urne  sous  les  dalles  du 
sanctuaire  de  l'église  Saint-Nicolas  3. 


Los  soldats  de  la  garnison  de  Vincennes  ayant  arrêté  le 
i4  niai  le  messager  qui  portait  au  roi  de  Navarre  la  nouvelle 
de  la  mort  du  cardinal4,  les  Parisiens  en  furent  les  premiers 
informés.  Mayenne  l'apprit  quelques  jours  plus  tard  à  Péronne. 
Tout  d'abord  il  ne  voulut  pas  y  croire,  mais  il  en  eut  bientôt 
des  confirmations  5. 

La  nouvelle  n'émut  personne.  Pour  les  partisans  du  Béarnais, 
le  vieillard  ne  comptait  plus  depuis  longtemps  ;  pour  les 
ligueurs,  Charles  X  n'était  qu'un  nom.  D'ailleurs  les  événements 
captivaient  trop  l'attention  pour  qu'on  se  préoccupât  de  la 
mort  d'un  prisonnier  lointain.  Depuis  une  semaine  Henri  IV 


1.  Revue  des  documents  historiques,  1879,  t.  VI,  p.  G7  ;  lettre  de  Charles, 
cardinal  de  Bourbon,  à  un  inconnu,  de  Tours,  1G  mai  i5go. 

2.  Du  Breul  (J.),  Vie  de  Charles  de  Bourbon,  p.  12.  —  Son  cœur  fut  trans- 
porté plus  tard  à  la  chapelle  de  Gaillon,  ainsi  que  de  nombreux  corps  des 
membres  de  sa  famille.  V.  Histoire  de  la  ville  de  Rouen,  3''  éd.,  t.  Il,  5"  par- 
tie, p.  Go. 

0.  Boncennes  (F.),  Notes  sur  la  mortel  la  sépulture  <lu  cardinal  de  Bourbon 
dans  Revuedes  provinces  de  l'Ouest,  180G,  p.  828.  —  Jusqu'en  1792,  on  put 
lire  sur  la  dalle  de  l'église  urna  viscerum,  et  le  pilier  situé  à  droite  du  grand 
autel  conserva  celle  simple  inscription  :  Obiit  piissimus  princeps  nono 
maii  Î590. 

\.  \rrh.  \'al.,  K  1Ô71,  n"  io5.  déchiffr.  ;  dép.  de  Mendoca  à  Philippe  11, 
de  Paris,  1  \  mai  1090.  — Négociations  diplom.  avec  la  Toscane,  t.  V,  p.  129; 
de  Borne,  2  juin  1J90.  —  Histoire  du  siège  de  Paris  sous  Henri  IV  en  1j90, 
publiée  dans  Mém.  île  la  Soc.  de  l'histoire  de  Paris,  1881,  t.  Vit,  p.  201.  — 
L'Estoile,  dans  ses  Mémoires-journaux,  t.  \  .  p.  272,  prétend  faussement  que 
la  nouvelle  fut  connue  à  Paris  le  10  mai.  Il  est  d'iiilleurs  l'un  de  ceux  qui 
font  mourir  le  cardinal  le  8  mai. 

5,  Mémoires  d'eslat  de  Villeroy,  éd.  Midi,  et  Pouj.,  p.  iô8,col.   2. 


25o  LE    RÔLE    POLITIQUE    DU    CARDINAL    DE    BOURBON 

investissait  Paris.  C'était  la  lutte  entre  le  roi  de  France  et  la 
Ligue,  dont  rien  n'excusait  plus  la  révolte  si  ce  n'est  la  défense 
de  la  religion.  Charles  X  disparut  vite  dans  l'oubli  '. 

La  mort  du  cardinal  de  Bourbon  ne  nuisit  pas  plus  à  la 
Ligue  que  sa  vie  depuis  son  emprisonnement  lui  avait  servi. 
Mayenne  l'avait  proclamé  roi  pour  y  trouver  un  appui  person- 
nel et  faire  appel  à  tous  les  catholiques.  11  avait  réussi  à  briser 
la  puissance  du  conseil  général  de  l'Union,  mais  non  point  à 
recruter  des  partisans.  La  disparition  du  prélat  n'enleva  aux 
ligueurs  que  le  nom  royal  dont  ils  faisaient  précéder  la  teneur 
de  leurs  actes2.  En  cela  cependant  elle  leur  fut  contraire,  car, 

i.  Le  Journal  du  siège  de  Paris  en  1590  rédigé  par  un  îles  assiégés,  publié 
par  A.  Franklin,  et  le  Discours  bref  et  véritable  des  choses  les  plus  notables 
arrivées  au  siège  mémorable  de  la  renommée  ville  de  Paris  et  défense  d'icelle 
/tar  monseigneur  le  duc  de  Nemours  contre  le  roi  de  Navarre  par  P.  Corneïo, 
publié  dans  les  Mémoires  de  la  [Jgue,  t.  IV,  p.  276  à  3o3,  ne  font  aucune 
mention  de  la  mort  du  cardinal.  Filippo  Pigaffetta,  dans  sa  Relation  du  siège 
de  Paris,  publ.  dans  les  Mém.  de  la  Soc.  de  l'histoire  de  Paris,  1876,  t.  II.  /»i. 
dit  cependant  qu'il  y  eut  en  son  honneur  quelques  services  dans  les  églises. 
Les  Registres  des  délib.  du  bureau  de  la  ville  de  Paris,  t.  A,  p.  67,  nous  four- 
nissent certains  renseignements  curieux.  Le  26  oct.  i5c)o,  la  municipalité 
décida  de  se  réunir  le  lendemain  27  «pour  adviser  sur  les  obsèques  et  funé- 
railles du  deffunct  roy  Charles  dixiesme  ».  Mais  le  procès-verbal  de  la 
séance  manque.  L'éditeur,  M.  P.  Guérin,  pensequ'il  n'a  pas  été  donné  suite 
à  ce  projet,  car  aucun  historien  du,  temps  ne  le  mentionne  et  il  n'en  a 
trouvé  aucune  trace  sur  les  registres  des  cours  souveraines,  ni  dans  les 
archives  du  chapitre  de  Paris.  Cependant  il  faut  rappeler  que  Mayenne  fit 
ériger  un  monument  en  l'honneur  de  son  malheureux  roi.  Il  se  composait 
d'une  colonne  de  marbre  flanquée  de  deux  statues  de  bronze  représentant 
la  paix  et  l'abondance,  faites  pour  le  monument  de  Montmorency,  et  sur- 
montée d'une  statue  du  cardinal  qui  fut  brisée  en  1793.  Cf.  Lenoir  (Alex.), 
Musée  des  monuments  français,  t.  III,  p.  i35-j36,  pi.  124  et  120. 

2.  Il  est  difficile,  sinon  impossible,  d'établir  exactement  les  dates  aux- 
quelles on  cessa  de  rendre  les  édits  au  nom  de  Charles  X,  car  les  registres 
du  parlement  ligueur  de  Paris  ont  été  entièrement  détruits.  Les  dernières 
Icllres  patentes  données  en  son  nom  que  j'ai  rencontrées  sont  datées  du 
8  mai  i5go,  et  furent  enregistrées  le  même  jour  au  bureau  des  trésoriers 
généraux  de  France  à  Paris  (Arch.  \at.,  Zlf  555,  f°  61  v°). 

Si  l'on  en  croit  un  passage  d'une  «  Histoire  de  nostre  temps  de  ce  qui 
est  advenu  à  Paris  depuis  le  I\  de  may  i588  »,  qui.  d'après  Bourquelot 
(Mémoires  de  Claude  Halon,  I.  I,  p.  vn),  se  trouverait  en  manuscrit  à  la 
Bibl.  Nat.,  «  l'on  feist  toujours  parler  ledict  Charles  [X]  aux  arretz  de  la 


LA    MORT    DU    ROI    DE    LA    LIGUE  201 

si  Charles  de  Bourbon  n'était  qu'un  roi  fantôme,  il  n'en  occupait 
pas  moins  le  trône.  Après  lui  ce  dernier  resta  vacant.  L'absence 
d'une  souveraineté  reconnue,  eu  ouvrant  le  champ  aux  ambi- 
tions et  aux.  intrigues  étrangères,  précipita  la  chute  de  la 
Ligue  '. 

court  et  lettres  de  chancellerie  et  ce  jusques  au  XVIIIe  de  novembre  1090, 
que  l'on  commença  à  dire  :  les  gens  fenans  la  court  de  parlement  et  les 
gens  tenans  la  chancelier jre.-..  et  scelloit-on  du  sceau  de  France  ». 

Le  parlement  de  Dijon  cessa  seulement  le  iojanvier  1691  de  rendre  la  jus- 
tice au  nom  de  Charles  X.  Cf.  Registres  du  parlement  de  Dijon  de  tout  ce  qui 
s'est  passé  pendant  la  Ligue,  s.  1.  n.  d.,  in-12,  p.  an.  —  Celui  de  Nantes 
rendit  le  8  août  1690  un  arrêt  portant  que,  l'an  1er  du  règne  de  Charles  X 
étant  écoulé,  les  lettres  de  chancellerie  seraient  datées  à  l'avenir  de  l'an  II 
de  son  règne,  et  jusqu'en  1098  on  continua  en  Bretagne  de  frapper  la  mon- 
naie à  l'effigie  du  roi  delà  Ligue.  V.  Travers  (Nie.),  Histoire  civile,  politique 
et  religieuse  delà  ville  et  du  comté  de  Xantes,  t.  III,  p.  36. 

1.  Le  parlement  de  Paris  supprima  cette  royauté  éphémère  en  ordonnant 
le  3  décembre  1094  que  les  «  motz  Charles  dixiesme  seront  rayez  et  ostez, 
tant  des  minuttes,  des  arrestz  es  registres  d'icelle  [cour],  que  des  expéditions 
en  forme  par  extraict  qui  ont  esté  délivrez  aux  parties  ;  ensemble  les  écri- 
tures du  mesme  nom,  tant  desdietz  arrestz,  commissions  que  lettres  obte- 
nues en  chancellerie  ;  et  a  faict  et  faict  inhibitions  et  deffencesà  tous  juges, 
huissiers  ou  sergens  d'exécuter  lesdietz  arrestz,  mandemens  et  lettres  soubz 
pareilles  inscriptions  sur  peyne  de  crime  de  léze-majesté  ».  L'arrêt  du  par- 
lement est  publié  dans  les  Mémoires-journaux  de  P.  de  L'Estoile,  t.  \  I, 
p.  281  ;  —  Le  Cabinet  historique,  t.  IH,  p.  261  ;  —  Anselme  (Le  P.),  Histoire 
généalogique...,  t.  I,  p.  329. 


CONCLUSION 


L'histoire  a  discrédité  Charles  de  Bourbon  faute  d'avoir 
connu  sa  véritable  nature.  Mais  on  peut  difficilement  reprocher 
aux  modernes  de  ne  l'avoir  pas  compris,  quand  il  resta  une 
énigme  pour  le  plus  grand  nombre  de  ses  contemporains.  Le 
portrait,  qu'ils  nous  en  ont  laissé,  provient  surtout  des  esquisses 
à  gros  traits  dessinées  par  les  pamphlétaires,  qui  trouvèrent 
dans  le  récit  de  ses  actions  et  celui  des  événements  auxquels  il 
fut  mêlé  une  source  inépuisable  de  railleries.  En  exagérant  ses 
défauts,  ils  n'ont  pas  pu  les  reconnaître  et  ils  ont  empêché 
leurs  descendants  de  les  comprendre. 

\u  dire  de  T\  potins,  la  devise  de  Charles  de  Bourbon  repré- 
sentai! un  pauvre  voyageur  qui  s'en  allait  tête  nue,  bâton  en 
main,  au  milieu  d'une  solitude  affreuse,  sous  des  rafales  de 
vent  et  des  torrents  de  pluie  *.  Il  semble  que  cette  image  soit 
un  peu  celle  du  cardinal.  Vivant  dans  une  époque  où  l'intérêt 
fut  le  principal  mobile  des  actes,  parfois  l'unique,  où  les 
quelques  rares  hommes  consciencieux  se  trouvèrent  perdus 
parmi  les  ambitions  rivales  qui,  non  contentes  d'intriguer, 
allèrent  jusqu'à  verser  le  sang  pour  assurer  leur  triomphe, 
sa  simplicité,  on  pent  dire  sa  naïveté,  en  lit  le  jouet  des  événe- 
ments. Il  «'tait  doué  de  qualités  saines  :  intelligence  commune 
à  laquelle  remédiaient  une  piété  profonde  et  nue  grandi1  bonté. 
\\ec  l'influence  considérable  que   lui    donnaient  ses  litres  de 

i.  T\ potins  (Jac),  Symbola  divina  et  hwnatva  pontificum,  imperatomm, 
regum  et  symbola  varia  diversorum  principum  ex  muiseo  Octavii  de  Stràda, 
iiuii  Isagoge  Jac.  Tipolii  ad  tomos  I  et  II  et  Ins.  de  Bood  ad  lertium.  Prague, 
t6oi-i6o3,  in-f ",  .'!  parties  en  i  vol.;  a*  part.,  p.  G. 


254  LE    ROLE    POLITIQUE    DU    CARDINAL    DE    BOLRBOX 

prince  du  sang,  d'archevêque  de  Rouen  et  de  cardinal,  avec  les 
immenses  richesses  qu'il  tirait  de  ses  nombreux  bénéfices,  il 
eût  fait  un  parfait  homme  de  cour.  Le  malheur  voulut  qu'il  fût 
jeté  dans  la  tourmente  des  guerres  de  religion. 

Deux  grandes  affections,  en  se  partageant  le  cœur  de  Charles 
de  Bourbon,  ont  déterminé  sa  conduite  et  réglé  sa  vie  :  son 
amour  pour  sa  famille  et  son  amour  pour  sa  religion.  Tant  qu'il 
put  aimer  l'une  et  l'autre,  sa  famille  et  sa  religion,  le  cardinal 
fut  le  plus  heureux  des  hommes  et  sans  doute,  comme  les 
hommes  heureux,  il  n'aurait  pas  eu  d'histoire,  si  les  circons- 
tances ne  l'avaient  contraint  à  choisir  entre  les  deux. 

Parvenu  à  l'âge  d'homme  à  une  époque  où  les  doctrines 
luthériennes  n'inquiétaient  encore  que  quelques  esprits  sagaces 
qui  en  prévoyaient  les  funestes  conséquences,  Charles  de  Bour- 
bon ne  s'en  préoccupa  point.  Sa  foi  robuste  ne  s'alarma  pas  de 
craintes  qui  semblaient  chimériques.  Même  quand  le  danger 
devint  plus  pressant,  quand  les  premières  atteintes  du  mal  se 
firent  sentir  au  sein  de  sa  propre  maison,  le  prélat  conserva 
une  inébranlable  confiance.  11  fut  infiniment  plus  peiné  de 
voir  son  cadet  Condé  accusé  par  les  Lorrains  du  crime  de  lèse- 
majesté  que  d'apprendre  que  son  aîné  Antoine  avait  chanté  les 
psaumes  au  Préaux-clercs.  Cependant  il  dut  s'inquiéter,  quand 
à  la  rivalité  des  familles  se  joignit  la  rivalité  des  croyances. 

La  lutte  entre  les  deux  affections  fut  longue  et  douloureuse 
pour  le  prélat.  Après  bien  des  hésitations,  bien  des  retours  en 
arrière,  l'amour  de  la  religion  l'emporta  sur  l'amour  de  la 
famille.  11  avait  fallu  pour  cela  la  mort  prématurée  d'Antoine 
de  Bourbon  que  le  cardinal  estimait  le  plus  parmi  ses  frères, 
la  perfide  ambition  de  Condé.  la  fourberie  de  ses  neveux  et 
surtoul  le  réel  danger  que  courait  la  foi  catholique.  Son  dévoû- 
ment  à  sa  maison  diminua  autant  qu'augmenta  le  péril  qui 
menaçait  sa  croyance.  Toutefois  lui.  qu'on  accusa  d'avoir  voulu 
la  ruine  des  siens,  garda  toujours  au  fond  de  son  cœur  quelque 
débris  de  celle  affection.  Un  simple  incident  suffit  à  le  réchauf- 
fer et,  quand  le  prélat  mourut,  il  avait  regagné  l'estime  de  sa 
famille. 


CONCLUSION 


a55 


Les  historiens  ont  reproché  à  Charles  de  Bourbon  son  ambi- 
tion. Il  faut  reconnaître  en  effet  que  son  attitude  à  plusieurs 
reprises  semble  leur  donner  raison.  Il  sollicita  le  titre  de  lieute- 
nant général  du  royaume,  désira  un  mariage  qui  l'eût  placé  à 
la  tête  des  princes  du  sang,  voulut  être  enfin  héritier  présomptif 
delà  couronne.  Mais  il  faut  dire  aussi  que  ses  projets  ambitieux 
jamais  il  ne  les  forma  lui-même.  Catherine  de  Médicis  et 
Henri  de  Lorraine  en  sont  plus  responsables  que  lui.  La 
modestie,  la  défiance  de  soi  qu'il  manifesta  lors  de  son  éléva- 
tion au  cardinalat  s'allieraient  mal  à  l'audacieuse  vanité  dont  il 
aurait  fait  preuve,  s'il  avait  de  sa  propre  initiative  rêvé  de 
s'asseoir  sur  le  trône  de  Fiance.  En  réalité  c'est  son  faible  carac- 
tère qui  en  fit  un  ambitieux,  comme  il  en  lit  un  rebelle. 

Cependant  il  ne  faut  pas  vouloir  excuser  entièrement  Charles 
de  Bourbon.  Sa  faiblesse  mérita  un  châtiment  le  jour  où  elle 
devint  un  danger  pour  la  nation.  Son  grand  crime  fut  de  ne 
pas  discerner  ce  qu'exigeait  l'intérêt  de  la  religion,  de  ne  pas 
découvrir  derrière  les  belles  déclarations  du  duc  de  Guise  les 
projets  du  Lorrain,  de  les  écouter  d'une  oreille  favorable  quand 
des  avertissements  nombreux  lui  en  révélèrent  le  véritable  but. 
Devant  la  postérité  il  doit  porter  la  responsabilité  de  ses  actes. 
C'est  donc  justement  qu'il    a   expié  ses   fautes  dans  sa  prison. 

L'appui  de  Charles  de  Bourbon  fut  fort  utile  au  parti  delà 
Ligue,  au  début  quand  par  les  intrigues  de  Henri  de  Lorraine 
il  grandit,  prit  conscience  de  sa  force,  plus  encore  quand  sous 
la  direction  du  duc  il  devint  une  puissance  formidable  qui  osa 
s'attaquer  au  roi.  Mais  il  lui  surtoul  précieux  au  Lorrain  Lui- 
même.  "\  raisemblablement.  s'il  n'avait  trouvé  chez  le  cardinal  un 
complice.  Cnise  n'en!  pas  été  assez  téméraire  pour  prendre  les 
armes  au  lendemain  même  de  la  mort  du  duc  d'Anjou  :  il  ne  se 
fui  pas  posé  aussi  rapidement  en  rebelle  pour  dicter  ses  volon- 
tés à    un    pays  qui   l'aurait  pu  chasser  comme  étranger.  Mais 

peut  on  affirmer  que  l'abstention  du  cardinal  de  H bon  eûi 

exilé  les  guerres  civiles?  L'historien  doit  rester  prudenl  dans 
ses  conjectures.  Il  lui  est  seulemenl  permis  de  remarquer  (pie 
rien,   sinon   la   mort,    ne   put  arrêter  l'audace  de   (luise,    lors- 


256  LE    RÔLE    POLITIQUE    DU    CARDINAL    DE    BOURBON 

qu'une  première  série  de  succès  eut  donné  au  chef  de  la  Ligue 
la  confiance  qui  manquait  au  gentilhomme  catholique. 

Charles  de  Bourbon  est  donc  en  partie  responsable  des  diffi- 
cultés qui  assaillirent  son  neveu,  quand  il  voulut  monter  sur 
le  trône  de  France.  Toutefois  ces  difficultés  eurent  une  consé- 
quence des  plus  heureuses  pour  le  Béarnais.  L'Estoile  et  Palma 
Gayet  rapportent  tous  les  deux  une  parole  que  le  cardinal  aura  il 
prononcée  vers  i585  ou  i586.  «  Tandis  que  je  suis  avec  eux  [les 
ligueurs],  c'est  toujours  Bourbon  qu'ils  recognoissent.  Le  roy 
de  Navarre,  mon  nepveu,  cependant  fera  sa  fortune.  Ce  que  je 
fais  n'est  que  pour  la  conservation  des  droicts  de  mes  nep- 
veux1.  »  Le  mol  est-il  véritable?  La  justesse  de  la  prédiction 
peut  faire  douter  de  son  authenticité.  En  effet,  en  combattant 
Henri  de  Bourbon  le  cardinal  lui  assura  la  royauté.  A  la  mort 
de  Henri  111  ses  droits  équivoques  suffirent  à  écarter  tout  autre 
compétiteur  catholique.  Un  prétendant  plus  jeune,  ardent, 
ambitieux,  fort  de  la  confiance  du  peuple  et  de  l'appui  de 
l'Espagne,  eût  pu  trouver  dans  la  défense  de  la  religion  mena- 
cée des  droits  suffisants  à  la  couronne  et  créer  au  huguenot  des 
difficultés  insurmontables.  La  présence  du  vieillard  l'en  pré- 
serva. Quand  Charles  de  Bourbon  disparut,  la  Ligue  était  déjà 
à  demi  vaincue.  Elle  n'offrait  plus  assez  de  garantie  pour  qu'un 
chef  nouveau  osât  s'opposer  aux  prétentions  d'un  roi  légitime 
soutenu  par  une  armée  plusieurs  fois  victorieuse.  La  couronne 
était  désormais  assurée  à  Henri  IV  catholique. 


i.  Gayet  (Palma),  Chronologie  novenaire,  p.  a3a.  — Mémoires  journaux  de 
P.  de  L'Estoile,  t.  V,  p.  s5. 


APPENDICES 


Y    I. 
A).  —  Descendance  de   Robert  de  Clermont. 

Robert  de  France, 
comte  de  Clermont,  sixième  fils  de  Louis  IX  et  de  Marguerite  de  Provcnc 

i25G-i3i7. 

Loi  is  I. 
duc  de  Bourbon, 

vers  i:)8o-i3/ii. 


Pierre  I, 

dur  de  Bourbon, 

i3i  i  - 1 35(1. 


Jacques  I  de  Bourbon, 
comte  de  La  Marche  et  de  Poutine 
vers  i3i4-i30i. 


Pierre  de  Bourbon, 

comte  de  La  Marche. 

Mort  en  i3Gi, 

sans  enfant. 


Jean  [  de  Bourbon, 

comte  de  La  Marche 

et  de  Vendôme, 

\rrs    i o .'î 7 - 1 3 y 3 . 


Jacques  II  de  Bourbon, 

comte  de  La  Marche. 

Mort  le  2'i  sept.  1 538, 

sans  héritier  mâle. 


Louis  de  Bourbon, 

comte  de  Vendôme, 

vers  1 3  7  <  »  - 1 Viii. 

Jean  II  de  Bourbon, 

comte  de  Vendôme, 

i/i2(|-i'i7;. 


Charles  III, 

duc  de  Bourbon, 

connétable  de  France, 

1 589-6  mai  i.v>7. 

sans  enfant. 


Su  lnier.  —  Cardinal  de  Bourbon. 


François  de  Bourbon, 
comte  de  \  endôme, 

1  I70-I  llÇ)~>. 

Cuvki.es  de  Bourbon. 
père  du  Cardinal. 

\  oir  |>.  suiv. 


Lot  is  de  Bourbon. 

prince 

de   la  Roche-sur-Yon. 

\  oir  p.  suiv. 


17 


B). 


Branche    d» 


Fit  \nçJ 

comte  de  Vendôme,  di 

Marie,  de  Soissousl 

\é    (Ml    \'{-n.   — 

Épouse  :  Marie    de 
8  sept.   1/187,  fdle  ainl 
comte  de  Saint  l'an 
Morte 


Cil  Ull. ES   DE    B., 

2  juin  1  (180-2 5  mars  i.'i.'îy, 
comte,  puis  duc  de  Vendôme, 
épouse  le  18  mai  1 5i 3  : 
Françoise  d'Alençon, 
fille  de  René  duc  d'Alençon 
et  de  Marguerite  de  Lorraine, 
veuve    de    François    I"    d'Or- 
léans, duc  de  Longueville. 
Morte  le'  1/1  sept.  i55o. 


Jacques  de  B. 
6  juil.  1  /190-1G  aoùl 


François  de  B., 
1  Vji .  6  ocl.  1  V,i  1  -1  "  sept.   1 1 

épouse  Adrienne, 
duchesse  d'Estoutevn 


François  H  de  B., 
i536-i5/|6, 

duc  d'Estouteville. 


Marie 

i  .">.'>()- 

ducW 

d'Kstol 

épou 

1.  Jean  dj 

2.  France! 

3.  Léonod 


Louis  de  B., 
né  le  23  sept. 

i5i/i, 
7   le  7   avril 

i5iC. 


Marie  de  B., 
née  le  29  oct.  1  ">  1  ">, 


Marguerite  de  B., 

née    le    n(J   oct.    i5iG, 
Y  le  ai  sept.  1 538,  7  le  30  oct.  1 55t), 

fiancée  eu  i535  ép.    François   de    Clèves, 

à  Jacques  V.  roi  d'Ecosse,    duc  de  Nevers,  en 
Morte   avant   son 
mariage. 


l538. 


Antoine  deB., 
ne  le  22  avril 

1  5  1 8, 
7  le  17  nov. 

i5Ga, 

ép.  Jeanne 

d'Alrret, 

reine 

de  Navarre, 

le  2  oct.  1 T» /| tS , 

mortele  4  juin 

l572. 


l'i;  v 


nçois  de  B.. 
le  !■')  sept. 

i5ig, 

a3  février 

1545, 

comte 
Enarhien. 


MacdeleÉ 

née  le  3  l'é 

-j-  après 

abbessc  de 

Croix  de  ] 


François           Jacques          Henriette  Catherine  Marie        Henri  de  B.,  Catherine  de  B., 

de  Clèves,       de  Clèves,       de  Clèves,  de  Clèves,  de  Clèves,     né  le    1^1  déc.     née  le  7   l'évr. 

né  le  3 1  mars  né  le  1"  oct.  née  le  3 1  oct.  i553,  i558. 

i53g,                  ir>'i'i.                  iô^2,  Y  le   l 'i  mai      7  le  i3  févr. 

7  le  10  jauv.     y  ''3  ''  scPl-    t  ,e    '''  •'"'"  ï  '°  '  '  ma'  '* 'c  ^°  ocl'             1610,                   iGo'i. 

i5G3.                 i56/|.                 iiiiH.  i633,  1 574 .          roi  de  France 

ép.  Louis  ép.  Henri  ép.  Henri       sous  le  nom 

deGonzague,  de  Lorraine,  de  Bourbon,    de  Henri  !\. 

duc  duc  de  (iuise  prince 

de  Nevers,  le  en  1570.  de  Coudé,  le 

4  mars  i5G5.  12  août  1572. 


Sans  enfants. 


Enfants  du  duc  Enfants  du  due 
de  Nevers.  de  Guise, 


urbons-Vendôme. 

Il"  R  BON, 

»ul,  de  Conversano.  de 
de  Meaux,  etc.,  etc. 
3  octobre  i4g5. 
Kg,    par   contrat   du 
re  11  de  Luxembourg, 
jjfiguerite  de  Savoie. 
1  i546. 


Louis  he  B., 
îiiv.  i  ig3-i ,  mars  ■ 
cardinal,  archevêqi 
de  Sens. 


Antoinette  i>e  15., 

5  déc.  i  'ii)'i-:?<>  janv.  i583, 

épouse  le  g  juin  i5i3 

Claude   de    Lorraine, 

duc  de  Guise. 


Louise  de  15., 
i"  mai  i'i<i:>  (?)-2i  sept,  i .". 7r,. 

abbesse  d'(  >rignj , 

de  Sainte-Croix  de  Poitiers, 

de  Fontevrault. 


s  de  Soissons,  f  i55-. 
,  duc  de  Nevers,  f  lôdu. 
duc  de  Longueville,  -j-  i  :">-;-!. 


31  tS 

lé  le 


de  B., 

.5  mai 


2b  juin 


Ch  lrles  de 

né  le  •■!  dé 
1 5^3, 
f  Je  9  mai   i 
cardinal, 
archevêque 
Rouen. 


B., 

c. 

de 


Catherjne  de  15..      Jean  j,e  B.,        Renée  de  B., 
née  le  18  sept.      né  le  (i  juillet     née  le  0  févr 


1 1)  a  o , 
Y  le  ■'■-  avril  i  r>.( ',, 

abbesse 

de  Notre-Dame 

de  Soissons. 


".28, 


V  le  10  août     -j-  le  9  fév.  lôs.'i,      -L  | 


1 .1.17, 

ép.  Marie 

de  B.,  duchesse 

d'Estonlcville, 

le  1  '1  juin  1557. 


abbesse  de 
f  .bel  les. 


Eléonore  de  B. 
née  le  18  janv. 

;  le  2(>mars  1G1  1, 

abbesse 
de  Fontev  rault. 


Loi  is  dE  b.. 
né  le  ;  mai 

53o, 
.     e  l3  mars 

i569, 
prince  de 
Condé, 
épouse  : 
55i,  Eléonore  de  Roye. 
morte  le  >:;  juillet  ,:><)',. 
2.  8  nov.  [565,  Françoise  d'Orlêans- 
Longi  eviu.e,  morte  le  1  1  juin  1601. 


■*■■>■  juin 


•    mariage 


nélTdéc\B5Ê       CHARLESDEB>     ^oisdeB.,     Charle'sdeB.,     C ,,s  ,,:  ,5.. 

fle5larsi5     '         ÏJC""e'  Bë,V»«oût        né  le  3o  mars     né  le; .,;„;,;, 


1rs  if>88 
prince  de  Condé, 

épouse  : 
'•    '!   août    1572,    Marie    de 
Clèves,   \  .'!.»  octobre   >''-'i. 

■'■■  16  mars  l586,  CHARLOTTE 
"E  LA  TrÉMMH.i  e,  '■  le  38 
août    1629. 


i558,  ,.-,(,., 

f  le  2  aoûl  Kir',,  ;  (e  ;;,,  juillet 

prince  de  Conti,  , r» . > /, . 

épouse  :  cardinal  de  \  en 

|-    '7  <l>'r.    i58i,  dôme,  puis  de 

Jeannjç  Bourbon. 
ni:  Cm  \i  1  . 
■j   en   iiim  . 
■i.  En  i6i5,  Loi  ise 

M  \Ui.l  ERITE 

de  Lorraine. 


f  le  i"  nov.  i6i: 

comte 

de  Soissons, 

épouse  \wi  . 

comtesse 
de  Montafié, 

le    <-  (!('•(■.   ili.n  . 


C).  —  Branche  des  princes  de   La   Roche-sur- Yon, 
depuis  ducs  de   Montpensier. 


Louis  I  de  Boirbon, 

prince  de  La  Roche-sur- Yon. 

Mort  en  1020. 


Louis  II  de  Bourbon, 

duc  de  Montpensier, 

prince  de  Dombes, 

de  La  Roche-sur- Yon.., 

10  juin  ijio-23  sept.   1682, 

épouse  : 

1.  Jacqueline  de  Lomgwt. 

2.  Catherine  de  Lorraine. 


Charles  de  Bourbon, 

prince 

de  La  Roche-sur- Yon. 

Mort   le   10  octobre  1 5(35, 

sans  héritier  légitime. 


François  de  B., 

prince 

dauphin  d'Auvergne, 

de  Dombes, 

puis 

duc  de  Montpensier, 

né  en  i552, 

mort  le  4  juin  1092, 

épouse 

Renée  d'Anjou. 


Françoise  de  B., 

épouse    Henri-Robert 

de  La  Marcr, 

duc  de  Bouillon, 

morte  en  1087. 


Anne  de  B., 

épouse 

François  II  de  Clèves, 

duc  de  Nevers, 

morte  en  1072. 


Etc. 


Henri  de  B., 

prince 

dauphin  d'Auvergne, 

de  Dombes, 

puis 

duc  de  Montpensier, 

12  mai  1 5 7 3 - 

27  février  1C08, 

épouse 

Henriette-Catherine, 

duchesse    de  Joyeuse. 


N°  II. 
Les  abbayes  de  Charles  de  Bourbon, 


Les  abbayes  sont  classées  suivant  l'ordre  approximatif  des  dates 
auxquelles  Charles  de  Bourbon  les  reçut. 

i.  —  Saint-Vincent  de  Laon,  abb.  cisterc.  au  dioc.  de  Laon.  —  La 
reçoit  après  résignation  de  son  oncle  Louis,  cardinal  de  Bourbon. 
Cité  pour  la  première  fois  le  3o  septembre  i.Vt-.  En  i56o  Crespin  de 
Brichanteau  est  nommé  abbé  '. 

2.  —  Saint-Nicolas-au-Bois,  abb.  bénédict.  au  dioc.  de  Laon.  — 
Cité  en  1Ô47  2- 

3.  —  La  Trinité  de  Vendôme,  abb.  bénédict.  au  dioc.  de  Blois  (au 
xvie  siècle,  dioc.  de  Chartres).  —  Succède  au  cardinal  de  Meudon  en 
vertu  d'une  bulle  du  2g  mai  i548.  L'abandonne  en  1 565  à  Marcus 
Sitticus  d'Altaëmps,  neveu  du  pape3. 

4.  —  Saint-Ouen  de  Bouen,  abb.  bénédict.  an  dioc.  de  Bouen.  — 
Succède  à  Jean,  cardinal  de  Lorraine,  mort  en  mai  i55o.  La  conserve 
jusqu'à  sa  mort.  Le  cardinal  de  Vendôme,  son  neven,  la  reçoit  après 
lui  *. 

5.  —  Bclleperche,  abb.  cisterc.  au  dioc.  de  Montauban.  —  Succède 
à  François  de  Faucon,  de  i553  à  1507.  Georges  d'Armagnac  en  prend 
possession  le  11  décembre  1 557  5. 

G.  —  Saint-Pierre  sur  Dive,  abb.  bénédict.  au  dioc.  de  Séez.  — 
Succède  à  Odet  de  Bretagne,  comte  de  Vertus,  de  décembre  1 553  à 
1572.  Pierre  Girard,  chanoine  d'Angers,  la  reçoit  après  lai6. 

7.  —  Ourscamps,  abb.  cisterc.  au  dioc.  de  Noyon.  —  Succède  à 
Antoine  Loffroi  décédé  le  iG  août  i556.  La  conserve  jusqu'à  sa  ïrJOrt, 

1.  Wyard  (D.  Robert),  Histoire  de  l'abbaye  île  Saint-Vincent  île  Laûn,  publiée  pat" 
Gardon  et  Mathieu,  p.  532  et  533. 

2.  Gallia  christiania,  t.  IX,  col.  Cio. 

3.  Ihid.,  t.  VIII,  col.  i3H'i. 

'1.  [Pommeraye  (Fr.)|,  Histoire  de  l'abbaye  royale  de  Saint-Ouen  de  Rouen.  Hoficn, 
16C2,  in-P,  p.  334. 

5.  Fontanié  (Paul),  Monographie  de  l'abbaye  de  Bellepêrchê'  dans  Recueil  dé  /'  Icad. 
des  sciences  du  Tarn-et'Qaronne,  1888,  j*  série,  t.  I\,  p.  ai5  à  '.'•■2-. 

6.  Denis  ^J.),  L'église  de  l'abbaye  de  Saint  Pierre-sur  ùlve  en  tlQSatieù  une  initier  his- 
torique sur  l'abbaye,  |>.  5i  ii  53. 


2Ô2  LE    RÔLE    POLITIQUE    DU    CARDINAL    DE    BOURBON 

mais,  depuis  juin  i58o,  en  partage  les  revenus  avec  Louis  de  Lorraine, 
cardinal  de  Guise.  Après  lui,  son  neveu,  le  cardinal  de  Vendôme,  la 
reçoit  d. 

8.  —  Corbie,  abb.  bénédict.  au  dioc.  d'Amiens.  —  La  reçoit  après 
résignation  de  son  oncle  Louis,  cardinal  de  Bourbon,  en  i556  et  la 
conserve  jusqu'à  sa  mort  ;  mais,  depuis  juin  i58o,  en  partage  les 
revenus  avec  Louis  de  Lorraine,  cardinal  de  (mise.  Après  lui,  son 
neveu,  le  cardinal  de  Vendôme,  la  reçoit-. 

q.  —  Cercanceaux,  abb.  cislerc.  au  dioc.  de  Sens.  —  Cité  sans  date. 
vers  t  555  ou  i56o  3. 

10.  —  Valmont,  abb.  bénédict.  au  dioc.  de  Rouen.  —  L'obtient  le 
23  avril  i558  après  la  mort  de  Jean  Ribaud.  L'abbaye  passe  ensuite  à 
Charles  de  Longueval,  à  Nicolas  de  Bréban,  et  revient  à  Charles  de 
Bourbon  le  i5  mars  i582.  En  avril  1089  Nicolas  Touchard  en  est 
abbé  *. 

11.  —  Perseigne,  abb.  cisterc.  au  dioc.  du  Mans.  —  Cité  du  5  juillet 
i558à  i56i  5. 

12.  —  Saint-Meen,  abb.  bénédict.  au  dioc.  de  Saint-Malo.  —  Cité 
en  i56o  et  jusqu'en  1574,  après  le  court  abbatiat  de  Jacques  Ilelvis 
mort  le  26  mars  1 565,  à  qui  il  l'avait  abandonnée0. 

i3.  —  Saint-Germain-des-Prés,  abb.  bénédict.  au  dioc.  de  Paris.  - 
Succède  au  cardinal  de  ïournon  en  vertu  d'une  bulle  du  1 1  mai  i56a 
et  la  conserve  jusqu'à  sa  mort.  Après  lui  la  reçoit  son  neveu,  le  cardinal 
de  Vendôme  7. 

il\.  —  Saint-Étienne  de  Dijon,  abb.  augustin.  au  dioc.  de  Langres. 
—  Succède  à  Claude  de  Longvic,  cardinal  de  Givry,  mort  le  9  août 
i56i.  S'en   démet  en  faveur  de  Jacques  du  Tillet,  qui  la  reçoit  en 
vertu  d'une  bulle  du  3  mai  1 57 1  8. 

i5.  —  Montebourg,  abb.  bénédict.  au  dioc.  de  Coutances.  —  Cité 
en  i563  9. 

16.  —  Sorèze,  abb.  bénédict.  au  dioc.  de  Lavaur.  —  Cité  en  1 5(35 


1.  Peigné-Delacoùrt,  Histoire  de  l'abbaye  de  Notre-Dame  d'Ovrscamps,  p.  276   à  279. 
—   Lettres  de  Cath.  de  Médicis,  t.  VIII,  p.  265  ;  de  Saint-Maur-les-Fossés,  23  juin  i58o. 

2.  Gallia  Christian»,  t.  X,  col.  i2l>3. —  Lettres  de  Cath.    de  Médicis,   t.  VIII,    p.  aOô  ; 
de  Saint-Maur-les-Fossés,  23  juin  iâ8o. 

3.  Gallia  chrisliana,  t.  XII,  col.  a.'io. 
h.  Ibid.,  t.  XI,  col.  278. 

5.  Fleury  (G.),  Cartulaire  de  l'abbaye  cistercienne  de  Perseigne,    précédé  d'une   notice 
historique,  p.  lvi. 
(i.  Gallia  christiana,  t.  XIV,  col.  1018. 

7.  Gallia  christiana,  t.  VII,  col.  4i(>. 

8.  [Jucnin],   Histoire  de    l'église    abbatiale  et   collégiale  de  Saint-Estienne  de  Dijon. 
Dijon,  1696,  in-f,  p.  207  à  210. 

<j.  Gallia  chrisliana,  t.  XI,  col.  926. 


AI'I'KNDICES  2Ô3 

après  Odel  de  Coligny,  cardinal  de  Châtillon,  qui  est  passé  an  protes- 
tantisme. Charles,  cardinal  de  Lorraine,  la  possèfieep  if^o1. 

17.  —  Froidmont,  abb.  cisterc.  au  dioc.  de  Beauvais.  -  Succède 
également  au  cardinal  de  Châtillon  et  l'abandonne  en  1082  à  son 
neveu,  le  cardinal  de  Vendôme  -. 

18.  — Saint-Lucien  de  Beauvais,  abb.  bénédict.  au  dioc.  <ie  Reau- 
vais.  —  Succède  également  au  cardinal  de  Châtillon  et  la  mnsene 
jusqu'à  sa  mort.  Après  lui  la  reçoit  son  neveu,  le  cardinal  de  Y  en- 
démie 3. 

19.  —  Saint-Cermer  de  Flay,  abb.  bénédict.  au  dioc.  de  Béarnais. 

—  Succède  également  au  cardinal  de  Châtillon  et  la  conserve  jusqu'à 
sa  niorl.   Yprès  lui  la  reçoit  son  neveu,  le  cardinal  de  Vendôme4. 

20.  —  Saiut-Jean-des-Vignes,  abb.  augustin.  au  dioc.  de  Soissons.  — 
Succède  à  Pierre  Basin,  qui  meurt  le  2.5  octobre  i.")(i,j.  S'en  démet  à  la 
lin  de  1.J70  en  i'a\eur  de  Charles  Maximilien  deCrillcl  \ 

21.  —  Saint-Honorat  de  Lérins,  abb.  bénédict.  au  dioc.  de  Crasse. 

-  Succède  à  Guillaume  Pélissier  mort  en  \')(\~.  ha  conserve  jusqu'en 
1075,  où  François  de  Bolliers  la  reçoit  en  vertu  d'une  bulle  du 
3  octobre  °. 

22.  —  Montiérames ,  abb.  bénédict.  au  dioc.  de  Troyes.  —  Cité  de 
1  T> < > 7  à  1 57 1 .  L'abandonne  à  Louis  de  La  Chambre,  grand  prieur 
d'Auvergne  7. 

23.  —  Fontenelle,  abb.  bénédict.  au  dioc.  de  Rouen.  —  Succède  à 
Pierre  Gourreau  de  i56()  à  1578.  A  celle  date  Gilles  de  Vaugiraull  la 
reçoit 8. 

i'\.  —  Pontlevoy,  abb.  bénédict.  au  dioc.  de  Blois.  —  Succède  à 
Louis  de  Brézé,  de  1  T>7 1  à  1 57G.  A  celte  date  Denis  Jluraull,  éyêque 
d'Orléans,  la  reçoit9. 

25.  —  Pontron,  abb.  cisterc.  au  dioc.  d'Angers.  —  Cité  en   1570  l0. 

26.  — Jumiègcs,  abb.  bénédict.  au  dioc.  de  Rouen.  --  lin  prend 
possession  le  ->.'J>  juin  \')-\  après  ledécèsde  Gabriel  le  Veneur,  évêque 


1.  Gallia  christiana,  t.  Mil.  col.  35 \. 

a,  Deladreue  (L.  E.),  Votice  sur  l'abbaye  de  Froidmont,  dans  Mémoires  de  lu  Soc. 
acad.  de  VOise,  I.  Ml,  p.  574. 

3.  Deladreue  el   Mathon,  Histoire  de  l'abbaye  royale  de  Saint-Lucien,  p.  (63. 

',.  Gallia  christiana,  t.  I\,  col.  787. 

5.  Louen(Ch.  \nl.).  Histoire  de  l'abbaye  royale  de  Saint-Jean-des-Vignes.  Paris, 
1  -m.  in   1  •".  |>.    1  28  à    i-">  1  • 

il.   Vlliez  (abbé),  Histoire  du  monastère  de  Lérins,  t.  II.  p.  383. 

-.  Gallia  christiana,  I.   Ml.  col.  54g. 

s.  Langlois  (E.  II.),  Essai  historique  et  descriptif  sur  l'abbaye  de  Fontenelle  ou  de 
Saint-Wandrille,  p.  1  .">',. 

,,.  Dupré  (A.  ).  Essai  *nr  la  seigneurie,  le  monastère  et  l'école  de  Pontlevoy,  p.  6/1. 

m.  Gallia  christiana,  t.  XIV,  col.  730. 


264  LE    ROLE    POLITIQUE    DU    CARDINAL    DE    BOURBON 

d'Evreux,  et  la  conserve  jusqu'à  sa  mort.  Après  lui  la  reçoit  son  neveu, 
le  cardinal  de  Vendôme  d. 

27.  —  Saint-Pierre-le-Vif,  abb.  bénédict.  au  dioc.  de  Sens.  — 
Succède  à  François  de  Luxembourg,  vicomte  de  Machaud,  pendant 
deux  années,  1574- 107D,  et  l'abandonne  à  son  familier,  Louis  de 
Mainteternes2. 

28.  -  -  Saint-Pierre  de  la  Couture,  abb.  bénédict.  au  dioc.  du 
Mans.  -  Cède  l'évêché  de  Beauvais  à  Nicolas  Fumée  contre  cette 
abbaye,  dont  il  prend  possession  en  vertu  d'une  bulle  du  3  mai  1070. 
L'abandonne  vers  la  fin  de  îôSoà  son  neveu,  le  cardinal  de  Vendôme3. 

29.  —  Saint-Michel  en  l'Erm,  abb.  bénédict.  au  dioc.  de  Luçon.  — 
La  reçoit  en  1084  et  la  conserve  jusqu'en  novembre  1089,  où  il  la  cède 
à  son  serviteur,  Marian  de  Martimbos4. 

30.  —  Signy,  abb.  cisterc.  au  dioc- de  Reims. — ■  Cité  sans  date5. 
3i.  —  Tournus,   abb.   bénédict.  au  dioc.  de  Chalon.  —   Cité  sans 

date  (?)6. 

32.  — Notre-Dame  des  Châtelliers,  abb.  cisterc.  au  dioc.  de  Poitiers. 
—  Cité  sans  date  7. 

1.  Deshayes  (C.  A.),  Histoire  de  l'abbaye  royale  de  Jumièges,  p.   127  à  i3i. 

2.  Bouvier  (H.),  Histoire  de  l'abbaye  de  Saint  Pierre-le-]  if  de  Sens,  p.   1 58. 

3.  Cartulaires  des  abbayes  de'  Saint-Pierre  de  la  Couture  et  de  Saint-Pierre  de  Solesmes, 
publiés  par  les  bénédictins  de  Solesmes,  p.  4 12. 

I\.  Galliana  christiana,  t.  II,  col.  i/ii8. 

5.  Ibid.,  t.  IX,  p.  3oo. 

6.  Du  Breul  dit  dans  ses  Inrlyti  cœnobii  D.  Germani  a  pratis  rhronica  (Bibi.  Nat., 
f.  lat.,  mis.  12838,  f*  18S)  que  Charles  de  Bourbon  donna  au  cardinal  de  Tournon 
ses  abbayes  de  Tournus  et  de  Montebourg;  pour  hériter  à  sa  mort  de  celle  de  Saint- 
(îermain-des-Prés. 

7.  Gallia  christiana,  t.  X.  col.  97.  —  Le  Gallia  l'attribue  au  cardinal  dans  sa  bio- 
graphie comme  archevêque  de  Rouen,  mais  ne  le  cite  pas  dans  la  liste  des  abbés. 
L.  Duval  dans  son  Carlulaire  de  l'abbaye  royale  de  A.-D.  des  Châtelliers  le  passe  égale- 
ment sous  silence. 


\  III. 

Le   privilège  de  Saint-Romain. 


On  sait  qu'en  vertu  du  privilège  de  Saint-Romain  le  chapitre  de 
l'église  de  Rouen  avait  le  droit  de  délivrer  chaque  année  un  condamné 
des  mains  de  la  justice.  De  Thou  écrit  à  ce  sujet  clans  son  Histoire 
universelle*  :  «  Cet  usage  a  été  toléré  par  le  parlement,  qui  a  cru 
pouvoir  donner  quelque  chose  à  la  religion  de  la  ville  et  à  l'opinion 
du  peuple.  Les  factions  ayant  ensuite  déchiré  le  royaume  et  surtout 
dans  ces  derniers  tems,  on  a  fait  servir  ce  privilège  à  une  impunité 
détestable  et  sans  borne,  et  ce  qui  n'avoit  été  accordé  qu'aux  gens  nés 
dans  la  province  ou  dépendans  de  sa  juridiction  a  été  étendu  à  tous 
les  criminels  et  à  tous  les  malfaiteurs  du  royaume,  à  tous  ceux  même 
qui,  sans  se  constituer  prisonniers,  avoient  été  nommés  par  un 
criminel,  en  un  mot  à  tous  les  crimes  les  plus  abominables,  de  sorte 
que  tout  ce  qu'il  y  avoit  de  scélérats,  qui  désespéroient  d'obtenir  leurs 
grâces  de  la  clémence  du  roi,  couroient  en  foule  à  cet  asyle  et 
recherchoient  la  faveur  du  cardinal  de  Bourbon  pour  y  être  receus  ; 
et  ce  cardinal,  que  les  factieux  commençoient  à  flatter  de  l'espérance 
de  la  couronne,  n'accordoit  cette  grâce  qu'à  leur  recommandation. 
Par  ce  moyen,  des  scélérats  déjà  chargés  de  crimes  ne  faisoient 
aucune  difficulté  de  s'engager  à  en  commettre  de  nouveaux  et 
s'enrôloient  sans  peine  dans  la  conspiration  formée  contre  le  roi  et 
contre  l'état...  C'est  à  cette  occasion  que  La  Guesle,  qui  ne  songeoit 
à  rien  moins  qu'à  choquer  le  cardinal  de  Bourbon,  parla  à  l'assemblée 
de  Saint-Germain  de  la  chasse  de  Rouen.  Ce  cardinal  en  fut  très 
piqué,  non  seulement  à  cause  de  l'injure  qu'il prétendoit lui  être  l'aile 
à  lui-même,  mais  parce  qu'on  lui  ôtoit  par  là.  disoit-il,  le  moyen  île 
ramener  au  droit  chemin  des  misérables  qui  se  perdoienl  et  de  les 
enrôler  dans  la  sainte  Union.  » 

Ces  paroles  peuvent  être  authentiques,  car,  à  cette  époque, 
Henri  III  s'était  déclaré  chef  de  la  Ligue;  elles  n'en  sont  pas  moins  sur- 
prenantes. L'Union  avait-elle  besoin  des  pires  scélérats  pour  soutenir 

i.  Thou  (de),  Histoire  universelle,  t.  IX,  p.  85. 


26G  LE    RÔLE    POLITIQUE    DU    CARDINAL    DE    BOURBON 

sa  cause  ?  Cependant  Floquet,  dans  son  Histoire  du  parlement  de 
Normandie  ',  admet  la  thèse  de  de  Thon  et  s'efforce  de  prouver  que  le 
privilège  de  Saint-Romain  était  véritablement  exploité  par  les  ligueurs 
pour  recruter  des  partisans. 

Avant  toute  discussion  examinons  les  faits.  Floquet  lui-même  nous 
les  fournit  dans  son  Histoire  du  privilège  de  Saint-Romain  2.  Parcou- 
rons rapidement  la  liste  de  ceux  qui  furent  graciés  depuis  1076  et  qui 
par  conséquent,  suivant  l'opinion  des  deux  historiens,  eurent  à  payer 
leur  dette- à  la  sainte  Union. 

1676  ;  une  femme,  Jacquemine  du  Boysrioult,  qui  a  fait  assassiner 
son  mari  (p.  328). 

1077  ;  le  sieur  Le  Marchand  du  Grippon.  qui  a  lue  un  zélé 
catholique,  le  sieur  de  Villarmois  (p.  338). 

1578  ;  François  du  Menez,  qui  assassina  un  protestant  nommé 
Verdun  sous  le  simple  prétexte  qu'il  le  croyait  espion.  Il  est  chaude- 
ment recommandé  par  Guise,  le  cardinal  de  Bourbon  et  surtout  par 
Mayenne,  sous  les  ordres  de  qui  il  a  combattu  (p.  34o). 

1 579  ;  David  Hébert  et  Laurent  Quentin,  qui  massacrèrent 
d'Harcourt  de  Juvigny  à  l'instigation  de  la  femme  de  ce  dernier. 
Graciés  sans  intervention  spéciale  (p.  343). 

i58o  ;  Jérôme  Maynet,  le  capitaine  Maynet  de  La  Vallée,  son  frère, 
et  Jean  Bellet,  qui  ont  assassiné  les  sieurs  de  Lisle  et  de  Vieufossé 
pour  raison  privée.  Graciés  également  sans  intervention  (p.  346). 

1 58 1  ;  Du  Plessis-Melesse,  accusé  de  nombreux  crimes.  11  est  en 
vérité  soutenu  par  le  cardinal  de  Bourbon,  mais  le  pape,  trois 
cardinaux  de  Rome  et  Henri  III  lui-même  écrivent  en  sa  faveur  (p.  347). 

i58a  ;  Claude  d'Aubigny,  baron  de  La  Roche,  qui  blessa  le  sieur  de 
La  Roche  d'Aillon  et  lui  tua  trois  de  ses  gens.  Il  est  chaudement 
recommandé  par  Guise,  qui  l'eut  sous  ses  ordres  à  Jarnac  et  à 
Moncontour.  Le  cardinal  de  Bourbon  d'abord  opposé  à  sa  grâce,  parce 
qu'il  le  soupçonne  d'hérésie,  l'accueille  ensuite  favorablement  (p.  35i). 

[583  ;  les  frères  Du  Breuil,  qui  ont  assassiné  Nicolas  Delacroix, 
âbbé  d'Orbais,  meurtrier  impuni  de  leur  père.  Guise  et  Etienne 
Pasquier  interviennent  en  leur  faveur  (p.  35a). 

1084  et  r585  ;  rien  de  remarquable  (p.  367). 

if)86  ;  Raoul  Coignet,  qui  tua  son  frère  pour  des  questions  d'héri- 
tage. Recommandé  par  les  cardinaux  de  Bourbon  et  de  Vendôme 
(p.  S67). 

1687  ;    Gaspard  des  Aubuz,    sieur  de   Morton,    soutenu   par  les 

1.  Floquet  (A.),  Histoire  du  parlement  de  Normandie,  t.  III,  p.  358. 
■2.  Floquet  (A.),  Histoire  du  privilège   de  Saint-Romain.    Rouen,   1 8 3 3 ,   in-8°,   2   vol. 
—  Tous  ces  renseignements  sont  tires  du  tome  II. 


APPENDICES  267 

cardinaux  de  Bourbon  et  de  Vendôme,  car  c'est  le  neveu  de  Barjot, 
président  au  grand  conseil,  qui  peut  défendre  le  privilège  de  Saint- 
Romain  si  souvent  attaqué  (p.  374)'. 

i588  ;  Nicolas  Auger,  choisi  de  préférence  au  sieur  de  Clavières, 
bien  que  ce  dernier  soit  recommandé  chaudement  par  les  cardinaux 
de  Bourbon  et  de  Vendôme,  et,  suivant  l'hypothèse  de  Floquet,  par 
Guise  lui-même  (p.  87(1). 

Tels  sont  les  faits,  qui  sont  loin  de  montrer  clairement  les  réels 
avantages  que  les  chefs  ligueurs  ont  pu  tirer  du  privilège  de  Saint- 
Romain.  Que  le  cardinal  de  Bourbon  et  Henri  de  Lorraine  eussent  à 
intervenir  souvent  en  faveur  des  condamnés,  il  ne  faut  point  s'en 
étonner.  L'un  était  archevêque  de  la  ville  et  pouvait  avoir  une  grande 
influence  sur  ses  chanoines.  L'autre  comptait  parmi  les  plus  puissants 
seigneurs  du  royaume. 

D'ailleurs  il  faut  noter  le  peu  de  cas  que  le  chapitre  de  Rouen 
faisait  souvent  des  recommandations.  Ainsi  en  1077  François  du 
Menez  était  soutenu  par  le  cardinal  de  Bourbon,  Guise  et  Mayenne  ; 
il  ne  fut  cependant  choisi  que  l'année  suivante.  En  i584  la  supplique 
du  sieur  de  Beuvereil  présentée  par  le  cardinal  de  Vendôme  fut 
repoussée,  et,  par  la  suite,  malgré  plusieurs  interventions  de  Guise,  il 
ne  fut  point  gracié.  Enfin  la  préférence  accordée  en  i588  à  Nicolas 
Auger  contre  le  sieur  de  Clavières  est  remarquable. 

Donc  par  trois  fois  seulement,  en  1078,  i58a,  i383,  Henri  de  Lorraine 
vit  son  protégé  favorablement  accueilli.  Encore  les  assassins  de  i583 
méritaient  bien  quelque  pitié,  puisque  Etienne  Pasquier  lui-même 
prit  leur  défense.  Seuls  les  deux  graciés  de  1078  et  de  1682  peuvent 
donner  raison  à  de  Thou  et  à  Floquet,  surtout  le  dernier,  dont  le 
pardon  motiva  sans  doute  la  requête  du  président  de  La  Guesle. 
Cependant  il  ne  semble  pas  qu'il  faille  en  arriver  à  leur  conclusion 
un  peu  hâtive.  Car  peut-on  s'étonner  que,  dans  une  période  aussi 
troublée,  où  les  questions  religieuses  avaient  tant  d'importance,  le 
choix  des  chanoines  s'arrêtât  sur  de  bons  catholiques?  En  1570011 
avait  vu  une  émeute  éclater  subitement  à  la  nouvelle  qu'un  condamné 
soupçonné  d'hérésie  allait  être  gracié  L 

Il  faut  plutôt  voir  dans  l'attitude  du  prélat  un  simple  geste  pour 
défendre  les  privilèges  de  son  église.  Il  s'y  employa  en  effet  fort  sou- 
vent, et  c'est  encore  à  lui  qu'en  (586  le  chapitre  eul  recours  pour 
maintenir  sur  toute  la  France  l'efficacité  de  son  pardon,  qu'on  vou- 
lait restreindre  à  la  seule  Normandie  -. 


1.    Floquel  (A.  ),  Op.  rit..  I.   Il,  p.  .Su. 
:>..  Floquel  (A.),  op.  cit.,  t.  II.  p.  358. 


N°  IV. 
Iconographie.1 

I.  —  Portraits  du  (Jardinai  \. 

i.  —  Crayon  à  la  sanguine  par  un  inconnu  :  buste  de  3/4  à  gauche, 
141/2X11  ;,  assez  différent  des  autres  portraits.  (Bib'l.  Nat., 
Estampes,  coll.  Lallemant  de  Betz,  Ne  14,  f"  57). 

2.  —  Portrait  gravé  par  Miger  d'après  une  peinture  de  Le  Monnier: 
buste  de  3/4  à  droite  dans  un  ovale,  10  x  8  1/2. 

3.  -  -  Portrait  gravé  par  Aubert  d'après  une  peinture  de  A.  B.  : 
buste  de  3/4  à  gauche  dans  un  ovale,  10  X  8.  Au  bas,  dans  un  car- 
touche, lieux  et  dates  de  naissance  et  de  mort  du  prélat. 

4.  —  Portrait  gravé  par  Thomas  de  Leu  :  buste  de  3/4  à  droite 
dans  un  ovale,  11  X81/2.  Portant  en  légende:  Charles  de  Bour- 
bon, cardinal  archevêque  de  Rouen,  et  au  bas  un  quatrain  en  son  hon- 
neur commençant  par  : 

Vous  qui  remarquerez  les  choses  admirables... 

5.  —  Portrait  gravé  par  Harrewyn  :  buste  de  3/4  à  droite  dans  un 
ovale,  9X7.  Au  bas  dans  un  cartouche  nom,  titres  et  date  de  mort 
de  Charles  de  Bourbon.  —  Grande  analogie  avec  le  précédent. 

G.  —  Portrait  gravé  par  François  d'après  un  dessin  de  L.  Massard  : 
buste  de  3/4  à  gauche,  1 1  X-8. 

7.  —  Portrait  gravé  par  Léonard  Gaultier  :  buste  de  3/4  à  gauche 
31/2X21/2. 

8.  —  Portrait  gravé  par  A.  de  Saint-Aubin,  d'après  une  agathe- 
onyx  :  buste  de  profil  à  droite  dans  un  ovale,  7  X  5  1/2.  Fort  peu 
ressemblant. 

9.  — Portrait  gravé  par  un  inconnu:  buste  de  3/4  à  droite, 
4  1/2  X  4.    Portant  au  bas  :  Carel  de  Bourbon  Kard. 


1.  Tous  les  portraits  cités  sans  aucune  indication  d'origine  existent  au  moins  en 
un  exemplaire  au  département  tirs  estampes  de  la  Bibl.  Nat.  Les  dimensions  sont 
prises  à  l'intérieur  des  médaillons. 


APPENDICES  269 

10.  —  Portrait  gravé  par  un  inconnu  :  buste  de  3/4  à  gauche, 
6  X  \  1/2. 

11.  -  -  Portrait  gravé  sur  bois  par  un  inconnu  :  buste  de  3/4  à 
droite  dans  un  ovale,  6x4  1/2.  Portant  en  légende  :  Charles,  car- 
dinal de  Bourbon,  arche,  de  Rouen,  apé  (sic)  de  S.  G.  '. 

12.  —  Portrait  gravé  sur  bois  par  un  inconnu  :  buste  de  3/4  à 
droite  dans  un  rond,  6  1/2  X  6  i/a.  Très  grossier. 

i3.  —  Aquarelle  d'après  un  vitrail  des  Cordeliers  de  Paris.  Charles 
de  Bourbon  est  représenté  en  cardinal  agenouillé.  Fort  peu  ressem- 
blant. (Bibl.Nat.,  Estampes,  coll.  Gaignières,  Oa  18,  1"  4e)- 

14.  —  Gouache  représentant  la  première  réception  de  l'ordre  du 
Saint-Esprit.  D'après  les  identifications  données,  le  cardinal  de  Bour- 
bon se  trouverait  à  droite  devant  les  cardinaux  de  Lorraine  et  de 
Birague,  tous  trois  en  costume  de  cardinaux  avec  chapeaux  et  man- 
teaux rouges  et  vêtements  d'hermine.  Tous  portent  le  cordon  du 
Saint-Esprit  en  bleu  avec  croix  d'or.  (Bibl.  Nat. ,  Estampes,  coll.  Gai- 
gnières, Oa  17,  f°  5o.  —  lbid.,  Manuscrits,  coll.  Clairambault,  t.  1 1 1 1 , 

f°  17'). 

1 5.  —  Médaille  :  buste  à  gauche,  tète  nue,  5x5-  Portant  en 
légende  Carolus  a  Borbonio  s.  r.  e.  cardinalis  a.  r.  —  Au  revers,  dans 
une  couronne  de  laurier  entourée  d'une  couronne  de  palmes,  Candori 
et  odori  tuo  dédit  dus-. 

i(i.  —  Médaille:  buste  de  face,  la  tète  légèrement  tournée  à  droite, 
déjeune  homme  coiffé  d'une  toque  ornée  d'une  plume  et  tenant  un 
bouquet  de  la  main  gauche.  Gxô.  Portant  en  légende  Charles  de 
Bourbon :!. 

11.   —  Portraits   du  Roi. 

1.  —  Portrait  gravé  sur  bois  en  i58q  (Jean  Palrasson  éditeur): 
buste  de  3/4  à  droite  dans  un  ovale,  27  X  18  1/2.  Portant  en  légende 
Charles  île  Bourbon  Y  du  nom  par  la  grâce  de  Dieu  r<>y  île  France. 

L'estampe  (43  x  29)  est  intitulée  :    Le  vrdy  pourtraict  au  plus  près 


1.  Ce  portrait  est  lin'  d'une  brochure  intitulée  :  De  lu  succession  'lu  droicl  ri  préro- 
gative 'lu  premier  prince  du  sang  déféré  à  W  lr  cardinal  tir  Bourbon  par  In  loy  'lu 
royaume  ri  le  décez  de  François  <!<■  Vallois  duc  d'Anjou,  traduit  du  latin  du  sieur 
Matthieu  Zampini  dp  Recanati, jurisconsulte.  Paris,   1 588,  in  1  i°,  3o  p. 

2.  Mazerolle  (F.),  Les  médailleurs  français  du    \\"  siècle  au  milieu  'lu   \\  II"  siècle, 

I.    Il,  [).    7l,,    il"   377. 

3.  Reproduite  par  Mazerolle,  op.  cit.,  t.  III.  pi-  VI,  n"  jJ,.  —  L'identification,  qui 
pour  M.  Mazerolle  est  incertaine,  ne  l'esl  pas  moins  pour  moi.  Beaucoup  de  princes 
m  Hii'i  nul  porlé  le  nom  d<>  Charles  de  Bourbon,  et  je  n'ai  rencontré,  en  étudiant 
la  jeunesse  du  cardinal,  aucune  allusion  à  la  fr;ii>[><'  do  cette  médaille, 


27O  LE    ROLE    POLITIOUE    DL    CARDINAL    DE    BOURBON 

du  naturel  de  Charles  de  Bourbon  A  du  nom  par  la  grâce  de  Dieu  roy 
de  France.  Elle  porte  en  bas  un  huitain  commençant  par  : 

Icy  est  le  pourtraict,  la  sembla nce  et  l'image  1... 

2.  —  Portrait  gravé  par  Thomas  de  Lcu  :  buste  de  3/4  à  gauche 
dans  un  ovale,  12X91/3.  Portant  en  légende  Charles  de  Bourbon  \ 
du  nom  roy  de  France.    \u  bas  un  quatrain  commençant  par  : 

Heureuse  soil,  o  Dieu,  la  couronne  sacrée... 

3.  —  Portrait  gravé  par  Ilarrewyn  :  buste  de  3/4  à  gauche  dans  un 
ovale,  9X7.  Portant  en  légende  Charles  de  Bourbon  A  du  nom  roy  de 
France,  Au  bas  même  quatrain  qu'au  bas  du  portrait  précédent,  avec 
lequel  celui-ci  a  d'ailleurs  une  grande  analogie. 

4.  —  Médaille  gravée  par  Philippe  Regnault  :  buste  de  profil  à 
gauche.    Le  poinçon  a  servi  de  modèle  pour  différentes  frappes*  : 

a.  — Médaille  d<>  43  mfm,  portant  en  légende  Carolus  decimus  Frun- 
corum  rex.  —  Au  revers:  [cita  et  jus  in  armis,  avec  une  couronne 
royale  :i. 

b.  —  Médaille  de  GO  et  68  m/m.  portant  en  légende  Carolus  A  D.  G. 
Fruncorum  rex.  —  Au  revers  :  Omnia  in  manu  donùni.  Le  roi  est  à 
genoux  devant  l'autel;  derrière  lui  deux  caudataires,  dont  l'un  porte 
sa  calotte  ;  à  ses  côtés  un  prêtre  regarde  une  main  sortant  des 
nuages  qui  tient  une  couronne4. 

c.  —  Médaille  de  33  m/m,  portant  en  légende  Carolus  XD.  G.  Franco- 
rum  rex.  17>'J(L  A.  —  Au  revers:  Regale  saeerdolium,  avec  un  autel 
portant  une  crosse,  une  mitre,  un  calice,  une  couronne  sur  un  cous- 
sin et  derrière  elle  une  main  de  justice  et  un  sceptre  royal  en  sau- 
toir5. 

d.  —  Écu  d'or,  portant  en  légende  Carolus  A  D.  G.  Francorum 
rex,  17)90.  —  Au  revers  :  Benediclum  sit  nomem  domini.  avsec  un  dessin 
central  en  forme  de  croix. 


1 .  Voir  le  fac-similé  11'  I. 

2.  Cette  médaille  fut  le  résultat  d'un  concours  qui  eut  lieu  vers  la  fin  de  i58g 
entre  trois  graveurs  parisiens,  Nicolas  Roussel,  Philippe  Regnault  et  Pierre  Mérigot, 
pour  graver  un  poineon  à  l'effigie  de  Charles  \  d'après  une  aire  forante  par  Ger- 
main  Pilon.  Ce  dernier  déclara  l'œuvre  de  Hegnault  la  plus  parfaite  des  trois.  CI. 
Ma/irolle.  o/».  cit..  t.   1,  p.  i.wvi. 

3.  Les  coins  et  médailles  ont  été  retrouvés  en  1763  dans  la  maison  professe  des 
jésuites  de  la  rue  Saint -\ntoine,  comme  le  prouve  un  pracès-v.erbaj  daté  du 
5  août   1  -03.  —  Cette  médaille  est  décrite  par  Ma/erolle,   op.   cit.,  t.  II.  p.  &8,  11°  334. 

'1.  Hérrile  et  reproduite  par  \l  ,1/elol  1 1  '.  Op.. Cit.,  t.  II.  p.  Cm),  11"  3  9  5  C I  I  .  1 1 1 .  pi.  \IV. 
Il"  ri  •>.">. 

5.  hérrite  ,.|  reproduite  par  Ma/endle.  op.  '■//..  t.  II.  p.  ils.  n°  3^3  et  t.  III. 
pi.  \l\  .  n"  3^3. 


APPENDICES  .       27I 

5.  —  Sceau  rond  de  ii2m/m  ;  sceau  de  majesté  portant  en  légende 
Carolus  X D.  G.  Francorum  rex  et  dans  un  cartouche  1589.  La  tête 
a  été  enlevée  sur  la  matrice.  Un  sceau  de  cire  subsiste  à  demi-brisé  à 
la  Bibl.  >Tat.,  coll.  Clairambault,  t.  227,  n0ia4;  mais  la  tête  est 
aplatie.  Les  dessins  de  ce  sceau  faits  à  la  plume  et  lavés  n'ont  aucune 
exactitude. 


PIÈGES    JUSTIFICATIVES 


Y    I. 
1548,  juin  17.    -  Joinville. 

Lettre  de  Charles  de  Bourbon  a  Jean,  cardinal  du  Bellay. 
Bibl.  Nat.,  f.  iï\,  ms.  m'|85,  f"  7,  original. 

Le   cardinal   de    Vendôme   demande   une   expédition  plus   rapide  des 
huiles    lui    conférant    l'abbaye    de     Vendôme    et    le    chapeau    de 

cardinal. 

Monsieur,  je  commenceray  ma  lettre  pour  vous  remercier  humble- 
ment de  la  bonne  voye  que  m'escripvez  avoir  cherché  me  faire  saulver 
le  vaccant  de  l'abbaye  de  Vendosme,  laquelle  je  trouverray  encores 
meilleure  si  vous  pouvez  tant  faire  pour  moj  l'expédition  de  nies 
bulles  n'en  soient  de  riens  pour  ce  relardée,  de  sorte  que  je  les  puysse 
avoyr  aussy  losl  comme  s'il  se  payoit  comptant,  et  vous  en  supplie 
humblement  mesmes  ne  différer  le  payement,  si  vous  voyez  il  feusl 
cause  les  retarder.  Nous  parlons  mercredy  de  ce  lieu  en  espérance, 
s,|on  la  conclusion  prinse,  d'estre  le  quinziesme  de  juillet  à  Lion,  où 
je  désirerois  fort  les  recevoir,  remettant  le  faict  de  Carcassonne  à 
vostre  aise  et  discrétion  pour  ce  que  n'en  ayant  aultre  haste  suis 
asseuré  vous  y  ferez  beaucoup  myeulx  de  vostre  seulle  oppinion  que 
avecques  tous  les  adviz  qui  vous  en  scauroienl  estre  envoyez,  encores 
de  ceste  affection  que  me  monstrez  en  tous  aultres  mes  affaires; 
laquelle  me  fera  tonte  ma  vie  user  avecques  vous  de  plus  grande 
privaulté  et  contraindra  davantage  vous  descouvrir  tousjours  ce  que 
ne  vouldrois  beaucoup  d'aultres  pensser  j'eusse  en  fantazie,  comme 
de  présent  elle  me  con  Irai  net  vous  dire  que  l'on  estimoit,  suyvant  ce 
que  le  roj  en  avoil  escript,je  deusse  avoir  mon  chappeau  peu  après 
Pasques,  qui  faict  maintenant  pensser  et  dire  ce  que  bien  entendez 
Sm  i.Miiu.  —  Cardinal  de  Bourbon.  18 


:i~'\  LE    ROLE    POLITIQUE    DU    CARDINAL    DE    BOURBON 

l'on  a  de  coustume  dire  par  deçà  en  semblable,  sachant  ung  chacun 
avoir  esté  mandé  et  retardé  jusques  icy,  veu  mesmes  que  par  cy- 
devant  a  esté  envoyé  à  au  1  très  que  je  ne  vous  doibs  nommer,  incon- 
tinent estre  mandé. 

A  ceste  cause  et  pour  osier  occasion  d'en  pensser  davantage,  je  \ous 
supplirois  voluntiers  de  moienncr  il  feust  de  ceste  part  satisfaict  au 
roy  avantque  me  acheminer  pour  aller  à  Rome.  Et,  pour  ce,  Monsieur-, 
que  je  doubtc  aussy  nostre  sainct  Père  ne  m'ewst  créé  cardinal  prebstre 
s'il  eus!  sccu  qui1  je  ne  le  feusse  nomplus  que  je  ne  suis,  au  mointz 
ainsi  qu'il  me  semble  estre  apparent  par  le  brief  de  création  que  sa 
Saincteté  m'a  envoyé  en  ces  mots  :  te  inpresbiteratus  ordine  constitution 
sancte  romane  ecclesie  presbyterum  cardinalem  creamus,  je  vous 
supplie  sentir  secrètement  de  sa  Saincteté  si  parce  elle  entend  je  me 
face  prebstre,  ou  bien  de  messieurs  les  Cardinaux  voz  familiers  si 
j'en  serois  contrainct  par  ladite  création  ainsi  faicte,  et  en  ce  cas 
voulloir  prendre  garde  et  faire  en  sorte  pour  moy  que,  m'envoiant 
ledit  chappeau,  l'on  m'apellast  cardinal  diacre  et  non  cardinal 
prebstre  pour  éviter  ceste  contraincte  de  le  me  faire,  par  ce  qu'en  si 
jeune  eage  je  ne  me  sentz  encores  capable  et  ne  me  vculx.  précipiter 
en  si  grand  mistère,  ains  entendre  l'eage  compettent  et  l'heure  que 
la  dévotion  m'en  viendra. 

Pour  ceste  cause,  Monsieur,  je  vous  supplie  derechef  humblement 
y  prendre  garde  et  faire  tant  pour  moy  que  plustostje  sois  au  ranc 
des  diacres  qu'estre  contrainct  avant  l'heure  de  ma  dévotion  me  faire 
prebstre.  Je  m'asseure  tant  de  vous  que  vous  ayant  ainsi  ouvert  ma 
fantazie,  je  m'en  sent/,  si  grandement  allégé  que  à  peine  puis-jc 
pensser  je  ne  soye  ja  satisfaict  de  tout  ce  dont  je  vous  prie  et 
beaucoup  myeulx  que  je  ne  scaurois  soubhaitter.  Partant  me  suffira 
estre  recommandé  humblement  à  vostre  bonne  grâce,  comme 
tousjours  ay  désiré  et  maintenant  pour  jamais  prie  demeurer,  en 
suppliant  le  créateur.  Monsieur,  nous  donner  en  santé  bonne  vie  et 
longue. 

A  Joi r; ville,  ce  XVII"  de  juing  i548. 

(de  sa  main)  \  ostre  humble  serviteur, 

Chaules,   cardinal  de  Vendosme. 


PIEGES    JUSTIFICATIVES  :>-') 

N      II. 

1562  (n.  st.),  mars  13.  —  Montceaux. 

Lettres  patentes  du  roi  Charles  I\ 

nommant  le  cardinal  de  bourbon  son  lieutenant   général 

a  Paris  et  lieux  circon voisins. 

Arch.  Nat.,  X*'  862'!,  f°  233  v". 

Charles,  par  la  grâce  de  Dieu  n>y  de  France,  à  tous  ceulx  qui  ces 
présentes  lettres  verront,  salut.  Pour  ce  que  nos  affaires,  selon  qu'ils 
s'estendent  par  tous  les  lieux  et  endroicts  de  nos  royaume  et  pays,  nous 
appellent  en  certains  lieux  où  nostre  présence  est  grandement  néces- 
saire et  qu'il  est  forcé  que,  pour  y  aller,  nous  nous  eslongnons  de 
nostre  bonne  ville  et  cité  de  Paris,  qui  est  la  capitale  de  nostre  royaume 
et  l'exemple  de  tout  nostre  peuple,  nous  avons  estimé,  pour  estre  les 
troubles  que  suscite  la  diversité  des  opinions  en  la  religion  tels  en 
nostre  royaume  que  chacun  les  scait  et  congnoist  et  pour  n'en  avoir 
esté  ladite  ville  exempte  jusques  à  présent,  qu'il  est  plus  que  requis  et 
nécessaire  que  pendant  nostre  ahsenceet  eslongnement  il  y  ait  résident 
en  icelle  \ille  ung  bon,  grand  et  vertueux  personnage,  de  crédit  et 
authorité  notable,  auquel  nous  aions  entière  et  parfaicte  seureté  et 
fiance,  et  qui  soit  à  nos  subjects,  bourgeois,  citoiens  et  habitans  d'icelle 
ville  agréable  pour  les  tenir  et  conserver  en  union,  amitié,  dévotion, 
craincte  et  obéissance  envers  nous,  et  qui  en  ce  faisant  pourvoie  et 
obvie  à  ce  qu'il  n'advienne  aucunes  émotions,  séditions,  mutineries, 
murmures  et  autres  semblables  choses  que  la  diversité  desdites 
opinions  en  la  religion  peult  facilement  apporter  et  engendrer  parin\ 
nng  peuple  composé  de  gens  différends  d'estats  et  qualités  et  de 
diverses  nations,  comme  est  celluy  dudil  Paris;  Savoir  faisons  (pie. 
après  (pie  nous  avons  consulté  et  prins  ad\  is  de  cesl  affaire  avec  nostre 
très  chère  et  très  aînée  daine  et  mère  la  royne,  nostre  très  cher  et 
liés  amé  oncle  le  ro\  de  Navarre,  nostre  lieutenant  général  représen- 
tant nostre  personne  par  tous  nos  royaume  et  pays,  et  avec  autres 
princes  de  nostre  sang  el  gens  de  nostre  conseil  privé,  considérans 
que  pour  tel  effect  nous  ne  scaurions  faire  meilleure  élection  que  de  la 
personne  de  nostre  liés  cher  el  lié-;  aîné  cousin  le  cardinal  de 
Bourbon,  tant  pour  le  respect  de  ses  suffisance,  pfeudhomie,  dextérité, 
intégrité,  bonne  conduicte,  loiaulté,  expérience  el  grande  diligence, 
que  aussi  pour  la  proximité  de  sang  et  lignage  dont  il  nous  attouche 


12-6  LE    ROLE    POLITIQUE    DU    CARDINAL    DE    BOURBON 

et  attient,  et  la  singulière  affection  qu'il  porte  à  nous,  nostre  service 
el  au  bien  et  prospérité  de  nos  affaires  en  la  direction  desquels  il 
s'employe  ordinairement  en  nostre  conseil  privé  avec  tel  el  si  bon 
devoir  qu'il  est  digne  de  louange  et  nous  donne  grande  occasion  de 
contentement  et  satisfaction,  icelluy  nostre  dit  cousin,  pour  ces  causes 
et  autres  bonnes  et  justes  considérations  à  ce  nous  mouvans,  avons 
faict,  ordonné,  constitué  et  estably,  et  par  la  teneur  de  ces  présentes 
faisons,  ordonnons,  constituons  et  establissons  nostre  lieutenant 
général  représentant  nostre  personne  en  nostre  dite  ville  et  cité  capi- 
tale de  Paris  et  autres  villes  et  lieux  circonvoisins  avec  plain  pouvoir, 
puissance, authorité,  commission  etmandement  spécial  de  convocquer, 
assembler  et  faire  venir  devers  luy,  toutes  et  quanteiïois  que  bon  luy 
semblera  et  que  l'affaire  le  requerra,  tel  nombre  de  nos  amés  et  féaulx 
présidens  et  conseillers  de  nostre  court  de  parlement,  maistres  el 
auditeurs  de  nos  comptes,  généraulx  de  la  justice  de  nos  aydes  qu'il 
advisera  et  semblablement  les  prévost  des  marcbans,  eschevins. 
officiers  et  magistrats  de  ladite  ville,  de  quelque  authorité  et  qualité 
qu'ils  soient,  et  les  prélats,  chappitres,  communaultés,  collèges, 
nobles,  bourgeois,  ciloiens,  manenset  habilans  d'icelle  pour  adviser, 
regarder  et  consulter  des  choses  qu'il  verra  estre  requises  et  néces- 
saires et  qui  toucheront  tant  nostre  dit  service,  le  bien  de  la  chose 
publicque,  seureté  et  conservation  de  nostre  dite  ville  de  Paris  que 
des  personnes  et  biens  des  bourgeois,  manens  et  habitans  d'icelle,  les 
contenir  en  amitié,  union  et  concorde  les  ungs  avec  les  autres  et  en 
l'obéissance  qu'ils  nous  doivent  sans  permettre  que  pour  faict  de 
religion  ny  autre  occasion  ils  s'entre-injurient,  irritent,  offensent  ny 
provocquent  les  ungs  les  autres  à  débats,  querelles  et  séditions  ;  et  à 
ceste  fin  fera  cesser  tous  ports  d'armes,  pistoles  et  pistolets,  fera  garder 
et  observer  nos  édicts  et  ordonnances  tant  sur  le  faict  desdils  ports 
d'armes,  pistoles  et  pistolets  que  pour  garder  et  empescher  lèsdites 
séditions  et  semblablement  nostre  dernière  ordonnance  du  dix- 
septiesme  janvier  faicte  pour  le  repos  et  tranquilité  de  ladite  ville,  et. 
pour  faire  vivre  nos  subjects,  manens  et  habitans  d'icelle  en  pacifi- 
cation, enrôles  qu'il  v  ait  entre  eulx  quelque  diversité  d'opinions  en 
la  religion,  commandera  el  ordonnera  aux  ungs  et  aux  autres  tout  ce 
qu'il  congnoistra  estre  à  propos  et  convenable;  el.  s'il  vcoit  que  pour 
se  faire  obéir  il  ait  besoing  de  force,  fera  lever  et  mettre  sus  pour 
ung  prompt  effecl  tel  nombre  de  gens  de  pied  et  de  cheval  qu'il 
advisera  par  tels  bons  et  suffisans  capitaines  qu'il  choisira  pour  les 
employer  el  exploicter  en  ce  qui  sera  requis  soit  dedans  ou  dehors 
ladite  ville  de  Paris  pour  le  bien  de  noslie  dit  service,  seureté  el 
conservation    du    repos  d'icelle  ville  et  pour  tels  autres  effecls  qui 


PIÈCES    JUSTIFICATIVES  277 

s'offriront  ;  ordonnera  et  disposera  de  l'artillerie,  pouldres,  boulets  et 

munitions  que  nous  avons  en  ladite  ville  pour   les  départir  en  tels 
lieux  qu'il  verra  nécessaire  et  tiendra  au  surplus  la  main  au  faict  de 
la  justice  :   fera  punir  exemplairement  ceulx  qu'il  trouvera  mutins, 
séditieux,  rebelles  et  désobéissais  à  nos  dits  édits  et  ordonnances  et  à 
ses  commandemens,  décrets  et  ordonnances,  et  généralement  fera, 
exécutera  et  exploictera  en  toutes  etchacunes   les   choses  susdites  et 
autres  dépendans  de  la  charge  de  nostre  lieutenant  général  en  nostre 
dite  ville  de  Paris  et  lieux  circonvoisins,  durant  nostre  dite  absence, 
tout  ce  qu'il  verra  et  congnoistra  estre  à  propos  requis  et  convenable 
pour  le  bien  de  nos  affaires,  repos  et  tranquilité  d'icelle  ville  et  autres 
effects  cy-dessus  déclairés,  selon   la  parfaicte  et  entière   fiance  que 
nous  avons  en   luy  et  tout   ainsi  que  nous-mesmes  ferions  et  faire 
pourrions  si  présens  en  personne  y  estions,  jaçoit  que  le  cas  requist 
mandement  plus  spécial.  Si  donnons  en  mandement  par  ces  présentes 
à  nos  amés  et  féaulx  conseillers  les   gens  tenans   nostre   court   de 
parlement,  gens  de  nos    comptes,  généraulx  de  la  justice    de   nos 
aydes  à  Paris,  prévost  dudit  lieu    ou  son    lieutenant,    prévost   des 
marchans,    eschevins,  officiers,    magistrats,  prélats    et  autres  gens 
d'église,    chappitres,    communaultés,    collèges,     nobles,    bourgeois, 
manens  et  habitans  de  nostre  dite  ville  de  Paris  et  à  tous  nos  autres 
justiciers,  officiers  et  subjects  et  à  chacun  d'eulx,  si  comme  à  luy 
appartiendra,  que,  en  faisant,  souffrant  et  laissant  nostre  dit  cousin  le 
cardinal  de  Bourbon  joir  et  user  des  pouvoirs,  puissances,  authorités 
et  facultés  cy-dessus  déclairées  par  nous  à  luy  données  et  autres  qui 
dépendent  de  ladite  charge  de  nostre  d'il  lieutenanl  général,  ils  aient 
à  luy  obéir  et  faire  obéir  et  entendre   diligemment  de  tous  ceulx  et 
ainsi  qu'il  appartiendra  et   besoing  sera  es  choses  touchans  et  con- 
cernans   icelle   charge,    sans  y  faire  aucune  faulte  ni  difficulté,  en 
mandant  en  oultre  aux  gens  de  nostre  dite  court  de  parlement  faire 
lire  et   enregistrer   ces   dites   présentes,   lesquelles  en  tesmoing  de 
ce  nous  avons  signées  de  nostre  main  et  à  icelles  faicl  mettre  nostre 
seel.  Donné  à  Montceaux  le  treiziesme  jour  île   mars  l'an   de  grâce 
mil  cinq  cens  soixante  ung,  el  de  nostre  règne  le  deuxiesme. 

Ainsi  signé  soubs  le  reply  :  Chaiu  i  -. 

Et  sur  le  reply  :  Parle  Roy  estanl  en  son  conseil  :  Bourdin. 


278  LE    RÔLE    POLITIQUE    DU    CARDINAL    DE    BOURBON 

N"  III. 

1563.  mars:  commencement].  —  S.  1. 

Lettre  du  cardinal  de  Bourbon  a  Anne  d'Esté, 

DUCHESSE    DE    GuiSE*. 
Bibl.  Nat.,  t'.  fr.,  ms.  34i8,  f°  16,  autographe. 

Le  cardinal  expose  à  la  duchesse  les  démarches  faites  pour  lui  faire 
obtenir  la  dispensa  nécessaire  à  son  mariage. 

A  Madame,  Madame  la  duchesse  de  Guyse. 

Madame,  j'é  receu   la  lettre  qu'il  vous   a  plu   m'escripre  par   le 
sieur  de  Salcéde   et  congnoys  bien  la  bonne    voulunté    qu'il  vous 
plaict  me  porter  et  comme  vous   escripvés  à   monsieur  le   cardinal 
vostre   frère  i   pour  ma   dispence,   que   je  croy   que,    quant  y  aura 
entandu    Testai    où   est   maintenant    ce    réanime  et   pour    le  bien 
publiq,  il  me  donnera  le  mesme  conceil   qui  m'a  donné   aultrefoys. 
Monsieur    de    Lanssac   a    escript  à    la    rainne  que,    touchant    mon 
affaire,   qu'il  fault  premièremant  s'adresser  au  pape  et  puys  le  con- 
cilie   l'aprouvera,    mais  aultremant   il  trouvoyt  la    chose   difficille. 
C'est,  Madame,  le  chemin  que  j'é  esté  toujours   d'advis  ;  j'espère, 
comme    m'escript   monsieur  le  cardinal    d'Àrmignac,   que  le  pape 
me    le    commendera    et   non    poinct  m'en   prira.  J'atends   ce  qu'il 
plaira  à  Dieu.  La  rainne  a  despèché  le  chevalier  de  Sévre   et  luy  a 
commendé  de  poursuivre  vivemant  mon  affaire.  Je  vous  supplie  très 
humblemant,  Madame,  de  faire  entandre  à  monsieur  le  légat  l'obliga- 
tion que  j'ay  à  son  endroict  de  ce  qu'il  l'a  escript  pour   moy.  Et  au 
demeurant,   Madame,  je  vous    supllie  croire  que  je  vous  serez  ung 
jour  ung  des  plus  obéissans  de  tous  voz  en  fans  et  que  je  ne  désire  en 
ce  monde  que   l'acomplisscinanl   de   cest    affaire  pour  vous  servir  et 
aymer   messieurs  voz  enffans  comme   mes   frères.   El  quant  à   voz 
affaires  de  par  deçà,  vous  en  aurez  les  despèches  comme  vous  les 
voulés  et  de  nia  part,  Madame,  je  vous  serwray  et  obévrav   toutte 
ma  vie  en  ce  qu'il  vous  plaiera  me  commander.  Quant  aux  nouvelles 
de  deçà,   la  paix  est   faicte   si  ne   survient   anltre  difficulté,  car  nous 
accordons  l'exercice  de  leurs  relligion  ;  et  vous   assure.  Madame,  que 
monsieur  le  conneslable  ne  ce  rend  poinct  difficille  en  reste  paix,  niais 

1.  Le  cardinal  de  Lorraine,  qui  riait  alors  au  concile  de  Trente. 


PIECES    JUSTIFICATIVES  279 

la  procure  ce  qu'il  peult,  et  veoyt-on  bien  qui  ce  congnoist  à  faire  des 
traictés  de  paix.  Nous  ne  partirons  encores  sitost  de  ce  lieu,  car  il  y 
aura  beaucoup  de  poinctz  encores  à  vuyder.  Je  croy  que  ce  sera  pour 
tout  ce  moys  d'avant  que  tous  les  estrangiers  soyl  sorti  hors  du 
réaulme.  Ce  qu'il  surviendra,  je  ne  faulderay  vous  advertir  et  nie 
pardonnerés,  Madame,  si  je  vous  importunne  plus  de  mon  faicl  que 
des  aultres,  car  je  croy  que  vous  me  teués  pour  vostre  très  humble 
et  très  obéissant  cousin, 

Charles,  cardinal  de  Bourbon. 


N°  IV. 
15  70,  novembre  2.  —  Saint-Germain-des-Prés. 

Mandement  du   roi  Charles  IX  instituant  le   cardinal  de   Bourbon 

TUTEUR    ET    CURATEUR    DES    ENFANTS     DE     LOUIS     DE     BOURBON,     PRINCE 
DE    CONDÉ,    ET    DE    ÉlÉONORE    DE    ROYE. 

Arch.  \at..  X"  86a8,  f°  '1Ô1  v°. 

Charles,  par  la  grâce  de  Dieu  roy  de  France,  à  nos  amés  et  féaulx 
les  gens  tenans  nos  courts  de  parlement,  grand  conseil,  gouverneurs 
de  nos  provinces,  maistres  des  requesles  ordinaires  de  nostre  hostel, 
baillis,  sénesebaulx,  prévosts,  juges  ou  leurs  lieulenans,  conseillers, 
magistrats  de  nos  sièges  présidiaulx  et  tous  autres  justiciers  et 
officiers,  et  chacun  d'eulx  comme  il  appartiendra,  salut.  Après  le 
décès  de  défunct  nostre  très  cher  et  très  amé  cousin  le  prince  de 
Condé,  nous  fusmes  adverlis  du  mauvais  ordre  et  gouvernement 
qu'il  y  avoil  en  l'administration  des  biens  délaissés  tant  par  lui  que 
deffuncte  nostre  très  chère  et  bien  amée  cousine  Léonor  de  Roye,  son 
espouse  ;  au  moyen  de  quoy,  pour  éviter  à  la  perle  et  ruyne  qui 
pouvoit  advenir  d'iceulx  affin  qu'ils  ne  dépérissent,  ains  l'eussent 
conservés,  eussions,  de  l'advis  de  nostre  liés  honorée  dame  cl  mère 
et  gens  de  nostre  conseil  estant  près  de  nostre  personne,  par  nos 
lettres  du  vingt  unième  octobre  cinq  cens  soixante  neuf,  commis, 
ordonné  et  député  nostre  liés  cher  et  très  amé  cousin  le  cardinal  de 
Bourbon  pour,  soubs  son  auctorité,  vouloir  cl  mandement,  faire 
régir,  gouverner  et  administrer  tous  el  chacuns^les  biens,  maisons, 
chasteaulx,  terres  H  seigneuries  apartenans  ausdits  défuncts  prince  et 
princesse  de  Coudé,  en  quelque  pari  qu'ils  feussenl  scitués  H  assis, 
comme  plus  au  long  il  esl  porté  par  nos  dites  lettres;  etoultre,  pour 


28û  LE    ROLE    POLITIQUE    DU    CARDINAL    DE    BOURBON 

aulcunement  soulager  du  grand  faiz  et  charge  d'ieelle  administration 
nostre  dit  cousin  ordinairement  occuppé  près  de  nous  pour  nos 
affaires,  nous  aurions  par  aultres  nos  lettres  du  vingt  deuxiesme 
dudit  moys  d'octobre  nommé  et  député  personnages  notables,  les 
ungs  pour  conseil  et  aultres  pour  la  recepte  et  administration,  gens 
de  bien  recéans  et  solvables  qui  jà  d'un  bon  zelle,  dextérité  et  conseil, 
soubs  l'auctorité  de  nostre  dit  cousin,  auraient  par  plusieurs  foys 
depuis  ung  an  ou  environ  vacqué  au  manyement  et  charge  dos 
affaires  de  ladite  administration,  composé  et  acquicté  partie  desdebtes 
et  conservé  les  droits  desdites  terres  et  seigneuries  desdits  défuncts, 
lesquelles  aultrement  estoient  en  voye  d'une  prochaine  et  évidente 
ruyne,  si  par  nous  et  nostre  dict  cousin  promplement  n'y  eust  esté 
pourveu  ;  et,  d'autant  que  nous  avons  esté  bien  advertis  qu'il  y  a 
plusieurs  détempteurs  et  usurpateurs  desdits  biens  meubles  et 
immeubles,  terres,  seigneuries  desdits  défuncts,  receveurs,  fermiers, 
debteurs  et  autres  qui  sont  en  doubte  ou  aultrement  vouldroient 
interpréter  que  le  pouvoir  cy-devant  par  nous  donné  à  nostre  dit 
cousin  seroit  expiré  par  le  moyen  de  nostre  dernier  édict  de  pacifica- 
tion, et  eulx  efforser  soubs  ce  prétexté  troubler  et  empescher  nostre 
dit  cousin  en  la  jouyssance  desdits  biens  et- remettre  toutes  choses 
en  confusion,  comme  ils  estoient  auparavant,  qui  seroit  l'entière 
ruyne  desdits  biens  et  directement  contre  l'intention  de  nous  qui 
avons  tousjours  désiré  et  désirons  iceulx  estre  conservés  et  mesnagés 
par  nostre  dit  cousin  au  prouflict  et  utilité  desdits  enffans,  le  gou- 
vernement desquelz,  attendu  leur  minorité,  ne  peult  et  ne  doibt 
âpartenir  à  parent  qui  leur  soit  plus  proche  et  affectionné  à  leur 
bien  et  qui  par  drOict  de  nature  embrasse  et  doibve  embrasser  de 
meilleure  volunté  ladite  charge,  gouvernement  et  administration,  que. 
nostre  dit  cousin  le  cardinal,  leur  oncle  paternel  ;  pour  ces  causes 
et  aultres  bonnes  considérations  à  ce  nous  mouvans,  de  l'advis 
de  nostre  très  lionnorée  dame  et  mère,  princes  et  seigneurs  de 
nostre  dit  conseil,  après  avoir  esté  deuenient  informés  de  ce.  qui  a 
esté  l'a  ici  et  géré  en  ladite  administration,  avons  dit  et  déclaré, 
disons  et  déclarons  que  nous  avons  eu  et  avons  très  agréable  tout  ce 
que  cy-devant  par  nostre  dit  cousin,  sesdits  commis  et  députés,  a 
esté  faict,  géré  et  administré  pour  le  gouvernement  desdits  biens  et 
acquicl  îles  délites  desdits  défuncts  prince  et  princesse  en  vertu  de  nos 
dites  lettres  jusques  à  hu\  ;  oultre  lesquelles  el  d'abondant,  attendu 
la  proximité  du  sang  et  lignage  de  nostre  dit  cousin  envers  lesdits 
enffans  qui  n'ont  encores  acquis  l'aage  requis  et  nécessaire  pour  la 
conduicte  d'éulx  et  de  leur  bien,  voulons  et  entendons  que  icelluy 
nostre  dit  cousin  le  cardinal  demeure  doresnavant  chargé  de  la  per- 


PIÈCES    JUSTIFICATIVES  28  1 

sonne  el  biens  des  enffans  desdits  défuncts  prioce  et  princesse 
jusques  à  ce  qu'ils  soient  parvenus  en  aage  de  majorité,  et,  pour  ce 
faire,  nous,  du  consentement  des  princes  et  aultres  seigneurs  leurs 
parens  el  amys  estans  près  de  nous  et  pour  ce  appelles,  l'avons  éleu, 
nommé  et  ordonné,  nommons  et  ordonnons  par  ces  présentes  tuteur 
et  curateur  seul  desdits  mineurs  pour  prendre  la  charge,  gouverne- 
ment el  administration  de  leurs  personnes  et  biens,  lui  donnant  tout 
pouvoir  iceulx  régir  et  gouverner,  faire  régir  et  gouverner  lesdits  biens 
soubs  son  auctorité  par  tels  personnages  que  nostre  dict  cousin  pour  le 
myeulx  advisera  et  congnoistra  estre  nécessaire  pour  la  conduicte  de 
ladite  administration;  et,  pour  ce  faire,  voulons  qu'il  soit  mis  et  réin- 
tégré en  possession  et  jouissance  de  tous  lesdits  biens,  terres  et  sei- 
gneuries pouren  joyr  tout  ainsi  el  avec  tel  droict  que  faisoienl  lesdits 
défuncts,  lors  et  auparavant  les  derniers  troubles,  et  tous  fermiers, 
receveurs,  commissaires,  dépositaires  et  tous  aultres  qu'il  appartiendra 
contrainetz  à  luy  en  rendre  bon  compte  et  reliqua  par  toutes  voyes 
doues  et  raisonnables  pour  ces  deniers  qui  en  proviendront  estre  con- 
vertis et  employés  par  les  ordonnances  de  nostre  dit  cousin  ou  ceulx 
qui  seront  par  luy  commis  et  députés  en  l'acquit  des  debtes  desdils 
défuncts  et  autrement,  ainsi  qu'ils  verront  estre  le  plus  nécessaire  et 
prouffitable  pour  le  bien  desdits  mineurs  ;  défendant  très  expressé- 
ment à  toutes  personnes  culx  immiscer  ne  entremettre  au  faict  et 
charge  de  la  présente  administration  en  quelque  sorte  et  manière  que 
ce  soit,  sans  l'exprès  commandement  et  adveu  de  nous  ou  de  nostre 
dit  cousin,  qui  a  présentement  accepté  ladite  charge,  gouvernement 
et  administration,  promis  et  juré  en  nos  mains  en  paroles  de  prince 
et  prélat  icelle  exercer  et  faire  fidèlement  el  soigneusement  exercer 
pour  en  tenir  compte,  ainsi  qu'il  apartiendra.  Si  vous  mandons,  com- 
mandons et  expressément  enjoignons  el  à  chacun  de  vous  en  droict 
soy  (pie  de  nos  présents  déclaration,  vouloir  et  intention,  tutelle  et 
curatelle,  gouvernement  et  administration  vous  faictes,  souffrez  et 
laissiez  nostre  dit  cousin  et  ceulx  qu'il  voudra  commettre  et  députer 
joyr  et  user  plaineinent  et  paisiblement,  et  le  contenu  en  ces  dites 
présentes  faire  enregistrer  sans  \  faire  aucune  difficulté;  car  Ici  esl 
nostre  plaisir,  nonobstant  que  l'on  peul  dire  que  à  ceste  présente 
élection  cl  nomination  de  tutelle  et  curatelle  les  solempnités  plus 
particulièrement  requises  de  droict,  us  et  coustume  n'ayent  esté 
gardés  et  observés  ;  à  quoy,  attendu  que  sommes  des  principaulx 
parens  desdils  enffans  et  (pie  la  dation  et  provision  de  ladite  tutelle 
nous  apartient  connue  estant  protecteur  et  bonservateur  de  leurs 
personnes  et  biens,  nous  axons  iceluy  nostre  dit  cousin,  en  tant  que 
besoing  seroit,  dispensé  el  auctorisé,   dispensons  et  auctorisons  de 


282  LE    ROLE    POLITIQUE    DU    CARDINAL    DE    BOURBON 

nostre  propre  mouvement,  certaine  science,  plaine  puissance  cl 
auctorité  royal  par  ces  dites  présentes  et  quelconques  édicts,  man- 
dements, ordonnances  et  lettres  à  ce  contraire,  opposilions  ou  appel- 
lations quelsconques  et  sans  préjudice  d'icelles,  pour  lesquelles  ne 
voulons  estre  différé.  Et,  pour  ce  que  de  ces  dites  présentes  l'on 
pourra  avoir  affaire  en  plusieurs  et  divers  lieux,  nous  voulons  (pic 
au  vidimus  d'icelles  deuement  collalionné'par  l'un  de  nos  amés  et 
ieaulx  notaires  et  secrétaires  ou  soubs  seel  royal  foy  soyt  adjoustée 
comme  au  présent  original;  mandons  au  premier  huissier  ou  sergent 
sur  ce  requis  faire  tous  exploicts  requis  et  nécessaires  pour  l'entière 
exécution  de  ces  dites  présentes.  Donné  aux  faulxbourgs  Sainct- 
Germain-des-Prez-les- Paris  le  deuxiesme  jour  de  novembre  l'an  de 
giace  mil  cinq  cens  soixante  et  dix,  et  de  nostre  règne  le  dixiesme. 

Ainsi  signé  :  Charles. 

Et  plus  bas  :  Par  le  Roy  :  De  Neufville. 


N°  V. 
157  7,  avril  16.  —  Blois. 

Lettres  patentes  du  roi  Henri  III  nommant  le  cardinal 

DE    BOURRON    SON    LIEUTENANT    GÉNÉRAL    A    PARIS. 
Arch.  Nat.,  X1'  8(333,  f°  34a. 

Henry,  par  la  grâce  de  Dieu  roy  de  France  et  de  Pologne,  à  tous 
ceulx  qui  ces  présentes  lettres  verront,  salut.  Considérans  qu'estant 
nostre  bonne  ville  et  cité  de  Paris  la  cappitalle  de  cestuy  nostre 
royaume,  il  est  bien  requis  et  nécessaire,  à  présent  que  nous  en 
sommes  esloignés  et  que  nous  délibérons  aller  en  nostre  pais  de 
Guyenne  où  nos  affaires  nous  appellent,  que  nous  laissions  en  nostre 
dite  ville  de  Paris  quelque  grand  et  notable  personnage  pour  y  estre 
assidu  affin  de  donner  ordre  et  pourveoir  aux  choses  qui  s'i  pré- 
sentent  ordinairement  et  y  eonlenir  et  faire  vivre  les  habitans  soubs 
uoslre  obéissance  et  la  commander  pour  nostre  service  es  occasions 
qui  s'i  offriront  pendanl  nostre  dit  esloignement  el  absence,  sçavoir 
faisons  que  nous,  ayans  advisé  que  meilleure  eslection  ne  scandons 
nous  faire  pourcesl  effecl  que  de  la  personne  de  nostre  très  cher  el 
très  aîné  oncle  Charles,  cardinal  de  Bourbon,  tant  pour  la  proximité  de 


PIECES    JUSTIFICATIVES  9.83 

sang  dont  il  nous  attouche  qne  pour  la  vraie  affection  et  dévotion 
que  nous  sçavons  qu'il  porte  à  nous  et  à  nostre  couronne  et  pour  la 
congnoissance  qu'il  a  des  affaires  d'icelle,  pour  ces  causes  et  pour  la 
parfaicte  et  entière  confiance  que  nous  avons  de  sa  personne  et  de  ses 
sens,  vertus,  lidellité,  loyaullé,  expérience  et  grande  diligence,  avons 
icelluy  nostre  dit  oncle  le  cardinal  de  Bourbon  constitué,  ordonné  cl 
estabty,    constituons,    ordonnons  el   establissons  par  ces  présentes 
nostre  lieutenant  général  en  nostre  dite  ville  et  cité   de  Paris,   pré- 
vosté  et  viconté  d'icelle  pour  y  demeurer  et  commander  en   nostre 
absence  pendant  nostre  ditvoiage  et  esloignement,  luy  donnant  pou- 
voir, puissance,  auctoritlé  et  mandement  spécial  d'avoir  l'œil  à  faire 
vivre  nos  subjects,  manans  et  habitans  de  nos  dites  ville,  prévosté  et 
viconté  en  bon  ordre,  tranquillité  et  pollice,  leur  commander  et  ordon- 
ner ce  qu'ils  auront  affaire  pour  la  conservation  et  seureté  d'iceulx  et 
de  leurs  personnes,  maisons  et  biens,  et,  selon  que  l'affaire  le  requerra, 
mander  et  taire  venir  devers  luy  les  officiers   de  nostre  parlement  et 
autres  de  nostre  justice,  prévost  des  marchans,  escbevins  et  habi- 
tans de  nostre  dite  ville  de  Paris,  et  leur  dire  et  commander  aussi  ce 
qu'ils  auront  à  faire  pour  nostre  dit  service  et  leur  dite  conversation 
et  repos,   commander  aussi  aux  officiers   de   nos  finances  ce  qu'ils 
auront  à  faire  pour  nostre  service,  et  générallement  faire  par  nostre 
dit  oncle  le  cardinal  de  Bourbon  durant  l'occasion  présente  de  nostre 
dite  absence  et  esloignement  au   faict  et  exécution  de  ceste  charge 
tout  ce   qu'il    verra   et    congnoistra  eslre  requis,  utile  el  nécessaire 
pour  le   bien  île  nostre  dit   service  cl  manutention  du   repos  publicq 
de  nos    dites    ville,    prévosté    el    viconté  de    Paris,    ton!    ainsi  que 
nous-mesmes    ferions   et  faire   pourrions    si     présens  en    personne 
y  estions,  jaçoit  qu'il    y    eusl   chose  qui    requisl   mandement   plus 
spécial   qu'il  n'est  contenu    en  ces  dites  présentes  ;    par  lesquelles 
donnons    en    mandement    à     nos    amés    et    féaulx  conseillers   les 
gens  lenans   nostre  court  de  parlement,   chambre  de  nos   comptes, 
courts   des  aydes  et    de   nos    monnpies,    prévosl    de    Paris  ou    son 
lieutenant,    prévost    des     marchans    et    escbevins,    et     à    fous     nos 
autres  justiciers,    officiers    el  Subjects,    manans  el    habitans   d'icelle 
nostre  dite  ville,  prévosté  et  viconté  de  Paris,   que  à  nostre  <lii  oncle 
le  cardinal  de  Bourbon   ils  obéissenl    et   facenl   obéyr  el   entendre 
diligemment    en    toutes  choses   qu'il    leur  dira  ci    commandera   et 
ordonnera    pour  le   faict   de   ceste   présente    charge    cl    de   i'r  ((ni 
en  dépend,  tout  ainsi   que  à  nostre  propre  personne,  sans  aucune- 
ment y  contrevenir;   car    Ici    esl    nostre   plaisir.    En    tesmoing  de 
ce   nous  avons   signé    ces    présentes    de    nostre    main    ci   à    icelles 
faict   ineltrc   et  apposer  nostre   seel.    Donné   ;'i   Blois   le    seizeiesme 


284  LE    ROLE    POLITIQUE    DU    CARDINAL    DE    BOURBON 

jour  d'avril   l'an   de   grâce   mil   cinq  cens   soixante  dix  sept,  et  de 
no  s  Ire   règne   le    troisiesme. 

Ainsi  signé  :  HExny. 

Et  sur  le  reply  :  Par  le  Roy  :  Pinart. 


N°  VI 
[1579],  juillet  23.  —  Grenoble. 

Lettre  nu  cardinal  de  Bourbon  a  Louis  de  Gonzague, 

DUC    DE    NEVERS. 
Bibl.  Nat.,  f.  fr.,  ms.  332i,  f"  28,  autographe. 

Le  cardinal  le  prie  de    veiller  pendant  son  absence  sur  l'éducation 
de  son  neveu  Charles  de  Bourbon. 

Y  Monsieur,  Monsieur  le  duc  de  Nyvcrnoys. 

Monsieur,  encores  que  j'ay  beaucoup  d'obligation  à  vous,  mais 
ceste  dernière,  qu'avés  tenu  la  main  pour  mon  nepveu  ]  touchant  mes 
bénéfices,  me  rand  du  tout  à  vous,  vous  remercyant  bien  humble- 
niant  de  tout  mon  cueur  de  la  grande  amitié  (pie  nous  portés. 
Je  vous  supplie  aussy  de  tenir  mon  nepveu  comme  uns  de  vos 
enffans  ;  car,  si  ne  vous  obéisset  comme  à  moy,  je  ne  le  voul- 
droys  jamais  veoyr.  Ce  que  je  faietz,  c'est  principalement  pour 
veoyr  mes  abbayes  quelques  jours,  ce  Dieu  plaict,  bien  réfor- 
mées, comme  j'ay  intancion  à  mon  retour,  et  de  faire  si  bien 
nouryr  mon  nepveu  en  Testât  éclésiastique  et  à  la  religion  catho- 
lique qu'il  soyt  plus  tost  un  cardinal  Boromée  que  comme  nous 
avons  esté  nourry.  Je  vous  supplie,  Monsieur,  me  faire  ce  bien 
que  de  l'envoier  quérir  quelquefoys  et  dire  à  monsieur  Touchait 
qu'il  faice  instrire  toujours  par  les  jésuistes  et  qu'il  ne  reçoive 
ces  sacremans  que  par  eulx  et  qu'il  [Renseignent  au  dit  estât 
éclésiastique.  Vous  me  pardonnerés  si  je  vous  use  de  ces  paroles, 
car  je  parle  à  vous  comme  à  mon  seigneur  et  frère  et  plus  adffectioné 
amy  que  j'ay  en  ce  monde.  Au  reste.  Monsieur,  nous  sommes 
arrivé,  grâces  à  Dieu,  en  ceste  ville  de  Grenoble  et  demain  j'es- 
père d'aller  coucher  à  la  Grande   Chartreuse,   que  j'ay  grande  envye 


1.  Charles  de  Bourbon,  né  le  3o  mars  i[>('r?,  jilns  tard  cardinal  de  Vendôme,  puis 
de  Bourbon. 


PIÈCES    JUSTIFICATIVES  285 

de  veoyr.  Nous  attendons  icy  monsieur  de  Savoie  pour  la  sepmaine 
qui  vient.  Le  maréchal  de  Bellegarde  est  à  Th  (mot  illisible)  et  le  sieur 
de  Viragues1  pareillement.  Et,  après  vous  avoyr  baisé  les  mains,  je 
prieray  Dieu  vous  donner  ce  que  désirés.  De  Grenoble,  ce  WIII"'"  de 
juillet. 

Monsieur,  si  vous  plaisoit  faire  tant  que  Monsieur  feist  à  mon 
nepveu  comme  a  l'aicl  le  roy  et  la  raine,  il  nous  obligerait  gran- 
dement. 

Vostre  très  humble  cousin  et  oncle  à  vous  faire  service. 

Chaules,  cardinal  de  Bourro.n. 


N°  VII. 
[1585,  mars,  du  27  au  30.  —  Péronne.] 

MÉMOIRE    PORTÉ  AL    DUC    DE    NeVERS    PAR    UN  MESSAGER    DU    CARDINAL    DE 

Bourbon  lui  exposant  les  actes  et  les  intentions  des  ligueurs. 
Bibl.  Nat.,  f.  fr.,  ms.  3364,  f°  5G,  original. 

Dira  à  N[evers]  le  contentement  qu'a  receu  C[ardinal]  d'avoyr 
entendu  de  ses  nouvelles,  encores  qu'il  soyt  fort  niarry  que 
l'homme  qu'on  altendoyt  ayt  manqué  au  jour  promis,  bien 
qu'il  s'asseure    qu'il   ne  manquera   point  à  l'effect. 

Cependant,  s'il  pouvoyt  mettre  fin  à  ses  scrupules  qui,  à  dire  lé 
vray,  ruinent  la  cause  el  empêchent  les  effects  que  produiroyl  une 
prompte  résolution,  oultre  qu'il  obligeroyt  Cfardinalj  extrêmement 
l'assistant  en  reste  occasion  si  importante,  il  mettroyt  du  tout  les 
affaires  en  bon  estât  et  rendroit  le  party  beaucoup  plus  fort  tant  par 
ses  moyens  que  par  son  exemple;  ce  qui  sera  au  contraire  s'il  continue 
plus  longtemps  en  ses  irrésolutions  ou  si  du  tout  il  s'en  relire. 

C  ardinal]  a  demeuré  autant  qu'il  a  peu  à  Ga  Mon  pour  attendre 
le  jour  ordonné;  mais,  pressé  par  sa  M[ajesté]  qui  luv  a  envoyé 
par  deux  foys  [La]  M[othe]  F  énelon],  il  a  esté  contrainl  d'eu  partir, 
craignant  d'estre  attrapé,  cl  venu  en  ceste  ville  de  P  éronne],  où  il  a 
esté  receu  des  babil  an  s  el  gouverneur  avec  tout  l'honneur  qui  se  peult, 
encore  que  le  R[oy]  eust  défendu  par  courrier  arrivé  deux  lieurea 
devanl  de  l'\  laisser  en! rer. 


i.  Charte!)  île  Birague,  conseiller  du   roi,  gouverneur  du  marçruisal  de  Saluces, 

1 1  mouru l  en  juillet  1 5g  i . 


1286  LE    ROLE    POLITIQUE    DU  V:  AHDINAL    DE    BOURBON 

Il  y  demeurera  deux  ou  troys  jours,  puys,  la  laissant  1res  asseurée, 
il  yra  à  G  uise]  et  FUeims]  pour  se  joindre  à  M  onsieur  de]  G[uise], 
<|iii  s'est  rendu   maistre  dudil    R[eims]  et  de  Cli  âlonsj. 

Le  C[ardinal  dej  V[endôme]  ny  le  C[omte  de]  S[oissons]  ne  sont  icy 
pour  ce  qu'ils  ne  nous  avoient  suyvi  à  Ga[illon]  ;  mais  je  pense  que 
nous  les  aurons  bientost. 

C[ardinal]  vous  envoyé  une  Déclaration]  l'ondée  sur  la  religion  et 
quelques  aultres  subjets  qui  ne  sont  qu'en  conséquence  de  celuy-là, 
laquelle  M[onsieur  de]  G[uise]  nous  a  envoyé  et  la  trouvons  très 
bonne.  S'il  eust  esté  possible  de  la  vous  envoyer  plustost,  on  l'eust 
faict  ;  mais  il  n'y  a  qu'un  jour  que  nous  l'avons  et  le  temps 
presse  de  la  faire  imprimer,  car  le  masque  est  levé  et  est  besoing 
que  tout  le  monde  soyt  promptement  rendu  capable. 

Pour  conclusion,  Cjaidinal]  vous  conjure,  par  l'amytié  que  vousluy 
portés,  de  ne  l'abandonner  poinl  en  teste  occasion  si  pressante  et  de 
ne  vous  séparer  point  de  la  cause  commune  de  tous  lescath[oliques], 
lesquels  ne  peuvent  avoyr  mal  que  vous  n'y  participiés,  ny  bien  aussy 
que  vous  ne  le  ressenties. 

Quand  au  M[ariage]  estant  avec  M[onsieur  de]  G[uise],  il  en 
parler;!,  mais  il  désire  que  le  premier  propos  se  continue,  à  quoy  il 
mettra  toute  la  pêne  qu'il  pourra  ;  Mefnueville]  et  Cjornac]  l'en 
feront  souvenir  ordinairement. 


Y  Mil. 
|1585.  avril  15  environ.  —  Guise]. 

Lettre  anonyme  d'un  familier  du  cardinal  de  Bourbon 
a  louis  de  gonzagl'e,  duc  de  nevers. 

Bibl.  Vit.,  t.  IV. ,  ms.  3366,  f°  go,  original. 

L'auteur  expose  la  situation  du  parti  des  ligueurs  et  sollicite 
te  duc  de  se  joindre  à  eux. 

Card[inalj  a  esté  très  aise  d'entendre  de  vos  nouvelles,  mais  très 
iiiarry  de  voyr  la  continuation  de  vostre  voyage  pour  avoyr  toujours 
mis  en  vous  l'une  de  ses  plus  asseurées  et  premières  espérances. 

De  Péroné,  il  est  venu  en  ce  lieu  de  Guyse,  où  il  a  esté  tellement 
travaillé  d'une  cruelle  colique  qu'il  a  eslé  contraint  d'y  demeurer 
jusqu'à   maintenant.  Encores  n'en  est-il   guéry,   bien  qu'il  se  porte 


PIÈCES    JUSTIFICATIVES  287 

beaucoup  mieus  el  aye  l'espérance  avecl'ayde  do  Dieu  de  partir  lundy 

pour  aller  à  Reims  el  de  là  à  Espernay  trouver  la  revue  qui  l'y  attend 
en  grande  dévotion  de  pacifier  ces  commencemens  ;  de  quoy,  à  ouyr 
deus  ambassadeurs  qui  sont  ici,  R[etz]  et  Lrénoncourt|,  il  semble 
qu'elle  aye  toute  puissance  et  encore  plus  de  volonté. 

Qui  faict  quasi  tenir  certain  que  le  roy  ne  pouvant  avoyr  la  paix 
qu'à  ceste  condition  sera  contraint  de  se  joindre  à  ceste  cause  et  faire 
la  guerre  auv  hérétiques  ,  combien  que  d'ailleurs  c'est  chose  asseurée 
qu'il  donne  des  commissions  à  des  capitaines  h[érétiques],  et  mesmes 
nous  a-t-on  escript  qu'il  a  envoyé  quérir  le  petit  monstre  de  Bre- 
taigne. 

Quoy  qui  arrive,  ou  paix  ou  guerre,  Cfardinal]  et  particulièrement 
tous  vos  serviteurs  désireroyentextrêmerrient  que  vous  fussiez  déclaré; 
la  guerre,  afin  que  ce  party  fût  appuyé  de  vostre  nom  et  moyens;  la 
paix  afin  que  vous  en  ressentissiez  le  fruit  comme  feront  les  aultres, 
si  elle  se  faisoyt  ;  à  quoy  je  muis  supplie  très  humblement  vouloyr 
avoir  esgard. 

(]  ardinal],  [tour  n'estre  point  à  Reims,  n'a  point  eu  communi- 
cation de  ce  que  vous  avés  escript  ans  aultres,  qui  est  cause  qu'il  ne 
vous   \    peu  11    respondre. 

Il  est  fort  marry  et  estonné  tout  ensemble  qu'il  ne  vous  est  venu 
rien  de  RFeims]  et  est  après  à  y  renvoyer  suyvant  ce  que  luy  escrivés. 

Vous  ne  scauriésçroyre  l'estonnement  qu'a  donné  la  prise  d'Orléans, 
de  Bourdeaux,  d'Angers,  de  Saumur  et  de  Chinon.  Les  villes  de 
Picardie  ou  se  sont  déclarées  ouvertement  ou  se  maintiennent  neutres 
ne  voulant  recevoyr  garnisons  du  roy;  mesmes  Béarnais  a  refusé 
l'entrée  à  Kspernon.  Les  reistres  sont  à  la  frontière.  Rosno  avec  ses 
troupes  les  est  allé  recepvoyr. 

Quand  à  l'escrit,  il  est  tellement  publié  qu'il  n'est  plus  possible  de 
le  révoquer.  11  a  esté  faicl  par  l'advis  du  P[ère]  C[Iaude]  ',  à  ce  que 
j'ay  peu  entendre. 

Nous  perdons  espérance  d'avoyr  le  C[ardinal]  de  V[eudùme]  et  le 
Comte  de  S[oissons],  encore  que  leur  oncle  leur  aye  escript. 

Le  secrétaire  de  la  présente  est  vostre  très  humble  et  très  obéissant 
serviteur. 


i .  \.c  père  <  llaudc  Matthieuj  jésuite 


288  LE    ROLE    POLITIQUE    DU    CARDINAL    DE    BOURBON 

Y   I\. 

1585,  mai  i.  —  Épernay. 

Lettre  du  cardinal  de  Bourbon  a  Henriette  de  Clèves, 

i  ■ 

duchesse  de  Nevers. 
Bibl.  Nat.,  f.  fr.,  ms.  333G,  f°  84,  original. 

Le  cardinal  est  venu  à  Épernay  pour  s'aboucher  avec  la  reine-mère. 

Il  envoie   à  la   duchesse   Tétat  des   biens   <le  son   neveu,  le  comte 
de  Soissons. 

A  ma  niepee,  Madame  la  duchesse  de  Nevers. 

Ma  niepee,  j'ay  esté  liés  ayse  d'avoir  trouvé  la  commodité  de  ce 
porteur  qui  s'en  retourne  vers  vous.  Il  vous  dira  comme,  Dieu  mercy, 
je  commence  à  me  bien  porter  et  mieux  que  je  n'ay  cy-devant  faict, 
ayanl  esté  si  cruellement  tourmenté  d'une  colicque  qu'il  n'est  possible 
de  plus.  Je  suis  venu  en  ce  lieu  trouver  la  royne-mère  du  roy  qui  m'y 
attendoyt  il  y  a  longtemps  affin  d'adviser  les  moyens  de  parvenir  à 
une  bonne  paix,  que  j'espère  et  désire  se  puisse  faire  à  l'honneur  de 
Dieu,  assurance  de  nostre  religion  catholicque,  bien  de  Testât  et 
contentement  de  leurs  Majestés.  Je  vous  envoyé  ungestat  que  ma  sœur 
madame  la  princesse  de  Coudé  du  bien  (sic)  que  pourra  avoir  mon 
nepveu  le  comte  de  Soissons  son  fils,  que  je  vous  prie  veoir  et  m'en 
mander  sur  ce  de  voz  nouvelles.  Cependant  tenez  moy  toujours  en 
vo/,  bonnes  grâces,  ausquelles  bien  humblement  je  me  recommande, 
et  prie  Dieu  qu'il  vous  donne,  ma  niepee,  en  bonne  santé  longue  et 
heureuse  vye.  A  Espernay,  le  premier  jour  de  may  1 585. 

(De  su  main)  Vostre  bien  humble  oncle  et  très  perfaict  amy, 

Charles,  cardinal  de  Bourbon. 


PIECES    JUSTIFICATIVES  289 

V   \. 

|1585],  mai   17.  —  Châlons. 

Lettre  dl  cardinal  de  Bourbon  et  de  Henri  de  Lorraine, 

DUC    DE    (ilTSE,     AL     PAPE. 

Arch.  du  Vatican  :  lettere  délia  segreteria  di  stato,  nunziatura  >li  Francia, 
l.  \l\.  p.  a6,  copie. 

Le  cardinal  et  le  duc  Jélicitent  le  pape  de  son  élection 

et   récli mien I  son  appui. 

Santissimo  Padre,  doppo  avère  humilmente  basciato  li  piedi  di 
Vostra  Santilà. 

\ni  credemo  Voslra  Santità  essere  stata  informata  abastanza  doppo 
li  rumori  di  movimenti  Qovamente  accaduti  in  questo  regnb  de  la 
cagione  ebe  ha  spinta  gli  catholici  a  pigliare  la  protettione  de  la  loro 
fede  et  religione,  del  pericolo  nel  quale  ella  si  trovava  redutta  el 
délia  Iicentia  et  eonsenso  che  la  felice  memoria  di  oostro  signore  \i 
aveva  dato  et  délia  sua  favorevole  inclinatione  a  l'aiuto  et  l'accresci- 
mento  <li  si  sauta  opéra.  Il  che  è  stato  causa,  corne  Vostra  Santità  puo 
pensare,  che  noi  abbiamo  giudicato  essersi  stati  per  la  sua  morte  visi- 
tali  da  Dominedio,  non  solamente  per  la  perdita  commune  di  lui  ta 
la  chrisliauità,  nia  per  un  signalalo  mancamento  d'un  grande  aiuto, 
sostegno  ê  condutla  al  particolare  delli  nostri  negotii  ;  et  di  questo 
scnlivaino  una  grandissima  afflittione,  quando  sua  bontà  intinita.  che 
non  lascia  giamai  i  subi  sprovisti,  a  degnalo  riguardare  compassione- 
volmenle  la  sua  Santa  Chiesa,  impiendo  questa  sanla  sedia  vacante 
d'un  pastore  si  degno  corne  è  Vostra  Santità.  Perche  la  nuova  délia 
sua  elettione  ci  ha  consola ti  d'una  allegrezza  che  noi  possianio  dire 
eguale  al  bisogno  clic  noi  ne  havevamo,  quale  era  estremo;  di  maniera 
clic  doppo  esserei  çonversi  a  laudare  Iddio  el  haverïo  supplicato  per 
la  conservatione  di  Voslra  Santità  essendoci  congratulati  cori  la 
christianità  di  si  felice  el  degna  elettione,  siamo  costretti  di  essere 
dèlli  primi  supplicanti  allî  suoi  sanctissimi  piedi  el  d'implorare 
vostra  providentia  nelle  nostre  presenti  nécessita,  riebiedendo  humil- 
mente Vostra  Beatitudine  che  si  deghi  con  sua  autoritate  conservare 
([ueslo  suo  devotissimo  et  obedientissimo  grege  el  tropollo,  el 
irnpiegare  sae  santé  et  spiritual]  armi  contra  li-  lupi  che  lo  vogiiono 
invadere.  Perché,  pure  che  possiamo  essere  tanto  venturati  cl î  ricevere 
solamente  sua  sanla  benedittione,  speramo  in  Dio  si  bene  irnpiegare 
S\i  lhier.  —  Cardinal  de  Bourbon.  10 


2QO  LE    RÔLE    POLITIQUE    DU    CARDINAL    DE    BOURBON 

le  forze  che  a  sua  divina  bontà  è  piaccuito  di  darci  abundantemente, 
che  disfaremo  gli  nemici  vostri  et  purgaremo  queslo  regno  délie 
hérésie  che  si  Longamente  li  hanno  infettato.  Il  resto  delli  nostri  affari 
sara  à  Vostra  Santità  ripresentato  per  l'illustrissimo  cardinale  di 
Vaudemonte  et  il  padre  Claudio  '  délia  compagnia  del  nome  di  Jhesu, 
a  quali  si  corne  à  noi  medesim'o  noi  supplichiamo  Vostra  Santità  dare 
audienza  et  credenza.  ,. 

Sanctissimo  Padre.  supplichiamo  Iddio  dare  a  Vostra  Santità  in 
perfetta  sanilà  longhissima  et  felicissima  vila.  Di  Ciallons,  a  di  XN  II  di 
maggio. 

Di  Vostra  Santità  humillissimi  et  obedientissimi  servitori, 

Carolo,  cardinale  di  Borbone, 

Henrico  di  Lorraene. 

Y  XI, 

[1585,  août  18].  -  S.  1. 

Lettre  de  Claude  de  la  Châtre  a  Henri  de  Lorraine,  duc  de 

Guise,  corrigée  par  Louis  de  Gonzague,   duc  de  Xevers. 

BibL  Nat.,  (.  fr.,  ms.  \-i\,  1"  i3i,  minute. 

La  Chaire  rapparie  au  duc  de  Guise  toutes  les  plaintes  que  le 
duc  de  Xevers  a  formulées  contre  lui. 

(Au  dos,  île  la  main  du  duc  de  Nevers):  Copie  d'une  Ici  Ire  que 
monsieur  de  La  Châtre  voloit  escrirc  à  G[uisc"],  laquelle  j'ay  corrigée 
comme  il  se  veoit. 

J'arivé  hier  seullemcnt  en  ce  lieu,  ne  l'ayant  peu  faire  plustost  poul- 
ies affaires  que  j'ay  trouvées  chez  moy  et  en  mon  gouvernement.  Et 
pour  vous  rendre  compte  de  la  charge  que  vous  m'avez  donnée,  je  vous 
diray  sans  dissimulation  que  j'ay  trouvé  monsieur  de  Nevers  offancé 
de  voz  depportements  tant  particuliers  que  généraulx  :  les  généraulx, 
pour  le  bien  qu'il  vous  désire  et  à  toute  la  cause  en  laquelle  il  c'est 
joinct,  pour  laquelle  il  pençoit  y  avoir  bien  travaillé  d  et  tellement 
que  l'on  ne  devoit  tant  précipiter  la  paix  pour  la  faire  si  peu  certaine  ; 
cl  les  particuliers,  pour  n'avoir  seu  aucune  chose  des  articles  ny  sceu 

1.  Le  père  Claude  Matthieu,  jésuite. 

1.  La  rédaction  primitive  non  corrigée  par  le  duc  de  Nevers  portait  :  ...  pour 
laquelle  il  pençoit  y  avoir  bien  travaillé  et  mis  les  choses  en  si  beau  chemin  que 
vous  ne  deviez  tant  précipiter  la  paix  pour  l'avoir  l'aide  si  peu  certaine;  les  parti- 
culiers pour  n'avoir  au  traicté  l'aict  aucune  mention  de  luy  ny  enfin  départir 
aucune  chose  pour  son  contantement.... 


PIEGES    JUSTIFICATIVES  2fjï 

ce  qu'il  devoit  désirer  pour  son  contantemcnt.    Et,   comme   il   n'a 
poincl   faultes  de  fortes  et  bonnes  raisons  non  plus  pour  la  preuve 
du  peu  de  conte  qu'il  dict  que  l'on  a  faict  de  luy,  que  pour  la  belle 
et  advantageuse  négociation  qu'il  avoit  faicte  à   Rome,  je  ne  suis  de 
ma  part  demeuré  court  à  représenter  tout  ce  que  vous  'm'avez  dict  et 
d'amener  en  aucun   tour  ce  que  j'av   estimé  pouvoir  servir  à  lever 
ceste  impression.    Il   m'a   assuré   ne  se   voulloir   néantmoins   point 
départir  de  vous,  et  de  faict  c'est  cliose  qu'il  a  publiée  et  faict  publier 
par  ces  gens  et  agents  à  la  court,  Paris  et  ailleurs  et  m'en  a  faict  voir 
les  lettres  pour  responces.  Mais  je  vous  diray,  Monseigneur,  et  l'aurez 
s'il   vous  plaisl  agréable  comme  de  vostre  serviteur,  que  vous  vous 
devez  rendre  plus  officieux  à  l'endroict  de  voz  amys  et  partisans,  car 
l'on  vous  tient   trop  advisé  pour  estimer  que  vous  péchiez  par  igno- 
rance. Et   néantmoins   vous  ne   faictes  jamais  voz  dépesehcs  que  ;'i 
demy  et  si  les  changez  bien  souvant  et  oubliez   ce  que  vous  avez 
promis,  comme  par  exemple  vous  avez  mandé  à  monsieur  de  Nevers 
que  vous  envoiriez  passer  vers  luv  l'abbé  de  la   Vernusse  dépesché 
pour  Rome  et  comme  j'en  vis  bien   la   dépesché  et  instruction  le 
matin  que  je  partis  d'auprès  de  vous.  Ou  il  est  party,  ou  bien  il  ne 
l'est  pas.  S'il  est  party,  il  y  a  de  la  faulte  en  ce  qu'il  n'est  pas  passé 
par  icy,  comme  vous  l'aviez  mandé  •.  S'il  est  demeuré  pour  occasion, 
vous  deviez  en   rendre  ce  prince  adverty,  comme   de  toutes  autres 
choses  qui    surviennent  d'heure   à   aultre.   Si  de  vostre   costé   vous 
oubliez  en  cella,  monseigneur  le  cardinal  de  Bourbon  n'en  faict  pas 
moins,  et  s'en  plainct-on  comme  de  vous  pour  ce  que  monsieur  de 
Nevers  luy  a  mandé   le  5  qu'il  n'avoit  occasion  de  partir  de  ce  lieu 
que  celle  de  son   service,   s'il  cogooissoit  qu'il  fût  nécessaire  qu'il 
s'acheminasl  en  là;  ;'i  quo\  l'on  ne  lux  a  poincl  respondu  en  i3  jours. 
Je  scav  que  c'est  chose  que  vous  désirez  infiniment  et  croy  encores 
qu'il  est  plus  que  nécessaire  et  que  le  plustost  que  vous  pourrez  vous 
aboucher   tous  ensemble  ce  sera  le  meilleur  pour  prendre  une  bonne 
résolution.  Faictes doucq que  mon  dil  seigneur  le  cardinal  envoyé  au 
pluslosl  homme  exprès  pour  le  quérir  -,  et  qu'il  aille  à  Soissons,  et  le 
temps  où  il  se  devera  trouver,  n'estimant  pas  qu'il  parte  d'icj   aultre- 
menl  ;  et,  s'il  estoil  possible  que  monsieur  dTmaine  :!  v  fus!  aussi 
avant  d'entreprendre  son  voiage  de  Guienne,  je  l'estime  très  néces- 
saire, et   le  cardinal  de  Guyse.  Car  par  ceste  veue  vous  vous  esclair- 

i.  La  rédaction  primitive  non  corrigée  par  le  <Uu-  de  Nevers  portait:  ...comme 
vous  l'aviez  mandé;  l'on  m  attendent  pour  ce  qu'il  .estoit  nécessaire.  S'il  est 
demeuré.... 

a.  La  rédaction  primitive  portait  :  ...  pour  le  quérir  et  lux  mander  le  temps  et 
le  lieu  où  il  se  devera  trouver.... 

'i.  Charles  de  Lorraine,  duc  du  Maine  ou  de  Mayenne. 


20,2  LE    ROLE    POLITIQUE    DU    CARDINAL    DE    BOURBON 

cirez  ensemble  des  choses  passées  et  l'instruirez  de  toutes  les  dé- 
pesches  et  négociations  passées,  comme  il  est  bien  raisonable  pour 
donner  bon  advis.  Par  un  seur  moien  vous  remédirez  aux  présentes  et 
pourvoirez  à  l'advenir,  prenant  une  meilleure  forme  et  ordre  à  voz 
expéditions,  comme  il  est  très  nécessaire  et  aussi  d'aviser  par  les 
provinces  et  villes  de  rasseurer  voz  amis  qui  demeurent  offancez  de 
la  paix  i'aicte  contre  leur  espérance,  de  la  i;uyne  de  leurs  biens  aux 
champs  sans  avoyr  servy  qu'à  vous  oster  l'amitié  du  peuple,  des 
menasses  qui  leur  sont  faictes  et  du  peu  de  soing  qu'avez  eu  de  leurs 
seuretez  et  conservation,  voianl  les  vostres  mesmes  en  hazard.  C'est 
que  l'on  m'a  dict  à  mon  retour  en  Herrv,  que  je  ne  vous  veulx  poinct 
dissimuler  affin  que  vous  ne  vous  trompiez  pas,  et  croy  que  d'ail- 
leurs vous  en  aprendrez  le  semblable,  si  l'on  vous  dit  la  vérité.  Je  ne 
trouve  pas  la  noblesse  mieux  disposer  que  les  habitans  des  villes. 
Quelque  peu  de  temps  pourra  rabiller  cella  avec  la  peine  que  chacun 
prendra  de  son  coslé.  Du  vostre  dépend  le  principal  poinct  et  sou- 
venez-vous que,  n'estant  seul  en  ceste  cause,  vous  ne  devez  aussi  seul 
faire  tout  de  vous-mesmes  ;  bien  que  le  puissiez  et  par  vostre  prudence 
tellement  ordonner  que  tout  réuscist  à  bien  ;  néantmoins  ce  ne  seroit 
avec  le  consantemenl  des  principaulx  de  cculx  qui  y  ont  intérestz, 
qui  s'estiment  digues  d'en  dire  leur  advis.  11  pensoit  que  je  luy 
deusse  rendre  compte  de  toutes  négotiations  dedans  et  hors  le 
royaume  jusques  à  présent  pour  songer  à  l'advenir  et  du  licentieinent 
des  Suisses  et  Allemans,  car  vous  vous  estiez  remis  sur  moy  de  l'ins- 
truire de  toutes  choses  ;  ce  que  n'aiant  peu  faire,  il  m'a  dit  que  l'on 
pourroit  par  une  simple  lettre  l'advertir  du  besoing  que  l'on  a  de  se 
voir. 

Y   XII. 
|1585,  du  30  septembre  au  5  octobre.]  —  S.  1. 

Lettre  du   cardinal  de  Boirron  a  Louis  de  Gonzague, 

duc  de  nevers. 

Bibl.  Nat..  IV  i'r.,  Vas.  34i3,  V  85,  autographe. 

Le  cardinal  regrette  de  n'avoir  pu  se  Inxieer  à  l'entrevue. 
Il  serai I  (use  que  le  due  s'accordât  avec  (luise. 

A  xMonsieur,  Monsieur  le  duc  de  Nevers,  mon  uepveu. 

Monsieur,  encores  que  je  vous  ay  envoie  mon  laquaiz  vers  vous 
depuvs    deulx    ou   trois  jours,    si    ne  veulx-je    perdre    unne   seullc 


PIÈGES    JUSTIFICATIVES  290 

occasion  de  vous  escripre  et  vous  puys  asseuré  que  j'é  eu  un  grand 
regret  ne  avoyr  peu  estrc  le  troisième,  lorsque  vous  et  monsieur  de 
Guyse  vous  estes  veulx.  A  quoy  je  n'eusse  failly  sans  la  nécessité  de 
ma  présence  à  l'assemblée  du  clergé,  de  laquelle  estans  hors  je 
m'efforceray  de  prandre  occasion  de  vous  aller  veoyr  par  l'extrême 
désir  que  jay  av.  Vu  reste,  je  vous  diray  encores  ce  mot  sur  le  mariage 
de  ma  petite  niepce,  vostre  fille,  puysque  vous  m'avez  faict  cest 
honneur  de  vous  en  raporter  à  moy,  que  je  le  remectz  du  tout  en 
vostre  libre  disposition  pour  en  faire  comme  vous  en  adviserés,  vous 
asseurant,  Monsieur,  que  je  seray  toujours  très  ayse  (pie  vous 
contantiés  monsieur  de  Guyse,  car  je  vous  ayme  tant  tous  deulx  que 
je  désire  que  ne  laciez  qu'un  et  que  je  face  le  troisième  en  ceste 
bone  amictié  ;  et  espère  que  Dieu  nous  conservera,  vous  baisant  très 
humblemant  les  mains.  X. 

(  1//  dos,  de  la  main  du  duc  de  Guise)  M' estant  envoyée  aveq  charge 
de  la  voir,  je  l'ay  ouverte. 


V  XIII. 
|1585,  du  30  septembre  au  5  octobre.]  —  S.  I. 

Lettre  du  cardinal  de  Hourron  a  Henri  de  Lorraine, 

duc  de  Guise. 

Bibl.  \at..  f.  fr.,  ms.  3336,  f"  109,  —  et  ms.  36i6,  f"  na,  copies. 

Le  cardinal  a  écrit  au  duc  de    Vevers  suivant  ce  que  Cuise  lui 
a  mandé.  Il  espère  rencontrer  celui-ci  dans  quelque  temps. 

J'ay  receu  à  un  mesme  jour  trois  de  vos  lettres  quy  me  tesmoignenl 
touttes  la  continuation  de  vostre  amitié,  que  je  tiens  chère  plus  que 
ma  vie.  Or  je  vous  diray,  touchant  monsieur  de  Nevers,  que  je  lui  ay 
escrif  selon  vostre  intention  et  luy  escris  encore  la  lettre  que  je  vous 
envoyé  a\ec  les  mesmes  mots  que  vous  me  demandez.  Croyez  que 
j'affeclionne/  tellement  tout  ce  qu'il  vous  touche  que  vous-mesmes 
ne  scauriez  y  apporter  plus  d'ardeur.  Je  me  réjouis  fort  de  ce 
<pic  m'avez  mandé  de  luy  et  (pie  le  devez  voir  encorres,  désirant 
Lui  daller  à  Soissons  ;  à  quoy  je  ne  faudray  auss>  lost  que  les  affaires 
que  nous  avons  ic>  nie  le  permettront  et  dont  je  vous  adverliray 
pour  avoir  ce  bien  de  vous  voir  à  Marchays.  Cependant  croyez 
lousjours  fermement  que  je  vous  ayme  comme  mon  lils.  vous  baisant 
très  humblement  les  mains.  x 


2Ç)4  LE    ROLE    POLITIQUE    DU    CARDINAL    DE    BOURBON 

N°    XIV. 

1586,  octobre  13.  —  Paris. 

Dépêche  de  Fabio  Mirto  Frangipani,  évêque  de  Nazareth, 
nonce  en  France,  au  cardinal  Rusticucci. 

Arch.  du  Vatican  :   lettere  délia  segreteria  di  stato,   nunzialura  di  Francia, 
t.  XVIII,  1°  173,  original. 


Le  cardinal  de  Bourbon  lui  a  déclaré  n'être  pour  rien  dans  le 
voyage  de  madame  de  Soissons,  qui  dit  l'avoir  entrepris  de  sa 
propre  initiative. 

Illustrissime-  et  revereridissimo  Signore. 

Il  cardinal  di  Borbone,  con  un  suo  genlilhuomoet  con  unalettera, 
mi  ha  fatto  intendere  il  dispiacer  grande  che  ha  sentito  délia  novella 
che  si  è  detta,  di  haver  egli  mandato  l'abbadessa  di  Suisson  sua  sorella 
a  Navarra,  ricercando  di  riconciliatione  et  amicitia  ;  di  che  sua 
Signoria  illustrissima  dice  sentirsi  offesa  molto  nella  conscienza  con 
Dio  et  nel  honor'  col  mondo,  non  havendo  mai  pur'  pensato  a  simil 
pratica,  la  quai  crede  esser'  artificio  di  personeche  vogliono  detrahere 
al  honore  et  riputatione  sua  col  papa,  col  re  et  co'  i  populi.  Et  mi 
prega  a  non  voler'  dar'  fede  a  simil  novella,  assicurandomi  che,  più 
tosto  che  aver'  amicitia  ne  pratica  alcuna  con  heritici,  abbandonaria 
tutti  i  suoi  parenti,  tutto  il  suo  havere  et  la  propria  vita,  et  che  non 
voira  veder'  mai  più  quella  sorella.  Sopra  di  che  io  li  ho  risposlo 
ringratiandolo  dell'  uflicio  fatto  con  me  et  lodandolo  délia  bona  et 
santa  mente  sua,  promettendoli  che  que'n  haria  dato  conto  a  Nostro 
Signore. 

Detta  abbadessa  è  ritornata  in  Parigi,  in  casa  délia  principessa  di 
Condé,  sua  cognata,  et  dice  haver'  fatto  detto  viaggio  per  sua  propria 
elettione  et  vera  carità  che  lia  di  guadagnare  quel  nipote  a  Dio  et 
al  re,  et  che  ha  creduto  far  bene  et  non  maie.  Yoglio  credere  che  cosi 
sia,  et  desidero  che  cosi  si  creda  per  levar'  ogni  sospetto  che  si  è  ilo 
novellando  et  commentando  per  conto  di  questo  benedetto  viaggio,  il 
quale  ha  fatto  maie  pensare  et  mal'  dire  pur'  assai.  Ho  voluto  darne 
questo  conto  a   Vostra   Signoria   illustrissima   per   aviso  di   Nostro 


PIEGES    JUSTIFICATIVES  20,5 

Signore,  et  humillimamente  li  bascio  lo  mano.   l)i   Parigi,  li  XIII  di 
ottobré  i586. 

Di  Vostra'Signoria  illustrissima  et  reverendissima  humilissimo  et 
devotissimo  servi  tore. 

L'archtvescovo  di  Nazarett. 


N°  XV. 
[1588],  juin  23.  —  Villenauxe-la-petite. 

Lettre  du  cardinal  de  Boirbon  et  de  Henri  de  Lorraine, 
duc  de  Guise,   ai    roi  Henri  111. 

Bibl.  Nat.,  f.  fr.,  111s.  3  .'102,  i'"  43,  original  entièrement  de  la  main  du  cardinal. 

Ils  envoient  nu  roi  le  sieur  de  Maineville  pour  lui  faire  connaître 
leurs  désirs  el  s'excuser  de  lui  avoir  causé  •  quelque  méconten- 
tement. 

Ai  H< m. 

Sire,  le  plus  grand  regret  qu'il  soyt  jamais  entrer  en  noz  âmes  a 
esté  de  nous  veoyr  hors  des  bonnes  grâces  de  vostre  Majesté  et 
contrains  de  faire  chose  qui  luy  peult  aporter  quelque  déplaisir,  au 
lieu  que  nous  estions  toujours  proposez  de  ne  nous  jamais  séparer  de 
sa  voukmté,  encorcs  que  nous  puissions  dire  avecques  vérité  que 
nostre  intention  ne  fust  onques  d'entreprandre  ou  penser  à  faire  chose 
qui  fust  contre  son  service,  son  autorité  et  la  personne  de  vostre  dite 
Majesté,  que  nous  honorons  de  ceste  vraye  et  sincère  adfleclion  qui 
doibt  estre  en  bons  et  fidelles  subjeetz  qu'ils  se  recongnoissent  oultre 
leurs  debvoirs  luy  estre  très  obligés.  Nous  luy  envoyons  à  ceste  effaicl 
le  sieur  de  Mainncville  qui  luy  fera  plus  particulièremant  entandre 
nostre  intention,  suppliant  1res  hurableniant  vostre  dite  Majesté  de  le 
croire  el  que  nous  esseairons  toujours  de  surmonter  en  adffection  et 
fidélité  à  son  service  tous  ceulx  qui  \  sonl  1rs  plus  zélés.  Lu  ceste 
dévotion  nous  lu\  baisons  très  humblement  les  mains  et  prions  Dieu, 
Sire,  donner  à  votre  Majesté,  en  perfaicte  santé,  très  heureuse  <■!  très 
longue  vie.  De  \  illenoce,  ce  WIII"  dejuing. 

Voz  très  humbles  et  très  obéissans  serviteurs  et  subjeetz, 

(  m  \m ,ESj  cardinal  de  Boi  rbon, 
Henri  de  Lorraine. 


:>()('»  LE    ROLE    POLITIQUE    Dl      CARDINAL    DU    BOURBON 

Y  XVI 
1588,  août  17.  —  Chartres. 

Lettres  patentes  du  roi  Henri  III  autorisant  le  cardinal  de 
Bourbon  a  nommer  un  maître  de  ghaqçe  métier  dans  toutes 
les  villes  du  royaume  et  accordant  a  ses  serviteurs  les 
privilèges  des  serviteurs  du  roi. 

Arch.  Nat.,  V  8689,  f°  208  v". 

Henry,  par  la  grâce  de  Dieu  roy  de  France  et  de  Pologne,  à  tous 
cenlx  qui  ces  présentes  lettres  verront,  salut.  Scavoir  faisons  que,  pour 
la  très  grande,  singulière  et  parfaicte  amitié  que  nous  portons  à  nostre 
très  cher  et  très  amé  oncle  le  cardinal  de  Bourbon  et  pour  estre  le 
plus  proche  parent  de  nostre  sang  que  nous  ayons,  à  icelluy,  pour 
ces  causes  et  plusieurs  autres  bonnes  et  grandes  considérations  à  ce 
nous  mouvans,  désirant  mesmement  luy  faire  congnoistre  de  plus  en 
plus  nostre  affection  en  son  endroict  et  aussi  rendre  notoire  à  ung 
chacun  le  degré  de  consanguinité  et  bienveillance  en  quoy  nous  le 
tenons,  avons,  de  nostre  grâce  spécialle,  plaine  puissance  et  auctorité 
roialle,  donné  et  octroyé,  donnons  et  oclroions  par  ces  présentes 
pouvoir,  faculté  et  auctorité  de  faire  ung  maître  de  chacun  mesticr 
en  chacune  des  villes  et  cités  de  nostre  roiaume  ;  et  oultre  voulions 
pour  pareille  considération  que  ses  serviteurs  et  officiers,  dommestic- 
ques  et  commensaulx  jouissent  de  semblables  prévilleiges,  exemptions 
et  immunités,  dont  jouyssent  nos  officiers,  domesticques,  lequel 
oclroy  par  nous  ainsi  faict  ;i  nostre  dit  oncle,  ensemble  toutes  les 
créations  que  par  vertu  de  ce  il  fera  cy  après,  nous  voulions  estre  de 
tel  ell'ecl  et  valleur  comme  si  nous-mesmes  les  avions  faictes  et 
données  à  nostre  advénement  à  la  couronne  et  nouvelle  entrée  en 
icelles  villes  et  cités  de  nostre  dit  roiaume.  Si  donnons  en  mandement 
par  ces  mesmes  présentes  à  nos  amés  et  féaux  conseillers  les  gens 
lenans  nos  courts  de  parlement,  chambre  de  nos  comptes,  courts  de 
aosaydes,  aux  prévost  de  Paris,  baillifs,  séneschaux  et  tous  nos  aullres 
justiciers,  officiers  et  subjects  ou  à  leurs  lieutenans  et  commis,  et  à 
chacun  deux  sur  ce  requis,  si  comme  à  luy  appartiendra,  qu'ils 
facent  lire,  publier  et  enregistrer  ces  présentes  el  que  de  nos  dits  don, 
concession,  déclaration,  faculté,  puissance  et  auctorité  ils  facent, 
souffrent  et  laissent  jouyr  et  user  plainement  et  paisiblement  nostre 
dit  oncle  et  ceulx  ausquels  il  aura  donné  et  faict  les  dites  créations  de 


PIECES    JUSTIFICATIVES  9Q7 

mestiers  de  chacune  des  dites  villes  el  cités  de  nostre  dit  roiaume, 
sans  leur  faire  mettre  ne  donner  ne  souffrir  leur  estre  mis  ou  donné 
aucun  destourbier  ou  empeschement  au  contraire  en  quelque  façon  et 
manière  que  ce  soyt;  car  tel  est  nostre  plaisir,  nonobstant  que  nostre 
dit  oncle  n'ayt  faict  el  ne  soit  tenu  faire  aucune  entrée  en  icelles  villes 
et  cités.  Et,  pour  ce  que  ("de]  ces  dites  présentes  on  pourra  avoir  affaire 
en  plusieurs  et  divers  lieux,  nous  voulions  qu'au  vidimus  d'icelles 
deuement  collationné  par  l'un  de  nos  amés  et  féaux  notaires  et 
secrétaires  ou  faict  soubs  seel  roial  foy  soit  adjoustée  comme  au 
présent  original.  En  tesmoing  de  quoy  nous  avons  signé  ces  dites 
présentes  de  nostre  main  et  à  icelles  faict  mettre  nostre  seel.  Donné  à 
Chartres  le  dix  septiesme  jour  d'aoust  l'an  de  grâce  mil  cinq  cens 
quatre  vingts  huict,  et  de  nostre  règne  le  quinziesme. 

Ainsi  signé  :  Hènhy. 

Et  sur  le  reply  :  Par  le  Roy,  estant  en  son  conseil  : 

De  Neufviele. 


Y    XVII. 
1588.  août  22.  —  Chartres. 

Lettre  du  cardinal  de   Bourbon  au  pape   Sixte-Quint. 

Arch.  du  Vatican  :  lettcre  delta  scgrcteria  di  stato,  nunziatura  ili  Francia, 
t.  XXIII,  i>.  219,  copie. 

Le    cardinal  sollicite  le  pardon  du  pape  pour  son  neveu 
le  comte  de  Soissons. 

Sanctissimo  Domino  nostro  papœ. 

Beatissime  Pater,  posl  humillima  beatorum  pedum  oscula.  Vnni 
sunt  jam  sexdecim,  ex  quo  principis  Condei  fratris  mei  liberosex 
hœreticorum  manibus  iu  ipsis  pêne  cuuis  ereptos,  qua  summa  potui 
diligentia,  vera  religione  imbui  juravi,  neque  <i\  eo  tempore 
11 1 lu  1 11  officii  el  studii  genus  praetermisi  quod  ad  illos  optirae  insti- 
tuendos  el  iu  ecclesiœ  sançfœ  romanœ  sinu  continendos  pertineret. 
Cuius  quidern  m<'  laboris  cominus  pœnitebat,  quod  eus  in  pietatis 
studio  ita  profecisse  itaque  ab  omni  haereseos  vel  minima  suspicione 
alienos  esse  videbam  ut  et  ad  meum  desiderium  el  ad  îllorum  cons- 
tanciam  nihil  addi  ]>osse  videretur.  U  superiori  anno,  in  eo  quod  sus- 
ceptum   erat  pro  religione   bellum,  accidil  ut  cornes  Suessionensis, 


298  LE    RÔLE    POLITIQUE    DU    CARDINAL    DE    BOURBON 

malis  luereticorum  artibus  impulsus  ea  specie  quod  non  ha?resis 
sed  familia  nostra  oppugnaretur  et  praeterea  spe  nuptiarum  princi- 
pis  Navarrenae  illectus,  impii  bèlli  socium  se  adjnnxerit.  Quod  mihi 
quantum  dolôris .  attulerit,  dici  non  potest.  Sed  tamen  non  destiti 
omnem  movere  lapidem,  ut  eum  a  tam  nefaria  societate  revoca- 
lum  catliolicorum  rursus,  a  quibus  non  iîdequam  semper  in  mediis 
illorum  castris  constantissime  relinuit  sed  pravo  rerum  humana- 
runi  judicio  discesserat,  partibus  reddere  cujus  quidem  me  voti 
compotem  divina  pietas  fecit.  Non  modo  enim  rediitad  regem  chris- 
tianissimum,  sed  etiam  haereticis  irifensissimus  rediit.  Pœnitet  illum 
tam  pravi  consilii,  erratum  fatetur,  erimen  agnoscit.  Sed  et  deiuceps 
se  fidissimum  et  obsequenlissimum  ecclesiae  sanctœque  sedis  rotnanàe 
filium  ac  servum  fore  pollicetur.  Sperat  enim  sibi  ita  animo  affecto 
nullamqueeo  nomine  pœnam  deprecanti  Sanctitatis  Vestrae  paternam 
clementiam  non  defuturam,  ad  cujus  sanctissimos  pedes,  qua  summa 
humilitate  fieri  potest,  supplex  se  abjicil.  Quod  ego  a  Sanctitate 
Vestra  obnixe  flagito.  Deus  Optimus  Maximus  Sanctitatem  Vestram 
sanctee  romande  sedi  lotique  orbi  cbristiano  incolumem  diulissime 
conservet. 

Datum  apud  Carnutenses,  XI  kalendas  septeml^ris  i588. 

Sanctitatis  Yestra?  humillimus  servus, 

Carolus,  cardinalis  a  Borbomo. 


N°  XVIII. 
1588,  septembre  28.  —  Blois. 

Lettre  du  cardinal  de  Bourbon  au  pape   Sixte-Quint. 

Arcb.  du  Vatican  :  lcttcre  délia  segretcria  di  stato,  nunziatura  di  Francia, 
t.  XXIII,  p.  2/12,  original. 

Le  cardinal  assure  le  pape  de  son  dévouement  à  la    religion 
catholique  et  au  Saint-Siège. 

Sanctissimo  in    Christo    Patri    et   Domino   noslro,  Domino 
Sixto  papœ  quinlo. 

Beatissime  Pater,  post  buinillima  fœlicium  pedum  oscula.  Nil 
niilii  prius  est  quam  ut  testificanda'  mese  erga  Sanctitatem  Ves- 
tram  observantiœ  fréquenter  occasio  se  offerat.  Itaque  nolni  reve- 
renduni  hune  ejus  nuncium  sine  meis  ad  eam  litteris  redire.  Is  fide- 


PIÈCES    JUSTIFICATIVES  9QQ, 

lissime  referet  ad  Sanctitatem  Vestram  ut  omnia  hic  ex  mandato  ejus 
in  galeri  rubri  illustrissïmi  legali  solemni  impositione  ex  dignitate 
sanctœ  romanae  ecclesiae  celebrata  sint.  Referel  etiam  quis  sit  rerum 
Qostrarum  status  et  quanta  in  spe  omnes  simus  hoc  celehri  trium 
ordinum  conventu  hujus  regni  disciplinam  restituant  iri.  Ego  illud 
tantum  addam  nihil  mihi  magis  in  votis  esse  quam  ut  Sanctitas  \  es- 
tra  cognitum  habeat  eo  tantum  spectare  omnia  consilia  et  actiones 
meas,  ut  sua  religioni  catholicœ  profligatis  heresibus  dignitas,  Sanc- 
litati  Vestraî  sanctaeque  roman*  sedi  authoritas,  bonis  omnibus 
securitas.  huic  regno  regisque  christianissimi  majestatis  antiquus 
splendor  restituatur.  Faxit  Deus  Optimus  Maximus  ut  hoc  meum 
desiderium  brevi  ratum  sit  et  Sanctitatem  Vestram,  in  cuius 
authoiitate  maximum  ad  bec  omnia  promovenda  momentum  est, 
diutissime  orbi  christiano  sanctaeque  romanae  fidei  incolumem  con- 
servet.  Blesis,  1111°  kalendas  octobris  1088. 

(De  sa  main)  Sanclitatis  Vestrae  humillimus  seryus, 

Carolus,  cardinalis  v  Borbonio. 


N°  Xl\. 

1589,  mars  1   et  4.         Paris. 

Dépêche  anonïme  et  sans  adresse. 

Arcli.  du  Vatican  :  Ic-ttere  délia  segrcteria  di  stato,  nun/iatura  di  Francia, 
t.  XXI,  p.  69,  original  (?). 

L'auteur  raconte  les  (/entières  négociations  des  sieurs  Bourbonne 
et  du  (iast  arec  les  ligueurs  parisiens  et  le  transfèrement  des 
prisonniers  d'A/nboise  au  château  de  Blois.  Procession  à  Rouen. 

Del  Parigi,  del  i  et  \  di  marzo  1J89. 

Yi  abbiamo  dato  awiso  di  questoera  passato  in  Ambosa  fra  quelli 
principi  et altri  prigioneri  et  li  capitani  Gast  et  Longnac  per  la  libe- 
ratione  di  essi,  la  qùale  noi  tenevamo  per  certissima,  et  si  era 
flatta  buona  diligenzadi  sodisfare  aile  conditioni  dell'accordo  et  pagare 
quello  che  si  era  promesso,  et  qui  si  erano  già  sborsati  12.000  scudi 
in  niano  dcl  fra  tel  lo  di  esso  Gast,  che  aveva  portai  0  il  contratto,  et  del 
signore  di  Bourbonne,  /io  di  esso  Longnac  ;  et" si  era  dato  online  per 
mandare  scorta  bastanle  di  ravalli  et  d'arcliibusieri  per  accompâgnar 
li  danari  et  condm  re  li  prigioneri  a  salvamcnto.  Kl.  come  noi  eravamo 


OOO  LE    ROLE    POLITIQUE    DU    CARDIN  M,    DE    ROLRRON 

in  questi  termini  aspettando  il  ritorno  del  signore  duca  d'Umena1, 
ccco  uno  delli  nostri  huomi  d'autorité  et  creanza  che  ci  ha  assicurato 
haver  visto  a  Blois  il  cardinale  di  Borbone,  il  duca  di  Guisa  et  il  duca 
del  Beuf-;  et d'altrove  poi  si  è  pur  troppo  verificato  clic  questo  era 
un  inganno  et  tradimcnlo  del  re  per  chiappare  li  nostri  danari  et 
ancora  qualcunodi  questi  principi  che  Dio  lia  liberati  dalle  sue  rapaci 
mani,  pensandn  che  dovesse  andar  qualcuno  di  loin  et  pigliar  li  pri- 
gioni.  Tuttavia,  per  la  gratia  di  Dio,  si  * c  scoperta  la  trappola 
tanto  per  tempo  che  il  fratello  di  Gast  et  il  zio  di  Longnac  et 
alcuni  altri,  che  si  trovavano  qui  per  questo  trattato,  sono  stati  messi 
in  prigione,  et  ritirati  li  scudi  shorsati  et  grinstrumenli  délie  cau- 
lione  date.  Ci  è  rincresciulo  sinn  al  cuore  che  la  cosa  non  sia  riuscito 
sccondo  il  nostro  desiderio,  et,  sebene  si  è  consideratn  che  ci  poteva 
esser  dell'inganno,  pure  è  tanto  grande  l'affectione  di  questo  popolo 
verso  quelli  principi  che  per  liherarli  con  li  altri  prigioni  non  have- 
vamo  guardato  a  risicare  una  buona  somma  di  danari.  Quello  che  qui 
se  terne  è  che  non  siano  peggio  trattati,  corne  si  è  già  inleso  che  sono, 
havendo  mandato  il  re  il  capilano  Viciant 3  per  ripigliarli  in  \m- 
bosa  dove  subito  fece  enlrar  in  uno  cocchio  detti  signori  il  cardi- 
nale di  Borbone,  duca  di  Guisa  et  del  Beuf,  senza  dar  tempo  di  prove- 
dere  alli  loro  bisogni  et  commodità,  ne  alli  servitori  che  li  seguitorno 
parte  a  piedi,  parle  con  cavalli  di  vittura,  il  meglio  che  potettero  ; 
et  fnrono  visti  smontare  nella  bassa  corte  del  castello  di  Blés,  dove 
si  trovorno  /jo  carnefîci,  et  furono  subito  condotti  in  slretissima  pri- 
gione, essendo  li  altri  reslati  in  Ambosa.  Et  dopoi  si  è  piu  volte  rau- 
nato  il  consilio  regio  per  deliberare  quello  che  si  haveva  a  fare  di  essi 
prigioni;  chi  voleva  che  si  conducessero  a  Loches,  dove  si  è  man- 
data madama  d'Engolesme4  per  preparare  li  allogiamenti  ;  chi 
voleva  che  fossero  posli  in  mano  del  re  di  Navarra  per  più  sicurlà 
délia  confederatione  fat  ta  con  lui  ;  altri   in  Inghilterra  per  la  mede- 

sima  causa  ;    ne  si  c  ancora  presa  cerla  rissolutione  sopra  di  cio 

Il  duca  d'Umena  entro  in  Roano  giovedi  passa to.  Bnona  parle  délia 
nobilta  del  paese  era  venuta  a  scontrarlo...  Tutti  li  ordini  délia  ciltà  lo 
vennero  a  incontrare  fuori  in  buonissimo  ordine  et  gran  numéro,  el 
gli  fu  fat  ta  entrala  molto  solenne  et  dopoi  una  processione  solcnnis- 
sima,  nella  quale  si  trovorno  molle  persone  et  fia  altri  tre  compagnie 
di  Penitenti  :  la  prima  veslila  di  bianco  che  portavano  nelle  insegne 
una   lorre  nelle  fenestre  délia  quale  si  vedevano  il  cardinale  di  Bor- 

i.  Charles  de  Lorraine,  duc  de  Mayenne  ou  du  Maine. 
■>..  Charles  de  Lorraine,  duc  d'Elbeuf. 
'(.  Larchant,  capitaine  des  gardes, 
'i.  Madame  d'Angoulême, 


PIECES    JUSTIFICATIVES  OOI 


bone  el  li  altri  principi  prigionij  et  enuio  200  ;  la  ■>/'  porlava  nelle 
insegne  il  cardinale  di  Guisa  depinto  nel  modo  clic'  m  assassina l<  1,  et 
erano  vestiti  di  rosso  et  di  simile  numéro  di  -200;  la  3a  pure  di  '200 
vestita  di  nero  portava  nelle  insegne  il  duca  di  (misa  con  la  rcprc- 
sentazione  délia  sua  morte  ;  che  fu  spettacolo  di  grande  compassione 
et  che  incilava  a  pianlo  tutti  li  spettatori. 


Y   XX. 
1589,  octobre  2.  —  Rome. 

Bref  du  pape  Sixte-Quint  au  noi  Chaules  X. 
Arch.  du  Vatican   :   brevi  (Sixte  Quint),  arnuuïum.    m-  t-  XXIX,  1    278  \ ". 

Le  pape,  après  Vavoir  félicité  du  choix  qu'on  a  fait  de  su  personne 

comme  roi  el  île  su  délivrance,  lui  annonce  l'arrivée  de  sou  légat, 

le  eurdiuul  C.uëluui. 

Charissimo  in  Christo  filin  nostro  Carolo,  régi  christianissimo, 
Sixtus,  papa  quintus. 

(lharissime  in  Christo  iili  noster,  salutem  el  apostolicam  benedic- 
tionem.  Te  pro  tuis  sunmiis  in  christianam  el  Francie  rempublicam 
meritis  et  pro  ampiissima  familiœ  dignitate  summo  tolius  populi 
studio  et  cunctis  catholicorum  suffragiis  regem  factum  e1  ab  inimani 
hostium  captivitate  liberatum  esse  incredibili  laîtitia  sumus  aiïecti, 
cl  eo  majori  quo  Nobis  firmiori  ratione  persuademus  eum  honorem  a 
Deo  Optimo  Maximo  tibi  delatum  ut  universas  pravarum  hœresum 
opiniones  el  pesliferas  principum  atque  optimatum  factiones  a  regno 
funditus  extirpare,  maximo  Francos  inter  se  societatis  vinculo  con- 
jungere,  canonicas  omnes  eonstitutiones  in  regnum  catholicœ  fidei 
tuendae  et  augendse  causa  in  primis  introducere,  el  omnes  curas  et 
labores  luos  ad  Deî  honorem  cl  salutem  animarum  referre  debeas. 
Quade  re,  ni  quae  per  electores  in  te  rege  exoptando  tractata  sunl 
aiiriorilate  nostra  confirmemus  et  quœ  item  perfici  debent  corro- 
boremus,  dilectum  ftlium  nostrum  Henricum  cardinalem  Caetanum, 
Qostrum  el  sedis  apostolicœ  de  latere  legatum,  summi  ingeniî  maximi- 
que  animi  \irum  et  lua  amicitia  dignissimum,  ad  le  mittendum  duxi- 
mus.  Reliqua  quœ  tecum  nomine  nostro  conferêt,  Nos  tecum  conferre 
existimarepoteris.  Interea  NosvehementerDeum  precamur,  ni  teregem 
regnum  pro  dignitate  regentemsicprœstet,  ni  maximusad  tua  pristina 


002  LE    ROLE    POLITIQUE    DU    CARDINAL    DE    BOURBON 

stadia  et  officia  cumulus  accédât  et  quœ  catholicus  populus  a  te  expec- 
la\it  ea  cumulatissima  a  tua  optima  administratione,  ut  Nos  quadam 
prœcipua  paterna  in  te  cbaritate  optamus,  summa  voluptate  consequa- 
tur.  Datum  Roma-,  in  monte  Quirinali,  sub  aunulo  piscatoris,  die 
secunda  oclobris  millesimo  quingentesimo  pctuagesimo  nono,  ponti- 
ficatus   nostri  anno  quinto. 

•Vestrius  Barmanus. 


N°  X\I 
1589,  novembre  7.  —  Tours. 

Lettre  de  Charles  de  Bourbon,  cardinal  de  Vendôme, 

a  Henriette  de  Clèves,  duchesse  de  Nevers. 

Bibl.  Nat.,  f.  fr.,  ms.  3336,  f  i3o,  autographe. 

Henri  I\    a  failli  prendre  Paris.  Le  cardinal  de  Bourbon  l'a  reconnu 
pour  son  roi  et  /'invite  à  se  faire  catholique. 

A  Madame,  Madame  la  duchesse  de  Nevers. 

Madame,  outre  la  proximité  du  sang  qui  nous  entreoblige  à  une 
éternelle  et  inviolable  amytié  ',  à  la  souvenance  de  la  vostre 

en  mon  cndroict  pour  perdre  une  seule  occasion  de  vous  les 

offres  du  service  que  je  désire  vous  rendre  pour  me  conserver  en  voz 
bonnes  grâces  ...  oir  autre  subjeclde  vous  escrire,  d'au- 

tant que  vous  aurés  sceu,  aussy  tost  que  nous,  les  nouvelles  de  l'ar- 
mée du  roy  qui  entra  mercredy  au  matin  dans  les  fauxbourgs  de 
Paris  et  deçà  l'eau.  Vous  pouvez  penser  l'estonnement  qui  peut  estre 
dans  la  ville.  On  m'a  dict  que  madame  de  Guise  avoil  envoyé  vers  le 
roy  pour  la  prendre  elle  et  ses  enfans  en  sa  protection,  et  a  receu  pour 
responce  asseurance  de  toutes  les  honnestetés  et  courtoisies  qu'elle 
pouvoit  désirer.  J'espère  que  Dieu  fera  prospérer  sa  Majesté  pour  la 
saincte  intention  que  je  croy  qu'elle  a  de  se  faire  catholique  ;  à  quoy 
rien  ne  la  peut  tant  disposer  que  la  bienveillance  des  bons  catholiques 
pour  prendre  créance  d'eux  :  ce  que  Monsieur-  désire  extrêmement, 
ayant  à  cet  effect  envoyé  le  sieur  de  Fonzelles  vers  sa  Majesté  pour 
le  recognoistre  pour  son   roy  et  l'inviter  à  se  rendre  catholique.   Mon 


i.  La  Lettre  originale  est  déchirée. 
Le  cardinal  <le  Bourbon. 


PIECES    .11  STIF1CATIVES  ?Oû 

dicl  sieur  est  maintenant  à  Fontenay  où  il  se  porte  fort  bien,  Dieu 
mercy  ;  et,  hors  la  seureté  qu'on  prend  de  sa  personne,  il  est  traicté 
comme  s'il  esloit  en  une  de  ses  maisons,  se  promenant  dedans  et 
dehors  la  ville,  quand  bon  luy  semble,  en  telle  façon  qu'il  luy  plais  t. 
11  désire  fort  la  paix,  que  tous  les  gens  de  bien  recognoissenl  néces- 
saire pour  l'establissemenl  de  l'église  catholique  et  de  ceste  cou- 
ronne à  qui  elle  appartient.  Je  prie  Dieu  la  nous  donner  heureuse  et 
avons.  Madame,  en  perfaicte  santé  très  heureuse  et  longue  vie,  vous 
baisant  très  humblement  les  mains.   V  Tours,  ce  7  novembre  i58q. 

Vostre  très  humble  cousin  et  serviteur, 

Charles,  cardinal  de  Vendosme. 


1590,  mars  15.        Fontenay-le-Comte. 

Lettre  de  Maman  de  Martimbos  a  Henriette  de  Clfves, 
duchesse  de  xevers. 

Bibl.  \al.,  f,  (Y.,  ms.  ■'',17*.  f"  211,  autographe. 

L'auteur  raconte  les  différents  voyages   du  cardinal  de  Bourbon 
et.  sa  vie  à  Fontenay-le-Comte. 

V  Madame,  Madame  la  duchesse  de  \evers. 

Madame,  l'oppinion  (pie  j'ay  (pie  monseigneur  vostre  mary 
et  vous  aurez  agréable  d'entendre  quelques  p  articula  ri  tez  de  l'estat 
auquel  a  esté  monseigneur  vostre  oncle  depuis  le  temps  que  j'en/,  cest 
honneur  de  vous  baiser  les  mains  à  Tours,  j'ay  prins  la  hardiesse, 
comme  vostre  très  humble  serviteur,  de  vous  en  faire  ung  petit 
discours  que  je  commenceray  par  son  parlement  de  La  Bourdaizière, 
qui  fut  environ  la  my-caresme,  pour  aller  à  Vzay.où  il  se  trouva  assez. 
bien  en  la  garde  de  monsieur  de  Manon  et  après  de  monsieur  de 
Clermonl  d'Antragues  avecq  quatre  on  cinq  Escossois.  D'où  il 
partit  sur  la  lin  du  moys  d'avril  et  fui  mené  à  Chinon  par  monsieur 
de  Laivhaiil  et  niys  es  mains  el  garde  de  monsieur  de  Chavigny.  Là 
il  cul  beaucoup  de  traverses  fascheuses  pour  les  mauvaises  impres- 
sions el  l'aulx  rapport/  qu'on  faisoil  au  feu  roy  taul  de  ln\  que  de  ses 
principaulx serviteurs,  quelques-ungs  desquelz  êfussenl  couru  loi  lune 
sans  «pie  monseigneur  le  cardinal  île  Vendosme  se  rendit  protecteur 
de  leur   inocence  et  donna  asseurance  contraire  an-dits  rapportz  à 


3o4  LE    RÔLE    POLITIQUE    DL    CARDINAL    DE    BOURBON 

sa  Majesté.  Il  fut  aussy  malade  de  sa  goutte  et  d'une  Bebvre  lente 
avecq  ung  desgouttement  qui  luy  dura  plus  d'ung  inoys.  Au  com- 
mencement de  septembre,  il  fut  délivré  par  ledit  sieur  de  Chavigny 
es  mains  de  monsieur  du  Plessis-Morné,  qui  l'emmena  promptement 
avec  quatre  ou  cinq  cens  chevaulx  à  Loudun,  où  il  fut  baillé  à 
monsieur  de  La  Boullaye,  lieutenant  au  gouvernement  du  bas- 
Poictou,  qui  le  mena  à  grandes  traictes  à  Maillezais  et  le  logea  dans 
le  fort  où  souloit  estre  l'abbaye  et  maison  épiscopalle.  11  fut  là  fort 
mal  logé  ;  mais,  pour  ce  qu'il  fil  beau  temps  pendant  son  séjour  audit 
lieu  et  qu'il  y  avoit  bon  air,  il  s'\  trouva  bien.  Quelques  jours  avant 
la  Toussainctz,  il  fut  amené  en  ce  lieu  où  il  est  fort  commodément 
logé,  ayant  une  très  bonne  chambre  accompaignée  d'une  garderobbe 
et  d'une  petite  galerye  d'environ  trente  piedz  de  long  et  neuf  de 
large,  qu'il  a  faict  accoustrer  en  oratoire,  où  il  dict  et  oyt  sa  messe  et 
faictdire  le  service.  Dans  sa  dite  garderobbe  y  a  lousjours  cinq  ou  six 
gentilzhommes  du  nombre  de  douze'  ordonnez  pour  sa  garde,  à  la 
porte  de  sa  chambre  par  dehors  trois  ou  quatre  Suisses,  et  dans  la 
court  ung  corps  de  garde  de  quinze  ou  vingt  sohkilz.  Vu  dit  logis  y  a 
ung  petit  jardin  de  longueur  de  quarante  ou  cinquante  piedz  et 
environ  trente  cinq  de  large,  où  il  se  promeine  quand  il  luy  plaisl,  et 
sy  va  quand  il  veult,  accompaigné  desdits  gentilzhommes,  en  ung 
jardin  qui  est  proche  de  là,  qui  est  beaucoup  plus  grand.  Le  dit  sieur 
de  La  Boullaye  le  visite  journellement  et  luy  porte  beaucoup  de  res- 
pect, en  sorte  que  mon  dit  seigneur  est  fort  content  de  luy. 

Les  exercices  de  mon  dit  seigneur  sont  d'aller  à  son  oratoire  sy 
lost  qu'il  est  levé,  puis,  s'il  faict  beau,  descendre  audit  jardin  se 
promener  (ou  en  ladite  petite  galerye,  quand  il  faict  maulvais  temps) 
jusques  sur  les  unze  heures  qu'il  se  mect  à  table.  Peu  après  disner 
il  faict  lire  quelque  sermon  de  Grenade  ou  aultre  docteur.  L'heure  de 
vespres  estant  venue,  il  retourne  audit  oratoire  et  faict  chanter  le 
service  par  ses  aulmosniers  et  aulcungs  de  sa  famille  qui  le  sçavenl 
fere,  à  la  mode  des  Bonshommes  et  quelquefois  comme  les  Pénitens. 
Il  se  couche  sur  les  neuf  heures  et,  quand  il  ne  peull  dormir,  il  faict 
lire  de  la  bible  ou  de  quelque  autre  li\re  de  dévotion. 

Il  a  eu  trois  venues  de  malladie  bien  fortes  depuis  que  nous  avons 
esté  ie\,  tant  de  ses  gouttes  que  d'ung  gros  calbarre  qui  luy  estoit 
lumbé  sur  toutes  les  parties  du  corps  et  d'une  difficulté  et  ardeur 
d'urine  qu'il  jclloil  rouge  comme  sang,  de  la  façon  qu'il  tist  à  Bloys 
lost  après  qu'il  fut  mis  en  arrest  ;  en  sorte  (pie  j'euz  grand  peur  de 
sa  personne  pour  ne  l'avoir  veu  depuis  trente  ans  que  j'ay  cest  hon- 
neur de  l'aprocher  sy  griefveiuenl  mallade.  Néaulmoings,  après  avoir 
esté  seigné  par  deux  fois  et  prins  plusieurs  médecines,  il  a  recouvré 


PIÈCES    JUSTIFICATIVES  3o.~> 

sa  première  et  entière  santé.  11  a  eu  grande  apréhention  d'estre  mené 
à  La  Rochelle,  pour  les  bruietz  que  ceulx  de  la  ville  faisoient  courir 
qu'il  leur  estoit  accordé.  Mais  à  présent  on  n'en  parle  plus. 

Quoy  qu'il  en  soit,  il  est  tant  constant  et  patient  en  ses  afflictions 
qu'il  tire  chacun  en  admiration,  se  consollant  avecq  Dieu  et  le  priant 
incessamment  pour  le  restablissement  de  cest  estât,  qu'il  a  grand 
desplaisir  de  voir  ainsy  dissipé.  Mon  dict  seigneur  le  cardinal  de 
Vendosme  luy  donne  espérance  que  le  roy  se  faira  catholicque  et  à 
quoy,  à  ce  que  nous  avons  entendu  que  monsieur  de  Luxambourg  a 
escript,  le  pape  le  recepvera  et  donnera  les  absolutions  nécessaires. 
Nous  avons  aussy  ouy  dire  que  le  patriarche  d'Alexandrie  J,  frère  de 
monsieur  le  légat  Caiétain,  a  obtenu  ung  passeport  de  sa  Majesté  pour 
aller  trouver  mon  dit  seigneur  vostre  mary,  qui  nous  faict  espérer 
qu'il  se  pourra  traicter  quelque  chose  qui  soit  à  l'honneur  de  Dieu, 
bien  de  ceste  couronne  et  repos  du  pauvre  peuple  tant  affligé.  Ce  sont 
les  vœuz  et  prières  continuelles  que  faict  mon  dit  seigneur  vostre 
oncle,  ne  s'atristant  poinct  tant  de  sa  captivité  que  des  misères 
publicques. 

Au  reste,  Madame,  je  vous  supplie  très  humblement  pardonner  à 
ceste  longue  lettre  et  l'imputter  à  l'extrême  dévotion  que  j'ay  de 
tesmoigner  ma  servitude  à  mon  dit  seigneur  vostre  mary  et  à  vous, 
espérant  (et  dont  je  vous  fais  très  humble  requeste)  que  vous  conti- 
nuerez vostre  bienveillance  et  l'honneur  de  vos  bonnes  grâces  à 

Vostre  très  humble  et  très  obaissant  serviteur, 

Marian  de  Martimbos. 
A  Fontenay-le-Gomte,  le  XVe  mars  i5qo. 


i.  Honore  Caëtani,  patriarche  d'Alexandrie. 

Saulnier.  —  Cardinal  de  Bourbon.  '20 


3o6  LE    RÔLE    POLITIQUE    DU    CARDINAL    DE    BOURBON 

N°  XXIII. 
1590,  mars  18    —  Fontenay-le-Comte. 

Lettre  du  cardinal  de  Bourbon  a  Louis  de  Gonzague, 
duc  de  Nevers.    * 

Bibl.  Nat.,  f.  fr.,  ms.  3978,  f"  221,  autographe. 

Le   cardinal  espère  qu'on  lai  rendra  la  liberté  et  s'attriste 
des  malheurs  qui  assaillent  le  royaume. 

A  Monsieur,  Monsieur  le  duc  de  Nivernoys. 

Monsieur  mon  nepveu,  j'eus  beaucoup  de  plaisir  d'entendre  de  vos 
nouvelles  et  de  ma  niepce  par  ce  mieu  lacquès  venant  d'Avignon,  qui 
m'assura  vousavoyr  veus  en  bonne  santé  quant  il  passa  par  Desise1, 
et  la  réception  que  je  feis  hier  des  lettres  qu'il  vous  a  pieu  m'escripre 
du  xxxm* janvyer  m'en  ont  ogmanté  la  joye  et  apporté  grande  conso- 
lation pour  voyr  par  icelles  la  continuation  de  vostre  amityé,  dont 
j'ay  tousjours  prins  une  entière  assurance.  Àussy  ne  la  départirés- 
\ous  jamais  à  personne  qui  la  trove  plus  chère  et  vous  honore  plus 
que  moy,  ne  fesant  point  de  doubte  que,  ci  vous  pouvés  quelque  chose 
pour  l'advancement  de  ma  liberté,  vous  ne  vous  y  employés  celon 
vostre  accoustumée  bonne  volonté  en  mon  endret,  qui  me  rend 
d'otant  plus  vostre  obligé,  outre  que  je  me  promets  bien  qu'en 
quelque  lieu  que  vous  soyés  vous  me  ferés  tousjours  les  bons  offices 
de  bon  parant  et  amy  que  je  puys  attendre  de  vous,  celon  les  occa- 
sions qui  ce  présanteront  et  la  congnoissance  que  je  pance  vous 
pouvés  avoyr  de  mes  sincères  intantions.  Je  ne  congnois  point 
Foumeaulx  qui  m'a  envoyé  vos  lettres  età  qui  vous  m'escrivés  avoyr 
dit  quelque  chose.  Bien  me  souvient-il  l'avoyr  veu  une  foys,  il  y  a 
quatre  ou  cinq  moys,  et  me  dist  estre  à  monsieur  de  Maillesais2,  de 
qui  il  me  fit  des  recommandations;  et,  sur  la  prière  que  quelques 
gentilshomes  qui  sont  de  ma  garde  me  feirent,  je  luy  donnay  ung 
passeport.  Je  déplore  avecq  vous  les  malheurs  que  les  divisions 
apportent  en  ce  pauvre  réaulme,  lequel  je  supplye  nostre  bon  Dieu 
vouloyr  regarder  de  son  œil  de  pitié  et  de  miséricorde,  et  nousdoner 
quelque  bon  repos  à  son  honneur  et   gloire  et  soulagement  de  tout 


1.  Decize,  cliel'-lieu  de  canton  de  la  Nièvre. 

2.  Henri  d'Escoubleau,  évêque  de  MaiUezâis. 


PIECES    JUSTIFICATIVES  OO'j 

son  pauvre  peuple,  et  qu'il  nous  face  la  grâce  de  nous  pouvoyr  revoyr 
tous  ensemble  pour  joyr  des  fruicts  de  nostre  réciprocque  amityé, 
comme  j'espère  que  nous  ferons  encores  quelque  bonjour.  Tous  mes 
ordinaires  et  continuels  exercices  sont  en  prières  tendant  à  ceste  fin, 
corne  je  croy  font  tous  les  gens  de  bien.  Je  vous  prie  bien  humble- 
ment me  continuer  vos  bones  grâces,  que  je  salue  de  mes  bien 
humbles  recommandations,  et  croire,  Monsieur  mon  nepveu,  que  je 
suys  et  seray  tousjours 

Vostre  bien  humble  oncle  à  vous  faire  service, 

Charles. 
A  Fontené,  le  XVIIIe  de  mars. 


N"  XXIV. 
1590,  mai  9.  —   |FontenaY-le-Comte.| 

PROCÈS-VERBAL     DE     l'aIJTOPSIE    DU    CADAVRE    DE    CHARLES    DE    ÎÎOURBON. 
Bibl.  Vil.,  coll.  Dupuy,  t.  LXXXVIII,  I"'  3a,  original. 

Nous,  maistre  Guillaume  Lusson,  docteur  régenl  en  la  faculté  <le. 
médecine  de  Paris  et  premier  médecin  de  monseigneur  le  cardinal  de 
Bourbon;  Jacques  de  Rays,  docteur  en  médecine,  demeurant  à 
'rouais  '  ;  Nicolas  Lamin,  docteur  régenl  en  la  faculté  de  médecine 
en  l'université  de  Nantes  el  j  demeurant,  certifiions  avoir  ce  jour- 
d'hu\  aeufiesme  jour  de  ma\  mil  cinq  cens  quatre  vingts  dix;  six  à 
sept  heure  du  soir,  assisté  à  l'apertion  el  ouverture  du  corps  de  mon 
di1  seigneur  faicte  par  maistres  Nicolas  Rinbault,  René  Courbier, 
Jacques  Martineau  et  Nicolas  Baillot,  chirurgiens  jurez  en  la  \illc  de 
Fontenay-le-Conte  ;  en  Laquelle  ouverture  avons  observé  et  trouvé 
au  ventre  inférieur  ce  qui  s'ensuit  :  premièrement  la  substance  du 
ventriculle  extérieurement  et  intérieurement,  en  toutes  ses  tuniques, 
saine  el  entière  ;  le  foye  en  couleur,  consistence  el  grandeur  assés 
naturel,  fors  qu'il  estoil  ung  peu  déséché;  la  ratte  plus  mollasse 
el  humide  qu'elle  ne  debvoit  estre  ;  au  rein  seneslre,  une  pierre 
fort  grosse  et  anguleuse  en  la  capacité  d'iceluy,  qui  bouchoit  de 
l'un  des  bouts  l'entrée  de  la  veine  émergente,  de  l'autre  la  teste 
de  l'uretère;  et  au  rein  dextre,  plusieurs  autres  calculs  tanl  en 
la   capacité  que  substance  d'iceluy  accompagnée  de   quelque   subs- 

i.  Thouars,  chef-lieu  de  canton  des  Deux  Sèvres. 


8o8  LE    ROLE    POLITIQUE    DU    CARDINAL    DE    BOURBON 

tance  purulente,  occasion  que  la  vescie  s'est  trouvée  plaine  d'urine 
saineuse,  fétide  et  purulente,  avec  deux  pierres,  l'une  grosse  comme 
ung  marron,  de  forme  ronde,  anguleuse  avec  aspérité,  une  poincte 
d'icelle  s'insérant  dedans  le  col  de  la  vescie,  causant  la  suppression 
et  difficulté  d'urine  avec  continuelles  et  insuportables  douleurs  ; 
une  autre  moindre,  lisse  et  polie,  flottant  en  la  capacité  de  laditte 
vescie  ;  et  en  la  substance  spongieuse  de  la,  verge,  depuis  le  col  de 
la  vescie  jusques  à  la  glande  autrement  balan,  grande  quantité  de 
sang  noir,  caillé  et  corrompu,  aprocbant  d'un  commancement  de 
gangrène.  Quand  au  tborax,  ventre  moien  où  sont  contenues  les  par- 
ties vitales,  n'avons  trouvé  rien  que  naturel  horsmis  la  substance  des 
poulmons,  que  avons  trouvé  noirastre  et  altérée,  et  séchés  en  leur 
substance.  En  tesmoing  de  quoy  nous  avons  délivré  cette  présente 
attestation  signée  de  nos  mains  : 

(i.  Lusson,  J.  de  Hays, 

N.  Raunbault,  K.  Corbier, 

\.  Baillot,  J.  Martineau, 

N.  Lamïn. 


TABLE   DES   PIÈCES   JUSTIFICATIVES 


Pages. 
I.   —   i548,  juin  17.  —  Joinville.  —  Lettre  de  Charles  de  Bour- 
bon à  Jean,  cardinal  du  Bellay 373 

II.  —  i.ril)2,  mars  i3.  — Montceaux.  —  Lettres  patentes  du  roi 
Charles  IX  nommant  le  cardinal  de  Bourbon  son  lieute- 
nant général  à  Paris 27.*) 

III.  —  i563,  mars,  commencement.  —  S.  1.  —  Lettre  du  cardinal 

de  Bourbon  à  Anne  d'Esté,  duchesse  de  Cuise 278 

IV.  —  1670,  novembre  2.  —  Saint-Cermain-des-Prés.  —  Mande- 

ment du  roi  Charles  IX  instituant  le  cardinal  de  Bourbon 
tuteur  de  ses  neveux 27g 

V.  —   1 . j 7 7 ,  avril  16.  —  Paris.  —  Lettres  patentes  du  roi  Henri  III 

nommant  le  cardinal  de  Bourbon  son  lieutenant  géné- 
ral à  Paris 282 

VI.  —    1579,  juillet  23.   —  Grenoble.    --   Lettre  du   cardinal  de 

Bourbon  à  Louis  de  Gonzague,  duc  de  Nevers 38 \ 

VII.  —  i585,  mars,  du  20  au  3o.  --  Péronne.  —  Mémoire  porté 
au  duc  de  Nevers  par  un  messager  du  cardinal  de  Bour- 
bon         28Ô 

VIII.  —  1080,  avril,  iô  environ.  —  Guise. —  Lettre  anonyme  d'un 
familier  du  cardinal  de  Bourbon  à  Louis  de  Gonzague, 

duc  de  Nevers 386 

IV   —  i585,  mai  icr.  —  Épernay.  —  Lettre  du  cardinal  de  Bourbon 

à  Henriette  de  Clèves,  duchesse  de  Nevers 288 

\.      -   i585,  mai  17.  —  Châlons.  — Lettre  du  cardinal  de  Bourbon 

et  de  Henri  de  Lorraine,  duc  de  Guise,  au  pape   289 

XI.  i585j  août  [8.  —  S.  I.  —  Lettre  de  Claude  de  La  Chaire  à 

Henri  de  Lorraine,  duc  de  Guise,  corrigée  par  Louis  de 

Gonzague,  duc  de  Nevers 290 

XII.  t585.  du  3o  septembre  au  â  octobre.  —  S.  1.  —  Lettre  du 

cardinal    de   Bourbon    à    Louis   de  Gonzague,   duc  de 

Nevers 29a 

MIL  —   t585,  du  3o  septembre  au  5  octobre.  —  S.  1.  —  Lettre  du 

cardinal  de  Bourbon  à  Henri  de  Lorraine,  duc  de  Guise,      393 


OIO  TABLE    DES    PIECES    JUSTIFICATIVES 

\I\.  —  1Ô86,  octobre  10.  —  Paris.  —  Dépêche  de  Fabio  Mirto 
Frangipani,  évêque  de  Nazareth,  nonce  en  France,  au 
cardinal   Kusticucci kj'i 

XV.  —  i588.  juin  23.  —  Villenau\c-la- Petite.  —  Lettre  du  cardinal 
de  Bourbon  et  de  Henri  de  Lorraine,  duc  de  Guise,  au 
roi  Henri  III 3q5 

XVI.  —    1088,   août  17.    —  Chartres.   —  Lettres  patentes   du   roi 

Henri  III  en  faveur  du  cardinal  de  Bourbon 29(1 

XVII.  —  i588,  août  22.  —  Chartres.  —  Lettre  du  cardinal  de  Bour- 
bon au  pape  Sixte-Quint 297 

XVIII.   —   1088,   septembre  28.    —  Blois.   —   Lettre  du  cardinal  de 

Bourbon  au  pape  Sixte  Ouint 298 

XIX.   —    1089,  mars  1"  et  4-  —  Paris.  —  Dépèche  anonyme  et  sans 

adresse  envoyée  à  Home 299 

XX.  —  1089,  octobre  2.  —  Rome.  —  Bref  du  pape  Sixte-Quint  au 

roi  Charles  X 3oi 

XXI.  —  1089,  novembre  7.  —  Tours.  —  Lettre  de  Charles  de  Bour- 
bon, cardinal  de  Vendôme,  à  Henriette  de  Clèves, 
duchesse  de  Nevers   3o2 

XXII.  —  1090,  mars  i5.  —  Fontenay-le-Comte.  —  Lettre  de  Marian 

de  Martimbos  à  Henriette  de  Clèves,  duchesse  de  Nevers.       3o3 

XXIII.  —  i5go,  mars  18.  —  Fontenay-le-Comte.  —  Lettre  du  cardi- 

nal de  Bourbon  à  Louis  de  Gonzague,  duc  de  Nevers. . .       3o6 

XXIV.  —  iSgo,  mai  9.   —  Fontenay-le-Comte.   —   Procès-verbal  de 

l'autopsie  du  cadavre  de  Charles  de  Bourbon 307 


TABLE    ALPHABÉTIQUE 


DES    NOMS    DE    PERSONNES    ET    DE    LIELN 


Nota.  —  Abréviations 
cant.  =  canton. 


[bbeville  (Somme)  ;  p.  34,  i85,  186. 
Agcn  (Lot-et-Garonne);  p.    ng. 

lice  (Bouches-du -Rhône)  ;  p.   i4o. 

\mi  (Erancès  de),  ambassadeur  de 
Philippe  11  en  France  de  févr.  i564  à 
août  1371  ;  p.  36,  62. 

Vlbo>  (Jacques  d'),  sieur  <lo  Saint- 
\ndré,  maréchal  (le  France,  111.  le 
ig  déc.   1  "iiia  ;  p.  38. 

\lbiiet  (Jeanne  d'),  reine  de  Navarre. 
ép.  1"    le    duc    de    Clèves    (mariage 

annulé)  :  2°  Antoine  de  Bourbon  :  m. 
le  ■  >  juin  i">7 a  :  p.  3,  9,  ig,  2 1,  i'i,  5o, 
54,  5g  in,  63,  li'i,  G7,  102,  ko,  106. 

Vlençok  (François,  duc  d'),  \.  Vnjou 
(François,  duc  d'). 

\lencon  (Françoise  d'),  fille  de  René, 
duc  d'Alençon  ;  ép.  :  1°  François  d'Or 
léans,  duc  de  Lonpueville  ;  a"  Charles 
de  Bourbon,  duc  de  Vendôme  :  m.  le 
1 A  sept,  i'i')"  ;  p.  1,  3,  4. 

\i  1  \<  <  >\  (  René,  duc  d'),  mort  le  1"  tiov. 
i4ga  ;  p.  '->. 

\i.i-A i m I--  (Marc  Sitico,  comte  d'). 
neveu  de  Pie  l\.  évêque  de  Constance, 
cardinal,  m.  en  i5g5  ;  \>.  \  \. 

Imboise,    ch.-l.    de    cant.     (Indre-el 

l.i  >itv  )  ;  p.    .'h|.    k  17-a  1 3. 

Vmikii-i'  (Georges  I  d'),  cardinal  arche- 
vêque de  Rouen,  m.  le  j5  mai  i5io; 
p    t5, 

Vmboise  (Georges  II  d'),  cardinal  arche- 
vêque de  Rouen,  neveu  du  précédent, 
m.  le  j5  août  i55o  :   p.  g,   10. 

Amiens  (Somme);  p.  33,  34,  a3i. 

\\>. i:\m-  (Louis  d),  sieur  de  Maints- 


n.  =  né  ;  m.  =  mort  ;  ép.  =  épouse  ;  ch.-l.  —  clief-lien  ; 


non,    conseiller   d'état,    m.  après   1601  ; 

p.  117,1 18,   12Ô. 

Angers  (Maine-et-Loire)  ;   p.  06,    161, 
Vngoulème  (duchesse  d'),  V.  Diane  de 

France. 


Vn.ioi  (François,  duc  d'),  fils  de 
Henri  II,  auparavant  duc  d'Alençon,  n. 
le  18  mai  i534,  m.  le  10  juin  iôS.'i  ; 
p.  6g,  74,  85,   87,    88,  92,     ioi-io3,  106, 

1  1 . '  ! . 

\vioi  (Henri,  duc  d'),  fils  de  Henri  II, 
roi  sous  le  nom  de  Henri  III.  V.  ce 
mot. 

Vnnebault  (Jacques  d'),  cardinal  évê- 
que de  Lisieux,  m.  le  7  juin  i558  ; 
p.  .0. 

1  /■/(■> ■  (Bouches-du-Ilhône);  p.  5i. 
A.RMAGNAC  (Georges  d'),  archevêque  de 
Toulouse,    colégat    à    Avignon,    m,    le 

2  juin  1 585  ;  p.  a4,  'i">,  00. 

Arques,  cant.  d'Offranville (Seine  Infé 
rieure)  ;  p.  237, 2.38. 

Ai  HicMÉ  (Théodore  Agrippa  d'),  his- 
torien protestant,  gouverneur  de  Maille 
zais,  m.  en  i63o  ;  p.  aaa. 

\i  «ale  (duc  d').  \  .  Lorraine  (Charles 
de). 

\i  mont  (Jean  d'),  comte  de  Château 
roux,  maréchal  de  France,  m.  en  16901 
p.  aïo. 

Anneau,  ch.-l.  de  cant.  (Eure-el  Loir); 

Alumine,  ch.-l.  de  caïd.  (  (  Vite  d'Or), 
p.    1  1  9,  1  60,  169. 

\\  w-i>n  (sieûr  d'),  conseiller  du  roi  ; 
p.  Si. 

Avignon  (Vaucluse)  ;  p.  13  i.">,  73,  -:'•. 
83,  8g-9i,  g7,   i36. 

izay-le-Rideau,  ch.-l:  de  cant.  (Indre- 
et  Loirs)  :   |>.  1  \ 3.  3  «5. 


3l2 


TABLE    ALPHABETIQUE 


Balsac  (Charles  de),  sieur  de  Germon! 
d'Entraînés,  m.  à  Ivryle  l 'i  mars  1090; 

p.    2l3. 

Balsac  d'Entragues  (François  de), 
frère  du  précédent,  gouverneur  d'Or- 
léans ;  p.   1 19,  i3o. 

Barchino  (Gaspard),  correspondant  à 
Paris  de  Fr.  de  Alava,  ambassadeur  de 
Philippe  II;  p.  53. 

Barri  (Godefroy  de),  sieur  de  La 
Renaudie,  gentilhomme  périgourdin 
huguenot,  m.  le  19  marsi5(io;p.  22. 

Bavière  (duc  de),  V.  Guillaume  V. 

Bayonne  (Basses-Pyrénées)  ;    p.  'i5,  5i. 

Bealfort  (Jean-Timoléon  de),  mar- 
quis de  Canilhac,  gouverneur  de  Haute- 
Auvergne  ;  p.  176. 

B l'aune  (Côte-d'Or)  ;  p.  i3o,  i3y. 

Beauvais  (Oise)  ;  p.   16,  126. 

Beauvais  (évêché  de)  ;  p.  45. 

Beli.egarde  (maréchal  de),  V.  Saint- 
Lary  (Roger  de). 

Bellièvre  (Pomponne  de),  conseiller 
du  roi,  diplomate,  m.  en  1607  ;  p.  i4o, 
i85,  187,  190. 

Belloza.nne  (abbé  de),  V.  Touchant 
(Nicolas). 

Bkze  (Théodore  de),  théologien  pro- 
testant, n.  le  i4  juin  1  fn 9 ,  m.  le  i3  oct. 
t6o5  ;  p.  27,  29. 

Bii.ly  (sieur  de),  aumônier  du  cardi- 
nal de  Bourbon  ;  p.  2/47. 

Biron  (maréchal  de),  Y.  Gontaut- 
Biron  (Armand  de). 

Biais  (Loir-et-Cher)  ;    p.    03,   ig5,  198, 

2oG,    207,    209,    212,   2l3,    220,    247. 

Bœufs  (île  aux),  île  de  la  Loire  proche 
d'Orléans  ;    p.  3g. 

Bonne  (François  de),  duc  de  Lesdi- 
guières,  protestant,  m.  en  1G3G  ;  p.  83.     • 

Bonnétable,  ch.-l.  de  cant.  (Sarthe)  ; 
p.  87. 

Bonshommes  (les),  nom  donné  aux 
Minimes  de  l'ordre  des  Franciscains  ; 
p.  224. 

Bordeaux  (Gironde)  ;  p.  ug,   128,  a33. 

Borromée  (saint  Charles),  cardinal 
archevêque  de  Milan,  m.  le  3  nov.  [584, 
canonisé  en  1610  ;  p.  88. 

Uni  <:her  (Jean),  docteur  de  Sorbonne, 
curé  de  Saint  Benoit  de  Paris,  ligueur, 
m.  en    itj'1'1  ;  p.  216. 

Boulogne  (Pas-de-Calais)  ;    p.  174.  an. 

BouRBon  (André  de),  sieur  de  Rubem 


pré,  capitaine  de  cinquante  hommes 
d'armes,  puis  gouverneur  d'Abbeville  ; 
p.  97,  i33. 

Bourbon  (Antoine  de),  roi  de  Navarre, 
frère  du  cardinal,  ép.  Jeanne  d'Albret, 
n.  le  22  avril  i5i8,  m.  le  17  nov.  i562  ; 
p.  1,  3,  9,  19-22,  24-28,  3o,  33-37,  ''3' 
5o,  54,   102,   io5.  254. 

Bourbon.  (Antoinette  de),  tante  du 
cardinal,  ép.  Claude  de  Lorraine  duc  de 
Guise,  n.  le  20  déc.  1 49/1,  m.  le  20  janv. 
i583  ;  p.  i,5. 

Bourbon  (Catherine  de),  sœur  du  car- 
dinal, abbesse  de  N.-D.  de  Soissons,  n. 
le  10  sept.  i5a5,  m.  le  27  avril  i5g5  ; 
p.  170. 

Bourbon  (Catherine  de),  fille  d'Antoine 
de  Bourbon  roi  de  Navarre,  n.  le  7  févr. 
i558,  m.  le  i3  févr.  1604  ;  p.  64,  08,  17O, 

Bourbon  (Charles  III,  duc  de)  conné- 
table de  France,  n.  en  1/189,  m-  '°  ''  ma' 
1527  ;  p.  i-3. 

Bourbon'  (Charles  de),  comte  puis  duc 
de  Vendôme,  père  du  cardinal,  n.  le 
2  juin  i'i8g,  m.  le  25  mars  1.537  ;  p.  1, 
2,  5. 

Bourbon  (Charles  de),  prince  de  La 
Roche-sur- Yon,  m.  le  10  oct.  i565  ;  p.  25, 

27,  33. 

Bourbon  (Charles  de),  cardinal  de  Ven- 
dôme, neveu  du  cardinal,  n.  le  3o  mars 
i5G2,  m.  le  3o  juill.   i5g4  ;    p.  59,   8G-89, 

IOI,      IIO,      Il3,      Ilq.      122,     l43,      I.'|5,      l47, 

i48,  102,  i55,  i50,  179,  18G,  191,  195, 
197,  198,  2i'i,  2i5.  220,  222,  225,  22G. 
242,  243,  a48. 

Bourbon  (Charles  de),  comte  de  Sois- 
sons,  neveu  du  cardinal,  n.  le  3  nov. 
i50G,  m.  le  1"  nov.  iGi2;p.  59,  80,  122, 
i43-i45,  i47-i49>  i5i,  1 54,  161,  iG5,  175, 

I7G,    179,    199-201,    2o5,     2l5,    220,   221,   220. 

22O. 

Bourbon  (Ëléonore  de),  abbesse  de 
Fontevrault,  sœur  du  cardinal,  n.  le 
18  janv.  i53a,  m.  le  2O  mars  1611  ; 
p.  222. 

Bourbon  (François  de),  comte  de  Ven 
dôme,  grand  -  père  du  cardinal,  11. 
en  1470,  m.  le  3  oct.  i4g5  ;  p.  1,  2. 

Bourbon  (François  de),  comte  de 
Saint-Paul,  oncle  du  cardinal,  né  le 
0  oct.  i4gx,  m.  le  1"  sept.  i545  ;  p.  2,  3. 

Bourbon  (François  de),  comte  d'En 
ghien,  frère  du  cardinal,  n.  le  23  sept. 
1019,  m.  le  23  févr.  1&4G  ;    p.  3,    19. 

Bourbon  (François  de),  marquis  puis 
prince  de  Conti,  neveu  du  cardinal,  ép.  : 
r  Jeanne  de  Coême,  2°  Louise  Margue- 
rite de  Lorraine  ;  né  le  19  août  i558,  m. 
le  3  août  1614  ;  p.  59,  86,  87,  i45,  179, 
199,  201. 


TABLE     \LPII  VBETIQTJE 


OI.) 


Bourbon  (François  de),  duc  de  Mont 
pensier,  fils  de   L.  de    Bourbon,  duc  de 
Montpensier,  m.  le  4  juin  i5j)2;  p.   106, 
uo,  i3g,   161,   i63,  iOù.  17."),  179,   199. 

Bourbon  (Henri  de),  roi  de  Navarre, 
\  .  Henri  IV. 

l5oi  rbon  (Henri  de),  prince  de  Condé, 
neveu  du  cardinal,  ép.  :  1°  Marie  de  Clèves, 
■■"  Charlotte  de  La  ïrémoille  ;  n.  le 
29  déc.  i55a,  m.  le  "1  mars  i588  ;  p.  09, 
64,  <>5,  67-69,  71  73,  78,  s:;,  s',,  86,  87, 
d'i,  i55,  >7'i,  17"',  i83,  19G. 

Bourbon  (Henri  de),  prince  de  Dombes, 
puis  duc  de  Montpensier,  n.  le  12  mai 
i T) 7 3 ,  m.  le  27  févr.   1608  ;  p.  iGO. 

Bourbon  (Jean  de),  comte  de  Soissons 
et  d'Enghien,  frère  du  cardinal,  n.  le 
G  .juill.   !")■!(!.  m.  le  10  août  1 007  ;  p.  19, 

Bourbon  (Louis  de),  cardinal  arche- 
vêque de  Sens,  oncle  du  cardinal,  n.  h' 
■i  janv.  1/Î93,  m.  le  1  1  mars  1JÔ7  ;  p.  2- 
6,  9-1 1. 

Bourbon  (Louis  de),  duc  de  Montpen- 
sier,  ép.  Catherine  de  Lorraine,  n.  le 
10  juin  i5i3,  m.  le  13  sept.  1682  ;  p.  27, 
37,  38,  18,  56,  .>.  72,  81,  82,  93. 

Bourbon  (Louis  de),  prince  de  Condé, 
frère  du  cardinal,  ép.  :  1°  Eléonore  de 
Roye,  a"  Françoise  d'Orléans  ;  n.  le 
7  mai  i53o,  m.  le  i3  mars  i56g  ;  p.  19, 
21-27,  3i.i-32,  3j-'io,  f»2,  48-5g,.6a,  90. 
■<:>',. 

Bourbon  (Louise  de),  abbesse  d'Ori- 
gny  et  de  Fontevrault.  tante  du  cardinal, 
n.  le  i"  mai  i4g5,  m.  le  21  sept.  i>">  ; 
l>.   1. 

Bourbon  (Marguerite  de),  soeur  du  car 
dinal,  ép.  François  de  Clèves  duc  de 
Nevers,  n.  le  26  net.  i5i6,  m.  le  20  ocl. 
i 55g  ;  p.  19,  64,   121. 

B01  rbowne,  oncle  de  Moutpezat  de 
Longnac  ;  p.  210,  2 1  ■  . 

Bourges  (Cher)  ;  p.  3-">.  34,  "  19. 

Brissac  (comte  do,  V.  Cossé  (Char 
les  II  de). 

Brissac  (maréchal  de).  V.  Cossé 
(Charles  I  de). 

Bri  lart  (Nicolas),  marquis  de  Sillerj . 

conseiller     au    parle rit,    maître    des 

requêtes,  m.  le  1"  oct.   1624;  p.  «85. 


c 


Cachan,  commune  d'Arcueil-Cachan, 
cant.  de  \  illejuif  1  Seine)  ;  p- 167. 

CaëTANI  (Henri),  cardinal,  légat  en 
France  depuis  novembre  1089,  m.  en 
i5gg  :    p.  126,  s35,   •V'.  »43. 

Cahors (Lot);  p.  8T>. 


Cambrai  (Nord);  p.  1  i5. 

Canilhac  (marquis  de),  V.  Beaufort 
(Jean-Timoléon  de). 

Carcassonne  (Aude)  ;  p.  245. 

Carcassonne  (évêché  de)  ;  p.  6,  9,  i'i. 
i'i. 

Catherine  de  Médicis,  reine  de  France, 
femme  de  Henri  II,  m.  le  5  janv.  1689  • 
p.  5,  11,  12,  :?3.  2Ô-27,  3o,  32,  34-36, 
38-44,  48-5i,53-57,6i-65,7i-75,  78,  8i-84, 
88,  90,  92,  110,  118.  120,  123,  i25-i4o, 
i'i2,  iôi,  i54,  i">5,  1^9.  160-168,170  17'L 
176-178,  180,  i84,  187,190-194,  196,  2o3, 
254. 

Cavriana  (Philippe  de),  médecin  man- 
touan,  ambassadeur  du  duc  de  Toscane  à 
Paris  de  1 585  à   1089  ;   p.  164. 

Chalon-sur-Saône  (Saône  -  et  -  Loire)  ; 
p.  i3q. 

Châlons-sur-Marne  (Marne);  p.  1 17-1 19, 
126,  i3i,  1 36 ,  137,  190. 

Chantonay  (Perrenot,  sieur  de),  ambas- 
sadeur de  Philippe  H  en  France  de 
iâ(io  à  i564,  m.  en  févr.  1371  ;  p.  28, 
36. 

Charles-Quint,  empereur  ;  p.  2,  7, 
109. 

Charles  IX,  roi  de  France  depuis 
décembre  i56o,  m.  le  3o  mai  1574  ;  p.  •', 
32,  '.<>,  42,  43,  46,  54,  59,  63,  65,  69. 

Chartres   (Eure-et-Loir);     p.    i5g,   ig4, 

235,    2?|0. 

Chartreuse  (La  grande),  cant.  de  Saint- 
Laurent- du-Pont  (Isère)  ;  p.  83. 

Château-Thierry  (Aisne);  p.  101,  102. 
,  Chateai  mfi  \  (sieur  de),  capitaine  des 
;    gardes  de  Henri  III  ;  p.  2o3. 

Châtellerault  (Vienne)  ;  p.  2i5. 

Chatelliers  (abbé  des).  V.  Daillon  du 
l.ude  (René  de). 

Châtillon-sur- Marne  (Marne)  ;  p.  126. 

Chatillos  (Gaspard  de),  comte  de 
Coligny,  amiral  de  France,  m.  le 
i'i  août  1  r>7  ?  ;  p.  52,  55-57,  62,  ^7- 

Ciivini.oN  (Odel  de),  cardinal  évêque 
de  Beauvais,  m.  le  1 '1  févr.  [571  :  p.  i3, 
45,  16. 

Châtrices,  cant.  de  Sainte-Menehould 
(  Marne)  ;   p.  96. 

Chauny,  ch.  I.  de  cant.  <  Usne)  :  p.  84. 

Chavignt  (sieur  de),  V.  Le  Roj 
1  François). 

Chenonceaux,  cant.  de  Bléré  (Indre-el 
Loire)  ;  p.  <'<\h  «63,  167. 

Chinon    (Indre  el  Loire)  ;    p.  1  »6,  2 13- 

•  I  "1,    21  9-  !  3  I  .     '  '17. 

Circassi  (François),  gentilhomme 
chypriote  au  service  du  cardinal  de 
Bourbon  ;  p.  i33. 


3i4 


TABLE    AL1MIABKTIOUE 


Clément  (Jacques),  moine  domini- 
cain, assassin  de  Henri  III,  m.  le  i"  août 
1089  ;  p.  2  33. 

Clermont  d'Entragups  (sieur  de),  V. 
Balsac  (Charles  de). 

Clèves  (Henriette  do),  duchesse  de 
Ncvers,  tille  de  François  de  Clèves,  ép. 
Louis  de  Gonzague,  in.  le  2/1  juin  1G01  ; 
p.  117,    i3i,   i/|'i-i'iO,    1/19.  1O7,    168,  ao5. 

Clèves  (Marie  de),  sœur  de  la  précé- 
dente, ép.  Henri  de  Bourbon  prince  de 
Coudé,  m.    le  3o   oct.    1 5y 'i  :    p.  6'i,   65, 

67,  Us. 

Coème  (Jeanne  de),  fille  de  Louis  de 
Coême,  ép.  :  1"  Louis,  comte  de  Montaflé; 
2°  François  de  Bourbon  prince  de  Conti  ; 
m.  le  2O  déc.  iljoi  ;  p.  87. 

Coème  (Louis  de),  sieur  de  Lucé  ; 
p.  87. 

Coliony    (amiral    de),     Y.     Châtillon 

(Gaspard  de). 

Coliony  (Guy  -  Paul  de),  comte  de 
Laval,  gentilhomme  protestant,  m.  le 
ij  a\ril  i58G  ;  p.  1 1/|. 

Compiègne  (Oise)  ;  p.  i36. 

Condk  (prince  de),  V.  Bourbon  (Henri 
de,  Louis  de). 

Coude"  (princesse  de),  V.  Clèves  (Marie 
de),  Orléans  (Françoise  d'),  Roye  (Éléo- 
nore  de). 

Conti  (marquis,  prince  de),  Y.  BoUr- 
hon  (François  de). 

Corbie,  abb,  bénédict.,  ch.-l.  de  cant. 

(Somme)  ;  p.  07. 

Cormicy,  cant.  de  Bourgogne  (Marne)  : 
p.  io'i.   1Ô9,  1I1/1,  [65, 

Cornac  (Gaillard  de),  abbé  dé  N.-D.  des 
Châtelliers,  de  Pérignac  et  de  \  illeloin, 
ni.  le  2  iléc.    1626  ;    ]>.   111,  160,  188. 

< lusse  (Charles  I  de),  comte  de  Brissac, 
maréchal  de  France,  m.  le  3i  déc.  i563; 
p.  3i. 

CossiS  (Charles  II  de),  comte  de  Brissac, 
tils  du  précédent,  m.  en  1621  ;  p.  i3<>. 

Cottes,  maître  d'école  protestant  brûlé 
à  Rouen  en   1 56o  ;  p.  18. 

Coulommiers  (Seine-et-Marne)  ;  p.  1G7. 

Contras,  ch.-l.  de  cant,  (  I  iiruiide)  ; 
p.  182.    i.|(). 

Croi  (  Vntoine  de),  comte  de  Porcien, 
gentilhomme  protestant,   m.  le    r5  mai 

1067  ;  p.   55. 

CBU88OL  (Antoine  de),  vicomte  puis 
dur  d'1  /es.  m.   le  [5  aoûl   ib'ji  ;  p.   a3. 

Cujas  (Jacques),  jurisconsulte,  m.  en 
iT.go  ;  p.  2/,o. 


D 


Daillon  du  Lude  (René  de),  abbé  de 
N.-D.  des  Châtelliers.  évêque  de  Bayeux, 
m.  le  8  mars  1600;  p.  120. 

Damyille  (comte  de),  V.  Montmo- 
rency (Henri  de). 

David,  avocat  ligueur  au  service  du 
duc  de  (iuise  ;  p.   9.3. 

David  (Pierre),  ministre  protestant  au 
service  d'Antoine  de  Bourbon,  puis 
moine  à  Saint-Denis,  m.  en  i56o;  p.  20. 

Davila  (Louis),  gentilhomme  chy- 
priote au  service  de  Catherine  de  Médi- 
cis  ;  p.  i33. 

Del  Bene  (Alphonse),  abbé  de  Mai- 
zières,  évêque  d'Albi,  in.  le  8  févr:  1608; 

p.  209-2 1 1 . 

Diane  de  France,  duchesse  d'Angou- 
lème,  lille  légitimée  de  Henri  II,  ép.  : 
i°  Horace  Farnèse,  duc  de  Castro; 
2"  François  de  Montmorency  ;  m.  le 
ujanv.  1G19;  p.  7,  220. 

Dieppe  (Seine-Intérieure);  p.  76,  i3o, 
i34. 

Dijon  (Côte-d'Or)  ;  p.  8,  55,  119,  i3o, 
137,  2.3 1 ,  a35,  2  lo,  25 1 . 

Dinan  (Côtes-du-Nord)  ;  p.  107. 

Dombes  (prince  rie),  V.  Bourbon 
(Henri  de). 

Dreux  (Eure-et-Loir);  p.  38,  io.  179. 

Du  Bellay  (Jean),  cardinal,  diplo- 
mate, m.  le  iG  févr.   i56o;p.  8. 

Di  Breul  (Jacques),  prieur  claustral 
de  Saint-Germain  -  des -Prés,  historien, 
m.  le  17  juill.  1G1  '1  :  p.   iC. 

Du  Gast,  gentilhomme  ordinaire  de 
Henri  III,  gouverneur  d'Amboise  ;  p.  207- 

2 1 3 . 

I>i  (i\sr  (Olphan),  frère  cadet  du  pré- 
cédent, né  vers  i5G3  ;  p.  210,  212. 

Du  Plessis-Morkat  (Philippe),  V.  Mor 

nay  (Philippe  de). 

Dr  Rosier.  V.  Sureau  (Hugues). 


E 


Elbei  f  (duc  d'),  Y.  Lorraine  (Charles 
de). 

Elisabeth,  reine  d'Angleterre  depuis 
novembre  i558,  m.  le  2/1  mars  iGo3; 
p.  88,  92. 

Elisabeth  de  France,  fille  de  Henri  II. 
ép.  Philippe  II  roi  d'Espagne,  ni.  le 
3  oct.   1 508  ;  p.  21,  22. 


TABLE    ALPHABETIQUE 


3  I  :> 


Em.hien  (comte  d'),  Y.  Bourbon  (Fran- 
çois de). 

Entragues  (sieur  d*),  Y.  Balsa c  d'En- 
tragues  |  François  de). 

Épernay  (Marne);  p.  tao,  ra5-J37,  i3a, 
1 35- •  iy.   l 'ri. 

Épernon  (duc  d'),  V.  Nogarel  (Jean- 
l.ouis  de). 

Épinac  (Pierre  d'),  archevêque  de 
Lyon,  m.  le  g  janv.  i5gg  ;  p.  120,  ig3, 
ao5,  ao6,  208,  217. 

Escuvr.i.vnn  (Charles  d'),  sieur  de  La 
Boulaye,  gouverneur  de  Taillebourg  et 
de    Fontenay-le-Comte,     m.    en      i5g5  ; 

p.   221,   223,  2/18. 

Este  (Anne  d"),  fille  du  due  de  Fer- 
rare,  ép.  :  i°  François  de  Lorraine,  duc  de 
Guise  ;  —  a"  Jacques  de  Savoie,  duc  de 
Nemours;  m.  le  17  mai  1607  ;  p.  'ii,  53; 
m,  i65,  167,  20C,  207. 

Eu,  cli.-l.  de  cant.  (Seine-Inférieure); 
p.  ga. 


Farnèse  (Alexandre),  duc  de  Parme. 
gouverneur  des  Pays  Bas,  m.  le  3  déc. 
i5ga  ;  p.  ao5. 

Farnèse  i  Uesandre),  archevêque  et 
légat  d'Avignon,  cardinal,  m.  le  2  mars 
t58g  ;  p.  43,  5  i. 

Farnèse  (Horace),  duc  de  Castro,  fils 
de  l'ierre-Louis  Farnèse  duc  de  Parme, 
m.  le  1  s  juill.  1 553  ;  p.  7. 

Farnèse  (Pierre-Louis),  duc  de  Parme, 
lil-  du  pape  Paul  111,  m.  le  10 sept.  1  -_> '17-; 
p.  7. 

Faucon  (François  de),  évêque  de  Car- 
cassonne,  m.  le  22   sept.  1 565  ;    p.  (i.  45. 

Fère-en  Tardenois  ch.-l.  de  canton 
(  \i-ne)  ;  p.  .">. 

Fii.lei  l  (Nicolas),  poète  rouennais. 
écrivait  vers  i566  :  p.  r5. 

Fontainebleau  (Seine-el  Marne);    p.  22. 

Fontenay-le-Çomte  (Vendée);  p.  aaa, 
aa3,  aa8,  a/18,  249. 

Fontenelle,  abb.  bénédict.,  commune 
de  Saint  \\  andrille  -  Rançon,  ch.-l.  de 
cuil.  (Seine  Inférieure)  ;  p.  46. 

i.isii\kmi.t  (madame  de),  y.  Bour- 
bon (  Éléonore  de). 

François  I",  roi  de  France  depuis 
janvier  i5l5,  ni.  le  .'>  1  mars  i'p'17  ;  p.  2, 
•">.  7,   i"- 

François  II.  roi  'le  France  depuis  juil- 
let 1  >5g,  m.  le  .">  déc.  i56o  ;  p.  ■">,  i3,  i'i, 
2 '1.  •••">.  4o. 

Froidmont,  abb.  cisterc,  commune  de 
Bailleul  sur-Thérain,  canton  île  Nivi  11ers 
(Oise);  p.  46,  88. 


Gaillon,  ch.-l.  de  cant.  (Eure-et-Loir); 

p.  i5-ig,  g6,  g8,  n3,  117.  1 1  s,  120,  122, 
1  45,  l 'i  7 ,  1"'^,  i5g,  i63,  171,  j'[-,  :>'|i)- 

Gandelu,  cant.  de  Neuilly-Saint-Front 
(Aisne);  p.  88. 

Gaste.u  (Pierre),  sieur  du  Vignault, 
avocat  au  barreau  de  Fonlenay-le-Comte; 
p.  220. 

Genève  (Suisse)  ;  p.  72. 

Gondi  (Albert  de),  duc  de  Bel/,  pair  et 
maréchal  de  France,  m.  le  21  avril  1O02  ; 
p.   120,  12(1. 

Gondi  (Pierre  de),  évêque  de  Paris  de 
i568  à  i5g8,  m.  le  17  mars  iiiHi;  p.  180. 
181. 

GosTAVT-BinoN  (Armand  de),  maréchal 
de  France,  m.  le  2G  juillet  1092  ;  p.  63, 
82. 

Gqnzagi  e  (Catherine  de),  fille  de  Louis 
de  Gonzague  duc  de  Nevers,  ép.  Henri 
d'Orléans  duc  de  Longueville,  n.  le 
21  janv.  i5683  m.  le  1"  déc.  1(129;  p.  ' ''•' 
i'i"1.  i48,  i  '1 1  > .  i5a,  1  .">.'!.  161,166,  [68,175, 
1  76,  200. 

Gonzague  (Charles  de),  duc  de  Hethe- 
lois,  fils  de  Louis  de  Gonzague  duc  de 
Nevers,  n.  en  1^79,  m.  en  1687  ;  p.  r/ig, 
ki'i,   iii.'i  r68. 

Gonzague  (Henriette  de),  sceur  du  pré- 
cédent, ép.  Henri  de  Lorraine  duc  d'Ai- 
guillon, n.  le  .'!  sept.  1 7> 7 1 ,  ni.  en  1601  ; 
p.  iOG. 

Gonzague  (Louis  de),  épouse  Henriette 
de  Clèves  duchesse  de  Nevers,  m.  le 
a3  oct.  i5g5  ;  p.  1  '1,  7'i.  88,  g3,  in,  1 15, 
117,  121,  i3i,  1  '1  - '  ["''1,  i58,  t5g,  c6i,  16/i 
168,   17a,  17I),  188,   189,  2ir>,  aaii,  226. 

Gotz, oapitaine  des  armées  de  Henri  III  ; 
p.  211. 

Grand-Lucé  (le),  ch.-l.  de  canton 
(Sarthe)  ;  p.  87. 

Grégoire   XIII  (Ugo  Buonc pagno), 

i'du  pape  le  1.'!  mai  i.'«7  •,  m.  li'  10  avril 
i585  ;  p.  6/1,  66,  88,  7"'..  79.  8g,  91.  98. 
1 19. 

Grenade  (Louis  de),  moine  domini- 
cain, dont    un    recueil   de  sermons   fut 

publié  en   1  572,   m.  en    1  588  :  p.    '  :  \. 
Grenoble  (  Isère )  ;  p.  83,  a '..';.  i4o. 
Guillaume  V,  duc  île  lî.n  ière  de  1  ."179 

à   1  .'...17  ;  p.  1  ig": 

t.iiisf.  ch.-l,     de  cuil.  (  \  i  -1 1 1  ■  )  ;    p.    1  iS. 

I  'I'.. 

(il  [SE  (cardinal  de),  \  .  Lorraine 
I  Louis    ["  de.    Louis   II    de). 


3i6 


TABLE    ALPHABETIQUE 


Guise  (duc  de),  V.  Lorraine  (François 
de,  Henri  de,  Charles  de). 

Guise  (duchesse  de),  V.  Glèves  (Cathe- 
rine de),  Este  (Anne  d'). 


Il 


Hames  (sieur  de),  parrain  du  cardi- 
nal -,  p.  i. 

IIahl.ay  (Achille  de),  premier  prési- 
deni  au  parlement  de  Paris  depuis  [58a, 
m.  en  itiiG  ;  p.  287. 

Hennequir  (Hémar),  évêquede  Rennes, 
ligueur,  m.  le  i3  janv.  t5g6  ;  p.  2.36. 

Henni  ter  (Jean),  précepteur  du  car- 
dinal, évêque  de  Lisieux,  m.  le  12  mars 
1Ô78  ;  p.  5. 

Henri  II.  roi  de  France  depuis  avril 
i.'i'iy.  m.  le  ro  juill.  i55g;  p.  5,  7- 1 3 ,  i5, 
93- 

Henri  III,  roi  de  France  depuis 
juin  1 T» 7 '1 .  m.  le  2  août  i58g  ;  p.  5,  i4, 
5G,  58,    72-7/1,    71,1,  80,  83,  84,  87,  8g,  90, 

f)i.      97,     99,       101,      I03,    io'l.     IOG,     112-123, 

12Ô,  127,  129,  i3o,  i34-i43,  i45,  i46,  i48, 
i">".   i'i'i.   157-162,   ii'i'i.  îii."),   167,  170-17(1, 

178    182,      lS'l-191,      193-201.      203-212.    2  I  5- 

218,  2  33. 

Henri  IV,  roi  de  .Navarre,  roi  de 
France  depuis  août  1689,  fils  d'Antoine 
de  Bourbon  et  de  Jeanne  d'Albret,  n.  le 
i">  déc.  i553,  m.  le  1 '1  mars  1610;  p.  5, 
19,  2/1,  35,  5o,  5g,  02-65,  68,  69,  71,  74, 
76,  78,  82,  85,  ,%,  92-95.  102-112.  ii'i, 
128,  129,  i'i-'.  i'|i''.  i5',,  i55,  162,  i63, 
168,    170-174,    176,    179,    180,    i83,    186, 

l'.l'l.     Ii|5,     197-199,    206,    212,    2l5,    219-223, 

225-234,  287,  238,  24i-24B,  249,  25o,  255, 
Hotman   (Antoine),   avocat    général  au 
parlement  de  Paris,  ni.  en   i5i|6  :  p.  l'i'i. 
a36. 

IL  mières  (Jacques  d").  gouverneur  de 
Péronne,    Montdidier   et    Roye.    m.    en 

'■~'7'.|  :  P-  34. 


I 


Issoin-  (  Puy-de-Dôme)  ;  p.  '\'<- 

Tvry,    cant.     de   Saint-André    (Eure); 

|).     2'|5. 


h w\i\  (Pierre),  président  au  parle- 
iiii  n t  de  liourgognc,  puis  premier  pré- 
sident .iu  parlement  de  Pari*,  m.  en 
1G2  1  ;  p.   i38. 

.h  lin  ri  il,'.  ,  h.  I.  de  cant.  (Haute-Marne); 
p.    111.    ra5. 


Joinyille  (prince  de),  Y.  Lorraine 
(Charles  de). 

Joyeuse  (Anne,  duc  de),  favori  de 
Henri  III.  maréchal  de  France,  ép.  Mar- 
guerite de  Lorraine- \ andémont,  m.  le 
20  oct.    1587;    p.    il'i.    I2:>.     [S,,.      [82j    i83, 

'99- 

Joyeuse  (François  de),  cardinal  arche- 
vêque de  Toulouse,  m.  le  23  août   i6i5; 

p.  1 13.       1  . 

.li  les  III  (Gian  Maria  Giochi  dit  del 
Monte),  élu  pape  le  8  févr.  i55o.  m.  le 
22  mars  i555  ;  p.  9. 


La  Bvrthe  (Paul  de),  sieur  de 
Thermes,  maréchal  de  France,  m.  le 
6  mai  1 5G2  ;  p.  3i . 

La  Bot  lave  (sieur  de),  Y.  Fschallard 
(Charles  d'). 

La  Bourdaisière,  commune  de  Roclie- 
corbon,  cant.  de  Vouvray  (Indre-et- 
Loire)  ;  p.  21  3. 

La  Cassine,  cant.  d'Omont  (Ardennes)  ; 
p.   .67. 

La  Chapelle  des  Ursins  (Christophe- 
Jouvenel  de);  p.    1  20. 

La  Chapelle-Marteau  (sieur  de),  V. 
Marteau  (Michel). 

Lv  Châtre  (Claude  de),  rrouverneur 
de  Bourges,  plus  tard  maréchal  de 
France,  m.  le  18  déc.  i6i4  ;  P-  119,  i5o, 
221. 

La  Couture  du  Mans,  V.  Saint-Pierre  de 
La  Couture. 

La  Fere,  ch.-l.  de  cant.  (Aisne); 
p.  84,  85. 

/.</  Fer  té-sous- Joaarre,  ch.-l.  de  cant. 
1  Seine-et-Marne)  ;  p.  1. 

Lagriy, ch.-l.  de  cant.  (Seine-et-Marne); 
p.  18*9. 

La  Glesle  (Jean  de),  président  au 
parlement  de  Paris,  m.  en  avril  i58g  ; 
j).  100. 

La  Guiche  (Philibert de),  grand  maître 
de  l'artillerie  de  France,  ni.  en  1  » ">•  > -7  : 
p.   1 85. 

I.wiin  (Nicolas), médecin  à  l'Université 
de  Nantes  ;  p.  2  '17. 

La  Mothe-Fénelon  (sieur  de).  Y.  Sali- 
gnac  (Bertrand  de). 

Langeais,  ch.-l.  de  cant.  (Indre-et- 
Loire)  ;  p.  221. 

Langres  (  Haute  Marne)  ;  p.  196, 

LaNSSAC      (-ieur     del,      Y.     Sainl-<  ielais 

(  Louis  de). 

La   Pierre,   gouverneur  de   Boulogne 


TABLE    ALPHABETIQUE 


^1 


or 


pourleducd'Épemon.tuéen  mars  1587; 
p.  i:'i. 

Larchant  (sieur  de),  capitaine  des 
gardes  de  Henri  III  ;  p.  208,   1 1  a,  ai3. 

La  Renaudie  (sieur  de),  V.  Barri 
(Godefroj  de). 

La  Réole  (Gironde)  ;  p.  82,  <>.">. 

La  Roche-si  r-Vis  (prime  de.  V. 
Bourbon  (Charles  de). 

/.,/  Rochelle   (Charente  Inférieure)  ;   p. 

Im|.   231. 

La  Trinité  de  Vendôme,  abb.  cisterc., 
Vendôme    (Loir  et-Cher)  ;   p.  6,   44,  88. 

L'Aubespine  (Claude  de),  diplomate, 
m.  le  1 1  nov.  1567  ;  p.  19. 

Laval  (comte  de),  \.  Coligny  (Guy- 
Paul  de). 

Lavaur  (Tarn);  p.  a.'Vj.  a45. 

La  Veiinusse  (abbé  de).  V.  Racine 
(Martin   de). 

La  Vielvhxe  (Robert,  marquis  do. 
oouverneur  de  Mézières,  lieutenant 
général  du  roi  en  Rethelois,  m.  en 
161  !  ;  p.  117- 

La  Vigne  (André  de),  poète  français. 
m.  en  1027  ;  p.  2. 

Le  Conquet,  cant.  de  Saint -Renan 
(Finistère);  p.  187. 

Le  Havre  (Seine-Inférieure)  ;  p.  48. 

Lénoncourt  (Philippe  de),  cardinal 
évêque  de  Châlons,  puis  d'Auxerre,  m. 
le  i3  déc.  i5gi  ;  p.  n4,  >:<<>.  126,  209, 
2A2,  243. 

Le  Ru>  (François),  sieur  île  Chavigny. 
gouverneur  île  Chinon,  ép.  \ntoinette 
de  l.a  Tour,  m.  le  18  févr.   r6o6;  p.  21/1, 

3  1  i|    22  1. 

LesdigÛieres  (duc  de).  V.  Bonne 
(François  de). 

Le  Venei  h  (Gabriel),  évêque  d'Evreux, 

m.  le  i6  mai   i~7'i  ;  p.  10. 

L'HÔPITAL    (  Michel    de),    chancelier    de 

France,  m.  en  1  r> 7 :'»  ;  p.  ■>■>.,  29,  V.i.  ■">■">,  ">:• 
i.irssr    .m    ^ .  /).     de  Liesse,    cant.    de 

Sissonne  |  Usne);  p.  1 26. 
Limeuil  (Isabelle  de),  demoiselle  d'hdn 

n, mu'   de   Catherine  de    Médicis,  ép.  Sci 

pion  Sardini  ;  p.  53. 

Limoges  (llaute-\  ienne)  ;  p.   i3a. 

Loches  (  Indre  el   Luire);  p.   Îl3,  2 1  \. 

Lommi  4.1  .  médecin  de  Poitiers  ;  p.  i35. 

Longjumeau,  ch.  I.  de  cant.  (Seîne-et- 
<  Use)  ;  p.  57. 

Longhai  (sieur  de),  v.  Montpezal 
(  François  1 

LoNCJI  EMl.l  I         (duc       de).       \  .      I  »rl-  .<  1 1- 

llenri  d'i. 


Longieville  (M""  de),  V.  Orléans 
(Françoise  d'). 

Lorraine  (Catherine  de),  fille  de  Fran- 
çois de  Lorraine  duc  de  Cuise,  ép. 
Louis  de  Bourbon  duc  de  Montpensier, 
m.  en  i5g6  ;  p.  93,  1 >".  m.  1  l(J.  l68. 

Lorraine  (Charles  de),  cardinal  arche- 
vêque de  Reims,  lil-  de  Claude  duc  de 
Guise,  n.  le  17  février  i5a5,  m.  le 
2G  déc.  157/1  ;  p.  5-8,  i".  12.  i3,  i5,  20, 
ai,  29,  'n.  \-i.  49,  5i,  53-55,  07-61,  66, 
90,  93. 

Lorraine  (Charles  de),  duc  de  Mayenne 
ou  du  Maine,  tils  de  François  duc  de 
(luise,  n.  le  26  mars  [554,  m.  le  4  oct. 
161 1  ;  p.  ')3.  n'.  1  i'i.  1  >  7.  ll8<  l20'  ,a5' 
i3o,  i32,  i35,  ci;.  i3g,  1""'.  [5a,  161,  169, 
204,  206,  >.o(),  216-219,  221,  220,  226,  229, 
23i,  233,  237  239,  244,  '!'i9.  25°- 

Lorraine  (Charles  de),  prince  de  Join- 
ville,  puis  duc  de  Guise,  fils  de  Henri 
duc  de  Guise,  n.  le  20  août  1571.  m.  le 
3o  sept.  1640  ;  p.  i4g,  '■">:'>.  '54,  200,  206, 
208,  212-214. 

Lorraine  (Charles  de),  duc  d'Aumale, 
n  le  a5  janv.  [555,  m.  en  iii.'i  1  ;  p.  g3, 
i3o,  i3a,  i35-i37,  169,  i:'i,  [85,i86,i88, 
204,  216,  a3i,    >4o. 

Lorraine  (Charles  de),  duc  d'Elbeuf, 
n.  le  18  oct.    i556,    m.   en    i6o5  ;  p.   93, 

I  17-1  19,    l3o,    l86,    206,    21  2-2l4- 

Lorraine  (François  de),  duc  de  Cuise. 
n.  le  17  févr.  [5i9,  m.  le  :>'i  févr.  [563  ; 
p.  21.  M".  3a,  75,  g3. 

Lorraine  (Henri  de),  duc  de  Guise, 
Gis  de  François  duc  de  Guise,  ép.  Cathe- 
rine de  Clèves,  n.  le  81  déc.  1  ■>•">.  m.  le 
23  déc.  i588;  p.  4p,  71,  74-76,  85,  9a  ioo, 
,,,7,  109-1  18,  i2o  ia3,  ia5-  t4i,  '46,  i48 
,:,:>,  i57-i6a,  [64,    166-178,  180-182,  i84 

2o3,    205,  208,    225,    233,    254. 

Lorraine  (Henri  de),  marquis  'le 
Pont-à-Mousson,  lils  de  Charles  111  duc 
,1,.  Lorraine  el  de  Claude  de  France;  0. 
le  20  nov.  io63  ;  p.  110. 

Lorraine  (Louis  II  de),  cardinal  d« 
Cuise,  archevêque  de  Reims,  fils  de 
François  duc  de  Cuise,  n.  le  6  juill.  i555> 
„,.  ie  2',  de,-.  .;,ss;  p.  ..,:;.  97-  w-  I01, 
,,',.  ,  iG,  117.  128,  i3o,  i33,  i34,  i37, 
,;•„,.  160,  167,  169,  t8o,  i8i,  196,  ".»7- 
201,  2o3,  ao5. 

Lorraine  (Marguerite  de),  duchesse 
d'Alençon,  m.  le  1  ao>  .  t5ai  ;  p.  .'L  i. 
Lorraine  (Philippe-Emmanuel  de  Lor 
raine),  duc  de  Mercœur,  gouverneur  de 
Bretagne,  tu.  le  19  fé\  r.  [60a  ;  p.  g3,  1  ta, 
1 1  .">,  1  19,  17.  t3o,   C7.    ''c'. 

Lorraine  N  li  démont  (Marguerite  de!. 
sœur  de  la  reine  de  France  femme  de 
Henri  III.  ép.  Vnne  duc  de  Joyeuse,  m. 
en  i(j  ■  '  ;  p.  1  G, 


3 1 8 


TABLE    ALPHABKTIOUF 


Loudun  (Vienne);  p.  221. 
Lucé,  V.  Grand-Lucé  (Le). 
Lucques,  ville  de  Toscane  (Italie);  p. 

117,    121,    l4'i,    1  '|li. 

Lusso»  (Guillaume),  docteur  régent  en 
la  l'acuité  de  médecine  de  Paris,  méde- 
cin du  cardinal  ;  p.  347. 

Luxemboi  rg  (François  de),  duc  de 
Piney,  m.  le  3o  sept.  1G19  ;  p.  234. 

Luxembourg  (Marie  de),  fille  de 
Pierre  11  de  Luxembourg,  ép.  François 
de  Bourbon  comte  de  Vendôme,  m.  le 
1  "  avril  i546  ;  p.   1 .  5. 

Lyon  (Rhône);  p.  72,  1 19,  i;3. 


M 


Mdcon  (Saône-et-Loire) ;  p.  un. 
Maillezais,  ch.-l.    de  cant.    (Vendée)  ; 

P,    221,    ''22,    235. 

Maine  (duc  du),  \.  Lorraine  (Charles 
de). 

Maixeville  (sieur  de),  V.  Roncherolles 

(François  de). 

M.untenon  (sieur  de),  V.  Angennes 
(Louis  d'). 

Mainteternes  (Louis  de),  abbé  de 
Chàtrices  et  de  .Saint  -Pierre  -  le-  Vif, 
vicaire  général  de  l'archevêché  de  Rouen  ; 
p.  96. 

M.m.donat  (Jean),  jésuite,  m.  le  5ianv. 
1583  ;  p.  67. 

Mandki.ot  (François   de),    gouverneur 
du  Lyonnais,  m.  le   >'i  no\.  «588;  p.  119, 
Mamoi    (sieur  de),  V.  0  (Jean  d'). 
Mantes  (Seine-et-Qise)  ;  p.  199. 

Marchais,  cant.  de  Sissonne  (Aisne); 
p.  i59. 

Maugi  kkiii;  de  France,  fille  de 
Henri  II,  ép.  Henri  de  Bourbon  roi  de 
Navarre,  ni.  le  27  mars  i6i5  ;  p.  62,  64, 
81,  82,  90,  io5,    174. 

Marie    Stuart,    reine    de    France    et 
d'Ecosse,  m.  le  S  févr.  r587  ;    p.  i3    -1 
53,  58,  n.s. 

Marmou tiers,  abb,  bénédict.,  commune 
de  Sainte  -  Radegonde,  cant.  de  Tours 
(Indre-et-Loire)  ;  p.  1  ta, 

Marseille  (Louches  du-Rhône)  ;  p.  127. 

MàRTEAI  (Michel),  sieur  de  l.a  Cha 
pelle,  prévôt  dos  marchands  de  Paris  ; 
p.  206,  208. 

Martimuos  (Marian  de),  conseiller  au 
parlement  de  Normandie,  chancelier  de 
l'église  de  Rouen  et  vicaire  général  du 

cardinal,   m.   le  28  avril   Hm.'i  ;  p.  2/17. 
M  vrruiEu  (Claude),  jésuite,  provincial 


d'Aquitaine,     puis     de     France,     m.     le 
2/1  déc.  1587  ;  p.   1  ■>■>.,  1 46. 

Mayenne  (duc.de).  V.  Lorraine  (Charles 
de). 

Meaux  (Seine-et-Marne)  ;  p.  178. 

Mcliui  (Seine-et-Marne);  p.  239. 

Mendoça  (Bernardino  de),  ambassadeur 
de  Philippe  II  en  France  de  1084  à  i5()i  ; 
p.  i'i3.  2','..    " 

Mercoeub  (duc  de),  >- .  Lorraine  (Phi 
lippe  Emmanuel  de) 

Méry-sur-Seine,  ch.-l.  de  cant.  (Aube); 
p.  i36. 

Met:  (Lorraine)  ;  p.  r3<>,  137. 

Montafhé  (Louis,  comte  de),  seigneur 
piémontais,  ép.  Jeanne  de  Coême  ; 
p.  87. 

Montargis  (Loiret)  ;    p.  182,  i38. 

Montceaux -  en  -  Brie,  cant".  de  Meaux 
(Seine-et-Marne)  ;  p.  3o. 

Montdidier  (Somme)  ;  p.  34.  ' 

Montebourg,  abb.  bénédict.,  ch.-l.  de 
cant.  (Manche)  ;  p.  i5. 

Montiéramey,  abb.  bénédict.,  cant.  de 
Lusigny  (Aube)  ;  p.  46. 

Montluc  (Jean  de),  sieur  de  Balagny, 
lieutenant  général  en  Picardie  pour  le 
duc  dWumale,  m.  en  i6o3  ;  p.  a3i. 

Montmorency  (Anne,  duc  de),  conné- 
table de  France,  m.  le  i5  mars  Ô67  ; 
p.  12,  21,  38,  3g,  48-56,  7."),  91. 

Montmorency  (François  de),  maréchal 
de  France,  (ils  du  précédent,  m.  le 6 mai 
1579  ;  p.  4g,  5:>,  55. 

Montmorency  (Henri  de),  comte  de 
Damville,  puis  duc  de  Montmorency  à  la 
mort  du  précédent,  gouverneur  du  Lan- 
guedoc, m.  le  2  avril  1614  ;  p.  49,  ,",7, 
71,   72,  80,   121,  142. 

MoxTPENsir.it  (duc  de),  V.  Bourbon 
(  François  de.  Louis  de). 

Montpensieb  (duchesse  de),  y.  Lor- 
raine (Catherine  de). 

Montpez\t  (François  île),  sieur  de 
Longnac,  maître  de  la  garde-robe  de 
Henri  III,  gouverneur  d'Anjou  et  de 
Touraine  ;  p.  208-211. 

Montreuil  (Pas-de-Calais)  ;  p.  34. 

Monisoreau,  cant.  de  Saumur  (Maine 
et-Loire)  ;  p.  220. 

Morka.1  (Philippe  de),  sieur  de  Du 
plessis  Marly.  conseiller  et  ami  du  roi 
de  Navarre,  m.  le  11  nov.  i6a3;  p.  n/,, 
219-231,   336. 

Morosiki  (.1.  Fr.).  évèque  de  Breseia, 
nonce   en   France  de   mai    1587  à   i58g  ; 

p.   180-18] .    'MM  ,   ■>.!.,. 

Moins,  pamphlétaire  ligueur  ;    p.   ;>3'i. 
Moulins  (Allier)  :  p.  55. 


TABLE    ALPIIABETIOLE 


OIQ 


\ancy  Meurthe-et-Moselle);  p.  ii3, 
18/1,  t85. 

Vantes  (Loire-Inférieure)  ;  p.  127,  107, 

2  V>.    2^5. 

Vemours,  Ch.-l.  de  cent.  (Seine-et- 
Marne)  ;  p.  i38,  [3g. • 

Nemours  (duc  de),  V.  Savoie  (Henri 
de). 

Nemours  (duchesse  de),  Y.  Este 
(  \11ne  d'). 

Nérac  (Lot-et-Garonne)  ;  p.  ■>.'■>,  24,  -i-, 
'.i'i- 

NbUillï  (Etienne  de)  ou  de  Nully,  pré- 
sident à  la  cour  des  aides  ;  p.  30O. 

Nu  mlle  (Nicolas  de),  sieur  de  Ville- 
roy,  secrétaire  d'état,  ni.  en  déc.  1617; 
1>.  L'17,  1 38. 

Vevers  (Nièvre)  ;  p.  \\\. 
Yevers  |  évêché  de)  ;  p.  (i. 

Ni-: mo us  (duc   de),   V.  Gonzague  (Louis 

de). 

N'evers  (duchesse  de),  \.  Bourbon 
(Marguerite  de)  et  Clèvcs  (Henriette 
de). 

Viort  (  Deux  Sè\  res)  ;  p.  54- 

Vh.vuet  (Jean-Louis  de),  duc  d'Êper 
non,  favori  de  Henri  III.  gouverneur  de 
Provence,  de  Guyenne,  de  Metz,  de  Nor- 
mandie, m.  le  i3  janv,  Hi'12  ;  p.  122, 
i'i"'.  161,  17'!,  l84,  |85,  187-189,  i;).'!, 
108,     '  I  '1,    231. 

Vouâtre,  cant.  de  Sainte-Maure  (Indre* 

el  Luire)  ;  p.  22  1 . 

Voyon,  ch.  I    do  cant.  (Oise)  ;  p.   1  2. 


0 


<i  (François  d'),  surintendant  îles 
finances,  m.  le   •  \  oct.  i5g4  ;  p.  i.'-io. 

O  (Jean  d'),  sieur  de  Mi capitaine 

des  gardes,  frère  du  précédent,  m. 
en  1  5g6  ;    p.  2 1  3,  2 1  '1.  220. 

Origny,  abb.  bénédict.,  commune 
d'Orignj  Sainte-Benoîte,  cant,  de  Ribé- 
monl  (  Visne)  ;  p.  ■>.. 

Orléans  (Loiret);  p.  ■',,  .;,.  :i:;.  :;,,.  ',,,. 
1  ni.  1  Mi,  206. 

Orléans  (duc  d'),  nom  porté  par 
Henri    III     du     vivant     de     Bon     frère 

Charles  IV 

(  >iu à  vTis  i  Françoise  d'),  duchesse  de 
Longucville,  ép.  Louis  de  Bourbon  prince 
«le  Condé,  m.  le   1  1  .juin   t6oi  ;  p,  53,  5g 


(ii,  6g,  S'i,   86j    l 'i.'î- 1 'ci.    1  5  1  •    lôâ,     tCi, 

ilili,    201,     2C>'|. 

Orléans  (Henri  d'),  duc  de  Longue- 
ville,  m.  le  29  avril  i5g5  ;  p.   i6ii 

Orléans   (Louis   d'),   avocal    ligueur; 

P-  97- 

Ourscamps,  abb.  cisterc,  commune  de 
Chirj  Ourscamps,  cant.  de  Kibécourl 
(<  lise)  ;   p.  117.  i('m|,  171. 


P 


Palaiseau,  ch.-l.  de  cant:  (Seine-et- 
Oise);  p.  65. 

Parabère  (sieur  de),  gentilhomme 
protestant  ;  p.   221. 

Paris  (Seine)  ;  p.  u,  12,  i"5,  3i-33,  .">■, 
65,  7'i.  79,  80,  83,  gi,  ioi,  H17,  M.'i,  ii.|, 
132,  i3;">,  (36,  1 '1/4,  i'i7,  108,  rôg,  161, 
1G7,  161J,  172,  17'L  1^5,  [80,  1S1,  iS.'i, 
187-1111,    LMlil,   2"'|.    20C),    2lc>,    2l5,    216,    228, 

23o,    y.'ii,    233,    238,    23g,  :> '1 1 ,    2'|2,  s44, 

2'|l|  -2  JI  . 

Parme  (duc  de),  V.  Farnèse  (Alexandre). 

Paul  III  (Alexandre  Farnèse),  élu 
pape  le  i.'î  oct.  i53/i,  m.  le  10  nov .  [54g  ; 
P-  7-9- 

Pellevé  (Nicolas  de),  cardinal,  agenl 
de  la  Ligue  à  Rome,  ni.  en  i5g/i  ; 
p.  i'iG. 

Pénitents  (Les),  confrérie  fondée  par 
Henri  III  en  t583  sous  le  nom  d'Annon- 
ciation de  Notre- Haine  ;  p.  go,  224. 

Péricard  (.ban),  secrétaire  de  Henri 
de  Lorraine,  11.  vers  i555  :  [).  97. 

Péronne  (Somme);  p.  'i'i,  118,  17V, 
2/19. 

Pfyffer  (Ludvvig),  colonel  des  Suisses 
catholiques  ;  p.  1 3a. 

Philippe  IL  roi  d'Espagne  depuis 
janv.  (556,  m.  le  i3  sept.  1598  ;  p.  22, 
■•'i.  a8-3o,  3.">,  36,  38,  'n.  43,  67,  60-62, 
M",  1  i5,  1  16,  1  m,  1  a8,  1  '1 1 ,  l 'i.'L  t68,  17". 
206,  a3oi 

Pie  l\  (Giovanni  vngelo  Medici),  élu 
pape  le  2."i  déc,  i55g,  m.  le  8  ou  g  déc. 
i565  :  p.  36,  'm  15. 

Pie  V  (  Michel  Ghisleri  l,  élu  pape  le 
7  jam .  1 566,  m.  le  i0'  mai  1 573  ;  p.  ri5, 
63,  64,  g8. 

Pissi  1,1  1      (  Vnne   de),    duchesse     d'Ë- 

tampes,  maîtresse  de  François  1'  ;  p.  87. 

I'i  m  «Essoa    (  madame    de),    marraine 

du  cardinal  ;  p,    1  . 

Poissy,  ch.  .1-  de  canl ,  1  Seine  el  I  lise  1  ; 
p.  37,  29. 

Poitiers  (  \  ienne);  p.  235,    1  1-  . 
Ponllevoy,    abb     bénédict.,    cant.     de 
Montrichard  (  Loir  ct-Cher)  ;    p.  'Hi. 


020 


TAULE    ALPHABETKHK 


Pontoise  (Seine-et-Oise)  ;  p.   167. 

K    Porcie»  (comte  de),    V.  Croy  (Antoine 

71e). 

Possevin     (Antoine),  jésuite,    recteur 
d'Avignon,  m.  le  26  févr.   1G11  ;  p.  90. 

Pougues,    ch.-l.     de     cant.    (Nièvre)  ; 
p.  167. 

Poi  i.lain  ( \. ),  bâtard   du   cardinal   de 

Bourbon  ;  p.    1  \. 


li 


Racine  (Martin  de),  abbé  de  La  Ver- 
nusse,  chanoine  de  l'église  de  Paris  : 
p.  1 46. 

Rays (Jacques de),  médecin  àThouars  ; 
p.  2^7. 

Regnard,  président  des  enquêtes  à 
Paris  ;  p.  5. 

Reims  (Marne)  ;  p.  119,  12O,  182,  i33, 
1  43,  i65,  177. 

Rennes  (Ille-et-Vilaine)  ;  p.  a4o. 

Rethelois  (duc  de),  V.  Gonzague 
(Charles  de). 

Retz  (due  de),  \  .  < lundi  (  Ubert  de). 

Rilly  (sieur  de),  gentilhomme  touran- 
geau, gouverneur  d'Amboisc  ;  p.  207. 

Rochefort  (Joachim  de),  capitaine  de 
cinquante  hommes  d'armes;  p    117,  120. 

Rocroy  (Ardennes)  ;  p.   171. 

Romain  (saint),  évèque  de  Rouen,  ni. 
le  23  oct.  639  ;  p.  100. 

Rome  (Italie)  ;  p.  9,  Co,  l 'iG,  i48-i5o, 
162,  206. 

Ronceveaux  (monastère  de),  prov.  de 
Navarre  (Espagne) ;  p.  22. 

Roncherolles  (François  de),  sieur  de 
Maineville,  familier  du  cardinal,  m-,  le 
17  mai  i58g  ;  p.  ti5,  1 1  G,  102,  1 33,  i63, 
1G7. 

Rouen  (Seine-Inférieure)  :  p.  9-11,   r6- 

18,  3o,  33,  34,  76,  77,  83,  90,  91,  98,  100, 
i3o,  l'i'i,  i35,  217,  L»'ii,  a35,  2.3g,  2^7, 
a/19. 

Rouen  (archevêché  de)  :  p.  9. 

Roye,  ch.-l.  de  cant.  (Somme);  p.  3'i. 

Rote  (Éléonore  de),  ép.  Louis  de 
Bourbon  prince  de  Condé,  m.  le  a3  juill. 

1  564  ;  p.  h{).  5 1 ,  59,  87. 

Ki  ci  \ipki:  (sieur  de),  V.  Bourbon 
f  \ihln'-  de  1. 


Saint-André  (sieur  de),  V.  Al  bon  (Jac- 
ques d'). 

Saint-Corneille  de  Compiègne,  abb.  béné- 
dict.  à  Compiègne  (Oise)  ;  p.  !l. 
Saint-Denis  (Seine)  ;  p.  30. 
Saint-Denis*,    abb.    bénédict.    (Seine)  ; 

p.    4,     r.2,    !.">. 

Saint-Didier,  ch.-l.  de  cant.  (Haute- 
Marne)  ;   p.  137. 

Sainte-Claire  d'Argentan,  abb.  de  Cla- 
risses.  Argentan  (Orne)  ;  p.  4. 

Sainte-Croix  (Prosper  de),  cardinal 
archevêque  d'Arles,  nonce  en  France 
de  i56i  à  t5G5  ;  p.  ji. 

Saintes (évêché  de);  p.  6. 

Saintes  (Claude  de),  évèque  d'Evreux, 
ligueur,  m.  en  i5gi  ;  p.  76,  98. 

Saint-Esprit  -de-Rue,  ch.-l.  de  cant. 
(Somme)  ;  p.  107. 

Saint -Gelais  (Louis  de),  sieur  de 
Lanssac,  conseiller  d'état,  m.  en  oct.  1589  ; 
p.  1 33. 

Saint-Germain- en-Laye,  ch.-l.  de  cant. 
(Seine-et-Oise);  p.  G2,  99,  100,    101,  ii'i. 

Saint-Gernïain-des-Prés,  abb.  bénédict., 
Paris  ;    p.  15-17,  G7,  G9,  85,  g6,  i5o,  1 58. 

Saint-Germer-de-Flay,  abb.  bénédict., 
cant.  du  Coudroy-Saint-Germer  (Oise)  ; 
p.  66. 

Saint-Honorat-de-Urins,  abb.  bénédict., 
commune  de  Cannes,  ch.-l.  de  cant. 
(Alpes-Maritimes)  ;  p.  '|G. 

Saint- Jean-des-Vignes,  abb.  augustin., 
Soissons  (Aisne)  ;  p.  46. 

Sunt-Lary  (Roger  de),  sieur  de  Belle 
garde,  maréchal  de  France,  m.  en  1 07'  1  : 
p.  83. 

Saint-Lucien  de  Beauvais,  abb.  béné- 
dict., commune  de  N.-D.  du  Thil,  cant. 
de  Beauvais  (Oise)  ;  p.  56. 

Saint-Mau r-les-Fossés,    ch.-l.     de   cant. 

(Seine),  p.  120,   i3g. 

Saint-Nicolas-au-Bois,  abb.  bénédict., 
cant.  de  La  Fère  (Aisne)  ;  p.  G. 

Saint-Ouen  de  Rouen,  abb.  bénédict., 
Rouen  (Seine-Inférieure);  p.  34. 

Saint- Pierre-de-la-Couture,  abb.  béné- 
dict., Le  Mans  (Sarthe);  p.  46,  88. 

Saint  -  Pierre  -  le  -  Vif ,  abb.  bénédict.. 
Sens  (Yonne);  p.  96. 

Saint-Serge  d'Angers,  abb.  bénédict., 
Angers  (Maine-et-Loire);  p.  4. 

Saint-Si  i.Pic.i:  (Jean-Ebrard    de),    am- 
^ 'Passade  1  ir  de  France  en  Espagne;  p.  36. 


TABLE    ALP1I  V.BETIQUE 


OUI 


Saint-Vincent  de  Laon,  abb.  bénédict., 
Laon  (Aisne)  ;  p.  6. 

Saintyi  \  (Louis  de),  avocat  au  Châte- 
let  de  Paris,  capitaine  de  la  bourgeoisie; 
p.  aii. 

Salignac  (Bertrand  de),  sieur  de  La 
Mothe-Fénelon,  ambassadeur  de  B'rance 
en  \ngleterre  de  1070  à  1074,  111.  le 
i3  août  i5gg;  p.  117,  118,  n". 

S vi  f.x-TwANNLs  (Jean  de),  gouverneur 
d'Auxônne,  ligueur,  m.  en  1629  :  p.  160. 

Saumur  (Maine-et-Loire)  ;  p.  ia6. 

Savons  (Charles-Emmanuel  I.  duc  de), 
(ils  d'Emmanuel-Philibcrt  ctde  Margue- 
rite de  France,  m.  le  20  juillet  i63o; 
p.  109,  119. 

SuoiE  (Henri  de  1.  duc  de  Nemours' 
n.  le  2  nov.  1  •"> 7 -  -  m.  le  io  juill.  1  t33a  ; 
j).  aoC,  207,  2/1/1. 

Savoie  (Honorât  de),  marquis  de  Vil- 
lars,  amiral  et  maréchal  de  France,  m. 
en   1  ."1S0  ;  p.  73. 

Svvoie  (Madeleine  de),  femme  d'Anne 

duc  de  Montmorency,  m.  eu  t586  ;  p.  91. 

^-  Schombeki;   (Gaspard    de),    colonel    de 

reitresau  service  de  Henri  III,  naturalisé 

en   1070,  m.   le  17  mars  1099  ;  p.  i36. 

Sedan  (Ardennes);  p.  173. 

Selves  (Odet  de),  conseiller  du  roi, 
diplomate,  ni.  le  i5  mars  i563  :  p.  3i. 

Slwrpont  (sieur  de),  lieutenant  en 
Picardie  pour  Louis  de  Bourbon  prince 
de  Condé  ;  p.  33. 

Si.iuiELLOM  (Fabricio),  cousin-germain 
de  Pie  IV.  gouverneur  d^Avignon,  m.  le 
1  '1  net.   1  âijij  :  p.   '|.i. 

Simieb  (comtesse de),  \.  Vilr\  (M"cde). 

Sixte-Quint  (Félix  Peretti),  élu  pape 
le  1  avril  i585,  m.  le  27  août  1590  ; 
p.  i.'îi,  137,  i'|3,  1 'i*>,  i"''i.  1 55,  I-Î8,  170, 
173,  180,  181,  195,  198,  201,  200,  20O, 
a  19,  a35. 

Soissons  (Aisne);  p.  5i,  53,  137,  1  '17, 
ijo;  i5g,  167,   Hi.|,   186,  197. 

Soissons  (comte  de),  V.  Bourbon 
(Charles  de). 

Soissoks  (madame  de),  V.  Bourbon 
(Catherine  de). 

Sorèze,  abb.  bénédict.,  cant.  de 
Dourgne  (  Tarn)  ;  p.  i6. 

Si  ri  m  di  Rozn  iî  (Hugues),  ministre 
protestant,  prédicateur  célèbre  ;  p.  67. 


T 


T assis  (Jean  Baptiste  de),  agenl  du  roi 
d'Espagne  .  p.  1  13. 


Thermes  (maréchal  de),  Y.  La  Barthe 
(Paul  de). 

Thouars,  ch.-l.  de  cant.  (Deux-Sèvres); 
p.  a/17. 

Torsi  (madame  de),  marraine  du  car- 
dinal ;  p.  1 . 

Touchard  (Jean),  abbé  de  Bellozanne, 
précepteur  du  cardinal  de  Vendôme, 
évêque  de  Meaux,  m.  le  8  juill.  1597; 
[i.  68,  88,   i5a. 

roui  (Meurthe-et-Moselle)  ;  p.  137. 

Toulouse  (Haute-Garonne)  ;  p.  231,2/10. 

Toi  rnon  (François  de),  cardinal  arche- 
vêque de    Lyon,  m.  le   22  avril    i5Ca  ;  p. 

1  ."1 ,   u  3 . 

Tournus,  ch.-l.  de  cant.  (Saône-et- 
Loire)  ;  p.  iô. 

Tours  (Indre-et-Loire);  p.  63,  ai3,  21/1, 


1  alence  (  Drôme)  ;  p.  211. 

\  \rgvs  (Juan  de.  ambassadeur  de 
Philippe  II  en  France  ;  p.  92. 

Vendôme  (cardinal  de),  V.  Bourbon 
(Charles  de). 

Vendôme  (duc  de),  V.  Bourbon  (Char 
les  de). 

I  erdun  (  Meuse  1.  p.  1  36,  i3i,   1  7. 

Villars  (amiral  de),  V.  Savoie  (Hono- 
ra! de). 

VlLLEEAI.lEK,     beau -père  de  Jean     Péri 

card  secrétaire  du  «lue  de  Guise  ;  p.  1  19. 

Villeneuve  m  [génois  (Lot-et-Garonne  1  : 
p.  119. 

Villequier  (René  de),  baron  de  Clair- 
vaux  ;  p.  1 33.  1  3'|. 

\in.i;iioi  (sieur  do.  \.  Neuville  (Ni- 
colas de). 

I  imory,  cant.  de  Montargis  1  Loirel  1  ; 
p.  182. 

Vincennes,     ch.  I      'le     cant.    (Seine  1  ; 

p.    il'.    1  '17,    1 60,    !  ri 

\  i\-.  (Hubert  de),  capitaine  ligueur  : 
p.   1  19. 

I  iry,  cant.  de  Chaunj  1  Us  ne)  :  p.   >'i. 

Vitelli  (Vitelloti),  cardinal  évêque 
d'Imola,  m.  le  29  nov.  [568  ;  p.  6,   15. 

Vitrtt  (Louise  de  L'Hôpital,  demoi- 
selle de),  ép.  le  comte  de  Simier; 
p.   l 'l". 


TABLE    DES   CHAPITRES 


Pages. 

VVANT-PROPOS T 

PREMIÈRE    PARTIE 
Le   cardinal   de    Bourbon. 

<  Ihapitre     I.   —  La  jeunesse  de  Charles  de  Bourbon i 

—  IL  —  La  première  guerre  de  religion 21 

—  III.   —  Les  déceptions  familiales 48 

—  I  \  .    -  -  La  naissance  de  la  Ligue .  . 7 1 

V.  —  Bourbons  et  Lorrains 86 

DEUXIÈME    PARTIE 
L'héritier   présomptif. 

1  11  mi  1  re      [.  —  La  Ligue  s'arme IQ3 

II.  —  Les  conférences  d'Épernay ia5 

—  III.  —  La  conquête  de  Nevers »4t 

[V.  —  La  défection  de  Nevers l57 

—  V.   —  La  guerre  de  1.587 ^ 

VI.  —  Les  audaces  de  Guise i84 

TROISIÈME     PARTIE 
Charles   X. 

(  in  mm  1  m.     I.  —  La  déchéance  de  Henri  III 2°3 

II.         Les  prisons  du  cardinal a  19 

III.  —  Le  règne  de  Charles  \ 228 

l\.   -   La  mort  du  roi  de  la  Ligue a47 

Conclusion. aD^ 


32^  TABLE    DES    CHAPITRES 

APPENDICES 

I.  —  A.  Descendance  de  Robert  de  Glermont 267 

B.  Branche  des  Bourbons- Vendôme a58 

G.  Branche  des  ducs  de  Montpensier 260 

II.  —  Les  abbayes  de  Charles  de  Bourbon    261 

III.  —  Le  privilège  de  Saint-Romain • a65 

IV,  —  Iconographie 2O8 

Pièces  justificatives  n0'  I  a  XXIV  (avec  table  spéciale  à  la  fin) 273 

Table  alphabétique  des  noms  de  personnes  et  de  lieux 3 1 1 


Abbeville.  —  Imprimerie  F.  Paillart. 


1970   4 


DC  Saulnier,  Eugène 

112  le  rôle  politique  du 

B63S3         cardinal  de  Bourbon 


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