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LE ROLE POLITIQUE
CARDINAL DE BOURBON
CHARLES X
ABBEVILLE. — IMPRIMERIE F. PAILLAHT.
Le vray pourtraicVau plus j>r« du naturel de Charles dç
Bourbon X. du nom par la grâce de Dieu Roy de France.
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l'OHTHAIT LM RO] CHAULES \ ( i.'.N,,).
LE ROLE POLITIQUE
CARDINAL DE BOURBON
(CHARLES X)
1523-1590
Eugène SAULNIER
Kl. EVE DIPLOME l> E
l'école des haltes etudei
A.vec «m Portrait et un Fac-similé
PARIS
LIBRAIRIE ANCIENNE HONORÉ CHAMPION
5, QUAI MALAQUAIS
1912
Tous droits réservés.
Cet ouvrage forme le 193e fascicule de la Bibliothèque de l'École des Haute» Études.
M
BIBLIOTHEQUE
DE L'ÉCOLE
DES HAUTES ÉTUDES
PUBLIÉE SOUS LES AUSPICES
DU MINISTÈRE DE L'INSTRUCTION PUBLIQUE
SCIENCES HISTORIQUES ET PHILOLOGIQUES
CENT QUATRE-VINGT-TREIZIÈME FASCICULE
LE RÔLE POLITIQUE DU CARDINAL DE BOURBON (CHARLES X) 1523-1590
Eugène SAULNIER
ÉLÈVE DIPLÔMÉ DE L'ÉCOLE DES HALTES ÉTUDES
AVEC UN PORTRAIT ET UN FAC-SIMILE
PARIS
LIBRAIRIE ANCIENNE HONORÉ CHAMPION
5 , QUAI M A L A Q U A I S
1912
Tous droits réservés
Sur l'avis de M. Vbel Lefranc, directeur d'études, et de MM. Morki-
Fatio et Lasalle-Serbat (élève diplômé), commissaires responsables,
le présent mémoire a valu à M. Eugène Saultuer le titre d'Élève
diplômé de la section d'histoire el do philologie de l'École pratique
des Hantes-Études.
Paris, le 7 Novembre 1910.
Les Commissaires responsables,
Signé : A. Morel-Fatio.
L. Lasalle-Serbat
Le Directeur de l<i Conférence,
Signé : A. Lefranc.
Le Président de la Section,
Signé : G. Monod.
A MES PARENTS
HOMMAGE DE RECONNAISSANCE ET D AFFECTION
AVANT-PROPOS
Il est dans notre histoire trois ou quatre périodes au cours
desquelles apparaissent d'une façon particulièrement nette les
caractères des hommes qui les ont illustrées, parce que ceux-ci
ont trouvé dans les événements un vaste champ ouvert à leur
activité. La fin du xvie siècle est une de ces périodes. Les guerres
de religion, en permettant aux personnalités de se manifester
librement, nous ont fourni plus de moyens de les étudier.
Les résultats acquis sont encore minimes et, si quelques
figures brillent en pleine lumière, beaucoup restent dans
l'ombre. J'ai essayé d'en dégager une qui, sans avoir l'éclat de
certaines de ses contemporaines, mérite cependant d'attirer
l'attention.
Charles de Bourbon, plus connu sous les noms de cardinal
de Bourbon et de Charles X, est encore à peu près ignoré. Ses
malheurs l'ont discrédité. A peine a-t-on su le distinguer des
autres cardinaux, ses parents, qui ont vécu à la même époque,
son oncle l'archevêque de Sens, son neveu l'archevêque de
Rouen ». D'ailleurs les historiens de son temps ont crié si forl
son incapacité qu'ils l'ont fait négliger par leurs successeurs.
i. C'est à cette confusion qu'est due la présence du buste de Charles \
parmi ceux des grands bibliophiles dans le vestibule de la salle do travail
delà Bibliothèque Nationale. Son neveu, qui s'appela comme lui Charles
de Bourbon et fut comme lui archevêque de Bovien, eût seul mérité cel
honneur. L'Administration a jugé bon, il y a quelques mois à peine, de
faire remplacer l'ancienne étiquette qui portait : Charles de Bourbon, i5a3-
1590, par cette nouvelle : Charles de Bourbon, i56a-i594, sans d'ailleurs
changer le buste.
II AVANT-PROPOS
Seul Louis Paris, dans le Cabinet historique, a tenté de le réhabi-
liter; mais, en voulant réagir contre le discrédit jeté sur le roi
de la Ligue, il s'est laissé aller à des louanges exagérées J.
Certes, dans le xvT siècle où tant de grandes énergies purent
se révéler, Charles de Bourbon ne compte pas parmi les per-
sonnages les plus actifs ; il fut du moins l'un des plus considé-
rables. Depuis les derniers mois du règne de Henri II jusqu'à
la fin de 1088, il se trouva constamment» mêlé aux affaires du
gouvernement; et, si l'homme par lui-même est plus curieux
qu'intéressant, on ne peut oublier que pendant près d'une année
on rendit la justice en son nom dans une grande partie de la
France et qu'il faillit porter avec la couronne royale le manteau
aux fleurs de lis. D'ailleurs son histoire est si intimement liée
à l'histoire générale de notre pays que j'espère n'avoir point
fait œuvre inutile en essayant de retracer le cours de sa vie2.
Les sources inédites de l'histoire du xvie siècle sont extrême-
ment nombreuses et je ne veux pas entreprendre de les énumé-
rer toutes. Je signalerai seulement deux sortes de documents
un peu trop négligés peut-être et qui forment la base de mon
étude. Je veux parler des dépêches des ambassadeurs étrangers
et des correspondances privées.
Cinq puissances nous ont laissé le récit détaillé de nos guerres
de religion dû à la plume de leurs ambassadeurs : Rome,
Venise, Florence, l'Espagne et l'Angleterre. Les dépêches des
nonces intéressent par les sujets dont elles traitent, les véni-
t. Le Cabinet historique, t. III, 1 85-, irc partie, documents, p. 193-207.
345-a6a. Documents pour servir à l'histoire de Charles X.
2. Je me suis borné au récit de la vie de Charles de Bourbon, me réser-
vant d'étudier dans un temps prochain la diplomatique de son règne. Elle
mérite en effet un travail particulier ; mais tous les actes qui portent ses
nom et sceau ont été détruits ou dispersés, les registres du parlement de
la Ligue déchirés. La tâche sera difficile et longue.
AVANT-PROPOS III
tiennes par leur documentation, les toscanes par la perspica-
cité de leurs rédacteurs, les espagnoles et les anglaises par les
renseignements nombreux qu'elles donnent sur la politique
générale et les relations diplomatiques. Il y a là tout un
ensemble de faits, de constatations, d'impressions qui offrent
à l'historien une mine inépuisable.
Non moins précieuses sont les correspondances privées,
rarement publiées, dont l'avantage est de montrer souvent les
individus sous leur véritable jour. La Bibliothèque Nationale
en possède d'innombrables, et c'est dans ses collections que
j'ai trouvé les plus intéressantes missives de Charles de
Bourbon.
J'énumérerai rapidement les grands dépôts où se sont exer-
cées mes recherches.
La Bibliothèque Nationale vient en premier lieu avec sa belle
collection de lettres de la fin du xvie siècle (f. fr., mss. 3i8o à
345o, 36oo à 3972) ; ses recueils factices de documents, dont les
plus importants ont été réunis sous le titre de « Mémoires de
la Ligue » (f. fr., mss. 3973 à 3995) ; ses « papiers Bellièvre »
(f. fr.,mss. 15906 à 1691 1); ses relations inédites, ses collections
particulières Dupuy, Clairambault, Brienne, Cinq cents Colbert,
et enfin la précieuse série des dépêches vénitiennes, qui dans les
volumes 171 7 à 1739 du fonds italien s'étendent presque sans
interruption de i554 à 1591.
Aux Archives Nationales, j'ai puisé dans deux fonds princi-
paux : le fonds dit de Simancas, qui renferme les dépêches
espagnoles (K 1/493 à 1072), et le fonds du parlement de Paris.
Le registre Xia ç)3-2hB contient, grâce à P. Pithou, le peu qui
subsiste du parlement de la Ligue.
En Italie, l'Archivio Mediceo de Florence m'a livré les
quelques renseignements que Desjardins avait négligés dans sa
publication des dépêches toscanes ; — les Archives du Vatican
m'ont donné les longues dépêches des nonces, les nombreuses
lettres qui presque journellement arrivaient de France (Lettere
délia segreteria di stato ; nunziatura di Francia, nunziatura
di Avignone, principi e titolati), enfin les brefs politiques
IV AVANT- PROPOS
de Grégoire XIII et de Sixte-Quint qui intéressent notre bis
toire.
A Rouen, les registres capitulaires de la cathédrale, riches en
renseignements, m'ont servi à préciser certains faits de la vie
du cardinal-archevêque. Enfin je dois à la bienveillance de
MM. les archivistes de Rennes, Nantes, Arles, Grenoble, Tou-
louse, les rares documents qu'a laissés clans leurs dépôts la
royauté de Charles X.
Je dirai un mot des sources imprimées. Les Pièces fugitives du
marquis d'Aubais, les Archives curieuses de Cimber et Danjou,
les collections de Mémoires de Petitot, de Michaud et Poujoulat,
les publications des Documents inédits et de la Société de l'his-
toire de France les contiennent en grande partie. J'ajouterai à
cette énumération les Annales ecclesiastici de Baronius, Spon-
danus et Theiner, les Registres des délibérations du bureau de la
mile, les Procès-verbaux des assemblées générales du clergé de
France depuis 1560 et quelques recueils factices dus à la persé-
vérance des érudits, comme les Mémoires de Condé, de Nevers.
de Duplessis-Mornay, de la Ligue. Mais je dois une mention spé-
ciale aux recueils d'Alberi et de Tommaseo, aux Négociations
diplomatiques de la France avec la Toscane de Desjardins, aux
Calendar of state papers, Foreign série of the reign of Elisabeth
et aux deux grandes publications qui ont renouvelé l'histoire
de la seconde moitié du xvie siècle, les Lettres missives de
Henri IV et les Lettres de Catherine de Médicis.
Parmi les historiens, les contemporains de Charles de
Bourbon doivent passer en première ligne. Quelques-uns
comme Bèze, d'Aubigné, Palma Cayet, de Thou, Davila, ont la
valeur de sources. Les autres au contraire, comme La Popeli-
nière, Piguerre, Dupleix, Matthieu, ont moins d'originalité.
L'un deux, Du Breul, a laissé une Vie de monseigneur l'illustris-
sime prince et rénérendissime cardinal Charles de Bourbon (Paris,
ifn'i. in-/j", 16 p.) ; ce n'est malheureusement qu'un panég\
rique relatant surtout les derniers instants du prélat. Quant aux
modernes, ils sont légion ; il faudrait plusieurs pages pour lés
énumérer tous. Au cours de ces dernières années les études
AVANT -PROPOS
d'ensemble ont fait place aux monographies. On ne peut pour
l'heure que s'en féliciter, car des faits certains peuvent seuls
conduire à des conclusions certaines.
Qu'il me soit permis de remercier en quelques mots les
maîtres et amis dont les conseils ont encouragé mes premiers
pas : M. H. Stein, qui m'a guidé vers le xvie siècle, que les
conférences de M. A.bel Lefranc, où j'ai tant puisé, m'ont appris
à aimer; — MM. Morel-Fatio, P. Viollet et L. Lasalle-Serbat.
qui ont assumé successivement la lourde tâche de correcteurs :
— M. G. Baguenault de Puchesse, dont son érudition fait le con-
seiller indispensable des débutants ; — M. L. Romier, qui fut
le compagnon des heures difficiles. Qu'ils reçoivent ici l'hom-
mage de mes sentiments reconnaissants et respectueux.
E. S.
PREMIÈRE PAR-T1E
LE CARDINAL DE BOURBON
CHAPITRE PREMIER
LV JEUNESSE DE CHARLES DE BOURBON
L'an i5a3, dans la matinée du 22 décembre, vers les onze
heures, naquit au château de La Ferté-sous-Jouarrc Charles de
Bourbon, fils de Charles de Bourbon, duc de Vendôme, et de
Françoise d'Alencon. Le soir même l'enfant fut baptisé dans la
chapelle du château 4 .
La famille des Bourbons-Vendôme, à laquelle il appartenait,
avait pour ancêtre le sixième fils de saint Louis, Robert de
Clermont, dont la descendance se poursuivit jusqu'au xvia siè-
cle en deux branches, celle des ducs de Bourbon qui s'éteignit
avec Charles III, le fameux connétable tué au siège de Rome,
et celle des Bourbons-Vendôme.
«De ceste race de Bourbon, dira plus tard Brantôme, il n'y
en a point de poltrons. Ils sont tous braves et vaillants, n Pen-
dant un siècle les comtes de Vendôme ont mérité pleinement
ces éloges. On les retrouve sur tous les champs de bataille,
Azincourl, Montlhéry, toujours fidèles à la cause royale, A
Fornoue, Charles VIII voit combattre à ses côtés François de
Bourbon, que la maladie emporte quelques mois plus tard à
1. Du Breul, Vie de Charles de Bourbon, p. 2. — Les parrains de l'enfant
furent Antoine de Bourbon, son frère aine, et M' de fiâmes ; ses marraines,
Mesdames de Pleumesson et de Torsi.
Swi.mek. — Cardinal de Bourbon. t
'2 LE HOLE POLITIQUE DU CARDINAL DE BOllUiON
l'âge de vingt-cinq ans. François, qu'André de La Vigne sur-
nomme l'cscarboucle des princes de son temps1, laissa une
veuve, Marie de Luxembourg, et cinq enfants dont l'aîné fut
Charles de Bourbon, père du futur roi des ligueurs.
Malgré cette mort prématurée, la fortune sourit aux orphe-
lins. Des deux filles, Antoinette et Louise, la première épousa
Claude de Lorraine, duc de Guise; la cadette reçut l'abbaye
d'Origny. Des trois fils, Charles, François et Louis, le plus jeune
se trouva pourvu à dix-sept ans de l'évéché de Laon. Les deux
autres furent assez habiles pour conserver à leur maison,
malgré des difficultés imprévues, la faveur dont elle jouissait.
En effet, en octobre i523, le connétable de Bourbon, seul
survivant des branches aînées, passait au service de Charles-
Quint. La honte de cette trahison rejaillit sur toute la famille.
Charles, comte de Vendôme, avait déjà su conquérir l'amitié
du roi par sa fidélité et ses loyaux services. Fait chevalier au
combat d'Agnadel, de comte qu'il était, il s'était vu en
février 1 5 1 5 créé duc et pair de France. En 1 5 1 7 le roi l'avait
nommé son lieutenant général à Paris2, et l'année suivante il
lui accordait le gouvernement de la Picardie. La trahison du
chef de sa maison n'allait-elle pas être pour lui le commence-
ment de la disgrâce?
Le duc de Vendôme comprit admirablement que son salut
et celui des siens étaient dans leur modestie. Il s'effaça pour
éviter la colère du roi. Cependant il aurait pu s'enorgueillir
d'une situation nouvelle que créa la disparition du connétable
de Bourbon. Celui-ci, blessé sous les murs de Rome, mourut
sans héritier cl, par l'extinction des branches aînées, le duc de
Vendôme devint Le plus proche parent de la famille royale.
Il fut premier prince du sang; mais l'ambition céda chez lui
à l'habileté.
Lois de La captivité de François 1". il se soumit volontiers
aux ordres «le la régente, refusantde prendre un pouvoir auquel
1. Anselme (P.), Histoire généalogique de In maison <lc France, 1. 1, p. 3a6.
•à. Registres des délib. dix bureau, de la ville de Paris, t. I, p. 237.
LA JEUNESSE DE CHAULES DE BOURBON Ô
il aurait pu prétendre. Activement il travailla à la mise en
liberté du prisonnier, et. quand le roi fut revenu en France, il
lui continua ses tidèles services. François I" sut comprendre ses
intentions. Malgré la trahison du connétable, il conserva son
amitié à la maison de Bourbon. Il donna à L'aîné des frères du
duc de Vendôme. François, comte de Saint-Paul, l'important
gouvernement du Dauphiné ; au plus jeune. Louis, l'arche-
vêché de Sens. Quant au duc. il eut toujours sa large place au
conseil et son intimité avec François Ie' fut telle que celui-ci
lui permit de l'appeler « Monsieur j> au lieu de « Sire1 ».
L'avenir souriait donc aux Bourbons-\ endôme, mais il les
berçait d'espérances trompeuses. Ceux que leur origine et leur
titre auraient dû placer à la tête de la noblesse de France virent
leur influence contrebalancée par celle que prirent de plus en
plus les favoris. Leur fortune personnelle n'était d'ailleurs pas
comparable aux immenses richesses de quelques uns de leurs
rivaux, et la supériorité, que leur nombre leur assurait, fut de
courte durée, car la mort vint enlever en pleine jeunesse ceux
qui auraient pu soutenir le mieux le prestige de la maison.
Leduc de Vendôme avait épousé en 1010 une jeune veuve,
Françoise d'Alençon, duchesse de Longueville. tille de René
duc d'Alençon et de Marguerite de Lorraine. Il en eut treize
enfants, sept garçons et six filles. Charles fut le huitième. Ses
aînés, Antoine2 et François3, avaient embrassé déjà la carrière
des armes ; aussi fut-il destiné à l'état ecclésiastique et laissé à
la direction de son oncle le cardinal de Bourbon.
i. Brantôme, Œuvres, éd. Lalanne, t. III, p. 201.
2. Antoine de Bourbon, né le 22 avril i5i8, épousa Jeanne d'Albrel le
20 octobre i5/|8 et devint roi.de Navarre en [555, après la mort de son beau-
père.
3. François de Bourbon, comte d*Enghien, né le 23 septembre l5iq, fui
le brillant vainqueur de Cérisoles. Il mourut des sniles d'un accidenl
le a3 février i546.
/| LE ROLE POLITIQUE DU CARDINAL DE BOURBON
Charles avait comme grand'mère maternelle Marguerite de
Lorraine, femme d'une dévotion ardente, qui fonda le monas-
tère de Sainte-Claire d'Argentan, où elle vécut ses dernières
années. Sa fille, Françoise d'Alençon, se montra digne d'elle, et,
si sa piété ne lui lit pas (initier la vie séculière, elle sutlui attirer
du moins le respect de ses contemporains1. Charles grandit
donc au milieu des prières, et il conserva fidèlement pendant
toute sa vie les croyances de son enfance. D'ailleurs son oncle
le cardinal, ecclésiastique à la foi robuste, se chargea de son
éducation, qu'il lui lit donner essentiellemenl chrétienne.
Cet oncle, Louis de Bourbon, s'était vu placé dès sa jeu-
nesse au premier rang de lepiscopat français. Successivement
évêque de Laon, du Mans, de Luçon, de Tréguier, il avait reçu
à vingt-quatre ans le chapeau de cardinal et pris en i536 pos-
session du siège archiépiscopal de Sens. A ces bénéfices la
faveur royale avait ajouté quelques-unes de ces riches abbayes
si recherchées à cette époque comme celles de Saint-Denis, de
Saint-Corneille de Compiègne, de Saint-Serge d'Angers, car
l'intelligence ouverte du prélat et sa fine habileté lui avaient
gagné l'amitié de François Ier. Malgré cette situation particu-
lière dont un ambitieux eut profilé, le cardinal consacra aux
devoirs de sa charge tout le temps que lui laissa sa partici-
pation au gouvernement, aimant mieux « vaquer au service-
divin comme un simple chanoine» que se mêler aux intri-
gues de la cour2. Son influence prépondérante parmi le clergé
français et surtout les revenus considérables, qu'il tirait de son
archevêché et de ses nombreuses abbayes, en firent le soutien
indispensable de sa famille. En effet le due de Vendôme avait
peine à maintenir son rang à la cour luxueuse du premier des
i. Brantôme, Œuvres, I. III, p. ■"><)■•
2. Mêmoiresde Claude Haton (coll. des doc. inéd.), t. \, p. 4">. — Louis de
Bourbon protégea aussi les arts cl les lettres. Il termina la décoration du
palais archiépiscopal de Sous, qu'Etienne Poncher, un de ses prédécesseurs,
avail commencée. Il fit construire de superbes villas à Brienon-sur-
xnnaiH'Mii el a Villeneuve-1' Archevêque. La bibliothèque de l'Arsenal
renferme sous le n° 86i un manuscrit à lui dédié et intitulé : Errôrumqui
selecli sunl ex commentariis Caroli Molinei confutatio.
LA. JEUNESSE DE OUVREES DE BOURBON a
Valois. Le cardinal prit en partie à sa charge l'éducation de
ses neveux1, mais ce fut au jeune Charles qu'allèrent toutes ses
préférences. Il fut pour lui un second père, surtout lorsque le
duc de Vendôme eut succombé à une fièvre maligne le
2.") mars i53y.
L'enfant passa d'abord quelques années au château de Fère
en Tardenois auprès de sa grand'mère paternelle Marie de
Luxembourg, puis il vint suivre les cours du collège de Navarre
que son oncle le cardinal avait fréquenté autrefois2. C'était à
cette époque le collège des princes ; il devait recevoir un peu
plus tard le futur Henri IV. En même temps que Charles de
Bourbon, on y vit entrer son cousin Charles de Lorraine3, qui,
cardinal, allait présider si longtemps aux destinées de la
France. Les deux enfants, étant à peu près du même âge, reçu-
rent un précepteur commun, Jean Hennuyer4, qui avait été
celui du dauphin Henri. Un président des enquêtes. Regnard,
fut spécialement chargé de leur apprendre le grec. Leurs huma-
nités terminées, ils passèrent encore deux années à l'hôtel de
Reims, s'initiant aux questions de jurisprudence et de théo-
logie5. Ces études furent loin d'être parfaites et Charles de
Bourbon, devenu homme, se plaignit de leur insuffisance0; il
est vrai qu'il n'avait pas les rares qualités de Charles de Lor-
raine, qui sut en tirer un meilleur profit. De cette éducation
en commun naquit entre les deux jeunes gens une amitié
i. Mémoires de Claude Union, t. I, p. 45.
2. Du Broul, La nie. de Charles de Bourbon.
3. Charles de Lorraine était le deuxième fils de Claude de Lorraine, duc
de Guise, et d'Antoinette de Bourbon. Il était donc cousin germain de
Charles de Bourbon et plus jeune que lui de quelques mois, puisqu'il
naquit le 17 février [5a5.
'\. Jean Hennuyer. né en 1/197, étudia au collège de Navarre et y fui reçu
en i.V|0 comme professeur de théologie. Directeur de Diane de Poitiers et
de Catherine de Médicis, il fut ensuite premier aumônier de François IL
de Charles IX et de tien ri III jusqu'en 1 f» 7 T> . Il mourut évèque de Lisieux
le 12 mars 1578.
5. Du Breul, La vie de Charles de Bourbon.
6. Bibl. Nat., f. fr., ms. 33ai, f" 28, autogr. ; lettre de Charles de Bourbon
au duc de Nevers, de Grenoble, a3 juillet 1Ô79.
G LE ROLE POLITIQUE DU CARDINAL DE BOURBON
solide, qui tourna tout à l'avantage du dernier. Dès cette
époque, Charles de Lorraine prit sur son faible cousin une
influence qu'il utilisa par la suite.
En un temps où les dignités ecclésiastiques s'acquéraient
plus par la faveur que par le mérite, tous deux n'attendirent
pas longtemps un siège épiscopal. Pendant que Charles de
Lorraine succédait à son oncle dans l'archevêché de Reims.
Charles de Bourbon prenait possession de l'évéché de Ne-
vers (iV|o) '. Il le conserva sept ans, et néanmoins dès i544 il
obtint aussi celui de Saintes2. Quoique ses revenus fussent
déjà considérables, le jeune prélat reçut encore le 28 août i546
l'évéché de Carcassonne 3. Dès cette époque il possédait égale-
ment quelques abbayes, celles de Saint -Nicolas-au-Bois, de
Saint Vincent de Laon que lui avait cédée le cardinal de
Bourbon. Un peu plus tard il entrait en possession de la riche
abbaye de la Trinité de Vendôme 4. C'était le commencement
d'un cumul extraordinaire qui, dans la suite, étonna tant que
les papes crurent nécessaire de le justifier.
Pendant que de bons et gros bénéfices assuraient au jeune
prélat une vie large et facile, une dignité nouvelle fort recher-
1. Crosnier (abbé), Monographie de la cathédrale de Nevers, Nevers, i854,
in-cS". Catalogue des actes de François I", t. VI, p. 611, n° 22077.
•>.. (Test au cours de son épiscopat qu'en i54# surgit la révolte de
Guyenne suscitée par l'impôt inique de la gabelle. La répression fut
terrible. Charles de Bourbon essaya en vain d'adoucir les rigueurs qui
vinrenl frapper la ville de Saintes. V. Mémoires-journaux du dur de Guise,
p. 5.
3. Charles de Bourbon administra l'évéché de Carcassonne jusqu'en
[553, époque à laquelle il s'en démit entre les mains du pape, se réservant
toutefois lt's deux tiers du revenu. François de Faucon, évèque de Màcon,
devint évêque "de Carcassonne. \ sa mort survenue le 22 septembre i565,
Charles <!<• Bourbon reprit possession de l'évéché, mais deux ans plus tard
il s'en démil définitivement en faveur de Vitelloti \ itelli, cardinal-évèque
d'Imola. \. Mahul (A.), Cartulaire et archives des communes de l'ancien
diocèse et de l'arrondissement administratif de Carcassonne, t. V, p. 184-4go.
\. Gallia chrisliana, !.. \ III, col. r364.
LA JEUNESSE DE CHARLES DE BOL "HBON y
chéc de tous ses collègues, mais que sa qualité de prince
du sang lui permettait d'obtenir plus facilement que tout
autre, vint encore rehausser son prestige naissant.
Dans les derniers mois du règne de François Ier, des rela-
tions amicales s'établirent entre les cours de Paris et de Rome.
Mécontent de Charles-Quint, Paul III rechercha l'alliance fran-
çaise et fiança son petit-fils, Horace Farnèse, à Diane, fille
légitimée du dauphin Henri. Gomme gage d'amitié, Fran-
çois Ier sollicita le chapeau de cardinal pour Charles de Bour-
bon. Le dauphin en demanda également un pour Charles de
Lorraine, archevêque de Reims, alors le plus intime de ses
confidents 4.
Sur ces entrefaites, François 1" mourut. Le dauphin devenu
roi continua la politique de son père. Paul III s'y prêta d'au-
tant plus volontiers qu'il crut reconnaître la main de Charles-
Quint dans l'assassinat de son fils Pierre-Louis Farnèse. Mais
le pape était un habile diplomate. A Henri II qui demandait
maintenant deux chapeaux pour les jeunes prélats, il répondit
que le collège des cardinaux trouverait peut-être mauvais la
double promotion de deux cousins, qui avaient déjà chacun un
oncle au sacré collège2. Toutefois, pour montrer sa bonne
volonté, il céda en partie. Le 27 juillet il nomma cardinal
Charles de Lorraine, qu'il savait le plus aimé du roi et le plus
influent3. Cette préférence suscita la colère des Bourbons qui
voyaient un Lorrain devancer un prince du sang. Mais leurs
réclamations étaient de peu de poids devant la faveur nou-
velle et toujours croissante de la maison rivale l. L'hostilité
entre les deux familles, qui devint si âpre par la suite, trouve
déjà là ses origines.
1. Bibl. Nul., f. ital., ms, 1716, p. 78. copie ; dép. des ambass. vénitiens,
de Paris, (i mars [547-
■?. Ribier (G.), Lettres et mémoires d'Estat, t. II. p. 0.
3. Ilnil., t. Il, p. 39.
',. Bibl. \af.. f. IV. , ms. ro485, f" 7, orig. : lettre de Charles de Bourbon
au cardinal du Bellay, de Joinville, 17 juin i548.— Négociations dipl avecla
Toscane, I. III, p. aïo; de Melun, .'? nov. 1 » ri 7 -
8 LE ROLE POLITIQUE DL CARDINAL DE BOURBON
Henri II déçu ne se tint pas pour satisfait. Il réclama un
nouveau chapeau et. voulant couper court aux difficultés, il
envoya en Italie son confident Charles de Lorraine. Le prélat.
disait-on, allait remercier le pape; en réalité, il conclut avec
lui au nom du roi son maître une ligue défensive contre l'em-
pereur. L'entente étant parfaite, Paul III n'avait plus rien à
refuser à son allié. Le 9 janvier ib\8', il fit une promotion
spéciale en faveur de Charles de Bourbon1. Le messager, qui
apporta la barrette, présenta également la ratification du pacte -.
Par faveur spéciale, le pape se dessaisit de ses prérogatives et
envoya le chapeau à Henri II pour qu'il le remit lui-même au
jeune prélat3. La cour se trouvait alors en Bourgogne. La céré-
monie eut lieu le dimanche 1" juillet au matin, et le soir
même le nouveau cardinal, revêtu de sa robe pourpre, escorta
le roi dans son entrée triomphale à Dijon l.
Ce titre nouveau, tout en flattant Charles de Bourbon, l'ef-
fraya un peu et souleva un incident qui jette un jour curieux
sur le caractère du jeune homme. Il n'était encore que diacre
et le bref de Paul III le nommait cardinal prêtre. Il ne crut
pas devoir y trouver une invitation à prendre la prêtrise.
Inquiet de sa jeunesse, il n'osa point se ti précipiter en un si
grand inistère » avant d'avoir atteint « l'eage compectent et
l'heure que la dévotion » lui serait venue. Aussi, s'étant ouvert
de ses craintes au cardinal du Bellay alors à Borne, qui
avail pour lui des attentions toutes paternelles, il lui demanda
d'implorer le pape pour qu en lui envoyant le chapeau il
l'appelât cardinal diacre et non cardinal prêtre5. Son souhait
fui exaucé cl Paul III le nomma cardinal diacre de Saint
1. Baronius, innales ecclesiastici, I. \Y, p. 355;brefdu pape au cardinal
de Vendôme, de Rome, 9Janv. 1.V48.
■>.. Négociations dipl. avec lu Toscane, I. III. p. 227; de Fontainebleau,
1 ■> fé\ r. 1 548.
;. Ribier, Lettres et mémoires d'Estat, t. II. p. i'ii.
',. Bibl. Nat., f. fr., ms. io485, f" 9, orig. ; lettre de Ch. de Bourbon au
cardinal du Bellay, de Dijon, 12 juill. t548. (Pièces justif. n° I.)
">. BibL.Nat., I. fr., m-. io485, f° 7, orig. ; lettre <le Charles de Bourbon
au cardinal du Bellay, de Joinville, 17 juin [548.
LA JEUNESSE DE CHAULES DE BOURBON Q
Sixte '. Charles de Bourbon prit désormais Le titre de cardinal
de Vendôme, pour n'être pas confondu avec son oncle le car-
dinal de Bourbon. Le jeune homme résolut d'aller en personne
remercier le souverain pontife, curieux de se trouver « en com-
paignie de tant de grands et vertueux personnages 2 » qu'étaient
les cardinaux et désirant aplanir quelques petites difficultés
que soulevait son évêché de Carcassonne. Après certains
retards causés par le mariage de son frère Antoine avec
Jeanne d'Albret (20 octobre i548) et les préparatifs longs et
coûteux d'un voyage, où la réputation de sa maison voulait
qu'il se fil suivre d'une nombreuse escorte, il partit dans les
derniers mois de i548 :!. Une année n'était pas écoulée que la
mort de Paul III le rappelait de nouveau à Rome l.
Pour être un des premiers prélats du royaume, il ne man-
quait à Charles de Bourbon qu'un siège archiépiscopal. Celui
de Rouen, vacant après la mort de Georges II d'Amboise, lui
fut donné par une bulle du 20 septembre i55o5. Le 11 avril
suivant, le nouvel archevêque fit son entrée dans la ville avec
une pompe extraordinaire. Comme Henri 11 l'avait nommé
quelques jours auparavant ° son lieutenant général à Rouen et
qu'il était du sang royal, la municipalité décida de lui offrir
les honneurs d'un poêle, ce qui était réservé aux souverains7.
1. Charles de Bourbon fut créé peu après par Jules III cardinal-prêtre de
Saint-Chrysogone. Il porta plus tard le titre d'archiprêtre des cardinaux
prêtres.
9. Bibl. Mat., f. fr.. ms. io485, f° 9, orig. ; lettre de Ch. de Bourbon au
cardinal du Bellay, de Dijon, 12 juill. 1J48. (Pièces justif. n" I.)
3. Bibl. Mat., f. fr., ms. to485, f° 9, ovig. ; lettre de Ch. de Bourbon au
card. du Bellay, de Dijon. 1 ■>. juill. i.V,.X. 1 Pièces justif. n° I.)
4. En décembre t549> Il y retourna une troisième fois en avril i.m.") pour
l'élection de Paul l\ .
."). (initia christiania, t. \. col. 97. — Cbarles de Bourbon fut le premier
archevêque de Rouen désigné par le roi en vertu du concordat de ifuG. Le
chapitre de la cathédrale Le reçut le 90CL [55o par procureur, et le 18 nov.
en personne. V. Robillnrd de Beaurepaire, archives départent, de Seine-
Inférieure, série G, t. II, p. 260,
6. Par lettres patentes datées de .toinville, 20 mars [55i.
7. Kobillard de Beaurepaire (Ch. de), Inventaires sommaires des arrlt.
communales antérieures à Î790 : Ville de Rouen, t. I, p. 17."). — Le cardinal
10 LE ROLE POLITIQUE DU CARDINAL DE BOURBON
\insi, à vingt-sept ans, Charles de Bourbon était arrivé au
faîte des dignités ecclésiastiques, non point par d'ambitieuses
manœuvres, mais lout naturellement grâce à sa qualité de
prince du sang, à la bienveillante affection de son oncle et à la
faveur royale. Jusqu'ici il avait vécu jeune et oisif au milieu
des plaisirs de la cour, mais son âge et ses qualités ne pouvaient
le laisser plus longtemps à l'écart du gouvernement.
La charge, qui ouvre la longue carrière politique de Charles
de Bourbon, est la lieutenance que le roi lui délégua en la ville
de Rouen au mois de mars i55i. Ce n'était pas une fonction
bien difficile à remplir ; encore lui adjoignit-on le vieux
cardinal d'Annebault, évêque de Lisieux, Gabriel Le Veneur,
évêque d'Evreux, et quelques membres du parlement '. En effet
son caractère simple, son esprit peu entreprenant faisaient
douter de ses qualités, et, à l'avènement de Henri 11, il avait
été écarté du conseil, tandis que son jeune cousin, Charles de
Lorraine, y trouvait place.
A dire vrai, il y avait là autre chose qu'une question de per-
sonne. Le roi manifestait une sympathie plus grande envers la
maison de Lorraine qu'envers les princes du sang ; mais il faut
reconnaître que l'archevêque de Beims avait mieux mérité
rattachement du dauphin par ses ambitieuses menées et son
réel talent. Tandis que le Lorrain se rendait bientôt indispen-
sable dans les conseils royaux, Charles de Bourbon au contraire
ne se mêlait aux affaires du gouvernement qu'entraîné par son
oncle le cardinal, resté sous Henri 11 le conseiller écoulé qu'il
avait été sous François I".
d'Âmboise avait ou également los honneurs du poêle, mais il était lieu-
tenant du roi en Normandie, tandis que le cardinal de Vendôme n'était
lieutenanl qu'à Rouen. En outre pour le premier la municipalité avait reçu
un ordre exprès du roi.
i. Itobillaid de Beaurepaire (Ch. de), Inventaires sommaires des areli.
communales antérieures à I7'.H> : 1 ille de Rouen, t. 1, p. 17F».
LA JEUNESSE DE CHARLES DE BOURBON I I
Lorsqu'en mars i552 le roi partit à la frontière pour suivre
de plus près les opérations militaires, il nomma le cardinal de
Bourbon son lieutenant général clans Paris et l'Ile-de-France *.
Le prélat s'acquitta au mieux de sa lâche, bien quelle fût déli-
eale. Le clergé, peu satisfait de cette expédition en faveur des
princes luthériens d'Allemagne, fut encore mécontenté par un
emprunt forcé de vingt livres par clocher sur les fabriques des
églises. Des prédicateurs osèrent mal parler des affaires de
l'état, cherchant à soulever quelque mutinerie populaire.
Catherine de Médicis, qui n'avait pas encore acquis l'aimable
habileté qu'elle eut par la suite, conseillait au lieutenant de les
emprisonner et d'en faire prêcher d'autres qui justifieraient et
loueraient les actes du roi. Le cardinal usa d'un moyen plus
doux ; il ordonna simplement aux prédicateurs de se rétracter
publiquement et tout rentra dans l'ordre -.
A l'école de cet homme doué d'une si habile prudence,
Charles de Bourbon dut prendre beaucoup de bonnes leçons.
Pendant ces quelques années de guerre qui aboutirent à la trêve
de Vaucelles (février i556), alors que les princes et seigneurs de
la cour combattaient aux armées, le cardinal de Vendôme
s'initia aux pratiques du gouvernement. Non seulement il
s'occupa de sa ville de Rouen, où il eut à surveiller les progrès
de l'hérésie3, à réclamer à la municipalité les impôts extraor-
dinaires nécessités par la guerre 4, mais encore il lui fallut
présider aux cérémonies officielles où l'appelait, en l'absence
du roi, sa qualité de prince du sang '.
i. Par lettres patentes données à Rouen le 1 3 mars r55a cl enregistrées
an parlement de Paris le 1 1 avril.
2. Lettres de Cath. de Médicis, t. I, p. 5o.
3. Robillard de Beaurepaire (Cli. de), Inventaires sommaires des arch.
communales antérieures à IJ'.iO: Ville de Rouen, t. 1. p. t88.
f\. Ibid., t. I, p. 190.
5. Le a3 juin i55a, les cardinaux de Bourbon cl de \ endôme sont requis
en l'absence du roi, en tant que princes du sang, par la municipalité de
Paris, pour mettre le feu à la pyramide de bois élevée sur la place de grève
pour la fête de saint Jean-Baptiste. —Cf. Registres des délib. du bureau <le
la ville de Paris, t. III. p. 3i3.
12 LE RÔLE POLITIQUE DU CARDINAL DE BOURBON
\u milieu de celle période agitée, le cardinal de Bourbon,
déjà vieux, tomba malade, et le n mars 1057 il expira à l'âge
de soixante-quatre ans '. Cette date est mémorable dans la vie
de Charles de Bourbon, car la disparition de son oncle le lîl
passer au premier plan. Il hérita non seulement d'une grande
partie de ses revenus 2, mais aussi de son titre et de son rang-.
Ce fut lui que désormais on appela le cardinal de Bourbon. Les
circonstances qui survinrent lui donnèrent tout le relief qu'il
devait prendre et qu'une trop grande modestie l'avait jusqu'ici
empêché d'acquérir.
Quand les hostilités recommencèrenl au printemps de t 557 ,
Henri II quittant Paris choisit le prélat pour le représenter dans
sa capitale 3. Cette lieutenance était la première charge impor-
tante de Charles de Bourbon : encore n'eut-il qu'à exécuter les
ordres donnés. L'armée espagnole apparaissant subitement
le 2 août devant les murs de Saint-Quentin, il lit préparer des
armes qu'il envoya à Noyon *. Quelques jours plus tard, après
l'écrasement de Montmorency (g août), il s'en vintavec la reine
Catherine de Médicis réclamer à la municipalité parisienne un
secours pour lever une nouvelle armée ; on lui accorda dix
mille hommes 5. Bief son plus grand rôle fut d'être toujours
là ; sa présence suffit à faire respecter l'autorité royale et à
empêcher quelque résistance imprévue.
C'est précisément à celte époque, où les frontières parais-
saient en danger, que Charles de Bourbon se trouva mêlé à
1. Registres des délib. du bureau de la rille de Pari*. I. IV, p. 472. — L'orai-
son funèbre du cardinal de Bourbon fut prononcée par l'elrus Gemelius, De
obitu... Ludovici de Borbonio. l'arisius, 1558, in-4°.
■>.. Parmi les bénéfices dont jouissait le cardinal de Bourbon, l'archevêché
de Sens fiil donné à Jean Berlrandi, garde des sceaux, l'abbaye de Saint-
Denis au cardinal de Lorraine (par ordre du roi), et une autre abbaye de
3.ooo écus de rente à Giulio Alvaroto, ambassadeur du duc de Ferrare, en
récompense de l'accord qu'il avait conclu entre Henri 11 et son maître.
Charles de Bourbon prit le reste. (If. Bibl. Nat., f. ital., ms. 1 7 19. f° fi v°,
copie.
3. Registres des délib. du bureau de In ville de Paris, t. IV, p. 491.
4. Ibid., 1. IV, p. 491.
5. Ibid., 1. IV, p. 497.
LA JEUNESSE DE CHAULES DE BOLKBON I.)
un projet dont la réalisation eut été de grande conséquence.
Henri II, cédant aux sollicitations du cardinal de Lorraine,
demanda au pape d'établir l'Inquisition en France. La réponse
fut rapide : un bref du -20 avril iôô~ ' nomma trois grands
inquisiteurs, les cardinaux de Bourbon, de Lorraine et de
Cbàtillon. L'archevêque de Reims avait tout conduit dans cette
affaire. S'il s'était adjoint le cardinal de Chatillon déjà suspect
d'hérésie, c'est qu'il était certain d'avoir toujours pour lui la
voix du cardinal de Bourbon. Mais la défaite de Saint-Quentin
survenant inopinément fit ajourner à jamais l'organisation
inquisitoriale.
La paix conclue l'année suivante mit fin aux attributions
extraordinaires dont Charles de Bourbon s'était vu revêtu au
cours des derniers mois. Après les instants d'épouvante causés
par les revers, l'espoir revint en une vie calme avec les tries
splendides qui accompagnèrent les mariages des enfants royaux.
Le cardinal de Bourbon, le premier prélat du royaume,
bénit les unions 2. Ainsi, en temps de paix comme en temps de
guerre, il se trouvait toujours au premier rang. A peine délivré
des soucis du gouvernement, il lui fallait s'abandonner aux
distractions fatigantes de la cour.
Mais le coup de lance de Montgommcry mil brusquement
lin aux réjouissances et ouvrit le champ à la rivalité des
partis.
A la morl de Henri II. le cardinal de Bourbon a trente
six ans. C'est un homme de petite taille, d'une nature sèche
1. Baronius, Annales ecclesiastici, t. W, p. 623.— Les lettres patentes de
Henri II permettant d'exécuter le bref du pape furent données à Compiègne
le >.'\ juillet 1 . ) . "> 7 et enregistrées en un lit de justice le iô janvier suivant.
Cf. Bibl.de la Ville de Paris: Recueil \aleiicay, n° 12: Edici du roy portant
reigiement pour le pouvoir des inquisiteurs de lafoy, Paris, 1 . > r» 7 , in-8".
2. Ce sont les mariages du dauphin François el de Marie Stuart le
>'i avril [558 (cf. Registres <lcs délib. du bureau de lu villede Paris, l. 1\ ,
p. '107), de Charles II duc de Lorraine el de Claude de France (Arch. \al..
S.10 1 ")()<>. I" 283 v°).
i/j LE ROLE POLITIQUE DU CARDINAL DE BOIRRON
qui échappera toujours à l'embonpoint, Sou visage ovale,
qu'allonge encore une courte barbe taillée en pointe, au nez un
peu arqué des Bourbons, aux moustaches tombantes, u'a rien
qui dénote une haute intelligence. Un front au\ tempes décou-
vertes, un regard doux le rendent cependant sympathique.
Le prélat est d'une bonté simple qui sera en partie l'origine
de ses malheurs. Tous les contemporains s'accordent pour lui
reconnaître une bienveillance naturelle, une « bonhomie ». qui
plait à ceux qui l'approchent. Dans sa conversation comme
dans ses lettres, il ne ménage point les témoignages d'amitié,
de dévouement ; c'est, il est vrai, l'habitude de l'époque, mais
peut-être l'exagère-t-il. La défiance en lui-même, qui le carac-
térisait lors de son élévation au cardinalat, disparaît peu à peu,
mais il reste toujours une faiblesse extrême de la volonté, qui
s'accompagne de colères aussi subites que promptement
apaisées. Sensible au point d'honneur, il se montre parfois
vain de ses titres et qualités 1.
Jeune, avec d'assez gros revenus pour soutenir honora-
blement son rang de prince du sang, il préfère les plaisirs de la
cour à la vie sévère des évêchés. En cela moins consciencieux
que son oncle, il laisse le plus souvent ses vicaires généraux
administrer ses diocèses. (Test ainsi qu'il ne résida jamais à
Garcassonne sans doute trop éloignée à son gré. D'ailleurs il
se dépouille volontiers de son caractère ecclésiastique pour se
recréer de quelques plaisanteries ou de joyeux amusements, et
les pamphlets moqueurs, qui ont raillé si souvent les mœurs
du temps, le mêlent parfois avec raison à d'amoureuses aven-
tures -. La vie facile de la cour lui convient d'autant mieux
i. Aux funérailles de François II. le cardinal de Bourbon disputa la
préséance au duc de Nevers, qui, plus ancien que lui dans la pairie, pré-
tendait le devancer. Par décision du parlement, le duc dut céder le pas au
cardinal. \ . Tnnunaseo (Y), Relations des CLmbctSS. vénitiens, I. Il, p. 5ll.
2. On lui connaît un bâtard, N. Poullain, à qui Henri IV lil un don de
i.iidii écus le [6 mais i5q5. V. Valois (N.), Inventaire des arrêts du conseil
(filial. Règne de Henri IV, I. I, p. i~>.'î, n° 234o. — Un quatrain anonyme \n
même jusqu'à l'accuser de pratiquer les mœurs spéciales des mignons de
Henri III. V. Arcli. Nat., K \~>~o, n° nj5.
LA JEUNESSE DE CHAULES IDE BOLUBON ] ,")
qu'il en est un des principaux acteurs. Cardinal, archevêque
cl prince du sang, il voit s'incliner devant lui les prélats et
les plus grands seigneurs dii royaume. Ses nombreux bénéfices
lui permettent même de rivaliser de prodigalités avec les plus
favorisés des courtisans *.
A Paris il habile la « cour de Rouen », hôtel seigneurial
qu'ont occupé ses prédécesseurs sur le trône archiépiscopal ;
mais après i56a il demeure le plus souvent dans son abbaye de
Saint-Germain-des-Prés -. Posséder une abbaye dans la ville ou
aux environs était fort précieux aux prélats de la cour, qui,
outre des revenus quelquefois considérables, y trouvaient une
hospitalité luxueuse assurée. A la mort de son oncle, Charles
de Bourbon n'a pu obtenir celle de Saint Denis que Henri II a
donnée au cardinal de Lorraine. Il jette alors les yeux sur celle
de Saint-Germain-des-Prés, qui appartient au vieux cardinal de
Tournon. Par contrat il lui cède les abbayes de Tournus et de
Monlebourg et acquiert ainsi un droit certain à sa succession
au siège abbatial convoité 3.
Mais c'est surtout du somptueux château de Gaillon, construit
magnifiquement par Georges I'd'Amboise, qu'il fait sa demeure
favorite. Au dire de l'ambassadeur vénitien, c'est un palais
enchanté comparable à ceux de Morgane et d'Alcine créés par
l'imagination des romanciers i. Le cardinal aime à y recevoir
la cour, et les rois et les reines ne se font point faute d'y
séjourner souvent. Ce sont alors de grandes fêtes d'un luxe
inouï, comme celles qui eurent lieu à la fin de septembre i566.
Un poète rouennais, Nicolas Filleul, compose des pièces et des
scènes allégoriques, que l'on joue sur un théâtre dressé dans
le grand pavillon du parc ; on y représente « Thétis, Franchie,
i. Voir la liste dos abbayes que Uni le cardinal de Bourbon à I' [ppendice
ii" II.
a. Dès i557 Cbarles de Bourbon avait manifesté le désir de changer son
hôtel de Paris contre un logis plus confortable et plus moderne. \ . Robillard
de Beaurepaire, Archives départent, de Seine-Inférieure, série (i, I. II. |>. 2611
3. Du Brcul (J.), Inclyti cœnobii L). Germani <i pratis chronica, (Bibl. Nat.(
f. lai., rr.s. 12888, f° 186).
4. Tommaseo (N.), Relations îles ambass. vénitiens, t. II, p. 'S-'i et '190.
l(3 LE ROLE POLITIQUE DU CARDINAL DE BOURBON
les Ombres, les Naïades ou la naissanee du roi, Chariot » et
même une « Lucrèce » en cinq actes d.
Un exemple de la prodigalité du cardinal nous est fourni par
le récit des réjouissances qui suivirent le mariage du duc de
Joyeuse avec Marguerite de Lorraine, sœur de la reine,
en i58i. Chacun rivalisa d'ingéniosité pour offrir le festin le
plus merveilleux. Le 10 octobre Charles de Bourbon reçut les
jeunes mariés, le roi et les princes en son abbaye de Saint-
Gcrmain-des-Prés. Pour les transporter du Louvre au Pré-aux-
Clercs, il avait fait construire un énorme bac en forme de char
triomphant, traîné par des monstres marins, tritons, baleines,
sirènes, dauphins, tortues et autres, aux ventres desquels se
cachèrent des joueurs de violon, de hautbois et de trompe et
même quelques artificiers. Malheureusement, par un défaut
de manœuvre, les monstres ne purent nager et les invités
durent se rendre en coche à l'abbaye. Le repas fut du moins
jugé des plus somptueux et le plus magnifique de toute la
noce. Quoiqu'on fût en octobre, le cardinal avait fait installer
tout un jardin artificiel garni de fleurs et de fruits2.
S'il répand à pleines mains pour ses plaisirs l'or de ses béné
fiées, il se montre aussi libéral envers les églises. La cathé-
drale de Kouen reçoit plusieurs dons d'une grande richesse3.
La flèche de celle de Bcauvais s'étant écroulée en 1070, Charles
1 . Deville(A..), Comptes des dépenses de la construction du château de Gaillon
(coll. des doc. inéd.), p. xxvi. — Le cardinal ne semble pas avoir eu un
grand goût pour les arts et les lettres. M. Delisle l'accuse d'avoir laissé
dilapider la bibliothèque de Gaillon (cf. Le Cabinet <les manuscrits, l. 1,
p. a58). Cependant F. ;N. Taillepicd, lecteur en théologie, lui dédie son
livre: Recueil des antiquitez ei singularité: de lu ville de Kouen, Rouen, i.'iN-,
in-8° ; et le P. Jacques du Breul, l'auteur du Théâtre des antiquités de Paris
et d'une chronique latine inédite de Saint-tiermain-des-Prés, l'appelle son
Mécène. \. Mémoires-journaux de P. de L'Esioile, t. IX, p. 3o4.
-).. Mémoires-journaux de P. de L'Esioile, t. II, p. a3.
3. Le cardinal donna à la cathédrale de Kouen les baluslics de cuivre qui
environnent le grand autel, une grande croix de cristal garnie d'or, de
perles et de pierreries, deux grands chandeliers d'or en forme de navire,
un riche parement d'autel en velours couvert de fleurs de lis et quatre
tableaux représentant quatre mystères. V. [Pommeraye (J. F.)], Histoire
îles archevêques de Rouen, p. 611 et O17.
LA JEUNESSE DE CHARLES DE BOURBON 17
contribue à sa restauration. Il est vrai que la plupart de ses
revenus proviennent de ses évêehés et abbayes, dont il sait tirer
d'immenses profits ; et souvent ses cadeaux ne semblent être que
de mauvaises excuses à ses exigences, car, selon l'expression
pittoresque de Du Brcul, le bon prélat fait trop facilement du
cuir d'autrui large courroie '.
Cette libéralité envers les églises est la marque d'une dévo-
tion profonde que Charles de Bourbon a conservée de sa jeu-
nesse chrétienne, mais qui semble beaucoup plus instinctive
que raisonnée. Ce qu'il aime dans la religion catholique, c'est
le côté solennel qui frappe les âmes simples, les cérémonies
publiques, les processions, qu'il excelle d'ailleurs à organiser.
Celle qu'il fait en juillet 1 58^, pour attirer sur la campagne
projetée la bénédiction du ciel, lui vaut les compliments du roi,
qui déclare n'en avoir « de longtemps veu une mieux ordonnée
ni plus dévote2 ». Vingt ans après Du Breul la cite encore
comme une des plus remarquables qu'il ait connues3.
Mais le zèle de Charles de Bourbon ne va guère plus loin. Le
prélat ne s'effraie point des doctrines de Calvin, car il n'en
prévoit pas les conséquences néfastes. Les réformés ne sont
pour lui que des hérétiques qu'il faut châtier pour leurs
désordres. Quand, à la tin de i5Ô2, ils manifestent dans sa ville
de Rouen, il veut leur imposer silence et s'étonne de rencontrer
chez eux une vigoureuse résistance. Un prédicateur ayant dû
quitter la chaire par suite d'interruptions trop bruyantes, le
cardinal croil suffisant pour assurer l'ordre d'envoyer son
i. Du Brcul (.1.), Inclyli cœnobii I). Germant apratis chronica, (Bibl. Nat.,
f. lat., ms. ia838, f° 196). — A l'abbaye de Saint-Cermain-des-Prés, qui eut
particulièrement à souffrir de son administration, Chartes de Bourbon
chercha à se faire pardonner ses exigences en faisant construire un superbe
logis abbatial qui existe encore aujourd'hui (rue de l'Abbaye, n° 3) et
peindre sur les murs des cloîtres la vie de saint Benoit, dette décoration
fut d'ailleurs interrompue par son emprisonnement en i588, — Ce fut lui
aussi qui éleva la célèbre chartreuse de Gaillon, dont lï-glise fut détruite
par la foudre en i636 et que 1793 fit disparaître entièrement.
3. Mêmoires-jonrnaax de P. de L'Estoile, I. III, p. 57.
3. Du Breul (J.), Théâtre <!<■.■< antiquités </<• Paris, p. 28a.
Saulmeu. — Cardinal île Bourbon. 2
IiS LE ROLE POLITIQUE DU CARDINAL DE BOLRBOX
écuyer et son maître-d'hôtel. A peine arrivés, les deux hommes
doivent s'enfuir, ainsi que le prédicateur, assaillis par une
grêle de pierres1. Le châtiment, il est vrai, ne tarde point. Le
prélat a près de lui un parlement fidèle, qui fait brûler plusieurs
huguenots et mérite ainsi ses félicitations. Désormais Charles
de Bourbon se montre plus vigilant. Quelques conseillers du
parlement lui semblent suspects ; il en réclame aussitôt l'exclu-
sion, et il faut que la cour prouve clairement l'innocence de
ses membres pour les conserver. Trois ans plus tard elle doit en
chasser cinq sur de simples soupçons2.
Mais là encore s'arrête le zèle du cardinal. Jamais il ne paie
de sa personne pour ramener dans le bon chemin les fidèles
égarés. Le châtiment est plus simple que la conversion ; peut-
être le croit-il aussi plus efficace. En i56o, un certain maître
d'école nommé Cottin, qui se disait protestant, mais que les
réformés désavouèrent bientôt à cause de ses excès, vint prê-
cher publiquement à Rouen et aux environs. Le cardinal alors
à Gaillon, averti parle parlement, s'en revint à son archevêché.
Sur la route, il rencontra le maître d'école, qui, « l'ayant
aperçu, commença à crier après iuy en telle sorte que ce bon
pasteur accoustumé d'assaillir plustost les jambons que de
défendre des loups ses brebis, le gaigua de vistesse et se sauva
à course de mulet dans sa maison. » Quelques jours plus tard
Cottin était arrêté et brûlé :i.
Le cardinal ne transige donc point avec les principes de sa
religion, mais c'est plutôt par une habitude héritée que par con-
viction. En effet, on retrouve chez lui un peu de cette légèreté
d'opinion qui caractérise presque tous les Bourbons : et, s'il reste
fidèle aux croyances de son enfance pendant que ses frères les
abandonnent peu à peu, c'est qu'il y est davantage lié par une
éducation et une carrière essentiellement religieuses; mais
i. Floquet i \.>, Histoire duparlemenl de Normandie, I. II. p. 208.
a. Ibid., t. Il, p. 370 et 27a.
3. La Planche (R. de), Histoire de l'Estai de France (éd. du Panthéon litté-
raire), p. 2(j'i-396. — Calendar of state papers, Î559-1560, p. 4g3 ; s. 1.,
3omars t56o. Floquet, Hist. du parlement de Normandie, t. Il, p. 3o3.
La Jeunesse pE charles de bolrboN iq
l'accusation d'hérésie portée contre quelques uns de ses
parents n'interrompt nullement ses bonnes relations avec eux.
La nombreuse famille du duc de Vendôme s'est bien réduite.
Des sept fds, deux sont morts en bas âge ; François, comte
d'Enghien, le vainqueur de Cérisolles, a perdu la vie dans un
accident bizarre en février i545 ; Jean a été tué à la journée de
Saint-Quentin. Il ne reste plus au cardinal que deux frères,
Antoine et Louis, l'un plus âgé que lui, l'autre plus jeune. De
ses six sœurs, l'aînée est morte ; quatre sont abbesses ; seule,
Marguerite s'est mariée et a épousé le duc de Nevers1.
Charles de Bourbon professe pour sa famille un véritable
culle. Il se montre tout dévoué envers ses frères et sœurs. Son
aîné Antoine use souvent de l'hospitalité qu'il lui offre : en
i553, c'est à Gaillon (pie le surprend la guerre déclarée à l'im-
proviste ; pendant qu'il court à la frontière, Jeanne d'Albret
vient s'y consoler de la perte de son premier enfant. A cette
époque elle est enceinte, et son second fils, le futur Henri IV,
aura pour parrain son oncle le cardinal. Deux ans plus tard,
le même château voit naître un troisième enfant, qui ne vécut
point-. L'archevêque de Rouen montre la même sollicitude à
l'égard de son puîné Louis, prince de Condé, et de sa sœur, la
duchesse de Nevers, avec qui il entretient une correspondance
suivie. Un malentendu survenu entre eux, à cause de certaines
paroles faussement rapportées, est bientôt dissipé3.
i. Voirie tableau généalogique de la branche des Bourbons -Vendôme à
V Appendice n° 1 b.
2. Ruble (Alph. de), Antoine de Bourbon cl Jeanne d'Albret, I. 1. p. 60, ^\,
82 et 89. — Ces relations intimes d'Antoine et de Charles ne furent point
inutiles au roi de Navarre. En août 1Ô07, alors que ce dernier négociait avec
l'Espagne, une dépêche chiffrée tomba aux mains des agents du roi. Le
secrétaire d'état L'Àubespine était parvenu à en lire une partie ; il ne s'arrêta
dans son déchiffrement, à la vue des trahisons qu'il lui révélait, que par
amitié pour le cardinal de Bourbon. V. Papiers d'Etat du cardinal Granvetle
(coll. des doc. inéd.), t. V, p. 335.
3. Bibl. Nat., f. fi\, 111s. 3o8i, f° i5, aulogr. ; lettre de Cbarles de Bourbon
à Marguerite de Bourbon, duchesse de Nevers, s. 1. n. d. ; — ms. ^71 1 ,
f" 17, 45, t\", aulogr. ; lettres du même à la même datées respectivement
de Boucn, 7 mai; s. 1. n. d. ; de Paris, 28 septembre.
20 LE ROLE POLITIQUE DU CARDINAL DE BOIRBON
Seule, la question religieuse eût pu mettre le désaccord entre
le cardinal et ses frères, partisans de la Réforme. Antoine
surtout s'était plusieurs t'ois mêlé à des manifestations publi-
ques, et il avait même chanté les psaumes au Préaux Clercs.
Mais le fanatisme du prélat n'était point assez fort à cette
époque pour en faire un ennemi de sa famille et l'on peut
supposer avec vraisemblance que seul il n'eut pas tenté de
convertir son aîné, comme il l'essaya de coneert avec le cardi-
nal de Lorraine. Déjà celui-ci cherchait à gagner le roi de
Navarre pour enlever un chef à l'opposition qu'il sentait gran-
dissante. Les deux prélats achetèrent un des serviteurs d'An-
toine, nommé David, ministre protestant qui. reniant ses
croyances, se fit fort de ramener son maître au catholicisme.
Par malheur ce dernier apprit le complot et chassa le parjure,
sans d'ailleurs garder rancune à son frère de cette petite
trahison *.
Or la question religieuse va prendre une importance
considérable, parce que derrière elle se cache la rivalité des
partis. En même temps que la Réforme grandissent les ambi-
tions, car la mort de Henri 11 prive la France d'un maître dont
la seule autorité eut pu maintenir la paix dans le royaume.
Charles de Bourbon se trouve emporté dans la tourmente.
Lui, qui a toutes les qualités d'un honnête homme et d'un
parfait courtisan, les événements l'arrachent brusquement du
rôle « représentatif » qui lui convient si bien et veulent en faire
un homme d'action.
i, Bèie (Th. de), Histoire ecclésiastique des églises reformées au royaume
de France, éd. Baum, t. I. p. ia4<
CHVPITRE II
LA PREMIERE GUERRE DE RELIGION
La mort de Henri II, en écartant du pouvoir le connétable
de Montmorency tout-puissant pendant les dernières années du
règne, mettait en présence deux familles alliées et rivales, les
Bourbons et les Lorrains.
Les cousins avaient en partie reçu une éducation commune.
Tandis que les deux Charles étudiaient au collège de Navarre,
François de Lorraine faisait ses premières armes aux côtés
d'Antoine de Bourbon. Entre les deux ecclésiastiques, qui pou-
vaient recevoir les mêmes honneurs, l'amitié fut durable, car
Charles de Bourbon, satisfait d'une puissance extérieure, ne
chercha point à supplanter son cousin dans l'administration
des affaires. Au contraire les conflits devaient éclater entre les
ambitions d'Antoine et de François. L'un avait pour lui son
titre de prince du sang, le second son intelligence et ses vertus
guerrières. Antoine l'emporta d'abord, lorsqu'il conquit sur
son rival la main de Jeanne d'Albret1 ; mais ses qualités atti-
rèrent sur François la faveur du dernier roi.
La majorité de François II. rendant inutile un conseil de
régence, enleva aux Bourbons leur supériorité et assura le
triomphe des oncles de Marie Stuarl. Tandis que ceux-ci s'empa-
raient du gouvernement, ceux-là furent envoyés en de loin-
taines missions. Coudé alla jusqu'en Flandre jurer le maintien
de la paix. \ idoine conduisit vers sa nouvelle patrie Elisabeth,
fille de Henri il. fiancée au roi d'Espagne. Le cardinal l'accom-
pagna.
i. Etuble (Alph. de), Lemariage de Jeanne d'Albrti, p. aio.
ï'.\ LE ROLE POLITIQUE DU CARDINAL DE BOLHBON
Ce n'est pas que la présence du cardinal à la cour entravât
beaucoup les projets des Lorrains ; mais son caractère représen-
tatif le désignait spécialement pour escorter une fille de France,
d'autant plus que Philippe II envoyait également au-devant de
la jeune reine un duc et un cardinal. On sait comment, après
un long voyage à travers le sud-ouest, les princes français
rencontrèrent les Espagnols au monastère de Roncevaux1. Eli-
sabeth franchit la frontière. Les deux frères reprirent le chemin
du nord, mais le cardinal revint seul à la cour.
La lutte jusqu'alors latente entre les maisons de Lorraine et
de Bourbon s'affirmait. Si le roi de 'Navarre considérait son
éloigneraient de la cour comme une marque suffisante de son
mécontentement, Condé au contraire, pauvre, ambitieux et
beaucoup plus actif que son aîné, organisait une véritable cam-
pagne contre leurs adversaires. Elle aboutit au tumulte d'Am-
boise et à l'échec de La Renaudie (mars i56o). Ce premier
insuccès eut cependant un résultat heureux, qui fut l'entrée de
Michel de L'Hôpital à la chancellerie, et par suite la réunion
de l'assemblée des notables de Fontainebleau. Cette assemblée
pouvait être pour les Bourbons une occasion de s'emparer du
gouvernement ; ils n'osèrent pas tenter l'aventure. Seul de sa
famille, le cardinal y assista. Après avoir promis de s'y rendre,
le roi de Navarre et Condé s'excusèrent, jugeant prudent de ne
point se livrer aux mains de leurs rivaux.
Charles de Bourbon, d'un tempérament tout pacifique, voyait
avec tristesse le fossé se creuser toujours plus profond entre
ses frères et les Lorrains. Il avait espéré que ceux-là viendraient
à Fontainebleau. Leur absence le jeta dans une affliction
extrême2, qu'augmentèrent encore les bruits signalant chaque
jour d'une façon plus précise la rébellion des deux princes. Il
craignil que dans cette guerre sourde, où l'adversaire pouvait
compter sur l'appui du roi. il arrivât malheur à sa famille. Le
i. Ce voyage est raconte tout au long par de Knble dans Antoine de
Bourbon cl Janine d' ilbret, t. Il, p. 77 à 91.
a. Bibl. Nat., f. ital., ins. 1721, f° 164 v°, copie ; dép. des ambass. véni-
tiens, de Mclnn, 3o août i56o.
LA PREMIÈRE GUERRE DE RELIGION 2 3
dessein des Lorrains d'instruire le procès de Condé acheva de
le bouleverser. Or, autant quelques semaines auparavant les
oncles de la reine avaient désiré l'éloignement des Bourbons,
autant ils souhaitaient leur présence à la cour, maintenant
qu'une révolte grondait par tout le royaume. Ils se servirent du
cardinal pour les y attirer1.
L'archevêque de Rouen consentit volontiers à s'en aller
trouver ses frères. Il ne voyait plus qu'un seul moyen de les
sauver: c'était de les justifier aux yeux du roi, de les réhabi-
liter. Fort des promesses de Catherine qui lui garantit leur
liberté -, il partit le 3 septembre et se rendit en poste à
Nérac3.
Persuadé de l'utilité de ses efforts, il usa de tous les moyens
pour fléchir les deux rebelles. Il leur montra la colère du roi et
ses forces, celles du pape et du roi d'Espagne, dont les
armées menaçaient la Navarre : ils ne pouvaient compter sur
i. Arch. Nat., K i^qo, n° 91, déchiffr. ; dép. de Chantonay à Philippe II,
de Paris, 8 sept. i56o. — Calendar of stale papers, 1560-1561 ; de Paris,
8 sept. 1060. — La Planche (R. de), Histoire de l'Estat de France, p. 355,
col. 2. — Belleforest dans ses Grondes annales, t. II, f" iGi3, dit à tort que
le cardinal s'offrit de lui-même pour y aller.
2. Bibl. Nat., f. ital., ins. 1721, f° 188, copie; dép. des ambass. vénitiens,
d'Orléans, 10 nov. i56o. — Davila, Histoire des guerres civiles, t. I, p. 78.
3. De Ruble, dans Antoine de Bourbon et Jeanne d'Albret, t. II, p. 365,
prétend que le voyage du cardinal à Nérac fut une « mission d'apparat»,
qu'il voyagea « à petites journées, s'arrêtant de ville en ville ». Rien
n'appuie cette assertion. Il semble au contraire, d'après l'état d'esprit des
personnages, que le voyage fut assez rapide. Le passage par Bordeaux
s'explique fort bien, la route Poitiers-Angoulème-Bordeaux étant la plus
suivie pour se rendre dans le sud-ouest. Comparons les temps mis par un
homme de guerre, Antoine de Grussol, et le cardinal. Crussol partit le
3i août et arriva le 8 septembre. (V. Calendar..., p. 286 et de Ruble, p. 363.)
Le cardinal partit le 3 et la première mention de son arrivée est dans une
lettre du duc d'Albuquerque à Philippe II datée de Pampelune, 17 sep-
tembre (V. de Kuble, p. 4 7 'i ) - H faut tenir compte de la distance assez
considérable qui sépare Nérac de Pampelune; et peut-être le duc n'a-t-il
pas écrit dès la nouvelle reçue, cette nouvelle n'étant pas la plus importante
de sa lettre. Une lettre de Ch, de Burie, datée du 10 septembre, s. 1. (V. de
Ruble, p. 368), laisserait même supposer que le cardinal avait rejoint le roi
de Navarre à celle date.
24 LE RÔLE POLITIQUE DU CARDINAL DE BOURBON
l'appui des réformés qui, sans expérience ni discipline, ne
tiendraient point campagne contre des soldats de métier. A son
aîné plus inconstant, il fit entrevoir la ruine de sa maison, s'il
s'obstinait, et au contraire le premier rôle qu'il pourrait jouer
dans l'Etat, s'il se rendait à la cour1. Il exagéra peut-être
même les craintes et les promesses-.
Malgré les efforts des protestants de son entourage, Antoine de
Bourbon se laissa peu à peu convaincre. Le cardinal le quittait
le moins possible, l'empêchait de converser avec eux ; il le lit
enfin consentir à entendre la messe au couvent des Cordeliers
de Nérac. Jeanne d'Albret et son jeune fils l'accompagnèrent3.
C'était une première victoire. Quelques jours plus tard le roi de
Navarre, traînant Condé, se dirigeait à petites journées vers le
nord. Les Bourbons tombaient dans le piège tendu par leurs
ennemis, qui résolurent d'en profiter pour abattre d'un seul
coup la maison rivale.
Le cardinal revint le premier à la cour pour annoncer l'heu-
reuse nouvelle*. Les forces énormes que les Lorrains concen-
traient à Orléans, où le roi devait se rendre, L'effrayèrent un
peu. Pour la première fois il douta des intentions de Fran-
çois II. Quand il eut à renouveler le serment de chevalier de
l'ordre de Saint Michel, il ne put retenir ses larmes, et ce fut
avec des sanglots qu'il supplia le roi d'avoir pitié de lui et de
ses frères, affirmant qu'ils étaient tous ses fidèles serviteurs et
i. Bordenave (N. de), Histoire de Béarn et Navarre, éd. P. Raymond
(Soc. de l'hist. de France), p. 88.
2. Davila, Histoire..., t. I, p. 78.
3. Bèze (Th. de), Histoire. ecclésiastique des églises réformées au royaume
de France, éd. Baum, t. m, p. 325. - De Ruble, dans Intome de Bourbon
et Jeanne d'Albret, t. II, p. 371, attribue au cardinal d'Armagnac cette
conversion d'Antoine, eh s'appuyant sur une lettre de Chantonay à Phi-
lippe II du 7 octobre i56o (Arch. Rat., K i4o3, n° io5), qui ne contient
aucune indication précise à ec sujet. Or l'auteur prouve que le cardinal
d'Armagnac ne rejoignit Antoine que te a5 septembre à Verteuil, c'est-à-
dire après son départ de Nérac. D'autre pari Bèze et Bordenave affirment
que la messe eut Lieu à Nérac; Bèze dit même dans l'église des Cordeliers.
1. \1cl1. Nat., k 1 ',().(. ir io5, déchiffr.; dép.de Chantonay à Philippe II,
de Paris, 7 oct. i5Go.
LA PREMIERE GUERRE DE RELIGION 25
qu'ils le prouveraient par leurs actions. François II répondit
sèchement qu'ils seraient traités comme il conviendrait1.
L'entrée de ses frères dans Orléans, le 3o octobre, lui fit
perdre toute illusion. Seul, avec le prince de La Roche-sur-
Yon, son parent, il était allé au-devant d'eux-. Le manque
d'égards, dont ils furent l'objet, montra bien vite qu'ils
venaient en accusés. Le pauvre cardinal tout en larmes vit
Condé, le plus compromis, arrêté en sa présence, et le prison-
nier emmené par les gardes lui lança cette phrase cruelle :
« Monsieur, avec vos assurances vous avez livré votre frère à la
mort3 ». Ce fut en vain qu'il se jeta avec Antoine auv genoux
de François II, qu'il le supplia de leur confier le prince,
promettant de le tenir à son entière disposition. Le jeune roi
fut inflexible*.
Tout espoir n'était pas perdu. Antoine et le cardinal, tenus
à l'écart par le roi, s'adressèrent à la reine-mère, qui seule
pouvait les aider. Chaque jour ils curent avec elle de longs
entretiens, lui rappelant ses promesses, se faisant humbles
pour ne point irriter la colère des Lorrains5. Condé furieux
criait vengeance ; toutefois il essayait de communiquer avec
ses frères restés son unique espoir0. Le cardinal cherchait des
partisans. Il sollicita le vieux cardinal de Tournon pour l'oppo-
ser aux oncles de la reine7. Cependant tout faisait croire à une
issue fatale, quand François II expira le 5 décembre iôGu. Celle
mort sauvait la vie au prince de Condé.
Les Lorrains désormais sans appui cédèrent la place aux
i. \rch. Nat., K 1 tyS, n° 106, déchiffr. ; dép. de Chantonay à Philippe II,
de Paris, 8 oct. i56o.
2. Bibl. Nat., f. ital. , ms. 1721, f° 178 v°, copie; dép. des ambass. véni-
tiens, d'Orléans, 1e1 nov. i56o.
3. La Place (P. de), Commentaires de l'Estai de la religion et république,
éd. du Panthéon litt., p. 7.3.
4- Bibl. Nat.. f. ital., ms. 1721, f° 179, copie ; dép. des ambass. vénitiens,
d'Orléans, 1" nov. 1060.
5. Ibid., ('■ 187, copie; d'Orléans, 10 nov. i56o.
•'». Mémoires de Condé, t. Il, p. 38 1.
7. Bibl. Nat., f. ital., ms. 1723, I- 132, copie; dép. des ambass. vénitiens,
d'Orléans, 22 nov. i5Go.
26 LE HOI, F- POLITIQUE DU CARDINAL DE BOURBON
Bourbons, que leur qualité de princes du sang appelait auprès
d'un roi mineur.
Le cardinal dut bénir ce coup de la fortune, qui réparait les
fautes de sa trop crédule bonté. Et pourtant celte première leçon,
que lui donnèrent les événements, ne lui servit à rien. Le
manque de clairvoyance fut toujours s,on plus grand défaut1.
Le pouvoir arbitraire exercé par les Lorrains au cours du
dernier règne avait soulevé un mécontentement général, et il
fit songer que légitimement la direction des affaires devait
appartenir aux Bourbons. Avec l'avènement de Charles IX se
produisit en leur faveur un fort mouvement d'opinion qui se
manifesta aux Etats généraux d'Orléans et surtout aux Etats
provinciaux de l'Ile-de-France. Ces derniers eussent voulu que
Catherine de Médicis se contentât de la garde de ses fils ; le
gouvernement aurait appartenu au roi de Navarre ou, sur son
refus, au prince de Condé ; le cardinal de Bourbon se serait
même vu exclu du conseil, au cas où il n'aurait pas abandonné
son chapeau, qui le soumettait aux volontés du pape et par
suite, on le craignait, aux influences lorraines 2.
Malgré ces encouragements, Antoine de Bourbon capitula
devant l'audace de Catherine. Il se contenta du titre de lieu-
tenant général, laissant la régence à la reine-mère. Les Bourbons
restèrent cependant au premier rang. Condé reconnu innocent,
i. A cette époque circula un pamphlet contre la cour intitulé: Pasquil de
la court, composé nouvellement pur M. Pierre de Cognières, ressucité, jadis
avocat en lu court du Parlement à Paris, (Y. Mémoires de Condé, t. Il, p. 658),
qui contient un quatrain fort juste à l'égard du cardinal :
Si coi/nonisses et tu*
Chacun eongnoist que de très noble race
Tu es issu, et que de près la trace
Des liens tu suis en toute humanité;
M lis Dieu te doint congnoîtrela vérité.
■>. Calendar ofstate papers, 1561-1562, p. 4a ; de Paris, 3i mars i56i. —
Paris (L.), Négociations relatives au règne de François II, p. 833.
LA PREMIERE GUERRE DE RELIGION 27
Antoine lieutenant général, toute sa famille jouissant d'une
influence prépondérante, le cardinal était satisfait. Il n'avait
jamais désiré mieux.
Mais en reprenant le pouvoir, les Bourbons retournèrent à
leurs anciennes croyances. Le roi de Navarre avait toujours
tiré sa principale force des protestants. Quand il se sentit
puissant, il revint à eux avec un courage égal à la crainte qui
l'avait fait les abandonner quelques mois plus tôt. Condé le
suivit, d'autant plus qu'on lui promit une pension annuelle de
100.000 écus. Le prince de La Roche-sur- Yon lui-même pencha
vers la Réforme. Suivant l'impulsion donnée par ces grands
seigneurs, Catherine de Médicis se rendit au prêche, y condui-
sant le roi et ses frères.
Seul de sa famille, le cardinal de Bourbon restait fermement
catholique. Il y avait aussi le duc de Montpensier, dont le
catholicisme semblait à l'abri de tout soupçon ; mais cet homme
simple, d'une intelligence médiocre, ne pouvait être d'aucun
secours au cardinal pour s'opposer au flux montant de l'hérésie.
Isolé, le prélat se laissa peu à peu entraîner par son entourage.
L'année précédente, lors de son voyage à iNérac, il avait refusé
de parler à Théodore de Bèze par crainte d'une excommuni-
cation. Il le reçut en lui tendant les mains, le 20 août i56i,
quand celui-ci vint à la cour pour l'ouverture du colloque de
Poissy. Il lui déclara même, qu'il « avoit désir d'entendre les
affaires à la vérité », mais peu confiant dans ses propres forces,
il refusa d'engager la discussion avec le célèbre théologien ].
Le cardinal sacrifiait il alors l'intérêt de sa religion à l'intérêt
de sa famille ? Il est plus probable que, connaissant l'incons-
tance d'Antoine de Bourbon, il attachait peu d'importance u.
toutes ces menées dont le but politique était évident. Sa seule
préoccupation était d'assurer la fortune de sa maison, et son
frère trouvait près de lui un appui assez efficace, pour qu'il
voulût le garder à la cour pendant l'époque du carême, malgré
1. Baum (.1. \\ .), Théodor Beza, t. III, p. 'i*'» : lettre de Bèze, de Saint-
Germain, 9.r> août i50i, publiée en partie par de Ruble, Antoine de Bourbon
et Jeanne d'Mbrel, t. III, p. 171.
>N LU ROLE POLITIQUE DU CARDINAL DE BOURBON
11 11 ordre du roi enjoignant à tous les évêques de regagner leurs
diocèses !. Le prélat ne comprenait pas d'ailleurs toute l'immi-
nence du péril que courait la religion. Il fallut les intrigues
des catholiques pour la lui dévoiler.
Ge parti était effrayé des progrès de la Réforme. Le pape, le
roi d'Espagne regardaient avec épouvante les nouvelles ten-
dances de la cour. Les Lorrains, y voyant la fin de leur
puissance, se préparèrent à une résistance énergique, qui fut
l'origine du triumvirat, et, pour faciliter leur tâche, ils vou-
lurent enlever aux protestants leur principal soutien, c'est-à-
dire l'inconstant roi de Navarre. Ils l'essayèrent par l'inter-
médiaire du cardinal.
On ne doutait point de la sincérité du prélat, et. quoiqu'on
put lui reprocher quelque nonchalance à défendre les intérêts
de la religion 2, le parti catholique comprit tout l'avantage
qu'il pouvait tirer de son appui.
Philippe II avait déjà jugé l'utilité d'une semblable manœu-
vre. Dès le commencement de l'année i56i, il incitait le car-
dinal à « faire le debvoir que sa nature et sa profession lui
commandoit 3 ». Quand la situation s'aggrava, les désirs du roi
d'Espagne devinrent plus précis. Il lui écrivit à nouveau le
i4 avril : quoique persuadé de ses bonnes intentions, il le priait
de prêter une oreille attentive à ce que son ambassadeur lui
dirait de sa part i. Chantonay, trompé sans doute par les affec-
tueuses démonstrations du prélat, le considérait déjà en mai
comme étroitement uni au triumvirat naissant 5. Mais le
i. Bibl. Nat., F. ital., ms. 1723, f08 [5 à 17, copie; dép. desambass. véni-
tiens, de Paris, t" mars i56i.
a. SustafJ.), Die rœmische Curie und daâ Concil von Trient unter Pias l\ ,
t. 1, p. ai3; lettre du nonce au cardinal Borromée, «lu 3<> juin i56i. —
M, Susta analyse ainsi la dépêche: Cardinal, welcher l'est katholisch war
» sebene.non tanto vivo, corne saria bisogno».
3. \reli. Nat., K l'm'i. n" 14, orig. ; lettre du cardinal de Bourbon à
Philippe II, d'Orléans, \ levr. [1661].
',. \1cl1. Nat., I\ i.'m,;.. h 3ij copie; lettre de Philippe II au cardinal de
Bonrhon, de Madrid. 1 '1 avril [56i.
à. \i(li. Nat., K i'içi'i. n n'i. déchiffr.; dép. de Chantonaj à Philippe II,
de Reims, 1 a mai 1 56 1 .
LA PREMIERE GUERRE DE RELIGION 'J.Ç)
pamphlétaire, qui l'accusait d'aller « masqué sans se déolairer
pour nulle des partyes pour veoir ce qu'en sera1 », semble
avoir jugé plus justement. Non pas que le cardinal attendit la
victoire de l'une des factions pour s'unir à elle, mais sa poli-
tique équivoque, qui voulait favoriser à la fois sa famille et
sa religion, laissait croire qu'il le ferait.
\u\ efforts du roi d'Espagne le nonce du pape joignit les
siens-; ils aboutirent. D'ailleurs les circonstances aidèrent
singulièrement à la conquête du cardinal.
Grâce au chancelier de L'Hôpital, le colloque de Poissy venait
de s'ouvrir. Charles de Bourbon s'y trouva au milieu des
prélats les plus intransigeants. Le cardinal de Lorraine princi-
palement reprit alors sur son cousin toute son influence passée.
A la séance du 10 septembre, l'archevêque de Rouen se déclara
résolu à exposer sa vie plutôt que de céder aux exigences des
protestants ;1. C'était la première fois qu'il opinait d'une façon
aussi catégorique.
Les discussions ardues entre Bèze et le cardinal de Lorraine,
qu'il prit bien soin d'éviter i, lui révélèrent les véritables
tendances de la Réforme. 11 en fut épouvanté et avoua naïve-
i. Mémoires de Condé, t. II, p. 660.
2. Susta (J.), Die rœmische Curie und <his Concil von Trient unter Pins IV,
t. I, p. 923; lettre du cardinal Uorromée au nonce eu France, de Rome,
ag juillet [56i .
3. \reli. Nat., K i.'joâ, n° 85, orig. ; dép. de Chantonay à Philippe If, de
Saint-Gloud, 17 octobre i56r. — Collet-lion des procès-verbaux des assemblées
générales tin clergé de France tir puis t560, t. I, p. 27.
\. L'ambassadeur vénitien, dans sa dépêche de Paris, 1 1 août i56i
Bibl. Nat., f. ital., ms. 179.3, f" 74 v°), cite un cas où le cardinal de Bourbon
prit la parole et exprime à ce sujet sa véritable pensée : « ... in quanlo che
il cardinale di Borbone, le quale, seben è de ottima mente, è pero molto
débile di spirito, uel dir la sua opinione in questo proposito, disse que
se Jesu Christo nostro signore a\esse lassato qua fia uni una sola goccia
del suo santissimo sangue in un piccolo vaso, non l'aria niuno cbe non
coresse a vederlo et ad adorarlo, et, reputandolo carissimo e1 preciosissimo
thesoro, non voria mai partirse da quello ; havendo mai lassato tutto il
corpo suo et il sangue suo da esser distribuito lia li suoi fldelli è pur
troppo grande la negligentia di quelli apunto a chi è comessa t'admtnis
tralione di quello el il governo délie anime, a non atlendei'li cou quella
assiduité et solicitudine cbe se conviene. »
OO LE ROLE POLITIQUE DU CARDINAL DE BOL" «BON
ment qu' « il ne se fut pas avisé, qu'il y eut tant de mal clans
la confession des ministres, ce qui feroit que ci-après il ne
jugeroit pas légèrement des choses semblables, sans en parler
à de plus experts ' » .
Ce furent donc uniquement les dangers courus par la
religion, qui ramenèrent Charles de Bourbon à l'intransigeance.
Il n'en fut pas de même de son frère Antoine. Les exhortations
du cardinal eurent beaucoup moins d'influence sur lui que les
promesses de Philippe II. Mais peu importaient les moyens,
puisque les Lorrains avaient atteint leur but. Catherine continua
un instant de s'appuyer sur les protestants ; elle leur accorda
Ledit de janvier. Mais, clans son inconstance de femme, elle
renonça bientôt à la lutte contre le triumvirat. Ses amis de la
veille quittèrent la cour, résolus à faire valoir leurs droits.
Alors le massacre de Vassy mit les deux partis en présence et
en armes. A la tète de chacun d'eux se trouvait un des frères
du cardinal : le roi de Navarre avec les catholiques, le prince
de Condé avec les protestants.
L'assassinat des protestants par François de Lorraine jela le
trouble par toute la France. A Paris principalement l'agitation
fut extrême. Condé s'y trouvait. Guise y courut. Comme les
partisans ne manquaient pas aux deux chefs, il fallut avant
tout \ établir une autorité assez habile pour ménager les suscep-
tibilités, assez forte pour maintenir l'ordre.
Catherine de Médicis, qui était à Montceaux-en-Brie avec la
cour, songea an cardinal de Bourbon. Le prélat ne pouvait
exciter la défiance des catholiques, et sa parenté avec Condé
devail donner bon espoir aux protestants. Un ordre de la reine
l'arrêta, alors qu'il se rendait à Rouen pour y faire ses Pâques2.
Des lettres patentes du i .'> mars [56a le nommèrent lieutenant
i. Collection des procès-verbaux des ùssembl. génér. du clergé de France
depuis 1560, t. I, p. 34.
■i. Journal de l'année 1562, dans Revue rétrospective, l. V, p. 85.
LA PREMIERE GUERRE DE RELIGION' .') 1
général à Paris el lieux circon voisins avec plein pouvoir, puis-
sance et autorité *. Il pouvait à son gré convoquer les cours
souveraines et la municipalité, lever autant de gens de pied cl
de cheval qu'il voudrait, disposer de l'artillerie et des muni-
tions. Un droit suprême de justice l'autorisait à punir d'une
façon exemplaire ceux qui seraient rebelles à ses ordonnances
et à celles du roi. C'était donc un pouvoir beaucoup plus
considérable que celui accordé d'ordinaire aux lieutenants
généraux. Pour le seconder dans cette demi-royauté, on lui
adjoignit les maréchaux de Brissac et de Thermes et deux
membres du conseil privé, les sieurs d'Avanson et de Serves 2.
Le 17 mars le lieutenant arriva dans Paris et s'installa au
Louvre 3. La situation s'aggravant d'heure en heure, il fallut
sur-le-champ prendre un parti. Le cardinal, de concert avec les
présidents du parlement, décida que Condé et Guise, qui venait
d'entrer dans Paris, quitteraient la ville. L'effet ne fut pas
immédiat, car Guise à la prière de la municipalité resta. Condé
fit de même : mais, après avoir déclaré qu'il ne bougerait pas,
il sortit secrètement avec ses gentilshommes, ne se croyant pas
en force.
Tout danger imminent étant écarté, le cardinal voulut mener
à bien son œuvre pacificatrice. Pour se mettre à l'abri d'une
attaque imprévue, il s'enquit des forces de la ville, réclama de
la municipalité la » description de toutes les maisons » et le
nombre d'hommes capables de « porter armes pour en faire
reveue quant besoing seroict l ». C'était mesure de prudence.
1. Arch. Nat., X,a 8624, f° 233 v° (Pièces justif. n° II). — Registres des
délib. du bureau de la ville de Paris, t. V, p. 1 [8 el i 19. — Lettres de Cath. de
Médicis, t. I, p. 281.
2. Calendar of state papers, 1561-1562, p. "1-',; de Paris. 3i mars i56a. —
Journal de Pierre [Nicolas] Bruslart, abbé de Joyenval, dans Mémoires de
Condé, t. I, p. 7."). — Lettres de Prosper de Sainte Croix, dans Archives
curieuses, irc série, t. VI, p. :ï<) ; do Paris, 22 niais [562.
3. Journal de Pierre [Nicolas] Bruslart, abbé de Joyenval, dans \lém. de
Condé, I. I, p. 7."). — Le Journal d'un curé ligueur de Paris (éd. Ed. de Bar-
thélémy), p. '|(i, donne comme date d'entrée dans Paris le [8 mars.
4. Registres des délib. du bureau de la ville de Paris. 1. \ . p, 1 19.
3a LE ROLE POLITIQUE DU CARDINAL DE BOURBON
Son but fut d'éviter tout conflit. Il y parvint ; mais il faut
reconnaître qu'il ne se montra pas d'une impartialité exem-
plaire. Dans une lutte aussi âpre, il était impossible qu'il ne
favorisât pas les catholiques. Les réformés au contraire furent
étroitement surveillés. On saisit une barque remplie de ton-
neaux, qui contenaient des livres hérétiques L Le samedi
•><S mars, veille de Pâques, deux mini'stres protestant^ vinrent
demander l'autorisation de célébrer la cène le lendemain dans
un des faubourgs de Paris. Ils devaient faire payer vingt sous
à chaque personne riche qui viendrait à la communion et sept
à chaque pauvre. Le cardinal le leur défendit sous peine de
mort, leur ôtanl ainsi un motif pour se réunir et un moyen de
ramasser quelque argent -.
La bienveillance témoignée aux catholiques n'échappa point
aux Parisiens. « Ce gouvernement de Monsieur le cardinal de
Bourbon, dit l'abbé de Joxenval, fui for! agréable au peuple,
car depuis iceluy il n'advintque bienàla ville3. » Les huguenots
au contraire furent mécontents. Quelques-uns d'entre eux ayant
élé lues au cours d'une rixe, alors qu'ils revenaient d'un
prêche, ils demandèrent justice. « On est après [les agresseurs]
pour en avoir raison, écrit l'un d'eux. Mais nous avons pour
gouverneur le cardinal de Bourbon, par quoy on n'y a pas
grand espoir l. »
Le 6 avril, le duc de Guise, plus habile que Condé, ramenait
à Paris le jeune roi et Catherine de Médiçis. La lieulenanee du
cardinal prit tin. La guerre allait commencer. Cependant une
dernière tentative de conciliation eut lieu sons l'inspiration de
la reine mère. La lutte entre les deux partis n'épouvantait pas
le prélat, niais il était peint'' de voir son frère, un Bourbon, à la
i. Lettres de Prosper de Sainte-Croix, dans Arck. curieuses, t" série,
I. \ I, p. 65 ; de Paris, 26 mars t56a.
•>. Ihitl., p 71. Journal de l'année Î562, dans Bévue rétrospective, t. V,
p (S(). — Journal de />. [Nie] Bruslart, abbé de Joyenval, dans Mém. de
Condé, t. I. p. 78.
:;. Journal de /'. Vie. Bruslart, abbé de Joyenval, dans Mém. de Condé,
I. I. p. 75.
\. Mémoires de ''.midé, t. III, p. 220.
LA PREMIÈRE GUERRE DE RELIGION 33
tète des révoltés. Le !\ mai, il quitta secrètement Paris en
compagnie du prince de La Roche-sur- Yon et s'en alla trouver
Coudé à Orléans. Le prince, qu'une première fois il avait failli
traîner à la mort, repoussa ses avances l. Quelques jours après
on entrait en campagne.
La lutte fut menée avec vigueur par les protestants. Après
s'être emparés d'un certain nombre de villes dont Orléans et
Rouen, ils commencèrent une agitation systématique dans
tout le royaume, surtout dans les provinces du nord qui les
mettaient en communication directe avec l'Angleterre. Le
gouvernement de la Picardie appartenait alors au prince de
Condé, qui y avait délégué un de ses lieutenants, Sénarpont.
Celui-ci cherchait à gagner la province entière pour en faire
une base solide d'opérations 2. Située sur la frontière et à proxi-
mité des secours anglais, il était important qu'elle ne tombât
pas aux mains des réformés. Pendant que la cour et l'armée
royale s'en allaient assiéger Rourges, le cardinal de Bourbon
reçut l'ordre de se rendre en Picardie en qualité de lieutenant
général 3.
Charles de Rourbon fut dans l'administration de la province
tel qu'il s'était montré lors de sa lieutenance à Paris : très ferme
à l'égard des huguenots, mais toutefois respectueux de leurs
droils. Pour éviter une surprise, il lit chasser les hérétiques des
places fortes. Les suspects furent tenus « d'aller en personne
i. Bibl. Nat., f. Uni. , ms. 1722, f" 353, copie ; dép. des ambass. vénitiens,
de Paris, 22 avril i56a. — Galendaf of state papers, 1561'-lù624i de Taris.
a'i avril i56â< — Journal de Vannée 1562, dans Revue rétrospective, I. V,
p. toi.
2. Journal de l'année 1562, dans Revue rétrospective, t. \ . p. 181. *-»
Calendar of state papers, 1562, p. iS8; s. 1., 27 juillet t56a.
3. Durand ((1. 1, Inventaires sommaires des arch. communales antérieures
à 1790 : Ville d'Amiens, Série \ \, t. I. p. "17. Charles de I'xiihIhhi fil son
entrée dans Amiens le ■>,- juillel an son des tambourins et du canmi.
V. série CG, I. I. p. 5aa et 5a/|.
BaulnIer. -- Cardinal de lionrhoii. 3
34 LE ltÔLE POLITIQUE DU CARDINAL DE BOURBON
faire leur confession de foi et la signer de leur main dans trois
jours » par devant l'évêque du diocèse ou ses délégués. En
outre il organisa une surveillance étroite autour d'eux, ordon-
nant à tous de dénoncer ceux qui feraient « conventicules,
prêches, baptêmes, mariages ou autres exercices de la nouvelle
secte», mais par contre il défendit aux gens du peuple
« d'invader les personnes et maisons des suspects et autres de
la même secte, de crier après eulx et autrement les irriter et
provocquer de faict ou de parolles, sur peine de la hart1. »
Toute son activité n'alla pas à l'administration. Il s occupa de
la défense militaire, leva des troupes2, parcourut les principales
villes de la province, Amiens, Abbeville, Montreuil s. Il eut des
entrevues avec les gouverneurs soumis à son autorité, en par-
ticulier avec le sieur d'Humières, gouverneur de Péronne,
Montdidier et Roye *. Au milieu de ses nombreuses occupations,
le cardinal fut soudain rappelé par une lettre de la reine-mère5 ;
son frère Antoine de Bourbon venait d'être grièvement blessé
devant Rouen.
Après la prise de Bourges, l'armée royale était remontée
vers le nord et avait assiégé Rouen pour éviter que les protes-
tants ne la livrassent aux Anglais. Le cardinal n'avait pas été
étranger à cette détermination. Il tenait à rentrer rapidement
dans sa cité, où les huguenots régnaient en maîtres, pillaient sa
cathédrale et son abbaye de Saint-Ouen6. Il espérait d'ailleurs
que ses exhortations à ses ouailles faciliteraient la victoire. Une
i. Durand (G.), Inventaires somm. des arch comm. antérieures à 1790: Ville
d'Amiens, série AA, t. I, p. 57.
2. Mémoires de Condé, t. II, p. 76; lettre de Chantonay, de Chartres,
3 septembre 1Ô62.
3. Calendar ofstate papers, 1562, p. 3a1 : s. 1., 26 sept. i.">62.
',. Bibl. Nat., f. fr.. ms. 3187, f« 23, a5, 26, 28, 32, orig. ; lettres du
cardinal de Bourbon à Jacques d'Humières, de Gorbie, 28 août i56a ;
d'Amiens, 29 août ; d' Abbeville, \, 5 et 9 sept. ; devant Rouen, 26 oct.
5. Bibl. INat.. f. ital., ms. 1722, f° 522 v°; dép. des ambass. vénitiens, de
Paris, 19 nov. 1662.
(i. Journal de Vannée Î562, dans Fiev. rétrosp., t. IV, p. ioz. - Mémoires
de Claude Haton, curé de Provins (coll. des doc. inéd.i, t. I, p. 286. —
Négociations diplom. avec la Toscane, t. III, p. 483; de Paris. i4juin i56a.
LA PREMIÈRE GUERRE DE RELIGION 35
Lettre qu'il leur adressa ne parvint même pas à destination : les
réformés s'en saisirent1.
Le 16 octobre, Antoine de Bourbon fut frappé d'une arque-
busade. qui lui coûta la vie.
La mort du roi de Navarre soulevait une question fort grave.
A qui la lieutenance générale du royaume allait elle appar-
tenir? Seul un prince du sang pouvait l'occuper. Un premier
projet, qui eut supprimé toute difficulté, fut de faire succéder
le fils au père. Mais le jeune Henri n'avait que dix ans. On
lecarta2.
Restaient en présence les deux frères du défunt, le cardinal
de Bourbon et le prince de Condé. Le cardinal était l'aîné, et
par la mort d'Antoine il devenait chef de sa maison, puisqu'on
ne tenait pas compte du trop jeune roi de \avarre. Mais cer-
tains pensèrent que le chapeau de cardinal siérait mal à un
lieutenant général du royaume, et on se rappela la délibération
des États provinciaux de l'Ile-de-France en mars i56i, qui
voulaient même l'exclure du conseil, parce qu'il était cardinal.
D'autre part, Condé paraissait beaucoup plus capable d'exercer
la charge que son frère, mais il avait contre lui sa religion et
son armée. La reine-mère allait cependant soutenir sa candi-
dature, quand elle vit qu'elle s'aliénerait tout le parti catho-
lique.
Dès les premières nouvelles de la blessure d'Antoine, Phi-
lippe Il écrivit à Catherine. Selon lui, le cardinal par son droit,
ses preuves de bon chrétien, ses services au roi et son affection
envers elle, était tout désigné pour succéder à son frère. Le roi
d'Lspagne n'envisageait même pas la possibilité de la candida-
i. Musée des Archives nationales, p. 373 ; lettre de Condé aux habitants
de la ville de Rouen, s. 1.. \>.'\ sept. i5f>2.
2. Bibl. Nat., f. ital., nis. 173.3, f° 4g v°, copie; dép. des ambass. véni-
tiens, de Paris. 12 nov. i56a.
36 LE ROLE POLITIQUE DU CARDINAL DE BOL'RBOX
ture de Coudé1. Tout ce qu'il avait à reprocher au prince, il
chargeait son ambassadeur Chantonay, ainsi que Sainl-Sulpice.
ambassadeur de France à Madrid, de le dire à la reine-.
Quand il sut que la blessure était probablement mortelle,
Philippe II envoya rapidement un ambassadeur extraordinaire,
Francès de Àlava, avec des instructions précises. Alava devait
s'opposer de toutes manières à la nomination de Condé. même
si le prince faisait des concessions. Il portait en outre des let-
tres au roi, à la reine-mère, aux grands seigneurs de la cour,
qu'il devait remettre si le roi de Navarre était mort 3. Le car-
dinal de Bourbon avait la sienne. Le roi d'Espagne, com-
prenant à merveille ce qu'il y avait en lui de faiblesse et de
vanité, le complimentait de sa bonté, de sa foi. de son zèle au
service de Dieu et de la religion, affirmant que c'était par droit
et justice qu'il succéderait à son frère4.
Ces déclarations ne suffirent pointa Philippe II. Il lit encore
écrire par le pape. Pie IV envoya le 7 décembre un premier
bref à Catherine de Médicis5, lui recommandant chaudement
le cardinal, et trois jouis après un second au cardinal lui-
même1'. Conçu dans le même esprit que la lettre du roi
d'Espagne, ce dernier bref considérait la liculenance comme une
charge due aux qualités de l'archevêque de Rouen. Celait une
réponse à l'objection des États provinciaux de l'Ile-de-France.
('harles de Bourbon ne pouvait pas être indifférent à toutes
1. Arch. Vit., K 1 'i<)(>. n" r>(), copie; lettre de Philippe lia Cath.. de
Médicis, de Madrid, 20 nov. i562.
■>.. Vrcli . Vit., K [4q6, n" 128» copie; lettrede Philippe 11 à Chantonay,
de Madrid, :?à nov. 1 r> t > ■* . — Cabié (Edm.), Ambassade en Espagne de Jean
h'hrnril. xeiijnciir de Saint- Sulpice, de t562 à i:><'>~>, p. 96; lettrede Sainl-
Sulpice à Cath. de Médicis, de Madrid. •>."> qqv. i .">(>•!.
s. \ich. \al., 1\ 1 '|(|(';. m i3m, copie; instruction de Philippe II à
Francès de vlava, de Madrid, 29 nov. i.">(><. — \. également n°" [3o e1
i3i, copies; lettres de Philippe II à Cath. de Médicis et à Chantonay,
m. I. et d.
\. \]ch. \at.. K 1 'ni''1- n t33, copie; lettre de Philippe II an cardinal de
Bourbon, de Madrid, 29 nov. 1 562.
à. liaronhis (G.), ii}nales eeclesiasiici, t. S.IV, p. .' > 1 — : s. I., 7 déc. iâ.62,
ii. Ihiil.. p. 3i8 ; s.l. , m déc. 1 56a.
LA PREMIÈRE GUERRE DE RELIGION ->7
ces sollicitations. Les circonstances lui offraient la première
place du royaume. Habitué à rester au second rang, il dut s'en
effrayer un peu, mais il venait d'exercer coup sur coup deux
lieutenances avec assez d'habileté pour avoir en soi quelque
confiance, et les flatteries, qui l'accablaient de tous côtés, suffi-
rent à lui dévoiler des qualités qu'il ne se soupçonnait pas.
D'ailleurs ce n'était pas seulement une question de droit.
Noos avons vu que. depuis quelques mois, le cardinal s'était
montré catholique intransigeant. Condé, au contraire, s'était
rallié définitivement au protestantisme. Bien plus, il avait pris
les armes contre le roi et repoussé toute tentative de concilia-
tion. Même s'il promettait une fidélité à toute épreuve et un
prompt retour à la vraie religion, pouvait-on croire en ses
paroles? Évidemment non, carie cardinal savait qu'à l'ambi-
tieuse inconstance d'Antoine, le prince de Condé joignait, quel-
que perfidie. Autant par devoir que par droit, Charles de Bour-
bon tint à conserver l'avantage que lui donnait son âge et
déclara ne point vouloir abandonner ses prérogatives *. Déjà il
pouvait se croire lieutenant général. L'ambassadeur du Grand
Turc arrivait à la cour avec des lettres adressées à Antoine de
Bourbon ; ce fut au cardinal qu'il les porta2.
V ce moment surgit un troisième candidat, qui pensait avoir
aussi quelque droit. C'était le duc de Monlpcnsier, alors lieute-
nant du roi en Guyenne, où il le servait pour le mieux en fai-
sant pendre les hommes et baptiser les enfants. Fort de son
titre de prince du sang et de ses bons services à la cause catho-
lique, il accourait, bien vainement d'ailleurs 3.
i. Mémoires de Condé, t. H, p. 109; lettre de Ghantonay, du 18 nov. [56a.
— Ghantonay dit à tort que le cardinal n'avait pas encore reçu la prêtrise.
Celle affirmation se retrouve dans une dépêché de l'ambassadeur anglais à
Elisabeth, de Chartres, 17 janv. t563. (V. Calendar 0/ state papers, 1563,
p. \[).) Elle prit peut être naissance dans certains bruits tendancieux
répandus par les catholiques en laveur de la candidature du cardinal.
L'ambassadeur vénitien Bibl. Nat., f. ital., nis. 17:»:'), p. 1, copie), dans sa
dépêcbe du 8 mars [563, affirme oettement que, le cardinal était ordonné
e1 avait déjà dit la messe.
?.. Journal de Vannée 156Q, dans Rer. rétrospective, I. >- . p. ao6.
3. Brantôme, Œuvres, t. \ . p. i3.
38
LE ROLE POLITIQUE DU CARDINAL DE BOURBON
Catherine, en effet, pour couper court à toutes ces rivalités
et conserver le pouvoir, déclara qu'elle n'avait besoin de per-
sonne pour gouverner le royaume, puisqu'elle avait des con-
seillers et des ministres1. Cette solution contentait Philippe 11,
qui voyait la lieutenancc refusée à Condé -. Le prince, de son
côté, désespérant de la victoire, avait déjà reconnu le droit de
sonaîné:!. Seul, le duc de Montpensier* fut mécontent et il se
tourna vers le cardinal de Bourbon, déçu lui-même dans ses
espérances. Mais ils n'étaient pas hommes à résister bien long-
temps à l'habileté audacieuse de Catherine, qui eut vite fait de
déjouer leurs calculs. Elle les apaisa en leur déclarant qu'ils
seraient les chefs du conseil 4.
Cependant la guerre continuait. Une dernière tentative de
conciliation n'aboutit point. Avec son esprit emporté, Condé
brusquait les choses. Il répondit à un gentilhomme envoyé par
le cardinal que, sans le respect qu'il avait pour son maître, il
lui ferait couper la tête5. Rien ne put faire éviter la bataille de
Dreux. Saint-André y fut tué, Condé et Montmorency pris, mais
Guise assura la victoire au parti catholique.
Condé prisonnier se montra plus traitable. La reine-mère
vint le rejoindre, traînant avec elle le cardinal de Bourbon0.
L'assassinat du duc de Guise, le 18 février, facilita encore la
conclusion de la paix 7. Les chefs des deux factions, Condé et
i. Bibl. Nat., f. ital., ms. 172a, f° 6oô, copie; dép. des ambass. vénitiens,
de Paris, 3 déc. i56a.
2. Cabié (Edm.), Ambassade en Espagne de Jean Ebrard, seigneur de Saint-
Sulpice, de 1562 à 1565, p. 109 ; dép. à Cath. de Médicis, du 19 janv. i563.
3. Bibl. Nat., f. ital., ms. 1722, f° Co5, copie ; dép. des ambass. vénitiens,
de Paris, 3 déc. i562.
4. Brantôme, Œuvres, t. V, p. i3.
5. Négociations diplom. avec la Toscane, t. III, p. A99 ; de Paris, i5 déc.
i562.
6. Journal de P. [Nie] Brnslarl, abbé de Joyenval, dans Mém. de Condé,
t. I, p. 108. — Négociations dipl. avec la Toscane, t. III, p. 5o2 ; de Paris,
3o déc. i56a.
7. Le cardinal de Bourbon, mis en éveil par quelques paroles échappées
à Condé, avait averti (îuisc du danger qu'il courait. (V. Bibl. Nat., f. ital.,
ms. 172/I, f° a v*\ copie ; dép. des ambass. vénitiens, de Paris, 2 mars i563.)
LA PREMIÈRE GUERRE DE RELIGION 3g
Montmorency, se rencontrèrent dans l'Ile-aux-Bœufs, près
d'Orléans, et, sous l'influence conciliatrice de Catherine et du
cardinal, un accord fut conclu, dont on ratifia les articles quel-
ques jours après à Amboise *.
*
* *
Si la paixd'Amboise mit fin aux opérations militaires, elle
ouvrit le champ aux rivalités. Autant au cours de la guerre
qui l'effaçait, que pendant la paix où il lui fallait écarter les
ambitieux, la reine-mère se trouvait dans une situation délicate.
Entre le prince de Condé, chef des protestants, et le vieux
Montmorency, resté seul chef des catholiques, elle ne se crut pas
assez forte pour se passer à la fois de l'un et de l'autre, se sou-
venant qu'aux premiers jours son droit à la régence avait même
été contesté. C'est alors qu'elle conçut un plan extravagant,
capable de ruiner d'un seul coup toutes les espérances de ses
rivaux ; le cardinal de Bourbon en fut la dupe. Pour avoir
quelqu'un à leur opposer qui ne porta point ombre à son
autorité, elle résolut de le marier.
Depuis qu'elle était arrivée au pouvoir, Catherine de Médicis
avait su apprécier la facile bonté du prélat. Il s'était laissé
prendre à son charme séducteur. Tous deux auraient voulu
éviter la guerre entre les catholiques et les protestants, lui
parce que la guerre divisait ses frères, Catherine parce qu'elle
la reléguait au second plan. Aussi la régente avait naturelle-
i. Le parlement craignant quelque tumulte avait réclamé la présence
d'un prince du sang pour enregistrer redit. Le 36 mars au matin, l'arche-
vêque de Rouen et le duc de Monlpensier quittèrent Orléans, et le lende-
main, en leur présence, le parlement enregistra l'édit de pacification. Trois
jours après ils étaient de retour près de la reine-mère et le i" avril l'escor-
tèrent à son entrée solennelle dans Orléans. V. Arch. Nat., K i A99, n" 50,
orig. ; lettre de Ghantonay à Philippe II, de Paris, 18 avril i5G3. — Iîibl.
Nat., f. ital., ms. 1734, f° 23, copie; dép. des ambass. vénitiens, de Paris,
29 mars i563. — Mémoires de Condé, t. IV, p. 33^. — Lettres de Cath. de
Médicis, t. I, p. 538, 539.
/|0 LE ROLE POLITIQUE DU CARDINAL DE BOURBON
ment cherché dans le cardinal un auxiliaire à sa politique.
Cest sur ses conseils qu'avant l'entrée en campagne il était
allé trouver Condé à Orléans; sur ses conseils aussi qu'il avait
voulu renouer les relations avec le prince avant la bataille de
Dreux. C'est avec son aide que Catherine était parvenue à faire
conclure la paix d'Amboise. Leurs désirs communs les rappro-
chaient en partie; l'habileté de la reine-mère sut faire le reste.
Elle était femme et fort insidieuse. Il n'en fallait pas davantage
pour triompher du bon prélat. Elle eut toujours sur lui une
influence considérable, que seule put contrebalancer celle que
posséda plus tard le second duc de Guise.
C'est donc sur le cardinal, qu'un mariage devait placer
incontestablement à la tête des princes du sang-, que la reine-
mère compta s'appuyer. Elle était sûre de sa foi solide et non
pas fanatique, certaine aussi de la faiblesse de son caractère. Elle
voulut, en le mettant au premier rang, reléguer au second le
cadet turbulent et l'ancien favori de Henri II.
Une autre raison, plus politique et moins intéressée, poussa
peut-être Catherine vers ce projet. A plusieurs reprises les
astrologues avaient prédit la mort prochaine des enfants
royaux1. La disparition de François II, la faiblesse du jeune
Charles IX semblaient leur donner raison et, par un pressen-
timent fort curieux, la reine-mère entrevit les difficultés qui
surgiraient, si un jour la succession venait à échoir à la maison
de Bourbon dont presque tous les membres étaient protestants.
Une descendance catholique issue du cardinal pouvait assurer
l'avenir. Mais cette seconde raison était de peu de poids à coté
de la première, et elle fut oubliée aussitôt que l'autre eut
disparu.
On peut s'étonner de la facilité avec laquelle le prélat
accueillit cette proposition de mariage. Cependant, si l'on con-
sidère les événements survenus au cours des deux dernières
années, ses lieutenances à Paris et en Picardie, les avances
i. Lettres de Prosper de Sainte-Croix, dans [rchives curieuses, i™ sério,
t. VI, p. i3o; de Blois, i3 mars i563.
LA PREMIERE GUERRE DE RELIGION [\\
faites à lui par les chefs de parti, les louanges du pape et du roi
d'Espagne, sa candidature à la lieutenance générale du
royaume, on comprend plus facilement qu'il ait pu rêver un
instant d'être le premier dans l'Etat. Une seule raison pouvait
le retenir; il était prêtre et il lui fallait renoncer à ses vœux
pour rentrer dans la vie laïque. Son amour du sacerdoce n'alla
point jusque-là. Il avait d'ailleurs une excuse : c'était pour le
bien de la religion.
La seule difficulté était d'obtenir la dispense du pape. La
reine mère découvrit son projet au nonce Prosper de Sainte-
Croix, qui lui montra toutes les oppositions qu'il soulèverait
« à cause des mauvaises conjonctures du temps présent et de la
qualité de la matière dont il s'agissoit. » Toutefois il consentit
à en parler au pape et même en conscience il trouva l'idée
bonne1. De son côté le cardinal de Bourbon écrivit à Rome
pour solliciter la dispense2.
A ce moment, le concile de Trente abordait précisément la
discussion sur le mariage. Valait-il mieux porter la question
devant lui ou la soumettre directement au pape? Le cardinal
de Lorraine était à Trente et pouvait appuyer grandement la
proposition. Charles de Bourbon voulut gagner ses bonnes
grâces. Il témoigna à sa belle-sœur la duchesse de Guise sa
plus chaude affection, son entier dévoûment. lui promit de
toujours s'employer au bien de sa maison :!. On disait même
que, s'il obtenait l'autorisation demandée, le cardinal épouse-
rait une fille de la duchesse i.
i. Bibl. Nat., f. ital.j ms. 1725, f° 12 v°, copie; dép. des anibass. véni-
tiens, de Paris, 1.'! avril r563. — Lettres de Prosper de Sainte-Croix, dans
irchives curieuses, 1" série, t. VI, p. i3o ; de Blois, 1 3 mars 1 563. —
Calendar of stalc papers, t563, p. 272 ; s. 1., ("> avril i563.
2. Bibl. ÏS'at., f. ital.j ms. 1725, f' 1, copie: dép. des ambass. vénitiens;
de Paris, ,s mars [563.
3. Bibl. Nat., f. fr., ms. 34i8, t" ni el 18, autogr. ; lettres du cardinal de
Bourbon à la duchesse de Guise, s. 1. [mars i563], ri s. I. [19 mars i503 .
(Pièces justif. n° III.)
\. Bibl. Nat., f. ital., ms. 1 7 >r» . f 1, copie; dép. des ambass. vénitiens,
de Paris, 18 mai i5G3.
!\ 2 LE ROLE POLITIQUE DU CARDINAL DE BOURBON
Les docteurs du concile de Trente avaient déclaré que le
pape pouvait dispenser les prêtres du célibat pour quelque
grande occasion. C'était d'avance accepter la requête de
l'archevêque de Rouen, et, comme le cardinal de Lorraine et
les autres ambassadeurs français redoutaient l'hostilité des pré-
lats italiens, ils aimèrent mieux s'adresser directement à Rome
que de poser la question en plein concile i.
Mais contre toute attente le pape refusa. Il trouva que la
demande n'était ni urgente ni justifiée, puisque la succession
au trône ne semblait point menacée, le roi jeune encore ayant
deux frères et le royaume comptant d'autres princes du sang
catholiques.
Ce fut une grande déception pour le cardinal. Catherine, qui
abandonnait ses projets aussi rapidement qu'elle les formait,
avait déjà trouvé un autre moyen de s'assurer le pouvoir. Elle
fit proclamer majeur le jeune Charles IX (17 août i563).
Charles de Bourbon resta avec ses illusions perdues.
Le refus de Rome l'irrita, car il se sentit la dupe de toute
cette intrigue. 11 chercha une excuse. Il avait voulu, dit-il,
faire simplement peur à Condé, que « par ce boult-là il povoit
tenir en bride ». Le pape, par lettre particulière, lui aurait écrit
son intention, et il s'y serait conformé entièrement2. L'excuse
était mauvaise. Elle ne trompa personne, et le cardinal,
eflrayé de sa propre audace, craignit un instant que Condé ne
se vengeât du coup préparé contre lui 3.
Une seconde fois Charles de Bourbon était victime de sa cré-
dulité, et ce ne fut pas encore la dernière.
1. Instructions cl lettres des rois très chrestiens el de leurs ambassadeurs,
el autres actes concernant le concile de Trente, 4" éd., ifiô.'j, p. /»o8 ; lettre de
Lanssac à Gath. de Médicis, de Trente, 28 mars i56a (a. st.) — Spondanus
(H.), innalium eminent. card. C. Baronii conlinualio, t. III, p. 4ai. —
Sarpi (P.), Istoria del concilio Tridenlino, éd. F. Micanzio, t. IV, p. 88.
-. Vrcli. \al., K i5oo, n° 53, orig. ; dép. de Chantonay à Philippe II, de
Paris, 8 juin i563. — Mémoires de Condé, t. II, p. 109 ; dép. de Chantonay,
de Paris, 7 juin i563,
;î. Ibid.
LA PREMIÈRE GUERRE DE RELIGION '|3
Les déceptions avaient été grandes. Ambitionner la lieute-
nance générale du royaume, puis un mariage qui L'eut placé à
la tète des princes du sang, et ne réussir qu'à se couvrir de
ridicule, tel avait été le rôle du cardinal de Bourbon durant ces
derniers mois. Catherine de Médicis, responsable en partie de
tous ses malheurs, voulut les lui faire oublier. Depuis deux ans
il était question de lui donner la légation d'Avignon, mais la
guerre civile avait interrompu les négociations. On les reprit.
A la fin de 1 56 1 , Avignon et le Comtat-Yenaissin, possessions
du pape, n'avaient pas échappé aux troubles qui agitaient toute
la France. Le roi de Navarre y vit une occasion de mettre la
main sur ces provinces enclavées au milieu du royaume. 11
engagea son frère Charles à en rechercher la légation, que
tenait alors le cardinal Farnèse. Mais il avait compté sans
l'opposition du pape, qui, voyant déjà ses terres aux mains
des Français, fit partir immédiatement Fabricio Serbelloni, son
parent, avec ordre de fortifier la ville. En même temps il
demanda l'appui de Philippe II, au cas où Antoine de Bour-
bon deviendrait plus menaçant1.
Cette attitude belliqueuse de Pie IV ne dura point. Malgré
l'activité de Serbelloni, le pape fut réduit à solliciter la protec-
tion de Charles IX contre les huguenots, qui menaçaient
d'enlever Avignon -. C'était promettre la légation au cardinal
de Bourbon. Du moins réclama-t-il des garanties. Il voulut que
le prélat s'engageât à conserver le pays en l'obéissance de
Borne, à en chasser les hérétiques ; que le roi de Navarre non
i. Susta (J.), Die rœmische Curie und das Concil von Trient unter Pins IV,
t. I, p. 981 ; instructions du pape à son envoyé vers Philippe II, du 18 oct.
i56i. — Fabricio Serbelloni était le troisième fds de Jean-Pierre Serbelloni.
dont la sœur Cécile fut mère de Pic IV.
2. ISégocialions on letircs d'affaires ecclés. et polit, écrites par Hippolyte
d'Esté, cardinal de Ferrare, légaten France, Paris, [658, in V, p. 38; lettre
d'Hipp. d'Esté au card. Borromée, de Saint-Germain, 3ojanv. i56a.
44 LE ROLE POLITIQUE DU CARDINAL DE BOURBON
seulement consentît à l'exécution de ces promesses, mais encore
la facilitât ».
On accueillit mal ces exigences à la cour de France. Le car-
dinal de Bourbon se froissa de la défiance qu'on lui marquait.
Il fallut toute l'habileté du nonce pour le calmer -. L'affaire en
était là, lorsque survint le massacre de Vassy ; on l'oublia.
Au commencement de i564, Catherine crut bon de reprendre
les pourparlers :i. Elle sut résoudre les difficultés que soulevait
l'échange delà légation 4, mais la paix régnait maintenant dans
le Comtatet le pape n'avait plus un besoin pressant de l'appui
du roi de France. Il posa de nouvelles conditions : le vice-légat
et les autres officiers seraient tous Italiens. Le cardinal de
Bourbon, exaspéré par cette nouvelle marque de défiance, vou-
lut tenir la légation comme l'avaient tenue ses prédécesseurs,
c'est-à-dire en toute liberté 5. Devant son obstination, Pie IV
abandonna ses exigences.
Le icr avril i565 la chancellerie pontificale expédia la bulle
nommant le cardinal légat eu Avignon 6. Des concessions réci-
proques avaient facilité les dernières négociations. Le pape
récompensait lui même le cardinal Farnèse en lui donnant la
légation du patrimoine de Saint-Pierre. Charles de Bourbon
cédait au cardinal d'Altaëmps, neveu de Pie IV, la riche abbaye
de la Trinité de Vendôme d'un revenu annuel de plus de
dix mille livres et lui réservait sa succession dans Avignon. En
i. Susta (J.), Die rœniische Carie und das Concil von Trient miter Pius IV,
L. I, p. ;«3 ; lettre du card. Borromée au card. de Ferrarc, du iojany. (56a.
a. Négociations ou lettres d'affaires d'Hippolyte d'Esté, cardinal de
Ferrare, p. 80; lettre d'Hipp. d'Esté au card. Borromée, de Saint-Germain,
■•>."> février i56a.
.;. \rch. Nat., K i5oa, n° r5, orig. ; dép. de Fr. de Àlava à Philippe II. de
Gondom, <» août i564.
4. Lettres de Gath, de Médicis, t. It, p. a3i efa3a ; à M. du Ferrier. de
Saint-Rémy, 17 oct. i564 ; à l'évêque de Saint-Papoul, de Saint-Rémy,
18 oct. 1 563.
5. \rcli. Nat., K t5oa, n 64> orig.; dép. de Fr. de Alava à Philippell,
d'Arles, <s décembre î.Mi'i.
0. Bibliothèque d' Avignon, ms. ^'.71, f° 94, copie; de Rome, c avril [565.
LA PREMIERE GUERRE DE RELIGION \.)
outre, pour plaire au pape, il conservait le vice-légat en fonc-
tion '.
Cette nouvelle dignité, avec les riches revenus qu'elle com-
portait et les dons annuels de la ville au légat, ne fut point la
seule consolation du cardinal. C'est l'époque où de tous cotés
des bénéfices s'offrent à lui. 11 avait cédé son évèché de Carcas-
sonne à François de Faucon. Celui-ci étant mort le 22 sep-
tembre i565, il en reprit possession en vertu du droit de regrès.
Il s'en démit seulement deux ans plus tard en faveur du cardi-
nal Vitelli -.
A peu près au même temps le cardinal de Chàtillon, évèquc
de Beauvais, qui venait de passer à la Réforme, fut déclaré
rebelle et criminel de lèse-majesté. Une bulle du i!\ sep-
tembre i36q donna son évêché au cardinal de Bourbon ;i.
t. Bibl. Nat., f. ital. , ms. 1724, f° 265 cl ms. 1736, f" 75, copies; dép. des
ambass. vénitiens, de Toulouse, ai mars t565 ; — ms. 1724, f° 28(3, copie; de
Bordeaux, 20 mai i565. — De Thon, Histoire universelle, éd. de 1704, t. IV,
p. 668. — Castrucci (S. F.), Istoria délia citla dAvignone e del Contado Vene-
sîno, Venise, 1678, in-4°, p. '108. — Le \icc-légat en fonction était Laurent
de Lenti, évêque de Fermo.
M. II. Rey, dans son (''Inde sur Le cardinal a" Armagnac, colégat à Avignon
I innales du Midi, t. X, année [898), dil que le cardinal de Bourbon fit une
entrée solennelle dans la ville le l'ijuin [565. Cela semble impossible, car
le 11 juin le prélat était à Rayonne (A. Bibl. Nat., f. fr., ms. 0187, f" 68,
orig. ; leltrc du card. de Bourbon au sieur d'Humières, de Bayonne.
II juin i565), et le i5 juin il s'y trouvait également (Cf. Bibl. Nat., f. fr.,
ms. 20647, '" ,l v "' coP'e ï mémoire sur l'entrée de la reine d'Espagne.)
Charles de Bourbon avait obtenu la légation, mais toujours révocable au
bon plaisir du pape. Ce fut en vain que sous Pie V, successeur de Pie IV,
il essaya de l'obtenir à vie (Cf. Bibl. Nat.. f. ital.. ms. 1736, f' 64, copie:
dép. des ambass. vénitiens, de Paris. ■>.() nov. t566). Il m1 devait d'ailleurs
pas l'administrer lui-même. Il (il nommer son colégat le cardinal Georges
d'Armagnac et lui en abandonna le gouvernement. Cependant il l'ut loin
de s'en désintéresser complètement et nombreux sont les témoignages qui
promeut son intervention. — Cf. \rch. du Vatican, Brevi armarium 44,
I. \\\, f' 76; leljere délia segretci'ia di stalo. nun/.iatura di t'rancia.
t. W 111, f0' 5o, 53, ."iii, mil etc. - Bibl. d'Avignon, mss. 26o5, f° 1 ; a658;
2816, f" 398; 2822* f° 3o. Bibl. Nat., f. fr., ms. 34o6, f° 9. — Thciner
lAug.i, [nnales ecclesiasliei, t. I, p. [78, >\)-\ I. II. p. $27.
■•.. Mahul 1 \.i. Cartulaire ri arckives des communes de l'ancien diocèse... >le
Carcassonne, I. \. p. VSiS à i.90.
3. Delettre (abbé), Histoire du diocèsede Beauvais, t. III, p. ■>'•>'■
46 LE ROLE POLITIQUE DU CARDINAL DE BOURBON
Quand la paix de Saint-Germain eut ramené les prolestants à
la cour, Charles IX voulut rendre à l'ancien évêque tous ses
biens. Charles de Bourbon, soutenu par le pape, refusa de s'en
dessaisir. Un conflit était imminent, quand la mort subite du
cardinal de Châtillon vint trancher le différend (i4 fé-
vrier 1671) K Le cardinal de Bourbon conserva l'évéché sans
contestation jusqu'en 1575, où il l'échangea contre l'abbaye de
la Coulure du Mans 2.
A côté des gros revenus, les petits ne firent point faute. De
i564 à 1071 le cardinal vit presque chaque année ses bénéfices
s'accroître. Successivement il reçut les abbayes de Saint-Jean
des Vignes (i565), Saint-Honorat de Lérins et Montiéramey
(1567), Fontenelle (1569), Pontlevoy (1571) 3. Il prit encore pos-
session des quatre principales abbayes du cardinal de Châtillon :
Sorèze, Saint-Germer, Froidmont, Saint-Lucien de Beauvais,
qui, au dire de l'ambassadeur espagnol, valaient autant que les
quatorze restantes *.
Ce cumul vraiment exagéré n'alla pas sans soulever de nom-
breuses protestations, et il est curieux de voirie pape chercher
à l'expliquer par la nécessité de procurer à Charles de Bourbon
un rang et des ressources proportionnés à sa dignité cardina-
lice 5. Quand, en juillet 1676, une grave maladie fit craindre
pour sa vie, on estima que. s'il venait à mourir, vaqueraient
plus de quatre cent mille livres de rente des biens d'église0.
Cette richesse colossale, cet appétit insatiable firent même dire
1. Barthélémy (Ed. de), Journal d'un curé ligueur de Paris, p. taa. —
Calendar of stale papers, 1567-1571, p. 389 ; de Paris, 8 janv. 1Û71. — (labié
(Edm.), Guerres de religion dans le sud-ouest de la France... de 1561 à 1590,
col. if'u ; lettre de Saint Snlpice à l'abbé de Marcillac, du 20 déc. i.">7>.
■>.. Delettre (abbé). Histoire du diocèse de Beauvais. t. III. p. 372.
.S. V. VAppendice n° II : les abbayes de Charles de Bourbon.
4. Arcb. Nat., K i5io, 11° 3g, orig. ; dép. de Fr. de Alava à Philippe II, de
Paris, 1/1 sept. i568.
5. Musset (G.), Les insinuations ecclésiastiques dans le diocèse de Saintes
en 1565, dans Arch. tiist. de Saintonge et Auhis, t. XXXV, p. 001 ; bulle de
Pie IV, du 3i août i565.
6. Bibl. Nat.,f. ital., ms. 1729, p. 794. copie; dép. des ambass. vénitiens,
de Paris, 1 2 juil. ir>7(î.
LA PREMIÈRE GUERRE DE RELIGION [\-
à un ambassadeur du roi d'Espagne qu'on serait toujours
maître du cardinal en lui donnant évêchés et abbayes l.
L'ambassadeur le connaissait mal. Il n'y eut jamais que
deux choses qui préoccupèrent sérieusement Charles de Bour-
bon et qui, lune après l'autre, furent les causes déterminantes
de sa conduite : la fortune de sa maison et la défense de la reli-
gion catholique.
i. Arch. Nat., K 1007, n° 03, orig. ; relation du docteur Enveja, du
22 févr. 1567.
CHAPITRE III
LES DECEPTIONS FAMILIALES
\ la première guerre civile, qui avail bouleversé la France,
succéda une période plus calme où L'on prit plaisir à oublier
les émotions passées. Les principaux chefs étaient morts. Il ne
restait plus aux catholiques que le vieux Montmorency bien
éloigné du fanatisme, aux protestants le prince de Condé qui
s'était attiré la défiance de ses coreligionnaires en signant la
paix d'Amboise. Catherine de Médicis eut beau jeu. Sous son
influence conciliante, les ennemis de la veille se rapprochèrent
et d'un commun accord allèrent enlever Le Havre aux Anglais.
Durant ces quelques années de politique modérée que dirige
la reine-mère, le cardinal de Bourbon prend le rang qui lui
convient. Le premier de la cour par ses litres, sinon par son
influence, il est le conseiller de chaque heure, présent à toutes
les cérémonies officielles, à tous les conseils importants. Sans
cesse aux côtés de la reine1, dont il a oublié la trahison, il se
laisse diriger par elle, car sa bonté ne sait point résister à ses
exigences. Catherine est certaine de trouver chez lui une
approbation de Ions ses actes. Elle s'appuie également sur le
duc de Montpensier, prince du sang comme lui, el d'aussi
i. Les montions relatant la présence du cardinal sonl innombrables, .le
ne citerai qu'un passage des Mémoires de Marguerite de Valois, éd. Gues-
sard (Soc. de i'hist. de Fr.), p. n, qui parle du voyage de la reine-mère
en i.')(h), alors qu'elle va rejoindre le duc d'Anjou. « Elle [Catherine] fait le
chemin de Paris à Tours en trois jours et demy, qui ne fut sans incommo-
dité el beaucoup d'accidents dignes de risée, pour y estre le pauvre M. le
cardinal de Bourbon, qui ne l'abandonnoit jamais, qui toutefois n'estoitde
telle humeur ny de coroplexion pour telles courvées. »
LES DECEPTIONS FAMILIALES 4<)
bonne volonté. Avec eux elle entreprend de mener à bien
l'entente commencée entre les partis.
Les deux hommes ont montré quelque intolérance au cours
de la dernière guerre, mais ce fut au moment où les esprits
étaient surexcités par la crainte d'une défaite. Maintenant que
la paix règne et que la foi catholique semble en moindre péril,
le cardinal et son parent se laissent gagner par les voix per-
suasives de Catherine et du chancelier. Lorsqu'en février i564
le cardinal de Lorraine revient de Trente en proposant d'ap-
pliquer en France les décrets du concile, Charles de Bourbon
en repousse la publication, parce qu'elle troublerait l'édit de
paix '.
Mais, si les querelles religieuses ont cessé, la rivalité subsiste
entre les ambitions. Il est dans le royaume une maison puis-
sante, qui a pour chef le vieux connétable de Montmorency et
dont l'influence s'étend à la fois sur le parti catholique et le
parti protestant. Le connétable jouit de l'autorité considérable
que lui vaut sa longue carrière dans les armées et les conseils
du roi. Seul survivant du triumvirat, il trouve en outre des
lieutenants dévoués dans ses fils, le maréchal de Montmorency
et Damville, qui comme lui reconnaissent la suprématie du
pape, et dans ses neveux, les Châtillons, dont le prestige est
énorme auprès des réformés. Tout son crédit, le vieillard le fait
servira la défense de ses intérêts et de ceux de sa famille.
\ Montmorency un seul homme peut s'opposer, Coudé,
dont L'ambition, qui n'a d'égale que l'inconstance, va faire
un adversaire redoutable. Le prince, fier de son titre, n'entend
point rencontrer de rivaux à la cour, et, s'il n'ose pas dès les
premiers jours s'attaquer au connétable, dont il a d'ailleurs
épousé la petite nièce, Eléonorede Roye, c'est qu'il se sait en
défiance chez les protestants cl que les amours faciles, que
lui offre l'entourage du roi, le distraient momentanément de
toute pensée sérieuse. Mais le conflit esl latent. Dans cette lutte,
i. Àrch. Nat., I\ tSot, m 35, déchiffr. ; dép. <!«' Ghantonaj à Philippe il
de Paris. (| févr. i664«
Sallïuer. — Cardinal de Bourbon, 't
5o LE ROLE POLITIQUE DL CARDINAL DE BOURBON
où la religion n'est plus enjeu, le cardinal de Bourbon n'hésite
pas à soutenir son frère de tout son pouvoir1.
Précisément, le prélat cherche à mettre à profit la mésintelli-
gence qui existe entre Condé et les réformés pour séparer le
prince de ses anciens amis. Puisque ceux-ci l'abandonnent,
pourquoi ne chercherait il pas un appui parmi les catholiques
dont beaucoup jalousent le connétable de Montmorency:' Et le
cardinal reprend un rêve qu'il a souvent caressé: ramener au
catholicisme toute sa famille. L'occasion lui semble favorable;
Condé se prête de bonne grâce à ses combinaisons et le prélat
plein d'espérance annonce déjà la prochaine conversion du
prince2.
La paix a rétabli non seulement les bonnes relations de
Charles de Bourbon avec son frère, mais encore les liens
d'amitié qui l'ont uni jadis à sa belle-sœur Jeanne d'Àlbret.
Depuis que la reine de Navarre est passée à la Réforme, elle y
est restée fidèle, montrant clans ses croyances autant de cons-
tance que son mari a montré de mobilité dans les siennes.
Aussi le cardinal a-t-il cessé tout rapport avec cette femme ; il
avait même essayé d'en détacher son frère Antoine et, depuis la
mort de celui-ci, il a semblé oublier également son neveu et
filleul, Henri de Bourbon. La paix d'Amboise réveille toutes
ces anciennes amitiés. Le prélat se rapproche de son neveu et
profile d'un premier séjour de Jeanne d'Albret à la cour poul-
ie présenter aux ambassadeurs étrangers :i. Dans le grand
voyage que Catherine entreprend à travers la France, il s'efface
devant le jeune homme qu'il déclare bien haut être le chef de
sa famille l et partout, dans les cérémonies officielles comme
aux entrées solennelles dans les villes, il cherche toujours
i. Arcli. Nat., K 1499, n° 28, orig. ; sommaire de la chancellerie des
lettres de Chantonay à Philippe II. de mars-avril i563.
?.. Bïbl. Nat., f. ital., ms 173."), p. 54. copie; dép. des ambass. vénitiens,
de Paris, 17 janv. i564. — Lettres de Prosper de Sainte-Croix dans Archives
curieuses, 1" série, t. VI, p. [54 ; de Paris, i5 janv. i564.
,'l. Caléhdâr of state papers, 1564-1565, p. i'65 ; de Lyon, 77 juin i564«
4. Godefroy (Th.), Le cérémonial françois, t. I. p. 901.
LES DECEPTIONS FAMILIALES 0 1
« selon sa louable coulume à le pousser devant lui le plus
possible '. »
Désormais le seul but de Charles de Bourbon est de soutenir
les intérêts de sa maison, et il ne cesse de le prouver en
maintes occasions2. A voir l'union qui régnait dans cette
famille quelque temps auparavant si désunie, on put croire
avec le cardinal que tout se terminerai! par un parfait accord
de communes pensées et de communes croyances. Peu s'en
fallut en effet que son rêve ne se réalisât.
La cour était dans Arles, quand on apprit soudain que le
cardinal de Lorraine et Condé s'étaient rencontrés à Soissons.
Peu de temps après l'archevêque de Reims recevait le prince
dans un de ses châteaux et l'y gardait trois jours3. Ce rap-
prochement entre deux hommes, qui s'étaient jadis voués une
haine implacable, surprit fort. On n'avait point cru possible
une alliance entre le Lorrain et le prince que sous François II
il avait fait condamner à mort. Mais le seul lien, qui rattachait
Condé aux Montmorency, venait de se rompre. Eléonore de
Roye étail morte le a3 juillet i564- Louis de Rourbon, jamais
satisfait, convoitait maintenant la connétablie et, comme il
tiouvait devant lui Montmorency désireux de réserver sa charge
à un de ses fils, il chercha un appui chez un homme non
moins ambitieux que lui et que les événements avaient écarté
du pouvoir: le cardinal de Lorraine.
Il es! forl probable que Charles de Bourbon servit d'intermé-
diaire dans ce rapprochement. Réunir Condé aux Lorrains,
c'était accentuer la séparation entre les huguenots et le prince;
i. Bibl. Nat., f. fr.. ms. ao647> ' ''• copie; avis sur l'entrée de la reine
d'Espagne à Baypnne, publie dans Lettres de Cath. de Médicis, t. H, p. 2Q.'5.
note. — Aux conférences de Hayonne, Charles de Bourbon se montra bon
catholique, niais ne s'écarta jamais de la ligne de conduite que loi traça
Catherine. VA si des paroles de sang ont été prononcées, ce fut en secret.
Certainement le prélat n'eu eut pas connaissance.
■>.. Arcli. Nat., K i5o4, n° 32, orig. ; dép. de Fr. de Alava à Philippe II. de
Baronne, ->.~ juin i565. — Calendar of state papers, t564-1565, p. 239 ;
d'Edimbourg) 7 nov. i564.
3. Calendar of state papers, 1564-1560, p. »48 3 d'Arles, ^'i nov. r564.
52 LE ROLE POLITIQUE DU CARDINAL DE BOUHBOX
c'était l'amener insensiblement à la conversion. Ce qui est
certain toutefois, c'est que le cardinal fut tenu an courant de
leurs relations secrètes '.
On eut bientôt des preuves visibles de cette alliance des
Bourbons et des Lorrains contre la famille du connétable. Le
(S janvier i565, le maréchal de Montmorency, gouverneur de
Paris, voulant faire respecter un édit du roi qui interdisait
à tout groupe armé de pénétrer dans la ville, refusa de laisser
entrer le cardinal de Lorraine qu'accompagnait une faible
escorte. Un léger combat s'engagea près de la porte Saint-
Denis. Quelques jours plus lard Goligny, appelé par Montmo-
rency, accourut à Paris avec une petite troupe et se mit à la
disposition du parlement pour maintenir l'ordre.
Condé tint à réparer l'affront faità son allié. 11 arriva devant
la ville avec trois cents cavaliers, mais le maréchal lui fit dire
que, s'il venait avec des idées pacifiques, il n'avait pas besoin
de tant de gens, et il le pria d'entrer seul. Le prince n'osa
pas ; il se contenta de se plaindre au roi. Cet incident souleva
une grande discussion au conseil. Le connétable défendit son
(ils, mais le cardinal de Bourbon l'apostropha vivement : puis-
qu'on permettait à Coligny d'entrer dans Paris, pourquoi le
refusait-on à Condé, prince du sang, que le service du roi con-
cernait bien plus que les fils et les neveux du connétable? Mont-
morency n'osa point répliquer au cardinal prince2.
L'union n'avait du reste plus rien de secret. Condé allait
jusqu'à dire publiquement qu'il \ avait certaine sorte de gens
qui avaient entrepris de lutter avec les princes du sang, que
ce n'était pas chose à supporter, qu'il était besoin qu'on les
châtiât avec le bâton3. Pour sceller l'alliance entre les deuv
i. Bibl. Nat., f. ttal., ras. 1734, f" a45 v cl ms. 1 7 •< ."> . p. 6&, copies; dép.
des ambass. vénitiens, de Montpellier, 8janv. i565.
■>. \rcli. N.it.. K i5o3, n" 3o, orig. ; dép. de Fr.de Vlava à Philippe II. de
Toulouse, 4 févr. i565. — La scène csl racontée par Fr. Décrue, inné, duc
de Montmorency, p. 437.
.'!. Bibl. Nat., f. ilal.. ms. 1735, p. 8a, copie: dép. des ambass. vénitiens,
de Potinsac, 26 mai i565.
LES DECEPTIONS FAMILIALES Où
maisons, on parla du mariage possible de Condé avec la veuve
du duc de Guise ou Marie Stuart1. C'eut élé évidemment le
meilleur moyen de se rendre maître du prince que de se l'at-
tacher par l'intérêt.
Peut-être trop confiants dans le succès de leur entreprise, le
cardinal de Bourbon et les Lorrains mirent moins d'ardeur à
conquérir Condé. Or, autant que le- connétable, les protestants
avaient été effrayés de ses nouvelles inclinations. Aux pre-
miers bruits du mariage, ils craignirent de perdre à jamais
leur chef et commencèrent à intriguer pour le retenir au
milieu d'eux. Dès le i5 mars i565, Gaspar Barchino, corres-
pondant à Paris de l'ambassadeur d'Espagne, écrivait à son
maître que, pour s'attacher définitivement Oondé, il fallait
que le cardinal de Bourbon se réveillât, que celui de Lorraine
fit de belles promesses, et que Catherine l'attirât à la cour
avec de grands honneurs 2. Dix jours plus tard, il annonçait
que les huguenots offraient pour femme à Condé mademoi-
selle de Longueville, protestante comme lui, et qu'ils consen-
tiraient plutôt à le voir épouser sa maîtresse, Isabelle de
Limeuil, qu'une femme de la maison de Lorraine3.
Ces avertissements étaient fort bons. Les entrevues conti-
nuèrent quelque temps entre Condé et l'archevêque de Reims;
ils se rencontrèrent encore en mai à Soissons. Mais quand le
prince, qui désirait surtout le mariage avec la reine d'Ecosse,
eut reconnu la fourberie des Lorrains et la vanité de ses espé-
rances, il coupa court aux pourparlers l. et, cédant aux sollici-
tations des protestants, il épousa le 6 novembre mademoiselle
de Longueville. Il était à jamais perdu pour le parti catho-
lique.
i. Aumale (D'), Histoire des princes de Condé, t. I, p. 271.
■>,. \rcli. Nat., k i5o3, ii° 44, orig. ; dép. de Gaspar Barchino à Fr. de
Alava, de Paris, i"> mars [565,
3. Ibid., ii" /17, orig. ; dép. de Gaspar Barchino à Fr. de Alava, de Paris,
25 mars i565.
\. Anli. Nat., K t6o4, ir ."><;, orig. ; dép. de Fr. de Uava à Philippe II. de
Mont-de-Marsan, 20 juillet i565.
5/| LE RÔLE POLITIQUE DU CARDINAL DE BOURBON"
Le dépit de Charles de Bourbon fut d'autant plus grand que
le succès avait paru plus certain. Dans le brusque revirement
de son frère, le prélat reconnut facilement l'œuvre des réfor
mes. Parmi eux, Jeanne d'Albret était vraisemblablement une
des plus coupables. Le cardinal se rappela que déjà, en i562,
elle avait été la mauvaise conseillère d'Antoine de Bourbon.
Elle prenait maintenant sur son beau-frère l'ancienne influence
qu'elle avait eue sur son mari. L'archevêque de Bouen conçut
contre elle une inimitié violente qu'il ne tarda point à laisser
paraître.
Charles IX et Catherine remontaient vers le nord en compa-
gnie de la reine de Navarre, lorsque Coudé vint les rejoindre à
Niort. Le prince et Jeanne d'Albret eurent l'audace de faire
prêcher publiquement à la cour. Le cardinal s'en plaignit,
mais ce fut principalement contre sa belle-sœur qu'il dirigea
ses attaques, l'accusant d'aller contre les édits et de vouloir
troubler le royaume, La reine-mère dut interdire les prêches,
sinon dans les chambres, les portes closes4.
Ces restrictions ne suffirent point à calmer l'animosité du
prélat contre la reine de Navarre. Lors du mariage d'Antoine,
il avait renoncé en faveur de son frère à tout droit de succès
sion. Il prétendit faire annuler la clause du contrat et rentrer
en possession de ses biens2. Un événement explique cette atti-
tude brutale de Charles de Bourbon. C'est l'arrivée à la cour,
en janvier i566, du cardinal de Lorraine. Vis-à-vis de Mont-
morency tolérant, l'archevêque de Reims se posa en champion
du catholicisme et s'attaqua vigoureusement aux protestants. Il
en traîna dans sa politique le cardinal de Bourbon resté seul
entre les factions.
i. Calendar of state papers, 1564-1565, p. 535 ; s. 1., 1 1 déc. i565.
■>.. Cayet (P.), Chronologie novenàire, p. i06, col. i. — Traiclé sur la décla-
ration du Roy pour les droits de prérogative de Monseigneur le cardinal de
Bourbon. Paris. i5cS8, in-8°.
LES DECEPTIONS FAMILIALES ■).)
La situation se modifia dans l'entourage du roi. A la rivalité
de deux hommes, Montmorency et Condé, se substitua L'hosti-
lité de deux partis, les modérés et les intransigeants. Les
modérés se recrutaient surtout parmi les réformés, mais ils
comptaient aussi dans leurs rangs le chancelier de L'Hôpital, la
reine-mère et même le connétable qui désiraient l'ordre avant
toute chose. Les intransigeants, groupés autour du cardinal de
Lorraine, étaient peut-être moins nombreux, mais leur activité
suppléait à cette infériorité.
Ce furent bientôt des contestations continuelles1. Le maré-
chal de Montmorency et les amis de l'amiral de Coligny vou-
laient que l'on respectât les libertés accordées aux réformés ;
les cardinaux de Lorraine et de Bourbon sollicitaient Cathe-
rine de les restreindre le plus possible-. La reine-mère, s'eftbr-
çant d'apaiser les conflits, se vit reprocher par l'archevêque de
Rouen de négliger trop l'intérêt de la religion3. D'ailleurs, elle
ne réussit pas toujours à maintenir le calme.
Un matin, le cardinal de Bourbon vint se plaindre à elle que
le comte de Porcien fit prêcher publiquement dans quelques
châteaux qu'il possédait au diocèse de Rouen. Le comte, appelé,
protesta faiblement, mais Coligny présent prit sa défense,
s'étonnant de voir un archevêque empêcher de répandre la
parole divine. Le cardinal riposta, disant qu'il faisait tout poul-
ie service de Dieu et du roi, et que d'ailleurs il n'avait jamais
i. Ainsi à Moulins, à propos d'une réclamation des habitants de Dijon,
qui se plaignaient de l'exercice de la religion protestante dans leur ville,
une discussion violente s'éleva entre le cardinal de Lorraine et le chancelier
de L'Hôpital. Le cardinal, se sentant le plus faible, fit intervenir Charles de
Bourbon, qui le soutint chaudement, et tous deux fort en colère quittèrent
la salle du conseil. Il fallut toute L'habileté de Catherine pour apaiser le
conflit. V. Bibl. \at., f. fr., ms. 1780-*, f° 11, copie; lettre sans signature ni
adresse, de Moulins, 16 mars 1066. — Bibl. Nat., f. ital., ms. 1-26, f° 7 v°,
copie; dép. des ambass. vénitiens, de Moulins, 17 mars if>60. — Mémoires-
journaux de P. de L'Estoile, éd. Mich. et Bouj., p. 19. Ce dernier raconte le
fait un peu différemment,
1. Davila, Histoire des guerres civiles, I. I, p. 228.
3. Arch. Nat., K i5o5, n° 81, orig. ; dép. de, Fr. de Alava à Philippe II, de
Moulins, iti mais i566.
56 LE ROLE POLITIQUE DL CARDINAL DE BOURBOX
introduit Les anglais en France. L'amiral releva l'insulte, u Mon-
seigneur, vous ne devez pas traiter ainsi un gentilhomme de
ma valeur. » — « Et vous, répliqua le cardinal, ayez plus de
respect pour un prince tel que moi. » La reine-mère dut leur
imposer silence, mais la querelle ne s'arrêta point là. Goligny
irrité quitta la cour et partit au-devant de Gondé qui s'y ren-
dait. Le cardinal, de son côté, envoya un gentilhomme à son
frère pour savoir lequel des deux il voulait favoriser. Le prince
parvint à les réconcilier1.
Ces querelles fréquentes excitaient les adversaires. Au mois de
juin de l'année suivante, le cardinal de Bourbon et le duc de
Montpensier réussirent à faire envoyer au parlement de Paris
un édit interdisant tout exercice de la religion réformée dans la
ville ou les bourgs voisins -. C'était une provocation. La lutte
semblait imminente. Elle fut décidée, lorsque Condé, que
l'ambition menait toujours, perdit l'espoir d'obtenir la lieute
nance générale du royaume, que Catherine avait semblé lui
promettre. Le duc d'Anjou, frère du roi, la reçut, mais les
protestants trouvèrent un chef.
Cependant le cardinal de Bourbon n'eut point voulu une
guerre. Si sa piété faisait de lui un ennemi des huguenots, son
affection encore forte pour sa famille s'opposait à leur complet
écrasement, qui eut été la ruine d'une grande partie des siens.
Après la bataille de Saint-Denis, qui coûta la vie au connétable
de Montmorency, Condé écrivit au roi et à Catherine pour les
supplier de mettre lin aux calamités qui accablaient le
royaume. Le cardinal de Bourbon appuya de tout son pouvoir
la requête de son frère, en montrant à la reine-mère la grande
responsabilité qu'elle assumerait, si elle refusait de traiter3. H
i. Arch. Nat., K [5o6, n° 86, orig. ; dép. de Fr. de .Via va à Philippe II, de
Paris. 26 nov. I50G. — IMbl. Nat., f. ital., ms, 1726, P» 64 et 65, copie ; dép.
des ambass. vénitiens, de Paris, 29 nov. et 12 déc. i56(i.
2. Bibl. Nat., f. ital., ms. 1726, f" 119 v", copie; dép. des ambass. véni-
tiens, de Paris, i3 juin 1 5 (ï 7 .
3. Bibl. Nat., f. ital., ms. 1726, f" 210 v", copie; dép. des ambass. véni-
tiens, de Paris, 10 mars i568. — Calendar of state papers , (566-1569-, p. 422 ;
de Paris, 1" mars [568.
LES DÉCEPTIONS FAMILIALES .">-
eut plusieurs conférences secrètes avec Dainville. connu pour
ses opinions modérées '. Sous cette influence, la paix fut con-
clue et signée le i3 mars i568 à Longjumeau.
Une fois de plus, les Bourbons catholiques se rapprochèrent
des Bourbons protestants. L'archevêque de Rouen, le duc de
Montpensier lui-même, abandonnèrent les idées intransigeantes
des Lorrains. Us affirmèrent hautement qu'ils avaient à cœur
l'honneur de leur maison -. Le cardinal fit de nouvelles tenta-
tives auprès de son frère. Il lui promit satisfaction cl sécurité,
s'il abandonnait le parti calviniste ; mais en vain3. Il se heurta
à un refus opiniâtre. Coudé lui signifia que, si le cardinal de
Lorraine ne quittait pas la cour avant son arrivée, il pourrait
bien rougir de son sang son vêtement noir *. De telles paroles
rendaient les rivaux irréconciliables. L'entêtement de son frère
à rester parmi les hérétiques rejeta une fois de plus le cardinal
de Bourbon vers les Lorrains.
D'ailleurs la paix ne fut qu'une simple trêve. Catherine,
encouragée par l'exemple de Philippe II, tenta de s'emparer de
Coligny et de Condé. Us échappèrent et entrèrent en cam-
pagne. V nouveau l'archevêque de Rouen se laissa conduire par
l'archevêque de Reims5, qu'il déclarait être l'unique soutien
de la religion menacée1'. Il semble même qu'il prît plaisir
à s'effacer devant son cousin. V la procession de la Saint-
Michel (29 septembre i568), lui, prince du sang, se contenta
1. Arch. Nat., K i5oo, n° 16. orig. ; dép. de Fr. do Alava à Philippe II, de
Paris, iG févr. i565.
2. Bibl. Nat., f. h\, 111s. i5546, f" 1 ; procès-verbal de l'assemblée du
1" mai 1068, analysé dans Lettres de Cath. de Médicis, i. III, p. xxiv.
Calendar ofstate papers, 1566-1568, p. 'i">3;de Paris, 2 mai i568.
3. Bibl. Nat., f. ital., ms. 1726, f' ■>.\->. v. copie ; dép. des ambass. véni-
tiens, de Paris, 2I juin [568.
4. Négociations diplom. avec la Toscane, I. III. p. 574; de Paris,
21 mai i568.
5. Bibl. Nat., f. ital., ms. 172(3, f° 27") v" ; dép. des ambass. vénitiens, de
Paris, 21 sept. 1 568. — Dans une nouvelle discussion survenue entre le
chancelier de L'Hôpital et le cardinal de Lorraine, celui-ci troma encore un
appui auprès de Charles de Bourbon.
(j. Lettres de Cath. de Médicis, t. III, p. xi,.
58 LE RÔLE POLITIQUE DU CARDINAL DE BOURBON
d'escorter le cardinal de Lorraine qui portait le Saint-Sacre-
ment *.
Un événement imprévu vint rompre cette bonne entente et
rappeler une fois de plus le prélat à ses devoirs de famille. Le
i3 mars 1069, Condé était assassiné sur le champ de bataille de
Jarnac.
Avec Condé le cardinal perdait le dernier de ses frères2; et
cependant sa mort ne l'affligea pas, ou du moins il ne laissa
point paraître sa douleur. Le grand désir du prélat avait été
de ramener l'égaré dans le bon chemin. A chaque paix, à
chaque trêve, il fit entendre au prince ses exhortations, mais
jamais Condé ne les écouta sincèrement. Sa plus ou moins
grande facilité varia avec le crédit dont il jouit auprès des pro-
testants. L'espoir d'un mariage avec Marie Stuart ou de la lieu-
tenance générale le rapprocha un instant du catholicisme.
L'espoir détruit, il revint à l'hérésie. Les nombreuses décep-
tions, que le cardinal éprouva, avaient singulièrement diminué
sa tendresse pour son cadet.
Lorsqu'il eut appris la victoire du duc d'Anjou et la mort du
prince, le prélat se rendit chez le roi. « Sire, lui dit-il, vous
avez un grand et valeureux frère ; j'en ai perdu un misérable
et impie. Je rends grâces à Dieu et me réjouis avec Votre
Majesté :<. » C'était une oraison funèbre un peu brève, mais ses
plaintes eussent été mal accueillies dans l'allégresse de la cour.
1. Barthélémy (Ed. de), Journal d'un curé ligueur de Paris, p. 99.
2. La mort violente de tous les frères du cardinal frappa les contempo-
rains. Jean Dorât adressa à ce sujet une courte pièce envers latins à Charles
de Bourbon. Elle est publiée dans Les mémoires de Messire Michel de Caslel-
nau, seigneur de Mauvissiére, éd. Le Laboureur, t. II, p. 622 ; — dans
Mémoires-journaux de P. de L'Estoile, éd. Mich. et Pouj., p. 21. — Une note
marginale se trouvant à côté d'une copie de cette pièce l'attribue à Passe-
rat. V. Bibl. Nat., f. Dupuv, 111s. 837, f° 3o.
3. Bibl. Nat., f. ital., nis. 17^7, f° 12, copie ; dép. des ambass. vénitiens,
de Metz, 21 mars 1569. — Négociations diplom. avec la Toscane, t. III, p. 587 ;
de Met/, 23 mars [56o.
LES DECEPTIONS FAMILIALES JÇ)
L'affection, qu'il avait toujours portée à sa famille, retomba
dès lors sur ses cinq neveux, seuls descendants des nombreux
enfants mâles du duc de Vendôme. Tous grandissaient au sein
de la religion protestante. L'aîné, Henri de Bourbon, l'unique
fils d'Antoine, âgé déjà de seize ans, était resté sous la surveil-
lance de sa mère Jeanne d'Albret. Des quatre auties, fils de
Condé, trois étaient nés d'Eléonore de Roye, Henri, François et
Charles : le plus jeune, appelé Charles également, de Françoise
d'Orléans, duchesse de Longueville '. Ce dernier trouvait dans
sa mère une tutrice naturelle ; mais les trois premiers, dont
l'aîné avait à peine quinze ans, eurent besoin d'un tuteur.
La première pensée du cardinal, en apprenant la mort de son
frère, fut pour ses neveux. Après avoir félicité le roi de la vic-
toire, il se jeta à ses genoux. « Ayez pitié de pauvres orphe-
lins, dit-il ; faites-les venir auprès de Votre Majesté, où ils
seront élevés dans la vraie religion, pour que les ennemis de
Dieu ne les prennent point, comme ils ont fait de leur père ».
Il demanda aussi qu'on les laissât jouir de leurs biens et des
gouvernements que possédait Condé. Le roi se réserva ; il vou-
lait, répondit-il, une confirmation de la mort du prince, avant
de prendre une décision2. Mais la mort n'était que trop réelle,
et le cardinal renouvela sa demande 3. Par lettres patentes du
21 octobre i56g, le roi le nomma tuteur des trois enfants d'Eléo-
nore de Roye et administrateur de leurs biens1.
Quoique ses neveux fussent restés auprès de la princesse leur
belle-mère et que celle-ci eût écrit à la reine d'Angleterre pour
se mettre sous sa protection, quoique l'aîné, Henri, combattit
déjà au côté de son cousin le roi de Navarre, le cardinal de
Bourbon n'en défendit pas moins leurs intérêts. Ce ne fut pas
chose facile, car il rencontra L'opposition du cardinal de Lor-
i. Voir l'Appendice, n" I b.
2. Bibl. Nat., f. ilal., ms. 1727, f° 12, copie ; dép. dos ambass. vénitiens,
de Met/, 21 mars i56g. — Mémoires de Claude Haton, curé de Provins, l. Il,
p. 548.
3. Calendar of state papers, î569-i571, p. 78 ; de Paris, il juin t56g.
\. Arch. Nat., A1'' 8638, f° 45i v° ; lettres patentes de ( lharles l\. de Saint-
Gertnain-des Prés. •> uov. 1570. (Pièces jnstif. n" l\ .<
6o LE RÔLE POLITIQUE DU CARDINAL DE BOURBON
raine, qui s'acharna sur ces derniers Bourbons comme sur une
proie.
Il est curieux de noter que l'affection de l'archevêque de Rouen
pour ses neveux suffît à en faire l'adversaire d'un homme, qui
avait toujours eu sur lui une influence énorme. Lui si faible
d'ordinaire, il sut prendre une attitude énergique, quand la
t •
ruine menaça les siens.
Le ici août, le roi fit enregistrer par le parlement un édil por-
tant confiscation des biens des huguenots1. Lorsque la cour,
soutenue par l'archevêque de Reims, voulut procéder à l'exé-
cution de l'édit, principalement contre les chefs du parti la
reine de Navarre et la princesse de Condé, Charles de Bourbon
ne craignit pas de s'y opposer. 11 reprocha même publique-
ment à son cousin de vouloir moins l'accroissement de la reli-
gion que le malheur de sa maison/. Puis il se fit confirmer par
le roi dans sa charge de tuteur et de curateur de ses neveux jus-
qu'à leur majorité 3.
Ce n'est pas que le cardinal eût perdu son intransigeance.
Les exhortations de Philippe II auraient suffi à la lui conserver4.
Lorsqu'on parla, devant la résistance des réformés, de leur
accorder la paix avec l'exercice de la religion, le prélat protesta
hautement : malgré les multiples obligations qu'il avait envers
le roi, qui le comblait de biens et d'honneurs, malgré son sang
qui le rattachait au trône, il quitterait le royaume et s'en irait à
Rome plutôt que d'assister à la ruine de sa patrie r». Quelques
semaines auparavant, il avait déclaré à l'ambassadeur d'Es-
pagne qu'il ne désarmerait pas, tant qu'il resterait en France
i. Barthélémy (Ed. de), Journal d'un curé ligueur de Paris, p. 108.
2. Négociations diplom. avec la Toscane, t. III, p. Goi ; s. 1.. zt sept. i56g.
3. Arch. Nat., V' 8628, f° 45i v° ; lettres patentes de Charles IX, do Saint-
Germain-des-Prés, 2 nov. 1570. (Pièces justif. n° IV.)
4. Croze (De), Les Guises, les Valois et Philippe II, 1. 1, p. 345 ; lettre de Phi-
lippe lt au card. de Bourbon, du 3o déc. 1669. — La réponse du cardinal
au roi d'Espagne, d'Angers, i5 févr. 1570, se trouve en original aux Arch.
Nat., K. iôi5, n° 46a.
5. Bibl. Nat., f. ital., nis. 1727, f" 117 V, copie; dép. des ambass. véni-
tiens, d'Angers, 3i janv. 1370.
LES DÉCEPTIONS FAMILIALES 6 1
an seul hérétique1. Les coupables, selon lui, n'étaient pas les
enfants encore irresponsables, auxquels le roi pouvait par-
donner ; c'étaient les deux étrangères, que le mariage avait
introduites dans sa famille, Jeanne d'Àlbret et Françoise d'Or-
léans. Vis-à-vis d'elles, poinl de ménagements.
l'ourlant celle belle ardeur ne dura poinl. Catherine de
Médieis. qui rêvait toujours de la paix, sut profiter du désaccord
que la rivalité d'intérêt faisait naître entre Charles de Bourbon
et l'archevêque de Reims, et fut assez habile pour l'entretenir2.
Le cardinal, livré à ses propres forces, ne résista pas long
temps à l'enjôleuse. 11 refusa d'abord énergiquement de négo
cier un accord au nom de Charles IX avec les députés de la
reine de Navarre, sous prétexte qu'il ne pourrait s'exprimer à
cœur ouvert : toutefois, croyant l'occasion favorable pour
ramener sa belle-sœur au catholicisme, il consentit à entrer en
pourparlers avec elle. 11 lui montra tout le mal qu'elle se faisait
ainsi qu'à son fils, affirma que son peuple suivrait docilement
son exemple, si elle se convertissait 3. Mais il aurait fallu une
voix plus persuasive que celle du cardinal pour triompher de
Jeanne d'Albret. Il s'en rendit compte lui-même et avoua bien
toi au nonce que les huguenots ne céderaient jamais dans leurs
revendications4. Et dans cet aveu fait par le prélat, il y avait
déjà un indice de concession.
11 eut d'ailleurs des excuses à sa faiblesse. On préparait entre
la France, Philippe II et les princes catholiques d'Allemagne
un immense projet d'alliance qui, dans un avenir prochain,
devait amener la destruction définitive de l'hérésie. Le cardi
nal s'en enthousiasma, et l'espoir du rapide triomphe de sa
i. Arch. Nat., K i5i2, a0 n6, orig. ; dép. dé Fr. de Alava à Philippe II,
dé Tours, 1 1 oct. i56g.
■>.. Arch. Nat., K im'i. n° m'i, orig. ; dép. de Fr. de Uava à Philippe II.
de Paris, 22 mai i56g ; — K iu», n 17."). orig. ; sommaire de la chancel-
lerie des dépêches de Fr. de Uava à Philippe II. du 8 C10V. au \ déc. i56().
3. Négociations diplom. avec la Toscane, t. III. p. 610; d'Angers,
3 1 janv. 1 670.
\. Bibl. Nat.. r. liai., nis. 1 -7 >7. r [27, copie; dép. desambass. vénitiens.
d'Angers, t8 l'évr. 1 570.
62 LE ROLE POLITIQUE DL CARDINAL DE BOLHBON
religion le fit condescendre plus facilement à une paix momen-
tanée avec les réformés1. Enfin il fut entièrement conquis par
une proposition toute nouvelle que lui soumit Catherine et qui
était bien faite pour le séduire : un mariage entre le roi de
Navarre et sa fille Marguerite de France. Cette sorte d'alliance,
qui avait failli donner de si beaux. résultats avec Condé, sem-
blait le moyen le plus rapide et le plus Sûr pour attirer le jeune
prince au catholicisme. Aussi le cardinal se fit-il le champion du
projet. Hautement il se porta garant des bonnes dispositions de
son neveu que seule, affirmait-il, la tyrannie de l'amiral empê-
chait d'abandonner les doctrines hérétiques -. D'ailleurs à ce
moment le parti modéré l'emportait. Les Lorrains opposés à
tout accord quittèrent la cour. La paix fut signée à Saint-Ger-
main le 8 août 1070.
Devant les avantages considérables concédés aux réformés,
le cardinal versa des larmes. Mais c'étaient des larmes de joie,
comme le dit l'ambassadeur espagnol, et l'oncle attendait avec
impatience le moment où il pourrait embrasser ses neveux3.
Sa nouvelle attitude ne plut point à Philippe II ni au pape i.
L'ambassadeur d'Espagne, qui quelque temps auparavant
conseillait à son maître de féliciter le prélat de ses bonnes
intentions5, alla jusqu'à l'accuser publiquement de favoriser
l'hérésie. A dire vrai le reproche était immérité et toute la cour
condamna l'audace de l'ambassadeur0. Peu importait d'ailleurs
1. Bibl. Nat., f. ital.. ms. 17^7, P1 t5o v°, copie; dép. des anibass. véni-
tiens, de Chateaubriand. 19 avril 1670.
■>.. Ibid., f" 1.").") v"; de Chateaubriand, 3 niai i f> 7 <> . — DeThou, Histoire
universelle, t. M, p. 62*.
3. Arch. Nat., K i5i6, n° 21, orig. ; dép. de l'r. de Alava à Philippe II, de
Paris, 21 juill. 1 -"> 7 « » -
\. Le pape Pie V écrivit au cardinal de Bourhon son mécontentement au
sujet de celle paix dans un bref daté de Rome, a3 sept. 1570, où il l'exhortait
à défendre la foi catholique, le menaçant de punitions s'il manquait à son
devoir. V. Falloux (C" de). Histoire de S<iiiU Pie V, a" éd., t. I, p. 209.
."). Arch. Nat., K i5i<», n° 43. orig. ; dép. de Fr. de Alava à Philippe 11, de
Paris, 3o sept. i568.
(i. Bibl. Nat.. f. ital., ms. 1737, f° 3oo v°, copie; dép. des ambass. véni-
tiens, de Blois, 28 sept. 1 f» 7 1 . — Lettres de Cath. de Médicis, t. IV, p. 64 ; à
M. de Pourquevaux, s. !.. Il août 1 ."> 7 1 .
LES DECEPTIONS FAMILIALES 03
à L'archevêque de Rouen, qui voyait sa maison triomphante
hors des dangers où l'avait jetée l'inconstance de ses frères.
Charles de Bourbon n'avait pas attendu la conclusion de la
paix pour renouer de bonnes relations avec Jeanne d'Albret.
Une transaction mit fin au procès qu'il lui avait intenté pour
se faire restituer ses biens patrimoniaux, par laquelle le prélat
abandonna tous ses droits sur une promesse de cent mille
livres1. Les sentiments d'affection étaient si sincères, que son
filleul osa solliciter son appui pour demander à Charles IX la
continuation de ses e états et pensions », et le cardinal obtint
main-levée sur certains biens du jeune prince, que le fisc
royal avait saisis en Flandre-.
Mais, si Catherine et Charles de Bourbon désiraient ardem-
ment la conclusion du mariage projeté, Jeanne d'Albret se
montra beaucoup plus réservée. Une première ambassade de
Biron auprès d'elle resta sans résultat. Une seconde en
novembre 1071 eut plus de succès. Jeanne avoua ses craintes,
et. si elle refusa de venir à Paris, elle consentit du moins à négo-
cier par l'intermédiaire du cardinal de Bourbon 3. Finalement
elle rejoignit la cour à Blois. L'archevêque de Rouen était venu
au-devant d'elle jusqu'à Tours1.
Le 1 1 avril les articles du contrat furent arrêtés. Charles de
Bourbon renonça de nouveau en faveur de son neveu à toute
succession, qui pourrait lui revenir, el lui abandonna les cent
mille livres dues par sa mère. On régla aussi la cérémonie du
mariage, que le cardinal devait bénir suivant le rite catho-
1. Traicté sur la déclaration du roy pour les <imiis de prérogative de Mon-
seigneur le cardinalde Bourbon. Paris, i588, in-8".
■>.. Lettres missives de Henri IV, t. I. p. i<>; au cardinal de Bourbon, de
Luzey, i3 sept. 1070.
3. Barthclem) (Ed. de), Correspondance inédite d' irmandde Gontaut- Biron,
p. 46 ; à Cath. de Médicis, de Sauveterre, ta n<>\. i r> — i .
4. Bordenave (N. do. Histoire >lr liront ri Wavarre, 1517-1572 iSoc. de
l'hist. de France 1. p. 33o.
6/( LE ROLE POLITIQUE DU CARDINAL DE BOURBON
lique1. C'était auprès de lui désormais que Jeanne d'Albret,
isolée dans celte cour ennemie, cherchait un appui, et,
lorsqu'elle mourut le 9 juin 1672, elle le pria de servir de père
et de protecteur à ses deux enfants-.
Pendant que Ton tranchait les derniers points en litige, un
autre mariage se préparait. L'ainé. des fils de Gondé, Henri de
Bourbon, se fiançait à sa cousine germaine Marie de Clèves, iillede
François de Clèves, duc de Nevers, et de Marguerite de Bourbon.
Marie était donc aussi une nièce du cardinal. Toute jeune encore
à la mort de sa mère, elle avait été confiée à sa tante Jeanne
d'Albret et avait grandi au sein de la religion prolestante
avec la fille de la reine de Navarre, Catherine. Cette nouvelle
union était décidée depuis bien longtemps ; personne ne songea
à s'y opposer. Le cardinal comptait sur l'avenir pour triompher
des tendances hérétiques des jeunes fiancés.
Alors que tout semblait résolu, les difficultés surgirent. Non
seulement il fallait une autorisation du souverain pontife pour
que Marguerite de France, de religion catholique, s'unit à un
protestant, mais encore des dispenses étaient nécessaires pour
que les cousins épousassent leurs cousines. Or Pie V, malgré
les promesses de Catherine, qui lui assurait la conversion pro-
chaine de Henri de Bourbon après son mariage, s'entêtait dans
un refus. Il voulait, avant d'accorder l'autorisation, que
Navarre eut abjuré. Il mourut le 1" mai, mais son successeur
Grégoire \lll ne se montra pas plus facile.
La disparition de Jeanne d'Albrei sembla mettre fin à une
partie des difficultés ; car nul ne doutait, et le cardinal moins
t. Négociations diplom. avec la Toscane, I. III. p. 753 cl -(YS: do Paris.
16 mars cl l'lois. i5 avril 1 r» 7 ■> . — Le texte du contrai arrêté à Blois le
1 1 avril esl publié dans Mémoires de Vestai de France sous Charles IX, t. 1,
f" i53 v"; — La Popelinière, L'histoire de France, I. II. I'" 13. — D'après
une noie sur le mariage 1 \reh. Nat., K i§3i, n° 11 bis), la somme duo au
cardinal cl laissée par lui à son neveu aurait été de soixante-quinze mille
livres.
■>.. Le testament de Jeanne d'Albret. dont le cardinal el Colignj furent
les exécuteurs, esl public'' dans Mémoires de Vjestat île France SOUS Clutrlex IX,
l. I, I" [68 \ .
LES DÉCEPTIONS FAMILIALES 65
que toul autre, que, la mère étant morte, la conversion du fils ne
fût plus aisée1. Aussi le 8 juillet il alla le chercher à Palaiseau
et tous deux entrèrent dans Paris solennellement*2.
Cependant le pauvre cardinal restait dans une situation bien
fausse. Quoiqu'il désirât ardemment le mariage de son neveu,
son respect de la puissance pontificale le forçait à en attendre
une autorisation. D'un côté Catherine le pressait vivement de
bénir l'union, de l'autre le nonce le rappelait à ses devoirs de
pieuse obéissance3. Entre les deux partis il fallait choisir.
Devait-il sacrifier sa famille à sa religion, ou manquer
à sa religion pour sauver sa famille P Déjà le prince de Condé,
fatigué de ces retards, avait épousé Marie de Clèves suivant le
rite protestant. Le cardinal n'assista pas à la cérémonie, célébrée
d'ailleurs dans une intimité fort restreinte ; mais, quand il
voulut adresser quelques reproches à son neveu, celui-ci lui
répondit qu'il n'avait besoin pour son mariage que d'une
autorisation, celle du roi4.
Charles de Bourbon hésitait toujours et la situation menaçait
de ge prolonger fort longtemps, quand Charles IX et Catherine
de Médicis, pressés d'aboutir pour des raisons différentes,
usèrent de sa crédulité pour vaincre sa résistance. Ils lui
i. Theincr (A..), Annales ecclesiastici. I. I, p. 338 et 33c) ; il vescovo di
Gajazzp al cardinale di Cnmo, de Paris, 9 et ao juin 1573.
•?. Registres des délib. <lu bureau de In ville de Paris, t. VI, p. J6g. — Calen*
dar oj slate papers, 157&157Û, p. i44" de Paris, 9 juillet 1 5 7 î . — L'ambas-
sadeur vénitien ( V. Tonimaseo <Y), Relations des ambass. vénitiens, t. IV,
p. a54) dit : « II cardinale] in parte col suo perpétue, ossequio ha ridoffe
le cose a termine ehe suo nipote, il "principe di Navarra, di ribelle e inimico
che prima era chiamato dal re, al présente è, o presto sara. eognato délia
Maestà sua; nel qualc negozio il procéder del cardinale lia concorso a si
buono efïetto. »
.'!. \rch. \al., K i53q, 11" 18, orig. ; dép. de Diego de Çuniga à Philippe II ,
de Paris, ->.o août 1572. — Négociations <lipl<>m. avec In Toscane, I. III, p. Sol ;
de Paris, 30 août 1 5 7 ■* .
4- \rcli. \al.. k [58o, n" i3, orig.; dép. de I). de Çuniga à Philippe II,
de Paris, 8 août 1 ■>-■>.. — Pc prince de Condé lui marié à Blandj (eanton
du Ghâtelet en-Brie, Seine-et-Marne), le t>. août. Vinun prince du sang,
sauf le roi de Navarre, n'assista à la cérémonie, tOU8 ayant pris ili\ciscs
excuses.
Sai lnier. — Cardinal <!<■ Bourbon. 5
66 LE ItÔLE POLITIQUE DU C.YKDINAL DE 130UUBON
montrèrent une lettre qu'envoyait, dirent-ils, l'ambassadeur
de France à Rome. Cette lettre fausse annonçait comme pro-
chaine l'arrivée de L'autorisation, que le cardinal de Lorraine
alors en Italie avait enfin obtenue du pape1. Rien ne s'opposait
plus à la conclusion du mariage. Le 17 août le cardinal de
Rourbon célébra les fiançailles au Louvre, et le contrat y tut
signé2. Le lendemain il reçut les jeunes' gens sur un échafaud
dressé devant le portail de Notre-Dame de Paris et bénit leur
union3. Or six jours après avait lieu la tuerie de la Saint-Rar-
thélemy.
Il est difficile de connaître les véritables sentiments du cardi-
nal sur le massacre. Dans des instants aussi tragiques sa pauvre
personnalité disparaît. Aucune relation ne nous parle de lui.
1. Arch. Nat., K i53o, n° 18, orig. ; dép. de D. de Çuniga à Philippe II, de
Paris. 20 août 1572. — Négociations diplom. avec la Toscane, t. III, p. So't ;
de Paris, 20 août 1572. — De Thou, Histoire universelle, t. VI, p. 877. —
Mémoires de l'estat de France sous Charles IX, t. I, f° 179. — D'après ce der-
nier ouvrage, le pape aurait envoyé une première dispense que le cardinal
de Bourbon n'aurait pas jugée assez complète. Ce fait parait invraisem-
blable. 11 est peu probable que Grégoire XIII ait transigé, surtout d'une
manière si peu franche. Les autres relations contemporaines ne parlent
d'ailleurs point de cette première dispense, ni Camillo Capilupi dans Lo
stratagèma di Carlo IX re di Francia contro gli ugonotli ribelli di Dio e. suoi
(Homa, 1072, in-4°), ni les dépêches des ambassadeurs vénitiens, toscans et
espagnols. Cependant cette erreur est passée dans les histoires de l'époque:
La Popelinière, L'histoire de France, t. II, f" 63 v". — De Thou, Histoire uni-
verselle, t. VI, p. 376. — Davila, Histoire des guerres civiles, t. I, P- ioa. Les
deux premiers ont certainement connu les Mémoires de l'estat de France;
Davila peut-être aussi, ou bien a-t-il simplement copié l'un d'eux.
Il est probable que l'auteur des Mémoires a cru voir cette première dis-
pense dans un bref du pape au cardinal de Bourbon, de Rome, 7 juillet 1752,
qui n'est qu'un encouragement à la conversion du roi de Navarre et des
autres hérétiques. V. Saulnier (Eug.), Une prétendue dispense du mariage de
Henri de Bourbon et de Marguerite de France en août 1572 dans Bibl. de
l'Ecole <les Chartes t. LXXI, 1910.
2. De Thou, Histoire universelle, t. VI, p. 377 — Mémoires de l'estat de
France sous Charles IX, t. I, f" 189 v°. — Le texte du contrat signé le 17 août
se trouve dans Du Mont, Corps universel diplomatique, t. IX, p. 216.
3. Mémoires de Marguerite de Valois (Soc. de l'hist. de France), p. a5. —
Mémoires de Claude Ha ton, curé du Provins, t. II, p. 664- — Godefroy (Th.),
Le cérémonial françois, l. II, p. 45 etsuiv.
LES DÉCEPTIONS FAMILIALES (\-
Nul doute cependant qu'on l'ait tenu à l'écart du complot. Mais
le condamna-t-il ? Il n'avait jamais montré grande pitié vis-
à-vis des réformés et l'on connaît la manière assez vigoureuse
dont il usa pour chasser l'hérésie de son diocèse. D'ailleurs
pouvait-il condamner le massacre, quand le pape lui-même
l'approuvait ? Et ce massacre n'était-il pas doublement heureux,
puisqu'il faisait disparaître le grand chef protestant, Coligny,
et qu'il provoquait le retour de ses neveux au catholicisme ?
Devant la mort, les jeunes gens avaient en effet promis
d'abjurer. Le prélat tout joyeux se chargea de leur conversion.
Convertir des enfants lui sembla chose facile, d'autant plus
que Jeanne d'Albret n'était plus là pour contrarier ses projets.
\u lendemain même de sa mort, il avait commencé ses exhor-
tations1. Maintenant ce fut une initiation méthodique. Chaque
jour il passa plusieurs heures auprès de ses neveux pour ouvrir
leurs yeux à la lumière2. Se défiant de ses qualités persuasives,
il lit appel à quelques théologiens, principalement au père
Maldonat. jésuite, qu'il tenait en grande estime. Un événement
vint hâter le bon succès de ses efforts. Un des plus célèbres
prédicateurs protestants, Hugues Sureau du Rosier, abjura
solennellement, proclamant la vérité supérieure du catholi-
cisme3. Il fut d'un utile exemple.
La première, la jeune princesse de Coudé céda : quelques
jours après le prince reconnut son erreur, mais il y mit des
conditions. Il voulut abjurer entre les mains de son oncle le
cardinal, dans son abbaye de Saint-Cerinain-des-Prés et non
pas à Notre-Dame devant l'évêque de Paris, comme on le
i. Theiner (A.ug.), innales ecclesiastici, t. I. p. 338 el 33g : il vescovo di
Gajazzo al cardinale di Como, de Paris, 9 et 30 juin 1 ."» 7 ■> .
3. Davila, Histoire des guerres civiles, t. I, p. 423.
3. De Thon, Histoire universelle, t. VI, p. ^5g. - La l'opeliiuère. L'his-
toire de France, t. II. f"5 77 et 79. — Du Rosier s'était converti sans doute
parce qu'il trouvait trop dur le régime de la prison où on l'avait enfermé.
Ouelque temps après, envoyé avec le père Maldonat à Metz pour convertir
la duchesse de Bouillon, il s'enfuit en Allemagne, revint au protestantisme
cl écrhit sa nouvelle profession de foi. Cf. Mémoires de V estai de Fronce sous
Charles l\, t. Il, f" 10',.
68 LE ROLE POLITIQUE DU CARDINAL DE BOURBON
désirait1. Enfin ce fut le tour du roi de Navarre et de sa sœur
Catherine de Bourbon2. Le jour de la Saint-Michel tous
allèrent entendre la messe en grande pompe3. Le cardinal
triomphait: le soir même de l'abjuration de son filleul, il
écrivit au pape pour lui annoncer sa victoire '.
Il ne lui restait plus qu'à obtenir de Rome L'absolution
pour les princes et le pardon pour soi-même, car il connaissait
maintenant la ruse de la lettre fausse et se croyait coupable
d'avoir été contre la volonté du pape. Grégoire XIII, dont la
nouvelle de la Saint-Barthélémy avait apaisé la colère, se mon-
tra prêt à tout accorder. Le 3 octobre, le cardinal lui annonça
officiellement la conversion de ses cinq neveux (les jeunes fils
de Condé avaient suivi l'exemple de leur aîné) et de ses deux
nièces, Catherine de Bourbon et Marie de Clèves. Le icr no-
vembre, le pape répondit par trois biefs, félicitant le cardinal
d'avoir été l'auteur d'une si heureuse entreprise et absolvant
les princes5. Toutefois il tint à ce que le mariage de Condé fût
célébré à nouveau suivant le rite catholique0. Quelques jouis
i. Arch. Nat., K i53o, n° 03, orig. ; lettre de D. de Çuntga au duc d'Alix-,
de Paris, 33 sept. 1672.
3. Theiner (Aug.), Annales ecclesiastici, t. I, p. 48. — Arch. Nat., K i53o,
n° 68 bis, orig. ; dép. de D. de Çuniga à Philippe II, de Paris, 28 sept. 1072.
— La princesse de Condé abjura le 12 septembre, le prince le 18 et le roi de
Navarre le 26.
3. Vrch. Nat., K i53o, n° 71, orig. ; dép. de D. de Çuniga à Philippe II, de
Paris, 29 sept. 1572.
4. Theiner (Aug.), Annales ecclesiastici, t. I, p. 33<j ; lettre du card. de
Bourbon au pape, de Paris, 2O sept. 1572.
5. Copie des lettres du roy de Navarre et de Messeigneurs le cardinal de
Bourbon et prince de Condé, envoyées à nosire très sainct père le Pape,
ensemble les responces de sa Sainteté, latines el traduictesenfrançois. Paris,
1673, in-8°. — Les lettres sont précédées d'une courte préface de Jean Tou-
chard, datée du collège de Navarre le 1" janvier 1573 et adressée au cardi-
nal de Bourbon. Il > est qualifié de « vray jardinier qui avez faict enrouser
et si soigneusement renouveler ceste plante (la tige royale de Saint Louis)
que toute la postérité vous en sera très redevable des fruicts que nousespé-
rons à la conservation et repos perpétuel denostre très saincte mère l'église,
à la gloire de ce sceptre très chrestien et félicité publique ».
0. Les actes et dispence du mariage confirmé, contracté cl célébré par l'auc-
lorilé apostolique entre très nobles et très illustres Henri de Bourbon et Marie
LES DÉCEPTIONS FAMILI U.ES 69
plus fard, l'archevêque de Rouen, après avoir fait confesser les
princes et leurs femmes à des docteurs orthodoxes, dit en leur
présence la messe à Saint-Germain-l'Auxerrois et leur donna la
communion.
Le rève du cardinal était enfin réalisé. Il avait réuni toute sa
famille dans l'obéissance à Rome. Ses plus jeunes neveux
avaient rejoint la cour avec leur mère, Françoise d'Orléans,
où désormais ils reçurent une éducation chrétienne sous la
direction de leur oncle. La conversion semblait sincère. Les
princes prirent d'eux-mêmes une croix d'or qu'ils suspen-
dirent sur leur poitrine, dont ils ne se séparaient que la nuit
pour dormir !. Le roi de Navarre, de sa propre initiative, réta-
blit la religion catholique dans son royaume, d'où sa mère
l'avait chassée quelques années auparavant-. C'était, avec leur
retour au catholicisme, le triomphe assuré des Bourbons.
Le cardinal s'était donné tout entier à celte œuvre. Combien
grande fut sa désillusion, quand les événements lui montrèrent
que tout n'avait été qu'un jeu. Moins d'un an après, Navarre
et Condé essayèrent une première fois de s'enfuir devant La
Rochelle. Deux nouveaux complots amenèrent l'arrestation
momentanée du roi de Navarre et du duc d'Alençon, son com-
plice. Condé, qui était dans son gouvernement de Picardie,
partit pour l'Allemagne et revint au protestantisme. Un voyage
de son oncle auprès de lui fut inutile 3.
Lorsque Charles IX mourut le 3o mai 1 5 7 ^ , le cardinal de
Bourbon ne conservait plus d'espérances. Vprès avoir été
trompe par ses frères, il était trompé par ses neveux. Une fois
de plus sa famille trahissait sa bonne foi. Tous ses efforts
de Cléves, prince et princesse de Condé. Paris [1073], in-8°. — Ce nouveau
mariage fut célébré le \ décembre par le cardinal en son abbaye de Saint-
Germain-des-Prés.
1. Bibl. \at., f. fr., ms. 1 1 5 - 5 , f° £88, analysé dans Mémoires de Claude
lia/un, curé de Provins, t. II, p. 664.
■>.. Par un édit du G octobre 1073, publié par La Popelinière, L'histoire de
France, l. Il, f° 8,'|. — Theiner (A.ug.), innales ecclesiastici, t. I, p. V\2.
■S. \rcli. Nat., K [535, n° ."17, déchiffr. ; dép. de D. de Çuniga à Phi-
lippe II, de Paiis, îli avril i T> — 'i .
yO LE RÔLE POLITIQUE DU CARDINAL DE BOURBON
n'avaient servi qu'à ramener au catholicisme trois enfants,
les derniers fils de Gondé, trop jeunes encore pour oser ne pas
croire comme on leur commandait. A ceux-ci seuls il con-
serva sa bienveillance, mais il avait épuisé toute son ancienne
bonté; jamais plus il ne transigea dans l'intérêt de sa famille
avec ses croyances religieuses. , .
CHAPITRE IV
LA NAISSANCE DE LA LIGUE
\vec l'avènement de Henri III s'ouvre une nouvelle période
dans la vie du cardinal de Bourbon. Les derniers mois du
règne précédent ont brisé entièrement les liens d'amitié qui
l'unissaient à sa famille, du moins au roi de Navarre et au prince
de Condé. qui en sont les principaux membres, car ses trois
autres neveux grandissent sous sa surveillance et il les garde
avec un soin jaloux. Les déceptions successives, peut-être l'âge
aussi, car le prélat vieillit, l'ont conduit à ne plus s'attacher
qu'à sa religion. Le triomphe du catholicisme est désormais
son unique pensée. Comme il n'a plus d'intérêt personnel à
défendre dans la lutte des partis, puisqu'il renie ses neveux
hérétiques, son caractère faible va le soumettre à l'influence
de ceux qui l'entourent. Jadis l'amitié qu'il portait aux siens
lui fit prendre quelquefois une attitude énergique. Maintenant,
s'il retrouve cette énergie, c'est toujours à l'instigation intéres-
sée de ses conseillers intimes, qui tous chercheront à faire de
lui un défenseur de leur propre cause. Ses idées pacifiques, sa
bonté, sa grande amitié pour Catherine de Médicis, l'attachent
d'abord au parti modéré, que dirige la reine-mère ; mais, quand
il voit la politique de celle ci impuissante à extirper l'hérésie,
alors il se joint délibérément au parti de la guerre. Sollicité par
les Lorrains, il fait alliance avec eux. I ne dernière fois Cathe-
rine parvient à le ressaisir, avant qu'il tombe à jamais aux
mains de Henri de Lorraine.
\ la mort de Charles IX, la paix élail loin d'être parfaite dans
tout le royaume. Damville, dont le nom avait été prononcé
au cours du dernier complot, régnai I en maître dans son gou-
7 2 LE ROLE POLITIQUE DU CARDINAL DE BOURBON
vernement de Languedoc ; Condé armait sur le Rhin. Le carac-
tère indolent de Henri III n'était pas fait pour remédier au mal.
Le nouveau roi laissa le champ libre à Catherine, si habile
dans l'art des expédients, mais si peu propre à résoudre une
question difficile et à la terminer d'une seule fois. Quand, après
son voyage par l'Italie du nord, Henri III eut rejoint la cour à
Lyon, il fallut pourvoir aux affaires urgentes. Sans forces ni
argent, le gouvernement usa de la négociation. Le cardinal de
Bourbon, qui, seul avec le duc de Montpensier parmi les princes
et seigneurs, avait son entrée au conseil1, fut tout désigné pour
y participer.
D'abord on décida de l'envoyer à Genève vers le prince de
Condé, pour l'engager à rejoindre la cour2. Mais le danger
semblant plus pressant au midi, il partit pour Avignon.
C'était, disait on, afin de préparer les chambres et logis néces-
saires à la venue du roi 3. En réalité le prélat devait s'aboucher
avec Damville *. On croyait à un heureux succès, car ses relations
avec le maréchal étaient des plus cordiales5. Charles de Bour-
bon arriva dans Avignon le 21 octobre '\ mais ce fut en vain
1. Mémoires de Philippe Humu.lt, eomle de Qheverny, éd. Mich. et Pouj.,
p. 476, col. 2.
2. Florence, \rchi\i<> mediceo, ms. 46o3, f° .427, orîg. ; dép. d'AIamani
au grand duc, de Lyon, 18 ocl. 1674. — Bibl. Nat., f. ilal., ms. 1728, p. 423,
copie ; dép. des ambass. vénitiens, de Lyon, i5 oct. 1074. — Calendar of
state papers, 1 57 '2- 157 h, p. 565; de Lyon, 23 oct. 1574.
'6. Lettres de GcAh. de Médieis, t. V. p. 99; de Lyon, 1 \ oct. 1574. —
Mémoires-journaux de 1'. de L'Estoite, t. I, p. 33.
4. Florence, Archivio mediceo, ms. 46o3, f"s '428 v° et 429, orig. ; dép.
d'Alamani au grand-duc. de Lyon, i4 et 19 oct. 1.574. — Arcli. Nat.,
K i534, n° 32, déchifl'r. ; dép. de I). de Çuniga à Philippe II, de Lyon,
2 nov. 1074.
5. Bibl. Nat., f. ital., ms. 1728, p. 427. copie; dép. des ambass. vénitiens,
de Lyon, 19 oct. 1574. — L'ambassadeur affirme que le cardinal avait près
de lui un fds naturel de Damville, auquel il avait fait donner vingt mille
livres de rente des biens d'église.
6. Bibl. d'Avignon, ms, 2836, feuille de garde. ~ Justin (Le père) f.I.-F.
Boudin], Histoire des guerres civiles excitée* dons le Comtat-Venaissin, éd.
Bargavel, p. 3i6. — Le prélat ne fil son entrée solennelle que cinq jours
plus laid.
LA NAISSANCE DE L V LIGUE -J.)
qu'il engagea les pourparlers. Malgré les efforts de l'amiral de
Villars, oncle du révolté, celui-ci se refusa obstinément à toute
entrevue '. D'autres négociations n'eurent pas un meilleur
résultat. V la demande du cardinal, Henri III descendit même
jusqu'à Avignon -, mais i'espritde suite, qui faisait tant défaut
à la mère, manquait également au fils ; déjà fatigué, il remonta
vers le nord et songea au mariage.
Pendant ce temps, les protestants réunissaient une assemblée
et leurs demandes excessives laissaient peu d'espoir en une
paix prochaine. A la prière de Catherine, le cardinal de Bour-
bon fit une dernière tentative auprès de Coudé, qui menaçait
d'entrer en France avec une armée. « Songez, lui écrivit il,
qui vous estes, que vous faictes, et le piteux succez que vous
pouvez attendre d'une si peu louable entreprise; et conside-
re[z] aussi la fin de ceulx, qui par cy-devanl se sont laissez tumber
en cest erreur, que de s'attaquer contre le commandement de
Dieu à leur roy et à leur patrie, les grâces que sa divine bonté
vous a départies de vous avoir fait naistre tel que vous estes,
le bon traitement que vous avez receu du Boy, la majesté
duquel vous irriteriez tousjours d'avantaige au lieu de la
recongnoistre, et l'entière ruyne et désolation de voslre patrie,
laquelle ayant supporté le faix de tant de guerres passées et ne
pouvant presque plus respirer, ne doibt espérer suport ny pro-
tection plus seure que de vous-mesmes, qui estes au nombre
des principaux qu'elle a enfantez, et dont plustôt il seioil
besoin qu'elle fust avortée, que de voulloir ainsi l'affliger en
tournant contre elle les propres forces et moyens que Dieu vous
a donnez pour la secourir et conserver'. » La lettre n'était pas
i. Négociations dijtlmn. avec lu Toscane, t. IV, p. 29; de Lyon, 9 nov. i.">-'|.
:>.. \rch. Nat., K 1I.V1, n" 35, dcebitir. ; dép. de D. deÇunigaà Philippe II,
de Lyon, 16 nov. \^~'\.
3. liibl. \at., f. Colberl, ms. 29, f° ai5, orig. ; lettre du card. de Bourbon
au prince de (.'onde, de Paris, si aoùl 1 .">■;.">. publiée dans Le Cabinet histo-
rique, t. III, p. 198. — Celte lettre ne paraît pas avoir été rédigée par le
cardinal. Le style diffère étrangement du sien, qui est ordinairement lourd,
embarrassé et souvent peu clair. La signature étant sente autographe, on
peut croire que le cardinal n'a l'ait que signer la lettre.
-f\ LE RÔLE POLITIQUE DU CARDINAL DE BOURBON'
sans éloquence, mais il lui manquait cette chaude amitié que
le cardinal dispensait si généreusement aux siens. Il avait plus
écouté pour l'écrire les conseils de la reine-mère que ses propres
sentiments.
Cet appel à la concorde resta sans réponse. Bien au con-
traire quelques semaines plus lard le duc d'Alençon, frère du
roi, s'enfuit de la cour. Catherine de Médicis, craignant une
entente entre les huguenots et les politiques, se mit à sa pour-
suite, emmenant avec elle le cardinal de Bourbon x. Elle
parvint à faire conclure une trêve de sept mois. Mais bientôt
les hostilités recommencèrent et elle rentra dans Paris, traî-
nant toujours le cardinal -. Quelque temps après le roi de
Navarre s'enfuit à son tour. La victoire de Dormans remportée
par le jeune duc de Guise ne sauva pas la situation, que l'in-
dolence du roi avait laissé s'aggraver 3. Menacé jusque dans sa
capitale, Henri III dut céder aux exigences de ses ennemis.
Catherine, envoyée une seconde fois en négociatrice, traita le
8 mai à Beaulieu.
Le cardinal n'avait point varié d'opinion. « Ce réaulme a
grand besoin d'une bonne paix, écrivait-il au duc dé Nevers,
car il est ruiné sans cela. Mais je prie à Dieu qu'il nous doinct
ce qu'il nous est nécessaire4. » Cette dernière phrase indique
suffisamment ses désirs secrets, qui sont également ceux de la
plupart des catholiques. Ils veulent la paix, mais à leur avan-
tage. Or le nouveau traité est loin de les satisfaire. Il
accorde aux protestants l'exercice du culte partout, sauf à
Paris et là où la cour se trouvera, huit places de sûreté et
i. Mémoires-journaux de P. de L'Estoile, t. I, p. 83. — La Bibl. Xat.. f. fr.,
ms. 33g6, f° i5, possède une lettre autographe du cardinal au roi, de
Mantes, .23 sept. 1075, au sujet de ces négociations avec le duc d'Alençon.
2. Mémoires-journaux de P. de L'Estoile, t. 1, p. 111.
3. D'après L'Estoile (t. I, p. 122), à cet instant si critique, le roi ne faisait
« quasi autre chose que de se proumener aux environs de Paris pour y voir
les plus belles maisons et en acheter une qui fust au gré de lui et de la
roi ne sa femme ».
!\. Bibl. Nat., f. fr., ms. 3360, f" 60, autogr. ; lettre du card. de Bourbon
au duc de Nevers, de Blois, ."> oct, 1 570.
LA NAISSANCE DE LA LIGUE 70
dos chambres mi-parties. Jamais les réformés n'ont obtenu de
si importantes concessions.
Avec tous les catholiques, qui ne voyaient dans la dernière
guerre que la victoire de Dormans, le cardinal de Bourbon pro-
testa. Avec tous les prélats qui étaient en cour, il refusa d'assis-
ter au Te Deam d'actions de grâces chanté à Notre-Dame par
les musiciens du roi, les chanoines ne l'ayant pas voulu. De
leur côté les Lorrains déclarèrent ne pas accepter un tel traité.
Dans le peuple l'explosion de mécontentement fut plus vio-
lente encore. Des gens parcoururent les rues, criant contre le
roi et contre Catherine l.
Cependant, sollicité sans doute par la reine mère, le cardi-
nal consentit à écrire au pape pour lui exposer les raisons de
la paix -. Mal lui en prit. On l'accusa d'y adhérer. Ce qu'il
avait fait par bonté fit porter contre lui ce qui lui semblait la
pire des accusations. Déjà souffrant, cette pensée aggrava son
mal au point qu'il faillit perdre la vie. Pour se justifier, il osa
demander au roi des lettres patentes témoignant qu'il n'avait
jamais souscrit aux articles du traité et qu'au contraire il avait
toujours conseillé une religion unique3.
Ainsi, délibérément, parce qu'il vil que la politique paci-
fique de Catherine n'aboutissait qu'au triomphe des huguenots,
peut-être aussi par crainte de l'opinion, le cardinal se jeta
dans le catholicisme intransigeant. Il y retrouva les Lorrains.
De même qu'en i56i l'édit de janvier avait rapproché
François de Lorraine et Montmorency, l'édit de Bcaulieu forma
un premier lien entre le duc de Guise et le cardinal. Mais cette
1. Bibl. Nat., f. ital., ms. 1739, p. 723, copie; dép. des ambass. vénitiens,
de Paris, i5 mai 1070. — Négociations diplom. avec lu Toscane, t. I\ . p. 67 ;
du 17 niai 1 ."">—«>.
a. Theiner(Aug.), Annales ecclesiastici, t. II. p. aaa ; lettre du card. de
Bourbon au pape, do Paris, 18 juin i.Vli.
3. Bibl. Nat.. f. ital.. ms. 1729. p. 788, copie; dép. des ambass. vénitiens,
de Paris, 16 juill. 1 r» — < > .
76 LE RÔLE POLITIQUE DU CARDINAL DE BOURBON
alliance prit une importance considérable, parce que l'irrita-
tion, qui les poussait l'un vers l'autre, fut commune à tous les
catholiques. Henri de Lorraine, que depuis quelque temps
l'ambition travaillait, fit habilement sienne la cause de la reli-
gion. De l'ambition d'un chef et du mécontentement général
naquit la Ligue. Le cardinal y entra comme tout bon catho-
lique effrayé par les progrès de l'hérésie.
Cependant la Ligue portait en elle autre chose qu'une alliance
contre les réformés. C'était aussi une protestation contre l'iner-
tie du roi et sa trop grande bienveillance envers eux, une
sorte de révolte que les loyalistes n'osaient approuver. C'est
pourquoi le chapitre de la cathédrale de Rouen résista aux
exhortations pressantes de son archevêque, qui l'engageait à
y adhérer. Il n'y entra que quelques mois plus lard, quand
Henri III s'en fut déclaré chef1. Le cardinal n'eut point les
scrupules de ses chanoines. Poussé par l'un de ses suffragants,
Claudes de Saintes, évêque d'Évreux, il considéra seulement le
danger couru par la religion catholique. A ces idées nouvelles
correspondirent une attitude et des actes nouveaux.
Après la promulgation de l'édit de paix, la cour s'en alla
quelques jours à Dieppe. Vu passage, les députés du parlement
de Rouen prièrent le cardinal de Bourbon, leur archevêque, de
les présenter à Henri III. Le prélat s'excusa, laissant déjà
paraître ses véritables sentiments : « Le roi, leur répondit-il,
vous pourroil dire quelque chose où je ne vouldrois estre pré-
sent. » D'autre part, il avertit ses chanoines qu'à son retour
il séjournerait un certain temps parmi eux « pour lascher par
tous moyens à faire cesser les presches introduictes en ceste
ville2 ».
1. Floquct (A.), Histoire du parlement de Normandie, t. III, p. 171. — Le
cardinal de Bourbon avait écrit le 27 décembre 1076 à ses vicaires généraux
« d'assembler le clergé et de l'exhorter d'estredela ligue sainte et de donner
confort et aide à ceux qui en étaient ». Mais le chapitre de la cathédrale,
après avoir pris l'avis des chapitres d'Amiens et de Beauvais, remit sa réso
lution à plus tard. Y. Bohillard de Beaurepaire, Archives départent, de Seine-
Inférieure, série ('<, t. Il, p. 371.
■>.. Floquel l Y>, Hist, <ln parlement de Normandie, t. III, p. \G\.
LA NAISSANCE DE LA UCH 1 7"
Vers le milieu de juillet, la cour revint à Rouen où elle resta
quelques jours. Le cardinal en profita pour tenir parole. Il
s'informa exactement de l'heure du prêche, du nombre des
assistants, s'ils étaient armés ou non. Puis, ayant convoqué les
membres catholiques du parlement, assemblé plusieurs sergents
et bourgeois qu' « il lit armer de harquebuses et pistolles », il
se dirigea vers le prêche en leur compagnie, revêtu de sa robe
rouge et de son rochet, faisant porter devant lui sa croix archié-
piscopale. Les huguenots, surpris par celle troupe en armes,
n'eurent pas le temps de s'enfuir. Ceux qui l'essayèrent furent
bientôt arrêtés. Au ministre qui prétendait être là par l'auto-
rité du roi, le cardinal demanda « à qui il appartenoil de près-
cher l'évangille et la saincte parolle de Dieu, et s'il appartenoit
au roy ou aux évêques d'envoyer et aucloriser ceux qui pres-
chent la dille parolle. » Puis il monta en chaire et les hugue-
nots durent entendre un sermon, étudié dit de Thou, où le
prélat les supplia de revenir à la religion de leurs pères et de
le prendre comme pasteur, mais qu'il termina par une défense
« de ne se plus assembler en la dille ville ni es environs sur
peine de leurs vies pour faire lelz presches. »
Les protestants, invoquant ledit, allèrent se plaindre au roi :
mais le cardinal apporta un procès-verbal de ce qui s'était
passé, signé de notaires et de gens de justice présents. Henri III
eut pour le rerevoir un de ces mots ironiques, où il excellai! :
((Comment preschez-vous \<>z huguenot/!1 Les convertirez
vous bien? Ils sont venus à moi pour vous faire pendre1. »
i. Hibl. "Saf., f. IV., ms. 11.')-."). (° 679 v° ; analysé très sommairement dans
Mémoires de Claude Union, curé de Provins, I. II, p. 81. — Mémoires-journaux
deP.de L'Esloile, l. I, p. i4o. - De Thou, Histoire universelle, I. \II,
p. £28. — On Breul, dans Lu rie de Charles de Bourbon, en l'ail un récit tout
à la louange du cardinal, qu'il termine par ces mois : << Sa parole ml tant
de poids «pic les huguenots cessèrent les dits prêches <'t depuis ne s'en es!
fait en la dicte ville. » Il semble avoir tiré ses renseignements d'une pièce
fort curieuse intitulée : /." sninrlc et 1res elireslieniie résolution de Monsei-
gneur V illustrissime et révérendissime cardinal de Bourbon., pour maintenir In
religion catholique et l'église romaine..., par F. I. B. Jacques Bersonj doc-
teur en théologie], imprimée dans Irchives curieuses, ["série, l. \l, p. 63,
qui, avec de nombreux détails, présente le cardinal comme un véritable
*8 LE ROLE POLITIQUE Dl CARDINAL DE BOURBON
L'affaire en resta là ; mais celle violation de l'édit de paiv par
un prince du sang n'était point faite pour donner confiance auv
réformés, et elle encouragea les catholiques dans leurs protes-
tations.
Cette nouvelle attitude du cardinal ne lui était pas person-
nelle et c'est pourquoi elle nous surprend moins. Un besoin de
révolte était dans l'air. Aux États de Bloîs réunis sur l'ordre du
roi, les députés furent unanimes à ne désirer qu'une religion.
Mais il fallut trouver le moyen d'y parvenir. Les uns propose
rent la guerre, les autres la paiv. Le cardinal préférait un
triomphe pacifique, mais la lutte ne l'épouvantait pas. Lors
qu'on lui demanda son avis sur les mesures à prendre : « ces
deux moyens, répondit-il, doivent estre tellement en la main
et en la puissance du roi que, si l'un vient à luy manquer, il
puisse promptement avoir recours à l'autre d. »
Au milieu de février, les délégués envoyés auprès des princes
réformés pour les prier d'abjurer revinrent avec de vagues
promesses du roi de Navarre ; quant à Condé, il avait refusé de
les recevoir. Dès lors, tout espoir d'entente disparaissant, le
cardinal prit délibérément le parti de la guerre. Nul doute que les
intransigeants l'y poussassent fortement. Lorsque la reine-mère
proposa d'attendre la réunion d'un concile national demandé
par le roi de Navarre, il s'y opposa, ajoutant même o qu'il y
avoit plus d'intérêt que nul autre pour y avoir deux neveux,
mais qu'il leur serviroit de bourreau, s'ils étoient huguenots et
rebelles- ». Quelques jours après, alors que certains, par pru-
dence, inclinaient vers la paix, il déclara « qu'il ne falloit
point s'arrêter aux forces humaines, que Dieu donne le cœur et
les forces à ceux qui combattent ses ennemis 3 ».
modèle de bonté, de douceur et de sainteté. La dernière phrase prononcée
par le prélat soulève quelque doute a ce sujet.
i. Mémoires de Nevers, t. I, p. 2-38; « advis de Monseigneur le card. de
Hourbon » [du ■>. janv. i T> — -7 1 .
■>.. Ibid., t. I, p. 272 ; cité dans Collection des procès -verbaux des assem-
blées générales du clergé de France depuis Î560, t. I, p. 83.
15. Ibid., t. I. [>. •<7/i ; cité dans Collect. îles procès-verbaux des ass. géné-
rales du clergé de France depuis 1560, t. I. p. 87.
LA NAISSANCE DE LA Ll&L'E -()
Il faut d'ailleurs savoir gré à Charles de Bourbon de la sin-
cérité de ses intentions et des efforts qu'il fit pour rendre la
guerre efficace. Le peu d'argent, dont le roi disposait, s'était
toujours opposé à un succès définitif. Le cardinal se multiplia
pour en procurer. Si ses exhortations aux Etats restèrent
vaines1, il fut plus heureux auprès du clergé. Le pape l'avait
chargé, avec quelques autres prélats, de procéder à l'aliénation
de cinquante mille écus de rente des biens d'église. Or il se
trouva que l'aliénation dépassa le chiffre convenu. Le clergé
protesta. Le cardinal reconnut « qu'à la vérité on avait excédé
le mandement du pape, mais que c'était pour certains frais
qu'il n'était pas raisonnable de faire supporter au roi ». Natu-
rellement, Henri III l'appuya et obtint gain de cause -. Outre
cette première contribution, avec l'aide des cardinaux, il fit offrir
au roi par le clergé la solde de cinq mille hommes 3. .
Ses bons offiees ne s'arrêtèrent point là. Henri III, toujours
à court d'argent, réclama de sa bonne ville de Paris une aide
de trois cent mille livres, à lever au prorata de la taxe sur les
fortifications, moyen plus rapide que tout autre. La munici-
palité refusa. A des lettres pressantes, elle répondit par des
remontrances. Pour accélérer la levée et le remplacer dans sa
capitale pendant la durée de la guerre, Henri III décida de
nommer un lieutenant général: il choisit le cardinal de Bour-
bon. Le i5 avril, le prélat se présentait à l'hôtel de ville et
réclamait la prompte remise de la taxe l.
Celte arrivée ne fit pas trop peur à la municipalité. Des
assemblées furent tenues les 26 et 27 avril sans aucun résultat.
Le cardinal dut se rendre le 29 au parlement et trois joins
1. Mémoires de \evers,t. I. p. 17t.
■1. Taix ((;. de), Mémoires sur les affaires du clergé de France, p. .'! : cilé
dans Collect. <!<■* procès verbaux des uss. générales du clergé de France, l. I.
P- 99-
.'V Serbat (L.), Les assemblées du clergé de France de Î561 à 1615, p. 7<i.
4. Arch. Nat., \|n .sii.'i.'i, f- 34a; lettres patentes de Henri III données à
Blois le iii avril 1677, enregistrées au parlement de Paris l<- i>s avril el au
bureau de la ville le ■>. mai. 1 Pièces justif. n \ .1 — Registres des délib. du
bureau de lu ville de l'uris, I. VIII, p. 88.
8o LE ROLE POLITIQUE DU CARDINAL DE BOURBON
après il s'en vint exhorter l'assemblée générale réunie en la
grande salle de l'hôtel de ville. Il sut d'autant mieux la per-
suader qu'elle n'avait plus aucun motif pour refuser. Mais elle
n'accorda que cent mille livres et rejeta la répartition au pro-
srata de la taxe sur les fortifications l. C'était encore un retard.
Henri III, furieux, donna un délai de huit jours pour lui four-
nir les cent mille livres. Malgré les efforts du cardinal de Bour-
bon et du prévôt des marchands, les huit jours passèrent et
d'autres encore. Le roi fit alors saisir chez les receveurs parti-
culiers les deniers affectés au paiement des rentes de la ville et
laissa à la municipalité le droit de choisir le mode de levée 2.
Cette question d'argent réglée, la lieutenance du cardinal
devint beaucoup plus facile. Ses fonctions se bornèrent à rece-
voir les ordres de la cour et à veiller aux affaires urgentes avec
le conseil de quelques membres du parlement et de la munici-
palité parisienne3. On n'avait plus à craindre de désordres dans
cette ville entièrement acquise au catholicisme, mais la douce
bonté du prélat n'était pas inutile pour rendre moins difficiles
les relations du roi avec sa capitale, où entrait déjà quelque
délian ce '".
Cependant la guerre commencée se poursuivait sans grande
vigueur. Les catholiques réussirent à prendre plusieurs places.
Damville revint ouvertement à leur parti. Henri III, toujours
sans ressources, se montra satisfait de ces avantages et se hâta
de traiter. La paix fut signée à Bergerac, le 17 septembre 1577.
L'édil de Poitiers accorda aux protestants la liberté du culte
dans les faubourgs d'une ville par bailliage et dans certaines
1. Registres des délib.du bureau de Ut ville de Paris, t. VIII, p. 95, note 1.
a. Ibid., I. VIII, p. 99, note .'!.
.'L Ibid., t. Mil. p. 127, 129, i35, note 1.
!\. Lors du renomcllcment partiel de l'éehevinage, le 16 août 1 T> 7 7 . le roi
intervint dans l'élection contre les privilèges de la \ille. Ce n'était pas une
chose inaccoutumée, mais elle était toujours mal accueillie. Au lieu de
laisser le cardinal proclamer échevins les deux hommes désignés par le
scrutin, le roi se le lit envoyer à Poitiers, l'ouvrit lui-même cl déclara élus
Jean Boue et Louis \bell\, dont le cardinal reçut les serments le a3 août.
CI. Registres des délib, du bureau de la ville de l'<tris, l. VIII, p. i3i el 182.
LA NAISSANCE DE LA LIGUE 8]
places qu'ils occupaient encore lors de la signature du traité.
Ils perdirent la moitié des chambres mi parties et n'entrèrent
plus que pour un tiers dans celles qui furent conservées.
L'édit restreignait considérablement les avantages accordés
aux réformés. Cependant, avec tous les catholiques, le cardinal
avait espéré mieux '. Il pensait que le roi, suivant le désir des
Etats généraux, refuserait la liberté du culte. A la nouvelle des
articles de la paix, il crut devoir protester ainsi que toul le
clergé parisien-, cl, pour marquer sou mécontentement, il
refusa d'assister à l'enregistrement de l'édit3. S'il fit chanter un
Te Deum d'actions de grâces et allumer des feux de joie, ce fut
uniquement pour remplir jusqu'au bout et consciencieusement
sa charge de lieutenant général*.
L'irritation des catholiques s'était un peu calmée avec la
reprise de la lutte : elle disparut presque devant le peu de succès
des armées loyales. Force leur fut d'accepter la situation, ne
pouvant obtenir mieux, et, comme tous ses coreligionnaires,
Charles de Bourbon fut contraint de consentir à la paix. Son
fanatisme tomba d'autant plus vite que, par un artifice de la
reine-mère, il se trouva soudain isolé au milieu des gens les
plus pacifiques du royaume. Catherine de Médicis l'emmena
avec 'elle dans un fort long voyage à travers le midi, qui
cul pour prétexte la conduite de Marguerite de France à
son. mari, mais dont le véritable but fût d'apaiser les conflits
latents cl de semer partout la concorde. Le duc de Monlpeiisier,
i. l'ibl. Nât., f. fi'., his. 'i i ■<'), f" '|(i, orig. ; lettre (In eard. de Bourbon au
sieur de Germigny, de Paris, ■>,- sept, i . ~> 7 7 .
•>.. l'ibl. Nat., f. Liai., ms. \-'.\<.\. p. \~.\-. copie ; dép. des atnbass. vénitiens,
de Poitiers, •'? oet. 1 ."» 7 7 .
'.\. Hibl. Nat., cinq cents Colbert, ms. 9, f° 57, orig. ; lettre de La Afothe-
Fénelbn au roi, de Paris, 8 oet. 1 r> 7 7 .
4. Bibl. Nat., cinq cents Colbert, ms. 9, 1*55, orig.; lettre «lu eard. de
Bourbon au roi, de Paris, 8 oet. 1 •» 7 7 ■ Registres des déiib. du bureau de
la ville de Paris, t. \III. p. [4o.
Saulmer. — Cardinal '/<■ Bourbon. G
Sa LE KOLK POLITIQUE DU CARDINAL de bolubon
dont les sentiments tolérants s'étaient manifestés aux Etats de
Blois, les accompagna, ainsi que quelques conseillers intimes.
Le prélat fut le seul de la troupe qui eût montré de l'intran-
sigeance au cours des dernières luttes, et Catherine le connais-
sait trop bien pour le redouter. Isolé, il se laissa influencer par
le milieu qui l'entourait et une fois de plus tomba aux mains
de la reine mère.
Tout d'abord ce fut un voyage d'agrément. Les discussions
sérieuses commencèrent quand le roi de Navarre eut rejoint le
cortège à La Réole, discussions toutes amicales d'ailleurs, puis-
que la paix n'était pas rompue. L'arrivée du maréchal de Biron
faillit amener des complications fâcheuses. La reine de Navarre
et le cardinal s'interposèrent1.
Malgré la bonne volonté des négociateurs, les pourparlers
furent souvent difficiles. La surprise d'une ville, une entrevue
ajournée réveillait les soupçons. « Nous ne savons iey si nous
sommes en paix ou en guerre », écrivait le cardinal de Bour-
bon 2. Il est curieux de voir agir Catherine au milieu de toutes
ces difficultés. Quoique habituée par une longue pratique à
dénouer les situations délicates, elle ne prend aucune décision
sans avoir consulté ses conseillers. Elle semble se défier d'elle-
même, repousser toute responsabilité. Continuellement elle se
réfère au cardinal de Bourbon, au duc de Monlpensier, poul-
ies choses les plus infimes :!. Le prélat ne pousse d'ailleurs plus
à la guerre. Il accepte la politique de la reine-mère, et elle est
si contente de ses services qu'à plusieurs reprises elle demande
au roi de lui écrire personnellement pour l'en remercier4. Mais,
s'il est revenu à des sentiments plus modérés, le cardinal n'en-
tend nullement faire des concessions aux réformés. Quand les
ministres se montrent trop exigeants, il leur répond « bon et
1. Lettres de Caih. de Médias, t. VI, p. 64 : de Tonncins, 9 oct. 1578.
a. Bibl. Na"t., f. fr., ms. 4ia5, f° 47. orig. ; lettre du card. de Kourbon au
sieur de Gèrmigny, d'Auch, '.<> déc. 1 ."V78.
3. Cf. Lettres de Cath. de Médicis, t. VI, p. 4o à ->.--, passim.
4. Lettres de Cath. de Médicis, t. VI, p. 55 et (34 ; de La lléole, 5 oct. et
Àuch, f.") nov. 1578.
LA NAISSANCE DL LA LKil I. 83
bien à propos ». A l'un d'eux, qui lui reproche d'avoir empê-
ché l'exercice de la religion à Rouen, il réplique que les catho-
liques de son archevêché obéissent au roi, qu'ils ne feront
jamais rien contre sa volonté et que d'ailleurs « ils n'ont pas
mis les Anglais en France1 ».
Malgré quelques discussions aigres-douces, on tomba d'ac-
cord. Le traité de Nérac renouvela l'édit de Poitiers, et les
huguenots obtinrent quinze places de sûreté pour six mois. Ce
n'était évidemment qu'un expédient. Lorsqu'il faudrait rendre
les places, les mêmes difficultés se présenteraient.
Catherine et sa suite continuèrent leur route à travers le
midi, prêchant partout l'union et la concorde. Le cardinal
trouvait le voyage bien long. Au commencement de juin 1579.
il quitta un instant la reine-mère pour séjourner dans sa
légation d'Avignon-. V Grenoble, il chercha quelques distrac-
tions dans la visite de la Grande Chartreuse :!. Ce n'était point
son « naturel d'estre parmi les huguenots » et il désirait fort
revenir dans son archevêché l. Enfin après des négociations
aussi vaines que longues, où Catherine, avec son aide 5, essaya
de gagner à la cause du roi le maréchal de Bellegarde et Lesdi-
guières, ils reprirent le chemin du nord. Dans les premiers
jours de novembre, ils arrivèrent à Paris sans avoir obtenu de
résultats appréciables. Les expédients de la reine-mère n'abou-
tissaient point.
Sa présence et celle du cardinal étaient d'ailleurs forl
souhaitées clans la capitale. Le roi réclamait de l'argent à
l'assemblée générale du clergé qui, loin d'en donner, exigeait
des réductions de taxes et la publication des décrets du concile
de Trente. Pendant ce temps le prince de Condé, mécontent de
1. Lettres de Cath. de Mèdicis, I. VI, p. 256 ; de Nérac, 9 févr. 1679.
■>.. Bibl. Nat., f. fr., ms. .'>:><>(>, f 1. autogr. : lettre du card. de Bourbon
au duc de Ne\ers, d' Avignon, .'5 juin 1 ."">—<».
3. Bibl. Nat.. f. fr., ms. 33ai, f" 28, autogr, : lettre du card. de Bourbon
au duc de Nevers, de Grenoble, 23 juillet 1579. (Pièces justif. n" VI.)
!\. Bibl. Nat., f. fr., ms. 3353, f" 21, autogr.; lettre du card. de Bourbon
au duc de Ncvers, de (Ireuoble, 27 août 1079.
f>. Lettres, le Cath. de Médias, t. VII, [». 82,84, 173, 1 7 < » , l8/|.
84 LE ROLE POLITIQUE DU CARDINAL DE BOURBON
n'avoir pu prendre possession de son gouvernement de Picardie
suivant les termes de Ledit: avait surpris La Fère et s'y fortifiait.
Ce pouvait être l'étincelle capable de rallumer la guerre civile.
Immédiatement Catherine partit trouver le prince et appela
près d'elle le cardinal de Bourbon et la princesse douairière de
Condé '. Ils la rejoignirent tous deux à Chauny.
Le détail de cette négociation montre .quel docile instrument
le cardinal était aux mains de la reine-mère. Celle-ci imagine
un plan fort habile pour vaincre la résistance du huguenot.
Une entrevue est ménagée à une demi-lieue de la ville, dans
le petit bourg de Viry. Le cardinal et la princesse partent en
avant. Bien stylés, ils exposent à Condé combien est inoppor-
tune son arrivée à La Fère ; c'est une faute qu'il faut réparer en
quittant la ville et en allant trouver le roi. Le cardinal l'exhorte
au nom de l'amitié qu'il lui a toujours portée ; la princesse sa
belle-mère le prie de penser à son honneur et à celui de sa
famille. À ce moment survient Catherine, qui à son tour essaie
de toucher le rebelle -.
Le lendemain la reine-mère a, seule avec lui, un nouvel
entretien. Au milieu de la discussion, on apporte une lettre
du cardinal et de la princesse, qui supplient Condé de quitter
La Fère3. Mais ni menaces ni prières ne le firent fléchir.
Catherine et ses compagnons s'en revinrent sans avoir rien
obtenu.
Le clergé se montrait aussi fort peu traitable. Après de
nombreux efforts. Charles de Bourbon parvint à ménager un
accord entre le roi et les prélats, non sans éveiller d'ailleurs la
défiance de l'un et l'autre parti K
i. Arch. Kat., K [555, n° 117, déchiffr. ; dép. de Juan de Yargas à Phi-
lippe II, de Paris, 7 déc. 1579.
2. Lettres de Calli. de Mêdicis, t. Vit, p. 208; de Chauny, iG dée. 107g.
3. Lettres de Caih. de Mêdicis, t. VII, p. 208; de Chauny, 16 dée. 1 ."> 79 .
'4. Le clergé accordait au roi un million cinq cent mille livres pendant
dix ans et cent mille livres pour les arrérages. V. Serbat iL. », Les assemblées
du ctergêde France de 1561 à Kil.'>, p. 108, note ■>.. — L'assemblée venait de
supprimer la pension annuelle des cardinaux qui atteignait quarante mille
livres, dont le cardinal touchait à lui seul la moitié. (V. Taix (G., do,
LA NAISSANCE DE LA LIGUE 85
Il était temps, car les hostilités recommençaient. Les succès
furent partagés. Le roi de Navarre s'empara brillamment de
Cahors, mais Condé fut obligé de quitter La Fère. Le duc
d'Anjou, qui jetait un regard d'envie sur les Pays-Bas, fit
conclure la paix. Un traité, signé à Fleix le 26 novembre i58o,
renouvela les conventions de Nérac et laissa pour six ans
encore les places de sûreté aux protestants.
La situation restait la même et les adversaires n'avaient
aucune raison de désarmer. Mais ils étaient lassés des guerres
continuelles et toute leur attention fut attirée par la lutte qui
se déroula aux Pays-Bas. Pendant quatre ans les événements
extérieurs empêchèrent les partis de s'entre déchirer. Mais ce
n'était qu'une trêve, au cours de laquelle prirent corps les idées
ambitieuses de Henri de Lorraine et se fixa la destinée tragique
du cardinal de Bourbon.
Mémoires des affaires du clergé de France, p. 244-2'p). Cependant elle tint
toutes ses réunions dans l'abbaye de Saint-Germain-des-Prés et, dès son
retour, le cardinal fit aménager une salle spéciale pour les sessions. Le
7 février, jour de la sexagésime, tous les députés communièrent de sa main.
V. Du Breul (.1.), Inclyti cœnobii 1>. Germant a pratis chrnnica (Bibl. \at.,
f. lat. , ms. ia838, f° 30a.)
CHAPITRE V
BOUKBOiNS ET LORltAlNS
Depuis l'avènement de Henri III, Charles de Bourbon a
rompu toutes relations suivies avec ses deux neveux, Navarre
et Coudé, et si parfois il les a exhortés à mettre bas les armes,
c'est uniquement à la prière de la reine-mère et pour éviter au
royaume une ruine complète !. Plus jamais il n'a été question
de religion entre eux. Les deux seules préoccupations du prélat
sont désormais la défense de sa foi et l'éducation de ses trois
autres neveux, frères de Condé. Yprès le massacre de la Saint-
Barthélémy, les enfants sont restés à la cour avec la princesse
leur belle-mère et mère. Avec elle ils ont embrassé le catholi-
cisme et depuis ils vivent sous sa direction et celle de leur
oncle. Françoise d'Orléans n'a rien d'une fanatique. Elle a
délaissé l'hérésie sans trop de scrupules et maintenant elle
montre assez peu d'ardeur pour sa nouvelle religion. Peut-être
parce qu'il la croit d'un mauvais exemple pour ses neveux, le
cardinal les garde le plus possible près de lui. Durant le long-
voyage qu'il fait dans le midi en compagnie de la reine-mère,
il emmène François et Charles, fils de Françoise ; l'autre Charles
reste au collège où il étudie, car il se destine à la carrière
ecclésiastique -.
L'aîné François, marquis de Conti, est d'une intelligence
médiocre et peut à peine parler tant il bégaie. Cependant son
i. Il faut noter toutefois que, tout en poussant à la guerre contre ses
neveux huguenots, le cardinal empêcha toujours la ruine sa famille. Ainsi,
en juin i58o, il (il ajourner un édit portant confiscation des biens de Condé.
Cf. Calendar ofstatepapers, t579-1580, p. 3o5 ; de Paris, iô juin iô8o.
■>.. Mémoires du consul Trinque, 1570-1615, dans Revue de l'Agenois, i883,
p. 53i.
BOURBONS ET LORRAINS 87
titre de prince du sang- en fait un personnage si considérable
qu'au cours de sa révolte contre son frère, le duc d'Anjou s'est
réclamé de son appui et a demandé pour lui une compagnie
d'ordonnance. C'était indisposer Henri III contre le jeune
homme. Le cardinal répara la sottise en se portant garant de
la fidélité de son neveu et en affirmant que celui-ci s'en
remettait au bon plaisir de son roi '.
Au retour du grand voyage à travers la Fiance, le prélat
songea à le marier. Précisément Jeanne de Coême, fille unique
de Louis de Coême, seigneur de Lucé, et d'Anne de Pisseleu,
venait de perdre son mari, Louis comte de Montafié. Elle
possédait les riches seigneuries de Bonnétable et de Lucé. Bien
qu'elle fût de petite noblesse et de quelques années plus âgée
que le marquis, le cardinal trouva le parti fort avantageux.
Jeanne de son côté accueillit très favorablement un projel
d'alliance qui l'unissait aux princes du sang. Pour gagner
l'approbation de Condé, elle lui envoya deux superbes chevaux2
el consentit à déshériter complètement une fille, qu'elle avait de
son premier mari, en faveur des enfants qu'elle aurait du
marquis 3. Le 17 décembre i58i, le cardinal de Bourbon bénit
le mariage au Louvre dans une petite chapelle touchant sa
chambre 4.
Celui que le cardinal affectionnait le plus parmi ses neveux
était Charles, le dernier fils d'Eléonore de Roye, car il se
destinait à l'état ecclésiastique. Charles, né le 3o mars i562
1. Bibl. Nat., f. ital. , ms. 1729, f° 636, copie ; dép. des ambass. vénitiens,
environ mars 1576. — Le prélat fit aussi donner à son neveu une pension
sur la recette générale de Rouen. V, Bibl. Nat., f. fr., ms. i5go3, fos a£3 et
264, orig. ; lettres du cardinal de Bourbon à Bellièvre, de Port-Sainte-Marie,
8 janv. et Grenoble, 3 août 1579.
2. Mémoires inédits de Michel de La Huguerye (Soc, de l'hist. de Fr.). t. Il,
p. i36.
3. Calendar 0/ state papers, 1581-1582. p. 396; de Paris, u déc. r58i.
i. Mémoires journaux de P. de L'Estoile, t. Il, p. 37. — Calendar of state
papers, 1581-1582, p. £02; s. I., 17 déc. i58i. — Au dire de L'ambassadeur
anglais (Calendar .., p. 3g6), le marquis accepta d'autant plus facilement-lé
mariage qu'il voulait se libérer de la tutelle de son gncle pour suivre le
duc d'Anjou dans ses entreprises.
88 LE UÔLE POLITIQUE DU CARDINAL DE BOURBON
dans le petit village de Gandelu, où la princesse sa mère en
s'enfuyanl de Paris accoucha de deux fils jumeaux, était d'une
nature délicate, mais d'une intelligence vive qui promettait
beaucoup. Le cardinal prit un soin particulier de son éducation.
L'ayant confié à Jean ïouchard, premier archidiacre de l'église
de Rouen et abbé de Bellozanne, qui avait quelque réputation
dans les lettres grecques et latines, il surveilla lui-même ses
études, et, quand il fut contraint d'accompagner Catherine à
travers le midi, il le recommanda à la bienveillante attention
du duc de Nevers, qu'il pria de s'intéresser au jeune homme
comme à son propre fils1. Quant à son éducation religieuse,
elle fut confiée aux jésuites, que le cardinal tenait en particulière
estime, et il recommanda expressément « qu'il ne reç[ût] [s]es
sacremans que par culx ». Regrettant l'imperfection de ses
propres études, il voulut au contraire faire de son neveu « un
cardinal Borromée - ».
Le jeune homme était appelé à lui succéder dans ses titres et
bénéfices, comme lui-même avait succédé à son oncle le premier
cardinal de Bourbon. Et de même qu'il avait grandement béné-
ficié de la situation prépondérante de ce dernier, son neveu
prolita de l'influence considérable qu'il possédait. Le cardinal
le pourvut d'abord de grasses abbayes en lui abandonnant
en 1077 celle de Froidmont :f et trois ans plus tard celle de
Saint-Pierre de la Couture. Puis, soucieux de lui ménager les
faveurs du pape, il refusa de le laisser aller en Angleterre pour
négocier le mariage du duc d'Anjou et d'Elisabeth *. Cette
1. Bibl. Nat., f. fr., ms. 33ai, f° 28, autogr. ; lettre du card. de Bourbon
au duc de Nevers, de Grenoble, 23 juill. 1:179. (Pièces jusiif. 11" VI.)
■>.. Ibid. — Saint Charles Borromée ne mourut que le 3 novembre i584.
11 est curieux de constater que, dès 1579, on le citait déjà comme un modèle
de vertu et de sagesse.
3. Depuis 1574, Charles de Bourbon possédait l'abbaye de la Trinité de
Vendôme, que le cardinal de Bourbon avait cédée en i565 au cardinal d'Al-
taëmps.
4. Calendar ofstale papers, 157.9-1580, p. 371, 386, 5i6; de Paris, i" et
9 août et i5 déc. ijSo. — Le cardinal lui substitua son puîné, le comte de
Soissons.
BOLKBONS ET LORRAINS 89
attention eut sa récompense. Dès la fin de i58i, Grégoire XIII
lui promit pour le jeune homme un chapeau dans la prochaine
promotion de cardinaux f. L'archevêque de Rouen ne tarda pas
à rappeler la promesse donnée-, et le 'j décembre i583 le pape
y satisfit3. Désormais Charles de Bourbon prit le nom de
cardinal de Vendôme. Quoiqu'il ne fut pas prêtre, il avait été
nommé quelques mois auparavant coadjuteur de son oncle à
l'archevêché de Rouen K
Le cardinal de Bourbon s'était ainsi formé une nouvelle
famille, restreinte il est vrai, mais fidèle à Rome, car ses neveux
montraient « beaucoup de penchant pour la foi catholique5 ».
La défense de la religion, n'allant plus désormais contre les
intérêts des siens, l'absorba tout entier. Son zèle, que stimu-
laient les progrès de l'hérésie, grandit encore, car la nature
sensible et pieuse de Henri III lui fit espérer le triomphe prochain
et définitif du catholicisme.
Dès les premiers mois de son règne, Henri III avait donné
bon espoir au cardinal. Lors de leur séjour en Avignon, vers
la fin de iô"tf\, le prélat le mit en relations avec ses protégés Les
jésuites, et le roi fut si charmé de ses nouveaux compagnons,
qu'il ne les quitta bientôt plus0. Il se plaisait aux processions
qui se déroulaient par la ville pendant lavent, où des hommes,
suivant des coutumes italiennes, parcouraient les rues vêtus
de sacs et se fouettant, ce qui leur valait le surnom de flagel-
lants ". Ces pratiques excessives n'étaient point du goût de
1. Calèndar ofstate papers, [58i-i-58a, p. 282 ; de Paris, 22 nov. i58i.
2. Bibl. Nat., f. ital., ms. i-'Mi, p. 239, copie; dép. des ambass. vénitiens,
de Paris, a3 nov. i583.
3. Gallia christiana, t. XI, col. 101. — Le jeudi i6janv. i584. le roi lui
remit son chapeau en grande cérémonie, ainsi qu'au cardinal de Joyeuse.
4. Gallia christiana, t. XI, col. 101 ; depuis le iur août i58a. Le cardinal de
Bourbon avait commencé dès i58oles négociations à ce sujet. \ . Kobillard
de Beaurepaire. [rchives départementales de Seinê-lnférieure, série (.. t. II,
p. 272.
•">. Tommaseo (N.), Relations drs ambass. vénitiens sur les affairesde France
au AI /• siècle, t. II. p. 635.
6. Mémoires de Wevers, I. I. p. 17,'L
7. De Thou, Histoire universelle, t. VII, p. iii'i.
fjO LE RÔLE POLITIQUE DU CARDINAL DE BOURBON
Catherine de Médicis, qui voyait dans les fêtes et les réjouis-
sances un meilleur moyen de gouvernement. Elle avertit le
cardinal qu'il eût à cesser ses pieuses exhortations auprès du
roi '. Cependant le souvenir de ce séjour en Avignon fut si
vivace que, quelques années plus tard, Henri III créa la congré-
gation de l'Annonciation de Notre-Dame, que l'on appela les
Pénitents blancs et qui rappela en tout point les compagnies de
flagellants. Le cardinal en fut nommé recteur 2.
Le nouvel ordre que Loyola lançait à la défense de la papauté
avait trouvé dans Charles de Bourbon un puissant protecteur.
Dès les premiers jours le prélat s'était intéressé à lui, entraîné
par l'exemple de son cousin le cardinal de Lorraine 3. Mais sa
bienveillance première envers les jésuites se changea en véri-
table amitié quand il eut appris à les connaître davantage,
c'est-à-dire après 1 565, lorsqu'il fut nommé légat en Avignon
où ils venaient d'ouvrir un collège. L'éloquence d'un des leurs,
le père Possevin, le séduisit tellement qu'il l'envoya quelque
temps à Rouen pour y combattre l'hérésie *. Dès son retour
Possevin fut placé à la tête du collège et il sut attirer sur son
établissement les laveurs du cardinal "'.
i. Mémoires de Nevers, t. T. p. 173.
2. La charge de recteur était annuelle et purement honorifique. Un vice-
recteur touchant une pension de quatre mille francs était chargé du tra-
vail. V. Les statuts de la congrégation des pénitens de l'Annonciation de Notre-
Dame, Paris, i583, in-8°, publiés dans Archives curieuses, 1"' série, t. \,
p. 43."). — Cayet (Palma), Chronologie novenaire, introduction, p 3i ; —
Négociations diplom. avec la Toscane, t. IV, p. 459; de Paris, 21 mars i583.
3. Douarche (A.), L'université de Paris et les Jésuites aux XVIe et
et XVIIe siècles, p. 63 et G4-
4. Robillard de Beaurepaire, Archives départent, de Seine-Inférieure,
série G, t. II, p. 267. — Chossat (Le p. M.), Les jésuites et leurs œuvres à
Avignon, 15.r)3-l768, p. 18. — On retrouve encore les jésuites prêchant à
Rouen par ordre du cardinal de Bourbon en juin i583. \. Uobillard de
Beaurepaire, op. cit., t. 1, p. 73.
.">. Charles de Bourbon consentit d'abord à ce que la pension annuelle de
ccnl éCUS payée au collège sur la légation fût perpétuelle. Le 6 sep-
tembre i.")()(j, il accorda aux jésuites une nouvelle rente de douze mille livres
tournois à prendre sur les biens confisqués des hérétiques. Comme le car-
dinal d'Armagnac, son colégat, avait déjà disposé de ces biens avec tant de
BOURBONS ET LORRAINS QI
A Paris, plus encore que dans le Comtat, les jésuites eurent
besoin de l'appui de Charles de Bourbon, car ils s'attaquaient
à la vieille université, dont la force était aussi considérable que
l'autorité incontestée. Mais ici le prélat ne put que prêcher la
concorde aux deux adversaires dans l'espoir qu'une entente
serait favorable aux nouveaux: venus1. Du moins leur aban-
donna-t-il en janvier i58o, pour en faire une maison professe,
l'ancien hôtel de La Rochepot et de Damville situé rue Saint-
Antoine, qu'il avait acheté à cette intention de Madeleine de
Savoie, veuve du connétable de Montmorency -.
Ne réussissant pas à les faire triompher à Paris, il les établit
dans son diocèse. Dès 1072 il montrait à la municipalité de
Rouen la nécessité d'un collège « pour instruire la jeunesse en
bonnes moeurs ». Dix ans plus tard c'était chose faite11. En
libéralité qu'ils ne représentaient plus une somme suffisante pour consti-
tuer la rente, le cardinal écrivit de sa propre main qu'elle leur fût payée
avant toute autre. Quand le traité de Nimes, ratifié par Grégoire XIII
en 1079, eut rendu aux protestants leurs biens dans le Comtat, le prélat
essaya de compenser la perte subie par le collège en lui assignant sur sa
légation cent nouveaux écus de rente, et il obtint du pape que cette seconde
donation tut également perpétuelle.
Son appui ne se borna pas à des secours pécuniaires. Des bruits hostiles,
répandus par les adversaires des jésuites, excitaient contre eux la fureur
populaire. On vit même les Avignonnais donner l'assaut au collège de leur
ville. A la prière de ses protégés, le cardinal de Bourbon publia partout la
fausseté des accusations portées contre eux. V. Cbossat (Le p. Marcel). Les
jésuites et leurs œuvres à Avignon, lï>53-1768, p. 28, 4i ii 15.
1. Douarche (A.), L'université de Paris et les jésuites aux XVIe et
A I II* siècles, p. 95. — Féret(l\), L'université de Paris et les jésuites dans la
seconde moitié du XVIe siècle, dans Revue des Questions historiques, 1899,
I. IA\, p. i*8o.
■>.. Félibien (D. M.), Histoirede la ville de Paris, t. 111, p. -3:;. —Cette ins-
tallation souleva les protestations du cierge parisien qui voyait dans les
jésuites des concurrents, puisqu'ils avaient le droit d'administrer les sacre-
ments. V. Barthélémy (Ed. de;, Journal d'un curé ligueur de Paris, p. i84.
:;. Robrllard de Beaurepaire (Ch. de), Inventaires sommaires des archives
communales antérieures à 1790 : Mlle de Rouen, t. I, p. 224, 226, 242. — En
réalité, il y avait songé dès son séjour à Avignon en i.">iif>. puisqu'au mois
d'août de la même année il consultait à ce sujet leschanoinesde son église.
V. Robillard de Beaurepaire, Archives départementales de Seine-Inférieure,
série G, t. Il, p. 267. Le collège ne fut d'ailleurs ouvert qu'à la fin de l'an-
née i5ga.
92 LE ROLE POLITIQUE DU CARDINAL DE BOURBON
même temps il approuvait hautement l'initiative de Henri de
Lorraine, qui en fondait un autre à Eu '.
Ces services ne devaient pas être perdus. L'ordre fut un des
principaux soutiens de la Ligue.
Le cardinal de Bourbon et le duc de Guise s'étaient ren-
contrés dans la protection qu'ils accordaient aux jésuites.
Alais. tandis que l'un voyait seulement l'intérêt de la religion,
l'autre estimait déjà combien cette force nouvelle pourrait
servir à son ambition. En effet la situation intérieure s'aggrave
chaque jour. Le roi, marié depuis plusieurs années déjà, n'a
pas encore d'enfant. On ne lui connaît aucun bâtard et ses
caprices de débauché laissent peu d'espoir en la venue d'un
héritier. D'autre part le duc d'Anjou ne se marie pas. S'il est
fiancé avec Elisabeth d'Angleterre, l'union reste probléma-
tique et ne semble pas pouvoir être féconde, tant la santé du
duc est frêle et ses mœurs dissolues. Toute la descendance
maie de Henri 11 et de Catherine de Médieis menace de
s'éteindre sans postérité. La couronne reviendrait alors au chef
de la maison de Bourbon, à l'hérétique roi de Navarre.
Sur la prédiction des astrologues, cette idée s'est fait jour
depuis longtemps déjà et Catherine, la première, s'en est
inquiétée, lorsqu'en 1 563 elle voulut marier le cardinal de
Bourbon. Mais, quand la majorité de Charles IX lui eut assuré
le pouvoir, elle abandonna son projet aussi vite qu'elle l'avait
conçu. Après la mort du jeune roi et les premières années du
règne de Henri III l'idée reparait plus forte, car les protestants
sont plus menaçants. Le 3 août 1578, Juan de Vargas,
ambassadeur d'Espagne, note dans sa dépêche les bruits qui
circulent: si le roi et son frère viennent à mourir, d'après la
loi salique c'est Navarre qui doit leur succéder2. La France
catholique attend donc un roi protestant.
1. Gallia christiana, l. XF. col. 97.
a. \rrh. Nat., h. i546, n -■>., déchiffr. ; dép. de .T. de Vargas à \ntonio
Perez, de Paris, 3 août 1.Ï78.
BOURBONS ET LORRAINS QO
Or à ce momcul brille de lout son éclat la puissante maison
de Lorraine. Après la disparition de François, duc de Guise,
son frère le cardinal a pu conserver son influence grâce à sa
haute intelligence et sa grande habileté. Mais l'absence d'un
chef militaire qui l'appuyât lui valut des alternatives fréquentes
de faveur et de disgrâce. V sa mort, son neveu Henri de Lor-
raine n'a encore que vingt-quatre ans. mais il a déjà montré
toute l'énergie dont il est capable lors du massacre de la
Saint-Barthélémy. La guerre contre les huguenots, sa victoire
de Dormans sur les protestants allemands, la balafre qu'il a
reçue à la joue, suffisent pour réveiller le souvenir du grand
duc de Guise. Quand de tous côtés de violentes protestations
éclatent contre l'édit de Beaulieu, il voit l'occasion de se créer
d'un scid coup u\\ parti formidable. 11 se fait le champion de
la religion menacée et gagne ainsi le cœur de tous les catho-
liques.
Henri de Lorraine vit certainement de bonne heure le pas-
sage possible de la couronne sur la tète du roi de Navarre.
C'était une voie toute préparée à son ambition : au nom des
catholiques il s'opposerait au règne du huguenot. Bientôt
même les papiers de l'avocat David montrèrent qu'il avait
d'autres desseins, que les descendants de Charlemagne ne
voulaient céder en rien aux descendants de Hugues Capel.
Ce n'était pas la force qui manquait au duc de Guise; sa
famille seule suffisait à la lui donner. De ses deux frères
Charles cl Louis, le premier passait pour habile homme de
guerre, le second se montrait digne successeur du cardinal de
Lorraine dont il avait hérité des principaux bénéfices et du
siège archiépiscopal de Reims. Sa sœur Catherine avait épousé
le duc de Montpensier. un prince du sang. Il avait comme
cousins germains les ducs d'Aumale et d'Elbeuf, connue beau-
frère le due de \evers. comme allié le due de Mereo-ur. Mais
la maison de Lorraine ne devait sa puissance qu'à la faveur
dont Henri II l'avait honorée. C'était en somme une famille
de parvenus, qui rivalisai! difficilement avec les princes du
sang ou la vieille noblesse française. Pour beaucoup c'était
g/j LE ROLE POLtTIQÙE OU CARDINAL Dli BOUUBOX
même une maison étrangère. Guise s'ingénia à faire disparaître
cette défiance, qui pouvait naître chez ses partisans. \ sa
puissance matérielle il voulut ajouter le prestige d'un nom.
Personne n'était plus propre à donner ce prestige que Charles
de Bourbon.
Le prélat était par lui-même une force. Cardinal, légat du
pape en Avignon, pourvu de lune des plus importantes métro-
poles du royaume, il exerçait dans l'Eglise une influence consi-
dérable dont il avait donné des preuves lors des dernières dis-
cordes entre le roi et le clergé. Pourtant, ce que Cuise rechercha
en lui, ce fut non point l'appui du prélat puissant, mais bien
l'autorité du prince du sang. C'était justifier ses réclamations
aux yeux du plus grand nombre que de les faire porter par le
cardinal. C'était donner confiance aux timides que son ambi-
tion pouvait effrayer. C'était en un mot dissimuler la faction
des Lorrains derrière le parti des catholiques.
L'alliance avec le cardinal de Bourbon avait un autre
avantage considérable; elle fournissait un prétendant à la cou-
ronne. Le premier parmi les Bourbons catholiques ne pouvait-
il s'opposer au roi de Navarre? L'oncle ne pouvait-il revendi-
quer les droits dont se targuait le neveu? Et le seul fait de
poser la question enlevait au Béarnais bien des sympathies.
D'après L'Estoile, lors des conférences qui eurent lieu à
Nérac à la fin de 1078, Henri de Bourbon aurait lancé au car-
dinal une parole piquante touchant la possibilité de sa royauté.
«Dites-leur qu'ils vous fassent pape, avait-il ajouté: ce sera
chose qui vous sera plus propre et si seres plus grand qu'eux
ni tous les rois ensemble1. » Si cette anecdote est fausse ou
1. Mémoires-journaux de P. de L'Estoile, I. I, p. 274. —Je ne crois pas que
dès cette époque on ait parlé publiquement de la candidature du cardinal.
.1. de Vargas, dans sa dépêche à Antonio Pcrez, de Paris, .'< août 1 ."S78 (Arch.
i\at.. K i.V'ili, n" 72, orig.), parle de la succession à la couronne : en cas de
mort du roi et de son frère, le roi de Navarre leur succéderait. Il ne dit
mot de la candidature possible du cardinal. — Il faut noter en outre qu'à
la date du iG octobre donnée par L'Estoile à ce propos, la reine-mère et le
cardinal n'étaient pas encore à Nérac, comme le prétend l'auteur. Ils ne
devaient s'y rendre que le i5 décembre. En vérité, ils avaient déjà rencon-
feOURBONS ET LORRAINS QO
du moins prématurée, nul doute que dès celle époque (iuisr
ait songé à faire de l'oncle un obstacle au neveu. La combi-
naison était d'autant plus avantageuse que le cardinal avait
près de soixante ans. Vu cas où la race des Valois s'éteindrait
sans postérité et que le vieillard fût préféré à L'hérétique Béar-
nais pour occuper le trône royal, la question c\2 succession se
poserait de nouveau à la mort sans doute peu lointaine du
cardinal-roi. Le droit violé une première fois ne pourrait-il
l'être une seconde, en faveur des descendants de Charle-
magne ?
Deviner les desseins secrets de Henri de Lorraine est évi-
demment fort difficile. Il agit toujours par lui-même, ne
confia jamais ses projets intimes, pas plus à ses frères qu'à
l'ambassadeur d'Espagne. Mais il faut cependant reconnaître
que systématiquement il s'attaqua à la maison de Bourbon et
voulut s'élever sur sa ruine.
Le cardinal avait toujours entretenu de bonnes relations
avec les Lorrains. Les quelques désaccords, qui naquirent à
certains moments de la rivalité des deux familles, n'avaient pu
briser une amitié d'enfance que de continuels rapports vinrent
encore fortifier, ("est d'ailleurs auprès de celte maison que
Charles de Bourbon, dans l'adversité comme dans le bonheur,
avait trouvé un appui constant, car elle représentait toute une
politique vers laquelle peu à peu il s'acheminait. C'est aux
Lorrains qu'il s'était adressé quand il avait songé au mariage,
quand il avait voulu convertir Condé. C'est vers eux que le
rejetèrent la trahison de ses frères et de ses neveux et la procla-
mation de L'édit de Beaulieu '. Rien n'était plus facile que
d'améliorer des relations, dont L'origine était la communauté
tré Navarre, mais c'était à La Réole. La sûreté d'information de L'Estoile
peut donc être suspectée.
i. Mémoires de Marguerite de Valois <s<><\ de l'hist. de t'r.), p. 86. — e Mon
frère ne s'onvrist pas d'avantage devant celte compagnie pourquoy il le
(le voyage de Marguerite en Flandre) désiroit, à cause que Monsieur le car-
dinal de Bourbon y es toit, qui tenoit pour le guisari et l'espagnol. »
96 le rôle politique DU CARDINAL DE BOURBON
de religion et dont le but semblait être la sauvegarde de cette
religion même.
A ce moment. Charles de Bourbon avait comme conseiller
intime Louis de Mainteternes, abbé de Châtrices et vicaire
gênerai de son archevêché. Les renseignements nous man-
quent sur ce personnage. Nous savons seulement qu'il, était
depuis longtemps au service du cardinal, puisque dès juillet
i562 il prit possession en son nom de l'abbaye de Saint-Ger-
main-dcs-Prés, et qu'il avait su mériter suffisamment ses faveurs
et son amitié pour obtenir de lui l'abbaye de Sainl-Picrre-le-Vif.
Le conseiller fut plus perspicace que le maître. Il vit claire-
ment les intrigues ambitieuses de Guise. Connaissant la fai-
blesse du cardinal, il s'efforça d'écarter le duc de lui le plus
possible. Comme un jour, en présence de l'historien de Thon,
un des partisans des Lorrains lui reprochait ce manège, il s'en
excusa d'abord timidement, puis, parlant avec plus de liberté,
il ajouta que « si après sa mort son maître avoit le malheur
de se livrer aux Guises, il prévoyoit qu'ils ne manqueraient
pas de le brouiller avec tous les princes de sa maison et d'en-
gager ensuite ce vieillard crédule dans des démarches qui ne
deviendraient pas moins funestes à sa personne qu'à restât1 ».
i. DcTIiou, Histoire universelle , t. Mil, p. 553: — Je n'ai pu retrouver que
fort peu de renseignements sur Louis de Mainteternes. dit Mornay-
Théribus, au dire de l'abbé Deletlre, Histoire du diocèse de Dennnns, t. III,
p. ■>.')-. Des recherches faites dans la famille des Mornay n'ont rien donné.
Dans les registres capilulaires de la cathédrale de Rouen, il est cité succes-
sivement comme archidiacre du Grand-Caux, du Yexin français, secrétaire
de Charles de Bourbon dès r555, son vicaire général et son trésorier de t558
à i58i. V. Kobillard de Beaurepairc, Archives départem. de Seine-Inférieure,
série G t. I, p. 3o. Les \rch. Nat. possèdent, sous la côte \ ioâ, f" 5o v°, une
donation faite par lui à sa sœur, Marie de Mainteternes, femme d'Etienne de
La Rocque, chirurgien juré du roi à Gaillon, de tout ce qu'il possède aux
paroisses de Saint-Aubin et de Gaillon (du >'i mars i5&4, n. st.). Du Breul,
dans ses luclyli cœnobii l>. Germani u pratis chronica (Bibl. Nat., f. lat.,
ms. [2838, f' tg8), donne à la date de if»68 comme mari à sa sœur Nicolas
.lacquart, docteur en médecine. — De Thon semble dire que l'abbé de Châ-
trices mourut peu après r58o. Or une signature : de Mainteternes, se trouve
dans des actes passés au nom du cardinal de Bourbon en date de Taris
26 mai i58o et 16 décembre [584. V. Bertrand de Cugnac : Jonzac ei Ozillae
dans Archives historiques de Sainlonge et d'Auuis, I. \\, p. 3i8.
BOIUBONS ET LOUUAI.NS 07
Henri de Lorraine s'efforça de contrecarrer cette influence
hostile, qui devait d'ailleurs bientôt disparaître par la mort du
vieux conseiller. André de Bourbon, sieur de Rubempré,
(( homme ambitieux et propre à goûter les projets les plus chi-
mériques», était aussi fort avant dans les bonnes grâces du
cardinal, son parent1. Le duc lui fit parler par l'avocat Louis
d'Orléans, fervent ligueur, et par le frère de son secrétaire
Péricard. Rubempré lui fut bientôt acquis2. Encore quelque
temps et le cardinal allait également lui appartenir.
Les relations intimes entre Charles de Bourbon et les Lor-
rains commencèrent au retour du grand voyage qu'il accom-
plit avec la reine-mère à travers le midi. Au mois de juin i58o,
il partagea les revenus de ses abbayes de Corbie et d'Ourscamps
avec le cardinal de Guise3. Quelques mois plus lard il con-
sentit à lui céder sa légation d'Avignon si ambitionnée; diffé-
rentes causes empêchèrent d'ailleurs la réalisation du projet4,
Peu de temps se passa avant qu'apparurent des preuves plus
visibles de leur alliance. Aux États généraux de 1676, Henri III
avait refusé de promulguer les décrets du concile de Trente,
malgré les demandes pressantes du clergé et des catholiques
exaltés. Un complot se forma pour lui forcer la main au moyen
des conciles provinciaux. Charles de Bourbon avait déjà mani-
1. André de Bourbon, sieur de Rubempré, petit-fils naturel de Jean II de
Bourbon et de Jeanne de Rubempré, était né après i5i6. Il fui chevalier de
l'ordre du roi, capitaine de cinquante hommes d'armes el gouverneur
d' \bbeville. V. Anselme (Le p.), Histoire généalogique de la maison deFpançg,
I. I, p. 378, et les mss. d'Hozier : Ribl. ,\at., f. fr., ms. 26940, n03 23 1 el
suiv. ; 269^1, n"s 94, 103, 112 ; et 269*42, n"s il'i, 162, 174.
2. Davila, Histoire des guerres eiviles, t. II, p. 118.
3. Lettres de Cath. de Médicis, t. Vit, p. 265-266 ; de Saint-Maur-les-Fossés,
23 juin iâ8o.
',. VégQciatwnsdipkm- avee la Toseane. I. I\ , p. £4a; do Paris, 23 avril 1 .">N 2
— ha légation d'Avignon était fort recherchée. En ir.78, on avait parlé de
la donner au cardinal de birague, qui voulait abandonner la chancellerie.
(Cf. Ribl. \at., f. ilah, ms. 1 7 ' i f > , p. ^58, copie; dép. des ambass. \éniliens.
de Melun, 20 sept. i^B). Le cardinal deCnisela recherchait depuis quelque
temps. Kn outre le due de Joyeuse la voulait pour son frère qui allait èlre
créé cardinal. (V. Ilii,!.. ms. 17.33, p. 99 et iq5, copie; de Paris, m et
24 juin iû83j. Le grand duc de Toscane la souhailail aussi pour son frère.
Sm lnier. — Cardinal de Bourbon. 1
98 LE RÔLE POLITIQUE DU CARDINAL DE BOURBON
feslé à plusieurs reprises le désir de réformer son église
de Rouen1. Le icr mars i58o, avant de donner Yosculuni
sanction aux membres de l'assemblée du clergé qui se séparait,
il leur avait promis de convoquer le plus tôt possible un
concile provincial2. Sur les exhortations du pape il ne différa
pas plus longtemps. Par ses lettres du 20 septembre i58o. il
en fixa la réunion dans sa ville de Rouen au premier dimanche
de l'avenl; elle fut retardée ensuite jusqu'au dimanche de Qua-
simodo (23 avril) :!.
Ce qui était grave, c'était non pas de convoquer un concile
provincial, mais de vouloir y promulguer les décrets du
concile de Trente. Pour aller aussi ouvertement contre la
volonté du roi, il fallait une audace que le cardinal n'aurait
pas eue seul. Mais il avait à ses côtés Claude de Saintes, éveque
d'Evreux, tout dévoué à la maison de Lorraine4 ; et, bien que
l'évêque méritât l'entière confiance du duc de Guise, celui ci
se rendit lui-même à Gaillon par trois fois pendant la session 5.
Le concile satisfit à ses espérances et à celles du pape. Gré-
goire XIII en ratifia les décrets, et le 3i août Charles de
Bourbon donna ordre à ses suffragants de les publier et de
les observer6.
1. Le cardinal avait fait publier un nouveau bréviaire diocésain de
l'église de Rouen suivant la bulle de Pie V de 1068, qui réformait le bré-
viaire romain pour le rendre plus conforme aux décrets du concile de
Trente : Breviarium insignis metropolitanse ecclesiœ Rothomagensis reveren-
dissitni et illustfissimi principis et domini cardinalis a Borbonio archiepiscopi
ac Neustriœ, primatis auctoritate... Parisiis, 1078, petit in-8°, 2 vol. — Le bré-
viaire fut réimprimé sans changement en imj^. — V. aussi Robillard de
Reaurepaire, Archives départem. de Seine-Inférieure, série G, t. II, p. 269,
270, 271.
2. Taix (G. de), Mémoires des affaires du clergé de France, 1. I, p. 309.
3. Ressin (D. G.), Concilia rotornagensis provincige. Rouen, 1717. in f°, 1. I,
p. 194 et suiv.
'j. Thon (de), Histoire universelle, t. VIII, p. 553.
5. Calendar of state papers, 1581-1582, p. 1Ô1 ; de Paris, 5 mai i58i.
6. Bessin (D. G.), Concilia rotornagensis provincice, 1. I, p. 197. — Theiner
(Aug.), Annales ecclesiastici, t. III, p. 307. — Saintes (Claude de). Le concile
provincial des diocèses de Normandie tenu à Rouen l'an 1581 par M. l'ill, et
révér, cardinal de Bourbon, archevêque dudii lieu... Paris, i583, in-8°.
BOURBONS ET LORRAINS qg
L'exemple du cardinal fut bientôt suivi. Quelques mois plus
tard l'archevêque de Bordeaux réunit un concile dans sa ville
métropolitaine. L'année suivante ce fut le cardinal de Guise,
archevêque de Reims, puis l'archevêque de Tours. Ceux de
Bourges, d'Aix, les imitèrent1.
C'était une première victoire pour le parti ligueur. C'était
aussi un triomphe du duc de Guise. Son influence sur le prélat
se marque de jour en jour davantage. Déjà il cherche à se
dissimuler derrière lui, à en faire son porte-parole. Le roi tou-
jours aux prises avec les difficultés financières avait convoqué
à la fin de i58o une assemblée de notables à Saint-Germain-
en-Laye. Au cours de la discussion, le premier président au
parlement de Paris osa dire que la Normandie était en partie
cause de la pauvreté du trésor, car elle avait refusé de payer
certains impôts nouveaux. Le cardinal de Bourbon saisit l'oc-
casion pour s'attaquer au gouvernement. \u lieu d'accuser à
tort sa province, insinua-t-il, il fallait bien mieux rechercher
les causes d'une mauvaise administration, pourquoi les gens
de justice ne songeaient qu'aux pots de vin, ceux des finances
qu'à dilapider les deniers publics ; chasser les huguenots était
le seul moyen de rendre au royaume avec l'unité de la foi son
ancienne splendeur et son ancienne prospérité.
Cet appel à une nouvelle guerre exaspéra le roi. Il voyait
bien, déclarât il, que cette proposition ne venait pas du car-
dinal, que d'autres la lui avaient suggérée : et sa réplique fut
si violente que le prélat ne sut que répondre2. Henri III avait
découvert Guise derrière les paroles du cardinal. Les menées
i. Hardouin, Collectio regia maxima conciliorum ab anno S'i ml iin-
num i7iU, t. \, col. 1221 et suiv. —Le concile de Kouen avait remis en
avant la question des décrets du concile de Trente. Le nonce obtint du roi
la permission d'aviser avec les cardinaux de Birague, de Bourbon cl
quelques autres seigneurs, aux moyens de publier les décrets en France.
On n'aboutit à aucun résultai. V. Bibl. Nat., f.'ital., ms. 17^3, p. 4n et
425, copie; dép. des anibass. vénitiens, de Paris, 3o nov. et 24 déc. i.">8>.
2. Bibl. Nat., f. ital., ms. 1733, p. 234, copie; dép. des ambass. vénitiens,
de Paris, ■>.'•> nov. [583. — Négociations diplom. avec la Toscane, t. IV, p. \\- ;
de Paris, 18 nov. i583.
IOO LE ROLE POLITIQUE DU CARDINAL DE BOURBON
du Lorrain n'étaient plus un secret pour personne. On savait
si bien à cette époque qu'il intriguait auprès de l'archevêque
de Houen, que l'historien de Thou ne craint point de citer à
l'appui de celte thèse un fait. qui eut vraisemblablement une
autre cause.
Le chapitre de l'église de Rouen jouissait en souvenir de
saint Romain, un des premiers évêque's de la ville, du droit
de délivrer chaque année un prisonnier des mains de la
justice. Ce privilège avait attiré à plusieurs reprises de graves
abus, et on avait vu les pires scélérats graciés par le choix des
chanoines. Plusieurs fois on parla de l'abolir. A l'assemblée
des notables de Saint-Germain, Jean de La Guesle. président
au parlement de Paris, souleva de nouveau la question. « Le
cardinal de Bourbon, qui estoit présent..., entra en fureur et
se jeta aux genoux du roi avec autant d'empressement que
s'il se fût agi de sa dignité, de ses biens et de son salut éternel,
en suppliant Sa Majesté d'obliger La Guesle à lui faire satis-
faction et à l'église de Rouen sur l'outrage sanglant qu'il venoit
de leur faire... Ce cardinal en fut très piqué non seulement à
cause de l'injure qu'il prétendoit lui être faite à lui-même,
mais parce qu'on lui ôtoit par là, disoit-il, le moyen de
ramener au droit chemin des misérables qui se perdoient et de
les enrôler dans la sainte Union. » Et de Thou ajoute que des
« scélérats déjà chargés de crimes ne faisoient aucune diffi-
culté de s'engager à en commettre de nouveaux et s'enrôloient
sans peine dans la conspiration formée contre le roi et l'état »>,
sûrs qu'ils étaient de l'impunité1. Or il est fort probable,
sinon certain, que le cardinal ne fit dans cette circonstance
que défendre les intérêts de son église. Peut-on croire en effet
qu'il se fût résolu à recruter des partisans même parmi ces
criminels, dont le nombre forcément restreint n'aurait pu
donner qu'un bien petit secours ! D'ailleurs un examen sérieux
de ceux qui furent graciés par le chapitre va contre l'affirma-
tion de l'historien '-.
i. Thou (de), Histoire univeneUe, t. IX, p. 83 à 86.
a. Voir l'Appendice n° III.
BOURBONS ET LORRAINS IOI
Mais un autre incident montre beaucoup plus clairement
combien le cardinal était dès cette époque acquis aux Lor-
rains. On sait quelle importance on attachait alors aux ques-
tions de préséance. A cette même assemblée de Saint-Germain,
une querelle s'éleva sur ce sujet entre Charles de Bourbon,
neveu de l'archevêque de Rouen, et le cardinal de Guise. Le
jeune Charles, fort de son titre de prince du sang, refusa de
céder le pas au Lorrain, et, malgré les conseils de son oncle
qui ne l'aurait pas voulu voir disputer la première place à un
cardinal prêtre, lui qui n'était pas encore entré dans les ordres,
il en référa au roi qui lui donna raison. Le cardinal de Guise
piqué n'assista plus aux séances l.
Ainsi le cardinal de Bourbon en était arrivé à sacrifier l'in-
térêt de sa famille même catholique à celui de la maison de
Lorraine. Après avoir abandonné au cardinal de Guise une
partie des abbayes qu'autrefois il réservait à son neveu, il lui
accordait maintenant la préséance. Les intrigues des Lorrains
portaient leurs fruits.
Or le duc d'Anjou s'affaiblissait de jour en jour. Ses der-
nières campagnes de Flandre l'avaient épuisé. En février i584,
après avoir fêté joyeusement le carnaval à Paris, il se retira à
Château-Thierry, où il fut pris d'une fièvre violente. On con-
serva bientôt peu d'espoir de le sauver.
Dès cette époque, au dire de Duplessis-Mornay, courait par
le royaume un certain livre en latin soutenant vivement la
candidature du cardinal à la couronne de France-. Le bruit se
répandit à la cour que Charles de Bourbon lui-même aurait
déclaré qu'en cas de mort de Henri III et de son frère, il ne
pensait pas que le peuple consentît jamais à avoir un roi
hérétique et que par conséquent il espérait monter sur le
trône3.
i. Thou (de), Histoire universelle, t. I\, p. 80.
2. Mémoires et correspondance de Duplessis-Mornay, t. Il, p. 564; « lettre
de discours sur les divers jugemens des occurences du temps faicte par
M. Duplessis, du 18 mars i58/|. »
3. Bibl. Nat., f. ital., ms. 1733, p. 36o, copie ; dép. des ambass. véni-
tiens, de Paris, i3 avril i58/).
102 LE ROLE POLITIQUE DU CARDINAL DE BOURBON
Au commencement d'avril, des nouvelles de Château-Thierry
annoncèrent l'état désespéré de Monsieur. On apprit alors
d'une façon certaine que le cardinal se prétendait héritier pré-
somptif de la couronne, non seulement parce que son neveu
était hérétique, mais parce qu'il y avait moins droit que lui,
étant plus éloigné de la race royale4.. Certains dirent même
que le prélat avait traité son filleul de bâtard, parce que Jeanne
d'Albret, sa mère, s'était déjà mariée une première fois avant
d'épouser Antoine de Bourbon2.
Le 10 juin, le duc d'Anjou expirait et sa mort posait la ques-
tion de succession au trône de France.
i. Bibl. Nat., f. ital., ras. 1733, p. 378, copie ; de Paris, ) 1 mai 1 r>84- —
Arch. Nat., K i503, n° i3, déchifïï. ; dép. de Tassis à Philippe II, de Paris,
10 mai i584-
2. Négociations diplom. avec la Toscane, t. IV, p. 01 3 ; de Paris, i") juin i584.
DEUXIEME PARTIE
L'HÉRITIER PRÉSOMPTIF
CHAPITRE PREMIER
LA LIGUE S ARME
La disparition du duc d'Anjou fait date dans le règne de
Henri III. La période qui suit diffère étrangement de celle qui
précède. Non pas que la transition soit brusque ; cette mort ne
change en rien la situation des partis, mais elle la précise sin-
gulièrement. Une seule idée désormais préside aux destinées
du royaume. Henri III n'a pas d'enfant; on est persuadé qu'il
n'en aura jamais. A qui reviendra la couronne? On croyait
qu'elle appartenait légitimement au roi de Navarre. La can-
didature du cardinal de Bourbon soulève les plus graves diffi-
cultés.
Deux prétendants sont donc sur les rangs, l'oncle et le
iic^eu, l'un soutenu par les protestants, l'autre par le parti des
Lorrains. Henri III voit avec colère ce nouveau prétexte à la
discorde. Il déclare qu'il est, ainsi que la reine, en parfaite
santé, tous deux jeunes et capables avec l'aide de Dieu d'avoir
une nombreuse progéniture ; mais il persuade seulement les
gens amis de la paix, qui refusent de se préoccuper des diffi-
cultés à venir.
Les deux partis prennent aussitôt position. Connue le roi de
Navarre a semblé jusqu'ici le véritable héritier présomptif, ce
sont les ligueurs qui attaquent. La guerre s'ouvre par un
10 f\ LE RÔLE POLITIQUE DU CARDINAL DE BOURBON
échange de pamphlets presque tous anonymes, que les
meneurs répandent à l'envi pour gagner des partisans. La plu-
part sont écrits en français, quelques-uns en latin, ce qui leur
vaut sans doute une plus grande autorité. Mais aucun n'échappe
au fanatisme. Les théoriciens cherchent cependant à l'éviter.
Pour établir leur thèse, ils s'appuient sur les juristes les plus
réputés, remplissent leurs œuvres de citations de droit romain
et de droit canon, les illustrent d'exemples que leur fournit
l'histoire. Toutefois la violence les entraîne le plus souvent,
car il leur faut réfuter les raisons de leurs adversaires et se
justifier de leurs accusations. Aussi les libelles se répondent-ils
les uns aux autres. Leur nombre considérable témoigne de
l'àpreté de la lutte *.
Le principal argument des partisans du cardinal est qu'en
ligne collatérale le droit de proximité se substitue au droit d'aî-
nesse, c'est-à-dire que celui-ci disparaît avec le dernier repré-
sentant de la ligne directe. Louis X mourant sans enfant a
supprimé le droit d'aînesse dans la maison de saint Louis, et
c'est parce qu'il était le plus proche parent du roi défunt que
Philippe V est monté sur le trône. C'est aussi par droit de
proximité que Charles IV a succédé à Philippe V, Philippe VI à
Charles IV, Louis XII à Charles VIII, François Ier à Louis XII,
Charles IX à François II, Henri Illà Charles IX. A Henri III doit
succéder le plus proche parmi les princes du sang, c'est-à-dire
l'oncle, qui est moins éloigné d'un degré que le neveu.
A ces raisons les partisans du roi de Navarre répondent que
le droit d'aînesse est toujours transmissible, que le droit de
succession une fois entré dans une lignée n'en sort point avant
qu'elle ne soit complètement éteinte, qu'en conséquence le roi
i. Matthieu Zampini publia des premiers un libelle en latin soutenant
les droits du cardinal de Bourbon. — En i588 parut une réponse
attribuée à François Hotman : Ad tractàtum Matthsei Zampini I. C. Recana-
tensis, de successione prserogativse primi principis Francise, ornatissimi viri
P. C. A. F. civis parisiensis et regii consiliarii responsio. S. 1., 1 588, in-8°. —
En 1590 un pamphlet répondit à ce dernier libelle: De successione prœroga-
tivae primi principis Francise ab impugnantium injuria jure vindicata, propugna-
tore Matthœo Zampino Recanalensi I. C. Parisiis, iôgo, in-8°.
LA LIGUE S ARME IOO
de Navarre hérite des prérogatives de son père. Chacune de ces
affirmations est accompagnée de textes juridiques ou de faits
historiques. Un précédent souvent allégué par les ligueurs fera
mieux comprendre toute l'ardeur que les deux partis mettent à
ces controverses. Louis le Pieux a succédé dans l'empire à son
père Charlemagne, quoique son frère aîné, Pépin, eût laissé en
mourantun fils nommé Bernard. Dans ce cas l'oncle l'a emporté
sur le neveu '.
Cet exemple embarrasse fort les protestants. Les uns essaient
de tourner la difficulté en citant un passage du Chronicon mur-
tinianum prétendant que Louis le Pieux était le fils aîné de Char-
lemagne 2. Les autres l'abordent hardiment. Charles ayant fait
le partage de son empire et Pépin s'étant vu donner l'Italie,
son fils Bernard ne pouvait rien réclamer davantage et d'ail-
leurs, pour porter la couronne impériale, il fallait non seule-
ment être le plus proche du dernier empereur, mais encore
agréé par le peuple romain.
Ce sont là surtout discussions d'érudits qui intéressent médio-
crement la foule. D'autres faits plus récents la frappent davan-
tage. Lors du mariage d'Antoine de Bourbon et de Jeanne
d'Albret, le cardinal a renoncé en faveur de son frère c aux
successions tant paternelles que maternelles » qui pouvaient lui
échoir 3, et il a renouvelé cet abandon aux noces de son
neveu et de Marguerite de France i. Pourquoi ne tient-il pas ses
promesses ?
Les ligueurs répondent qu'en effet le cardinal a renoncé à
i. Cet exemple est allégué dans les deux ouvrages suivants : Le droict de
monseigneur le cardinal de Bourbon à la couronne de France défendu et main-
tenu par les princes cl catholiques françois. Paris, i58q, in-8°, et l>e la succes-
sion du droict et prérogative de premier prince du sang de France, déférée par
la loy du royaume à monseigneur Charles, cardinal de Bourbon, par la mort
tic monseigneur François de Valois, duc d'Anjou. Paris, i588, in-8.
a. Ad tractatum Matthœi ZampiniJ. C.Recanatensis, de successione prseroga-
tivse primi principis Francise, omatissimi viri P. C. A. F, civis parisiensis et
régis consiliarii responsio. S. 1., rô88, in-8°.
3. Conférence chreslienne de quatre docteurs théologiens et de trois fameux
advocats sur le faict de la Ligue... S. 1., i58(3, in-8°.
!\. Du Mont, Corps universel diplomatique, t. IV p. 316.
lOÔ LE RÔLE POLITIQUE DU CARDINAL DE BOURBON
tous les biens que la maison de Bourbon, d'Alençon et de Ven-
dôme pouvait lui réserver. Toutefois la renonciation n'a pas été
complète, puisque, par un procès intenté contre Jeanne d'Al-
bret après la morl de son frère, il a obtenu une compensation
décent mille livres. Or ces cent mille livres n'ont jamais été
payées. Il est vrai que le cardinal les adonnées en dot à Henri de
Bourbon. Mais, en admettant même que la renonciation soit
valable, elle ne s'étend qu'aux biens patrimoniaux. Elle ne
peut comprendre un droit auquel personne ne songeait lors-
qu'elle fut faite, puisque Charles IX était encore jeune et que
ses deux frères semblaient assurer la succession à la couronne.
D'ailleurs, en l'alléguant, les partisans du roi de Navarre
n'avouent-ils pas la priorité des droits de l'oncle sur ceux de
son neveu { ?
Malgré les efforts des ligueurs, cette priorité n'apparaît point
évidente. On se rappelle encore que, lors de la bonne entente
entre les prétendants. Henri de Bourbon marchait toujours le
premier devant le cardinal clans les cérémonies officielles. Des
actes subsistent, où sa signature précède celle du prélat2. Parmi
les défenseurs même du cardinal des discussions s'élèvent sur
l'origine de ses droits. Les uns déclarent qu'il doit succéder à
Henri III comme héritier du due d'Anjou; d'autres critiquent
cette théorie, car d'après elle, à la mort du cardinal, le roi de
Navarre, qui sera son héritier, devrait lui succéder, tandis
qu'en réalité le droit véritable appellera selon eux au trône de
France le duc de Montpensier à l'exclusion de Henri de
Bourlion. ('/est déjà préparer l'avenir 3.
Cette incertitude chez les théoriciens ligueurs témoigne de
i. Traicté sur la déclaration du roy pour les droits de prérogative de monsei-
gneur le cardinal de Bourbon. Paris, i588, in-8°.
2. Legrain (Bapt.), Décade contenant la vie etgestes d'Henry leGrand. Paris,
i6i4, in-f°, p. 67.
il. [avertissement sur les lettres octroyées àmonsieurle cardinal de Bourbon.
S. I.. [588, in-8°. — Explicatio errorum cujusdam scripti mi incognitus author
titulum fecit : advertissement sur les lettres octroyées à monsieur le cardinal
île Bourbon, authore Matthxo Zampino Recanatensi /. V. Doct. S. t., 1689,
in-8\
LA LIGUE S ARME IO~
la faiblesse de leurs arguments. Certains partisans du cardinal
reconnaissent même la priorité des droits de son neveu.
En 1687. dans un manifeste envoyé par le conseil de la Ligue
de Paris aux villes de province, il est dit : « Advenant le cas de
la mort du roy sans enfants... seront les Estats priez de la paît
des catholiques de favoriser à la nomination royale sur tous
les princes catholiques mon dit sieur le cardinal de Bourbon
tant parce qu'il est prince très catholique, ennemy des héré-
tiques qu'aussi il est prince françois, doux, aggréable et ver-
tueux, de la race ancienne des roys de France, qui le rend 1res
recommaudable non comme héritier et successeur, estant trop
remot en degré, mais capable d'esleclion et de l 'honneste pré-
férence pour sa religion et ses vertus1. »
C'est sur ce terrain que se sont placés les défenseurs du cardi-
nal vraiment sincères. La question religieuse est pour eux la
seule raison d'être de sa candidature et son seul appui. Sauf
Guise, qui peut espérer des avantages particuliers dans l'acces-
sion au trône de Charles de Bourbon, les ligueurs acceptent la
royauté du prélat uniquement parce qu'elle exclue le protes-
tant: et, laissant la question juridique aux subtils controver-
sistes. ils vont surtout l'aire appel au sentiment religieux pour
gagner des partisans.
A l'archevêque, dont on connaît la douce bonté, la piété pro-
fonde, la foi ardente, ils opposent le roi de Navarre hérétique
et relaps. Les prédicateurs tonnenl en chaire contre lui. Pour
effrayer le peuple, ils lui montrent ce qu'il peut attendre d'un
tel maître. Un libelle écrit sous le nom d'un catholique anglais
raconte aux catholiques français ce que souffrent pour leur foi
leurs coreligionnaires d'Outre-Manche2. Des planches repré-
sentant leurs supplices sont exposées dans Paris et des gens.
une baguette à la main, eu expliquent le sujet. Peu de temps
i. Cayet (Palma), Chronologie novenaire, Introd., p. 35.
■>. [avertissement des catholicqu.es anglois aux françois catholicques du danger
où ih sont de perdre leur religion et d'expérimenter comme en Angleterre la
craauté des ministres, s'ils reçoivent à la couronne un roi qui soil hérétique,
[par Louis d'Orléans], publié dans A rchives curieuse s, ["série, t. IV i>->.
Io8 LE RÔLE POLITIQUE DU CARDINAL DE BOURBON
après un immense tableau reproduisant les mêmes scènes est
placardé dans le cimetière Saint-Séverin: il faut un ordre du
roi pour le faire disparaître. Les faits semblent justifier ces
fables ; on croit que Marie Stuart paie dans la prison de Fothe-
ringhay son attachement à la religion catholique.
Les partisans de Navarre répondent en démasquant l'ambi-
tion des Lorrains qu'ils appellent « les premiers espagnols
françois1 ». Ils montrent combien est libéral le roi qui a réta-
bli le catholicisme dans ses états et l'autorise même dans les
villes où il passe2. Quant à Henri de Bourbon, assez habile
pour ménager l'avenir, il proteste de sa fidélité dans la foi et la
religion chrétiennes et déclare qu'il s'est toujours soumis aux
saints conciles 3.
Entre les deux partis vit une majorité de gens calmes,
inquiets de cette rivalité chaque jour plus agressive qui doit
fatalement conduire à la guerre civile. Aux discussions succé-
deront les coups. Or, empêcher les discussions semble chose
impossible, sinon en faisant désavouer par le cardinal lui-même
les menées de ses partisans. Quelques-uns l'essaient.
Le plus intéressant des libelles qui se sont proposés ce but
parut anonyme en i586 sous le titre de Conférence chrestienne
de quatre docteurs théologiens et trois fameux advocats 4. Ce livret
est certainement l'œuvre d'un catholique. Il est précédé d'une
épître fort respectueuse adressée au prélat, où l'auteur s'excuse
de lui donner des avis ; mais, de même que les spectateurs
indiquent aux comédiens quel doit être leur jeu, parce qu'ils
i. Réponse aux déclarations et protestations de messieurs de Guise, faites
sous le nom de M. le cardinal de Bourbon, pour justijier leur injuste prise
d'armes... S. t., i585, in-8°, publiée dans Mémoires de la Ligue, t. I, p. 79.
2. Ibidem.
3. Déclaration du roi de Navarre contre les calomnies publiées contre lui et
protestations de ceux de la Ligue qui se sont élevées en ce royaume. S. 1., i585,
in-8°, publiée dans Mémoires il,- la Ligne, t. I, p. 120.
4. Conférence chrestienne de quatre docteurs théologiens et trois fameux
advocats sur le faict de la Ligne et levée des armes faicte d&puis quelque temps
en France au nom de monseigneur le révér. et illuslr. prince Charles, cardinal
de Bourbon, contenant response au littelle intitulé « Le Salutaire ». publié par
ceux de la dite Ligue... S. 1., iô8li, in-8°.
LA LIGUE g ARME IOQ
peuvent le juger sainement, de même les sujets, qui aper-
çoivent mieux les fautes des princes que ces princes eux-
mêmes, peuvent les conseiller.
La forme du libelle est ingénieuse. L'auteur suppose une con-
férence entre trois avocats et quatre théologiens. Après quelques
pages discrètes sur les dangers de l'ambition, il rapporte ce
qu'ont dit les avocats. Au point de vue juridique, ils donnent
raison au neveu contre l'oncle, et, ce qu'ils blâment surtout,
c'est la manière dont le cardinal use pour faire prévaloir ses
droits. Pourquoi, s'il croit à la justesse de ses réclamations, se
faire un bouclier d'un parti très fort comme le parti catho-
lique ? Pourquoi s'appuyer sur les Espagnols et le duc de Savoie,
les ennemis de la France, s'allier aux ligueurs, qui veulent non
seulement déshériter le roi de Navarre, mais encore lui ôter
l'honneur et la vie ? A quoi peut-on aboutir ? A la guerre civile,
parce que lui, déjà vieil et débile, espère succéder à un jeune roi
plein de vie; la guerre, pour l'espérance d'une couronne que
Dioclétien, Carloman, Charles-Quint et tant d'autres ont
méprisée. S'il sort vainqueur, il ne régnera qu'avec l'invincible
regret d'avoir détruit sa famille et accablé ses sujets. Qu'il pré-
fère donc une vie tranquille et pleine d'honneurs au milieu de
la paix du royaume.
S'il est uniquement poussé par son zèle religieux, les théolo-
giens voul lui répondre. La bonne intention ne suffit point
quand les moyens sont mauvais. Ce n'est pas par la guerre que
Dieu a toujours condamnée, mais bien par l'exemple qu'il faut
vaincre les ennemis de la religion catholique. D'ailleurs Henri
de Bourbon n'est nullement hostile à cette religion qu'il main-
tient dans son royaume de ^a^arre. Pourquoi ne la maintien-
drait-il pas dans son royaume de France:» Et Dieu a-t-il jamais
abandonné son peuple?
Tel fut l'appel adressé au cardinal de Bourbon. Il ne voulut
point l'entendre. Sa première pensée fut évidemment la défense
de la religion ; c'est pour elle qu'il avait crié ses premières pro-
testations après ledit de Beaulieu en 1076. pour elle aussi qu'il
disputa la couronne à son neveu hérétique. Mais le prélal
IlO LE ROLE POLITIQUE OU CARDINAL DE BOUHBOS
n'a-t-il pas été poussé à L'alliance lorraine par l'espérance
de la couronne de France ? C'était peut-être une bien folle
prétention de la part d'un vieillard âgé de soixante ans
passés que de vouloir succédera un jeune roi de trente-cinq ans
à peine. Cependant il faut se rappeler que jadis le cardinal
avait ambitionné la lieulenance générale du royaume ; il avait
même accepté l'idée d'un mariage qui l'aurait mis à la tête des
princes laïcs. L'espoir d'une couronne ne pouvait donc pas lui
déplaire, mais, il faut le dire, ce ne fut point la cause initiale
de son alliance avec le duc de Guise.
Son grand crime fut de manquer de clairvoyance. En effet
sa candidature ne pouvait rien résoudre. En admettant qu'il
survécût au roi, qu'il lui succédât, sans enfant il ne pouvait
espérer si âgé avoir une progéniture. On parla d'un mariage
avec la duchesse de Montpensier, sœur de Guise et veuve
depuis trois ans : plaisanterie à laquelle on n'attacha point
d'importance et qui ne fut qu'une source de ridicule pour le
malheureux cardinal '. Lui mort, à qui reviendrait la couronne,
sinon au roi de Navarre? Vu duc de Montpensier, bcau-tils de
la duchesse ? Quelques pamphlétaires seuls osèrent prononcer
son nom. Guise ne voulait pas poser la question. Quand Cathe-
rine s'en inquiéta, il lui lit croire que le tils du duc de Lor-
raine, petit-fils de la reine mère et par conséquent du sang des
Valois, pourrait prétendre au trône. Au roi d'Espagne, il laissa
entendre qu'un prince fort puissant pourrait seul y aspirer;
Mais au cardinal, si jaloux du sang des Bourbons, quelles expli-
cations donna Guise!» Les documents sont muets sur ce point.
Peut-être le prélat songea-t-il à ses neveux catholiques! La fidé-
lité à son égard du cardinal de Vendôme, le plus habile des
trois, pourrait le faire croire. Ce n'était certainement point
l'idée du Lorrain.
Quoiqu'il en soit, le cardinal de Bourbon fut un instrument
docile aux mains de son allié. De son nom il couvrit ses plus
i. Mémoires-journaux de I'. de ÙE&toile, I. Il, ]>. a4a ; séquence du cardi-
nal de Bourbon et de la Montpensier ; — p. a65 ; coq à l'asne.
LA LIGUE S ARMÉ 1 i i
audacieuses réclamations. Il fut véritablement le « chameau de
la Ligue » '.
Charles de Bourbon devait subir les conséquences de son
erreur. Les pamphlétaires font souvent preuve de perspicacité;
vis-à-vis du prélat leurs prévisions furent remarquablement
justes. En mai i585 parut un pasquin des plus curieux sous la
forme d'un « arrest prononcé en chausses rouges par Maistre
Harlequin, président en la cour matagonesque des Archifols,
sur le différend meu entre Messieurs Chicot et Sibilot et l'in-
tervention de Maistre Pierre du Faur l'Evesque » -. Chicot, le
roi de Navarre, et Sibilot, le duc de Guise, sont en procès pour
recueillir un héritage. Survient Maître Pierre « portant son
chapeau solennel de plumes et de feuilles vertes avec quelques
couronnes gorrières au-dessous... une grosse barrette de peau
de veau, assez poupinement élabourée, selon son humeur, la
barbe faite àl'estuvée, ses habits à la gorgiasse, ses chausses de
lin grelin gringottées de sonnettes », qui déclare avoir seul
droit à l'héritage. Mais, attendu que le possesseur vit encore,
la cour matagonesque renvoie, le procès à plus tard, condam-
nant seulement Maître Pierre du Faur l'Evesque aux dépens.
La sentence du tribunal des Vrehifols fut exécutée ; le cardinal
eut à se repentir de sa malheureuse intervention.
La candidature de Charles de Bourbon n'avait chance de
succès que si elle était posée énergiquement dès les premiers
jours. Attendre pacifiquement la mort de Henri III pour- pro
clamer le droit du prélat et exclure son neveu les armes à la
main eut été dangereux, car l'issue d'une guerre contre
i. Mémoires-journaux de /'. de L'Estoile, I. II. p. 222. - L'Estoile, I. III.
p. 100, énumère les livres qui constituaient une certaine bibliothèque ima-
ginaire de madame de Montpensier. Le cardinal de Bourbon > est dit l'au-
teur do " t'Oisonnerie générale 0 en dois volumes, illustrée el mise en
lumière par Cornac et Leclerc, son médecin.
■>.. Ibid., t. II, p. 236.
112 LE ROLE POLITIQUE DU CARDINAL DE BOURBON
Navarre, soutenu par les prolestants et les loyalistes, semblait
assez douteuse : les huguenots résistaient heureusement depuis
plus de vingt ans aux efforts des catholiques et leur chef s'était
révélé dans la dernière campagne fort habile homme de
guerre. Au contraire fortifier dès maintenant le parti de la
Ligue, affaiblir insensiblement ses adversaires, leur reprendre
leurs places de sûreté, faire exclure du trône le roi de Navarre
et proclamer le cardinal héritier présomptif, en un mot enlever
peu à peu toute autorité au huguenot et l'enserrer dans un
réseau de formidables forces prêtes à l'écraser, tel était le meil-
leur parti à prendre et tel fut celui que Guise adopta.
Dès lors le Lorrain dirige tout avec une merveilleuse habi-
leté. Charles de Bourbon ne fait que suivre ses ordres. Ce ne
sont pas à vrai dire des ordres, car le duc sait ménager les sus-
ceptibilités du prélat ; mais il parvient à lui suggérer ses propies
idées, que le cardinal croit siennes. Le vieillard se prêle de
bonne grâce à ce jeu, tant il est dominé par la supériorité de
son allié. Cependant cette vie active est loin de lui convenir. A
certains moments, fatigué des difficultés sans cesse nouvelles,
il regrette le calme des anciens jours ; mais Guise triomphe
bientôt de cet abattement passager.
A peine le duc d'Anjou fut-il mort que Henri de Lorraine
commença la réalisation de ses desseins. Dès le début de juillet
il vint prendre congé du roi. Des affaires urgentes, dit-il, l'ap-
pelaient dans ses domaines et il laissa entendre que son absence
serait d'assez longue durée. En même temps Mercœur se relira
dans son gouvernement ; madame de Nemours s'en alla en Pié-
mont ; les ducs de Nevers et de Mayenne annoncèrent leur départ
prochain. En quelques jours tous les membres de la famille de
Lorraine eurent quille la cour '.
Le roi ne s'en inquiéta point. Il s'occupait alors de l'a ména-
gement d'une chapelle, qu'il installait au bois de Yincennes
sous le vocable de la Madeleine par respect pour la grande
pénitente. Son principal souci élait de faire une inauguration
i . Négociations diplom. avec la Toscane, t. IV, p. 5iS ; de Paris, 10 juill. i584.
LA LIGUE S'ARME Il3
magnifique. Les Lorrains partis, il voulut au moins que le
cardinal de Bourbon rehaussai par sa présence l'éclat de la
solennité. Le prélat s'excusa ; L'administration de son diocèse
le réclamait, déclara-t-il, el il quitta la cour quelques jours avant
la cérémonie !.
Henri III put croire à une vengeance de la part de L'arche-
vêque de Rouen, ayant donné récemment au cardinal de
Joyeuse, frère de son mignon, l'abbaye de Marmoutiers que le
vieillard convoitait -. Cependant ce départ l'inquiéta, car on
apprit à ce moment que durant la dernière semaine le cardinal
s'était trouvé continuellement en compagnie du duc de Guise
qui, malgré le congé pris du roi, séjournait encore à Paris,
qu'ils s'étaient rencontrés dans la ville et aux environs, man-
geant toujours ensemble à l'hôtel de l'un ou de l'autre :!. Aussi,
quand Charles de Bourbon vint à son tour prendre congé de
lui, Henri III ne put retenir une parole piquante : « Adieu, mon
oncle, dit-il ; recommandez-moi au duc de Guise *. »
Il regretta bientôt de l'avoir laissé partir. Des bruits alarmants
vinrent de l'est: Guise avait parlé à certains capitaines de reî-
tres, puis aux gouverneurs des villes picardes; tous ceux de sa
maison s'assemblaient pour le moment dans Nancy el on disait
qu'ils ne viendraient pas de longtemps à Paris. Le cardinal
de Bourbon, qu'on manda plusieurs fois à la cour, s'obstina
à rester à Caillou avec son neveu le cardinal de Vendôme '.
Tous ces agissements cachaient évidemment quelque dessein.
Henri III inquiet publia le n novembre un edit déclarant
i. Hibl. Nat., f. ital., ms. 1733, p. 427, copie; dép. dos ambass. vénitiens,
de Paris, 20 juill. i584- — Négociations diplom. avec la Toscane, t. [V, p. :ïio ;
de Paris, 29 mai [584-
a. Ihid. — L'abbaye de Marmoutiers appartenait à Jacques d'AvriUy,
favori du feu duc d'Anjou. Le cardinal de Bourbon avait déjà passé contrat
avec lui pour en prendre possession, quand la volonté du roi vint déjouer
ses plans.
3. Hibl. jNat., f. ital., ms. 1733, p. 43o, copie ; dép. des ambass. vénitiens,
de Paris, 30 juill. [584.
4. Négociations diplom. avec la Toscane, t. IV, p. .">•>•>; do Paris, a3 juill. [584.
5. Florence; Arcliivio niedicco. ins. 4Gia, f° 609. orig. ; dép. de G.Busini
àBélisario Vinla, de Paris, \i nov. [584.
S.iuljuer. — Cardinal de Bourbbn. 8
î 1 4 LE ROLE POLITIQUE DU CARDINAL DE BOURBON
criminels de lèse -majesté tous ceux qui feraient ligue ou asso-
ciation !. En même temps il donna ordre aux cardinaux de
Bourbon et de Vendôme, aux ducs de Guise et de Mayenne, de
le rejoindre à Saint-Germain -. Les deux cardinaux obéirent
seuls. Leur présence suffît à calmer momentanément l'inquié-
tude du roi 3.
En arrivant à la cour, l'archevêque 'de Rouen y trouva deux
ambassadeurs du roi de Navarre, Duplessis-Mornay et le comte
de Laval, qui sollicitaient au nom des protestants l'occupation
pendant quelque temps encore des places de sûreté qu'ils devaient
rendre. Le premier jour où il les rencontra, le cardinal se
montra fort aimable ; il chargea même Duplessis-Mornay de
présenter à son neveu ses meilleures amitiés, de l'assurer qu'il
serait toujours son serviteur. Mais, quand le protestant, joyeux
de la décision du roi qui laissait les places de sûreté à ses
coreligionnaires, vint prendre congé de lui, le prélat surpris
par la nouvelle ne put cacher son mécontentement et resta
court, dévoilant ses véritables sentiments au perspicace ambas-
sadeur *.
Rendu soupçonneux par cette singulière bienveillance du roi
envers les réformés, l'archevêque de Rouen essaya de connaître
sa pensée intime. Mais le vieillard manquait d'habileté, surtout
pour s'attaquer au fin esprit qu'était Henri III. Le piège fut
trop grossier pour que celui-ci s'y laissât prendre. Un jour le
sieur de Lénoncourt, après avoir fait l'éloge du cardinal de
Bourbon par devant le roi, osa demander au souverain qui il
désignerait pour son successeur. Henri III s'étonna seulement
de cette impertinente question et répliqua fort à propos : « Les
fils, que Dieu me donnera 5. »
La venue en cour du cardinal de Guise, qui excusait ses frères
et annonçait leur arrivée dès qu'ils auraient terminé leurs
i. L'édit est publié dans les Mémoires de Nevers, t. 1, p. 633.
■>,. Négociations diplom. arec la Toscane, t. IV, p. 54a ; de Paris, lanov. i">S4.
3. Ibid., p. 543 ; de Paris, 27 nov. i584.
'1. Mémoires de madame Duplessis-Mornay (Soc. de l'hist. de Fr.), t. I, p. iô-ï.
."t. Négociations diplom. avec la Toscane, t. l\ , p. 544 ; de Paris, a4 déc. i584.
la Ligue s arme ii5
affaires, avait achevé de dissiper les craintes du souverain ] ;
mais telle était l'habileté de Henri de Lorraine qu'au moment
même où il détruisait tout soupçon chez Henri III, il pactisait
avec l'étranger. Le 3i décembre i584 était signé à Joinville un
traité secret entre la Ligue et le roi d'Espagne.
Cette alliance était le fruit des agissements des derniers mois.
Tout y fut sagement préparé. Guise ne voulant point s'engager
seul, les principaux seigneurs de la Ligue durent se compro-
mettre avec lui. Les absents envoyèrent des représentants. Le
cardinal de Bourbon délégua un de ses familiers, François de
Roncherolles, sieur de Maineville. Les ducs de Mercœur et de
Nevers, qui n'avaient pu venir, eurent une place réservée au
bas de l'acte pour y apposer leur signature.
Le traité proclama deux choses essentielles : la reconnais-
sance du cardinal comme héritier présomptif et une alliance
offensive entre la Ligue et le roi d'Espagne. Le prélat prit le titre
de premier prince du sang. Une fois monté sur le trône, lui Ou
son successeur confirmerait le traité de Caleau-Cambrésis,
défendrait tout exercice de religion protestante dans le royaume,
promulguerait les décrets du concile de Trente, renoncerait enfin
à toute alliance et même correspondance pouvant nuire à la
chrétienté. De son côté Philippe II s'engageait à fournir aux
princes catholiques, tant qu'il leur faudrait combattre pour la
religion, cinquante mille écus pistolets par mois, consentant à
leur avancer la solde du premier semestre dès le 3i mars. Si les
ligueurs s'emparaient de Cambrai, ils la lui remettraient, sinon
la ville lui serait rendue à l'avènement du cardinal ou de son
successeur, qui lui rembourserait également tout l'argent
dépensé. Enfin chaque parti s'engageait à ne pas traiter avec le
roi de France sans l'assentiment de l'autre -.
On dressa deux originaux de l'acte, le premier pour Phi-
lippe II, le second pour le cardinal de Bourbon. Quelques jours
plus tard tous deux le ratifièrent par une lettre signée de leur
i. Bibl. Nat., f. ital., ms. 1733, p. 5i3, copie; dép. des ambass. vénitiens,
de Paris, i\ déc. iô8^.
a. Du Mont, Corps universel diplomatique, l. IX, p. \\\.
Il6 LE ROLE POLITIQUE DU CARDINAL DE BOURBON
propre main et scellée de leur sceau '. Chose curieuse, le texte
portait à plusieurs reprises « le cardinal ou son successeur ».
Mais quel serait-il ? Guise avait sans doute préféré l'incertitude ;
Philippe II également .
Ce traité fut le pas initial de Henri de Lorraine dans l'exécu-
tion de ses desseins. Soutenu pai l'argent de l'Espagne, il entre-
prit d'en réaliser la première partie : taire révoquer l'édit de
pacification et reprendre aux protestants les villes que le roi
venait à nouveau de leur concéder. On n'obtiendrait jamais
cette révocation de la bonne volonté de Henri III. Il fallait donc
l'y contraindre par la force. Guise arma.
Quant au cardinal, il avait maintenant l'espérance certaine
de la couronne. Il avait même tout tracé le programme de ses
premières actions, pauvre monarque qui perdait déjà toute
liberté pour sa royauté lointaine. Ce traité le faisait roi sans
même qu'il l'eût signé. Évidemment il y consentait et Maine-
ville avait pu faire connaître sa volonté au cours des discussions.
Maid le fait n'en reste pas moins significatif. Le traité de Join-
villc est le premier acte des deux alliés ; la manière, dont il fut
conclu, laisse entrevoir quel sera le rôle de chacun d'eux au
cours des années suivantes.
Le secret du traité fut bien gardé. Aucun bruit n'en parvint
aux oreilles du roi. Toutefois les armements faits par les
ligueurs ne purent rester longtemps cachés.
A la cour le cardinal de Guise s'efforça de démentir les nou-
Nclles alarmantes dès leur arrivée; mais bientôt, prétextant des
affaires pressantes,, il partit dans son archevêché de Reims
emmenant avec lui ses deux petits-neveux, fils du duc de Guise,
qu'élevait madame de Montpensier. D'autre part le cardinal de
Bourbon obtint la permission d'aller passer lé carême dans son
i. La lettre de ratification donnée par le cardinal de Bourbon cl les
princes français se trouve en copie à la suite d'un lexte du traité dans les
collections de la Bibl. Nat.. f. fr., ms. ^97'j. f" 71 el 111s. 336.'}, f° i3.
LA LIGUE 8 ARME I I "
diocèse. Leduc de Nevers prit congé dvi roi pour s'en aller aux
bains de Lucques et, pendant les visites d'adieu, une parole
imprudente échappa même à la duchesse : « Nous partons ; à
notre retour nous trouverons autre chose dans le royaume. »
Enfin on remarqua que le duc d'Elbeuf et tous ceux qui dépen-
daient de la maison de Lorraine quittaient la cour précipitam-
ment *.
Cette fuite rapide, en l'espace d'une semaine, de tous les affi-
liés des Lorrains, dès qu'on avait appris les armements, tira
enfin le roi de son inertie. La découverte d'un bateau plein
d'armes qui s'en allait vers Châlons où commandait Guise. Le
bruit qui commençait à courir d'une entente avec l'étranger,
ne lui laissèrent plus aucun doute sur les desseins des ligueurs B.
Le 16 mars il fit partir quatre gentilshommes, La Molhe-Fénclon
et La Vieuville, vers les cardinaux de Bourbon et de Guise,
Maintenon et Rochefort vers les ducs de Guise et de Mayenne.
Le roi réclamait la présence des princes pour l'aider à mettre fin
à certains désordres, dont il ne comprenait pas l'origine :!.
Le 21 mars La Mothe-Fénelon revint deGaillon. Le cardinal
de Bourbon avait déclaré qu'il ne connaissait aucun complot,
qu'en vérité il savail les Lorrains mécontents, mais que lui-
même n'avait rien fait qui pût le faire soupçonner d'infidélité
envers son roi ; et il avait promis d'être le ^k à la cour. Le len-
demain arriva le sieur de Maintenon. Reçu avec bienveillance
par Guise, il avait d'abord espéré une heureuse issue à son
ambassade; mais, le duc ayant refusé d'obéir aux ordres de
i. Bibl. Nat., f. ital., ms. 17.34, p. 0, copie; dép. des ambass. vénitiens,
de Paris, i5 mars i585.
2. Bibl. Nat., f. ital., ms. 1734, p. 6 et 10, copie: dép. des ambass. véni-
tiens, de Paris, i5 et 18 mars i585. — Négociations diplom. avec la Toscane,
t. IV, p. 606 ; de Paris, 20 mars i585. — Mémoires-journaux de P. de L'Es
toile, t. II, p. i85.
.;. Bibl. Nat., f. fr., ms. 33<>9, f09 3 et !\, copie; lettres de Henri ill ,111 card.
de Bourbon, aux ducs de (mise et de Mayenne, nu card. de Guise, de Paris,
iii mars i585. — \nli. Nat., K t568, n° Jo, déchiffr. ; dép. de Mendoça à
Philippe II, de Paris, ao mars i585. - - Négociations diplom. avec In Toscane,
t. IV. p. 55a; de Paris, ag mais [585.
IIO LE ROLE POLITIQUE DU CARDINAL DE BOURBON
Henri III, le gentilhomme l'avait quitté sans même prendre
congé de lui. A peine Maintenon était-il de retour à Paris
qu'arrivait un écuyer de Henri de Lorraine porteur d'une lettre
au roi l'assurant de son entière soumission et d'une autre à la
reine-mère, dans laquelle le duc la suppliait de le prendre sous
sa protection et lui offrait de la venir trouver avec sa femme et
ses fils, là où elle voudrait, pour lui témoigner ses bonnes
intentions. Quant à Mayenne, il s'était étonné des soupçons du
roi, et, bien que connaissant le mécontentement de son frère, il
se déclarait prêt à obéir aux ordres de son souverain *.
Or toutes ces belles paroles étaient loin de concorder avec les
actes des ligueurs. Guise entra dans Châlons malgré une défense
expresse du roi. Le 24 arriva sans amener en cour le cardinal
de Bourbon. Henri III, voulant au moins se saisir du vieillard
qu'il soupçonnait être le chef nominal du parti, renvoya La
Mothe-Fénelon en toute hâte vers Gaillon. Le prélat, qui la
première fois s'était montré docile et soumis, chercha des
excuses. Il répondit que le roi lui avait accordé la permission
de passer le carême dans son diocèse et que d'ailleurs une
attaque de goutte, qui le torturait actuellement, s'opposait à
tout voyage immédiat. Devant les instances du gentilhomme,
il promit cependant de partir le lendemain en litière. Il partit
en effet, mais au lieu de prendre la route de Paris il suivit celle
de Picardie 2. Accompagné du duc d'Elbeuf et de cinq cents
cavaliers, il se dirigea vers Péronne, où malgré une défense
formelle de Henri III il entra solennellement3. Deux jours
après il se rendit à Guise, d'où il crut bon d'écrire au souverain
1. Bibl. ]Nat., f. ital., ms. 1734, p. 18, copie; dép. des ambass. vénitiens,
de Paris, 29 mars i585. — Négociations diplom. avec la Toscane, t. IV, p. 555 ;
de Paris, 5 avril i585.
2. Bibl. Nat., f. ital., ms. 1734, p- 20, copie; dép. des ambass. vénitiens,
de Paris, 29 mars i585. — Négociations diplom. avec la Toscane, t. IV, p. 555 ;
de Paris, 5 avril i585.
3. Arch. du Vatican ; lettere délia segreteria di stalo, nunziatura di Fran-
cia, t. XVIII, p. 1, orig. ; dép. de l'évèque de Bergame au card. Rusticucci,
de Paris, 1" avril i585. — Bibl. Nat.,f. fr., ms. 3364> f° 56, orig.; mémoire
d'un envoyé du card. de Bourbon au duc de Nevers. (Pièces juslif. n° VII.)
LA LIGUE S'ARME IIQ
pour expliquer sa conduite et assurer qu'en quelque endroit
qu'il fut il n'oublierait jamais son devoir f.
Pour que le cardinal de Bourbon osât désobéir aussi ouver-
tement aux ordres du roi. il fallait que la révolte fût sérieuse.
Elle l'était en effet. Quatre mille reîtres se levaient sur la fron-
tière allemande, six mille fantassins en Suisse. Mercu'ur tenait
la Bretagne, Elbeuf la Normandie, de Vins la Provence. En
Champagne les ligueurs avaient Ghâlons et Reims ; en Bour-
gogne Dijon, Mâcon etAuxonne; en Guyenne Bordeaux, Agen,
Villeneuve-en-Agenois. Mandelot, gouverneur de Lyon, laissait
espérer son appui, ainsi qu'Entragues à Orléans et La Châtre
à Bourges. A Paris le peuple se déclarait pour eux et avait même
songé un moment à s'emparer de la personne du roi. Enfin
le bruit se confirmait d'une alliance avec Philippe II, les ducs
de Bavière et de Savoie. On disait aussi que le pape leur avait
envoyé une bulle accordant l'indulgence à tous ceux qui favo-
riseraient la Ligue 2.
Devant ce complot, que la déposition de Villefalier dévoila
d'une façon manifeste 3, Henri III restait sans défense. Il voulut
faire des armements, mais le trésor était vide. Malgré l'argent
réclamé à la municipalité parisienne, aux banquiers italiens,
il n'eut pas seulement de quoi payer quelques soldats déjà
levés *. Or le bruit courait que les forces ligueuses allaient entrer
en campagne ; on disait dans huit ou dix jours. Villefalier
l'annonça pour le 5 ou le 8 avril 5. Au roi sans ressources il ne
i. Bibl. Nat., f. fr., ms. 3420, f° 38, autogr. ; lettre du eard. de Bourbon
au roi, de Guise, 3i mars i585.
2. Bibl. Nat., f. ital., ms. 1734, p. 27 et 3i, copie; dép. des ambass. véni-
tiens, de Paris, .2 et 5 avril i585. — Négociations diplom. avec la Toscane,
t. IV, p. 55g ; de Paris, 5 avril i585.
3. Bibl. Nat., f. fr., mss. 32A7, f" 69 et 34ao, fu 3i, copies ; déposition du
sieur de Villefalier, du ior avril i585, imprimée en partie dans les Lettres
de Cath.de Médicis, t. VIII, p. a44, note 1.
\. Bibl. Nat., f. ital., ms. 1734. P- 21 et 29, copie; dép. des ambass. véni-
tiens, de Paris, 29 mars et 2 avril i585.
5. Cf. note 3. — Négociations diplom. avec ta Toscane, l. [V, p. 554; de
Paris, 3 avril [585. — Charrière (K.), Négociations de la France dans le
120 LE ROLE POLITIQUE DU CARDINAL DE BOURBON
restait qu'un seul moyen, que son insouciance lui fit trop sou-
vent employer : la négociation.
Le 3o mars au matin, il envoya au cardinal de Bourbon
Philippe de Lénoncourt et le duc de Retz, au duc de Guise
Pierre d'Kpinac et La Chapelle des Ursins, au duc de Mayenne
l'abbé des Châtelliers et Rochefort. Les ambassadeurs devaient
les solliciter ardemment de ne point troubler la paix et de bien
vouloir s'aboucher avec la reine-mère. Le soir même Catherine,
à peine guérie d'une fièvre et malade de la goutte, malgré l'avis
des médecins qui lui défendaient de sortir avant plusieurs
jours, partit en litière et alla coucher à Saint Maur. Le lende-
main, sur les exhortations du roi qui l'avait rejointe, elle con-
tinua sa route vers Épernay *.
Or le môme jour les ligueurs publiaient une déclaration pour
justifier leur prise d'armes ; c'est le fameux manifeste de
Péronne.
Les soupçons du roi avaient en partie déjoué le plan de la
Ligue. D'après ce qui avait été convenu, le cardinal de Bour-
bon devait rester à Gaillon jusqu'au 26 avril- et rejoindre
ensuite Guise, qui, au cours des dernières semaines, eût amassé
des forces suffisantes pour imposer ses volontés. Les deux
ambassades successives de La Mothe-Fénelon, en forçant le
prélat à partir avant la date fixée et par conséquent à avouer
sa révolte plus tôt qu'il ne l'eût voulu, mirent le désarroi parmi
les alliés. Quelques défections, qu'ils n'avaient pas soupçon-
nées, vinrent encore augmenter leur trouble.
Levant (coll. dos doc. inéd.), t. IV, p. 335, note 1 ; lettre de Villeroy, s. 1.,
3o mars i585.
1. Arch. Nat., K i563, n° 55, déchiflï. ; dép. de Mendoça à Philippe II, de
Paris, 5 avril i585. — Bibl. Nat., f. ital., ms. 1784, P- »4 et 26, copie; dép.
des ambass. vénitiens, de Paris, 29 mars et a avril i585. — Négociations
diplom. avec la Toscane, 1. IV, p. 556; de Paris, 5 avril i585.
2. Le manifeste de la saincle Ligne, s. 1., i585, in-8". — Une traduction en
fut envoyée par l'ambassadeur vénitien avec sa dépêche de Paris,
i5 avril i585 (Bibl. Nat., f. ital., ms. i734, p. 53).
LV LIGUE S ARME T2I
Pendant qu'il s'occupait de réunir des troupes, Guise avait
laissé au cardinal le soin de gagner à leur cause deux puis-
sants princes dont l'appui eût été des plus précieux : Henri de
Montmorency et Louis de Gonzague. duc de Revers. Montmo-
rency, comte de Damville, gouverneur du Languedoc, à qui
sa naissance, ses alliances et les forces d'une grande province
donnaient une influence considérable, était, au dire de l'histo-
rien de Thou, le premier seigneur du royaume. Le prélat avait
été jadis fort lié avec lui ; au nom de cette ancienne amitié, il
chercha à l'attirer dans son parti par les plus belles promesses1.
Avec Louis de Gonzague, mari de sa nièce, le vieillard était
encore plus familier. Son affection pour les Nevers remontait
au temps où le duc avait épousé sa sœur Marguerite de Bour-
bon ; depuis cette époque le cardinal leur était resté affectueu-
sement dévoué, et ses neveux et nièces avaient toujours trouvé
auprès de lui une aide qui leur fut quelquefois fort utile"2.
Cependant, malgré les liens d'amitié qui l'unissaient aux deux
seigneurs, le prélat ne réussit pas dans ses entreprises. Mont-
morency, trop averti de l'ambition des Lorrains, repoussa ses
avances3. Quant à Nevers, qui avait d'abord semblé favoriser la
Ligue en promettant de signer le traité de Joinville, il hésitait,
Pour éviter de prendre un parti, il se dit malade et s'en alla aux
bains de Lucques en Italie. Résistant à l'ordre du roi qui lui
demandait de retarder son voyage, aux prières du cardinal et de
Guise qui le suppliaient de se déclarer franchement en leur
faveur, il continua sa route, voulant savoir, avant d'opter, si
le pape approuvait la révolte4.
i. Thou (de). Histoire universelle* t. JX, p. 33i .
2. Ainsi, lors de la mort do François de Clèves (i3 févr. i56a) et de celle
de son fils Jacques (6 sept. i564), le cardinal de Bourbon s'intéressa aux
difficultés financières au milieu desquelles se débatlail la maison de
Nevers. Cf. Bibl. \al., f. fr., ma. 5i«, f° 86 v° ; — ms. 3i36, fos cjô et 99.
— Lettres de Cath. de Médicis, t. II, p. 198.
3. Thou (de), Histoire universelle, I- l\, P 33j-
i. Bibl. \ai.. f. fr.. ms. 3364, f" 56, orig. ; mémoire d'un envoyé du raid.
de Bourbon au duc de Ncvors. (Pièces justif. U' VII.) — Ms. 3366, f" 90,
orig. ; lettre anonyme au duc de \evers, s. I. n. d. (Pièces justif. n" \ III) ;
122 LE ROLE POLITIQUE DU CARDINAL DE BOURBON
L'archevêque de Rouen avait écrit aussi à ses deux neveux,
le cardinal de Vendôme et le comte de Soissons, restés à Paris
lors de son départ pour Gaillon. Ils n'avaient pas encore répondu
à son invitation *.
Malgré ces premières déceptions les chefs ligueurs n'hési-
tèrent pas. Surpris dans leurs projets, ils se hâtèrent de lancer
le manifeste de Péronne.
Cet appel à tous les catholiques français avait été décidé
quelque temps auparavant et Guise s'en était chargé ; peut-être
même la première rédaction est-elle de lui personnellement.
C'est une longue énumération de plaintes dirigées principa-
lement contre les deux favoris du roi, les ducs de Joyeuse et
d'Épernon, dont les noms se trouvent mêlés aux accusations
les plus violentes. Ils sont traités de fauteurs d'hérésie, de
sangsues publiques, d'ennemis déclarés de la noblesse et des
parlements2. Quelques copies de ce premier manifeste circu-
laient déjà, quand Guise s'aperçut que ces attaques personnelles
contre les favoris ne pouvaient que les indisposer furieusement
contre lui, ainsi que le roi. D'ailleurs, n'était-ce point avouer
quelque ambition que de médire si violemment de ceux qui
avaient le pouvoir? Doit-on croire que le duc découvrit lui-
même le défaut de son œuvre, ou plutôt ne peut-on supposer
qu'il lui fut montré par un jésuite, le père Claude Matthieu3,
qui vint le trouver à cette époque? Ce qui est certain, c'est que
Matthieu fut chargé de rédiger une seconde déclaration1.
— fu 16, orig. ; lettre de Henri III au même, de Paris, aô mars i585 ; — f° io5,
orig. ; lettre du duc de Guise au même, s. 1., 3o mars i585. — Négociations
diplom. avec la Toscane, t. IV, p. 559 '- de Paris, 16 avril i585.
i. Bibl. Nat., f. fr., ms. 3366, f° 90, orig.; lettre anonyme au duc de
Nevers, s. 1. n. d. (Pièces justif. n° VIII.)
2. Bibl. Nat., f. fr., ms. 3363, f° 33, copie. — De Thou, Histoire univer-
selle, t. IX, p. 286. — Les phrases de ce premier manifeste sont d'une lour-
deur incomparable. Son style diffère nettement de celui du second.
3. Claude Matthieu avait fait profession à Lyon le 29 août i568. Suc-
cessivement recteur, provincial d'Aquitaine, puis provincial de France de
if>74 à i58a, il revenait en mars t585 d'un séjour à Rome au cours duquel
il avait exhorté le pape à soutenir la Ligue.
4. Bibl. nat., f. fr., ms. 3366, f° 90, orig.; lettre anonyme au duc de
LA LIGl E S'ARME 123
Celle-ci est composée avec une extrême habileté. Les ligueurs
y protestent d'abord de leur fidélité à l'égard du roi et, dans
tout le manifeste, ils font preuve de la plus humble soumis-
sion. De la question de succession on parle à peine ; le cardinal
de Bourbon se déclare seulement premier prince du sang et
héritier présomptif. L'unique crainte des catholiques est qu'à la
mort du roi les protestants n'essaient de troubler le royaume ;
car chaque jour ils se rendent plus forts, gardant les places de
sûreté qu'ils devraient rendre, occupant les principales charges,
levant des troupes, faisant alliance avec les princes étrangers.
Tout le mal vient de ce que le roi abandonne le gouvernement
à certains favoris qui ne cherchent que leur intérêt, écartent
la noblesse du rang qu'elle devrait avoir, écrasent le peuple
d'impôts. Voilà pourquoi la sainte Ligue a pris les armes ; elle
est prête à les déposer, si le roi veut écarter le péril qui menace
la religion et le royaume. L'œuvre se termine par un appel
discret à la reine mère, dont on vante la sagesse et les grands
services1.
Dans les deux manifestes le cardinal de Bourbon prit la
parole et cependant il est certain qu'il n'intervint pas dans leur
rédaction. Quelques copies du premier circulaient déjà. Guise
en avait même envoyé un exemplaire aux membres du parle-
ment de Provence en leur annonçant que c'était la « déclara-
Nevers, s. 1. n. d. (Pièces justif. n° VIII.) — Négociations diplom. avec la Tos-
cane, t. IV, p. 56o ; de Paris, 16 avril i585.
i. Déclaration des causes (jui ont mai monseigneur le cardinal de Bourbon
et les pairs, princes, seigneurs, cilles et communautés catholiques de ce
royaume de France de s'opposer à ceux gui par tous moyens s'efforcent de
subvertir la religion catholique et V estât, publié dans Mémoires de la Ligue,
t. I, p. 56; — Mémoires de Never&, t. I, p. 64 1 ; -- Archives curieuses,
i" série, t. X, p. 7. — La Bibl. Nat. en conserve huit exemplaires imprimés
en i585, in-8°, sans nom d'imprimeur sauf un qui porte : à Leyde, chez
Thomas Basson (Lb34 234, a35) ; tous sont datés de Péronne, 3i mars [585.
Sous la côte Lb3i 230, il en est un daté du 20 avril qui n'est qu'un résumé
du premier avec quelques passages textuels. Les Mémoires et correspon-
dance de Duplessis-Mornay, t. I\ , p. t55, en donnent un daté de Gaillon,
i5 mars i585. Peut-être faut-il voir là un essai de (luise pour prouver que
le manifeste était du seul cardinal.
124 LE ROLE POLITIQUE DU CARDINAL DE BOURBON
tion faicte par monseigneur le cardinal de Bourbon »*, et le
prélat ne le connaissait pas encore. Lorsque le second fut
achevé, on le lui envoya pour qu'il le fît imprimer en hâte.
Quelques jours plus tard le libelle était répandu par tout le
royaume2.
Il faisait des ligueurs des rebelles déclarés. Le conflit ne
pouvait s'apaiser que par la guerre ou par la négociation.
i. Bibl. Nat., f. fr., ms. 3363, f" 33 ; copie du manifeste précédé d'une
lettre des ducs de Guise et de Mayenne à Messieurs de la cour de parlement
de Provence, de Joinville, 19 mars i585.
2. Bibl. Nat., f. fr., ms. 3364, f" 56, orig. ; mémoire d'un envoyé du card.
de Bourbon au duc de Nevers. (Pièces justif. n" VII.)
CHAPITRE II
LES CONFERENCES D EPERNAY
Loin de vouloir une guerre avec le roi. qui lui eût enlevé le
plus grand nombre de ses partisans. Henri de Lorraine recher-
chait au contraire son alliance. Dans la lutte entreprise contre
les protestants, il fallait que ce fût Henri III qui combattit el
non pas Guise. C'est pourquoi le duc avait fait appel à Cathe-
rine de Médiciâ une première fois lors de l'ambassade de Main-
lenon, une seconde dans le manifeste du 3 1 mars. Mais l'appel fut
trop bien entendu. L'arrivée subite de la reine -mère à Kpernay
le surprit au milieu de ses préparatifs.
Guise n'était pas encore assez fort pour dicter ses conditions.
Il lui fallait gagner du temps. 11 déclara ne point pouvoir
commencer les discussions en l'absence du cardinal de Bour-
bon el de Mayenne et promit seulement d'amener les deux
hommes dans quelques jours ou de revenir du moins avec
leurs instructions1. Prudemment il avait ajouté cette restric-
tion, car il se défiait des intentions de son frère ; avec raison
d'ailleurs, car Mayenne condamnai! cette révolte contre le roi
et son altitude trop conciliante eût pu gêner son aîné. Henri dé
Lorraine le craignit. Par deux lois il lui défendit de venir
à Kpernay. Puis, comprenant qu'une conversation avec lui
serait plus efficace (pie toutes ses lettres, il partit le trouvera
Joinviile2. L'entrevue fut décisive. Mayenne ne rejoignit Cathe-
i. Lettres de Cath. </<• Mnli<-i.<, I. \lll, p. >,\'> ; au roi. d'Lpernay,
i| avril i585.
a. IhiiL. p. iâij ; au roi, d'Épernay, 19 avril i585.
126 LE RÙLE POLITIOUE DL CARDINAL DE 130LUBON
rine que dans les premiers jours de juillet, quand tout fut ter-
miné. \vec le cardinal de Bourbon le Lorrain n'eut pas les
mêmes difficultés. L'entente était complète entre les deux alliés.
Guise avait besoin de quelques jours de délai : le prélat se char-
gea de les lui procurer.
Sur les exhortations des envoyés du roi, Retz et Lénoncourt,
le vieillard s'était mis en route, bien lentement d'ailleurs, pour
se rendre à Epernay. Dans la ville de Cuise, une « cruelle
colicque » le retint plus de deux semaines, offrant ainsi un
heureux prétexte à un séjour prolongé '. Cédant aux sollici-
tations de Catherine il repartit pourtant, à petites journées.
Lorsqu'il atteignit Liesse si célèbre par ses pèlerinages, il s'y
arrêta pour y achever une ncuvaine, tout en écrivant à la reine
son ardent désir de mettre lin aux maux du royaume pourvu
que l'on sauvât la religion "2. Enfin le 2/j avril au soir il entra
dans Reims 3. Catherine voulut commencer immédiatement les
conférences, mais elle apprit que Guise, malgré une parole
donnée, avait quitté Châlons.
Le duc en effet mettait fort bien à profit le temps gagné par
le lent voyage du cardinal. Non content d'enlever au roi ses
deniers l, il s'empara de ses villes. Chàtillon-sur-Marne, Ver-
dun tombèrent entre ses mains. Par toute la France se dessina
un vaste mouvement favorable à la Ligue. Des cités impor-
tants adhérèrent au parti, comme Orléans. Saumur, Angers,
Chinon. D'autres, comme Beauvais, restèrent .neutres, mais fer-
1. Arch. du Vatican : lettero délia segreteria di stato, nunziatura di
Francia, t. XVIII, f° a5, orig. ; dép. du nonce au card. Rusticucci, de
Paris, 23 avril i585. — Bibl. Nat., f. fr., ms. 3366, f" 90, orig. ; lettre ano-
nyme au duc de Nevers, s. 1. n. d. ^Pièces justificatives n" VIII); —
f° ioô, orig. ; lettre du cardinal de Bourbon au duc de Nevers, de Guise,
18 avril i585. — Lettres de Catherine de Médicis, t. VIII, p. 258; au roi,
d'Kpcrnay, 19 avril t585.
2. Lettres de Catherine de Médicis, t. VIII, p. 260; au roi, d'Epernay,
24 avril i585.
3. lbid., p. 26/j ; au roi, d'Kpcrnay, 20 avril i58ô.
!\. Lettres de Cath. de Médicis, t. VIII, p. 2^7 ; au roi, d'Kpcrnay, 10 avril
i585. — Négociations diplom. avec la Toscane, t. [V, p. 564 ; de Paris,
16 avril iô85.
LES CONFERENCES D EPERNAY I27
nièrent leurs portes aux troupes royales. Mercœur pénétra dans
Nantes ; Elbeuf opéra en Basse-Normandie. L'Auvergne, la
Provence s'agitèrent ; à Bordeaux, à Marseille, des conspira-
tions se tramèrent pour livrer les villes aux ligueurs '.
Soutenus par de telles forces, Guise et le cardinal pouvaient
engager les pourparlers. Dans la soirée du 29 avril, ils arri-
vèrent à Épernay.
Au cours de ces conférences, deux seuls personnages sont
en présence, Catherine de Médicis et Henri de Lorraine. Cathe-
rine a pour elle sa longue carrière de diplomate, son adresse de
femme, l'habitude de manier les questions délicates, d'attaquer
l'adversaire sur un point faible. Mais elle manque d'initiative ;
pour tous ses actes elle en réfère au roi, et surtout elle s'effraie
du terrible duc et communique à Henri III sa frayeur. Guise
au contraire, qui ne lui cède en rien pour la ruse, a conscience
de sa force ; il sait la crainte qu'il inspire et il en use hardi-
ment.
Entre les deux se trouve le cardinal. Le vieillard est en réalité
pour Guise et il défend les intérêts des ligueurs. Cependant
parfois une conversation particulière avec Catherine le trouble
fort. Il maudit alors tous les ennuis qui l'assaillent et regrette
la vie aimable de la cour; il fait même les promesses les plus
conciliantes. Mais survienne le duc et le cardinal est déjà
moins facile. Si enfin Guise peut l'entretenir un instant seul à
seul, le prélat est plus impérieux que jamais dans ses réclama-
tions. Ainsi les deux adversaires se le disputent avec acharne-
ment, et, si le Lorrain sortit victorieux de ce duel, l'habileté de
Catherine lui fit craindre souvent la défaite.
t. Bibl. Nat.. f. fr., ms. 3366, f" 90, orig. ; lettre anonyme au duc de
Nevers, s. 1. n. d. (Pièces justif. n° VIII). — Négociations diplom. avec lu
Toscane, t. IV, p. 55g, 564 et 570; de Paris, 16 et 3o avril, i3 mai i585. —
Lettres de Cath. île Médicis. t. VIII, p. a64 ; au roi.'d'Kpernay, •*"> avril [585 ;
— p. 455 ; lettre de Pinart à Henri III, d'Épernay, as avril iô85.
128 LE ROLE POLITIQUE DU CARDINAL DE BOURBON
La première fois qu'il vit la reine-mère, le vieillard ne put
cacher son émotion. 11 se jeta dans ses bras, « pleura et soupira
fort, monstrant avoir regrect de se voir embarqué en ces
choses-cy ». Puis dans un flux de paroles il confessa avoir fait
une grande folie. « qu'il en falloit faire une en sa vie et que
eVsloit là la sienne ». Le Lorrain soupçonneux vint mettre fin
par sa présence à cette conversation qu'il jugeait trop intime
el, comme il était tard, il lit ajourner la discussion au lende-
main '.
L'après-midi du 3o avril on se réunit à nouveau. Le cardinal
de Bourbon n'avait rien gardé de l'émotion de la veille. Dans
un discours forl long el fort prolixe il exposa les réclamations
des ligueurs. Il t'aul noter en effet que dans toutes les discussions
importantes c'est toujours le cardinal qui parle au nom du
parti ; derrière le prince du sang le petit seigneur se dissimule.
Le prélat déclara donc qu'ils avaient pris les armes pour faire
supprimer la religion réformée et qu'ils désiraient l'appui du
roi pour contraindre les protestants à se conformer à leur
volonté. Bref c'était une guerre contre les huguenots qu'ils
réclamaient. Lorsque Catherine lui demanda quels moyens ils
avaient de la faire, le vieillard lui répondit d'une façon candide
que jusqu'alors ils avaient dépensé leurs propres deniers -.
C'était vrai, mais cinq jours plus tard il signait avec le duc et
le cardinal de Guise une quittance de trois cent mille écus à un
envoyé du roi d'Espagne ;|.
Devant ces exigences Catherine ne vit plus qu'un moyen
d'éviter la guerre civile : une combinaison audacieuse, qui
montre combien cette femme avait le talent des expédients,
mais combien peu réfléchie et mesquine était souvent sa poli-
tique. Il ne s'agissait rien inoins que de convertir Navarre en
i. Lettres de <:<ilh. de Médicis, I. VIII, p. 269; au roi. d'Épernay, 3o avril
i585.
>. Lettres de Gath. de Wédicis, 1. VIII, p. 269; au roi. d'Épernay. 3o avril
[585 : p. Wi7 ; mémoire porté an roi par Miron. 111. d.
">. Groee(de), Les Guises, les \<ti»is et Philippe II. t. I. p. 346; quittance
donnée par les princes ligueurs au roi d'Espagne, do Reims, '1 mai i585.
LES CONFERENCES D El'EKWY 120
quelques jours. Entrevoyant soudain la vérité, il viendrai! se
jeter dans « les braz de monseigneur le cardinal son oncle, qui
lui remonstreroit comme père qu'il sedevoit départir des maul-
vaises opinions en la religion, où par maulvais conseil il s'est
précipité. » Mais Navarre, moins effrayé qu'elle par les troupes
de Guise, répliqua que le cardinal était trop possédé par les
Lorrains pour qu'il pût en attendre autre réponse que celle
qu'ils lui conseilleraient '. Certaine désormais que tout accord
était impossible, la reine-mère s'employa de son mieux à sauve-
garder l'honneur et la puissance du roi.
Henri III consentit bientôt à n'avoir qu'une religion dans son
royaume. Celle satisfaction rapide à leurs désirs surprit les
ligueurs. Le cardinal ne put retenir sa joie. Joignant les mains,
il rendit grâces au ciel, disanl qu'il avait toujours bien espéré
de son souverain. Mais alors Guise intervint. Il réclama des villes
de sûreté pour se protéger contre les attaques des huguenots.
Cette question, grave par ses conséquences, jeta un froid au
milieu de l'allégresse générale. Le cardinal lui-même déclara
que, puisque le roi consentait à supprimer l'hérésie, « c'estoit ce
qu'il désiroit, qu'il les laisserait] là, si l'on ne recepvoil cette
bonne résolution ». Toutefois le vieillard s'aperçut qu' « il sestoit
un peu trop ouvert au gré de monsieur de Guise ». et il ajouta
« qu'il falloit aussy regarder pour leurs seuretés ». Le due
acquiesça, disant qu'on ne pouvait séparer les deux choses, el
promit d'apporter la fois prochaine les réclamai ions de son
parti -.
Le t5 mai les deux alliés remirent à la reine-mère le mémoire
de leurs revendications. Ils demandaient un édit perpétuel
interdisant la religion réformée et devant être juré par tous les
sujets: tous leurs actes jusqu'à maintenant seraient considérés
connue accomplis pour le service de Dieu e( du roi : on ne dis-
cuterai! pas avec les huguenots, mais on les combattrait de
i. Lettres de Cath. de toédicis, l. VIII, p. i36; lettre de Bellièvre à Cathe-
rine, de Paris, i mai i585.
2. Lettres de Cath. de Médicis, I. VIII, p. y'78 ; an roi, (J'Kperna),
7 mai i585.
Su lnier. — Cardinal de tU)\irl><,n. 9
i3o LE ROLE POLITIQUE DU CARDINAL DE BOURBON
suite par les armes ; le roi supprimerait en outre certains
impôts et accorderait aux chefs ligueurs quelques villes de
sûreté pour se protéger contre les tentatives de leurs ennemis :
au cardinal de Bourbon les villes et châteaux de Dieppe et de
Rouen, au duc de Guise Metz, à Mercœur deux places en Bre-
tagne à son choix, au cardinal de Guise Reims, à Mayenne
Dijon et Beaune ou Chalon. Les ducs d'Aumale et d'Elbeuf, les
sieurs d'Entragucs, d'O, de Brissac auraient chacun leur ville,
qu'ils ne devraient rendre que le jour où ledit serait entière-
ment exécuté l.
Catherine se contenta de recevoir le mémoire et de l'envoyer
au roi immédiatement. En attendant la réponse, on décida de
faire trêve 2.
Les deux alliés forts de leurs préparatifs attendaient pleins
de confiance le retour du messager royal, quand une nouvelle
imprévue les jeta dans une angoisse extrême. Huit mille Suisses
levés par le roi se dirigeaient vers la frontière française. Celte
armée, c'était la réponse de Henri 111 à leurs revendications
exagérées ; sa soudaine apparition les bouleversa.
Il semble bien qu'à ce moment tous deux envisagèrent la
possibilité d'une guerre contre le roi. Leur surprise fut si
grande qu'ils ne virent que ce seul moyen de triompher 3.
Guise, sans perdre un instant, partit dans l'est recevoir ses reîtres
et rassembler ses troupes. Il emmena huit canons qu'il avait à
i. Lettres de Cath. de Médicis, t. ^ III, p. l&g ; articles présentés au roi par
les princes.
2. Ibid., p. 286 ; au roi, de Juvigny, iO mai i58f>.
3. Le 18 mai Guise écrivait au duc de Nevers alors à Rome: << ... Je pars
présentement pour aler recevoir noz reîtres et m'en vay assembler noz
forces de toutes pars en diligence afin d'estre prêtz à conclure les chozes
le bâton à la main, qu'il ne faudra puys après décharger sur ceux de la
religion, ou de poursuivre noz desseinz par une guerre qui ne saroyt estre
qu'à l'avantage de nostre party. » V. Bibl. >'at., f. fr., ms. 3363, f° ^7,
autogr. ; s.l., 18 mai 1 585.
LES CONFLUENCES D EPERNAY loi
Ghâlons et donna l'ordre de réunir autour de Verdun des appro-
visionnements de vivres et de chevaux '. Avant son départ le
cardinal et lui avaient écrit au nouveau pape, Sixte-Quint, pour
le féliciter de son élection et lui rappeler fort habilement toute
l'affection que son prédécesseur leur avait témoignée : ils
étaient certains de la retrouver chez lui -. Tous deux écrivirent
également au duc de Nevers toujours en Italie 3. C'était un appel
aux alliés à la veille de la bataille.
La guerre semblait si probable que le cardinal de Bourbon
était presque convaincu de sa nécessité. Le vieillard n'avait plus
rien gardé de ses premières intentions conciliatrices. Dominé
par la prodigieuse activité de son allié, ébloui par les résultats
merveilleux qu'il mettait devant ses yeux, il acceptait la lutte
contre son roi. « Nostre querelle, écrivait-il à sa nièce, la
duchesse de Nevers, est pour l'honneur de Dieu, encores que la
pluspart pensent que c'est pour nostre ambition. Je vous diray
qu'on verra, ce Dieu plaict, la plus belle armée qu'on a veu il
y a cinq cens ans en ce réaulme, et espérons que Dieu nous
fera ceste grâce de nous y assister. La raine nous parle de la
paix, mais nous demandons tant de choses pour le bien de
nostre religion que je ne croiz qu'on accorde nos demandes.
Cependant nous avons tant de moiens aveques la grâce de
Dieu, que j'espère qu'il ni aura plus qu'une religion en ce
réaulme, qui sera la vraye catholique K »
i. Lettres île Cath. -île Médicis, t. VIII, p. 290 ; au roi, d'Épernay,
21 mai i585.
2. Arch. du Vatican: lettore délia segreteria di stato. nunziatura di
Francia, t. MX, p. 26, copie; lettre du card. de Bourbon et du duc de
Guise au pape, de Ghâlons, 17 niai [585. (Pièces justif. n° X.)
3. Ribl. Nat., f. fr.. dis. 3363, f" \-, autogr. : lettre du duc de Guise au
duc de Nevers. s. 1.. 18 mai i585 ; — f' '(6, orig. ; lettre du card. de Bour-
bon au même, de Chàlons, 20 mai i585, publiée dans Le Cabinet historique,
t. III, p. 2o5.
4. Bibl. Nat.. f. fr.. ins. 3366, f" 38, autogr. ; lettre du card. de Bourbon
à la duchesse de Nevers. do Chàlons, a3 mai ifiSô, publiée par Éd. de
Barthélémy, Catherine de Médicis et le traité de Wemours, dans Revue des
Questions historiques, 1880, l. I. p. \i\-, et en partie dans les Lettres <le Cath.
de Médicis, t. \III, p. 292, col. 2, note 1.
l32 LE ROLE POLITIQUE DU CARDINAL DE BOURBON
Pourtant, après un premier moment d'effarement, les chefs
ligueurs se rendirent mieux compte de la situation. La belle
armée, dont parlait le cardinal, n'était pas un vain mot : en
Normandie, quinze cents hommes de pied et trois cents che-
vaux; en Bretagne, quatre mille fantassins et six cents chevaux;
en Berry. sept cents fantassins et trois, cents chevaux. Mais dans
l'est surtout les forces étaient considérables : Aumale avait
trois mille hommes, Mayenne sept mille, Guise cinq mille,
avec chacun quelques centaines de cavaliers. A toutes ces
troupes le duc donna l'ordre de se concentrer sur Montargis '.
Contre cette armée formidable, à laquelle il fallait joindre
trois mille lansquenets et trois mille huit cents rcîtres prêts à
franchir la frontière au premier signe, que pouvaient les huit
mille Suisses du roi? À peine commençaient-ils à se réunir à
leur « place montre » et ils ne se mettraient certainement pas en
route avant la fin du mois. Si à cette époque ils n'étaient pas
en partie débauchés, comme l'espérait Guise, grâce aux bons
offices du colonel Pfyffer, on en aurait toutefois facilement
raison. Sans cavalerie, isolés au milieu d'un pays ennemi, ils
seraient vite exterminés 2.
Dès lors les deux alliés, qui à la nouvelle de la levée des
Suisses avaient voulu presser les conférences, désormais tran-
quilles ne montrèrent plus aucune haie. Guise même, croyant
utile de séjourner quelque temps dans l'est, pria le cardinal
de Bourbon de prolonger la trêve. Le prélat avait peu de
confiance en soi lorsque le duc n'était point là. Sachant
combien facilement il se laissait gagner par Catherine, il en-
voya Maineville négocier à Épernay, tandis qu'il restait à
Reims 3.
La reine-mère, comprenant la crainte qui avait retenu le
vieillard, essaya de mettre à profit l'absence de Henri de Lor-
i. Bibl. Nat., f. fr., ms. 4717, f» 43, orig. ; lettre anonyme au duc de
Nevers, s. 1., 20 mai i585.
y. Ibidem.
3. Lettres de Gath, de Médicis, l. VIII, p. 39a; au roi, d'Épernay.
aa mai i">85.
LES CONFERENCES D EPERNAY IOO
raine. Elle avait à son service parmi ses gentilshommes un
certain Louis Davila originaire de Chypre, qui avait conservé de
honnes relations avec un de ses compatriotes, François Circassi,
au service du cardinal. Davila eut plusieurs entretiens avec
Circassi, qui aboutirent, à une entrevue secrète de Lanssac, pre-
mier gentilhomme de la reine, et d'André de Rubempré, favori
du prélat. Rubempré avait perdu son ancienne ardeur à lutter
pour la Ligue; peut être n'en avait-il pas tiré tous les avantages
que réclamait son ambition. Aussi accueillit il favorablement
les propositions de Lanssac, espérant s'attirer les bonnes grâces
du roi. L'envoyé de la reine put même parler au cardinal en
personne sous prétexte de lui porter les compliments de sa
maîtresse '. Toute cette intrigue tendait à détacher le vieillard
de son allié ; c'eût été une triomphante victoire que Catherine
dut rêver bien souvent.
Le prélat semblait ébranlé, lorsque Guise revint subitement à
Reims, averti par son frère l'archevêque, dont ces entrevues
avaient éveillé les soupçons 2. Le duc de retour, Catherine ne
pouvait plus songer à lui enlever le vieillard. Elle s'efforça
toutefois de conserver au cardinal ses bonnes intentions et
déclara à Vfaineville. pour qu'il le lui répétât, qu'il devait se
sentir « contrainct el travaillé en sa conscience » de tout ce
qui arrivait :î.
Pour avoir échoué si près du but, la reine-mère ne désespéra
point. Dès le premier jour de la reprise des pourparlers, elle
parvint à isoler le prélat et, en compagnie de son conseiller
Villequier, l'entretint fort Longtemps au bout du jardin où ils
se trouvaient, tandis (pic Guisâ »'l les autres restaient à distance.
i. Davila, Histoire des guerres civiles, t. H, p. 1C9.
2. Il> idem.
3. Lettres de Cath. d,- Mêdieis, I. VIII. p. ^97: au roi. d'Épernay, •>.- mai
i585.
l3/( LE RÔLE POLITIQUE DU CARDINAL DE BOURBON
Ce fut en vain. Elle reconnut bientôt que le Lorrain était
« comme le maistre d'école » et le cardinal l'élève '.
Les discussions du lendemain lui enlevèrent toute illusion.
Les chefs ligueurs étant venus la trouver avec leurs conseillers,
elle leur fit connaître les concessions de Henri III à leurs récla-
mations. Ces concessions se réduisaient à fort peu de choses ;
le cardinal de Bourbon en particulier 'fie recevait aucune ville
de sûreté2. Aussi le résultat ne se fit pas attendre. Le prélat,
quittant brusquement son siège, déclara « en colère, estant
fort rougy, que c'estoit les mettre à la gueule aux loups » de
ne point leur donner de sûretés particulières. Catherine leur
reprochant de mauvaises intentions, ils se levèrent tous et
immédiatement prirent congé d'elle3.
La reine-mère craignit de voir tout rompu et leur fit dire de
revenir. Ils acceptèrent; mais cette fois le cardinal et le duc se
présentèrent seuls avec l'archevêque de Reims. La reine ne
conserva près d'elle que \ illequier. Ces conférences intimes
convenaient mieux aux ligueurs et on put à l'aise reprendre la
question des sûretés *. Henri III avait permis à sa mère quel-
ques concessions, si les Lorrains se montraient trop exigeants ;
elle s'efforça surtout de contenter le cardinal de Bourbon
furieux de n'avoir rien obtenu. Il réclamait les villes et
châteaux de Dieppe et de Rouen. Mais le vieillard parlant en
son propre nom n'avait plus l'assurance qu'il savait trouver
lorsqu'il parlait au nom du parti. Il consentit à garder seule-
ment les châteaux des deux places, sans avoir le titre de gou-
verneur de la ville5. Toutefois telles étaient sa faiblesse et l'in-
i. Lettres de Cath. de Médicis. t. VIII, p. 3oo ; au roi, d'Épernay,
29 mai i585.
2. Ibid., p. 296, note 1 : mémoire pour le sieur de Villequier, du
ig mai i585.
3. Ibid., p. 3oi ; au roi, d'Épernay, 29 mai i58ô.
4- « Mon dict cousin [le cardinal de Bourbon] m'a dit tout en colère que
je les avois par la lecture des responces desdicts articles merveilleusement
malaccoustrez en la présence des dessus dictz [conseillers]. » Cf. Lettres de
Cath. de Médicis, t. VIII, p. 3oi-3o2 ; au roi, d'Épernay, 29 mai i585.
5. Lettres de Cath. de Médicis, t. VIII, p. 3o2 ; au roi, d'Épernay, 29 mai
i585 ; — p. 470; procès-verbal de la conférence du 29 mai i585.
LES CONFERENCES d'ÉPERNAY l35
fluence que le duc avait sur lui, que quelques jours plus tard
il revint sur les concessions faites, réclama le vieux palais de
Rouen qu'il avait abandonné lors de la conférence du 29 mai
et prétendit non seulement avoir dans la ville autorité d'arche-
vêque, mais encore y commander et y être respecté devant le
gouverneur '.
Guise affectait d'ailleurs une attitude qui lui réussissait fort
bien : celle de ne point paraître tenir à la continuation des
conférences. Il acceptait avec beaucoup de froideur toutes les
nouvelles propositions de la reine-mère. Il alla même jusqu'à
lui conseiller de retourner à Paris2. C'était la tenir dans une
crainte perpétuelle et le meilleur moyen de triompher de son
habile ténacité.
On perdit encore une semaine en négociations inutiles.
Pour mettre fin à ces trop longues discussions, les chefs li-
gueurs prirent une décision énergique. Le 7 juin, après une
réunion aussi vaine que les précédentes, ils annoncèrent leur
intention de quitter Épernay pour n'y plus revenir, et le bruit
courut que Guise faisait avancer ses troupes, que celles du duc
d'Aumale les devaient rejoindre dans trois ou quatre jours et
bientôt après celles de Mayenne 3. En même temps les deux
alliés firent publier un libelle sous forme de requête au roi, où
ils se déclaraient les humbles et fidèles serviteurs de Sa Majesté,
protestant de leur bonne foi et attachement à la religion catho-
lique, suppliant Henri III de faire un édit contre les hérétiques
et de l'exécuter sur-le-champ ; et, comme témoignage de leur
sincérité, ils s'offraient à délaisser toutes leurs sûretés, à se
démettre de leurs charges et gouvernements et à se retirer
dans leurs terres, si le roi les y obligeait. Dans une lettre sans
adresse particulière, qui suivait la requête, le cardinal de
Bourbon et le duc de Guise se plaignaient de ce qu'on interprétai
1. Lettres de Oith. de Médicis, t. VIII, p. '171 : procès-verbal do la confé-
rence du 29 mai i585.
2. Ibid., p. 3o6 ; au roi, d'Épernay, 3o niai i58f>.
3. Ibid., p. 3i3 ; à Brulart, d'Épernay, 7 juin i58&.
I.°)6 LE RÔLE POLITIQUE DU CARDINAL DE BOURBOX
mal leurs intentions, qu'on traînât en longueur les conférences
pour les diviser, eux qui voulaient mourir pour la défense de
eur foi1. C'était un dernier appel à l'opinion qui leur était
déjà toute acquise.
Catherine et ses conseillers, désespérés, envoyaient courrier
sur courrier à Henri III : sil refusait toute concession, Cuise
allait infailliblement entrer en campagne. Schomberg écrivait :
« Si le roy demeure ferme en sa résolution, nous verrons ces
gens en brief aux portes de Paris 9. » La reine-mère se préparait
chaque jour au départ, ne voulant point tomber aux mains des
troupes étrangères qui se dirigeaient toutes vers Méry-sur-
Seine,où devait se faire la concentration 3. Des rcîtres et des
lansquenets avaient déjà traversé Châlons et étaient à mi-
chemin d'Epernay *.
Catherine affolée voulut tenter un dernier effort. Henri III
avait fait quelques nouvelles concessions. Il offrait au cardinal
de Bourbon trente arquebusiers à cheval et Coinpiègne avec
vingt soldats. La reine-mère le supplia d'accorder plus encore
au prélat ainsi qu'au duc d'Aumale, qui recevait peu ; en même
temps elle envoya dire à Guise et au vieillard qu'elle les atten-
dait le lendemain pour leur faire part de nouvelles offres du
roi 5.
Bien qu'ils eussent déclaré ne plus vouloir revenir à Épernay,
ils annoncèrent leur arrivée pour le 19°.
1 . Requeste au roy et dernière résolution des princes, seigneurs, gentils-
hommes, villes et communautés catholiques, présentée à la royne mère de Sa
Majesté le dimanche neufiesme juing i585... S. t., i585, in-8°, publiée dans les
Mémoires de la Ligue, t. I, p. 1G7.
2. Bibl. Nat., f. fï.. ras. 3368, fu 42, autogr. ; lettre de G. de Schom-
berg à Brûlait, d'Epernay. 10 juin i585.
3. Lettres de Cath. de Médicis, t. VIII, p. 3i4 ; au roi, d'Epernay,
8 juin i585 ; — p. 3i5 ; au roi, m. 1., 10 juin i585 ; — p. 317 ; à Brulart,
ni. t., 1 1 juin i585.
4. Ibid., p. 3kj ; au roi, d'Epernay, iG juin i585.
5. Ibidem.
G. /bide m.
LES CONFEKENCES D ÉPERNATf T07
*
* #
Ainsi les ligueurs consentaient à reprendre les négociations.
C'était la deuxième partie du plan de Guise. Il fallait l'exécuter
d'autant plus vivement que le pape ne semblait pas très favorable
au parti * et que, malgré les secours espagnols, l'argent com-
mençait à manquer -. Il était temps de recueillir le fruit de
tous ces efforts.
Le 19 donc, le cardinal de Bourbon, le duc et le cardinal de
Guise arrivèrent à Kpernay. Catherine avait près d'elle un
nouveau conseiller, Yilleroy, qui méritait toute sa confiance;
elle reprit avec courage la discussion. Le premier jour on
n'aborda point les choses sérieuses. La reine-mère se contenta
de prendre à part le cardinal et de lui montrer le tort qu'ils se
feraient si, après avoir commis une si grande faute, ils refu-
saient encore de traiter. Le vieillard voulut excuser l'entreprise,
mais avoua finalement « qu'il ne sçavoit quel diable l'y avoit
mis et qu'il vouldroit en estre hors 3 ».
Le lendemain eut lieu la véritable conférence où tout alla
pour le mieux. Le roi faisait de très larges concessions. Le car-
dinal de Bourbon obtenait Soissons avec soixante-dix hommes
de cheval et trente arquebusiers pour sa garde. Guise se con-
solait de la perte de Metz en gardant Tout, Verdun, Sainl-
Dizier et Châlons.. Mayenne conservait Dijon et Beaune ; le
duc d'Aumale, Saint-Esprit de Rue ; le duc de Mercœur,
Dinan. Le Conquet, et ses lieutenants restaient dans Nantes.
Chacun d'eux avait droit à une garde de trente chevaux.
1. Le Cabinet historique, t. III, p. 206; bref de Sixte-Quint au card. de
Bourbon, de Home, 18 juin if>85, publié en partie par L'Épinois, La poli-
tique de Sixte-Quint, dans Renne des Questions historiques, 1X80, t. I. p. t56.
■2. Le cardinal de Bourbon el Mayenne, les deux plus ricbes de beaucoup
de tout le parti ligueur, avaient déjà dépensé tous leurs revenus. V. Arcb.
Nat., k i563, n" 101, décbiffr. ; dép. de Mendoça à Philippe II, de Paris.
iG juillet i585.
3. Lettres de Cath. de Mé<licis, I. XIII. p. 323; au roi, d'Kperna\,
19 juin i.">8.~>.
l38 LE RÔLE POLITIQUE DU CARDINAL DE BOURBON
C'était à peu de chose près ce que les ligueurs avaient réclamé.
Les grands une fois satisfaits, les petits le furent rapidement.
Deux jours après Villeroy portait au roi les articles de paix *.
Il restait encore quelques moindres difficultés à résoudre.
Guise prudent laissa ses troupes se concentrer peu à peu sur
Montargis et séparer complètement les Suisses des autres forces
royales. Aussi devant l'arrivée des reîtres fallut-il changer le
lieu des conférences et Catherine s'installa dans Nemours. Ce
fut là qu'on régla la dernière question pendante.
Il s'agissait de savoir quels étrangers composeraient l'armée
destinée à combattre les huguenots. Des Allemands levés par
Guise, les lansquenets seraient licenciés, les reitres resteraient
sur la frontière pour la protéger contre quelque invasion pro-
testante. Quant aux Suisses, Guise conçût le plus audacieux des
projets et déploya toute son habileté pour le faire réussir. Il
voulut qu'on licenciât les montagnards levés par Henri III et
qu'on mît à leur place dans l'armée royale ceux que, malgré
la défense de Catherine, il venait de lever lui-même. Il en fit
d'abord parler à la reine-mère par le président Jeannin, qui pro-
posa de remplacer une partie des Suisses royaux par quel-
ques-uns de ceux des ligueurs2. A la conférence suivante
le duc lui-même prit la parole. Il exposa longuement que ses
soldats étaient tous bons catholiques et levés suivant les traités
d'alliance, tandis que ceux du roi n'étaient qu'un ramassis de
calvinistes et d'aventuriers, qui refuseraient de marcher au
combat. Catherine s'apprêtait à répondre victorieusement aux
objections de Guise, quand le cardinal de Bourbon intervint et
déclara qu'il fallait remettre les affaires sérieuses au lendemain,
car on était un dimanche3.
Le lendemain ce fut le cardinal qui parla, comme chaque
fois qu'il s'agissait d'affaires importantes. Il énuméra de nou-
i. Lettres de Cath. de Médicis, t. \ HT, p. 32."); à Brùlart, d'Épernay,
20 juin i585 ; — p. H2G; au même, m. I., 22 juin i585.
2. Lettres de Cath. de Médicis, t. VIII, p. 327 ; au roi, de Moret, 3o juin iô85.
3. Lettres de Cath. de Médicis. t. VIII, p. 329 ; au roi, de Nemours, 1" juil-
let i585.
LES CONFÉRENCES d'ÉPERNAV I 3q
veau les raisons alléguées la veille par le duc. Mais Catherine
veillait. Pour leur enlever d'un seul coup tout espoir, elle
déclara que le roi ne consentirait jamais à accorder une telle
demande et que d'ailleurs elle ne lui en parlerait même pas1.
En réalité elle lui en parla, mais son habile manœuvre ôta
toute espérance aux ligueurs qui se contentèrent, pour justifier
leur réclamation, d'envoyer un mémoire au roi lui faisant
part de leurs craintes 2.
Le 2 juillet Mayenne arriva à Nemours, tout rempli des bonnes
dispositions qu'il avait montrées au début des négociations.
L'accord étant parfait, les articles furent rédigés le 6 au soir et
le 7 dans la matinée on les signa. Le roi promettait de faire un
édit perpétuel et irrévocable n'autorisant que la religion catho-
lique, qui serait enregistré aux parlements et juré par tous ; tout
sujet pratiquant une autre religion devrait quitter le royaume
dans un délai de six mois ; comme garantie d'exécution, les
ligueurs conserveraient leurs places de sûreté pendant cinq ans 3.
En outre on allait équiper deux armées : l'une irait en Guyenne
avec Montpensier et Mayenne ; l'autre commandée par Guise
séjournerait dans l'est pour tenir tête à l'invasion protestante4.
Il ne restait plus qu'à consacrer l'accord par une entrevue
réconciliatrice de Henri III et des chefs ligueurs. Le i3 juillet
la reine-mère conduisit le cardinal de Bourbon, le duc et
le cardinal de Guise à Saint-Maur-les-Fossés, où se trouvait le
roi. Celui-ci leur fît « à la courtizanne » un bon et gracieux
accueil, embrassa par deux fois le duc et les cardinaux. Le
vieillard était si ému que devant le souverain il mit genou en
terre et, lui baisant les mains, déclara dans des paroles ehtre-
i. Lettres de Cath. de Médicis, t. VIII, p. 329 ; au roi, de Nemours, 1" juil-
let i585.
2. Bibl. Nat., f. fr., ms. 3396, f° 3o, copie; requête du card. de Bourbon
et des princes au roi, Lde Nemours, 3 juillet i585]. — Lettre* de Cath. de
Médicis, t. VIII, p. 336; au roi, de Nemours, ■>. 3 juillet 1 583.
3. Du Mont, Corps universel diplomatique, t. IX, p. i53 : articles accordés
à Nemours... le 7 juillet i585.
4. Lettres confidentielles de G. de Cornac au duc de Nevers, dans lievue
Henri IV, 1909, t. III, p. 12'S ; de Nemours, 7 juill.. i585.
1^0 LE RÔLE POLITIQUE DU CARDINAL DE BOURBON
coupées de larmes qu'il serait toujours sou plus dévoué et plus
affectionné serviteur. Après avoir conversé avec eux près de
deux heures, Henri III les admit à sa table1. Le 18, accompagné
des cardinaux et des princes, il se rendit au parlement, révo-
qua tous les précédents édits de pacification et fit enregistrer celui
que les articles de Nemours avaient promis2.
L'alliance paraissait solide entre le ro'i et les ligueurs unis
contre les protestants. Bientôt l'hérésie disparaîtrait, et ce fut
la joie du cardinal, qui ne comprit pas toute la vérité de celle
parole de Henri III, que la publication de l'édit était la ruine de
son état et de son peuple3. Après trois mois d'efforts et de dis-
cussions, le vieillard vint se reposer dans cette vie de cour, où
il avait toujours vécu et si bien faite pour lui. Débarrassé des
pensées lourdes, il y retrouva sa gaieté et son entrain jusqu'à
oublier sa dignité de cardinal. Pour satisfaire au caprice d'une
jolie fille, il ne craignit point, en compagnie du conseiller Bel-
lièvre, de s'affubler de rideaux de lit qui leur donnaient l'aspect
de femmes, et tous deux au bras de madame de Simier et d'une
autre dame, déguisées en hommes, allèrent en cette tenue
rendre visite à la reine-mère4.
L' « huguenotteric » s'en irait avec le vent ; mais, suivant le
mot du perspicace ambassadeur toscan, la colère du roi, la haine
des princes entre eux, quelle fin auraient-elles5? Le naïf
vieillard n'y songeait pas.
i. Bibl. Nat., f. ital., ms. 1734, p. iG3, copie; dép. dos ambass. vénitiens,
de Paris, 19 juill. i585. — Négociations diplom. avec la Toscane, t. IV, p. 588;
de Paris, i3 juill. i585. — Mémoires-journaux de P. de L'Estoile, t. II, p. 201.
2. Mémoires de la Ligue, t. I, p. 178 ; édil du roi enregistré au parlement
de Paris le 18 juill. i585.
3. Mémoires-journaux de P. de L'Estoile, t. II, p. 201. — Bibl. Nat., f. fr.,
ms. 3303, f" 4g, autogr. ; lettre du card. de Bourbon au duc de Nevers, de
.Nemours, 7 juill. i585, publiée dans Le Cabinet historique, t. III, p. 2^7, qui
la date faussement de Nomény et l'adresse à Pinart ; — ms. 33G7, f" 29,
autogr. ; lettre du môme à la duchesse de Nemours, de Nemours, 8 juil-
let i585.
4. Lettres de Cath. de Médicis, t. VIII, p. 34i, col. 1, note.
.">. Négociations diplom. avec la Toscane, t. IV, p. 588 ; de Paris, 9 juil-
let i585.
CHAPITRE III
LA CONQUETE DE NEVERS
Le récit des conférences d'Epernav nous a révélé la puissante
influence de Henri de Lorraine sur le cardinal de Bourbon. Aux
premiers jours, le prélat a manifesté parfois quelque indépen-
dance et (uiise hésitait encore à le laisser seul a\ec la reine
mère ; mais peu à peu le duc l'a conquis cl si complètement
qu'il ne redoute pins les conséquences d'une absence. Il est
véritablement le maître et le vieillard l'élève. La bonne entente
entre les deux hommes est d'ailleurs assurée par la commu-
nauté d'intérêt. Ils se sont compromis ensemble aux yeux du
roi ; la continuation de leur alliance s'impose et les difficultés
nouvelles les rapprochent davantage.
Par un curieux retour de la fortune, au moment on les chefs
ligueurs purent se féliciter de l'œuvre accomplie, ils sentirent
soudain tout appui leur manquer. Le ressentiment de Henri III,
furieux des humiliations reçues, n'aurait poin! suffi à les
effrayer, mais ils eurent d'autres sujets de crainte. Philippe II,
qui les avait poussés à la révolte en leur fournissant des secours,
se montra peu satisfait de cet accord conclu entre eux et le roi,
surtout à des conditions qu'il estimait peu avantageuses; il le
considérait d'ailleurs comme une violation du traité de .loin-
\ ille ' . D'autre part, un certain nombre de ligueurs ne cachèrenl
pas leur mécontentement, reprochant à (mise d'avoir songé
i. \it!i. Nat., K [563, n 101, déchiffr. ; <I<'|». deMendoça à Philippe II, de
Paris. 16 juill. t585. — Ségocialions diplom. avec la Toscane, t. [V, p. 620;
de Paris, \ aoûl i585.
l42 LE ROLE POLITIQUE DU CARDINAL DE BOUItBON
plus à lui qu'au parti ; quelques-uns même eurent l'audace de
le lui faire sentir *.
La situation des deux alliés parut d'autant plus critique que
Henri 111 ne semblait pas désirer la guerre. Vvec des troupes
peu nombreuses et à demi étrangères, dont il ne pouvait payer
la solde, le trésor étant vide, il hésitait à engager la lutte contre
un ennemi aussi résolu que le roi de Navarre, qui, aux articles
de Nemours, avait répondu par une alliance avec Montmo-
rency, gouverneur du Languedoc, et par une protestation vio-
lente contre ce traité fait au préjudice de la maison de France -.
Et Catherine de Médicis était là. prêchant la conciliation, en-
voyant au Béarnais des ambassadeurs pour l'exhortera se con-
vertir. En vérité, ce dernier lui donnait peu d'espoir, mais
suivant son habitude il ne repoussait pas toute idée d'entrevue ;
et, comme elle pensait avoir triomphé de Guise à Épernay, la
reine -mère crut pouvoir triompher de Navarre ; elle se prépara
à le rejoindre.
Une telle démarche eut été des plus funestes au parti de la
Ligue, surtout aux intérêts des chefs dont l'autorité ne pouvait
se maintenir qu'avec la guerre. Elle compromettait d'ailleurs le
succès de la lutte. « Quelque promesse qu'elle [la reine-mère] face
maintenant, écrivait l'un d'eux, elle traictera et sera contraincte
à déroger en quelque chose à l'édict, ou pour le moins elle fera
retarder l'armée de Guyenne et gaignera le temps pour eux ;!. »
C'était une juste prévision que Guise faisait également. Il voulut
donc ruiner d'avance toute tentative de conciliation par un jeu
habile où le cardinal de Bourbon devait être son fidèle second.
i. Hibl. Nat., f. fr., mis. '^i'a, f° i3i, minute; lcllre de La Châtre an duc
de Guise, s. t., 18 août iô85. (Pièces justif. n° XI.) — Négociations diplom.
avec la Toscan:', t. I\ , p. G20 ; de Paris, 4 août i585.
2. Mémoires de laLigue, t. I. p. i83 ; déclaration et protestation du roi de
Navarre, du prince de Coudé et du duc de Montmorency... à Saint-Paul de
Cadcjous, le io août 1 585.
3. Lettres confident, de G. de Cornac au duc de Ne vers dans Revue Henri IV,
1909, t. III, p. 12a ; s. 1., des premiers jours de septembre i585. — Hibl.
Nat., f. ital., ms. 1734, p. 2^9, copie; dép. des ambass. vénitiens, de Paris,
a5 sept. i585.
LA CONQUÊTE DE NËVEKS I/J3
Les deux hommes cherchèrent d'abord à reconquérir leurs
anciens alliés pour que, les sentant plus redoutables, on tint
davantage compte de leurs revendications. Une amitié précieuse
entre toutes à Henri de Lorraine et au cardinal de Bourbon était
celle du roi d'Espagne. Ils le supplièrent à grands cris de ne
point les abandonner en si bon chemin L Gomme ses intérêts
étaient communs aux leurs, Philippe II céda facilement. Le
2 septembre, Guise et l'assis se rencontrèrent à Reims et renou-
velèrent le traité de Join ville 2. Pendant ce temps les agents de
la Ligue à Rome se conciliaient la bienveillance du pape.
Tout en assurant à leur parti le secours de l'or espagnol et
l'appui du chef de l'Eglise, Guise et le cardinal gagnèrent à sa
cause un des plus puissants seigneurs du royaume qui jus-
qu'alors avait repoussé leurs avances. L'empire, que le Lorrain
possédait sur le prélat, ne se dévoila jamais plus que dans la
conquête qu'ils firent ensemble de Louis de Gonzague, duc de
Ne vers.
Au commencement de i585, le cardinal de Vendôme et sa
belle-mère Françoise d'Orléans, princesse de Condé, avaient
demandé la main de Catherine de Gonzague. fille aînée du duc
de Nevers, pour le jeune comte de Soissons, fils de la princesse.
Le cardinal de Bourbon accepta avec joie un projet d'union
entre ces deux familles qui partageaient alors son affection. A
Nevers, qui lui demanda conseil, il déclara qu'on ne pouvait
espérer « rien de plus à propos3 ». Le comte de Soissons avait
i. Arch. Nat., K i5G3, n° 117, déchiffr. ; dép. de Mendoça à Philippe 11,
de Paris, :<ô juillet i585. — Lors d'une entrevue avec Mendoça, le cardinal
n'avait pu parler à cœur ouvert à cause de la présence du cardinal de Ven-
dôme.
2. Joannis Baptistœ <l<> Tassis commentariorum de lumuliibus Belgicis sui
temporis libri octo, publiés par Hoynck van Papendrecht dans Analecta Bel-
Çfica, t. II, p. 469. — Bibl. Nat., f. fr., ms. 3974, f° 67 ; copie du traité do
Joinville faite sur l'original et portant la date du renouvellement du traité
à Reims.
3. Bibl. Nat., f. fr., tus. 3366, f' -\, autogr. ; lettre du card. de Bourbon
au duc de Nevers, s. L, [janvier i585].
\[\[\ LE ROLE POLITIQUE DU CARDINAL DE BOURBON
dix-neuf ans cl Catherine dix-sept. Le mariage s'annonçait
donc favorablement. On en discuta bientôt les conditions et la
princesse de Coudé promit de faire connaître avant Pâques
l'état des biens de son fils.
Mais brusquement, pour les motifs exposés ci-dessus, le car-
dinal de Bourbon et le duc de Nevers quittèrent Paris. Le pré-
lat se retira dans son diocèse ; le duc partit aux bains de Luc
ques. Cependant, rien n'empêchant la négociation de suivie
son cours, la princesse de Condé fit dresser L'état des biens du
comte cl voulut renvoyer à Nevers. Comme elle ignorait le
lieu de sa résidence, Françoise d'Orléans adressa l'état au car-
dinal de Bourbon pour qu'il en prît connaissance et lui indi-
quât le moyen de le faire parvenir au destinataire. Le vieillard
s'en chargea *.
Deux grands mois se passèrent sans que la princesse eût reçu
la moindre réponse. Elle soupçonna le prélat de ne pas avoir
tenu parole et, ayant appris par ailleurs que la duchesse était
restée dans sa ville de Nevers, elle lui écrivit. Sa lettre fut une
longue plainte de l'abandon où on la laissait. Elle accusait ses
plus proches parents, ceux qui auraient dû soutenir son veu-
vage de leurs conseils et de leur affection, de l'abandonner à sa
faiblesse et aux calomnies portées par ses ennemis contre elle
et ses fils, parce que leur frère aîné suivait la religion protes-
tante. Bien qu'elle n'eût pas écrit en toutes lettres le nom du
cardinal, c'était évidemment lui que visaient ses attaques2.
La duchesse répondit en expliquant ce qui s'était passé. Son
mari et elle avaient attendu jusqu'à la date fixée et, n'ayant rien
reçu, ils avaient eru le mariage rompu. Or, une quinzaine de
jours après Pâques, la duchesse avait trouvé dans un paquet, que
lui lit parvenir le cardinal de Bourbon, l'état des biens du comte
de Soissons ; mais, comme les lettres du prélat n'en faisaient
i. Bibl. Nat., f. fr., ms. !\~i!*, f" 46, autogr. ; lettre de la princesse de
Condé à la duchesse de Nevers, s. 1., [du aG mai i585] ; — f° 48, autogr. ;
lettre de la même au duc de Nevers, de Paris, r! juill. i585.
■2. Bibl. Nat., f. fr.. ins. '171 '1, f' '16, autogr.; lettre de la princesse de
Condé à la duchesse de Nevers, s. t., [a€ mai i585].
LA CONQUÊTE DE iNEVERS i/jj
aucune mention, elle pensa qu'on l'y avait mis par hasard.
Aussi se garda- t-el le d'y faire réponse, d'autant plus qu'à ce
moment il se présentai! un autre parti pour sa fille. Son. mari,
informé de cette nouvelle demande, avait résolu d'ajourner
toute décision jusqu'à son retour '.
Le récit n'était point fait pour excuser le cardinal aux yeux
de la princesse. Au contraire, elle vit en lui la seule cause de
ces longs retards- : à tort d'ailleurs, car le vieillard n'était pas
coupable et il restait toujours partisan de l'union des deux
familles. Avant de quitter Nevërs, il lui avait fait promettre de
n'accepter aucune autre proposition pour sa fille sans lui en faire
pari. Il espérait en outre que ses neveux, le marquis de Conti.
le cardinal de Vendôme et le comte de Soissons, viendraient le
rejoindre à Gaillon, où il s'était retiré: il leur fit savoir qu'il
les attendait. Mais ceux-ci hésitèrent devant les bruits suspects
qui commençaient à se répandre. De nouvelles lettres plus pres-
santes n'eurent pas un meilleur résultat. Fort habilement les
jeunes gens prévoyaient -qu'en rejoignant leur oncle ils tombe-
raient sous la dépendance des Lorrains : et, cédant aux sollici-
tations du roi et du duc d'Épernon heureux d'avoir à leurs côtés
des princes du sang, ils restèrent à la cour.
Leur refus, s'il mécontenta le cardinal, ne l'irrita point jus
qu'à lui faire désirer la rupture de l'union projetée. Quand il
eut reçu la déclaration des biens du comte, il l'envoya, selon
sa promesse, directement à la duchesse de Acvers et dans une
lettre datée du i" mai il lui eu annonça l'arrivée3. Il est fort
difficile d'expliquer pourquoi celle lettre ne parvint pas ;'i
destination, comme l'affirme la duchesse: mais le hasard seul
doit être rendu responsable et non point le cardinal i,
i. Bibl. \al.. f. IV.. dis. 'i7i'i. f° 1 02, copie ; lettre de la duchesse de
Nevers à la princesse de Condé, de Nevers, 1 " juin t&85.
a. Bibl. fiât., f. fr., ms. '171:4, f" 18, autogr. ; lettre de l;i princesse de
Coudé au duc de Nevers, de Paris, aajuill. i585.
o. Bibl. Nat., f. fr.. ms. 3336, l" 84. orig. : lettre du card. de Bourbon à la
duchesse de Nevers. d'Épernay, c mai u>85. (Pièces justif. n° IX.)
'1. Je n'use soupçonner la duchesse de Nevers d'un mensonge qui eût
pu être facilement découvert. Cependant il faut noter deux choses. La
Sui.muu. — Cardinal </<■ Bourbon. 10
1^6 LE RÔLE POLITIQUE DU CARDINAL DE BOURBON
Bien qu'il ne se fût pas encore déclaré ouvertement, le duc de
Ne vers penchait vers la Ligue. Depuis le massacre de la Saint-
Barthélémy, auquel il avait largement contribué, il s'était mon-
tré catholique ardent et, sa religion s'accommodant assez bien
avec son ambition, il s'était rapproché de Guise. A Borne, où il
séjourna bien plus souvent qu'à Lucques, il retrouva les agents
des Lorrains, le cardinal de Pellevé et le père Claude Matthieu ;
et, comme en France les affaires de la Ligue marchaient à sou-
hait, il ne craignit point de se joindre à eux pour faire le pro-
cès de la conduite publique et privée de Henri III. Prétextant
des scrupules de conscience, il demanda même à Sixte-Quint
un acte officiel favorisant les révoltés. Ses instances ne contri-
buèrent pas peu à faire lancer quelque temps plus tard la bulle
d'excommunication contre le roi de Navarre.
Fort de ses bons services, Nevers se croyait acquise la recon-
naissance des ligueurs. A sou retour en France, il lui sembla
au contraire que le parti le recevait froidement. Bien que Guise
eût promis de lui envoyer l'abbé de La Ve musse pour le
mettre au courant des affaires, Nevers ne vit point l'abbé. Il
écrivit alors an cardinal de Bourbon pour lui demander une
entrevue ; pendant près de quinze jours il attendit vainement
la réponse. Mais ce qui le froissa surtout, ce fut d'apprendre
qu'à Nemours, dans la rédaction des articles, on l'avait oublié.
Rien ne le concernait, ni place de sûreté, ni commandement
de troupes, alors que de petits seigneurs y trouvaient leur
avantage1. Il répondit donc très volontiers aux sollicitations de
la princesse de Condé, désireuse de renouer les négociations du
duchesse fut toujours favorable aux Lorrains (Guise avait, épousé sa sœur)
et peut-être ce mariage ne lui plaisait-il point. Il est en outre fort difficile
d'admettre que cette lettre, dont l'original nous est parvenu dans les papiers
de Nevers, n'ait point été reçue par la duchesse, ni connue d'elle.
i. Bibl. Nat., f. fr., ms. 471 A, f° i3i, minute; lettre de La Châtre au duc
de (luise, s. L, [18 août i585J. (Pièces justif. n° XL)
LA CONQUÊTE DE NEVERS \ f^r
mariage : car L'attitude du cardinal de Vendôme et du comte de
Soissons, restés fidèlement à la cour pendant les derniers mois,
leur avait valu la faveur du roi. et Gonzague espéra trouver un
appui auprès de ces représentants de la famille de Bourbon, que
la rumeur publique opposait déjà à la faction des Lorrains.
Tout en engageant directement les pourparlers avec Nevers1,
la princesse de Coudé, aux yeux de qui le cardinal de Bourbon
s'était assurément justifié sans peine, sollicita le vieillard de
s'entremettre pour la conclusion du mariage en qualité d'oncle
commun. Le prélat, rentré à Paris depuis le r5 juillet, accepta.
Mais, dès les premiers jours d'août, des affaires urgentes l'ap-
pelèrent dans son diocèse. Il partit pour Gai lion avec ses
neveux, promettant de revenir avant la fête de l'Assomption -.
Françoise d'Orléans attendit patiemment son retour. Cepen-
dant, au lieu de regagner Paris le i4 au soir, le cardinal s'ar-
rêta dans Pontoise. Le 19 seulement il atteignit Vincennes,
promettant de venir le lendemain retrouver sa belle-sœur3. Or,
quatre grandes journées s'écoulèrent encore sans qu'il pût
accorder à la princesse une entrevue assez longue pour disculer
les articles du contrat. Il se décida enfin le i'\ à envoyer un de
ses gentilsbommes au duc de Nevers pour lui fournir « quel-
ques explications nécessaires et l'éclairer sur ses intentions ».
Il s'excusait du retard que des circonstances accidentelles seules
avaient fait naître et promettait de se rendre à Soissons après la
Notre-Dame de septembre dans l'espérance d'y rencontrer le
duc, ce qu'il désirait infiniment1.
1. Bibl. Nat., f. fr., ms. 4714. f° i48, autogr. ; lettre de La Vieuville au
duc de Nevers, de Paris, i4 août iô85 ; — f° 4a, autogr. ; lettre de la prin-
cesse de Condé au même, s. 1., 1 1 ."> août i585].
2. Bibl. Nat., f. fr., ms. 3303, f" 53, autogr. ; lettre du card. de Vendôme
au duc de Nevers, de Paris, •>, août i585, publiée dans Le Cabinet historùjne,
t. III, p. 249.
3. Bibl. Nat., f. fr., ms. 4714, f" i54, aulogr. ; lettre du sieur de La Bi-
vièreau duc de Nevers, de [Paris, 19 août i585].
\. Bibl. Nat., f. fr., ms. 4714, f° 34, autogr. ; lettre du card. de Bourbon au
duc de Nevers, de Paris. a4 août ifiSf) ; — f. 30, autogr. ; lettre du card. de
Vendôme au même, m. 1. el d. ; — f' .m. aulogr. ; lettre de la princesse de
Condé au môme, de Paris, a3 août i585.
I \S LE ROLE POLITIQUE DU CARDINAL DE BOURBON
La princesse, fatiguée de toutes ces longueurs, eût voulu plus
d'activité de la part du cardinal. Celui-ci promit d'écrire à
Nevers une nouvelle lettre, Le remit de jour en jour, quand une
attaque de gOutte vint le clouer au lit pour quelque temps.
C'était une excellente excuse à son inaction. La princesse crai-
gnit d'importuner le malade cl attendit sa guérison pour renou-
veler ses prières *.
Il est curieux de constater que Françoise d'Orléans, qui
n'avait pas hésité à suspecter la bonne foi du cardinal lorsque
Nevers était en Italie, ne le soupçonna point devant ces retards
successifs. Le duc. au contraire, fut plus avisé. Il avait espéré
terminer rapidement les négociations du mariage. Ces délais
sans cesse prolongés l'étonnèrent. « Néantmoings, écrivit-il au
vieillard, je ne trouvera y jamais eslrange ce qui viendra de
vostre part et ne laissera* de vous eslre très humble servi-
teur-. »
Nevers avait raison de douter. Le cardinal pensait mainte-
nant à toute autre chose qu'à l'alliance entre Catherine de
Gonzague et le comte de Soissons. Il avait Conservé assez long-
temps son bel enthousiasme pour ce mariage, mais les circons-
tances et l'influcnee que < luise exerçait sur lui devaient en
avoir raison. Le prélat s'ouvrit sans doute à son allié de l'union
qu'il projetait entre les deux familles et le duc vit tous les
inconvénients qui en résulteraient pour son parti. I ne alliance
entré NevèrsCtlé cardinal de Vendôme et ses frères, dont les
sentiments royalistes étaient bien connus, rapprocherait néces-
sairement le premier de Henri 111. Or \e\ers était intluent.
non pus tant par sa fortune (pie par ses relations, à Rome
notamment. Il pouvait servir utilement la Ligue.
i. iVilil Xat.. f. IV.. ms. 47*4, r ï<». autogr. ; lettre du card. de Vettdôïhe
au duc de Xevers, de Paris, i" sept. iô85.
•>. Bibl. Vil., f. l'r.. ms. '171 1. r "67, copie ; lettre du «lue de Nevers au card.
de Bourbon, de Prémery, 7 sept. [585.
LA CONQUÊTE DE NEVERS 1^9
Guise connaissait la prudence de l'Italien que rien n'avait pu
contraindre à se déclarer ouvertement au mois de mars dernier,
ni les instantes prières de son oncle le cardinal, ni les courriers
spéciaux que lui même lui avait envoyés. Il ne vit qu'un moyen
de se l'attacher, qui fut d'établir entre eux un lien étroit de
parenté ; et, pour réussir et tout à la fois ruiner une tentative
de rapprochement entre Nevers et les royalistes, il proposa
de son côté non pas un mais deux mariages : Catherine de
Gonzague épouserait son fils aine, le prince de Joinville. et en
même temps le duc de Rethelois, fds de Nevers, serait fiancé
a l'aînée des filles de Gnise. C'était là cette nouvelle demande
que la duchesse avait reçue pendant que son mari était à
Rome et dont ils avaient décidé d'ajourner la solution jusqu'à
son retour.
Henri de Lorraine se rendit compte de la hardiesse de sa
démarche et, craignant de froisser le cardinal de Bourbon qui
favorisait l'union avec le comte de Soissons, il ne lui en parla
pas. Ce fut Nevers qui. fidèle à la promesse faite avant son
départ, l'en avertit. Le vieillard montra d'abord quelque sur-
prise de ce nouveau projet '. Mais Guise sut lui prouver que
l'intérêt du parti réclamait une alliance entre Nevers et lui. Le
prélat, alors sous l'entière domination du Lorrain, se souvint
que ses neveux l'avaient mécontenté en refusant de le rejoindre.
Il accepta la nouvelle combinaison.
Il fallut établir un plan de campagne. En premier lieu, il
s'agissait d'entraver la marche des pourparlers que Gonzague
avait engagés avec la princesse de Condé. La tâche incomba
naturellement au cardinal qui servait d'intermédiaire dans la
négociation. Il traîna les choses en longueur jusqu'à ce qu'il
eût ménagé une entrevue de Guise et de Nevers à laquelle il
devait assister. On connaît les retards successifs qu'il employa
pour aboutir. N'osant point déconseiller ce qu'il avait si fort
approuvé, il recula de jour en jour jusqu'à l'entrevue fixée.
i. Bibl. \at., f. fi\. ms, 3364, f° 56; orig. ; mémoire d'un envoyé du card.
de Bourbon au duc do Nevers, s. I. n. d. i Pièces justif. a0 VII.)
IOO LE ROLE POLITIQUE DU CARDINAL DE BOURBON
Henri de Lorraine, de son côté, cherchait à regagner la con-
fiance de l'Italien. Tandis que son frère Mayenne poussait la
bienveillance jusqu'à l'informer de tout ce qui survenait1, lui-
même lui envoya son confident Claude de La Châtre. Nevers se
plaignit vivement de ce qu'on l'avait négligé, reprochant à
Guise de vouloir toujours tout traiter seul, sans prendre suffi-
samment l'avis de ses partisans ; il parla même du traité de
Nemours qu'on avait conclu sans l'avertir2. Cependant il ne
se refusa pas à une entrevue ; bien mieux, il la désira, car une
nouvelle vint faire plus pour un rapprochement entre les deux
ducs que toutes les avances du Lorrain et du cardinal. Nevers
apprit que Henri III connaissait les mauvais services qu'il lui
avait rendus à Rome et qu'il en était fort indigné 3. Craignant,
s'il repoussait les propositions des ligueurs, de rester seul et
sans défense devant la colère royale, il accepta l'entrevue.
Elle fut fixée à Soissons, après la Notre-Dame de septembre,
car le cardinal était retenu à Paris jusqu'à cette époque par les
travaux préparatoires de l'assemblée du clergé. Diverses causes
ayant retardé la réunion de l'assemblée, il fallut encore en reculer
la date 4. On songea bien à faire venir le prélat pour quelques
jours, mais c'eût été chose impossible tant la santé du vieil-
lard était délicate. A peine remis de son attaque de goutte, il
i. Bibl. Nat., f. fr.( ms. 3366, f° 67, autogr. ; lettre de [Mayenne' au duc
de Nevers, de Montereau, 2 août i585 ; — f° 64, autogr. ; du même au même,
s. 1., 18 août i585; — ms. 3 4 1 3 , f" i33, autogr. ; du même au même, de
Montereau. 2 août i585. — Ces lettres, qui ne portent pas de signatures,
sont attribuées faussement au cardinal de Bourbon par le Catalogue des
manuscrits français de la Bibl. Nat.
■x. Bibl. Nat., f. IV. , ms. 4714, f° i3i, minute; lettre du sieur de la Châtre
au duc de Cuise, s. 1., [18 août i585J. (Pièces justif. n° XI.)
3. Lettres de Cath. de Médicis, t. VIII, p. 342 ; à la duchesse de Nevers, s. !..
3i juill. [585.
4. La séance d'ouverture eut bien lieu le 9 septembre à l'abbaye deSaint-
Germain-des-Prés, mais les députés de six provinces sur neuf étaient seuls
arrivés et ils ne voulurent point prendre de résolution définitive en l'ab-
sence de leurs collègues. Ils ne devaient se réunir tous que le icr octobre.
V. Bibl. Nat., f. fr., ms. 3336, f° 73, autogr.; lettre du card.de Bourbon au
duc de Nevers, de Paris, 21 sept. i585. — Serbat (L.), Les assemblées du
cleryé de France de 1561 à 1615, p. 116.
LA CONQUÊTE DE NEVERS l5l
fut pris d'un « flux de ventre » qui l'affaiblit fort l. Aussi Guise
perdit patience et offrit à \evers de discuter tout de suite les
conditions des mariages -. C'était demander au duc de choisir
entre lui et la princesse de Coudé. Gonzague, perplexe, voulut
au moins connaître l'avis du cardinal et il le lui demanda par
lettre, puisqu'il ne pouvait le voir prochainement. Cette question
précise embarrassa fort le prélat. 11 eût préféré une entrevue,
car les paroles peuvent s'oublier, mais les écrits restent. Aussi
n'osa-t-il point répondre franchement. « C'est à vous à vous
résouldre, écrivit-il, et quanta moi je désire vostre contente-
ment et trouverrei bon tout ce que vous en ferez 3. »
Il n'en fallait pas davantage au perspicace Italien pour voir
que le cardinal avait changé d'avis, qui primitivement « dési-
roit infiniment » le mariage du comte de Soissons et mainte-
nant s'en remettait à lui. D'ailleurs une lettre suivante fut plus
explicite. Comme l'arrivée du prélat menaçait de se faire loin-
taine, Guise décida Nevers à se rencontrer seul avec lui. « Je vous
prie, écrivait alors le cardinal au duc, de bien pezer la propo-
sition qu'il [Guise] vous fera et croire qu'il n'i a rien qui fût à
tous si nécessaire que de cercher tous les moyens possibles pour
nous lier et unir ensemble 4. » Les termes étaient clairs pour
qui savait lire au fond de la pensée.
Ainsi le cardinal désapprouvait le mariage avec le comte de
Soissons. Catherine de Médicis ne lui cachant point la gravité
des accusations portées contre lui, Nevers résolut de cesser les
pourparlers engagés avec la princesse de Condé.
i. Bibl. Nat., f. fr., ms. 3306, f° 119, orig. ; lettre du card. de Bourbon au
duc de Nevers, de Paris, 12 sept. i585.
2. Bibl. Nat., f. fr.. nis. 47 1 4, f° 86, autogr. ; lettre de la duchesse de
Guise à la duchesse de Nevers, s. I., 19 sept. ij85.
3. Bibl. Nat., f. fr., ms. 34i3, f° 82, orig. ; lettre du card. de Bourbon au
duc de Nevers, de Paris, 7 sept. i585.
4. Bibl. Nat., f. fr., ms. 3336, f» 73, autogr. ; lettre du card. de Bourbon
au duc de Nevers, de Paris, 21 sept. iô85.
102 LE KOLK POLITIQUE ])L CARDINAL DE BOIKBON
Françoise d'Orléans, lasse d'attendre, lui avait envoyé l'abbé
de Bellozanne, précepteur du cardinal de Vendôme, pour régler
les dernières conditions. Le messager apportait notamment le
chifl're de la dot réclamée à Catherine de Gonzague. Le duc
saisit ce prétexte. 11 trouva le chiffre trop élevé et regretta de
ne pouvoir y satisfaire '.
A cette nouvelle, le cardinal de Vendôme s'empressa de
répondre que son frère se contenterait de ce que Nevers jugerait
« nécessaire pour l'entretien » de sa fille. Il offrit même d'aller
rejoindre le duc pour aplanir les difficultés, gardant encore
l'illusion que le cardinal de Bourbon l'aiderait-. Cette démarche
fut vaine. Nevers songeait à entamer sérieusement les pourpar-
lers avec Guise.
Mais telle était la prudence de l'Italien qu'alors même qu'il
connaissait fort bien les sentiments du cardinal, que d'ailleurs
Mayenne lui avait dévoilés clairement3, il voulut en avoir une
preuve entre les mains. C'était s'éviter ainsi des reproches
futurs. Il feignit de n'avoir pas compris sa volonté et la lui
demanda en termes précis1.
11 est curieux de suivre cette tactique de deux hommes fort
habiles comme Guise et devers, qui cherchent à s'unir, mais
veulent garder mutuellement leur indépendance pour ne rien
perdre de leur force. Guise recherche Nevers, mais il veut que
celui-ci vienne à lui. Nevers recherche Guise, mais il désire en
quelque sorte être poussé vers le Lorrain. Le cardinal de
i. Bibl. Nat., f. fr., ms. \-i'\, f° 17/4, copie ; lettre du duc de Nevers à la
princesse de Condé. de Provins, 16 sept. i585. — \u même folio se
trouve la copie d'une autre lettre du duc au comte de Soissons, m. 1. et d.
■>.. Bibl. Nat., f. fr.. ms. \~\!\, f° 3o, aulogr. ; lettre du card. de Vendôme
au duc de Nevers, de Paris, 21 sept. i585.
3. Bibl. Nat., f. fr., ms. 336f>, fu 84, autogr. ; lettre du duc de Mayenne
au duc de Nevers, s. 1., ig sept. i585.
'i. Bibl. Nat., f. fr., ms. '171 'i, f° 187, copie: lettre du duc de Nevers au
card. de Bourbon, de Soissons, 23 sept. 1 08."».
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Lt~ ^£w? /yy >*-~*y rX-^t&^TTUV^
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c "v/ff <{f tf/wÂ7)' 2
Lettre di cardinal m: Bourboin \i duc de \i:\i:hs
Paris, ; Septembre \i;,s:,\. mh| v.l.. r ,,. _ ms -.,,•._ f,.
L\ CONQUÊTE DE NE VERS 100
Bourbon leur sert de jouet; sa bonté et sa faiblesse en foui
un parfait intermédiaire.
11 est surtout fort curieux de voir jusqu'à quel point (luise
domine alors le vieillard et le peu de confiance qu'il lui
accorde dans les cas difficiles. Depuis qu'ils ont décidé le
mariage entre le prince de Joinville et Catherine de Gonzague,
c'est Henri de Lorraine qui règle sa conduite ; mais, lorsque les
décisions deviennent plus importantes, les négociations plus
délicates, il guide non plus seulement ses actes, mais encore
ses paroles. \ chaque instant il lui fait parvenir des avis qui sont
tenus, il le sait, pour des ordres. En un seul jour le cardinal
reçoit jusqu'à trois lettres de lui1.
Ce fut bien le prélat qui, de sa propre main, répondit à la
question posée par Nevers, mais ce fut Guise qui dicta, Le
vieillard écrivit « les mômes mots » qu'il lui avait demandé
d'employer2. Bien plus, la lettre adressée à Nevers fut d'abord
envoyée à Guise pour qu'il en prit connaissance3. La réponse
était d'ailleurs fort habile. Sans avouer ouvertement son désu-
et conservant cette phrase vague dont il s'était déjà servi une
première fois, le cardinal ne laissait cependant point de doute
sur son intention. « Je le remectz du tout en voslre libre
disposition pour en faire comme vous en adviserés, vous asseu
rant, Monsieur, que je scray toujours très avse que vous
conlanliés monsieur de Guyse, car je vous ayme tant tous
deulx que je désire que ne faciez qu'un et que je face le troi-
sième en ceste boue amictié *. h
Cependant les deux ducs se rencontraient seuls vers le
i. Bibl. Nat., f. fr., ms. 333G, f" 109 et ms. 3Gi6, f° 11a, copies; lettre du
card. do Bourbon au duc de Guise, s. 1.. [de? premiers jours d'octobre [585].
1 Pièces justif. n" Mil.)
2. Ibidem.
3. Bibl. Nat., f. fr., ms. 34i3, f" S."), autogr. ; lettre du card. de Bourbon
au duc de N'cvcrs, s. t., [des premiers jours d'octobre i585]. (Pièces justif.
n° XII.)
\. Bibl. Nat., f. fr., ms. 34i3, f 85, autogr. ; lettre du card. de Bourbon
au duc de Nevers, s. t.. [des premiers jours d'octobre i585 1 Pièces juslif.
n0XII.)
l5/| LE RÔLE POLITIQUE DU CARDINAL DE BOURBON
27 septembre à Cormicy. Ils restèrent ensemble quatre jours1.
On s'entretint des mariages. Catherine de Gonzague devait
épouser le prince de Joinville ; le duc de Rethelois, fils de
Nevers, âgé de six ans, était fiancé à l'aînée des filles de Guise,
âffée de douze. Des deux côtés on résolut de faire connaître
rapidement les conditions du contrat. De l'alliance avec le
comte de Soissons on ne parlait plus. Seul le cardinal craignit
qu'on lui reprochât cette trahison à l'égard de sa famille. « Et
puys ce sont tous mes nepveux », écrivit-il pour se justifier-.
Ce double projet d'union, qui unissait les aînés des deux
familles, n'était au fond que la base d'une entente entre Guise
et Nevers. Seuls les intérêts politiques les y avaient poussés.
Le résultat de ces quatre jours de conférences fut bientôt
apparent. Henri de Lorraine, reprenant confiance, formula les
réclamations du parti de la Ligue. Elles énuméraient lon-
guement les infractions à l'édit de juillet et aux articles de
Nemours. On avait promis de chasser les ministres du royaume
et ils y étaient encore. Bien loin de déposséder le roi de
Navarre et le prince de Condé de leurs gouvernements de
Guyenne et de Picardie, on essayait de traiter avec eux. Les
hérétiques se fortifiaient dans les villes de sûreté qu'ils auraient
dû abandonner. Enfin on soumettait les ligueurs à toutes sortes
de vexations, dont la liste se déroulait fort longue3. Ces récla-
mations étaient un avertissement donné à Henri III et à
Catherine de Médicis. Les chefs ligueurs voulaient la guerre
et n'entendaient pas être dupes. Ils exigeaient l'exécution des
promesses ; sans quoi ils reprendraient les armes.
D'ailleurs un geste du pape vint contribuer à détruire toute
espérance de paix avec Navarre. Sixte-Quint lança la bulle
1. Bibl. Nat., f. fr., ms. 471/», f° 180, copie ; lettre du duc de Nevers au
cardinal de Guise, de Cormicy, 3o sept. i585 ; — ni. f°, copie; du môme au
duc de Mayenne, m. 1. et d.
2. Bibl. Nat., f. fr., ms. 471A, f° 35, autogr. ; lettre du card. de Bourbon
au duc de Nevers, s. 1., [6 oct. i585].
3. Bibl. Nat., f. fr., ms. 3974, f" ">2, copie; « contraventions, entreprises
et négligences contre l'édit et les articles de Nemours du moisde juillet i585
[jusqu'au Ier octobre]. »
LA CONQUETE DE NEVERS IOÔ
d'excommunication qui déclarait Henri de Bourbon et le prince
de Condé hérétiques, relaps et par suite incapables de monter
sur le trône de France ; elle déliait même les sujets du roi de
Navarre de tout serment de fidélité1. Catherine ne pouvait plus
espérer un accord avec son gendre. Désormais il n'y avait
qu'un dénoùment possible : la guerre, qui se terminerait seule-
ment avec l'anéantissement des hérétiques.
Le cardinal de Bourbon avait fait ses confidences au nonce
quelques jours avant l'arrivée de la bulle. Se considérant comme
le promoteur de tout ce qui se faisait alors en faveur de la foi
catholique, il acceptait volontiers la guerre et était persuadé que
le pape aiderait beaucoup à une œuvre aussi sainte2. Evidem-
ment il comptait sur l'excommunication que les ligueurs
réclamaient depuis si longtemps. Quand le nonce vint lui
apporter le bref que Sixte-Quint lui envoyait à cette occasion,
il ne cacha point sa joie. Il voulut même que le cardinal de
Vendôme assistât à la conversation et prit connaissance de la
lettre du pape3. Toutefois il semble avoir gardé un silence
i. Hiibner, Sixte-Quint, t. II, p. i65 à 170. — L'Épinois (II. de), La Ligue
et les papes, p. 26. — Le 1" octobre, alors qu'il ne connaissait pas encore la
bulle du pape, Guise écrivait à Mendoça : « Par ceste déclaration [la bulle]
on ostera toute espérance de réconciliation avec les hérétiques, lesquelz
d'autre part seront abandonnés de beaucoup de catholiques qui, sans cela,
les eussent suivis sous l'espérance de l'avenir. » Cf. Croze (de), Les Guises,
les Valois et Philippe H, t. I, p. 357.
2. Arch. du Vatican : lettere délia segreteria di stato, nunziatura di
Francia, t. XVIII, f° 60, orig. ; dép. de l'évêque de Rergame au cardinal Rus-
ticucci, de Paris, 3o sept. i58."> : « ... Visitai anco il giorno istesso incon-
tinente il signore cardinale di Rorbone tuttavia molto allegro, perche sia
stato il primo mottorc di quanto si fa hora in favore de la fede calholica et
molto sicuro che Sua Santità abbracciera et aiutera gagliarda mente questa
pia opéra. »
3. Arch. du Vatican : lettere délia segreteria di stato, nunziatura di
Francia, t. XVIII, f° 92, orig. ; dép. de l'évêque de Rergame, nonce, au
cardinal Rusticucci, de Paris, 18 oct. i585 : « ... Trovai [il signor cardi-
nale di Rorbone] allegrissimo per l'editto sopradelto et explicai a sua
Signoria illustrissima, corne aveva fatto al re, quanto si contiene nel suo
brève, che poi gli diedi cou un transonto délia bolla. L'uno et l'altra le
furno sommamente carc, riputandosi anco a grandissimo honore che
piacesse a Sua Santità di far seco questi ufhcii et ringratio anch' essa Sua
IÔ6 LE RÔLE POLITIQUE DU CARDINAL DE BOURBON
discret pour ne point s'attirer les reproches des partisans des
excommuniés1. Mais, quand il n'avait pas eu une parole de
regret pour son frère lâchement assassiné à Jarnëc, pouvait il
avoir une parole de pitié pour ses deux neveux hérétiques et
relaps que le pape dépouillait, peut-être à son profit ? Et
d'ailleurs combien n'était il pas changé depuis celte époque!
Bealiludine del opéra che facea, perche questi heretici non fusscro aiutati
di Germania... Yolse detto signor cardinale di Borbone che si trovassi
présente a quanto io havevo a dirgli il signor cardinale di Yandomo, et
gli diede anco a leggere il brève di Sua Santità dopo che l'hebbe letto esso ;
ne moslro esso signor cardinale di Yandomo minor contentezza per quanto
havea intesoda me et intendea dal brève, di quello che mostro esso signor
cardinale di Borbone. »
i. Le 6 octobre, le cardinal de Bourbon écrit au duc de Nevers et ne parle
nullement de la bulle d'excommunication, alors que, le même jour et vrai-
semblablement par le même courrier, son confident Gaillard de Cornac
écrit au duc en lui annonçant l'arrivée de la bulle comme une grande nou-
velle. Cf. Bibl. \at., f. fr., ms. 471 4, f 35, autogr. ; lettre du card. de
Bourbon au duc de Nevers, s. 1. n. d. — Lettres confident, de Gaillard de
Cornac au duc de I\'evers dans Revue Henri IV, 1909, t. 111, p. 129.
CHAPITRE IV
LA DEFECTION DE NEVERS
Quand le parlement de Paris oui enregistré le 16 octobre l585
l'édït enjoignant à tout hérétique de se convertir au catholi-
cisme dans un délai de quinze jours, on eut l'impression que
la guerre était manifestement prochaine. Mais le roi se trouvait
fort empêché d'entrer en campagne : il n'avait pas d'argent.
Il tant le dire à la louange de Charles de Bourbon, chaque
fois que la politique de la royauté ne fut pas contraire à celle de
la Ligue, Henri III put compter sur l'appui du prélat. L'immi-
nence du péril huguenot avait fait du cardinal le plus fidèle
soutien de Henri de Lorraine. On l'avait même vu prendre les
armes pour donner des ordres à son souverain. Mais, quand
celui-ci se montra prêt à sévir contre l'hérésie, Charles de
Bourbon n'hésita point à le seconder de tout son pouvoir. A la
tin de [585, il l'aida puissamment à trouver l'argent indispen-
sable à l'entretien de la guerre.
Depuis vingt-cinq ans le clergé avait déjà fourni de fortes
contributions1. Cependant une fois encore on fil appel à sa
générosité, t ne assemblée générale fut convoquée pour déli-
bérer sur l'aliénation possible d'une partie des biens d'église-.
1. Scrbat (L.), Les assemblées dix clergé de France de 1561 " 1615, p. 1 à 1 i">.
passim.
■>,. Dès le commencement d'août Charles de Bourbon consentit-, ainsi que
les autres cardinaux cl prélats, à hypothéquer ses propics revenus <lc Irois
ou quatre cent rhilleécus remboursables sur le produit «l'une vente des
biens d'église. Cet emprunl ne semble pas d'ailleurs avoir élé fait. \. Bibl.
\al.. I'. IV., ins. i6o45, l" i38, orig. ; lettre de Villeroy à Saint Couard, de
Saint-Maur, [6 août i585 .
l58 LE ROLE POLITIQUE DU CARDINAL DE BOURBON
Le cardinal la réunit dans son abbaye de Saint-Germain-des-
Prés. Malgré ses chaudes exhortations, un projet d'aliénation
de cinquante mille écus de rente souleva de grandes protesta-
tions chez les députés. Les discussions furent longues. Charles
de Bourbon intervint lui-même dans le débat, affirma que pour
sauver la religion chacun devait offrir non seulement ses biens
mais sa propre vie. Ses paroles entraînèrent l'assemblée hési-
tante1.
Pourtant l'admission du principe ne résolvait pas toutes
les questions. Entre le clergé soucieux de protéger ses intérêts
et le roi décidé à en tirer le plus d'argent possible et fort rapi-
dement, les difficultés surgirent continuelles. Le cardinal est
le grand intermédiaire, on peut même dire l'unique. Henri III,
qui le sait partisan de la guerre, le charge de faire connaître
ses exigences à l'assemblée. Celle-ci comprend que ses récla-
mations seront toujours écoutées du roi, si elles sont portées
par le prélat'2. C'est pourquoi sa présence est si nécessaire
à Paris. C'est pourquoi il ne peut aller au rendez-vous
pris avec Guise et Nevers. Même lorsqu'il doit accompagner la
reine-mère dans son château de Gai lion, des incidents toujours
nouveaux le forcent à différer son voyage3.
Une exigence imprévue de Henri III vint tout remettre en
cause. A sa prière le pape avait accordé une aliénation de cent
mille écus au lieu de cinquante mille, chiffre convenu. L'arri-
vée de la bulle souleva une véritable tempête dans l'assemblée.
Le cardinal s'efforça d'excuser auprès du roi la surprise un peu
violente que le clergé manifestait ; d'autre part il assura aux
députés qu'on ne les « presserait » pas au-dessus de leurs
forces4. L'intervention énergique du parlement rétablit le
calme. Henri III n'exigea pour le moment que l'aliénation de
i. Taix ((i. de), Mémoires des affaira du clergé de France, ae partie, p. 5o
à "o.
■j. Ibid., ac partie, passim. — Collection des procès-verbaux des ass. géné-
rales du clergé de France depuis 1560, t. I, p. 274 à 4i3, passim.
3. Collection des procès-verbaux des ass. générales du clergé d:' France
depuis t560, I. I, p. 3a5.
4. Ibid., p. 38 1.
LA DÉFECTION DE NEVERS l5g
cinquante mille écus de rente. L'assemblée y consentit et
Charles de Bourbon put déclarer à la séance de clôture « qu'elle
avoit confirmé le cœur et la volonté du roi... en sa sainte
délibération de faire effectuer son édit de réunion de ses
sujets, sans entrer en aucun traité de paix avec les hérétiques
qu'en y satisfaisant1 ».
C'était peut-être la véritable intention du souverain, mais les
chefs ligueurs jugèrent prudent de ne point trop s'y confier
et continuèrent à se rendre forts. Après l'entrevue des ducs
à Cormicy, toute idée de rencontre entre Guise, Nevers et le
cardinal de Bourbon n'était pas morte. On choisit le petit
village de Marchais comme second lieu de rendez-vous 2. Ce
projet n'aboutit pas mieux que le premier. Ce n'était cepen-
dant point faute de le vouloir. « Il fault, s'il vous plaist, que
je vous voye, écrivait le prélat au Lorrain, et, s'il se peull, je
vous supplie venir, je vous en conjure3. » Enfin une occasion
favorable se présenta. Dans les premiers jours de novembre
Henri III partit en pèlerinage pour Notre-Dame de Chartres
avec l'intention d'y rester deux semaines, que la reine-mère
devait passer à Chenonceaux. Le cardinal libre par leur absence
allait pouvoir se rendre à Soissons. Mais Catherine abandon-
nant son premier projet partit pour Gaillon et le vieillard dut
l'accompagner. Avait-elle appris ses desseins et voulait-elle les
déjouer? Du moins les trois alliés l'en soupçonnèrent4.
Le séjour forcé de Charles de Bourbon à Paris, s'il contre-
i. Collection <les procès-verbaux des ass. générales du clergé de France
depuis 1560, t. I, p. &u.
2. Bibl. Nat., f. fr., ms. 4714, f' i84, copie; lettre du duc de Nevers au
duc de (iuise, de La Gassine, 9 oct. i585 ; — f" 186, copie ; du même au
card. de Bourbon, s. L, 12 oct. i585.
3. Bibl. Nat., f. fï., ms. 471/1. f" 181, copie ; lettre du card. de Bourbon au
duc de Guise, s. 1. n. d.
4. Bibl. Nat., f. fr., ms. ,5306, f' i4, autogr. ; lettre du card. de Bourbon
au duc de Nevers, s. L, [20 nov. i585]. — Lettres confidentielles de G. de Cor'
nac. au duc de Nevers dans Revue Henri IV, 1909, t. III, p. i3a ; s. L,
30 nov. iS85. — Lettres de Catfi. de Médicis, t. VIII. p. 484 ; lettre du duc de
Guise au duc de Nevers. datée d'octobre par l'éditeur, mais qui semble
plutôt être de la fin de novembre.
IOO LE RÔLE POLITIQUE DU CARDINAL DE BOURBON
carra les projets des ligueurs, leur fut pourtant utile. Le car-
dinal était véritablement le plus fidèle agent qu'ils pussent
avoir en cour et son familier Cornac suffisait à les informer
de Ions les événements importants '. Au reste le vieillard
défendait aussi les intérêts du parti. 11 semble avoir hérité
de Guise la sollicitude constante qu'il montre pour la cause.
Lorsqu'on apprit à la cour la révolte des habitants d'Auxonnc
contre leur gouverneur Jean de Saulx-Ta vannes, favorable aux
Lorrains, et qu'on soupçonna les soldats du roi d'avoir été
mêlés à celte affaire, le cardinal se précipita chez la reine-
mère. Elle dut. pour l'apaiser, lui assurer que seuls les mauvais
traitements du vicomte vis-à-vis des habitants avaient causé
l'émeute et que le roi ferai! remettre le château entre les mains
d'un autre capitaine désigné par Cuise 2.
Charles de Bourbon avait d'ailleurs près de lui un compa-
gnon capable de le tirer de son habituelle mollesse. C'était le
cardinal de Guise, ambitieux et brouillon, mais tout dévoué à
son frère aîné et partageant entièrement ses vues. Autour d'eux
vinl se grouper tout ce qui tenait pour les Lorrains, tous ceux
qui parlaient de guerre sans merci contre les hérétiques3. Cette
petite faction menait grand bruit et les pires audaces ne
l'effrayaient pas. La maladresse de ses chefs faillit même la
mettre en position fâcheuse. Au commencement de janvier
Henri III fut prisa Vincennes d'une fièvre si violente qu'on
crut un instant sa vie en danger. Pendant cette courte alerte les
deux prélats firent avertir leurs partisans de se tenir armés.
On ne tarda pas à l'apprendre*.
En vérité il avait fallu un événement extraordinaire et subit.
et surtout la présence du cardinal de Guise, pour que Charles
i. Lettres confidentielles de G. de Cornac au duc de Xevers dans Revue
Henri IV, 1909, I. III, p. 129 à i3a.
a. Bibl. \al., f. fr.. 111s. 4714. I" 109. copie; lettre do la duchesse de
Montpensier au duc de Nicvcrs, de Paris, 8 nov. i585.
3. Areli. \at., I\ i563, n° [68, déchifïr. ; dép. de Mendoça à Philippe II.de
Paris, i(i nov. 1 585.
!\. Bibl. Nat., f. ilal.. tas. 17.^1. p. 868, copie ; dép. des ambass. vénitiens,
de Paris, 1 7 janv. i586.
L\ DÉFECTION DE NE VERS 1 1) I
de Bourbon agit si résolument. D'ordinaire ilesl beaucoup plus
circonspect et prudemment il communique à Henri de Lorraine
ses espérances et ses craintes. Ayant appris de la princesse de
Coudé que le duc de Nevers n'avait pas renoncé à toute idée de
mariage entre sa fille et le comte de Soissons. il s'empressa
d'en informer Guise, sans même ajouter ce qu'il pensait de ce
propos *. Or à ce moment les ducs échangeaient les articles des
contrats. Ce soupçon jeté au travers des négociations n'éveilla
aucune défiance chez le Lorrain.
Cependant les opérations militaires étaient commencées. On
sait quel en fut le résultat. Après une tentative infructueuse des
huguenots sur Angers, Mayenne poussa une pointe hardie en
Guyenne ; mais, laissé sans secours, il. dut s'arrêter. Quelques
semaines plus tard la guerre languissait.
Diverses raisons y contribuèrent. La misère causée par une
lutte continuelle apaisait les plus acharnés et la défiance
régnant entre Guise et le roi n'était point faite pour ranimer
leur courage. Il fallut plusieurs demandes de Henri III et de
Catherine pour que le duc consentit à venir à Paris et se
reconciliât avec d'Épernon ; ce fut d'ailleurs une comédie qui
ne trompa personne. D'autre part on apprit la naissance d'une
nouvelle ligue formée par les Bourbons catholiques, dont le
but avoué était d'empêcher les Lorrains de ruiner leur famille.
Le comte de Soissons et son cousin, le due de Longueville. s'en
disaient les chefs et recrutaient de nombreux partisans dans
l'ouest de la France2. Suivant leur exemple, le duc de Mont-
i. Bibl. Vit., f. IV.. ms. \-\ 'i, f° i8i, copie; lettre du card. de Bourborj
au duc de (iuise, s. I. n. d.
2. Arcli. du Vatican : Icttcre délia segreteria di slato, nunziatura di
Frauda, l. Wlll, P° i \ \ , orig. : dép. de l'évéque de Bergame, nonce, au
card. Ku.slicucci, de Paris, 3 févr. i586. — \rcli. \al., K i564> n" 29,
déchillï. ; dép. de Mendoça à Philippe 11. de Paris, 6 mais i58(3. — Négocia'
lions diplom. (ivre ht Toscane, 1. [V, p. 636 ; de Paris 1 ■> mais i586<
Saulnier. — Cardinal de Bourbon. 11
IÔ2 LE RÔLE POLITIQUE DU CARDINAL DÉ BOURBON
pensier, qui commandait une armée catholique, refusa de
combattre Navarre parce qu'il était son parent ; il envoya
même un gentilhomme à Rome pour expliquer sa conduite et
solliciter la rentrée eu grâce de l'hérétique1. Le Béarnais se
montrait du reste fort pacifique, réclamait un concile qui pût
l'instruire, et dès cette époque on en venait à penser que, si le
concile lui était refusé, il ne s'en convertirait pas moins2.
Tous ces bruits nuisaient fort au parti de la Ligue. L'ambas-
sadeur toscan affirme qu'à ce jour Guise avait perdu les deux
tiers de ses gens 3.
Quoique autour de lui on songeât beaucoup à la paix,
Henri III se déclarait toujours partisan de la guerre *. Peu à peu
cependant il laissa voir ses véritables intentions. « On a parlé
au roy au cabinet et receu toutes les belles paroles qu'il est
possible, avec protestation de ne changer jamais de volonté, et
puys c'est tout5. » Quand il fallait passer aux actes, Henri III
trouvait toujours quelque prétexte pour justifier un retard.
Cette lassitude, qui semblait générale, fit renaître chez
Catherine de Médicis quelque espérance de paix et, dès la
fin de janvier, elle manda un gentilhomme à Navarre pour
l'exhorter à déposer les armes °. \u commencement d'avril,
elle avoua même au cardinal de Bourbon son intention de
s'aboucher avec le huguenot 7. Ce dernier envoya des ambas-
sadeurs en cour et, bien qu'ils ne fussent chargés d'aucune
mission officielle, leur présence suffit à faire pressentir un
i. Lettres confidentielles de G. de Cornac au duc de Nevers dans Revue
Henri IV, 1909, t. III, p. 1 33 ; s. 1., janvier 1086.
3. Lettres confidentielles de G. de Cornac au duc de Nevers dans Revue
Henri IV, 1909, t. III, p. t3a ; du 20 nov. i585.
3. négociations diploin. avec la Toscane, t. IV, p. 643 ; de Blois, 5 mai 1086.
4. Lettres confidentielles de G. de Cornac au duc de Nevers, dans Revue
Henri IV, 1909. t. III, p. 1 33 à i3."> ; janv.-févr. i586.
."). Ibid., p. [35 ; de Paris, m mars i586.
6. Bibl. Nat., f. ItaL, ms. 173/1, p. 377, copie ; dép. des ambass. vénitiens,
de Paris, 3i janv. i586.
7. Arch. du Vatican : lettere délia segreteria di stalo, nunziatura di
Francia, t. \IX, p. 237, orig. ; dép. de l'évêquede Rergaine, nonce, au card.
Rusticucci, de Paris, 11 avril i586.
LA DEFECTION DE NEVERS 1 63
accord '. Les intrigues des Bourbons catholiques, principa-
lement du duc de Montpensier, les allées et venues de certains
personnages intermédiaires entre les deux partis, tout laissait
croire à une entente prochaine. Aussi l'annonce d'un voyage
de la reine-mère vers le Béarnais ne surprit personne.
Une telle démarche n'allait pas sans soulever de grandes
difficultés et Catherine de Médicis les voyait toutes. Pour faci-
liter sa tache, elle ne recula pas devant une tentative hardie
qui d'ailleurs ne donna pas le résultat souhaité par elle. Elle
eût voulu se faire accompagner du cardinal de Bourbon. La
présence de l'oncle lui paraissait suffisamment justifiée dans
une entrevue avec le neveu. En outre, le prélat était l'ancien
conseiller fidèle et de bonne volonté avec qui elle avait mené
tant de négociations et qu'elle espérait conduire encore à sa
guise. Elle le fit venir tout exprès de Gaillon, où il villégiaturait
depuis un mois. Quand il connut ses intentions, le vieillard
se montra peu disposé à la suivre ; il lui exposa au contraire
toutes les conséquences de son voyage, combien il lui semblait
éloigné « et de la raison et de l'apparence- ». Avant de se
rendre chez la reine, il avait déclaré à l'un de ses confidents
qu'il se ferait plutôt tirer à quatre chevaux que de l'accom-
pagner. Devant elle il perdit beaucoup de son assurance ; il dit
seulement que sa présence serait inutile, car ceux de sa maison,
qui ne professaient pas la véritable religion, ne comptaient
plus pour lui 3.
Le 28 juillet Catherine de Médicis partit seule pour Che-
nonccaux.
1. Négociations diplom. avec la Toscane, t. I\, p. 648; do Paris,
■).[\ juin i.*)86.
->.. Lettres confident. <lc G. de Cornac au duc de Wevers, dans Revue Henri IV,
1909, t. III, p. 1.S7 ; s. I., 28 juill. i586. — Bibl. Nat., f. fr., tus. 3336, f° m,
autogr. ; lettre du card. de Bourbon au duc de Nevers, s. 1., [du 20 juill. t586
— Arcli. du Vatican : lettere délia segreteria di stato, nunziatura <U
Francia, t. XIX, p. 3ia, orig. ; dép. de l'évoque de Bergame, nonce, au car-
dinal Rusticucci, do Paris, 21 juill. i586.
3. Arch. Nat., K i")f>4, n° n'i, déchiffr. ; dép. do Mendoça à Philippe II,
de Paris, 23 juill. i586.
1 64 LE ROLE POLITIQUE DU CARDINAL DE BOURBON
Pendant que chacun pensait diversement aux conséquences
de ce voyage, une nouvelle vint jeter l'étonnement dans le
camp ligueur : le duc de Nevers s'en allait rejoindre la reine
pour l'aider dans sa négociation. On fut bien forcé d'y croire,
car les confirmations eu arrivèrent nombreuses.
Depuis le jour où Catherine de Médicis lui avait appris les
accusations portées contre lui, Nevers n'avait point cessé de
communiquer avec elle. La reine-mère connaissait son influence
et L'appui qu'il donnerait au roi en embrassant ouvertement
son parti ; elle s'ingénia à le faire rentrer en grâces. Un
médecin mantouan, nommé Cavriana. qui avait été attaché à
la fortune de Nevers et qui maintenant résidait à la cour en
qualité d'ambassadeur toscan, y contribua puissamment.
Le duc prit d'abord une attitude des plus audacieuses. 11
clama son innocence, traita d'imposteurs tous ses accusateurs.
C'était écarter à l'avance l'humiliation d'un pardon. Fort de
l'appui de Guise qu'il venait de rencontrer à Cormicy, il sollicita
môme un congé du roi. puisqu'il avait perdu sa confiance, pour
s'en aller là où il serait honoré selon ses mérites !..
La bulle d'excommunication, dont il se savait en grande
partie responsable, lui fit perdre un peu de son arrogance,
surtout lorsqu'il vit que la majorité de la noblesse la désap-
prouvait et que le parlement faisait les pires difficultés pour
l'enregistrer. Il demanda avec inquiétude au cardinal de
Bourbon l'effet qu'elle avait produit sur Henri III2, Lorsqu'il
connut sa colère, il consentit à lui écrire suivant les instruc-
tions reçues de Catherine 3. Peu confiant dans l'étoile de Guise,
il préférait encore la faveur royale à l'amitié du Lorrain. Après
i. I.t'llrcsile Qeiïh. de Médicis, t. A III, p. '479; lettre du duc de Nevers à
Cath. de Médicis. de Rethel, 3 net. i585.
3. Bibl. Vit., I'. fi., ins. 4714, f" iS'i, copie; lettre du due de Xevers au
duc de (iuise, de La Cassine, 9 oci. i585.
3. Lettres de €alh. de Médicis, t. \ III, p. i38 ; lettre du duc de Nevers à Cath.
de Médicis, de La Cassine, 24 oct. i585.
LA DÉFECTION DE NEVERS l65
plusieurs mois de pourparlers, une nombreuse correspondance
échangée, des lettres écrites par Nevers suivant les conseils de
la reine-mère, on aboutit à une entente désirée des deux côtés.
Le i2 juin i58G Henri III envoya au duc une missive fort
aimable. Les susceptibilités se trouvèrent ainsi ménagées *.
Cette négociation, restée secrète, n'avait en rien troublé les
bonnes relations de Guise et de Nevers et les pourparlers con-
tinuaient au sujet du mariage des aînés et des fiançailles des
cadets. Mais depuis l'entrevue de Cormicy les choses traînaient
en longueur. Nevers hésitait avant de prendre définitivement
une attitude rebelle devant son roi. D'autre part Guise, satisfait
d'avoir Nevers dans son parti, ne montrait plus aucune hâte.
La lettre du cardinal de Bourbon, l'avertissant que l'italien
semblait désirer encore l'union avec le comte de Soissons, ne
le mit pas en défiance.
Cependant vers le milieu de février, après que Henri de
Lorraine eut pris conseil de sa mère la duchesse de Nemours,
on aborda la discussion des contrats. Alors des difficultés sur-
girent, principalement à l'occasion du projet de mariage entre
le duc de Rethelois âgé de six ans et sa fiancée âgée de douze.
Guise préférait donner, au lieu de son aînée, la puînée dont
l'âge s'accordait mieux avec celui du jeune duc. 11 montrait
d'ailleurs que le mariage avec l'aînée n'assurait aucun avantage
puisqu'elle avait déjà quatre frères, qu'il était fort peu probable
que la mort les emportât tous et qu'ainsi le droit d'aînesse lui
échût suivant la coutume de Lorraine.
Mais Nevers ne l'entendait pas ainsi. On lui avait promis
l'aînée à Cormicy et dans une seconde entrevue à Reims.
« Qui vult discedere ab atnico causant quserit », écrivait il à
Maineville, un ami commun -. Il déclara que le mariage se
i. Aoir pour cette négociation les lettres de la reine-mère, du duc et de
la duchesse de Nevers publiées dans les Lettres de Cul h. de Wèdiçis, I. VIII,
p. 358, 363, 478 à 484 ; t. I\, p. 18 à a3, 397 à '102. — Noir également les
lettres de Ph. de Cavriana au duede Nevers. Bibl. Nat., f. fr., ms. ■ > '^ 7 ri -
2. Bibl. Nat., f. fr.. ms. 4707, l" 29, copie; lettre du duc de Nevers au
sieur de Maineville, s. !.. g avril i580.
l66 LE RÔLE POLITIQUE DU CARDINAL DE BOURBON
ferait avec l'aînée ou ne se ferait point. Guise y consentit
enfin, mais réclama une garantie. Le duc de Rethelois majeur
pouvait refuser d'épouser sa fille et ses parents ne seraient peut-
être plus là pour l'y contraindre. Il était donc juste d'exiger
une dot plus forte de Catherine de Gonzague. L'Italien prétendit
ne pas pouvoir payer la somme demandée *.
Le cardinal de Bourbon essaya de s'interposer. « Vous savez,
écrivit-il à Nevers, en tout contrat de mariage qu'il se propose
toujours quelque difficulté. Mais il faut que l'amitié de ceste
bonne alliance vainque tout2. » Où les intérêts étaient en jeu,
l'amitié n'avait point de force.
Catherine de Médicis, instruite de toutes ces menées, crut
l'instant favorable pour enlever Nevers au parti de la Ligue et,
dans cette intention, elle usa du même procédé que Guise avait
employé, lorsqu'il avait voulu détacher L'Italien de la princesse
de Condé. A son instigation le duc de Montpensier demanda
pour lui personnellement la main de Catherine de Gonzague
et pour son fils, le prince de Dombes, celle de sa sœur cadette
Henriette. Des pourparlers s'engagèrent immédiatement3.
Nevers avait là une occasion de regagner définitivement la
faveur royale et de s'allier par un double mariage aux princes
du sang catholiques. Il sacrifia sans regret l'amitié du Lorrain,
et, comme gage de sa nouvelle politique, il consentit à accom-
pagner la reine-mère dans son voyage auprès de Navarre.
Ce fut indirectement que le cardinal de Bourbon et le duc de
Guise apprirent la trahison de leur allié. Tout d'abord le prélat
n'y ajouta pas foi, sachant bien, comme il l'écrivait à son neveu,
de quelle affection celui-ci marchait en ce qui concernait
l'honneur de Dieu. Au contraire, il espérait mettre à profit les
i. Toutes les pièces concernant ces projets de mariage sont contenues
dans les manuscrits 4707 et ^714 du tonds fr. de la Bibl. Nat.
2. Bibl. Nat., f. fr., ms. 33G6, f° 71, autogr. ; lettre du card. de Bourbon
au duc de Nevers, s. 1., [mars i586].
3. Bibl. Nat., f. fr., ms. 4714. fos 16 et 63 ; articles dresses le 22 mars i58G
pour M. de Montpensier et son fils, et reçus par le duc de Nevers le
3 avril i586. Voir aussi pour les négociations relatives à ce mariage les
fos 6, 38 et 39, 5o, 54 à 50, 10G.
LA DÉFECTION" DE NE VERS 167
quelques semaines que lui donnait le départ de la reine-mère
pour gagner Soissons et y rencontrer Nevers, ce qu'il souhaitait
depuis si longtemps L Mais le cardinal connut bientôt la vérité,
L'Italien avait quitté La Cassine, où il séjournait, et se dirigeait
sur Coulommiers. Sans attendre sa réponse, Charles de Bourbon
lui dépêcha Maineville tout dévoué au parti de la Ligue 2.
Nevers s'excusa. 11 regretta fort de ne pouvoir baiser les
mains du vieillard avant de passer outre et il chargea non
sans ironie peut-être sa femme, qui était à Paris, de le faire
pour lui 3. Puis il partit trouver le roi en route pour Pougues
et de là rejoignit Catherine à Chenonceaux.
Guise n'avait pas été moins surpris que le prélat. Pour
parer le coup, il voulut conclure immédiatement les mariages.
Lui, qui la veille encore soulevait des difficultés, envoya sur le-
chainp une procuration à son frère le cardinal pour qu'il les
terminât selon la volonté de Nevers i. De son côté le cardinal
de Bourbon, qui savait la duchesse plus favorable à la Ligue
que son mari, la pria de s'employer de tout son pouvoir à con-
clure l'accord ; et, plein d'attention pour son petit neveu le duc
de Rethelois, qu'une longue maladie venait d'affaiblir, il lui
offrit sa maison de Cachan, afin qu'il pût reprendre des forces
au grand air de la forêt de Meudon 5. La duchesse de Nemours
elle-même écrivit à Nevers pour disculper son fils 6. Enfin Guise
i. Bibl. Nat., f. fr., ms. 3336, f° m, autogr. ; lettre du caïd, de Bourbon
au duc de Nevers, s. 1., [20 juill. 1086]. — Lettres confident, de G. de Cornac
au duc de Nevers dans Revue Henri IV, 1909. t. III, p. 137 ; de Paris,
20 juill. i586.
2. Bibl. Nat., f. fr., ms. 3306, f° 32, autogr. ; lettre du card. de Bourbon
au duc de Nevers, de Paris, 3i juill. i.">86.
3. Bibl. Nat.. f. fr., ms. £707, fu 60, copie; lettre du dur de Nevers au
card. de Bourbon, de Coulommiers, :>. août i586.
\. négociations diplom. avec la Toscane, I. [V, p. 658 ; de Paris,
3o sept. 1Ô86.
5. Bibl. Nat., f. fr., ms. 4.714, f° 32, autogr. ; lettre du card. de Bourbon
à la duchesse de Nevers, de Gaillon, 21 août 1Ô8O. — La réponse de la
duchesse, de Paris, x\ août i586, se trouve en copie dans le ms. 36ia, f° 60.
(i. Bibl. Nat., f. fr., ms. '^l'i, I" .V>, autogr. ; lettre de la duchesse douai-
rière de Guise au duc de Nevers, de Paris, 7 sept. [586.
1 68 LE RÔLE POLITIQUE Dl CARDINAL DR ROL'IIBOX
fit une dernière proposition : il donnait à sa fille cadette, si
elle épousait le duc de Rethelois, une dot de deux cent mille
écus, c'est-à-dire d'un quart plus forte que celle qu'offrait l'Ita-
lien pour Catherine de Gonzague. De cette somme la duchesse
de Montpensier s'engageait à payer la pins grande partie. Comme
le temps pressait, la duchesse de Nevers elle-même porta la
proposition à son mari '. •
Ces sollicitations tardives restèrent vaines. En réalité Nevers
ne rompit pas complètement les pourparlers : mais, s'il usa de
ménagements, ce fut uniquement pour ne point s'attirer la
haine de Henri de Lorraine et du cardinal de Bourbon.
La défection de Nevers était grave non seulement parce qu'elle
enlevait à la Ligue un nom et une force, mais aussi parce qu'elle
pouvait être d'un fâcheux exemple. Grand seigneur catholique
du royaume, duc et pair, Gonzague montrait manifestement
qu'il avait plus de confiance dans les projets pacifiques de la
reine-mère que dans le succès d'une guerre.
Or Guise ne pouvait accepter une trêve avec Navarre et sur
ses conseils le cardinal de Bourbon ne le voulait point. Il faut
noter qu'avantson départ Catherine avait déclaré au nonce que
la paix serait tout à l'honneur de Dieu ou ne serait pas -. Cette
promesse aurait dû rassurer la foi inquiète des ligueurs, mais
elle alarma leur ambition. Guise ne pouvait pas consentir à un
accord, quelqu'il fût, parce que sa force résidait dans la guerre.
Cesser les hostilités, c'était perdre tous les avantages acquis
depuis deux ans, c'était briser les engagements pris avec Phi-
lippe II, c'était enfin ruiner sa famille. Avec cent mille écus de
rente annuelle, il n'avait pas moins de sept cent mille écus de
i. Arch.Nat., K i5C>4, n° 161, déchiffr. ; dép. do Mendoça à Philippe II,
de Paris, 26 sept. i580.
■2. L'Épinois (II. de), La Ligue et les papes, p. 5G.
LA DÉFECTION DE NE VERS 169
dettes. Son cousin le duc d'Aumale se trouvait dans une situa-
tion analogue. Mayenne, s'il était plus riche qu'eux grâce à la
fortune de sa femme, devait aussi beaucoup plus K La guerre
était donc nécessaire aux Lorrains et, pour la déchaîner, Guise
usa du moyen qui l'année précédente lui avait déjà servi :
réunir tous les chefs catholiques, faire connaître hautement
leurs doléances et les appuyer avec une belle armée. Bref tou-
jours l'intimidation, la menace, si on allait contre sa volonté.
Sous le prétexte de reprendre Auxonne encore sans gouver-
neur, il réunit des troupes et fit des levées en Allemagne -. Puis
il invita le cardinal de Bourbon à le rejoindre à Soissons. ainsi
que son frère le cardinal de Guise et le duc d'Aumale.
Le prélat, après le départ de la reine-mère, était resté quelques
jours à Paris, déclarant à qui voulait l'entendre qu'il n'avait
jamais consenti au voyage, qu'au contraire il se refuserait tou-
jours à négocier avec les hérétiques et ne faiblirait point dans
ses réclamations :!. Puis il était retourné dans son diocèse. A
l'appel de Guise il s'en vint le trouver.
Cette assemblée, fixée à Soissons dans les derniers jours de
septembre, ne devait pas être secrète. Il fallait au contraire qu'on
en parlât beaucoup. Cependant, pour garder une apparence de
modestie, les Lorrains et le cardinal se réunirent non pas à
Soissons, que le traité de Nemours donnait comme sûreté au
prélat, mais dans l'abbaye d'Ourscainps, dont les cardinaux de
Bourbon et de Guise se partageaient les revenus *.
Le but des ligueurs était double. Ils voulaient empêcher les
1. Négociations diplom. avec la Toscane, t. IV, p. 688 ; de Paris, 18 mai 15S7.
■>.. Bibl. Vil., f. ital., ms. 1700, p. 1 44, copie ; dép. desambass. vénitiens,
de Paris, 39 août i586. Voir aussi De Groze , Les Guises, les Valois et Phi-
lippe II, t. I, p. 378; lettre du duc de (Juise à Mendoea, de Nancy,
17 juill. i58C.
3. Arch. Nat., K [564, n° t3o, déchiffr. ; dép. de Mendoça à Philippe II,
de Paris, 7 août 1086.
4. Bibl. Nat.. f. fr., ms. \~i\. 1" 33, autogr. ; Lettre du card. de Bourbon
au duc de Nevcrs, de Froidmont, 21 sept. 1 580. — Lettres confident, de
G. de Cornac au duede \evers dans Revue Henri l\ , [909,1. III. p. i38 ; 9.1.,
21 sept. 1 586.
I'yO LE ROLE POLITIQUE DU CARDINAL DE BOUKRON
conférences de la reine-mère et du Béarnais et reconquérir la
confiance du peuple. Mais, dès les premiers jours, une nouvelle
inattendue les jeta dans une anxiété profonde : madame de Sois-
sons, sœur du cardinal de Bourbon, s'en allait trouver le roi de
Navarre pour l'exhorter, disait-on, à revenir au catholicisme '.
En effet, ainsi que de nombreux catholiques, le roi crut voir là
une tentative des Lorrains pour s'allier' à Navarre, d'autant plus
qu'on assurait à la cour que l'abbesse avait passé près de Guise
les quelques jours qui avaient précédé son départ2. C'était porter
contre les ligueurs la pire des accusations, celle de conspirer
contre leur roi, de chercher leur intérêt même en s'abouchant
avec les hérétiques. Le roi d'Espagne, le pape ne pouvaient-ils
entrer en défiance au moment même où leur alliance était si
nécessaire ?
Guise et le cardinal de Bourbon se hâtèrent de déclarer qu'ils
n'étaient pour rien dans le voyage de l'abbesse et qu'ils igno-
raient ses intentions3. Le prélat, qui semblait le plus compromis,
puisque madame de Soissons était sa sœur, envoya sur-le-champ
un gentilhomme au nonce : il se disait froissé des soupçons qui
pesaient sur lui, car il n'avait jamais pensé à de semblables
pratiques et il ne traiterait à aucun prix avec les huguenots,
dût-il perdre tous ses parents, ses biens, la vie même ; quant à
sa sœur, il ne la voudrait plus voir. Tout ceci n'était, d'après lui,
qu'une ruse de la reine-mère pour jeter le discrédit sur leurs
desseins1. Heureusement on connut bientôt la vérité. Madame
de Soissons revint sans avoir rien obtenu. Elle avait entrepris
i. Arch. Nat., K i564, n° 161, déchiffr. ; dép. de Mendoça à Philippe II,
de Paris, 26 sept. i586.
:>.. Bibl. Nat., f. ital., ms. 1735, p. i64, copie ; dép. des ambass. vénitiens,
de Paris, 10 oct. i586.
3. Bibl. Nat.. f. ital., ms. 1735. p. 164. copie; dép. des ambass. vénitiens,
de Paris, 10 oct. [586.
4. Arch. du Vatican : lettere délia segreteria di stato. nunziatura di
Francia, t. XVIII, f" 173, orig. ; dép. de l'archevêque de Nazareth, nonce,
an cardinal Rusticucci, de Paris, i3 oct. i586. (Pièces justif. 11° XIV.) —
\rch. Nat., K i56'4, a" 182, déchiffr. ; dép. de Mendoça à Philippe II, de
Paris, 8 oct. i">86.
LA DEFECTION DE NEVERS I •y I
ce voyage, affirmât-elle, de sa propre initiative, espérant
ramener son neveu à l'obéissance de Dieu et du roi '.
L'incident réglé, le premier soin des chefs ligueurs réunis à
Onrscamps fut de déclarer que leur unique but était d'aviser
aux mesures nécessitées par l'arrivée sur la frontière des reîtres
de Navarre et de se préparera donner leur opinion, quand on
les informerait de l'accord conclu entre la reine-mère et les
huguenots; car, en un temps aussi troublé, on ne pouvait pas
ne pas prendre conseil du duc de Guise, pair de France, et du
cardinal de Bourbon, premier prince du sang 2. Puis ils firent
connaître toutes les infractions aux articles de Nemours et
réclamèrent l'application intégrale de l'édit de juillet. Comme
il vaut mieux couper au malade la partie gangrenée de son
membre qu'essayer de la sauver au péril de sa vie, ils décidèrent
de ne jamais consentir à un accord avec les hérétiques 3.
Après de telles déclarations, Henri III et Catherine de Médicis
comprirent l'inutilité de tout effort conciliateur. Un propos de
l'ambassadeur espagnol, plus significatif encore que tous les
gestes des ligueurs, leur dévoila les véritables intentions des
rebelles. Celui-ci prétendit que, même revenu au catholicisme,
un excommunié ne pouvait songer à la royauté4.
Au reste le Lorrain passades paroles aux actes. Pendant que
le cardinal revenait à Gaillon, il partit dans l'est et mit le siège
devant Rocroy. Les opérations traînées en longueur lui permi-
rent de réunir une armée puissante. En conséquence Catherine
i. Arch. Nat., K i564, ti° 180, et Bibl. Nat., cinq cents Colbert, t. \\\,
f° 48 ; récit anonyme du voyage de madame de Soissons auprès du roi de
Navarre.
a. Bibl. Nat., f. ital., ms. 1735, p. 164, copie ; dép. des ambass. vénitiens,
de Paris, 10 oct. t586. Arclt. Nat.. K [564, n [69, déchiffr.; dép. de Men-
doça à Philippe II, de Paris, 1" oct. 1086.
.i. Vrcb. du Vatican : lettere delta segreteria di stato, nunziatura di
Francia, t. \I\, p. 3ai, copie; mémoire émanant du duc de Guise,
d'Ourscamps, 8 oct. 1Ô8G. — Bibl. Nat.. f. h\, ms. 3974, f" 247, copie;
« extraict de la résolution l'aicte en l'assemblée d'Horcan ou commance-
ment du moys d'octobre [586 Ourscamp, 7 ocl. i586J. »
i. Négociations diplom. tirer tu Toscane, t. IN. p. (iii'i ; de Paris,
1 1 nov. i58G.
I72 LE ROLE POLITIQUE. DU CARDINAL DE BOURBON
de Médicis dut refuser toute concession aux protestants. L'in-
transigeance du roi de Navarre précipita encore le dénouement
et vers la fin de décembre on n'eut plus aucun espoir d'accom-
modement.
Le cardinal de Bourbon était revenu à Paris dès les derniers
jours de novembre. Il y continua sa politique intolérante.
Trouvant même que les huguenots s'y montraient trop auda-
cieux, il n'hésita pas à en tirer « une punition exemplaire... de
son authorité... par son bailly » '. Henri III laissait faire. Quand
il eut apprit l'échec de sa mère, il se déclara prêt à combattre
les hérétiques jusqu'à l'extermination -.
Une fois de plus, Guise et le cardinal avaient acculé le roi
à la guerre.
i. Lettres confident, de G. de Cornac au duc de Nevers dans Bévue Henri IV,
1909, t. III. p. 139-iio; de Paris, 27 déc. i586. — Je n'ai pu retrouver aucun
détail complémentaire sur le fait allégué par Cornac.
■1. Mémoires-journaux de P. de L'Estoile, t. III, p. 2. — Négociations diploin.
avec la Toscane, t. IV, p, (170; de Paris, 2ojanv. 1587.
CHAPITRE V
LÀ GUERRE DE 1087
Encore une fois les ligueurs ont triomphé. Après avoir fait
proscrire les protestants par ledit de juillet i585, excommunier
leur chef par la huile de Sixte-Quint, Henri de Lorraine et
Charles de Bourbon ont rendu la lutte inévitable avec l'échec
de toute négociation.
Par un curieux changement d'opinion, les deux alliés aban-
donnés àleurs propres forcesau commencement de i586, quand
la guerre languissait et quand Catherine voulait s'aboucher avec
Navarre, trouvent maintenant des amis de tous côtés. Au
milieu de l'année précédente, une famine cruelle a sévi et l'on
put voir les pauvres gens manger les épis de blé à demi mûrs
pour ne pas mourir de faim1. La maladie est venue augmenter
la misère. Devant l'inertie de Henri 111 tout à ses dévotions,
les hésitations de Catherine qui n'aboutissent point, on se
tourne vers ceux qui manifestent quelque énergie. On cherche
la protection des uns pour éviter d'être victime des autres. Le
plus grand nombresuil le parti que le roi adopte officiellement,
celui de la guerre et des ligueurs2.
On ne tarde pas à avoir despreuves certaines de la puissance
de la Ligue. La hardiesse de (luise en est une, qui met le siège
devant Sedan et s'obstiue à \ rester malgré les ordres de
Henri III. \ Lyon, quelques habitants se réunissent pour empê
cher qu'Épernon ne s'empare de leur province et décident même
1. Mémoires-journaux deP. île L'EstoUe, t. II. p. 353.
■a. Celle situation ressort admirablement des dépêches de l'ambassadeur
toscan de janvier à mai 1587. \. Négociations <//'/>/<"/i. urée In Toscane, t. IV,
p. 667 à 690.
l^k LE ROLE POLITIQUE DU CAHD1N.VL DE BOUU.BON*
de faire des levées en Suisse et en Allemagne. En Auvergne, la
reine de Navarre et le marquis de Canilhac poussent à la guerre 1 .
En Picardie, l'audace du duc d'Aumale n'a plus de bornes. Il
s'empare de Péronne et tente un coup de main sur Boulogne.
Repoussé, il fait assassiner le capitaine La Pierre qui a défendu
la ville2. A Paris même, un complot se forme pour enlever le
roi ; il n'échoue que par trahison :i. L'ambassadeur toscan écrit
avec raison que, si Henri II! vient à mourir, Guise se trouvera
maître de la moitié de la France4.
Le souverain se rend parfaitement compte de la situation,
mais son insouciance, sa mollesse, son dénûment le font
hésiter. La guerre est inévitable et cependant il ne veut point
y songer. Il cherche l'oubli dans la dévotion5 et attache encore
quelque espérance aux négociations que sa mère s'efforce vai-
nement de renouer avec Navarre. Catherine l'aide, pour son
malheur, de sa politique d'expédients, qui apaise un moment
les difficultés sans les résoudre jamais. Cette politique, le roi
sans cesse à court d'argent l'adopte, car il en espère un peu de
tranquillité. Erreur ! Les difficultés renaissent, toujours plus
grosses.
Cependant les audaces de la Ligue sont parfois si grandes
qu'elles provoquent chez le souverain un sursaut d'énergie.
Non content de régner en maître sur presque toutes les villes
picardes et d'y exercer une autorité qu'aurait dû seul posséder
le véritable gouverneur Condé. le duc d'Aumale fut assez
téméraire pour envoyer deux de ses capitaines intriguer dans
1. Négociations diplom. avec la Toscane, I. IV, p. G73-6-4 ; de Paris,
i(i févr. 1587.
2. Ibid., p. 083; de Paris, 3i mars 1087. — Mémoires-journaux de P. de
VEstoile, t. III, p. 38.
3. Robiquet (P.), Paris et la Ligue, p. a'uj et suiv.
4. Négociations diplom. avec la Toscane, t. [V, p. 682 ; de Paris,
3i mars 1587.
5. Négociations diplom. avec la Toscane, t. IV, p. 67/i ; dp Paris, iG févr.
1887 : « Il rc, più clic mai divolo, si rinchiude ordinariamente negli
oratorii di alcuni luoghi più solitarii, fatti da lui per quest' elTctto, et non
si vede se non alla sfuggita. »
La glerre de 1587 i~5
Paris. Les deux hommes surpris furent jetés en prison ; à peine
y étaient-ils que le cardinal de Bourbon vint réclamer leur mise
en liberté1. Furieux. Henri III voulut déléguer en Picardie un
homme énergique, qui, remplaçant Coudé dans ses fonctions
de gouverneur, pût y faire respecter son autorité; il choisit le
duc de Nevers -.
Or ce gouvernement appartenait depuis fort longtemps à la
maison de Bourbon, qui le considérait presque comme un bien
héréditaire. La résolution du roi souleva donc de grandes pro-
testations chez les membres catholiques de la famille capables
d'aspirer à la charge, et, le premier, s'en plaignit le cardinal,
qui ne trouvait plus désormais aucun avantage à soutenir
les intérêts de Gonzague3. Henri III pensa tout concilier en
promettant la lieutenance au comte de Soissons après la mort
de Nevers, s'il épousait Catherine de Gonzague dont le projet
d'union avec Montpensier n'avait pas abouti. C'était reprendre
la combinaison que le cardinal et Guise avaient eu tant de
peine à faire échouer ; et celle fois elle semblait bien près de
réussir puisque le roi la désirait.
Le vieillard, dont la parenté avec le jeune homme justifiait
l'intervention, la déconseilla ouvertement. Selon lui la fille de
Nevers était trop pauvre pour s'unir à son neveu, d'autant que
le royaume offrait de nombreuses héritières bien plus dignes
qu'elle de la main d'un prince du sang. Il ajoula, pour donner
plus de poids à ses raisons, qu'on avait parlé d'un mariage
entre les familles de Guise et de Nevers4; et, si le roi cher-
chait par ce projet à mettre la discorde entre elles, les choses
1. Bibl. Nat., f. ital., ms. 1736, p. 1, copie: dép. des ambass. vénitiens,
de Paris, 2 mars 1087.
■>.. Bibl. Nat., f. ital., nis. 173O, p. 36, copie; dép. des ambass. vénitiens,
de Paris, 10 avril 1587.
3. Arch. Nat., K t566, n 88, déchiffr. ; dép. de Mendoça à Philippe 11, de
Paris, 9 avril 1.187. — Bibl. Nat., f. ital., dis. 1736, p. 36 et 37. copie; dép.
des ambass. vénitiens, de Paris, 10 avril 1 ."> N 7 .
4. Un a vu pins haut, p. 274, que Nevers n'avail point ôté aux Lorrains
tonte espérance de s'allier à eux, voulant conserver, si possible, leur
amitié.
17<) LE RÔLE POLITIQUE DU CARDINAL DE BOURBON
pourraient bien avoir un résultat tout différent de celui qu'il
espérait '.
Ces menaces n'effrayèrent point Henri III. Il lit consentir
Gonzague à donner quinze cent mille écus de dot à sa fille et
il en promit pour sa part cinq cent mille. De nouveau interrogé,
le cardinal cacha mal son dépit; puisque le roi voulait celle
union, déclara-t-il, il la considérait comme faite, et il s'excusa
de ne point donner son avis2. Le mariage semblait certain,
quand le comte de Soissons vit dans le refus qu'opposa la
noblesse de Picardie à recevoir Ne'vers comme gouverneur un
motif suffisant pour l'ajourner3. En réalité ce fut une toute
autre cause qui fit hésiter le jeune ambitieux. Le roi de Navarre,
désireux de l'attirer dans son parti, lui avait promis la main
de sa sœur. Il abandonna Catherine de Gonzague dans l'espé-
rance de Catherine de Bourbon *.
Ainsi, quand le roi montrait quelque énergie, les intrigues
de ses adversaires ou même le hasard des circonstances venaient
annihiler ses efforts.
Cependant la guerre était fatale et il fallut s'y préparer, car
les reîtres soldés par Navarre s'apprêtaient à franchir la fron-
tière. Pour faire disparaître toute mésintelligence entre roya-
listes et ligueurs, une fois de plus Catherine de Médicis crut
indispensable de s'en aller trouver Cuise et elle convoqua en
même temps le cardinal de Bourbon, chef nominal du parti5.
i. \nh. Nat., K i56G, n° 88, déchiffr. ; dép. de Mendoça à Philippe II, de
Paris, 9 avril i.">8-.
2. Arch. Nat.. K i566, n° 97, déchiffr. : dép. de Mendoça à Philippe M.
de Paris. 12 avril 1587. — Ségociations diplom. avec la Taxante, t. IV,
p. 085 ; de Paris, 12 avril 1087.
3. Ai cli . Nat., K 1 ÔGG, n° 101, déchifir. ; dép. de Mendoça à Philippe II,
de Paris, 19 avril 1587.
\. Arch. Nat., K [566, n" 110, déchiffr. : dép. de Mendoça à Philippe II.
de Paris, 25 avril 1587.
5. Bihl. Nat., f. ital., 111s. 1736, |>. 65, copie; dép. des ambass. vénitiens,
de Paris, [3 mai 1587.
LA GUERRE DE 1687 177
lue fois de plus celle femme, toujours eu quête d'espérances
vaines, criit trouver dans la ruse une aide à sa politique.
Comme le cardinal avait promis « d'employer le verd et le
sec pour contenter le roy ' », elle pensa qu'il sérail peut-être
facile de le gagner. Quand elle rencontra les chefs ligueurs
sortis au devant d'elle à quatre lieues de Reims, elle les embrassa
tous sauf l'archevêque, parce que, lui dit elle, il était de sa
troupe-. Le prélat ne pouvait rester insensible à tant d'atten-
lion. mais la tentative de la reine fut bien inutile. Guise pré-
sent, le vieillard élail toujours de sa troupe.
A ces conférences de Reims, le cardinal de Bourbon garde sa
même altitude des conférences d'Epcrnay. Il prend la parole
pour excuser son parti, discourt longuement en termes vagues
et sauve Guise par son intervention chaque fois que celui-ci
s'est laissé surprendre parles habiles manœuvres de Catherine.
Quand le Lorrain a des réclamations justes à faire, il les pré-
sente lui-même; sinon, c'est le prélat qui parle et qui assume
ainsi toute la responsabilité.
Une des questions les plus difficiles à traiter pour les chefs
ligueurs fut celle relative aux villes de Picardie, car ils ne
purent trouver d'excuses à leurs séditieuses menées dans la pro-
vince. Aux premiers reproches de Catherine, Jls répondirent
que tout s'était passé à leur insu et qu'ils avaient envoyé un
genlilhomme aux informations3. C'était éluder habilement la
discussion, mais la reine-mère revint à la charge. Le cardinal
lui assura qu'ils « estoient très humbles, 1res obligés et 1res
affectionnés serviteurs» du roi, qui trouverait toujours en eux
obéissance et affeel ion. A une troisième attaque de Catherine
qui menlendail point se payer de mots, il répliqua qu'on trou-
verait "en eux l'affection et la 1res humble obéissance » (pie
l'on pouvait désirer. C'était par trop d'audace. La reine-mère,
furieuse d'être ainsi jouée, leur dil qu'il fallait procéder plus
1. Bijbl. Nat., f. fr., ms. '17.il, t' 179, autogr. ; lettre de Bellièvre à Bru*
lart, de Goupernay, i3 mai 1 ■"> s 7 .
:*. lettres de Calh. de Médicis, 1. i\. p. aoô ; au roi.de Reims, ->.\ mai \'^-r
3. Ibidem.
Sallmer. — Cardinal de Bourbon, 12
178 LE RÔLE POLITIQUE DU CARDINAL DU BOURBON
franchement, que tous les catholiques devaient s'unir pour
éviter quelque malheur. « Le cardinal de Bourbon a respondu
que c'estoit ce qu'il falloit faire, et que ceste après-disnée seroit
pour la course des dames1». C'est ainsi que Guise se débar-
rassait des questions difficiles.
La discussion fut reprise les jours suivants, mais les ligueurs
ne répondirent jamais que « d'honnestes paroles-)-. Quand
Catherine se montrait par trop pressante, on lui déclarait que
les villes étaient aux mains des catholiques et qu'il fallait
mieux s'occuper de celles que tenaient les huguenots3. On
décida que, sur ce point, les choses resteraient en état jusqu'au
Ier octobre 4.
Pour beaucoup de questions, il fallut user du même expé-
dient . Les deux parties se défiaient trop l'une de l'autre pour
tomber sincèrement d'accord. Toutefois les conférences abou-
tirent à une entrevue du roi et de Henri de Lorraine dans la
ville de Meaux, qui parut sceller la réconciliation. Tous s'ap-
prêtèrent à lutter contre les hérétiques.
Charles de Bourbon avait enfin cette guerre qu'il désirait
depuis si longtemps ; il se déclara le plus heureux homme du
monde5. Et cependant l'entrée en campagne creusa plus pro-
fond le fossé qui existait entre lui et sa famille.
On se souvient qu'en i586 les Bourbons catholiques avaient
1. Lettres de Calh. de Médicis, t. IX, p. 200 ; au roi, de Reims, a4 mai 1587.
2. Ibid., t. IX, p. 210 ; au roi, de Reims. 3 juin 1587.
3. Àrch. Nat., K i566, n° i36, copie; lettre anonyme et sans adresse, du
■j'x mai 1087. — Lettres de Cath. de Médicis. t. IX, p. 4Ô9 ; procès verbal d'une
conférence du commencement de juin 1587.
4. Ribl. Nat., f. fr., 111s. li-'S^. P 208 ; mémoire donné par le roi au sieur
Jamet allant trouver la reine-mère à Reims, du 11 juin 1587. — Ribl. Nat.,
f. ital., ms. 1736, p. io3, copie; dép. des ambass. vénitiens, de Paris,
16 juillet 1587.
5. Arch. Nat., K i565, nn 20, déchiflï. ; dép. de Mendoça à Philippe II.
de Paris, itijuill. 1587.
LA GUERRE DE 1687 lï9
ébauché une contre-ligue pour s'opposer, disaient-ils, à la
ruine de leur maison. Leurs efforts avaient eu quelques succès.
Devant la guerre imminente ils décidèrent de renouveler leurs
protestations. Le duc de Montpensier, fils de l'ancien compa-
gnon du cardinal, et les deux neveux du prélat, le prince de
Conti et le comte de Soissons, se rencontrèrent à Dreux '.
Il est curieux de noter qu'ils empruntaient aux ligueurs
cette manière de manifester leur mécontentement, mais leur
réunion n'épouvanta pas tant le roi que celle de leurs adver-
saires. Il leur manquait en effet une puissante armée pour
faire reconnaître la justesse de leurs réclamations. Henri III
les somma de se rendre près de lui. Cet ordre fut le signal
de la désunion. Montpensier obéit ; Soissons au contraire,
attiré par les promesses de Navarre, descendit vers le sud ;
Conti malade attendit d'être guéri pour le rejoindre-.
Parmi les fils du prince de Condé, seul le cardinal de Ven-
dôme restait fidèle à son oncle ; encore connaissait-on ses sen-
timents peu favorables aux Lorrains, ce qui laissait croire qu'il
en voulait surtout à ses abbayes et bénéfices11.
1. Arch. Nat., K i56f>, n° .\i, déehiftï. ; dép. de Mendoça à Philippe II, de
Paris, 2 sept. 1087. — Bibl. Nat., f. ital., ms. 1736, p. i65, copie; dép. des
ambass. vénitiens, de Paris, 3 sept. 1587. — Négociations diplom. avec la
Toscane, t. IV, p. 71 !\ ; de Paris, 23 sepl. 1587.
2. Bibl. Nat., f. ital., ms. 17.36, p. 208-309, copie; dép. des ambass. véni-
tiens, de Paris, 9 oct. 1587. — Négociations diplom. avec la Toscane, t. IV,
p. 717; de Paris, ier oct. 1087. — Pour justifier sa conduite, le comte de
Soissons crut bon de publier les raisons qui l'avaient poussé à se joindre
à Navarre. Il fit suivre sa déclaration d'une lettre au cardinal de Bourbon,
dont le style ferme et parfois éloquent révèle la plume d'un Duplessis-
Mornay : « Je scais bien, disait-il, l'honneur que je vous doibs et n'y
vouldrois manquer. Aussi porté-je impatiemment le tort qui vous a esté
faict, quand on a couvert la conspiration contre Testai de vostre nom,
quand de vostre propre main on vous a faict signer vostre ruync. Or,
Monsieur, vous estes trop prudent pour ne l'avoir cogneu, et plus vous avés
esté circonvenu, plus vous avés de raison de vous en ressentir. » Cf. Décla-
ration des causes qai ont meu monseigneur le comte de Soissons de prendre les
armes avecqaes copies des lettres du d.icl seigneur comte tant au roy qu'au car-
dinal de Bourbon et aultres, s. I., 1587, in-8° ; publiée dans Mémoires et
correspondance de Duplessis-Mornay, t. III, p. 528.
3. négociations diplom. avec la Toscane, I. IV, p. ("197 ; de Paris, •") juill. 1 f> S 7 .
tSo LE ROLE POLITIQUE DU CARDINAL L>E BOURBON
Cependant rien ne troubla la joie de Charles de Bourbon.
D'un cœur léger il considéra le commencement des hostilités.
Le plan de campagne était simple. Pendant que Joyeuse
combattrait Navarre et Guise les Allemands, Henri III s'éta-
blirait sur la Loire pour dominer la situation. Mais, de même
qu'en i586 le manque d'argent avait nui à la conduite de la
guerre, cette fois encore il menaçait de gêner les opérations.
Catherine de Médieis et le cardinal de Bourbon restèrent à
Paris pour tacher d'y remédier.
Les dépenses énormes exigeaient autre chose que quelques
impôts nouveaux ou certaines créations décharges habituelles
en pareil cas. Aussi songea-ton naturellement à celte alié-
nation de cent mille écus de rente des biens d'église accordée
par le pape en i586etqui n'avait été exécutée qu'à demi. Le
roi avait en vérité promis de ne pas l'exiger, les membres du
clergé juré de ne jamais y consentir; mais les circonstances la
réclamaient si impérieusement que Sixte-Quint, par un nou-
veau bref du 3o juillet 1587, désigna six commissaires pour y
procéder. Ce furent les cardinaux de Bourbon et de Cuise, le
nonce, l'évêque de Paris et les deux agents du clergé. Le
vieillard se donna tout entier à sa tache.
Parmi les commissaires, il fallait compter d'avance sur la
mauvaise volonté des agents du clergé. Mais où l'on rencontra
une résistance bien inattendue, ce fut chez le cardinal de Guise
qui se prétendit lié par le serment fait l'année précédente.
Malgré les assurances du nonce qui lui promit de l'en faire
délier par le pape ', malgré les supplications de Catherine-, il
refusa son consentement; bien mieux, il fit de son diocèse un
cen lie de protestation 3.
1. Lettres de Calh, <le Médieis, t. 1\, p. 270; au roi, de Paris, G nov. 1587.
1. lt>id., t. IX, p. a3a ; au cardinal do Guise, de Paris. iG sept. 1587. —
La date doit probablement être corrigée en ai septembre, bien que le
manuscrit, connu d'ailleurs par une copie, porte iG, comme le laisse
supposer la lettre au roi de Paris, :>i septembre i5&7, p. 235.
[\. Scrbat (L.), Les assemblées du clergé de France de ièSi à lôiô, p. 128
cl 129.
LA GUERRE DE 1687 l8l
Charles de Bourbon fut fort surpris de celle attitude. Il ne
comprit pas pourquoi on voulait refuser au roi. des secours qui
lui étaient si nécessaires. Il est évident que le cardinal de
Guise cherchait à créer des difficultés à Henri III. Etait-ce de
sa propre initiative ou sur les conseils de son frère? Le duc
savait bien que rien de cet argent ne lui reviendrait. S'il avait
une aimée déjà forte, c'était à lui seul qu'il la devait et non
aux très faibles subsides que le souverain lui faisait parvenir.
En prenant si audacieusement la défense du clergé, les Lor-
rains se ménageaient au contraire sa faveur pour l'avenir j.
Quoiqu'il en soit, les agents se sentant soutenus refusèrent de
s'employer à la répartition des rôles. Le cardinal de Bourbon,
le nonce et l'évêque de Paris n'osèrent point y procéder seuls.
Pour vaincre toute résistance, le roi. pria le pape d'aug-
menter le nombre des commissaires. A cette nouvelle, les
prélats et cardinaux présents à Paris se réunirent en hâte et
offrirent d'un commun accord de fournir une grosse somme
d'argent qui rendrait inutile l'aliénation. Henri III voulait sur-
tout un secours rapide; il accepta. Cette heureuse transaction,
qui sauvegardait les intérêts du clergé tout en satisfaisant
le roi, rallia les suffrages du cardinal de Bourbon et de la
reine-mère. Mais, tandis que l'aliénation laissait espérer douze
cent mille écus, les prélats en promirent seulement quatre
cent mille2. Catherine voulut au moins contraindre l'assem-
blée à de plus grandes largesses et, grâce à la complicité du
vieillard, elle \ parvint3. Le pape ayant répondu favorablement
aux prières du roi et désigné deux nouveaux commissaires1, le
cardinal, assisté du nonce et de l'évêque de Paris, releva les
1. Arch. Mat., K 1 565, nV'42, orig. ; nouvelles anonymes sur les affaires
de France.
2. Bibl. \at., f. ital., ms. 17.H6, p. 218, copie; dép. des ambass. vénitiens,
de Paris, 22 oct. 1587. - Lettres de Cath. de \lnlicis, I. I\, p. 2^0 el aoi ; au
roi, de Paris, 27 sepf. et 16 bct. 1587.
3. Lettres de Cath. de Médicis. t. I\. p. 2.5i ; au roi.de Paris, ifi oct. 1587.
4. Collection des procès-verbaux des ass. générales du clergé de France
depuis 1560, t. I. p. 426. — Serbal (L.), Les assemblées du clergé de France
de t:,i:t à ici.',, p. 128.
102 LE ROLE POLITIQUE DU CARDINAL DE BOURBON
rôles des dernières taxes pour procéder à l'aliénation. Bien que
tous trois eussent déclaré qu'ils ne les signeraient pas sans le
consentement unanime de leurs collègues, les agents effrayés
convoquèrent une assemblée régulière du clergé de France.
Avant même que les députés fussent réunis, les rôles généraux
et particuliers de chaque diocèse étaient dressés; il ne restait
plus qu'à mettre en vente1.
Tout ceci n'était que feinte. En effet Henri III, comprenant
qu'une aliénation faite contre l'assentiment du clergé serait
difficile et que l'argent rentrerait lentement, déclara y renoncer
si l'assemblée lui donnait six cent mille écus ; craintive, elle
consentit cinq cent mille, et il accepta d'autant plus facilement
que des événements fort graves étaient survenus2. Tout s'était
passé contre ses prévisions. Tandis que Joyeuse se faisait tuer
à Coutras, Guise, après les combats de Vimory et d'Auneau,
forçaient les Allemands à demander grâce.
Le cardinal pleura sans doute sur la défaite de l'armée
royale. Mais les succès de son allié le consolèrent vite. Le
triomphe de Guise compensait largement le désastre de
Henri IIP.
i. Bibl. Nat., f. ital., ms. 1736, p. 255, 268 et 3oi, copie; dép. desambass.
vénitiens, de Paris, 9 et 24 nov., 17 déc. 1587. — Lettres de Cath. de Uéilicis,
t. IX, p. 270, 290, 307 et 3i2; au roi, de Paris, 6 et 20 nov., 2 et 12 déc.
1587. — La reine-mère, dans une missive adressée à Villeroy, de Paris,
18 déc. 1687 (p. 3i6), dit que le cardinal de Bourbon est en grande colère
d'une lettre qu'il a reçue du roi. Peut-être Henri III, fatigué de tous ces
retards, l'avait il accusé d'en être la cause. Pourtant quelques jours après,
le 11 janvier i588, le roi l'exhortait à poursuivre ses travaux en termes fort
aimables. V. Bibl. Nat., f. fr., ms. 33oa. f" 63 v°, copie.
2. Collection des procès-verbaux des ass. du clergé de France depuis 1560,
t. I, p. 434. — Serbat (T.), Les assemblées du clergé de France de 1561 à 1615,
p. i3i-i32.
3. L'attitude du cardinal de Bourbon à la nouvelle de la bataille de
Coutras est rapportée bien diversement. L'Estoile (Mémoires-journaux, t. III,
p. 68; déclare que le cardinal pleura « comme un veau ; lequel poussé d'un
vrai zèle catholique, id est ligueur, en aiant receu les nouvelles, dit qu'il
eust voulu que le roi de Xavarre, son nepveu, eust esté en sa place [celle de
Joyeuse] et qu'il n'y eust eu tant de perte de lui que du dit duc de Joyeuse ».
Palma Gayet au contraire {Chronologie novenaire, p. 232) rapporte ces
LA GUERRE DE l587 I 83
paroles attribuées au cardinal : « Loué soit Dieu, le roy de Navarre, mon
nepveu, est demeuré victorieux; nostre ennemi est mort. Ainsi en prendra-
il à tous ceux qui s'attaqueront à nostre maison. Vive Bourbon ! Dieu
donne bonne vie au roy; mais j'espère que, s'il mouroit sans hoirs, que je
verray mon nepveu roy ; toutefois je me garderay bien d'en parler en
Testât où sont les affaires. » Parmi les ambassadeurs étrangers, seul l'am-
bassadeur toscan parle de son attitude. {Négociations diplom. avec la Toscane,
t. IV, p. 731 ; de Paris, ie' nov. i58-). Le cardinal aurait dit que Joyeuse
avait appris à ses dépens ce qu'il en coûtait de s'attaquer au sang des
Bourbons. Cette inimitié contre le favori s'explique parce que celui ci avait
déclaré avec fierté, lors de son départ, qu'il rapporterait bientôt les tètes
de Navarre et de Condé ( De Thon, Histoire universelle, t. X, p. 726, variante).
Mettant à part la raillerie de L'Estoile, qui dans son œuvre est toujours
hostile au cardinal, et la bienveillance trop grande de Palma Gayet, je
crois que le seul trait qu'il faille retenir est le grand respect que le prélat
eut toujours pour le sang des Bourbons, respect qui sert grandement à
comprendre ses fluctuations.
CH\ PITRE VI
LES AUDACES DE GUISE
La campagne de 1087 se termina sans résultat définitif et
l'on attendait le printemps pour recommencer la lutte, quand
L'attitude de Henri de Lorraine fit dévier le cours des évé-
nements.
Depuis i585 tous les efforts du ligueur n'ont tendu qu'à
conserver les avantages acquis par le traité de Nemours, et il
lui a fallu une énergie incomparable pour vaincre l'inertie de
Henri III et rendre vaines les démarches conciliatrices de
Catherine. Mais, après ses brillants succès de la dernière cam-
pagne, il croit pouvoir pousser plus loin l'entreprise. Aban-
donnant l'habile prudence qui jusqu'ici a présidé à tous ses
actes, il s'assemble dans Nancy avec ses frères et le duc de
Lorraine pour se concerter sur les mesures à prendre. Ce n'est
plus une requête qui sort de cette conférence; le roi est
« sommé » de se joindre à la sainte Ligue, de faire publier les
décrets du concile de Trente, d'établir l'inquisition en France,
enfin d'éloigner de lui ceux qui lui seront désignés1.
Cette dernière clause vise le duc d'Epernon qui, depuis la
mort de Joyeuse, accapare la faveur royale. C'est un homme
énergique qui supplée par sa fermeté à la faiblesse de son
maître. Son influence sur lui est si considérable que l'ambas-
sadeur toscan écrit : Epernon est seul au monde -. Or, ainsi
1. Mémoires de la Ligue, I. H, p. 269 ; articles proposés en l'assemblée de
Nancy en janvier i588.
2. Négociations diplom, arec la Toscane, t. ÏV, p. 742 ; de Paris, 4janv. 1 588.
LES AUDACES DE GUISE I (S.)
que le cardinal de Bourbon l'avoue naïvement au secrétaire
Brulart, « il ne faut pas qu'un seul soit tout1 ». Guise veut
maintenant sa part du gouvernement, et, comme il se refuse à
tout partage avec le favori, connaissant trop sa puissance pour
croire qu'il sera jamais hors de ses atteintes, il faut qu'Épernon
disparaisse.
Le cardinal n'a pas assisté à la réunion de Nancy. Le parti
ligueur, c'est-à-dire Henri de Lorraine, est désormais assez
fort pour parler en son propre nom sans se recommander d'un
prince du sang. D'ailleurs l'assemblée générale du clergé a rendu
sa présence à Paris nécessaire. Pour le vieillard, le point im-
portant est la continuation de la guerre. Il faut « presser les
huguenots du coslé du Poictou » et envoyer une armée en
Guyenne-. Rien, selon lui, ne doit troubler la bonne entente
entre le roi et la Ligue, puisque le but commun est la lutte
contre l'hérésie. Quelle ne fut pas sa surprise lorsqu'il apprit
les nouvelles difficultés soulevées par ses partisans !
C'était toujours en Picardie que les troubles naissaient. Le
roi, voulant s'assurer des places que les ligueurs n'occupaient
pas encore, enjoignit aux municipalités de recevoir des garni-
sons. A l'instigation du duc d'Aumale les échevins d'Abbeville
refusèrent. Les sieurs de Bellièvre et de La Guiche partirent
trouver Guise pour régler l'incident.
Le cardinal avait bon espoir dans le résultat de la négocia-
tion. Son allié, disait-il, était prêt à obéir à Henri III, bien
qu'il eut quelque sujet de mécontentement dans l'extraordi-
naire faveur d'Épernon3 : et le prélat « voyoit ces princes en si
bonne volonté et intention de contanter le roy qu'il se pr<>
melloil que les choses iroient fort bien, que, s'il n'y voyoit
clair, il ne le vouldroit pas dire, et. quant ils feroienl aullre-
ment. il seroit celluy qui crieroil le plus après eulx et les en
blasmeroit par tout le monde ». Il se chargea même d'écrire
i. Bibl. Nat., f. fr., ms. 15909, f° 58, autogr. ; lettrede Brulart à Bellièvre,
de Paris, 17 mars i588.
2. Ibidem.
3. L'Épinois (H. de), La Ligue cl les papes, p. 108-109.
l86 LE RÔLE POLITIQUE DU CARDINAL DE BOURBON
au duc d'Elbeuf, qui laissait soupçonner do méchants projets *.
Cependant les actes des ligueurs ne répondirent point aux
assurances du prélat. Lorsqu'Abbeville consentit à recevoir une
garnison royale, Aumale en occupa deux faubourgs et refusa
de laisser entrer les compagnies -.
Rendu furieux par cette nouvelle audace, Henri III voulut
marcher lui-même sur la Picardie à la tète d'une armée. Le
cardinal de Bourbon s'entremit alors 3. Il s'efforça d'excuser le
duc d'Aumale, affirmant qu'on obtiendrait tout de lui et de ses
amis si on dirigeait au contraire les troupes sur la Guyenne. A
sa prière le roi promit de rappeler ses garnisons après un séjour
de trois semaines seulement dans les villes et de les envoyer
aussitôt combattre Navarre4. En somme Henri 111 ne désirait
qu'affirmer son autorité, sans vouloir même en user. Fort de
ces déclarations, le vieillard résolut d'apaiser lui-même le
conflit et partit trouver Guise à Soissons. Son neveu le cardinal
de Vendôme l'accompagna.
Si les concessions de Henri III avaient satisfait Charles de
Bourbon, elles ne contentèrent ni Guise ni Aumale. Ce dernier
mandé par le cardinal s'excusa de ne pas le rejoindre pour ne
pouvoir abandonner ses amis, les gentilshommes picards, mis
en défiance par les agissements du roi. Le prélat dut écrire à
Paris pour justifier ce retard et prier Henri III de faciliter sa
tâche en évitant de faire naître le moindre soupçon 5.
Vu reste il ne garda pas longtemps ses illusions et changea
vite d'attitude, lorsqu'il fut près de son allié. Le Lorrain, tout
i. Bibl. Nat., f. fr., ms. 15909, f° 6/1, autogr. : lettre de Brulart à Bellièvre,
de Paris, 28 mars 1088.
2. Prarond (Ern.), La Ligue à Abbeville, 1576-1594, t. I, p. 323 à 329.
3. Bibl. \at., f. ital., ms. 1737, p. 3o, copie; dép. des ambass. vénitiens,
de Paris, 8 avril i588.
4. Bibl. Nat., f. fr., ms. 34oa, f° 1, autogr. ; lettre de Bellièvre au roi,
de Soissons, 20 avril i588. -- L'Épinois (H. de), 1m Ligue et les papes,
p. 116-117.
5. Bibl. Nat., f. fr., ms. 3.I20, f° 37, autogr. ; lettre du card. de Bourbon
au roi, de Soissons, 11 avril i588 ; — f° 46, autogr.; lettre du même à la
reine-mère, m. 1. et d.
LES AUDACES DE GUISE 187
en se déclarant le plus fidèle des serviteurs du roi, suivait
encore cette politique d'intimidation qui lui avait toujours
réussi, et Bellièvre conseillait de céder à ses volontés pour
n'avoir pas à le combattre '. Le cardinal fut bientôt convaincu
de l'utilité des manœuvres ligueuses. Mais les assurances qu'il
avait données avant son départ de Paris l'embarrassaient fort.
Il chercha une excuse à son inaction dans de prétendus obstacles
insoupçonnés. « Nous ne perdons unne seulle heure de temps,
écrivait-il à Catherine, et n'avons poinct de plus grand regret
que de veoir les difficultés qui retardent nostre bonne vou-
luntés - ». Il promit même à Bellièvre de revenir à Paris si les
choses traînaient trop en longueur3. Il fallait surtout, d'après
lui, ménager une réconciliation entre les ducs de Guise et
d'Kpernon l.
Or à ce moment même il complotait avec le Lorrain la ruine,
sinon la mort, du favori de Henri III.
Pour triompher d'un adversaire aussi dangereux qu'Éper-
non, Guise compta sur les Parisiens. La ville était fortement
organisée, bien aux mains des chefs, et déjà par plusieurs
émeutes elle avait prouvé son attachement à la Ligue et pris
conscience de sa force.
Un premier complot formé pour s'emparer du roi et de son
favori le jour du mardi-gras n'échoua que par trahison 5. Un
1. Bibl. Nat., f. fi\, ms. 34oa, f° 8, autogr. ; lettre de Bellièvre à Brûlait,
de Soissons, 21 avril i588.
2. Bibl. Nat., f. fr., ms. 34so, f° 5a, orig. ; lettre du card. de Bourbon à la
reine-mère, de Soissons, i/l avril i588.
3. Bibl. Nat., f. fr., ms, 34o2, f° i4, autogr. ; lettre de Bellièvre au roi. de
Soissons, 25 avril i588.
4. Bibl. Nat., f. fr., ms. 3\oi, f° 21, autogr. ; lettre de Bellièvre au roi.de
Soissons, 2G avril i588.
."). Mémoires-journaux de P. de L'Estoile, t. III, p. 30 1 ; « le procez-verbal
d'un nommé Nicolas Poulain. »
l88 LE RÔLE POLITIQUE DU CARDINAL DE BOURBON"
second fut mieux organisé. Henri de Lorraine fit pénétrer dans
la ville bon nombre de capitaines ligueurs qui la nuit du i!\ avril,
dimanche de Quasimodo, devaient ouvrir la porte Saint-Denis
au duc d'Aumale attendant à quelque distance avec cinq cenls
cavaliers. Au bruit des chevaux, Épernon, qui faisait la ronde
de dix heures du soir à quatre heures du matin, accourrai! ;
ils l'attaqueraient, le tueraient et garderaient le roi prisonnier
au Louvre *. C'était jouer gros jeu que d'assumer seul la res-
ponsabilité d'une telle entreprise. Guise chercha un appui auprès
des ennemis que la grande faveur de son rival lui avait attirés.
Leduc de Nevers était du nombre.
Il est curieux de constater combien l'intérêt avait d'influence
sur tous ces grands seigneurs. Une inimitié commune suffisait
à rapprocher deux adversaires. Les relations entre Guise et
Nevers s'étaient refroidies depuis la défection de ce dernier,
mais le cardinal de Bourbon avait toujours conservé à l'Italien
son amitié, ne pouvant oublier qu'il était son neveu. Ce fut
par son intermédiaire que le Lorrain refit alliance avec lui.
Gaillard de Cornac, familier du prélat, fut chargé d'exposer à
Gonzague le projet de Henri de Lorraine. Quel fut-il exacte-
ment ? Les documents précis manquent. Toujours esl-il que
Guise sut le montrer sous un jour tout favorable à Nevers, car
il y avait, disait-il, « pour [s]on particulier moins d'intérêts que
personne2 ». En conséquence, il lui demanda de se rendre à
Paris secrètement la veille de l'entreprise pour l'avouer aussi-
tôt faite.
Louis de Gonzague était trop prudent pour se laisser prendre
à un tel piège. Sans désapprouver le projet, il s'excusa de ne
point pouvoir gagner Paris pour différentes raisons qu'il énu-
méra longuement dans une lettre3. Son refus suffit à jeter l'in-
décision chez le duc et le cardinal ; eux aussi reculèrent devant
i. Mémoires-journaux de P. de l'Estoile, t. III, p. 862.
2. Bibl. I\at.( f. fr., ms. 3976, f° Go, orîg, ; lettre du duc de Guise au duc
de Nevers, s. 1., 26 avril i588.
3. Bibl. \at., f. fr., ms. 3976, f 54i copie ; lettre du duc de Nevers au card.
de Bourbon, s. 1., 28 avril i588.
LES AUDACES DE GUISE 1 8g
la responsabilité et remirent « une si sainte et nécessaire
enlteprinse » ta une autre fois '.
Ncvers fut un peu désappointe''. Il n'avait pas cru que son
abstention entraînerait l'échec du projet, et ce fut lui qui pro-
posa de le reprendre, étant toujours prêta sacrifier sa vie « pour
le bien de la religion catholique, service du roy el bien du
royaume-». Comprenant ses intentions. Guise et le cardinal
lui promirent de guetter l'occasion favorable à une nouvelle
tentative 3.
Pendant ce temps Henri 111 apprenait tout ee qu'on tramait
contre lui el son favori. Craintif, il fil approcher de Paris
quatre mille Suisses campés à Lagny '\ et, comme le complot
semblait surtout dirigé contre Epernon. le duv quitta la ville
bien accompagné de gens d'armes el s'en alla prendre posses-
sion du gouvernemenl de Normandie, que la mort de Joyeuse
avait laissé' vacant5. Ce départ enleva aux chefs ligueurs tout
espoir en la bonne occasion qu'ils attendaient. Après l'échec
de la ruse, ils n'avaient [tins qu'un moyen de se débarrasser de
leur rival: c'était de « se déclarer ouvertement contre [lui| el
en demander publiquement justice au roy -• . Telle fut du
moins leur intention0. Henri 111 ne leur laissa pas le temps
de l'exécuter. Sans tenir compte des déclarations du prélat qui
disail croire encore en une entente prochaine", il les somma
d'expliquer leur conduite.
Le cardinal et (mise le prirent de haut. Le vieillard informa
i. Bibl. Nat., f. fr., ms. :><j7<>. f- 5a, orig. ; lettre des cardinaux do Bour-
bon et de Cuise au duc de Ncvers, s. 1., 20 avril 1088.
■>,. Bibl. Nat., f. fr., ins. 3976, t° .".',, copie; lettre du duc de \e\ers aucard.
de Bourbon, s. 1., 23 avril i588,
?>. Bibl. Nflt, f. fr., ms. 3976, f' 56, Orig., lettre anonyme au duc de
Ncvers, s. t., :i\ avril i588.
',. Mémoires-journaux de /'. de L'Estoile, t. III. i>. 363-364 : le procez verbal
d'un nommé Nicolas Poulain. »
5. Ibid., 1. m. p. i.'i'i.
6. Bibl. Nat., f. fi\, ms. 3976, f" ii<'.. orig.; lettre anonyme au duc de
Ncvers, S. 1.. 29 avril [588.
7. Bibl. Vit., f. IV., ms. 34ao, f" iim'I Sa, orig. : lettres du card. de Bour-
bon au roi et à la reine-mère, de So'ismhis. i ', avril t588.
1C)0 LE HOLE POLÎÏJQUE DU CARDINAL DE BOURBON
Bellièvre qu'ayant travaillé, et le Lorrain plus que tout autre,
à pacifier la Picardie, ils ue voulaient pas être calomniés ; en
conséquence ils désiraient terminer proinptement ces inutiles
pourparlers ; (mise se retirerait à Chalons, et lui où il plairait à
Dieu l. La réponse du roi fut rapide ; il rappela immédiatement
son ambassadeur.
Charles de Bourbon était loin d'avoir "rempli les belles pro-
messes faites à son départ de Paris. « Mais il s'y est trouvé des
dîfficultez qui à la vérité sont fort considérables », écrivit-il à
la reine-mère pour s'en excuser -.
Devant des accusations de plus en plus violentes et précises
les chefs ligueurs payèrent d'audace. Le 7 mai le cardinal et
Guise écrivirent séparément à la reine-mère pour demander
justice des bruits fâcheux qui circulaient contre eux et le
châtiment des calomniateurs3. Le duc fit plus. Avec cette mer-
veilleuse imprudence qu'il montrait depuis le commencement
de l'année, il se rendit à Paris malgré la défense de Henri III.
C'était pour se justifier, disait-il. Le cardinal annonça au roi
l'arrivée de son allié, regrettant de ne pouvoir l'accompagner
à cause de son mauvais état de santé *.
Que le cardinal fut souffrant, il n'y a pas lieu d'en douter,
car tout le mois de mai il fut torturé par de cruelles attaques de
goutte. Toutefois Henri de Lorraine dut se réjouir de cette in-
disposition qui le débarrassait du prélat au moment où sa
1. Bibl. Vit., f. fr., ms. 3402, f" 21, autogr. ; lettre de Bellièvre au roi. do
Soissons, '«G avril i588.
2. Bibl. Nat., f. fr., ms. 2>!\o->., f" '1 1 , orig. ; lettre du card. de Bourbon à
la reine-mère, de Soissons. 3 mai i588.
'.\. Bibl. Nat., f. fr., ms. .V402, f° ^7, orig. ; lettre du card. de Bourbon à la
reine-mère, de Soissons, 7 mai i588 ; — f° 35, orig. ; lettre du duc de Guise
à la mémo, m. 1. et d.
4. Bibl. Nat., f. fr., ms. 34?o. f" 55., orig. ; lettre du card. de Bourbon au
roi, de Soissons, 9 mai i588.
LES AUDACES DE GUISE ItJI
présence près de lui eût entravé l'exécution des projets qu'il
méditait. Il put paraître hésiter un instant ' ; il n'en conserva
pas moins sa fermeté et son audace. On sait comment le soir
du 1 1 mai les troupes royales entrèrent dans Paris. Un malheu-
reux coup d'arquebuse fit surgir partout des barricades. Henri III
s'enfuit laissant sa mère aux prises avec les révoltés.
La Ligue était maîtresse de Paris et Guise chef de la Ligue.
Le cardinal de Bourbon pouvait venir. Cinq jours après le
départ du roi le vieillard arriva, toujours accompagné de son
neveu le cardinal de Vendôme2. 11 descendit à l'hôtel de Guise,
où il continua d'habiter 3.
Ce qui caractérise essentiellement le mouvement de mai i588,
ce sont les protestations de fidélité des rebelles envers leur
souverain. Ceux-ci témoignent d'un dévoùmcnt absolu au roi
qu'ils ont chassé, prétendent n'agir que pour son service et
rester toujours soumis à son bon plaisir. C'est une tactique fort
habile, qui doit leur conserver la confiance des loyalistes. Elle
est peut-être due en partie à l'influence du cardinal de Bourbon ;
du moins elle est bien faite pour atténuer ses scrupules. Dans
cette cité en révolte il faut une autorité reconnue et Guise n'a
aucune qualité pour exercer le pouvoir; il ne veut d'ailleurs
point se mettre en avant. Le cardinal au contraire, premier
prince du sang, futur héritier de la couronne, a le prestige
nécessaire pour commander, et, puisque les circonstances
l'exigent, il s'y résigne.
\vec le roi se sont enfuis deux échevins, et le prévôt des
marchands suspect a été arrêté. Il faut les remplacer. « Par
commandement de monseigneur le cardinal de Bourbon,
premier prince du sang, et aullres princes estant près de sa
personne ». les bourgeois se réunissent le uSinai dans la grande
salle de l'hôtel de ville et élisent un prévôt et deux échevins. Le
i. L'Épinois (H. de), La Ligue et les papes, p. \\o.
3. Mémoires-journaux de I'. tir I.' Extoile, I. III, p. i.V>.
3. Bibl. Nat., f. ilal., ms. 1737, p. 79, copie ; dvp. des ambass. vénitiens,
de Paris, 20 mai i588. — Histoire particulière de ce qui se passa à Paris au
jour des Barricades, publiée dans Revue rétrospectiUSk* t. IV. p. Sa6.
J02 LE ROLE l'OLITIOLE Dl CARDINAL DE BOURBON
cardinal souffrant n'a pu se rendre à l'assemblée, mais Guise y
vient avec une lettre de lui adressée aux bourgeois, où il prie le
duc de le remplacer et'd' « adviser à toul ce qui sera besoin g
pour le repos de la ville et des gens de bien, soubz le bon
plaisir et aulborité du roi. » En l'absence du cardinal Guise
reçoit également les serments des nouveaux élus1.
Cette élection a encore quelque apparence de légalité.
L'audace des deux alliés va pins loin ; ils font destituer parla
municipalité tous les colonels, capitaines et quarteniers de la
milice qui ne sont point de leur parti. Comme le parlement
proteste énergiquement, Guise traîne le cardinal à la cbambrc
des séances, et. malgré de vigoureuses remontrances du premier
président, ils font maintenir la destitution des officiers -.
Ainsi le prélat, premier prince du sang, rend par son appui
la révolte presque légitime 3. Sa signature ligure la première au
bas de la formule de serment qui circule de ville en ville pour
recueillir les adhésions au parti *. Enfin, comme il est juste,
c'est en son nom qu'on rédige la requête présentée au roi.
Guise, s'il la signe, n'y est point cité nommément 5. Pour la
remettre à la reine mère, le Lorrain a voulu attendre l'arrivée
du vieillard : mais il faut noter que, deux jours à peine après
cette arrivée, la rédaction en était entièrement achevée ° ; et, si
l'on se rappelle comment fut composé le manifeste de Péronne,
i. Registres des déiib. du bureau de la ville de Paris,, t. IX, p. 1 18 et suiv.
— Barthélémy (Éd. de), Journal d'un curé ligueur de Paris, p. 216.
•1. Bibl. \at., f. Dupuy, ms. GOi, f"s 37 v° et 38; — f. ital., ms. 1737,
p. i">f), copie; dép. des ambass. vénitiens, de Paris, 11 juill. i588, —
Mémoires-journaux de P. de L'Estoile, t. Ht. p. 169.
.'i. Cf. la lettre de la villede Paris à la municipalité de Lyon, du 26 mai i588
(Registres des délib. du bureau de la ville de Paris, t. 1\, p. 137). — Pc car-
dinal de Guise, s'emparant à Meanx de l'argent du roi. délivra une qnil-
tance au nom du cardinal de Bourbon.
',. Arch. \at., V" ;,3V|". I'" 7, et Bibl. \at.. f. IV., ms. 3q58, I'- 3o5 v".
copies.
5. Requeste présentée au roy par monsieur le cardinal de Bourbon el mon-
sieur de Guise. Chartres, i588, in-8°, publiée dans Mémoires de la Ligue,
I. Il, p. 34; — Archives curieuses, 1" série, t. XI, p. \\:>.\ — Registres des
delib. du bureau, de la ville de Paris, t. IX, p. i3o.
(i. Lettres de Cath. de Mèdicis, t. I\, p. 34a ; J»'i roi, de Paris, ao mai [588
LES AUDACES DE GLISE 1 QO
on peut supposer que la collaboration du cardinal à la requête
ne fut pas fort importante.
Cette dernière résume les désirs des ligueurs. Outre leurs éter-
nelles réclamations, ils demandent deux choses : le renvoi
d'Épernon et le pardon de la journée des Barricades '.
C'est précisément au moment où son nom est partout invo-
qué que Charles de Bourbon joue personnellement le rôle le
plus effacé. Soufflant de fréquentes attaques de goutte, il laisse
à son allié la direction de tous ses actes. Dans les négociations
engagées avec Catherine de Médicis pour amener Une entente
entre la Ligue et Henri 111, il présente quelquefois encore les
réclamations du parti 2, mais presque toujours Henri de Lor-
raine parle lui-même, secondé par un fidèle compagnon qu'une
haine contre Épernon lui a donné, Pierre d'Épinac, archevêque
de Lyon.
Néanmoins, si le prélat n'agit point, il faut compter avec
lui et la reine-mère cherche à le contenter autant que Guise.
Elle a compris que, les deux chefs une fois satisfaits, le reste
du parti lésera facilement ; aussi inultiplie-t-elle les Batteries,
les promesses. Elle assure que Henri III veut tenir désormais le
cardinal de Bourbon comme son second père et désire sa pré-
sence à la cour pour prendre ses avis, qu'il sait justes et bons.
Quant à Guise, il exercera la charge de grand maître, reprend ra
au conseil la place qui lui est due et commandera aux années
en l'absence du roi 3. Tant de bonne volonté vainc les exi-
gences des alliés. Le due et le cardinal déclarent qu'ils n'ont
jamais voulu aller contre l'autorité de Henri III et lui offrent
i. Le plus grand désir de (iuisc semble être à ce moment la disgrâce du
duc d'Épernon. « L'advis de M. d'Épinac à M. de Guise » publié dans les
Mémoires d' Estât... par M. de ViOeroy, éd. 162a, I. 11. p. 106, insiste surtout
sur ce fait. Ce fut d'ailleurs Épiaae qui rédigea la requête au roi. -— Noir
aussi pour les réclamations des ligueurs : Suite de In requeste présentée nu
roy par messieurs les cardinaux et princes traictani îles causes ei moyens de
l'union des catholiques pour lu conservation de leur religion. Paris. i.">nn, in-8°<
■a. Lettres de Caih.de Médicis, t. I\. p. 36o; au roi, de Paris, .'>i mai t588.
— L'Épinois(H. do. /." Ligue ei les papes, p. 1 73.
;;. Lettres de Cath. dr Médicis, t. IX. p. 3G."> ; au roi, de Paris, a juin i588.
Sallmek. -- Cardinal de Bourbon. 13
t q4 LE ROLE POLITIOLE Dt CARDINAL DE BOLRBON
leurs plus pures « affection et fidélité * ». Le n juillet Catherine
siffne au nom de son fils les articles de paix. C'est une seconde
capitulation. Toutes les réclamations des ligueurs sont acceptées.
Une entrevue à Chartres du roi et des deux alliés scelle la
réconciliation.
Il ne reste plus à Henri III qu'à tenir ses promesses. Par
lettres patentes du 6 août, il confère au duc de Guise une auto-
rité supérieure sur toutes les armées avec le titre de lieutenant
général -. Quelques jours plus tard, le 17 août, il reconnaît le
cardinal de Bourbon pour son plus proche parent, en consé-
quence lui donne pouvoir de faire un maître de chaque métier
dans toutes les villes du royaume et accorde à ses serviteurs et
officiers, domestiques et commensaux, les mêmes privilèges
qu'aux siens propres 3. C'est encore et toujours le triomphe de
la Ligue.
Dans ses lettres, le roi n'a pas voulu trancher la question de
succession en reconnaissant le cardinal héritier présomptif de
la couronne. Il l'a seulement qualifié de son plus proche parent.
Cela suffit à ses partisans, d'autant plus que la faveur accordée
au prélat de nommer un maître de chaque métier est un
privilège exclusivement royal. N'est-ce point une reconnais-
sance de ses prétentions au trône de France? On veut le croire.
Lorsque les lettres patentes du 17 août sont enregistrées au
parlement, Antoine Hotman déclare y trouver une confirma-
tion authentique des droits du cardinal à la couronne * ; et,
pour qu'aucun doute ne subsiste sur lincapacité du roi de
Navarre, les chefs ligueurs font composer par le dit Hotman
1. Bibl. \ai., f. i'r., ras. 34o2, f° 43, orig. ; lettre du card. de Bourbon et
du duc de (luise au roi, de \ illenauxe-la-Petitc, 23 juin i588. (Pièces pistil".
n° XV.)
2. Arch. \at., \,u 863t), f° 207; lettres patentes de Henri III données à
Chartres le G août i588 et enregistrées au parlement de Paris le 2G du mois.
3. Arch. Nat., X|a 8G3y, 1° 208 v° ; lettres patentes de Henri III données à
Chartres le 17 août i588 et enregistrées au parlement de Paris le 26 du
mois. (Pièces justif. n" XVI.) — Thou (de). Histoire universelle, t. X, p. 349-
— Mémoires-journaux de P. de UEstoile, t. III, p. 176. — Cayei (l'aima),
Chronologie novenaire, p. 61.
4. Thou (dei. Histoire universelle, t. \, p. 34<j.
LES AUDACES DE GUISE ICp
un traité pour la défense des prérogatives du prélat. L'ouvrage
parait quelque temps après en dix chapitres. S'appuyant sur les
texles des juristes, l'auteur conclut au triomphe de l'oncle sur
le neveu *.
Guise et le cardinal sont arrivés à leur but. Après avoir fait
déclarer aux huguenots une guerre sans merci qu'ils entre-
tiennent depuis i585 par la crainte qu'ils inspirent, après avoir
écarté du trône le roi de Navarre grâce à l'excommunication
de Sixte Quint, ils viennent de l'en faire exclure par Henri 111
lui-même. Mais le Lorrain ne peut-il espérer mieux ? L'édit
du ii juillet défend expressément de reconnaître pour roi un
prince « hérétique ou fauteur d'hérésie ». Or, au cours de la
dernière guerre, tous les Bourbons, sauf toutefois le cardinal
de Vendôme, ont favorisé Navarre. Ils se trouvent donc privés
de tout droit à la couronne. Guise saura s'en souvenir.
La diversité de leurs espérances devait nuire à l'accord entre
les deux alliés au fur et à mesure que celles-ci approchaient de
la réalisation.
Après la journée des Barricades, ils se délient des intentions
de Henri III à leur égard. Guise surtout, qui se sent le plus
coupable, ne se rend à Blois pour la réunion des États géné-
raux que lorsqu'il est assuré qu'on ne peut rien tenter contre
lui. Il ne craint le roi, dit-il, que dans ses appartements, mais
il dit fort juste. Aussi le duc et le cardinal, Ions deux compro-
mis, s'entr'aident, et, quand le souverain se permet de traiter
leurs derniers actes de révolte, ils protestent énergiquement et
le forcent à retirer ses paroles -.
i. Trûicté sur la déclaration du roy pour les droits de prérogative de mon-
seigneur le cardinal de Bourbon. Paris, râ.x.s, in-8°, r58 pages. — L'ouvrage
parut anonyme, mais l'attribution à Antoine Ilolnian esl certaine, si l'on
en croit de Tlion, Histoire universelle, t. \. p. 35o.
a. Cayet ( l'aimai, Chronologie, novenaire, p. 72. — Thon idei, Histoire uni-
verselle, t. \, p. 391-392.
tqt) LE ROLE POLITIQUE DL CARDINAL DE BOURBON
Par plusieurs fois Henri de Lorraine, toujours en éveil, fait
appel à son allié dont la vieillesse s'endort un peu. Les habi-
tants de -Langres ont abattu un certain mur qui réunissait
révêché à une tour des remparts, car le roi leur a confié la
garde de la ville et, disent ils, ils ne peuvent en répondre s'ils
ne sont pas maîtres des tours. Comme l'évêque a porté plainte
an conseil, Guise y mène le cardinal *« exprès pour cela ». et
les réclamations des deux hommes sont si vives que, sans
vouloir entendre les délégués des Langrois, on leur donne
tort1. Cependant Cuise use de moins en moins de ce procédé.
Il est assez fort par lui-même pour ne plus avoir besoin de
chercher un appui auprès du vieillard. Jusqu'à présent son
audace lui a pleinement réussi et il pense qu'il se rendra
toujours maître de Henri [II « par bravade, car c'est un roi
qui veut qu'on lui fasse peur2 ».
Le cardinal de Bourbon, selon le mot de l'ambassadeur tos-
can, est toujours « archicatholique :) ». Il a voué à l'hérésie
une haine implacable et si violente que la mort subite de son
neveu le prince de Condé, qui disparaît à trente-cinq ans et
dans des circonstances fort bizarres, ne lui cause aucun regret.
Il y voit seulement une manifestation de la justice divine *.
Son unique souci est la lutte contre les huguenots et il travaille
« en tout ce qui [lui] est possible pour le nerf de la guerre 5 ».
Cependant il semble bien qu'il se soit produit quelques chan-
gements dans sa conduite. Ses relations avec Guise ne sont plus
telles qu'elles ont été.
Dans les derniers mois de 1087 , le vieillard fil un long séjour
à Paris près de Catherine de Médieis, alors que Henri de Lor-
raine; était à l'armée et que son frère, le cardinal, restait dans
1. Thou (de), Histoire universelle, t. \, p. 463.
■>.. Mémoires-journaux de P. de VEsloile, t. III. p. 227.
.. 3. Négociations diplom. avec ht Toscane, t. IV, p. ~\\) : de Taris, 11 févr. 1 588.
4. Mémoires-journaux de P. de L'Est&ik, t. HT, p. i3o. — Le prince de
Gondé mourut le •"> mars ifiSS, et sa femme, Charlotte de La Trémoitle. l'ut
accusée de l'avoir empoisonné.
f>. Bibl. \al., f. i'r., ms. 3Ju, i" 44, autogr. ; lettre <ln card. de Bourbon
au dur de \evers, de l'lois, i9 dée. if>88.
LES AUDACES DE GUISE 1 97
son archevêché de Reims, En i585 le duc en eût pris quelques
soupçons, mais non plus alors, certain qu'il était des intentions
du cardinal. Cette sûreté fut peut être exagérée vu la mobilité
du vieillard.
Un incident survint, qui troubla fort le prélat. Ce fut la
mauvaise volonté que mit le cardinal de Guise à seconder le roi
dans sa lutte contre le clergé, son obstination à refuser tout
consentement pour L'aliénation des biens d'église, quoique le
nonce lui eût promis de le faire délier de son serment. La
guerre était cependant dirigée contre les huguenots et un grand
succès eût pu être définitif.
De même qu'il s'était étonné de l'attitude du cardinal de
Guise, il ne comprit pas davantage les mille difficultés soule-
vées par son parti en Picardie. Croyant à un malentendu, il se
fit fort de l'apaiser. Mais un court séjour auprès de son allié
lui eut bientôt appris qu'un accord avec le roi n'était point
chose facile. 11 retomba sous l'influence de Guise.
Cependant il ne fut point seul à Soissons au milieu des
ligueurs. Près de lui se trouvait un de ses neveux, qui n'avait
pas jusqu'ici montré grande amitié pour les Lorrains et dont la
fine intelligence et la jeune ambition allaient se révéler peu à
peu. C'était le cardinal de Vendôme, qui, alors que ses frères
s'en vinrent rejoindre le roi de Navarre, resta en cour et sem-
bla s'attacher davantage à son oncle. Sa présence dut faire
songer quelquefois le cardinal à sa famille. De Thou dit même
que Henri 111 Pavai! envoyée Soissons pour contrecarrer l'in-
fluence de Guise 4.
Un fait certain est que depuis janvier i588 et surtout depuis
la journée des Barricades Henri de Lorraine a pris en lui-
même une confiance extrême, justifiée d'ailleurs par ses succès.
H ne se dissimule plus derrière le cardinal comme au cours
des années précédentes : ses audaces laissent mieux voir au
vieillard quelque peu délaissé la révolte où il esl entraîné. Or,
si le due n'a pour Henri III que du mépris, certainement le
i. Thou (de), Hlsloir<> universelle, t. \, p. 282.
IC)8 LE RÔLE POLITIQUE DU CARDIN VL DE ROURRON
prélat conserve d'autres sentiments vis-à-vis de la majesté
royale.
Il a accueilli avec joie sa reconnaissance par le roi comme
héritier présomptif de la couronne, car elle exclue définitive-
ment l'hérétique du trône de France. Il a fait hautement
publier la priorité de ses droits sur ceux de son neveu. Mais
espère-t-il encore succédera Henri III. dont rien ne fait prévoir
la mort prochaine ? La faiblesse l'accable chaque jour d'avan-
tage. Cette année i588 lui a réservé de cruelles souffrances; il
a été malade de longs jours. Un de ses partisans, qui ne peut
être suspecté puisqu'il compose un traité pour soutenir ses
prétentions contre celles du Béarnais, écrit vers la fin de cette
année : « Je croy bien que monsieur le cardinal est de si bon
naturel que, si le roi de Navarre son nepveu estoit bon catho-
lique, il ne luy voudrait envier la succession du royaume *. »
Aussi pourrait-on croire à la sincérité de ses paroles, quand
le prélat déclare dans une lettre à Sixte-Quint que son plus
grand désir est de rendre la dignité à la religion catholique
par le châtiment des hérétiques, l'autorité au pape et au Saint-
Siège, la sécurité aux gens de bien et au roi très-chrétien 2.
Toujours est il qu'il n'entre plus aussi complètement dans les
desseins de Henri de Lorraine.
Un incident, dont on ne peut pas. il est vrai, tirer grande
conséquence, se produisit pendant que la cour était à Blois
pour la tenue des États généraux. Les divisions qui existaient
entre le roi, les princes et seigneurs, affirme de Thou, se mani-
festaient également chez leurs serviteurs. Un jour les pages des
cardinaux de Bourbon et de Vendôme se prirent de querelle
avec ceux du duc de Guise. Ce furent les pages du cardinal de
Bourbon qui attaquèrent. Il y eut plusieurs morts et on parvint
à grand'peine à séparer les combattants. Une querelle de pages
i. Advertissementsur les lettres octroyées à monsieur le cardinal de Bourbon.
S. 1., i588, in-8°.
2. Arch. du Vatican ; letlere délia segreteria di stato, nunziatura di
Francia, t. XXIII, p. 2^2, orig. ; lettre du caïd, de Bourbon au pape, de
Blois, 28 sept. 1088. (Pièces justif. n° XVIII.;
LES AUDACES DE CUISE I99
prouve certainement peu. et le mot de Henri III qui répéta
tout bas que les pages du cardinal de Bourbon avaient plus
d'esprit que leur maître, puisqu'ils savaient fort bien défendre
les intérêts de sa maison contre laquelle il se déclarait, montre
que le prélat était encore étroitement uni à Guise1. Mais cet
incident peut être le signe d'un rapprochement avec sa famille,
s'il n'est celui d'une rupture avec le Lorrain.
Un indice plus significatif se révéla lors de la rentrée en
grâce des Bourbons catholiques. Guise s'était réjoui de voir les
deux frères de Coudé, le prince de Conti et le comte de Soissons,
s'allier à Navarre au cours de la guerre de 1087. Tandis que le
prince rejoignait les troupes allemandes, le comte combattait
à Coutras. Cette nouvelle trahison à la cause royale augmenta
encore le discrédit jeté sur la maison de Bourbon. Cepen-
dant, dès décembre 1687, Conti demanda pardon au roi et jura
de ne plus porter les armes contre lui- ; mais son retour à la
cour fit peu de bruit, tant le malheureux prince comptait peu.
Il n'en fut pas de même du comte de Soissons. Celui-ci avait
cru à une victoire plus définitive du Béarnais, et, comme il per-
dait également l'espérance d'obtenir la main de Catherine de
Bourbon, il s'en vint, le 21 juillet, trouver Henri III à Mantes
et lui demanda pardon pour ses erreurs passées. Le roi le lui
promit volontiers, mais, comme on l'accusait du meurtre de
Joyeuse sur le champ de bataille de Coutras, il lui enjoignit
de se retirer dans ses terres jusqu'à ce qu'il le mandat :!. L'exil
ne dura point. Dès les premiers jours d'août le jeune homme
fut rappelé en cour. Il y vint accompagné de son cousin, le duc
de Montpensier, et d'une grande suite de noblesse 4. Quelques
1. Bibl. Nat., f, ital., ms. 17.H7, p. 2/J5, copie; dép. des ambass. véni-
tiens, de Paris, g oct. [588. — Thou (de), Histoire universelle, t. \, p. 4i5.
2. Bibl. Nat., f. ital , ms. 17^6, p. 3o5, copie; dép. des ambass. vénitiens,
de Paris, 17 déc. 1587.
3. Bibl. Nat., f. ital., ms. 17.^7, p. 187, copie ; dép. des ambass. vénitiens,
de Paris, 2(1 jnill. i588. — Mémoires-journaux de P. de L'Estoile, t. NI,
p. 172.
4. Bibl. Nat., f. ital., ms. 1737, p. 197, copie ;dép. des ambass. vénitiens,
de Paris, n août 1 588.
200 LE ROLE POLITIQUE DI CARDINAL DE ROURBON
jours après, le 20 août, des lettres patentes lui accordèrent le
pardon, en écartant tous les soupçons de meurtre qui pesaient
sur lui *.
Ce retour mécontenta fort Henri de Lorraine. C'était un
Bourbon catholique qui allait maintenant se trouver entre le
roi et lui ; il voulut s'y opposer. Lorsque les lettres de grâce
vinrent au parlement pour y être enregistrées, le peuple de
Paris pénétra dans la salle, et au milieu d'un tumulte indes-
criptible une protestation fut rédigée : l'un des émeutiers pro-
mit même d'y faire apposer, s'il le fallait, plus de trente mille
signatures. Le premier président dut lever la séance et différer
l'enregistrement 2.
Cetle manifestation ne suffit point à Guise. Il lit introduire
dans le cahier de la ville de Paris, que les députés portèrent
aux Etats de Blois. un vœu tendant à faire déclarer le comte
indigne de la couronne comme fauteur d'hérétiques, car, quoi-
qu'il eût combattu dans les rangs huguenots, il n'avait jamais
abandonné le catholicisme. Mais cette motion n'eut point de
suite et fut rejetée par la majorité du Tiers-État 3.
En i585 le cardinal n'avait pas hésité à sacrifier son neveu,
lorsque Guise lui avait montré que l'intérêt du parti voulait
un mariage entre Catherine de Gonzaguc et son fils, le prince
de Joinville. Maintenant il n'en est plus de même. Pendant
que le duc s'efforce d'empêcher la réhabilitation du comte de
Soissons. le vieillard favorise sa rentrée en grâce. Pour la pre-
mière fois une divergence de vues se produit entre les deux
alliés, et la cause en est l'affection que le prélat porte à son
sang.
Tandis que le comte sollicitait de Rome son absolution i. que
1. Vrch. Nat., K 1068, n° 90, copie; lettres de grâce données à Chartres,
le 20 août i588.
2. Bibl. Nat., f. ital., ras. 1737, p. 227, copie ; dép. des ambass. vénitiens,
de Paris, 8 sept. i588. — Mémoires-journaux de P. de L'Estoile, t. lit, p. 184.
— Le texte de la requête au parlement et la réponse du parlement se
.trouvent en copie aux Vrch. Nat., K 1.Ï69, n° 90.
' 3. Robiquet (P.), Paris et la Ligue, p. 459.
'1 Vrch. du Vatican; lettere délia segreteria di stato, nunziatura di
LES AUDACES DE G LISE 201
la princesse de Gondé, sa mère, suppliail Le légat de s'entre-
mettre en sa faveur1, le cardinal écrivit lui-même à Sixlc-
Quint. Il déclara que seules de fâcheuses espérances avaient
attiré son neveu au parti huguenot sans d'ailleurs le faire
renoncer à ses croyances, et qu'il en rapportait plus vive la
haine de l'hérésie2. Dès les premiers jours d'octobre, le pardon
de Rome arriva en cour et le i3 au soir le légat donna au
comte l'absolution. Après la cérémonie, le cardinal de Bourbon
et la princesse vinrent remercier chaudement le légal de ses
bons offices 3.
Il restait encore à obtenir le pardon du prince de Conti. Le
cardinal écrivit de nouveau à Rome 4. Le 3i décembre le prince
reçut à son tour l'absolution :' ; mais cette fois le prélat ne put
assister à la cérémonie.
Depuis huit jours il était en prison. Henri III s'était enfin
vengé des audaces de la Ligue. Il avait fait massacrer Guise et
son frère le cardinal. Quant au vieillard, il payait de sa liberté
son alliance avec les Lorrains.
Francia, t. XXIV, p. io3, copie ; lettre du comte de Soissons au pape, d'En-
ghien, 21 août i588.
1. Yrcli. du Vatican ; lettere delta segreteria di stato, nunziatura di
Francia, t. XXII, p. 117, orig. ; dép. du légat Morosini au cardinal de \lon-
talto, de Chartres, a4 août i588.
t. Ibid, t. XXIII, p. 219, copie ; lettre du card. de Bourbon au pape, de
Chartres, aa août 1088.
3. Ibid., t. XXII, p. 3n, orig.; dép. du légat Morosini au card. de Mon-
talto, de Blois, i5 oct. i588. — Négociations diploin. avec lu Toscane, t. IN,
p. 82(1; de Blois, i3 oct. 1088.
A. Ibid., t. XXII. p. 3g5, orig. ; dép. du légat Morosini au card. de Montalto,
de Blois, 8 nov. i58S.
5. Ibid., t. XXII, p. 58i, orig. ; dép. du même au même, de Blois,
ier janv. iTiSi).
TROISIEME PARTIE
CHARLES X
CHAPITRE PREMIER
LA DECHEANCE DE HENRI III
Au matin du 23 décembre, le cardinal de Bourbon souffrant
depuis quelques jours gardait le lit au lieu de se rendre au
conseil, quand le sieur de Château vieux, capitaine des gardes,
vint le prier au nom du roi de ne point sortir de sa chambre
avant d'avoir reçu de nouveaux ordres ; en même temps
l'officier plaça des soldats dans son antichambre et sa garde-
robe J. Depuis quelques instants Henri de Lorraine était mort
et le cardinal de Guise attendait l'arrivée de ses bourreaux.
Ce fut un terrible coup pour le prélat. Au sentiment de peur
bien naturel qui l'envahit, se joignit la colère d'avoir été
trompé et .d'être réduit à l'impuissance. Lorsque Catherine,
malade elle-même, vint lui rendre visite en souvenir de la
vieille amitié qui les unissait, il n'hésita pas à l'accuser de
L'avoir mené à la boucherie ainsi que les deux Lorrains. Elle
en fut si affectée qu'à son retour elle se coucha, et, sa maladie
s'aggravant. quelques jours après elle expira-.
i. Arch. \at., K. 1567, n" 19G ; relation espagnole de ce qui s'est passé à
Blois du a3 au a5 déc. 1088. — Du Breul (.T.), La vie de Charles de Bourbon,
p. 5. — Mémoires-journaux de P, de L'Estoile, t. III. p. 200. — Thon (de),
Histoire universelle, t. X, p. ^72-
■>.. Arch. Mat., K 1570, n° 18, déchiffr. ; dép. de Mendoça à Philippe II, de
La Chaussée-Saint \ ictor, 20 janv. 1089. — Négociations diplom. avec la
Toscane, t. I\ , p. 8')\ ; de Hlois, 6 janv. 1589. — Mémoires-journaux de /'. de
2CT| LE ROLE POLITIQUE DU CARDINAL DE BOURBON
Le cardinal n'avail cependant point à craindre pour sa vie.
Henri III connaissait trop sa faiblesse pour la redouter. Son
unique pensée en l'arrêtant fut de l'enlever à ses adversaires,
pour qu'ils n'en lissent point une arme contre lui '.
Les choses se passèrent en effet comme il le prévoyait. A
Paris la nouvelle de l'exécution de Blois fui le signal de la
révolte. La ville choisit comme gouverneur le duc d'Aûmale,
le seul présent parmi les chefs ligueurs, et envoya chercher
Mayenne. Il était donc sage de ne pas augmenter la force des
rebelles en leur abandonnant le cardinal de Bourbon. Person-
nellement il ne pouvait leur être d'un grand secours, mais sa
présence parmi eux eût presque légitimé leur révolte contre
un roi parjure, assassin, fauteur d'hérésie, dont ils réclamaient
à grands cris l'abjuration. C'est pourquoi, sans avoir d'hostiles
intentions vis-à-vis du vieillard, Henri III refusa de le mettre
en liberté.
Ce ne furent cependant pas les sollicitations qui manquèrent,
Le prélat, que sa bonhomie rendait sympathique malgré ses
défauts, était alors travaillé par la cruelle maladie qui devait
l'emporter. Bouleversé par les événements des derniers jours,
il fut pris « d'une difficulté et ardeur d'urine qu'il jettoit rouge
comme sang- », et sa malheureuse personne excita plus la pitié
que la haine. La princesse de Coudé, se souvenant de son
L'Estoile, t. Ht, p. 23a. — Thou (de). Histoire universelle, t. \, p. 5oi. —
Brantôme, Œuvres, t. VII, p. Aoi. — Gaufreteau iJ. de), Chronique borde-
loise, t. I, p. 297.
1. Négociations diplom. avec la Toscane, t. IV, p. 483; de Blois, 24 déc.
i588. — D'après un récit ligueur d'ailleurs invraisemblable, le roi aurait
fait amener devant lui le cardinal de Bourbon aussitôt après le meurtre de
Guise, l'aurait appelé « marotte, vieil fol et sotte teste », et, lui montrant le
cadavre à ses pieds, il lui aurait dit : « Wstoit vostre vieil aage, je vous en
ferois faire autant; encore ne sai-je ce que je feray. Vous voulez estre la
seconde personne en mon royaume; vous le méritez fort bien, .levons fera y
si petit que rien plus. » (Histoire au rrai du meurtre et assassinat du due de
<iuise, Paris, i58<), in-8°.)
■>.. Bibl. Nat., f.'fr,, ms. 3978, fn 211, autogr. ; lettre de Marian de Mar-
timpos à la duebesse de INevers, de Fonlenav le-Goinle, i5 mars 1690,
Pièces justif., n° XXII.)
LA DECHEANGE DE HENRI III 2C.
attitude lors de la rentrée en grâce du comte de Soissons, vint
supplier le roi de pardonner à la vieillesse de son beau -frère,
qu'avaient trompé les caresses du Lorrain ; mais le souverain
fut inflexible '. La princesse, la duchesse de Nevers ne purent
qu'apporter leurs consolations au prélat et le laisser croire à
des jouis meilleurs -.
Sixte-Quint réclama également sa mise en liberté. Henri III.
en luisant massacrer le cardinal de Guise, s'était rendu cou-
pable d'un crime fort grave, caria dignité cardinalice de l'arche-
vêque de Reims le mettait sous la seule dépendance de Home,
et porter la main sur lui était méconnaître l'autorité du Saint-
Siège. L'acte parut d'autant plus condamnable que le roi ne
semblait pas le regretter, puisqu'il retenait dans ses prisons
deux des principaux membres du clergé, le cardinal de Bourbon
et l'archevêque de Lyon arrêté en même temps que lui :!.
Toutefois Sixte-Quint se montra prêt à échanger son pardon
contre les deux captifs qu'il désirait avoir pour en tirer lui-
même bonne justice. On pouvait craindre en vérité (pie leui
transfèreinent à Konie n'offrît d'excellentes occasions à un
enlèvement, mais le duc de Panne se chargea de les y conduire
en toute sécurité, ('elle immixtion d'un général espagnol dans
les affaires de son royaume déplut à Henri III. Il fallut cherche!
un antre terrain d'entente ' .
Le pape, toujours plus conciliant, déclara se contenter d'un
simple écrit du roi affirmant que les deux prélats étaient gardés
par ses gens, mais au nom dn légat, t ne maladresse de ce
dernier rompit l'accord presque parfait. Croyant qu'il ne
pouvait rester plus longtemps auprès d'un souverain à demi
i. Ségociations dipiom, avec /" Toscane, 1. I\. p. 859-860; de Blois,
g lr\ r. 1 589.
•.. l'.iM. \al., I'. fi., ms. 3363, f° [97, autogr. : lettre du card. de Bourbon
au duc de Nevers, de Bl ois, i4 janv. [889, publiée dans Le <:<ti>iuci histo
rique, t. III. p- s55.
3. Thou (de), Histoire universelle, t. V p. 543.- Hûbner, Sixte-Quint,
l. M. p. 228. L'Épinois (H. de), La Ligue ei 1rs papes, |>. 3o4.
I. Tliou (de), Hisloihe universelle, t. \. [». 546. Hûbner, Sixte-Quint,
1. II. o. 228.
2o6 LE ROLE POLITIQUE DL CARDINAL DE UOIRBON
excommunié, il quitta la cour ; Henri III garda ses prisonniers1.
Devant cette obstination Sixte-Quinl céda aux prières de
Philippe II et des ligueurs. Le 5 mai il publia un monitoire
ordonnant au roi de France de mettre en liberté dans l'espace
de dix joins le cardinal de Bourbon et l'archevêque de Lyon, cl
de lui en donner avis par un acte authentique signé de sa main
el scellé do son sceau : le roi était aussi ténu de comparaître à
Rome en personne on par procureur dans un délai de deux
mois pour rendre compte de l'assassinat commis à Blois et de
l'emprisonnement des deux prélats2.
Ce monitoire. qui parvint en France au milieu de juin,
n'effraya pas Henri III dont les troupes se joignaient déjà à
celles du roi de Navarre. Il s'efforça an contraire de mettre ses
captifs hors de toute atteinte.
Dans la matinée du 20 décembre, en même temps que le
cardinal de Bourbon et l'archevêque de Lyon, le roi avait fait
arrêter le prince de Joinville, le duc de Nemours et la duchesse
sa mère, le duc d'Elbeuf, le président de Neuilly et le prévôt
des marchands de Paris. Son but, en les retenant prisonniers,
fut de conserver des otages et d'enlever des chefs à la Ligue ;
mats à aucun moment il ne songea à leur faire subir le sort
des Lorrains 3. La duchesse de Nemours, que son âge et son
sexe rendaient inoffensive, recouvra même bientôt la libellé.
Les autres au contraire furent étroitement surveillés.
Comme le château de Blois était peu facile à défendre contre
un coup de main el que Mayenne s'approchait d'Orléans avec
des troupes, Henri III jugea prudent d'éloigner ses captifs et
1. Tliou (de), Histoire universelle, t. \. p. 548 cl 606. — llùbner, Sixte-
Quint, !.. II, p. a3i. — L'Épinois (II. de), La Ligue cl les papes, p. .'<o8.
■>.. Thou(de), Histoire universelle, t. \, p. 607. — llùbner, Sixte-Quint,
t. II, p. >.'.\- à ^'io.
'.\. Hibl. Vil., f. ital., ms. 17^7, p. 3/17, copie; dt'-p. des ainbass. \éni-
tiens, Hé Saini Die, a8 déc. 1 588.
L\ DECHEANCE DE HENHI III 20"
décida de les transférera Amboise, l'une des plus fortes places
du royaume. Le gouverneur, Rilly, était un gentilhomme de
la province qui avait souvent prouvé son dévoùment à la
cause royale. Henri III eut cependant plus de confiance en du
Gast, capitaine de ses gardes, qui avait assassiné de sa main le
cardinal de Guise, car ce meurtre semblait répondre de sa
fidélité. 11 lui donna le gouvernement de la ville avec deux
compagnies de gens de pied, l'une française et l'autre suisse1.
Le départ des prisonniers de Blois fut fixé au dernier jour
de janvier2. Dans la nuit du 3o au 3i le duc de Nemours
s'évada. Cette fuite ne changea rien au programme. Les captifs,
placés sur deux barques pour éviter une surprise et accom-
pagnés par tous les gardes du roi, descendirent la Loire jusqu'à
Amboise. Quelques heures plus tard Henri III les rejoignit,
amenant la duchesse de Nemours qu'il avait fait arrêter de
nouveau en apprenant l'évasion de son fils. Après avoir visité
en personne les chambres qu'ils devaient occuper, le roi revint
à Blois, certain de les avoir laissés sous bonne garde 3. Or du
Gast ne devait pas justifier sa confiance.
i. Négociations diplom. arec la Toscane, t. IV, p. 860; de Blois, 9 févr.
i58g. — Thou(dc), Histoire universelle, t. X, p. 485.
■>.. Bibl. Nat., f. ital., nis. 1737, p. 874. copie; dép. des ambass. vénitiens,
de Vendôme, 3i janv. 1089.
3. Arch. Nat., K 1570, n° 45 ; « relacion de lo que ha subcedido en \m-
boyse despues del arrivo de los prisioneros. » - Bibl. Nat., f. ital., nis. 1737,
p. 409, copie; dép. des ambass. vénitiens, de Blois, 3i janv. 1089. — Cayet
(l'aima), Chronologie novenaire, p. 96. — Davila, Histoire des guerres civiles,
I. 11, p. 4o4. — D'après Le martyre des deux frères, publié dans Archives
curieuses, 1" série, t. XII, p. ioô, le malin du transfèrement des prisonniers,
Henri III fit lever avant le jour le cardinal de Bourbon et la duchesse de
Nemours, sans respect pour leur vieillesse, et, « estant la dicte dame sur la
grève attendant le basleau, regardant devers le chasleau où ayant advisé
l'effigie du roy Loys douziesme son ayeul, dit : « Monsieur, jamais vous
n'avez fait construire ceste maison vostre pour servir de forest ny de
massacre à vos petits enfants »>, qui occasionna la pluspart des assistants
de jetter plusieurs larmes. » Ce récit semble inventé, puisque d'après
l'ambassadeur vénitien la duchesse de Nemours ne partit pas avec les
autres prisonniers. Cependant P. Matthieu dans son Histoire de France,
t. I, p. 708, en admet l'authenticité.
ao8 li<; kole politique du caudinal de bourbon
Henri 111 avait alors comme maître de sa garde-robe un
certain sieur de Longnac, que la puissance d'Epernon avait
élevé jusqu'à en faire un familier du roi. Longnac n'était
montré l'un des premiers partisan du meurtre des Lorrains et
il avait joué le principal rôle dans l'assassinat du duc. En
récompense le roi le gratifia des gouvernements de l'Anjou et
de la Touraine, mais ces provinces en manifestèrent un tel
mécontentement que Henri 111, peu constant dans ses affections,
y \il un motif suffisant pour lui retirer sa faveur. Longnac te
prévint: il s'enfuit une nuit de la cour et se rendit à Amboise.
près de du (iast. qui lui devait en partie sa fortune1.
L'ex-favori trouvait là une occasion unique de se venger du
roi. Il sut démontrer à son ami qu'il tenait un trésor entre ses
mains. Du (iast l'avait déjà compris en écoutant les belles
promesses que lui faisait la femme de La Chapelle-Marteau,
prévôt des marchands de Paris, qui venait au nom de la ville
réclamer la mise en liberté de son mari et de ses compagnons -.
11 ne résisla pas longtemps aux sollicitations des plus habiles
de ses captifs, l'archevêque de Lyon et le prévôt des marchands.
En peu de jours des pourparlers s'engagèrent entre les deux
capitaines et les ligueurs parisiens 3.
Dès qu'il connut l'arrivée de Longnac à Amboise. Henri III
soupçonna la trahison. Il voulut la prévenir. Ayant appris
que son ancien familier était sorti de la ville pour quelque
temps, il se hâta d'y envoyer le sieur tic Larchant, capitaine
des gardes, avec ordre de ramener les deux principaux pri-
sonniers, le cardinal de Bourbon et le prince de Join ville,
devenu duc de Guise par la mort de son père. Mais Longnac
était déjà de retour. D'accord avec du Gast, il répondit au
messager royal qu'il était fort peiné de la défiance de Henri 111
i. lîibl. Vit.. I'. iliil.. ma. 1 7-"»7 . p. \->.>., copie ; dcp. des anibass. \cmlicns.
de l'.lois, () lï'\r.. [£89. — Pasquier iKt.i. Œuvres, l. II, p. 383.
■>. V ici 1 . \;d..l\ !.">-!>, 11" \'i ; « rclacion de In (pic lia subcedido en IstlbÔYSQ
despucs (Ici arrive de los prisionen». »
3. Pasquier (Et.), Œuvres, l. Il, p. 383. — Thou (de), Histoire universelle,
I. \, p. 5og. — Davila, Histoire des guerre» civiles, l. II. p. (45,
LA DECHEANCE DL' HENRI III 2O0
vis-à-vis de lui, mais que certainement les captifs ne seraient
jamais en d'aussi bonnes mains que les siennes ; en consé-
quence il les gardait. D'ailleurs, ajouta t-il, le cardinal de
Bourbon souffrait de violentes attaques de goutte qui inter-
disaient tout voyage '. Le roi. désormais certain des intentions
des deux complices, résolut d'agir rapidement.
Dès le lendemain le cardinal de Lénoncourt partit pour
Amboise avec ordre de ramener à tout prix les prisonniers ;
quelques compagnies de la garde royale le suivaient à distance
pour les recevoir. Or Lénoncourt revint à Blois le 16 sans avoir
rien obtenu. Au contraire, il avait appris ce qui se tramait
entre les ligueurs et les capitaines. Ceux-ci exigeaient en
échange des captifs deux cent mille écus et pour chacun une
ville de sûreté. Mayenne leur en promettait cent vingt mille
sans sûretés, mais les priait d'envoyer à Paris quelque messager
pour faciliter la négociation -. Ces rapports n'étaient plus
ignorés et les capitaines déclarèrent même à Lénoncourt qu'ils
avaient promis aux ligueurs de délivrer les prisonniers et qu'ils
ne failliraient pas à leur parole 3. Les traîtres ne manquaient
point d'audace.
Toutefois, gardant encore quelque espérance, le roi envoya
un troisième messager, l'abbé del Bene. L'abbé suivit, une
lactique nouvelle. Il engagea fort les deux hommes à se délier
des assurances des ligueurs, car, n'étant pas assez puissants par
eux mêmes pour formuler des exigences, il leur faudrait néces-
sairement chercher un appui soif auprès du roi. soif auprès des
i. Arch. Nafci, K 1570, n" !\b ; « relacion de lo que lia subcedido en Vlnboyse
despues del arrive» de los prisioneros. » — Bibl. Xat., f. ilal., 111s. 1737, p. 433
et 437i copie ; dép. des ambass. vénitiens, de Vendôme, i3 el 17 févr. 1 589.
2. Bibl. Nat., f. fr., ms. 10197, f° n5, orig. ; « Journal de François ». —
Mémoires-journaux de P. de L'Estoile, 1. III, p. 353. — Le « Journal de
François » dit faussement que les Ligueurs accordèrenl deux cent nulle
écus.
3. Bibl. Nat., f. ital.. ms. 1707, p. $.37, copie ; dép. des ambass. vénitiens,
de Vendôme, 17 févr. 1 .~>8<j. — Arcb. Nat., K 1570, n J5 ; « relacion de lo que
lia subcedido en Ainboyse despucs del arrive- de los prisioneros. » — Négo-
ciations diplom. avec la Toscane, t. IV, p. 881 ; de Blois. 17 févr. i.")8g,
S.Yii.Miiu. — Cardinal de Bourbon. 1 '1
'JIO LE RÔLE POLITIQUE Dl CARDINAL DE BOURBON
Lorrains ; ceux-ci ne désiraient rien plus que venger la mort des
leurs et chacun savait que les capitaines étaient les plus com-
promis parmi les meurtriers ; ils avaient donc tout avantage à
regagner la faveur royale. Cependant l'éloquence de l'abbé ne
sut convaincre Longnac ni du Gast, qui, en sa présence,
acceptèrent dix mille écus d'un messager de Mayenne, acompte
des cent vingt mille promis. Tout espoir sembla perdu, quand
on eut appris que, conformément à la demande des ligueurs,
ils avaient envoyé des agents à Paris1.
Les sieurs Bourbonne, oncle de Longnac, et Olphan du Gast,
frère du capitaine, vinrent traiter avec les princes catholiques
et la municipalité. On décida qu'ils recevraient trente mille
écus comptant et le reste quand on livrerait les prisonniers.
On passa contrat par devant notaire, que la municipalité
ratifia le 27 février, et sur-le-champ Bourbonne et du Gast
touchèrent douze mille écus2.
Cependant, à \mboise, les paroles de l'abbé del Bene avaient
justement impressionné les capitaines. Ils craignirent de rester les
dupes de toutes ces intrigues d'autant plus que le maréchal d' A.11-
mont et ses troupes royales occupaient la campagne, rendant
presque impossible la communication avec les Parisiens :î, et
qu'eux-mêmes étaient à peine sûrs de la fidélité de leurs soldats.
En effet un complot se forma parmi la garnison du château
pour livrer les prisonniers à Henri III. Le coupable, un lieu-
tenant de du Gast, fut dénoncé, mais il trouva assez de par-
tisans cachés pour s'enfuir impunément4.
1. Bibl. Nat., f. ital., ms. 1787, p. 444, copie : dép. des anibass. vénitiens,
de Vendôme, i3 févr. 1J89.
a. Arch. du Vatican : lctlere delta segreleria di slato. nunzialura di
Francia, t. XXI, p. 69, orig. ; lettre anonyme, de Paris, ic' et 4 mars 1089.
(Pièces justif. n° XIX). — Bibl. Nat., f. fr., ms. 10197, f" 11.") ; « Journal de
François ».
3. Arch. Nat., K 1Ô70, n" 45 ; a relacion de lo que ha subcedido en Amboyse
despues del arrivo de los prisioneros. »
4. Arch. Nat., K 1570, 11" 45 ; « relacion de lo que ha subcedido en Amboyse
despues del arrivo de los prisioneros. » — Bibl. Nat., f. ital., ms. 173'!. p. 444.
copie ; dép. des ambass. vénitiens, de Vendôme, a3 févr. 1589.
LA DECHEANCE DE HENRI lll 211
Toutes ces raisons rendirent perplexes les deux complices
qui consentirent enfin à faire connaître au roi leurs conditions.
Elles furent, il est vrai, exorbitantes. Longnac réclama les
gouvernements de l'Anjou, du Maine et de la Touraine, qu'il
n'avait pu occuper qu'en partie, le château d'Amboise bien
garni de vingt mille écus de munitions, et une somme d'argent.
Du Gast demanda également une somme d'argent, Boulogne et
Valence et des munitions dans chaque place1. Henri III était
incapable de satisfaire à toutes ces exigences. Cependant il
voulut bien les examiner, espérant gagner ainsi quelque délai.
C'était agir habilement, car des difficultés, suscitées sans
doute par la rivalité d'intérêts, s'élevèrent bientôt entre les
deux capitaines. Du Gast écrivit au roi qu'il ne désirait rien
autre chose que sa bonne grâce, qu'il tenait les prisonniers
pour lui et se montrerait toujours bon serviteur. De son côté
Longnac lui fit dire qu'il se contenterait de lui obéir et ne se
départirait jamais plus de ses commandements2. Ces déclara-
tions étaient un signe non équivoque de discorde. Du Gast,
plus habile que Longnac et aussi moins coupable, résolut de se
débarrasser de son complice. Sous le prétexte que certaines
gens rôdaient dans la campagne, il le fit sortir d'Amboise avec
quelques soldats. Quand, après une course vaine. Longnac
voulut rentrer dans la ville, il trouva les portes closes3.
Du Gast resté seul se montra beaucoup plus facile. Un certain
capitaine Gotz, son compatriote, avec lequel il avait contracté
une forte amitié au jeu, vint lui répéter les paroles de l'abbé
del Bene. Il fut bientôt décidé qu'il loucherait trente mille écus
comptant et conserverait la ville et le château d'Amboise avec
i. Bibl. Nat., f. ital., ms. 1 70^. p. \\\, copie ; dép. des ambass. vénitiens,
de Vendôme, 23 févr. 1589.
■>. Bibl. Nat.,f. ital., 111s. 1 7 3 7 . p, i5o, copie; dép: des ambass. vénitiens,
de Vendôme, a5 févr. 1589.
3. Axch. du Vatican : letterc délia segreleria di stato, nunziatura di
Francia, t. XXII, f' 8a3 v°, orig. ; dép. de Morospii, légat, au cardinal de
Montalto, do Blois, 2 mars 1589. — Pasquicr, Œuvres, t. Il, p. 383. —
Longnac se retira dans ses terres de Gascogne, où il fut tué peu après d'un
coup do pistolet par un do ses voisins.
212 LE ROLE POLITIQUE DU CARDINAL DE BOURBON
double garnison ; moyennant quoi il remettrait au roi le
cardinal de Bourbon, le jeune duc de Guise et le ducd'Elbeuf,
gardant les autres prisonniers pour en tirer rançon 1. Les trente
mille écus Furent payés immédiatement et du Gast abandonna
ses trois captifs au sieur de Larchant, qui les emmena rapide-
ment en coche au château de Blois où ils furent emprisonnés2.
Pendant ce temps les ligueurs parisiens, confiants dans les
contrats passés, s'apprêtaient à remettre aux agents des capi-
taines le reste des trente mille écus promis et à envoyer une
troupe de cavaliers au devant des princes prisonniers, quand
ils apprirent leur transfèremenl à Blois. Furieux de s'être
laissés devancer, ils feignirent de croire à une ruse de Henri I II ,
qui, d'entente avec les capitaines d'Amboise, aurait voulu
leur extorquer de l'argent et prendre encore dans un guel-
apens quelques-uns de leurs chefs. Ils firent arrêter sur-le-champ
Bourbonne et du Gast et saisirent les douze mille écus déjà
livrés. Il était temps. Les deux agents, sans doute prévenus,
avaient acheté des perruques et se disposaient à fuir. Ils furent
conduits à la Bastille3.
Après de telles alarmes, Henri III chercha pour ses prison-
niers mie retraite sure. Il songea peut-être à les remettre au roi
de Navarre en garantie de l'alliance qu'il venait de contracter
i. Pasquler, Œavres, t. II, p. 383. — Ttiou (de), Histoire universelle, t. X,
]>. .KM). — Les autres prisonniers étaient l'archevêque de Lyon, le président
de Neuilly et La Chapelle-Marteau. La duchesse de Nemours avait été
remise en liberté (1rs le commencement de février et s'était retirée à Paris.
■i. \rch. du Vatican : lettere delta segrelcria di stalo. nun/.iatura di
Franeia, l. XXI, p. 6g, orig.; lettre anonyme, de Paris, î''1 et 1 mars r58g.
(Pièces justif. n° \I\). \rrli. \al.. K 1570, n° i5 ; << relacion deloqueha
subcedido en A.mbqysé despues de] arrivo de los prisiOneros. » — Cayèt
(Palma), Chronologie novehaire, p. 97. Ce dernier dit que le roi vint lui-même
à \ml>niM'. c'est peu probable vu les précautions prises par Henri III pour
ne point exciter ta défiance de du Gast.
3. Anii. du Vatican: lettere délia segrelcria di stalo. nunziatura di
Franeia, t. XXI, p. Gq, orig. ; lettre anonyme, de Paris, 1" et 1 mars i58g.
(Pièces justif i n1 \l\i. — Bibl. Mat., f. fr., ms. 101117, '"" M"'; (( Journal de
François ». — Bourbonne el du Gasl furent échangés peu de temps après
contre l.a Chapelle-Marteau, prévosl des marchands de Paris.
LA DECHEANCE DE HENRI III 2IÔ
avec lui, et, s'il Paul en croire un documenl parisien, à les
envoyer même en Angleterre1. Cependant il fixa son choix sur
Loches, où il fit préparer les logements, et, quittant Blois le
3 mars, il les accompagna lui-même jusqu'à Tours, passant un
peu au sud d'Amhoise pour ne pas inquiéter du Gast2.
S;i préoccupation constante vis-à-vis de ses captifs se marque
par sou indécision. De Tours ils sont conduits au château de
La Bourdaizière, où ils restent quelque temps sous la surveil-
lance du sieur de Manon, capitaine des gardes3. Aux environs
de la mi-carême ils gagnent Azay-le-Rideau, et, sans doute pour
prévenir toute trahison, le sieur de Clermont d'Entraguc rem-
place le sieur de Manou dans sa charge de geôlier. Enfin le
roi croit prudent de séparer les prisonniers. Après Quasimodo,
taudis que les ducs de Guise et d'Elheuf reviennent à Tours, le
premier pour y rester, le second pour s'en aller à Loches, le
cardinal de Bourhon seul cette fois est conduit à Chinon par
les soins du sieur de Larchant4.
i. Arch. du Vatican : lettere délia segreteria di slato, nunziatura di
Francia, t. XXI. p. 69. orig. : lettre anonyme de Paris, cet \ mars 1589.
(Pièces justif. n° XIX.)
■1. Arch. Nat., K 1J70, n" 78, déchifir. ; dép. de Mendoea à Philippe II, de
Saint-Victor, 'i mars 1589. — Bibl. Nat., f. ital., ms. 1788, f° 2, copie ; dép.
des ambass. vénitiens, de Blois, 3 mars 1089. — S'il faut en croire le
« Journal de François » (Bibl. Nat., f. fr., ms. 10197, f° 116 v°), au cours
de ce voyage le sieur de Sagonne et quelques autres gentilshommes ligueurs
faillirent s'emparer des prisonniers. Ils attaquèrent l'escorte du roi au
moment où elle sortait de Blois, et celle-ci dut se retirer vivement et se réfu-
gier derrière les remparts de la ville. Palma Cayet, dans sa Chronologie
novenaire, p. 107, col. 2, altirmequece ne fut qu'une simple escarmouche,
où les troupes royales vite remises de leur surprise chassèrent devant elles
les cavaliers de Sagonne.
3. L'Épinois (H. de), dans Lu Ligne cl les papes, p. 3i'(, appelle le geôlier
Monsieur de Marcé, frère de Monsieur d'O. Cette erreur doit s'expliquer par
une faute de lecture, car Jean d'O, sieur de Manou, était en efifel frère
puîné du sieur d'O, surintendant des finances.
',. Bibl. Nat.. f. fr., ms. 3798, f ' :> 11 , autogr. : lettre de Marian de Mar-
limbos à la duchesse de Nevers, de Fontenay-le-Comte, [5 mars [590.
(Pièces justif. q°XXI1). — Bibl. Nat., f. ital., ms. 17.Ï8, f» 20, copie: dép.
des ambass. vénitiens, de Tours, ai avril [58g. Thon (de). Histoire uni-
2 14 LE ROLE POLITIQUE DU CARDINAL DE BOURBON
Le gouverneur du château et de la ville était François Le Roi
de Chavigny, vieillard aveugle, mais d'une fidélité à toute
épreuve et d'une mâle énergie, que sa femme intelligente et
bonne secondait habilement dans ses fonctions. Tout en se
montrant plein de bienveillance vis-à-vis de son prisonnier, il
établit autour de lui une garde sévère pour déjouer les intrigues
qu'auraient pu ourdir les serviteurs du prélat ; et quelques-uns
d'entre eux eussent même payé fort cher leur simple constance
envers leur maître sans l'intervention du cardinal de Ven-
dôme1.
Tous ces voyages successifs avaient fatigué le vieillard.
Durant son séjour à Chinon, il fut repris d'attaques de goutte
et <( d'une fiebvre lente avecq ung desgouttement qui lui dura
plus d'ung moys2 ». Cependant sa captivité était douce. Traité
avec la plus grande déférence par ses geôliers, même lorsque
la surveillance fut sévère, il passait presque tout son temps à
prier Dieu, lui « estant d'une grande consolation de le pou-
verselle, t. X, p. 582. — Davila, Histoire des guerres civiles, t. II, p. 445. —
Du Breul (J.), La vie de Charles de Bourbon, p. 6.
Le duc d'Elbeuf, envoyé à Loches, fut confié à la garde de Gaillard de
Sallerm, créature du duc d'Épernon. Le duc de Guise resta au château de
Tours commandé par Rouvre, lieutenant de la compagnie des gardes du
sieur d'O. Les ambass. vénitiens, dans leur dépêche du 18 mars 1089,
(Ribl. Nat., f. ital., ms. 1738, f° 6 v°, copie), déclarent qu'à cette époque les
trois prisonniers étaient à Chinon ; erreur, qui doit être expliquée par le
soin avec lequel on dissimulait la marche des prisonniers. Les ordres
n'étaient donnés qu'au dernier moment. « M. de Menou, écrit le cardinal
de Rourbon, nous a adverty de nous tenir prest à partir d'icy à demain
au matin pour aller dans un château qui lui sera déclaré par les guide et
escorte, qui lui seront envoyés pour nous y conduire. » Cf. Ribl. Nat..
f. fr., ms. 3363, f° ao3, autogr. ; lettre du card. de Rourbon à ses neveux,
le cardinal de Vendôme et le comte de Soissons, s. 1. n. d., publiée dans
Le Cabinet historique, t. III, p. 256.
1. Ribl. Nat., f. fr., ms. 3978, f" 211, autogr. ; lettre de Marian de Mar-
timbos à la duchesse de Nevers, de Fontenay-le-Comte, i5 mars 1090.
(Pièces justif. n° XXII). — Thou (de), Histoire universelle, t. X, p. 082. —
Du Rreul (J.), Vie de Charles de Bourbon, p. 6.
2. Ribl. Nat., f. fr., ms. 3978, f° 211, autogr.; lettre de Marian de Mar-
timbos à la duchesse de Nevers, de Fontenay-le-Comte, i5 mars 1090.
(Pièces justif. n° XXII.)
LA DECHEANCE DE HENRI III 210
voyr... servir sans aucun destourbier. Je le prye, écrivait-il au
duc de Nevers, qu'il veuille regarder de son œil de pitié ce
pauvre royaume désolé1 ». Son seul souci était que « par la
division des catholiques, les hérétiques n'advancent leurs
affaires2 », sa seule crainte de tomber entre leurs mains.
Lorsqu'il apprit qu'on allait le conduire à Azay et que désormais
aucune rivière importante ne le séparerait plus des premiers
postes huguenots, il supplia ses neveux, le cardinal de Ven-
dôme et le comte de Soissons, d'obtenir du roi le changement
de sa résidence. « Je ne vous ay point importuné de telle prière
depuys tantost trois mois que je suys prisonnier, mais le
danger où je me voys me fet entrer en désespoir tel que, si vous
ne vous employez à ce besoin, chacun pensera que je seray
abandonné de tous les myens, desquels j'ay deu espérer con-
solation et support3. » Malgré leur intervention, le roi envoya
le prisonnier à A.zay. puis à Chinon, à quelques lieues seule-
ment de Châtellerault qu'occupait le roi de Navarre. Ce fut
peut être une des raisons de la fièvre lente qui rongea le
vieillard durant plus d'un mois.
Pendant que Henri III veillait sur ses prisonniers, il perdait
à Paris le peu d'autorité qu'il conservait encore. A la nouvelle
de la mort des Lorrains, ce ne fut dans la capitale qu'un cri
d'indignation contre l'assassin. Sa justification fut rejetée,
i. Bibl. Nat., f. fr., ms. 3363, f° aoo, autogr. ; lettre du card. de Bour-
bon au duc de Nevers, d'Amboise, ao févr. i58(), publiée dans Le Cabinet
historique, t. III, p. 207.
2. Bibl. Nat., f. fr., ms. 3363, f° 197, autogr. ; lettre du card. de Bour-
bon au duc de Nevers, de Blois, 1 \ janv. 1589, publiée dans Le Cabinet
historique, t. III, p. 2.").").
3. Bibl. Nat., f. fr., ms. 3363, f° 2o3, autogr. ; lettre du card. de Bourbon
à ses neveux le card. de Vendôme et le comte de Soissons, s. 1. n. d.,
publiée dans Le Cabinet historique, t. lit, p. a56 ; mais on doit y corriger
M. de Montauband et l'Isle Brébard en M. de Martimbaud et l'Isle-Boucbard
(ch.-l. de canton, Indre-et-Loire).
2lG LE RÔLE POLITIQUE ni" CARDINAL DE BOURBON
scs menaces raillées. Un prédicateur fameux. Boucher, com-
mença un traité dont le titre seul De justa Henrici III abdi-
eatione est assez significatif1. La Sorbonne décida d'excommu-
nier le tyran et de délier ses sujets du serment de fidélité ;
ayant appris qu'elle ne le pouvait pas. elle sollicita le pape de
le faire"2. Du moins elle raya son nom du canon de la messe,
interdit les prières en sa faveur et les remplaça par quelques
oraisons pour la conservation des princes catholiques3.
A la ville, qui ne reconnaissait plus l'autorité de Henri de
Valois, il fallut une organisation nouvelle. En l'absence de
Mayenne, les bourgeois choisirent comme gouverneur le duc
d" \umale ; le nom du roi disparut des édits et des mandements;
le parlement cessa de l'invoquer pour rendre la justice4.
Lorsqu'aux premiers jours de février Mayenne entra dans Paris,
il proposa la création d'un conseil général de l'Union des
catholiques composé de gens des trois états, auxquels il fit
adjoindre, pour s'en rendre maître, quelques bourgeois
influents, la municipalité et les principaux membres du parle-
ment. Quelques jours plus tard ce conseil, qu'il venait de créer,
le nommait lieutenant-général du royaume en attendant la
réunion des États généraux. Dès lors le nouveau gouvernement
fut régulièrement organisé et eut son sceau propre au nom du
royaume de France. « Charles de Lorraine, duc de Mayenne,
pair et lieutenant général de Testât royal et couronne de
France, et le conseil général de l'Union des catholicques eslably
à Paris, attendant l'assemblée des Estatz du royaume » eurent
en mains tout le pouvoir5.
i. Thou (de), Histoire universelle, t. \, p. 095.
2. Bibl. \al., f. ital., ms. 1 7^7, p. 071, copie; dép. des anibass. vénitiens,
de Vendôme, lajanv. 1089.
3. Thou (de), Histoire universelle, t. X, p. 09G.
i. Bibl. Nat., f. fr., ms. 10 197, f° io3 ; « Journal de François ». — Robi-
quet (P. , Paris et la Ligne, p. 490 et 507.
5. Advis de Messieurs du conseil général de l'Union des catholiques establis
à Paris sur la nomination et éle<-li<>n de monseigneur le duc de Mayenne, pair
de France, pour lui estre donne le titre de lieutenant général de l'estal royal et
couronne île France, attendant l'assemblée des Estais de ce royaume, avec arrest
LA DÉCHÉANCE DE HENRI III 21 7
Ce qui caractérise ce gouvernement entièrement révolu-
tionnaire, dont Mayenne est le chef et qui étend sa puissance
aussi loin que s'étend la Ligue, c'est qu'il ne reconnaît point de
roi et attend la solution des difficultés dans la réunion des
États généraux. On eût pu croire, et Henri 111 le redoutait,
qu'en refusant de reconnaître son autorité les ligueurs lui
opposeraient un rival, tout désigné d'ailleurs par la longue
campagne qu'ils avaient menée en faveur du cardinal de
Bourbon. Soit par timidité, soit par un dernier respect de la
majesté royale, soit plutôt par manque de clairvoyance et d'ha-
bileté, les chefs de la Ligue ne proclamèrent point de suc-
cesseur au tyran déchu et remirent toute souveraineté à la
nation.
Il semble en effet qu'avec Guise ait disparu le cardinal de
Bourbon, jadis premier prince du sang et héritier présomptif
de la couronne. Il ne revient à la mémoire des ligueurs que
comme un simple prisonnier partageant le sort de l'archevêque
de Lyon ou du prévôt des marchands. Quand il apparaît, c'est
toujours dans des manifestations dirigées contre Henri III el
demandant la mise en liberté des captifs : dans une lettre de la
municipalité parisienne, qui flétrit les assassinats de Blois el
s'élève contre la détention des princes1; dans une procession
solennelle faite à Rouen pour l'entrée de Mayenne, où trois
compagnies de pénitents portent chacune une bannière repré-
sentant les deux premières les meurtres des Lorrains et la troi-
sième une tour aux fenêtres de laquelle on aperçoit le cardinal
de la cour sur ce intervenu et le serment faict par ledit seigneur. Paris,
i.">Si), in-8". — Gayet (Patina), Chronologie novenaire, p. io3. — Robiquet I P. i,
Paris cl la Ligue, p. 5a5 à 53i.
La formule citée fut employée en tête «les actes, quelquefois avec de
très légers changements. Il y eut deux sceaux, portant les armes de France
et l'inscription « Le scel du royaume de France », différents par la gran-
deur, le plus grand pour le conseil, le plus petit pour les parlements et
chancelleries. Le nom du duc de Mayenne figura en tête des lettres de
grand sceau; les arrêts du parlemenl portèrent « les gens tenant la cour
de parlement ». et les autres lettres de petite chancellerie « les gens tenant
la chancellerie ».
i. Robiquet (P.), Paris et lu Ligue, p. 5n, note i.
2l8 LE RÔLE POLITIQUE DU CARDINAL DE BOURBON
et les autres prisonniers d ; dans les pamphlets, dans les
estampes, dans les gravures, indices de la haine furieuse
qu'inspire le tyran-. Mais le sort du prince, que ses droits et
la religion appellent à la couronne, n'intéresse pas plus que
celui de ses compagnons d'infortune. Les ligueurs osent même
saisir ses revenus et c'est à peine si, sur ses réclamations, ils
lui en accordent mainlevée de la moitié :î.
La mort de Henri III, assassiné le Ier août 1089, change
brusquement la situation.
1. Arch. du Vatican : lcttere délia segreteria di slato, nunziatura di
Francia, t. XXI, p. 69, orig. ; lellre anonyme, de Paris, 1" et 4 mars 1.589.
(Pièces justif. n° XIX.)
2. M('-inoires-journaa.r de P. de L'Esloile, t. IV, p. 3a, 33 et 43.
3. Bibl. Nat., f. fr., ms. 3996, fu 82, copie ; arrêt du parlement accordant
au cardinal de Bourbon mainlevée de la moitié de ses revenus, rendu le
20 avril i58g sur les lettres patentes du duc de Mayenne et du conseil
général de l'union du 29 mars iôSq. — Le « Journal de François » (Bibl.
Nat., f. fr., ms. 10197), rédigé à Paris à cette époque, énumère la liste des
prisonniers et oublie même de citer parmi eux le cardinal de Bourbon.
CHAPITRE IT
LES PRISONS DU CARDINAL
La disparition de Henri III dénoua les difficultés où l'inha-
bileté de ses chefs avait entraîné la Ligue. Vis-à-vis de l'usur-
pateur qui se prétendait roi de France sous le nom de Henri IV,
on proclama Charles X. Cette royauté convenait merveilleuse-
ment aux ligueurs qu'elle protégeait contre le règne de l'hé-
rétique, au pape qui voyait en elle un moyen de sauver la
religion en préparant l'accession au trône d'un successeur
catholique l, à Mayenne enfin qui y trouvait l'assurance cer-
taine du pouvoir. Il fallait donc à tout prix s'emparer de la
personne du prélat et le couronner roi de France.
Mais, pendant que Charles de Lorraine sollicitait Chavigny
de rendre la liberté au cardinal- et faisait écrire au geôlier par
le pape lui-même3, le roi de Navarre montrait plus d'intelli-
gence et d'activité. Il donna ordre à l'un de ses confidents
intimes, Duplessis-Mornay, de retirer le cardinal de Chinon
« sans y rien espargner, fût-ce tout son bien4 ». Bien que
souffrant. Duplessis-Mornay engagea immédiatement les pour-
parlers avec Chavigny et, pour que celui-ci put mettre sa ville
à l'abri d'une surprise, il lui fit parvenir des renforts 5. Aussi,
quand le messager de Mayenne arriva, le gouverneur lui déclara
i. Négociations diplom, avec la Toscane, t. V, p. 56 ; de Rome, 2 sept. i58g.
2. Bibl. Nat., f. ital., ms. 17.58, f° 45, copie ; dép. des arnbass. vénitiens,
de Tours, 10 août i58g.
3. Négociations diplom. a)<ec la Toscane, t. V, p. 5g; de Rome, 16 sept. i58g.
4. Mémoires de madame Duplessis-Mornay, t. I, p. 1 83.
5. Ibidem.
220 LE ROLE POLITIQUE DU CARDINAL DE ROURROX
qu'il n'avait entre les mains qu'un cardinal, auquel il ne
rendrai! la liberté que sur l'ordre du roi légitime proclamé
par toute l'armée L
Cependant les difficultés étaient loin d'être résolues. Si Cha-
vigny reconnaissait l'autorité de Henri IV, il ne semblait pas
décidé à lui remettre promptcmcnt son prisonnier. Le sieur
de Manon, qui vint le trouver de sa part, ne put entrer en
rapport avec lui2. Le gouverneur était d'ailleurs sollicité par
le cardinal de Vendôme et le comte de Soissons de ne point se
dessaisir de leur oncle, sinon pour lui donner entière liberté.
Peut-être ces princes gardaient-ils quelque espérance dans
l'avenir3 ? D'autre part les ligueurs ne perdaient point courage
et cherchaient à s'emparer du cardinal malgré son geôlier.
Quelques jours à peine s'étaient écoulés qu'un complot s'ourdit
parmi la garnison. Un lieutenant de Chavigny, d'accord avec
quelques soldats, devait enlever le captif ; mais tout fut décou-
vert avant l'exécution4.
Duplessis-Mornay n'en poussa que plus activement les pour-
parlers. Il gagna Montsoreau pour se rapprocber de Ghinon
et, par l'intermédiaire de la duchesse d'Angoulême, il s'aboucha
avec madame de Chavigny. On convint que le gouverneur
recevrait sur-le-champ deux mille écus nécessaires à l'entretien
de la garnison du château et de la ville. Duplcssis-Mornay lui
remettrait six mille écus comptant au moment où il livrerait
le cardinal et quatorze mille six mois plus tard5. Pour ne point
retarder la négociation, le protestant emprunta les deux mille
écus promis. D'ailleurs le roi de Navarre le pressait fort. «Je
vous prie, lui écrivait-il, faire en sorte que nous tirions cest
i. Bibl. Nat., f. ital., ms. 1738, f° 45, copie; dép. des ambass. vénitiens,
de Tours, 10 août 158g.
■:>.. Mêmoiresdc madame Duplessis-Mornay, t. I, p. i83.
3. Mémoires et correspondance de Duplessis-Mornay, t. IV, p. 617 ; lettre du
card. de Vendôme et du comte de Soissons au sieur de Chavigny, de Tours,
6 août i58<).
4. Bibl. Nat., f. ital., ms. 1738, f° 48 v°, copie ; dép. desambass. vénitiens,
de Tours, 28 août 1589.
5. \Jemoires de madame Duplessis-Mornay, t. I, p. i83.
LLS PRISONS DL CARDINAL 22 1
homme hors de là, à quoy ne faut rien espargner1. » Il lui
conseilla de se rendre en personne à Chinon, pour que (.lia
vigny le remît entre ses mains propres -. Il n'y avait point de
temps à perdre. Les ligueurs continuaient leurs menées ;
\layenne écrivait des « lettres fort preignantes 3 » ; La Châtre
faisait les offres les plus alléchantes4; et le désintéressement du
gouverneur n'était pas si grand qu'on put avoir eu lui pleine
confiance.
Duplessis Mornay et Chavigny choisirent le dimanche 3 sep-
tembre pour la remise du captif. Comme le comte de Soissons
était à Langeais avec des troupes, le duc d'Epernon à Nouâlre,
et que La Châtre se dirigeait sur Chinon, le protestant prit ses
précautions. Il choisit parmi ses coreligionnaires quelques
braves capitaines qu'il lit venir avec leurs hommes tout près
de la ville pour le secourir en cas d'attaque. Quoique malade,
il se rendit lui-même au château, [•émit les si\ mille éeus à
Chavigny et eu une demi-heure eut terminé tous les préparatifs
que nécessitait un si brusque départ, au grand émoi du car-
dinal. Le vieillard craignait d'être conduit à La Rochelle en
plein pays huguenot. Duplessis-Mornay le rassura ; puis rapi-
dement, escorté par les capiliiines protestants, il se dirigea
sur Loudun avec son prisonnier'. Il eût bien voulu l'accom-
pagner plus loin, mais, vaincu parla maladie, il dut s'arrêter
dans celte ville, laissant aux sieurs de La Boulaye et de Parabère
le soin de le conduire jusqu'à Maillezais. Toutefois il le fit suivre
1. Lettres missives de Henri l\ , t. III, p. 35 ; au sieur Duplessis- Mornav,
de Darnétal, icr sept. i58g.
2. Lettres missives de Henri IV, I. III, p. 28; au sieur Duplessis-Mornay,
de Foui Saint- Pierre, -i'a août t58g.
M. Mémoires et correspondance de Duplessis-Mornay, t. IV, p. 4o5 ; lellrede
Duplessis à Henri l\, s. 1., Ier sept. i58().
\. \rcli. <lu Vatican : lellere délia segretclria di slalo, nun/.ialuia di
frauda, I. X.XII, f" ioi\ v", orig. ; dép. de Morosini, Légat, au card. de
Montalto, de Lyon, 5 sept. [589. — Mémoires de madame Duplessis Mornay,
I. I. p. i84-
.">. Mémoires de madame Duptessis-Morildy , i. I, p. iN'i' Pour payer les
quatorze mille «'eus promis à Chavigny, on lui constitua une rente sur les
.(ailles de l'élection de La Rochelle.
222 LE ROLE POLITIQUE DU CARDINAL DE BOLRBON
par deux de ses Suisses, en qui il avait pleine confiance *.
Agrippa d'Aubigné était alors gouverneur de Maillezais, et,
comme on le savait fort mécontent du roi de Navarre avec
lequel il avait de ((perpétuelles riolles», les ligueurs crurent
le moment favorable pour ressaisir le cardinal. Un gentil-
homme italien vint trouver le gouverneur, et, après lui avoir
rappelé habilement toutes les injureV subies, il lui proposa
deux cent mille ducats comptant ou bien le gouvernement
de Belle-Ile avec cent cinquante mille écus, s'il fermait les
yeux et laissait échapper son prisonnier. Si nous en croyons
ses propres mémoires, d'Aubigné lui fit cette fière réponse :
« Le second offre seroit plus commode pour manger en paix
et en seureté le pain de mon infidélité ; mais, pour ce que ma
conscience me suit de si près qu'elle s'embarqueroit avec moy,
quanti je passerois en l'isle, retournez-vous en tout asseuré
que, sans ma promesse, je vous envoyerois au roy 2. »
Le cardinal ne resta pas longtemps à Maillezais. où il était
d'ailleurs installé d'une façon fort peu commode. A la prière de
sa sœur, l'abbesse de Fontevrault, et du cardinal de Vendôme
qui se plaignaient que l'air de la ville fût malsain pour lui, le
roi de Navarre ordonna de le transférer à Fontenay-le-Comte.
Mais, comme la peste y sévissait, le prélat dut séjourner quelque
temps encore à Maillezais. où une température des plus douces
et les prévenances du gouverneur le consolèrent des ennuis que
lui causait son mauvais logement3.
Enfin, quelques jours avant la Toussaint, il partit pour
Fontenay-le-Comte, qui devait être sa dernière résidence. Là
encore certains ligueurs intriguèrent pour s'emparer de sa per-
i. Mémoires de madame Duplessis-Mornay, t. I, p. i85. -- Mémoires et
correspondance de Duplessis-Mornay, t. IV, p. 108 ; acte des sieurs de La
Boulaye et de Parabèrc, qui reconnaissent avoir reçu le cardinal de Bourbon
des mains de Duplessis-Mornay, de Loudun, \ sept. 1089.
u. Mémoires d'Agr. d'Aubigné, éd. Lalanne, p. 97.
3. Arch. Nat., K. 1 5G<), n° i38. déchiffr. ; dép. de Mendoça à Philippe II, de
Paris, i3 oct. 1689. — Bibl. Nat,, f, fr., ms. 3978, f° an, autogr. ; lettre de
Marian de Martimbos à la duchesse de Nevcrs, de Fontenay-le-Comte,
l5 mars [5()o. (Pièces juslif. n0 XXII.)
LES PUISONS DU CARDINAL 22D
sonne. Par deux fois Pierre Gasteau, sieur du Vignault, avocat
au barreau de la ville, tenta de le délivrer ; aux deux fois il
échoua, ne trouvant pas dans cette cité huguenote d'hommes
assez déterminés pour le seconder '.
Si le roi de Navarre avait mis tant d'empressement à s'em-
parer de son oncle, ce n'était point par animosité contre lui. Il
eut toujours à son égard plus de pitié que de rancune. Aussi,
dans les prisons successives qu'il occupa, le cardinal fut-il
traité avec la plus grande déférence et il } jouit de tout le bien-
être qu'il put désirer. Navarre voulut seulement priver les
ligueurs de sa présence.
A Fontenay, où il vécut sous la garde du sieur de La Bou-
laye, le vieillard habitait une large chambre contiguë à une
garde-robe qui conduisait elle-même à une galerie couverte
transformée en oratoire. Cette galerie, longeant ses apparte-
ments et s'ouvrant sur un petit jardin, pouvait lui servir de
lieu de promenade en cas de pluie. Par le beau temps il s'en
allait dans un plus grand jardin à quelque distance de là2.
Toutefois la surveillance était étroite autour de lui. Des
douze gentilshommes qui en étaient chargés, cinq ou six res-
taient en permanence dans sa garde-robe; à la porte de sa
chambre se tenaient trois ou quatre Suisses; enfin dans la cour
un corps de garde de quinze à vingt soldats. Mais son geôlier,
le sieur de La Boulayc, cherchait à lui faire oublier sa con-
dition de prisonnier avec les mille prévenances dont il l'en-
tourait. Il le visitait journellement, lui permettait même par-
fois de sortir de la ville, et, «à sa prière, il consentit à rouvrir
i. Boncennes (F.), Notes sur la mort et la sépulture du cardinal de Bourbon
dans Revue de* provinces de l'Ouest, 3' année, t856, |>; ^28.
2. Bibl. Nat., 1'. IV., ms. 3978, f° an, autogr. ; lettre de Marian de Mar-
timbos à la duchesse de Nevers. de Fontena\ le Comte, i5 mars i5()o.
(Pièces justif. n° XXII,)
!>:>'| LE ROLE POLITIQUE DL CARDINAL DE BOLRBON
une église que les protestants avaient fermée dans un des fau-
bourgs1.
Dans cette prison si douce le vieillard mène une vie simple
et réglée. Le matin, après quelques minutes de prières à son
oratoire, il fait une assez longue promenade au jardin ou sous
la galerie couverte. A onze heures il sjen vient déjeuner, puis
écoute volontiers un sermon de Grenade ou de saint Bernard.
Les vêpres rappellent de nouveau à son oratoire, où ses aumô-
niers chantent le service « à la mode des Bonshommes et
quelquefois comme les Pénilens ». Enfin vers les neuf heures
il se couche et s'endort doucement à la lecture de la bible ou
de quelque autre livre de dévotion .-. Le cardinal est donc
revenu aux pratiques pieuses qu'il a toujours aimées et vers
lesquelles sa vieillesse et la maladie le poussent encore. Il
s'accommode assez bien de cette vie au milieu des huguenots,
qu'il a tant redoutée ; il leur demande seulement de ne point
chanter leurs psaumes assez près pour qu'il les entende et sur-
tout de ne pas se livrer en sa présence à des discussions sur la
religion 3. Sa piété s'effarouche trop des paroles hérétiques.
Malgré des habitudes calmes et régulières, le cardinal ne
peut éviter les souffrances physiques que son grand âge rend
de plus en plus fréquentes. Par trois fois il a de terribles
attaques de goutte. « Ung gros catharre, qui lui [est] tombé
sur toutes les parties du corps », le fait également beaucoup
i. Bibl. Nat., f. fr., ms. 3978, f° an, autogr. : lettre de Marian de Mar-
timbos à la duchesse de Nevers, de Fontenay-le-Corate, iô mars [690.
(Pièces justif. 11" NAII.) — Ibid., ms. 3336, 1° i3o, autogr. ; lettre du card.
de Vendôme à la duchesse de Nevers, de Tours, 7 nov. 1 089. — Du Breul(J.),
La rie de Charles de Bourbon, p. 8.
:>.. Bibl. Nat.. f. fr., ms. 3978. f° -mi, autogr.; lettre de Marian de Mai-
Umbos à la duchesse de Nevers, de Fôntenay-le-Comte, 10 mars 1590.
(Pièces justif. n° XXII.)
3. Arch. Nat., K i56g, n° i38, déchiffr. ; dép. de Mendoça à Philippe ll.de
Paris, i3 oct. 1.589. — t)u Breul, dans sa Vie de Charles de Bourbon, qui
n'est qu'un panégyrique,' prétend au contraire que, si les prolestants, qui
se trouvaient souvent aux heures de lecture, venaient à soulever quelque
discussion, « il leur bailloil des solutions si pertinentes qu'ils en esloicnl
tous esbaliis ».
LES PRISONS DU CARDINAL v>l>5
souffrir. Enfin, comme dans les premiers jours de son empri-
sonnement à Blois, il est pris « d'une difficulté et ardeur
d'urine qu'il jette rouge comme sang. » On craint même un
instant pour sa vie. Néanmoins, après deux saignées et quelques
médecines, sa santé se rétablit un peu '.
Au fond de sa prison le cardinal de Bourbon ne reste pas
sans nouvelles. Il apprend tous les maux qui désolent le pays cl
s'en attriste. « Je déplore aveeq vous, écrit-il au duc de Nevers.
les malheurs que les divisions apportent en ce pauvre réanime,
lequel je supplye nostre bon Dieu vouloyr regarder de son œil
de pitié et de miséricorde, et nous doner quelque bon repos
à son honneur et gloire ... Tous mes ordinaires et continuels
exercices sont en prières tendant à cesle fin 2. » Son impuis-
sance a chassé de lui toute ambition. Son seul désir est de voir
rendues au pays la paiv et la religion catholique.
\\ec Henri de Lorraine ont disparu toutes les énergiques
résolutions du vieillard, et plus que jamais, maintenant qu'il
est affaibli, prisonnier, il se laisse influencer par ceux qui sont
restés en relation avec lui, c'est-à-dire ses neveux et principa-
lement le cardinal de Vendôme. Le jeune homme, dont
l'ambition et l'habileté croissent Ions les jours, s'applique à
conserver les bonnes grâces de son oncle qui sont pour lui une
quasi certitude en l'héritage de ses bénéfices; et, maintenant
que le duc de Guise n'est plus là pour annihiler ses efforts,
il cherche à gagner le prélat au parti des Bourbons catho-
liques, dont il se déclare le chef avec son frère le comte de
Soissons. Ce parti peut espérer l'appui de tons les catholiques
loyalistes que mécontente la révolte de Mayenne, qu'effraie
l'hérésie dn Béarnais: cl les deux frères rêvent d'une entente
entre le roi de Navarre et Charles de Lorraine, qui aboutirait
i. Bibl. Nat., f. fr., ms. 397H, f° an, autogr. ; lettre de Mariau fie \!ar-
timbos à la duchesse de Ncvers, de Foulenay-le-Comte, ij mars t5go.
(Pièces jnslif. n" XXII.)
a. Bibl. \at., f. fr., ms. 8978, I" nt, autogr. ; lettre du càrd. de Bourbon
au due de Neveis, de Fontenay-lc-Conile, 18 mais r&go. (Pièces jusfif,
n° XXIII.)
Saulnier. — Cardinal de Bourbon, 15
226 LE RÔLE POLITIQUE DU CARDINAL DE BOURBON
à leur propre triomphe. Le cardinal accepte la proposition ; il
en fait même parler à Duplessis-Mornay. pour qu'il la sou-
mette à son maître. Mais ce projet est trop contraire aux inté-
rêts des ligueurs et du Béarnais ; il n'a point de suite d.
Il ne reste plus qu'un moyen de rendre la paix au royaume
en conservant le trône aux Bourbons :. c'est de ramener au
catholicisme le roi de Navarre. Depuis longtemps déjà on
parle d'une conversion possible de l'hérétique, et pour les plus
habiles elle est fatale. C'est pourquoi le cardinal de Vendôme
et le comte de Soissons. après avoir éprouvé l'intransigeance
de Mayenne, se rallient délibérément à leur cousin. Celui-ci
consent à se laisser instruire et fait croire en une prochaine
abjuration.
Le cardinal de Bourbon ne tarde pas à suivre l'exemple de
ses neveux. Dès les premiers jours de novembre, il envoie un
messager reconnaître en son nom le Béarnais comme roi de
France et l'exhorter à se faire catholique - ; et. quand le légat
du pape pénètre en France, il l'informe que la conversion
de l'hérétique est le seul moyen de rétablir l'ordre dans le
royaume3. Malheureusement le légat ne L' écouta pas.
On peut alléguer en vérité que ces marques d'obéissance
envers le roi de Navarre étaient intéressées, car le cardinal sol-
licitait en même temps sa mise en liberté. Il semble bien cepen-
dant qu'elles furent sincères : car. pas plus à cette heure qu'à
aucune époque de sa vie. le prélat n'eût consenti à ce qu'un
i. Mémoires et correspondance de Duplessis-Mornay, t. IV, p. 4o."> ; lettre de
Duplessis-Mornay à Henri IV, s. 1., i" sept. i58g.
2. Bibl. Vit., f. fr.. ms. 3336, f° i3o, autogr. ; lettre du card. de \ cn-
dome à la duchesse de Ne vers, de Tours. - nov. i58<). — Mémoires-journaux
de P. de~L'Estoilett. V, p. a5. — Gayet (Patinai. Chronologie novenaire,
p. a3a.
3. Bibl. Nat., f. fr.. ms. 3î',5, f" n, autogr. ; lettre du card. de Vendôme
au duc de Nevers, de Tours, i5 nov. 158g. — Ibid., f. ital., ms. 1738,
f 118 v", copie; dép. des ambass. vénitiens, de Tours, ao fevr. i5go.
Au mois de juillet 1.190, le duc de Nevers, qui s'était jusque-là tenu pru-
demment entre les deux partis, rejoignit le roi de Navarre. On dit que
cette résolution venait d'un conseil donné au duc par le cardinal quelques
jours avant sa mort. \ . Mémoires-journaux de P. de L'Estoile, t. \ , p. 279,
LES PRISONS DU CARDINAL 227
autre qu'un Bourbon s'assit sur le trône de France. Son neveu
répondit à ses prières par des promesses ' ; toutefois, envisa-
geant les difficultés qui l'entouraient, il jugea prudent de ne
point les tenir rapidement.
1. Arnaud Sorbin, dans l'Oraison funèbre du très verlueux et illustre prince
Charles, cardinal de Bourbon, Nevers, i5g5, in-8", p. 27. dit en parlant de
l'oncle du cardinal dont il fait le panégyrique : « Peu de jours avant son
trépas il receut des lettres du roy pleines de consolation et d'amitié et de
l'espérance que Sa Majesté luy donnoit de se réduire au giron de l'église.
Le bon prince leva les mains au ciel en disant ces mots : Mon Dieu, aurois-
je bien cest heur avant de mourir de le veoir catholique; j'en mourrois
très content. »
CHAPITRE III
LE REGNE DE CHARLES X
Pendant que le cardinal de Bourbon vivait tranquille dans
son lointain Fontenay-le-Comte. la Ligue triomphait à Paris
et dans une grande partie de la France. La mort de Henri III
fortifia singulièrement sa cause. Elle fit des anciens rebelles
les défenseurs de la royauté, justifia leur prise d'armes pour
la délivrance du souverain et la défense de la religion. Sans
s'arrêter aux scrupules manifestés en i58- par les chefs du
parti, qui avaient déclaré le cardinal « très recommandable
non comme héritier et successeur, estant trop remot en degré,
mais capable d'élection et de l'honneste préférence pour sa
religion et ses vertus », ni aux dernières paroles de Henri III
mourant qui désignait Navarre pour occuper le trône de France,
on considéra seulement les lettres patentes du 17 août i588
proclamant le prélat le plus proche parent du roi défunt, en
conséquence héritier présomptif de la couronne, et l'exclusion
prononcé quelques mois plus tôt par les Etats généraux de
Blois contre l'hérétique prétendant.
La reconnaissance du cardinal de Bourbon avait l'avantage
de justifier l'autorité que le duc de Mayenne et le conseil de
l'Union s'étaient attribués. Certains catholiques se plaignaient
déjà de cette qualité de lieutenant général de l'étal royal et cou-
ronne de France qui, selon eux, « n'estoit qu'une chimère ».
car « il n'y avoit point de lieutenant, sil n'\ avoil de chef, et
il if \ avoit point de chef sinon le roy ' 0. Les attributions de
1. Gayet (Palma), Chronologie novenaire, p. io3, col. 2.
LE REGNE DE CHARLES X 22g
Mayenne furent dès lois légitimées. 11 exerça le pouvoir en
attendant la délivrance de son roi, pour laquelle il luttait. Il ne
sembla même plus nécessaire de convoquer les États généraux ;
et. si le premier édit rendu après l'assassinat de Saint-Cloud est
rédigé au nom de Charles de Lorraine et du conseil de l'Union
établi à Paris « attendant l'assemblée des Estais du royaume * »,
il ne faut voir là qu'un souvenir des six derniers mois. Désor-
mais le lieutenant général et le conseil de l'Union conservent
le pouvoir uniquement parce que le souverain futur est pri-
sonnier.
En conséquence, le 5 août, Mayenne rendit un édit qui exhor-
tait tous les sujets à se réunir pour la défense de la religion
catholique, apostolique et romaine « en attendant la liberté et
présence du roi nostre souverain seigneur - ». C'était la seule
mention faite du cardinal de Bourbon. Deux jours après, l'édit
était enregistré au parlement de Paris et expédié à toutes les
villes de province.
Fort de sa nouvelle situation, Mayenne repoussa tout projet
de négociation avec le Béarnais. Négligeant l'avertissement que
lui donnèrent deux princes du sang et plusieurs grands sei-
gneurs catholiques en reconnaissant Navarre comme roi de
Fiance, il déclara que sa religion et le respect qu'il portait au
cardinal « ne lui permettaient d'entendre à ceste ouverture 3 ».
Il eut d'autant plus d'audace que l'Espagne lui promit de
l'argent et des troupes l.
Cette assurance fut défavorable an parti de la Ligue. En effet.
maigri'1 les apparences, la situation restait la même et beau-
coup s'en aperçurent. Les catholiques n'avaient pas encore de
roi pour l'opposer à celui qui prenait le nom de Henri IV. On
i . Kdil et déclaration de monseigneur le duc de Mayenne et le conseil général
de la sninlc Union pour réunir Ions vrais chrestiens françois à lu deffense et
conservation de l'église, catholique, apostolique et romaine, el manutention de
Vestat royal. \ Paris], 11)89, in-8°; du 5 août 1589.
2. Ibidem.
3. Mémoires d'estal <Ie ] illeroy, éd. Midi, et Ponj.. p. 189, col. 2. —
Mémoires-journaux de P. de L'Estoile, 1. V, p. 258.
'1. Mémoires d'estal de Villeroy, p. i4o, col. 1 et 2.
23o LE RÔLE POLITIQUE DU CARDINAL DE BOURBON
ne faisait que leur en promettre un. En conséquence on ne
combattit pas pour soutenir la royauté du cardinal de Bour-
bon, mais bien pour empêcher l'accession au trône d'un pré-
tendant qu'on déclarait illégitime. Les droits équivoques du
prélat, qui auraient pu s'affirmer par une proclamation immé-
diate, perdirent leur peu de force par* cette indécision. Phi-
lippe II jugeait sagement la situation, lorsqu'il écrivait à l'un
de ses agents en France : « Ce qu'il y aurait de plus avantageux
pour notre sainte cause sciait de nommer de suite un roi
catholique et aussi intéressé à la conservation de la Ligue que
l'est le cardinal de Bourbon Autrement il va en résulter
une confusion dans les opinions à la faveur de laquelle le
Béarnais s'introduira dans Paris *. » Mais ses conseils ne furent
point suivis.
Ainsi le grand mouvement qui agite une partie de la France
après la mort de Henri III est dirigé non pas en faveur du car-
dinal de Bourbon, mais bien contre le roi de Navarre. Au lieu
de devenir royaliste il reste ligueur. C'est toujours la Ligue
qui combat et elle conserve tous les blâmes et toutes les haines
qu'elle s'est attirée au cours des dernières années.
A Paris même on arriva vite à considérer la lutte sous un
pareil jour. Bien que la déclaration du 5 août eût ignoré le roi
de Navarre, les efforts furent uniquement dirigés contre lui.
Après s'être attaqué au prétendu parlement qui jugeait en son
nom à Tours 2, celui de Paris déclara ses partisans « criminels
de lèze-majesté divine et humaine, déserteurs de la cause de
Dieu et de son église 3 ».
i. Baguenault de l'uchesse (G.), La politique de Philippe II dans les affaires
de France, 1559-1598, p. 46. — Il faut noter un projet curieux qui naquit
dans l'esprit de quelques parlementaires de Tours disposés à concilier les
partis. Ils voulaient que le cardinal de Bourbon et son neveu, le roi de
Navarre, régnassent ensemble, comme jadis les empereurs romains occu-
paient à deux le gouvernement. V. Mémoires de madame Duplessis-Mornay,
t. I, p. 182.
x. Thou (de), Histoire universelle, t. XI, p. 46.
3. Arrest de la cour de parlement de Paris contre ceux qui tiennent le parly
d'Henry de Bourbon... Paris, 1689, in-8°.
LE RÈGNE DE CHARLES X 23 1
En province on n'attendit pas cet exemple pour suivre la
même voie. Moins encore qu'à Paris, où Mayenne avait besoin
du cardinal pour justifier sa lieutenance, on songea au vieil-
lard prisonnier. Le parlement de Rouen, le plus timide parmi
les parlements ligueurs, enjoignit à tous d'observer l'édit du
5 août, de s'armer « pour la manutention de l'honneur de
Dieu et de l'église catholique, apostolique et romaine, et con-
servation de lestât et couronne de France », sans même cher-
cher une excuse à cet appel aux armes dans la délivrance du
roi captif1. Le premier acte du parlement de Dijon, lorsqu'il
eut appris l'assassinat de Saint-Cloud, fut d'interdire la recon-
naissance de Henri de Bourbon, sans faire aucune mention du
cardinal ; quelques jours plus tard il enregistra l'édit du
5 août2. A Toulouse la déclaration fut encore plus nette; la
cour défendit « très expressément à toutes personnes de quel-
que état, qualité et condition qu'ils soient, sans nul excepter,
de reconnoître pour roi Henri de Bourbon prétendu roi de
Navarre », et, rappelant la bulle de Sixte-Quint qui l'avait ex-
communié, elle le déclara « incapable de jamais succéder à la
couronne de France pour les crimes notoires et manifestes am-
plement contenus en icelle 3 » .
Lorsque les parlements prenaient une telle attitude, il ne
faut point en chercher une différente chez les villes où le parti
ligueur dominait. A Amiens, par exemple, Jean de Montluc,
lieutenant général en Picardie pour le duc d'Aumale, et les
membres des États de la province rendirent une ordonnance
enjoignant à toute personne de se réunir à eux « pour la con-
servation et manutention de l'honneur de Dieu et de sa reli-
gion contre le roi de Navarre, à peine d'être procédé contre
i. Mémoires de lu Ligue, l. I\ . p. 93 ; arrêl de la cour de parlement de
Rouen, du a3 septembre 1589.
a. Registres du parlement de Dijon de tout ce <]ui s'est passé pendant la
Lùjue, s. I. 11. d., in 12", p. n'i et 126. -- La Cuisine (E. F. de). Le parle-
ment de Bourgogne, 2e éd., t. II, p. 180.
3. Mémoires île la Ligue, l. I\. p. '17 ; arrêt de la cour de parlement de
Toulouse, du 22 août i58g.
20'2 LE RÔLE POLITIQUE DU CARDINAL DE BOURBON
eux comme rebelles4 ». A Lavaur, les Étals des villes du parti
catholique de Languedoc jurèrent le 17 décembre de uc jamais
reconnaître un roi excommunié et décidèrent que ce même
serment serait prêté par tous les habitants de la province-.
Eux aussi semblent ignorer le cardinal de Bourbon.
Enfin dans la bouche même du peuple on peut trouver l'ex-
pression de sa propre pensée. Lors des 'affreux massacres qui
eurent lieu à Limoges le i5 octobre 1089 et jours suivants, on
n'entendit que les cris de « Vive la croix ! Vive l'Union ! Vive
L'église catholique et les bons catholiques ! » Si quelques cris
de (( Vive le roi! » retentirent dans le tumulte, ils furent
poussés par les partisans du Béarnais3. On ne se trompait pas.
Le roi, c'était le roi de France et de Navarre, Henri IV.
Ainsi c'est toujours la Ligue qui combat. Derrière elle ne
surgit pas son roi. Entre l'hérétique, qui prétend à la couronne,
et la Ligue, que l'on sait menée par l'ambition de quelques-
uns, lout le groupe des catholiques royaux et loyalistes hésite.
Rares sont ceux qui prennent immédiatement parti pour l'un
ou pour l'autre. Le parlement de Bordeaux semble avoir donné
le mot d'ordre. Tout en recommandant d'observer inviolable-
ment les derniers édits et les prescriptions des Étals de Blois,
il enjoint à tous seigneurs, gentilshommes, villes et commu-
nautés (i qui se sont élevés du vivant du l'eu seigneur roi de
poser les armes... en attendant qu'il ait plu à Dieu impartir sa
gràee et miséricorde à ce royaume pour la conduite et direction
d'ieelui à son honneur et gloire, exaltation et conservation de
sa sainte foi et religion catholique, apostolique et romaine»;
et dans tous les actes publics il conserve le nom et le sceau de
1. Beauvillé (V. de), Histoire de In ville de Montdidier, a* éd., I. I, p. a38.
2. Loutchistzky (.T.), Documents inédits pour servir à l'histoire de la
Réforme et de ht Ligue, p. 264. — Rossignol (E. A..), Petits états d'Albigeois
ou assemblées du diocèse d'Albi, p. 201-202.
Il faut admettre que l'arrêt du 21 novembre i58q, dont je parlerai plus
loin, n'était pas encore parvenu à Lavaur, chose possible, puisqu'il ne par-
vint à Dijon que le [5 décembre.
8. Hubon et, Gouberl, Registres consulaires de la ville de Limoge», t. III,
appendice p. xxi à xxiv.
LE REGNE DE CHARLES X 9. .>.ï
Henri III '.Quand il faut parler de l'héritier du trône, on L'ap-
pelle le « légitime successeur roy de la couronne de Fiance- a,
sans le désigner plus précisément.
En somme, suivant l'expression du légat, du cardinal de
Bourbon on ne parle point3.
Il était cependant fatal qu'on en parlât. Après l'explosion de
fanatisme furieux contre Navarre, on on vint à penser au prélat.
Peu à peu, au cours de la campagne menée contre le neveu
l'oncle apparut. De même qu'aux prétentions du Béarnais au
litre d'héritier présomptif on avait opposé les droits du car-
dinal, de même à la royauté de Henri IV on opposa celle de
Charles X. Mais le premier fait fut l'œuvre d'un homme
énergique, qui poursuivit avec méthode le but qu'il se pro-
posait; le second au contraire fut uniquement celle des
événements. Là où Guise vainquit, Mayenne ne sut pas même
préparer la victoire.
Les premiers, les prédicateurs songèrent au cardinal-roi. Le
sermon était alors le moyen le plus efficace pour entraîner les
foules. Après la mort de Henri III, les curés des paroisses de
Paris reçurent du conseil de l'Union l'ordre de déclarer en
chaire que Jacques Clément était un martyr, le Béarnais un
criminel el que ceux qui tiendraient son parti seraient excom
i. Mémoires de la Ligue, t. IN, p. 45 : arrêt de la cour do parlement de
lîordeaux, du 19 août t58a. — Poirson (E.)i Histoire de HenrilV, t. I, p..5o,
a. Henry (M. E.), La Réforme et la Lujae en Champagne et à Reims, p. km.
La municipalité de Grenoble avait formulé une déclaration intéressante
avant l'arrivée des lettres de Mayenne. Elle entendait « rester soubz l'obéis-
sance du roy catholicque qui sera sacré et esleu par les princes catholicques
et Estalz généraulx de France », ce qui montre combien peu naturelle sem-
blait l'accession au trône du cardinal de Bourbon, V, Inventaire sommaire
des arch. comm. de Grenoble. Série BB, p. 88.
'.\. Arch. du Vatican : leltcre delta segroleria di statu, nunziatura di
Frauda, t. XXII, p. 1017, orig. ; dép. de Morosini, légat, au card. de \lon-
talto, de Lyon. 18 août 1089 : « dcl signorc cardinale di Borbone non si
parla. »
23/| LE ROLE POLITIQUE DU CARDINAL DE BOURBON
munies. Ils allèrent plus loin et affirmèrent qu'au cas où
Navarre reviendrait au catholicisme, il ne pourrait pas pré-
tendre à la couronne. Après avoir dépeint le neveu sous les
couleurs les plus noires, ils se complurent à montrer la douce
bonté de ronde, sa piété, son amour de la religion, et son
emprisonnement leur fournit matière à plus d'un morceau
pathétique1.
En même temps que dans les prédications cl pour des raisons
analogues, le cardinal roi apparut dans les pamphlets. Des
cantiques en vers latins clamèrent sa misérable captivité2.
Un certain Morus, chargé par la municipalité de Reims de
répliquer à une lettre du duc de Luxembourg en faveur du roi
de Navarre, adressa sa réponse à toute la France; après avoir
maudit l'hérétique, il chanta les louanges du cardinal, dont le
bienheureux règne devait rappeler les temps bénis de saint
Louis3. Des « Advertissement[s] au roy très chrestien Charles de
Bourbon, dixiesme du nom » courraient par le pays4, et dans
une «Exhortation dernière à la noblesse pour la délivrance de
nostre roy très chrestien », la qualité de prêtre, que certains
reprochaient au prélat, devint un nouveau droit à la cou-
ronne 5-.
i . Bibl. Nat., f. ital. , ms. 1738, f° a5 v°, copie ; dép. des ambass. vénitiens,
de Tours. iG oct. i58q. — Robiquet (P.), Paris et la Ligue, p. 576.
2. Mémoires-journaux de P. de L'Estoile, t. III, p. 3io à 3i4-
3. Henry (M. L.i. 1m Réforme el lu Ligue en Champagne et à Reims, p. i54
à 1 59.
\. Baron (Jacques), Advertissement au roy très chrestien Charles de Bour-
bon, dixiesme de ce nom, avec remonstrance aux prélat: de France démonstra-
tive de l'extrême misère de ce temps. Paris, 1089, in-8". —L'ouvrage avait paru
en latin un mois plus tôt. Le département des imprimés de la Bibl. Nat.
possède les deux exemplaires.
5. Par (M.), Exhortation dernière à la noblesse pour la délivrance de nostre
roy très chrestien. Paris, 1089, in-8°. — On v trouve notamment ces cinq
vers adressés aux catholiques :
« Défendez, je vous pri\ vr françois héritage ;
Rendez-lui son seigneur, ce prince que la loy
Dm ûeuve «lu Sala èstablitvostre Roy;
Car de Melchisédech l'éternelle ordonnance
I,u\ (1 ie la prestrise cl le sceptre de France. »
LE REGNE DE CHARLES X 200
En quelques villes, sur des initiatives toutes particulières,
on reconnut même la royauté de Charles de Bourbon. A Rouen
le chapitre de la cathédrale fit poser à l'endroit du chœur
« les armoiries de monseigneur le cardinal à présent roy de
France1 ». A Chartres on mêla son nom aux prières2. Un fait
beaucoup plus significatif, mais qui semble isolé, s'était pro-
duit à Dijon dès le mois d'août. L'assemblée des Etats de la
province de Bourgogne avait reconnu publiquement Charles
de Bourbon « vrai et légitime roi de France, comme étant le
premier prince du sang -le plus successible à la couronne et
comme tel déclaré par les États de Blois:!». Enfin le pape
jugeait sa royauté légitime, puisqu'il remettait à son légat
une somme de cent mille écus à dépenser uniquement pour la
délivrance du captif* et qu'il lui donnait même un bref
adressé à Charles roi très chrétien avec ordre de le remettre
au destinataire, s'il était en liberté à son arrivée en
France 5.
Ainsi peu à peu le roi de la Ligue apparaissait. Lue anec-
dote racontée par d'Aubigné montre combien il eût été facile
de susciter un enthousiasme autour de ce nom. Comme le
cardinal était dirigé sur Maillezais, quelques personnes et parmi
elles un certain médecin de Poitiers, nommé Lommcau. solli-
citèrent du corps de garde l'autorisation de parler au roi. Les
soldats leur refusant l'entrée s'ils n'ôtaient ce titre au prison-
i. Le peintre qui plaça lesdites armoiries reçut deux écus el demi pour sa
peine. V. Robillard de Beaurepaire, Archives départent, de Seine-Inférieure,
série G, t. II, p. 277.
2. Bibl. de Chartres, ms. 101O, f° (35, impr. ; proclamation de M.de Thon,
évèque de Chartres, de Charles de Bourbon comme roi de France, de
Chartres, 22 oct. i58g ; publiée dans Le Cabinet historique, t. III, p. 208.
.'!. Abord (Hippolyte), Histoire de la Réforme et de la Ligue dans la ville
d'Autun, t. II, p. 4o, note 1.
!\. Négociations diplom. avec la Toscane. I. Y, p. 67 ; de Rome, (i oct. i58g.
— - L'Épinois (H. de), La Ligue et les papes, p. 354.
5. Arch. du Vatican : brevi (Sixte-Quint), armaruiin 54, t. \\l\.
f° 278 v° ; de Rome, 2 oct. i!">8q. (Pièces justif. n" \\.) Ce bref m- lui
vraisemblablement jamais remis au cardinal de Bourbon ni même connu
en France.
236 LE ROLE POLITIQUE DU CARDINAL DE BOURBON
nier, elles préférèrent s'en retourner sans l'avoir vu plutôt que
de l'appeler autrement que leur roi '.
Mais, chose curieuse, alors que se produisaient ces témoi-
gnages de fidélité en faveur du cardinal, les chefs de la Ligue
semblaient l'oublier entièrement. Antoine Hotman. qui avait
soutenu les droits du vieillard en i588, se souvint cependant
qu'en mars dernier Charles de Bourbon avait demandé au
conseil de l'Union mainlevée de tous ses bénéfices, dont les
deux partis s'étaient emparés depuis sa captivité. A grand'peine
on avait satisfait a la moitié de sa réclamation. Or les revenus
de la légation d'Avignon, jusqu'ici payés au prélat, venaient
d'être également confisqués par le pape-. En conséquence
Hotman présenta au conseil de l'Union une nouvelle requête
censée rédigée par le cardinal, qui suppliait qu'on lui accordai
une pension annuelle. Le conseil toujours à court d'argent en
fut désagréablement surpris, et le président Hémar Hennequin,
évêque de Rennes, pour déjouer le plan de l'avocat, lui reprocha
vivement une telle « requête conçue en des termes qui conve-
noienl peu à la Majesté royale, ajoutant qu'un roi ne devoit point
user de supplications envers ses sujets ». Nullement vaincu
par l'étrangeté de cette réplique. Hotman réitéra sa demande,
disant que peu lui importaient les termes si l'on y faisait
droit. Le conseil alors délibéra un fort long temps et déclara
« qu'ayant une si grande guerre à soutenir, leurs fonds ne
leur permettoient pas d'accorder au roi-cardinal une pension
sur l'état ; que cependant l'Union auroit soin de le remettre
incessamment en possession des bénéfices considérables dont
ses serviteurs se plaignoient (pie les ennemis de Dieu et de
la nation s'étoient emparés, et que ces revenus considé-
râmes seroient sufïisans pour son entretien et celui de sa mai
son jusqu'à la tin de la guerre ;t ».
i. A.ubigné (d')j Histoire universelle, t. VIII, p. 1/19.
a. Bibl. Nat., f. fr., ras, 4716, f° 109, orig. : lettre du sieur Califlel au
sieur Serre, trésorier général du cardinal de Bourbon, de Paris, 3 oct. i.">N(,.
3.Thou (dei. Histoire universelle, 1. M, p. 5a.
LE REGNE DE CHAULES X !>,)-
Tel était à la fin de septembre le respectueux dévoûment du
conseil général de l'Union pour son souverain.
Devant le peu de cas que la Ligue taisait de l'archevêque
de Rouen, les soupçons que Mayenne avait cru dissipés par
la mort de Henri III réapparurent. On s'étonna de l'indiffé-
rence manifestée à l'égard du prisonnier, du peu de respect
du lieutenant général pour le sang- des Bourbons. S'il refusait
le tronc au Béarnais parce qu'il était hérétique ou même
parce qu'il n'y avait point droit, pourquoi ne proclamait-il
pas le cardinal fervent catholique et héritier de la couronne ' ?
Celte situation équivoque n'allait d'ailleurs pas sans incon-
vénients pour les ligueurs. Lorsque Achille de Harlay.
premier président au parlement, prisonnier à la Bastille,
dut signer, pour obtenir sa mise en liberté, un mémoire
par lequel il s'engageait à servir et honorer Charles de Bourbon
comme son roi. il refusa, prétextant ne pas pouvoir accepter
un fait que rien n'autorisait et que le parlement lui-même
n'avait pas encore reconnu -. Mais ces inconvénients passaient
inaperçus, tant la Ligue paraissait puissante. Les partisans du
roi de Navarre eux-mêmes doutaient secrètement de sa fortune.
Cependant le 21 septembre, sur les hauteurs d'Arqués, la
bravoure eut raison du nombre. Les vingt-cinq mille hommes
de Mayenne durent reculer devant la petite troupe du Béarnais.
Le premier engagement était un échec pour les ligueurs : ce
fut une défaite pour Mayenne. Jusqu'ici la confiance, dont il
se croyait entouré, l'avait empêché de voiries difficultés de >;i
situation. Elles hn apparurent dans toute leur étendue, quand
il lui en hutte aux reproches de ses coreligionnaires. Il perdit
rapidement sa belle assurance des anciens jours el. voulant se
soustraire à la responsabilité qu'il avait encourue, il résolut
1 . Thon (<1<m. Histoire universelle, t. \l, p. 5a.
■>. Bibl. Vil , f. IV.. ins. 3996, f° nij v°, copie; mémoire présenté au
premier président touchant sa délivrance el réponse dudit président.
238 LE HOLE politique du cardinal DE BOURBON
à nouveau de convoquer les Etats généraux. La délivrance
désonnais impossible de Charles de Bourbon lui fournil un
prétexte. Le 10 octobre, il écrivit au parlement de Paris que,
les affaires allant de mal eu pis, a il esloil plus besoin que
jamais d'y recourir1 ».
Mais la victoire d'/Vrques ne suffit pas à Navarre. Son armée
renforcée de quelques troupes de secc/urs poussa une pointe
hardie sur la capitale et emporta même cinq faubourgs. L'effroi
fut grand dans la ville jusqu'à l'arrivée tardive de l'armée du
lieutenant général qui obligea les royalistes à lever le siège.
Celle seconde rencontre, ou, pour mieux dire, cette seconde
défaite de la Ligue, compromit gravement son autorité. Elle eut,
en outre, une conséquence qui est habituelle chez les vaincus ;
ce fut de semer la discorde parmi eux. Devant Mayenne se dressa
le conseil de l'Union, composé en majorité des chefs de la
faction des Seize. Tandis que le premier repoussait avec les
ligueurs modérés toute intervention étrangère, ses adversaires
firent appel à l'Espagne. C'est alors que Charles de Lorraine
usa du pouvoir qu'il possédait encore pour proclamer officiel-
lement la royauté du cardinal de Bourbon, cherchant un moyen
d'affermir son autorité chancelante2.
En conséquence, le 21 novembre, le parlement de Paris
rendit un arrêt qui enjoignit « de recognoistre pour naturel
et légitime roy et souverain seigneur Charles, dixiesme de ce
nom, et hiy prester la fidélité et obéissance deue par bons et
loyaux sujets ». En attendant sa délivrance, le duc de Mayenne
conservait son titre de lieutenant général et le pouvoir qui lui
élait attribué. La cour décida que ses arrêts et toutes les lettres
de chancellerie sciaient intitulés, inscrits et scellés sous le nom
de Charles X, la monnaie fabriquée en la prochaine année
frappée à son effigie3. Le \ décembre suivant, elle arrêta que
1. Arcli. Nat., \|a <>'><V'. orig. ; lettre de Mayenne à la cour de parlement
de Paris, de Gaille-Fontaine, 10 oct. 1589.
■>. Thou (de), Histoire universelle, t. XI, p. 53. — Poirson (E.), Histoire du
règne de Henri IV, 1. I, p. i63.
.;. [rrest de In cour de parlement de recognoistre pour roy Charles dixiesme
de ce nom. Paris, i58q, in-S'.
LE KEGNE DE CHARLES X 20Q
les lettres de commandement signées habituellement « Par le
roy » porteraient la mention « Parle roy, estant monseigneur
le due de Mayenne lieutenant général de Testât et couronne
de France » ; les lettres de commande expédiées au conseil
« Par le roy, au conseil estably près monseigneur le duc de
Mayenne, lieutenant général de Testât et couronne de France ».
Quant aux lettres patentes et aux lettres closes qui tiraient leur
valeur de la signature royale, elles seraient signées du due de
Mayenne et soussignées d'un secrétaire1.
Ainsi, il avait fallu deux défaites et la menace de se voir
supplanter par les Seize pour que Mayenne se décidât à mettre
fin au gouvernement révolutionnaire qui durait depuis près
d'un an. Charles X une fois proclamé, le conseil de l'Union ne
lit plus qu'assister le lieutenant général, seul maître désormais
au nom du nouveau souverain 2.
Alors s'ouvre une nouvelle période dans l'histoire de la
Ligue. Autant les partisans de Charles de Bourbon l'ont pré-
cédemment négligé, autant désormais ils l'invoquent, espérant
trouver en lui un appui pour la défense de leur cause. Partout
on prête serment de fidélité à Charles \3. C'est en son nom
que les Etats généraux sont convoqués le 20 mars en la ville
de Melun *, pour sa délivrance que les gouverneurs et capi-
taines reçoivent l'ordre d'assembler le ban cl L'arrière-ban5.
On veut lutter maintenant pour soutenir les droits du roi et
non plus les intérêts de la sainte Union des catholiques.
L'exemple et les ordres de Paris sont naturellement suivis en
province. Le parlement de Rouen, malgré sa tiédeur, doitenre-
1. Bibl. Nat., f. fr.. dis. SqijG, f" 1.^7, copie; arrêt du parlement de Paris
concernant l'expédition des lettres de chancellerie, du \ déc. 1089.
2. Gayet (Palma), Chronologie novenaire, p. 191, col. 1.
3. Mémoires de Carorguy, greffier de Bar-sur-Seine, publiés dans Le
Cabinet historique, t. XXIV, p. 3oo. — Registres des délib. du bureau de In
ville de Paris, l. I\. p. Go- ; serment de Ballhazard Nasse, portugais, du
i3 févr. 1590.
\. Mandement itératif du roy pour la convocation des Estats en la rille de
Melun. Paris, !.">()<), in-8°. — Les États convoqués d'abord pour le 3 février
lurent prorogés au ao mai.
.">. Mémoires-journaux de P, de L'Estoile, t. Y, p. 262.
240 LE ROLE POLITIQUE DU CARDINAL DE BOURBON
gistrer l'arrêt du 21 novembre, le i4 décembre, en présence
du duc d'Aumale '. Le lendemain i5, celui de Dijon l'enre-
gistre à son tour, puis ceux de Toulouse, de Grenoble. d'Aiv-.
Enfin un dernier, que le duc de Mercœur installe le 8 jan-
vier à Nantes, pour l'opposer au parlement royaliste de Rennes,
décide que ceux qui solliciteront charges ou offices n'en seront
pourvus qu'à titre provisoire jusqu'à confirmation par
Charles X3.
A côté des parlements, les vil les acclament le roi de la Ligue.
Le 6 février, le présidial de Poitiers enregistre l'arrêt du
21 novembre*. Comme on rend la justice en son nom, de son
nom on excuse les crimes. La municipalité de Chartres saisit le
i3 décembre certains sacs de blé appartenant à des personnes
suspectes « toutes ennemies du roi Charles X ». Quelques jours
après, elle fait arrêter et mettre à rançon deux gentilshommes
étrangers malgré leurs passeports « comme ennemis du roi
Charles de Bourbon de présent régnant5 ».
Non contents de cette reconnaissance oiïicielle, les ligueurs
commencent une active campagne en faveur de leur souverain.
Les juristes prouvent à nouveau son bon droit en reprenant
les arguments allégués depuis i5S5c. Un des plus brillants avo-
cats du parlement de Paris, au dire de L'Estoile, lui dédie son
livre De sacra polîtica, en le saluant du titre de roi de France".
Ses partisans offrent même au célèbre Cujas, bien vainement
d'ailleurs, de magnifiques récompenses s'il veut consacrer de
1. Floquet (A.), Histoire du parlement de Normandie, t. III, p. 34'j.
'.>.. Registres du parlement de Dijon de tout ce qui s'est passé pendant la Ligue.
S. 1. n d., in-12. p. 1 . » 7 . — La Cuisine (E. V. de), Le parlement de Bour-
gogne, ■>.'' éd., t. II, p. i8u à 187. — Cabassc(l>rosper), Essai historique sur le
parlement de Provence, t. I, p. 288.
3. Travers (>'.), Histoire civile, politique et religieuse de la ville et du
vomir de Nantes, t. III, p. 3/|.
l\. Ouvré (H.), Essai sur l'histoire de la Ligue à Poitiers, p. 119.
5. L'Épinois (H. de), Histoire de Chartres, l. II, p. 3<>7 et 3o8.
0. Le droict de monseigneur le cardinal de Bourbon à la couronne de France
défendu cl maintenu par les princes catholiques françois. Paris, r58g, in-8°.
7. Mémoires-journaux de P . de L'Estoile, t. V, p. i3.
LE REGNE DE CHARLES X 2 \ I
son autorité les droits de leur prétendant1. Pendant ce temps,
Les portraits du cardinal sonl vendus de tous côtés2 et la
monnaie circule à son effigie3.
On ne néglige aucun moyen de propagande. Cependant que
les prédicateurs tonnent du haut des chaires contre l'hérétique
et couvrent de louanges le nouveau Melchisédech qui porte à
la fois la robe de prêtre et la couronne royale, Sainlyon. avo-
cat au Châtelet, mais aussi capitaine de la bourgeoisie, réunit
ses collègues, les autres capitaines de Paris, le 5 janvier, devant
eux discute tout au long le droit du cardinal au tronc de
France et par des exemples fort nombreux leur prouve que le
sacerdoce ne le rend nullement inhabile à tenir le sceptre1.
Derrière Charles X cherche maintenant à se dissimuler
l'Union des catholiques qui n'a pu triompher seule.
Mais celte active campagne venait trop lard pour qu'on pût
croire à sa sincérité. Elle ne trompa personne. D'ailleurs il
était clair que la proclamation du cardinal de Bourbon ne
dénouait point les difficultés. A sa mort sans doute prochaine,
à qui reviendrait la couronne? Tandis que certains ligueurs
refusaient obstinément toute transaction avec Navarre cl regar-
daient vers l'Espagne, les autres apercevaient déjà la fin de la
lutte dans une conversion possible de l'hérétique, cl cette diver-
gence de vues nuisait singulièrement au parti.
Pendant ce temps la supériorité du Béarnais s'affirmait. Tous
i. Berriat-Saint-Prix (Jacques), Histoire du droit romain, suivi <U- l'histoire
lie Cujas, p. 'i i8.
■>.. Mémoires-journaux de /'. </<• L'Estoile, i. \ , p. i3. — Voyez fac-similé
ii I. Ce portrait fut tiré par Jean Patrasson, imprimeur (le la sainte I nion
à Lyon.
.'5. \rcli. .\at., musée, pièce 7'iâ ; lettres patentes du roi Charles \ ordon-
nant de frapper monnaie à son effigie, de Paris, 1 ."> (\^r. i.'iS.,. — Fac-similé
en héliogr. et transcription dans l'Album paléographique puhl. p. la Soc. de
l'Ecole des Chartes, n° 48.
'1. Thon (de), Histoire universelle, I. XI, p. io3.
SuiAii.n, — Cardinal </<■ Bourbon. 16
2^2 LE ROLE POLITIQUE DU CARDINAL DE BOURBON
ceux qui, après la mort de Henri III, avaient gardé une pru-
dente indécision, se tournaient peu à peu vers lui. Il reçut les
députés de la confédération suisse, qui vinrent renouveler
l'ancienne alliance existant entre la république et les rois de
France. Le 21 novembre, le jour même où Charles X était pro-
clamé dans Paris, l'ambassadeur vénitien le félicita de son
avènement au nom de sa ville, la pre'mière parmi les puis-
sances catholiques à reconnaître sa royauté1. D'ailleurs Henri
de Bourbon laissait croire à sa conversion prochaine. Dans la
déclaration du !\ août, il avait promis non seulement de main-
tenir le catholicisme dans son royaume, mais encore de se
faire instruire par un « libre concile général ou national » :
et les cardinaux de Vendôme et de Lénoncourt. ralliés à sa
cause, prédisaient son abjuration. S'autorisaiit de l'assentiment
du cardinal de Bourbon, les prélats eussent voulu convaincre
de cette vérité le légat Caëtani que le pape envoyait en France 2.
Malheureusement Caëtani ne crut pas à leurs promesses.
Quand, en janvier 1090, le légat entra dans Paris, il trouva
la situation fort critique. L'argent manquait, le commerce avait
cessé, les vivres étaient chers. Les partisans du roi de Navarre
commençaient à gagner le peuple, dont la misère refroidissait
l'ardeur. A peine arrivé, Caëtani apprit qu'on travaillait secrè-
tement à la paix^. Quelques jours plus tard, il fut averti d'un
complot en faveur du Béarnais l. À ce moment les cardinaux
de Vendôme et de Lénoncourt convoquaient à Tours une
assemblée d'évèques pour faciliter la conversion du prince et
priaient tous les prélats français de s'y rendre. Le légat résuma
d'un mot la situation. « Si Navarre donne le moindre signe de
catholicisme, les peuples sont tellement disposés à l'accepter
1. Poirson (E.), Histoire du règne de Henri IV, 1. t. p. i38à 1O0.
2. Arch. du Vatican : letlere dolla segreteria di stato, nunziatura di
Francia, t. XXIII, p. u-, copie ital. : lettre des cardinaux de Vendôme et de
Lénoncourt au duc de Nevers, du 19 févr. 1090.
3. L'Épinois (H. de), La Ligue el les papes, p. 3»j.'i.
\. Valois (Ch.), Une histoire inédite de la Ligue dans Positions des thèses de
l'Ecole îles Chartes, 1907, p. 18G.
Le RÈGNE DE CHARLES x 5>43
qu'humainement parlant on ne pourra lui enlever le
royaume '. »
Cependant son arrivée et son appui non dissimulé relevèrent le
courage des ligueurs. S'ils sont maintenant moins nombreux,
ils se montrent plus acharnés et recommencent une vigoureuse
campagne pour la défense de leur cause. Mais ils ont compris
que le nom seul de Charles X n'est plus suffisant pour soulever
l'enthousiasme. La proclamation de sa royauté n'a pas été d'un
grand secours et, malgré maints efforts, le vieillard déjà peu
connu s'efface chaque jour davantage devant son adversaire
grandi par les succès. Ses partisans ne l'abandonnent point,
mais, insensiblement, ils sont amenés à considérer la lutte sous
son ancien jour, qui est d'ailleurs le seul véritable, une guerre
directe et avouée contre le Béarnais. La nouvelle campagne a
donc ce double caractère de favoriser Charles X et d'attaquer
Henri IV ; et plus les jours s'écoulent, plus le second but de-
vient manifeste. A quoi bon vouloir prolonger les illusions!
Les ligueurs connaissent leurs propres pensées et savent que la
haine contre Navarre est plus susceptible d'exciter l'ardeur de
leurs coreligionnaires qu'un prétendu amour de Charles de
Bourbon.
La Sorbonne ouvre le l'en. Son décret du 10 février 1090
révèle nettement les deux tendances du mouvement. Pendant
qu'il défend d'employer le ternie de roi pour désigner tout autre
que Charles X, il interdit d'adhérer au parti de Henri dé Bour-
bon même converti -. Quelques jours plus tard, le icr mars, le
légat menace d'excommunication les prélats qui se rendront à
l'appel des cardinaux de Vendôme et de Lénoncourt. La no-
blesse se voit adresser une déclaration qui justifie la Ligue des
accusations portées contre elle et atteste son désintéressement à
défendre la religion et le roi légitime3. Enfin, le 5 mars, le
1. L'Épinois (II. de), La Ligne ri, 1rs papes, p. 396.
2. Thou (de), Histoire universelle, t. \t. p. 106. — L'Epinois (II. do), La
Ligue et les papes, p. 3g3-394.
'.\. Thou (de), Histoire universelle, t. XI, p. 109.
2 14 LE ROLE POLITIQUE DU CARDINAL DE BOURBON
parlement de Paris rend un arrêt ordonnant à tous de recon-
naître Charles X et de combattre Henri de Bourbon J.
Rien ne nécessitait ce second arrêt qui, renouvelant celui
du 21 novembre, prouvait seulement le peu d'efficacité du
précédent. Toutefois il en différa par certains côtés et ce sont
ces différences qui marquent le changement survenu depuis
trois mois dans les idées des chefs de* la Ligue. L'arrêt du
21 novembre enjoint seulement de reconnaître Charles X pour
roi naturel et légitime, de s'employer à sa délivrance, d'obéir
provisoirement au duc de Mayenne lieutenant général du
royaume. Celui du 5 mars renouvelle ces prescriptions, mais
s'attaque également au roi de Navarre, que le premier igno-
rait, et même avec une grande violence. Il défend à toute
personne de conseiller la paix, d'avoir intelligence avec Henri
de Bourbon ou ses agents sous peine d'emprisonnement
et de perle de ses biens : des châtiments analogues seront pro-
noncés contre tout sujet qui. connaissant des partisans de
l'hérétique, ne les aura point dénoncés dans les vingt-quatre
heures.
La publication de l'édit du 5 mars donna lieu à une cérémonie
officielle. En présence du légal, de ramhassadeur d'Espagne,
du duc de Nemours, gouverneur de Paris, et des membres des
cours souveraines, le prévôt des marchands, les échevins et
les capitaines de la bourgeoisie jurèrent sur les saints évangiles
de mourir pour la religion catholique et de rester jusqu'au
dernier soupir fidèle à Charles X et au lieutenant général, sans
jamais accorder trêve au roi de Navarre. Les colonels et
capitaines reçurent la formule de serment pour le faire prêter
à leurs hommes. Le lendemain les membres des cours souve-
raines le prêtèrent également-.
En province un mouvement identique se produisit. Les
i. Arrêt du parlement de Paris ordonnant de reconnaître pour roi Charles X.
Paris, 1089, in-8° ; reproduit dans archives curieuses, 1" série, t. NI. p. 225.
3. Mémoires-journaux de P. de L'Estoile, t. V, p. 367. — Thou (de), Histoire
universelle, t. XI. p. 110. — Journal du siège de Paris, pui>l. p. A. Franklin,
p. i:kj.
LE RÈGNE DE CHARLES \ 9_|.)
parlements firent de nouveaux arrêts en faveur de Charles X 4.
I ne l'ois de plus on jura fidélité au cardinal-roi ~.
Ce fut l'effort suprême ; il ne sauva pas la situation. En
effet Charles X ne peut plus vivre. Son nom paraît dans
tous les actes, mais sa personne reste ignorée. Les défaites
d'Issoire et d'Ivry, qui viennent augmenter la confusion du
parti ligueur, font surgir de trop graves problèmes pour que
l'on puisse s'inquiéter encore d'un roi fantôme. Seuls les
fanatiques songent à invoquer son nom quand, le bâton en
main , ils prétendent imposer leurs croyances et leurs opinions 3.
Les chefs eux-mêmes n'osent plus croire à sa royauté. Ils se
hâtent de faire déciderpar la Sorbonne la conduite à tenir quand
ce fantôme de monarque leur échappera. Ils posent trois ques-
tions aux docteurs : au cas où Charles X viendrait à mourir
ou à céder ses droits à son neveu, pourra-ton accepter la
royauté de Henri de Bourbon ? Pourra-ton traiter avec lui
sans être suspect d'hérésie ? Devra-ton s'opposer par tous les
moyens possibles à son avènement ? La place occupée par la
personne du Béarnais dans ces interrogations suffit à dévoiler
les pensées et les intentions des chefs ligueurs.
La réponse des docteurs, accordant la palme du martyre
à tout sujet qui combattrait jusqu'à la mort l'hérétique relaps,
i. Mémoires de la Ligue, t. IV, p. 263 ; arrêt de la cour do parlement de
Rouen, du 10 avril i5go.
2. Ainsi à Nantes les habitants renouvellent le serinent le 16 avril i5go.
V. Travers (Nie.), Histoire civile, politique et religieuse de la ville et du comté
de Santés, t. III, p. 3g. — Partout on invoque Charles X. C'est en son nom
que les États de Lavaur reçoivent au sein de l'Union les habitants de Car-
cassonne. \ Montréal, ch.-l. de canton de l'Aude, les Carmes prennent
possession de l'emplacement d'un couvent sans bourse délier à condition de
célébrer tous les mercredis une messe basse, à laquelle assisteront les
consuls, «pour la délivrance... de Charles, jadis cardinal de Bourbon, par
la grâce de Dieu roy de France... » (Vaissrtlo il).). Histoire générale du Lan-
guedoc, 2e éd., t. XI, p. 801 et 8o3, note).
3. Histoire du siège de Paris sous Henri IV en 1590, p. dans Wém. de la
Soc. de l'histoire de Paris, 1881, t. VII, |>. 198. — Félibien (M.), Histoire de
la cille de Paris, l. lit. i». 7«i".
2/|6 LE ROLE POLITIQUE Dl CARDINAL DE BOURBON
fut connue à temps '. Deux jours plus tard Charles de Bourbon
expirait.
i. Résolution de Messieurs de la faculté de théologie de Paris sur les articles
à eux proposez par les catholiques habitans la ville de Paris. Paris, i5go,
in-8° ; du 7 mai i5go ; publiée dans Mémoires de la Ligue, t. IV, p. 26/i. —
Mémoires-journaux de P. de L'Estoile. t. V, p. 270. — Thou (de), Histoire
universelle, t. XI, p. 107. — Palma Cayet (Chronologie novenaire, p. 23;?,
col. 1) affirme que la Sorbonnc ne prit sa résolution qu'après avoir connu
la mort du cardinal. Cela semble impossible, car la nouvelle de la mort
n'arriva dans Paris que le i4 mai et dès le i5 la réponse des docteurs était
déjà parvenue à Rome. Cf. L'Épinois (H. de), La Ligue et les papes, p. 433.
CHAPITRE IV
LA MORT DU ROI DE LA LIGUE
Depuis quelque temps la mauvaise santé du cardinal faisait
craindre pour ses jours. Malgré la vie paisible qu'il menait
dans sa prison, il fut repris par cette maladie dont il avait
souffert une première fois à Blois, puis une seconde à Chinon :
une forte rétention d'urine occasionnée par la pierre, qui lui
faisait jeter le sang. Une fièvre continue survint qui l'affaiblit
beaucoup * .
Le dimanche 6 mai, quoiqu'il fût très fatigué, il alla com-
munier dans son petit oratoire ; à son retour il dut se coucher.
L'idée de la mort le hantait déjà. Dans la soirée, parlant avec
Martimbos, un de ses familiers, il lui déclara qu'il voulait que
son corps fût enterré à Gaillon et son cœur conservé dans la
cathédrale de Rouen -.
Le surlendemain mardi il se sentit plus mal. Il fit demander
son confesseur habituel, le sieur de Billy, et tous deux
restèrent seuls environ une heure, de quatre à cinq. Quelque
temps après le malade s'endormit. Quand il se réveilla, vers
deux heures du malin, son premier médecin, M™ Guillaume
Lusson, docteur régent en la faculté de médecine de Paris.
et deux autres praticiens que l'on avail mandé de Thouars
et de Nantes, Jacques de Rays el Nicolas Lamin, décla-
rèrent que la fièvre avait grandement diminué. Cependant,
i. Du Breul (J.), Vie de Charles de Bourbon, p. g.>
2. Du Breul (J.), Vie de Charles de Bourbon, p. 10. — Du Breul affirme
tenir ces détails des anciens serviteurs du cardinal et de certains <,ren-
tilshommes huguenots qui furent présents.
248 LE RÔLE POLITIQUE DU CARDINAL DE BOIT.BOX
vers trois heures et demie, elle augmenta avec une telle
violence que le vieillard perdit connaissance ; on crut même
un instant qu'il allait expirer. Lorsqu'il eut repris ses sens, un
des assistants lui demanda « s'il n'avoit pas toujours sou
venance de la passion de nostre Seigneur et son espérance
fichée en luy. A quoy d'une voix basse jl répondit : il n'est pas
temps de l'oublier >;. Ce fut sa dernière parole. Un de ses
aumôniers, après avoir célébré la messe dans l'oratoire, lui
apporta une hostie consacrée ; pendant ce temps un moine,
un crucifix à la main, l'exhortait à la résignation, mais à peine
le mourant pouvait-il faire signe qu'il entendait en soulevant
ses paupières lourdes chaque fois que le prédicateur prononçait
le nom de Jésus. Enfin à neuf heures et un quart il rendit
l'aine dans un soupir « qui n'avoit aucune véhémence, non
plus que celuy d'une personne qui est en pleine santé d ».
Pour dissiper les soupçons que pouvait éveiller la mort d'un
prisonnier, le sieur de La Boulaye fit exposer le corps pendant
tout le jour et laissa entrer ceux qui le voulurent 2. Le soir
même, en présence des trois médecins qui avaient soigné le
prélat, quatre chirurgiens de la ville de Fontenay-le-Gomte
firent l'autopsie du cadavre. Ils trouvèrent deux grosses pierres
et beaucoup de petits calculs qui empêchaient l'écoulement de
l'urine, et même près du col de la vessie un commencement
de gangrène 3.
Selon le désir manifesté par Charles de Bourbon quelque
temps avant sa mort, le cardinal de Vendôme, avec la per-
i. Du Breul (J.), Vie de Charles de Bourbon, p. u, — L'Estoile, dans ses
Mémoires-journaux, t. Y , p. 20, et, Palma Cayet, dans sa Chronologie novenaire,
p. 2.1-4, col. 1, le font mourir le 8 mai. Cette erreur se retrouve dans un
Extrait des mémoires de René de Brilhac, sieur du Parc (1573-1622), publié
dans les Archives historiques du Poitou, t. \Y, p. 22. — Au contraire l'am-
bassadeur d'Espagne l \rcb. Nat., K 1071, n° iofi, décliiffr. ; dép. de Mendoça
à Philippe II, de Paris, i4 mai 1090) et l'ambassadeur toscan (Négociations
diplom. avec la Toscane, t. V, p. 29; de Rome, 2 juin 1090) sont d'accord
avec Du Breul pour fixer au 9 mai la date de sa mort.
9. Du Breul (J.), op. cit., p. 12.
3. Bibl. Nat., f. Dupuy, vol. 88. f° 3a, orig. ; procès-verbal de l'autopsie
du cadavre de Charles de Bourbon, du 9 mai 1590. (Pièces justif. n° XXIV.)
LA MORT Dl ROI DE LA LIGUE 2/49
mission du roi de Navarre, fil transporter le corps à Gaillon '.
Ayant quitté Fontenay le 19 juillet, il y arriva le 8 août. Il fut
enseveli dans la chapelle, tandis que le cœur fut conservé dans
la cathédrale de Rouen -. A Fontenay il ne resta que les
entrailles, qui furent placées dans une urne sous les dalles du
sanctuaire de l'église Saint-Nicolas 3.
Los soldats de la garnison de Vincennes ayant arrêté le
i4 niai le messager qui portait au roi de Navarre la nouvelle
de la mort du cardinal4, les Parisiens en furent les premiers
informés. Mayenne l'apprit quelques jours plus tard à Péronne.
Tout d'abord il ne voulut pas y croire, mais il en eut bientôt
des confirmations 5.
La nouvelle n'émut personne. Pour les partisans du Béarnais,
le vieillard ne comptait plus depuis longtemps ; pour les
ligueurs, Charles X n'était qu'un nom. D'ailleurs les événements
captivaient trop l'attention pour qu'on se préoccupât de la
mort d'un prisonnier lointain. Depuis une semaine Henri IV
1. Revue des documents historiques, 1879, t. VI, p. G7 ; lettre de Charles,
cardinal de Bourbon, à un inconnu, de Tours, 1G mai i5go.
2. Du Breul (J.), Vie de Charles de Bourbon, p. 12. — Son cœur fut trans-
porté plus tard à la chapelle de Gaillon, ainsi que de nombreux corps des
membres de sa famille. V. Histoire de la ville de Rouen, 3'' éd., t. Il, 5" par-
tie, p. Go.
0. Boncennes (F.), Notes sur la mortel la sépulture <lu cardinal de Bourbon
dans Revuedes provinces de l'Ouest, 180G, p. 828. — Jusqu'en 1792, on put
lire sur la dalle de l'église urna viscerum, et le pilier situé à droite du grand
autel conserva celle simple inscription : Obiit piissimus princeps nono
maii Î590.
\. \rrh. \'al., K 1Ô71, n" io5. déchiffr. ; dép. de Mendoca à Philippe 11,
de Paris, 1 \ mai 1090. — Négociations diplom. avec la Toscane, t. V, p. 129;
de Borne, 2 juin 1J90. — Histoire du siège de Paris sous Henri IV en 1j90,
publiée dans Mém. île la Soc. de l'histoire de Paris, 1881, t. Vit, p. 201. —
L'Estoile, dans ses Mémoires-journaux, t. \ . p. 272, prétend faussement que
la nouvelle fut connue à Paris le 10 mai. Il est d'iiilleurs l'un de ceux qui
font mourir le cardinal le 8 mai.
5, Mémoires d'eslat de Villeroy, éd. Midi, et Pouj., p. iô8,col. 2.
25o LE RÔLE POLITIQUE DU CARDINAL DE BOURBON
investissait Paris. C'était la lutte entre le roi de France et la
Ligue, dont rien n'excusait plus la révolte si ce n'est la défense
de la religion. Charles X disparut vite dans l'oubli '.
La mort du cardinal de Bourbon ne nuisit pas plus à la
Ligue que sa vie depuis son emprisonnement lui avait servi.
Mayenne l'avait proclamé roi pour y trouver un appui person-
nel et faire appel à tous les catholiques. 11 avait réussi à briser
la puissance du conseil général de l'Union, mais non point à
recruter des partisans. La disparition du prélat n'enleva aux
ligueurs que le nom royal dont ils faisaient précéder la teneur
de leurs actes2. En cela cependant elle leur fut contraire, car,
i. Le Journal du siège de Paris en 1590 rédigé par un îles assiégés, publié
par A. Franklin, et le Discours bref et véritable des choses les plus notables
arrivées au siège mémorable de la renommée ville de Paris et défense d'icelle
/tar monseigneur le duc de Nemours contre le roi de Navarre par P. Corneïo,
publié dans les Mémoires de la [Jgue, t. IV, p. 276 à 3o3, ne font aucune
mention de la mort du cardinal. Filippo Pigaffetta, dans sa Relation du siège
de Paris, publ. dans les Mém. de la Soc. de l'histoire de Paris, 1876, t. II. /»i.
dit cependant qu'il y eut en son honneur quelques services dans les églises.
Les Registres des délib. du bureau de la ville de Paris, t. A, p. 67, nous four-
nissent certains renseignements curieux. Le 26 oct. i5c)o, la municipalité
décida de se réunir le lendemain 27 «pour adviser sur les obsèques et funé-
railles du deffunct roy Charles dixiesme ». Mais le procès-verbal de la
séance manque. L'éditeur, M. P. Guérin, pensequ'il n'a pas été donné suite
à ce projet, car aucun historien du, temps ne le mentionne et il n'en a
trouvé aucune trace sur les registres des cours souveraines, ni dans les
archives du chapitre de Paris. Cependant il faut rappeler que Mayenne fit
ériger un monument en l'honneur de son malheureux roi. Il se composait
d'une colonne de marbre flanquée de deux statues de bronze représentant
la paix et l'abondance, faites pour le monument de Montmorency, et sur-
montée d'une statue du cardinal qui fut brisée en 1793. Cf. Lenoir (Alex.),
Musée des monuments français, t. III, p. i35-j36, pi. 124 et 120.
2. Il est difficile, sinon impossible, d'établir exactement les dates aux-
quelles on cessa de rendre les édits au nom de Charles X, car les registres
du parlement ligueur de Paris ont été entièrement détruits. Les dernières
Icllres patentes données en son nom que j'ai rencontrées sont datées du
8 mai i5go, et furent enregistrées le même jour au bureau des trésoriers
généraux de France à Paris (Arch. \at., Zlf 555, f° 61 v°).
Si l'on en croit un passage d'une « Histoire de nostre temps de ce qui
est advenu à Paris depuis le I\ de may i588 », qui. d'après Bourquelot
(Mémoires de Claude Halon, I. I, p. vn), se trouverait en manuscrit à la
Bibl. Nat., « l'on feist toujours parler ledict Charles [X] aux arretz de la
LA MORT DU ROI DE LA LIGUE 201
si Charles de Bourbon n'était qu'un roi fantôme, il n'en occupait
pas moins le trône. Après lui ce dernier resta vacant. L'absence
d'une souveraineté reconnue, eu ouvrant le champ aux ambi-
tions et aux. intrigues étrangères, précipita la chute de la
Ligue '.
court et lettres de chancellerie et ce jusques au XVIIIe de novembre 1090,
que l'on commença à dire : les gens fenans la court de parlement et les
gens tenans la chancelier jre.-.. et scelloit-on du sceau de France ».
Le parlement de Dijon cessa seulement le iojanvier 1691 de rendre la jus-
tice au nom de Charles X. Cf. Registres du parlement de Dijon de tout ce qui
s'est passé pendant la Ligue, s. 1. n. d., in-12, p. an. — Celui de Nantes
rendit le 8 août 1690 un arrêt portant que, l'an 1er du règne de Charles X
étant écoulé, les lettres de chancellerie seraient datées à l'avenir de l'an II
de son règne, et jusqu'en 1098 on continua en Bretagne de frapper la mon-
naie à l'effigie du roi delà Ligue. V. Travers (Nie.), Histoire civile, politique
et religieuse delà ville et du comté de Xantes, t. III, p. 36.
1. Le parlement de Paris supprima cette royauté éphémère en ordonnant
le 3 décembre 1094 que les « motz Charles dixiesme seront rayez et ostez,
tant des minuttes, des arrestz es registres d'icelle [cour], que des expéditions
en forme par extraict qui ont esté délivrez aux parties ; ensemble les écri-
tures du mesme nom, tant desdietz arrestz, commissions que lettres obte-
nues en chancellerie ; et a faict et faict inhibitions et deffencesà tous juges,
huissiers ou sergens d'exécuter lesdietz arrestz, mandemens et lettres soubz
pareilles inscriptions sur peyne de crime de léze-majesté ». L'arrêt du par-
lement est publié dans les Mémoires-journaux de P. de L'Estoile, t. \ I,
p. 281 ; — Le Cabinet historique, t. IH, p. 261 ; — Anselme (Le P.), Histoire
généalogique..., t. I, p. 329.
CONCLUSION
L'histoire a discrédité Charles de Bourbon faute d'avoir
connu sa véritable nature. Mais on peut difficilement reprocher
aux modernes de ne l'avoir pas compris, quand il resta une
énigme pour le plus grand nombre de ses contemporains. Le
portrait, qu'ils nous en ont laissé, provient surtout des esquisses
à gros traits dessinées par les pamphlétaires, qui trouvèrent
dans le récit de ses actions et celui des événements auxquels il
fut mêlé une source inépuisable de railleries. En exagérant ses
défauts, ils n'ont pas pu les reconnaître et ils ont empêché
leurs descendants de les comprendre.
\u dire de T\ potins, la devise de Charles de Bourbon repré-
sentai! un pauvre voyageur qui s'en allait tête nue, bâton en
main, au milieu d'une solitude affreuse, sous des rafales de
vent et des torrents de pluie *. Il semble que cette image soit
un peu celle du cardinal. Vivant dans une époque où l'intérêt
fut le principal mobile des actes, parfois l'unique, où les
quelques rares hommes consciencieux se trouvèrent perdus
parmi les ambitions rivales qui, non contentes d'intriguer,
allèrent jusqu'à verser le sang pour assurer leur triomphe,
sa simplicité, on pent dire sa naïveté, en lit le jouet des événe-
ments. Il «'tait doué de qualités saines : intelligence commune
à laquelle remédiaient une piété profonde et nue grandi1 bonté.
\\ec l'influence considérable que lui donnaient ses litres de
i. T\ potins (Jac), Symbola divina et hwnatva pontificum, imperatomm,
regum et symbola varia diversorum principum ex muiseo Octavii de Stràda,
iiuii Isagoge Jac. Tipolii ad tomos I et II et Ins. de Bood ad lertium. Prague,
t6oi-i6o3, in-f ", .'! parties en i vol.; a* part., p. G.
254 LE ROLE POLITIQUE DU CARDINAL DE BOLRBOX
prince du sang, d'archevêque de Rouen et de cardinal, avec les
immenses richesses qu'il tirait de ses nombreux bénéfices, il
eût fait un parfait homme de cour. Le malheur voulut qu'il fût
jeté dans la tourmente des guerres de religion.
Deux grandes affections, en se partageant le cœur de Charles
de Bourbon, ont déterminé sa conduite et réglé sa vie : son
amour pour sa famille et son amour pour sa religion. Tant qu'il
put aimer l'une et l'autre, sa famille et sa religion, le cardinal
fut le plus heureux des hommes et sans doute, comme les
hommes heureux, il n'aurait pas eu d'histoire, si les circons-
tances ne l'avaient contraint à choisir entre les deux.
Parvenu à l'âge d'homme à une époque où les doctrines
luthériennes n'inquiétaient encore que quelques esprits sagaces
qui en prévoyaient les funestes conséquences, Charles de Bour-
bon ne s'en préoccupa point. Sa foi robuste ne s'alarma pas de
craintes qui semblaient chimériques. Même quand le danger
devint plus pressant, quand les premières atteintes du mal se
firent sentir au sein de sa propre maison, le prélat conserva
une inébranlable confiance. 11 fut infiniment plus peiné de
voir son cadet Condé accusé par les Lorrains du crime de lèse-
majesté que d'apprendre que son aîné Antoine avait chanté les
psaumes au Préaux-clercs. Cependant il dut s'inquiéter, quand
à la rivalité des familles se joignit la rivalité des croyances.
La lutte entre les deux affections fut longue et douloureuse
pour le prélat. Après bien des hésitations, bien des retours en
arrière, l'amour de la religion l'emporta sur l'amour de la
famille. 11 avait fallu pour cela la mort prématurée d'Antoine
de Bourbon que le cardinal estimait le plus parmi ses frères,
la perfide ambition de Condé. la fourberie de ses neveux et
surtoul le réel danger que courait la foi catholique. Son dévoû-
ment à sa maison diminua autant qu'augmenta le péril qui
menaçait sa croyance. Toutefois lui. qu'on accusa d'avoir voulu
la ruine des siens, garda toujours au fond de son cœur quelque
débris de celle affection. Un simple incident suffit à le réchauf-
fer et, quand le prélat mourut, il avait regagné l'estime de sa
famille.
CONCLUSION
a55
Les historiens ont reproché à Charles de Bourbon son ambi-
tion. Il faut reconnaître en effet que son attitude à plusieurs
reprises semble leur donner raison. Il sollicita le titre de lieute-
nant général du royaume, désira un mariage qui l'eût placé à
la tête des princes du sang, voulut être enfin héritier présomptif
delà couronne. Mais il faut dire aussi que ses projets ambitieux
jamais il ne les forma lui-même. Catherine de Médicis et
Henri de Lorraine en sont plus responsables que lui. La
modestie, la défiance de soi qu'il manifesta lors de son éléva-
tion au cardinalat s'allieraient mal à l'audacieuse vanité dont il
aurait fait preuve, s'il avait de sa propre initiative rêvé de
s'asseoir sur le trône de Fiance. En réalité c'est son faible carac-
tère qui en fit un ambitieux, comme il en lit un rebelle.
Cependant il ne faut pas vouloir excuser entièrement Charles
de Bourbon. Sa faiblesse mérita un châtiment le jour où elle
devint un danger pour la nation. Son grand crime fut de ne
pas discerner ce qu'exigeait l'intérêt de la religion, de ne pas
découvrir derrière les belles déclarations du duc de Guise les
projets du Lorrain, de les écouter d'une oreille favorable quand
des avertissements nombreux lui en révélèrent le véritable but.
Devant la postérité il doit porter la responsabilité de ses actes.
C'est donc justement qu'il a expié ses fautes dans sa prison.
L'appui de Charles de Bourbon fut fort utile au parti delà
Ligue, au début quand par les intrigues de Henri de Lorraine
il grandit, prit conscience de sa force, plus encore quand sous
la direction du duc il devint une puissance formidable qui osa
s'attaquer au roi. Mais il lui surtoul précieux au Lorrain Lui-
même. "\ raisemblablement. s'il n'avait trouvé chez le cardinal un
complice. Cnise n'en! pas été assez téméraire pour prendre les
armes au lendemain même de la mort du duc d'Anjou : il ne se
fui pas posé aussi rapidement en rebelle pour dicter ses volon-
tés à un pays qui l'aurait pu chasser comme étranger. Mais
peut on affirmer que l'abstention du cardinal de H bon eûi
exilé les guerres civiles? L'historien doit rester prudenl dans
ses conjectures. Il lui est seulemenl permis de remarquer (pie
rien, sinon la mort, ne put arrêter l'audace de (luise, lors-
256 LE RÔLE POLITIQUE DU CARDINAL DE BOURBON
qu'une première série de succès eut donné au chef de la Ligue
la confiance qui manquait au gentilhomme catholique.
Charles de Bourbon est donc en partie responsable des diffi-
cultés qui assaillirent son neveu, quand il voulut monter sur
le trône de France. Toutefois ces difficultés eurent une consé-
quence des plus heureuses pour le Béarnais. L'Estoile et Palma
Gayet rapportent tous les deux une parole que le cardinal aura il
prononcée vers i585 ou i586. « Tandis que je suis avec eux [les
ligueurs], c'est toujours Bourbon qu'ils recognoissent. Le roy
de Navarre, mon nepveu, cependant fera sa fortune. Ce que je
fais n'est que pour la conservation des droicts de mes nep-
veux1. » Le mol est-il véritable? La justesse de la prédiction
peut faire douter de son authenticité. En effet, en combattant
Henri de Bourbon le cardinal lui assura la royauté. A la mort
de Henri 111 ses droits équivoques suffirent à écarter tout autre
compétiteur catholique. Un prétendant plus jeune, ardent,
ambitieux, fort de la confiance du peuple et de l'appui de
l'Espagne, eût pu trouver dans la défense de la religion mena-
cée des droits suffisants à la couronne et créer au huguenot des
difficultés insurmontables. La présence du vieillard l'en pré-
serva. Quand Charles de Bourbon disparut, la Ligue était déjà
à demi vaincue. Elle n'offrait plus assez de garantie pour qu'un
chef nouveau osât s'opposer aux prétentions d'un roi légitime
soutenu par une armée plusieurs fois victorieuse. La couronne
était désormais assurée à Henri IV catholique.
i. Gayet (Palma), Chronologie novenaire, p. a3a. — Mémoires journaux de
P. de L'Estoile, t. V, p. s5.
APPENDICES
Y I.
A). — Descendance de Robert de Clermont.
Robert de France,
comte de Clermont, sixième fils de Louis IX et de Marguerite de Provcnc
i25G-i3i7.
Loi is I.
duc de Bourbon,
vers i:)8o-i3/ii.
Pierre I,
dur de Bourbon,
i3i i - 1 35(1.
Jacques I de Bourbon,
comte de La Marche et de Poutine
vers i3i4-i30i.
Pierre de Bourbon,
comte de La Marche.
Mort en i3Gi,
sans enfant.
Jean [ de Bourbon,
comte de La Marche
et de Vendôme,
\rrs i o .'î 7 - 1 3 y 3 .
Jacques II de Bourbon,
comte de La Marche.
Mort le 2'i sept. 1 538,
sans héritier mâle.
Louis de Bourbon,
comte de Vendôme,
vers 1 3 7 < » - 1 Viii.
Jean II de Bourbon,
comte de Vendôme,
i/i2(|-i'i7;.
Charles III,
duc de Bourbon,
connétable de France,
1 589-6 mai i.v>7.
sans enfant.
Su lnier. — Cardinal de Bourbon.
François de Bourbon,
comte de \ endôme,
1 I70-I llÇ)~>.
Cuvki.es de Bourbon.
père du Cardinal.
\ oir |>. suiv.
Lot is de Bourbon.
prince
de la Roche-sur-Yon.
\ oir p. suiv.
17
B).
Branche d»
Fit \nçJ
comte de Vendôme, di
Marie, de Soissousl
\é (Ml \'{-n. —
Épouse : Marie de
8 sept. 1/187, fdle ainl
comte de Saint l'an
Morte
Cil Ull. ES DE B.,
2 juin 1 (180-2 5 mars i.'i.'îy,
comte, puis duc de Vendôme,
épouse le 18 mai 1 5i 3 :
Françoise d'Alençon,
fille de René duc d'Alençon
et de Marguerite de Lorraine,
veuve de François I" d'Or-
léans, duc de Longueville.
Morte le' 1/1 sept. i55o.
Jacques de B.
6 juil. 1 /190-1G aoùl
François de B.,
1 Vji . 6 ocl. 1 V,i 1 -1 " sept. 1 1
épouse Adrienne,
duchesse d'Estoutevn
François H de B.,
i536-i5/|6,
duc d'Estouteville.
Marie
i .">.'>()-
ducW
d'Kstol
épou
1. Jean dj
2. France!
3. Léonod
Louis de B.,
né le 23 sept.
i5i/i,
7 le 7 avril
i5iC.
Marie de B.,
née le 29 oct. 1 "> 1 ">,
Marguerite de B.,
née le n(J oct. i5iG,
Y le ai sept. 1 538, 7 le 30 oct. 1 55t),
fiancée eu i535 ép. François de Clèves,
à Jacques V. roi d'Ecosse, duc de Nevers, en
Morte avant son
mariage.
l538.
Antoine deB.,
ne le 22 avril
1 5 1 8,
7 le 17 nov.
i5Ga,
ép. Jeanne
d'Alrret,
reine
de Navarre,
le 2 oct. 1 T» /| tS ,
mortele 4 juin
l572.
l'i; v
nçois de B..
le !■') sept.
i5ig,
a3 février
1545,
comte
Enarhien.
MacdeleÉ
née le 3 l'é
-j- après
abbessc de
Croix de ]
François Jacques Henriette Catherine Marie Henri de B., Catherine de B.,
de Clèves, de Clèves, de Clèves, de Clèves, de Clèves, né le 1^1 déc. née le 7 l'évr.
né le 3 1 mars né le 1" oct. née le 3 1 oct. i553, i558.
i53g, ir>'i'i. iô^2, Y le l 'i mai 7 le i3 févr.
7 le 10 jauv. y ''3 '' scPl- t ,e ''' •'"'" ï '° ' ' ma' '* 'c ^° ocl' 1610, iGo'i.
i5G3. i56/|. iiiiH. i633, 1 574 . roi de France
ép. Louis ép. Henri ép. Henri sous le nom
deGonzague, de Lorraine, de Bourbon, de Henri !\.
duc duc de (iuise prince
de Nevers, le en 1570. de Coudé, le
4 mars i5G5. 12 août 1572.
Sans enfants.
Enfants du duc Enfants du due
de Nevers. de Guise,
urbons-Vendôme.
Il" R BON,
»ul, de Conversano. de
de Meaux, etc., etc.
3 octobre i4g5.
Kg, par contrat du
re 11 de Luxembourg,
jjfiguerite de Savoie.
1 i546.
Louis he B.,
îiiv. i ig3-i , mars ■
cardinal, archevêqi
de Sens.
Antoinette i>e 15.,
5 déc. i 'ii)'i-:?<> janv. i583,
épouse le g juin i5i3
Claude de Lorraine,
duc de Guise.
Louise de 15.,
i" mai i'i<i:> (?)-2i sept, i .". 7r,.
abbesse d'( >rignj ,
de Sainte-Croix de Poitiers,
de Fontevrault.
s de Soissons, f i55-.
, duc de Nevers, f lôdu.
duc de Longueville, -j- i :">-;-!.
31 tS
lé le
de B.,
.5 mai
2b juin
Ch lrles de
né le •■! dé
1 5^3,
f Je 9 mai i
cardinal,
archevêque
Rouen.
B.,
c.
de
Catherjne de 15.. Jean j,e B., Renée de B.,
née le 18 sept. né le (i juillet née le 0 févr
1 1) a o ,
Y le ■'■- avril i r>.( ',,
abbesse
de Notre-Dame
de Soissons.
".28,
V le 10 août -j- le 9 fév. lôs.'i, -L |
1 .1.17,
ép. Marie
de B., duchesse
d'Estonlcville,
le 1 '1 juin 1557.
abbesse de
f .bel les.
Eléonore de B.
née le 18 janv.
; le 2(>mars 1G1 1,
abbesse
de Fontev rault.
Loi is dE b..
né le ; mai
53o,
. e l3 mars
i569,
prince de
Condé,
épouse :
55i, Eléonore de Roye.
morte le >:; juillet ,:><)',.
2. 8 nov. [565, Françoise d'Orlêans-
Longi eviu.e, morte le 1 1 juin 1601.
■*■■>■ juin
• mariage
nélTdéc\B5Ê CHARLESDEB> ^oisdeB., Charle'sdeB., C ,,s ,,: ,5..
fle5larsi5 ' ÏJC""e' Bë,V»«oût né le 3o mars né le; .,;„;,;,
1rs if>88
prince de Condé,
épouse :
'• '! août 1572, Marie de
Clèves, \ .'!.» octobre >''-'i.
■'■■ 16 mars l586, CHARLOTTE
"E LA TrÉMMH.i e, '■ le 38
août 1629.
i558, ,.-,(,.,
f le 2 aoûl Kir',, ; (e ;;,, juillet
prince de Conti, , r» . > /, .
épouse : cardinal de \ en
|- '7 <l>'r. i58i, dôme, puis de
Jeannjç Bourbon.
ni: Cm \i 1 .
■j en iiim .
■i. En i6i5, Loi ise
M \Ui.l ERITE
de Lorraine.
f le i" nov. i6i:
comte
de Soissons,
épouse \wi .
comtesse
de Montafié,
le <- (!('•(■. ili.n .
C). — Branche des princes de La Roche-sur- Yon,
depuis ducs de Montpensier.
Louis I de Boirbon,
prince de La Roche-sur- Yon.
Mort en 1020.
Louis II de Bourbon,
duc de Montpensier,
prince de Dombes,
de La Roche-sur- Yon..,
10 juin ijio-23 sept. 1682,
épouse :
1. Jacqueline de Lomgwt.
2. Catherine de Lorraine.
Charles de Bourbon,
prince
de La Roche-sur- Yon.
Mort le 10 octobre 1 5(35,
sans héritier légitime.
François de B.,
prince
dauphin d'Auvergne,
de Dombes,
puis
duc de Montpensier,
né en i552,
mort le 4 juin 1092,
épouse
Renée d'Anjou.
Françoise de B.,
épouse Henri-Robert
de La Marcr,
duc de Bouillon,
morte en 1087.
Anne de B.,
épouse
François II de Clèves,
duc de Nevers,
morte en 1072.
Etc.
Henri de B.,
prince
dauphin d'Auvergne,
de Dombes,
puis
duc de Montpensier,
12 mai 1 5 7 3 -
27 février 1C08,
épouse
Henriette-Catherine,
duchesse de Joyeuse.
N° II.
Les abbayes de Charles de Bourbon,
Les abbayes sont classées suivant l'ordre approximatif des dates
auxquelles Charles de Bourbon les reçut.
i. — Saint-Vincent de Laon, abb. cisterc. au dioc. de Laon. — La
reçoit après résignation de son oncle Louis, cardinal de Bourbon.
Cité pour la première fois le 3o septembre i.Vt-. En i56o Crespin de
Brichanteau est nommé abbé '.
2. — Saint-Nicolas-au-Bois, abb. bénédict. au dioc. de Laon. —
Cité en 1Ô47 2-
3. — La Trinité de Vendôme, abb. bénédict. au dioc. de Blois (au
xvie siècle, dioc. de Chartres). — Succède au cardinal de Meudon en
vertu d'une bulle du 2g mai i548. L'abandonne en 1 565 à Marcus
Sitticus d'Altaëmps, neveu du pape3.
4. — Saint-Ouen de Bouen, abb. bénédict. an dioc. de Bouen. —
Succède à Jean, cardinal de Lorraine, mort en mai i55o. La conserve
jusqu'à sa mort. Le cardinal de Vendôme, son neven, la reçoit après
lui *.
5. — Bclleperche, abb. cisterc. au dioc. de Montauban. — Succède
à François de Faucon, de i553 à 1507. Georges d'Armagnac en prend
possession le 11 décembre 1 557 5.
G. — Saint-Pierre sur Dive, abb. bénédict. au dioc. de Séez. —
Succède à Odet de Bretagne, comte de Vertus, de décembre 1 553 à
1572. Pierre Girard, chanoine d'Angers, la reçoit après lai6.
7. — Ourscamps, abb. cisterc. au dioc. de Noyon. — Succède à
Antoine Loffroi décédé le iG août i556. La conserve jusqu'à sa ïrJOrt,
1. Wyard (D. Robert), Histoire de l'abbaye île Saint-Vincent île Laûn, publiée pat"
Gardon et Mathieu, p. 532 et 533.
2. Gallia christiania, t. IX, col. Cio.
3. Ihid., t. VIII, col. i3H'i.
'1. [Pommeraye (Fr.)|, Histoire de l'abbaye royale de Saint-Ouen de Rouen. Hoficn,
16C2, in-P, p. 334.
5. Fontanié (Paul), Monographie de l'abbaye de Bellepêrchê' dans Recueil dé /' Icad.
des sciences du Tarn-et'Qaronne, 1888, j* série, t. I\, p. ai5 à '.'•■2-.
6. Denis ^J.), L'église de l'abbaye de Saint Pierre-sur ùlve en tlQSatieù une initier his-
torique sur l'abbaye, |>. 5i ii 53.
2Ô2 LE RÔLE POLITIQUE DU CARDINAL DE BOURBON
mais, depuis juin i58o, en partage les revenus avec Louis de Lorraine,
cardinal de Guise. Après lui, son neveu, le cardinal de Vendôme, la
reçoit d.
8. — Corbie, abb. bénédict. au dioc. d'Amiens. — La reçoit après
résignation de son oncle Louis, cardinal de Bourbon, en i556 et la
conserve jusqu'à sa mort ; mais, depuis juin i58o, en partage les
revenus avec Louis de Lorraine, cardinal de (mise. Après lui, son
neveu, le cardinal de Vendôme, la reçoit-.
q. — Cercanceaux, abb. cislerc. au dioc. de Sens. — Cité sans date.
vers t 555 ou i56o 3.
10. — Valmont, abb. bénédict. au dioc. de Rouen. — L'obtient le
23 avril i558 après la mort de Jean Ribaud. L'abbaye passe ensuite à
Charles de Longueval, à Nicolas de Bréban, et revient à Charles de
Bourbon le i5 mars i582. En avril 1089 Nicolas Touchard en est
abbé *.
11. — Perseigne, abb. cisterc. au dioc. du Mans. — Cité du 5 juillet
i558à i56i 5.
12. — Saint-Meen, abb. bénédict. au dioc. de Saint-Malo. — Cité
en i56o et jusqu'en 1574, après le court abbatiat de Jacques Ilelvis
mort le 26 mars 1 565, à qui il l'avait abandonnée0.
i3. — Saint-Germain-des-Prés, abb. bénédict. au dioc. de Paris. -
Succède au cardinal de ïournon en vertu d'une bulle du 1 1 mai i56a
et la conserve jusqu'à sa mort. Après lui la reçoit son neveu, le cardinal
de Vendôme 7.
il\. — Saint-Étienne de Dijon, abb. augustin. au dioc. de Langres.
— Succède à Claude de Longvic, cardinal de Givry, mort le 9 août
i56i. S'en démet en faveur de Jacques du Tillet, qui la reçoit en
vertu d'une bulle du 3 mai 1 57 1 8.
i5. — Montebourg, abb. bénédict. au dioc. de Coutances. — Cité
en i563 9.
16. — Sorèze, abb. bénédict. au dioc. de Lavaur. — Cité en 1 5(35
1. Peigné-Delacoùrt, Histoire de l'abbaye de Notre-Dame d'Ovrscamps, p. 276 à 279.
— Lettres de Cath. de Médicis, t. VIII, p. 265 ; de Saint-Maur-les-Fossés, 23 juin i58o.
2. Gallia Christian», t. X, col. i2l>3. — Lettres de Cath. de Médicis, t. VIII, p. aOô ;
de Saint-Maur-les-Fossés, 23 juin iâ8o.
3. Gallia chrisliana, t. XII, col. a.'io.
h. Ibid., t. XI, col. 278.
5. Fleury (G.), Cartulaire de l'abbaye cistercienne de Perseigne, précédé d'une notice
historique, p. lvi.
(i. Gallia christiana, t. XIV, col. 1018.
7. Gallia christiana, t. VII, col. 4i(>.
8. [Jucnin], Histoire de l'église abbatiale et collégiale de Saint-Estienne de Dijon.
Dijon, 1696, in-f, p. 207 à 210.
<j. Gallia chrisliana, t. XI, col. 926.
AI'I'KNDICES 2Ô3
après Odel de Coligny, cardinal de Châtillon, qui est passé an protes-
tantisme. Charles, cardinal de Lorraine, la possèfieep if^o1.
17. — Froidmont, abb. cisterc. au dioc. de Beauvais. - Succède
également au cardinal de Châtillon et l'abandonne en 1082 à son
neveu, le cardinal de Vendôme -.
18. — Saint-Lucien de Beauvais, abb. bénédict. au dioc. <ie Reau-
vais. — Succède également au cardinal de Châtillon et la mnsene
jusqu'à sa mort. Après lui la reçoit son neveu, le cardinal de Y en-
démie 3.
19. — Saint-Cermer de Flay, abb. bénédict. au dioc. de Béarnais.
— Succède également au cardinal de Châtillon et la conserve jusqu'à
sa niorl. Yprès lui la reçoit son neveu, le cardinal de Vendôme4.
20. — Saiut-Jean-des-Vignes, abb. augustin. au dioc. de Soissons. —
Succède à Pierre Basin, qui meurt le 2.5 octobre i.")(i,j. S'en démet à la
lin de 1.J70 en i'a\eur de Charles Maximilien deCrillcl \
21. — Saint-Honorat de Lérins, abb. bénédict. au dioc. de Crasse.
- Succède à Guillaume Pélissier mort en \')(\~. ha conserve jusqu'en
1075, où François de Bolliers la reçoit en vertu d'une bulle du
3 octobre °.
22. — Montiérames , abb. bénédict. au dioc. de Troyes. — Cité de
1 T> < > 7 à 1 57 1 . L'abandonne à Louis de La Chambre, grand prieur
d'Auvergne 7.
23. — Fontenelle, abb. bénédict. au dioc. de Rouen. — Succède à
Pierre Gourreau de i56() à 1578. A celle date Gilles de Vaugiraull la
reçoit 8.
i'\. — Pontlevoy, abb. bénédict. au dioc. de Blois. — Succède à
Louis de Brézé, de 1 T>7 1 à 1 57G. A celte date Denis Jluraull, éyêque
d'Orléans, la reçoit9.
25. — Pontron, abb. cisterc. au dioc. d'Angers. — Cité en 1570 l0.
26. — Jumiègcs, abb. bénédict. au dioc. de Rouen. -- lin prend
possession le ->.'J> juin \')-\ après ledécèsde Gabriel le Veneur, évêque
1. Gallia christiana, t. Mil. col. 35 \.
a, Deladreue (L. E.), Votice sur l'abbaye de Froidmont, dans Mémoires de lu Soc.
acad. de VOise, I. Ml, p. 574.
3. Deladreue el Mathon, Histoire de l'abbaye royale de Saint-Lucien, p. (63.
',. Gallia christiana, t. I\, col. 787.
5. Louen(Ch. \nl.). Histoire de l'abbaye royale de Saint-Jean-des-Vignes. Paris,
1 -m. in 1 •". |>. 1 28 à i-"> 1 •
il. Vlliez (abbé), Histoire du monastère de Lérins, t. II. p. 383.
-. Gallia christiana, I. Ml. col. 54g.
s. Langlois (E. II.), Essai historique et descriptif sur l'abbaye de Fontenelle ou de
Saint-Wandrille, p. 1 .">',.
,,. Dupré (A. ). Essai *nr la seigneurie, le monastère et l'école de Pontlevoy, p. 6/1.
m. Gallia christiana, t. XIV, col. 730.
264 LE ROLE POLITIQUE DU CARDINAL DE BOURBON
d'Evreux, et la conserve jusqu'à sa mort. Après lui la reçoit son neveu,
le cardinal de Vendôme d.
27. — Saint-Pierre-le-Vif, abb. bénédict. au dioc. de Sens. —
Succède à François de Luxembourg, vicomte de Machaud, pendant
deux années, 1574- 107D, et l'abandonne à son familier, Louis de
Mainteternes2.
28. - - Saint-Pierre de la Couture, abb. bénédict. au dioc. du
Mans. - Cède l'évêché de Beauvais à Nicolas Fumée contre cette
abbaye, dont il prend possession en vertu d'une bulle du 3 mai 1070.
L'abandonne vers la fin de îôSoà son neveu, le cardinal de Vendôme3.
29. — Saint-Michel en l'Erm, abb. bénédict. au dioc. de Luçon. —
La reçoit en 1084 et la conserve jusqu'en novembre 1089, où il la cède
à son serviteur, Marian de Martimbos4.
30. — Signy, abb. cisterc. au dioc- de Reims. — ■ Cité sans date5.
3i. — Tournus, abb. bénédict. au dioc. de Chalon. — Cité sans
date (?)6.
32. — Notre-Dame des Châtelliers, abb. cisterc. au dioc. de Poitiers.
— Cité sans date 7.
1. Deshayes (C. A.), Histoire de l'abbaye royale de Jumièges, p. 127 à i3i.
2. Bouvier (H.), Histoire de l'abbaye de Saint Pierre-le-] if de Sens, p. 1 58.
3. Cartulaires des abbayes de' Saint-Pierre de la Couture et de Saint-Pierre de Solesmes,
publiés par les bénédictins de Solesmes, p. 4 12.
I\. Galliana christiana, t. II, col. i/ii8.
5. Ibid., t. IX, p. 3oo.
6. Du Breul dit dans ses Inrlyti cœnobii D. Germani a pratis rhronica (Bibi. Nat.,
f. lat., mis. 12838, f* 18S) que Charles de Bourbon donna au cardinal de Tournon
ses abbayes de Tournus et de Montebourg; pour hériter à sa mort de celle de Saint-
(îermain-des-Prés.
7. Gallia christiana, t. X. col. 97. — Le Gallia l'attribue au cardinal dans sa bio-
graphie comme archevêque de Rouen, mais ne le cite pas dans la liste des abbés.
L. Duval dans son Carlulaire de l'abbaye royale de A.-D. des Châtelliers le passe égale-
ment sous silence.
\ III.
Le privilège de Saint-Romain.
On sait qu'en vertu du privilège de Saint-Romain le chapitre de
l'église de Rouen avait le droit de délivrer chaque année un condamné
des mains de la justice. De Thou écrit à ce sujet clans son Histoire
universelle* : « Cet usage a été toléré par le parlement, qui a cru
pouvoir donner quelque chose à la religion de la ville et à l'opinion
du peuple. Les factions ayant ensuite déchiré le royaume et surtout
dans ces derniers tems, on a fait servir ce privilège à une impunité
détestable et sans borne, et ce qui n'avoit été accordé qu'aux gens nés
dans la province ou dépendans de sa juridiction a été étendu à tous
les criminels et à tous les malfaiteurs du royaume, à tous ceux même
qui, sans se constituer prisonniers, avoient été nommés par un
criminel, en un mot à tous les crimes les plus abominables, de sorte
que tout ce qu'il y avoit de scélérats, qui désespéroient d'obtenir leurs
grâces de la clémence du roi, couroient en foule à cet asyle et
recherchoient la faveur du cardinal de Bourbon pour y être receus ;
et ce cardinal, que les factieux commençoient à flatter de l'espérance
de la couronne, n'accordoit cette grâce qu'à leur recommandation.
Par ce moyen, des scélérats déjà chargés de crimes ne faisoient
aucune difficulté de s'engager à en commettre de nouveaux et
s'enrôloient sans peine dans la conspiration formée contre le roi et
contre l'état... C'est à cette occasion que La Guesle, qui ne songeoit
à rien moins qu'à choquer le cardinal de Bourbon, parla à l'assemblée
de Saint-Germain de la chasse de Rouen. Ce cardinal en fut très
piqué, non seulement à cause de l'injure qu'il prétendoit lui être l'aile
à lui-même, mais parce qu'on lui ôtoit par là. disoit-il, le moyen île
ramener au droit chemin des misérables qui se perdoienl et de les
enrôler dans la sainte Union. »
Ces paroles peuvent être authentiques, car, à cette époque,
Henri III s'était déclaré chef de la Ligue; elles n'en sont pas moins sur-
prenantes. L'Union avait-elle besoin des pires scélérats pour soutenir
i. Thou (de), Histoire universelle, t. IX, p. 85.
26G LE RÔLE POLITIQUE DU CARDINAL DE BOURBON
sa cause ? Cependant Floquet, dans son Histoire du parlement de
Normandie ', admet la thèse de de Thon et s'efforce de prouver que le
privilège de Saint-Romain était véritablement exploité par les ligueurs
pour recruter des partisans.
Avant toute discussion examinons les faits. Floquet lui-même nous
les fournit dans son Histoire du privilège de Saint-Romain 2. Parcou-
rons rapidement la liste de ceux qui furent graciés depuis 1076 et qui
par conséquent, suivant l'opinion des deux historiens, eurent à payer
leur dette- à la sainte Union.
1676 ; une femme, Jacquemine du Boysrioult, qui a fait assassiner
son mari (p. 328).
1077 ; le sieur Le Marchand du Grippon. qui a lue un zélé
catholique, le sieur de Villarmois (p. 338).
1578 ; François du Menez, qui assassina un protestant nommé
Verdun sous le simple prétexte qu'il le croyait espion. Il est chaude-
ment recommandé par Guise, le cardinal de Bourbon et surtout par
Mayenne, sous les ordres de qui il a combattu (p. 34o).
1 579 ; David Hébert et Laurent Quentin, qui massacrèrent
d'Harcourt de Juvigny à l'instigation de la femme de ce dernier.
Graciés sans intervention spéciale (p. 343).
i58o ; Jérôme Maynet, le capitaine Maynet de La Vallée, son frère,
et Jean Bellet, qui ont assassiné les sieurs de Lisle et de Vieufossé
pour raison privée. Graciés également sans intervention (p. 346).
1 58 1 ; Du Plessis-Melesse, accusé de nombreux crimes. 11 est en
vérité soutenu par le cardinal de Bourbon, mais le pape, trois
cardinaux de Rome et Henri III lui-même écrivent en sa faveur (p. 347).
i58a ; Claude d'Aubigny, baron de La Roche, qui blessa le sieur de
La Roche d'Aillon et lui tua trois de ses gens. Il est chaudement
recommandé par Guise, qui l'eut sous ses ordres à Jarnac et à
Moncontour. Le cardinal de Bourbon d'abord opposé à sa grâce, parce
qu'il le soupçonne d'hérésie, l'accueille ensuite favorablement (p. 35i).
[583 ; les frères Du Breuil, qui ont assassiné Nicolas Delacroix,
âbbé d'Orbais, meurtrier impuni de leur père. Guise et Etienne
Pasquier interviennent en leur faveur (p. 35a).
1084 et r585 ; rien de remarquable (p. 367).
if)86 ; Raoul Coignet, qui tua son frère pour des questions d'héri-
tage. Recommandé par les cardinaux de Bourbon et de Vendôme
(p. S67).
1687 ; Gaspard des Aubuz, sieur de Morton, soutenu par les
1. Floquet (A.), Histoire du parlement de Normandie, t. III, p. 358.
■2. Floquet (A.), Histoire du privilège de Saint-Romain. Rouen, 1 8 3 3 , in-8°, 2 vol.
— Tous ces renseignements sont tires du tome II.
APPENDICES 267
cardinaux de Bourbon et de Vendôme, car c'est le neveu de Barjot,
président au grand conseil, qui peut défendre le privilège de Saint-
Romain si souvent attaqué (p. 374)'.
i588 ; Nicolas Auger, choisi de préférence au sieur de Clavières,
bien que ce dernier soit recommandé chaudement par les cardinaux
de Bourbon et de Vendôme, et, suivant l'hypothèse de Floquet, par
Guise lui-même (p. 87(1).
Tels sont les faits, qui sont loin de montrer clairement les réels
avantages que les chefs ligueurs ont pu tirer du privilège de Saint-
Romain. Que le cardinal de Bourbon et Henri de Lorraine eussent à
intervenir souvent en faveur des condamnés, il ne faut point s'en
étonner. L'un était archevêque de la ville et pouvait avoir une grande
influence sur ses chanoines. L'autre comptait parmi les plus puissants
seigneurs du royaume.
D'ailleurs il faut noter le peu de cas que le chapitre de Rouen
faisait souvent des recommandations. Ainsi en 1077 François du
Menez était soutenu par le cardinal de Bourbon, Guise et Mayenne ;
il ne fut cependant choisi que l'année suivante. En i584 la supplique
du sieur de Beuvereil présentée par le cardinal de Vendôme fut
repoussée, et, par la suite, malgré plusieurs interventions de Guise, il
ne fut point gracié. Enfin la préférence accordée en i588 à Nicolas
Auger contre le sieur de Clavières est remarquable.
Donc par trois fois seulement, en 1078, i58a, i383, Henri de Lorraine
vit son protégé favorablement accueilli. Encore les assassins de i583
méritaient bien quelque pitié, puisque Etienne Pasquier lui-même
prit leur défense. Seuls les deux graciés de 1078 et de 1682 peuvent
donner raison à de Thou et à Floquet, surtout le dernier, dont le
pardon motiva sans doute la requête du président de La Guesle.
Cependant il ne semble pas qu'il faille en arriver à leur conclusion
un peu hâtive. Car peut-on s'étonner que, dans une période aussi
troublée, où les questions religieuses avaient tant d'importance, le
choix des chanoines s'arrêtât sur de bons catholiques? En 1570011
avait vu une émeute éclater subitement à la nouvelle qu'un condamné
soupçonné d'hérésie allait être gracié L
Il faut plutôt voir dans l'attitude du prélat un simple geste pour
défendre les privilèges de son église. Il s'y employa en effet fort sou-
vent, et c'est encore à lui qu'en (586 le chapitre eul recours pour
maintenir sur toute la France l'efficacité de son pardon, qu'on vou-
lait restreindre à la seule Normandie -.
1. Floquel (A. ), Op. rit.. I. Il, p. .Su.
:>.. Floquel (A.), op. cit., t. II. p. 358.
N° IV.
Iconographie.1
I. — Portraits du (Jardinai \.
i. — Crayon à la sanguine par un inconnu : buste de 3/4 à gauche,
141/2X11 ;, assez différent des autres portraits. (Bib'l. Nat.,
Estampes, coll. Lallemant de Betz, Ne 14, f" 57).
2. — Portrait gravé par Miger d'après une peinture de Le Monnier:
buste de 3/4 à droite dans un ovale, 10 x 8 1/2.
3. - - Portrait gravé par Aubert d'après une peinture de A. B. :
buste de 3/4 à gauche dans un ovale, 10 X 8. Au bas, dans un car-
touche, lieux et dates de naissance et de mort du prélat.
4. — Portrait gravé par Thomas de Leu : buste de 3/4 à droite
dans un ovale, 11 X81/2. Portant en légende: Charles de Bour-
bon, cardinal archevêque de Rouen, et au bas un quatrain en son hon-
neur commençant par :
Vous qui remarquerez les choses admirables...
5. — Portrait gravé par Harrewyn : buste de 3/4 à droite dans un
ovale, 9X7. Au bas dans un cartouche nom, titres et date de mort
de Charles de Bourbon. — Grande analogie avec le précédent.
G. — Portrait gravé par François d'après un dessin de L. Massard :
buste de 3/4 à gauche, 1 1 X-8.
7. — Portrait gravé par Léonard Gaultier : buste de 3/4 à gauche
31/2X21/2.
8. — Portrait gravé par A. de Saint-Aubin, d'après une agathe-
onyx : buste de profil à droite dans un ovale, 7 X 5 1/2. Fort peu
ressemblant.
9. — Portrait gravé par un inconnu: buste de 3/4 à droite,
4 1/2 X 4. Portant au bas : Carel de Bourbon Kard.
1. Tous les portraits cités sans aucune indication d'origine existent au moins en
un exemplaire au département tirs estampes de la Bibl. Nat. Les dimensions sont
prises à l'intérieur des médaillons.
APPENDICES 269
10. — Portrait gravé par un inconnu : buste de 3/4 à gauche,
6 X \ 1/2.
11. - - Portrait gravé sur bois par un inconnu : buste de 3/4 à
droite dans un ovale, 6x4 1/2. Portant en légende : Charles, car-
dinal de Bourbon, arche, de Rouen, apé (sic) de S. G. '.
12. — Portrait gravé sur bois par un inconnu : buste de 3/4 à
droite dans un rond, 6 1/2 X 6 i/a. Très grossier.
i3. — Aquarelle d'après un vitrail des Cordeliers de Paris. Charles
de Bourbon est représenté en cardinal agenouillé. Fort peu ressem-
blant. (Bibl.Nat., Estampes, coll. Gaignières, Oa 18, 1" 4e)-
14. — Gouache représentant la première réception de l'ordre du
Saint-Esprit. D'après les identifications données, le cardinal de Bour-
bon se trouverait à droite devant les cardinaux de Lorraine et de
Birague, tous trois en costume de cardinaux avec chapeaux et man-
teaux rouges et vêtements d'hermine. Tous portent le cordon du
Saint-Esprit en bleu avec croix d'or. (Bibl. Nat. , Estampes, coll. Gai-
gnières, Oa 17, f° 5o. — lbid., Manuscrits, coll. Clairambault, t. 1 1 1 1 ,
f° 17').
1 5. — Médaille : buste à gauche, tète nue, 5x5- Portant en
légende Carolus a Borbonio s. r. e. cardinalis a. r. — Au revers, dans
une couronne de laurier entourée d'une couronne de palmes, Candori
et odori tuo dédit dus-.
i(i. — Médaille: buste de face, la tète légèrement tournée à droite,
déjeune homme coiffé d'une toque ornée d'une plume et tenant un
bouquet de la main gauche. Gxô. Portant en légende Charles de
Bourbon :!.
11. — Portraits du Roi.
1. — Portrait gravé sur bois en i58q (Jean Palrasson éditeur):
buste de 3/4 à droite dans un ovale, 27 X 18 1/2. Portant en légende
Charles île Bourbon Y du nom par la grâce de Dieu r<>y île France.
L'estampe (43 x 29) est intitulée : Le vrdy pourtraict au plus près
1. Ce portrait est lin' d'une brochure intitulée : De lu succession 'lu droicl ri préro-
gative 'lu premier prince du sang déféré à W lr cardinal tir Bourbon par In loy 'lu
royaume ri le décez de François <!<■ Vallois duc d'Anjou, traduit du latin du sieur
Matthieu Zampini dp Recanati, jurisconsulte. Paris, 1 588, in 1 i°, 3o p.
2. Mazerolle (F.), Les médailleurs français du \\" siècle au milieu 'lu \\ II" siècle,
I. Il, [). 7l,, il" 377.
3. Reproduite par Mazerolle, op. cit., t. III. pi- VI, n" jJ,. — L'identification, qui
pour M. Mazerolle est incertaine, ne l'esl pas moins pour moi. Beaucoup de princes
m Hii'i nul porlé le nom d<> Charles de Bourbon, et je n'ai rencontré, en étudiant
la jeunesse du cardinal, aucune allusion à la fr;ii>[><' do cette médaille,
27O LE ROLE POLITIOUE DL CARDINAL DE BOURBON
du naturel de Charles de Bourbon A du nom par la grâce de Dieu roy
de France. Elle porte en bas un huitain commençant par :
Icy est le pourtraict, la sembla nce et l'image 1...
2. — Portrait gravé par Thomas de Lcu : buste de 3/4 à gauche
dans un ovale, 12X91/3. Portant en légende Charles de Bourbon \
du nom roy de France. \u bas un quatrain commençant par :
Heureuse soil, o Dieu, la couronne sacrée...
3. — Portrait gravé par Ilarrewyn : buste de 3/4 à gauche dans un
ovale, 9X7. Portant en légende Charles de Bourbon A du nom roy de
France, Au bas même quatrain qu'au bas du portrait précédent, avec
lequel celui-ci a d'ailleurs une grande analogie.
4. — Médaille gravée par Philippe Regnault : buste de profil à
gauche. Le poinçon a servi de modèle pour différentes frappes* :
a. — Médaille d<> 43 mfm, portant en légende Carolus decimus Frun-
corum rex. — Au revers: [cita et jus in armis, avec une couronne
royale :i.
b. — Médaille de GO et 68 m/m. portant en légende Carolus A D. G.
Fruncorum rex. — Au revers : Omnia in manu donùni. Le roi est à
genoux devant l'autel; derrière lui deux caudataires, dont l'un porte
sa calotte ; à ses côtés un prêtre regarde une main sortant des
nuages qui tient une couronne4.
c. — Médaille de 33 m/m, portant en légende Carolus XD. G. Franco-
rum rex. 17>'J(L A. — Au revers: Regale saeerdolium, avec un autel
portant une crosse, une mitre, un calice, une couronne sur un cous-
sin et derrière elle une main de justice et un sceptre royal en sau-
toir5.
d. — Écu d'or, portant en légende Carolus A D. G. Francorum
rex, 17)90. — Au revers : Benediclum sit nomem domini. avsec un dessin
central en forme de croix.
1 . Voir le fac-similé 11' I.
2. Cette médaille fut le résultat d'un concours qui eut lieu vers la fin de i58g
entre trois graveurs parisiens, Nicolas Roussel, Philippe Regnault et Pierre Mérigot,
pour graver un poineon à l'effigie de Charles \ d'après une aire forante par Ger-
main Pilon. Ce dernier déclara l'œuvre de Hegnault la plus parfaite des trois. CI.
Ma/irolle. o/». cit.. t. 1, p. i.wvi.
3. Les coins et médailles ont été retrouvés en 1763 dans la maison professe des
jésuites de la rue Saint -\ntoine, comme le prouve un pracès-v.erbaj daté du
5 août 1 -03. — Cette médaille est décrite par Ma/erolle, op. cit., t. II. p. &8, 11° 334.
'1. Hérrile et reproduite par \l ,1/elol 1 1 '. Op.. Cit., t. II. p. Cm), 11" 3 9 5 C I I . 1 1 1 . pi. \IV.
Il" ri •>.">.
5. hérrite ,.| reproduite par Ma/endle. op. '■//.. t. II. p. ils. n° 3^3 et t. III.
pi. \l\ . n" 3^3.
APPENDICES . 27I
5. — Sceau rond de ii2m/m ; sceau de majesté portant en légende
Carolus X D. G. Francorum rex et dans un cartouche 1589. La tête
a été enlevée sur la matrice. Un sceau de cire subsiste à demi-brisé à
la Bibl. >Tat., coll. Clairambault, t. 227, n0ia4; mais la tête est
aplatie. Les dessins de ce sceau faits à la plume et lavés n'ont aucune
exactitude.
PIÈGES JUSTIFICATIVES
Y I.
1548, juin 17. - Joinville.
Lettre de Charles de Bourbon a Jean, cardinal du Bellay.
Bibl. Nat., f. iï\, ms. m'|85, f" 7, original.
Le cardinal de Vendôme demande une expédition plus rapide des
huiles lui conférant l'abbaye de Vendôme et le chapeau de
cardinal.
Monsieur, je commenceray ma lettre pour vous remercier humble-
ment de la bonne voye que m'escripvez avoir cherché me faire saulver
le vaccant de l'abbaye de Vendosme, laquelle je trouverray encores
meilleure si vous pouvez tant faire pour moj l'expédition de nies
bulles n'en soient de riens pour ce relardée, de sorte que je les puysse
avoyr aussy losl comme s'il se payoit comptant, et vous en supplie
humblement mesmes ne différer le payement, si vous voyez il feusl
cause les retarder. Nous parlons mercredy de ce lieu en espérance,
s,|on la conclusion prinse, d'estre le quinziesme de juillet à Lion, où
je désirerois fort les recevoir, remettant le faict de Carcassonne à
vostre aise et discrétion pour ce que n'en ayant aultre haste suis
asseuré vous y ferez beaucoup myeulx de vostre seulle oppinion que
avecques tous les adviz qui vous en scauroienl estre envoyez, encores
de ceste affection que me monstrez en tous aultres mes affaires;
laquelle me fera tonte ma vie user avecques vous de plus grande
privaulté et contraindra davantage vous descouvrir tousjours ce que
ne vouldrois beaucoup d'aultres pensser j'eusse en fantazie, comme
de présent elle me con Irai net vous dire que l'on estimoit, suyvant ce
que le roj en avoil escript,je deusse avoir mon chappeau peu après
Pasques, qui faict maintenant pensser et dire ce que bien entendez
Sm i.Miiu. — Cardinal de Bourbon. 18
:i~'\ LE ROLE POLITIQUE DU CARDINAL DE BOURBON
l'on a de coustume dire par deçà en semblable, sachant ung chacun
avoir esté mandé et retardé jusques icy, veu mesmes que par cy-
devant a esté envoyé à au 1 très que je ne vous doibs nommer, incon-
tinent estre mandé.
A ceste cause et pour osier occasion d'en pensser davantage, je \ous
supplirois voluntiers de moienncr il feust de ceste part satisfaict au
roy avantque me acheminer pour aller à Rome. Et, pour ce, Monsieur-,
que je doubtc aussy nostre sainct Père ne m'ewst créé cardinal prebstre
s'il eus! sccu qui1 je ne le feusse nomplus que je ne suis, au mointz
ainsi qu'il me semble estre apparent par le brief de création que sa
Saincteté m'a envoyé en ces mots : te inpresbiteratus ordine constitution
sancte romane ecclesie presbyterum cardinalem creamus, je vous
supplie sentir secrètement de sa Saincteté si parce elle entend je me
face prebstre, ou bien de messieurs les Cardinaux voz familiers si
j'en serois contrainct par ladite création ainsi faicte, et en ce cas
voulloir prendre garde et faire en sorte pour moy que, m'envoiant
ledit chappeau, l'on m'apellast cardinal diacre et non cardinal
prebstre pour éviter ceste contraincte de le me faire, par ce qu'en si
jeune eage je ne me sentz encores capable et ne me vculx. précipiter
en si grand mistère, ains entendre l'eage compettent et l'heure que
la dévotion m'en viendra.
Pour ceste cause, Monsieur, je vous supplie derechef humblement
y prendre garde et faire tant pour moy que plustostje sois au ranc
des diacres qu'estre contrainct avant l'heure de ma dévotion me faire
prebstre. Je m'asseure tant de vous que vous ayant ainsi ouvert ma
fantazie, je m'en sent/, si grandement allégé que à peine puis-jc
pensser je ne soye ja satisfaict de tout ce dont je vous prie et
beaucoup myeulx que je ne scaurois soubhaitter. Partant me suffira
estre recommandé humblement à vostre bonne grâce, comme
tousjours ay désiré et maintenant pour jamais prie demeurer, en
suppliant le créateur. Monsieur, nous donner en santé bonne vie et
longue.
A Joi r; ville, ce XVII" de juing i548.
(de sa main) \ ostre humble serviteur,
Chaules, cardinal de Vendosme.
PIEGES JUSTIFICATIVES :>-')
N II.
1562 (n. st.), mars 13. — Montceaux.
Lettres patentes du roi Charles I\
nommant le cardinal de bourbon son lieutenant général
a Paris et lieux circon voisins.
Arch. Nat., X*' 862'!, f° 233 v".
Charles, par la grâce de Dieu n>y de France, à tous ceulx qui ces
présentes lettres verront, salut. Pour ce que nos affaires, selon qu'ils
s'estendent par tous les lieux et endroicts de nos royaume et pays, nous
appellent en certains lieux où nostre présence est grandement néces-
saire et qu'il est forcé que, pour y aller, nous nous eslongnons de
nostre bonne ville et cité de Paris, qui est la capitale de nostre royaume
et l'exemple de tout nostre peuple, nous avons estimé, pour estre les
troubles que suscite la diversité des opinions en la religion tels en
nostre royaume que chacun les scait et congnoist et pour n'en avoir
esté ladite ville exempte jusques à présent, qu'il est plus que requis et
nécessaire que pendant nostre ahsenceet eslongnement il y ait résident
en icelle \ille ung bon, grand et vertueux personnage, de crédit et
authorité notable, auquel nous aions entière et parfaicte seureté et
fiance, et qui soit à nos subjects, bourgeois, citoiens et habitans d'icelle
ville agréable pour les tenir et conserver en union, amitié, dévotion,
craincte et obéissance envers nous, et qui en ce faisant pourvoie et
obvie à ce qu'il n'advienne aucunes émotions, séditions, mutineries,
murmures et autres semblables choses que la diversité desdites
opinions en la religion peult facilement apporter et engendrer parin\
nng peuple composé de gens différends d'estats et qualités et de
diverses nations, comme est celluy dudil Paris; Savoir faisons (pie.
après (pie nous avons consulté et prins ad\ is de cesl affaire avec nostre
très chère et très aînée daine et mère la royne, nostre très cher et
liés amé oncle le ro\ de Navarre, nostre lieutenant général représen-
tant nostre personne par tous nos royaume et pays, et avec autres
princes de nostre sang el gens de nostre conseil privé, considérans
que pour tel effect nous ne scaurions faire meilleure élection que de la
personne de nostre liés cher el lié-; aîné cousin le cardinal de
Bourbon, tant pour le respect de ses suffisance, pfeudhomie, dextérité,
intégrité, bonne conduicte, loiaulté, expérience el grande diligence,
que aussi pour la proximité de sang et lignage dont il nous attouche
12-6 LE ROLE POLITIQUE DU CARDINAL DE BOURBON
et attient, et la singulière affection qu'il porte à nous, nostre service
el au bien et prospérité de nos affaires en la direction desquels il
s'employe ordinairement en nostre conseil privé avec tel el si bon
devoir qu'il est digne de louange et nous donne grande occasion de
contentement et satisfaction, icelluy nostre dit cousin, pour ces causes
et autres bonnes et justes considérations à ce nous mouvans, avons
faict, ordonné, constitué et estably, et par la teneur de ces présentes
faisons, ordonnons, constituons et establissons nostre lieutenant
général représentant nostre personne en nostre dite ville et cité capi-
tale de Paris et autres villes et lieux circonvoisins avec plain pouvoir,
puissance, authorité, commission etmandement spécial de convocquer,
assembler et faire venir devers luy, toutes et quanteiïois que bon luy
semblera et que l'affaire le requerra, tel nombre de nos amés et féaulx
présidens et conseillers de nostre court de parlement, maistres el
auditeurs de nos comptes, généraulx de la justice de nos aydes qu'il
advisera et semblablement les prévost des marcbans, eschevins.
officiers et magistrats de ladite ville, de quelque authorité et qualité
qu'ils soient, et les prélats, chappitres, communaultés, collèges,
nobles, bourgeois, ciloiens, manenset habilans d'icelle pour adviser,
regarder et consulter des choses qu'il verra estre requises et néces-
saires et qui toucheront tant nostre dit service, le bien de la chose
publicque, seureté et conservation de nostre dite ville de Paris que
des personnes et biens des bourgeois, manens et habitans d'icelle, les
contenir en amitié, union et concorde les ungs avec les autres et en
l'obéissance qu'ils nous doivent sans permettre que pour faict de
religion ny autre occasion ils s'entre-injurient, irritent, offensent ny
provocquent les ungs les autres à débats, querelles et séditions ; et à
ceste fin fera cesser tous ports d'armes, pistoles et pistolets, fera garder
et observer nos édicts et ordonnances tant sur le faict desdils ports
d'armes, pistoles et pistolets que pour garder et empescher lèsdites
séditions et semblablement nostre dernière ordonnance du dix-
septiesme janvier faicte pour le repos et tranquilité de ladite ville, et.
pour faire vivre nos subjects, manens et habitans d'icelle en pacifi-
cation, enrôles qu'il v ait entre eulx quelque diversité d'opinions en
la religion, commandera el ordonnera aux ungs et aux autres tout ce
qu'il congnoistra estre à propos et convenable; el. s'il vcoit que pour
se faire obéir il ait besoing de force, fera lever et mettre sus pour
ung prompt effecl tel nombre de gens de pied et de cheval qu'il
advisera par tels bons et suffisans capitaines qu'il choisira pour les
employer el exploicter en ce qui sera requis soit dedans ou dehors
ladite ville de Paris pour le bien de noslie dit service, seureté el
conservation du repos d'icelle ville et pour tels autres effecls qui
PIÈCES JUSTIFICATIVES 277
s'offriront ; ordonnera et disposera de l'artillerie, pouldres, boulets et
munitions que nous avons en ladite ville pour les départir en tels
lieux qu'il verra nécessaire et tiendra au surplus la main au faict de
la justice : fera punir exemplairement ceulx qu'il trouvera mutins,
séditieux, rebelles et désobéissais à nos dits édits et ordonnances et à
ses commandemens, décrets et ordonnances, et généralement fera,
exécutera et exploictera en toutes etchacunes les choses susdites et
autres dépendans de la charge de nostre lieutenant général en nostre
dite ville de Paris et lieux circonvoisins, durant nostre dite absence,
tout ce qu'il verra et congnoistra estre à propos requis et convenable
pour le bien de nos affaires, repos et tranquilité d'icelle ville et autres
effects cy-dessus déclairés, selon la parfaicte et entière fiance que
nous avons en luy et tout ainsi que nous-mesmes ferions et faire
pourrions si présens en personne y estions, jaçoit que le cas requist
mandement plus spécial. Si donnons en mandement par ces présentes
à nos amés et féaulx conseillers les gens tenans nostre court de
parlement, gens de nos comptes, généraulx de la justice de nos
aydes à Paris, prévost dudit lieu ou son lieutenant, prévost des
marchans, eschevins, officiers, magistrats, prélats et autres gens
d'église, chappitres, communaultés, collèges, nobles, bourgeois,
manens et habitans de nostre dite ville de Paris et à tous nos autres
justiciers, officiers et subjects et à chacun d'eulx, si comme à luy
appartiendra, que, en faisant, souffrant et laissant nostre dit cousin le
cardinal de Bourbon joir et user des pouvoirs, puissances, authorités
et facultés cy-dessus déclairées par nous à luy données et autres qui
dépendent de ladite charge de nostre d'il lieutenanl général, ils aient
à luy obéir et faire obéir et entendre diligemment de tous ceulx et
ainsi qu'il appartiendra et besoing sera es choses touchans et con-
cernans icelle charge, sans y faire aucune faulte ni difficulté, en
mandant en oultre aux gens de nostre dite court de parlement faire
lire et enregistrer ces dites présentes, lesquelles en tesmoing de
ce nous avons signées de nostre main et à icelles faicl mettre nostre
seel. Donné à Montceaux le treiziesme jour île mars l'an de grâce
mil cinq cens soixante ung, el de nostre règne le deuxiesme.
Ainsi signé soubs le reply : Chaiu i -.
Et sur le reply : Parle Roy estanl en son conseil : Bourdin.
278 LE RÔLE POLITIQUE DU CARDINAL DE BOURBON
N" III.
1563. mars: commencement]. — S. 1.
Lettre du cardinal de Bourbon a Anne d'Esté,
DUCHESSE DE GuiSE*.
Bibl. Nat., t'. fr., ms. 34i8, f° 16, autographe.
Le cardinal expose à la duchesse les démarches faites pour lui faire
obtenir la dispensa nécessaire à son mariage.
A Madame, Madame la duchesse de Guyse.
Madame, j'é receu la lettre qu'il vous a plu m'escripre par le
sieur de Salcéde et congnoys bien la bonne voulunté qu'il vous
plaict me porter et comme vous escripvés à monsieur le cardinal
vostre frère i pour ma dispence, que je croy que, quant y aura
entandu Testai où est maintenant ce réanime et pour le bien
publiq, il me donnera le mesme conceil qui m'a donné aultrefoys.
Monsieur de Lanssac a escript à la rainne que, touchant mon
affaire, qu'il fault premièremant s'adresser au pape et puys le con-
cilie l'aprouvera, mais aultremant il trouvoyt la chose difficille.
C'est, Madame, le chemin que j'é esté toujours d'advis ; j'espère,
comme m'escript monsieur le cardinal d'Àrmignac, que le pape
me le commendera et non poinct m'en prira. J'atends ce qu'il
plaira à Dieu. La rainne a despèché le chevalier de Sévre et luy a
commendé de poursuivre vivemant mon affaire. Je vous supplie très
humblemant, Madame, de faire entandre à monsieur le légat l'obliga-
tion que j'ay à son endroict de ce qu'il l'a escript pour moy. Et au
demeurant, Madame, je vous supllie croire que je vous serez ung
jour ung des plus obéissans de tous voz en fans et que je ne désire en
ce monde que l'acomplisscinanl de cest affaire pour vous servir et
aymer messieurs voz enffans comme mes frères. El quant à voz
affaires de par deçà, vous en aurez les despèches comme vous les
voulés et de nia part, Madame, je vous serwray et obévrav toutte
ma vie en ce qu'il vous plaiera me commander. Quant aux nouvelles
de deçà, la paix est faicte si ne survient anltre difficulté, car nous
accordons l'exercice de leurs relligion ; et vous assure. Madame, que
monsieur le conneslable ne ce rend poinct difficille en reste paix, niais
1. Le cardinal de Lorraine, qui riait alors au concile de Trente.
PIECES JUSTIFICATIVES 279
la procure ce qu'il peult, et veoyt-on bien qui ce congnoist à faire des
traictés de paix. Nous ne partirons encores sitost de ce lieu, car il y
aura beaucoup de poinctz encores à vuyder. Je croy que ce sera pour
tout ce moys d'avant que tous les estrangiers soyl sorti hors du
réaulme. Ce qu'il surviendra, je ne faulderay vous advertir et nie
pardonnerés, Madame, si je vous importunne plus de mon faicl que
des aultres, car je croy que vous me teués pour vostre très humble
et très obéissant cousin,
Charles, cardinal de Bourbon.
N° IV.
15 70, novembre 2. — Saint-Germain-des-Prés.
Mandement du roi Charles IX instituant le cardinal de Bourbon
TUTEUR ET CURATEUR DES ENFANTS DE LOUIS DE BOURBON, PRINCE
DE CONDÉ, ET DE ÉlÉONORE DE ROYE.
Arch. \at.. X" 86a8, f° '1Ô1 v°.
Charles, par la grâce de Dieu roy de France, à nos amés et féaulx
les gens tenans nos courts de parlement, grand conseil, gouverneurs
de nos provinces, maistres des requesles ordinaires de nostre hostel,
baillis, sénesebaulx, prévosts, juges ou leurs lieulenans, conseillers,
magistrats de nos sièges présidiaulx et tous autres justiciers et
officiers, et chacun d'eulx comme il appartiendra, salut. Après le
décès de défunct nostre très cher et très amé cousin le prince de
Condé, nous fusmes adverlis du mauvais ordre et gouvernement
qu'il y avoil en l'administration des biens délaissés tant par lui que
deffuncte nostre très chère et bien amée cousine Léonor de Roye, son
espouse ; au moyen de quoy, pour éviter à la perle et ruyne qui
pouvoit advenir d'iceulx affin qu'ils ne dépérissent, ains l'eussent
conservés, eussions, de l'advis de nostre liés honorée dame cl mère
et gens de nostre conseil estant près de nostre personne, par nos
lettres du vingt unième octobre cinq cens soixante neuf, commis,
ordonné et député nostre liés cher et très amé cousin le cardinal de
Bourbon pour, soubs son auctorité, vouloir cl mandement, faire
régir, gouverner et administrer tous el chacuns^les biens, maisons,
chasteaulx, terres H seigneuries apartenans ausdits défuncts prince et
princesse de Coudé, en quelque pari qu'ils feussenl scitués H assis,
comme plus au long il esl porté par nos dites lettres; etoultre, pour
28û LE ROLE POLITIQUE DU CARDINAL DE BOURBON
aulcunement soulager du grand faiz et charge d'ieelle administration
nostre dit cousin ordinairement occuppé près de nous pour nos
affaires, nous aurions par aultres nos lettres du vingt deuxiesme
dudit moys d'octobre nommé et député personnages notables, les
ungs pour conseil et aultres pour la recepte et administration, gens
de bien recéans et solvables qui jà d'un bon zelle, dextérité et conseil,
soubs l'auctorité de nostre dit cousin, auraient par plusieurs foys
depuis ung an ou environ vacqué au manyement et charge dos
affaires de ladite administration, composé et acquicté partie desdebtes
et conservé les droits desdites terres et seigneuries desdits défuncts,
lesquelles aultrement estoient en voye d'une prochaine et évidente
ruyne, si par nous et nostre dict cousin promplement n'y eust esté
pourveu ; et, d'autant que nous avons esté bien advertis qu'il y a
plusieurs détempteurs et usurpateurs desdits biens meubles et
immeubles, terres, seigneuries desdits défuncts, receveurs, fermiers,
debteurs et autres qui sont en doubte ou aultrement vouldroient
interpréter que le pouvoir cy-devant par nous donné à nostre dit
cousin seroit expiré par le moyen de nostre dernier édict de pacifica-
tion, et eulx efforser soubs ce prétexté troubler et empescher nostre
dit cousin en la jouyssance desdits biens et- remettre toutes choses
en confusion, comme ils estoient auparavant, qui seroit l'entière
ruyne desdits biens et directement contre l'intention de nous qui
avons tousjours désiré et désirons iceulx estre conservés et mesnagés
par nostre dit cousin au prouflict et utilité desdits enffans, le gou-
vernement desquelz, attendu leur minorité, ne peult et ne doibt
âpartenir à parent qui leur soit plus proche et affectionné à leur
bien et qui par drOict de nature embrasse et doibve embrasser de
meilleure volunté ladite charge, gouvernement et administration, que.
nostre dit cousin le cardinal, leur oncle paternel ; pour ces causes
et aultres bonnes considérations à ce nous mouvans, de l'advis
de nostre très lionnorée dame et mère, princes et seigneurs de
nostre dit conseil, après avoir esté deuenient informés de ce. qui a
esté l'a ici et géré en ladite administration, avons dit et déclaré,
disons et déclarons que nous avons eu et avons très agréable tout ce
que cy-devant par nostre dit cousin, sesdits commis et députés, a
esté faict, géré et administré pour le gouvernement desdits biens et
acquicl îles délites desdits défuncts prince et princesse en vertu de nos
dites lettres jusques à hu\ ; oultre lesquelles el d'abondant, attendu
la proximité du sang et lignage de nostre dit cousin envers lesdits
enffans qui n'ont encores acquis l'aage requis et nécessaire pour la
conduicte d'éulx et de leur bien, voulons et entendons que icelluy
nostre dit cousin le cardinal demeure doresnavant chargé de la per-
PIÈCES JUSTIFICATIVES 28 1
sonne el biens des enffans desdits défuncts prioce et princesse
jusques à ce qu'ils soient parvenus en aage de majorité, et, pour ce
faire, nous, du consentement des princes et aultres seigneurs leurs
parens el amys estans près de nous et pour ce appelles, l'avons éleu,
nommé et ordonné, nommons et ordonnons par ces présentes tuteur
et curateur seul desdits mineurs pour prendre la charge, gouverne-
ment el administration de leurs personnes et biens, lui donnant tout
pouvoir iceulx régir et gouverner, faire régir et gouverner lesdits biens
soubs son auctorité par tels personnages que nostre dict cousin pour le
myeulx advisera et congnoistra estre nécessaire pour la conduicte de
ladite administration; et, pour ce faire, voulons qu'il soit mis et réin-
tégré en possession et jouissance de tous lesdits biens, terres et sei-
gneuries pouren joyr tout ainsi el avec tel droict que faisoienl lesdits
défuncts, lors et auparavant les derniers troubles, et tous fermiers,
receveurs, commissaires, dépositaires et tous aultres qu'il appartiendra
contrainetz à luy en rendre bon compte et reliqua par toutes voyes
doues et raisonnables pour ces deniers qui en proviendront estre con-
vertis et employés par les ordonnances de nostre dit cousin ou ceulx
qui seront par luy commis et députés en l'acquit des debtes desdils
défuncts et autrement, ainsi qu'ils verront estre le plus nécessaire et
prouffitable pour le bien desdits mineurs ; défendant très expressé-
ment à toutes personnes culx immiscer ne entremettre au faict et
charge de la présente administration en quelque sorte et manière que
ce soit, sans l'exprès commandement et adveu de nous ou de nostre
dit cousin, qui a présentement accepté ladite charge, gouvernement
et administration, promis et juré en nos mains en paroles de prince
et prélat icelle exercer et faire fidèlement el soigneusement exercer
pour en tenir compte, ainsi qu'il apartiendra. Si vous mandons, com-
mandons et expressément enjoignons el à chacun de vous en droict
soy (pie de nos présents déclaration, vouloir et intention, tutelle et
curatelle, gouvernement et administration vous faictes, souffrez et
laissiez nostre dit cousin et ceulx qu'il voudra commettre et députer
joyr et user plaineinent et paisiblement, et le contenu en ces dites
présentes faire enregistrer sans \ faire aucune difficulté; car Ici esl
nostre plaisir, nonobstant que l'on peul dire que à ceste présente
élection cl nomination de tutelle et curatelle les solempnités plus
particulièrement requises de droict, us et coustume n'ayent esté
gardés et observés ; à quoy, attendu que sommes des principaulx
parens desdils enffans et (pie la dation et provision de ladite tutelle
nous apartient connue estant protecteur et bonservateur de leurs
personnes et biens, nous axons iceluy nostre dit cousin, en tant que
besoing seroit, dispensé el auctorisé, dispensons et auctorisons de
282 LE ROLE POLITIQUE DU CARDINAL DE BOURBON
nostre propre mouvement, certaine science, plaine puissance cl
auctorité royal par ces dites présentes et quelconques édicts, man-
dements, ordonnances et lettres à ce contraire, opposilions ou appel-
lations quelsconques et sans préjudice d'icelles, pour lesquelles ne
voulons estre différé. Et, pour ce que de ces dites présentes l'on
pourra avoir affaire en plusieurs et divers lieux, nous voulons (pic
au vidimus d'icelles deuement collalionné'par l'un de nos amés et
ieaulx notaires et secrétaires ou soubs seel royal foy soyt adjoustée
comme au présent original; mandons au premier huissier ou sergent
sur ce requis faire tous exploicts requis et nécessaires pour l'entière
exécution de ces dites présentes. Donné aux faulxbourgs Sainct-
Germain-des-Prez-les- Paris le deuxiesme jour de novembre l'an de
giace mil cinq cens soixante et dix, et de nostre règne le dixiesme.
Ainsi signé : Charles.
Et plus bas : Par le Roy : De Neufville.
N° V.
157 7, avril 16. — Blois.
Lettres patentes du roi Henri III nommant le cardinal
DE BOURRON SON LIEUTENANT GÉNÉRAL A PARIS.
Arch. Nat., X1' 8(333, f° 34a.
Henry, par la grâce de Dieu roy de France et de Pologne, à tous
ceulx qui ces présentes lettres verront, salut. Considérans qu'estant
nostre bonne ville et cité de Paris la cappitalle de cestuy nostre
royaume, il est bien requis et nécessaire, à présent que nous en
sommes esloignés et que nous délibérons aller en nostre pais de
Guyenne où nos affaires nous appellent, que nous laissions en nostre
dite ville de Paris quelque grand et notable personnage pour y estre
assidu affin de donner ordre et pourveoir aux choses qui s'i pré-
sentent ordinairement et y eonlenir et faire vivre les habitans soubs
uoslre obéissance et la commander pour nostre service es occasions
qui s'i offriront pendanl nostre dit esloignement el absence, sçavoir
faisons que nous, ayans advisé que meilleure eslection ne scandons
nous faire pourcesl effecl que de la personne de nostre très cher el
très aîné oncle Charles, cardinal de Bourbon, tant pour la proximité de
PIECES JUSTIFICATIVES 9.83
sang dont il nous attouche qne pour la vraie affection et dévotion
que nous sçavons qu'il porte à nous et à nostre couronne et pour la
congnoissance qu'il a des affaires d'icelle, pour ces causes et pour la
parfaicte et entière confiance que nous avons de sa personne et de ses
sens, vertus, lidellité, loyaullé, expérience et grande diligence, avons
icelluy nostre dit oncle le cardinal de Bourbon constitué, ordonné cl
estabty, constituons, ordonnons el establissons par ces présentes
nostre lieutenant général en nostre dite ville et cité de Paris, pré-
vosté et viconté d'icelle pour y demeurer et commander en nostre
absence pendant nostre ditvoiage et esloignement, luy donnant pou-
voir, puissance, auctoritlé et mandement spécial d'avoir l'œil à faire
vivre nos subjects, manans et habitans de nos dites ville, prévosté et
viconté en bon ordre, tranquillité et pollice, leur commander et ordon-
ner ce qu'ils auront affaire pour la conservation et seureté d'iceulx et
de leurs personnes, maisons et biens, et, selon que l'affaire le requerra,
mander et taire venir devers luy les officiers de nostre parlement et
autres de nostre justice, prévost des marchans, escbevins et habi-
tans de nostre dite ville de Paris, et leur dire et commander aussi ce
qu'ils auront à faire pour nostre dit service et leur dite conversation
et repos, commander aussi aux officiers de nos finances ce qu'ils
auront à faire pour nostre service, et générallement faire par nostre
dit oncle le cardinal de Bourbon durant l'occasion présente de nostre
dite absence et esloignement au faict et exécution de ceste charge
tout ce qu'il verra et congnoistra eslre requis, utile el nécessaire
pour le bien île nostre dit service cl manutention du repos publicq
de nos dites ville, prévosté el viconté de Paris, ton! ainsi que
nous-mesmes ferions et faire pourrions si présens en personne
y estions, jaçoit qu'il y eusl chose qui requisl mandement plus
spécial qu'il n'est contenu en ces dites présentes ; par lesquelles
donnons en mandement à nos amés et féaulx conseillers les
gens lenans nostre court de parlement, chambre de nos comptes,
courts des aydes et de nos monnpies, prévosl de Paris ou son
lieutenant, prévost des marchans et escbevins, et à fous nos
autres justiciers, officiers el Subjects, manans el habitans d'icelle
nostre dite ville, prévosté et viconté de Paris, que à nostre <lii oncle
le cardinal de Bourbon ils obéissenl et facenl obéyr el entendre
diligemment en toutes choses qu'il leur dira ci commandera et
ordonnera pour le faict de ceste présente charge cl de i'r ((ni
en dépend, tout ainsi que à nostre propre personne, sans aucune-
ment y contrevenir; car Ici esl nostre plaisir. En tesmoing de
ce nous avons signé ces présentes de nostre main ci à icelles
faict ineltrc et apposer nostre seel. Donné ;'i Blois le seizeiesme
284 LE ROLE POLITIQUE DU CARDINAL DE BOURBON
jour d'avril l'an de grâce mil cinq cens soixante dix sept, et de
no s Ire règne le troisiesme.
Ainsi signé : HExny.
Et sur le reply : Par le Roy : Pinart.
N° VI
[1579], juillet 23. — Grenoble.
Lettre nu cardinal de Bourbon a Louis de Gonzague,
DUC DE NEVERS.
Bibl. Nat., f. fr., ms. 332i, f" 28, autographe.
Le cardinal le prie de veiller pendant son absence sur l'éducation
de son neveu Charles de Bourbon.
Y Monsieur, Monsieur le duc de Nyvcrnoys.
Monsieur, encores que j'ay beaucoup d'obligation à vous, mais
ceste dernière, qu'avés tenu la main pour mon nepveu ] touchant mes
bénéfices, me rand du tout à vous, vous remercyant bien humble-
niant de tout mon cueur de la grande amitié (pie nous portés.
Je vous supplie aussy de tenir mon nepveu comme uns de vos
enffans ; car, si ne vous obéisset comme à moy, je ne le voul-
droys jamais veoyr. Ce que je faietz, c'est principalement pour
veoyr mes abbayes quelques jours, ce Dieu plaict, bien réfor-
mées, comme j'ay intancion à mon retour, et de faire si bien
nouryr mon nepveu en Testât éclésiastique et à la religion catho-
lique qu'il soyt plus tost un cardinal Boromée que comme nous
avons esté nourry. Je vous supplie, Monsieur, me faire ce bien
que de l'envoier quérir quelquefoys et dire à monsieur Touchait
qu'il faice instrire toujours par les jésuistes et qu'il ne reçoive
ces sacremans que par eulx et qu'il [Renseignent au dit estât
éclésiastique. Vous me pardonnerés si je vous use de ces paroles,
car je parle à vous comme à mon seigneur et frère et plus adffectioné
amy que j'ay en ce monde. Au reste. Monsieur, nous sommes
arrivé, grâces à Dieu, en ceste ville de Grenoble et demain j'es-
père d'aller coucher à la Grande Chartreuse, que j'ay grande envye
1. Charles de Bourbon, né le 3o mars i[>('r?, jilns tard cardinal de Vendôme, puis
de Bourbon.
PIÈCES JUSTIFICATIVES 285
de veoyr. Nous attendons icy monsieur de Savoie pour la sepmaine
qui vient. Le maréchal de Bellegarde est à Th (mot illisible) et le sieur
de Viragues1 pareillement. Et, après vous avoyr baisé les mains, je
prieray Dieu vous donner ce que désirés. De Grenoble, ce WIII"'" de
juillet.
Monsieur, si vous plaisoit faire tant que Monsieur feist à mon
nepveu comme a l'aicl le roy et la raine, il nous obligerait gran-
dement.
Vostre très humble cousin et oncle à vous faire service.
Chaules, cardinal de Bourro.n.
N° VII.
[1585, mars, du 27 au 30. — Péronne.]
MÉMOIRE PORTÉ AL DUC DE NeVERS PAR UN MESSAGER DU CARDINAL DE
Bourbon lui exposant les actes et les intentions des ligueurs.
Bibl. Nat., f. fr., ms. 3364, f° 5G, original.
Dira à N[evers] le contentement qu'a receu C[ardinal] d'avoyr
entendu de ses nouvelles, encores qu'il soyt fort niarry que
l'homme qu'on altendoyt ayt manqué au jour promis, bien
qu'il s'asseure qu'il ne manquera point à l'effect.
Cependant, s'il pouvoyt mettre fin à ses scrupules qui, à dire lé
vray, ruinent la cause el empêchent les effects que produiroyl une
prompte résolution, oultre qu'il obligeroyt Cfardinalj extrêmement
l'assistant en reste occasion si importante, il mettroyt du tout les
affaires en bon estât et rendroit le party beaucoup plus fort tant par
ses moyens que par son exemple; ce qui sera au contraire s'il continue
plus longtemps en ses irrésolutions ou si du tout il s'en relire.
C ardinal] a demeuré autant qu'il a peu à Ga Mon pour attendre
le jour ordonné; mais, pressé par sa M[ajesté] qui luv a envoyé
par deux foys [La] M[othe] F énelon], il a esté contrainl d'eu partir,
craignant d'estre attrapé, cl venu en ceste ville de P éronne], où il a
esté receu des babil an s el gouverneur avec tout l'honneur qui se peult,
encore que le R[oy] eust défendu par courrier arrivé deux lieurea
devanl de l'\ laisser en! rer.
i. Charte!) île Birague, conseiller du roi, gouverneur du marçruisal de Saluces,
1 1 mouru l en juillet 1 5g i .
1286 LE ROLE POLITIQUE DU V: AHDINAL DE BOURBON
Il y demeurera deux ou troys jours, puys, la laissant 1res asseurée,
il yra à G uise] et FUeims] pour se joindre à M onsieur de] G[uise],
<|iii s'est rendu maistre dudil R[eims] et de Cli âlonsj.
Le C[ardinal dej V[endôme] ny le C[omte de] S[oissons] ne sont icy
pour ce qu'ils ne nous avoient suyvi à Ga[illon] ; mais je pense que
nous les aurons bientost.
C[ardinal] vous envoyé une Déclaration] l'ondée sur la religion et
quelques aultres subjets qui ne sont qu'en conséquence de celuy-là,
laquelle M[onsieur de] G[uise] nous a envoyé et la trouvons très
bonne. S'il eust esté possible de la vous envoyer plustost, on l'eust
faict ; mais il n'y a qu'un jour que nous l'avons et le temps
presse de la faire imprimer, car le masque est levé et est besoing
que tout le monde soyt promptement rendu capable.
Pour conclusion, Cjaidinal] vous conjure, par l'amytié que vousluy
portés, de ne l'abandonner poinl en teste occasion si pressante et de
ne vous séparer point de la cause commune de tous lescath[oliques],
lesquels ne peuvent avoyr mal que vous n'y participiés, ny bien aussy
que vous ne le ressenties.
Quand au M[ariage] estant avec M[onsieur de] G[uise], il en
parler;!, mais il désire que le premier propos se continue, à quoy il
mettra toute la pêne qu'il pourra ; Mefnueville] et Cjornac] l'en
feront souvenir ordinairement.
Y Mil.
|1585. avril 15 environ. — Guise].
Lettre anonyme d'un familier du cardinal de Bourbon
a louis de gonzagl'e, duc de nevers.
Bibl. Vit., t. IV. , ms. 3366, f° go, original.
L'auteur expose la situation du parti des ligueurs et sollicite
te duc de se joindre à eux.
Card[inalj a esté très aise d'entendre de vos nouvelles, mais très
iiiarry de voyr la continuation de vostre voyage pour avoyr toujours
mis en vous l'une de ses plus asseurées et premières espérances.
De Péroné, il est venu en ce lieu de Guyse, où il a esté tellement
travaillé d'une cruelle colique qu'il a eslé contraint d'y demeurer
jusqu'à maintenant. Encores n'en est-il guéry, bien qu'il se porte
PIÈCES JUSTIFICATIVES 287
beaucoup mieus el aye l'espérance avecl'ayde do Dieu de partir lundy
pour aller à Reims el de là à Espernay trouver la revue qui l'y attend
en grande dévotion de pacifier ces commencemens ; de quoy, à ouyr
deus ambassadeurs qui sont ici, R[etz] et Lrénoncourt|, il semble
qu'elle aye toute puissance et encore plus de volonté.
Qui faict quasi tenir certain que le roy ne pouvant avoyr la paix
qu'à ceste condition sera contraint de se joindre à ceste cause et faire
la guerre auv hérétiques , combien que d'ailleurs c'est chose asseurée
qu'il donne des commissions à des capitaines h[érétiques], et mesmes
nous a-t-on escript qu'il a envoyé quérir le petit monstre de Bre-
taigne.
Quoy qui arrive, ou paix ou guerre, Cfardinal] et particulièrement
tous vos serviteurs désireroyentextrêmerrient que vous fussiez déclaré;
la guerre, afin que ce party fût appuyé de vostre nom et moyens; la
paix afin que vous en ressentissiez le fruit comme feront les aultres,
si elle se faisoyt ; à quoy je muis supplie très humblement vouloyr
avoir esgard.
(] ardinal], [tour n'estre point à Reims, n'a point eu communi-
cation de ce que vous avés escript ans aultres, qui est cause qu'il ne
vous \ peu 11 respondre.
Il est fort marry et estonné tout ensemble qu'il ne vous est venu
rien de RFeims] et est après à y renvoyer suyvant ce que luy escrivés.
Vous ne scauriésçroyre l'estonnement qu'a donné la prise d'Orléans,
de Bourdeaux, d'Angers, de Saumur et de Chinon. Les villes de
Picardie ou se sont déclarées ouvertement ou se maintiennent neutres
ne voulant recevoyr garnisons du roy; mesmes Béarnais a refusé
l'entrée à Kspernon. Les reistres sont à la frontière. Rosno avec ses
troupes les est allé recepvoyr.
Quand à l'escrit, il est tellement publié qu'il n'est plus possible de
le révoquer. 11 a esté faicl par l'advis du P[ère] C[Iaude] ', à ce que
j'ay peu entendre.
Nous perdons espérance d'avoyr le C[ardinal] de V[eudùme] et le
Comte de S[oissons], encore que leur oncle leur aye escript.
Le secrétaire de la présente est vostre très humble et très obéissant
serviteur.
i . \.c père < llaudc Matthieuj jésuite
288 LE ROLE POLITIQUE DU CARDINAL DE BOURBON
Y I\.
1585, mai i. — Épernay.
Lettre du cardinal de Bourbon a Henriette de Clèves,
i ■
duchesse de Nevers.
Bibl. Nat., f. fr., ms. 333G, f° 84, original.
Le cardinal est venu à Épernay pour s'aboucher avec la reine-mère.
Il envoie à la duchesse Tétat des biens <le son neveu, le comte
de Soissons.
A ma niepee, Madame la duchesse de Nevers.
Ma niepee, j'ay esté liés ayse d'avoir trouvé la commodité de ce
porteur qui s'en retourne vers vous. Il vous dira comme, Dieu mercy,
je commence à me bien porter et mieux que je n'ay cy-devant faict,
ayanl esté si cruellement tourmenté d'une colicque qu'il n'est possible
de plus. Je suis venu en ce lieu trouver la royne-mère du roy qui m'y
attendoyt il y a longtemps affin d'adviser les moyens de parvenir à
une bonne paix, que j'espère et désire se puisse faire à l'honneur de
Dieu, assurance de nostre religion catholicque, bien de Testât et
contentement de leurs Majestés. Je vous envoyé ungestat que ma sœur
madame la princesse de Coudé du bien (sic) que pourra avoir mon
nepveu le comte de Soissons son fils, que je vous prie veoir et m'en
mander sur ce de voz nouvelles. Cependant tenez moy toujours en
vo/, bonnes grâces, ausquelles bien humblement je me recommande,
et prie Dieu qu'il vous donne, ma niepee, en bonne santé longue et
heureuse vye. A Espernay, le premier jour de may 1 585.
(De su main) Vostre bien humble oncle et très perfaict amy,
Charles, cardinal de Bourbon.
PIECES JUSTIFICATIVES 289
V \.
|1585], mai 17. — Châlons.
Lettre dl cardinal de Bourbon et de Henri de Lorraine,
DUC DE (ilTSE, AL PAPE.
Arch. du Vatican : lettere délia segreteria di stato, nunziatura >li Francia,
l. \l\. p. a6, copie.
Le cardinal et le duc Jélicitent le pape de son élection
et récli mien I son appui.
Santissimo Padre, doppo avère humilmente basciato li piedi di
Vostra Santilà.
\ni credemo Voslra Santità essere stata informata abastanza doppo
li rumori di movimenti Qovamente accaduti in questo regnb de la
cagione ebe ha spinta gli catholici a pigliare la protettione de la loro
fede et religione, del pericolo nel quale ella si trovava redutta el
délia Iicentia et eonsenso che la felice memoria di oostro signore \i
aveva dato et délia sua favorevole inclinatione a l'aiuto et l'accresci-
mento <li si sauta opéra. Il che è stato causa, corne Vostra Santità puo
pensare, che noi abbiamo giudicato essersi stati per la sua morte visi-
tali da Dominedio, non solamente per la perdita commune di lui ta
la chrisliauità, nia per un signalalo mancamento d'un grande aiuto,
sostegno ê condutla al particolare delli nostri negotii ; et di questo
scnlivaino una grandissima afflittione, quando sua bontà intinita. che
non lascia giamai i subi sprovisti, a degnalo riguardare compassione-
volmenle la sua Santa Chiesa, impiendo questa sanla sedia vacante
d'un pastore si degno corne è Vostra Santità. Perche la nuova délia
sua elettione ci ha consola ti d'una allegrezza che noi possianio dire
eguale al bisogno clic noi ne havevamo, quale era estremo; di maniera
clic doppo esserei çonversi a laudare Iddio el haverïo supplicato per
la conservatione di Voslra Santità essendoci congratulati cori la
christianità di si felice el degna elettione, siamo costretti di essere
dèlli primi supplicanti allî suoi sanctissimi piedi el d'implorare
vostra providentia nelle nostre presenti nécessita, riebiedendo humil-
mente Vostra Beatitudine che si deghi con sua autoritate conservare
([ueslo suo devotissimo et obedientissimo grege el tropollo, el
irnpiegare sae santé et spiritual] armi contra li- lupi che lo vogiiono
invadere. Perché, pure che possiamo essere tanto venturati cl î ricevere
solamente sua sanla benedittione, speramo in Dio si bene irnpiegare
S\i lhier. — Cardinal de Bourbon. 10
2QO LE RÔLE POLITIQUE DU CARDINAL DE BOURBON
le forze che a sua divina bontà è piaccuito di darci abundantemente,
che disfaremo gli nemici vostri et purgaremo queslo regno délie
hérésie che si Longamente li hanno infettato. Il resto delli nostri affari
sara à Vostra Santità ripresentato per l'illustrissimo cardinale di
Vaudemonte et il padre Claudio ' délia compagnia del nome di Jhesu,
a quali si corne à noi medesim'o noi supplichiamo Vostra Santità dare
audienza et credenza. ,.
Sanctissimo Padre. supplichiamo Iddio dare a Vostra Santità in
perfetta sanilà longhissima et felicissima vila. Di Ciallons, a di XN II di
maggio.
Di Vostra Santità humillissimi et obedientissimi servitori,
Carolo, cardinale di Borbone,
Henrico di Lorraene.
Y XI,
[1585, août 18]. - S. 1.
Lettre de Claude de la Châtre a Henri de Lorraine, duc de
Guise, corrigée par Louis de Gonzague, duc de Xevers.
BibL Nat., (. fr., ms. \-i\, 1" i3i, minute.
La Chaire rapparie au duc de Guise toutes les plaintes que le
duc de Xevers a formulées contre lui.
(Au dos, île la main du duc de Nevers): Copie d'une Ici Ire que
monsieur de La Châtre voloit escrirc à G[uisc"], laquelle j'ay corrigée
comme il se veoit.
J'arivé hier seullemcnt en ce lieu, ne l'ayant peu faire plustost poul-
ies affaires que j'ay trouvées chez moy et en mon gouvernement. Et
pour vous rendre compte de la charge que vous m'avez donnée, je vous
diray sans dissimulation que j'ay trouvé monsieur de Nevers offancé
de voz depportements tant particuliers que généraulx : les généraulx,
pour le bien qu'il vous désire et à toute la cause en laquelle il c'est
joinct, pour laquelle il pençoit y avoir bien travaillé d et tellement
que l'on ne devoit tant précipiter la paix pour la faire si peu certaine ;
cl les particuliers, pour n'avoir seu aucune chose des articles ny sceu
1. Le père Claude Matthieu, jésuite.
1. La rédaction primitive non corrigée par le duc de Nevers portait : ... pour
laquelle il pençoit y avoir bien travaillé et mis les choses en si beau chemin que
vous ne deviez tant précipiter la paix pour l'avoir l'aide si peu certaine; les parti-
culiers pour n'avoir au traicté l'aict aucune mention de luy ny enfin départir
aucune chose pour son contantement....
PIEGES JUSTIFICATIVES 2fjï
ce qu'il devoit désirer pour son contantemcnt. Et, comme il n'a
poincl faultes de fortes et bonnes raisons non plus pour la preuve
du peu de conte qu'il dict que l'on a faict de luy, que pour la belle
et advantageuse négociation qu'il avoit faicte à Rome, je ne suis de
ma part demeuré court à représenter tout ce que vous 'm'avez dict et
d'amener en aucun tour ce que j'av estimé pouvoir servir à lever
ceste impression. Il m'a assuré ne se voulloir néantmoins point
départir de vous, et de faict c'est cliose qu'il a publiée et faict publier
par ces gens et agents à la court, Paris et ailleurs et m'en a faict voir
les lettres pour responces. Mais je vous diray, Monseigneur, et l'aurez
s'il vous plaisl agréable comme de vostre serviteur, que vous vous
devez rendre plus officieux à l'endroict de voz amys et partisans, car
l'on vous tient trop advisé pour estimer que vous péchiez par igno-
rance. Et néantmoins vous ne faictes jamais voz dépesehcs que ;'i
demy et si les changez bien souvant et oubliez ce que vous avez
promis, comme par exemple vous avez mandé à monsieur de Nevers
que vous envoiriez passer vers luv l'abbé de la Vernusse dépesché
pour Rome et comme j'en vis bien la dépesché et instruction le
matin que je partis d'auprès de vous. Ou il est party, ou bien il ne
l'est pas. S'il est party, il y a de la faulte en ce qu'il n'est pas passé
par icy, comme vous l'aviez mandé •. S'il est demeuré pour occasion,
vous deviez en rendre ce prince adverty, comme de toutes autres
choses qui surviennent d'heure à aultre. Si de vostre costé vous
oubliez en cella, monseigneur le cardinal de Bourbon n'en faict pas
moins, et s'en plainct-on comme de vous pour ce que monsieur de
Nevers luy a mandé le 5 qu'il n'avoit occasion de partir de ce lieu
que celle de son service, s'il cogooissoit qu'il fût nécessaire qu'il
s'acheminasl en là; ;'i quo\ l'on ne lux a poincl respondu en i3 jours.
Je scav que c'est chose que vous désirez infiniment et croy encores
qu'il est plus que nécessaire et que le plustost que vous pourrez vous
aboucher tous ensemble ce sera le meilleur pour prendre une bonne
résolution. Faictes doucq que mon dil seigneur le cardinal envoyé au
pluslosl homme exprès pour le quérir -, et qu'il aille à Soissons, et le
temps où il se devera trouver, n'estimant pas qu'il parte d'icj aultre-
menl ; et, s'il estoil possible que monsieur dTmaine :! v fus! aussi
avant d'entreprendre son voiage de Guienne, je l'estime très néces-
saire, et le cardinal de Guyse. Car par ceste veue vous vous esclair-
i. La rédaction primitive non corrigée par le <Uu- de Nevers portait: ...comme
vous l'aviez mandé; l'on m attendent pour ce qu'il .estoit nécessaire. S'il est
demeuré....
a. La rédaction primitive portait : ... pour le quérir et lux mander le temps et
le lieu où il se devera trouver....
'i. Charles de Lorraine, duc du Maine ou de Mayenne.
20,2 LE ROLE POLITIQUE DU CARDINAL DE BOURBON
cirez ensemble des choses passées et l'instruirez de toutes les dé-
pesches et négociations passées, comme il est bien raisonable pour
donner bon advis. Par un seur moien vous remédirez aux présentes et
pourvoirez à l'advenir, prenant une meilleure forme et ordre à voz
expéditions, comme il est très nécessaire et aussi d'aviser par les
provinces et villes de rasseurer voz amis qui demeurent offancez de
la paix i'aicte contre leur espérance, de la i;uyne de leurs biens aux
champs sans avoyr servy qu'à vous oster l'amitié du peuple, des
menasses qui leur sont faictes et du peu de soing qu'avez eu de leurs
seuretez et conservation, voianl les vostres mesmes en hazard. C'est
que l'on m'a dict à mon retour en Herrv, que je ne vous veulx poinct
dissimuler affin que vous ne vous trompiez pas, et croy que d'ail-
leurs vous en aprendrez le semblable, si l'on vous dit la vérité. Je ne
trouve pas la noblesse mieux disposer que les habitans des villes.
Quelque peu de temps pourra rabiller cella avec la peine que chacun
prendra de son coslé. Du vostre dépend le principal poinct et sou-
venez-vous que, n'estant seul en ceste cause, vous ne devez aussi seul
faire tout de vous-mesmes ; bien que le puissiez et par vostre prudence
tellement ordonner que tout réuscist à bien ; néantmoins ce ne seroit
avec le consantemenl des principaulx de cculx qui y ont intérestz,
qui s'estiment digues d'en dire leur advis. 11 pensoit que je luy
deusse rendre compte de toutes négotiations dedans et hors le
royaume jusques à présent pour songer à l'advenir et du licentieinent
des Suisses et Allemans, car vous vous estiez remis sur moy de l'ins-
truire de toutes choses ; ce que n'aiant peu faire, il m'a dit que l'on
pourroit par une simple lettre l'advertir du besoing que l'on a de se
voir.
Y XII.
|1585, du 30 septembre au 5 octobre.] — S. 1.
Lettre du cardinal de Boirron a Louis de Gonzague,
duc de nevers.
Bibl. Nat.. IV i'r., Vas. 34i3, V 85, autographe.
Le cardinal regrette de n'avoir pu se Inxieer à l'entrevue.
Il serai I (use que le due s'accordât avec (luise.
A xMonsieur, Monsieur le duc de Nevers, mon uepveu.
Monsieur, encores que je vous ay envoie mon laquaiz vers vous
depuvs deulx ou trois jours, si ne veulx-je perdre unne seullc
PIÈGES JUSTIFICATIVES 290
occasion de vous escripre et vous puys asseuré que j'é eu un grand
regret ne avoyr peu estrc le troisième, lorsque vous et monsieur de
Guyse vous estes veulx. A quoy je n'eusse failly sans la nécessité de
ma présence à l'assemblée du clergé, de laquelle estans hors je
m'efforceray de prandre occasion de vous aller veoyr par l'extrême
désir que jay av. Vu reste, je vous diray encores ce mot sur le mariage
de ma petite niepce, vostre fille, puysque vous m'avez faict cest
honneur de vous en raporter à moy, que je le remectz du tout en
vostre libre disposition pour en faire comme vous en adviserés, vous
asseurant, Monsieur, que je seray toujours très ayse (pie vous
contantiés monsieur de Guyse, car je vous ayme tant tous deulx que
je désire que ne laciez qu'un et que je face le troisième en ceste
bone amictié ; et espère que Dieu nous conservera, vous baisant très
humblemant les mains. X.
( 1// dos, de la main du duc de Guise) M' estant envoyée aveq charge
de la voir, je l'ay ouverte.
V XIII.
|1585, du 30 septembre au 5 octobre.] — S. I.
Lettre du cardinal de Hourron a Henri de Lorraine,
duc de Guise.
Bibl. \at.. f. fr., ms. 3336, f" 109, — et ms. 36i6, f" na, copies.
Le cardinal a écrit au duc de Vevers suivant ce que Cuise lui
a mandé. Il espère rencontrer celui-ci dans quelque temps.
J'ay receu à un mesme jour trois de vos lettres quy me tesmoignenl
touttes la continuation de vostre amitié, que je tiens chère plus que
ma vie. Or je vous diray, touchant monsieur de Nevers, que je lui ay
escrif selon vostre intention et luy escris encore la lettre que je vous
envoyé a\ec les mesmes mots que vous me demandez. Croyez que
j'affeclionne/ tellement tout ce qu'il vous touche que vous-mesmes
ne scauriez y apporter plus d'ardeur. Je me réjouis fort de ce
<pic m'avez mandé de luy et (pie le devez voir encorres, désirant
Lui daller à Soissons ; à quoy je ne faudray auss> lost que les affaires
que nous avons ic> nie le permettront et dont je vous adverliray
pour avoir ce bien de vous voir à Marchays. Cependant croyez
lousjours fermement que je vous ayme comme mon lils. vous baisant
très humblement les mains. x
2Ç)4 LE ROLE POLITIQUE DU CARDINAL DE BOURBON
N° XIV.
1586, octobre 13. — Paris.
Dépêche de Fabio Mirto Frangipani, évêque de Nazareth,
nonce en France, au cardinal Rusticucci.
Arch. du Vatican : lettere délia segreteria di stato, nunzialura di Francia,
t. XVIII, 1° 173, original.
Le cardinal de Bourbon lui a déclaré n'être pour rien dans le
voyage de madame de Soissons, qui dit l'avoir entrepris de sa
propre initiative.
Illustrissime- et revereridissimo Signore.
Il cardinal di Borbone, con un suo genlilhuomoet con unalettera,
mi ha fatto intendere il dispiacer grande che ha sentito délia novella
che si è detta, di haver egli mandato l'abbadessa di Suisson sua sorella
a Navarra, ricercando di riconciliatione et amicitia ; di che sua
Signoria illustrissima dice sentirsi offesa molto nella conscienza con
Dio et nel honor' col mondo, non havendo mai pur' pensato a simil
pratica, la quai crede esser' artificio di personeche vogliono detrahere
al honore et riputatione sua col papa, col re et co' i populi. Et mi
prega a non voler' dar' fede a simil novella, assicurandomi che, più
tosto che aver' amicitia ne pratica alcuna con heritici, abbandonaria
tutti i suoi parenti, tutto il suo havere et la propria vita, et che non
voira veder' mai più quella sorella. Sopra di che io li ho risposlo
ringratiandolo dell' uflicio fatto con me et lodandolo délia bona et
santa mente sua, promettendoli che que'n haria dato conto a Nostro
Signore.
Detta abbadessa è ritornata in Parigi, in casa délia principessa di
Condé, sua cognata, et dice haver' fatto detto viaggio per sua propria
elettione et vera carità che lia di guadagnare quel nipote a Dio et
al re, et che ha creduto far bene et non maie. Yoglio credere che cosi
sia, et desidero che cosi si creda per levar' ogni sospetto che si è ilo
novellando et commentando per conto di questo benedetto viaggio, il
quale ha fatto maie pensare et mal' dire pur' assai. Ho voluto darne
questo conto a Vostra Signoria illustrissima per aviso di Nostro
PIEGES JUSTIFICATIVES 20,5
Signore, et humillimamente li bascio lo mano. l)i Parigi, li XIII di
ottobré i586.
Di Vostra'Signoria illustrissima et reverendissima humilissimo et
devotissimo servi tore.
L'archtvescovo di Nazarett.
N° XV.
[1588], juin 23. — Villenauxe-la-petite.
Lettre du cardinal de Boirbon et de Henri de Lorraine,
duc de Guise, ai roi Henri 111.
Bibl. Nat., f. fr., 111s. 3 .'102, i'" 43, original entièrement de la main du cardinal.
Ils envoient nu roi le sieur de Maineville pour lui faire connaître
leurs désirs el s'excuser de lui avoir causé • quelque méconten-
tement.
Ai H< m.
Sire, le plus grand regret qu'il soyt jamais entrer en noz âmes a
esté de nous veoyr hors des bonnes grâces de vostre Majesté et
contrains de faire chose qui luy peult aporter quelque déplaisir, au
lieu que nous estions toujours proposez de ne nous jamais séparer de
sa voukmté, encorcs que nous puissions dire avecques vérité que
nostre intention ne fust onques d'entreprandre ou penser à faire chose
qui fust contre son service, son autorité et la personne de vostre dite
Majesté, que nous honorons de ceste vraye et sincère adfleclion qui
doibt estre en bons et fidelles subjeetz qu'ils se recongnoissent oultre
leurs debvoirs luy estre très obligés. Nous luy envoyons à ceste effaicl
le sieur de Mainncville qui luy fera plus particulièremant entandre
nostre intention, suppliant 1res hurableniant vostre dite Majesté de le
croire el que nous esseairons toujours de surmonter en adffection et
fidélité à son service tous ceulx qui \ sonl 1rs plus zélés. Lu ceste
dévotion nous lu\ baisons très humblement les mains et prions Dieu,
Sire, donner à votre Majesté, en perfaicte santé, très heureuse <■! très
longue vie. De \ illenoce, ce WIII" dejuing.
Voz très humbles et très obéissans serviteurs et subjeetz,
( m \m ,ESj cardinal de Boi rbon,
Henri de Lorraine.
:>()('» LE ROLE POLITIQUE Dl CARDINAL DU BOURBON
Y XVI
1588, août 17. — Chartres.
Lettres patentes du roi Henri III autorisant le cardinal de
Bourbon a nommer un maître de ghaqçe métier dans toutes
les villes du royaume et accordant a ses serviteurs les
privilèges des serviteurs du roi.
Arch. Nat., V 8689, f° 208 v".
Henry, par la grâce de Dieu roy de France et de Pologne, à tous
cenlx qui ces présentes lettres verront, salut. Scavoir faisons que, pour
la très grande, singulière et parfaicte amitié que nous portons à nostre
très cher et très amé oncle le cardinal de Bourbon et pour estre le
plus proche parent de nostre sang que nous ayons, à icelluy, pour
ces causes et plusieurs autres bonnes et grandes considérations à ce
nous mouvans, désirant mesmement luy faire congnoistre de plus en
plus nostre affection en son endroict et aussi rendre notoire à ung
chacun le degré de consanguinité et bienveillance en quoy nous le
tenons, avons, de nostre grâce spécialle, plaine puissance et auctorité
roialle, donné et octroyé, donnons et oclroions par ces présentes
pouvoir, faculté et auctorité de faire ung maître de chacun mesticr
en chacune des villes et cités de nostre roiaume ; et oultre voulions
pour pareille considération que ses serviteurs et officiers, dommestic-
ques et commensaulx jouissent de semblables prévilleiges, exemptions
et immunités, dont jouyssent nos officiers, domesticques, lequel
oclroy par nous ainsi faict ;i nostre dit oncle, ensemble toutes les
créations que par vertu de ce il fera cy après, nous voulions estre de
tel ell'ecl et valleur comme si nous-mesmes les avions faictes et
données à nostre advénement à la couronne et nouvelle entrée en
icelles villes et cités de nostre dit roiaume. Si donnons en mandement
par ces mesmes présentes à nos amés et féaux conseillers les gens
lenans nos courts de parlement, chambre de nos comptes, courts de
aosaydes, aux prévost de Paris, baillifs, séneschaux et tous nos aullres
justiciers, officiers et subjects ou à leurs lieutenans et commis, et à
chacun deux sur ce requis, si comme à luy appartiendra, qu'ils
facent lire, publier et enregistrer ces présentes el que de nos dits don,
concession, déclaration, faculté, puissance et auctorité ils facent,
souffrent et laissent jouyr et user plainement et paisiblement nostre
dit oncle et ceulx ausquels il aura donné et faict les dites créations de
PIECES JUSTIFICATIVES 9Q7
mestiers de chacune des dites villes el cités de nostre dit roiaume,
sans leur faire mettre ne donner ne souffrir leur estre mis ou donné
aucun destourbier ou empeschement au contraire en quelque façon et
manière que ce soyt; car tel est nostre plaisir, nonobstant que nostre
dit oncle n'ayt faict el ne soit tenu faire aucune entrée en icelles villes
et cités. Et, pour ce que ("de] ces dites présentes on pourra avoir affaire
en plusieurs et divers lieux, nous voulions qu'au vidimus d'icelles
deuement collationné par l'un de nos amés et féaux notaires et
secrétaires ou faict soubs seel roial foy soit adjoustée comme au
présent original. En tesmoing de quoy nous avons signé ces dites
présentes de nostre main et à icelles faict mettre nostre seel. Donné à
Chartres le dix septiesme jour d'aoust l'an de grâce mil cinq cens
quatre vingts huict, et de nostre règne le quinziesme.
Ainsi signé : Hènhy.
Et sur le reply : Par le Roy, estant en son conseil :
De Neufviele.
Y XVII.
1588. août 22. — Chartres.
Lettre du cardinal de Bourbon au pape Sixte-Quint.
Arch. du Vatican : lettcre delta scgrcteria di stato, nunziatura ili Francia,
t. XXIII, i>. 219, copie.
Le cardinal sollicite le pardon du pape pour son neveu
le comte de Soissons.
Sanctissimo Domino nostro papœ.
Beatissime Pater, posl humillima beatorum pedum oscula. Vnni
sunt jam sexdecim, ex quo principis Condei fratris mei liberosex
hœreticorum manibus iu ipsis pêne cuuis ereptos, qua summa potui
diligentia, vera religione imbui juravi, neque <i\ eo tempore
11 1 lu 1 11 officii el studii genus praetermisi quod ad illos optirae insti-
tuendos el iu ecclesiœ sançfœ romanœ sinu continendos pertineret.
Cuius quidern m<' laboris cominus pœnitebat, quod eus in pietatis
studio ita profecisse itaque ab omni haereseos vel minima suspicione
alienos esse videbam ut et ad meum desiderium el ad îllorum cons-
tanciam nihil addi ]>osse videretur. U superiori anno, in eo quod sus-
ceptum erat pro religione bellum, accidil ut cornes Suessionensis,
298 LE RÔLE POLITIQUE DU CARDINAL DE BOURBON
malis luereticorum artibus impulsus ea specie quod non ha?resis
sed familia nostra oppugnaretur et praeterea spe nuptiarum princi-
pis Navarrenae illectus, impii bèlli socium se adjnnxerit. Quod mihi
quantum dolôris . attulerit, dici non potest. Sed tamen non destiti
omnem movere lapidem, ut eum a tam nefaria societate revoca-
lum catliolicorum rursus, a quibus non iîdequam semper in mediis
illorum castris constantissime relinuit sed pravo rerum humana-
runi judicio discesserat, partibus reddere cujus quidem me voti
compotem divina pietas fecit. Non modo enim rediitad regem chris-
tianissimum, sed etiam haereticis irifensissimus rediit. Pœnitet illum
tam pravi consilii, erratum fatetur, erimen agnoscit. Sed et deiuceps
se fidissimum et obsequenlissimum ecclesiae sanctœque sedis rotnanàe
filium ac servum fore pollicetur. Sperat enim sibi ita animo affecto
nullamqueeo nomine pœnam deprecanti Sanctitatis Vestrae paternam
clementiam non defuturam, ad cujus sanctissimos pedes, qua summa
humilitate fieri potest, supplex se abjicil. Quod ego a Sanctitate
Vestra obnixe flagito. Deus Optimus Maximus Sanctitatem Vestram
sanctee romande sedi lotique orbi cbristiano incolumem diulissime
conservet.
Datum apud Carnutenses, XI kalendas septeml^ris i588.
Sanctitatis Yestra? humillimus servus,
Carolus, cardinalis a Borbomo.
N° XVIII.
1588, septembre 28. — Blois.
Lettre du cardinal de Bourbon au pape Sixte-Quint.
Arcb. du Vatican : lcttcre délia segretcria di stato, nunziatura di Francia,
t. XXIII, p. 2/12, original.
Le cardinal assure le pape de son dévouement à la religion
catholique et au Saint-Siège.
Sanctissimo in Christo Patri et Domino noslro, Domino
Sixto papœ quinlo.
Beatissime Pater, post buinillima fœlicium pedum oscula. Nil
niilii prius est quam ut testificanda' mese erga Sanctitatem Ves-
tram observantiœ fréquenter occasio se offerat. Itaque nolni reve-
renduni hune ejus nuncium sine meis ad eam litteris redire. Is fide-
PIÈCES JUSTIFICATIVES 9QQ,
lissime referet ad Sanctitatem Vestram ut omnia hic ex mandato ejus
in galeri rubri illustrissïmi legali solemni impositione ex dignitate
sanctœ romanae ecclesiae celebrata sint. Referel etiam quis sit rerum
Qostrarum status et quanta in spe omnes simus hoc celehri trium
ordinum conventu hujus regni disciplinam restituant iri. Ego illud
tantum addam nihil mihi magis in votis esse quam ut Sanctitas \ es-
tra cognitum habeat eo tantum spectare omnia consilia et actiones
meas, ut sua religioni catholicœ profligatis heresibus dignitas, Sanc-
litati Vestraî sanctaeque roman* sedi authoritas, bonis omnibus
securitas. huic regno regisque christianissimi majestatis antiquus
splendor restituatur. Faxit Deus Optimus Maximus ut hoc meum
desiderium brevi ratum sit et Sanctitatem Vestram, in cuius
authoiitate maximum ad bec omnia promovenda momentum est,
diutissime orbi christiano sanctaeque romanae fidei incolumem con-
servet. Blesis, 1111° kalendas octobris 1088.
(De sa main) Sanclitatis Vestrae humillimus seryus,
Carolus, cardinalis v Borbonio.
N° Xl\.
1589, mars 1 et 4. Paris.
Dépêche anonïme et sans adresse.
Arcli. du Vatican : Ic-ttere délia segrcteria di stato, nun/iatura di Francia,
t. XXI, p. 69, original (?).
L'auteur raconte les (/entières négociations des sieurs Bourbonne
et du (iast arec les ligueurs parisiens et le transfèrement des
prisonniers d'A/nboise au château de Blois. Procession à Rouen.
Del Parigi, del i et \ di marzo 1J89.
Yi abbiamo dato awiso di questoera passato in Ambosa fra quelli
principi et altri prigioneri et li capitani Gast et Longnac per la libe-
ratione di essi, la qùale noi tenevamo per certissima, et si era
flatta buona diligenzadi sodisfare aile conditioni dell'accordo et pagare
quello che si era promesso, et qui si erano già sborsati 12.000 scudi
in niano dcl fra tel lo di esso Gast, che aveva portai 0 il contratto, et del
signore di Bourbonne, /io di esso Longnac ; et" si era dato online per
mandare scorta bastanle di ravalli et d'arcliibusieri per accompâgnar
li danari et condm re li prigioneri a salvamcnto. Kl. come noi eravamo
OOO LE ROLE POLITIQUE DU CARDIN M, DE ROLRRON
in questi termini aspettando il ritorno del signore duca d'Umena1,
ccco uno delli nostri huomi d'autorité et creanza che ci ha assicurato
haver visto a Blois il cardinale di Borbone, il duca di Guisa et il duca
del Beuf-; et d'altrove poi si è pur troppo verificato clic questo era
un inganno et tradimcnlo del re per chiappare li nostri danari et
ancora qualcunodi questi principi che Dio lia liberati dalle sue rapaci
mani, pensandn che dovesse andar qualcuno di loin et pigliar li pri-
gioni. Tuttavia, per la gratia di Dio, si * c scoperta la trappola
tanto per tempo che il fratello di Gast et il zio di Longnac et
alcuni altri, che si trovavano qui per questo trattato, sono stati messi
in prigione, et ritirati li scudi shorsati et grinstrumenli délie cau-
lione date. Ci è rincresciulo sinn al cuore che la cosa non sia riuscito
sccondo il nostro desiderio, et, sebene si è consideratn che ci poteva
esser dell'inganno, pure è tanto grande l'affectione di questo popolo
verso quelli principi che per liherarli con li altri prigioni non have-
vamo guardato a risicare una buona somma di danari. Quello che qui
se terne è che non siano peggio trattati, corne si è già inleso che sono,
havendo mandato il re il capilano Viciant 3 per ripigliarli in \m-
bosa dove subito fece enlrar in uno cocchio detti signori il cardi-
nale di Borbone, duca di Guisa et del Beuf, senza dar tempo di prove-
dere alli loro bisogni et commodità, ne alli servitori che li seguitorno
parte a piedi, parle con cavalli di vittura, il meglio che potettero ;
et fnrono visti smontare nella bassa corte del castello di Blés, dove
si trovorno /jo carnefîci, et furono subito condotti in slretissima pri-
gione, essendo li altri reslati in Ambosa. Et dopoi si è piu volte rau-
nato il consilio regio per deliberare quello che si haveva a fare di essi
prigioni; chi voleva che si conducessero a Loches, dove si è man-
data madama d'Engolesme4 per preparare li allogiamenti ; chi
voleva che fossero posli in mano del re di Navarra per più sicurlà
délia confederatione fat ta con lui ; altri in Inghilterra per la mede-
sima causa ; ne si c ancora presa cerla rissolutione sopra di cio
Il duca d'Umena entro in Roano giovedi passa to. Bnona parle délia
nobilta del paese era venuta a scontrarlo... Tutti li ordini délia ciltà lo
vennero a incontrare fuori in buonissimo ordine et gran numéro, el
gli fu fat ta entrala molto solenne et dopoi una processione solcnnis-
sima, nella quale si trovorno molle persone et fia altri tre compagnie
di Penitenti : la prima veslila di bianco che portavano nelle insegne
una lorre nelle fenestre délia quale si vedevano il cardinale di Bor-
i. Charles de Lorraine, duc de Mayenne ou du Maine.
■>.. Charles de Lorraine, duc d'Elbeuf.
'(. Larchant, capitaine des gardes,
'i. Madame d'Angoulême,
PIECES JUSTIFICATIVES OOI
bone el li altri principi prigionij et enuio 200 ; la ■>/' porlava nelle
insegne il cardinale di Guisa depinto nel modo clic' m assassina l< 1, et
erano vestiti di rosso et di simile numéro di -200; la 3a pure di '200
vestita di nero portava nelle insegne il duca di (misa con la rcprc-
sentazione délia sua morte ; che fu spettacolo di grande compassione
et che incilava a pianlo tutti li spettatori.
Y XX.
1589, octobre 2. — Rome.
Bref du pape Sixte-Quint au noi Chaules X.
Arch. du Vatican : brevi (Sixte Quint), arnuuïum. m- t- XXIX, 1 278 \ ".
Le pape, après Vavoir félicité du choix qu'on a fait de su personne
comme roi el île su délivrance, lui annonce l'arrivée de sou légat,
le eurdiuul C.uëluui.
Charissimo in Christo filin nostro Carolo, régi christianissimo,
Sixtus, papa quintus.
(lharissime in Christo iili noster, salutem el apostolicam benedic-
tionem. Te pro tuis sunmiis in christianam el Francie rempublicam
meritis et pro ampiissima familiœ dignitate summo tolius populi
studio et cunctis catholicorum suffragiis regem factum e1 ab inimani
hostium captivitate liberatum esse incredibili laîtitia sumus aiïecti,
cl eo majori quo Nobis firmiori ratione persuademus eum honorem a
Deo Optimo Maximo tibi delatum ut universas pravarum hœresum
opiniones el pesliferas principum atque optimatum factiones a regno
funditus extirpare, maximo Francos inter se societatis vinculo con-
jungere, canonicas omnes eonstitutiones in regnum catholicœ fidei
tuendae et augendse causa in primis introducere, el omnes curas et
labores luos ad Deî honorem cl salutem animarum referre debeas.
Quade re, ni quae per electores in te rege exoptando tractata sunl
aiiriorilate nostra confirmemus et quœ item perfici debent corro-
boremus, dilectum ftlium nostrum Henricum cardinalem Caetanum,
Qostrum el sedis apostolicœ de latere legatum, summi ingeniî maximi-
que animi \irum et lua amicitia dignissimum, ad le mittendum duxi-
mus. Reliqua quœ tecum nomine nostro conferêt, Nos tecum conferre
existimarepoteris. Interea NosvehementerDeum precamur, ni teregem
regnum pro dignitate regentemsicprœstet, ni maximusad tua pristina
002 LE ROLE POLITIQUE DU CARDINAL DE BOURBON
stadia et officia cumulus accédât et quœ catholicus populus a te expec-
la\it ea cumulatissima a tua optima administratione, ut Nos quadam
prœcipua paterna in te cbaritate optamus, summa voluptate consequa-
tur. Datum Roma-, in monte Quirinali, sub aunulo piscatoris, die
secunda oclobris millesimo quingentesimo pctuagesimo nono, ponti-
ficatus nostri anno quinto.
•Vestrius Barmanus.
N° X\I
1589, novembre 7. — Tours.
Lettre de Charles de Bourbon, cardinal de Vendôme,
a Henriette de Clèves, duchesse de Nevers.
Bibl. Nat., f. fr., ms. 3336, f i3o, autographe.
Henri I\ a failli prendre Paris. Le cardinal de Bourbon l'a reconnu
pour son roi et /'invite à se faire catholique.
A Madame, Madame la duchesse de Nevers.
Madame, outre la proximité du sang qui nous entreoblige à une
éternelle et inviolable amytié ', à la souvenance de la vostre
en mon cndroict pour perdre une seule occasion de vous les
offres du service que je désire vous rendre pour me conserver en voz
bonnes grâces ... oir autre subjeclde vous escrire, d'au-
tant que vous aurés sceu, aussy tost que nous, les nouvelles de l'ar-
mée du roy qui entra mercredy au matin dans les fauxbourgs de
Paris et deçà l'eau. Vous pouvez penser l'estonnement qui peut estre
dans la ville. On m'a dict que madame de Guise avoil envoyé vers le
roy pour la prendre elle et ses enfans en sa protection, et a receu pour
responce asseurance de toutes les honnestetés et courtoisies qu'elle
pouvoit désirer. J'espère que Dieu fera prospérer sa Majesté pour la
saincte intention que je croy qu'elle a de se faire catholique ; à quoy
rien ne la peut tant disposer que la bienveillance des bons catholiques
pour prendre créance d'eux : ce que Monsieur- désire extrêmement,
ayant à cet effect envoyé le sieur de Fonzelles vers sa Majesté pour
le recognoistre pour son roy et l'inviter à se rendre catholique. Mon
i. La Lettre originale est déchirée.
Le cardinal <le Bourbon.
PIECES .11 STIF1CATIVES ?Oû
dicl sieur est maintenant à Fontenay où il se porte fort bien, Dieu
mercy ; et, hors la seureté qu'on prend de sa personne, il est traicté
comme s'il esloit en une de ses maisons, se promenant dedans et
dehors la ville, quand bon luy semble, en telle façon qu'il luy plais t.
11 désire fort la paix, que tous les gens de bien recognoissenl néces-
saire pour l'establissemenl de l'église catholique et de ceste cou-
ronne à qui elle appartient. Je prie Dieu la nous donner heureuse et
avons. Madame, en perfaicte santé très heureuse et longue vie, vous
baisant très humblement les mains. V Tours, ce 7 novembre i58q.
Vostre très humble cousin et serviteur,
Charles, cardinal de Vendosme.
1590, mars 15. Fontenay-le-Comte.
Lettre de Maman de Martimbos a Henriette de Clfves,
duchesse de xevers.
Bibl. \al., f, (Y., ms. ■'',17*. f" 211, autographe.
L'auteur raconte les différents voyages du cardinal de Bourbon
et. sa vie à Fontenay-le-Comte.
V Madame, Madame la duchesse de \evers.
Madame, l'oppinion (pie j'ay (pie monseigneur vostre mary
et vous aurez agréable d'entendre quelques p articula ri tez de l'estat
auquel a esté monseigneur vostre oncle depuis le temps que j'en/, cest
honneur de vous baiser les mains à Tours, j'ay prins la hardiesse,
comme vostre très humble serviteur, de vous en faire ung petit
discours que je commenceray par son parlement de La Bourdaizière,
qui fut environ la my-caresme, pour aller à Vzay.où il se trouva assez.
bien en la garde de monsieur de Manon et après de monsieur de
Clermonl d'Antragues avecq quatre on cinq Escossois. D'où il
partit sur la lin du moys d'avril et fui mené à Chinon par monsieur
de Laivhaiil et niys es mains el garde de monsieur de Chavigny. Là
il cul beaucoup de traverses fascheuses pour les mauvaises impres-
sions el l'aulx rapport/ qu'on faisoil au feu roy taul de ln\ que de ses
principaulx serviteurs, quelques-ungs desquelz êfussenl couru loi lune
sans «pie monseigneur le cardinal île Vendosme se rendit protecteur
de leur inocence et donna asseurance contraire an-dits rapportz à
3o4 LE RÔLE POLITIQUE DL CARDINAL DE BOURBON
sa Majesté. Il fut aussy malade de sa goutte et d'une Bebvre lente
avecq ung desgouttement qui luy dura plus d'ung inoys. Au com-
mencement de septembre, il fut délivré par ledit sieur de Chavigny
es mains de monsieur du Plessis-Morné, qui l'emmena promptement
avec quatre ou cinq cens chevaulx à Loudun, où il fut baillé à
monsieur de La Boullaye, lieutenant au gouvernement du bas-
Poictou, qui le mena à grandes traictes à Maillezais et le logea dans
le fort où souloit estre l'abbaye et maison épiscopalle. 11 fut là fort
mal logé ; mais, pour ce qu'il fil beau temps pendant son séjour audit
lieu et qu'il y avoit bon air, il s'\ trouva bien. Quelques jours avant
la Toussainctz, il fut amené en ce lieu où il est fort commodément
logé, ayant une très bonne chambre accompaignée d'une garderobbe
et d'une petite galerye d'environ trente piedz de long et neuf de
large, qu'il a faict accoustrer en oratoire, où il dict et oyt sa messe et
faictdire le service. Dans sa dite garderobbe y a lousjours cinq ou six
gentilzhommes du nombre de douze' ordonnez pour sa garde, à la
porte de sa chambre par dehors trois ou quatre Suisses, et dans la
court ung corps de garde de quinze ou vingt sohkilz. Vu dit logis y a
ung petit jardin de longueur de quarante ou cinquante piedz et
environ trente cinq de large, où il se promeine quand il luy plaisl, et
sy va quand il veult, accompaigné desdits gentilzhommes, en ung
jardin qui est proche de là, qui est beaucoup plus grand. Le dit sieur
de La Boullaye le visite journellement et luy porte beaucoup de res-
pect, en sorte que mon dit seigneur est fort content de luy.
Les exercices de mon dit seigneur sont d'aller à son oratoire sy
lost qu'il est levé, puis, s'il faict beau, descendre audit jardin se
promener (ou en ladite petite galerye, quand il faict maulvais temps)
jusques sur les unze heures qu'il se mect à table. Peu après disner
il faict lire quelque sermon de Grenade ou aultre docteur. L'heure de
vespres estant venue, il retourne audit oratoire et faict chanter le
service par ses aulmosniers et aulcungs de sa famille qui le sçavenl
fere, à la mode des Bonshommes et quelquefois comme les Pénitens.
Il se couche sur les neuf heures et, quand il ne peull dormir, il faict
lire de la bible ou de quelque autre li\re de dévotion.
Il a eu trois venues de malladie bien fortes depuis que nous avons
esté ie\, tant de ses gouttes que d'ung gros calbarre qui luy estoit
lumbé sur toutes les parties du corps et d'une difficulté et ardeur
d'urine qu'il jclloil rouge comme sang, de la façon qu'il tist à Bloys
lost après qu'il fut mis en arrest ; en sorte (pie j'euz grand peur de
sa personne pour ne l'avoir veu depuis trente ans que j'ay cest hon-
neur de l'aprocher sy griefveiuenl mallade. Néaulmoings, après avoir
esté seigné par deux fois et prins plusieurs médecines, il a recouvré
PIÈCES JUSTIFICATIVES 3o.~>
sa première et entière santé. 11 a eu grande apréhention d'estre mené
à La Rochelle, pour les bruietz que ceulx de la ville faisoient courir
qu'il leur estoit accordé. Mais à présent on n'en parle plus.
Quoy qu'il en soit, il est tant constant et patient en ses afflictions
qu'il tire chacun en admiration, se consollant avecq Dieu et le priant
incessamment pour le restablissement de cest estât, qu'il a grand
desplaisir de voir ainsy dissipé. Mon dict seigneur le cardinal de
Vendosme luy donne espérance que le roy se faira catholicque et à
quoy, à ce que nous avons entendu que monsieur de Luxambourg a
escript, le pape le recepvera et donnera les absolutions nécessaires.
Nous avons aussy ouy dire que le patriarche d'Alexandrie J, frère de
monsieur le légat Caiétain, a obtenu ung passeport de sa Majesté pour
aller trouver mon dit seigneur vostre mary, qui nous faict espérer
qu'il se pourra traicter quelque chose qui soit à l'honneur de Dieu,
bien de ceste couronne et repos du pauvre peuple tant affligé. Ce sont
les vœuz et prières continuelles que faict mon dit seigneur vostre
oncle, ne s'atristant poinct tant de sa captivité que des misères
publicques.
Au reste, Madame, je vous supplie très humblement pardonner à
ceste longue lettre et l'imputter à l'extrême dévotion que j'ay de
tesmoigner ma servitude à mon dit seigneur vostre mary et à vous,
espérant (et dont je vous fais très humble requeste) que vous conti-
nuerez vostre bienveillance et l'honneur de vos bonnes grâces à
Vostre très humble et très obaissant serviteur,
Marian de Martimbos.
A Fontenay-le-Gomte, le XVe mars i5qo.
i. Honore Caëtani, patriarche d'Alexandrie.
Saulnier. — Cardinal de Bourbon. '20
3o6 LE RÔLE POLITIQUE DU CARDINAL DE BOURBON
N° XXIII.
1590, mars 18 — Fontenay-le-Comte.
Lettre du cardinal de Bourbon a Louis de Gonzague,
duc de Nevers. *
Bibl. Nat., f. fr., ms. 3978, f" 221, autographe.
Le cardinal espère qu'on lai rendra la liberté et s'attriste
des malheurs qui assaillent le royaume.
A Monsieur, Monsieur le duc de Nivernoys.
Monsieur mon nepveu, j'eus beaucoup de plaisir d'entendre de vos
nouvelles et de ma niepce par ce mieu lacquès venant d'Avignon, qui
m'assura vousavoyr veus en bonne santé quant il passa par Desise1,
et la réception que je feis hier des lettres qu'il vous a pieu m'escripre
du xxxm* janvyer m'en ont ogmanté la joye et apporté grande conso-
lation pour voyr par icelles la continuation de vostre amityé, dont
j'ay tousjours prins une entière assurance. Àussy ne la départirés-
\ous jamais à personne qui la trove plus chère et vous honore plus
que moy, ne fesant point de doubte que, ci vous pouvés quelque chose
pour l'advancement de ma liberté, vous ne vous y employés celon
vostre accoustumée bonne volonté en mon endret, qui me rend
d'otant plus vostre obligé, outre que je me promets bien qu'en
quelque lieu que vous soyés vous me ferés tousjours les bons offices
de bon parant et amy que je puys attendre de vous, celon les occa-
sions qui ce présanteront et la congnoissance que je pance vous
pouvés avoyr de mes sincères intantions. Je ne congnois point
Foumeaulx qui m'a envoyé vos lettres età qui vous m'escrivés avoyr
dit quelque chose. Bien me souvient-il l'avoyr veu une foys, il y a
quatre ou cinq moys, et me dist estre à monsieur de Maillesais2, de
qui il me fit des recommandations; et, sur la prière que quelques
gentilshomes qui sont de ma garde me feirent, je luy donnay ung
passeport. Je déplore avecq vous les malheurs que les divisions
apportent en ce pauvre réaulme, lequel je supplye nostre bon Dieu
vouloyr regarder de son œil de pitié et de miséricorde, et nousdoner
quelque bon repos à son honneur et gloire et soulagement de tout
1. Decize, cliel'-lieu de canton de la Nièvre.
2. Henri d'Escoubleau, évêque de MaiUezâis.
PIECES JUSTIFICATIVES OO'j
son pauvre peuple, et qu'il nous face la grâce de nous pouvoyr revoyr
tous ensemble pour joyr des fruicts de nostre réciprocque amityé,
comme j'espère que nous ferons encores quelque bonjour. Tous mes
ordinaires et continuels exercices sont en prières tendant à ceste fin,
corne je croy font tous les gens de bien. Je vous prie bien humble-
ment me continuer vos bones grâces, que je salue de mes bien
humbles recommandations, et croire, Monsieur mon nepveu, que je
suys et seray tousjours
Vostre bien humble oncle à vous faire service,
Charles.
A Fontené, le XVIIIe de mars.
N" XXIV.
1590, mai 9. — |FontenaY-le-Comte.|
PROCÈS-VERBAL DE l'aIJTOPSIE DU CADAVRE DE CHARLES DE ÎÎOURBON.
Bibl. Vil., coll. Dupuy, t. LXXXVIII, I"' 3a, original.
Nous, maistre Guillaume Lusson, docteur régenl en la faculté <le.
médecine de Paris et premier médecin de monseigneur le cardinal de
Bourbon; Jacques de Rays, docteur en médecine, demeurant à
'rouais ' ; Nicolas Lamin, docteur régenl en la faculté de médecine
en l'université de Nantes el j demeurant, certifiions avoir ce jour-
d'hu\ aeufiesme jour de ma\ mil cinq cens quatre vingts dix; six à
sept heure du soir, assisté à l'apertion el ouverture du corps de mon
di1 seigneur faicte par maistres Nicolas Rinbault, René Courbier,
Jacques Martineau et Nicolas Baillot, chirurgiens jurez en la \illc de
Fontenay-le-Conte ; en Laquelle ouverture avons observé et trouvé
au ventre inférieur ce qui s'ensuit : premièrement la substance du
ventriculle extérieurement et intérieurement, en toutes ses tuniques,
saine el entière ; le foye en couleur, consistence el grandeur assés
naturel, fors qu'il estoil ung peu déséché; la ratte plus mollasse
el humide qu'elle ne debvoit estre ; au rein seneslre, une pierre
fort grosse et anguleuse en la capacité d'iceluy, qui bouchoit de
l'un des bouts l'entrée de la veine émergente, de l'autre la teste
de l'uretère; et au rein dextre, plusieurs autres calculs tanl en
la capacité que substance d'iceluy accompagnée de quelque subs-
i. Thouars, chef-lieu de canton des Deux Sèvres.
8o8 LE ROLE POLITIQUE DU CARDINAL DE BOURBON
tance purulente, occasion que la vescie s'est trouvée plaine d'urine
saineuse, fétide et purulente, avec deux pierres, l'une grosse comme
ung marron, de forme ronde, anguleuse avec aspérité, une poincte
d'icelle s'insérant dedans le col de la vescie, causant la suppression
et difficulté d'urine avec continuelles et insuportables douleurs ;
une autre moindre, lisse et polie, flottant en la capacité de laditte
vescie ; et en la substance spongieuse de la, verge, depuis le col de
la vescie jusques à la glande autrement balan, grande quantité de
sang noir, caillé et corrompu, aprocbant d'un commancement de
gangrène. Quand au tborax, ventre moien où sont contenues les par-
ties vitales, n'avons trouvé rien que naturel horsmis la substance des
poulmons, que avons trouvé noirastre et altérée, et séchés en leur
substance. En tesmoing de quoy nous avons délivré cette présente
attestation signée de nos mains :
(i. Lusson, J. de Hays,
N. Raunbault, K. Corbier,
\. Baillot, J. Martineau,
N. Lamïn.
TABLE DES PIÈCES JUSTIFICATIVES
Pages.
I. — i548, juin 17. — Joinville. — Lettre de Charles de Bour-
bon à Jean, cardinal du Bellay 373
II. — i.ril)2, mars i3. — Montceaux. — Lettres patentes du roi
Charles IX nommant le cardinal de Bourbon son lieute-
nant général à Paris 27.*)
III. — i563, mars, commencement. — S. 1. — Lettre du cardinal
de Bourbon à Anne d'Esté, duchesse de Cuise 278
IV. — 1670, novembre 2. — Saint-Cermain-des-Prés. — Mande-
ment du roi Charles IX instituant le cardinal de Bourbon
tuteur de ses neveux 27g
V. — 1 . j 7 7 , avril 16. — Paris. — Lettres patentes du roi Henri III
nommant le cardinal de Bourbon son lieutenant géné-
ral à Paris 282
VI. — 1579, juillet 23. — Grenoble. -- Lettre du cardinal de
Bourbon à Louis de Gonzague, duc de Nevers 38 \
VII. — i585, mars, du 20 au 3o. -- Péronne. — Mémoire porté
au duc de Nevers par un messager du cardinal de Bour-
bon 28Ô
VIII. — 1080, avril, iô environ. — Guise. — Lettre anonyme d'un
familier du cardinal de Bourbon à Louis de Gonzague,
duc de Nevers 386
IV — i585, mai icr. — Épernay. — Lettre du cardinal de Bourbon
à Henriette de Clèves, duchesse de Nevers 288
\. - i585, mai 17. — Châlons. — Lettre du cardinal de Bourbon
et de Henri de Lorraine, duc de Guise, au pape 289
XI. i585j août [8. — S. I. — Lettre de Claude de La Chaire à
Henri de Lorraine, duc de Guise, corrigée par Louis de
Gonzague, duc de Nevers 290
XII. t585. du 3o septembre au â octobre. — S. 1. — Lettre du
cardinal de Bourbon à Louis de Gonzague, duc de
Nevers 29a
MIL — t585, du 3o septembre au 5 octobre. — S. 1. — Lettre du
cardinal de Bourbon à Henri de Lorraine, duc de Guise, 393
OIO TABLE DES PIECES JUSTIFICATIVES
\I\. — 1Ô86, octobre 10. — Paris. — Dépêche de Fabio Mirto
Frangipani, évêque de Nazareth, nonce en France, au
cardinal Kusticucci kj'i
XV. — i588. juin 23. — Villenau\c-la- Petite. — Lettre du cardinal
de Bourbon et de Henri de Lorraine, duc de Guise, au
roi Henri III 3q5
XVI. — 1088, août 17. — Chartres. — Lettres patentes du roi
Henri III en faveur du cardinal de Bourbon 29(1
XVII. — i588, août 22. — Chartres. — Lettre du cardinal de Bour-
bon au pape Sixte-Quint 297
XVIII. — 1088, septembre 28. — Blois. — Lettre du cardinal de
Bourbon au pape Sixte Ouint 298
XIX. — 1089, mars 1" et 4- — Paris. — Dépèche anonyme et sans
adresse envoyée à Home 299
XX. — 1089, octobre 2. — Rome. — Bref du pape Sixte-Quint au
roi Charles X 3oi
XXI. — 1089, novembre 7. — Tours. — Lettre de Charles de Bour-
bon, cardinal de Vendôme, à Henriette de Clèves,
duchesse de Nevers 3o2
XXII. — 1090, mars i5. — Fontenay-le-Comte. — Lettre de Marian
de Martimbos à Henriette de Clèves, duchesse de Nevers. 3o3
XXIII. — i5go, mars 18. — Fontenay-le-Comte. — Lettre du cardi-
nal de Bourbon à Louis de Gonzague, duc de Nevers. . . 3o6
XXIV. — iSgo, mai 9. — Fontenay-le-Comte. — Procès-verbal de
l'autopsie du cadavre de Charles de Bourbon 307
TABLE ALPHABÉTIQUE
DES NOMS DE PERSONNES ET DE LIELN
Nota. — Abréviations
cant. = canton.
[bbeville (Somme) ; p. 34, i85, 186.
Agcn (Lot-et-Garonne); p. ng.
lice (Bouches-du -Rhône) ; p. i4o.
\mi (Erancès de), ambassadeur de
Philippe 11 en France de févr. i564 à
août 1371 ; p. 36, 62.
Vlbo> (Jacques d'), sieur <lo Saint-
\ndré, maréchal (le France, 111. le
ig déc. 1 "iiia ; p. 38.
\lbiiet (Jeanne d'), reine de Navarre.
ép. 1" le duc de Clèves (mariage
annulé) : 2° Antoine de Bourbon : m.
le ■ > juin i">7 a : p. 3, 9, ig, 2 1, i'i, 5o,
54, 5g in, 63, li'i, G7, 102, ko, 106.
Vlençok (François, duc d'), \. Vnjou
(François, duc d').
\lencon (Françoise d'), fille de René,
duc d'Alençon ; ép. : 1° François d'Or
léans, duc de Lonpueville ; a" Charles
de Bourbon, duc de Vendôme : m. le
1 A sept, i'i')" ; p. 1, 3, 4.
\i 1 \< < >\ ( René, duc d'), mort le 1" tiov.
i4ga ; p. '->.
\i.i-A i m I-- (Marc Sitico, comte d').
neveu de Pie l\. évêque de Constance,
cardinal, m. en i5g5 ; \>. \ \.
Imboise, ch.-l. de cant. (Indre-el
l.i >itv ) ; p. .'h|. k 17-a 1 3.
Vmikii-i' (Georges I d'), cardinal arche-
vêque de Rouen, m. le j5 mai i5io;
p t5,
Vmboise (Georges II d'), cardinal arche-
vêque de Rouen, neveu du précédent,
m. le j5 août i55o : p. g, 10.
Amiens (Somme); p. 33, 34, a3i.
\\>. i:\m- (Louis d), sieur de Maints-
n. = né ; m. = mort ; ép. = épouse ; ch.-l. — clief-lien ;
non, conseiller d'état, m. après 1601 ;
p. 117,1 18, 12Ô.
Angers (Maine-et-Loire) ; p. 06, 161,
Vngoulème (duchesse d'), V. Diane de
France.
Vn.ioi (François, duc d'), fils de
Henri II, auparavant duc d'Alençon, n.
le 18 mai i534, m. le 10 juin iôS.'i ;
p. 6g, 74, 85, 87, 88, 92, ioi-io3, 106,
1 1 . ' ! .
\vioi (Henri, duc d'), fils de Henri II,
roi sous le nom de Henri III. V. ce
mot.
Vnnebault (Jacques d'), cardinal évê-
que de Lisieux, m. le 7 juin i558 ;
p. .0.
1 /■/(■> ■ (Bouches-du-Ilhône); p. 5i.
A.RMAGNAC (Georges d'), archevêque de
Toulouse, colégat à Avignon, m, le
2 juin 1 585 ; p. a4, 'i">, 00.
Arques, cant. d'Offranville (Seine Infé
rieure) ; p. 237, 2.38.
Ai HicMÉ (Théodore Agrippa d'), his-
torien protestant, gouverneur de Maille
zais, m. en i63o ; p. aaa.
\i «ale (duc d'). \ . Lorraine (Charles
de).
\i mont (Jean d'), comte de Château
roux, maréchal de France, m. en 16901
p. aïo.
Anneau, ch.-l. de cant. (Eure-el Loir);
Alumine, ch.-l. de caïd. ( ( Vite d'Or),
p. 1 1 9, 1 60, 169.
\\ w-i>n (sieûr d'), conseiller du roi ;
p. Si.
Avignon (Vaucluse) ; p. 13 i.">, 73, -:'•.
83, 8g-9i, g7, i36.
izay-le-Rideau, ch.-l: de cant. (Indre-
et Loirs) : |>. 1 \ 3. 3 «5.
3l2
TABLE ALPHABETIQUE
Balsac (Charles de), sieur de Germon!
d'Entraînés, m. à Ivryle l 'i mars 1090;
p. 2l3.
Balsac d'Entragues (François de),
frère du précédent, gouverneur d'Or-
léans ; p. 1 19, i3o.
Barchino (Gaspard), correspondant à
Paris de Fr. de Alava, ambassadeur de
Philippe II; p. 53.
Barri (Godefroy de), sieur de La
Renaudie, gentilhomme périgourdin
huguenot, m. le 19 marsi5(io;p. 22.
Bavière (duc de), V. Guillaume V.
Bayonne (Basses-Pyrénées) ; p. 'i5, 5i.
Bealfort (Jean-Timoléon de), mar-
quis de Canilhac, gouverneur de Haute-
Auvergne ; p. 176.
B l'aune (Côte-d'Or) ; p. i3o, i3y.
Beauvais (Oise) ; p. 16, 126.
Beauvais (évêché de) ; p. 45.
Beli.egarde (maréchal de), V. Saint-
Lary (Roger de).
Bellièvre (Pomponne de), conseiller
du roi, diplomate, m. en 1607 ; p. i4o,
i85, 187, 190.
Belloza.nne (abbé de), V. Touchant
(Nicolas).
Bkze (Théodore de), théologien pro-
testant, n. le i4 juin 1 fn 9 , m. le i3 oct.
t6o5 ; p. 27, 29.
Bii.ly (sieur de), aumônier du cardi-
nal de Bourbon ; p. 2/47.
Biron (maréchal de), Y. Gontaut-
Biron (Armand de).
Biais (Loir-et-Cher) ; p. 03, ig5, 198,
2oG, 207, 209, 212, 2l3, 220, 247.
Bœufs (île aux), île de la Loire proche
d'Orléans ; p. 3g.
Bonne (François de), duc de Lesdi-
guières, protestant, m. en 1G3G ; p. 83. •
Bonnétable, ch.-l. de cant. (Sarthe) ;
p. 87.
Bonshommes (les), nom donné aux
Minimes de l'ordre des Franciscains ;
p. 224.
Bordeaux (Gironde) ; p. ug, 128, a33.
Borromée (saint Charles), cardinal
archevêque de Milan, m. le 3 nov. [584,
canonisé en 1610 ; p. 88.
Uni <:her (Jean), docteur de Sorbonne,
curé de Saint Benoit de Paris, ligueur,
m. en itj'1'1 ; p. 216.
Boulogne (Pas-de-Calais) ; p. 174. an.
BouRBon (André de), sieur de Rubem
pré, capitaine de cinquante hommes
d'armes, puis gouverneur d'Abbeville ;
p. 97, i33.
Bourbon (Antoine de), roi de Navarre,
frère du cardinal, ép. Jeanne d'Albret,
n. le 22 avril i5i8, m. le 17 nov. i562 ;
p. 1, 3, 9, 19-22, 24-28, 3o, 33-37, ''3'
5o, 54, 102, io5. 254.
Bourbon. (Antoinette de), tante du
cardinal, ép. Claude de Lorraine duc de
Guise, n. le 20 déc. 1 49/1, m. le 20 janv.
i583 ; p. i,5.
Bourbon (Catherine de), sœur du car-
dinal, abbesse de N.-D. de Soissons, n.
le 10 sept. i5a5, m. le 27 avril i5g5 ;
p. 170.
Bourbon (Catherine de), fille d'Antoine
de Bourbon roi de Navarre, n. le 7 févr.
i558, m. le i3 févr. 1604 ; p. 64, 08, 17O,
Bourbon (Charles III, duc de) conné-
table de France, n. en 1/189, m- '° '' ma'
1527 ; p. i-3.
Bourbon' (Charles de), comte puis duc
de Vendôme, père du cardinal, n. le
2 juin i'i8g, m. le 25 mars 1.537 ; p. 1,
2, 5.
Bourbon (Charles de), prince de La
Roche-sur- Yon, m. le 10 oct. i565 ; p. 25,
27, 33.
Bourbon (Charles de), cardinal de Ven-
dôme, neveu du cardinal, n. le 3o mars
i5G2, m. le 3o juill. i5g4 ; p. 59, 8G-89,
IOI, IIO, Il3, Ilq. 122, l43, I.'|5, l47,
i48, 102, i55, i50, 179, 18G, 191, 195,
197, 198, 2i'i, 2i5. 220, 222, 225, 22G.
242, 243, a48.
Bourbon (Charles de), comte de Sois-
sons, neveu du cardinal, n. le 3 nov.
i50G, m. le 1" nov. iGi2;p. 59, 80, 122,
i43-i45, i47-i49> i5i, 1 54, 161, iG5, 175,
I7G, 179, 199-201, 2o5, 2l5, 220, 221, 220.
22O.
Bourbon (Ëléonore de), abbesse de
Fontevrault, sœur du cardinal, n. le
18 janv. i53a, m. le 2O mars 1611 ;
p. 222.
Bourbon (François de), comte de Ven
dôme, grand - père du cardinal, 11.
en 1470, m. le 3 oct. i4g5 ; p. 1, 2.
Bourbon (François de), comte de
Saint-Paul, oncle du cardinal, né le
0 oct. i4gx, m. le 1" sept. i545 ; p. 2, 3.
Bourbon (François de), comte d'En
ghien, frère du cardinal, n. le 23 sept.
1019, m. le 23 févr. 1&4G ; p. 3, 19.
Bourbon (François de), marquis puis
prince de Conti, neveu du cardinal, ép. :
r Jeanne de Coême, 2° Louise Margue-
rite de Lorraine ; né le 19 août i558, m.
le 3 août 1614 ; p. 59, 86, 87, i45, 179,
199, 201.
TABLE \LPII VBETIQTJE
OI.)
Bourbon (François de), duc de Mont
pensier, fils de L. de Bourbon, duc de
Montpensier, m. le 4 juin i5j)2; p. 106,
uo, i3g, 161, i63, iOù. 17."), 179, 199.
Bourbon (Henri de), roi de Navarre,
\ . Henri IV.
l5oi rbon (Henri de), prince de Condé,
neveu du cardinal, ép. : 1° Marie de Clèves,
■■" Charlotte de La ïrémoille ; n. le
29 déc. i55a, m. le "1 mars i588 ; p. 09,
64, <>5, 67-69, 71 73, 78, s:;, s',, 86, 87,
d'i, i55, >7'i, 17"', i83, 19G.
Bourbon (Henri de), prince de Dombes,
puis duc de Montpensier, n. le 12 mai
i T) 7 3 , m. le 27 févr. 1608 ; p. iGO.
Bourbon (Jean de), comte de Soissons
et d'Enghien, frère du cardinal, n. le
G .juill. !")■!(!. m. le 10 août 1 007 ; p. 19,
Bourbon (Louis de), cardinal arche-
vêque de Sens, oncle du cardinal, n. h'
■i janv. 1/Î93, m. le 1 1 mars 1JÔ7 ; p. 2-
6, 9-1 1.
Bourbon (Louis de), duc de Montpen-
sier, ép. Catherine de Lorraine, n. le
10 juin i5i3, m. le 13 sept. 1682 ; p. 27,
37, 38, 18, 56, .>. 72, 81, 82, 93.
Bourbon (Louis de), prince de Condé,
frère du cardinal, ép. : 1° Eléonore de
Roye, a" Françoise d'Orléans ; n. le
7 mai i53o, m. le i3 mars i56g ; p. 19,
21-27, 3i.i-32, 3j-'io, f»2, 48-5g,.6a, 90.
■<:>',.
Bourbon (Louise de), abbesse d'Ori-
gny et de Fontevrault. tante du cardinal,
n. le i" mai i4g5, m. le 21 sept. i>"> ;
l>. 1.
Bourbon (Marguerite de), soeur du car
dinal, ép. François de Clèves duc de
Nevers, n. le 26 net. i5i6, m. le 20 ocl.
i 55g ; p. 19, 64, 121.
B01 rbowne, oncle de Moutpezat de
Longnac ; p. 210, 2 1 ■ .
Bourges (Cher) ; p. 3-">. 34, " 19.
Brissac (comte do, V. Cossé (Char
les II de).
Brissac (maréchal de). V. Cossé
(Charles I de).
Bri lart (Nicolas), marquis de Sillerj .
conseiller au parle rit, maître des
requêtes, m. le 1" oct. 1624; p. «85.
c
Cachan, commune d'Arcueil-Cachan,
cant. de \ illejuif 1 Seine) ; p- 167.
CaëTANI (Henri), cardinal, légat en
France depuis novembre 1089, m. en
i5gg : p. 126, s35, •V'. »43.
Cahors (Lot); p. 8T>.
Cambrai (Nord); p. 1 i5.
Canilhac (marquis de), V. Beaufort
(Jean-Timoléon de).
Carcassonne (Aude) ; p. 245.
Carcassonne (évêché de) ; p. 6, 9, i'i.
i'i.
Catherine de Médicis, reine de France,
femme de Henri II, m. le 5 janv. 1689 •
p. 5, 11, 12, :?3. 2Ô-27, 3o, 32, 34-36,
38-44, 48-5i,53-57,6i-65,7i-75, 78, 8i-84,
88, 90, 92, 110, 118. 120, 123, i25-i4o,
i'i2, iôi, i54, i">5, 1^9. 160-168,170 17'L
176-178, 180, i84, 187,190-194, 196, 2o3,
254.
Cavriana (Philippe de), médecin man-
touan, ambassadeur du duc de Toscane à
Paris de 1 585 à 1089 ; p. 164.
Chalon-sur-Saône (Saône - et - Loire) ;
p. i3q.
Châlons-sur-Marne (Marne); p. 1 17-1 19,
126, i3i, 1 36 , 137, 190.
Chantonay (Perrenot, sieur de), ambas-
sadeur de Philippe H en France de
iâ(io à i564, m. en févr. 1371 ; p. 28,
36.
Charles-Quint, empereur ; p. 2, 7,
109.
Charles IX, roi de France depuis
décembre i56o, m. le 3o mai 1574 ; p. •',
32, '.<>, 42, 43, 46, 54, 59, 63, 65, 69.
Chartres (Eure-et-Loir); p. i5g, ig4,
235, 2?|0.
Chartreuse (La grande), cant. de Saint-
Laurent- du-Pont (Isère) ; p. 83.
Château-Thierry (Aisne); p. 101, 102.
, Chateai mfi \ (sieur de), capitaine des
; gardes de Henri III ; p. 2o3.
Châtellerault (Vienne) ; p. 2i5.
Chatelliers (abbé des). V. Daillon du
l.ude (René de).
Châtillon-sur- Marne (Marne) ; p. 126.
Chatillos (Gaspard de), comte de
Coligny, amiral de France, m. le
i'i août 1 r>7 ? ; p. 52, 55-57, 62, ^7-
Ciivini.oN (Odel de), cardinal évêque
de Beauvais, m. le 1 '1 févr. [571 : p. i3,
45, 16.
Châtrices, cant. de Sainte-Menehould
( Marne) ; p. 96.
Chauny, ch. I. de cant. < Usne) : p. 84.
Chavignt (sieur de), V. Le Roj
1 François).
Chenonceaux, cant. de Bléré (Indre-el
Loire) ; p. <'<\h «63, 167.
Chinon (Indre el Loire) ; p. 1 »6, 2 13-
• I "1, 21 9- ! 3 I . ' '17.
Circassi (François), gentilhomme
chypriote au service du cardinal de
Bourbon ; p. i33.
3i4
TABLE AL1MIABKTIOUE
Clément (Jacques), moine domini-
cain, assassin de Henri III, m. le i" août
1089 ; p. 2 33.
Clermont d'Entragups (sieur de), V.
Balsac (Charles de).
Clèves (Henriette do), duchesse de
Ncvers, tille de François de Clèves, ép.
Louis de Gonzague, in. le 2/1 juin 1G01 ;
p. 117, i3i, i/|'i-i'iO, 1/19. 1O7, 168, ao5.
Clèves (Marie de), sœur de la précé-
dente, ép. Henri de Bourbon prince de
Coudé, m. le 3o oct. 1 5y 'i : p. 6'i, 65,
67, Us.
Coème (Jeanne de), fille de Louis de
Coême, ép. : 1" Louis, comte de Montaflé;
2° François de Bourbon prince de Conti ;
m. le 2O déc. iljoi ; p. 87.
Coème (Louis de), sieur de Lucé ;
p. 87.
Coliony (amiral de), Y. Châtillon
(Gaspard de).
Coliony (Guy - Paul de), comte de
Laval, gentilhomme protestant, m. le
ij a\ril i58G ; p. 1 1/|.
Compiègne (Oise) ; p. i36.
Condk (prince de), V. Bourbon (Henri
de, Louis de).
Coude" (princesse de), V. Clèves (Marie
de), Orléans (Françoise d'), Roye (Éléo-
nore de).
Conti (marquis, prince de), Y. BoUr-
hon (François de).
Corbie, abb, bénédict., ch.-l. de cant.
(Somme) ; p. 07.
Cormicy, cant. de Bourgogne (Marne) :
p. io'i. 1Ô9, 1I1/1, [65,
Cornac (Gaillard de), abbé dé N.-D. des
Châtelliers, de Pérignac et de \ illeloin,
ni. le 2 iléc. 1626 ; ]>. 111, 160, 188.
< lusse (Charles I de), comte de Brissac,
maréchal de France, m. le 3i déc. i563;
p. 3i.
CossiS (Charles II de), comte de Brissac,
tils du précédent, m. en 1621 ; p. i3<>.
Cottes, maître d'école protestant brûlé
à Rouen en 1 56o ; p. 18.
Coulommiers (Seine-et-Marne) ; p. 1G7.
Contras, ch.-l. de cant, ( I iiruiide) ;
p. 182. i.|().
Croi ( Vntoine de), comte de Porcien,
gentilhomme protestant, m. le r5 mai
1067 ; p. 55.
CBU88OL (Antoine de), vicomte puis
dur d'1 /es. m. le [5 aoûl ib'ji ; p. a3.
Cujas (Jacques), jurisconsulte, m. en
iT.go ; p. 2/,o.
D
Daillon du Lude (René de), abbé de
N.-D. des Châtelliers. évêque de Bayeux,
m. le 8 mars 1600; p. 120.
Damyille (comte de), V. Montmo-
rency (Henri de).
David, avocat ligueur au service du
duc de (iuise ; p. 9.3.
David (Pierre), ministre protestant au
service d'Antoine de Bourbon, puis
moine à Saint-Denis, m. en i56o; p. 20.
Davila (Louis), gentilhomme chy-
priote au service de Catherine de Médi-
cis ; p. i33.
Del Bene (Alphonse), abbé de Mai-
zières, évêque d'Albi, in. le 8 févr: 1608;
p. 209-2 1 1 .
Diane de France, duchesse d'Angou-
lème, lille légitimée de Henri II, ép. :
i° Horace Farnèse, duc de Castro;
2" François de Montmorency ; m. le
ujanv. 1G19; p. 7, 220.
Dieppe (Seine-Intérieure); p. 76, i3o,
i34.
Dijon (Côte-d'Or) ; p. 8, 55, 119, i3o,
137, 2.3 1 , a35, 2 lo, 25 1 .
Dinan (Côtes-du-Nord) ; p. 107.
Dombes (prince rie), V. Bourbon
(Henri de).
Dreux (Eure-et-Loir); p. 38, io. 179.
Du Bellay (Jean), cardinal, diplo-
mate, m. le iG févr. i56o;p. 8.
Di Breul (Jacques), prieur claustral
de Saint-Germain - des -Prés, historien,
m. le 17 juill. 1G1 '1 : p. iC.
Du Gast, gentilhomme ordinaire de
Henri III, gouverneur d'Amboise ; p. 207-
2 1 3 .
I>i (i\sr (Olphan), frère cadet du pré-
cédent, né vers i5G3 ; p. 210, 212.
Du Plessis-Morkat (Philippe), V. Mor
nay (Philippe de).
Dr Rosier. V. Sureau (Hugues).
E
Elbei f (duc d'), Y. Lorraine (Charles
de).
Elisabeth, reine d'Angleterre depuis
novembre i558, m. le 2/1 mars iGo3;
p. 88, 92.
Elisabeth de France, fille de Henri II.
ép. Philippe II roi d'Espagne, ni. le
3 oct. 1 508 ; p. 21, 22.
TABLE ALPHABETIQUE
3 I :>
Em.hien (comte d'), Y. Bourbon (Fran-
çois de).
Entragues (sieur d*), Y. Balsa c d'En-
tragues | François de).
Épernay (Marne); p. tao, ra5-J37, i3a,
1 35- • iy. l 'ri.
Épernon (duc d'), V. Nogarel (Jean-
l.ouis de).
Épinac (Pierre d'), archevêque de
Lyon, m. le g janv. i5gg ; p. 120, ig3,
ao5, ao6, 208, 217.
Escuvr.i.vnn (Charles d'), sieur de La
Boulaye, gouverneur de Taillebourg et
de Fontenay-le-Comte, m. en i5g5 ;
p. 221, 223, 2/18.
Este (Anne d"), fille du due de Fer-
rare, ép. : i° François de Lorraine, duc de
Guise ; — a" Jacques de Savoie, duc de
Nemours; m. le 17 mai 1607 ; p. 'ii, 53;
m, i65, 167, 20C, 207.
Eu, cli.-l. de cant. (Seine-Inférieure);
p. ga.
Farnèse (Alexandre), duc de Parme.
gouverneur des Pays Bas, m. le 3 déc.
i5ga ; p. ao5.
Farnèse i Uesandre), archevêque et
légat d'Avignon, cardinal, m. le 2 mars
t58g ; p. 43, 5 i.
Farnèse (Horace), duc de Castro, fils
de l'ierre-Louis Farnèse duc de Parme,
m. le 1 s juill. 1 553 ; p. 7.
Farnèse (Pierre-Louis), duc de Parme,
lil- du pape Paul 111, m. le 10 sept. 1 -_> '17-;
p. 7.
Faucon (François de), évêque de Car-
cassonne, m. le 22 sept. 1 565 ; p. (i. 45.
Fère-en Tardenois ch.-l. de canton
( \i-ne) ; p. .">.
Fii.lei l (Nicolas), poète rouennais.
écrivait vers i566 : p. r5.
Fontainebleau (Seine-el Marne); p. 22.
Fontenay-le-Çomte (Vendée); p. aaa,
aa3, aa8, a/18, 249.
Fontenelle, abb. bénédict., commune
de Saint \\ andrille - Rançon, ch.-l. de
cuil. (Seine Inférieure) ; p. 46.
i.isii\kmi.t (madame de), y. Bour-
bon ( Éléonore de).
François I", roi de France depuis
janvier i5l5, ni. le .'> 1 mars i'p'17 ; p. 2,
•">. 7, i"-
François II. roi 'le France depuis juil-
let 1 >5g, m. le ."> déc. i56o ; p. ■">, i3, i'i,
2 '1. •••">. 4o.
Froidmont, abb. cisterc, commune de
Bailleul sur-Thérain, canton île Nivi 11ers
(Oise); p. 46, 88.
Gaillon, ch.-l. de cant. (Eure-et-Loir);
p. i5-ig, g6, g8, n3, 117. 1 1 s, 120, 122,
1 45, l 'i 7 , 1"'^, i5g, i63, 171, j'[-, :>'|i)-
Gandelu, cant. de Neuilly-Saint-Front
(Aisne); p. 88.
Gaste.u (Pierre), sieur du Vignault,
avocat au barreau de Fonlenay-le-Comte;
p. 220.
Genève (Suisse) ; p. 72.
Gondi (Albert de), duc de Bel/, pair et
maréchal de France, m. le 21 avril 1O02 ;
p. 120, 12(1.
Gondi (Pierre de), évêque de Paris de
i568 à i5g8, m. le 17 mars iiiHi; p. 180.
181.
GosTAVT-BinoN (Armand de), maréchal
de France, m. le 2G juillet 1092 ; p. 63,
82.
Gqnzagi e (Catherine de), fille de Louis
de Gonzague duc de Nevers, ép. Henri
d'Orléans duc de Longueville, n. le
21 janv. i5683 m. le 1" déc. 1(129; p. ' ''•'
i'i"1. i48, i '1 1 > . i5a, 1 .">.'!. 161,166, [68,175,
1 76, 200.
Gonzague (Charles de), duc de Hethe-
lois, fils de Louis de Gonzague duc de
Nevers, n. en 1^79, m. en 1687 ; p. r/ig,
ki'i, iii.'i r68.
Gonzague (Henriette de), sceur du pré-
cédent, ép. Henri de Lorraine duc d'Ai-
guillon, n. le .'! sept. 1 7> 7 1 , ni. en 1601 ;
p. iOG.
Gonzague (Louis de), épouse Henriette
de Clèves duchesse de Nevers, m. le
a3 oct. i5g5 ; p. 1 '1, 7'i. 88, g3, in, 1 15,
117, 121, i3i, 1 '1 - ' ["''1, i58, t5g, c6i, 16/i
168, 17a, 17I), 188, 189, 2ir>, aaii, 226.
Gotz, oapitaine des armées de Henri III ;
p. 211.
Grand-Lucé (le), ch.-l. de canton
(Sarthe) ; p. 87.
Grégoire XIII (Ugo Buonc pagno),
i'du pape le 1.'! mai i.'«7 •, m. li' 10 avril
i585 ; p. 6/1, 66, 88, 7"'.. 79. 8g, 91. 98.
1 19.
Grenade (Louis de), moine domini-
cain, dont un recueil de sermons fut
publié en 1 572, m. en 1 588 : p. ' : \.
Grenoble ( Isère ) ; p. 83, a '..';. i4o.
Guillaume V, duc île lî.n ière de 1 ."179
à 1 .'...17 ; p. 1 ig":
t.iiisf. ch.-l, de cuil. ( \ i -1 1 1 ■ ) ; p. 1 iS.
I 'I'..
(il [SE (cardinal de), \ . Lorraine
I Louis [" de. Louis II de).
3i6
TABLE ALPHABETIQUE
Guise (duc de), V. Lorraine (François
de, Henri de, Charles de).
Guise (duchesse de), V. Glèves (Cathe-
rine de), Este (Anne d').
Il
Hames (sieur de), parrain du cardi-
nal -, p. i.
IIahl.ay (Achille de), premier prési-
deni au parlement de Paris depuis [58a,
m. en itiiG ; p. 287.
Hennequir (Hémar), évêquede Rennes,
ligueur, m. le i3 janv. t5g6 ; p. 2.36.
Henni ter (Jean), précepteur du car-
dinal, évêque de Lisieux, m. le 12 mars
1Ô78 ; p. 5.
Henri II. roi de France depuis avril
i.'i'iy. m. le ro juill. i55g; p. 5, 7- 1 3 , i5,
93-
Henri III, roi de France depuis
juin 1 T» 7 '1 . m. le 2 août i58g ; p. 5, i4,
5G, 58, 72-7/1, 71,1, 80, 83, 84, 87, 8g, 90,
f)i. 97, 99, 101, I03, io'l. IOG, 112-123,
12Ô, 127, 129, i3o, i34-i43, i45, i46, i48,
i">". i'i'i. 157-162, ii'i'i. îii."), 167, 170-17(1,
178 182, lS'l-191, 193-201. 203-212. 2 I 5-
218, 2 33.
Henri IV, roi de .Navarre, roi de
France depuis août 1689, fils d'Antoine
de Bourbon et de Jeanne d'Albret, n. le
i"> déc. i553, m. le 1 '1 mars 1610; p. 5,
19, 2/1, 35, 5o, 5g, 02-65, 68, 69, 71, 74,
76, 78, 82, 85, ,%, 92-95. 102-112. ii'i,
128, 129, i'i-'. i'|i''. i5',, i55, 162, i63,
168, 170-174, 176, 179, 180, i83, 186,
l'.l'l. Ii|5, 197-199, 206, 212, 2l5, 219-223,
225-234, 287, 238, 24i-24B, 249, 25o, 255,
Hotman (Antoine), avocat général au
parlement de Paris, ni. en i5i|6 : p. l'i'i.
a36.
IL mières (Jacques d"). gouverneur de
Péronne, Montdidier et Roye. m. en
'■~'7'.| : P- 34.
I
Issoin- ( Puy-de-Dôme) ; p. '\'<-
Tvry, cant. de Saint-André (Eure);
|). 2'|5.
h w\i\ (Pierre), président au parle-
iiii n t de liourgognc, puis premier pré-
sident .iu parlement de Pari*, m. en
1G2 1 ; p. i38.
.h lin ri il,'. , h. I. de cant. (Haute-Marne);
p. 111. ra5.
Joinyille (prince de), Y. Lorraine
(Charles de).
Joyeuse (Anne, duc de), favori de
Henri III. maréchal de France, ép. Mar-
guerite de Lorraine- \ andémont, m. le
20 oct. 1587; p. il'i. I2:>. [S,,. [82j i83,
'99-
Joyeuse (François de), cardinal arche-
vêque de Toulouse, m. le 23 août i6i5;
p. 1 13. 1 .
.li les III (Gian Maria Giochi dit del
Monte), élu pape le 8 févr. i55o. m. le
22 mars i555 ; p. 9.
La Bvrthe (Paul de), sieur de
Thermes, maréchal de France, m. le
6 mai 1 5G2 ; p. 3i .
La Bot lave (sieur de), Y. Fschallard
(Charles d').
La Bourdaisière, commune de Roclie-
corbon, cant. de Vouvray (Indre-et-
Loire) ; p. 21 3.
La Cassine, cant. d'Omont (Ardennes) ;
p. .67.
La Chapelle des Ursins (Christophe-
Jouvenel de); p. 1 20.
La Chapelle-Marteau (sieur de), V.
Marteau (Michel).
Lv Châtre (Claude de), rrouverneur
de Bourges, plus tard maréchal de
France, m. le 18 déc. i6i4 ; P- 119, i5o,
221.
La Couture du Mans, V. Saint-Pierre de
La Couture.
La Fere, ch.-l. de cant. (Aisne);
p. 84, 85.
/.</ Fer té-sous- Joaarre, ch.-l. de cant.
1 Seine-et-Marne) ; p. 1.
Lagriy, ch.-l. de cant. (Seine-et-Marne);
p. 18*9.
La Glesle (Jean de), président au
parlement de Paris, m. en avril i58g ;
j). 100.
La Guiche (Philibert de), grand maître
de l'artillerie de France, ni. en 1 » ">• > -7 :
p. 1 85.
I.wiin (Nicolas), médecin à l'Université
de Nantes ; p. 2 '17.
La Mothe-Fénelon (sieur de). Y. Sali-
gnac (Bertrand de).
Langeais, ch.-l. de cant. (Indre-et-
Loire) ; p. 221.
Langres ( Haute Marne) ; p. 196,
LaNSSAC (-ieur del, Y. Sainl-< ielais
( Louis de).
La Pierre, gouverneur de Boulogne
TABLE ALPHABETIQUE
^1
or
pourleducd'Épemon.tuéen mars 1587;
p. i:'i.
Larchant (sieur de), capitaine des
gardes de Henri III ; p. 208, 1 1 a, ai3.
La Renaudie (sieur de), V. Barri
(Godefroj de).
La Réole (Gironde) ; p. 82, <>.">.
La Roche-si r-Vis (prime de. V.
Bourbon (Charles de).
/.,/ Rochelle (Charente Inférieure) ; p.
Im|. 231.
La Trinité de Vendôme, abb. cisterc.,
Vendôme (Loir et-Cher) ; p. 6, 44, 88.
L'Aubespine (Claude de), diplomate,
m. le 1 1 nov. 1567 ; p. 19.
Laval (comte de), \. Coligny (Guy-
Paul de).
Lavaur (Tarn); p. a.'Vj. a45.
La Veiinusse (abbé de). V. Racine
(Martin de).
La Vielvhxe (Robert, marquis do.
oouverneur de Mézières, lieutenant
général du roi en Rethelois, m. en
161 ! ; p. 117-
La Vigne (André de), poète français.
m. en 1027 ; p. 2.
Le Conquet, cant. de Saint -Renan
(Finistère); p. 187.
Le Havre (Seine-Inférieure) ; p. 48.
Lénoncourt (Philippe de), cardinal
évêque de Châlons, puis d'Auxerre, m.
le i3 déc. i5gi ; p. n4, >:<<>. 126, 209,
2A2, 243.
Le Ru> (François), sieur île Chavigny.
gouverneur île Chinon, ép. \ntoinette
de l.a Tour, m. le 18 févr. r6o6; p. 21/1,
3 1 i| 22 1.
LesdigÛieres (duc de). V. Bonne
(François de).
Le Venei h (Gabriel), évêque d'Evreux,
m. le i6 mai i~7'i ; p. 10.
L'HÔPITAL ( Michel de), chancelier de
France, m. en 1 r> 7 :'» ; p. ■>■>., 29, V.i. ■">■">, ">:•
i.irssr .m ^ . /). de Liesse, cant. de
Sissonne | Usne); p. 1 26.
Limeuil (Isabelle de), demoiselle d'hdn
n, mu' de Catherine de Médicis, ép. Sci
pion Sardini ; p. 53.
Limoges (llaute-\ ienne) ; p. i3a.
Loches ( Indre el Luire); p. Îl3, 2 1 \.
Lommi 4.1 . médecin de Poitiers ; p. i35.
Longjumeau, ch. I. de cant. (Seîne-et-
< Use) ; p. 57.
Longhai (sieur de), v. Montpezal
( François 1
LoNCJI EMl.l I (duc de). \ . I »rl- .< 1 1-
llenri d'i.
Longieville (M"" de), V. Orléans
(Françoise d').
Lorraine (Catherine de), fille de Fran-
çois de Lorraine duc de Cuise, ép.
Louis de Bourbon duc de Montpensier,
m. en i5g6 ; p. 93, 1 >". m. 1 l(J. l68.
Lorraine (Charles de), cardinal arche-
vêque de Reims, lil- de Claude duc de
Guise, n. le 17 février i5a5, m. le
2G déc. 157/1 ; p. 5-8, i". 12. i3, i5, 20,
ai, 29, 'n. \-i. 49, 5i, 53-55, 07-61, 66,
90, 93.
Lorraine (Charles de), duc de Mayenne
ou du Maine, tils de François duc de
(luise, n. le 26 mars [554, m. le 4 oct.
161 1 ; p. ')3. n'. 1 i'i. 1 > 7. ll8< l20' ,a5'
i3o, i32, i35, ci;. i3g, 1""'. [5a, 161, 169,
204, 206, >.o(), 216-219, 221, 220, 226, 229,
23i, 233, 237 239, 244, '!'i9. 25°-
Lorraine (Charles de), prince de Join-
ville, puis duc de Guise, fils de Henri
duc de Guise, n. le 20 août 1571. m. le
3o sept. 1640 ; p. i4g, '■">:'>. '54, 200, 206,
208, 212-214.
Lorraine (Charles de), duc d'Aumale,
n le a5 janv. [555, m. en iii.'i 1 ; p. g3,
i3o, i3a, i35-i37, 169, i:'i, [85,i86,i88,
204, 216, a3i, >4o.
Lorraine (Charles de), duc d'Elbeuf,
n. le 18 oct. i556, m. en i6o5 ; p. 93,
I 17-1 19, l3o, l86, 206, 21 2-2l4-
Lorraine (François de), duc de Cuise.
n. le 17 févr. [5i9, m. le :>'i févr. [563 ;
p. 21. M". 3a, 75, g3.
Lorraine (Henri de), duc de Guise,
Gis de François duc de Guise, ép. Cathe-
rine de Clèves, n. le 81 déc. 1 ■>•">. m. le
23 déc. i588; p. 4p, 71, 74-76, 85, 9a ioo,
,,,7, 109-1 18, i2o ia3, ia5- t4i, '46, i48
,:,:>, i57-i6a, [64, 166-178, 180-182, i84
2o3, 205, 208, 225, 233, 254.
Lorraine (Henri de), marquis 'le
Pont-à-Mousson, lils de Charles 111 duc
,1,. Lorraine el de Claude de France; 0.
le 20 nov. io63 ; p. 110.
Lorraine (Louis II de), cardinal d«
Cuise, archevêque de Reims, fils de
François duc de Cuise, n. le 6 juill. i555>
„,. ie 2', de,-. .;,ss; p. ..,:;. 97- w- I01,
,,',. , iG, 117. 128, i3o, i33, i34, i37,
,;•„,. 160, 167, 169, t8o, i8i, 196, ".»7-
201, 2o3, ao5.
Lorraine (Marguerite de), duchesse
d'Alençon, m. le 1 ao> . t5ai ; p. .'L i.
Lorraine (Philippe-Emmanuel de Lor
raine), duc de Mercœur, gouverneur de
Bretagne, tu. le 19 fé\ r. [60a ; p. g3, 1 ta,
1 1 .">, 1 19, 17. t3o, C7. ''c'.
Lorraine N li démont (Marguerite de!.
sœur de la reine de France femme de
Henri III. ép. Vnne duc de Joyeuse, m.
en i(j ■ ' ; p. 1 G,
3 1 8
TABLE ALPHABKTIOUF
Loudun (Vienne); p. 221.
Lucé, V. Grand-Lucé (Le).
Lucques, ville de Toscane (Italie); p.
117, 121, l4'i, 1 '|li.
Lusso» (Guillaume), docteur régent en
la l'acuité de médecine de Paris, méde-
cin du cardinal ; p. 347.
Luxemboi rg (François de), duc de
Piney, m. le 3o sept. 1G19 ; p. 234.
Luxembourg (Marie de), fille de
Pierre 11 de Luxembourg, ép. François
de Bourbon comte de Vendôme, m. le
1 " avril i546 ; p. 1 . 5.
Lyon (Rhône); p. 72, 1 19, i;3.
M
Mdcon (Saône-et-Loire) ; p. un.
Maillezais, ch.-l. de cant. (Vendée) ;
P, 221, ''22, 235.
Maine (duc du), \. Lorraine (Charles
de).
Maixeville (sieur de), V. Roncherolles
(François de).
M.untenon (sieur de), V. Angennes
(Louis d').
Mainteternes (Louis de), abbé de
Chàtrices et de .Saint -Pierre - le- Vif,
vicaire général de l'archevêché de Rouen ;
p. 96.
M.m.donat (Jean), jésuite, m. le 5ianv.
1583 ; p. 67.
Mandki.ot (François de), gouverneur
du Lyonnais, m. le >'i no\. «588; p. 119,
Mamoi (sieur de), V. 0 (Jean d').
Mantes (Seine-et-Qise) ; p. 199.
Marchais, cant. de Sissonne (Aisne);
p. i59.
Maugi kkiii; de France, fille de
Henri II, ép. Henri de Bourbon roi de
Navarre, ni. le 27 mars i6i5 ; p. 62, 64,
81, 82, 90, io5, 174.
Marie Stuart, reine de France et
d'Ecosse, m. le S févr. r587 ; p. i3 -1
53, 58, n.s.
Marmou tiers, abb, bénédict., commune
de Sainte - Radegonde, cant. de Tours
(Indre-et-Loire) ; p. 1 ta,
Marseille (Louches du-Rhône) ; p. 127.
MàRTEAI (Michel), sieur de l.a Cha
pelle, prévôt dos marchands de Paris ;
p. 206, 208.
Martimuos (Marian de), conseiller au
parlement de Normandie, chancelier de
l'église de Rouen et vicaire général du
cardinal, m. le 28 avril Hm.'i ; p. 2/17.
M vrruiEu (Claude), jésuite, provincial
d'Aquitaine, puis de France, m. le
2/1 déc. 1587 ; p. 1 ■>■>., 1 46.
Mayenne (duc.de). V. Lorraine (Charles
de).
Meaux (Seine-et-Marne) ; p. 178.
Mcliui (Seine-et-Marne); p. 239.
Mendoça (Bernardino de), ambassadeur
de Philippe II en France de 1084 à i5()i ;
p. i'i3. 2','.. "
Mercoeub (duc de), >- . Lorraine (Phi
lippe Emmanuel de)
Méry-sur-Seine, ch.-l. de cant. (Aube);
p. i36.
Met: (Lorraine) ; p. r3<>, 137.
Montafhé (Louis, comte de), seigneur
piémontais, ép. Jeanne de Coême ;
p. 87.
Montargis (Loiret) ; p. 182, i38.
Montceaux - en - Brie, cant". de Meaux
(Seine-et-Marne) ; p. 3o.
Montdidier (Somme) ; p. 34. '
Montebourg, abb. bénédict., ch.-l. de
cant. (Manche) ; p. i5.
Montiéramey, abb. bénédict., cant. de
Lusigny (Aube) ; p. 46.
Montluc (Jean de), sieur de Balagny,
lieutenant général en Picardie pour le
duc dWumale, m. en i6o3 ; p. a3i.
Montmorency (Anne, duc de), conné-
table de France, m. le i5 mars Ô67 ;
p. 12, 21, 38, 3g, 48-56, 7."), 91.
Montmorency (François de), maréchal
de France, (ils du précédent, m. le 6 mai
1579 ; p. 4g, 5:>, 55.
Montmorency (Henri de), comte de
Damville, puis duc de Montmorency à la
mort du précédent, gouverneur du Lan-
guedoc, m. le 2 avril 1614 ; p. 49, ,",7,
71, 72, 80, 121, 142.
MoxTPENsir.it (duc de), V. Bourbon
( François de. Louis de).
Montpensieb (duchesse de), y. Lor-
raine (Catherine de).
Montpez\t (François île), sieur de
Longnac, maître de la garde-robe de
Henri III, gouverneur d'Anjou et de
Touraine ; p. 208-211.
Montreuil (Pas-de-Calais) ; p. 34.
Monisoreau, cant. de Saumur (Maine
et-Loire) ; p. 220.
Morka.1 (Philippe de), sieur de Du
plessis Marly. conseiller et ami du roi
de Navarre, m. le 11 nov. i6a3; p. n/,,
219-231, 336.
Morosiki (.1. Fr.). évèque de Breseia,
nonce en France de mai 1587 à i58g ;
p. 180-18] . 'MM , ■>.!.,.
Moins, pamphlétaire ligueur ; p. ;>3'i.
Moulins (Allier) : p. 55.
TABLE ALPIIABETIOLE
OIQ
\ancy Meurthe-et-Moselle); p. ii3,
18/1, t85.
Vantes (Loire-Inférieure) ; p. 127, 107,
2 V>. 2^5.
Vemours, Ch.-l. de cent. (Seine-et-
Marne) ; p. i38, [3g. •
Nemours (duc de), V. Savoie (Henri
de).
Nemours (duchesse de), Y. Este
( \11ne d').
Nérac (Lot-et-Garonne) ; p. ■>.'■>, 24, -i-,
'.i'i-
NbUillï (Etienne de) ou de Nully, pré-
sident à la cour des aides ; p. 30O.
Nu mlle (Nicolas de), sieur de Ville-
roy, secrétaire d'état, ni. en déc. 1617;
1>. L'17, 1 38.
Vevers (Nièvre) ; p. \\\.
Yevers | évêché de) ; p. (i.
Ni-: mo us (duc de), V. Gonzague (Louis
de).
N'evers (duchesse de), \. Bourbon
(Marguerite de) et Clèvcs (Henriette
de).
Viort ( Deux Sè\ res) ; p. 54-
Vh.vuet (Jean-Louis de), duc d'Êper
non, favori de Henri III. gouverneur de
Provence, de Guyenne, de Metz, de Nor-
mandie, m. le i3 janv, Hi'12 ; p. 122,
i'i"'. 161, 17'!, l84, |85, 187-189, i;).'!,
108, ' I '1, 231.
Vouâtre, cant. de Sainte-Maure (Indre*
el Luire) ; p. 22 1 .
Voyon, ch. I do cant. (Oise) ; p. 1 2.
0
<i (François d'), surintendant îles
finances, m. le • \ oct. i5g4 ; p. i.'-io.
O (Jean d'), sieur de Mi capitaine
des gardes, frère du précédent, m.
en 1 5g6 ; p. 2 1 3, 2 1 '1. 220.
Origny, abb. bénédict., commune
d'Orignj Sainte-Benoîte, cant, de Ribé-
monl ( Visne) ; p. ■>..
Orléans (Loiret); p. ■',, .;,. :i:;. :;,,. ',,,.
1 ni. 1 Mi, 206.
Orléans (duc d'), nom porté par
Henri III du vivant de Bon frère
Charles IV
( >iu à vTis i Françoise d'), duchesse de
Longucville, ép. Louis de Bourbon prince
«le Condé, m. le 1 1 .juin t6oi ; p, 53, 5g
(ii, 6g, S'i, 86j l 'i.'î- 1 'ci. 1 5 1 • lôâ, tCi,
ilili, 201, 2C>'|.
Orléans (Henri d'), duc de Longue-
ville, m. le 29 avril i5g5 ; p. i6ii
Orléans (Louis d'), avocal ligueur;
P- 97-
Ourscamps, abb. cisterc, commune de
Chirj Ourscamps, cant. de Kibécourl
(< lise) ; p. 117. i('m|, 171.
P
Palaiseau, ch.-l. de cant: (Seine-et-
Oise); p. 65.
Parabère (sieur de), gentilhomme
protestant ; p. 221.
Paris (Seine) ; p. u, 12, i"5, 3i-33, .">■,
65, 7'i. 79, 80, 83, gi, ioi, H17, M.'i, ii.|,
132, i3;">, (36, 1 '1/4, i'i7, 108, rôg, 161,
1G7, 161J, 172, 17'L 1^5, [80, 1S1, iS.'i,
187-1111, LMlil, 2"'|. 20C), 2lc>, 2l5, 216, 228,
23o, y.'ii, 233, 238, 23g, :> '1 1 , 2'|2, s44,
2'|l| -2 JI .
Parme (duc de), V. Farnèse (Alexandre).
Paul III (Alexandre Farnèse), élu
pape le i.'î oct. i53/i, m. le 10 nov . [54g ;
P- 7-9-
Pellevé (Nicolas de), cardinal, agenl
de la Ligue à Rome, ni. en i5g/i ;
p. i'iG.
Pénitents (Les), confrérie fondée par
Henri III en t583 sous le nom d'Annon-
ciation de Notre- Haine ; p. go, 224.
Péricard (.ban), secrétaire de Henri
de Lorraine, 11. vers i555 : [). 97.
Péronne (Somme); p. 'i'i, 118, 17V,
2/19.
Pfyffer (Ludvvig), colonel des Suisses
catholiques ; p. 1 3a.
Philippe IL roi d'Espagne depuis
janv. (556, m. le i3 sept. 1598 ; p. 22,
■•'i. a8-3o, 3.">, 36, 38, 'n. 43, 67, 60-62,
M", 1 i5, 1 16, 1 m, 1 a8, 1 '1 1 , l 'i.'L t68, 17".
206, a3oi
Pie l\ (Giovanni vngelo Medici), élu
pape le 2."i déc, i55g, m. le 8 ou g déc.
i565 : p. 36, 'm 15.
Pie V ( Michel Ghisleri l, élu pape le
7 jam . 1 566, m. le i0' mai 1 573 ; p. ri5,
63, 64, g8.
Pissi 1,1 1 ( Vnne de), duchesse d'Ë-
tampes, maîtresse de François 1' ; p. 87.
I'i m «Essoa ( madame de), marraine
du cardinal ; p, 1 .
Poissy, ch. .1- de canl , 1 Seine el I lise 1 ;
p. 37, 29.
Poitiers ( \ ienne); p. 235, 1 1- .
Ponllevoy, abb bénédict., cant. de
Montrichard ( Loir ct-Cher) ; p. 'Hi.
020
TAULE ALPHABETKHK
Pontoise (Seine-et-Oise) ; p. 167.
K Porcie» (comte de), V. Croy (Antoine
71e).
Possevin (Antoine), jésuite, recteur
d'Avignon, m. le 26 févr. 1G11 ; p. 90.
Pougues, ch.-l. de cant. (Nièvre) ;
p. 167.
Poi i.lain ( \. ), bâtard du cardinal de
Bourbon ; p. 1 \.
li
Racine (Martin de), abbé de La Ver-
nusse, chanoine de l'église de Paris :
p. 1 46.
Rays (Jacques de), médecin àThouars ;
p. 2^7.
Regnard, président des enquêtes à
Paris ; p. 5.
Reims (Marne) ; p. 119, 12O, 182, i33,
1 43, i65, 177.
Rennes (Ille-et-Vilaine) ; p. a4o.
Rethelois (duc de), V. Gonzague
(Charles de).
Retz (due de), \ . < lundi ( Ubert de).
Rilly (sieur de), gentilhomme touran-
geau, gouverneur d'Amboisc ; p. 207.
Rochefort (Joachim de), capitaine de
cinquante hommes d'armes; p 117, 120.
Rocroy (Ardennes) ; p. 171.
Romain (saint), évèque de Rouen, ni.
le 23 oct. 639 ; p. 100.
Rome (Italie) ; p. 9, Co, l 'iG, i48-i5o,
162, 206.
Ronceveaux (monastère de), prov. de
Navarre (Espagne) ; p. 22.
Roncherolles (François de), sieur de
Maineville, familier du cardinal, m-, le
17 mai i58g ; p. ti5, 1 1 G, 102, 1 33, i63,
1G7.
Rouen (Seine-Inférieure) : p. 9-11, r6-
18, 3o, 33, 34, 76, 77, 83, 90, 91, 98, 100,
i3o, l'i'i, i35, 217, L»'ii, a35, 2.3g, 2^7,
a/19.
Rouen (archevêché de) : p. 9.
Roye, ch.-l. de cant. (Somme); p. 3'i.
Rote (Éléonore de), ép. Louis de
Bourbon prince de Condé, m. le a3 juill.
1 564 ; p. h{). 5 1 , 59, 87.
Ki ci \ipki: (sieur de), V. Bourbon
f \ihln'- de 1.
Saint-André (sieur de), V. Al bon (Jac-
ques d').
Saint-Corneille de Compiègne, abb. béné-
dict. à Compiègne (Oise) ; p. !l.
Saint-Denis (Seine) ; p. 30.
Saint-Denis*, abb. bénédict. (Seine) ;
p. 4, r.2, !.">.
Saint-Didier, ch.-l. de cant. (Haute-
Marne) ; p. 137.
Sainte-Claire d'Argentan, abb. de Cla-
risses. Argentan (Orne) ; p. 4.
Sainte-Croix (Prosper de), cardinal
archevêque d'Arles, nonce en France
de i56i à t5G5 ; p. ji.
Saintes (évêché de); p. 6.
Saintes (Claude de), évèque d'Evreux,
ligueur, m. en i5gi ; p. 76, 98.
Saint-Esprit -de-Rue, ch.-l. de cant.
(Somme) ; p. 107.
Saint -Gelais (Louis de), sieur de
Lanssac, conseiller d'état, m. en oct. 1589 ;
p. 1 33.
Saint-Germain- en-Laye, ch.-l. de cant.
(Seine-et-Oise); p. G2, 99, 100, 101, ii'i.
Saint-Gernïain-des-Prés, abb. bénédict.,
Paris ; p. 15-17, G7, G9, 85, g6, i5o, 1 58.
Saint-Germer-de-Flay, abb. bénédict.,
cant. du Coudroy-Saint-Germer (Oise) ;
p. 66.
Saint-Honorat-de-Urins, abb. bénédict.,
commune de Cannes, ch.-l. de cant.
(Alpes-Maritimes) ; p. '|G.
Saint- Jean-des-Vignes, abb. augustin.,
Soissons (Aisne) ; p. 46.
Sunt-Lary (Roger de), sieur de Belle
garde, maréchal de France, m. en 1 07' 1 :
p. 83.
Saint-Lucien de Beauvais, abb. béné-
dict., commune de N.-D. du Thil, cant.
de Beauvais (Oise) ; p. 56.
Saint-Mau r-les-Fossés, ch.-l. de cant.
(Seine), p. 120, i3g.
Saint-Nicolas-au-Bois, abb. bénédict.,
cant. de La Fère (Aisne) ; p. G.
Saint-Ouen de Rouen, abb. bénédict.,
Rouen (Seine-Inférieure); p. 34.
Saint- Pierre-de-la-Couture, abb. béné-
dict., Le Mans (Sarthe); p. 46, 88.
Saint - Pierre - le - Vif , abb. bénédict..
Sens (Yonne); p. 96.
Saint-Serge d'Angers, abb. bénédict.,
Angers (Maine-et-Loire); p. 4.
Saint-Si i.Pic.i: (Jean-Ebrard de), am-
^ 'Passade 1 ir de France en Espagne; p. 36.
TABLE ALP1I V.BETIQUE
OUI
Saint-Vincent de Laon, abb. bénédict.,
Laon (Aisne) ; p. 6.
Saintyi \ (Louis de), avocat au Châte-
let de Paris, capitaine de la bourgeoisie;
p. aii.
Salignac (Bertrand de), sieur de La
Mothe-Fénelon, ambassadeur de B'rance
en \ngleterre de 1070 à 1074, 111. le
i3 août i5gg; p. 117, 118, n".
S vi f.x-TwANNLs (Jean de), gouverneur
d'Auxônne, ligueur, m. en 1629 : p. 160.
Saumur (Maine-et-Loire) ; p. ia6.
Savons (Charles-Emmanuel I. duc de),
(ils d'Emmanuel-Philibcrt ctde Margue-
rite de France, m. le 20 juillet i63o;
p. 109, 119.
SuoiE (Henri de 1. duc de Nemours'
n. le 2 nov. 1 •"> 7 - - m. le io juill. 1 t33a ;
j). aoC, 207, 2/1/1.
Savoie (Honorât de), marquis de Vil-
lars, amiral et maréchal de France, m.
en 1 ."1S0 ; p. 73.
Svvoie (Madeleine de), femme d'Anne
duc de Montmorency, m. eu t586 ; p. 91.
^- Schombeki; (Gaspard de), colonel de
reitresau service de Henri III, naturalisé
en 1070, m. le 17 mars 1099 ; p. i36.
Sedan (Ardennes); p. 173.
Selves (Odet de), conseiller du roi,
diplomate, ni. le i5 mars i563 : p. 3i.
Slwrpont (sieur de), lieutenant en
Picardie pour Louis de Bourbon prince
de Condé ; p. 33.
Si.iuiELLOM (Fabricio), cousin-germain
de Pie IV. gouverneur d^Avignon, m. le
1 '1 net. 1 âijij : p. '|.i.
Simieb (comtesse de), \. Vilr\ (M"cde).
Sixte-Quint (Félix Peretti), élu pape
le 1 avril i585, m. le 27 août 1590 ;
p. i.'îi, 137, i'|3, 1 'i*>, i"''i. 1 55, I-Î8, 170,
173, 180, 181, 195, 198, 201, 200, 20O,
a 19, a35.
Soissons (Aisne); p. 5i, 53, 137, 1 '17,
ijo; i5g, 167, Hi.|, 186, 197.
Soissons (comte de), V. Bourbon
(Charles de).
Soissoks (madame de), V. Bourbon
(Catherine de).
Sorèze, abb. bénédict., cant. de
Dourgne ( Tarn) ; p. i6.
Si ri m di Rozn iî (Hugues), ministre
protestant, prédicateur célèbre ; p. 67.
T
T assis (Jean Baptiste de), agenl du roi
d'Espagne . p. 1 13.
Thermes (maréchal de), Y. La Barthe
(Paul de).
Thouars, ch.-l. de cant. (Deux-Sèvres);
p. a/17.
Torsi (madame de), marraine du car-
dinal ; p. 1 .
Touchard (Jean), abbé de Bellozanne,
précepteur du cardinal de Vendôme,
évêque de Meaux, m. le 8 juill. 1597;
[i. 68, 88, i5a.
roui (Meurthe-et-Moselle) ; p. 137.
Toulouse (Haute-Garonne) ; p. 231,2/10.
Toi rnon (François de), cardinal arche-
vêque de Lyon, m. le 22 avril i5Ca ; p.
1 ."1 , u 3 .
Tournus, ch.-l. de cant. (Saône-et-
Loire) ; p. iô.
Tours (Indre-et-Loire); p. 63, ai3, 21/1,
1 alence ( Drôme) ; p. 211.
\ \rgvs (Juan de. ambassadeur de
Philippe II en France ; p. 92.
Vendôme (cardinal de), V. Bourbon
(Charles de).
Vendôme (duc de), V. Bourbon (Char
les de).
I erdun ( Meuse 1. p. 1 36, i3i, 1 7.
Villars (amiral de), V. Savoie (Hono-
ra! de).
VlLLEEAI.lEK, beau -père de Jean Péri
card secrétaire du «lue de Guise ; p. 1 19.
Villeneuve m [génois (Lot-et-Garonne 1 :
p. 119.
Villequier (René de), baron de Clair-
vaux ; p. 1 33. 1 3'|.
\in.i;iioi (sieur do. \. Neuville (Ni-
colas de).
I imory, cant. de Montargis 1 Loirel 1 ;
p. 182.
Vincennes, ch. I 'le cant. (Seine 1 ;
p. il'. 1 '17, 1 60, ! ri
\ i\-. (Hubert de), capitaine ligueur :
p. 1 19.
I iry, cant. de Chaunj 1 Us ne) : p. >'i.
Vitelli (Vitelloti), cardinal évêque
d'Imola, m. le 29 nov. [568 ; p. 6, 15.
Vitrtt (Louise de L'Hôpital, demoi-
selle de), ép. le comte de Simier;
p. l 'l".
TABLE DES CHAPITRES
Pages.
VVANT-PROPOS T
PREMIÈRE PARTIE
Le cardinal de Bourbon.
< Ihapitre I. — La jeunesse de Charles de Bourbon i
— IL — La première guerre de religion 21
— III. — Les déceptions familiales 48
— I \ . - - La naissance de la Ligue . . 7 1
V. — Bourbons et Lorrains 86
DEUXIÈME PARTIE
L'héritier présomptif.
1 11 mi 1 re [. — La Ligue s'arme IQ3
II. — Les conférences d'Épernay ia5
— III. — La conquête de Nevers »4t
[V. — La défection de Nevers l57
— V. — La guerre de 1.587 ^
VI. — Les audaces de Guise i84
TROISIÈME PARTIE
Charles X.
( in mm 1 m. I. — La déchéance de Henri III 2°3
II. Les prisons du cardinal a 19
III. — Le règne de Charles \ 228
l\. - La mort du roi de la Ligue a47
Conclusion. aD^
32^ TABLE DES CHAPITRES
APPENDICES
I. — A. Descendance de Robert de Glermont 267
B. Branche des Bourbons- Vendôme a58
G. Branche des ducs de Montpensier 260
II. — Les abbayes de Charles de Bourbon 261
III. — Le privilège de Saint-Romain • a65
IV, — Iconographie 2O8
Pièces justificatives n0' I a XXIV (avec table spéciale à la fin) 273
Table alphabétique des noms de personnes et de lieux 3 1 1
Abbeville. — Imprimerie F. Paillart.
1970 4
DC Saulnier, Eugène
112 le rôle politique du
B63S3 cardinal de Bourbon
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