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COMÉDIENS DU ROI
DE LA TROUPE ITALIENNE
// a été tiré de cet ouvrage 335 Exemplaires numérotés à la presse :
ïo sur papier de Chine (N®» i à 10).
25 sur papier Whatman (N" 11 à 35).
300 sur papier de Hollande (No« 36 à 335).
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LES
COMÉDIENS
DU ROI
DE LA TROUPE ITALIENNE
Pendant les deux derniers siècles
LCCl'MCNTS INÉDITS RECUEILLIS AUX ARCHIVES NATIONALES
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Id'AxToiNE TRIAL, dite Félicité).
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MANSAC (François), dît le Capitan. Les frères Pariaia
ont ignoré le nom de cet aaeur de randcnne troupe iu-
licone, qui jooa, assureot-ib, de 1660 à 1670. Peut-Être oat-ils
ranoQ de fixer i 1660 la date de son début, mus en revanche ils
ont absolument ton de prolonger jusqu'il 1670 sa carritre théâ-
trale. Le document (i) transcrit plus loin donne sur ce comédien
îulien les renseignements qui avaient fait défaut jusqu'ici. On y
apprend en effet qu'il se nommait François Mansac , qu'il fut
asuuioé par trois coupe-jarrets, le 19 mai 1662, dans la rue de
Les Comédiens italiens.
Richelieu, et qu'il tomba mort devant la maison qu'habitait alors
MoUère, chez lequel il cherchait très-probablement un refuge.
Mansac, qui devait être un acteur de mérite puisqu'il tenait au
théâtre l'emploi assez en vue de Capitan, était peut-être un ami
de notre grand poëte comique; en tout cas, il entretenait avec lui
des relations quotidiennes, puisque les comédiens de la troupe
italienne et les comédiens de la troupe de Molière donnaient
alternativement leurs représentations dans la même salle, située
au Palais-Royal.
On ignore absolument qui succéda à François Mansac dans le
rôle de Capitan, de 1662 à 1670, époque où un nommé Spezzafer
prit cet emploi, après avoir joué quelque temps les Scaramouche
pendant une absence de Tiberio FioriUi.
{Histoirt iê Vaneitn Tbédtrê'lUlUm, p. 6S.)
1662. — 19 mai et 17 juin.
Assassinat de François Mansac, dit le Capitan, devant la maison de Molière,
rue de Richelieu,
Uan 1662, le 19 mai, environ T heure de minuit, eft venu en l*hôtel de
nous, Pierre Lemufnier, commiffaire au Châtelet, meffire Simon Dupont,
prêtre habitué à St-Roch, demeurant au cloître St-Roch, qui nous a dit
qu'étant au logis du ûeur Hulot, maître fculpteur à Paris, fis rue de Riche-
lieu, il auroit entendu plufieurs cris et la voix d'un homme qui difoit : « A
mon fecours I on me tue 1 un confefleur ! au voleur ! » auquel bruit, il feroit
forti avec ledit Jacques Hulot et Antoine Lefébure, bourgeois de Paris, et été
vers la maifon du lleur Molière, qui eft de l'autre côté de la rue, au-devant
de la porte duquel il auroit vu, étendu fur la place, un jeune homme qui
demandoit du fecours et qui fembloit tirer à fa fin ; ce qui l'auroit obligé à lui
demander s'il n'étoit pas repentant de fes fautes et s'il demandoit abfolution,
à quoi ne pouvant répondre de paroles il lui auroit donné fa main et, lui
étreignant la fienne, lui auroit témoigné lui demander l'abfolution et être
contrit. Au fujet de quoi il lui auroit donné l'abfolution, et s'en feroit venu
Mansac. 3
r^r devers nous, pour nous requérir de nous tranfportcr en ladite rue de
Rxhuhcu, où il Tjvoit Uiiïé, fuivant lequel réquifitoire, nous, commiiTaire
t ji'dit, nous fommes i Tindani tranfporié, avec ledit fieur Dupont et Lefé-
burc et le laquais du fieur Molière , en la rue de Richelieu , où étant
arriva devant la porte dudit fieur Molière, avons trouvé le corps dudit jeune
homme étendu fur la place, auprès duquel étoit un jeune homme, ayant épée
a {on côté qui nous a dit fe nommer Jofeph Jératon, comédien italien, et que
ledit jeune homme trouvé mort étoit aufli comédien italien et repréfentoit à
U comédie le pcrfonnage du Capitan, et avoir appris fa mort par deux por-
teurs de chatfes, qui venoient du côté de la rue de Richelieu, où il feroit à
findint venu pour reconnoltre fi la vérité étoit telle, nous prioit vouloir
-celui faire tranfportcr où il ed demeurant, rue des Boucheries-St-Honoré, où
pend pour enfeignc Timage de St-Maurice, où il auroit été à Tinllant fait tranf-
porter ; et U, après avoir été dépouillé, s'eft trouvé le jeune homme avoir été
perce de plulîcurs coups tant d*armes i feu que d'épées, particulièrement au-
deâTus de la cuiiïe gauche, au bas du petit ventre, et fur les deux bras et
cuitTcs, lequel corps nous avons laide en la garde de Annibal Barbieri (i),
pounoycur des comédiens italiens, principal locataire de la troifième chambre
du 1 >^*s du fieur Morice, qui s*en e(l chargé jufqu^à ce que autrement, par
M. U Lieutenant criminel, en ait été ordonné. Comme anfli nous a été dit
^kT ledit ficur Jofeph Jératon, que lorfquMl étoit venu pour reconnoltre le
«-orps de fondit camarade, il Tauroit fouillé et trouvé dans fes poches cinq
cjus blancs, une pièce de 15 fols, 17 pièces marquées et 4 doubles, avec deux
Icrres et un étui, où étoient un cifeau et une clef avec laquelle avons fait
ouverture d'un coffret en forme de malle carrée, couvert de poil, dans lequel
30US avons auifi trouvé la quantité de 42 écus blancs, 2 écus d'or, defquels
nous nous fommes chargés pour les repréfenter quand et X qui il fera ordonné
par )uilice. Et i l'égard des 5 écus blancs, 17 fols marqués et 4 doubles ont
ctf biffés ainfi que deffus ès-mains dudit Jofeph, qui s*en e(l aulli chargé.
Comme auiTi tous et chacun fes habits ont été réunis dans ladite malle fur la
'cmuT de laquelle, après avoir été fermée, avons appofé notre fcellé et icelut
MiUc et UifTé en la garde dudit Annibal et Jératon qui s'en font chargés.
Signé : Dupont ; Lefébure ; Annibal B.\rbi£RI ;
JO GlOSEPPE GlARATONE.
f 1) C« hêr^itti itâtt «n oatr« 4èco*ateur de U troupe. Il mourut au moit de mart i66( et fut
««terre • SaiVi-Ccrmaaa-rAuKcnrot*. Voici son extrait mortuaire : ■ Le faoïeUi 14* |«>ur <ic nar«
!•»; C{«««oi d'A«itib«l Barbarr. décormtevr de la troupe royale dci comédicat italieni, prit
r"««.M et ieveat le PaUi»' Royal. Reçu 9 Uvrca. • (Eut ihril et f «r/f mi értîttts, par Eu^coe Ptot.
P*na, Pafncrre, it7|.)
Les Comédiens italiens.
Information faite par le commissaire Limusnitr,
Du 17 juin 1662.
Jofcph Jératon, comédien italien, demeurant rue Jean-St-Denis, au logis
d'un nommé Morlein, vinaigrier, paroiiTc St-Germain-de-FAuxerrois, dgé de
22 ans ou environ, après ferment, dépofe que le 19* du mois de mai deraiery
environ les neuf heures du foir, étant dans fa chambre qu'il occupe en la
maifon du fieur Morice, fife rue des Boucheries, le valet du fieur François
Manfac, comédien italien, dit le Capitan, le feroit venu trouver de la part du-
dit Capitan et le prier de venir dans la grande place, vis-à-vis le Palais-Royal,
où il Tattendoit. Auquel lieu, il fe feroit quelques inflans après tranfporté,
et rayant trouvé avec la nommée Mademoifelle Catherine, nièce de Made-
moifelle Duparc(i), comédienne françoife, et fe feroit arrêté avec eux jufqu'à
onze heures du foir ; pendant lequel tcms, ils furent enfemble boire de la
bière au logis d'un vendeur de limonade, fis au coin de la rue Fromenteau»
d'où étant fortis, ledit Capitan accompagna ladite demoifelle Catan jufqu'au
logis de ladite Duparc, fa tante, fis à l'entrée de la rue St-Thomas-du-Louvre \
où étant, lui dépofant, fur le pas de ladite porte, en attendant que ledit
Capitan fût forti du logis de ladite demoifelle Duparc, où il étoit entré avec
fa nièce, un particulier, haut de taille, qu'il ne peut rcconnoitre, pour être le
tems fort obfcur, l'aborda et en le regardant au nez, feroit entré dans la cour
du logis de ladite demoifelle Duparc, où l'auroit fuivi, lui dépofant, pour
favoir à qui il en vouloit, et, l'ayant aperçu dedans la cour, il s'en feroit re-
tourné avertir ledit Capitan de s'en aller pour autant qu'il foupçonnoit que ce
particulier qui étoit dans ladite cour, en vouloit à quelqu'un, joint qu'il ren-
contra fur le pas de ladite porte un autre homme, petit de taille, armé
d'épée, ayant un bouquet de plumes noires fui* fon chapeau. Vit peu de tems
après le Capitan quitter la nièce de ladite Duparc, et fut joindre le dépofant
avec lequel, voulant s'en retourner en leur chambre, il fut étonné que celui
qu'il avoit laifTé dans la cour du logis de ladite Duparc fortit et vint joindre,
tant celui qui étoit fur le pas de la porte, que un autre qui étoit au milieu de
la place, lefquels fuivirent tant lui dépofant que ledit Ca/;//an Jufqu'à l'entrée
de la rue de la Boucherie-St-Honoré, où le plus grand des trois, s'approchant
dudit Capitan, et le regardant au nez, l'obligea de lui demander à qui ils en
(i) M«rquise-Thérése de Gorle, fîemme de Reai Berthelot, dit Duparc. Cette célèbre actrice
faisait, ainsi que son mari, partie de la troupe que Molière amena de province à Paris, en 1658.
L'année suivante, M^^ Duparc et son mari passèrent au théAtre du Marais, puis, en i6éo, ils ren-
trèrent chex Molière. M^^' Duparc devint veuve en 1664, et, cédant aux suggestions de Racine, elle
passa, en 1667, à l'hôtel de Bourgogne, où elle créa Andromaque, Elle mourut l'année suivante,
1668, k peine âgée de 2$ ans. (Jal, Dictionnaire, p. 936.)
Marignan. j
voaloicnt. Fut cconné que pour ri^ponfc, fc retirant d'un pas, dit en ces
termes, parlant audit Capitan « Ah i je renie Dieu ! bougre de coquin, c*e(l
trop ! m mit cnfuite TcpOe nue i la main, et en auroit allongé deux coups
dans la cuifle gauche ; ce qu'éunt refTenti par ledit Capitan, il auroit tiré un
ptftolct de poche. G: que entendu, par lui déposant, il fc feroit misendéfenfe
COBXTC ledit quidam, d*où n'ayant pu venir â bout, pour être le plus foible, il
auroit fuivî ledit Capitan qui s'enfuyoit du côté de la rue de Richelieu, et
rjorott joint et A lui dit qu'il eût à le fuivre du côté des Quinze- Vingts, où,
aa lieu de venir, auroit continué de fuir par le haut de la rue de Richelieu
ofe, pcn de tom aprb, il auroit appris par deux porteurs de chaifes qu'il au-
roit rcocootrés, ainfi qu'il frappoit i la porte du logis où il ei^ demeurant,
me do Boucheries, qui lai auroient dit que celui qu'il cherchoit étoit tombé
dans la rue de Richelieu, et croyoient qu'il fût mort, où à l'inflant il fût avec
k laquais de M. de Belfunce, qui avoit un flambeau à la main. Où étant et
le trouvant, il auroit imploré notre fecours pour le faire tranfporter en la
chambre de lui dépofant, et où ledit Capitan dcmeuroit pareillement. A
appris du depuis, que ceui qui Tavoient ainfi aflhfTiné étoient deux valets de
pied de la Reine et un trompette du Roi.
Signé : Jo Gios&m Giakatons.
l JnèMM m*H 0msUt, Y. I|,tst-)
MARIGNAN. On sait bien peu de choses sur Marignan, qui
dèbuu i la Comédie-Italienne le 4 avril 1758, par le rôle
i^ArUquin, dans Timon le Misanthrope, comédie en trois actes, en
prose, sui\îc d*un divertissement, par de Lisle, et fut reçu la même
antKc comme acteur i pension. Au mois d*avril de Tannée 1759,
ses appointements furent portés à 2,400 livres, mais quelque
temps après, ayant refusé un rôle qu'on lui avait distribué, le duc
d*Aumont, premier gentilhomme de la chambre du roi, lui donna
son congé.
Marignan quitta alors Paris et alla jouer en province, à
Lyon vraisemblablement, jusqu'en 1767, époque où un nouvel
ordre de début l'appelai la Comédie -Italienne, toujours pour
remplir Temploi des Arlequins. Le i*' avril 1768, il fut reçu aux
Les Comédiens italiens.
appointements de 3,000 livres, qui furent portés à 3,600 livres le
26 avril 1770.
Marîgnan a créé le rôle du commissaire dans les Trois Jumeaux
vénitiens, comédie de CoUalto, représentée le 7 décembre 1773,
et Grimm, en veine de bienveillance ce jour-là, déclara qu'il avait
joué « avec une vérité et un comique bien au-deflus de Préville
dans le Mercure galant » .
En 1774, Marignan n'était plus attaché à la Comédie-Italienne.
(las Spectacles de Paris, 1759 et 177J. — Grimm,
Correspondance liitirairet VIII, 254. — Le Col'
portturt par Chcvrier.)
1759. — 19 feptembre.
Marignan est renvoyé de la Comédie-ltalienne pour avoir refusé un rôle.
Le fieur MarignJin n'ayant pas voulu jouer un rôle qui lui avoit été donné
dans la Gouvernante (i), je lui ai donné fon congé. Je vous prie, Monfieur,
d'en faire expédier Tordre.
A Paris, le 19 feptembre 1759.
Signé ; Le Duc d'Aumont.
{Archives nationales, O', 846.)
Voy. Champville (Gabriel-Éléonor Hervé du Bus, dit).
MARINETTE (Laurence -Elisabeth DEL CAMPO,
femme de Tiberio Fiorilli, dite).
Voy. Fiorilli (Tiberio).
(i) Comâdie en trois actes, en vers par Avisse, représentée pour la première fois à la Comédie-
Italienne en 1737.
Marinette. — Marivaux.
MARINETTE (Angélique TOSCANO, femme de Joseph
TORTORITI, dite).
Voy. TotTORiTi (Joseph).
MARIO (Antoine -Joseph -Jean - Gaétan - Maximilien
BALLETTI, dit).
V{j. Balletti (Antoine-Joseph-Jean-Gaëtan-Maximiliek).
MARIVAUX (Pierre-Carlet de CHAMBLAIN de), né
ï Paris le 4 février 1688, mort dans la même ville, en son
domicile, me de Richelieu, le vendredi 11 février 1763. Il a fait
représenter à la Comédie-Italienne : V Amour et la Viriti, comédie
en prose, en trois actes, précédée d'un prologue en prose, 1720;
ArUquin poli par F Amour, comédie en un aae, en prose, 1720 ;
la Surprix de V Amour, comédie en trois actes, en prose, 1722 ;
la Double Inconstance, comédie en trois actes, en prose, 1723 ; le
Prince travesti, ou l'Illustre Aventurier, comédie en prose et en
trois actes, 1 724 ; la Fausse Suivante, ou le Fourbe puni, comédie en
prose et en trois actes, en colbboratîon avec Parfaict aîné, 1724;
tlle des Esclaves, comédie en prose et en un acte, 1725 ; l'Héri"
tier du village, comédie en prose et en un acte, 1 72 5 ; /^ Triomphe
de Plutus, comédie en prose et en un acte, suivie d'un divertisse-
ment, 1728; la Nouvelle Colonie, ou la Ligue des femmes, comédie
en prose et en trois actes, 1729 ; les Jeux de l'Amour et du Hasard,
comédie en prose et en trois actes, 1730 ; /^ Triomphe de l'Amour,
comédie en prose et en trois actes, 1732 ; l'École des mères, comé-
die en prose et en trois actes; suivie d*un divertissement, 1732;
r Heureux Stratagème, comédie en prose et en trois actes, 1733;
la Mépriu, comédie en un aae et en prose^ ^734 ; ^^ ^^^^ confi-
8 Les Comédiens italiens.
dente, comédie en prose et en trois actes, 173 S ; les Fausses Confi-
dences, comédie en prose et en trois actes, 1737 ; la Joie imprévue,
comédie en prose et en un acte, 1738; les Sincères, comédie en
prose et en un acte, 1739; les Stratagèmes de l'Amour, comédie
en trois actes, en vers, en collaboration avec du Perron de Cas-
tera, 1739; V Épreuve, comédie en prose et en un acte, 1740; la
Dispute, comédie, 1744.
En annonçant la mort de cet écrivain. Collé, dans son Journal,
s'exprime ainsi : « On n'a découvert qu'à fa mort que M"** de
Pompadour lui faifoit une penfion de mille écus. Si j'en dois
croire même une vieille demoifelle de Saint-Jean, avec laquelle il
demeuroit depuis plus de trente ans, elle l'avoit foutenu pendant
plufieurs années et il avoit vécu à fes dépens et, indépendamment
que je ne crois pas que cette bonne fille mente, la dépenfe que
Marivaux faifoit et aimoit à faire me perfuade aifément qu'elle
n'avance rien à cet égard qui ne foit vrai. Marivaux étoit curieux
en linge et en habits; il étoit friand et aimoit les bons morceaux,
il étoit très-difficile à nourrir. »
A ces intéressants détails sur la situation financière de Mari-
vaux, l'acte transcrit plus loin ajoutera quelques renseignements.
On y verra en effet que, depuis l'année 1757, M"* de Saint-Jean
et Marivaux, qui, comme le dit Collé, demeuraient ensemble rue
de Richelieu, jouissaient d'une rente viagère de 2,800 livres servie
par M. Frécot de Lanty, conseiller au Grand-Conseil. Cette
rente viagère n'était que le revenu à dix pour cent des capitaux
versés par eux entre ses mains, montant à 8,000 livres pour Ma-
rivaux et à 20,000 pour M"* de Saint-Jean.
Par une clause insérée à la fin de l'acte, la totalité de cette rente
viagère devait appartenir à celui des deux amis qui survivrait à
l'autre.
(Dictionnaire des Théâtres, HI, 336 ; VI, 584. — Les
Speetaeles de Paris, 176a. — Journal de Colli,
n, 388.)
Marivaux.
1757. — 15 octobre.
M. Fricot ii Lanty constittu utu rente viagère de 2,Soo livres â Pierre-Carlet de
ChamMaim de Marivaux et à M^^ Gabrieïle^ Angélique Anquetin de la Cha-
pelle àe Saint-Jean.
A tOQS cem qni ces préfentes lettres verroiit, Alexandre de Ségur, prévôt
4tt U ville de Piris» falut ; (avoir fairons que par-<levant maîtres et Gui!-
Uame Bioché, confeiller du Roi, nouire au Cbâtelet de Paris foufllgné, fut
pntfcnt meffiie Jacques Frécot de Lanty, confeiller du Roi en fon grand Con-
Ceil, demeurant â Paris, rue des Saints-Pères, paroilTe St-Sulpice : lequel a
prrtrmmiem créé et conditué et promis garantir, fournir et faire valoir â
ficar Pkrre Carlet de Marivaux, Tun des Quarante de TAcadémie françoife.
Cl â denioifclle Gabrielle-Angélique Anquetin de la Chapelle de St-Jean,
écmoifelle, deneuraiit lefdits fieur de Marivaux et demoifelle de St-Jean,
me de RicbeUen, paroilTe St-Euftache, à ce préfens et acceptans, pour eux
Cl le forvivani d'eux, leur vie durant et celle du furvivani, deux mille huit
omis livres de rente viagère exempte de toute retenue et autres impoûtions
généralement quelconques, préfentes ou â venir, que ledit fîeur de Lanty pn>-
OKI et s'oblige de leur payer en leur demeure â Paris ou au porteur, de fix
mots en ûx mois, dont le premier payement pour portion de tems échéra et
it fiera le premier janvier prochain, le deuxième en entier au premier juillet
fiùvam et ainû continuer de fix mois en fix mois tant que ladite rente aura
coors. Defdits deox mille huit cents livres de rente viagère ladite demoifelle
de St-Jean touchera deux mille livres par chacun an fur fcs fimples quitunces
Cl ledit ûcur Marivaux les huit cents livres reftantes, et après le décès du pre-
mier mourant deidiu (leur et demoifelle, le furvivant recevra, jouira ou dif-
pokra à Ci vdonté àt la totalité de ladite reme viagère, cnfemble de la por-
tion d*arrérages qui fe trouvera duc lors du décès du premier mourant. Enfin,
k com pi cr do jour du décès du furvivant defdits de Marivaux et demoifelle de
Ss-Jeta, ladite reme viagère fera et demeurera éteinte en fon entier audit
fieor àt Laory Cms que les héritiers ou repréfcnuns ledit furvivant puiflcnt
ries exiger dudit fieur de Lanty â cet égard. A avoir et prendre ladite rente
viagère préfcatement conilituée, tant qu'elle aura cours, fur tous les biens
meobles et immeubles préfens et i venir dudit fieur de Lanty qui les a affectés,
oMigés et hypothéqués i la garantir, fournir et faire valoir bonne et bien
payable Cus ancooe diminution, nonobdant toutes chofes i ce contraires,
leidits fienrde Marivaux et demoifelle de St-Jean que ledit fieur
10 Les Comédiens italiens.
de Lanty leur a préfentement payé en efpèces fonnantes et ayant cours,
compté, nombre et réellement délivré à la vue des notaires fouflignés, la
fomme de 583 livres 6 fols 8 deniers pour les arrérages de ladite rente via-
gère qui, à compter de ce jour, échéront au premier janvier prochain, dont
donnent quittance. Et lefdits arrérages ont été à Tinflant partagés entre lefdits
fieur de Marivaux et demoifelle de St-Jean proportionnellement à ce qui leur
en revient à chacun.
Pour affurer de la part dudit fieur de Lanty auxdits fieur de Marivaux et
demoifelle de St-Jean, le payement exact de ladite rente viagère, ledit fieur
de Lanty leur a préfentement cédé et tranfporté avec toute garantie et pro-
mefle de faire valoir, même payer faute y aurait-il de payement, fans être
tenus par lefdits fieur et demoifelle fufnommés, de faire aucune difcufiion ni
diligence que celle que bon leur femblera, les arrérages à l'avenir, à compter
du tems qui fera ci-après expliqué, de 3,322 livres 13 fols 4 deniers de rente
fujette aux impofitions, condituée fur les États de Bretagne au profit dudit
fieur de Lanty au principal, au denier cinquante, de 166,133 livres 6 fols
9 deniers en quatre parties : la première, de 800 livres au principal de
40,000 livres, par contrat paffé par-devant Leverrier, notaire à Paris, le
14 feptembre 1755; la deuxième, de 280 livres au principal de 14,000
livres, par contrat paffé par-devant ledit Leverrier, le même jour; la troi-
fième, de 1,165 livres 6 fols 8 deniers au principal de 58,266 livres 14 fols
4 deniers, par contrat paffé par-devant ledit maître Leverrier le 28 juin 1756,
et la quatrième et dernière, de 1,077 livres 6 fols 8 deniers, au principal de
53,866 livres 13 fols 4 deniers, par contrat paffé par-devant maître Lecomte,
notaire à Paris, le 26 février dernier, pour, par lefdits fieur de Marivaux et
demoifelle de St-Jean et le furvivant d'eux, toucher et recevoir les arrérages
defdites rentes, fauf à faire raifon audit fieur de Lanty de Texcédant defdites
2,800 livres de rente viagère par chacun an, ce qui a été accepté par lefdits
fieur et demoifelle fufnommés, fous la réferve de fe pourvoir quand bon leur
femblera, faute de l'exécution dudit tranfport, fur tous les autres biens dudit
fieur de Lanty.
A été néanmoins convenu que lefdits fieur de Marivaux et demoifelle de
St-Jean ne pourront faire ufage dudit tranfport qu'autant qu'ils ne feront pas
payés exactement par ledit fieur de Lanty des arrérages de ladite rente via-
gère dans les huit premiers jours de chaque femeftre. A été auffi convenu que
le payement des arrérages de cette même rente fe fera toujours en efpèces fon-
nantes d'or et d'argent, fans aucun papier ni autres effets de quelque nature
qu'ils puiffcnt être, encore qu'ils euffent cours dans les payemens ou fuffent
autorifés en vertu d'édits, arrêts et déclarations émanés du Roi et de fon
Confcil, au bénéfice defquels ledit fieur de Lanty a expreffément dérogé et
Matera7i:(i. 1 1
renoncé ; ccne condition <^tant cxprelTc et fans laquelle ces préfentes n'eufTent
eu Itcu.
Cette conditution fitte moyennant la fomnie de 28,000 livres, dont 20,000
l:\Tcs fournies par ladite demoifelle de St-Jcan et les autres 8,000 livres par
ledit tlcur de Marivaux, le tout que ledit ficurde Lanty reconnolt avoir pré-
fentement reçu en efpcces Tonnantes et ayant cours, comptées, nombrées et
rédlement délivrées k la vue defdits nouires, dont quittance. Se defTaififfant
ledit fieur de Lanty de tous Tes biens meubles et immeubles préfens et à venir
lu profit defdits fleur de Marivaux et demoifelle de St-Jean, voulant qu'ils en
fuient faifis et mis en polTeflJon par qui et aind qu*il appartiendra, etc.
Promet ledit fieur de Lanty de faire emploi de ladite fomme de 28,000
Grres i conftîtution de rente A fon profit fur les Éuts de Languedoc, et dans
k contrat qui fera paflfé faire déclaration que ladite fomme provient de la
préiente conftitution, afin que lefdits fieur de Marivaux et demoifelle de St-
Jean aient feuls privilège fur ledit contrat, etc.
Par ces mêmes préfentes, lefdits fieur de Marivaux et demoifelle de St-Jean,
pour fe donner des preuves réciproques de Tamitié qu'ils ont dit fe porter, fc
font par ces préfentes fait donation pure, ftmple et irrévocable, en meilleure
forme et manière que donation puiffe valoir, au furvivant d'eux, accepté ref-
pectivcment par lefdits ficur de Marivaux et demoifelle de St-Jean, du droit
rcfpectîf qu'a ledit furvivant de jouir de la toulité de ladite rente viagère de
3.&ao livres, enfemble des arrérages de la portion de cette même rente qui fe
troovcra duc lors du décès du premier mourant pour, par ledit furvivant, en
)ouir, faire et difpofer en pleine propriété comme de chofe i lui appartenant,
fe deiraifiiTant réciproquement en faveur du fur\'ivant dudit droit.
Cette donation ainfi faite parce que telle cil la volonté defdits fieur de Ma-
riraiiz et demoifelle de St-Jean, etc.
Fait et pjffé k Paris en la demeure defdits fieur de Marivaux et demoifelle
de Sc-Jcan, l'an 1757, le 16 octobre après-midi.
(Jrckiwtt UMtiamaUs, Y, }l7 )
MATERAZZI (François), dit le Docteur. Né à Milan vers
1652, François Materazzi fit partie de la nouvelle troupe
italienne recrutée par les ordres du duc d'Orléans, régent, qui
▼im s'éublir i Paris en 171 6, sous la conduite de Louis- André
Rjccoboni, dit Lélio. Il y fut chargé du personnage du Docteur,
12 Les Comédiens italiens.
qu'il joua pendant de longues années avec beaucoup d'esprit et
d'exactitude.
L'âge et les infirmités l'obligèrent à quitter le théâtre, et il
mourut le 29 novembre 1738, à 86 ans.
Ce comédien, que les contemporains nous représentent comme
gros et court, était un excellent homme, de mœurs régulières et
faisant aux pauvres de nombreuses aumônes. Le mariage qu'il
contracta, au mois de novembre 1731, avec Vincence Gallini-
Berttoï, veuve d'un acteur italien, Pierre Alborghetti, dit Pan-
talon, est une preuve sans réplique de la bonté de son cœur, car
il ne s'y décida que pour venir en aide à la veuve d'un camarade
et pour la sortir de la situation précaire que lui avait faite la mort
de son mari.
{DutiQnn^ire dtt Tbéi^rts, III, 346.)
1731. ^ 14 novembre.
Extrait du contrat dé mariage de François Materœ^ii et de M^^* Vinanu Gallini-
Berttoi, veuve de Pierre Alborghetti.
Du contrat de mariage pafTé devant Devifigny et Ton confrère, notaires à
Paris, le 13 novembre 1^731, entre François Materazzi, officier du Roi et natu-
ralifé François, natif de Milan, demeurant à Paris, rue Pavée, paroifle St-Sau-
veur, veuf, d'une part ;
Et demoifelle Vincence Gallini-Berttoî, veuve de Pierre Alborghetti, aufli
officier du Roi, natif de Venife, auifi naturalifée Françoife, demeurant fufdites
rue et paroiiTe, a été extrait ce qui fuit :
Et pour Teftime (îngulière et amitié que lefdits fieur et dame futurs époux
fe portent mutellement, ils fe font, par ces préfentes, fait donation mutuelle
entre vifs et réciproque Tun à l'autre et au furvivant d'eux ce acceptant réci-
proquement, de tous et chacuns les meubles, propres acquêts et conquéts,
immeubles de quelque nature qu'ils puiflent être qui fe trouveront appartenir
au premier mourant d'eux, au jour de fon décès, à quelque fomme que le tout
puiiTe monter et en quelques lieux, endroits et pays que lefdits biens puilTent
MatiiuccL — Mirtard. 1 3
être affis et fituési dana les pays étrangers, comme en Italie dans le Ferrarois
et tous antres endroits, etc.9 pourvu toutefois qu'au )our du décès du premier
mourant il n'y ait aucuns enfans vivans, nés, ni procréés du mariage et que,
s'il y en avoit et qu'ils vinffent à décéder en minorité ou avant d'avoir été
pourvus par mariage, religion ou autrement, ladite donation reprendra Ton
cfiiet et exécution.
{Jrthivts uâtioMMUs, Y, 334.)
iVjLATTlUCCI (Antoine), dit Collalto.
y^y. Collalto (Antoine Mattiucci, dit).
MÉNARD (NF**). On assure que M"* Ménard fiit dans son
enfance bouquetière sur les boulevards et que ce fut à force
de travail et de volonté qu'elle pamnt à apprendre dans la gram-
maire de Restaut les éléments de la langue et de la prononciation
françaises. Elle s'essaya alors sur différents théâtres bourgeois et
débuta à la Comédie-Italienne, le 27 mai 1770, par le rôle de
Louise dans le Déserteur, comédie en trois actes, paroles de Se-
daine, musique de Monsigny, où elle se montra^ paraît-il, supé-
rieure à ses devancières. Elle fut moins heureuse quelques jours
plus tard dans On ne s'avise jamais de tout, paroles de Sedaine,
musique de Monsigny, où Ton constata dans son jeu une inégalité
réellement surprenante. Grimm, dont la Correspondance littéraire
nous fournit ces détails, parle en ces termes de cette actrice :
La voix de W^ Ménard eft de médiocre qualité ; elle a eu on mauvais
mattre à chanter et (î elle periille dans fa mauvaife méthode, Ton organe
deviendra aigre et glappiffant ; mais avec de meilleurs principes et apprenant
i gouverner fa voix, fon chant pourra devenir affez bon pour ne pas déparer
14 Les Comédiens italiens.
fon jeu. Quant à celui-ci, elle a d'abord Pavantage d'un débit naturel et
d'une prononciation aifée. Elle ne parle pas du crâne et à la petite octave
comme M»"* Laruette et M»»* Trial. Sa figure eft celle d'une belle fille,
mais non pas d'une actrice agréable. Mettez à fouper W^^ Ménard, fraîche,
jeune et piquante, à côté de M^^* Arnould, et celle-ci vous paroîtra un fque-
Ictte auprès d'elle ; mais au théâtre ce fquelette fera plein de grâce, de no-
blcfle et de charme, tandis que la fraîche et piquante Ménard aura l'air gaupe.
Elle m'a paru avoir la tête un peu groffe et la carcafTe fupérieure de fes joues
eft un peu trop élevée, ce qui empêche que le vifage ne joue. On a beaucoup
parlé de la beauté de (os bras ; ils font très-blancs, mais ils font trop courts
et ont l'air de pattes de lion. En général, fa figure eft un peu trop grande et
trop forte pour les rôles tendres et ingénus comme font la plupart des rôles
de nos opéras-comiques. S'il faut dire ce que je pcnfe de fon talent, je
crois qu'il fera plutôt le fruit de fon application que d'un naturel heureux ;
mais une étude continuelle et opiniâtre peut auffi lui faire faire des progrès
prodigieux.
•
L'hostilité que montrait à cette actrice le maréchal duc de Ri-
chelieu l'empêcha longtemps d'être reçue. Enfin, grâce sans doute
aux sollicitations du duc de Chaulnes, son protecteur déclaré, le
maréchal se laissa fléchir et signa, le 4 février 1771, l'ordre de son
admission à l'essai et aux appointements de 1,200 livres pour dou-
bler M"*** Laruette et Trial.
M^** Ménard ne resta pas longtemps à la Comédie-Italienne, à
laquelle elle n'était déjà plus attachée depuis quelques mois, lors-
qu'on répandit sur son compte dans Paris une anecdote rapportée
en ces termes par les Mémoires secrets :
17 février 1773. Le Barbier de Séville, comédie de M. Caron de Beaumar-
chais, qu'on avoit annoncée, eft différé par une aventure très-fingulière arrivée
à l'auteur. Il eft fort lié avec M. le duc de Chaulnes (ci-devant Piquigny).
Celui-ci l'a introduit chez fa maîtreffe nommée Ménard. M. de Beau-
marchais eft aimable et infinuant auprès des femmes, en forte qu'il avoit
acquis une grande intimité auprès de celle-ci, chez laquelle il alloit beaucoup
depuis un an. Depuis quelques jours le duc de Chaulnes en a conçu une
telle jaloufie qu'il a voulu le tuer. Il étoit d'abord convenu de fe battre avec
Minier. 1 5
le (îcur Caron, en priifence de M. le comte de la Tour-du-Pin pris pour juge
du combat ; mais ce feigneur n*ayam pu fur-le-champ fe rendre ùi Tinvitation,
Il tctc du duc de Chaulnes s'el^ exaltée à un tel point chez Ton rival même
qu'il l'a voulu tuer dans fa propre maifon, et qu'il a été obligé de fe défen-
dre contre lui i coups de pied et de poing, mais i Ton détriment, Ton adver-
taire étant un des plus gros, grands et vigoureux perfonnages de France.
Les domeftiques ont été obligés de s'en mêler : la garde, le commifTaire, font
arrivés et Ton a dreiTé un procès-verbal de cette fcêne tragi>comique. Il a
fallu donner un garde à M. de Beaumarchais pour le garantir des fureurs
de fon advtrfaire dont on cherche à guérir la tête.
{L*$ S^UcUi d* Péril, 1771. ^ Grimm, Corrts-
^•ndmni* litléfirt, VI, 479. — Mimohêt sêcrtts,
VI, )4J. — ^ LoméDie, Btmmm*r<bmis tt ««• Umft,
1. «49)
1771. — 4 février.
U^' Mênard est reçue à Fessai et aux appointements de loo livres par mois.
Nous maréchal duc de Richelieu, pair de France, premier gentilhomme de
Il chambre du Rot ;
Nous duc de Duras, pair de France, premier gentilhomme de la chambre
du Roi .
Avons reçu, fous le bon plaifir de Sa Majefté, la demoifelle Ménard dans
la trojpe des comédiens iuliens i rclTai, aux appointemens de cent livres
par mois, pour doubler les demoifclles Laructte et Trial dans les rôles d*amou-
rrufcs, afin que nous pu i (Bons juger de fes talens.
A Pans, ce 4 février 1771.
Signé : Le Maréchal duc de Richelieu ; le Duc de Duras.
{Jrtknm msiê0m*Ui, O*, iiê.)
MÉNIER (P1ULIPPE-T110.MAS) débuta à la Comcdic-Ita-
licnne, le 9 février 177}, dans le Huron, paroles de Mar-
montcly musique de Grétry. II joua ensuite dans Sylvain, ouvrage
des mêmes auteurs , et dans le Déserteur, paroles do Scdaine,
musique de Monsigny.
i6 Les Comédiens italiens.
Admis d'abord à l'essài, il fut reçu à quart de part le 26 mars
1777, et peu après il obtint part entière.
Cet acteur était, paraît-il, d'une haute taille et d'un physique
très-avantageux. Sa voix de basse-taille était très-appréciée par le
public de la Comédie-Italienne, et il eût pu fournir une brillante
carrière s'il ne se fût pas livré à la dissipation et à la paresse.
Une note manuscrite, datée de 1787 et où se trouve consignée
l'opinion du Théâtre-Italien sur chacun des artistes qui compo-
saient alors la compagnie, s'exprime en ces termes sur son
compte : « Ménicr : avec un beau ph)r(ique, il n'a que de petits
moyens ; fon talent eft médiocre. Il eft tellement infouciant fur
fes progrès qu'il n'y faut pas compter. S'il étoit poffible, en dimi-
nuant fa fortune d'un quart de part, que cela l'obligeât de tra-
vailler utilement, peut-être faudroit-il eflayer ce moyen. »
Ménier avait épousé M"* Marie-Josèphe Borrée, avec laquelle il
vécut, parait-il, en assez mauvaise intelligence.
(Archives nationales, O*, 848* -^ Le» SpHkieUs de
Paris.)
1789. — 25 mai.
Plainte rendue par M''* Marie-Josèphe Borrée contre Philippe-Thomas Minier ^ son
mari, et contre un huissier au Parlement qui l'avait indignement maltraitée.
L'an 1789, le lundi 25 mai, quatre heures de relevée, en Thôtel et par-de-
vant nous Jean-Thomas Defrefne eft comparue demoifelle Marie-Jofèphe
Borrée, époufc de Philippe-Thomas Ménier, penfionnaire du Roi, demeurant
cul-de-fac Taitbout, maifon du fieur Roux, maître charron, paroiffe St-Euf-
tache : Laquelle nous a rendu plainte contre le fieur Ménier, fon mari, de -
meurant rue Taitbout, et M« Jouan, huiffier au Parlement, demeurant me de
La Harpe, leurs fauteurs et adhérens, et nous a dit qu'elle efl en procès en
la Cour avec fondit mari et a obtenu, le 23 du préfent mois, un arrêt qui fem-
bloit lui rendre pour toujours la tranquillité, lorfque de nouveaux procédés de
la part de fon mari et du fieur Jouan, fon confeil, font venus la troubler plus
Minier. 17
que jimais. Ledit arrêt de la Cour Tautorife à vivre féparément de fon mari,
dans telle maifon que bon lui feroblera, avec la demoifelle leur fille, dgée de
14 ans, faute par le fieur Ménier d*avoir vécu mariulement avec Ton époufe
et de ravoir traitée comme il le devoit ainfi qu'il le lui avoit été enjoint par
m antre arrêt du a8 mars dernier, et condamne ledit fieur Ménier à lui payer
pour elle et (a fille une penfion annuelle de 3 ,600 livres.
U ct\ i croire que des confcils pernicieux infinu6rent au fieur fon mari ou
que cet arrêt du 3) mai n*exifioit pas ou qu'il lui étoit po(fible d'en éluder
cocore les difpofitions, car cejourd^huî, k fept heures du matin, deux jours
après que ledit arrêt a été rendu, avant qu'elle ait pu le faire expédier et
figniûcr, fon mari, accompagné de M« Jouan et de deux quidams, s'eft pré-
(iezité cbci elle et s'eft mis en devoir d'y Caire rédiger un proc^verbal dont
elle ignore les motifs, mais dans le cours duquel on cfpéroit fans doute lui
ùirc fiire des réponfes qui pourroicnt compromettre fes intérêts et favorifer
les mes de fon mari, qui ont toujours été de la tourmenter et de la vexer de
mille manières fans néanmoins qu*il ait aucun reproche à lui faire et fans
qs'il ait ofé en articuler un dans les différentes procédures qui ont eu lieu
cairc eux.
La comparante, étonnée d'une telle vifite, dit à l'huifiier et à fes aflifians
qu'ils n*avoicnt aucun droit de refter chez elle, que rien ne pouvoit autorifer
leur démarche et qu'ils dévoient fe retirer ; que quant à fon mari, s'il avoit
quelque chofe i lui dire, il n'avoit bcfoin d'aucune efcorte. M* Jouan répondit
alors qu'il venoit pour fommer la comparante de déclarer Ç\ elle entendoit
recevoir fon mari. La comparante, qui avoit fu par fon défenfeur qu'il exidoit
depuis deux jours un arrêt qui pouvoit contenir des difpofitions contraires à la
fommation qui lui étoit faite, dit i M* Jouan qu'elle n'avoit rien â faire ni k
répondre fans avoir vu fes confcils et que ^\ fon mari vouloit y venir fur-le-
champ, ils s'y rendroient enferoblc. Cette réponfe déconccru ledit M« Jouan
d fes afTiilins qui, voyant échouer les projets qui avoicnt été prémédités, vou-
Icrent néanmoins les exécuter par des voies de fait et de rigueur. Ils cntcn-
dk>ient refier chez la comparante, mais celle-ci, déjA effrayée de leur appari-
tion et vt>yant qu'ils violoient de force fon domicile, appela au fecours chex
£0 TOifins. Le fieur Roux, propriéuirc de la maifon, monu chez elle, fit des
reprcfenuûons fur le trouble qu'on apportoit à fa locataire et on ne lui ré-
pondit que par des injures. Le fieur Ménier l'apoftropha plufieurs fois, lui dit
les chofcs les plus dures et les moins méritées, ce qui lui occifionna une
altercation avec le fieur Roux des fuites do laquelle le fieur Ménier ne crut
p^Mvoir fe tirer qu'en quittant un endroit dans lequel il étoit vifible qu'il
a'csoit venu que pour faire i fon époufe une fcène des plus aâfreufcs et des
^os humiliantes.
cou. t>v ROI. * II. a
i8 Les Cotnidiens italiens.
En effet, pendant le démêlé du fieur Ménier avec le fieur Roux, la compa-
rante, qui étoit defcendue quelques marches de Tefcalier, y fut fuivîe par
M« Jouan qui fe jeta fur elle avec fureur : il lui faifit le bras avec une telle
force que ^empreinte s'en eft faite par une meurtriflure noire qu'elle nous a
fait apparoir, il la pouffa enfuite fur la rampe de fer de Tefcalier où elle fe fit
plufleurs contufîons, favoir à la région droite des vraies côtes, ce qui lui a
depuis gêné la refpiration, et une féconde adez confidérable à la partie latérale
dé Pavant-bras, vers l'articulation, lefquelles font conftatées par le certificat
du fieur Emou, docteur en médecine et médecin ordinaire de Monfeigneur le
comte d'Artois. M^ Jouan la prit aullî par les cheveux. Enfin il leva fa canne
fur elle vraifemblablement pour l'en frapper. La comparante n'a pas vu ce
dernier gefie menaçant qui caractérife fi bien les intentions de l'huifiier de
fon mari, car dès le moment où elle fut faifie par M* Jouan, elle perdit con-
noifiance et s'évanouit, mais différentes perfonnes de la maîfon, attirées par le
bruit qu'occafionnoit cette fcène, ont été témoins de ces différentes voies de
fait et lui ont appris cette dernière circonfiance.
La comparante ainfi maltraitée par un huiflier qui s'eft préfenté chez elle
fans droit, fans qualité, fans y être autorifé foit par un arrêt, foit par une
ordonnance quelconque, qui s'y e(l même préfenté fans aucune apparence
extérieure qui pût annoncer qu'il étoit ofiicier public, ayant intérêt de fe
pourvoir à raifon des faits ci-deffus, elle efi venue en notre hôtel nous rendre
plainte, etc.
Signé : M. J. Borrée; Defresne.
{Archivts n^îionalts. Y, ia,o8}.)
Voy, PiTROT DE Lancy (M»«).
MÉZETIN. « Son caractère eft le même que celui de Sca-
pin; c'eft un valet rufé et intrigant qui eft toujours em-
ployé dans des fourberies et des déguifemens. » Cet emploi fut
tenu à la Comédie -Italienne par Angelo Constantini.
{Calendrier historique des Théâtres.
PAris, Cftilleau, 17s i-)
Voy. Constantini (Jean-Baptiste).
Michu. 19
MICHU (Louis), né à Reims le 4 juin 1754. Michu était
attaché à la troupe de Nantes quand un ordre des premiers
gentilshommes de la chambre du roi, en date du 3 décembre 1774»
rappela à la Comédie-Italienne, où il débuta le 18 janvier 1775
dans le Magnifique, paroles de Sedaine, musique de Grétry. Le
21 du même mois, il parut dans les rôles de Colin de la Clochette,
paroles d'Anseaume, musique de Duni, et de Cilicourt dans
Y Ami di la maison, paroles de Marmontel , musique de Grétry.
Deux jours après, il fut reçu à l'essai avec i ,800 livres d'appointe-
ments, et le 12 avril 1775, il obtint un quart de part et fut chargé
de doubler Clairval dans les amoureux.
Louis Michu, aaeur plein de zèle et de bonne volonté, avait un
talent réd qui lui valut l'honneur de donner à la reine Maric-
Aotoinette quelques leçons lorsque cette princesse s'amusa, en
1780, i jouer l'opéra comique.
Au physique, il était admirablement bien fait et d'une figure
charmante. Il s'habillait quelquefois en femme et disait, parait-
il, complètement illusion sous ce costume. Malheureusement,
les succès que lui valurent ses grâces lui firent prendre des airs
langoureux et eflféminés qui contribuèrent peut-être à sa réussite
dans ses rôles d*amoureux, mais qui paraissaient fort déplacés à
la ville où il avait le tort de les conserver.
On a gardé le souvenir de l'apostrophe que lui adressa un jour
on de ses camarades dans une discussion qu'ib avaient ensemble :
c Monsieur Michu, si je ne respectais votre sexe, vous auriez
ifiaire à moi. »
Nfalgré ces petits travers, Louis Michu fut un très-honnête
homme et un aaeur d'un mérite réel. Une note manuscrite, datée
de 1787 et où se trouve consignée l'expression du comité du
Tbcitre-Italien sur chacun des artistes qui composaient alors la
compagnie, s'exprime ainsi sur son compte : a Michu, avec de
20 Les Comédiens italiens.
foibles moyens qu'il ne devroit jamais forcer, eft très-utile et in-
fatigable. »
Quelques années plus tard, Louis Michu se trouva ruiné par
suite de la faillite de la salle Favart dans laquelle il avait mis toutes
ses économies ; il prit peu après la direction du théâtre de Rouen,
où il fit de mauvaises affaires. Il perdit alors la tête et se donna la
mort en se précipitant dans la Seine en 1 802 .
Michu avait un frère qui débuta à la Comédie-Italienne, le
13 juin 1780, par les rôles de Dubois dans les Paussês Confidences,
comédie en trois actes, de Marivaux, et de Frontin dans V Amant
auteur et valet, comédie en un acte, de Cérou. îl joua ensuite
Lucas d^Lns Julie, paroles de Monvel, musique dé Dézaides; Luèas
dans V Erreur d'un moment, ouvrage des mêmes auteurs; A:(pr
dans Zémire et A:(pr, paroles de Marmontel, musique de Grètry ;
Montauciel dans le Déserteur, paroles de Sedaine, musique de
Monsigny, etc., etc.
" Cet acteur, malgré une certaine intelligence, un masque avan-
tageux pour l'emploi des valets et quelques autres qualités réelles,
ne fut pas goûté par le public et ne put être admis à là Comédie-
Italienne.
(Jrehivts MaiiouaUs, OS 84^. — Les SptctaeUs ék
Paris, 1776 et 1781. — Mémoires secrets, XVI,
30 et ja. — Joumul de Paris, 1780» 14 juin. —
Revue des Comédiens, etc. Paris, Favre, z8o8. —
Biographie DidoU)
I
1774. — 3 décembre.
Ordre de déhul pour Louis Michu,
Nous maréchal duc de Richelieu, pair de France, premier gentilhomme
de la chambre du Roi ;
MUhu. 21
Nous duc de Duras, pair de France, premier gentilhotnmc de la chambre
du Roi,
Ordonnons au fieur Michu, actuellement comédien i Nantes, de fe rendre
i Paris pour y diîbuter fur le théâtre de la Comédie-Italienne dans les rôles
dTaroouretu.
Paris, ce 3 décembre 1774.
Signé : Le Maréchal duc de Richelieu ; le Duc de DuRiis.
(Ànhiméi MiM««Z«i, O*. 846.)
II
>77S- — 27 janvier.
Louis Mich» est reçu à Fessai aux appoiuUmens de iJBoo livres.
Noos maréchal duc de Richelieu, pair de France, premier gentilhomme de
la chambre du Roi ;
Nous nuréchal duc de Duras, pair de France, premier gentilhomme de la
chambre du Roi,
Avons reçu le fieur Micbu à Teflai, fous le bon plaifir du Roi, dans la troupe
de fes comédiens italiens, aux appointemens ordinaires de i,8oo livrfs pour
loocr en double l'emploi du fieur Clairval, afin que nous puiffîons juger de
fes takns.
A Paris, ce 17 janvier 1775.
Signé: Le liaréchal duc Di RiCHiuiu; le Duc Di DuiAS.
idtthmm MiM««J«« O*, 146.)
m
177$. — 12 tvril.
Louis Micbu est reçu à quart départ.
Sons maréchal duc de Richelieu, pair de France, premier gentilhomme de
La chambre dn Roi;
Soos mixiéchal dnc de Duras, pair de France, premier gentilhomme de la
chambre da Rot,
22 Les Comédiens italiens.
Avons reçu fous le bon plaifir du Roi, dans la troupe des comédiens ita-
liens de Sa Majefté le fieur Michu, à quart de part, à la charge par lui de
jouer remploi des amoureux en double du fieur Clairval, et nommément
tous les rôles qui feront jugés néceflaires pour le bien du fervice.
Fait à Paris, le 12 avril 1775.
Signé : Le Maréchal duc de Richelieu ; le Maréchal duc de Duras.
(Archivés nalionaUs, O', 846).
Voy. Philippe (Philippe Cauvy, dit) ; Pitrot de Lancy (M"«) ; Raymond
(Gabriel-François) ; Verteuil (M"«).
M
ILON (Marie-Jeanne).
Voy. Trial (Antoine).
MONSIGNY (Pierre-Alexandre), né le 17 octobre 1729,
à Fauquembergue , en Artois, diocèse de Boulogne. Ce
compositeur a fait représenter à la Comédie-Italienne les Aveux
indiscrets, paroles de la Ribardière; le Maître en droit, paroles de
Lemonnier; le Cadi dupé, paroles du même auteur; On ne s'avise
jamais de tout, paroles de Sedaine, ouvrages qui furent joués
d'abord à TOpéra-Comique en 1759, 1760 et 1761; le Roi et le
Fermier, paroles de Sedaine, 1762; Rose et Colas, paroles du
même, 1764; YUe sonnante, paroles de Collé, 1768; le Déserteur,
paroles de Sedaine, 1769; le Faucon, paroles du même, 1772;
le Rende:(j'Vous bien employé, paroles d'Anscaume, 1774; la Belle
Arsène, paroles de Favart, 1775, et Félix, ou V Enfant trouvé,
paroles de Sedaine, 1777.
Monsigny est mort à Paris le 14 janvier 18 17.
{Us SpuUeUs dt Paris, 1789. — Félix Clément,
Us Musieiens dlibres, p. 127.)
Mofjsigny. 23
1780. — 1*^ avril.
Brevet d'une pension de 1,500 livres accordée par le roi
à Pierre- Alexandre Monsigny.
Brevet d'une penfion de 1,500 livres en faveur du fieur Pierre- Alexandre
Monfigny, né à Fauquenberque en Artois, diocèfe de Boulogne, le 17 octobre
1729, bapiifé le même jour dans la paroiflTe de St-Léger de ladite ville, pour
lui tenir lieu de la gratification annuelle de pareille fomme qui lui a été
accordée fur les dépenfes extraordinaires des menus plaifirs fans retenue, par
décifion du 19 février 1774.
i" avril 1780.
(Pièces jointes au brevet.)
I. — Acte de baptême de Monsigny,
Du regiflre aux actes de batefmes, mariages et fépultures de la paroiflfe de
St-Léger en la ville de Fauquembergue en Artois, diocèfe de Boulogne :
Appert que le dix-fept octobre mil fept cent vingt-neuf, Pierre-Alexandre
Monfigny, fils légitime de fieur Nicolas Monfigny et de dame Antoinette
Dufrefne, et né le même jour, a été batifé en ladite paroifTe par le fieur
Gobron, curé de ladite paroifTe, et que fes parain et maraine ont été fieur
Pierre-François Mitaine et demoifelle Marie-Catherine Dufrefne qui ont fouf-
crit l'acte avec le père.
2. — Déclaration autographe de Monsigny relativement à sa pension.
Le fieur Pierre-Alexandre Monfigny, maître d'hôtel de S. A. S. monfei-
gneur le duc d'Orléans, né le 17 octobre 1729, à Fauquembergue, province
d'Artois, baillage deSt-Omer, baptifé ledit jour 17 octobre, dans la paroifTe
de St-Léger dudit lieu de Fauquembergue, demeurant à préfent à Paris, au
Palais-Royal, déclare avoir obtenu du Roy une gratification annuelle de
quinze cents livres fur les fonds extraordinaires des menus, qui luy étoit payée
fans retenue et dont il luy refle dû une année jufqu'au premier janvier 1779.
Fait à Paris, ce 29 octobre 1779.
Signé: Pierre- Alexandre Monsigny,
{Archives nationales, OS 683.)
/
24 Les Comédiens italiens.
MOULINGHEN (Louise-Frédêrique SCHRŒDER, ma-
riée à Jean-Baptiste-Michel). Connue d'abord au
théâtre sous le nom de M"* Frédéric, cette actrice, fille d'un
directeur de troupe de province, débuta à la Comédie-Ita-
lienne le i8 octobre 1764, comme danseuse, et le 20 du même
mois, comme actrice, dans la Servante maîtresse, comédie de
Baurans, musique de Pergolèse , et après elle joua les rôles de la
gouvernante dans le Maître en droit, paroles de Lemonnier,
musique de Monsigny, et de Fatime dans le Cadi dupé, ouvrage
des mêmes auteurs. Les débuts de cette actrice furent difficiles,
et ce n'est qu'à force de travail qu'elle parvint à se créer une
place honorable au théâtre, où elle fut reçue en 1769. En 1770,
elle épousa Jean-Baptiste-Michel Moulinghen, musicien attaché
à l'orchestre de la Comédie-Italienne. Depuis cette époque,
M°* Moulinghen se consacra tout entière à l'emploi des duègnes,
qu'elle remplit à la satisfaction générale et dans lequel son talent
se développa de jour en jour. Elle possédait une rare entente de
la scène, beaucoup de chaleur et de gaîté, une aaivité infati-
gable et se recommandait surtout par le soin et l'exactitude
qu'elle apportait dans le choix de ses costumes. Une maladie peu
grave d'abord, mais qui devint tout à coup sérieuse, causa sa
mort, arrivée le samedi 25 novembre 1780.
« Elle avoit, dit Grimm, beaucoup de juftefle et de volubilité
dans la voix ; elle jouoit fort naturellement les rôles de duègnes
et ceux de mères et pouvoit être encore très-longtemps d'une
grande utilité à la Comédie-Italienne. »
M"* Moulinghen eut trois sœurs qui furent attachées comme
elle à la Comédie-Italienne : V M"* Frédéric cadette, qui débuta
comme danseuse le même jour qu'elle, le 18 octobre 1764, et
qui joua, le 21 du même mois, les amoureuses dans la Fille
mal gardée et dans le Maître en droit, paroles de Lemonnier, mu-
Moulinghen. 25
sique de Monsigny. Elle fut reçue plus tard actrice à pension ;
2* M"* Lambert, qui débuta, le 29 avril 1781 , par les rôles de
Mopsa dans le Jugement de Midas, paroles de d'Hèle, musique
dcGrétry; à* Alix dans les Trois Fermiers, paroles de Monvel,
musique de Dézaides; de la mère Boby dans Rose et Colas, paroles
de Sedaine, musique de Monsigny ; de la duègne dans le Magni-
fique, paroles de Sedaine, musique de Grétry, et de Claudine dans
le Maricbal ferrant , paroles de Quêtant, musique de Philidor.
yp^ Lambert, qui eut cependant un certain succès, ne fut pas
reçue; 3* M"" Saint- Aubin, dont il sera parlé plus loin.
{Lts SfêcUtUs dé Pmritp 17*$, 178a. — Grimm, C«r-
rtip^nd^mu litlérmire, X, 418. — Mémoirti tttrrts,
XVI, $4. — y*«r»ai d* Paris, 1781, 18 mAi.)
1775. — 9 avril.
àf» Lmim-FrUiri^ Scbradtr, fmm di Jêan-Baptist^Michel Moulinghen,
est augmmtii éTum quart di part.
Sons maréchal duc de Richelieu, pair de France, premier gentilhomme
de la chambre du Roi ;
Noos duc de Duras, pair de France, premier gentilhomme de la chambre
du Roi,
Avons accordé i la dame Moulinghen, comédienne italienne du Roi, un
qaift de part d'augmentation pour continuer â jouer les duègnes en double
et tous les rôles qui feront jugés néceflaires pour le bien du fervice.
Fait â Paris, le 9 avril 1773.
Signé : Le Maréchal duc di Richelieu ; le Duc de Duras.
{ Jtwàh m mKmsIé», 0>, 846.)
N
IAINVILLE. On prétend que ce comédien était le
fils luturel de Caillot. Il débuta au Thédtre-Italien,
le 3 mai 1767, dans le Maréchal ferrant, paroles de
Quéunt, musique de Philidor. Il joua ensuite dans
h Fitt du château, divertissement de Favan ; dans le Cadi dupé,
pirc^ de Lemonnier, musique de Monsigny; dans les Deux
Cbassemrs et la Laitière, paroles d'Anseaume, musique de Duni ;
dans Mji^et, ouvrage des mêmes auteurs, et dans le Soldat
wugifien, paroles d'Anseaume > musique de Philidor, et fut
admis i l'essai.
Naînvilic avait une figure agréable, de l'aisance, des gestes
prèds et wie voix charmante dont tes inflexions rappelaient i s'y
méprendre celles de son prétendu père.
Reçu à portion de pan en 1769, il fut admis k part entière le
10 avril 1772 et prit sa retraite 1 b clâture de 1780.
Lt Journal de Paris a £iit en ces termes l'éloge de Nainville :
Le publie a M doulooicafcmeiit iumai de la retraite inattendue et prf-
« de cet actcnr. Noni fommes difpenfé de ialre foa éloge, parce <iu'îl
28 Les Comédiens italiens.
eft dans la bouche de tous les amateurs de ce fpectacle. Oa fait et Ton répète
partout qu'au mérite d'un jeu perfectiomié par Tufage fans jamais avoir rien
perdu de fon naturel, il joîgnoit ce que Ton n'acquiert point, une des plus
belles voix qu'on ait jamais entendues. Nous ne dirons point, de peur de
décourager fes fuccedeurs, qu'il ne pourra jamais être remplacé, mais nous
ne céderons point de le donner pour modèle à ceux qui doivent courir la
même carrière et de les exhorter à tâcher de compenfer par le fecours de
l'étude et du travail ce que la nature lui avoit accordé fi libéralement. Nous
ne reprocherons au fieur Nainville que fon infouliance pour la célébrité, in-
différence qui vient d'arrêter fa marche au milieu de fes fuccès et qui dérobe
aux plaifîrs du public de longues années de jouiffance.
Nainville mourut quelques mois seulement après avoir pris
sa retraite. Il avait épousé, en 1778, une de ses camarades de la
Comédie-Italienne, M"« Pétronille-Rosalie Beaupré, dont il a été
parlé plus haut.
{Lês SpectacUs de Paris, 1768. — IHmoifêS Sêerttt,
XV, I2X i XIX, 317. --Jomriutl d* Pmrig, )i oMff
1780.)
177a. — 10 avril.
Nainville obtient part entière.
Nous maréchal dac de Richelieu, pair de France, premier geûtilhomme de
la chambre du Roi ;
Nous duc de Duras, pair de France, premier gentilhomme de la chambre
du Roi :
Avons accordé au fieur Nainville, comédien italien, jouant les opéras-
comiques, un quart de part d'augmentation pour compléter fa part entière, à
la charge par ledit fieur Nainville de continuer à jouer les mêmes rôles que
par le paffé et tous ceux qui feront jugés néceOGûres pour le bien du fer-
vice, etc.
A Paris, ce lo avril 177a.
Signé : Le Maréchal duc de Richeueu ; le Duc de Duras.
{Arthtvts nationales, O*» 846.)
Narbonm. 29
NARBONNE. Avant d'appartenir au théâtre, Narbonne
était, dit-on, abbé et attaché à la musique de Notre-Dame
de Paris. Un ordre de début l'appela en 1772 à la Comédie-Ita-
fienne, où il parut pour la première fois, le 25 octobre, dans le
râle de Sylvain dans Sylvain, paroles de Marmontel, musique de
Grétry. Il joua ensuite Wessern dans Tom Jones, paroles de Poin-
sinet, musique de Philidor; le Huron dans le Huron, paroles de
Mannontd, musique de Grétry ; Richard dans le Roi et le Fermier,
paroles de Sedaine, musique de Monsigny, et Julien dans le Sor-
cier, paroles de Poinsinet, musique de Philidor.
Grimm a rendu compte en termes assez sévères du début de ce
comédien, à qui il ne trouva pas la voix formée et qui, selon lui,
ne savait ni jouer ni chanter. Le public fut plus indulgent que
I*auteur de b Correspondance littéraire, il applaudit Narbonne à
tout rompre, trouva son chant plein d'expression, son jeu spiri-
tnd et le jugea capable de remplacer Caillot qui Venait de
prendre sa retraite.
Moins d'un mois après son premier début, Narbonne fut reçu
aux appointements de 2,400 livres, et le 26 avril 1773, il fut
admis à quart de part. Deux ans après, le 12 avril 1775, il fut
poné k demi-part, et à part entière un peu plus tard.
Ce comédien, qui s'est particulièrement dbtingué dans la Co^
htdi, paroles de Framery, musique de Sacchini, dans la Belle
Anèm, paroles de Favan, nmsique de Monsigny, et dans Biaise
et Babif, ûu la suite des Trois Fermiers, paroles de Monvel, mu-
sique de Dézaides, prit sa retraite en 1787 avec 1,500 livres de
(Ârtkhtt m^tiêmmtii, O*, S4t. — Ui SpteUgtm it
P»ri$t 177)* — Grimai, Corm^miMmtt liuérmîrt,
VIII, toé.)
30 Les Comédiens italiens.
I
1 772. — 1 1 septembre.
Ordre de début pour Narbonne.
Nous maréchal duc de Richelieu, pair de France, premier gentilhomme
de la chambre du Roi ;
Nous duc de Duras, pair de France, premier gentilhomme de la chambre
du Roi,
Ordonnons aux comédiens italiens de Sa Majefté de lai (Ter débuter le fleur
Narbonne fur leur théâtre, dans les rôles qui pourront lui convenir, afîn que
nous puiffions juger de Tes talens.
A Paris, ce 11 fcptembre 1772.
Signé : Le Maréchal duc de Richelieu ; le Duc de Duras.
(Archivas nationaUt, O^ 84e.)
II
1772. — 21 novembre.*
Réception de Narbonne avec appointements de 2,400 livres.
Nous maréchal duc de Richelieu, pair de France, premier gentilhomme
de la chambre du Roi ;
Nous duc de Duras, pair de France, premier gentilhomme de la chambre
du Roi,
Avons reçu le fleur Narbonne dans la troupe des comédiens italiens du Roi
fur le pied de deux cents livres par mois avec les jetons d'afTemblée et de
répertoire.
Fait à Paris, le 21 novembre 1772.
Signé : Le Maréchal duc de Richelieu ; le Duc de Duras.
(Archives nationaUs, O', 846.)
Nar bonne. 31
m
177). — 26 avril.
Riuption de Karhonne à quart de part.
Koas maréchal de Richelieu, pair de France, premier gentilhomme de la
dumhre du Roi ;
Koos doc de Duras, pair de France, premier gentilhomme de la chambre
do Roi,
Atom reçu fous le bon plaifir du Roi, â la Comédie-Iulietme, le (leur
Kirboone â quan de part, à la charge par lui de continuer de jouer tous les
r61cs de Ton emploi et tous ceux qui feront jugés néceffaires pour le bien du
A Paris, le 26 avril 1773.
Signé : Le Maréchal duc de Richelieu ; le Duc de Duras.
IV
1775. — 12 avril.
NarboHfU obtient demi-part.
Nous maréchal duc de Richelieu, pair de France, premier gentilhomme de
la chambre du Roi ;
Nous maréchal duc de Duras, pair de France, premier gentilhomme de la
chambre du Roi,
Avons accordé au fienr Narbonne, comédien italien du Roi, un quart de
part d*augmemation pour Caire avec le quart dont il a joui jufqu'à ce moment
00e demi-part, i la charge par lui de continuer i jouer les rôles de Ton
emploi et tous ceux qui feront jugés néceilaires pour le bien du fervice de la
cour et de Paris.
Fait i Paris, ce 12 avril 1775.
Signé : Le Maréchal duc de Ricueueu ; le Maréchal duc de Duhas.
32 Les Comédiens italiens.
1780. — 7 avril.
Narbonne est mis à V amende pour avoir manqué à son service sous prétexte
d'indisposition.
Nous maréchal duc de Richelieu, pair de France, premier gentilhomme
de la chambre du Roi,
Inftruit que le fieur Narbonne, après avoir été infcrit fur le répertoire pour
jouer Bîaife dans la Coîonie{i\ avoit dit qu*il étoit enrhumé et malade et avoit
en conféquence chargé de ce rôle le fleur Mefnier, le mercredi $ avril le foir;
qu'une indifpofition fubite furvenue au fieur Mefnier Tavoit forcé d'envoyer
chez le fieur Narbonne pour l'engager à reprendre le rôle pour ne point fsûre
changer le fpectacle affiché, et qu'après avoir dit qu'il étoit incommodé il
n'étoit chez lui ni à 4 heures ni à 7 heures du foir.
En conféquence de notre ordre du 3 avril 1780, lu à l'aiïemblée, qui porte
que tout acteur ou actrice indifpofé doit refter chez foi pour fe foigner et fe
mettre très-promptement en état de reprendre fon fervice, le fieur Narboime,
qui y eil contrevenu, payera l'amende de 100 livres fur la fommequi lui re-
viendra fur le mois d'avril.
Ordonnons par le préfent au caiflier de les lui retenir pour être diflribuées
aux quatre garçons de théâtre, et mandons de nouveau aux femainiers de
veiller à la plus févère exécution de notredit ordre du 3 avril, à peine de
payer eux-mêmes l'amende qu'il porte s'ils avoient négligé de nous rendre
compte des contraventions.
Paris, ce 7 avril 1780.
Signé : Le Maréchal duc db Richelieu.
(^Àrchivts nationales f O', 84e.)
(i) Comédie en deux actes imitée de l'italien et parodiée sur la musique de Sacchini par Framery.
o
ICTAVE CJean-Baptiste CONSO'ANTINI. dit).
YtJ. CONSTANTINI (jEAK-BAPTISTe).
o:
CTAVE MLE VIEIL OCTAVE (jEAU-AiiDRé ZANOTTI,
'dit).
Yoj. ZANom (Jean-Andrë).
VJrazio (N.
. ROMAGNESI, dit).
ytrj. Benoinelli (Hyacimtiie) ; Romacnesi (Marc-Antowe).
cou. DU ROI. — U.
lAGHETTI (Pierre).
Voy. ToRTOMri 0osEt>ii).
PANTALON. « C'eft un bourgeois, homme lîmple et de
bonne foi, mais toujours amoureux et qui eft la dupe d'un
rival, d'un fils, d'un valet ou d'une fendante. D'autres fois, c'eft
un père de famille plein d'honneur, extrêmement délicat fur fa
parole et très-fèvère envers fes enfans, dont il eft cependant tou-
jours la dupe. Enfin, c'eft fouvent un mari ou un amant jaloux
que chacun prend plaifîr à tromper. » (^Calendrier historique des
Théâtres. Paris, Ciilleau, 17SI-)
Voy. Alborghetti (Pierre) ; Collalto (AnTomE Mattiucci, dit);
Sncom (Fabio) ; Véronëse (Charles-Antoike).
36 Les Comédiens italiens.
i ASCARIEL (Joseph TORTORITI, dit).
Voy, ToRTORiTi (Joseph).
X ERCEVAL (M"0.
Voy, PiTROT DE Lancy (M"«).
PHILIDOR (François-André DANICAN), né à Dreux, le
7 septembre 1726. Philidor a fait représenter à la Comédie-
Italienne : Biaise le Savetier, paroles de Sedaine; V Huître et les
Plaideurs, paroles du môme ; le Soldat magicien, paroles d*An-
seaume ; le Jardinier et son Seigneur, paroles de Sedaine ; le Ma-
réchal ferrant, paroles de Quêtant, ouvrages joués d'abord sur
le théâtre de TOpéra-Comique ; Sancho Pança, paroles de Poin-
sinet, 1762; le Bûcheron, paroles de Castet et Guichard, 1763;
le Sorcier, paroles de Poinsinet, 1764; Tom Jones, paroles du
mCme, 1765 ; le Jardinier de Sidon, paroles de Pleinchesne,
1768 ; le Jardinier supposé, paroles de Favart, 1769 ; la Nouvelle
École des Femmes, paroles de Moissy , 1 770 ; le Bon Fils, paroles
de Devaux, 1773 ; les Femmes vengées, paroles de Desforges, 1773.
Philidor est mort à Londres, le 31 août 1793-
{Ut SptciacUs de Paru, 1789. — Félix Clément :
Us MuticUm eiUhru, p. m.)
1779. — i*' décembre.
ht¥4t ilt une pension de i,ooo livres accordée par le Roi à François-André
Danican-Philidor,
Bkçvvt ^runc pcnHoQ de i,ooo livres en faveur du (leur François- André
lViu\,4U-iHùlulor, né à Dreux, diocëfe de Chartres, le 7 feptembre 1726,
Pbilidor. 37
haptîfé le même jour dans Téglife Sc-Édenne de ladite ville, et ayant reçu
le fopplément des cérémonies du baptême le 16 octobre 1727, dans la paroiflTe
St-Picrre de la ville de Dreux, qui lui a été accordée fans retenue fur les
dépcnfes extraordinaires des menus plaifîrs, le 31 décembre 1773, en confidé-
ndoQ de plufieurs ouvrages par lui mis en muûquc et exécutés au théâtre de
la Cour à Verfailles et i Fontainebleau, tant pour les fpcctacles ordinaires
^oe pendant les fêtes du mariage de monfeigneur le comte d* Artois.
!•* décembre 1779.
(PliCBS JOINTES AU BREVET.)
I . — Acte de hapténu ds PhUidor.
Extrait du regidre des baptêmes de St-Pierre de Dreux, diocèfe de
L'an mil fept cent vingt-fept, le jeudy feixième octobre, François-André,
oék feptième de feptembre de Tannée mil fept cent vingt-fix, et baptifé
pirmoy preflre, curé de cette églife, en Téglife de St-E(lienne dudit Dreux,
avec h permiifion de monfeigneur Tévefque de Chartres, le premier feptembre
4t laditte aimée mil fept cent vingt-tix, signée Charles- François, évefque
^ Chartres, avec paraphe, du légitime mariage du (leur André Danican de
Philidor, ordinaire de la mufique du Roy et garde de fa biblioth(rque, et de
daDOtTelle Elifabeth Le Roy, fa femme, de cette paroifTe, a receu les céré-
■oûs de baptême de moy preflre curé de cette églife foubfigné. Le parrain :
knrii et pniflant (eignetir meflire François ChaiUou, feigneur de Jonville, qai
a donné les noms ; la marraine : haulte et puiflante dame Catherine Guille
Ptoat, qos a (igné avec le fieur parrain, père et mère.
2. — DkUmiom éUiicgn^bes de Philidor relativimint à sa pension.
Je fonffigne et déclare que le Roi a eu b bonté de m'accorderune penfîon
4t mil livres tournois fur les menus plaifirs en 1774 par forme de récom-
pcnfc tant pour différens opéras-comiques de ma compofition repréfentés i
la Cour que pour mon opéra d^Ermlindi, donnée i Verfailles pour les fêtes
Ai nariage de monfeigneur le comte d* Artois.
A Fans» œ 10 èoùx 1779.
Signé : Amoké Danican Phiudob, Agée de 53 ans.
38 Les Comédiens italiens.
Le fieur François- André Danican Philidor, né le 7 feptembre 1726, à
Dreux, élection et généralité de Paris, diocèfe de Chartres, baplifé le 16 oc-
tobre 1727 dans la paroiffe de St-Pierre dudit Dreux, demeurant à préfent à
Paris, rue Montmartre, déclare avoir obtenu du Roi une penfîon ou gratifica-
tion annuelle de mille livres en 1773 en récompenfe de plufieurs ouvrages
de fa compofition donnés et repréfentés pour le fervice de la Cour foit dans
les fêtes des marriages et pour les voyages de Fontainebleau, fur les fonds
extraordinaires des menus, qui lui étoit payée fans retenue ^t dont il lui refte
dû deux années jufqu'au premier janvier 1779.
Fait à Paris, le 15 octobre 1779.
Signé : A. D. Philidor.
{Archiva nalionalêt, O^ 673.)
PHILIPPE (Philippe CAUVY, dit), né en 1754, était acteur
dans la troupe de Versailles quand un ordre de début l'appela
à la Comédie-Italienne, où il débuta avec le plus grand succès, le
9 août 1780, dans le Magnifique, paroles de Sedaine, musique
de Grétry. Il joua ensuite Alcindor dans la Belle Arsène, paroles
de Favart, musique de Monsigny, et A:(pr dans Zimire et A^^or,
paroles de Marmontel, musique de Grétry. Sa belle figure, le
timbre agréable de sa voix, qu'il savait adoucir avec une grâce
inexprimable dans les morceaux de sentiment, lui méritèrent, le
I*' octobre de la même année, sa réception à quart de part avec
promesse de demi-part dans un bref délai.
La plus importante création de Philippe à la Comédie-Italienne
est celle de Richard dans Richard Cœur-de-Lion, comédie en
trois actes, paroles de Sedaine, musique de Grétry, représentée
pour la première fois le 21 octobre 1784. Le compositeur de la
musique de ce remarquable ouvrage nous a transmis dans ses
Mémoires quelques détails intéressants sur les incidents qui pré-
cédèrent immédiatement cette représentation :
Philippe. 39
Nous confiimes, dh-il, le rôle de Richard à Philippe, qui n*en avoit pas
encore créé et qui, depuis ce fuccès, a mérité de plus en plus les applaudif-
feroens du public. A pluficurs des répétitions, la beauté des fituations, la
fenfibiiité de Tauteur, jointes au défir de bien remplir fon rôle, exaltoient
foo imagination au point que les larmes Tétouffoicnt lorfqu^il vouloit répon-
dre i Bloodel : Un regard tU ma hdU„. Le jour de la première repréfentation,
cet acteur plein d*ardeur et de zèle fut attaqué fubitement d'une extinction
de xQVL ; il n*étoit plus temps de changer de fpectacle, la falle étoit comble.
U me fit appeler dans fa loge. — « Voyons, chantez-moi votre romance. » Il
articula quelques fons avec peine. « C*e(l bien li, lui dis-je, la voix d'un pri-
ibnnîer ; tous produirez TefFet que je défire, chantez et foyez fans inquiétude. »
Lt pinerre donna raison à Grétry. Philippe fut d'abord assez
mal accueilli, mais l'aaeur, prenant alors la parole, expliqua aux
specuteurs, en termes respectueux, l'accident qui lui était arrivé,
protesu de son zèle et de sa bonne volonté et fut applaudi à tout
rompre pendant le reste de b soirée.
Qudque temps après, une admiratrice de Philippe, M"* Adé-
kîde de Savomin, lui adressa, à propos de son rôle de Richard,
les \-eis suivants :
L'orgueil, la médiocrité,
Sont le trifte fruit des éloges ;
D'un tribut poétique un acteur enchanté
Obtient fouvent trop urd, s'il eft trop tôt chanté.
L'aveu du parterre et dt% loges.
Il eft heureux : il a joui ;
Sur le fuccès d'un jour fa fierté fe repofe ;
Il n'a plus de rivaux et fon œil ébloui
Voit un laurier dans une rofe.
Loin de craindre pour toi ces fuperbes accès,
Philippe, i t'enhardir le public me convie.
Dans Richard ta voix affoiblie
Nous promenoit d'abord un timide fuccès ;
Une aflurance noble i ton jeu rend la vie,
Et je revois, plus anendrie.
40 Les Comédiens italiens.
L'amant de Marguerite et le monarque anglois.
Sois inquiet» modefte et même avec excès,
J'y confens ; oui, la modeftie
Embellit le talent, mais la timidité
Le prive de Ton énergie
Et d'une ombre importune offufque fa clarté.
La première eft fa fœur, l'autre eil Ton ennemie.
Faut-il révéler un fecret
Qjae mon fexe ne fait pas taire ?
Au théâtre comme à Cythère
On peut être vif et difcret,
Sage et hardi ; c'eft l'art de plaire.
Ta voix, ta fenfibilité.
Tout nous fait défirer que ton cœur s'abandonne /
A fa touchante vérité.
Malgré l'ufage qui trop fouvent empoifonne
La fource de nos fentimens.
Des plus belles fleurs du printems
Je te promets une couronne.
Le 14 avril 1788, Philippe fut reçu à part entière^ et la même
année une note manuscrite^ où se trouve consignée l'opinion du
comité de la Comédie-Italienne sur chacun des artistes qui com-
posaient alors la Compagnie, s'exprimait ainsi sur son compte :
(c Philippe a un beau phyfique joint à une voix fenfible, un peu
voilée, mais intéreflante. Il doit fe garder de la forcer, car alors
elle eft infupportable. Il doit aufli foigner fa prononciation, ayant
un accent défagréable, mais il eft en chemin pour acquérir une
réputation méritée. »
Après la dissolution de la Comédie-Italienne, cet acteur resta
attaché au théâtre de l'Opéra-Comique, dont il faisait encore
partie en 1805. Mais il était alors, parait-il, bien déchu de son
ancienne réputation, car un critique théâtral de l'époque parle
de lui en ces termes : « Philippe a eu de la réputation, il l'a même
méritée dans les tyrans, les rois et les rôles chevaleresques. U a
Philippe. 41
bien joué, bien chanté Topera comique ; il ne reste plus de tout
cela qu'une ombre et de faibles souvenirs. »
Philippe est mort vers 1820.
(Jrehipis natiûmaUs, 0\ 848. — Ltt SpêcUuUt i*
Paris, 1781. — Mémoires secrets, XXVI, 308. —
Journal de Paris, 1780, lOftoût; 1786, is février.
-^ L'Opinion dn parterre, par M. Valleran. Paris,
Marttne^ an XIU (180$). — Mémoires d* Gré-
iry, I, 290.)
I
1780. — i** octobre.
Philippe est reçu à quart de part avec promesse ^un second quart.
Noos maréchal duc de Richelieu, pair de France, premier gentilliomme
de la chambre du Roi,
Avons reçu, fous le bon plaiûr de Sa Majeflé, le fieur Philippe au nombre
de Tes comédiens italiens ordinaires, à quart de part, et lui promettons un
fécond quart i Pafque§ prochain, à charge de jouer, après les fleurs Clairval,
Michu et Dorfonville, les rôles de haute-contre et de fe rendre utile dans ceux
de bafle-taîlle.
Paris, ce i** octobre 1780.
Signé : Le Maréchal duc de. Richelieu.
{Arckices nsiicmëUs, O*, 846.)
n
1788. — 14 avril.
Philippe obtient part entière.
Nous duc de Fronfac, pair de France, premier gentilhomme de la chambre
du Roi,
Avons accordé un demi-quart au fieur Philippe pour compléter fa part.
Paris, ce 14 avril 1788.
Signé : Le Duc de Fronsac.
{Arekiva natêouaUt, O', 846.)
42 Les Comédiens italiens.
PICCINELLI (Anne). L'histoire de M"* Piccinelli est assez
singulière. Née en Italie, elle fut abandonnée sur le grand
chemin par ses parents. Une paysanne la recueillit par charité, la
nourrit de son lait et Téleva tant bien que mal jusqu'à l'âge de
huit à neuf ans. A cette époque, l'enfant était fort gentille et pro-
mettait de devenir une très-jolie femme. Elle fut remarquée par
une dame qui l'acheta de sa nourrice, moyennant une modique
somme d'argent, dans le but de tirer plus tard profit de ses char-
mes. L'enfant reçut alors, grâce à cette femme, une éducation
soignée dont elle profita admirablement, et bientôt elle fut en état
d'entrer au théâtre, où sa beauté fit sensation et lui attira les hom-
mages de plusieurs personnages opulents, parmi lesquels celle qui
passait pour sa mère fit un choix qu'elle voulut lui imposer.
Mais la jeune actrice, qui avait déjà disposé d'elle-même, se révolta,
quitta sa protectrice, en choisit une autre, avec laquelle elle vint à
Paris, et débuta à la Comédie-Italienne, le 6 mai 1761, par le rôle
d^ Angélique dans la Cantatrice italienne, pièce en deux actes, où
elle se montra assez mauvaise comédienne, mais chanteuse de pre-
mier ordre. Elle joua ensuite Cecchina dans la Bonne Fille, pièce
italienne en trois actes, de Goldoni, et Zerbine dans la Serva
padrona, pièce italienne en deux actes, et fiit reçue le 20 du
même mois à part entière.
Ce brillant début fit du bruit dans Paris ; l'actrice devint à la
mode et son histoire, qu'elle ne cachait pas du reste, s'étant ré-
pandue, il arriva qu'un jour toutes les femmes qui successivement
lui avaient servi de mère, même la vraie restée jusque-là inconnue,
se présentèrent chez elle et se la disputèrent avec acharnement.
« Je lui ai donné la vie », disait la première, la vraie. — « Je l'ai
nourrie de mon lait », s'écriait la seconde. — « Moi, afcmait la
troisième, je l'ai achetée et j'ai payé son éducation. » — a Quant
à moi, ripostait la quatrième, elle est venue librement à moi, je la
Piccinelli. 4}
garde ! » Bref, cette dernière triompha ; toutes les autres mères,
même la vraie, furent mises à la porte avec une égale somme
d'argent, et M"* Piccinelli continua, non sans succès, sa carrière
théâtrale.
Le 23 juin 1762, elle créa d'une manière remarquable le princi-
pal rôle dans la Nouvelle Italie, comédie italienne et française en
trois actes, mêlée d'ariettes, et dont l'auteur, Georges Bibiéna,
fut condamné plus tard à être pendu pour crime de viol, et
n'échappa que par la fuite à la potence.
Vers la même époque. M"* Piccinelli épousa un sieur Vézian,
dont la sœur, ancienne figurante à la Comédie-Italienne et passée
depuis à l'Académie royale de musique, a eu une certaine célébrité
dans les annales de la galanterie du xviii^ siècle. Ce Vézian, grâce
à l'influence de sa sœur sur diflférents personnages en crédit, avait
obtenu un emploi considérable dont le revenu était, paraît-il,
assez important.
Favart, dans les Mémoires duquel se trouvent une partie des
détails racontés plus haut sur M"* Piccinelli et ses quatre mères,
a rapporté aussi quelques incidents qui égayèrent les préliminaires
de cette union :
Prêt i célébrer le mariage, dit-il, on découvre que M"« Piccinelli n'a pas
été baptifée ; on procède préliminairement à cette cérémonie. A peine eft-elle
achevée que la dernière maman, qui étoit préfente, fe précipite les larmes
aux yeux dans les bras de fa fille putative en s'écriant : « Ah ! ma pauvre
enfant, te voilà dans Tétat d'innocence 1 Eh ! pourquoi m'a-t-on baptifée
fitôt ? Si l'on avoit attendu jufqu'à préfent, je ferois audi blanche que neige.
Oui, meffieurs, dit-elle en fe tournant vers ralFemblée, c'ed aujourd'hui que
je la reconnois pour une brave fille, et fi quelqu'un veut lui arracher un
cheveu de la tête, il fera regardé comme un héréticîe, » Le lendemain ed le
jour de la cérémonie nuptiale ; on interroge la future : « Étes-vous fille !
— Non, monlieur, répond la cantatrice. — £h ! pourquoi dis-tu cela ? dit
la maman en lui donnant un coup de coude. — £h I mais vous favez bien
que j'ai eu un enfant. — Qu'efl-ce que cela fait ? en es-tu moins fille pour
44 Les Comédiens italiens.
cela ? Oui, monfieur, dit-elle au prêtre en le tirant un peu à l'écart, il eft
vrai que cette petite malheureufe a fait un enfant : je ne fais pas comment
ça s*e{l fait. — Comment I vous ne favez pas ? Ne dites point cela i\ haut,
prenez donc garde ? — £h I vraiment j'y ai pxis garde aufli, car je fuis une
honnête femme, quoique cela ne paroifle pas ; mais faut vous dire vrai, mon
cher monfieur : il eft venu un jeune homme nous voir, je ne les ai laides
enfemble qu'un pauvre clain d'œil : je n'ai eu que le temps de defcendre et
de monter, ne voiià-t-il pas que le bigre d'enfant eft bâdé 1 Qui eft-ce qui
diroit ça, mon cher monfieur ? Mais à tous péchés miféricorde : elle eft bien
heureufe d'être baptifée, la coquine I elle peut aller maintenant tête levée et
cela ne doit pas empêcher qu'elle foit mariée légitimement. Aufli vous pou-
vez la coucher fur votre papier en qualité de fille, ou de femme, ou de
veuve, comme il vous plaira : ça n'y fait rien. » Le célébrant eut beaucoup
de peine à la faire taire et prononça le Vos conjungo en riant fous fes doigts.
On ne saurait dire si M"*' Piccinelli-Vézian trouva le bonheur
dans le mariage et si elle fut plus heureuse en mari qu'en mères ;
on sait seulement qu'elle prit sa retraite à la Comédie-Italienne
le 19 mars 1766 et que, postérieurement à 1769, elle retourna
jouer sur les théâtres d'Italie, témoins de ses premiers succès.
(Archives nationales, O^ 847. — Almanach des
Speeiaclest 1761. — Mémoires secrets, I, $2 ; XVI,
167. — Mémoires de Goldoni, III, 16. — Œuvres
de M. et de Af>a« Favart, Paris, Eugène Didier,
i8sj, p. j$o.)
I
1763. — 29 mars.
M^lê Piccinelîi reçoit l'avis de montrer désormais plus éP exactitude à remplir
son devoir.
Sur les plaintes qui nous ont été faites du peu d'exactitude de la demoifelle
Piccinelîi, les comédiens auront foin de la prévenir de remplir plus exacte-
ment à l'avenir fon devoir et d'avoir foin de fe former dans les rôles pour
lefquels elle a été reçue.
Fait à Verfailles, ce 29 mars 1763.
Signé : Le Duc de Ditras.
(^Archives nationales, O', 846.)
Piccinellù 45
II
1769. — 10 octobre.
M^ Bose^Caihmn^-Pauîine Vemier, pensionnaire de V Académie royale de musique,
accnsê Af ^ Anne Piccinelli de l'avoir grossièrement insultée et de l'avoir mena--
eée de mort.
L'an 1769, le lundi 10 octobre, dix heures du matin, en notre hôtd et par-
devant nous Jean-François Hugues, etc., eft comparue demoifelle Rofe-Ca-
tfaerine-Pauline Vemier, penûonnaire de 1* Opéra, demeurant rue du Mail,
paroifle St-£uftache : Laquelle nous a rendu plainte contre dame Anne
Pichinelli, demeurante rue St-Martin, au coin de celle Ste-Appoline, maifon
d'un marchand de vins, et dit qu'elle eft née à Naples, de parens à elle in-
connus qui l'ont placée dans un hôpital de ladite ville; que demoifelle Jeanne
Viale, veuve du fieur Vemier, chef du gobelet du roi de Naples, l'a retirée
chez elle dès fa plus tendre enfance fans lui faire connoitre depuis fon origine
ni lui rendre les marques diftinctives que fes parens avoient mifes fur elle
pour la reconnoitre et qu'elle retient induement ; que ladite Vemier Ta ame-
née à Paris il y a plufieurs années, l'annonçant dans le monde comme (a
fille et à la faveur de cette prétendue qualité s'eft emparée journellement des
cadeaux qui ont été faits à la comparante par fes connoiflances et en a dif-
pofé i fon gré ; que le caractère întéreflTé de cette femme s'eft développé par-
ticulièrement au mois de novembre 1767, temps auquel elle fe fépara de la
comparante et lui emporta tous fes diamans et bijoux qu'elle ne voulut lui
rendre, telles follicitations qui lui ayent été faites, ainû qu'il eft à la connoif-
fance de M. le comte de St-Florentin et de M. le Lieutenant général de
police, qu'en lui faifant une donation de 600 livres de penfion viagère
exempte de toute impofition royale, et ce par acte paffé devant M* Momet,
notaire à Paris, le 20 novembre 1767 ; que depuis cette conftitution la fup-
pliante, qui ne connoiftbit pas l'irrégularité d'un pareil acte, en a payé les
arrérages jufqu'au i*' juillet demier, mais qu'inftruite par fes confeils que cet
acte étoit mil et fans effet : x^ parce que la comparante étoit mineure, ainfî
qu'il eft porté audit acte et reconnu par ladite dame Vemier ; 2* qu'une mi-
neure ne peut contracter en aucun cas à fon défavantage, mais toujours faire
fon bien ; $* que cet acte a été par elle foufcrit comme contrainte, unique-
ment dans la vue de ravoir fes diamans et bijoux ; qu'il a été drefté en la mai-
fon de ladite dame veuve Vemier et non pas en l'étude dudit M. Momet, à
l'efiet par elle de mieux ufer de l'afcendant qu'elle avoit fur la comparante;
46 Les Comédiens italiens.
que ces confidérations ont déterminé la comparante à fe pourvoir par lettres
de refcifion contre cet acte, et qu'elle en pourfuit actuellement l'entérinement
contre la veuve Vemier, en conféquence de l'ordonnance fur requête de
M. le Lieutenant civil ; que n'ayant pas payé le jour d'hier, par les motifs
ci-deiïus, le terme échu de ladite penfion, la dame Vemier, continuant contre
la comparante fes vexations pafTées lui a envoyé cejourd'hui la dame Pichi-
nelli, fa fœur (i), heure préfente, à l'eHetde lui demander de l'argent ; que
connoiflant Tes fureurs, elle n'a pas jugé à propos de lui ouvrir fon apparte-
ment ; qu'alors la dame Pichinelli s'eft répandue contre la comparante, qui
ne lui doit rien, en invectives de toute efpëce, la traitant de g...., de p ,
difant hautement qu'elle et la dame Vernier, fa fœur, Taflaflineroient. Et
comme la plaignante a intérêt de faire cefler les mauvais propos de ladite
femme Pichinelli et de prévenir fes menaces, elle eft venue nous rendre la
préfente plainte.
Signé : R. C. P. Vernier ; Hugues.
(Archives nationaUs, Y, ii,oio.)
PIERROT. « Ce rôle a pris naiffance à Paris dans la troupe
des comédiens italiens prédécefleurs de ceux d'aujourd'hui.
Voici comment : de tout temps TAriequin avoit été un ignorant.
Dominique, qui étoit un homme d'efprit et de favoir et qui con-
noiffoit le génie de notre nation qui veut de Tefprit partout s'avifa
d'en mettre dans fon rôle et donna au caractère d'Arlequin une
forme différente de l'ancienne. Cependant pour conferver à la
Comédie-Italienne le caractère d'un valet ignorant, on imagina le
rôle de Pierrot et il remplaça l'ancien Arlequin. » {Calendrier his-
torique des Théâtres. Paris, Cailleau, iJSi-)
Voy. BiANCOLELLi (DoMmiQ.UE) ; Ghérardi (Évariste), note du document
coté I ; Sticotti (Fabio).
(i) De laquelle des quatn mères de Mii« Ptccinelli la dame Vernier était-elle fille ? C'est ce qu'il
parait assez difficile de savoir.
Pitrot. 47
X^ITROT (Antoine-Bonaventure).
Jl ITROT (Louise RÉGIS, dite Rey, femme de).
Antoine-Bonaventure Pitrot, après avoir été successivement
danseur ï l'Académie royale de musique à Paris et maître des bal-
lets de rÉleaeur de Saxe, roi de Pologne, épousa, le 26 novembre
1761, en l'église Saint-Jean-Baptiste de Varsovie la première dan-
seuse du théitre de cette ville, Louise Régis, dite Rey, dont il avait
été le professeur et précédemment attachée aux trois spectacles de
Paris, l'Opéra, b Comédie-Française et la Comédie-Italienne.
En 1764, les deux époux revinrent à Paris et signèrent avec les
comédiens italiens un engagement, le mari, comme maître des
haUets et premier danseur, la femme comme danseuse, aux ap-
pointements annuels de 6,000 livres pour eux deux.
Leur début eut lieu, le 24 octobre de la même année, dans le
ballet mtitulc Ulysse dans File de Circi, dont Pitrot était Fauteur.
M** Pitrot y obtint un grand succès par la grâce et la légèreté
de sa danse, mais son mari fut moins goûté. « Comme dan-
(cnr, dit Grimm, il a le bufte aflez bien, mais la jambe groflfe,
beaucoup de force, des à-plombs finguliers, point de grâce, rien
de dota ni de moelleux dans fes mouvemens qui font brufques
€t durs; il n'arrivera jamais à b perfection de Veftris. En revanche,
je crob qu'il n'y a pas un danfeur qui fafle une pirouette aufll vi-
Soomifement que lui. »
L'année suivante, un assez singulier procès s'engagea entre les
don époux. M** Pitrot, déjà plusieurs fois mère et sur le point
de Titre encore, fatiguée sans doute de son mari, prétendit qu'elle
<tait pas mariée, que son union était nulle, et quitta furtivement
le domicile conjugal en emporunt diverses valeurs, des papiers
48 Les Comidiens italiens.
importants et des bijoux et reprit hautement son nom de demoi-
selle. Pitrot se pourvut immédiatement en justice et fit paraître
un mémoire dans lequel M* Marquet, avocat, n*eut pas de peine
à anéantir les prétentions insensées de sa femme qui répondit par
un contre-mémoire dont la rédaction est attribuée au célèbre Élie
de Beaumont. Dans ce factum, Tavocat ne pouvant valablement
combattre aucun des raisonnements de Pitrot, se jetait en dehors
du procès et établissait avec un grand nombre de pièces à Tappui
que ledit Pitrot était un véritable coquin.
Une procédure très-compliquée suivit ces deux mémoires et
l'on vit les deux époux se disputer avec un acharnement épique,
dont témoignent les documents transcrits plus loin^ la possession
de leurs hardes et de leurs bijoux.
Enfin, après deux années de complications et de péripéties, le
Parlement rendit un arrêt qui déclarait le mariage valable, obli-
geait la femme à retourner vivre avec son mari et déclarait ce
dernier chef de la communauté. Quelques jours avant. M"* Pi-
trot, qui prévoyait sans doute cette solution, s'était &it inscrire à
l'Académie royale de musique, ce qui lui permettait d'échapper
à l'autorité conjugale.
Le triomphe d'Ânioine-Bonaventure Pitrot au pabds de justice
avait été précédé d'une cruelle humiliation essuyée par lui à la
Comédie-Italienne, dont il fut chassé au mois de mars 1766 pour
incapacité.
(Grtmm: — CorrttpomdMuct titiérmin, IV, 113. •—
Mimoiru uerets, II, aé), 369; lU, $<>•)
Pitrot. 49
I
1765. — 15 juillet
PkiaU rmim far Antoitu-Bonaventure Piirot contre M}^ Louise Régis, dite Rey,
sa femme.
L'aa 176$» le lundi 15 juillet, dix heures du matin, par-devant nous Jean-
Eapciâc Lcnuirc, etc., en notre hôtel, eft comparu ûeur Antoine-Bonaventure
Pimc, miltre des ballets et premier danfeur de la Comédie-Italienne, demeu-
not i Paris, me Comteflc-d* Artois, paroifle St-Euflache : Lequel nous a dit et
dèdarê qu'étant né i Marfeille ainfi que demoifcUe Louife Régis, dite Rey,
ktk cpoufe actuelle, il a dans les premières années fait diâférens voyages et
fifoors tant dans les villes capiules du royaume que dans celles des autres
de TEurope, le tout pour Texercice de fcs talcns, jufqu'en 1744; qu'étant
i l'Académie royale de muûque en qualité d'un des premiers danfeurs,
3 a épouft i Paris demoifelle Anne-Madeleine Rabon, laquelle eft décédée en
ccne ville en 1758, rue Ste-Anne. Pendant ce premier mariage, il paflbit une
pmie de Faoaée i Paris et l'autre en Saxe, ou en Pologne, foit avec fon époufe,
foit fans elle, étant lors au fcrvice de l'électeur de Saxe, roi de Pologne, père
de Madamr b Dauphine, en qualité de maître des ballets et de premier dan-
far. Qpdqne tems avant le décès de fon époufe, il avoit entrepris divers
loyafcs ca Prufle, Allemagne, Autriche et Italie, à la fuite dcfquels il fe rendit
i Fim pour l'arrangement des affaires de la fucceflion de fon époufe. En 1747
01 174$» la demoifelle Rey, née ainfi que le comparant i Marfeille, étoit
«ose i Paris avec fa mère. Elle fc rendit dès lors écolière dudit ûeur compa-
rut et elle excella dans fon art au point d'entrer alternativement aux trois
fftOÀclcs de Paris, Opéra, Comédie-Italienne et Comédic-Françoifc, et en
cmrc aux petits appartcmens du Roi. Vers 1758, époque du décès de l'époufe
Cq comparant, la demoifelle Rey le pria de lui donner de nouvelles leçons.
Elk avoît quitté le théitrc, elle avoit fans doute reconnu la diminution de
ks talcns p«r la diminution que les comédiens françois firent fur fes appoin-
lODem ; Tétat de miftre où elle fe trouva lors toucha le comparant et fit
mieaCkhkmeax naître une paflion qui le conduifit au point de facrifier pour
dk «Dc partie de £a fortune en payant la majeure partie de fes dettes, en
MOL — n. 4
50 Les Comédiens italiens.
retirant fes bijoux qui étoient engagés et en empêchant plufieurs fois de vendre
Ton mobilier faifi. La demoifelle Rey, de Ton côté, correfpondit aux fentimens
du comparant et foit par principe de reconnoiflance, foit par inclination véri-
tablement décidée, elle lui facrifia tous autres objets. Elle devint enceinte et
n'étant plus attachée à aucun fpectacle de Paris, elle partit pour la cour de
Stuttgart, où le comparant alla la joindre et elle y accoucha d'un enfant mâle
qui y e(l décédé. Dans leur fôjour à Vienne, où ils avoient été appelés pour le
mariage de Tarchiduc Jofeph, la féconde groflelTe de la demoifelle Rey fe dé-
clara. Le comparant fut obligé de pafler à Varfovie pour le fervice du roi de
Pologne, mais la demoifelle Rey, ne pouvant pas y danfer à caufe de fon état,
revint à Paris, du confentement du comparant, pour y faire fes couches. Elle
y accoucha en effet chez fa mère, rue de Richelieu, le 28 avril 1761, d'une
fille qui fut baptifée le lendemain à St-£uftache et nommée Charlotte-Louife,
fîlie d'Antoine Pitrot et de Louife Régis, le père abfent. Environ fix femaines
après fes couches, le comparant revint à Paris comme il étoit convenu pour
reprendre la demoifelle Rey et la conduire à Varfovie. Il la fît lors entrer au fer-
vice du roi de Pologne, en qualité de première danfeufe. C'eft là où ils fe
marièrent, fuivant le projet qu'ils en avoient formé depuis longtems, et la
bénédiction nuptiale leur fut donnée le 26 novembre 1 761, en l'églife paroif-
fialle et collégialle de St-Jean-Baptifte de Varfovie, par l'ofHcial général de
Téglife métropolitaine, après difpenfe de bans et fans aucun empêchement ; le
tout ainfi qu'il eft conftaté par l'extrait de célébration dudit mariage qui lui
a été délivré, le 12 mars 1762, par Jacques Mamèle, vicaire perpétuel et pro-
cureur de ladite églife collégialle, lequel extrait lui a été délivré en langue
latine et revêtu du fceau du chapitre de ladite églife. Les conventions de leur
mariage avoient été préalablement rédigées en françois et (ignées par les par-
ties en préfence des notaires de Varfovie et légalifées par les officiers muni-
cipaux. C^e traité ou convention leur fut remis pour le dépofer à leur retour
en France. Le comparant ne peut rendre compte en détail des conventions
de ce traité qui, comme il l'expliquera par la fuite, lui a été nouvellement
fondrait et enlevé. Se rappelle néanmoins qu'il contient une reconnoiffance
que tous les meubles, effets et bijoux généralement quelconques, même à
Tufage de la demoifelle, appartenoient audit fieur comparant. Il contenoit de
plus une autre reconnoiffance refpective du comparant et de ladite demoifelle
Rey de l'enfant commun né à Paris le 28 avril 1761. Le comparant et la de-
moifelle Rey, fon époufe, font partis de Varfovie au carême 1762 pour fe
rendre à Paris où, peu de tems après, ils apprirent la mort de M. le duc de
Montmorenci qui, par fon tedament, avoit légué à la demoifelle Rey 4,000
livres de rente. Elle fe trou voit en outre créancière de fa fucceflion d'une fomme
de 152,000 livres portée en deux billets dudit feigneur, l'un de 80,000 livres
Pitrot. 3 1
et Fautre de 72,000 livres. La demande en délivrance des legs fut formée au
nom de la demoifelle Rey comme autorifée du fieur Pitrot, fon mari, et Tinf-
tmce cil encore fubrillante. La demoifelle Rey, époufc du comparant, eft
accouchée d*un troifièmc enfant le 16 avril 1763, qui a été baptifé le
à St-Eullachc et nommé Louife-Antoincttc, dllc d*Antoine-Bona-
Pitrot, bourgeois de Paris, et de Louifc Régis, fa femme, demeurant
de Richelieu, le père préfent. Cet enfant eft pareillement décédé en août
176). Le comparant retourna feul à la cour de Saxe, où il paffa cinq mois. Il
fcrint à Paris pour reprendre fa femme avec toute fa famille et allèrent en-
iemble à Francfort danfer aux fêtes données i l'occafion du couronnement du
roi des Romains. Ils revinrent à Paris à Piques 1764, et dans le mois d'octo-
bre de cette année le comparant a foufcrit feul fon engagement tant pour lui
qœ pour fa femme avec les comédiens italiens pour trois ans et demi, à raifon
de 6,000 livres par an d*appointemens pour y danfer cnfemble et être ledit
ficar Pitrot maître des ballets ; engagement que ladite dame Pitrot a exécuté
et exécute encore. Dans le même mois, le père de la dame Pitrot eft décédé
à Cotigtuc en Provence, et la dame Régis, dite Rey, fa veuve, a fait nommer
le iîear Pîtrot tuteur de fes cinq petits-enfans mineurs, enfans de la foeur de
b dame Pitrot. Dans l'avis de parens et fentence de tutelle du 22 mai 1765,
ledit Pitrot eft dit oncle nutemel des mineurs à caufe de Louife Régis, fa
femme. Enfin, le fieur Pitrot et fon époufe ont toujours vécu enfemble avec
tranquillité jofqu'au 29 juin 1765, fête de St-Pierre , que ladite dame Pitrot
l'cft retirée le foir, en l'abfence de fon mari qui étoit au fpectacle de la Co-
nédie-Italienoe et qui ne l'a plus vue reparaître chez lui, ayant feulement
appris qu'elle coloroit fa fuite ou retraite du prétexte fuppofé de févices et
sauvais traitemens exercés contre elle, fait qui fe trouvoit démenti par fon
6st actuel, le comparant ayant lieu de la préfumer enceinte de deux mois et
li ou eoTiroQ. Il a de plus reconnu que ce départ avoit été précédé et ac-
de l'enlèvement général des bijoux, hardes et effets de la plus
gnade couléquence, qui n'a pu être exécuté par fon époufe feule. De laquelle
èkbntioo îl nous requiert acte (i).
Signé : Lemaire ; Pitrot.
{ ân h i m u msti^msUt, T, tj^ato.)
0) L* lt»Aam«în, Fitroi viat {»»Tt use soutcIU plainte et «Daoïiccr 4|ac m ftnint était retiré*
nM 4e Ri<Wlic«. â l'b^cl d'Orléea». Il entre ensuite Jant le 4éuil detobjeu ^«'elk
et te ai )«âlkt il it iwati^ner cba sa belte*mér« Misie énà'M o^tU,
52 Les Comédiens italiens.
II
1765. — 24 juillet.
M^'* Louise Régis, dite Rey, femme d*Antoine-Bonaventure Pitrot, se présente avec
son procureur au domicile de son mari pour y reprendre, en vertu d'ordonnance
du magistrat, des effets qui lui appartiennent. Réponses faites par Antoine-Bona^
venture Pitrot et par son procureur à cette revendication. Référés et établisse-
ment d^un gamisaire dans Vappartement de Pitrot,
L'an 1765, le mercredi 24 juillet, huit heures du matin, en notre hôtel et
par-devant nous Jean-François Hugues, etc., eft comparue demoifelle Louife
Régis, fille majeure, demeurant à Paris rue de Richelieu, paroifTeSt-Euflache:
Laquelle, afliftée de M« Clos, Ton procureur et au Chàtelet, nous a dit que la con-
formité de Tes talens avec ceux du fieur Pitrot, maître des ballets de la Comédie-
Italienne, lui ayant procuré fa connoiOfance, celui-ci lui propofa de fe mettre
en fociété et même de demeurer avec lui ; que la comparante y ayant confenti,
elle a été loger chez ledit fieur Pitrot et ils ont demeuré enfemble fous les
apparences de mari et de femme, quoiqu'il n'y ait aucun acte légal qui leur
conflitue cette qualité. Des circondances l'ayant déterminée à quitter cette
demeure, elle s'efl retirée chez la dame fa mère et a voulu emporter fes meu-
bles, robes, linges et effets ; ledit fieur Pitrot a refufé de les lui remettre
quoiqu'ils appartinffent à la comparante ; pourquoi elle a préfenté requête à
M. le Lieutenant civil qui, par fon ordonnance du 16 du préfent mois, à per-
mis de faiflr et revendiquer lefdits effets. Qu'en vertu de cette ordonnance, la
comparante a voulu faire procéder à ladite faifie-revendication, mais furie refus
fait par ledit ûeur Pitrot de faire ouverture de (es portes, la comparante a
préfenté une féconde requête à mondit fieur le Lieutenant civil, laquelle a été
répondue de fon ordonnance du jour d'hier par laquelle mondit fieur le Lieu-
tenant civil, vu le procès-verbal de refus d'ouverture de portes fait par Four-
rier, huifner à cheval audit Chàtelet, le 17 du préfent mois, a permis de faire
ouvrir lefdites portes par un ferrurier en préfence de deux voifins et de nous com-
miffaire, commis nommément à cet effet. En conféquence de quoi ladite de-
moifelle Régis nous requiert de nous tranfporter préfentement, avec elle et le
fieur Delpèche, huiflîer à cheval audit Chàtelet, en la maifon où efl demeu-
rant ledit fieur Pitrot, fife rue Comteffe-d'Ârtois, près le cul-de-fac de la Bou-
Pitrot. S 3
tcîUc, i reflet de faire faire roaverttire de Tappartement et autres lieux occupés
par ledit fieur Pitrot en ladite maifon, même des coffres et armoires qui fe
trottTcroQt renfermer les effets de la comparante, qu'elle a obtenu de faire
(tiûr et revendiquer, etc.
Signé : L. Régis ; Clos.
Sur quoi» nous commi(Iaire,etc., nous fommes au même infbnt tranfporté
avec demoifelle Louife Bérangé, veuve du fieur André Régis» mère de ladite
dcaoifclle Régis et fondée, ainfi qu'elle a dit, de fon pouvoir, lequel elle nous a
dhibé et que nous lui avons rendu, et ledit fieur Delpéche, huiffier, fufdite
rec CotmciTc-d' Artois, près le cul-^e-fac de la Bouteille, en la maifon où ed
dciBc ora at ledit Pitrot, et appartenant au fieur Mazion, marchand épicier, et
Boosé en on appartement au premier étage fur le devant, y avons trouvé et
cft compara par-devant nous ledit fieur Pitrot auquel ayant annoncé le fujet
de ootre tranfport, etc., l'avons interpellé d*y fatisfaire : A quoi ledit fieur
Pîlioc ooos a fait réponfe qu'il allott envoyer chercher M* Lefèvre, fon proco-
Ror an Chitelet, ce qu'il a fût i l'infbnt, et ledit M* Lefèvre étant furvenu,
lefit fîciir Pitrot, en notre préfence, lui a remis une clef et s'efl retiré ea
qa'U alloit i une répétition de ballet i la Comédie-Iulienne. Et au
tnfbuit ledit M* Lefèvre, etc., après avoir pris communication et lecture
dci ordonnance» de M. le Lieutenant civil en vertu dcfquelles nous agifTons, il
a Sx que kidttef ordonnances a voient été vifiblement furprifes i la religion
de iiioii£t fieur le Lieutenant civil, auquel ladite demoifelle Louife Régis a
fidicincm expofé qu'elle étoit fille majeure, qu'il efl au contraire certain
fi'clk eft éponfe dodit fieur Pitrot avec lequel fon mariage a été célébré, au
aob de novembre 1761 , en l'églife de St-Jean-Baptifle de Varfovie, de l'agré*
MOI de Sa Majeilé le roi de Pologne, au fervice duquel ils étoient l'un et
Tamrc mâchés; que depuis ce tems ce mariage n'a ceffé d'être public et
Cl r eco ono tant par ladite demoifelle Régis qui a contraaé et eflé en
foos Fautorité dudit fieur Pitrot fon mari, que par la fimille même
et ladite demoifelle Régis et notamment i la mort dudit fieur Régis père, au
■oii ^octobre de l'année dernière, ledit fieur Pitrot a été nommé tuteur des
cinq caCans mineurs do fieur Pau, fon beau-frère, et de ladite demoifelle Régis,
CI dam ravis de parcm a été recoimu l'époux de ladite demoifelle Régis et
m octfe qualité onde defdits mineurs. D'où il fuit que ladite demoifelle Régis
de mari, n'a pu fe pourvoir devant M. le Lieutenant civil fans
amorifatioo. Nous obferve de plus que ladite demoifelle Régis s'étant
foîrée de chcs ledit fieur Pitrot, fon mari, le 39 juin dernier, celui-ci a rendo
fiiîmc ta« de cette évafion que de la foufbactioQ et enlèvemem qui inrokat
54 Les Comédiens italiens.
été faits, à roccafion d*îcelle, de meubles, effets, hardes, dîamans, bijoux,
billets actifs et autres papiers à lui appartenant et notamment de Ton contrat
de mariage avec ladite demoifelle Régis, lequel contenoit, entre autres chofes,
reconnoiffance refpective d'un enfant né d*eux avant le mariage. Lefquelles
plaintes ont été par lui rendues contre tous les auteurs dudit enlèvement, leurs
complices et adhérens et fur lefquelles il a obtenu de M. le Lieutenant cri-
minel permiffion de faire informer et de faire faifir et revendiquer les effets
fouftraits et enlevés; de laquelle ordonnance, portant permiffion de faifir et
revendiquer, l'exécution a été ordonnée par un arrêt de la cour ; que lors du
procès-verbal de faifie et revendication qui a été faite dimanche dernier, 21 de
ce mois, en Tappartement de ladite veuve Régis, belle-mère dudit fieurPitrot,
et où la demoifelle Régis s'eft retirée, il s'eft trouvé une partie confidérable
des meubles, effets, papiers, bijoux et diamans, lefquels ladite veuve Régis et
ladite demoifelle, fa fille, ont volontairement repréfentés et reconnu avoir été
fouûraits de chez ledit fieur Pitrot, dont du tout faifie et revendication a été
faite et fur laquelle faifie et revendication ladite demoifelle Régis, femme
dudit Pitrot, s'efl pourvue en la cour, encore fous la fauffe qualité de fille
majeure, pour en avoir mainlevée; que d'un autre côté, lors de ladite faifie et
revendication, ladite demoifelle Louife Régis efl convenue précifément de
l'exiflence du contrat de mariage qu'elle a déclaré avoir fouflrait et brûlé ;
que, par toutes ces raifons, ledit fieur Pitrot s'oppofe qu'il foit fait aucune
perquifition, etc., et en cas de conteflation requiert qu'il en foit référé par
devant qui il appartiendra, etc. Signé : Lefèvre.
Et par ladite dame Régis, audit nom, affiflèe de Me Barré jeune, procureur
audit Chàtelet, pour ce furvenu en l'appartement où nous fommes, a été dit
que l'oppofition formée par ledit M« Lefèvre, audit nom, tant à la faifie-re-
vendication à laquelle elle entend faire procéder en exécution des ordon-
nances de M. le Lieutenant civil qu'à ces ordonnances, efl une fuite de l'erreur
dans laquelle efl ledit fieur Pitrot relativement au prétendu mariage contracté
entre lui et ladite demoifelle Régis, parce que, dans le fait, il n'y a jamais eu
entre eux de mariage, et conféquemment ladite demoifelle Régis n'en a point
impofé au magiflrat en prenant la qualité de fille majeure dans les différentes
requêtes qui lui ont été préfentées ; ne pouvant plus continuer de demeurer avec
ledit fieur Pitrot, comme elle avoit fait jufqu'ici depuis quelque tems à raifon
de la conformité de leurs talens, elle a pris le parti de fe retirer chez la
dame fa mère, et fur le refus fait par ledit fieur Pitrot de lui rendre fes meu-
bles et effets, diamans, bijoux, linges et hardes à fon ufage, elle s' efl trouvée
dans la néceffité d'avoir recours au magiflrat pour lui en permettre la faifie
et revendication, les ordonnances qui l'autorifent à y faire procéder éunt
Pitrot. S S
oécutoircs par provifion et nonobftant toute oppofition, ladite dame Régis,
jBdii nom, nous requiert de les mettre à exécution, et en cas de refus d'où-
vcnnre de portes les faire ouvrir aux termes defdites ordonnances, etc.
Signé : L. Bérangé ; Barré.
Et ptr Itdk M* Lefèvre, audit nom, nous a été repréfentée l'expédition d*un
acte paflé devant M* Lederc qui en a la minute, et fon confrère, nouires â
PStfii» le 31 mai dernier, par lequel ledit fieur Pitrot et ladite demoifelle
Régit, foQ époufc, de lui aatorifée, ont renoncé à la fucceifion de défunt André
Régit, leur père et beau*père ; enfuite duquel acte eft l'expédition de la fen-
de IL le Lieutenant civil du 22 nui dernier qui, fur l'avis des parens et
des minettrs Fau, nomme ledit fieur Pitrot leur tuteur comme étant leur
maternel, i caufe de Louife Régis fa femme : le tout à l'effet par le
PItroc de nous juftifier de la réalité dudit mariage et de la notoriété
^icdni, â^ot réfulte Fimpodibilité de déférer i l'exécution provifcMre obtenue
pv one femme cd puiflance de mari et fans autorifation, etc.
Signé : Lefèvre.
Et par ladite dame Régis, audit nom, afliftée comme deflus, a été dit que
n'y ïïfiBU comme elle a ci-devant obfervé, aucun mariage de contracté entre
ladite demoifelle Régis et ledit fieur Pitrot, les actes et fentences repréfentés
par ledit M* Lefèvre ne font qu'annoncer la faufle qualité donnée audit ficur
Pitroc de mari de ladite demoifelle Régis et non pas le prétendu mariage par
loi aonoocé. Pourquoi, fans avoir égard i la réquifition et oppofition dudit
M* Lefèvre, nous requiert d'abondant de pafTer outre A l'exécution defdites
wdonnuKct, etc.
Signé : L Bérangé ; Barré.
Nous commiffaire avons interpellé ledit M* Lefèvre de nous repréfenter et
cihibcr Facte de célébration de mariage d'entre ledit fieur Pitrot et ladite
demoifelle Régis, ce qu'il a fait. Duquel extrait de mariage la teneur fuit :
im coiUgio vicariorum infignis euUJue parrochiaîis Varfovûnfis fancti
Ba^JU, amnc DonUni millefimo fiptingnUefimo ftxagefimo ftcundo, dû
itma menju mariii, Infrafcriptus requifitus ifi àt tradênJo teftimonio authen-
tûo kgùimi cotUractus matrimonialis inter perfonas dé tenon txprimindas, illuâ $
Uàr9 capmlaicrum prefatét infignis tcclefia collegiaiM ixcêrpfi prout JtquUur :
Ammù Domimi milUJûmofepiiHgentefimo ftxagefimo primo, dU ingefimafixta n^jvtw^
èns, fer tUm/Ur rettremdiffimus dominus Félix Paulus Tarfâ U, J. D. canonicus
mÊÊtnfÊJitiinie êuie/Le Gtu/nemfis, oficialis geiunUis Varfovienju ac per dacaiuM
56 Les Comédiens italiens.
Mafovia, difpenfando in bannis, nuîïo ahfiante canonico impedimento, matrimo-
nium mutuo, libero confenfu contractum inter generofos Bonaventuram Pitrot et
Ludovicam Régis, virginem, in prefentia mei Sebaftiani Lots, proUmotharii hebdo-
madarii, benedixit prefentibus tefiibus generofis Joanne Francifco Albani et Carolo
Beîuce ac àliis fide dignis. In eu jus fidem prefens teftimonium manu proprid
fufcribo et figillo colîegii communia, anno et die utfupra, Jacobus Munich, vica-
rius perpetuus et procurator colîegii, »
Defquels dires, réquiûtions, réferves, proteflations, avons donné acte aux
parties et pour être (latué et prononcé par M. le Lieutenant civil ce que de
raifon ; fur ladite faifie et revendication avons ordonné qu'il en alloit être
par nous référé à M. le Lieutenant civil , à l'effet de quoi nous allons au
même inftant nous tranfporter par-devant lui, en fon cabinet, au Châtelet,
toutes chofes demeurant jufqu'à ce en état. Et pour éviter le divertiflement
des effets, avons laiffé en gamifon, dans l'appartement où nous fommes, ledit
fieur Jean Delpéche, huiflier à cheval audit Châtelet, Mathurin Le Clerc,
Antoine Bernard et Louis Tonnelier, tous trois praticiens audit Châtelet et
afnflans du fieur Delpéche, etc.
Et le même jour mercredi 24 dudit mois de juillet 1765, heure de midi,
nous Jean-François Hugues, etc., nous fommes tranfporté par-devant M. le
Lieutenant civil, en fon cabinet, au Châtelet, et lui ayant référé du contenu
au procès-verbal ci-deOfus, mondit ûeur le Lieutenant civil, après avoir en
tendu les procureurs des parties, a fur le total renvoyé lefdites parties â l'au-
dience du parc civil audit Châtelet pour y être ordonné ce que de raifon,
toutes chofes jufqu'â ce demeurant en état ; et a ordonné et ordonne que la
gamifon par nous établie en l'appartement dudit Pitrot fera tenue de fe retirer.
Et fera la préfente ordonnance exécutée provifoirement, etc., etc.
Signé : D'Argouges ; Hugues.
L'an 1765, le mardi 6 août, neuf heures du matin, en notre hôtel et par-
devant nous Jean-François Hugues, etc., efl comparu M* Louis-Didier Ba-
bault, procureur au Parlement et de demoifelle Louife Régis, fille majeure,
au nom et comme ayant charge et pouvoir, aînfi qu'il a dit, de ladite demoi-
felle Régis â l'effet de la fai fie-revendication dont va être parlé : Lequel nous
a dit que, par ordonnance de M. le Lieutenant civil au Châtelet du 16 juillet
dernier, il a été permis â ladite demoifelle Régis, fa partie, defaifiret reven-
diquer fur le fieur Pitrot des meubles, linges et effets appartenant â ladite
demoifelle Régis ; que fur les conteftatîons furvenues lorfqu'il a été queftion
de procéder â ladite faifîe-revendication, etc., mondit fieur le Lieutenant civil
a rendu fon ordonnance fur référé, le même jour, par laquelle il a renvoyé
Pitrot. 57
lo parties i l'aiidience du parc civil dudit Chitelet pour y être ordonné ce
qœ de raifoo ; que ladite demoifeile Régis s*e(l pourvue par appel en la
Gyur, contre ladite ordonnance et y a obtenu arrêt le 29 juillet dernier,
kdUé i rextraordinaire le 3 1 du même mois, par lequel la Cour Ta reçue
appelante de l'ordonnance de mondit fieur le Lieutenant civil, tenu Tappel
pour bien relevé, lui a permis de faire intimer qui bon lui fembleroit fur
ledit appel for lequel les parties auroicnt audience au premier jour, et par
pfoviisQn a ordonné que la faifie-revendication, encommencée â la requête
de ÏMéàtt demoifeile Régis cliez ledit fieur Pitrot, feroit continuée en préfence
de noos commiffaire, nonobftant toutes oppofitions faites ou à faire à la cou-
des droits de qui il appartiendroit ; et en cas de fouftraction de
on totalité defdits effets a permis i ladite demoifeile Régis de les faire
Cûfir partout où ils pourroient fe trouver, en préfence de nous commiflaire ; et
cas de refus d'ouverture des portes, coffres, commodes et armoires, a per-
mh à ladite demoifeile Régis de les faire ouvrir en préfence de nous com-
■ilEûre en la manière accoutumée. Et nous a ledit M* Babault repréfenté la
grofle dudit arrêt, etc. En conféquence de quoi, ledit M* Babault, audit
nous requiert de nous tranfporter préfentement avec lui et le fieur
sMarie Faoch, huiflier i cheval audit Chitelet, en la maifon où c(l de-
ledit fieur Pitrot, fife rue Comteffe-d* Artois, près le cul-de-fac de la
Bontcillc, i l'efo de faire mettre i exécution ledit arrêt, etc.
Signé : Babaitlt.
Sor qooi» noos commiflaire fufdit, etc., nous fommes au même înflant
tmfpofté avec loi et ledit fieur Fauch, huiifier, fufdite rue ComteiTe-d^Artois
ca la maifon où eft demeurant ledit fieur Pitrot, et monté en un appartement au
premier étage ayam vue tant fur la rue que fur la cour, y avons trouvé et eft
compani par-devant nous fieur Antoine-Louis-Bonaventure Pitrot, ci-devant
fluitre de ballets du roi de Pologne, père de M** la Dauphine, et actuellement
maître de balleu de la Comédte-Iulienne, auquel ayant annoncé et fait en-
tendre le fufet de notre tranfport, etc. ; en conféquence, l'avons interpellé de
fûrc la repréfcnution des linges, hardcs, robes, bijoux et autres effets appar-
i ladite demoifeile Régis, et qu'elle eff autorifée i faire faifir et revendi-
r, et en conféquence faire ouverture des armoires, commodes et autres
qai ks renferment. A quoi il nous a répondu qu'il n'y a rien dans fon
jy pi aimu ent appartenam i la demoifeile Régis ; qu'il ne connoft point la de-
Régis mais bien la dame Pitrot; que tout ce qui eft ches lui lui appar-
et qu'en (a qualité de mari fa femme n'a rien i y prétendre ; que fadite
a e mp or t é de cbea lui hardes, diamans» papiers, lettres de change.
58 Les Comédiens italiens.
contrat de mariage, lequel contrat de mariage elle a avoué avoir brûlé ; par
lequel contrat de mariage tous lefdits effets, bardes, bijoux, diamans et papiers
appartiennent à lui fieur Pitrot et que ledit contrat de mariage porte en outre
reconnoilTance d'un enfant dudit fieur Pitrot et de ladite demoifelle Régis, né
avant ledit mariage, ajoutant ledit fieur Pitrot qu'il vient d'envoyer chercher
M* de Raicourt, fon procureur, etc.
S'étant trouvé fur une commode de bois de paliOfandre à deflus de marbre
étant dans la chambre A coucher ayant vue fur ladite rue, un métier à tam-
bour à la chinoife qui fait partie des effets réclamés par ladite demoifelle
Régis, a été procédé, en exécution dudit arrêt, par ledit fieur Fauch,
huifiier, à la faifie-revendication d'icelui, enfemble d'un manchon de plume
de coq noir dans fon étui de carton, lequel s'eil trouvé dans un cabinet
de toilette étant en fuite de la chambre à coucher, et un deffus de toi-
lette de mouffeline brodée des Indes étant dans ledit cabinet. En procédant,
ledit fieur Pitrot, affifté de M* Philippe de Raicourt, procureur en la Cour,
furvenu en l'appartement où nous fommes, a dit qu'il eft d'autant plus furpris
de l'arrêt fur requête obtenu par ladite demoifelle Régis, fon époufe, qu'il
lui a été fait et à M* Babault, fon procureur, une fommation par le miniftère
dudit M* de Raicourt, de déclarer s'il avoit obtenu quelque arrêt fur requête
fur l'appel de l'ordonnance de M. le Lieutenant civil qui- renvoyoit les parties
de l'audience avec déclaration que ledit M* de Raicourt, pour ledit fieur
Pitrot, fa partie, y étoit oppofant et fe conftituoit, à cet effet, procureur fur
toutes demandes principales et provifoires qui feroient formées ; en forte que
la procédure eft nulle, y ayant procureur en caufe, fur l'objet dont il s'agit.
QjLioi qu'il en foit, ledit fieur Pitrot, affifté comme defius, nous a exhibé une
requête répondue de l'ordonnance du Parlement : Viennent les parties à V au-
dience, contenant oppofition à l'arrêt fur requête du 29 juillet dernier, en vertu
duquel nous procédons. Pourquoi il requiert, attendu ladite oppofition, qu'il
foit fupercédé à toutes pourfuites jufqu'à ce qu'il foit ftatué fur ladite oppo-
fition, en conféquence que nous nous retirions et faffions retirer les perfonnes
qui affilient à notre procès-verbal, etc.
Signé : De Raicourt ; Pitrot.
Et par ledit M* Babault, audit nom, a été répliqué que par rapport au pre-
mier dire fait par le fieur Pitrot que ledit M* Babault n'approuve en aucune
façon, il efl étonné d'y voir que l'on prétend que ladite demoifelle Régis ait
déclaré avoir brûlé un prétendu contrat de mariage, attendu qu'elle lui a tou-
jours dit qu'elle n'avoit jamais eu connoiffance de ce prétendu contrat de
mariage, et que Ç\ on lui fait dire le contraire, elle ne peut l'avoir fait que
dans le trouble où elle étoit lorfque le fieur Pitrot eft venu chez la dame
Pitrot. 39
(à mère, pour faire une fainc-revendication, ne fâchant alors ni ce
fo'eUe Cûfoit ni ce qu'elle pouvoit dire. Par rapport i la fommation que ledit
M* de Rascourt dit avoir faite, il n'en a reçu aucune depuis le pouvoir à lui
éoaaé par ladite detnoifelle Régis d'interjeter appel de l'ordonnance de M. le
Licqtmim civil ni même depuis l'arrêt du 29 juillet dernier ; par rapport i
b reqoéu d*oppofition que ledit M* de Raicourt rapporte répondue d'un
FimÊÊmt, elle ne paroh point avoir été ftgnifiée et même il parolt que la date
et Tutéx n'y étoit pas, puifque ledit M* de Raicourt vient d'en remplir la date
pv VI renvoi ; qu'au furplus, fi ledit fieur Pitrot perfide dans fon refus de
iûc ouverture des coffres, commodes et armoires, il requiert qu'il en foit
léiM devant M. Regnault d'Yrval, confeiller rapporteur dudit arrêt, et cepen-
jttcndn que la (aifie-revendication eft encommencée, que d'ailleurs il eft
pour ladite demoifelle Régis qu'il ne foit rien détourné jufqu'â ce
^i^ ait été ftatné fi ladite (aifie-revendication aura lieu, comme elle efpêrc,
9 reqcdert qu'il foit établi un homme en gamifon, etc.
Signé : BABAin.T.
Et par ledit fieur Pitrot, aififté comme defTus, a été dit que fans aucune-
■eoi répondre aux allégations faites par ledit M* Babault contraires à l'énoncé
es procès-verbal de faifie-revendication, faite i fa requête, des effets mobi-
Ecndoot ladite demoifelle Régis s'eft rendue gardiexme conjointement avec
la dame (a mère, il perfide à foutenir que l'oppofition faite par requête ré-
foodoe de fordoimance de Vunmnt eft tellement fufpenfive de l'exécution de
rarrit jnfqu'i ce qu'il foit ftatué i l'audience fur ladite oppofition qu'il n'y a
fis lieu de rendre aucune ordonnance de notre part contraire à l'oppofition
ao£t arrêt ; que dès lors toute pourfuite doit être abfolument fufpendue juf-
^'i ce qa'il ait été ftatué fur ladite oppofition; que (\ elle n'a pas été figni-
iée i M* Babault, c'eft par fon propre fait et parce qu'il a empêché M* Char-
fier, hniffîcr d-préfent, de faire ladite fignification, laquelle en fera faite avec
k vmif à àtmaiu pour plaider à Vaudiena conformément i ladite ordonnance.
Foorqooi et attendu ce que deffus ledit fieur Pitrot, afiifté comme delTus,
ioçf^t formellement A ce que, la Cour éunt faifie par l'oppofition de l'or-
donnance de Vûmnemt, nous rendions aucune ordonnance et qu'il foit établi
nom gardien, d'auunt que f arrêt en vertu duquel nous procédons et atu-
^ par Foppofition n'en donne pas la faculté, etc.
Signé : De RAicoiniT ; PnnoT.
Et par ledit M* Babault, audit nom, nous a été répliqué : i* que l'arrêt du
a9 loiOet dernier qui nous commet, ordonnant qu'il fera procédé i la faifie et
6o Les Comédiens italiens.
revendication en queftion nonobftant toutes oppofitions faites ou à faire,
nous ferions en droit de pafTer outre et que c'eft par confidération que ledit
M* Babault confent qu'il en foit référé ; 2^ que cet arrêt n*a été rendu qu'en
connoifTance de caufe et que fur les concluAons du miniflère public et que,
ordonnant qu'il fera procédé à la faifie-revendication nonobftant l'ordonnance
de M. le Lieutenant civil qui avoit renvoyé à l'audience et avoit ordonné que
la gamifon feroit retirée, cet arrêt a jugé par proviiion que l'on ne pouvoit
point 6ter à ladite demoifelle Régis le droit qu'elle a de faifir et revendiquer
les effets qui lui appartiennent, que fi on n'établiffoit point un gardien, ce
feroit rendre cet arrêt illufoire, pourquoi il perfifte à ce qu'il foit établi une
gamifon réelle jufqu'au jugement du référé, etc.
Signé : Babault.
Sur quoi nous commifTaire fufdit difons, attendu le Committitur dudit arrêt
du Parlement du 29 juillet dernier de nous commifTaire pour l'exécution
d'icelui, qu'il en fera par nous référé par-devant M. Regnault d'Yrval, con-
feiller en la Cour, pour être par lui ordonné ce que de raifon et jufqu'à
ce pour la confervation des droits de la demoifelle Régis, avons établi en
gamifon dans l'appartement où nous fommes la perfonne de Mathurin Le
Clerc, praticien audit Châtelet, etc.
Signé : Hugues.
(^Archiva nationaUi, Y, 11,006.)
ni
1765. — 28 juillet.
Un huissier à verge au Chdtelet se plaint d'avoir été, dans Vexercia de ses fonctions,
insulté et tenu en chartre privée par M''* Louise Régis, dite Rey, femme d'An-
toine-Bonaventure Pitrot.
L'an 1765, le dimanche 28 juillet, onze heures du matin, en l'hôtel et par-
devant nous Antoine-Bernard Léger, etc., eft compam fieur René-Laurent
Lafnier, huiffier à verge au Châtelet de Paris, y demeurant me Ste-Margue-
rite, paroifTe St-Sulpice : Lequel nous a rendu plainte contre Louife Régis de
Rey, femme du fieur Bonaventure Pitrot, maître des ballets de la Comédie-
Italienne, et la dame veuve Régis de Rey, mère de ladite femme Pitrot,
demeurant me de Richelieu, à l'hôtel d'Orléans ; et nous a dit que, famedi
Pitrot. 6i
àtraicTf qaatre heures de relevée, il s'ed tranfporté au domicile de ladite
femme Pitrot et veuve de Rcy i Teffet de leur fignifîcr une fommation à la
requête dudit fieur Pitrot tendante à ce que ladite femme ait à revenir
demeurer avec lui, comme aufli de réintégrer en la demeure dudit Pitrot
roae et l'autre les bijoux et diamans, papiers et effets qui lui ont été fouftraits.
Qpe le comparant s'étant fait annoncer par un de leurs domcftiques en ladite
faiîfoQ* il fut introduit dans leur appartement, où étant ledit comparant a dit
qu'après leur avoir annoncé le fujet de fon tranfport, il auroit été furpris
que lefditcs deux femmes l'auroient injurié et traité durement et de vive voix
et qn'aniiitôt elles fe feroicnt mifcs aux fenêtres tant celles donnant fur la
ne que celles donnant fur la cour et auroient crié i la garde, au guet et
jo commiflaire, en difant hautement que c*étoit un gueux d'huiflier qui étoit
cstré chez elles où il y avoit une femme en couches. Qu*enfuite elles auroient
(lit fermer les portes fur lui comparant avec un ordre donné i leurs domeili-
qucs de ne le laiflcr fortir. Qu'ayant attendu la garde et le commilfaire, ainfi
qn*i! lai a paru que la dame Régis étoit fortie pour l'aller chercher, pendant
une heure ou environ fans que perfonne foit venu, ledit comparant auroit
demandé i bdite femme Pitrot fi fon intention étoit de garder plus longtems
le comparant en chartre privée chez elle ; à quoi elle auroit répondu et au-
roit orJotmé qu'on ouvre la porte i ce gueux d'huifllcr-là, ce qui auroit
été cdectué. Et le comparant fe feroit retiré fous les réfcrves qu'il a faites
f en dreiTcr procès-verbal tant contre elle que contre ladite femme Régis du
tn>;:ble et des infultes qui lui étoient faites dans (es fonctions et d'en venir faire
ià dccLaration chez un commi (Taire. En effet, ledit comparant nous a déclaré
qsM avoit fait et dreflfc fon procès-verbal ledit jour de famedi dernier qui
contient tous les £iits plus au long y détaillés, qu'il nous a reprcfenté et que
aoQs lui avons i l'infbnt rendu. Pourquoi nous fait fa préfente déclara-
tion et nous rend plainte.
IV
1766. — 4 février.
Amioiwê-Bonavtntmre Pitrot injurU et frappe um marchandé mercière
qui lui riiîamait de Vargent,
L'ia 1766, le mardi 4 février, dix heures du matin, en l'hôtel et par-devant
BOQs Pierre Cbéoon, etc., e(l comparue dame Marie Paris, femme du ûeur
62 Les Comédiens italiens.
Louis-Michel Leguay, marchand mercier à Paris, y demeurant rue des Deux-
Écus, au coin de la rue Babille : Laquelle nous a dit que depuis le mois de
juillet 1759 elle a fourni par continuité et à différentes reprifes au (leur Pi trot,
maître des ballets des comédiens italiens, du linge à Ton ufage pour la fomme
de 745 livres 14 fols, fur laquelle ledit fieur Pitrot lui a payé à compte en
trois fois celle de 384 livres, de forte qu*il lui refte dû 361 livres 14 fols,
qu'elle a demandées audit fieur Pitrot qui lui a promis de lui payer et Ta
cependant remife jufqu'à préfent fous différens prétextes. La comparante, fati-
guée de ces délais, a écrit hier au fieur Pitrot pour le prier de terminer. Elle
en a reçu une lettre fignée Mazion, qui lui dit de paOfer chez ledit fieur Pitrot
pour finir. La comparante y a été il y a environ une heure. On a d'abord
refufé de lui faire parler audit fieur Pitrot, mais ayant perfide et ayant
repréfenté la lettre qu'elle venoit de recevoir, un domedique l'a laiOfée entrer
dans la chambre dudit fieur Pitrot qu'elle a trouvé dans fon lit et un quidam
dans la chambre. Elle a annoncé la caufe de fa vifite. Pitrot lui a dit qu'il
la payeroit fi elle avoit un billet. Elle lui a obfervé qu'elle ne pouvoit pas
en repréfenter, puifqu'il ne lui en avoit pas fait et que d'ailleurs fi cela étoit,
elle en auroit autant que d'articles. Ces repréfentations, quoique faites avec
circonfpection et uniquement pour faire fentir la différence qu'il y avoit entre
la confiance qu'elle avoit eue en Pitrot et le procédé de celui-ci, ont choqué
ledit Pitrot qui e(l forti tout nu en chemife de fon lit, a poulTé la comparante
avec brutalité en lui tenant les propos les plus grofiiers et l'a terraffée. Comme
elle avoit i fa main fon mémoire de fournitures, une quittance féparée du
montant refiant dû de fa fourniture et la lettre fignée Mazion qu'elle avoit
fait voir à Pitrot pendant l'altercation, Pitrot a voulu les lui arracher, mais
elle a été afiez heureufe pour retirer la lettre et la quittance quoiqu'elles aient
été chifibnnées et déchirées, qu'elle nous a repréfentées et nous a requis de les
parapher et de les lui rendre, ce qui a été fait ; à l'égard du mémoire, Pitrot
le lui a enlevé par force et l'a retenu. La comparante ne fauroit s'empêcher
de rendre jufiice à la vérité en avouant que dès qu'elle a été terrafi'ée, Pitrot
l'a relevée, lui a fait des excufes et a propofé de la payer et il alloit le faire
quand ledit Mazion 'eft furvenu et l'en a empêché en difant qu'il ne falloit
payer que fes billets. Ce confeil pernicieux et de mauvaife foi a prévalu fur
l'équité, puifque Pitrot a demandé un nouveau délai pour la payer. Ces pro-
cédés irréguliers et répréhenfibles l'ont indignée, pourquoi elle efi venue
nous faire la préfente plainte.
Signé: Paris; Chénon.
{Archivés nationales, Y, 11, 3 $8.)
Pitrot. 63
1766. — Mars.
AaSoimt-Bomsvmture Pitrot est remercié de ses fonctions de maître des ballets
de la Comédie-Italienne (i).
Le fienr Pitrot et fa femme font engagés k la Comédie moyennant 6,000
bvTcs par an, à condition par le ficur Pitrot de faire tous les ballets et d*y
dinfer» de même que la dame fon époufe, de ne pouvoir recevoir ni ren-
voTcr daofears ni danfcufes fans l'aveu defdits comédiens, de ne pou^ir de
oCme employer dans fes ballets que huit figurans et huit figurantes ; il n'a
jotqu'i préfent rempli aucun de fes engagemens, c'ed-inlire que ni lui ni fa
femme n'ont danfé. La groflfefle de cette dernière a été un prétexte depuis le
mois d'août jufqu'i préfent, quoiqu'elle ait été pour fon plaifir à Fontaine-
bleau pendant tout le voyage. A l'égard du fieur Pitrot, il force les comédiens
A dire des dépenfes énormes et a été jufqu'i leur dire que fi l'on ne vouloit
point faire les dépenfes qu'il demandoit il ne feroit point de ballets, ce qui a
obligé les comédiens i. dépenfer, pour les ballets de la Fie Urgéle, plus de
10,000 livres qui ont été en pure perte pour eux, les ballets éum tombés i la
pieoiièrc repréfentation(2).
L'engagement dudit (ieur Pitrot doit encore durer deux ans â compter de
Paiqiies 1766. Que doivent faire les comédiens à fon égard ? Ils font liés par
n marché (ait double dont, à la vérité, le (leur Pitrot ne remplit pas les
(t) Lm li|pMt ^i»* Toa va Un loat ntnittt 4*oa aésoirt adrcué par riattaiftat àt» acaus
fliMn aaa f nmiuê gaatiUboaiatt 4e U chaaibre.
(i) CnsA, ÂAM U to«« IV àt M C0rrttf0ndmm€0 liuirmirt, a doaaé 4*iatértMaatt détails saf ctt
^lÊmkémUFét VfgéU:
• Ln féënat halMtt* oat léfaaft m,ooo livret ta htbitt tt ta ëècoratioai foar aenrt la Fit
&!*. m Ce fmfiMit êmM é m m m (Ott «liéâtrale ta qaatrt acitt, f* Favart tt Daai), aa tbéêtrt;
ihtiMM êm la paèat A falra de graadt profits avec et fpectacle. Fitrot. à qui ils donaeat a,ooo
*ni psar étia lear aaltre de WUcu tt 4|a*ib anroient dû cluffer le leadeasaïa de foa prcasier
•ià «t de Cm débat, et déieftaUe Fitrot a achevé de caffer le <ea à cette pauvre Fét UrgiU par a a
Wbi seai f li t de U ceaaoCiioa iatitulé : Ir ?•■«••> é4t$ ismêt. Ccft ua chrf-d'ceavrt dt Mtiia.
.pofi.
iMsit d'adieart d'aae loagaear fi esccfivt 4|ue le parterre, afloasiaé d'enaui et crai|puat dt
'XmW I b Coaiédit, k ait a poafer de profoads gcmiffemcas furtont loriîfue vers la fia Fitrot
*^***e(« Car le bord du tkéAtre pour faire uac pirouette 4|tti dura à elle feule une dcai-beurt.
I**M fi t'ai va aa dé^ifpoir plas plaiOat. Qaaad tafia, après cet éterael ballet, raeteur s*avaa(a
f^'iasiaitr U (vcoadt reprrfeatatioa de la Fit Urgiit, le parterre s'écria d'un toa fuppliant et
P'J'^'i «AU boaat btara f auis poiat de ballet. • Il faut que ce Fitrot foit bétc A maaftr da
IUImi iadia ka baaaa ^mrnn da tbéâsra dt DrtClt, oA il faifoit taécnttr uat bita qat «al
I ^*il «voil vtM A fêtiê ; mêià dtpaia 4|a*U aoM doaat du fita, c*tft,aa boaat prodigitai. •
64 Les Comédiens italiens,
m
conditions, fa femme ne danfant plus depuis le mois d'août dernier, il ne
paroit pas naturel qu'on lui paye des appointemens depuis ce temps.
Réponse du duc de Duras.
Remercier Ufieur Pitro, attendu qu'il n'a point rempli Us conditions defes enga-
gemens vis-à-vis des Comédiens et charger lefieur Deheffe des ballets et de propofer
un état pour la compofition defdits ballets. Ledit maître de ballet ne pourra excéder
le nombre fixé dans Vétat, ni faire aucun changement fans avoir mis fous les yeux
du Comité les raifons qui l'engagent à le propofer et ledit Comité les portera à
V intendant des MenuSy qui nous en rendra compte.
Mars 1766.
Signé : Le Maréchal duc de Richelieu; le Duc de Duras.
(Jrehivts nëticnëla, O*, 846.)
PITROT DE LANCY (M^«). En 1779, les comédiens italiens,
désirant renouveler leur répertoire envahi par TOpéra-Conii-
que, se décidèrent à donner dans leurs représentations une plus
large place aux comédies françaises, soit anciennes, soit nouvelles.
Cette résolution satisfaisait aux désirs du public et sauvegardait en
même temps leurs intérêts en rendant inutile la création, univer-
sellement réclamée alors, d'une seconde scène française. Toute-
fois leur personnel, devenu presque entièrement lyrique, ne leur
oflFrant qu'un nombre assez restreint de sujets capables de figurer
dans les pièces qu'ils se proposaient de jouer, ils durent s'adjoindre
de nouveaux auxiliaires et ce fut ainsi que fut engagée M"' Pitrot
de Lancy. Cette actrice, autrefois attachée à la Comédie-Fran-
çaise, parcourait à cette époque la province, où elle s'était acquis
une certaine réputation sur laquelle, sans audition préalable, elle
fut admise à demi-part à la Comédie-Italienne, le 11 juin 1779.
Quelques jours plus tard, le 20 juillet, elle débuta par le rôle de
Sylvia dans les Jeux de V Amour et du Hasard, comédie de Mari-
PitroÈ de Lancy. 65
vaux, rôle où la fameuse M"* Balletti avait laissé d'impérissables
souvenirs (i).
Cette tentative audacieuse réussit jusqu'à un certain point à
M"* Pitrot de Lancy, en faveur de laquelle plaidait d'ailleurs sa
charmante figure.
Mais peu à peu le parterre se lassa de la timidité et du jeu par
trop froid de l'actrice; le 25 janvier 1783, on avait annoncé 5(7//-
mon II, ou les Sultanes, comédie en trois actes, de Favart, où
M"* Pitrot devait jouer le principal rôle. A son entrée en scène,
quelques spectateurs étonnés de ne pas voir M"* Dugazon, ordi-
nairement chargée de ce personnage, firent entendre de violents
murmures qui dégénérèrent ensuite en un tumulte épouvantable.
Il feillut baisser le rideau, et la malheureuse artiste, objet de cette
réprobation injuste, fut obligée de venir humblement annoncer
que. M"* Dugazon étant incommodée, elle avait cru pouvoir
accepter son rôle. Elle protesta ensuite de son zèle et termina en
disant que puisqu'elle avait le malheur de déplaire, ses camarades
(z) Voici quelle fut «lors la distribution des rôles de la pièce de Marivaux :
Sylvia MiU Pitrot.
Lisette .... M<ne Dugazon.
Orgon .... Rosière.
Mario Mènier.
Dorante. . . , Michu.
PasquÎH, . . . Vallcroi.
Avant la reprisenution, Louis Michu, chargé du rôle de Dorante, adressa au public le discours
•oivant :
■ Meffieurs, le dèfir et l'efpoir de multiplier vos plailirs vont nous faire entrer dans une carrière
nouvelle. Quelles feroient nos alarmes en y débutant û nous n'étions foutenus par la confiance
qne nous tnipire votre indulgence éclairée. Nous le favons, Meflieurs, il n'y a qu'un travail aflidu,
que des efforts conûans qui puiflent nous aider à furmonter les difficultés que notre zèle nous
prépare. Kous comptons Tur cette indulgence dont nous avons fait l'expérience hcureufe. Nous
vous fuppUons, Meffieurs, de voir fans impatience notre lenteur k arriver au point de perfection
néceflaire pour ne rien laiiTer à déûrer au goût fur qui fait votre partage. A la docilité que nous
aarons pour vos arrêts, nous joindrons cette déférence que le comédien doit à l'homme de génie.
S'il fe préfente, nous ne pouvons manquer de le reconnoitrc aux lauriers dont vous le couronnerez ;
Bons nous ferons un devoir de l'accueillir et de l'encourager comme nous vous fupplion^ Mouleurs,
de nous accueillir et de nous encourager vous-mêmes. »
Valleroi, l'acteur qui remplissait ce jour-là le rôle de Pasquin, était, comme M^^' Pitrot, un débu-
tant. Bien accueilli du parterre, il fut reçu peu après acteur pensionnaire, et l'année suivante il
obtint portion de part. Au commencement de 1789, Valleroi, qui était encore atuché à la Comédie-
Italienne, était l'un des membres du comité du théâtre.
COM. DU ROI. — U. 5
66 Les Comédiens italiens.
allaient jouer une autre pièce. Quelques personnes sensées insis-
tèrent alors pour qu'on continuât Soliman II et la représentation
s'acheva au milieu du bruit.
Un mois plus tard, le i8 février 1783, M"* Pitrot fut encore la
cause d'une manifestation bruyante du parterre. Pendant la repré-
sentation de Sophie Francour, comédie en cinq actes, du marquis
de La Salle, elle se trouva subitement mal et son camarade Granger
vint prier le public d'attendre quelques instants son rétablissement.
Un quart d'heure après, l'actrice n'allant pas mieux, Granger vint
dire qu'il était impossible de continuer Sophie Francour et proposa
V Officieux, comédie en trois actes du même auteur. Des cris ef-
froyables se firent alors entendre, et le parterre furieux se livra à
de tels excès qu'il fallut pour le calmer recourir à Charles-Antoine
Bertinazzi, dit Carlin, acteur dont la personne et les talents étaient
également aimés. Carlin commença par quelques plaisanteries
spirituelles qui apaisèrent peu à peu l'irritation générale, et finît
par jouer au milieu des applaudissements la jolie comédie de Flo-
rian, les Deux Jumeaux de Bergame, où il était inimitable.
On comprend aisément que ces deux aventures n'étaient pas
faites pour guérir M"* Pitrot de Lancy de cette timidité qu'on lui
reprochait si fort; elle reprit cependant quelques jours plus tard
son rôle dans Sophie Francour, mais elle joua ensuite le moins
souvent possible.
Toutefois, le 25 novembre de la même année elle créa avec
succès le rôle de Gabrielle dans Gabrielle d'Estrées, comédie du
chevalier de Sauvigny, ce qui lui valut les vers suivants du géo-
graphe Mentelle :
Elle étoit douce, tendre et belle,
Cette d*Eftrée à qui notre bon roi
Se permit d'engager fa foi
Pour le prix d'un amour fidèle.
Pitrot de Lancy. 67
Que tu rends bien un fi charmant modèle !
Pitrot, par tes regards, par ton air enchanteur,
Tu nous préfentes Gabrielle ;
Mais quand tu fais paHfer jufqu'au fond de mon cœur,
Sa douce émotion, fa touchante douleur.
L'erreur s'accroît encor, non, je ne vois plus qu'elle.
A partir de ce moment, cette actrice ne parut plus que très-rare-
ment à la Comédie-Italienne, à laquelle pourtant elle était encore
attachée en 1788.
Une sœur de M"* Pitrot de Lancy, nommée M°** Perceval, fut
également actrice au même théâtre, où elle débuta, le 2 mai 1780,
par le rôle de Marton dans les Fausses Confidences, comédie de
Marivaux. Elle joua ensuite Lisette dans les Jeux de r Amour et du
Hasard, comédie du même auteur, et les rôles de suivantes dans
V Amant auteur et valet, comédie de Cérou, et dans YÉpreuve,
comédie de Marivaux.
M°* Perceval ne manquait pas, paraît-il, d'intelligence, mais le
Journal de Paris assure que son jeu était dénué de souplesse et
de vivacité.
{Les Spectacles de Paris, 1780 et 1781. — Grimm,
Correspondance littéraire, X, 211. — Mémoires
secrets, XXU, 70, 105. — Journal de Paris, 1780,
5 mai; 1783, $ décembre.)
1779. •" ^^ J"*°-
Jif //* Pitrot de Lancy est reçue à demi-part.
Nous maréchal duc de Richelieu, pair de France, premier gentilhomme de
la chambre du Roi,
Avons reçu fous le bon plaidr de Sa Majedé la demoifelle Pitrot de Lancy
dans la troupe des comédiens italiens, à demi-part, pour y jouer en chef les
premières amoureufes dans les pièces comiques que les comédiens doivent
jouer inceflamment fur leur théâtre, à la charge en outre par elle de jouer
68 Les Comédiens italiens.
tous les rôles d'utilité et accelToires dans les pièces de chant où nous jugerons
qu'elle pourra être néceffaire.
Fait à Paris, ce ii juin 1779.
Signé : Le Maréchal duc de Richelieu.
{Archives nationales, O', 849.)
1 LACIDE(M"0.
Voy. BiLLioNi (Catherine-Ursule Bussa ou Bussart, femme de Michel-
RiEUL Billion, dit).
P
OLICHINELLE.
Voy. Fracanzani (Michel-Ange) ; Thomassin (Vincent-Jean Visentini,
dit).
R
I ANIERI (Bartholomeo), dit Aurelio.
VfJ. COKSTAKTmi (JeaS-BaPTISTE) ; pRACAXZANI (MiCKEL-ANCE).
R
AYMOND (Gabriel-François).
IVAYMOND (ELISABETH-FÉLICITÉ PINET, femme de).
Gabrid-Fnnçois Raymond, ancien acteur de b Comcdic-
Fnnçaise et comédien de province, débuta au ThcJtrc-Itaiien avec
soccis, le 14 décembre 1779, par le tiAc Ac Dorante d.ms hsjeux
il rAmeuT et du Hasard, comédie de Marivaux, et fut reçu à
70 • Les Comédiens italiens.
quart de part, au mois d'avril 1780, pour doubler Clairval et
Michu dans les premiers et seconds amoureux (i).
On a peu de détails sur la carrière dramatique de cet artiste
qui était encore attaché à la Comédie-Italienne au commence-
ment de 1789. On sait seulement qu'il était intelligent et soi-
gneux, qu'il donnait à ses personnages une physionomie inté-
ressante et qu'il passait pour un acteur réellement estimable.
Il avait épousé, le 29 janvier 1780, en l'église Saint-Médard, à
Paris, M"* Elisabeth-Félicité Pinet, fille naturelle du comte de
Valbelle et d'une actrice de la Comédie-Française, M"* Pierre-
Claude Pinet, dite d'Épinay, mariée depuis 1768 au célèbre co-
médien Mole.
Au sortir du couvent de la Présentation, de la rue des Postes,
où elle avait été élevée. M'** Pinet reçut les leçons de son beau-
père Mole, qui la destinait au théâtre, et débuta à la Comédie-
Italienne, le II septembre 1781, par le rôle de la soubrette dans
V Apparence trompeuse, comédie en un acte, de Guyot de Merville.
Le Journal de Paris du lendemain rendit compte de cette repré-
sentation en ces termes: ■*'
(i) A la rentrée de 1780, ce fut Raymond qui prononça le compliment de réouverture composé par
Charles-Simon Favart et dont on reproduira quelques extraits relatifs aux modifications importantes
introduites & cette époque dans le répertoire de la Comédie-Italienne :
« Meilleurs, je n'entreprendrai point de vous peindre la vivacité de notre zèle; c'eft par des effets
que nous efpérons vous en donner des preuves. Un champ vafte et fertile nous eft ouvert, les bornes
des talens font reculées, tous les genres nous appartiennent et depuis le drame pathétique, fils na-
turel de Mclpomène, jufqu'au vaudeville, joyeux enfant de la gaieté françoife, chacun va contribuer
à la variété de vos plaifirs.
Un fécond théâtre s'élève : Dclifle, Marivaux, Boifly, vous allez revivre fur notre fcène. Thaiie,
qui n'ofoit reparoitre en ces lieux que fous les aufpices de la déeiTe de l'Harmonie, rentre aujour-
d'hui dans fon domaine et reprend fes droits primitifs: fans brifer le lien qui l'unit à la mufe lyri-
que, elle pourra encore régner par elle-même. Venez, jeunes auteurs qu'elle infpire, venez lui confa-
crcr ici les prémices de vos talens ; méritez par d'heureux cffais qu'elle vous introduife bientôt
dans fon temple fur le premier théâtre de l'Europe en vous approchant du trône de Molière.
Mais une réflexion nous alarme : fommes-nous en état de féconder leurs efforts? Les nouveaux
fujets que Thaiie vient de raffembler font fans doute loin de la perfection, ne les jugez pas encore
à la rigueur; daignez les encourager par votre indulgence, je l'implore pour eux et pour moi-même;
lailTez-uous le tems de nous rendre dignes de vos fuffrages. »
Les nouveaux sujets que Thaiie venait de rassembler, ou pour parler plus simplement, les sujets
nouvellement engagés pour jouer dans les pièces françaises â la Comédie-Italienne étaient : Ray-
mond, Favart fils, Valleroi, et M™-* Verteuil, Lescot, Adeline Colombe et Dufayel cadette ; en
outre, Maurice*François Rochet, dit Volange, et W^* Carline venaient d'être reçus à l'essai.
Raymond. 7 1
Si d'un côté le début d'une jeune actrice qui n*a jamais paru fur aucun
théâtre femble commander Tindulgence, d'un autre côté le fouvenir du maître
dont M™« Raymond eft l'élève (Mole) fembloit permettre la févérité. Il ré-
fulte de cette réflexion qu'il falloit que le public crût voir en elle un talent
réel pour fe laiffer entraîner, et c'ed ce qui efl arrivé, car l'applaudifTement
a été général. Cette actrice a une très*jolie figure jointe à une phyfionomie
des plus piquantes, un caractère de foubrette très-décidé, de la gaieté et de
la fineiTe. Elle a une vivacité qui a befoin d'être modérée et qui l'a emportée
quelquefois malgré elle ; mais le tems et l'expérience tempèrent aifément un
excès de chaleur et ils n'en donnent jamais à une activité qui en manque.
On fent d'ailleurs combien la timidité pouvoit nuire au développement de
fon talent naturel. Si un acteur qui, des théâtres bourgeois, a pafTé fur ceux
de la province et a Ai s'y faire une réputation, ne peut paroître fans effroi
fur les théâtres de la capitale, que feraH:e d'une jeune perfonne qui fort de
fon appartement pour fe montrer fur cette fcène fi formidable ? Il efl certain
qu'on ne peut s'annoncer plus avantageufement que vient de faire la dame
Raymond et le bien qu'elle a montré annonce un mieux qu'on doit attendre
du tems et de l'expérience.
Elle joua ensuite dans la Mère confidente, comédie de Marivaux,
dans Y Amant auteur, comédie de Cérou, dans Soliman II, ou les
Sultanes, comédie de Favart, dans les Fausses Confidences, comédie
de Marivaux, et fut reçue à quart de part le 14 novembre 1781.
Dans Soliman II, M"' Raymond se montra réellement parfaite.
Aussi elle reprit bien souvent cette pièce qui fut toujours pour
elle la cause d'ovations nouvelles et lui valut en 1782, de la part
d'un poète se disant octogénaire, les vers suivants :
Je me flattois, malgré les glaces
De ma mufe et de mes vieux ans,
De trouver encor des accens
Pour chanter vos talens, vos grâces ;
Mais, Roxelane, ayez en moins,
Ou permettez-moi de me taire.
A quelque jeune téméraire,
Je dois laifTer ces heureux foins.
72 Les Comidiens italiens.
Quatre-vingts ans font ma richeffe,
Et comme au temps de ma jeuncfTe,
Je chéris tous les talens.
Sur une âme honnête et tendre
Que les talens font puifTans !
J'ai rajeuni de dix ans
Du plaifir de vous entendre.
Ce fortuné changement
De Roxelane eft l'ouvrage.
Hélas ! foyez-la fouvent,
Pour me remettre à votre âge.
L'année suivante, et toujours à propos du même rôle, M°*
mond reçut de l'auteur dramatique Vigée le joli complimem
voici :
Hommage â l'efclave jolie
Qui tour â tour, fi finement,
Feint le caprice et Tenjoûment,
Le bon fens et l'étourderie ;
Qui, jufqu'au rivage ottoman,
Porte fa grâce et fa folie
Sur le trône d'or du fultan.
A cette élève de Thalie,
Qui fait encor, changeant de ton.
Sous les traits piquans de Marton,
Joindre l'efprit à la faillie
Et la fineffe â la raifon.
Dis-moi donc enfin le myftère
De ce talent qu'on trouve en toi.
Comment peux-tu donc au parterre
En te jouant faire la loi ?
Dans ta famille, je le voi,
Ce talent eft héréditaire.
Audi pour rendre à tes appas
Le vain tribut de leur tendrefle,
Des amans, je crois, fur tes pas,
Par eflaims la foule s'empreiïe ;
Raymond. 73
Tandis qu*i ce trouble enchanteur,
Garant d'une heureufc foiblciTe
Qu'autorife un moment d'ivreife,
Tu ne veux pas ouvrir ton cœur.
Dans ce cœur cependant je demande une place :
Que r Hymen en ait la moitié.
Ce dieu fi bon je te le pafTe,
Mais garde l'autre à. Tamitié.
Ce rôle de Roxelane n'est pas du reste le seul où M"** Raymond
ait £xit preuve de talent. En 1784 elle créa aussi avec le plus grand
succès le personnage de Fanfan dans Fanfan et Colas, comédie
en un acte, de M"* de Bcaunoir. Elle mit même dans ce rôle une
ardeur telle qu'un soir elle tomba en syncope. On dut l'emporter
dans sa loge, et les spectateurs, faisant preuve d'une mansuétude
peu ordinaire, attendirent patiemment son rétablissement. Mal-
heureusement Taarice ne se sentit pas en état de continuer et il
fallut cesser le spectacle. Le public cependant ne voulut pas se
retirer sans avoir eu de meilleures nouvelles de la malade, et la
siile ne fiit évacuée que lorsqu'on eut annoncé qu'elle allait mieux
et pouvait être transportée à son domicile. Quelques jours plus
tard. M** Raymond, complètement remise, put reprendre son
rôle, au sujet duquel un anonyme lui envoya les vers que l'on
va lire:
Mal i mon aife en un coin du parterre,
papplaudiiTois i ce drame éloquent.
Qui peint û bien le ton, le caractère
D*uo jeune enfant plus g\\i que méchant.
Je me difois : Sous l'habit de Fanfan,
Ell-ce Raymond, ccnc aimable foubrctte
Dont le jeu fin, délicat, fcduifant.
Sert ou repouife un conteur de fleurette?
La fenfibilité remplace Tenjoûmcnt ;
Elle gémit, je fens couler mes larmes.
Pour foumettre nos cœurs, le ciel en la formant
74 ^^ Comédiens italiens.
De la gaîté, du fentiment.
Lui donna -t-il les doubles armes?
Oui, le doux naturel, ces grâces fans apprêts,
Elle les reçut de fa mère,
Et le goût tous les jours fous les traits de fon përe(i)
De Tart lui dicte les fecrets.
Dans la suite de sa carrière dramatique. M™* Raymond con-
tinua à donner des preuves de talent et de zèle et elle fut à cette
époque une des actrices les plus applaudies de la Comédie-Ita-
lienne, à laquelle elle était encore attachée au commencement de
Tannée 1789.
On connaît la liaison criminelle qui exista entre cette actrice
et Mole, son beau-père : « M"' Mole fe meurt, dit un contem-
porain à la date du 20 août 1782; avant de recevoir les facre-
mens elle a appelé M°* Raymond fa bâtarde, qu'elle avoit eue
d'un Valbelle, frère du Valbelle-Clairon ; elle l'a catéchifée en
préfence de fon mari fur leur commerce abominable ; elle leur a
reproché d'Être les auteurs de fes chagrins, et par la jaloufie qu'ils
lui ont donnée de la précipiter au tombeau. On ne voit pas que
cette exhortation ait éteint cette pafGon fcandaleufe. »
Il n'y a rien à ajouter à cette citation si ce n'est qu'aussitôt
après la mort de sa mère, M°* Raymond, qui habitait alors avec
son mari la rue de Richelieu, alla demeurer rue du Sépulcre,
chez Mole.
(La Spectacles de Paris, 1780 et 1782. — Mémoires
secreU, XXI, 78; XXVI, 141, —Journal de
Paris, ï•J^% ij décembre; 1781, 12 septembre,
8 octobre ; 1782, i" août ; 1783, 2 octobre ; 1784,
22 octobre.)
(i) Mole, comme on Ta déjà dit, était le beau-pére de M»* Raymond.
Raymond. 7 5
I
1780. — Avril.
Gûhrià-François Raymond est reçu à quart de part.
Koas maréchal duc de Richelieu» pair de France, premier gentilhomme de
la chambre du Roi,
Avons, fous le bon plaifir de Sa Majefté, reçu pour le théâtre de la Comédie-
Italicmiet à quart de part, le fieur Raymond pour y jouer en double des ficurs
Cbir\'aJ et Michu les premiers et féconds rôles et y remplir en outre tous ceux
où il fera jugé oéceflâire pour le bien du fervicc.
avril 1780.
Signé : Le Maréchal duc de Richelieu.
{Ârtkhm m^ismstti, O*, 14e.)
II
1781. — 14 novembre.
i#*^ Èliiohdh'FiîUiti Pinet, femme de Gabriel -François Raymond, est reçue
â quart de part.
Ordre de réception de M"* Raymond i quart de part.
A Vcrfaillcs, ce 14 novembre 1781.
Signé : Le Maréchal duc de Richelieu.
(.ittmit^t mMhpmm!é9, O', 146.)
76 Les Comidiem italiens.
III
1783. — 23 mai.
Constitution de rente viagère au profit de René-François Moïé, comédien français,
et d^ Elisabeth-Félicité Pinet, femme de Gahrid-François Raymond, et donation
faite par Mole à M*»»* Raymond.
A tous ceux que ces préfentes lettres verront, Anne-Gabriel-Henri Bernard,
chevalier, marquis de Boulainvilliers, feigneur de ï^afTy et autres lieux, con-
feiller du Roi en fes confeils, prévôt de la ville, prévôté et vicomte de Paris,
falut : favoir faifons que par-devant maître Pierre Margantin et fon confrère,
confeillers du Roi, notaires au Châteletde Paris fouflignés, fut préfent meflire
Pierre-Marin Beaugeard, écuyer, chevalier de Tordre du Roi, tréforier-géné-
ral des États de Bretagne, demeurant à Paris, rue de Richelieu, paroifTe
St-Eu(lache : Lequel a par ces préfentes créé et conftitué et a promis garantir
et faire valoir à fieur François-René Mole, penfionnaire du Roi, demeurant
à Paris, rue du Sépulcre, paroifTe St-Sulpice, fur fa tête et fur celle de demoi-
felle Élifabeth-Félicité Mole (i), époufe du fieur Gabriel-François Raymond,
encore mineure, ledit fieur Mole à ce préfent et acceptant pour lui et fes
ayant caufe pendant fa vie durant et celle de ladite dame Raymond et du fur-
vivant d'eux, ûx mille livres de rente atmuelle et viagère, exempte à toujours
de la retenue des impofitions royales actuellement fubflftantes et de celles
qui pourroient être établies par la fuite fous telle dénomination que ce puifle
être, que mondit (leur Beaugeard promet et s'oblige de payer audit fieur
Mole ou ayant caufe en leurs demeures à Paris ou au porteur, par chacun an,
en deux payemens égaux de fix mois en flx mois, dont les fix premiers mois,
de convention expreffe et au moyen de l'arrangement fait entre les parties,
courent à partir du premier janvier dernier et échéront et feront payés au
premier juillet prochain, les féconds au premier janvier fuivant, et enfuite
ainfi continuer de flx mois en fix mois pendant la vie et jufqu'au décès du
furvivant dudit fieur Mole et dame Raymond, lors duquel ladite rente fera et
demeurera éteinte et amortie au profit de mondit fieur Beaugeard ou de fes
repréfentans qui ne feront plus tenus envers ceux dudit fieur Mole ou ayant
caufe que des arrérages lors dus et échus. A la garantie de laquelle rente
Ci) Elisabeth-Félicité Pinet et non MoIé.
Raymond. 77
viagère roonJit ficur Bcaugcard affecte, oblige et hypothèque généralement
tous fcs biens meubles et immeubles préfens et i venir, et en outre, fans
qu'une obligation puitfe déroger i Tautre, mondit fieur de Bcaugeard y
iSecic et hypothèque fpécialcment et par privilège, attendu le prix de la pré-
fente conftitution, une raaifon bourgeoife fife au village d'Antony, prez,
mouim, cour-balEe, cours, jardins et dépendances contenant fix arpens et
demi quatorse perches, plus fept arpens cinquante-fept perches de prés en otuc
pièces et quinze arpens environ de terres (is aux terroirs de Verrières, MaiTy,
PaUircau, Amblainvilliers près Antony, que M. de Beaugeard a acquis dudit
fieur Mole, comparant, par acte paiïé par-devant Picquais, qui en a la minute,
Cl maître Margantin, Tua des notaires foufljgnés, cejourd*hui moyennant
jOjooo livres de totalité. Pour par ledit fieur Mole et ayant caufe jouir, faire
et difpoTer de ladite rente viagjnre en pleine et libre propriété, à compter
dndit jour premier janvier dernier pendant la vie et jufqu'au décès du furvi-
lam defdits ûeur Mole et dame Raymond. Cette conditution eft faite fur le
pied de neuf pour cent moyennant la fomme de 66,666 livres 10 fols quatre
deniers, en déduction de laquelle mondit fieur Beaugeard reconnolt avoir pré-
fentemeo: reçu dudit fieur Mole, en efpèces fonnantes, celle de 16,666 livres
I) fols 4 deniers, dont il le quitte et décharge, s'en deffailiffant i fon profit,
vooLint qu'il en foit faifi et mis en poffeirion par qui et ainfi qu'il appar-
tiendra, coniUtuant pour fon procureur le porteur auquel il donne pouvoir. A
regard des 50,000 livres reliantes, mefdits fieurs Beaugeard et Mole confcntcnt
rcciproqueroent qu'il en foit fiait compenfation avec les 50,000 livres, moyen-
nant lefquelles ledit fieur Mole a vendu audit fieur Beaugeard les maifons,
prés et terres ci-devant délîgnés, mais fous la réferve exprcffe par ledit fieur
MoIé du privilège i lui acquis par le contrat ci-devant daté pour le payement
do prix de ladite vente que repréfente en partie la préfente conditution. Au
mojcn de quoi les parties, fous les réferves ci-deffus, fe quittent et déchar-
gent refpectivement de toutes chofes relativement au prix de ladite vente et
de La préfente conditution et confentent toutes mentions que befoin feroit,
toc Ciites pir tous notaires requis, même en leur abfence, etc., etc.
El par ces mêmes préfentes, ledit fieur Mole a fait donation entre vifs et
iirérociblet en avancement de la future fuccedion i ladite dame Raymond,
ù fille (i), i ce préfente et acceptante, autorifée X cet effet par ledit fieur
Ra^-moiul, fon mari, pour ce préfent, tous deux demeurant i Paris, rue du
Sépulcre, faubourg St-Germain, paroiffe St-Sulpice, des 6,000 li\Tes de reme
viagère cooftituées par le préfent contrat, pour par ladite dame Raymond en
ivn, jouir et difpofer comme de chofe lui appartenante i compter du jour
78 Les Comédiens italiens.
du décès dudit Mole qui s'en réferve expreffément la jouiflfance pendant fa
vie, et cependant les arrérages dus et échus au décès dudit fleur Mole appar-
tiendront à ladite dame Raymond.
Cette donation efl faite fous la condition i^ que ladite rente ne pourra
être faifle ni arrêtée par aucun des créanciers de ladite dame Raymond, de
quelque nature qu'ils foient, comme aufli que ladite rente et les arrérages
d'icelle ne pourront être cédés, tranfportés ni délégués d'avance par ladite
dame Raymond, fous quelque caufe et prétexte que ce foit; 2« et que ladite
dame touchera elle-même et fur fes fimples quittances les arrérages de ladite
rente fans avoir befoin de Tautorifation dudit fleur fon mari, ni de qui que
ce foit; ledit fieur Mole de (tinant ladite rente aux alimens, nourriture et
entretien de ladite dame Raymond. Ladite dame Raymond autorifée comme
defTus, en retirant l'obligation qu'elle a contractée de ratifier à fa majorité
l'acte de liquidation et partage des biens de fuccefllon et communauté de
ladite dame fa mère, paffé devant maître Margantin, l'un des notaires foudl-
gnés, qui en a la minute, et fon confrère le 1 5 avril demiec, s'oblige de
ratifier pareillement à la même époque le contrat de la rente fait cejourd'hui
audit Beaugeard par ledit fleur Mole, fon père, de la maifon d'Antony et
objets énoncés audit contrat, pour faire laquelle ratification ledit Raymond
l'autorife irrévocablement par ces préfentes.
Fait et pafTé à Paris en la demeure de mondit fleur Beaugeard, l'an 1783 le
23 mal.
* {Archives uationaUs, Y, ^68.)
RENAUD (M""). Les Parisiens connaissaient déjà M"* Re-
naud l'aînée pour l'avoir applaudie tout enfant en 1781 au
concert spirituel, lorsqu'elle débuta le 9 mai 1785 avec le plus
grand éclat à la Comédie-Italienne. La jeune actrice, elle avait
quinze ans à peine, parut successivement dans les rôles de Lucette
de la Fausse Magie, paroles de Marmontel, musique de Grétry ;
de Léonore dans V Amant jaloux, paroles de d'Hèle, musique de
Grétry; à' Élise d:ins hMélomanie, paroles de N..., musique de
Champein ; de Bilinde dans la Colonie, paroles de Framery, mu-
sique de Sacchini ; de Colombine dans le Tableau parlant, paroles
Renaud. 79
d'Anseaume, musique de Grétry, et de Zémire dans Zémire et
A^pr, paroles de Marmontel, musique de Grétry.
Quelques jours plus tard, elle fut reçue avec promesse de
quart de part.
Dans sa Correspondance littéraire, Grimm a parlé très-avanta-
geusement des débuts de M"* Renaud, et les lignes suivantes qu'il
lui a consacrées méritent d'autant plus d'être retracées qu'eUes
reproduisent avec une grande autorité les impressions unanimes
de la critique contemporaine :
Le Théâtre-Italien a été bien dédommagé du peu de fuccès de toutes Tes
nouveautés par le début intérefTant de W^^ Renaud qui, aux grâces de Ton
âge (elle vient d'atteindre' à peine fa 15* année), à une figure aimable et
décente, à la plus délicieufe voix que nous ayons jamais entendue, réunit
encore un goût de chant naturel infiniment rare et la plus excellente méthode.
Sa voix a peu d'étendue ; mais il paroit impofGble d'en concevoir une plus
jufte, plus pure et plus facile ; fans recherche, fans manière, elle n'eft belle
que de fa propre beauté ; fans effort, elle fait fentir jufqu'aux moindres
nuances et du chant et des paroles ; l'ariette la plus difHcile femble s'échapper
de fes lèvres comme le chant le plus propre à fa voix ; et cette efpèce de
talent, à nos yeux du moins, paroît tenir du prodige. Tout Paris l'a vue avec
ivreffe et ne fe lafTe point de l'entendre. Si la manière dont elle joue la fcène
laiffe beaucoup à défirer, la timidité de fon âge peut lui fervir fans doute
d'excufe et quoique fon jeu ne foit jamais aufli animé qu'il devroit l'être, il
ne paroît au moins manquer ni de fineffe, ni d'intelligence.
L'année suivante. M"® Renaud l'aînée joua le rôle de Coraly
dans V Amitié à l'épreuve, comédie en trois actes, de Favart, mu-
sique de Grétry, déjà représentée en 1771 et qui fut alors remise
au théâtre avec diverses modifications. La façon dont la jeune
actrice s'acquitta de la tâche lui mérita les compliments les plus
flatteurs, et Grétry, dans ses Mémoires, assure qu'elle chanta son
rôle d'une manière exquise.
Le 17 juin 1787, dans Isabelle et Rosalvo, comédie en un acte,
de Patrat, musique de Propiac, jouée précédemment sans succès
8o Les Comédiens italiens,
sous le titre des Deux Morts, elle exécuta avec une facilité éton-
nante une ariette de bravoure très-compliquée et reçut en récom-
pense de ce véritable tour de force le quatrain suivant :
Renaud, des rofTignols tu furpris le ramage,
Bientôt tu leur feras la loi.
A ta voix ils rendront hommage,
En effayant de chanter comme toi !
Vers la même époque, une note manuscrite où se trouve ré-
sumée Topînion du comité du Théâtre-Italien sur chacun des
artistes qui composaient alors la compagnie, parle d'elle en ces
termes : « Elle eft la première qui ait fait entendre à ce théâtre la
perfection du chant ; mais elle a beaucoup à travailler pour
devenir comédienne. L'on avoit vu avec plaifir qu'elle travailloit
fes rôles avec un homme à talent (i), capable de la diriger pour
la comédie et l'on voit avec peine qu'elle y a renoncé. »
^Au commencement de 1789, M"* Renaud l'aînée était encore
attachée à la Comédie-Italienne. Elle épousa plus tard M. d'A-
vrigny.
M*^* Renaud cadette, sœur de la précédente, débuta au même
théâtre, à l'âge de 13 ans, le 22 octobre 1785, par le rôle de Babet
dans les Trois Fermiers, paroles de Monvel, musique de Dézaides.
Elle joua ensuite Lucette dans Sylvain, paroles de Marmontel,
musique de Grétry; la statue dans le Tableau parlant, paroles
d'Anseaume, musique de Grétry, et Jeannette dans le Déserteur,
paroles de Sedaine, musique de Monsigny.
« Son début, dit le Journal de Paris, eft partout piquant, plein
de fineffe et de vérité, et elle a le germe prefque déjà développé
du talent comique. Elle chante comme il femble que doive
(i) Cet homme à talents était M* Jabtneau de la Voûte, avocat au Parlement et conseil des co-
midkiis italiena.
Renaud. 8i
chanter une demoifeHe Renaud. Sa voix, fans être forte, a des
fons très-agréables. Enfin, elle juftifie pleinement le mot qu'on
nous a rapporté: Que cette famille eft une couvée de roffignols. »
M"^ Renaud l'ainée n'avait pas voulu abandonner sa sœur à
elle-même le jour de son premier début et elle parut en même
temps qu'elle dans les Trois Fermiers. Un M. Sorin profita de
l'occasion pour réunir dans un même compliment poétique les
deux jeunes personnes et leur fit parvenir ces vers :
Le jeune Amour aux yeux de Paris enchanté,
Dans ces charmantes fœurs aime à Te reproduire :
Chez l'une c'eft la voix, la touchante beauté,
Dont il fe fert pour nous féduire;
Cefl fon regard enfin, Ton regard triomphant ;
Chez l'autre, en qui la grâce au fentiment s'allie.
On retrouve ce dieu fous les traits d'un enfant,
Qpi femble fe jouer du mafque de Thaiic.
A la suite de ses débuts. M"' Renaud cadette fut reçue actrice
pensionnaire.
Enfin, le 21 avril 1788, une troisième sœur. M"*' Sophie Renaud,
débuta à la Comédie-Italienne par le rôle d'Hélène dans Silvain,
paroles de Marmontel, musique de Grétry, et par le rôle d'Isabelle
dans V Amant jaloux, paroles de d'Hèle, musique de Grétry.
Ses deux sœurs parurent avec elle dans la première de ces deux
pièces et toutes trois elles fiirent très-applaudies : « C'eft un
fpectade très-intéreflant, dit le Journal de Paris, que de voir ces
trois jeunes fœurs paroître dans les mêmes fcènes et obtenir des
fuccès dans un âge où communément on foupçonne à peine
les moyens de les mériter. L'intérêt qu'infpiroit la débutante, la
prodigieufe faciUté de chant de fa fœur aînée et le jeu fin et
piquant de la plus jeune formoient un enfemble vraiment touchant.
Âufli quand le feigneur dans la pièce s'eft écrié : ce Âh ! les joUs
COM. DU ROI. — II. 6
82 Les Comédiens italiens.
enfans ! » Tallufion a été faite et longtemps foutenue par les plus
grands applaudiffemens. » M^** Sophie Renaud fut reçue actrice
pensionnaire.
(Archives nationales, O*, 848. — Les Spectacles d*
Paris, 1786 et 1789. — Grimm, Correspondance
littéraire, XII, 381; XIII» 411. — Mémoires
' secrets, XXIX, 24. — Journal de Paris, 178$,
10 et 15 mai, 28 octobre, a novembre ; 1788,
22 avril. — Mémoires de Goldoni, III, 10$. —
Mémoires de Grétrj, I, 182.)
1785. — 19 mai.
M^^ Renaud aînée est reçue avec promesse de quart de part.
Nous maréchal duc de Richelieu, pair de France, premier gentilhomme de
la chambre du Roi,
Avons reçu, fous le bon plaiflr de Sa Majeflé, la demoifelle Renaud à quart
de part, pour lequel elle fera portée fur Tétat lorfqu'il s'en trouvera un pre-
mier vacant qui lui appartiendra; mais en attendant elle jouira dès à préfent
des droits de comédien reçu et les comédiens italiens lui payeront de mois
en mois la valeur de ce quart de part, à commencer du jour de fon premier
début, que nous entendons être continué fans interruption jufqu'à la i8^ repré-
fentation, afin que le public puifTe mieux juger de fes talens et que nous
ayons la certitude qu'elle fait l'emploi pour lequel elle fe deftine.
A Paris, le 19 mai 1785.
Signé : Le Maréchal duc de Richelieu.
{Jrcbives uaiionales, O*, 848.)
R
ICCOBONI (Louis-André), dit Lélio.
RICCOBONI (HéLèNE-ViRGiNiE BALLETTI, femme de),
dite Flaminia.
Louis-André Riccoboni était le fils d'un comédien et naquit
en 1675 à Modèûe. Il entra jeune encore dans la troupe de cette
Riccohoni. 83
ville, dirigée alors par la Diana, femme de Jean-Baptiste Cons-
tantini, connu à l'ancienne Comédie -Italienne sous le nom
d'Octave. Riccoboni avait débuté dans cette troupe par les rôles
Ôl amoureux et se faisait appeler Federico ; mais sa directrice lui
imposa le nom de Lélio, plus théâtral, selon elle. Le talent de
cet acteur lui valut une grande réputation dans son pays, et c'est
à lui que le duc d'Orléans, régent, confia le soin d'y recruter la
nouvelle troupe italienne qui débuta à Paris le 18 mai 171 6 et
où, comme en Italie, Lélio joua les amoureux.
« Son dialogue, dit le Mercure, étoit aifé et animé ; perfonne
n'a jamais mieux caractérifé les paffions outrées et avec plus de
vraifemblance. » Il était inimitable dans une tragi-comédie ita-
lienne de sa composition, intitulée Samson, jouée le 28 février
171 7, et que Jean- Antoine Romagnesi traduisit plus tard en vers
français (i). Samson eut un succès prodigieux, et Dangeau, dans
ses Mémoires, nous apprend que le duc d'Orléans vint voir repré-
senter cette pièce et applaudir Riccoboni, qu'il aimait beaucoup.
Lélio, homme d'humeur atrabilaire, quitta le théâtre avec une
pension de 1,000 livres, le 25 avril 1729, et mourut à Paris le
6 décembre 1733» nie Françoise. Il fut inhumé le lendemain en
l'église Saint-Sauveur.
(i) Le Samson, traduit par Jean-Antoine Romagnesi, fut représenté pour la première fois à la
Comédie-Italienne, le mardi 28 février 1730. L'ouvrage de Romagnesi n'était pas une simple tra-
duction ; maître de son sujet, il avait su l'amplifier et l'embellir. « Il a ajouté beaucoup de fcènes,
disent les frères Parfaict, et des iîtuations qui donnent un nouveau mérite à cette pièce, en forte
qu'il feroit injufte de ne lui accorder que celui d'un traducteur, quand bien même fon Sam/on
feroit en profe. »
Les premiers gentilshommes de la chambre ne pensèrent pas comme les frères Parfaict ; Roma-
gnesi ue fut pas même considéré par eux comme le maître de sa traduction, dont la libre disposition
fut attribuée à Louis-André Riccoboni. C'est ce qui résulte du document suivant :
• Nous duc de Gefvres, pair de France et premier gentilhomme de la chambre du Roi, fur ce
qui nous a été repréfenté que le fieur Romagnefi, comédien italien de Sa Majeûé, auroit traduit en
▼ers firançois la tragédie de Sam/on d'après celle que le lîeur Lelio avoit mife ci-devant au théitre,
mandons et ordonnons au fieur Lélio de difpofer des rMes de ladite traduction ainfi qu'il avifera
bon eftre pour le bien de la troupe et la réuflite de ladite pièce, attendu que c'eft toujours le même
fttjet et qu'il eft cenfé être le premier autheur de ladite tragédie.
• Fait au chiteau de Verfailles, ce y décembre 1727.
« Signé : Le Duc db Gisvrbs. »
{Arekivu nationaUs, O*, 846.)
84 Les Comidiens italiens.
Outre k tragédie de Samson, Louis-André Riccoboni a fait
représenter à la Comédie-Italienne , soit seul , soit en cdkbo-
ration, un grand nombre d'ouvrages aujourd'hui absolument
oubliés.
On lui doit aussi une Histoire du Théâtre-Italien en a volumes.
Ce comédien avait épousé en premières noces Gabriclb Gar-
delini^ actrice de la troupe de la Diana^ où elle jouait les soubrettes
et les amoureuses et qui était la sœur de mère de f rançcns Ma-
terazzi, dit le Docteur. La première M°** Riccoboni mourut jeune
et sans enfants. Lélio alors épousa Hélène -Virginie Batletti,
sœur de Mario^ née à Ferrare en 1686 et bien connue sous te
nom de Flaminia à la Comédie -Italienne^ où elle débuta le
18 mai 17 16 avec la nouvelle troupe formée par son mari. Fla-
minia jouait les premières amoureuses, les soubrettes et les rôles
travestis. Sa taille était élevée et gracieuse^ sa figure agréable,
mais elle avait, dit-on, la voix un peu aigre. On a £ût sur cette
actrice, qui a été Tune des gloires de son théâtre, le quatrain
suivant :
Que d'efprit, que d'intelligence,
Dans le jeu de Flaminia!
Peu de comédiens en France
Ont autant de goût qu'elle en a.
Comme son mari, M"* Riccoboni quitta le théâtre en 1729
avec une pension de 1,000 livres; mais le 10 avril 173 1, elle
obtint de nouveau de rentrer dans la troupe avec part entière, à
la condition de renoncer à sa pension, qui ne lui fut rendue que
le 29 mars 1732, époque de sa retraite définitive.
Flaminia possédait une instruction supérieure ; elle connaissait
à fond la langue latine et était membre de plusieurs académies
d'Italie. Elle a fait représenter à la Comédie-Italienne, en 1726 et
Riccoboni. 85
en 1729, deux ouvrages qui du reste eurent peu de succès: le
Naufrage et Abdilly, roi de Grenade, en collaboration avec de
Lisle.
Elle mourut pieusement à Paris, le 29 décembre 1771, et fut
enterrée le lendemain dans la cave de b chapelle de b Vierge de
Tcglise Saint-Sauveur.
Louis-André Riccoboni et Hélène-Virginie Balletd eurent un
fils, Antoine-François- Valentin, acteur comme eux à la Comédie-
Italienne et dont il sera parlé plus loin.
(DiV<i««««ir# i«i ThUtrts, I, ]70 2 IV, 469. —
CûUmiritT hittêriqtu it$ TlMtns, Pmria, CaU-
le«m, I7{i. — Jal, Ditthmusirt éi èé^gnfk»*,
P- «057)
I
1718. — Il novembre.
L/ mattri (Us ballets dt la CamédU-IUdUnne si plaint d^un nowimi Dmval, damsiur
au menu théâtre, qui l'avait menacé de lui couper le visage ei qui avait aussi
gravement insulté Louis-André Riccoboni, dit Lélio.
L'an 1 718, le vendredi ii« jour de novembre, du matin, eft comparu en
rhôtcl de nous Jofcph Aubert, etc., ûcur Louis Voifm, maître à danfcr,
compofjnt les ballets de la Comédie-Italienne, demeurant rue des Vieux-Au-
gut\ins, i la Croix-de-Lorraine : Lequel nous a fait plainte contre le nommé
Duval, danfeur fur le théitre de la Comédie-Italienne, et dit que mardi der-
nier ledit Duval ne s'éunt pas trouvé à l'heure pour remplir fon devoir, le
fieur Leiio, comédien, l'auroit fait venir de PorcheAre où il étoit pour le prier,
comme ledit Duval ne fe trouvoit pas et n*étott pas venu, de prendre fes
habits et de danfer pour lui. Que lui plaignam, voulant faire pbiftr audit
Duval et au fteur Lelio, s'eft habillé et étant prefque e nti è r ement habillé,
ledit Duval eil furvenu. Que lui plaignam n'a pu s'empêcher de lui reprocher
fa négligence ; mais ledit Duval, au lieu de s'en ezcufer, Itd a dit mille in*
jures atroces, même s'efl jeté fur lui et loi a donné un coup de poing par la
tête, et fans le fecours de plufieon perfonnes, auroit plus vivement Infulté,
86 Les Comédiens italiens.
lui plaignant ne fe trouvant pas en état de fe défendre. Après lefquelles in-
fultes il fe déshabilla et ledit Duval reprit Icfdits habits en le menaçant de lui
couper le vifage lorfqu'il le rencontreroit. Que ledit fieur Lelio ayant appris
rinfulte que lui avoit fait ledit Duval, vint à fa loge, lui défendit de fe pré-
fenter fur le théâtre, lui ordonna de fe déshabiller et le renvoya ; mais ledit
Duval ayant aulli fait plufieurs infultes audit Lélio et aux autres comédiens et
fait beaucoup de défordres, il fit venir le fieur Delagrange, exempt de la
Comédie, lequel arrêta ledit Duval et le conduifit au For-l'Évêque, où il eft
refté de Tordre de M. de Machault. Que cette punition, au lieu de remettre
ledit Duval à fon devoir, continue de dire mille injures contre l'honneur et
réputation de lui plaignant et même s*eft vanté à plufieurs perfonnes que
lorfqu'il feroit forti de prifon, il lui couperoit le vifage. Et ayant appris que
ledit Duval s'eft même joint aux nommés Malterre frères, dont Tun ed dan-
feur à r Opéra, pour exécuter fon mauvais deffein, lefdits Malterre l'ayant
même dit en public dans un billard, il a intérêt d' empêcher l'exécution defdites
menaces et fa vie n'étant pas en fureté, il eft venu en notre hôtel nous rendre
la préfente plainte.
Signé : Loxns Voisin ; Aubert.
{Archiva nûlionûUt, Y, 14,063 .)
II
1719. — 24 janvier.
Louis- André Riccoboni, dit Lélio, insulte et frappe le commissaire des pauvres
de la paroisse St-Sauveur qui lui réclamait sa cotisation d* aumône.
L'an 1719, le mardi 24 janvier, trois heures de relevée, en l'hôtel de nous
André Defacq, etc., eft comparu fieur Robert Leroux, marchand mercier,
commiffaire des pauvres de la paroiffe St-Sauveur pour l'année 17 18, bour-
geois de Paris, demeurant rue St-Denis, paroiffe St-Sauveur, près la rue du
Renard : Lequel nous a rendu plainte contre le fieur Lelio, directeur de la
Comédie-Italienne, et dit que ledit Lelio, fur l'affignation qui lui a été donnée,
a été taxé au grand bureau des pauvres à la fomme de 52 fols pour fa coti-
fation d'aumône des pauvres de ladite paroiffe; qu'en conféquence de cette
taxe, il s'eft tranfporté cejourd'hui, il y a environ une demi-heure, chez ledit
fieur Lelio à l'effet de recevoir lefdits 52 fols : mais au lieu par icelui Lelio
de fatisfaire à la taxe à laquelle il eft impofé, il a prétendu l'avoir payée et
Riccoboni. 87
a rcpréfenté à lui plaignant une quittance de pareille fommc de 52 fols par
lui payée, pour Tannée lyiy^au fieurGuyot, marchand épicier à Paris, commif-
Caire des pauvres de Tannée 171 7, datée du mois de mai dernier; que fur la
repréfcntation de cette quittance lui plaignant a fait connoltre audit fieur
Lelio que cette quittance ne pou voit le difpenfer de lui payer les $2 fols qu'il
lui demandoit, vu que la quittance du fîeur Guyot n'étoit que pour Tannée
1717 et que les 52 fols que lui plaignant lui demandoit étoient pour la coti-
(ation de 1718; mais qu'icelui Lelio, s'emportait tout à coup contre lui plai-
gnant. Ta traité de fripon, voleur, concuffionnaire, a dit de pareilles injures
dudit fieur Guyot, Ton confrère, et les a étendues jufque fur MM. les admi-
niftrateurs du grand bureau des pauvres, fans refpect ni conûdéradon pour les
perfonnes diftinguées qui font revêtues de cette qualité, lui a dit que lui et
lefdits fleurs adminidrateurs étoient bienheureux d'avoir ces cotifations pour
vivre, fans quoi ils feroient fort embarraiTés, et fur les remontrances que lui
plaignant lui a faites que ce qu'il en faifoit il le Cûfoit par ordre de M. le
procureur général, qui eft le chef dudit bureau, il a répondu qu'il fe moquoit
et fe torchoit le derrière de tout ce qui fe Cûfoit audit grand bureau et s'em-
portant d'auunt plus contre lui plaignant. Ta pris de violence et Ta tiré par le
manteau fi fortement que fondit manteau, qui eft d'un drap d'écarlate, a été
déchiré par la moitié du dos, dont il nous a fait apparoir, et il s'eft trouvé û
fort prefTé qu'il a été obligé de défaire le bouton de la ganfe; que ne voulant
plus être expolé à de pareilles infultes et violences, il s'eft i Tinftant retiré
et eft venu fur-le-champ nous rendre la préfente plainte, de laquelle il nous
requiert acte.
Signé: Leioux; Defacq.
{Jnkhn msti0m*Ui, Y, 12») $9-)
ni
1723. — Mai.
UttfiS'Palmtis permittant à Louis- AtUri-Riccohani, dit Ulio, d*accfpUr U Ug$
qui lui a été fait par Jean Bissomi, dit Scafim, son camarade,
Louis, par la grice de Dieu, roi de France et de Navarre, à tous préfens et
â venir falut. Notre bien-aimé Louis-André Riccoboni nous a très-humble-
ment fait repréfenter que notre très-cher et très-aimé onde le duc d'Orléans,
88 Les Comédiens italiefts.
pctit-tils de France, rayant fait venir d'Italie pour compofer avec d'autres du
niOnic pays la troupe de fes comédiens italiens et contribuer à notre diver-
titrcmcnt, feu Jean Bitroni(i), natif de Boulogne en Italie, Tun de ladite troupe,
fon camarade, que nous avons naturalifé par nos lettres du mois de février
1722, Tauroit par Ton teQamcnt du fixième du préfent mois, inftitué fon lé-
gataire univerfel aprc'S les legs particuliers acquittés ; mais quoique le peu de
bien qu*a lailTé ledit Biflfoni ne confîfte qu'en quelques effets entre lefquels
il n*y a aucune rente fur noi^ ni aucuns fonds, il ne peut valablement accep-
ter ledit legs aux ternies de nos lettres de naturalité qui ne permettent audit
Uiironi de difpofer de fes biens qu'en faveur de nos fujets régnicoleset n'étant
\us naturalifé l'Vançois il nous fupplioit de le relever de la claufe portée par
U'iditcs lettres ; et voulant gratifier et traiter favorablement ledit Riccoboni
i'u coiilidération de fon z61e et de fon affection au fervice de notredit oncle,
A COH caule.s et autres à ce nous mouvant, de l'avis de notre confeil qui a vu
lcl\iitcH lettres de naturalité et ledit te(\ament et de notre grâce fpéciale,
\>W\\w puill'ance et autorité royale nous avons permis et par ces préfentes
h>*u\\'« de notre main permettons audit Louis- André Riccoboni d'accepter et
k\\' |i»uii ile la pleine et entière propriété du legs univerfel qui lui a été fait
|Mi \\\\\\ Jean HilUnii, encore qu'il foit étranger et non naturalifé, dérogeant
A «cl vtK*i A la claufe portée parles lettres de naturalité dudit BifToni. En
\\»iU\\)ih'nie voulons et entendons qu'il jouiffe pleinement et paifiblement
\\\\\U\ Ic^M univerfel en meubles ou immeubles à quelques fommes qu'ils
piuU'iU molli er et qu'il puiflc en difpofer par vente ou entre vifs feulement
^tiM^ \\\\\\ K'\\ peiniis aux étrangers non naturalisés, à l'effet de quoi nous
«\\M«« vu lanl que befoin feroit, confirmé et confirmons ledit legs fait en ù\
u\v\u. ou •
IVmu\0 a ViMiailles au mois de mai, l'an de grâce 1723, et de notre règne le
{Archives nationales, K, 175.)
■ ^ ... . H.ii.Mii \\\\\ \ Vaï\* m 1716 avec la troupe italienne formée par Louis-André Riccoboni,
ik ,,.<.s. \. ^ki«4i( Wa it^K'a titt SttiftH asicz mcdiocrement et mourut à Paris le 9 mai 1723, & l'Age
Riccoboni. 89
IV
1723. —Juin.
iMtmdi naiuraliii accordées à Louis-André, Riccohoni, dit IMio,àM^^ Hilètu-
Virginie Bdîdti, dite Fîaminia, sa femme, et à leur fils Antoiné^FrançUS'
FaUtUin Riccoboni, dit Lélio fils.
Louis, par la grice de Dieu, roi de France et de Navarre, à 4ous préfens
et i Tenir ialut. Nos bien-amés Louis-André Riccoboni, natif de Modène,
Héltee-Vtrginie Baletti, fa fenune, native de Ferrare, et Antoine-François-
Vakntin Riccoboni, leur fils, natif de Mantoue, faiiant profeflion de la reit-
gioo catholique, apoftolique et romaine, nous ont fait rtpréfenter que par nos
lettres du mois de mai dernier nous avons permis audit Louis-André Ricco-
boni d'accepter et de jouir de la pleine et entière propriété da legs univerid
qu'a (ait en fa faveur Jean BiiTont par tefiament du 6 mai dernier, encore bien
que ledit Riccoboni fe trouvAt étranger et non natnralifé ; mais que ledit Ric-
coboni ayant toujours été, aufli bien que (a femme et leur fils, dans la réfo>
lution de fixer ùl demeure en notre royaume et d*y finir fes jours, les eapoOins
e fpéroi e nt que nous voudrions bien encore ajouter à la grice que nous avions
dtji faite audit Riccoboni père celle de lui accorder, ainfi qu'à fa femme et
à leur fils, nos lettres de naturalité au moyen desquelles ils pufiTent participer
aux avantages et aux droits dont jouiiTent nos vrais et originaires fujets et
régnicoles.
A ces caufes, voulant favorablement traiter les expofans et reconnoltre le
zèle qui a fait venir en France ledit Riccoboni et fa femme pour compofer,
avec autres de leur pays, la troupe qui contribue i notre divertiflement
et qui s'eil éublie en la ville de Paris, fous la protection de notre très-cher et
très-amé oncle le duc d'Orléans, nous avons reconnu, cenfé, tenu et réputé
et de notre grice fpéciale, pleine puiiïance et autorité royale reconnoiiTons,
ceofoos, tenons et réputons, par ces préfentes fignées de notre main, leidits
Louis-André Riccoboni, Hélène-Virginie Baletti ce Antoine-François-Vakntin
Riccoboni pour nos vrais et naturels fujets et régnicoles, voulons et nous platt
que comme tels ils puiflcnt et qu'il leur foit loifible de s'établir et demeurer
en telles villes et lieux de notre royaume, pays, terres et feigneuries de notre
obéiflaocc que bon leur femblera et qu'ils jouiflest des privilèges, (raochifes
et libertés dont joutffeot nos vrais et originaires fujets et régnicoles
90 Les Comédiens italiens.
à la charge de finir leurs jours dans notre royaume, dont ils ne pourront fortîr
fans notre permiffion expreffe et par écrit, etc.
Donné à Meudon, au mois de juin Tan de grâce 1723 et de notre règne
le huitième.
{Archivis nationaUs, Ky 17s •)
1727. — 5 avril.
Permission à Louis- André Riccohoni, dit Léîio, de faire un voyage en Angleterre,
Sur les repréfentations que le fleur Lelio, comédien italien de Sa Majefté,
nous a fait au fujet d'un voyage qu'il a deiïein de faire en Angleterre, nous duc
de Gefvres, pair de France et premier gentilhomme de la chambre du Roi,
permettons audit fieur Lelio de s'abfenter pendant deux mois pourfon voyage
d'Angleterre, fans que fes camarades puifTent lui retrancher la part dont il
jouit acmellement à la Comédie, fous quelque prétexte que ce puifTe être,
même pour abfence hors du royaume.
Permettons pareillement audit Lelio, fl le Roi d'Angleterre fouhaite de le
voir repréfenter, de jouer les rôles qu'il plaira à Sa Majefté Britannique de lui
ordonner.
En foi de quoi nous avons ûgné le préfent congé feulement pour deux
mois.
Fait au château de Verfailles, le 5* avril 1727.
Signé: Le Duc de Gesvres.
(Archives nationaUs, O*, 846.)
VI
1729.-2$ avril.
Louis- André Riccohoni, dit Lélio, et sa femme M^^ Hélène-Virginie BaUetti, dite
Flaminia, sontautorisiSy ainsi que leur fils Antoine-François-Valentin Riccohoni,
à se retirer du thédtre. Une pension de 1,000 livres est accordée individuellement
à Lélio et à Flaminia.
Le Roi ayant permis à Louis Riccoboni, dit Lelio, à Hélène Baletti, fa
femme, et à François Riccoboni, leur fils, de fe retirer du théâtre, Sa Majefté
Riccoboni. 91
étant fatisfaite des fervices dudit Lelio qui a conduit en France la troupe ita-
lienne, lui a accordé 1,000 livres de penfion pour lui et 1,000 livres pour fa
femme.
Nous duc de Mortemart, pair de France, premier gentilhomme de la
chambre du Roi, mandons et ordotmons, fuivant les intentions de Sa Majefté,
aux comédiens italiens de payer auxdits Lelio et fa femme ladite penûon de
deux mille livres par chacun an et s'il arrivoit dans la fuite des temps que la
troupe vint à fe renouveler, les comédiens qui feront alors à la place de ceux
qui fervent actuellement Sa Majedé feront tenus de continuer à payer auxdits
Lelio et fa femme ladite penAon de 2,000 livres.
Mandons en outre que fî, par Tordre ou la permiflion du Roi, ledit Lelio
fe trou voit obligé de fortir de Paris et même du royaume, Sa Ma j elle entend
que ladite penfion de 2,000 livres leur foit toujours payée leur vie durant
et que ladite troupe ne puifTe jamais leur retenir fous quelque prétexte que
ce foit.
Fait au château de Verfailles, le 25 avril 1729.
Signé : Le Duc de Mortemart.
(Arxhivts nationalttf O^ 846.)
VII
1731. — 10 avril.
W^ Hilène^Virginie BalîetH, dite Fîatninia, femme de Louis- André Riccohoni,
dit Léîio, et son fils Antoine-François-Valentin Riccoboni sont autorisés à rentrer
à la Comédie^Itaîienne.
Nous duc de Trefmes, pair de France, chevalier des ordres du Roi, premier
gentilhomme de la chambre.
Sur les repréfentations qui nous ont été faites par le fieur Lelio père et la
permiflion qu'il nous demande de faire rentrer à la Comédie-Italienne la de-
moifelle Flaminia, fa femme et fon fils, y ayant actuellement deux places
vacantes par le décès de la demoifelle Violette (i) et Pantalon (2), après en
avoir rendu compte à Sa Majefté, qui ordonne exprefTément que fa troupe ita-
lienne foit toujours compofée du nombre de quatorze parts comme la troupe
françoife l'eft de vingt-trois ; à ces caufes mandons et ordonnons auxdits co-
(1) MArgnerite RntcA, dite Violette, femme de Thomas-Antoine Viscntini, dit Thomassin, morte
à Paris le 28 fénier 1731.
(a) Pierre Alborghetti, dit Pantalon, mort à Paris le 4 janvier 1731.
92 Les Comédiens italiens.
m ■ -
médiens italiens de recevoir de nouveau dans leur troupe la demoifelle Fla-
minia et le fieur Lelio, Ton fils, à la condition par ladite demoifelle de remettre
à ladite troupe la penfion de i,ooo livres dont elle jouifToit depuis fa fortie,
et leur accordons à Tun et à l'autre pour fubûfter à la Comédie, favoir, la
part de la demoifelle Violette à la demoifelle Flaminia et trois quarts fur celle
de Pantalon audit Lelio fils, le tout aux charges, claufes et conditions portées
par les règlemens de la Comédie dont ils pafTeront un nouveau contrat avec
leurs camarades, félon l'ufage ordinaire.
Et à regard des rôles qu'ils auront à remplir dans ladite troupe, nous or-
donnons que leur emploi fera réglé à la pluralité des voix dans TafTemblée
defdits comédiens et au préalable confirmé par nous.
Mandons en fus que la penfîon de mille livres accordée ci-devant au (ieur
Lelio père lui fera continuée fans aucune interruption fa vie durant, ainfi qu'il
eft expliqué plus au long par Tordre qui en a été expédié lors de fa retraite.
Fait au château de Verfailles, le lo* avril 173 1.
Signé : Le Duc de Tresmes.
{Arthivês UAHonûUs, 0\ 846.)
VIII
1752. — 27 mars.
W^ Hilhu-Virginie Battetti, dite Flaminia, femme de Louis- André Riccoboni,
dit Lélio, est autorisée à prendre sa retraite avec 1,00e livres de pension»
Nous duc de Flcury, pair de France, premier gentilhomme de la chambre
du Roiy
Avons accordé et accordons par ces préfentes, fous le bon plaiflr du Roi, à
la demoifelle Flaminia fa retraite de la Comédie-Italienne, avec la fomme de
1,000 livres de penfion, ayant fervi dans la troupe le temps prefcrit par les
règlemens et s' étant toujours bien acquittée de fon devoir à la fatisfaction de
la Cour et du public, etc.
Fait à Verfailles, le 27 mars 1752.
Signé : Le Duc de Flextry ; le Duc de Gesvres.
{Archiva nationaUs, O^ 846.)
Voy, Dehesse (Jean-Baptiste-François); Spinette.
RiccohanL 93
R
ICCOBONI(Antoine-François-Valentin).
RICCOBONI (Marie-Jeanne de HEURLES de LABOR-
RAS de MÉZIËRES, femme de)
Antoine- François -Valentin Riccoboni naquit à Mantoue en
1707 et vint en France avec son père et sa mère en lyié. Il
débuta à la Comédie-Italienne, le 10 janvier 1726» par le r^ de
V amoureux dans la Surprise de V Amour, comédie de Marivaux, et
fut bien accueilli, grâce à son talent naissant et aussi à son père»
Lclio, qui adressa au public un discours par lequel il demandait
indulgence et appui pour le jeune débuunt. Cet incident donna
lieu à un po^te resté anonyme de composer les vers suivants :
Pour toQ fils, Lelio, ne fois pas alarmé.
Il n*a pas befoin d'indulgence ;
D*un heureux coup d'elTai le parterre charmé
N'a pu lui refofer toute fa btenvetUance.
Pour fcs fuccès fomrs cefle donc de treaibler,
Qpe nulle crainte ne t'agite,
Si ce n'eft d'avoir dans la fuite
Un généreux rival qui pourra t'égtier.
Le 25 avril 1729, Riccoboni fils quitta b Comédie-Itafienne en
même temps que son père et sa mère, mais il y rentra en 1731,
avec trois quans de pan, et reparut dans le rdie de Vâlère des
Amants réunis, comédie en trois actes, en prose, de Beauchamps.
En 1736, il quitta de nouveau la troupe et alla jouer une année
en province, après quoi il reparut à b Comédie-Italienne, le
21 mars 1737, dans une parodie d*Al^re intitulée les Sauvages,
pièce dont il était l'auteur avec Jean-Antoine Romagnesi.
De 1737 h 1749, Riccoboni fils se tint tranquille, mais le
14 décembre de cette dernière année, il sollicita et obtint sa
94 Les Comédiens italiens.
retraite. On pourrait croire que cette fois la résolution était dé-
finitive, mais il n'en fut rien, car le 21 avril 1759, il rentra encore
une fois à la Comédie-Italienne aux appointements de 500 livres
par mois.
Antoine-François- Valentin Riccoboni mourut à Paris, rue du
Faubourg-Saint-Denis, le 14 mai 1772, et fut enterré deux jours
après en l'église Saint-Laurent.
Ce comédien, que Grimm assure avoir été froid et prétentieux,
fut aussi auteur dramatique. On lui doit un grand nombre de
pièces qu'il composa pour son théâtre, soit seul, soit en collabo-
ration. Il a également publié un livre intitulé : Pensées sur la dé-
clamation.
Riccoboni le fils avait épousé, le 7 juillet 1734, en l'église Saint-
Eustache, Marie-Jeanne de Heurles de Laborras de Mézières, née
à Paris le 25 octobre 171 3, d'un père qui fut plus tard excommunié
pour crime de bigamie.
M°* Riccoboni débuta à la Comédie-Italienne le 23 août 1734
par les rôles de Lucile dans la Surprise de la Haine, comédie en
trois actes et en vers, de Boissy, et du Gascon, dans la parodie de
Zaïre intitulée : les Enfants trouvés, ou le Sultan poli par V amour,
ouvrage que son mari avait composé en collaboration avec Do-
minique et Romagnesi. Elle fut reçue, au mois de décembre sui-
vant, pour l'emploi des amoureuses, dont elle s'acquitta assez mal,
du reste, pendant longues années. Elle dut prendre ensuite des
rôles plus marqués. Un spirituel pamphlétaire de l'époque, ayant
à parler d'elle à cet instant de sa carrière dramatique, s'exprime
ainsi : « M°* Riccoboni, bel efprit, auteur, femme galante, mais
fort mauvaife actrice, joue depuis 26 ans quelques amoureufes ;
fon âge et fa taille lui ont fait abandonner cet emploi pour prendre
les perfonnages de mères qu'elle n'a jamais remplis dans l'état
civil quoiqu'elle y travaille infailliblement depuis 45 ans. »
Riccoboni. 95
On a fait sur cette actrice, qui avait été fort belle dans sa jcu-
nesse, le quatrain suivant :
Quels yeux tendres et féduifans,
Et quelle figure charmante 1
Riccoboni, fans tes talens
Ta grdce feule nous enchante.
M"* Riccoboni prit sa retraite en 1760 et mourut à Paris^ le
7 décembre 1792, rue Poissonnière.
On sait qu'elle a composé un grand nombre de romans dont
la vogue a été grande au dix-huitième siècle et qui sont actudle-
ment à peu près tombés dans Toubli (i).
{PùH0mmmitt iê$ TUitrtt, VI, 47). — CmUniHtr
hititriqmê étt Théiirtt, Pâm, CaUlMa, 1711.—
Orimm, C»r r § t^ mdmmtê liuirmirê, 111, 490. — '
Mimêint $4ertU, VI, 171. — ^/auiaMA dtt fnu
éTnfrit» 1761, par Cbtvricr. ~ BUgu^pkiê DidH,
<- Jal, DiUi^mmmirt de hUgfpkit, p. lOSt.)
I
1735. — 12 aoftt.
PlttimU du macbiniUi de la ComédU-IUdienni contre Antùimê-Froa^^^VêUiUim
RUcobani, dit Ulio fis, qui Pavait insuité tt lui avait douai um coup de piad
dans le vmtrê d un souJjUt.
L*an 1735, le vendredi 12 août, fui hearesdnfoir, nous André Defacq, etc.»
ayant M requis, nous fommes tranfporté me Montorgueil, paroifle St-San-
veor, en une nutfon à petite porte carrée près b rue Beaorepaire, où pend
(1) Mm fticeoWai « comfoté, 4it-oa, 1m tcéMt frufâiitt 4« Pn'acv dt Séltwmtt ccmvm iu-
li«B «• t*m% flctct, â% Véro«4M, repréftcnié en 1744, et « collaboré à U comédie en CfmHi, 4ooi
•00 mari c«t r««teiir et ^«t fut )ooé« es 1761. Oo lui «ttribae ««ici •w fan 4e «eUaWraiioa àêmM
la fiece iatitulee : UJugt é* Grtméd*» caseras italiea «• troia acte* 4o«t le ««iet f«i foafsl far
Aleiaa4r»'Looit CÛTareUi, 4it Scafis, et ^mi fut fovéa U )i 4é <a» Wa 1744 t^oa \m •■§, •• la
s Ravier 174 s mIos les autrca.
.- i
96 Les Comédiens italiens.
pour enfeignc la Téte-d'Or, dont la boutique eft occupée par le fieur Turpin,
marchand mercier, et étant monté en une chambre au deuxième étage de
ladite maifon, ayant vue fur ladite rue Montorgueil, avons trouvé couché dans
un lit le fieur Jacques Lavaux, machinide de la Comédie-Italienne, demeurant
en la chambre où nous fommes : Lequel nous a rendu plainte à rencontre du
fieur Riccoboni Lelio fils, acteur de la Comédie-Italienne, demeurant rue
St-Denis, près la rue aux Ours, et dit que par écrit fous feing privé fait entre lui
d'une part et les comédiens de la Comédie-Italienne d'autre part, il y a envi-
ron quinze ans, il s'efl engagé de travailler pour lefdits comédiens de fon
métier de machinifte et de faire les ouvrages néceflaires pour les pièces de
la Comédie concernant fa fonction, et les comédiens Pont admis et reçu de
leur côté à faire lefdits ouvrages pour y refier et demeurer tant que la Co-
médie auroit cours fans le pouvoir congédier fous quelque prétexte que ce fût,
fi ce n'étoit en cas de caducité ; qu'il a toujours travaillé, depuis ce tems,
pour lefdits comédiens et rempli fon devoir exactement fass aucune plainte
de leur part, faifant fon ouvrage dans les tems marqués et en bon ordre ; que
quoique le plaignant n'ait jamais donné aucun fujet de mécontentement au
fieur Lelio fils, néanmoins il y a environ huit ou dix jours, fur les quatre
heures après-micH, lui plaignant étant à travailler dans la Comédie-Italienne,
rue Mauconfeil, aux décorations du théâtre, ledit Lelio fils, qui veut appa-
remment le faire mettre dehors de la Comédie pour en produire un autre à
fa place, efl venu à lui plaignant, l'a traité de b , de j... f...... de b de
chien, et qu'il lui donneroit 20 coups de bâton ; que lui plaignant lui ayant
demandé le fujet pour lequel il le traitoit de la forte, ledit Lelio fils lui a dit
que c'étoit parce qu'il mettoit une ferme qu'il ne falloit pas mettre, bien que
ce fût la quinzième fois que lui plaignant l'ait mife et que ce fût fa place or-
dinaire dans la décoration dont il s'agiflbit ; que lui plaignant, pour contenter
ledit fieur Lelio, a retiré ladite ferme et l'a mife â la place où il fouhaitoit;
que depuis ce tems ledit fieur Lelio a journellement dit des injures à lui plai-
gnant fans fujet; qu'en dernier lieu, le jour d'hier entre quatre et cinq heures
du foir étant â travailler aux décorations et au cintre du théâtre pour une pièce
nouvelle appelée : le Soupçonneux (i), que les comédiens fepropofoient de jouer
le famedi fuivant, i ^ du préfent mois, et auquel ouvrage il avoit padé la
nuit précédente, ledit fieur Lelio ed encore venu trouver lui plaignant à fon
travail, comme il étoit au cintre du théâtre, lui a dit : « Parle donc, b I
Pourquoi le théâtre n'efi-il pas prêt?» Que lui plaignant lui a fait réponfe
(i) Ce n'était pas nne pièce nouTelle; c'était une reprise. LtSompfonneu*,C9.ntrûi italien en trois
actes, de Louis-André Riccoboni, dit Lelio, avait été joué pour la première fois à la Comédie-Ita-
lienne le 29 janvier 17J1, avec beaucoup de succès, grâce au talctit dt l'auteur qui y remplissait le
principal personnage.
Riccobani. 97
qu'il rétoit â la réfcrvc d'une petite prifon qu'il alloît mettre et que Ton ne
cotnmenceroit pas la comcMic d'une demi-heure ; qu'il ne lui a répondu que
par des injures, l'a traité de j... f...... lui a dit qu'il lui donneroit 20 coups
de bâton, lui adonné un coup de pied dans le ventre, un foufflet et a voulu
mettre l'épée â la main, ce qu'il auroit fait s'il n'en avoit été empêché par les
ouvriers de lui plaignant qui étoient préfens : Et, non contem de cela, l'a
excité de fortir dehors de la Comédie pour le maltraiter et lui a Ciit plufieurs
menaces et entre autres de le tuer ; que lui plaignant eft revenu chez lui, a été
obligé de fe mettre au lit pour les bleffurcs qu'il nous a dit reflentir dans le
corps des coups que ledit Lelio lui a donnés, vo qu'il étott auifi tombé ce
même jour dans le cintre du théâtre de b hauteur de quatre pieds et qu'il
croit s'être foulé une côte ; qu'il s'ed fait faigner ledit jour d'hier et nous a
dit rdTcntir encore de grandes douleurs dans le corps. Et enfin lefdits comé-
diens ont envoyé cejourd'hui le nommé Rollet, leur portier, chez lui plaî-
giunt, lequel lui a dit de la part defdits comédiens qu'il eût â ne pas venir
travailler davantage â b Comédie parce qu'il arriveroit malheur entre lui et le
fieur Lelio, quoiqu'ils ne lui aient pas payé fes appointemens depuis quatre
mois. Et comme lui plaignant a intérêt de fe pourvoir pour raifon du foutenn
en b préfente plainte, il a requis notre tranfport â l'effet de nous rendre icelle
plainte.
Signé : Lavaux ; Defacq,
II
1744. — 19 juillet.
Plainte renJiu par Antoine-Framçois-FaUmim Rùcoboni, dii LilioJUs,
conirt um de us criatuUrs qui VmMii insulté puhliquimeiU,
L'an 1744, le dinunche 19 juillet, cinq heures de relevée, efl venu et com-
paru en l'hôtel et par-devant nous Jofeph Aubert, etc., fieur François Ricco-
boni, officier du roi, demeurant â Paris, rue PUtricrc : Lequel nous a (ait
plainte, et dit que heure préfente, paibnt me Montorgueil pour aller â b
Comédie-Italienne, et étant près le cul-de-fac de b Bouteille, il a été furpris
de fe voir entourer par quatre particuliers un defquels qu'il a reconnu pour
être le nommé Frampart, marchand fripier fous les piliers des Halles, s'eft
jeté fur foo épée pour la lui arracher en criam au voleur ; et les autres lui ont
COM. 01; BOf. — u. 7
^8 Les Comédiens italiens.
faifi les bras et la gorge, ce qui a tout d'un coup amafTé beaucoup de monde ;
que lui plaignant ne peut juger que ledit Frampart lui ait fait cette infulte
publique, fi ce n'eft que parce qu'il lui doit quelque refle de fournitures qu'il
lui a faites. Cependant comme les voies de fait ne font pas permifes et que
c'eft pour la troifième fois que ledit Frampart l'attaque dans les rues à deflein
prémédité, et qu'il a lieu de faire réprimer et punir ledit Frampart par les
voies de droit, rapport au fcandale qu'il lui a fait et à l'infulte publique, c'efl
pourquoi il efl venu nous rendre la préfente plainte.
Signé : A. F. Riccoboki; Aubert.
{Archivts nmiionmlts. Y, 14,069.)
m
1749. — 14 décembre.
AntoirU'FrançoiS'Vahfitin Riccohoni, dit Lélio fils, est autorisé à prendre
sa retraite.
Nous duc de Richelieu, pair et maréchal de France, premier gentilhomme
de la chambre du Roi, avons fous le bon plaifîr de Sa Majefté accordé au
(leur Riccoboni fils dit Lelio la permiflion de fe retirer de la Comédie-Ita-
lienne et ordonnons qu'il jouira de la penfion attribuée à ceux qui fortent
après avoir fervi le temps prefcrit, le tout conformément aux règlemens et
conventions de ladite troupe.
Fait à Verfailles, ce 14 décembre 1749.
Signé : Le Maréchal de Richelieu.
{Arthixts n^tionaUSf O', S46.)
IV
1759. — 21 avril.
Antoine^FrançoiS'Valentin Riccohoni, dit IMio fils, est autorisé à rentrer
à la ComéJie-Italienne az'ec 500 livres ff appointements par mois.
Nous duc d'Aumont, pair de France, premier gentilhomme de la chambre,
chargé du détail des fpcctades
Riccoboni. 99
Nous avons pareillement accepté l'offre qui nous a été faite par le (leur
Riccoboni de rentrer au Théitrc-Italien pour y rcpréfentcr tant que Tes fcrvices
feront néccHaires et lui avons fixé fes appointeroens à la fomme de 500 livres,
laquelle lui fera payée de mois eo mois à compter du premier du prèfent
mois d* avril.
A Paris, le 21 avril 1759.
Signé : Le Duc d'AuMONT.
{Âukittt UAti0mMUit O', S46.)
1760. — 26 mars.
A/'^ Sfarie-]eanfu de Heur Us de Lahorras, femme d^Antoim-FfançwS'VaUmtm
Riccoboni, dit Ulio fils, est autorisée à pnudn sa retraite.
Donner le congé de retraite â MU« Riccoboni qui gardera fa part pour cette
année feulement, â condition de payer ),000 livres â un acteur.
Paris, 36 mars 1760.
VI
1780. — i« avril.
Brevet d'une pension di 2,000 litres accordée par le roi à il"' Marie^Jeanm de
Heurtes Je Ldborras, l'euve d* Antoine-Franfois-Valentin Riccoboni, dit Lélio
fUi.
Brc%'et d'une pcnfion de 3,000 livres en faveur de la dame Maric-Jeaime de
Laborris, née i Paris le 2$ octobre 171 5, baptifée le lendemain dans la pa-
roitle St-Huilache de ladite ville, veuve do fieur Riccoboni, pour lui tenir
lieu de la gratification annuelle de pareille fomme qui lui a été accordée fur
les dcpcnfes extraordinaires des menus plaiûrs, tans retenue, par décifion du
j juin 1772.
i« avril 1780.
100 Les Comédiens italiens.
(Pièces JOINTES au brevet.)
I. — Acte de ktpUwii de Af"^ Riccobom.
Extrait du regiftre des bapttees faits en Téglife paroilEale de St-£u(lachc
à Paris:
L*an rail fept cent treize, le jeudi vingt-fix octobre, fut baptifée Marie-
Jeanne, n«S^ d*hier, fille de Chrillophe de Laborras, intérelTé dans les affaires
du Roy, et de demoilelle Marie Pujacque (i), fa femme, demeurant rue des
Bons-Enfans. Le parrain : Jean Gervais (2), banquier à Lyon; la marraine :
Marie-Geneviève JoUain, fille de défunt Guillaume JoUain, marchand à Lyon,
lefquels ont figné ; le père abfent.
3, .1 DéclaraHan autographe de M^ Riccohoni relativement à sa pension,
Marie-Jeanne de Laborras, veuve de François Rîccobonî, née à Paris le
vingt-cinq octobre 171 3, demeurant à Paris, rue Poiffonnière, près la rue
Bergère, déclare jouir, depuis le premier janvier 1772, de deux mille livres de
gratincution annuelle employée fur les états des menus plaifirs du Roi, dont
elle a été payée de fix mois enfîx mois, jufqu'au premier janvier 1779, P^^ ^^
tréforier des menus plaifirs. Laquelle gratification cû la feule grâce que ladite
Marie-Jeanne de Laborras tienne de Sa Majedé, qui a bien voulu la lui ac-
corder en faveur de fes travaux littéraires.
i'criifié véritable à Paris, ce fcizc juin mille fept cent foixante-dix-neuf.
Signé ; Marib-Jbanne de Laborras, veuve de François Rîccobonî.
(4rtiiWi méU^nûUi, Qi, 686.)
IV.v, BAtLKïTi (Antoinb-Étienne); Dehesse (Jean-Baptiste-François).
R
IVif.RK (Catherine- Antoinette FOULQUIER, femme
de M. de), dite Catinon.
K*)>Xt Bkrtina«i (Charles-Antoine); Catinon (Catherine-Antoinette
POULQVUR» dite); Dkuesse (Jean-Baptiste-François).
(l> IUm r*v<» 4» m«rUge de M"* Riccoboni, sa mère est appelée Marie-Marguerite Dujac.
(I> C» |m« U«f v«U «v«U épousa, Tannée précédente, une célébrité des théâtres de la foire, Gcr-
M ^ I^^Mt 4tl« Uk IMU T^wmêfU9t dont il m sépara du reste judiciairement et avec scandale peu après.
Rochard. loi
ROCHARD DE BOUILLAC (Charles-Raymond). Issu
d*unc honorable famille parisienne qui lui fît donner une
bonne éducation, Charles-Raymond Rochard de Bouillac, après
s'ùtre (ait recevoir avocat au Parlement, fut pourvu, le 26 no-
vembre 1733, de l'office de substitut du procureur général aux
requêtes de THôtel. Mais son goût l'entraînant vers le théâtre,
il se défit de sa charge, entra à l'Académie royale de musique, où
il séjourna peu, et à la Comédie-Italienne, où il débuta, le 19 no-
vembre 1740, dans le Superstitieux, pièce française en trois actes
et en vers libres, de Jean-Antoine Romagnesi. Chanteur agréable
et bon acteur, il fut reçu au mois de décembre de la même année.
Il a créé avec un grand succès le principal rôle dans la Servante-
Maltresse, comédie en deux actes, de Baurans, musique de Per-
golèsc, représentée le 14 août 1754 et où il fut du reste admira-
blement secondé par M"* Favart.
La Servante-Maîtresse attira longtemps la foule à la Comédie-
Italienne et fut reprise, le 19 octobre suivant, dans une représen-
ution donnée au bénéfice de ces deux artistes et de Dehesse, leur
camarade, en même temps que les Amours champêtres, pastorale
de Favart, et les Amours de Bastien et de Bastienne, parodie par
M** Favart et Hamy.
Rochard a été aussi très-appbudi dans Ninette à la Cour, ou U
Caprice amoureux, pièce de Favart représentée le 12 février 174$.
Après une carrière dramatique assez belle, Rochard prit sa
retraite en 1 764.
On a fait sur lui le quatrain suivant :
Rochard en chantant, fur de plaire.
Nous prouve bien rcnfiblemeiit
Qpe b voix eft naoins néceflaire
Qpe le goût et le fentiment.
On attribue ï ce comédien une pièce en deux aaes et en
102 Les Comédiens italiens.
vers : V Amant trop prévenu de lui-mime, qui fut jouée à la Co-
médie-Italienne le 9 novembre 1781.
Rochard vivait encore au commencement de Tannée 1789.
{Dictionnaire dts ThUtrtt, VI, 715. ^ CmUmdrier
iistoriqu* du Thiiiru, Paris, CaiUeaa, 17s i* *->
Almaniuh dêt gtns Jtttprit, par Chrrrier, 1762.
— Mémoires secrets, l, $2, XVIII, 14s •)
I
Ï733' — ^ novembre.
Charles-Raymond Rochard de Bomïïac est nommé substitut du procureur général
du Roi aux requêtes de V Hôtel.
Louis, par la grâce de Dieu, etc., favoir faifons que pour l'entière con-
fiance que nous avons en la perfonne de notre cher et bien-amé maître
Charles-Raymond Rochard, avocat en notre cour de Pariement de Paris et
en fes fens, fuffifance, capacité et expérience au fait de judicature, fidélité et
affection en notre fervice, pour ces caufes et autres, nous lui avons donné et
octroyé, donnons et octroyons par ces préfentes l'office de notre confeiller
fubditut des avocat et procureur pour nous aux requêtes de notre Hôtel que
tenoit et exerçoit maître Jacques-Charles Thévart, dernier poiïefleur, etc.
Donné à Paris, le 26^ jour de novembre l'an de grâce 1735 et de notre
règne le 19e.
Le fieur Rochard, dénommé èfdites lettres, a été reçu, ouï le procureur gé-
néral du Roi, fuivant l'arrêt du 3 décembre 1733.
{Archives nationales, \\ i^oy)
II
1746. — 27 décembre.
CharîeS'Raymond Rochard de Bouillac rend plainte contre un maltre-marichal qui
V avait insulté, ainsi que sa femme, à diverses reprises.
»
L'an 1746, le mardi 27 décembre, quatre heures de relevée, cfl venu et
comparu en l'hôtel et par-devant nous Jofeph Aubert, etc., fieur Charles-
Raymond Rochard de Bouillac, l'un des comédiens italiens ordinaires du Roi>
demeurant rue Thévenot : Lequel nous a rendu plainte et dit qu'il a été forcé
Rocbard. 103
de ne fc plus fcrvir du nomme Rovilain, maltrc-maréchal, pour avoir par trois
fois piqué par impéritic fcs chevaux en les ferrant- Qu'en haine et pour fe
venger de ce qu'il Tavoit quitté, il lui a fait faire pluficurs fois la dcmiiuie
par (à femme de laf ommc de ùx livTes qu'il prétend lui être due, laquelle
ii>mme il ne doit point. Que le jour d'hier ledit Rovilain, accompagné du
nommé Caron, vinrent chei lui. Qpe fa fervante lui ayant répondu que lui
plaignant n'étant pas a Paris, il s*e(l mis X proférer hautement dans la cour
des injures contre fon honneur et réputation, le traitant de voleur, fripon et
banqueroutier. Que l'époufe de lui plaignant, ayant entendu toutes les injures
qu*il avoit proférées, envoya dire audit Rovilain de venir lui parler en cas
qu'il lui fût dû quelque chofe, qu'elle le payeroit et lui donneroit une quit-
tance. Que ledit Rovilain ne voulut pas venir lui parler et fit dire qu'il vien-
droit le mardi. A laquelle fervante il répéta encore totxtes fortes d'injures
contre lui. Que cejourd'hui, fur les trois heures de relevée, ledit Rovilain,
accompagné dudit Caron et d'un autre particulier, font venus chez lui, et
comme il n*y étoit pas et qu'il n'y avoit que fon époufe, il n'y a fortes d'in-
jures qu'ils n'aient dites contre lui plaignant. Et fur ce que ladite dame fon
époufe lui a repréfenté le tort de parler ainfi, il a traité fon époufe indigne-
ment, lui difant qu'elle étoit une p , une g...., qu*il lui f. vingt coups
de pied dans le ventre. Lefquelles menaces il fit fi hautement que des loca-
taires de (à nuifon, qui favoicnt que lui plaignant n'étoit point chez lui et
fcandalifcs des injures atroces d menaces que ledit Rovilain faifoit i ladite
dcmoifelle Rochard, ne purent s'empêcher de defccndrc pour empêcher qu'elle
ne fût maltraitée. Que lui plaignant rentrant chez lui dans l'inllant avec fon
bcau-frcre et ayant entendu les injures et menaces que ledit Rovilain faifoit
i fon époufe, il n'a pu s'cmpéchcr, trouvant ledit Rovilain dans le bas de Tef-
callcr, de lui représenter le tort qu'il avoit d'infulter fon époufe ; mais qu'au
lieu de fe retirer, il répéu i lui-même toutes les mômes injures, et le traita
de fripon et de banqueroutier, ce qui fît qu'il le prit par les épaules pour le
mettre hors de chez lui. Et comme il ne connoifToit pas lefdits deux particuliers
qui étoient avec ledit Rovilain et voyant que ledit Rovilain vouloit porter la
main fur lui, lui plaignant et fon beau-frêre furent obligés de mettre Fépéeà
la main pour contenir ledit Rovilain et les deux particuliers qui étoient avec
Isi'i. Que lui plaignant, â la vérité, irrité de fes injures et de fes menaces, lui
porta un coup de pied dont il cft tombé par terre et s'eft mis k crier pour
ama(Tcr la populace et lui Caire un fcandale. Et comme il a intérêt d'avoir
raifun d'une parâllc infultc, il cft venu notis rendre la préfente plainte.
Signé : Rocuaid de BouaLAC.
{Ârtkmm mMi»»mmUi»y, 14,071.)
104 ^^^ Comédiens italiens.
III
1746. — 27 décembre.
Plainte rendue par un maitre-maréchal contre Charles-Raymond Rocbard de BouUlac
qui Vavait insulté et roué de coups.
L'an 1746, le mardi 27 décembre, quatre heures de relevée, eft venu et
comparu par-devant nous Jofeph Aubcrt, etc., en notre hôtel, Jean-Pierre
Rovilaîn, maitre-maréchal à Paris, demeurant rue Montorgueil : Lequel nous
a rendu plainte et dit que le iieur Rochard, un des acteurs de la Comédie-
Italienne, demeurant préfentement rue Thévenot, qui lui doit la fomme de
18 livres pour reliant de ferrures qu'il a faites à fes chevaux, la demoifelle fon
époufe envoya, le jour d'hier dans l'après-midi, fa fervante lui dire de venir dans
l'inftant pour chercher de l'argent parce que le fieur Rochard n'y étoit pas.
Qjie lui ayant dit qu'il n'y pouvoit y aller dans l'inûant, étant à travailler,
ladite fervante lui dit de venir donc le lendemain à la pareille heure. Q.ue ne
fe trouvant pas encore en état d'aller cejourd'hui chez ledit Heur Rochard,
il y avoit envoyé fon époufe, et à fon retour elle lui dit que c'étoit lui que
l'on demandoit afin de pouvoir donner fa quittance et que s'il attendoit â de-
main il n'auroit rien; ce qui fit que lui plaignant alla auflitôt chez ledit fieur
Rochard et ayant parlé à l'époufe dudit fieur Rochard, qui lui dit que ledit
fieur Rochard ne lui devoit que fix francs. Que lui dépofant lui ayant répondu
qu'il lui étoit dû 18 livres et qu'il le feroit connoitre au fieur Rochard lorfqu'il
feroit à Paris, parce qu'on lui avoit dit que ledit fieur Rochard n'y étoit pas,
et il s'cft retiré. Mais a été fort furpris, en fe retirant, de trouver ledit fieur Ro-
chard à fon padage avec deux particuliers et deux domefiiques tenant tous
deux des manches à balai, et ledit Rochard avec les deux autres particuliers,
l'épée nue, lequel après l'avoir injurié et avoir fait fermer la porte de la cour
qui donne dans la rue, l'a maltraité de coups de manche à balai qu'il tenoit,
dont il lui en a donné un coup fur les reins qui l'a renverfé par terre, et les
domediques lui ont porté un fur la tète. Que ledit Rochard non content de ce,
voulut le percer de fon épée, ce qu'il auroit fait fi le fieur Caron, maître-
teinturier, ami de lui plaignant, ne s'étoit mis au-devant. Que c'eft avec beau-
coup de peine qu'on l'a relevé, étant prefque mort. Que ledit fieur Rochard,
après lui avoir donné le coup de manche à balai fur les reins et croyant l'avoir
Rochard. 105
tué, lui rafla de la pointe de Ton épée la joue en difant : <c Achevons-le I » Que
comme il ne peut douter que ces infultes et voies de fait ne lui aient été
faites de deflein prémédité, puifque l'on favoit qu'il devoit venir aujourd'hui
chez ledit Rochard et que la demoifelle fon époufe lui avoit dit qu'il n'y étoit
pas, et qu'il fe trouve dangereufement blelTé tant aux reins qu'à la tète, il efl
venu nous rendre la préfente plainte.
Signé : Rovilain.
(Arthipa uatiouaUs, Y, 14,071.)
IV
1763. — 29 mars.
L'ordre de retraite précédemment donné à Charles-Raymond Rochard de Bouilïac
est reculé (Pune année à la condition qu'il remplira plus exactement son devoir
et qu'il prendra des arrangements avec ses créanciers.
Nous duc de Duras, pair de France, premier gentilhomme de la chambre
du Roi,
Avons prolongé l'ordre de retraite du (ieur Rochard, donné par nous Tannée
dernière, encore cette année, à charge par luy de faire plus exactement fon
devoir et de fe tenir prêt à tous les rôles jugés néceffaires par la troupe pour
le fervice du public et de prendre, tant vis-à-vis du caiflier que de fes autres
créanciers qui nous portent journellement des plaintes, des arrangemens con-
venables, dont ledit caif&er nous rendra compte et à cet effet ledit caiflier
fera recette de tous les feux, manfes, jetons domeftiques, revenant bons de la
cour, penûon et autres fur lefquels il fera accordé audit Rochard 200 livres
par mois et le furplus employé à l'acquit de fes dettes tant vis-à-vis de la
troupe que du caiflier et autres privilégiés; ladite continuation ne lui ayant
été accordée qu'à cette confidération.
Fait à Verfailles, ce 28 mars 1763.
Signé : Le Duc de Duims.
{Arthipes nationales, O', 846.)
loé Les Comédiens italiens.
1763. — 8 octobre.
Plainte rendue par Charles-Raymond Rochard de Bouillac contre un huissier-priseur
qui Vavait insulté et traité de gibier à commissaire.
L'an 1763, lefamedi 8 octobre, cinq heures et demie du foir, en Tbôtel et
par-devant nous Pierre Chénon, etc., eft comparu fieur Charles-Raymond
Rochard de Bouillac, l'un des comédiens ordinaires du Roi, demeurant à Paris,
rue Ste-Barbe : Lequel nous a dit, qu'étant padé par hazard dans la rue
Poiffonnière, il a vu une affiche de vente à la première porte cochère en en-
trant par le boulevard dans la maifon d'un vemifleur de carrofTes; qu'étant
monté au fécond chez le défunt fieur Guigne, premier valet de garde-robe du
Roi, il y a entendu crier à 48 fols un habit par morceaux de foie teinte en
noir; que le plaignant d'enchère en enchère l'a pouffé à 12 livres trois fols,
fur la criée d'un gros homme vêtu de gris. Le plaignant a entendu nommer
fon nom difant que l'habit lui étoit adjugé; qu'en conféquence le plaignant
ayant pafTé dans un petit cabinet donnant dans la chambre où fe faifoit la
vente, en voulant remettre lefdites douze livres trois fols à un particulier
habillé de noir, il a demandé à voir fi l'habit étoit complet ; qu'on lui a offert
quelques morceaux de ladite étoffe en lui difant que c'étoit ce qui lui étoit
adjugé ; que le plaignant s'étant récrié fur le peu d'étoffe qu'il y avoit, ledit
particulier habillé de gris lui dit que s'il avoit d!né il allit rendre fon dtner
ailleurs, et que ce n'étoit pas là qu'on jouoit la comédie; qu'à de pareils
propos le plaignant lui a dit qu'il étoit un f.... infolent; que ledit habillé de
gris lui a répondu qui! avoit tort de le troubler dans fes fonctions et qu'un
gibier à commiifaire comme lui n'étoit pas fait pour lui tenir de pareils
propos; que le plaignant lui a répondu que puifque il fe déclaroit Thuifller
prifeur il ne lui feroit pas ce qu'il méritoit pour fes injures, étant dans fes
fonctions. Auflît6t le plaignant s'efi retiré proteflant qu'il alloit fe pourvoir
pour raifon des infultes. Pourquoi le plaignant efl venu nous rendre plainte.
Signé : RoCHARD DE Bouillac; Chénon.
{Archiva nationales. Y, xi,3Si.)
Voy. Bertinazzi (Charles-Antoine); Lejexjne Oban-François).
Romagnesi. 107
ROMAGNESI (Marc-Antoine), dit Cinthio. Marc-An-
toine Romagnesi, né à Vérone vers 1633, était le fik de
N. Romagnesi qui jouait, dans l'ancienne troupe italienne, les
amoureux sous le nom d'Orazio, et de Brigida Bianchi, dite
Aurélia, qui remplissait dans b même troupe Temploi des amou-
reuses.
Orazio mourut en 1660 et Aurélia décéda au mois de no-
vembre 1703, rue Saint-Denis, près la communauté de Saint-
Chaumont, à Tige de 90 ans.
Leur fils débuta à la Comédie-Italienne en 1667, sous le nom
de Cinthio, et y remplit successivement les emplois des seconds
Cl premiers amoureux jusqu'en 1694, époque où il prit les rôles
de docteur .
Après la suppression de la Comédie-Italienne en 1697, Marc-
Antoine Romagnesi, qui s'était fait naturaliser Français en 168$,
continua à séjourner à Paris, où il mourut le 28 octobre 1706,
rue Saint-Denis. Il fut enterré le lendemain en l'église Saint-
Laurent.
De son mariage avec Julie-Êlisabeth de Léglise, il eut plusieurs
enfants dont deux seulement, GaStan et Charles-Virgile, se firent
comédiens. Il sera parlé d'eux plus loin.
« Cinthio, dit le Livre fans nom, étoit un homme d'efprit et
a compofè en vers et en profe. Il fit imprimer en Italie, en 1673,
un volume de Poifies héroïques et amoureufes, f ocrées et morales,
qui furent très-eftimées par les plus fameux pointes d'Italie. Il étoit
bon philofophe, favant dans les belles-lettres, d'une converfation
douce, les manières polies et les fentimens pleins d'honnêteté. »
Marc-Antoine Romagnesi a aussi composé plusieurs pièces à
canevas qui furent représentées avec succès à la Comédie-Ita-
lienne.
{Hutmft éê Témngm Théitrt tulitm, f . gj «t 14.
— Jal, Dutiêmméin dt hUgfpkit^ f. lolt.)
io8 Les Comédiens italiens.
I
1685. "- Décembre.
Lettres de naiuralité accordées à Marc-Antoine Romagnesi, dit Cinthio,
Louis, par la grâce de Dieu, roi de France et de Navarre, à tous préfens et
à venir, falut. Notre amé Marc -Antoine Romagnefi, natif de Vérone en
Italie, faifant profeffion de la religion catholique, apodolique et romaine,
nous a fait remontrer qu'il s'eft habitué dans notre ville de Paris depuis lon-
gues années et qu'il défireroit finir fes jours dans notre royaume, et y vivre
comme notre vrai et naturel fujet et regnicole, nous fuppliant très-humble-
ment de lui accorder nos lettres fur ce néceffaires. A ces caufes, voulant
favorablement traiter ledit fieur Romagnefi, favoir faifons que de notre grâce
fpéciale, pleine puiffance et autorité royale, nous l'avons tenu, cenfé et réputé,
reconnoifTons, tenons, cenfons et réputons par ces préfentes fîgnées de notre
main pour notre vrai et naturel fujet et regnicole, voulons et nous plaît qu'il
puifTe demeurer en notredite ville de Paris ou tel autre lieu de notre royaume
qu'il défirera et qu'il y jouiffe des mêmes privilèges, franchifes et libertés
dont jouiffent nos vrais et originaires fujets, etc.
Donné à Verfailles, au mois de décembre l'an de grâce 1685 et de notre
r^e le 43e, figné : Louis, et fur le repli, par le Roi : Colbert, et fcellés du
grand fceau de cire verte.
{Archives nationaUt, Z, 6,0x4.)
II
1688.
Marc-Antoine Romagnesi, dit Cinthio, touche tant pour lui que pour ses camarades
une somme de $^o livres pour comédies jouées devant le Roi.
A Cinthio, l'un des comédiens italnns, tant pour lui que pour la trouppe,
la fomme de trois cent quatre-vingt-dix livres pour cinq comédies par eux
jouées à Verfailles pendant les fix derniers mois. . . . III« IIII" X livres.
{Arthiv*! nmtionmlêt, KK, 314.)
Romagfusi. 109
III
t6^. — > Octobre et novembre.
Plainti rendue par Marc- Antoine Romagnesi, dit Cinthio, tant pour lui que pour
plusieurs de us camarades, contre ditrrs autres comédiens de la même troupe au
sujet du litre d^Èvariste Gberardi intitulé : Théâtre-Italien.
L'an 16^, le 30* jour d*octobre, huit heures du foir, eft venu en l'hdtel de
nous Claudc-Euibche de Barry, etc., Marc- Antoine Romagnefi dit Cinthio,
unt pour lui que fe portant fort et ayant charge de demoifelle Urfule Cortezâ,
veuve Dominique BiancoIlcUi dit Arlequin, demoifelle Françoife BiancoUelU
dite IfabcIIe, demoifelle Catherine Biancollclli dite Colombine, femme de La-
thorillicrc, et Thibcrio Fiorilli dit Scaramouche ancien : Lequel nous a fait
plainte et dit que Évaridc Ghcrardi dit Arlequin ayant fait imprimer et débi-
ter un livre fous le titre du Thédtre- Italien, ou Recueil de toutes les f cènes françoifes
qui ont été jouées fur le Thédtre-Italien de V hôtel de Bourgogne, les fufnommés et
leurs camarades auroicnt obtenu un arrêt du Confcil privé, le 17 feptembre
dernier, portant que le privilège obtenu par ledit Ghcrardi, le 24 mai dernier,
pour imprimer le Ii\Te en qucilion feroit rapporté, avec défcnfe audit Ghe-
rardi, i Guillaume Deluyne, libraire, et tous autres de s'en fervir ni faire
aucun débit dudit livre, fous les peines portées par ledit arrêt et, i cet effet,
que la planche feroit rompue et que les exemplaires faifis et féqueflrés, éunt
en les mains des huiffiers, feroient remis en celles des demandeurs ; mais, de-
puis l'obtention dudit arrêt, ayant tous goûté les raifons dudit Ghcrardi, ils
feroient tous demeurés d'accord, dans une aflfemblée faite entre eux le 27 de
ce mois, que ledit livre pouvoit être de quelque utilité au public et i leur
troupe, ne feroit pas fupprimé mais vendu et les deniers en provenant didri-
bués entre eux égalemem. Cependant, au mépris de cette convention, les
plaignans ont été furpris d'apprendre que Conibmino ConlUntini dit Gradelin,
Jean-Biptide Conliantino dit Ocuve, Jofeph Gératon dit Pierrot, Jofeph Tor-
toriti dit 5>caramouche le jeune et Michel Fracanfani dit Polichinelle, animés
et pouiTés par Angclo Conllantini dit Mésetin, ont réfolu, entre eux, de brûler
ledit livre, quoiqu'il ne foit pas ainfi ordonné par ledit arrêt et d'auunt que
les plai^^nans ne fc font pas trouvés de cet avis par les raifons dcflus dites, iU
ocit été confcillcs de nous rendre la préfcntc plainte.
iio Les Comédiens italiens.
Et le 5« jour de novembre audit an 1694, neuf heures du matin, eft derechef
venu en Thôtel de nous commiffaire fufdit ledit de Cinthio, lequel, en conti-
nuant les plaintes à nous par lui, audit nom, cy devant rendues, nous a,
d'abondant, fait plainte et dit que ledit jour 30 octobre dernier, en fortant de
notre hôtel, étant rentré dans leur hôtel de Bourgogne, il a été furpris d'ap-
prendre que ledit Mézetin, leul, ayant figné un acte fous feing privé portant
que les exemplaires du livre en quedion feroient brûlés quoique ledit arrêt
n'en ait ordonné que la fuppreflion. Difant hautement ledit Mézetin que, quoi-
qu'il fût feul de fon parti, au préjudice du réfultat fait en ladite afTemblée du
27 octobre dernier, portant que ledit livre feroit vendu au profit de leur
troupe, il prétendoit qu'il fût brûlé. Ce qui auroit obligé les plaignans de faire
lignifier, fur-le-champ, un empêchement audit Mézetin, en fon domicile, par
Ledoux, huifiler à cheval. Au préjudice duquel les plaignans ont appris que
ledit Mézetin n'avoit pas laififé que de faire fupprûner et lacérer lefdits exem-
plaires qui eftoient es mains de l'huifiier Boivin : Prétendant les plaignans de
n'être aucunement tenus des frais, dépens, dommages et intérêts que ledit
Arlequin pourroit obtenir en cas qu'il obtienne à fes fins, etc., que fon pri-
vilège fubfide, les auteurs defdites fcènes françoifes lui ayant donné leur con-
fentement, par écrit, de les faire imprimer.
A cette plainte est joint un exemplaire imprimé de Varrêt du Conseil privé; il
est ainsi conçu :
Sur la requête préfentée au Roy en fon confeil par les comédiens italiens
entretenus par Sa Majedé, contenant que le nommé Gherardi dit Arlequin,
l'un d'entre eux, par une entreprife et une infidélité inouïe, a tiré adroitement
de celui qui en étoit dépofitaire toutes les pièces et fcènes détachées qui ont
été repréfentées depuis trente ans fur le théâtre des comédiens italiens, lef-
quelles pièces les fupplians apprennent que ledit Gherardi a fait imprimer fous
le titre du Théâtre-Italien, ou Recueil de toutes les fcènes françoifes qui ont été
jouées fur le Théâtre-Italien de l'hôtel de Bourgogne, en un vol. in- 12, en vertu
d'un privilège qu'il a furpris le 24 mai dernier, infpirant contre la vérité que
cette imprefiion fe faifoit du confentement de la troupe, qui au contraire a un
intérêt enfible de s'oppofer à l'exécution de ce privilège et d'empêcher le
débit qui va fe faire de ce livre, parce que les pièces de théâtre reprennent tout
leur agrément et deviennent pour ainfi dire comme nouvelles lorfqu'elles ont
été quelques années fans être jouées, en ce que les idées en font effacées par
la fufpenfion des repréfentations ; au lieu que fi cette impreflion avoit lieu,
elles deviendroient publiques et communes, que les fupplians n'oferoient plus
fe flatter d'aucun fuccès en les jouant fur leur théâtre qui tomberoit infailli-
Romagmsi. m
blemcnc. Mais quand ces conûdérations importantes cefleroicnt, il eft certain
que ce nommé Gherardi n'a eu aucun droit de furprendre en fon nom ce
pri\ilcgc, parce que les comédies qui ont été repréfentées depuis trente ans
doivent être confidérées comme une efpèce d'immeuble qui compofe tout le
fonds de la troupe i laquelle ces comédiens appartiennent comme les ayant
acquifes des auteurs auxqueb ils en ont payé le prix. C'eft pourquoi il y a
toujours eu un d'entre eux prépofé exprès pour demeurer dépoHtaire de ces
pièces, afin d'en diflribuer les rôles fuivant que la troupe le juge i propos. En
forte qu'il n'a jamais été permis i défunt Dominique dit Arlequin d'imprimer
un acte de b comédie fous le titre de Grapigmm (i) ; ce qui eft tellement
coona audit Gherardi, que lui-même fâchant le préjudice que ces fortes d*im-
prcflioDS poQvoient faire, de concert avec la troupe, empêcha il y a eimn»
un an celle que l'on d'entre etn vouloit hkt faire d'une antre pièce; et
comme cette entreprife obligeroit les fupplians de fermer abfolument lettr
théitre qui eft entretenu par Sa Majeflé, et que les fopplians n'ont jamais fu
le defTein dudit Gherardi qui a furpris ce privilège, en vertu duquel il a fait
imprimer dandeflinement plus de deux mille volumes de ce nouveau livre,
dont le débit iroit contre l'intention de Sa Majefté, l'intérêt do poblic et celui
<k3 fupplians qui auroient peine i fe réfoudre de jouer des pièces que le vul-
gaire fauroit par cœur et qui n'auroiem plus aucun agrément : i ces caufes
rtquérotent les fupplians qu'il plût à Sa Majeflé ordonner que le privilège
fubrepticemcnt obtenu par ledit Gherardi, le 24 mai dernier, poor imprimer
Icfdites comédies fous le titre de Thédtrê-Italiin, etc., fera rapporté avec dé-
(0 E« i4li, DoMiai^o* avait, tous 1« nom ^«a tit«rCbarl«I>ftf««ac«,f«it iaifriacr ctttt ^ikf
MtitiiU« Gf*fifU4im, — JrU^mém ^o€mreur. Mai* Ict cooiMkat iuli«a4 obtiartat U nipprinioa au
livrt ^ui fut 4èfca4u p«r un ârrét 4n CooMtl 4'Êut doat void la ttaaar :
• Sar la rt^alw préCtatéa aa Roi aa foa CoafaU ft l— coaiMiaaa haBwn ia S. M., caataaaat
^aa la aoaia»è Charlat Daraanca ayaat trouvé aMtyaa ia faira faira copia 4*aaa 4a laan piècat ao«i>
vclW* iatitttléc Gwafifnmmt •• Arleqmim fr^urtur, Û anroit au la témirité 4a 4aaMa4ar à S. M. aa
fnrtUga pour laipriaiar laiita piéca comaM t'il aa avoit été faataiif ou aa aftt aa la coaCaataaaal
4c« foppliaat ; laquai privilèga il aurait (wfriê 4a S. M. la 17 4*caaiW« iaraiar aUaia, paf aaa aoa-
ttUt fsparcharia, ajraat iatitvU foa maaafcHt : Vast^li# raaitf •#, qaoU|aa la livra qa*it a fait impriaiar
aa fptt fort dtlTèraat at (bit toua la ooai 4a C^mUit. Daqaal piivUéga il aoroh traité avac la aoauaé
BUfaart, liWaira, qui a fait cctta im^afîoa. Et eoeiaia aaa aatrtpnfa 4a catta qualité Unki tréa-
prépi4t<MMa aui fuppliaat» fi alla étott toléréa, raquéroiaat qa*il piftt à S. M. or4oaaar qaa laiit
pnvtléfa fara rapponé, qu*U laur Cera paraii* 4a faira faifir lat aiampUkaa 4a4ît livra qui (a troa*
«aroat cImj Ia4it BUfaart, la coa4aaiaar atai qaa Ia4it Daraaaaa aa toai laart éépaaa, 4oaiaMfaa
et latarétt, é^9<. 4éfrniie à tout Ubrairaa at impriaMon 4*iBpriaar laa piécaa 4aa AippUaat ûaM
laar coataataaMat.
• Va Ia4tta rcquHa at Kaatrait 4u4it priviléfa, teat coafi4éré : Sa Maiaêé aa foa CoaCdIa ottloaaé
ai oréoaac qua l«« latiraaéu privUéga 4tt4it )our 17 4éca«Wa 4arakr, oteaaoaa par Ia4it Daraaaaa,
Crra«t ta<aflamaiaat rapportéaa pour Itra fuppriaiécs f<fti< 4èfaafa aa4it Blafaart at 4 toat aatraaia
•'es («rvir et en conrcqu«a<a 4'Mclir« v«n4rc ni éebiirr Ic4it livra à paiaa 4a 1,(00 livra* 4*aaiaa4a.
Orioana rn outre S. îl . ^uc tout Ut ctampUirct 4u4it livra qui f< troavaroat impriaiéa aa «arta
4u4it privilcKc feront iaiût pour étra parciUaaanl fuppriaiéa.
• A VarOtUaa, U al févriar 1U4. Sifaé : Lm TatUtt. •
(<4rcéta«r aaliaaaiu, E, i,tJ).)
112 Les Comédiens italiens.
fenfe audit Gherardi et à Guillaume Deluyne, libraire, à qui il a cédé et à
tous autres de s'en fervir, ni de faire aucun débit des exemplaires dudit livre,
à peine de 3,000 livres d'amende, applicable moitié au dénonciateur, l'autre
moitié aux fupplians, leur permettre de faire faifir et arrêter lefdits exem-
plaires, pour en être la table rompue, et que les exemplaires qui fe trouvent
avoir été faifis et mis en féquedre par ordre verbal de M. le Chancelier es
mains des huifliers de la chaîne qui en font dépofitaires, foient remis en celles
des fupplians ; quoi faifant lefdits huifliers en demeureront bien et valable-
ment déchargés partout où ils feront, condamner ledit Gherardi en tous les
dommages et intérêts des fupplians et en tous leurs dépens. Vu ladite requête
fignée Perrin, avocat et confeil des fupplians, le fufdit livre imprimé fous le
titre de Théâtre-Italien, ou Recueil de toutes les fcènes françoifes qui ont été jouées
fur le Théâtre-Italien de V hôtel de Bourgogne, en un vol. in-12, à la fin duquel
eft le privilège de l'imprimer, obtenu fubrepticement par ledit Gherardi le
24 mai dernier ; la délibération des fupplians pour s'oppofer à l'exécution de
ce privilège, et en demander le rapport et autres pièces attachées en ladite
requête : Ouï le rapport du fieur d'Emothon, maître des requêtes, commiflaire
à ce député et tout confidéré ; le Roi en fon Confeil, de l'avis de M. le Chan-
celier, a ordonné et ordonne que le privilège obtenu par ledit Gherardi le
24 mai dernier pour imprimer le livre dont eft queftion, fera rapporté. Fait
Sa Majefté défenfe audit Gherardi, à Guillaume de Luyne, libraire, et à tous
autres de s'en fervir ni de faire aucun débit des exemplaires dudit livre, à
peine de 1,500 livres d'amende, et à cet effet que la planche en fera rompue.
Ordonne Sa Majefté que les livres faifis et féqueftrés étant es mains des huif-
liers, feront remis en celles des fupplians, en payant par eux préalablement
ce qui refte dû audit libraire et au papetier, leur permet de les faire faifir par-
tout où ils fe trouveront ; condamne ledit Gherardi pour tous dommages et
intérêts, frais de faifies des huifliers et dépens du préfent arrêt, en la fomme
de 200 livres, laquelle il fera tenu de payer auxdits fupplians.
Fait en confeil privé du Roi, tenu à Paris le 17e jour de feptembre 1694.
Signé par collation : Desvieux.
En exécution de l'arrêt du Confeil ci-deftus et du confentement de la troupe,
les exemplaires dudit livre ont été fupprimés et lacérés, ainfi qu'il réfulte du
procès-verbal du commifTaire Lemaiftre, du 30 octobre 1694, et la planche
rompue.
{Archives nalioMalet, Y, 11,123.)
Romagnesi. 113
IV
1694. — 22 décembre.
Pour sauvegarder sa responsabilité, Marc-Antoine Romagnesi, dit Cinthio, vient
déclarer à un commissaire qu'il a renvoyé de son domicile, où il le logeait depuis
deux ans, un ecclésiastique italien nommé Raffo, ancien précepteur de l'un de ses
enfants, qui se vantait partout défaire découvrir des trésors et qui cherchait la
pierre philosophale.
L'an 1694, le 22* jour de décembre, huit heures du matin, eft venu en l'hôtel
de nous Claude-Euftache de Barry, etc., Marc- Antonio Romagnefi, dit Cintio,
Tun des comédiens du Roi dans fa troupe italienne: Lequel nous a fait plainte
et dit que le 28 octobre 1692, un eccléfiaftique nommé Raffo, Italien, le vint
trouver et le pria de lui donner quelque fecours d'argent et de lui procurer
quelque bien dans la troupe, lui marquant qu'il étoit dans un extrême befoin;
de forte qu'il lui donna quelque argent, lui confeillant d'aller trouver lui*
même fes camarades, ce qu'il fît fans grand fruit. Mais ayant reconnu que
ledit Raffb avoit de l'acquis, étant philofophe et théologien, et qu'il pouvoit
être de quelque utilité auprès de Belmont (i), fon fils, qui étoit revenu de
Rome fans achever fes études, quoiqu'il y eût trois ans qu'il l'y eût envoyé à ce
fujet. Il le logea chez lui, le fit habiller de pied en cap et lui donna fa table.
Mais au bout de fix mois ledit Belmont, après avoir achevé fa logique, ayant
marqué de la répugnance à achever des études û pénibles, il les quitta. Et
ledit Raffo, n'ayant aucun bien ni afile,*prialui plaignant avec tant d' infiance
delefouffrir chez lui, qu'infenfiblement ledit Raffo a été à fa charge pendant
deux ans. Mais ayant remarqué, depuis quelque tems, que ledit Raffo abufoit
des ulens que Dieu lui a donnés, fe vantant de faire retrouver des tréfors, fe
mêlant de chimie, d'entreprendre des dérapemens et de chercher la pierre
philofophale, lui plaignant ne jugeant pas à propos de garder davantage en
fa maifon un homme de ce caractère, il l'auroit congédié, le 14 de ce mois,
afin de ne s'attirer aucun blâme dans le monde en gardant chez lui un
homme qui commençoit à s'attirer une fort mauvaife réputation. Dont et de
(t) Charles- Virgile Romagnesi de Belmont, dit Lèandre.
COM. DU ROI. — n. 8
114 Les Comédiens italiens,
ce que deffus ledit Cintio nous a rendu la préfente plainte, de laquelle il nous
a requis acte pour fervir et valoir ce que de raifon .
Signé : Marc-Antoine Romagnesi.
{àrckivts nationaUt, Y, ii,X3).)
1704. — I" septembre.
MarC'Antoine Romagnesi, dit Cinthio, se plaint contre des archers qui avaient
essayé de le mettre en arrestation.
Du premier feptembre 1704.
Eft comparu le fieur Marc-Antoine Romagnefi, demeurant rue St-Denis,
paroifle St-Nicolas-des-Champs : Lequel nous a fait plainte et dit que cejour-
d'hui, il y a environ deux heures, étant dans un carroffe avec deux de fes fils
qui font officiers de Son Altefle Monfieur le duc de Mantoue (i) et paffant fur
le pont Neuf dans un carroffe, il a été furpris de voir que des archers ont
arrêté ce carroffe et fe font faifis de lui pour le conftituer prifonnier. Comme il
n'a aucune affaire mauvaife et qu*il ne doit rien qui puiffe être exigé par corps,
il leur a dit qu'ils le prenoient pour un autre, ils lui ont dit qu'ils le connoif-
foient bien, qu'il étoit le fieur de Laroque. Leur ayant dit qu'ils fe mépre-
noient et leur ayant dit fon nom et qu'il étoit avec fes enfans qui étoient offi-
ciers de fadite Alteffe et qu'ils étoient en cour, ils n'auroient laiffé de perfifter
de le tirailler afin de l'obliger de defcendre de carroffe et de fe conftituer pri-
fonnier. Enfin fe font retirés ; mais, comme c'eft une infulte qui lui eft faite,
il a été confeillé de nous rendre la préfente plainte.
Signé : Marc-Antoine Romagnesi, ci-devant Cinthio.
{Archiva nationales, T, x 5,053.)
Voy. BlANCOLELLI (DOMINIQUE); CONSTANTINI ( JeAN - BAPTISTE ) ; GhE-
RARDI (ÉvaRISTE).
(i) Augustin-Alexandre, devenu plos tard chevalier de TÉperon d*or et nommé par le duc de
Mantoue comte de Boba, et Hippolyte, devenu plus tard provincial des Dominicains & Rome.
Romagnesi. 115
ROMAGNESI DE BELMONT (Charles- Virgile, dit
Léakdre).
ROMAGNESI DE BELMONT (Anne-Élisabeth CONS-
TANTINI, femme de).
Mis du précédent, Charles- Virgile Romagnesi de Belmont
était né à Paris le 7 mai 1670. Son père l'envoya faire ses études
ï Rome, mais il y passa trois années dans la dissipation, et quand
il revint à Parb, il déclara vouloir entrer au théâtre. Il débuta à
l'ancienne Comédie-Iulienne, sous le nom de Léandre, le 24 août
1694, dans la pièce intitulée le Départ du Coniidien, où il fut très-
applaudi. Sa tournure élégante et son physique agréable couve-
naient ï merveille à Temploi des amoureux qu'il remplissait, et
moins d*un an après, le 12 juillet 1695, il obtint pan entière en
même temps que son frère, Gaeun Romagnesi, qui avait débuté
vers la même époque.
En 1697, 1^^^ ^^ '^ suppression de b Comédie-Italienne,
Gaeun alla jouer en Flandre et dans les Pays-Bas et décéda à
Bruxelles en 1 700. Quant à Charles- Virgile, il entra dans la troupe
formée alors par un de ses camarades, Joseph Tortoriti, dit Pas-
cariel, et alla donner des représentations dans Test et dans le midi
de la France.
En 1708, Charles-Virgile revint à Paris, où il épousa Anne-
Êlisabeth Constantini, fille de Jean-Baptiste Constantini, dit
Octave, et alla jouer avec elle en province depuis la fin de cette
année jusqu'en 1725. Il revint alors se fixer définitivement dans
b capitale et y mourut le 9 mars 1731» rue Tireboudin. Le lende-
main il fut inhumé dans b cave de b chapelle de b Vierge de
l'église Saint-Sauveur.
Par tcsument il avait institué légauirc universel son nevea
Jean- Antoine Romagnesi, fils de GaîHan, et désigné comme
ii6 Les Comédiens italiens.
exécutrice testamentaire Anne-Élisabeth Constantini, sa femme,
alors connue au Théâtre-Italien sous le nom de M"*Belmont.
Depuis 1729, en efFet, la femme de C harles- Virgile Romagnesi
de Belmont était attachée à la Comédie-Italienne, où elle avait
débuté, le 3 mai, dans la Femme jalouse, pièce française en trois
actes et en vers, de Joly, et dans la Feuve coquette, pièce française
en un acte et en prose, de Desportes. Elle fut admise à quart de
part le 30 mars 1730 et obtint part entière le 4 mars 1737.
M"* Belmont quitta le théâtre à la clôture de 1746, mais
depuis le 13 mai 1742, époque de la mort subite de son neveu,
Jean-Antoine Romagnesi, avec qui elle demeurait cour du Grand-
Cerf, elle parut très-peu à la Comédie-Italienne,
Elle décéda le 21 octobre 1754, rue des Deux-Portes-Saint-
Sauveur, et légua par testament à son camarade Charles- Antoine
Bertinazzi, dit Carlin, l'universalité de ses biens.
M"* Belmont avait été naturalisée Française en 1745.
(Histoire dé faneien Thiâlrt-Ualien. — Diction-
naire des Thidires, II, 415. — Jal, Dictionnaire
de biographie, p. loSa.)
I
Ï695. — 12 juillet.
Gaétan Roma^si et Charles-Virgile Romagnesi de Belmont, dit Léandre, fils
de Marc-Antoine Romagnesi, dit Cinthio, obtiennent part entière.
Il eft ordonné aux comédiens italiens de donner une part entière aux fils du
(leur Cintio à commencer du onzième jour de ce mois et ce fuivant la volonté
de Monfeigneur.
Fait à Verfailles, le la* jour de juillet 1695.
Signé : Le Duc de Gesvres.
Archives nationales, O*, 846.)
Romagnesi. 1 1 7
II
1729. — 25 avril.
Ordrt de début pour Af"« Anm-ÈUiabetb CoHsianiini, femm de CbarUs-Virgilê
Ramagfusi dt Bdmont, dit Léandn,
Nous duc de Mortcmart, pair de France, premier gentilhomme de la cham-
bre du Roi, mandons et ordonnons aux comédiens italiens de faire débuter
toceiTamment fur leur théitre la dcmoifelle de Belmoot dans les rôles qui lui
conviendront, afin que nous puidions juger des talens qu'elle peut avoir pour
le iliéltre.
Fait au chiteau de Verfailles, le 35 avril 1729.
Signé : Le Duc Di Mortemàit.
III
1730. ^ 30 mars.
M^^ Anni-Éliiahith Consiantini, femnu de CharUs-VirpU Romagnesi de Bilmomi,
du Liandre, obtient un quart de fart.
Il efl ordonné i la troupe des comédiens iuliens du Roi de payer un quart
de part i la dcmoifclle de Bclmont À prendre fur le produit de la Comédie» à
commencer la jouiffance dudit quan de part du jour qu'elle a débuté, et ce
par forme de penfion de la troupe, fans que ladite demoifelle de Belmoot
puiiïe prétendre partager tant dans la penfion du Roi qu'autres droits attribués
auK comédiens et comédiennes actuellement reçus et qui compofent ladite
troupe, et ne durera ladite penfion que fur le pied de quart de part pur et
fimple jufqu'i ce que par nous il en foit autrement ordoimé.
Fait i Paris, le 30 mars 1730.
Signé : Le Duc D'AtmoNT.
Voy, CONSTANTIKI 0£AS-BAmSTZ) ; DeIIISSI (JlAN-BAmSTt-pRANÇOIS);
LOLLI (jEAN-BAmSTE-ANGE-AUGUSTIN) ; ROMACNESI (MaAC-ANTOINI) ;
RoacACN'Esx (Jean-Astoine).
Ii8 Les Comédiens italiens.
ROMAGNESI (Jean-Antoine). Fils de Gaétan Romagnesi,
comédien de l'ancienne troupe italienne, et d'Anne Richard,
Jean-Antoine Romagnesi naquit à Namur en 1690. Il perdit son
père en 1700, et, quelques années plus tard, sa mère se remaria.
Maltraité par son beau-père, il s'enfuit de chez lui, se fit soldat,
puis comédien à Strasbourg, où il resta deux ans. Il vint ensuite
à Paris et entra en 171 2 dans une troupe dirigéee par Jean-Baptiste
Constantini, dit Octave, qui donnait des représentations pendant
le cours des foires Saint-Germain et Saint-Laurent. Quand
Octave eut cessé de tenir son théâtre en 17 16, Romagnesi
retourna en province jusqu'en 171 8; à cette époque, il revint
dans la capitale et débuta sans succès à la Comédie-Française. Il
prit alors de nouveau le parti de s'engager dans des troupes de
province, et ce ne fut que le 13 avril 1725 qu'il parut pour la
première fois à la Comédie-Italienne dans le rôle de Lilio de la
Surprise de l'Amour, comédie de Marivaux.
Trois mois après, le 1 5 juillet, il fut reçu à trois quarts de part,
dont on fit remonter la jouissance jusqu'à l'époque de son début.
Le mardi 28 février 1730, Jean-Antoine Romagnesi fit repré-
sentera la Comédie-Italienne 5^ W5(?«, tragédie en cinq actes et en
vers français, traduite du Samson italien de Louis-André Ricco-
boni, dit Lélio, qui y avait joué, en 171 7, le principal rôle avec
un grand succès. Romagnesi fut aussi applaudi que son devancier
dans cet ouvrage dont la vogue fut immense, ainsi que l'atteste
Mathieu Marais qui dit, dans son Journal, à la date du 5 mars
1730, en parlant des comédiens italiens : a Ils ont aux Italiens une
pièce qui fait grand bruit. C'eft une traduction faite par Roma-
gnefi en vers françois du Sam/on italien. Il le déclame à merveille,
mais les autres font pitié. »
Outre Samson, Romagnesi a fait représenter à la Comédie-
Italienne soit seul, soit en collaboration, un grand nombre d'où-
Romagnesi. 119
vragcs parmi lesquels on rciiurquc quelques parodies qui furent
très-appréciécs et auxquelles font allusion les vers suivants :
Comédien fcnfé, parodiftc plaifant,
En traits fins et légers Ronugneil fertile
Couvrit les plats auteurs d'un ridicule utile ;
Qu*on doit le regretter dans le fiècle préfcot !
Le 13 mai 1742, il se trouvait à Fontainebleau avec les comé-
diens italiens pour le senice de la Cour, lorsqu'au retour d'une
promenade dans la for^t, il tomba frappe d'une attaque d'apo-
plexie et mourut une heure après dans les bras de sa tante, Anne*
Elisabeth Constantini» veuve de Charles- Virgile Romagnesi de
Belmont.
Le curé de Fontainebleau lui ayant refusé la sépulture, on dut
mettre le cadavre dans une caisse et le ramener à Paris en son
domicile, cour du Grand-Cerf. De U, il fut porté à l'église Saint-
Sauveur, où on l'inhuma, a Romagnefî, disent les frères Parfait,
étoit grand, allez bien fait ; il avoit la voix un peu fourde et fa
poitrine fembloit peiner lorfqu'il débitoit un couplet un peu long.
Au relie, il étoit aflez bon acteur et jouoit dans tous les genres,
mais il excelloit dons les rôles fï ivrognes et de Suiffes. »
(^Arthnti mmtiêmmUt, Y, 14,0^7. — DiVi»«««««f»
Je, TktÂtftt, IV, s 17 ; V, 19. — Uimêi,n et
U*tki4tu Mmréii, IV, iio. — I«» SfmtétUt de
1725. — 15 juillet
Ordn ii réception à trois quarts de part pour JiOM^AmÈoinê RowÊapusi.
Nous duc de Mortemart, pair de France, chevalier des ordres du Roi et
premier gentilhomme de la chambre, mandons et ordonnons aux comédiens
italiens de Sa .Majc.lc de recevoir dans leur troupe le fieur Romagnefî, petit-
tilft de Cinthio, ancien comédien, et connoiflant Tes talens et Futilité dont il
120 Les Comédiens italiens.
eu dans les pièces françoifcs, nous lui avons accordé, fuivant l'intention du Roi
et le confentement général de ladite troupe italienne, trois quarts de part à
commencer depuis Pâques de la préfente année, etc.
Fait à Chantilly, le 15 juillet 1725.
Signé : Le Duc de Mortemart.
(Archiva nationaltSt 0\ 846.)
Voy. Dehesse (Jean-Baptiste-François) ; Riccoboni (Louis-André).
ROMBOCOLI-RIGGIERI (Marie -Thérèse-Théodore),
dite Colombe l'aînée.
Voy. Colombe rainée (Marie-Thérèse-Théodore Rombocoli-Riggieri,
dite).
ROMBOCOLI-RIGGIERI (Marie-Madeleine), dite Co-
lombe /a ;Vwn^.
Voy. Colombe la jeune (Marie-Madeleine Rombocoli-Riggieri, dite).
ROSALIE (Rosalie de SAINT-ÉVREUX, dite). Le
19 septembre 1782, M"* Rosalie fit ses débuts à la Comédie-
Italienne dans les rôles de Babet des Trois Fermiers , paroles de
Monvel, musique de Dézaides, et de Babet dans les Sabots, pa-
roles de Sedaine, musique de Duni. Le critique théâtral du Jour-
nal de Paris assure qu'elle réussit surtout dans la première pièce
et qu'elle mit dans son jeu un enfantillage tout à fait naturel et
piquant. Il ajoutait que sa voix était agréable quoique faible, et
l'invitait à corriger un peu la monotonie de son geste et la ma-
nière de tenir ses bras.
Elle joua ensuite Colombine dans le Tableau parlant, paroles
Rosalie. 121
il'AnscaumCy musique de Grétry, et Marine dans la Colonie, pa-
roles de Framer}', musique de Sacchini, de manière à satisfaire
les amateurs qui, séduits par sa jolie figure» lui prédirent, tris
à la légère, des succès pareils à ceux de M*^ Dangeville, si elle se
donnait la peine de cultiver les dbpositions donc elle faisait
preuve dans l'emploi des soubrettes.
L'un de ces amateurs poussa mâme Tenthousiasme jusqu'à lui
envoyer le madrigal suivant :
De ton efprit, de ta gifté.
Tes ulcns font briller la grice niturelle;
Simples et vrais ainfi que ta beauté»
Sans art ils nous charment conune elle.
Leurs fuccès font i toi, tu n'as rien imité»
De la nature aimable et jeune élève»
Ton langage e(l le fien, il peint la vérité.
Tu parois fur b fcène» on demeure enchanté.
Tu parles, dans nos cceurs ton triomphe s'achève :
Pour notre aroufement, u gloire et ton bonheur»
Aux charmes des ulens laiflfe embellir ta vie ;
L'amour et le plaifir tout exprès t'ont choiûc.
Comme une rofe de primeur»
Pour rajeunir le bouquet de Thalie.
M"* Rosalie, qui, parait-il, à ses autres ulents joignait aussi
celui de la poésie, répondit en ces termes à son galant compli«
menteur :
Toi qui daignes fourire i mon jeune ulent»
D'un coeur reconnoiifant reçois le foible gage.
Défir de plaire et zèle ardent.
Sont mes feuls droits i ton fufTrage.
Je voudrois mériter ton éloge flâneur.
Mais pour foimer le bouquet de Thalie»
Entre l'élite, chaque fleur.
Par le dieu du goût efl choifie.
122 Les Comédiens italiens.
L'art ne m*a pas prêté fes ornemens,
Jeune élève de la nature,
Je ne fuis que la fleur des champs
Que la beauté parfois admet dans fa parure ;
Mais c'eft pour elle une faveur :
L'obtenir feroit mon bonheur.
Sollicite pour moi cette mufe immortelle,
Tu dois avoir accès près d'elle ;
Car à juger par tes accens
J'imagine, fans te connoftre,
Que certainement tu dois être
Un de fes fortunés amans.
M"* Rosalie a créé avec quelques succès le rôle à* Antonio dans
le Mariage d^ Antonio, comédie de M°** de Beaunoir, musique de
M"* Grétry, retouchée par son père, qui fut jouée pour la pre-
mière fois le 19 juillet 1786.
A Tune des représentations suivantes, le public redemanda le
couplet final de la pièce, et M"* Rosalie se mettait en devoir
d*obéir quand quelqu'un s'avisa de crier : Plus haut! Cette excla-
mation troubla si fort la jeune actrice qu'elle se mit à fondre en
larmes. Des applaudissements se firent entendre alors, et, remise
de son trouble, elle put recommencer son couplet.
Quelques jours plus tard, l'auteur de cette malencontreuse
interruption, éprouvant le besoin de se faire pardonner, lui adressa
par l'intermédiaire du Journal de Paris des excuses ainsi conçues :
Pardon, charmant Antonio,
Aimable fils de Léonore,
Pardon, ma bouche a dit : Plus haut!
De ce mot échappé mon cœur s'indigne encore :
Ce mot a retenti jufques au fond du tien;
Il altéra ta voix, il fit couler tes larmes,
Et le trouble de ton maintien
Ajoutoit encore à tes charmes.
Rosalie. 123
Mille applaudiiïcniens flatteurs
En viin au mcmc intUnt cxpioicnt mon outrage ;
Tes beaux yeux ont vcrf^i des pleurs
Et ces pleurs étoient mon ouvrage t
Excufe l'erreur d*un moment.
Reprends, reprends ton enjoûment,
Tu plais alTcz par u folie.
Ta gAîié charme tous les cœurs,
Et Ton n*a pas befoin de voir couler tes pleurs
Pour idolitrer Rofalie I
L'excessive timidité dont fit preuve M"* Rosalie en cette cir-
constance ne lui (['tait cependant pas habituelle, témoin cette
anecdote racontée par les Mémoires secrets, à la date du
5 mars 1785 :
Dans Rù'hjrJ Cœur^de-Lion on fait que le Heur Clairvil fait un rôle
d'avcu^Ie auquel fert de conducteur, fuivant Tufage, un petit garçon rtpré-
fente par M''« Rofalie. Cette actrice, foit par efptèglerie, foit par vengeance,
il y a quelques jours, s'e(\ Ji\ (\:^ de faire une pelote de fa manche en la
lardant d*épiiigles dont les pointes fortoient en dehors. Lorfque le (îeur
Clairval s*ct) appuyé fur fon bras pour entrer fur la fccme, il s*eil étrangement
dcch-rc la main et a reconnu la traitrife; fur quoi M^^* Rofalie, fouriant
ironiquement, lui a répondu : « En effet, ce n*ell pas fi doux qu'un peigne »,
fa:fant allufton au métier de perruquier qu'exerçoit cet acteur dans le
principe. »
Les premiers gentilshommes de b chambre du Roi, chargés de
Tadministration supérieure de la Comédie-Italienne, ne laissèrent
pas cette incanade impunie et condamnèrent Tactrice à ijuelques
jours d'emprisonnement.
En 1787, M"* Rosalie encourut encore les rigueurs de Tau-
torité ï \i suite d*un accident causé par son imprudence. Son
carrosse, lancé à toute vitesse, renversa sur le boulevard Saint-
Honoré un bourgeois de Paris qui prenait Tair. Ce pauvre diable,
nommé Denis Topineau, foulé aux pieds par les chevaux de
124 ^^ Comédiens italiens.
Tactrice^ se plaignit au ministre de la maison du Roi^ qui prit en
considération sa supplique, dont Grimm a reproduit le texte dans
sa Correspondance littéraire, et envoya, par mesure de correction,
la coupable passer une semaine à la Force.
L'artiste, qui, en dépit de sa mauvaise tête, avait un excellent
cœur, passa le temps de sa captivité à faire de bonnes œuvres.
Elle délivra plusieurs détenus pour dettes et en fit nourrir à ses
frais un certain nombre qui mouraient de faim.
Enfin, la même année, l'incorrigible M"* Rosalie fut, ainsi que
nous rapprend un document transcrit plus loin, condamnée par
le maréchal de Richelieu à 150 livres d'amende pour avoir com-
mis envers M°* Dugazon une faute grave dont on ignore mal-
heureusement la nature.
Après tout ce qui vient d'être raconté sur cette actrice, on ne
sera pas étonné du jugement porté sur elle par le comité du
Théâtre-Italien dans une note manuscrite ainsi conçue : <c Inutile
par fon peu d'exaaitude et d'un caractère difficile à conduire. »
En 1788, M^^^ Rosalie cessa d'appartenir à la Comédie-Italienne.
(£«f Spectacles de Paris, 1783 et 1789. — Grimm,
Correspondance littéraire, XIII, 340. — Mémoi-
res secrets, XXI, 176; XXVIII, 189. -^Journal
de Paris, 1782, 20 septembre, 10 et 16 octobre ;
1786, 28 septembre.)
1787. — 20 janvier.
M"' Rosalie de Saint-Èvreux est mise à V amende pour offense grave
envers Af "»* Dugazon.
Nous maréchal duc de Richelieu, pair de France, premier gentilhomme
de la chambre du Roi,
Sur le compte qui nous a été rendu par le Comité de la Comédie-Italienne
de la faute grave qu'a commife la demoifelle Rofalie, nous l'aurions punie
aufli févèrement que le demande le Comité ; mais la dame Dugazon s'étant
Rosamhert. — Rosière. 1 2 >
diîfit^éc de Cl plainte, nous voulons bien pour cette fois encore DMmpofer la
Jcnioifcllc Hoûlie i\\iX 1 50 livres d*jmenJe.
Nous fjifiirons cette occafion pour enjoindre au Comité de la Comédie-
Italienne de fun-eillcr plus exactement qu'il ne Ta fait par le paffé les pcn-
fionnaircs et les perfonnes employées dans les accclTotres.
Ce n*e(l pas la première fois que le public s'ed plaint que les perTonnet
employées dans les chœurs ne font pas i la fcène, qu'elles y viennent, qu'elles
y cjufcnt et qu'elles y chantent habillées dans des coi^umes qui ne font point
du genre des pièces dans lefquelles elles paroiflent.
Le Comité aura foin de veiller i ce que ce manque de refpect envers le
public n'arrive plus et nous rendra compte des fujets qui contreviendront â
cet ordre.
Paris, ce 20 janvier 1787.
Signé : Le Maréchal duc de Richeliiu.
lyOSAMBERT (M»*).
Voy, Lacaille (M»0-
ROSIÈRE CIean-René LECOUPAY de la ROSIÈRE,
dit).
Ce comédien qui s'est fait une certaine réputation dans les rôles
de baillis d'opéra comique, était né en 1739. Le 27 janvier 1765,
les premiers gentilshommes de b chambre lui envoyèrent un ordre
de début à la Comédie-Italienne, où il parut pour b première fois,
le 4 mai suivant, dans les rôles de Pandolphe de b ServanU^Maî^
tresse, comédie en deux actes, de Baurans, musique de Pergolèsc
et d'Alberti , dans le Peintre amoureux de son modèle, paroles
d'Anseaume, musique de Duni. Mais soit que son jeu ne fût
pas goûté, soit que la position qui lui fut faite ne lui convint pas,
Rosière ne tarda pas ï quitter b Comédic-Italicoae et alb jouer
126 Les Comédiens italiens,
en province. Il dirigea pendant plusieurs années le théâtre de
Besançon, et le 17 mai 1778 il débuta pour la seconde fois au
Théâtre-Italien, par les rôles du bailli dans la Rosière de Salency,
comédie en trois actes, de Favart, et de Cassandre dans le Tableau
parlant, paroles d'Anseaume, musique de Grétry,
Cette fois. Rosière fut très-applaudi, et le public parisien lui fit
un accueil en rapport avec la réputation qu'il avait su se faire en
province.
Il a beaucoup réufli dans les deux rôles que nous lui avons vu jouer, dit
le Journal de Paris, et fi Ton excepte fa voix, qui n'eft ni agréable ni fonore,
il laifle très-peu de chofes à déiîrer. Encore ce défaut, qui feroit fort
eflentiel à la Comédie -Italienne dans tout autre emploi, Teft beaucoup
moins dans celui des grimes où fouvent il faut dénaturer fa voix pour
Taffortir au ton et aux diflférens caractères des grotefqucs perfonnages que
Ton repréfente. D'ailleurs le fieur Rofière dédommage le fpectateur par
une foule de qualités précieufes : c'eft une jufteflTe, une précifion qui décèlent
un excellent mufîcien ; c'eft un mafque vraiment comique, une grande habi-
tude du théâtre, une gaité franche et une chaleur qui fe communiquent à
toute la fcène.
La même année, Jean-Louis Laruette, qui tenait en chef les
rôles ridicules, ayant pris sa retraite. Rosière fut à même de jouer
plus fréquemment et il fut peu après admis à portion de part.
Malheureusement avec les années, les défauts de sa voix, signalés
par le critique théâtral du Journal de Paris, s'accentuèrent au
point de devenir réellement choquants. C'est ce qui résulte du
moins d'une note manuscrite, en date de 1787, où se trouve
résumée l'opinion du Théâtre-Italien sur chacun des artistes qui
composaient alors la compagnie et dans laquelle on lit ces mots :
« Rofière, ufé, infoutenable dans les pièces en mufique, moins
mauvais dans celles en vaudeville. Il eft feul, donc il faut le
tolérer, w
Il a fait représenter en 1784, à la Comédie-Italienne, en colla-
Rosière. 127
boration avec Radct : le Marchand (Tesclaves, parodie en deux
actes de la Caravane y opéra de Grctry ; Liandre candide, ou les
Reconnaissances, comédie en deux actes, et les Docteurs modernes,
comédie-parade en un acte, dans laquelle les auteurs tournaient
en ridicule le magnétisme animal dont il était alors tant question
à Paris.
Au dénouement, on voyait les malades rangés d'abord autour
du fameux baquet et passant ensuite dans b salle des crises;
après quoi Rosière chantait le couplet suivant :
Du vaudeville enfant gâté,
McfTicurs, avec fcvérité
Ne jugez pas les entreprifcs ;
Pour favoir votre fcntimcnt
L*autcur cft li qui vous attend
Dans la fallc des crifcs.
Cette bagatelle fut applaudie et le panerre demanda l'auteur.
Rosière alors revint seul sur la scène et répondit : « Mcflieurs,
j'ai eu l'honneur de vous annoncer que l'auteur étoit dans la falle
des crifes ; vos bontés l'en ont fait partir et nous ne favons point
ce qu'il eft devenu. »
En 1792, il prit avec Piis la direction du VaudeviUe et mourut
en 1814.
{dtthit4t —H—mU», O*, t47 9i 148. — Ui Sfm»
tM€Ut i« Fsril, 17M, 1779 tt I7M. — AI/MMfW
imrttu XXVl, i4t : XX Vn, 41. — /MnMl et
FéHi, 1771, If aui.)
I
1780. — Avril.
Jiûn»RefU Ucoufay de la Rû$i/re, dit Rosière, est mis à T amendé pour avoir canin»
venu aux règlements sur la police des coulisses à la ComéJit'italienni,
Nous maréchal duc de Richelieu, pair de France, premier gentilhomme de
la chambre du Roi,
128 Les Comédiens italiens.
En vertu de notre ordre du 4 avril 1780, concernant la police des cou-
lifles, auquel le fieur Rozières eft contrevenu hier en fe mêlant d'une affaire
qui même ne le regardoit pas, ordonnons au caiflîer de la Comédie de rete-
nir audit fieur Rozières cent livres fur Tes appointemens du préfent mois
d'avril.
avril 1780.
Signé : Le Maréchal duc de Richelieu.
(Arehives nationales, O' 846.)
II
1681.
Un comédien de Besançon, nommé DutiïïeuJ, s'adresse au duc de Duras, premier
gentilhomme de la chambre, pour être payé d'une somme de 2,62s livres dont
Jean-René Lecoupay de la Rosière, dit Rosière, est débiteur envers lui,
 Monfeigneur le duc de Duras, maréchal de France, commandeur des
ordres du Roi, gouverneur de la Franche-Comté, etc.
Monfeigneur,
Daignez permettre à Dutilleul, comédien depuis fix ans à Befançon, d'élever
fa foible voix jufqu'à votre Grandeur ; depuis 3 5 ans qu'il fert le public, n'en-
vifageant qu'une vieilleffe malheureufe par les tons que lui font plufîeurs di-
recteurs ou infolvables ou de mauvaife foi, il croit avoir quelque droit à votre
protection qu'il implore contre le fieur Rofière, comédien du Roi, qui lui doit
2,623 livres pour folde de fes appointemens depuis 1775 jufqu'à 1778 que le
fuppliant a été fous la direction dudit Rofiëre à Befançon.
En juin 1778, le fuppliant joignit Rofière à Paris qui éluda d'arrêter compte
en difant qu'il n'avoit pas fes livres et pour garantir l'envie qu'il avoit de fa-
tisfaire, il fit au fuppliant une cefUon de fon magafm de comédie qui, fuivant
l'eflimation, folderoit ou feroît à compte de la dette.
Le fuppliant, de retour à Befançon, voulut fe mettre en potTeflion du ma-
gafin, on lui oppofa une pareille ceflion confentie et fignée fix femaines aupa-
ravant au fieur Maillet qui, comme de droit, s'étoit emparé du magafin.
Cette ceflion ci-jointe conflate la créance, caractérife le fieur Rofière et doit
»• V t
Rusca. 129
déterminer la judice de votre Grandeur qui ed à préfent l'unique recours du
fuppliant, toutes démarches depuis trois ans ayant été inutiles.
Le fuppliant ne demande pas que le (leur Roûère paye fur-le-champ la
fomme entière, mais que l'intérêt foit afligné fur fa part et féqueftré entre les
mains du tréforier de la Comédie qui les compteroit tous les fix mois, ou que,
fur les 2,623 livres, votre Grandeur fixe une rente dont le tréforier fera comp-
table, laquelle rente ainfi que le fonds s'anéantira au décès du fuppliant.
L'équité, compagne des vertus qui illuftrent les titres de votre Grandeur,
juftifie la confiance et l'efpoir du fuppliant qui ne ceflera jamais de faire de
vœux pour la fanté et la profpérité de votre Grandeur.
Signé : Dutilleul, comédien à Befançon, 1781.
{Archivât nationales, O' 848.)
Voy. PiTROT DE LaNCY (M^e).
Xv^SCA (Marguerite), dite Violette.
Voy. Thomassin (Thomas-Antoine Visentini, dit).
COM. DU ROI. — n.
IAINT-AUBIN (Jeakke-Chailottb SCHRŒ-
DER, femme d'AucusTE-ALEXAUDtE d*HERBEY,
dit). Scrur de M"* Moulinghcn, de M"* Frédéric et
de M"* Lambert, Jeanne-Charlotte Schrceder, née
en 1764, débuta 1 l'âge de 11 ans au théâtre de Versailles, joua
ensuite à Bordeaux et i Lyon, où elle épousa le comédien Saint-
Aubin, plus urd acteur de l'Opéra-Comique, et fut un instant
atuchéc i l'Académie royale de musique, où elle chanta avec
succès dans la Double Épreuve, ou CoUnette à la Cour, opéra de
M...., musique de Crétry.
Le 20 mai 178e, un ordre de début appela M** Saint-Aubin i
b Comédie-Italienne, et elle y parut pour la premiire fois, le 29
juin de la même année, dans les rôles de Marine de la Colonie,
[■arolcs de Framcr>', musique de Sacchini, et de Denise dans
YÉpreuve villageoise, paroles de Desforges, musique de Grétry.
• Une phylionomic douce et fine, dit le Journal de Paris, une
voix brillante, une belk- prononciation, de ta grilce dans le main*
tien, tels font les avantages naturels de M" Saint-Aubin. Ceux
qu'cUi: doit au travail ne font pas moins précieux : une bonne
132 Les Comédiens italiens.
manière de chant, de Tintelligence de la fcène, de l'aplomb et
une diction affez pure que l'habitude doit perfectionner encore,
telle eft la réunion des qualités qui ont valu à cette jeune actrice
le fuccès le plus brillant furtout dans le rôle de Marine de la Co-
lonie. Elle a laiffé défirer un peu plus de légèreté et de grâce dans
celui de Denife de YÊpreuve villageoife. » M"* Saint-Aubin joua
ensuite Babet dans Biaise et Babet, paroles de Monvel, musique
de Dézaides ; Colombine dans le Tableau parlant, paroles d'An-
seaume, musique de Grétry ; Babet dans le Droit du Seigneur,
paroles de Desfontaines, musique de Martini ; Isabelle dans Isa--
belle et Gertrude, paroles de Favart, musique de Biaise ; Annette
dans Annette et Lubin, paroles de M"* Favart, musique de L....,
et CUoé dans le Jugement de Midas, paroles de d'Hèle, musique
de Grétry.
Le 28 juillet 1786, ses appointements furent fixés à 3,000 livres,
et elle fut reçue Tannée suivante à un quart et demi de part.
A la même époque, le comité du Théâtre-Italien exprimait en
ces termes, dans une note restée manuscrite, son opinion sur la
nouvelle actrice : « M™* Saint-Aubin : beaucoup d'ufage du
théâtre, une jolie manière de chant et infatigable. Elle donne les
plus grandes efpérances. »
Ces espérances se réalisèrent et M"* Saint-Aubin créa avec un
rare éclat, à la Comédie-Italienne : Sophie dans Fellamar et Tom
Jones, comédie de Desforges représentée le 17 avril 1787; l'un
des Savoyards dans les Deux Petits Savoyards, paroles de Mar-
soUier, musique de Dalayrac, le 14 janvier 1789; Louise dans
Louise et Folsan, comédie en trois actes, du baron de Gore, jouée
le 2 août 1790, et Lucile dans les Rigueurs du cloître, paroles de
Fiévée, musique de Lebreton, le 23 août 1790.
Le 15 avril 1789, elle avait obtenu un quart de part d'aug-
mentation.
Saint-Aubin. 133
Après la dissolution de la Comédie-Italienne, M"* Saint-Aubin
fut attachée au théâtre de TOpéra-Comique, dont elle fut l'une
des plus brillantes actrices.
Nature essentiellement prime -sautière, dit M. A. Thumer, tout était
spontané en elle, tout était varié, neuf, original ; elle accomplissait les
métamorphoses les plus imprévues avec un charme adorable. Elle rappelait
}A\\e Mars par le tact, la grâce, Tingénuité avec lesquelles elle nuançait
les rôles de jeunes filles. Une taille un peu au-dessous de la moyenne, des
traits expressifs et d*une prodigieuse mobilité, une imagination vive, une
voix délicate et de peu d'étendue, il est vrai, mais employée avec un goût
exquis ; jouant pendant vingt-deux ans plus de deux cents rôles avec une
flexibilité étonnante, tour à tour ingénue, grande coquette, soubrette,
travestie, malicieuse ou sentimentale, elle avait été Tâme de tout un
répertoire et le ravissement de toute une génération.
M"® Saint-Aubin quitta TOpéra-Comique le 2 avril 1808, y
reparut une fois en 1 818 pour la représentation de retraite de son
mari et mourut à Paris au mois de septembre 1850.
{Archives nationaîts, 0>, 848. — Us SpêcimcUs de
Paris, 1787. — Grimœ» Correspondane* litU-
raire, XIII, 352; XV, 15s et i^S, — Journal dt
Paris, 1786, 30 juin. — VOpinion du parterre,
par M. Valleran. Paris, Martinet, an XIII
(180s). — Lé Courrier dos Spectacles, article de
M. Falgues. — A. Thumer, les Transforma-
tions de l'Opéra-Comique, p. 229.)
I
1786. — 20 mai.
Ordre de début pour M**" Saint- Aubin,
Nous maréchal duc de Richelieu, pair de France, premier gentilhomme de
la chambre du Roi,
134 Les Comédiens italiens.
Ordonnons aux comédiens italiens de laifler débuter fur leur théâtre la de-
moifelle St-Aubin pour que nous puilfîons juger de fes talens.
Fait à Paris, le 20 mai 1786.
Signé : Le Maréchal duc de Richelieu.
{Archivés nationales, O*, 846.)
II
1786. —28 juillet.
Les appointements de Af"*' Saint- Aubin sont fixés à s,ooo livres.
Nous maréchal duc de Richelieu, premier gentilhomme de la chambre
du Roi,
Avons accordé à la demoifelle St-Aubin la fomme de trois mille livres d'ap-
pointemens qui lui feront payées à raifon de 250 livres par mois, à la charge
par elle de jouer l'emploi d'amoureufe au Théâtre-Italien ainfi que celui de
madame Dugazon après les comédiennes qui font déjà reçues. Cette diftinc-
tion fur les actrices à Teffai eft due aux talens de la demoifelle St-Aubin et
à la connoiiTance qu'elle a de fon emploi et de fon état d'après le travail
qu'elle a fait en province. Nous lui promettons en outre fa réception lorfqu'il
y aura des places vacantes.
Fait à Paris, le 28 juillet 1786.
Signé : Le Maréchal duc de Richelieu.
{Archiva nationales, O', 846.)
III
1789. — 15 avril.
Af"" Saint' Aubin obtient une augmentation de quart de part.
Nous duc de Richelieu, pair de France, premier gentilhomme de la cham-
bre du Roi,
Scapin. — Scaramouche. 135
Avons accordé à la demoifelle St-Aubin un quart de part d'augmentation
ainfi que nous Tavons fait envers le fieur Chénard (i).
Paris, ce 15 avril 1789.
Signé : Le Maréchal duc de Richelieu.
(^Archives nationales, Oi, 846.)
SCAPIN. « C'eft un intrigant, un fourbe, qui entreprend de
faire réuflir toutes les affaires les plus délabrées de la jeunefle
libertine, qui fe pique d'avoir de refprit, qui fait le beau parleur
et rhomme de confeil. »
{CaUndritr historique des Théâtres. Paris, Cailleau, i7Si*)
Voy. Camerani (Barthélemi- André) ; Ciavarelli (Alexandre-Louis);
RiccoBONi (Louis-André), note du document coté III ; Véronèsb (Pierre-
Antoine-François).
SCARAMOUCHE. « C'eft à peu près le même caractère que
celui du Capitan, qui n'eft qu'un fanfaron, qui finit enfin par
recevoir des coups de bâton de la main d'Arlequin. Le caractère
de Scaramouche eft auflî d'ôtre poltron et fanfaron tout à la fois. »
(Calendrier historique des Thidlret. Paris, Cailleau, 17s !•)
Voy. Benozzi (Jean-Baptiste-Bonaventure) ; Fiorilli (Tiberio) ; Man-
SAC (François) ; Tortoriti (Joseph).
(i) Simon Chénard, né à Auxerre en I7S8| débutaàla Comédie-Italienne en 1783, parles rôles de
Jacques dans les Trois Fermiers, paroles de Monvel, musique de Dézaides ; de Dorimon dans la
Fausse Magie, paroles de Marmontel, musique de Grétry ; de Biaise dans la Colonie, paroles de
Framerj, musique de Sjicchini; à* Alexis dans le Déserteur, paroles de Sedaine, musique de Monsi-
gny, et de Mathurin dans Rose et Colas, ouvrage des mêmes auteurs. Une note manuscrite datée de
1787 et émanée du comité du Théitre-ltalien s'exprime en ces termes sur le compte de cet artiste :
« Chenard a une belle voix s'il veut la travailler. Elle eft dure, il faut donc quUl s'en rende maitre»
mais on doit efpérer qu'il cherchera à fortir de la médiocrité où il eft. Il peut réuffir, il ne tient
qu'à lui. • Chénard réussit en effet tant à la Comédie-Italienne que plus tard au théâtre de l'Opér*-
Comique, où il joua jusqu'en iSaa. Il mourut en 1832.
136 Les Comédiens italiens.
OCARAMOUCHE L'ANCIEN (Tiberio FIORILLI, dit).
Voy, FiORiLLi (Tiberio); Romagnesi (Marc-Antoine).
SCARAMOUCHE LE JEUNE (Joseph TORTORITI, dit
Pascariel, dit).
Vqy, ToRTORin (Joseph) ; Romagnesi (Marc-Antoine).
SEDAINE (Jean-Michel), né à Paris le vendredi 2 juin
17 19. Il a fait représenter à la Comédie-Italienne : le Diable
à quatre, pièce à ariettes parodiées ; Biaise le savetier, musique
de Philidor ; l'Huître et les Plaideurs, musique du même ; les
Troqueurs dupés, musique de Dauvergne ; le Jardinier et son Sei-
gneur, musique de Philidor ; On ne s'avise jamais de tout, musi-
que de Monsigny, ouvrages qui furent joués d'abord à TOpéra-
Comique de 1756 à 1761 ; Anacréon, 1758 ; le Roi et le Fermier,
comédie en trois actes, musique de Monsigny, 1762; Rose et
Colas, comédie en un acte, musique du même, 1764; V Anneau
perdu et retrouvé, comédie en deux actes, musique de Laborde,
1764; les Sabots, comédie en un acte, musique de Duni, 1768 ;
le Déserteur, comédie en trois actes, musique de Monsigny,
1769; Thémire, pastorale en un acte, musique de Duni, 1770 ; le
Faucon, opéra comique en un acte, musique de Monsigny, 1772;
le Magnifique, comédie en trois actes, musique de Grétry, 1773 ;
les Femmes vengées, comédie en un acte, musique de Philidor,
1775 ; le Mort marié, comédie en deux actes, musique de Blan-
chi, 1777; Félix, ou V Enfant trouvé, pièce en trois actes, musi-
que de Monsigny, 1777; Thalie au nouveau Théâtre, prologue
pour l'inauguration de la nouvelle salle de la Comédie-Italienne,
Sedaine. 137
musique de Grétry, 1783 ; Richard Cœur-de-Lion, comédie en
trois actes, musique de Grétry, 1784; le Comte d^ Albert, comé-
die en deux actes, et la Suite en un acte, musique du même.
Avant d'écrire pour le théâtre, Sedaine fiit, comme on sait, ou-
vrier maçon et entrepreneur de bâtiments. Des trois documents
inédits publiés plus loin, les deux premiers ont trait à cette pre-
mière période de son existence, sur laquelle on ne possède que
peu de renseignements ; quant au troisième, il est relatif à cette
maison de la rue de la Roquette sur les dépendances de laquelle a
été ouverte en partie la rue qui porte aujourd'hui son nom.
Sedaine est mort à Paris le 17 mai 1797.
{JLts SpectacUs dt Paris, 1789. — BiographUDiiot,
— JaI, Dictionnaire de biographie, p. 116.)
I
1748. — 6 novembre.
Jean-Michel Sedaine, entrepreneur de bâtiments se plaint des violences dont lui
et ses ouvriers ont été les victimes de la part du charcutier Destruissard,
L'an 1748, le mercredi 6 novembre, huit heures du matin, par-devant nous
Pierre Glou, etc., eft comparu fieur Jean-Michel Sedaine, entrepreneur de
bâtimens à Paris, y demeurant rue des Nonaindières, paroifTe St-Paul, au nom
et comme prenant le fait et caufe de Jofeph Lambert, demeurant à la pointe
St-£uftache chez le fleur Mandé, logeur, et Thomas Violet, demeurant rue de
la Mortellerie, au Pot-d'Étain, tous deux compagnons maçons, nous a rendu
plainte contre le nommé Détruifart, maître charcutier, et fa femme demeurant
rue de Bretagne au Marais, et nous a dit que cejourd'hui, entre fept et huit
heures du matin, lui plaignant et les fufnommés étant tous, favoir le fieur
plaignant à ordonner la démolition d'une cloifon qui menaçoit ruine et d'é-
crafer lefdits fufnommés qui travailloient fous ladite cheminée, qu'à la faire
démolir, ledit Détruifart feroit furvenu et à coups de pied et de poing eft venu
fur lefdits ouvriers et fur le plaignant, lui aiiroit donné un coup de poing par
a tête dont il a penfé le renverfer par terre et après avoir maltraité lefdits ou-
vriers et que ledit Lambert, après avoir été extrêmement maltraité â coups de
138 Les Comédiens italiens.
pied et de poing par ledit Détruifart et bleiTé à la main droite d'où le fang
coule et dont il nous a dit refTentir de grandes douleurs par tout le corps et
qu'il eft fi foible ainfi que ledit Thomas Violet qu'ils font obligés de fe retirer
pour fe faire foigner et fe mettre au lit, n'étant ni l'un ni l'autre en état de
pouvoir travailler quant à préfent. Ajoute le plaignant que ledit Détruifart
n'ayant pas cru être fatisfait d'avoir ainfl maltraité le plaignant et fefdîts ou-
vriers, feroit rentré chez lui et auroit pris le bâton ferré avec lequel il étale fa
boutique et feroit venu fur le plaignant et fur fes ouvriers pour les en mal-
traiter, ce qu'il auroit fait s'il n'en avoit été empêché par les perfonnes qui
étoient aiTemblées dans la rue et vis-à-vis des bàtimens. Le plaignant ajoutant
que ladite cloifon étoit tellement en péril imminent qu'au fécond coup de
marteau elle eft tombée avec quelques ouvriers dans la cave. Et comme le
plaignant et fes ouvriers font en danger par les menaces que leur fait ledit
Détruifart et fa femme de les maltraiter davantage, outre le danger où peuvent
être lefdits Lambert et Violet de leurs vies, il a été confeiilé de nous rendre
la préfente plainte.
Signé : J. M. Sedaine ; Glou.
ÇArehiva nationales. Y, 15,623.)
II
1748. — 6 novembre.
Le charcutier Destruissard se plaint du préjudice que lui a causé Jean-Michel Se-
daine, piqueur che^ un maître maçon, en faisant démolir avec une regrettable
précipitation une cloison de sa boutique,
•
L'an 1748, le mercredi 6 novembre, huit heures un quart du matin ou en-
viron, nous Agnan-Philippe Miche de Rochebrune, etc., ayant été requis,
femmes tranfporté rue de Bretagne au Marais dans la boutique de Jean-Simon
DeftruifTard, maître charcutier à Paris, que nous y avons trouvé et qui nous
a rendu plainte et dit que l'on a commencé, vers la fin du mois de juillet der-
nier, à faire des réparations et reconflructions de la maifon où nous fommes
et dont eft propriétaire en partie la demoifelle GeofFroi, qui a pafTé bail au
plaignant de ladite maifon. Que cejourd'hui, fur les fept heures du matin ou
environ, l'époufe du plaignant, qui defcendoit de fa chambre, a entendu le
nommé Sedaine, piqueur du ûeu^ Buron(i), maître maçon, qui a entrepris les
(i) Ce Buroa est 1* grand-père metemel dn célèbre peintre Lonie David.
Sedaine. i }9
rccondruaions i faire dans ladite miiron, dire à deux compagnons charpen-
tiers qu'il avoit amenés» qu'il falloit abattre la cloifon de charpente qui fépare
Tallc^c de ladite boutique et i laquelle cloifon fe trouvoit adoffé et appuyé le
banc du comptoir et plulieurs udenfiles concernam la profeflion du plaignant
Que le plaignant, qoi a été averti par foo époufe du deflein dudit Scdaine, cil
venu reprcfcnter k ce dernier qu'avant que d'abattre ladite cloifon il faikût
qu'il dérangeât fon comptoir et le banc dudit comptoir qui fom de bois de
chêne. Qpe ledit Scdaine, qui dcvoit Caire attention à ce que lui repréfeotoit
le plaignant» t dit qu'il ne vouloit accorder auctm délai ce à ftoftant dcm
compagnons maçons, un tailleur de pierres et deux charpentiers aninnés par
l'exemple dudit Sedaine, qui avoit un marteau en main» (e font mis à abattre
ladite cloifon par la chute de laquelle le banc du comptoir et k compcotr
même om été renverfés en partie, en forte que la mère du plaignam, laquelle
étoit fur le banc dudit comptoir occupée à vendre des marchandifes de char-
cuterie i une particulière, a été renverfée par terre et en rifque de perdre la
vie. Que ladite cloifon de charpente, qui eft tombée dans la cave, a fait tomber
par fa chute un chaudron de cuivre, une montre, une avance et les ais de la
boutique, le tout de bois, des poids, des balances, de la marchandife de char-
cuterie, et b violence avec laquelle ladite cloifon eft tombée a (ait perdre
l'aplomb dudit comptoir d'où il eft tombé de l'argem et de la monnoie, doot
partie a pu tomber dans la cave. Et, attendu le dommage qui en réfulte, le
plaignant a requis notre tranfport pour nous rendre la préfente plainte.
Signé : DesTRtnssAKD ; MiCHé de RociOBttn».
{Afthixtt mstUméUi, Y, is,79a.)
III
1767. — 16 nurs.
hd^ f «vtv LtcùmU fais don A Jêan-Micbtl Sêdaim (Tuas wmsom ùhUê à PêHs,
ruê di la Roqudtê.
Par-devant les confeiUers du Roi, notaires au Châtelet de Paris, fonflîgoés
fut préfente dame Claude-Marie Bonneau, veuve de melfire Claude-Françots-
NicoLas Lecomte, chevalier, confeiller du Roi en fes confcils, ancien lieute-
nant criminel au Chitelet de Paris, y demeurant rue de la Roquette, faubourg
St-.\ntoinc, paroiiïc Ste-Margucrite : Laquelle a, par ces préfentes, donné par
donation entre vifs irrévocable et promet garantir de tous troubles et cmpè»
chcmens généralement quelconques à ûctir Michtl-Jcaa Scdaine, bourgeois
140 Les Comédiens italiens.
de Paris, demeurant rue du Puits, paroifle St-Jean-en-Grève, à ce préfent et
acceptant, une maifon (Ife à Paris, rue de la Roquette, faubourg St-Antolne
avec un jardin et pludeurs corps de logis en dépendant, circondances et dé-
pendances fans aucune exception ainfî que le tout fepourfuit et comporte, ap-
partenante ladite maifon et dépendances préfentement doimée à ladite dame
Lecomte, donatrice, au moyen du délaiffement qui lui en a été fait entre au-
tres chofes par le fieur Noêl-Blaife Bruffat, bourgeois de Paris, concurateur à
la fuccefEon vacante dudit fieur Lecomte, fon mari, et en déduction de fes
droits et créances et fuivant l'acte de liquidation defdits droits paffé par-devant
M* Briffeau, l'un des notaires foulfîgnés, et fon confrère, le lo décembre 1764.
Ladite maifon et dépendances délaiffées pour la fomme de 20,000 livres à
laquelle elle avoit été eftimée alors par le (leur Desbœufs, juré expert, fuivant
fon procès-verbal du 14 août 1764; déclarant ladite dame Lecomte que ladite
maifon et dépendances préfentement donnée eft de la valeur de ladite fomme
de 20,000 livres. Pour par ledit fieur Sedaine et fes ayans caufe jouir et dif-
pofer en propriété de ladite maifon et dépendances préfentement donnée, dès
à préfent et cependant n'en commencer la jouiffance que du jour du décès de
ladite dame Lecomte, donatrice, attendu la réferve qu'elle fait de la jouiffance
pendant fa vie de ladite maifon et dépendances. Et fous ladite réferve d'ufu-
fruit, ladite dame Lecomte a tranfporté audit fieur Sedaine, ce acceptant, tous
droits de propriété qu'elle a et peut avoir fur ladite maifon et dépendances
préfentement donnée, s'en deffaififfant dès à préfent en faveur dudit Sedaine,
voulant qu'il en foit faifi et mis en po^TelIion par qui et aind qu'il appartien-
dra, etc.
Fait et paffé à Paris en la demeure de ladite dame Lecomte fufdite, le 16
mars 1767, après midi.
Signé : J. M. Sedaine.
{Archivts nationales, Y, 413.)
S
IDONIE (Françoise-Sidonie VISENTINI, dite).
Voy. Thomassin (Thomas-Antoine Visentini, dit).
SILVIA (Jeanne-Rose-Guyonne BENOZZI, femme d' An-
toine -Joseph -Jean - Gaétan - Maximilien BALLETTI ,
dite).
Voy, Balletti (Jeanne-Rose-Guyonne Benozzi, femme de).
Soli. — Soin. 141
SOLI (Gabriel-Éléonor HERVÉ DU BUS, dit Champ-
ville, dit).
Foy. C11AJIPVIU.E (Gabriel-Éléonor Hervé du Bus, dit).
SOLIÉ (Jean-Pierre SOULIER, dit). Né i Nîmes en 17s S,
Solié dèbuu à la Comédie-Italienne le }i août 1782, par le
rôle de Félix dans Félix, ou l'Enfant trouvé, comédie en trois
actes, de Sedaine, musique de Monsigny. Le Journal de Paris du
lendemain rendit compte en peu de mots de ce début et déclara
que le nouvel aaeur, très-intelligent du reste et possédant l'habi-
tude du théâtre, avait un jeu et des gestes parfois trop exagérés
et que sa voix, bien qu'adroitement ménagée, était Êûble et sans
timbre.
Quelques jours plus tard, Solié joua Don AUm^e dans VAnutnt
jaloux, paroles de d'Hèle, musique de Grétry; mais cette seconde
tentative ne lui fut pas favorable et il ne put être reçu.
Il reparut en 1786 et, plus heureux alors, il fut admis conune
acteur pensionnaire avec des appointements qui s'élevèrent succes-
sivement j usqu'au chiffre, imponant pour l'époque, de 8,000 livres.
En 1787, une note manuscrite où se trouve consignée l'opinion
du comité du théâtre sur chacun des artistes qui composaient
alors la compagnie, s'exprime ainsi sur son compte : « Solié, au-
jourd'hui très-utile aux comédiens en ce qu'il fen leur pareflfe. Il
fe vengera bien fitôt qu'il fera reçu. Cet aaeur n'eft pas abfolu-
ment fans talens , du moins il a l'ufage du théâtre. Il devroit
fc livrer à l'étude des rôles à manteau et il pourroit rempbcer
Rofièrc. »
Le 15 avril 1789, il fut enfin reçu avec promesse de quart de
pan, et l'année suivante il joua, avec un grand succès, le rôle
du jardinier dans Vert- Vert, divertissement nouveau, paroles de
142 Lis Qfmàiûms itaBems.
DesfbotffiMS, imisiqae àt Dabrric, dont h pmiii è ie représenta-
ûcm tôt hta k ii octobre 1790.
Après b dissohitioa de b Cotnédîe-IfalicRnr^ SoGè fat attaché
an théâtre de FOpéra-Comîqiie^ dont il fiit Fnn des aoenis les
fb» npçiixidis.
Con^Kisteiir de mérite^ 3 a £ût la musique de diflbents opé-
ras conuques dont {Aosieors forent tris-qiprédés et parmi les-
qods il hm sgnakr le Secret, Cbapàre secami et k Joduy. Sdié
est mort i Paris k 6 août 1812.
( Aa * M ■■> • !■ d ht, 0«. lit, -» lo ,
fmHs^ iTfj et iTt;. —GrÎHM
Uairmin, XT, 191. —Jtmrwml iê FmHs, 17S1,
i«r acfvcabrr. — VOfimimm dm fmrUrrt, fn
M. TdOem. Purfs, ]tetâKt,tt Xm (iSos). —
ËMiwmt iet Cf â f iiM i , ^an^ Fsvtc, îlot. —
1789. — 15 avrîL
JtamrTiern SautUr, dU ScUi, est nçu aoec promisse it quart it part,
Noos dnc de Rîchelîea, pair de France, premier gentilhomme de la cham-
bre du Roi,
Avons reçu, fous le bon plaifir du Roi, au nombre de fes comédiens italiens
ordinaires le ûeur SoUé à quart de part dont il ne conunencera à jouir que
lorTqu'il y en aura de vacant.
Voulons qu'il jouiOTe en attendant des mêmes appointemens de 8,000 livres
qu'il avoit ci-devant.
Paris, ce 15 avril 1789.
(Jrehhtt nati^atu, 0<, M*)
OPEZZAFER.
Foy, Mansac (François).
Signé : Le Duc de Richelieu.
SpineUe. 145
SPINETTE. On ignore le véritable nom de cette actrice, qui
était belle-sœur d'Angelo Constantini, dit Mézetin (i). Après
avoir fait panie quelque temps de la troupe de l'Électeur de Ba-
vière et joué sur le théâtre de Bruxelles, elle vint à Paris et débuu
à l'ancienne Comédie-Italienne au mois d'avril 1697, ^^^ <iue
nous l'apprend le Mercure : a On vient de voir, dit-il, une nouvelle
actrice fur le Théâtre-Italien fous le nom de Spinette. Elle a re-
préfenté cinq ou ûx perfonnages différens dans la même pièce,
SpitutU, lutin amoureux, ce qui lui a attiré de grands applaudif-
femens et le nom d'actrice univerfelle. »
Peu de jours après, le 14 mai 1697, la Comédie- Italienne (ut
supprimée et b nouvelle actrice, à qui sa beauté et son talent sem-
blaient promettre une grande renommée théâtrale, prit le parti de
retourner en Italie.
La pièce de Spinette, lutin amoureux, est la dernière comédie qui
ait été représentée à l'ancien Théâtre-Italien (2). Elle fut reprise
le 20 novembre 1722 à la nouvelle Comédie-Italienne sous le titre
de : le Lutin amoureux, et le rôle de Spinette y fut alors rempli par
Hélène- Virginie Balletti, femme de Louis-André Riccoboni, dit
Lélio, et bien connue au théâtre sous le nom de Flaminia.
iJHitlmft i€ r^mtitn TUitrt-itmUtm. » Dktim'
(1) EU* ét«it, tairast tovttt Ut vnÛM«bUact>, U tctur <*Aorttt«,fini««<*ABf«loCoMliMisl,
^ui joua qtt«lqv« t«9if« Mn» »ucc*« à U C(MiMi«-Iuli«a»« tt ^«1 t'tafafM pl«t taré àêmê wm
trouf« qui donaait 4«» r«f riacautipnt «a AlUmagma. Cttta trottf* 4oit itt« calla 4« rÊlact««r
4« Bavt«f«, à laqa«U« oa «ait qua Sptaatta Ait losftaaifa attaclite.
(s) Oa a »oav«ttt préie«4a qua la lopprtaaioa 4a la CoaiMia-Italiaaaa Ml h— à la tsht 4*«at
pi4<a qai 7 fut repréaantca tout U titra 4a : fa Fmmu* Frmd* at 4aaa laqaalte aa iro«vaia«t 4aa
•llii«ki«« à M« 4a Maiaiaaoa. Il parait à p«« préa certaia a«loar4*liai qiM c'aai ««a arravr,
qut lamai* la cowctiic 4a la Fmmttt frndt a'a été ioaéa «t qaa la 4ariiltr ovvrafa raprèaaaié A fa»*
«tamia CotacJit-ltilicnaa fut bta«, coma»a U ttt 4it ici, 5/««#tl#, aa U Lmhm aaMvmu. C'aai 4a
moiat it qui rétulit 4*aa aatmica qu'aa aatttir 4ramaiiqua, Tboa»at-SiaMa Caavllatta, aat ta
171! àtti Anfclo Contiantini, 4tt Maictîa. actaar 4a rancitaaa troopa italiassa, A un 41»ar €ha
Louift-André Riccoboni, dit L«I»o, «atrctian qo« la« frèraa Farfakt oat réa«aé tm caa t ar ia a :
• De tout la« bruit» qui (t répaadircat A <atta occafioa, la plv» coanti et aa a»é«a taapa calai qiM
Ton regarde comme le plut apocryphe 4epui» plubatirt aaoAea, fat 4*attrtbaar catta dilgrAca A aaa
^omcdia de LaooMe intitulée fa Faa/r Prmdt, car il aa raAa aacaaa piaca 4a C9 aom ; capaadâal
ca« Ifuitt. A enteodrc Hactaur doat il ei iici qaciioa, a'ètoiaat paa datiiaét 4a toat fo ad e iaal. Il
parut «■ ce tempt-lA aa HoUaadc ua roaMa loa» €• titra doat Taatréa fut iatarAta aa f raaca Caaa
de» païaaa tria-rtgoartala», oa 4a soia» oa lappofoit faafaoMat A Fana ratiAaact 4a ca
144 Les Comédiens italiens.
1697. — 4 mars.
Spinette, bdle-sonir d'Angelo Constantini, dit Mé^etin, est reçue à Vessai
à la Comédie-Italienne,
Il eft ordonné à la troupe des comédiens italiens entretenus par Sa Majefté
de recevoir à TefTai la fœur du fîeur Méfétain, fuivant la volonté de Monfei-
gneur.
Fait à Verfailles, le 4 mars 1697.
Signé : Le Duc de Beauvillier.
(Archiva nationales, O*, 846.)
S
TICOTTI (Fabio), dît Fabio, dit Pierrot, dit Pantalon.
STICOTTI (Ursule ASTORI, femme de), dite Isabelle,
dite LA Cantarina. Fabio Sticotti et Ursule Astori, sa
femme, faisaient tous deux partie de la troupe italienne formée
d'après les ordres du duc d'Orléans, régent, par Louis-André
Riccoboni, dit Lélio, et qui vint à Paris en 1716. Ursule Astori
était la cantatrice de la troupe sous le nom d'Isabelle et jouait
aussi au besoin les seconds et troisièmes rôles.
et des ordres furent donnés en conféquencei ce qui n*eft pas fans exemple ni ftnsvraifembUnce.En
effet, depuis le récit du fîeur Conft&ntini on « fait en Holltnde des perquifitions réitérées fans pouvoir
acquérir aucune notion touchant cette prétendue Fau£* Prude. Quoiqu'il en foit, le roman que l'on
annonçoit fjus ce nom et les précautions que l'on prenoit, dit-on, pour l'intercepter, n'en faifoient
pas moins la nouvelle du jour. Les comédiens italiens préparoient alors une comédie intitulée :
la Finta Matrigna, en françois : la Belle-mére fuppo/ée, qui depuis a été fouvent repréfentée en
italien au nouveau théitre. M. de FatouviUe l'avoit accommodée pour l'ancien en y inférant beaucoup
de fcénes françoifes de fa façon et les comédiens crurent faire merveille et donner plus de célébrité
à cette efpéce de nouveauté en lui donnant le titre de : la Faaffe Prude, qui étoit devenue vaudeville
et qui pouvoit à la rigueur lui convenir. L'imprudence de leurconduite, qui mériteroitmêmeunnom
moins doux, leur coûta cher. Leurs ennemis, et ils en avoient beaucoup, en profitèrent pour les perdre.
Ils n'eurent pas le temps de repréfenter la pièce de M. de Fatouville qui ne fut qu'annoncée, et comme
elle fe trouva renfermée fous le fcellé qu'on mit fur les loges, chambre du compte, etc., en fermant
leur théâtre, on n'en a jamais eu de nouvelles. >
{Dictionnaire des Thédtres, VI, 455.)
SHcotti. 14 j
Elle avait, parait-il^ un talent réel, qui fut souvent appbuJi,
notamment dans une parodie de Pierre-François Biancolelli, dit
Dominique, et de Jean-Antoine Romagnesi intitulée : Serpilla et
Bajocco, représentée le 14 juillet 1729, où elle chanu brillamment
un air italien avec accompagnement de trompettes.
Elle mourut à Tige de 45 ans, le 5 nui 1739, rue Françoise,
et fut inhumée en l'église Saint-Sauveur.
Quant à Fabio Sticotti , engagé dans le principe pour chanter
avec sa femme dans les intermèdes, il commença par jouer d'abord
des rôles sans importance, pub adopta le personnage de Pierrot,
dont il s'acquitta fon bien s'il £iut en croire le quatrain suivant :
Cher Sticotti, je crois fans peine,
Quand je te vois jouer Pierrot,
Qpe n tu fais fi bien le fot,
Tu ne le fais que fur la fcène.
A partir de l'année I733> il aborda aussi l'emploi de Pantalon
et le remplit avec succès.
« C'étoit, dit un contemporain, un grand homme bien iait et
d'une bdle phyfionomie, le vifage rond et plat. Il étoit d'une
extrême gaieté au théâtre et dans la fociété. »
Il mourut à l'âge de 65 ans, le 5 décembre 1 741, rue Françoise,
et (ut inhumé dans la cave de b chapelle de la Vierge en l'église
Saint-Sauveur.
n avait été reçu à quan de pan le 11 février 1733, et il obtint
demi-pan le 4 mai de la même année.
Fabio Sticotti et Ursule Astori eurent trots enfants qui furent
comédiens comme eux: i^ Antoine-Jean, qui poruau théâtre
les noms de Toni et de Fabio et qui débuu, le 11 mai 1729,
dans la Surpriu de r Amour, comédie de Marivaux ; il jouait les
coM« DU toi. ^ n. 10
146 Les Comédiens italiens,
amoureux avec talent. Après la mort de sop père, il prit l'emploi
de Pantalon et de Pierrot, et à partir de 1754 il y joignit les rôles
de valets et de paysans (i). 2° Michel, qui porta aii théâtre le
nona de Kelli et qui débuta, le 15 juin 1729, dans h. Surprise de
V Amour, comédie de Marivaux; il ne fut pas reçu et alla jouer à
l'étranger. 3° Agathe, qui dès 1741 parut à la Comédie-Italienne
dans les rôles à' enfants et qui joua jusqu'en 1744, époque où
elle épousa M. de Labédoyère, fils du procureur général au par-
lement à& Bretagne. Cette union, désapprouvée par les parents
du mari , donna lieu à un procès en nullité du mariage, qui fut
plaidé avec un immense retentissement, en 1745, devant le parle- ^
ment de Paris.
{Archivas natioiMUt, Y, 14,066. — Dictionnaire
des Théâtres, V, 129, 243. — Calendrier histori-
que des Théâtres. Paris, Cailleau, 1751. —Jour-
nal de Barbier, IV, ^4. — Jal, Dictionnaire de
biographie, p. 1150.)
I
1717. — 29 avril.
Fabio Sticotli, dit Pantalon, se plaint ai un individu qui relient indûmettt
son perroquet.
L'an 1717 le jeudi 29* avril, quatre heures de relevée, par-devant nous Vin-
cent Laurent, etc., en notre hôtel eft comparu Fabio Sticotti, Italien de
nation, demeurant rue Pavée, à Thôtel de Carignan, paroifTe St-Euftache :
Lequel nous a fait plainte et dit que, le 8 du préfent mois, il a perdu un per-
roquet ayant les plumes defTous le ventre rouges, celles autour du bec blan-
ches, lequel perroquet lui avoit été vendu, fix mois auparavant, par le fieur
Pierre Borghctti (2), faifant le rôle de Pantalon à la Comédie-Italienne, lequel
Tavoit acheté du nommé Martin Né, oifeleur, demeurant fur le quai de la
(i) Il a fait représenter k la Comédie-Italienne, soit seul, soit avec Panard, un certain nombre de
pièces qui obtinrent quelque succès. Il avait demi-part et prit sa retraite en 1759.
(2) Lisez : Pierre Alborghetti.
Sticottî, 147
Vallée; qu'il auroil entendu, le lendemain dès le grand matin, ledit perroquet
au haut de la maifon où il demeure, ce qui Tauroit obligé de fe lever pour
lui porter fa cage et tâcher de Ty faîre rentrer, mais que ledit perroquet fe
feroit envolé ayant été effarouché par un chat ; que lui plaignant auroit fait
battre le tambour et auroit appris quelques jours après que fondit perroquet
étoit chez le fieur de St-Marc, rue du Croiffant. Qu'étant allé chez ledit fieur
de St-Marc, il auroit reconnu fondit perroquet ; mais que ledit fieur de St-Marc
lui ayant dit qu'il falloit que lui plaignant lui amenât quelqu'un qui connût
ledit perroquet, après quoi il le lui rendroit ; que lui plaignant auroit mené
chez ledit fieur de St-Marc lefdits fieurs Borghetti et Né, lefquels auroient re-
connu ledit perroquet pour être celui par lui vendu ; que cependant ledit de
St-Marc, malgré tous ces témoignages, n'auroit voulu rendre ledit perroquet.
Que la femme de lui plaignant étant allée chez ledit (leur de St-Marc avec
d'autres perfonnes pour reconnoître auffi ledit perroquet, ledit fieur de St-Marc
n'a voulu le leur faire voir et encore moins rendre ledit perroquet.
Pourquoi il a été confeillé de fe rendre par devers nous pour nous rendre
la préfente plainte.
Signé : Laurent ; Fabio Sticottî.
(^Archives nationales, Y, i$,)i8.)
II
1733. — II février.
Fabio Sticotti, dit Pantalon, est reçu à quart de part.
Nous duc de Rochechouart, premier gentilhomme de la chambre du Roi,
avons reçu et recevons, fuivant les intentions de Sa Majefté, le fieur Fabio
Sticotti dans la troupe des comédiens italiens du Roi, auquel nous avons
accordé et accordons un quart de part dans celles qui font vacantes ; duquel
quart il c(l ordonné â ladite troupe de faire jouir ledit Sticotti à commencer
du 5 janvier de la préfente année, jour de fon début (i), etc.
Fait à Paris, ce ii« février 1733.
Signé : Le Duc de Rochechouart.
{Archives nationales, G*, 846*)
(i) Dans l'emploi de Pantalon,
148 Les Comédiens italiens.
m
1733. — 4 mai.
Fabio Slicotti, dit Pantalon, est reçu à demi-part.
Nous duc de Rochechouart, premier gentilhomme de la chambre du Roi,
accordons, fuivant les intentions de Sa Majefté, au (îeur Fabio Sticotti le quart
de part vacant à la Comédie-Italienne pour, avec celui que nous lui avons
accordé par notre ordre du 1 1 février dernier, faire une demi-part, etc.
Fait à Paris, ce 4 mai 1733.
Signé : Le Duc de Rochechouart.
(^Archives nationaUs, O', 846.)
Voy, Dehesse (Jean-Baptiste -François).
SUIN. Un ordre de début en date du 8 mai 1769 appela Suin
à la Comédie-Italienne, où il parut pour la première fois, le
24 juillet suivant, dans les rôles de Pandolphe de la Servante maî-
tresse, paroles de Baurans, musique de Pergolèse, et de Richard
dans ItRoiet le Fermier, paroles de Sedaine, musique de Monsigny.
Il joua ensuite le Huron dans le Huron, paroles de Marmontel,
musique de Grétry; Lubin dans Annette et Luhin, comédie de
M°* Favart et L...; Candor dans les Moissonneurs, paroles de
Favart, musique de Duni; Dupri dans Isabelle et Gertrude,
paroles de Favart, musique de Biaise, et fut reçu le 21 août aux
appointements de 6,000 livres.
Le 19 janvier 1770, les premiers gentilshommes de la chambre
lui promirent sa réception à demi-part pour le terme de Pâques
de Tannée suivante; mais cette promesse, on ne sait pourquoi, ne
fut pas réalisée et Suin n'obtint la demi-part que le 9 avril 1773.
Il prit sa retraite à la clôture de 1783.
Siiin. 149
Suin, disent les Mémoires secreis, ne manquoit ni de raifon, nî d'intelli-
gence, ni de vérit<^, ni do naturel, mais Ton organe, fourd dans le chant et
trilU* dans la comédie, dcplaifoit au public et rcbutoit des le premier abord.
Une anecdote le rendoit en quelque forte facré. 11 avoit eu le malheur de
répugner i la Reine dès qu'elle Tavoit vu. Sa Majedé, dans un mouvement
involonuire, n*avoit pu s'empôcher de manifefter fon dégoût d'une façon Ci
cxprelTive qu'on avoit intéreffé fon humanité et la bonté de fon coeur en lui
faifant fentir que, û elle ne réparoit l'humiliation qu'elle venoit de donner X
cet acteur par quelque marque de bienveillance, elle alloit lui faire perdre
fon état et qu'il feroit ncceiïai rement renvoyé. La Reine voulut bien déclarer
aux gentilshommes de la chambre que ce n'étoit pas fon intention et qu'elle
cxigcoit que le fieur Suin redit i la Comédie.
{ArthivtB mûliomsUt, O*, I47. — I/f 5f€€UuUt iê
Péris, 1770. — Mim^ifii iêtrtts, XXU, |l4.)
177$. — 9 avril.
Suin est reçu à demi •fart.
Nous nuréchal de Richelieu, pair de France, premier gentilhomme de la
chambre du Roi ;
Nous duc de Duras, pair de France, premier gentilhomme de la chambre
du Roi,
Avons reçu, fous le bon plaifir de Sa Majefté, le fieur Suin i demi-part
dans la troupe des comédiens italiens du Roi pour y jouer les rôles de pères
et autres qui feront jugés nécefTaires pour le bien du fervice.
Fait i Paris, le 9 avril 177).
Signé : Le Maréchal duc de Richelieu ; le Duc de Duras.
(Art kit tt mëlitmëUt, O*, 146.)
IeSSIER (Elisabeth).
Voy. DoUONVlLtE.
THOMASSIN (Thomas-Aktoike VISENTINI, dit), dit
AtLEaUtN.
THOMASSIN' (Marguerite RUSCA, femme de), dite Vio-
lette.
Thomis- Antoine Vîscntini, qui porta au théâtre le nom de
Thoiiussin, naquit i Vicence vers 16S2. II entra jeune encore
dans une troupe qui parcourait l'Italie et joua la tragédie. On
raconte miime qu'^ Rome, où il était interdit .lux femmes de pa-
raître sur la sceTie, il remplit l'emploi des jeunes priiuesses et
qu'il y fut applaudi. Quoi qu'il en soii, diverses circonstances lui
firent abandonner la tragédie et prendre les rôles <ï Arlequin. o\i
il acquit bicntùt une grande réputation. Il fut engagé par Louis-
André Kiccoboni, dit I.élio, dans la troupe que le régent fit venir
i. Paris et débuta avec elle, ï la nouvelle Cumédic-Italienne , sur
152 Les Comédiens italiens.
le théâtre du Palais-Royal, le 18 mai 17 16, dans VInganno fortu-
nato, pièce italienne connue en français sous le nom de : l'Heu-
reuse surprise.
Voici sur les débuts deThomassin quelques détails curieux em-
pruntés à un auteur dramatique contemporain, Thomas-Simon
Gueullette :
Le célèbre Dominique, qui s'ed fait une (1 grande réputation en France
fous le' mafque d'Arlequin, avoit un défaut dans la voix auquel il avoit fl
bien accoutumé le public aulli bien que fes imitateurs qu'on n'avoit point
imaginé depuis fa mort qu'un Arlequin pût être fupportable fans parler de
la gorge et affecter une voix de perroquet. Le (ieur Riccoboni père et le
fieur Thomaflîn, inftruits de ce préjugé, n'en furent pas médiocrement
alarmés, furtout le dernier qui avoit parlé toute fa vie avec fa voix naturelle...
Il s'agiffoit d'apprivoifer les fpectateurs qui s'effarouchent quelquefois à
moins et voici comme on s'y prit. Il y a plufieurs fcènes de nuit dans
VHeureufe furprife, on en plaça une au commencement de la pièce. Lélio
(Louis- André Riccoboni) appeloit Arlequin (Thomaflîn), fon valet, qui
d'abord ne répondoit pas et répondoit enfuite par intervalles, paroiffant fe
rendo'rmir chaque fois après avoir répondu. Lélio l'alloit chercher, Tamenoit
•
fur la fcène dormant toujours debout ; il l'éveilloit avec beaucoup de peine
et lui parloit. Arlequin en lui répondant fe laiflbit gliffer à terre et fe
m
rendormoit ; fon maître le relcvoit et Arlequin dormoit fur fon bras. Enfin,
le public fut dupe de cette fcène et après avoir ri et applaudi pendant un
quart d'heure fans que le nouvel Arlequin ait prononcé un mot, il n'eut
plus le courage de le chicaner fur fa voix lorfqu'il vint à fe faire entendre
et lui permit d'être naturel fans tirer à conféquence.
Cependant le succès de curiosité qu'obtint dans le principe la
nouvelle troupe italienne ne dura que peu de temps. Dès l'année
suivante, la salle de l'hôtel de Bourgogne devint à peu près dé-
serte, autant à cause des pièces en italien que les Parisiens ne
comprenaient plus qu'à cause de la reprise de mauvaises pièces
françaises d'une grossièreté révoltante , empruntées au répertoire
de l'ancienne Comédie-Italienne. Thomassin seul trouvait grâce
devant le public; aussi ses camarades en profitèrent -ils pour
Thomassin. 153
essayer, grâce à lui, de conjurer la ruine imminente de leur
société et lui firent-ils prononcer un soir une harangue par la-
quelle la troupe sollicitait l'indulgence du parterre, lui deman-
dait un peu de patience et s'engageait à faire de son mieux dans
l'avenir.
Ce discours est ainsi conçu :
Medîeurs, on me fait jouer toutes fortes de rôles. Je fens que dans beau-
coup je dois vous déplaire. Le balourd de la veille n'efl plus le même
homme le lendemain et parle efprit et morale. Jadmire avec quelle bonté
vous fupportez toutes ces difparates ; heureux fi votre indulgence s'étendoit
jufqu'à mes camarades et fi je pouvois vous réchauffer pour nous I Deux
chofes vous dégoûtent : nos défauts et ceux de nos pièces. Pour ce qui nous
regarde, je vous prie de fonger que nous fommes des étrangers, réduits
pour vous plaire à nous oublier nous-mêmes. Nouveau langage, nouveau
genre de fpcctacles, nouvelles mœurs I Nos pièces originales plaifent aux
connoifTcurs, mais les connoiffeurs ne viennent pas les entendre. Les dames,
et fans elles tout languit, contentes de plaire dans leur langue naturelle, ne
parlent ni n'entendent la nôtre, comment nous aimeroient-elles ? Quelque
difficile qu*il foit de fe défaire des préjugés de l'enfance et de Téducation,
notre zèle pour votre fervicc nous encourage et pour peu que vous nous
mettiez en état de perfévérer, nous efpérons devenir non d'excellens acteurs
mais moins ridicules à vos yeux, peut-être fupportables. A l'égard de nos
pièces, je ne puis trop envier le bonheur de nos prédéceffeurs qui vous ont
attirés et amufés avec les mêmes fcènes qui, remifcs aujourd'hui au théâtre,
vous ennuient et dont vous pouvez à peine foutenir la lecture. Le goût des
fpcctateurs eft changé et perfectionné, pourquoi celui des auteurs ne l'eft-il
pas de même ? Vous voulez, et vous avez raifon, qu'il y ait dans une comédie
du jeu, de l'action, des mœurs, de l'efprit et du fentiment, en un mot
qu'une comédie foit un ragoût délicat où rien ne domine, où tout fe faffe
fentir. Plus à plaindre encore que les auteurs, nous fommes refponfables et
de ce qu'ils nous font dire et de la manière dont nous le difons. J'appelle de
cette rigueur à votre équité : mefurez votre indulgence fur nos efforts, nous
les redoublerons tous les jours. En nous protégeant, vous vous préparez
dans nos enfans de jeunes acteurs qui nés parmi vous, qui formés pour
ainfi dire dans votre goût, auront peut-être un jour le bonheur de mériter
vos applaudiffemens. Quel que puiffe être leur fuccès, ils n'auront jamais
pour vous plus de zèle et de refpcct que leurs pères.
154 Les Comédiens italiens.
Ces paroles, prononcées par un comédien sympathique, obtin-
rent l'effet désiré, et peu à peu , grâce aux efforts soutenus des
acteurs, la Comédie-Italienne reprit la vogue, La carrière drama-
tique de Thomassin fut extrêmement brillante. Souple, gai, naïf,
original, il savait, par ses excellentes bouffonneries, dérider toute
la salle, puis, par des nuances insensibles, passer avec une habileté
merveilleuse de la plaisanterie au pathétique. Dans Timon le mi-
santhrope, comédie en trois actes, de De Lisle, dans la Double In-
constance et dans Vile des Esclaves, comédies de Marivaux, il
arracha des larmes à ses auditeurs ; effet prodigieux si Ton pense
que le jeu de sa physionomie était caché par un masque. Dans
les dernières années de sa vie, Thomassin parut peu à la Comédie-
Italienne, comme nous l'apprend ce quatrain :
Cher Vifentinî, le parterre
Ne te reproche qu'un défaut,
J*6fe le dire tout haut,
C'eft que tu ne te montres guère.
Il mourut, après une longue jnaladie, le 19 août 1739, rue
Neuve-Saint-Denis, et fut inhumé le lendemain en l'église Saint-
Laurent.
Avant de venir en France, il avait épousé Marguerite Rusca,
connue au théâtre sous le nom de Violette et qui vint avec lui à
Paris en 1716. Elle joua à la nouvelle Comédie- Italienne les
rôles de suivantes et mourut à l'âge d'environ 40 ans, le 28 fé-
vrier 173 1. Elle fut inhumée le lendemain en l'église Saint-Lau-
rent, sa paroisse.
Thomas-Antoine Visentini eut plusieurs enfants, comédiens
comme lui : 1° François, qui parut au théâtre dès 1 719, à l'âge de
4 ans et demi, sous le masque d'Arlequin, dans une scène ajoutée
à la comédie de GueuUette, Arlequin Pluton. Il mourut le 19 avril
Thomassin. i j 5
1729; 2° Vinccnt-Jcan, dont il sera parlé plus loin; 3** Caihcrinc-
Antoincitc, qui épousa le comédien Jcan-Bapiistc-François Dc-
hcssCy et sur laquelle il a été donné plus haut quelques deuils;
4° Louise-Élisabeth-Charlottc, connue au théâtre, où elle débuta
en juillet 1733, sous le nom de Babet, et qui mourut le 18 février
1740; 5** Françoise-Sidonie, qui débutai la Comédie-Italienne, le
1 5 octobre 1736, dans la Folie raisonnable, comédie en un acte, en
vers, de Pierre-François Biancolelli, dit Dominique, fut reçue en
1740 en remplacement de sa sœur Babet et mourut le 5 septem-
bre 1743. Cette actrice, que Ton nommait au théâtre Sidonie, fut
surtout remarquée dans les parodies, qu'elle rendait supérieure-
ment; 6" Joaclîim, qui débuta, le 26 août 1741, parle rôle d'Jr-
leqtiin dans Timon le misanthrope, comédie de De Lisle. Il ne fut
pxs reçu et alla jouer en province.
Une dernière fille de Thomassin, Marie-Louise, qui mourut le
1 1 septembre 1745, à Tâge de onze ou douze ans, ne semble pas
avoir jamais paru au théâtre.
(Jtfrrrarff dt Fr^mee, 1791 ■ — CéUnÀritr hitt»r$fmt
it» Théitrti. Pirii, CAïUeau, 17^1. — DùtMm-
■jfr« dgi ThéJirtit VI. 172, 174, 176, 17I, ito,
741. — Journél it CêlU, I, )ll.)
1727. — içnurs.
Liitre antogrjfhe dt Thomas-Antoin/ Visentini, dit Thomassin, four réclamer
rexèculicn d*une ordonnance dis premiers gentitstyommts de la citamtre, relative
à M*^ Catherine- Antoinette Visentini, sa fille (i),
M(>nrtcur(2),
Je prcnJ la libcrtc/ de vous vcrirc pour vous aiïiirer de mes ci\*ilitéz et pour
vous prier de vouloir bien nie Uirc la grâce de mander X mes canuradc de
(1) E:!r «pftjia flui tird jcan Bapiiitc Ochctw.
(<) C«ti« Ifliii* cil êirtiiUt i riaicsiAat ict acaut fUitirt ém l«i.
156 Les Comédiens italiens.
faire honneur à Tordonnance de meilleurs les gentilshomme de la chambre
au fujet du quart de part qu'il a plu à Sa Majefléz d'acorder à ma fille de-
pluis le 28* décembre dont elle n'a pas encore joui. C'eft la feule grâce que
je vous demande en demeurant avec un profont refpefl le plus afiectionéz
de vos ferviteur.
ViSENTINI,
De Paris ce I9« mars 1727.
(Archives nationaUs, O', 846.)
Voy, Alborghetti (Pierre) ; Dehesse (Jean-Baptiste-François) ; Ricco-
BONi (Louis-André).
THOMASSIN (Vincent-Jean VISENTINI, dit). Fils des
précédents et né à Paris en 1707, Vincent-Jean Visentini,
connu au théâtre sous le nom de Thomassin déjà porté par son
père, débuta à la Comédie-Italienne, le 19 novembre 1732, parle
rôle de Bajoco dans le Joueur, comédie italienne en trois actes,
de Louis-André Riccoboni, dit Lélio.
Quelques jours plus tard, le 5 décembre, Thomassin joua le
rôle du maître à chanter dans le Je ne sais quoi, comédie en un
acte, en vers, de Boissy, et fut reçu peu après pour doubler son
père dans les rôles à^ Arlequin. On ne croit pas pourtant qu'il
ait paru souvent dans cet emploi, mais on sait qu'il représenta
plusieurs fois avec distinction le rôle de Polichinelle et qu'il fut un
excellent danseur.
Il prit sa retraite à la clôture de 1755, et le 4 septembre suivant
on donna à son bénéfice une représentation qui obtint un grand
succès et dans laquelle on joua la Servante maîtresse, comédie
de Baurans, musique de Pergolèse ; la Fite de V Amour, comédie
en un acte et en vers libres, de M"*' Favart, et trois divertissements
dont le dernier, intitulé les Villageois, avait été composé par Jean-
Baptiste-François Dehesse.
TIjomassin, 157
Vinccnt-Jcan Viscntini, dit Thomassin, est mort vers 1769.
Il avait épousé Marie- Agnès Siméon, qui débuta à la Comédie-
Italienne, le 31 août 1752, par le rôle de la comtesse dans VHeu-
reux Stratagème , comédie en trois actes, de Marivaux. Elle joua
ensuite Araminie dans les Fausses Confidences, et un rôle travesti
dans b Fausse Suivante, ou le Fourbe puni, comédies de Marivaux.
Sa taille élégante et la grâce avec bqucUe elle portait le costume
masculin lui valurent quelques appbudisscments, mais elle ne
put être reçue et renonça peu après au théâtre.
{DutUnnsift iêi Tkéitrt$, VI, 177, lia, 74a )
I
1749. — 3 juillet.
rituent'Jean Visent ini, dit ITiomassin, est accusé de séduction par Elisabeth Deniset,
sa domestique,
L*an 1749. le jeudi 3 juillet, deux heures de relevée, en notre hâtel et par-
devant nous Picrrc-ClauJe Millon, etc., e(l comparue Elifabeth Denifet, fille
majeure, demeurant rue du Bout-du-Mondc, paroifle St-Eu(Uche : Laquelle
nous a rendu plainte contre le nommé Thomaflin, acteur de la Comédie-Ita-
lienne, demeurant rue des Deux-Portes-St-Sauveur, et dit qu'elle e(l entrée pour
fon malheur, en qualité de domeftique, au mois d*avril 1748, chez ledit Tho-
mafTm qui n*a pas diiïéré i manifeder i la plaignante les défirs criminels qu'il
avoit conçus pour elle. Que la plaignante, pleine d'horreur pour ces inûmes
propofitions, a repoufTé avec beaucoup de courage les aflauts redoublés qu'il
a livres i fa vertu. Qu'enfin, ébranlée par des attaques qui devenoient chaque
jour plus fréquentes et plus fortes et féduite par les careflfes et les promcflcs
fur Icfquclles fon tenuteur enchériflfoit à duque inftant, il lui a arraché une
virginité qu'elle n'a jamais confenti i lui accorder de bonne grice. Que les
fuites de cette \*iolence ont été la continuation d'un commerce criminel dont
la plaignante n*a pu fe défendre après Tépoque de U tri De défaite. Qu'un
dernier accident a mis entîn le comble au défefpoirde la plaignante: c'eftune
gmiTcire d'environ fix mois dont elle a cru devoir nous venir faire la déclara-
tion. Q>ic ledit Tliomaflîn, infidèle i toutes fcs promcflcs, loin de fe porter à
158 Les Comédiens italiens.
adoucir un malheur dont il eft Tauteur, n*a pas rougi de congédier la plai-
gnante de concert avec fon époufe. Et comme la plaignante n'a jamais eu
d'autre tache dans fa conduite que fa fatale complaifance pour la paflion dudit
Thomaflin et que la régularité de fes mœurs, à ce crime près, la met en droit
de prétendre à des dommages-intérêts confidérables, elle eft venue nous rendre
plainte.
Signé : Elisabeth Deniset ; Millon.
{Archivas nationales. Y, 14, {42.)
n
1751. — 22jum.
Ordre à Vincent-Jean Visentini, dit Thomassin, de se rendre prisonnier
au For-rÉvê^ue.
Nous duc de Gefvres, pair de France, premier gentilhomme de la cham-
bre du Roi, gouverneur de Paris et de PIle-de-France : Ordonnons au fieur
Vincentini, comédien italien du Roi, de fe rendre, à la réception du préfent
ordre, au For-rÉvéque (i).
Mandons au concierge dudit For-l*Évêque d*y recevoir ledit Vincentini
pour y refter jufqu'à ce qu'il en foit autrement ordonné par nous.
Fait à Paris^ ce 22 juin 1751.
Signé : Le Duc de Gesvres.
(^Arehivti nationaUs, O', 846.)
III
1 751. — 22 jum.
Défense à Af « Marie- Agnès Siméon, femme de Vincent -Jean Visentini,
dit Thomassin, d'entrer jusqu'à nouvel ordre à la Comédie-Italienne,
Nous duc de Gefvres, pair de France, premier gentilhomme de la chambre
du Roi, gouverneur de Paris et de l'Ile-de-France ; Défendons aux comédiens
(i) U s'était querellé avec sa femme dans les coulisses du théâtre et avait causé un certain scandale.
Thomassin. 159
italiens du Roi de laifler entrer à la Comédie-Italienne la femme du fieur Vin-
centini, Tun des comédiens italiens du Roi, fous aucun prétexte, jufqu'à ce
qu'il en ait été autrement ordonné par nous.
.Fait à Paris, ce 22 juin 175 1.
Signé : Le Duc de Gesvres.
(^Archivés nationales, O*, 846.)
IV
1752. — 20 mai.
Vincent-Jean Visentini, dit Tijomassin, conduit che^ le commissaire pour avoir pro-
voqué un soldat du guet, est relaxé à la réclamation de M^^* Marie-Agnès Siméon,
sa femme.
L'an 1752, le famedi 20* jour de mai, neuf heures du foir, en Thôtel de nous
André Defacq, etc., a été amené par Jean-Baptifte Verdun, fergent du guet
et fon efcouade, un particulier qui s'eft dit fe nommer Vifentini Thomaffin,
acteur de la Comédie-Italienne, lequel il nous dit avoir arrêté incontinent, rue
St-Denis, près la rue du Renard, pour avoir infulté un foldat du guet et Tavoir
provoqué à fe battre.
Et à Tinftant eft comparu Guillaume-Jofeph Thuin, foldat du guet de Tef-
couade de Bexon, demeurant rue Grenier-St-Lazare, chez le fieur Poirier,
fruitier : Lequel nous a dit qu'incontinent revenant de la rue Montmartre,
s'en retournant chez lui par la rue du Petit-Lion, en compagnie de Jean
Berlinge, vendeur de firops et de liqueurs, demeurant 'chez la. veuve Morlet,
vinaigrière, rue St-Martin, près la rue aux Ours, il a fait rencontre dudit
Thomaffin, lequel, fans lui avoir rien dit, eft venu par derrière, s'eft jeté fur lui
et l'a féparé d'avec ledit Berlinge qui le tenoit par le bras et Ta penfé faire
tomber ; que lui comparant lui ayant dit de prendre garde à lui, il lui a donné
un coup de poing dans l'eftomac et à l'inftant il lui a voulu donner un coup
de fa canne par la tête, lequd coup ayant paré, icelui Thomaffin a tiré à l'inf-
tant fon épée et la lui a préfentée par la pointe fur l'eftomac et enfuite il l'a
provoqué de venir fe battre à l'épée ; que lui comparant lui a dit qu'il le vou-
loit bien, pour gagner du tems, mais qu'il falloit qu'il vînt dans l'enclos de la
Trinité, où ils fe battroient mieux ; qu'en y allant lui comparant a dit audit
Berlinge d'aller chercher la première efcouade du guet à l'effet de le faire
arrêter ; laquelle étant venue, elle s'eft faifie de lui et nous Ta amené.
Signé : Thuin.
i6o Les Comédiens italiens.
Sur quoi nous commi (Taire, etc., ayant en conféquence fait venir par-devant
nous ledit Thomallin et nous étant enquis de fes nom, furnom, âge, demeure
et qualité, s'il avoit infulté ledit Thuin, s'il ne lui avoit pas voulu donner un
coup de canne fur la tête, s'il n'avoit pas voulu tirer l'épée contre lui et qc
l'avoit pas pointée contre icelui Thuin et ne l'avoit pas enfuite provoqué à fe
venir battre? Icelui Thomallin, après ferment fait dédire vérité, a dit fe
nommer Vifentini Thomallin, être acteur de la Comédie-Italienne, demeurant
rue Bourg-l'Abbé, à la Croix-de-Fer, chez le fieur Chaudron. A dit ne pas fe
fouvenir d'avoir maltraité icelui Thuin, d'avoir caffé fa canne dans le ruifleau
et ne pas favoir s'il avoit tiré fon épée contre ledit Thuin, ni de l'avoir voulu
percer et qu'il en feroit très-fâché et ne pas fe fouvenir qu'il l'eût provoqué
â fe battre.
Signé : Visentini.
En procédant eft comparue demoifelle Marie-Agnès Siméon, emme dudit
Vifentini Thomaflin, demeurant fufdite rue Bourg-l'Abbé : Laquelle nous a
dit que icelui ThomafOn eft, comme dit ell, fon mari ; que 11 il a infulté ledit
Thuin, ce n'efl point par aucun mauvais delfein, mais par une fuite de quel-
ques verres de vin qu'il a de trop et que quand il ell dans cet état il ne fait ce
qu'il fait ; qu'au furplus elle nous requiert de ne le point envoyer en prifon
n'y ayant perfonne de bleffé, parce que 11 il y étoit, cela dérangeroit le fpectaclc
dans la Comédie-Italienne et le fervîce du public. Pourquoi elle requiert
qu'il lui foit remis es mains aux foumillions qu'elle fait de le repréfenter û il
ell ainû ordonné.
Signé : Marie-Agnès Siméon.
Et par ledit Thuin a été dit qu'il n'entend faire aucune pourfuite contre
ledit Thomaflin et confent qu'il foit mis en liberté.
Signé : Thuin,
Dont et de quoi avons donné acte, etc., et en conféquence ledit Thomallin
a été remis entre les mains de ladite demoifelle Siméon, fa femme, qui s'en ell
chargée pour le ramener chez lui et le repréfenter (i il eft ainfi ordonné, et a
été remife â ladite demoifelle Siméon l'épée de fon mari.
Signé : M. A. Siméon; Defacq..
Archives HAtionaUs, Y, 12,451.)
Thotnassin, i6i
1754. — 29 juin.
PUUnU ii Vincent-Jean Visent ini, dit Tbowêossin, tt de Mari^Agnà Simion,
sa femme, contre une tentative d'extorsion de signature,
L*an 1754, le faroedi 29 juin, heure de midi, en l'hôtel et par-devint nous
liugucs-Philippc Duchcfne pour l'ablence de M* Bourgeois, etc., font com-
parus ficur Jean-Vincent Vifcntiny-Thomadin, officier ordinaire du Roi, et
demoifcllc Marie-Agnès Siméon, fon époufe, de lui féparée quant aux biens,
demeurant à Paris rue du Faubourg-St-Martin, paroiflfe St-Laurcnt, dans une
maifon réellement faifie fur le fieur Ninons et fa femme et de laquelle le bail
judiciaire leur a été cédé par le fieur Mathé, fermier judiciaire d*icel le : LefqueU
nous ont dit que le ficur Regley, ci-devant fennier judiciaire de ladite maifon,
apparemment fiché d*étre obligé d*en fortir pour la rendre libre aux comparans,
a ufé d*artificcs et de manoeuvres pour fe conferver fon logement dans cette
maifon gratuitement et, i cette fin, a fabriqué un écrit fans date, de fa main,
par lequel ledit ûeur comparant, pour reconnoftre ledit Matlié de ce qu*il lui
a cédé ledit bail judiciaire et pour Ten indemnifer, femble lui céder gratui-
tement tous les lieux que ledit Regley occupe par lui-même dans ladite
maifon pour auunt de tems que la commidion durera. Lequel écrit ledit
Regley a remis entre les mains du fieur Mounier-Delafofle, bourgeois de
Paris, ami des comparans, et Ta prié de le faire ûgner audit comparant par
furprife et lorfqu*en le faifant boire il Tauroit mis dans un état i n'avoir au-
cune connoiiïance de ce qu'il lui faifoit figner; que ledit fieur Delafofle,
indigné d'une pareille trahifon et manœurre, eft venu trouYcr les comparans,
leur a découvert le projet dudit Regley et leur a remis le fufdit écrit Et
comme ledit fieur ThomafCn a l'efprit foible et perd aifémem connoillance
lorfqu'on le fait boire et que les comparans, appréhendant que ledit Regley,
n'ayant point réuffi dans fa manœuvre, emploie d'autres (Iraugémes pour
furprendrc la fignature dudit comparant, foit pour le même fujet, foit pour
d'autres, et que d'ailleurs ils veulent conflater la manœuvre dudit Regley et
Ten faire punir, ils font venus nous faire la préfente déclaration et plainte.
Signé : A. SlMÉOS; VlSENTINl-TuOMASSIM.
(Àrfk$9*$ mëH0msUi, Y, tt,f4S )
COM. DU KOI. — IL II
i62 Les Comédiens italiens,
THOMASSIN (Guillaume-Adrien), dit VISENTINI. Fils
des précédents et né à Paris en 1744, Guillaume- Adrien
Visentini reçut les leçons de Jean-Baptiste-François Dehesse, son
oncle, et parut pour la première fois à la Comédie-Italienne le
22 février 1749, à l'âge de cinq ans, dans le ballet des Enfants
vendangeurs, divertissement représenté à la suite de la comédie de
Boissy intitulée : le Retour de la paix. Il fut extrêmement goûté et
se distingua encore dans deux autres ballets : les Enfants sabotiers
et les Vendanges,
On ignore l'époque du véritable début de Guillaume-Adrien
Visentini, qui porta au théâtre, comme son père et son grand-
père, le nom de Thomassin. On sait seulement qu'il doubla Jean-
Baptiste Laruette et qu'il joua quelquefois les rôles à^ Arlequin,
notamment en 1784, dans la comédie de Florian intitulée : les
Deux Jumeaux de Bergame. Il paraît même avoir remporté un
certain succès dans cette pièce, car un contemporain a écrit qu'il
ne s'y montra pas indigne du fameux Thomassin, son aïeul. Tou-
tefois, dans une note manuscrite en date de l'année 1787 et où se
trouve consignée l'opinion du comité du Théâtre-Italien sur chacun
des artistes qui composaient alors la compagnie, on lit : « Tho-
massin, absolument inutile. »
Cet acteur, qui avait été reçu à quart de part le 12 avril 1775,
prit sa retraite au mois de mai 1789 et mourut en 1807.
Il avait épousé, vers 1772, M"** Jeanne-Nicole Tisserand, qui
débuta à la Comédie-Italienne, le 2 octobre 1776, par le rôle
à'Annette dans Annette et Lubin, comédie en un acte, de M"* Fa-
vartet L..., et dt Jeannette dans le Déserteur, paroles de Sedaine,
musique de Monsigny. Elle joua ensuite Lise dans On ne s'avise
jamais de tout, paroles et musique des mêmes auteurs, et ne fut
pas admise.
{Archives nationales, O*, 848. — Dictionnaire des
Théâtres, VI, i8a. — Mémoires secrets, XXVI,
131. — Les SpeetacUs de Paris, 1777.)
Thomassin. i6)
I
I77Î. — 9 avril.
Gratification de 600 litres accordie à Gmllautiu- Adrien- Antoine Viientini,
dit Thomassin.
Nous maréchal de Richelieu, pair de France, premier gentilhomme de la
chambre du Roi ;
Nous duc de Duras, pair de France, premier gentilhomme de la chambre
du Roi,
Avons accord<^ au fieur TliomafTm, comédien pcnfionnaire de la Comédie-
Italienne, la fonime de 600 livres de gratification extraordinaire pour conti-
nuer Jk jouer les r^tes qu*il a ci-devant joués et tous ceux qui feront jugéi
liécefTjires, laquelle gratification fera prife fur le fêqueftre de Tannée 177).
Fait a Paris, le 9 avril 1773.
Signé : Le Maréchal duc de Riciillieu ; le Duc ot DuRAb.
II
1775. — 12 avril.
Guillaume- Adrien- Antoine Visentini, dit Thomassin, est re^u à quart de part.
Nous maréchal duc de Richelieu, pair de France, premier gentilhomme de
la chambre du Roi ;
Nous maréchal duc de Duras, pair de France, premier gentilhomme de la
chambre du Roi,
Avons rcyu fous le bon plaifir du Roi, danslatroape des comédiens italiens
de Sa Majetlé. le heur ThomaiTm i quart de part, k la charge par lui de jouer
unt i la Cour qu'i Paris l'emploi en double du fieur Laruette et ooRunémcnt
tous les rôles qui feront jugés nécelTaires pour le bîeo du fervice.
Fait a Paris, le 12 avril 177$.
Signé : Le Maréchal duc de Richelieu ; le Maréchal duc de DtJlus.
164 -^^^ Comédiens italiens.
III
1776. — 13 janvier.
Plainte rendue par Guillaume-Adrien-Antoine Visentini, dit Thomassin, au sujet
de V enlèvement de M"' Jeanne-Nicole Tisserand, sa femme, et d'une soustraction
^effets commise dans son domicile.
Du famedi 13 janvier 1776, environ l'heure de midi.
En rhôtel et par-devant nous Hugues-Philippe Duchefne, etc., cft com-
paru fieur Antoine Thomafîin, comédien ordinaire du Roi à la Comédie-Ita-
lienne, demeurant à Paris rue St-Martin, paroiffe St-Nicolas-des-Champs :
Lequel nous a dit et déclaré qu'il a époufé, il y a environ quatre ans, Jeanne-
Nicole Tifferand, fille du fieur Tiflerand, marchand tapiflier, demeurant rue
des Gravilliers, alors âgée d'environ 14 à 15 ans. Que le comparant a fait la
connoifiance du nommé Fontaine, commis à la caiffe de la Comédie-Fran-
çoife, qu'il s'eft introduit dans fa maifon par le canal de la demoifclle Tho-
maffin, fœur du comparant, qui le connoiflbit. Qu'il a fréquenté le comparant
et fa femme pendant environ trois ou quatre mois. Que hier, trois heures après
midi, le comparant eft parti de cette ville pour fe rendreà Verfailles et y remplir
fes devoirs à la Cour, d'où il eft revenu le même jour à minuit. Qu'il a appris
à fon arrivée que ledit Fontaine avoit enlevé fa femme ledit jour à quatre
heures et demie du foir ; qu'elle avoit emporté fes habits, linges et bijoux et
que le domeftique dudit Fontaine l'avoit aidée à faire des ballots. Que lefdits
bijoux confiftent en trois épingles, l'une d'un feul brillant, l'autre d'un dia-
mant et d'un entourage et la troifième d'un croifiant de diamans, le tout fin ;
une tabatière ovale de différens ors, une paire de boucles à fouliers de dia-
mans faux à deux rangs, deux bracelets d'or, une petite montre d'or à aiguilles
et boutons de diamans fins, à chaîne d'acier garnie de difiérentes breloques.
Quant aux linges et hardes, le comparant déclare n'en pouvoir faire quant à
préfent l'énumération. Qu'avant de fe retirer par devers nous il a appris de
la femme de chambre de la demoifelle Thomafîin ('), fa fœur, dont il ne fe
(i) M^^ Êléonore Visentini, dite Thomassin, avait débuté à la Comédie-Italienne le i"" novembre
1774, par les rôles d'Hélène dans Sylvain, paroles de Marmontel, musique de Grétry, et de Colom-
Tant, — Tortoriii. i6$
fouvicnt du nom, que fjditc fcvur a voit quitte Ta maifon avec le fieur d*Hc-
mcri (i), comcdicn pcnftonnairc de la Comédie-Italienne, et qu'elle ignorott
le lieu de leur retraite, mais qu'elle favoit que ledit d*Hemcri avoit acheté
ou loué une voiture chez un fellier, demeurant au Roule, pour aller À
Bruxelles. Qu'il y a tout lieu de préfumcr que ledit d'Hemeri, la demoifelle
Thomairm, ledit Fontaine et la femme du comparant avoient comploté en-
femble leur fuite et profité de fon abfence pour la faciliter et qu'ils fc font
vraifemblablement rejoints, lefdits d'Ilemeri et demoifelle ThomaiTm étant
partis dés le matin. Et comme le comparant ignore où ledit Fontaine et fi
femme fe font retirés, il cd venu nous faire la préfente déclaration.
Signé : TuoMASSiK ; Duchcsne.
(Àtfkirtt mati0mmU$, Y, t\i%4.)
1 ONI (Antoine-Jean STICOTTI, dit).
Voy. Sticotti (Fabxo).
TORTORITI (Joseph), dit Pascariel, dit Scaramouche U
Jeune. Joseph Tortoriti, né à Messine, parut pour b pre-
mière fois à Tancienne Comèdic-Iulienne au mois de mars 1685,
par les rôles de Capitan qu'il jouait en français et en italien. Le
Mercure de l'époque a rendu compte de son début en ces termes :
« La troupe italienne e(l augmentée d'un acteur nouveau qui
^•■# J«nt I« TébUûm ^rUml, ftrolet 4*AaMaumr, muti^uc it Gr€trj. Ell« joaa 4«fttU Zêlmht
ian* U i'»di dmfé, pârulct 4c Lcmoanicr, auti:|uc de llaDM|(nT; L^mttt ÀMit* |« Dtifrtrwr, parofet
dt S«<l«>nc, Buttquc <ic M-inaii^njr . MeM état M*tt tl dtUt, pârolct «i Mtiti^uc 4c* Ménct; Jtnmy
iâot te ILj» fi U Ftrmtéf, ou«râg« 4ct n^aict auteur*. Elle ne fut pâi «JaiM.
(i) Ce J'IlemcrY ou Demcry avait 4cbutc ÀÂnt VtmfUu dca kén«i-Uê!U$t le I f*"**^ I774« f*'
U tàlt 4c H't$i*rm 4ânt T»m j0mt$, p«rulct J« Pointinct. mutt^ua 4c FhiIi4or. Il |Oua cnswilc
JUtti 4ant U Détettft, parulct 4f S«4«iiic, muu^uc 4« Monvigajr , H^tkmnm 4aat Jt#fC cl C»Ui,
•-««ra^ 4rt «létac* aatcura ; 1« Kir#« 4aaa VÀm^mrnu iâ f •«•(# a«f» farolca 4« Laii^a, ••••^•<
4« Macttai, ti fat rt^n 4 r«aa«i.
i66 Les Comédiens italiens.
attire les applaudiflemens de tout Paris et qui n'a pas moins plu
à la Cour. II a une agilité de corps furprenante et féconde habi-
lement l'incomparable Arlequin (Dominique Biancolelli). » Ce
que dit ici le Mercure du favorable accueil obtenu par Joseph
Tortoriti, dit Pascariel, à la Cour, est attesté par les deux passages
suivants des Mémoires de Dangeau : « Lundi 15 mars 1685, ^
Verfailles. Le foir il y eut comédie italienne, où Ton vit pour la
première fois Pafquariello Trono {sic)^ qu'on trouva affez bon
comédien et le plus difpos homme du monde. — Dimanche 21
mars 1685, à Verfailles. Le foir il y eut comédie italienne, où le
nouveau comédien Pafquariello joua beaucoup mieux que la pre-
mière fois. Monfeigneur, Madame la Dauphine et tous les cour-
tifans en furent fort contens. »
Au mois de mai 1694, Joseph Tortoriti abandonna l'emploi de
Capitan pour le rôle de Scaramouche, qu'avait illustré Tiberio
Fiorilli, et fut désormais appelé Scaramouche le jeune.
Lors de la suppression de la Comédie-Italienne en 1697, Joseph
Tortoriti forma une troupe qui obtint l'autorisation de donner
des représentations en France, pourvu que ce fût au moins à
trente lieues de la capitale. On croit que cette tentative ne réussit
pas et que Joseph Tortoriti mourut dans la misère quelques an-
nées plus tard.
Il avait épousé une de ses camarades de la Comédie-Italienne,
Angélique Toscano, qui débuta, vers 1685, ^^^s les rôles de
secondes soubrettes, et qui est connue au théâtre sous le nom de
Marinette. Grande et bien faite de corps, assez jolie de figure,
elle ne fut, parait-il, qu'assez médiocre actrice. Après la suppres-
sion de la Comédie-Italienne, elle fit partie de la troupe provin-
ciale dirigée par son mari, et l'on ignore l'époque de sa mort.
De son mariage avec Pascariel, Angélique Toscano eut quatre
enfants, deux garçons et deux filles, qui épousèrent, l'une Pierre
Tortoriti. 167
Paphctti (i) et l'autre Pierre-François Duncolelli, dit Domi-
nique (2).
{Hittùirt 44 V*niitn Thèiire-Iulitm, f. lot Ct III.
— Xt«m,->irti dt Démfetm, I, |)8 et 14O. — M,
Uùlt*mmdir* dé htiffr*fhn, p. II91.)
1691. ~ 7 décembre.
Plainte de Joseph Tortoriti, dit Pauariel, contre um femm* qui cherchait à lui
dérober les gages d'um créance qu'il avait sur eJU, et disistenumt de ladite
plainte.
L'an 1691, le vendredi y* jour du mois de décembre, (îx heures do matio,
requis que nous avons été, Ccùr- Vincent Lcfrançois, et ce en notre hôtel (îs
rue Bcaurepaire, femmes tranfporté rue Tireboudin, où étant, aurions trouva
Louis Sainte, dit St-Louis, fcrgcnt de la conipagnie de M. le chevalier du
f;uct, demeurant rue et paroi(Tc St-Jacques de la Boucherie, lequel, étant
avec fon efcouade, nous auroit dit qu*au bout du Pont-Neuf, fur les cinq
heures du matin, proche la vallée, il auroit rencontré une particulière portant
un paquet, et attendu Theure indue, il auroit arrêté ladite femme, qui lui
auroit dit qu'elle déménageoit de la rue Tireboudin, auroit dit que les
meubles ne lui appartcnoient pas et que celle i qui ils appartenoicnt auroit
crocheté la porte et auroit emporté partie des meubles de la chambre dont le
lieur Pafcariel avoit la clef et qu'elle fcroit retrouver les meubles audit ûeur
Pafcaricl ; auroit amené ladite femme dans ladite rue, où il auroit trouvé fur
la montée de la maifon louée par la veuve Lafalle ladite femme et fon mari.
(1) pierre Pâfheiti, mk à BrewU, fut d'sbord actcor fortin ; il débttuAUfionv«Ilc ComMit-ft*-
lirsRr. Icf ârril 1710. Jânt U Fëmit* Cof •#((#, cofliéiit frAB^aïM 4t ttmcitm Tk«Atr«>|iali««,f«rU
rMc ir PruJfmi, o-à il eut beaucoup Je tui^t*. Il mourut le 14 novembre 1711. L« Afrrf are du trapt
fâric tn et* terme» Je ce comeJtea « Le 14 novembre 1712. ^ ûcur Pâfbctti, comédien italien,
nri/ia«ire Je Breûiâ Jâat Ttiit Je Vrntfc. mourut à Pant «prit «voir re^u tout fe« iêcreaicnt,
i^. Je (I ent. Il fut inhume le lenJem«in « Saint-Sauveur, fa paroiCTc, diNit le curt a f«n4o de«
X€'n\fi(nMgt% publui de la confiance et Je la parfaite rcti^nation avec laquelle il rû mort. Ctt
a«tcjr. ^uc le public regrette f<>rt, etoit ^enn tre« Kun« en France. Il pailoit é^Aleaieni bwa U
lr«n. Il et l'italicn On n'a (fucre vu J'a.trurv ratfriibicr autant de talent pour le tbcltrc et ponr
t-iv.tci ( rtet de r^:cl J.* ^ .cl^jc cârartcrc <)j*ilt f jdTcni Et, quott^uM ne fbt pa« d'une ia<tlc tt
d' .ne b^arc atanta^euleft (il et^tt boff j). U le» joaoït avec un« juAeffe et uat prcciûon qni M Ui^
twirit rien a Jetner. •
Ceilc Je« bliev Je f.itepb Tortonti quVpouta Paghetti M •emmatl Anfelt^ne-Catkerinc ; tll«
ttait nec A Paru le ib juin i4->a.
if Le% (ttrtt Partaict appellent toj|3uri Marianne le femme de Pieffre«Fran{oia Bi«nfi''tell», 4tl
D^mini^ur. En réalité, elle te n^nnmait Mane-Anfeliqnc , elle étnit nie. le i4 «oèt iH*, à Pnrm.
i68 Les Comédiens italiens.
ce qui auroit obligé ledit St-Louis de requérir notre tranfport pour faire ce
qu'il appartiendra.
Signé : St-Louis ; Lefrançois.
Étant monté au fécond étage de ladite maifon, avons trouvé au-devant de
la porte d'une chambre une particulière en coiffe, laquelle nous a dit s'ap-
peler Marie Lemaire, femme de Jacques Choquet, laquais de M. de Canillac,
capitaine aux gardes. A dit que ci-devant elle occupoit ladite féconde chambre
qui fe trouve fermée, de laquelle chambre le fieur Pafcariel a la clef depuis
quinze jours, et comme les meubles qui font dans la chambre lui appartiennent,
elle feroit venue le jour d'hier le foir, auroit crocheté la porte pour fe coucher
et étant dans fa chambre, elle auroit fait plufieurs paquets de fes hardes et ce
matin, à cinq heures, elle feroit fortie avec la nommée Leblanc, qui avoit
couché avec elle, et fe feroient chargées chacune d'un paquet : ladite Lemaire
portant un lit de plume et un drap et ladite Leblanc portant un matelas, une
couverture verte et un drap et auroit été arrêtée par une efcouade du guet,
rue Tictonne , qui lui auroit fait rapporter le paquet dans fa chambre. Et
ladite Leblanc nous a dit qu'elle auroit été arrêtée au bout du Pont-Neuf,
proche la rue Dauphine ; lequel paquet auroit été mis dans la barrière des
fergens du bout du Pont-Neuf. Ladite Lemaire a dit que toutes les hardes
et meubles qui fe trouveront dans ladite chambre lui appartiennent, qu'elle
n'a pas payé ladite veuve Laflalle, fon hôtefle, à qui elle doit un terme
échu à Noël, que le crochet avec lequel elle a crocheté la porte elle l'a perdu
rue Tictonne lorfque l'efcouade du guet l'a arrêtée.
Avons trouvé un particulier fur la montée ayant une canne à la main, le-
quel nous a dit s'appeler Jacques Choquet, laquais du fieur de Canillac, être
le mari de ladite Lemaire et que, revenant de Verfailles, il venoit trouver fa
femme qu'il croyoit logée dans ladite chambre, que s'il a une canne ou
bâton, c'eft qu'il eft matin et qu'il n'a pas coutume d'en porter ordinairement.
Lequel bâton étant d'épine, lui avons ôté et mis entre les mains dudit St-
Louis.
En préfence defdites parties, ladite Lemaire nous ayant dit avoir perdu le
crochet, avons mandé le nommé Jacques, garçon ferrurier du nommé Le-
comte, demeurant rue Tireboudin, lequel, avec un crochet, ayant ouvert la
porte, ferions entré avec ledit St-Louis et fon efcouade, lefdites femmes Le-
maire et Leblanc et ledit Choquet, avons fait defcription des meubles qui fe
trouvent dans ladite chambre, etc.
En procédant, eft comparu le fieur Jofeph Tortoriti, dit Pafcariel, officier du
Roi dans la troupe de la Comédie-Italienne, lequel en continuant la plainte â
Toscano. 169
nous ci-devant rendue, nous a dit que ladite Lcmairc lui auroit mis la clef
de la chambre où nous fommes entre les mains, n'ayant pas d'argent i lui
donner pour la perte d'une paire d'engageantes de dentelle de valeur de cent
livres, pour nantifTemcnt dcfditcs cent livres, difant qu'elle alloitchez (a fœur
lui qui^rir de l'argent et, au lieu de ce, lui auroit donné aifignation pour lui
rendre et rei^itucr Tes meubles et lui payer fes gages montante 56 fols.Pourquoi
ledit Pafcariel s'oppofe i l'enlèvement de fefdits meubles. Requiert aae de ce
que ladite Lemaire a crocheté fa chambre et fait cnle\'cr nuiumment fes
meubles.
Signé : Joseph Tortoriti.
Sur quoi, nous commiiTaire avons donné acte de ce que deiTus audit Tonoriti
et avons lailTê les meubles ci-delTus en la garde et poifelTion de Jacques Mau-
duit, couvreur de maifons, qui s'en cd volontairement chargé, etc., etc.
Signé : Joslpii Tortoriti ; St-Louw ; Jacques Mauduit ; Choquet;
Lefrakçois.
Ayant fait rapport de ce que defTus i M. le Lieutenant criminel en fon
cabinet et au Chitelet, mondit fieur le Lieutenant criminel a ordonné que
Id'dits Choquet, ladite Lemaire, fa femme, et ladite Leblanc feront relaxés, et
permet d'informer et au furplus les parties fe pourvoir au civil.
Signé : Defita.
Et à l'inftant, ledit fieur Tortoriti, dit Pafcariel, officier do Roi dans la troope
italienne, s'efl défi'.lé de fon oppofitlon et confenti que lefdits Choquet et
Lemaire, (a femme, difpofent de leurs meubles ainfi qu'ils a vi feront. Confcnt
même que l'int^ance demeure nulle pour la perte des engageantes en queftion;
ce qui a été pareillement confenti par ledit Choquet et fa femme, qui ont
rcnda les pièces audit fieur Tortoriti.
Signé : Lsfrançois ; Choquet ; Joseph Tortoriti.
(^r«ii««( méti0méUip Y, 14 49I.)
Vcy. BlAN'COLLLLI ( DOMISIQUE ) ; GhERARDI (ÉvARISTE) ; ROMACNUl
(Marc-Astoîve).
JL OSCANO (.Angélique), dite Marikette.
Voy. Tortoriti (Joseph).
170 Les Comédiens italiens.
JL RIAL (Antoine).
TRIAL (Marie-Jeanne MILON, femme de), dite Félicité
Mandeville.
Antoine Trial, né à Avignon le 13 octobre 1737, fut d'abord
enfant de chœur et acteur dans la troupe du prince de Conti. Le
12 mai 1764, un ordre de début l'appela à la Comédie-Italienne,
où il parut pour la première fois, le 4 juillet suivant, dans les rôles
de Bastien du Sorcier, paroles de Poinsinet, musique de Philidor,
et de Bastieif des Amours de Bastien et de Bastienne, parodie par
M"* Favart et Harny. Il joua ensuite Colin dans le Maréchal
ferrant, paroles de Quêtant, musique de Philidor; Nourradin
dans le Cadi dupé, paroles de Lemonnier, musique de Monsigny,
et Lindor dans le Maitre en droit, ouvrage des mêmes auteurs.
Trial, qui devait laisser plus tard son nom à l'emploi des paysans
niais et des valets imbéciles, où il excellait, s'imagina dans le prin-
cipe qu'il pouvait remplir les rôles d'amoureux, auxquels, du reste,
son physique avantageux semblait le destiner. Mais Grimm assure
qu'il y était détestable et, à propos de la représentation des Pé-
cheurs, comédie en un acte, de La Salle, musique de Gossec, jouée
au mois d'avril 1766, il s'eiçprime ainsi : « Il y a là un certain
Trial qui double Clairval dans les rôles d'amoureux et qui, à lui
tout feul, feroit capable de faire tomber la meilleure pièce. » Trois
ans plus tard, le sévère critique n'était pas encore revenu de ses
préventions ; cependant il se montrait un peu moins absolu : « Ce
M. Trial, dit-il, eft fort médiocre comédien; il a une voix que je
ne puis fouffrir ; mais il eft d'ailleurs fort beau garçon et il eft bon
muficien. »
Quoi qu'il en soit. Trial fut successivement admis à quart de
part et à demi-part, puis il obtint trois quarts de part le 10 avril
1772, et peu après il obtint la part entière.
Trial, 171
Le zèle, rintelligence et Tactivité dont il fit preuve lui valurent
d'être chargé du soin de composer les projets du répertoire. Ces
fonctions délicates lui ayant occasionné quelques ennuis avec ses
camarades, les premiers gentilshommes de la chambre, pour l'en
consoler, prirent un arrêté, le 24 septembre 1775, dans lequel ils
rendirent hautement justice à ses qualités et à ses services.
La retraite de Jean-Louis Laruette, en 1778, lui permit enfin
de donner l'essor à son véritable talent, dont il donna des marques
si nombreuses qu'en 1786, par une faveur tout exceptionnelle,
on lui accorda une pension de 2,000 livres. L'année suivante,
une note manuscrite, où se trouve consignée l'opinion du comité
du Théâtre-Italien sur chacun des artistes qui composaient alors la
compagnie, l'apprécie en ces termes : a Trial a un zèle infatigable
qui le fait aimer du public et le rend très-néceflaire au Théâtre. Il
eft important de penfer à le faire doubler. Il joue dans prefque
toutes les pièces nouvelles et s'il lui furvenoit une maladie, on
feroit fort embarraffé pour le répertoire. »
En 1795, Trial ayant manifesté des opinions avancées, fut
nommé membre de la municipalité de Paris et officier de l'état
civil, fonctions qu'il remplissait encore au moment des événements
du 9 thermidor. Peu de jours après, quand il parut au théâtre, le
public l'accueillit par des huées formidables et le contraignit, dit-
on, à demander pardon de la conduite qu'il avait tenue pendant
la Terreur. Le lendemain une humiliation non moins cruelle
atteignit le malheureux comédien : il fut chassé de la municipalité.
Ces émotions diverses altérèrent son naturel jusque-là gai et en-
joué; il devint sombre et mélancolique et mourut peu de mois
après, le 10 février 1795.
On a prétendu qu'il s'était empoisonné.
Il avait épousé le 14 août 1769, en l'église Saint-Eustache,
une de ses camarades de la Comédie-Italienne^ M^* Marie-Jeanne
172 Les Comédiens italiens.
Milon, née à Paris le i^ août 1746, qui portait au théâtre le nom
de Félicité Mandeville et qui était veuve, depuis peu, d'un sieur
Commolet.
Un ordre de début en date du 3 décembre 1765 avait appelé
M"* Milon à la Comédie-Italienne, où elle parut pour la première
fois, sous le nom de M"* Mandeville, le 15 janvier 1766, dans
les rôles de Laurette du Peintre amoureux de son modèle, paroles
d'Anseaume, musique de Duni, et de Perrette des Chasseurs et la
Laitière, ouvrage des mêmes auteurs.
Deux mois après, elle fut reçue à 4,000 livres d'appointements
et épousa, le 2i avril suivant, Jean-Gabriel Commolet, employé
des fermes du roi, et très-probablement frère de la femme d'A-
lexandre-Louis Ciavarelli, le Scapin de la Comédie-Italienne. Ce
Commolet avait élevé M"® Milon, lui avait fait apprendre la mu-
sique, et c'est grâce à lui qu'elle entra au théâtre, où son début
produisit quelque sensation.
La voix de la jeune actrice parut harmonieuse et flexible et d'un
volume très-étendu ; on admira sa taille élégante, sa figure noble
et l'expression de son regard. Mais, tout en louant son intelligence,
on remarqua que son jeu était triste, ce que Grimm attribue à la
vie pénible que lui faisait mener son mari. Il parait que cet époux
insupportable la tenait sous clef durant tout le jour et ne lui
rendait la liberté que le soir pour aller à la Comédie-Italienne, où
il l'accompagnait toujours. Cette intolérable existence fut heu-
reusement de courte durée, et Commolet mourut le 22 décembre
1768, le jour même où sa femme devait créer l'un des principaux
rôles dans le Fleuve Scamandre, comédie en un acte, de Renout,
musique de Barthelemon.
Bien que la jeune femme n'eût pour son mari qu'une très-
médiocre affection, il lui répugnait pourtant de jouer le soir
même de sa mort, mais le comité du Théâtre exigea d'elle ce
Trial. 173
sacrifice en affirmant que rien ne pouvait la dispenser de son
devoir et en lui citant des précédents.
A partir de ce moment, un grand changement se fit en M^^« Man-
deville : sa figure s'embellit, sa physionomie s'éclaircit et elle
apporta plus de gaîté dans son jeu. Le rôle de Louise dans le Dé-
serteur fut pour elle à cette époque l'occasion d'un tel succès que
M™*" Laruette n'osa plus jamais le reprendre.
Cependant M"* Mandeville resta veuve peu de temps, et comme
on l'a dit plus haut, elle épousa, le 14 août 1769, son camarade,
Antoine Trial.
Quelques jours plus tard, le 2 septembre. M"* Trial joua dans
Y Amant déguisé, ou le Jardinier supposé, comédie en un acte, de
Favart, musique de Philidor, au milieu d'applaudissements una-
nimes, le rôle d'un jeune homme de robe, et le 14 décembre de la
même année, elle créa dans la Rosière, ou la Fête de Salency, comé-
die en trois actes, de Favart, le personnage d'une des concurrentes
au prix et y mit, dit un contemporain, « tout l'embarras d'une fille
qui voudroit bien ne pas être ce qu'elle eft ».
La manière remarquable dont elle joua, en 1781, le rôle de
Blanche dans Blanche et Vermeille, comédie en trois aaes, du
chevalier de Florian, lui mérita de la part de ce dernier les vers
suivants :
Daignez recevoir un hommage
Que je vous dois depuis longtemps :
Vous avez fauve du naufrage
Le plus aimé de mes enfans.
Hélas I nos brillans petits-maîtres
Chériflent peu les chalumeaux,
Les prés, les bois, les clairs ruifleaux ;
Les amours et les mœurs champêtres.
Ils cherchoient le bruyant plaifir
Qu'il faut à leur âme inquiète
Et je n*avois qu'une houlette
Et des pipeaux à leur offrir.
174 Les Comédiens italiens.
Votre voix fi douce et fi tendre
M'a foutenu dans le danger ;
Celui qui venoit pour juger
Ne vient plus que pour vous entendre.
Si mon ouvrage réuflit,
Vous feule en avez le mérite :
Car c'eft Trial qu'on applaudit
Et l'heureufe Blanche en profite.
Tout le monde cependant n'a pas rendu au talent de M"* Trial
le même hommage que Florian. On lui a reproché quelquefois
de n'être pas assez actrice, de faire trop de mines, et un écrit
satirique du temps , dans lequel elle est comparée à une seri-
nette, la fait demeurer « rue du Perroquet, à Tenseigne des
Prétentions».
Toutefois, lorsqu'à la clôture de 1 786 elle prit sa retraite, elle
fut universellement regrettée, et le Journal de Paris, se faisant
l'écho des spectateurs de la Comédie-Italienne, lui consacra ces
lignes :
Sa perte fera vivement fentie, quoiqu'une inaction de plufieurs mois,
occafionnée par fa fanté, y ait déjà préparé le public. On fe fouviendra avec
quels tranfports on entendoit fa voix fi pure, fi nette, fi légère, fi brillante et
qui a toujours confervé fa jeunefTe et fa fraîcheur. Cette facilité de chant,
cette flexibilité, qui fembloit fe jouer des difiîcultés de l'art, étoit d'autant plus
rare et plus étonnante que le talent de chanter étoit moins perfectionné autre-
fois qu'aujourd'hui. Le caractère de fon jeu étoit la naïveté, la candeur, que
la douceur de fa voix rendoit plus touchante encore, et fi elle ne brilloit pas
par un débit rapide et faillant, elle intéreffoit par le ton de la décence et le
maintien de l'honnêteté. Elle emporte les regrets de tous fes camarades et
l'eftime de fes fupérieurs qui, dans fon ordre de retraite portant 2,000 livres
de penfion, rendent juflice à fes talens et à fa coudante exactitude à remplir
fes devoirs.
Un poëte anonyme a adressé, en 1778, à M"* Trial, le couplet
Trial. 175
suivant, qui lui fut remis le 1 5 août, jour de sa fête, et qui se
chantait sur Tair de Triste raison :
De vos talens le charme nous entraîne,
A votre cœur même hommage eft rendu ;
Qui vous entend peut croire à la ûrène,
Qui vous connoft doit croire à la vertu.
Devenue veuve pour la seconde fois, le 10 février 1795,
M"* Trial se remaria quelques années plus tard avec M. de Mon-
tron et mourut à Paris le 14 février 1814, selon les uns, à Ver-
sailles le 18 février 1818, selon les autres.
(Arehivft nationales, O*, 847 et 848. — Ltt Spte-
iacUs de Paris, 1765 et 1767. — Grimm, Cot'
respondanc* littérairt, V, 26, 115 ; VI, 247. —
Méinoirts secrets, II, 332 ; XIV, 376; XIX, 42,
164. ^Journal de Paris, 1778, 26 août ; 1781,
30 août ; 1786, 23 avril. — Biographie Didot,
— Jal, Diettpnnaire de biographie, p. 1203.)
I
1764. — 12 mai.
Ordre de début pour Antoine Trial,
Nous duc de Duras, pair de France, premier gentilhomme de la chambre
du Roi,
Ordonnons aux comédiens italiens de laifler débuter fur leur théâtre le
fieur Trial dans les rôles qui pourront lui convenir, afin que nous foyons à
même de juger de Tes talens.
Fait à Paris, le 12 mai 1764.
Signé : Le Duc de Duras.
(Archivas nationales, O', 846.)
176 Les Comédiens italiens.
II
1772. — 10 avril.
Antoine Trial obtient trois quarts de part.
Nous maréchal duc de Richelieu, pair de France, premier gentilhomme de
la chambre du Roi ;
Nous duc de Duras, pair de France, premier gentilhomme de la chambre
du Roi,
Avons accordé au fieur Trial , comédien italien jouant dans les opéras
comiques, un quart de part d'augmentation, pour faire avec la demi-part dont
il a joui jufqu'à préfent trois quarts de part, à la charge par lui de continuer
à jouer les mêmes rôles que par le paflé et tous ceux qui feront jugés nécef-
faires pour le bien du fervice, etc.
A Paris, ce 10 avril 1772.
Signé : Le Maréchal duc de Riche ueu ; le Duc de Duras.
{Arehivtt naiionaUs, O*, 846.)
III
1773. — 25 septembre.
Antoine Trial est chargé, comme par le passé, de faire les projets de répertoire.
Nous maréchal duc de Richelieu, pair de France, premier gentilhomme de
la chambre du Roi,
D'après le compte qui nous a été rendu de la lettre écrite par le fieur Trial
à raffemblée de la Comédie-Italienne, nous jugeons néceffaire pour le bien
du fervice que le fieur Trial, du zèle dont nous fommes contens, continue à
fe charger de faire, comme par le paffé, les projets de répertoire, ne devant
point craindre de s'attirer par là aucunes tracafleries, fes camarades devant
au contraire lui témoigner leur reconnoifliance des peines qu'il prend à ce
fujet pour leurs intérêts ; et dans le cas où il feroit troublé dans ce travail
par qui que ce puifle être, il eft ordonné audit fleur Trial et aux femainiers
Trial.
177
de nous en rendre compte, ne voulant pas que perfonne puifle contrarier les
ordres que nous lui avons donnés à ce fujet, en continuant à s*en acquitter
avec le môme zèle et dont nous lui donnerons avec plaifir, dans l'occafion,
des marques de noire fatisfaction.
Il eft ordonné au furplus aux femainiers de faire un nouvel arrangement
dans la diftribution des femaines pour que les fieurs Trial et Véronèfe ne fe
trouvent point en exercice enfemble.
A Paris, ce 25 feptembre 1773.
Signé : Le Maréchal duc de Richelieu.
{Archiva uationaUs, O', 846.)
IV
1786.
Antoine Trial jouira d'une pension de 2,000 livres dès qu'il aura complété
22 ans de service.
Nous premiers gentilshommes de la chambre du Roi,
D'après le compte qui nous a été rendu et d'après ce que nous avons été i
portée de voir par nous-mêmes fur le fervice affidu et le zèle infatigable avec
lequel le fieur Trial s'eft rendu utile pour les fpectacles de la Cour et pour
ceux de la ville, nous nous fommes déterminés à lui accorder le même trai-
tement qu'au fieur Clairval.
Nous lui accordons en conféquence une pcnfion de 2,cxx) livres dont il
commencera à jouir dès qu'il aura complété, comme le fieur Clairval, vingt-
deux ans de fervices à la Comédie-Italienne.
Nous nous fommes prêtés d'autant plus volontiers à lui accorder cette
grâce qu'elle ne peut tirer à conféquence et qu'il feroit à défirer que cette
faveur fût méritée à fi jufte titre.
Entendons que cette penlion ne puifle l'empêcher d'obtenir d'autres grâces
qu'il feroit dan$ le cas de mériter par la continuation de fes fervices avec le
môme zèle et la même intelligence pour l'un et l'autre fervice.
Aprouvé (sic) : Le Maréchal duc de Richelieu.
(Archives HatioHalet, O', 848.)
COM. DU ROI. — IL 12
178 Les Comédiens italiens.
1786. — 22 avril.
Antoine Trial ne devant jouir de la pension de 2,000 livres que lui ont accordée
les premiers gentilshommes de la chambre du Roi, que lorsqu'il aura accompli
vingt-deux années de service, le maréchal duc de Richelieu, pour le mettre à
même de jouir plus vite de cette faveur, décide que Von comptera les vingt-deux
années à partir de l'ordre de début et en conséquence il les déclare complétées.
Nous maréchal duc de Richelieu, pair de France, premier gentilhomme de
la chambre du Roi,
Content du zèle, de l'exactitude et du travail af&du du ûeur Trial et vou-
lant lui donner une nouvelle preuve de notre fatisfaction, pour compléter les
vingt-deux années de fervice qui doivent le faire jouir de la penfion de 2,000
livres à l'ouverture du théâtre de l'année courante 1786,
Nous ordonnons que Ton temps lui foit compté à commencer du jour de
fon débuta la Comédie-Italienne, qui a été le 12 mai 1764 (i), ce qui lui fera
la vingt-deuxième année complète.
En conféquence, il jouira dès à préfent de ladite penfion de 2,000 livres.
A Paris, le 22 avril 1786.
Signé : Le Maréchal duc de Richelieu.
(Archives nationales, O', 846.)
VI
1780. — I*' mars.
Brevet d'une pension de i,SOO livres accordée par le Roi à Af^'« Marie-Jeanne
Milon, dite Félicité Mandeville, femme d'Antoine Trial.
Brevet d'une penfion de 1,500 livres en faveur de la dame Marie-Jeanne
Milon, née à Paris le i«' août 1746, baptifée le même jour dans la paroiffe
Ste-Marguerite de ladite ville, époufe du fieur Trial, pour lui tenir lieu de la
(1) C'est l'ordre de début qui est du 12 mai, et ce ne fut que le 4 juillet 1764 que Trial parut
pour la première fois à la Comédie-Italienne.
Trivelin. 179
gratification annuelle qui lui a été accordée le premier janWcr 1778 fur les
dépcnfes extraordinaires des menus plaifirs, en confidération de Tes fervices
en qualité de comédienne ordinaire du Roi.
!•» mars 1780.
(Pièces jointes au brevet.)
I. — Àcie di haptlm de Af«« Trial.
Extrait des regiftres de baptême de la paroilTe de Ste-Marguerite de Paris :
L*an mil fcpt cent quarante-fix, et le premier aouft a été baptifée Marie-
Jeanne née le mcme [jour], fille de Philippe Milon et de Marie-Claude Pacot,
fa femme, au Port au Plitre. Le parrain : Jean Lutter, officier dans THôtel
des Invalides ; la marraine : Marie-Jeanne Milon, fille mineure de défunt
Jean, compagnon de rivière, rue de Lappc. Le père préfcnt ; le pimin feul
a fu figner.
2. — Déclaration dt Af"< Trial relativement à sa pension.
Je foufTignéc Marie-Jeanne Milon, comédiemie ordinaire du Roy, époufc
du fieur Trial, aulTi comédien ordinaire du Roy, née â Paris le premier août
1746 et baptifce ledit jour dans la paroifle de Ste-Marguerite, demeurante de
prcfcnt i Picpus, fufdite paroilTe, déclare avoir obtenu de (à Majet^é au mois
de janvier mil fcpt cent foixante-dix-huit, quinze cents livres de gratification
annuelle fur les fimds extraordinaires des menus, payables fans retenue et ce
fous le nom d'époufe du fieur Trial et en nu fufdite qualité de comédienne
ordinaire du Roy ; de laquelle il m'eû dû rannée entière mil fept cent
foixante-dix-huit échue au premier janvier de la préfente année.
Fait i Paris, ce 23 octobre 1779.
Signé : Majue-Jcakme Milon, femme Trial (i).
IVy. DORSONVILLE ; MllNARO (M***).
1 RI VELIN.
Tcv. BiA.scoLELLi (Dominique) ; Locatilu (Domimiqui).
(1) La ufttAturt muU Mt astografW.
I ALERIO (Hyacinthe BENDINELLI, dit).
i'aj. BENmxELLi (Htacintue)-
Va
Voy. PrraoT lie Lanct (M"«).
VtRONÊSE (Charles-Astoise), <lit Pantalon. Ni à
Venise \XTS 1702, Charles-Antoine Véronèsc «JibuU k la
Conicdic-Italiennc, le 6 m.ii 174.1, par le riilc Je PantaU'n dans
la pîtrcc intilulée : le Double Mariage J'/trUquin.
Revu dès t'ann^ suivante, il obtint promesse de pan entiire
le 4 novembre 1746.
i82 Les Comédiens italiens.
On a fait sur lui le quatrain suivant :
Depuis le front jufqu'au talon,
Tout s'exprime dans Véronèfe,
Et le fpectateur eft fort aife
QjLiand il voit venir Pantalon.
Ce comédien assez médiocre a composé pour son théâtre un
grand nombre de pièces dont quelques-unes obtinrent un succès
de vogue; ce sont: Coraline magicienne, cinq actes, 1744; le
F rince de Saler ne, cinq actes, 1746 (i); les Folies de Coraline,
cinq actes, 1746; les Deux Sœurs rivales, cinq actes, 1747,
etc., etc.
De son mariage avec Lucie-Perrette Sperotti, il eut plusieurs
enfants dont il sera parié plu^ loin.
Charies- Antoine Véronèse mourut à Paris, rue Françoise, le
26 janvier 1762 et fut inhumé en l'église Saint-Sauveur.
{Dictionnaire det Théâtres, Vl^ 133. — Calendrier
historique des Théâtres, Paris, CaîUeau, 17$ i. —
Almanach des gens d'esprit, par Chevrier. — Jal,
Dictionnaire de biographie, p. 1259.)
1746. — 4 novembre.
Charles- Antoine Véronèse, dit Pantalon, obtient promesse de part entière.
Nous duc d*Âumont, pair de France, premier gentilhomme de la chambre
du Roi,
Avons accordé et accordons, fous le bon plaifir de Sa Majeflé, au fieur
Carlo Véronèfe, comédien italien, la première demi-part qui viendra à vaquer,
(i) • En 1746, dans le Prince de Salerne, pièce toute pleine de machines, il y avait un vol très-hardi
qu*on fut obligé de supprimer pendant le cours des représentations de crainte d'accident. Arlequin
enlevait le docteur du théâtre et disparaissait avec lui par une trappe pratiquée au-dessus du parterre
pour donner de l'air à Ut salle. » (Victor Fournel, Curiosités théâtrales, p. 2e.)
Véronèse, 18}
pour, avec une Jcmi-part que nous lui avon^ ci-devant accord^*, faire une
part cniicrc, etc.
Fait à Fontainebleau, ce 4 novembre 1746.
Signé : Le Duc d'Aumokt.
{^.irthivti nmtionûlti, O', ^46.)
Vcy. Balletti (Antoine-Étievxf.) ; Billioki (Catherine-Ursule Bussa
ou BussART, femme de Micuel-Rieul Billion, dit).
VÉRONÈSE (Pierre-Antoine-François), dît le Docteur.
Fils du précédent, Picrrc-Antoinc-François Véronèse na-
quit à Venise le 25 mars 1732, et débuuà la Comédie-Italienne,
le 17 juillet 1754, par le rôle du Docteur à^ns b pièce intitulée: le
Double Matiage d'Arlequin. Malgré l'accueil favorable du public,
il crut devoir interrompre peu après ses débuts et ne les reprit que
le 30 mars 1756. Il fut alors reçu acteur pensionnaire i 100
livres par mois, et le 21 août 1739 ses appointements furent por-
tés i 2,000 livres. Mais Tannée suivante, ayant commis une in-
fraction aux règlements du Théâtre, il fut obligé de quitter la
Comédie-Italienne et de s'engager dans une troupe de province.
I:n 1763, il fut rappelé, et par arrêté en date du 21 oaobre, les
premiers gentilshommes de la chambre, après lui avoir alloué
une indemnité de 400 livres pour ses frais de voyage, le reçurent
de nouveau dans la troupe .wcc des appointements de 2,400 livres
et promesse de demi-part , pour jouer en premier les rôles de
Dateur et en double ceux de Scapin. Enfin, en 1767, il obtint
trois quans de part et fut chargé, conjointement avec Jcan-Bap-
tistc-I'rançois Dehesse, de la surveillance des machines et déco-
rations employées dans les pièces \ spectacles du genre italien.
Ce comédien, irrévérencieusement traité de « bouche-trou très-
médiocre » par un contemporain , n*ctait pourtant pas sans
184 Les Comédiens italiens,
mérite. Il s'acquitta de son emploi de Docteur sans grand éclat, à
la vérité, mais consciencieusement et convenablement.
Pierre- Antoine-François Véronèse fut marié deux fois : 1° à
Jeanne Mestre, qu'il perdit le 6 août 1766, et 2° à Jeanne Maugras
ou Naugras, qui décéda à Paris, rue Françoise, à la fin du mois de
mars 1780.
Quant à lui, il mourut le samedi 6 avril 1776, rue Françoise, et
fut inhumé le lendemain en l'église Saint-Sauveur.
De sa seconde femme il eut un fils qui parut tout enfant à la
Comédie-Italienne, le 29 juin 1775, dans la Fête du village,
comédie en deux actes, mêlée d'ariettes, de Dorvigny, musique de
Desormery, et dont il est parlé en ces termes dans les Mémoires
secrets : « Le petit Véronèfe, fils d'un acteur italien défigné fous
le nom du Docteur, dont il a toujours fait le rôle, a formé un
{pectacle plus curieux que la nouveauté dramatique. Cet enfant,
âgé de 6 à 7 ans, a danfé avec une vigueur et des grâces merveil-
leufes pour fon âge. Son affurance et fa gentilleffe ont enchanté
tous les fpectateurs. »
{Dietionnairt des Théâtres, VI, 139. —Almanach
dis gens d'esprit, par Chevrier. — Mémoires se-
crets, Vlll, 112. —JaI, Dictionnaire de hiogra-
phie, p. Z260.)
I
1756. -— 30 mars.
Ordre aux comédiens italiens de laisser continuer pendant Vannée le début
de Pierre-Antoine-François Véronèse,
Nous duc de Fleury, pair de France, premier gentilhomme de la chambre
du Roi ,
Ordonnons aux comédiens italiens de laifTer continuer pendant le cours
de la préfente année le début du fieur Véronèfe fils fur leur théâtre dans les
VirotUse. 185
rôles qui pourront lui convenir, afin que nous puiffions juger de Tes ulcns et
de le faire jouir, pendant ladite année, des appointemens de 100 livres par
mois.
Fait i Verfaillcs, le )0* jour de mars 1756.
Signé : Le Duc de Fleihit.
{Afthhêt msiUmsUt, 0\ M )
II
176). — 21 octobre.
PUrre-Antoine-François Vironiu est re^u avec 2,400 livres J^appoinUments
et fromesu de demi-part.
Nous duc de Duras, pair de France, premier gentilhomme de la chambre
du Roi,
Avons reçu, fous le bon plailîr de fa Majeilé, le (îeor Véronèfe dns la
troupe des comédiens iuliens, aui appointemens de 2,400 livres par an, à
compter du jour de Ton arrivée jufqu'i Pdques prochain en un an, qu'il fera
alors reçu i demi-part. Ledit fieur Véronèfe jouera les rôles de Docteur et fe
tiendra prêt aux autres, même i doubler ceux de Scapin toutes les fois qne
le bien du fervice l'exigera. Accordons au ûeur Véronèfe 400 livres pour les
frais de fon voyage.
Fait à Footainebleau, le ai octobre 176).
Signé : Le Doc Dt Duias.
(if nMMf uéU0m9ln, <y. M.)
III
1767. — 24 avril
Piirr^Antoimt'Framçois Virmisi oHiad trais piêrU iê part.
Nous maréchal duc de Richelieu, pair de France, premier gentilhomme de
la chambre du Roi ;
Nous duc de Duras, pair de France, premier gemilhomme de la chambre
du Roi,
i86 Les Comédiens italiens.
Avons accordé fous le bon plaifir de Sa Majefté, au fieur Véronèfe, l'un
des comédiens italiens de la troupe du Roi, un quart de part d'augmentation
pour faire, avec la demi-part dont il a joui jufqu'à préfent, trois quarts de part,
à la charge par ledit fieur Véronèfe de continuer à jouer les rôles de Docteur
dans les pièces italiennes ou fécond père et de doubler l'emploi deScapin dans les
pièces où il ne feroit pas employé dans les rôles de Docteur et lorfque l'acteur
chargé en chef de l'emploi ne pourra point jouer, et de fe rendre en outre
utile à la troupe dans les différens rôles qui pourront lui convenir, de même
de travailler, conjointement avec le fieur Dehefle, à l'arrangement de tout ce
qui peut concerner les machines et décorations des pièces à fpectacles dans le
genre italien.
Fait à Paris, ce 24 avril 1767.
Signé : Le Maréchal duc de Richelieu ; le Duc de Duras.
{Archivés nationaîts, O^ 846.)
IV
1768. — 16 janvier.
Plainte rendue par un négociant contre Pierre-Antoine-François Vironèse,
qui lui devait de l'argent et le calomniait.
L'an 1768, le famedi i6 janvier, en l'hôtel et par-devant nous Pierre Ché-
non, etc., eft comparu fieur Denis Gauvaio, négociant à Paris, y demeurant
rue des Fontaines, près le Temple : Lequel nous a rendu plainte contre le
(leur Véronèfe, acteur de la Comédie-Italienne, et nous a dit qu'il a eu le
malheur d'en faire la connoiffance il y a environ 15 ou 16 mois, par un billet
de comédie que le comparant lui fit demander. Le lendemain, le comparant
fut chez ledit Véronèfe Ten remercier ; Véronèfe lui fit beaucoup de politefîes
et d'accueil, et comme il étoit heure de dîner, le fit mettre à table, ce que le
comparant n'accepta qu'après bien des inftances de la part de Véronèfe.
Pendant le dîner, Véronèfe lui demanda quel étoit fon état; le comparant lui
dit qu'il étoit négociant ; alors Véronèfe dit au comparant qu'il feroit charmé
d'en faire connoiffance, parce qu'il étoit bien fouvent dans le cas d'acheter
des marchandifes, qu'il les prendroit plutôt du comparant que d'un autre
marchand et qu'il le payeroit comptant. Le comparant lui dit que, quand il
en auroit befoin, il n'avoit qu'à s'adreffer à lui, qu'il lui en fourniroit. Quel-
que tems après, Véronèfe en eut effectivement befoin et le comparant lui en
Vèronèse. 187
foarnit. Lefquelles marchandifes Véronèfe a payées en partie ; pour le reÛant
du payement, il a été fait un arrêté de compte entre le comparant et Véronèfe.
Vérontrfe s*eil fait faire une rcconnoi (Tance fignée du comparant, dans laquelle
rcconnoi (Tance il e(l dit que le comparant a reçu 4 billets en payement. Cette
reconnoi (Tance a été faite le 1 3 de ce mois, et après que le comparant a eu
figné, Véronèfe lui a donné 4 billets i ordre, le premier au mois de mars
1769, le fécond et le troifième de deux mois en deux mois, et le quatrième et
dernier au mois de décembre de la même année, ce que le comparant n'a
voulu accepter. Véronèfe s*e(l emparé de la reconnoi(Tance, a dit au compa-
rant qu'il ne la lui rendroit pas et que s'il ne vouloit pas de Tes billets, qu'il
n'auroit jamais rien, qu'il les lui feroit prendre de force, fmon qu'il lui doo-
neroit àt% coups d'épée ou le tueroit d'un coup de piftolet. Les raifons qui
ont empêché le comparant de prendre les billets font : que Véronèfe eft io-
folvable, puifque tous les meubles qui font dans fa chambre appartiennent i
la nommée Naugras, avec laquelle il vit (1), et que le comparant a toujours
entendu avoir des billets payables dans le courant de cette année et endo(Tés
de ladite Naugras. Véronèfe, non content de ne vouloir payer le comparant,
a débité partout que c'étoit lui qui avoît engro(Té fa fervante, ce qui eil Caux,
puifque le comparant ne la connoft que de vue ; que d'ailleurs il eft en état de
prouver que Véronèfe étoit toujours i la maifon lorfqu'il y alloit, qu'il n'y
alloit que pour Véronèfe et non pour fa fervante et que cette fille vivoit avec
un foldat. Et comme le plaignant a intérêt d'avoir le payement des fommes
qui lui font dues par ledit Véronèfe, de liû en faire impofer et d'avoir des
dommages et intérêts proportionnés aux mauvais propos, faux et calomnies
qui n'ont d'autre but que de faire perdre Phonneur et la réputation du plai-
gnant et que fa vie n'ed pas en fureté, il eft venu nous rendre la préfente
pbinte.
Signé : Gauvain ; Chémon.
1*07. Balletti (Antoine-Éttenke) ; Champvilli (Gabriel - Éléokok
DU Bus, dit); CoRTicELLi (MU<) ; Trial (Antoime).
VÈRONÈSE (Akne- Marie), dite Coraline. Fille de
Charles -Antoine Vèronèse, dit Pantalon, et de Lude-
(1) Il TefouM 1« 14 MffcoiW* 1770 M réftttt S«iat-S««ir««r.
i88 Les Comédiens italiens.
Perrette Sperotti, M"*^ Anne-Marie Véronèse, connue au théâtre
sous le nom de Coraline, naquit à Bassano vers 1730 et débuta
à la Comédie-Italienne, le 6 mai 1744, par le rôle de Colombine
dans la pièce intitulée : le Double Mariage d'Arlequin, à la suite
de laquelle elle dansa un pas de deux avec Antoine-Etienne
Balletti.
Elle joua ensuite Coraline dans Coraline jardinière ^ ou la Com-
tesse par hasard, pièce en trois actes, de Charles-Antoine Véronèse,
et Coraline dans Coraline esprit follet, canevas en trois actes
remis au théâtre par le même auteur.
M"* Coraline fut extrêmement applaudie : « Une figure char-
mante, disent les frères Parfaict, beaucoup de vivacité, de gaîté
et de volubilité, parties eflentielles dans les rôles de foubrettes,
lui procurèrent un fuccès qui ne s'eft point démenti depuis qu'elle
remplit cet emploi. »
Sa beauté, ses talents de comédienne et sa grâce de danseuse
inspirèrent à Panard les vers suivants :
Cet objet enchanteur qu'on doit à Tltalie
De trois divinités réunit les attraits ;
Coraline offre fous fes traits
Hébé, Terpfichore et Thalie.
Dès son début, M"« Coraline fut reçue aux appointements, et
en 1746 elle obtint une portion de part. Admise plus tard à part
entière, elle quitta le théâtre avec la pension de 1,000 livres à la
clôture de 1759.
Un poète anonyme a dit d'elle :
Coraline, toujours nouvelle
Dans chaque rôle où je la vois,
Fait que je fuis tout à la fois
Amant inconûant et fidèle.
Féronèse. 189
Selon Grimniy qui avait les comédies italiennes en horreur, les
appbudissements que les Parisiens prodiguèrent à cette actrice
pendant sa carrière dramatique n'étaient pas tout à fait mérités :
« Le public y dit- il y croyoit avoir fait une grande perte par la
retraite de Coraline; mais, autant que je puis m'en fouvenir,
Coraline avoit d'aflcz beaux yeux, une belle peau, une fort belle
gorge, mais en qualité d'actrice un babil aflez infîpide. »
Quoi qu'il en soit, son nom est resté l'un des plus célèbres de
b Comédie-Italienne.
Les charmes de M"* Coraline lui attirèrent de nombreux ado-
rateurs, parmi lesquels on citera : Charles-Antoine Bertinazzi, dit
Carlin, le prince de Monaco, MM. de Létorière et de Salnt-Crix,
officiers au riment des gardes, et le comte de La Marche, plus
tard prince de Conti.
Ce dernier, qui fit don à l'actrice du marquisat de Silly, dont
elle poru, dit-on, quelquefois le titre, eut d'elle un fik devenu
par la suite chevalier de Malte et connu sous le nom de Vaurèal.
M"* Coraline mourut au mois d'avril 178a et institua par testa-
ment le prince de Conti son légataire universel. Le prince accepta
l'héritage, prit par acte authentique l'engagement de continuer
à Lucie-Perret te Sperotti, mère de la défunte, la pension de 600
livres que sa fille lui servait depuis 1763, et de plus fixa désormais
à 1,000 livres le chiffre de cette pension.
ÇJr€kipêi méHi0mAim, T, 444. — Dùti»mmêi»t dm
Thédtrtt, VI, i|7. — CûUméritr àùtortfM éât
ThédtrM. PftrU, CaillM», 17)1. — GHmb,
C0rr*i f mdë mt* lUlérmir*, VI, il. — > iiéwtéiwn
Mtrtu, VIII. 119; XX. I7. — Méwtmtm et C*.
MMM. Mit. Royit. V. aa. ^J0mmi éa te*.
ptintt de M. 4* Sériim, iM, séi, sly.)
190 Les Comédiens italiens.
I
1753. — 29 décembre.
Donation faite par Honoré-CamiHe-Léonard Grimaldi, prince de Monaco,
à M' ^ Anne-Marie Véronèse, dite Coraline,
A tous ceux qui ces préfentes lettres verront, Guillaume-François-Louîs
Joly de Fleury, chevalier, confeiller ordinaire du Roi en fon Confeil d'État,
fon procureur général et garde de la ville, prévôté et vicomte de Paris, le
fiège vacant, falut.
Savoir faifons que par-devant maître et Jean-Baptifte-Alexandre Dupré,
notaires à Paris, fut préfent très-haut, très-puiffant et très-illuftre prince
Monfeigneur Honoré-Camille-Léonard Grimaldi, par la grâce de Dieu,
prince fouverain de Monaco, duc de Valentinois, pair de France, etc. , ma-
réchal des camps et armées du Roi, demeurant en fon hôtel, rue de Varennes,
paroifle St-Sulpice : Lequel a par ces préfentes donné par donation entre vifs
pure et ûmple et irrévocable, promis même, pour plus de fureté, garantir
fournir et faire valoir à demoifelle Anne-Véronèfe, fille mineure, demeuran
rue Françoife, paroifle St-Euftache, à ce préfente et acceptante, trois mille
livres de rente annuelle et viagère, /jne Son Alteffe Monfeigneur le prince de
Monaco promet et s'oblige de payer à ladite demoifelle Véronèfe en fa de-
meure à Paris, annuellement, en deux payemens égaux dont le premier, qui
commencera à courir du !•' janvier de Tannée prochaine 1754, échoira
et fe fera le i**" juillet fuivant et les autres fucceflivement de fix mois en
fix mois jufques au jour du décès de ladite demoifelle Véronèfe, duquel jour
ladite rente demeurera éteinte, à l'avoir et prendre fur tous les biens meubles
et immeubles préfens et à venir de mondit feigneur prince de Monaco, que
fadite AltefTe a chargés, affectés, obligés et hypothéqués pour garantir,
fournir et faire valoir ladite rente de 3,000 livres et payer les arrérages
d'icelle comme delTus efl dit ; fe defTaifîfrant mondit feigneur prince de Mo-
naco en faveur de ladite demoifelle Véronèfe de tous fes biens jufques à
concurrence defdites 3 ,000 livres de rente, voulant qu'elle en foit faifie et
mife en poffeflion par qui et ainfi qu'il appartiendra, condituant à cette on
fon procureur général et fpécial le porteur des préfentes, lui donnant tous les
pouvoirs néceffaires.
Cette donation ainfi faite parce que telle efl la volonté de Son Alteffe
Fironèse. 191
mondit fcigncur prince de Monaco, fans préjudice à ladite demoifelle Véro-
nèfe des 1,200 livres de rente viagère que mondit feigneur prince de Monaco
lui a condituée par contrat paiïé devant Dupré, Tun defdits nouires i Paris
fouflignés, qui en a la minute, le 2 janvier 1752, pour raifon de laquelle
rente de 1,200 livres ladite demoifelle Véronèfe demeure confervée en (c%
droits, etc.
Fait et pafTé i Paris, favoir i Tégard de Monfeignetir le prince de Monaco
en Tétude dudit Dupré, nouire, et i Tégard de ladite demoifelle Véronèfe
en U demeure fufdite, Tan 1755, le 29 décembre avant midi.
(Jnhi94s usti*msUs, Y, )lo.)
II
1754. — 18 février.
Donation Jaitt par Af"« Anm-Mariê Véronisi, diU Coralim,
à sa femmt de chamhrt,
A tous ceux qui ces préfentes verront, Guillaume-Frasçois-Loats Joly de
Fleury, chevalier, confciller ordinaire du Roi en fon Confeil d*Éut, fon pro-
cureur général et garde de la prévôté et vicomte de Paris, le fiège vacant, falut.
Savoir faifons que par-devant maître Jean-François Caron et maître Jean-
Baptide Dupré, nouires au Chitelet de Paris foufBgnés, fut préfente demoi-
felle Aime Véronèfe, fille majeure fuivant la loi du lieu de (a naiflance, de-
meurant i Paris rue Françoife, paroiiTe St-Eufiache : Laquelle voulant donner
A Catherine Duparque, fille mineure, fa fenmie de chambre, des pteuves du
contentement qu'elle a de fes fervices et dans U confiance qu'elle les conti-
nuera, a par ces préfentes doimé par donation entre vi£i pure, fimple et irré^
vocable en la meilleure forme que donation ptiiiTe avoir lieu, i ladite Du-
parque, demeurante chez ladite Véronèfe, fufdites rue et paroiiTe, i ce préfente
et acceptante, pour elle, pendant fa vie, cinquante livres de rente annuelle et
viagère, que ladite demoifelle Véronèfe promet et s'oblige de payer i ladite
Duparque en deux termes égaux de fix mois en ûx mois, et ce A compter du
l*' avril de la préfente année 1754, au moyen de quoi le premier payement
s'en fera au i** octobre prochain, et ainfi continuer de 6 mots en 6 mois
jufqu'au jour du décès de ladite demoifelle Duparque, duquel jour ladite rente
viagère demeurera éteinte, etc.
Cène donation faite pour les caufes fufdites et en outre fous la condition
192 Les Comédiens italiens.
que ladite Duparque reliera au fervice de ladite demoifelle Véronèfe encore
l'efpace de 10 années à compter de ce jour ; car dans le cas où ladite Du-
parque viendroit à quitter le fervice de ladite demoifelle Véronèfe avant
ledit tems de 10 années, ladite demoifelle Véronèle entend que ladite penfion
viagère demeure révoquée comme elle la révoque par les préfentes fans
néanmoins aucune répétition des arrérages qui auront pu lui être payés
depuis ledit tems jufqu'au jour de fa fortie. Ladite demoifelle Véronèfe en-
tendant aufli que ladite peniîon ait lieu dans le cas où elle viendrait à mourir
avant Texpiration defdites 10 années, etc.
Fait et pafTé à Paris en la demeure de ladite demoifelle Véronèfe, Tan 1754,
le i8« jour de février après midi.
{Arthives naiionahs. Y, 380.)
III
1759. — 21 avril.
W^ Anne-Marù Virtmèu, dite Coraline, obtient sa retraite avec i,ooo livres
de pension.
La dem<nfelle Coraline nous ayant demandé la permiflion de fe retirer du
théâtre par des raifons qui nous ont paru folides, nous la lui avons accordée
et en même temps la penfion de i,ooo livres, quoiqu'elle ne foit reçue à part
que depuis 13 ans, fur la confidération qu'elle a rempli, dans la troupe ita-
lienne, un emploi très-important dès fon arrivée et qu'elle a été fort utile à la
troupe pendant les deux années qu'elle a joué aux appointemens que nous
avons confenti à lui compter comme fervice, fans cependant vouloir déroger
en aucune façon aux lois établies à cet égard et fans que la grâce que nous
croyons devoir lui accorder puifle, à l'avenir, fervir d'exen^le pour aucun
autre.
Fait 4 Paris, le 21 avril 1759.
Signé : Le Duc d'Aumont.
(^Archiva nationaUs, O', 846.)
Véronèsô. 193
IV
1763. — !•' janvier.
Donation faite par Af "< Anne-Marie Véronise, dite Coraline, à sa mire Lucie-
Perrette Sperotti, veuve de Charles-Antoine Véronèse, dit Pantalon,
A tous ceux qui ces préfentes lettres verront, Alexandre de Ségur, prévôt
de Paris, etc., favoir faifons que par-devant maîtres Jean Denis et Guillaume
Angot, notaires au Châtelet de Paris, fouflignés, fut préfente demoifelle
Anne-Marie Véronèfe, fille majeure, demeurante à Paris, rue Ste-Appoline,
paroifle St-Laurent, laquelle pour donner des marques de fa tendreffe refpec-
tueufe à dame Lucie-Perrette Sperotti, veuve de (leur Charles-Antoine Vé-
ronèfe, officier du Roi, fa mère, a par ces pféfentes donné par donation entre
vifs, pure, fimple et irrévocable en la meilleure forme et manière que dona-
tion puifle valoir et avoir lieu, créé, conftitué, affis et alfigné et promis
garantir de tous troubles et empêchemens généralement quelconques à ladite
dame fa mère demeurante rue Françoife, paroifle St-Sauveur, à ce préfente et
acceptante, 600 livres de rente viagère, que ladite demoifelle Véronèfe promet
et s'oblige payer à ladite dame fa mère en fa demeure à Paris, pendant fa
vie et jufqu*à fon décès, en deux payemens égaux de fix mois en fix mois,
dont les fix premiers mois échoiront et feront payés au i" juillet prochain,
et aînfi continuer de fix mois en fix mois pendant la vie et jufqu'au décès
de ladite dame Véronèfe, etc.
Et pour d'autant plus affurer par ladite demoifelle Véronèfe A ladite dame
fa mère le payement exact defdites 600 livres de rente viagère, ladite demoi-
felle Véronèfe confent par les préfentes que ladite dame fa mère les touche
et reçoive fur fes flmples quittances fur les arrérages courant à compter de ce-
jourd'hui et à écheoir à l'avenir de la penfîon de i ,000 livres que ladite
demoifelle Véronèfe a à prendre fur la Comédie-Italienne. De laquelle pen-
fîon ladite demoifelle Véronèfe fait à ladite dame, fa mère, ce acceptante,
toute délégation nécelTaire jufqu'à due concurrence. Pour, par ladite dame
Véronèfe , jouir defdites 600 livres de rente viagère ou en faire et difpofer
comme bon lui femblera. Et du jour du décès de ladite dame Véronèfe, lefdites
600 livres de rente viagère feront éteintes et amorties et ladite demoifelle Vé-
ronèfe, ainfi que fes biens, en demeureront libres, quittes et déchargés, etc.
Fait et pafTé en la demeure de ladite dame Véronèfe, le i^ janvier 1763,
avant midi, etc.
(Jrebivgs nation aUs, Y, 40a.)
COM. DU ROI. — II. 13
194 -^^^ Comidiêns italiens.
V.
1763. — Mai.
Af '^ Anne-Marie Véronèse, dite Coraiim, est interrogée sur faits ^ articles
à la requête d^un marchand de vins qui se prétendait son créancier.
L'an ïj6^, le fâmedi 7 mai, heure de midi, en notre hôtel et par^vant
nous Jean-François Hugues, etc., eft comparue demoifelle Anne Véronèfe,
demeurant à Paris, rue Ste-Appoline, paroiffe St-Laurent, afliftée de M* Pierre
Demilly, fon procureur au Chàtelet de Paris : Laquelle nous a dit qu'elle corn-
paroît pour fatisfaire à une aifignation qui lui a été donnée le jour d'hier à la
requête du fieur Gobin pour fubir interrogatoire fur faits et articles, mais que
l'ordonnance exigeant que celui qui veut faire fubir interrogatoire foit tenu,
auparavant, de faire (Ignifier les faits et articles, ladite demoifelle Véronèfe
requiert que ledit fieur Gobin foit tenu de lui faire préalablement (ignifier les
faits et articles fur lefquels il entend l'interroger ; car on ne peut point dire
que le fieur Gobin ait fatisfait à l'ordonnance en faifant (ignifier de prétendus
faits dont on ne peut lire un feul mot, ce qui ed comme s'il n'avoit rien fait
fignifier ; qu'il eft même aifé de voir que c'eft une affectation, car l'adignation
efl lifible et les faits et articles font, non-feulement illifibles, mais même on
reconnoît que l'on s'eft étudié à ne point former les mots pour que l'on ne
puifTe pas même deviner ce que cela veut dire. En conféquence, ladite demoi-
felle Véronèfe nous a exhibé la fignification qui lui a été faite defdits faits et
articles, nous requérant de la parapher, et a perfifté dans fon réquifitoire ci-
de(rus à ce qu'avant de fubir interrogatoire ledit Gobin foit tenu de lui faire
fignifier les faits et articles écrits lifiblement et jufqu'à ce, ladite demoifelle
Véronèfe protefte de nullité de tout ce qui feroit fait au préjudice des
préfentes.
Signé : De Milly ; Anne Véronèse ; Hugues.
Nouvelle signification ayant été faite , Coraline comparut peu de jours
après devant le commissaire Hugues qui dressa alors le procès-verbal qu€ Ton
va lire :
Du vendredi 13 mai 1763, dix heures et demie du matin : Premièrement
avons fait prêter ferment à ladite Véronèfe de dire vérité, enfuite l'avons
Véronèse. 195
interpellée, pour les principaux faits, de nous dire et déclarer fes nom, pré-
noms, âge, qualité et demeure.
A quoi, après le ferment par elle fait et prêté entre nos mains, elle nous
a dit fe nommer Anne-Marie Véronèfe, fiUe, âgée de 28 ans paffés (i), native
de Baflano, près de Venife, demeurant à Paris rue Ste-AppoHne, paroifle
St-Laurent.
Si elle connoît le fîeur Gobin, marchand de vin à Paris?
A répondu que oui.
A quelle occafion elle le connoft?
A répondu qu'elle n'ed pas mémorative depuis quel tems ; que c'en le fieur
fon père qui lui en a fait faire la connoiflance et qu'elle ne le connoft que
parce qu'il lui a vendu du vin.
Si le fieur Gobin eft fon marchand de vins et depuis quel tems il la fournit
de vin ?
A répondu que le (ieur Gobin ne lui fournit plus maintenant de vin et
qu'elle ne fe fouvient pas quand il a conmiencé â lui en fournir.
Si depuis l'année 1758, il ne lui a pas fourni des vins de plufieurs^pèces?
A répondu qu'elle ne s'en fouvient pas.
S'il n'efl pas vrai que le 20 janyier 1759 elle a arrêté un mémoire à 365
livres pour fournitures de vins faites jufqu' audit jour?
A répondu qu'elle ne fe fouvient pas de cette époque-lâ, mais que (i elle l'a
arrêté on le verra fur le mémoire.
Si on ne lui a pas fourni de vins depuis le dernier arrêté ?
A répondu qu'elle ne s'en fouvient pas, parce que c'étoit le fieur Bufoni (2),
fon beau-frère, qui étoit chargé de fes affaires et qui payoit le marchand
de vins.
Si elle n'a pas foufcrit d'autre arrêté au profit du fieur Gobin?
A répondu que fi elle en a fait il n'a qu'à les produire.
S'il n'eft pas vrai qu'elle en a foufcrit deux autres les 7 et 10 février 1761 ?
A répondu qu'elle ne s'en fouvient pas, mais que fi elle les a faits il n'a
qu'à les produire.
A combien montent ces arrêtés?
A répondu qu'elle n'en fait rien.
S'il n'eft pas vrai qu'ils montent l'un à 670 livres 15 fols et l'autre à 29S
livres?
(i) Elle était née vers 1730 puisqn'à Tépoque de son début, en 1744, elle était lgé« 6ê 14 an*.
Donc, quand elle subit cet interrogatoire, M'^«' Coraline, qui accuse a8 ans, en avait 3}.
(2) Jean-Marie-Gaspard Busoni avait épousé, le 16 janvier 1759, Lucie-Marine Véronèse, née à
Modène en 1739, et sœur de M^^« Coraline. M^^« Lucie-Marine Véronèse avait été que^ne tempe
danseuse dans les ballets de la Comédie-Italienne.
196 Les Comédiens italiens,
A répondu que c'efl demander ce que le fieur Gobin fait mieux qu'elle,
puifqu'il a les arrêtés et qu*il n*a qu'à les produire.
Si elle a payé en totalité le montant de ces trois mémoires et comment elle
les a payés?
A répondu qu'elle ne peut répondre fur cela, parce que c'ell le fieur Bufoni,
fon beau-frère, qui les a payés.
S'il n'efl pas vrai qu'elle n'a donné que de légers i-compte au fieur Gobin ?
A répondu qu'elle ne s'en fouvient pas, parce que c'étoit toujours fon beau-
frère qui payoit.
S'il n'eft pas vrai que lors du compte du 7 février 1761 elle n'a pas donné
en payement et fait employer dans le mémoire du fieur Gobin un mémoire
figné du fieur de Burty de Villeneuve au profit des ficurs Lembon de Bor-
mié, au dos duquel étoit l'ordre de ce dernier au profit du fieur Lepage et
Tordre en blanc de ce dernier?
A répondu que c'eft le fieur fon beau-frère qui a donné le dernier billet,
mais qu'elle ne fait pas ce qui étoit derrière.
S'il n'efl pas vrai que lorfqu'elle a donné ledit billet en payement audit
Gobin, elle a promis de lui en payer la valeur à défaut de payement?
A répondu que non.
S'il n'eft pas vrai que toutes les fois que ledit fieur Gobin a été chez elle
depuis qu'elle lui avoit donné ledit billet en payement, elle ne lui a pas dît
i© qu*il n'avoit rien à craindre, 2° qu'elle répondoit de tout et que fi les
parties devenoient infolvables elle payeroit ledit billet ?
A répondu que non et que fi elle avoit eu l'intention de le payer, elle l'au-
roit endolTé.
S'il n'eft pas vrai que le fieur Bufoni a dit au fieur Gobin qu'elle répon-
dante comptoit bien lui payer ledit billet, mais qu'elle ne vouloit pas être
gênée; qu'elle donneroit un louis, deux louis, à fa commodité?
A répondu qu'elle n'a jamais entendu parler de cela et qu'elle ne l'a point
dit audit fieur Bufoni.
Si lors de l'échéance du billet, ledit fieur Gobin étant allé chez elle et lui
ayant dit qu'il avoit paflé l'ordre dudit billet au fieur Bertrand et que ledit
fieur Burty de Villeneuve n'avoit pas payé, il lui a enfuite demandé fi elle
jugeoit à propos qu'il en fît faire le protêt, elle ne lui a pas fait réponfe qu'il
n'avoit qu'à en faire faire le protêt et toutes les autres pourfuites, et que fi il
n'en étoit pas payé, elle payeroit ledit billet?
A répondu que ledit Gobin eft venu chez elle lui demander fi elle ne trou-
veroit pas mauvais qu'il pourfuivît le fieur Burty de Villeneuve et fi elle
n'avoit pas quelques raifons de confidération à avoir, elle répondit qu'il pou-
voit pourfuivre, mais ne promit point de payer les frais ni ledit billet.
Vironèse. 197
S*il n*eA pis vrii que lorfquc le fieur Gobin alla chez elle et lui préfcma
la rctrocenion et tranfport à lui fait par le ficur Bertrand, auquel il avoit
palTc ledit billet, enfemble ledit billet et les procédures, elle ne lui a pas pro-
mis de lui rembourfer tant les 400 livres de principal que les 44 livres 6 fols
de frais?
A répondu que non.
S*il n*e(l pas vrai que lorfque le fieur Gobin cefTa de la fournir de vin ou
peu de temps après, celui-ci lui ayant fait entendre que le tireur ou les en-
doiTeurs du billet en qucdion n*étoient point folvables, elle ne lui a pas dit en
préfence de fa femme de chambre et d*une nourrice, qui lors étoit chex elle,
et d*une perfonne de la première qualité qui lors fe trouva audi chex elle,
qu'elle n*avoit point envie de faire banqueroute et qu'il ne perdroit rien, que
fon intention étoit de le payer?
A repondu qu'elle a effectivement dit que fon intention n*étoit pas de
faire banqueroute et qu'elle payeroit ce qu'elle lui devoit, mais qu'elle n'en-
tendoit pas que ce feroit le billet, et qu'à l'égard de la perfonne de ditlinction,
ledit fieur Gobin n'a qu'à la nommer, la répondante ne fâchant pas ce qu'il
veut dire.
Si lorfque le fieur Gobin alla chex elle et lui préfenta l'afllgnation à lui
donnée par Lepage, en homologation de fon contrat d'abandon, elle ne lui
a pas dit qu'il n'avoit rien A appréhender, qu'elle le payeroit en entier?
A répondu qu'elle n'a point dit cela.
Si elle n'a pas tenu le même propos et fait les mêmes promeflfes en pré-
fence de (es domeûiques au fieur Gobin, en lui difant qu'il falloit qu'il prit
patience, qu'il n'y avoit rien A perdre avec elle?
A répondu que quand ledit fieur Gobin lui a parlé dudit billet, elle lui dit
qu'il prit patience, qu'il n'y avoit rien à perdre avec ces gens-U et qu'il feroit
payé, mais n'a jamais entendu le payer elle-même.
Signe : A. M. Vé&on&se ; HuctJEs.
{Àrthhrti msti^nsUi, Y, 11,004 )
Xoy. Blrtxnazzi (Chaju.es- Antoine).
VÉRONÈSE (Camille-Jacquette-Antoinette), dite Ca-
mille. Soeur de la pr^édcntc» M^ Camillc-Jacquctte-
Antoinette Vironèse, connue au théâtre sous le nom de Camille»
198 Les Comédiens italiens.
naquit à Venise vers 1735, et parut pour la première fois à la
Comédie-Italienne, le 16 mai 1744, dans Coraline esprit follet,
canevas en trois actes, remis au théâtre par Charles - Antoine
Véronèse, où elle exécuta avec M"® Coraline, sa sœur, un pas de
deux qui fut très-applaudi.
Elle dansa ensuite dans différents ballets et notamment, en
1746, dans un divertissement placé à la suite d'une comédie de
son père, le Prince de Salerne, et intitulé les Enfants vendangeurs.
Dans ce ballet qui terminait la pièce. M"* Camille et un petit dan-
seur du nom de Dubois représentaient deux enfants costumés en
vendangeurs que des chasseurs faisaient mine de vouloir dépouiller
de leur raisin et qui, après les avoir effrayés de leurs fusils, finissaient
par payer très-libéralement la vendange dont ils s'étaient empa-
rés, a Les charmans petits fuppôts de Bacchus, dit le Mercure
du temps, dédommagés et contens, fignalent aloirs leur recon-
noiflance et leur joie par un pas de deux très-plaifant et parfaite-
ment exécuté. »
Il existe une gravure représentant M*** Camille et le petit Du-
bois dans les Enfants vendangeurs, et on lit au bas :
Ces deux danfeurs prefque en naiffant
Par leur danfe ingénue embellirent la fcëne
Et dans Tâge où Ton fent à peine
Ils expriment tout ce qu'on fent.
Le I" juillet 1747, la jeune danseuse fit ses débuts comme
comédienne dans une pièce que composa spécialement pour elle
Charles-Antoine Véronèse, son père, et qui a pour titre : les Deux
Sœurs rivales. Elle y obtint un grand succès ainsi que dans les
Tableaux, comédie française en un acte et en vers libres, de Panard,
jouée le 18 septembre suivant et dans laquelle elle joua si bien et
dansa avec tant de grâce que les spectateurs transportés accla-
Vironèu. 199
mèrcnt à la fois l'actrice et l*ouvragc. Paaard composa alors pour
elle ce joli madrigal :
Objet de nos dOfirs dans TAgc le plus tendre,
Camille, ne peut-on vous voir ou vous entendre
Sins éprouver les maux que Tamour fait fouffrir?
Trop jeune i la fois et trop belle,
En nous charmant fitc^t que vous êtes cruelle I
Attendez pour bledfcr que vous puiflica guérir 1
Peu après, NP** Camille fut reçue dans la troupe, aux appoin-
tements et avec promesse de demi-part, pour les rôles d^amou-
reusc et de danseuse, auxquels elle joignit en 1759, époque de la
retraite de M"* Coraline, sa sœur, Temploi des soubrettes.
Kn août 1760, elle joua, avec une vcrité frappante, le person-
nage de la statue dans Pygmalion, ballet de Billion!, et Favart,
juge compétent en de telles matières, parle ainsi de cette création :
a Rien n'égale la fincfle de Ton jeu pantomime, funout quand b
Aatue s*anime par degrés. Elle peint fa furprife, fa curiofité. Ton
amour nailTant, tous les mouvemens fubits ou gradués de fonime
avec une expreflion que l'on n'avoit point encore trouvée. On peut
dire de Camille qu'elle danfe jufqu'à la pcnfée. Je crois que l'art
des anciens pantomimes grecs ne pouvoit aller au deU des talens
de Camille en ce genre. »
Gaie et vive dans les soubrettes, elle savait aussi rendre avec
Ime les situations attendrissantes. En 1761, elle créa k rôle de
la mère dans la comédie de Goldoni, le Fils d'Arlequin furdu et
retrouvé, et arracha, dit-on, des larmes aux spectateurs par la
manière dont elle peignit ses craintes, ses regrets et ses inquié-
tudes.
Crimm, qui lui reproche pourtant les nombreux gallicismes
qu'elle introduisait dans b langue italienne, et les italianismes dont
200 Les Comédiens italiens.
elle usait dans le langage français, assure que son visage et ses
gestes étaient souvent sublimes d'expression.
« On a dit avec raifon, écrit le Nécrologe de 1769, que le ca-
ractère de M"* Camille fe peignoit fur fa figure. Une phyfîonomîe
noble, franche et une ingénuité piquante annonçoit les qualités
de fon âme. Elle étoit fupérieure à toutes ces petites querelles,
à ces baffes jaloufies de métier qui régnent communément parmi
les perfonnes de fon état. Ses talens avoient trop d'éclat pour
•que ceux des autres lui infpiraflent une honteufe envie; ce vil fen-
timent, ainfi que l'orgueil, eft le partage de la médiocrité. M"* Ca-
mille eut dans fes fuccès une modeftie qui l'en rendoit plus digne
encore. »
Elle mourut le 20 juillet 1768, à l'âge de 33 ans, dans les bras
de M. Cromot, premier commis des finances, avec lequel elle
entretenait depuis quelques années des relations intimes. M. Cro-
mot, homme de travail et de plaisir, que Marmontel a qualifié de
laborieux sybarite (i), aimait tendrement la pauvre artiste et
l'avait comblée de bienfaits. Il lui fit faire de magnifiques obsèques;
plus de cinquante carrosses bourgeois suivirent le cercueil der-
rière lequel marchaient les comédieiis du Roi de la troupe ita-
lienne, présidés par Jean-Baptiste-François Dehesse, leur doyen.
Le corps fut inhumé en l'église de Montmartre, paroisse de la
défunte.
« M"* Camille, dit un contemporain, étoit fort aimée et joi-
gnoit aux plus grands talens toutes les qualités de l'âme les plus
précieufes. Elle a fait un teftament en faveur de fa famille, qui
fait également honneur à fon jugement et à fon cœur. »
(i) Après avoir donné quelques détails sur l'abbé La Ville, premier commis des affaires étrangères,
et sur M. Dubois, premier commis de la guerre, Marmontel parle en ces termes de M. Cromot :
c De ces laborieux (ybarites, le plus vif, le plus féduifant, le plus voluptueux, étoit ce Cromot, qu'on
a vu depuis fi brillant fous tant de miniftres. La facilité, l'agrément, la preftefle de fon travail et
furtout fa dextérité les captivoient en dépit d'eux-mêmes. »
Féronèsr. 20 1
On a fait sur clic ces quatre vers :
Digne élève de Tcrpfichorc,
Digne rivale de u fœur,
Camille, eA-il un fpcctateur
Qui ne t*adniire et ne t'adore?
Après la mort de cette remarquable aarice, le genre iulien, qui,
avec sa sœur et elle, avait jeté un dernier éclat, se démoda de jour
en jour davantage, malgré la vogue passagère des amusantes co-
médies d*Antoine Mattiucci, dit CoUalto, et le mérite réel du
célèbre Arlequin Charles-Antoine Bertinazzi, dit Carlin. A partir
de Tannée 1780, b Comédie-Italienne, tout en conservant une
appelbtion qui n*était plus justifiée par son répertoire, ne repré-
senta désormais que des ouvrages exclusivement écrits en
français.
{CmUmdriff kiit0rifmé dt$ Thédir*/, Pari», Cail»
Icao, I7( I. — > DuHmmmsirw in Th4itrt$, V, ito.
119 i VI, 1)9. — Gnflin. C0rrt$f*mJs»4« Utté-
rmift, VI, il.— Mtm^irfê tê€t€t$, IV, 74, 77.—
Atmtémûih de» ftmi d'ttp^it, pftr Cbrtner. -~
KitfUgt 4c 1769 Mém0if9$ de Gêtd^mé, Hl,
10, 14 — htim0if0» de MsrmmnUl, U, l|.—
j0mrnAl dt U. df Ssrtimt, f. i((» i|9, ft9. —
Œmvrtt dt hi. 0t dé U^ Fët-^fi. Faru, Eu(<m
Di4t«r, il)!-)
Ï757- ~ '•* octobre.
PlainU renJui par um domestique contre M' '' Camille- JacqueUe-Antoindte VirO'
mise, dite Camille, et contre Pierre- Antoine-François Véromèu, som frère.
L*an 17)7, le famedi i** octobre, dix heures et demie du matin, pir-
de\-ant nous Guillaume- Louis Delafleutrie. etc., ed comparuc Marguerite
V'edren, fille majeure, ci-devant domeiUque au fervice de b demoifelle Ca-
mille et actuellement fans condition, demeurant U comparante chei le fieur
\'or, maître uilleur, rue du Chantre, mailbn d*un épicier : Laquelle a dit
qu'elle a icr\i ladite Camille pendant un an et efl fortie le 2 juin dernier;
que Udi:e Camille lui a exactement payé Tes gages, mais qu'elle comparante lui
ayant prêté, pendant l'on féjour chei elle, une fomme de $64 livres, ladite
202 Les Comidwts italiens.
demoifelle Camille a fait au profit de la comparante un billet de cette fomme,
daté dudit jour 2 juin dernier et payable le 2 août auffi dernier. Qu'audit
jour, 2 août dernier, la comparante s' étant préfentée pour recevoir le con-
tenu audit billet, ladite demoifelle Camille lui a dit ne pas avoir d'argent
et lui a demandé quinzaine. Que la plaignante 9'étant préfentée au bout de
cette quinzaine, ladite demoifelle Camille, au lieu de la payer, lui a dit qu'elle
s'étoit fait faire un billet par le fieur Doliat, à l'ordre d'elle comparante, et
qu'elle fille Camille alloit le négocier pour être en état de payer la compa-
rante qui, à la follicitation de fadite maftrefTe, mit fon ordre au dos dudit
billet au profit du fieur Véronëfc, attaché à la troupe des comédiens italiens.
Et vers le 6 du mois d'août dernier la comparante, impatiente de ce que ledit
fieur Véronèfe ne pouvoit pas trouver d'argent fur ce billet, s'eft encore pré-
fentée à ladite demoifelle Camille qui, après bien des inilances d'elle compa-
rante, lui déclara que ledit fieur Véronèfe avoit déchiré le billet en quefiion
faute d'en pouvoir faire ufage et fit donner à la comparante une décharge
par ledit fieur Véronèfe à caufe de l'ordre qu'elle avoit mis au dos dudit billet,
et la comparante ayant infifté pour avoir fon payement, ladite Camille lui
offrit de mettre fa montre et fa tabatière en gage, ce que la comparante
n'ayant voulu foufifrir elle accorda encore un délai d'un mois à ladite Ca-
mille. Que cejourd'hui matin la comparante s'étant préfentée chez ledit fieur
Véronèfe, ainfi qu'il en étoit convenu avec ladite demoifelle Camille, ledit
fieur Véronèfe lui a offert 18 louis d'à-compte et de lui faire un billet du
furplus à la charge par la comparante de rendre le billet de ladite demoifelle
Camille ; ce qu'elle comparante n'ayant voulu accepter, ledit fieur Véronèfe
eft entré en fureur contre elle, l'a traitée de friponne, voleufe, larronnefle et l'a
mife à la porte de fon appartement. Qu'elle comparante ayant été à Tinftant
chez ladite Camille, ledit fieur Véronèfe, qui y eft entré auffitôt, a de nou-
veau invectivé la comparante, l'a prife au col, l'a jetée deux fois par terre en
la traitant de g. . . ., voleufe, friponne et autres invectives. Et que ledit fieur
Véronèfe, pour l'empêcher de s'expliquer devant ladite demoifelle Camille,
l'a mife dehors de fon appartement. Ajoute la comparante que ladite Camille,
au lieu de payer la comparante, s'applique à lui nuire en défendant à tous
ceux qu'elle connoft de recevoir la comparante chez eux. Et comme la com-
parante a intérêt de fe pourvoir pour raifon de tout ce que deiïus, elle eft
venue nous rendre la 'préfente plainte contre ledit fieur Véronèfe et ladite
Camille.
Signé : M. Vedrêne ; Delafleutrie.
{Archives nationales. Y, 15,45$.)
Voy, Balletti (Antoine-Etienne).
VerUuiL 20)
VERTEUIL (M»0- C'est, dit-on, gricc i la protection de
Monsieur, frère du roi Louis XVI, que M"** Vcrtcuil,
ancienne actrice de b Comédie-Française et du théâtre de Ver-
sailles, fut reçue sans audition préalable, le 24 juillet 1779, à la
Comédie-Italienne. Bien qu'elle fût engagée pour jouer en chef
les mhes nobles, elle débuta, le 14 avril de Tannée suivante, par le
rôle de Sylvia dans les Jeux de V Amour et du Hasard, comédie de
Marivaux, où elle fit preuve d'un talent consommé.
« Quoiqu'elle ne foit plus de la première jeunefle, dit Grimm,
fa figure eft intéreflfante et noble ; fa voix, naturellement un peu
forte, a cependant des inflexions très-fenfibles et très-douces. Si
fon jeu laiflfe aperce\'oir plus d'étude que de naturel, c'cft une
étude fans affecution et fans manière. Il eft difficile de montrer
une plus grande intelligence de la fcène, plus de finefle et de
talent pour faire valoir jufqu aux moindres détails. »
Ce brillant début valut peu après ï M"* Verteuil son admission
à ponion de part.
Le I ) février 1 78 1 » elle créa avec une grande vérité le rôle de
Rosalie dans Jenneval , drame en cinq aaes et en prose, de Mer-
cier, et au mois de juillet de la même année, elle joua Ariane
ààiis Ariane abandonnée, mélodrame traduit de l'allemand, mu-
sique de Georges Benda, et y montra tant de passion et de scn*
sibilité qu'elle fut rangée désormais parmi les meilleures actrices
de b capitale.
Un amateur de théâtre lui adressa, à propos de cette dernière
création, les vers suivants :
Vcrtcuil ! ah ? c*c(l en vain qu*i mon âme attendrie
D'.\rianc tu x-euz retracer la douleur.
Crois-moi, fi de tes traits r.\niour l'eût embellie,
Thcsc^c (i) en la quittant n*cût poim fait (on malheur.
(1) L< rMc Je Thétét «Uft reiapk f«r L«ait Michv, « ^«i, 4it Gruau, fufoil io«t et ^u'U fo*-
v«it f9mt rcffcabUff 4 ma kéro* ».
204 Les Comédiens italiens.
Oui, tes accens plaintifs, ton organe enchanteur.
Cette taille il belle et tes yeux pleins de flamme,
Malgré Tarrêt des dieux, auroient touché fon âme;
Théfée, au lieu de fuir, eût été fon vengeur.
Il eil doux de mourir pour la beauté qu'on aime.
Des fiers Athéniens il eût bravé les coups,
Et Pamour l'élevant au-deffus de lui-même.
Animé par tes yeux il les eût vaincus tous.
Par de nouveaux fuccès règne enfin fur la fcène ;
Heureux fi du public, adorée à ton tour.
Quand tu vois tous les cœurs fe foumettre à ta chaîne.
Tu gardais dans le tien une place à l'amour.
Cependant M"* Verteuil était à ce moment à Tapogée de sa
carrière dramatique. Au milieu de ses succès, quelques personnes
sévères lui avaient fait certains reproches; elles trouvaient que
son jeu sentait trop le travail et que, malgré toute son adresse,
elle ne parvenait pas toujours à cacher Fart qu'elle y mettait. Ces
critiques subtiles étaient - elles fondées ? On serait tenté de le
croire, car insensiblement le public se montra de moins en moins
favorable à l'actrice.
Le 28 janvier 1783, on jouait Ciphise, comédie en deux actes,
de La Salle, et M™*^ Verteuil se trouvait en scène avec M™* Du-
gazon, lorsque tout à coup le parterre se mit à faire un tel bruit
que les deux comédiennes durent s'arrêter. M"** Verteuil s'avança
alors et dit respectueusement :
« Meffieurs! ai-je le malheur de vous indifpofer contre moi?
Faut-il que je me retire? »
Quelques spectateurs bienveillants protestèrent par leurs ap-
plaudissements, mais le reste de la salle persévéra dans son atti-
tude hostile, et la pièce fut continuée au milieu du tapage sans
qu'on en entendît un mot.
A partir de ce moment. M™* Verteuil ne parut plus que rarement
Faîris. 205
à la Comédie-Italiemie, à liquéDe pourtant die était eocore atu-
chée au commencement de 1789.
{^La Sftssaclc: it Paris, r^îi ei r^t^ —
Cvrrerjtfi^nct lislcaj^, X. T^., 5^, 4;0- —
Mrmmrti mt^, XT, 15s ; XID, 71. - ]»^-
mml it fans, J^fca, x6 arri; ; 17*1, 2I aoLt. —
Ï779- — ^ Joîl^eî.
tUapiiom âe M^ VerUua.
Noos maréchal doc de Ricbelicn, pair de France, {n^mier geotilhomine de
la chambre dn Roi,
Avons reço, fous le bon plaiûr de Sa Majef^ i commeocer à fouvertnre da
théâtre i Pâques prochain, la demoifelle Verteoil a la Comédie-Italienne pour
y jouer les rôles des mères nobles en chef ainû que tous ceux qui lui feront
difbibués fuivant le réperunre général qui fera fait d'après la mife des pièces
qui feront repréfentées fur le théâtre dans le courant de la préfente année et
à la charge par ladite demolfelle Verteuil de jouer tous les rôles d'utilité et
acceffoires qui pourrom lui être diftribués tant dans les pièces récitées que
dans celles de chant.
A Paris, le 24 juillet 1779-
Sîgné : Le Maréchal duc de Richelieu.
(^Archives UMlicumUs, O', S49-)
VESTRIS (Axge-Marie-Gaspard). Frère cadet du fameux
Vestris, de l'Académie royale de musique^ Ange-Marie-Gas-
pard Vestris naquit à Florence en 1730, et fut attaché quelque
temps au théâtre de Stuttgard. C'est là qu'il connut la sœur du
comédien Dugazon, Françoise-Rose Gourgaud^ actrice dans la
même troupe, dont il devint le mari. Ce mariage fut, dit-on,
conclu dans des circonstances assez singulières. M"* Gourgaud
était la favorite du duc de Wurtemberg, qui l'ayant surprise un
2oé Les Comédiens italiens.
jour dans un tête-à-tête intime avec Vestris, les força tous deux,
le pistolet sur la gorge, à s'épouser et les chassa de ses États.
Vestris vint alors à Paris, et après un court séjour à TAcadémie
royale de musique, il débuta, le 23 mai 1769, à la Comédie-Ita-
lienne, dans l'emploi des amoureux du genre italien.
Après avoir joué successivement dans le Chevalier d'industrie,
dans Arlequin, bouffon de cour, et dans le Gondolier vénitien, il fut
reçu à Fessai le 12 juin de la même année, aux appointements de
150 livres par mois ; peu après il fut admis à portion de part.
En 1780, lors de la suppression du genre italien, Vestris, qui
s'était toujours montré assez médiocre acteur, fut congédié avec
une pension de 1,000 livres et une indemnité de 5,000 livres
payable en deux annuités.
Il mourut à Paris le 10 juin 1809.
On sait que M°* Vestris, sa femme, a été l'une des plus remar-
quables aarices de la Comédie-Française.
(Archivts nationaUs, OS 846. — Lit SputacUs
de Paris, J770. — Biographie Didct.)
1769. — 12 juin.
Ange-Marie-Gaspard Vestris est reçu à Fessai aux appointements
de 1^0 livres par mois.
Nous maréchal duc de Richelieu, pair de France, premier gentilhomme de
la chambre du Roi ;
Nous duc de Duras, pair de France, premier gentilhomme de la chambre
du Roi,
Avons reçu, fous le bon plaifir de Sa Majefté, le fieur Veftris dans la troupe
des comédiens italiens ordinaires du Roi, à TelTai aux appointemens de 1 50
livres par mois, afin que nous puifiions juger de fcs talens.
Fait à Paris, ce 12 juin 1769.
Signé : Le Maréchal duc de Richelieu ; le Duc de Duras.
{Archivts nationales f O*, 846.)
ViïUtte. — Volange. 107
V
ILLETTE (MAKiE-THitisE).
Voy. Laruette (M»«).
V
lOLETTE (Marguerite RUSCA, dite).
V«y. Thomassm (TuoMAS-AKToniE Visemtini, dit).
V
ISENTINI.
Voj, Thomassin.
VOLANGE (Maurice-Frakçois ROCHET,du), né à Nan-
tes en 1756, mort vers 1810. Les succès étonnants obtenus
en 1778 par cet aacur dans le proverbe de Domgny, Janot, ou les
Battus payent ramenée, représenté au théâtre des Variétés-Amu-
santes, lui méritèrent, le 8 février 1780, un ordre de début à h
Comédie-Italienne, où il parut pour la première fois, le 22 du
même mois, dans la pièce d'Antoine Mattiucci, dit Collalto, inti-
tulée : les Trois Jumeaux vénitiens. Ces débuts prirent les propor-
tions d'une solennité dramatique. Tout Paris voulut entendre
sur un véritable théitre Taaeur acclamé sur les tréteaux forains.
Les billets de parterre se vendirent jusqu'à 8 livres, et on raconte
qu'un peintre de ponraits, dont les tableaux se pyaient 4 louis,
consentit à peindre pour rien b personne qui voudrait bien lui
céder son billet. Aux abords du théâtre, une foule énorme se
pressait ; la garde préposée aux guichets d'entrée fut forcée, et
deux escouades du guet, postées aux extrémités de la rue, durent.
2o8 Les Comédiens italiens,
par crainte d'accidents, arrêter les voitures et prier les personnes
qui étaient dedans de descendre et de se frayer à pied un chemin
à leurs risques et périls.
A l'intérieur du théâtre, Teffervescence était non moins grande.
Les coulisses ayant été envahies par un grand nombre de privilé-
giés, le parterre réclama à grands cris leur expulsion et ne se tut
que quand la scène fut vide.
Au dernier moment pourtant, il s'en était fallu de peu que la
représentation n'eût pas lieu. Les Trois Jumeaux avaient d'abord
été composés par Collalto, en canevas, suivant la coutume usitée
pour les pièces italiennes; mais plus tard, devant le succès de l'ou-
vrage, l'auteur l'avait écrit entièrement en français. Deux auteurs
dramatiques, Cailhava et d'Hèle, chargés par les comédiens ita-
liens de surveiller les répétitions préliminaires de Volange, crurent
pouvoir, dans le but de faire valoir davantage le débutant, intro-
duire dans les Trois Jumeaux diverses scènes nouvelles. Cette
nouvelle parvint à Félix Gaillard, ancien comédien italien, gendre
et héritier de Collalto, et il menaça la Comédie-Italienne de mettre
judiciairement opposition à la représentation si la pièce n'était
pas jouée telle que son beau-père l'avait écrite.
Ces débats durèrent jusqu'au jour fixé pour la première repré-
sentation et furent tranchés en faveur de Félix Gaillard; les Trois
Jumeaux furent donnés sans les additions qu'avait étudiées Vo-
lange. Il en résulta pour l'acteur une sorte de gêne qui influa
d'une manière notable sur son jeu, malgré les cris enthousiastes
de courage, Janot, courage I que ne cessèrent de lui adresser ses
partisans.
On sait que les Trois Jumeaux forment trois personnages joués
par un môme acteur. Le premier est un homme de bonne société,
aimable, poU et raisonnable; le second, au contraire, est grossier,
brutal et emporté, et le troisième un niais ridicule. Volange,
Volange, 209
chargé de ce triple rôle, se montra faible dans le premier person-
nage, passable dans le second, mais excellent dans divers endroits
du troisième, qui rentrait de tout point dans ses moyens, et parut
en somme peu satisfaisant, eu égard à sa grande réputation. Mal-
gré son insuffisance évidente, ses nombreux partisans, parmi les-
quels on remarquait toute la canaille du rempan et un grand
nombre de (Ules, lui firent une ovation bruyante et il fut rede-
mandé à la fin du spectacle.
La deuxième représentation des Trois Jumeaux, qui se fit le
surlendemain, eut lieu au milieu du même concours de specta-
teurs, et Vobnge, redemandé encore à la fin de la pièce, fut
couvert d'applaudissements.
Quelques jours plus tard, il joua Dubois dans les Fausses Confi-
dences, comédie de Marivaux, et y fut trouvé franchement mauvais :
« Une démarche lourde, dit le Journal de Paris, une voix rauque,
des membres difloqués, voilà pour le phyfique. Point de temps
obfervés, de la tenue nulle pan, aucune finefle, beaucoup de paf-
fagcs à contre- fens, voilà pour le moral. Tel eft, félon nous, le
ponrait fidèle du fieur Volange dans le perfonnage de Dubois et
lious nous fommes bien trompé ou il fera le même dans tous les
rôles du même emploi. »
En revanche, le même soir, Volange rendit avec une vérité
étonnante le rôle de Persep du Tonnelier, comédie mêlée d'ariettes,
d'Audinot.
En résumé, et le premier moment d'enthousiasme passé, Vo-
bnge fut jugé un comédien rendant ï merveille les rôles de niais
grossiers, mais des plus ordinaires dans les autres emplois.
Oo trouva, dit Grimm, Ton maiotiin d^ontenancé, fa ▼oU grêle, foo
jeu non -feulement commun et trivial, mais encore froid et dépourru de
comique. II parod que fa figure et fon organe ne peuvent guère fc prêter
qu*i rilluûoo la plus baffe et la plus niaifc; c'eft le caractêit qu'il a fo (aiûr
coM. DU aoi. — n. 14
210 Les Comédiens italiens.
avec une vérité très-piquante, mais c'eft auffi le feul qui lui foit propre ; il
n*a pas même dans les autres rôles le mérite d'une bonne caricature. Quoi-
qu'il ait été jugé ainfi dès le premier jour, tout Paris a voulu le voir et fon
feul début a plus fait gagner à la Comédie-Italienne que toutes les nouveautés
de l'année enfemble.
Son début terminé (i), Maurice-François Rochet, dit Volange,
quitta la Comédie -Italienne pour n'y plus revenir et retourna
aux boulevards.
(£«* SpictacUs de Paru, 178a. — Grimm, CorrtS'
pontUnc* littéraire, X, a68. — Mémoires secrtts,
XV, 65, 70. — Journal d« Paris, 1780, 23 et aS
février. — I«j Spectacles de la Foire, II, 464.)
1780. — 8 février.
Ordre de début pour Maurice-François Rochet, dit Volange,
Nous, maréchal duc de Richelieu, pair de France, premier gentilhomme
de la chambre du Roi,
Ordonnons aux comédiens italiens ordinaires du Roi de laiffer débuter
fur leur théâtre le fieur Volange, afin que nous puiffions juger de fes talens.
Paris, ce 8 février 1780.
Signé : Le Maréchal duc de Richelieu.
{Archives nationales, O', 846.)
(i) Outre les rôles indiqués plus haut, Volange a encore joué à la Comédie-Italienne: Frontin.
dans V Amant auteur et valet, comkàxttxxyxnucxty en prose, par Cérou ; Mathurin à*.n% les Trois Fer-
miers, comédie en deux actes, mêlée d'ariettes, par Monvel, musique de Dézaides ; Colas dans les Deux
Chasseurs et la Laitière, comédie mêlée d'ariettes, par Anseaume, musique de Duni ; et Pierre Leroux
dans Rose et Colas, comédie en un acte, en prose, mêlée d'ariettes, par Sedaine, musique de Monsigny.
I ANERINI-BIANCHI (M»*), dite Argentine.
Cette actrice débuu à la Com^ie-Italicone le 3i juillet 1766,
en mtme temps que M** Bac«lli, sa m^, dans les Amours étAt'
Uquin et dt Camille, pièce en trois actes, de Goldoni. Elles furent
toutes deux admises dans le genre italien, M~* Bacellî pour les
râles de mères, et M"* Zanerini-Bianchi pour les amoureusts.
M"* Bacclli était la femme d'un musicien i qui l'on doit la par-
tition du Nouveau Marié, ou les Importuns, coroidie de Caîlhava,
représentée au mois de septembre 1770. Elle était fort grosse
et ne manquait pas de talents. Elle a créé avec succis le râle
iiËtéonortAaia la piice d'Antoine Matttucd, dit Collalto, inti-
tulée : Us Trois Jumeaux vénitiens, et qui fut jouée le 7 décembre
177}. Elle quitu la Comédie-Italienne, dont elle était actrice à
pension, 1 la ddture de 1776..
Quant i M"* Zanerinï-Bianchi, sa 611e, après avoir joué pendant
deux ans les rôles d'amoureusis, elle prit eo 1768, sous le nom
d'Argentine, l'emploi des soubrettes laissé vacant par la mon de
M"* Camille>Jacquenc-Antoinette Véronèsc, dite Camille.
Elle fut re^ue i portion de pan en 1769, obtint trois quarts de
212 Les Comédiens italiens.
7
partie lo avril 1772 et fut admise peu après à part entière. En
1779, lorsque la Comédie-Italienne, modifiant un peu son réper-
toire, se décida à représenter plus souvent des comédies françaises,
M"* Zanerini-Bianchi fit preuve de zèle et de talents en jouant les
rôles de soubrettes dans les pièces de Marivaux, et elle y fut trou-
vée très-agréable.
L'année suivante, lors de la suppression du genre italien, elle
fut congédiée, mais ses bons sen^^ces lui valurent une pension de
1,000 livres et une indemnité de 5,000 livres payable en deux
annuités. Elle quitta alors Paris et s'en retourna en Italie.
Un Anglais, Thomas Haies, appelé communément d'Hèle en
France, où il s'est fait connaître comme auteur dramatique et
qui fit représenter à la Comédie-Italienne le Jugement de Midas,
V Amant jaloux et les Événements imprévus^ pièces dont Grétry
composa la musique, fut éperdument amoureux de cette actrice,
a II s'étoit fort attaché, dit Grimm, à M"® Sianchi, qui jouoit les
rôles de foubrettes dans les pièces italiennes. La paflion qu'elle
lui avoit infpirée l'occupoit uniquement. îl avoit renoncé pour
elle à toutes fes fociétés, à tous fes amis. N'ayant pu la retenir
dans ce pays-ci après la fuppreffion de la troupe italienne, on ne
peut douter que le chagrin de s'en voir féparé n'ait hâté le terme
de fes jours. »
D'Hèle mourut en effet le 27 décembre 1780, très -.peu de
temps après le départ de M"* Zanerini-Bianchi.
Cette actrice était d'une excessive maigreur, passait pour très-
étourdie et pour avoir peu de cœur. Ce triple défaut lui a été
reproché dans un petit pamphlet composé vers l'année 1779, qui
s'exprime en ces termes sur son compte : « On peut voir chez la
demoifelle Blanchi, dite Argentine, rue de l'Amant-Jaloux (i), un
(i) II y A ici une plaisanterie à double entente. Le pamphlétaire fait également allusion à la pas-
sion jalouse de d'Hèle pour M^i» Zanerini-Bianchi et au titre de l'une de ses comédies.
Zanotti. 213
fquclctte qui marche, mangCy digère et couche comme une per-
fonnc naturelle. Il n'y a que la tùte et le cœur qui ne faflfcnt pxs
de fonctions. Il parle italien, bégaye le (i*ançois, mâchonne Tan-
glois et n*écorche perfonne. »
(Ar€kiTt$ usêi0mmUt, O*, 844. — Lfs SfttUtUi Je
Psrii, 1767. — Grtmm, Cgfrti^^nJ^mté Utté»
ftrt, VII, é} i VIII, 1S4; X, ail, 419. — Ut-
méirts MêcrtU, XIV, )fl.)
1772. — 10 avril.
JLf'^ Zanêfini'Biûnehi, diU Argentine, obtient trois quarts de pat t.
Nous roarc^chal duc de Richelieu» pair de France, premier gentilhomme de
la chambre du Roi ;
Nous duc de Duras, pair de France, premier gentilhomme de la chambre
du Roi,
Avons accord(3 i la demoifelle Zanerini, comédienne iulienne jouant les
foubrcttcs, un quart de part d*augnK-mation pour faire, avec la demi-part
dont elle a joui jufqu'^ présent, trois quaru de part, à la charge par elle de
continuer i jouer les rôles de foubrettes dans le genre italien et ceux qui
feront jug^ nécelTaires pour le bien du fervice ; accordant ledit quart de
part d'augmentation pour la r<îcompenfe de la bonne volonti^ qu'elle a mar-
quise dans le cours de Tannc^e dernière en jouant des rôles qui lui êtoient
étrangers et comptant fur le même zèle pour l'avenir.
A Paris, ce lo avril 1772.
Signé : Le Maréchal duc Di Richelieu ; le Duc de Duras.
{dukhtt mmftntkln, O*, M^.)
ZANOTTI (Jean-André), dit Octave, puis le Vieil Octave.
Jean-André Zanotti débuta en 1660, h Tancieiine Comédie-
Italienne, dans l'emploi des seconds amoureux, sous le nom d'Oc-
uve. En 1667, époque de la retraite d'Hyacinthe Bendinelli, dit
Valcrio, il fut chargé des rôles de premier amoureux et les rem-
plit avec talent. Les frères Parfaict disent qu'il quitta le théâtre
214 ^^^ Comédiens italiens.
en 1684 ou 1685, maïs cette date paraît erronée et il dut figurer
encore à la Comédie-Italienne postérieurement au 2 novembre
1688, époque du début de Jean-Baptiste Constantini, dit Octave,
après lequel Zanotti prit, très-vraisemblablement pour se distin-
guer de son jeune camarade, le second surnom sous lequel il est
connu, celui du Vieil Octave.
Jean- André Zanotti fut marié deux fois : i® à Théodora Biaise,
décédée le 11 janvier 1668, et 2^ à Marguerite Enguerrant, de
laquelle il eut sept enfants.
{Histoire dt faneim Thiitre-Italien, p. $6. — Jal,
DicHomnain dt biographie, p. ijaé.)
1664.
Jean-Andri Zanotti, dit Octave, puis h Vieil Octave, touche, tant pour lui que
pour ses camarades, un trimestre de la pension annuelle faite par le Roi aux
comédiens italiens,
A Jean-André Zanotty, comédien italien, tant pour lui que pour ceux de fa
troupe entretenue par Sa Majefté pour leurs gages et entretenement pendant
le quartier de juillet, août et feptembre, la fomme de. . . m^ vn^ l livres.
(Arehivti nationales, KK, 213.)
ZANUZZI (François-Antoine). Ce comédien, né vers 1728
et très-estimé en Italie, où on l'appelait Vitalbino, diminutif
du nom de Vitalba porté par un célèbre acteur italien, fut appelé
à Paris en 1759 et débuta le 25 juillet de la même année, à la
Comédie-Italienne, dans le Chevalier d'industrie, pièce où il
remplit le rôle de V amoureux.
L'année suivante, il fut reçu à trois quarts de part et obtint
part entière le 14 janvier 1766.
A la clôture de 1780, époque delà suppression du genre italien,
François-Antoine Zanuzzi, qui avait accompli du reste son temps
Zanu^:^i. 21$
de service y fut congédié avec lyOOO livres de pension et une
indemnité de 5,000 livres payable en deux annuités.
Cet acteur distingué, dont le talent était très-apprécié par Gol-
doniy était en même temps un excellent homme. Il éleva à ses
frais une petite fille dont les parents étaient tombés dans une
misère affreuse, lui fit donner une éducation soignée et la mit en
état d'entrer à l'Académie royale de musique, où elle débuta
comme danseuse, le 16 novembre 1779» dans le ballet du 4* aae
d^Iphigénû en Tauride, opéra de Gluck. En rendant compte de
ce début, le Journal de Paris ayant avancé que cette jeune per-
sonne était b fille de Zanuzzi, celui-ci, qui avait intérêt à ce que
b vérité fût connue, répondit à cette assertion par b lettre
suivante :
Mdfieurs, je ne puis m'cmpécher de relever une méprife qui s'eft faite
dans votre journal d*hicr jeudi au fujet de la jeune débutante qui a danfé i
l'Opéra mardi dernier. Vous la défignez fous le nom de la demoifelle Za-
nuui, fille d*un acteur de ce nom de la Comédie-Italienne. Je déclare qu'elle
ne m'appartient point. Elle s'appelle Marie Lefcoufier, fille de fieur et dame
Lefcoufier, bourgeois de Paris. Inflruit des malheurs qu'ils avoient éprouvés
et fans aucun autre motif que celui de leur porter quelque fccours, je me fuis
chargé de ccne enfant, encore au berceau, pour la faire élever fous mes yetis.
Pai donné i fon éducation des foins iî particuliers qu'ils refTerabloient i ceux
d'un pcre, et la jeune demoifelle annonçoit dès fon enfance des difpofitions
(î heureufes pour la danfe, que pour les cultiver je me fuis déterminé k faire
choix du maître le plus célèbre dans cet art pour la mettre en eut de paroftre
un jour avec fuccès fur le théitre de l'Académie royale de mufique. Plufieun
confidérations m'engagent i informer le public de la véritable origine de
cette jeune perfonne. En conféquence, je vous prie. Meilleurs, de vouloir bien
inférer dans votre journal la lettre que j'ai l'honneur de vous écrire i ce
fujet. pai celui d'être, etc.
Zanuzzi, comédien italim ordinain dm Roi,
On ignore l'époque de b mon de François-Antoine Zanuzzi.
{Âfthtvu mslê^msUi, O*, ^é. — Lêi SptaUtUi iê
P*ri$, 1740. — /MnMli» Fmns, 1779, m •••
«cmbrt. — Mtt**i*n éê (hld«mi, \\\, \% )
lié Les Comédiens italiens.
I
1760. — 26 février.
François-Antoine Zanuni est reçu à trois quarts de part.
Un ordre de réception, pour jouer les rôles d'amonretix dans Tîtalien, en
faveur du fleur Zanuzzi qui jouira des trois quarts de part à compter du pre-
mier avril prochain.
A Paris, ce 26 février 1760.
Signé : Le Duc d'Aumont.
(Archives nationales, O*, 846.)
n
1766. — 14 janvier.
FrançoiS'Antoine Zanu^^i obtient part entière.
Nous maréchal duc de Richelieu, pair de France, premier gentilhomme
de la chambre du Roi ;
Nous duc de Duras, pair de France, premier gentilhomme de la chambre
du Roi,
Avons accordé au fieur Zanuzzi, comédien italien de Sa Majedé , le pre-
mier quart de part vacant d'augmentation, les engagemens pris avec le (leur
Véronèfe et la dame Carlin étant remplis, lequel quart de part, avec les trois
quarts dont il jouit à préfent, fera la part entière.
Fait à Paris, ce 14 janvier 1766.
Signé : Le Maréchal duc de Richelieu ; le Duc de Duras.
{Archives nationales, O* 846.)
III
1767. — 2 février.
Plainte rendue par une portière contre François- Antoine Zanu^i qui Pavait
couverte d*injures.
L'an 1767, le lundi 2 février, une heure de relevée, en Thôtel et par-devant
nous Jacques -François Charpentier, etc., eft comparue Arme - Angélique
Zanu^^^i. 217
Guerrier, veuve de François Fabvier» limonadier à Paris, elle actuellement
portière du fieur Mcrval, en une maifon où elle demeure me Bourg-l'Abbé,
paroilTc St-Leu-St-Gilles : Laquelle nous a rendu plainte contre le fieur Za-
nuzzi, acteur de la Comédie-Italienne, demeurant en ladite maifon, et dit que
famedi dernier, fur les fept heures du foir, étant dans fa loge, elle a entendu
ledit fieur Zanuzzi l'appeler; qu'elle eft fortie et s'ell avancée vers la porte
cochère où il étoit ; qu'il lui a demandé fi la nommée Joinville étoit venue
coucher la nuit dernière. A quoi la plaignante lui a répondu qu'elle étoit
venue; qu'il s'cfl retiré fatisfait de la réponfe; qu'environ une demi-heure
après il eft revenu tenant par la main ladite Joinville et a dit brufquement i
la plaignante en ces termes : « Eh bien 1 elle a couché ici ? » en parlant de
ladite Joinville, et obligeant cette dernière i parler, elle a dit i la plaignante
en ces termes : « Madame, vous favez bien que je n'ai pas couché ici. m A
quoi la plaignante a répondu auili en ces termes : « Non, noo, vous n'avez
pas couché ici. » Laquelle réponfe ét<)it vraie, vu qu'effectivcroent elle n'y
avoit pas couché la dernière nuit. Nous déclarant que ù elle a accufé le con-
traire audit fieur Zanuzzi la demî4icure auparavant, c'eft parce qu'elle ne
vouloit pas lui rendre compte, n'en ajant atfcun i lui rendre ; qu'i ce fujet
ledit ûeur Zanuzzi s' eu emporté contre la plaignante qu'il a traitée de gueufe,
de malheureufe, de p , de m , de falope, de b , en lui difant
qu'elle prenoit les intérêts d'une p , et autres injures atroces qu'il a répé-
tées pluûeurs fois devant différentes perfonnes qui fe font amalTées, l'a re-
poufléc trois différentes fois et a levé la main pour lui donner un foufflet.
Et comme la plaignante entend fe pourvoir pour raifon des faits ci-deiTus,
clic cil venue nous rendre la préfente plainte.
Signé : Chaventiee.
(Ârtktm mMii^msUi, Y, 12,054.)
Fay, Balletti (Antoini-Étiekne) ; Cameiani (BAXTHiLEMT-ANDaÉ);
GOLDONl (CSAtLES).
^
APPENDICE
LISTE CHRONOLOGiaUE
DOCUMENTS CONTENUS DANS L'APPENDICE
4* '716,
î' '719.
Rtglcmmt que Madame la Dauphine a ordonDJ être fait soos le
bon pUîsir du Roi pour la troupe des Comédiens italiens.
Articles qui seront observés par ta troupe des Comédiens italiens
de Sa Majesté trts-ch retienne, cnvoj-é» par son Aliesse sérénîs-
sime Monseigneur le prince Antoine de Parme , par lui ordonnés
L-t unanimement approuvés par les Comédiens.
Statuts de la nouvelle troupe iulicnne approuvés par le duc d'Or-
k'ans, régent.
t8n
. Ordonnance pour «npèchcr les désordres qui poumicnt
er i la Coraédie-Italicniie.
I, I } décembre. Homdogaiion par le ParlemciK de Pari* iTiin acte
de société passé devant notaires par les Comédiens italiens le
27 octobre 1719-
6* 17)). 8 août. L'Académie royale de musique fait drcMCr procé»-verbal
des contraventions que commettent dans leurs représenutioiM
k* Comédiens du Roi de la troupe italietine.
7* 17)9, t avril. L'Académie royale de mtislquc Tait dnaer pracés-vcibal
222 Les Comédiens italiens.
des contraventions que commettent dans leurs représentations
les Comédiens du Roi de la troupe italienne.
8° 1742, 18 août. L'Académie royale de musique fait dresser procès-verbal
âits contraventions que commettent dans leurs représentations
les Comédiens du Roi de la troupe italienne.
90 1744, 2 juillet. L'Académie royale de musique fait dresser procès-verbal
des contraventions que commettent dans leurs représentations
les Comédiens du Roi de la troupe italienne.
10* 1745, 23 août. L'Académie royale de musique fait dresser procès-verbal
des contraventions que conmiettent dans leurs représentations
les Comédiens du Roi de la troupe italienne.
II" 1745» I" septembre. Arrêt du Conseil interdisant la représentation de la
pièce intitulée : la Fille, la Veuve et la Femme, et condamnant
les Comédiens du Roi de la troupe italienne à une amende de
10,000 livres pour avoir contrevenu aux privilèges de l'Académie
royale de musique.
I2« 1756, 19 février. Homologation par le Parlement de Paris d'un acte
relatif aux fonds de la Société, passé devant notaires, le 29 avril
1754, par les Comédiens du Roi de la troupe italienne.
I3« 1762. Mémoire en forme de règlement pour la régie et l'administration
de la Comédie-Italienne.
I4<> I76!2, juin. Les Comédiens du Roi de la troupe italienne adressent au
Lieutenant de police leurs plaintes de ce que divers entrepreneurs
de spectacles forains font représenter sur leurs théâtres des pièces
qui appartiennent au répertoire de la Comédie-Italienne.
15» 1763, 2 avril. Les Comédiens du Roi de la troupe italienne font passer
par l'intermédiaire de l'intendant des menus plaisirs quelques
réclamations à M. le duc de Duras, premier gentilhomme de la
chambre. Réponses qu'y fait ce dernier.
16* 1768, décembre. Représentations adressées aux premiers gentilshommes
de la chambre par les acteurs du genre français de la Comédie-
Italienne, relativement à la suppression projetée des pièces fran-
çaises.
170 1771, i8 août. Règlement pour les entrées sur la scène et dans les cou-
lisses de la Comédie-Italienne.
1$^ 1773. Mémoire sur la situation de la Comédie^Italienne.
Appendice. 223
19* 1774* Règlement pour la Comédie-Italienne.
20^ 1779- État des acteurs de la Comédie-Italienne dont on pourrait avanta-
geusement se servir en cas de reprise des pièces françaises.
31* 1779, 16 octobre (1). L'Académie royale de musique cède pour trente
années, aux Comédiens du Roi de la troupe italienne, le privilège
de rOpéra-Comique.
22* 1779, 26 septembre. Suppression des pièces du genre italien et mise i la
retraite des acteurs qui jouaient dans ces pièces.
25* 1779, 35 décembre. Règlement pour la Comédie-Italienne.
24* 1780. M. de La Ferté, intendant des menus, soumet aux premiers gen-
tilshommes de la chambre divers projets de réforme i introduire
à la Comédie-Italienne.
(1) CkrosologiqocmcBt, c« docuoiMt dtYrait 4trt pUcA après le toiTtat, auls cornm* àêmê le
coTf à* Voumgt U « été fait divan rcsToia as Biiaéro ^a*ll porta, oa «at oblifi 4« laiaaaf tsMatar
crtta léger* irréfvUrtté.
1684.
RigUmemt qut Maiamt la Daupbmt a ordomii ttrt fait sous le
bon plaisir du Roi pour la troupe des Comédiens italiens (_t).
Le Roy, %'ouUnt établir un bon ordre <Uns ù troupe dt.'s Comé-
diens iulîcns pour le bien du fcrvice et pour leur întèrdl com-
mun, Si Mijcric veut qu'elle foit toujours remplie d'un nombre
fixe de douze acteurs et actrices qui luy foicnt agréables pour
bien fcrvir dans Tes maifons royales quand il luy plaira, fuivant
les ordres de Tes premiers gentilshommes de fa chambre en an-
née, qui feront donnez et expliquez ï ladite troupe par les inies-
dins et controolcurs généraux de fon argenterie et des menus en
exercice et que dorcfnavani le préfent règlement foit exécuté
fclon fa ibrmc et teneur, à comnuncer du premier fuivint le
contrat qui fera fiît et pafle entre les acteurs et actrices qui com-
pofent i préfent bdite troupe en conformité d'iccluy.
226 Les Comédiens italiens.
Premièrement
Que ladite troupe demeurera toujours compofée de douze ac-
teurs et actrices, fçavoir : de deux femmes pour jouer les rooles
férieux; de deux autres femmes pour les comiques; de deux
hommes pour jouer les rooles des amoureux; de deux autres
pour jouer les comiques; de deux autres pour conduire l'intrigue
et de deux autres pour jouer les pères et les vieillards.
Que quand quelque acteur ou actrice fe voudra retirer par la
permifEon de Sa Majefté pour ne plus jouer en France, ny en
aucun pays étranger, tout le corps de ladite troupe fera tenu et
obligé folidairement de payer à celuy ou celle qui aura la liberté
de fortir la fomme de mil livres de pention par chacun an, fa vie
durant, payable de fix mois en fix mois et par avance, à compter
du jour de fa fortie.
Et en cas que les pentions qui feront ainfy deues par ladite
troupe ne foient payées ponctuellement dans le fufdit temps,
ladite troupe fera tenue de payer trois livres par jour à chacun
defdits pentionnaires tant que le retardement durera, fans préju-
dice de ladite pention qui aura toujours fon cours, fans que ladite
troupe fe puiffe difpenfer de la payer fous quelque prétexte que
ce puiffe eftre, ny que cette peine de trois livres par jour puiffe
eftre réputée cominatoire.
Que le fonds defdites pentions fera pris fur le gain et fur le
profit des repréfentations et fur les gages annuels que le Roy a
ordonnez à ladite troupe, lefquelles pentions ne pourront eftre
Appendice. 227
vendues ny aliennées par aucun defdits pentionnaircs à peine d'en
cftrc dcfcheus et privez, ny failles par leurs créanciers pour quel-
que eau le, prétexte et occafion que ce foit, attendu qu'elles font
dedinées purement pour leurs alimcns, entretiens et logemens
leur vie durant, tant qu'ils demeureront en France.
Que quand un acteur fe préfcntera avec la permiflîon du Roy
pour remplir la place d'un autre qui fortira de ladite troupe, ce
nouvel acteur fera tenu et obligé, en fon nom, de payer la fomme
de mil livres de pention annuelle et viagère à ccluy dont il occu-
pera la place, fans laquelle condition il ne pourra eAre admis ny
reccu en ladite troupe. Et attendu que le corps de ladite troupe
fera obligé folidairement aufdites pentions, le nouvel acteur met-
tra les deniers de celle dont il fera tenu entre les mains du rece-
veur et payeur de bdite troupe pour en Caire le payement au
pentionnaire.
S*
Que n lefdits pentionnaires n'eAoient ponauellement payez
du corps de ladite troupe, ils pourront s'adrefler, pour leur paye-
ment, aux biens, meubles et immeubles, préfens et avenir de
ceux qui compoferont ladite troupe en quelques lieux qu'ils
foicnt, lefquelz y feront et demeureront obligez et hipotéquéz
folidairement fans pouvoir en eflre defchargiz que par le décedz
defdits pentionnaires.
Que le comédien qui aura ordre de Sa Majefté de fe joindre à
ladite troupe fans remplir b pbcc d'aucun autre» fera obligé de
228 Les Comédiens italiens.
payer la fomme de mil livres de pention par chacun an à ladite
troupe pendant ûx années confécutives^ à commancer du jour
qu'il y entrera, et de contribuer encore avec le refte de ladite
troupe au payement des autres pentions dont elle fera redevable;
et lefdites fix années étant finies, il ne fera plus tenu de payer
ladite fomme de mil livres de peniion en fon particulier, mais
feulement de contribuer avec les autres à toutes les pentions
faites et à faire par le corps de ladite troupe.
Qu'en cas qu'un nouveau comédien foit joint à ladite troupe
par ordre du Roy ou autrement et qu'enfuitte fon fervice ne foit
pas agréable à Sa Majefté, s'il arrive qu'on le renvoyé en Italie ou
autre pays étranger, il ne pourra prétendre, de ladite troupe, ny
la pention annuelle de mil livres, ny aucun rembourfement des
£rais de fon voyage.
8»
Que le comédien qui fera forty de la troupe et admis à la pen-
tion viagère de mil livres par an ne pourra fe joindre à aucune
autre troupe de Comédiens italiens, françois ny d'autre nation
pour repréfenter comédies, opéras ny autres fpectacles publics de
quelque nature qu'ils puiflent eftre. Et arrivant le contraire, il
fera et demeurera privé de ladite pention, laquelle demeurera
éteinte et la troupe defchargée.
Que chacun comédien qui viendra d'Italie pour fe joindre à
ladite troupe par ordre du Roy, fera tenu auparavant que de
commancer aucune repréfentation de s'obliger au payement de la
Appendice. 229
fufdite pétition de mil livres, foit envers celuy dont il remplira la
pbce ou envers ladite troupe pendant (ix années» comme il eil cy
devant déclaré, fclon que le cas le requerrera et d'en palTer aae
par-devant notaire en bonne forme.
10*
Que bdite troupe et les comédiens qui viendront fe joindre à
l'avenir avec b permifTion de Sa Maje(lé s'obligeront folidaire-
ment envers le fieur Jofeph Giaratone de luy payer b fomme de
quatre cens livres de pention annuelle fa vie durant en cas que
par inhabilité, indifpofition ou vieillcfle, il (uft contraint de fe re-
tirer de b troupe, et ce par gratification et récompenfe des bons
fervices qu'il a rendus à bdite troupe, à condition toutesfois que
de fa pan il ne pourra fe retirer de bdite troupe (ans b permilBoD
d'iccUe.
II*
Qu'à l'égard de b fabrique du théitre, loges, peintures, déco-
rations, luflres, machines, habits et uftandlles fervans aux repré-
fentadons des comédies, ils demeureront et appartiendront au
corps de ladite troupe. Et quand quelque comédien viendra à
décéder, il fera payé par le rcfte de ladite troupe à fes héritiers b
fomme de quinze cens livres, fçavoir : mil livres pour ùl part
dudit thédtre, loges et peintures, et dnq cens livres pour les dé-
corations, luftres et ufbndlles, poorveu toutesfob que le definnt
ait payé (a portion entière des cbofes fufdites pendant (a vie. Et
en cas qu'il ne l'aye pas achevé de payer, bdite troupe ne rem-
bourfera à fefdits héritiers qu'à proportion de ce qui fe trouvera
avoir efté payé et contribué par ledit deffunt.
230 Les Comédiens italiens.
12°
Que s'il arrive qu'un comédien veuille quitter la troupe en
renonceant à ladite pention de mil livres qu'il auroit acquife, la-
dite troupe fera tenue de luy donner la fomme de trois mil livres
une fois payée le mefme jour qu'il quittera ladite troupe, à la
charge qu'il renoncera à la pention de mil livres fa vie durant.
13°
Que fi aucun des acteurs ou actrices qui compofent à préfent
ladite troupe refufe de figner le contrat qui fera fait entre eux
pour l'exécution du préfent règlement, il fera et demeurera privé
et déchu de ladite pention de mil livres quand il fortira de ladite
troupe, et non feulement il ne la pourra prétendre pour aucun
temps, mais il fera encore tenu, tant qu'il continuera de jouer la
comédie, de contribuer au payement des pentionnaires, à quoy il
reftera obligé folidairement avec ladite troupe.
H""
Et que s'il arrive quelque difficulté entre les acteurs et actrices
de ladite troupe pour raifon du préfent règlement ou autrement
qu'ils ne puiffent pas accomoder entre eux, ils donneront leurs
mémoires à l'intendant et controoleur de l'argenterie et des me-
nus en exercice pour les examiner affin d'en faire fon rapport à
M. le premier gentilhomme de la Chambre en année pour juger
et décider de la chofe en connoiffance de caufe, affin de mainte-
nir le corps de ladite troupe en paix et bonne intelligence pour fe
bien acquitter de leur devoir.
(Artkivgt uMliomAUt, O*, 847.)
Appendice. . 231
II
1716.
Articles qui feront obfervé:^ par la troupe des Comédiens italiens
de Sa Majefti tris-chrétienne envoyé^^par Son Alteffe féréniffime
Monfeigneur le prince Antoine de Parme, par lui ordonni:^ et
unanimement approuvé^i par les Comédiens.
1° On devra jouer la comédie avec toute la modeftie devant Sa
Majefté aufly bien qu'à Son Alteffe royale Monfeigneur le duc
d'Orléans, régent, ou quelque autre prince et feigneur qu'on leur
ordonne de fervir et cela principalement pour le bien de leur âme,
pour fon honneur et pour la punition que chacun pourroit rece-
voir en faifant différament. On fuivra la même loy jouant au
public pour en avoir, après les égards ci-deffus nommez , de la
gloire et du profit.
2° Aucun des camarades, tant homme que femme, n'aura l'au-
torité d'emmener fur le théâtre ou de faire entrer à la porte ou
placer dans les loges ou de quelque autre façon qui que ce foit
gratis, mais qu'il foit obligé de payer ce que Ton paye comme s'il
étoit un étranger; fi pourtant la perfonne étoit un amy commun
de toute la trouppe ou de quelque mérite envers les camarades et
alors chacun des acteurs aura la liberté d'appeler les camarades,
en faire la propofition qui doit être approuvée de tous, et en cas
qu'elle ne le fût point, le camarade n'aura point lieu de fe croire
offenfé et la perfonne reftera fujette à la loy et payera.
3° Louis Riccoboni (i) feul aura l'autorité de donner des co-
médies ou des tragédies, et fy quelque camarade avoit des talens
(1) Louis-André Riccoboni, dit Lélio.
1^2 Les Comédiens italiens.
pour faire des cannevas de pièces, il fera obligé d'en prendre fon
confentement pour le jouer, après qu'il luy aura confié pour en
eftre le dépofitaire pour s'en fervir toutes les fois, fans qu'il foit
obligé de le demander au camarade ; ledit Riccoboni, de fon côté,
s'engagera avec toute la bonne foy afin que les cannevas ne paf-
faffent pas en d'autres mains. Bien entendu que l'on fera la même
chofe pour toutes autres pièces que les auteurs préfentèf ont pour
eftre receues, et Lélio et tout autre camarade feront obligez d'ap-
peler une aflemblée pour la faite approuver et que l'original ne
puiffe eftre gardé que par ledit Riccoboni pour éviter tous les
fcandales qui pourroient arriver.
4® Son Altefte féréniftime ayant demandé audit Riccobotii
comme il entend de partager la recette en Ftance, ledit Riccoboni
a propofé que chacun des camarades préfentement nommé et
aggrégé foit à la part entière fans aucune dififeretice ^ et au (uf plus
pour éviter toute occaflon de contrafte et de déplaifir, il propofe
d*abolir l'ufàge des fpeccati fuivant le dictuto italien. EtquoyqUe
ledit Riccoboni perde beaucoup parce que c'eftoit luy qui àvoit
l'infpection et la charge du décorateur et du trouve robbe poiif fa
femme (i) dont, pour ces caufes, ils auroient Une fomme fûre
tous les jours, et outre cela, une autre fomitie fûre pour la danfe
de fa femme, et pour fon travail à luy de donner des pièces^ il
renonce à tout, ne voulant tirer que la même portion des autres
acteurs. Et pour cela oh payera de la caiffe un décorateur et toute
autre dépenfe. Et pour ce qui regarde le trouve robbe, chaque
camarade, foit férieux ou comique, fera obligé de fe pourvoir à
fes dépens de tous les habits qu'il peut avoir befoin et les garder
comme à luy faris eftre obligé de les prêter à petfonne ; et comme
ça on compenfera de quelque façon, quoyque très-foiblement, la
(i) Hélène- Virginie Btlletti, dite Flaminia, femme de Louis-André Riccoboni, dit Lélio.
Appendice. 23)
grande dépenfe que feront les acteurs férieuz. Pour tout le rede,
ors des acteurs, que l'on aura befoin pour habiller autres perfon-
nages ou gagiftes, la trouppe fera obligée de faire b dépenfe delà
caifle commune dont tous les habits et autres uftenfiles feront
confervéz dans un magazin qui fera donné et configné i une per-
fonne que la trouppe choifira.
5* La caUTe de la trouppe fera tenue par un camarade qui fera
approuvé unanimement de toute la trouppe, mais ce camarade ne
pourra pas tenir le compte ny le regiftre, mais ce fera un autre
aaeur ou quelque gagifte éubli et approuvé. Et, en cas que pour
ladite caifle il arriva quelque difpute et que les voix fîiflent par-
tagéesi ledit Riccoboni aura Tautorité de nommer celuy qui luy
paroitra plus propre, fans que perfonne puiflc y trouver i redire.
6* Que M"* Urfule Sticotti (i), chanteufe que l'on a prife en-
core pour jouer félon les befoins qui pourroient arriver, doit s'en
rapponer k ce que Louis Riccoboni et ùl femme lui propoferont
pour les féconds ou troifièmes rôles ou autres, felon le befoin, et
que fon époux ^ felon ce qu'il eft convenu avec le même Lélio,
foit obligé de chanter avec die dans les intermèdes, ou autres
chofes pareilles. Et pour cela ladite demoifelle Urfule aura la part
entière comme les autres acteurs et fera obligée de s'habiller fekm
qu'il eft dit i l'article 4*, et feulement la trouppe fera obligée de
faire tous les habits à fon mari félon le befoin et qui feront cod-
fervéz dans le magazin de b trouppe ;
7^ Ordonne Son Altefle ftrénilfime que dans toutes les ocoi*
fions de difparité et de mécontentement, tous les camarades ayent
recours k Lélio, 1 qui il ordonne de tenir b main pour concilier
les efprits afin que ccb ne tranfpire pcûnt.
Et bit fçavoir à tous ks Comédiens que Son Altefle
(I) UmUt kttmK ^f iMMk. 4kt h Cémmim. hmrnêAt ftUmUkmt
II.
234 Les Comédiens italiens.
commande audit Biccoboni de l'avertir fidellement de ceux qui
feront brouillons, afin que Son Altefle férénifiime puifle à la
cour de Paris faire les démarches néceflaires pour le faire congé-
dier de la trouppe fans autre deflFence. Au refte. Son Altefle féré-
niffime fe fera rendre bon compte dudit Riccoboni de la fidélité
de fes avis.
8° Son Altefle féréniflîme par fa clémence ayant à cœur les
aventages de la trouppe, s'il arriva que quelque acteur ne fût pas
bien receu dans fon rolle, Louis Riccoboni fera obligé d'y réparer
ou avec le changement du roUe ou de l'acteur tout à fait s'il avoit
des talens pour autre chofes fans qu'aucun des camarades puifle
s'oppofer à tout ce que ledit Riccoboni fera pour l'intéreft et le
profit commun.
9° Si quelqu'un des acteurs qui partent préfentement envoyez
par Son Altefle féréniflîme au fervice de Sa Majeft:é ne plût point
au public et qu'il fût obligé de ne point fe préfenter, le fieur Ric-
coboni ayant très-humblement fupplié comme ça. Son AlteflTe
féréniflîme ordonne qu'il ne foit pas congédié et qu'il aye fa part
toute entière, étant pourtant obligé de s'employer dans les be-
foins qui, parle fieur Riccoboni, feront connus néceflaires pour
l'aventage de la trouppe fans que l'acteur puifle refufer ;
10° Aucun des comédiens ne pourra pas appeler aflemblée fans
auparavant en avoir confulté ledit Riccoboni et luy avoir expliqué
l'occafion qu'il en a, afin que fy la chofe pouvoit apporter du
trouble, ledit Riccoboni puifle en paniculier y trouver le remède;
mais en cas que cela ne fe puifle pas, alors ledit Riccoboni luy
accordera l'aflemblée pour chercher d'y réparer unanimement.
1 1 * Que tous les acteurs, les hommes aufly bien que les femmes,
foient exactement obligez de fe trouver au concerto et aux répé-
titions des comédies, félon qu'ils enteront appelez par ledit Ric-
coboni et s'ils manqueront à l'heure prefcrîte, ils feront mis à
Appendice. 25$
ramcndc qui fera entre eux dcftince ; et s'ils manquerpnt tout à
bit fans en avoir une caufe légitime, ils payeront une plus grofle
amende, félon qu'il fera décidé par la trouppe, et outre cela, ledit
lUccoboni en fera le rapport au feigneur qui fera nommé protec-
teur de b trouppe, afin qu'il y puiflc réparer.
I a"" Arrivant que quelque acteur quitu h trouppe avec la per-
miflion de Sa Majedé, il devra retirer un convenable rembourfe-
ment des capiuux qui exifteront dans ladite trouppe que bdite
trouppe retirera auprès de l'autre aaeur qui, d'Italie, viendra le
remplacer.
Signé : Antokio Farkése.
III
.1716.
Statuts de la nouvelle troupe italienne, approuvés par le duc
if Orléans, régent.
f Que le (ieur Lélio foit exempt de donner la main à aucune
des affaires de la trouppe qui concernent les dépenfes avec les
marchands, les traittéz avec les ouvriers, les difpofitions des ou-
vrages et tous les foins que peuvent donner les vieilles et les
nouvelles comédies qui fe mettront au théâtre, et que s'il vouldt
bien s'en mêler ce ne fût que de fa bonne volonté ou alors que
les camarades l'en priroient, étant toujours maître de le £ûre ou
de ne pas le faire ;
2* Que ledit fieur Lélio foit obligé de donner toute l'âfllflânce
236 Les Comédiens italiens.
aux auteurs pour faire des pièces nouvelles et d'en £ure luy-
mème foit en italien, ou pour les faire tranfçrirc en françois, félon
que le befoin, la commodité et Toccafion pourront demander. Se
donnant donc ledit iieur Lélio à ce feul employ qui eft de beau-
coup de peine et de travail, il diftribuera à fon plaifir les roUes
aux acteurs félon leur habileté, fans qu'il aje perfonne qui puifle
luy contredire, feule et néceflaire autorité qui eft réfêrvée au chef
de la trouppe, et qui eft inférée et confirmée dans les articles
d'Italie par toute la trouppe, unanimement accordez et tout cela
pour le bien de la Comédie et du public ;
3° Que félon ce qu'on a déterminé en pleine affemblée le qua-
trième fepiembre mil fept cent feize, le fieur Biflbn (i) en étant
prié par la trouppe, foit chargé de tenir la quaiffe, mais qu'il ne
puiiïe pas faire aucune dépenfe fans l'aftiftance d'un camarade qui
fera nommé tous les mois, afin qu'à tour de rôle chacun puifle
examiner les affaires communes ;
4*^ Que toute dépenfe à faire foit accordée par l'aflemblée à la
pluralité des voix, de façon que de huit camarades, ne comptant
point les femmes qui n'auront jamais de voix dans les affemblées
et qui ne pourront jamais faire de propofitions ni fe plaindre, de
huit camarades donc, pour la pluralité des voix, cinq fuffifent
pour l'emporter fur les trois qui ne feront pas du même fenti-
ment deâ autres ;
5*^ Que le fieur Alborghetti Pantalon (2) et le fieur Docteur (3)
foient chargés de toutes les dépenfes à faire pour les comédies
nouvelles, ny que le fieur Biflbn puifle payer aucun mémoire qui
ne foit figné par les fufdits ;
6** Que le camarade qui fera nommé tous les mois foit obligé.
(1) Jean Biuoni, dit Sctpin.
(a)^Pierre Alborghetti, dit Pantalon.
()) Fnnf ois Matorttii, dit le Docteur.
Appendice. 237
non feulement d*a(E(ler à tous les ouvrages du théitre conjoin-
tement avec le (ieur BMTon^ mais aufTy i toutes les dèpenfes des
marchands que feront les fieurs Pantalon et Doaeur, et aux autres
pareillement que pourra (aire le (ieur Bi(ron d'ouvriers, de bois,
de toile, cordages, de ferrure et cetera, fclon qu'il a été étably
le quatrième feptembre mil fept cent feizc, qui eft con(irmé dans
cette occafion, puifque la trouppe prie le (ieur Bi(ron d'afliAer à
toutes les a(raires de cette nature ; de telle (açon il y aura quatre
camarades employés pour les dépenfcs et les a(!aires de la trouppe»
ou du moins trois lorfque l'un des deux nommés fera fon tour ;
7"* Que le camarade nommé tous les mois, s'il ne (era pas fon
devoir et n'ira pas tous les jours au théâtre pour vigiler aux dè-
penfes et aux ouvrages, foît mis à l'amende de 100 francs^ et le
fieur Lélio foit chargé de prendre connoilfance de cela. Et le ca-
marade qui aura manqué à fon devoir après en avoir été averty la
première fois, s'il y retombe, foit obligé de payer (ans appel ;
8* Que les pièces nouvelles (oient receues à la pluralité des voix
dans la même forme que l'on bit pour les dèpenfes de la trouppe
et comme l'on a (ait jufqu'à préfent ;
9^ Que tous les mois on faffe l'airemblée du compte, non pas
général du mois, mais particulier des recettes journalières et foit
le premier ou le dernier du mois qu'on partage le guain du mois
tout entier, et cela pour que chaque camarade puiflTc voir en
deuil le compte des dèpenfes fans qu'il puiflfe avoir occa(îon de fe
plaindre ;
10* Que le livre du compte général foit tous les premiers du
mois mis encie les mains d'un camarade qui Icra nommé pour
qu'il le garde en dépoft tout le mois, afin que chaque camarade
puifle le voir, s'il en avoit befoin, et cela pour qu'il ne refte pas
entre les mains de celuy qui l'écrit ou de celuy qui tient la caiiTe.
{Jmhmm mtÊÊmmUê, 0>. M)
238 Les Comidiens italiens.
IV
1716. — 18 mai.
Ordonnance pour empêcher les dijordres qui pourroient arriver
à la Comédie-Italienne.
De par le Roi : Sa Majefté ayant permis que la nouvelle troupe
des Comédiens italiens de Monfeigneur le duc d'Orléans, régent
du Royaume, fît fes repréfentations foit dans la falle du Palais-
Royal, foit fur le théâtre de l'Hôtel de Bourgogne; Sa Majefté,
de l'avis de mondit Seigneur le duc d'Orléans, fait très-exprefles
inhibitions et défenfes à toutes perfonnes de quelque quaUté et
condition qu'elles foient, même aux officiers de Sa Majefté, fes
gardes, gendarmes, chevaux-légers, moufquetaires et autres,
d'entrer dans le parterre, fur le théâtre, dans les balcons, les pre-
mières, deuxièmes et troiûèmes loges de ladite Comédie fans
payer. Défend auffi à tous ceux qui affifteront à ces fpectades d'y
commettre aucun défordre, foit en entrant, foit en fortant, et
d'interrompre les acteurs pendant les repréfentations et entre
autres, à peine de défobéiffance, fait pareillement défenfes et fous
les mêmes peines à toutes perfonnes de quelque qualité et condi-
tion qu'elles foient de s'arrêter dans les couliffes qui fervent d'en-
trée au théâtre de la Comédie et hors de l'enceinte des baluftrades
qui font pofées par fon ordre exprès pouf y tenir les fpectateurs
affis et féparés d'avec les acteurs, afin que ceux-ci puiffent faire
leurs repréfentations avec plus de décence et à la plus grande
fatisfaction du public. Défend auffi à tous domeftiques portant
livrées fans aucune réferve, exception, ni difdnction, d'entrer à
Appendice. 239
ladite Comédie même en payant, de commettre aucune violence,
indécence ou autres défordres aux entrées ou aux environs des
lieux où fe fera cette repréfenution fous telle peine qu'il fera jugé
convenable. Permet Sa Majedé d'emprifonner les contrevenans
et enjoint au fieur d'Aigenfon, Confeiller d'Éut, Lieutenant
général de police de fa bonne ville de Paris, de tenir h main à
l'exécution de la préfente ordonnance qu'elle veut être publiée et
affichée panout où befoin fera.
Fait à Paris le 18* jour de mai 1716 et de notre r^e le pre-
mier (i).
(Jrckims mMlUm^Ut, O», éo)
1719. — 15 décembre.
Homologation, par le Parlement de Paris, if un acte de société passé
devant notaires par lei Comédiens iialiens, le 27 octobre tjty.
Par-devant les confeillers du Roi, notaires à Paris, fouffignés,
furent préfens :
Louigi Riccoboni, dit Lélio,et Elena Balletti, dite Flaminia, Ùl
femme qu'il autorife, demetu^mt à Paris, me du Renard, paroifle
St-Sauveur;
Giovanna Benozzi, dite Silvia, demeurante rue Montorgueil,
paroifle St-Euftache;
Orsola Aftori, dite liabelle, femme de Fabio Sticotti, de lui
(t) L« aiéflM \ont, U Roé écHvatt à M. é« MpikcI, U««t«uat tnmkmA ém roW co«rtt, pour hii
fmtt^Mit â U Commif'fnm%êum. {dfkimi m êl êêmé ln , O*, éo.)
240 Les Comédiens italiens.
pour ce préfent autorifiie, demeurante rue Françoife, paroifle
St-Sauveur;
Jofeph Balletti, 4it Mario, demeurant rue Montorgueil, poimfle
St-Euftache ;
Pietro Âlborghetti, dit Pantalon, demeurant me Pavée, paroifle
St-Sauveur;
Giovanni Biflbni, dit Scapin, demeurant rue Françoife, paroifle
St-Sauveur;
Francefco Materazzi, dit Docteur, demeurant rue Montorgueil,
paroifle St-Euftache ;
Thomafo Vifentini, dit Arlequin, demeurant rue Comtefle-
d'Artois, paroifle St-Euftache;
Margarita Rufca, dite Violette, femme dudit Vifentini qui Tau-
torife, demeurante avec lui;
Giacomo Raouzzini, dit Scaramouche, demeurant rue Pavée,
paroifljs St-Sauveur (x);
Et Pierre-François Biancolelli, dit Trivelin , demeurant rue
Tîquetonne, fufdite paroiflj? St-Euftache.
Tous comédiens iuliena, établis en France fous la protection
(i) Jacques Riguzlni, tel était le vrai nom de ce comédien, remplissait à Naples, son pays njital,
les fonctions d'huissier de la vicairic, lorsqu'il apprit que Louia- André Riccoboni , die Lélio,
chargé par le duc d'Orléans, régent, de recruter en Italie une troupe pour Paris, avait envoyé ua
émissaire à Naples pour y faire choix d'un bon Scaramouche. Raguzini se mit en rapport avec
renvoyé de Lélio, et moyennant cent pistoles secrètement données, il se fit agréer dans la troupe
et débuta avec elle à la nouvelle Comédie-Iulienne en 1716; il se montra comédien médiocre et
devint bientôt tellement insuffisant qu'il allait être renvoyé, lorsqu'un jour que le duc d'Orléans
régent, et sa mère assistaient à la repréacntatiofl, il les amusa tellement dans uo r61e de vieiUe
femme, qu'ils donnèrent l'ordre de le garder et de le faire jouer plus souvent devant eux. Avec Je
temps et l'habitude cet acteur se forma et finit même par plaire au public, qui lui témoignait de U
sympathie. Très-ami du plaisir et de l'ostentation, RÂguzini, pendant les deux premières Années
de son «éjour à Paris, dépensa bien au delà de la part qui lui revenait dans les bénéfices de la
Société et il fut bientôt criblé de dettes. Louis-André Riccoboni, dit Lélio, désireux de soustraire
son camarade aux réclamations incessantes de ses créancier», sollicita et obtint du Parlement a»
arrêt qui suspendit toute poursuite contre lui et par lequel une partie de ton traitement fut affec-
tée à l'extinction de ses dettes. Il mourut à Paria le *$ octobre 17^1, et le Msrcurt de l'époque
s'exprime ainsi sur son compte : ■ Le 2> octobre, le fignor Giacomo Raguzini, originaire de Naples,
l'un des Comédiens ordinaires du Roi, connu fous le nom de capitan Scaramouche, mourut Agé
d'environ éo ans, après une très-courte maladie caufée par une attaque d'apoplexie. Cet acteur ne
jouoit ordinairement que dans les pièces italiennes, ayant eu beaucoup de peine à fe famtliarifer avec
U langiie françoife. U a été inhumé k St-£uûache, fa paroifle, après avoir refu les (acremena. »
(Dittionnaire dê$ TMtrês, IV, 381 ; VI, 689.)
Appendice, 241
de Monfcigncur le duc d'Orléans, régent du Royaume, difant
que par ordre de Monfeigneur le Régent , ils font venus en
France pour y donner leurs repréfentations; qu'i cet effet, on
leur a permis de donner leurs comédies à THôtel de Bourgogne
où les anciens Comc*diens italiens donnoient auffi leurs repréfen-
tations, mais que ladite Comédie-Italienne ayant ceiTé depuis un
temps confidérable, ils ont trouvé ledit Hôtel en très-mauvais
état, fans aucunes décorations, ni autres chofes néceffaires pour
donner la comédie; que même les loges et Tamphithéâtre étoient
noircis et en très-mauvais état, en forte qu'ils ont été obligés de
faire des dépenfes confidérables tant pour mettre ledit Hôtel de
Bourgogne dans un état convenable à donner des fpectacles gra-
cieux que pour avoir des décorations et autres chofes néceflaires
pour chacune des pièces qu'ils changent journellement. Toutes
lefquelles dépenfes ils ont été obligés de faire avant que de donner
aucune repréfentation fur ledit Hôtel de Bourgogne et fe font
trouvées monter, fuivant leurs regiftres, 1 la fomme de cent
mille livres ou environ.
Laquelle fomme ayant empruntée, ils ont depuis acquittée des
deniers provenant de leurs repréfentations et qui ont, par confé-
quent, diminué la part que chacun d'eux auroit pu prendre dans
lefdites repréfentations. Que néanmoins fi aucun d'eux étoit
obligé de quitter pour quelque infirmité ou décédoit, lui ou fes
héritiers perdroient ladite part ou bien jl auroit une action pour
répéter contre la comédie la part par lui avancée dans lefdits frais.
Que d*un autre côté, le comédien ou comédienne qui entreroit
en la place de celui qui décéderoic ou fe retireroit, proliteroit de
toutes lefdites dépenfes parce que tout ce qui a été fait refte ï
l'Hôtel comme un fonds cenain. Que le fieur Biancolelli, qui n'a
été agréi^é ï la troupe que depuis que lefdites dépenfes ont été
laites, s'eft fait juftice J^ lui-même et a rembourfé i fes canurades
(.ovt DU r.r.:. - ti 16
242 Les Comédiens italiens.
fa part et portion des dépenfes; mais qu'il eft incertain fi ceux
qui entreront dans la fuite voudront fe faire pareille juftice, ce
qui cauferoit des conteftations entre les anciens et ceux qui en-
treront dans la fuite, lefquelles conteftations pourroient inter-
rompre les fpectacles; au lieu que fi on met les anciens en état
d'être rembourfés de leurs avances et ceux qui entreront dans
Tefpérance de pouvoir recouvrer en fortant ce qu'ils auront été
obligés de donner en entrant, il y aura une règle certaine qui
attirera de l'Italie les meilleurs acteurs dans l'efpérance d'avoir un
établiflement folide en bonne règle. C'eft pourquoi les compa-
rans, après avoir délibéré à plufieurs fois, ont cru qu'ils ne pour-
roient mieux faire que de fe conformer à ce qui a été fait dans la
troupe françoife de l'agrément du roi Louis XIV de glorieule
mémoire, par plufieurs actes de fociété faits entre les comédiens
françois, fuivant lefquels lefdits comparans lont convenus, fous
le bon plaifir du Roi et de Monleigneur le duc d'Orléans, régent,
de ce qui fuit : C'eft à favoir que toutes lefdites dépenfes abfolu-
ment néceflaires pour l'établiffement de ladite Comédie-Italienne
fe font trouvées monter à la fomme de 100,000 livres ou environ
fuivant leurfdits regiftres, laquelle fomme de 100,000 livres lef-
dits comparans ont volontairement réduite et modérée à celle de
96,000 livres et ladite troupe étant compofée de douze comédiens
et comédiennes qui ont tous contribué également aux avances
qu'il convenoit faire pour le payement de ladite fomme, la part
due à chacun defdits comédiens et comédiennes pour lefdites
avances s'eft trouvée monter à la fomme de 8,000 livres.
Et pour rembourfcr chacun defdits comédiens et comédiennes
de ladite fomme de 8,000 livres, a été convenu que l'un d'eux
étant obligé de fe retirer par infirmité ou que l'un defdits comé-
diens ou comédiennes décède, èfdits cas ladite fomme de 8,000 li-
vres lui fera rembourfée ou à fes héritiers deux mois après ladite
AppcnJice. 243
fortic ou décès fans aucun intèrôt pendant ledit temps, lequel
temps paflï le comédien ou la comédienne qui feront fonis, ou
les héritiers du décédé, pourront, i leur choix, ou Liiffcr ladite
fommc entre les mains de la troupe, en leur payant rintcrôt à
raifon du denier vingt, ou demander le rembourfcment de ladite
fomme; au payement de laquelle fomme feront les comédiens
qui rederont contraints et ont obligé fpécialement leurs biens
préfens et à venir : Et pour faciliter ledit rembourfement, pourra
celui qui e(l chargé des affaires de ladite troupe emprunter ï
conditution ou autrement ladite fomme, et pour faire lequel em-
prunt ladite troupe lui donne dés à préfent pouvoir, même d'y
obliger folidairement les biens de chacun d'eux, préfens et à
venir, fans qu'il foit befoin d'autre pouvoir et procuration que ces
préfentes. Et ou aucun defdits comédiens et comédiennes, avant
•leurs décès ou fortie, voudroient affecter et hypothéquer, tranf-
porter ou autrement difpofer de ladite fomme à eux apparte-
nante, a été expreffément convenu que, fous prétexte defdits
tranfport, vente ou ceffion, ladite troupe ne pourra être con-
trainte au payement de ladite fomme que dans le temps de deux
mois après le décès ou la fortie defdits comédiens. Et pour rem-
bourfer la troupe de ladite fomme de 8,000 livres qu'ils feront
obligés de payer à celui qui fortira ou aux héritiers de celui qui
décédera, a été convenu que celui ou celle qui fera re<;u à la place
de celui qui fonira ou décédera, rembourfera ï bdite troupe
pareille fomme de 8,000 livres, laquelle fomme lui fera pareille-
ment rembourfée lorfqu'il fortira ou i fes héritiers lorfqu'il décé-
dera. Ht ou celui ou celle qui fera nouvellement rei;u dans b
troupe n'auroit deniers fuffifans pour payer le tout ou partie de
ladite fomme, a été convenu que, jufqu'au rembourfement com-
plet de ladite fomme, il payera Tintérct d*icelle à la troupe à
raifon du denier vingt pour indemnifer ladite troupe des intérêts
244 ^^^ Comédiens italiens.
qu'elle payera pour les emprunts qu'elle fera obligée de faire et
qu'il fera journellement retenu au nouvel entrant, fur la part de
ce qui lui reviendra de chaque fpectacle, la moitié de ladite part à
lui afférente, et que fur la fomme à laquelle la moitié de fadite
part fc trouvera monter, il en fera pris, premièrement les intérêts
qui feront par lui dus et le furplus imputé fur le principal, lequel
avec les intérêts diminueront à proportion jufqu'à fin de paye-
ment de ladite fomme entière de 8,000 livres; après lequel paye-
ment ledit comédien nouveau jouira de fa part entière. Aucun
comédien ou comédienne ne pourront fe retirer de la troupe
qu'en avertiffant un an auparavant fa fortic, dont fera fait acte de
délibération; il jouira néanmoins pendant ladite année de fa part
de produit parce qu'il continuera de repréfenter et ne fera rem-
bourfé qu'après fa fortie, comme il eft dit ci-deffus. A été convenu
que fi, pour l'utilité publique, il falloit augmenter la troupe d'un
ou plufieurs comédiens ou comédiennes, celui ou celle qui entrera
fera tenu de rembourfer ladite fomme de 8,000 livres ou moindre
à proportion de la part qui leur fera accordée par la troupe. Et ou
celui ou celle qui entrera n'auroit deniers fuffifans pour rem-
bourfer ladite fomme de 8,000 livres, leur fera retenue la moitié
de leur part afférente dans le produit des fpectacles jufqu'à con-
currence de ladite fomme de 8,000 livres, laquelle fomme de
8,000 livres fera mife entre les mains du caifficr ou receveur de
la troupe pour être employée aux befoins de ladite troupe. Et
arrivant la fortie ou décès defdits comédiens et comédiennes, en
l'un et l'autre cas lefdits comédiens ou comédiennes qui fortiront
et les héritiers des décédés demeureront déchargés des emprunts
qui fe trouveront avoir été faits en vertu des préfentes. Et feront
les comédiens et comédiennes qui entreront dans ladite troupe
tenus, avant leur entrée, de ratifier ces préfentes. Et pour faire
homologuer cefdites préfentes , lefdits comparans ont fait et
Appendice. 245
conflituc leur procureur maître Jean Poyzot, procureur au Parle-
ment, auquel ils donnent tout pouvoir.
Tait et pafle ^ Paris, en Tétude de Gaillardie, notaire. Tan mil
fept cent dix-neuf, le 27* jour d'octobre, avant midi, et ont figné
la minute des prèfentcs.
Vu par la Cour la rcqueftc prèfentée par les Comédiens italiens
établis en France fous la protection de Monficur le duc d'Orléans,
régent du Royaume, à ce que Tacte de fociété et tranfaction pafle
entre eux le 27 octobre 171 9 par-devant Chevalier et Gaillardie,
notaires, fût homologué, félon fa forme et teneur; vu auflTi les
pièces attachées à ladite requefle, fignée Poyzot, et ouï le rapport
de maitre Gallyot-Mandat, confeiller; tout confidéré :
La Cour a homologué ledit acte pour être exécuté félon fa
forme et teneur.
Fait en Parlement ce treizième décembre mil fept cent dix-
neuf.
Signé : De Mesmes; Mandat.
VI
173} — 8 août.
U Académie royale de musique fait dresser proch-verbal des contra-
ventiofts que commettent dans leurs représentations les Comédiens
du Roi de la troupe italienne.
L'an 1733, ^^^* Jou^ d'août, heure de midi, par-devant nous
Louis-Jérôme Daminois, etc., eft comparu Louis-.\rmand-Eugène
de Thuret, écuyer, ancien capitaine au régiment de Picardie, et
pounni du privilège de TAcidémie royale de mu'lque par arrêt
246 Les Comédiens italiens.
du confeil du 30 mai dernier, demeurant rue des Petits-Champs,
paroifle St-Euftache , lequel nous a dit qu'il a eu avis ceitain que
les Comédiens italiens contreviennent journellement au règle-
ment fait par Sa Majefté le 30 juin 1730 concernant ladite Aca-
démie royale de mufique, par l'article 9 duquel fadite Majefté a
fait défenfe à tous comédiens, même aux Cens, de fe fervir d'au-
cune voix externe, de faire chanter plus de deux voix d'entre
eux dans les repréfentations de leurs comédies, d'y avoir aucun
danfeur et plus de fix inftrumens en leur orcheftre ; que lui fleur
comparant, pour les engager à fe conformer audit article du
règlement, leur a fait fignifier par maître Germain, huiffier du
confeil, le premier du préfent mois, copie dudit règlement à ce
qu'ils n'en ignorent et aient à s'y conformer ; que nonobftant et
depuis icelle fignification lefdits comédiens n'ont difcontinué d'y
contrevenir, ce qui eft une défobéiflance formelle de leur part
audit règlement. Pourquoi nous requiert de nous tranfporter ce-
jourd'hui à ladite Comédie-Italienne, fur le théâtre de laquelle
lefdits comédiens doivent repréfenter, fuivant l'affiche de ce
jour, le Temple du Goût (i), avec un divertiflement, précédé de
la Double Inconjlance (2), à l'effet de dreffer procès-verbal de ce
que nous verrons s'y paflTer de contraire audit règlement.
Signé : De Thuret.
Suivant lequel réquifitoire^ etc., nous nous fommes ledit jour,
huit août, cinq heures de relevée, tranfporté à ladite Comédie-
Italienne, rue Mauconfeil, où étant, nous avons vu d'abord re-
préfenter fur ledit théâtre la pièce de la Double Inconjlance, dans
les entr'actes de laquelle fix violons, qui étoient dans l'orcheftre.
(i) Le Temple du Goût, comédie française en vers libres et en un acte, avec divertissement, par
Rotnagnesi et Nivault, représentée pour la première fois le ii juillet 1755.
(2) La Double liiconftattce, comédie française en prose et en trois actes, par Marivaux, représentée
pour la première fois le 6 avril 17a}.
Appendice. 247
feulement ont joui ; que la féconde pièce, qui cftlc Temple du Goût,
a été précédée d'une fymplionie compofée d'une timbale, d'une
trompette, de neuf violons dont trois baffes; qu'une chanteufe,
appelée Contarine (i), a d'abord chanté et répété un air italien
accompagné de ladite trompette, de deffus de violons et de deux
flûtes, l'une allemande et l'autre traverfière ; que le récit de la pièce
a été accompagné de ballets mt^lés de chants. Avons vu d'abord
danfer enfemble quatre danfeurs et quatre danfeufes,enfuite deux
danfeurs et deux danfeufes, enfuite un danfeur feul, après une
danfeufe feule, et après eux, deux enfemble, au fon des violons,
defdites deux flûtes et d'une mufette et, après eux, un danfeur et
une danfeufe en habits de fuiffeet fuiffeffe. Enfuite avons entendu
chanter alternativement par quatre chanteurs et une chanteufe,
un couplet terminé par ce refrain : Voilà m(7ra^(>fî/, enfuite danfer
tous lefdits danfeurs et danfeufes enfemble, fe partager et fc re-
joindre en fmiffant. Dont et de tout ce que deffus avons dreffé le
préfent procès- verbal.
Signé : Damikois.
Et le lendemain, neuf defdits mois et an, cinq heures de rele-
vée, nous fommes encore tranfportés, ce requérant ledit fleur de
Thuret, à ladite Comédie-Italienne, fur le théâtre de laquelle nous
avons vu rcpréfcnter les Amans it^norans (2) avec des agrémcns
de mufique et de danfe, annoncée par l'afliche de ce matin. Avons
vu qu'l la fln du premier acte ont d'abord danfé deux danfeurs
et deux danfeufes ; qu'un chanteur et une chanteufe ont enfuite
chanté, ce qui a éié fuivi d'un danfeur habillé en pierrot et d'une
danfeufe qui ont danlé une danfe de niais, de deux danfeurs et
(i) L'ri-.'e Attort, Jitc ItjlM!!t. Jitc U Caniarma.
f ■ \ .f. I . r. f r. .c-.:.. p ' j' l« prcaicr^ fit.i U Jirnarcîic i« ivnl 1710.
248 Les Comédiens italiens.
danfcufes, des mêmes chanteur et chanteufe et defdits quatre
danfeurs et danfeufes qui ont danfé et chanté au fon des neuf
violons que nous avons vus dans Torcheflre. Comme auffi qu'à
la fin du fécond acte quatre danfeurs et danfeufes, habillés à la
turque, ont danfé enfemble; que leur danfe finie une chanteufe,
qui efl la Contarine, a chanté feule, deux danfeurs enfuite ont
danfé feuls, la même chanteufe et un chanteur ont chanté un
duo, et que les mêmes quatre danfeurs, habillés à la turque, ont
fini par une danfe d'ivrognes au fon de tous lefdits violons.
Comme aufli avons auffi vu qu'à la fin du troifième et dernier
acte, quatre danfeurs et danfeufes ont danfé enfemble; que les
mêmes chanteur et chanteufe ont auffi chanté enfemble et alter-
nativement, et que le divertiffisment a fini par les danfes des
mêmes quatre danfeurs et danfeufes au fon des fufdits inftru-
mens. Dont et de quoi nous avons figné le préfent procès-verbal.
Signé : Daminois ; de Thuret.
Et le mercredi 12 defdits mois et an, nous fommes encore
tranfportés, cinq heures de relevée, à la fufdite Comédie-Ita-
lienne, fur le théâtre de laquelle nous avons vu d'abord repré-
fenter Arlequin Huila (i) en un feul acte, mêlé de danfes et de
chants; avons vu danfer enfemble quatre danfeurs et quatre dan-
feufes, fc partager enfuite en deux bandes, habillés à la turque,
et après un récitatif de la pièce, les mêmes danfeurs et dan-
feufes danfer enfemble, enfuite deux autres danfeurs et danfeufes
danfer enfemble, enfuite une danfeufe feule danfer, une chan-
teufe chanter après , enfuite quatre danfeufes danfer enfemble ,
plufieurs enfuite chanter enfemble, la même chanteufe chanter
(x) Arlequin Huila, comédie française en prose et en un acte, avec divertissement, par Dominique,
Riccoboni et Romagnesi, représentée pour la première fois le lundi i«r mars 1728. Il ne faut pas
confondre cette pièce avec une autre du même titre, qui a pour auteurs Lesage et Domeval, et qui
fut représentée pour la première fois à la foire Saint-Laurent en 1716.
Appendice, 249
cnfuitc feule et les huit danfeurs et danfeufcs terminer ce diver-
tiirement par des danfes enfemble et féparées, le tout au fon de
neuf violons qui étoient dans Torchertre. Avons vu enfuite repré-
fenter la pièce du Temple Ju Goût, dans laquelle nous avons vu
danfcr et entendu chanter les mômes danfeurs et chanteurs au fon
des mimes inrtrumens de mufique qui tutoient dans Torchedrc
que nous avons obfen'é dans notre procès-verbal ci-deflus. Avons
vu enfuite reprèfentcr la pièce du Bouquet (i) annoncée par la
même affiche, en un acte, qui a été fuivie d'un ballet mêlé de
chants et de danfes ; que huit danfeurs et danfeufes ont com-
mencé le ballet; que deux autres danfeur et danfeufe ont danfè
enfuite; qu'une chanteufe et un chanteur ont chanté; qu'une
danfeufe a danfc feule enfuite au fon des delTus de violons, de la
mufette et de deux flûtes ; qu'après un chanteur a chanté feul ;
que deux danfeurs et deux danfeufes ont chanté enfuite, ce qui
a été fuivi de chanteurs et chanteufes au nombre de cinq qui ont
chanté alternativement un couplet de chanfim fur le même air,
qui a été terminé par les danfes dcfdits huit danfeurs et danfeufes
qui fe font enfuite partagés par moitié et rejoints tous enfemble
au fon des fufdits inrtrumens, violons, flûtes et mufette.
Dont et de quoi nous avons pareillement drefllé le prcfent
procès-verbal.
Signé : Daminois ; de Thuret.
(1) /# Bfm^mtt, corné Jic fr »c«itt m 9t% libres «t ta un trtt. t«lvic i*um 4lT«fttMfncai, ftr
Rtfnafiitti ft RiccoboBi. rcfrcMottc pour U prcmi«r« îo\% U mtttttàï il mAi 17) |.
250 Les Comédiens italiens.
VII
1739. — 5 avril.
U Académie royale de musique fait dresser procès-verbal des contra--
veniions que commettent dans leurs représentations les Comédiens
du Roi de la troupe italienne.
L'an 1739, le jeudi 5 avril, cinq heures de relevée, nous Louis
Cadot, etc., ayant été requis par Louis-Armand-Eugène de Thu-
ret, écuyer, ancien capitaine d'infanterie, directeur et ayant le
privilège de l'Académie royale de mufique, de nous tranfporter à
la Comédie-Italienne pour y conftater qu'au préjudice des lettres-
patentes, arrêts, déclarations, ordonnances réitérés en diflférens
tems accordés par Sa Majefté, qui font défenfes aux Comédiens
françois et aux Comédiens italiens du Roi et à tous autres quel-
conques d'avoir aucune voix externe et de ne fe fervir d'aucun
danfeur et qui leur permet feulement d'avoir deux voix d'entre
eux et fix violons, fous les différentes peines y portées, les Comé-
diens italiens de cette ville donnent, repréfentent et font repré-
fenter journellement fur leur théâtre des danfes et ballets avec
mufique vocale et inftrumentalc, chantent des duos et en partie
feuls et des couplets en chœur, le tout accompagné de hautbois,
baffons, vielles et mufettes, et qu'ils fe fervent par conféquent
de plus de deux voix et de fix inftrumens ; nous, confeiller du
Roi, commiffaire fufdit, pour remarquer la défobéiffance alléguée
defdits comédiens, nous fommes tranfporté heure fufdite à la Co-
médie-Italienne, où étant nous y avons vu et entendu repréfenter
Appendice, 251
la pièce intitulée : V Amant Protêt (i) en trois actes, et nous avons
obfcrvè :
Que cliacun defdits trois actes termine par un divertiflenient
détaché de la pièce ;
Qu'i la fin du dernier acte il a été repréfenté un ballet compofé
de dix danfeurs en habits de théâtre, dont cinq en hommes et
cinq en femmes ;
Qu'il a été auflTi danfé deux pas de deux et deux pas feuls ;
Ht que ledit ballet a été accompagné fur le théâtre d'une vielle
et d'une mufette en habit de théâtre.
Dans l'orcheftre nous y avons vu jouer fix violons et deux
baffes de violon.
Plus nous avons vu et entendu fur le théâtre deux voix feules
qui ont chanté alternativement et exécuté deux duos terminés
par un grand chœur.
Dont et de tout ce que deflfus nous avons dreflfé le préfent
procès-verbal.
Signé : Cadot.
Et le famedi 2 mai audit an 1739, cinq heures de relevée, nous,
commifTaire fufdit, nous fommes d'abondant tranfporté à la Co-
médie-Italienne où nous avons vu reprélenter la même pièce de
V Amant Prot/e, et où nous avons confbté de nouveau que lefdits
Comédiens italiens ont donné et repréfenté le mime nombre de
ballets, de pas de feuls et de pas de deux, et qu'ils fe font fervis
du même nombre de danfeurs et de danfeufcs, de vielle, de mu-
fette, violons, voix feule, duos et couplets en chœur que celui
mentionné en notre procès-verbal ci-de(Tus ; et, en outre, nous y
(1) l'.4mdni Prpttt, c»titj-r fr«r.;aiic c*i i">it «;tct et CI proie, arec t roi i incnuMnrntt»
fàt Drl^croit. rcprckcrtcc f aur \i prcniur* f^it le racrcrci» 4 f%tticr i;ii.
252 Les Comédiens italiens.
avons vu et entendu dans Torcheflre un hautbois et un baflbn.
Dont et de tout ce que deflus avons dreffé le préfent procès-
verbal.
Signé : Cadot.
(^Archiva nationales. Y, ta, 141.)
vm
1742. — 18 août.
V Académie royale de musique fait dresser procès-verbal des contra-
ventions que commettent dans leurs représentations les Comédiens
du Roi de la troupe italienne.'
L'an 1742, le famedi i8 août, dix heures du matin, eft comparu
en rhôtel et par-devant nous Louis Cadot, etc., Louis- Armand-
Eugène de Thuret, ècuyer du roi en la grande écurie, pourvu du
privilège de TAcadémie royale de mufique, demeurant à Paris, rue
St-Nicaife, paroiffe St-Germain-l'Auxerrois : Lequel nous a dit
qu'au préjudice des lettres-patentes, arrêts, déclarations, ordon-
nances et règlemens réitérés en difiérens tems, accordés par Sa
Majefté en faveur de ladite Académie, qui font défenfe aux Comé-
diens françoi et aux Comédiens italiens du Roi et à tous autres
quelconques, d'avoir aucune voix externe et de fe fervir d'aucun
danfeur, leur permettant uniquement d'avoir deux voix d'entre
eux et fix violons, fous les diflférentes peines y portées, les Comé-
diens italiens de cette ville contreviennent journellement auxdits
titres ; qu'il a appris qu'ils dévoient cejourd'hui donner plufieurs
divertiflemens et ballets qui dévoient être compofés de plufieurs
danfes, dans lefquelles des danfeurs externes en nombre dévoient
faire et exécuter plufieurs caractères feuls et féparément entre les
Al^pcndice. 25}
billets. Et comme il convient de condatcr cette nouvelle contra-
vention, il nous requiert de nous trinfporter cejourd'hui, cinq
heures de relevée, au théâtre defdits Comédiens iuliens» afin d'y
drefler notre procès-verbal, etc.
Signé : De Thtrkt.
Suivant lequel réquilîtoirc nous, commifTairc fufdit, nous Tom-
mes tranfporté .\ b Comédie Italienne, où étant nous aurions vu
repréfenter deux pièces annoncées par leurs affiches. La première.
Us Menteurs embarrajféSy en cinq actes (i), et la deuxième en un
acte, appelée : les Deux Traveftis^ï). Lors defquelles repréfenta-
tions nous avons trouvé leur orchellre compofé de douze inllru-
mens, unt violons que bafles, bafTons, flûtes et flageolets. Et
après que les trois premiers actes de h première pièce ont été
exécutés, nous avons obfer\'é que la pièce a été interrompue par
un divertiflirment nouveau étranger à la pièce, ledit divertiflc-
ment compofé d*abord d*un ballet de fix perfonnes, favoir : trois
hommes et trois femmes, qui a été fuivi d*une entrée d'un feul
danfeur que nous avons appris fe nommer Campioni(}), Italien^
et danfer pour la première fois en France ; qu'il a exécuté plu-
fleurs danfes dans tous les caractères, alternativement avec le
ballet, lequel nouveau danfeur a été fort applaudi ; qu'après que
les deux derniers actes de la première pièce ont été exécutés, ils
ont été fui vis de b petite pièce intitulée les Detix Traveftis, qui
(1) L« p>ec« qui font et ntrt ctt an r«n*T»a it«lit« ta trot* «ctt*. rtfié wM fomr U f fêttêttm
fou le mrr»rcJi i » nui i*in. Cet 0-J>ri|Cff. lire i|« l'etpâCtiol, a tM «o«lfK>M p«f Bi>«i«^«Jaii. C*t«t
Mai âOiitt par Cfur qu« le «•^mmiHatrc lui aitrikuc €ta<| Mtct.
(a» l.iftci U* «7ir»» .'jwiti-, •• S'tttl i'.ifjll^n, io^mtAxt c« ua a£iv et ta «ef«. é9 GutM 4«
l|cr«ille, rcpe«««-.fr« fj^t !« prrmkre foute a aoftt 174J.
U> Ce Ctn^.. u. f.ki'. .-. h«bi!e Janttur Tcnitirn. U ne parut que cette wule et vut^ae foia A la
C'inxJte Itaiiert* Le 'eaJeiiaio, U «li'ccicar 4c rA<a«leniit rovalt 4t aiau^uc «biint «a oe4rt
tf« R I 1 I ! . ^.' Jilriie Jr «cptraitrc âu Thvlirr liili.n. Mat* cet orjrt i*\ i-^nitic •..■ i.»mé-
4-rf.» .'alurt au i •me-* airn'e Je U reprvttntati.ia et aluta qu'il ctaat laipoatiMt 4t ckanfcr te
•p«.t«..« . \t t rA'rc f j* 01 !re &t fâtre relActic Campisni fut ea^aft alora A l*Optrê-Caaiiquc qui
4oii"ai' •«! iepfc»ent«:.oci a -a foire SAiBt-L«ur«nt
254 J^^^ Comédiens italiens.
a été terminée par un autre divertiffement nouveau, lequel diver-
tiflement a commencé d'abord par un ballet de douze danfeurs
hommes et femmes, defquels douze danfeurs il y en a quatre qui
ne font pas de leur troupe, comme nous l'avons appris; après
quoi il a paru une danfeufe nouvelle, que nous avons appris être
la femme du fieur Campioni (i), qui a exécuté une entrée feule.
Enfuite de quoi ledit ballet a repris de nouveau et tout de fuite
lefdits fleur et dame Campioni ont danfé chacun deux fois feuls
et terminé en danfant tous deux par une pantomime compofée
de plufîeurs airs vifs et tendres alternativement : ledit fpectacle
terminé par un applaudiflement univerfel. Dont et de quoi nous
avons dreffé le préfent procès-verbal.
Signé : Cadot.
{Archiva nationales t Y, t2,X44.)
IX
1744. — 2 juillet.
L'Académie royale de musique Jait dresser procès-verbal des contra-
ventions que commettent dans leurs représentations les Comédiens
du Roi de la troupe italienne.
L'an 1744, le lundi 2 juillet, neuf heures du matin, eft comparu
en rhôtel et par-devant nous Louis Cadot, etc., M. François
Berger, pourvu du privilège de l'Académie royale de mufique, de-
meurant à Paris, rue St-Nicaife, paroiffe St-Germain-l'Auxerrois :
Lequel nous a dit qu'au préjudice des lettres-patentes, arrêts,
déclarations, ordonnances et règlemens réitérés en différens tems,
accordés par Sa Majefté en faveur de ladite Académie, qui font dé-
fenfe aux Comédiens françois et aux Comédiens italiens du Roi
et à tous autres quelconques d'avoir aucune voix externe et de fc
(1) Ce n'était pas sa femme, mats sa sœur.
Appendice. 2$ S
fcrvir d*aucun danfcur fous les différentes peines y portées, leur
pcrmctiaMt uniquement d'avoir deux voix d'entre eux et lix vio-
lons, les Comédiens italiens contreviennent journellement auxdits
titres ; qu*il a appris qu'ils dévoient cejourd'hui , fuivant qu'ils
l'ont fait afficher, repréfenter une pièce fous le nom de Coraline
magicienne, comédie italienne avec fpectacle et diverttjjement(^i), ce
qui femble annoncer une nouvelle ufurpation fur les privilèges de
l'Académie royale de mufique, à laquelle ces deux chofes appar-
tiennent exclufivement et forment même le genre dift inctif de fon
théitre. Et comme il convient de conftatcr cette nouvelle contra-
vention, il nous requiert de nous tranfporter cejourd'hui^ cinq
heures de relevée, au théâtre defdits Comédiens italiens, à l'effet
d'y dreffer procès- verbal, etc.; fur quoi nous, commiffaire fufdit,
nous fommes lefdits jour, an et heure de cinq de relevée fufditc,
tranfporté en la Comédie-Italienne : où étant nous aurions vu
repréfenter ladite pièce annoncée par ladite affiche, Caroline magi-
cienne , en cinq actes. Lors de laquelle repréfentation nous avons
obfen'é qu'il y avoit dans l'orchcftre de ladite comcnlic plufieurs
baffes, baffons, flûtes et flageolets qui ont été joués, outre ftx vio-
lons qui ont été pareillement joués pendant ladite pièce; que le
fleur Rochard (2), l'un defdits Coménliens italiens, y a rcpréfenté
le rôle de Pluton en chantant dans un acte, et celui de Jupiter
dans un autre acte, en defcendant du haut du fpcctadc dans un
char ; qu'à b fln de h, pièce il a été fait un divcrtiffcment détaché
d'icelle pièce, compofé d'abord d'un ballet de fix perfonnes exter-
nes, favt)ir trois hommes et trois femmes, qui a été fuivi de plu-
fieurs entrées de quatre autres danfeurs qui ont danfé féparémcnt
leurs entrées feules et des pas de deux et autres, lefquels pas de
fn » >r 1 --.1 '.f. I 7 14.
(; ) (.. l'Ui Ra< monJ R KbAi4 if BouiUac.
256 Les Comédiens italiens,
deux ont été entrecoupés de plufieurs ballets, et lefdits divertifle-
mens ont été terminés par un corps de ballet de dix danfeurs et
par un applaudiflement univerfel. Avons en outre obfervé, pen-
dant la repréfentation de ladite pièce, qu'il y a nombre de ma-
chines et décorations dans le genre de celles de l'Académie royale
de mufique qui ont été fort applaudies par les fpectateurs. Et nous
étant retiré dudit fpectacle pour rédiger ces préfentes, ledit fieur
Berger eft derechef comparu devant nous, lequel nous a dit que
la repréfentation de ladite pièce répond tellement à ce qu'en
annonce l'aflBche, qu'il n'y a plus qu'un pas à faire pour former
du Théâtre-Italien un nouvel Opéra, d'autant plus étendu que
l'on y prend la licence de chanter et réciter alternativement, félon
qu'il paroit plus convenable pour l'agrément du fpectacle.
Qu'on n'avoit pas encore vu aucun théâtre de comédie s'arro-
ger le droit, comme on fait en cette circonftance, de mêler dans
le corps d'une pièce des morceaux françois en récit d'opéra qui
font partie du dialogue et nouent l'intrigue, tels que ceux qu'a
chantés dans cette pièce le fieur Rochard repréfentant Pluton
dans un acte et Jupiter dans l'autre et qui, joint aux ballets, aux
machines et aux décorations, forme précifément le genre d'opéra-
comique que l'Académie royale vient de s'interdire, malgré la
pofleffion où elle étoit depuis longtemps de faire exploiter.aufli le
privilège de ce fpectacle.
Que la contravention des Comédiens italiens aux ordonnances
qui reftreigncnt fon orcheftre à fix violons eft manifefte, puifque
outre ce nombre d'inftrumens ils y ont ajouté des hautbois, des
flûtes, des baflbns et des flageolets.
Il en eft de même des ballets, puifque outre les entrées feules,
les pas de deux et autres, ils forment un corps de ballet aufli com-
plet que ceux de l'Académie, au moyen des danfeurs externes
qu'ils tiennent à leurs gages.
Appendice. 257
Que rafTcctation des décorations et des machines dont cette
pièce eft remplie et qui en fait mîme Tunique et principal objet
n'eft pas une contravention moins évidente aux règlemens qui
bornent les comédies à une ufurpation moins pcmîcieufe aux pri-
vil(^s de TAcadémie dont cette partie fait un objet il eflentiel
qu'en b rencontrant fur d'autres théâtres il eft confiant qu'un
grand nombre de fpeaateurs, que le goût de h mufiquc n'attire
que foiblement, abandonneront totalement fon fpectacle.
Dont et de tout ce que deflus ledit fieur Berger en ladite qualité
nous a requis acte.
Signé : Berger; Cadot.
[ArtktTti msit^msUt, 11,147.)
1745. — 2$ août.
L* Académie royale de musique fait dresser procès-verbal des contra-
ventions que commettent dans leurs représentations les Comédiens
du Roi de la troupe italienne.
L'an 1745» le lundi 23 août, heure de midi, en Thdtel et pir-
devant nous Louis Cadot, etc., eft comparu M. François Berger,
direaeur et propriétaire du privilège de l'Académie royale de
mufique, demeurant à Paris, rue St-Kicaife, à bdite Académie:
Lequel nous a dit qu'au préjudice du privilège et lettres-patentes
d'icelle Académie de 1672, confirmées par les lettres-patentes qui
ont été données fubféquemment en faveur de ladite Académie,
amfi que des ordonnances du Roi des 14 avril et 12 août 1672,
22 avril 1673, 2 1 mars 167$, 26 juillet 1682 et 17 août 1684,
coM. ou ROI. ~ II. 17
258 Les Comédiens italiens'.
confirmées par lettres-patentes du 7 octobre 1704 et autres fub-
féquentes par lefquelles Sa Majefté défend exprefTément à fes Co-
médiens tant François qu'italiens de fe fervir de plus de deux voix
d'entre eux, comme auffi d'avoir plus de fix violons ou joueurs
d'inftrumens, ni pareillement aucune danfe fous quelque prétexte
que ce puifle être, même d'avoir aucun orcheftre; l'exécution
defquels privilèges et ordonnances auroit été ordonnée par arrêt
du Confeil du 20 juin 171 6, rendu juridiquement, le Roi étant
en fon Confeil, par lequel les Comédiens françois ont été, entre
autres chofes, condamnés en deux amendes de chacune 500 livres
pour avoir contrevenu auxdites ordonnances par des divertifle-
mens de chants et de danfes mêlés aux pièces intitulées : le Ma--
lade imaginaire et la Princejfe d'Élide. Néanmoins les Comé-
diens tant françois qu'italiens contreviennent journellement et
formellement aux difpofitions et à l'efprit defdites ordonnances,
ce qui a obligé le fieur Berger, comparant, et le fieur de Thuret,
fon prédéceffeur audit privilège, de nous requérir de nous tranf-
porter aux théâtres des Comédiens tant françois qu'italiens, fui-
vant les procès-verbaux que nous avons dreffés et qui conftatent
les contraventions réitérées defdits comédiens, fur aucun def-
quels font intervenus diflfèrens arrêts, ordonnances ou règlemens
en confirmation des privilèges qui ont réprimé les différentes
entreprifes defdits Comédiens contre le privilège de l'Académie :
nonobftant quoi lui comparant auroit appris que les Comédiens
italiens, non contens de ces contraventions que trop journa-
lières, avoient eu la témérité d'attenter complètement au privi-
lège de ladite Académie famedi dernier, 21 du préfent mois, en
repréfentant fur leur théâtre, fans l'avoir annoncée ni affichée,
une pièce entière dialoguée et chantée et ornée de divertiffemens
avec grande fymphonie et entrées de danfes à deux, à trois et
même corps de ballet, ce qui confHtue tant pour le genre de
Appendice. 259
compofition que pour la rcprcfcntation un op^ra complet dans le
genre comique et eft, par conféqucnt, une contravention des
plus Tonnelles et manifeftes non-feulement aux fufdites ordon-
nances, mais môme au privilège de l'Académie royale de mufique
par lequel Sa Majeili (ait très-expre(Tes inhibitions et défenfes à
toutes perfonnes de quelque condition qu'elles puiflent (tre, de
faire chanter aucune pièce en vers françois ou autres langues (ans
b permifTion exprede du titulaire dudit privilège , à peine de
10,000 livres d'amende et con(îfcation de théâtres, machines,
décorations, habits et autres chofes. Et comme le comparant a
intérêt de conflater pareille contravention, il nous a requis de
nous tranfporter cejourd*hui, cinq heures de relevée, au théâtre
des Comédiens italiens i l'effet de drefTer procès-verbal de con-
travention.
Signé : Berger.
Suivant lequel réquifitoire nous nous fommes tranfportés audit
théâtre des Comédiens iuliens où nous avons vu repréfenter une
première pièce italienne intitulée: les Êvinemens nocturnes Ç^i),
dans laquelle il ne s'efl rien trouvé hors des règles qui font pref-
crites aux comédiens, finon le nombre des inftrumens defquels
ils fe font fer\'is dans les entr'actes qui excède celui de fix prcfcrit
par les ordonnances : Lefquels joueurs d'inftrumens, que nous
avons vus au nombre de onze, étoient tous joints enfemble dans
un orchedre. Enfuite de laquelle pièce nous en avons vu repré-
fenter une autre qui étoit annoncée par plufieurs affiches, que
nous avions vues cejourd'hui dans les rues et que nous avons
appris avoir tté pofées pour la première fois ainû que ledit (îeur
Berger l'a ci-deffus déclaré, porunt que lefdits comédiens repré-
fenteroient ce même jour , pour la féconde fois , la pièce inti-
(1) /^« f.%4n0m4nii m0^tmrm*i, £ascvm itAli«s ta ctm^ *»tc« Mitt i*4a iivtrti •••««••, r«fr#MSi4
fo«r U frtBMrc (mu ta I74S>
26o Les Comédiens italiens.
tulée : la Fille, la Veuve et la Femme (^i)^ parodie : laquelle pièce
nous avons obfervéç êt|:e conforme à ce qiy nous a été àrdelTus
déclaré par ledit fieur Berger. Içelle pièce étai^t chantée, en, entier
par tous les perfonnages de ladite pièce fans aucune; parolç de.
profe, ni de vers récitée. Plus avons obfervéqjnç^lacjite. pièce eft
divifée en trois actes ou parties avec changemens de décorjitîons.iît
ballets et divertiffemens à la fin de la première et dernière, parpçiet
au milieu de la féconde. Plus avons obferyé que dans rexécution
defdits ballets et divertiffemens^ . il a été chanté pluûeurs mor-
ceaux de mufique avec acconipagnement.de fymphonie exécjitée
par l'orçhedre et que lefdits ballets étoient compofés de diffé-
rentes entrées tant feuls qu'à deux et à trois et toujours foute-
nues d'un corps de ballet général compofé dç huit aufli taat
danfeurs que danfeufes; et lefdits divertiffemens nous .outiparu
être exécutés à l'inftar des ballets d'opéra. Le tout précédé d'une
ouverture et entrée par l'orcheftre dans le genre aufli de celles de
l'opéra et terminé par une pantomime danfée à deux ainfi que
nous l'avons vu plufieurs fois pratiquer fur le théâtre de ladite
Académie. Plus nous avons obfervé, par la diverfîté des chants et
par le genre du dialogue, que ladite pièce reffemble et eft con-
forme aux opéras-comiques qui ont été repréfentés aux dernières
foires St-Laurent et St-Germain. Et nous avons encore remarqué
que lefdits comédiens dans ledit dialogue chanté fe font fervis de
termes et de penfées licencieufes, même obfcènes dans une ronde
dont le refrain eft : Voilà le plaifir des dames {2) ! Dont et de tout
ce que deffus nous avons dreffé le préfent procès-verbal.
Signé: Berger; Cadot.
{Archives nationales, Y, 12,148.)
(i) La Fille, la Veuve et la Femme, parodie en. trois petits actes et en vaudev^lU du ballet des
Fêtes de Thalie de Lafont, par Laujon et Parvi, représentée pour la première fois le 20 août 1745.
(2) Ce refrain, bien connu encore aujourd'hui, devint bientôt populaire et fut réintroduit deux ans
plus tard, par Valois d'Orville, dans une ronde de la pièce intitulée : les Fêtes du bois de Boulo^ne,^
représentée à rOpéra-Comique pendant la foire Saint-Laurent.
Appendice. 261
Xï
1745. — I" feptembre.
Arrêt du Conseil interdisant la représentation de là piïce intitulée :
la Fille, la Veuve et la Femme, et condamnant les Comédiens du
Roi de la troupe italienne à une amende de 10,000 livres pour
avoir contrevenu aux privilèges de l'Académie royale de musique.
Sur la requefte préfentée au Rôî, étant en fon Confeîl, par
François Berger, actuellement pourvu du privilège (le l'Académie
royale de mufique, contenant que, quoique par diflférentes ordon-
nances du feu Roi, il ait été fait défenfes à tous Comédiens Fran-
çois, italiens ^t autres, de quelque troupe qu'ils puiflent être, de
fe fervir d'aucune voix externe, ni de plus de deux voix d*entre
euk , comme auffi d'avoir un plus grand nombre d'inftrunlens
que fix, même d'avoir aucun orcheftre, ni de fe fervir d'aucun
danfeur dans leurs pièces et repréfentatîons; et nonobftant encore
que ces défenfes aient été expreffément réitérées par S. M. par
deux arrêts de fon Confeil d'État des i" juin 1732 et 11 novem-
bre 1741, à peine de 10,000 livres d'amende, cependant lés Co-
médiens italiens viennent, tout riêcemment, de les enfreindre
dans une pièce qui a pour titre : la Fille, la Veuve et la Femme,
parodie. Eh effet, il eft conftaté, par le procès-verbal que le fup-
pliant en a fait dreffer par le commiffaire Cadot, le 23 août der-
nier, que cette pièce eft entièrement compofée de chants et de
danfes, fans un feul mot de profe ou de vers déclamés et ornée,
dans les divertiffemens , de cantatilles avec fymphonie, entrées
de danfes à deux, à trois, même avec des corps de ballet général,
laquelle pièce a été repréfentée pour la première fois le 20 dudit
mois d'août fans avoir été annoncée ni affichée. Le mêtne prdcès-
262 Les Comédiens italiens.
verbal fait foi que cette pièce eft un vrai opéra-comique entière-
ment conforme à ceux qui ont été joués fur les théâtres des foires
St-Germain et St-Laurent depuis l'année dernière. Enfin il eft
prouvé que l'orcheflre des mêmes comédiens étoit compofé de
onzef joueurs d'inftrumens. Le fuppliant , muni de titres auffi
authentiques que le font ceux donnés en faveur de l'Âcadénûe
royale de mufique depuis fon établiflement, étoit en droit de
porter fur-le-champ à S. M. fes plaintes d'une pareille contraven-
tion; cependant il s'eft contenté d'abord de faire fignifier aux
Comédiens italiens l'arrêt du 11 novembre 1741 et celui du
18 mars 1744 qui l'a mis en pofFeffion du privilège de ladite
Académie, perfuadé qu'à leur infpection ils fe réduiroient dans
les bornes qui leur étoient fi fpécialement prefcrites. Mais loin
par eux d'y déférer, ils ont donné, le foir même du jour de cette
fignification, une repréfentation de la même pièce, ce qui dénote
de leur part une rébellion trop manifefte pour ne pas attirer toute
l'indignation de S. M. La conduite des Comédiens italiens eft, à
cet égard, d'autant plus répréhenfible que, par l'article 8 de l'ar-
rêt du Confeil du i" juin 1730, portant conceflîon du privilège
de l'Académie royale de miïfique, il eft expreffément défendu à
toutes perfonnes de faire chanter et exécuter avec théâtre et dé-
corations aucune pièce de mufique ni de danfe fans la permiflion
exprefle et par écrit dudit privilège ou de fes ceflîonnaires, à peine
de 10,000 livres d'amende. Requéroit à ces caufes le fuppliant
qu'il plût à Sa Majefté ordonner l'exécution des ordonnances,
arrêts et règlemens rendus en faveur de ladite Académie royale
de mufique; en conféquence, faire défenfe aux Comédiens italiens
de continuer les repréfentations de la pièce intitulée : la Fille, la
Veuve et la Femme, parodie, et d'en donner de femblables à l'ave-
nir fous telles peines qu'il appartiendra et cependant pour la con-
travention par eux commife, les condamner en l'amende de
Appendice. 263
10,000 livres et, en outre» en 12,000 livres de dommages et in-
térêts envers TAcadimie royale de mufique.
Le Roi étant en Ton Confeil a ordonné et ordonne que les
ordonnances, arrêts et règlemens rendus en faveur de TAcadémie
royale de mufique feront exécutés félon leur forme et teneur. En
conféquencc, ùit S. M. défcnfe aux Comédiens iuliens de conti-
nuer les rcpréfenutions de la pièce ayant pour titre : la Fille, la
Femme et la Veuve, parodie, et d'en donner de pareilles à l'ave-
nir; et pour les contraventions par eux commifes, condamne
lefdits Comédiens italiens en l'amende de 10,000 livres applica-
bles un tiers à l'hôpital général de la ville de Paris et les deux
autres tiers audit ficur Berger, au payement de laquelle ils feront
contraints par toutes voies dues et raifonnables. Et par grâce et
fans tirer à conféquence. Sa Majefté les a déchargés de la demande
en dommages et intérêts formée par ledit fieur Berger. Et fera
le préfcnt arrêt exécuté nonobftant oppofitions quelconques pour
Icfquelles ne fera différé.
A Gand, le i* feptembre 1745.
Signé : Daguesseau.
XII
1756. — 19 février.
Homologation, par le Parlement de Paris, d'un acte relatif aux
fonds de la société, passé devant notaires, le 29 avril t'JS4, par
les Comédiens du Roi de la troupe italienne.
Par-devant les confeillers du Roi, notaires au Chltelet de
Paris, fouflîgnés, furent préfens :
Sieur jofeph Balletti, dit Mario, et demoi(eUe Rofe-Guionne
264 Les Comédiens italiens.
Benozzi, dite Silvia, fon époufe de lui au torifée,, demeurant rue
du Petit-Lion, paroifle StrSauyeur;
Sieur Antoine Sticotti, demeurant fue et barrière St^M^rtin,
paroifle St-Laurent;
. Sieur Jean-Vincent Vifentini, demeurant faubourg Str<Mar^,
paroifle St-Laurent;
Sieur Bonaventure Benozzi, demeurant nie. Beiaurepaire, pa-
roifle St-Sauyeur;
Sieur Jean-Baptifte Dehefle et cjemoifelle CatherineTAntpiuetîe
Vifentini, fon époufe de lui autorifée, demeurant rue Tireboudin,
paroifle St-Sauveur;
Demoifelle Marie de Laboras, époufe de Louis Riccobpqi, de-
meurante rue Françoife, paroiflTe St-Sauveur;
Demoifelle Marie-Thérèfe Biancolelli, demeurante rue M^u-
confeil, paroifle St-Euftache;
Sieur Alexandre-Louis Ciavarelli, demeurant rue P^vée, .pa-
roifle St-Sauveur;
Sieur Charles-Raymond Rochard de Bouillac, demeurant .rue
de Picpus, faubourg S t- Antoine, paroifle Ste-Marguerite;
Sieur Charles Bertinazzi, dit Carlin, demeurant rue St-Denis,
paroifle St-Sauveur;
Sieur Charles Véronèfe et demoifelle Anne Véronèfe, dite Co-
raline, demeurant rue Françoife, paroifle St-Sauveur;
Demoifelle Rofalie Aftraudi, demeurante rue Tireboudin, pa-
roifle St-Sauveur;
Sieur Antoine-Etienne Balletti, demeurant rue du Petit-Lion,
paroifle St-Sauveur;
Et demoifelle Marie-Juftine du Ronceray, époufe de Charles-
Simon Favart, demeurante rue du Petit-Lion, paroifle St-Sau-
veur.
Tous Comédiens italiens ordinaires du Roi aflemblés en THôtel
Appendice. 265
de Bourgogne, en kur ialie des comptes; lefquels ont dit que»
par Tactc de fociété fait entre lefdits fieurs comédiens devant
maître Gaillardic, qui en a la minute, et Ton confrère, notaires à
Paris, le 27 octobre 17 19, homologué par arrêt du Parlement du
1 3 décembre fui van t, il a été convenu finguliérement detix chofes :
la première que chaque comédien ou comédienne qui entrèrent
dans b troupe, feroit tenu de faire un fonds de 8,000 livres pour
celui ou celle qui auroit part entière, laquelle fomme feroit em-
ployée à l'acquittement des dettes que b uoupe avoit faites pour
réubliflfement du théâtre et (eroit rendue au comédien ou comé-
dienne lors de fa fortie, ou à fes héritiers après décès, de b
manière et ainfi qu'il a été convenu par ledit aae de fociété, et
b féconde que tous les comédiens feroient folidairement tenus
des emprunts et dettes de b Comédie, tant qu'ils feroient .co-
médiens.
Que l'obfervation des conditions de cette fociété ayant été ex-
trêmement négligée et b plus grande partie des comédiens et
comédiennes n'ayant pu faire leur fonds, les dettes de b troupe,
jointes au peu de produit des repréfenutions, fe font accumulées
au point que pour prévenir b ruine totale de b Comédie, lefdits
fleurs comédiens et comédiennes ont été obligés de £sdre deux
dclibcrations en date des 7 avril 1741 et 30 août 174$, homolo-
guées par arrêts de b Cour de Parlement des 13 mai 1741 et
26 janvier 1746, par b première defquelles détibératîons il t été
convenu que chaque comédien ou comédienne feroit tenu de
biiïer le quan de partage ou pcurtion de fon partage, félon quil
lui appartiendroit, pour £ure fon fonds de 8,000 livres, Icqod
quan dcmeurcroit es mains du caîflicr et ficroit par lui employé
au payement des dettes de b troupe.
Que CCS fonds faits et complétés de b part defdits fieurs comé-
diens et comédiennes n'ayant pas fuffi pour acquitter les dettes
266 Les Comédiens italiens.
générales, par la féconde délibération il a été convenu que l'on
continueroit de retenir ledit quart de partage jufqu'au par&it
payement des dettes générales de la troupe et que cette retenue
feroit comptée à chacun des comédiens et comédiennes en aug-
mentation de fonds jufqu'à la concurrence de la fomme de 3,000
livres, au moyen de quoi les fonds de chacun dêfdits comédiens et
comédiennes ayant part entière feroient de 1 1 ,000 livres au lieu
de 8,000 livres auxquelles ils avoient été fixés.
Que cette retenue n'ayant pas encore fuffi pour liquider entiè-
rement toutes les dettes générales de la troupe, et la troupe
ayant été obligée de faire des dépenfes confidérables pour Tentre-
tien de l'Hôtel, du théâtre et des loges, pour l'achat des décora-
tions et des habits des danfeurs qui font actuellement le fonds de
leur théâtre, non-feulement il a été continué de retenir jufqu'à la
clôture de Pâques de la préfente année 1754, fur chaque comédien
ou comédienne, ledit quart de partage, mais encore lefdits fleurs
comédiens et comédiennes ont fourni, eu égard à la portion que
chacun d'eux a dans la fociété, fur ce qui leur revenoit net de la
Comédie et qui devoit fervir à leur fubfiftance, une fomme de
60,000 livres pendant les années 1751, 1732, I7S3 ^^ jufquesà
ladite clôture de Pâques 1754 pour le payement des dettes et
dépenfes.
Qu'au moyen de la retenue dudit quart de partage et de ladite
avance de 60,000 livres, il fe trouve que chaque comédien et
comédienne qui a part entière, a fourni 4,000 livres dont la fo-
ciété eft débitrice envers eux; que la retenue defdites fommes fur
les repréfentations journalières pourroit donner lieu à de nou-
velles dettes ; que pour les éviter et afin que les comédiens et
comédiennes qui ont pris fur eux lefdites fommes ne les perdent
pas, ni que les comédiens ou comédiennes entrant ne profitent
pas à leur détriment, il étoit convenable de porter cette fomme
Appendice. 267
de 4,000 livres en augmentation de fonds, de façon que les comé-
diens ou comédiennes qui auront part entière dans ladite focièté
auront 1 5 ,000 livres de fonds au lieu de 1 1 ,000 livres auxquelles
ils avoient été fixés par la précédente délibération.
Que par les payemens qui ont été faits par le caifTier de b
troupe, tant avec ladite retenue dudit quart de pan qu'avec ladite
avance de 60,000 livres, il ne refle plus d'anciennes dettes de U
troupe que pour la fomme de 10,769 livres 9 fols 6 deniers qui
font dus aux fuccefTions des fieurs Rauzini et Paghetti.
Que cette fomme feroit acquittée fi la demoifelle Favart et le
fieur Balletti, comédien et comédienne, avoient entièrement fait
leurs fonds et la troupe fe trouveroit libérée de toutes dettes;
mais que, pour éviter qu'il n'en fott fait de nouvelles à l'avenir, il
efl nécefTaire, en augmenunt aux précédentes délibérations, de
convenir fous le bon plaifir de noflfeigneurs du Parlement de ce
qui fuit :
ARTICLE PIEMIEI.
Les fleurs comédiens et comédiennes ont reconnu et recon-
noifTent par ces préfentes que toutes les retenues qui ont été
faites fur chacun d'eux et d'elles, tant pour les fonds qu'ils étotent
obligés de faire que pour l'augmentation et avances par eux faites
pour la fociété et dont le monunt a fervi à acquitter les dettes
générales de la troupe fuivant les délibérations ci-devant datées
montent, pour chacun des comédiens et comédiennes qui ont
part entière, à U fomme de 15,000 livres, à l'exception de b
demoifelle Favart, l'une defdites comédiennes, qui redoit, pour
parfaire fes fonds, b fomme de 6,648 livres 9 fols 6 deniers, et
du ficur Balletti qui redoit auffi 4,08$ livres; en forte que les
fonds de chacun des comédiens ou comédiennes qui ont part
entière demeurent fixés à bditc fomme de 1 5,000 livres.
^6S Les Comédiens italiens.
ARTICLE DEUX.
Que comme ladite demoîfélle Favart et ledit fieur Balletti n*ont
pas entièrement fait leurs fonds, le caîffiër de la troupe conti-
nuera i leur retirer le quart de leur partage ou portion de leur
partage jufqu*au parfait payement, favoir, pour ladite demoîfélle
Tavart, de 6,648 livres 9 fols 6 deniers, et pour ledit fieur
Balletti, de la fomme de 4,08 S livres, après lefquelles 'retenues
faites lefdits fleurs comédiens et comédiennes reconnoiflent que
lefdits demoifelle Favart et fieur Baletti auront fait les mêmes
fonds qu'eux dans ladite fociété, eu égard aux portions qu'ils ont.
ARtICLE tROIS.
Que ces deux fommes qui montent enfemble à celle de 10,769
livres 9 fols 6 deniers fera employée par le caiflîer de la troupe,
à fur et mefure des retenues qu'il en fera, au rembourfement de
pareille fomme qui refte due aux fucceflions defdits défunts fieurs
Rauzini et Paghetti, comédiens de ladite troupe, moyennant
lefquéls payemens ladite troupe fe trouvera entîèremeût libérée
de fcs anciennes dettes.
ARTICLE Q.UATRE.
Que pour qu^il ne foit fait aucune nouvelle dette à l'avenir, il
a été convenu que les comédiens et comédiennes qui pourront
être reçus à l'avenir dans la troupe foit par mort ou retraite de
quelques-uns defdits comédiens et comédiennes, feront tenus de
faire un pareil fonds de 15,000 livres pour ceux qui auront part
entière ou moindre fomme à proportion de la part qui leur fera
accordée par nofleigneurs les gentilshommes de la chambre dans
la fociété, fix mois après leur réception, pour être rembourfée
Apptndice. 269
par la troupe au comédien qui fera forri ou à fes héritiersi s'il
éioit décédé dans le temps poné par les précédentes délibérations.
ARTICLE CINQ.
Que dans le cas où les comédien ou comédienne nouvellement
reçus n'auroicnt pas de deniers pour faire leurs fonds, ils feront
tenus d'emprunter, fous le cautionnement de la troupe, b fomme
que le comédien entrant fera obligé de fournir pour fon fonds,
laquelle fomme fera remife au caiflîer pour être par lui payée au
comédien fonant ou à fes héritiers, fuivant etaux termes de Taae
de fociété et des délibérations ci-devant datées.
ARTICLE SIX.
Que, pour faciliter au comédien ou comédienne entrant leur
libération de la fomme qu'ils auront empruntée pour faire leur
fonds, il leur fera retenu, par le caiffier, conformément au traité
de fociété et aux délibérations Eûtes en conféquence, le quart de
leur partage ou portion de leur partage, fuivant qu'il leur en
appartiendra, pour être employé au payement des intérêts de la
fomme empruntée et le furplus à compte du principal jufqu'au
parfait payement de la fomme prêtée, après lequel il ne fera plus
fait de retenue fur le comédien ou comèdieime qui toucheront
ledit quart comme les autres comédiens qui ont fait leurs fonds.
Pour faire homologuer ces préfentes au Parlement , lefdits
fleurs comédiens et comédiennes ont donné et donnent à maître
Jcan-Baptille Béville, procureur tu Parlement, tout pouvoir fur
ce néceffaire.
Fait et pafli ï Paris en la falle des comptes de ladite Comédie,
l'an mil fept cent cinquante-quatre, le 29 avril, et ont figné la
minute des préfentes demeurée i Baron» notaire.
270 Les Comédiens italiens.
Vu, par la Cour, la requête préfentée par les Comédiens ordi-
naires du Roi à ce- qu'il plût à la Cour homologuer la délibération
paJQTée entre les fupplians devant Baron , qui en a la minute , et
fon confrère, notaires à Paris, le 29 avril 1754, pour être exécu-
tée félon fa forme et teneur; vu les pièces attachées à ladite re-
quête lignée Berville, procureur, conclufions du procureur général
du Roi; ouï le rapport de maître Claude Tudert, confeiller: tout
confidéré;
La Cour a homologué et homologue ladite délibération pour
être exécutée félon fa forme et teneur.
Fait en Parlement le 19 février 1756.
Signé : De Maupeou ; Tudert.
(Archives naiionalts, \y\ }t^7>')
XIII
1762.
Mémoire en forme de règlement pour la régie et l'administration
de la Comédie-Italienne,
. La Comédie-Italienne eft un compofé de plufieurs genres de
fpectacles que Ton ne fauroit trop multiplier fi l'on veut qu'elle
puifle fe foutenir. C'eft un théâtre deftiné particulièrement à la
frivolité; on y cherche, plus qu'ailleurs, la variété des amufe-
mens; on ne va aux Italiens que dans la vue de trouver cette
variété. Les comédiens, qui n'ignorent pas cette difpofîtion du
public à leur égard, ont toujours fait ce qu'ils ont pu pour le
fervir fuivant fon goût; ils ont fait en décorations, grands ballets,
illuminations, etc., et autres amufemens de tout genre, des dé-
penfes exceflîves dont ils font encore furchargés et dont ils ne fe
Appendice. 271
rclèvcroient jamais fi, au lieu de leur permettre de s'étendre et
d'ajouter de nouvelles relTources à leur théâtre, on les relTerroît
dans des bornes étroites.
Le répertoire de b Comédie -luUenne e(l compofé de 140
pièces tant grandes que petites purement italiennes , grandes et
petites pièces françoifcs où il y a un arlequin, parodies et pièces
de chant : ces dernières ne font qu'au nombre de 25. Dans le
nombre de 140 pièces, dont b plupart ne fe jouent plus, il y a
quelques pièces purement françoifes de MM. de Marivaux, Boifly,
St-Foix et autres qui font d'un genre paniculier et qui ne pour-
roicnt convenir au Théâtre-François; de ce nombre font : la Fie
rft un fonge (i), Sam/on (2), Timon Mifanthrope (5), VEmbar^
ras des richejjes^^)^ etc. Le répertoire de l'opéra-comique eft
compofé de 54 pièces dont b plupan ne fe jouent plus.
Le Théâtre-François, le premier de b nation, eft en poflfeffioti
d'un fonds inépuifable d'excellentes pièces qui, bien remifes,
peuvent produire le même effet que de bonnes nouveautés; ainfi
quoique le Théâtre-Italien foit en pofleffion de jouer des corné*
dies françoifes et dans une efpèce de concurrence, il ne (ait par 11
aucun tort aux François; au contraire, il en réfulte un bien pour
les auteurs mêmes et les belles-lettres, en ce que l'un (en d'école
pour l'autre. Tel commence par les Italiens qui fe rend enfuite
capable de réulfir aux Françob. On peut citer par exemple MM. de
Marivaux et de BoilTy; leurs premiers ouvrages joués aux Fran-
çois n'auroient peut-être eu aucune réuflîte, ce qui les auroit
découragés, au lieu que les appbudiflfemens qu'ib ont reçus fur un
théâtre où le public porte plus d'indulgence et pafle fur bien des
défauts qu'il ne pardonneroit pas ailleurs, les ont exdtés â culti-
(1) Ls fié ft ■■ f^«f#,trtfi-oMi441« ta trois «cMt, ta T«r«, fta Bolttf .
(a) Ssmt0m, iraft-<oMiè4i« t« ct»^ êct«« tt t« vtr», fr Ko«Uf*«ti.
()) T»m»0m U Mn»mtkr0f0, eomèÀM t« tf«i« a^tt.t» froM,«vt< «« JiMnwwf t. fê» 4t Liilt.
(4) t:Emhmr9M dêi rùkêitm, c»«é<it ta ttait «cMi, ta frot*, ftr takké D«Ilâia«al« •«•( aa ék»
272 Les Comédiens italiens.
ver et à perfectionner leurs talens, de manière qu'ils ont enftdte
enrichi la fcène françoife de quantité de pièdes que l'on revoit
toujours avec plaifîr.
L'on ne doit donc point chercher, pour l'avantage même de la
Comédie-Françoife, à diminuer le petit nombre de pièces fran-
çoifes qui fe jouent aux Italiens, il feroit peut-être plus à propos
de l'augmenter en y ajoutant beaucoup de pièces enfevelies dans
l'oubli à la Comédie-Françoife^ parce que, par ce moyen, les Ita-
liens, s'enrichiflant d'un fonds devenu inutile aux François, fe-
roient dans le cas de laifler repofer les pièces qui forment leur
répertoire; il n'eft pas douteux qu'en les jouant moins fouvent
eUes ne fiffent plus d'effet fur le théâtre.
Si les pièces de l'ancien Théâtre-Italien ont rénffi, c'efr parce
qu'elles étoient mêlées de fcènes françoifes travaillées avec foin
par les meilleurs portes comiques de ce tems-là : Regnard, Du-
frefny, Montchefnay, etc. C'eft à ces fortes de fcènes que le
public couroît avec empreffement; elles étoient comme autîmt de
tableaux dont le canevas italien faifoit la bordure.
Le tort que l'on ferait aux Italiens feroit donc en pure perte
pour les François. Ce feroit apauvrir les uns fans enrichir les
autres; d'ailleurs, quel que foit le talent des Comédiens françois,
on ofe mettre en fait qu'il eft beaucoup de pièces du Théâtre-
Italien où ils feroient aufli déplacés que- fi leslaliens entrepre-
noient déjouer leurs pièces. Enfin, prefque toutes les pièces
françoifes du Théâtre-Italien ont un rôle d'arlequin, efpèce de
bouffon particulier à ce théâtre, et qu'on ne peut remplacer par
un autre de quelque nature qu'il foit. Que l'on mette un crifpin
au lieu d'un arlequin dans Timon Mifanthrope, dans Y Embarras
des richejfes, dans Arlequin fauvage, Vljle des EfclavesÇi)^ etc., il
eft fur que la pièce y perdra beaucoup.
(i) Comédie en un acte, en prose, avec un divertissement, par Marivaux.
Appendice. 27}
La Comcdic-Italicnnc cfl donc un compofc do deux troupes.
Tune italienne, Tautre françoife, qui doiwnt s*aider autant que
faire le peut mutuellement. Les Italiens furtout devroient fe prê-
ter, parce que comme ils ne fatiguent pas, à beaucoup près, au-
tant que ceux qui jouent dans le françois, Arlequin excepté, et
que, de plus, ceux qu*on appelle mafques n*ont, pour ainti dire,
aucune dépenfe à faia* pour l'entretien du thèAtre, il faudroit
qu'ils fe rendilTent utiles dans les pièces françoifes, dans les grands
divertiflTemens où Ton a befoin fouvent de gens intelligens pour
paroitre et remplir des f cènes de jeux, pantomimes qui, jufqu*à
préfent, ont été mal rendues.
Avant de pafler plus avant, il faut encore faire une réflexion :
c*e(l que, dans les comédies, il y a un abus qui fubfide depuis
longtems et qui, peut-être, pouvoit être toléré lorfqu*elles ont
commencé, mais auquel on doit remédier le plus tôt poffible,
même pour avoir des fujeis; c'eft que tous les acteurs font à part
ou du moins tous peuvent efpérer de par\*enir i la part entière
par protection ou autrement. Par cette didribution, ceux dont le
talent e(l le plus marqué et le plus rare, qui font les plus utiles
au théitre, dont Temploi eft le plus pénible et qui font enfin le
plus de dépenfes, font ceux dont le travail e(l fouvent le moins
récompenfé, tandis que les acteurs fans talens et qui n*ont qu*unc
légère occupation font fort ï leur aife. Il faudroit remédier à cet
.ibus, du moins pour la fuite, en convenant, dès à préfent, irré-
vocablement que la part ou portion de part ne pourroit appar-
tenir à l'acteur, mais qu'elle feroit attachée \ l'emploi dont il
feroit chargé; ainfi un comédien ne pourroit parvenir \ jouir
d'une part entière qu'en rempliflant l'emploi auquel ta part feroit
attachée.
D'après ces principes, il convient de commencer par la diflri-
bution des parts telles que l'on imagine qu'elles devroient être
coM. Dc ROI. ^ vu 18
274 ^^^ Comédiens italiens.
attachées aux emplois de la comédie purement italienne et qui eft
la bafe fondamentale de ce fpectacle. On fait qu'il eft néceflaire
pour les étrangers qui, dans le commencement, font hors d'état
de comprendre les beautés du théâtre françois; il ne l'eft pas
moins pour les citoyens qui viennent fe délaffer de leurs travaux
par les quolibets d'Arlequin, enfin il eft indifpenlable pour le fer-
vice de la Cour en ce qu'il n'eft pas poflible que les Comédiens
françois puiflent faire feuls le fervice trois jours la femaine et qu'à
leur défaut on ne s'amuferoit pas toujours des parodies, des pièces
de chant ou opéras-comiques et encore moins des pièces françoifes
jouées par les acteurs du Théâtre-Italien.
Ainfi, il eft néceflaire que le genre italien loit compofé de neuf
fujets au moins, favoir : un Arlequin, un Pantalon, un Scapin,
un Docteur, deux amoureux, deux amoureufes et une foubrette.
Voici la règle qu'on imagine qui devroit être fuivie dans la
diftribution des parts relativement aux talens, à la dépenfe et au
travail.
L'Arlequin, part entière, non par rapport à fa dépenfe, mais
parce que c'cft le principal rôle, celui qui fatigue le plus et enfin
le feul qui attire à ce fpectacle.
Le Pantalon étant bon, mais ne fatiguant pas autant que l'Ar-
lequin et n'étant fujet d'ailleurs à aucune grande dépenfe, il con-
viendroit le fixer à toujours à trois quarts de part avec néanmoins
une penfion de retraite comme la part entière.
Le Scapin étant bon, le fixer de même que le Pantalon.
Le Docteur, demi-part et fa penfion au prorata.
Le premier amoureux, part entière.
Le fécond amoureux, demi-part jufqu'à ce qu'il devienne pre-
mier, et dans le cas où il refteroit toujours à demi-part, lui fixer
fa penfion fur le pied de trois quarts de part, vu les dépenfes
qu'entraîne fon genre.
AppnuUce. 2j^
Une première amoiireufe, bonne pan entière.
Une féconde amoureufe, demi-part.
Une foubrette jouant dans les cas de nècefTitê les rôles d*amou-
rcufe, part.
Total fept pans. Mais fi les circondances étoient différentes
qu'elles ne le font aujourd'hui^ il conviendroit de porter le nom-
bre de ces parts i huit pour qu'il y eût toujours une part en
fcqueftre attachée au ^enre italien, et fur cette part feroit pris le
payement de quelques acteurs ou actrices qui viendroient d'Italie,
dont on voudroit effaver les talens ou qui fe deftineroicnt à rem-
placer quelques anciens acteurs et les doubleroient en attendant.
Cet arrangement connu une fois en Italie infpireroit la confiance
et il fe préfeiîteroit alors des fiîjets qui auroient le tems de fe for-
mer au goût de la nation avant d'occuper un emploi en chef. I!
faudroit furtout s'attacher à donner un double i l'Arlequin; c'eft
le rôle le plus difficile h, remplacer en cas d'événement. II n'y en
a plus en Italie; les Bergamefques peuvent être pantomimes dans
leur ville, m.iis ce n'efl pas une raifon pour qu'il vienne des Arle-
quins de Bergame et l'on n'en connoit aucun fur aucun théâtre.
L'Arlequin qu'il faut à Paris doit parler également françois et
italien.
Tels (ont les arrangemens que l'on imagine que Ton de\Toit
prendre fi l'on étoit dans l'intention de tonner une nouvelle troupe;
mais les cngagemens pris ne le permettant peut-être pas, on fe
contentera de prèfenter le tableau tel qu'il efl, malheurcufement :
S%dptm
Pantalon
Vrcntfr amourtux .
Dfuxtènu amourtiu.
DiS'Uui
MM. Carltn. Une part.
CiavjreUî. Une part.
CoUho. Trois quarts.
Zanuui. Trois quarts.
Ballcni. Voc part.
27e Les Comédiens italiens.
Première amoureufe. . . M^i* Pichinelli. Une part.
Deuxième amoureufe . .
Soubrette Camille. Une part.
Total, six parts et demie.
On voit qu'il manque une féconde amoureufe et un Docteur;
dans cette circonftance, il paroît qu'on ne pourroit mieux feire
que de recevoir à demi-part la dame Savi(i) pour féconde amou-
reufe quoiqu'elle joue toutes les premières; fans elle, le théâtre
fermeroit, et fon mari(2) en qualité de Docteur, mais aux appoin-
temens feulement jufqu'à ce qu'il y eût quelque chofê de vacant;
il feroit à deux mains, pouvant remplacer en cas de maladie ou
de nécefGté le fieur Carlin, étant en Italie l'Arlequin qui avoit le
plus de réputation après Sacchi.
Par cet arrangement, il y auroit fept parts d'employées fans
faire aucun changement; peut-être eft-il plus prudent de n'en
faire aucun cette année pour infpirer de la confiance aux acteurs
que l'on veut recevoir et qui pourroient fe préfenter. On pour-
roit fe borner actuellement à arrêter l'état de ceux qu'on voudroit
remercier pour l'année prochaine, les en prévenir fecrètement
afin qu'ils puffent en conféquence arranger leurs affaires et cher-
cher, fous main, à s'engager dans quelques troupes de province
ou étrangères; leur condition en feroit meilleure à tous égards,
ayant du tems devant eux, et cette humanité qui eft digne de la
bonté et de la juftice de Meffieurs les premiers gentilshommes de
la chambre, leur donneroit d'ailleurs le tems de chercher de bons
fujets pour remplacer ceux qui feroient remerciés.
Il faut encore remarquer que l'on ne peut renvoyer aucun
(i) M*"' Sftvi débuta à la Comédie-Italienne» le 28 mai 1760, dans VHomme d bonnet fortunes^
Goldoni dit qu'elle n'avait pas de dispositions heureuses pour la comédie, mais qu'elle était jeune
et pouvait par sa bonne volonté parvenir à se rendre utile. Elle mourut en 1766.
(2) Savi débuta à la Comédie-Italienne, le 1$ octobre 1760, par le rôle A* Arlequin dans Arlequin
persécuté par la dame invisible, comédie en trois actes. Il jouait aussi les rôles de Docteur, U fut
congédié à la fin de 176$.
Appendice. 277
fujct, furtout de ceux qui ont fait leur tems et leur fonds, fans
charger confidcrablemcnt la Com<!rdie; elle doit aujourd*hui près
de 8o,o()() livres aux acteurs retirés feulement pour le rcmbour-
feinent de leurs fonds et outre la peniion.
L'on voit, par ce qui a été dit ci-delTus, qu'en ne faifant aucun
changement pour le préfent à Tétat actuel de la Com^ie pure-
ment italienne, y ayant fcpt parts employées tant bien que mal,
mais cependant indifpenfables pour un an encore, il ne rcfteroit
plus que huit parts pour les acteurs françois, lefquelles fe trou-
vent toutes remplies ; conféquemment on n'auroit donc aujour-
d'hui aucune place à donner non-feulement pour les aaeurs que
Ton projette de prendre, mais même pour ceux auxquels on ne
peut fe difpcnfer de faire un fort plus confidérable que celui dont
ils jouiilent, vu leur utilité reconnue. On a démontré que, pour
cette année, on ne peut faire aucun changement dans les parts
deflinées au genre italien; les raifons font encore bien plus frap-
pantes pour la panie des François et Ton en fera aifément con-
vaincu lorfqu*on fera attention qu'aucun des acteurs qu'on fe
propofe de recevoir n'eO au fait des pièces qui fe jouent à la Co-
médie-Italienne, et qu'il leur faut au moins un an pour étudier,
former leur jeu et prendre la tradition de chaque pièce : autre-
ment, on courroit le rifque de ne point fatisfaire au fer\'ice de la
Cour et 1 celui du public, car malgré l'afiluence du public et fon
empreifement également foutenu tous les jours depuis la réunion,
on ne peut fe dilFimuler que l'on convient unanimement de la dif-
ficulté d'entendre fur ce théltre la plupart des acteurs de l'opéra-
comique, tant par la foiblelTc de la voix de quelques-uns d'entre
eux que par le défaut d'habitude de réciter dans un lieu auffi
vatk* que l'cil la Comédie-Italienne; d'où il faut conclure qu'il
leur faut quelque tems pour s'accoutumer aux pièces et au local.
De ce principe, il réfulte que huit parts ne fuffifant pas pour les
278 Lâs Comédiens italiens.
acteurs reçus et à recevoir, il faut néceffairement les augmenter
de cinq et porter le nombre de quinze à vingt et prévenir d'avance
ceux que Ton remercieroit à Pâques 1763.
Avant de pafler plus avant, il faut rappeler que fi l'obfervation
faite ci-deflus, au fujet de la diftribution des parts pour le genre
italien pour que les parts ou portions de part fuflent attachées à
l'emploi et non à l'acteur, a été trouvée raifonnable, elle ne Teft
pas moins pour les François; car, quiconque fera en état de
chanter, de jouer la comédie, enfin d'avoir une double occupa-
tion, mérite fans doute davantage que celui qui n'eft borné qu'à
un genre, lequel, conféquemment, ne fatigue pas autant.
Mais la première opération à laquelle il eft néceflaire de fonger
dès à préfent et fans laquelle il eft impoflible de faire aucun ar-
rangement folide pour la fuite, ni même d'affurer le fervice foit
de la Cour, foit celui de Paris, c'eft de travailler à la diftribution
des rôles entre tous les fujets qui doivent compofer la troupe à
Pâques prochain et de fixer les emplois, autrement il s'en trou-
veroit qui feroient chargés de trois ou quatre fujets, tandis que
d'autres n'auroient pas, ainfî qu'il arrive aujourd'hui, un feul
double; de forte que l'acteur devenant malade, on ne fait plus
que jouer.
On ne fe diffimule pas que cette diftribution eft extrêmement
difficile et qu'elle le deviendra encore plus par la jonction de
nouveaux fujets; les uns voudroient jouer, ainfi qu'il arrive
tous les jours, les bons rôles feulement, et il ne fe trouveroit
perfonne pour les mauvais; d'autres ne voudront pas fouffrir
que les nouveaux fujets jouent ni les bons ni les mauvais rôles,
et les premiers feroient des cabales entre eux pour faire naître
des difficultés toutes les fois que l'on propoferoit au répertoire
une pièce.
Cette diftribution eft donc indifpenfable même pour pouvoir
Appendice. 279
former les emplois d'un chacun, donner des doubles i ceux qui
n*en ont point; car il faudroit même engager les auteurs des
pièces nouvelles Ji donner leurs rôles en double afin d'éviter les
inconvénients qui peuvent fur\'enir par la maladie d'un acteur
qui fe trouve chargé feul d'un rôle, de forte qu'une nouveauté
e(l toujours Ji la veille d'ôcre interrompue au grand détriment des
fpectacles et même de l'auteur, les reprifes produifant rarement
autant qu'une pièce qui n'a fouffert aucune interruption.
Comme ce travail exige des connoilTances et de l'intelligence,
il faudroit que MelTieurs les premiers gentilshommes de la cham-
bre eulTcnt la bonté de choifir quatre ou cinq comédiens des plus
raifonnablcs, fans partialité, qui feroient eux-mêmes le répertoire
général et la diilribution de la manière la plus convenable pour le
bien général de la troupe et pour affurcr le fcr\'ice; mais ce travail
dcviendroit inutile fi Melfieurs les premiers gentilshommes de la
chambre n'avoient la bonté, après l'avoir approuvé, de le foute-
nir de toute leur autorité fans égard à aucune repréfentation ni
protection. C'ert la feule façon de faire le bien de la chofe et
d'éviter les tracalFeries.
Voici ce qu'on penfe que MefTieurs les premiers gentilshommes
de la chambre devroieni ordonner :
(• Ordonnons aux Comédiens foit italiens, (oit françois, de fe
mettre incetTamment en état de remplir les rôles qui leur feront
dcrtinés dans le répertoire général.
(I Défendons 1 aucun d'eux de fe difpcnfer de jouer les rôles
de fon emploi qui ne lui plairont pas, mais voulons qu'il les joue
tous inditréremment, bons ou mauvais, et ordonnons aux doubles
de fe tenir également prêts pour jouer lefdits rôles; et, le tout
plus amplement expliqué dans nos règlemens généraux, ordon-
nons aux fenuiniers d'y tenir la main et de nous en rendre compte
en cas d'inexécution.
28o Les Comédiens italiens.
m Voulons que ceux qui, par néceffité, auroient jufqu'icî joué
des rôles qui ne feroient pas de leur emploi, les remettent auffitôt
le répertoire fait à ceux à qui ils devront appartenir, afin qu'ils
aient à fe tenir prêts.
« Ordonnons aux Comédiens françois et italiens de s'entr'-
aider mutuellement dans les différentes pièces où ils pourront
être utiles.
« Défendons expreffément à la troupe des Comédiens ita-
liens de faire jouer et paroître fur leur théâtre aucun fujet qui
ne foit reçu à part, portion de part, penfion à titre de co-
médien ou à appointemens, fans en avoir obtenu de nous la
permiffion. »
Voilà les principaux articles à faire revivre par un ordre exprès
de Meflieurs les premiers gentilshommes de la chambre et fur-
tout l'exécution des règlemens auxquels il eft très-difficile de
réduire les comédiens.
Comme on ne peut projeter dans ce moment-ci un arrange-
ment raifonnable fans avoir la diftribution des pièces et des em-
plois et que tous les acteurs font indifpenfablement néceffaires
pendant une année entière pour le fervice et former les nouveaux
reçus, on fc contentera de préfenter ici Amplement le tableau de
la diftribution des vingt parts, favoir :
MM. Deheffe Une part.
Ciavarelli Une part.
Rochatt Une part.
Carlin Une part.
Balletti Une part.
Champville Une part.
Colalto Trois quarts.
Zanuzzi Trois quarts.
Lejeune Une part.
CaiJlot Une part.
Appendice. 281
Mlle» Favart Une part.
Camille Une part.
Catinon Une part.
Villette Trois quarts.
Defglands Trois quarts.
Pichinelli Une part.
Bognoli Demi-part.
Savi Demi-part.
Neiffel (i) Trois quarts.
Defchamps (2) Trois quarts.
MM. La Ruette Trois quarts.
Clairval Trois quarts.
Audinot Trois quarts.
On voit qu'il y auroit dix-neuf parts et trois quarts de diftri-
bués entre vingt-trois fujets, favoir: huit Italiens pour le préfent,
et quinze François, chanteurs ou non, ce qui ne feroit pas fuffi-
fant, vu les deux genres, fi Ton ne prend, comme il eft dit, la
précaution de former les emplois. Refteroit un quart de part
vacant pour payer partie des fujets à appoiutemens et qui font
dans le cas d'être utiles.
L'on ne peut diflimuler que l'augmentation de cinq parts ne
diminue le partage du bénéfice d'un quart pour les acteurs actuels,
car quand la réunion donneroit une augmentation de recette de
100,000 livres par an à la Comédie, il n'en réfulteroit encore
aucun bénéfice pour les comédiens , parce que les dépenfes fe
trouvent néceflairement augmentées. Et, pour donner un exem-
ple, fuppofons la recette à 100,000 livres d'augmentation.
(i) De rOpéra-Comiqueoùelle était •ctrice^M^l* Meissel passa en 1762 à la Comédie-Italienne;
mais elle n'y resta que peu de temps à cause de la jalousie que lui témoignait M** Favart. Elle
entra alors dans la troupe de comédiens qui était attachée au service du prince de Contiet mourut
à la 6n d'aoCkt 1792. Elle avait de la grâce, du naturel, du goût et du sentiment ; malheureusement
sa voix était un peu voilée.
(a) M^^« Deschamps, ancienne actrice de l'Opéra-Comique, passa en I7é2àla Comédie-Italienne.
L'une de ses meilleures créations est le r61e de la mère acariâtre dans la Rosiért, ou U Fiî$ i*
Saîency, comédie en trois actes, de Favart, représentée le 14 décembre 1769.
282 Les Comédiens italiens.
Il faut prélever fur ladite fomme de 100,000 livres :
i* Le quart des pauvres 25,000 livres.
2° Le bail de TOpéra 22,000
3» Rente viagère de. M. Cor by 8,000
4° Rente viagère de Monet 2,000
50 Loyer de la falle faubourg Saint-Germain. . 2,000
6° Emprunt 3,000
Total 62,000 livres.
Ainfi, fur 100,000 livres, en prélevant 62,000 livres de dépen-
fes forcées, il refte 38,000 livres qui rentreroient à la mafle, et
fur cette fomme il faut encore les frais d'auteurs, de décorations
doubles pour les deux théâtres, habillemens, etc., qui tombent
à la charge de la fociété. Cet exemple eft donné pour prouver que
pour foutenir cet établiffement qui a paru flatter MefTieurs les
premiers gentilshommes de la chambre, il convient de ne pas
prefcrire de bornes trop étroites à la diverfité de ce fpectacle, de
même qu'il conviendroit d'en mettre fi l'on s'apercevoit qu'il
détruisît le Théâtre-François et l'Opéra, malgré les efforts qu'ils
feroient pour attirer le public. On doit s'attendre que les Comé-
diens françois, pour excufer leur pareffe, ne manqueront pas de
publier que c'eft la Comédie-Italienne qui les ruine et ils affecte-
ront d'oublier qu'ils ont un fpectacle de moins à combattre et ne
fongeront point à mettre des nouveautés, malgré le grand nom-
bre de pièces qu'ils ont reçues, comme on Tauroit fait à la Comé-
die-Italienne fi la réunion n'avoit pas eu lieu.
L'on penfe qu'il faudroit réferver le tems des foires pour jouer
des opéras-comiques : i** parce que ce n'eft que fous ce prétexte
que la Comédie-Italienne ne pourra chanter tous les jours, indiffé-
remment, en vertu des 20,000 livres qu'elle eft obligée de payer;
2** c'eft que les opéras-comiques font en bien petit nombre pour
n'être pas bientôt épuifés fi on les donnoit indifféremment dans
Appendice. 283
tous les tems de l'année, au lieu que n'étant donnés qu'à une
certaine diftance de tems, ils ramèneroient le public furtout dans
Tété qui eft une faifon morte pour les fpectacles; 3° la Comédie-
Italienne joueroit fes parodies et pièces de chant certains jours
de la femaine, comme par le paffé, fans faire tort à la Comédie-
Françoife ni à l'Opéra.
Voilà à peu près le plan qu'on a pu fe former pour la Comédie-
Italienne jufqu'à ce que les acteurs que l'on reçoit foient au fait
et en état de fervir dans les différens genres.
Situation générale de la Comédie depuis Vouverture de Pâques 1761
jufqu*au 1*' février 1762.
Il y a eu jufqu'au !•' février 261 repréfentations.
La recette totale forme 289,723* i8» 2^
La dépenfe totale 300,462 7 6
La dépenfe excède la recette de 10,738 94
Dû aux pauvres 52,552 18 i
Payé aux pauvres 21,000 » »
Refte dû aux pauvres 3i»552 18 i
Total du partage 37>5oo » »
Partage par parts 2,500 » »
Montant des anciennes dettes » » »
A-comptes payés fur les anciennes dettes. . 64,298 13 5
Redc des anciennes dettes » » »
Fonds faits par les acteurs » » »
Les ballets, trop nombreux, étant une occafion de dépenfe
pour la Comédie et les fujets employant toutes les protections
imaginables pour y entrer, il conviendroit que Meffieurs les pre-
miers gentilshommes de Li chambre fixaffent les ballets à huit
fîgurans et huit figurantes payés et trois fumuméraires de cha-
cun, lefquels ne danferoient que pour remplacer les malades; les
ballets feront affez nombreux en y comprenant les premiers dan-
feurs et premières danfeufes, et leur faire exécuter les règlemens.
284 Les Comédiens italiens.
» il *
Il y a un abus extrême par rapport aux entrées. Il Êiudroit que
Meffieurs les premiers gentilshommes de la chambre fe fiflent
rapporter l'état des entrées pour voir fi les raifons qui ont déter-
miné à accorder une entrée à quelqu'un font fuffifantes. Il con-
viendroit qu'en général elles fuffent fixées à l'amphithéâtre et
que le tableau arrêté fût figné de Meffieurs les premiers gentils-
hommes de la chambre.
Il s'élève tous les jours des conteflations au fujet des places du
parterre. Il contient 700 perfonnes. On a vu les gardes françoifes
fe plaindre des jours où il n'y en avoit que 450 et être très-
contens d'autres jours où il y en avoit 500; l'on pourroit fixer
le parterre à toujours 550 au moins. On n'éprouve pas cette
diflSculté à l'Opéra; on reçoit dans le parterre plus de monde
qu'il n'en peut contenir, et les gardes ni la police ne fe plaignent
pas. En général, on pourroit repréfenter que les fentinelles qui
font dans l'intérieur du fpectacle ne veulent point donner aucun
fecours pour £dre arranger les fpectateurs, de forte que la Comé-
die fait une perte réelle par le grand nombre de perfonnes qui
s'en vont, ne pouvant parvenir à fe faire faire place malgré qu'il
y en ait. Les fentinelles favorifent ceux qu'elles veulent et les co-
médiens font fouvent des repréfentations inutiles. Ce feroit à
Meffieurs les premiers gentilshommes de la chambre à convenir
de ce qu'ils défirent avec M. le maréchal de Biron. Il convien-
droit même que les fentinelles, fur la demande du fuiffe, lui prê-
taflent fecours dans le cas où il ne pourroit fe faire obéir. Conune
le fuiffe ne peut être à la porte de derrière et à celle de devant,
à la fortie du fpectacle, et que les domeftiques s'y introduifent
journellement et font embarras dans les corridors, il Éaudroit
qu'un des garçons de théâtre fe tint à la porte du corridor après
le fpectacle pour ne laiffer entrer aucun domeftique.
Le bien de la Comédie exigeant que les aâEaires foient férieufe-
Appendice, 28 5
ment examinées et difcutées avant les aflemblées générales du
lundi, il feroit important qu'il plût à Meffieurs les premiers gen-
tilshommes de la chambre de former un comité particulier com-
pofé de deux anciens acteurs et de deux nouveaux, du premier
femainier, du caiflier et de l'agent de la Comédie, Icfquels s'af-
fembleroient tous les jeudis matin pour examiner les affaires qui
devroient fe traiter à l'aflemblée du lundi fuivant, de même que
les mémoires des fourniffeurs et ouvriers, projeter les dépenfes
et payemens , examiner les pièces foit françoifes, foit italiennes
qu'il conviendroit de mettre au répertoire du lundi pour le plus
grand avantage de la troupe. Il conviendroit que toutes les per-
fonnes chargées de quelque diftrict que ce foit, fuffent obligées
de fe rendre audit comité toutes les fois qu'elles y feroient man-
dées par billets pour y rendre compte de leur geftion et qu'enfin
ledit comité fût tenu de remettre à l'intendant des menus un
extrait figné de toutes les matières qui auroient été arrêtées pour
être préfentées à l'aflemblée du lundi fuivant.
Au furplus, ordonner l'exécution des règlemens, ce qu'on ne
peut fe lafler de répéter.
(^ÀniivM nûtionahs, O^ 847.)
XIV
1762. — Juin.
Les Comédiens du Roi de la troupe italienne adressent au Lieutenant
de police leurs plaintes de ce que divers entrepreneurs de spectacles
forains font représenter sur leurs théâtres des pièces qui appartien-
nent au répertoire de la Comédien-Italienne,
Les Comédiens italiens ordinaires du Roi ont déjà eu l'honneur
de s'adrefler à vous au fujet des entreprifes que font journellement
286 Les Comédiens italiens.
fur les fpectacles les nommés Gaudon, Nicolet et autres qui s'ar-
rogent le droit de jouer fur leurs théâtres des pièces appartenant
non-feulement à la Comédie- Italienne, et ce en tronquant les
noms lors des annonces, mais encore des pièces dans le genre de
rOpéra-Comique.
La réunion de ce fpectacle s'eft faite à grands frais par lefdits
comédiens, indépendamment des fommes qu'ils ont été obligés
de payer aux ci-devant directeurs dudit Opéra-Comique, ils font
encore chargés de payer annuellement à l'Académie royale de
mufique 20,000 1. pour avoir le privilège de jouer feuls l'opéra-
comique dans cette ville. Il n'eft queftion que d'établir le droit
defdits comédiens, pour vous prouver que l'on ne peut laifTer
fubfîfter les entreprifes dont ils fe plaignent.
Par arrêt du Confeil d'État du Roi du 25 août 1749, le privi-
lége de l'entreprife , direction et adminiftration de l'Académie
royale de mufique a été réuni à perpétuité au corps de ville de
Paris.
Par délibération des fieurs prévôt des marchands et échevins
de Paris, du 31 décembre 175 1, lefdits fieurs prévôt des marchands
et échevins ont accordé au fieur Monnet le privilège et le droit
cxclufif d'établir à Paris, pendant la tenue des foires St-Germain
et St-Laurent, le fpectacle de l'Opèra-Comique, et il eft dit qu'il
ne fera permis qu'à lui d'établir ce même fpectacle dans les autres
villes du royaume, et qu'il ne fera accordé à qui que ce foit, à
fon préjudice, aucun privilège concernant ce fpectacle; que le
bureau de la ville empêchera que ce même genre de fpectacle,
défigné fous le nom d'opéra-comique, puiffe être repréfenté à
Paris ni ailleurs par quelque autre perfonne que ce foit, non
plus qu'aucun autre fpectacle public compofé de mufique et de
danfes foit en vers françois, foit en d'autres langues.
Ce bail a été fait pour fix années, qui ont commencé le premier
Appeftdice. 287
janvier 1752, et a été prorogé pour trois autres années, par déli-
bération du 5 décembre 17$ S- ^-^ ficurs prévôt des marchands
et échcvins de Paris, agréés et approuvés par Sa Majefté fuivant
Tarrci de fon Confeil d'fitat du Roi du 15 mars I7S7, ont con-
cédé aux fleurs Rebel et Francœur, furintendans de b mufique
de la chambre du Roi, pendant 30 années ï partir du i'' avril
de la même année, le privilège de TAcadémie royale de mufique
pour en jouir de la même manière que la ville en a le droit.
Le fieur Monnet» par acte pâlie devant Gervais, notaire à Paris,
le 3 décembre 1757, a cé'dé au fieur Corbi le droit qu'il avoit de
jouir du privilège de Topéra-comique pour le tems qui reftoit à
expirer de fa jouillance.
Par autre acte pafTé devant Baron, notaire à Paris^ le 4 janvier
1757, les fleurs Rebel et IVancœur ont approuvé la ceflion faite
par le fieur Monnet au Heur Corbi et en outre ils ont fait audit
fleur Corbi un nouveau bail pour fix années, à commencer du
I" janvier 1761, du privilège et droit exclufif d'établir i Paris,
pendant la tenue des foires de St-Germain et de St-Laurent et
dans toutes les autres villes du royaume,, le fpectacle de l'opéra-
comiqueavec promefTe de b part de MM. Rebel et Francœur,
non-feulement de n'accorder à qui que ce foit aucun autre pri-
vilège concernant ledit fpectacle, mais même d'empêcher que
ce genre de fpectacle pût être repréfenté à Paris ni ailleurs pir
quelque autre perfonne que ce foit.
Ledit fieur Corbi, par acte paflè devant ledit Baron, notaire, le
21 février 1762, a cédé aux comédiens italiens le droit qu'il avoit
de jouir du privilège de l'opéra-comique, et ce pour cinq années
qui, ï compter du i*' janvier 1762, revoient à expirer du bail
que lui avoient fait les fieurs Rebel et Francœur, en préfence
defquels ladite ceifion a été faite.
Il eil évident, aux termes de ces différens actes, que tous Ipec-
288 Les Comédiens italiens,
tacles en mufique et danfes autres que les comédies de l'opéra-
comique font défendus à Paris ; que la ville et les fleurs Rebel et
Francœur, qui font fubrogés en fes droits, doivent les empêcher
fuivant qu'ils s'y font fournis.
Cependant, comme nous l'avons annoncé au commencement
de ce mémoire, les nommés Gaudon, Nicolet et autres ont élevé
chacun un théâtre fur les boulevards, fur lequel ils font repréfen-
ter journellement des pièces en vers, en profe, des pièces mêlées
d'ariettes et de chants qui appartiennent à la Comédie-Italienne,
au moyen du payement fait aux auteurs de leurs droits, et ont
chacun à leur fpectacle un orcheftre aflez nombreux pour exé-
cuter les pièces et des danfeurs pour exécuter des ballets.
Inutilement diront ces particuliers que ce font des pièces que
l'on ne joue plus à la Comédie ; car, quoique les comédiens ne
les jouent pas dans ce moment, elles ne leur en appartiennent
pas moins. Ils les laiflent repofer pour les reprendre dans un autre
tems, et il en eft beaucoup qui font dans ce cas, que les fleurs
Nicolet et Gaudon jouent. C'eft une entreprife d'autant plus
repréhenfible qu'il ne leur eft pas permis de parler même avec la
pratique qui n'appartient qu'aux marionnettes.
Le fleur Debar, chargé d'exécuter vos ordres aux fpectacles des
boulevards pour le maintien de la police, prétend que c'eft vis-à-
vis de lui que la Comédie doit établir fon droit et traiter cette
affaire ; que vous l'en avez chargé fpécialement. Elle eft trop de
conféquence pour les comédiens pour qu'ils puiflTent s'adrefler à
d'autres qu'à vous. Vous leur avez donné dans tous les tems des
marques de bonté qui leur font efpérer d'obtenir directement de
vous, Monfleur, la juftice qui leur eft due, et que, vu le droit qui
leur appartient de jouer feuls des opéras-comiques et des pièces
nouvelles mêlées de chants, vous voudrez bien interpofer votre
autorité pour défendre auxdits fleurs Gaudon, Nicolet et autres.
Appendice. 289
de faire déclamer ni chanter Ji leurs fpectacles aucunes piices, et
les obliger à fe réduire à la pantomime, qui eft la feule chofe qui
leur foit permife de faire.
XV
1763. — 2avTil.
Les comédiens du roi de la troupe italienne font passer par Vinter-
midiaire de l'intefuiant des menus plaisirs quelques réclamations
m
à Af . le duc de Duras, premier gentilhomme de la chambre. —
Réponses qu*y fait ce dernier.
MoKSEIGKEURy
Les comédiens iulicns font venus ce matin pour me prier de
vous faire quelques repréfentations au fujet des ordres que je
leur ai remis de votre part.
Réponfe : Les comédiens italiens repréf entent beaucoup, obéiffenl
à regret et tiennent des propos auffi légers qu'indécens fur leurs fu'
périeurs. Ceux qu'ils ont tenus à leur auberge en fortant de che^
moy me font revenus, m'ont fait peu d^imprefjion et ne m'ont prouvé
que leur étourderie et leur efprit d'indépendance.
i*" Les comédiens italiens demandent qu'il vous plaifc de leur
confener encore le fieur Rubiny (1) dont ils difent avoir befoin
pour jouer dans différentes pièces de M. Goldony, et de plus
pour lui donner le temps de trouver i fe pbcer en Italie,
Réponfe : Les comédiens italiens auroient dû remercier le fieur
Rubini dés l'année paffée ; vous ave^ eu grand tort de fouffrir qu'il
continuât à jouer cette année. Je vous prie de ne m'en plus parler.
COM. DC KOI. — 11. 19
290 Les Comédiens italiens.
2° La troupe françoife défîreroit que vous leur confervafliez le
fieur Saint- Aubert (i) et que vous Taugment alliez, attendu qu'il
trouve i,8oo livres en province.
Réponfe : Je fuis très-aife que le fieur de Saint-Auhert trouve
i,8oo livres en province. Il fera très-bien de les accepter. Je ne puis
le garder ci Paris. Les fieurs Desbrojfes, Lejeune et Lobreau (2) fe
partageront fes rôles. Les comédiens italiens devroient fe fouvenir
qu'ils Vont reçu fans nojlre aveu, et je vous charge nommément,
Monfieur, d'empêcher que pareille chofe arrive une autrefois.
3° M. Lejeune demande la confervation de madame Lejeune
pour danfer, attendu que fi elle étoit deux ans fans danfer, elle
perdroit alors tout fon talent, et que le fieur Lejeune et ellepour-
roient fe trouver alors embarraflTés.
Réponfe : Je fuis étonné que le fieur Lejeune faffe une pareille
demande, il devroit fe fouvenir de la convention qu'il avoit faite
avec M. d'Aumont.
4° M"* Camille a l'honneur de vous repréfenter que vous l'avez
mife fur l'état comme première danfeufe, elle y confent avec
grand plaifir, mais elle obferve en môme temps qu'elle eft fujette
à une maladie de femme qui peut l'empêcher quelquefois de
pouvoir exécuter vos ordres aufli ponctuellement qu'elle le défi-
reroit ; elle efpère que vous voudrés bien ne pas douter de toute
l'envie qu'elle a de fe rendre utile.
Réponfe : fe n exige rien au delà des pouvoirs de mademoifelle
Camille et je fuis aujji perfuadé de fon :(èle et de fa bonne volonté
que de fes talens.
(i) Ce Saint-Aubert chantait dans les opéras comiques. Il avait débuté en 1762 et fut congédié
en 1763.
(2) Lobreau, ancien acteur de la troupe de Lyon, débuta k la Comédie-Italienne, le 2 mars 1765,
par les rôles du prince dans Ninettt d la cour, parodie de Favart, et du musicien dans le Magasin
des modernes de Panard. Il joua ensuite dans le Peintre amoureux de son modèle, paroles d'An-
seaume, musique de Duni, et dans le Maître de musique, parodie en deux actes, de Baurans, et
fut reçu & demi-part.
Appendice. 291
5* Le ficur Sa\7, jouant les rôles de Docteur, et qui eft aux
appoiniemens de 2,000 livres, et pour lequel vous n'avés pas
fait mention des jettons, vous fupplie de vouloir bien les lui
accorder.
Réponfe : Le fieur Savi jouira des fnimes avantages que les autres
acteurs reçus aux appointemens.
6** M. Carlin m'a chargé d'avoir l'honneur de vous repréfentcr
qu'il ne peut regarder comme une grlcc perfonnelle Ik lui les
2,200 livres et les jettons accordés cette année à fa femme vu
le retranchement qu'il vous a plu de faire des feux, manfes do-
meiliques. Il confent que fa femme joue et danfc pour rien
fi elle efl utile à la Comédie, mais il ne veut pas qu'elle foit
coniprife dans l'état, ni qu'elle foit payée.
Réponfe : Je ne puis croire que le fieur Carlin ait riflichi quand
il a refufé le traitement que j'ai arrangé pour fa femme, fay cru
devoir la mettre à portée de fe former ; s'il ne veut pas accepter Par-
rangement que je luy ai propofé, il eft bien le maître, mais je ne puis
tty ne veux me prefter à fa propofition,
7'* M. Rochard ne confent point, dit-on, à l'arrangement que
vous avés fait relativement ï fes créanciers, il eft à craindre qu*il
ne rcfte point ; dans ce cas je vous fupplie de vouloir bien me
donner vos ordres.
Réponfe : Le fieur Rochard exécutera ce que j'ay arrangé pour
lui ou je difpoferai de fon employ.
8" Madame La Ruette a dit à la Comé*die que vous lui aviés
accordé (à part en confîdération du peu de fen'ice qu'elle avoit
fait à la cour dans les opéras. J'ai cru devoir défabufer fes cama-
rades en leur difant que vous ne lui aviés accordé cette augmen-
tation que parce que vous avés cru qu'elle le méritoit par fon
travail et qu'elle continueroit à la mériter par la fuite.
Réponfe : Ce nefl point pour le fcrvice de la cour que fai donni
292 Les Comédiens italiens.
la part entière à madame La Ruette, c'eft à fes talens, àfon utilité
et à Vef pitance que fay qu'tlle travaillera ajffiduement que je luy ai
accordé.
9° Les comédiens m'ont auffi parlé de la gratiflBcation que
vous avés accordée, Monfeigneur, aux ûeurs Caillot, Clairval,
La Ruette et la demoifelle Defchamps, difant que c'étoit prendre
leur propre bien en difpofant ainfi d'une partie du féqueftre. Je
leur ai repréfenté que les comédiens françois , loin de réclamer
contre les difpofitions faites par meffieurs les premiers gentils-
hoiïimes de la chambre en pareil cas, avoient toujours reçu avec
reconnoiflance et refpect vos difpofitions tendantes au bien du
fervice et à exciter parmi eux l'émulation.
Voilà, Monfeigneur, les principales chofes fur lefquelles je vous
fupplie de vouloir bien me donner vos ordres.
Réponfe : Si je ne connoiffois l'efprit de révolte et d'infubordina-
tion qui règne parmy les comédiens italiens et fomenté par quelques
brouillons que je connois aujfi, je vous avoue que je ferais auffi choc-
que quefurpris de leurs propos fur Us gratifications accordées fur le
féqueftre. Qu'ils fâchent une fois pour toutes que je ne leur dois
aucun compte, que fay bien voulu entrer dans le détail cette fois-cy
et que je fairay leur bien malgré eux en remettant V émulation, la
docilité et l'ordre dans leurs affaires.
Le Duc DE Duras.
Je fuis avec refpect, Monfeigneur, votre très-humble et très-
obéiflant ferviteur.
Signé : De La Ferté.
A Paris, ce 2 avril 1763.
(Arebiws nationales, O*, 846^.
Appendice. 293
XVI
1768. — Décembre.
Représentations adressées aux premiers gentilshommes de la chambre
par les acteurs du genre français de la Comédie-Italienne, relati-
vement à la suppression projetée des pièces françaises.
Nofleigneurs,
Les acteurs de la Comédie-Italienne deftinés principalement
aux rôles des pièces françoifes, juftement alarmés par la crainte
de leur ruine prochaine, ofent expofer avec un profond refpect, à
Vos Grandeurs, quelques réflexions, foit pour le bien général du
Théâtre-Italien, foit pour implorer vos bontés et réclamer votre
juftice pour eux en particulier, en vous faifant connoître la trifte
fituation à laquelle ils feroient réduits, s'ils avoient le malheur de
perdre leur état.
L'on a reconnu la néceflité de plufîeurs fpectacles dans la ville
de Paris, et fingulièrement de deux troupes de comédiens fran-
çois, ou par rapport au nombre de fes habitans, ou pour exciter
dans ces deux troupes l'émulation toujours avantageufe aux plai-
fîrs du public; elles n'ont jamais été nuifibles l'une à l'autre,
toutes les fois qu'elles ont donné en même temps des pièces re-
connues bonnes, où les acteurs fe font efforcés de faire paroître
leurs talens ; leurs falles de fpectacles ont été également remplies;
la confervation de l'une et de l'autre de ces deux troupes paroît
donc utile.
Le Théâtre-François, muni d'un fond prefque înépuifable, n'a
befoin pour fe fou tenir que du travail et du talent de fes acteurs;
il n'en eft pas de même du Théâtre-Italien qui n'a exifté, jufqu'à
préfent, que par les reflburces que Vos Grandeurs lui ont pro-
294 Les Comédiens italiens.
curées. L'inftant de fon rétabliflement, en 1716, a été fuivi pen-
dant quelque temps du plus grand éclat; la nouveauté a toujours
flatté, mais elle eft fouvent de peu de durée lorfqu'elle n'a pas un
fond folide. A peine deux années s'étoient-elles écoulées, que
tout cet éclat avoit difparu et les acteurs italiens étoient fur le
point de s'en retourner, fi vous ne leur aviez permis de jouer des
comédies françoifes qui, entremêlées avec des pièces italiennes et
des parodies, ont aidé à les faire fubfifter. Les repréfentations de
ces dernières ont été fufpendues pendant quelque temps à la fol-
licitation des acteurs de la Comédie-Françoife, mais vous leur en
avez accordé de nouveau la permiffion afin de pouvoir conferver
leur théâtre et vous avez cru également néceflaire d'y admettre
des acteurs qui ne fuflent pas nés. en Italie, tels que les fieurs Ro-
chard, Dehefle, Lejeune, Caillot, Champville, les dames Favart,
Rivière, Carlin, Bognoli; alors les meilleurs auteurs françois ont
travaillé pour ce théâtre : plufieurs pièces y ont réuffi et ont
formé un fond confidérable.
Ce Théâtre-Italien s'eft ainfi fou tenu jufqu'en l'année 1760,
mais avec des recettes inégales. Les comédiens italiens fe trou-
vèrent alors endettés par rapport avec cette inégalité et encore plus
par rapport aux événemens qui leur étoient furvenus, et finguliè-
rement les reconftructions qui étoient à faire dans leur falle. Les
pièces françoifes, telles que les Sultanes (i), les Caquets (2), An-
nette et Lubin (3), jointes aux pièces italiennes du fieur Goldoni,
qui furent repréfentées cette même année et la fuivante, rendirent
les recettes plus abondantes qu'elles n'avoient été jufqu'alors.
Les comédiens italiens avoient acquitté une partie de leurs
dettes lorfqu'en l'année 1762, l'opéra-comique a été joint à leur
(i) Soliman II, ou Us Sultanes, comédie en trois actes, en vers, par Favart, musique de Gibert.
(2) Les Caquets, comédie en trois actes, en prose, par Riccoboni fils.
(3) Annetie et Lubin, comédie en un acte, par M»»* Favart et L...
AppendUe. 295
fpcctacic. Cette réunion a été confidérée comme une troifièmc
branche pour fcnir ii*appui à leur théâtre; les pièces italiennes
faifoient la première, les pièces françoifes, mêlées pour la plupart
de ballets agréables et d'autres af^rémens^ différentes en ce point
et hors de la clafle des pièces du théâtre de la nation, formoient
la deuxième branche, enfin les opéras-comiques et les parodies en
étoient la troilîème. Le même goût pour b nouveauté a donné
lieu à un nouveau fuccès, mais comme ce genre ne peut aifément
fe multiplier fans fe répéter, cinq ou flx bons ouvrages de cette
efpèce, dont la plus grande partie eft déjà ufée, en forment tout
le fond. Le fuccès même en appartient autant aux talens fupé-
rieurs des acteurs qui y chantent, qu*â la nature des pièces en elles-
mêmes. Que quelqu'un de ces acteurs, accueiUis par le public,
vienne \ manquer, toutes ces fortes de pièces deviendront inutiles;
il en fera de même fi l'on en fait un ufage trop fréquent pour
tâcher de forcer les recettes. On en trouve déjà la preuve en com-
parant ces mêmes recettes les unes aux autres ; on voit qu'elles
ont diminué tous les ans, en forte que celle de l'année dernière
a été plus faible que celle de l'année qui l'a précédée, et ce d'une
fomme de 80,000 livres, nonobilant les nouveautés, Toinon et
Toinette (i), V Aveugle de Palmyre (2), les Femmes et le fecret{})^
Vljle fonnanU (4) et les Moijfonneurs (5); mais, on le répète, ce
genre eA borné et ne peut pas aifément fe multiplier.
Ces obfen'ations fondées fur l'expérience font connoitrc qu'il
paroit de la plus grande importance, pour foutenir le Théitre-Iu-
lien, de ménager avec beaucoup d'économie les pièces à ariettes
' '\ Tt***m 01 T*»m«m, tam*Àt9 en Jrut Mftt mkU* J*An«ifM. p«rolt»icDc«Koalai«n,ma«i^vt
«Je (j •••«■..
f j> t'Jrrmf!* d» Fstm^rf, cc»«<«|i« ciiJcui Mict, miltt 4'Anrftrt, fAroU« Je DttfoauwMrt, m«*
(\) I." / tmmêi ttÏ4 m^fi, coaéjie ca un Mtc. »4U« J'ârictir*, p«roUt 4* Qurtaaf, aaM^u*
4ff V».Sv»ii.
(|t l'Hf '•«*«•!#. c(«<»«ii« en fr(»i«Artct, mê\é9 i*«n«iiff, ftr Cul!i, Muai^tt» iw l|'>««-r^T-
296 Les Comédiens italiens.
pour ne pas ufer entièrement le goût du public à cet égard, en les
mêlant avec des pièces italiennes et françoifes.
On a déjà éprouvé plufieurs fois le plaifir que le public a trouvé
dans ce mélange, et l'on a reconnu que plufieurs repréfentatîons
de trois opéras-comiques en un même jour n'ont pas produit des
recettes plus abondantes que celles de quelques pièces françoifes,
telles que VÉcole des femmes (i), auxquelles on a joint un feul
opéra-comique. Qu'il furvienne donc le moindre échec aux pièces
de chant, le Théâtre-Italien, privé de fes pièces françoifes, fera fans
reflburces, au lieu que dans cette circonftance le public reverrait
avec plaifir : Timon (2), YEmharras des richeffes (3), les Talens
à la mode (4), la Vie eft unfonge (5), et toutes les autres pièces
qui, foutenues par le mérite réel de leurs auteurs, tels que les Ma-
rivaux, de Boifly, de Sainte-Foy et autres de cette réputation, ne
craignent pas les événemens de la frivolité. Les camarades cban-
tans le reconnoiffent fi bien eux-mêmes qu'ils demandent tous
les jours du fecours dans le genre françois, ainfi que les Italiens
le font pareillement dans le cas de quelque indifpofition ou des
voyages pour le fervice de la cour. Ce font les réflexions générales
que les fupplians foumettent, Nofleigneurs, à l'étendue et à la
fupériorité de vos lumières ; mais quelle que foit votre décifion à
cet égard, daignez jeter un coup d'œil fur eux en particulier. Ils
fe flattent que les fentimens de bonté que vous avez fait éclater
de tout temps en leur faveur en leur donnant un état, fe joindront
aux fentimens d'équité qui font inféparables de vous-mêmes, en
le leur confervant.
(i) La Nouvelle École des femmes, comédie en trois actes, en prose, par Moissy.
(a) Timon le misanthrope, comédie en trois actes, en prose, avec un divertissement, par de Lisle.
()) L'Embarras des richesses, comédie en trois actes, en prose, de Dalainville, avec un divertisse-
ment de Panard.
(4) L€s Talents d la mode, comédie en trois actes et en vers libres, avec un divertissement, par
Boissy.
($) La Fie est un songe, tragi-comédie en trois actes, en vers, par Boissy.
Appendice. 297
Quelle afTreufe pofition feroit celle des fupplians s*ils ètoient
privés de ce même état ! quel terrible avenir I quelles reflburces
pour eux ? La dame Rivière, l'une d'entre eux, a confacré Tes joun
dès fon enfance pour l'utilité du Théâtre-Iulien ; elle les a paflib
dans un travail aflîdu pour réunir diflférens talens, h danfc et la
comédie, qui lui ont mérité les applaudiflemens du public. C'cft
dans le moment qu'elle commence i jouir du fruit de fes travaux
qu'elle fe verroit réduite dans le néant et devenir, fans qu'on lui
puifle rien reprocher, b victime d*un goût paflager, qu'un inftint
a fait naiire et qu'un inAant peut détruire. La dame Cariin a éga-
lement facrifié fon enfance et fa jeunefle à ce Théâtre; le mime
travail lui a acquis pareillement différens talens, b danfe, b co*
mcdie; elle n'a commencé ï jouir du fruit de fes tra\'aux qu'en
Tannée 1 766 qu'il lui a été accordé une demi-part. Le produit des
deux années qu'elle a reçu n'a pas fuffi, i beaucoup près, pour lui
fournir les habits que fon emploi a exigés et i achever le payement
de fon fonds (i). Enfin, le point de vue d'un état qui paroiflbit
certain a contribué au choix du fieur Carlin en fa bveur; il pou-
voit lui tenir lieu de dot. Quelle douleur pour lui, après un fer-
vice de vingt-huit années, de voir fa femme privée de fon eut
fans s*étre mife dans le cas de mériter aucun reproche de b part
de fes fupérieurs ! Ce trifte ubleau, Nofleigneurs, cA le même
pour les autres acteurs detlinés, dans la troupe des comédiens iu-
liens, aux rôles françois. Privés de leur eut après avoir confacré
leur jeunelfe au théâtre auquel il a plu â Vos Grandeurs de les
admettre, â quoi pourroient-ils fe delliner? quelle autre carrière
lair feroit-elle ouverte et, chargés, pour b plupan, de famille,
quelle feroit lair reflburce pour l'éle^-er et la foutenir? C'eft dans
de pareilles circonllances, Koflcigneurs, que votre juAice a tou-
jours cclaté. Les temps changent; l'âge, qui altère les traits, rend
(I) C*tt«-è*4irt là iMiflM ^«t clU4|«« «MMitAirt ét^étt ééf mf A U «mm lM«4t u iM<f<i— .
298 Les Comédiens italiens.
fouvent un acteur incapable des rôles dans lefquels il avoit le plus
réufC dans fa jeunefley tels que ceux d'amoureux, parce que la
fiction devant imiter la nature, les grâces de la figure doivent fe
joindre à l'expreflion; mais ces événemens, inévitable ouvrage
du temps, n'ont jamais été funeftes à l'acteur lorfqu'il n'avoît
pas démérité d'ailleurs. Vous avez feulement changé la nature de
fon emploi. On trouve, à cet égard, des exemples tout récens
de votre bonté envers le fieur Grandval et la dame Drouin au
Théâtre-François. L'un joue à- préfent les rôles de pères ou de
caractères, l'autre ceux de mères ou pareillement de caraaères,
après avoir été deftinés auparavant, l'un et l'autre avec le plus
grand fuccès, à des emplois tout difFérens.
Les fupplians ne font pas bornés aux feules pièces françoifes.
Les ouvrages mêlés d'ariettes ont quelquefois des rôles conféquens
même pour fervir à la liaifon des fcènes; ces ouvrages font d'ail-
leurs fufceptibles de ballets et d'autres omemens ; ils y font tous
employés, ils le font également dans un nombre d'autres pièces.
Le fieur Dehefie joue dans beaucoup de pièces de chant des rôles
faits uniquement pour lui, quoiqu'il ne chante point. Le fieur
Lejeune, fans compter le françois, joue et chante dans VÉcole de
lajeunejfe (i), le Diable à quatre (2), le Roi et le Fermier {'i), Ni^
nette à la cour (4), Vljle des foux (5), Sancho (6), la Fille mal
gardée (7), le Trompeur trompé (8), Annette (9), le Bûcheron (10),
(i) L'École dt la jeunesse, comédie en trois actes et en vers, m£lée J'ariettes, par Anseaume, mu-
sique de Duni.
(2) Le Diable à quatre, opéra comique de Sedaine, avec des ariettes parodiées.
(3) Le Roi et le fermier, comédie en trois actes, mêlée d'ariettes, par Sedaine, musique de Monsigny.
(4) Ninetie d la cour, parodie en trois actes, par Favart, remise plus tard en deux actes.
(s) L'Ile des fous, comédie en deux actes, mêlée d'ariettes, par Anseaume, musique de Duni.
(6) Sancho-Pança dans son iU, par Poinsinet, musique de Philidor.
(7) La Fille mal gardée, parodie par Favart, musique de Duni.
(8) Le Trompeur trompé, opéra comique de Vadé.
(9) Annette et Luhin, comédie en un acte, de M»* Favart et L...
(10) Le Bûcheron, ou les Trois Souhaits, comédie en un acte, mêlée d'ariettes, par Castet et Gui-
chard, musique de Philidor.
Appendice. 299
le CaJi (i), la Nouvelle Troupe (2), fans compter les parodies
où les fupplians font tous utiles. Il efl donc de votre juftice et de
votre bonté de leur conferver leur état, puifque d'un côté ils ne
cefTeront pas de s'en fervir, et que, d'un autre côté, ils fe trou-
veront réfervés pour les circonftances où les pièces françoifes
deviendroient indifpenfablement néceflTaires pour foutenir le
ThéAcre-Italien; vous pourrez aufll, Nofleigneurs, jouir du plaifir
il fenfible de conferN-er votre ouvrage et de la fatisfaction de ne
pas priver de leur eut des acteurs qui ne penfent pas avoir rien
à fe reprocher envers leurs fupérieurs.
XVII
1771. — 18 août.
Règlement pour les entrées sur la scène et dans les coulisses
de la Comédie-Italienne.
Sur le compte rendu k mefTieurs les premiers gentilshommes
de la chambre, de l'abus qui s'eft introduit i la Comédie-Italienne
malgré les ordres précis du Roi et les règlemens faits en confé-
quence, de laifler erttrer fur le théâtre et dans les coulifles, pen-
dant h repréfentation des pièces ou des ballets» des perfonnes
étrangères au fervice et i b repréfentation des pièces ou des bal-
lets, abus dont les femainiers font particulièrement répréhenfibles;
il leur eft enjoint de faire une aflemblée générale de b troupe pour
notifier à leurs camarades de ne faire entrer fur le théâtre aucune
( r ) 1^ r^fi é»f4', of4rê <oai^«« 4t Lmonawr, a««if«t 4t Mo««if«y.
300 Les Comédiens italiens.
perfonne étrangère^ à la réferve d'un dome(tique dans le cas de
néceffité abfolue et reconnue par lefdits femainiers, lefquels do-
meftîques fe tiendront hors des couMes et derrière le théâtre, fous
peine de 36 livres d'amende pour celui ou celle qui auroit fait en*
trer quelqu^un, lequel fera indépendamment renvoyé du théâtre
par les femainiers. Et dans le cas où ils auroient négligé d'impo-
fer ladite amende et de faire fortir du théâtre, ils feront eux-mêmes
condamnés à 100 livres d'amende qui fera prife fur leur part.
L'intention des fupérieurs étant que les auteurs jouilTent toujours
de leurs entrées fur le théâtre comme par Iç paflTé, c'eft-à-dire
pendant la repréfentation de leurs pièces feulement. Il eft égale-
ment défendu aux femainiers de permettre, fous aucun prétexte,
qu'il foit apporté fur le théâtre ou dans les coulifles, aucune chaifc
ou tabouret, excepté pour les actrices qui jouent dans lefpectacle
du jour et leurs doubles. Quant à celles qui ne joueront pas en
premier, foit en double, elles fe placeront de manière à ne point
gêner le fervice, et du tout elles en doivent ufer modérément pour
ne pas gâter l'illufiondu fpectacle et furtout éviter de fe faire voir
au dehors des coulifles. La banquette qui eft proche du foyer de-
vant être réfervée, au furplus» pour les acteurs et actrices jouant
la comédie et non pour d'autres.
A l'égard des danfeurs et danfeufes, les femainiers leur noti-
fieront, dans une aflemblée générale qu'ils convoqueront à cet
effet, la défenfe expreffe de faire defcendre aucun de leurs parens,
ni aucun de leurs domeftiques fur le théâtre, et de paroitre elles-
mêmes dans les couliffes, fous quelque prétexte que ce foit, fous
peine de 12 livres d'amende et d'être remerciées en cas de récidive,
ce dont les femainiers feront également refponfables par 100 livres
d'amende. Et, comme il eft naturel de procurer cependant aux
danfeurs et aux danfeufes le plaifir de voir quelquefois jouer la
comédie, les femainiers conviendront du nombre que l'on peut
Appendiu. 301
Lûflcr encrer, ï chaque reprcfenution, ï tour de rôle, à Tamphi-
théâtre y où elles paroitront fans ctre avec leurs habits de dan-
fcufes (i)» et ils enjoindront au fuifle d*étrc plus exact à l'avenir
ï ne UiiTer perfonne s'introduire audit théâtre et de s'informer
lies femainiers des auteurs qui pourront entrer le jour de U re-
préfentation des pièces.
Et pour que le préfent ordre ne deoieure pas fans effet et qu'il
ne s'iniroduife pas des abus à ce fujet, de nouveau il leur e(l or-
donné de rendre compte chaque femaine de ce qui fe fera paffé
c: notamment des aflfemblées qu'ils auront tenues pour indruire
tous les fujcts atuchés à leur fpectade.
A Paris, ce i8* août 1771.
Signé : De La Ferté.
{àuhftt —tUméUê, O*, M)
XVIII
1772
Mémoire sur la situalion de la Comidie-Italienne.
S'il eil eiïentiel pour les plaifirs du public qu'il y ait dans Paris
plufieurs théitres, il eft important pour l'honneur du prince et de
U nation de maintenir dans cette capitale le feul fpecude étran-
(1) Cviu f«r«iwtoa •■« 4«ai«ai«« At t — fut à PâafkHliAltrt «« liakitt i» «iIU était «••
Ufctff Ait«ttit«tM>a J'uB Offert ué% ngomn^M pf wlf éit «•• a«f«n»v«M <i ft l«^««l d U«r
f.éti inttfJtt À'mtvff au{uat flMt è râM^MWItr«, «ont ^««l^ut fréuiu ^«c <« f&t- Ctttt ta*
ttrJutiun foratll* Aqsaa l»«ii, à l'tf^^iM oè «U» imt <a«a««« A «•• tttmm fJMM«U racest** •• cat
terme* fêf F«««M • La irmoilfUc ma M, It aoai mê mt rcTwai f«t . ■«!■ cooiwc Boa
b«aut«* cakrivlaJim iê tn€*mhUm% ftti%i»9 <«»Ma fét Ita Mfliwri. •• HMiira U mtùm %u* Tani
«ouJr« te fovfff *««»r« re aiflt . M. Jt La Ftn«, a«tt«r At cet orJra, frtfiioii a« aiWa 4*«a
(cr^U auakrcu». L4 4«aaiitil«, iomi «flotMr, fafca U la«l« «i «ia»i h* fwiwt aat | a>aiia 4t tlm»
truJaat Jrt menu* • Ah ' Htnifcifactir, iual«i-to«i ^uf f9 aitura à* f tiM ^ Ea ait ëéltaiaat
I rniia« Jtrâmpkitbaiirt. n>va m'àntâ l« paM «1 U viaaîiu 4« U Maiaf «Tastla i — 4a a Wax— f
•rrUuJi • k««tc aaivaia . aau i«i av«a éKtrv a'aaroM faa c«if4(liA la fuffliaaia THn (liaflï« A
faa fffota«i«ur» a'atmcat puU f««r alla. • (C£«av«f 4» M. et M»» fmmrii Fana. If iaa DMk»,
r M»)
302 Les Comédiens italiens.
ger quî, après avoir pendant fi longtemps amufé la cour et la ville,
fe voit aujourd'hui à la veille de fa perte. Pour mettre fous les
yeux de Noffeigneurs les premiers gentilshommes de la chambre
la fituation actuelle de la Comédie-Italienne, on fe trouve dans
la néceflité d'entrer dans des détails un peu longs, mais qui font
d'autant plus indifpenfables qu'ils ne contiennent que des vérités
inconteftables dont la connoiflance leur parviendroit peut-être
trop tard.
Trois queftions feront le fujet de ce mémoire :
1° Les comédiens italiens, en achetant le privilège de l'opéra-
comique, ont-ils acquis un genre de plus à leur théâtre ?
2° S'ils n'ont pas acquis un genre de plus, ont-ils entendu leurs
véritables intérêts en demandant la fuppreffion des comédies
françoifes ?
3° La Comédie-Italienne peut-elle fefoutenir encore longtemps
avec le feul fecours des pièces de chant?
Avant de réfoudre ces trois queftions, on croit devoir jeter un
coup d'œil fur les progrès de ce théâtre depuis fon rétabliflement
en France jufques en l'année 1760.
La troupe des comédiens italiens qui fubfifte encore aujour-
d'hui fut attirée en France par feu Monfeigneur le Régent : elle
étoit alors excellente et cependant elle fut fur le point de s'en re-
tourner au bout d'un an, faute de pouvoir fubfifter par elle-même.
Ce ne fut que par les bontés de ce prince et par les repréfentations
de plufieurs comédies françoifes qu'elle parvint à fe fixer à Paris.
Après la mort de Monfeigneur le Régent, Noffeigneurs les pre-
miers gentilshommes de la chambre, fentant comme lui la nécef-
fité d'entretenir plufieurs fpectacles dans la capitale, prirent cette
troupe fous leur protection et lui donnèrent dans toutes les occa-
fions des marques éclatantes de leurs bontés. Non-feulement ils
permirent aux acteurs italiens de parler françois, mais encore ils
Appendice. 303
rcvurcnt dans U troupe pluficurs acteurs françois qui l*ont foute*
nue jufqu'à préfent.
Ce n*cft point fans avoir efluyé nombre de crifcs terribles que
les comédiens iuliens fe font maintenus fi lonf^tcms à Paris.
Tantôt fuivis avec une efpèce de fureur, excitant Tenvie et la jalou-
fie des autres théâtres, chicanés fur le françois, inquiétés fur te
chant, tourmentés pour les ballets; tantôt abandonnés totalement
et jouifTant alors paifiblement de leur mifere, ils peuvent dire avec
vérité que ce n efl qu*l leur confbmce, ï leur zèle et à leurs efforts
qu'ils doivent leur exiftence et les différens retours du public &
leur fpectacle : jamais enfin théltre n'a auunt éprouvé de vicif-
fitudes que le leur. Cependant, grâce aux bontés de leurs fupè-
rieurs et aux repréfentations de plus de deux cents pièces, tant
comédies françoifes que parodies ou pièces de chant, fans compter
les ballets, ils fe font foutenus pendant quarante-quatre années,
c*etVâ-dire depuis 17 16 jufques en l'année 1760, qui fut une
époque remarquable et 1 bquelle on commença 1 fuivre attenti-
vement la marche de la troupe pour pouvoir réfoudre les trois
quefiions propofécs.
Première queftion : Les comédiens italiens, en achetant le
privilège de l'opéra-comique, ont-ils acquis un genre de plus ï
leur théâtre ?
Hn l'année 1760, les comédiens iuliens éuient endettés de plus
de quatre cent mille livres. Pour comble de malheur, b falle où
ils repréfentoient, tombant en ruine, ils furent obligés d'en faire
reconftruire l'intérieur, ce qui ne laifla pas d'augmenter encore
leurs dettes.
Ils allèrent jouer au boulevard. Le changement de lieu et les
débuts de M. Lejeune et de M. Caillot leur attirèrent tout Paris.
Ils revinrent enfuite dans leur falle qu'ils avoient fait reconftruire,
les embelliflemcns qu'ik y avoient faits funmt encore une nou-
304 Les Comédiens italiens.
veauté qui, jointe aux nouvelles pièces qu'ils y donnèrent, fixa la
curiofité du public au point que cette année fut une des plus bril-
lantes pour la recette.
L'année fuivante, 1 761, le fut encore davantage par l'accroif^
fement des fuccès de M. Caillot, par l'acquiûtion que l'on fît de
M°" La Ruette et de M"*^ Collet et par la quantité de nouveautés
que l'on donna, telles que les Sultanes (1), les Caquets (2), Sancho^
Pança (3), Annette et Lubin (4), etc., qui toutes eurent une
grande réuffite. On remarquera néanmoins que l'opéra-comique
exiftoit alors aux foires St-Germain et St-Laurent et que, malgré
cela, les comédiens italiens acquittèrent cette année une partie de
leurs dettes; il eft vrai que leurs frais ne montoient pas à 18,000
livres par mois.
Ce fut dans ces circonftances, qu'il ne faut pas perdre de vue
puifqu'elles méritent la plus grande attention, qu'au mois de fé-
vrier 1762, tems où l'on voit que les affaires de la troupe prenoient
une face plus riante, tems où elle venoit de faire Tacquifition de
quatre fujets pleins de talens, tems où elle donnoit les premières
repréfentations à* Annette et Lubin, tems enfin où le Théâtre-Ita-
lien étoit le fpectacle de Paris le plus varié et le plus agréable ,
que les comédiens achetèrent le privilège de l'opéra-comique. Ils
payèrent comptant 54,000 livres, ils firent de grofles penfions aux
entrepreneurs, ils fe rendirent tributaires de l'Académie royale de
mufique; ils perdirent par là le droit de chanter fans payer et
leurs frais montèrent à 15,000 livres de plus tous les mois.
Ils fe hâtèrent de faire démolir la falle de la foire St-Laurent
et la foire St-Laurent tomba. On crut avoir gagné beaucoup en
détruifant un théâtre dont quelques comédiens avoient la peti-
(x) Soliman II, ou Us Sultanes, comédie en trois actes, en vers, par Favart.
(a) Comédie en trois actes, en prose, par Riccoboni fils.
(3) Saneho-Pança dans son iîe, par Poinsinet, musique de Pbilidor.
(4) Comédie en un acte, par Mna* Favart et L...
Appendice, 303
tclTc d'iirc jaloux ; mais pcrfonnc vcriiahlcnicnt ne gagna i cela
que le fleur Nicolet dont le fpectacle acquit en peu Je tems beau-
coup plus de confiftance et de confidération.
Si les Comédiens italiens n'avoient pas eu le droit de chanter
et qu'en achetant le privilège de ropéra-comique ils euflent ac-
quis le droit de donner des pièces de chant, la fpéculation étoit
bonne puifque par elle on augmentoit les moyens de groffir les
recettes ; mais les Comédiens italiens chantoieni. Si, d'un autre
côté, rOpéra-Comiquc eût apporté à la Comédie-Italienne un
afTez grand nombre de pièces pour former un genre nouveau,
Tacquifition pouvoit être de quelque reflburce; mais rOpéra-Co-
mique n'a apporté, pour tout fonds, que cinq ou fix pièces qu'il
avoit ufées pendant les foires. On ne parle pas des pièces en vau-
devilles, puifque depuis dix ans, on n*en a remis que trois qui
n'ont produit aucun effet. La Comédie-Italienne pofTêdoit plus
de vingt-cinq pièces de chant qu'elle pouvoit jouer fans payer de
rétribution i l'Opéra; M"* Favart, M** Laruette, M'** Collet,
.M. Rochard, M. Chamville, M. Lejeune et, par-deflus tout,
M. Caillot, lesfaifoient valoir. Qu'achetoient donc les Comédiens
italiens dans le privilège de l'opéra-comique ? Ce n*étoient point
des fuccès. Ils en avoient autant qu'on en peut avoir, car ce n'eft
pv)int J^ ce privilège que font dues les réuiïites brillantes de b
nouvelle troupe, de Vljle des fotac (i), lïAnnette et Luhin (2), et
de tant d'autres pièces : ce n'efl qu'aux talens de M. Caillot, et
.M. Caillot étoit comédien italien avant Tacquifition de ropéra-
comique.
On ne prétend pas dire non plus que cette acquifition dut dimi-
nuer les recettes de ce théitre; au contraire. On fait fort bien
que toutes les nouveautés produifent toujours leur effet du plus
f . I < ■*-( J 1 fi Jr-.t â;tr«. m<!(« J't'irtm, p«r AiiMAiiac, mii»«^u< àt Duai.
COU I)C ROI. >- U. 20
3o6 Les Comédiens italiens.
au moins ; mais auffi doit-on convenir que les circonftances furent
favorables à la troupe, et que tout concourut pour le moment à fa
profpérité. Le genre italien eut l'avantage, dans ce tems-là, degrof-
fir les recettes des mardi et vendredi par la quantité d'excellentes
pièces de M. Goldoni. L'année 1762 fut donc une très-bonne
année; elle l'auroit été tout de même fans la nouvelle acquifition.
Sancho-Pança (i), le Bûcheron (2), le Roi et le Fermier (3), font
d^S; pièces qui n'avoient pas befoin du privilège de l'opéra-co-
mique pour réufïir; il ne falloit que M. Caillot, et on l'avoit.
L'incendie arrivé à la falle de l'Opéra en 1763 rendit la recette
de cette année plus forte que toutes les autres. Tout Paris abonda
chez les Italiens. Le genre chantant, ignorant ou feignant d'igno-
rer la fource qui remplifloit la caiffe, s'attribuoit le mérite et la
gloire de tous les événemens. Le bruit fe répandît que l'Opéra-
Comique avoit payé les dettes de la Comédie-Italienne, le public
le dit encore aujourd'hui, et cependant rien n'eft plus faux. Ce
furent les circonftances, auxquelles le public ne fait jamais d'atten-
tion ; ce furent les changemens de falles, la grande quantité de
pièces nouvelles, les grands talens de M. Caillot et furtout l'in-
cendie de l'Opéra qui groffirent fi fort la recette et payèrent les
dettes de la Comédie-Italienne; ce font autant d'événemens qui
feroient arrivés fans le privilège de l'Opéra-Comique; enfin, ce
fut une de ces crifes heureufes telles que ce théâtre en avoit eu
fouvent.
Que feroit-il arrivé fi les Comédiens n'avoient pas acheté ce pri-
vilège? Que leurs recettes auroient peut-être été plusfoibles, mais
il eft toujours certain que leurs frais auroient été de cent quatre-
vingt mille livres de moins tous les ans.
(i) Comédie de Poinsinet, musique de Philidor.
(1) Comédie en un acte, mêlée d'ariettes, par Castet et Guichard, musique de Philidor.
(}) -^^o»*''*^*»'»»»*''. Comédie en trois actes, mêlée d'ariettes, parSedaine, musique de Monsigny.
Appendice. 307
Si les Comédiens italiens, avant cette acquifition, jouoient
des pièces italiennes, des comédies françoifes, des parodies et des
pièces de chant; s'ils avoient des acteurs pour tous ces genres,
qu'ont ils donc acheté ? Rien du tout. Il eft très-clairement prouvé
que rOpéra-Comique n'a point apporté Ton genre aux comédiens
italiens ; ils Tavoient et beaucoup moins difpendicux.
Deuxième quedion : S'ils n'ont pas acquis un genre de plus,
ont-ils entendu leurs véritables intérêts en demandant b fuppref-
fion de leurs comédies françoifes ? Suivons toujours avec attention
la marche de la troupe ; confultons les li\Tes de compte : nous
verrons que les recettes ont toujours augmenté depuis l'année
1760 jufqu'en 1763, qui fut la plus forte que ce théitrc eût jamais
faite, puifqu'elle monta au-deflus de fept cent mille livres, et nous
verrons enfuite qu'elles ont toujours diminué depuis. Comme il
ne faut pas une méditation bien profonde pour découvrir les caufcs
de ces diminutions, on va en rendre compte.
Il y a dans Paris, ainfi que dans toutes les villes qui font en
état de foutenir plufieurs théâtres, une fomme ou mafle générale
de fpectateurs. Cette mafle générale eft compofée, à Paris, de trois
niaflcs particulières qui fe portent chacune au fpccude qui lui
plait le plus; le fpectacle le plus ï la mode pour le moment attire
J^ lui une partie des autres nuflfes qui groHlt la fiennc. Lorfqu'en
1763 le feu prit à la falle de l'Opéra, toute la mafle dévouée à
l'Opéra et compofée d'amateurs de mufique dut fe porter et fe
porta néceflairement au Théltre-Italien parce qu'on y chantoit;
il n'y avoit point dans ce tempsli de mauvais jours ; on faifoit, les
mardis et les vendredis, des recettes très-fortes. On en tit une
entre autres, un mardi, pendant les débuts de M"* Beaupré, de
3,(XK) livres J^ une repréfentation de Xirutte à la cour (1). Mois
(1 ) r«-'.>4 ta l'Ot* ft.'tri, 4t pAvart, fmum flui urJ ta i«u« «kic».
3o8 Les Comédiens italiens.
quand une fois l'Opéra fut rétabli aux Tuileries, la maffe qui lui
appartenoit abandonna infenfiblement la Comédie-Italienne pour
reprendre la route que l'incendie l'avoit forcée de quitter; il ne
refta plus, pour lors, au Théâtre-Italien que la maffe qui lui étoit
dévouée; la recette dut diminuer et diminua effectivement.
La recette de l'année 1764 fut donc de beaucoup plusfoible
que celle de l'année 1763.
Celle de l'année 1765 fut encore plus foible que celle de l'année
1764. Il efl vrai qu'on peut raifonnablement attribuer cette dimi-
nution aux différentes interdictions des fpectacles occafionnées
par la longue maladie et par la mort de Monfeigneur le Dauphin,
qui arriva aux fêtes de Noël.
La recette de l'année 1766 éprouva le même fort par un mal-
heur femblable. M™* la Dauphine mourut au commencement du
carême de 1767.
L'année 1767 ne fit point éprouver à la France les mêmes cala-
mités ; il n'y eut point d'interdiction de fpectacles ; cependant la
recette de cette année tomba tout à coup de 80,000 livres au-def-
fous de celles des deux années précédentes.
Comme on ne veut pas donner des probabilités pour des preuves,
on avoue qu'on ne peut au jufte rendre raifon d'une diminution
aufTi confidérable. On ne peut tirer que de fimples conjectures.
Ce ne fut point faute de pièces nouvelles que la recette diminua.
Toinon et Toinette(i), V Aveugle de Paltnyre (2), les Femmes et le
Secret (3), Vljle fonnante (4), les Moijfonneurs (5), etc., fans
compter les débuts de deux Arlequins (6), étoient autant de nou-
veautés qui dévoient néceffairement la groffir. Qui pouvoit donc
(i) Comédie en deux actes, mêlée d'ariettes, paroles de Desboulmiers, musique de Gossec.
(2) Comédie en deux actes, mêlée d'ariettes, paroles de Desfontaines, musique de Rodolphe.
(3) Comédie en un acte, mêlée d'ariettes, paroles de Quêtant, musique de Vachon.
(4) Comédie en trois actes, mêlée d'ariettes, par Collé, musique de Monsigny.
(5) Comédie en trois actes, en vers, avec des ariettes, par F avart, musique de Monsigny.
(6) Marignan, qui débutait pour la seconde fois et qui fut reçu, et Sachetti, qui ne fut pas admis.
U faire diminuer? Ne fcroit-cc pus que l'enthoufiafme du public
pour les piwces de clunt coininençoit ^ fe ralentir de ce moment ?
Ne fcri'it-ce point auûi que, devenu plus dilticile fur ce genre, le
public en a\oit été moins fatisfait cette année-lA que les pré-
cédâmes? C)n peut croire que la maladie de M. Lejeune ayant
contraint les comédi«.ns à néf;li*,er les comédies frani^oifes, ils fe
ti''ou\èren; moins de moyens de varier leurs repréfentations. Quoi
qu'il en foit, cette dmûnution de 80,000 livres dans les recettes fut
attribuée totalement au i^enre fran^ois, et fit concevoir le projet
de le fupprimer en renvoyant tous les acteurs qui le jouoient.
La recette de Tannée 1768 fut encore au-delFous de celle de
l'année 1767. Il eA vrai que la mort de \i Reine occalionna une
interdiction, mais ce ne fut que pendant Télé. Les comédiens,
bien loin d'acquitter leurs dette-s, les augmentèrent cette annéx*
par un emprunt de 30,000 livres.
Comme on attribuoit toujours le-s diminutions des parts lux
comédies françoifes, quelques comédiens employèrent toute cette
année à en foUiciter Textinction. Accoutumés \ tout obtenir des
bonté-s de Nodeigneurs les gentilshommes de la chambre lorfqu'il
s'aiîidoit du bien général de la troupe, ils leur préfentèrent cette
fatale fuppreliîon comme le plus grand bien que l'on pût faire.
Leurs inilances parurent d'autant plus louables qu'ils étoient dans
la bonne foi et qu'effectivement ce genre étoit nul joué ; mois ils
fe trompoient fur leur utilité et leur errenir leur fuggérant une
infinité de raifons, ils obtinrent, fous l'apparence d'un véritable
zèle, ce qu'un peu de prévoyance auroit dû le-s empêcher de
jamais demander.
S'ils n'eulTent follicité qu'une réforme dans les acteurs en coo-
fervant toujours le genre françois, leurs vues étoient bonnes ; mais
demander la fupprelFion de tout un genre c'eft détruire les fonde-
mens le^ plus folidcs d'un thèltrc qui n'en (auroit trop avoir.
310 Les Comédiens italiens.
Enfin, au temps de Pâques de Tannée 1769, on donna Tordre
de retraite aux acteurs qui jouoient dans les comédies françoifes,
et les pièces de Boifly, de de L'Ifle, de Dalainval et de Marivaux,
qui avoient foutenu le théâtre pendant cinquante ans, furent ren-
fermées dans les archives comme nuifibles à la troupe.
On doit avoir remarqué que, depuis 1763 jufqu'en 1769, les
recettes avoient baifle fenfiblement tous les ans. Comme il y a un
terme à tout, on fe flatta que Tinflant où elles devroient rehauflTer
arriveroit; mais les comédiens fe font trompés, leurs efpérances
fe font évanouies , leurs recettes ont continué de baifler , leurs
parts ont toujours diminué, leurs frais font reftés au même point
et leurs dettes fe font de beaucoup augmentées par les différens
emprunts qu'ils ont faits.
Qu'a donc produit cette révolution ? La perte du genre le plus
étendu, le plus beau, le plus noble et le moins difpendieux de ce
théâtre.
On a privé le public d'une infinité d'excellentes comédies qu'il
voyoit toujours avec plaifir et qu'il redemande encore, et de plu-
fieurs acteurs qui, par leurs talens, avoient acquis à jufte titre le
droit de lui plaire.
Faute de pouvoir varier les repréfentations , on a ufé les pièces
de chant beaucoup plus vite qu'elles ne Tauroient été fi elles euf-
fent été entremêlées de plus de cinquante comédies qu'on a fup-
primées.
Les premiers acteurs chantants ont ruiné leur fanté par les
efforts qu'ils ont faits pour foutenir leur genre. Les pièces de chant
ont paffé aux acteurs en double et en triple qui les ont fi fouvent
jouées et rejouées qu'à la réferve de cinq ou fix elles font tombées
dans le difcrédit des pièces les plus vieilles et les plus rebattues.
Enfin, on a mis un intervalle immenfe entre le genre italien et
celui du chant au milieu defquels le françois étoit comme un point
Appendice. 3 1 1
de ralliement où les talcns des trois genres fc réuniflbient. C'étoit
un genre intermédiaire qui tenoit aux deux autres et auquel les
deux autres étoient liés.
A h place A' Arlequin le Sauvage (i), de Timon (2), de V Em-
barras des richejfes (5), de la Surprije de l'Amour (4), des 5ii/-
tanes (5), des Faujfes Confidem'es (6), etc., que Ion donnoit un
jour de nouveauté en chant, on ne donne plus que les Noces
d'Arlequin (7) ou les Perruques.
Le public cft toujours fur de deviner que c'eft une de ces deux
pièces qui doit précéder La première repréfentation d'une petite
pièce de chant. On n'en donne jamais d'autres.
Si les Comédiens italiens ont rétréci leur répertoire, fi les pre-
miers acteurs ont ruiné leur fanté et ne peuvent plus rendre au
théâtre les mêmes fervices qu'ils y rendoient, fi les pièces de chant
fc font ufées pour avoir été jouées trop fouvent, et fi enfin les
recettes ont toujours diminué depuis qu'on ne joue plus de comè-
dies fr.mçoifes, c'efl donc mal à propos et faute d'entendre leur
véritable intérêt que les Comédiens iuliens ont demandé b fup-
ireflion d'un genre qui leur étoit (1 néceflaire.
Troifième quedion : La Comédie-Italienne peut-elle fe foutenir
ecore longtemps avec le feul fecours des pièces de chant ? Avant
rcquifitionderOpéra-Comique,laComédie-Italiennenefcmbloit
ccnpotée que d'une feule famille : beaucoup d'acteurs italiens
jo oient des râles trèsconfidérables dans les comédies françoifes
et Jans les parodies. La troupe n'ayant pour chanteurs que des
coiédiens , les pièces de tous genres étoient jouées avec toute la
(1 AfU^mtm U 5ém9*g0, co^««li« r« trou écft, «« proM, fé» 4« LtUc.
(j Co«#Uic m trot! ««'ict, «« f'OM, ««t< 4if rtix t i ♦»!, fût <U LtftU.
(t Cjcb«Ji« «H trmt éctct, tn ffOM, p«r DaIaimvUUt, »%t< «■ 4if niMf cmt «t« ^(kmàri.
(4 C-m«ili« tu trot! «.iict, «• ffow, •▼«« «« 4iv«ntM««it«i fût Manva*!.
(l C-imrJit CQ troit A^ctrt, ta ««rt. 4c F«v«n.
(» C.r*mé4it ra iroi* •4ft«, ta f roM. fût M«nvttiit
\7 C jMtJit ta troM ûtitt, dt CoUâlto
312 Les Comédiens italiens.
décence poflîble. Les intérêts étoient communs et les acteurs ne
pouvant fe paffer les uns des autres fe prêtoient à tout. Ils ne con-
noiffoient pas encore de rivalités dans les genres. Tous étoient
obligés de concourir au bien général parce que leurs intérêts par-
ticuliers les y engageoient. Il n'y avoit point entre eux de difpute
fur le plus ou moins de recettes que chaque genre pouvoit produire.
Ils étoient fi bien liés, fi bien entremêlés que l'un ne pouvoit jouer
fans avoir recours à l'autre ; et la gloire et le profit fembloient
être répartis également fur chaque membre de la fociété.
L'opéra-comique n'a pas été plutôt fur le Théâtre-Italien que
les intérêts fe font divifés et que chaque genre a fait, pour ainfi
dire, bande à part. Les premiers acteurs qui, jufque-là, avoient
chanté dans toutes les pièces d'agrément, ont ceflTé d'y chanter ;
ils ont fubftitué à leur place des commençans qui n'étant ni chan-
teurs, ni acteurs, font plus propres à faire tomber une pièce qu'à
la faire réuflîr. Tout a été négligé, excepté les pièces de chant.
On fait par expérience que le genre italien, tout comique qu'il
eft, n'eft pas aflez varié pour former feul un fpectacle à Paris.
Quoique ce genre foit extrêmement étendu , le répertoire actue
de la troupe n'eft compofé tout au plus que de vingt-cinq grands
pièces et environ quinze petites. De ces quinze petites pièces, iJy
en a au moins huit qui ne font rien moins que bonnes , et :e
font malheureufement celles que l'on joue le plus fouvent êtes
jours où il y a le plus de monde.
Soit découragement, foit négligence de la part des acteurs ta-
liens , ils femblent avoir renoncé à remettre d'anciennes pièes.
Le peu de fecours qu'on leur donne a entièrement éteint eur
émulation ; ils ne donnent rien de neuf. Ils ont oublié les recetes
du Prince de Salerne(i), de Coraline Magicienne {2) ^ de VEnant
(i) Comédie en cinq actes, avec des divertissements, par Véronése.
(a) Comédie en trois actes, par Véronése.
Appendice. 31}
d'Arlequin perdu et retrouvé (i) et de tant d'autres qui leur ont
attire tout Paris. Par une faulTe fpéculation et par une économie
nul entendue, iisfe font privés de la reflburce qu'ils avoient dans
un auteur célèbre et précieux pour eux, dont le génie fenilc pou-
voit renouveler totalement leur genre; ils n'ont pas calculé que
les honoraires que l'on donnoit à un bon auteur étoient toujours
payes au triple par le public. Comment veulent-ils donc foutenir
leur genre en ne le montrant que par le plus mauvais côté? Quelle
opinion le public peut-il avoir des pièces italiennes quand il verra
vingt fqis tous les ans la Joute d'Arlequin (2), Qui refufe mufe,
le Tuteur trompé {^), le Barbier paralytique, etc.? Il eft certain que
l'on rit 1 toutes ces pièces, mais il eft certain aufTi qu'on rougit
d'avoir ri. Que l'on ne prenne pas le change fur ces appbudiflfe-
mcns. Le public rit, il bat des mains; il donne h l'acteur ce que
fes talens et fes longs femces font en droit d'attendre de lui ; et
s'il applaudit Arlequin qui l'a toujours amufé, on doit être fur
qu'il fiffle la pièce qui le révolte.
Les acteurs italiens en renonçant , comme ils le devroient , à
toutes ces mauvaifcs petites pièces et n'en donnant pas de nou-
velles, réduifent leur répertoire i fix ou fept petites comédies ;
ce nombre n'ell certainement pas fuffifant pour remplir les repré-
fentations des grands jours auxquelles les pièces de chant ne peu-
vent fuffire par elles-mêmes. Ke jouant plus de comédies fran-
soifes, ni de parodies, et négligeant tous les jours de plus en plus
leur genre, les Comédiens italiens de\'iendront donc infenfible-
ment les fimples adjudicataires du bail de l'Opéra-Comique.
Depuis la fupprefllon du genre François, tous les fecours ont été
portés au genre du chant ; on a épuifô toutes les reflburces en fa
(1) C'*m*i*9 9n cm^ Mttt, fût 0«ll««i.
(s) ts JfU i'Ârlt^mtm #f ié Stéfim, CMM4i« ta •• Ml«. 9m— jm;
314 L^s Comédiens italiens,
faveur. Il faut examiner préfentement, fans la moindre prévention,
fi ce genre peut fe fou tenir encore avec les mêmes fuccès.
On ne peut raifonner fur les événemens futurs qu'en compa-
rant les événemens paffés avec les événemens préfens.
Si Ton compare les pièces de chant telles qu'elles étoient autre-
fois avec ce qu'elles font aujourd'hui et la manière dont on les
joue, on conclura qu'en peu de temps ce genre fera non-feulement
dans l'impoffibilité de fe foutenir, mais qu'il tombera et qu'il en-
traînera dans fa chute la Comédie-Italienne. On en va démontrer
évidemment la preuve.
Quelles étoient les pièces en chant que l'on donnoit il y a dix
ou douze ans ? C'étoient de petites pièces en mufique dont le genre
étoit encore nouveau et qui n'exigeoient que très-peu de dépenfe
et fort peu d'acteurs.
Quels étoient les aaeurs quilesjouoientPC'étoientM. Rochard,
M°»* Favart, M"* Collet, M"* Laruette, M. Caillot, M. Clairval.
Les talens des cinq derniers étoient encore plus nouveaux pour
le public que ce genre et leur fanté leur permettoit alors de jouer
toute l'année.
Aujourd'hui les pièces de chant, dont le genre n'eft plus auffî
nouveau, exigent pour la plupart la plus grande dépenfe en habits
et en décorations. Ce font des pièces dans lefquelles on a intro-
duit un fi grand nombre de perfonnages que quand la troupe
auroit quarante acteurs, elle n'en auroit pas trop pour les remplir.
M. Rochard s'eft retiré, M"« Collet, M"** Favart et M. Lejeune
font morts. Il refte donc pour jouer ces pièces M. Caillot,
M. Clairval et M"* Laruette. Leurs talens font auffi nouveaux
qu'ils l'étoient et c'eft à eux que font dues les réuffites de toutes
les pièces de chant. Ils ont porté ce genre à fon plus haut degré
de gloire ; mais malheureufement le premier de ces trois acteurs
fe retire à Pâques, et la mauvaife fanté des deux autres ne leur
Appendice. 3x5
permet pas de jouer fouvcni. On n'a point d'acteur pour rem-
placer M. Caillot. Il n'y a pas d'actrice qui chante comme
M""* Larueite, ni d'acteur qui joue comme M. Clair\'al.
Si les pièces de chant que l'on donne aujourd'hui et qui ne font
plus un genre aufli nouveau qu'autrefois exigent plus de dépenfcs
que celles que l'on donnoit jadis et fi des trois acteurs qui pou-
voient feuls les faire réufllr, l'un fe retire et les deux autres ne
peuvent jouer que rarement, ces pièces doivent tomber infailli«
blement.
Cette confèquence eft d'auunt plus jufte que tous tes évène-
mens fe font réunis pour la rendre plus convaincante.
Depuis douze ans toutes les pièces de chant, excepté le Tableau
parlant {î)^ font tombées ou n'ont eu qu'un fuccès très-médiocre
lorfque M. Caillot n'y jouoit pas. Que doit-on donc efpérer quand
cet excellent acteur ne jouera plus du tout et que pour furcroit
de malheur M** Laruette et M. Clairval feront fouvent incom-
modés ?
On l'a dit et l'on ne fauroit trop le répéter : ces trois aacurs
ont fait la réuflite de ce genre, leur retraite le biffera dans un eut
de langueur équivalent i fa chute.
Quelques comédiens aveuglés fur h fituation de leur troupe
ne manqueront pas de dire que le public fe paflfe toujours de ce
qu'il n'a plus; que l'Opéra s'ell pafle de M"* Le Maure, de
M. ChafTé et de M. Jelyotte. Ceb cd vrai, mais l'Opéra a ruiné
tous fes entrepreneurs et coûte aujourd'hui à b ville de Paris dn*
quante mille écus tous les ans. On dira que b Comédie-Françoifc
s'eft foutenue quoiqu'elle n'ait plus les Lccouvreur, les Quinault,
les Dufrefne et les Dange\'ille. Cela ell encore vrai ; nuis il lui
reile Corneille, Racine, Crébillon, \*oltaire, Molière, Rcgnard et
3i6 Les Comidiens italiens.
Deftouches qui la foutiendront toujours et qui rendront fon
théâtre immortel.
L'Opéra-Comique a-t-il de pareilles reflburces ?
Si Ton veut fuppofer au public le même goût qu'il avoit dans
la nouveauté pour l'opéra-comique, il faut fuppofer aufli que les
auteurs qui travaillent pour ce théâtre feront toujours de mieux en
mieux et que les acteurs qui le joueront feront auffi bons que ceux
qui le jouent. Ce genre, porté à un certain point, ne peut fouffrir
aucune dégradation ni dans la compofition, ni dans l'exécution.
L'exécution s'affoiblira certainement fi l'on ne remplace avanta-
geufement les trois acteurs qui l'ont fait réuffir. Quant à la com-
pofition, on lui a malheureufement donné toute l'extenfion que le
genre pouvoit fupporter. Plus on voudra l'élever, plus on accélé-
rera fa chute, et fi deux pièces à fpectacles tombait dans une année,
les comédiens font ruinés fans reflburce.
Ce genre étoit charmant et très-avantageux aux Comédiens
italiens avant qu'on^ l'eût monté fur le ton de dépenfe où il eft
aujourd'hui. Sionl'eûtconfervédans ItgoinêLAnnetteetLubinÇy),
de Baftien et Baftienne (2), àUfabelle et Gertrude (3), de Rofe et
Colas (4) et qu'on ne l'eût donné qu'avec économie , il feroit
encore nouveau; mais on lui a ôté fa fimplicité en le bourlouflant.
En le rendant fomptueux, il femble qu'on ait voulu le faire lutter
avec le grand opéra. Les comédiens, pour fe hâter de jouir,
l'ont prodigué, proftitué ; ils lui ont ôté toute fa fraîcheur et
tout eft ufé.
De quarante pièces de chant ou environ qui font à ce théâtre ,
il y en a quatre ou cinq produifant encore quelques fortes recettes.
(i) Comédie en un acte, de Mm« Favart et L...
(2) Lts Amours dt Bastien tt Bastiennt, parodie du Dtvin du village de J. J. Rousseau, par M"»*
Favart et Harny.
(l) Gtrtrudtet IsahelU, comédie en un acte, mêlée d'ariettes, par Favart, musique de Biaise.
(4) Comédie en un acte, en prose et en ariettes, par Sedaine, musique de Monsigny.
Appendiu. 517
il y en a 1 peu près autant qui font encore quelque plaifir, et les
autres, à force d'avoir été doublées et triplées et jouées deux ï deux
et trois à trois, font aulTi ufécs que \iJoHte d' Arlequin, i cela près
qu'elles font beaucoup moins rire.
Il et) une vérité confiante et démontrée par l'expérience, c*eft
que les pièces de chant ne fauroient faire un fonds. On ne peut
foutcnir ce genre qu'en le renouvelant fans cefle. On cefle de
fuivre ces pièces quand on fait ces ariettes par cœur. Il n'y en a
pas une de fix années de date qui puiflfe produire une recette de
1,500 livres.
Malgré la grande quantité d'acteurs uniquement deftinés à jouer
l'opéra-comique, on l'a vu fouvent fur le point decefler déjouer;
fans M"" Billioni, qui n'étoit reçue que pour le genre iulien,
on auroit plufieurs fois interrompu pour longtemps les repréfeo-
tations des pièces de chant, et malgré le zèle de cette actrice on a
été contraint de donner un mercredi, 14 octobre dernier, le Prince
de Salerne, faute de pouvoir trouver une feule pièce en mufique.
I:ft-ce avec une femblable reflburce que les Comédiens italiens
pourront fe foutenir ? C'efl cependant h feule qui leur refte , en-
core ne dépend*eUe pas d'eux : ils n'en font que les fermiers ; ils
en ont reconnu la propriété 1 l'Opéra qui peut refufer de leur
en renouveler le bail. Comme ils ont renoncé k tout pour faire
valoir cette ferme, on peut leur en augmenter le prix , tb feront
forcés d'en pafler par tout ce que Ton voudra.
Hnfm, depuis 1763, que b falle de l'Opéra fut brûlée, les re-
cettes de la Comédie-Iulienne ont diminué tous les ans. Celles
que l'on fait journellement ne font dues qu'au préjugé qui fubfide
encore que ce fpectade eft le plus fK*quenté de Paris. Si malheu-
reufemcnt on faifoit courir le bruit contraire et que l'on dit qu'il
ne va plus perfonne aux Italiens, c'en feroit fait, ils feroient
perdus. Leurs dettes fe font fi fon augmentées que fi l'on en
3 18 Les Comédiens italiens,
exceptoit celles que Tincendie de l'Opéra leur a fait acquitter, on
trouveroit qu'ils font auffi endettés aujourd'hui qu'ik l'étoient en
1760, et en jugeant de l'avenir par le pafTé, on ne peut douter que
fi l'on n'y met ordre ils s'endetteront encore de plus en plus. Leur
pofition eft d'autant plus afiireufe qu'ils n'ont pas les mêmes ref-
fources, puifqu'il ne leur refte que deux genres qui n'ont montré
jufqu'à préfent que leur infuffifance.
Un théâtre qui n'a aucun fonds de pièces et qui ne peut fe fou-
tenir qu'en augmentant fes dettes eft un théâtre qui tombe. S'il
eft de la politique ou pour mieux dire de l'intérêt préfent des co-
médiens actuels d'épuifer le crédit de la troupe pour groffir leurs
parts en empruntant fans cefTe fans fonger aux moyens de payer,
il eft de la fagefle de Noffeigneurs les premiers gentilshommes
de la chambre d'interpofer leur autorité pour affurer le bien public
et pour conferver et perpétuer dans Paris un fpectacle dont l'en-
tretien faifoit l'honneur du prince et de la nation en contribuant
à fes plaifirs.
Après avoir démontré clairement les preuves de la chute pro-
chaine du Théâtre-Italien, on croit devoir indiquer les moyens
de la prévenir.
Le répertoire italien n'étant pas affez étendu et n'ayant actuel-
lement que vingt-cinq grandes pièces, les repréfentations des
mardi et vendredi ne font pas affez variées. Les acteurs de ce genre,
en remettant chaque mois deux de leurs anciens canevas, fe trou-
veront au bout d'un an avec un répertoire de cinquante pièces ;
ils doivent eux-mêmes en fentir d'autant plus la néceffité que les
recettes de ces jours-là n'ont jamais été auffi foibles.
Quant à leurs petites pièces, ils ne fauroient trop fe hâter de
les renouveler; elles font de la plus grande conféquence pour ce
théâtre, puifqu'on ne les joue que les jours où il y a le plus de
monde. Elles méritent toute leur attention. C'eft pour cette raifon
Appendice. 319
que des quinze petites pièces que Ton repréfente journellement,
les comédiens de\Toient en reformer au moins la moitié et les
rcmpbccr au double et au triple par des pièces nouvelles dont les
intrigues feroient plus vraifemblables et les dénouemens mieux
amenés. Pour cet efiet, les Comédiens italiens ne peuvent fe
difpenfcr d'engager M. Goldoni à travailler encore pour eux ; ils
n'ignorent pas que c'eil le fcul auteur capable de renouveler leur
genre. Son génie inépuifable peut leur fournir huit petites pièces
tous les ans qui feront un nouveau fonds à ce théâtre. Quoique
Ton ignore le traitement que b troupe pourroit (aire â un auteur
dans ce genre, on croit pouvoir certiBer que huit petites pièces de
M. Goldoni rendroient bien peu fi elles ne rendoient au deli de
fes honoraires. D'ailleurs, ces petites pièces, en montrant le zèle
des comédiens, a ttireroient toujours un peu plus de monde; le
public les voyant avec plaifir attendroit fans impatience Topéra-
comiquc qui termineroit le fpecude, et les acteurs italiens pour-
roient alors avec raifon prétendre â leur portion dans les fuflfrages.
L'opéra-comique, tout agréable qu'il efl, ne fufEt pas pour
foutcnir b Comédie-Italienne. Ce ne fera point par le grand
nombre d'acteurs qu'on parviendra à le rendre fuffifant. On a
prouvé qu'il fe foutenoit mieux quand il en avoit moins. Son
genre éunt, par lui-même, hors d'éut de faire un fonds, il faut
qu'il foit renouvelé fans celTe. Il peut cependant être de la plus
grande reflfource, mais ce ne fera qu'en prenant toutes les précau-
tions pour prolonger l'infbnt du fuccès des pièces qui réuniront ;
ce n'ed qu'en les donnant avec économie qu'on peut en tirer parti,
et le feul moyen de les économifer en variant les repréfenutions
c'ell de redonner les comédies françoifes et les parodies que le
public redemande tous les jours.
Ce moyen eA d'auunt plus facile que ces pièces exigent, qu'on
en connoit les beautés et qu'il y a dans la troupe nombre d'acteurs
320 Les Comédiens italiens.
en état de les jouer. Pour remettre fur pied ce genre dans fon
entier, il ne manque que deux acteurs, l'un pour les premiers
amoureux et l'autre pour les comiques. On pourroit faire venir le
premier de Nantes ; il fe nomme Granger. Il joint à l'emploi des
premiers rôles celui des amoureux dans l'opéra-comique ; il a
peu de voix, mais il eft bon comédien. A l'égard du fécond, il
feroit poflible d'en trouver un qui réunît également le talent de la
comédie à celui du chant. Cependant, avant de charger la troupe
de nouveaux fujets, on peut effayer de donner quelques-unes de
ces pièces pour preflentir fimplement le goût du public.
Comme cet effai ne coûtera rien, on va prouver qu'avec les
acteurs que l'on a, on peut remettre lix grandes comédies fran-
çoifes et fix petites dont la diftribution des rôles fe trouve jointe
à ce mémoire. On peut voir par la lifte fuivante des comédiens
qui y feront employés qu'indépendamment de l'avantage d'avoir
plus de jeu, la troupe mettra à profit les talens de plufieurs de
fes penfionnaires qui n'étant que doubles ou triples ne paroiflent
que rarement.
Les premiers rôles : M. Suin. Quoique l'on penfe que cet ac-
teur feroit mieux placé dans un père noble, ne pouvant charger
M. Clairval de plufieurs études qui le fatigueroient , on diftribue
les premiers rôles à M. Suin, en attendant qu'on en ait un autre.
Les deuxièmes râles : M. Julien. Les premières amoureufes:
M"* Billioni. Les râles travejiis, comme la Faujfe Suivante (i), le
Faucon (2), etc.. M"*" Gault (3) : elle jouoit les premières amou-
(i) La Fausse Suivante, ou le Fourbe puni, comédie en trois actes, en prose, avec des divertisse-
ments, par Marivaux.
(2) Le Faucon, ouïes Oies de Boecace, comédie en trois actes, en prose, avec un divertissement, par
de Lisle. Une pièce intitulée également le Faucon fut jouée le 19 mars à la Comédie>Italienne,
mais c'est un opéra comique de Sedainc, musique de Monsigny, et par conséquent ce n'est pas de
ce dernier ouvrage qu'il est ici question.
(3) M"« Gault débuta à la Comédie-Italienne, le 3 mai 1772, par les rôles de m^rr; dans Gerirudt
et Isabelle, paroles de Favart, musique de Biaise, et dans le Sorcier, paroles de Poinsinet, musique
de Philidor. Elle joua ensuite Genevotte dans les Moissonneurs, paroles de Favart, musique de
Duni y Claudine dans le Maréchal ferrant, paroles de Quêtant, musique de Philidor, tl Julit dons
Appendice. j2l
rcufes avec beaucoup de fuccès; M*** Colombe. Les rôles ins^énus:
W^ Beaupré; M"* Zanerinc. On entend par rôles ingénus, Chloé
dans V Embarras des richejfes{i), Silviadans le Fatuon, Angcliqttf.
dans la Nouvelle Épreuve, etc. Les caractères: W^ Defgland. las
payfans : M. Kainvillc. Les fouhrettes : M** Moulinghen. Pan-
talon: M. Colalto. Arlequin : M. Marignan. Les pères grimes :
M. Desbrofles. Plujieurs autres rôles : M. Véronèfe, M. Cameraoi,
M. Thomafïîn.
Au moyen de cet arrangement, b troupe tirera parti de beau-
coup d'acteurs qu'elle paye comme des premiers fujets et qui,
jufqu'à préfent , ne lui ont rendu que très-peu de fen-ices fans
qu'il y ait eu de leur faute.
Si l'on pouvoit honnêtement faire la comparaifon d'acteurs à
aaeurs, entre ceux que l'on a renvoyés et ceux qui font actuelle-
ment dans b troupe , on prouveroit que le genre, bien loin de
dépbire aujourd'hui , feroit en général mieux joué que dans les
derniers temps et que s'il perdoit à quelques égards, il gagneroit à
tant d'autres que b comparaifon feroit en faveur des acteurs
aauels.
Toutes les objections que l'on pourra faire contre ce projet,
feront fans aucun fondement et ne pourront être diaées que par
la mauvaifc volonté. On va tâcher d'y répondre d'avance.
On ne manquera pas de dire que les moyens que l'on propole
tendent à furcharger b troupe, mais fi le genre pbit, il augmen-
tera la recette ; d'ailleurs l'eflai n'en coûtera rien et fi l'on engage,
par b fuite, les deux acteurs qui manquent , il fera fort aifé de
regagner leurs appointenicns en économifant fur d'autres objets.
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(1) C^a«iit — trois Mttt. «• ftott f*( DaUmviU*. •««< «• iit «noMBtM éê f^%»ri
COM DC EOI. ^ U. 21
322 Les Comédiens italiens.
On dira peut-être que Ton veut conferver quelques-unes de ces
pièces pour les faire mettre en mufique. Ce projet ne vaudroit rien.
Qu'on fe reffou vienne de la Nouvelle École des femmes, de sa
réuflite dans fa nouveauté et de fa chute honteufe quahd on en
eut fait un opéra-comique (i).
On dira aufli qu'on a beaucoup d'opéras-comiques à remettre ;
mais les pièces françoifes n'empêcheront laremife d'aucune pièce
de chant. D'ailleurs on doit craindre que les anciens opéras-co-
miques ne rendront rien ; il y a une fi grande différence entre une
bonne comédie et un bon opéra-comique que l'une eft encore jeune
à quarante ans, tandis qu'à huit l'autre eft dans la décrépitude.
Il eft poffible encore que l'on dife que c'eft rifquer le fort des
comédies françoifes qui, venant à tomber, ne pourroient plus
être redonnées. Cette objection ne feroit pas meilleure que les
autres, et fi l'on veut faire la comparaifon des acteurs que l'on
n'ofe donner ici, on fentira qu'il eft impoflible qu'elles f oient, en
général, auffi mal jouées qu'elles l'étoient. C'eft précifément le
moment de les jouer ou jamais. La troupe depuis longtemps n'a
été auffi bien compofée pour cela. Un acteur ou une actrice de
moins, le plus petit changement dérangeroit tout et l'on feroit
privé, peut-être pour toujours, de cette reffource. Il faut de toute
néceffité profiter de l'inftant où il y a encore dans la troupe des
acteurs qui ont la tradition de toutes ces pièces. Plus on attendra,
plus il y aura de difficultés dans l'exécution et plus les périls de ce
théâtre s'aggraveront.
Mais quoi! s'écriera-t-on encore, remettre un genre dont des
(i) La Nouvelle Ecole des femmes, comédie en trois actes, en prose, par Moissy. «Les comédiens
italiens voyant avec regret qu'une de leurs pièces les plus agréables, la Nouvelle École des femmes,
étoit perdue pour eux et pour le public p^r la nouvelle forme que leur théâtre a prifc depuis quel-
ques années, ont eflayc de l'y faire reparoitrc (le ^^ janvier 1770) avec les agrémens de la
raulique ; mais cette tentative n'a pas réuni fans toutefois qu'on puiiïe en rien conclure contre les
talens de M. Pbilidor qui en avoit fait la muûque. On y retrouvoit bien toutes les cènes qui
avoient fait tant de plaiûr autrefois, mais chacun s'écrioit avec M. Tue : ■ Qu'on me U rende
« telle qu'elle étoit ! • {Les Spectacles de Paris, 177).)
Appendice. 3 a}
comédiens môme ont demandé la fupprefTion ! Tous les hommes
font fujcts à le tromper; pourquoi des comédiens rougiroient-ils
de reconnoitre leur erreur quand on leur montre auffl clairement
la vérité? Un pas en arriére ne tire pas ï conféquence. Qu'une
faufle honte ne retienne donc pas plus longtemps la troupe ita-
lienne dans le plus grand danger. Que les Comédiens italiens
engagent M. Goldoni à renouveler leurs petites pièces et qu'ils
redonnent des comédies françoiles et des parodies, puifque le
public les redemande et que ce iont les feuls moyens de prévenir
la chute prefque inévitable de leur théâtre.
Il s'agit de l'état des comédiens actuels, il s'agit de la reprile
des fonds de chacun d'eux en particulier, il s'agit de leurs penfions
de retraite qui ne font, ainfi que celles des acteurs retirés, hypo-
théqués fur d'autres fonds que l'exiftence chancelante du Théâtre-
Italien ; il n'appartient qu'à des yeux clairvoyans d'en apercevoir
tous les rifqucs. Sa Majcdé ayant confié l'adminidration de fcs
deux troupes de comédiens â Nofleigneurs les premiers gentils-
hommes de la chambre, c'ed â leurs lumières qu'on prend la
liberté de foumettre les vérités contenues dans ce mémoire. Mi-
niftres , juges et protecteurs-nés des deux théâtres , c'eft â leur
fagefTe â prévoir les malheurs de la Comédie-Italienne et â leur
bonté d'y apporter les iccours convenables.
DISTRIBUTION DES ROLES
dans fix grandes comédies françoifes et fix petites.
CRAKDtS nÈCCS.
Arlequin famvagi (1).
Lili^ M. Suin.
Mjric M. julien.
(1) CimmJm tm iroM a««ct, «• ftt*,fié^ LmW.
324 Les Comédiens italiens.
Pantalon M. Colilto.
Flaminia M"« Gault.
Violette M«« Moulinghen.
Unpaffant M. Desbroffes.
Un marchand M. Véronèfe.
Un exempt M. Cimerani.
Arlequin M. Marignaa.
Soliman fécond (i).
Soliman M. Suin.
„ , l MUe Beaupré.
Roxelane < _ _„ _ ,
La Circaffienns M»» Defgland.
j M«e Billioni.
j Miïe Colombe.
Le chef des eunuques .... M. Marignan.
L'Embarras des ricbeffes (2).
PhUus M. Suin.
Midas M. Colalto.
Af«« Midas M"* Defgland.
Florife M»e Gault.
Pamphile M. Julien.
^, , 1 M^ie Beaupré.
Cloi ^^,, ^ \ .
j M"« Zanenni.
Arlequin M. Marignan.
Trivelin M. Thomaflin.
Un tailleur M. Camerani.
Un procureur M. Véronèfc.
Af. Chrifanthe M. Desbroffes.
La Surprife de V Amour (3).
La comteffe M"« Gault.
Lelio M. Suin.
(i) SolimAH II, ou Ui Sultams, comédie en trots actes, en vers, de Favart.
(2) L'Embarras iis richesses, comédie en trois actes, en prose, par Dalainville, avec un divertisse-
ment de Panard.
()) La Surprise de l'amour, comédie en un acte, «n prose, avec un divertissement, de Marivaux.
Appendice. 325
Coîomhine M™e Moulinghen.
Jacqueline M^* Beaupré.
Maître Pierre M. Thomaffin.
Arlequin M. Marignan.
Lejwds l'Amour et du Hafard.
M, Orgon M. Desbroffes.
Dorante M. Suin.
Mario M. Julien.
Silvia M"eGault.
Lifette M«« Moulinghen.
Arlequin M. Marignan.
Le Faucon (2).
Lelio M. Suin.
Flaminia M«« Billioni.
' ( MUe Beaupré.
'^ } MWc Zanerini.
Colombine M«« Moulinghen.
Arlequin M. Marignan.
Pierrot M. Thomaffin.
BETITES PIÈCES.
U Silphide (3).
LaSilphide M"* Gault.
La Gnomide M. Véronèfe.
Èrafte M. Julien.
Un procureur M. Desbrofles.
Un fergent M. Camerani.
Premier créancier M. Thomaffin.
Second créancier M. Royer (4).
Arlequin M. Marignan.
(i) Comédie en trois âctet, en proue, par Marhnnu.
(a) Le Faucon, o» Us Oits i* Boceacê, comédie en trois sctes, troc on prologue et va tfitertisse-
ment, par de Liste.
()) La SjlfhiJU, comédie en as eete,ett prose, ivsc us divertissement, par Dominique et Romagaesi.
(4) Cetaetear, qui Jouait les uHlUéi, déVvta à la Coaiédie-IutteBiie es 1771 et la quitu ea 1774.
J>«
Les Comédiens ilaliens.
L'Héritier du viiUgt (i).
M"' Damit M"« Colombc-
Li cbftralier M, Tri»l.
Blai/t M. NaiBvillc.
Claudin* M"« Deff-kiid.
Colin M, Thomiirm,
C»Utlt M"*BMupnî.
Arlt^n M.Marignan.
Grigfl M. DcsbroRes.
Arlt^uin poli par l'Amour (i).
Cette piËce a ivi \ou<;q ea canevas.
Arlequin Huila (j).
L'iman M. VétoakSt.
Achmtt M. Julien.
Li eadi M. DesbroCcs.
Zûïdt M"< Colombe.
FOim M"' Moulinghen.
Arbiui» M. Marignan.
, . ^ ,^ I M. Touvois (4).
* '^ I M. Royeï.
Agnèi de Chaillol (j).
te baiiU M. Marignan.
La baiUivi M'l= Dcfgland.
'"'"' I M. Julien.
Croûton M. DesbrolTes.
(0 ComMie ta un iclc, a
(i) CoKitdit (S un «le, »
(]] Comiixt ta un icu, a
{4)Cn.cKur.r.iio«i>lc
Appendice. 327
Agnès M"« Beaupré.
Le pédant M. Carlin.
Le magi^^r M. Thomaflin.
La Nouvelle Épreuve,
Dorante M. Suin.
jVfm* Argante M"« Defgland.
Angélique M^^e Beaupré.
Lifette M«« Moulinghen.
Blaife M. Nainvillc.
Frontin M. Marignan.
{Archives natitnalét, O*, 847.)
XIX
1774-
Règlement pour la Comidie-Italienne.
Article i"^. — Le préfent règlement corifirmatif des précé-
dens en tous articles où il n'y ait pas expreffément dérogé , après
avoir été lu en préfence de toute la fociété, fera mis fur le regiftre
des délibérations et il en fera délivré une copie à chacun des ac-
teurs et actrices qui compofent la fociété afin que perfonne n'en
puifle prétendre caufe d'ignorance. Il en fera fait en outre lecture
tous les fix mois en préfence de tout le monde dans une affem-
blée générale indiquée à ce fujet et dont les femainiers prévien-
dront les fîeurs intendans des menus.
Article 2'. Comité. — Pour nous mettre à portée de con-
noître et remédier aux abus qui pourroient fe gliffer dans Tadmi-
niftration et police intérieure de la fociété, nous ordonnons :
I** Qu'il fera établi un comité compofé de cinq hommes qui s'affem-
}28 Les Comédiens italiens.
blera de quinzaine en quinzaine et môme plus fouvent, fi la né-
ceffité le requiert, pour prendre connoiflance de toutes les affaires
et en porter fon avis aux fieurs intendans des menus pour en
rendre compte. 2** Nous nommons pour compofer ledit comité
les fieurs Carlin, Zanuzzi, Laruette, Clairval et Trial, lefquels
feront chargés de toutes les affaires de la fociété depuis le i^'ntiars
de la préfente année 1774 jufqu'au i'^ avril 1775, nous réfervant
de faire toutes les années les changemens qui nous paroîtront
convenables pour l'amélioration de Tadminifiration. 3** Comme
le choix que nous faifons des cinq perfonnes cy-deffus nommées
eft fondé fur la connoîffance que nous avons de leur intelligence,
nous entendons qu'ils ne foient pas troublés dans leur geftion, nous
réfervant de punir avec févérité ceux qui apporteroient le moindre
obftacle aux opérations qu'ils auroient jugées convenables pour
le bien de la fociété, entendant qu'ils aient droit et confidération
comme étant revêtus de nos pouvoirs et devant nous rendre
compte exactement de leur geftion. 4** Les cinq perfonnes qui
compofent le comité feront difpenfées des devoirs des femainiers
afin qu'ils puiffent remplir avec exactitude ceux que nous leur
impofons. 5° Auf uns de ceux nommés pour ledit comité ne pour-
ront fe difpenfer de fe trouver au jour indiqué, fans caufe de ma-
ladie ou les raifons les plus cffentielles dont il fera rendu compte
aux fieurs intendans des menus, à peine de 24 livres d'amende et
de 120 livres fi le comité n'avoit point été tenu le jour indiqué.
6° Le comité en général aura infpection fur les ballets, orchef-
tre, magafin d'habits et de décorations et uftenfiles de l'intérieur
de l'hôtel. Il veillera aux provifions néccffaires de bois, charbon,
luminaire, etc. Il réglera toutes les dépenfes néceffaires de quel-
que nature qu'elles foient, arrêtera les mémoires des fourniffeurs
en tous genres, fera des règlemens pour tous les employés et
gagiftes, lefquels règlemens feront tenir aux femainiers pour
Appendice. ^29
les faire exécuter. 7** Il fera Jcpofitairc Jes archives, convoquera
les aflcnibiées extraordinaires pour y propofer les affaires qui doi*
vent y être délibérées et fera chargé de la vérification de la caiflc
et des rcgidres de recette et de dépenfe. 8"* Le comité infcrira ou
fera infcrire fur les rcgiftres à ce défîmes tous les ordres par écrit
fignés de nous ou des fieurs intendans ainfi que toutes les déli-
bérations, celles des aflTemblées, les lettres qui paroitront de na-
ture à être confervées et les réponfes qui y feront faites. 9"* Il no-
tifiera tous les ordres et funout ceiut qui demandent une prompte
exécution aux perfonnes intérefllcs qui ne pourront fe difpenfer
de $*y foumettre à peine de défobéiflance. la* Dans le cas de re-
traite ou de décès d'un aaeur ou d'une actrice, le comité fera la
didribution des rôles qui formoient l'emploi de Tacteur retiré ou
décédé et les donnera à ceux qu'il jugera plus capables de les rem-
plir, eu égard ù leur qualité de voix et au talent particulier de cha-
cun. Ceux à qui lefdiu rôles auront été diftribués feront tenus de
s'y tenir préu le plus tôt polCble, afin que le fervice ne nunque
jamais. Le comité ne fouflfrira point qu'aucun acteur ou actrice,
quels qu'ils foient, fe défafle à l'avenir d'aucun rôle qui leur aura
été donné fans en avoir parlé au comité et motivé fes raifons, et
le comité les remettra par écrit aux fieurs intendans des menus,
avec fes réflexions pour que nous puifCons ordonner ce qui nous
paroitra convenable. 1 1^ Il fera chargé de juger les différends qui
pourroicnt fur>'enir entre les camarades, de remédier aux abus et
de chercher les moyens de les prévenir, de tenir la main aux rè>
gicmens, de les faire exécuter, de veiller à ce que rien ne fe faflfe
contre la décence et il fera tenu d'avertir ceux dont b conduite
pourroit donner atteinte à l'honnêteté que la fociété doit avoir
en vue et de nous en rendre compte en cas de récidive, afin que
nous puifftons donner nos ordres en conféquence. la* Dans le
cas d'un événement imprévu qui auroit befoin d'être décidé fur*
330 Les Comédiens italiens.
le-champ, le comité eft autorifé à y fuppléer jufqu'à la décifîon
des fupérieurs qui fera donnée le plus promptement poffible, et la
troupe fe conformera à la décifion du comité jufqu'à celle des fu-
périeurs. Le comité rapportera à Taflemblée les conteftations de?
directeurs et acteurs de province, et les jugemens ainfi que les
pièces fur lefquelles ils auront été prononcés feront tranfcrits fur
un regiftre particulier et dépofés au^ archives. 13** Le comité
fera chargé de l'examen des pièces à lire dont il tiendra regiftre
par ordre de date, avec le nom des auteurs s'ils fe font connoître,
et il ne fera lu aucune pièce à l'afTemblée qu'elle n'ait été vue et
approuvée par le comité. Le comité prendra connoiffance des piè-
ces remifes et à remettre et qui feront à l'étude, afin d'en accélérer
les repréfentations et il fera chargé de veiller à ce que les fpectades
de la cour n'empêchent pas qu'on ne joue à Paris. Il entendra
répéter les fujets qui fe préfenteront pour débuter, afin de nous en
rendre compte, ainfi qu'il fera plus amplement expliqué à l'article
des débuts. 14® Les cinq perfonnes qui compofent le comité fe-
ront entre eux une diftribution de toutes les différentes opérations
ci-deflus énoncées et chacun d'eux aura fon diftrict particulier
dont il rendra compte au général. 15** Chacun d'eux fera tenu
d'avoir un regiftre fur lequel il tiendra note des chofes à faire
dans la partie dont il fera chargé et communiquera au comité
les pians et projets de règlemens qu'il croira convenables relati-
vement au diftrict dont il fera chargé. 16° Première claffe, le fîeur
Zanuzzi : les contrats, emprunts, vérifications de comptes de
recettes et de dépenfes, la garde des archives, la tenue des regiftres
de toute efpèce, les états de fituation, le contrôle des loges à
l'année, les dettes actives et paffives de la fociété, les ouvriers,
les fournifleurs, les réparations, les provifions, le luminaire et gé-
néralement tout ce qui a rapport aux finances de la fociété, dont
il rendra compte dans les aflemblées générales indiquées pour
Appendice. 331
traiter ces fortes d'affaires. 17* Deuxième clafle, le fieur Clain-al :
lorchcrtre, les emplois comptables, les portes et Tinfpection gé-
nérale fur toute cette partie de l'adminirtration, dont il fera égale-
ment rendu compte. i8* Troifième cUfle, les fieurs Carlin et
Laruette : les décorations, le magafin, les ballets, les machinides,
tailleurs et autres ouvriers et gagirtes, dont il fera également rendu
compte. 19* Quatrième dafle, le fieur Trial : les auteurs, le
rang des pièces, Texamen des pièces à lire et à remettre, les projets
de répenoire et les changemens à y faire en cas de mabdie, et les
contertations de province. Enfin, le comité fera refpon fable de
tout ce qui feroit fait de contraire à ce dont il eft chargé et au pré-
fcnt règlement, étant fpécialement chargé pour le faire exécuter et
en infhiiire les fieurs intendans des menus pour nous en rendre
compte. 20^ Aucune délibération ou décifion du comité ne fera
mife i exécution qu'après qu'il en aura rendu compte aux fieurs
intendans des menus et que nous les aurons approuvées furtout
pour les affaires que nous réfervons à notre connoiffance, telles
qui peuvent intérefler Tadminiflration générale et le fervice de b
cour et du public. Quant aux autres, telles que les états de dé-
pcnfcs néceffaires i faire ou tout autre objet concenunt les
affaires générales de la fociété, les avis du comité feront commu-
niques i l'alfemblée pour y être connus et approuvés par délibé-
ration s'il ert néceffaire ; lefquelles délibérations étant fignées par
le comité et deux tiers du refte de la fociété vaudront et feront
exécutées comme fi elles étoient fignées par b fociété entière.
N'entendons par ces articles déroger ï l'article 12 ci-deffus par
lequel nous autorifons le comité h, fuppléer provisoirement i b
décifion des fupérieurs dans les cas impré\'us et qui ont befotn
d'être décidés fur-le-champ.
AtTiCLE 3*. Semainiers. — i* Vu les occupations dont feront
332 Les Comédiens italiens.
chargés les membres du comité, aucun d'eux ne fera femainier. Il
y aura toujours deux femainiers pris à tour de rôle dans les autres
acteurs qui compofent la fociété, Icfquels n'auront plus à ravenir
de droits particuliers de jetons, devant contribuer gratuitement,
ainfi que le comité, au bien général. Les deux femainiers feront
chargés folidairement et l'un pour l'autre de toutes les opérations
qui leur font confiées et fe concilieront de manière qu'en cas
d'abfence ou de maladie il s'en trouve toujours un pour remplir
les devoirs qui les regardent en commun. 2^ Les femainiers con-
voqueront les allemblées ordinaires et extraordinaires qui leur fe-
ront demandées par le comité. 3® Dsconftateront l'état des acteurs
et actrices préfens à chaque afTemblée en écrivant fur vme feuille
les noms de ceux qui arriveront, et à l'heure convenue pour Taf-
femblée ib arrêteront la feuille et la remettront au caiflîer, le-
quel ne fera fa difhibution de droit de préfence à chaque acteur
ou actrice que quand les affaires feront terminées. 4^ Ils veilleront
à ce que le répertoire réglé à l'aflemblée foit exécuté et prendront
les ordres de la cour dans difiérens cas dont ils feront leur
rapport au comité ainfi que des changemens à faire dans le réper-
toire et des abus qu'ils pourroient découvrir afin que Ton puifley
pourvoir. 5<> Les femainiers, ou du moins l'un d'eux, feront obli-
gés de fe trouver au théâtre à quatre heures précifes, d'y de-
meurer jufqu'à la fin de la repréfentation et d'affifter au compte
de la recette qui doit être tous les jours fignée d'eux. 6** Ils veille-
ront à ce que le fpectacle puifle commencer régulièrement à cinq
heures et un quart en été ; ils marqueront ceux qui ne feroient pas
prêts à l'heure et en remettront la note au comité. Pour cet eflFet,
ils auront l'attention de s'informer chaque jour du nom des ac-
teurs qui jouent dans la première pièce, afin de pouvoir les faire
avertir et que l'on ne foit pas dans le cas d'attendre ceux qui ne
font que de la féconde ou de la troifième pièce, fous peine de
.»
Appendice. 333
24 livres d'amende, tant pour ceux qui fe feroient attendre que
pour les femainiers s'ils nc*gligeoient d'en rendre compte. 7** Ils
auront foin de faire annoncer les pièces pour le lendemain et
donneront et figneront les affiches. 8^ L'un des deux femainiers
viendra i toutes les répétitions pour voir fi elles fe font avec foin
et mettra i l'amende ceux qui manqueront ou qui ne feront pas
exacts à l'heure» ainfi qu'il fera dit ci-après, et en remettra la lide
au comité chargé d'en rendre compte aux fieurs intendans des
menus.
AiTiCLE 4*. AffemHies. — i*Il fera tenu toutes les femaines ï
un jour fixe, à dix heures et demie du matin depuis Piques jufqu'au
mois d'octobre, et ï onze heures depuis le mois d'octobre jufqu'i la
ddture, une aflemblée générale à laquelle tous les comédiens et
comédiennes feront préfens ; aucune perfonne étrangère à la fo-
ciété ne pourra, fous aucun prétexte, y être admife ni aflifter aux
délibérations fous peine de punition au portier. 2* Le premier
objet de cette aflfemblée fera le répertoire de la (emaine. Après
quoi les aaeurs penfionnaires étant retirés, on traitera des af-*
faircs de b fociété. 3* Outre cette aflemblée générale, il s'en fera
pour entendre b leaure des pièces nouvelles et y procéder fui-
vant ce qu'il (era dit i l'article des auteurs, pour les cas extraordi-
naires qui pourront furvenir et où le comité jugera qu'il eft befoin
de la convoquer et pour b lecture des comptes et l'examen des
bordereaux de fituation. 4* Les aaeurs et aarices compofant le
corps de la fociété, les acteurs et aarices penfionnaires auront droit
d'aflîfter i l'aflemblée générale du répenoire. $* Les aaeurs et
actrices compofant le corps de b fociété a ceux d'entre les aaeurs
et actrices penfionnaires feulement à qui nous en aurons accordé
bperniiflion,pourontaflî(lerauxaflremblées de lecture. On n'ad-
mettra dans toute autre aflemblée, quel que foit le motif qui
334 -^^^ Cotnidiens italiens.
Taura fait convoquer, que les acteurs et actrices reçus. 6® Toute
perfonne préfente de droit à telle affemblée que ce foit et portée
fur la feuille arrêtée par les femainiers, recevra deux jetons pour
fon droit de préfence. Ceux ou celles qui n'arriveront qu'après
l'heure indiquée perdront leurs jetons. Les acteurs et actrices s'ar-
rangeront, dans la falle d'affemblée, fuivant la date de leur récep-
tion et ne donneront leur avis fur quelque matière que ce puUTe
être qu'à tour de rôle et lorlqu'il leur fera demandé par les femai-
niers, qui en feront mention fur une feuille particulière pour pou-
voir recueillir les voix. Si quelqu'un parle avant fon tour, les fe-
mainiers le mettront à 3 livres d'amende et à 6 livres en cas de
récidive. Le comité, les femainiers et le caiffier prendront place
autour de la table d'affemblée. 7® Le répertoire commencera à dix
heures et demie en été et à onze en hiver, et il ne fera quefUon
d'aucune affaire avant qu'il foit fini. Le répertoire étant fait et lu
à l'affemblée, les acteurs penfionnaires fe retireront. 8® Le comité
fera part enfuite à l'aiïemblée de tout ce qui aura été fait pour le
bien général et prendra les voix fur les affaires où il fera befoin
d'une délibération de l'affemblée. L'on ne pourra fe féparer que
lorfque le comité avertira qu'il n'eft plus d'affaires à traiter. Ceux
qui s'en iront auparavant perdront leurs jetons, à moins qu'il ne
leur ait été permis de fe retirer. 9*^ L'aflemblée finira au plus tard
à une heure et demie, fi ce n'eft qu'il furvînt quelque affaire
qu'il fallût, pour l'intérêt général, terminer avant de fe féparer.
10^ L'objet le plus effcntiel de l'affemblée du répertoire étant le
choix des pièces auxquelles les comédiens doivent fe tenir prêts,
nous ordonnons qu'il fera fait par le comité une diftribution exacte
des rôles des différentes pièces foit courantes, foit à remettre, et
qu'il en fera dreffé un état général contenant le titre des pièces
avec le nom des acteurs et actrices qui doivent jouer en premier,
en double et en troifièmc les rôles de chacune de ces pièces, afin
Appendice. 335
qu'il n*y ait pas de conteHation i cet égard et que, chaque rôle
étant rempli par Tacteur ou Tactrice à qui il convient le mieux
relativement À la qualité de la voix et au talent particulier decha*
cun, h fociété connoifTe le parti qu'elle peut tirer de chacun de
Tes membres. 1 1"* Avant que le répertoire commence, fi quelques
acteurs ou actrices ont befoin d*un jour dans la femaine, ils en
avertiront ralfemblée ainH que des raifons qu'ils peuvent avoir
pour ne pas jouer. 12** Le premier femainier infcrira fur une
feuille volante les noms de ceux qui fe feront réferx'é des jours,
laquelle feuille nous fera remife chaque mois par le comité avec
fes obfer\'ations, s'il y avoit lieu d'en faire ; enfuitc étant bien
avéré que chacun peut jouer tel ou td jour, perfonne ne fera en
droit de refufer tel rôle pour tel jour et les femainiers porteront
fur le répertoire les pièces arrêtées par l'aflcmblée, fans égard pour
qui feroit refus. 1 3"* S'il arrivoit que quelqu'un ne pouvant jouer
de la fcmaine vint à l'aflemblée du répertoire de cette femaine, il
n'auroit aucun droit de préfence, étant déshonnéte que quelqu'un
vienne prendre Tes jetons pour dire à Tes canurades qu'il ne peut
leur être utile. 14"* La diHribution des rôles étant arrêtée, ainfi
qu'il a été dit, et chacun des membres de la fociété apnt con-
noiflance de ceux auxquels il doit fe tenir prêt et qui forment
fon emploi, pour que le répenoire puifle fe £ûre plus facilement
et ne ioit pas lujet à des changemens nuifibles au bien général,
nous ordonnons que ceux qui ne pourront venir au répertoire
écriront aux femainiers pour les informer qu'étant malades on
ne compte point fur eux, et ils marqueront le temps dont ils
croiront avoir beioin pour fe réublir, ou que, fe portant bien et
des affaires les empêchant de venir i l'aflemblée, ils confentent
de jouer dans les pièces qui feront portées fur le répertoire et
qu*ils y feront prêts pour le jour indiqué, ainfi qu'aux pièces rc-
mifes qui ce jour-U feront arrêtées, et l'aflemblée aura foin de les
3JC La Comidiem italiens.
placer de fn^oa qu'on ail le temps d'apprendre fes râles, ij" Les
acteurs en premier avertiront après la lecture du tt
préfencc de l'alTcmblée, leurs doubles des rôles qu'il faut qu'ils
jouent dans la feraaine, afin que les doubles n'en puilTent préten-
dre caufe d'ignorance. Mais (î le rôle éioil trop conûdénible pour
que le double ne pût s'en charger fans mûre à l'imérât commun
ou qu'il n'eût pas aflez de temps pour l'apprendre ou le rcpafler,
alors le comité fera en droit de s'oppofer à la demande de l'acteur
en premier comtne nuifible au bien général, et ledit acteur ou
actrice en premier feront tenus de se foumettre à ta décifion du
comité et de jouer le rôle, et il eft ordonné au double, fi le
comité l'agrée dans le rôle, de s'y tenir prêt pour le jour qui lot
fera indiqué d'une autre rcpréfcntation; et quand cela fera une
fois arrêté, il ne fera plus au choix de l'acteur ou actrice en pre-
mier de reprendre fon rôle et d'empêcher de le jouer à celui ou à
celle qui aura du les remplacer le jour indiqué feulement. l6' Si
les premiers, en cas d'affaires ou d'incommodité notoire, ne pou-
voicnt jouer, ils auront foin d'avertir par écrit leurs doubles la
veille et d'aflcz bonne heure pour qu'ils puiffent repafTer leurs
rôles et furtout d'en prévenir par écrit ics fcmainiers afin qu'ils
puiflent avoir, par écrit aufïï, la réponfe du double et s'aSurer que
le fpecucle ne manquera pas. 17° Au cas que le double chargé
par le premier d'un rôle tombe malade, le premier fe portant
bien fera tenu de le jouer fur l'avis que lui en donnera l'un des
deux femainiers, à moins que ce foit un rôle qui ne lui foit plus
Ëimilier et qu'il lui foit ïmpolfible de remettre, ce dont te comité
jugera, entendant que chacun fans diftinction fe prête aux intérêts
de ta fociété. 18° Pour obvier aux inconvéniens qui peuvent naî-
tre des maladies fubites et qui pourroient mettre les comédiens
dans le cas de fermer, nous ordonnons que tout acteur ou actrice
qui f« trouvera incommodé au point de ne pouvoir jouer le foîr
I
A
Appendice^ 337
la pièce affichée, fafle avertir de fon état et d'affez bonne heure
pour qu'un femainier, fur l'avis qui lui en fera donné par écrit,
puifTe faire affembler la fociété pour prévenir le double de jouer,
ou enfin, à la rigueur, changer la pièce et faire faire de nouvelles
affiches dont on inflruira M. le lieutenant général de police. Et
pour ôter tout foupçon de maladie feinte, les femainiers fe tranf-
porteront chez l'acteur ou actrice incommodé afin de conftater
l'état de fa perfonne ; et s'il arrivoit que dans cette vifite les fe-
mainiers eufient à fe plaindre de la façon dont ils feroient reçus,
ils en rendront compte au comité pour y faire droit et impofer
une amende à ceux ou celles qui auroient manqué aux femainiers
en fonctions. 19^ Nous ordonnons aux comédiens de mettre
tous les mois une pièce nouvelle ou une remlfe; enjoignons au
comité de tenir la main à l'exécution de cet article, et au cas
qu'il y ait quelque raifon qui en empêche, le comité fera tenu d'en
rendre compte aux fieurs intendans des menus. 20® Les pièces
mifes fur le répertoire n'en feront pas moins jouées quand quel-
ques-uns de ceux ou celles qui ont les rôles en premier ne pour-
roient pas jouer, foit pour caufe de maladie ou de voyage à la
cour, entendant que les doubles les remplacent, étant obligés de
s'y tenir prêts ; à moins qu'il ne foit queftion d'une pièce nou-
velle dont les principaux rôles ne peuvent fe doubler fans l'aveu
des auteurs, ou fi c'eft une pièce remife, que le rôle ne foit trop
fort pour le double, ce qui pourroit faire tort à la pièce et aux
intérêts de la fociété. 21^ Perfuadés que l'amufement et la fatif-
faction du public ont été un des principaux motifs de la grâce
que le Roi a accordée aux comédiens en les attachant à fon fervice,
et étant informés que, fous le prétexte d'aller repréfenter à la
Cour, les comédiens fe difpenfent fouvent de jouer à Paris, nous
voulons qu'attendu que les jours de fpectacle à la cour et les
pièces qu'on y doit donner, io»^ ndiqués d'avance, le comité ait
coM. DU ROI. — n. 22
338 Les Comédiens italiens,
Tattention de propofer, en faifant le répertoire, les pièces qui
peuvent être jouées à Paris par les acteurs et actrices qui ne feront
pas néceffaires à la Cour ; entendant que les doubles trouvent par
là le moyen de s'exercer et de fe perfectionner. En cas d'inexécu-
tion du préfent article , celui ou celle qui en feroit caufe payera
une amende de 300 livres. 22*^ Pour remédier à la négligence que
Ton marque quelquefois pour les rôles médiocres et les acceflbires,
ce qui nuit à l'intérêt de la fociété, puifque le peu de foin avec
lequel on les joue difcrédite les pièces et dégoûte le public, nous
voulons que le comité rende compte exactement aux fleurs inten-
dans des menus, qui nous inftruiront, de ceux qui ne rempliront
pas leurs rôles, fi médiocres qu'ils foient, et même les acceffoires,
avec toute l'attention néceflTaire, pour que nous puiffions y mettre
ordre et les punir de leur négligence. 23'' Tout acteur ou actrice
qui, par humeur ou mauvaife volonté, fera manquer une reprè-
fentation payera une amende de 500 livres et même fera puni
plus févèrement s'il nous paroît néceffaire, fuivant le compte
qui nous en fera rendu par le comité. 24° Les acteurs ou actrices
reçus ou penfionnaires dont on aura befoin pour remplir les accef-
foires et les parties de chœur dans les morceaux d'enfemble ,
ne pourront s'y refufcr. Voulons que chacun fe prête, fuivant les
circonftances, pour le bien et l'utilité du fpectacle, ainfi qu'il
y eft obligé par fon ordre de réception.
Article 'y^. Délibérations. — i*^ Quand tout ce qui concerne le
répertoire, la remife des pièces et autres objets énoncés ci-deflus
aura été rempli, le comité propofera les autres matières qui doi-
vent être préfentées à la fociété. 2® Les délibérations de l'aflem-
blée foit verbales, foit par écrit, feront infcrites fur-le-champ fur
le regiftre des affemblées et fignées par tous ceux qui feront pré-
fens à l'aflemblée quand bien même il fe trouveroit quelqu'un qui
Appendice. 339
auroit été d'un avis contraire ; b pluralité des voix devant alors
former la réunion des fentimcns. 3" Ceux ou celles qui interrom-
pront le cours d'une affaire, foit pour en propofer une autre, foit
pour quelque caufe que ce puifle être, ceux qui fe ferviront de
paroles piquantes ou peu mefurées feront prives de leur droit de
préfence et ils payeront en outre, fans déplacer, une amende de
6 livres. 4** Ordonnons aux comédiens de garder un fecret invio-
lable fur tout ce qui aura été dit et fait dans les aflemblées, et en
cas de contravention prouvée tous acteurs et actrices contrcvenans
feront privés de leur droit de préfence aux aflemblées pendant
tout le temps que nous nous réfcrvons de fixer.
Article 6'. Débuts. — l'^Dans la vue de favorifer les comédiens
et de leur faciliter les moyens d'attirer du monde et de répondre
à l'attente du public, nous aurons foin de ne faire débuter ï l'avenir
que dans les rôles ou caractères qui manqueront pour ne point
multiplier inutilement les fujets dans le même emploi ; nous vou-
lons, ainli qu'il a déjà été dit, qu'aucune pcrfonne ne foit admife
à débuter qu'après avoir été entendue par le comité, en exceptant
cependant les comédiens de province que, dans des cas de befoin,
on feroit venir fur leur répuution et qui, pour lors, ne feroient
point foumis à cet examen. 2* Quand nous aurons accordé des
permifTions de débuts et que lefdites permiffions auront été prè-
fentées et enregiflrées ï l'aflemblée, on conviendra avec les débu-
tans du tems de leur début , lequel ne pourra avoir lieu dans
riiiver, hors le cas de néccflité dont nous nous réfervons la con-
noiflance. 3** Les débutans feront libres de choifir trois pièces
pour leur début; mais ils ne pourront les prendre que parmi celles
qui font au courant du répertoire. 4"* Les acteurs ou actrices qui
ont des rôles dans ces pièces ne pourront fe difpenfer d'y jouer
fous peine de 100 livres d'amende. Nous réfervant de punir ceux
340 Les Comédiens italiens.
ou celles qui, par haine ou par cabale, chercheroîent à rebuter les
débutans et à leur nuire. On fera obligé de faire une répétition
entière fur le théâtre pour chacune des pièc^ où les débutans
devront jouer. Ceux qui y manqueront feront mis à l'amende de
24 livres. 5** Mais, pour pouvoir juger fainement du talent des
débutans et non uniquement d'après les trois pièces qu'ils auront
choifies et qui peuvent leur avoir été montrées, lefdits débutans
feront tenus de jouer enfuite trois rôles au choix du comité après
en avoir informé les fleurs intendans des menus pour nous en
rendre compte et voir fi ce choix eft réellement du genre que lef-
dits débutans auront choifi et s'il n'excède pas leurs forces. Lef-
dites pièces ayant été par nous approuvées, il fera donné deux
répétitions de chacune auxdits acteurs débutans, auxquelles ré-
pétitions les acteurs et actrices qui joueront dans la pièce feront
tenus de fe trouver à peine de 50 livres d'amende comme à l'article
ci-deflus. d^ Tout acteur débutant qui, dans le cours de fes
débuts, refuferoit déjouer fon rôle dans la pièce affichée pour lui,
hors le cas de maladie conftatée par les femainiers, fera privé de
la continuation de fon début. Nous réfervant de prononcer en
outre telle punition que nous jugerons convenable, fuivant les
circonftances.
Article 7*. Pièces nouvelles ; droits des auteurs. — 1° On ne lira
aucune pièce à Taffemblée qu'elle n'ait été communiquée au comité
et approuvée pour être lue fur le rapport de l'examinateur choifi
entre les membres du comité, lequel en tiendra regiftre ainfi qu'il
a été dit ci-deflus à l'article 13 du comité. Suivant la date et fans
faire aucun pafle-droit on conviendra d'un jour, autre que celui
du répertoire, pour entendre la lecture. L'examinateur de la pièce
aura foin de prévenir l'auteur, ou celui qui a préfenté la pièce, du
jour choifi par l'aflemblée. L'auteur feul, ou celui qui aura pré-
Appendice. 341
fente la pièce, aura droit de venir à cette affemblée. 2° Pour
obvier aux cabales des acteurs et actrices, aux protections pour
la diftribution des rôles,, avant défaire la leaure, on remettra
au comité la diftribution cachetée. Si la pièce eft reçue on fera
lecture de fa diftribution tout de fuite ; fi elle n'eft reçue qu'à
corrections, la diftribution fera renfermée dans le cabinet des
archives pour être vue* lors de la féconde lecture et elle fera
rendue à l'auteur fans l'ouvrir fi l'ouvrage eft refufé. 3° Les
acteurs et actrices préfens à la lecture Técouteront avec la plus
grande attention pour être en état d'en juger et ne fe permettront
aucune exprefïïon ni aucun figne qui dénote d'avance leur fenti-
ment particulier. 4° Après la lecture, la pièce fera difcutée, s'il y
a lieu, entre l'auteur et les comédiens. Après quoi l'auteur fera
prié de fe retirer, ne devant point être préfent à la délibération ;
cnfuite chacun, par ordre d'ancienneté, ayant propofé fes ré-
flexions et les avis ayant été difcutés, chacun remettra par écrit
aux femainiers fon avis motivé ou pour l'acceptation, ou les cor-
rections, ou le refus; lefquels avis feront lus tout haut par le
premier femainier et tranfcrits par le fécond pour pouvoir re-
cueillir la pluralité des voix. Et il eft défendu à qui que ce foit,
fous peine de 500 livres d'amende et d'exclufion des affemblées
de lecture pendant un an, de redire l'avis particulier d'aucun
acteur ou actrice, et de plus grande peine en cas de récidive.
5® S'il s'agit de faire des changemens, l'auteur pourra rentrer
dans l'aflcmblée pour fe concilier avec les comédiens fur les cor-
rections qui lui feront demandées. 6° Si l'auteur confent à faire
des changemens, il pourra demander une féconde lecture qui fe
fera dans la même forme que la première et d'après laquelle on
décidera définitivement du fort de la pièce pour l'acceptation ou
le refus. 7° La pièce reçue quant aux paroles ne fera cenfée plei-
nement reçue et n'aura de droit pour être jouée à fon tour que
342 Les Comédiens italiens.
quand la mufique en fera faite et que les comédiens Tauront
entendue et approuvée. 8° Pour entendre une mufique foumîfe à
Texamen et en porter leur jugement, les comédiens s'affemble-
ront comme pour la lecture d'une pièce, et à l'heure indiquée fe
rendront de la falle d'affemblée au théâtre où Ton aura mandé
toutes les parties obligées de l'orcheftre, et les acteurs, chacun
dans leur genre, chanteront les rôles que l'on aura foin de leur
envoyer d'avance afin qu'ils aient le tems de s'y préparer. 9** On
choifira pour faire ces fortes de répétitions un jour où le théâtre
foit abfolument libre de toute autre répétition foit de pièce ou de
danfe afin qu'il ne s'y trouve que les auteurs qui ont droit aux
lectures avec le compofiteur de mufique et l'auteur des paroles.
10** Après cette répétition les comédiens rentreront dans la falle
d'affemblée pour prononcer fur la mufique qu'ils auront enten-
due, à quoi ils procéderont comme aux lectures des pièces, et fi
la mufique eft approuvée, on en fera mention fur un regiftre
particulier deftiné à infcrire feulement les pièces reçues quant
aux paroles et à la mufique conjointement, et c'eft ce regiftre
particulier que l'on confultera pour jouer à tour de rôle et fuivant
leurs dates de réception qui y feront infcrites. 11° Quand une
pièce aura été reçue, ainfi qu'il vient d'être dit, et qu'elle fera
venue à fon tour pour être jouée, les auteurs envoyeront les rôles
aux acteurs fuivant la diftribution dépofée aux archives avant la
lecture, à moins que dans l'intervalle il ne fût furvenu des chan-
gemens dans la troupe, auquel cas il fera libre aux auteurs de
faire des changemens dans la diftribution, nous réfervant la
connoiflance des arrangemens qu'il faudra faire prendre à ce
fujet et des difficultés qui pourroient naître. 12*^ Perfonne ne
pourra fans des raifons valables dont il nous fera rendu compte,
refufer un rôle du genre de fa voix ou de fon emploi que les
auteurs lui auroient defliné à peine de 300 livres d'amende et
Appendice. 343
même d'une plus forte fi fon refus avoit des fuites nuifibles à
l'avantage des auteurs et de la comédie. 13** Quant aux pièces
anonymes envoyées à la fociété, les auteurs feront tenus d'a-
dreffer au comité leur diftribution cachetée et de la même écri-
ture que la pièce pour éviter toute difcuflîon, et mettront à
exécution tout ce qui eft dit ci-deflus. 14® Les comédiens ne
pourront fous aucun prétexte que ce foit, fi ce n'eft pour des
caufes graves dont nous nous réfervons la connoiffance, refufer
de jouer une pièce reçue, ni en retarder les repréfentations à fon
tour fans le confentement des auteurs, et fi la repréfentation étoit
retardée par la faute de quelqu'un, le comité nous en rendra
compte pour y faire droit. 1 5'' La part d'auteur fera d'un neu-
vième pour les pièces en trois actes et plus, d'un douzième pour
les pièces en deux actes et d'un dix-huitième pour les pièces en
un acte. Cette part d'auteur fera partagée en deux moitiés, l'une
pour l'auteur des paroles et l'autre pour l'auteur de la mufique.
Elle fera prife sur la recette journalière de la porte et non point fur
le produit des loges à l'année. Les crédits des loges louées jour-
nellement, autres que les loges louées à l'année, entreront dans la
recette journalière et les comédiens en compteront avec les auteurs.
16® Avant de tirer la part d'auteur on prélèvera fur la recette le
quart franc pour le quart des pauvres et une fomme de 3 30 livres
pour les frais journaliers. 17** Les auteurs ne tireront point d'ho-
noraires dans les repréfentations où la recette fera au-deflbus de
600 livres l'été et de 1,000 livres l'hiver. L'été fe comptera
depuis le 15 maijufqu'au 25 novembre, et l'hiver depuis le 25 no-
vembre jufqu'au 1 5 mai. Les auteurs auront droit d'honoraires
pour chaque repréfentation de leurs pièces quand la recette excé-
dera le taux marqué ci-deflus pour chaque faifon. Les repréfen-
tations où les auteurs auront droit d'honoraires s'appelleront
repréfentations utiles, celles où les auteurs n'auront point droit
344 L^^ Comédiens italiens.
d'honoraires s'appelleront repréfen talions nulles. i8*Lorfqu*une
pièce aura été repréfentée trois fois, il ne fera plus libre à Tauteur
de la retirer. Les comédiens en auront dès cette époque la pro-
priété ufuelle pour IVmployer fur le répertoire de la manière la
plus convenable à leurs intérêts. Ne pourront cependant, lefclits
comédiens interrompre dans fa nouveauté le cours d'une pièce
dont les repréfentations feroient fuivies, fans le confentement
des auteurs ; mais ils pourront la retirer, même dans fa nou-
veauté, quand elle ne produira pas les recettes qu'ils peuvent
raifonnablement efpérer, eu égard à la faifon. Ne pourront de
même les comédiens doubler les rôles d'une pièce dans fa nou-
veauté fans le confentement des auteurs ; et dans les reprifes, fi
quelqu'un a des raifons pour quitter fon rôle, ce dont le comité
jugera , le comité veillera en môme tems à ce que Ton ne dif-
crédite point les pièces en mettant plufieurs doubles à la fois et
que les principaux rôles ne foient pas doublés fans une extrême
néceûité, furtout les grands jours de fpectacle. 19^ Les auteurs
conferveront pendant toute leur vie les droits d'honoraires dus à
leurs pièces dans les repréfentations utiles, fans que les interrup-
tions que les pièces auroient éprouvées puffent leur porter pré-
judice ; mais ils n'auront rien à prétendre dans toutes les repré-
fentations nulles même pendant la nouveauté de la pièce. 20** Le
droit des auteurs s'éteindra à leur décès, quand même les pièces
n'auroient point éprouvé de repréfentations nulles; on en excep-
tera les pièces qui n'auront pas encore eu cinquante repréfenta-
tions utiles pendant la vie de l'auteur, auquel cas fes héritiers
feront fubftitués à fes droits pour lefdites pièces jufques et y com-
pris la 50* repréfen tation utile, après laquelle ils n'auront plus
aucun droit. 21** Ce règlement aura lieu pour toutes les pièces à
venir ; à l'égard des pièces paffées, on confervera le droit des
auteurs établi par le préfent règlement à toutes celles qui depuis
Appendice. 345
qu'elles font au théâtre n'ont point effuyé de rcprèfentation
nulle du taux qui a été fuivi jufqu'à préfent et toutes les autres
feront cenfées tombées dans les r^les et appartiendront à la co-
médie. 22'' Les auteurs auront droit de donner des billets le jour
de la repréfentation de leurs pièces, favoir : chacun pour deux
perfonnes à l'amphithéâtre et deux perfonnes aux troifièmes
loges, fans diftinction de grande ou petite pièce. L'excédant du
nombre fixé fera payé fur la part d'auteur ainfi que les billets de
parterre que les auteurs demanderoient pour les trois premières
repréfentations d'une pièce nouvelle au-deffus du nombre 20,
fixé pour les deux auteurs pour chacune des trois premières
repréfentations. 23® Les auteurs de deux pièces en trois actes,
ceux de trois pièces en deux aaes ou de quatre pièces en un acte,
auront leur entrée leur vie durant. Les auteurs d'une pièce en
trois actes auront leur entrée pendant trois ans, ceux d'une pièce
en un acte ou en deux auront leur entrée pendant un an feule-
ment. 24® Le droit d'entrée ne fera acquis aux auteurs que du
jour où la mufique aura été reçue conjointement avec les paroles
et fuivant la date de la réception infcrite fur le regiftre des pièces
reçues. 25® Les auteurs qui ont leur entrée en jouiront dans
toute la falle, excepté aux premières loges qui ne font pas fur
l'amphithéâtre, aux fécondes loges, aux troifièmes et au parterre ;
mais ils ne pourront envoyer perfonne pour garder leur place.
Ordonnons aux comédiens de ne porter aucun obftacle aux droits
accordés aux auteurs par le préfent article auquel il ne fera dé-
rogé que dans le cas où un auteur feroit convaincu d'avoir troublé
le fpectacle par des cabales ou des critiques injurieufes, auquel
cas voulons qu'il foit privé de fes entrées après la preuve des
faits produite par-devant nous.
Article 8*. Divers objets de police intérieure. '^ i* Ayant appris
34^ Les Cotnidiens italiens.
que plufieurs comédiens fe mettoient dans le cas de manquer au
fervice effentiel de leur théâtre pour aller jouer ailleurs, défen-
dons très-expreffément à aucun d'eux de jouer, chanter ou pa-
roître en façon quelconque fur aucun théâtre que le leur, foit
public ou particulier dans Paris ou hors la ville fans que nous lui
en ayons accordé la permif&on chaque fois, laquelle fera infcrite
fur le regiftre des délibérations et ce fous peine de 500 livres
d'amende. 2** Tout acteur qui, pour fe difpenfer de jouer un jour
où il y fera obligé fuivant le répenoire, prétextera une maladie,
s'il eft prouvé qu'il foit forti de fa maifon ce jour-là, payera
100 livres d'amende. 3® Ceux qui manqueront leur entrée ou
qui ne feront pas prêts pour commencer à l'heure indiquée,
payeront une amende impofée par le comité, ainfi que ceux qui,
n'ayant pas joué dans la première pièce, fe feront attendre pour
la féconde. 4** Seront tenus tous les acteurs et actrices, avertis
pour une répétition, de s'y trouver à l'heure indiquée fous peine
de 3 livres d'amende s'ils n'arrivent pas à leur fcène et de 10 li-
vres s'ils n'y viennent pas du tout. Le femainier, préfent à la
répétition, y veillera comme il eft dit ci-devant et en ferarefpon-
fable en cas qu'il y manque ou faffe grâce à quelqu'un. 5** Le
comité étant principalement inftitué pour veiller continuellement
à ce qui peut intérefler le bon ordre, la décence et l'exactitude
aux devoirs, ce qui forme la police intérieure du fpeciacle, nous
lui enjoignons de tenir la main à l'obfervation des règlemens
précédons relatifs à cette partie de l'adminiftration et de nous
rendre compte de tout ce qui y feroit contraire. Ordonnons aux
femainiers d'y veiller de leur côté et de faire leur rapport de tous
les abus qui viendroient à leur connoiffance. Déclarant que tous
ceux qui défobéiront à nos ordres feront punis, fuivant la nature
du délit, par amende, prifon et même en cas de réfiftance opi-
niâtre par exclufion du corps de la troupe fans qu'ils puiflent
Appendice. 347
avoir, en ce cas, droit à la penfion qu'ils auroient pu mériter par
leurs anciens fervices. 6° Le comité aura foin de convoquer tous
les fix mois une aflemblée générale où tout le monde foit tenu
de fe trouver, fous peine de 24 livres d'amende pour y faire la
lecture du préfent règlement, ainfi qu'il eft dit dans l'article
premier. 7® Il fera remis tous les mois aux fleurs intendans
des menus un état exact des différentes amendes qui auront été
impofées et dont le caiflîer tiendra un regiftre particulier, pour
en être difpofé fuivant nos ordres pour le bien général à la fin
de chaque année.
{Arthivu mMticmmUs, O*, 846.)
XX
1779.
État des acteurs de la Comidie-Italienne dont on pourrait avanta-
geusement se servir en cas de reprise des pièces françaises.
Le fleur Carlin : Cet acteur doit être confervé vu fes anciens et
bons fervices pour jouer dans les pièces françoifes du
théâtre italien les rôles à mafques, s'il eft poflîble. A
fa retraite on lui fubftituera un valet jouant en même
tems tous les rôles à mafques ; mais cet emploi, qui
n'exige pas grande dépenfe d'habits, doit être fixé par
les nouveaux règlemens à trois quarts de part au plus,
à moins que l'acteur qui en fera chargé ne joue en
même tems dans l'opéra-comique ; mais tant que le
fieur Carlin reftera, il faut compter fur fa part entière.
Le fleur Clairval : Cet acteur, qui a beaucoup de talent mais
348 Les Comédiens italiens.
dont la voix peut manquer, eft un fujet précieux à con-
ferver. Il peut, par fon intelligence et la décence avec
laquelle il joue, être encore d'une grande utilité au
théâtre en confervant les rôles de chant qui ne le fati-
gueront pas et en fe chargeant des premiers amoureux
de caractères et de pères nobles qui pourroient lui con-
venir. U pourroit être doublé par les fieurs Suia et
Ménier dans les pères et par le fleur Michu dans les
amoureux.
Le fleur Trial : Il peut joindre à fon emploi dans Topéra-comique
celui des valets et payfans et peut être doublé dans les
payfans par le fieur Nainville et dans les valets par le
fieur ThomafTin, faute de mieux.
Le fieur Nainville : Peut jouer dans les pièces françoifes les
payfans.
Le fieur Suîn : N'a point de voix, mais pour conferver fon état
il peut, en continuant de jouer dans les opéras-comi-
ques, être chargé des pères financiers et rôles à man-
teau dans la comédie et doublé par le fieur Ménier.
Le fieur Michu : A bien peu de voix, mais peut conferver fon
état avec agrément en joignant à fon état actuel dans
Topéra-comique celui des jeunes premiers amoureux
dans la comédie où il feroit doublé par le fieur Julien.
Le fieur Julien : Doit être chargé des rôles de fécond amoureux
en chef et doublé par le fieur Dorfonville.
Le fieur Narbonne : Il faudroit lui faire doubler, s'il eft poffible,
en troifième, les valets, les payfans et les pères ridi-
cules.
Le fieur Thomaffin : Double des valets en attendant mieux ,
mais chargé de tous les rôles d'utilité tant dans l'opéra-
comique que dans la comédie.
Appendice. 349
Le fieur Ménier : Doit joindre à fon emploi dans l'opéra-comique
les rôles de pères nobles en double du fieur Clairval,
les féconds pères en chef et les financiers.
Le fieur Dorfonville : Les féconds amoureux en double du fieur
Julien.
Le fieur Rofières : Les pères ridicules en chef, les financiers et
rôles à manteau en double des fieurs Suin et Ménier,
les payfans en double du fieur Nainville.
Le fieur Veftris : On peut Teflayer, pour lui conferver fon état,
dans les rôles d'amoureux après les fieurs Michu,
Julien et Dorfonville, et le charger des rôles d'utilité
et accefifoires.
La dame Trial : A fuffifamment de tout pour l'emploi dont elle
e& chargée, tant que l'opéra-comique fubfiftera ; ainfi
l'on ne peut défirer autre chofe finon qu'elle continue
longtemps fes bons fcrvices. Elle pourroit cependant
joindre à fon emploi quelques amoureufes et d'ailleurs
les rôles de travefHflemens.
La dame Billioni : Même obfervation en joignant à fon emploi
les mères nobles dont le nombre n'eft pas confidérable
à la comédie. Ses talens et fon intelligence donnent
lieu de croire qu'elle s'en acquittera à la fatisfaction
du public.
La demoifelle Colombe : Même obfervation en joignant à fon
emploi celui des mères nobles en double de M"** Bil-
lioni.
La dame Nainville : Son emploi n'eft pas confidérable dans l'o-
péra-comique, elle doit être chargée des fécondes amou-
reufes en chef.
La dame Moulinghen : Son emploi n'eft pas très-confidérable dans
l'opéra-comique. Elle y doit joindre les jnères rîdi-
350 Les Comédiens italiens.
cules, payfannes et fervantes dans la comédie^ doublée
par M"* Gonthier.
La dame Dugazon : Doit être chargée, indépendamment de Ton
emploi dans l'opéra-comique, des rôles de foubrettes.
Il y a lieu de croire que û elle continue de travailler
elle y plaira au public.
La dame Blanchi : Quoique cette actrice foit Italienne, elle peut
très-bien conferver fon état et réuflir dans les foubrettes
et même dans les fécondes amoureufes en double de la
dame Nainville.
La dame Gonthier : Doit joindre à fon emploi celui des mères
ridicules, payfannes et fervantes dans la comédie en
double de M"* Moulinghen.
La demoifelle Dufayel : Elle doit, pour conferver fon état, être
chargée de tout ce qu'on exigera d'elle tant dans
l'opéra-comique que comédie en double de la dame
Nainville.
{Arshivt nélionéUs, 0>, «46.)
XXI
1789 — 16 octobre (i).
V Académie royale de musique cède pour trente années aux comédiens
du roi de la troupe italienne le privilège de l'opéra comique.
Vu au Confeil d'État du Roi, Sa Majefté y étant, la délibération
prife par les prévôt des marchands et échevins de la ville de Paris
(i) Chronologiquement ce document devrait être placé après le suivant, mais comme dans le
corps de l'ouvrage il a été fait divers renvois au numéro qu'il porte, on est obligé de laisser sub-
sister cette légért irrégularité.
Appendice. 351
le 28 feptembre dernier portant réfiliation, à compter du i*' jan-
vier prochain, du bail ou conceffion du privilège de Topéra-co-
mique fait le 29 janvier 1766 par les fleurs Rebel et Francœur,
lors conceflionnaires du privilège de l'Académie royale de muflque,
aux comédiens ordinaires du Roi, dits Italiens, établis à Paris, et
nouveau bail ou conceffion par lefdits prévôt des marchands et
échevins, auxdits comédiens dits Italiens, pour trente années
entières et confècutivcs qui commenceront audit jour i*' janvier
1780 et finiront à pareil jour de Tannée 1810, du privilège et
droit de jouer fur leur théâtre de Paris le fpectacle de l'opèra-
comique compofiS de vaudevilles, danfes, machines, décorations,
fymphonies et morceaux de chant, aux charges, claufes et condi-
tions portées en un projet d'article ou fouraiffion tranfcrit en la
délibération et dont l'original, figné defdits comédiens, eft joint
à icelle, par lefquelles conditions :
Article P'.
L'Académie royale de mufique promet faire jouir pendant ledit
tems à ladite troupe des comédiens ordinaires du Roi, dits Ita-
liens, tous dénommés et acceptants au bas dudit projet de con-
ceffion , dudit privilège de l'opéra - comique , comme dit eft ci-
deflTus et ainfi qu'en ont joui ou dû jouir jufqu'à préfent lefdits
comédiens.
Article II.
L'Académie royale de mufique fis réferve la propriété et l'exer-
cice ainfi que l'exploitation de l'opéra-comique dans le refte du
royaume, voulant jouir à cet effet du privilège exclufif qui leur a
été accordé par nombre d'arrêts du confeil et notamment par les
lettres patentes du mois de juin 1769, enregiftrées au Parlement
352 Les ConUdiens italiens.
de Paris le 1 2 août fuivant ; l'intention pore et fimple de la-
dite Académie étant de ne concéder auxdits comédiens italiens
l'exercice du privil^e de l'opéra-comique que fur leur théâtre de
Paris.
Article III.
L'Académie royale de mufique promet et s'engage non-leole-
ment à n'accorder à qui que ce foit aucun autre privilège concer-
nant le privilège de l'opéra-comique, mais même d'empêcher que
ce genre de fpectacle puifle être repréfenté à Paris par quelques
autres perfonnes que ce foit^ non plus qu'aucun autre fpectacle
compofé de chant et de danfes foit en françôis, foit en d'autres
langues, à peine de tous dépens, dommages et intérêts ; promet-
tant en outre d'employer fa médiation pour obtenir des auto-
rités fupérieures qu'il ne s'établifle aucun des fpectacles fufdits
dans l'étendue de quatre lieues à la ronde.
Ladite conceffion faite à la charge par lefdits comédiens italiens,
ainfi qu'ils s'y obligent folidaîrement, fans divifion, difcuflîon ni
fidéjuffion.
I** De ne pouvoir, pendant toute la durée de ladite conceffion,
faire dans aucune pièce nouvelle aucun chœur fimple ou compofé
de manière que ledit fpectacle de l'opéra-comique ne puifle avoir
en façon quelconque la forme de l'opéra foit françois, foit italien;
afin d'éviter toute interprétation contraire à l'efprit de cet article,
il eft convenu et entendu que lefdits comédiens italiens ne pour-
ront exécuter ni faire exécuter aucun choeur paré, mais feulement
des morceaux d'enfemble compofés à plufieurs parties et exécutés
par les interlocuteurs de la' pièce et autres acteurs de la troupe
réunis naturellement et néceflairement en fcène par quelque inci-
dent de l'action et non gagés pour les chœurs proprement dits.
Af'pendice. 353
auxquels Icfdics comédiens renoncent. Pourront d'ailleurs, les
comédiens, conferver les accefloires dont ils font en poflefTion
dans les pièces déjà exilantes, telles que la Rofière (i)» le Roi et le
Fermier {i)^ Tonui Jones (3), Y Amoureux de quinze ans (4), le
Diferteur (5), etc., et même en introduire de fcmblables dans
K*s pièces qui feront données par b fuite dans le même genre et
dans lefquelles les accefloires feront amenés néceflairement par
le fujet comme dans les pièces ci-deflus énoncées et auront pour
but de rendre une accbmation tumultueufe plutàt qu*un choeur
proprement dit.
2"* De ne faire, pendant le cours de ladite conceflîon et pour
quelque caufe que ce puifle être, aucun ufage foit dans le cours
des pièces nouvelles fous quelque nom qu'elles puiflcnt être don-
nées, foit dans les fymphonies d*orcheAre, dans les divertiflemens
ou autrement, d'aucun morceau de chant, d'aucune fymphonie,
d'aucun air, d'aucune forte de mufique des ouvrages repréfentés
à rOpéra ou qui pourroient dans b fuite y être repréfentés unt
dans ceux reftés au théâtre que de ceux qui pourroient n'être pas
Je reprife qui font du fonds de l'Académie royale de muiique et
defquels, gravés ou non gravés, imprimés ou non imprimés, elle
a feule le droit de jouir et ufcr comme lui appartenant ; mais
IcfJits comédiens italiens relieront dans b pofleftion de jouer des
pièces de leur théitrc et celles de l'Opéra-Comique, qui font faites
et dans lefquelles on peut avoir employé des morceaux de chant
d'opéra, telles qu'elles ont été données et repréfentées jurqu'A
préfent, même dans le droit de jouer des parodies d'opéra, ainfi
I) L* R^t»é»4 *t ^4'/«.f, of)4r« ic»«i|it •« iiiatrc «ctci, rr**!* p.'.i t«r«l «« iro»» ««tit, f*r
F'-t^. mut. I-C Jt C*rt*r«.
r : - (! xr-c l>r et t'-«i« «.«n mM-c J'artcttct, far S«^i«#. n iti^ur At M'«««itnr.
( 1 • C "ii:J.« Ci; \* -•« a.-^ct. en proM. m#l«f 4'«»t«?tr«, f«r t*om<ifift ci f h.tijnr.
(«> .' .fn.arrsi ai f •••;# «•», /• /« ÙfhU f-Vl#. ^.>aicJic tr« If nt ««to, àt L««fO% aiuti^Mf J ■
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COM. DU toi. --11. l\
354 Les Comédiens italiens.
que cela s'eft pratiqué de tout tems, étant convenu que par ces
mots parodies d'opéras, on entend feulement des parodies d'o-
péras françois et non des parodies d'opéras italiens ou autres^
improprement qualifiés de parodies et qui ne font à proprement
parler que des traductions faites pour s'approprier une mufîque
compofée fur des langues étrangères, à quoi lefdits comédiens
italiens renoncent expreflement, promettant non-feulement de
ne jamais jouer de pareilles parodies autres que celles de la Co-
lonie (i), de V Olympiade (2), de la Bonne fille (3), de la Servante
maîtreffe (4), de la Bohémienne (5), et d'autres dont ils font en
poOefFion, mais auffi de ne faire à l'avenir aucun ufage de mufi-
que italienne ou autre parodiée et accommodée fur des paroles
françoifes; ladite conceffion n'ayant pour objet que d'accorder
aux comédiens italiens le privilège et le droit de jouer des opéras
comiques dont la mufique foit originairement compofée fur des
paroles françoifes ; fe réfcrvant de fon côté, l'Académie royale de
mufique, la faculté de continuer à donner des ballets d'action
pantomime fur les fujets des pièces dudit opéra comique fous la
condition de ne pouvoir y employer en airs de danfcs les mor-
ceaux de chant ou ariettes defdites pièces, mais feulement une
mufique indépendante et faite exprès pour fournir également à
Texprcffion du mûmc fujct.
3° A la charge de ne recevoir pour ledit fpcctacle de l'Opéra-
Comique, ni même pour celui de la Comédie-Italienne, foit à
titre d'acteurs, actrices, pcnfionnaires, gagifles, danfeurs ou au-
trement aucun des fujets attachés ou qui Tauroient été à ladite
Académie fans le confentement exprès et par écrit dudit fieur
(i) Comédie en deux actes, traduite de Titalicn par Framery, musique de Sacchini.
(2) Drame héroïque en trois actes, en vers, de Métastase, traduit par Framery, musique de Sacchini.
(}) Opéra comique en trois actes par Cailhava, musique de Piccini.
(}) Comédie en deux actes, de lîjuraii*;, musique de Pcrgolcse.
(j) Parodie en deux actes de la Z in gara par Favart.
Appendice. 355
prévôt des marchands qui fera le iemblablc à l'égard des aaeurs,
actrices, penfionnaircs, gagiftes et autres fujets atuchés ï la Co-
médie-Italienne et ne pourra en recevoir aucun fans le confente-
ment defdits comédiens et comédiennes, à peine de tous dépens,
dommages et intérêts.
4"* Que les comédiens ne pourront plus faire venir aucuns
botiflfons d'Italie, fe fervir de ceux qui pourroient fe préfenter à
eux, ni faire exécuter fur leur théâtre aucun intermède ou oi>éra
italien par qui que ce foit, ni fous quelque prétexte que ce foit,
(c réfcrvant, ladite Académie royale de mufique, le droit de fe
fervir defdits bouflfons quand bon lui femblera.
5** De fe conformer par lefdits comédiens et comédiennes aux
rci^lcs prefcrites pour le choix des pièces, c*eft-i-dire qu'ils ne
pourront pas repréfenter des pièces en un ou plufieurs actes qui
forment des ouvrages de mufique (uivis, telles que les Tro^
queurs (i) et autres de pareille nature.
Article FV.
De ne pouvoir donner dans quelque tems, ni fous quelque
prétexte que ce puiffe être, i compter de la date de ladite con-
ccffion, les mardi et vendredi de chaque femaine jufqu'i l'ex-
piration d'icelle, aucune repréfcntation d'aucun ouvrage en
mufique anciens ou modernes, du genre de l'opéra comique à
.iricttes ou parodies en mufique, non plus que des ballets i fujets
hi /iorics et détachés des pièces, mais uniquement des pièces 1
v.iiiJcvilIcs purs et fimples dans Icfquclles il n'entrera ikis de
nurccaux de mufique ou d'aricttes faites exprès, ni traduites des
opéras italiens, mais feulement des accompagnemens pour vau-
',1) U,Mrt «tfBit^m* Àt V«Je, «j«i{.c J, Dauvtrgfiff.
356 Les Comédiens italiens.
devilles qui en feront fufceptibles et fous la réferve de pouvoir,
par lefdits comédiens, donner fans diflinction de jour et fans
exception les comédies françoifes et italiennes de leur anden
fonds avec les agrémens de chant et de danfe tels qu'ils ont été
attachés auxdites pièces dans le principe.
Article V.
De ne pouvoir céder ni tranfporter leur droit à ladite concef-
fion fans le confentement exprès et par écrit defdits fieur prévôt
des marchands et échevins.
Article VI.
Ladite conceffion faite moyennant la fomme de 30,000 livres
de redevance ou loyer pour et par chacune des cinq premières
années de ladite conceffion, payables, favoir : 20,000 livres en
fix paiemens égaux de 3,333 livres 6 fols 8 deniers pendant les
mois de janvier, février, mars, octobre, novembre et décembre,
et 10,000 en fix autres paiemens égaux de 1,666 livres 13 fols
4 deniers chacun pendant les mois d'avril, mai, juin, juillet, août
et feptembre, fommes fixées et époques prifes par ledit bail
réfihé; et 40,000 livres par chacune des vingt-cinq autres années
de ladite conceffion, de mois en mois payables, favoir : 24,000
livres en fix paiemens égaux de 4,000 livres pendant les mois
de janvier, février, mars, octobre, novembre et décembre, et
16,000 livres en fix autres paiemens égaux de 2,666 livres 13
fols 4 deniers chacun pendant les mois d'avril, mai, juin, juillet,
août et feptembre; Icfdites fommes payables non à l'adminif-
tration de l'Opéra, comme il eft porté audit projet de founiif-
fion, mais à la recette du domaine de la ville.
Appendice. 357
Confentant lefdits comédiens que, faute par eux d'exécuter,
foit en totalité, foit en partie feulement, les conditions ci-deffus,
ladite conceflion demeurera nulle et de nul effet pour ce qui
reftera à en expirer, et ce de plein droit fans être tenus par lefdits
prévôt des marchands et échevins d'aucune formalité de juftice (i
ce n'eft d'une fimple fommatîon à perfonne ou domicile, après
laquelle il fera loifîble aux prévôt des marchands et échevins de
difpofer dudit privilège ainfi qu'ik le jugeront à propos.
Pendant tout le tems de ladite conceflion et à compter de la
date d'icelle, le prévôt des marchands et les officiers municipaux
qui compoferont le bureau de la ville, ainfi que le fieur de Vif-
mes, en fa qualité de régifleur de l'Opéra pour le compte de la
ville, jouiront de leurs entrées partout dans la falle defdits Comé-
diens italiens, même les jours de première repréfentation, et ce
pendant la durée des fonctions publiques de chacun en droit foi
et des fervices auxquels ladite prérogative eft attribuée et à la-
quelle, pour le cours de deux ans feulement, feront rappelés les
deux échevins fortis, à la fin du mois d'août dernier, de l'exer-
cice pendant la durée duquel les difiiêrens points de ladite con-
ceflion ont été difcutés, ainfi que les deux qui doivent fortir
d'exercice au mois d'août 1780.
Et comme le bureau change tous les ans, le fieur prévôt des
marchands fera donner tous les ans la lifte de ceux qui compofe-
ront le bureau.
S'obligent, lefdits fieurs prévôt des marchands et échevins ef-
dites qualités, de ne pouvoir céder leur droit au privilège de
l'Académie royale de mufique, ni de s'en démettre qu'à la charge
expreife de l'exécution de ladite conceffion.
Sur quoi Sa Majefté, voulant faire connoitre fes intentions :
ouï le rapport, le Roi étant en fon confeil a approuvé et agréé,
approuve et agrée la conceffion faite par lefdits prévôt des mar-
358 Les Comédiens italiens.
chands et échevins à fes Comédiens dits italiens du privilège de
rOpéra-Comique pour le tems, aux charges, claufes et conditions
fufexpliquées; veut Sa Majefté qu'elle forte fon plein et entier
effet et fera le préfent arrêt exécuté nonobftant oppofîtions ou
autres empêchemens quelconques dont, fi aucuns interviennent.
Sa Majefté s'eft réfervé et à fon confeil la connoiflance et icelle
interdit à fes cours et autres juges. Le 16 octobre 1779.
Signé : Hue de Miromesnil.
(Arsbives nationales, E, a^SS?*)
XXII
1779. — 26 feptembre.
Suppression des pièces du genre italien et mise à la retraite
des acteurs qui jouaient dans ces pièces.
Nous premiers gentilshommes de la chambre du Roi :
Sa Majefté nous ayant fait connoitre l'intention où elle eft de
fupprimer, à la clôture de cette année, le genre de la Comédie-
Italienne, elle a ordonné qu'il fcroit expédié en conféquence, par
fes premiers gentilshommes de la chambre, les ordres de retraite
néceflaires aux fujets qui jouent dans ledit genre italien, en ac-
cordant les penfions de retraite, conformément aux règlemens
et à Tufage, et que les acteurs ou actrices non reçus feroient éga-
lement prévenus de leur retraite afin qu'ils puiflTent fe pourvoir
ailleurs, laiflant fes premiers gentilshommes de la chambre abfo-
lument maîtres de régler, à l'égard defdits fujets, ce qui leur
paroîtra le plus convenable. En conféquence des ordres à nous
adreffés par Sa Majefté, mandons aux intendans des menus plai-
Appetuiice. 359
firs du Roi d'expédier à Pâques prochain des ordres de retraite,
favoir : au fieur Zanuzzi, qui a fini Ton temps, avec la penlion de
retraite de 1,000 livres, conformément aux reglemens; aux
fleurs Camérani, Vedris et dame Bianchi, quoique ces trois fu-
jets n'ayent point encore rempli le temps ncceflaire pour obtenir
leurs pcnfions, cependant, en confidéraiion de leurs bons femces,
il leur fera accordé, fuivant les intentions de Sa Majefié, et fans
que cela puifle tirer i aucune conféquence i Tavenir pour aucuns
fujets, 1,000 livres de penfion et, en outre, à chacun $,000 livres
payables par moitié en deux années, b première expirant à Pâ-
ques 1 781, la féconde i Piques 1782.
A Tépard des ficurs Coraly, Bigottini et demoifelles Ricci (i)
et Gaillard, il leur fera accordé à chacun, en forme de gratifica-
tion, lors de leur retraite, moitié des appointemens dont ils joui-
ront ali)rs.
Paris, ce 26 feptembrc 1779.
Signé: Le Duc d*Aumokt; le Maréchal duc de Richelieu;
le Maréchal duc de Duras.
(Ârtkix^ méti0m*lé$, O*. È4L,)
XXIII
1779. — 25 décembre.
RègUment pour la Comidie-Italicnni.
Le Roi s*étant fait rendre compte de Tétat des affaires de fes
Comédiens italiens ordinaires et s'étant fait repréfcnter les ditîé-
rcns traités de fociété faits entre eux. Sa Majcfté auroit reconnu
(1) M*** Ri^^i avêii 4«^t«, U If avril 1777. fi U% r6Ut é'émftf^ 4mi U% f léctt iuU««Bt«.
360 Les Comédiens italiens.
que, depuis plufieurs années, le public montrait fi peu d'empref-
fement pour vqir repréfenter des comédies en langue italienne
que les repréfentations de ces pièces ne couvroient même pas de
quoi pouvoir acquitter des frais journaliers; que, d'ailleurs, les
différentes tentatives qui avoient été faites depuis quelque temps
pour faire venir à grands frais des fujets d'Italie propres à foute-
nir le genre italien en France, avoient été prefque inutiles parce
que ce genre exifte à peine dans le pays même, où il a fait place à
ce qu'on appelle les opéras-bouffons, ce qui doit faire perdre tout
efpoir de pouvoir remplacer, à la fatisfaction du public, les bons
acteurs qui font morts et ceux qui, à caufc de leurs longs fer-
vices, feront dans le cas de fe retirer; et voulant Sa Majefté
conferver dans Paris un théâtre qui puiffe continuer de fervir à
l'amufement du public et contribuer en même temps, foit à faci-
liter et augmenter les progrès de la mufique en France et affurer,
par la même voie, non-feulement l'état et les fonds des acteurs et
actrices actuellement exiftans à la Comédie-Italienqe, mais en-
core les penfions qui feront dues à leur retraite; ouï le rapport :
Le Roi étant en fon confeil, a ordonné et ordonne ce qui fuit :
Artxcie P^
A compter de la clôture du théâtre de l'année prochaine 1780,
la fociété des Comédiens dits italiens ordinaires du Roi, contrac-
tée par différens actes, paffés par-devant notaires, les 27 octobre
1719, 7 avril 1741, 3 mars 1742 et 29 avril 1754, fera et demeu-
rera anéantie, éteinte et fupprimée, fe réfervant S. M. de pour-
voir, d'une manière convenable, au traitement des comédiens
jouant dans les pièces italiennes, foit par des penfions viagères
foit par des gratifications ou indemnités, s'il y a lieu.
Appendici. 361
Articl£ il
Pour compofcr, à Tavcnir, une nouvelle troupe qui puiflc
remplacer celle qui e(l fupprimée par l'article précédent , S. M. a
choifi et nommé tous ceux des acteurs et actrices qui jouent
actuellement les comédies françoifes, les pièces de chant, foit en
vaudevilles, foit en ariettes, et les parodies, lefquels acteurs et
actrices, à compter de la rentrée des fpectacles, après Pâques de
Tannéo prochaine 1780, continueront de repréfenter, fur le même
théâtre, toutes lefditcs pièces, ainû que les pièces nouvelles du
même genre qui pourront leur être préfentées par la fuite.
Article III.
AulCtôt après que b lecture du préfent arrêt aura été faite aux
aaeurs et actrices ci-deflus déiignés, ils feront tenus, en confor-
mité dudit arrêt, de pafler, par-devant notaires, un traité de
fociété entre eux, lequel traité, préfenté â S. M., fera par elle
approuvé et confirmé s*il y échet.
Article FV.
La nouvelle troupe, ainû établie, fuccédera à tous les privi-
lèges, prérogatives, propriétés et poflfeifioQS, noms, raifons et
actions qui appartenoient à Tandenne fociété, même dans b
jouifTance de b penfion de i $,000 livres, accordée par brevet, de
laquelle S. M. veut bien accorder b continuation à b nouvelle
fociété. Laquelle penfion fera et demeurera, comme par le paflé,
non faififlable par aucun des créanciers particuliers defdits aaeurs
et actrices.
362 Les Comédiens italiens.
Article V.
En conféquence de Tarticle précédent, la nouvelle focîété fera
et demeurera chargée de toutes les dettes valablement contrac-
tées par l'ancienne pour le bien général et commun d'icelle par
billets, obligations et contrats de conftitution, ainfi que des fonds
faits par les anciens affociés, des intérêts defdits fonds et des pen-
fions de retraite.
Article VI.
Les acteurs et actrices compofant la nouvelle fociété confer-
veront entre eux le même rang dont ils étoient en pofleffion ci-
devant. Il leur fera pareillement tenu compte de tous les fonds
qu'ils auroient faits dans l'ancienne fociété. En conféquence, ils
continueront à jouir de la part et portion, ou portion de part,
dont ils jouiflbient et le tems de leur retraite, ainfi que celui de
la penfion qui y eft attachée, continuera à courir du jour qu'ils
ont été admis et reçus dans l'ancienne fociété.
Article VII.
Veut et entend S. M. que le contenu au préfent arrêt foit exé-
cuté félon fa forme et teneur et que tout ce qui y feroit contraire
foit regardé comme nul et non avenu, ainfi qu'elle le déclare dès
à préfent. Mande S. M. aux premiers gentilshommes de fa cham-
bre et aux intendans des menus de tenir la main, chacun en
droit foi, à l'exécution du préfent arrêt.
Verfailles, 25 décembre 1779.
Signé : Hue de Miromesnil.
{Archives nationaUs, E, 1,5 $7-)
Appendice, }6}
XXIV
1780.
Af . de la Ferté, intendant des menus, soumet aux premiers gentils-
hommes de la chambre divers projets de réforme à introduire à la
Comédie-Italienne.
En 1760, MM. les premiers gentikhommes de b chambre
daignèrent confier i mes foins la Comédie-Italienne qui étoit fur
le point de fe détruire, les acteurs pouvant à peine fubfifter, et
étant alors obérée de plus de 700,000 livres de dettes. L'arrivée
du ficur Caillot à Paris, que j'engageai 1 entrer aux Italiens où
il ne vouloit pas même être reçu, mais aux appointemens de
6,000 livres feulement, et quelques autres fujets qu'on admit
alors, la tranflation des comédiens iuliens au boulevard pen-
dant le rétablifTement de leur falle, que je fis entreprendre, mal-
gré le mauvais état de leurs affaires, quelques petites pièces nou-
velles, quelques bals, et enfin le retour des comédiens dans leur
ancienne falle, qui parut plus agréable au public, toutes ces chofes
mirent les comédiens non- feulement en état de payer les répara-
tions de leur falle, de donner quelques i<omptes fur leurs an-
ciennes dettes et de retirer un peu plus de leurs parts.
En 1762, j'eus l'honneur de propofer i M. le duc d'Aumont
le projet d'aflfermer le bail de l'Opéra-Comique alors établi aux
foires Saint-Germain et Saint-Laurent. Mon idée fut adoptée et,
par les arrangements pris avec le ficur Monet et compagnie, qui
étoient entrepreneurs de ce fpectacle, le traité fut conclu avec les
fieurs Rcbcl et Francœur, directeurs de l'Académie de mufique.
Les principaux fujets de l'Opéra-Comique, dont le fieur Clairval
364 Les Comédiens italiens.
refte feul aujourd'hui à la Comédie-Italienne, furent admis dans
la troupe des comédiens à portion de part. Cet accroifTement
d'acteurs, joints au fieur Caillot et aux autres fujets qui chan-
toient avant cette réunion, rendirent ce fpectacle plus intéreflant
et firent naitre l'idée de conftruire des petites loges pour être
louées à Tannée, à l'exemple des Comédiens françois. J'eus même
la première, que les comédiens me prièrent d'accepter comme
une marque de leur reconnoifTance, et je l'ai cédée depuis à M. le
prince de Conti qui la trouva plus conunode relativement aux
arrangcmens qu'il vouloit faire, et Ton m'en donna une autre.
L'exemple de M. le prince de Conti fut bientôt fuivi par une fi
grande quantité de perfonnes que, û on eût voulu les fatisfaire^ il
ne ferpit plus reflé que le parterre, le parquet et l'amphithéâtre
pour le public.
Ce fut alors que l'état des comédiens augmenta fenfiblement,
quoiqu'ils payafTent une portion confidérable de leurs anciennes
dettes. L'admiffion de M"* Villette, depuis M"* La Ruette, dont
je foUicitai le congé de l'Opéra et qui fuccéda à l'emploi de
M"* Neiflel, et enfin la réception de M"* Mandeville, aujourd'hui
M"* Trial, et de plufieurs autres fujets, femblèrent afTurer à ce
fpectacle une exiftence folide, d'autant mieux que tous les fujets
cberchoient à Tenvi à coopérer au bien, et je puis dire, avec
vérité, qu'il régnoit dans ces premiers temps autant de zèle çt
d'émulation pour le travail que de décence dans les afTemblées, et
je citois fouvent aux Comédiens françois la modération des Ita-
liens dans la difcuffion de leurs affaires et dans tout ce qui pou-
voit intéreffer leur fociété, et je n'avois prefque jamais d'autre
compte à rendre à MM. les premiers gentilshommes de la cham-
bre qui n'avoient, de leur côté, qu'à les encourager à continuer à
bien faire.
Les chofes reftèrent à peu près dans cet état jufqu'en 1769 que
Appendice, 565
j'eus i m'occupcr des préparatifs des mariages de 1770, 1771 ti
177}. Je fus forcé, par le travail dont j'étois feul chargé, de me
trouver moins aux alfemblées et d*allcr moins aux fpectades.
Ceux de la cour, interrompus pendant quelque temps ou de-
venus moins fréquens par les pênes faites dans la famille royale,
ayant recommencé, les comédiens s'habituèrent infenfiblement ï
ne plus rendre compte de leurs affaires et de ce qui pouvoit les
intérefler; mais, par le réfultat de leur compte de chaque année,
je voyois avec fatisfaction que les produits de leurs repréfeota-
tions augmentoient et que le montant des parts paffoit mes efpé-
rances.
En 1768, et dans les années précédentes, la comédie étoit
compoféc unt pour le genre italien que pour la comédie firan-
çoife et l'opéra comique de dix -neuf acteurs tant reçus qu'a
l'effai, dont quatre acteurs reçus pour l'opéra comique et trois
à l'elTai. Il y avoit quatone actrices tant reçues qu'à l'eflai, dont
quatre reçues, jouant l'opéra comique et deux à Teffai.
Les trois fervices fe faifoient exaaement alors à la fatisfaction
du public et à l'avantage des comédiens.
En 1773, MM. les premiers gentilshommes de la chambre
ayant jugé ï propos d'interrompre l'exercice du genre françois
pour lui redonner, dans d'autres temps, un plus grand écbt, le
nombre des fujets, unt acteurs qu'aarices reçus ou à l'eflai, fe
trouva réduit ï trente perfonnes, unt pour le (ervice de b co-
médie italienne que pour celui de l'opéra comique, et les comé-
diens continuèrent ï bien faire leurs affaires; mais le bon ordre,
l'émulation et b bonne volonté parurent s'évanouir par b re-
traite d'une partie des anciens acteurs, et les nouveaux n'ayant
plus cet exemple devant les yeux, fe relâchèrent bientôt et ce fut
pour remédier au mal qui gagnoit de jour en jour que quelques-
uns des anciens me dcinanJèrcnt un reniement plus en forme;
366 Les Comédiens italiens.
j'en projetai un qui fut approuvé par meffieurs les premiers gen-
tilshommes de la chambre et reçu à la grande fatisfacdon des
comédiens en 1774.
On avoit lieu de s'attendre qu'après ce règlement, qu'ils avoient
foUicité avec la plus grande vivacité, les comédiens s'emprefle-
roient tous à concourir au rétabliflement du bon ordre; et cela
leur étoit d'autant plus facile que ce règlement leur donnoit des
lois écrites qu'ils étoient à même de confulter fans cefle, et dans
lefquelles les pouvoirs de leurs femainiers et du comité étoient
expliqués très-clairement, tous les cas étant prévus autant qu'il
étoit poffible.
Il en a réfulté un effet tout contraire. Aucun des articles n'a
été fuivi et il y auroit lieu de penfer que les acteurs reçus pofté-
rieurement en ignorent même l'exiftence, quoiqu'il ait été ex-
preflément ordonné aux femainiers et au comité d'aflembler tous
les fix mois la troupe pour en faire une lecture. Chacun alors a
méconnu fes obligations envers fa fociété, chacun a formé des
prétentions pour ne jouer que quand il lui plairoit; les doubles
ont voulu être doublés eux-mêmes. Les acteurs en chef ne fe
font point oppofés à ces innovations et n'ont en cela envifagé
que Tefpoir de jouer moins et de fe repofer davantage. Auflî, le
nombre des acteurs et actrices qui, en 1773, étoit de trente pour
les deux genres, a été fucceflivement augmenté et môme d'un
quart jufqu'en 1778, puifqu'en cette année il étoit de quarante;
cela ne paroitra pas surprenant lorfqu'on fera attention qu'en
1768, et dans les années fuivantcs, Temploi des amoureufes en
premier et en fécond, dans Topera comique, fe réduifoit à trois
actrices reçues et deux à Teflai, et qu'en 1778, ce môme emploi a
été chargé de cinq actrices reçues et de quatre à l'eflai.
Les comédiens cependant fe plaignent que, cette année, le
produit de leurs parts a confidérablcment diminué et que leurs
Appendice. 567
dettes fc font fort augmentées depuis quatre ou cinq ans. Ils en
fcroient moins furpris s*ils rcflèchiflfoient fur le peu de zirle des
premiers fujets à fatisfaire le public, fe repofant toujours fur les
doubles des doubles môme, et livrant feulement les rôles les plus
imporuns aux fujets à reflfai. Enfin, on peut dire que le défaut
de fubordination, rintér(it paniculier, le peu de zèle, les préten-
tions déplacées et l'indécence qui régnent actuellement dans les
aiïemblées ont changé totalement le régime de ce fpcctacle, en
comparant fa pofition préfente à celle des années où tous les ac-
teurs fe piquoient de concourir au bien général.
Néanmoins, l'intérêt a ouven les yeux 1 quelques perfonnes
railonnables de la Comédie; elles m*ont marqué leur confiance
en me priant de m'occuper de nouveau de leur pofition. Après
plufieurs conférences Thiver dernier, elles font convenues que le
point le plus intéreflant pour leur fpectacle étoit d'obtenir le re-
nouvellement du bail de l'Opéra-Comique et h reprife des pièces
françoifes à leur théltre, non-feulement pour empêcher l'éu-
bliflTcment d'un fécond théâtre françois que le public et les au-
teurs défiroient, mais pour fubditucr le genre de ces pièces fran-
V'oifcs, qu'ils ne jouoient plus, à celui des pièces italiennes qui
leur étoient abfolument à charge et qui même ne fubfiAent plus
en Italie où elles ont pris naiflance.
En confcquence, on n'a rien négligé pour fatisfaire aux de-
mandes de ces comédiens; on a furmonté, autant qu'il étoit pof-
lîble, toutes les difficultés qui fe font préfcntées. Mais, fans faire
attention qu'il étoit peut-être impolfible de leur accorder toutes
leurs demandes, ils femblent aujourd'hui ne fe prêter qu'Ji a*gret
h la conclufion d'un objet qu'ils défiroient et qui doit les intérelTcr
\ entablement, puifque toute leur exirtence préfenie et i venir
Cw-pcnd du fuccès de celle affaire.
Leurs fupéricurN auroicnt aHurémcnt bien fouluiié leur faire
368 Les Comédiens italiens.
obtenir tout ce qu'ils déûroient; cela n'a pas dépendu d'eux, et
les comédiens doivent au contraire être perfuadés que c'étoit
avoir beaucoup gagné que d'avoir pu engager la ville à fe réduire
comme elle l'a fait au prix de 40,000 livres, puifqu'ii lui étoit£dt
des proportions beaucoup plus confidérables et que, quand même
elle n'auroit cédé que le privilège de Topera comique fans y
rien ajouter de plus, il fe feroit fûrement préfenté des compa-
gnies qui auroient donné peut-être jufqu'à 60,000 livres. On a
cependant obtenu en outre la modération des claufes qui paroif-
foient le plus inquiéter la Comédie, et la permiffion de jouer des
opéra-vaudevilles les mardis et vendredis, avantages dont les co-
médiens ne jouiiïoient pas dans le premier bail et qu'ils ne doi-
vent pas regarder comme indiflFérent.
Les comédiens paroiffent mécontens du traitement que Ton a
fait aux Italiens, leurs camarades, qui fe retirent. On a pris ce-
pendant encore la précaution de confulter auparavant plufieurs
d'entre eux. Ils paroiflbient s'être réunis pour penfer qu'il y au-
roit de l'injuftice et même de l'inhumanité à ne pas les traiter
favorablement. C'eft en conféquence de cela que les arrange-
mens qui ont paru les plus raifonnables ont été pris, et après
qu'ils ont été fignifiés à Taffemblée, plufieurs fe font récriés,
comme h on leur impofoit une furcharge trop onéreufe. Il eft
vrai que tous les comédiens ne font pas d'accord entre eux; les
uns veulent que l'on modère les traitemens , les autres veulent
qu'on les augmente. Telle eft la conduite conféquente que tien-
nent ordinairement les comédiens.
Un autre motif de leurs plaintes porte fur les fujets que Ton fe
propofe de leur donner pour affurer le fervice de la comédie.
Quelques acteurs chantans difent qu'ils ne font point obligés do
travailler pour nourrir ceux qui leur feront adjoints. C'eft annon-
cer qu'ils voient aujourd'hui avec peine ce qu'ils défiroicnt avec
Appendice. 369
ardeur il y a fix mois. Ils en\-i(agcoicnt alors, et avec raifon, le
danger qu'ils couroicnt de rétabliflement d*un fécond thèitre
François et fentoient que le plus grand avanugc qui pût leur
arriver étoit de fubftituer au genre italien, qui leur étoit i charge,
les comédies françoifes dont leur théâtre étoit en poflreflion, et
les pièces de ce genre que Ton pouvoit compofer exprès pour
eux. Alors pluficurs d'entre eux ne mirent point en doute qu'en
admettant feulement quelques fujets qui euffent joué dans ce
genre en province, on ne trouvât dans le refte de la troupe de
quoi aflfurer cette panie du fervice à la fatisfaaion du public. Les
projets de diflribution d'emploi furent faits en conféquence; mais
quand il a fallu en venir à l'exécution, il n'y a eu que les fieurs
Michu, Ménicr, Dorfonville, Rozièrcs, les dames Dugazon et
Gonthier qui aient marqué de la bonne volonté. On leur a donné
h demoifelle Pitrot pour jouer l'emploi de feu mademoifelle SiU
via et le fieur Valleroi pour les ballets. Depuis les fieurs Julien,
Dorfonville, Suin, ont paru dans la comédie. Il eft ceruin que ce
genre ne peut être rempli avec un fi petit nombre de fujets, puif-
que non-feulement ils ne peuvent, vu leurs autres occupations
dans le chant, apprendre aflez promptement des pièces françoifes
pour ne pas laifler languir le public, ni jouer tous les jours, mais
même la moindre maladie qui leur furviendroit interromproit le
cours des repréfentations faute de fujets qui puflent jouer en
double. Il manque même des acteurs pour certains caraaèrcs qui
fe trouvent fou vent dans les pièces, tels que les pères et mères
nobles et autres.
Les comédiens, fans fe donner la peine de penfer 1 ce qui peut
arriver, fe plaignent des débuts qui ont été accordés et fe propo-
fent de faire â cet égard les plus vives repréfentations. Dans ce
cas, il faut donc qu*ik fe prêtent à jouer dans la comédie. Plu-
fieurs d'entre eux y font d'autant plus intércfles qu'ils doivent
coM. DU Boi. — u. 24
I
370
Les Comédiens UaVutis.
fetitïr que â ta voix ed uo don prëdeux, il eft fujet à bien des
révolutions mêoie dans les perfonoes les plus jeunes, qu'aînlî il
ne pourroit arriver rien de pins avantageux pour eux que la nou-
velle carrière qui eft ouverte à leur bonne volonté et à leurs u-
Icns, Ils y peuvent cueillir de nouveaux lauriers en s'afTurant,
pendant de longues années, une extftence agréable.
Le sieur Clairval, par exemple, doit, mieux que perfonne, feoiir
la folidiié de ce raifonncment. Il doil être fur du fuccès et du plaifir
qu'il fera au public quand, à quelques rôles qu'il conlerveroil
dans le chant, on le verra joindre ceux des amoureux de carac-
tère et de jeunes pércs nobles dans la comédie. Il a tout ce qu'il
faut pour y réuflir. C'eft donc d'après cette conviction et dans la
vue de ne point furcharger la comédie d'un trop grand nombri:
de fujets que je propoferais l'arrangement luivant. Les amoureux
de caractère et pires nobles : le iicur Clairv.il en chef; le fieur Suin
i-n double; le fieur Ménîer. Les jeunes premiers amoureux : Icticur
Micliu en chef; le fieur Dorgevillc(i) en double et à l'effai. Les
féconds amoureux : le fitur Julien en chef; le fieur DorlbnvîUe en
double. Cet emploi n'cll pas confiJérable. Les pères marqués, râles
à manteaux et de caractère: le fieur Rozières en chef; le fieur Suin
en double; un acteur à l'effai. Les payfans, financiers, etc. : le
fieur Trial en chef; le fieur Ménier en double; le fieur Thomai-
fin. Les grands valets: le fieur Valleroi ; un double qui puî0e
jouer en même temps les mafques. Les arlequins: le fieur Carlin.
Les mires nobles: la demoîfcUe Verteuil avec quelques grandes
coquettes; la demoifellc Gonthier double dans les mères nobles.
Les mires de caractère et ridicules, duignes : la demoifelle Gon-
tiiier en chef; la demoifelle Moulinghen en double. Les jeunes
premières amoureu/es: la demoifelle Pitrot en chef; la demoifelle
a
Appendice. 371
Dorrevillc(i) ou Algaroni(2) en double à leflai. Les jeunes fé-
condes amoureufes : la demoifcUc Dufaycl en chef; h demoifelle
Dufaycl cadette et h demoifelle Adclinc en double. Les fou"
brettes: h demoifelle Dugazon en chef; une autre en double à
reOai.
Il réfulte du projet ci-deflfus que, dans ce moment-ci, le fervice
de b Comédie pourroit £tre afluré en y employant les (ieurs
Clairval, Suin, Julien, ThomaflTm, Michu, Ménier, DorfonviUe,
Rozières, Valleroi et Carlin, et qu'il ne feroit néceflaire, dans
l'emploi des hommes, que d'un double à l'eflai pour les jeunes
amoureux et d'un double i l'eflai pour les valets, lequel double*
roit auffi le fieur Carlin pour les arlequins. Les rôles de femmes
feroient remplis par les dames Moulinghcn, Dugazon, Gonthier,
Du&yel et Vencuil, en y ajouunt un double à l'eflai pour les
Silvia, b demoifelle Dufayel cadette à l'eflai pour double des
fécondes amoureufes, et une foubrette de même à Teflài en dou-
ble de madame Dugazon.
Par cet arrangement, il n'y auroit, jufqu'à Piques 1781, que
feize parts d'employées, dillribuées en vingt-un fujets, tant ac-
teurs qu'aarices, et cinq ou fut fujets à l'eflai qui pourroient
également fe rendre utiles dans les pièces de chant, funout dans
les opéras comiques-vaudevilles. Ainfi, b dépenfe des aaeurs à
Teflài, ou des penflonnaires, tant pour féconder les pièces de
chant que les acceflfoires, et b comédie, qui eft actuellement
portée ï b fomme de 27,400 livres, pourroit être réduite, à
Piques prochain, à celle d'environ 23,000 livres. Par ce moyen,
le bénéfice de Piques 1780 i 1781 feroit d'environ 4^400 livres,
(1) 11'^* CUva/Mu 4*OrcrTttl« «vtlt 4«^té U 17 MftrmWt 1777, ft tm r^ltt 4« Zerbtmt 4««t
4« ll«rai<Mittl, «laki^tM 4t Créuy, ti 4« C0Umhf4 Àémt U TmkU^m f«r(4i«i, |i«rolM i'km—mm;
■lati^vt À9 Ctttrr.
(s) M*^* Al^troni it^uta k s suvcaibrc 1779, f«rU rdU à* StUts ÀMm% l«»y««« d4 TÀmutm* tê dm
Héàmrd, c<nb«Jm 4« MATtvaut.
37^ Les Comédiens italiens.
indépendamment des quatre parts en fèqueftre. Supposant donc
que Tannée fût bonne, par le travail des acteurs et actrices, la
Comédie trouveroit peut-être de quoi fe libérer des fonds des
acteurs italiens retirés. On peut encore chercher d'autres objets
d'économie, par exemple fur les ballets. L'expérience journalière
doit prouver aux comédiens que les ballets ne leur fervent que de
prétexte pour tiercer (i) , et que le public n'y attache aucun
mérite. Ainfi, il paroîtroit convenable de n'y point mettre de
prétention et de les réduire au néceflaire pour les pièces qui exi-
gent des divertifTemcns.
Telle eft l'idée que l'on fe £iit de la poflibilité de rendre la
Comédie-Italienne un fpectade très-intéreflant pour le public et
très-avantageux aux fujets qui le compofent^ et, pour ne leur
laiifer rien à défirer, il faut aiïurer à ces mêmes fujets une exif-
tence qu'ils n'ont pas eue jufqu'à préfetit et ce, par un arrêt du
Confeil, par lettres patentes et acte de fociété regiftrés au Parie-
ment, ainfi que cela s'eft pratiqué pour la Comédie-Françoife,
pour laquelle alors on fit enfuite un règlement. Il fera très-
néceflaire, dans la circonftance préfente, d'en Éûre également un
pour la Comédie-Italienne.
Mais il n'en réfultcra une véritable utilité qu'autant que Ton
tiendra la main à fon exécution et que les comédiens feront exacts
à remplir les conditions de leur acte de fociété, en ne cherchant
point à fe décharger les uns fur les autres de leurs fonctions,
comme cela s'eft fait au préjudice des intérêts de la troupe.
C'eft cet éloignement des devoirs de fociété qui a forcé les
fupérieurs à chercher parmi les comédiens un fujet d'aflez bonne
volonté pour fe charger d'aflurcr, chaque femaine, le fervice du
public et de la cour. On a vu, et Ton voit encore, le fieur Trial
(i) C*«st-i-dire augmenter d'un tiers le prix des places.
Appendia. J7j
ttre i lui feul en qudquc forte le fcnuinier perpétuel et tout le
comité.
n en eft rëfuiti pour lui des déDigrimeiis fans nombre ; il a été
l'objet de la )alou(ic et des propos injurieux tenus par pluGcurs
de fes camarades. Il lui a lïdlu du courage et du zilc pour rtôAer
i toutes ces atuques.
Or, comme il ne faut point qu'un membre d'une fociitè foit
feul expolï i fouicnir toutes les charges de fon adminiftration,
les nouveaux arrangemens feront que chacun , à fon tour , en
partagera le poids. Il y aura alors plus de liaifon entre les mem-
bres, plus d'accord et moins de troubles dans les alTembltes, qui
dèginireroient en cohue fi det égards refpectib, qu'on ne Ciu-
roit trop recommander, n'y entittenoient l'harmonie et la con-
corde.
t*.*.i.4»i > Ml-.0'.M.)
TABLE DES ARTICLES
CONTENUS DANS LES DEUX VOLUMES
Adaw (Patricia), dite DiAUAN-
TINE. I
Adeline Colombe (Marie-Ma-
deleine Rorabocoli-Riggîeri,
dite). I
Alborghetti (Pierre), dit Pan-
talon. I
Akoentike (MUe Zanerini'B ian-
chi, dite). I
Arlequin. 1 4
AsTORi (Ursule), dite Isabelle,
dite LA Cantariha. I. . . . 4
AsTHODi (Rosalie). 1 4
Audinot (Nicolas-Médard). I. 7
AiniELiA ( Brigida Bianclii ,
dite). 1 10
Aurelio (Banholomeo Ra-
nieri, dit). 1 10
B
Babet (Louise-Ëlisabeth-Cbar-
lotte Wsentinî, dite). 1. .
Babet la Chanteuse (Ëlîsa
beth Daneret, dite). I. .
Bacelli (M"»)- ï
Balletti ( Aaioine - Joseph
Jean - Gaftan - Maximilien) ,
dit Makio. I
Balletti ( Jeanne - Rose -
Guyonne Benozii , femme
de), dite Silvia. I
Balletti (Antoine-É tienne). I.
376
Table des articles
PftgM.
Beaupré (Pétronille- Rosalie).
Belmokt (Charles-Virgile-Ro-
magnési de), dit Léamdre. I. 3 a
Belmokt ( Anne - Elisabeth
Constantini, femme de Char-
les-Virgile Romagndsi de).I. 32
Bendikelli (Hyacinthe), dit
Valério. 1 33
Benozzi (Jean-Baptiste-Bona-
venture), dit le Docteur. I. 34
Bérard (M«e)- ï 37
Berquelor (Etienne). I. . . 37
Bertinazzi (Charles-Antoine),
dit Carlin. 1 42
Bertinazzi (Françoise-Suzanne
Foulquier, femme de). I. . 42
Bianchi (Brigida), dite Auré-
lia. 1 60
Pages.
BiANcm (M^ ZaneriniX dite
Argentine. 1 60
BiANCOLELLi (Dominique), dit
DoimnopE, dit Arlbqvin. I. 61
BiANCOLELLi (Ursule Cortezziy
femme de), dite Eularia. I. 61
BiANCOLELLi (Maric-Thérèse).
1 70
BiANCOLELLi (Pierrc-FrançoisX
dit Dominique, dit Trtve-
LW. 1 70
BiGOTTINI. 1 70
BiLLiONi (Catherine - Ursule
Bussa ou Bussart, femme de
Michel-Rieul Billion, dit). I. 73
BissoNi (Jean), dit Scapin. I. 8x
BOGNOLI (M«c). 1 81
Burette (Marie Babin de
Grandmaison, dite). I. . . 81
c
Caillot (Joseph). 1 8$
Camerani ( Barthélemi - An -
drti). 1 95
Camille (Camille -Jacquette -
Antoinette Véronèsc, dite).
I 102
Cantarina (Ursule Astori, dite
Isabelle, dite la). I. . . . 102
Capitan (le). 1 102
Carlin (Charles-Antoine Ber-
tinazzi, dit). 1 102
Carline (Maric-Gabriellc Ma-
lagrida, dite). 1 102
Catinon (Catherine-Antoinette
Foulquier, dite). 1 105
Champville (Gabriel-Elconor-
HervcduBus, dit), liitSoLLl. 107
Chenard (Simon). 1 109
Ciavarelli (Alexandre-Louis),
dit Scapin. 1 109
Cinthio (Marc-Antoine Roma-
gnési, dit). I m
Clairval (Jean-Baptiste Gui-
gnard, dit). I nj
Collalto (Antoine Mattiuci,
dit), dit Pantalon. I. . . nS
Collet (M"e)- 1 121
Colombe Taînée (Marie-Thé-
rèse-Théodore Rombocoli-
Riggieri, dite). 1 124
Colombe la jeune (Marie-Ma-
deleine Rombocoli-Riggicri,
^ite). I J32
CoLOMBiNE (Catherine Bianco-
contenus dans les deux volumes.
377
Ptgei.
lelli, femme de Pierre Le Noir
de la Thorillière, dite). I. . 136
Constantin (Antoine). I. . . 136
CoNSTANTiNi (Angelo), ditMÉ-
ZETIN. 1 136
CoNSTANTiNi (ConsUntino), dit
Gradelin. 1 136
CoNSTANTiNi (Jean - Baptiste),
dit Octave. 1 139
Pâgei.
CORALI. 1 142
CoRALiNE (Anne-Marie Véro-
nèse, dite). 1 144
CoRTEZZi (Ursule), dite Eula-
RiA. 1 144
CoRTiCELLi (Marie -Anne). I. 144
Crêtu (Mlle Simonnet, femme
de N.). 1 148
D
Daneret (Elisabeth), dite Ba-
bet la Chanteuse. I. . . . 153
Dehesse (Jean - Baptiste - Fran-
çois). I 153
Dehesse (Catherine- Antoinette
Visentini, femme de). I. . . 153
Demery. 1 180
Desbrosses (Marie). I. . . . 180
Desbrosses (Robert). I. . . . 182
Desgland (Eulalie). I. . . . 182
Diamantine (Patricia Adami,
dite). 1 184
Docteur (le). 1 184
Dorsonville (Jacques Bôron,
dit). 1 184
Dorsonville (Elisabeth Tes-
sier, femme de Jacques Bé-
ron, dit). 1 184
Dubois (le petit). 1 193
Dufayel (Sophie et Augus-
tine). 1 193
DuGAZON (Louise-Rosalie Le-
fèvre, femme de Jean-Henri
Gourgaud, dit). 1 197
DjjNi (Égide-Romuald). L . . 206
F
Fabio (Fabio Sticotti, dit). L
Favart (Charles-Simon). L .
Favart (Marie-Justine-Benoite
Cabaret du Ronceray, femme
de). I
Favart (Charles - Nicolas - Jo-
seph-Justin). I ai9
207
207
207
FlORiLLi (Tibério), dit Scara-
MOUCHE. 1 222
Flaminia (Hélène - Virginie -
Balletti, femme de Louis-
André Riccoboni, dite). L . 235
Flautin (Jean - Évariste Ghé-
rardi, dit). 1 235
378
Table des articles
Ptgei.
FouLQUiER (Catherine -Antoi-
nette), dite Catinon. I. . . 235
FouLQUiER ( Françoise -Su-
zanne). 1 235
FRACANZANi(Michel-AngeX dit
POUCHINELLE. 1 235
Frédéric (M"*)- I ' 237
G
Gabrielli (Louise). 1 239
Gaillard (Félix). 1 239
Gaillard (Catherine - Marie -
Antoinette Mattiuci, femme
de). 1 239
Ghérardi (Évariste), dit Arle-
quin. I 239
GoLDONi (Charies). 1 249
Gontier (Françoise Carpen-
tier , femme de Charles-
Adrien). 1 250
Gradelin (Constantîno Cons-
tantini, dit). 1 255
Granger (Pierre-Philibert). I. 255
Grétry (André -Ernest -Mo-
deste). 1 258
GuÉDON (Barbe-Suzaime fier-
tinazzi, femme d*Alban Bac-
quoy). 1 264
I
Isabelle (Françoise-Marie-Ap-
pollinc Biancolelli, femme
de M. Constantin de Turgis,
dite). 1 265
IsABELLE (Ursule Astori, dite),
dite LA Caktarina. I. . . . 265
j
JÉRATON (Jean -Joseph), dit | Julien. 1.
Pierrot. 1 267
267
L
Lacaille (M«e). 1 271 I L ALANDE (Marie-Thérèse de). I. 273
Lafond (Rosalie). 1 273 | Lambert (M^^e). 1 277
contenus dans les deux volumes.
379
Faget.
Lange (M.). 1 277
Laiuette (Maric-Thèrtsc Vil-
lette, femme de Jean-Louis). L 277
Léandke (Charles-Virgile Ro-
magnési de Belmoot, dit). L 38)
Lefèvre QéS^). 1 38)
Lejeuke Qean-François). L . 28)
Léuo (Louis- André Riccoboni,
dit). 1 285
Fagn.
Léuo fils (Antoine-Frtnçois-
Valentin Riccoboni, dit). L . 28$
Lescot (Françoise - Adélaïde
Guignard de Clairval, dite). L 28 $
LocATELLi (Dominique) y dit
TuvEUN. 1 29)
LoLU (Jean-Bapiste-Ange-Au-
gustin). 1 294
M
Mandeville (Marie-Jeanne Mi-
Ion» femme d'Antoine Trial,
dite Félicité). II 1
Mansac (François^ dit le Ca-
FITAN. II I
Maucnan. II 5
Maainette (Laurence- Elisa-
beth del Campo, femme de
Tibério Fiorilli, dite). U. . 6
Maunette (Angélique Tos-
cano, femme de Joseph Tor-
torits, dite). U 6
Mauo (Antoine-Joseph-Jean-
Gaéun-Maximilien Balletti,
dit). U 7
Maaiyaijx (Pierre Girlet de
Chamblain de). II 7
Materazzx (François)^ dit lb
DocTBum. n II
MATTiua (AmoineX dit Col-
lalto. ii i)
Mékard (MU«). u 1)
Ménsx ( Philippe - Thomas )
U 15
Mézetin (Angdo Coostantini,
dit). U 18
Micuu (Louis). II 19
Milok (Marie-Jeanne). II. . . 22
MoKSiCKY (Pierre-AIeiandre).
U 22
MouuNCHSN (Louise -Frédé-
rique Schrœder, femme de
Jean-Baptiste-Michel). II. . 24
N
Kaimvoli. II 26 I Nakbonmi. II.
«9
o
Octave (Jean-Baptiste Cons-
tantini, dit). II ))
Octave et le ViEa Octave
(Jean -André Zanoni, dit).
n n
Orazio(N. Romagnési, dit). II. ) |
Table des articles
Pagbetti (Pierre). II. , . .
Pantalon. II
Pascahiel 0oseph Tortoiiri,
dii). II
Perceval (M™). U
PmLiDOR (François- André Da-
nican). II
Philippe (Philippe Cauvy, dit),
n
PicciNELU (Anne). 42
Pierrot, II 46
PiTROT ( Antoiae-Bona venture).
n 47
PmioT (Louise Régis, dite Rzr,
femme de), U 47
PmioT DE Lancy (W'f). II. . 64
PLAcron {M"0. n 68
Polichinelle. II £S
R
RANresi(Birtholomeo),ditAu-
RÉLio. Il 69
Raymond (Gabriel -François).
U 69
Raymond (Elisabeth • Félicité
Pioet, femme de). II. . . . 69
Renaud (M""). II 78
RiccoBONi (Louiî-AnJré), dit
Lélio. II 8a
RiccoBONi { Hélène- Virginie
Baiktti, femme de), dite Fla-
ïimn. II 81
RiccoDONi (Antoine-François-
Valcntin), U 9î
RICCOBONI (Marie -Jeanne de
Heurics de Laborras de Mé-
li^es, femme de). II. . . . 9}
RmÈRE (Catherine-Antoinette
Foulquier, femme de M. de).
U 100
RocHARD DE BotnLLAC (Char-
les-Raymond). Il lOI
RoMAGNÉsi (Marc- Antoine), dit
CiNTHto. u
RouAONËsi DE Beln ONT (Char-
les- Virgile), dit LéANDKS. u.
ROUAGNË^I DE BELMONT(AlUie-
Ëlisabetb Coniuntini , femme
de). II
RoMACNËsi (Gaétan), II. . . .
RoMAGNÉsi (Jean-Aaioine). U.
RoMBOcoLi ■ RiCGiERi (Marie-
Thérèse-Théodorc),dite Co-
lombe l'aînée). U
ROMBOCOU - RiGGlERl (Maric-
Madelcinc), dite Colombe la
Rosalie (Rosalie de Saint-
Évreui, dite). U
BOSAMBERT (Mll«). n
Rosière (]ean-Ren<! Lecoupay
de la Rosière, dit). II. . .
RuscA (Marguerite), dite Vio-
lette. II
A
contenus dans les deux volumes.
381
s
Pages,
Saint-Aubin (Jeanne-Charlotte
Schrœder, femme d'Auguste-
Alexandre d*Herbey, dit). II. 131
ScAPiN. II 135
SCARAMOUCHE. II I35
SCARAMOUCHE Tancien. IL . . 136
ScARAMoucHE le jeune. II. . 136
Sedaine (Jean-Michel). II. . . 136
SiDONiE (Françoise-Sidonie Vi-
scntini, dite). II 140
SiLViA (Jeanne-Rose-Guyonne
Bcnozzi, femme d'Antoine-
Joseph-Jean-Gaetan-Maximi-
lien Balletti, dite). II. . . . 140
P*gc«.
SoLi (Gabriel-Éléonor Hervé
du Bds, dit Champville, dit).
n 141
SoLiÉ (Jean-Pierre Soulier, dit).
II 141
Spezzafer. II 142
Spinette. II 143
SncoTTi (Fabio), dit Fabio.'
n 144
Sticotti (Ursule Astori, femme
de), dite Isabelle, dite la
Cantarina. II 144
SuiN. II 148
T
Tessœr (Elisabeth). II. ... 151
Thomassin (Thomas - Antoine
Visentini, dit), dit Arlequin.
II 151
Thomassin (Marguerite Rusca,
femme de), dite Violette.
U 151
Thomassin (Vincent-Jean Vi-
sentini, dit), n 156
Thomassin (Marie-Agnès Si-
méon, femme de). II. . . . 156
Thomassin (Guillaume-Adrien
Visentini, dit). II 162
Thomassin (Jeanne-Nicole Tis-
serand, femme de). II. . . 162
Thomassin (Éléonor Visentini,
dite). II 164
Toni (Antoine-Jean Sticoui,
dk).ll 165
ToRTORiTi (Joseph), dit Pas-
CARŒL. II 165
ToscANO (Angélique), dite Ma-
RINETTE. II 169
Trial (Antoine). II 170
Trial (Marie -Jeanne Milon,
femme de), dite FéucrrÉ
Mandeville). II 170
Trtvelin. II. ...:.. . 179
382
Table des articles, etc.
V
Page».
Valerio (Hyacinthe Bendinelli,
dit), n 181
Valleroi. II 181
Véronèse (Charles - Antoine) ,
dit Pantalon. II 181
Véronèse (Pierre - Antoine -
François), dit le Docteur.
II 183
Véronèse (Anne-Marie), dite
CoRALiNE. II 187
Véronèse (Camille-Jacquette-
Pages.
Antoinette), dite Camille. II. 197
Verteuil (M««). n 203
Vestris (Ange - Marie - Gas -
pard). n ' . 205
ViLLETTE ( Marie - Thérèse ).
n 207
Violette (Marguerite Rusca,
dite). II 207
ViSENTiNi. II 207
VoLANGE (Maurice - François
Rochet, dit). II 207
z
Zanerini-Bianchi (M"«), dite
Argentine. II 211
Zanotti (Jean-André), dit Oc-
tave, puis LE Vieil Octave.
II 213
Zanuzzi (François-Antoine). II. 214
ACHEVÉ ly IMPRIMER
LE NEUF HABS MIL HUIT CENT QUATIE-VINCT
PAR BERGER-LEVRAULT ET C'*
A NANCY