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Full text of "Les Comédiens du roi de la troupe italienne pendant les deux derniers siècles: documents inédits ..."

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LES 



COMÉDIENS DU ROI 



DE LA TROUPE ITALIENNE 



// a été tiré de cet ouvrage 335 Exemplaires numérotés à la presse : 



ïo sur papier de Chine (N®» i à 10). 
25 sur papier Whatman (N" 11 à 35). 
300 sur papier de Hollande (No« 36 à 335). 



"KW 104 



LES 



COMÉDIENS 



DU ROI 



DE LA TROUPE ITALIENNE 



Pendant les deux derniers siècles 



LCCl'MCNTS INÉDITS RECUEILLIS AUX ARCHIVES NATIONALES 



rAB 



EMILE CAMPARDON 



II 



PARIS 

? î: KGER-I.E\ RALLT ET C '. ÉDITEURS 

s, RUE DES BEAUX-ARTS, $ 

y Eue iiAisos a sancy, ii, kve jean-lauovr 

1880 



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IaNDEVILLE (Marie-Jeamne MILON, femme 
Id'AxToiNE TRIAL, dite Félicité). 

Faj. TsiAL (A>n«lHB). 



MANSAC (François), dît le Capitan. Les frères Pariaia 
ont ignoré le nom de cet aaeur de randcnne troupe iu- 
licone, qui jooa, assureot-ib, de 1660 à 1670. Peut-Être oat-ils 
ranoQ de fixer i 1660 la date de son début, mus en revanche ils 
ont absolument ton de prolonger jusqu'il 1670 sa carritre théâ- 
trale. Le document (i) transcrit plus loin donne sur ce comédien 
îulien les renseignements qui avaient fait défaut jusqu'ici. On y 
apprend en effet qu'il se nommait François Mansac , qu'il fut 
asuuioé par trois coupe-jarrets, le 19 mai 1662, dans la rue de 



Les Comédiens italiens. 



Richelieu, et qu'il tomba mort devant la maison qu'habitait alors 
MoUère, chez lequel il cherchait très-probablement un refuge. 
Mansac, qui devait être un acteur de mérite puisqu'il tenait au 
théâtre l'emploi assez en vue de Capitan, était peut-être un ami 
de notre grand poëte comique; en tout cas, il entretenait avec lui 
des relations quotidiennes, puisque les comédiens de la troupe 
italienne et les comédiens de la troupe de Molière donnaient 
alternativement leurs représentations dans la même salle, située 
au Palais-Royal. 

On ignore absolument qui succéda à François Mansac dans le 
rôle de Capitan, de 1662 à 1670, époque où un nommé Spezzafer 
prit cet emploi, après avoir joué quelque temps les Scaramouche 
pendant une absence de Tiberio FioriUi. 

{Histoirt iê Vaneitn Tbédtrê'lUlUm, p. 6S.) 



1662. — 19 mai et 17 juin. 



Assassinat de François Mansac, dit le Capitan, devant la maison de Molière, 

rue de Richelieu, 



Uan 1662, le 19 mai, environ T heure de minuit, eft venu en l*hôtel de 
nous, Pierre Lemufnier, commiffaire au Châtelet, meffire Simon Dupont, 
prêtre habitué à St-Roch, demeurant au cloître St-Roch, qui nous a dit 
qu'étant au logis du ûeur Hulot, maître fculpteur à Paris, fis rue de Riche- 
lieu, il auroit entendu plufieurs cris et la voix d'un homme qui difoit : « A 
mon fecours I on me tue 1 un confefleur ! au voleur ! » auquel bruit, il feroit 
forti avec ledit Jacques Hulot et Antoine Lefébure, bourgeois de Paris, et été 
vers la maifon du lleur Molière, qui eft de l'autre côté de la rue, au-devant 
de la porte duquel il auroit vu, étendu fur la place, un jeune homme qui 
demandoit du fecours et qui fembloit tirer à fa fin ; ce qui l'auroit obligé à lui 
demander s'il n'étoit pas repentant de fes fautes et s'il demandoit abfolution, 
à quoi ne pouvant répondre de paroles il lui auroit donné fa main et, lui 
étreignant la fienne, lui auroit témoigné lui demander l'abfolution et être 
contrit. Au fujet de quoi il lui auroit donné l'abfolution, et s'en feroit venu 



Mansac. 3 



r^r devers nous, pour nous requérir de nous tranfportcr en ladite rue de 
Rxhuhcu, où il Tjvoit Uiiïé, fuivant lequel réquifitoire, nous, commiiTaire 
t ji'dit, nous fommes i Tindani tranfporié, avec ledit fieur Dupont et Lefé- 
burc et le laquais du fieur Molière , en la rue de Richelieu , où étant 
arriva devant la porte dudit fieur Molière, avons trouvé le corps dudit jeune 
homme étendu fur la place, auprès duquel étoit un jeune homme, ayant épée 
a {on côté qui nous a dit fe nommer Jofeph Jératon, comédien italien, et que 
ledit jeune homme trouvé mort étoit aufli comédien italien et repréfentoit à 
U comédie le pcrfonnage du Capitan, et avoir appris fa mort par deux por- 
teurs de chatfes, qui venoient du côté de la rue de Richelieu, où il feroit à 
findint venu pour reconnoltre fi la vérité étoit telle, nous prioit vouloir 
-celui faire tranfportcr où il ed demeurant, rue des Boucheries-St-Honoré, où 
pend pour enfeignc Timage de St-Maurice, où il auroit été à Tinllant fait tranf- 
porter ; et U, après avoir été dépouillé, s'eft trouvé le jeune homme avoir été 
perce de plulîcurs coups tant d*armes i feu que d'épées, particulièrement au- 
deâTus de la cuiiïe gauche, au bas du petit ventre, et fur les deux bras et 
cuitTcs, lequel corps nous avons laide en la garde de Annibal Barbieri (i), 
pounoycur des comédiens italiens, principal locataire de la troifième chambre 
du 1 >^*s du fieur Morice, qui s*en e(l chargé jufqu^à ce que autrement, par 
M. U Lieutenant criminel, en ait été ordonné. Comme anfli nous a été dit 
^kT ledit ficur Jofeph Jératon, que lorfquMl étoit venu pour reconnoltre le 
«-orps de fondit camarade, il Tauroit fouillé et trouvé dans fes poches cinq 
cjus blancs, une pièce de 15 fols, 17 pièces marquées et 4 doubles, avec deux 
Icrres et un étui, où étoient un cifeau et une clef avec laquelle avons fait 
ouverture d'un coffret en forme de malle carrée, couvert de poil, dans lequel 
30US avons auifi trouvé la quantité de 42 écus blancs, 2 écus d'or, defquels 
nous nous fommes chargés pour les repréfenter quand et X qui il fera ordonné 
par )uilice. Et i l'égard des 5 écus blancs, 17 fols marqués et 4 doubles ont 
ctf biffés ainfi que deffus ès-mains dudit Jofeph, qui s*en e(l aulli chargé. 
Comme auiTi tous et chacun fes habits ont été réunis dans ladite malle fur la 
'cmuT de laquelle, après avoir été fermée, avons appofé notre fcellé et icelut 
MiUc et UifTé en la garde dudit Annibal et Jératon qui s'en font chargés. 

Signé : Dupont ; Lefébure ; Annibal B.\rbi£RI ; 

JO GlOSEPPE GlARATONE. 



f 1) C« hêr^itti itâtt «n oatr« 4èco*ateur de U troupe. Il mourut au moit de mart i66( et fut 
««terre • SaiVi-Ccrmaaa-rAuKcnrot*. Voici son extrait mortuaire : ■ Le faoïeUi 14* |«>ur <ic nar« 
!•»; C{«««oi d'A«itib«l Barbarr. décormtevr de la troupe royale dci comédicat italieni, prit 
r"««.M et ieveat le PaUi»' Royal. Reçu 9 Uvrca. • (Eut ihril et f «r/f mi értîttts, par Eu^coe Ptot. 
P*na, Pafncrre, it7|.) 



Les Comédiens italiens. 



Information faite par le commissaire Limusnitr, 
Du 17 juin 1662. 

Jofcph Jératon, comédien italien, demeurant rue Jean-St-Denis, au logis 
d'un nommé Morlein, vinaigrier, paroiiTc St-Germain-de-FAuxerrois, dgé de 
22 ans ou environ, après ferment, dépofe que le 19* du mois de mai deraiery 
environ les neuf heures du foir, étant dans fa chambre qu'il occupe en la 
maifon du fieur Morice, fife rue des Boucheries, le valet du fieur François 
Manfac, comédien italien, dit le Capitan, le feroit venu trouver de la part du- 
dit Capitan et le prier de venir dans la grande place, vis-à-vis le Palais-Royal, 
où il Tattendoit. Auquel lieu, il fe feroit quelques inflans après tranfporté, 
et rayant trouvé avec la nommée Mademoifelle Catherine, nièce de Made- 
moifelle Duparc(i), comédienne françoife, et fe feroit arrêté avec eux jufqu'à 
onze heures du foir ; pendant lequel tcms, ils furent enfemble boire de la 
bière au logis d'un vendeur de limonade, fis au coin de la rue Fromenteau» 
d'où étant fortis, ledit Capitan accompagna ladite demoifelle Catan jufqu'au 
logis de ladite Duparc, fa tante, fis à l'entrée de la rue St-Thomas-du-Louvre \ 
où étant, lui dépofant, fur le pas de ladite porte, en attendant que ledit 
Capitan fût forti du logis de ladite demoifelle Duparc, où il étoit entré avec 
fa nièce, un particulier, haut de taille, qu'il ne peut rcconnoitre, pour être le 
tems fort obfcur, l'aborda et en le regardant au nez, feroit entré dans la cour 
du logis de ladite demoifelle Duparc, où l'auroit fuivi, lui dépofant, pour 
favoir à qui il en vouloit, et, l'ayant aperçu dedans la cour, il s'en feroit re- 
tourné avertir ledit Capitan de s'en aller pour autant qu'il foupçonnoit que ce 
particulier qui étoit dans ladite cour, en vouloit à quelqu'un, joint qu'il ren- 
contra fur le pas de ladite porte un autre homme, petit de taille, armé 
d'épée, ayant un bouquet de plumes noires fui* fon chapeau. Vit peu de tems 
après le Capitan quitter la nièce de ladite Duparc, et fut joindre le dépofant 
avec lequel, voulant s'en retourner en leur chambre, il fut étonné que celui 
qu'il avoit laifTé dans la cour du logis de ladite Duparc fortit et vint joindre, 
tant celui qui étoit fur le pas de la porte, que un autre qui étoit au milieu de 
la place, lefquels fuivirent tant lui dépofant que ledit Ca/;//an Jufqu'à l'entrée 
de la rue de la Boucherie-St-Honoré, où le plus grand des trois, s'approchant 
dudit Capitan, et le regardant au nez, l'obligea de lui demander à qui ils en 



(i) M«rquise-Thérése de Gorle, fîemme de Reai Berthelot, dit Duparc. Cette célèbre actrice 
faisait, ainsi que son mari, partie de la troupe que Molière amena de province à Paris, en 1658. 
L'année suivante, M^^ Duparc et son mari passèrent au théAtre du Marais, puis, en i6éo, ils ren- 
trèrent chex Molière. M^^' Duparc devint veuve en 1664, et, cédant aux suggestions de Racine, elle 
passa, en 1667, à l'hôtel de Bourgogne, où elle créa Andromaque, Elle mourut l'année suivante, 
1668, k peine âgée de 2$ ans. (Jal, Dictionnaire, p. 936.) 



Marignan. j 

voaloicnt. Fut cconné que pour ri^ponfc, fc retirant d'un pas, dit en ces 
termes, parlant audit Capitan « Ah i je renie Dieu ! bougre de coquin, c*e(l 
trop ! m mit cnfuite TcpOe nue i la main, et en auroit allongé deux coups 
dans la cuifle gauche ; ce qu'éunt refTenti par ledit Capitan, il auroit tiré un 
ptftolct de poche. G: que entendu, par lui déposant, il fc feroit misendéfenfe 
COBXTC ledit quidam, d*où n'ayant pu venir â bout, pour être le plus foible, il 
auroit fuivî ledit Capitan qui s'enfuyoit du côté de la rue de Richelieu, et 
rjorott joint et A lui dit qu'il eût à le fuivre du côté des Quinze- Vingts, où, 
aa lieu de venir, auroit continué de fuir par le haut de la rue de Richelieu 
ofe, pcn de tom aprb, il auroit appris par deux porteurs de chaifes qu'il au- 
roit rcocootrés, ainfi qu'il frappoit i la porte du logis où il ei^ demeurant, 
me do Boucheries, qui lai auroient dit que celui qu'il cherchoit étoit tombé 
dans la rue de Richelieu, et croyoient qu'il fût mort, où à l'inflant il fût avec 
k laquais de M. de Belfunce, qui avoit un flambeau à la main. Où étant et 
le trouvant, il auroit imploré notre fecours pour le faire tranfporter en la 
chambre de lui dépofant, et où ledit Capitan dcmeuroit pareillement. A 
appris du depuis, que ceui qui Tavoient ainfi aflhfTiné étoient deux valets de 
pied de la Reine et un trompette du Roi. 

Signé : Jo Gios&m Giakatons. 

l JnèMM m*H 0msUt, Y. I|,tst-) 



MARIGNAN. On sait bien peu de choses sur Marignan, qui 
dèbuu i la Comédie-Italienne le 4 avril 1758, par le rôle 
i^ArUquin, dans Timon le Misanthrope, comédie en trois actes, en 
prose, sui\îc d*un divertissement, par de Lisle, et fut reçu la même 
antKc comme acteur i pension. Au mois d*avril de Tannée 1759, 
ses appointements furent portés à 2,400 livres, mais quelque 
temps après, ayant refusé un rôle qu'on lui avait distribué, le duc 
d*Aumont, premier gentilhomme de la chambre du roi, lui donna 
son congé. 

Marignan quitta alors Paris et alla jouer en province, à 
Lyon vraisemblablement, jusqu'en 1767, époque où un nouvel 
ordre de début l'appelai la Comédie -Italienne, toujours pour 
remplir Temploi des Arlequins. Le i*' avril 1768, il fut reçu aux 



Les Comédiens italiens. 



appointements de 3,000 livres, qui furent portés à 3,600 livres le 
26 avril 1770. 

Marîgnan a créé le rôle du commissaire dans les Trois Jumeaux 
vénitiens, comédie de CoUalto, représentée le 7 décembre 1773, 
et Grimm, en veine de bienveillance ce jour-là, déclara qu'il avait 
joué « avec une vérité et un comique bien au-deflus de Préville 
dans le Mercure galant » . 

En 1774, Marignan n'était plus attaché à la Comédie-Italienne. 

(las Spectacles de Paris, 1759 et 177J. — Grimm, 
Correspondance liitirairet VIII, 254. — Le Col' 
portturt par Chcvrier.) 



1759. — 19 feptembre. 

Marignan est renvoyé de la Comédie-ltalienne pour avoir refusé un rôle. 

Le fieur MarignJin n'ayant pas voulu jouer un rôle qui lui avoit été donné 
dans la Gouvernante (i), je lui ai donné fon congé. Je vous prie, Monfieur, 
d'en faire expédier Tordre. 

A Paris, le 19 feptembre 1759. 

Signé ; Le Duc d'Aumont. 

{Archives nationales, O', 846.) 

Voy. Champville (Gabriel-Éléonor Hervé du Bus, dit). 



MARINETTE (Laurence -Elisabeth DEL CAMPO, 
femme de Tiberio Fiorilli, dite). 

Voy. Fiorilli (Tiberio). 



(i) Comâdie en trois actes, en vers par Avisse, représentée pour la première fois à la Comédie- 
Italienne en 1737. 



Marinette. — Marivaux. 



MARINETTE (Angélique TOSCANO, femme de Joseph 
TORTORITI, dite). 
Voy. TotTORiTi (Joseph). 



MARIO (Antoine -Joseph -Jean - Gaétan - Maximilien 
BALLETTI, dit). 

V{j. Balletti (Antoine-Joseph-Jean-Gaëtan-Maximiliek). 



MARIVAUX (Pierre-Carlet de CHAMBLAIN de), né 
ï Paris le 4 février 1688, mort dans la même ville, en son 
domicile, me de Richelieu, le vendredi 11 février 1763. Il a fait 
représenter à la Comédie-Italienne : V Amour et la Viriti, comédie 
en prose, en trois actes, précédée d'un prologue en prose, 1720; 
ArUquin poli par F Amour, comédie en un aae, en prose, 1720 ; 
la Surprix de V Amour, comédie en trois actes, en prose, 1722 ; 
la Double Inconstance, comédie en trois actes, en prose, 1723 ; le 
Prince travesti, ou l'Illustre Aventurier, comédie en prose et en 
trois actes, 1 724 ; la Fausse Suivante, ou le Fourbe puni, comédie en 
prose et en trois actes, en colbboratîon avec Parfaict aîné, 1724; 
tlle des Esclaves, comédie en prose et en un acte, 1725 ; l'Héri" 
tier du village, comédie en prose et en un acte, 1 72 5 ; /^ Triomphe 
de Plutus, comédie en prose et en un acte, suivie d'un divertisse- 
ment, 1728; la Nouvelle Colonie, ou la Ligue des femmes, comédie 
en prose et en trois actes, 1729 ; les Jeux de l'Amour et du Hasard, 
comédie en prose et en trois actes, 1730 ; /^ Triomphe de l'Amour, 
comédie en prose et en trois actes, 1732 ; l'École des mères, comé- 
die en prose et en trois actes; suivie d*un divertissement, 1732; 
r Heureux Stratagème, comédie en prose et en trois actes, 1733; 
la Mépriu, comédie en un aae et en prose^ ^734 ; ^^ ^^^^ confi- 



8 Les Comédiens italiens. 

dente, comédie en prose et en trois actes, 173 S ; les Fausses Confi- 
dences, comédie en prose et en trois actes, 1737 ; la Joie imprévue, 
comédie en prose et en un acte, 1738; les Sincères, comédie en 
prose et en un acte, 1739; les Stratagèmes de l'Amour, comédie 
en trois actes, en vers, en collaboration avec du Perron de Cas- 
tera, 1739; V Épreuve, comédie en prose et en un acte, 1740; la 
Dispute, comédie, 1744. 

En annonçant la mort de cet écrivain. Collé, dans son Journal, 
s'exprime ainsi : « On n'a découvert qu'à fa mort que M"** de 
Pompadour lui faifoit une penfion de mille écus. Si j'en dois 
croire même une vieille demoifelle de Saint-Jean, avec laquelle il 
demeuroit depuis plus de trente ans, elle l'avoit foutenu pendant 
plufieurs années et il avoit vécu à fes dépens et, indépendamment 
que je ne crois pas que cette bonne fille mente, la dépenfe que 
Marivaux faifoit et aimoit à faire me perfuade aifément qu'elle 
n'avance rien à cet égard qui ne foit vrai. Marivaux étoit curieux 
en linge et en habits; il étoit friand et aimoit les bons morceaux, 
il étoit très-difficile à nourrir. » 

A ces intéressants détails sur la situation financière de Mari- 
vaux, l'acte transcrit plus loin ajoutera quelques renseignements. 
On y verra en effet que, depuis l'année 1757, M"* de Saint-Jean 
et Marivaux, qui, comme le dit Collé, demeuraient ensemble rue 
de Richelieu, jouissaient d'une rente viagère de 2,800 livres servie 
par M. Frécot de Lanty, conseiller au Grand-Conseil. Cette 
rente viagère n'était que le revenu à dix pour cent des capitaux 
versés par eux entre ses mains, montant à 8,000 livres pour Ma- 
rivaux et à 20,000 pour M"* de Saint-Jean. 

Par une clause insérée à la fin de l'acte, la totalité de cette rente 
viagère devait appartenir à celui des deux amis qui survivrait à 
l'autre. 

(Dictionnaire des Théâtres, HI, 336 ; VI, 584. — Les 
Speetaeles de Paris, 176a. — Journal de Colli, 
n, 388.) 



Marivaux. 



1757. — 15 octobre. 

M. Fricot ii Lanty constittu utu rente viagère de 2,Soo livres â Pierre-Carlet de 
ChamMaim de Marivaux et à M^^ Gabrieïle^ Angélique Anquetin de la Cha- 
pelle àe Saint-Jean. 

A tOQS cem qni ces préfentes lettres verroiit, Alexandre de Ségur, prévôt 

4tt U ville de Piris» falut ; (avoir fairons que par-<levant maîtres et Gui!- 

Uame Bioché, confeiller du Roi, nouire au Cbâtelet de Paris foufllgné, fut 
pntfcnt meffiie Jacques Frécot de Lanty, confeiller du Roi en fon grand Con- 
Ceil, demeurant â Paris, rue des Saints-Pères, paroilTe St-Sulpice : lequel a 
prrtrmmiem créé et conditué et promis garantir, fournir et faire valoir â 
ficar Pkrre Carlet de Marivaux, Tun des Quarante de TAcadémie françoife. 
Cl â denioifclle Gabrielle-Angélique Anquetin de la Chapelle de St-Jean, 
écmoifelle, deneuraiit lefdits fieur de Marivaux et demoifelle de St-Jean, 
me de RicbeUen, paroilTe St-Euftache, à ce préfens et acceptans, pour eux 
Cl le forvivani d'eux, leur vie durant et celle du furvivani, deux mille huit 
omis livres de rente viagère exempte de toute retenue et autres impoûtions 
généralement quelconques, préfentes ou â venir, que ledit fîeur de Lanty pn>- 
OKI et s'oblige de leur payer en leur demeure â Paris ou au porteur, de fix 
mots en ûx mois, dont le premier payement pour portion de tems échéra et 
it fiera le premier janvier prochain, le deuxième en entier au premier juillet 
fiùvam et ainû continuer de fix mois en fix mois tant que ladite rente aura 
coors. Defdits deox mille huit cents livres de rente viagère ladite demoifelle 
de St-Jean touchera deux mille livres par chacun an fur fcs fimples quitunces 
Cl ledit ûcur Marivaux les huit cents livres reftantes, et après le décès du pre- 
mier mourant deidiu (leur et demoifelle, le furvivant recevra, jouira ou dif- 
pokra à Ci vdonté àt la totalité de ladite reme viagère, cnfemble de la por- 
tion d*arrérages qui fe trouvera duc lors du décès du premier mourant. Enfin, 
k com pi cr do jour du décès du furvivant defdits de Marivaux et demoifelle de 
Ss-Jeta, ladite reme viagère fera et demeurera éteinte en fon entier audit 
fieor àt Laory Cms que les héritiers ou repréfcnuns ledit furvivant puiflcnt 
ries exiger dudit fieur de Lanty â cet égard. A avoir et prendre ladite rente 
viagère préfcatement conilituée, tant qu'elle aura cours, fur tous les biens 
meobles et immeubles préfens et i venir dudit fieur de Lanty qui les a affectés, 
oMigés et hypothéqués i la garantir, fournir et faire valoir bonne et bien 
payable Cus ancooe diminution, nonobdant toutes chofes i ce contraires, 
leidits fienrde Marivaux et demoifelle de St-Jean que ledit fieur 



10 Les Comédiens italiens. 



de Lanty leur a préfentement payé en efpèces fonnantes et ayant cours, 
compté, nombre et réellement délivré à la vue des notaires fouflignés, la 
fomme de 583 livres 6 fols 8 deniers pour les arrérages de ladite rente via- 
gère qui, à compter de ce jour, échéront au premier janvier prochain, dont 
donnent quittance. Et lefdits arrérages ont été à Tinflant partagés entre lefdits 
fieur de Marivaux et demoifelle de St-Jean proportionnellement à ce qui leur 
en revient à chacun. 

Pour affurer de la part dudit fieur de Lanty auxdits fieur de Marivaux et 
demoifelle de St-Jean, le payement exact de ladite rente viagère, ledit fieur 
de Lanty leur a préfentement cédé et tranfporté avec toute garantie et pro- 
mefle de faire valoir, même payer faute y aurait-il de payement, fans être 
tenus par lefdits fieur et demoifelle fufnommés, de faire aucune difcufiion ni 
diligence que celle que bon leur femblera, les arrérages à l'avenir, à compter 
du tems qui fera ci-après expliqué, de 3,322 livres 13 fols 4 deniers de rente 
fujette aux impofitions, condituée fur les États de Bretagne au profit dudit 
fieur de Lanty au principal, au denier cinquante, de 166,133 livres 6 fols 
9 deniers en quatre parties : la première, de 800 livres au principal de 
40,000 livres, par contrat paffé par-devant Leverrier, notaire à Paris, le 
14 feptembre 1755; la deuxième, de 280 livres au principal de 14,000 
livres, par contrat paffé par-devant ledit Leverrier, le même jour; la troi- 
fième, de 1,165 livres 6 fols 8 deniers au principal de 58,266 livres 14 fols 
4 deniers, par contrat paffé par-devant ledit maître Leverrier le 28 juin 1756, 
et la quatrième et dernière, de 1,077 livres 6 fols 8 deniers, au principal de 
53,866 livres 13 fols 4 deniers, par contrat paffé par-devant maître Lecomte, 
notaire à Paris, le 26 février dernier, pour, par lefdits fieur de Marivaux et 
demoifelle de St-Jean et le furvivant d'eux, toucher et recevoir les arrérages 
defdites rentes, fauf à faire raifon audit fieur de Lanty de Texcédant defdites 
2,800 livres de rente viagère par chacun an, ce qui a été accepté par lefdits 
fieur et demoifelle fufnommés, fous la réferve de fe pourvoir quand bon leur 
femblera, faute de l'exécution dudit tranfport, fur tous les autres biens dudit 
fieur de Lanty. 

A été néanmoins convenu que lefdits fieur de Marivaux et demoifelle de 
St-Jean ne pourront faire ufage dudit tranfport qu'autant qu'ils ne feront pas 
payés exactement par ledit fieur de Lanty des arrérages de ladite rente via- 
gère dans les huit premiers jours de chaque femeftre. A été auffi convenu que 
le payement des arrérages de cette même rente fe fera toujours en efpèces fon- 
nantes d'or et d'argent, fans aucun papier ni autres effets de quelque nature 
qu'ils puiffcnt être, encore qu'ils euffent cours dans les payemens ou fuffent 
autorifés en vertu d'édits, arrêts et déclarations émanés du Roi et de fon 
Confcil, au bénéfice defquels ledit fieur de Lanty a expreffément dérogé et 



Matera7i:(i. 1 1 



renoncé ; ccne condition <^tant cxprelTc et fans laquelle ces préfentes n'eufTent 
eu Itcu. 

Cette conditution fitte moyennant la fomnie de 28,000 livres, dont 20,000 
l:\Tcs fournies par ladite demoifelle de St-Jcan et les autres 8,000 livres par 
ledit tlcur de Marivaux, le tout que ledit ficurde Lanty reconnolt avoir pré- 
fentement reçu en efpcces Tonnantes et ayant cours, comptées, nombrées et 
rédlement délivrées k la vue defdits nouires, dont quittance. Se defTaififfant 
ledit fieur de Lanty de tous Tes biens meubles et immeubles préfens et à venir 
lu profit defdits fleur de Marivaux et demoifelle de St-Jean, voulant qu'ils en 
fuient faifis et mis en polTeflJon par qui et aind qu*il appartiendra, etc. 

Promet ledit fieur de Lanty de faire emploi de ladite fomme de 28,000 
Grres i conftîtution de rente A fon profit fur les Éuts de Languedoc, et dans 
k contrat qui fera paflfé faire déclaration que ladite fomme provient de la 
préiente conftitution, afin que lefdits fieur de Marivaux et demoifelle de St- 
Jean aient feuls privilège fur ledit contrat, etc. 

Par ces mêmes préfentes, lefdits fieur de Marivaux et demoifelle de St-Jean, 
pour fe donner des preuves réciproques de Tamitié qu'ils ont dit fe porter, fc 
font par ces préfentes fait donation pure, ftmple et irrévocable, en meilleure 
forme et manière que donation puiffe valoir, au furvivant d'eux, accepté ref- 
pectivcment par lefdits ficur de Marivaux et demoifelle de St-Jean, du droit 
rcfpectîf qu'a ledit furvivant de jouir de la toulité de ladite rente viagère de 
3.&ao livres, enfemble des arrérages de la portion de cette même rente qui fe 
troovcra duc lors du décès du premier mourant pour, par ledit furvivant, en 
)ouir, faire et difpofer en pleine propriété comme de chofe i lui appartenant, 
fe deiraifiiTant réciproquement en faveur du fur\'ivant dudit droit. 

Cette donation ainfi faite parce que telle cil la volonté defdits fieur de Ma- 
riraiiz et demoifelle de St-Jean, etc. 

Fait et pjffé k Paris en la demeure defdits fieur de Marivaux et demoifelle 
de Sc-Jcan, l'an 1757, le 16 octobre après-midi. 

(Jrckiwtt UMtiamaUs, Y, }l7 ) 



MATERAZZI (François), dit le Docteur. Né à Milan vers 
1652, François Materazzi fit partie de la nouvelle troupe 
italienne recrutée par les ordres du duc d'Orléans, régent, qui 
▼im s'éublir i Paris en 171 6, sous la conduite de Louis- André 
Rjccoboni, dit Lélio. Il y fut chargé du personnage du Docteur, 



12 Les Comédiens italiens. 

qu'il joua pendant de longues années avec beaucoup d'esprit et 
d'exactitude. 

L'âge et les infirmités l'obligèrent à quitter le théâtre, et il 
mourut le 29 novembre 1738, à 86 ans. 

Ce comédien, que les contemporains nous représentent comme 
gros et court, était un excellent homme, de mœurs régulières et 
faisant aux pauvres de nombreuses aumônes. Le mariage qu'il 
contracta, au mois de novembre 1731, avec Vincence Gallini- 
Berttoï, veuve d'un acteur italien, Pierre Alborghetti, dit Pan- 
talon, est une preuve sans réplique de la bonté de son cœur, car 
il ne s'y décida que pour venir en aide à la veuve d'un camarade 
et pour la sortir de la situation précaire que lui avait faite la mort 
de son mari. 

{DutiQnn^ire dtt Tbéi^rts, III, 346.) 



1731. ^ 14 novembre. 

Extrait du contrat dé mariage de François Materœ^ii et de M^^* Vinanu Gallini- 

Berttoi, veuve de Pierre Alborghetti. 

Du contrat de mariage pafTé devant Devifigny et Ton confrère, notaires à 
Paris, le 13 novembre 1^731, entre François Materazzi, officier du Roi et natu- 
ralifé François, natif de Milan, demeurant à Paris, rue Pavée, paroifle St-Sau- 
veur, veuf, d'une part ; 

Et demoifelle Vincence Gallini-Berttoî, veuve de Pierre Alborghetti, aufli 
officier du Roi, natif de Venife, auifi naturalifée Françoife, demeurant fufdites 
rue et paroiiTe, a été extrait ce qui fuit : 

Et pour Teftime (îngulière et amitié que lefdits fieur et dame futurs époux 
fe portent mutellement, ils fe font, par ces préfentes, fait donation mutuelle 
entre vifs et réciproque Tun à l'autre et au furvivant d'eux ce acceptant réci- 
proquement, de tous et chacuns les meubles, propres acquêts et conquéts, 
immeubles de quelque nature qu'ils puiflent être qui fe trouveront appartenir 
au premier mourant d'eux, au jour de fon décès, à quelque fomme que le tout 
puiiTe monter et en quelques lieux, endroits et pays que lefdits biens puilTent 



MatiiuccL — Mirtard. 1 3 



être affis et fituési dana les pays étrangers, comme en Italie dans le Ferrarois 
et tous antres endroits, etc.9 pourvu toutefois qu'au )our du décès du premier 
mourant il n'y ait aucuns enfans vivans, nés, ni procréés du mariage et que, 
s'il y en avoit et qu'ils vinffent à décéder en minorité ou avant d'avoir été 
pourvus par mariage, religion ou autrement, ladite donation reprendra Ton 
cfiiet et exécution. 

{Jrthivts uâtioMMUs, Y, 334.) 



iVjLATTlUCCI (Antoine), dit Collalto. 

y^y. Collalto (Antoine Mattiucci, dit). 



MÉNARD (NF**). On assure que M"* Ménard fiit dans son 
enfance bouquetière sur les boulevards et que ce fut à force 
de travail et de volonté qu'elle pamnt à apprendre dans la gram- 
maire de Restaut les éléments de la langue et de la prononciation 
françaises. Elle s'essaya alors sur différents théâtres bourgeois et 
débuta à la Comédie-Italienne, le 27 mai 1770, par le rôle de 
Louise dans le Déserteur, comédie en trois actes, paroles de Se- 
daine, musique de Monsigny, où elle se montra^ paraît-il, supé- 
rieure à ses devancières. Elle fut moins heureuse quelques jours 
plus tard dans On ne s'avise jamais de tout, paroles de Sedaine, 
musique de Monsigny, où Ton constata dans son jeu une inégalité 
réellement surprenante. Grimm, dont la Correspondance littéraire 
nous fournit ces détails, parle en ces termes de cette actrice : 

La voix de W^ Ménard eft de médiocre qualité ; elle a eu on mauvais 
mattre à chanter et (î elle periille dans fa mauvaife méthode, Ton organe 
deviendra aigre et glappiffant ; mais avec de meilleurs principes et apprenant 
i gouverner fa voix, fon chant pourra devenir affez bon pour ne pas déparer 



14 Les Comédiens italiens. 

fon jeu. Quant à celui-ci, elle a d'abord Pavantage d'un débit naturel et 
d'une prononciation aifée. Elle ne parle pas du crâne et à la petite octave 
comme M»"* Laruette et M»»* Trial. Sa figure eft celle d'une belle fille, 
mais non pas d'une actrice agréable. Mettez à fouper W^^ Ménard, fraîche, 
jeune et piquante, à côté de M^^* Arnould, et celle-ci vous paroîtra un fque- 
Ictte auprès d'elle ; mais au théâtre ce fquelette fera plein de grâce, de no- 
blcfle et de charme, tandis que la fraîche et piquante Ménard aura l'air gaupe. 
Elle m'a paru avoir la tête un peu groffe et la carcafTe fupérieure de fes joues 
eft un peu trop élevée, ce qui empêche que le vifage ne joue. On a beaucoup 
parlé de la beauté de (os bras ; ils font très-blancs, mais ils font trop courts 
et ont l'air de pattes de lion. En général, fa figure eft un peu trop grande et 
trop forte pour les rôles tendres et ingénus comme font la plupart des rôles 
de nos opéras-comiques. S'il faut dire ce que je pcnfe de fon talent, je 
crois qu'il fera plutôt le fruit de fon application que d'un naturel heureux ; 
mais une étude continuelle et opiniâtre peut auffi lui faire faire des progrès 
prodigieux. 

• 

L'hostilité que montrait à cette actrice le maréchal duc de Ri- 
chelieu l'empêcha longtemps d'être reçue. Enfin, grâce sans doute 
aux sollicitations du duc de Chaulnes, son protecteur déclaré, le 
maréchal se laissa fléchir et signa, le 4 février 1771, l'ordre de son 
admission à l'essai et aux appointements de 1,200 livres pour dou- 
bler M"*** Laruette et Trial. 

M^** Ménard ne resta pas longtemps à la Comédie-Italienne, à 
laquelle elle n'était déjà plus attachée depuis quelques mois, lors- 
qu'on répandit sur son compte dans Paris une anecdote rapportée 
en ces termes par les Mémoires secrets : 

17 février 1773. Le Barbier de Séville, comédie de M. Caron de Beaumar- 
chais, qu'on avoit annoncée, eft différé par une aventure très-fingulière arrivée 
à l'auteur. Il eft fort lié avec M. le duc de Chaulnes (ci-devant Piquigny). 
Celui-ci l'a introduit chez fa maîtreffe nommée Ménard. M. de Beau- 
marchais eft aimable et infinuant auprès des femmes, en forte qu'il avoit 
acquis une grande intimité auprès de celle-ci, chez laquelle il alloit beaucoup 
depuis un an. Depuis quelques jours le duc de Chaulnes en a conçu une 
telle jaloufie qu'il a voulu le tuer. Il étoit d'abord convenu de fe battre avec 



Minier. 1 5 



le (îcur Caron, en priifence de M. le comte de la Tour-du-Pin pris pour juge 
du combat ; mais ce feigneur n*ayam pu fur-le-champ fe rendre ùi Tinvitation, 
Il tctc du duc de Chaulnes s'el^ exaltée à un tel point chez Ton rival même 
qu'il l'a voulu tuer dans fa propre maifon, et qu'il a été obligé de fe défen- 
dre contre lui i coups de pied et de poing, mais i Ton détriment, Ton adver- 
taire étant un des plus gros, grands et vigoureux perfonnages de France. 
Les domeftiques ont été obligés de s'en mêler : la garde, le commifTaire, font 
arrivés et Ton a dreiTé un procès-verbal de cette fcêne tragi>comique. Il a 
fallu donner un garde à M. de Beaumarchais pour le garantir des fureurs 
de fon advtrfaire dont on cherche à guérir la tête. 

{L*$ S^UcUi d* Péril, 1771. ^ Grimm, Corrts- 
^•ndmni* litléfirt, VI, 479. — Mimohêt sêcrtts, 
VI, )4J. — ^ LoméDie, Btmmm*r<bmis tt ««• Umft, 

1. «49) 



1771. — 4 février. 
U^' Mênard est reçue à Fessai et aux appointements de loo livres par mois. 

Nous maréchal duc de Richelieu, pair de France, premier gentilhomme de 
Il chambre du Rot ; 

Nous duc de Duras, pair de France, premier gentilhomme de la chambre 
du Roi . 

Avons reçu, fous le bon plaifir de Sa Majefté, la demoifelle Ménard dans 
la trojpe des comédiens iuliens i rclTai, aux appointemens de cent livres 
par mois, pour doubler les demoifclles Laructte et Trial dans les rôles d*amou- 
rrufcs, afin que nous pu i (Bons juger de fes talens. 

A Pans, ce 4 février 1771. 

Signé : Le Maréchal duc de Richelieu ; le Duc de Duras. 

{Jrtknm msiê0m*Ui, O*, iiê.) 



MÉNIER (P1ULIPPE-T110.MAS) débuta à la Comcdic-Ita- 
licnne, le 9 février 177}, dans le Huron, paroles de Mar- 
montcly musique de Grétry. II joua ensuite dans Sylvain, ouvrage 
des mêmes auteurs , et dans le Déserteur, paroles do Scdaine, 
musique de Monsigny. 



i6 Les Comédiens italiens. 

Admis d'abord à l'essài, il fut reçu à quart de part le 26 mars 
1777, et peu après il obtint part entière. 

Cet acteur était, paraît-il, d'une haute taille et d'un physique 
très-avantageux. Sa voix de basse-taille était très-appréciée par le 
public de la Comédie-Italienne, et il eût pu fournir une brillante 
carrière s'il ne se fût pas livré à la dissipation et à la paresse. 

Une note manuscrite, datée de 1787 et où se trouve consignée 
l'opinion du Théâtre-Italien sur chacun des artistes qui compo- 
saient alors la compagnie, s'exprime en ces termes sur son 
compte : « Ménicr : avec un beau ph)r(ique, il n'a que de petits 
moyens ; fon talent eft médiocre. Il eft tellement infouciant fur 
fes progrès qu'il n'y faut pas compter. S'il étoit poffible, en dimi- 
nuant fa fortune d'un quart de part, que cela l'obligeât de tra- 
vailler utilement, peut-être faudroit-il eflayer ce moyen. » 

Ménier avait épousé M"* Marie-Josèphe Borrée, avec laquelle il 
vécut, parait-il, en assez mauvaise intelligence. 

(Archives nationales, O*, 848* -^ Le» SpHkieUs de 

Paris.) 



1789. — 25 mai. 

Plainte rendue par M''* Marie-Josèphe Borrée contre Philippe-Thomas Minier ^ son 
mari, et contre un huissier au Parlement qui l'avait indignement maltraitée. 

L'an 1789, le lundi 25 mai, quatre heures de relevée, en Thôtel et par-de- 
vant nous Jean-Thomas Defrefne eft comparue demoifelle Marie-Jofèphe 
Borrée, époufc de Philippe-Thomas Ménier, penfionnaire du Roi, demeurant 
cul-de-fac Taitbout, maifon du fieur Roux, maître charron, paroiffe St-Euf- 
tache : Laquelle nous a rendu plainte contre le fieur Ménier, fon mari, de - 
meurant rue Taitbout, et M« Jouan, huiffier au Parlement, demeurant me de 
La Harpe, leurs fauteurs et adhérens, et nous a dit qu'elle efl en procès en 
la Cour avec fondit mari et a obtenu, le 23 du préfent mois, un arrêt qui fem- 
bloit lui rendre pour toujours la tranquillité, lorfque de nouveaux procédés de 
la part de fon mari et du fieur Jouan, fon confeil, font venus la troubler plus 



Minier. 17 

que jimais. Ledit arrêt de la Cour Tautorife à vivre féparément de fon mari, 
dans telle maifon que bon lui feroblera, avec la demoifelle leur fille, dgée de 
14 ans, faute par le fieur Ménier d*avoir vécu mariulement avec Ton époufe 
et de ravoir traitée comme il le devoit ainfi qu'il le lui avoit été enjoint par 
m antre arrêt du a8 mars dernier, et condamne ledit fieur Ménier à lui payer 
pour elle et (a fille une penfion annuelle de 3 ,600 livres. 

U ct\ i croire que des confcils pernicieux infinu6rent au fieur fon mari ou 
que cet arrêt du 3) mai n*exifioit pas ou qu'il lui étoit po(fible d'en éluder 
cocore les difpofitions, car cejourd^huî, k fept heures du matin, deux jours 
après que ledit arrêt a été rendu, avant qu'elle ait pu le faire expédier et 
figniûcr, fon mari, accompagné de M« Jouan et de deux quidams, s'eft pré- 
(iezité cbci elle et s'eft mis en devoir d'y Caire rédiger un proc^verbal dont 
elle ignore les motifs, mais dans le cours duquel on cfpéroit fans doute lui 
ùirc fiire des réponfes qui pourroicnt compromettre fes intérêts et favorifer 
les mes de fon mari, qui ont toujours été de la tourmenter et de la vexer de 
mille manières fans néanmoins qu*il ait aucun reproche à lui faire et fans 
qs'il ait ofé en articuler un dans les différentes procédures qui ont eu lieu 
cairc eux. 

La comparante, étonnée d'une telle vifite, dit à l'huifiier et à fes aflifians 
qu'ils n*avoicnt aucun droit de refter chez elle, que rien ne pouvoit autorifer 
leur démarche et qu'ils dévoient fe retirer ; que quant à fon mari, s'il avoit 
quelque chofe i lui dire, il n'avoit bcfoin d'aucune efcorte. M* Jouan répondit 
alors qu'il venoit pour fommer la comparante de déclarer Ç\ elle entendoit 
recevoir fon mari. La comparante, qui avoit fu par fon défenfeur qu'il exidoit 
depuis deux jours un arrêt qui pouvoit contenir des difpofitions contraires à la 
fommation qui lui étoit faite, dit i M* Jouan qu'elle n'avoit rien â faire ni k 
répondre fans avoir vu fes confcils et que ^\ fon mari vouloit y venir fur-le- 
champ, ils s'y rendroient enferoblc. Cette réponfe déconccru ledit M« Jouan 
d fes afTiilins qui, voyant échouer les projets qui avoicnt été prémédités, vou- 
Icrent néanmoins les exécuter par des voies de fait et de rigueur. Ils cntcn- 
dk>ient refier chez la comparante, mais celle-ci, déjA effrayée de leur appari- 
tion et vt>yant qu'ils violoient de force fon domicile, appela au fecours chex 
£0 TOifins. Le fieur Roux, propriéuirc de la maifon, monu chez elle, fit des 
reprcfenuûons fur le trouble qu'on apportoit à fa locataire et on ne lui ré- 
pondit que par des injures. Le fieur Ménier l'apoftropha plufieurs fois, lui dit 
les chofcs les plus dures et les moins méritées, ce qui lui occifionna une 
altercation avec le fieur Roux des fuites do laquelle le fieur Ménier ne crut 
p^Mvoir fe tirer qu'en quittant un endroit dans lequel il étoit vifible qu'il 
a'csoit venu que pour faire i fon époufe une fcène des plus aâfreufcs et des 
^os humiliantes. 

cou. t>v ROI. * II. a 



i8 Les Cotnidiens italiens. 



En effet, pendant le démêlé du fieur Ménier avec le fieur Roux, la compa- 
rante, qui étoit defcendue quelques marches de Tefcalier, y fut fuivîe par 
M« Jouan qui fe jeta fur elle avec fureur : il lui faifit le bras avec une telle 
force que ^empreinte s'en eft faite par une meurtriflure noire qu'elle nous a 
fait apparoir, il la pouffa enfuite fur la rampe de fer de Tefcalier où elle fe fit 
plufleurs contufîons, favoir à la région droite des vraies côtes, ce qui lui a 
depuis gêné la refpiration, et une féconde adez confidérable à la partie latérale 
dé Pavant-bras, vers l'articulation, lefquelles font conftatées par le certificat 
du fieur Emou, docteur en médecine et médecin ordinaire de Monfeigneur le 
comte d'Artois. M^ Jouan la prit aullî par les cheveux. Enfin il leva fa canne 
fur elle vraifemblablement pour l'en frapper. La comparante n'a pas vu ce 
dernier gefie menaçant qui caractérife fi bien les intentions de l'huifiier de 
fon mari, car dès le moment où elle fut faifie par M* Jouan, elle perdit con- 
noifiance et s'évanouit, mais différentes perfonnes de la maîfon, attirées par le 
bruit qu'occafionnoit cette fcène, ont été témoins de ces différentes voies de 
fait et lui ont appris cette dernière circonfiance. 

La comparante ainfi maltraitée par un huiflier qui s'eft préfenté chez elle 
fans droit, fans qualité, fans y être autorifé foit par un arrêt, foit par une 
ordonnance quelconque, qui s'y e(l même préfenté fans aucune apparence 
extérieure qui pût annoncer qu'il étoit ofiicier public, ayant intérêt de fe 
pourvoir à raifon des faits ci-deffus, elle efi venue en notre hôtel nous rendre 
plainte, etc. 

Signé : M. J. Borrée; Defresne. 

{Archivts n^îionalts. Y, ia,o8}.) 

Voy, PiTROT DE Lancy (M»«). 



MÉZETIN. « Son caractère eft le même que celui de Sca- 
pin; c'eft un valet rufé et intrigant qui eft toujours em- 
ployé dans des fourberies et des déguifemens. » Cet emploi fut 
tenu à la Comédie -Italienne par Angelo Constantini. 



{Calendrier historique des Théâtres. 
PAris, Cftilleau, 17s i-) 



Voy. Constantini (Jean-Baptiste). 



Michu. 19 

MICHU (Louis), né à Reims le 4 juin 1754. Michu était 
attaché à la troupe de Nantes quand un ordre des premiers 
gentilshommes de la chambre du roi, en date du 3 décembre 1774» 
rappela à la Comédie-Italienne, où il débuta le 18 janvier 1775 
dans le Magnifique, paroles de Sedaine, musique de Grétry. Le 
21 du même mois, il parut dans les rôles de Colin de la Clochette, 
paroles d'Anseaume, musique de Duni, et de Cilicourt dans 
Y Ami di la maison, paroles de Marmontel , musique de Grétry. 
Deux jours après, il fut reçu à l'essai avec i ,800 livres d'appointe- 
ments, et le 12 avril 1775, il obtint un quart de part et fut chargé 
de doubler Clairval dans les amoureux. 

Louis Michu, aaeur plein de zèle et de bonne volonté, avait un 
talent réd qui lui valut l'honneur de donner à la reine Maric- 
Aotoinette quelques leçons lorsque cette princesse s'amusa, en 
1780, i jouer l'opéra comique. 

Au physique, il était admirablement bien fait et d'une figure 
charmante. Il s'habillait quelquefois en femme et disait, parait- 
il, complètement illusion sous ce costume. Malheureusement, 
les succès que lui valurent ses grâces lui firent prendre des airs 
langoureux et eflféminés qui contribuèrent peut-être à sa réussite 
dans ses rôles d*amoureux, mais qui paraissaient fort déplacés à 
la ville où il avait le tort de les conserver. 

On a gardé le souvenir de l'apostrophe que lui adressa un jour 
on de ses camarades dans une discussion qu'ib avaient ensemble : 
c Monsieur Michu, si je ne respectais votre sexe, vous auriez 
ifiaire à moi. » 

Nfalgré ces petits travers, Louis Michu fut un très-honnête 
homme et un aaeur d'un mérite réel. Une note manuscrite, datée 
de 1787 et où se trouve consignée l'expression du comité du 
Tbcitre-Italien sur chacun des artistes qui composaient alors la 
compagnie, s'exprime ainsi sur son compte : a Michu, avec de 



20 Les Comédiens italiens. 

foibles moyens qu'il ne devroit jamais forcer, eft très-utile et in- 
fatigable. » 

Quelques années plus tard, Louis Michu se trouva ruiné par 
suite de la faillite de la salle Favart dans laquelle il avait mis toutes 
ses économies ; il prit peu après la direction du théâtre de Rouen, 
où il fit de mauvaises affaires. Il perdit alors la tête et se donna la 
mort en se précipitant dans la Seine en 1 802 . 

Michu avait un frère qui débuta à la Comédie-Italienne, le 
13 juin 1780, par les rôles de Dubois dans les Paussês Confidences, 
comédie en trois actes, de Marivaux, et de Frontin dans V Amant 
auteur et valet, comédie en un acte, de Cérou. îl joua ensuite 
Lucas d^Lns Julie, paroles de Monvel, musique dé Dézaides; Luèas 
dans V Erreur d'un moment, ouvrage des mêmes auteurs; A:(pr 
dans Zémire et A:(pr, paroles de Marmontel, musique de Grètry ; 
Montauciel dans le Déserteur, paroles de Sedaine, musique de 
Monsigny, etc., etc. 

" Cet acteur, malgré une certaine intelligence, un masque avan- 
tageux pour l'emploi des valets et quelques autres qualités réelles, 
ne fut pas goûté par le public et ne put être admis à là Comédie- 
Italienne. 

(Jrehivts MaiiouaUs, OS 84^. — Les SptctaeUs ék 
Paris, 1776 et 1781. — Mémoires secrets, XVI, 
30 et ja. — Joumul de Paris, 1780» 14 juin. — 
Revue des Comédiens, etc. Paris, Favre, z8o8. — 
Biographie DidoU) 



I 



1774. — 3 décembre. 

Ordre de déhul pour Louis Michu, 

Nous maréchal duc de Richelieu, pair de France, premier gentilhomme 
de la chambre du Roi ; 



MUhu. 21 

Nous duc de Duras, pair de France, premier gentilhotnmc de la chambre 
du Roi, 

Ordonnons au fieur Michu, actuellement comédien i Nantes, de fe rendre 
i Paris pour y diîbuter fur le théâtre de la Comédie-Italienne dans les rôles 
dTaroouretu. 

Paris, ce 3 décembre 1774. 

Signé : Le Maréchal duc de Richelieu ; le Duc de DuRiis. 

(Ànhiméi MiM««Z«i, O*. 846.) 

II 

>77S- — 27 janvier. 

Louis Mich» est reçu à Fessai aux appoiuUmens de iJBoo livres. 

Noos maréchal duc de Richelieu, pair de France, premier gentilhomme de 
la chambre du Roi ; 

Nous nuréchal duc de Duras, pair de France, premier gentilhomme de la 
chambre du Roi, 

Avons reçu le fieur Micbu à Teflai, fous le bon plaifir du Roi, dans la troupe 
de fes comédiens italiens, aux appointemens ordinaires de i,8oo livrfs pour 
loocr en double l'emploi du fieur Clairval, afin que nous puiffîons juger de 
fes takns. 

A Paris, ce 17 janvier 1775. 

Signé: Le liaréchal duc Di RiCHiuiu; le Duc Di DuiAS. 

idtthmm MiM««J«« O*, 146.) 



m 



177$. — 12 tvril. 

Louis Micbu est reçu à quart départ. 

Sons maréchal duc de Richelieu, pair de France, premier gentilhomme de 
La chambre dn Roi; 

Soos mixiéchal dnc de Duras, pair de France, premier gentilhomme de la 
chambre da Rot, 



22 Les Comédiens italiens. 

Avons reçu fous le bon plaifir du Roi, dans la troupe des comédiens ita- 
liens de Sa Majefté le fieur Michu, à quart de part, à la charge par lui de 
jouer remploi des amoureux en double du fieur Clairval, et nommément 
tous les rôles qui feront jugés néceflaires pour le bien du fervice. 

Fait à Paris, le 12 avril 1775. 

Signé : Le Maréchal duc de Richelieu ; le Maréchal duc de Duras. 

(Archivés nalionaUs, O', 846). 

Voy. Philippe (Philippe Cauvy, dit) ; Pitrot de Lancy (M"«) ; Raymond 
(Gabriel-François) ; Verteuil (M"«). 



M 



ILON (Marie-Jeanne). 

Voy. Trial (Antoine). 



MONSIGNY (Pierre-Alexandre), né le 17 octobre 1729, 
à Fauquembergue , en Artois, diocèse de Boulogne. Ce 
compositeur a fait représenter à la Comédie-Italienne les Aveux 
indiscrets, paroles de la Ribardière; le Maître en droit, paroles de 
Lemonnier; le Cadi dupé, paroles du même auteur; On ne s'avise 
jamais de tout, paroles de Sedaine, ouvrages qui furent joués 
d'abord à TOpéra-Comique en 1759, 1760 et 1761; le Roi et le 
Fermier, paroles de Sedaine, 1762; Rose et Colas, paroles du 
même, 1764; YUe sonnante, paroles de Collé, 1768; le Déserteur, 
paroles de Sedaine, 1769; le Faucon, paroles du même, 1772; 
le Rende:(j'Vous bien employé, paroles d'Anscaume, 1774; la Belle 
Arsène, paroles de Favart, 1775, et Félix, ou V Enfant trouvé, 
paroles de Sedaine, 1777. 

Monsigny est mort à Paris le 14 janvier 18 17. 

{Us SpuUeUs dt Paris, 1789. — Félix Clément, 
Us Musieiens dlibres, p. 127.) 



Mofjsigny. 23 



1780. — 1*^ avril. 

Brevet d'une pension de 1,500 livres accordée par le roi 
à Pierre- Alexandre Monsigny. 

Brevet d'une penfion de 1,500 livres en faveur du fieur Pierre- Alexandre 
Monfigny, né à Fauquenberque en Artois, diocèfe de Boulogne, le 17 octobre 
1729, bapiifé le même jour dans la paroiflTe de St-Léger de ladite ville, pour 
lui tenir lieu de la gratification annuelle de pareille fomme qui lui a été 
accordée fur les dépenfes extraordinaires des menus plaifirs fans retenue, par 
décifion du 19 février 1774. 

i" avril 1780. 

(Pièces jointes au brevet.) 

I. — Acte de baptême de Monsigny, 

Du regiflre aux actes de batefmes, mariages et fépultures de la paroiflfe de 
St-Léger en la ville de Fauquembergue en Artois, diocèfe de Boulogne : 

Appert que le dix-fept octobre mil fept cent vingt-neuf, Pierre-Alexandre 
Monfigny, fils légitime de fieur Nicolas Monfigny et de dame Antoinette 
Dufrefne, et né le même jour, a été batifé en ladite paroifTe par le fieur 
Gobron, curé de ladite paroifTe, et que fes parain et maraine ont été fieur 
Pierre-François Mitaine et demoifelle Marie-Catherine Dufrefne qui ont fouf- 
crit l'acte avec le père. 

2. — Déclaration autographe de Monsigny relativement à sa pension. 

Le fieur Pierre-Alexandre Monfigny, maître d'hôtel de S. A. S. monfei- 
gneur le duc d'Orléans, né le 17 octobre 1729, à Fauquembergue, province 
d'Artois, baillage deSt-Omer, baptifé ledit jour 17 octobre, dans la paroifTe 
de St-Léger dudit lieu de Fauquembergue, demeurant à préfent à Paris, au 
Palais-Royal, déclare avoir obtenu du Roy une gratification annuelle de 
quinze cents livres fur les fonds extraordinaires des menus, qui luy étoit payée 
fans retenue et dont il luy refle dû une année jufqu'au premier janvier 1779. 

Fait à Paris, ce 29 octobre 1779. 

Signé: Pierre- Alexandre Monsigny, 

{Archives nationales, OS 683.) 



/ 



24 Les Comédiens italiens. 

MOULINGHEN (Louise-Frédêrique SCHRŒDER, ma- 
riée à Jean-Baptiste-Michel). Connue d'abord au 
théâtre sous le nom de M"* Frédéric, cette actrice, fille d'un 
directeur de troupe de province, débuta à la Comédie-Ita- 
lienne le i8 octobre 1764, comme danseuse, et le 20 du même 
mois, comme actrice, dans la Servante maîtresse, comédie de 
Baurans, musique de Pergolèse , et après elle joua les rôles de la 
gouvernante dans le Maître en droit, paroles de Lemonnier, 
musique de Monsigny, et de Fatime dans le Cadi dupé, ouvrage 
des mêmes auteurs. Les débuts de cette actrice furent difficiles, 
et ce n'est qu'à force de travail qu'elle parvint à se créer une 
place honorable au théâtre, où elle fut reçue en 1769. En 1770, 
elle épousa Jean-Baptiste-Michel Moulinghen, musicien attaché 
à l'orchestre de la Comédie-Italienne. Depuis cette époque, 
M°* Moulinghen se consacra tout entière à l'emploi des duègnes, 
qu'elle remplit à la satisfaction générale et dans lequel son talent 
se développa de jour en jour. Elle possédait une rare entente de 
la scène, beaucoup de chaleur et de gaîté, une aaivité infati- 
gable et se recommandait surtout par le soin et l'exactitude 
qu'elle apportait dans le choix de ses costumes. Une maladie peu 
grave d'abord, mais qui devint tout à coup sérieuse, causa sa 
mort, arrivée le samedi 25 novembre 1780. 

« Elle avoit, dit Grimm, beaucoup de juftefle et de volubilité 
dans la voix ; elle jouoit fort naturellement les rôles de duègnes 
et ceux de mères et pouvoit être encore très-longtemps d'une 
grande utilité à la Comédie-Italienne. » 

M"* Moulinghen eut trois sœurs qui furent attachées comme 
elle à la Comédie-Italienne : V M"* Frédéric cadette, qui débuta 
comme danseuse le même jour qu'elle, le 18 octobre 1764, et 
qui joua, le 21 du même mois, les amoureuses dans la Fille 
mal gardée et dans le Maître en droit, paroles de Lemonnier, mu- 



Moulinghen. 25 



sique de Monsigny. Elle fut reçue plus tard actrice à pension ; 
2* M"* Lambert, qui débuta, le 29 avril 1781 , par les rôles de 
Mopsa dans le Jugement de Midas, paroles de d'Hèle, musique 
dcGrétry; à* Alix dans les Trois Fermiers, paroles de Monvel, 
musique de Dézaides; de la mère Boby dans Rose et Colas, paroles 
de Sedaine, musique de Monsigny ; de la duègne dans le Magni- 
fique, paroles de Sedaine, musique de Grétry, et de Claudine dans 
le Maricbal ferrant , paroles de Quêtant, musique de Philidor. 
yp^ Lambert, qui eut cependant un certain succès, ne fut pas 
reçue; 3* M"" Saint- Aubin, dont il sera parlé plus loin. 

{Lts SfêcUtUs dé Pmritp 17*$, 178a. — Grimm, C«r- 
rtip^nd^mu litlérmire, X, 418. — Mémoirti tttrrts, 
XVI, $4. — y*«r»ai d* Paris, 1781, 18 mAi.) 



1775. — 9 avril. 

àf» Lmim-FrUiri^ Scbradtr, fmm di Jêan-Baptist^Michel Moulinghen, 

est augmmtii éTum quart di part. 

Sons maréchal duc de Richelieu, pair de France, premier gentilhomme 
de la chambre du Roi ; 

Noos duc de Duras, pair de France, premier gentilhomme de la chambre 
du Roi, 

Avons accordé i la dame Moulinghen, comédienne italienne du Roi, un 
qaift de part d'augmentation pour continuer â jouer les duègnes en double 
et tous les rôles qui feront jugés néceflaires pour le bien du fervice. 

Fait â Paris, le 9 avril 1773. 

Signé : Le Maréchal duc di Richelieu ; le Duc de Duras. 

{ Jtwàh m mKmsIé», 0>, 846.) 





N 




IAINVILLE. On prétend que ce comédien était le 
fils luturel de Caillot. Il débuta au Thédtre-Italien, 
le 3 mai 1767, dans le Maréchal ferrant, paroles de 
Quéunt, musique de Philidor. Il joua ensuite dans 
h Fitt du château, divertissement de Favan ; dans le Cadi dupé, 
pirc^ de Lemonnier, musique de Monsigny; dans les Deux 
Cbassemrs et la Laitière, paroles d'Anseaume, musique de Duni ; 
dans Mji^et, ouvrage des mêmes auteurs, et dans le Soldat 
wugifien, paroles d'Anseaume > musique de Philidor, et fut 
admis i l'essai. 

Naînvilic avait une figure agréable, de l'aisance, des gestes 
prèds et wie voix charmante dont tes inflexions rappelaient i s'y 
méprendre celles de son prétendu père. 

Reçu à portion de pan en 1769, il fut admis k part entière le 
10 avril 1772 et prit sa retraite 1 b clâture de 1780. 
Lt Journal de Paris a £iit en ces termes l'éloge de Nainville : 



Le publie a M doulooicafcmeiit iumai de la retraite inattendue et prf- 
« de cet actcnr. Noni fommes difpenfé de ialre foa éloge, parce <iu'îl 



28 Les Comédiens italiens. 



eft dans la bouche de tous les amateurs de ce fpectacle. Oa fait et Ton répète 
partout qu'au mérite d'un jeu perfectiomié par Tufage fans jamais avoir rien 
perdu de fon naturel, il joîgnoit ce que Ton n'acquiert point, une des plus 
belles voix qu'on ait jamais entendues. Nous ne dirons point, de peur de 
décourager fes fuccedeurs, qu'il ne pourra jamais être remplacé, mais nous 
ne céderons point de le donner pour modèle à ceux qui doivent courir la 
même carrière et de les exhorter à tâcher de compenfer par le fecours de 
l'étude et du travail ce que la nature lui avoit accordé fi libéralement. Nous 
ne reprocherons au fieur Nainville que fon infouliance pour la célébrité, in- 
différence qui vient d'arrêter fa marche au milieu de fes fuccès et qui dérobe 
aux plaifîrs du public de longues années de jouiffance. 

Nainville mourut quelques mois seulement après avoir pris 
sa retraite. Il avait épousé, en 1778, une de ses camarades de la 
Comédie-Italienne, M"« Pétronille-Rosalie Beaupré, dont il a été 
parlé plus haut. 

{Lês SpectacUs de Paris, 1768. — IHmoifêS Sêerttt, 
XV, I2X i XIX, 317. --Jomriutl d* Pmrig, )i oMff 
1780.) 



177a. — 10 avril. 

Nainville obtient part entière. 

Nous maréchal dac de Richelieu, pair de France, premier geûtilhomme de 
la chambre du Roi ; 

Nous duc de Duras, pair de France, premier gentilhomme de la chambre 
du Roi : 

Avons accordé au fieur Nainville, comédien italien, jouant les opéras- 
comiques, un quart de part d'augmentation pour compléter fa part entière, à 
la charge par ledit fieur Nainville de continuer à jouer les mêmes rôles que 
par le paffé et tous ceux qui feront jugés néceOGûres pour le bien du fer- 
vice, etc. 

A Paris, ce lo avril 177a. 

Signé : Le Maréchal duc de Richeueu ; le Duc de Duras. 

{Arthtvts nationales, O*» 846.) 



Narbonm. 29 



NARBONNE. Avant d'appartenir au théâtre, Narbonne 
était, dit-on, abbé et attaché à la musique de Notre-Dame 
de Paris. Un ordre de début l'appela en 1772 à la Comédie-Ita- 
fienne, où il parut pour la première fois, le 25 octobre, dans le 
râle de Sylvain dans Sylvain, paroles de Marmontel, musique de 
Grétry. Il joua ensuite Wessern dans Tom Jones, paroles de Poin- 
sinet, musique de Philidor; le Huron dans le Huron, paroles de 
Mannontd, musique de Grétry ; Richard dans le Roi et le Fermier, 
paroles de Sedaine, musique de Monsigny, et Julien dans le Sor- 
cier, paroles de Poinsinet, musique de Philidor. 

Grimm a rendu compte en termes assez sévères du début de ce 
comédien, à qui il ne trouva pas la voix formée et qui, selon lui, 
ne savait ni jouer ni chanter. Le public fut plus indulgent que 
I*auteur de b Correspondance littéraire, il applaudit Narbonne à 
tout rompre, trouva son chant plein d'expression, son jeu spiri- 
tnd et le jugea capable de remplacer Caillot qui Venait de 
prendre sa retraite. 

Moins d'un mois après son premier début, Narbonne fut reçu 
aux appointements de 2,400 livres, et le 26 avril 1773, il fut 
admis à quart de part. Deux ans après, le 12 avril 1775, il fut 
poné k demi-part, et à part entière un peu plus tard. 

Ce comédien, qui s'est particulièrement dbtingué dans la Co^ 
htdi, paroles de Framery, musique de Sacchini, dans la Belle 
Anèm, paroles de Favan, nmsique de Monsigny, et dans Biaise 
et Babif, ûu la suite des Trois Fermiers, paroles de Monvel, mu- 
sique de Dézaides, prit sa retraite en 1787 avec 1,500 livres de 



(Ârtkhtt m^tiêmmtii, O*, S4t. — Ui SpteUgtm it 
P»ri$t 177)* — Grimai, Corm^miMmtt liuérmîrt, 
VIII, toé.) 



30 Les Comédiens italiens. 



I 



1 772. — 1 1 septembre. 

Ordre de début pour Narbonne. 

Nous maréchal duc de Richelieu, pair de France, premier gentilhomme 
de la chambre du Roi ; 

Nous duc de Duras, pair de France, premier gentilhomme de la chambre 
du Roi, 

Ordonnons aux comédiens italiens de Sa Majefté de lai (Ter débuter le fleur 
Narbonne fur leur théâtre, dans les rôles qui pourront lui convenir, afîn que 
nous puiffions juger de Tes talens. 

A Paris, ce 11 fcptembre 1772. 

Signé : Le Maréchal duc de Richelieu ; le Duc de Duras. 

(Archivas nationaUt, O^ 84e.) 



II 



1772. — 21 novembre.* 

Réception de Narbonne avec appointements de 2,400 livres. 

Nous maréchal duc de Richelieu, pair de France, premier gentilhomme 
de la chambre du Roi ; 

Nous duc de Duras, pair de France, premier gentilhomme de la chambre 
du Roi, 

Avons reçu le fleur Narbonne dans la troupe des comédiens italiens du Roi 
fur le pied de deux cents livres par mois avec les jetons d'afTemblée et de 
répertoire. 

Fait à Paris, le 21 novembre 1772. 

Signé : Le Maréchal duc de Richelieu ; le Duc de Duras. 

(Archives nationaUs, O', 846.) 



Nar bonne. 31 



m 



177). — 26 avril. 

Riuption de Karhonne à quart de part. 

Koas maréchal de Richelieu, pair de France, premier gentilhomme de la 
dumhre du Roi ; 

Koos doc de Duras, pair de France, premier gentilhomme de la chambre 
do Roi, 

Atom reçu fous le bon plaifir du Roi, â la Comédie-Iulietme, le (leur 
Kirboone â quan de part, à la charge par lui de continuer de jouer tous les 
r61cs de Ton emploi et tous ceux qui feront jugés néceffaires pour le bien du 



A Paris, le 26 avril 1773. 

Signé : Le Maréchal duc de Richelieu ; le Duc de Duras. 



IV 



1775. — 12 avril. 

NarboHfU obtient demi-part. 

Nous maréchal duc de Richelieu, pair de France, premier gentilhomme de 
la chambre du Roi ; 

Nous maréchal duc de Duras, pair de France, premier gentilhomme de la 
chambre du Roi, 

Avons accordé au fienr Narbonne, comédien italien du Roi, un quart de 
part d*augmemation pour Caire avec le quart dont il a joui jufqu'à ce moment 
00e demi-part, i la charge par lui de continuer i jouer les rôles de Ton 
emploi et tous ceux qui feront jugés néceilaires pour le bien du fervice de la 
cour et de Paris. 

Fait i Paris, ce 12 avril 1775. 

Signé : Le Maréchal duc de Ricueueu ; le Maréchal duc de Duhas. 



32 Les Comédiens italiens. 



1780. — 7 avril. 

Narbonne est mis à V amende pour avoir manqué à son service sous prétexte 

d'indisposition. 

Nous maréchal duc de Richelieu, pair de France, premier gentilhomme 
de la chambre du Roi, 

Inftruit que le fieur Narbonne, après avoir été infcrit fur le répertoire pour 
jouer Bîaife dans la Coîonie{i\ avoit dit qu*il étoit enrhumé et malade et avoit 
en conféquence chargé de ce rôle le fleur Mefnier, le mercredi $ avril le foir; 
qu'une indifpofition fubite furvenue au fieur Mefnier Tavoit forcé d'envoyer 
chez le fieur Narbonne pour l'engager à reprendre le rôle pour ne point fsûre 
changer le fpectacle affiché, et qu'après avoir dit qu'il étoit incommodé il 
n'étoit chez lui ni à 4 heures ni à 7 heures du foir. 

En conféquence de notre ordre du 3 avril 1780, lu à l'aiïemblée, qui porte 
que tout acteur ou actrice indifpofé doit refter chez foi pour fe foigner et fe 
mettre très-promptement en état de reprendre fon fervice, le fieur Narboime, 
qui y eil contrevenu, payera l'amende de 100 livres fur la fommequi lui re- 
viendra fur le mois d'avril. 

Ordonnons par le préfent au caiflier de les lui retenir pour être diflribuées 
aux quatre garçons de théâtre, et mandons de nouveau aux femainiers de 
veiller à la plus févère exécution de notredit ordre du 3 avril, à peine de 
payer eux-mêmes l'amende qu'il porte s'ils avoient négligé de nous rendre 
compte des contraventions. 

Paris, ce 7 avril 1780. 

Signé : Le Maréchal duc db Richelieu. 

(^Àrchivts nationales f O', 84e.) 



(i) Comédie en deux actes imitée de l'italien et parodiée sur la musique de Sacchini par Framery. 





o 




ICTAVE CJean-Baptiste CONSO'ANTINI. dit). 

YtJ. CONSTANTINI (jEAK-BAPTISTe). 



o: 



CTAVE MLE VIEIL OCTAVE (jEAU-AiiDRé ZANOTTI, 
'dit). 
Yoj. ZANom (Jean-Andrë). 



VJrazio (N. 



. ROMAGNESI, dit). 
ytrj. Benoinelli (Hyacimtiie) ; Romacnesi (Marc-Antowe). 



cou. DU ROI. — U. 





lAGHETTI (Pierre). 
Voy. ToRTOMri 0osEt>ii). 



PANTALON. « C'eft un bourgeois, homme lîmple et de 
bonne foi, mais toujours amoureux et qui eft la dupe d'un 
rival, d'un fils, d'un valet ou d'une fendante. D'autres fois, c'eft 
un père de famille plein d'honneur, extrêmement délicat fur fa 
parole et très-fèvère envers fes enfans, dont il eft cependant tou- 
jours la dupe. Enfin, c'eft fouvent un mari ou un amant jaloux 
que chacun prend plaifîr à tromper. » (^Calendrier historique des 
Théâtres. Paris, Ciilleau, 17SI-) 

Voy. Alborghetti (Pierre) ; Collalto (AnTomE Mattiucci, dit); 
Sncom (Fabio) ; Véronëse (Charles-Antoike). 



36 Les Comédiens italiens. 

i ASCARIEL (Joseph TORTORITI, dit). 

Voy, ToRTORiTi (Joseph). 



X ERCEVAL (M"0. 

Voy, PiTROT DE Lancy (M"«). 



PHILIDOR (François-André DANICAN), né à Dreux, le 
7 septembre 1726. Philidor a fait représenter à la Comédie- 
Italienne : Biaise le Savetier, paroles de Sedaine; V Huître et les 
Plaideurs, paroles du môme ; le Soldat magicien, paroles d*An- 
seaume ; le Jardinier et son Seigneur, paroles de Sedaine ; le Ma- 
réchal ferrant, paroles de Quêtant, ouvrages joués d'abord sur 
le théâtre de TOpéra-Comique ; Sancho Pança, paroles de Poin- 
sinet, 1762; le Bûcheron, paroles de Castet et Guichard, 1763; 
le Sorcier, paroles de Poinsinet, 1764; Tom Jones, paroles du 
mCme, 1765 ; le Jardinier de Sidon, paroles de Pleinchesne, 
1768 ; le Jardinier supposé, paroles de Favart, 1769 ; la Nouvelle 
École des Femmes, paroles de Moissy , 1 770 ; le Bon Fils, paroles 
de Devaux, 1773 ; les Femmes vengées, paroles de Desforges, 1773. 
Philidor est mort à Londres, le 31 août 1793- 

{Ut SptciacUs de Paru, 1789. — Félix Clément : 
Us MuticUm eiUhru, p. m.) 



1779. — i*' décembre. 

ht¥4t ilt une pension de i,ooo livres accordée par le Roi à François-André 

Danican-Philidor, 

Bkçvvt ^runc pcnHoQ de i,ooo livres en faveur du (leur François- André 
lViu\,4U-iHùlulor, né à Dreux, diocëfe de Chartres, le 7 feptembre 1726, 



Pbilidor. 37 



haptîfé le même jour dans Téglife Sc-Édenne de ladite ville, et ayant reçu 
le fopplément des cérémonies du baptême le 16 octobre 1727, dans la paroiflTe 
St-Picrre de la ville de Dreux, qui lui a été accordée fans retenue fur les 
dépcnfes extraordinaires des menus plaifîrs, le 31 décembre 1773, en confidé- 
ndoQ de plufieurs ouvrages par lui mis en muûquc et exécutés au théâtre de 
la Cour à Verfailles et i Fontainebleau, tant pour les fpcctacles ordinaires 
^oe pendant les fêtes du mariage de monfeigneur le comte d* Artois. 
!•* décembre 1779. 



(PliCBS JOINTES AU BREVET.) 

I . — Acte de hapténu ds PhUidor. 
Extrait du regidre des baptêmes de St-Pierre de Dreux, diocèfe de 



L'an mil fept cent vingt-fept, le jeudy feixième octobre, François-André, 
oék feptième de feptembre de Tannée mil fept cent vingt-fix, et baptifé 
pirmoy preflre, curé de cette églife, en Téglife de St-E(lienne dudit Dreux, 
avec h permiifion de monfeigneur Tévefque de Chartres, le premier feptembre 
4t laditte aimée mil fept cent vingt-tix, signée Charles- François, évefque 
^ Chartres, avec paraphe, du légitime mariage du (leur André Danican de 
Philidor, ordinaire de la mufique du Roy et garde de fa biblioth(rque, et de 
daDOtTelle Elifabeth Le Roy, fa femme, de cette paroifTe, a receu les céré- 
■oûs de baptême de moy preflre curé de cette églife foubfigné. Le parrain : 
knrii et pniflant (eignetir meflire François ChaiUou, feigneur de Jonville, qai 
a donné les noms ; la marraine : haulte et puiflante dame Catherine Guille 
Ptoat, qos a (igné avec le fieur parrain, père et mère. 

2. — DkUmiom éUiicgn^bes de Philidor relativimint à sa pension. 

Je fonffigne et déclare que le Roi a eu b bonté de m'accorderune penfîon 
4t mil livres tournois fur les menus plaifirs en 1774 par forme de récom- 
pcnfc tant pour différens opéras-comiques de ma compofition repréfentés i 
la Cour que pour mon opéra d^Ermlindi, donnée i Verfailles pour les fêtes 
Ai nariage de monfeigneur le comte d* Artois. 

A Fans» œ 10 èoùx 1779. 

Signé : Amoké Danican Phiudob, Agée de 53 ans. 



38 Les Comédiens italiens. 

Le fieur François- André Danican Philidor, né le 7 feptembre 1726, à 
Dreux, élection et généralité de Paris, diocèfe de Chartres, baplifé le 16 oc- 
tobre 1727 dans la paroiffe de St-Pierre dudit Dreux, demeurant à préfent à 
Paris, rue Montmartre, déclare avoir obtenu du Roi une penfîon ou gratifica- 
tion annuelle de mille livres en 1773 en récompenfe de plufieurs ouvrages 
de fa compofition donnés et repréfentés pour le fervice de la Cour foit dans 
les fêtes des marriages et pour les voyages de Fontainebleau, fur les fonds 
extraordinaires des menus, qui lui étoit payée fans retenue ^t dont il lui refte 
dû deux années jufqu'au premier janvier 1779. 

Fait à Paris, le 15 octobre 1779. 

Signé : A. D. Philidor. 

{Archiva nalionalêt, O^ 673.) 



PHILIPPE (Philippe CAUVY, dit), né en 1754, était acteur 
dans la troupe de Versailles quand un ordre de début l'appela 
à la Comédie-Italienne, où il débuta avec le plus grand succès, le 
9 août 1780, dans le Magnifique, paroles de Sedaine, musique 
de Grétry. Il joua ensuite Alcindor dans la Belle Arsène, paroles 
de Favart, musique de Monsigny, et A:(pr dans Zimire et A^^or, 
paroles de Marmontel, musique de Grétry. Sa belle figure, le 
timbre agréable de sa voix, qu'il savait adoucir avec une grâce 
inexprimable dans les morceaux de sentiment, lui méritèrent, le 
I*' octobre de la même année, sa réception à quart de part avec 
promesse de demi-part dans un bref délai. 

La plus importante création de Philippe à la Comédie-Italienne 
est celle de Richard dans Richard Cœur-de-Lion, comédie en 
trois actes, paroles de Sedaine, musique de Grétry, représentée 
pour la première fois le 21 octobre 1784. Le compositeur de la 
musique de ce remarquable ouvrage nous a transmis dans ses 
Mémoires quelques détails intéressants sur les incidents qui pré- 
cédèrent immédiatement cette représentation : 



Philippe. 39 



Nous confiimes, dh-il, le rôle de Richard à Philippe, qui n*en avoit pas 
encore créé et qui, depuis ce fuccès, a mérité de plus en plus les applaudif- 
feroens du public. A pluficurs des répétitions, la beauté des fituations, la 
fenfibiiité de Tauteur, jointes au défir de bien remplir fon rôle, exaltoient 
foo imagination au point que les larmes Tétouffoicnt lorfqu^il vouloit répon- 
dre i Bloodel : Un regard tU ma hdU„. Le jour de la première repréfentation, 
cet acteur plein d*ardeur et de zèle fut attaqué fubitement d'une extinction 
de xQVL ; il n*étoit plus temps de changer de fpectacle, la falle étoit comble. 
U me fit appeler dans fa loge. — « Voyons, chantez-moi votre romance. » Il 
articula quelques fons avec peine. « C*e(l bien li, lui dis-je, la voix d'un pri- 
ibnnîer ; tous produirez TefFet que je défire, chantez et foyez fans inquiétude. » 



Lt pinerre donna raison à Grétry. Philippe fut d'abord assez 
mal accueilli, mais l'aaeur, prenant alors la parole, expliqua aux 
specuteurs, en termes respectueux, l'accident qui lui était arrivé, 
protesu de son zèle et de sa bonne volonté et fut applaudi à tout 
rompre pendant le reste de b soirée. 

Qudque temps après, une admiratrice de Philippe, M"* Adé- 
kîde de Savomin, lui adressa, à propos de son rôle de Richard, 
les \-eis suivants : 



L'orgueil, la médiocrité, 

Sont le trifte fruit des éloges ; 
D'un tribut poétique un acteur enchanté 
Obtient fouvent trop urd, s'il eft trop tôt chanté. 

L'aveu du parterre et dt% loges. 

Il eft heureux : il a joui ; 
Sur le fuccès d'un jour fa fierté fe repofe ; 
Il n'a plus de rivaux et fon œil ébloui 

Voit un laurier dans une rofe. 
Loin de craindre pour toi ces fuperbes accès, 
Philippe, i t'enhardir le public me convie. 

Dans Richard ta voix affoiblie 
Nous promenoit d'abord un timide fuccès ; 
Une aflurance noble i ton jeu rend la vie, 

Et je revois, plus anendrie. 



40 Les Comédiens italiens. 



L'amant de Marguerite et le monarque anglois. 
Sois inquiet» modefte et même avec excès, 

J'y confens ; oui, la modeftie 
Embellit le talent, mais la timidité 

Le prive de Ton énergie 
Et d'une ombre importune offufque fa clarté. 
La première eft fa fœur, l'autre eil Ton ennemie. 

Faut-il révéler un fecret 

Qjae mon fexe ne fait pas taire ? 

Au théâtre comme à Cythère 

On peut être vif et difcret, 

Sage et hardi ; c'eft l'art de plaire. 

Ta voix, ta fenfibilité. 
Tout nous fait défirer que ton cœur s'abandonne / 

A fa touchante vérité. 
Malgré l'ufage qui trop fouvent empoifonne 

La fource de nos fentimens. 

Des plus belles fleurs du printems 

Je te promets une couronne. 



Le 14 avril 1788, Philippe fut reçu à part entière^ et la même 
année une note manuscrite^ où se trouve consignée l'opinion du 
comité de la Comédie-Italienne sur chacun des artistes qui com- 
posaient alors la Compagnie, s'exprimait ainsi sur son compte : 
(c Philippe a un beau phyfique joint à une voix fenfible, un peu 
voilée, mais intéreflante. Il doit fe garder de la forcer, car alors 
elle eft infupportable. Il doit aufli foigner fa prononciation, ayant 
un accent défagréable, mais il eft en chemin pour acquérir une 
réputation méritée. » 

Après la dissolution de la Comédie-Italienne, cet acteur resta 
attaché au théâtre de l'Opéra-Comique, dont il faisait encore 
partie en 1805. Mais il était alors, parait-il, bien déchu de son 
ancienne réputation, car un critique théâtral de l'époque parle 
de lui en ces termes : « Philippe a eu de la réputation, il l'a même 
méritée dans les tyrans, les rois et les rôles chevaleresques. U a 



Philippe. 41 

bien joué, bien chanté Topera comique ; il ne reste plus de tout 
cela qu'une ombre et de faibles souvenirs. » 
Philippe est mort vers 1820. 

(Jrehipis natiûmaUs, 0\ 848. — Ltt SpêcUuUt i* 
Paris, 1781. — Mémoires secrets, XXVI, 308. — 
Journal de Paris, 1780, lOftoût; 1786, is février. 
-^ L'Opinion dn parterre, par M. Valleran. Paris, 
Marttne^ an XIU (180$). — Mémoires d* Gré- 
iry, I, 290.) 



I 



1780. — i** octobre. 

Philippe est reçu à quart de part avec promesse ^un second quart. 

Noos maréchal duc de Richelieu, pair de France, premier gentilliomme 
de la chambre du Roi, 

Avons reçu, fous le bon plaiûr de Sa Majeflé, le fieur Philippe au nombre 
de Tes comédiens italiens ordinaires, à quart de part, et lui promettons un 
fécond quart i Pafque§ prochain, à charge de jouer, après les fleurs Clairval, 
Michu et Dorfonville, les rôles de haute-contre et de fe rendre utile dans ceux 
de bafle-taîlle. 

Paris, ce i** octobre 1780. 

Signé : Le Maréchal duc de. Richelieu. 

{Arckices nsiicmëUs, O*, 846.) 



n 



1788. — 14 avril. 

Philippe obtient part entière. 

Nous duc de Fronfac, pair de France, premier gentilhomme de la chambre 
du Roi, 
Avons accordé un demi-quart au fieur Philippe pour compléter fa part. 
Paris, ce 14 avril 1788. 

Signé : Le Duc de Fronsac. 

{Arekiva natêouaUt, O', 846.) 



42 Les Comédiens italiens. 

PICCINELLI (Anne). L'histoire de M"* Piccinelli est assez 
singulière. Née en Italie, elle fut abandonnée sur le grand 
chemin par ses parents. Une paysanne la recueillit par charité, la 
nourrit de son lait et Téleva tant bien que mal jusqu'à l'âge de 
huit à neuf ans. A cette époque, l'enfant était fort gentille et pro- 
mettait de devenir une très-jolie femme. Elle fut remarquée par 
une dame qui l'acheta de sa nourrice, moyennant une modique 
somme d'argent, dans le but de tirer plus tard profit de ses char- 
mes. L'enfant reçut alors, grâce à cette femme, une éducation 
soignée dont elle profita admirablement, et bientôt elle fut en état 
d'entrer au théâtre, où sa beauté fit sensation et lui attira les hom- 
mages de plusieurs personnages opulents, parmi lesquels celle qui 
passait pour sa mère fit un choix qu'elle voulut lui imposer. 
Mais la jeune actrice, qui avait déjà disposé d'elle-même, se révolta, 
quitta sa protectrice, en choisit une autre, avec laquelle elle vint à 
Paris, et débuta à la Comédie-Italienne, le 6 mai 1761, par le rôle 
d^ Angélique dans la Cantatrice italienne, pièce en deux actes, où 
elle se montra assez mauvaise comédienne, mais chanteuse de pre- 
mier ordre. Elle joua ensuite Cecchina dans la Bonne Fille, pièce 
italienne en trois actes, de Goldoni, et Zerbine dans la Serva 
padrona, pièce italienne en deux actes, et fiit reçue le 20 du 
même mois à part entière. 

Ce brillant début fit du bruit dans Paris ; l'actrice devint à la 
mode et son histoire, qu'elle ne cachait pas du reste, s'étant ré- 
pandue, il arriva qu'un jour toutes les femmes qui successivement 
lui avaient servi de mère, même la vraie restée jusque-là inconnue, 
se présentèrent chez elle et se la disputèrent avec acharnement. 
« Je lui ai donné la vie », disait la première, la vraie. — « Je l'ai 
nourrie de mon lait », s'écriait la seconde. — « Moi, afcmait la 
troisième, je l'ai achetée et j'ai payé son éducation. » — a Quant 
à moi, ripostait la quatrième, elle est venue librement à moi, je la 



Piccinelli. 4} 



garde ! » Bref, cette dernière triompha ; toutes les autres mères, 
même la vraie, furent mises à la porte avec une égale somme 
d'argent, et M"* Piccinelli continua, non sans succès, sa carrière 
théâtrale. 

Le 23 juin 1762, elle créa d'une manière remarquable le princi- 
pal rôle dans la Nouvelle Italie, comédie italienne et française en 
trois actes, mêlée d'ariettes, et dont l'auteur, Georges Bibiéna, 
fut condamné plus tard à être pendu pour crime de viol, et 
n'échappa que par la fuite à la potence. 

Vers la même époque. M"* Piccinelli épousa un sieur Vézian, 
dont la sœur, ancienne figurante à la Comédie-Italienne et passée 
depuis à l'Académie royale de musique, a eu une certaine célébrité 
dans les annales de la galanterie du xviii^ siècle. Ce Vézian, grâce 
à l'influence de sa sœur sur diflférents personnages en crédit, avait 
obtenu un emploi considérable dont le revenu était, paraît-il, 
assez important. 

Favart, dans les Mémoires duquel se trouvent une partie des 
détails racontés plus haut sur M"* Piccinelli et ses quatre mères, 
a rapporté aussi quelques incidents qui égayèrent les préliminaires 
de cette union : 



Prêt i célébrer le mariage, dit-il, on découvre que M"« Piccinelli n'a pas 
été baptifée ; on procède préliminairement à cette cérémonie. A peine eft-elle 
achevée que la dernière maman, qui étoit préfente, fe précipite les larmes 
aux yeux dans les bras de fa fille putative en s'écriant : « Ah ! ma pauvre 
enfant, te voilà dans Tétat d'innocence 1 Eh ! pourquoi m'a-t-on baptifée 
fitôt ? Si l'on avoit attendu jufqu'à préfent, je ferois audi blanche que neige. 
Oui, meffieurs, dit-elle en fe tournant vers ralFemblée, c'ed aujourd'hui que 
je la reconnois pour une brave fille, et fi quelqu'un veut lui arracher un 
cheveu de la tête, il fera regardé comme un héréticîe, » Le lendemain ed le 
jour de la cérémonie nuptiale ; on interroge la future : « Étes-vous fille ! 
— Non, monlieur, répond la cantatrice. — £h ! pourquoi dis-tu cela ? dit 
la maman en lui donnant un coup de coude. — £h I mais vous favez bien 
que j'ai eu un enfant. — Qu'efl-ce que cela fait ? en es-tu moins fille pour 



44 Les Comédiens italiens. 



cela ? Oui, monfieur, dit-elle au prêtre en le tirant un peu à l'écart, il eft 
vrai que cette petite malheureufe a fait un enfant : je ne fais pas comment 
ça s*e{l fait. — Comment I vous ne favez pas ? Ne dites point cela i\ haut, 
prenez donc garde ? — £h I vraiment j'y ai pxis garde aufli, car je fuis une 
honnête femme, quoique cela ne paroifle pas ; mais faut vous dire vrai, mon 
cher monfieur : il eft venu un jeune homme nous voir, je ne les ai laides 
enfemble qu'un pauvre clain d'œil : je n'ai eu que le temps de defcendre et 
de monter, ne voiià-t-il pas que le bigre d'enfant eft bâdé 1 Qui eft-ce qui 
diroit ça, mon cher monfieur ? Mais à tous péchés miféricorde : elle eft bien 
heureufe d'être baptifée, la coquine I elle peut aller maintenant tête levée et 
cela ne doit pas empêcher qu'elle foit mariée légitimement. Aufli vous pou- 
vez la coucher fur votre papier en qualité de fille, ou de femme, ou de 
veuve, comme il vous plaira : ça n'y fait rien. » Le célébrant eut beaucoup 
de peine à la faire taire et prononça le Vos conjungo en riant fous fes doigts. 

On ne saurait dire si M"*' Piccinelli-Vézian trouva le bonheur 
dans le mariage et si elle fut plus heureuse en mari qu'en mères ; 
on sait seulement qu'elle prit sa retraite à la Comédie-Italienne 
le 19 mars 1766 et que, postérieurement à 1769, elle retourna 
jouer sur les théâtres d'Italie, témoins de ses premiers succès. 

(Archives nationales, O^ 847. — Almanach des 
Speeiaclest 1761. — Mémoires secrets, I, $2 ; XVI, 
167. — Mémoires de Goldoni, III, 16. — Œuvres 
de M. et de Af>a« Favart, Paris, Eugène Didier, 
i8sj, p. j$o.) 

I 

1763. — 29 mars. 

M^lê Piccinelîi reçoit l'avis de montrer désormais plus éP exactitude à remplir 

son devoir. 

Sur les plaintes qui nous ont été faites du peu d'exactitude de la demoifelle 
Piccinelîi, les comédiens auront foin de la prévenir de remplir plus exacte- 
ment à l'avenir fon devoir et d'avoir foin de fe former dans les rôles pour 
lefquels elle a été reçue. 

Fait à Verfailles, ce 29 mars 1763. 

Signé : Le Duc de Ditras. 

(^Archives nationales, O', 846.) 



Piccinellù 45 



II 



1769. — 10 octobre. 

M^ Bose^Caihmn^-Pauîine Vemier, pensionnaire de V Académie royale de musique, 
accnsê Af ^ Anne Piccinelli de l'avoir grossièrement insultée et de l'avoir mena-- 
eée de mort. 

L'an 1769, le lundi 10 octobre, dix heures du matin, en notre hôtd et par- 
devant nous Jean-François Hugues, etc., eft comparue demoifelle Rofe-Ca- 
tfaerine-Pauline Vemier, penûonnaire de 1* Opéra, demeurant rue du Mail, 
paroifle St-£uftache : Laquelle nous a rendu plainte contre dame Anne 
Pichinelli, demeurante rue St-Martin, au coin de celle Ste-Appoline, maifon 
d'un marchand de vins, et dit qu'elle eft née à Naples, de parens à elle in- 
connus qui l'ont placée dans un hôpital de ladite ville; que demoifelle Jeanne 
Viale, veuve du fieur Vemier, chef du gobelet du roi de Naples, l'a retirée 
chez elle dès fa plus tendre enfance fans lui faire connoitre depuis fon origine 
ni lui rendre les marques diftinctives que fes parens avoient mifes fur elle 
pour la reconnoitre et qu'elle retient induement ; que ladite Vemier Ta ame- 
née à Paris il y a plufieurs années, l'annonçant dans le monde comme (a 
fille et à la faveur de cette prétendue qualité s'eft emparée journellement des 
cadeaux qui ont été faits à la comparante par fes connoiflances et en a dif- 
pofé i fon gré ; que le caractère întéreflTé de cette femme s'eft développé par- 
ticulièrement au mois de novembre 1767, temps auquel elle fe fépara de la 
comparante et lui emporta tous fes diamans et bijoux qu'elle ne voulut lui 
rendre, telles follicitations qui lui ayent été faites, ainû qu'il eft à la connoif- 
fance de M. le comte de St-Florentin et de M. le Lieutenant général de 
police, qu'en lui faifant une donation de 600 livres de penfion viagère 
exempte de toute impofition royale, et ce par acte paffé devant M* Momet, 
notaire à Paris, le 20 novembre 1767 ; que depuis cette conftitution la fup- 
pliante, qui ne connoiftbit pas l'irrégularité d'un pareil acte, en a payé les 
arrérages jufqu'au i*' juillet demier, mais qu'inftruite par fes confeils que cet 
acte étoit mil et fans effet : x^ parce que la comparante étoit mineure, ainfî 
qu'il eft porté audit acte et reconnu par ladite dame Vemier ; 2* qu'une mi- 
neure ne peut contracter en aucun cas à fon défavantage, mais toujours faire 
fon bien ; $* que cet acte a été par elle foufcrit comme contrainte, unique- 
ment dans la vue de ravoir fes diamans et bijoux ; qu'il a été drefté en la mai- 
fon de ladite dame veuve Vemier et non pas en l'étude dudit M. Momet, à 
l'efiet par elle de mieux ufer de l'afcendant qu'elle avoit fur la comparante; 



46 Les Comédiens italiens. 



que ces confidérations ont déterminé la comparante à fe pourvoir par lettres 
de refcifion contre cet acte, et qu'elle en pourfuit actuellement l'entérinement 
contre la veuve Vemier, en conféquence de l'ordonnance fur requête de 
M. le Lieutenant civil ; que n'ayant pas payé le jour d'hier, par les motifs 
ci-deiïus, le terme échu de ladite penfion, la dame Vemier, continuant contre 
la comparante fes vexations pafTées lui a envoyé cejourd'hui la dame Pichi- 
nelli, fa fœur (i), heure préfente, à l'eHetde lui demander de l'argent ; que 
connoiflant Tes fureurs, elle n'a pas jugé à propos de lui ouvrir fon apparte- 
ment ; qu'alors la dame Pichinelli s'eft répandue contre la comparante, qui 

ne lui doit rien, en invectives de toute efpëce, la traitant de g...., de p , 

difant hautement qu'elle et la dame Vernier, fa fœur, Taflaflineroient. Et 
comme la plaignante a intérêt de faire cefler les mauvais propos de ladite 
femme Pichinelli et de prévenir fes menaces, elle eft venue nous rendre la 
préfente plainte. 

Signé : R. C. P. Vernier ; Hugues. 

(Archives nationaUs, Y, ii,oio.) 



PIERROT. « Ce rôle a pris naiffance à Paris dans la troupe 
des comédiens italiens prédécefleurs de ceux d'aujourd'hui. 
Voici comment : de tout temps TAriequin avoit été un ignorant. 
Dominique, qui étoit un homme d'efprit et de favoir et qui con- 
noiffoit le génie de notre nation qui veut de Tefprit partout s'avifa 
d'en mettre dans fon rôle et donna au caractère d'Arlequin une 
forme différente de l'ancienne. Cependant pour conferver à la 
Comédie-Italienne le caractère d'un valet ignorant, on imagina le 
rôle de Pierrot et il remplaça l'ancien Arlequin. » {Calendrier his- 
torique des Théâtres. Paris, Cailleau, iJSi-) 

Voy. BiANCOLELLi (DoMmiQ.UE) ; Ghérardi (Évariste), note du document 
coté I ; Sticotti (Fabio). 



(i) De laquelle des quatn mères de Mii« Ptccinelli la dame Vernier était-elle fille ? C'est ce qu'il 
parait assez difficile de savoir. 



Pitrot. 47 

X^ITROT (Antoine-Bonaventure). 

Jl ITROT (Louise RÉGIS, dite Rey, femme de). 

Antoine-Bonaventure Pitrot, après avoir été successivement 
danseur ï l'Académie royale de musique à Paris et maître des bal- 
lets de rÉleaeur de Saxe, roi de Pologne, épousa, le 26 novembre 
1761, en l'église Saint-Jean-Baptiste de Varsovie la première dan- 
seuse du théitre de cette ville, Louise Régis, dite Rey, dont il avait 
été le professeur et précédemment attachée aux trois spectacles de 
Paris, l'Opéra, b Comédie-Française et la Comédie-Italienne. 

En 1764, les deux époux revinrent à Paris et signèrent avec les 
comédiens italiens un engagement, le mari, comme maître des 
haUets et premier danseur, la femme comme danseuse, aux ap- 
pointements annuels de 6,000 livres pour eux deux. 

Leur début eut lieu, le 24 octobre de la même année, dans le 

ballet mtitulc Ulysse dans File de Circi, dont Pitrot était Fauteur. 

M** Pitrot y obtint un grand succès par la grâce et la légèreté 

de sa danse, mais son mari fut moins goûté. « Comme dan- 

(cnr, dit Grimm, il a le bufte aflez bien, mais la jambe groflfe, 

beaucoup de force, des à-plombs finguliers, point de grâce, rien 

de dota ni de moelleux dans fes mouvemens qui font brufques 

€t durs; il n'arrivera jamais à b perfection de Veftris. En revanche, 

je crob qu'il n'y a pas un danfeur qui fafle une pirouette aufll vi- 

Soomifement que lui. » 

L'année suivante, un assez singulier procès s'engagea entre les 
don époux. M** Pitrot, déjà plusieurs fois mère et sur le point 
de Titre encore, fatiguée sans doute de son mari, prétendit qu'elle 
<tait pas mariée, que son union était nulle, et quitta furtivement 
le domicile conjugal en emporunt diverses valeurs, des papiers 



48 Les Comidiens italiens. 

importants et des bijoux et reprit hautement son nom de demoi- 
selle. Pitrot se pourvut immédiatement en justice et fit paraître 
un mémoire dans lequel M* Marquet, avocat, n*eut pas de peine 
à anéantir les prétentions insensées de sa femme qui répondit par 
un contre-mémoire dont la rédaction est attribuée au célèbre Élie 
de Beaumont. Dans ce factum, Tavocat ne pouvant valablement 
combattre aucun des raisonnements de Pitrot, se jetait en dehors 
du procès et établissait avec un grand nombre de pièces à Tappui 
que ledit Pitrot était un véritable coquin. 

Une procédure très-compliquée suivit ces deux mémoires et 
l'on vit les deux époux se disputer avec un acharnement épique, 
dont témoignent les documents transcrits plus loin^ la possession 
de leurs hardes et de leurs bijoux. 

Enfin, après deux années de complications et de péripéties, le 
Parlement rendit un arrêt qui déclarait le mariage valable, obli- 
geait la femme à retourner vivre avec son mari et déclarait ce 
dernier chef de la communauté. Quelques jours avant. M"* Pi- 
trot, qui prévoyait sans doute cette solution, s'était &it inscrire à 
l'Académie royale de musique, ce qui lui permettait d'échapper 
à l'autorité conjugale. 

Le triomphe d'Ânioine-Bonaventure Pitrot au pabds de justice 
avait été précédé d'une cruelle humiliation essuyée par lui à la 
Comédie-Italienne, dont il fut chassé au mois de mars 1766 pour 
incapacité. 

(Grtmm: — CorrttpomdMuct titiérmin, IV, 113. •— 
Mimoiru uerets, II, aé), 369; lU, $<>•) 



Pitrot. 49 



I 



1765. — 15 juillet 



PkiaU rmim far Antoitu-Bonaventure Piirot contre M}^ Louise Régis, dite Rey, 

sa femme. 

L'aa 176$» le lundi 15 juillet, dix heures du matin, par-devant nous Jean- 
Eapciâc Lcnuirc, etc., en notre hôtel, eft comparu ûeur Antoine-Bonaventure 
Pimc, miltre des ballets et premier danfeur de la Comédie-Italienne, demeu- 
not i Paris, me Comteflc-d* Artois, paroifle St-Euflache : Lequel nous a dit et 
dèdarê qu'étant né i Marfeille ainfi que demoifcUe Louife Régis, dite Rey, 
ktk cpoufe actuelle, il a dans les premières années fait diâférens voyages et 
fifoors tant dans les villes capiules du royaume que dans celles des autres 
de TEurope, le tout pour Texercice de fcs talcns, jufqu'en 1744; qu'étant 
i l'Académie royale de muûque en qualité d'un des premiers danfeurs, 
3 a épouft i Paris demoifelle Anne-Madeleine Rabon, laquelle eft décédée en 
ccne ville en 1758, rue Ste-Anne. Pendant ce premier mariage, il paflbit une 
pmie de Faoaée i Paris et l'autre en Saxe, ou en Pologne, foit avec fon époufe, 
foit fans elle, étant lors au fcrvice de l'électeur de Saxe, roi de Pologne, père 
de Madamr b Dauphine, en qualité de maître des ballets et de premier dan- 
far. Qpdqne tems avant le décès de fon époufe, il avoit entrepris divers 
loyafcs ca Prufle, Allemagne, Autriche et Italie, à la fuite dcfquels il fe rendit 
i Fim pour l'arrangement des affaires de la fucceflion de fon époufe. En 1747 
01 174$» la demoifelle Rey, née ainfi que le comparant i Marfeille, étoit 
«ose i Paris avec fa mère. Elle fc rendit dès lors écolière dudit ûeur compa- 
rut et elle excella dans fon art au point d'entrer alternativement aux trois 
fftOÀclcs de Paris, Opéra, Comédie-Italienne et Comédic-Françoifc, et en 
cmrc aux petits appartcmens du Roi. Vers 1758, époque du décès de l'époufe 
Cq comparant, la demoifelle Rey le pria de lui donner de nouvelles leçons. 
Elk avoît quitté le théitrc, elle avoit fans doute reconnu la diminution de 
ks talcns p«r la diminution que les comédiens françois firent fur fes appoin- 
lODem ; Tétat de miftre où elle fe trouva lors toucha le comparant et fit 
mieaCkhkmeax naître une paflion qui le conduifit au point de facrifier pour 
dk «Dc partie de £a fortune en payant la majeure partie de fes dettes, en 

MOL — n. 4 



50 Les Comédiens italiens. 



retirant fes bijoux qui étoient engagés et en empêchant plufieurs fois de vendre 
Ton mobilier faifi. La demoifelle Rey, de Ton côté, correfpondit aux fentimens 
du comparant et foit par principe de reconnoiflance, foit par inclination véri- 
tablement décidée, elle lui facrifia tous autres objets. Elle devint enceinte et 
n'étant plus attachée à aucun fpectacle de Paris, elle partit pour la cour de 
Stuttgart, où le comparant alla la joindre et elle y accoucha d'un enfant mâle 
qui y e(l décédé. Dans leur fôjour à Vienne, où ils avoient été appelés pour le 
mariage de Tarchiduc Jofeph, la féconde groflelTe de la demoifelle Rey fe dé- 
clara. Le comparant fut obligé de pafler à Varfovie pour le fervice du roi de 
Pologne, mais la demoifelle Rey, ne pouvant pas y danfer à caufe de fon état, 
revint à Paris, du confentement du comparant, pour y faire fes couches. Elle 
y accoucha en effet chez fa mère, rue de Richelieu, le 28 avril 1761, d'une 
fille qui fut baptifée le lendemain à St-£uftache et nommée Charlotte-Louife, 
fîlie d'Antoine Pitrot et de Louife Régis, le père abfent. Environ fix femaines 
après fes couches, le comparant revint à Paris comme il étoit convenu pour 
reprendre la demoifelle Rey et la conduire à Varfovie. Il la fît lors entrer au fer- 
vice du roi de Pologne, en qualité de première danfeufe. C'eft là où ils fe 
marièrent, fuivant le projet qu'ils en avoient formé depuis longtems, et la 
bénédiction nuptiale leur fut donnée le 26 novembre 1 761, en l'églife paroif- 
fialle et collégialle de St-Jean-Baptifte de Varfovie, par l'ofHcial général de 
Téglife métropolitaine, après difpenfe de bans et fans aucun empêchement ; le 
tout ainfi qu'il eft conftaté par l'extrait de célébration dudit mariage qui lui 
a été délivré, le 12 mars 1762, par Jacques Mamèle, vicaire perpétuel et pro- 
cureur de ladite églife collégialle, lequel extrait lui a été délivré en langue 
latine et revêtu du fceau du chapitre de ladite églife. Les conventions de leur 
mariage avoient été préalablement rédigées en françois et (ignées par les par- 
ties en préfence des notaires de Varfovie et légalifées par les officiers muni- 
cipaux. C^e traité ou convention leur fut remis pour le dépofer à leur retour 
en France. Le comparant ne peut rendre compte en détail des conventions 
de ce traité qui, comme il l'expliquera par la fuite, lui a été nouvellement 
fondrait et enlevé. Se rappelle néanmoins qu'il contient une reconnoiffance 
que tous les meubles, effets et bijoux généralement quelconques, même à 
Tufage de la demoifelle, appartenoient audit fieur comparant. Il contenoit de 
plus une autre reconnoiffance refpective du comparant et de ladite demoifelle 
Rey de l'enfant commun né à Paris le 28 avril 1761. Le comparant et la de- 
moifelle Rey, fon époufe, font partis de Varfovie au carême 1762 pour fe 
rendre à Paris où, peu de tems après, ils apprirent la mort de M. le duc de 
Montmorenci qui, par fon tedament, avoit légué à la demoifelle Rey 4,000 
livres de rente. Elle fe trou voit en outre créancière de fa fucceflion d'une fomme 
de 152,000 livres portée en deux billets dudit feigneur, l'un de 80,000 livres 



Pitrot. 3 1 

et Fautre de 72,000 livres. La demande en délivrance des legs fut formée au 
nom de la demoifelle Rey comme autorifée du fieur Pitrot, fon mari, et Tinf- 
tmce cil encore fubrillante. La demoifelle Rey, époufc du comparant, eft 
accouchée d*un troifièmc enfant le 16 avril 1763, qui a été baptifé le 
à St-Eullachc et nommé Louife-Antoincttc, dllc d*Antoine-Bona- 
Pitrot, bourgeois de Paris, et de Louifc Régis, fa femme, demeurant 

de Richelieu, le père préfent. Cet enfant eft pareillement décédé en août 
176). Le comparant retourna feul à la cour de Saxe, où il paffa cinq mois. Il 
fcrint à Paris pour reprendre fa femme avec toute fa famille et allèrent en- 
iemble à Francfort danfer aux fêtes données i l'occafion du couronnement du 
roi des Romains. Ils revinrent à Paris à Piques 1764, et dans le mois d'octo- 
bre de cette année le comparant a foufcrit feul fon engagement tant pour lui 
qœ pour fa femme avec les comédiens italiens pour trois ans et demi, à raifon 
de 6,000 livres par an d*appointemens pour y danfer cnfemble et être ledit 
ficar Pitrot maître des ballets ; engagement que ladite dame Pitrot a exécuté 
et exécute encore. Dans le même mois, le père de la dame Pitrot eft décédé 
à Cotigtuc en Provence, et la dame Régis, dite Rey, fa veuve, a fait nommer 
le iîear Pîtrot tuteur de fes cinq petits-enfans mineurs, enfans de la foeur de 
b dame Pitrot. Dans l'avis de parens et fentence de tutelle du 22 mai 1765, 
ledit Pitrot eft dit oncle nutemel des mineurs à caufe de Louife Régis, fa 
femme. Enfin, le fieur Pitrot et fon époufe ont toujours vécu enfemble avec 
tranquillité jofqu'au 29 juin 1765, fête de St-Pierre , que ladite dame Pitrot 
l'cft retirée le foir, en l'abfence de fon mari qui étoit au fpectacle de la Co- 
nédie-Italienoe et qui ne l'a plus vue reparaître chez lui, ayant feulement 
appris qu'elle coloroit fa fuite ou retraite du prétexte fuppofé de févices et 
sauvais traitemens exercés contre elle, fait qui fe trouvoit démenti par fon 
6st actuel, le comparant ayant lieu de la préfumer enceinte de deux mois et 

li ou eoTiroQ. Il a de plus reconnu que ce départ avoit été précédé et ac- 
de l'enlèvement général des bijoux, hardes et effets de la plus 
gnade couléquence, qui n'a pu être exécuté par fon époufe feule. De laquelle 
èkbntioo îl nous requiert acte (i). 

Signé : Lemaire ; Pitrot. 

{ ân h i m u msti^msUt, T, tj^ato.) 



0) L* lt»Aam«în, Fitroi viat {»»Tt use soutcIU plainte et «Daoïiccr 4|ac m ftnint était retiré* 
nM 4e Ri<Wlic«. â l'b^cl d'Orléea». Il entre ensuite Jant le 4éuil detobjeu ^«'elk 
et te ai )«âlkt il it iwati^ner cba sa belte*mér« Misie énà'M o^tU, 



52 Les Comédiens italiens. 



II 



1765. — 24 juillet. 

M^'* Louise Régis, dite Rey, femme d*Antoine-Bonaventure Pitrot, se présente avec 
son procureur au domicile de son mari pour y reprendre, en vertu d'ordonnance 
du magistrat, des effets qui lui appartiennent. Réponses faites par Antoine-Bona^ 
venture Pitrot et par son procureur à cette revendication. Référés et établisse- 
ment d^un gamisaire dans Vappartement de Pitrot, 

L'an 1765, le mercredi 24 juillet, huit heures du matin, en notre hôtel et 
par-devant nous Jean-François Hugues, etc., eft comparue demoifelle Louife 
Régis, fille majeure, demeurant à Paris rue de Richelieu, paroifTeSt-Euflache: 
Laquelle, afliftée de M« Clos, Ton procureur et au Chàtelet, nous a dit que la con- 
formité de Tes talens avec ceux du fieur Pitrot, maître des ballets de la Comédie- 
Italienne, lui ayant procuré fa connoiOfance, celui-ci lui propofa de fe mettre 
en fociété et même de demeurer avec lui ; que la comparante y ayant confenti, 
elle a été loger chez ledit fieur Pitrot et ils ont demeuré enfemble fous les 
apparences de mari et de femme, quoiqu'il n'y ait aucun acte légal qui leur 
conflitue cette qualité. Des circondances l'ayant déterminée à quitter cette 
demeure, elle s'efl retirée chez la dame fa mère et a voulu emporter fes meu- 
bles, robes, linges et effets ; ledit fieur Pitrot a refufé de les lui remettre 
quoiqu'ils appartinffent à la comparante ; pourquoi elle a préfenté requête à 
M. le Lieutenant civil qui, par fon ordonnance du 16 du préfent mois, à per- 
mis de faiflr et revendiquer lefdits effets. Qu'en vertu de cette ordonnance, la 
comparante a voulu faire procéder à ladite faifie-revendication, mais furie refus 
fait par ledit ûeur Pitrot de faire ouverture de (es portes, la comparante a 
préfenté une féconde requête à mondit fieur le Lieutenant civil, laquelle a été 
répondue de fon ordonnance du jour d'hier par laquelle mondit fieur le Lieu- 
tenant civil, vu le procès-verbal de refus d'ouverture de portes fait par Four- 
rier, huifner à cheval audit Chàtelet, le 17 du préfent mois, a permis de faire 
ouvrir lefdites portes par un ferrurier en préfence de deux voifins et de nous com- 
miffaire, commis nommément à cet effet. En conféquence de quoi ladite de- 
moifelle Régis nous requiert de nous tranfporter préfentement, avec elle et le 
fieur Delpèche, huiflîer à cheval audit Chàtelet, en la maifon où efl demeu- 
rant ledit fieur Pitrot, fife rue Comteffe-d'Ârtois, près le cul-de-fac de la Bou- 



Pitrot. S 3 

tcîUc, i reflet de faire faire roaverttire de Tappartement et autres lieux occupés 
par ledit fieur Pitrot en ladite maifon, même des coffres et armoires qui fe 
trottTcroQt renfermer les effets de la comparante, qu'elle a obtenu de faire 
(tiûr et revendiquer, etc. 

Signé : L. Régis ; Clos. 

Sur quoi» nous commi(Iaire,etc., nous fommes au même infbnt tranfporté 
avec demoifelle Louife Bérangé, veuve du fieur André Régis» mère de ladite 
dcaoifclle Régis et fondée, ainfi qu'elle a dit, de fon pouvoir, lequel elle nous a 
dhibé et que nous lui avons rendu, et ledit fieur Delpéche, huiffier, fufdite 
rec CotmciTc-d' Artois, près le cul-^e-fac de la Bouteille, en la maifon où ed 
dciBc ora at ledit Pitrot, et appartenant au fieur Mazion, marchand épicier, et 
Boosé en on appartement au premier étage fur le devant, y avons trouvé et 
cft compara par-devant nous ledit fieur Pitrot auquel ayant annoncé le fujet 
de ootre tranfport, etc., l'avons interpellé d*y fatisfaire : A quoi ledit fieur 
Pîlioc ooos a fait réponfe qu'il allott envoyer chercher M* Lefèvre, fon proco- 
Ror an Chitelet, ce qu'il a fût i l'infbnt, et ledit M* Lefèvre étant furvenu, 
lefit fîciir Pitrot, en notre préfence, lui a remis une clef et s'efl retiré ea 
qa'U alloit i une répétition de ballet i la Comédie-Iulienne. Et au 
tnfbuit ledit M* Lefèvre, etc., après avoir pris communication et lecture 
dci ordonnance» de M. le Lieutenant civil en vertu dcfquelles nous agifTons, il 
a Sx que kidttef ordonnances a voient été vifiblement furprifes i la religion 
de iiioii£t fieur le Lieutenant civil, auquel ladite demoifelle Louife Régis a 
fidicincm expofé qu'elle étoit fille majeure, qu'il efl au contraire certain 
fi'clk eft éponfe dodit fieur Pitrot avec lequel fon mariage a été célébré, au 
aob de novembre 1761 , en l'églife de St-Jean-Baptifle de Varfovie, de l'agré* 
MOI de Sa Majeilé le roi de Pologne, au fervice duquel ils étoient l'un et 
Tamrc mâchés; que depuis ce tems ce mariage n'a ceffé d'être public et 
Cl r eco ono tant par ladite demoifelle Régis qui a contraaé et eflé en 
foos Fautorité dudit fieur Pitrot fon mari, que par la fimille même 
et ladite demoifelle Régis et notamment i la mort dudit fieur Régis père, au 
■oii ^octobre de l'année dernière, ledit fieur Pitrot a été nommé tuteur des 
cinq caCans mineurs do fieur Pau, fon beau-frère, et de ladite demoifelle Régis, 
CI dam ravis de parcm a été recoimu l'époux de ladite demoifelle Régis et 
m octfe qualité onde defdits mineurs. D'où il fuit que ladite demoifelle Régis 
de mari, n'a pu fe pourvoir devant M. le Lieutenant civil fans 
amorifatioo. Nous obferve de plus que ladite demoifelle Régis s'étant 
foîrée de chcs ledit fieur Pitrot, fon mari, le 39 juin dernier, celui-ci a rendo 
fiiîmc ta« de cette évafion que de la foufbactioQ et enlèvemem qui inrokat 



54 Les Comédiens italiens. 



été faits, à roccafion d*îcelle, de meubles, effets, hardes, dîamans, bijoux, 
billets actifs et autres papiers à lui appartenant et notamment de Ton contrat 
de mariage avec ladite demoifelle Régis, lequel contenoit, entre autres chofes, 
reconnoiffance refpective d'un enfant né d*eux avant le mariage. Lefquelles 
plaintes ont été par lui rendues contre tous les auteurs dudit enlèvement, leurs 
complices et adhérens et fur lefquelles il a obtenu de M. le Lieutenant cri- 
minel permiffion de faire informer et de faire faifir et revendiquer les effets 
fouftraits et enlevés; de laquelle ordonnance, portant permiffion de faifir et 
revendiquer, l'exécution a été ordonnée par un arrêt de la cour ; que lors du 
procès-verbal de faifie et revendication qui a été faite dimanche dernier, 21 de 
ce mois, en Tappartement de ladite veuve Régis, belle-mère dudit fieurPitrot, 
et où la demoifelle Régis s'eft retirée, il s'eft trouvé une partie confidérable 
des meubles, effets, papiers, bijoux et diamans, lefquels ladite veuve Régis et 
ladite demoifelle, fa fille, ont volontairement repréfentés et reconnu avoir été 
fouûraits de chez ledit fieur Pitrot, dont du tout faifie et revendication a été 
faite et fur laquelle faifie et revendication ladite demoifelle Régis, femme 
dudit Pitrot, s'efl pourvue en la cour, encore fous la fauffe qualité de fille 
majeure, pour en avoir mainlevée; que d'un autre côté, lors de ladite faifie et 
revendication, ladite demoifelle Louife Régis efl convenue précifément de 
l'exiflence du contrat de mariage qu'elle a déclaré avoir fouflrait et brûlé ; 
que, par toutes ces raifons, ledit fieur Pitrot s'oppofe qu'il foit fait aucune 
perquifition, etc., et en cas de conteflation requiert qu'il en foit référé par 
devant qui il appartiendra, etc. Signé : Lefèvre. 

Et par ladite dame Régis, audit nom, affiflèe de Me Barré jeune, procureur 
audit Chàtelet, pour ce furvenu en l'appartement où nous fommes, a été dit 
que l'oppofition formée par ledit M« Lefèvre, audit nom, tant à la faifie-re- 
vendication à laquelle elle entend faire procéder en exécution des ordon- 
nances de M. le Lieutenant civil qu'à ces ordonnances, efl une fuite de l'erreur 
dans laquelle efl ledit fieur Pitrot relativement au prétendu mariage contracté 
entre lui et ladite demoifelle Régis, parce que, dans le fait, il n'y a jamais eu 
entre eux de mariage, et conféquemment ladite demoifelle Régis n'en a point 
impofé au magiflrat en prenant la qualité de fille majeure dans les différentes 
requêtes qui lui ont été préfentées ; ne pouvant plus continuer de demeurer avec 
ledit fieur Pitrot, comme elle avoit fait jufqu'ici depuis quelque tems à raifon 
de la conformité de leurs talens, elle a pris le parti de fe retirer chez la 
dame fa mère, et fur le refus fait par ledit fieur Pitrot de lui rendre fes meu- 
bles et effets, diamans, bijoux, linges et hardes à fon ufage, elle s' efl trouvée 
dans la néceffité d'avoir recours au magiflrat pour lui en permettre la faifie 
et revendication, les ordonnances qui l'autorifent à y faire procéder éunt 



Pitrot. S S 

oécutoircs par provifion et nonobftant toute oppofition, ladite dame Régis, 
jBdii nom, nous requiert de les mettre à exécution, et en cas de refus d'où- 
vcnnre de portes les faire ouvrir aux termes defdites ordonnances, etc. 

Signé : L. Bérangé ; Barré. 

Et ptr Itdk M* Lefèvre, audit nom, nous a été repréfentée l'expédition d*un 
acte paflé devant M* Lederc qui en a la minute, et fon confrère, nouires â 
PStfii» le 31 mai dernier, par lequel ledit fieur Pitrot et ladite demoifelle 
Régit, foQ époufc, de lui aatorifée, ont renoncé à la fucceifion de défunt André 
Régit, leur père et beau*père ; enfuite duquel acte eft l'expédition de la fen- 
de IL le Lieutenant civil du 22 nui dernier qui, fur l'avis des parens et 
des minettrs Fau, nomme ledit fieur Pitrot leur tuteur comme étant leur 
maternel, i caufe de Louife Régis fa femme : le tout à l'effet par le 
PItroc de nous juftifier de la réalité dudit mariage et de la notoriété 
^icdni, â^ot réfulte Fimpodibilité de déférer i l'exécution provifcMre obtenue 
pv one femme cd puiflance de mari et fans autorifation, etc. 

Signé : Lefèvre. 

Et par ladite dame Régis, audit nom, afliftée comme deflus, a été dit que 
n'y ïïfiBU comme elle a ci-devant obfervé, aucun mariage de contracté entre 
ladite demoifelle Régis et ledit fieur Pitrot, les actes et fentences repréfentés 
par ledit M* Lefèvre ne font qu'annoncer la faufle qualité donnée audit ficur 
Pitroc de mari de ladite demoifelle Régis et non pas le prétendu mariage par 
loi aonoocé. Pourquoi, fans avoir égard i la réquifition et oppofition dudit 
M* Lefèvre, nous requiert d'abondant de pafTer outre A l'exécution defdites 
wdonnuKct, etc. 

Signé : L Bérangé ; Barré. 

Nous commiffaire avons interpellé ledit M* Lefèvre de nous repréfenter et 
cihibcr Facte de célébration de mariage d'entre ledit fieur Pitrot et ladite 
demoifelle Régis, ce qu'il a fait. Duquel extrait de mariage la teneur fuit : 
im coiUgio vicariorum infignis euUJue parrochiaîis Varfovûnfis fancti 
Ba^JU, amnc DonUni millefimo fiptingnUefimo ftxagefimo ftcundo, dû 
itma menju mariii, Infrafcriptus requifitus ifi àt tradênJo teftimonio authen- 
tûo kgùimi cotUractus matrimonialis inter perfonas dé tenon txprimindas, illuâ $ 
Uàr9 capmlaicrum prefatét infignis tcclefia collegiaiM ixcêrpfi prout JtquUur : 
Ammù Domimi milUJûmofepiiHgentefimo ftxagefimo primo, dU ingefimafixta n^jvtw^ 
èns, fer tUm/Ur rettremdiffimus dominus Félix Paulus Tarfâ U, J. D. canonicus 
mÊÊtnfÊJitiinie êuie/Le Gtu/nemfis, oficialis geiunUis Varfovienju ac per dacaiuM 



56 Les Comédiens italiens. 

Mafovia, difpenfando in bannis, nuîïo ahfiante canonico impedimento, matrimo- 
nium mutuo, libero confenfu contractum inter generofos Bonaventuram Pitrot et 
Ludovicam Régis, virginem, in prefentia mei Sebaftiani Lots, proUmotharii hebdo- 
madarii, benedixit prefentibus tefiibus generofis Joanne Francifco Albani et Carolo 
Beîuce ac àliis fide dignis. In eu jus fidem prefens teftimonium manu proprid 
fufcribo et figillo colîegii communia, anno et die utfupra, Jacobus Munich, vica- 
rius perpetuus et procurator colîegii, » 

Defquels dires, réquiûtions, réferves, proteflations, avons donné acte aux 
parties et pour être (latué et prononcé par M. le Lieutenant civil ce que de 
raifon ; fur ladite faifie et revendication avons ordonné qu'il en alloit être 
par nous référé à M. le Lieutenant civil , à l'effet de quoi nous allons au 
même inftant nous tranfporter par-devant lui, en fon cabinet, au Châtelet, 
toutes chofes demeurant jufqu'à ce en état. Et pour éviter le divertiflement 
des effets, avons laiffé en gamifon, dans l'appartement où nous fommes, ledit 
fieur Jean Delpéche, huiflier à cheval audit Châtelet, Mathurin Le Clerc, 
Antoine Bernard et Louis Tonnelier, tous trois praticiens audit Châtelet et 
afnflans du fieur Delpéche, etc. 

Et le même jour mercredi 24 dudit mois de juillet 1765, heure de midi, 
nous Jean-François Hugues, etc., nous fommes tranfporté par-devant M. le 
Lieutenant civil, en fon cabinet, au Châtelet, et lui ayant référé du contenu 
au procès-verbal ci-deOfus, mondit ûeur le Lieutenant civil, après avoir en 
tendu les procureurs des parties, a fur le total renvoyé lefdites parties â l'au- 
dience du parc civil audit Châtelet pour y être ordonné ce que de raifon, 
toutes chofes jufqu'â ce demeurant en état ; et a ordonné et ordonne que la 
gamifon par nous établie en l'appartement dudit Pitrot fera tenue de fe retirer. 
Et fera la préfente ordonnance exécutée provifoirement, etc., etc. 

Signé : D'Argouges ; Hugues. 

L'an 1765, le mardi 6 août, neuf heures du matin, en notre hôtel et par- 
devant nous Jean-François Hugues, etc., efl comparu M* Louis-Didier Ba- 
bault, procureur au Parlement et de demoifelle Louife Régis, fille majeure, 
au nom et comme ayant charge et pouvoir, aînfi qu'il a dit, de ladite demoi- 
felle Régis â l'effet de la fai fie-revendication dont va être parlé : Lequel nous 
a dit que, par ordonnance de M. le Lieutenant civil au Châtelet du 16 juillet 
dernier, il a été permis â ladite demoifelle Régis, fa partie, defaifiret reven- 
diquer fur le fieur Pitrot des meubles, linges et effets appartenant â ladite 
demoifelle Régis ; que fur les conteftatîons furvenues lorfqu'il a été queftion 
de procéder â ladite faifîe-revendication, etc., mondit fieur le Lieutenant civil 
a rendu fon ordonnance fur référé, le même jour, par laquelle il a renvoyé 



Pitrot. 57 



lo parties i l'aiidience du parc civil dudit Chitelet pour y être ordonné ce 
qœ de raifoo ; que ladite demoifeile Régis s*e(l pourvue par appel en la 
Gyur, contre ladite ordonnance et y a obtenu arrêt le 29 juillet dernier, 
kdUé i rextraordinaire le 3 1 du même mois, par lequel la Cour Ta reçue 
appelante de l'ordonnance de mondit fieur le Lieutenant civil, tenu Tappel 
pour bien relevé, lui a permis de faire intimer qui bon lui fembleroit fur 
ledit appel for lequel les parties auroicnt audience au premier jour, et par 
pfoviisQn a ordonné que la faifie-revendication, encommencée â la requête 
de ÏMéàtt demoifeile Régis cliez ledit fieur Pitrot, feroit continuée en préfence 
de noos commiffaire, nonobftant toutes oppofitions faites ou à faire à la cou- 
des droits de qui il appartiendroit ; et en cas de fouftraction de 
on totalité defdits effets a permis i ladite demoifeile Régis de les faire 
Cûfir partout où ils pourroient fe trouver, en préfence de nous commiflaire ; et 
cas de refus d'ouverture des portes, coffres, commodes et armoires, a per- 
mh à ladite demoifeile Régis de les faire ouvrir en préfence de nous com- 
■ilEûre en la manière accoutumée. Et nous a ledit M* Babault repréfenté la 
grofle dudit arrêt, etc. En conféquence de quoi, ledit M* Babault, audit 
nous requiert de nous tranfporter préfentement avec lui et le fieur 
sMarie Faoch, huiflier i cheval audit Chitelet, en la maifon où c(l de- 
ledit fieur Pitrot, fife rue Comteffe-d* Artois, près le cul-de-fac de la 
Bontcillc, i l'efo de faire mettre i exécution ledit arrêt, etc. 

Signé : Babaitlt. 

Sor qooi» noos commiflaire fufdit, etc., nous fommes au même înflant 
tmfpofté avec loi et ledit fieur Fauch, huiifier, fufdite rue ComteiTe-d^Artois 
ca la maifon où eft demeurant ledit fieur Pitrot, et monté en un appartement au 
premier étage ayam vue tant fur la rue que fur la cour, y avons trouvé et eft 
compani par-devant nous fieur Antoine-Louis-Bonaventure Pitrot, ci-devant 
fluitre de ballets du roi de Pologne, père de M** la Dauphine, et actuellement 
maître de balleu de la Comédte-Iulienne, auquel ayant annoncé et fait en- 
tendre le fufet de notre tranfport, etc. ; en conféquence, l'avons interpellé de 
fûrc la repréfcnution des linges, hardcs, robes, bijoux et autres effets appar- 
i ladite demoifeile Régis, et qu'elle eff autorifée i faire faifir et revendi- 
r, et en conféquence faire ouverture des armoires, commodes et autres 
qai ks renferment. A quoi il nous a répondu qu'il n'y a rien dans fon 
jy pi aimu ent appartenam i la demoifeile Régis ; qu'il ne connoft point la de- 
Régis mais bien la dame Pitrot; que tout ce qui eft ches lui lui appar- 
et qu'en (a qualité de mari fa femme n'a rien i y prétendre ; que fadite 
a e mp or t é de cbea lui hardes, diamans» papiers, lettres de change. 



58 Les Comédiens italiens. 



contrat de mariage, lequel contrat de mariage elle a avoué avoir brûlé ; par 
lequel contrat de mariage tous lefdits effets, bardes, bijoux, diamans et papiers 
appartiennent à lui fieur Pitrot et que ledit contrat de mariage porte en outre 
reconnoilTance d'un enfant dudit fieur Pitrot et de ladite demoifelle Régis, né 
avant ledit mariage, ajoutant ledit fieur Pitrot qu'il vient d'envoyer chercher 
M* de Raicourt, fon procureur, etc. 

S'étant trouvé fur une commode de bois de paliOfandre à deflus de marbre 
étant dans la chambre A coucher ayant vue fur ladite rue, un métier à tam- 
bour à la chinoife qui fait partie des effets réclamés par ladite demoifelle 
Régis, a été procédé, en exécution dudit arrêt, par ledit fieur Fauch, 
huifiier, à la faifie-revendication d'icelui, enfemble d'un manchon de plume 
de coq noir dans fon étui de carton, lequel s'eil trouvé dans un cabinet 
de toilette étant en fuite de la chambre à coucher, et un deffus de toi- 
lette de mouffeline brodée des Indes étant dans ledit cabinet. En procédant, 
ledit fieur Pitrot, affifté de M* Philippe de Raicourt, procureur en la Cour, 
furvenu en l'appartement où nous fommes, a dit qu'il eft d'autant plus furpris 
de l'arrêt fur requête obtenu par ladite demoifelle Régis, fon époufe, qu'il 
lui a été fait et à M* Babault, fon procureur, une fommation par le miniftère 
dudit M* de Raicourt, de déclarer s'il avoit obtenu quelque arrêt fur requête 
fur l'appel de l'ordonnance de M. le Lieutenant civil qui- renvoyoit les parties 
de l'audience avec déclaration que ledit M* de Raicourt, pour ledit fieur 
Pitrot, fa partie, y étoit oppofant et fe conftituoit, à cet effet, procureur fur 
toutes demandes principales et provifoires qui feroient formées ; en forte que 
la procédure eft nulle, y ayant procureur en caufe, fur l'objet dont il s'agit. 
QjLioi qu'il en foit, ledit fieur Pitrot, affifté comme defius, nous a exhibé une 
requête répondue de l'ordonnance du Parlement : Viennent les parties à V au- 
dience, contenant oppofition à l'arrêt fur requête du 29 juillet dernier, en vertu 
duquel nous procédons. Pourquoi il requiert, attendu ladite oppofition, qu'il 
foit fupercédé à toutes pourfuites jufqu'à ce qu'il foit ftatué fur ladite oppo- 
fition, en conféquence que nous nous retirions et faffions retirer les perfonnes 
qui affilient à notre procès-verbal, etc. 

Signé : De Raicourt ; Pitrot. 

Et par ledit M* Babault, audit nom, a été répliqué que par rapport au pre- 
mier dire fait par le fieur Pitrot que ledit M* Babault n'approuve en aucune 
façon, il efl étonné d'y voir que l'on prétend que ladite demoifelle Régis ait 
déclaré avoir brûlé un prétendu contrat de mariage, attendu qu'elle lui a tou- 
jours dit qu'elle n'avoit jamais eu connoiffance de ce prétendu contrat de 
mariage, et que Ç\ on lui fait dire le contraire, elle ne peut l'avoir fait que 
dans le trouble où elle étoit lorfque le fieur Pitrot eft venu chez la dame 



Pitrot. 39 



(à mère, pour faire une fainc-revendication, ne fâchant alors ni ce 
fo'eUe Cûfoit ni ce qu'elle pouvoit dire. Par rapport i la fommation que ledit 
M* de Rascourt dit avoir faite, il n'en a reçu aucune depuis le pouvoir à lui 
éoaaé par ladite detnoifelle Régis d'interjeter appel de l'ordonnance de M. le 
Licqtmim civil ni même depuis l'arrêt du 29 juillet dernier ; par rapport i 
b reqoéu d*oppofition que ledit M* de Raicourt rapporte répondue d'un 
FimÊÊmt, elle ne paroh point avoir été ftgnifiée et même il parolt que la date 
et Tutéx n'y étoit pas, puifque ledit M* de Raicourt vient d'en remplir la date 
pv VI renvoi ; qu'au furplus, fi ledit fieur Pitrot perfide dans fon refus de 
iûc ouverture des coffres, commodes et armoires, il requiert qu'il en foit 
léiM devant M. Regnault d'Yrval, confeiller rapporteur dudit arrêt, et cepen- 
jttcndn que la (aifie-revendication eft encommencée, que d'ailleurs il eft 
pour ladite demoifelle Régis qu'il ne foit rien détourné jufqu'â ce 
^i^ ait été ftatné fi ladite (aifie-revendication aura lieu, comme elle efpêrc, 
9 reqcdert qu'il foit établi un homme en gamifon, etc. 

Signé : BABAin.T. 

Et par ledit fieur Pitrot, aififté comme defTus, a été dit que fans aucune- 
■eoi répondre aux allégations faites par ledit M* Babault contraires à l'énoncé 
es procès-verbal de faifie-revendication, faite i fa requête, des effets mobi- 
Ecndoot ladite demoifelle Régis s'eft rendue gardiexme conjointement avec 
la dame (a mère, il perfide à foutenir que l'oppofition faite par requête ré- 
foodoe de fordoimance de Vunmnt eft tellement fufpenfive de l'exécution de 
rarrit jnfqu'i ce qu'il foit ftatué i l'audience fur ladite oppofition qu'il n'y a 
fis lieu de rendre aucune ordonnance de notre part contraire à l'oppofition 
ao£t arrêt ; que dès lors toute pourfuite doit être abfolument fufpendue juf- 
^'i ce qa'il ait été ftatué fur ladite oppofition; que (\ elle n'a pas été figni- 
iée i M* Babault, c'eft par fon propre fait et parce qu'il a empêché M* Char- 
fier, hniffîcr d-préfent, de faire ladite fignification, laquelle en fera faite avec 
k vmif à àtmaiu pour plaider à Vaudiena conformément i ladite ordonnance. 
Foorqooi et attendu ce que deffus ledit fieur Pitrot, afiifté comme delTus, 
ioçf^t formellement A ce que, la Cour éunt faifie par l'oppofition de l'or- 
donnance de Vûmnemt, nous rendions aucune ordonnance et qu'il foit établi 
nom gardien, d'auunt que f arrêt en vertu duquel nous procédons et atu- 
^ par Foppofition n'en donne pas la faculté, etc. 

Signé : De RAicoiniT ; PnnoT. 

Et par ledit M* Babault, audit nom, nous a été répliqué : i* que l'arrêt du 
a9 loiOet dernier qui nous commet, ordonnant qu'il fera procédé i la faifie et 



6o Les Comédiens italiens. 



revendication en queftion nonobftant toutes oppofitions faites ou à faire, 
nous ferions en droit de pafTer outre et que c'eft par confidération que ledit 
M* Babault confent qu'il en foit référé ; 2^ que cet arrêt n*a été rendu qu'en 
connoifTance de caufe et que fur les concluAons du miniflère public et que, 
ordonnant qu'il fera procédé à la faifie-revendication nonobftant l'ordonnance 
de M. le Lieutenant civil qui avoit renvoyé à l'audience et avoit ordonné que 
la gamifon feroit retirée, cet arrêt a jugé par proviiion que l'on ne pouvoit 
point 6ter à ladite demoifelle Régis le droit qu'elle a de faifir et revendiquer 
les effets qui lui appartiennent, que fi on n'établiffoit point un gardien, ce 
feroit rendre cet arrêt illufoire, pourquoi il perfifte à ce qu'il foit établi une 
gamifon réelle jufqu'au jugement du référé, etc. 

Signé : Babault. 

Sur quoi nous commifTaire fufdit difons, attendu le Committitur dudit arrêt 
du Parlement du 29 juillet dernier de nous commifTaire pour l'exécution 
d'icelui, qu'il en fera par nous référé par-devant M. Regnault d'Yrval, con- 
feiller en la Cour, pour être par lui ordonné ce que de raifon et jufqu'à 
ce pour la confervation des droits de la demoifelle Régis, avons établi en 
gamifon dans l'appartement où nous fommes la perfonne de Mathurin Le 
Clerc, praticien audit Châtelet, etc. 

Signé : Hugues. 

(^Archiva nationaUi, Y, 11,006.) 



ni 



1765. — 28 juillet. 

Un huissier à verge au Chdtelet se plaint d'avoir été, dans Vexercia de ses fonctions, 
insulté et tenu en chartre privée par M''* Louise Régis, dite Rey, femme d'An- 
toine-Bonaventure Pitrot. 

L'an 1765, le dimanche 28 juillet, onze heures du matin, en l'hôtel et par- 
devant nous Antoine-Bernard Léger, etc., eft compam fieur René-Laurent 
Lafnier, huiffier à verge au Châtelet de Paris, y demeurant me Ste-Margue- 
rite, paroifTe St-Sulpice : Lequel nous a rendu plainte contre Louife Régis de 
Rey, femme du fieur Bonaventure Pitrot, maître des ballets de la Comédie- 
Italienne, et la dame veuve Régis de Rey, mère de ladite femme Pitrot, 
demeurant me de Richelieu, à l'hôtel d'Orléans ; et nous a dit que, famedi 



Pitrot. 6i 



àtraicTf qaatre heures de relevée, il s'ed tranfporté au domicile de ladite 
femme Pitrot et veuve de Rcy i Teffet de leur fignifîcr une fommation à la 
requête dudit fieur Pitrot tendante à ce que ladite femme ait à revenir 
demeurer avec lui, comme aufli de réintégrer en la demeure dudit Pitrot 
roae et l'autre les bijoux et diamans, papiers et effets qui lui ont été fouftraits. 
Qpe le comparant s'étant fait annoncer par un de leurs domcftiques en ladite 
faiîfoQ* il fut introduit dans leur appartement, où étant ledit comparant a dit 
qu'après leur avoir annoncé le fujet de fon tranfport, il auroit été furpris 
que lefditcs deux femmes l'auroient injurié et traité durement et de vive voix 
et qn'aniiitôt elles fe feroicnt mifcs aux fenêtres tant celles donnant fur la 
ne que celles donnant fur la cour et auroient crié i la garde, au guet et 
jo commiflaire, en difant hautement que c*étoit un gueux d'huiflier qui étoit 
cstré chez elles où il y avoit une femme en couches. Qu*enfuite elles auroient 
(lit fermer les portes fur lui comparant avec un ordre donné i leurs domeili- 
qucs de ne le laiflcr fortir. Qu'ayant attendu la garde et le commilfaire, ainfi 
qn*i! lai a paru que la dame Régis étoit fortie pour l'aller chercher, pendant 
une heure ou environ fans que perfonne foit venu, ledit comparant auroit 
demandé i bdite femme Pitrot fi fon intention étoit de garder plus longtems 
le comparant en chartre privée chez elle ; à quoi elle auroit répondu et au- 
roit orJotmé qu'on ouvre la porte i ce gueux d'huifllcr-là, ce qui auroit 
été cdectué. Et le comparant fe feroit retiré fous les réfcrves qu'il a faites 
f en dreiTcr procès-verbal tant contre elle que contre ladite femme Régis du 
tn>;:ble et des infultes qui lui étoient faites dans (es fonctions et d'en venir faire 
ià dccLaration chez un commi (Taire. En effet, ledit comparant nous a déclaré 
qsM avoit fait et dreflfc fon procès-verbal ledit jour de famedi dernier qui 
contient tous les £iits plus au long y détaillés, qu'il nous a reprcfenté et que 
aoQs lui avons i l'infbnt rendu. Pourquoi nous fait fa préfente déclara- 
tion et nous rend plainte. 



IV 



1766. — 4 février. 

Amioiwê-Bonavtntmre Pitrot injurU et frappe um marchandé mercière 

qui lui riiîamait de Vargent, 

L'ia 1766, le mardi 4 février, dix heures du matin, en l'hôtel et par-devant 
BOQs Pierre Cbéoon, etc., e(l comparue dame Marie Paris, femme du ûeur 



62 Les Comédiens italiens. 



Louis-Michel Leguay, marchand mercier à Paris, y demeurant rue des Deux- 
Écus, au coin de la rue Babille : Laquelle nous a dit que depuis le mois de 
juillet 1759 elle a fourni par continuité et à différentes reprifes au (leur Pi trot, 
maître des ballets des comédiens italiens, du linge à Ton ufage pour la fomme 
de 745 livres 14 fols, fur laquelle ledit fieur Pitrot lui a payé à compte en 
trois fois celle de 384 livres, de forte qu*il lui refte dû 361 livres 14 fols, 
qu'elle a demandées audit fieur Pitrot qui lui a promis de lui payer et Ta 
cependant remife jufqu'à préfent fous différens prétextes. La comparante, fati- 
guée de ces délais, a écrit hier au fieur Pitrot pour le prier de terminer. Elle 
en a reçu une lettre fignée Mazion, qui lui dit de paOfer chez ledit fieur Pitrot 
pour finir. La comparante y a été il y a environ une heure. On a d'abord 
refufé de lui faire parler audit fieur Pitrot, mais ayant perfide et ayant 
repréfenté la lettre qu'elle venoit de recevoir, un domedique l'a laiOfée entrer 
dans la chambre dudit fieur Pitrot qu'elle a trouvé dans fon lit et un quidam 
dans la chambre. Elle a annoncé la caufe de fa vifite. Pitrot lui a dit qu'il 
la payeroit fi elle avoit un billet. Elle lui a obfervé qu'elle ne pouvoit pas 
en repréfenter, puifqu'il ne lui en avoit pas fait et que d'ailleurs fi cela étoit, 
elle en auroit autant que d'articles. Ces repréfentations, quoique faites avec 
circonfpection et uniquement pour faire fentir la différence qu'il y avoit entre 
la confiance qu'elle avoit eue en Pitrot et le procédé de celui-ci, ont choqué 
ledit Pitrot qui e(l forti tout nu en chemife de fon lit, a poulTé la comparante 
avec brutalité en lui tenant les propos les plus grofiiers et l'a terraffée. Comme 
elle avoit i fa main fon mémoire de fournitures, une quittance féparée du 
montant refiant dû de fa fourniture et la lettre fignée Mazion qu'elle avoit 
fait voir à Pitrot pendant l'altercation, Pitrot a voulu les lui arracher, mais 
elle a été afiez heureufe pour retirer la lettre et la quittance quoiqu'elles aient 
été chifibnnées et déchirées, qu'elle nous a repréfentées et nous a requis de les 
parapher et de les lui rendre, ce qui a été fait ; à l'égard du mémoire, Pitrot 
le lui a enlevé par force et l'a retenu. La comparante ne fauroit s'empêcher 
de rendre jufiice à la vérité en avouant que dès qu'elle a été terrafi'ée, Pitrot 
l'a relevée, lui a fait des excufes et a propofé de la payer et il alloit le faire 
quand ledit Mazion 'eft furvenu et l'en a empêché en difant qu'il ne falloit 
payer que fes billets. Ce confeil pernicieux et de mauvaife foi a prévalu fur 
l'équité, puifque Pitrot a demandé un nouveau délai pour la payer. Ces pro- 
cédés irréguliers et répréhenfibles l'ont indignée, pourquoi elle efi venue 
nous faire la préfente plainte. 

Signé: Paris; Chénon. 

{Archivés nationales, Y, 11, 3 $8.) 



Pitrot. 63 



1766. — Mars. 

AaSoimt-Bomsvmture Pitrot est remercié de ses fonctions de maître des ballets 

de la Comédie-Italienne (i). 

Le fienr Pitrot et fa femme font engagés k la Comédie moyennant 6,000 
bvTcs par an, à condition par le ficur Pitrot de faire tous les ballets et d*y 
dinfer» de même que la dame fon époufe, de ne pouvoir recevoir ni ren- 
voTcr daofears ni danfcufes fans l'aveu defdits comédiens, de ne pou^ir de 
oCme employer dans fes ballets que huit figurans et huit figurantes ; il n'a 
jotqu'i préfent rempli aucun de fes engagemens, c'ed-inlire que ni lui ni fa 
femme n'ont danfé. La groflfefle de cette dernière a été un prétexte depuis le 
mois d'août jufqu'i préfent, quoiqu'elle ait été pour fon plaifir à Fontaine- 
bleau pendant tout le voyage. A l'égard du fieur Pitrot, il force les comédiens 
A dire des dépenfes énormes et a été jufqu'i leur dire que fi l'on ne vouloit 
point faire les dépenfes qu'il demandoit il ne feroit point de ballets, ce qui a 
obligé les comédiens i. dépenfer, pour les ballets de la Fie Urgéle, plus de 
10,000 livres qui ont été en pure perte pour eux, les ballets éum tombés i la 
pieoiièrc repréfentation(2). 

L'engagement dudit (ieur Pitrot doit encore durer deux ans â compter de 
Paiqiies 1766. Que doivent faire les comédiens à fon égard ? Ils font liés par 
n marché (ait double dont, à la vérité, le (leur Pitrot ne remplit pas les 



(t) Lm li|pMt ^i»* Toa va Un loat ntnittt 4*oa aésoirt adrcué par riattaiftat àt» acaus 

fliMn aaa f nmiuê gaatiUboaiatt 4e U chaaibre. 
(i) CnsA, ÂAM U to«« IV àt M C0rrttf0ndmm€0 liuirmirt, a doaaé 4*iatértMaatt détails saf ctt 

^lÊmkémUFét VfgéU: 

• Ln féënat halMtt* oat léfaaft m,ooo livret ta htbitt tt ta ëècoratioai foar aenrt la Fit 
&!*. m Ce fmfiMit êmM é m m m (Ott «liéâtrale ta qaatrt acitt, f* Favart tt Daai), aa tbéêtrt; 
ihtiMM êm la paèat A falra de graadt profits avec et fpectacle. Fitrot. à qui ils donaeat a,ooo 
*ni psar étia lear aaltre de WUcu tt 4|a*ib anroient dû cluffer le leadeasaïa de foa prcasier 
•ià «t de Cm débat, et déieftaUe Fitrot a achevé de caffer le <ea à cette pauvre Fét UrgiU par a a 
Wbi seai f li t de U ceaaoCiioa iatitulé : Ir ?•■«••> é4t$ ismêt. Ccft ua chrf-d'ceavrt dt Mtiia. 



.pofi. 

iMsit d'adieart d'aae loagaear fi esccfivt 4|ue le parterre, afloasiaé d'enaui et crai|puat dt 
'XmW I b Coaiédit, k ait a poafer de profoads gcmiffemcas furtont loriîfue vers la fia Fitrot 
*^***e(« Car le bord du tkéAtre pour faire uac pirouette 4|tti dura à elle feule une dcai-beurt. 
I**M fi t'ai va aa dé^ifpoir plas plaiOat. Qaaad tafia, après cet éterael ballet, raeteur s*avaa(a 
f^'iasiaitr U (vcoadt reprrfeatatioa de la Fit Urgiit, le parterre s'écria d'un toa fuppliant et 
P'J'^'i «AU boaat btara f auis poiat de ballet. • Il faut que ce Fitrot foit bétc A maaftr da 
IUImi iadia ka baaaa ^mrnn da tbéâsra dt DrtClt, oA il faifoit taécnttr uat bita qat «al 
I ^*il «voil vtM A fêtiê ; mêià dtpaia 4|a*U aoM doaat du fita, c*tft,aa boaat prodigitai. • 



64 Les Comédiens italiens, 

m 

conditions, fa femme ne danfant plus depuis le mois d'août dernier, il ne 
paroit pas naturel qu'on lui paye des appointemens depuis ce temps. 

Réponse du duc de Duras. 

Remercier Ufieur Pitro, attendu qu'il n'a point rempli Us conditions defes enga- 
gemens vis-à-vis des Comédiens et charger lefieur Deheffe des ballets et de propofer 
un état pour la compofition defdits ballets. Ledit maître de ballet ne pourra excéder 
le nombre fixé dans Vétat, ni faire aucun changement fans avoir mis fous les yeux 
du Comité les raifons qui l'engagent à le propofer et ledit Comité les portera à 
V intendant des MenuSy qui nous en rendra compte. 

Mars 1766. 

Signé : Le Maréchal duc de Richelieu; le Duc de Duras. 

(Jrehivts nëticnëla, O*, 846.) 



PITROT DE LANCY (M^«). En 1779, les comédiens italiens, 
désirant renouveler leur répertoire envahi par TOpéra-Conii- 
que, se décidèrent à donner dans leurs représentations une plus 
large place aux comédies françaises, soit anciennes, soit nouvelles. 
Cette résolution satisfaisait aux désirs du public et sauvegardait en 
même temps leurs intérêts en rendant inutile la création, univer- 
sellement réclamée alors, d'une seconde scène française. Toute- 
fois leur personnel, devenu presque entièrement lyrique, ne leur 
oflFrant qu'un nombre assez restreint de sujets capables de figurer 
dans les pièces qu'ils se proposaient de jouer, ils durent s'adjoindre 
de nouveaux auxiliaires et ce fut ainsi que fut engagée M"' Pitrot 
de Lancy. Cette actrice, autrefois attachée à la Comédie-Fran- 
çaise, parcourait à cette époque la province, où elle s'était acquis 
une certaine réputation sur laquelle, sans audition préalable, elle 
fut admise à demi-part à la Comédie-Italienne, le 11 juin 1779. 
Quelques jours plus tard, le 20 juillet, elle débuta par le rôle de 
Sylvia dans les Jeux de V Amour et du Hasard, comédie de Mari- 



PitroÈ de Lancy. 65 



vaux, rôle où la fameuse M"* Balletti avait laissé d'impérissables 
souvenirs (i). 

Cette tentative audacieuse réussit jusqu'à un certain point à 
M"* Pitrot de Lancy, en faveur de laquelle plaidait d'ailleurs sa 
charmante figure. 

Mais peu à peu le parterre se lassa de la timidité et du jeu par 
trop froid de l'actrice; le 25 janvier 1783, on avait annoncé 5(7//- 
mon II, ou les Sultanes, comédie en trois actes, de Favart, où 
M"* Pitrot devait jouer le principal rôle. A son entrée en scène, 
quelques spectateurs étonnés de ne pas voir M"* Dugazon, ordi- 
nairement chargée de ce personnage, firent entendre de violents 
murmures qui dégénérèrent ensuite en un tumulte épouvantable. 
Il feillut baisser le rideau, et la malheureuse artiste, objet de cette 
réprobation injuste, fut obligée de venir humblement annoncer 
que. M"* Dugazon étant incommodée, elle avait cru pouvoir 
accepter son rôle. Elle protesta ensuite de son zèle et termina en 
disant que puisqu'elle avait le malheur de déplaire, ses camarades 



(z) Voici quelle fut «lors la distribution des rôles de la pièce de Marivaux : 

Sylvia MiU Pitrot. 

Lisette .... M<ne Dugazon. 

Orgon .... Rosière. 

Mario Mènier. 

Dorante. . . , Michu. 

PasquÎH, . . . Vallcroi. 

Avant la reprisenution, Louis Michu, chargé du rôle de Dorante, adressa au public le discours 
•oivant : 

■ Meffieurs, le dèfir et l'efpoir de multiplier vos plailirs vont nous faire entrer dans une carrière 
nouvelle. Quelles feroient nos alarmes en y débutant û nous n'étions foutenus par la confiance 
qne nous tnipire votre indulgence éclairée. Nous le favons, Meflieurs, il n'y a qu'un travail aflidu, 
que des efforts conûans qui puiflent nous aider à furmonter les difficultés que notre zèle nous 
prépare. Kous comptons Tur cette indulgence dont nous avons fait l'expérience hcureufe. Nous 
vous fuppUons, Meffieurs, de voir fans impatience notre lenteur k arriver au point de perfection 
néceflaire pour ne rien laiiTer à déûrer au goût fur qui fait votre partage. A la docilité que nous 
aarons pour vos arrêts, nous joindrons cette déférence que le comédien doit à l'homme de génie. 
S'il fe préfente, nous ne pouvons manquer de le reconnoitrc aux lauriers dont vous le couronnerez ; 
Bons nous ferons un devoir de l'accueillir et de l'encourager comme nous vous fupplion^ Mouleurs, 
de nous accueillir et de nous encourager vous-mêmes. » 

Valleroi, l'acteur qui remplissait ce jour-là le rôle de Pasquin, était, comme M^^' Pitrot, un débu- 
tant. Bien accueilli du parterre, il fut reçu peu après acteur pensionnaire, et l'année suivante il 
obtint portion de part. Au commencement de 1789, Valleroi, qui était encore atuché à la Comédie- 
Italienne, était l'un des membres du comité du théâtre. 

COM. DU ROI. — U. 5 



66 Les Comédiens italiens. 

allaient jouer une autre pièce. Quelques personnes sensées insis- 
tèrent alors pour qu'on continuât Soliman II et la représentation 
s'acheva au milieu du bruit. 

Un mois plus tard, le i8 février 1783, M"* Pitrot fut encore la 
cause d'une manifestation bruyante du parterre. Pendant la repré- 
sentation de Sophie Francour, comédie en cinq actes, du marquis 
de La Salle, elle se trouva subitement mal et son camarade Granger 
vint prier le public d'attendre quelques instants son rétablissement. 
Un quart d'heure après, l'actrice n'allant pas mieux, Granger vint 
dire qu'il était impossible de continuer Sophie Francour et proposa 
V Officieux, comédie en trois actes du même auteur. Des cris ef- 
froyables se firent alors entendre, et le parterre furieux se livra à 
de tels excès qu'il fallut pour le calmer recourir à Charles-Antoine 
Bertinazzi, dit Carlin, acteur dont la personne et les talents étaient 
également aimés. Carlin commença par quelques plaisanteries 
spirituelles qui apaisèrent peu à peu l'irritation générale, et finît 
par jouer au milieu des applaudissements la jolie comédie de Flo- 
rian, les Deux Jumeaux de Bergame, où il était inimitable. 

On comprend aisément que ces deux aventures n'étaient pas 
faites pour guérir M"* Pitrot de Lancy de cette timidité qu'on lui 
reprochait si fort; elle reprit cependant quelques jours plus tard 
son rôle dans Sophie Francour, mais elle joua ensuite le moins 
souvent possible. 

Toutefois, le 25 novembre de la même année elle créa avec 
succès le rôle de Gabrielle dans Gabrielle d'Estrées, comédie du 
chevalier de Sauvigny, ce qui lui valut les vers suivants du géo- 
graphe Mentelle : 

Elle étoit douce, tendre et belle, 
Cette d*Eftrée à qui notre bon roi 
Se permit d'engager fa foi 
Pour le prix d'un amour fidèle. 



Pitrot de Lancy. 67 



Que tu rends bien un fi charmant modèle ! 
Pitrot, par tes regards, par ton air enchanteur, 

Tu nous préfentes Gabrielle ; 
Mais quand tu fais paHfer jufqu'au fond de mon cœur, 
Sa douce émotion, fa touchante douleur. 
L'erreur s'accroît encor, non, je ne vois plus qu'elle. 

A partir de ce moment, cette actrice ne parut plus que très-rare- 
ment à la Comédie-Italienne, à laquelle pourtant elle était encore 
attachée en 1788. 

Une sœur de M"* Pitrot de Lancy, nommée M°** Perceval, fut 
également actrice au même théâtre, où elle débuta, le 2 mai 1780, 
par le rôle de Marton dans les Fausses Confidences, comédie de 
Marivaux. Elle joua ensuite Lisette dans les Jeux de r Amour et du 
Hasard, comédie du même auteur, et les rôles de suivantes dans 
V Amant auteur et valet, comédie de Cérou, et dans YÉpreuve, 
comédie de Marivaux. 

M°* Perceval ne manquait pas, paraît-il, d'intelligence, mais le 
Journal de Paris assure que son jeu était dénué de souplesse et 
de vivacité. 

{Les Spectacles de Paris, 1780 et 1781. — Grimm, 
Correspondance littéraire, X, 211. — Mémoires 
secrets, XXU, 70, 105. — Journal de Paris, 1780, 
5 mai; 1783, $ décembre.) 



1779. •" ^^ J"*°- 

Jif //* Pitrot de Lancy est reçue à demi-part. 

Nous maréchal duc de Richelieu, pair de France, premier gentilhomme de 
la chambre du Roi, 

Avons reçu fous le bon plaidr de Sa Majedé la demoifelle Pitrot de Lancy 
dans la troupe des comédiens italiens, à demi-part, pour y jouer en chef les 
premières amoureufes dans les pièces comiques que les comédiens doivent 
jouer inceflamment fur leur théâtre, à la charge en outre par elle de jouer 



68 Les Comédiens italiens. 

tous les rôles d'utilité et accelToires dans les pièces de chant où nous jugerons 
qu'elle pourra être néceffaire. 
Fait à Paris, ce ii juin 1779. 

Signé : Le Maréchal duc de Richelieu. 

{Archives nationales, O', 849.) 



1 LACIDE(M"0. 

Voy. BiLLioNi (Catherine-Ursule Bussa ou Bussart, femme de Michel- 
RiEUL Billion, dit). 



P 



OLICHINELLE. 



Voy. Fracanzani (Michel-Ange) ; Thomassin (Vincent-Jean Visentini, 
dit). 





R 




I ANIERI (Bartholomeo), dit Aurelio. 

VfJ. COKSTAKTmi (JeaS-BaPTISTE) ; pRACAXZANI (MiCKEL-ANCE). 



R 



AYMOND (Gabriel-François). 



IVAYMOND (ELISABETH-FÉLICITÉ PINET, femme de). 

Gabrid-Fnnçois Raymond, ancien acteur de b Comcdic- 
Fnnçaise et comédien de province, débuta au ThcJtrc-Itaiien avec 
soccis, le 14 décembre 1779, par le tiAc Ac Dorante d.ms hsjeux 
il rAmeuT et du Hasard, comédie de Marivaux, et fut reçu à 



70 • Les Comédiens italiens. 

quart de part, au mois d'avril 1780, pour doubler Clairval et 
Michu dans les premiers et seconds amoureux (i). 

On a peu de détails sur la carrière dramatique de cet artiste 
qui était encore attaché à la Comédie-Italienne au commence- 
ment de 1789. On sait seulement qu'il était intelligent et soi- 
gneux, qu'il donnait à ses personnages une physionomie inté- 
ressante et qu'il passait pour un acteur réellement estimable. 

Il avait épousé, le 29 janvier 1780, en l'église Saint-Médard, à 
Paris, M"* Elisabeth-Félicité Pinet, fille naturelle du comte de 
Valbelle et d'une actrice de la Comédie-Française, M"* Pierre- 
Claude Pinet, dite d'Épinay, mariée depuis 1768 au célèbre co- 
médien Mole. 

Au sortir du couvent de la Présentation, de la rue des Postes, 
où elle avait été élevée. M'** Pinet reçut les leçons de son beau- 
père Mole, qui la destinait au théâtre, et débuta à la Comédie- 
Italienne, le II septembre 1781, par le rôle de la soubrette dans 
V Apparence trompeuse, comédie en un acte, de Guyot de Merville. 

Le Journal de Paris du lendemain rendit compte de cette repré- 
sentation en ces termes: ■*' 



(i) A la rentrée de 1780, ce fut Raymond qui prononça le compliment de réouverture composé par 
Charles-Simon Favart et dont on reproduira quelques extraits relatifs aux modifications importantes 
introduites & cette époque dans le répertoire de la Comédie-Italienne : 

« Meilleurs, je n'entreprendrai point de vous peindre la vivacité de notre zèle; c'eft par des effets 
que nous efpérons vous en donner des preuves. Un champ vafte et fertile nous eft ouvert, les bornes 
des talens font reculées, tous les genres nous appartiennent et depuis le drame pathétique, fils na- 
turel de Mclpomène, jufqu'au vaudeville, joyeux enfant de la gaieté françoife, chacun va contribuer 
à la variété de vos plaifirs. 

Un fécond théâtre s'élève : Dclifle, Marivaux, Boifly, vous allez revivre fur notre fcène. Thaiie, 
qui n'ofoit reparoitre en ces lieux que fous les aufpices de la déeiTe de l'Harmonie, rentre aujour- 
d'hui dans fon domaine et reprend fes droits primitifs: fans brifer le lien qui l'unit à la mufe lyri- 
que, elle pourra encore régner par elle-même. Venez, jeunes auteurs qu'elle infpire, venez lui confa- 
crcr ici les prémices de vos talens ; méritez par d'heureux cffais qu'elle vous introduife bientôt 
dans fon temple fur le premier théâtre de l'Europe en vous approchant du trône de Molière. 

Mais une réflexion nous alarme : fommes-nous en état de féconder leurs efforts? Les nouveaux 
fujets que Thaiie vient de raffembler font fans doute loin de la perfection, ne les jugez pas encore 
à la rigueur; daignez les encourager par votre indulgence, je l'implore pour eux et pour moi-même; 
lailTez-uous le tems de nous rendre dignes de vos fuffrages. » 

Les nouveaux sujets que Thaiie venait de rassembler, ou pour parler plus simplement, les sujets 
nouvellement engagés pour jouer dans les pièces françaises â la Comédie-Italienne étaient : Ray- 
mond, Favart fils, Valleroi, et M™-* Verteuil, Lescot, Adeline Colombe et Dufayel cadette ; en 
outre, Maurice*François Rochet, dit Volange, et W^* Carline venaient d'être reçus à l'essai. 



Raymond. 7 1 



Si d'un côté le début d'une jeune actrice qui n*a jamais paru fur aucun 
théâtre femble commander Tindulgence, d'un autre côté le fouvenir du maître 
dont M™« Raymond eft l'élève (Mole) fembloit permettre la févérité. Il ré- 
fulte de cette réflexion qu'il falloit que le public crût voir en elle un talent 
réel pour fe laiffer entraîner, et c'ed ce qui efl arrivé, car l'applaudifTement 
a été général. Cette actrice a une très*jolie figure jointe à une phyfionomie 
des plus piquantes, un caractère de foubrette très-décidé, de la gaieté et de 
la fineiTe. Elle a une vivacité qui a befoin d'être modérée et qui l'a emportée 
quelquefois malgré elle ; mais le tems et l'expérience tempèrent aifément un 
excès de chaleur et ils n'en donnent jamais à une activité qui en manque. 
On fent d'ailleurs combien la timidité pouvoit nuire au développement de 
fon talent naturel. Si un acteur qui, des théâtres bourgeois, a pafTé fur ceux 
de la province et a Ai s'y faire une réputation, ne peut paroître fans effroi 
fur les théâtres de la capitale, que feraH:e d'une jeune perfonne qui fort de 
fon appartement pour fe montrer fur cette fcène fi formidable ? Il efl certain 
qu'on ne peut s'annoncer plus avantageufement que vient de faire la dame 
Raymond et le bien qu'elle a montré annonce un mieux qu'on doit attendre 
du tems et de l'expérience. 



Elle joua ensuite dans la Mère confidente, comédie de Marivaux, 
dans Y Amant auteur, comédie de Cérou, dans Soliman II, ou les 
Sultanes, comédie de Favart, dans les Fausses Confidences, comédie 
de Marivaux, et fut reçue à quart de part le 14 novembre 1781. 
Dans Soliman II, M"' Raymond se montra réellement parfaite. 
Aussi elle reprit bien souvent cette pièce qui fut toujours pour 
elle la cause d'ovations nouvelles et lui valut en 1782, de la part 
d'un poète se disant octogénaire, les vers suivants : 



Je me flattois, malgré les glaces 
De ma mufe et de mes vieux ans, 
De trouver encor des accens 
Pour chanter vos talens, vos grâces ; 
Mais, Roxelane, ayez en moins, 
Ou permettez-moi de me taire. 
A quelque jeune téméraire, 
Je dois laifTer ces heureux foins. 



72 Les Comidiens italiens. 

Quatre-vingts ans font ma richeffe, 
Et comme au temps de ma jeuncfTe, 

Je chéris tous les talens. 

Sur une âme honnête et tendre 

Que les talens font puifTans ! 

J'ai rajeuni de dix ans 

Du plaifir de vous entendre. 

Ce fortuné changement 

De Roxelane eft l'ouvrage. 

Hélas ! foyez-la fouvent, 

Pour me remettre à votre âge. 

L'année suivante, et toujours à propos du même rôle, M°* 
mond reçut de l'auteur dramatique Vigée le joli complimem 
voici : 



Hommage â l'efclave jolie 
Qui tour â tour, fi finement, 
Feint le caprice et Tenjoûment, 

Le bon fens et l'étourderie ; 
Qui, jufqu'au rivage ottoman, 
Porte fa grâce et fa folie 
Sur le trône d'or du fultan. 
A cette élève de Thalie, 
Qui fait encor, changeant de ton. 
Sous les traits piquans de Marton, 
Joindre l'efprit à la faillie 
Et la fineffe â la raifon. 
Dis-moi donc enfin le myftère 
De ce talent qu'on trouve en toi. 
Comment peux-tu donc au parterre 
En te jouant faire la loi ? 
Dans ta famille, je le voi, 
Ce talent eft héréditaire. 
Audi pour rendre à tes appas 
Le vain tribut de leur tendrefle, 
Des amans, je crois, fur tes pas, 
Par eflaims la foule s'empreiïe ; 



Raymond. 73 

Tandis qu*i ce trouble enchanteur, 
Garant d'une heureufc foiblciTe 
Qu'autorife un moment d'ivreife, 
Tu ne veux pas ouvrir ton cœur. 
Dans ce cœur cependant je demande une place : 
Que r Hymen en ait la moitié. 
Ce dieu fi bon je te le pafTe, 
Mais garde l'autre à. Tamitié. 

Ce rôle de Roxelane n'est pas du reste le seul où M"** Raymond 
ait £xit preuve de talent. En 1784 elle créa aussi avec le plus grand 
succès le personnage de Fanfan dans Fanfan et Colas, comédie 
en un acte, de M"* de Bcaunoir. Elle mit même dans ce rôle une 
ardeur telle qu'un soir elle tomba en syncope. On dut l'emporter 
dans sa loge, et les spectateurs, faisant preuve d'une mansuétude 
peu ordinaire, attendirent patiemment son rétablissement. Mal- 
heureusement Taarice ne se sentit pas en état de continuer et il 
fallut cesser le spectacle. Le public cependant ne voulut pas se 
retirer sans avoir eu de meilleures nouvelles de la malade, et la 
siile ne fiit évacuée que lorsqu'on eut annoncé qu'elle allait mieux 
et pouvait être transportée à son domicile. Quelques jours plus 
tard. M** Raymond, complètement remise, put reprendre son 
rôle, au sujet duquel un anonyme lui envoya les vers que l'on 
va lire: 

Mal i mon aife en un coin du parterre, 

papplaudiiTois i ce drame éloquent. 

Qui peint û bien le ton, le caractère 

D*uo jeune enfant plus g\\i que méchant. 

Je me difois : Sous l'habit de Fanfan, 

Ell-ce Raymond, ccnc aimable foubrctte 

Dont le jeu fin, délicat, fcduifant. 

Sert ou repouife un conteur de fleurette? 
La fenfibilité remplace Tenjoûmcnt ; 

Elle gémit, je fens couler mes larmes. 
Pour foumettre nos cœurs, le ciel en la formant 



74 ^^ Comédiens italiens. 



De la gaîté, du fentiment. 

Lui donna -t-il les doubles armes? 
Oui, le doux naturel, ces grâces fans apprêts, 

Elle les reçut de fa mère, 
Et le goût tous les jours fous les traits de fon përe(i) 

De Tart lui dicte les fecrets. 



Dans la suite de sa carrière dramatique. M™* Raymond con- 
tinua à donner des preuves de talent et de zèle et elle fut à cette 
époque une des actrices les plus applaudies de la Comédie-Ita- 
lienne, à laquelle elle était encore attachée au commencement de 
Tannée 1789. 

On connaît la liaison criminelle qui exista entre cette actrice 
et Mole, son beau-père : « M"' Mole fe meurt, dit un contem- 
porain à la date du 20 août 1782; avant de recevoir les facre- 
mens elle a appelé M°* Raymond fa bâtarde, qu'elle avoit eue 
d'un Valbelle, frère du Valbelle-Clairon ; elle l'a catéchifée en 
préfence de fon mari fur leur commerce abominable ; elle leur a 
reproché d'Être les auteurs de fes chagrins, et par la jaloufie qu'ils 
lui ont donnée de la précipiter au tombeau. On ne voit pas que 
cette exhortation ait éteint cette pafGon fcandaleufe. » 

Il n'y a rien à ajouter à cette citation si ce n'est qu'aussitôt 
après la mort de sa mère, M°* Raymond, qui habitait alors avec 
son mari la rue de Richelieu, alla demeurer rue du Sépulcre, 
chez Mole. 

(La Spectacles de Paris, 1780 et 1782. — Mémoires 
secreU, XXI, 78; XXVI, 141, —Journal de 
Paris, ï•J^% ij décembre; 1781, 12 septembre, 
8 octobre ; 1782, i" août ; 1783, 2 octobre ; 1784, 
22 octobre.) 



(i) Mole, comme on Ta déjà dit, était le beau-pére de M»* Raymond. 



Raymond. 7 5 



I 



1780. — Avril. 

Gûhrià-François Raymond est reçu à quart de part. 

Koas maréchal duc de Richelieu» pair de France, premier gentilhomme de 
la chambre du Roi, 

Avons, fous le bon plaifir de Sa Majefté, reçu pour le théâtre de la Comédie- 
Italicmiet à quart de part, le fieur Raymond pour y jouer en double des ficurs 
Cbir\'aJ et Michu les premiers et féconds rôles et y remplir en outre tous ceux 
où il fera jugé oéceflâire pour le bien du fervicc. 

avril 1780. 

Signé : Le Maréchal duc de Richelieu. 

{Ârtkhm m^ismstti, O*, 14e.) 



II 



1781. — 14 novembre. 

i#*^ Èliiohdh'FiîUiti Pinet, femme de Gabriel -François Raymond, est reçue 

â quart de part. 

Ordre de réception de M"* Raymond i quart de part. 
A Vcrfaillcs, ce 14 novembre 1781. 

Signé : Le Maréchal duc de Richelieu. 

(.ittmit^t mMhpmm!é9, O', 146.) 



76 Les Comidiem italiens. 



III 



1783. — 23 mai. 

Constitution de rente viagère au profit de René-François Moïé, comédien français, 
et d^ Elisabeth-Félicité Pinet, femme de Gahrid-François Raymond, et donation 
faite par Mole à M*»»* Raymond. 

A tous ceux que ces préfentes lettres verront, Anne-Gabriel-Henri Bernard, 
chevalier, marquis de Boulainvilliers, feigneur de ï^afTy et autres lieux, con- 
feiller du Roi en fes confeils, prévôt de la ville, prévôté et vicomte de Paris, 
falut : favoir faifons que par-devant maître Pierre Margantin et fon confrère, 
confeillers du Roi, notaires au Châteletde Paris fouflignés, fut préfent meflire 
Pierre-Marin Beaugeard, écuyer, chevalier de Tordre du Roi, tréforier-géné- 
ral des États de Bretagne, demeurant à Paris, rue de Richelieu, paroifTe 
St-Eu(lache : Lequel a par ces préfentes créé et conftitué et a promis garantir 
et faire valoir à fieur François-René Mole, penfionnaire du Roi, demeurant 
à Paris, rue du Sépulcre, paroifTe St-Sulpice, fur fa tête et fur celle de demoi- 
felle Élifabeth-Félicité Mole (i), époufe du fieur Gabriel-François Raymond, 
encore mineure, ledit fieur Mole à ce préfent et acceptant pour lui et fes 
ayant caufe pendant fa vie durant et celle de ladite dame Raymond et du fur- 
vivant d'eux, ûx mille livres de rente atmuelle et viagère, exempte à toujours 
de la retenue des impofitions royales actuellement fubflftantes et de celles 
qui pourroient être établies par la fuite fous telle dénomination que ce puifle 
être, que mondit (leur Beaugeard promet et s'oblige de payer audit fieur 
Mole ou ayant caufe en leurs demeures à Paris ou au porteur, par chacun an, 
en deux payemens égaux de fix mois en flx mois, dont les fix premiers mois, 
de convention expreffe et au moyen de l'arrangement fait entre les parties, 
courent à partir du premier janvier dernier et échéront et feront payés au 
premier juillet prochain, les féconds au premier janvier fuivant, et enfuite 
ainfi continuer de flx mois en fix mois pendant la vie et jufqu'au décès du 
furvivant dudit fieur Mole et dame Raymond, lors duquel ladite rente fera et 
demeurera éteinte et amortie au profit de mondit fieur Beaugeard ou de fes 
repréfentans qui ne feront plus tenus envers ceux dudit fieur Mole ou ayant 
caufe que des arrérages lors dus et échus. A la garantie de laquelle rente 



Ci) Elisabeth-Félicité Pinet et non MoIé. 



Raymond. 77 



viagère roonJit ficur Bcaugcard affecte, oblige et hypothèque généralement 
tous fcs biens meubles et immeubles préfens et i venir, et en outre, fans 
qu'une obligation puitfe déroger i Tautre, mondit fieur de Bcaugeard y 
iSecic et hypothèque fpécialcment et par privilège, attendu le prix de la pré- 
fente conftitution, une raaifon bourgeoife fife au village d'Antony, prez, 
mouim, cour-balEe, cours, jardins et dépendances contenant fix arpens et 
demi quatorse perches, plus fept arpens cinquante-fept perches de prés en otuc 
pièces et quinze arpens environ de terres (is aux terroirs de Verrières, MaiTy, 
PaUircau, Amblainvilliers près Antony, que M. de Beaugeard a acquis dudit 
fieur Mole, comparant, par acte paiïé par-devant Picquais, qui en a la minute, 
Cl maître Margantin, Tua des notaires foufljgnés, cejourd*hui moyennant 
jOjooo livres de totalité. Pour par ledit fieur Mole et ayant caufe jouir, faire 
et difpoTer de ladite rente viagjnre en pleine et libre propriété, à compter 
dndit jour premier janvier dernier pendant la vie et jufqu'au décès du furvi- 
lam defdits ûeur Mole et dame Raymond. Cette conditution eft faite fur le 
pied de neuf pour cent moyennant la fomme de 66,666 livres 10 fols quatre 
deniers, en déduction de laquelle mondit fieur Beaugeard reconnolt avoir pré- 
fentemeo: reçu dudit fieur Mole, en efpèces fonnantes, celle de 16,666 livres 
I) fols 4 deniers, dont il le quitte et décharge, s'en deffailiffant i fon profit, 
vooLint qu'il en foit faifi et mis en poffeirion par qui et ainfi qu'il appar- 
tiendra, coniUtuant pour fon procureur le porteur auquel il donne pouvoir. A 
regard des 50,000 livres reliantes, mefdits fieurs Beaugeard et Mole confcntcnt 
rcciproqueroent qu'il en foit fiait compenfation avec les 50,000 livres, moyen- 
nant lefquelles ledit fieur Mole a vendu audit fieur Beaugeard les maifons, 
prés et terres ci-devant délîgnés, mais fous la réferve exprcffe par ledit fieur 
MoIé du privilège i lui acquis par le contrat ci-devant daté pour le payement 
do prix de ladite vente que repréfente en partie la préfente conditution. Au 
mojcn de quoi les parties, fous les réferves ci-deffus, fe quittent et déchar- 
gent refpectivement de toutes chofes relativement au prix de ladite vente et 
de La préfente conditution et confentent toutes mentions que befoin feroit, 
toc Ciites pir tous notaires requis, même en leur abfence, etc., etc. 

El par ces mêmes préfentes, ledit fieur Mole a fait donation entre vifs et 
iirérociblet en avancement de la future fuccedion i ladite dame Raymond, 
ù fille (i), i ce préfente et acceptante, autorifée X cet effet par ledit fieur 
Ra^-moiul, fon mari, pour ce préfent, tous deux demeurant i Paris, rue du 
Sépulcre, faubourg St-Germain, paroiffe St-Sulpice, des 6,000 li\Tes de reme 
viagère cooftituées par le préfent contrat, pour par ladite dame Raymond en 
ivn, jouir et difpofer comme de chofe lui appartenante i compter du jour 



78 Les Comédiens italiens. 



du décès dudit Mole qui s'en réferve expreffément la jouiflfance pendant fa 
vie, et cependant les arrérages dus et échus au décès dudit fleur Mole appar- 
tiendront à ladite dame Raymond. 

Cette donation efl faite fous la condition i^ que ladite rente ne pourra 
être faifle ni arrêtée par aucun des créanciers de ladite dame Raymond, de 
quelque nature qu'ils foient, comme aufli que ladite rente et les arrérages 
d'icelle ne pourront être cédés, tranfportés ni délégués d'avance par ladite 
dame Raymond, fous quelque caufe et prétexte que ce foit; 2« et que ladite 
dame touchera elle-même et fur fes fimples quittances les arrérages de ladite 
rente fans avoir befoin de Tautorifation dudit fleur fon mari, ni de qui que 
ce foit; ledit fieur Mole de (tinant ladite rente aux alimens, nourriture et 
entretien de ladite dame Raymond. Ladite dame Raymond autorifée comme 
defTus, en retirant l'obligation qu'elle a contractée de ratifier à fa majorité 
l'acte de liquidation et partage des biens de fuccefllon et communauté de 
ladite dame fa mère, paffé devant maître Margantin, l'un des notaires foudl- 
gnés, qui en a la minute, et fon confrère le 1 5 avril demiec, s'oblige de 
ratifier pareillement à la même époque le contrat de la rente fait cejourd'hui 
audit Beaugeard par ledit fleur Mole, fon père, de la maifon d'Antony et 
objets énoncés audit contrat, pour faire laquelle ratification ledit Raymond 
l'autorife irrévocablement par ces préfentes. 

Fait et pafTé à Paris en la demeure de mondit fleur Beaugeard, l'an 1783 le 
23 mal. 

* {Archives uationaUs, Y, ^68.) 



RENAUD (M""). Les Parisiens connaissaient déjà M"* Re- 
naud l'aînée pour l'avoir applaudie tout enfant en 1781 au 
concert spirituel, lorsqu'elle débuta le 9 mai 1785 avec le plus 
grand éclat à la Comédie-Italienne. La jeune actrice, elle avait 
quinze ans à peine, parut successivement dans les rôles de Lucette 
de la Fausse Magie, paroles de Marmontel, musique de Grétry ; 
de Léonore dans V Amant jaloux, paroles de d'Hèle, musique de 
Grétry; à' Élise d:ins hMélomanie, paroles de N..., musique de 
Champein ; de Bilinde dans la Colonie, paroles de Framery, mu- 
sique de Sacchini ; de Colombine dans le Tableau parlant, paroles 



Renaud. 79 

d'Anseaume, musique de Grétry, et de Zémire dans Zémire et 
A^pr, paroles de Marmontel, musique de Grétry. 

Quelques jours plus tard, elle fut reçue avec promesse de 
quart de part. 

Dans sa Correspondance littéraire, Grimm a parlé très-avanta- 
geusement des débuts de M"* Renaud, et les lignes suivantes qu'il 
lui a consacrées méritent d'autant plus d'être retracées qu'eUes 
reproduisent avec une grande autorité les impressions unanimes 
de la critique contemporaine : 

Le Théâtre-Italien a été bien dédommagé du peu de fuccès de toutes Tes 
nouveautés par le début intérefTant de W^^ Renaud qui, aux grâces de Ton 
âge (elle vient d'atteindre' à peine fa 15* année), à une figure aimable et 
décente, à la plus délicieufe voix que nous ayons jamais entendue, réunit 
encore un goût de chant naturel infiniment rare et la plus excellente méthode. 
Sa voix a peu d'étendue ; mais il paroit impofGble d'en concevoir une plus 
jufte, plus pure et plus facile ; fans recherche, fans manière, elle n'eft belle 
que de fa propre beauté ; fans effort, elle fait fentir jufqu'aux moindres 
nuances et du chant et des paroles ; l'ariette la plus difHcile femble s'échapper 
de fes lèvres comme le chant le plus propre à fa voix ; et cette efpèce de 
talent, à nos yeux du moins, paroît tenir du prodige. Tout Paris l'a vue avec 
ivreffe et ne fe lafTe point de l'entendre. Si la manière dont elle joue la fcène 
laiffe beaucoup à défirer, la timidité de fon âge peut lui fervir fans doute 
d'excufe et quoique fon jeu ne foit jamais aufli animé qu'il devroit l'être, il 
ne paroît au moins manquer ni de fineffe, ni d'intelligence. 

L'année suivante. M"® Renaud l'aînée joua le rôle de Coraly 
dans V Amitié à l'épreuve, comédie en trois actes, de Favart, mu- 
sique de Grétry, déjà représentée en 1771 et qui fut alors remise 
au théâtre avec diverses modifications. La façon dont la jeune 
actrice s'acquitta de la tâche lui mérita les compliments les plus 
flatteurs, et Grétry, dans ses Mémoires, assure qu'elle chanta son 
rôle d'une manière exquise. 

Le 17 juin 1787, dans Isabelle et Rosalvo, comédie en un acte, 
de Patrat, musique de Propiac, jouée précédemment sans succès 



8o Les Comédiens italiens, 

sous le titre des Deux Morts, elle exécuta avec une facilité éton- 
nante une ariette de bravoure très-compliquée et reçut en récom- 
pense de ce véritable tour de force le quatrain suivant : 

Renaud, des rofTignols tu furpris le ramage, 
Bientôt tu leur feras la loi. 
A ta voix ils rendront hommage, 
En effayant de chanter comme toi ! 

Vers la même époque, une note manuscrite où se trouve ré- 
sumée Topînion du comité du Théâtre-Italien sur chacun des 
artistes qui composaient alors la compagnie, parle d'elle en ces 
termes : « Elle eft la première qui ait fait entendre à ce théâtre la 
perfection du chant ; mais elle a beaucoup à travailler pour 
devenir comédienne. L'on avoit vu avec plaifir qu'elle travailloit 
fes rôles avec un homme à talent (i), capable de la diriger pour 
la comédie et l'on voit avec peine qu'elle y a renoncé. » 

^Au commencement de 1789, M"* Renaud l'aînée était encore 
attachée à la Comédie-Italienne. Elle épousa plus tard M. d'A- 
vrigny. 

M*^* Renaud cadette, sœur de la précédente, débuta au même 
théâtre, à l'âge de 13 ans, le 22 octobre 1785, par le rôle de Babet 
dans les Trois Fermiers, paroles de Monvel, musique de Dézaides. 
Elle joua ensuite Lucette dans Sylvain, paroles de Marmontel, 
musique de Grétry; la statue dans le Tableau parlant, paroles 
d'Anseaume, musique de Grétry, et Jeannette dans le Déserteur, 
paroles de Sedaine, musique de Monsigny. 

« Son début, dit le Journal de Paris, eft partout piquant, plein 
de fineffe et de vérité, et elle a le germe prefque déjà développé 
du talent comique. Elle chante comme il femble que doive 



(i) Cet homme à talents était M* Jabtneau de la Voûte, avocat au Parlement et conseil des co- 
midkiis italiena. 



Renaud. 8i 

chanter une demoifeHe Renaud. Sa voix, fans être forte, a des 
fons très-agréables. Enfin, elle juftifie pleinement le mot qu'on 
nous a rapporté: Que cette famille eft une couvée de roffignols. » 
M"^ Renaud l'ainée n'avait pas voulu abandonner sa sœur à 
elle-même le jour de son premier début et elle parut en même 
temps qu'elle dans les Trois Fermiers. Un M. Sorin profita de 
l'occasion pour réunir dans un même compliment poétique les 
deux jeunes personnes et leur fit parvenir ces vers : 

Le jeune Amour aux yeux de Paris enchanté, 
Dans ces charmantes fœurs aime à Te reproduire : 
Chez l'une c'eft la voix, la touchante beauté, 

Dont il fe fert pour nous féduire; 
Cefl fon regard enfin, Ton regard triomphant ; 
Chez l'autre, en qui la grâce au fentiment s'allie. 
On retrouve ce dieu fous les traits d'un enfant, 
Qpi femble fe jouer du mafque de Thaiic. 

A la suite de ses débuts. M"' Renaud cadette fut reçue actrice 
pensionnaire. 

Enfin, le 21 avril 1788, une troisième sœur. M"*' Sophie Renaud, 
débuta à la Comédie-Italienne par le rôle d'Hélène dans Silvain, 
paroles de Marmontel, musique de Grétry, et par le rôle d'Isabelle 
dans V Amant jaloux, paroles de d'Hèle, musique de Grétry. 

Ses deux sœurs parurent avec elle dans la première de ces deux 
pièces et toutes trois elles fiirent très-applaudies : « C'eft un 
fpectade très-intéreflant, dit le Journal de Paris, que de voir ces 
trois jeunes fœurs paroître dans les mêmes fcènes et obtenir des 
fuccès dans un âge où communément on foupçonne à peine 
les moyens de les mériter. L'intérêt qu'infpiroit la débutante, la 
prodigieufe faciUté de chant de fa fœur aînée et le jeu fin et 
piquant de la plus jeune formoient un enfemble vraiment touchant. 
Âufli quand le feigneur dans la pièce s'eft écrié : ce Âh ! les joUs 

COM. DU ROI. — II. 6 



82 Les Comédiens italiens. 

enfans ! » Tallufion a été faite et longtemps foutenue par les plus 
grands applaudiffemens. » M^** Sophie Renaud fut reçue actrice 
pensionnaire. 

(Archives nationales, O*, 848. — Les Spectacles d* 
Paris, 1786 et 1789. — Grimm, Correspondance 
littéraire, XII, 381; XIII» 411. — Mémoires 
' secrets, XXIX, 24. — Journal de Paris, 178$, 
10 et 15 mai, 28 octobre, a novembre ; 1788, 
22 avril. — Mémoires de Goldoni, III, 10$. — 
Mémoires de Grétrj, I, 182.) 

1785. — 19 mai. 
M^^ Renaud aînée est reçue avec promesse de quart de part. 

Nous maréchal duc de Richelieu, pair de France, premier gentilhomme de 
la chambre du Roi, 

Avons reçu, fous le bon plaiflr de Sa Majeflé, la demoifelle Renaud à quart 
de part, pour lequel elle fera portée fur Tétat lorfqu'il s'en trouvera un pre- 
mier vacant qui lui appartiendra; mais en attendant elle jouira dès à préfent 
des droits de comédien reçu et les comédiens italiens lui payeront de mois 
en mois la valeur de ce quart de part, à commencer du jour de fon premier 
début, que nous entendons être continué fans interruption jufqu'à la i8^ repré- 
fentation, afin que le public puifTe mieux juger de fes talens et que nous 
ayons la certitude qu'elle fait l'emploi pour lequel elle fe deftine. 

A Paris, le 19 mai 1785. 

Signé : Le Maréchal duc de Richelieu. 

{Jrcbives uaiionales, O*, 848.) 



R 



ICCOBONI (Louis-André), dit Lélio. 



RICCOBONI (HéLèNE-ViRGiNiE BALLETTI, femme de), 
dite Flaminia. 
Louis-André Riccoboni était le fils d'un comédien et naquit 
en 1675 à Modèûe. Il entra jeune encore dans la troupe de cette 



Riccohoni. 83 



ville, dirigée alors par la Diana, femme de Jean-Baptiste Cons- 
tantini, connu à l'ancienne Comédie -Italienne sous le nom 
d'Octave. Riccoboni avait débuté dans cette troupe par les rôles 
Ôl amoureux et se faisait appeler Federico ; mais sa directrice lui 
imposa le nom de Lélio, plus théâtral, selon elle. Le talent de 
cet acteur lui valut une grande réputation dans son pays, et c'est 
à lui que le duc d'Orléans, régent, confia le soin d'y recruter la 
nouvelle troupe italienne qui débuta à Paris le 18 mai 171 6 et 
où, comme en Italie, Lélio joua les amoureux. 

« Son dialogue, dit le Mercure, étoit aifé et animé ; perfonne 
n'a jamais mieux caractérifé les paffions outrées et avec plus de 
vraifemblance. » Il était inimitable dans une tragi-comédie ita- 
lienne de sa composition, intitulée Samson, jouée le 28 février 
171 7, et que Jean- Antoine Romagnesi traduisit plus tard en vers 
français (i). Samson eut un succès prodigieux, et Dangeau, dans 
ses Mémoires, nous apprend que le duc d'Orléans vint voir repré- 
senter cette pièce et applaudir Riccoboni, qu'il aimait beaucoup. 

Lélio, homme d'humeur atrabilaire, quitta le théâtre avec une 
pension de 1,000 livres, le 25 avril 1729, et mourut à Paris le 
6 décembre 1733» nie Françoise. Il fut inhumé le lendemain en 
l'église Saint-Sauveur. 



(i) Le Samson, traduit par Jean-Antoine Romagnesi, fut représenté pour la première fois à la 
Comédie-Italienne, le mardi 28 février 1730. L'ouvrage de Romagnesi n'était pas une simple tra- 
duction ; maître de son sujet, il avait su l'amplifier et l'embellir. « Il a ajouté beaucoup de fcènes, 
disent les frères Parfaict, et des iîtuations qui donnent un nouveau mérite à cette pièce, en forte 
qu'il feroit injufte de ne lui accorder que celui d'un traducteur, quand bien même fon Sam/on 
feroit en profe. » 

Les premiers gentilshommes de la chambre ne pensèrent pas comme les frères Parfaict ; Roma- 
gnesi ue fut pas même considéré par eux comme le maître de sa traduction, dont la libre disposition 
fut attribuée à Louis-André Riccoboni. C'est ce qui résulte du document suivant : 

• Nous duc de Gefvres, pair de France et premier gentilhomme de la chambre du Roi, fur ce 
qui nous a été repréfenté que le fieur Romagnefi, comédien italien de Sa Majeûé, auroit traduit en 
▼ers firançois la tragédie de Sam/on d'après celle que le lîeur Lelio avoit mife ci-devant au théitre, 
mandons et ordonnons au fieur Lélio de difpofer des rMes de ladite traduction ainfi qu'il avifera 
bon eftre pour le bien de la troupe et la réuflite de ladite pièce, attendu que c'eft toujours le même 
fttjet et qu'il eft cenfé être le premier autheur de ladite tragédie. 

• Fait au chiteau de Verfailles, ce y décembre 1727. 

« Signé : Le Duc db Gisvrbs. » 
{Arekivu nationaUs, O*, 846.) 



84 Les Comidiens italiens. 

Outre k tragédie de Samson, Louis-André Riccoboni a fait 
représenter à la Comédie-Italienne , soit seul , soit en cdkbo- 
ration, un grand nombre d'ouvrages aujourd'hui absolument 
oubliés. 

On lui doit aussi une Histoire du Théâtre-Italien en a volumes. 
Ce comédien avait épousé en premières noces Gabriclb Gar- 
delini^ actrice de la troupe de la Diana^ où elle jouait les soubrettes 
et les amoureuses et qui était la sœur de mère de f rançcns Ma- 
terazzi, dit le Docteur. La première M°** Riccoboni mourut jeune 
et sans enfants. Lélio alors épousa Hélène -Virginie Batletti, 
sœur de Mario^ née à Ferrare en 1686 et bien connue sous te 
nom de Flaminia à la Comédie -Italienne^ où elle débuta le 
18 mai 17 16 avec la nouvelle troupe formée par son mari. Fla- 
minia jouait les premières amoureuses, les soubrettes et les rôles 
travestis. Sa taille était élevée et gracieuse^ sa figure agréable, 
mais elle avait, dit-on, la voix un peu aigre. On a £ût sur cette 
actrice, qui a été Tune des gloires de son théâtre, le quatrain 
suivant : 

Que d'efprit, que d'intelligence, 
Dans le jeu de Flaminia! 
Peu de comédiens en France 
Ont autant de goût qu'elle en a. 

Comme son mari, M"* Riccoboni quitta le théâtre en 1729 
avec une pension de 1,000 livres; mais le 10 avril 173 1, elle 
obtint de nouveau de rentrer dans la troupe avec part entière, à 
la condition de renoncer à sa pension, qui ne lui fut rendue que 
le 29 mars 1732, époque de sa retraite définitive. 

Flaminia possédait une instruction supérieure ; elle connaissait 
à fond la langue latine et était membre de plusieurs académies 
d'Italie. Elle a fait représenter à la Comédie-Italienne, en 1726 et 



Riccoboni. 85 



en 1729, deux ouvrages qui du reste eurent peu de succès: le 
Naufrage et Abdilly, roi de Grenade, en collaboration avec de 
Lisle. 

Elle mourut pieusement à Paris, le 29 décembre 1771, et fut 
enterrée le lendemain dans la cave de b chapelle de b Vierge de 
Tcglise Saint-Sauveur. 

Louis-André Riccoboni et Hélène-Virginie Balletd eurent un 
fils, Antoine-François- Valentin, acteur comme eux à la Comédie- 
Italienne et dont il sera parlé plus loin. 

(DiV<i««««ir# i«i ThUtrts, I, ]70 2 IV, 469. — 
CûUmiritT hittêriqtu it$ TlMtns, Pmria, CaU- 
le«m, I7{i. — Jal, Ditthmusirt éi èé^gnfk»*, 
P- «057) 



I 



1718. — Il novembre. 

L/ mattri (Us ballets dt la CamédU-IUdUnne si plaint d^un nowimi Dmval, damsiur 
au menu théâtre, qui l'avait menacé de lui couper le visage ei qui avait aussi 
gravement insulté Louis-André Riccoboni, dit Lélio. 

L'an 1 718, le vendredi ii« jour de novembre, du matin, eft comparu en 
rhôtcl de nous Jofcph Aubert, etc., ûcur Louis Voifm, maître à danfcr, 
compofjnt les ballets de la Comédie-Italienne, demeurant rue des Vieux-Au- 
gut\ins, i la Croix-de-Lorraine : Lequel nous a fait plainte contre le nommé 
Duval, danfeur fur le théitre de la Comédie-Italienne, et dit que mardi der- 
nier ledit Duval ne s'éunt pas trouvé à l'heure pour remplir fon devoir, le 
fieur Leiio, comédien, l'auroit fait venir de PorcheAre où il étoit pour le prier, 
comme ledit Duval ne fe trouvoit pas et n*étott pas venu, de prendre fes 
habits et de danfer pour lui. Que lui plaignam, voulant faire pbiftr audit 
Duval et au fteur Lelio, s'eft habillé et étant prefque e nti è r ement habillé, 
ledit Duval eil furvenu. Que lui plaignam n'a pu s'empêcher de lui reprocher 
fa négligence ; mais ledit Duval, au lieu de s'en ezcufer, Itd a dit mille in* 
jures atroces, même s'efl jeté fur lui et loi a donné un coup de poing par la 
tête, et fans le fecours de plufieon perfonnes, auroit plus vivement Infulté, 



86 Les Comédiens italiens. 

lui plaignant ne fe trouvant pas en état de fe défendre. Après lefquelles in- 
fultes il fe déshabilla et ledit Duval reprit Icfdits habits en le menaçant de lui 
couper le vifage lorfqu'il le rencontreroit. Que ledit fieur Lelio ayant appris 
rinfulte que lui avoit fait ledit Duval, vint à fa loge, lui défendit de fe pré- 
fenter fur le théâtre, lui ordonna de fe déshabiller et le renvoya ; mais ledit 
Duval ayant aulli fait plufieurs infultes audit Lélio et aux autres comédiens et 
fait beaucoup de défordres, il fit venir le fieur Delagrange, exempt de la 
Comédie, lequel arrêta ledit Duval et le conduifit au For-l'Évêque, où il eft 
refté de Tordre de M. de Machault. Que cette punition, au lieu de remettre 
ledit Duval à fon devoir, continue de dire mille injures contre l'honneur et 
réputation de lui plaignant et même s*eft vanté à plufieurs perfonnes que 
lorfqu'il feroit forti de prifon, il lui couperoit le vifage. Et ayant appris que 
ledit Duval s'eft même joint aux nommés Malterre frères, dont Tun ed dan- 
feur à r Opéra, pour exécuter fon mauvais deffein, lefdits Malterre l'ayant 
même dit en public dans un billard, il a intérêt d' empêcher l'exécution defdites 
menaces et fa vie n'étant pas en fureté, il eft venu en notre hôtel nous rendre 
la préfente plainte. 

Signé : Loxns Voisin ; Aubert. 

{Archiva nûlionûUt, Y, 14,063 .) 



II 



1719. — 24 janvier. 

Louis- André Riccoboni, dit Lélio, insulte et frappe le commissaire des pauvres 
de la paroisse St-Sauveur qui lui réclamait sa cotisation d* aumône. 

L'an 1719, le mardi 24 janvier, trois heures de relevée, en l'hôtel de nous 
André Defacq, etc., eft comparu fieur Robert Leroux, marchand mercier, 
commiffaire des pauvres de la paroiffe St-Sauveur pour l'année 17 18, bour- 
geois de Paris, demeurant rue St-Denis, paroiffe St-Sauveur, près la rue du 
Renard : Lequel nous a rendu plainte contre le fieur Lelio, directeur de la 
Comédie-Italienne, et dit que ledit Lelio, fur l'affignation qui lui a été donnée, 
a été taxé au grand bureau des pauvres à la fomme de 52 fols pour fa coti- 
fation d'aumône des pauvres de ladite paroiffe; qu'en conféquence de cette 
taxe, il s'eft tranfporté cejourd'hui, il y a environ une demi-heure, chez ledit 
fieur Lelio à l'effet de recevoir lefdits 52 fols : mais au lieu par icelui Lelio 
de fatisfaire à la taxe à laquelle il eft impofé, il a prétendu l'avoir payée et 



Riccoboni. 87 



a rcpréfenté à lui plaignant une quittance de pareille fommc de 52 fols par 
lui payée, pour Tannée lyiy^au fieurGuyot, marchand épicier à Paris, commif- 
Caire des pauvres de Tannée 171 7, datée du mois de mai dernier; que fur la 
repréfcntation de cette quittance lui plaignant a fait connoltre audit fieur 
Lelio que cette quittance ne pou voit le difpenfer de lui payer les $2 fols qu'il 
lui demandoit, vu que la quittance du fîeur Guyot n'étoit que pour Tannée 
1717 et que les 52 fols que lui plaignant lui demandoit étoient pour la coti- 
(ation de 1718; mais qu'icelui Lelio, s'emportait tout à coup contre lui plai- 
gnant. Ta traité de fripon, voleur, concuffionnaire, a dit de pareilles injures 
dudit fieur Guyot, Ton confrère, et les a étendues jufque fur MM. les admi- 
niftrateurs du grand bureau des pauvres, fans refpect ni conûdéradon pour les 
perfonnes diftinguées qui font revêtues de cette qualité, lui a dit que lui et 
lefdits fleurs adminidrateurs étoient bienheureux d'avoir ces cotifations pour 
vivre, fans quoi ils feroient fort embarraiTés, et fur les remontrances que lui 
plaignant lui a faites que ce qu'il en faifoit il le Cûfoit par ordre de M. le 
procureur général, qui eft le chef dudit bureau, il a répondu qu'il fe moquoit 
et fe torchoit le derrière de tout ce qui fe Cûfoit audit grand bureau et s'em- 
portant d'auunt plus contre lui plaignant. Ta pris de violence et Ta tiré par le 
manteau fi fortement que fondit manteau, qui eft d'un drap d'écarlate, a été 
déchiré par la moitié du dos, dont il nous a fait apparoir, et il s'eft trouvé û 
fort prefTé qu'il a été obligé de défaire le bouton de la ganfe; que ne voulant 
plus être expolé à de pareilles infultes et violences, il s'eft i Tinftant retiré 
et eft venu fur-le-champ nous rendre la préfente plainte, de laquelle il nous 
requiert acte. 

Signé: Leioux; Defacq. 

{Jnkhn msti0m*Ui, Y, 12») $9-) 



ni 



1723. — Mai. 

UttfiS'Palmtis permittant à Louis- AtUri-Riccohani, dit Ulio, d*accfpUr U Ug$ 
qui lui a été fait par Jean Bissomi, dit Scafim, son camarade, 

Louis, par la grice de Dieu, roi de France et de Navarre, à tous préfens et 
â venir falut. Notre bien-aimé Louis-André Riccoboni nous a très-humble- 
ment fait repréfenter que notre très-cher et très-aimé onde le duc d'Orléans, 



88 Les Comédiens italiefts. 



pctit-tils de France, rayant fait venir d'Italie pour compofer avec d'autres du 
niOnic pays la troupe de fes comédiens italiens et contribuer à notre diver- 
titrcmcnt, feu Jean Bitroni(i), natif de Boulogne en Italie, Tun de ladite troupe, 
fon camarade, que nous avons naturalifé par nos lettres du mois de février 
1722, Tauroit par Ton teQamcnt du fixième du préfent mois, inftitué fon lé- 
gataire univerfel aprc'S les legs particuliers acquittés ; mais quoique le peu de 
bien qu*a lailTé ledit Biflfoni ne confîfte qu'en quelques effets entre lefquels 
il n*y a aucune rente fur noi^ ni aucuns fonds, il ne peut valablement accep- 
ter ledit legs aux ternies de nos lettres de naturalité qui ne permettent audit 
Uiironi de difpofer de fes biens qu'en faveur de nos fujets régnicoleset n'étant 
\us naturalifé l'Vançois il nous fupplioit de le relever de la claufe portée par 
U'iditcs lettres ; et voulant gratifier et traiter favorablement ledit Riccoboni 
i'u coiilidération de fon z61e et de fon affection au fervice de notredit oncle, 
A COH caule.s et autres à ce nous mouvant, de l'avis de notre confeil qui a vu 
lcl\iitcH lettres de naturalité et ledit te(\ament et de notre grâce fpéciale, 
\>W\\w puill'ance et autorité royale nous avons permis et par ces préfentes 
h>*u\\'« de notre main permettons audit Louis- André Riccoboni d'accepter et 
k\\' |i»uii ile la pleine et entière propriété du legs univerfel qui lui a été fait 
|Mi \\\\\\ Jean HilUnii, encore qu'il foit étranger et non naturalifé, dérogeant 
A «cl vtK*i A la claufe portée parles lettres de naturalité dudit BifToni. En 
\\»iU\\)ih'nie voulons et entendons qu'il jouiffe pleinement et paifiblement 
\\\\\U\ Ic^M univerfel en meubles ou immeubles à quelques fommes qu'ils 
piuU'iU molli er et qu'il puiflc en difpofer par vente ou entre vifs feulement 
^tiM^ \\\\\\ K'\\ peiniis aux étrangers non naturalisés, à l'effet de quoi nous 
«\\M«« vu lanl que befoin feroit, confirmé et confirmons ledit legs fait en ù\ 
u\v\u. ou • 
IVmu\0 a ViMiailles au mois de mai, l'an de grâce 1723, et de notre règne le 

{Archives nationales, K, 175.) 



■ ^ ... . H.ii.Mii \\\\\ \ Vaï\* m 1716 avec la troupe italienne formée par Louis-André Riccoboni, 
ik ,,.<.s. \. ^ki«4i( Wa it^K'a titt SttiftH asicz mcdiocrement et mourut à Paris le 9 mai 1723, & l'Age 



Riccoboni. 89 



IV 



1723. —Juin. 

iMtmdi naiuraliii accordées à Louis-André, Riccohoni, dit IMio,àM^^ Hilètu- 
Virginie Bdîdti, dite Fîaminia, sa femme, et à leur fils Antoiné^FrançUS' 
FaUtUin Riccoboni, dit Lélio fils. 

Louis, par la grice de Dieu, roi de France et de Navarre, à 4ous préfens 
et i Tenir ialut. Nos bien-amés Louis-André Riccoboni, natif de Modène, 
Héltee-Vtrginie Baletti, fa fenune, native de Ferrare, et Antoine-François- 
Vakntin Riccoboni, leur fils, natif de Mantoue, faiiant profeflion de la reit- 
gioo catholique, apoftolique et romaine, nous ont fait rtpréfenter que par nos 
lettres du mois de mai dernier nous avons permis audit Louis-André Ricco- 
boni d'accepter et de jouir de la pleine et entière propriété da legs univerid 
qu'a (ait en fa faveur Jean BiiTont par tefiament du 6 mai dernier, encore bien 
que ledit Riccoboni fe trouvAt étranger et non natnralifé ; mais que ledit Ric- 
coboni ayant toujours été, aufli bien que (a femme et leur fils, dans la réfo> 
lution de fixer ùl demeure en notre royaume et d*y finir fes jours, les eapoOins 
e fpéroi e nt que nous voudrions bien encore ajouter à la grice que nous avions 
dtji faite audit Riccoboni père celle de lui accorder, ainfi qu'à fa femme et 
à leur fils, nos lettres de naturalité au moyen desquelles ils pufiTent participer 
aux avantages et aux droits dont jouiiTent nos vrais et originaires fujets et 
régnicoles. 

A ces caufes, voulant favorablement traiter les expofans et reconnoltre le 
zèle qui a fait venir en France ledit Riccoboni et fa femme pour compofer, 
avec autres de leur pays, la troupe qui contribue i notre divertiflement 
et qui s'eil éublie en la ville de Paris, fous la protection de notre très-cher et 
très-amé oncle le duc d'Orléans, nous avons reconnu, cenfé, tenu et réputé 
et de notre grice fpéciale, pleine puiiïance et autorité royale reconnoiiTons, 
ceofoos, tenons et réputons, par ces préfentes fignées de notre main, leidits 
Louis-André Riccoboni, Hélène-Virginie Baletti ce Antoine-François-Vakntin 
Riccoboni pour nos vrais et naturels fujets et régnicoles, voulons et nous platt 
que comme tels ils puiflcnt et qu'il leur foit loifible de s'établir et demeurer 
en telles villes et lieux de notre royaume, pays, terres et feigneuries de notre 
obéiflaocc que bon leur femblera et qu'ils jouiflest des privilèges, (raochifes 
et libertés dont joutffeot nos vrais et originaires fujets et régnicoles 



90 Les Comédiens italiens. 

à la charge de finir leurs jours dans notre royaume, dont ils ne pourront fortîr 
fans notre permiffion expreffe et par écrit, etc. 

Donné à Meudon, au mois de juin Tan de grâce 1723 et de notre règne 
le huitième. 

{Archivis nationaUs, Ky 17s •) 



1727. — 5 avril. 

Permission à Louis- André Riccohoni, dit Léîio, de faire un voyage en Angleterre, 

Sur les repréfentations que le fleur Lelio, comédien italien de Sa Majefté, 
nous a fait au fujet d'un voyage qu'il a deiïein de faire en Angleterre, nous duc 
de Gefvres, pair de France et premier gentilhomme de la chambre du Roi, 
permettons audit fieur Lelio de s'abfenter pendant deux mois pourfon voyage 
d'Angleterre, fans que fes camarades puifTent lui retrancher la part dont il 
jouit acmellement à la Comédie, fous quelque prétexte que ce puifTe être, 
même pour abfence hors du royaume. 

Permettons pareillement audit Lelio, fl le Roi d'Angleterre fouhaite de le 
voir repréfenter, de jouer les rôles qu'il plaira à Sa Majefté Britannique de lui 
ordonner. 

En foi de quoi nous avons ûgné le préfent congé feulement pour deux 
mois. 

Fait au château de Verfailles, le 5* avril 1727. 

Signé: Le Duc de Gesvres. 

(Archives nationaUs, O*, 846.) 



VI 



1729.-2$ avril. 

Louis- André Riccohoni, dit Lélio, et sa femme M^^ Hélène-Virginie BaUetti, dite 
Flaminia, sontautorisiSy ainsi que leur fils Antoine-François-Valentin Riccohoni, 
à se retirer du thédtre. Une pension de 1,000 livres est accordée individuellement 
à Lélio et à Flaminia. 

Le Roi ayant permis à Louis Riccoboni, dit Lelio, à Hélène Baletti, fa 
femme, et à François Riccoboni, leur fils, de fe retirer du théâtre, Sa Majefté 



Riccoboni. 91 



étant fatisfaite des fervices dudit Lelio qui a conduit en France la troupe ita- 
lienne, lui a accordé 1,000 livres de penfion pour lui et 1,000 livres pour fa 
femme. 

Nous duc de Mortemart, pair de France, premier gentilhomme de la 
chambre du Roi, mandons et ordotmons, fuivant les intentions de Sa Majefté, 
aux comédiens italiens de payer auxdits Lelio et fa femme ladite penûon de 
deux mille livres par chacun an et s'il arrivoit dans la fuite des temps que la 
troupe vint à fe renouveler, les comédiens qui feront alors à la place de ceux 
qui fervent actuellement Sa Majedé feront tenus de continuer à payer auxdits 
Lelio et fa femme ladite penAon de 2,000 livres. 

Mandons en outre que fî, par Tordre ou la permiflion du Roi, ledit Lelio 
fe trou voit obligé de fortir de Paris et même du royaume, Sa Ma j elle entend 
que ladite penfion de 2,000 livres leur foit toujours payée leur vie durant 
et que ladite troupe ne puifTe jamais leur retenir fous quelque prétexte que 
ce foit. 

Fait au château de Verfailles, le 25 avril 1729. 

Signé : Le Duc de Mortemart. 



(Arxhivts nationalttf O^ 846.) 



VII 



1731. — 10 avril. 

W^ Hilène^Virginie BalîetH, dite Fîatninia, femme de Louis- André Riccohoni, 
dit Léîio, et son fils Antoine-François-Valentin Riccoboni sont autorisés à rentrer 
à la Comédie^Itaîienne. 

Nous duc de Trefmes, pair de France, chevalier des ordres du Roi, premier 
gentilhomme de la chambre. 

Sur les repréfentations qui nous ont été faites par le fieur Lelio père et la 
permiflion qu'il nous demande de faire rentrer à la Comédie-Italienne la de- 
moifelle Flaminia, fa femme et fon fils, y ayant actuellement deux places 
vacantes par le décès de la demoifelle Violette (i) et Pantalon (2), après en 
avoir rendu compte à Sa Majefté, qui ordonne exprefTément que fa troupe ita- 
lienne foit toujours compofée du nombre de quatorze parts comme la troupe 
françoife l'eft de vingt-trois ; à ces caufes mandons et ordonnons auxdits co- 



(1) MArgnerite RntcA, dite Violette, femme de Thomas-Antoine Viscntini, dit Thomassin, morte 
à Paris le 28 fénier 1731. 
(a) Pierre Alborghetti, dit Pantalon, mort à Paris le 4 janvier 1731. 



92 Les Comédiens italiens. 

m ■ - 

médiens italiens de recevoir de nouveau dans leur troupe la demoifelle Fla- 
minia et le fieur Lelio, Ton fils, à la condition par ladite demoifelle de remettre 
à ladite troupe la penfion de i,ooo livres dont elle jouifToit depuis fa fortie, 
et leur accordons à Tun et à l'autre pour fubûfter à la Comédie, favoir, la 
part de la demoifelle Violette à la demoifelle Flaminia et trois quarts fur celle 
de Pantalon audit Lelio fils, le tout aux charges, claufes et conditions portées 
par les règlemens de la Comédie dont ils pafTeront un nouveau contrat avec 
leurs camarades, félon l'ufage ordinaire. 

Et à regard des rôles qu'ils auront à remplir dans ladite troupe, nous or- 
donnons que leur emploi fera réglé à la pluralité des voix dans TafTemblée 
defdits comédiens et au préalable confirmé par nous. 

Mandons en fus que la penfîon de mille livres accordée ci-devant au (ieur 
Lelio père lui fera continuée fans aucune interruption fa vie durant, ainfi qu'il 
eft expliqué plus au long par Tordre qui en a été expédié lors de fa retraite. 

Fait au château de Verfailles, le lo* avril 173 1. 

Signé : Le Duc de Tresmes. 

{Arthivês UAHonûUs, 0\ 846.) 



VIII 



1752. — 27 mars. 

W^ Hilhu-Virginie Battetti, dite Flaminia, femme de Louis- André Riccoboni, 
dit Lélio, est autorisée à prendre sa retraite avec 1,00e livres de pension» 

Nous duc de Flcury, pair de France, premier gentilhomme de la chambre 
du Roiy 

Avons accordé et accordons par ces préfentes, fous le bon plaiflr du Roi, à 
la demoifelle Flaminia fa retraite de la Comédie-Italienne, avec la fomme de 
1,000 livres de penfion, ayant fervi dans la troupe le temps prefcrit par les 
règlemens et s' étant toujours bien acquittée de fon devoir à la fatisfaction de 
la Cour et du public, etc. 

Fait à Verfailles, le 27 mars 1752. 

Signé : Le Duc de Flextry ; le Duc de Gesvres. 

{Archiva nationaUs, O^ 846.) 

Voy, Dehesse (Jean-Baptiste-François); Spinette. 



RiccohanL 93 



R 



ICCOBONI(Antoine-François-Valentin). 



RICCOBONI (Marie-Jeanne de HEURLES de LABOR- 
RAS de MÉZIËRES, femme de) 
Antoine- François -Valentin Riccoboni naquit à Mantoue en 
1707 et vint en France avec son père et sa mère en lyié. Il 
débuta à la Comédie-Italienne, le 10 janvier 1726» par le r^ de 
V amoureux dans la Surprise de V Amour, comédie de Marivaux, et 
fut bien accueilli, grâce à son talent naissant et aussi à son père» 
Lclio, qui adressa au public un discours par lequel il demandait 
indulgence et appui pour le jeune débuunt. Cet incident donna 
lieu à un po^te resté anonyme de composer les vers suivants : 

Pour toQ fils, Lelio, ne fois pas alarmé. 

Il n*a pas befoin d'indulgence ; 
D*un heureux coup d'elTai le parterre charmé 
N'a pu lui refofer toute fa btenvetUance. 
Pour fcs fuccès fomrs cefle donc de treaibler, 

Qpe nulle crainte ne t'agite, 

Si ce n'eft d'avoir dans la fuite 
Un généreux rival qui pourra t'égtier. 

Le 25 avril 1729, Riccoboni fils quitta b Comédie-Itafienne en 
même temps que son père et sa mère, mais il y rentra en 1731, 
avec trois quans de pan, et reparut dans le rdie de Vâlère des 
Amants réunis, comédie en trois actes, en prose, de Beauchamps. 
En 1736, il quitta de nouveau la troupe et alla jouer une année 
en province, après quoi il reparut à b Comédie-Italienne, le 
21 mars 1737, dans une parodie d*Al^re intitulée les Sauvages, 
pièce dont il était l'auteur avec Jean-Antoine Romagnesi. 

De 1737 h 1749, Riccoboni fils se tint tranquille, mais le 
14 décembre de cette dernière année, il sollicita et obtint sa 



94 Les Comédiens italiens. 

retraite. On pourrait croire que cette fois la résolution était dé- 
finitive, mais il n'en fut rien, car le 21 avril 1759, il rentra encore 
une fois à la Comédie-Italienne aux appointements de 500 livres 
par mois. 

Antoine-François- Valentin Riccoboni mourut à Paris, rue du 
Faubourg-Saint-Denis, le 14 mai 1772, et fut enterré deux jours 
après en l'église Saint-Laurent. 

Ce comédien, que Grimm assure avoir été froid et prétentieux, 
fut aussi auteur dramatique. On lui doit un grand nombre de 
pièces qu'il composa pour son théâtre, soit seul, soit en collabo- 
ration. Il a également publié un livre intitulé : Pensées sur la dé- 
clamation. 

Riccoboni le fils avait épousé, le 7 juillet 1734, en l'église Saint- 
Eustache, Marie-Jeanne de Heurles de Laborras de Mézières, née 
à Paris le 25 octobre 171 3, d'un père qui fut plus tard excommunié 
pour crime de bigamie. 

M°* Riccoboni débuta à la Comédie-Italienne le 23 août 1734 
par les rôles de Lucile dans la Surprise de la Haine, comédie en 
trois actes et en vers, de Boissy, et du Gascon, dans la parodie de 
Zaïre intitulée : les Enfants trouvés, ou le Sultan poli par V amour, 
ouvrage que son mari avait composé en collaboration avec Do- 
minique et Romagnesi. Elle fut reçue, au mois de décembre sui- 
vant, pour l'emploi des amoureuses, dont elle s'acquitta assez mal, 
du reste, pendant longues années. Elle dut prendre ensuite des 
rôles plus marqués. Un spirituel pamphlétaire de l'époque, ayant 
à parler d'elle à cet instant de sa carrière dramatique, s'exprime 
ainsi : « M°* Riccoboni, bel efprit, auteur, femme galante, mais 
fort mauvaife actrice, joue depuis 26 ans quelques amoureufes ; 
fon âge et fa taille lui ont fait abandonner cet emploi pour prendre 
les perfonnages de mères qu'elle n'a jamais remplis dans l'état 
civil quoiqu'elle y travaille infailliblement depuis 45 ans. » 



Riccoboni. 95 



On a fait sur cette actrice, qui avait été fort belle dans sa jcu- 
nesse, le quatrain suivant : 

Quels yeux tendres et féduifans, 
Et quelle figure charmante 1 
Riccoboni, fans tes talens 
Ta grdce feule nous enchante. 

M"* Riccoboni prit sa retraite en 1760 et mourut à Paris^ le 
7 décembre 1792, rue Poissonnière. 

On sait qu'elle a composé un grand nombre de romans dont 
la vogue a été grande au dix-huitième siècle et qui sont actudle- 
ment à peu près tombés dans Toubli (i). 

{PùH0mmmitt iê$ TUitrtt, VI, 47). — CmUniHtr 
hititriqmê étt Théiirtt, Pâm, CaUlMa, 1711.— 
Orimm, C»r r § t^ mdmmtê liuirmirê, 111, 490. — ' 
Mimêint $4ertU, VI, 171. — ^/auiaMA dtt fnu 
éTnfrit» 1761, par Cbtvricr. ~ BUgu^pkiê DidH, 
<- Jal, DiUi^mmmirt de hUgfpkit, p. lOSt.) 



I 



1735. — 12 aoftt. 

PlttimU du macbiniUi de la ComédU-IUdienni contre Antùimê-Froa^^^VêUiUim 
RUcobani, dit Ulio fis, qui Pavait insuité tt lui avait douai um coup de piad 
dans le vmtrê d un souJjUt. 

L*an 1735, le vendredi 12 août, fui hearesdnfoir, nous André Defacq, etc.» 
ayant M requis, nous fommes tranfporté me Montorgueil, paroifle St-San- 
veor, en une nutfon à petite porte carrée près b rue Beaorepaire, où pend 



(1) Mm fticeoWai « comfoté, 4it-oa, 1m tcéMt frufâiitt 4« Pn'acv dt Séltwmtt ccmvm iu- 
li«B «• t*m% flctct, â% Véro«4M, repréftcnié en 1744, et « collaboré à U comédie en CfmHi, 4ooi 
•00 mari c«t r««teiir et ^«t fut )ooé« es 1761. Oo lui «ttribae ««ici •w fan 4e «eUaWraiioa àêmM 
la fiece iatitulee : UJugt é* Grtméd*» caseras italiea «• troia acte* 4o«t le ««iet f«i foafsl far 
Aleiaa4r»'Looit CÛTareUi, 4it Scafis, et ^mi fut fovéa U )i 4é <a» Wa 1744 t^oa \m •■§, •• la 
s Ravier 174 s mIos les autrca. 



.- i 



96 Les Comédiens italiens. 



pour enfeignc la Téte-d'Or, dont la boutique eft occupée par le fieur Turpin, 
marchand mercier, et étant monté en une chambre au deuxième étage de 
ladite maifon, ayant vue fur ladite rue Montorgueil, avons trouvé couché dans 
un lit le fieur Jacques Lavaux, machinide de la Comédie-Italienne, demeurant 
en la chambre où nous fommes : Lequel nous a rendu plainte à rencontre du 
fieur Riccoboni Lelio fils, acteur de la Comédie-Italienne, demeurant rue 
St-Denis, près la rue aux Ours, et dit que par écrit fous feing privé fait entre lui 
d'une part et les comédiens de la Comédie-Italienne d'autre part, il y a envi- 
ron quinze ans, il s'efl engagé de travailler pour lefdits comédiens de fon 
métier de machinifte et de faire les ouvrages néceflaires pour les pièces de 
la Comédie concernant fa fonction, et les comédiens Pont admis et reçu de 
leur côté à faire lefdits ouvrages pour y refier et demeurer tant que la Co- 
médie auroit cours fans le pouvoir congédier fous quelque prétexte que ce fût, 
fi ce n'étoit en cas de caducité ; qu'il a toujours travaillé, depuis ce tems, 
pour lefdits comédiens et rempli fon devoir exactement fass aucune plainte 
de leur part, faifant fon ouvrage dans les tems marqués et en bon ordre ; que 
quoique le plaignant n'ait jamais donné aucun fujet de mécontentement au 
fieur Lelio fils, néanmoins il y a environ huit ou dix jours, fur les quatre 
heures après-micH, lui plaignant étant à travailler dans la Comédie-Italienne, 
rue Mauconfeil, aux décorations du théâtre, ledit Lelio fils, qui veut appa- 
remment le faire mettre dehors de la Comédie pour en produire un autre à 

fa place, efl venu à lui plaignant, l'a traité de b , de j... f...... de b de 

chien, et qu'il lui donneroit 20 coups de bâton ; que lui plaignant lui ayant 
demandé le fujet pour lequel il le traitoit de la forte, ledit Lelio fils lui a dit 
que c'étoit parce qu'il mettoit une ferme qu'il ne falloit pas mettre, bien que 
ce fût la quinzième fois que lui plaignant l'ait mife et que ce fût fa place or- 
dinaire dans la décoration dont il s'agiflbit ; que lui plaignant, pour contenter 
ledit fieur Lelio, a retiré ladite ferme et l'a mife â la place où il fouhaitoit; 
que depuis ce tems ledit fieur Lelio a journellement dit des injures à lui plai- 
gnant fans fujet; qu'en dernier lieu, le jour d'hier entre quatre et cinq heures 
du foir étant â travailler aux décorations et au cintre du théâtre pour une pièce 
nouvelle appelée : le Soupçonneux (i), que les comédiens fepropofoient de jouer 
le famedi fuivant, i ^ du préfent mois, et auquel ouvrage il avoit padé la 
nuit précédente, ledit fieur Lelio ed encore venu trouver lui plaignant à fon 

travail, comme il étoit au cintre du théâtre, lui a dit : « Parle donc, b I 

Pourquoi le théâtre n'efi-il pas prêt?» Que lui plaignant lui a fait réponfe 



(i) Ce n'était pas nne pièce nouTelle; c'était une reprise. LtSompfonneu*,C9.ntrûi italien en trois 
actes, de Louis-André Riccoboni, dit Lelio, avait été joué pour la première fois à la Comédie-Ita- 
lienne le 29 janvier 17J1, avec beaucoup de succès, grâce au talctit dt l'auteur qui y remplissait le 
principal personnage. 



Riccobani. 97 



qu'il rétoit â la réfcrvc d'une petite prifon qu'il alloît mettre et que Ton ne 
cotnmenceroit pas la comcMic d'une demi-heure ; qu'il ne lui a répondu que 
par des injures, l'a traité de j... f...... lui a dit qu'il lui donneroit 20 coups 

de bâton, lui adonné un coup de pied dans le ventre, un foufflet et a voulu 
mettre l'épée â la main, ce qu'il auroit fait s'il n'en avoit été empêché par les 
ouvriers de lui plaignant qui étoient préfens : Et, non contem de cela, l'a 
excité de fortir dehors de la Comédie pour le maltraiter et lui a Ciit plufieurs 
menaces et entre autres de le tuer ; que lui plaignant eft revenu chez lui, a été 
obligé de fe mettre au lit pour les bleffurcs qu'il nous a dit reflentir dans le 
corps des coups que ledit Lelio lui a donnés, vo qu'il étott auifi tombé ce 
même jour dans le cintre du théâtre de b hauteur de quatre pieds et qu'il 
croit s'être foulé une côte ; qu'il s'ed fait faigner ledit jour d'hier et nous a 
dit rdTcntir encore de grandes douleurs dans le corps. Et enfin lefdits comé- 
diens ont envoyé cejourd'hui le nommé Rollet, leur portier, chez lui plaî- 
giunt, lequel lui a dit de la part defdits comédiens qu'il eût â ne pas venir 
travailler davantage â b Comédie parce qu'il arriveroit malheur entre lui et le 
fieur Lelio, quoiqu'ils ne lui aient pas payé fes appointemens depuis quatre 
mois. Et comme lui plaignant a intérêt de fe pourvoir pour raifon du foutenn 
en b préfente plainte, il a requis notre tranfport â l'effet de nous rendre icelle 
plainte. 

Signé : Lavaux ; Defacq, 



II 



1744. — 19 juillet. 

Plainte renJiu par Antoine-Framçois-FaUmim Rùcoboni, dii LilioJUs, 
conirt um de us criatuUrs qui VmMii insulté puhliquimeiU, 

L'an 1744, le dinunche 19 juillet, cinq heures de relevée, efl venu et com- 
paru en l'hôtel et par-devant nous Jofeph Aubert, etc., fieur François Ricco- 
boni, officier du roi, demeurant â Paris, rue PUtricrc : Lequel nous a (ait 
plainte, et dit que heure préfente, paibnt me Montorgueil pour aller â b 
Comédie-Italienne, et étant près le cul-de-fac de b Bouteille, il a été furpris 
de fe voir entourer par quatre particuliers un defquels qu'il a reconnu pour 
être le nommé Frampart, marchand fripier fous les piliers des Halles, s'eft 
jeté fur foo épée pour la lui arracher en criam au voleur ; et les autres lui ont 

COM. 01; BOf. — u. 7 



^8 Les Comédiens italiens. 

faifi les bras et la gorge, ce qui a tout d'un coup amafTé beaucoup de monde ; 
que lui plaignant ne peut juger que ledit Frampart lui ait fait cette infulte 
publique, fi ce n'eft que parce qu'il lui doit quelque refle de fournitures qu'il 
lui a faites. Cependant comme les voies de fait ne font pas permifes et que 
c'eft pour la troifième fois que ledit Frampart l'attaque dans les rues à deflein 
prémédité, et qu'il a lieu de faire réprimer et punir ledit Frampart par les 
voies de droit, rapport au fcandale qu'il lui a fait et à l'infulte publique, c'efl 
pourquoi il efl venu nous rendre la préfente plainte. 

Signé : A. F. Riccoboki; Aubert. 

{Archivts nmiionmlts. Y, 14,069.) 



m 



1749. — 14 décembre. 

AntoirU'FrançoiS'Vahfitin Riccohoni, dit Lélio fils, est autorisé à prendre 

sa retraite. 

Nous duc de Richelieu, pair et maréchal de France, premier gentilhomme 
de la chambre du Roi, avons fous le bon plaifîr de Sa Majefté accordé au 
(leur Riccoboni fils dit Lelio la permiflion de fe retirer de la Comédie-Ita- 
lienne et ordonnons qu'il jouira de la penfion attribuée à ceux qui fortent 
après avoir fervi le temps prefcrit, le tout conformément aux règlemens et 
conventions de ladite troupe. 

Fait à Verfailles, ce 14 décembre 1749. 

Signé : Le Maréchal de Richelieu. 

{Arthixts n^tionaUSf O', S46.) 



IV 



1759. — 21 avril. 

Antoine^FrançoiS'Valentin Riccohoni, dit IMio fils, est autorisé à rentrer 
à la ComéJie-Italienne az'ec 500 livres ff appointements par mois. 

Nous duc d'Aumont, pair de France, premier gentilhomme de la chambre, 
chargé du détail des fpcctades 



Riccoboni. 99 



Nous avons pareillement accepté l'offre qui nous a été faite par le (leur 
Riccoboni de rentrer au Théitrc-Italien pour y rcpréfentcr tant que Tes fcrvices 
feront néccHaires et lui avons fixé fes appointeroens à la fomme de 500 livres, 
laquelle lui fera payée de mois eo mois à compter du premier du prèfent 
mois d* avril. 

A Paris, le 21 avril 1759. 



Signé : Le Duc d'AuMONT. 



{Âukittt UAti0mMUit O', S46.) 



1760. — 26 mars. 

A/'^ Sfarie-]eanfu de Heur Us de Lahorras, femme d^Antoim-FfançwS'VaUmtm 
Riccoboni, dit Ulio fils, est autorisée à pnudn sa retraite. 

Donner le congé de retraite â MU« Riccoboni qui gardera fa part pour cette 
année feulement, â condition de payer ),000 livres â un acteur. 
Paris, 36 mars 1760. 



VI 



1780. — i« avril. 

Brevet d'une pension di 2,000 litres accordée par le roi à il"' Marie^Jeanm de 
Heurtes Je Ldborras, l'euve d* Antoine-Franfois-Valentin Riccoboni, dit Lélio 
fUi. 

Brc%'et d'une pcnfion de 3,000 livres en faveur de la dame Maric-Jeaime de 
Laborris, née i Paris le 2$ octobre 171 5, baptifée le lendemain dans la pa- 
roitle St-Huilache de ladite ville, veuve do fieur Riccoboni, pour lui tenir 
lieu de la gratification annuelle de pareille fomme qui lui a été accordée fur 
les dcpcnfes extraordinaires des menus plaiûrs, tans retenue, par décifion du 
j juin 1772. 

i« avril 1780. 



100 Les Comédiens italiens. 



(Pièces JOINTES au brevet.) 

I. — Acte de ktpUwii de Af"^ Riccobom. 

Extrait du regiftre des bapttees faits en Téglife paroilEale de St-£u(lachc 
à Paris: 

L*an rail fept cent treize, le jeudi vingt-fix octobre, fut baptifée Marie- 
Jeanne, n«S^ d*hier, fille de Chrillophe de Laborras, intérelTé dans les affaires 
du Roy, et de demoilelle Marie Pujacque (i), fa femme, demeurant rue des 
Bons-Enfans. Le parrain : Jean Gervais (2), banquier à Lyon; la marraine : 
Marie-Geneviève JoUain, fille de défunt Guillaume JoUain, marchand à Lyon, 
lefquels ont figné ; le père abfent. 

3, .1 DéclaraHan autographe de M^ Riccohoni relativement à sa pension, 

Marie-Jeanne de Laborras, veuve de François Rîccobonî, née à Paris le 
vingt-cinq octobre 171 3, demeurant à Paris, rue Poiffonnière, près la rue 
Bergère, déclare jouir, depuis le premier janvier 1772, de deux mille livres de 
gratincution annuelle employée fur les états des menus plaifirs du Roi, dont 
elle a été payée de fix mois enfîx mois, jufqu'au premier janvier 1779, P^^ ^^ 
tréforier des menus plaifirs. Laquelle gratification cû la feule grâce que ladite 
Marie-Jeanne de Laborras tienne de Sa Majedé, qui a bien voulu la lui ac- 
corder en faveur de fes travaux littéraires. 

i'criifié véritable à Paris, ce fcizc juin mille fept cent foixante-dix-neuf. 

Signé ; Marib-Jbanne de Laborras, veuve de François Rîccobonî. 

(4rtiiWi méU^nûUi, Qi, 686.) 

IV.v, BAtLKïTi (Antoinb-Étienne); Dehesse (Jean-Baptiste-François). 



R 



IVif.RK (Catherine- Antoinette FOULQUIER, femme 
de M. de), dite Catinon. 

K*)>Xt Bkrtina«i (Charles-Antoine); Catinon (Catherine-Antoinette 
POULQVUR» dite); Dkuesse (Jean-Baptiste-François). 

(l> IUm r*v<» 4» m«rUge de M"* Riccoboni, sa mère est appelée Marie-Marguerite Dujac. 
(I> C» |m« U«f v«U «v«U épousa, Tannée précédente, une célébrité des théâtres de la foire, Gcr- 
M ^ I^^Mt 4tl« Uk IMU T^wmêfU9t dont il m sépara du reste judiciairement et avec scandale peu après. 



Rochard. loi 

ROCHARD DE BOUILLAC (Charles-Raymond). Issu 
d*unc honorable famille parisienne qui lui fît donner une 
bonne éducation, Charles-Raymond Rochard de Bouillac, après 
s'ùtre (ait recevoir avocat au Parlement, fut pourvu, le 26 no- 
vembre 1733, de l'office de substitut du procureur général aux 
requêtes de THôtel. Mais son goût l'entraînant vers le théâtre, 
il se défit de sa charge, entra à l'Académie royale de musique, où 
il séjourna peu, et à la Comédie-Italienne, où il débuta, le 19 no- 
vembre 1740, dans le Superstitieux, pièce française en trois actes 
et en vers libres, de Jean-Antoine Romagnesi. Chanteur agréable 
et bon acteur, il fut reçu au mois de décembre de la même année. 
Il a créé avec un grand succès le principal rôle dans la Servante- 
Maltresse, comédie en deux actes, de Baurans, musique de Per- 
golèsc, représentée le 14 août 1754 et où il fut du reste admira- 
blement secondé par M"* Favart. 

La Servante-Maîtresse attira longtemps la foule à la Comédie- 
Italienne et fut reprise, le 19 octobre suivant, dans une représen- 
ution donnée au bénéfice de ces deux artistes et de Dehesse, leur 
camarade, en même temps que les Amours champêtres, pastorale 
de Favart, et les Amours de Bastien et de Bastienne, parodie par 
M** Favart et Hamy. 

Rochard a été aussi très-appbudi dans Ninette à la Cour, ou U 
Caprice amoureux, pièce de Favart représentée le 12 février 174$. 

Après une carrière dramatique assez belle, Rochard prit sa 
retraite en 1 764. 

On a fait sur lui le quatrain suivant : 

Rochard en chantant, fur de plaire. 
Nous prouve bien rcnfiblemeiit 
Qpe b voix eft naoins néceflaire 
Qpe le goût et le fentiment. 

On attribue ï ce comédien une pièce en deux aaes et en 



102 Les Comédiens italiens. 

vers : V Amant trop prévenu de lui-mime, qui fut jouée à la Co- 
médie-Italienne le 9 novembre 1781. 
Rochard vivait encore au commencement de Tannée 1789. 

{Dictionnaire dts ThUtrtt, VI, 715. ^ CmUmdrier 
iistoriqu* du Thiiiru, Paris, CaiUeaa, 17s i* *-> 
Almaniuh dêt gtns Jtttprit, par Chrrrier, 1762. 
— Mémoires secrets, l, $2, XVIII, 14s •) 

I 

Ï733' — ^ novembre. 

Charles-Raymond Rochard de Bomïïac est nommé substitut du procureur général 

du Roi aux requêtes de V Hôtel. 

Louis, par la grâce de Dieu, etc., favoir faifons que pour l'entière con- 
fiance que nous avons en la perfonne de notre cher et bien-amé maître 
Charles-Raymond Rochard, avocat en notre cour de Pariement de Paris et 
en fes fens, fuffifance, capacité et expérience au fait de judicature, fidélité et 
affection en notre fervice, pour ces caufes et autres, nous lui avons donné et 
octroyé, donnons et octroyons par ces préfentes l'office de notre confeiller 
fubditut des avocat et procureur pour nous aux requêtes de notre Hôtel que 
tenoit et exerçoit maître Jacques-Charles Thévart, dernier poiïefleur, etc. 

Donné à Paris, le 26^ jour de novembre l'an de grâce 1735 et de notre 
règne le 19e. 

Le fieur Rochard, dénommé èfdites lettres, a été reçu, ouï le procureur gé- 
néral du Roi, fuivant l'arrêt du 3 décembre 1733. 

{Archives nationales, \\ i^oy) 
II 

1746. — 27 décembre. 

CharîeS'Raymond Rochard de Bouillac rend plainte contre un maltre-marichal qui 

V avait insulté, ainsi que sa femme, à diverses reprises. 

» 

L'an 1746, le mardi 27 décembre, quatre heures de relevée, cfl venu et 
comparu en l'hôtel et par-devant nous Jofeph Aubert, etc., fieur Charles- 
Raymond Rochard de Bouillac, l'un des comédiens italiens ordinaires du Roi> 
demeurant rue Thévenot : Lequel nous a rendu plainte et dit qu'il a été forcé 



Rocbard. 103 



de ne fc plus fcrvir du nomme Rovilain, maltrc-maréchal, pour avoir par trois 
fois piqué par impéritic fcs chevaux en les ferrant- Qu'en haine et pour fe 
venger de ce qu'il Tavoit quitté, il lui a fait faire pluficurs fois la dcmiiuie 
par (à femme de laf ommc de ùx livTes qu'il prétend lui être due, laquelle 
ii>mme il ne doit point. Que le jour d'hier ledit Rovilain, accompagné du 
nommé Caron, vinrent chei lui. Qpe fa fervante lui ayant répondu que lui 
plaignant n'étant pas a Paris, il s*e(l mis X proférer hautement dans la cour 
des injures contre fon honneur et réputation, le traitant de voleur, fripon et 
banqueroutier. Que l'époufe de lui plaignant, ayant entendu toutes les injures 
qu*il avoit proférées, envoya dire audit Rovilain de venir lui parler en cas 
qu'il lui fût dû quelque chofe, qu'elle le payeroit et lui donneroit une quit- 
tance. Que ledit Rovilain ne voulut pas venir lui parler et fit dire qu'il vien- 
droit le mardi. A laquelle fervante il répéta encore totxtes fortes d'injures 
contre lui. Que cejourd'hui, fur les trois heures de relevée, ledit Rovilain, 
accompagné dudit Caron et d'un autre particulier, font venus chez lui, et 
comme il n*y étoit pas et qu'il n'y avoit que fon époufe, il n'y a fortes d'in- 
jures qu'ils n'aient dites contre lui plaignant. Et fur ce que ladite dame fon 
époufe lui a repréfenté le tort de parler ainfi, il a traité fon époufe indigne- 
ment, lui difant qu'elle étoit une p , une g...., qu*il lui f. vingt coups 

de pied dans le ventre. Lefquelles menaces il fit fi hautement que des loca- 
taires de (à nuifon, qui favoicnt que lui plaignant n'étoit point chez lui et 
fcandalifcs des injures atroces d menaces que ledit Rovilain faifoit i ladite 
dcmoifelle Rochard, ne purent s'empêcher de defccndrc pour empêcher qu'elle 
ne fût maltraitée. Que lui plaignant rentrant chez lui dans l'inllant avec fon 
bcau-frcre et ayant entendu les injures et menaces que ledit Rovilain faifoit 
i fon époufe, il n'a pu s'cmpéchcr, trouvant ledit Rovilain dans le bas de Tef- 
callcr, de lui représenter le tort qu'il avoit d'infulter fon époufe ; mais qu'au 
lieu de fe retirer, il répéu i lui-même toutes les mômes injures, et le traita 
de fripon et de banqueroutier, ce qui fît qu'il le prit par les épaules pour le 
mettre hors de chez lui. Et comme il ne connoifToit pas lefdits deux particuliers 
qui étoient avec ledit Rovilain et voyant que ledit Rovilain vouloit porter la 
main fur lui, lui plaignant et fon beau-frêre furent obligés de mettre Fépéeà 
la main pour contenir ledit Rovilain et les deux particuliers qui étoient avec 
Isi'i. Que lui plaignant, â la vérité, irrité de fes injures et de fes menaces, lui 
porta un coup de pied dont il cft tombé par terre et s'eft mis k crier pour 
ama(Tcr la populace et lui Caire un fcandale. Et comme il a intérêt d'avoir 
raifun d'une parâllc infultc, il cft venu notis rendre la préfente plainte. 

Signé : Rocuaid de BouaLAC. 

{Ârtkmm mMi»»mmUi»y, 14,071.) 



104 ^^^ Comédiens italiens. 



III 



1746. — 27 décembre. 

Plainte rendue par un maitre-maréchal contre Charles-Raymond Rocbard de BouUlac 

qui Vavait insulté et roué de coups. 

L'an 1746, le mardi 27 décembre, quatre heures de relevée, eft venu et 
comparu par-devant nous Jofeph Aubcrt, etc., en notre hôtel, Jean-Pierre 
Rovilaîn, maitre-maréchal à Paris, demeurant rue Montorgueil : Lequel nous 
a rendu plainte et dit que le iieur Rochard, un des acteurs de la Comédie- 
Italienne, demeurant préfentement rue Thévenot, qui lui doit la fomme de 
18 livres pour reliant de ferrures qu'il a faites à fes chevaux, la demoifelle fon 
époufe envoya, le jour d'hier dans l'après-midi, fa fervante lui dire de venir dans 
l'inftant pour chercher de l'argent parce que le fieur Rochard n'y étoit pas. 
Qjie lui ayant dit qu'il n'y pouvoit y aller dans l'inûant, étant à travailler, 
ladite fervante lui dit de venir donc le lendemain à la pareille heure. Q.ue ne 
fe trouvant pas encore en état d'aller cejourd'hui chez ledit Heur Rochard, 
il y avoit envoyé fon époufe, et à fon retour elle lui dit que c'étoit lui que 
l'on demandoit afin de pouvoir donner fa quittance et que s'il attendoit â de- 
main il n'auroit rien; ce qui fit que lui plaignant alla auflitôt chez ledit fieur 
Rochard et ayant parlé à l'époufe dudit fieur Rochard, qui lui dit que ledit 
fieur Rochard ne lui devoit que fix francs. Que lui dépofant lui ayant répondu 
qu'il lui étoit dû 18 livres et qu'il le feroit connoitre au fieur Rochard lorfqu'il 
feroit à Paris, parce qu'on lui avoit dit que ledit fieur Rochard n'y étoit pas, 
et il s'cft retiré. Mais a été fort furpris, en fe retirant, de trouver ledit fieur Ro- 
chard à fon padage avec deux particuliers et deux domefiiques tenant tous 
deux des manches à balai, et ledit Rochard avec les deux autres particuliers, 
l'épée nue, lequel après l'avoir injurié et avoir fait fermer la porte de la cour 
qui donne dans la rue, l'a maltraité de coups de manche à balai qu'il tenoit, 
dont il lui en a donné un coup fur les reins qui l'a renverfé par terre, et les 
domediques lui ont porté un fur la tète. Que ledit Rochard non content de ce, 
voulut le percer de fon épée, ce qu'il auroit fait fi le fieur Caron, maître- 
teinturier, ami de lui plaignant, ne s'étoit mis au-devant. Que c'eft avec beau- 
coup de peine qu'on l'a relevé, étant prefque mort. Que ledit fieur Rochard, 
après lui avoir donné le coup de manche à balai fur les reins et croyant l'avoir 



Rochard. 105 



tué, lui rafla de la pointe de Ton épée la joue en difant : <c Achevons-le I » Que 
comme il ne peut douter que ces infultes et voies de fait ne lui aient été 
faites de deflein prémédité, puifque l'on favoit qu'il devoit venir aujourd'hui 
chez ledit Rochard et que la demoifelle fon époufe lui avoit dit qu'il n'y étoit 
pas, et qu'il fe trouve dangereufement blelTé tant aux reins qu'à la tète, il efl 
venu nous rendre la préfente plainte. 

Signé : Rovilain. 

(Arthipa uatiouaUs, Y, 14,071.) 



IV 



1763. — 29 mars. 

L'ordre de retraite précédemment donné à Charles-Raymond Rochard de Bouilïac 
est reculé (Pune année à la condition qu'il remplira plus exactement son devoir 
et qu'il prendra des arrangements avec ses créanciers. 

Nous duc de Duras, pair de France, premier gentilhomme de la chambre 
du Roi, 

Avons prolongé l'ordre de retraite du (ieur Rochard, donné par nous Tannée 
dernière, encore cette année, à charge par luy de faire plus exactement fon 
devoir et de fe tenir prêt à tous les rôles jugés néceffaires par la troupe pour 
le fervice du public et de prendre, tant vis-à-vis du caiflier que de fes autres 
créanciers qui nous portent journellement des plaintes, des arrangemens con- 
venables, dont ledit caif&er nous rendra compte et à cet effet ledit caiflier 
fera recette de tous les feux, manfes, jetons domeftiques, revenant bons de la 
cour, penûon et autres fur lefquels il fera accordé audit Rochard 200 livres 
par mois et le furplus employé à l'acquit de fes dettes tant vis-à-vis de la 
troupe que du caiflier et autres privilégiés; ladite continuation ne lui ayant 
été accordée qu'à cette confidération. 

Fait à Verfailles, ce 28 mars 1763. 

Signé : Le Duc de Duims. 

{Arthipes nationales, O', 846.) 



loé Les Comédiens italiens. 



1763. — 8 octobre. 

Plainte rendue par Charles-Raymond Rochard de Bouillac contre un huissier-priseur 
qui Vavait insulté et traité de gibier à commissaire. 

L'an 1763, lefamedi 8 octobre, cinq heures et demie du foir, en Tbôtel et 
par-devant nous Pierre Chénon, etc., eft comparu fieur Charles-Raymond 
Rochard de Bouillac, l'un des comédiens ordinaires du Roi, demeurant à Paris, 
rue Ste-Barbe : Lequel nous a dit, qu'étant padé par hazard dans la rue 
Poiffonnière, il a vu une affiche de vente à la première porte cochère en en- 
trant par le boulevard dans la maifon d'un vemifleur de carrofTes; qu'étant 
monté au fécond chez le défunt fieur Guigne, premier valet de garde-robe du 
Roi, il y a entendu crier à 48 fols un habit par morceaux de foie teinte en 
noir; que le plaignant d'enchère en enchère l'a pouffé à 12 livres trois fols, 
fur la criée d'un gros homme vêtu de gris. Le plaignant a entendu nommer 
fon nom difant que l'habit lui étoit adjugé; qu'en conféquence le plaignant 
ayant pafTé dans un petit cabinet donnant dans la chambre où fe faifoit la 
vente, en voulant remettre lefdites douze livres trois fols à un particulier 
habillé de noir, il a demandé à voir fi l'habit étoit complet ; qu'on lui a offert 
quelques morceaux de ladite étoffe en lui difant que c'étoit ce qui lui étoit 
adjugé ; que le plaignant s'étant récrié fur le peu d'étoffe qu'il y avoit, ledit 
particulier habillé de gris lui dit que s'il avoit d!né il allit rendre fon dtner 
ailleurs, et que ce n'étoit pas là qu'on jouoit la comédie; qu'à de pareils 
propos le plaignant lui a dit qu'il étoit un f.... infolent; que ledit habillé de 
gris lui a répondu qui! avoit tort de le troubler dans fes fonctions et qu'un 
gibier à commiifaire comme lui n'étoit pas fait pour lui tenir de pareils 
propos; que le plaignant lui a répondu que puifque il fe déclaroit Thuifller 
prifeur il ne lui feroit pas ce qu'il méritoit pour fes injures, étant dans fes 
fonctions. Auflît6t le plaignant s'efi retiré proteflant qu'il alloit fe pourvoir 
pour raifon des infultes. Pourquoi le plaignant efl venu nous rendre plainte. 

Signé : RoCHARD DE Bouillac; Chénon. 

{Archiva nationales. Y, xi,3Si.) 

Voy. Bertinazzi (Charles-Antoine); Lejexjne Oban-François). 



Romagnesi. 107 

ROMAGNESI (Marc-Antoine), dit Cinthio. Marc-An- 
toine Romagnesi, né à Vérone vers 1633, était le fik de 
N. Romagnesi qui jouait, dans l'ancienne troupe italienne, les 
amoureux sous le nom d'Orazio, et de Brigida Bianchi, dite 
Aurélia, qui remplissait dans b même troupe Temploi des amou- 
reuses. 

Orazio mourut en 1660 et Aurélia décéda au mois de no- 
vembre 1703, rue Saint-Denis, près la communauté de Saint- 
Chaumont, à Tige de 90 ans. 

Leur fils débuta à la Comédie-Italienne en 1667, sous le nom 
de Cinthio, et y remplit successivement les emplois des seconds 
Cl premiers amoureux jusqu'en 1694, époque où il prit les rôles 
de docteur . 

Après la suppression de la Comédie-Italienne en 1697, Marc- 
Antoine Romagnesi, qui s'était fait naturaliser Français en 168$, 
continua à séjourner à Paris, où il mourut le 28 octobre 1706, 
rue Saint-Denis. Il fut enterré le lendemain en l'église Saint- 
Laurent. 

De son mariage avec Julie-Êlisabeth de Léglise, il eut plusieurs 
enfants dont deux seulement, GaStan et Charles-Virgile, se firent 
comédiens. Il sera parlé d'eux plus loin. 

« Cinthio, dit le Livre fans nom, étoit un homme d'efprit et 
a compofè en vers et en profe. Il fit imprimer en Italie, en 1673, 
un volume de Poifies héroïques et amoureufes, f ocrées et morales, 
qui furent très-eftimées par les plus fameux pointes d'Italie. Il étoit 
bon philofophe, favant dans les belles-lettres, d'une converfation 
douce, les manières polies et les fentimens pleins d'honnêteté. » 

Marc-Antoine Romagnesi a aussi composé plusieurs pièces à 
canevas qui furent représentées avec succès à la Comédie-Ita- 
lienne. 

{Hutmft éê Témngm Théitrt tulitm, f . gj «t 14. 
— Jal, Dutiêmméin dt hUgfpkit^ f. lolt.) 



io8 Les Comédiens italiens. 



I 

1685. "- Décembre. 
Lettres de naiuralité accordées à Marc-Antoine Romagnesi, dit Cinthio, 

Louis, par la grâce de Dieu, roi de France et de Navarre, à tous préfens et 
à venir, falut. Notre amé Marc -Antoine Romagnefi, natif de Vérone en 
Italie, faifant profeffion de la religion catholique, apodolique et romaine, 
nous a fait remontrer qu'il s'eft habitué dans notre ville de Paris depuis lon- 
gues années et qu'il défireroit finir fes jours dans notre royaume, et y vivre 
comme notre vrai et naturel fujet et regnicole, nous fuppliant très-humble- 
ment de lui accorder nos lettres fur ce néceffaires. A ces caufes, voulant 
favorablement traiter ledit fieur Romagnefi, favoir faifons que de notre grâce 
fpéciale, pleine puiffance et autorité royale, nous l'avons tenu, cenfé et réputé, 
reconnoifTons, tenons, cenfons et réputons par ces préfentes fîgnées de notre 
main pour notre vrai et naturel fujet et regnicole, voulons et nous plaît qu'il 
puifTe demeurer en notredite ville de Paris ou tel autre lieu de notre royaume 
qu'il défirera et qu'il y jouiffe des mêmes privilèges, franchifes et libertés 
dont jouiffent nos vrais et originaires fujets, etc. 

Donné à Verfailles, au mois de décembre l'an de grâce 1685 et de notre 
r^e le 43e, figné : Louis, et fur le repli, par le Roi : Colbert, et fcellés du 
grand fceau de cire verte. 

{Archives nationaUt, Z, 6,0x4.) 



II 



1688. 

Marc-Antoine Romagnesi, dit Cinthio, touche tant pour lui que pour ses camarades 
une somme de $^o livres pour comédies jouées devant le Roi. 

A Cinthio, l'un des comédiens italnns, tant pour lui que pour la trouppe, 
la fomme de trois cent quatre-vingt-dix livres pour cinq comédies par eux 
jouées à Verfailles pendant les fix derniers mois. . . . III« IIII" X livres. 

{Arthiv*! nmtionmlêt, KK, 314.) 



Romagfusi. 109 



III 



t6^. — > Octobre et novembre. 

Plainti rendue par Marc- Antoine Romagnesi, dit Cinthio, tant pour lui que pour 
plusieurs de us camarades, contre ditrrs autres comédiens de la même troupe au 
sujet du litre d^Èvariste Gberardi intitulé : Théâtre-Italien. 

L'an 16^, le 30* jour d*octobre, huit heures du foir, eft venu en l'hdtel de 
nous Claudc-Euibche de Barry, etc., Marc- Antoine Romagnefi dit Cinthio, 
unt pour lui que fe portant fort et ayant charge de demoifelle Urfule Cortezâ, 
veuve Dominique BiancoIlcUi dit Arlequin, demoifelle Françoife BiancoUelU 
dite IfabcIIe, demoifelle Catherine Biancollclli dite Colombine, femme de La- 
thorillicrc, et Thibcrio Fiorilli dit Scaramouche ancien : Lequel nous a fait 
plainte et dit que Évaridc Ghcrardi dit Arlequin ayant fait imprimer et débi- 
ter un livre fous le titre du Thédtre- Italien, ou Recueil de toutes les f cènes françoifes 
qui ont été jouées fur le Thédtre-Italien de V hôtel de Bourgogne, les fufnommés et 
leurs camarades auroicnt obtenu un arrêt du Confcil privé, le 17 feptembre 
dernier, portant que le privilège obtenu par ledit Ghcrardi, le 24 mai dernier, 
pour imprimer le Ii\Te en qucilion feroit rapporté, avec défcnfe audit Ghe- 
rardi, i Guillaume Deluyne, libraire, et tous autres de s'en fervir ni faire 
aucun débit dudit livre, fous les peines portées par ledit arrêt et, i cet effet, 
que la planche feroit rompue et que les exemplaires faifis et féqueflrés, éunt 
en les mains des huiffiers, feroient remis en celles des demandeurs ; mais, de- 
puis l'obtention dudit arrêt, ayant tous goûté les raifons dudit Ghcrardi, ils 
feroient tous demeurés d'accord, dans une aflfemblée faite entre eux le 27 de 
ce mois, que ledit livre pouvoit être de quelque utilité au public et i leur 
troupe, ne feroit pas fupprimé mais vendu et les deniers en provenant didri- 
bués entre eux égalemem. Cependant, au mépris de cette convention, les 
plaignans ont été furpris d'apprendre que Conibmino ConlUntini dit Gradelin, 
Jean-Biptide Conliantino dit Ocuve, Jofeph Gératon dit Pierrot, Jofeph Tor- 
toriti dit 5>caramouche le jeune et Michel Fracanfani dit Polichinelle, animés 
et pouiTés par Angclo Conllantini dit Mésetin, ont réfolu, entre eux, de brûler 
ledit livre, quoiqu'il ne foit pas ainfi ordonné par ledit arrêt et d'auunt que 
les plai^^nans ne fc font pas trouvés de cet avis par les raifons dcflus dites, iU 
ocit été confcillcs de nous rendre la préfcntc plainte. 



iio Les Comédiens italiens. 



Et le 5« jour de novembre audit an 1694, neuf heures du matin, eft derechef 
venu en Thôtel de nous commiffaire fufdit ledit de Cinthio, lequel, en conti- 
nuant les plaintes à nous par lui, audit nom, cy devant rendues, nous a, 
d'abondant, fait plainte et dit que ledit jour 30 octobre dernier, en fortant de 
notre hôtel, étant rentré dans leur hôtel de Bourgogne, il a été furpris d'ap- 
prendre que ledit Mézetin, leul, ayant figné un acte fous feing privé portant 
que les exemplaires du livre en quedion feroient brûlés quoique ledit arrêt 
n'en ait ordonné que la fuppreflion. Difant hautement ledit Mézetin que, quoi- 
qu'il fût feul de fon parti, au préjudice du réfultat fait en ladite afTemblée du 
27 octobre dernier, portant que ledit livre feroit vendu au profit de leur 
troupe, il prétendoit qu'il fût brûlé. Ce qui auroit obligé les plaignans de faire 
lignifier, fur-le-champ, un empêchement audit Mézetin, en fon domicile, par 
Ledoux, huifiler à cheval. Au préjudice duquel les plaignans ont appris que 
ledit Mézetin n'avoit pas laififé que de faire fupprûner et lacérer lefdits exem- 
plaires qui eftoient es mains de l'huifiier Boivin : Prétendant les plaignans de 
n'être aucunement tenus des frais, dépens, dommages et intérêts que ledit 
Arlequin pourroit obtenir en cas qu'il obtienne à fes fins, etc., que fon pri- 
vilège fubfide, les auteurs defdites fcènes françoifes lui ayant donné leur con- 
fentement, par écrit, de les faire imprimer. 

A cette plainte est joint un exemplaire imprimé de Varrêt du Conseil privé; il 
est ainsi conçu : 

Sur la requête préfentée au Roy en fon confeil par les comédiens italiens 
entretenus par Sa Majedé, contenant que le nommé Gherardi dit Arlequin, 
l'un d'entre eux, par une entreprife et une infidélité inouïe, a tiré adroitement 
de celui qui en étoit dépofitaire toutes les pièces et fcènes détachées qui ont 
été repréfentées depuis trente ans fur le théâtre des comédiens italiens, lef- 
quelles pièces les fupplians apprennent que ledit Gherardi a fait imprimer fous 
le titre du Théâtre-Italien, ou Recueil de toutes les fcènes françoifes qui ont été 
jouées fur le Théâtre-Italien de l'hôtel de Bourgogne, en un vol. in- 12, en vertu 
d'un privilège qu'il a furpris le 24 mai dernier, infpirant contre la vérité que 
cette imprefiion fe faifoit du confentement de la troupe, qui au contraire a un 
intérêt enfible de s'oppofer à l'exécution de ce privilège et d'empêcher le 
débit qui va fe faire de ce livre, parce que les pièces de théâtre reprennent tout 
leur agrément et deviennent pour ainfi dire comme nouvelles lorfqu'elles ont 
été quelques années fans être jouées, en ce que les idées en font effacées par 
la fufpenfion des repréfentations ; au lieu que fi cette impreflion avoit lieu, 
elles deviendroient publiques et communes, que les fupplians n'oferoient plus 
fe flatter d'aucun fuccès en les jouant fur leur théâtre qui tomberoit infailli- 



Romagmsi. m 



blemcnc. Mais quand ces conûdérations importantes cefleroicnt, il eft certain 
que ce nommé Gherardi n'a eu aucun droit de furprendre en fon nom ce 
pri\ilcgc, parce que les comédies qui ont été repréfentées depuis trente ans 
doivent être confidérées comme une efpèce d'immeuble qui compofe tout le 
fonds de la troupe i laquelle ces comédiens appartiennent comme les ayant 
acquifes des auteurs auxqueb ils en ont payé le prix. C'eft pourquoi il y a 
toujours eu un d'entre eux prépofé exprès pour demeurer dépoHtaire de ces 
pièces, afin d'en diflribuer les rôles fuivant que la troupe le juge i propos. En 
forte qu'il n'a jamais été permis i défunt Dominique dit Arlequin d'imprimer 
un acte de b comédie fous le titre de Grapigmm (i) ; ce qui eft tellement 
coona audit Gherardi, que lui-même fâchant le préjudice que ces fortes d*im- 
prcflioDS poQvoient faire, de concert avec la troupe, empêcha il y a eimn» 
un an celle que l'on d'entre etn vouloit hkt faire d'une antre pièce; et 
comme cette entreprife obligeroit les fupplians de fermer abfolument lettr 
théitre qui eft entretenu par Sa Majeflé, et que les fopplians n'ont jamais fu 
le defTein dudit Gherardi qui a furpris ce privilège, en vertu duquel il a fait 
imprimer dandeflinement plus de deux mille volumes de ce nouveau livre, 
dont le débit iroit contre l'intention de Sa Majefté, l'intérêt do poblic et celui 
<k3 fupplians qui auroient peine i fe réfoudre de jouer des pièces que le vul- 
gaire fauroit par cœur et qui n'auroiem plus aucun agrément : i ces caufes 
rtquérotent les fupplians qu'il plût à Sa Majeflé ordonner que le privilège 
fubrepticemcnt obtenu par ledit Gherardi, le 24 mai dernier, poor imprimer 
Icfdites comédies fous le titre de Thédtrê-Italiin, etc., fera rapporté avec dé- 



(0 E« i4li, DoMiai^o* avait, tous 1« nom ^«a tit«rCbarl«I>ftf««ac«,f«it iaifriacr ctttt ^ikf 
MtitiiU« Gf*fifU4im, — JrU^mém ^o€mreur. Mai* Ict cooiMkat iuli«a4 obtiartat U nipprinioa au 
livrt ^ui fut 4èfca4u p«r un ârrét 4n CooMtl 4'Êut doat void la ttaaar : 

• Sar la rt^alw préCtatéa aa Roi aa foa CoafaU ft l— coaiMiaaa haBwn ia S. M., caataaaat 
^aa la aoaia»è Charlat Daraanca ayaat trouvé aMtyaa ia faira faira copia 4*aaa 4a laan piècat ao«i> 
vclW* iatitttléc Gwafifnmmt •• Arleqmim fr^urtur, Û anroit au la témirité 4a 4aaMa4ar à S. M. aa 
fnrtUga pour laipriaiar laiita piéca comaM t'il aa avoit été faataiif ou aa aftt aa la coaCaataaaal 
4c« foppliaat ; laquai privilèga il aurait (wfriê 4a S. M. la 17 4*caaiW« iaraiar aUaia, paf aaa aoa- 
ttUt fsparcharia, ajraat iatitvU foa maaafcHt : Vast^li# raaitf •#, qaoU|aa la livra qa*it a fait impriaiar 
aa fptt fort dtlTèraat at (bit toua la ooai 4a C^mUit. Daqaal piivUéga il aoroh traité avac la aoauaé 
BUfaart, liWaira, qui a fait cctta im^afîoa. Et eoeiaia aaa aatrtpnfa 4a catta qualité Unki tréa- 
prépi4t<MMa aui fuppliaat» fi alla étott toléréa, raquéroiaat qa*il piftt à S. M. or4oaaar qaa laiit 
pnvtléfa fara rapponé, qu*U laur Cera paraii* 4a faira faifir lat aiampUkaa 4a4ît livra qui (a troa* 
«aroat cImj Ia4it BUfaart, la coa4aaiaar atai qaa Ia4it Daraaaaa aa toai laart éépaaa, 4oaiaMfaa 
et latarétt, é^9<. 4éfrniie à tout Ubrairaa at impriaMon 4*iBpriaar laa piécaa 4aa AippUaat ûaM 
laar coataataaMat. 

• Va Ia4tta rcquHa at Kaatrait 4u4it priviléfa, teat coafi4éré : Sa Maiaêé aa foa CoaCdIa ottloaaé 
ai oréoaac qua l«« latiraaéu privUéga 4tt4it )our 17 4éca«Wa 4arakr, oteaaoaa par Ia4it Daraaaaa, 
Crra«t ta<aflamaiaat rapportéaa pour Itra fuppriaiécs f<fti< 4èfaafa aa4it Blafaart at 4 toat aatraaia 
•'es («rvir et en conrcqu«a<a 4'Mclir« v«n4rc ni éebiirr Ic4it livra à paiaa 4a 1,(00 livra* 4*aaiaa4a. 
Orioana rn outre S. îl . ^uc tout Ut ctampUirct 4u4it livra qui f< troavaroat impriaiéa aa «arta 
4u4it privilcKc feront iaiût pour étra parciUaaanl fuppriaiéa. 

• A VarOtUaa, U al févriar 1U4. Sifaé : Lm TatUtt. • 

(<4rcéta«r aaliaaaiu, E, i,tJ).) 



112 Les Comédiens italiens. 



fenfe audit Gherardi et à Guillaume Deluyne, libraire, à qui il a cédé et à 
tous autres de s'en fervir, ni de faire aucun débit des exemplaires dudit livre, 
à peine de 3,000 livres d'amende, applicable moitié au dénonciateur, l'autre 
moitié aux fupplians, leur permettre de faire faifir et arrêter lefdits exem- 
plaires, pour en être la table rompue, et que les exemplaires qui fe trouvent 
avoir été faifis et mis en féquedre par ordre verbal de M. le Chancelier es 
mains des huifliers de la chaîne qui en font dépofitaires, foient remis en celles 
des fupplians ; quoi faifant lefdits huifliers en demeureront bien et valable- 
ment déchargés partout où ils feront, condamner ledit Gherardi en tous les 
dommages et intérêts des fupplians et en tous leurs dépens. Vu ladite requête 
fignée Perrin, avocat et confeil des fupplians, le fufdit livre imprimé fous le 
titre de Théâtre-Italien, ou Recueil de toutes les fcènes françoifes qui ont été jouées 
fur le Théâtre-Italien de V hôtel de Bourgogne, en un vol. in-12, à la fin duquel 
eft le privilège de l'imprimer, obtenu fubrepticement par ledit Gherardi le 
24 mai dernier ; la délibération des fupplians pour s'oppofer à l'exécution de 
ce privilège, et en demander le rapport et autres pièces attachées en ladite 
requête : Ouï le rapport du fieur d'Emothon, maître des requêtes, commiflaire 
à ce député et tout confidéré ; le Roi en fon Confeil, de l'avis de M. le Chan- 
celier, a ordonné et ordonne que le privilège obtenu par ledit Gherardi le 
24 mai dernier pour imprimer le livre dont eft queftion, fera rapporté. Fait 
Sa Majefté défenfe audit Gherardi, à Guillaume de Luyne, libraire, et à tous 
autres de s'en fervir ni de faire aucun débit des exemplaires dudit livre, à 
peine de 1,500 livres d'amende, et à cet effet que la planche en fera rompue. 
Ordonne Sa Majefté que les livres faifis et féqueftrés étant es mains des huif- 
liers, feront remis en celles des fupplians, en payant par eux préalablement 
ce qui refte dû audit libraire et au papetier, leur permet de les faire faifir par- 
tout où ils fe trouveront ; condamne ledit Gherardi pour tous dommages et 
intérêts, frais de faifies des huifliers et dépens du préfent arrêt, en la fomme 
de 200 livres, laquelle il fera tenu de payer auxdits fupplians. 
Fait en confeil privé du Roi, tenu à Paris le 17e jour de feptembre 1694. 

Signé par collation : Desvieux. 

En exécution de l'arrêt du Confeil ci-deftus et du confentement de la troupe, 
les exemplaires dudit livre ont été fupprimés et lacérés, ainfi qu'il réfulte du 
procès-verbal du commifTaire Lemaiftre, du 30 octobre 1694, et la planche 
rompue. 

{Archives nalioMalet, Y, 11,123.) 



Romagnesi. 113 



IV 



1694. — 22 décembre. 

Pour sauvegarder sa responsabilité, Marc-Antoine Romagnesi, dit Cinthio, vient 
déclarer à un commissaire qu'il a renvoyé de son domicile, où il le logeait depuis 
deux ans, un ecclésiastique italien nommé Raffo, ancien précepteur de l'un de ses 
enfants, qui se vantait partout défaire découvrir des trésors et qui cherchait la 
pierre philosophale. 

L'an 1694, le 22* jour de décembre, huit heures du matin, eft venu en l'hôtel 
de nous Claude-Euftache de Barry, etc., Marc- Antonio Romagnefi, dit Cintio, 
Tun des comédiens du Roi dans fa troupe italienne: Lequel nous a fait plainte 
et dit que le 28 octobre 1692, un eccléfiaftique nommé Raffo, Italien, le vint 
trouver et le pria de lui donner quelque fecours d'argent et de lui procurer 
quelque bien dans la troupe, lui marquant qu'il étoit dans un extrême befoin; 
de forte qu'il lui donna quelque argent, lui confeillant d'aller trouver lui* 
même fes camarades, ce qu'il fît fans grand fruit. Mais ayant reconnu que 
ledit Raffb avoit de l'acquis, étant philofophe et théologien, et qu'il pouvoit 
être de quelque utilité auprès de Belmont (i), fon fils, qui étoit revenu de 
Rome fans achever fes études, quoiqu'il y eût trois ans qu'il l'y eût envoyé à ce 
fujet. Il le logea chez lui, le fit habiller de pied en cap et lui donna fa table. 
Mais au bout de fix mois ledit Belmont, après avoir achevé fa logique, ayant 
marqué de la répugnance à achever des études û pénibles, il les quitta. Et 
ledit Raffo, n'ayant aucun bien ni afile,*prialui plaignant avec tant d' infiance 
delefouffrir chez lui, qu'infenfiblement ledit Raffo a été à fa charge pendant 
deux ans. Mais ayant remarqué, depuis quelque tems, que ledit Raffo abufoit 
des ulens que Dieu lui a donnés, fe vantant de faire retrouver des tréfors, fe 
mêlant de chimie, d'entreprendre des dérapemens et de chercher la pierre 
philofophale, lui plaignant ne jugeant pas à propos de garder davantage en 
fa maifon un homme de ce caractère, il l'auroit congédié, le 14 de ce mois, 
afin de ne s'attirer aucun blâme dans le monde en gardant chez lui un 
homme qui commençoit à s'attirer une fort mauvaife réputation. Dont et de 



(t) Charles- Virgile Romagnesi de Belmont, dit Lèandre. 

COM. DU ROI. — n. 8 



114 Les Comédiens italiens, 

ce que deffus ledit Cintio nous a rendu la préfente plainte, de laquelle il nous 
a requis acte pour fervir et valoir ce que de raifon . 

Signé : Marc-Antoine Romagnesi. 

{àrckivts nationaUt, Y, ii,X3).) 



1704. — I" septembre. 

MarC'Antoine Romagnesi, dit Cinthio, se plaint contre des archers qui avaient 

essayé de le mettre en arrestation. 

Du premier feptembre 1704. 

Eft comparu le fieur Marc-Antoine Romagnefi, demeurant rue St-Denis, 
paroifle St-Nicolas-des-Champs : Lequel nous a fait plainte et dit que cejour- 
d'hui, il y a environ deux heures, étant dans un carroffe avec deux de fes fils 
qui font officiers de Son Altefle Monfieur le duc de Mantoue (i) et paffant fur 
le pont Neuf dans un carroffe, il a été furpris de voir que des archers ont 
arrêté ce carroffe et fe font faifis de lui pour le conftituer prifonnier. Comme il 
n'a aucune affaire mauvaife et qu*il ne doit rien qui puiffe être exigé par corps, 
il leur a dit qu'ils le prenoient pour un autre, ils lui ont dit qu'ils le connoif- 
foient bien, qu'il étoit le fieur de Laroque. Leur ayant dit qu'ils fe mépre- 
noient et leur ayant dit fon nom et qu'il étoit avec fes enfans qui étoient offi- 
ciers de fadite Alteffe et qu'ils étoient en cour, ils n'auroient laiffé de perfifter 
de le tirailler afin de l'obliger de defcendre de carroffe et de fe conftituer pri- 
fonnier. Enfin fe font retirés ; mais, comme c'eft une infulte qui lui eft faite, 
il a été confeillé de nous rendre la préfente plainte. 

Signé : Marc-Antoine Romagnesi, ci-devant Cinthio. 

{Archiva nationales, T, x 5,053.) 

Voy. BlANCOLELLI (DOMINIQUE); CONSTANTINI ( JeAN - BAPTISTE ) ; GhE- 
RARDI (ÉvaRISTE). 



(i) Augustin-Alexandre, devenu plos tard chevalier de TÉperon d*or et nommé par le duc de 
Mantoue comte de Boba, et Hippolyte, devenu plus tard provincial des Dominicains & Rome. 



Romagnesi. 115 

ROMAGNESI DE BELMONT (Charles- Virgile, dit 
Léakdre). 

ROMAGNESI DE BELMONT (Anne-Élisabeth CONS- 
TANTINI, femme de). 

Mis du précédent, Charles- Virgile Romagnesi de Belmont 
était né à Paris le 7 mai 1670. Son père l'envoya faire ses études 
ï Rome, mais il y passa trois années dans la dissipation, et quand 
il revint à Parb, il déclara vouloir entrer au théâtre. Il débuta à 
l'ancienne Comédie-Iulienne, sous le nom de Léandre, le 24 août 
1694, dans la pièce intitulée le Départ du Coniidien, où il fut très- 
applaudi. Sa tournure élégante et son physique agréable couve- 
naient ï merveille à Temploi des amoureux qu'il remplissait, et 
moins d*un an après, le 12 juillet 1695, il obtint pan entière en 
même temps que son frère, Gaeun Romagnesi, qui avait débuté 
vers la même époque. 

En 1697, 1^^^ ^^ '^ suppression de b Comédie-Italienne, 
Gaeun alla jouer en Flandre et dans les Pays-Bas et décéda à 
Bruxelles en 1 700. Quant à Charles- Virgile, il entra dans la troupe 
formée alors par un de ses camarades, Joseph Tortoriti, dit Pas- 
cariel, et alla donner des représentations dans Test et dans le midi 
de la France. 

En 1708, Charles-Virgile revint à Paris, où il épousa Anne- 
Êlisabeth Constantini, fille de Jean-Baptiste Constantini, dit 
Octave, et alla jouer avec elle en province depuis la fin de cette 
année jusqu'en 1725. Il revint alors se fixer définitivement dans 
b capitale et y mourut le 9 mars 1731» rue Tireboudin. Le lende- 
main il fut inhumé dans b cave de b chapelle de b Vierge de 
l'église Saint-Sauveur. 

Par tcsument il avait institué légauirc universel son nevea 
Jean- Antoine Romagnesi, fils de GaîHan, et désigné comme 



ii6 Les Comédiens italiens. 

exécutrice testamentaire Anne-Élisabeth Constantini, sa femme, 
alors connue au Théâtre-Italien sous le nom de M"*Belmont. 

Depuis 1729, en efFet, la femme de C harles- Virgile Romagnesi 
de Belmont était attachée à la Comédie-Italienne, où elle avait 
débuté, le 3 mai, dans la Femme jalouse, pièce française en trois 
actes et en vers, de Joly, et dans la Feuve coquette, pièce française 
en un acte et en prose, de Desportes. Elle fut admise à quart de 
part le 30 mars 1730 et obtint part entière le 4 mars 1737. 

M"* Belmont quitta le théâtre à la clôture de 1746, mais 
depuis le 13 mai 1742, époque de la mort subite de son neveu, 
Jean-Antoine Romagnesi, avec qui elle demeurait cour du Grand- 
Cerf, elle parut très-peu à la Comédie-Italienne, 

Elle décéda le 21 octobre 1754, rue des Deux-Portes-Saint- 
Sauveur, et légua par testament à son camarade Charles- Antoine 
Bertinazzi, dit Carlin, l'universalité de ses biens. 

M"* Belmont avait été naturalisée Française en 1745. 

(Histoire dé faneien Thiâlrt-Ualien. — Diction- 
naire des Thidires, II, 415. — Jal, Dictionnaire 
de biographie, p. loSa.) 



I 



Ï695. — 12 juillet. 

Gaétan Roma^si et Charles-Virgile Romagnesi de Belmont, dit Léandre, fils 
de Marc-Antoine Romagnesi, dit Cinthio, obtiennent part entière. 

Il eft ordonné aux comédiens italiens de donner une part entière aux fils du 
(leur Cintio à commencer du onzième jour de ce mois et ce fuivant la volonté 
de Monfeigneur. 

Fait à Verfailles, le la* jour de juillet 1695. 

Signé : Le Duc de Gesvres. 

Archives nationales, O*, 846.) 



Romagnesi. 1 1 7 



II 



1729. — 25 avril. 

Ordrt de début pour Af"« Anm-ÈUiabetb CoHsianiini, femm de CbarUs-Virgilê 

Ramagfusi dt Bdmont, dit Léandn, 

Nous duc de Mortcmart, pair de France, premier gentilhomme de la cham- 
bre du Roi, mandons et ordonnons aux comédiens italiens de faire débuter 
toceiTamment fur leur théitre la dcmoifelle de Belmoot dans les rôles qui lui 
conviendront, afin que nous puidions juger des talens qu'elle peut avoir pour 
le iliéltre. 

Fait au chiteau de Verfailles, le 35 avril 1729. 

Signé : Le Duc Di Mortemàit. 



III 



1730. ^ 30 mars. 

M^^ Anni-Éliiahith Consiantini, femnu de CharUs-VirpU Romagnesi de Bilmomi, 

du Liandre, obtient un quart de fart. 

Il efl ordonné i la troupe des comédiens iuliens du Roi de payer un quart 
de part i la dcmoifclle de Bclmont À prendre fur le produit de la Comédie» à 
commencer la jouiffance dudit quan de part du jour qu'elle a débuté, et ce 
par forme de penfion de la troupe, fans que ladite demoifelle de Belmoot 
puiiïe prétendre partager tant dans la penfion du Roi qu'autres droits attribués 
auK comédiens et comédiennes actuellement reçus et qui compofent ladite 
troupe, et ne durera ladite penfion que fur le pied de quart de part pur et 
fimple jufqu'i ce que par nous il en foit autrement ordoimé. 

Fait i Paris, le 30 mars 1730. 

Signé : Le Duc D'AtmoNT. 

Voy, CONSTANTIKI 0£AS-BAmSTZ) ; DeIIISSI (JlAN-BAmSTt-pRANÇOIS); 
LOLLI (jEAN-BAmSTE-ANGE-AUGUSTIN) ; ROMACNESI (MaAC-ANTOINI) ; 

RoacACN'Esx (Jean-Astoine). 



Ii8 Les Comédiens italiens. 

ROMAGNESI (Jean-Antoine). Fils de Gaétan Romagnesi, 
comédien de l'ancienne troupe italienne, et d'Anne Richard, 
Jean-Antoine Romagnesi naquit à Namur en 1690. Il perdit son 
père en 1700, et, quelques années plus tard, sa mère se remaria. 
Maltraité par son beau-père, il s'enfuit de chez lui, se fit soldat, 
puis comédien à Strasbourg, où il resta deux ans. Il vint ensuite 
à Paris et entra en 171 2 dans une troupe dirigéee par Jean-Baptiste 
Constantini, dit Octave, qui donnait des représentations pendant 
le cours des foires Saint-Germain et Saint-Laurent. Quand 
Octave eut cessé de tenir son théâtre en 17 16, Romagnesi 
retourna en province jusqu'en 171 8; à cette époque, il revint 
dans la capitale et débuta sans succès à la Comédie-Française. Il 
prit alors de nouveau le parti de s'engager dans des troupes de 
province, et ce ne fut que le 13 avril 1725 qu'il parut pour la 
première fois à la Comédie-Italienne dans le rôle de Lilio de la 
Surprise de l'Amour, comédie de Marivaux. 

Trois mois après, le 1 5 juillet, il fut reçu à trois quarts de part, 
dont on fit remonter la jouissance jusqu'à l'époque de son début. 

Le mardi 28 février 1730, Jean-Antoine Romagnesi fit repré- 
sentera la Comédie-Italienne 5^ W5(?«, tragédie en cinq actes et en 
vers français, traduite du Samson italien de Louis-André Ricco- 
boni, dit Lélio, qui y avait joué, en 171 7, le principal rôle avec 
un grand succès. Romagnesi fut aussi applaudi que son devancier 
dans cet ouvrage dont la vogue fut immense, ainsi que l'atteste 
Mathieu Marais qui dit, dans son Journal, à la date du 5 mars 
1730, en parlant des comédiens italiens : a Ils ont aux Italiens une 
pièce qui fait grand bruit. C'eft une traduction faite par Roma- 
gnefi en vers françois du Sam/on italien. Il le déclame à merveille, 
mais les autres font pitié. » 

Outre Samson, Romagnesi a fait représenter à la Comédie- 
Italienne soit seul, soit en collaboration, un grand nombre d'où- 



Romagnesi. 119 



vragcs parmi lesquels on rciiurquc quelques parodies qui furent 
très-appréciécs et auxquelles font allusion les vers suivants : 

Comédien fcnfé, parodiftc plaifant, 
En traits fins et légers Ronugneil fertile 
Couvrit les plats auteurs d'un ridicule utile ; 
Qu*on doit le regretter dans le fiècle préfcot ! 

Le 13 mai 1742, il se trouvait à Fontainebleau avec les comé- 
diens italiens pour le senice de la Cour, lorsqu'au retour d'une 
promenade dans la for^t, il tomba frappe d'une attaque d'apo- 
plexie et mourut une heure après dans les bras de sa tante, Anne* 
Elisabeth Constantini» veuve de Charles- Virgile Romagnesi de 
Belmont. 

Le curé de Fontainebleau lui ayant refusé la sépulture, on dut 
mettre le cadavre dans une caisse et le ramener à Paris en son 
domicile, cour du Grand-Cerf. De U, il fut porté à l'église Saint- 
Sauveur, où on l'inhuma, a Romagnefî, disent les frères Parfait, 
étoit grand, allez bien fait ; il avoit la voix un peu fourde et fa 
poitrine fembloit peiner lorfqu'il débitoit un couplet un peu long. 
Au relie, il étoit aflez bon acteur et jouoit dans tous les genres, 
mais il excelloit dons les rôles fï ivrognes et de Suiffes. » 

(^Arthnti mmtiêmmUt, Y, 14,0^7. — DiVi»«««««f» 
Je, TktÂtftt, IV, s 17 ; V, 19. — Uimêi,n et 
U*tki4tu Mmréii, IV, iio. — I«» SfmtétUt de 

1725. — 15 juillet 
Ordn ii réception à trois quarts de part pour JiOM^AmÈoinê RowÊapusi. 

Nous duc de Mortemart, pair de France, chevalier des ordres du Roi et 
premier gentilhomme de la chambre, mandons et ordonnons aux comédiens 
italiens de Sa .Majc.lc de recevoir dans leur troupe le fieur Romagnefî, petit- 
tilft de Cinthio, ancien comédien, et connoiflant Tes talens et Futilité dont il 



120 Les Comédiens italiens. 

eu dans les pièces françoifcs, nous lui avons accordé, fuivant l'intention du Roi 
et le confentement général de ladite troupe italienne, trois quarts de part à 
commencer depuis Pâques de la préfente année, etc. 
Fait à Chantilly, le 15 juillet 1725. 

Signé : Le Duc de Mortemart. 

(Archiva nationaltSt 0\ 846.) 

Voy. Dehesse (Jean-Baptiste-François) ; Riccoboni (Louis-André). 



ROMBOCOLI-RIGGIERI (Marie -Thérèse-Théodore), 
dite Colombe l'aînée. 

Voy. Colombe rainée (Marie-Thérèse-Théodore Rombocoli-Riggieri, 
dite). 



ROMBOCOLI-RIGGIERI (Marie-Madeleine), dite Co- 
lombe /a ;Vwn^. 

Voy. Colombe la jeune (Marie-Madeleine Rombocoli-Riggieri, dite). 



ROSALIE (Rosalie de SAINT-ÉVREUX, dite). Le 
19 septembre 1782, M"* Rosalie fit ses débuts à la Comédie- 
Italienne dans les rôles de Babet des Trois Fermiers , paroles de 
Monvel, musique de Dézaides, et de Babet dans les Sabots, pa- 
roles de Sedaine, musique de Duni. Le critique théâtral du Jour- 
nal de Paris assure qu'elle réussit surtout dans la première pièce 
et qu'elle mit dans son jeu un enfantillage tout à fait naturel et 
piquant. Il ajoutait que sa voix était agréable quoique faible, et 
l'invitait à corriger un peu la monotonie de son geste et la ma- 
nière de tenir ses bras. 
Elle joua ensuite Colombine dans le Tableau parlant, paroles 



Rosalie. 121 

il'AnscaumCy musique de Grétry, et Marine dans la Colonie, pa- 
roles de Framer}', musique de Sacchini, de manière à satisfaire 
les amateurs qui, séduits par sa jolie figure» lui prédirent, tris 
à la légère, des succès pareils à ceux de M*^ Dangeville, si elle se 
donnait la peine de cultiver les dbpositions donc elle faisait 
preuve dans l'emploi des soubrettes. 

L'un de ces amateurs poussa mâme Tenthousiasme jusqu'à lui 
envoyer le madrigal suivant : 

De ton efprit, de ta gifté. 
Tes ulcns font briller la grice niturelle; 
Simples et vrais ainfi que ta beauté» 
Sans art ils nous charment conune elle. 
Leurs fuccès font i toi, tu n'as rien imité» 

De la nature aimable et jeune élève» 
Ton langage e(l le fien, il peint la vérité. 
Tu parois fur b fcène» on demeure enchanté. 
Tu parles, dans nos cceurs ton triomphe s'achève : 
Pour notre aroufement, u gloire et ton bonheur» 
Aux charmes des ulens laiflfe embellir ta vie ; 
L'amour et le plaifir tout exprès t'ont choiûc. 
Comme une rofe de primeur» 
Pour rajeunir le bouquet de Thalie. 

M"* Rosalie, qui, parait-il, à ses autres ulents joignait aussi 
celui de la poésie, répondit en ces termes à son galant compli« 
menteur : 

Toi qui daignes fourire i mon jeune ulent» 
D'un coeur reconnoiifant reçois le foible gage. 

Défir de plaire et zèle ardent. 

Sont mes feuls droits i ton fufTrage. 
Je voudrois mériter ton éloge flâneur. 
Mais pour foimer le bouquet de Thalie» 

Entre l'élite, chaque fleur. 

Par le dieu du goût efl choifie. 



122 Les Comédiens italiens. 

L'art ne m*a pas prêté fes ornemens, 

Jeune élève de la nature, 

Je ne fuis que la fleur des champs 
Que la beauté parfois admet dans fa parure ; 

Mais c'eft pour elle une faveur : 

L'obtenir feroit mon bonheur. 
Sollicite pour moi cette mufe immortelle, 

Tu dois avoir accès près d'elle ; 

Car à juger par tes accens 

J'imagine, fans te connoftre, 

Que certainement tu dois être 

Un de fes fortunés amans. 

M"* Rosalie a créé avec quelques succès le rôle à* Antonio dans 
le Mariage d^ Antonio, comédie de M°** de Beaunoir, musique de 
M"* Grétry, retouchée par son père, qui fut jouée pour la pre- 
mière fois le 19 juillet 1786. 

A Tune des représentations suivantes, le public redemanda le 
couplet final de la pièce, et M"* Rosalie se mettait en devoir 
d*obéir quand quelqu'un s'avisa de crier : Plus haut! Cette excla- 
mation troubla si fort la jeune actrice qu'elle se mit à fondre en 
larmes. Des applaudissements se firent entendre alors, et, remise 
de son trouble, elle put recommencer son couplet. 

Quelques jours plus tard, l'auteur de cette malencontreuse 
interruption, éprouvant le besoin de se faire pardonner, lui adressa 
par l'intermédiaire du Journal de Paris des excuses ainsi conçues : 

Pardon, charmant Antonio, 

Aimable fils de Léonore, 

Pardon, ma bouche a dit : Plus haut! 
De ce mot échappé mon cœur s'indigne encore : 
Ce mot a retenti jufques au fond du tien; 
Il altéra ta voix, il fit couler tes larmes, 

Et le trouble de ton maintien 

Ajoutoit encore à tes charmes. 



Rosalie. 123 

Mille applaudiiïcniens flatteurs 
En viin au mcmc intUnt cxpioicnt mon outrage ; 

Tes beaux yeux ont vcrf^i des pleurs 

Et ces pleurs étoient mon ouvrage t 

Excufe l'erreur d*un moment. 

Reprends, reprends ton enjoûment, 

Tu plais alTcz par u folie. 

Ta gAîié charme tous les cœurs, 
Et Ton n*a pas befoin de voir couler tes pleurs 

Pour idolitrer Rofalie I 

L'excessive timidité dont fit preuve M"* Rosalie en cette cir- 
constance ne lui (['tait cependant pas habituelle, témoin cette 
anecdote racontée par les Mémoires secrets, à la date du 
5 mars 1785 : 

Dans Rù'hjrJ Cœur^de-Lion on fait que le Heur Clairvil fait un rôle 
d'avcu^Ie auquel fert de conducteur, fuivant Tufage, un petit garçon rtpré- 
fente par M''« Rofalie. Cette actrice, foit par efptèglerie, foit par vengeance, 
il y a quelques jours, s'e(\ Ji\ (\:^ de faire une pelote de fa manche en la 
lardant d*épiiigles dont les pointes fortoient en dehors. Lorfque le (îeur 
Clairval s*ct) appuyé fur fon bras pour entrer fur la fccme, il s*eil étrangement 
dcch-rc la main et a reconnu la traitrife; fur quoi M^^* Rofalie, fouriant 
ironiquement, lui a répondu : « En effet, ce n*ell pas fi doux qu'un peigne », 
fa:fant allufton au métier de perruquier qu'exerçoit cet acteur dans le 
principe. » 

Les premiers gentilshommes de b chambre du Roi, chargés de 
Tadministration supérieure de la Comédie-Italienne, ne laissèrent 
pas cette incanade impunie et condamnèrent Tactrice à ijuelques 
jours d'emprisonnement. 

En 1787, M"* Rosalie encourut encore les rigueurs de Tau- 
torité ï \i suite d*un accident causé par son imprudence. Son 
carrosse, lancé à toute vitesse, renversa sur le boulevard Saint- 
Honoré un bourgeois de Paris qui prenait Tair. Ce pauvre diable, 
nommé Denis Topineau, foulé aux pieds par les chevaux de 



124 ^^ Comédiens italiens. 

Tactrice^ se plaignit au ministre de la maison du Roi^ qui prit en 
considération sa supplique, dont Grimm a reproduit le texte dans 
sa Correspondance littéraire, et envoya, par mesure de correction, 
la coupable passer une semaine à la Force. 

L'artiste, qui, en dépit de sa mauvaise tête, avait un excellent 
cœur, passa le temps de sa captivité à faire de bonnes œuvres. 
Elle délivra plusieurs détenus pour dettes et en fit nourrir à ses 
frais un certain nombre qui mouraient de faim. 

Enfin, la même année, l'incorrigible M"* Rosalie fut, ainsi que 
nous rapprend un document transcrit plus loin, condamnée par 
le maréchal de Richelieu à 150 livres d'amende pour avoir com- 
mis envers M°* Dugazon une faute grave dont on ignore mal- 
heureusement la nature. 

Après tout ce qui vient d'être raconté sur cette actrice, on ne 
sera pas étonné du jugement porté sur elle par le comité du 
Théâtre-Italien dans une note manuscrite ainsi conçue : <c Inutile 
par fon peu d'exaaitude et d'un caractère difficile à conduire. » 

En 1788, M^^^ Rosalie cessa d'appartenir à la Comédie-Italienne. 

(£«f Spectacles de Paris, 1783 et 1789. — Grimm, 
Correspondance littéraire, XIII, 340. — Mémoi- 
res secrets, XXI, 176; XXVIII, 189. -^Journal 
de Paris, 1782, 20 septembre, 10 et 16 octobre ; 
1786, 28 septembre.) 



1787. — 20 janvier. 

M"' Rosalie de Saint-Èvreux est mise à V amende pour offense grave 

envers Af "»* Dugazon. 

Nous maréchal duc de Richelieu, pair de France, premier gentilhomme 
de la chambre du Roi, 

Sur le compte qui nous a été rendu par le Comité de la Comédie-Italienne 
de la faute grave qu'a commife la demoifelle Rofalie, nous l'aurions punie 
aufli févèrement que le demande le Comité ; mais la dame Dugazon s'étant 



Rosamhert. — Rosière. 1 2 > 



diîfit^éc de Cl plainte, nous voulons bien pour cette fois encore DMmpofer la 
Jcnioifcllc Hoûlie i\\iX 1 50 livres d*jmenJe. 

Nous fjifiirons cette occafion pour enjoindre au Comité de la Comédie- 
Italienne de fun-eillcr plus exactement qu'il ne Ta fait par le paffé les pcn- 
fionnaircs et les perfonnes employées dans les accclTotres. 

Ce n*e(l pas la première fois que le public s'ed plaint que les perTonnet 
employées dans les chœurs ne font pas i la fcène, qu'elles y viennent, qu'elles 
y cjufcnt et qu'elles y chantent habillées dans des coi^umes qui ne font point 
du genre des pièces dans lefquelles elles paroiflent. 

Le Comité aura foin de veiller i ce que ce manque de refpect envers le 
public n'arrive plus et nous rendra compte des fujets qui contreviendront â 
cet ordre. 

Paris, ce 20 janvier 1787. 

Signé : Le Maréchal duc de Richeliiu. 



lyOSAMBERT (M»*). 

Voy, Lacaille (M»0- 



ROSIÈRE CIean-René LECOUPAY de la ROSIÈRE, 
dit). 
Ce comédien qui s'est fait une certaine réputation dans les rôles 
de baillis d'opéra comique, était né en 1739. Le 27 janvier 1765, 
les premiers gentilshommes de b chambre lui envoyèrent un ordre 
de début à la Comédie-Italienne, où il parut pour b première fois, 
le 4 mai suivant, dans les rôles de Pandolphe de b ServanU^Maî^ 
tresse, comédie en deux actes, de Baurans, musique de Pergolèsc 
et d'Alberti , dans le Peintre amoureux de son modèle, paroles 
d'Anseaume, musique de Duni. Mais soit que son jeu ne fût 
pas goûté, soit que la position qui lui fut faite ne lui convint pas, 
Rosière ne tarda pas ï quitter b Comédic-Italicoae et alb jouer 



126 Les Comédiens italiens, 

en province. Il dirigea pendant plusieurs années le théâtre de 
Besançon, et le 17 mai 1778 il débuta pour la seconde fois au 
Théâtre-Italien, par les rôles du bailli dans la Rosière de Salency, 
comédie en trois actes, de Favart, et de Cassandre dans le Tableau 
parlant, paroles d'Anseaume, musique de Grétry, 

Cette fois. Rosière fut très-applaudi, et le public parisien lui fit 
un accueil en rapport avec la réputation qu'il avait su se faire en 
province. 

Il a beaucoup réufli dans les deux rôles que nous lui avons vu jouer, dit 
le Journal de Paris, et fi Ton excepte fa voix, qui n'eft ni agréable ni fonore, 
il laifle très-peu de chofes à déiîrer. Encore ce défaut, qui feroit fort 
eflentiel à la Comédie -Italienne dans tout autre emploi, Teft beaucoup 
moins dans celui des grimes où fouvent il faut dénaturer fa voix pour 
Taffortir au ton et aux diflférens caractères des grotefqucs perfonnages que 
Ton repréfente. D'ailleurs le fieur Rofière dédommage le fpectateur par 
une foule de qualités précieufes : c'eft une jufteflTe, une précifion qui décèlent 
un excellent mufîcien ; c'eft un mafque vraiment comique, une grande habi- 
tude du théâtre, une gaité franche et une chaleur qui fe communiquent à 
toute la fcène. 

La même année, Jean-Louis Laruette, qui tenait en chef les 
rôles ridicules, ayant pris sa retraite. Rosière fut à même de jouer 
plus fréquemment et il fut peu après admis à portion de part. 
Malheureusement avec les années, les défauts de sa voix, signalés 
par le critique théâtral du Journal de Paris, s'accentuèrent au 
point de devenir réellement choquants. C'est ce qui résulte du 
moins d'une note manuscrite, en date de 1787, où se trouve 
résumée l'opinion du Théâtre-Italien sur chacun des artistes qui 
composaient alors la compagnie et dans laquelle on lit ces mots : 
« Rofière, ufé, infoutenable dans les pièces en mufique, moins 
mauvais dans celles en vaudeville. Il eft feul, donc il faut le 
tolérer, w 

Il a fait représenter en 1784, à la Comédie-Italienne, en colla- 



Rosière. 127 

boration avec Radct : le Marchand (Tesclaves, parodie en deux 
actes de la Caravane y opéra de Grctry ; Liandre candide, ou les 
Reconnaissances, comédie en deux actes, et les Docteurs modernes, 
comédie-parade en un acte, dans laquelle les auteurs tournaient 
en ridicule le magnétisme animal dont il était alors tant question 
à Paris. 

Au dénouement, on voyait les malades rangés d'abord autour 
du fameux baquet et passant ensuite dans b salle des crises; 
après quoi Rosière chantait le couplet suivant : 

Du vaudeville enfant gâté, 
McfTicurs, avec fcvérité 
Ne jugez pas les entreprifcs ; 
Pour favoir votre fcntimcnt 
L*autcur cft li qui vous attend 
Dans la fallc des crifcs. 

Cette bagatelle fut applaudie et le panerre demanda l'auteur. 
Rosière alors revint seul sur la scène et répondit : « Mcflieurs, 
j'ai eu l'honneur de vous annoncer que l'auteur étoit dans la falle 
des crifes ; vos bontés l'en ont fait partir et nous ne favons point 
ce qu'il eft devenu. » 

En 1792, il prit avec Piis la direction du VaudeviUe et mourut 
en 1814. 

{dtthit4t —H—mU», O*, t47 9i 148. — Ui Sfm» 

tM€Ut i« Fsril, 17M, 1779 tt I7M. — AI/MMfW 

imrttu XXVl, i4t : XX Vn, 41. — /MnMl et 
FéHi, 1771, If aui.) 

I 

1780. — Avril. 

Jiûn»RefU Ucoufay de la Rû$i/re, dit Rosière, est mis à T amendé pour avoir canin» 
venu aux règlements sur la police des coulisses à la ComéJit'italienni, 

Nous maréchal duc de Richelieu, pair de France, premier gentilhomme de 
la chambre du Roi, 



128 Les Comédiens italiens. 

En vertu de notre ordre du 4 avril 1780, concernant la police des cou- 
lifles, auquel le fieur Rozières eft contrevenu hier en fe mêlant d'une affaire 
qui même ne le regardoit pas, ordonnons au caiflîer de la Comédie de rete- 
nir audit fieur Rozières cent livres fur Tes appointemens du préfent mois 
d'avril. 

avril 1780. 

Signé : Le Maréchal duc de Richelieu. 

(Arehives nationales, O' 846.) 



II 



1681. 



Un comédien de Besançon, nommé DutiïïeuJ, s'adresse au duc de Duras, premier 
gentilhomme de la chambre, pour être payé d'une somme de 2,62s livres dont 
Jean-René Lecoupay de la Rosière, dit Rosière, est débiteur envers lui, 

 Monfeigneur le duc de Duras, maréchal de France, commandeur des 
ordres du Roi, gouverneur de la Franche-Comté, etc. 

Monfeigneur, 

Daignez permettre à Dutilleul, comédien depuis fix ans à Befançon, d'élever 
fa foible voix jufqu'à votre Grandeur ; depuis 3 5 ans qu'il fert le public, n'en- 
vifageant qu'une vieilleffe malheureufe par les tons que lui font plufîeurs di- 
recteurs ou infolvables ou de mauvaife foi, il croit avoir quelque droit à votre 
protection qu'il implore contre le fieur Rofière, comédien du Roi, qui lui doit 
2,623 livres pour folde de fes appointemens depuis 1775 jufqu'à 1778 que le 
fuppliant a été fous la direction dudit Rofiëre à Befançon. 

En juin 1778, le fuppliant joignit Rofière à Paris qui éluda d'arrêter compte 
en difant qu'il n'avoit pas fes livres et pour garantir l'envie qu'il avoit de fa- 
tisfaire, il fit au fuppliant une cefUon de fon magafm de comédie qui, fuivant 
l'eflimation, folderoit ou feroît à compte de la dette. 

Le fuppliant, de retour à Befançon, voulut fe mettre en potTeflion du ma- 
gafin, on lui oppofa une pareille ceflion confentie et fignée fix femaines aupa- 
ravant au fieur Maillet qui, comme de droit, s'étoit emparé du magafin. 

Cette ceflion ci-jointe conflate la créance, caractérife le fieur Rofière et doit 



»• V t 



Rusca. 129 

déterminer la judice de votre Grandeur qui ed à préfent l'unique recours du 
fuppliant, toutes démarches depuis trois ans ayant été inutiles. 

Le fuppliant ne demande pas que le (leur Roûère paye fur-le-champ la 
fomme entière, mais que l'intérêt foit afligné fur fa part et féqueftré entre les 
mains du tréforier de la Comédie qui les compteroit tous les fix mois, ou que, 
fur les 2,623 livres, votre Grandeur fixe une rente dont le tréforier fera comp- 
table, laquelle rente ainfi que le fonds s'anéantira au décès du fuppliant. 

L'équité, compagne des vertus qui illuftrent les titres de votre Grandeur, 
juftifie la confiance et l'efpoir du fuppliant qui ne ceflera jamais de faire de 
vœux pour la fanté et la profpérité de votre Grandeur. 

Signé : Dutilleul, comédien à Befançon, 1781. 

{Archivât nationales, O' 848.) 
Voy. PiTROT DE LaNCY (M^e). 



Xv^SCA (Marguerite), dite Violette. 

Voy. Thomassin (Thomas-Antoine Visentini, dit). 




COM. DU ROI. — n. 





IAINT-AUBIN (Jeakke-Chailottb SCHRŒ- 
DER, femme d'AucusTE-ALEXAUDtE d*HERBEY, 
dit). Scrur de M"* Moulinghcn, de M"* Frédéric et 
de M"* Lambert, Jeanne-Charlotte Schrceder, née 
en 1764, débuta 1 l'âge de 11 ans au théâtre de Versailles, joua 
ensuite à Bordeaux et i Lyon, où elle épousa le comédien Saint- 
Aubin, plus urd acteur de l'Opéra-Comique, et fut un instant 
atuchéc i l'Académie royale de musique, où elle chanta avec 
succès dans la Double Épreuve, ou CoUnette à la Cour, opéra de 
M...., musique de Crétry. 

Le 20 mai 178e, un ordre de début appela M** Saint-Aubin i 
b Comédie-Italienne, et elle y parut pour la premiire fois, le 29 
juin de la même année, dans les rôles de Marine de la Colonie, 
[■arolcs de Framcr>', musique de Sacchini, et de Denise dans 
YÉpreuve villageoise, paroles de Desforges, musique de Grétry. 
• Une phylionomic douce et fine, dit le Journal de Paris, une 
voix brillante, une belk- prononciation, de ta grilce dans le main* 
tien, tels font les avantages naturels de M" Saint-Aubin. Ceux 
qu'cUi: doit au travail ne font pas moins précieux : une bonne 



132 Les Comédiens italiens. 



manière de chant, de Tintelligence de la fcène, de l'aplomb et 
une diction affez pure que l'habitude doit perfectionner encore, 
telle eft la réunion des qualités qui ont valu à cette jeune actrice 
le fuccès le plus brillant furtout dans le rôle de Marine de la Co- 
lonie. Elle a laiffé défirer un peu plus de légèreté et de grâce dans 
celui de Denife de YÊpreuve villageoife. » M"* Saint-Aubin joua 
ensuite Babet dans Biaise et Babet, paroles de Monvel, musique 
de Dézaides ; Colombine dans le Tableau parlant, paroles d'An- 
seaume, musique de Grétry ; Babet dans le Droit du Seigneur, 
paroles de Desfontaines, musique de Martini ; Isabelle dans Isa-- 
belle et Gertrude, paroles de Favart, musique de Biaise ; Annette 
dans Annette et Lubin, paroles de M"* Favart, musique de L...., 
et CUoé dans le Jugement de Midas, paroles de d'Hèle, musique 
de Grétry. 

Le 28 juillet 1786, ses appointements furent fixés à 3,000 livres, 
et elle fut reçue Tannée suivante à un quart et demi de part. 

A la même époque, le comité du Théâtre-Italien exprimait en 
ces termes, dans une note restée manuscrite, son opinion sur la 
nouvelle actrice : « M™* Saint-Aubin : beaucoup d'ufage du 
théâtre, une jolie manière de chant et infatigable. Elle donne les 
plus grandes efpérances. » 

Ces espérances se réalisèrent et M"* Saint-Aubin créa avec un 
rare éclat, à la Comédie-Italienne : Sophie dans Fellamar et Tom 
Jones, comédie de Desforges représentée le 17 avril 1787; l'un 
des Savoyards dans les Deux Petits Savoyards, paroles de Mar- 
soUier, musique de Dalayrac, le 14 janvier 1789; Louise dans 
Louise et Folsan, comédie en trois actes, du baron de Gore, jouée 
le 2 août 1790, et Lucile dans les Rigueurs du cloître, paroles de 
Fiévée, musique de Lebreton, le 23 août 1790. 

Le 15 avril 1789, elle avait obtenu un quart de part d'aug- 
mentation. 



Saint-Aubin. 133 



Après la dissolution de la Comédie-Italienne, M"* Saint-Aubin 
fut attachée au théâtre de TOpéra-Comique, dont elle fut l'une 
des plus brillantes actrices. 

Nature essentiellement prime -sautière, dit M. A. Thumer, tout était 
spontané en elle, tout était varié, neuf, original ; elle accomplissait les 
métamorphoses les plus imprévues avec un charme adorable. Elle rappelait 
}A\\e Mars par le tact, la grâce, Tingénuité avec lesquelles elle nuançait 
les rôles de jeunes filles. Une taille un peu au-dessous de la moyenne, des 
traits expressifs et d*une prodigieuse mobilité, une imagination vive, une 
voix délicate et de peu d'étendue, il est vrai, mais employée avec un goût 
exquis ; jouant pendant vingt-deux ans plus de deux cents rôles avec une 
flexibilité étonnante, tour à tour ingénue, grande coquette, soubrette, 
travestie, malicieuse ou sentimentale, elle avait été Tâme de tout un 
répertoire et le ravissement de toute une génération. 

M"® Saint-Aubin quitta TOpéra-Comique le 2 avril 1808, y 
reparut une fois en 1 818 pour la représentation de retraite de son 
mari et mourut à Paris au mois de septembre 1850. 

{Archives nationaîts, 0>, 848. — Us SpêcimcUs de 
Paris, 1787. — Grimœ» Correspondane* litU- 
raire, XIII, 352; XV, 15s et i^S, — Journal dt 
Paris, 1786, 30 juin. — VOpinion du parterre, 
par M. Valleran. Paris, Martinet, an XIII 
(180s). — Lé Courrier dos Spectacles, article de 
M. Falgues. — A. Thumer, les Transforma- 
tions de l'Opéra-Comique, p. 229.) 



I 



1786. — 20 mai. 

Ordre de début pour M**" Saint- Aubin, 

Nous maréchal duc de Richelieu, pair de France, premier gentilhomme de 
la chambre du Roi, 



134 Les Comédiens italiens. 



Ordonnons aux comédiens italiens de laifler débuter fur leur théâtre la de- 
moifelle St-Aubin pour que nous puilfîons juger de fes talens. 
Fait à Paris, le 20 mai 1786. 

Signé : Le Maréchal duc de Richelieu. 

{Archivés nationales, O*, 846.) 



II 



1786. —28 juillet. 

Les appointements de Af"*' Saint- Aubin sont fixés à s,ooo livres. 

Nous maréchal duc de Richelieu, premier gentilhomme de la chambre 
du Roi, 

Avons accordé à la demoifelle St-Aubin la fomme de trois mille livres d'ap- 
pointemens qui lui feront payées à raifon de 250 livres par mois, à la charge 
par elle de jouer l'emploi d'amoureufe au Théâtre-Italien ainfi que celui de 
madame Dugazon après les comédiennes qui font déjà reçues. Cette diftinc- 
tion fur les actrices à Teffai eft due aux talens de la demoifelle St-Aubin et 
à la connoiiTance qu'elle a de fon emploi et de fon état d'après le travail 
qu'elle a fait en province. Nous lui promettons en outre fa réception lorfqu'il 
y aura des places vacantes. 

Fait à Paris, le 28 juillet 1786. 

Signé : Le Maréchal duc de Richelieu. 

{Archiva nationales, O', 846.) 



III 



1789. — 15 avril. 

Af"" Saint' Aubin obtient une augmentation de quart de part. 

Nous duc de Richelieu, pair de France, premier gentilhomme de la cham- 
bre du Roi, 



Scapin. — Scaramouche. 135 

Avons accordé à la demoifelle St-Aubin un quart de part d'augmentation 
ainfi que nous Tavons fait envers le fieur Chénard (i). 
Paris, ce 15 avril 1789. 

Signé : Le Maréchal duc de Richelieu. 

(^Archives nationales, Oi, 846.) 



SCAPIN. « C'eft un intrigant, un fourbe, qui entreprend de 
faire réuflir toutes les affaires les plus délabrées de la jeunefle 
libertine, qui fe pique d'avoir de refprit, qui fait le beau parleur 
et rhomme de confeil. » 

{CaUndritr historique des Théâtres. Paris, Cailleau, i7Si*) 

Voy. Camerani (Barthélemi- André) ; Ciavarelli (Alexandre-Louis); 
RiccoBONi (Louis-André), note du document coté III ; Véronèsb (Pierre- 
Antoine-François). 



SCARAMOUCHE. « C'eft à peu près le même caractère que 
celui du Capitan, qui n'eft qu'un fanfaron, qui finit enfin par 
recevoir des coups de bâton de la main d'Arlequin. Le caractère 
de Scaramouche eft auflî d'ôtre poltron et fanfaron tout à la fois. » 

(Calendrier historique des Thidlret. Paris, Cailleau, 17s !•) 

Voy. Benozzi (Jean-Baptiste-Bonaventure) ; Fiorilli (Tiberio) ; Man- 
SAC (François) ; Tortoriti (Joseph). 



(i) Simon Chénard, né à Auxerre en I7S8| débutaàla Comédie-Italienne en 1783, parles rôles de 
Jacques dans les Trois Fermiers, paroles de Monvel, musique de Dézaides ; de Dorimon dans la 
Fausse Magie, paroles de Marmontel, musique de Grétry ; de Biaise dans la Colonie, paroles de 
Framerj, musique de Sjicchini; à* Alexis dans le Déserteur, paroles de Sedaine, musique de Monsi- 
gny, et de Mathurin dans Rose et Colas, ouvrage des mêmes auteurs. Une note manuscrite datée de 
1787 et émanée du comité du Théitre-ltalien s'exprime en ces termes sur le compte de cet artiste : 
« Chenard a une belle voix s'il veut la travailler. Elle eft dure, il faut donc quUl s'en rende maitre» 
mais on doit efpérer qu'il cherchera à fortir de la médiocrité où il eft. Il peut réuffir, il ne tient 
qu'à lui. • Chénard réussit en effet tant à la Comédie-Italienne que plus tard au théâtre de l'Opér*- 
Comique, où il joua jusqu'en iSaa. Il mourut en 1832. 



136 Les Comédiens italiens. 

OCARAMOUCHE L'ANCIEN (Tiberio FIORILLI, dit). 

Voy, FiORiLLi (Tiberio); Romagnesi (Marc-Antoine). 



SCARAMOUCHE LE JEUNE (Joseph TORTORITI, dit 
Pascariel, dit). 
Vqy, ToRTORin (Joseph) ; Romagnesi (Marc-Antoine). 



SEDAINE (Jean-Michel), né à Paris le vendredi 2 juin 
17 19. Il a fait représenter à la Comédie-Italienne : le Diable 
à quatre, pièce à ariettes parodiées ; Biaise le savetier, musique 
de Philidor ; l'Huître et les Plaideurs, musique du même ; les 
Troqueurs dupés, musique de Dauvergne ; le Jardinier et son Sei- 
gneur, musique de Philidor ; On ne s'avise jamais de tout, musi- 
que de Monsigny, ouvrages qui furent joués d'abord à TOpéra- 
Comique de 1756 à 1761 ; Anacréon, 1758 ; le Roi et le Fermier, 
comédie en trois actes, musique de Monsigny, 1762; Rose et 
Colas, comédie en un acte, musique du même, 1764; V Anneau 
perdu et retrouvé, comédie en deux actes, musique de Laborde, 
1764; les Sabots, comédie en un acte, musique de Duni, 1768 ; 
le Déserteur, comédie en trois actes, musique de Monsigny, 
1769; Thémire, pastorale en un acte, musique de Duni, 1770 ; le 
Faucon, opéra comique en un acte, musique de Monsigny, 1772; 
le Magnifique, comédie en trois actes, musique de Grétry, 1773 ; 
les Femmes vengées, comédie en un acte, musique de Philidor, 
1775 ; le Mort marié, comédie en deux actes, musique de Blan- 
chi, 1777; Félix, ou V Enfant trouvé, pièce en trois actes, musi- 
que de Monsigny, 1777; Thalie au nouveau Théâtre, prologue 
pour l'inauguration de la nouvelle salle de la Comédie-Italienne, 



Sedaine. 137 

musique de Grétry, 1783 ; Richard Cœur-de-Lion, comédie en 
trois actes, musique de Grétry, 1784; le Comte d^ Albert, comé- 
die en deux actes, et la Suite en un acte, musique du même. 

Avant d'écrire pour le théâtre, Sedaine fiit, comme on sait, ou- 
vrier maçon et entrepreneur de bâtiments. Des trois documents 
inédits publiés plus loin, les deux premiers ont trait à cette pre- 
mière période de son existence, sur laquelle on ne possède que 
peu de renseignements ; quant au troisième, il est relatif à cette 
maison de la rue de la Roquette sur les dépendances de laquelle a 
été ouverte en partie la rue qui porte aujourd'hui son nom. 

Sedaine est mort à Paris le 17 mai 1797. 

{JLts SpectacUs dt Paris, 1789. — BiographUDiiot, 
— JaI, Dictionnaire de biographie, p. 116.) 



I 



1748. — 6 novembre. 

Jean-Michel Sedaine, entrepreneur de bâtiments se plaint des violences dont lui 
et ses ouvriers ont été les victimes de la part du charcutier Destruissard, 

L'an 1748, le mercredi 6 novembre, huit heures du matin, par-devant nous 
Pierre Glou, etc., eft comparu fieur Jean-Michel Sedaine, entrepreneur de 
bâtimens à Paris, y demeurant rue des Nonaindières, paroifTe St-Paul, au nom 
et comme prenant le fait et caufe de Jofeph Lambert, demeurant à la pointe 
St-£uftache chez le fleur Mandé, logeur, et Thomas Violet, demeurant rue de 
la Mortellerie, au Pot-d'Étain, tous deux compagnons maçons, nous a rendu 
plainte contre le nommé Détruifart, maître charcutier, et fa femme demeurant 
rue de Bretagne au Marais, et nous a dit que cejourd'hui, entre fept et huit 
heures du matin, lui plaignant et les fufnommés étant tous, favoir le fieur 
plaignant à ordonner la démolition d'une cloifon qui menaçoit ruine et d'é- 
crafer lefdits fufnommés qui travailloient fous ladite cheminée, qu'à la faire 
démolir, ledit Détruifart feroit furvenu et à coups de pied et de poing eft venu 
fur lefdits ouvriers et fur le plaignant, lui aiiroit donné un coup de poing par 
a tête dont il a penfé le renverfer par terre et après avoir maltraité lefdits ou- 
vriers et que ledit Lambert, après avoir été extrêmement maltraité â coups de 



138 Les Comédiens italiens. 

pied et de poing par ledit Détruifart et bleiTé à la main droite d'où le fang 
coule et dont il nous a dit refTentir de grandes douleurs par tout le corps et 
qu'il eft fi foible ainfi que ledit Thomas Violet qu'ils font obligés de fe retirer 
pour fe faire foigner et fe mettre au lit, n'étant ni l'un ni l'autre en état de 
pouvoir travailler quant à préfent. Ajoute le plaignant que ledit Détruifart 
n'ayant pas cru être fatisfait d'avoir ainfl maltraité le plaignant et fefdîts ou- 
vriers, feroit rentré chez lui et auroit pris le bâton ferré avec lequel il étale fa 
boutique et feroit venu fur le plaignant et fur fes ouvriers pour les en mal- 
traiter, ce qu'il auroit fait s'il n'en avoit été empêché par les perfonnes qui 
étoient aiTemblées dans la rue et vis-à-vis des bàtimens. Le plaignant ajoutant 
que ladite cloifon étoit tellement en péril imminent qu'au fécond coup de 
marteau elle eft tombée avec quelques ouvriers dans la cave. Et comme le 
plaignant et fes ouvriers font en danger par les menaces que leur fait ledit 
Détruifart et fa femme de les maltraiter davantage, outre le danger où peuvent 
être lefdits Lambert et Violet de leurs vies, il a été confeiilé de nous rendre 
la préfente plainte. 

Signé : J. M. Sedaine ; Glou. 

ÇArehiva nationales. Y, 15,623.) 



II 



1748. — 6 novembre. 

Le charcutier Destruissard se plaint du préjudice que lui a causé Jean-Michel Se- 
daine, piqueur che^ un maître maçon, en faisant démolir avec une regrettable 
précipitation une cloison de sa boutique, 

• 

L'an 1748, le mercredi 6 novembre, huit heures un quart du matin ou en- 
viron, nous Agnan-Philippe Miche de Rochebrune, etc., ayant été requis, 
femmes tranfporté rue de Bretagne au Marais dans la boutique de Jean-Simon 
DeftruifTard, maître charcutier à Paris, que nous y avons trouvé et qui nous 
a rendu plainte et dit que l'on a commencé, vers la fin du mois de juillet der- 
nier, à faire des réparations et reconflructions de la maifon où nous fommes 
et dont eft propriétaire en partie la demoifelle GeofFroi, qui a pafTé bail au 
plaignant de ladite maifon. Que cejourd'hui, fur les fept heures du matin ou 
environ, l'époufe du plaignant, qui defcendoit de fa chambre, a entendu le 
nommé Sedaine, piqueur du ûeu^ Buron(i), maître maçon, qui a entrepris les 



(i) Ce Buroa est 1* grand-père metemel dn célèbre peintre Lonie David. 



Sedaine. i }9 

rccondruaions i faire dans ladite miiron, dire à deux compagnons charpen- 
tiers qu'il avoit amenés» qu'il falloit abattre la cloifon de charpente qui fépare 
Tallc^c de ladite boutique et i laquelle cloifon fe trouvoit adoffé et appuyé le 
banc du comptoir et plulieurs udenfiles concernam la profeflion du plaignant 
Que le plaignant, qoi a été averti par foo époufe du deflein dudit Scdaine, cil 
venu reprcfcnter k ce dernier qu'avant que d'abattre ladite cloifon il faikût 
qu'il dérangeât fon comptoir et le banc dudit comptoir qui fom de bois de 
chêne. Qpe ledit Scdaine, qui dcvoit Caire attention à ce que lui repréfeotoit 
le plaignant» t dit qu'il ne vouloit accorder auctm délai ce à ftoftant dcm 
compagnons maçons, un tailleur de pierres et deux charpentiers aninnés par 
l'exemple dudit Sedaine, qui avoit un marteau en main» (e font mis à abattre 
ladite cloifon par la chute de laquelle le banc du comptoir et k compcotr 
même om été renverfés en partie, en forte que la mère du plaignam, laquelle 
étoit fur le banc dudit comptoir occupée à vendre des marchandifes de char- 
cuterie i une particulière, a été renverfée par terre et en rifque de perdre la 
vie. Que ladite cloifon de charpente, qui eft tombée dans la cave, a fait tomber 
par fa chute un chaudron de cuivre, une montre, une avance et les ais de la 
boutique, le tout de bois, des poids, des balances, de la marchandife de char- 
cuterie, et b violence avec laquelle ladite cloifon eft tombée a (ait perdre 
l'aplomb dudit comptoir d'où il eft tombé de l'argem et de la monnoie, doot 
partie a pu tomber dans la cave. Et, attendu le dommage qui en réfulte, le 
plaignant a requis notre tranfport pour nous rendre la préfente plainte. 

Signé : DesTRtnssAKD ; MiCHé de RociOBttn». 

{Afthixtt mstUméUi, Y, is,79a.) 



III 



1767. — 16 nurs. 

hd^ f «vtv LtcùmU fais don A Jêan-Micbtl Sêdaim (Tuas wmsom ùhUê à PêHs, 

ruê di la Roqudtê. 

Par-devant les confeiUers du Roi, notaires au Châtelet de Paris, fonflîgoés 
fut préfente dame Claude-Marie Bonneau, veuve de melfire Claude-Françots- 
NicoLas Lecomte, chevalier, confeiller du Roi en fes confcils, ancien lieute- 
nant criminel au Chitelet de Paris, y demeurant rue de la Roquette, faubourg 
St-.\ntoinc, paroiiïc Ste-Margucrite : Laquelle a, par ces préfentes, donné par 
donation entre vifs irrévocable et promet garantir de tous troubles et cmpè» 
chcmens généralement quelconques à ûctir Michtl-Jcaa Scdaine, bourgeois 



140 Les Comédiens italiens. 



de Paris, demeurant rue du Puits, paroifle St-Jean-en-Grève, à ce préfent et 
acceptant, une maifon (Ife à Paris, rue de la Roquette, faubourg St-Antolne 
avec un jardin et pludeurs corps de logis en dépendant, circondances et dé- 
pendances fans aucune exception ainfî que le tout fepourfuit et comporte, ap- 
partenante ladite maifon et dépendances préfentement doimée à ladite dame 
Lecomte, donatrice, au moyen du délaiffement qui lui en a été fait entre au- 
tres chofes par le fieur Noêl-Blaife Bruffat, bourgeois de Paris, concurateur à 
la fuccefEon vacante dudit fieur Lecomte, fon mari, et en déduction de fes 
droits et créances et fuivant l'acte de liquidation defdits droits paffé par-devant 
M* Briffeau, l'un des notaires foulfîgnés, et fon confrère, le lo décembre 1764. 
Ladite maifon et dépendances délaiffées pour la fomme de 20,000 livres à 
laquelle elle avoit été eftimée alors par le (leur Desbœufs, juré expert, fuivant 
fon procès-verbal du 14 août 1764; déclarant ladite dame Lecomte que ladite 
maifon et dépendances préfentement donnée eft de la valeur de ladite fomme 
de 20,000 livres. Pour par ledit fieur Sedaine et fes ayans caufe jouir et dif- 
pofer en propriété de ladite maifon et dépendances préfentement donnée, dès 
à préfent et cependant n'en commencer la jouiffance que du jour du décès de 
ladite dame Lecomte, donatrice, attendu la réferve qu'elle fait de la jouiffance 
pendant fa vie de ladite maifon et dépendances. Et fous ladite réferve d'ufu- 
fruit, ladite dame Lecomte a tranfporté audit fieur Sedaine, ce acceptant, tous 
droits de propriété qu'elle a et peut avoir fur ladite maifon et dépendances 
préfentement donnée, s'en deffaififfant dès à préfent en faveur dudit Sedaine, 
voulant qu'il en foit faifi et mis en po^TelIion par qui et aind qu'il appartien- 
dra, etc. 

Fait et paffé à Paris en la demeure de ladite dame Lecomte fufdite, le 16 
mars 1767, après midi. 

Signé : J. M. Sedaine. 

{Archivts nationales, Y, 413.) 



S 



IDONIE (Françoise-Sidonie VISENTINI, dite). 
Voy. Thomassin (Thomas-Antoine Visentini, dit). 



SILVIA (Jeanne-Rose-Guyonne BENOZZI, femme d' An- 
toine -Joseph -Jean - Gaétan - Maximilien BALLETTI , 
dite). 

Voy, Balletti (Jeanne-Rose-Guyonne Benozzi, femme de). 



Soli. — Soin. 141 



SOLI (Gabriel-Éléonor HERVÉ DU BUS, dit Champ- 
ville, dit). 
Foy. C11AJIPVIU.E (Gabriel-Éléonor Hervé du Bus, dit). 



SOLIÉ (Jean-Pierre SOULIER, dit). Né i Nîmes en 17s S, 
Solié dèbuu à la Comédie-Italienne le }i août 1782, par le 
rôle de Félix dans Félix, ou l'Enfant trouvé, comédie en trois 
actes, de Sedaine, musique de Monsigny. Le Journal de Paris du 
lendemain rendit compte en peu de mots de ce début et déclara 
que le nouvel aaeur, très-intelligent du reste et possédant l'habi- 
tude du théâtre, avait un jeu et des gestes parfois trop exagérés 
et que sa voix, bien qu'adroitement ménagée, était Êûble et sans 
timbre. 

Quelques jours plus tard, Solié joua Don AUm^e dans VAnutnt 
jaloux, paroles de d'Hèle, musique de Grétry; mais cette seconde 
tentative ne lui fut pas favorable et il ne put être reçu. 

Il reparut en 1786 et, plus heureux alors, il fut admis conune 
acteur pensionnaire avec des appointements qui s'élevèrent succes- 
sivement j usqu'au chiffre, imponant pour l'époque, de 8,000 livres. 

En 1787, une note manuscrite où se trouve consignée l'opinion 
du comité du théâtre sur chacun des artistes qui composaient 
alors la compagnie, s'exprime ainsi sur son compte : « Solié, au- 
jourd'hui très-utile aux comédiens en ce qu'il fen leur pareflfe. Il 
fe vengera bien fitôt qu'il fera reçu. Cet aaeur n'eft pas abfolu- 
ment fans talens , du moins il a l'ufage du théâtre. Il devroit 
fc livrer à l'étude des rôles à manteau et il pourroit rempbcer 
Rofièrc. » 

Le 15 avril 1789, il fut enfin reçu avec promesse de quart de 
pan, et l'année suivante il joua, avec un grand succès, le rôle 
du jardinier dans Vert- Vert, divertissement nouveau, paroles de 



142 Lis Qfmàiûms itaBems. 



DesfbotffiMS, imisiqae àt Dabrric, dont h pmiii è ie représenta- 
ûcm tôt hta k ii octobre 1790. 

Après b dissohitioa de b Cotnédîe-IfalicRnr^ SoGè fat attaché 
an théâtre de FOpéra-Comîqiie^ dont il fiit Fnn des aoenis les 
fb» npçiixidis. 

Con^Kisteiir de mérite^ 3 a £ût la musique de diflbents opé- 
ras conuques dont {Aosieors forent tris-qiprédés et parmi les- 
qods il hm sgnakr le Secret, Cbapàre secami et k Joduy. Sdié 
est mort i Paris k 6 août 1812. 



( Aa * M ■■> • !■ d ht, 0«. lit, -» lo , 
fmHs^ iTfj et iTt;. —GrÎHM 
Uairmin, XT, 191. —Jtmrwml iê FmHs, 17S1, 
i«r acfvcabrr. — VOfimimm dm fmrUrrt, fn 
M. TdOem. Purfs, ]tetâKt,tt Xm (iSos). — 
ËMiwmt iet Cf â f iiM i , ^an^ Fsvtc, îlot. — 



1789. — 15 avrîL 
JtamrTiern SautUr, dU ScUi, est nçu aoec promisse it quart it part, 

Noos dnc de Rîchelîea, pair de France, premier gentilhomme de la cham- 
bre du Roi, 

Avons reçu, fous le bon plaifir du Roi, au nombre de fes comédiens italiens 
ordinaires le ûeur SoUé à quart de part dont il ne conunencera à jouir que 
lorTqu'il y en aura de vacant. 

Voulons qu'il jouiOTe en attendant des mêmes appointemens de 8,000 livres 
qu'il avoit ci-devant. 

Paris, ce 15 avril 1789. 

(Jrehhtt nati^atu, 0<, M*) 

OPEZZAFER. 

Foy, Mansac (François). 



Signé : Le Duc de Richelieu. 



SpineUe. 145 

SPINETTE. On ignore le véritable nom de cette actrice, qui 
était belle-sœur d'Angelo Constantini, dit Mézetin (i). Après 
avoir fait panie quelque temps de la troupe de l'Électeur de Ba- 
vière et joué sur le théâtre de Bruxelles, elle vint à Paris et débuu 
à l'ancienne Comédie-Italienne au mois d'avril 1697, ^^^ <iue 
nous l'apprend le Mercure : a On vient de voir, dit-il, une nouvelle 
actrice fur le Théâtre-Italien fous le nom de Spinette. Elle a re- 
préfenté cinq ou ûx perfonnages différens dans la même pièce, 
SpitutU, lutin amoureux, ce qui lui a attiré de grands applaudif- 
femens et le nom d'actrice univerfelle. » 

Peu de jours après, le 14 mai 1697, la Comédie- Italienne (ut 
supprimée et b nouvelle actrice, à qui sa beauté et son talent sem- 
blaient promettre une grande renommée théâtrale, prit le parti de 
retourner en Italie. 

La pièce de Spinette, lutin amoureux, est la dernière comédie qui 
ait été représentée à l'ancien Théâtre-Italien (2). Elle fut reprise 
le 20 novembre 1722 à la nouvelle Comédie-Italienne sous le titre 
de : le Lutin amoureux, et le rôle de Spinette y fut alors rempli par 
Hélène- Virginie Balletti, femme de Louis-André Riccoboni, dit 
Lélio, et bien connue au théâtre sous le nom de Flaminia. 

iJHitlmft i€ r^mtitn TUitrt-itmUtm. » Dktim' 



(1) EU* ét«it, tairast tovttt Ut vnÛM«bUact>, U tctur <*Aorttt«,fini««<*ABf«loCoMliMisl, 
^ui joua qtt«lqv« t«9if« Mn» »ucc*« à U C(MiMi«-Iuli«a»« tt ^«1 t'tafafM pl«t taré àêmê wm 
trouf« qui donaait 4«» r«f riacautipnt «a AlUmagma. Cttta trottf* 4oit itt« calla 4« rÊlact««r 
4« Bavt«f«, à laqa«U« oa «ait qua Sptaatta Ait losftaaifa attaclite. 

(s) Oa a »oav«ttt préie«4a qua la lopprtaaioa 4a la CoaiMia-Italiaaaa Ml h— à la tsht 4*«at 
pi4<a qai 7 fut repréaantca tout U titra 4a : fa Fmmu* Frmd* at 4aaa laqaalte aa iro«vaia«t 4aa 
•llii«ki«« à M« 4a Maiaiaaoa. Il parait à p«« préa certaia a«loar4*liai qiM c'aai ««a arravr, 
qut lamai* la cowctiic 4a la Fmmttt frndt a'a été ioaéa «t qaa la 4ariiltr ovvrafa raprèaaaié A fa»* 
«tamia CotacJit-ltilicnaa fut bta«, coma»a U ttt 4it ici, 5/««#tl#, aa U Lmhm aaMvmu. C'aai 4a 
moiat it qui rétulit 4*aa aatmica qu'aa aatttir 4ramaiiqua, Tboa»at-SiaMa Caavllatta, aat ta 
171! àtti Anfclo Contiantini, 4tt Maictîa. actaar 4a rancitaaa troopa italiassa, A un 41»ar €ha 
Louift-André Riccoboni, dit L«I»o, «atrctian qo« la« frèraa Farfakt oat réa«aé tm caa t ar ia a : 
• De tout la« bruit» qui (t répaadircat A <atta occafioa, la plv» coanti et aa a»é«a taapa calai qiM 
Ton regarde comme le plut apocryphe 4epui» plubatirt aaoAea, fat 4*attrtbaar catta dilgrAca A aaa 
^omcdia de LaooMe intitulée fa Faa/r Prmdt, car il aa raAa aacaaa piaca 4a C9 aom ; capaadâal 
ca« Ifuitt. A enteodrc Hactaur doat il ei iici qaciioa, a'ètoiaat paa datiiaét 4a toat fo ad e iaal. Il 
parut «■ ce tempt-lA aa HoUaadc ua roaMa loa» €• titra doat Taatréa fut iatarAta aa f raaca Caaa 
de» païaaa tria-rtgoartala», oa 4a soia» oa lappofoit faafaoMat A Fana ratiAaact 4a ca 



144 Les Comédiens italiens. 



1697. — 4 mars. 

Spinette, bdle-sonir d'Angelo Constantini, dit Mé^etin, est reçue à Vessai 

à la Comédie-Italienne, 

Il eft ordonné à la troupe des comédiens italiens entretenus par Sa Majefté 
de recevoir à TefTai la fœur du fîeur Méfétain, fuivant la volonté de Monfei- 
gneur. 

Fait à Verfailles, le 4 mars 1697. 

Signé : Le Duc de Beauvillier. 

(Archiva nationales, O*, 846.) 



S 



TICOTTI (Fabio), dît Fabio, dit Pierrot, dit Pantalon. 



STICOTTI (Ursule ASTORI, femme de), dite Isabelle, 
dite LA Cantarina. Fabio Sticotti et Ursule Astori, sa 
femme, faisaient tous deux partie de la troupe italienne formée 
d'après les ordres du duc d'Orléans, régent, par Louis-André 
Riccoboni, dit Lélio, et qui vint à Paris en 1716. Ursule Astori 
était la cantatrice de la troupe sous le nom d'Isabelle et jouait 
aussi au besoin les seconds et troisièmes rôles. 



et des ordres furent donnés en conféquencei ce qui n*eft pas fans exemple ni ftnsvraifembUnce.En 
effet, depuis le récit du fîeur Conft&ntini on « fait en Holltnde des perquifitions réitérées fans pouvoir 
acquérir aucune notion touchant cette prétendue Fau£* Prude. Quoiqu'il en foit, le roman que l'on 
annonçoit fjus ce nom et les précautions que l'on prenoit, dit-on, pour l'intercepter, n'en faifoient 
pas moins la nouvelle du jour. Les comédiens italiens préparoient alors une comédie intitulée : 
la Finta Matrigna, en françois : la Belle-mére fuppo/ée, qui depuis a été fouvent repréfentée en 
italien au nouveau théitre. M. de FatouviUe l'avoit accommodée pour l'ancien en y inférant beaucoup 
de fcénes françoifes de fa façon et les comédiens crurent faire merveille et donner plus de célébrité 
à cette efpéce de nouveauté en lui donnant le titre de : la Faaffe Prude, qui étoit devenue vaudeville 
et qui pouvoit à la rigueur lui convenir. L'imprudence de leurconduite, qui mériteroitmêmeunnom 
moins doux, leur coûta cher. Leurs ennemis, et ils en avoient beaucoup, en profitèrent pour les perdre. 
Ils n'eurent pas le temps de repréfenter la pièce de M. de Fatouville qui ne fut qu'annoncée, et comme 
elle fe trouva renfermée fous le fcellé qu'on mit fur les loges, chambre du compte, etc., en fermant 
leur théâtre, on n'en a jamais eu de nouvelles. > 

{Dictionnaire des Thédtres, VI, 455.) 



SHcotti. 14 j 

Elle avait, parait-il^ un talent réel, qui fut souvent appbuJi, 
notamment dans une parodie de Pierre-François Biancolelli, dit 
Dominique, et de Jean-Antoine Romagnesi intitulée : Serpilla et 
Bajocco, représentée le 14 juillet 1729, où elle chanu brillamment 
un air italien avec accompagnement de trompettes. 

Elle mourut à Tige de 45 ans, le 5 nui 1739, rue Françoise, 
et fut inhumée en l'église Saint-Sauveur. 

Quant à Fabio Sticotti , engagé dans le principe pour chanter 
avec sa femme dans les intermèdes, il commença par jouer d'abord 
des rôles sans importance, pub adopta le personnage de Pierrot, 
dont il s'acquitta fon bien s'il £iut en croire le quatrain suivant : 

Cher Sticotti, je crois fans peine, 
Quand je te vois jouer Pierrot, 
Qpe n tu fais fi bien le fot, 
Tu ne le fais que fur la fcène. 

A partir de l'année I733> il aborda aussi l'emploi de Pantalon 
et le remplit avec succès. 

« C'étoit, dit un contemporain, un grand homme bien iait et 
d'une bdle phyfionomie, le vifage rond et plat. Il étoit d'une 
extrême gaieté au théâtre et dans la fociété. » 

Il mourut à l'âge de 65 ans, le 5 décembre 1 741, rue Françoise, 
et (ut inhumé dans la cave de b chapelle de la Vierge en l'église 
Saint-Sauveur. 

n avait été reçu à quan de pan le 11 février 1733, et il obtint 
demi-pan le 4 mai de la même année. 

Fabio Sticotti et Ursule Astori eurent trots enfants qui furent 
comédiens comme eux: i^ Antoine-Jean, qui poruau théâtre 
les noms de Toni et de Fabio et qui débuu, le 11 mai 1729, 
dans la Surpriu de r Amour, comédie de Marivaux ; il jouait les 

coM« DU toi. ^ n. 10 



146 Les Comédiens italiens, 

amoureux avec talent. Après la mort de sop père, il prit l'emploi 
de Pantalon et de Pierrot, et à partir de 1754 il y joignit les rôles 
de valets et de paysans (i). 2° Michel, qui porta aii théâtre le 
nona de Kelli et qui débuta, le 15 juin 1729, dans h. Surprise de 
V Amour, comédie de Marivaux; il ne fut pas reçu et alla jouer à 
l'étranger. 3° Agathe, qui dès 1741 parut à la Comédie-Italienne 
dans les rôles à' enfants et qui joua jusqu'en 1744, époque où 
elle épousa M. de Labédoyère, fils du procureur général au par- 
lement à& Bretagne. Cette union, désapprouvée par les parents 
du mari , donna lieu à un procès en nullité du mariage, qui fut 
plaidé avec un immense retentissement, en 1745, devant le parle- ^ 
ment de Paris. 

{Archivas natioiMUt, Y, 14,066. — Dictionnaire 
des Théâtres, V, 129, 243. — Calendrier histori- 
que des Théâtres. Paris, Cailleau, 1751. —Jour- 
nal de Barbier, IV, ^4. — Jal, Dictionnaire de 
biographie, p. 1150.) 



I 



1717. — 29 avril. 

Fabio Sticotli, dit Pantalon, se plaint ai un individu qui relient indûmettt 

son perroquet. 

L'an 1717 le jeudi 29* avril, quatre heures de relevée, par-devant nous Vin- 
cent Laurent, etc., en notre hôtel eft comparu Fabio Sticotti, Italien de 
nation, demeurant rue Pavée, à Thôtel de Carignan, paroifTe St-Euftache : 
Lequel nous a fait plainte et dit que, le 8 du préfent mois, il a perdu un per- 
roquet ayant les plumes defTous le ventre rouges, celles autour du bec blan- 
ches, lequel perroquet lui avoit été vendu, fix mois auparavant, par le fieur 
Pierre Borghctti (2), faifant le rôle de Pantalon à la Comédie-Italienne, lequel 
Tavoit acheté du nommé Martin Né, oifeleur, demeurant fur le quai de la 



(i) Il a fait représenter k la Comédie-Italienne, soit seul, soit avec Panard, un certain nombre de 
pièces qui obtinrent quelque succès. Il avait demi-part et prit sa retraite en 1759. 
(2) Lisez : Pierre Alborghetti. 



Sticottî, 147 

Vallée; qu'il auroil entendu, le lendemain dès le grand matin, ledit perroquet 
au haut de la maifon où il demeure, ce qui Tauroit obligé de fe lever pour 
lui porter fa cage et tâcher de Ty faîre rentrer, mais que ledit perroquet fe 
feroit envolé ayant été effarouché par un chat ; que lui plaignant auroit fait 
battre le tambour et auroit appris quelques jours après que fondit perroquet 
étoit chez le fieur de St-Marc, rue du Croiffant. Qu'étant allé chez ledit fieur 
de St-Marc, il auroit reconnu fondit perroquet ; mais que ledit fieur de St-Marc 
lui ayant dit qu'il falloit que lui plaignant lui amenât quelqu'un qui connût 
ledit perroquet, après quoi il le lui rendroit ; que lui plaignant auroit mené 
chez ledit fieur de St-Marc lefdits fieurs Borghetti et Né, lefquels auroient re- 
connu ledit perroquet pour être celui par lui vendu ; que cependant ledit de 
St-Marc, malgré tous ces témoignages, n'auroit voulu rendre ledit perroquet. 
Que la femme de lui plaignant étant allée chez ledit (leur de St-Marc avec 
d'autres perfonnes pour reconnoître auffi ledit perroquet, ledit fieur de St-Marc 
n'a voulu le leur faire voir et encore moins rendre ledit perroquet. 

Pourquoi il a été confeillé de fe rendre par devers nous pour nous rendre 
la préfente plainte. 

Signé : Laurent ; Fabio Sticottî. 

(^Archives nationales, Y, i$,)i8.) 



II 



1733. — II février. 
Fabio Sticotti, dit Pantalon, est reçu à quart de part. 

Nous duc de Rochechouart, premier gentilhomme de la chambre du Roi, 
avons reçu et recevons, fuivant les intentions de Sa Majefté, le fieur Fabio 
Sticotti dans la troupe des comédiens italiens du Roi, auquel nous avons 
accordé et accordons un quart de part dans celles qui font vacantes ; duquel 
quart il c(l ordonné â ladite troupe de faire jouir ledit Sticotti à commencer 
du 5 janvier de la préfente année, jour de fon début (i), etc. 

Fait à Paris, ce ii« février 1733. 

Signé : Le Duc de Rochechouart. 

{Archives nationales, G*, 846*) 



(i) Dans l'emploi de Pantalon, 



148 Les Comédiens italiens. 



m 

1733. — 4 mai. 
Fabio Slicotti, dit Pantalon, est reçu à demi-part. 

Nous duc de Rochechouart, premier gentilhomme de la chambre du Roi, 
accordons, fuivant les intentions de Sa Majefté, au (îeur Fabio Sticotti le quart 
de part vacant à la Comédie-Italienne pour, avec celui que nous lui avons 
accordé par notre ordre du 1 1 février dernier, faire une demi-part, etc. 

Fait à Paris, ce 4 mai 1733. 

Signé : Le Duc de Rochechouart. 

(^Archives nationaUs, O', 846.) 

Voy, Dehesse (Jean-Baptiste -François). 



SUIN. Un ordre de début en date du 8 mai 1769 appela Suin 
à la Comédie-Italienne, où il parut pour la première fois, le 
24 juillet suivant, dans les rôles de Pandolphe de la Servante maî- 
tresse, paroles de Baurans, musique de Pergolèse, et de Richard 
dans ItRoiet le Fermier, paroles de Sedaine, musique de Monsigny. 
Il joua ensuite le Huron dans le Huron, paroles de Marmontel, 
musique de Grétry; Lubin dans Annette et Luhin, comédie de 
M°* Favart et L...; Candor dans les Moissonneurs, paroles de 
Favart, musique de Duni; Dupri dans Isabelle et Gertrude, 
paroles de Favart, musique de Biaise, et fut reçu le 21 août aux 
appointements de 6,000 livres. 

Le 19 janvier 1770, les premiers gentilshommes de la chambre 
lui promirent sa réception à demi-part pour le terme de Pâques 
de Tannée suivante; mais cette promesse, on ne sait pourquoi, ne 
fut pas réalisée et Suin n'obtint la demi-part que le 9 avril 1773. 

Il prit sa retraite à la clôture de 1783. 



Siiin. 149 

Suin, disent les Mémoires secreis, ne manquoit ni de raifon, nî d'intelli- 
gence, ni de vérit<^, ni do naturel, mais Ton organe, fourd dans le chant et 
trilU* dans la comédie, dcplaifoit au public et rcbutoit des le premier abord. 
Une anecdote le rendoit en quelque forte facré. 11 avoit eu le malheur de 
répugner i la Reine dès qu'elle Tavoit vu. Sa Majedé, dans un mouvement 
involonuire, n*avoit pu s'empôcher de manifefter fon dégoût d'une façon Ci 
cxprelTive qu'on avoit intéreffé fon humanité et la bonté de fon coeur en lui 
faifant fentir que, û elle ne réparoit l'humiliation qu'elle venoit de donner X 
cet acteur par quelque marque de bienveillance, elle alloit lui faire perdre 
fon état et qu'il feroit ncceiïai rement renvoyé. La Reine voulut bien déclarer 
aux gentilshommes de la chambre que ce n'étoit pas fon intention et qu'elle 
cxigcoit que le fieur Suin redit i la Comédie. 

{ArthivtB mûliomsUt, O*, I47. — I/f 5f€€UuUt iê 
Péris, 1770. — Mim^ifii iêtrtts, XXU, |l4.) 



177$. — 9 avril. 
Suin est reçu à demi •fart. 

Nous nuréchal de Richelieu, pair de France, premier gentilhomme de la 
chambre du Roi ; 

Nous duc de Duras, pair de France, premier gentilhomme de la chambre 
du Roi, 

Avons reçu, fous le bon plaifir de Sa Majefté, le fieur Suin i demi-part 
dans la troupe des comédiens italiens du Roi pour y jouer les rôles de pères 
et autres qui feront jugés nécefTaires pour le bien du fervice. 

Fait i Paris, le 9 avril 177). 

Signé : Le Maréchal duc de Richelieu ; le Duc de Duras. 

(Art kit tt mëlitmëUt, O*, 146.) 






IeSSIER (Elisabeth). 

Voy. DoUONVlLtE. 



THOMASSIN (Thomas-Aktoike VISENTINI, dit), dit 
AtLEaUtN. 



THOMASSIN' (Marguerite RUSCA, femme de), dite Vio- 
lette. 
Thomis- Antoine Vîscntini, qui porta au théâtre le nom de 
Thoiiussin, naquit i Vicence vers 16S2. II entra jeune encore 
dans une troupe qui parcourait l'Italie et joua la tragédie. On 
raconte miime qu'^ Rome, où il était interdit .lux femmes de pa- 
raître sur la sceTie, il remplit l'emploi des jeunes priiuesses et 
qu'il y fut applaudi. Quoi qu'il en soii, diverses circonstances lui 
firent abandonner la tragédie et prendre les rôles <ï Arlequin. o\i 
il acquit bicntùt une grande réputation. Il fut engagé par Louis- 
André Kiccoboni, dit I.élio, dans la troupe que le régent fit venir 
i. Paris et débuta avec elle, ï la nouvelle Cumédic-Italienne , sur 



152 Les Comédiens italiens. 

le théâtre du Palais-Royal, le 18 mai 17 16, dans VInganno fortu- 
nato, pièce italienne connue en français sous le nom de : l'Heu- 
reuse surprise. 

Voici sur les débuts deThomassin quelques détails curieux em- 
pruntés à un auteur dramatique contemporain, Thomas-Simon 
Gueullette : 

Le célèbre Dominique, qui s'ed fait une (1 grande réputation en France 
fous le' mafque d'Arlequin, avoit un défaut dans la voix auquel il avoit fl 
bien accoutumé le public aulli bien que fes imitateurs qu'on n'avoit point 
imaginé depuis fa mort qu'un Arlequin pût être fupportable fans parler de 
la gorge et affecter une voix de perroquet. Le (ieur Riccoboni père et le 
fieur Thomaflîn, inftruits de ce préjugé, n'en furent pas médiocrement 
alarmés, furtout le dernier qui avoit parlé toute fa vie avec fa voix naturelle... 
Il s'agiffoit d'apprivoifer les fpectateurs qui s'effarouchent quelquefois à 
moins et voici comme on s'y prit. Il y a plufieurs fcènes de nuit dans 
VHeureufe furprife, on en plaça une au commencement de la pièce. Lélio 
(Louis- André Riccoboni) appeloit Arlequin (Thomaflîn), fon valet, qui 
d'abord ne répondoit pas et répondoit enfuite par intervalles, paroiffant fe 

rendo'rmir chaque fois après avoir répondu. Lélio l'alloit chercher, Tamenoit 

• 

fur la fcène dormant toujours debout ; il l'éveilloit avec beaucoup de peine 
et lui parloit. Arlequin en lui répondant fe laiflbit gliffer à terre et fe 

m 

rendormoit ; fon maître le relcvoit et Arlequin dormoit fur fon bras. Enfin, 
le public fut dupe de cette fcène et après avoir ri et applaudi pendant un 
quart d'heure fans que le nouvel Arlequin ait prononcé un mot, il n'eut 
plus le courage de le chicaner fur fa voix lorfqu'il vint à fe faire entendre 
et lui permit d'être naturel fans tirer à conféquence. 

Cependant le succès de curiosité qu'obtint dans le principe la 
nouvelle troupe italienne ne dura que peu de temps. Dès l'année 
suivante, la salle de l'hôtel de Bourgogne devint à peu près dé- 
serte, autant à cause des pièces en italien que les Parisiens ne 
comprenaient plus qu'à cause de la reprise de mauvaises pièces 
françaises d'une grossièreté révoltante , empruntées au répertoire 
de l'ancienne Comédie-Italienne. Thomassin seul trouvait grâce 
devant le public; aussi ses camarades en profitèrent -ils pour 



Thomassin. 153 



essayer, grâce à lui, de conjurer la ruine imminente de leur 
société et lui firent-ils prononcer un soir une harangue par la- 
quelle la troupe sollicitait l'indulgence du parterre, lui deman- 
dait un peu de patience et s'engageait à faire de son mieux dans 
l'avenir. 

Ce discours est ainsi conçu : 

Medîeurs, on me fait jouer toutes fortes de rôles. Je fens que dans beau- 
coup je dois vous déplaire. Le balourd de la veille n'efl plus le même 
homme le lendemain et parle efprit et morale. Jadmire avec quelle bonté 
vous fupportez toutes ces difparates ; heureux fi votre indulgence s'étendoit 
jufqu'à mes camarades et fi je pouvois vous réchauffer pour nous I Deux 
chofes vous dégoûtent : nos défauts et ceux de nos pièces. Pour ce qui nous 
regarde, je vous prie de fonger que nous fommes des étrangers, réduits 
pour vous plaire à nous oublier nous-mêmes. Nouveau langage, nouveau 
genre de fpcctacles, nouvelles mœurs I Nos pièces originales plaifent aux 
connoifTcurs, mais les connoiffeurs ne viennent pas les entendre. Les dames, 
et fans elles tout languit, contentes de plaire dans leur langue naturelle, ne 
parlent ni n'entendent la nôtre, comment nous aimeroient-elles ? Quelque 
difficile qu*il foit de fe défaire des préjugés de l'enfance et de Téducation, 
notre zèle pour votre fervicc nous encourage et pour peu que vous nous 
mettiez en état de perfévérer, nous efpérons devenir non d'excellens acteurs 
mais moins ridicules à vos yeux, peut-être fupportables. A l'égard de nos 
pièces, je ne puis trop envier le bonheur de nos prédéceffeurs qui vous ont 
attirés et amufés avec les mêmes fcènes qui, remifcs aujourd'hui au théâtre, 
vous ennuient et dont vous pouvez à peine foutenir la lecture. Le goût des 
fpcctateurs eft changé et perfectionné, pourquoi celui des auteurs ne l'eft-il 
pas de même ? Vous voulez, et vous avez raifon, qu'il y ait dans une comédie 
du jeu, de l'action, des mœurs, de l'efprit et du fentiment, en un mot 
qu'une comédie foit un ragoût délicat où rien ne domine, où tout fe faffe 
fentir. Plus à plaindre encore que les auteurs, nous fommes refponfables et 
de ce qu'ils nous font dire et de la manière dont nous le difons. J'appelle de 
cette rigueur à votre équité : mefurez votre indulgence fur nos efforts, nous 
les redoublerons tous les jours. En nous protégeant, vous vous préparez 
dans nos enfans de jeunes acteurs qui nés parmi vous, qui formés pour 
ainfi dire dans votre goût, auront peut-être un jour le bonheur de mériter 
vos applaudiffemens. Quel que puiffe être leur fuccès, ils n'auront jamais 
pour vous plus de zèle et de refpcct que leurs pères. 



154 Les Comédiens italiens. 

Ces paroles, prononcées par un comédien sympathique, obtin- 
rent l'effet désiré, et peu à peu , grâce aux efforts soutenus des 
acteurs, la Comédie-Italienne reprit la vogue, La carrière drama- 
tique de Thomassin fut extrêmement brillante. Souple, gai, naïf, 
original, il savait, par ses excellentes bouffonneries, dérider toute 
la salle, puis, par des nuances insensibles, passer avec une habileté 
merveilleuse de la plaisanterie au pathétique. Dans Timon le mi- 
santhrope, comédie en trois actes, de De Lisle, dans la Double In- 
constance et dans Vile des Esclaves, comédies de Marivaux, il 
arracha des larmes à ses auditeurs ; effet prodigieux si Ton pense 
que le jeu de sa physionomie était caché par un masque. Dans 
les dernières années de sa vie, Thomassin parut peu à la Comédie- 
Italienne, comme nous l'apprend ce quatrain : 

Cher Vifentinî, le parterre 
Ne te reproche qu'un défaut, 

J*6fe le dire tout haut, 
C'eft que tu ne te montres guère. 

Il mourut, après une longue jnaladie, le 19 août 1739, rue 
Neuve-Saint-Denis, et fut inhumé le lendemain en l'église Saint- 
Laurent. 

Avant de venir en France, il avait épousé Marguerite Rusca, 
connue au théâtre sous le nom de Violette et qui vint avec lui à 
Paris en 1716. Elle joua à la nouvelle Comédie- Italienne les 
rôles de suivantes et mourut à l'âge d'environ 40 ans, le 28 fé- 
vrier 173 1. Elle fut inhumée le lendemain en l'église Saint-Lau- 
rent, sa paroisse. 

Thomas-Antoine Visentini eut plusieurs enfants, comédiens 
comme lui : 1° François, qui parut au théâtre dès 1 719, à l'âge de 
4 ans et demi, sous le masque d'Arlequin, dans une scène ajoutée 
à la comédie de GueuUette, Arlequin Pluton. Il mourut le 19 avril 



Thomassin. i j 5 



1729; 2° Vinccnt-Jcan, dont il sera parlé plus loin; 3** Caihcrinc- 
Antoincitc, qui épousa le comédien Jcan-Bapiistc-François Dc- 
hcssCy et sur laquelle il a été donné plus haut quelques deuils; 
4° Louise-Élisabeth-Charlottc, connue au théâtre, où elle débuta 
en juillet 1733, sous le nom de Babet, et qui mourut le 18 février 
1740; 5** Françoise-Sidonie, qui débutai la Comédie-Italienne, le 
1 5 octobre 1736, dans la Folie raisonnable, comédie en un acte, en 
vers, de Pierre-François Biancolelli, dit Dominique, fut reçue en 
1740 en remplacement de sa sœur Babet et mourut le 5 septem- 
bre 1743. Cette actrice, que Ton nommait au théâtre Sidonie, fut 
surtout remarquée dans les parodies, qu'elle rendait supérieure- 
ment; 6" Joaclîim, qui débuta, le 26 août 1741, parle rôle d'Jr- 
leqtiin dans Timon le misanthrope, comédie de De Lisle. Il ne fut 
pxs reçu et alla jouer en province. 

Une dernière fille de Thomassin, Marie-Louise, qui mourut le 
1 1 septembre 1745, à Tâge de onze ou douze ans, ne semble pas 
avoir jamais paru au théâtre. 

(Jtfrrrarff dt Fr^mee, 1791 ■ — CéUnÀritr hitt»r$fmt 
it» Théitrti. Pirii, CAïUeau, 17^1. — DùtMm- 
■jfr« dgi ThéJirtit VI. 172, 174, 176, 17I, ito, 
741. — Journél it CêlU, I, )ll.) 



1727. — içnurs. 

Liitre antogrjfhe dt Thomas-Antoin/ Visentini, dit Thomassin, four réclamer 
rexèculicn d*une ordonnance dis premiers gentitstyommts de la citamtre, relative 
à M*^ Catherine- Antoinette Visentini, sa fille (i), 

M(>nrtcur(2), 

Je prcnJ la libcrtc/ de vous vcrirc pour vous aiïiirer de mes ci\*ilitéz et pour 
vous prier de vouloir bien nie Uirc la grâce de mander X mes canuradc de 



(1) E:!r «pftjia flui tird jcan Bapiiitc Ochctw. 

(<) C«ti« Ifliii* cil êirtiiUt i riaicsiAat ict acaut fUitirt ém l«i. 



156 Les Comédiens italiens. 

faire honneur à Tordonnance de meilleurs les gentilshomme de la chambre 
au fujet du quart de part qu'il a plu à Sa Majefléz d'acorder à ma fille de- 
pluis le 28* décembre dont elle n'a pas encore joui. C'eft la feule grâce que 
je vous demande en demeurant avec un profont refpefl le plus afiectionéz 
de vos ferviteur. 

ViSENTINI, 

De Paris ce I9« mars 1727. 

(Archives nationaUs, O', 846.) 

Voy, Alborghetti (Pierre) ; Dehesse (Jean-Baptiste-François) ; Ricco- 
BONi (Louis-André). 



THOMASSIN (Vincent-Jean VISENTINI, dit). Fils des 
précédents et né à Paris en 1707, Vincent-Jean Visentini, 
connu au théâtre sous le nom de Thomassin déjà porté par son 
père, débuta à la Comédie-Italienne, le 19 novembre 1732, parle 
rôle de Bajoco dans le Joueur, comédie italienne en trois actes, 
de Louis-André Riccoboni, dit Lélio. 

Quelques jours plus tard, le 5 décembre, Thomassin joua le 
rôle du maître à chanter dans le Je ne sais quoi, comédie en un 
acte, en vers, de Boissy, et fut reçu peu après pour doubler son 
père dans les rôles à^ Arlequin. On ne croit pas pourtant qu'il 
ait paru souvent dans cet emploi, mais on sait qu'il représenta 
plusieurs fois avec distinction le rôle de Polichinelle et qu'il fut un 
excellent danseur. 

Il prit sa retraite à la clôture de 1755, et le 4 septembre suivant 
on donna à son bénéfice une représentation qui obtint un grand 
succès et dans laquelle on joua la Servante maîtresse, comédie 
de Baurans, musique de Pergolèse ; la Fite de V Amour, comédie 
en un acte et en vers libres, de M"*' Favart, et trois divertissements 
dont le dernier, intitulé les Villageois, avait été composé par Jean- 
Baptiste-François Dehesse. 



TIjomassin, 157 



Vinccnt-Jcan Viscntini, dit Thomassin, est mort vers 1769. 

Il avait épousé Marie- Agnès Siméon, qui débuta à la Comédie- 
Italienne, le 31 août 1752, par le rôle de la comtesse dans VHeu- 
reux Stratagème , comédie en trois actes, de Marivaux. Elle joua 
ensuite Araminie dans les Fausses Confidences, et un rôle travesti 
dans b Fausse Suivante, ou le Fourbe puni, comédies de Marivaux. 
Sa taille élégante et la grâce avec bqucUe elle portait le costume 
masculin lui valurent quelques appbudisscments, mais elle ne 
put être reçue et renonça peu après au théâtre. 

{DutUnnsift iêi Tkéitrt$, VI, 177, lia, 74a ) 



I 



1749. — 3 juillet. 

rituent'Jean Visent ini, dit ITiomassin, est accusé de séduction par Elisabeth Deniset, 

sa domestique, 

L*an 1749. le jeudi 3 juillet, deux heures de relevée, en notre hâtel et par- 
devant nous Picrrc-ClauJe Millon, etc., e(l comparue Elifabeth Denifet, fille 
majeure, demeurant rue du Bout-du-Mondc, paroifle St-Eu(Uche : Laquelle 
nous a rendu plainte contre le nommé Thomaflin, acteur de la Comédie-Ita- 
lienne, demeurant rue des Deux-Portes-St-Sauveur, et dit qu'elle e(l entrée pour 
fon malheur, en qualité de domeftique, au mois d*avril 1748, chez ledit Tho- 
mafTm qui n*a pas diiïéré i manifeder i la plaignante les défirs criminels qu'il 
avoit conçus pour elle. Que la plaignante, pleine d'horreur pour ces inûmes 
propofitions, a repoufTé avec beaucoup de courage les aflauts redoublés qu'il 
a livres i fa vertu. Qu'enfin, ébranlée par des attaques qui devenoient chaque 
jour plus fréquentes et plus fortes et féduite par les careflfes et les promcflcs 
fur Icfquclles fon tenuteur enchériflfoit à duque inftant, il lui a arraché une 
virginité qu'elle n'a jamais confenti i lui accorder de bonne grice. Que les 
fuites de cette \*iolence ont été la continuation d'un commerce criminel dont 
la plaignante n*a pu fe défendre après Tépoque de U tri De défaite. Qu'un 
dernier accident a mis entîn le comble au défefpoirde la plaignante: c'eftune 
gmiTcire d'environ fix mois dont elle a cru devoir nous venir faire la déclara- 
tion. Q>ic ledit Tliomaflîn, infidèle i toutes fcs promcflcs, loin de fe porter à 



158 Les Comédiens italiens. 



adoucir un malheur dont il eft Tauteur, n*a pas rougi de congédier la plai- 
gnante de concert avec fon époufe. Et comme la plaignante n'a jamais eu 
d'autre tache dans fa conduite que fa fatale complaifance pour la paflion dudit 
Thomaflin et que la régularité de fes mœurs, à ce crime près, la met en droit 
de prétendre à des dommages-intérêts confidérables, elle eft venue nous rendre 
plainte. 

Signé : Elisabeth Deniset ; Millon. 

{Archivas nationales. Y, 14, {42.) 



n 



1751. — 22jum. 

Ordre à Vincent-Jean Visentini, dit Thomassin, de se rendre prisonnier 

au For-rÉvê^ue. 

Nous duc de Gefvres, pair de France, premier gentilhomme de la cham- 
bre du Roi, gouverneur de Paris et de PIle-de-France : Ordonnons au fieur 
Vincentini, comédien italien du Roi, de fe rendre, à la réception du préfent 
ordre, au For-rÉvéque (i). 

Mandons au concierge dudit For-l*Évêque d*y recevoir ledit Vincentini 
pour y refter jufqu'à ce qu'il en foit autrement ordonné par nous. 

Fait à Paris^ ce 22 juin 1751. 

Signé : Le Duc de Gesvres. 

(^Arehivti nationaUs, O', 846.) 



III 



1 751. — 22 jum. 

Défense à Af « Marie- Agnès Siméon, femme de Vincent -Jean Visentini, 
dit Thomassin, d'entrer jusqu'à nouvel ordre à la Comédie-Italienne, 

Nous duc de Gefvres, pair de France, premier gentilhomme de la chambre 
du Roi, gouverneur de Paris et de l'Ile-de-France ; Défendons aux comédiens 



(i) U s'était querellé avec sa femme dans les coulisses du théâtre et avait causé un certain scandale. 



Thomassin. 159 



italiens du Roi de laifler entrer à la Comédie-Italienne la femme du fieur Vin- 
centini, Tun des comédiens italiens du Roi, fous aucun prétexte, jufqu'à ce 
qu'il en ait été autrement ordonné par nous. 
.Fait à Paris, ce 22 juin 175 1. 

Signé : Le Duc de Gesvres. 



(^Archivés nationales, O*, 846.) 



IV 



1752. — 20 mai. 

Vincent-Jean Visentini, dit Tijomassin, conduit che^ le commissaire pour avoir pro- 
voqué un soldat du guet, est relaxé à la réclamation de M^^* Marie-Agnès Siméon, 
sa femme. 

L'an 1752, le famedi 20* jour de mai, neuf heures du foir, en Thôtel de nous 
André Defacq, etc., a été amené par Jean-Baptifte Verdun, fergent du guet 
et fon efcouade, un particulier qui s'eft dit fe nommer Vifentini Thomaffin, 
acteur de la Comédie-Italienne, lequel il nous dit avoir arrêté incontinent, rue 
St-Denis, près la rue du Renard, pour avoir infulté un foldat du guet et Tavoir 
provoqué à fe battre. 

Et à Tinftant eft comparu Guillaume-Jofeph Thuin, foldat du guet de Tef- 
couade de Bexon, demeurant rue Grenier-St-Lazare, chez le fieur Poirier, 
fruitier : Lequel nous a dit qu'incontinent revenant de la rue Montmartre, 
s'en retournant chez lui par la rue du Petit-Lion, en compagnie de Jean 
Berlinge, vendeur de firops et de liqueurs, demeurant 'chez la. veuve Morlet, 
vinaigrière, rue St-Martin, près la rue aux Ours, il a fait rencontre dudit 
Thomaffin, lequel, fans lui avoir rien dit, eft venu par derrière, s'eft jeté fur lui 
et l'a féparé d'avec ledit Berlinge qui le tenoit par le bras et Ta penfé faire 
tomber ; que lui comparant lui ayant dit de prendre garde à lui, il lui a donné 
un coup de poing dans l'eftomac et à l'inftant il lui a voulu donner un coup 
de fa canne par la tête, lequd coup ayant paré, icelui Thomaffin a tiré à l'inf- 
tant fon épée et la lui a préfentée par la pointe fur l'eftomac et enfuite il l'a 
provoqué de venir fe battre à l'épée ; que lui comparant lui a dit qu'il le vou- 
loit bien, pour gagner du tems, mais qu'il falloit qu'il vînt dans l'enclos de la 
Trinité, où ils fe battroient mieux ; qu'en y allant lui comparant a dit audit 
Berlinge d'aller chercher la première efcouade du guet à l'effet de le faire 
arrêter ; laquelle étant venue, elle s'eft faifie de lui et nous Ta amené. 

Signé : Thuin. 



i6o Les Comédiens italiens. 



Sur quoi nous commi (Taire, etc., ayant en conféquence fait venir par-devant 
nous ledit Thomallin et nous étant enquis de fes nom, furnom, âge, demeure 
et qualité, s'il avoit infulté ledit Thuin, s'il ne lui avoit pas voulu donner un 
coup de canne fur la tête, s'il n'avoit pas voulu tirer l'épée contre lui et qc 
l'avoit pas pointée contre icelui Thuin et ne l'avoit pas enfuite provoqué à fe 
venir battre? Icelui Thomallin, après ferment fait dédire vérité, a dit fe 
nommer Vifentini Thomallin, être acteur de la Comédie-Italienne, demeurant 
rue Bourg-l'Abbé, à la Croix-de-Fer, chez le fieur Chaudron. A dit ne pas fe 
fouvenir d'avoir maltraité icelui Thuin, d'avoir caffé fa canne dans le ruifleau 
et ne pas favoir s'il avoit tiré fon épée contre ledit Thuin, ni de l'avoir voulu 
percer et qu'il en feroit très-fâché et ne pas fe fouvenir qu'il l'eût provoqué 
â fe battre. 

Signé : Visentini. 



En procédant eft comparue demoifelle Marie-Agnès Siméon, emme dudit 
Vifentini Thomaflin, demeurant fufdite rue Bourg-l'Abbé : Laquelle nous a 
dit que icelui ThomafOn eft, comme dit ell, fon mari ; que 11 il a infulté ledit 
Thuin, ce n'efl point par aucun mauvais delfein, mais par une fuite de quel- 
ques verres de vin qu'il a de trop et que quand il ell dans cet état il ne fait ce 
qu'il fait ; qu'au furplus elle nous requiert de ne le point envoyer en prifon 
n'y ayant perfonne de bleffé, parce que 11 il y étoit, cela dérangeroit le fpectaclc 
dans la Comédie-Italienne et le fervîce du public. Pourquoi elle requiert 
qu'il lui foit remis es mains aux foumillions qu'elle fait de le repréfenter û il 
ell ainû ordonné. 

Signé : Marie-Agnès Siméon. 



Et par ledit Thuin a été dit qu'il n'entend faire aucune pourfuite contre 
ledit Thomaflin et confent qu'il foit mis en liberté. 

Signé : Thuin, 

Dont et de quoi avons donné acte, etc., et en conféquence ledit Thomallin 
a été remis entre les mains de ladite demoifelle Siméon, fa femme, qui s'en ell 
chargée pour le ramener chez lui et le repréfenter (i il eft ainfi ordonné, et a 
été remife â ladite demoifelle Siméon l'épée de fon mari. 

Signé : M. A. Siméon; Defacq.. 

Archives HAtionaUs, Y, 12,451.) 



Thotnassin, i6i 



1754. — 29 juin. 

PUUnU ii Vincent-Jean Visent ini, dit Tbowêossin, tt de Mari^Agnà Simion, 
sa femme, contre une tentative d'extorsion de signature, 

L*an 1754, le faroedi 29 juin, heure de midi, en l'hôtel et par-devint nous 
liugucs-Philippc Duchcfne pour l'ablence de M* Bourgeois, etc., font com- 
parus ficur Jean-Vincent Vifcntiny-Thomadin, officier ordinaire du Roi, et 
demoifcllc Marie-Agnès Siméon, fon époufe, de lui féparée quant aux biens, 
demeurant à Paris rue du Faubourg-St-Martin, paroiflfe St-Laurcnt, dans une 
maifon réellement faifie fur le fieur Ninons et fa femme et de laquelle le bail 
judiciaire leur a été cédé par le fieur Mathé, fermier judiciaire d*icel le : LefqueU 
nous ont dit que le ficur Regley, ci-devant fennier judiciaire de ladite maifon, 
apparemment fiché d*étre obligé d*en fortir pour la rendre libre aux comparans, 
a ufé d*artificcs et de manoeuvres pour fe conferver fon logement dans cette 
maifon gratuitement et, i cette fin, a fabriqué un écrit fans date, de fa main, 
par lequel ledit ûeur comparant, pour reconnoftre ledit Matlié de ce qu*il lui 
a cédé ledit bail judiciaire et pour Ten indemnifer, femble lui céder gratui- 
tement tous les lieux que ledit Regley occupe par lui-même dans ladite 
maifon pour auunt de tems que la commidion durera. Lequel écrit ledit 
Regley a remis entre les mains du fieur Mounier-Delafofle, bourgeois de 
Paris, ami des comparans, et Ta prié de le faire ûgner audit comparant par 
furprife et lorfqu*en le faifant boire il Tauroit mis dans un état i n'avoir au- 
cune connoiiïance de ce qu'il lui faifoit figner; que ledit fieur Delafofle, 
indigné d'une pareille trahifon et manœurre, eft venu trouYcr les comparans, 
leur a découvert le projet dudit Regley et leur a remis le fufdit écrit Et 
comme ledit fieur ThomafCn a l'efprit foible et perd aifémem connoillance 
lorfqu'on le fait boire et que les comparans, appréhendant que ledit Regley, 
n'ayant point réuffi dans fa manœuvre, emploie d'autres (Iraugémes pour 
furprendrc la fignature dudit comparant, foit pour le même fujet, foit pour 
d'autres, et que d'ailleurs ils veulent conflater la manœuvre dudit Regley et 
Ten faire punir, ils font venus nous faire la préfente déclaration et plainte. 

Signé : A. SlMÉOS; VlSENTINl-TuOMASSIM. 

(Àrfk$9*$ mëH0msUi, Y, tt,f4S ) 



COM. DU KOI. — IL II 



i62 Les Comédiens italiens, 

THOMASSIN (Guillaume-Adrien), dit VISENTINI. Fils 
des précédents et né à Paris en 1744, Guillaume- Adrien 
Visentini reçut les leçons de Jean-Baptiste-François Dehesse, son 
oncle, et parut pour la première fois à la Comédie-Italienne le 
22 février 1749, à l'âge de cinq ans, dans le ballet des Enfants 
vendangeurs, divertissement représenté à la suite de la comédie de 
Boissy intitulée : le Retour de la paix. Il fut extrêmement goûté et 
se distingua encore dans deux autres ballets : les Enfants sabotiers 
et les Vendanges, 

On ignore l'époque du véritable début de Guillaume-Adrien 
Visentini, qui porta au théâtre, comme son père et son grand- 
père, le nom de Thomassin. On sait seulement qu'il doubla Jean- 
Baptiste Laruette et qu'il joua quelquefois les rôles à^ Arlequin, 
notamment en 1784, dans la comédie de Florian intitulée : les 
Deux Jumeaux de Bergame. Il paraît même avoir remporté un 
certain succès dans cette pièce, car un contemporain a écrit qu'il 
ne s'y montra pas indigne du fameux Thomassin, son aïeul. Tou- 
tefois, dans une note manuscrite en date de l'année 1787 et où se 
trouve consignée l'opinion du comité du Théâtre-Italien sur chacun 
des artistes qui composaient alors la compagnie, on lit : « Tho- 
massin, absolument inutile. » 

Cet acteur, qui avait été reçu à quart de part le 12 avril 1775, 
prit sa retraite au mois de mai 1789 et mourut en 1807. 

Il avait épousé, vers 1772, M"** Jeanne-Nicole Tisserand, qui 
débuta à la Comédie-Italienne, le 2 octobre 1776, par le rôle 
à'Annette dans Annette et Lubin, comédie en un acte, de M"* Fa- 
vartet L..., et dt Jeannette dans le Déserteur, paroles de Sedaine, 
musique de Monsigny. Elle joua ensuite Lise dans On ne s'avise 
jamais de tout, paroles et musique des mêmes auteurs, et ne fut 
pas admise. 

{Archives nationales, O*, 848. — Dictionnaire des 
Théâtres, VI, i8a. — Mémoires secrets, XXVI, 
131. — Les SpeetacUs de Paris, 1777.) 



Thomassin. i6) 



I 



I77Î. — 9 avril. 

Gratification de 600 litres accordie à Gmllautiu- Adrien- Antoine Viientini, 

dit Thomassin. 

Nous maréchal de Richelieu, pair de France, premier gentilhomme de la 
chambre du Roi ; 

Nous duc de Duras, pair de France, premier gentilhomme de la chambre 
du Roi, 

Avons accord<^ au fieur TliomafTm, comédien pcnfionnaire de la Comédie- 
Italienne, la fonime de 600 livres de gratification extraordinaire pour conti- 
nuer Jk jouer les r^tes qu*il a ci-devant joués et tous ceux qui feront jugéi 
liécefTjires, laquelle gratification fera prife fur le fêqueftre de Tannée 177). 

Fait a Paris, le 9 avril 1773. 

Signé : Le Maréchal duc de Riciillieu ; le Duc ot DuRAb. 



II 



1775. — 12 avril. 

Guillaume- Adrien- Antoine Visentini, dit Thomassin, est re^u à quart de part. 

Nous maréchal duc de Richelieu, pair de France, premier gentilhomme de 
la chambre du Roi ; 

Nous maréchal duc de Duras, pair de France, premier gentilhomme de la 
chambre du Roi, 

Avons rcyu fous le bon plaifir du Roi, danslatroape des comédiens italiens 
de Sa Majetlé. le heur ThomaiTm i quart de part, k la charge par lui de jouer 
unt i la Cour qu'i Paris l'emploi en double du fieur Laruette et ooRunémcnt 
tous les rôles qui feront jugés nécelTaires pour le bîeo du fervice. 

Fait a Paris, le 12 avril 177$. 

Signé : Le Maréchal duc de Richelieu ; le Maréchal duc de DtJlus. 



164 -^^^ Comédiens italiens. 



III 



1776. — 13 janvier. 

Plainte rendue par Guillaume-Adrien-Antoine Visentini, dit Thomassin, au sujet 
de V enlèvement de M"' Jeanne-Nicole Tisserand, sa femme, et d'une soustraction 
^effets commise dans son domicile. 

Du famedi 13 janvier 1776, environ l'heure de midi. 

En rhôtel et par-devant nous Hugues-Philippe Duchefne, etc., cft com- 
paru fieur Antoine Thomafîin, comédien ordinaire du Roi à la Comédie-Ita- 
lienne, demeurant à Paris rue St-Martin, paroiffe St-Nicolas-des-Champs : 
Lequel nous a dit et déclaré qu'il a époufé, il y a environ quatre ans, Jeanne- 
Nicole Tifferand, fille du fieur Tiflerand, marchand tapiflier, demeurant rue 
des Gravilliers, alors âgée d'environ 14 à 15 ans. Que le comparant a fait la 
connoifiance du nommé Fontaine, commis à la caiffe de la Comédie-Fran- 
çoife, qu'il s'eft introduit dans fa maifon par le canal de la demoifclle Tho- 
maffin, fœur du comparant, qui le connoiflbit. Qu'il a fréquenté le comparant 
et fa femme pendant environ trois ou quatre mois. Que hier, trois heures après 
midi, le comparant eft parti de cette ville pour fe rendreà Verfailles et y remplir 
fes devoirs à la Cour, d'où il eft revenu le même jour à minuit. Qu'il a appris 
à fon arrivée que ledit Fontaine avoit enlevé fa femme ledit jour à quatre 
heures et demie du foir ; qu'elle avoit emporté fes habits, linges et bijoux et 
que le domeftique dudit Fontaine l'avoit aidée à faire des ballots. Que lefdits 
bijoux confiftent en trois épingles, l'une d'un feul brillant, l'autre d'un dia- 
mant et d'un entourage et la troifième d'un croifiant de diamans, le tout fin ; 
une tabatière ovale de différens ors, une paire de boucles à fouliers de dia- 
mans faux à deux rangs, deux bracelets d'or, une petite montre d'or à aiguilles 
et boutons de diamans fins, à chaîne d'acier garnie de difiérentes breloques. 
Quant aux linges et hardes, le comparant déclare n'en pouvoir faire quant à 
préfent l'énumération. Qu'avant de fe retirer par devers nous il a appris de 
la femme de chambre de la demoifelle Thomafîin ('), fa fœur, dont il ne fe 



(i) M^^ Êléonore Visentini, dite Thomassin, avait débuté à la Comédie-Italienne le i"" novembre 
1774, par les rôles d'Hélène dans Sylvain, paroles de Marmontel, musique de Grétry, et de Colom- 



Tant, — Tortoriii. i6$ 



fouvicnt du nom, que fjditc fcvur a voit quitte Ta maifon avec le fieur d*Hc- 
mcri (i), comcdicn pcnftonnairc de la Comédie-Italienne, et qu'elle ignorott 
le lieu de leur retraite, mais qu'elle favoit que ledit d*Hemcri avoit acheté 
ou loué une voiture chez un fellier, demeurant au Roule, pour aller À 
Bruxelles. Qu'il y a tout lieu de préfumcr que ledit d'Hemeri, la demoifelle 
Thomairm, ledit Fontaine et la femme du comparant avoient comploté en- 
femble leur fuite et profité de fon abfence pour la faciliter et qu'ils fc font 
vraifemblablement rejoints, lefdits d'Ilemeri et demoifelle ThomaiTm étant 
partis dés le matin. Et comme le comparant ignore où ledit Fontaine et fi 
femme fe font retirés, il cd venu nous faire la préfente déclaration. 

Signé : TuoMASSiK ; Duchcsne. 

(Àtfkirtt mati0mmU$, Y, t\i%4.) 



1 ONI (Antoine-Jean STICOTTI, dit). 

Voy. Sticotti (Fabxo). 



TORTORITI (Joseph), dit Pascariel, dit Scaramouche U 
Jeune. Joseph Tortoriti, né à Messine, parut pour b pre- 
mière fois à Tancienne Comèdic-Iulienne au mois de mars 1685, 
par les rôles de Capitan qu'il jouait en français et en italien. Le 
Mercure de l'époque a rendu compte de son début en ces termes : 
« La troupe italienne e(l augmentée d'un acteur nouveau qui 



^•■# J«nt I« TébUûm ^rUml, ftrolet 4*AaMaumr, muti^uc it Gr€trj. Ell« joaa 4«fttU Zêlmht 
ian* U i'»di dmfé, pârulct 4c Lcmoanicr, auti:|uc de llaDM|(nT; L^mttt ÀMit* |« Dtifrtrwr, parofet 
dt S«<l«>nc, Buttquc <ic M-inaii^njr . MeM état M*tt tl dtUt, pârolct «i Mtiti^uc 4c* Ménct; Jtnmy 
iâot te ILj» fi U Ftrmtéf, ou«râg« 4ct n^aict auteur*. Elle ne fut pâi «JaiM. 

(i) Ce J'IlemcrY ou Demcry avait 4cbutc ÀÂnt VtmfUu dca kén«i-Uê!U$t le I f*"**^ I774« f*' 
U tàlt 4c H't$i*rm 4ânt T»m j0mt$, p«rulct J« Pointinct. mutt^ua 4c FhiIi4or. Il |Oua cnswilc 
JUtti 4ant U Détettft, parulct 4f S«4«iiic, muu^uc 4« Monvigajr , H^tkmnm 4aat Jt#fC cl C»Ui, 
•-««ra^ 4rt «létac* aatcura ; 1« Kir#« 4aaa VÀm^mrnu iâ f •«•(# a«f» farolca 4« Laii^a, ••••^•< 
4« Macttai, ti fat rt^n 4 r«aa«i. 



i66 Les Comédiens italiens. 

attire les applaudiflemens de tout Paris et qui n'a pas moins plu 
à la Cour. II a une agilité de corps furprenante et féconde habi- 
lement l'incomparable Arlequin (Dominique Biancolelli). » Ce 
que dit ici le Mercure du favorable accueil obtenu par Joseph 
Tortoriti, dit Pascariel, à la Cour, est attesté par les deux passages 
suivants des Mémoires de Dangeau : « Lundi 15 mars 1685, ^ 
Verfailles. Le foir il y eut comédie italienne, où Ton vit pour la 
première fois Pafquariello Trono {sic)^ qu'on trouva affez bon 
comédien et le plus difpos homme du monde. — Dimanche 21 
mars 1685, à Verfailles. Le foir il y eut comédie italienne, où le 
nouveau comédien Pafquariello joua beaucoup mieux que la pre- 
mière fois. Monfeigneur, Madame la Dauphine et tous les cour- 
tifans en furent fort contens. » 

Au mois de mai 1694, Joseph Tortoriti abandonna l'emploi de 
Capitan pour le rôle de Scaramouche, qu'avait illustré Tiberio 
Fiorilli, et fut désormais appelé Scaramouche le jeune. 

Lors de la suppression de la Comédie-Italienne en 1697, Joseph 
Tortoriti forma une troupe qui obtint l'autorisation de donner 
des représentations en France, pourvu que ce fût au moins à 
trente lieues de la capitale. On croit que cette tentative ne réussit 
pas et que Joseph Tortoriti mourut dans la misère quelques an- 
nées plus tard. 

Il avait épousé une de ses camarades de la Comédie-Italienne, 
Angélique Toscano, qui débuta, vers 1685, ^^^s les rôles de 
secondes soubrettes, et qui est connue au théâtre sous le nom de 
Marinette. Grande et bien faite de corps, assez jolie de figure, 
elle ne fut, parait-il, qu'assez médiocre actrice. Après la suppres- 
sion de la Comédie-Italienne, elle fit partie de la troupe provin- 
ciale dirigée par son mari, et l'on ignore l'époque de sa mort. 

De son mariage avec Pascariel, Angélique Toscano eut quatre 
enfants, deux garçons et deux filles, qui épousèrent, l'une Pierre 



Tortoriti. 167 

Paphctti (i) et l'autre Pierre-François Duncolelli, dit Domi- 
nique (2). 

{Hittùirt 44 V*niitn Thèiire-Iulitm, f. lot Ct III. 
— Xt«m,->irti dt Démfetm, I, |)8 et 14O. — M, 
Uùlt*mmdir* dé htiffr*fhn, p. II91.) 



1691. ~ 7 décembre. 

Plainte de Joseph Tortoriti, dit Pauariel, contre um femm* qui cherchait à lui 
dérober les gages d'um créance qu'il avait sur eJU, et disistenumt de ladite 
plainte. 

L'an 1691, le vendredi y* jour du mois de décembre, (îx heures do matio, 
requis que nous avons été, Ccùr- Vincent Lcfrançois, et ce en notre hôtel (îs 
rue Bcaurepaire, femmes tranfporté rue Tireboudin, où étant, aurions trouva 
Louis Sainte, dit St-Louis, fcrgcnt de la conipagnie de M. le chevalier du 
f;uct, demeurant rue et paroi(Tc St-Jacques de la Boucherie, lequel, étant 
avec fon efcouade, nous auroit dit qu*au bout du Pont-Neuf, fur les cinq 
heures du matin, proche la vallée, il auroit rencontré une particulière portant 
un paquet, et attendu Theure indue, il auroit arrêté ladite femme, qui lui 
auroit dit qu'elle déménageoit de la rue Tireboudin, auroit dit que les 
meubles ne lui appartcnoient pas et que celle i qui ils appartenoicnt auroit 
crocheté la porte et auroit emporté partie des meubles de la chambre dont le 
lieur Pafcariel avoit la clef et qu'elle fcroit retrouver les meubles audit ûeur 
Pafcaricl ; auroit amené ladite femme dans ladite rue, où il auroit trouvé fur 
la montée de la maifon louée par la veuve Lafalle ladite femme et fon mari. 



(1) pierre Pâfheiti, mk à BrewU, fut d'sbord actcor fortin ; il débttuAUfionv«Ilc ComMit-ft*- 
lirsRr. Icf ârril 1710. Jânt U Fëmit* Cof •#((#, cofliéiit frAB^aïM 4t ttmcitm Tk«Atr«>|iali««,f«rU 
rMc ir PruJfmi, o-à il eut beaucoup Je tui^t*. Il mourut le 14 novembre 1711. L« Afrrf are du trapt 
fâric tn et* terme» Je ce comeJtea « Le 14 novembre 1712. ^ ûcur Pâfbctti, comédien italien, 
nri/ia«ire Je Breûiâ Jâat Ttiit Je Vrntfc. mourut à Pant «prit «voir re^u tout fe« iêcreaicnt, 
i^. Je (I ent. Il fut inhume le lenJem«in « Saint-Sauveur, fa paroiCTc, diNit le curt a f«n4o de« 
X€'n\fi(nMgt% publui de la confiance et Je la parfaite rcti^nation avec laquelle il rû mort. Ctt 
a«tcjr. ^uc le public regrette f<>rt, etoit ^enn tre« Kun« en France. Il pailoit é^Aleaieni bwa U 
lr«n. Il et l'italicn On n'a (fucre vu J'a.trurv ratfriibicr autant de talent pour le tbcltrc et ponr 
t-iv.tci ( rtet de r^:cl J.* ^ .cl^jc cârartcrc <)j*ilt f jdTcni Et, quott^uM ne fbt pa« d'une ia<tlc tt 
d' .ne b^arc atanta^euleft (il et^tt boff j). U le» joaoït avec un« juAeffe et uat prcciûon qni M Ui^ 
twirit rien a Jetner. • 

Ceilc Je« bliev Je f.itepb Tortonti quVpouta Paghetti M •emmatl Anfelt^ne-Catkerinc ; tll« 
ttait nec A Paru le ib juin i4->a. 

if Le% (ttrtt Partaict appellent toj|3uri Marianne le femme de Pieffre«Fran{oia Bi«nfi''tell», 4tl 
D^mini^ur. En réalité, elle te n^nnmait Mane-Anfeliqnc , elle étnit nie. le i4 «oèt iH*, à Pnrm. 



i68 Les Comédiens italiens. 

ce qui auroit obligé ledit St-Louis de requérir notre tranfport pour faire ce 
qu'il appartiendra. 

Signé : St-Louis ; Lefrançois. 

Étant monté au fécond étage de ladite maifon, avons trouvé au-devant de 
la porte d'une chambre une particulière en coiffe, laquelle nous a dit s'ap- 
peler Marie Lemaire, femme de Jacques Choquet, laquais de M. de Canillac, 
capitaine aux gardes. A dit que ci-devant elle occupoit ladite féconde chambre 
qui fe trouve fermée, de laquelle chambre le fieur Pafcariel a la clef depuis 
quinze jours, et comme les meubles qui font dans la chambre lui appartiennent, 
elle feroit venue le jour d'hier le foir, auroit crocheté la porte pour fe coucher 
et étant dans fa chambre, elle auroit fait plufieurs paquets de fes hardes et ce 
matin, à cinq heures, elle feroit fortie avec la nommée Leblanc, qui avoit 
couché avec elle, et fe feroient chargées chacune d'un paquet : ladite Lemaire 
portant un lit de plume et un drap et ladite Leblanc portant un matelas, une 
couverture verte et un drap et auroit été arrêtée par une efcouade du guet, 
rue Tictonne , qui lui auroit fait rapporter le paquet dans fa chambre. Et 
ladite Leblanc nous a dit qu'elle auroit été arrêtée au bout du Pont-Neuf, 
proche la rue Dauphine ; lequel paquet auroit été mis dans la barrière des 
fergens du bout du Pont-Neuf. Ladite Lemaire a dit que toutes les hardes 
et meubles qui fe trouveront dans ladite chambre lui appartiennent, qu'elle 
n'a pas payé ladite veuve Laflalle, fon hôtefle, à qui elle doit un terme 
échu à Noël, que le crochet avec lequel elle a crocheté la porte elle l'a perdu 
rue Tictonne lorfque l'efcouade du guet l'a arrêtée. 

Avons trouvé un particulier fur la montée ayant une canne à la main, le- 
quel nous a dit s'appeler Jacques Choquet, laquais du fieur de Canillac, être 
le mari de ladite Lemaire et que, revenant de Verfailles, il venoit trouver fa 
femme qu'il croyoit logée dans ladite chambre, que s'il a une canne ou 
bâton, c'eft qu'il eft matin et qu'il n'a pas coutume d'en porter ordinairement. 
Lequel bâton étant d'épine, lui avons ôté et mis entre les mains dudit St- 
Louis. 

En préfence defdites parties, ladite Lemaire nous ayant dit avoir perdu le 
crochet, avons mandé le nommé Jacques, garçon ferrurier du nommé Le- 
comte, demeurant rue Tireboudin, lequel, avec un crochet, ayant ouvert la 
porte, ferions entré avec ledit St-Louis et fon efcouade, lefdites femmes Le- 
maire et Leblanc et ledit Choquet, avons fait defcription des meubles qui fe 
trouvent dans ladite chambre, etc. 

En procédant, eft comparu le fieur Jofeph Tortoriti, dit Pafcariel, officier du 
Roi dans la troupe de la Comédie-Italienne, lequel en continuant la plainte â 



Toscano. 169 



nous ci-devant rendue, nous a dit que ladite Lcmairc lui auroit mis la clef 
de la chambre où nous fommes entre les mains, n'ayant pas d'argent i lui 
donner pour la perte d'une paire d'engageantes de dentelle de valeur de cent 
livres, pour nantifTemcnt dcfditcs cent livres, difant qu'elle alloitchez (a fœur 
lui qui^rir de l'argent et, au lieu de ce, lui auroit donné aifignation pour lui 
rendre et rei^itucr Tes meubles et lui payer fes gages montante 56 fols.Pourquoi 
ledit Pafcariel s'oppofe i l'enlèvement de fefdits meubles. Requiert aae de ce 
que ladite Lemaire a crocheté fa chambre et fait cnle\'cr nuiumment fes 
meubles. 

Signé : Joseph Tortoriti. 

Sur quoi, nous commiiTaire avons donné acte de ce que deiTus audit Tonoriti 
et avons lailTê les meubles ci-delTus en la garde et poifelTion de Jacques Mau- 
duit, couvreur de maifons, qui s'en cd volontairement chargé, etc., etc. 

Signé : Joslpii Tortoriti ; St-Louw ; Jacques Mauduit ; Choquet; 

Lefrakçois. 

Ayant fait rapport de ce que defTus i M. le Lieutenant criminel en fon 
cabinet et au Chitelet, mondit fieur le Lieutenant criminel a ordonné que 
Id'dits Choquet, ladite Lemaire, fa femme, et ladite Leblanc feront relaxés, et 
permet d'informer et au furplus les parties fe pourvoir au civil. 

Signé : Defita. 

Et à l'inftant, ledit fieur Tortoriti, dit Pafcariel, officier do Roi dans la troope 
italienne, s'efl défi'.lé de fon oppofitlon et confenti que lefdits Choquet et 
Lemaire, (a femme, difpofent de leurs meubles ainfi qu'ils a vi feront. Confcnt 
même que l'int^ance demeure nulle pour la perte des engageantes en queftion; 
ce qui a été pareillement confenti par ledit Choquet et fa femme, qui ont 
rcnda les pièces audit fieur Tortoriti. 

Signé : Lsfrançois ; Choquet ; Joseph Tortoriti. 

(^r«ii««( méti0méUip Y, 14 49I.) 
Vcy. BlAN'COLLLLI ( DOMISIQUE ) ; GhERARDI (ÉvARISTE) ; ROMACNUl 

(Marc-Astoîve). 



JL OSCANO (.Angélique), dite Marikette. 

Voy. Tortoriti (Joseph). 



170 Les Comédiens italiens. 

JL RIAL (Antoine). 

TRIAL (Marie-Jeanne MILON, femme de), dite Félicité 
Mandeville. 

Antoine Trial, né à Avignon le 13 octobre 1737, fut d'abord 
enfant de chœur et acteur dans la troupe du prince de Conti. Le 
12 mai 1764, un ordre de début l'appela à la Comédie-Italienne, 
où il parut pour la première fois, le 4 juillet suivant, dans les rôles 
de Bastien du Sorcier, paroles de Poinsinet, musique de Philidor, 
et de Bastieif des Amours de Bastien et de Bastienne, parodie par 
M"* Favart et Harny. Il joua ensuite Colin dans le Maréchal 
ferrant, paroles de Quêtant, musique de Philidor; Nourradin 
dans le Cadi dupé, paroles de Lemonnier, musique de Monsigny, 
et Lindor dans le Maitre en droit, ouvrage des mêmes auteurs. 

Trial, qui devait laisser plus tard son nom à l'emploi des paysans 
niais et des valets imbéciles, où il excellait, s'imagina dans le prin- 
cipe qu'il pouvait remplir les rôles d'amoureux, auxquels, du reste, 
son physique avantageux semblait le destiner. Mais Grimm assure 
qu'il y était détestable et, à propos de la représentation des Pé- 
cheurs, comédie en un acte, de La Salle, musique de Gossec, jouée 
au mois d'avril 1766, il s'eiçprime ainsi : « Il y a là un certain 
Trial qui double Clairval dans les rôles d'amoureux et qui, à lui 
tout feul, feroit capable de faire tomber la meilleure pièce. » Trois 
ans plus tard, le sévère critique n'était pas encore revenu de ses 
préventions ; cependant il se montrait un peu moins absolu : « Ce 
M. Trial, dit-il, eft fort médiocre comédien; il a une voix que je 
ne puis fouffrir ; mais il eft d'ailleurs fort beau garçon et il eft bon 
muficien. » 

Quoi qu'il en soit. Trial fut successivement admis à quart de 
part et à demi-part, puis il obtint trois quarts de part le 10 avril 
1772, et peu après il obtint la part entière. 



Trial, 171 

Le zèle, rintelligence et Tactivité dont il fit preuve lui valurent 
d'être chargé du soin de composer les projets du répertoire. Ces 
fonctions délicates lui ayant occasionné quelques ennuis avec ses 
camarades, les premiers gentilshommes de la chambre, pour l'en 
consoler, prirent un arrêté, le 24 septembre 1775, dans lequel ils 
rendirent hautement justice à ses qualités et à ses services. 

La retraite de Jean-Louis Laruette, en 1778, lui permit enfin 
de donner l'essor à son véritable talent, dont il donna des marques 
si nombreuses qu'en 1786, par une faveur tout exceptionnelle, 
on lui accorda une pension de 2,000 livres. L'année suivante, 
une note manuscrite, où se trouve consignée l'opinion du comité 
du Théâtre-Italien sur chacun des artistes qui composaient alors la 
compagnie, l'apprécie en ces termes : a Trial a un zèle infatigable 
qui le fait aimer du public et le rend très-néceflaire au Théâtre. Il 
eft important de penfer à le faire doubler. Il joue dans prefque 
toutes les pièces nouvelles et s'il lui furvenoit une maladie, on 
feroit fort embarraffé pour le répertoire. » 

En 1795, Trial ayant manifesté des opinions avancées, fut 
nommé membre de la municipalité de Paris et officier de l'état 
civil, fonctions qu'il remplissait encore au moment des événements 
du 9 thermidor. Peu de jours après, quand il parut au théâtre, le 
public l'accueillit par des huées formidables et le contraignit, dit- 
on, à demander pardon de la conduite qu'il avait tenue pendant 
la Terreur. Le lendemain une humiliation non moins cruelle 
atteignit le malheureux comédien : il fut chassé de la municipalité. 
Ces émotions diverses altérèrent son naturel jusque-là gai et en- 
joué; il devint sombre et mélancolique et mourut peu de mois 
après, le 10 février 1795. 

On a prétendu qu'il s'était empoisonné. 

Il avait épousé le 14 août 1769, en l'église Saint-Eustache, 
une de ses camarades de la Comédie-Italienne^ M^* Marie-Jeanne 



172 Les Comédiens italiens. 

Milon, née à Paris le i^ août 1746, qui portait au théâtre le nom 
de Félicité Mandeville et qui était veuve, depuis peu, d'un sieur 
Commolet. 

Un ordre de début en date du 3 décembre 1765 avait appelé 
M"* Milon à la Comédie-Italienne, où elle parut pour la première 
fois, sous le nom de M"* Mandeville, le 15 janvier 1766, dans 
les rôles de Laurette du Peintre amoureux de son modèle, paroles 
d'Anseaume, musique de Duni, et de Perrette des Chasseurs et la 
Laitière, ouvrage des mêmes auteurs. 

Deux mois après, elle fut reçue à 4,000 livres d'appointements 
et épousa, le 2i avril suivant, Jean-Gabriel Commolet, employé 
des fermes du roi, et très-probablement frère de la femme d'A- 
lexandre-Louis Ciavarelli, le Scapin de la Comédie-Italienne. Ce 
Commolet avait élevé M"® Milon, lui avait fait apprendre la mu- 
sique, et c'est grâce à lui qu'elle entra au théâtre, où son début 
produisit quelque sensation. 

La voix de la jeune actrice parut harmonieuse et flexible et d'un 
volume très-étendu ; on admira sa taille élégante, sa figure noble 
et l'expression de son regard. Mais, tout en louant son intelligence, 
on remarqua que son jeu était triste, ce que Grimm attribue à la 
vie pénible que lui faisait mener son mari. Il parait que cet époux 
insupportable la tenait sous clef durant tout le jour et ne lui 
rendait la liberté que le soir pour aller à la Comédie-Italienne, où 
il l'accompagnait toujours. Cette intolérable existence fut heu- 
reusement de courte durée, et Commolet mourut le 22 décembre 
1768, le jour même où sa femme devait créer l'un des principaux 
rôles dans le Fleuve Scamandre, comédie en un acte, de Renout, 
musique de Barthelemon. 

Bien que la jeune femme n'eût pour son mari qu'une très- 
médiocre affection, il lui répugnait pourtant de jouer le soir 
même de sa mort, mais le comité du Théâtre exigea d'elle ce 



Trial. 173 

sacrifice en affirmant que rien ne pouvait la dispenser de son 
devoir et en lui citant des précédents. 

A partir de ce moment, un grand changement se fit en M^^« Man- 
deville : sa figure s'embellit, sa physionomie s'éclaircit et elle 
apporta plus de gaîté dans son jeu. Le rôle de Louise dans le Dé- 
serteur fut pour elle à cette époque l'occasion d'un tel succès que 
M™*" Laruette n'osa plus jamais le reprendre. 

Cependant M"* Mandeville resta veuve peu de temps, et comme 
on l'a dit plus haut, elle épousa, le 14 août 1769, son camarade, 
Antoine Trial. 

Quelques jours plus tard, le 2 septembre. M"* Trial joua dans 
Y Amant déguisé, ou le Jardinier supposé, comédie en un acte, de 
Favart, musique de Philidor, au milieu d'applaudissements una- 
nimes, le rôle d'un jeune homme de robe, et le 14 décembre de la 
même année, elle créa dans la Rosière, ou la Fête de Salency, comé- 
die en trois actes, de Favart, le personnage d'une des concurrentes 
au prix et y mit, dit un contemporain, « tout l'embarras d'une fille 
qui voudroit bien ne pas être ce qu'elle eft ». 

La manière remarquable dont elle joua, en 1781, le rôle de 

Blanche dans Blanche et Vermeille, comédie en trois aaes, du 

chevalier de Florian, lui mérita de la part de ce dernier les vers 

suivants : 

Daignez recevoir un hommage 
Que je vous dois depuis longtemps : 
Vous avez fauve du naufrage 
Le plus aimé de mes enfans. 
Hélas I nos brillans petits-maîtres 
Chériflent peu les chalumeaux, 
Les prés, les bois, les clairs ruifleaux ; 
Les amours et les mœurs champêtres. 
Ils cherchoient le bruyant plaifir 
Qu'il faut à leur âme inquiète 
Et je n*avois qu'une houlette 
Et des pipeaux à leur offrir. 



174 Les Comédiens italiens. 

Votre voix fi douce et fi tendre 
M'a foutenu dans le danger ; 
Celui qui venoit pour juger 
Ne vient plus que pour vous entendre. 
Si mon ouvrage réuflit, 
Vous feule en avez le mérite : 
Car c'eft Trial qu'on applaudit 
Et l'heureufe Blanche en profite. 

Tout le monde cependant n'a pas rendu au talent de M"* Trial 
le même hommage que Florian. On lui a reproché quelquefois 
de n'être pas assez actrice, de faire trop de mines, et un écrit 
satirique du temps , dans lequel elle est comparée à une seri- 
nette, la fait demeurer « rue du Perroquet, à Tenseigne des 
Prétentions». 

Toutefois, lorsqu'à la clôture de 1 786 elle prit sa retraite, elle 
fut universellement regrettée, et le Journal de Paris, se faisant 
l'écho des spectateurs de la Comédie-Italienne, lui consacra ces 
lignes : 

Sa perte fera vivement fentie, quoiqu'une inaction de plufieurs mois, 
occafionnée par fa fanté, y ait déjà préparé le public. On fe fouviendra avec 
quels tranfports on entendoit fa voix fi pure, fi nette, fi légère, fi brillante et 
qui a toujours confervé fa jeunefTe et fa fraîcheur. Cette facilité de chant, 
cette flexibilité, qui fembloit fe jouer des difiîcultés de l'art, étoit d'autant plus 
rare et plus étonnante que le talent de chanter étoit moins perfectionné autre- 
fois qu'aujourd'hui. Le caractère de fon jeu étoit la naïveté, la candeur, que 
la douceur de fa voix rendoit plus touchante encore, et fi elle ne brilloit pas 
par un débit rapide et faillant, elle intéreffoit par le ton de la décence et le 
maintien de l'honnêteté. Elle emporte les regrets de tous fes camarades et 
l'eftime de fes fupérieurs qui, dans fon ordre de retraite portant 2,000 livres 
de penfion, rendent juflice à fes talens et à fa coudante exactitude à remplir 
fes devoirs. 

Un poëte anonyme a adressé, en 1778, à M"* Trial, le couplet 



Trial. 175 

suivant, qui lui fut remis le 1 5 août, jour de sa fête, et qui se 
chantait sur Tair de Triste raison : 



De vos talens le charme nous entraîne, 
A votre cœur même hommage eft rendu ; 
Qui vous entend peut croire à la ûrène, 
Qui vous connoft doit croire à la vertu. 



Devenue veuve pour la seconde fois, le 10 février 1795, 
M"* Trial se remaria quelques années plus tard avec M. de Mon- 
tron et mourut à Paris le 14 février 1814, selon les uns, à Ver- 
sailles le 18 février 1818, selon les autres. 

(Arehivft nationales, O*, 847 et 848. — Ltt Spte- 
iacUs de Paris, 1765 et 1767. — Grimm, Cot' 
respondanc* littérairt, V, 26, 115 ; VI, 247. — 
Méinoirts secrets, II, 332 ; XIV, 376; XIX, 42, 
164. ^Journal de Paris, 1778, 26 août ; 1781, 
30 août ; 1786, 23 avril. — Biographie Didot, 
— Jal, Diettpnnaire de biographie, p. 1203.) 



I 



1764. — 12 mai. 

Ordre de début pour Antoine Trial, 

Nous duc de Duras, pair de France, premier gentilhomme de la chambre 
du Roi, 

Ordonnons aux comédiens italiens de laifler débuter fur leur théâtre le 
fieur Trial dans les rôles qui pourront lui convenir, afin que nous foyons à 
même de juger de Tes talens. 

Fait à Paris, le 12 mai 1764. 

Signé : Le Duc de Duras. 

(Archivas nationales, O', 846.) 



176 Les Comédiens italiens. 



II 



1772. — 10 avril. 
Antoine Trial obtient trois quarts de part. 

Nous maréchal duc de Richelieu, pair de France, premier gentilhomme de 
la chambre du Roi ; 

Nous duc de Duras, pair de France, premier gentilhomme de la chambre 
du Roi, 

Avons accordé au fieur Trial , comédien italien jouant dans les opéras 
comiques, un quart de part d'augmentation, pour faire avec la demi-part dont 
il a joui jufqu'à préfent trois quarts de part, à la charge par lui de continuer 
à jouer les mêmes rôles que par le paflé et tous ceux qui feront jugés nécef- 
faires pour le bien du fervice, etc. 

A Paris, ce 10 avril 1772. 

Signé : Le Maréchal duc de Riche ueu ; le Duc de Duras. 

{Arehivtt naiionaUs, O*, 846.) 



III 



1773. — 25 septembre. 

Antoine Trial est chargé, comme par le passé, de faire les projets de répertoire. 

Nous maréchal duc de Richelieu, pair de France, premier gentilhomme de 
la chambre du Roi, 

D'après le compte qui nous a été rendu de la lettre écrite par le fieur Trial 
à raffemblée de la Comédie-Italienne, nous jugeons néceffaire pour le bien 
du fervice que le fieur Trial, du zèle dont nous fommes contens, continue à 
fe charger de faire, comme par le paffé, les projets de répertoire, ne devant 
point craindre de s'attirer par là aucunes tracafleries, fes camarades devant 
au contraire lui témoigner leur reconnoifliance des peines qu'il prend à ce 
fujet pour leurs intérêts ; et dans le cas où il feroit troublé dans ce travail 
par qui que ce puifle être, il eft ordonné audit fleur Trial et aux femainiers 



Trial. 



177 



de nous en rendre compte, ne voulant pas que perfonne puifle contrarier les 
ordres que nous lui avons donnés à ce fujet, en continuant à s*en acquitter 
avec le môme zèle et dont nous lui donnerons avec plaifir, dans l'occafion, 
des marques de noire fatisfaction. 

Il eft ordonné au furplus aux femainiers de faire un nouvel arrangement 
dans la diftribution des femaines pour que les fieurs Trial et Véronèfe ne fe 
trouvent point en exercice enfemble. 
A Paris, ce 25 feptembre 1773. 

Signé : Le Maréchal duc de Richelieu. 

{Archiva uationaUs, O', 846.) 



IV 



1786. 



Antoine Trial jouira d'une pension de 2,000 livres dès qu'il aura complété 

22 ans de service. 



Nous premiers gentilshommes de la chambre du Roi, 

D'après le compte qui nous a été rendu et d'après ce que nous avons été i 
portée de voir par nous-mêmes fur le fervice affidu et le zèle infatigable avec 
lequel le fieur Trial s'eft rendu utile pour les fpectacles de la Cour et pour 
ceux de la ville, nous nous fommes déterminés à lui accorder le même trai- 
tement qu'au fieur Clairval. 

Nous lui accordons en conféquence une pcnfion de 2,cxx) livres dont il 
commencera à jouir dès qu'il aura complété, comme le fieur Clairval, vingt- 
deux ans de fervices à la Comédie-Italienne. 

Nous nous fommes prêtés d'autant plus volontiers à lui accorder cette 
grâce qu'elle ne peut tirer à conféquence et qu'il feroit à défirer que cette 
faveur fût méritée à fi jufte titre. 

Entendons que cette penlion ne puifle l'empêcher d'obtenir d'autres grâces 
qu'il feroit dan$ le cas de mériter par la continuation de fes fervices avec le 
môme zèle et la même intelligence pour l'un et l'autre fervice. 

Aprouvé (sic) : Le Maréchal duc de Richelieu. 

(Archives HatioHalet, O', 848.) 

COM. DU ROI. — IL 12 



178 Les Comédiens italiens. 



1786. — 22 avril. 

Antoine Trial ne devant jouir de la pension de 2,000 livres que lui ont accordée 
les premiers gentilshommes de la chambre du Roi, que lorsqu'il aura accompli 
vingt-deux années de service, le maréchal duc de Richelieu, pour le mettre à 
même de jouir plus vite de cette faveur, décide que Von comptera les vingt-deux 
années à partir de l'ordre de début et en conséquence il les déclare complétées. 

Nous maréchal duc de Richelieu, pair de France, premier gentilhomme de 
la chambre du Roi, 

Content du zèle, de l'exactitude et du travail af&du du ûeur Trial et vou- 
lant lui donner une nouvelle preuve de notre fatisfaction, pour compléter les 
vingt-deux années de fervice qui doivent le faire jouir de la penfion de 2,000 
livres à l'ouverture du théâtre de l'année courante 1786, 

Nous ordonnons que Ton temps lui foit compté à commencer du jour de 
fon débuta la Comédie-Italienne, qui a été le 12 mai 1764 (i), ce qui lui fera 
la vingt-deuxième année complète. 

En conféquence, il jouira dès à préfent de ladite penfion de 2,000 livres. 

A Paris, le 22 avril 1786. 

Signé : Le Maréchal duc de Richelieu. 

(Archives nationales, O', 846.) 



VI 



1780. — I*' mars. 

Brevet d'une pension de i,SOO livres accordée par le Roi à Af^'« Marie-Jeanne 
Milon, dite Félicité Mandeville, femme d'Antoine Trial. 

Brevet d'une penfion de 1,500 livres en faveur de la dame Marie-Jeanne 
Milon, née à Paris le i«' août 1746, baptifée le même jour dans la paroiffe 
Ste-Marguerite de ladite ville, époufe du fieur Trial, pour lui tenir lieu de la 



(1) C'est l'ordre de début qui est du 12 mai, et ce ne fut que le 4 juillet 1764 que Trial parut 
pour la première fois à la Comédie-Italienne. 



Trivelin. 179 

gratification annuelle qui lui a été accordée le premier janWcr 1778 fur les 
dépcnfes extraordinaires des menus plaifirs, en confidération de Tes fervices 
en qualité de comédienne ordinaire du Roi. 
!•» mars 1780. 

(Pièces jointes au brevet.) 

I. — Àcie di haptlm de Af«« Trial. 

Extrait des regiftres de baptême de la paroilTe de Ste-Marguerite de Paris : 
L*an mil fcpt cent quarante-fix, et le premier aouft a été baptifée Marie- 
Jeanne née le mcme [jour], fille de Philippe Milon et de Marie-Claude Pacot, 
fa femme, au Port au Plitre. Le parrain : Jean Lutter, officier dans THôtel 
des Invalides ; la marraine : Marie-Jeanne Milon, fille mineure de défunt 
Jean, compagnon de rivière, rue de Lappc. Le père préfcnt ; le pimin feul 
a fu figner. 

2. — Déclaration dt Af"< Trial relativement à sa pension. 

Je foufTignéc Marie-Jeanne Milon, comédiemie ordinaire du Roy, époufc 
du fieur Trial, aulTi comédien ordinaire du Roy, née â Paris le premier août 
1746 et baptifce ledit jour dans la paroifle de Ste-Marguerite, demeurante de 
prcfcnt i Picpus, fufdite paroilTe, déclare avoir obtenu de (à Majet^é au mois 
de janvier mil fcpt cent foixante-dix-huit, quinze cents livres de gratification 
annuelle fur les fimds extraordinaires des menus, payables fans retenue et ce 
fous le nom d'époufe du fieur Trial et en nu fufdite qualité de comédienne 
ordinaire du Roy ; de laquelle il m'eû dû rannée entière mil fept cent 
foixante-dix-huit échue au premier janvier de la préfente année. 

Fait i Paris, ce 23 octobre 1779. 

Signé : Majue-Jcakme Milon, femme Trial (i). 

IVy. DORSONVILLE ; MllNARO (M***). 

1 RI VELIN. 

Tcv. BiA.scoLELLi (Dominique) ; Locatilu (Domimiqui). 



(1) La ufttAturt muU Mt astografW. 




I ALERIO (Hyacinthe BENDINELLI, dit). 

i'aj. BENmxELLi (Htacintue)- 



Va 



Voy. PrraoT lie Lanct (M"«). 



VtRONÊSE (Charles-Astoise), <lit Pantalon. Ni à 
Venise \XTS 1702, Charles-Antoine Véronèsc «JibuU k la 
Conicdic-Italiennc, le 6 m.ii 174.1, par le riilc Je PantaU'n dans 
la pîtrcc intilulée : le Double Mariage J'/trUquin. 

Revu dès t'ann^ suivante, il obtint promesse de pan entiire 
le 4 novembre 1746. 



i82 Les Comédiens italiens. 

On a fait sur lui le quatrain suivant : 

Depuis le front jufqu'au talon, 
Tout s'exprime dans Véronèfe, 
Et le fpectateur eft fort aife 
QjLiand il voit venir Pantalon. 

Ce comédien assez médiocre a composé pour son théâtre un 
grand nombre de pièces dont quelques-unes obtinrent un succès 
de vogue; ce sont: Coraline magicienne, cinq actes, 1744; le 
F rince de Saler ne, cinq actes, 1746 (i); les Folies de Coraline, 
cinq actes, 1746; les Deux Sœurs rivales, cinq actes, 1747, 
etc., etc. 

De son mariage avec Lucie-Perrette Sperotti, il eut plusieurs 
enfants dont il sera parié plu^ loin. 

Charies- Antoine Véronèse mourut à Paris, rue Françoise, le 
26 janvier 1762 et fut inhumé en l'église Saint-Sauveur. 

{Dictionnaire det Théâtres, Vl^ 133. — Calendrier 
historique des Théâtres, Paris, CaîUeau, 17$ i. — 
Almanach des gens d'esprit, par Chevrier. — Jal, 
Dictionnaire de biographie, p. 1259.) 



1746. — 4 novembre. 

Charles- Antoine Véronèse, dit Pantalon, obtient promesse de part entière. 

Nous duc d*Âumont, pair de France, premier gentilhomme de la chambre 
du Roi, 

Avons accordé et accordons, fous le bon plaifir de Sa Majeflé, au fieur 
Carlo Véronèfe, comédien italien, la première demi-part qui viendra à vaquer, 



(i) • En 1746, dans le Prince de Salerne, pièce toute pleine de machines, il y avait un vol très-hardi 
qu*on fut obligé de supprimer pendant le cours des représentations de crainte d'accident. Arlequin 
enlevait le docteur du théâtre et disparaissait avec lui par une trappe pratiquée au-dessus du parterre 
pour donner de l'air à Ut salle. » (Victor Fournel, Curiosités théâtrales, p. 2e.) 



Véronèse, 18} 

pour, avec une Jcmi-part que nous lui avon^ ci-devant accord^*, faire une 
part cniicrc, etc. 

Fait à Fontainebleau, ce 4 novembre 1746. 

Signé : Le Duc d'Aumokt. 

{^.irthivti nmtionûlti, O', ^46.) 

Vcy. Balletti (Antoine-Étievxf.) ; Billioki (Catherine-Ursule Bussa 
ou BussART, femme de Micuel-Rieul Billion, dit). 



VÉRONÈSE (Pierre-Antoine-François), dît le Docteur. 
Fils du précédent, Picrrc-Antoinc-François Véronèse na- 
quit à Venise le 25 mars 1732, et débuuà la Comédie-Italienne, 
le 17 juillet 1754, par le rôle du Docteur à^ns b pièce intitulée: le 
Double Matiage d'Arlequin. Malgré l'accueil favorable du public, 
il crut devoir interrompre peu après ses débuts et ne les reprit que 
le 30 mars 1756. Il fut alors reçu acteur pensionnaire i 100 
livres par mois, et le 21 août 1739 ses appointements furent por- 
tés i 2,000 livres. Mais Tannée suivante, ayant commis une in- 
fraction aux règlements du Théâtre, il fut obligé de quitter la 
Comédie-Italienne et de s'engager dans une troupe de province. 

I:n 1763, il fut rappelé, et par arrêté en date du 21 oaobre, les 
premiers gentilshommes de la chambre, après lui avoir alloué 
une indemnité de 400 livres pour ses frais de voyage, le reçurent 
de nouveau dans la troupe .wcc des appointements de 2,400 livres 
et promesse de demi-part , pour jouer en premier les rôles de 
Dateur et en double ceux de Scapin. Enfin, en 1767, il obtint 
trois quans de part et fut chargé, conjointement avec Jcan-Bap- 
tistc-I'rançois Dehesse, de la surveillance des machines et déco- 
rations employées dans les pièces \ spectacles du genre italien. 

Ce comédien, irrévérencieusement traité de « bouche-trou très- 
médiocre » par un contemporain , n*ctait pourtant pas sans 



184 Les Comédiens italiens, 

mérite. Il s'acquitta de son emploi de Docteur sans grand éclat, à 
la vérité, mais consciencieusement et convenablement. 

Pierre- Antoine-François Véronèse fut marié deux fois : 1° à 
Jeanne Mestre, qu'il perdit le 6 août 1766, et 2° à Jeanne Maugras 
ou Naugras, qui décéda à Paris, rue Françoise, à la fin du mois de 
mars 1780. 

Quant à lui, il mourut le samedi 6 avril 1776, rue Françoise, et 
fut inhumé le lendemain en l'église Saint-Sauveur. 

De sa seconde femme il eut un fils qui parut tout enfant à la 
Comédie-Italienne, le 29 juin 1775, dans la Fête du village, 
comédie en deux actes, mêlée d'ariettes, de Dorvigny, musique de 
Desormery, et dont il est parlé en ces termes dans les Mémoires 
secrets : « Le petit Véronèfe, fils d'un acteur italien défigné fous 
le nom du Docteur, dont il a toujours fait le rôle, a formé un 
{pectacle plus curieux que la nouveauté dramatique. Cet enfant, 
âgé de 6 à 7 ans, a danfé avec une vigueur et des grâces merveil- 
leufes pour fon âge. Son affurance et fa gentilleffe ont enchanté 
tous les fpectateurs. » 

{Dietionnairt des Théâtres, VI, 139. —Almanach 
dis gens d'esprit, par Chevrier. — Mémoires se- 
crets, Vlll, 112. —JaI, Dictionnaire de hiogra- 
phie, p. Z260.) 



I 



1756. -— 30 mars. 

Ordre aux comédiens italiens de laisser continuer pendant Vannée le début 

de Pierre-Antoine-François Véronèse, 

Nous duc de Fleury, pair de France, premier gentilhomme de la chambre 
du Roi , 

Ordonnons aux comédiens italiens de laifTer continuer pendant le cours 
de la préfente année le début du fieur Véronèfe fils fur leur théâtre dans les 



VirotUse. 185 

rôles qui pourront lui convenir, afin que nous puiffions juger de Tes ulcns et 
de le faire jouir, pendant ladite année, des appointemens de 100 livres par 
mois. 
Fait i Verfaillcs, le )0* jour de mars 1756. 

Signé : Le Duc de Fleihit. 

{Afthhêt msiUmsUt, 0\ M ) 



II 



176). — 21 octobre. 

PUrre-Antoine-François Vironiu est re^u avec 2,400 livres J^appoinUments 

et fromesu de demi-part. 

Nous duc de Duras, pair de France, premier gentilhomme de la chambre 
du Roi, 

Avons reçu, fous le bon plailîr de fa Majeilé, le (îeor Véronèfe dns la 
troupe des comédiens iuliens, aui appointemens de 2,400 livres par an, à 
compter du jour de Ton arrivée jufqu'i Pdques prochain en un an, qu'il fera 
alors reçu i demi-part. Ledit fieur Véronèfe jouera les rôles de Docteur et fe 
tiendra prêt aux autres, même i doubler ceux de Scapin toutes les fois qne 
le bien du fervice l'exigera. Accordons au ûeur Véronèfe 400 livres pour les 
frais de fon voyage. 

Fait à Footainebleau, le ai octobre 176). 

Signé : Le Doc Dt Duias. 

(if nMMf uéU0m9ln, <y. M.) 



III 



1767. — 24 avril 

Piirr^Antoimt'Framçois Virmisi oHiad trais piêrU iê part. 

Nous maréchal duc de Richelieu, pair de France, premier gentilhomme de 
la chambre du Roi ; 

Nous duc de Duras, pair de France, premier gemilhomme de la chambre 
du Roi, 



i86 Les Comédiens italiens. 



Avons accordé fous le bon plaifir de Sa Majefté, au fieur Véronèfe, l'un 
des comédiens italiens de la troupe du Roi, un quart de part d'augmentation 
pour faire, avec la demi-part dont il a joui jufqu'à préfent, trois quarts de part, 
à la charge par ledit fieur Véronèfe de continuer à jouer les rôles de Docteur 
dans les pièces italiennes ou fécond père et de doubler l'emploi deScapin dans les 
pièces où il ne feroit pas employé dans les rôles de Docteur et lorfque l'acteur 
chargé en chef de l'emploi ne pourra point jouer, et de fe rendre en outre 
utile à la troupe dans les différens rôles qui pourront lui convenir, de même 
de travailler, conjointement avec le fieur Dehefle, à l'arrangement de tout ce 
qui peut concerner les machines et décorations des pièces à fpectacles dans le 
genre italien. 

Fait à Paris, ce 24 avril 1767. 

Signé : Le Maréchal duc de Richelieu ; le Duc de Duras. 

{Archivés nationaîts, O^ 846.) 



IV 



1768. — 16 janvier. 

Plainte rendue par un négociant contre Pierre-Antoine-François Vironèse, 

qui lui devait de l'argent et le calomniait. 

L'an 1768, le famedi i6 janvier, en l'hôtel et par-devant nous Pierre Ché- 
non, etc., eft comparu fieur Denis Gauvaio, négociant à Paris, y demeurant 
rue des Fontaines, près le Temple : Lequel nous a rendu plainte contre le 
(leur Véronèfe, acteur de la Comédie-Italienne, et nous a dit qu'il a eu le 
malheur d'en faire la connoiffance il y a environ 15 ou 16 mois, par un billet 
de comédie que le comparant lui fit demander. Le lendemain, le comparant 
fut chez ledit Véronèfe Ten remercier ; Véronèfe lui fit beaucoup de politefîes 
et d'accueil, et comme il étoit heure de dîner, le fit mettre à table, ce que le 
comparant n'accepta qu'après bien des inftances de la part de Véronèfe. 
Pendant le dîner, Véronèfe lui demanda quel étoit fon état; le comparant lui 
dit qu'il étoit négociant ; alors Véronèfe dit au comparant qu'il feroit charmé 
d'en faire connoiffance, parce qu'il étoit bien fouvent dans le cas d'acheter 
des marchandifes, qu'il les prendroit plutôt du comparant que d'un autre 
marchand et qu'il le payeroit comptant. Le comparant lui dit que, quand il 
en auroit befoin, il n'avoit qu'à s'adreffer à lui, qu'il lui en fourniroit. Quel- 
que tems après, Véronèfe en eut effectivement befoin et le comparant lui en 



Vèronèse. 187 



foarnit. Lefquelles marchandifes Véronèfe a payées en partie ; pour le reÛant 
du payement, il a été fait un arrêté de compte entre le comparant et Véronèfe. 
Vérontrfe s*eil fait faire une rcconnoi (Tance fignée du comparant, dans laquelle 
rcconnoi (Tance il e(l dit que le comparant a reçu 4 billets en payement. Cette 
reconnoi (Tance a été faite le 1 3 de ce mois, et après que le comparant a eu 
figné, Véronèfe lui a donné 4 billets i ordre, le premier au mois de mars 
1769, le fécond et le troifième de deux mois en deux mois, et le quatrième et 
dernier au mois de décembre de la même année, ce que le comparant n'a 
voulu accepter. Véronèfe s*e(l emparé de la reconnoi(Tance, a dit au compa- 
rant qu'il ne la lui rendroit pas et que s'il ne vouloit pas de Tes billets, qu'il 
n'auroit jamais rien, qu'il les lui feroit prendre de force, fmon qu'il lui doo- 
neroit àt% coups d'épée ou le tueroit d'un coup de piftolet. Les raifons qui 
ont empêché le comparant de prendre les billets font : que Véronèfe eft io- 
folvable, puifque tous les meubles qui font dans fa chambre appartiennent i 
la nommée Naugras, avec laquelle il vit (1), et que le comparant a toujours 
entendu avoir des billets payables dans le courant de cette année et endo(Tés 
de ladite Naugras. Véronèfe, non content de ne vouloir payer le comparant, 
a débité partout que c'étoit lui qui avoît engro(Té fa fervante, ce qui eil Caux, 
puifque le comparant ne la connoft que de vue ; que d'ailleurs il eft en état de 
prouver que Véronèfe étoit toujours i la maifon lorfqu'il y alloit, qu'il n'y 
alloit que pour Véronèfe et non pour fa fervante et que cette fille vivoit avec 
un foldat. Et comme le plaignant a intérêt d'avoir le payement des fommes 
qui lui font dues par ledit Véronèfe, de liû en faire impofer et d'avoir des 
dommages et intérêts proportionnés aux mauvais propos, faux et calomnies 
qui n'ont d'autre but que de faire perdre Phonneur et la réputation du plai- 
gnant et que fa vie n'ed pas en fureté, il eft venu nous rendre la préfente 
pbinte. 

Signé : Gauvain ; Chémon. 

1*07. Balletti (Antoine-Éttenke) ; Champvilli (Gabriel - Éléokok 
DU Bus, dit); CoRTicELLi (MU<) ; Trial (Antoime). 



VÈRONÈSE (Akne- Marie), dite Coraline. Fille de 
Charles -Antoine Vèronèse, dit Pantalon, et de Lude- 



(1) Il TefouM 1« 14 MffcoiW* 1770 M réftttt S«iat-S««ir««r. 



i88 Les Comédiens italiens. 

Perrette Sperotti, M"*^ Anne-Marie Véronèse, connue au théâtre 
sous le nom de Coraline, naquit à Bassano vers 1730 et débuta 
à la Comédie-Italienne, le 6 mai 1744, par le rôle de Colombine 
dans la pièce intitulée : le Double Mariage d'Arlequin, à la suite 
de laquelle elle dansa un pas de deux avec Antoine-Etienne 
Balletti. 

Elle joua ensuite Coraline dans Coraline jardinière ^ ou la Com- 
tesse par hasard, pièce en trois actes, de Charles-Antoine Véronèse, 
et Coraline dans Coraline esprit follet, canevas en trois actes 
remis au théâtre par le même auteur. 

M"* Coraline fut extrêmement applaudie : « Une figure char- 
mante, disent les frères Parfaict, beaucoup de vivacité, de gaîté 
et de volubilité, parties eflentielles dans les rôles de foubrettes, 
lui procurèrent un fuccès qui ne s'eft point démenti depuis qu'elle 
remplit cet emploi. » 

Sa beauté, ses talents de comédienne et sa grâce de danseuse 
inspirèrent à Panard les vers suivants : 

Cet objet enchanteur qu'on doit à Tltalie 
De trois divinités réunit les attraits ; 

Coraline offre fous fes traits 

Hébé, Terpfichore et Thalie. 

Dès son début, M"« Coraline fut reçue aux appointements, et 
en 1746 elle obtint une portion de part. Admise plus tard à part 
entière, elle quitta le théâtre avec la pension de 1,000 livres à la 
clôture de 1759. 

Un poète anonyme a dit d'elle : 

Coraline, toujours nouvelle 
Dans chaque rôle où je la vois, 
Fait que je fuis tout à la fois 
Amant inconûant et fidèle. 



Féronèse. 189 

Selon Grimniy qui avait les comédies italiennes en horreur, les 
appbudissements que les Parisiens prodiguèrent à cette actrice 
pendant sa carrière dramatique n'étaient pas tout à fait mérités : 
« Le public y dit- il y croyoit avoir fait une grande perte par la 
retraite de Coraline; mais, autant que je puis m'en fouvenir, 
Coraline avoit d'aflcz beaux yeux, une belle peau, une fort belle 
gorge, mais en qualité d'actrice un babil aflez infîpide. » 

Quoi qu'il en soit, son nom est resté l'un des plus célèbres de 
b Comédie-Italienne. 

Les charmes de M"* Coraline lui attirèrent de nombreux ado- 
rateurs, parmi lesquels on citera : Charles-Antoine Bertinazzi, dit 
Carlin, le prince de Monaco, MM. de Létorière et de Salnt-Crix, 
officiers au riment des gardes, et le comte de La Marche, plus 
tard prince de Conti. 

Ce dernier, qui fit don à l'actrice du marquisat de Silly, dont 
elle poru, dit-on, quelquefois le titre, eut d'elle un fik devenu 
par la suite chevalier de Malte et connu sous le nom de Vaurèal. 
M"* Coraline mourut au mois d'avril 178a et institua par testa- 
ment le prince de Conti son légataire universel. Le prince accepta 
l'héritage, prit par acte authentique l'engagement de continuer 
à Lucie-Perret te Sperotti, mère de la défunte, la pension de 600 
livres que sa fille lui servait depuis 1763, et de plus fixa désormais 
à 1,000 livres le chiffre de cette pension. 

ÇJr€kipêi méHi0mAim, T, 444. — Dùti»mmêi»t dm 
Thédtrtt, VI, i|7. — CûUméritr àùtortfM éât 
ThédtrM. PftrU, CaillM», 17)1. — GHmb, 
C0rr*i f mdë mt* lUlérmir*, VI, il. — > iiéwtéiwn 
Mtrtu, VIII. 119; XX. I7. — Méwtmtm et C*. 
MMM. Mit. Royit. V. aa. ^J0mmi éa te*. 
ptintt de M. 4* Sériim, iM, séi, sly.) 



190 Les Comédiens italiens. 



I 



1753. — 29 décembre. 

Donation faite par Honoré-CamiHe-Léonard Grimaldi, prince de Monaco, 

à M' ^ Anne-Marie Véronèse, dite Coraline, 

A tous ceux qui ces préfentes lettres verront, Guillaume-François-Louîs 
Joly de Fleury, chevalier, confeiller ordinaire du Roi en fon Confeil d'État, 
fon procureur général et garde de la ville, prévôté et vicomte de Paris, le 
fiège vacant, falut. 

Savoir faifons que par-devant maître et Jean-Baptifte-Alexandre Dupré, 

notaires à Paris, fut préfent très-haut, très-puiffant et très-illuftre prince 
Monfeigneur Honoré-Camille-Léonard Grimaldi, par la grâce de Dieu, 
prince fouverain de Monaco, duc de Valentinois, pair de France, etc. , ma- 
réchal des camps et armées du Roi, demeurant en fon hôtel, rue de Varennes, 
paroifle St-Sulpice : Lequel a par ces préfentes donné par donation entre vifs 
pure et ûmple et irrévocable, promis même, pour plus de fureté, garantir 
fournir et faire valoir à demoifelle Anne-Véronèfe, fille mineure, demeuran 
rue Françoife, paroifle St-Euftache, à ce préfente et acceptante, trois mille 
livres de rente annuelle et viagère, /jne Son Alteffe Monfeigneur le prince de 
Monaco promet et s'oblige de payer à ladite demoifelle Véronèfe en fa de- 
meure à Paris, annuellement, en deux payemens égaux dont le premier, qui 
commencera à courir du !•' janvier de Tannée prochaine 1754, échoira 
et fe fera le i**" juillet fuivant et les autres fucceflivement de fix mois en 
fix mois jufques au jour du décès de ladite demoifelle Véronèfe, duquel jour 
ladite rente demeurera éteinte, à l'avoir et prendre fur tous les biens meubles 
et immeubles préfens et à venir de mondit feigneur prince de Monaco, que 
fadite AltefTe a chargés, affectés, obligés et hypothéqués pour garantir, 
fournir et faire valoir ladite rente de 3,000 livres et payer les arrérages 
d'icelle comme delTus efl dit ; fe defTaifîfrant mondit feigneur prince de Mo- 
naco en faveur de ladite demoifelle Véronèfe de tous fes biens jufques à 
concurrence defdites 3 ,000 livres de rente, voulant qu'elle en foit faifie et 
mife en poffeflion par qui et ainfi qu'il appartiendra, condituant à cette on 
fon procureur général et fpécial le porteur des préfentes, lui donnant tous les 
pouvoirs néceffaires. 

Cette donation ainfi faite parce que telle efl la volonté de Son Alteffe 



Fironèse. 191 



mondit fcigncur prince de Monaco, fans préjudice à ladite demoifelle Véro- 
nèfe des 1,200 livres de rente viagère que mondit feigneur prince de Monaco 
lui a condituée par contrat paiïé devant Dupré, Tun defdits nouires i Paris 
fouflignés, qui en a la minute, le 2 janvier 1752, pour raifon de laquelle 
rente de 1,200 livres ladite demoifelle Véronèfe demeure confervée en (c% 
droits, etc. 

Fait et pafTé i Paris, favoir i Tégard de Monfeignetir le prince de Monaco 
en Tétude dudit Dupré, nouire, et i Tégard de ladite demoifelle Véronèfe 
en U demeure fufdite, Tan 1755, le 29 décembre avant midi. 

(Jnhi94s usti*msUs, Y, )lo.) 



II 



1754. — 18 février. 

Donation Jaitt par Af"« Anm-Mariê Véronisi, diU Coralim, 

à sa femmt de chamhrt, 

A tous ceux qui ces préfentes verront, Guillaume-Frasçois-Loats Joly de 
Fleury, chevalier, confciller ordinaire du Roi en fon Confeil d*Éut, fon pro- 
cureur général et garde de la prévôté et vicomte de Paris, le fiège vacant, falut. 
Savoir faifons que par-devant maître Jean-François Caron et maître Jean- 
Baptide Dupré, nouires au Chitelet de Paris foufBgnés, fut préfente demoi- 
felle Aime Véronèfe, fille majeure fuivant la loi du lieu de (a naiflance, de- 
meurant i Paris rue Françoife, paroiiTe St-Eufiache : Laquelle voulant donner 
A Catherine Duparque, fille mineure, fa fenmie de chambre, des pteuves du 
contentement qu'elle a de fes fervices et dans U confiance qu'elle les conti- 
nuera, a par ces préfentes doimé par donation entre vi£i pure, fimple et irré^ 
vocable en la meilleure forme que donation ptiiiTe avoir lieu, i ladite Du- 
parque, demeurante chez ladite Véronèfe, fufdites rue et paroiiTe, i ce préfente 
et acceptante, pour elle, pendant fa vie, cinquante livres de rente annuelle et 
viagère, que ladite demoifelle Véronèfe promet et s'oblige de payer i ladite 
Duparque en deux termes égaux de fix mois en ûx mois, et ce A compter du 
l*' avril de la préfente année 1754, au moyen de quoi le premier payement 
s'en fera au i** octobre prochain, et ainfi continuer de 6 mots en 6 mois 
jufqu'au jour du décès de ladite demoifelle Duparque, duquel jour ladite rente 
viagère demeurera éteinte, etc. 

Cène donation faite pour les caufes fufdites et en outre fous la condition 



192 Les Comédiens italiens. 

que ladite Duparque reliera au fervice de ladite demoifelle Véronèfe encore 
l'efpace de 10 années à compter de ce jour ; car dans le cas où ladite Du- 
parque viendroit à quitter le fervice de ladite demoifelle Véronèfe avant 
ledit tems de 10 années, ladite demoifelle Véronèle entend que ladite penfion 
viagère demeure révoquée comme elle la révoque par les préfentes fans 
néanmoins aucune répétition des arrérages qui auront pu lui être payés 
depuis ledit tems jufqu'au jour de fa fortie. Ladite demoifelle Véronèfe en- 
tendant aufli que ladite peniîon ait lieu dans le cas où elle viendrait à mourir 
avant Texpiration defdites 10 années, etc. 

Fait et pafTé à Paris en la demeure de ladite demoifelle Véronèfe, Tan 1754, 
le i8« jour de février après midi. 

{Arthives naiionahs. Y, 380.) 



III 



1759. — 21 avril. 

W^ Anne-Marù Virtmèu, dite Coraline, obtient sa retraite avec i,ooo livres 

de pension. 

La dem<nfelle Coraline nous ayant demandé la permiflion de fe retirer du 
théâtre par des raifons qui nous ont paru folides, nous la lui avons accordée 
et en même temps la penfion de i,ooo livres, quoiqu'elle ne foit reçue à part 
que depuis 13 ans, fur la confidération qu'elle a rempli, dans la troupe ita- 
lienne, un emploi très-important dès fon arrivée et qu'elle a été fort utile à la 
troupe pendant les deux années qu'elle a joué aux appointemens que nous 
avons confenti à lui compter comme fervice, fans cependant vouloir déroger 
en aucune façon aux lois établies à cet égard et fans que la grâce que nous 
croyons devoir lui accorder puifle, à l'avenir, fervir d'exen^le pour aucun 
autre. 

Fait 4 Paris, le 21 avril 1759. 

Signé : Le Duc d'Aumont. 

(^Archiva nationaUs, O', 846.) 



Véronèsô. 193 



IV 



1763. — !•' janvier. 

Donation faite par Af "< Anne-Marie Véronise, dite Coraline, à sa mire Lucie- 
Perrette Sperotti, veuve de Charles-Antoine Véronèse, dit Pantalon, 

A tous ceux qui ces préfentes lettres verront, Alexandre de Ségur, prévôt 
de Paris, etc., favoir faifons que par-devant maîtres Jean Denis et Guillaume 
Angot, notaires au Châtelet de Paris, fouflignés, fut préfente demoifelle 
Anne-Marie Véronèfe, fille majeure, demeurante à Paris, rue Ste-Appoline, 
paroifle St-Laurent, laquelle pour donner des marques de fa tendreffe refpec- 
tueufe à dame Lucie-Perrette Sperotti, veuve de (leur Charles-Antoine Vé- 
ronèfe, officier du Roi, fa mère, a par ces pféfentes donné par donation entre 
vifs, pure, fimple et irrévocable en la meilleure forme et manière que dona- 
tion puifle valoir et avoir lieu, créé, conftitué, affis et alfigné et promis 
garantir de tous troubles et empêchemens généralement quelconques à ladite 
dame fa mère demeurante rue Françoife, paroifle St-Sauveur, à ce préfente et 
acceptante, 600 livres de rente viagère, que ladite demoifelle Véronèfe promet 
et s'oblige payer à ladite dame fa mère en fa demeure à Paris, pendant fa 
vie et jufqu*à fon décès, en deux payemens égaux de fix mois en fix mois, 
dont les fix premiers mois échoiront et feront payés au i" juillet prochain, 
et aînfi continuer de fix mois en fix mois pendant la vie et jufqu'au décès 
de ladite dame Véronèfe, etc. 

Et pour d'autant plus affurer par ladite demoifelle Véronèfe A ladite dame 
fa mère le payement exact defdites 600 livres de rente viagère, ladite demoi- 
felle Véronèfe confent par les préfentes que ladite dame fa mère les touche 
et reçoive fur fes flmples quittances fur les arrérages courant à compter de ce- 
jourd'hui et à écheoir à l'avenir de la penfîon de i ,000 livres que ladite 
demoifelle Véronèfe a à prendre fur la Comédie-Italienne. De laquelle pen- 
fîon ladite demoifelle Véronèfe fait à ladite dame, fa mère, ce acceptante, 
toute délégation nécelTaire jufqu'à due concurrence. Pour, par ladite dame 
Véronèfe , jouir defdites 600 livres de rente viagère ou en faire et difpofer 
comme bon lui femblera. Et du jour du décès de ladite dame Véronèfe, lefdites 
600 livres de rente viagère feront éteintes et amorties et ladite demoifelle Vé- 
ronèfe, ainfi que fes biens, en demeureront libres, quittes et déchargés, etc. 

Fait et pafTé en la demeure de ladite dame Véronèfe, le i^ janvier 1763, 
avant midi, etc. 

(Jrebivgs nation aUs, Y, 40a.) 
COM. DU ROI. — II. 13 



194 -^^^ Comidiêns italiens. 



V. 



1763. — Mai. 

Af '^ Anne-Marie Véronèse, dite Coraiim, est interrogée sur faits ^ articles 
à la requête d^un marchand de vins qui se prétendait son créancier. 

L'an ïj6^, le fâmedi 7 mai, heure de midi, en notre hôtel et par^vant 
nous Jean-François Hugues, etc., eft comparue demoifelle Anne Véronèfe, 
demeurant à Paris, rue Ste-Appoline, paroiffe St-Laurent, afliftée de M* Pierre 
Demilly, fon procureur au Chàtelet de Paris : Laquelle nous a dit qu'elle corn- 
paroît pour fatisfaire à une aifignation qui lui a été donnée le jour d'hier à la 
requête du fieur Gobin pour fubir interrogatoire fur faits et articles, mais que 
l'ordonnance exigeant que celui qui veut faire fubir interrogatoire foit tenu, 
auparavant, de faire (Ignifier les faits et articles, ladite demoifelle Véronèfe 
requiert que ledit fieur Gobin foit tenu de lui faire préalablement (ignifier les 
faits et articles fur lefquels il entend l'interroger ; car on ne peut point dire 
que le fieur Gobin ait fatisfait à l'ordonnance en faifant (ignifier de prétendus 
faits dont on ne peut lire un feul mot, ce qui ed comme s'il n'avoit rien fait 
fignifier ; qu'il eft même aifé de voir que c'eft une affectation, car l'adignation 
efl lifible et les faits et articles font, non-feulement illifibles, mais même on 
reconnoît que l'on s'eft étudié à ne point former les mots pour que l'on ne 
puifTe pas même deviner ce que cela veut dire. En conféquence, ladite demoi- 
felle Véronèfe nous a exhibé la fignification qui lui a été faite defdits faits et 
articles, nous requérant de la parapher, et a perfifté dans fon réquifitoire ci- 
de(rus à ce qu'avant de fubir interrogatoire ledit Gobin foit tenu de lui faire 
fignifier les faits et articles écrits lifiblement et jufqu'à ce, ladite demoifelle 
Véronèfe protefte de nullité de tout ce qui feroit fait au préjudice des 
préfentes. 

Signé : De Milly ; Anne Véronèse ; Hugues. 

Nouvelle signification ayant été faite , Coraline comparut peu de jours 
après devant le commissaire Hugues qui dressa alors le procès-verbal qu€ Ton 
va lire : 

Du vendredi 13 mai 1763, dix heures et demie du matin : Premièrement 
avons fait prêter ferment à ladite Véronèfe de dire vérité, enfuite l'avons 



Véronèse. 195 



interpellée, pour les principaux faits, de nous dire et déclarer fes nom, pré- 
noms, âge, qualité et demeure. 

A quoi, après le ferment par elle fait et prêté entre nos mains, elle nous 
a dit fe nommer Anne-Marie Véronèfe, fiUe, âgée de 28 ans paffés (i), native 
de Baflano, près de Venife, demeurant à Paris rue Ste-AppoHne, paroifle 
St-Laurent. 

Si elle connoît le fîeur Gobin, marchand de vin à Paris? 

A répondu que oui. 

A quelle occafion elle le connoft? 

A répondu qu'elle n'ed pas mémorative depuis quel tems ; que c'en le fieur 
fon père qui lui en a fait faire la connoiflance et qu'elle ne le connoft que 
parce qu'il lui a vendu du vin. 

Si le fieur Gobin eft fon marchand de vins et depuis quel tems il la fournit 
de vin ? 

A répondu que le (ieur Gobin ne lui fournit plus maintenant de vin et 
qu'elle ne fe fouvient pas quand il a conmiencé â lui en fournir. 

Si depuis l'année 1758, il ne lui a pas fourni des vins de plufieurs^pèces? 

A répondu qu'elle ne s'en fouvient pas. 

S'il n'efl pas vrai que le 20 janyier 1759 elle a arrêté un mémoire à 365 
livres pour fournitures de vins faites jufqu' audit jour? 

A répondu qu'elle ne fe fouvient pas de cette époque-lâ, mais que (i elle l'a 
arrêté on le verra fur le mémoire. 

Si on ne lui a pas fourni de vins depuis le dernier arrêté ? 

A répondu qu'elle ne s'en fouvient pas, parce que c'étoit le fieur Bufoni (2), 
fon beau-frère, qui étoit chargé de fes affaires et qui payoit le marchand 
de vins. 

Si elle n'a pas foufcrit d'autre arrêté au profit du fieur Gobin? 

A répondu que fi elle en a fait il n'a qu'à les produire. 

S'il n'eft pas vrai qu'elle en a foufcrit deux autres les 7 et 10 février 1761 ? 

A répondu qu'elle ne s'en fouvient pas, mais que fi elle les a faits il n'a 
qu'à les produire. 

A combien montent ces arrêtés? 

A répondu qu'elle n'en fait rien. 

S'il n'eft pas vrai qu'ils montent l'un à 670 livres 15 fols et l'autre à 29S 
livres? 



(i) Elle était née vers 1730 puisqn'à Tépoque de son début, en 1744, elle était lgé« 6ê 14 an*. 
Donc, quand elle subit cet interrogatoire, M'^«' Coraline, qui accuse a8 ans, en avait 3}. 

(2) Jean-Marie-Gaspard Busoni avait épousé, le 16 janvier 1759, Lucie-Marine Véronèse, née à 
Modène en 1739, et sœur de M^^« Coraline. M^^« Lucie-Marine Véronèse avait été que^ne tempe 
danseuse dans les ballets de la Comédie-Italienne. 



196 Les Comédiens italiens, 

A répondu que c'efl demander ce que le fieur Gobin fait mieux qu'elle, 
puifqu'il a les arrêtés et qu*il n*a qu'à les produire. 

Si elle a payé en totalité le montant de ces trois mémoires et comment elle 
les a payés? 

A répondu qu'elle ne peut répondre fur cela, parce que c'ell le fieur Bufoni, 
fon beau-frère, qui les a payés. 

S'il n'efl pas vrai qu'elle n'a donné que de légers i-compte au fieur Gobin ? 

A répondu qu'elle ne s'en fouvient pas, parce que c'étoit toujours fon beau- 
frère qui payoit. 

S'il n'eft pas vrai que lors du compte du 7 février 1761 elle n'a pas donné 
en payement et fait employer dans le mémoire du fieur Gobin un mémoire 
figné du fieur de Burty de Villeneuve au profit des ficurs Lembon de Bor- 
mié, au dos duquel étoit l'ordre de ce dernier au profit du fieur Lepage et 
Tordre en blanc de ce dernier? 

A répondu que c'eft le fieur fon beau-frère qui a donné le dernier billet, 
mais qu'elle ne fait pas ce qui étoit derrière. 

S'il n'efl pas vrai que lorfqu'elle a donné ledit billet en payement audit 
Gobin, elle a promis de lui en payer la valeur à défaut de payement? 

A répondu que non. 

S'il n'eft pas vrai que toutes les fois que ledit fieur Gobin a été chez elle 
depuis qu'elle lui avoit donné ledit billet en payement, elle ne lui a pas dît 
i© qu*il n'avoit rien à craindre, 2° qu'elle répondoit de tout et que fi les 
parties devenoient infolvables elle payeroit ledit billet ? 

A répondu que non et que fi elle avoit eu l'intention de le payer, elle l'au- 
roit endolTé. 

S'il n'eft pas vrai que le fieur Bufoni a dit au fieur Gobin qu'elle répon- 
dante comptoit bien lui payer ledit billet, mais qu'elle ne vouloit pas être 
gênée; qu'elle donneroit un louis, deux louis, à fa commodité? 

A répondu qu'elle n'a jamais entendu parler de cela et qu'elle ne l'a point 
dit audit fieur Bufoni. 

Si lors de l'échéance du billet, ledit fieur Gobin étant allé chez elle et lui 
ayant dit qu'il avoit paflé l'ordre dudit billet au fieur Bertrand et que ledit 
fieur Burty de Villeneuve n'avoit pas payé, il lui a enfuite demandé fi elle 
jugeoit à propos qu'il en fît faire le protêt, elle ne lui a pas fait réponfe qu'il 
n'avoit qu'à en faire faire le protêt et toutes les autres pourfuites, et que fi il 
n'en étoit pas payé, elle payeroit ledit billet? 

A répondu que ledit Gobin eft venu chez elle lui demander fi elle ne trou- 
veroit pas mauvais qu'il pourfuivît le fieur Burty de Villeneuve et fi elle 
n'avoit pas quelques raifons de confidération à avoir, elle répondit qu'il pou- 
voit pourfuivre, mais ne promit point de payer les frais ni ledit billet. 



Vironèse. 197 

S*il n*eA pis vrii que lorfquc le fieur Gobin alla chez elle et lui préfcma 
la rctrocenion et tranfport à lui fait par le ficur Bertrand, auquel il avoit 
palTc ledit billet, enfemble ledit billet et les procédures, elle ne lui a pas pro- 
mis de lui rembourfer tant les 400 livres de principal que les 44 livres 6 fols 
de frais? 

A répondu que non. 

S*il n*e(l pas vrai que lorfque le fieur Gobin cefTa de la fournir de vin ou 
peu de temps après, celui-ci lui ayant fait entendre que le tireur ou les en- 
doiTeurs du billet en qucdion n*étoient point folvables, elle ne lui a pas dit en 
préfence de fa femme de chambre et d*une nourrice, qui lors étoit chex elle, 
et d*une perfonne de la première qualité qui lors fe trouva audi chex elle, 
qu'elle n*avoit point envie de faire banqueroute et qu'il ne perdroit rien, que 
fon intention étoit de le payer? 

A repondu qu'elle a effectivement dit que fon intention n*étoit pas de 
faire banqueroute et qu'elle payeroit ce qu'elle lui devoit, mais qu'elle n'en- 
tendoit pas que ce feroit le billet, et qu'à l'égard de la perfonne de ditlinction, 
ledit fieur Gobin n'a qu'à la nommer, la répondante ne fâchant pas ce qu'il 
veut dire. 

Si lorfque le fieur Gobin alla chex elle et lui préfenta l'afllgnation à lui 
donnée par Lepage, en homologation de fon contrat d'abandon, elle ne lui 
a pas dit qu'il n'avoit rien A appréhender, qu'elle le payeroit en entier? 

A répondu qu'elle n'a point dit cela. 

Si elle n'a pas tenu le même propos et fait les mêmes promeflfes en pré- 
fence de (es domeûiques au fieur Gobin, en lui difant qu'il falloit qu'il prit 
patience, qu'il n'y avoit rien A perdre avec elle? 

A répondu que quand ledit fieur Gobin lui a parlé dudit billet, elle lui dit 
qu'il prit patience, qu'il n'y avoit rien à perdre avec ces gens-U et qu'il feroit 
payé, mais n'a jamais entendu le payer elle-même. 

Signe : A. M. Vé&on&se ; HuctJEs. 

{Àrthhrti msti^nsUi, Y, 11,004 ) 

Xoy. Blrtxnazzi (Chaju.es- Antoine). 



VÉRONÈSE (Camille-Jacquette-Antoinette), dite Ca- 
mille. Soeur de la pr^édcntc» M^ Camillc-Jacquctte- 
Antoinette Vironèse, connue au théâtre sous le nom de Camille» 



198 Les Comédiens italiens. 

naquit à Venise vers 1735, et parut pour la première fois à la 
Comédie-Italienne, le 16 mai 1744, dans Coraline esprit follet, 
canevas en trois actes, remis au théâtre par Charles - Antoine 
Véronèse, où elle exécuta avec M"® Coraline, sa sœur, un pas de 
deux qui fut très-applaudi. 

Elle dansa ensuite dans différents ballets et notamment, en 
1746, dans un divertissement placé à la suite d'une comédie de 
son père, le Prince de Salerne, et intitulé les Enfants vendangeurs. 
Dans ce ballet qui terminait la pièce. M"* Camille et un petit dan- 
seur du nom de Dubois représentaient deux enfants costumés en 
vendangeurs que des chasseurs faisaient mine de vouloir dépouiller 
de leur raisin et qui, après les avoir effrayés de leurs fusils, finissaient 
par payer très-libéralement la vendange dont ils s'étaient empa- 
rés, a Les charmans petits fuppôts de Bacchus, dit le Mercure 
du temps, dédommagés et contens, fignalent aloirs leur recon- 
noiflance et leur joie par un pas de deux très-plaifant et parfaite- 
ment exécuté. » 

Il existe une gravure représentant M*** Camille et le petit Du- 
bois dans les Enfants vendangeurs, et on lit au bas : 

Ces deux danfeurs prefque en naiffant 
Par leur danfe ingénue embellirent la fcëne 
Et dans Tâge où Ton fent à peine 
Ils expriment tout ce qu'on fent. 

Le I" juillet 1747, la jeune danseuse fit ses débuts comme 
comédienne dans une pièce que composa spécialement pour elle 
Charles-Antoine Véronèse, son père, et qui a pour titre : les Deux 
Sœurs rivales. Elle y obtint un grand succès ainsi que dans les 
Tableaux, comédie française en un acte et en vers libres, de Panard, 
jouée le 18 septembre suivant et dans laquelle elle joua si bien et 
dansa avec tant de grâce que les spectateurs transportés accla- 



Vironèu. 199 

mèrcnt à la fois l'actrice et l*ouvragc. Paaard composa alors pour 
elle ce joli madrigal : 



Objet de nos dOfirs dans TAgc le plus tendre, 
Camille, ne peut-on vous voir ou vous entendre 
Sins éprouver les maux que Tamour fait fouffrir? 

Trop jeune i la fois et trop belle, 
En nous charmant fitc^t que vous êtes cruelle I 
Attendez pour bledfcr que vous puiflica guérir 1 



Peu après, NP** Camille fut reçue dans la troupe, aux appoin- 
tements et avec promesse de demi-part, pour les rôles d^amou- 
reusc et de danseuse, auxquels elle joignit en 1759, époque de la 
retraite de M"* Coraline, sa sœur, Temploi des soubrettes. 

Kn août 1760, elle joua, avec une vcrité frappante, le person- 
nage de la statue dans Pygmalion, ballet de Billion!, et Favart, 
juge compétent en de telles matières, parle ainsi de cette création : 
a Rien n'égale la fincfle de Ton jeu pantomime, funout quand b 
Aatue s*anime par degrés. Elle peint fa furprife, fa curiofité. Ton 
amour nailTant, tous les mouvemens fubits ou gradués de fonime 
avec une expreflion que l'on n'avoit point encore trouvée. On peut 
dire de Camille qu'elle danfe jufqu'à la pcnfée. Je crois que l'art 
des anciens pantomimes grecs ne pouvoit aller au deU des talens 
de Camille en ce genre. » 

Gaie et vive dans les soubrettes, elle savait aussi rendre avec 
Ime les situations attendrissantes. En 1761, elle créa k rôle de 
la mère dans la comédie de Goldoni, le Fils d'Arlequin furdu et 
retrouvé, et arracha, dit-on, des larmes aux spectateurs par la 
manière dont elle peignit ses craintes, ses regrets et ses inquié- 
tudes. 

Crimm, qui lui reproche pourtant les nombreux gallicismes 
qu'elle introduisait dans b langue italienne, et les italianismes dont 



200 Les Comédiens italiens. 

elle usait dans le langage français, assure que son visage et ses 
gestes étaient souvent sublimes d'expression. 

« On a dit avec raifon, écrit le Nécrologe de 1769, que le ca- 
ractère de M"* Camille fe peignoit fur fa figure. Une phyfîonomîe 
noble, franche et une ingénuité piquante annonçoit les qualités 
de fon âme. Elle étoit fupérieure à toutes ces petites querelles, 
à ces baffes jaloufies de métier qui régnent communément parmi 
les perfonnes de fon état. Ses talens avoient trop d'éclat pour 
•que ceux des autres lui infpiraflent une honteufe envie; ce vil fen- 
timent, ainfi que l'orgueil, eft le partage de la médiocrité. M"* Ca- 
mille eut dans fes fuccès une modeftie qui l'en rendoit plus digne 
encore. » 

Elle mourut le 20 juillet 1768, à l'âge de 33 ans, dans les bras 
de M. Cromot, premier commis des finances, avec lequel elle 
entretenait depuis quelques années des relations intimes. M. Cro- 
mot, homme de travail et de plaisir, que Marmontel a qualifié de 
laborieux sybarite (i), aimait tendrement la pauvre artiste et 
l'avait comblée de bienfaits. Il lui fit faire de magnifiques obsèques; 
plus de cinquante carrosses bourgeois suivirent le cercueil der- 
rière lequel marchaient les comédieiis du Roi de la troupe ita- 
lienne, présidés par Jean-Baptiste-François Dehesse, leur doyen. 

Le corps fut inhumé en l'église de Montmartre, paroisse de la 
défunte. 

« M"* Camille, dit un contemporain, étoit fort aimée et joi- 
gnoit aux plus grands talens toutes les qualités de l'âme les plus 
précieufes. Elle a fait un teftament en faveur de fa famille, qui 
fait également honneur à fon jugement et à fon cœur. » 



(i) Après avoir donné quelques détails sur l'abbé La Ville, premier commis des affaires étrangères, 
et sur M. Dubois, premier commis de la guerre, Marmontel parle en ces termes de M. Cromot : 
c De ces laborieux (ybarites, le plus vif, le plus féduifant, le plus voluptueux, étoit ce Cromot, qu'on 
a vu depuis fi brillant fous tant de miniftres. La facilité, l'agrément, la preftefle de fon travail et 
furtout fa dextérité les captivoient en dépit d'eux-mêmes. » 



Féronèsr. 20 1 

On a fait sur clic ces quatre vers : 

Digne élève de Tcrpfichorc, 
Digne rivale de u fœur, 
Camille, eA-il un fpcctateur 
Qui ne t*adniire et ne t'adore? 

Après la mort de cette remarquable aarice, le genre iulien, qui, 
avec sa sœur et elle, avait jeté un dernier éclat, se démoda de jour 
en jour davantage, malgré la vogue passagère des amusantes co- 
médies d*Antoine Mattiucci, dit CoUalto, et le mérite réel du 
célèbre Arlequin Charles-Antoine Bertinazzi, dit Carlin. A partir 
de Tannée 1780, b Comédie-Italienne, tout en conservant une 
appelbtion qui n*était plus justifiée par son répertoire, ne repré- 
senta désormais que des ouvrages exclusivement écrits en 
français. 

{CmUmdriff kiit0rifmé dt$ Thédir*/, Pari», Cail» 
Icao, I7( I. — > DuHmmmsirw in Th4itrt$, V, ito. 
119 i VI, 1)9. — Gnflin. C0rrt$f*mJs»4« Utté- 
rmift, VI, il.— Mtm^irfê tê€t€t$, IV, 74, 77.— 
Atmtémûih de» ftmi d'ttp^it, pftr Cbrtner. -~ 

KitfUgt 4c 1769 Mém0if9$ de Gêtd^mé, Hl, 

10, 14 — htim0if0» de MsrmmnUl, U, l|.— 
j0mrnAl dt U. df Ssrtimt, f. i((» i|9, ft9. — 
Œmvrtt dt hi. 0t dé U^ Fët-^fi. Faru, Eu(<m 
Di4t«r, il)!-) 

Ï757- ~ '•* octobre. 

PlainU renJui par um domestique contre M' '' Camille- JacqueUe-Antoindte VirO' 
mise, dite Camille, et contre Pierre- Antoine-François Véromèu, som frère. 

L*an 17)7, le famedi i** octobre, dix heures et demie du matin, pir- 
de\-ant nous Guillaume- Louis Delafleutrie. etc., ed comparuc Marguerite 
V'edren, fille majeure, ci-devant domeiUque au fervice de b demoifelle Ca- 
mille et actuellement fans condition, demeurant U comparante chei le fieur 
\'or, maître uilleur, rue du Chantre, mailbn d*un épicier : Laquelle a dit 
qu'elle a icr\i ladite Camille pendant un an et efl fortie le 2 juin dernier; 
que Udi:e Camille lui a exactement payé Tes gages, mais qu'elle comparante lui 
ayant prêté, pendant l'on féjour chei elle, une fomme de $64 livres, ladite 



202 Les Comidwts italiens. 



demoifelle Camille a fait au profit de la comparante un billet de cette fomme, 
daté dudit jour 2 juin dernier et payable le 2 août auffi dernier. Qu'audit 
jour, 2 août dernier, la comparante s' étant préfentée pour recevoir le con- 
tenu audit billet, ladite demoifelle Camille lui a dit ne pas avoir d'argent 
et lui a demandé quinzaine. Que la plaignante 9'étant préfentée au bout de 
cette quinzaine, ladite demoifelle Camille, au lieu de la payer, lui a dit qu'elle 
s'étoit fait faire un billet par le fieur Doliat, à l'ordre d'elle comparante, et 
qu'elle fille Camille alloit le négocier pour être en état de payer la compa- 
rante qui, à la follicitation de fadite maftrefTe, mit fon ordre au dos dudit 
billet au profit du fieur Véronëfc, attaché à la troupe des comédiens italiens. 
Et vers le 6 du mois d'août dernier la comparante, impatiente de ce que ledit 
fieur Véronèfe ne pouvoit pas trouver d'argent fur ce billet, s'eft encore pré- 
fentée à ladite demoifelle Camille qui, après bien des inilances d'elle compa- 
rante, lui déclara que ledit fieur Véronèfe avoit déchiré le billet en quefiion 
faute d'en pouvoir faire ufage et fit donner à la comparante une décharge 
par ledit fieur Véronèfe à caufe de l'ordre qu'elle avoit mis au dos dudit billet, 
et la comparante ayant infifté pour avoir fon payement, ladite Camille lui 
offrit de mettre fa montre et fa tabatière en gage, ce que la comparante 
n'ayant voulu foufifrir elle accorda encore un délai d'un mois à ladite Ca- 
mille. Que cejourd'hui matin la comparante s'étant préfentée chez ledit fieur 
Véronèfe, ainfi qu'il en étoit convenu avec ladite demoifelle Camille, ledit 
fieur Véronèfe lui a offert 18 louis d'à-compte et de lui faire un billet du 
furplus à la charge par la comparante de rendre le billet de ladite demoifelle 
Camille ; ce qu'elle comparante n'ayant voulu accepter, ledit fieur Véronèfe 
eft entré en fureur contre elle, l'a traitée de friponne, voleufe, larronnefle et l'a 
mife à la porte de fon appartement. Qu'elle comparante ayant été à Tinftant 
chez ladite Camille, ledit fieur Véronèfe, qui y eft entré auffitôt, a de nou- 
veau invectivé la comparante, l'a prife au col, l'a jetée deux fois par terre en 
la traitant de g. . . ., voleufe, friponne et autres invectives. Et que ledit fieur 
Véronèfe, pour l'empêcher de s'expliquer devant ladite demoifelle Camille, 
l'a mife dehors de fon appartement. Ajoute la comparante que ladite Camille, 
au lieu de payer la comparante, s'applique à lui nuire en défendant à tous 
ceux qu'elle connoft de recevoir la comparante chez eux. Et comme la com- 
parante a intérêt de fe pourvoir pour raifon de tout ce que deiïus, elle eft 
venue nous rendre la 'préfente plainte contre ledit fieur Véronèfe et ladite 
Camille. 

Signé : M. Vedrêne ; Delafleutrie. 

{Archives nationales. Y, 15,45$.) 

Voy, Balletti (Antoine-Etienne). 



VerUuiL 20) 

VERTEUIL (M»0- C'est, dit-on, gricc i la protection de 
Monsieur, frère du roi Louis XVI, que M"** Vcrtcuil, 
ancienne actrice de b Comédie-Française et du théâtre de Ver- 
sailles, fut reçue sans audition préalable, le 24 juillet 1779, à la 
Comédie-Italienne. Bien qu'elle fût engagée pour jouer en chef 
les mhes nobles, elle débuta, le 14 avril de Tannée suivante, par le 
rôle de Sylvia dans les Jeux de V Amour et du Hasard, comédie de 
Marivaux, où elle fit preuve d'un talent consommé. 

« Quoiqu'elle ne foit plus de la première jeunefle, dit Grimm, 
fa figure eft intéreflfante et noble ; fa voix, naturellement un peu 
forte, a cependant des inflexions très-fenfibles et très-douces. Si 
fon jeu laiflfe aperce\'oir plus d'étude que de naturel, c'cft une 
étude fans affecution et fans manière. Il eft difficile de montrer 
une plus grande intelligence de la fcène, plus de finefle et de 
talent pour faire valoir jufqu aux moindres détails. » 

Ce brillant début valut peu après ï M"* Verteuil son admission 
à ponion de part. 

Le I ) février 1 78 1 » elle créa avec une grande vérité le rôle de 
Rosalie dans Jenneval , drame en cinq aaes et en prose, de Mer- 
cier, et au mois de juillet de la même année, elle joua Ariane 
ààiis Ariane abandonnée, mélodrame traduit de l'allemand, mu- 
sique de Georges Benda, et y montra tant de passion et de scn* 
sibilité qu'elle fut rangée désormais parmi les meilleures actrices 
de b capitale. 

Un amateur de théâtre lui adressa, à propos de cette dernière 
création, les vers suivants : 

Vcrtcuil ! ah ? c*c(l en vain qu*i mon âme attendrie 
D'.\rianc tu x-euz retracer la douleur. 
Crois-moi, fi de tes traits r.\niour l'eût embellie, 
Thcsc^c (i) en la quittant n*cût poim fait (on malheur. 

(1) L< rMc Je Thétét «Uft reiapk f«r L«ait Michv, « ^«i, 4it Gruau, fufoil io«t et ^u'U fo*- 
v«it f9mt rcffcabUff 4 ma kéro* ». 



204 Les Comédiens italiens. 



Oui, tes accens plaintifs, ton organe enchanteur. 

Cette taille il belle et tes yeux pleins de flamme, 

Malgré Tarrêt des dieux, auroient touché fon âme; 

Théfée, au lieu de fuir, eût été fon vengeur. 

Il eil doux de mourir pour la beauté qu'on aime. 

Des fiers Athéniens il eût bravé les coups, 

Et Pamour l'élevant au-deffus de lui-même. 

Animé par tes yeux il les eût vaincus tous. 

Par de nouveaux fuccès règne enfin fur la fcène ; 

Heureux fi du public, adorée à ton tour. 

Quand tu vois tous les cœurs fe foumettre à ta chaîne. 

Tu gardais dans le tien une place à l'amour. 



Cependant M"* Verteuil était à ce moment à Tapogée de sa 
carrière dramatique. Au milieu de ses succès, quelques personnes 
sévères lui avaient fait certains reproches; elles trouvaient que 
son jeu sentait trop le travail et que, malgré toute son adresse, 
elle ne parvenait pas toujours à cacher Fart qu'elle y mettait. Ces 
critiques subtiles étaient - elles fondées ? On serait tenté de le 
croire, car insensiblement le public se montra de moins en moins 
favorable à l'actrice. 

Le 28 janvier 1783, on jouait Ciphise, comédie en deux actes, 
de La Salle, et M™*^ Verteuil se trouvait en scène avec M™* Du- 
gazon, lorsque tout à coup le parterre se mit à faire un tel bruit 
que les deux comédiennes durent s'arrêter. M"** Verteuil s'avança 
alors et dit respectueusement : 

« Meffieurs! ai-je le malheur de vous indifpofer contre moi? 
Faut-il que je me retire? » 

Quelques spectateurs bienveillants protestèrent par leurs ap- 
plaudissements, mais le reste de la salle persévéra dans son atti- 
tude hostile, et la pièce fut continuée au milieu du tapage sans 
qu'on en entendît un mot. 

A partir de ce moment. M™* Verteuil ne parut plus que rarement 



Faîris. 205 

à la Comédie-Italiemie, à liquéDe pourtant die était eocore atu- 
chée au commencement de 1789. 



{^La Sftssaclc: it Paris, r^îi ei r^t^ — 

Cvrrerjtfi^nct lislcaj^, X. T^., 5^, 4;0- — 
Mrmmrti mt^, XT, 15s ; XID, 71. - ]»^- 
mml it fans, J^fca, x6 arri; ; 17*1, 2I aoLt. — 



Ï779- — ^ Joîl^eî. 

tUapiiom âe M^ VerUua. 

Noos maréchal doc de Ricbelicn, pair de France, {n^mier geotilhomine de 
la chambre dn Roi, 

Avons reço, fous le bon plaiûr de Sa Majef^ i commeocer à fouvertnre da 
théâtre i Pâques prochain, la demoifelle Verteoil a la Comédie-Italienne pour 
y jouer les rôles des mères nobles en chef ainû que tous ceux qui lui feront 
difbibués fuivant le réperunre général qui fera fait d'après la mife des pièces 
qui feront repréfentées fur le théâtre dans le courant de la préfente année et 
à la charge par ladite demolfelle Verteuil de jouer tous les rôles d'utilité et 
acceffoires qui pourrom lui être diftribués tant dans les pièces récitées que 
dans celles de chant. 

A Paris, le 24 juillet 1779- 

Sîgné : Le Maréchal duc de Richelieu. 

(^Archives UMlicumUs, O', S49-) 



VESTRIS (Axge-Marie-Gaspard). Frère cadet du fameux 
Vestris, de l'Académie royale de musique^ Ange-Marie-Gas- 
pard Vestris naquit à Florence en 1730, et fut attaché quelque 
temps au théâtre de Stuttgard. C'est là qu'il connut la sœur du 
comédien Dugazon, Françoise-Rose Gourgaud^ actrice dans la 
même troupe, dont il devint le mari. Ce mariage fut, dit-on, 
conclu dans des circonstances assez singulières. M"* Gourgaud 
était la favorite du duc de Wurtemberg, qui l'ayant surprise un 



2oé Les Comédiens italiens. 

jour dans un tête-à-tête intime avec Vestris, les força tous deux, 
le pistolet sur la gorge, à s'épouser et les chassa de ses États. 

Vestris vint alors à Paris, et après un court séjour à TAcadémie 
royale de musique, il débuta, le 23 mai 1769, à la Comédie-Ita- 
lienne, dans l'emploi des amoureux du genre italien. 

Après avoir joué successivement dans le Chevalier d'industrie, 
dans Arlequin, bouffon de cour, et dans le Gondolier vénitien, il fut 
reçu à Fessai le 12 juin de la même année, aux appointements de 
150 livres par mois ; peu après il fut admis à portion de part. 

En 1780, lors de la suppression du genre italien, Vestris, qui 
s'était toujours montré assez médiocre acteur, fut congédié avec 
une pension de 1,000 livres et une indemnité de 5,000 livres 
payable en deux annuités. 

Il mourut à Paris le 10 juin 1809. 

On sait que M°* Vestris, sa femme, a été l'une des plus remar- 
quables aarices de la Comédie-Française. 

(Archivts nationaUs, OS 846. — Lit SputacUs 
de Paris, J770. — Biographie Didct.) 

1769. — 12 juin. 

Ange-Marie-Gaspard Vestris est reçu à Fessai aux appointements 

de 1^0 livres par mois. 

Nous maréchal duc de Richelieu, pair de France, premier gentilhomme de 
la chambre du Roi ; 

Nous duc de Duras, pair de France, premier gentilhomme de la chambre 
du Roi, 

Avons reçu, fous le bon plaifir de Sa Majefté, le fieur Veftris dans la troupe 
des comédiens italiens ordinaires du Roi, à TelTai aux appointemens de 1 50 
livres par mois, afin que nous puifiions juger de fcs talens. 

Fait à Paris, ce 12 juin 1769. 

Signé : Le Maréchal duc de Richelieu ; le Duc de Duras. 

{Archivts nationales f O*, 846.) 



ViïUtte. — Volange. 107 



V 



ILLETTE (MAKiE-THitisE). 

Voy. Laruette (M»«). 



V 



lOLETTE (Marguerite RUSCA, dite). 

V«y. Thomassm (TuoMAS-AKToniE Visemtini, dit). 



V 



ISENTINI. 

Voj, Thomassin. 



VOLANGE (Maurice-Frakçois ROCHET,du), né à Nan- 
tes en 1756, mort vers 1810. Les succès étonnants obtenus 
en 1778 par cet aacur dans le proverbe de Domgny, Janot, ou les 
Battus payent ramenée, représenté au théâtre des Variétés-Amu- 
santes, lui méritèrent, le 8 février 1780, un ordre de début à h 
Comédie-Italienne, où il parut pour la première fois, le 22 du 
même mois, dans la pièce d'Antoine Mattiucci, dit Collalto, inti- 
tulée : les Trois Jumeaux vénitiens. Ces débuts prirent les propor- 
tions d'une solennité dramatique. Tout Paris voulut entendre 
sur un véritable théitre Taaeur acclamé sur les tréteaux forains. 
Les billets de parterre se vendirent jusqu'à 8 livres, et on raconte 
qu'un peintre de ponraits, dont les tableaux se pyaient 4 louis, 
consentit à peindre pour rien b personne qui voudrait bien lui 
céder son billet. Aux abords du théâtre, une foule énorme se 
pressait ; la garde préposée aux guichets d'entrée fut forcée, et 
deux escouades du guet, postées aux extrémités de la rue, durent. 



2o8 Les Comédiens italiens, 

par crainte d'accidents, arrêter les voitures et prier les personnes 
qui étaient dedans de descendre et de se frayer à pied un chemin 
à leurs risques et périls. 

A l'intérieur du théâtre, Teffervescence était non moins grande. 
Les coulisses ayant été envahies par un grand nombre de privilé- 
giés, le parterre réclama à grands cris leur expulsion et ne se tut 
que quand la scène fut vide. 

Au dernier moment pourtant, il s'en était fallu de peu que la 
représentation n'eût pas lieu. Les Trois Jumeaux avaient d'abord 
été composés par Collalto, en canevas, suivant la coutume usitée 
pour les pièces italiennes; mais plus tard, devant le succès de l'ou- 
vrage, l'auteur l'avait écrit entièrement en français. Deux auteurs 
dramatiques, Cailhava et d'Hèle, chargés par les comédiens ita- 
liens de surveiller les répétitions préliminaires de Volange, crurent 
pouvoir, dans le but de faire valoir davantage le débutant, intro- 
duire dans les Trois Jumeaux diverses scènes nouvelles. Cette 
nouvelle parvint à Félix Gaillard, ancien comédien italien, gendre 
et héritier de Collalto, et il menaça la Comédie-Italienne de mettre 
judiciairement opposition à la représentation si la pièce n'était 
pas jouée telle que son beau-père l'avait écrite. 

Ces débats durèrent jusqu'au jour fixé pour la première repré- 
sentation et furent tranchés en faveur de Félix Gaillard; les Trois 
Jumeaux furent donnés sans les additions qu'avait étudiées Vo- 
lange. Il en résulta pour l'acteur une sorte de gêne qui influa 
d'une manière notable sur son jeu, malgré les cris enthousiastes 
de courage, Janot, courage I que ne cessèrent de lui adresser ses 
partisans. 

On sait que les Trois Jumeaux forment trois personnages joués 
par un môme acteur. Le premier est un homme de bonne société, 
aimable, poU et raisonnable; le second, au contraire, est grossier, 
brutal et emporté, et le troisième un niais ridicule. Volange, 



Volange, 209 

chargé de ce triple rôle, se montra faible dans le premier person- 
nage, passable dans le second, mais excellent dans divers endroits 
du troisième, qui rentrait de tout point dans ses moyens, et parut 
en somme peu satisfaisant, eu égard à sa grande réputation. Mal- 
gré son insuffisance évidente, ses nombreux partisans, parmi les- 
quels on remarquait toute la canaille du rempan et un grand 
nombre de (Ules, lui firent une ovation bruyante et il fut rede- 
mandé à la fin du spectacle. 

La deuxième représentation des Trois Jumeaux, qui se fit le 
surlendemain, eut lieu au milieu du même concours de specta- 
teurs, et Vobnge, redemandé encore à la fin de la pièce, fut 
couvert d'applaudissements. 

Quelques jours plus tard, il joua Dubois dans les Fausses Confi- 
dences, comédie de Marivaux, et y fut trouvé franchement mauvais : 
« Une démarche lourde, dit le Journal de Paris, une voix rauque, 
des membres difloqués, voilà pour le phyfique. Point de temps 
obfervés, de la tenue nulle pan, aucune finefle, beaucoup de paf- 
fagcs à contre- fens, voilà pour le moral. Tel eft, félon nous, le 
ponrait fidèle du fieur Volange dans le perfonnage de Dubois et 
lious nous fommes bien trompé ou il fera le même dans tous les 
rôles du même emploi. » 

En revanche, le même soir, Volange rendit avec une vérité 
étonnante le rôle de Persep du Tonnelier, comédie mêlée d'ariettes, 
d'Audinot. 

En résumé, et le premier moment d'enthousiasme passé, Vo- 
bnge fut jugé un comédien rendant ï merveille les rôles de niais 
grossiers, mais des plus ordinaires dans les autres emplois. 

Oo trouva, dit Grimm, Ton maiotiin d^ontenancé, fa ▼oU grêle, foo 
jeu non -feulement commun et trivial, mais encore froid et dépourru de 
comique. II parod que fa figure et fon organe ne peuvent guère fc prêter 
qu*i rilluûoo la plus baffe et la plus niaifc; c'eft le caractêit qu'il a fo (aiûr 

coM. DU aoi. — n. 14 



210 Les Comédiens italiens. 



avec une vérité très-piquante, mais c'eft auffi le feul qui lui foit propre ; il 
n*a pas même dans les autres rôles le mérite d'une bonne caricature. Quoi- 
qu'il ait été jugé ainfi dès le premier jour, tout Paris a voulu le voir et fon 
feul début a plus fait gagner à la Comédie-Italienne que toutes les nouveautés 
de l'année enfemble. 

Son début terminé (i), Maurice-François Rochet, dit Volange, 
quitta la Comédie -Italienne pour n'y plus revenir et retourna 
aux boulevards. 

(£«* SpictacUs de Paru, 178a. — Grimm, CorrtS' 
pontUnc* littéraire, X, a68. — Mémoires secrtts, 
XV, 65, 70. — Journal d« Paris, 1780, 23 et aS 
février. — I«j Spectacles de la Foire, II, 464.) 



1780. — 8 février. 

Ordre de début pour Maurice-François Rochet, dit Volange, 

Nous, maréchal duc de Richelieu, pair de France, premier gentilhomme 
de la chambre du Roi, 

Ordonnons aux comédiens italiens ordinaires du Roi de laiffer débuter 
fur leur théâtre le fieur Volange, afin que nous puiffions juger de fes talens. 

Paris, ce 8 février 1780. 

Signé : Le Maréchal duc de Richelieu. 

{Archives nationales, O', 846.) 



(i) Outre les rôles indiqués plus haut, Volange a encore joué à la Comédie-Italienne: Frontin. 
dans V Amant auteur et valet, comkàxttxxyxnucxty en prose, par Cérou ; Mathurin à*.n% les Trois Fer- 
miers, comédie en deux actes, mêlée d'ariettes, par Monvel, musique de Dézaides ; Colas dans les Deux 
Chasseurs et la Laitière, comédie mêlée d'ariettes, par Anseaume, musique de Duni ; et Pierre Leroux 
dans Rose et Colas, comédie en un acte, en prose, mêlée d'ariettes, par Sedaine, musique de Monsigny. 





I ANERINI-BIANCHI (M»*), dite Argentine. 

Cette actrice débuu à la Com^ie-Italicone le 3i juillet 1766, 
en mtme temps que M** Bac«lli, sa m^, dans les Amours étAt' 
Uquin et dt Camille, pièce en trois actes, de Goldoni. Elles furent 
toutes deux admises dans le genre italien, M~* Bacellî pour les 
râles de mères, et M"* Zanerini-Bianchi pour les amoureusts. 
M"* Bacclli était la femme d'un musicien i qui l'on doit la par- 
tition du Nouveau Marié, ou les Importuns, coroidie de Caîlhava, 
représentée au mois de septembre 1770. Elle était fort grosse 
et ne manquait pas de talents. Elle a créé avec succis le râle 
iiËtéonortAaia la piice d'Antoine Matttucd, dit Collalto, inti- 
tulée : Us Trois Jumeaux vénitiens, et qui fut jouée le 7 décembre 
177}. Elle quitu la Comédie-Italienne, dont elle était actrice à 
pension, 1 la ddture de 1776.. 

Quant i M"* Zanerinï-Bianchi, sa 611e, après avoir joué pendant 
deux ans les rôles d'amoureusis, elle prit eo 1768, sous le nom 
d'Argentine, l'emploi des soubrettes laissé vacant par la mon de 
M"* Camille>Jacquenc-Antoinette Véronèsc, dite Camille. 

Elle fut re^ue i portion de pan en 1769, obtint trois quarts de 



212 Les Comédiens italiens. 

7 

partie lo avril 1772 et fut admise peu après à part entière. En 

1779, lorsque la Comédie-Italienne, modifiant un peu son réper- 
toire, se décida à représenter plus souvent des comédies françaises, 
M"* Zanerini-Bianchi fit preuve de zèle et de talents en jouant les 
rôles de soubrettes dans les pièces de Marivaux, et elle y fut trou- 
vée très-agréable. 

L'année suivante, lors de la suppression du genre italien, elle 
fut congédiée, mais ses bons sen^^ces lui valurent une pension de 
1,000 livres et une indemnité de 5,000 livres payable en deux 
annuités. Elle quitta alors Paris et s'en retourna en Italie. 

Un Anglais, Thomas Haies, appelé communément d'Hèle en 
France, où il s'est fait connaître comme auteur dramatique et 
qui fit représenter à la Comédie-Italienne le Jugement de Midas, 
V Amant jaloux et les Événements imprévus^ pièces dont Grétry 
composa la musique, fut éperdument amoureux de cette actrice, 
a II s'étoit fort attaché, dit Grimm, à M"® Sianchi, qui jouoit les 
rôles de foubrettes dans les pièces italiennes. La paflion qu'elle 
lui avoit infpirée l'occupoit uniquement. îl avoit renoncé pour 
elle à toutes fes fociétés, à tous fes amis. N'ayant pu la retenir 
dans ce pays-ci après la fuppreffion de la troupe italienne, on ne 
peut douter que le chagrin de s'en voir féparé n'ait hâté le terme 
de fes jours. » 

D'Hèle mourut en effet le 27 décembre 1780, très -.peu de 
temps après le départ de M"* Zanerini-Bianchi. 

Cette actrice était d'une excessive maigreur, passait pour très- 
étourdie et pour avoir peu de cœur. Ce triple défaut lui a été 
reproché dans un petit pamphlet composé vers l'année 1779, qui 
s'exprime en ces termes sur son compte : « On peut voir chez la 
demoifelle Blanchi, dite Argentine, rue de l'Amant-Jaloux (i), un 



(i) II y A ici une plaisanterie à double entente. Le pamphlétaire fait également allusion à la pas- 
sion jalouse de d'Hèle pour M^i» Zanerini-Bianchi et au titre de l'une de ses comédies. 



Zanotti. 213 

fquclctte qui marche, mangCy digère et couche comme une per- 
fonnc naturelle. Il n'y a que la tùte et le cœur qui ne faflfcnt pxs 
de fonctions. Il parle italien, bégaye le (i*ançois, mâchonne Tan- 
glois et n*écorche perfonne. » 

(Ar€kiTt$ usêi0mmUt, O*, 844. — Lfs SfttUtUi Je 
Psrii, 1767. — Grtmm, Cgfrti^^nJ^mté Utté» 
ftrt, VII, é} i VIII, 1S4; X, ail, 419. — Ut- 
méirts MêcrtU, XIV, )fl.) 

1772. — 10 avril. 

JLf'^ Zanêfini'Biûnehi, diU Argentine, obtient trois quarts de pat t. 

Nous roarc^chal duc de Richelieu» pair de France, premier gentilhomme de 
la chambre du Roi ; 

Nous duc de Duras, pair de France, premier gentilhomme de la chambre 
du Roi, 

Avons accord(3 i la demoifelle Zanerini, comédienne iulienne jouant les 
foubrcttcs, un quart de part d*augnK-mation pour faire, avec la demi-part 
dont elle a joui jufqu'^ présent, trois quaru de part, à la charge par elle de 
continuer i jouer les rôles de foubrettes dans le genre italien et ceux qui 
feront jug^ nécelTaires pour le bien du fervice ; accordant ledit quart de 
part d'augmentation pour la r<îcompenfe de la bonne volonti^ qu'elle a mar- 
quise dans le cours de Tannc^e dernière en jouant des rôles qui lui êtoient 
étrangers et comptant fur le même zèle pour l'avenir. 

A Paris, ce lo avril 1772. 

Signé : Le Maréchal duc Di Richelieu ; le Duc de Duras. 

{dukhtt mmftntkln, O*, M^.) 



ZANOTTI (Jean-André), dit Octave, puis le Vieil Octave. 
Jean-André Zanotti débuta en 1660, h Tancieiine Comédie- 
Italienne, dans l'emploi des seconds amoureux, sous le nom d'Oc- 
uve. En 1667, époque de la retraite d'Hyacinthe Bendinelli, dit 
Valcrio, il fut chargé des rôles de premier amoureux et les rem- 
plit avec talent. Les frères Parfaict disent qu'il quitta le théâtre 



214 ^^^ Comédiens italiens. 



en 1684 ou 1685, maïs cette date paraît erronée et il dut figurer 
encore à la Comédie-Italienne postérieurement au 2 novembre 
1688, époque du début de Jean-Baptiste Constantini, dit Octave, 
après lequel Zanotti prit, très-vraisemblablement pour se distin- 
guer de son jeune camarade, le second surnom sous lequel il est 
connu, celui du Vieil Octave. 

Jean- André Zanotti fut marié deux fois : i® à Théodora Biaise, 
décédée le 11 janvier 1668, et 2^ à Marguerite Enguerrant, de 
laquelle il eut sept enfants. 

{Histoire dt faneim Thiitre-Italien, p. $6. — Jal, 
DicHomnain dt biographie, p. ijaé.) 

1664. 

Jean-Andri Zanotti, dit Octave, puis h Vieil Octave, touche, tant pour lui que 
pour ses camarades, un trimestre de la pension annuelle faite par le Roi aux 
comédiens italiens, 

A Jean-André Zanotty, comédien italien, tant pour lui que pour ceux de fa 
troupe entretenue par Sa Majefté pour leurs gages et entretenement pendant 
le quartier de juillet, août et feptembre, la fomme de. . . m^ vn^ l livres. 

(Arehivti nationales, KK, 213.) 



ZANUZZI (François-Antoine). Ce comédien, né vers 1728 
et très-estimé en Italie, où on l'appelait Vitalbino, diminutif 
du nom de Vitalba porté par un célèbre acteur italien, fut appelé 
à Paris en 1759 et débuta le 25 juillet de la même année, à la 
Comédie-Italienne, dans le Chevalier d'industrie, pièce où il 
remplit le rôle de V amoureux. 

L'année suivante, il fut reçu à trois quarts de part et obtint 
part entière le 14 janvier 1766. 

A la clôture de 1780, époque delà suppression du genre italien, 
François-Antoine Zanuzzi, qui avait accompli du reste son temps 



Zanu^:^i. 21$ 

de service y fut congédié avec lyOOO livres de pension et une 
indemnité de 5,000 livres payable en deux annuités. 

Cet acteur distingué, dont le talent était très-apprécié par Gol- 
doniy était en même temps un excellent homme. Il éleva à ses 
frais une petite fille dont les parents étaient tombés dans une 
misère affreuse, lui fit donner une éducation soignée et la mit en 
état d'entrer à l'Académie royale de musique, où elle débuta 
comme danseuse, le 16 novembre 1779» dans le ballet du 4* aae 
d^Iphigénû en Tauride, opéra de Gluck. En rendant compte de 
ce début, le Journal de Paris ayant avancé que cette jeune per- 
sonne était b fille de Zanuzzi, celui-ci, qui avait intérêt à ce que 
b vérité fût connue, répondit à cette assertion par b lettre 
suivante : 

Mdfieurs, je ne puis m'cmpécher de relever une méprife qui s'eft faite 
dans votre journal d*hicr jeudi au fujet de la jeune débutante qui a danfé i 
l'Opéra mardi dernier. Vous la défignez fous le nom de la demoifelle Za- 
nuui, fille d*un acteur de ce nom de la Comédie-Italienne. Je déclare qu'elle 
ne m'appartient point. Elle s'appelle Marie Lefcoufier, fille de fieur et dame 
Lefcoufier, bourgeois de Paris. Inflruit des malheurs qu'ils avoient éprouvés 
et fans aucun autre motif que celui de leur porter quelque fccours, je me fuis 
chargé de ccne enfant, encore au berceau, pour la faire élever fous mes yetis. 
Pai donné i fon éducation des foins iî particuliers qu'ils refTerabloient i ceux 
d'un pcre, et la jeune demoifelle annonçoit dès fon enfance des difpofitions 
(î heureufes pour la danfe, que pour les cultiver je me fuis déterminé k faire 
choix du maître le plus célèbre dans cet art pour la mettre en eut de paroftre 
un jour avec fuccès fur le théitre de l'Académie royale de mufique. Plufieun 
confidérations m'engagent i informer le public de la véritable origine de 
cette jeune perfonne. En conféquence, je vous prie. Meilleurs, de vouloir bien 
inférer dans votre journal la lettre que j'ai l'honneur de vous écrire i ce 
fujet. pai celui d'être, etc. 

Zanuzzi, comédien italim ordinain dm Roi, 

On ignore l'époque de b mon de François-Antoine Zanuzzi. 

{Âfthtvu mslê^msUi, O*, ^é. — Lêi SptaUtUi iê 
P*ri$, 1740. — /MnMli» Fmns, 1779, m ••• 
«cmbrt. — Mtt**i*n éê (hld«mi, \\\, \% ) 



lié Les Comédiens italiens. 



I 

1760. — 26 février. 
François-Antoine Zanuni est reçu à trois quarts de part. 

Un ordre de réception, pour jouer les rôles d'amonretix dans Tîtalien, en 
faveur du fleur Zanuzzi qui jouira des trois quarts de part à compter du pre- 
mier avril prochain. 

A Paris, ce 26 février 1760. 

Signé : Le Duc d'Aumont. 

(Archives nationales, O*, 846.) 

n 

1766. — 14 janvier. 
FrançoiS'Antoine Zanu^^i obtient part entière. 

Nous maréchal duc de Richelieu, pair de France, premier gentilhomme 
de la chambre du Roi ; 

Nous duc de Duras, pair de France, premier gentilhomme de la chambre 
du Roi, 

Avons accordé au fieur Zanuzzi, comédien italien de Sa Majedé , le pre- 
mier quart de part vacant d'augmentation, les engagemens pris avec le (leur 
Véronèfe et la dame Carlin étant remplis, lequel quart de part, avec les trois 
quarts dont il jouit à préfent, fera la part entière. 

Fait à Paris, ce 14 janvier 1766. 

Signé : Le Maréchal duc de Richelieu ; le Duc de Duras. 

{Archives nationales, O* 846.) 

III 

1767. — 2 février. 

Plainte rendue par une portière contre François- Antoine Zanu^i qui Pavait 

couverte d*injures. 

L'an 1767, le lundi 2 février, une heure de relevée, en Thôtel et par-devant 
nous Jacques -François Charpentier, etc., eft comparue Arme - Angélique 



Zanu^^^i. 217 

Guerrier, veuve de François Fabvier» limonadier à Paris, elle actuellement 
portière du fieur Mcrval, en une maifon où elle demeure me Bourg-l'Abbé, 
paroilTc St-Leu-St-Gilles : Laquelle nous a rendu plainte contre le fieur Za- 
nuzzi, acteur de la Comédie-Italienne, demeurant en ladite maifon, et dit que 
famedi dernier, fur les fept heures du foir, étant dans fa loge, elle a entendu 
ledit fieur Zanuzzi l'appeler; qu'elle eft fortie et s'ell avancée vers la porte 
cochère où il étoit ; qu'il lui a demandé fi la nommée Joinville étoit venue 
coucher la nuit dernière. A quoi la plaignante lui a répondu qu'elle étoit 
venue; qu'il s'cfl retiré fatisfait de la réponfe; qu'environ une demi-heure 
après il eft revenu tenant par la main ladite Joinville et a dit brufquement i 
la plaignante en ces termes : « Eh bien 1 elle a couché ici ? » en parlant de 
ladite Joinville, et obligeant cette dernière i parler, elle a dit i la plaignante 
en ces termes : « Madame, vous favez bien que je n'ai pas couché ici. m A 
quoi la plaignante a répondu auili en ces termes : « Non, noo, vous n'avez 
pas couché ici. » Laquelle réponfe ét<)it vraie, vu qu'effectivcroent elle n'y 
avoit pas couché la dernière nuit. Nous déclarant que ù elle a accufé le con- 
traire audit fieur Zanuzzi la demî4icure auparavant, c'eft parce qu'elle ne 
vouloit pas lui rendre compte, n'en ajant atfcun i lui rendre ; qu'i ce fujet 
ledit ûeur Zanuzzi s' eu emporté contre la plaignante qu'il a traitée de gueufe, 

de malheureufe, de p , de m , de falope, de b , en lui difant 

qu'elle prenoit les intérêts d'une p , et autres injures atroces qu'il a répé- 
tées pluûeurs fois devant différentes perfonnes qui fe font amalTées, l'a re- 
poufléc trois différentes fois et a levé la main pour lui donner un foufflet. 
Et comme la plaignante entend fe pourvoir pour raifon des faits ci-deiTus, 
clic cil venue nous rendre la préfente plainte. 

Signé : Chaventiee. 

(Ârtktm mMii^msUi, Y, 12,054.) 

Fay, Balletti (Antoini-Étiekne) ; Cameiani (BAXTHiLEMT-ANDaÉ); 

GOLDONl (CSAtLES). 



^ 



APPENDICE 




LISTE CHRONOLOGiaUE 



DOCUMENTS CONTENUS DANS L'APPENDICE 



4* '716, 
î' '719. 



Rtglcmmt que Madame la Dauphine a ordonDJ être fait soos le 
bon pUîsir du Roi pour la troupe des Comédiens italiens. 

Articles qui seront observés par ta troupe des Comédiens italiens 
de Sa Majesté trts-ch retienne, cnvoj-é» par son Aliesse sérénîs- 
sime Monseigneur le prince Antoine de Parme , par lui ordonnés 
L-t unanimement approuvés par les Comédiens. 

Statuts de la nouvelle troupe iulicnne approuvés par le duc d'Or- 
k'ans, régent. 



t8n 



. Ordonnance pour «npèchcr les désordres qui poumicnt 
er i la Coraédie-Italicniie. 



I, I } décembre. Homdogaiion par le ParlemciK de Pari* iTiin acte 

de société passé devant notaires par les Comédiens italiens le 

27 octobre 1719- 
6* 17)). 8 août. L'Académie royale de musique fait drcMCr procé»-verbal 

des contraventions que commettent dans leurs représenutioiM 

k* Comédiens du Roi de la troupe italietine. 
7* 17)9, t avril. L'Académie royale de mtislquc Tait dnaer pracés-vcibal 



222 Les Comédiens italiens. 

des contraventions que commettent dans leurs représentations 
les Comédiens du Roi de la troupe italienne. 

8° 1742, 18 août. L'Académie royale de musique fait dresser procès-verbal 
âits contraventions que commettent dans leurs représentations 
les Comédiens du Roi de la troupe italienne. 

90 1744, 2 juillet. L'Académie royale de musique fait dresser procès-verbal 
des contraventions que commettent dans leurs représentations 
les Comédiens du Roi de la troupe italienne. 

10* 1745, 23 août. L'Académie royale de musique fait dresser procès-verbal 
des contraventions que conmiettent dans leurs représentations 
les Comédiens du Roi de la troupe italienne. 

II" 1745» I" septembre. Arrêt du Conseil interdisant la représentation de la 
pièce intitulée : la Fille, la Veuve et la Femme, et condamnant 
les Comédiens du Roi de la troupe italienne à une amende de 
10,000 livres pour avoir contrevenu aux privilèges de l'Académie 
royale de musique. 

I2« 1756, 19 février. Homologation par le Parlement de Paris d'un acte 
relatif aux fonds de la Société, passé devant notaires, le 29 avril 
1754, par les Comédiens du Roi de la troupe italienne. 

I3« 1762. Mémoire en forme de règlement pour la régie et l'administration 
de la Comédie-Italienne. 

I4<> I76!2, juin. Les Comédiens du Roi de la troupe italienne adressent au 
Lieutenant de police leurs plaintes de ce que divers entrepreneurs 
de spectacles forains font représenter sur leurs théâtres des pièces 
qui appartiennent au répertoire de la Comédie-Italienne. 

15» 1763, 2 avril. Les Comédiens du Roi de la troupe italienne font passer 
par l'intermédiaire de l'intendant des menus plaisirs quelques 
réclamations à M. le duc de Duras, premier gentilhomme de la 
chambre. Réponses qu'y fait ce dernier. 

16* 1768, décembre. Représentations adressées aux premiers gentilshommes 
de la chambre par les acteurs du genre français de la Comédie- 
Italienne, relativement à la suppression projetée des pièces fran- 
çaises. 

170 1771, i8 août. Règlement pour les entrées sur la scène et dans les cou- 
lisses de la Comédie-Italienne. 

1$^ 1773. Mémoire sur la situation de la Comédie^Italienne. 



Appendice. 223 

19* 1774* Règlement pour la Comédie-Italienne. 

20^ 1779- État des acteurs de la Comédie-Italienne dont on pourrait avanta- 
geusement se servir en cas de reprise des pièces françaises. 

31* 1779, 16 octobre (1). L'Académie royale de musique cède pour trente 
années, aux Comédiens du Roi de la troupe italienne, le privilège 
de rOpéra-Comique. 

22* 1779, 26 septembre. Suppression des pièces du genre italien et mise i la 
retraite des acteurs qui jouaient dans ces pièces. 

25* 1779, 35 décembre. Règlement pour la Comédie-Italienne. 

24* 1780. M. de La Ferté, intendant des menus, soumet aux premiers gen- 
tilshommes de la chambre divers projets de réforme i introduire 
à la Comédie-Italienne. 



(1) CkrosologiqocmcBt, c« docuoiMt dtYrait 4trt pUcA après le toiTtat, auls cornm* àêmê le 
coTf à* Voumgt U « été fait divan rcsToia as Biiaéro ^a*ll porta, oa «at oblifi 4« laiaaaf tsMatar 
crtta léger* irréfvUrtté. 




1684. 



RigUmemt qut Maiamt la Daupbmt a ordomii ttrt fait sous le 
bon plaisir du Roi pour la troupe des Comédiens italiens (_t). 

Le Roy, %'ouUnt établir un bon ordre <Uns ù troupe dt.'s Comé- 
diens iulîcns pour le bien du fcrvice et pour leur întèrdl com- 
mun, Si Mijcric veut qu'elle foit toujours remplie d'un nombre 
fixe de douze acteurs et actrices qui luy foicnt agréables pour 
bien fcrvir dans Tes maifons royales quand il luy plaira, fuivant 
les ordres de Tes premiers gentilshommes de fa chambre en an- 
née, qui feront donnez et expliquez ï ladite troupe par les inies- 
dins et controolcurs généraux de fon argenterie et des menus en 
exercice et que dorcfnavani le préfent règlement foit exécuté 

fclon fa ibrmc et teneur, à comnuncer du premier fuivint le 

contrat qui fera fiît et pafle entre les acteurs et actrices qui com- 
pofent i préfent bdite troupe en conformité d'iccluy. 



226 Les Comédiens italiens. 



Premièrement 

Que ladite troupe demeurera toujours compofée de douze ac- 
teurs et actrices, fçavoir : de deux femmes pour jouer les rooles 
férieux; de deux autres femmes pour les comiques; de deux 
hommes pour jouer les rooles des amoureux; de deux autres 
pour jouer les comiques; de deux autres pour conduire l'intrigue 
et de deux autres pour jouer les pères et les vieillards. 



Que quand quelque acteur ou actrice fe voudra retirer par la 
permifEon de Sa Majefté pour ne plus jouer en France, ny en 
aucun pays étranger, tout le corps de ladite troupe fera tenu et 
obligé folidairement de payer à celuy ou celle qui aura la liberté 
de fortir la fomme de mil livres de pention par chacun an, fa vie 
durant, payable de fix mois en fix mois et par avance, à compter 
du jour de fa fortie. 

Et en cas que les pentions qui feront ainfy deues par ladite 
troupe ne foient payées ponctuellement dans le fufdit temps, 
ladite troupe fera tenue de payer trois livres par jour à chacun 
defdits pentionnaires tant que le retardement durera, fans préju- 
dice de ladite pention qui aura toujours fon cours, fans que ladite 
troupe fe puiffe difpenfer de la payer fous quelque prétexte que 
ce puiffe eftre, ny que cette peine de trois livres par jour puiffe 
eftre réputée cominatoire. 

Que le fonds defdites pentions fera pris fur le gain et fur le 
profit des repréfentations et fur les gages annuels que le Roy a 
ordonnez à ladite troupe, lefquelles pentions ne pourront eftre 



Appendice. 227 

vendues ny aliennées par aucun defdits pentionnaircs à peine d'en 
cftrc dcfcheus et privez, ny failles par leurs créanciers pour quel- 
que eau le, prétexte et occafion que ce foit, attendu qu'elles font 
dedinées purement pour leurs alimcns, entretiens et logemens 
leur vie durant, tant qu'ils demeureront en France. 

Que quand un acteur fe préfcntera avec la permiflîon du Roy 
pour remplir la place d'un autre qui fortira de ladite troupe, ce 
nouvel acteur fera tenu et obligé, en fon nom, de payer la fomme 
de mil livres de pention annuelle et viagère à ccluy dont il occu- 
pera la place, fans laquelle condition il ne pourra eAre admis ny 
reccu en ladite troupe. Et attendu que le corps de ladite troupe 
fera obligé folidairement aufdites pentions, le nouvel acteur met- 
tra les deniers de celle dont il fera tenu entre les mains du rece- 
veur et payeur de bdite troupe pour en Caire le payement au 
pentionnaire. 

S* 

Que n lefdits pentionnaires n'eAoient ponauellement payez 
du corps de ladite troupe, ils pourront s'adrefler, pour leur paye- 
ment, aux biens, meubles et immeubles, préfens et avenir de 
ceux qui compoferont ladite troupe en quelques lieux qu'ils 
foicnt, lefquelz y feront et demeureront obligez et hipotéquéz 
folidairement fans pouvoir en eflre defchargiz que par le décedz 
defdits pentionnaires. 



Que le comédien qui aura ordre de Sa Majefté de fe joindre à 
ladite troupe fans remplir b pbcc d'aucun autre» fera obligé de 



228 Les Comédiens italiens. 

payer la fomme de mil livres de pention par chacun an à ladite 
troupe pendant ûx années confécutives^ à commancer du jour 
qu'il y entrera, et de contribuer encore avec le refte de ladite 
troupe au payement des autres pentions dont elle fera redevable; 
et lefdites fix années étant finies, il ne fera plus tenu de payer 
ladite fomme de mil livres de peniion en fon particulier, mais 
feulement de contribuer avec les autres à toutes les pentions 
faites et à faire par le corps de ladite troupe. 



Qu'en cas qu'un nouveau comédien foit joint à ladite troupe 
par ordre du Roy ou autrement et qu'enfuitte fon fervice ne foit 
pas agréable à Sa Majefté, s'il arrive qu'on le renvoyé en Italie ou 
autre pays étranger, il ne pourra prétendre, de ladite troupe, ny 
la pention annuelle de mil livres, ny aucun rembourfement des 
£rais de fon voyage. 

8» 

Que le comédien qui fera forty de la troupe et admis à la pen- 
tion viagère de mil livres par an ne pourra fe joindre à aucune 
autre troupe de Comédiens italiens, françois ny d'autre nation 
pour repréfenter comédies, opéras ny autres fpectacles publics de 
quelque nature qu'ils puiflent eftre. Et arrivant le contraire, il 
fera et demeurera privé de ladite pention, laquelle demeurera 
éteinte et la troupe defchargée. 

Que chacun comédien qui viendra d'Italie pour fe joindre à 
ladite troupe par ordre du Roy, fera tenu auparavant que de 
commancer aucune repréfentation de s'obliger au payement de la 



Appendice. 229 

fufdite pétition de mil livres, foit envers celuy dont il remplira la 
pbce ou envers ladite troupe pendant (ix années» comme il eil cy 
devant déclaré, fclon que le cas le requerrera et d'en palTer aae 
par-devant notaire en bonne forme. 



10* 



Que bdite troupe et les comédiens qui viendront fe joindre à 
l'avenir avec b permifTion de Sa Maje(lé s'obligeront folidaire- 
ment envers le fieur Jofeph Giaratone de luy payer b fomme de 
quatre cens livres de pention annuelle fa vie durant en cas que 
par inhabilité, indifpofition ou vieillcfle, il (uft contraint de fe re- 
tirer de b troupe, et ce par gratification et récompenfe des bons 
fervices qu'il a rendus à bdite troupe, à condition toutesfois que 
de fa pan il ne pourra fe retirer de bdite troupe (ans b permilBoD 
d'iccUe. 



II* 



Qu'à l'égard de b fabrique du théitre, loges, peintures, déco- 
rations, luflres, machines, habits et uftandlles fervans aux repré- 
fentadons des comédies, ils demeureront et appartiendront au 
corps de ladite troupe. Et quand quelque comédien viendra à 
décéder, il fera payé par le rcfte de ladite troupe à fes héritiers b 
fomme de quinze cens livres, fçavoir : mil livres pour ùl part 
dudit thédtre, loges et peintures, et dnq cens livres pour les dé- 
corations, luftres et ufbndlles, poorveu toutesfob que le definnt 
ait payé (a portion entière des cbofes fufdites pendant (a vie. Et 
en cas qu'il ne l'aye pas achevé de payer, bdite troupe ne rem- 
bourfera à fefdits héritiers qu'à proportion de ce qui fe trouvera 
avoir efté payé et contribué par ledit deffunt. 



230 Les Comédiens italiens. 



12° 

Que s'il arrive qu'un comédien veuille quitter la troupe en 
renonceant à ladite pention de mil livres qu'il auroit acquife, la- 
dite troupe fera tenue de luy donner la fomme de trois mil livres 
une fois payée le mefme jour qu'il quittera ladite troupe, à la 
charge qu'il renoncera à la pention de mil livres fa vie durant. 

13° 

Que fi aucun des acteurs ou actrices qui compofent à préfent 
ladite troupe refufe de figner le contrat qui fera fait entre eux 
pour l'exécution du préfent règlement, il fera et demeurera privé 
et déchu de ladite pention de mil livres quand il fortira de ladite 
troupe, et non feulement il ne la pourra prétendre pour aucun 
temps, mais il fera encore tenu, tant qu'il continuera de jouer la 
comédie, de contribuer au payement des pentionnaires, à quoy il 
reftera obligé folidairement avec ladite troupe. 

H"" 

Et que s'il arrive quelque difficulté entre les acteurs et actrices 
de ladite troupe pour raifon du préfent règlement ou autrement 
qu'ils ne puiffent pas accomoder entre eux, ils donneront leurs 
mémoires à l'intendant et controoleur de l'argenterie et des me- 
nus en exercice pour les examiner affin d'en faire fon rapport à 
M. le premier gentilhomme de la Chambre en année pour juger 
et décider de la chofe en connoiffance de caufe, affin de mainte- 
nir le corps de ladite troupe en paix et bonne intelligence pour fe 
bien acquitter de leur devoir. 

(Artkivgt uMliomAUt, O*, 847.) 



Appendice. . 231 



II 



1716. 

Articles qui feront obfervé:^ par la troupe des Comédiens italiens 
de Sa Majefti tris-chrétienne envoyé^^par Son Alteffe féréniffime 
Monfeigneur le prince Antoine de Parme, par lui ordonni:^ et 
unanimement approuvé^i par les Comédiens. 

1° On devra jouer la comédie avec toute la modeftie devant Sa 
Majefté aufly bien qu'à Son Alteffe royale Monfeigneur le duc 
d'Orléans, régent, ou quelque autre prince et feigneur qu'on leur 
ordonne de fervir et cela principalement pour le bien de leur âme, 
pour fon honneur et pour la punition que chacun pourroit rece- 
voir en faifant différament. On fuivra la même loy jouant au 
public pour en avoir, après les égards ci-deffus nommez , de la 
gloire et du profit. 

2° Aucun des camarades, tant homme que femme, n'aura l'au- 
torité d'emmener fur le théâtre ou de faire entrer à la porte ou 
placer dans les loges ou de quelque autre façon qui que ce foit 
gratis, mais qu'il foit obligé de payer ce que Ton paye comme s'il 
étoit un étranger; fi pourtant la perfonne étoit un amy commun 
de toute la trouppe ou de quelque mérite envers les camarades et 
alors chacun des acteurs aura la liberté d'appeler les camarades, 
en faire la propofition qui doit être approuvée de tous, et en cas 
qu'elle ne le fût point, le camarade n'aura point lieu de fe croire 
offenfé et la perfonne reftera fujette à la loy et payera. 

3° Louis Riccoboni (i) feul aura l'autorité de donner des co- 
médies ou des tragédies, et fy quelque camarade avoit des talens 



(1) Louis-André Riccoboni, dit Lélio. 



1^2 Les Comédiens italiens. 

pour faire des cannevas de pièces, il fera obligé d'en prendre fon 
confentement pour le jouer, après qu'il luy aura confié pour en 
eftre le dépofitaire pour s'en fervir toutes les fois, fans qu'il foit 
obligé de le demander au camarade ; ledit Riccoboni, de fon côté, 
s'engagera avec toute la bonne foy afin que les cannevas ne paf- 
faffent pas en d'autres mains. Bien entendu que l'on fera la même 
chofe pour toutes autres pièces que les auteurs préfentèf ont pour 
eftre receues, et Lélio et tout autre camarade feront obligez d'ap- 
peler une aflemblée pour la faite approuver et que l'original ne 
puiffe eftre gardé que par ledit Riccoboni pour éviter tous les 
fcandales qui pourroient arriver. 

4® Son Altefte féréniftime ayant demandé audit Riccobotii 
comme il entend de partager la recette en Ftance, ledit Riccoboni 
a propofé que chacun des camarades préfentement nommé et 
aggrégé foit à la part entière fans aucune dififeretice ^ et au (uf plus 
pour éviter toute occaflon de contrafte et de déplaifir, il propofe 
d*abolir l'ufàge des fpeccati fuivant le dictuto italien. EtquoyqUe 
ledit Riccoboni perde beaucoup parce que c'eftoit luy qui àvoit 
l'infpection et la charge du décorateur et du trouve robbe poiif fa 
femme (i) dont, pour ces caufes, ils auroient Une fomme fûre 
tous les jours, et outre cela, une autre fomitie fûre pour la danfe 
de fa femme, et pour fon travail à luy de donner des pièces^ il 
renonce à tout, ne voulant tirer que la même portion des autres 
acteurs. Et pour cela oh payera de la caiffe un décorateur et toute 
autre dépenfe. Et pour ce qui regarde le trouve robbe, chaque 
camarade, foit férieux ou comique, fera obligé de fe pourvoir à 
fes dépens de tous les habits qu'il peut avoir befoin et les garder 
comme à luy faris eftre obligé de les prêter à petfonne ; et comme 
ça on compenfera de quelque façon, quoyque très-foiblement, la 



(i) Hélène- Virginie Btlletti, dite Flaminia, femme de Louis-André Riccoboni, dit Lélio. 



Appendice. 23) 

grande dépenfe que feront les acteurs férieuz. Pour tout le rede, 
ors des acteurs, que l'on aura befoin pour habiller autres perfon- 
nages ou gagiftes, la trouppe fera obligée de faire b dépenfe delà 
caifle commune dont tous les habits et autres uftenfiles feront 
confervéz dans un magazin qui fera donné et configné i une per- 
fonne que la trouppe choifira. 

5* La caUTe de la trouppe fera tenue par un camarade qui fera 
approuvé unanimement de toute la trouppe, mais ce camarade ne 
pourra pas tenir le compte ny le regiftre, mais ce fera un autre 
aaeur ou quelque gagifte éubli et approuvé. Et, en cas que pour 
ladite caifle il arriva quelque difpute et que les voix fîiflent par- 
tagéesi ledit Riccoboni aura Tautorité de nommer celuy qui luy 
paroitra plus propre, fans que perfonne puiflc y trouver i redire. 

6* Que M"* Urfule Sticotti (i), chanteufe que l'on a prife en- 
core pour jouer félon les befoins qui pourroient arriver, doit s'en 
rapponer k ce que Louis Riccoboni et ùl femme lui propoferont 
pour les féconds ou troifièmes rôles ou autres, felon le befoin, et 
que fon époux ^ felon ce qu'il eft convenu avec le même Lélio, 
foit obligé de chanter avec die dans les intermèdes, ou autres 
chofes pareilles. Et pour cela ladite demoifelle Urfule aura la part 
entière comme les autres acteurs et fera obligée de s'habiller fekm 
qu'il eft dit i l'article 4*, et feulement la trouppe fera obligée de 
faire tous les habits à fon mari félon le befoin et qui feront cod- 
fervéz dans le magazin de b trouppe ; 

7^ Ordonne Son Altefle ftrénilfime que dans toutes les ocoi* 
fions de difparité et de mécontentement, tous les camarades ayent 
recours k Lélio, 1 qui il ordonne de tenir b main pour concilier 
les efprits afin que ccb ne tranfpire pcûnt. 

Et bit fçavoir à tous ks Comédiens que Son Altefle 



(I) UmUt kttmK ^f iMMk. 4kt h Cémmim. hmrnêAt ftUmUkmt 



II. 



234 Les Comédiens italiens. 

commande audit Biccoboni de l'avertir fidellement de ceux qui 
feront brouillons, afin que Son Altefle férénifiime puifle à la 
cour de Paris faire les démarches néceflaires pour le faire congé- 
dier de la trouppe fans autre deflFence. Au refte. Son Altefle féré- 
niffime fe fera rendre bon compte dudit Riccoboni de la fidélité 
de fes avis. 

8° Son Altefle féréniflîme par fa clémence ayant à cœur les 
aventages de la trouppe, s'il arriva que quelque acteur ne fût pas 
bien receu dans fon rolle, Louis Riccoboni fera obligé d'y réparer 
ou avec le changement du roUe ou de l'acteur tout à fait s'il avoit 
des talens pour autre chofes fans qu'aucun des camarades puifle 
s'oppofer à tout ce que ledit Riccoboni fera pour l'intéreft et le 
profit commun. 

9° Si quelqu'un des acteurs qui partent préfentement envoyez 
par Son Altefle féréniflîme au fervice de Sa Majeft:é ne plût point 
au public et qu'il fût obligé de ne point fe préfenter, le fieur Ric- 
coboni ayant très-humblement fupplié comme ça. Son AlteflTe 
féréniflîme ordonne qu'il ne foit pas congédié et qu'il aye fa part 
toute entière, étant pourtant obligé de s'employer dans les be- 
foins qui, parle fieur Riccoboni, feront connus néceflaires pour 
l'aventage de la trouppe fans que l'acteur puifle refufer ; 

10° Aucun des comédiens ne pourra pas appeler aflemblée fans 
auparavant en avoir confulté ledit Riccoboni et luy avoir expliqué 
l'occafion qu'il en a, afin que fy la chofe pouvoit apporter du 
trouble, ledit Riccoboni puifle en paniculier y trouver le remède; 
mais en cas que cela ne fe puifle pas, alors ledit Riccoboni luy 
accordera l'aflemblée pour chercher d'y réparer unanimement. 

1 1 * Que tous les acteurs, les hommes aufly bien que les femmes, 
foient exactement obligez de fe trouver au concerto et aux répé- 
titions des comédies, félon qu'ils enteront appelez par ledit Ric- 
coboni et s'ils manqueront à l'heure prefcrîte, ils feront mis à 



Appendice. 25$ 

ramcndc qui fera entre eux dcftince ; et s'ils manquerpnt tout à 
bit fans en avoir une caufe légitime, ils payeront une plus grofle 
amende, félon qu'il fera décidé par la trouppe, et outre cela, ledit 
lUccoboni en fera le rapport au feigneur qui fera nommé protec- 
teur de b trouppe, afin qu'il y puiflc réparer. 

I a"" Arrivant que quelque acteur quitu h trouppe avec la per- 
miflion de Sa Majedé, il devra retirer un convenable rembourfe- 
ment des capiuux qui exifteront dans ladite trouppe que bdite 
trouppe retirera auprès de l'autre aaeur qui, d'Italie, viendra le 
remplacer. 

Signé : Antokio Farkése. 



III 



.1716. 

Statuts de la nouvelle troupe italienne, approuvés par le duc 

if Orléans, régent. 

f Que le (ieur Lélio foit exempt de donner la main à aucune 
des affaires de la trouppe qui concernent les dépenfes avec les 
marchands, les traittéz avec les ouvriers, les difpofitions des ou- 
vrages et tous les foins que peuvent donner les vieilles et les 
nouvelles comédies qui fe mettront au théâtre, et que s'il vouldt 
bien s'en mêler ce ne fût que de fa bonne volonté ou alors que 
les camarades l'en priroient, étant toujours maître de le £ûre ou 
de ne pas le faire ; 

2* Que ledit fieur Lélio foit obligé de donner toute l'âfllflânce 



236 Les Comédiens italiens. 

aux auteurs pour faire des pièces nouvelles et d'en £ure luy- 
mème foit en italien, ou pour les faire tranfçrirc en françois, félon 
que le befoin, la commodité et Toccafion pourront demander. Se 
donnant donc ledit iieur Lélio à ce feul employ qui eft de beau- 
coup de peine et de travail, il diftribuera à fon plaifir les roUes 
aux acteurs félon leur habileté, fans qu'il aje perfonne qui puifle 
luy contredire, feule et néceflaire autorité qui eft réfêrvée au chef 
de la trouppe, et qui eft inférée et confirmée dans les articles 
d'Italie par toute la trouppe, unanimement accordez et tout cela 
pour le bien de la Comédie et du public ; 

3° Que félon ce qu'on a déterminé en pleine affemblée le qua- 
trième fepiembre mil fept cent feize, le fieur Biflbn (i) en étant 
prié par la trouppe, foit chargé de tenir la quaiffe, mais qu'il ne 
puiiïe pas faire aucune dépenfe fans l'aftiftance d'un camarade qui 
fera nommé tous les mois, afin qu'à tour de rôle chacun puifle 
examiner les affaires communes ; 

4*^ Que toute dépenfe à faire foit accordée par l'aflemblée à la 
pluralité des voix, de façon que de huit camarades, ne comptant 
point les femmes qui n'auront jamais de voix dans les affemblées 
et qui ne pourront jamais faire de propofitions ni fe plaindre, de 
huit camarades donc, pour la pluralité des voix, cinq fuffifent 
pour l'emporter fur les trois qui ne feront pas du même fenti- 
ment deâ autres ; 

5*^ Que le fieur Alborghetti Pantalon (2) et le fieur Docteur (3) 
foient chargés de toutes les dépenfes à faire pour les comédies 
nouvelles, ny que le fieur Biflbn puifle payer aucun mémoire qui 
ne foit figné par les fufdits ; 

6** Que le camarade qui fera nommé tous les mois foit obligé. 



(1) Jean Biuoni, dit Sctpin. 
(a)^Pierre Alborghetti, dit Pantalon. 
()) Fnnf ois Matorttii, dit le Docteur. 



Appendice. 237 

non feulement d*a(E(ler à tous les ouvrages du théitre conjoin- 
tement avec le (ieur BMTon^ mais aufTy i toutes les dèpenfes des 
marchands que feront les fieurs Pantalon et Doaeur, et aux autres 
pareillement que pourra (aire le (ieur Bi(ron d'ouvriers, de bois, 
de toile, cordages, de ferrure et cetera, fclon qu'il a été étably 
le quatrième feptembre mil fept cent feizc, qui eft con(irmé dans 
cette occafion, puifque la trouppe prie le (ieur Bi(ron d'afliAer à 
toutes les a(raires de cette nature ; de telle (açon il y aura quatre 
camarades employés pour les dépenfcs et les a(!aires de la trouppe» 
ou du moins trois lorfque l'un des deux nommés fera fon tour ; 

7"* Que le camarade nommé tous les mois, s'il ne (era pas fon 
devoir et n'ira pas tous les jours au théâtre pour vigiler aux dè- 
penfes et aux ouvrages, foît mis à l'amende de 100 francs^ et le 
fieur Lélio foit chargé de prendre connoilfance de cela. Et le ca- 
marade qui aura manqué à fon devoir après en avoir été averty la 
première fois, s'il y retombe, foit obligé de payer (ans appel ; 

8* Que les pièces nouvelles (oient receues à la pluralité des voix 
dans la même forme que l'on bit pour les dèpenfes de la trouppe 
et comme l'on a (ait jufqu'à préfent ; 

9^ Que tous les mois on faffe l'airemblée du compte, non pas 
général du mois, mais particulier des recettes journalières et foit 
le premier ou le dernier du mois qu'on partage le guain du mois 
tout entier, et cela pour que chaque camarade puiflTc voir en 
deuil le compte des dèpenfes fans qu'il puiflfe avoir occa(îon de fe 
plaindre ; 

10* Que le livre du compte général foit tous les premiers du 
mois mis encie les mains d'un camarade qui Icra nommé pour 
qu'il le garde en dépoft tout le mois, afin que chaque camarade 
puifle le voir, s'il en avoit befoin, et cela pour qu'il ne refte pas 
entre les mains de celuy qui l'écrit ou de celuy qui tient la caiiTe. 

{Jmhmm mtÊÊmmUê, 0>. M) 



238 Les Comidiens italiens. 



IV 



1716. — 18 mai. 

Ordonnance pour empêcher les dijordres qui pourroient arriver 

à la Comédie-Italienne. 

De par le Roi : Sa Majefté ayant permis que la nouvelle troupe 
des Comédiens italiens de Monfeigneur le duc d'Orléans, régent 
du Royaume, fît fes repréfentations foit dans la falle du Palais- 
Royal, foit fur le théâtre de l'Hôtel de Bourgogne; Sa Majefté, 
de l'avis de mondit Seigneur le duc d'Orléans, fait très-exprefles 
inhibitions et défenfes à toutes perfonnes de quelque quaUté et 
condition qu'elles foient, même aux officiers de Sa Majefté, fes 
gardes, gendarmes, chevaux-légers, moufquetaires et autres, 
d'entrer dans le parterre, fur le théâtre, dans les balcons, les pre- 
mières, deuxièmes et troiûèmes loges de ladite Comédie fans 
payer. Défend auffi à tous ceux qui affifteront à ces fpectades d'y 
commettre aucun défordre, foit en entrant, foit en fortant, et 
d'interrompre les acteurs pendant les repréfentations et entre 
autres, à peine de défobéiffance, fait pareillement défenfes et fous 
les mêmes peines à toutes perfonnes de quelque qualité et condi- 
tion qu'elles foient de s'arrêter dans les couliffes qui fervent d'en- 
trée au théâtre de la Comédie et hors de l'enceinte des baluftrades 
qui font pofées par fon ordre exprès pouf y tenir les fpectateurs 
affis et féparés d'avec les acteurs, afin que ceux-ci puiffent faire 
leurs repréfentations avec plus de décence et à la plus grande 
fatisfaction du public. Défend auffi à tous domeftiques portant 
livrées fans aucune réferve, exception, ni difdnction, d'entrer à 



Appendice. 239 

ladite Comédie même en payant, de commettre aucune violence, 
indécence ou autres défordres aux entrées ou aux environs des 
lieux où fe fera cette repréfenution fous telle peine qu'il fera jugé 
convenable. Permet Sa Majedé d'emprifonner les contrevenans 
et enjoint au fieur d'Aigenfon, Confeiller d'Éut, Lieutenant 
général de police de fa bonne ville de Paris, de tenir h main à 
l'exécution de la préfente ordonnance qu'elle veut être publiée et 
affichée panout où befoin fera. 

Fait à Paris le 18* jour de mai 1716 et de notre r^e le pre- 
mier (i). 

(Jrckims mMlUm^Ut, O», éo) 



1719. — 15 décembre. 

Homologation, par le Parlement de Paris, if un acte de société passé 
devant notaires par lei Comédiens iialiens, le 27 octobre tjty. 

Par-devant les confeillers du Roi, notaires à Paris, fouffignés, 
furent préfens : 

Louigi Riccoboni, dit Lélio,et Elena Balletti, dite Flaminia, Ùl 
femme qu'il autorife, demetu^mt à Paris, me du Renard, paroifle 
St-Sauveur; 

Giovanna Benozzi, dite Silvia, demeurante rue Montorgueil, 
paroifle St-Euftache; 

Orsola Aftori, dite liabelle, femme de Fabio Sticotti, de lui 



(t) L« aiéflM \ont, U Roé écHvatt à M. é« MpikcI, U««t«uat tnmkmA ém roW co«rtt, pour hii 
fmtt^Mit â U Commif'fnm%êum. {dfkimi m êl êêmé ln , O*, éo.) 



240 Les Comédiens italiens. 



pour ce préfent autorifiie, demeurante rue Françoife, paroifle 
St-Sauveur; 

Jofeph Balletti, 4it Mario, demeurant rue Montorgueil, poimfle 
St-Euftache ; 

Pietro Âlborghetti, dit Pantalon, demeurant me Pavée, paroifle 
St-Sauveur; 

Giovanni Biflbni, dit Scapin, demeurant rue Françoife, paroifle 
St-Sauveur; 

Francefco Materazzi, dit Docteur, demeurant rue Montorgueil, 
paroifle St-Euftache ; 

Thomafo Vifentini, dit Arlequin, demeurant rue Comtefle- 
d'Artois, paroifle St-Euftache; 

Margarita Rufca, dite Violette, femme dudit Vifentini qui Tau- 
torife, demeurante avec lui; 

Giacomo Raouzzini, dit Scaramouche, demeurant rue Pavée, 
paroifljs St-Sauveur (x); 

Et Pierre-François Biancolelli, dit Trivelin , demeurant rue 
Tîquetonne, fufdite paroiflj? St-Euftache. 

Tous comédiens iuliena, établis en France fous la protection 



(i) Jacques Riguzlni, tel était le vrai nom de ce comédien, remplissait à Naples, son pays njital, 
les fonctions d'huissier de la vicairic, lorsqu'il apprit que Louia- André Riccoboni , die Lélio, 
chargé par le duc d'Orléans, régent, de recruter en Italie une troupe pour Paris, avait envoyé ua 
émissaire à Naples pour y faire choix d'un bon Scaramouche. Raguzini se mit en rapport avec 
renvoyé de Lélio, et moyennant cent pistoles secrètement données, il se fit agréer dans la troupe 
et débuta avec elle à la nouvelle Comédie-Iulienne en 1716; il se montra comédien médiocre et 
devint bientôt tellement insuffisant qu'il allait être renvoyé, lorsqu'un jour que le duc d'Orléans 
régent, et sa mère assistaient à la repréacntatiofl, il les amusa tellement dans uo r61e de vieiUe 
femme, qu'ils donnèrent l'ordre de le garder et de le faire jouer plus souvent devant eux. Avec Je 
temps et l'habitude cet acteur se forma et finit même par plaire au public, qui lui témoignait de U 
sympathie. Très-ami du plaisir et de l'ostentation, RÂguzini, pendant les deux premières Années 
de son «éjour à Paris, dépensa bien au delà de la part qui lui revenait dans les bénéfices de la 
Société et il fut bientôt criblé de dettes. Louis-André Riccoboni, dit Lélio, désireux de soustraire 
son camarade aux réclamations incessantes de ses créancier», sollicita et obtint du Parlement a» 
arrêt qui suspendit toute poursuite contre lui et par lequel une partie de ton traitement fut affec- 
tée à l'extinction de ses dettes. Il mourut à Paria le *$ octobre 17^1, et le Msrcurt de l'époque 
s'exprime ainsi sur son compte : ■ Le 2> octobre, le fignor Giacomo Raguzini, originaire de Naples, 
l'un des Comédiens ordinaires du Roi, connu fous le nom de capitan Scaramouche, mourut Agé 
d'environ éo ans, après une très-courte maladie caufée par une attaque d'apoplexie. Cet acteur ne 
jouoit ordinairement que dans les pièces italiennes, ayant eu beaucoup de peine à fe famtliarifer avec 
U langiie françoife. U a été inhumé k St-£uûache, fa paroifle, après avoir refu les (acremena. » 

(Dittionnaire dê$ TMtrês, IV, 381 ; VI, 689.) 



Appendice, 241 

de Monfcigncur le duc d'Orléans, régent du Royaume, difant 
que par ordre de Monfeigneur le Régent , ils font venus en 
France pour y donner leurs repréfentations; qu'i cet effet, on 
leur a permis de donner leurs comédies à THôtel de Bourgogne 
où les anciens Comc*diens italiens donnoient auffi leurs repréfen- 
tations, mais que ladite Comédie-Italienne ayant ceiTé depuis un 
temps confidérable, ils ont trouvé ledit Hôtel en très-mauvais 
état, fans aucunes décorations, ni autres chofes néceffaires pour 
donner la comédie; que même les loges et Tamphithéâtre étoient 
noircis et en très-mauvais état, en forte qu'ils ont été obligés de 
faire des dépenfes confidérables tant pour mettre ledit Hôtel de 
Bourgogne dans un état convenable à donner des fpectacles gra- 
cieux que pour avoir des décorations et autres chofes néceflaires 
pour chacune des pièces qu'ils changent journellement. Toutes 
lefquelles dépenfes ils ont été obligés de faire avant que de donner 
aucune repréfentation fur ledit Hôtel de Bourgogne et fe font 
trouvées monter, fuivant leurs regiftres, 1 la fomme de cent 
mille livres ou environ. 

Laquelle fomme ayant empruntée, ils ont depuis acquittée des 
deniers provenant de leurs repréfentations et qui ont, par confé- 
quent, diminué la part que chacun d'eux auroit pu prendre dans 
lefdites repréfentations. Que néanmoins fi aucun d'eux étoit 
obligé de quitter pour quelque infirmité ou décédoit, lui ou fes 
héritiers perdroient ladite part ou bien jl auroit une action pour 
répéter contre la comédie la part par lui avancée dans lefdits frais. 
Que d*un autre côté, le comédien ou comédienne qui entreroit 
en la place de celui qui décéderoic ou fe retireroit, proliteroit de 
toutes lefdites dépenfes parce que tout ce qui a été fait refte ï 
l'Hôtel comme un fonds cenain. Que le fieur Biancolelli, qui n'a 
été agréi^é ï la troupe que depuis que lefdites dépenfes ont été 
laites, s'eft fait juftice J^ lui-même et a rembourfé i fes canurades 

(.ovt DU r.r.:. - ti 16 



242 Les Comédiens italiens. 

fa part et portion des dépenfes; mais qu'il eft incertain fi ceux 
qui entreront dans la fuite voudront fe faire pareille juftice, ce 
qui cauferoit des conteftations entre les anciens et ceux qui en- 
treront dans la fuite, lefquelles conteftations pourroient inter- 
rompre les fpectacles; au lieu que fi on met les anciens en état 
d'être rembourfés de leurs avances et ceux qui entreront dans 
Tefpérance de pouvoir recouvrer en fortant ce qu'ils auront été 
obligés de donner en entrant, il y aura une règle certaine qui 
attirera de l'Italie les meilleurs acteurs dans l'efpérance d'avoir un 
établiflement folide en bonne règle. C'eft pourquoi les compa- 
rans, après avoir délibéré à plufieurs fois, ont cru qu'ils ne pour- 
roient mieux faire que de fe conformer à ce qui a été fait dans la 
troupe françoife de l'agrément du roi Louis XIV de glorieule 
mémoire, par plufieurs actes de fociété faits entre les comédiens 
françois, fuivant lefquels lefdits comparans lont convenus, fous 
le bon plaifir du Roi et de Monleigneur le duc d'Orléans, régent, 
de ce qui fuit : C'eft à favoir que toutes lefdites dépenfes abfolu- 
ment néceflaires pour l'établiffement de ladite Comédie-Italienne 
fe font trouvées monter à la fomme de 100,000 livres ou environ 
fuivant leurfdits regiftres, laquelle fomme de 100,000 livres lef- 
dits comparans ont volontairement réduite et modérée à celle de 
96,000 livres et ladite troupe étant compofée de douze comédiens 
et comédiennes qui ont tous contribué également aux avances 
qu'il convenoit faire pour le payement de ladite fomme, la part 
due à chacun defdits comédiens et comédiennes pour lefdites 
avances s'eft trouvée monter à la fomme de 8,000 livres. 

Et pour rembourfcr chacun defdits comédiens et comédiennes 
de ladite fomme de 8,000 livres, a été convenu que l'un d'eux 
étant obligé de fe retirer par infirmité ou que l'un defdits comé- 
diens ou comédiennes décède, èfdits cas ladite fomme de 8,000 li- 
vres lui fera rembourfée ou à fes héritiers deux mois après ladite 



AppcnJice. 243 

fortic ou décès fans aucun intèrôt pendant ledit temps, lequel 
temps paflï le comédien ou la comédienne qui feront fonis, ou 
les héritiers du décédé, pourront, i leur choix, ou Liiffcr ladite 
fommc entre les mains de la troupe, en leur payant rintcrôt à 
raifon du denier vingt, ou demander le rembourfcment de ladite 
fomme; au payement de laquelle fomme feront les comédiens 
qui rederont contraints et ont obligé fpécialement leurs biens 
préfens et à venir : Et pour faciliter ledit rembourfement, pourra 
celui qui e(l chargé des affaires de ladite troupe emprunter ï 
conditution ou autrement ladite fomme, et pour faire lequel em- 
prunt ladite troupe lui donne dés à préfent pouvoir, même d'y 
obliger folidairement les biens de chacun d'eux, préfens et à 
venir, fans qu'il foit befoin d'autre pouvoir et procuration que ces 
préfentes. Et ou aucun defdits comédiens et comédiennes, avant 
•leurs décès ou fortie, voudroient affecter et hypothéquer, tranf- 
porter ou autrement difpofer de ladite fomme à eux apparte- 
nante, a été expreffément convenu que, fous prétexte defdits 
tranfport, vente ou ceffion, ladite troupe ne pourra être con- 
trainte au payement de ladite fomme que dans le temps de deux 
mois après le décès ou la fortie defdits comédiens. Et pour rem- 
bourfer la troupe de ladite fomme de 8,000 livres qu'ils feront 
obligés de payer à celui qui fortira ou aux héritiers de celui qui 
décédera, a été convenu que celui ou celle qui fera re<;u à la place 
de celui qui fonira ou décédera, rembourfera ï bdite troupe 
pareille fomme de 8,000 livres, laquelle fomme lui fera pareille- 
ment rembourfée lorfqu'il fortira ou i fes héritiers lorfqu'il décé- 
dera. Ht ou celui ou celle qui fera nouvellement rei;u dans b 
troupe n'auroit deniers fuffifans pour payer le tout ou partie de 
ladite fomme, a été convenu que, jufqu'au rembourfement com- 
plet de ladite fomme, il payera Tintérct d*icelle à la troupe à 
raifon du denier vingt pour indemnifer ladite troupe des intérêts 



244 ^^^ Comédiens italiens. 



qu'elle payera pour les emprunts qu'elle fera obligée de faire et 
qu'il fera journellement retenu au nouvel entrant, fur la part de 
ce qui lui reviendra de chaque fpectacle, la moitié de ladite part à 
lui afférente, et que fur la fomme à laquelle la moitié de fadite 
part fc trouvera monter, il en fera pris, premièrement les intérêts 
qui feront par lui dus et le furplus imputé fur le principal, lequel 
avec les intérêts diminueront à proportion jufqu'à fin de paye- 
ment de ladite fomme entière de 8,000 livres; après lequel paye- 
ment ledit comédien nouveau jouira de fa part entière. Aucun 
comédien ou comédienne ne pourront fe retirer de la troupe 
qu'en avertiffant un an auparavant fa fortic, dont fera fait acte de 
délibération; il jouira néanmoins pendant ladite année de fa part 
de produit parce qu'il continuera de repréfenter et ne fera rem- 
bourfé qu'après fa fortie, comme il eft dit ci-deffus. A été convenu 
que fi, pour l'utilité publique, il falloit augmenter la troupe d'un 
ou plufieurs comédiens ou comédiennes, celui ou celle qui entrera 
fera tenu de rembourfer ladite fomme de 8,000 livres ou moindre 
à proportion de la part qui leur fera accordée par la troupe. Et ou 
celui ou celle qui entrera n'auroit deniers fuffifans pour rem- 
bourfer ladite fomme de 8,000 livres, leur fera retenue la moitié 
de leur part afférente dans le produit des fpectacles jufqu'à con- 
currence de ladite fomme de 8,000 livres, laquelle fomme de 
8,000 livres fera mife entre les mains du caifficr ou receveur de 
la troupe pour être employée aux befoins de ladite troupe. Et 
arrivant la fortie ou décès defdits comédiens et comédiennes, en 
l'un et l'autre cas lefdits comédiens ou comédiennes qui fortiront 
et les héritiers des décédés demeureront déchargés des emprunts 
qui fe trouveront avoir été faits en vertu des préfentes. Et feront 
les comédiens et comédiennes qui entreront dans ladite troupe 
tenus, avant leur entrée, de ratifier ces préfentes. Et pour faire 
homologuer cefdites préfentes , lefdits comparans ont fait et 



Appendice. 245 

conflituc leur procureur maître Jean Poyzot, procureur au Parle- 
ment, auquel ils donnent tout pouvoir. 

Tait et pafle ^ Paris, en Tétude de Gaillardie, notaire. Tan mil 
fept cent dix-neuf, le 27* jour d'octobre, avant midi, et ont figné 
la minute des prèfentcs. 

Vu par la Cour la rcqueftc prèfentée par les Comédiens italiens 
établis en France fous la protection de Monficur le duc d'Orléans, 
régent du Royaume, à ce que Tacte de fociété et tranfaction pafle 
entre eux le 27 octobre 171 9 par-devant Chevalier et Gaillardie, 
notaires, fût homologué, félon fa forme et teneur; vu auflTi les 
pièces attachées à ladite requefle, fignée Poyzot, et ouï le rapport 
de maitre Gallyot-Mandat, confeiller; tout confidéré : 

La Cour a homologué ledit acte pour être exécuté félon fa 
forme et teneur. 

Fait en Parlement ce treizième décembre mil fept cent dix- 
neuf. 

Signé : De Mesmes; Mandat. 



VI 



173} — 8 août. 

U Académie royale de musique fait dresser proch-verbal des contra- 
ventiofts que commettent dans leurs représentations les Comédiens 
du Roi de la troupe italienne. 

L'an 1733, ^^^* Jou^ d'août, heure de midi, par-devant nous 
Louis-Jérôme Daminois, etc., eft comparu Louis-.\rmand-Eugène 
de Thuret, écuyer, ancien capitaine au régiment de Picardie, et 
pounni du privilège de TAcidémie royale de mu'lque par arrêt 



246 Les Comédiens italiens. 



du confeil du 30 mai dernier, demeurant rue des Petits-Champs, 
paroifle St-Euftache , lequel nous a dit qu'il a eu avis ceitain que 
les Comédiens italiens contreviennent journellement au règle- 
ment fait par Sa Majefté le 30 juin 1730 concernant ladite Aca- 
démie royale de mufique, par l'article 9 duquel fadite Majefté a 
fait défenfe à tous comédiens, même aux Cens, de fe fervir d'au- 
cune voix externe, de faire chanter plus de deux voix d'entre 
eux dans les repréfentations de leurs comédies, d'y avoir aucun 
danfeur et plus de fix inftrumens en leur orcheftre ; que lui fleur 
comparant, pour les engager à fe conformer audit article du 
règlement, leur a fait fignifier par maître Germain, huiffier du 
confeil, le premier du préfent mois, copie dudit règlement à ce 
qu'ils n'en ignorent et aient à s'y conformer ; que nonobftant et 
depuis icelle fignification lefdits comédiens n'ont difcontinué d'y 
contrevenir, ce qui eft une défobéiflance formelle de leur part 
audit règlement. Pourquoi nous requiert de nous tranfporter ce- 
jourd'hui à ladite Comédie-Italienne, fur le théâtre de laquelle 
lefdits comédiens doivent repréfenter, fuivant l'affiche de ce 
jour, le Temple du Goût (i), avec un divertiflement, précédé de 
la Double Inconjlance (2), à l'effet de dreffer procès-verbal de ce 
que nous verrons s'y paflTer de contraire audit règlement. 

Signé : De Thuret. 

Suivant lequel réquifitoire^ etc., nous nous fommes ledit jour, 
huit août, cinq heures de relevée, tranfporté à ladite Comédie- 
Italienne, rue Mauconfeil, où étant, nous avons vu d'abord re- 
préfenter fur ledit théâtre la pièce de la Double Inconjlance, dans 
les entr'actes de laquelle fix violons, qui étoient dans l'orcheftre. 



(i) Le Temple du Goût, comédie française en vers libres et en un acte, avec divertissement, par 
Rotnagnesi et Nivault, représentée pour la première fois le ii juillet 1755. 

(2) La Double liiconftattce, comédie française en prose et en trois actes, par Marivaux, représentée 
pour la première fois le 6 avril 17a}. 



Appendice. 247 

feulement ont joui ; que la féconde pièce, qui cftlc Temple du Goût, 
a été précédée d'une fymplionie compofée d'une timbale, d'une 
trompette, de neuf violons dont trois baffes; qu'une chanteufe, 
appelée Contarine (i), a d'abord chanté et répété un air italien 
accompagné de ladite trompette, de deffus de violons et de deux 
flûtes, l'une allemande et l'autre traverfière ; que le récit de la pièce 
a été accompagné de ballets mt^lés de chants. Avons vu d'abord 
danfer enfemble quatre danfeurs et quatre danfeufes,enfuite deux 
danfeurs et deux danfeufes, enfuite un danfeur feul, après une 
danfeufe feule, et après eux, deux enfemble, au fon des violons, 
defdites deux flûtes et d'une mufette et, après eux, un danfeur et 
une danfeufe en habits de fuiffeet fuiffeffe. Enfuite avons entendu 
chanter alternativement par quatre chanteurs et une chanteufe, 
un couplet terminé par ce refrain : Voilà m(7ra^(>fî/, enfuite danfer 
tous lefdits danfeurs et danfeufes enfemble, fe partager et fc re- 
joindre en fmiffant. Dont et de tout ce que deffus avons dreffé le 
préfent procès- verbal. 

Signé : Damikois. 

Et le lendemain, neuf defdits mois et an, cinq heures de rele- 
vée, nous fommes encore tranfportés, ce requérant ledit fleur de 
Thuret, à ladite Comédie-Italienne, fur le théâtre de laquelle nous 
avons vu rcpréfcnter les Amans it^norans (2) avec des agrémcns 
de mufique et de danfe, annoncée par l'afliche de ce matin. Avons 
vu qu'l la fln du premier acte ont d'abord danfé deux danfeurs 
et deux danfeufes ; qu'un chanteur et une chanteufe ont enfuite 
chanté, ce qui a éié fuivi d'un danfeur habillé en pierrot et d'une 
danfeufe qui ont danlé une danfe de niais, de deux danfeurs et 



(i) L'ri-.'e Attort, Jitc ItjlM!!t. Jitc U Caniarma. 
f ■ \ .f. I . r. f r. .c-.:.. p ' j' l« prcaicr^ fit.i U Jirnarcîic i« ivnl 1710. 



248 Les Comédiens italiens. 



danfcufes, des mêmes chanteur et chanteufe et defdits quatre 
danfeurs et danfeufes qui ont danfé et chanté au fon des neuf 
violons que nous avons vus dans Torcheflre. Comme auffi qu'à 
la fin du fécond acte quatre danfeurs et danfeufes, habillés à la 
turque, ont danfé enfemble; que leur danfe finie une chanteufe, 
qui efl la Contarine, a chanté feule, deux danfeurs enfuite ont 
danfé feuls, la même chanteufe et un chanteur ont chanté un 
duo, et que les mêmes quatre danfeurs, habillés à la turque, ont 
fini par une danfe d'ivrognes au fon de tous lefdits violons. 
Comme aufli avons auffi vu qu'à la fin du troifième et dernier 
acte, quatre danfeurs et danfeufes ont danfé enfemble; que les 
mêmes chanteur et chanteufe ont auffi chanté enfemble et alter- 
nativement, et que le divertiffisment a fini par les danfes des 
mêmes quatre danfeurs et danfeufes au fon des fufdits inftru- 
mens. Dont et de quoi nous avons figné le préfent procès-verbal. 

Signé : Daminois ; de Thuret. 

Et le mercredi 12 defdits mois et an, nous fommes encore 
tranfportés, cinq heures de relevée, à la fufdite Comédie-Ita- 
lienne, fur le théâtre de laquelle nous avons vu d'abord repré- 
fenter Arlequin Huila (i) en un feul acte, mêlé de danfes et de 
chants; avons vu danfer enfemble quatre danfeurs et quatre dan- 
feufes, fc partager enfuite en deux bandes, habillés à la turque, 
et après un récitatif de la pièce, les mêmes danfeurs et dan- 
feufes danfer enfemble, enfuite deux autres danfeurs et danfeufes 
danfer enfemble, enfuite une danfeufe feule danfer, une chan- 
teufe chanter après , enfuite quatre danfeufes danfer enfemble , 
plufieurs enfuite chanter enfemble, la même chanteufe chanter 



(x) Arlequin Huila, comédie française en prose et en un acte, avec divertissement, par Dominique, 
Riccoboni et Romagnesi, représentée pour la première fois le lundi i«r mars 1728. Il ne faut pas 
confondre cette pièce avec une autre du même titre, qui a pour auteurs Lesage et Domeval, et qui 
fut représentée pour la première fois à la foire Saint-Laurent en 1716. 



Appendice, 249 

cnfuitc feule et les huit danfeurs et danfeufcs terminer ce diver- 
tiirement par des danfes enfemble et féparées, le tout au fon de 
neuf violons qui étoient dans Torchertre. Avons vu enfuite repré- 
fenter la pièce du Temple Ju Goût, dans laquelle nous avons vu 
danfcr et entendu chanter les mômes danfeurs et chanteurs au fon 
des mimes inrtrumens de mufique qui tutoient dans Torchedrc 
que nous avons obfen'é dans notre procès-verbal ci-deflus. Avons 
vu enfuite reprèfentcr la pièce du Bouquet (i) annoncée par la 
même affiche, en un acte, qui a été fuivie d'un ballet mêlé de 
chants et de danfes ; que huit danfeurs et danfeufes ont com- 
mencé le ballet; que deux autres danfeur et danfeufe ont danfè 
enfuite; qu'une chanteufe et un chanteur ont chanté; qu'une 
danfeufe a danfc feule enfuite au fon des delTus de violons, de la 
mufette et de deux flûtes ; qu'après un chanteur a chanté feul ; 
que deux danfeurs et deux danfeufes ont chanté enfuite, ce qui 
a été fuivi de chanteurs et chanteufes au nombre de cinq qui ont 
chanté alternativement un couplet de chanfim fur le même air, 
qui a été terminé par les danfes dcfdits huit danfeurs et danfeufes 
qui fe font enfuite partagés par moitié et rejoints tous enfemble 
au fon des fufdits inrtrumens, violons, flûtes et mufette. 

Dont et de quoi nous avons pareillement drefllé le prcfent 
procès-verbal. 

Signé : Daminois ; de Thuret. 



(1) /# Bfm^mtt, corné Jic fr »c«itt m 9t% libres «t ta un trtt. t«lvic i*um 4lT«fttMfncai, ftr 
Rtfnafiitti ft RiccoboBi. rcfrcMottc pour U prcmi«r« îo\% U mtttttàï il mAi 17) |. 



250 Les Comédiens italiens. 



VII 



1739. — 5 avril. 

U Académie royale de musique fait dresser procès-verbal des contra-- 
veniions que commettent dans leurs représentations les Comédiens 
du Roi de la troupe italienne. 

L'an 1739, le jeudi 5 avril, cinq heures de relevée, nous Louis 
Cadot, etc., ayant été requis par Louis-Armand-Eugène de Thu- 
ret, écuyer, ancien capitaine d'infanterie, directeur et ayant le 
privilège de l'Académie royale de mufique, de nous tranfporter à 
la Comédie-Italienne pour y conftater qu'au préjudice des lettres- 
patentes, arrêts, déclarations, ordonnances réitérés en diflférens 
tems accordés par Sa Majefté, qui font défenfes aux Comédiens 
françois et aux Comédiens italiens du Roi et à tous autres quel- 
conques d'avoir aucune voix externe et de ne fe fervir d'aucun 
danfeur et qui leur permet feulement d'avoir deux voix d'entre 
eux et fix violons, fous les différentes peines y portées, les Comé- 
diens italiens de cette ville donnent, repréfentent et font repré- 
fenter journellement fur leur théâtre des danfes et ballets avec 
mufique vocale et inftrumentalc, chantent des duos et en partie 
feuls et des couplets en chœur, le tout accompagné de hautbois, 
baffons, vielles et mufettes, et qu'ils fe fervent par conféquent 
de plus de deux voix et de fix inftrumens ; nous, confeiller du 
Roi, commiffaire fufdit, pour remarquer la défobéiffance alléguée 
defdits comédiens, nous fommes tranfporté heure fufdite à la Co- 
médie-Italienne, où étant nous y avons vu et entendu repréfenter 



Appendice, 251 

la pièce intitulée : V Amant Protêt (i) en trois actes, et nous avons 
obfcrvè : 

Que cliacun defdits trois actes termine par un divertiflenient 
détaché de la pièce ; 

Qu'i la fin du dernier acte il a été repréfenté un ballet compofé 
de dix danfeurs en habits de théâtre, dont cinq en hommes et 
cinq en femmes ; 

Qu'il a été auflTi danfé deux pas de deux et deux pas feuls ; 

Ht que ledit ballet a été accompagné fur le théâtre d'une vielle 
et d'une mufette en habit de théâtre. 

Dans l'orcheftre nous y avons vu jouer fix violons et deux 
baffes de violon. 

Plus nous avons vu et entendu fur le théâtre deux voix feules 
qui ont chanté alternativement et exécuté deux duos terminés 
par un grand chœur. 

Dont et de tout ce que deflfus nous avons dreflfé le préfent 
procès-verbal. 

Signé : Cadot. 

Et le famedi 2 mai audit an 1739, cinq heures de relevée, nous, 
commifTaire fufdit, nous fommes d'abondant tranfporté à la Co- 
médie-Italienne où nous avons vu reprélenter la même pièce de 
V Amant Prot/e, et où nous avons confbté de nouveau que lefdits 
Comédiens italiens ont donné et repréfenté le mime nombre de 
ballets, de pas de feuls et de pas de deux, et qu'ils fe font fervis 
du même nombre de danfeurs et de danfeufcs, de vielle, de mu- 
fette, violons, voix feule, duos et couplets en chœur que celui 
mentionné en notre procès-verbal ci-de(Tus ; et, en outre, nous y 



(1) l'.4mdni Prpttt, c»titj-r fr«r.;aiic c*i i">it «;tct et CI proie, arec t roi i incnuMnrntt» 
fàt Drl^croit. rcprckcrtcc f aur \i prcniur* f^it le racrcrci» 4 f%tticr i;ii. 



252 Les Comédiens italiens. 



avons vu et entendu dans Torcheflre un hautbois et un baflbn. 
Dont et de tout ce que deflus avons dreffé le préfent procès- 
verbal. 

Signé : Cadot. 

(^Archiva nationales. Y, ta, 141.) 



vm 



1742. — 18 août. 

V Académie royale de musique fait dresser procès-verbal des contra- 
ventions que commettent dans leurs représentations les Comédiens 
du Roi de la troupe italienne.' 

L'an 1742, le famedi i8 août, dix heures du matin, eft comparu 
en rhôtel et par-devant nous Louis Cadot, etc., Louis- Armand- 
Eugène de Thuret, ècuyer du roi en la grande écurie, pourvu du 
privilège de TAcadémie royale de mufique, demeurant à Paris, rue 
St-Nicaife, paroiffe St-Germain-l'Auxerrois : Lequel nous a dit 
qu'au préjudice des lettres-patentes, arrêts, déclarations, ordon- 
nances et règlemens réitérés en difiérens tems, accordés par Sa 
Majefté en faveur de ladite Académie, qui font défenfe aux Comé- 
diens françoi et aux Comédiens italiens du Roi et à tous autres 
quelconques, d'avoir aucune voix externe et de fe fervir d'aucun 
danfeur, leur permettant uniquement d'avoir deux voix d'entre 
eux et fix violons, fous les diflférentes peines y portées, les Comé- 
diens italiens de cette ville contreviennent journellement auxdits 
titres ; qu'il a appris qu'ils dévoient cejourd'hui donner plufieurs 
divertiflemens et ballets qui dévoient être compofés de plufieurs 
danfes, dans lefquelles des danfeurs externes en nombre dévoient 
faire et exécuter plufieurs caractères feuls et féparément entre les 



Al^pcndice. 25} 

billets. Et comme il convient de condatcr cette nouvelle contra- 
vention, il nous requiert de nous trinfporter cejourd'hui, cinq 
heures de relevée, au théâtre defdits Comédiens iuliens» afin d'y 
drefler notre procès-verbal, etc. 

Signé : De Thtrkt. 

Suivant lequel réquilîtoirc nous, commifTairc fufdit, nous Tom- 
mes tranfporté .\ b Comédie Italienne, où étant nous aurions vu 
repréfenter deux pièces annoncées par leurs affiches. La première. 
Us Menteurs embarrajféSy en cinq actes (i), et la deuxième en un 
acte, appelée : les Deux Traveftis^ï). Lors defquelles repréfenta- 
tions nous avons trouvé leur orchellre compofé de douze inllru- 
mens, unt violons que bafles, bafTons, flûtes et flageolets. Et 
après que les trois premiers actes de h première pièce ont été 
exécutés, nous avons obfer\'é que la pièce a été interrompue par 
un divertiflirment nouveau étranger à la pièce, ledit divertiflc- 
ment compofé d*abord d*un ballet de fix perfonnes, favoir : trois 
hommes et trois femmes, qui a été fuivi d*une entrée d'un feul 
danfeur que nous avons appris fe nommer Campioni(}), Italien^ 
et danfer pour la première fois en France ; qu'il a exécuté plu- 
fleurs danfes dans tous les caractères, alternativement avec le 
ballet, lequel nouveau danfeur a été fort applaudi ; qu'après que 
les deux derniers actes de la première pièce ont été exécutés, ils 
ont été fui vis de b petite pièce intitulée les Detix Traveftis, qui 



(1) L« p>ec« qui font et ntrt ctt an r«n*T»a it«lit« ta trot* «ctt*. rtfié wM fomr U f fêttêttm 

fou le mrr»rcJi i » nui i*in. Cet 0-J>ri|Cff. lire i|« l'etpâCtiol, a tM «o«lfK>M p«f Bi>«i«^«Jaii. C*t«t 
Mai âOiitt par Cfur qu« le «•^mmiHatrc lui aitrikuc €ta<| Mtct. 

(a» l.iftci U* «7ir»» .'jwiti-, •• S'tttl i'.ifjll^n, io^mtAxt c« ua a£iv et ta «ef«. é9 GutM 4« 
l|cr«ille, rcpe«««-.fr« fj^t !« prrmkre foute a aoftt 174J. 

U> Ce Ctn^.. u. f.ki'. .-. h«bi!e Janttur Tcnitirn. U ne parut que cette wule et vut^ae foia A la 
C'inxJte Itaiiert* Le 'eaJeiiaio, U «li'ccicar 4c rA<a«leniit rovalt 4t aiau^uc «biint «a oe4rt 
tf« R I 1 I ! . ^.' Jilriie Jr «cptraitrc âu Thvlirr liili.n. Mat* cet orjrt i*\ i-^nitic •..■ i.»mé- 
4-rf.» .'alurt au i •me-* airn'e Je U reprvttntati.ia et aluta qu'il ctaat laipoatiMt 4t ckanfcr te 
•p«.t«..« . \t t rA'rc f j* 01 !re &t fâtre relActic Campisni fut ea^aft alora A l*Optrê-Caaiiquc qui 
4oii"ai' •«! iepfc»ent«:.oci a -a foire SAiBt-L«ur«nt 



254 J^^^ Comédiens italiens. 

a été terminée par un autre divertiffement nouveau, lequel diver- 
tiflement a commencé d'abord par un ballet de douze danfeurs 
hommes et femmes, defquels douze danfeurs il y en a quatre qui 
ne font pas de leur troupe, comme nous l'avons appris; après 
quoi il a paru une danfeufe nouvelle, que nous avons appris être 
la femme du fieur Campioni (i), qui a exécuté une entrée feule. 
Enfuite de quoi ledit ballet a repris de nouveau et tout de fuite 
lefdits fleur et dame Campioni ont danfé chacun deux fois feuls 
et terminé en danfant tous deux par une pantomime compofée 
de plufîeurs airs vifs et tendres alternativement : ledit fpectacle 
terminé par un applaudiflement univerfel. Dont et de quoi nous 
avons dreffé le préfent procès-verbal. 

Signé : Cadot. 

{Archiva nationales t Y, t2,X44.) 

IX 

1744. — 2 juillet. 

L'Académie royale de musique Jait dresser procès-verbal des contra- 
ventions que commettent dans leurs représentations les Comédiens 
du Roi de la troupe italienne. 

L'an 1744, le lundi 2 juillet, neuf heures du matin, eft comparu 
en rhôtel et par-devant nous Louis Cadot, etc., M. François 
Berger, pourvu du privilège de l'Académie royale de mufique, de- 
meurant à Paris, rue St-Nicaife, paroiffe St-Germain-l'Auxerrois : 
Lequel nous a dit qu'au préjudice des lettres-patentes, arrêts, 
déclarations, ordonnances et règlemens réitérés en différens tems, 
accordés par Sa Majefté en faveur de ladite Académie, qui font dé- 
fenfe aux Comédiens françois et aux Comédiens italiens du Roi 
et à tous autres quelconques d'avoir aucune voix externe et de fc 



(1) Ce n'était pas sa femme, mats sa sœur. 



Appendice. 2$ S 

fcrvir d*aucun danfcur fous les différentes peines y portées, leur 
pcrmctiaMt uniquement d'avoir deux voix d'entre eux et lix vio- 
lons, les Comédiens italiens contreviennent journellement auxdits 
titres ; qu*il a appris qu'ils dévoient cejourd'hui , fuivant qu'ils 
l'ont fait afficher, repréfenter une pièce fous le nom de Coraline 
magicienne, comédie italienne avec fpectacle et diverttjjement(^i), ce 
qui femble annoncer une nouvelle ufurpation fur les privilèges de 
l'Académie royale de mufique, à laquelle ces deux chofes appar- 
tiennent exclufivement et forment même le genre dift inctif de fon 
théitre. Et comme il convient de conftatcr cette nouvelle contra- 
vention, il nous requiert de nous tranfporter cejourd'hui^ cinq 
heures de relevée, au théâtre defdits Comédiens italiens, à l'effet 
d'y dreffer procès- verbal, etc.; fur quoi nous, commiffaire fufdit, 
nous fommes lefdits jour, an et heure de cinq de relevée fufditc, 
tranfporté en la Comédie-Italienne : où étant nous aurions vu 
repréfenter ladite pièce annoncée par ladite affiche, Caroline magi- 
cienne , en cinq actes. Lors de laquelle repréfentation nous avons 
obfen'é qu'il y avoit dans l'orchcftre de ladite comcnlic plufieurs 
baffes, baffons, flûtes et flageolets qui ont été joués, outre ftx vio- 
lons qui ont été pareillement joués pendant ladite pièce; que le 
fleur Rochard (2), l'un defdits Coménliens italiens, y a rcpréfenté 
le rôle de Pluton en chantant dans un acte, et celui de Jupiter 
dans un autre acte, en defcendant du haut du fpcctadc dans un 
char ; qu'à b fln de h, pièce il a été fait un divcrtiffcment détaché 
d'icelle pièce, compofé d'abord d'un ballet de fix perfonnes exter- 
nes, favt)ir trois hommes et trois femmes, qui a été fuivi de plu- 
fieurs entrées de quatre autres danfeurs qui ont danfé féparémcnt 
leurs entrées feules et des pas de deux et autres, lefquels pas de 



fn » >r 1 --.1 '.f. I 7 14. 

(; ) (.. l'Ui Ra< monJ R KbAi4 if BouiUac. 



256 Les Comédiens italiens, 

deux ont été entrecoupés de plufieurs ballets, et lefdits divertifle- 
mens ont été terminés par un corps de ballet de dix danfeurs et 
par un applaudiflement univerfel. Avons en outre obfervé, pen- 
dant la repréfentation de ladite pièce, qu'il y a nombre de ma- 
chines et décorations dans le genre de celles de l'Académie royale 
de mufique qui ont été fort applaudies par les fpectateurs. Et nous 
étant retiré dudit fpectacle pour rédiger ces préfentes, ledit fieur 
Berger eft derechef comparu devant nous, lequel nous a dit que 
la repréfentation de ladite pièce répond tellement à ce qu'en 
annonce l'aflBche, qu'il n'y a plus qu'un pas à faire pour former 
du Théâtre-Italien un nouvel Opéra, d'autant plus étendu que 
l'on y prend la licence de chanter et réciter alternativement, félon 
qu'il paroit plus convenable pour l'agrément du fpectacle. 

Qu'on n'avoit pas encore vu aucun théâtre de comédie s'arro- 
ger le droit, comme on fait en cette circonftance, de mêler dans 
le corps d'une pièce des morceaux françois en récit d'opéra qui 
font partie du dialogue et nouent l'intrigue, tels que ceux qu'a 
chantés dans cette pièce le fieur Rochard repréfentant Pluton 
dans un acte et Jupiter dans l'autre et qui, joint aux ballets, aux 
machines et aux décorations, forme précifément le genre d'opéra- 
comique que l'Académie royale vient de s'interdire, malgré la 
pofleffion où elle étoit depuis longtemps de faire exploiter.aufli le 
privilège de ce fpectacle. 

Que la contravention des Comédiens italiens aux ordonnances 
qui reftreigncnt fon orcheftre à fix violons eft manifefte, puifque 
outre ce nombre d'inftrumens ils y ont ajouté des hautbois, des 
flûtes, des baflbns et des flageolets. 

Il en eft de même des ballets, puifque outre les entrées feules, 
les pas de deux et autres, ils forment un corps de ballet aufli com- 
plet que ceux de l'Académie, au moyen des danfeurs externes 
qu'ils tiennent à leurs gages. 



Appendice. 257 

Que rafTcctation des décorations et des machines dont cette 
pièce eft remplie et qui en fait mîme Tunique et principal objet 
n'eft pas une contravention moins évidente aux règlemens qui 
bornent les comédies à une ufurpation moins pcmîcieufe aux pri- 
vil(^s de TAcadémie dont cette partie fait un objet il eflentiel 
qu'en b rencontrant fur d'autres théâtres il eft confiant qu'un 
grand nombre de fpeaateurs, que le goût de h mufiquc n'attire 
que foiblement, abandonneront totalement fon fpectacle. 

Dont et de tout ce que deflus ledit fieur Berger en ladite qualité 
nous a requis acte. 

Signé : Berger; Cadot. 

[ArtktTti msit^msUt, 11,147.) 



1745. — 2$ août. 

L* Académie royale de musique fait dresser procès-verbal des contra- 
ventions que commettent dans leurs représentations les Comédiens 
du Roi de la troupe italienne. 

L'an 1745» le lundi 23 août, heure de midi, en Thdtel et pir- 
devant nous Louis Cadot, etc., eft comparu M. François Berger, 
direaeur et propriétaire du privilège de l'Académie royale de 
mufique, demeurant à Paris, rue St-Kicaife, à bdite Académie: 
Lequel nous a dit qu'au préjudice du privilège et lettres-patentes 
d'icelle Académie de 1672, confirmées par les lettres-patentes qui 
ont été données fubféquemment en faveur de ladite Académie, 
amfi que des ordonnances du Roi des 14 avril et 12 août 1672, 
22 avril 1673, 2 1 mars 167$, 26 juillet 1682 et 17 août 1684, 

coM. ou ROI. ~ II. 17 



258 Les Comédiens italiens'. 

confirmées par lettres-patentes du 7 octobre 1704 et autres fub- 
féquentes par lefquelles Sa Majefté défend exprefTément à fes Co- 
médiens tant François qu'italiens de fe fervir de plus de deux voix 
d'entre eux, comme auffi d'avoir plus de fix violons ou joueurs 
d'inftrumens, ni pareillement aucune danfe fous quelque prétexte 
que ce puifle être, même d'avoir aucun orcheftre; l'exécution 
defquels privilèges et ordonnances auroit été ordonnée par arrêt 
du Confeil du 20 juin 171 6, rendu juridiquement, le Roi étant 
en fon Confeil, par lequel les Comédiens françois ont été, entre 
autres chofes, condamnés en deux amendes de chacune 500 livres 
pour avoir contrevenu auxdites ordonnances par des divertifle- 
mens de chants et de danfes mêlés aux pièces intitulées : le Ma-- 
lade imaginaire et la Princejfe d'Élide. Néanmoins les Comé- 
diens tant françois qu'italiens contreviennent journellement et 
formellement aux difpofitions et à l'efprit defdites ordonnances, 
ce qui a obligé le fieur Berger, comparant, et le fieur de Thuret, 
fon prédéceffeur audit privilège, de nous requérir de nous tranf- 
porter aux théâtres des Comédiens tant françois qu'italiens, fui- 
vant les procès-verbaux que nous avons dreffés et qui conftatent 
les contraventions réitérées defdits comédiens, fur aucun def- 
quels font intervenus diflfèrens arrêts, ordonnances ou règlemens 
en confirmation des privilèges qui ont réprimé les différentes 
entreprifes defdits Comédiens contre le privilège de l'Académie : 
nonobftant quoi lui comparant auroit appris que les Comédiens 
italiens, non contens de ces contraventions que trop journa- 
lières, avoient eu la témérité d'attenter complètement au privi- 
lège de ladite Académie famedi dernier, 21 du préfent mois, en 
repréfentant fur leur théâtre, fans l'avoir annoncée ni affichée, 
une pièce entière dialoguée et chantée et ornée de divertiffemens 
avec grande fymphonie et entrées de danfes à deux, à trois et 
même corps de ballet, ce qui confHtue tant pour le genre de 



Appendice. 259 

compofition que pour la rcprcfcntation un op^ra complet dans le 
genre comique et eft, par conféqucnt, une contravention des 
plus Tonnelles et manifeftes non-feulement aux fufdites ordon- 
nances, mais môme au privilège de l'Académie royale de mufique 
par lequel Sa Majeili (ait très-expre(Tes inhibitions et défenfes à 
toutes perfonnes de quelque condition qu'elles puiflent (tre, de 
faire chanter aucune pièce en vers françois ou autres langues (ans 
b permifTion exprede du titulaire dudit privilège , à peine de 
10,000 livres d'amende et con(îfcation de théâtres, machines, 
décorations, habits et autres chofes. Et comme le comparant a 
intérêt de conflater pareille contravention, il nous a requis de 
nous tranfporter cejourd*hui, cinq heures de relevée, au théâtre 
des Comédiens italiens i l'effet de drefTer procès-verbal de con- 
travention. 

Signé : Berger. 

Suivant lequel réquifitoire nous nous fommes tranfportés audit 
théâtre des Comédiens iuliens où nous avons vu repréfenter une 
première pièce italienne intitulée: les Êvinemens nocturnes Ç^i), 
dans laquelle il ne s'efl rien trouvé hors des règles qui font pref- 
crites aux comédiens, finon le nombre des inftrumens defquels 
ils fe font fer\'is dans les entr'actes qui excède celui de fix prcfcrit 
par les ordonnances : Lefquels joueurs d'inftrumens, que nous 
avons vus au nombre de onze, étoient tous joints enfemble dans 
un orchedre. Enfuite de laquelle pièce nous en avons vu repré- 
fenter une autre qui étoit annoncée par plufieurs affiches, que 
nous avions vues cejourd'hui dans les rues et que nous avons 
appris avoir tté pofées pour la première fois ainû que ledit (îeur 
Berger l'a ci-deffus déclaré, porunt que lefdits comédiens repré- 
fenteroient ce même jour , pour la féconde fois , la pièce inti- 



(1) /^« f.%4n0m4nii m0^tmrm*i, £ascvm itAli«s ta ctm^ *»tc« Mitt i*4a iivtrti •••««••, r«fr#MSi4 
fo«r U frtBMrc (mu ta I74S> 



26o Les Comédiens italiens. 

tulée : la Fille, la Veuve et la Femme (^i)^ parodie : laquelle pièce 
nous avons obfervéç êt|:e conforme à ce qiy nous a été àrdelTus 
déclaré par ledit fieur Berger. Içelle pièce étai^t chantée, en, entier 
par tous les perfonnages de ladite pièce fans aucune; parolç de. 
profe, ni de vers récitée. Plus avons obfervéqjnç^lacjite. pièce eft 
divifée en trois actes ou parties avec changemens de décorjitîons.iît 
ballets et divertiffemens à la fin de la première et dernière, parpçiet 
au milieu de la féconde. Plus avons obferyé que dans rexécution 
defdits ballets et divertiffemens^ . il a été chanté pluûeurs mor- 
ceaux de mufique avec acconipagnement.de fymphonie exécjitée 
par l'orçhedre et que lefdits ballets étoient compofés de diffé- 
rentes entrées tant feuls qu'à deux et à trois et toujours foute- 
nues d'un corps de ballet général compofé dç huit aufli taat 
danfeurs que danfeufes; et lefdits divertiffemens nous .outiparu 
être exécutés à l'inftar des ballets d'opéra. Le tout précédé d'une 
ouverture et entrée par l'orcheftre dans le genre aufli de celles de 
l'opéra et terminé par une pantomime danfée à deux ainfi que 
nous l'avons vu plufieurs fois pratiquer fur le théâtre de ladite 
Académie. Plus nous avons obfervé, par la diverfîté des chants et 
par le genre du dialogue, que ladite pièce reffemble et eft con- 
forme aux opéras-comiques qui ont été repréfentés aux dernières 
foires St-Laurent et St-Germain. Et nous avons encore remarqué 
que lefdits comédiens dans ledit dialogue chanté fe font fervis de 
termes et de penfées licencieufes, même obfcènes dans une ronde 
dont le refrain eft : Voilà le plaifir des dames {2) ! Dont et de tout 
ce que deffus nous avons dreffé le préfent procès-verbal. 

Signé: Berger; Cadot. 

{Archives nationales, Y, 12,148.) 



(i) La Fille, la Veuve et la Femme, parodie en. trois petits actes et en vaudev^lU du ballet des 
Fêtes de Thalie de Lafont, par Laujon et Parvi, représentée pour la première fois le 20 août 1745. 

(2) Ce refrain, bien connu encore aujourd'hui, devint bientôt populaire et fut réintroduit deux ans 
plus tard, par Valois d'Orville, dans une ronde de la pièce intitulée : les Fêtes du bois de Boulo^ne,^ 
représentée à rOpéra-Comique pendant la foire Saint-Laurent. 



Appendice. 261 



Xï 



1745. — I" feptembre. 

Arrêt du Conseil interdisant la représentation de là piïce intitulée : 
la Fille, la Veuve et la Femme, et condamnant les Comédiens du 
Roi de la troupe italienne à une amende de 10,000 livres pour 
avoir contrevenu aux privilèges de l'Académie royale de musique. 

Sur la requefte préfentée au Rôî, étant en fon Confeîl, par 
François Berger, actuellement pourvu du privilège (le l'Académie 
royale de mufique, contenant que, quoique par diflférentes ordon- 
nances du feu Roi, il ait été fait défenfes à tous Comédiens Fran- 
çois, italiens ^t autres, de quelque troupe qu'ils puiflent être, de 
fe fervir d'aucune voix externe, ni de plus de deux voix d*entre 
euk , comme auffi d'avoir un plus grand nombre d'inftrunlens 
que fix, même d'avoir aucun orcheftre, ni de fe fervir d'aucun 
danfeur dans leurs pièces et repréfentatîons; et nonobftant encore 
que ces défenfes aient été expreffément réitérées par S. M. par 
deux arrêts de fon Confeil d'État des i" juin 1732 et 11 novem- 
bre 1741, à peine de 10,000 livres d'amende, cependant lés Co- 
médiens italiens viennent, tout riêcemment, de les enfreindre 
dans une pièce qui a pour titre : la Fille, la Veuve et la Femme, 
parodie. Eh effet, il eft conftaté, par le procès-verbal que le fup- 
pliant en a fait dreffer par le commiffaire Cadot, le 23 août der- 
nier, que cette pièce eft entièrement compofée de chants et de 
danfes, fans un feul mot de profe ou de vers déclamés et ornée, 
dans les divertiffemens , de cantatilles avec fymphonie, entrées 
de danfes à deux, à trois, même avec des corps de ballet général, 
laquelle pièce a été repréfentée pour la première fois le 20 dudit 
mois d'août fans avoir été annoncée ni affichée. Le mêtne prdcès- 



262 Les Comédiens italiens. 

verbal fait foi que cette pièce eft un vrai opéra-comique entière- 
ment conforme à ceux qui ont été joués fur les théâtres des foires 
St-Germain et St-Laurent depuis l'année dernière. Enfin il eft 
prouvé que l'orcheflre des mêmes comédiens étoit compofé de 
onzef joueurs d'inftrumens. Le fuppliant , muni de titres auffi 
authentiques que le font ceux donnés en faveur de l'Âcadénûe 
royale de mufique depuis fon établiflement, étoit en droit de 
porter fur-le-champ à S. M. fes plaintes d'une pareille contraven- 
tion; cependant il s'eft contenté d'abord de faire fignifier aux 
Comédiens italiens l'arrêt du 11 novembre 1741 et celui du 
18 mars 1744 qui l'a mis en pofFeffion du privilège de ladite 
Académie, perfuadé qu'à leur infpection ils fe réduiroient dans 
les bornes qui leur étoient fi fpécialement prefcrites. Mais loin 
par eux d'y déférer, ils ont donné, le foir même du jour de cette 
fignification, une repréfentation de la même pièce, ce qui dénote 
de leur part une rébellion trop manifefte pour ne pas attirer toute 
l'indignation de S. M. La conduite des Comédiens italiens eft, à 
cet égard, d'autant plus répréhenfible que, par l'article 8 de l'ar- 
rêt du Confeil du i" juin 1730, portant conceflîon du privilège 
de l'Académie royale de miïfique, il eft expreffément défendu à 
toutes perfonnes de faire chanter et exécuter avec théâtre et dé- 
corations aucune pièce de mufique ni de danfe fans la permiflion 
exprefle et par écrit dudit privilège ou de fes ceflîonnaires, à peine 
de 10,000 livres d'amende. Requéroit à ces caufes le fuppliant 
qu'il plût à Sa Majefté ordonner l'exécution des ordonnances, 
arrêts et règlemens rendus en faveur de ladite Académie royale 
de mufique; en conféquence, faire défenfe aux Comédiens italiens 
de continuer les repréfentations de la pièce intitulée : la Fille, la 
Veuve et la Femme, parodie, et d'en donner de femblables à l'ave- 
nir fous telles peines qu'il appartiendra et cependant pour la con- 
travention par eux commife, les condamner en l'amende de 



Appendice. 263 

10,000 livres et, en outre» en 12,000 livres de dommages et in- 
térêts envers TAcadimie royale de mufique. 

Le Roi étant en Ton Confeil a ordonné et ordonne que les 
ordonnances, arrêts et règlemens rendus en faveur de TAcadémie 
royale de mufique feront exécutés félon leur forme et teneur. En 
conféquencc, ùit S. M. défcnfe aux Comédiens iuliens de conti- 
nuer les rcpréfenutions de la pièce ayant pour titre : la Fille, la 
Femme et la Veuve, parodie, et d'en donner de pareilles à l'ave- 
nir; et pour les contraventions par eux commifes, condamne 
lefdits Comédiens italiens en l'amende de 10,000 livres applica- 
bles un tiers à l'hôpital général de la ville de Paris et les deux 
autres tiers audit ficur Berger, au payement de laquelle ils feront 
contraints par toutes voies dues et raifonnables. Et par grâce et 
fans tirer à conféquence. Sa Majefté les a déchargés de la demande 
en dommages et intérêts formée par ledit fieur Berger. Et fera 
le préfcnt arrêt exécuté nonobftant oppofitions quelconques pour 
Icfquelles ne fera différé. 

A Gand, le i* feptembre 1745. 

Signé : Daguesseau. 



XII 



1756. — 19 février. 

Homologation, par le Parlement de Paris, d'un acte relatif aux 
fonds de la société, passé devant notaires, le 29 avril t'JS4, par 
les Comédiens du Roi de la troupe italienne. 

Par-devant les confeillers du Roi, notaires au Chltelet de 
Paris, fouflîgnés, furent préfens : 
Sieur jofeph Balletti, dit Mario, et demoi(eUe Rofe-Guionne 



264 Les Comédiens italiens. 

Benozzi, dite Silvia, fon époufe de lui au torifée,, demeurant rue 
du Petit-Lion, paroifle StrSauyeur; 

Sieur Antoine Sticotti, demeurant fue et barrière St^M^rtin, 
paroifle St-Laurent; 

. Sieur Jean-Vincent Vifentini, demeurant faubourg Str<Mar^, 
paroifle St-Laurent; 

Sieur Bonaventure Benozzi, demeurant nie. Beiaurepaire, pa- 
roifle St-Sauyeur; 

Sieur Jean-Baptifte Dehefle et cjemoifelle CatherineTAntpiuetîe 
Vifentini, fon époufe de lui autorifée, demeurant rue Tireboudin, 
paroifle St-Sauveur; 

Demoifelle Marie de Laboras, époufe de Louis Riccobpqi, de- 
meurante rue Françoife, paroiflTe St-Sauveur; 

Demoifelle Marie-Thérèfe Biancolelli, demeurante rue M^u- 
confeil, paroifle St-Euftache; 

Sieur Alexandre-Louis Ciavarelli, demeurant rue P^vée, .pa- 
roifle St-Sauveur; 

Sieur Charles-Raymond Rochard de Bouillac, demeurant .rue 
de Picpus, faubourg S t- Antoine, paroifle Ste-Marguerite; 

Sieur Charles Bertinazzi, dit Carlin, demeurant rue St-Denis, 
paroifle St-Sauveur; 

Sieur Charles Véronèfe et demoifelle Anne Véronèfe, dite Co- 
raline, demeurant rue Françoife, paroifle St-Sauveur; 

Demoifelle Rofalie Aftraudi, demeurante rue Tireboudin, pa- 
roifle St-Sauveur; 

Sieur Antoine-Etienne Balletti, demeurant rue du Petit-Lion, 
paroifle St-Sauveur; 

Et demoifelle Marie-Juftine du Ronceray, époufe de Charles- 
Simon Favart, demeurante rue du Petit-Lion, paroifle St-Sau- 
veur. 

Tous Comédiens italiens ordinaires du Roi aflemblés en THôtel 



Appendice. 265 

de Bourgogne, en kur ialie des comptes; lefquels ont dit que» 
par Tactc de fociété fait entre lefdits fieurs comédiens devant 
maître Gaillardic, qui en a la minute, et Ton confrère, notaires à 
Paris, le 27 octobre 17 19, homologué par arrêt du Parlement du 
1 3 décembre fui van t, il a été convenu finguliérement detix chofes : 
la première que chaque comédien ou comédienne qui entrèrent 
dans b troupe, feroit tenu de faire un fonds de 8,000 livres pour 
celui ou celle qui auroit part entière, laquelle fomme feroit em- 
ployée à l'acquittement des dettes que b uoupe avoit faites pour 
réubliflfement du théâtre et (eroit rendue au comédien ou comé- 
dienne lors de fa fortie, ou à fes héritiers après décès, de b 
manière et ainfi qu'il a été convenu par ledit aae de fociété, et 
b féconde que tous les comédiens feroient folidairement tenus 
des emprunts et dettes de b Comédie, tant qu'ils feroient .co- 
médiens. 

Que l'obfervation des conditions de cette fociété ayant été ex- 
trêmement négligée et b plus grande partie des comédiens et 
comédiennes n'ayant pu faire leur fonds, les dettes de b troupe, 
jointes au peu de produit des repréfenutions, fe font accumulées 
au point que pour prévenir b ruine totale de b Comédie, lefdits 
fleurs comédiens et comédiennes ont été obligés de £sdre deux 
dclibcrations en date des 7 avril 1741 et 30 août 174$, homolo- 
guées par arrêts de b Cour de Parlement des 13 mai 1741 et 
26 janvier 1746, par b première defquelles détibératîons il t été 
convenu que chaque comédien ou comédienne feroit tenu de 
biiïer le quan de partage ou pcurtion de fon partage, félon quil 
lui appartiendroit, pour £ure fon fonds de 8,000 livres, Icqod 
quan dcmeurcroit es mains du caîflicr et ficroit par lui employé 
au payement des dettes de b troupe. 

Que CCS fonds faits et complétés de b part defdits fieurs comé- 
diens et comédiennes n'ayant pas fuffi pour acquitter les dettes 



266 Les Comédiens italiens. 

générales, par la féconde délibération il a été convenu que l'on 
continueroit de retenir ledit quart de partage jufqu'au par&it 
payement des dettes générales de la troupe et que cette retenue 
feroit comptée à chacun des comédiens et comédiennes en aug- 
mentation de fonds jufqu'à la concurrence de la fomme de 3,000 
livres, au moyen de quoi les fonds de chacun dêfdits comédiens et 
comédiennes ayant part entière feroient de 1 1 ,000 livres au lieu 
de 8,000 livres auxquelles ils avoient été fixés. 

Que cette retenue n'ayant pas encore fuffi pour liquider entiè- 
rement toutes les dettes générales de la troupe, et la troupe 
ayant été obligée de faire des dépenfes confidérables pour Tentre- 
tien de l'Hôtel, du théâtre et des loges, pour l'achat des décora- 
tions et des habits des danfeurs qui font actuellement le fonds de 
leur théâtre, non-feulement il a été continué de retenir jufqu'à la 
clôture de Pâques de la préfente année 1754, fur chaque comédien 
ou comédienne, ledit quart de partage, mais encore lefdits fleurs 
comédiens et comédiennes ont fourni, eu égard à la portion que 
chacun d'eux a dans la fociété, fur ce qui leur revenoit net de la 
Comédie et qui devoit fervir à leur fubfiftance, une fomme de 
60,000 livres pendant les années 1751, 1732, I7S3 ^^ jufquesà 
ladite clôture de Pâques 1754 pour le payement des dettes et 
dépenfes. 

Qu'au moyen de la retenue dudit quart de partage et de ladite 
avance de 60,000 livres, il fe trouve que chaque comédien et 
comédienne qui a part entière, a fourni 4,000 livres dont la fo- 
ciété eft débitrice envers eux; que la retenue defdites fommes fur 
les repréfentations journalières pourroit donner lieu à de nou- 
velles dettes ; que pour les éviter et afin que les comédiens et 
comédiennes qui ont pris fur eux lefdites fommes ne les perdent 
pas, ni que les comédiens ou comédiennes entrant ne profitent 
pas à leur détriment, il étoit convenable de porter cette fomme 



Appendice. 267 

de 4,000 livres en augmentation de fonds, de façon que les comé- 
diens ou comédiennes qui auront part entière dans ladite focièté 
auront 1 5 ,000 livres de fonds au lieu de 1 1 ,000 livres auxquelles 
ils avoient été fixés par la précédente délibération. 

Que par les payemens qui ont été faits par le caifTier de b 
troupe, tant avec ladite retenue dudit quart de pan qu'avec ladite 
avance de 60,000 livres, il ne refle plus d'anciennes dettes de U 
troupe que pour la fomme de 10,769 livres 9 fols 6 deniers qui 
font dus aux fuccefTions des fieurs Rauzini et Paghetti. 

Que cette fomme feroit acquittée fi la demoifelle Favart et le 
fieur Balletti, comédien et comédienne, avoient entièrement fait 
leurs fonds et la troupe fe trouveroit libérée de toutes dettes; 
mais que, pour éviter qu'il n'en fott fait de nouvelles à l'avenir, il 
efl nécefTaire, en augmenunt aux précédentes délibérations, de 
convenir fous le bon plaifir de noflfeigneurs du Parlement de ce 
qui fuit : 

ARTICLE PIEMIEI. 

Les fleurs comédiens et comédiennes ont reconnu et recon- 
noifTent par ces préfentes que toutes les retenues qui ont été 
faites fur chacun d'eux et d'elles, tant pour les fonds qu'ils étotent 
obligés de faire que pour l'augmentation et avances par eux faites 
pour la fociété et dont le monunt a fervi à acquitter les dettes 
générales de la troupe fuivant les délibérations ci-devant datées 
montent, pour chacun des comédiens et comédiennes qui ont 
part entière, à U fomme de 15,000 livres, à l'exception de b 
demoifelle Favart, l'une defdites comédiennes, qui redoit, pour 
parfaire fes fonds, b fomme de 6,648 livres 9 fols 6 deniers, et 
du ficur Balletti qui redoit auffi 4,08$ livres; en forte que les 
fonds de chacun des comédiens ou comédiennes qui ont part 
entière demeurent fixés à bditc fomme de 1 5,000 livres. 



^6S Les Comédiens italiens. 



ARTICLE DEUX. 

Que comme ladite demoîfélle Favart et ledit fieur Balletti n*ont 
pas entièrement fait leurs fonds, le caîffiër de la troupe conti- 
nuera i leur retirer le quart de leur partage ou portion de leur 
partage jufqu*au parfait payement, favoir, pour ladite demoîfélle 
Tavart, de 6,648 livres 9 fols 6 deniers, et pour ledit fieur 
Balletti, de la fomme de 4,08 S livres, après lefquelles 'retenues 
faites lefdits fleurs comédiens et comédiennes reconnoiflent que 
lefdits demoifelle Favart et fieur Baletti auront fait les mêmes 
fonds qu'eux dans ladite fociété, eu égard aux portions qu'ils ont. 

ARtICLE tROIS. 

Que ces deux fommes qui montent enfemble à celle de 10,769 
livres 9 fols 6 deniers fera employée par le caiflîer de la troupe, 
à fur et mefure des retenues qu'il en fera, au rembourfement de 
pareille fomme qui refte due aux fucceflions defdits défunts fieurs 
Rauzini et Paghetti, comédiens de ladite troupe, moyennant 
lefquéls payemens ladite troupe fe trouvera entîèremeût libérée 
de fcs anciennes dettes. 

ARTICLE Q.UATRE. 

Que pour qu^il ne foit fait aucune nouvelle dette à l'avenir, il 
a été convenu que les comédiens et comédiennes qui pourront 
être reçus à l'avenir dans la troupe foit par mort ou retraite de 
quelques-uns defdits comédiens et comédiennes, feront tenus de 
faire un pareil fonds de 15,000 livres pour ceux qui auront part 
entière ou moindre fomme à proportion de la part qui leur fera 
accordée par nofleigneurs les gentilshommes de la chambre dans 
la fociété, fix mois après leur réception, pour être rembourfée 



Apptndice. 269 

par la troupe au comédien qui fera forri ou à fes héritiersi s'il 
éioit décédé dans le temps poné par les précédentes délibérations. 

ARTICLE CINQ. 

Que dans le cas où les comédien ou comédienne nouvellement 
reçus n'auroicnt pas de deniers pour faire leurs fonds, ils feront 
tenus d'emprunter, fous le cautionnement de la troupe, b fomme 
que le comédien entrant fera obligé de fournir pour fon fonds, 
laquelle fomme fera remife au caiflîer pour être par lui payée au 
comédien fonant ou à fes héritiers, fuivant etaux termes de Taae 
de fociété et des délibérations ci-devant datées. 

ARTICLE SIX. 

Que, pour faciliter au comédien ou comédienne entrant leur 
libération de la fomme qu'ils auront empruntée pour faire leur 
fonds, il leur fera retenu, par le caiffier, conformément au traité 
de fociété et aux délibérations Eûtes en conféquence, le quart de 
leur partage ou portion de leur partage, fuivant qu'il leur en 
appartiendra, pour être employé au payement des intérêts de la 
fomme empruntée et le furplus à compte du principal jufqu'au 
parfait payement de la fomme prêtée, après lequel il ne fera plus 
fait de retenue fur le comédien ou comèdieime qui toucheront 
ledit quart comme les autres comédiens qui ont fait leurs fonds. 

Pour faire homologuer ces préfentes au Parlement , lefdits 
fleurs comédiens et comédiennes ont donné et donnent à maître 
Jcan-Baptille Béville, procureur tu Parlement, tout pouvoir fur 
ce néceffaire. 

Fait et pafli ï Paris en la falle des comptes de ladite Comédie, 
l'an mil fept cent cinquante-quatre, le 29 avril, et ont figné la 
minute des préfentes demeurée i Baron» notaire. 



270 Les Comédiens italiens. 

Vu, par la Cour, la requête préfentée par les Comédiens ordi- 
naires du Roi à ce- qu'il plût à la Cour homologuer la délibération 
paJQTée entre les fupplians devant Baron , qui en a la minute , et 
fon confrère, notaires à Paris, le 29 avril 1754, pour être exécu- 
tée félon fa forme et teneur; vu les pièces attachées à ladite re- 
quête lignée Berville, procureur, conclufions du procureur général 
du Roi; ouï le rapport de maître Claude Tudert, confeiller: tout 
confidéré; 

La Cour a homologué et homologue ladite délibération pour 
être exécutée félon fa forme et teneur. 

Fait en Parlement le 19 février 1756. 

Signé : De Maupeou ; Tudert. 

(Archives naiionalts, \y\ }t^7>') 



XIII 



1762. 



Mémoire en forme de règlement pour la régie et l'administration 

de la Comédie-Italienne, 

. La Comédie-Italienne eft un compofé de plufieurs genres de 
fpectacles que Ton ne fauroit trop multiplier fi l'on veut qu'elle 
puifle fe foutenir. C'eft un théâtre deftiné particulièrement à la 
frivolité; on y cherche, plus qu'ailleurs, la variété des amufe- 
mens; on ne va aux Italiens que dans la vue de trouver cette 
variété. Les comédiens, qui n'ignorent pas cette difpofîtion du 
public à leur égard, ont toujours fait ce qu'ils ont pu pour le 
fervir fuivant fon goût; ils ont fait en décorations, grands ballets, 
illuminations, etc., et autres amufemens de tout genre, des dé- 
penfes exceflîves dont ils font encore furchargés et dont ils ne fe 



Appendice. 271 

rclèvcroient jamais fi, au lieu de leur permettre de s'étendre et 
d'ajouter de nouvelles relTources à leur théâtre, on les relTerroît 
dans des bornes étroites. 

Le répertoire de b Comédie -luUenne e(l compofé de 140 
pièces tant grandes que petites purement italiennes , grandes et 
petites pièces françoifcs où il y a un arlequin, parodies et pièces 
de chant : ces dernières ne font qu'au nombre de 25. Dans le 
nombre de 140 pièces, dont b plupart ne fe jouent plus, il y a 
quelques pièces purement françoifes de MM. de Marivaux, Boifly, 
St-Foix et autres qui font d'un genre paniculier et qui ne pour- 
roicnt convenir au Théâtre-François; de ce nombre font : la Fie 
rft un fonge (i), Sam/on (2), Timon Mifanthrope (5), VEmbar^ 
ras des richejjes^^)^ etc. Le répertoire de l'opéra-comique eft 
compofé de 54 pièces dont b plupan ne fe jouent plus. 

Le Théâtre-François, le premier de b nation, eft en poflfeffioti 
d'un fonds inépuifable d'excellentes pièces qui, bien remifes, 
peuvent produire le même effet que de bonnes nouveautés; ainfi 
quoique le Théâtre-Italien foit en pofleffion de jouer des corné* 
dies françoifes et dans une efpèce de concurrence, il ne (ait par 11 
aucun tort aux François; au contraire, il en réfulte un bien pour 
les auteurs mêmes et les belles-lettres, en ce que l'un (en d'école 
pour l'autre. Tel commence par les Italiens qui fe rend enfuite 
capable de réulfir aux Françob. On peut citer par exemple MM. de 
Marivaux et de BoilTy; leurs premiers ouvrages joués aux Fran- 
çois n'auroient peut-être eu aucune réuflîte, ce qui les auroit 
découragés, au lieu que les appbudiflfemens qu'ib ont reçus fur un 
théâtre où le public porte plus d'indulgence et pafle fur bien des 
défauts qu'il ne pardonneroit pas ailleurs, les ont exdtés â culti- 



(1) Ls fié ft ■■ f^«f#,trtfi-oMi441« ta trois «cMt, ta T«r«, fta Bolttf . 

(a) Ssmt0m, iraft-<oMiè4i« t« ct»^ êct«« tt t« vtr», fr Ko«Uf*«ti. 

()) T»m»0m U Mn»mtkr0f0, eomèÀM t« tf«i« a^tt.t» froM,«vt< «« JiMnwwf t. fê» 4t Liilt. 

(4) t:Emhmr9M dêi rùkêitm, c»«é<it ta ttait «cMi, ta frot*, ftr takké D«Ilâia«al« •«•( aa ék» 



272 Les Comédiens italiens. 



ver et à perfectionner leurs talens, de manière qu'ils ont enftdte 
enrichi la fcène françoife de quantité de pièdes que l'on revoit 
toujours avec plaifîr. 

L'on ne doit donc point chercher, pour l'avantage même de la 
Comédie-Françoife, à diminuer le petit nombre de pièces fran- 
çoifes qui fe jouent aux Italiens, il feroit peut-être plus à propos 
de l'augmenter en y ajoutant beaucoup de pièces enfevelies dans 
l'oubli à la Comédie-Françoife^ parce que, par ce moyen, les Ita- 
liens, s'enrichiflant d'un fonds devenu inutile aux François, fe- 
roient dans le cas de laifler repofer les pièces qui forment leur 
répertoire; il n'eft pas douteux qu'en les jouant moins fouvent 
eUes ne fiffent plus d'effet fur le théâtre. 

Si les pièces de l'ancien Théâtre-Italien ont rénffi, c'efr parce 
qu'elles étoient mêlées de fcènes françoifes travaillées avec foin 
par les meilleurs portes comiques de ce tems-là : Regnard, Du- 
frefny, Montchefnay, etc. C'eft à ces fortes de fcènes que le 
public couroît avec empreffement; elles étoient comme autîmt de 
tableaux dont le canevas italien faifoit la bordure. 

Le tort que l'on ferait aux Italiens feroit donc en pure perte 
pour les François. Ce feroit apauvrir les uns fans enrichir les 
autres; d'ailleurs, quel que foit le talent des Comédiens françois, 
on ofe mettre en fait qu'il eft beaucoup de pièces du Théâtre- 
Italien où ils feroient aufli déplacés que- fi leslaliens entrepre- 
noient déjouer leurs pièces. Enfin, prefque toutes les pièces 
françoifes du Théâtre-Italien ont un rôle d'arlequin, efpèce de 
bouffon particulier à ce théâtre, et qu'on ne peut remplacer par 
un autre de quelque nature qu'il foit. Que l'on mette un crifpin 
au lieu d'un arlequin dans Timon Mifanthrope, dans Y Embarras 
des richejfes, dans Arlequin fauvage, Vljle des EfclavesÇi)^ etc., il 
eft fur que la pièce y perdra beaucoup. 



(i) Comédie en un acte, en prose, avec un divertissement, par Marivaux. 



Appendice. 27} 

La Comcdic-Italicnnc cfl donc un compofc do deux troupes. 
Tune italienne, Tautre françoife, qui doiwnt s*aider autant que 
faire le peut mutuellement. Les Italiens furtout devroient fe prê- 
ter, parce que comme ils ne fatiguent pas, à beaucoup près, au- 
tant que ceux qui jouent dans le françois, Arlequin excepté, et 
que, de plus, ceux qu*on appelle mafques n*ont, pour ainti dire, 
aucune dépenfe à faia* pour l'entretien du thèAtre, il faudroit 
qu'ils fe rendilTent utiles dans les pièces françoifes, dans les grands 
divertiflTemens où Ton a befoin fouvent de gens intelligens pour 
paroitre et remplir des f cènes de jeux, pantomimes qui, jufqu*à 
préfent, ont été mal rendues. 

Avant de pafler plus avant, il faut encore faire une réflexion : 
c*e(l que, dans les comédies, il y a un abus qui fubfide depuis 
longtems et qui, peut-être, pouvoit être toléré lorfqu*elles ont 
commencé, mais auquel on doit remédier le plus tôt poffible, 
même pour avoir des fujeis; c'eft que tous les acteurs font à part 
ou du moins tous peuvent efpérer de par\*enir i la part entière 
par protection ou autrement. Par cette didribution, ceux dont le 
talent e(l le plus marqué et le plus rare, qui font les plus utiles 
au théitre, dont Temploi eft le plus pénible et qui font enfin le 
plus de dépenfes, font ceux dont le travail e(l fouvent le moins 
récompenfé, tandis que les acteurs fans talens et qui n*ont qu*unc 
légère occupation font fort ï leur aife. Il faudroit remédier à cet 
.ibus, du moins pour la fuite, en convenant, dès à préfent, irré- 
vocablement que la part ou portion de part ne pourroit appar- 
tenir à l'acteur, mais qu'elle feroit attachée \ l'emploi dont il 
feroit chargé; ainfi un comédien ne pourroit parvenir \ jouir 
d'une part entière qu'en rempliflant l'emploi auquel ta part feroit 
attachée. 

D'après ces principes, il convient de commencer par la diflri- 
bution des parts telles que l'on imagine qu'elles devroient être 
coM. Dc ROI. ^ vu 18 



274 ^^^ Comédiens italiens. 



attachées aux emplois de la comédie purement italienne et qui eft 
la bafe fondamentale de ce fpectacle. On fait qu'il eft néceflaire 
pour les étrangers qui, dans le commencement, font hors d'état 
de comprendre les beautés du théâtre françois; il ne l'eft pas 
moins pour les citoyens qui viennent fe délaffer de leurs travaux 
par les quolibets d'Arlequin, enfin il eft indifpenlable pour le fer- 
vice de la Cour en ce qu'il n'eft pas poflible que les Comédiens 
françois puiflent faire feuls le fervice trois jours la femaine et qu'à 
leur défaut on ne s'amuferoit pas toujours des parodies, des pièces 
de chant ou opéras-comiques et encore moins des pièces françoifes 
jouées par les acteurs du Théâtre-Italien. 

Ainfi, il eft néceflaire que le genre italien loit compofé de neuf 
fujets au moins, favoir : un Arlequin, un Pantalon, un Scapin, 
un Docteur, deux amoureux, deux amoureufes et une foubrette. 

Voici la règle qu'on imagine qui devroit être fuivie dans la 
diftribution des parts relativement aux talens, à la dépenfe et au 
travail. 

L'Arlequin, part entière, non par rapport à fa dépenfe, mais 
parce que c'cft le principal rôle, celui qui fatigue le plus et enfin 
le feul qui attire à ce fpectacle. 

Le Pantalon étant bon, mais ne fatiguant pas autant que l'Ar- 
lequin et n'étant fujet d'ailleurs à aucune grande dépenfe, il con- 
viendroit le fixer à toujours à trois quarts de part avec néanmoins 
une penfion de retraite comme la part entière. 

Le Scapin étant bon, le fixer de même que le Pantalon. 

Le Docteur, demi-part et fa penfion au prorata. 

Le premier amoureux, part entière. 

Le fécond amoureux, demi-part jufqu'à ce qu'il devienne pre- 
mier, et dans le cas où il refteroit toujours à demi-part, lui fixer 
fa penfion fur le pied de trois quarts de part, vu les dépenfes 
qu'entraîne fon genre. 



AppnuUce. 2j^ 

Une première amoiireufe, bonne pan entière. 

Une féconde amoureufe, demi-part. 

Une foubrette jouant dans les cas de nècefTitê les rôles d*amou- 
rcufe, part. 

Total fept pans. Mais fi les circondances étoient différentes 
qu'elles ne le font aujourd'hui^ il conviendroit de porter le nom- 
bre de ces parts i huit pour qu'il y eût toujours une part en 
fcqueftre attachée au ^enre italien, et fur cette part feroit pris le 
payement de quelques acteurs ou actrices qui viendroient d'Italie, 
dont on voudroit effaver les talens ou qui fe deftineroicnt à rem- 
placer quelques anciens acteurs et les doubleroient en attendant. 
Cet arrangement connu une fois en Italie infpireroit la confiance 
et il fe préfeiîteroit alors des fiîjets qui auroient le tems de fe for- 
mer au goût de la nation avant d'occuper un emploi en chef. I! 
faudroit furtout s'attacher à donner un double i l'Arlequin; c'eft 
le rôle le plus difficile h, remplacer en cas d'événement. II n'y en 
a plus en Italie; les Bergamefques peuvent être pantomimes dans 
leur ville, m.iis ce n'efl pas une raifon pour qu'il vienne des Arle- 
quins de Bergame et l'on n'en connoit aucun fur aucun théâtre. 
L'Arlequin qu'il faut à Paris doit parler également françois et 
italien. 

Tels (ont les arrangemens que l'on imagine que Ton de\Toit 
prendre fi l'on étoit dans l'intention de tonner une nouvelle troupe; 
mais les cngagemens pris ne le permettant peut-être pas, on fe 
contentera de prèfenter le tableau tel qu'il efl, malheurcufement : 



S%dptm 

Pantalon 

Vrcntfr amourtux . 
Dfuxtènu amourtiu. 
DiS'Uui 



MM. Carltn. Une part. 

CiavjreUî. Une part. 

CoUho. Trois quarts. 

Zanuui. Trois quarts. 

Ballcni. Voc part. 



27e Les Comédiens italiens. 



Première amoureufe. . . M^i* Pichinelli. Une part. 

Deuxième amoureufe . . 

Soubrette Camille. Une part. 

Total, six parts et demie. 



On voit qu'il manque une féconde amoureufe et un Docteur; 
dans cette circonftance, il paroît qu'on ne pourroit mieux feire 
que de recevoir à demi-part la dame Savi(i) pour féconde amou- 
reufe quoiqu'elle joue toutes les premières; fans elle, le théâtre 
fermeroit, et fon mari(2) en qualité de Docteur, mais aux appoin- 
temens feulement jufqu'à ce qu'il y eût quelque chofê de vacant; 
il feroit à deux mains, pouvant remplacer en cas de maladie ou 
de nécefGté le fieur Carlin, étant en Italie l'Arlequin qui avoit le 
plus de réputation après Sacchi. 

Par cet arrangement, il y auroit fept parts d'employées fans 
faire aucun changement; peut-être eft-il plus prudent de n'en 
faire aucun cette année pour infpirer de la confiance aux acteurs 
que l'on veut recevoir et qui pourroient fe préfenter. On pour- 
roit fe borner actuellement à arrêter l'état de ceux qu'on voudroit 
remercier pour l'année prochaine, les en prévenir fecrètement 
afin qu'ils puffent en conféquence arranger leurs affaires et cher- 
cher, fous main, à s'engager dans quelques troupes de province 
ou étrangères; leur condition en feroit meilleure à tous égards, 
ayant du tems devant eux, et cette humanité qui eft digne de la 
bonté et de la juftice de Meffieurs les premiers gentilshommes de 
la chambre, leur donneroit d'ailleurs le tems de chercher de bons 
fujets pour remplacer ceux qui feroient remerciés. 

Il faut encore remarquer que l'on ne peut renvoyer aucun 



(i) M*"' Sftvi débuta à la Comédie-Italienne» le 28 mai 1760, dans VHomme d bonnet fortunes^ 
Goldoni dit qu'elle n'avait pas de dispositions heureuses pour la comédie, mais qu'elle était jeune 
et pouvait par sa bonne volonté parvenir à se rendre utile. Elle mourut en 1766. 

(2) Savi débuta à la Comédie-Italienne, le 1$ octobre 1760, par le rôle A* Arlequin dans Arlequin 
persécuté par la dame invisible, comédie en trois actes. Il jouait aussi les rôles de Docteur, U fut 
congédié à la fin de 176$. 



Appendice. 277 

fujct, furtout de ceux qui ont fait leur tems et leur fonds, fans 
charger confidcrablemcnt la Com<!rdie; elle doit aujourd*hui près 
de 8o,o()() livres aux acteurs retirés feulement pour le rcmbour- 
feinent de leurs fonds et outre la peniion. 

L'on voit, par ce qui a été dit ci-delTus, qu'en ne faifant aucun 
changement pour le préfent à Tétat actuel de la Com^ie pure- 
ment italienne, y ayant fcpt parts employées tant bien que mal, 
mais cependant indifpenfables pour un an encore, il ne rcfteroit 
plus que huit parts pour les acteurs françois, lefquelles fe trou- 
vent toutes remplies ; conféquemment on n'auroit donc aujour- 
d'hui aucune place à donner non-feulement pour les aaeurs que 
Ton projette de prendre, mais même pour ceux auxquels on ne 
peut fe difpcnfer de faire un fort plus confidérable que celui dont 
ils jouiilent, vu leur utilité reconnue. On a démontré que, pour 
cette année, on ne peut faire aucun changement dans les parts 
deflinées au genre italien; les raifons font encore bien plus frap- 
pantes pour la panie des François et Ton en fera aifément con- 
vaincu lorfqu*on fera attention qu'aucun des acteurs qu'on fe 
propofe de recevoir n'eO au fait des pièces qui fe jouent à la Co- 
médie-Italienne, et qu'il leur faut au moins un an pour étudier, 
former leur jeu et prendre la tradition de chaque pièce : autre- 
ment, on courroit le rifque de ne point fatisfaire au fer\'ice de la 
Cour et 1 celui du public, car malgré l'afiluence du public et fon 
empreifement également foutenu tous les jours depuis la réunion, 
on ne peut fe dilFimuler que l'on convient unanimement de la dif- 
ficulté d'entendre fur ce théltre la plupart des acteurs de l'opéra- 
comique, tant par la foiblelTc de la voix de quelques-uns d'entre 
eux que par le défaut d'habitude de réciter dans un lieu auffi 
vatk* que l'cil la Comédie-Italienne; d'où il faut conclure qu'il 
leur faut quelque tems pour s'accoutumer aux pièces et au local. 
De ce principe, il réfulte que huit parts ne fuffifant pas pour les 



278 Lâs Comédiens italiens. 



acteurs reçus et à recevoir, il faut néceffairement les augmenter 
de cinq et porter le nombre de quinze à vingt et prévenir d'avance 
ceux que Ton remercieroit à Pâques 1763. 

Avant de pafler plus avant, il faut rappeler que fi l'obfervation 
faite ci-deflus, au fujet de la diftribution des parts pour le genre 
italien pour que les parts ou portions de part fuflent attachées à 
l'emploi et non à l'acteur, a été trouvée raifonnable, elle ne Teft 
pas moins pour les François; car, quiconque fera en état de 
chanter, de jouer la comédie, enfin d'avoir une double occupa- 
tion, mérite fans doute davantage que celui qui n'eft borné qu'à 
un genre, lequel, conféquemment, ne fatigue pas autant. 

Mais la première opération à laquelle il eft néceflaire de fonger 
dès à préfent et fans laquelle il eft impoflible de faire aucun ar- 
rangement folide pour la fuite, ni même d'affurer le fervice foit 
de la Cour, foit celui de Paris, c'eft de travailler à la diftribution 
des rôles entre tous les fujets qui doivent compofer la troupe à 
Pâques prochain et de fixer les emplois, autrement il s'en trou- 
veroit qui feroient chargés de trois ou quatre fujets, tandis que 
d'autres n'auroient pas, ainfî qu'il arrive aujourd'hui, un feul 
double; de forte que l'acteur devenant malade, on ne fait plus 
que jouer. 

On ne fe diffimule pas que cette diftribution eft extrêmement 
difficile et qu'elle le deviendra encore plus par la jonction de 
nouveaux fujets; les uns voudroient jouer, ainfi qu'il arrive 
tous les jours, les bons rôles feulement, et il ne fe trouveroit 
perfonne pour les mauvais; d'autres ne voudront pas fouffrir 
que les nouveaux fujets jouent ni les bons ni les mauvais rôles, 
et les premiers feroient des cabales entre eux pour faire naître 
des difficultés toutes les fois que l'on propoferoit au répertoire 
une pièce. 

Cette diftribution eft donc indifpenfable même pour pouvoir 



Appendice. 279 

former les emplois d'un chacun, donner des doubles i ceux qui 
n*en ont point; car il faudroit même engager les auteurs des 
pièces nouvelles Ji donner leurs rôles en double afin d'éviter les 
inconvénients qui peuvent fur\'enir par la maladie d'un acteur 
qui fe trouve chargé feul d'un rôle, de forte qu'une nouveauté 
e(l toujours Ji la veille d'ôcre interrompue au grand détriment des 
fpectacles et même de l'auteur, les reprifes produifant rarement 
autant qu'une pièce qui n'a fouffert aucune interruption. 

Comme ce travail exige des connoilTances et de l'intelligence, 
il faudroit que MelTieurs les premiers gentilshommes de la cham- 
bre eulTcnt la bonté de choifir quatre ou cinq comédiens des plus 
raifonnablcs, fans partialité, qui feroient eux-mêmes le répertoire 
général et la diilribution de la manière la plus convenable pour le 
bien général de la troupe et pour affurcr le fcr\'ice; mais ce travail 
dcviendroit inutile fi Melfieurs les premiers gentilshommes de la 
chambre n'avoient la bonté, après l'avoir approuvé, de le foute- 
nir de toute leur autorité fans égard à aucune repréfentation ni 
protection. C'ert la feule façon de faire le bien de la chofe et 
d'éviter les tracalFeries. 

Voici ce qu'on penfe que MefTieurs les premiers gentilshommes 
de la chambre devroieni ordonner : 

(• Ordonnons aux Comédiens foit italiens, (oit françois, de fe 
mettre incetTamment en état de remplir les rôles qui leur feront 
dcrtinés dans le répertoire général. 

(I Défendons 1 aucun d'eux de fe difpcnfer de jouer les rôles 
de fon emploi qui ne lui plairont pas, mais voulons qu'il les joue 
tous inditréremment, bons ou mauvais, et ordonnons aux doubles 
de fe tenir également prêts pour jouer lefdits rôles; et, le tout 
plus amplement expliqué dans nos règlemens généraux, ordon- 
nons aux fenuiniers d'y tenir la main et de nous en rendre compte 
en cas d'inexécution. 



28o Les Comédiens italiens. 



m Voulons que ceux qui, par néceffité, auroient jufqu'icî joué 
des rôles qui ne feroient pas de leur emploi, les remettent auffitôt 
le répertoire fait à ceux à qui ils devront appartenir, afin qu'ils 
aient à fe tenir prêts. 

« Ordonnons aux Comédiens françois et italiens de s'entr'- 
aider mutuellement dans les différentes pièces où ils pourront 
être utiles. 

« Défendons expreffément à la troupe des Comédiens ita- 
liens de faire jouer et paroître fur leur théâtre aucun fujet qui 
ne foit reçu à part, portion de part, penfion à titre de co- 
médien ou à appointemens, fans en avoir obtenu de nous la 
permiffion. » 

Voilà les principaux articles à faire revivre par un ordre exprès 
de Meflieurs les premiers gentilshommes de la chambre et fur- 
tout l'exécution des règlemens auxquels il eft très-difficile de 
réduire les comédiens. 

Comme on ne peut projeter dans ce moment-ci un arrange- 
ment raifonnable fans avoir la diftribution des pièces et des em- 
plois et que tous les acteurs font indifpenfablement néceffaires 
pendant une année entière pour le fervice et former les nouveaux 
reçus, on fc contentera de préfenter ici Amplement le tableau de 
la diftribution des vingt parts, favoir : 

MM. Deheffe Une part. 

Ciavarelli Une part. 

Rochatt Une part. 

Carlin Une part. 

Balletti Une part. 

Champville Une part. 

Colalto Trois quarts. 

Zanuzzi Trois quarts. 

Lejeune Une part. 

CaiJlot Une part. 



Appendice. 281 



Mlle» Favart Une part. 

Camille Une part. 

Catinon Une part. 

Villette Trois quarts. 

Defglands Trois quarts. 

Pichinelli Une part. 

Bognoli Demi-part. 

Savi Demi-part. 

Neiffel (i) Trois quarts. 

Defchamps (2) Trois quarts. 

MM. La Ruette Trois quarts. 

Clairval Trois quarts. 

Audinot Trois quarts. 



On voit qu'il y auroit dix-neuf parts et trois quarts de diftri- 
bués entre vingt-trois fujets, favoir: huit Italiens pour le préfent, 
et quinze François, chanteurs ou non, ce qui ne feroit pas fuffi- 
fant, vu les deux genres, fi Ton ne prend, comme il eft dit, la 
précaution de former les emplois. Refteroit un quart de part 
vacant pour payer partie des fujets à appoiutemens et qui font 
dans le cas d'être utiles. 

L'on ne peut diflimuler que l'augmentation de cinq parts ne 
diminue le partage du bénéfice d'un quart pour les acteurs actuels, 
car quand la réunion donneroit une augmentation de recette de 
100,000 livres par an à la Comédie, il n'en réfulteroit encore 
aucun bénéfice pour les comédiens , parce que les dépenfes fe 
trouvent néceflairement augmentées. Et, pour donner un exem- 
ple, fuppofons la recette à 100,000 livres d'augmentation. 



(i) De rOpéra-Comiqueoùelle était •ctrice^M^l* Meissel passa en 1762 à la Comédie-Italienne; 
mais elle n'y resta que peu de temps à cause de la jalousie que lui témoignait M** Favart. Elle 
entra alors dans la troupe de comédiens qui était attachée au service du prince de Contiet mourut 
à la 6n d'aoCkt 1792. Elle avait de la grâce, du naturel, du goût et du sentiment ; malheureusement 
sa voix était un peu voilée. 

(a) M^^« Deschamps, ancienne actrice de l'Opéra-Comique, passa en I7é2àla Comédie-Italienne. 
L'une de ses meilleures créations est le r61e de la mère acariâtre dans la Rosiért, ou U Fiî$ i* 
Saîency, comédie en trois actes, de Favart, représentée le 14 décembre 1769. 



282 Les Comédiens italiens. 

Il faut prélever fur ladite fomme de 100,000 livres : 

i* Le quart des pauvres 25,000 livres. 

2° Le bail de TOpéra 22,000 

3» Rente viagère de. M. Cor by 8,000 

4° Rente viagère de Monet 2,000 

50 Loyer de la falle faubourg Saint-Germain. . 2,000 
6° Emprunt 3,000 

Total 62,000 livres. 

Ainfi, fur 100,000 livres, en prélevant 62,000 livres de dépen- 
fes forcées, il refte 38,000 livres qui rentreroient à la mafle, et 
fur cette fomme il faut encore les frais d'auteurs, de décorations 
doubles pour les deux théâtres, habillemens, etc., qui tombent 
à la charge de la fociété. Cet exemple eft donné pour prouver que 
pour foutenir cet établiffement qui a paru flatter MefTieurs les 
premiers gentilshommes de la chambre, il convient de ne pas 
prefcrire de bornes trop étroites à la diverfité de ce fpectacle, de 
même qu'il conviendroit d'en mettre fi l'on s'apercevoit qu'il 
détruisît le Théâtre-François et l'Opéra, malgré les efforts qu'ils 
feroient pour attirer le public. On doit s'attendre que les Comé- 
diens françois, pour excufer leur pareffe, ne manqueront pas de 
publier que c'eft la Comédie-Italienne qui les ruine et ils affecte- 
ront d'oublier qu'ils ont un fpectacle de moins à combattre et ne 
fongeront point à mettre des nouveautés, malgré le grand nom- 
bre de pièces qu'ils ont reçues, comme on Tauroit fait à la Comé- 
die-Italienne fi la réunion n'avoit pas eu lieu. 

L'on penfe qu'il faudroit réferver le tems des foires pour jouer 
des opéras-comiques : i** parce que ce n'eft que fous ce prétexte 
que la Comédie-Italienne ne pourra chanter tous les jours, indiffé- 
remment, en vertu des 20,000 livres qu'elle eft obligée de payer; 
2** c'eft que les opéras-comiques font en bien petit nombre pour 
n'être pas bientôt épuifés fi on les donnoit indifféremment dans 



Appendice. 283 



tous les tems de l'année, au lieu que n'étant donnés qu'à une 
certaine diftance de tems, ils ramèneroient le public furtout dans 
Tété qui eft une faifon morte pour les fpectacles; 3° la Comédie- 
Italienne joueroit fes parodies et pièces de chant certains jours 
de la femaine, comme par le paffé, fans faire tort à la Comédie- 
Françoife ni à l'Opéra. 

Voilà à peu près le plan qu'on a pu fe former pour la Comédie- 
Italienne jufqu'à ce que les acteurs que l'on reçoit foient au fait 
et en état de fervir dans les différens genres. 

Situation générale de la Comédie depuis Vouverture de Pâques 1761 

jufqu*au 1*' février 1762. 

Il y a eu jufqu'au !•' février 261 repréfentations. 

La recette totale forme 289,723* i8» 2^ 

La dépenfe totale 300,462 7 6 

La dépenfe excède la recette de 10,738 94 

Dû aux pauvres 52,552 18 i 

Payé aux pauvres 21,000 » » 

Refte dû aux pauvres 3i»552 18 i 

Total du partage 37>5oo » » 

Partage par parts 2,500 » » 

Montant des anciennes dettes » » » 

A-comptes payés fur les anciennes dettes. . 64,298 13 5 

Redc des anciennes dettes » » » 

Fonds faits par les acteurs » » » 

Les ballets, trop nombreux, étant une occafion de dépenfe 
pour la Comédie et les fujets employant toutes les protections 
imaginables pour y entrer, il conviendroit que Meffieurs les pre- 
miers gentilshommes de Li chambre fixaffent les ballets à huit 
fîgurans et huit figurantes payés et trois fumuméraires de cha- 
cun, lefquels ne danferoient que pour remplacer les malades; les 
ballets feront affez nombreux en y comprenant les premiers dan- 
feurs et premières danfeufes, et leur faire exécuter les règlemens. 



284 Les Comédiens italiens. 

» il * 

Il y a un abus extrême par rapport aux entrées. Il Êiudroit que 
Meffieurs les premiers gentilshommes de la chambre fe fiflent 
rapporter l'état des entrées pour voir fi les raifons qui ont déter- 
miné à accorder une entrée à quelqu'un font fuffifantes. Il con- 
viendroit qu'en général elles fuffent fixées à l'amphithéâtre et 
que le tableau arrêté fût figné de Meffieurs les premiers gentils- 
hommes de la chambre. 

Il s'élève tous les jours des conteflations au fujet des places du 
parterre. Il contient 700 perfonnes. On a vu les gardes françoifes 
fe plaindre des jours où il n'y en avoit que 450 et être très- 
contens d'autres jours où il y en avoit 500; l'on pourroit fixer 
le parterre à toujours 550 au moins. On n'éprouve pas cette 
diflSculté à l'Opéra; on reçoit dans le parterre plus de monde 
qu'il n'en peut contenir, et les gardes ni la police ne fe plaignent 
pas. En général, on pourroit repréfenter que les fentinelles qui 
font dans l'intérieur du fpectacle ne veulent point donner aucun 
fecours pour £dre arranger les fpectateurs, de forte que la Comé- 
die fait une perte réelle par le grand nombre de perfonnes qui 
s'en vont, ne pouvant parvenir à fe faire faire place malgré qu'il 
y en ait. Les fentinelles favorifent ceux qu'elles veulent et les co- 
médiens font fouvent des repréfentations inutiles. Ce feroit à 
Meffieurs les premiers gentilshommes de la chambre à convenir 
de ce qu'ils défirent avec M. le maréchal de Biron. Il convien- 
droit même que les fentinelles, fur la demande du fuiffe, lui prê- 
taflent fecours dans le cas où il ne pourroit fe faire obéir. Conune 
le fuiffe ne peut être à la porte de derrière et à celle de devant, 
à la fortie du fpectacle, et que les domeftiques s'y introduifent 
journellement et font embarras dans les corridors, il Éaudroit 
qu'un des garçons de théâtre fe tint à la porte du corridor après 
le fpectacle pour ne laiffer entrer aucun domeftique. 

Le bien de la Comédie exigeant que les aâEaires foient férieufe- 



Appendice, 28 5 



ment examinées et difcutées avant les aflemblées générales du 
lundi, il feroit important qu'il plût à Meffieurs les premiers gen- 
tilshommes de la chambre de former un comité particulier com- 
pofé de deux anciens acteurs et de deux nouveaux, du premier 
femainier, du caiflier et de l'agent de la Comédie, Icfquels s'af- 
fembleroient tous les jeudis matin pour examiner les affaires qui 
devroient fe traiter à l'aflemblée du lundi fuivant, de même que 
les mémoires des fourniffeurs et ouvriers, projeter les dépenfes 
et payemens , examiner les pièces foit françoifes, foit italiennes 
qu'il conviendroit de mettre au répertoire du lundi pour le plus 
grand avantage de la troupe. Il conviendroit que toutes les per- 
fonnes chargées de quelque diftrict que ce foit, fuffent obligées 
de fe rendre audit comité toutes les fois qu'elles y feroient man- 
dées par billets pour y rendre compte de leur geftion et qu'enfin 
ledit comité fût tenu de remettre à l'intendant des menus un 
extrait figné de toutes les matières qui auroient été arrêtées pour 
être préfentées à l'aflemblée du lundi fuivant. 

Au furplus, ordonner l'exécution des règlemens, ce qu'on ne 
peut fe lafler de répéter. 

(^ÀniivM nûtionahs, O^ 847.) 



XIV 



1762. — Juin. 

Les Comédiens du Roi de la troupe italienne adressent au Lieutenant 
de police leurs plaintes de ce que divers entrepreneurs de spectacles 
forains font représenter sur leurs théâtres des pièces qui appartien- 
nent au répertoire de la Comédien-Italienne, 

Les Comédiens italiens ordinaires du Roi ont déjà eu l'honneur 
de s'adrefler à vous au fujet des entreprifes que font journellement 



286 Les Comédiens italiens. 

fur les fpectacles les nommés Gaudon, Nicolet et autres qui s'ar- 
rogent le droit de jouer fur leurs théâtres des pièces appartenant 
non-feulement à la Comédie- Italienne, et ce en tronquant les 
noms lors des annonces, mais encore des pièces dans le genre de 
rOpéra-Comique. 

La réunion de ce fpectacle s'eft faite à grands frais par lefdits 
comédiens, indépendamment des fommes qu'ils ont été obligés 
de payer aux ci-devant directeurs dudit Opéra-Comique, ils font 
encore chargés de payer annuellement à l'Académie royale de 
mufique 20,000 1. pour avoir le privilège de jouer feuls l'opéra- 
comique dans cette ville. Il n'eft queftion que d'établir le droit 
defdits comédiens, pour vous prouver que l'on ne peut laifTer 
fubfîfter les entreprifes dont ils fe plaignent. 

Par arrêt du Confeil d'État du Roi du 25 août 1749, le privi- 
lége de l'entreprife , direction et adminiftration de l'Académie 
royale de mufique a été réuni à perpétuité au corps de ville de 
Paris. 

Par délibération des fieurs prévôt des marchands et échevins 
de Paris, du 31 décembre 175 1, lefdits fieurs prévôt des marchands 
et échevins ont accordé au fieur Monnet le privilège et le droit 
cxclufif d'établir à Paris, pendant la tenue des foires St-Germain 
et St-Laurent, le fpectacle de l'Opèra-Comique, et il eft dit qu'il 
ne fera permis qu'à lui d'établir ce même fpectacle dans les autres 
villes du royaume, et qu'il ne fera accordé à qui que ce foit, à 
fon préjudice, aucun privilège concernant ce fpectacle; que le 
bureau de la ville empêchera que ce même genre de fpectacle, 
défigné fous le nom d'opéra-comique, puiffe être repréfenté à 
Paris ni ailleurs par quelque autre perfonne que ce foit, non 
plus qu'aucun autre fpectacle public compofé de mufique et de 
danfes foit en vers françois, foit en d'autres langues. 

Ce bail a été fait pour fix années, qui ont commencé le premier 



Appeftdice. 287 

janvier 1752, et a été prorogé pour trois autres années, par déli- 
bération du 5 décembre 17$ S- ^-^ ficurs prévôt des marchands 
et échcvins de Paris, agréés et approuvés par Sa Majefté fuivant 
Tarrci de fon Confeil d'fitat du Roi du 15 mars I7S7, ont con- 
cédé aux fleurs Rebel et Francœur, furintendans de b mufique 
de la chambre du Roi, pendant 30 années ï partir du i'' avril 
de la même année, le privilège de TAcadémie royale de mufique 
pour en jouir de la même manière que la ville en a le droit. 

Le fieur Monnet» par acte pâlie devant Gervais, notaire à Paris, 
le 3 décembre 1757, a cé'dé au fieur Corbi le droit qu'il avoit de 
jouir du privilège de Topéra-comique pour le tems qui reftoit à 
expirer de fa jouillance. 

Par autre acte pafTé devant Baron, notaire à Paris^ le 4 janvier 
1757, les fleurs Rebel et IVancœur ont approuvé la ceflion faite 
par le fieur Monnet au Heur Corbi et en outre ils ont fait audit 
fleur Corbi un nouveau bail pour fix années, à commencer du 
I" janvier 1761, du privilège et droit exclufif d'établir i Paris, 
pendant la tenue des foires de St-Germain et de St-Laurent et 
dans toutes les autres villes du royaume,, le fpectacle de l'opéra- 
comiqueavec promefTe de b part de MM. Rebel et Francœur, 
non-feulement de n'accorder à qui que ce foit aucun autre pri- 
vilège concernant ledit fpectacle, mais même d'empêcher que 
ce genre de fpectacle pût être repréfenté à Paris ni ailleurs pir 
quelque autre perfonne que ce foit. 

Ledit fieur Corbi, par acte paflè devant ledit Baron, notaire, le 
21 février 1762, a cédé aux comédiens italiens le droit qu'il avoit 
de jouir du privilège de l'opéra-comique, et ce pour cinq années 
qui, ï compter du i*' janvier 1762, revoient à expirer du bail 
que lui avoient fait les fieurs Rebel et Francœur, en préfence 
defquels ladite ceifion a été faite. 

Il eil évident, aux termes de ces différens actes, que tous Ipec- 



288 Les Comédiens italiens, 

tacles en mufique et danfes autres que les comédies de l'opéra- 
comique font défendus à Paris ; que la ville et les fleurs Rebel et 
Francœur, qui font fubrogés en fes droits, doivent les empêcher 
fuivant qu'ils s'y font fournis. 

Cependant, comme nous l'avons annoncé au commencement 
de ce mémoire, les nommés Gaudon, Nicolet et autres ont élevé 
chacun un théâtre fur les boulevards, fur lequel ils font repréfen- 
ter journellement des pièces en vers, en profe, des pièces mêlées 
d'ariettes et de chants qui appartiennent à la Comédie-Italienne, 
au moyen du payement fait aux auteurs de leurs droits, et ont 
chacun à leur fpectacle un orcheftre aflez nombreux pour exé- 
cuter les pièces et des danfeurs pour exécuter des ballets. 

Inutilement diront ces particuliers que ce font des pièces que 
l'on ne joue plus à la Comédie ; car, quoique les comédiens ne 
les jouent pas dans ce moment, elles ne leur en appartiennent 
pas moins. Ils les laiflent repofer pour les reprendre dans un autre 
tems, et il en eft beaucoup qui font dans ce cas, que les fleurs 
Nicolet et Gaudon jouent. C'eft une entreprife d'autant plus 
repréhenfible qu'il ne leur eft pas permis de parler même avec la 
pratique qui n'appartient qu'aux marionnettes. 

Le fleur Debar, chargé d'exécuter vos ordres aux fpectacles des 
boulevards pour le maintien de la police, prétend que c'eft vis-à- 
vis de lui que la Comédie doit établir fon droit et traiter cette 
affaire ; que vous l'en avez chargé fpécialement. Elle eft trop de 
conféquence pour les comédiens pour qu'ils puiflTent s'adrefler à 
d'autres qu'à vous. Vous leur avez donné dans tous les tems des 
marques de bonté qui leur font efpérer d'obtenir directement de 
vous, Monfleur, la juftice qui leur eft due, et que, vu le droit qui 
leur appartient de jouer feuls des opéras-comiques et des pièces 
nouvelles mêlées de chants, vous voudrez bien interpofer votre 
autorité pour défendre auxdits fleurs Gaudon, Nicolet et autres. 



Appendice. 289 

de faire déclamer ni chanter Ji leurs fpectacles aucunes piices, et 
les obliger à fe réduire à la pantomime, qui eft la feule chofe qui 
leur foit permife de faire. 



XV 



1763. — 2avTil. 

Les comédiens du roi de la troupe italienne font passer par Vinter- 
midiaire de l'intefuiant des menus plaisirs quelques réclamations 

m 

à Af . le duc de Duras, premier gentilhomme de la chambre. — 
Réponses qu*y fait ce dernier. 

MoKSEIGKEURy 

Les comédiens iulicns font venus ce matin pour me prier de 
vous faire quelques repréfentations au fujet des ordres que je 
leur ai remis de votre part. 

Réponfe : Les comédiens italiens repréf entent beaucoup, obéiffenl 
à regret et tiennent des propos auffi légers qu'indécens fur leurs fu' 
périeurs. Ceux qu'ils ont tenus à leur auberge en fortant de che^ 
moy me font revenus, m'ont fait peu d^imprefjion et ne m'ont prouvé 
que leur étourderie et leur efprit d'indépendance. 

i*" Les comédiens italiens demandent qu'il vous plaifc de leur 
confener encore le fieur Rubiny (1) dont ils difent avoir befoin 
pour jouer dans différentes pièces de M. Goldony, et de plus 
pour lui donner le temps de trouver i fe pbcer en Italie, 

Réponfe : Les comédiens italiens auroient dû remercier le fieur 
Rubini dés l'année paffée ; vous ave^ eu grand tort de fouffrir qu'il 
continuât à jouer cette année. Je vous prie de ne m'en plus parler. 

COM. DC KOI. — 11. 19 



290 Les Comédiens italiens. 

2° La troupe françoife défîreroit que vous leur confervafliez le 
fieur Saint- Aubert (i) et que vous Taugment alliez, attendu qu'il 
trouve i,8oo livres en province. 

Réponfe : Je fuis très-aife que le fieur de Saint-Auhert trouve 
i,8oo livres en province. Il fera très-bien de les accepter. Je ne puis 
le garder ci Paris. Les fieurs Desbrojfes, Lejeune et Lobreau (2) fe 
partageront fes rôles. Les comédiens italiens devroient fe fouvenir 
qu'ils Vont reçu fans nojlre aveu, et je vous charge nommément, 
Monfieur, d'empêcher que pareille chofe arrive une autrefois. 

3° M. Lejeune demande la confervation de madame Lejeune 
pour danfer, attendu que fi elle étoit deux ans fans danfer, elle 
perdroit alors tout fon talent, et que le fieur Lejeune et ellepour- 
roient fe trouver alors embarraflTés. 

Réponfe : Je fuis étonné que le fieur Lejeune faffe une pareille 
demande, il devroit fe fouvenir de la convention qu'il avoit faite 
avec M. d'Aumont. 

4° M"* Camille a l'honneur de vous repréfenter que vous l'avez 
mife fur l'état comme première danfeufe, elle y confent avec 
grand plaifir, mais elle obferve en môme temps qu'elle eft fujette 
à une maladie de femme qui peut l'empêcher quelquefois de 
pouvoir exécuter vos ordres aufli ponctuellement qu'elle le défi- 
reroit ; elle efpère que vous voudrés bien ne pas douter de toute 
l'envie qu'elle a de fe rendre utile. 

Réponfe : fe n exige rien au delà des pouvoirs de mademoifelle 
Camille et je fuis aujji perfuadé de fon :(èle et de fa bonne volonté 
que de fes talens. 



(i) Ce Saint-Aubert chantait dans les opéras comiques. Il avait débuté en 1762 et fut congédié 
en 1763. 

(2) Lobreau, ancien acteur de la troupe de Lyon, débuta k la Comédie-Italienne, le 2 mars 1765, 
par les rôles du prince dans Ninettt d la cour, parodie de Favart, et du musicien dans le Magasin 
des modernes de Panard. Il joua ensuite dans le Peintre amoureux de son modèle, paroles d'An- 
seaume, musique de Duni, et dans le Maître de musique, parodie en deux actes, de Baurans, et 
fut reçu & demi-part. 



Appendice. 291 

5* Le ficur Sa\7, jouant les rôles de Docteur, et qui eft aux 
appoiniemens de 2,000 livres, et pour lequel vous n'avés pas 
fait mention des jettons, vous fupplie de vouloir bien les lui 
accorder. 

Réponfe : Le fieur Savi jouira des fnimes avantages que les autres 
acteurs reçus aux appointemens. 

6** M. Carlin m'a chargé d'avoir l'honneur de vous repréfentcr 
qu'il ne peut regarder comme une grlcc perfonnelle Ik lui les 
2,200 livres et les jettons accordés cette année à fa femme vu 
le retranchement qu'il vous a plu de faire des feux, manfes do- 
meiliques. Il confent que fa femme joue et danfc pour rien 
fi elle efl utile à la Comédie, mais il ne veut pas qu'elle foit 
coniprife dans l'état, ni qu'elle foit payée. 

Réponfe : Je ne puis croire que le fieur Carlin ait riflichi quand 
il a refufé le traitement que j'ai arrangé pour fa femme, fay cru 
devoir la mettre à portée de fe former ; s'il ne veut pas accepter Par- 
rangement que je luy ai propofé, il eft bien le maître, mais je ne puis 
tty ne veux me prefter à fa propofition, 

7'* M. Rochard ne confent point, dit-on, à l'arrangement que 
vous avés fait relativement ï fes créanciers, il eft à craindre qu*il 
ne rcfte point ; dans ce cas je vous fupplie de vouloir bien me 
donner vos ordres. 

Réponfe : Le fieur Rochard exécutera ce que j'ay arrangé pour 
lui ou je difpoferai de fon employ. 

8" Madame La Ruette a dit à la Comé*die que vous lui aviés 
accordé (à part en confîdération du peu de fen'ice qu'elle avoit 
fait à la cour dans les opéras. J'ai cru devoir défabufer fes cama- 
rades en leur difant que vous ne lui aviés accordé cette augmen- 
tation que parce que vous avés cru qu'elle le méritoit par fon 
travail et qu'elle continueroit à la mériter par la fuite. 

Réponfe : Ce nefl point pour le fcrvice de la cour que fai donni 



292 Les Comédiens italiens. 

la part entière à madame La Ruette, c'eft à fes talens, àfon utilité 
et à Vef pitance que fay qu'tlle travaillera ajffiduement que je luy ai 
accordé. 

9° Les comédiens m'ont auffi parlé de la gratiflBcation que 
vous avés accordée, Monfeigneur, aux ûeurs Caillot, Clairval, 
La Ruette et la demoifelle Defchamps, difant que c'étoit prendre 
leur propre bien en difpofant ainfi d'une partie du féqueftre. Je 
leur ai repréfenté que les comédiens françois , loin de réclamer 
contre les difpofitions faites par meffieurs les premiers gentils- 
hoiïimes de la chambre en pareil cas, avoient toujours reçu avec 
reconnoiflance et refpect vos difpofitions tendantes au bien du 
fervice et à exciter parmi eux l'émulation. 

Voilà, Monfeigneur, les principales chofes fur lefquelles je vous 
fupplie de vouloir bien me donner vos ordres. 

Réponfe : Si je ne connoiffois l'efprit de révolte et d'infubordina- 
tion qui règne parmy les comédiens italiens et fomenté par quelques 
brouillons que je connois aujfi, je vous avoue que je ferais auffi choc- 
que quefurpris de leurs propos fur Us gratifications accordées fur le 
féqueftre. Qu'ils fâchent une fois pour toutes que je ne leur dois 
aucun compte, que fay bien voulu entrer dans le détail cette fois-cy 
et que je fairay leur bien malgré eux en remettant V émulation, la 
docilité et l'ordre dans leurs affaires. 

Le Duc DE Duras. 



Je fuis avec refpect, Monfeigneur, votre très-humble et très- 
obéiflant ferviteur. 



Signé : De La Ferté. 



A Paris, ce 2 avril 1763. 

(Arebiws nationales, O*, 846^. 



Appendice. 293 



XVI 



1768. — Décembre. 

Représentations adressées aux premiers gentilshommes de la chambre 
par les acteurs du genre français de la Comédie-Italienne, relati- 
vement à la suppression projetée des pièces françaises. 

Nofleigneurs, 

Les acteurs de la Comédie-Italienne deftinés principalement 
aux rôles des pièces françoifes, juftement alarmés par la crainte 
de leur ruine prochaine, ofent expofer avec un profond refpect, à 
Vos Grandeurs, quelques réflexions, foit pour le bien général du 
Théâtre-Italien, foit pour implorer vos bontés et réclamer votre 
juftice pour eux en particulier, en vous faifant connoître la trifte 
fituation à laquelle ils feroient réduits, s'ils avoient le malheur de 
perdre leur état. 

L'on a reconnu la néceflité de plufîeurs fpectacles dans la ville 
de Paris, et fingulièrement de deux troupes de comédiens fran- 
çois, ou par rapport au nombre de fes habitans, ou pour exciter 
dans ces deux troupes l'émulation toujours avantageufe aux plai- 
fîrs du public; elles n'ont jamais été nuifibles l'une à l'autre, 
toutes les fois qu'elles ont donné en même temps des pièces re- 
connues bonnes, où les acteurs fe font efforcés de faire paroître 
leurs talens ; leurs falles de fpectacles ont été également remplies; 
la confervation de l'une et de l'autre de ces deux troupes paroît 
donc utile. 

Le Théâtre-François, muni d'un fond prefque înépuifable, n'a 
befoin pour fe fou tenir que du travail et du talent de fes acteurs; 
il n'en eft pas de même du Théâtre-Italien qui n'a exifté, jufqu'à 
préfent, que par les reflburces que Vos Grandeurs lui ont pro- 



294 Les Comédiens italiens. 

curées. L'inftant de fon rétabliflement, en 1716, a été fuivi pen- 
dant quelque temps du plus grand éclat; la nouveauté a toujours 
flatté, mais elle eft fouvent de peu de durée lorfqu'elle n'a pas un 
fond folide. A peine deux années s'étoient-elles écoulées, que 
tout cet éclat avoit difparu et les acteurs italiens étoient fur le 
point de s'en retourner, fi vous ne leur aviez permis de jouer des 
comédies françoifes qui, entremêlées avec des pièces italiennes et 
des parodies, ont aidé à les faire fubfifter. Les repréfentations de 
ces dernières ont été fufpendues pendant quelque temps à la fol- 
licitation des acteurs de la Comédie-Françoife, mais vous leur en 
avez accordé de nouveau la permiffion afin de pouvoir conferver 
leur théâtre et vous avez cru également néceflaire d'y admettre 
des acteurs qui ne fuflent pas nés. en Italie, tels que les fieurs Ro- 
chard, Dehefle, Lejeune, Caillot, Champville, les dames Favart, 
Rivière, Carlin, Bognoli; alors les meilleurs auteurs françois ont 
travaillé pour ce théâtre : plufieurs pièces y ont réuffi et ont 
formé un fond confidérable. 

Ce Théâtre-Italien s'eft ainfi fou tenu jufqu'en l'année 1760, 
mais avec des recettes inégales. Les comédiens italiens fe trou- 
vèrent alors endettés par rapport avec cette inégalité et encore plus 
par rapport aux événemens qui leur étoient furvenus, et finguliè- 
rement les reconftructions qui étoient à faire dans leur falle. Les 
pièces françoifes, telles que les Sultanes (i), les Caquets (2), An- 
nette et Lubin (3), jointes aux pièces italiennes du fieur Goldoni, 
qui furent repréfentées cette même année et la fuivante, rendirent 
les recettes plus abondantes qu'elles n'avoient été jufqu'alors. 

Les comédiens italiens avoient acquitté une partie de leurs 
dettes lorfqu'en l'année 1762, l'opéra-comique a été joint à leur 



(i) Soliman II, ou Us Sultanes, comédie en trois actes, en vers, par Favart, musique de Gibert. 

(2) Les Caquets, comédie en trois actes, en prose, par Riccoboni fils. 

(3) Annetie et Lubin, comédie en un acte, par M»»* Favart et L... 



AppendUe. 295 

fpcctacic. Cette réunion a été confidérée comme une troifièmc 
branche pour fcnir ii*appui à leur théâtre; les pièces italiennes 
faifoient la première, les pièces françoifes, mêlées pour la plupart 
de ballets agréables et d'autres af^rémens^ différentes en ce point 
et hors de la clafle des pièces du théâtre de la nation, formoient 
la deuxième branche, enfin les opéras-comiques et les parodies en 
étoient la troilîème. Le même goût pour b nouveauté a donné 
lieu à un nouveau fuccès, mais comme ce genre ne peut aifément 
fe multiplier fans fe répéter, cinq ou flx bons ouvrages de cette 
efpèce, dont la plus grande partie eft déjà ufée, en forment tout 
le fond. Le fuccès même en appartient autant aux talens fupé- 
rieurs des acteurs qui y chantent, qu*â la nature des pièces en elles- 
mêmes. Que quelqu'un de ces acteurs, accueiUis par le public, 
vienne \ manquer, toutes ces fortes de pièces deviendront inutiles; 
il en fera de même fi l'on en fait un ufage trop fréquent pour 
tâcher de forcer les recettes. On en trouve déjà la preuve en com- 
parant ces mêmes recettes les unes aux autres ; on voit qu'elles 
ont diminué tous les ans, en forte que celle de l'année dernière 
a été plus faible que celle de l'année qui l'a précédée, et ce d'une 
fomme de 80,000 livres, nonobilant les nouveautés, Toinon et 
Toinette (i), V Aveugle de Palmyre (2), les Femmes et le fecret{})^ 
Vljle fonnanU (4) et les Moijfonneurs (5); mais, on le répète, ce 
genre eA borné et ne peut pas aifément fe multiplier. 

Ces obfen'ations fondées fur l'expérience font connoitrc qu'il 
paroit de la plus grande importance, pour foutenir le Théitre-Iu- 
lien, de ménager avec beaucoup d'économie les pièces à ariettes 

' '\ Tt***m 01 T*»m«m, tam*Àt9 en Jrut Mftt mkU* J*An«ifM. p«rolt»icDc«Koalai«n,ma«i^vt 
«Je (j •••«■.. 
f j> t'Jrrmf!* d» Fstm^rf, cc»«<«|i« ciiJcui Mict, miltt 4'Anrftrt, fAroU« Je DttfoauwMrt, m«* 

(\) I." / tmmêi ttÏ4 m^fi, coaéjie ca un Mtc. »4U« J'ârictir*, p«roUt 4* Qurtaaf, aaM^u* 
4ff V».Sv»ii. 

(|t l'Hf '•«*«•!#. c(«<»«ii« en fr(»i«Artct, mê\é9 i*«n«iiff, ftr Cul!i, Muai^tt» iw l|'>««-r^T- 



296 Les Comédiens italiens. 

pour ne pas ufer entièrement le goût du public à cet égard, en les 
mêlant avec des pièces italiennes et françoifes. 

On a déjà éprouvé plufieurs fois le plaifir que le public a trouvé 
dans ce mélange, et l'on a reconnu que plufieurs repréfentatîons 
de trois opéras-comiques en un même jour n'ont pas produit des 
recettes plus abondantes que celles de quelques pièces françoifes, 
telles que VÉcole des femmes (i), auxquelles on a joint un feul 
opéra-comique. Qu'il furvienne donc le moindre échec aux pièces 
de chant, le Théâtre-Italien, privé de fes pièces françoifes, fera fans 
reflburces, au lieu que dans cette circonftance le public reverrait 
avec plaifir : Timon (2), YEmharras des richeffes (3), les Talens 
à la mode (4), la Vie eft unfonge (5), et toutes les autres pièces 
qui, foutenues par le mérite réel de leurs auteurs, tels que les Ma- 
rivaux, de Boifly, de Sainte-Foy et autres de cette réputation, ne 
craignent pas les événemens de la frivolité. Les camarades cban- 
tans le reconnoiffent fi bien eux-mêmes qu'ils demandent tous 
les jours du fecours dans le genre françois, ainfi que les Italiens 
le font pareillement dans le cas de quelque indifpofition ou des 
voyages pour le fervice de la cour. Ce font les réflexions générales 
que les fupplians foumettent, Nofleigneurs, à l'étendue et à la 
fupériorité de vos lumières ; mais quelle que foit votre décifion à 
cet égard, daignez jeter un coup d'œil fur eux en particulier. Ils 
fe flattent que les fentimens de bonté que vous avez fait éclater 
de tout temps en leur faveur en leur donnant un état, fe joindront 
aux fentimens d'équité qui font inféparables de vous-mêmes, en 
le leur confervant. 



(i) La Nouvelle École des femmes, comédie en trois actes, en prose, par Moissy. 
(a) Timon le misanthrope, comédie en trois actes, en prose, avec un divertissement, par de Lisle. 
()) L'Embarras des richesses, comédie en trois actes, en prose, de Dalainville, avec un divertisse- 
ment de Panard. 

(4) L€s Talents d la mode, comédie en trois actes et en vers libres, avec un divertissement, par 
Boissy. 

($) La Fie est un songe, tragi-comédie en trois actes, en vers, par Boissy. 



Appendice. 297 

Quelle afTreufe pofition feroit celle des fupplians s*ils ètoient 
privés de ce même état ! quel terrible avenir I quelles reflburces 
pour eux ? La dame Rivière, l'une d'entre eux, a confacré Tes joun 
dès fon enfance pour l'utilité du Théâtre-Iulien ; elle les a paflib 
dans un travail aflîdu pour réunir diflférens talens, h danfc et la 
comédie, qui lui ont mérité les applaudiflemens du public. C'cft 
dans le moment qu'elle commence i jouir du fruit de fes travaux 
qu'elle fe verroit réduite dans le néant et devenir, fans qu'on lui 
puifle rien reprocher, b victime d*un goût paflager, qu'un inftint 
a fait naiire et qu'un inAant peut détruire. La dame Cariin a éga- 
lement facrifié fon enfance et fa jeunefle à ce Théâtre; le mime 
travail lui a acquis pareillement différens talens, b danfe, b co* 
mcdie; elle n'a commencé ï jouir du fruit de fes tra\'aux qu'en 
Tannée 1 766 qu'il lui a été accordé une demi-part. Le produit des 
deux années qu'elle a reçu n'a pas fuffi, i beaucoup près, pour lui 
fournir les habits que fon emploi a exigés et i achever le payement 
de fon fonds (i). Enfin, le point de vue d'un état qui paroiflbit 
certain a contribué au choix du fieur Carlin en fa bveur; il pou- 
voit lui tenir lieu de dot. Quelle douleur pour lui, après un fer- 
vice de vingt-huit années, de voir fa femme privée de fon eut 
fans s*étre mife dans le cas de mériter aucun reproche de b part 
de fes fupérieurs ! Ce trifte ubleau, Nofleigneurs, cA le même 
pour les autres acteurs detlinés, dans la troupe des comédiens iu- 
liens, aux rôles françois. Privés de leur eut après avoir confacré 
leur jeunelfe au théâtre auquel il a plu â Vos Grandeurs de les 
admettre, â quoi pourroient-ils fe delliner? quelle autre carrière 
lair feroit-elle ouverte et, chargés, pour b plupan, de famille, 
quelle feroit lair reflburce pour l'éle^-er et la foutenir? C'eft dans 
de pareilles circonllances, Koflcigneurs, que votre juAice a tou- 
jours cclaté. Les temps changent; l'âge, qui altère les traits, rend 

(I) C*tt«-è*4irt là iMiflM ^«t clU4|«« «MMitAirt ét^étt ééf mf A U «mm lM«4t u iM<f<i— . 



298 Les Comédiens italiens. 

fouvent un acteur incapable des rôles dans lefquels il avoit le plus 
réufC dans fa jeunefley tels que ceux d'amoureux, parce que la 
fiction devant imiter la nature, les grâces de la figure doivent fe 
joindre à l'expreflion; mais ces événemens, inévitable ouvrage 
du temps, n'ont jamais été funeftes à l'acteur lorfqu'il n'avoît 
pas démérité d'ailleurs. Vous avez feulement changé la nature de 
fon emploi. On trouve, à cet égard, des exemples tout récens 
de votre bonté envers le fieur Grandval et la dame Drouin au 
Théâtre-François. L'un joue à- préfent les rôles de pères ou de 
caractères, l'autre ceux de mères ou pareillement de caraaères, 
après avoir été deftinés auparavant, l'un et l'autre avec le plus 
grand fuccès, à des emplois tout difFérens. 

Les fupplians ne font pas bornés aux feules pièces françoifes. 
Les ouvrages mêlés d'ariettes ont quelquefois des rôles conféquens 
même pour fervir à la liaifon des fcènes; ces ouvrages font d'ail- 
leurs fufceptibles de ballets et d'autres omemens ; ils y font tous 
employés, ils le font également dans un nombre d'autres pièces. 
Le fieur Dehefie joue dans beaucoup de pièces de chant des rôles 
faits uniquement pour lui, quoiqu'il ne chante point. Le fieur 
Lejeune, fans compter le françois, joue et chante dans VÉcole de 
lajeunejfe (i), le Diable à quatre (2), le Roi et le Fermier {'i), Ni^ 
nette à la cour (4), Vljle des foux (5), Sancho (6), la Fille mal 
gardée (7), le Trompeur trompé (8), Annette (9), le Bûcheron (10), 



(i) L'École dt la jeunesse, comédie en trois actes et en vers, m£lée J'ariettes, par Anseaume, mu- 
sique de Duni. 

(2) Le Diable à quatre, opéra comique de Sedaine, avec des ariettes parodiées. 

(3) Le Roi et le fermier, comédie en trois actes, mêlée d'ariettes, par Sedaine, musique de Monsigny. 

(4) Ninetie d la cour, parodie en trois actes, par Favart, remise plus tard en deux actes. 

(s) L'Ile des fous, comédie en deux actes, mêlée d'ariettes, par Anseaume, musique de Duni. 

(6) Sancho-Pança dans son iU, par Poinsinet, musique de Philidor. 

(7) La Fille mal gardée, parodie par Favart, musique de Duni. 

(8) Le Trompeur trompé, opéra comique de Vadé. 

(9) Annette et Luhin, comédie en un acte, de M»* Favart et L... 

(10) Le Bûcheron, ou les Trois Souhaits, comédie en un acte, mêlée d'ariettes, par Castet et Gui- 
chard, musique de Philidor. 



Appendice. 299 

le CaJi (i), la Nouvelle Troupe (2), fans compter les parodies 
où les fupplians font tous utiles. Il efl donc de votre juftice et de 
votre bonté de leur conferver leur état, puifque d'un côté ils ne 
cefTeront pas de s'en fervir, et que, d'un autre côté, ils fe trou- 
veront réfervés pour les circonftances où les pièces françoifes 
deviendroient indifpenfablement néceflTaires pour foutenir le 
ThéAcre-Italien; vous pourrez aufll, Nofleigneurs, jouir du plaifir 
il fenfible de conferN-er votre ouvrage et de la fatisfaction de ne 
pas priver de leur eut des acteurs qui ne penfent pas avoir rien 
à fe reprocher envers leurs fupérieurs. 



XVII 



1771. — 18 août. 

Règlement pour les entrées sur la scène et dans les coulisses 

de la Comédie-Italienne. 

Sur le compte rendu k mefTieurs les premiers gentilshommes 
de la chambre, de l'abus qui s'eft introduit i la Comédie-Italienne 
malgré les ordres précis du Roi et les règlemens faits en confé- 
quence, de laifler erttrer fur le théâtre et dans les coulifles, pen- 
dant h repréfentation des pièces ou des ballets» des perfonnes 
étrangères au fervice et i b repréfentation des pièces ou des bal- 
lets, abus dont les femainiers font particulièrement répréhenfibles; 
il leur eft enjoint de faire une aflemblée générale de b troupe pour 
notifier à leurs camarades de ne faire entrer fur le théâtre aucune 



( r ) 1^ r^fi é»f4', of4rê <oai^«« 4t Lmonawr, a««if«t 4t Mo««if«y. 



300 Les Comédiens italiens. 



perfonne étrangère^ à la réferve d'un dome(tique dans le cas de 
néceffité abfolue et reconnue par lefdits femainiers, lefquels do- 
meftîques fe tiendront hors des couMes et derrière le théâtre, fous 
peine de 36 livres d'amende pour celui ou celle qui auroit fait en* 
trer quelqu^un, lequel fera indépendamment renvoyé du théâtre 
par les femainiers. Et dans le cas où ils auroient négligé d'impo- 
fer ladite amende et de faire fortir du théâtre, ils feront eux-mêmes 
condamnés à 100 livres d'amende qui fera prife fur leur part. 
L'intention des fupérieurs étant que les auteurs jouilTent toujours 
de leurs entrées fur le théâtre comme par Iç paflTé, c'eft-à-dire 
pendant la repréfentation de leurs pièces feulement. Il eft égale- 
ment défendu aux femainiers de permettre, fous aucun prétexte, 
qu'il foit apporté fur le théâtre ou dans les coulifles, aucune chaifc 
ou tabouret, excepté pour les actrices qui jouent dans lefpectacle 
du jour et leurs doubles. Quant à celles qui ne joueront pas en 
premier, foit en double, elles fe placeront de manière à ne point 
gêner le fervice, et du tout elles en doivent ufer modérément pour 
ne pas gâter l'illufiondu fpectacle et furtout éviter de fe faire voir 
au dehors des coulifles. La banquette qui eft proche du foyer de- 
vant être réfervée, au furplus» pour les acteurs et actrices jouant 
la comédie et non pour d'autres. 

A l'égard des danfeurs et danfeufes, les femainiers leur noti- 
fieront, dans une aflemblée générale qu'ils convoqueront à cet 
effet, la défenfe expreffe de faire defcendre aucun de leurs parens, 
ni aucun de leurs domeftiques fur le théâtre, et de paroitre elles- 
mêmes dans les couliffes, fous quelque prétexte que ce foit, fous 
peine de 12 livres d'amende et d'être remerciées en cas de récidive, 
ce dont les femainiers feront également refponfables par 100 livres 
d'amende. Et, comme il eft naturel de procurer cependant aux 
danfeurs et aux danfeufes le plaifir de voir quelquefois jouer la 
comédie, les femainiers conviendront du nombre que l'on peut 



Appendiu. 301 

Lûflcr encrer, ï chaque reprcfenution, ï tour de rôle, à Tamphi- 
théâtre y où elles paroitront fans ctre avec leurs habits de dan- 
fcufes (i)» et ils enjoindront au fuifle d*étrc plus exact à l'avenir 
ï ne UiiTer perfonne s'introduire audit théâtre et de s'informer 
lies femainiers des auteurs qui pourront entrer le jour de U re- 
préfentation des pièces. 

Et pour que le préfent ordre ne deoieure pas fans effet et qu'il 
ne s'iniroduife pas des abus à ce fujet, de nouveau il leur e(l or- 
donné de rendre compte chaque femaine de ce qui fe fera paffé 
c: notamment des aflfemblées qu'ils auront tenues pour indruire 
tous les fujcts atuchés à leur fpectade. 

A Paris, ce i8* août 1771. 

Signé : De La Ferté. 



{àuhftt —tUméUê, O*, M) 



XVIII 



1772 



Mémoire sur la situalion de la Comidie-Italienne. 

S'il eil eiïentiel pour les plaifirs du public qu'il y ait dans Paris 
plufieurs théitres, il eft important pour l'honneur du prince et de 
U nation de maintenir dans cette capitale le feul fpecude étran- 



(1) Cviu f«r«iwtoa •■« 4«ai«ai«« At t — fut à PâafkHliAltrt «« liakitt i» «iIU était «•• 
Ufctff Ait«ttit«tM>a J'uB Offert ué% ngomn^M pf wlf éit «•• a«f«n»v«M <i ft l«^««l d U«r 
f.éti inttfJtt À'mtvff au{uat flMt è râM^MWItr«, «ont ^««l^ut fréuiu ^«c <« f&t- Ctttt ta* 
ttrJutiun foratll* Aqsaa l»«ii, à l'tf^^iM oè «U» imt <a«a««« A «•• tttmm fJMM«U racest** •• cat 

terme* fêf F«««M • La irmoilfUc ma M, It aoai mê mt rcTwai f«t . ■«!■ cooiwc Boa 

b«aut«* cakrivlaJim iê tn€*mhUm% ftti%i»9 <«»Ma fét Ita Mfliwri. •• HMiira U mtùm %u* Tani 
«ouJr« te fovfff *««»r« re aiflt . M. Jt La Ftn«, a«tt«r At cet orJra, frtfiioii a« aiWa 4*«a 
(cr^U auakrcu». L4 4«aaiitil«, iomi «flotMr, fafca U la«l« «i «ia»i h* fwiwt aat | a>aiia 4t tlm» 
truJaat Jrt menu* • Ah ' Htnifcifactir, iual«i-to«i ^uf f9 aitura à* f tiM ^ Ea ait ëéltaiaat 
I rniia« Jtrâmpkitbaiirt. n>va m'àntâ l« paM «1 U viaaîiu 4« U Maiaf «Tastla i — 4a a Wax— f 
•rrUuJi • k««tc aaivaia . aau i«i av«a éKtrv a'aaroM faa c«if4(liA la fuffliaaia THn (liaflï« A 
faa fffota«i«ur» a'atmcat puU f««r alla. • (C£«av«f 4» M. et M»» fmmrii Fana. If iaa DMk», 

r M») 



302 Les Comédiens italiens. 



ger quî, après avoir pendant fi longtemps amufé la cour et la ville, 
fe voit aujourd'hui à la veille de fa perte. Pour mettre fous les 
yeux de Noffeigneurs les premiers gentilshommes de la chambre 
la fituation actuelle de la Comédie-Italienne, on fe trouve dans 
la néceflité d'entrer dans des détails un peu longs, mais qui font 
d'autant plus indifpenfables qu'ils ne contiennent que des vérités 
inconteftables dont la connoiflance leur parviendroit peut-être 
trop tard. 

Trois queftions feront le fujet de ce mémoire : 

1° Les comédiens italiens, en achetant le privilège de l'opéra- 
comique, ont-ils acquis un genre de plus à leur théâtre ? 

2° S'ils n'ont pas acquis un genre de plus, ont-ils entendu leurs 
véritables intérêts en demandant la fuppreffion des comédies 
françoifes ? 

3° La Comédie-Italienne peut-elle fefoutenir encore longtemps 
avec le feul fecours des pièces de chant? 

Avant de réfoudre ces trois queftions, on croit devoir jeter un 
coup d'œil fur les progrès de ce théâtre depuis fon rétabliflement 
en France jufques en l'année 1760. 

La troupe des comédiens italiens qui fubfifte encore aujour- 
d'hui fut attirée en France par feu Monfeigneur le Régent : elle 
étoit alors excellente et cependant elle fut fur le point de s'en re- 
tourner au bout d'un an, faute de pouvoir fubfifter par elle-même. 
Ce ne fut que par les bontés de ce prince et par les repréfentations 
de plufieurs comédies françoifes qu'elle parvint à fe fixer à Paris. 

Après la mort de Monfeigneur le Régent, Noffeigneurs les pre- 
miers gentilshommes de la chambre, fentant comme lui la nécef- 
fité d'entretenir plufieurs fpectacles dans la capitale, prirent cette 
troupe fous leur protection et lui donnèrent dans toutes les occa- 
fions des marques éclatantes de leurs bontés. Non-feulement ils 
permirent aux acteurs italiens de parler françois, mais encore ils 



Appendice. 303 

rcvurcnt dans U troupe pluficurs acteurs françois qui l*ont foute* 
nue jufqu'à préfent. 

Ce n*cft point fans avoir efluyé nombre de crifcs terribles que 
les comédiens iuliens fe font maintenus fi lonf^tcms à Paris. 
Tantôt fuivis avec une efpèce de fureur, excitant Tenvie et la jalou- 
fie des autres théâtres, chicanés fur le françois, inquiétés fur te 
chant, tourmentés pour les ballets; tantôt abandonnés totalement 
et jouifTant alors paifiblement de leur mifere, ils peuvent dire avec 
vérité que ce n efl qu*l leur confbmce, ï leur zèle et à leurs efforts 
qu'ils doivent leur exiftence et les différens retours du public & 
leur fpectacle : jamais enfin théltre n'a auunt éprouvé de vicif- 
fitudes que le leur. Cependant, grâce aux bontés de leurs fupè- 
rieurs et aux repréfentations de plus de deux cents pièces, tant 
comédies françoifes que parodies ou pièces de chant, fans compter 
les ballets, ils fe font foutenus pendant quarante-quatre années, 
c*etVâ-dire depuis 17 16 jufques en l'année 1760, qui fut une 
époque remarquable et 1 bquelle on commença 1 fuivre attenti- 
vement la marche de la troupe pour pouvoir réfoudre les trois 
quefiions propofécs. 

Première queftion : Les comédiens italiens, en achetant le 
privilège de l'opéra-comique, ont-ils acquis un genre de plus ï 
leur théâtre ? 

Hn l'année 1760, les comédiens iuliens éuient endettés de plus 
de quatre cent mille livres. Pour comble de malheur, b falle où 
ils repréfentoient, tombant en ruine, ils furent obligés d'en faire 
reconftruire l'intérieur, ce qui ne laifla pas d'augmenter encore 
leurs dettes. 

Ils allèrent jouer au boulevard. Le changement de lieu et les 
débuts de M. Lejeune et de M. Caillot leur attirèrent tout Paris. 
Ils revinrent enfuite dans leur falle qu'ils avoient fait reconftruire, 
les embelliflemcns qu'ik y avoient faits funmt encore une nou- 



304 Les Comédiens italiens. 

veauté qui, jointe aux nouvelles pièces qu'ils y donnèrent, fixa la 
curiofité du public au point que cette année fut une des plus bril- 
lantes pour la recette. 

L'année fuivante, 1 761, le fut encore davantage par l'accroif^ 
fement des fuccès de M. Caillot, par l'acquiûtion que l'on fît de 
M°" La Ruette et de M"*^ Collet et par la quantité de nouveautés 
que l'on donna, telles que les Sultanes (1), les Caquets (2), Sancho^ 
Pança (3), Annette et Lubin (4), etc., qui toutes eurent une 
grande réuffite. On remarquera néanmoins que l'opéra-comique 
exiftoit alors aux foires St-Germain et St-Laurent et que, malgré 
cela, les comédiens italiens acquittèrent cette année une partie de 
leurs dettes; il eft vrai que leurs frais ne montoient pas à 18,000 
livres par mois. 

Ce fut dans ces circonftances, qu'il ne faut pas perdre de vue 
puifqu'elles méritent la plus grande attention, qu'au mois de fé- 
vrier 1762, tems où l'on voit que les affaires de la troupe prenoient 
une face plus riante, tems où elle venoit de faire Tacquifition de 
quatre fujets pleins de talens, tems où elle donnoit les premières 
repréfentations à* Annette et Lubin, tems enfin où le Théâtre-Ita- 
lien étoit le fpectacle de Paris le plus varié et le plus agréable , 
que les comédiens achetèrent le privilège de l'opéra-comique. Ils 
payèrent comptant 54,000 livres, ils firent de grofles penfions aux 
entrepreneurs, ils fe rendirent tributaires de l'Académie royale de 
mufique; ils perdirent par là le droit de chanter fans payer et 
leurs frais montèrent à 15,000 livres de plus tous les mois. 

Ils fe hâtèrent de faire démolir la falle de la foire St-Laurent 
et la foire St-Laurent tomba. On crut avoir gagné beaucoup en 
détruifant un théâtre dont quelques comédiens avoient la peti- 



(x) Soliman II, ou Us Sultanes, comédie en trois actes, en vers, par Favart. 
(a) Comédie en trois actes, en prose, par Riccoboni fils. 

(3) Saneho-Pança dans son iîe, par Poinsinet, musique de Pbilidor. 

(4) Comédie en un acte, par Mna* Favart et L... 



Appendice, 303 

tclTc d'iirc jaloux ; mais pcrfonnc vcriiahlcnicnt ne gagna i cela 
que le fleur Nicolet dont le fpectacle acquit en peu Je tems beau- 
coup plus de confiftance et de confidération. 

Si les Comédiens italiens n'avoient pas eu le droit de chanter 
et qu'en achetant le privilège de ropéra-comique ils euflent ac- 
quis le droit de donner des pièces de chant, la fpéculation étoit 
bonne puifque par elle on augmentoit les moyens de groffir les 
recettes ; mais les Comédiens italiens chantoieni. Si, d'un autre 
côté, rOpéra-Comiquc eût apporté à la Comédie-Italienne un 
afTez grand nombre de pièces pour former un genre nouveau, 
Tacquifition pouvoit être de quelque reflburce; mais rOpéra-Co- 
mique n'a apporté, pour tout fonds, que cinq ou fix pièces qu'il 
avoit ufées pendant les foires. On ne parle pas des pièces en vau- 
devilles, puifque depuis dix ans, on n*en a remis que trois qui 
n'ont produit aucun effet. La Comédie-Italienne pofTêdoit plus 
de vingt-cinq pièces de chant qu'elle pouvoit jouer fans payer de 
rétribution i l'Opéra; M"* Favart, M** Laruette, M'** Collet, 
.M. Rochard, M. Chamville, M. Lejeune et, par-deflus tout, 
M. Caillot, lesfaifoient valoir. Qu'achetoient donc les Comédiens 
italiens dans le privilège de l'opéra-comique ? Ce n*étoient point 
des fuccès. Ils en avoient autant qu'on en peut avoir, car ce n'eft 
pv)int J^ ce privilège que font dues les réuiïites brillantes de b 
nouvelle troupe, de Vljle des fotac (i), lïAnnette et Luhin (2), et 
de tant d'autres pièces : ce n'efl qu'aux talens de M. Caillot, et 
.M. Caillot étoit comédien italien avant Tacquifition de ropéra- 
comique. 

On ne prétend pas dire non plus que cette acquifition dut dimi- 
nuer les recettes de ce théitre; au contraire. On fait fort bien 
que toutes les nouveautés produifent toujours leur effet du plus 



f . I < ■*-( J 1 fi Jr-.t â;tr«. m<!(« J't'irtm, p«r AiiMAiiac, mii»«^u< àt Duai. 

COU I)C ROI. >- U. 20 



3o6 Les Comédiens italiens. 



au moins ; mais auffi doit-on convenir que les circonftances furent 
favorables à la troupe, et que tout concourut pour le moment à fa 
profpérité. Le genre italien eut l'avantage, dans ce tems-là, degrof- 
fir les recettes des mardi et vendredi par la quantité d'excellentes 
pièces de M. Goldoni. L'année 1762 fut donc une très-bonne 
année; elle l'auroit été tout de même fans la nouvelle acquifition. 
Sancho-Pança (i), le Bûcheron (2), le Roi et le Fermier (3), font 
d^S; pièces qui n'avoient pas befoin du privilège de l'opéra-co- 
mique pour réufïir; il ne falloit que M. Caillot, et on l'avoit. 

L'incendie arrivé à la falle de l'Opéra en 1763 rendit la recette 
de cette année plus forte que toutes les autres. Tout Paris abonda 
chez les Italiens. Le genre chantant, ignorant ou feignant d'igno- 
rer la fource qui remplifloit la caiffe, s'attribuoit le mérite et la 
gloire de tous les événemens. Le bruit fe répandît que l'Opéra- 
Comique avoit payé les dettes de la Comédie-Italienne, le public 
le dit encore aujourd'hui, et cependant rien n'eft plus faux. Ce 
furent les circonftances, auxquelles le public ne fait jamais d'atten- 
tion ; ce furent les changemens de falles, la grande quantité de 
pièces nouvelles, les grands talens de M. Caillot et furtout l'in- 
cendie de l'Opéra qui groffirent fi fort la recette et payèrent les 
dettes de la Comédie-Italienne; ce font autant d'événemens qui 
feroient arrivés fans le privilège de l'Opéra-Comique; enfin, ce 
fut une de ces crifes heureufes telles que ce théâtre en avoit eu 
fouvent. 

Que feroit-il arrivé fi les Comédiens n'avoient pas acheté ce pri- 
vilège? Que leurs recettes auroient peut-être été plusfoibles, mais 
il eft toujours certain que leurs frais auroient été de cent quatre- 
vingt mille livres de moins tous les ans. 



(i) Comédie de Poinsinet, musique de Philidor. 

(1) Comédie en un acte, mêlée d'ariettes, par Castet et Guichard, musique de Philidor. 

(}) -^^o»*''*^*»'»»»*''. Comédie en trois actes, mêlée d'ariettes, parSedaine, musique de Monsigny. 



Appendice. 307 

Si les Comédiens italiens, avant cette acquifition, jouoient 
des pièces italiennes, des comédies françoifes, des parodies et des 
pièces de chant; s'ils avoient des acteurs pour tous ces genres, 
qu'ont ils donc acheté ? Rien du tout. Il eft très-clairement prouvé 
que rOpéra-Comique n'a point apporté Ton genre aux comédiens 
italiens ; ils Tavoient et beaucoup moins difpendicux. 

Deuxième quedion : S'ils n'ont pas acquis un genre de plus, 
ont-ils entendu leurs véritables intérêts en demandant b fuppref- 
fion de leurs comédies françoifes ? Suivons toujours avec attention 
la marche de la troupe ; confultons les li\Tes de compte : nous 
verrons que les recettes ont toujours augmenté depuis l'année 
1760 jufqu'en 1763, qui fut la plus forte que ce théitrc eût jamais 
faite, puifqu'elle monta au-deflus de fept cent mille livres, et nous 
verrons enfuite qu'elles ont toujours diminué depuis. Comme il 
ne faut pas une méditation bien profonde pour découvrir les caufcs 
de ces diminutions, on va en rendre compte. 

Il y a dans Paris, ainfi que dans toutes les villes qui font en 
état de foutenir plufieurs théâtres, une fomme ou mafle générale 
de fpectateurs. Cette mafle générale eft compofée, à Paris, de trois 
niaflcs particulières qui fe portent chacune au fpccude qui lui 
plait le plus; le fpectacle le plus ï la mode pour le moment attire 
J^ lui une partie des autres nuflfes qui groHlt la fiennc. Lorfqu'en 
1763 le feu prit à la falle de l'Opéra, toute la mafle dévouée à 
l'Opéra et compofée d'amateurs de mufique dut fe porter et fe 
porta néceflairement au Théltre-Italien parce qu'on y chantoit; 
il n'y avoit point dans ce tempsli de mauvais jours ; on faifoit, les 
mardis et les vendredis, des recettes très-fortes. On en tit une 
entre autres, un mardi, pendant les débuts de M"* Beaupré, de 
3,(XK) livres J^ une repréfentation de Xirutte à la cour (1). Mois 

(1 ) r«-'.>4 ta l'Ot* ft.'tri, 4t pAvart, fmum flui urJ ta i«u« «kic». 



3o8 Les Comédiens italiens. 



quand une fois l'Opéra fut rétabli aux Tuileries, la maffe qui lui 
appartenoit abandonna infenfiblement la Comédie-Italienne pour 
reprendre la route que l'incendie l'avoit forcée de quitter; il ne 
refta plus, pour lors, au Théâtre-Italien que la maffe qui lui étoit 
dévouée; la recette dut diminuer et diminua effectivement. 

La recette de l'année 1764 fut donc de beaucoup plusfoible 
que celle de l'année 1763. 

Celle de l'année 1765 fut encore plus foible que celle de l'année 
1764. Il efl vrai qu'on peut raifonnablement attribuer cette dimi- 
nution aux différentes interdictions des fpectacles occafionnées 
par la longue maladie et par la mort de Monfeigneur le Dauphin, 
qui arriva aux fêtes de Noël. 

La recette de l'année 1766 éprouva le même fort par un mal- 
heur femblable. M™* la Dauphine mourut au commencement du 
carême de 1767. 

L'année 1767 ne fit point éprouver à la France les mêmes cala- 
mités ; il n'y eut point d'interdiction de fpectacles ; cependant la 
recette de cette année tomba tout à coup de 80,000 livres au-def- 
fous de celles des deux années précédentes. 

Comme on ne veut pas donner des probabilités pour des preuves, 
on avoue qu'on ne peut au jufte rendre raifon d'une diminution 
aufTi confidérable. On ne peut tirer que de fimples conjectures. 

Ce ne fut point faute de pièces nouvelles que la recette diminua. 
Toinon et Toinette(i), V Aveugle de Paltnyre (2), les Femmes et le 
Secret (3), Vljle fonnante (4), les Moijfonneurs (5), etc., fans 
compter les débuts de deux Arlequins (6), étoient autant de nou- 
veautés qui dévoient néceffairement la groffir. Qui pouvoit donc 



(i) Comédie en deux actes, mêlée d'ariettes, paroles de Desboulmiers, musique de Gossec. 

(2) Comédie en deux actes, mêlée d'ariettes, paroles de Desfontaines, musique de Rodolphe. 

(3) Comédie en un acte, mêlée d'ariettes, paroles de Quêtant, musique de Vachon. 

(4) Comédie en trois actes, mêlée d'ariettes, par Collé, musique de Monsigny. 

(5) Comédie en trois actes, en vers, avec des ariettes, par F avart, musique de Monsigny. 

(6) Marignan, qui débutait pour la seconde fois et qui fut reçu, et Sachetti, qui ne fut pas admis. 



U faire diminuer? Ne fcroit-cc pus que l'enthoufiafme du public 
pour les piwces de clunt coininençoit ^ fe ralentir de ce moment ? 
Ne fcri'it-ce point auûi que, devenu plus dilticile fur ce genre, le 
public en a\oit été moins fatisfait cette année-lA que les pré- 
cédâmes? C)n peut croire que la maladie de M. Lejeune ayant 
contraint les comédi«.ns à néf;li*,er les comédies frani^oifes, ils fe 
ti''ou\èren; moins de moyens de varier leurs repréfentations. Quoi 
qu'il en foit, cette dmûnution de 80,000 livres dans les recettes fut 
attribuée totalement au i^enre fran^ois, et fit concevoir le projet 
de le fupprimer en renvoyant tous les acteurs qui le jouoient. 

La recette de Tannée 1768 fut encore au-delFous de celle de 
l'année 1767. Il eA vrai que la mort de \i Reine occalionna une 
interdiction, mais ce ne fut que pendant Télé. Les comédiens, 
bien loin d'acquitter leurs dette-s, les augmentèrent cette annéx* 
par un emprunt de 30,000 livres. 

Comme on attribuoit toujours le-s diminutions des parts lux 
comédies françoifes, quelques comédiens employèrent toute cette 
année à en foUiciter Textinction. Accoutumés \ tout obtenir des 
bonté-s de Nodeigneurs les gentilshommes de la chambre lorfqu'il 
s'aiîidoit du bien général de la troupe, ils leur préfentèrent cette 
fatale fuppreliîon comme le plus grand bien que l'on pût faire. 
Leurs inilances parurent d'autant plus louables qu'ils étoient dans 
la bonne foi et qu'effectivement ce genre étoit nul joué ; mois ils 
fe trompoient fur leur utilité et leur errenir leur fuggérant une 
infinité de raifons, ils obtinrent, fous l'apparence d'un véritable 
zèle, ce qu'un peu de prévoyance auroit dû le-s empêcher de 
jamais demander. 

S'ils n'eulTent follicité qu'une réforme dans les acteurs en coo- 
fervant toujours le genre françois, leurs vues étoient bonnes ; mais 
demander la fupprelFion de tout un genre c'eft détruire les fonde- 
mens le^ plus folidcs d'un thèltrc qui n'en (auroit trop avoir. 



310 Les Comédiens italiens. 

Enfin, au temps de Pâques de Tannée 1769, on donna Tordre 
de retraite aux acteurs qui jouoient dans les comédies françoifes, 
et les pièces de Boifly, de de L'Ifle, de Dalainval et de Marivaux, 
qui avoient foutenu le théâtre pendant cinquante ans, furent ren- 
fermées dans les archives comme nuifibles à la troupe. 

On doit avoir remarqué que, depuis 1763 jufqu'en 1769, les 
recettes avoient baifle fenfiblement tous les ans. Comme il y a un 
terme à tout, on fe flatta que Tinflant où elles devroient rehauflTer 
arriveroit; mais les comédiens fe font trompés, leurs efpérances 
fe font évanouies , leurs recettes ont continué de baifler , leurs 
parts ont toujours diminué, leurs frais font reftés au même point 
et leurs dettes fe font de beaucoup augmentées par les différens 
emprunts qu'ils ont faits. 

Qu'a donc produit cette révolution ? La perte du genre le plus 
étendu, le plus beau, le plus noble et le moins difpendieux de ce 
théâtre. 

On a privé le public d'une infinité d'excellentes comédies qu'il 
voyoit toujours avec plaifir et qu'il redemande encore, et de plu- 
fieurs acteurs qui, par leurs talens, avoient acquis à jufte titre le 
droit de lui plaire. 

Faute de pouvoir varier les repréfentations , on a ufé les pièces 
de chant beaucoup plus vite qu'elles ne Tauroient été fi elles euf- 
fent été entremêlées de plus de cinquante comédies qu'on a fup- 
primées. 

Les premiers acteurs chantants ont ruiné leur fanté par les 
efforts qu'ils ont faits pour foutenir leur genre. Les pièces de chant 
ont paffé aux acteurs en double et en triple qui les ont fi fouvent 
jouées et rejouées qu'à la réferve de cinq ou fix elles font tombées 
dans le difcrédit des pièces les plus vieilles et les plus rebattues. 

Enfin, on a mis un intervalle immenfe entre le genre italien et 
celui du chant au milieu defquels le françois étoit comme un point 



Appendice. 3 1 1 

de ralliement où les talcns des trois genres fc réuniflbient. C'étoit 
un genre intermédiaire qui tenoit aux deux autres et auquel les 
deux autres étoient liés. 

A h place A' Arlequin le Sauvage (i), de Timon (2), de V Em- 
barras des richejfes (5), de la Surprije de l'Amour (4), des 5ii/- 
tanes (5), des Faujfes Confidem'es (6), etc., que Ion donnoit un 
jour de nouveauté en chant, on ne donne plus que les Noces 
d'Arlequin (7) ou les Perruques. 

Le public cft toujours fur de deviner que c'eft une de ces deux 
pièces qui doit précéder La première repréfentation d'une petite 
pièce de chant. On n'en donne jamais d'autres. 

Si les Comédiens italiens ont rétréci leur répertoire, fi les pre- 
miers acteurs ont ruiné leur fanté et ne peuvent plus rendre au 
théâtre les mêmes fervices qu'ils y rendoient, fi les pièces de chant 
fc font ufées pour avoir été jouées trop fouvent, et fi enfin les 
recettes ont toujours diminué depuis qu'on ne joue plus de comè- 
dies fr.mçoifes, c'efl donc mal à propos et faute d'entendre leur 
véritable intérêt que les Comédiens iuliens ont demandé b fup- 
ireflion d'un genre qui leur étoit (1 néceflaire. 

Troifième quedion : La Comédie-Italienne peut-elle fe foutenir 
ecore longtemps avec le feul fecours des pièces de chant ? Avant 
rcquifitionderOpéra-Comique,laComédie-Italiennenefcmbloit 
ccnpotée que d'une feule famille : beaucoup d'acteurs italiens 
jo oient des râles trèsconfidérables dans les comédies françoifes 
et Jans les parodies. La troupe n'ayant pour chanteurs que des 
coiédiens , les pièces de tous genres étoient jouées avec toute la 



(1 AfU^mtm U 5ém9*g0, co^««li« r« trou écft, «« proM, fé» 4« LtUc. 

(j Co«#Uic m trot! ««'ict, «« f'OM, ««t< 4if rtix t i ♦»!, fût <U LtftU. 

(t Cjcb«Ji« «H trmt éctct, tn ffOM, p«r DaIaimvUUt, »%t< «■ 4if niMf cmt «t« ^(kmàri. 

(4 C-m«ili« tu trot! «.iict, «• ffow, •▼«« «« 4iv«ntM««it«i fût Manva*!. 

(l C-imrJit CQ troit A^ctrt, ta ««rt. 4c F«v«n. 

(» C.r*mé4it ra iroi* •4ft«, ta f roM. fût M«nvttiit 

\7 C jMtJit ta troM ûtitt, dt CoUâlto 



312 Les Comédiens italiens. 



décence poflîble. Les intérêts étoient communs et les acteurs ne 
pouvant fe paffer les uns des autres fe prêtoient à tout. Ils ne con- 
noiffoient pas encore de rivalités dans les genres. Tous étoient 
obligés de concourir au bien général parce que leurs intérêts par- 
ticuliers les y engageoient. Il n'y avoit point entre eux de difpute 
fur le plus ou moins de recettes que chaque genre pouvoit produire. 
Ils étoient fi bien liés, fi bien entremêlés que l'un ne pouvoit jouer 
fans avoir recours à l'autre ; et la gloire et le profit fembloient 
être répartis également fur chaque membre de la fociété. 

L'opéra-comique n'a pas été plutôt fur le Théâtre-Italien que 
les intérêts fe font divifés et que chaque genre a fait, pour ainfi 
dire, bande à part. Les premiers acteurs qui, jufque-là, avoient 
chanté dans toutes les pièces d'agrément, ont ceflTé d'y chanter ; 
ils ont fubftitué à leur place des commençans qui n'étant ni chan- 
teurs, ni acteurs, font plus propres à faire tomber une pièce qu'à 
la faire réuflîr. Tout a été négligé, excepté les pièces de chant. 

On fait par expérience que le genre italien, tout comique qu'il 
eft, n'eft pas aflez varié pour former feul un fpectacle à Paris. 
Quoique ce genre foit extrêmement étendu , le répertoire actue 
de la troupe n'eft compofé tout au plus que de vingt-cinq grands 
pièces et environ quinze petites. De ces quinze petites pièces, iJy 
en a au moins huit qui ne font rien moins que bonnes , et :e 
font malheureufement celles que l'on joue le plus fouvent êtes 
jours où il y a le plus de monde. 

Soit découragement, foit négligence de la part des acteurs ta- 
liens , ils femblent avoir renoncé à remettre d'anciennes pièes. 
Le peu de fecours qu'on leur donne a entièrement éteint eur 
émulation ; ils ne donnent rien de neuf. Ils ont oublié les recetes 
du Prince de Salerne(i), de Coraline Magicienne {2) ^ de VEnant 



(i) Comédie en cinq actes, avec des divertissements, par Véronése. 
(a) Comédie en trois actes, par Véronése. 



Appendice. 31} 

d'Arlequin perdu et retrouvé (i) et de tant d'autres qui leur ont 
attire tout Paris. Par une faulTe fpéculation et par une économie 
nul entendue, iisfe font privés de la reflburce qu'ils avoient dans 
un auteur célèbre et précieux pour eux, dont le génie fenilc pou- 
voit renouveler totalement leur genre; ils n'ont pas calculé que 
les honoraires que l'on donnoit à un bon auteur étoient toujours 
payes au triple par le public. Comment veulent-ils donc foutenir 
leur genre en ne le montrant que par le plus mauvais côté? Quelle 
opinion le public peut-il avoir des pièces italiennes quand il verra 
vingt fqis tous les ans la Joute d'Arlequin (2), Qui refufe mufe, 
le Tuteur trompé {^), le Barbier paralytique, etc.? Il eft certain que 
l'on rit 1 toutes ces pièces, mais il eft certain aufTi qu'on rougit 
d'avoir ri. Que l'on ne prenne pas le change fur ces appbudiflfe- 
mcns. Le public rit, il bat des mains; il donne h l'acteur ce que 
fes talens et fes longs femces font en droit d'attendre de lui ; et 
s'il applaudit Arlequin qui l'a toujours amufé, on doit être fur 
qu'il fiffle la pièce qui le révolte. 

Les acteurs italiens en renonçant , comme ils le devroient , à 
toutes ces mauvaifcs petites pièces et n'en donnant pas de nou- 
velles, réduifent leur répertoire i fix ou fept petites comédies ; 
ce nombre n'ell certainement pas fuffifant pour remplir les repré- 
fentations des grands jours auxquelles les pièces de chant ne peu- 
vent fuffire par elles-mêmes. Ke jouant plus de comédies fran- 
soifes, ni de parodies, et négligeant tous les jours de plus en plus 
leur genre, les Comédiens italiens de\'iendront donc infenfible- 
ment les fimples adjudicataires du bail de l'Opéra-Comique. 

Depuis la fupprefllon du genre François, tous les fecours ont été 
portés au genre du chant ; on a épuifô toutes les reflburces en fa 



(1) C'*m*i*9 9n cm^ Mttt, fût 0«ll««i. 

(s) ts JfU i'Ârlt^mtm #f ié Stéfim, CMM4i« ta •• Ml«. 9m— jm; 



314 L^s Comédiens italiens, 

faveur. Il faut examiner préfentement, fans la moindre prévention, 
fi ce genre peut fe fou tenir encore avec les mêmes fuccès. 

On ne peut raifonner fur les événemens futurs qu'en compa- 
rant les événemens paffés avec les événemens préfens. 

Si Ton compare les pièces de chant telles qu'elles étoient autre- 
fois avec ce qu'elles font aujourd'hui et la manière dont on les 
joue, on conclura qu'en peu de temps ce genre fera non-feulement 
dans l'impoffibilité de fe foutenir, mais qu'il tombera et qu'il en- 
traînera dans fa chute la Comédie-Italienne. On en va démontrer 
évidemment la preuve. 

Quelles étoient les pièces en chant que l'on donnoit il y a dix 
ou douze ans ? C'étoient de petites pièces en mufique dont le genre 
étoit encore nouveau et qui n'exigeoient que très-peu de dépenfe 
et fort peu d'acteurs. 

Quels étoient les aaeurs quilesjouoientPC'étoientM. Rochard, 
M°»* Favart, M"* Collet, M"* Laruette, M. Caillot, M. Clairval. 
Les talens des cinq derniers étoient encore plus nouveaux pour 
le public que ce genre et leur fanté leur permettoit alors de jouer 
toute l'année. 

Aujourd'hui les pièces de chant, dont le genre n'eft plus auffî 
nouveau, exigent pour la plupart la plus grande dépenfe en habits 
et en décorations. Ce font des pièces dans lefquelles on a intro- 
duit un fi grand nombre de perfonnages que quand la troupe 
auroit quarante acteurs, elle n'en auroit pas trop pour les remplir. 
M. Rochard s'eft retiré, M"« Collet, M"** Favart et M. Lejeune 
font morts. Il refte donc pour jouer ces pièces M. Caillot, 
M. Clairval et M"* Laruette. Leurs talens font auffi nouveaux 
qu'ils l'étoient et c'eft à eux que font dues les réuffites de toutes 
les pièces de chant. Ils ont porté ce genre à fon plus haut degré 
de gloire ; mais malheureufement le premier de ces trois acteurs 
fe retire à Pâques, et la mauvaife fanté des deux autres ne leur 



Appendice. 3x5 

permet pas de jouer fouvcni. On n'a point d'acteur pour rem- 
placer M. Caillot. Il n'y a pas d'actrice qui chante comme 
M""* Larueite, ni d'acteur qui joue comme M. Clair\'al. 

Si les pièces de chant que l'on donne aujourd'hui et qui ne font 
plus un genre aufli nouveau qu'autrefois exigent plus de dépenfcs 
que celles que l'on donnoit jadis et fi des trois acteurs qui pou- 
voient feuls les faire réufllr, l'un fe retire et les deux autres ne 
peuvent jouer que rarement, ces pièces doivent tomber infailli« 
blement. 

Cette confèquence eft d'auunt plus jufte que tous tes évène- 
mens fe font réunis pour la rendre plus convaincante. 

Depuis douze ans toutes les pièces de chant, excepté le Tableau 
parlant {î)^ font tombées ou n'ont eu qu'un fuccès très-médiocre 
lorfque M. Caillot n'y jouoit pas. Que doit-on donc efpérer quand 
cet excellent acteur ne jouera plus du tout et que pour furcroit 
de malheur M** Laruette et M. Clairval feront fouvent incom- 
modés ? 

On l'a dit et l'on ne fauroit trop le répéter : ces trois aacurs 
ont fait la réuflite de ce genre, leur retraite le biffera dans un eut 
de langueur équivalent i fa chute. 

Quelques comédiens aveuglés fur h fituation de leur troupe 
ne manqueront pas de dire que le public fe paflfe toujours de ce 
qu'il n'a plus; que l'Opéra s'ell pafle de M"* Le Maure, de 
M. ChafTé et de M. Jelyotte. Ceb cd vrai, mais l'Opéra a ruiné 
tous fes entrepreneurs et coûte aujourd'hui à b ville de Paris dn* 
quante mille écus tous les ans. On dira que b Comédie-Françoifc 
s'eft foutenue quoiqu'elle n'ait plus les Lccouvreur, les Quinault, 
les Dufrefne et les Dange\'ille. Cela ell encore vrai ; nuis il lui 
reile Corneille, Racine, Crébillon, \*oltaire, Molière, Rcgnard et 



3i6 Les Comidiens italiens. 

Deftouches qui la foutiendront toujours et qui rendront fon 
théâtre immortel. 

L'Opéra-Comique a-t-il de pareilles reflburces ? 

Si Ton veut fuppofer au public le même goût qu'il avoit dans 
la nouveauté pour l'opéra-comique, il faut fuppofer aufli que les 
auteurs qui travaillent pour ce théâtre feront toujours de mieux en 
mieux et que les acteurs qui le joueront feront auffi bons que ceux 
qui le jouent. Ce genre, porté à un certain point, ne peut fouffrir 
aucune dégradation ni dans la compofition, ni dans l'exécution. 
L'exécution s'affoiblira certainement fi l'on ne remplace avanta- 
geufement les trois acteurs qui l'ont fait réuffir. Quant à la com- 
pofition, on lui a malheureufement donné toute l'extenfion que le 
genre pouvoit fupporter. Plus on voudra l'élever, plus on accélé- 
rera fa chute, et fi deux pièces à fpectacles tombait dans une année, 
les comédiens font ruinés fans reflburce. 

Ce genre étoit charmant et très-avantageux aux Comédiens 
italiens avant qu'on^ l'eût monté fur le ton de dépenfe où il eft 
aujourd'hui. Sionl'eûtconfervédans ItgoinêLAnnetteetLubinÇy), 
de Baftien et Baftienne (2), àUfabelle et Gertrude (3), de Rofe et 
Colas (4) et qu'on ne l'eût donné qu'avec économie , il feroit 
encore nouveau; mais on lui a ôté fa fimplicité en le bourlouflant. 
En le rendant fomptueux, il femble qu'on ait voulu le faire lutter 
avec le grand opéra. Les comédiens, pour fe hâter de jouir, 
l'ont prodigué, proftitué ; ils lui ont ôté toute fa fraîcheur et 
tout eft ufé. 

De quarante pièces de chant ou environ qui font à ce théâtre , 
il y en a quatre ou cinq produifant encore quelques fortes recettes. 



(i) Comédie en un acte, de Mm« Favart et L... 

(2) Lts Amours dt Bastien tt Bastiennt, parodie du Dtvin du village de J. J. Rousseau, par M"»* 
Favart et Harny. 

(l) Gtrtrudtet IsahelU, comédie en un acte, mêlée d'ariettes, par Favart, musique de Biaise. 
(4) Comédie en un acte, en prose et en ariettes, par Sedaine, musique de Monsigny. 



Appendiu. 517 

il y en a 1 peu près autant qui font encore quelque plaifir, et les 
autres, à force d'avoir été doublées et triplées et jouées deux ï deux 
et trois à trois, font aulTi ufécs que \iJoHte d' Arlequin, i cela près 
qu'elles font beaucoup moins rire. 

Il et) une vérité confiante et démontrée par l'expérience, c*eft 
que les pièces de chant ne fauroient faire un fonds. On ne peut 
foutcnir ce genre qu'en le renouvelant fans cefle. On cefle de 
fuivre ces pièces quand on fait ces ariettes par cœur. Il n'y en a 
pas une de fix années de date qui puiflfe produire une recette de 
1,500 livres. 

Malgré la grande quantité d'acteurs uniquement deftinés à jouer 
l'opéra-comique, on l'a vu fouvent fur le point decefler déjouer; 
fans M"" Billioni, qui n'étoit reçue que pour le genre iulien, 
on auroit plufieurs fois interrompu pour longtemps les repréfeo- 
tations des pièces de chant, et malgré le zèle de cette actrice on a 
été contraint de donner un mercredi, 14 octobre dernier, le Prince 
de Salerne, faute de pouvoir trouver une feule pièce en mufique. 
I:ft-ce avec une femblable reflburce que les Comédiens italiens 
pourront fe foutenir ? C'efl cependant h feule qui leur refte , en- 
core ne dépend*eUe pas d'eux : ils n'en font que les fermiers ; ils 
en ont reconnu la propriété 1 l'Opéra qui peut refufer de leur 
en renouveler le bail. Comme ils ont renoncé k tout pour faire 
valoir cette ferme, on peut leur en augmenter le prix , tb feront 
forcés d'en pafler par tout ce que Ton voudra. 

Hnfm, depuis 1763, que b falle de l'Opéra fut brûlée, les re- 
cettes de la Comédie-Iulienne ont diminué tous les ans. Celles 
que l'on fait journellement ne font dues qu'au préjugé qui fubfide 
encore que ce fpectade eft le plus fK*quenté de Paris. Si malheu- 
reufemcnt on faifoit courir le bruit contraire et que l'on dit qu'il 
ne va plus perfonne aux Italiens, c'en feroit fait, ils feroient 
perdus. Leurs dettes fe font fi fon augmentées que fi l'on en 



3 18 Les Comédiens italiens, 

exceptoit celles que Tincendie de l'Opéra leur a fait acquitter, on 
trouveroit qu'ils font auffi endettés aujourd'hui qu'ik l'étoient en 
1760, et en jugeant de l'avenir par le pafTé, on ne peut douter que 
fi l'on n'y met ordre ils s'endetteront encore de plus en plus. Leur 
pofition eft d'autant plus afiireufe qu'ils n'ont pas les mêmes ref- 
fources, puifqu'il ne leur refte que deux genres qui n'ont montré 
jufqu'à préfent que leur infuffifance. 

Un théâtre qui n'a aucun fonds de pièces et qui ne peut fe fou- 
tenir qu'en augmentant fes dettes eft un théâtre qui tombe. S'il 
eft de la politique ou pour mieux dire de l'intérêt préfent des co- 
médiens actuels d'épuifer le crédit de la troupe pour groffir leurs 
parts en empruntant fans cefTe fans fonger aux moyens de payer, 
il eft de la fagefle de Noffeigneurs les premiers gentilshommes 
de la chambre d'interpofer leur autorité pour affurer le bien public 
et pour conferver et perpétuer dans Paris un fpectacle dont l'en- 
tretien faifoit l'honneur du prince et de la nation en contribuant 
à fes plaifirs. 

Après avoir démontré clairement les preuves de la chute pro- 
chaine du Théâtre-Italien, on croit devoir indiquer les moyens 
de la prévenir. 

Le répertoire italien n'étant pas affez étendu et n'ayant actuel- 
lement que vingt-cinq grandes pièces, les repréfentations des 
mardi et vendredi ne font pas affez variées. Les acteurs de ce genre, 
en remettant chaque mois deux de leurs anciens canevas, fe trou- 
veront au bout d'un an avec un répertoire de cinquante pièces ; 
ils doivent eux-mêmes en fentir d'autant plus la néceffité que les 
recettes de ces jours-là n'ont jamais été auffi foibles. 

Quant à leurs petites pièces, ils ne fauroient trop fe hâter de 
les renouveler; elles font de la plus grande conféquence pour ce 
théâtre, puifqu'on ne les joue que les jours où il y a le plus de 
monde. Elles méritent toute leur attention. C'eft pour cette raifon 



Appendice. 319 

que des quinze petites pièces que Ton repréfente journellement, 
les comédiens de\Toient en reformer au moins la moitié et les 
rcmpbccr au double et au triple par des pièces nouvelles dont les 
intrigues feroient plus vraifemblables et les dénouemens mieux 
amenés. Pour cet efiet, les Comédiens italiens ne peuvent fe 
difpenfcr d'engager M. Goldoni à travailler encore pour eux ; ils 
n'ignorent pas que c'eil le fcul auteur capable de renouveler leur 
genre. Son génie inépuifable peut leur fournir huit petites pièces 
tous les ans qui feront un nouveau fonds à ce théâtre. Quoique 
Ton ignore le traitement que b troupe pourroit (aire â un auteur 
dans ce genre, on croit pouvoir certiBer que huit petites pièces de 
M. Goldoni rendroient bien peu fi elles ne rendoient au deli de 
fes honoraires. D'ailleurs, ces petites pièces, en montrant le zèle 
des comédiens, a ttireroient toujours un peu plus de monde; le 
public les voyant avec plaifir attendroit fans impatience Topéra- 
comiquc qui termineroit le fpecude, et les acteurs italiens pour- 
roient alors avec raifon prétendre â leur portion dans les fuflfrages. 

L'opéra-comique, tout agréable qu'il efl, ne fufEt pas pour 
foutcnir b Comédie-Italienne. Ce ne fera point par le grand 
nombre d'acteurs qu'on parviendra à le rendre fuffifant. On a 
prouvé qu'il fe foutenoit mieux quand il en avoit moins. Son 
genre éunt, par lui-même, hors d'éut de faire un fonds, il faut 
qu'il foit renouvelé fans celTe. Il peut cependant être de la plus 
grande reflfource, mais ce ne fera qu'en prenant toutes les précau- 
tions pour prolonger l'infbnt du fuccès des pièces qui réuniront ; 
ce n'ed qu'en les donnant avec économie qu'on peut en tirer parti, 
et le feul moyen de les économifer en variant les repréfenutions 
c'ell de redonner les comédies françoifes et les parodies que le 
public redemande tous les jours. 

Ce moyen eA d'auunt plus facile que ces pièces exigent, qu'on 
en connoit les beautés et qu'il y a dans la troupe nombre d'acteurs 



320 Les Comédiens italiens. 

en état de les jouer. Pour remettre fur pied ce genre dans fon 
entier, il ne manque que deux acteurs, l'un pour les premiers 
amoureux et l'autre pour les comiques. On pourroit faire venir le 
premier de Nantes ; il fe nomme Granger. Il joint à l'emploi des 
premiers rôles celui des amoureux dans l'opéra-comique ; il a 
peu de voix, mais il eft bon comédien. A l'égard du fécond, il 
feroit poflible d'en trouver un qui réunît également le talent de la 
comédie à celui du chant. Cependant, avant de charger la troupe 
de nouveaux fujets, on peut effayer de donner quelques-unes de 
ces pièces pour preflentir fimplement le goût du public. 

Comme cet effai ne coûtera rien, on va prouver qu'avec les 
acteurs que l'on a, on peut remettre lix grandes comédies fran- 
çoifes et fix petites dont la diftribution des rôles fe trouve jointe 
à ce mémoire. On peut voir par la lifte fuivante des comédiens 
qui y feront employés qu'indépendamment de l'avantage d'avoir 
plus de jeu, la troupe mettra à profit les talens de plufieurs de 
fes penfionnaires qui n'étant que doubles ou triples ne paroiflent 
que rarement. 

Les premiers rôles : M. Suin. Quoique l'on penfe que cet ac- 
teur feroit mieux placé dans un père noble, ne pouvant charger 
M. Clairval de plufieurs études qui le fatigueroient , on diftribue 
les premiers rôles à M. Suin, en attendant qu'on en ait un autre. 

Les deuxièmes râles : M. Julien. Les premières amoureufes: 
M"* Billioni. Les râles travejiis, comme la Faujfe Suivante (i), le 
Faucon (2), etc.. M"*" Gault (3) : elle jouoit les premières amou- 



(i) La Fausse Suivante, ou le Fourbe puni, comédie en trois actes, en prose, avec des divertisse- 
ments, par Marivaux. 

(2) Le Faucon, ouïes Oies de Boecace, comédie en trois actes, en prose, avec un divertissement, par 
de Lisle. Une pièce intitulée également le Faucon fut jouée le 19 mars à la Comédie>Italienne, 
mais c'est un opéra comique de Sedainc, musique de Monsigny, et par conséquent ce n'est pas de 
ce dernier ouvrage qu'il est ici question. 

(3) M"« Gault débuta à la Comédie-Italienne, le 3 mai 1772, par les rôles de m^rr; dans Gerirudt 
et Isabelle, paroles de Favart, musique de Biaise, et dans le Sorcier, paroles de Poinsinet, musique 
de Philidor. Elle joua ensuite Genevotte dans les Moissonneurs, paroles de Favart, musique de 
Duni y Claudine dans le Maréchal ferrant, paroles de Quêtant, musique de Philidor, tl Julit dons 



Appendice. j2l 

rcufes avec beaucoup de fuccès; M*** Colombe. Les rôles ins^énus: 
W^ Beaupré; M"* Zanerinc. On entend par rôles ingénus, Chloé 
dans V Embarras des richejfes{i), Silviadans le Fatuon, Angcliqttf. 
dans la Nouvelle Épreuve, etc. Les caractères: W^ Defgland. las 
payfans : M. Kainvillc. Les fouhrettes : M** Moulinghen. Pan- 
talon: M. Colalto. Arlequin : M. Marignan. Les pères grimes : 
M. Desbrofles. Plujieurs autres rôles : M. Véronèfe, M. Cameraoi, 
M. Thomafïîn. 

Au moyen de cet arrangement, b troupe tirera parti de beau- 
coup d'acteurs qu'elle paye comme des premiers fujets et qui, 
jufqu'à préfent , ne lui ont rendu que très-peu de fen-ices fans 
qu'il y ait eu de leur faute. 

Si l'on pouvoit honnêtement faire la comparaifon d'acteurs à 
aaeurs, entre ceux que l'on a renvoyés et ceux qui font actuelle- 
ment dans b troupe , on prouveroit que le genre, bien loin de 
dépbire aujourd'hui , feroit en général mieux joué que dans les 
derniers temps et que s'il perdoit à quelques égards, il gagneroit à 
tant d'autres que b comparaifon feroit en faveur des acteurs 
aauels. 

Toutes les objections que l'on pourra faire contre ce projet, 
feront fans aucun fondement et ne pourront être diaées que par 
la mauvaifc volonté. On va tâcher d'y répondre d'avance. 

On ne manquera pas de dire que les moyens que l'on propole 
tendent à furcharger b troupe, mais fi le genre pbit, il augmen- 
tera la recette ; d'ailleurs l'eflai n'en coûtera rien et fi l'on engage, 
par b fuite, les deux acteurs qui manquent , il fera fort aifé de 
regagner leurs appointenicns en économifant fur d'autres objets. 



lu.iU. ftrolM Àt llaraofrtti, m uti^«« 4 • Or #trr Ctlcfol rrtvt à r««t«I It t ( ««i 1771. Il je bvrti 
J «rr-'t-offttati fê.t mot%, «t k <» avfil 177) %t*n tr>itcaic«T fut fofU k i,«oo U«rc» L4 ailoM 
• • .««. ita Ui À.j*tLS uM fvatii<«uo» t«u«oriia«4f« It 4iM livrtt El!* ^»M»«UCo« t JK'iuli*>— 

(1) C^a«iit — trois Mttt. «• ftott f*( DaUmviU*. •««< «• iit «noMBtM éê f^%»ri 
COM DC EOI. ^ U. 21 



322 Les Comédiens italiens. 

On dira peut-être que Ton veut conferver quelques-unes de ces 
pièces pour les faire mettre en mufique. Ce projet ne vaudroit rien. 
Qu'on fe reffou vienne de la Nouvelle École des femmes, de sa 
réuflite dans fa nouveauté et de fa chute honteufe quahd on en 
eut fait un opéra-comique (i). 

On dira aufli qu'on a beaucoup d'opéras-comiques à remettre ; 
mais les pièces françoifes n'empêcheront laremife d'aucune pièce 
de chant. D'ailleurs on doit craindre que les anciens opéras-co- 
miques ne rendront rien ; il y a une fi grande différence entre une 
bonne comédie et un bon opéra-comique que l'une eft encore jeune 
à quarante ans, tandis qu'à huit l'autre eft dans la décrépitude. 

Il eft poffible encore que l'on dife que c'eft rifquer le fort des 
comédies françoifes qui, venant à tomber, ne pourroient plus 
être redonnées. Cette objection ne feroit pas meilleure que les 
autres, et fi l'on veut faire la comparaifon des acteurs que l'on 
n'ofe donner ici, on fentira qu'il eft impoflible qu'elles f oient, en 
général, auffi mal jouées qu'elles l'étoient. C'eft précifément le 
moment de les jouer ou jamais. La troupe depuis longtemps n'a 
été auffi bien compofée pour cela. Un acteur ou une actrice de 
moins, le plus petit changement dérangeroit tout et l'on feroit 
privé, peut-être pour toujours, de cette reffource. Il faut de toute 
néceffité profiter de l'inftant où il y a encore dans la troupe des 
acteurs qui ont la tradition de toutes ces pièces. Plus on attendra, 
plus il y aura de difficultés dans l'exécution et plus les périls de ce 
théâtre s'aggraveront. 

Mais quoi! s'écriera-t-on encore, remettre un genre dont des 



(i) La Nouvelle Ecole des femmes, comédie en trois actes, en prose, par Moissy. «Les comédiens 
italiens voyant avec regret qu'une de leurs pièces les plus agréables, la Nouvelle École des femmes, 
étoit perdue pour eux et pour le public p^r la nouvelle forme que leur théâtre a prifc depuis quel- 
ques années, ont eflayc de l'y faire reparoitrc (le ^^ janvier 1770) avec les agrémens de la 
raulique ; mais cette tentative n'a pas réuni fans toutefois qu'on puiiïe en rien conclure contre les 
talens de M. Pbilidor qui en avoit fait la muûque. On y retrouvoit bien toutes les cènes qui 
avoient fait tant de plaiûr autrefois, mais chacun s'écrioit avec M. Tue : ■ Qu'on me U rende 
« telle qu'elle étoit ! • {Les Spectacles de Paris, 177).) 



Appendice. 3 a} 

comédiens môme ont demandé la fupprefTion ! Tous les hommes 
font fujcts à le tromper; pourquoi des comédiens rougiroient-ils 
de reconnoitre leur erreur quand on leur montre auffl clairement 
la vérité? Un pas en arriére ne tire pas ï conféquence. Qu'une 
faufle honte ne retienne donc pas plus longtemps la troupe ita- 
lienne dans le plus grand danger. Que les Comédiens italiens 
engagent M. Goldoni à renouveler leurs petites pièces et qu'ils 
redonnent des comédies françoiles et des parodies, puifque le 
public les redemande et que ce iont les feuls moyens de prévenir 
la chute prefque inévitable de leur théâtre. 

Il s'agit de l'état des comédiens actuels, il s'agit de la reprile 
des fonds de chacun d'eux en particulier, il s'agit de leurs penfions 
de retraite qui ne font, ainfi que celles des acteurs retirés, hypo- 
théqués fur d'autres fonds que l'exiftence chancelante du Théâtre- 
Italien ; il n'appartient qu'à des yeux clairvoyans d'en apercevoir 
tous les rifqucs. Sa Majcdé ayant confié l'adminidration de fcs 
deux troupes de comédiens â Nofleigneurs les premiers gentils- 
hommes de la chambre, c'ed â leurs lumières qu'on prend la 
liberté de foumettre les vérités contenues dans ce mémoire. Mi- 
niftres , juges et protecteurs-nés des deux théâtres , c'eft â leur 
fagefTe â prévoir les malheurs de la Comédie-Italienne et â leur 
bonté d'y apporter les iccours convenables. 

DISTRIBUTION DES ROLES 
dans fix grandes comédies françoifes et fix petites. 

CRAKDtS nÈCCS. 

Arlequin famvagi (1). 

Lili^ M. Suin. 

Mjric M. julien. 

(1) CimmJm tm iroM a««ct, «• ftt*,fié^ LmW. 



324 Les Comédiens italiens. 



Pantalon M. Colilto. 

Flaminia M"« Gault. 

Violette M«« Moulinghen. 

Unpaffant M. Desbroffes. 

Un marchand M. Véronèfe. 

Un exempt M. Cimerani. 

Arlequin M. Marignaa. 

Soliman fécond (i). 

Soliman M. Suin. 

„ , l MUe Beaupré. 

Roxelane < _ _„ _ , 

La Circaffienns M»» Defgland. 

j M«e Billioni. 

j Miïe Colombe. 

Le chef des eunuques .... M. Marignan. 

L'Embarras des ricbeffes (2). 

PhUus M. Suin. 

Midas M. Colalto. 

Af«« Midas M"* Defgland. 

Florife M»e Gault. 

Pamphile M. Julien. 

^, , 1 M^ie Beaupré. 

Cloi ^^,, ^ \ . 

j M"« Zanenni. 

Arlequin M. Marignan. 

Trivelin M. Thomaflin. 

Un tailleur M. Camerani. 

Un procureur M. Véronèfc. 

Af. Chrifanthe M. Desbroffes. 

La Surprife de V Amour (3). 

La comteffe M"« Gault. 

Lelio M. Suin. 



(i) SolimAH II, ou Ui Sultams, comédie en trots actes, en vers, de Favart. 

(2) L'Embarras iis richesses, comédie en trois actes, en prose, par Dalainville, avec un divertisse- 
ment de Panard. 
()) La Surprise de l'amour, comédie en un acte, «n prose, avec un divertissement, de Marivaux. 



Appendice. 325 

Coîomhine M™e Moulinghen. 

Jacqueline M^* Beaupré. 

Maître Pierre M. Thomaffin. 

Arlequin M. Marignan. 

Lejwds l'Amour et du Hafard. 

M, Orgon M. Desbroffes. 

Dorante M. Suin. 

Mario M. Julien. 

Silvia M"eGault. 

Lifette M«« Moulinghen. 

Arlequin M. Marignan. 

Le Faucon (2). 

Lelio M. Suin. 

Flaminia M«« Billioni. 

' ( MUe Beaupré. 

'^ } MWc Zanerini. 

Colombine M«« Moulinghen. 

Arlequin M. Marignan. 

Pierrot M. Thomaffin. 

BETITES PIÈCES. 

U Silphide (3). 

LaSilphide M"* Gault. 

La Gnomide M. Véronèfe. 

Èrafte M. Julien. 

Un procureur M. Desbrofles. 

Un fergent M. Camerani. 

Premier créancier M. Thomaffin. 

Second créancier M. Royer (4). 

Arlequin M. Marignan. 



(i) Comédie en trois âctet, en proue, par Marhnnu. 

(a) Le Faucon, o» Us Oits i* Boceacê, comédie en trois sctes, troc on prologue et va tfitertisse- 
ment, par de Liste. 
()) La SjlfhiJU, comédie en as eete,ett prose, ivsc us divertissement, par Dominique et Romagaesi. 
(4) Cetaetear, qui Jouait les uHlUéi, déVvta à la Coaiédie-IutteBiie es 1771 et la quitu ea 1774. 



J>« 



Les Comédiens ilaliens. 



L'Héritier du viiUgt (i). 



M"' Damit M"« Colombc- 

Li cbftralier M, Tri»l. 

Blai/t M. NaiBvillc. 

Claudin* M"« Deff-kiid. 

Colin M, Thomiirm, 

C»Utlt M"*BMupnî. 

Arlt^n M.Marignan. 

Grigfl M. DcsbroRes. 



Arlt^uin poli par l'Amour (i). 
Cette piËce a ivi \ou<;q ea canevas. 

Arlequin Huila (j). 

L'iman M. VétoakSt. 

Achmtt M. Julien. 

Li eadi M. DesbroCcs. 

Zûïdt M"< Colombe. 

FOim M"' Moulinghen. 

Arbiui» M. Marignan. 

, . ^ ,^ I M. Touvois (4). 

* '^ I M. Royeï. 

Agnèi de Chaillol (j). 

te baiiU M. Marignan. 

La baiUivi M'l= Dcfgland. 

'"'"' I M. Julien. 

Croûton M. DesbrolTes. 



(0 ComMie ta un iclc, a 
(i) CoKitdit (S un «le, » 
(]] Comiixt ta un icu, a 
{4)Cn.cKur.r.iio«i>lc 



Appendice. 327 



Agnès M"« Beaupré. 

Le pédant M. Carlin. 

Le magi^^r M. Thomaflin. 

La Nouvelle Épreuve, 

Dorante M. Suin. 

jVfm* Argante M"« Defgland. 

Angélique M^^e Beaupré. 

Lifette M«« Moulinghen. 

Blaife M. Nainvillc. 

Frontin M. Marignan. 

{Archives natitnalét, O*, 847.) 



XIX 

1774- 
Règlement pour la Comidie-Italienne. 

Article i"^. — Le préfent règlement corifirmatif des précé- 
dens en tous articles où il n'y ait pas expreffément dérogé , après 
avoir été lu en préfence de toute la fociété, fera mis fur le regiftre 
des délibérations et il en fera délivré une copie à chacun des ac- 
teurs et actrices qui compofent la fociété afin que perfonne n'en 
puifle prétendre caufe d'ignorance. Il en fera fait en outre lecture 
tous les fix mois en préfence de tout le monde dans une affem- 
blée générale indiquée à ce fujet et dont les femainiers prévien- 
dront les fîeurs intendans des menus. 

Article 2'. Comité. — Pour nous mettre à portée de con- 
noître et remédier aux abus qui pourroient fe gliffer dans Tadmi- 
niftration et police intérieure de la fociété, nous ordonnons : 
I** Qu'il fera établi un comité compofé de cinq hommes qui s'affem- 



}28 Les Comédiens italiens. 



blera de quinzaine en quinzaine et môme plus fouvent, fi la né- 
ceffité le requiert, pour prendre connoiflance de toutes les affaires 
et en porter fon avis aux fieurs intendans des menus pour en 
rendre compte. 2** Nous nommons pour compofer ledit comité 
les fieurs Carlin, Zanuzzi, Laruette, Clairval et Trial, lefquels 
feront chargés de toutes les affaires de la fociété depuis le i^'ntiars 
de la préfente année 1774 jufqu'au i'^ avril 1775, nous réfervant 
de faire toutes les années les changemens qui nous paroîtront 
convenables pour l'amélioration de Tadminifiration. 3** Comme 
le choix que nous faifons des cinq perfonnes cy-deffus nommées 
eft fondé fur la connoîffance que nous avons de leur intelligence, 
nous entendons qu'ils ne foient pas troublés dans leur geftion, nous 
réfervant de punir avec févérité ceux qui apporteroient le moindre 
obftacle aux opérations qu'ils auroient jugées convenables pour 
le bien de la fociété, entendant qu'ils aient droit et confidération 
comme étant revêtus de nos pouvoirs et devant nous rendre 
compte exactement de leur geftion. 4** Les cinq perfonnes qui 
compofent le comité feront difpenfées des devoirs des femainiers 
afin qu'ils puiffent remplir avec exactitude ceux que nous leur 
impofons. 5° Auf uns de ceux nommés pour ledit comité ne pour- 
ront fe difpenfer de fe trouver au jour indiqué, fans caufe de ma- 
ladie ou les raifons les plus cffentielles dont il fera rendu compte 
aux fieurs intendans des menus, à peine de 24 livres d'amende et 
de 120 livres fi le comité n'avoit point été tenu le jour indiqué. 
6° Le comité en général aura infpection fur les ballets, orchef- 
tre, magafin d'habits et de décorations et uftenfiles de l'intérieur 
de l'hôtel. Il veillera aux provifions néccffaires de bois, charbon, 
luminaire, etc. Il réglera toutes les dépenfes néceffaires de quel- 
que nature qu'elles foient, arrêtera les mémoires des fourniffeurs 
en tous genres, fera des règlemens pour tous les employés et 
gagiftes, lefquels règlemens feront tenir aux femainiers pour 



Appendice. ^29 

les faire exécuter. 7** Il fera Jcpofitairc Jes archives, convoquera 
les aflcnibiées extraordinaires pour y propofer les affaires qui doi* 
vent y être délibérées et fera chargé de la vérification de la caiflc 
et des rcgidres de recette et de dépenfe. 8"* Le comité infcrira ou 
fera infcrire fur les rcgiftres à ce défîmes tous les ordres par écrit 
fignés de nous ou des fieurs intendans ainfi que toutes les déli- 
bérations, celles des aflTemblées, les lettres qui paroitront de na- 
ture à être confervées et les réponfes qui y feront faites. 9"* Il no- 
tifiera tous les ordres et funout ceiut qui demandent une prompte 
exécution aux perfonnes intérefllcs qui ne pourront fe difpenfer 
de $*y foumettre à peine de défobéiflance. la* Dans le cas de re- 
traite ou de décès d'un aaeur ou d'une actrice, le comité fera la 
didribution des rôles qui formoient l'emploi de Tacteur retiré ou 
décédé et les donnera à ceux qu'il jugera plus capables de les rem- 
plir, eu égard ù leur qualité de voix et au talent particulier de cha- 
cun. Ceux à qui lefdiu rôles auront été diftribués feront tenus de 
s'y tenir préu le plus tôt polCble, afin que le fervice ne nunque 
jamais. Le comité ne fouflfrira point qu'aucun acteur ou actrice, 
quels qu'ils foient, fe défafle à l'avenir d'aucun rôle qui leur aura 
été donné fans en avoir parlé au comité et motivé fes raifons, et 
le comité les remettra par écrit aux fieurs intendans des menus, 
avec fes réflexions pour que nous puifCons ordonner ce qui nous 
paroitra convenable. 1 1^ Il fera chargé de juger les différends qui 
pourroicnt fur>'enir entre les camarades, de remédier aux abus et 
de chercher les moyens de les prévenir, de tenir la main aux rè> 
gicmens, de les faire exécuter, de veiller à ce que rien ne fe faflfe 
contre la décence et il fera tenu d'avertir ceux dont b conduite 
pourroit donner atteinte à l'honnêteté que la fociété doit avoir 
en vue et de nous en rendre compte en cas de récidive, afin que 
nous puifftons donner nos ordres en conféquence. la* Dans le 
cas d'un événement imprévu qui auroit befoin d'être décidé fur* 



330 Les Comédiens italiens. 



le-champ, le comité eft autorifé à y fuppléer jufqu'à la décifîon 
des fupérieurs qui fera donnée le plus promptement poffible, et la 
troupe fe conformera à la décifion du comité jufqu'à celle des fu- 
périeurs. Le comité rapportera à Taflemblée les conteftations de? 
directeurs et acteurs de province, et les jugemens ainfi que les 
pièces fur lefquelles ils auront été prononcés feront tranfcrits fur 
un regiftre particulier et dépofés au^ archives. 13** Le comité 
fera chargé de l'examen des pièces à lire dont il tiendra regiftre 
par ordre de date, avec le nom des auteurs s'ils fe font connoître, 
et il ne fera lu aucune pièce à l'afTemblée qu'elle n'ait été vue et 
approuvée par le comité. Le comité prendra connoiffance des piè- 
ces remifes et à remettre et qui feront à l'étude, afin d'en accélérer 
les repréfentations et il fera chargé de veiller à ce que les fpectades 
de la cour n'empêchent pas qu'on ne joue à Paris. Il entendra 
répéter les fujets qui fe préfenteront pour débuter, afin de nous en 
rendre compte, ainfi qu'il fera plus amplement expliqué à l'article 
des débuts. 14® Les cinq perfonnes qui compofent le comité fe- 
ront entre eux une diftribution de toutes les différentes opérations 
ci-deflus énoncées et chacun d'eux aura fon diftrict particulier 
dont il rendra compte au général. 15** Chacun d'eux fera tenu 
d'avoir un regiftre fur lequel il tiendra note des chofes à faire 
dans la partie dont il fera chargé et communiquera au comité 
les pians et projets de règlemens qu'il croira convenables relati- 
vement au diftrict dont il fera chargé. 16° Première claffe, le fîeur 
Zanuzzi : les contrats, emprunts, vérifications de comptes de 
recettes et de dépenfes, la garde des archives, la tenue des regiftres 
de toute efpèce, les états de fituation, le contrôle des loges à 
l'année, les dettes actives et paffives de la fociété, les ouvriers, 
les fournifleurs, les réparations, les provifions, le luminaire et gé- 
néralement tout ce qui a rapport aux finances de la fociété, dont 
il rendra compte dans les aflemblées générales indiquées pour 



Appendice. 331 

traiter ces fortes d'affaires. 17* Deuxième clafle, le fieur Clain-al : 
lorchcrtre, les emplois comptables, les portes et Tinfpection gé- 
nérale fur toute cette partie de l'adminirtration, dont il fera égale- 
ment rendu compte. i8* Troifième cUfle, les fieurs Carlin et 
Laruette : les décorations, le magafin, les ballets, les machinides, 
tailleurs et autres ouvriers et gagirtes, dont il fera également rendu 
compte. 19* Quatrième dafle, le fieur Trial : les auteurs, le 
rang des pièces, Texamen des pièces à lire et à remettre, les projets 
de répenoire et les changemens à y faire en cas de mabdie, et les 
contertations de province. Enfin, le comité fera refpon fable de 
tout ce qui feroit fait de contraire à ce dont il eft chargé et au pré- 
fcnt règlement, étant fpécialement chargé pour le faire exécuter et 
en infhiiire les fieurs intendans des menus pour nous en rendre 
compte. 20^ Aucune délibération ou décifion du comité ne fera 
mife i exécution qu'après qu'il en aura rendu compte aux fieurs 
intendans des menus et que nous les aurons approuvées furtout 
pour les affaires que nous réfervons à notre connoiffance, telles 
qui peuvent intérefler Tadminiflration générale et le fervice de b 
cour et du public. Quant aux autres, telles que les états de dé- 
pcnfcs néceffaires i faire ou tout autre objet concenunt les 
affaires générales de la fociété, les avis du comité feront commu- 
niques i l'alfemblée pour y être connus et approuvés par délibé- 
ration s'il ert néceffaire ; lefquelles délibérations étant fignées par 
le comité et deux tiers du refte de la fociété vaudront et feront 
exécutées comme fi elles étoient fignées par b fociété entière. 
N'entendons par ces articles déroger ï l'article 12 ci-deffus par 
lequel nous autorifons le comité h, fuppléer provisoirement i b 
décifion des fupérieurs dans les cas impré\'us et qui ont befotn 
d'être décidés fur-le-champ. 

AtTiCLE 3*. Semainiers. — i* Vu les occupations dont feront 



332 Les Comédiens italiens. 



chargés les membres du comité, aucun d'eux ne fera femainier. Il 
y aura toujours deux femainiers pris à tour de rôle dans les autres 
acteurs qui compofent la fociété, Icfquels n'auront plus à ravenir 
de droits particuliers de jetons, devant contribuer gratuitement, 
ainfi que le comité, au bien général. Les deux femainiers feront 
chargés folidairement et l'un pour l'autre de toutes les opérations 
qui leur font confiées et fe concilieront de manière qu'en cas 
d'abfence ou de maladie il s'en trouve toujours un pour remplir 
les devoirs qui les regardent en commun. 2^ Les femainiers con- 
voqueront les allemblées ordinaires et extraordinaires qui leur fe- 
ront demandées par le comité. 3® Dsconftateront l'état des acteurs 
et actrices préfens à chaque afTemblée en écrivant fur vme feuille 
les noms de ceux qui arriveront, et à l'heure convenue pour Taf- 
femblée ib arrêteront la feuille et la remettront au caiflîer, le- 
quel ne fera fa difhibution de droit de préfence à chaque acteur 
ou actrice que quand les affaires feront terminées. 4^ Ils veilleront 
à ce que le répertoire réglé à l'aflemblée foit exécuté et prendront 
les ordres de la cour dans difiérens cas dont ils feront leur 
rapport au comité ainfi que des changemens à faire dans le réper- 
toire et des abus qu'ils pourroient découvrir afin que Ton puifley 
pourvoir. 5<> Les femainiers, ou du moins l'un d'eux, feront obli- 
gés de fe trouver au théâtre à quatre heures précifes, d'y de- 
meurer jufqu'à la fin de la repréfentation et d'affifter au compte 
de la recette qui doit être tous les jours fignée d'eux. 6** Ils veille- 
ront à ce que le fpectacle puifle commencer régulièrement à cinq 
heures et un quart en été ; ils marqueront ceux qui ne feroient pas 
prêts à l'heure et en remettront la note au comité. Pour cet eflFet, 
ils auront l'attention de s'informer chaque jour du nom des ac- 
teurs qui jouent dans la première pièce, afin de pouvoir les faire 
avertir et que l'on ne foit pas dans le cas d'attendre ceux qui ne 
font que de la féconde ou de la troifième pièce, fous peine de 



.» 



Appendice. 333 

24 livres d'amende, tant pour ceux qui fe feroient attendre que 
pour les femainiers s'ils nc*gligeoient d'en rendre compte. 7** Ils 
auront foin de faire annoncer les pièces pour le lendemain et 
donneront et figneront les affiches. 8^ L'un des deux femainiers 
viendra i toutes les répétitions pour voir fi elles fe font avec foin 
et mettra i l'amende ceux qui manqueront ou qui ne feront pas 
exacts à l'heure» ainfi qu'il fera dit ci-après, et en remettra la lide 
au comité chargé d'en rendre compte aux fieurs intendans des 
menus. 

AiTiCLE 4*. AffemHies. — i*Il fera tenu toutes les femaines ï 
un jour fixe, à dix heures et demie du matin depuis Piques jufqu'au 
mois d'octobre, et ï onze heures depuis le mois d'octobre jufqu'i la 
ddture, une aflemblée générale à laquelle tous les comédiens et 
comédiennes feront préfens ; aucune perfonne étrangère à la fo- 
ciété ne pourra, fous aucun prétexte, y être admife ni aflifter aux 
délibérations fous peine de punition au portier. 2* Le premier 
objet de cette aflfemblée fera le répertoire de la (emaine. Après 
quoi les aaeurs penfionnaires étant retirés, on traitera des af-* 
faircs de b fociété. 3* Outre cette aflemblée générale, il s'en fera 
pour entendre b leaure des pièces nouvelles et y procéder fui- 
vant ce qu'il (era dit i l'article des auteurs, pour les cas extraordi- 
naires qui pourront furvenir et où le comité jugera qu'il eft befoin 
de la convoquer et pour b lecture des comptes et l'examen des 
bordereaux de fituation. 4* Les aaeurs et aarices compofant le 
corps de la fociété, les acteurs et aarices penfionnaires auront droit 
d'aflîfter i l'aflemblée générale du répenoire. $* Les aaeurs et 
actrices compofant le corps de b fociété a ceux d'entre les aaeurs 
et actrices penfionnaires feulement à qui nous en aurons accordé 
bperniiflion,pourontaflî(lerauxaflremblées de lecture. On n'ad- 
mettra dans toute autre aflemblée, quel que foit le motif qui 



334 -^^^ Cotnidiens italiens. 

Taura fait convoquer, que les acteurs et actrices reçus. 6® Toute 
perfonne préfente de droit à telle affemblée que ce foit et portée 
fur la feuille arrêtée par les femainiers, recevra deux jetons pour 
fon droit de préfence. Ceux ou celles qui n'arriveront qu'après 
l'heure indiquée perdront leurs jetons. Les acteurs et actrices s'ar- 
rangeront, dans la falle d'affemblée, fuivant la date de leur récep- 
tion et ne donneront leur avis fur quelque matière que ce puUTe 
être qu'à tour de rôle et lorlqu'il leur fera demandé par les femai- 
niers, qui en feront mention fur une feuille particulière pour pou- 
voir recueillir les voix. Si quelqu'un parle avant fon tour, les fe- 
mainiers le mettront à 3 livres d'amende et à 6 livres en cas de 
récidive. Le comité, les femainiers et le caiffier prendront place 
autour de la table d'affemblée. 7® Le répertoire commencera à dix 
heures et demie en été et à onze en hiver, et il ne fera quefUon 
d'aucune affaire avant qu'il foit fini. Le répertoire étant fait et lu 
à l'affemblée, les acteurs penfionnaires fe retireront. 8® Le comité 
fera part enfuite à l'aiïemblée de tout ce qui aura été fait pour le 
bien général et prendra les voix fur les affaires où il fera befoin 
d'une délibération de l'affemblée. L'on ne pourra fe féparer que 
lorfque le comité avertira qu'il n'eft plus d'affaires à traiter. Ceux 
qui s'en iront auparavant perdront leurs jetons, à moins qu'il ne 
leur ait été permis de fe retirer. 9*^ L'aflemblée finira au plus tard 
à une heure et demie, fi ce n'eft qu'il furvînt quelque affaire 
qu'il fallût, pour l'intérêt général, terminer avant de fe féparer. 
10^ L'objet le plus effcntiel de l'affemblée du répertoire étant le 
choix des pièces auxquelles les comédiens doivent fe tenir prêts, 
nous ordonnons qu'il fera fait par le comité une diftribution exacte 
des rôles des différentes pièces foit courantes, foit à remettre, et 
qu'il en fera dreffé un état général contenant le titre des pièces 
avec le nom des acteurs et actrices qui doivent jouer en premier, 
en double et en troifièmc les rôles de chacune de ces pièces, afin 



Appendice. 335 

qu'il n*y ait pas de conteHation i cet égard et que, chaque rôle 
étant rempli par Tacteur ou Tactrice à qui il convient le mieux 
relativement À la qualité de la voix et au talent particulier decha* 
cun, h fociété connoifTe le parti qu'elle peut tirer de chacun de 
Tes membres. 1 1"* Avant que le répertoire commence, fi quelques 
acteurs ou actrices ont befoin d*un jour dans la femaine, ils en 
avertiront ralfemblée ainH que des raifons qu'ils peuvent avoir 
pour ne pas jouer. 12** Le premier femainier infcrira fur une 
feuille volante les noms de ceux qui fe feront réferx'é des jours, 
laquelle feuille nous fera remife chaque mois par le comité avec 
fes obfer\'ations, s'il y avoit lieu d'en faire ; enfuitc étant bien 
avéré que chacun peut jouer tel ou td jour, perfonne ne fera en 
droit de refufer tel rôle pour tel jour et les femainiers porteront 
fur le répertoire les pièces arrêtées par l'aflcmblée, fans égard pour 
qui feroit refus. 1 3"* S'il arrivoit que quelqu'un ne pouvant jouer 
de la fcmaine vint à l'aflemblée du répertoire de cette femaine, il 
n'auroit aucun droit de préfence, étant déshonnéte que quelqu'un 
vienne prendre Tes jetons pour dire à Tes canurades qu'il ne peut 
leur être utile. 14"* La diHribution des rôles étant arrêtée, ainfi 
qu'il a été dit, et chacun des membres de la fociété apnt con- 
noiflance de ceux auxquels il doit fe tenir prêt et qui forment 
fon emploi, pour que le répenoire puifle fe £ûre plus facilement 
et ne ioit pas lujet à des changemens nuifibles au bien général, 
nous ordonnons que ceux qui ne pourront venir au répertoire 
écriront aux femainiers pour les informer qu'étant malades on 
ne compte point fur eux, et ils marqueront le temps dont ils 
croiront avoir beioin pour fe réublir, ou que, fe portant bien et 
des affaires les empêchant de venir i l'aflemblée, ils confentent 
de jouer dans les pièces qui feront portées fur le répertoire et 
qu*ils y feront prêts pour le jour indiqué, ainfi qu'aux pièces rc- 
mifes qui ce jour-U feront arrêtées, et l'aflemblée aura foin de les 



3JC La Comidiem italiens. 

placer de fn^oa qu'on ail le temps d'apprendre fes râles, ij" Les 
acteurs en premier avertiront après la lecture du tt 
préfencc de l'alTcmblée, leurs doubles des rôles qu'il faut qu'ils 
jouent dans la feraaine, afin que les doubles n'en puilTent préten- 
dre caufe d'ignorance. Mais (î le rôle éioil trop conûdénible pour 
que le double ne pût s'en charger fans mûre à l'imérât commun 
ou qu'il n'eût pas aflez de temps pour l'apprendre ou le rcpafler, 
alors le comité fera en droit de s'oppofer à la demande de l'acteur 
en premier comtne nuifible au bien général, et ledit acteur ou 
actrice en premier feront tenus de se foumettre à ta décifion du 
comité et de jouer le rôle, et il eft ordonné au double, fi le 
comité l'agrée dans le rôle, de s'y tenir prêt pour le jour qui lot 
fera indiqué d'une autre rcpréfcntation; et quand cela fera une 
fois arrêté, il ne fera plus au choix de l'acteur ou actrice en pre- 
mier de reprendre fon rôle et d'empêcher de le jouer à celui ou à 
celle qui aura du les remplacer le jour indiqué feulement. l6' Si 
les premiers, en cas d'affaires ou d'incommodité notoire, ne pou- 
voicnt jouer, ils auront foin d'avertir par écrit leurs doubles la 
veille et d'aflcz bonne heure pour qu'ils puiffent repafTer leurs 
rôles et furtout d'en prévenir par écrit ics fcmainiers afin qu'ils 
puiflent avoir, par écrit aufïï, la réponfe du double et s'aSurer que 
le fpecucle ne manquera pas. 17° Au cas que le double chargé 
par le premier d'un rôle tombe malade, le premier fe portant 
bien fera tenu de le jouer fur l'avis que lui en donnera l'un des 
deux femainiers, à moins que ce foit un rôle qui ne lui foit plus 
Ëimilier et qu'il lui foit ïmpolfible de remettre, ce dont te comité 
jugera, entendant que chacun fans diftinction fe prête aux intérêts 
de ta fociété. 18° Pour obvier aux inconvéniens qui peuvent naî- 
tre des maladies fubites et qui pourroient mettre les comédiens 
dans le cas de fermer, nous ordonnons que tout acteur ou actrice 
qui f« trouvera incommodé au point de ne pouvoir jouer le foîr 



I 



A 



Appendice^ 337 



la pièce affichée, fafle avertir de fon état et d'affez bonne heure 
pour qu'un femainier, fur l'avis qui lui en fera donné par écrit, 
puifTe faire affembler la fociété pour prévenir le double de jouer, 
ou enfin, à la rigueur, changer la pièce et faire faire de nouvelles 
affiches dont on inflruira M. le lieutenant général de police. Et 
pour ôter tout foupçon de maladie feinte, les femainiers fe tranf- 
porteront chez l'acteur ou actrice incommodé afin de conftater 
l'état de fa perfonne ; et s'il arrivoit que dans cette vifite les fe- 
mainiers eufient à fe plaindre de la façon dont ils feroient reçus, 
ils en rendront compte au comité pour y faire droit et impofer 
une amende à ceux ou celles qui auroient manqué aux femainiers 
en fonctions. 19^ Nous ordonnons aux comédiens de mettre 
tous les mois une pièce nouvelle ou une remlfe; enjoignons au 
comité de tenir la main à l'exécution de cet article, et au cas 
qu'il y ait quelque raifon qui en empêche, le comité fera tenu d'en 
rendre compte aux fieurs intendans des menus. 20® Les pièces 
mifes fur le répertoire n'en feront pas moins jouées quand quel- 
ques-uns de ceux ou celles qui ont les rôles en premier ne pour- 
roient pas jouer, foit pour caufe de maladie ou de voyage à la 
cour, entendant que les doubles les remplacent, étant obligés de 
s'y tenir prêts ; à moins qu'il ne foit queftion d'une pièce nou- 
velle dont les principaux rôles ne peuvent fe doubler fans l'aveu 
des auteurs, ou fi c'eft une pièce remife, que le rôle ne foit trop 
fort pour le double, ce qui pourroit faire tort à la pièce et aux 
intérêts de la fociété. 21^ Perfuadés que l'amufement et la fatif- 
faction du public ont été un des principaux motifs de la grâce 
que le Roi a accordée aux comédiens en les attachant à fon fervice, 
et étant informés que, fous le prétexte d'aller repréfenter à la 
Cour, les comédiens fe difpenfent fouvent de jouer à Paris, nous 
voulons qu'attendu que les jours de fpectacle à la cour et les 
pièces qu'on y doit donner, io»^ ndiqués d'avance, le comité ait 

coM. DU ROI. — n. 22 



338 Les Comédiens italiens, 

Tattention de propofer, en faifant le répertoire, les pièces qui 
peuvent être jouées à Paris par les acteurs et actrices qui ne feront 
pas néceffaires à la Cour ; entendant que les doubles trouvent par 
là le moyen de s'exercer et de fe perfectionner. En cas d'inexécu- 
tion du préfent article , celui ou celle qui en feroit caufe payera 
une amende de 300 livres. 22*^ Pour remédier à la négligence que 
Ton marque quelquefois pour les rôles médiocres et les acceflbires, 
ce qui nuit à l'intérêt de la fociété, puifque le peu de foin avec 
lequel on les joue difcrédite les pièces et dégoûte le public, nous 
voulons que le comité rende compte exactement aux fleurs inten- 
dans des menus, qui nous inftruiront, de ceux qui ne rempliront 
pas leurs rôles, fi médiocres qu'ils foient, et même les acceffoires, 
avec toute l'attention néceflTaire, pour que nous puiffions y mettre 
ordre et les punir de leur négligence. 23'' Tout acteur ou actrice 
qui, par humeur ou mauvaife volonté, fera manquer une reprè- 
fentation payera une amende de 500 livres et même fera puni 
plus févèrement s'il nous paroît néceffaire, fuivant le compte 
qui nous en fera rendu par le comité. 24° Les acteurs ou actrices 
reçus ou penfionnaires dont on aura befoin pour remplir les accef- 
foires et les parties de chœur dans les morceaux d'enfemble , 
ne pourront s'y refufcr. Voulons que chacun fe prête, fuivant les 
circonftances, pour le bien et l'utilité du fpectacle, ainfi qu'il 
y eft obligé par fon ordre de réception. 

Article 'y^. Délibérations. — i*^ Quand tout ce qui concerne le 
répertoire, la remife des pièces et autres objets énoncés ci-deflus 
aura été rempli, le comité propofera les autres matières qui doi- 
vent être préfentées à la fociété. 2® Les délibérations de l'aflem- 
blée foit verbales, foit par écrit, feront infcrites fur-le-champ fur 
le regiftre des affemblées et fignées par tous ceux qui feront pré- 
fens à l'aflemblée quand bien même il fe trouveroit quelqu'un qui 



Appendice. 339 

auroit été d'un avis contraire ; b pluralité des voix devant alors 
former la réunion des fentimcns. 3" Ceux ou celles qui interrom- 
pront le cours d'une affaire, foit pour en propofer une autre, foit 
pour quelque caufe que ce puifle être, ceux qui fe ferviront de 
paroles piquantes ou peu mefurées feront prives de leur droit de 
préfence et ils payeront en outre, fans déplacer, une amende de 
6 livres. 4** Ordonnons aux comédiens de garder un fecret invio- 
lable fur tout ce qui aura été dit et fait dans les aflemblées, et en 
cas de contravention prouvée tous acteurs et actrices contrcvenans 
feront privés de leur droit de préfence aux aflemblées pendant 
tout le temps que nous nous réfcrvons de fixer. 

Article 6'. Débuts. — l'^Dans la vue de favorifer les comédiens 
et de leur faciliter les moyens d'attirer du monde et de répondre 
à l'attente du public, nous aurons foin de ne faire débuter ï l'avenir 
que dans les rôles ou caractères qui manqueront pour ne point 
multiplier inutilement les fujets dans le même emploi ; nous vou- 
lons, ainli qu'il a déjà été dit, qu'aucune pcrfonne ne foit admife 
à débuter qu'après avoir été entendue par le comité, en exceptant 
cependant les comédiens de province que, dans des cas de befoin, 
on feroit venir fur leur répuution et qui, pour lors, ne feroient 
point foumis à cet examen. 2* Quand nous aurons accordé des 
permifTions de débuts et que lefdites permiffions auront été prè- 
fentées et enregiflrées ï l'aflemblée, on conviendra avec les débu- 
tans du tems de leur début , lequel ne pourra avoir lieu dans 
riiiver, hors le cas de néccflité dont nous nous réfervons la con- 
noiflance. 3** Les débutans feront libres de choifir trois pièces 
pour leur début; mais ils ne pourront les prendre que parmi celles 
qui font au courant du répertoire. 4"* Les acteurs ou actrices qui 
ont des rôles dans ces pièces ne pourront fe difpenfer d'y jouer 
fous peine de 100 livres d'amende. Nous réfervant de punir ceux 



340 Les Comédiens italiens. 



ou celles qui, par haine ou par cabale, chercheroîent à rebuter les 
débutans et à leur nuire. On fera obligé de faire une répétition 
entière fur le théâtre pour chacune des pièc^ où les débutans 
devront jouer. Ceux qui y manqueront feront mis à l'amende de 
24 livres. 5** Mais, pour pouvoir juger fainement du talent des 
débutans et non uniquement d'après les trois pièces qu'ils auront 
choifies et qui peuvent leur avoir été montrées, lefdits débutans 
feront tenus de jouer enfuite trois rôles au choix du comité après 
en avoir informé les fleurs intendans des menus pour nous en 
rendre compte et voir fi ce choix eft réellement du genre que lef- 
dits débutans auront choifi et s'il n'excède pas leurs forces. Lef- 
dites pièces ayant été par nous approuvées, il fera donné deux 
répétitions de chacune auxdits acteurs débutans, auxquelles ré- 
pétitions les acteurs et actrices qui joueront dans la pièce feront 
tenus de fe trouver à peine de 50 livres d'amende comme à l'article 
ci-deflus. d^ Tout acteur débutant qui, dans le cours de fes 
débuts, refuferoit déjouer fon rôle dans la pièce affichée pour lui, 
hors le cas de maladie conftatée par les femainiers, fera privé de 
la continuation de fon début. Nous réfervant de prononcer en 
outre telle punition que nous jugerons convenable, fuivant les 
circonftances. 

Article 7*. Pièces nouvelles ; droits des auteurs. — 1° On ne lira 
aucune pièce à Taffemblée qu'elle n'ait été communiquée au comité 
et approuvée pour être lue fur le rapport de l'examinateur choifi 
entre les membres du comité, lequel en tiendra regiftre ainfi qu'il 
a été dit ci-deflus à l'article 13 du comité. Suivant la date et fans 
faire aucun pafle-droit on conviendra d'un jour, autre que celui 
du répertoire, pour entendre la lecture. L'examinateur de la pièce 
aura foin de prévenir l'auteur, ou celui qui a préfenté la pièce, du 
jour choifi par l'aflemblée. L'auteur feul, ou celui qui aura pré- 



Appendice. 341 



fente la pièce, aura droit de venir à cette affemblée. 2° Pour 
obvier aux cabales des acteurs et actrices, aux protections pour 
la diftribution des rôles,, avant défaire la leaure, on remettra 
au comité la diftribution cachetée. Si la pièce eft reçue on fera 
lecture de fa diftribution tout de fuite ; fi elle n'eft reçue qu'à 
corrections, la diftribution fera renfermée dans le cabinet des 
archives pour être vue* lors de la féconde lecture et elle fera 
rendue à l'auteur fans l'ouvrir fi l'ouvrage eft refufé. 3° Les 
acteurs et actrices préfens à la lecture Técouteront avec la plus 
grande attention pour être en état d'en juger et ne fe permettront 
aucune exprefïïon ni aucun figne qui dénote d'avance leur fenti- 
ment particulier. 4° Après la lecture, la pièce fera difcutée, s'il y 
a lieu, entre l'auteur et les comédiens. Après quoi l'auteur fera 
prié de fe retirer, ne devant point être préfent à la délibération ; 
cnfuite chacun, par ordre d'ancienneté, ayant propofé fes ré- 
flexions et les avis ayant été difcutés, chacun remettra par écrit 
aux femainiers fon avis motivé ou pour l'acceptation, ou les cor- 
rections, ou le refus; lefquels avis feront lus tout haut par le 
premier femainier et tranfcrits par le fécond pour pouvoir re- 
cueillir la pluralité des voix. Et il eft défendu à qui que ce foit, 
fous peine de 500 livres d'amende et d'exclufion des affemblées 
de lecture pendant un an, de redire l'avis particulier d'aucun 
acteur ou actrice, et de plus grande peine en cas de récidive. 
5® S'il s'agit de faire des changemens, l'auteur pourra rentrer 
dans l'aflcmblée pour fe concilier avec les comédiens fur les cor- 
rections qui lui feront demandées. 6° Si l'auteur confent à faire 
des changemens, il pourra demander une féconde lecture qui fe 
fera dans la même forme que la première et d'après laquelle on 
décidera définitivement du fort de la pièce pour l'acceptation ou 
le refus. 7° La pièce reçue quant aux paroles ne fera cenfée plei- 
nement reçue et n'aura de droit pour être jouée à fon tour que 



342 Les Comédiens italiens. 



quand la mufique en fera faite et que les comédiens Tauront 
entendue et approuvée. 8° Pour entendre une mufique foumîfe à 
Texamen et en porter leur jugement, les comédiens s'affemble- 
ront comme pour la lecture d'une pièce, et à l'heure indiquée fe 
rendront de la falle d'affemblée au théâtre où Ton aura mandé 
toutes les parties obligées de l'orcheftre, et les acteurs, chacun 
dans leur genre, chanteront les rôles que l'on aura foin de leur 
envoyer d'avance afin qu'ils aient le tems de s'y préparer. 9** On 
choifira pour faire ces fortes de répétitions un jour où le théâtre 
foit abfolument libre de toute autre répétition foit de pièce ou de 
danfe afin qu'il ne s'y trouve que les auteurs qui ont droit aux 
lectures avec le compofiteur de mufique et l'auteur des paroles. 
10** Après cette répétition les comédiens rentreront dans la falle 
d'affemblée pour prononcer fur la mufique qu'ils auront enten- 
due, à quoi ils procéderont comme aux lectures des pièces, et fi 
la mufique eft approuvée, on en fera mention fur un regiftre 
particulier deftiné à infcrire feulement les pièces reçues quant 
aux paroles et à la mufique conjointement, et c'eft ce regiftre 
particulier que l'on confultera pour jouer à tour de rôle et fuivant 
leurs dates de réception qui y feront infcrites. 11° Quand une 
pièce aura été reçue, ainfi qu'il vient d'être dit, et qu'elle fera 
venue à fon tour pour être jouée, les auteurs envoyeront les rôles 
aux acteurs fuivant la diftribution dépofée aux archives avant la 
lecture, à moins que dans l'intervalle il ne fût furvenu des chan- 
gemens dans la troupe, auquel cas il fera libre aux auteurs de 
faire des changemens dans la diftribution, nous réfervant la 
connoiflance des arrangemens qu'il faudra faire prendre à ce 
fujet et des difficultés qui pourroient naître. 12*^ Perfonne ne 
pourra fans des raifons valables dont il nous fera rendu compte, 
refufer un rôle du genre de fa voix ou de fon emploi que les 
auteurs lui auroient defliné à peine de 300 livres d'amende et 



Appendice. 343 



même d'une plus forte fi fon refus avoit des fuites nuifibles à 
l'avantage des auteurs et de la comédie. 13** Quant aux pièces 
anonymes envoyées à la fociété, les auteurs feront tenus d'a- 
dreffer au comité leur diftribution cachetée et de la même écri- 
ture que la pièce pour éviter toute difcuflîon, et mettront à 
exécution tout ce qui eft dit ci-deflus. 14® Les comédiens ne 
pourront fous aucun prétexte que ce foit, fi ce n'eft pour des 
caufes graves dont nous nous réfervons la connoiffance, refufer 
de jouer une pièce reçue, ni en retarder les repréfentations à fon 
tour fans le confentement des auteurs, et fi la repréfentation étoit 
retardée par la faute de quelqu'un, le comité nous en rendra 
compte pour y faire droit. 1 5'' La part d'auteur fera d'un neu- 
vième pour les pièces en trois actes et plus, d'un douzième pour 
les pièces en deux actes et d'un dix-huitième pour les pièces en 
un acte. Cette part d'auteur fera partagée en deux moitiés, l'une 
pour l'auteur des paroles et l'autre pour l'auteur de la mufique. 
Elle fera prife sur la recette journalière de la porte et non point fur 
le produit des loges à l'année. Les crédits des loges louées jour- 
nellement, autres que les loges louées à l'année, entreront dans la 
recette journalière et les comédiens en compteront avec les auteurs. 
16® Avant de tirer la part d'auteur on prélèvera fur la recette le 
quart franc pour le quart des pauvres et une fomme de 3 30 livres 
pour les frais journaliers. 17** Les auteurs ne tireront point d'ho- 
noraires dans les repréfentations où la recette fera au-deflbus de 
600 livres l'été et de 1,000 livres l'hiver. L'été fe comptera 
depuis le 15 maijufqu'au 25 novembre, et l'hiver depuis le 25 no- 
vembre jufqu'au 1 5 mai. Les auteurs auront droit d'honoraires 
pour chaque repréfentation de leurs pièces quand la recette excé- 
dera le taux marqué ci-deflus pour chaque faifon. Les repréfen- 
tations où les auteurs auront droit d'honoraires s'appelleront 
repréfentations utiles, celles où les auteurs n'auront point droit 



344 L^^ Comédiens italiens. 



d'honoraires s'appelleront repréfen talions nulles. i8*Lorfqu*une 
pièce aura été repréfentée trois fois, il ne fera plus libre à Tauteur 
de la retirer. Les comédiens en auront dès cette époque la pro- 
priété ufuelle pour IVmployer fur le répertoire de la manière la 
plus convenable à leurs intérêts. Ne pourront cependant, lefclits 
comédiens interrompre dans fa nouveauté le cours d'une pièce 
dont les repréfentations feroient fuivies, fans le confentement 
des auteurs ; mais ils pourront la retirer, même dans fa nou- 
veauté, quand elle ne produira pas les recettes qu'ils peuvent 
raifonnablement efpérer, eu égard à la faifon. Ne pourront de 
même les comédiens doubler les rôles d'une pièce dans fa nou- 
veauté fans le confentement des auteurs ; et dans les reprifes, fi 
quelqu'un a des raifons pour quitter fon rôle, ce dont le comité 
jugera , le comité veillera en môme tems à ce que Ton ne dif- 
crédite point les pièces en mettant plufieurs doubles à la fois et 
que les principaux rôles ne foient pas doublés fans une extrême 
néceûité, furtout les grands jours de fpectacle. 19^ Les auteurs 
conferveront pendant toute leur vie les droits d'honoraires dus à 
leurs pièces dans les repréfentations utiles, fans que les interrup- 
tions que les pièces auroient éprouvées puffent leur porter pré- 
judice ; mais ils n'auront rien à prétendre dans toutes les repré- 
fentations nulles même pendant la nouveauté de la pièce. 20** Le 
droit des auteurs s'éteindra à leur décès, quand même les pièces 
n'auroient point éprouvé de repréfentations nulles; on en excep- 
tera les pièces qui n'auront pas encore eu cinquante repréfenta- 
tions utiles pendant la vie de l'auteur, auquel cas fes héritiers 
feront fubftitués à fes droits pour lefdites pièces jufques et y com- 
pris la 50* repréfen tation utile, après laquelle ils n'auront plus 
aucun droit. 21** Ce règlement aura lieu pour toutes les pièces à 
venir ; à l'égard des pièces paffées, on confervera le droit des 
auteurs établi par le préfent règlement à toutes celles qui depuis 



Appendice. 345 



qu'elles font au théâtre n'ont point effuyé de rcprèfentation 
nulle du taux qui a été fuivi jufqu'à préfent et toutes les autres 
feront cenfées tombées dans les r^les et appartiendront à la co- 
médie. 22'' Les auteurs auront droit de donner des billets le jour 
de la repréfentation de leurs pièces, favoir : chacun pour deux 
perfonnes à l'amphithéâtre et deux perfonnes aux troifièmes 
loges, fans diftinction de grande ou petite pièce. L'excédant du 
nombre fixé fera payé fur la part d'auteur ainfi que les billets de 
parterre que les auteurs demanderoient pour les trois premières 
repréfentations d'une pièce nouvelle au-deffus du nombre 20, 
fixé pour les deux auteurs pour chacune des trois premières 
repréfentations. 23® Les auteurs de deux pièces en trois actes, 
ceux de trois pièces en deux aaes ou de quatre pièces en un acte, 
auront leur entrée leur vie durant. Les auteurs d'une pièce en 
trois actes auront leur entrée pendant trois ans, ceux d'une pièce 
en un acte ou en deux auront leur entrée pendant un an feule- 
ment. 24® Le droit d'entrée ne fera acquis aux auteurs que du 
jour où la mufique aura été reçue conjointement avec les paroles 
et fuivant la date de la réception infcrite fur le regiftre des pièces 
reçues. 25® Les auteurs qui ont leur entrée en jouiront dans 
toute la falle, excepté aux premières loges qui ne font pas fur 
l'amphithéâtre, aux fécondes loges, aux troifièmes et au parterre ; 
mais ils ne pourront envoyer perfonne pour garder leur place. 
Ordonnons aux comédiens de ne porter aucun obftacle aux droits 
accordés aux auteurs par le préfent article auquel il ne fera dé- 
rogé que dans le cas où un auteur feroit convaincu d'avoir troublé 
le fpectacle par des cabales ou des critiques injurieufes, auquel 
cas voulons qu'il foit privé de fes entrées après la preuve des 
faits produite par-devant nous. 

Article 8*. Divers objets de police intérieure. '^ i* Ayant appris 



34^ Les Cotnidiens italiens. 



que plufieurs comédiens fe mettoient dans le cas de manquer au 
fervice effentiel de leur théâtre pour aller jouer ailleurs, défen- 
dons très-expreffément à aucun d'eux de jouer, chanter ou pa- 
roître en façon quelconque fur aucun théâtre que le leur, foit 
public ou particulier dans Paris ou hors la ville fans que nous lui 
en ayons accordé la permif&on chaque fois, laquelle fera infcrite 
fur le regiftre des délibérations et ce fous peine de 500 livres 
d'amende. 2** Tout acteur qui, pour fe difpenfer de jouer un jour 
où il y fera obligé fuivant le répenoire, prétextera une maladie, 
s'il eft prouvé qu'il foit forti de fa maifon ce jour-là, payera 
100 livres d'amende. 3® Ceux qui manqueront leur entrée ou 
qui ne feront pas prêts pour commencer à l'heure indiquée, 
payeront une amende impofée par le comité, ainfi que ceux qui, 
n'ayant pas joué dans la première pièce, fe feront attendre pour 
la féconde. 4** Seront tenus tous les acteurs et actrices, avertis 
pour une répétition, de s'y trouver à l'heure indiquée fous peine 
de 3 livres d'amende s'ils n'arrivent pas à leur fcène et de 10 li- 
vres s'ils n'y viennent pas du tout. Le femainier, préfent à la 
répétition, y veillera comme il eft dit ci-devant et en ferarefpon- 
fable en cas qu'il y manque ou faffe grâce à quelqu'un. 5** Le 
comité étant principalement inftitué pour veiller continuellement 
à ce qui peut intérefler le bon ordre, la décence et l'exactitude 
aux devoirs, ce qui forme la police intérieure du fpeciacle, nous 
lui enjoignons de tenir la main à l'obfervation des règlemens 
précédons relatifs à cette partie de l'adminiftration et de nous 
rendre compte de tout ce qui y feroit contraire. Ordonnons aux 
femainiers d'y veiller de leur côté et de faire leur rapport de tous 
les abus qui viendroient à leur connoiffance. Déclarant que tous 
ceux qui défobéiront à nos ordres feront punis, fuivant la nature 
du délit, par amende, prifon et même en cas de réfiftance opi- 
niâtre par exclufion du corps de la troupe fans qu'ils puiflent 



Appendice. 347 



avoir, en ce cas, droit à la penfion qu'ils auroient pu mériter par 
leurs anciens fervices. 6° Le comité aura foin de convoquer tous 
les fix mois une aflemblée générale où tout le monde foit tenu 
de fe trouver, fous peine de 24 livres d'amende pour y faire la 
lecture du préfent règlement, ainfi qu'il eft dit dans l'article 
premier. 7® Il fera remis tous les mois aux fleurs intendans 
des menus un état exact des différentes amendes qui auront été 
impofées et dont le caiflîer tiendra un regiftre particulier, pour 
en être difpofé fuivant nos ordres pour le bien général à la fin 
de chaque année. 

{Arthivu mMticmmUs, O*, 846.) 



XX 



1779. 



État des acteurs de la Comidie-Italienne dont on pourrait avanta- 
geusement se servir en cas de reprise des pièces françaises. 

Le fleur Carlin : Cet acteur doit être confervé vu fes anciens et 
bons fervices pour jouer dans les pièces françoifes du 
théâtre italien les rôles à mafques, s'il eft poflîble. A 
fa retraite on lui fubftituera un valet jouant en même 
tems tous les rôles à mafques ; mais cet emploi, qui 
n'exige pas grande dépenfe d'habits, doit être fixé par 
les nouveaux règlemens à trois quarts de part au plus, 
à moins que l'acteur qui en fera chargé ne joue en 
même tems dans l'opéra-comique ; mais tant que le 
fieur Carlin reftera, il faut compter fur fa part entière. 

Le fleur Clairval : Cet acteur, qui a beaucoup de talent mais 



348 Les Comédiens italiens. 



dont la voix peut manquer, eft un fujet précieux à con- 
ferver. Il peut, par fon intelligence et la décence avec 
laquelle il joue, être encore d'une grande utilité au 
théâtre en confervant les rôles de chant qui ne le fati- 
gueront pas et en fe chargeant des premiers amoureux 
de caractères et de pères nobles qui pourroient lui con- 
venir. U pourroit être doublé par les fieurs Suia et 
Ménier dans les pères et par le fleur Michu dans les 
amoureux. 

Le fleur Trial : Il peut joindre à fon emploi dans Topéra-comique 
celui des valets et payfans et peut être doublé dans les 
payfans par le fieur Nainville et dans les valets par le 
fieur ThomafTin, faute de mieux. 

Le fieur Nainville : Peut jouer dans les pièces françoifes les 
payfans. 

Le fieur Suîn : N'a point de voix, mais pour conferver fon état 
il peut, en continuant de jouer dans les opéras-comi- 
ques, être chargé des pères financiers et rôles à man- 
teau dans la comédie et doublé par le fieur Ménier. 

Le fieur Michu : A bien peu de voix, mais peut conferver fon 
état avec agrément en joignant à fon état actuel dans 
Topéra-comique celui des jeunes premiers amoureux 
dans la comédie où il feroit doublé par le fieur Julien. 

Le fieur Julien : Doit être chargé des rôles de fécond amoureux 
en chef et doublé par le fieur Dorfonville. 

Le fieur Narbonne : Il faudroit lui faire doubler, s'il eft poffible, 
en troifième, les valets, les payfans et les pères ridi- 
cules. 

Le fieur Thomaffin : Double des valets en attendant mieux , 
mais chargé de tous les rôles d'utilité tant dans l'opéra- 
comique que dans la comédie. 



Appendice. 349 

Le fieur Ménier : Doit joindre à fon emploi dans l'opéra-comique 
les rôles de pères nobles en double du fieur Clairval, 
les féconds pères en chef et les financiers. 

Le fieur Dorfonville : Les féconds amoureux en double du fieur 
Julien. 

Le fieur Rofières : Les pères ridicules en chef, les financiers et 
rôles à manteau en double des fieurs Suin et Ménier, 
les payfans en double du fieur Nainville. 

Le fieur Veftris : On peut Teflayer, pour lui conferver fon état, 
dans les rôles d'amoureux après les fieurs Michu, 
Julien et Dorfonville, et le charger des rôles d'utilité 
et accefifoires. 

La dame Trial : A fuffifamment de tout pour l'emploi dont elle 
e& chargée, tant que l'opéra-comique fubfiftera ; ainfi 
l'on ne peut défirer autre chofe finon qu'elle continue 
longtemps fes bons fcrvices. Elle pourroit cependant 
joindre à fon emploi quelques amoureufes et d'ailleurs 
les rôles de travefHflemens. 

La dame Billioni : Même obfervation en joignant à fon emploi 
les mères nobles dont le nombre n'eft pas confidérable 
à la comédie. Ses talens et fon intelligence donnent 
lieu de croire qu'elle s'en acquittera à la fatisfaction 
du public. 

La demoifelle Colombe : Même obfervation en joignant à fon 
emploi celui des mères nobles en double de M"** Bil- 
lioni. 

La dame Nainville : Son emploi n'eft pas confidérable dans l'o- 
péra-comique, elle doit être chargée des fécondes amou- 
reufes en chef. 

La dame Moulinghen : Son emploi n'eft pas très-confidérable dans 
l'opéra-comique. Elle y doit joindre les jnères rîdi- 



350 Les Comédiens italiens. 



cules, payfannes et fervantes dans la comédie^ doublée 

par M"* Gonthier. 
La dame Dugazon : Doit être chargée, indépendamment de Ton 

emploi dans l'opéra-comique, des rôles de foubrettes. 

Il y a lieu de croire que û elle continue de travailler 

elle y plaira au public. 
La dame Blanchi : Quoique cette actrice foit Italienne, elle peut 

très-bien conferver fon état et réuflir dans les foubrettes 

et même dans les fécondes amoureufes en double de la 

dame Nainville. 
La dame Gonthier : Doit joindre à fon emploi celui des mères 

ridicules, payfannes et fervantes dans la comédie en 

double de M"* Moulinghen. 
La demoifelle Dufayel : Elle doit, pour conferver fon état, être 

chargée de tout ce qu'on exigera d'elle tant dans 

l'opéra-comique que comédie en double de la dame 

Nainville. 

{Arshivt nélionéUs, 0>, «46.) 



XXI 



1789 — 16 octobre (i). 



V Académie royale de musique cède pour trente années aux comédiens 
du roi de la troupe italienne le privilège de l'opéra comique. 

Vu au Confeil d'État du Roi, Sa Majefté y étant, la délibération 
prife par les prévôt des marchands et échevins de la ville de Paris 

(i) Chronologiquement ce document devrait être placé après le suivant, mais comme dans le 
corps de l'ouvrage il a été fait divers renvois au numéro qu'il porte, on est obligé de laisser sub- 
sister cette légért irrégularité. 



Appendice. 351 



le 28 feptembre dernier portant réfiliation, à compter du i*' jan- 
vier prochain, du bail ou conceffion du privilège de Topéra-co- 
mique fait le 29 janvier 1766 par les fleurs Rebel et Francœur, 
lors conceflionnaires du privilège de l'Académie royale de muflque, 
aux comédiens ordinaires du Roi, dits Italiens, établis à Paris, et 
nouveau bail ou conceffion par lefdits prévôt des marchands et 
échevins, auxdits comédiens dits Italiens, pour trente années 
entières et confècutivcs qui commenceront audit jour i*' janvier 
1780 et finiront à pareil jour de Tannée 1810, du privilège et 
droit de jouer fur leur théâtre de Paris le fpectacle de l'opèra- 
comique compofiS de vaudevilles, danfes, machines, décorations, 
fymphonies et morceaux de chant, aux charges, claufes et condi- 
tions portées en un projet d'article ou fouraiffion tranfcrit en la 
délibération et dont l'original, figné defdits comédiens, eft joint 
à icelle, par lefquelles conditions : 

Article P'. 

L'Académie royale de mufique promet faire jouir pendant ledit 
tems à ladite troupe des comédiens ordinaires du Roi, dits Ita- 
liens, tous dénommés et acceptants au bas dudit projet de con- 
ceffion , dudit privilège de l'opéra - comique , comme dit eft ci- 
deflTus et ainfi qu'en ont joui ou dû jouir jufqu'à préfent lefdits 
comédiens. 

Article II. 

L'Académie royale de mufique fis réferve la propriété et l'exer- 
cice ainfi que l'exploitation de l'opéra-comique dans le refte du 
royaume, voulant jouir à cet effet du privilège exclufif qui leur a 
été accordé par nombre d'arrêts du confeil et notamment par les 
lettres patentes du mois de juin 1769, enregiftrées au Parlement 



352 Les ConUdiens italiens. 



de Paris le 1 2 août fuivant ; l'intention pore et fimple de la- 
dite Académie étant de ne concéder auxdits comédiens italiens 
l'exercice du privil^e de l'opéra-comique que fur leur théâtre de 
Paris. 

Article III. 

L'Académie royale de mufique promet et s'engage non-leole- 
ment à n'accorder à qui que ce foit aucun autre privilège concer- 
nant le privilège de l'opéra-comique, mais même d'empêcher que 
ce genre de fpectacle puifle être repréfenté à Paris par quelques 
autres perfonnes que ce foit^ non plus qu'aucun autre fpectacle 
compofé de chant et de danfes foit en françôis, foit en d'autres 
langues, à peine de tous dépens, dommages et intérêts ; promet- 
tant en outre d'employer fa médiation pour obtenir des auto- 
rités fupérieures qu'il ne s'établifle aucun des fpectacles fufdits 
dans l'étendue de quatre lieues à la ronde. 

Ladite conceffion faite à la charge par lefdits comédiens italiens, 
ainfi qu'ils s'y obligent folidaîrement, fans divifion, difcuflîon ni 
fidéjuffion. 

I** De ne pouvoir, pendant toute la durée de ladite conceffion, 
faire dans aucune pièce nouvelle aucun chœur fimple ou compofé 
de manière que ledit fpectacle de l'opéra-comique ne puifle avoir 
en façon quelconque la forme de l'opéra foit françois, foit italien; 
afin d'éviter toute interprétation contraire à l'efprit de cet article, 
il eft convenu et entendu que lefdits comédiens italiens ne pour- 
ront exécuter ni faire exécuter aucun choeur paré, mais feulement 
des morceaux d'enfemble compofés à plufieurs parties et exécutés 
par les interlocuteurs de la' pièce et autres acteurs de la troupe 
réunis naturellement et néceflairement en fcène par quelque inci- 
dent de l'action et non gagés pour les chœurs proprement dits. 



Af'pendice. 353 

auxquels Icfdics comédiens renoncent. Pourront d'ailleurs, les 

comédiens, conferver les accefloires dont ils font en poflefTion 

dans les pièces déjà exilantes, telles que la Rofière (i)» le Roi et le 

Fermier {i)^ Tonui Jones (3), Y Amoureux de quinze ans (4), le 

Diferteur (5), etc., et même en introduire de fcmblables dans 

K*s pièces qui feront données par b fuite dans le même genre et 

dans lefquelles les accefloires feront amenés néceflairement par 

le fujet comme dans les pièces ci-deflus énoncées et auront pour 

but de rendre une accbmation tumultueufe plutàt qu*un choeur 
proprement dit. 

2"* De ne faire, pendant le cours de ladite conceflîon et pour 
quelque caufe que ce puifle être, aucun ufage foit dans le cours 
des pièces nouvelles fous quelque nom qu'elles puiflcnt être don- 
nées, foit dans les fymphonies d*orcheAre, dans les divertiflemens 
ou autrement, d'aucun morceau de chant, d'aucune fymphonie, 
d'aucun air, d'aucune forte de mufique des ouvrages repréfentés 
à rOpéra ou qui pourroient dans b fuite y être repréfentés unt 
dans ceux reftés au théâtre que de ceux qui pourroient n'être pas 
Je reprife qui font du fonds de l'Académie royale de muiique et 
defquels, gravés ou non gravés, imprimés ou non imprimés, elle 
a feule le droit de jouir et ufcr comme lui appartenant ; mais 
IcfJits comédiens italiens relieront dans b pofleftion de jouer des 
pièces de leur théitrc et celles de l'Opéra-Comique, qui font faites 
et dans lefquelles on peut avoir employé des morceaux de chant 
d'opéra, telles qu'elles ont été données et repréfentées jurqu'A 
préfent, même dans le droit de jouer des parodies d'opéra, ainfi 



I) L* R^t»é»4 *t ^4'/«.f, of)4r« ic»«i|it •« iiiatrc «ctci, rr**!* p.'.i t«r«l «« iro»» ««tit, f*r 
F'-t^. mut. I-C Jt C*rt*r«. 

r : - (! xr-c l>r et t'-«i« «.«n mM-c J'artcttct, far S«^i«#. n iti^ur At M'«««itnr. 

( 1 • C "ii:J.« Ci; \* -•« a.-^ct. en proM. m#l«f 4'«»t«?tr«, f«r t*om<ifift ci f h.tijnr. 

(«> .' .fn.arrsi ai f •••;# «•», /• /« ÙfhU f-Vl#. ^.>aicJic tr« If nt ««to, àt L««fO% aiuti^Mf J ■ 
Ml • 

COM. DU toi. --11. l\ 



354 Les Comédiens italiens. 



que cela s'eft pratiqué de tout tems, étant convenu que par ces 
mots parodies d'opéras, on entend feulement des parodies d'o- 
péras françois et non des parodies d'opéras italiens ou autres^ 
improprement qualifiés de parodies et qui ne font à proprement 
parler que des traductions faites pour s'approprier une mufîque 
compofée fur des langues étrangères, à quoi lefdits comédiens 
italiens renoncent expreflement, promettant non-feulement de 
ne jamais jouer de pareilles parodies autres que celles de la Co- 
lonie (i), de V Olympiade (2), de la Bonne fille (3), de la Servante 
maîtreffe (4), de la Bohémienne (5), et d'autres dont ils font en 
poOefFion, mais auffi de ne faire à l'avenir aucun ufage de mufi- 
que italienne ou autre parodiée et accommodée fur des paroles 
françoifes; ladite conceffion n'ayant pour objet que d'accorder 
aux comédiens italiens le privilège et le droit de jouer des opéras 
comiques dont la mufique foit originairement compofée fur des 
paroles françoifes ; fe réfcrvant de fon côté, l'Académie royale de 
mufique, la faculté de continuer à donner des ballets d'action 
pantomime fur les fujets des pièces dudit opéra comique fous la 
condition de ne pouvoir y employer en airs de danfcs les mor- 
ceaux de chant ou ariettes defdites pièces, mais feulement une 
mufique indépendante et faite exprès pour fournir également à 
Texprcffion du mûmc fujct. 

3° A la charge de ne recevoir pour ledit fpcctacle de l'Opéra- 
Comique, ni même pour celui de la Comédie-Italienne, foit à 
titre d'acteurs, actrices, pcnfionnaires, gagifles, danfeurs ou au- 
trement aucun des fujets attachés ou qui Tauroient été à ladite 
Académie fans le confentement exprès et par écrit dudit fieur 



(i) Comédie en deux actes, traduite de Titalicn par Framery, musique de Sacchini. 

(2) Drame héroïque en trois actes, en vers, de Métastase, traduit par Framery, musique de Sacchini. 

(}) Opéra comique en trois actes par Cailhava, musique de Piccini. 

(}) Comédie en deux actes, de lîjuraii*;, musique de Pcrgolcse. 

(j) Parodie en deux actes de la Z in gara par Favart. 



Appendice. 355 

prévôt des marchands qui fera le iemblablc à l'égard des aaeurs, 
actrices, penfionnaircs, gagiftes et autres fujets atuchés ï la Co- 
médie-Italienne et ne pourra en recevoir aucun fans le confente- 
ment defdits comédiens et comédiennes, à peine de tous dépens, 
dommages et intérêts. 

4"* Que les comédiens ne pourront plus faire venir aucuns 
botiflfons d'Italie, fe fervir de ceux qui pourroient fe préfenter à 
eux, ni faire exécuter fur leur théâtre aucun intermède ou oi>éra 
italien par qui que ce foit, ni fous quelque prétexte que ce foit, 
(c réfcrvant, ladite Académie royale de mufique, le droit de fe 
fervir defdits bouflfons quand bon lui femblera. 

5** De fe conformer par lefdits comédiens et comédiennes aux 
rci^lcs prefcrites pour le choix des pièces, c*eft-i-dire qu'ils ne 
pourront pas repréfenter des pièces en un ou plufieurs actes qui 
forment des ouvrages de mufique (uivis, telles que les Tro^ 
queurs (i) et autres de pareille nature. 



Article FV. 

De ne pouvoir donner dans quelque tems, ni fous quelque 
prétexte que ce puiffe être, i compter de la date de ladite con- 
ccffion, les mardi et vendredi de chaque femaine jufqu'i l'ex- 
piration d'icelle, aucune repréfcntation d'aucun ouvrage en 
mufique anciens ou modernes, du genre de l'opéra comique à 
.iricttes ou parodies en mufique, non plus que des ballets i fujets 
hi /iorics et détachés des pièces, mais uniquement des pièces 1 
v.iiiJcvilIcs purs et fimples dans Icfquclles il n'entrera ikis de 
nurccaux de mufique ou d'aricttes faites exprès, ni traduites des 
opéras italiens, mais feulement des accompagnemens pour vau- 

',1) U,Mrt «tfBit^m* Àt V«Je, «j«i{.c J, Dauvtrgfiff. 



356 Les Comédiens italiens. 



devilles qui en feront fufceptibles et fous la réferve de pouvoir, 
par lefdits comédiens, donner fans diflinction de jour et fans 
exception les comédies françoifes et italiennes de leur anden 
fonds avec les agrémens de chant et de danfe tels qu'ils ont été 
attachés auxdites pièces dans le principe. 

Article V. 

De ne pouvoir céder ni tranfporter leur droit à ladite concef- 
fion fans le confentement exprès et par écrit defdits fieur prévôt 
des marchands et échevins. 

Article VI. 

Ladite conceffion faite moyennant la fomme de 30,000 livres 
de redevance ou loyer pour et par chacune des cinq premières 
années de ladite conceffion, payables, favoir : 20,000 livres en 
fix paiemens égaux de 3,333 livres 6 fols 8 deniers pendant les 
mois de janvier, février, mars, octobre, novembre et décembre, 
et 10,000 en fix autres paiemens égaux de 1,666 livres 13 fols 
4 deniers chacun pendant les mois d'avril, mai, juin, juillet, août 
et feptembre, fommes fixées et époques prifes par ledit bail 
réfihé; et 40,000 livres par chacune des vingt-cinq autres années 
de ladite conceffion, de mois en mois payables, favoir : 24,000 
livres en fix paiemens égaux de 4,000 livres pendant les mois 
de janvier, février, mars, octobre, novembre et décembre, et 
16,000 livres en fix autres paiemens égaux de 2,666 livres 13 
fols 4 deniers chacun pendant les mois d'avril, mai, juin, juillet, 
août et feptembre; Icfdites fommes payables non à l'adminif- 
tration de l'Opéra, comme il eft porté audit projet de founiif- 
fion, mais à la recette du domaine de la ville. 



Appendice. 357 

Confentant lefdits comédiens que, faute par eux d'exécuter, 
foit en totalité, foit en partie feulement, les conditions ci-deffus, 
ladite conceflion demeurera nulle et de nul effet pour ce qui 
reftera à en expirer, et ce de plein droit fans être tenus par lefdits 
prévôt des marchands et échevins d'aucune formalité de juftice (i 
ce n'eft d'une fimple fommatîon à perfonne ou domicile, après 
laquelle il fera loifîble aux prévôt des marchands et échevins de 
difpofer dudit privilège ainfi qu'ik le jugeront à propos. 

Pendant tout le tems de ladite conceflion et à compter de la 
date d'icelle, le prévôt des marchands et les officiers municipaux 
qui compoferont le bureau de la ville, ainfi que le fieur de Vif- 
mes, en fa qualité de régifleur de l'Opéra pour le compte de la 
ville, jouiront de leurs entrées partout dans la falle defdits Comé- 
diens italiens, même les jours de première repréfentation, et ce 
pendant la durée des fonctions publiques de chacun en droit foi 
et des fervices auxquels ladite prérogative eft attribuée et à la- 
quelle, pour le cours de deux ans feulement, feront rappelés les 
deux échevins fortis, à la fin du mois d'août dernier, de l'exer- 
cice pendant la durée duquel les difiiêrens points de ladite con- 
ceflion ont été difcutés, ainfi que les deux qui doivent fortir 
d'exercice au mois d'août 1780. 

Et comme le bureau change tous les ans, le fieur prévôt des 
marchands fera donner tous les ans la lifte de ceux qui compofe- 
ront le bureau. 

S'obligent, lefdits fieurs prévôt des marchands et échevins ef- 
dites qualités, de ne pouvoir céder leur droit au privilège de 
l'Académie royale de mufique, ni de s'en démettre qu'à la charge 
expreife de l'exécution de ladite conceffion. 

Sur quoi Sa Majefté, voulant faire connoitre fes intentions : 
ouï le rapport, le Roi étant en fon confeil a approuvé et agréé, 
approuve et agrée la conceffion faite par lefdits prévôt des mar- 



358 Les Comédiens italiens. 



chands et échevins à fes Comédiens dits italiens du privilège de 
rOpéra-Comique pour le tems, aux charges, claufes et conditions 
fufexpliquées; veut Sa Majefté qu'elle forte fon plein et entier 
effet et fera le préfent arrêt exécuté nonobftant oppofîtions ou 
autres empêchemens quelconques dont, fi aucuns interviennent. 
Sa Majefté s'eft réfervé et à fon confeil la connoiflance et icelle 
interdit à fes cours et autres juges. Le 16 octobre 1779. 

Signé : Hue de Miromesnil. 

(Arsbives nationales, E, a^SS?*) 



XXII 



1779. — 26 feptembre. 

Suppression des pièces du genre italien et mise à la retraite 
des acteurs qui jouaient dans ces pièces. 

Nous premiers gentilshommes de la chambre du Roi : 
Sa Majefté nous ayant fait connoitre l'intention où elle eft de 
fupprimer, à la clôture de cette année, le genre de la Comédie- 
Italienne, elle a ordonné qu'il fcroit expédié en conféquence, par 
fes premiers gentilshommes de la chambre, les ordres de retraite 
néceflaires aux fujets qui jouent dans ledit genre italien, en ac- 
cordant les penfions de retraite, conformément aux règlemens 
et à Tufage, et que les acteurs ou actrices non reçus feroient éga- 
lement prévenus de leur retraite afin qu'ils puiflTent fe pourvoir 
ailleurs, laiflant fes premiers gentilshommes de la chambre abfo- 
lument maîtres de régler, à l'égard defdits fujets, ce qui leur 
paroîtra le plus convenable. En conféquence des ordres à nous 
adreffés par Sa Majefté, mandons aux intendans des menus plai- 



Appetuiice. 359 

firs du Roi d'expédier à Pâques prochain des ordres de retraite, 
favoir : au fieur Zanuzzi, qui a fini Ton temps, avec la penlion de 
retraite de 1,000 livres, conformément aux reglemens; aux 
fleurs Camérani, Vedris et dame Bianchi, quoique ces trois fu- 
jets n'ayent point encore rempli le temps ncceflaire pour obtenir 
leurs pcnfions, cependant, en confidéraiion de leurs bons femces, 
il leur fera accordé, fuivant les intentions de Sa Majefié, et fans 
que cela puifle tirer i aucune conféquence i Tavenir pour aucuns 
fujets, 1,000 livres de penfion et, en outre, à chacun $,000 livres 
payables par moitié en deux années, b première expirant à Pâ- 
ques 1 781, la féconde i Piques 1782. 

A Tépard des ficurs Coraly, Bigottini et demoifelles Ricci (i) 
et Gaillard, il leur fera accordé à chacun, en forme de gratifica- 
tion, lors de leur retraite, moitié des appointemens dont ils joui- 
ront ali)rs. 

Paris, ce 26 feptembrc 1779. 

Signé: Le Duc d*Aumokt; le Maréchal duc de Richelieu; 

le Maréchal duc de Duras. 

(Ârtkix^ méti0m*lé$, O*. È4L,) 



XXIII 
1779. — 25 décembre. 

RègUment pour la Comidie-Italicnni. 

Le Roi s*étant fait rendre compte de Tétat des affaires de fes 
Comédiens italiens ordinaires et s'étant fait repréfcnter les ditîé- 
rcns traités de fociété faits entre eux. Sa Majcfté auroit reconnu 

(1) M*** Ri^^i avêii 4«^t«, U If avril 1777. fi U% r6Ut é'émftf^ 4mi U% f léctt iuU««Bt«. 



360 Les Comédiens italiens. 



que, depuis plufieurs années, le public montrait fi peu d'empref- 
fement pour vqir repréfenter des comédies en langue italienne 
que les repréfentations de ces pièces ne couvroient même pas de 
quoi pouvoir acquitter des frais journaliers; que, d'ailleurs, les 
différentes tentatives qui avoient été faites depuis quelque temps 
pour faire venir à grands frais des fujets d'Italie propres à foute- 
nir le genre italien en France, avoient été prefque inutiles parce 
que ce genre exifte à peine dans le pays même, où il a fait place à 
ce qu'on appelle les opéras-bouffons, ce qui doit faire perdre tout 
efpoir de pouvoir remplacer, à la fatisfaction du public, les bons 
acteurs qui font morts et ceux qui, à caufc de leurs longs fer- 
vices, feront dans le cas de fe retirer; et voulant Sa Majefté 
conferver dans Paris un théâtre qui puiffe continuer de fervir à 
l'amufement du public et contribuer en même temps, foit à faci- 
liter et augmenter les progrès de la mufique en France et affurer, 
par la même voie, non-feulement l'état et les fonds des acteurs et 
actrices actuellement exiftans à la Comédie-Italienqe, mais en- 
core les penfions qui feront dues à leur retraite; ouï le rapport : 
Le Roi étant en fon confeil, a ordonné et ordonne ce qui fuit : 



Artxcie P^ 

A compter de la clôture du théâtre de l'année prochaine 1780, 
la fociété des Comédiens dits italiens ordinaires du Roi, contrac- 
tée par différens actes, paffés par-devant notaires, les 27 octobre 
1719, 7 avril 1741, 3 mars 1742 et 29 avril 1754, fera et demeu- 
rera anéantie, éteinte et fupprimée, fe réfervant S. M. de pour- 
voir, d'une manière convenable, au traitement des comédiens 
jouant dans les pièces italiennes, foit par des penfions viagères 
foit par des gratifications ou indemnités, s'il y a lieu. 



Appendici. 361 



Articl£ il 

Pour compofcr, à Tavcnir, une nouvelle troupe qui puiflc 
remplacer celle qui e(l fupprimée par l'article précédent , S. M. a 
choifi et nommé tous ceux des acteurs et actrices qui jouent 
actuellement les comédies françoifes, les pièces de chant, foit en 
vaudevilles, foit en ariettes, et les parodies, lefquels acteurs et 
actrices, à compter de la rentrée des fpectacles, après Pâques de 
Tannéo prochaine 1780, continueront de repréfenter, fur le même 
théâtre, toutes lefditcs pièces, ainû que les pièces nouvelles du 
même genre qui pourront leur être préfentées par la fuite. 

Article III. 

AulCtôt après que b lecture du préfent arrêt aura été faite aux 
aaeurs et actrices ci-deflus déiignés, ils feront tenus, en confor- 
mité dudit arrêt, de pafler, par-devant notaires, un traité de 
fociété entre eux, lequel traité, préfenté â S. M., fera par elle 
approuvé et confirmé s*il y échet. 

Article FV. 

La nouvelle troupe, ainû établie, fuccédera à tous les privi- 
lèges, prérogatives, propriétés et poflfeifioQS, noms, raifons et 
actions qui appartenoient à Tandenne fociété, même dans b 
jouifTance de b penfion de i $,000 livres, accordée par brevet, de 
laquelle S. M. veut bien accorder b continuation à b nouvelle 
fociété. Laquelle penfion fera et demeurera, comme par le paflé, 
non faififlable par aucun des créanciers particuliers defdits aaeurs 
et actrices. 



362 Les Comédiens italiens. 



Article V. 

En conféquence de Tarticle précédent, la nouvelle focîété fera 
et demeurera chargée de toutes les dettes valablement contrac- 
tées par l'ancienne pour le bien général et commun d'icelle par 
billets, obligations et contrats de conftitution, ainfi que des fonds 
faits par les anciens affociés, des intérêts defdits fonds et des pen- 
fions de retraite. 

Article VI. 

Les acteurs et actrices compofant la nouvelle fociété confer- 
veront entre eux le même rang dont ils étoient en pofleffion ci- 
devant. Il leur fera pareillement tenu compte de tous les fonds 
qu'ils auroient faits dans l'ancienne fociété. En conféquence, ils 
continueront à jouir de la part et portion, ou portion de part, 
dont ils jouiflbient et le tems de leur retraite, ainfi que celui de 
la penfion qui y eft attachée, continuera à courir du jour qu'ils 
ont été admis et reçus dans l'ancienne fociété. 

Article VII. 

Veut et entend S. M. que le contenu au préfent arrêt foit exé- 
cuté félon fa forme et teneur et que tout ce qui y feroit contraire 
foit regardé comme nul et non avenu, ainfi qu'elle le déclare dès 
à préfent. Mande S. M. aux premiers gentilshommes de fa cham- 
bre et aux intendans des menus de tenir la main, chacun en 
droit foi, à l'exécution du préfent arrêt. 

Verfailles, 25 décembre 1779. 

Signé : Hue de Miromesnil. 

{Archives nationaUs, E, 1,5 $7-) 



Appendice, }6} 



XXIV 



1780. 



Af . de la Ferté, intendant des menus, soumet aux premiers gentils- 
hommes de la chambre divers projets de réforme à introduire à la 
Comédie-Italienne. 

En 1760, MM. les premiers gentikhommes de b chambre 
daignèrent confier i mes foins la Comédie-Italienne qui étoit fur 
le point de fe détruire, les acteurs pouvant à peine fubfifter, et 
étant alors obérée de plus de 700,000 livres de dettes. L'arrivée 
du ficur Caillot à Paris, que j'engageai 1 entrer aux Italiens où 
il ne vouloit pas même être reçu, mais aux appointemens de 
6,000 livres feulement, et quelques autres fujets qu'on admit 
alors, la tranflation des comédiens iuliens au boulevard pen- 
dant le rétablifTement de leur falle, que je fis entreprendre, mal- 
gré le mauvais état de leurs affaires, quelques petites pièces nou- 
velles, quelques bals, et enfin le retour des comédiens dans leur 
ancienne falle, qui parut plus agréable au public, toutes ces chofes 
mirent les comédiens non- feulement en état de payer les répara- 
tions de leur falle, de donner quelques i<omptes fur leurs an- 
ciennes dettes et de retirer un peu plus de leurs parts. 

En 1762, j'eus l'honneur de propofer i M. le duc d'Aumont 
le projet d'aflfermer le bail de l'Opéra-Comique alors établi aux 
foires Saint-Germain et Saint-Laurent. Mon idée fut adoptée et, 
par les arrangements pris avec le ficur Monet et compagnie, qui 
étoient entrepreneurs de ce fpectacle, le traité fut conclu avec les 
fieurs Rcbcl et Francœur, directeurs de l'Académie de mufique. 
Les principaux fujets de l'Opéra-Comique, dont le fieur Clairval 



364 Les Comédiens italiens. 



refte feul aujourd'hui à la Comédie-Italienne, furent admis dans 
la troupe des comédiens à portion de part. Cet accroifTement 
d'acteurs, joints au fieur Caillot et aux autres fujets qui chan- 
toient avant cette réunion, rendirent ce fpectacle plus intéreflant 
et firent naitre l'idée de conftruire des petites loges pour être 
louées à Tannée, à l'exemple des Comédiens françois. J'eus même 
la première, que les comédiens me prièrent d'accepter comme 
une marque de leur reconnoifTance, et je l'ai cédée depuis à M. le 
prince de Conti qui la trouva plus conunode relativement aux 
arrangcmens qu'il vouloit faire, et Ton m'en donna une autre. 
L'exemple de M. le prince de Conti fut bientôt fuivi par une fi 
grande quantité de perfonnes que, û on eût voulu les fatisfaire^ il 
ne ferpit plus reflé que le parterre, le parquet et l'amphithéâtre 
pour le public. 

Ce fut alors que l'état des comédiens augmenta fenfiblement, 
quoiqu'ils payafTent une portion confidérable de leurs anciennes 
dettes. L'admiffion de M"* Villette, depuis M"* La Ruette, dont 
je foUicitai le congé de l'Opéra et qui fuccéda à l'emploi de 
M"* Neiflel, et enfin la réception de M"* Mandeville, aujourd'hui 
M"* Trial, et de plufieurs autres fujets, femblèrent afTurer à ce 
fpectacle une exiftence folide, d'autant mieux que tous les fujets 
cberchoient à Tenvi à coopérer au bien, et je puis dire, avec 
vérité, qu'il régnoit dans ces premiers temps autant de zèle çt 
d'émulation pour le travail que de décence dans les afTemblées, et 
je citois fouvent aux Comédiens françois la modération des Ita- 
liens dans la difcuffion de leurs affaires et dans tout ce qui pou- 
voit intéreffer leur fociété, et je n'avois prefque jamais d'autre 
compte à rendre à MM. les premiers gentilshommes de la cham- 
bre qui n'avoient, de leur côté, qu'à les encourager à continuer à 
bien faire. 

Les chofes reftèrent à peu près dans cet état jufqu'en 1769 que 



Appendice, 565 

j'eus i m'occupcr des préparatifs des mariages de 1770, 1771 ti 
177}. Je fus forcé, par le travail dont j'étois feul chargé, de me 
trouver moins aux alfemblées et d*allcr moins aux fpectades. 

Ceux de la cour, interrompus pendant quelque temps ou de- 
venus moins fréquens par les pênes faites dans la famille royale, 
ayant recommencé, les comédiens s'habituèrent infenfiblement ï 
ne plus rendre compte de leurs affaires et de ce qui pouvoit les 
intérefler; mais, par le réfultat de leur compte de chaque année, 
je voyois avec fatisfaction que les produits de leurs repréfeota- 
tions augmentoient et que le montant des parts paffoit mes efpé- 
rances. 

En 1768, et dans les années précédentes, la comédie étoit 
compoféc unt pour le genre italien que pour la comédie firan- 
çoife et l'opéra comique de dix -neuf acteurs tant reçus qu'a 
l'effai, dont quatre acteurs reçus pour l'opéra comique et trois 
à l'elTai. Il y avoit quatone actrices tant reçues qu'à l'eflai, dont 
quatre reçues, jouant l'opéra comique et deux à Teffai. 

Les trois fervices fe faifoient exaaement alors à la fatisfaction 
du public et à l'avantage des comédiens. 

En 1773, MM. les premiers gentilshommes de la chambre 
ayant jugé ï propos d'interrompre l'exercice du genre françois 
pour lui redonner, dans d'autres temps, un plus grand écbt, le 
nombre des fujets, unt acteurs qu'aarices reçus ou à l'eflai, fe 
trouva réduit ï trente perfonnes, unt pour le (ervice de b co- 
médie italienne que pour celui de l'opéra comique, et les comé- 
diens continuèrent ï bien faire leurs affaires; mais le bon ordre, 
l'émulation et b bonne volonté parurent s'évanouir par b re- 
traite d'une partie des anciens acteurs, et les nouveaux n'ayant 
plus cet exemple devant les yeux, fe relâchèrent bientôt et ce fut 
pour remédier au mal qui gagnoit de jour en jour que quelques- 
uns des anciens me dcinanJèrcnt un reniement plus en forme; 



366 Les Comédiens italiens. 



j'en projetai un qui fut approuvé par meffieurs les premiers gen- 
tilshommes de la chambre et reçu à la grande fatisfacdon des 
comédiens en 1774. 

On avoit lieu de s'attendre qu'après ce règlement, qu'ils avoient 
foUicité avec la plus grande vivacité, les comédiens s'emprefle- 
roient tous à concourir au rétabliflement du bon ordre; et cela 
leur étoit d'autant plus facile que ce règlement leur donnoit des 
lois écrites qu'ils étoient à même de confulter fans cefle, et dans 
lefquelles les pouvoirs de leurs femainiers et du comité étoient 
expliqués très-clairement, tous les cas étant prévus autant qu'il 
étoit poffible. 

Il en a réfulté un effet tout contraire. Aucun des articles n'a 
été fuivi et il y auroit lieu de penfer que les acteurs reçus pofté- 
rieurement en ignorent même l'exiftence, quoiqu'il ait été ex- 
preflément ordonné aux femainiers et au comité d'aflembler tous 
les fix mois la troupe pour en faire une lecture. Chacun alors a 
méconnu fes obligations envers fa fociété, chacun a formé des 
prétentions pour ne jouer que quand il lui plairoit; les doubles 
ont voulu être doublés eux-mêmes. Les acteurs en chef ne fe 
font point oppofés à ces innovations et n'ont en cela envifagé 
que Tefpoir de jouer moins et de fe repofer davantage. Auflî, le 
nombre des acteurs et actrices qui, en 1773, étoit de trente pour 
les deux genres, a été fucceflivement augmenté et môme d'un 
quart jufqu'en 1778, puifqu'en cette année il étoit de quarante; 
cela ne paroitra pas surprenant lorfqu'on fera attention qu'en 
1768, et dans les années fuivantcs, Temploi des amoureufes en 
premier et en fécond, dans Topera comique, fe réduifoit à trois 
actrices reçues et deux à Teflai, et qu'en 1778, ce môme emploi a 
été chargé de cinq actrices reçues et de quatre à l'eflai. 

Les comédiens cependant fe plaignent que, cette année, le 
produit de leurs parts a confidérablcment diminué et que leurs 



Appendice. 567 

dettes fc font fort augmentées depuis quatre ou cinq ans. Ils en 
fcroient moins furpris s*ils rcflèchiflfoient fur le peu de zirle des 
premiers fujets à fatisfaire le public, fe repofant toujours fur les 
doubles des doubles môme, et livrant feulement les rôles les plus 
imporuns aux fujets à reflfai. Enfin, on peut dire que le défaut 
de fubordination, rintér(it paniculier, le peu de zèle, les préten- 
tions déplacées et l'indécence qui régnent actuellement dans les 
aiïemblées ont changé totalement le régime de ce fpcctacle, en 
comparant fa pofition préfente à celle des années où tous les ac- 
teurs fe piquoient de concourir au bien général. 

Néanmoins, l'intérêt a ouven les yeux 1 quelques perfonnes 
railonnables de la Comédie; elles m*ont marqué leur confiance 
en me priant de m'occuper de nouveau de leur pofition. Après 
plufieurs conférences Thiver dernier, elles font convenues que le 
point le plus intéreflant pour leur fpectacle étoit d'obtenir le re- 
nouvellement du bail de l'Opéra-Comique et h reprife des pièces 
françoifes à leur théltre, non-feulement pour empêcher l'éu- 
bliflTcment d'un fécond théâtre françois que le public et les au- 
teurs défiroient, mais pour fubditucr le genre de ces pièces fran- 
V'oifcs, qu'ils ne jouoient plus, à celui des pièces italiennes qui 
leur étoient abfolument à charge et qui même ne fubfiAent plus 
en Italie où elles ont pris naiflance. 

En confcquence, on n'a rien négligé pour fatisfaire aux de- 
mandes de ces comédiens; on a furmonté, autant qu'il étoit pof- 
lîble, toutes les difficultés qui fe font préfcntées. Mais, fans faire 
attention qu'il étoit peut-être impolfible de leur accorder toutes 
leurs demandes, ils femblent aujourd'hui ne fe prêter qu'Ji a*gret 
h la conclufion d'un objet qu'ils défiroient et qui doit les intérelTcr 
\ entablement, puifque toute leur exirtence préfenie et i venir 
Cw-pcnd du fuccès de celle affaire. 

Leurs fupéricurN auroicnt aHurémcnt bien fouluiié leur faire 



368 Les Comédiens italiens. 



obtenir tout ce qu'ils déûroient; cela n'a pas dépendu d'eux, et 
les comédiens doivent au contraire être perfuadés que c'étoit 
avoir beaucoup gagné que d'avoir pu engager la ville à fe réduire 
comme elle l'a fait au prix de 40,000 livres, puifqu'ii lui étoit£dt 
des proportions beaucoup plus confidérables et que, quand même 
elle n'auroit cédé que le privilège de Topera comique fans y 
rien ajouter de plus, il fe feroit fûrement préfenté des compa- 
gnies qui auroient donné peut-être jufqu'à 60,000 livres. On a 
cependant obtenu en outre la modération des claufes qui paroif- 
foient le plus inquiéter la Comédie, et la permiffion de jouer des 
opéra-vaudevilles les mardis et vendredis, avantages dont les co- 
médiens ne jouiiïoient pas dans le premier bail et qu'ils ne doi- 
vent pas regarder comme indiflFérent. 

Les comédiens paroiffent mécontens du traitement que Ton a 
fait aux Italiens, leurs camarades, qui fe retirent. On a pris ce- 
pendant encore la précaution de confulter auparavant plufieurs 
d'entre eux. Ils paroiflbient s'être réunis pour penfer qu'il y au- 
roit de l'injuftice et même de l'inhumanité à ne pas les traiter 
favorablement. C'eft en conféquence de cela que les arrange- 
mens qui ont paru les plus raifonnables ont été pris, et après 
qu'ils ont été fignifiés à Taffemblée, plufieurs fe font récriés, 
comme h on leur impofoit une furcharge trop onéreufe. Il eft 
vrai que tous les comédiens ne font pas d'accord entre eux; les 
uns veulent que l'on modère les traitemens , les autres veulent 
qu'on les augmente. Telle eft la conduite conféquente que tien- 
nent ordinairement les comédiens. 

Un autre motif de leurs plaintes porte fur les fujets que Ton fe 
propofe de leur donner pour affurer le fervice de la comédie. 
Quelques acteurs chantans difent qu'ils ne font point obligés do 
travailler pour nourrir ceux qui leur feront adjoints. C'eft annon- 
cer qu'ils voient aujourd'hui avec peine ce qu'ils défiroicnt avec 



Appendice. 369 

ardeur il y a fix mois. Ils en\-i(agcoicnt alors, et avec raifon, le 
danger qu'ils couroicnt de rétabliflement d*un fécond thèitre 
François et fentoient que le plus grand avanugc qui pût leur 
arriver étoit de fubftituer au genre italien, qui leur étoit i charge, 
les comédies françoifes dont leur théâtre étoit en poflreflion, et 
les pièces de ce genre que Ton pouvoit compofer exprès pour 
eux. Alors pluficurs d'entre eux ne mirent point en doute qu'en 
admettant feulement quelques fujets qui euffent joué dans ce 
genre en province, on ne trouvât dans le refte de la troupe de 
quoi aflfurer cette panie du fervice à la fatisfaaion du public. Les 
projets de diflribution d'emploi furent faits en conféquence; mais 
quand il a fallu en venir à l'exécution, il n'y a eu que les fieurs 
Michu, Ménicr, Dorfonville, Rozièrcs, les dames Dugazon et 
Gonthier qui aient marqué de la bonne volonté. On leur a donné 
h demoifelle Pitrot pour jouer l'emploi de feu mademoifelle SiU 
via et le fieur Valleroi pour les ballets. Depuis les fieurs Julien, 
Dorfonville, Suin, ont paru dans la comédie. Il eft ceruin que ce 
genre ne peut être rempli avec un fi petit nombre de fujets, puif- 
que non-feulement ils ne peuvent, vu leurs autres occupations 
dans le chant, apprendre aflez promptement des pièces françoifes 
pour ne pas laifler languir le public, ni jouer tous les jours, mais 
même la moindre maladie qui leur furviendroit interromproit le 
cours des repréfentations faute de fujets qui puflent jouer en 
double. Il manque même des acteurs pour certains caraaèrcs qui 
fe trouvent fou vent dans les pièces, tels que les pères et mères 
nobles et autres. 

Les comédiens, fans fe donner la peine de penfer 1 ce qui peut 
arriver, fe plaignent des débuts qui ont été accordés et fe propo- 
fent de faire â cet égard les plus vives repréfentations. Dans ce 
cas, il faut donc qu*ik fe prêtent à jouer dans la comédie. Plu- 
fieurs d'entre eux y font d'autant plus intércfles qu'ils doivent 

coM. DU Boi. — u. 24 



I 



370 



Les Comédiens UaVutis. 



fetitïr que â ta voix ed uo don prëdeux, il eft fujet à bien des 
révolutions mêoie dans les perfonoes les plus jeunes, qu'aînlî il 
ne pourroit arriver rien de pins avantageux pour eux que la nou- 
velle carrière qui eft ouverte à leur bonne volonté et à leurs u- 
Icns, Ils y peuvent cueillir de nouveaux lauriers en s'afTurant, 
pendant de longues années, une extftence agréable. 

Le sieur Clairval, par exemple, doit, mieux que perfonne, feoiir 
la folidiié de ce raifonncment. Il doil être fur du fuccès et du plaifir 
qu'il fera au public quand, à quelques rôles qu'il conlerveroil 
dans le chant, on le verra joindre ceux des amoureux de carac- 
tère et de jeunes pércs nobles dans la comédie. Il a tout ce qu'il 
faut pour y réuflir. C'eft donc d'après cette conviction et dans la 
vue de ne point furcharger la comédie d'un trop grand nombri: 
de fujets que je propoferais l'arrangement luivant. Les amoureux 
de caractère et pires nobles : le iicur Clairv.il en chef; le fieur Suin 
i-n double; le fieur Ménîer. Les jeunes premiers amoureux : Icticur 
Micliu en chef; le fieur Dorgevillc(i) en double et à l'effai. Les 
féconds amoureux : le fitur Julien en chef; le fieur DorlbnvîUe en 
double. Cet emploi n'cll pas confiJérable. Les pères marqués, râles 
à manteaux et de caractère: le fieur Rozières en chef; le fieur Suin 
en double; un acteur à l'effai. Les payfans, financiers, etc. : le 
fieur Trial en chef; le fieur Ménier en double; le fieur Thomai- 
fin. Les grands valets: le fieur Valleroi ; un double qui puî0e 
jouer en même temps les mafques. Les arlequins: le fieur Carlin. 
Les mires nobles: la demoîfcUe Verteuil avec quelques grandes 
coquettes; la demoifellc Gonthier double dans les mères nobles. 
Les mires de caractère et ridicules, duignes : la demoifelle Gon- 
tiiier en chef; la demoifelle Moulinghen en double. Les jeunes 
premières amoureu/es: la demoifelle Pitrot en chef; la demoifelle 



a 



Appendice. 371 

Dorrevillc(i) ou Algaroni(2) en double à leflai. Les jeunes fé- 
condes amoureufes : la demoifcUc Dufaycl en chef; h demoifelle 
Dufaycl cadette et h demoifelle Adclinc en double. Les fou" 
brettes: h demoifelle Dugazon en chef; une autre en double à 
reOai. 

Il réfulte du projet ci-deflfus que, dans ce moment-ci, le fervice 
de b Comédie pourroit £tre afluré en y employant les (ieurs 
Clairval, Suin, Julien, ThomaflTm, Michu, Ménier, DorfonviUe, 
Rozières, Valleroi et Carlin, et qu'il ne feroit néceflaire, dans 
l'emploi des hommes, que d'un double à l'eflai pour les jeunes 
amoureux et d'un double i l'eflai pour les valets, lequel double* 
roit auffi le fieur Carlin pour les arlequins. Les rôles de femmes 
feroient remplis par les dames Moulinghcn, Dugazon, Gonthier, 
Du&yel et Vencuil, en y ajouunt un double à l'eflai pour les 
Silvia, b demoifelle Dufayel cadette à l'eflai pour double des 
fécondes amoureufes, et une foubrette de même à Teflài en dou- 
ble de madame Dugazon. 

Par cet arrangement, il n'y auroit, jufqu'à Piques 1781, que 
feize parts d'employées, dillribuées en vingt-un fujets, tant ac- 
teurs qu'aarices, et cinq ou fut fujets à l'eflai qui pourroient 
également fe rendre utiles dans les pièces de chant, funout dans 
les opéras comiques-vaudevilles. Ainfi, b dépenfe des aaeurs à 
Teflài, ou des penflonnaires, tant pour féconder les pièces de 
chant que les acceflfoires, et b comédie, qui eft actuellement 
portée ï b fomme de 27,400 livres, pourroit être réduite, à 
Piques prochain, à celle d'environ 23,000 livres. Par ce moyen, 
le bénéfice de Piques 1780 i 1781 feroit d'environ 4^400 livres, 

(1) 11'^* CUva/Mu 4*OrcrTttl« «vtlt 4«^té U 17 MftrmWt 1777, ft tm r^ltt 4« Zerbtmt 4««t 

4« ll«rai<Mittl, «laki^tM 4t Créuy, ti 4« C0Umhf4 Àémt U TmkU^m f«r(4i«i, |i«rolM i'km—mm; 
■lati^vt À9 Ctttrr. 

(s) M*^* Al^troni it^uta k s suvcaibrc 1779, f«rU rdU à* StUts ÀMm% l«»y««« d4 TÀmutm* tê dm 
Héàmrd, c<nb«Jm 4« MATtvaut. 



37^ Les Comédiens italiens. 



indépendamment des quatre parts en fèqueftre. Supposant donc 
que Tannée fût bonne, par le travail des acteurs et actrices, la 
Comédie trouveroit peut-être de quoi fe libérer des fonds des 
acteurs italiens retirés. On peut encore chercher d'autres objets 
d'économie, par exemple fur les ballets. L'expérience journalière 
doit prouver aux comédiens que les ballets ne leur fervent que de 
prétexte pour tiercer (i) , et que le public n'y attache aucun 
mérite. Ainfi, il paroîtroit convenable de n'y point mettre de 
prétention et de les réduire au néceflaire pour les pièces qui exi- 
gent des divertifTemcns. 

Telle eft l'idée que l'on fe £iit de la poflibilité de rendre la 
Comédie-Italienne un fpectade très-intéreflant pour le public et 
très-avantageux aux fujets qui le compofent^ et, pour ne leur 
laiifer rien à défirer, il faut aiïurer à ces mêmes fujets une exif- 
tence qu'ils n'ont pas eue jufqu'à préfetit et ce, par un arrêt du 
Confeil, par lettres patentes et acte de fociété regiftrés au Parie- 
ment, ainfi que cela s'eft pratiqué pour la Comédie-Françoife, 
pour laquelle alors on fit enfuite un règlement. Il fera très- 
néceflaire, dans la circonftance préfente, d'en Éûre également un 
pour la Comédie-Italienne. 

Mais il n'en réfultcra une véritable utilité qu'autant que Ton 
tiendra la main à fon exécution et que les comédiens feront exacts 
à remplir les conditions de leur acte de fociété, en ne cherchant 
point à fe décharger les uns fur les autres de leurs fonctions, 
comme cela s'eft fait au préjudice des intérêts de la troupe. 

C'eft cet éloignement des devoirs de fociété qui a forcé les 
fupérieurs à chercher parmi les comédiens un fujet d'aflez bonne 
volonté pour fe charger d'aflurcr, chaque femaine, le fervice du 
public et de la cour. On a vu, et Ton voit encore, le fieur Trial 



(i) C*«st-i-dire augmenter d'un tiers le prix des places. 



Appendia. J7j 

ttre i lui feul en qudquc forte le fcnuinier perpétuel et tout le 
comité. 

n en eft rëfuiti pour lui des déDigrimeiis fans nombre ; il a été 
l'objet de la )alou(ic et des propos injurieux tenus par pluGcurs 
de fes camarades. Il lui a lïdlu du courage et du zilc pour rtôAer 
i toutes ces atuques. 

Or, comme il ne faut point qu'un membre d'une fociitè foit 
feul expolï i fouicnir toutes les charges de fon adminiftration, 
les nouveaux arrangemens feront que chacun , à fon tour , en 
partagera le poids. Il y aura alors plus de liaifon entre les mem- 
bres, plus d'accord et moins de troubles dans les alTembltes, qui 
dèginireroient en cohue fi det égards refpectib, qu'on ne Ciu- 
roit trop recommander, n'y entittenoient l'harmonie et la con- 
corde. 

t*.*.i.4»i > Ml-.0'.M.) 





TABLE DES ARTICLES 



CONTENUS DANS LES DEUX VOLUMES 



Adaw (Patricia), dite DiAUAN- 
TINE. I 

Adeline Colombe (Marie-Ma- 
deleine Rorabocoli-Riggîeri, 
dite). I 

Alborghetti (Pierre), dit Pan- 
talon. I 

Akoentike (MUe Zanerini'B ian- 
chi, dite). I 



Arlequin. 1 4 

AsTORi (Ursule), dite Isabelle, 

dite LA Cantariha. I. . . . 4 

AsTHODi (Rosalie). 1 4 

Audinot (Nicolas-Médard). I. 7 
AiniELiA ( Brigida Bianclii , 

dite). 1 10 

Aurelio (Banholomeo Ra- 

nieri, dit). 1 10 



B 



Babet (Louise-Ëlisabeth-Cbar- 
lotte Wsentinî, dite). 1. . 

Babet la Chanteuse (Ëlîsa 
beth Daneret, dite). I. . 

Bacelli (M"»)- ï 

Balletti ( Aaioine - Joseph 



Jean - Gaftan - Maximilien) , 
dit Makio. I 

Balletti ( Jeanne - Rose - 
Guyonne Benozii , femme 
de), dite Silvia. I 

Balletti (Antoine-É tienne). I. 



376 



Table des articles 



PftgM. 

Beaupré (Pétronille- Rosalie). 

Belmokt (Charles-Virgile-Ro- 
magnési de), dit Léamdre. I. 3 a 

Belmokt ( Anne - Elisabeth 
Constantini, femme de Char- 
les-Virgile Romagndsi de).I. 32 

Bendikelli (Hyacinthe), dit 
Valério. 1 33 

Benozzi (Jean-Baptiste-Bona- 
venture), dit le Docteur. I. 34 

Bérard (M«e)- ï 37 

Berquelor (Etienne). I. . . 37 
Bertinazzi (Charles-Antoine), 

dit Carlin. 1 42 

Bertinazzi (Françoise-Suzanne 

Foulquier, femme de). I. . 42 
Bianchi (Brigida), dite Auré- 
lia. 1 60 



Pages. 

BiANcm (M^ ZaneriniX dite 
Argentine. 1 60 

BiANCOLELLi (Dominique), dit 
DoimnopE, dit Arlbqvin. I. 61 

BiANCOLELLi (Ursule Cortezziy 

femme de), dite Eularia. I. 61 
BiANCOLELLi (Maric-Thérèse). 

1 70 

BiANCOLELLi (Pierrc-FrançoisX 
dit Dominique, dit Trtve- 

LW. 1 70 

BiGOTTINI. 1 70 

BiLLiONi (Catherine - Ursule 
Bussa ou Bussart, femme de 
Michel-Rieul Billion, dit). I. 73 
BissoNi (Jean), dit Scapin. I. 8x 

BOGNOLI (M«c). 1 81 

Burette (Marie Babin de 
Grandmaison, dite). I. . . 81 



c 



Caillot (Joseph). 1 8$ 

Camerani ( Barthélemi - An - 
drti). 1 95 

Camille (Camille -Jacquette - 
Antoinette Véronèsc, dite). 
I 102 

Cantarina (Ursule Astori, dite 
Isabelle, dite la). I. . . . 102 

Capitan (le). 1 102 

Carlin (Charles-Antoine Ber- 
tinazzi, dit). 1 102 

Carline (Maric-Gabriellc Ma- 
lagrida, dite). 1 102 

Catinon (Catherine-Antoinette 
Foulquier, dite). 1 105 

Champville (Gabriel-Elconor- 
HervcduBus, dit), liitSoLLl. 107 



Chenard (Simon). 1 109 

Ciavarelli (Alexandre-Louis), 

dit Scapin. 1 109 

Cinthio (Marc-Antoine Roma- 

gnési, dit). I m 

Clairval (Jean-Baptiste Gui- 

gnard, dit). I nj 

Collalto (Antoine Mattiuci, 

dit), dit Pantalon. I. . . nS 

Collet (M"e)- 1 121 

Colombe Taînée (Marie-Thé- 
rèse-Théodore Rombocoli- 
Riggieri, dite). 1 124 

Colombe la jeune (Marie-Ma- 
deleine Rombocoli-Riggicri, 
^ite). I J32 

CoLOMBiNE (Catherine Bianco- 



contenus dans les deux volumes. 



377 



Ptgei. 

lelli, femme de Pierre Le Noir 
de la Thorillière, dite). I. . 136 
Constantin (Antoine). I. . . 136 
CoNSTANTiNi (Angelo), ditMÉ- 

ZETIN. 1 136 

CoNSTANTiNi (ConsUntino), dit 
Gradelin. 1 136 

CoNSTANTiNi (Jean - Baptiste), 
dit Octave. 1 139 



Pâgei. 

CORALI. 1 142 

CoRALiNE (Anne-Marie Véro- 

nèse, dite). 1 144 

CoRTEZZi (Ursule), dite Eula- 

RiA. 1 144 

CoRTiCELLi (Marie -Anne). I. 144 

Crêtu (Mlle Simonnet, femme 

de N.). 1 148 



D 



Daneret (Elisabeth), dite Ba- 

bet la Chanteuse. I. . . . 153 
Dehesse (Jean - Baptiste - Fran- 
çois). I 153 

Dehesse (Catherine- Antoinette 

Visentini, femme de). I. . . 153 

Demery. 1 180 

Desbrosses (Marie). I. . . . 180 

Desbrosses (Robert). I. . . . 182 

Desgland (Eulalie). I. . . . 182 
Diamantine (Patricia Adami, 

dite). 1 184 

Docteur (le). 1 184 



Dorsonville (Jacques Bôron, 
dit). 1 184 

Dorsonville (Elisabeth Tes- 
sier, femme de Jacques Bé- 
ron, dit). 1 184 

Dubois (le petit). 1 193 

Dufayel (Sophie et Augus- 
tine). 1 193 

DuGAZON (Louise-Rosalie Le- 
fèvre, femme de Jean-Henri 
Gourgaud, dit). 1 197 

DjjNi (Égide-Romuald). L . . 206 



F 



Fabio (Fabio Sticotti, dit). L 

Favart (Charles-Simon). L . 

Favart (Marie-Justine-Benoite 
Cabaret du Ronceray, femme 
de). I 

Favart (Charles - Nicolas - Jo- 
seph-Justin). I ai9 



207 
207 



207 



FlORiLLi (Tibério), dit Scara- 
MOUCHE. 1 222 

Flaminia (Hélène - Virginie - 
Balletti, femme de Louis- 
André Riccoboni, dite). L . 235 

Flautin (Jean - Évariste Ghé- 
rardi, dit). 1 235 



378 



Table des articles 



Ptgei. 

FouLQUiER (Catherine -Antoi- 
nette), dite Catinon. I. . . 235 

FouLQUiER ( Françoise -Su- 
zanne). 1 235 



FRACANZANi(Michel-AngeX dit 

POUCHINELLE. 1 235 

Frédéric (M"*)- I ' 237 



G 



Gabrielli (Louise). 1 239 

Gaillard (Félix). 1 239 

Gaillard (Catherine - Marie - 
Antoinette Mattiuci, femme 

de). 1 239 

Ghérardi (Évariste), dit Arle- 
quin. I 239 

GoLDONi (Charies). 1 249 

Gontier (Françoise Carpen- 
tier , femme de Charles- 



Adrien). 1 250 

Gradelin (Constantîno Cons- 

tantini, dit). 1 255 

Granger (Pierre-Philibert). I. 255 
Grétry (André -Ernest -Mo- 
deste). 1 258 

GuÉDON (Barbe-Suzaime fier- 
tinazzi, femme d*Alban Bac- 
quoy). 1 264 



I 



Isabelle (Françoise-Marie-Ap- 
pollinc Biancolelli, femme 
de M. Constantin de Turgis, 



dite). 1 265 

IsABELLE (Ursule Astori, dite), 
dite LA Caktarina. I. . . . 265 



j 



JÉRATON (Jean -Joseph), dit | Julien. 1. 

Pierrot. 1 267 



267 



L 



Lacaille (M«e). 1 271 I L ALANDE (Marie-Thérèse de). I. 273 

Lafond (Rosalie). 1 273 | Lambert (M^^e). 1 277 



contenus dans les deux volumes. 



379 



Faget. 

Lange (M.). 1 277 

Laiuette (Maric-Thèrtsc Vil- 

lette, femme de Jean-Louis). L 277 
Léandke (Charles-Virgile Ro- 

magnési de Belmoot, dit). L 38) 

Lefèvre QéS^). 1 38) 

Lejeuke Qean-François). L . 28) 
Léuo (Louis- André Riccoboni, 

dit). 1 285 



Fagn. 

Léuo fils (Antoine-Frtnçois- 

Valentin Riccoboni, dit). L . 28$ 
Lescot (Françoise - Adélaïde 

Guignard de Clairval, dite). L 28 $ 
LocATELLi (Dominique) y dit 

TuvEUN. 1 29) 

LoLU (Jean-Bapiste-Ange-Au- 

gustin). 1 294 



M 



Mandeville (Marie-Jeanne Mi- 
Ion» femme d'Antoine Trial, 
dite Félicité). II 1 

Mansac (François^ dit le Ca- 
FITAN. II I 

Maucnan. II 5 

Maainette (Laurence- Elisa- 
beth del Campo, femme de 
Tibério Fiorilli, dite). U. . 6 

Maunette (Angélique Tos- 
cano, femme de Joseph Tor- 
torits, dite). U 6 

Mauo (Antoine-Joseph-Jean- 
Gaéun-Maximilien Balletti, 
dit). U 7 

Maaiyaijx (Pierre Girlet de 
Chamblain de). II 7 



Materazzx (François)^ dit lb 
DocTBum. n II 

MATTiua (AmoineX dit Col- 
lalto. ii i) 

Mékard (MU«). u 1) 

Ménsx ( Philippe - Thomas ) 

U 15 

Mézetin (Angdo Coostantini, 

dit). U 18 

Micuu (Louis). II 19 

Milok (Marie-Jeanne). II. . . 22 
MoKSiCKY (Pierre-AIeiandre). 

U 22 

MouuNCHSN (Louise -Frédé- 

rique Schrœder, femme de 

Jean-Baptiste-Michel). II. . 24 



N 



Kaimvoli. II 26 I Nakbonmi. II. 



«9 



o 



Octave (Jean-Baptiste Cons- 

tantini, dit). II )) 

Octave et le ViEa Octave 



(Jean -André Zanoni, dit). 

n n 

Orazio(N. Romagnési, dit). II. ) | 



Table des articles 



Pagbetti (Pierre). II. , . . 

Pantalon. II 

Pascahiel 0oseph Tortoiiri, 

dii). II 

Perceval (M™). U 

PmLiDOR (François- André Da- 

nican). II 

Philippe (Philippe Cauvy, dit), 

n 



PicciNELU (Anne). 42 

Pierrot, II 46 

PiTROT ( Antoiae-Bona venture). 

n 47 

PmioT (Louise Régis, dite Rzr, 

femme de), U 47 

PmioT DE Lancy (W'f). II. . 64 

PLAcron {M"0. n 68 

Polichinelle. II £S 



R 



RANresi(Birtholomeo),ditAu- 
RÉLio. Il 69 

Raymond (Gabriel -François). 
U 69 

Raymond (Elisabeth • Félicité 
Pioet, femme de). II. . . . 69 

Renaud (M""). II 78 

RiccoBONi (Louiî-AnJré), dit 
Lélio. II 8a 

RiccoBONi { Hélène- Virginie 
Baiktti, femme de), dite Fla- 
ïimn. II 81 

RiccoDONi (Antoine-François- 
Valcntin), U 9î 

RICCOBONI (Marie -Jeanne de 
Heurics de Laborras de Mé- 
li^es, femme de). II. . . . 9} 

RmÈRE (Catherine-Antoinette 
Foulquier, femme de M. de). 
U 100 

RocHARD DE BotnLLAC (Char- 
les-Raymond). Il lOI 



RoMAGNÉsi (Marc- Antoine), dit 
CiNTHto. u 

RouAONËsi DE Beln ONT (Char- 
les- Virgile), dit LéANDKS. u. 

ROUAGNË^I DE BELMONT(AlUie- 

Ëlisabetb Coniuntini , femme 
de). II 

RoMACNËsi (Gaétan), II. . . . 

RoMAGNÉsi (Jean-Aaioine). U. 

RoMBOcoLi ■ RiCGiERi (Marie- 
Thérèse-Théodorc),dite Co- 
lombe l'aînée). U 

ROMBOCOU - RiGGlERl (Maric- 
Madelcinc), dite Colombe la 

Rosalie (Rosalie de Saint- 
Évreui, dite). U 

BOSAMBERT (Mll«). n 

Rosière (]ean-Ren<! Lecoupay 
de la Rosière, dit). II. . . 

RuscA (Marguerite), dite Vio- 
lette. II 



A 



contenus dans les deux volumes. 



381 



s 



Pages, 

Saint-Aubin (Jeanne-Charlotte 
Schrœder, femme d'Auguste- 
Alexandre d*Herbey, dit). II. 131 

ScAPiN. II 135 

SCARAMOUCHE. II I35 

SCARAMOUCHE Tancien. IL . . 136 
ScARAMoucHE le jeune. II. . 136 
Sedaine (Jean-Michel). II. . . 136 
SiDONiE (Françoise-Sidonie Vi- 

scntini, dite). II 140 

SiLViA (Jeanne-Rose-Guyonne 
Bcnozzi, femme d'Antoine- 
Joseph-Jean-Gaetan-Maximi- 
lien Balletti, dite). II. . . . 140 



P*gc«. 

SoLi (Gabriel-Éléonor Hervé 
du Bds, dit Champville, dit). 

n 141 

SoLiÉ (Jean-Pierre Soulier, dit). 

II 141 

Spezzafer. II 142 

Spinette. II 143 

SncoTTi (Fabio), dit Fabio.' 

n 144 

Sticotti (Ursule Astori, femme 
de), dite Isabelle, dite la 

Cantarina. II 144 

SuiN. II 148 



T 



Tessœr (Elisabeth). II. ... 151 
Thomassin (Thomas - Antoine 

Visentini, dit), dit Arlequin. 

II 151 

Thomassin (Marguerite Rusca, 

femme de), dite Violette. 

U 151 

Thomassin (Vincent-Jean Vi- 
sentini, dit), n 156 

Thomassin (Marie-Agnès Si- 

méon, femme de). II. . . . 156 
Thomassin (Guillaume-Adrien 

Visentini, dit). II 162 

Thomassin (Jeanne-Nicole Tis- 



serand, femme de). II. . . 162 
Thomassin (Éléonor Visentini, 

dite). II 164 

Toni (Antoine-Jean Sticoui, 

dk).ll 165 

ToRTORiTi (Joseph), dit Pas- 

CARŒL. II 165 

ToscANO (Angélique), dite Ma- 

RINETTE. II 169 

Trial (Antoine). II 170 

Trial (Marie -Jeanne Milon, 
femme de), dite FéucrrÉ 

Mandeville). II 170 

Trtvelin. II. ...:.. . 179 



382 



Table des articles, etc. 



V 



Page». 

Valerio (Hyacinthe Bendinelli, 

dit), n 181 

Valleroi. II 181 

Véronèse (Charles - Antoine) , 

dit Pantalon. II 181 

Véronèse (Pierre - Antoine - 

François), dit le Docteur. 

II 183 

Véronèse (Anne-Marie), dite 

CoRALiNE. II 187 

Véronèse (Camille-Jacquette- 



Pages. 

Antoinette), dite Camille. II. 197 

Verteuil (M««). n 203 

Vestris (Ange - Marie - Gas - 

pard). n ' . 205 

ViLLETTE ( Marie - Thérèse ). 

n 207 

Violette (Marguerite Rusca, 

dite). II 207 

ViSENTiNi. II 207 

VoLANGE (Maurice - François 

Rochet, dit). II 207 



z 



Zanerini-Bianchi (M"«), dite 

Argentine. II 211 

Zanotti (Jean-André), dit Oc- 



tave, puis LE Vieil Octave. 

II 213 

Zanuzzi (François-Antoine). II. 214 




ACHEVÉ ly IMPRIMER 

LE NEUF HABS MIL HUIT CENT QUATIE-VINCT 

PAR BERGER-LEVRAULT ET C'* 

A NANCY