Bernard, Tristan
Le seul bandit du village
s pièces à succès. N" 16.
Prix NET : 60 centimes.
Un acte
;C DOUZE SIMILI-GRAVURES
par TRISTAN BERNARD
PM. — Ernest FLAHHARION, éditeur, 26, me Racine. — PARIS
EN VENTE :
1. — LUI! un acte par Oscar Méténier Prix net 60 cent.
2. — LA CINQUANTAINE, un acte par Georges
Courteline Prix net 60 cent.
3. — LE MÉNAGE ROUSSEAU, un acte par Léo
Trézenik Prix net 60 cent.
4. — EN FAMILLE, un acte par Oscar Méténier. Prix net 60 cent.
5. — MON TAILLEUR, Comédie de Salon en un acte
d'Alfred Capus Prix net 60 cent.
6. — MONSIEUR ADOLPHE, un acte d'Ernest Vois
et Alin Montjardin Prix net 60 cent.
7. — LA CASSEROLE, drame en un acte, par Oscar
Méténier Prix net 60 cent.
8. — SILVÉRIEOU LES FONDS HOLLANDAIS,
un acte, par Alphonse Allais et Tristan Bernard. Prix net 60 cent.
çetio.-LAREVANCHE DE DUPONT L'ANGUILLE
deux actes et trois tableaux, par Oscar Méténier. Prix net i fr. 20
11. — UNE MANILLE, un acte par Ernest Vois, Prix net 60 cent.
12. — LE SACREMENT DE JUDAS, un acte par
Louis Tiercelin Prix net 60 cent.
i3. — LE GENDARME EST SANS PITIÉ; comédie
de salon en un acte, par Georges Courteline et Edouard
Norès Prix net 60 cent.
14. — LES AFFAIRES ÉTRANGÈRES, comédie de
salon en un acte, par Jules Lévy Prix net 60 cent.
Pour paraître prochainement :
i5. — CAILLETTE, un acte par Henry de Gorsse et
Charles Meyreuil Prix net 60 cent.
16. — LE SEUL BANDIT DU VILLAGE, un acte,
par Tristan Bernard Prix net 60 cent.
17. — PAROLES EN L'AIR, un acte de Pierre Veber
et L. Abric Prix net 60 cent.
Chaque pièce est ornée de nombreuses simili- gravures
Le seul Bandit du Village
VAUDEVILLE EN UN ACTE
Représenté pour la première fois sur la scène du Théâtre des Capucines
le 10 novembre 181)8
OUVRAGES DE M. TRISTAN RERNARD
ROMANS, CONTES, NOUVELLES
Vous m'en direz tant, nouvelles (avec M. Pierre Veber).
Contes de Pantruche et d'ailleurs, nouvelles.
Sous toutes réserves, nouvelles.
X***, roman, en société avec MM. George Auriol, Georges Couk-
teline, Jules Renard et Pierre Veiser.
Les Mémoires d'un Jeune homme Rangé, ruman.
THEATRE
Les pieds nickelés, 1 acte.
Allez! Messieurs ! I acte.
Le Fardeau de la Liberté, 1 acte.
Franches lippées, 1 acte.
Je vais m'en aller, 1 acte.
Le vrai courage, 1 acte.
Le retour du marin, 1 acte.
Le radeau delà « Méduse », 1 acte.
En cambriolant, 1 acte.
Visite de nuit. 1 acte.
Le coup de Cyrano, 2 actes.
Une aimable lingère, 1 acte.
L'Anglais tel qu'on le parle, 1 acte.
EN COLLABORATION AVEC M. ALPHONSE ALLAIS
Silvérie, ou les Fonds Hollandais.
59187. — Imprimerie Lahure, rue de Fleurus, 9, à Paris.
TRISTAN BERNARD
Le seul Bandit
du Village
VAUDEVILLE EN UN ACTE
PARIS
ERNEST FLAMMARION, ÉDITEUR
26, RUE RACINE, 26
^RARy
1974
PERSONNAGES
ARSÈNE MM. Guyon fils.
LE GENTLEMAN FARMER Spark.
LE RARON Dayle.
LE COMMISSAIRE Goeury.
LA RARONNE , • • • M""' Rarklay.
.JULIE, FEMME DE CFIAMBRE GuiTTV.
Les simili-gravures ont été reproduites d'après les photographies
de MM. Cautin et Berger.
PQ
Le seul Bandit
du Village
La scène représente une chambre à coucher dans un château. On aperçoit
à droite ou à gauche, deuxième plan, le pied dun lit enfonçant dans
une sorte d'alcôve. Devant le lit un fauteuil. Du côté du lit. premier
plan, la porte d'un cabinet à robes. Une autre porte au fond. En face
du lit, une fenêtre. Mobiher élégant.
LA BONNE, puis ARSÈNE.
La bonne entre, en précédant Arsène, un bougeoir à la main.
ARSÈNE, vêtu comme un vagabond, de vêtements déchirés et rapiécés.
Vous êtes sûre que personne nous a vus?
LA BONNE
Mais non, mais non. Attendez-moi quelques instants. Je remonte
tout de suite. Je vais voir au bas de l'escalier si j'ai bien refermé
la porte de service.
(Elle sort.)
ARSÈNE, à lavant-scène.
...Y a rien d'aussi ennuyant que de s'introduire pour voler chez
des gens qu'on ne connaît pas.... Et puis, c'est bète, c'est mala-
droit.... On ne devrait jamais voler que chez des gens qu'on con-
naît.... Il faut voler là où qu'on a coutume de fréquenter, et là où
6 LE SEUL BANDIT DU VILLAGE.
votre présence n'a rien d'estraordinaire. Quand on voit un mal
vôtu comme moi dans une aussi belle chambre, on pense tout de
suite que sa place n'est pas ici.... Mais quoi? je me dis toujours
ces choses-là quand c'est trop tard pour refuser.... Quand on me
propose une alTaire, je ne rélléchis pas. Je vois l'occasion, je dis :
laut pas la manquer, et je marche.... C'est que la saison est telle-
ment dure! (S'asseyanl sur le fauteuil, et consultant un i)Otit calepin).
Quand je pense à ce que j'ai volé depuis un mois : quatre...
cinq... six... poules... et une brouette cassée. Ma plus belle
affaire a été le porte-monnaie d'une dame, où il n'y avait qu'une
pièce de quarante sous sans couronne et un bout de taffetas
i^ommé. Le mois dernier avait été meilleur, à cause de l'incendie
de l'épicerie: j'ai sauvé une caisse de chocolat.... Sans parler
d'un vieux monsieur que j'ai retiré des flammes à mon second
voyage. Ce qui m'a fait une petite prime de quinze francs —
(Il s'asseoit.) Il fait bon dans ce fauteuil. Si j'avais un fauteuil
comme ça. et du pain et du fromage à discrétion, j'en connais
un qui se retirei'ait des affaires.
(On entend du l)ruil. Arsène se lève iurcipilaniinenl. lùitic in Itoniie.)
LA bonm:
Voilà. Pas de danger. Madame ne sera guère ici avant une
demi-heure. Elle est allée reconduire monsieur jusqu'au tournant
(lu parc.
AnSÈXE
11 part à Paris, votre monsieur?
LA BONNE
Mais oui. C'est pour ça qu'il fallait profiter de cette nuit-là.
C'est la première nuit qu'il s'absente. Depuis son mariage, il n'a
pas découché.
ARSÈNE
C'est un vieux monsieur?
8 LE SEUL BANDIT DU VILLAGE.
LA BONNE
Et quinteux ! et grognon! Ah! le sale bonhomme I
ARSÈNE
Expliquez-moi ce qu'il y a à faire.
LA BONNE
Ça n'est pas sorcier. Vous allez vous installer dans ce cabinet à
robes, et vous attendrez que madame soit couchée. Quand vous
jugerez qu'elle dormira, vous sortirez à pas de loup et vous lui
prendrez ses clefs qu'elle pose toujours sur ce petit guéridon. Puis,
vous irez à cette porte quelle aura fermée, vous rouvrirez dou-
cement, et vous me donnerez les clefs. Je serai dans le couloir.
Je n'aurai plus qu'à descendre au salon où j'ouvrirai le coffre-
fort. Je prendrai les papiers que veut avoir M. Niquedan, celui qui
se présente contre notre monsieur à la députation. Je les lui por-
terai dès ce soir. Je loucherai la somme et je vous remettrai
trois cents francs. On m'a donné mon compte ici, il y a deux
jours. Je ne suis pas fâchée de leur jouer ce petit tour-là.
ARSÈNE
Mais pourquoi est-ce que vous n'avez pas pris ces clefs vous-
même?
LA BONNE
Parce que madame s'enferme toujours le soir, après m'avoir
renvoyée.
ARSÈNE, qui a écouté ce récit avec abattement.
Enfin!... C'est bien compliqué tout ca! 11 faut que je vous
prévienne d'une chose. Si votre madame se réveille, je ne lui
toucherai pas un cheveu. Je n'ai apporté ni instrument conton-
dant, ni aucune arme à feu. En fait d'armes, je n'ai sur moi
qu'un crayon anlimigraine.
SI J AVAIS UN FAUTEUIL COMME CELUI-LA.
iO LE SEUL BANDIT DU VILLAGE.
LA BON.NE
Elle ne se réveillera pas, soyez tranquille.
ARSÈNE
Moi, vous savez, donner des coups de lingue, c'est pas ma
spécialité. Une fois, je me suis évanoui dans un château pour
avoir tué un traversin.
LA BO.NNE
Un traversin?
ARSÈNE
Oui, c'était chez un garde. J'étais venu la nuit, j'avais forcé la
porte. Je m'étais rué sur le lif.... Seulement mon garde n'avait pas
couché là. Je me suis aperçu le matin que j'avais tapé dans un
lit vide....
LA BONNE
Mais il ne s'agit pas de toucher à madame. Elle a toujours été
gentille pour moi, elle. C'est une brave dame tout à fait, et il faut
vraiment que ça soye mon inlérèl, pour que j'y fasse du tort.
ARSÈNE
C'est donc bien entendu que, si elle se met à crier, je m'excuse.
Je veux bien voler ce que vous voudrez, à part ça. Y a-t-il ici
qué'que bibelot qui vous fasse plaisir? Je ne sais pas, moi : voyez
ce qui peut faire votre affaire. Parce que, dame, Une fois que je
serai sorti, je ne rentrerai pas.... Tout de même, j'aimerais mieux
être ailleurs, qu'ici.... Ah! Marguerite! pourquoi est-ce que vous
m'avez choisi?
LA BONNE
Je ne m'appelle pas Marguerite.
12 LE SEUL BANDIT DU VILLAGE.
ARSÈNE
C'est possible.... Vous n'avez pas vu jouer //; Tour de XcaleJ
Y a une femme qui s'appelle Marguerite. Ah ! Marguerite ! pour-
quoi est-ce que vous m'avez choisi?
LA BONNE
Il n'y a (lue vous de voleur dans le village.
ARSÈNE
C'est vrai. Il faul èlrc un piopre à rien comme moi pour venir
travailler dans un trou pareil.
LA BONNE
Voici le moment de vous cacher. Entrez dans ce cabinet à
robes.... (Il enlie à gauche.) Je vous laisse la porte entr'ouvei'te.
Vous guetterez madame. Quand vous verrez qu'elle dort, vous
sortirez doucement....
ARSÈNE
Ah! ne parlez pas de ça, vous l'avez déjà dit. Rien que d'y
penser, ça me fait mal au cœur. Parlez-moi plutôt de mes troi;^
cents francs. Dire que. le mois dernier, j'ai refusé une place de
professeur de bicyclette dans un manège.
LA BONNE
Il fallait accepter.
ARSÈNE
On m'a dit que c'était fatigant — Ecoutez, ^larguerite.
LA BONNE
Qu'est-ce qu'elle fait. ]\Iarguerile?
14 LE SEUL BANDIT DU VILLAGE.
ARSÈNE
Si je réussis dans mon entreprise, vous m'avez promis....
LA DONNE
Tout ce que vous voudrez.
ARSÈNE
Quoi? Non, simplement ce qui est convenu : trois cents francs
(La regardant de côté.) Je pense pas à ça pour le moment.
LA BONNE
A quoi?
, ARSÈNE
A rien.
LA BONNE
Je vais chercher madame....
AUSÈNE
Prenez votre temps, prenez votre temps.
(Elle sort.)
Celui qui regarderait ce qui se passe dans moi, on ce mo-
ment— Ah! là là là là!... (Après avoir secoué la tète comme pour
chasser une idée.) Ou'esl-ce que je vais faire avec mes trois cents
francs?... Je vais commencer par m'acheter une bicyclette >'
comme ça, je pourrai aller travailler dans tout l'arrondissement,
excepté toutefois à. Marcigny... parce qu'il y a une côte trop dure^...
Je m'achèterai un vieux clou de cinquante francs, et je l'échan-
gerai contre une machine beaucoup plus belle quand je trouverai
une occasion. On en trouve comme ça de très bien au bord du
trottoir.... (Il va écouter à la porte du fond et revient à ravant-scène.)
16 LE SEUL BANDIT DU VILLAGE.
El puis, qui sait? Je retournerai peut-être à Paris.... J'allais
tous les dimanches aux courses.... J'étais en relations avec
les gens les plus chics... à la sortie.... C'est toujours moi qui
demandais le cocher Hubert de l'avenue Kléber, et le cocher
Justin de l'avenue d'Antin. Ah! c'était le bon temps.... Zut! j'en-
tends monter l'escalier.... Si quelqu'un voulait ma place, je la lui
céderais dans de bonnes conditions. (Il enlie dans lo cabinet à robes
(lonl il laisse la porte enlr'ouverte. On l'apereoil dans lenlrebaillenient. La
baronne et sa bonne entrent par la porte du fond.)
I.A BARONNE
Julie, vous pouvez aller vous coucher.
. L.\ BONNE
Madame se déshabillera seule?
LA BARONNE
Oui.
LA BONNE
Je vais lermer les volets.
LA BARONNE, vivement.
Non.... Je laisserai la fenêtre ouverte. Il fait un peu chaud....
Allez. (Exit la bonne. La baronne jiendant ce qui suit, ôte son chapeau.)
ARSiiNE, aux écoutes.
Il n'y a pas à dire, ma place n'est pas ici. La place d'un vaga-
bond est partout, excepté dans un cabinet à robes,... Je suis chez
des étrangers. On est bien dur pour les voleurs. Si on savait
toutes les gènes et toutes les humiliations qu'on a dans ce
métier-là! Enfin, t?ette dame ouvrirait la porte et me demanderait
ce que je viens faire ici, je ne serais pas à mon aise. (Regardant le
JE NE FAr<. OLE l'A.SSER...
18 LE SEUL BANDIT DU VILLAGE.
jond flu cabinet.) C'est triste, ici. Il y a des robes qui doivent sentir
bon. Mais j'ai le nez bouché.... (Regardant la porte.) Heureusement
qu'il me vient un peu de lumière. Ça m'égaie un peu. Quand
cette lumière s'éteindra, je verrai que la baronne est couchée.
(Pendant cette dernière phrase, la baronne s'est approchée du cabinet à
robes. Elle en ferme la porte.)
L.\ BARONNE, allant jusqu'à la fenêtre et regardant au dehors.
Personne encore. Le fossé est sombre.... Le champ en face est
faiblement éclairé par la lune.... Triste décor pour une première
faute.... Dans cinq minutes il sera ici.... (Descendant à lavant-scène.)
C'est curieux, cet événement décisif ne produit en moi qu'une
impression bien faible.... Évidemment, ça me fait quelque chose
de tromper mon mari. Mais quand je compare cette impression
avec ridée que je me faisais de la première faute! La première
faute! Comme ces mots avaient une importance dans mes rêves
de jeune fille. C'était plus grave encore, plus imposant que la
nuit nuptiale.... Et ça va être encore plus toc, j'en ai peur.... Mon
mariage au moins sélait accompli au milieu d'un appareil
solennel, et de gens qui me regardaient, qui m'enviaient....
L'adultère manque décidément de musique et de spectateurs.
Seul à seul, dans le silence d'une chambre, c'est d'un froid!...
(Elle va à la fenêtre et revient à ravant-scène.)
Quand, cédant aux pressantes sollicitations de ce gentleman-
fa rmer, je lui ai permis de venir ce soir... c'est curieux ce que j'y
tenais peu. Seulement mon mari s'absentait, il fallait profiler de
l'occasion. L'occasion! C'est bête! Mais les raisonnements les
plus sages échouaient contre cette idée fixe : mon mari s'en
allait, il fallait le tromper. Le tromper! c'était du nouveau, de
l'inconnu. Ah! tous les raisonnements ne pèsent pas lourd, quand
ils vous conseillent le statu quo. (Elle va à la fenêtre et revient à
l'avani-scène.) Ce gentleraan-farmer a pour lui d'être élégant et
distingué. C'est évidemment ce qu'il y a de mieux dans le pays.
Et puis, il m'a laissé entendre qu'il m'aimait. C'est bien difficile,
20 LE SEUL BANDIT DU VILLAGE.
quand on se trouve avec un genlleman-farmer qui vous aime, de
ne pas l'aimer soi-même, un petit peu....
Il est onze heures (Elle regarde la ieiièlie, puis toiiine la lèle du
côté opposé.) J'entends le cri de la hulotte. C'est lui.... Il imite
d'une façon parfaite les cris de tous les animaux et des auto-
mobiles. 11 est con^enu qu'il doit venir avec deux serviteurs
muets et une grande planche que ses serviteurs enverront par-
dessus le fossé, en l'abaissant comme un pont-levis sur l'appui de
la fenêtre. (On voit rextrémité d'une ])lan(he qui entre par la fenêtre.)
Je n'ose pas regarder. (Elle se retouine. Le gentleman ai)iiarait sur la
planche. Il saule à terre.)
LE GENTLKMAN-FAiiMKR, posant un doigt sur SCS lèvres.
Je ne fais que passer. Bonjour (avec recueillement :) ma l)ien-
aimée.... J'hésitais à venir; mais il fallait bien vous prévenir.
^ otre mari a des sou[)(;ons. \'ous le croyez sur la route de Paris?
Pas du tout! 11 est allé jusqu'à la première station. Il revient sur
un tricycle à pétrole, en ramenant derrière lui dans une petite
voiture le commissaire de police de la ville voisine.
I.V UMiONNE
Dépôchez-vous de partir, alors.
Li: GENTLEMAN-I ARMKU
J'ai le temps.
LA BARONNE
C'est très courageux d'être venu, rien que pour me prévenir.
LE GENTLEMAN
Oui,... c'est même imprudent. Mais j'ai vingt-cinq ans. Si je ne
fais pas de ces belles imprudences à vingt-cinq ans, à quel âge
donc que j'en ferai?... Ne suis-je pas gentilhomme? Et ne sied-il
pas qu'à notre époijue de veulerie démocratique les gentils-
hommes donnent l'exemple des belles témérités. (Tristement.) Du
22
LE SEUL BANDIT DU VILLAGE.
panache.... Du panache.... (D'un ion simple.) Et puis la planche
était achetée. Les hommes étaient commandés. Il fallait en pro-
fiter. D'autant plus que votre mari ne se doutera jamais que j'aie
pu venir par ici.... N'entendez- vous pas de bruit à la porte de la
cour?
Si. Sauvez-vous.
Fuyons ensemble.
Vous m'effrayez?
L\ BARONNE
LE GENTLEM.\N
L.V B.MîONNE
LE GEMLE>L\N
Je n'insiste pas.... Je m'en \ais... Un baiser.... (Il romhrasse.î
Adieu... Tenez, voici une pièce de vers de cent cinquante vers,
que j'ai fait faire pour vous, par mon plus jeune frère.... Et puis,
\oici mon portrait.... Un mouchoir de batiste taché de mon
sang.... Un gant.... (Cherchant.; ... J'avais aussi une fleur.... Je
l'avais mise dans celte poche-là.
L.V BAKONNK
Allez, allez.... 'Vous me la donnerez une autre fois... J'entends
des pas dans l'escalier....
LE GENTLEMAN, le picil SUT \c rebord de la fenêtre.
La première fois que monsieur votre mari s'absentera pour de
bon, ne manquez pas de me prévenir. J'imaginerai, madame,
(juelque moyen de vousvenir voir, quisoitencore plus extraordi-
nairecpieceiiiique j'employaiaujourdhui. Adieu... mabien-aimée
(Il s'en va par la fenêtre au moment où l'on frappe à la porte.)
24 LE SEUL BANDIT DU VILLAGE.
LA BARONNE, à la fenêtre.
Retirez votre planche.
(On voit la planche disparaîti-e.)
(la baronne, referme la fenêtre, (ioups prolongé.^ à la porte.)
LA BARONNE, à la porte.
Qui est là?
Moi.
Oui ça, vous?
LE BARON
LA BARONNE
LE BARON
Moi, Octave.
LA BARONNE, ouvrant la porte.
Comment, vous n'êtes donc pas parti?
LE BARON
Non, et vous savez pourquoi je suis revenu.
L\ BARONNE
Non.,.. Je ne comprends rien à ce que vous voulez dire.
LE BARON, désignant le personnage qui l'accompagne.
Monsieur le commissaire de police.... Écoutez, madame, ne
perdons pas de temps en dénégations inutiles. Un homme s"est
introduit ici tout à l'heure. (La liaronnc tressaille.) Le groom a vu
Julie introduire un homme par cette porte. (Il montre la porte du
fond. La baronne le regarde avec ctonnement; puis elle pousse un soupir
de soulagement.)
26 LE SEUL BANDIT DU VILLAGE.
LA BARONNE, le prenant de haut.
Ah! il est entré par la porte de cette chambre. Vous êtes bien
renseigné, monsieur. Ils vous ont donné de bonnes indications.
Ah! vous venez me surprendre. Mais commencez vos recherches,
messieurs! Ou'attendez-vous donc? Il est là, mon amant. Il est
caché. Il est dans cet appartement. Oui, j'ai un amant, monsieur.
Je ne suis pas fâché de vous le dire devant monsieur. Il est jeune,
il est beau, il est cent fois plus élégant que vous. Il a de la race,
il a de l'allure. Mais cherchez-le donc. Où peut-il bien être? Ne
serait-il pas sous le ht? Non, il est plutôt dans ce cabinet à robes.
Voilà la cachette des amants. Allez-y donc.
LE BAUON
Voyons, Ilermance, me serais-je trompé? M'aurait-on trompé?
LA BAIiONNE
Mais non. On ne vous a pas trompé. Puisque je vous dis qu'il
est là. (Au commissaire, en lui désignant la porte du cabinet.) Ouvrez
cette porte, monsieur, puisqu'on vous dit qu'il y a un homme là.
LE COMMisSAmE, allant au cabinet à robes et ouvrant la porte.
Eh effet, il y a un homme là !
LA BARONNE, frappée de stupeur.
Il y a un homme là !
LE BARON
Ah! femme perfide!... Sortez, monsieur! Sortez, godelureau!
gandin musqué !
(Arsène sort du cabinet. Stupéfaction prolongée.)
28 LE SEUL BANDIT DU VILLAGE.
ARSÈNE, à ravant-scèiie, à lui-même.
Je ne sais pas si, d'après la loi, le fait d'être trouvé dans une
maison habitée, la nuit, peut entraîner une poursuite pour vol, du
moment que le vol n'est pas consommé. Je voudrais bien être
renseigné là-dessus.
LE BARON, à la baronne, avec une rage sourde.
Ainsi donc, c'est avec cet homme... Mais ce sont des mœurs du
t)as-empire!... (La baronne recule elTarée, au commissaire.) Je suis
absolument écrasé. Mais tout de môme, j'aime encore mieux
ça. Le fait de choisir un individu pareil correspond évidemment
à un état morbide... Je ne suis pas r(*poux d'une femme coupable,
mais d'une malade.
LA BARONNE, entendant ces derniers mots.
Monsieur, de pareils soupçons sont horribles, sont aiîreux. Je
ne connais pas cet homme. (.Vu commissaire.) C'est un voleur qui
s'est introduit là.
LE COMMlSSAmE
Oui, c'est là votre système de défense.... Je pense que monsieur
l'adoptera également, comme la galanterie lui en fait un devoir.
(A Arsène qui s'est tenu à l'écart.) Vous êtes un voleur, paraît-il,
monsieur ?
ARSÈNE, vivement.
Pas du tout, monsieur. Je ne suis pas un voleur... Les appa-
rences sont contre moi. Mais je ne suis pas un voleur. Si je me
suis introduit ici.... (Illuminé d'une idée subite.) C'est une histoire
de femme !
LE BARON ET LE COMMISSAIRE, ensemble.
Ah! le goujat!
50 LE SEUL BANDIT DU VILLAGE.
LE BARON
Voilà ce qui arrive, madame, aux lemmes qui, comme vous,
vont chercher leurs amants dans les bas-fonds de la société. Voilà
les délicatesses qu'elles y trouvent. (Au commissaire.) Laissez-moi
châtier cet homme.
LE COMMISS.\IRE
Non, monsieur, je regrette, mais je ne peux pas. Ne vous
emballez pas, d'ailleurs..., Je crois que vous laites fausse route....
Cet homme doit être un voleur, puisqu'il se défend d'en être un.
S'il était autre chose qu'un voleur, il dirait qu'il en est un. C'est
irréfutable...
ARSiiNE, à lui-mC'ine.
En somme, je n'ai rien volé, je n'ai encore commis aucun
crime. Ah! si j'avais un code dans la main. On devrait toujours
avoir un petit code sur soi. Il y a des éditions minces comme ça,
du Code pénal, qui coûtent soixante-quinze centimes.
LE COMMisSAmE, OU baron.
Voulez-vous un bon conseil, monsieur? Faites vos excuses à
votre dame.... Et arrangez-vous pour que nous puissions étouffer
cette affaire-là. La présence de cet homme chez vous, l'excuse
qu'il en donnera, tout cela ferait courir dans le village des fables
ridicules.
LE BARON
Tenez, voilà mille francs. Donnez-les lui. (Le baron va à la baronne
el lui tend la main. Elle la lui donne après une hésitation.)
LE COMMiSSAmE, à Arsène.
Ecoutez ceci : Comment vous appelez-vous?
LE SEUL BANDIT DU VILLAGE.
ARSKNE
Arsène, c'est mon polit nom.
Et votre autre nom?
Aussi Arsène.
LE COMMISSAIRE
ARSENE
LE COMMISSAIRE
Quels sont vos moyens d'e.xistence ?
ARSENE
Marchand de confetti d'occasion.
LE COMMISSAIRE
Écoutez. Il y a un train à minuit trente pour Paris. Je vais vous
y conduire. Voici mille francs que vous donne monsieur, ici pré-
sent, pour quitter le pays sans retard. Et tûchez que je ne vous
y repince pas; sans ça je vous fais coffrer.
ARsiiNE, au baron-
Merci, monsieur.... Vous êtes bon. Mais je ne suis pas un ingrat.
Je vais vous donner un conseil. Ne laissez pas dans votre coffre-
fort les papiers qui s'y trouvent. Ils ne sont pas en sûreté.
LE BARON
Comment savez-vous?
■'<ç
LE FiEUL BANDIT DU VILLAGE.
ARSENE
Ne cherchez pas à comprendre.... Il se passe depuis dix minutes
des choses où je ne comprends rien. (Avec stMiMiib'.) Hé bien! vous
voyez, je ne cherche pas à comprendre... Vous me donnez mille
francs, ça me suffit.... (Au jiublic.) (lest très moral ce qui m'arrive
là. Si j'avais été canaille, j'aurais louché trois cents francs. Je reste
honnête (d'ailleurs, malgré moi!) et ça me rapporte mille francs.
C'est une leçon que je n'oublierai pas tant que durera... ce billet
de mille francs.... (Allmii vers le fond.) Au revoir, monsieur; au
revoir, madame. J'ai déchiré mon paletot à un clou dans votre
cabinet. Mais je ne vous réclame rien.
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274.
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319.
316.
236.
258.
35.
78.
il36.
! 300.
I 18.
;356.
3*6.
77.
' 330.
353.
,Î92.
354.
214.
96.
126.
160.
15.
10.
80.
138.
150.
336,
175.
98.
335.
47.
116.
165.
180.
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PERRET (p.) La Fin d'un Viveur.
PEYREBRUNE (G, oe). Jean Bernard.
piGAULT-LEBRUN. . . Monsieur Botte.
POÉ (EDGAR) Con les extraordinaires.
PONT-JEST (R. de). . Divorcée.
POUTCHKiNE Doubrovshy.
POTHEY (a.) La Fève de Saint-Ignace.
PRADELS (octave) . . Les Amours de Bidoche-
Manon Lescaut.
L'Epave.
La Grand'Mère.
La Femvie à Pouillot.
Le Coureur de Filles.
Le Faubourg Saint-Antoine.
Soémi. La Bataille de la Booise.
— L'Exilé.
— Les Dames de yeufve-Église-
— Aventures de guerre.
RICHE (d.) Amours de Mâle.
ijuatre petitx Romans.
Les Morts bizarres.
Le Portrait de Berthe.
Sourcil» noirs.
L'Aurore boréale.
Pures et Impures.
La Fille d'un Proscrit.
Une Victime de Couvent.
Le Roman d'une Dame d'Iumneui .
— Les Princes tragiques.
SANDEAu (JULES). . . Maletcine.
SAINT-PIERRE, (b.de) Paul et Virginie.
Sarcey(franciSque) Le Siège de Paris.
SAUNIÉRE (PAUL) . . Vif-Argent.
SCHOLL (aurèlien) . Peines de cœuT.
— L'Amour d'une Morte.
sÊviGNÉ (M"»» de) • . Lettres choisies.
SIEBECKER (É.) . . . . Le llaiser d'Odile.
Récits hérotijues.
PRÉVOST (L'ABBÉ)
RAIMES (GASTON DE
RATTAZZI (m"').,. .
REIBRACH (jEAri) . ,
RENARD (JULES) . . ,
RÉVILLON (TONY) . .
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Les Cas difficiles.
306.
206.
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246.
20.
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79.
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103,
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181,
255
263.
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SOULIÉ (FRÉDÉRIC)
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Les Veillées galantes.
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SPOLL (È. A.). .... Le Secret îles VitUers.
stapleaux (l). . . . Le Château de ta liage.
sterne Voyage Senlimentul.
SWIFT Voyages de Gulliver.
TALMEYR (MAURICE). Le GrisOU.
THEURIET (ANDRÉ) . Le Mariage de Gérard.
— Lucile Ué.senclos.— Une On Uni
.. — Contes tendres.
TOLSTOÏ Le Roman du Mariage
— La Sonate à Kreutzer,
— Premiers Souvenirs.
A la Hussarile!
La Bibliothèque de non Oncle.
— Nouvelles genevoises.
TOUDOUZE (g.). . . . Les Cauchemars.
TOURGUENEFF (1.) . . Devant la Guillotine.
— Récits d'il" Chasseur.
— Premier Amour.
UZANNE (octave) . . La tidhêmc du Ccrur.
VALLERY-RADOT. Joiim. d'iui Yoloot. d'uD an (cour.;.
VAST-RICOUARD . . . La Sirène.
— Madame Lavernon.
— Le Chef de Ga<e.
VAUCAiRE (M.). . . . Le Danger d'être aimé.
VAUTiER (CL.) Femme et Prêtre.
VEBER (pierre) . . . L'Innocentc dn logis.^
viALON (p.) U Homme au Chien muet .
VEBER (p.) & WiLLY (h.). Une Passade.
viGNON (CLAUDE) . . Vertige.
viLLiERS OE l'isle-adam.L« Secre/ del'Écha-
faud.
VOLTAIRE. Zadig. — Candide. — Micromégas.
— L'Ingénu.
XANROF Juju.
Sur le tard.
Seuls ;
Thérèse Raquin.
Jacques Damour.
Nantas.
La Fête à Coqueville.
Madeleine Férat.
Jean Gourdon.
Sidoine et Midérie,
YVFLING RAMBAUD
ZACCONE (pierre)
ZOLA (Emile) . .
(Extrait du Catalogue)
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Bernard, Tristan
Le seul bandit du villag